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CHAPITRE 10

La durabilité des bétons


en ambiance hivernale rigoureuse

R. GAGNÉ, L. LINGER

Résumé
L’ambiance hivernale rigoureuse n’est pas spécifiquement définie dans les princi-
paux documents normatifs et techniques internationaux. Dans le cadre de cet
ouvrage, l’ambiance hivernale rigoureuse correspond à un environnement de gel
sévère où le béton est exposé à des conditions de saturation forte ou modérée
avec ou sans exposition aux sels de déverglaçage. La durabilité des bétons en
ambiance hivernale rigoureuse dépend des caractéristiques physico-chimiques
du matériau et de la sévérité de l’exposition au gel (température minimale, satura-
tion en eau, fréquence des épandages de sels fondants). L’action des cycles de
gel-dégel peut produire deux types de détérioration du béton : la fissuration interne
et l’écaillage des surfaces en présence de sels fondants. Ces deux types de dété-
rioration ont pour origine des processus différents et ne surviennent pas nécessai-
rement en même temps. La mise en relation des propriétés thermodynamiques de
la phase liquide, des propriétés de la structure poreuse de la pâte de ciment hy-
draté et des caractéristiques de l’exposition environnementale ont conduit au dé-
veloppement de modèles plus ou moins détaillés permettant d’expliquer, de
prévoir et de quantifier l’endommagement des bétons soumis aux cycles de gel-
dégel. Les résultats de très nombreuses expérimentations en laboratoire et d’étu-

387
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

des du comportement du béton in situ ont permis de comprendre l’influence des


paramètres de composition du béton sur sa durabilité au gel, dont notamment le
rôle clé des caractéristiques du réseau de bulles d’air entraîné. Toutes ces con-
naissances sont à la base du développement de méthodes d’essais, de recom-
mandations techniques et d’exigences normatives permettant de construire des
structures en béton durables en ambiance hivernale rigoureuse.
Mots-clés
BÉTON, GEL-DÉGEL, ÉCAILLAGE, FISSURATION INTERNE, SELS FONDANTS, BULLES
D’AIR, ADDITIONS MINÉRALES, AIR ENTRAÎNÉ, GLACE, PRESSION HYDRAULIQUE, PRES-
SION OSMOTIQUE, NORMES.

388
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

1. INTRODUCTION
Les gestionnaires d’ouvrages sont souvent confrontés aux conséquences, quel-
quefois très pénalisantes, des cycles gel-dégel sur la durabilité du béton. Les
structures construites dans des régions froides ou en altitude sont évidemment les
plus exposées, mais l’utilisation de plus en plus intensive et systématique de sels
de déverglaçage en préventif dans les réseaux structurants nécessite de prendre
des précautions adaptées pour les régions classées en gel modéré. Il est donc fon-
damental de définir le plus précisément possible cette agression climatique afin
de la prendre en compte dans le dimensionnement des ouvrages.
La sévérité de l’exposition au gel est fonction de certaines caractéristiques clima-
tiques et géographiques. De nombreux pays nordiques ont développé des docu-
ments normatifs et des guides techniques qui définissent la sévérité de
l’exposition au gel en fonction, notamment, du nombre de cycles de gel-dégel an-
nuel, de la température minimale atteinte, de l’altitude et de la fréquence de
l’épandage de sels de déverglaçage (norme française NF EN 206-1, norme cana-
dienne CSA A23.1). Par exemple, la norme NF EN 206-1 définit trois classes
d’environnement de gel (faible, modéré et sévère) sur la base des températures
moyennes annuelles (voir la carte de la zone de gel en France au paragraphe 5.2.1,
figure 10.43). Un environnement de gel faible ne comporte pas plus de deux jours
ayant atteint une température inférieure à – 5 °C. Un environnement de gel sévère
comporte plus de dix jours ayant atteint une température inférieure à – 10 °C.
L’environnement de gel modéré est une condition intermédiaire entre les niveaux
faible et sévère. En plus des températures minimales atteintes, la sévérité du gel
dépend aussi de la condition de saturation du béton et de la fréquence des épan-
dages de sels de déverglaçage [LCP 03]. Les conditions de forte saturation sont
plus agressives (surfaces horizontales de béton exposées à la pluie et au gel, sur-
faces verticales exposées au gel et directement exposées aux projections humi-
des), en comparaison avec les conditions de saturation modérées (surfaces
verticales de béton exposées à la pluie ou au gel). Le salage est considéré très fré-
quent lorsque le nombre n de jours de salage est supérieur ou égal à 30 ; il est mo-
déré lorsque n est compris entre 10 et 30; il est faible lorsque n est inférieur à 10.
L’ambiance hivernale rigoureuse n’est pas spécifiquement définie dans les prin-
cipaux documents normatifs et techniques internationaux. Dans le cadre de cet
ouvrage, l’ambiance hivernale rigoureuse correspond à un environnement de gel
sévère où le béton est exposé à des conditions de saturation forte ou modérée avec
ou sans exposition aux sels de déverglaçage.
Ce présent chapitre s’attache à dresser un état de l’art des connaissances actuelles
sur le sujet et proposer des recommandations pour la réalisation de bétons dura-
bles au gel. Les mécanismes fondamentaux responsables des dégradations asso-

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ciées aux cycles de gel-dégel sont décrits en mettant en évidence l’influence des
différents paramètres impliqués dans la fissuration interne et l’écaillage de surfa-
ce, associée à l’utilisation des sels de déverglaçage. Une seconde partie s’attache
à analyser l’entraînement d’air dans les bétons qui reste globalement la meilleure
parade pour formuler des bétons résistants aux cycles de gel-dégel sévères et à
l’écaillage. L’aspect normatif est ensuite abordé en mettant l’accent sur les textes
européens et français, mais également canadiens.

