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Best practices - le métier de DSI

•  Le DSI, simple exécutant ou futur DG ?


Le DSI n’est-il qu’un simple exécutant dans l’entreprise, destiné à le rester, ou, au contraire, le métier
procure-t-il un réel tremplin vers des fonctions de direction générale ? Confrontations des points de
vue de deux experts : Philippe Tassin, DSI de transition, consultant spécialisé dans la reprise de projets
en situation difficile et Christophe Legrenzi, chercheur et consultant international, expert associé de
Best Practices Systèmes d’information.

impossible de devenir DG, d’autant plus que les directions géné-


1/ L’avenir du DSI est-il soluble dans la rales choisissent sciemment des seconds couteaux, des numéros
technologie ? deux. L’écosystème fait que l’on a enfermé le DSI dans une sorte
de bulle dans laquelle il est considéré comme un technicien. Un
Philippe Tassin  « Le DSI n’est qu’un exécutant. » directeur comptable n’est jamais devenu directeur financier.
Je ne crois pas du tout que l’évolution du métier de DSI, telle Le DSI n’a pas plus de chances de devenir DG qu’un directeur
qu’on la voit se dessiner aujourd’hui, conduise naturellement comptable de devenir directeur financier !
vers des postes de direction générale. Le métier de DSI est, de
nos jours, clairement un métier d’exécution. Cela n’a pas toujours Christophe Legrenzi  « Non, c’est seulement le DI " tech­
été le cas. Il y a trente ans, les DSI pouvaient expérimenter. Mais nologue " qui est condamné. »
les DG, prenant peur de la place que prenaient l’informatique et Certes, mais cela ne signifie pas pour autant qu’un DSI ne puisse pas
l’organisation, ont enlevé la composante organisation, ce qui a devenir DG. C’est vrai, s’il est connoté informatique et technologie,
fait le bonheur de tous les cabinets de conseil pendant trente ans. je suis en phase avec ce que dit Philippe Tassin. Historiquement,
Résultat : dans le sigle DOI, pour directeur de l’organisation et le DSI, au sens de directeur informatique, maîtrisait parfaitement
de l’informatique, le O a disparu. Et à partir du moment où les les outils mis à la disposition des utilisateurs. Il avait effectivement
ERP se sont imposés, l’exécution a pris le pas sur la stratégie. En tendance à expérimenter, voire à s’accaparer tous les nouveaux
fait, le terme DSI n’est plus pertinent. Les directions générales outils, mais je ne suis pas sûr que ce soient les entreprises qui
sont généralement incapables de définir ce qu’est un système en ont le plus profité... Aujourd’hui, avec la progicialisation,
d’information, alors qu’un directeur informatique, tout le monde les ERP, le CRM, et pire, avec le SaaS, le DSI ne maîtrise plus
sait ce que c’est ! C’est la même chose pour le sigle CIO (Chief rien sur ce plan, hormis quelques éléments d’architecture et
Information Officer) : un PDG parle de son directeur financier, pas d’interopérabilité. Le directeur informatique « technologue » qui
de son CFO (Chief Financial Officer) ! Cela fait beaucoup sourire maîtrise la technologie fait penser à l’électronicien qui a vu sa
les directions générales lorsqu’on leur affirme que le métier des fonction être remplacée au fur et à mesure par des automates : il
DSI, c’est l’intelligence, l’influence ou l’appartenance, alors que utilise un catalogue de produits sans comprendre dans le détail
les DSI ne sont que des exécutants. Dans cette position, il est comment ils fonctionnent. La valeur intrinsèque du DSI, par
rapport à ce que l’on a connu il y a vingt ou trente ans, est quasi
nulle. Il est très dépendant du fournisseur : éditeur, constructeur
ou société de services. Le directeur informatique « technologue »
est effectivement condamné, parce que l’informatique devient de
plus en plus une « commodité ». Elle est de moins en moins à
l’intérieur de l’entreprise parce que cela a moins de valeur ajoutée
de gérer en interne un centre de calcul ou un réseau, voire des
applications que tout le monde utilise et qui sont devenues
banales : les prestataires le font bien et pour moins cher, d’autant
que c’est devenu beaucoup plus complexe que par le passé.