2. LES DEUX PRINCIPAUX TYPES DE DÉGRADATIONS


ASSOCIÉS AUX CYCLES DE GEL-DÉGEL
L’action des cycles de gel-dégel peut produire deux types de détériorations du bé-
ton : 1) la fissuration interne et 2) l’écaillage des surfaces en présence de sels fon-
dants. Ces deux types de détérioration ont pour origine des processus différents et
ne surviennent pas nécessairement en même temps lorsque le béton est exposé
aux cycles de gel-dégel.
2.1. Fissuration interne
La fissuration interne peut se propager dans toute la masse d’un béton saturé, mal
conçu et exposé à de nombreux cycles de gel-dégel. Au niveau microscopique,
cette dégradation se manifeste par une intense microfissuration de la pâte de ci-
ment. La microfissuration contribue notamment à affaiblir et désolidariser les
liens pâte/granulat [VER 86]. Pigeon et Regourd [PIG 86] ont montré que les C-
S-H1 sont stables aux cycles de gel-dégel. Cependant, la portlandite et les sulfoa-
luminates sont partiellement dissous et recristallisent dans les vides emplis d’air
(voir § 3.1.2). À un stade très avancé, l’attaque par les cycles de gel-dégel engen-
dre la dissolution de la portlandite, la croissance d’hydrates secondaires fibreux
et l’augmentation de la porosité capillaire, ce qui contribue à affaiblir énormé-
ment la cohésion du matériau [VER 86].
À l’échelle macroscopique, la fissuration interne engendre d’abord des fissures à la
surface et au voisinage des arêtes des éléments de béton affectés. Les arêtes se dé-
sagrègent et s’arrondissent graduellement. La fissuration interne se manifeste en-
suite par une intense dégradation de toutes les surfaces exposées. La profondeur de
dégradation peut atteindre plusieurs centimètres. Les gros granulats sont facilement
déchaussés. Le béton sévèrement attaqué perd toute sa cohésion et s’érode rapide-
ment en libérant des fragments de pâte et tout son squelette granulaire (figure 10.1).
La fissuration interne engendre une diminution de la résistance à la compression
et une importante chute de la résistance à la traction et du module d’élasticité des

1. Hydrosilicate de calcium, C-S-H en notation cimentière (voir chapitre 2).

390
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

bétons [MAR 96, YAN 06]. Elle peut diminuer la performance du béton d’enro-
bage en augmentant sa perméabilité et en diminuant sa résistance à la pénétration
des agents externes potentiellement agressifs.
Parmi les deux principaux types d’attaque par le gel, la fissuration interne est re-
lativement peu fréquente en raison des mécanismes d’attaque particuliers qui ne
produisent des dommages significatifs que dans les bétons les plus sensibles aux
effets des cycles de gel-dégel.

Figure 10.1 : aspect visuel typique d’un élément de béton sévèrement


endommagé par la fissuration interne due à l’action des cycles de gel-dégel
(photo R. Gagné).

2.2. Écaillage
Comme son nom l’indique, l’écaillage des surfaces est un mode de dégradation
qui n’affecte que les surfaces de béton exposées à un environnement externe com-
portant des cycles de gel-dégel et des sels fondants. En l’absence de sels fondants,
l’écaillage du béton ne se produit pas.
L’écaillage se manifeste par le détachement progressif de petits fragments ou de pe-
tites écailles de pâte ou de mortier dont l’épaisseur ne dépasse pas quelques milli-
mètres. La surface d’un béton attaqué par l’écaillage n’est endommagée que sur
quelques millimètres de profondeur (figure 10.2). Par conséquent, la problématique
des surfaces de bétons qui s’écaillent est principalement d’ordre esthétique. Toute-
fois, dans les cas les plus sévères, les surfaces horizontales peuvent devenir raboteu-
ses et très inégales, ce qui peut engendrer un inconfort pour les piétons. Un écaillage
sévère peut aussi diminuer significativement l’épaisseur du béton d’enrobage
La dégradation de la pâte de ciment et du mortier de surface contribue à exposer
les gros granulats localisés tout juste sous la surface exposée aux sels fondants.
L’aspect visuel de ce type de dégradation peut, à tort, suggérer que l’écaillage est
essentiellement causé par l’utilisation de granulats de mauvaise qualité. Dans cer-

391
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tains cas, les granulats peuvent effectivement jouer un rôle dans les mécanismes
d’écaillage. Cependant, l’écaillage peut aussi se produire en présence de granulats
d’excellente qualité. L’écaillage ne doit pas être confondu avec la délamination
de surface. La délamination est principalement associée à la corrosion des aciers
d’armature qui, en gonflant, forcent le détachement de gros fragments de béton
d’enrobage de plusieurs centimètres d’épaisseur.
Sous les climats nordiques rigoureux, l’écaillage se produit principalement à la
surface des structures de béton associées aux réseaux de transport routier (ponts
et viaducs, pavages en béton, trottoirs, etc.). En hiver, ces structures sont les plus
fréquemment atteintes car elles sont souvent exposées à de grandes quantités de
sels fondants utilisés pour le dégagement des voies de circulation. L’écaillage est
parfois très localisé dans des zones de quelques m2 alors que les surfaces de béton
avoisinantes sont en parfait état. Ce phénomène est généralement dû à la variabi-
lité, au niveau local, des caractéristiques de surface du béton (porosité, réseau de
bulles d’air, microfissuration) et des conditions d’exposition (saturation, niveau
de contamination par les ions chlorure).
L’écaillage des surfaces est le type de destruction par le gel le plus fréquent car
les mécanismes spécifiques d’attaque sont relativement sévères. Sous des condi-
tions d’exposition rigoureuses, l’écaillage peut endommager la surface de la plu-
part des bétons qui ne sont pas spécifiquement formulés et protégés contre ce type
d’attaque.

Figure 10.2 : aspect visuel typique d’un élément de béton attaqué par l’écaillage
en présence de sels fondants (photo R. Gagné).
L’écaillage des surfaces et la fissuration interne sont les deux principaux types
de dégradations associés aux cycles de gel-dégel. Ces deux types de dégradations
ne surviennent pas nécessairement en même temps lorsque le béton est exposé à
des cycles de gel-dégel.

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La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

3. MÉCANISMES FONDAMENTAUX ET ÉTUDES


DE LA DURABILITÉ AU GEL DES BÉTONS
Au cours des cinquante dernières années, de nombreuses recherches ont permis
de mieux comprendre les effets du gel et des cycles de gel-dégel sur les propriétés
des bétons. Parmi ces travaux de recherche, plusieurs avaient pour objectif
d’identifier les principaux phénomènes physico-chimiques, thermodynamiques et
les interactions chimiques se produisant dans la structure poreuse des bétons ex-
posés à des cycles de gel-dégel. La mise en relation des propriétés thermodyna-
miques de la phase liquide, des propriétés de la structure poreuse de la pâte de
ciment hydraté et des caractéristiques de l’exposition environnementale ont con-
duit au développement de modèles plus ou moins détaillés permettant d’expli-
quer, de prévoir et de quantifier l’endommagement des bétons soumis aux cycles
de gel-dégel. La connaissance de certains mécanismes fondamentaux à la base des
modèles d’endommagement permet de mieux comprendre les règles de formula-
tion et l’origine des exigences normatives applicables aux bétons exposés à une
ambiance hivernale rigoureuse.
3.1. Détérioration par fissuration interne
Même après de nombreuses années de recherche, on n’a pas encore développé de
théorie satisfaisante qui permette d’expliquer et de modéliser complètement le
comportement au gel du béton. Il existe néanmoins quelques modèles, plus ou
moins détaillés, qui permettent d’expliquer une partie du phénomène, dont no-
tamment le rôle protecteur des bulles d’air.
Avant de décrire ces modèles, il importe de rappeler quelques caractéristiques mi-
crostructurales et physico-chimiques de la pâte de ciment hydraté :
– le béton est un matériau multiphasique, où une pâte de ciment hydraté, poreuse
et vieillissante, lie les granulats. Le comportement au gel du matériau est donc
dépendant de chacune des phases constituantes, de leurs interactions et des
caractéristiques de leur surface de contact ;
– la pâte de ciment hydraté est un solide dont le spectre de porosité s’étend de
fissures centimétriques (accidentelles ou structurales) aux pores de quelques
dixièmes de nanomètre (porosité des C-S-H). De plus, la structure du réseau
poreux est variable avec le temps (volume total et distribution de la taille des
pores) ;
– le fluide qui remplit la porosité est complexe parce qu’il est multiphasique
(liquide, vapeur, solide en cas de gel) et parce que la phase liquide est elle-même
riche en ions dissous.
La progression d’un front de gel (ou de dégel) dans cette structure relativement
complexe engendre des déséquilibres thermodynamiques pouvant déclencher cer-

393
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tains processus physico-chimiques dont les plus importants sont: transport par
diffusion et perméabilité, dissolution/précipitation dans la solution interstitielle,
nucléation, pressions osmotiques, abaissements cryoscopiques du point de congé-
lation et dessiccation de la pâte de ciment hydraté.
3.1.1. La gélivité de l’eau dans la pâte de ciment
C’est la phase liquide interstitielle contenue dans la porosité de la pâte de ciment
qui est principalement à l’origine des mécanismes d’attaque par les cycles de gel-
dégel. Par conséquent, la pâte de ciment sèche (ou faiblement saturée) n’est pra-
tiquement pas affectée par les cycles de gel-dégel [RAM 81].
3.1.1.1. Eau gelable
La progression du front de gel dans la pâte de ciment plus ou moins saturée engendre
la formation de glace dans le réseau poreux. La quantité et la localisation des sites de
nucléation est notamment fonction de l’état de l’eau dans la pâte de ciment hydraté.
L’eau libre contenue dans les pores capillaires (et sur les parois internes des bulles
d’air) est qualifiée de « gelable ». Cette eau se transforme en glace à une température
qui dépend, notamment, de la dimension du pore [KUB 32, DEF 66]. Plus le pore est
petit, plus la température de fusion de la glace est basse. Dans le cas de l’eau très
structurée contenue dans des pores de quelques nanomètres (pores des C-S-H), la
température de cristallisation sous forme de glace est de – 78 °C (figure 10.3). En pra-
tique, l’eau des pores de C-S-H est donc qualifiée de « non gelable ».