« Cela fait beaucoup sourire les directions


générales lorsqu’on leur affirme que le
métier des DSI, c’est l’intelligence,
l’influence ou l’appartenance. »
Philippe Tassin

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Best practices - le métier de DSI

« Aujourd’hui, le côté technique


n’est pas différenciant. »
Christophe Legrenzi

2/ Une question de périmètre


Christophe Legrenzi  « Le DSI n’est-il pas légitime pour
faire des propositions sur les usages ? »
Hélas, le périmètre du DSI n’est pas défini, et c’est un réel problème
de management. Et contrairement à Philippe Tassin, je ne pense
pas que « tout le monde sait ce que SI veut dire ». Tout le monde
en parle, mais très peu d’entreprises sont capables de définir ce
concept clairement et ses conséquences en termes de rôle et de
responsabilités. Rappelons la définition somme toute récente
d’un système d’information. C’est un système qui combine trois
ressources : l’outil informatique, l’utilisateur et l’information. Le
DSI n’est-il pas légitime pour faire des propositions sur les usages
et l’organisation du travail, au-delà de l’outil informatique ? C’est fournisseurs qui, eux, sont très techniciens et qui verrouillent
une question-clé. Rappelons aussi quelques chiffres : le budget les contrats. Les meilleurs managers que j’ai vus en informatique
informatique correspond généralement à 1 à 3 % du budget de sont ceux qui étaient techniquement très brillants. Comment
fonctionnement. Autant dire presque rien. Au mieux, c’est le fait un DSI qui n’a aucune connaissance technique pour visiter
huitième ou dixième poste de dépenses, ce n’est donc pas ce un laboratoire dans la Silicon Valley ? Résultat : il n’y va pas !
qui va passionner une direction générale ! Si, par contre, on Dès lors, qui effectue la veille technologique, si ce n’est pas
reprend notre définition du système d’information qui intègre le DSI ? Les cabinets d’études et les consultants… Pourquoi
le temps passé à utiliser l’outil informatique, cela représente pas, mais, beaucoup de systèmes d’information sont en fin de
souvent l’équivalent de plus de la moitié de la masse salariale vie. Il faudra bien en construire d’autres, avec une bonne dose
puisqu’un utilisateur passe plus de 50 % de son temps de travail de Web 2.0. Les DSI seront des bâtisseurs. Mais, lorsque l’on
avec les outils et applications informatiques. Dans le monde construit un immeuble, peut-on sérieusement faire appel à un
industriel, on arrive à une estimation de 15 à 25 % du budget de « architecte manager » ?
fonctionnement global. Dans les organisations tertiaires, c’est au
minimum de 30 à 35 %. Le budget SI est donc dix fois supérieur
au budget informatique. C’est devenu le premier budget dans 3/ Création de valeur : par les usages ou
la majorité des entreprises. Simplement, personne ne le sait et la technologie ?
ne le suit car nos outils comptables, issus de l’ère industrielle,
occultent complètement les activités transversales de l’entreprise. Christophe Legrenzi  « La veille métier est beaucoup plus
C’est donc un enjeu de taille, d’autant que l’utilisation des outils importante que la veille technologique. »
est loin d’être optimale : l’enjeu de productivité est énorme. Lorsque les entreprises étaient dans une logique d’équipement
sans trop se poser la question de ce qu’amènent les technologies
Philippe Tassin  « Les meilleurs DSI sont ceux qui sont en termes de productivité, d’organisation du travail, elles
brillants techniquement. » cherchaient un ingénieur de haut vol qui maîtrisait ces outils et
Si le directeur informatique des années 1970 était forcément qui allait équiper l’entreprise, au sens de bâtisseur. Aujourd’hui,
technologue, cela ne signifie pas qu’il ne s’intéressait pas au reste. le côté technique n’est pas différenciant. Prenons l’exemple
Le fait d’être brillant techniquement ne veut pas dire que l’on d’IBM, qui a rencontré des difficultés dans les années 1990 :
ne sait pas manager ou que l’on n’a pas le sens du relationnel. Il lorsque Louis Gerstner, un non-technicien-non-IBM, a été
n’empêche : aujourd’hui, un DSI doit avoir une base technique nommé PDG, beaucoup ont pensé que les actionnaires étaient
et avoir compris la technologie et les conditions pour développer devenus fous en confiant la survie du groupe à quelqu’un qui
des systèmes. Le fait d’avoir développé des applications, d’avoir vendait des biscuits (il venait de Nabisco, multinationale de
vu des bases de données se planter et des projets qui dérivent l’agroalimentaire). Avec le recul, c’est pourtant Louis Gerstner
apporte une expérience qui fait que l’on « sent les projets avant qui a sauvé IBM et qui a été le meilleur manager de tous
de les voir ». Celui qui n’a pas cette expérience ne sait pas ! Si les temps pour le constructeur ! Le fait qu’il ne soit pas un
le DSI n’est pas technicien à la base, il aura du mal à gérer les technicien a été un point fort pour IBM. Sa méthode était