Pores C-S-H Pores capillaires Vides d'air

– 0,1
10– 7 10– 5 10– 3 1
Rayon (mm)
Température (°C)

–1

– 10

– 100

Figure 10.3 : température de fusion de la glace en fonction du rayon des pores,


d’après [KUB 32, DEF 66].
Cette courbe, calculée pour de l’eau pure, présente l’abaissement théorique du point de fusion d’un
bouchon de glace dans un pore cylindrique au contact d’eau pure en fonction du rayon du pore. Dans
les pores de C-S-H de quelques nanomètres de diamètre, la température de cristallisation sous forme
de glace est de – 78 °C.

394
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

La proportion d’eau gelable (eau gelable/eau évaporable) dans la pâte de ciment est
fonction de son rapport E/C (figure 10.4). L’eau évaporable est l’eau contenue dans
les pores capillaires et les pores du gel de C-S-H. À une température de – 55 °C, la
proportion d’eau gelable passe d’environ 80 %, pour un rapport E/C de 0,60, à en-
viron 60 % pour un rapport E/C de 0,35 [BAG 80]. Les pâtes ayant un faible rapport
E/C contiennent une plus faible proportion d’eau gelable, d’une part, parce que le
volume total du réseau poreux est plus faible et d’autre part, parce que le réseau po-
reux est constitué de pores plus petits [FAG 93]. Des mesures calorimétriques sur
des pâtes de ciment soumises à un refroidissement lent indiquent que la formation
de la glace est un processus graduel qui s’amorce à une température d’environ – 5
°C (figure 10.5). Les courbes de la figure 10.5 démontrent que la quantité totale de
glace formée à – 50 °C diminue très significativement lorsque le rapport E/C passe
de 0,45 à 0,25 [MAR 99]. Ce phénomène est confirmé par le fait que les bétons à
hautes performances peuvent avoir une bien meilleure résistance à la fissuration in-
terne que celle des bétons ordinaires (§ 3.1.6.5)
Le béton sans air entraîné, comme de nombreux matériaux poreux, augmente de
volume en gelant. Avant de décrire ce phénomène plus en détails, il est bon de
rappeler les quelques faits suivants :
– en gelant, le volume massique de l’eau augmente de 9 %. Cet effet n’est cepen-
dant pas la cause principale des gonflements observés ;
– la thermodynamique montre que, sous l’effet d’un gel suffisamment lent pour
que l’on soit à chaque instant proche de l’équilibre, la glace se forme à l’exté-
rieur du corps poreux. La conséquence est alors une contraction de ce corps
poreux, liée au départ d’eau (figure 10.6) ;
– le gonflement du béton n’est pas lié directement à la baisse de température
sous zéro degré, mais à la vitesse à laquelle cette baisse se produit ;
– la dilatation volumique apparente liée au refroidissement est utilisée comme
critère servant à apprécier la résistance au gel des bétons dans certains essais de
durabilité aux cycles de gel-dégel.

395
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,4

Eau en % du poids de pâte sèche


0,3 le
ota
ut
Ea

0,2

0,1 Eau non gelée (à – 55 °C)

0,0
0,35 0,40 0,45 0,50 0,60
Rapport E/C

Figure 10.4 : eau totale et eau non gelable dans une pâte de ciment hydraté,
traitée à la vapeur, d’après [BAG 80].
Une partie de l’eau d’une pâte, qui varie avec le rapport E/C mais qui est toujours importante, ne gèle
pas lorsque la température est abaissée jusqu’à – 55 °C. Le rapport (eau gelable/eau totale) passe
de 80 % pour un rapport E/C de 0,60 à environ 60 % pour un rapport E/C de 0,35. L’eau totale cor-
respond à l’eau évaporable (pores capillaires + pores du gel de C-S-H).
Capacité calorifique apparente (J . °K– 1 . gssd– 1)

3,0

2,5 La quantité de glace formée


est proportionnelle à la surface ombrée

2,0

E/C = 0,45
1,5

E/C = 0,35
1,0

E/C = 0,25
0,5

0
– 60 – 50 – 40 – 30 – 20 – 10 0 10
Température (°C)

Figure 10.5 : évolution de la capacité calorifique apparente de pâtes de ciment


soumises à un refroidissement lent, d’après [MAR 99].
Expériences menées sur des microbétons âgés de 6 mois refroidis à une vitesse de 3,3 °C/h. Toutes
les éprouvettes ont été soumises à un cycle de séchage/resaturation. Les pics de nucléation à – 5 °C
indiquent le début la formation de la glace. La formation de la glace se poursuit graduellement jusqu’à
une température minimale d’environ – 60 °C. Pour chaque rapport E/C, la quantité de glace formée
est proportionnelle à la surface délimitée entre la courbe et les profils de base.

396
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Dilatation relative
(.10– 4)

Pâte normale
10

2
– 30 – 20 – 10

0
Température (°C)
–2

Contraction thermique –4
(calculée)
–6

Pâte avec air –8


entraîné
Contraction relative
(.10– 4)

Figure 10.6 : comportements dimensionnels des pâtes de ciment au cours du gel,


d’après [POW 53].
Les pâtes de ciment ont été gâchées avec un rapport E/C = 0,6 : la pâte normale a une teneur en eau
évaporable égale à 0,48 et la pâte renfermant de l’air entraîné a une teneur égale à 0,52. Les deux
échantillons ont subi une vitesse de refroidissement de 15 °C/h (gel très rapide).
On constate que la pâte de ciment se dilate considérablement, alors que le calcul montre qu’elle de-
vrait se contracter. L’incorporation d’air entraîné modifie radicalement ce comportement et provoque
une très forte contraction.

L’eau contenue dans la pâte de ciment ne se transforme pas en totalité en glace


dès que la température s’abaisse au-dessous de 0 °C. La formation de la glace
s’amorce dans les plus gros pores capillaires pour se propager dans les pores de
plus en plus petits à mesure que la température s’abaisse. Une baisse du rapport
E/C diminue la taille des pores, ce qui diminue la quantité de glace formée à une
température donnée.

3.1.1.2. Degré de saturation critique


Au cours du vieillissement normal d’une pâte de ciment, l’eau de gâchage est pro-
gressivement mobilisée dans les hydrates. Il en résulte un remplissage progressif
de la porosité par les hydrates. Comme ceux-ci occupent un volume plus petit que
la somme des volumes du ciment et de l’eau avant leur combinaison chimique, et,
dans la mesure où cette pâte est protégée de la pénétration d’eau d’origine externe,

397
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

une fraction des capillaires ne renferme qu’une phase gazeuse (autodessiccation).


Gagné et coll. ont mesuré des degrés de saturation de 87 % et 90 % respective-
ment dans des bétons gâchés avec des rapports E/C de 0,40 et 0,30 conservés pen-
dant six mois dans des sacs étanches [GAG 03]. Ces résultats confirment que le
réseau poreux des bétons conservés en milieu scellé n’est pas complètement satu-
ré (voir aussi la figure 5.5).
Les vides gazeux contenus dans la porosité capillaire constituent un volume tam-
pon dans lequel, si la vitesse de congélation de la pâte est suffisamment faible, la
glace peut se former sans exercer de contrainte sur les parois des pores. Cette ex-
plication, déjà avancée par Maso [MAS 67] dans sa définition d’un seuil de non
gélivité des mortiers, a été reprise par de nombreux auteurs. On admet très sou-
vent que la résistance au gel d’une pâte de ciment sera bonne si le rapport de la
quantité d’eau liquide au volume de la porosité est inférieur à 0,9. C’est le concept
de degré de saturation critique (figure 10.7).
Le rôle protecteur des vides gazeux dans la porosité capillaire des bétons a été dé-
montré par Gagné et al. [GAG 03]. Des bétons sans air entraîné, gâchés avec un
rapport E/C de 0,40, se sont révélés parfaitement durables après avoir été soumis
à des cycles de gel-dégel en système scellé (aucun échange d’humidité avec le mi-
lieu externe). Sous ces conditions particulières, les vides gazeux de la porosité ca-
pillaire ne peuvent être comblés par un apport d’eau externe. Le béton est alors
protégé contre les effets des cycles de gel-dégel.
Le degré de saturation en eau d’une pâte de ciment conditionne sa tenue au gel.
Une pâte non saturée contient des vides gazeux qui constituent un volume tam-
pon dans lequel la glace peut se former sans exercer de contrainte sur les parois
des pores.
Il est important de rappeler que l’apport d’eau externe est toujours possible, no-
tamment au niveau de la peau du béton. La protection offerte par le réseau poreux
disparaît lorsque le degré de saturation de la pâte dépasse le seuil critique d’envi-
ron 90 %. En pratique, la norme européenne EN 206-1 contient des exigences de
composition du béton qui varient notamment en fonction des conditions de satu-
ration du béton exposé au gel (§ 5.2.3).

398
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

(.10– 4)
100 %

Dilatation
98 %
2

Déformation relative 93 %

–2
Contraction

90 %
–4
–1 88 %
Vitesse du gel : 2,8 °C.h

–6
+ 20 + 10 0 – 10 – 20
Température (°C)

Figure 10.7 : influence du degré de saturation d’un mortier (rapport E/C = 0,6)
sur son comportement dimensionnel au cours du gel, d’après [RAM 81].
Les mortiers ayant un degré de saturation inférieur ou égal à 90 % subissent une contraction régulière
pendant tout le refroidissement. Par contre, les mortiers saturés à plus de 90 % se dilatent dès que
l’eau gèle dans les capillaires. Ceci indique qu’un mortier ou un béton, lorsqu’il est abrité des venues
d’eau extérieures, est naturellement résistant à un régime de gels lents.