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simple : voir ce que fait IBM, ce qui rapporte et, ensuite, aller Gerstner a d'ailleurs été choisi pour sa connaissance du métier
rencontrer les clients. C’est grâce à cette approche qu’il a créé de CEO et son expérience passée et réussie dans des grandes
IBM Global Services. Cette stratégie résulte d’un réflexe de entreprises américaines. Jamais un constructeur automobile ne
manager, pas de technicien ! Citons un autre exemple : l’un confierait le développement d’un nouveau véhicule à quelqu’un
des gourous américains des systèmes d’information, Fred qui ne connaît pas la technique ! Donc le DSI doit connaître la
Lamond, a étudié les entreprises ayant acquis un avantage technique, pas nécessairement au point de savoir programmer,
compétitif se basant sur les technologies les plus innovantes. mais avec des connaissances suffisantes en matière de workflow,
Qu’a-t-il observé  ? Il n’a recensé aucun cas d’entreprise de SOA, de Web 2.0, de développement rapide, d’organisation
qui ait obtenu un avantage compétitif en se basant sur les des équipes et de pilotage des sous-traitants… Combien de DSI
technologies les plus récentes. Il explique même que celles-ci ne savent même plus où sont leurs programmes, ou pensent
sont des anti-innovations. Pourquoi ? Parce que, en misant sur qu’il faut encore un big-bang pour faire évoluer les systèmes
les technologies très innovantes qui viennent de sortir, cela d’information ? Tout le monde sait, par expérience, qu’il ne
coûte d’abord cher, ne marche pas très bien, et il est difficile de faut pas s’engager dans cette voie. Un DSI qui ne connaît pas le
trouver des compétences. Surtout, les entreprises vont passer maniement des technologies éprouvera des difficultés…
l’essentiel du temps à régler le « comment » alors que ce qui
est différenciateur, sont le « quoi » et le « pourquoi ». Fred Christophe Legrenzi  « Les DSI sont de plus en plus des
Lamond démontre qu'en réalité, ce n’est pas tant la technologie agents du changement. »
nouvelle qui est à la base d’avantages compétitifs, mais bel et Reprenons l’exemple de Google : ses architectures et ses infras-
bien une nouvelle idée, synonyme de valeur ajoutée et qui se tructures restent quand même très basiques. Avec des équipe-
base sur des technologies déjà éprouvées. Pour cette raison, il ments fiables et peu coûteux, Google a une logique industrielle,
faut être prudent en termes de veille technologique : la veille certainement pas une logique d’innovation technologique. La
métier est beaucoup plus importante que la veille technologique. vraie innovation de Google est une innovation d’usage : propo-
Ce qui compte aujourd’hui, c’est réinventer les modèles plutôt ser un service à une audience et la transformer en dollars. Dans
que de maîtriser les nouvelles technos. la même logique, eBay aussi est remarquable, mais les techno-
logies sont celles que n’importe quel DSI maîtrise. Aujourd’hui,
Philippe Tassin  « Jamais un constructeur automobile ne ce sont les nouveaux services et les « fédérateurs information-
confierait le développement d’un nouveau véhicule à quelqu’un nels  » comme YouTube, Picasa, Facebook, Viadeo, LinkedIn,
qui ne connaît pas la technique ! » etc., qui représentent une vraie valeur. La vraie question est la
Je ne suis pas d’accord avec cette analyse. Les exemples cités suivante : un DSI doit-il passer de 50 % à 80 % de son temps à
par Christophe Legrenzi sont anciens. Regardez Google : son maîtriser le « comment » ou à montrer quels sont les nouveaux
activité repose sur une nouvelle technologie et l’avantage com- usages possibles et les nouveaux business models ? C’est un travail
pétitif est évident ! C’est vrai, le DSI ne doit pas se jeter sur tout de management et de vision, mais pas de technologue. Les DSI
ce qui sort, mais il doit savoir comment adopter une nouvelle sont de moins en moins des bâtisseurs et des technologues mais
technologie. Et savoir prendre des paris. L’exemple d’IBM est de plus en plus des agents du changement qui doivent mon-
intéressant, mais je parle d’un DSI qui n’est pas PDG. Louis trer une perspective d’avenir, pas simplement intégrer des outils