3.1.2. Le rôle protecteur des bulles d’air


C’est au milieu des années 1930 que l’on découvre que l’entraînement d’air peut
protéger les bétons contre l’attaque par les cycles de gel-dégel. Les premiers tra-
vaux de recherche visant à expliquer le rôle protecteur des bulles d’air ont débuté
durant les années 1940.
L’entraînement d’air vise à stabiliser, lors du malaxage, une grande quantité de
bulles microscopiques très rapprochées les unes des autres (§ 4). La majorité des
bulles d’air entraîné ont un diamètre compris entre 10 µ et 100 µm. Leur espace-
ment est généralement de l’ordre de quelques centaines de µm (figure 10.8).
Lors du gel, des déséquilibres thermodynamiques engendrent des pressions inter-
nes dans la porosité capillaire. Ces pressions produisent des contraintes de trac-
tion dans la phase solide du réseau poreux. C’est la mise en traction de la phase
solide qui est principalement responsable des dommages dus au gel. L’endomma-
gement cumulatif de la pâte progresse en fonction du nombre de cycles de gel-
dégel. On verra, au paragraphe 3.1.3, que les pressions internes forcent la mise en
mouvement de la phase liquide au sein de la structure poreuse. L’intensité des
pressions est notamment fonction de la longueur du trajet que doit parcourir la
phase liquide pour parvenir à l’interface gazeuse la plus proche. Plus le trajet est
long, plus les contraintes internes sont importantes. Les bulles d’air entraîné of-

399
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

frent des interfaces gazeuses (vases d’expansion) permettant à la phase liquide en


mouvement de s’y accumuler ou d’y geler sans créer de dommage. De plus, l’air
entraîné augmente la connectivité du réseau poreux, ce qui contribue positive-
ment à la protection offerte par le réseau de bulles d’air [BAR 05]. La phase liqui-
de entraîne des ions qui peuvent cristalliser à l’intérieur des bulles (aiguilles
d’ettringite). Pour protéger la pâte, il faut que les bulles d’air soient suffisamment
rapprochées pour faire en sorte que les contraintes internes générées par le gel
soient inférieures à la capacité ultime de la pâte. On peut moduler l’espacement
des bulles d’air en variant le volume d’air entraîné dans le béton. Plus le volume
d’air augmente, meilleure est la protection contre les cycles de gel-dégel à condi-
tion que les bulles restent de petite dimension (figure 10.9).

Figure 10.8 : aspect visuel typique d’un réseau de bulles d’air entraîné dans un béton.
Cette photo a été obtenue à partir d’une plaque de béton polie observée à l’aide d’un microscope op-
tique sous un grossissement de 100 ×. Les bulles d’air de forme sphérique sont réparties dans le mor-
tier qui enrobe les grains de sable.

400
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

2 000

1 800

1 600

Nombre de cycles de gel-dégel


1 400

1 200

1 000

800

600

400

Avec air entraîné


200
Sans air entraîné

0
0 1 2 3 4 5 6
Teneur en air (%)

Figure 10.9 : influence du volume d’air entraîné sur la résistance du béton face aux
cycles de gel-dégel, d’après [KOS 04].
Ces résultats ont été obtenus avec des bétons fabriqués avec des ciments, des dosages en ciment
et des rapports E/C différents. La durabilité des bétons est exprimée par le nombre de cycles de gel-
dégel nécessaires pour produire une diminution de 50 % du module d’élasticité dynamique. Plus ce
nombre de cycles est élevé meilleure est la durabilité au gel du béton. Les résultats démontrent que
l’augmentation du volume d’air entraîné améliore la résistance au gel des bétons.

Les bulles d’air entraîné offrent des interfaces gazeuses (vases d’expansion) per-
mettant à la phase liquide en mouvement de s’y accumuler ou d’y geler sans
créer de dommage. Pour protéger la pâte, il faut que les bulles d’air soient suffi-
samment rapprochées pour faire en sorte que les contraintes internes générées
par le gel soient inférieures à la capacité ultime de la pâte. On peut moduler l’es-
pacement des bulles d’air en variant le volume d’air entraîné dans le béton.
3.1.3. Le modèle des pressions hydrauliques
Ce modèle a été proposé par Powers en 1949 [POW 49] alors que l’efficacité de
l’air entraîné comme moyen d’accroître la durabilité des bétons soumis à des cy-
cles répétés de gel-dégel était déjà reconnue.
Lorsque l’eau commence à geler dans un pore capillaire, son volume augmente de
9 %, de sorte que l’eau en excès est expulsée. Lors de l’abaissement de la tempé-
rature, la formation de la glace est graduelle à cause de la présence d’ions dissous
dans la solution interstitielle. La vitesse de refroidissement détermine la quantité
d’eau poussée à l’extérieur du pore sous l’effet de l’expansion de la glace. Il s’éta-
blit une pression hydraulique qui est fonction de la résistance à l’écoulement. Cette