« Combien de DSI ne savent même plus « La vraie question est la suivante : un


où sont leurs programmes, ou pensent DSI doit-il passer de 50 % à 80 % de son
qu’il faut encore un big-bang pour faire temps à maîtriser le comment ? » 
évoluer les systèmes d’information ? » Christophe Legrenzi
Philippe Tassin

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Best practices - le métier de DSI

« quand je me fais « Il est grave et


opérer à l’hôpital, préoccupant de
je choisis un constater que les DG
chirurgien, un voient d’abord les DSI
vrai, et pas comme des techniciens
un chirurgien et non comme des
manager ! » managers. »
Philippe Tassin Christophe Legrenzi

non différenciateurs. Un ERP n’a jamais été différenciateur pour Un chirurgien est avant tout un expert. Un directeur d’hôpital est
une entreprise, cela n’apporte pas de nouveaux business models. un manager. Un chirurgien ne fait pas forcément un bon directeur
d’hôpital, et vice-versa. La DSI a besoin d’un manager à sa tête
Philippe Tassin  «  Connaitre les interfaces Windows ne et d’experts sur lesquels elle va s’appuyer. Dans le bâtiment,
fait pas un DSI. » quand je choisis un maître d’œuvre pour construire un ouvrage,
Tout dépend de ce que l’on appelle un technologue. Connaître je ne recherche pas en premier lieu sa compétence technique,
les interfaces Windows ne fait pas un DSI : la technologie est mais bel et bien sa capacité de gérer un projet. D’ailleurs, je
indissociable des usages, nous sommes d’accord sur ce point. ne lui demande jamais quelles sont ses connaissances et quel
Mais l’usage est quand même lié à une manière d’utiliser la est son cursus professionnel. était-il peintre, maçon, architecte,
technologie et de la mettre en œuvre. Et cela ne s’invente pas ! Je ingénieur béton, etc. Mais plutôt combien de projets a-t-il
ne connais pas une seule entreprise qui puisse se vanter d’avoir menés ? Ses succès, ses échecs ainsi que les raisons… C’est
nommé un directeur financier qui ne connaisse pas les techni- aussi cela qu’il faudrait demander à son chirurgien  ! Plus
ques de la finance ! généralement, il n’existe pas de formation pour être DSI, sauf
pour la partie strictement informatique. Mais l’enjeu n’est plus sur
4/ Une question de formation la technologie. Pour l’entreprise, l’enjeu est le suivant : comment
gérer les connaissances et les modes de travail ? Il existe des
Christophe Legrenzi  «  On ne confie jamais une autre gisements de productivité énormes entre les outils qui ont été
fonction au DSI qui vient de la filière informatique. » plaqués plus ou moins artificiellement dans les organisations et