401
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dernière dépend de la longueur du trajet et de la perméabilité de la pâte située entre


le pore qui gèle et un vide qui peut accepter l’eau qui en est chassée.
Powers, en appliquant la loi de Darcy, a calculé la distance maximale que l’eau
peut parcourir sans que la pression générée ne dépasse la résistance à la traction
de la pâte (Lmax). Selon la configuration simple présentée à la figure 10.10, il a
conclu que Lmax devait être proportionnelle à :
Kσ t ⁄ UR
où :
R = vitesse de refroidissement ;
K = coefficient de perméabilité de la pâte de ciment ;
U = quantité d’eau gelable lorsque la température s’abaisse de 1 °C ;
σt = résistance à la traction de la pâte.
Cette formule montre que Lmax est d’autant plus petit que le refroidissement est
rapide (ce qui est vérifié par l’expérience). Par contre, elle n’est pas assez précise
pour comparer deux pâtes de textures différentes. En effet, une perméabilité plus
faible va souvent de pair avec une quantité moindre d’eau gelable et ces deux pa-
ramètres agissent sur Lmax en sens contraires.

rb Lmax 2L

a) Bulle de rayon rb recouverte d’une coquille b) Distance 2 L séparant deux bulles voisines.
de pâte d’épaisseur Lmax.

Figure 10.10 : modélisation simplifiée des bulles d’air dans la pâte de ciment.

Si la distance à parcourir par l’eau est supérieure à cette valeur Lmax, la pression
hydraulique surpasse la résistance à la traction de la pâte de ciment. La pâte se fis-
sure et on mesure alors une dilatation résiduelle. L’intensité de la dilatation rési-
duelle permet de déterminer le degré d’endommagement (figure 10.6).
Suite à ces travaux, la notion de facteur d’espacement des bulles d’air L a été
adoptée. Elle est définie par la norme nord-américaine ASTM C457 comme étant

402
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

la demi-distance moyenne qui sépare les parois de deux bulles d’air adjacentes ap-
partenant à un réseau supposé régulier (4.2).
L’intérêt majeur de cette théorie est d’avoir permis le calcul des dimensions à
donner à un réseau protecteur efficace d’air entraîné. Les valeurs calculées par
Powers sont tout à fait comparables à celles retenues par les normes les plus ré-
centes. L’inconvénient est que Powers accordait beaucoup d’importance à l’ex-
pulsion de l’eau hors des capillaires, alors que l’expérience a établi que la majorité
des transports d’eau se font des pores des C-S-H vers les pores capillaires, et que
le gel d’une pâte bien protégée s’accompagne d’un retrait (figure 10.6). Powers a
alors essayé de tenir compte de ces observations expérimentales et il a proposé,
en association avec Helmuth, le modèle des pressions osmotiques [POW 53].
3.1.4. Le modèle des pressions osmotiques
Comme on l’a vu précédemment, la solution interstitielle d’un pore gèle à des
températures d’autant plus basses que celui-ci est petit. Il en résulte que l’eau gèle
en premier dans les gros capillaires. La formation de glace dans un gros capillaire
engendre une augmentation de la concentration ionique de la solution non gelée
en équilibre avec le cristal de glace. La solution interstitielle des pores voisins,
lorsqu’ils sont plus petits (par exemple les pores des C-S-H), n’a pas encore gelé.
Par conséquent, la concentration ionique de la solution interstitielle des petits po-
res n’a pas augmenté et est alors largement inférieure à celle du gros pore. Ceci a
pour effet de créer un afflux d’eau des petits pores vers les plus gros suivant les
lois de l’osmose. Ces transferts, s’effectuant par des cheminements déjà saturés,
vont créer des pressions qualifiées d’osmotiques (figure. 10.11). De plus, à mesu-
re que l’eau arrive dans les gros pores, la concentration de la solution diminue, ce
qui entraîne la formation de glace supplémentaire.
Là aussi, lorsque ces pressions surpassent la résistance à la traction de la pâte elles
fissurent cette dernière. Le rôle des bulles, selon les auteurs, est d’entrer en compé-
tition avec les plus gros pores où la glace s’est formée. Les bulles d’air comportent
un peu de solution interstitielle adsorbée sur les parois internes. En raison de leur
grande taille, la glace s’y forme très tôt lorsque la température s’abaisse sous 0 °C.
La glace étant constituée d’eau pure, la solution non gelée sur la paroi des bulles
devient plus concentrée en ions et elle attire l’eau des pores plus petits. Si les bulles
sont suffisamment rapprochées, elles offrent une bonne protection contre le gel car
elles peuvent accueillir l’eau qui arrive sans créer de contraintes trop importantes.
Cette théorie est bien adaptée à la description des phénomènes de gel en milieu
enrichi en sels (cas de l’écaillage, sous l’action des sels fondants) et explique le
retrait observé lors du gel des pâtes bien protégées par des bulles d’air rappro-
chées.

403
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Grand pore capillaire contenant


Petits pores capillaires un cristal de glace et une solution saline

Bulle d’air Bulle d’air

Cristal de glace
et solution saline
Cristal de glace
et solution saline

Figure 10.11 : représentation schématique du modèle des pressions osmotiques,


d’après [PIG 95].
Les flèches indiquent la direction des mouvements d’eau des petits pores vers les plus grands. La
taille des pores capillaires est fortement exagérée par rapport à la taille des bulles d’air.