Une étude portant sur le monde hospitalier a montré qu’entre les utilisateurs qui ont été plus ou moins bien formés. Je suis
un DSI qui vient de la technique et un autre qui vient de la convaincu que les entreprises ont besoin de DSI capables de
gestion, ce dernier a, dans un cas sur deux, une autre fonction montrer les nouvelles façons de travailler. Or, dans les grandes
dans son périmètre de responsabilités, comme par exemple le écoles, celles qui fourniront les plus gros bataillons de dirigeants
contrôle de gestion ou la logistique. L’étude indique clairement en France, à l’instar de Polytechnique et de l’ENA, on n’explique
qu’on ne confie jamais une autre fonction au DSI qui vient de toujours pas aux étudiants ce qu’est un système d’information
la filière informatique. Il est grave et préoccupant de constater et comment le manager.
que les directions générales voient d’abord les DSI comme des
techniciens et non comme des managers. Le DSI doit être un manager non seulement du changement mais
aussi de la complexité. Ayons le courage de le dire : la fonction
Philippe Tassin  «  Un bon DSI est celui qui n’est plus de DSI est la plus complexe à gérer de l’entreprise. Pour deux
DSI ! » raisons : d’une part, sur le plan des outils et des méthodes, il y
Je ferais un parallèle avec l’expression « un bon Indien est un In- a pas un seul domaine dans lequel autant de nouveautés sortent
dien mort ». Le bon DSI, qui a bien évolué, est celui qui n’est plus sur le marché, avec une durée de vie aussi faible, alors que les
DSI ! On peut bien sûr devenir DSI sans nécessairement avoir dé- industriels raisonnent sur plusieurs années, voire une dizaine
veloppé en Cobol, mais à condition d’avoir la volonté d’apprendre d’années. D’autre part, l’application des outils technologiques
à comprendre la technique. Le mépris pour la technique fait que concerne toute l’entreprise. Le DSI doit par conséquent être
l’on a des DSI généralistes. Mais quand je me fais opérer à l’hôpital, capable de parler avec un DRH, un patron de la recherche,
je choisis un chirurgien, un vrai, et pas un chirurgien manager ! un patron de production ou un DAF, en étant pertinent et en
comprenant son métier. Je ne connais pas d’autres professions à
Christophe Legrenzi  « La DSI est la fonction la plus com­ qui l’on demande toutes ces compétences. Conclusion : le DSI
plexe à gérer de l’entreprise. » doit non seulement avoir une sensibilité technique, mais il devient
Je crois qu’il est dangereux de confondre expertise et management. le premier manager de l’entreprise, au sens où c’est celui qui doit

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le mieux maîtriser les dernières méthodes de management et de l’ère industrielle sont fondamentalement différentes en termes de
gestion. Sinon il n’a aucune chance d’appréhender la complexité management mais aussi de concepts organisationnels. Dans l’ère
de son entreprise. industrielle, un modèle de management particulier a émergé : la
mono-responsabilité, où un domaine est associé à un responsable.
5/ Le positionnement du DSI Toute la hiérarchie des organigrammes des entreprises est basée
sur ce principe. Avec les systèmes d’information, nous sommes
Philippe Tassin  « Beaucoup de DSI ont perdu tout pouvoir .» dans une logique de copropriété. La vraie question est de savoir
Mais le DSI a-t-il vraiment la possibilité de se positionner de qui est le propriétaire des solutions transversales. Je plaide pour
cette façon ? Certains DSI maîtrisent des méthodes comme Six une maîtrise d’ouvrage globale de l’entreprise pour les solutions
Sigma, mais ils ne viennent pas de la technique. Le DSI moyen systèmes d’information : le seul légitime, c’est le DG, mais il
ne connaît pas Six Sigma. Que devient la fonction de DSI si n’a pas le temps. Alors, le mieux placé est le DSI. Qui ne doit
l’entreprise n’investit que dans des progiciels et que tout est d’ailleurs plus être qualifié de DSI mais de DG délégué aux SI.
externalisé ? S’il ne s’occupe pas de la mise en place, de l’orga- C’est cohérent et légitime.
nisation, de l’optimisation des processus, de la promotion de
l’innovation, son poste se rétrécit inévitablement. C’est le cas Philippe Tassin  « La fonction de DSI n'est pas position­
aujourd’hui : beaucoup de DSI s’entourent d’équipes de taille née pour être un tremplin. »
réduite et ont perdu tout pouvoir. L’avenir du métier de DSI Le DSI sera-t-il légitime ? Pour quelqu’un qui a la stature, l’intel-
est à un élargissement progressif de la fonction, à l’étude des ligence, la volonté et l’ambition, cela ne pose aucun problème.
usages, de l’organisation... Une fois qu’une application est mise Mais, pour l’heure, la plupart des DSI n’ont pas ces qualités.
en œuvre, si on ne s’occupe pas de la formation, de l’organisation Interrogez un DSI brillant : en moins de cinq minutes, il vous
et des processus, cela ne fonctionnera jamais ! Si le DSI n’en a affirmera que son poste n’est qu’une fonction transitoire et que
pas la responsabilité, sa fonction disparaît. Aujourd’hui, c’est dans trois ans, il ne sera plus DSI. En réalité, la fonction de DSI
un exécutant de second ordre : s’il continue à rester dans cette n’est pas positionnée pour être un tremplin. Simplement parce
position, la fonction aura disparu dans dix ans en tant que telle, que l’on y nomme pas des managers qui ont un potentiel suffisant.
pour devenir une composante des moyens généraux. Résultat : ils se nécrosent dans leur fonction.

Christophe Legrenzi  « Le DSI ne doit plus être DSI mais


DG délégué aux SI. » 6/ Le DSI pris en étau dans le modèle
En cela, je suis d’accord avec Philippe Tassin. Si les entreprises MOA-MOE
nomment à la tête de la DSI des « seconds couteaux », c’est leur
problème et elles n’imaginent sans doute pas qu’elles vont perdre Philippe Tassin  « Une dichotomie absurde entre ceux qui
des années d’opportunités de modernisation. Les entreprises ont pensent et ceux qui réalisent. »
le DSI qu’elles méritent. Aussi, les DSI doivent se repositionner, Le modèle MOA-MOE est bon et fonctionne partout. Contrai-
notamment vis-à-vis du modèle MOE-MOA (maîtrise d’œuvre,
maîtrise d’ouvrage) dans lequel les DSI sont restés cantonnés à
un rôle d’exécutant dans une logique client-fournisseur. C’est ne
pas comprendre la source de l’innovation et de la modernisation
de nos organisations. Lorsque les entreprises privilégiaient des
logiques d’informatisation locales, les directions métiers restaient
maîtres d’ouvrage et elles avaient besoin d’équipes (la DSI), pour
leur fournir des solutions. Aujourd’hui, nous n’en sommes plus
là. Plus d’un projet informatique sur deux touche plus d’une
fonction ou d’un métier. Résultat : ce n’est plus un seul métier
qui va pouvoir porter la responsabilité, la propriété d’un projet,
c’est désormais une logique collective. L’ère de l’information et

« Interrogez un DSI brillant : en moins de


cinq minutes, il vous affirmera que son
poste n’est qu’une fonction transitoire et que
dans trois ans, il ne sera plus DSI. »
Philippe Tassin

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Best practices - le métier de DSI

rement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’un modèle franco- pour créer leur entreprise, à l’image de Michael Bloomberg ou
français. Dans tous les pays, il y a toujours un « sponsor » pour de Maurice Lévy. Si ces derniers ont aujourd’hui cette aura dans
les projets systèmes d’information. En revanche, ce qui est spé- leurs métiers, n’est-ce pas en partie parce qu’ils sont passés par
cifique à notre pays, c’est cette dichotomie absurde entre ceux la case DSI ? Même s’ils n’osent plus avouer qu’ils ont été DSI…
qui pensent, les seigneurs, et les soutiers, ceux qui réalisent et Enfin, la troisième catégorie est celle des DSI qui restent dans
à qui l’on donne des spécifications, à charge pour eux de réali- leur entreprise et qui sont porteurs du changement. Le risque,
ser sans poser de questions, avec le budget attribué et le délai pour eux, est de faire peur à leurs directions générales et que
imparti ! Problème : on ne peut plus aujourd’hui élaborer des celles-ci leur « coupe la tête » car ils sont potentiellement dan-
spécifications sans une collaboration étroite entre les utilisateurs, gereux pour les pouvoirs et les « baronnies » en place. Mais
les responsables du projet et les développeurs. Dans ce contexte, dans les « sociétés du troisième type », qui ont su acquérir un
le modèle MOA-MOE ne fonctionne plus. réel avantage compétitif, le DSI fait partie des trois managers
les plus importants de l’organisation.
Christophe Legrenzi  « Le DSI fait partie des managers les
plus importants de l’organisation. »
C’est effectivement l’application du modèle MOA-MOE qui pose 7/ De l’analphabétisme technologique des
problème. Il faut tordre le cou à la notion de projet informati- directions générales
que pour privilégier le projet d’entreprise, seul différenciateur.
Cantonner les informaticiens à des projets informatiques n’a Philippe Tassin  « Jamais un DG n’a passé une demi-heure
aucun sens. Un projet a un manager, quelle que soit son origine. avec moi pour discuter d’informatique. »
L’entreprise a-t-elle compris ce dont elle a besoin en matière de
compétences ? J’ai les plus gros doutes, il n’y a pas de conscience J’ai siégé à de nombreux comités de direction de grandes en-
collective, même si la communication et le lobbying des associa- trprises. Jamais l’informatique n’y est traitée comme un sujet
tions de DSI ont des effets positifs. On observe un retournement de fond, ce qui montre la grande difficulté de l’osmose en-
de tendance, notamment dans le monde anglo-saxon, avec des tre la DSI, les directions générale et les métiers. Il ne suffit
DSI qui se retrouvent de plus en plus sous la coupe des DAF donc pas de faire partie du comité de direction : il faut que la
et qui siègent de moins en moins aux comités de direction, ce culture d’entreprise permette au DSI d’évoluer vers des pro-
qui va dans le sens du scénario décrit par Philippe Tassin. Pour blématiques plus larges que sa fonction et vers des relations
ma part, je discerne trois voies d’évolution pour les DSI, en de confiance avec les directions métiers. J’ai l’expérience des
fonction de leur positionnement actuel. Je ne vois pas les DSI situations de crise, où l’entreprise est même au bord de la
technologues faire carrière dans leur entreprise mais plutôt chez faillite : jamais un DG n’a passé, a posteriori, une demi-heure
les fournisseurs, qui ont besoin de managers connaissant bien le avec moi pour discuter d’informatique. L'informatique n'inté-
monde de l’entreprise. Pour les DSI innovants, qui identifient les resse pas les DG. Ils n’ont pas pris la mesure des enjeux. C’est
nouveaux business models, le conseil est de sortir de la fonction très grave. Heureusement, cela va changer avec d’autres géné-
rations qui comprendront mieux que la génération actuelle.

Christophe Legrenzi  « Une situation dramatique en période


de révolution économique. »
Les comités de direction souffent d'une forme d’analphabétisme :
c’est dramatique en pleine révolution économique où il est vital
de bien comprendre les enjeux du traitement des connaissances
et de la valorisation du patrimoine informationnel. Tant que
les comités de direction ne maîtriseront pas ces logiques pour
les cinq à dix années à venir, avec des logiques d’efficacité,
d’efficience et de productivité à la clé, le débat restera ouvert.
Encore faut-il survivre ! Car c’est aujourd’hui que se prépare
l’organisation compétitive de demain. Et celle-ci s’appuiera iné-
luctablement sur les systèmes d’information. •

« Je ne vois pas les DSI technologues faire


carrière dans leur entreprise mais plutôt
chez les fournisseurs. »
Christophe Legrenzi

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