3.1.5. Le facteur d’espacement critique


Il est bien établi que, pour les bétons courants d’ouvrages ordinaires, une condi-
tion nécessaire de durabilité en ambiance hivernale rigoureuse est qu’ils renfer-
ment de l’air entraîné. C’est ce que fait apparaître la figure 10.9. Cependant, le
volume total d’air entraîné n’est pas la seule caractéristique du réseau de bulles
d’air qui gouverne la tenue au gel du béton. On peut par exemple imaginer deux
réseaux de bulles ayant le même volume total mais dont le premier est constitué
de grosses bulles alors que le second est constitué de bulles plus petites. Même si
le volume total des bulles est le même, la distance entre les bulles du réseau cons-
titué de grosses bulles est beaucoup plus grande que la distance entre les bulles du
réseau constitué de petites bulles (figure 10.36). Sachant que le degré de protec-
tion offert par le réseau de bulles d’air est d’autant plus grand que la distance sé-
parant deux bulles d’air voisines est faible, on réalise alors facilement
l’importance de la prise en compte de la dimension moyenne des bulles. Par con-
séquent, d’un point de vue pratique, il est toujours préférable de produire un ré-
seau constitué de bulles les plus petites possibles. On peut ainsi diminuer la
distance moyenne entre les bulles sans nécessairement augmenter le volume total
d’air entraîné.
Un réseau de bulles d’air entraîné peut être défini par trois caractéristiques géo-
métriques :
– le facteur d’espacement des bulles d’air L , qui correspond approximativement
à la demi-distance moyenne séparant les parois de deux bulles voisines du réseau
supposé régulier (voir § 3.1.3 et 4.2) ;

404
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

– le volume d’air, V, généralement exprimé en pourcentage du volume du béton ;


– la surface volumique, α, exprimée en mm2/mm3 (ou mm–1) qui indique la sur-
face spécifique des bulles d’air.
Parmi ces caractéristiques, le facteur d’espacement ( L ) permet de tenir compte à
la fois de l’influence du volume total et de la dimension des bulles d’air entraîné.
De nombreux travaux de recherche ont démontré qu’un béton est durable face aux
cycles de gel-dégel lorsque le facteur d’espacement est inférieur à une valeur cri-
tique ( L crit) qui dépend des caractéristiques du béton et des conditions d’exposi-
tion. Plusieurs dizaines d’années d’observations faites aussi bien sur chantier
qu’en laboratoire ont montré que le caractère protecteur d’un réseau d’air entraîné
ne s’affaiblit pas progressivement au fur et à mesure que L augmente, mais il
s’annule brutalement dès que le facteur d’espacement excède cette valeur criti-
que. C’est ce que montre la figure 10.12, tirée des travaux de Langlois [PIG 91a].
Toutes les normes et recommandations récentes en tiennent compte et prescrivent
des valeurs critiques comprises dans la fourchette 200-250 µm. Il est intéressant
de rappeler que Powers indiquait qu’un facteur d’espacement inférieur ou égal à
250 µm était souhaitable.
Le paramètre essentiel garantissant l’efficacité de la protection offerte par le ré-
seau de bulles d’air entraîné n’est pas le volume d’air entraîné, mais bien le fac-
teur d’espacement L : il doit être inférieur à une valeur critique qui dépend du
type de béton (caractéristiques de composition) et de la sévérité de l’exposition
aux cycles de gel-dégel.

La détermination du facteur d’espacement critique ( L crit) d’un béton repose sur


un travail expérimental relativement important car elle nécessite la fabrication de
plusieurs bétons ayant tous la même composition de base mais différentes carac-
téristiques du réseau de bulles d’air (facteur d’espacement variable). Chaque bé-
ton est ensuite soumis à un essai accéléré de gel-dégel en laboratoire. L’ensemble
des résultats permet de déterminer la relation entre le facteur d’espacement des
bulles d’air et la durabilité au gel d’une formulation spécifique de béton. Une re-
lation typique, permettant de déterminer le facteur d’espacement critique, est pré-
sentée à la figure 10.12.
Le facteur d’espacement critique d’un béton permet de quantifier sa durabilité re-
lative. Sous des conditions d’essai données, un béton possédant un facteur d’es-
pacement critique faible est moins durable qu’un béton ayant un facteur
d’espacement critique plus élevé. Un faible facteur d’espacement critique indique
une moins bonne durabilité car le béton requiert une meilleure protection (bulles
d’air plus rapprochées) pour pouvoir résister à la fissuration interne. On verra plus

405
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

en détails (§ 3.1.6.5) comment la comparaison des facteurs d’espacement critique


permet d’analyser l’effet du rapport E/C et des additions minérales sur la résistan-
ce à la fissuration interne des bétons.

Béton 10
gélif

Espacement critique (L crit)


Durabilité décroissante
'l/l (.10–3)

Pas de
Protection protection
efficace

Béton
non gélif 0
200 400 600 800
Facteur d'espacement des bulles L (μm)

Figure 10.12 : influence du facteur d’espacement des bulles d’air entraîné


sur la durabilité d’un béton, d’après [PIG 91a].
Deux types de bétons ont été testés : gâchés avec un rapport E/C = 0,50, avec superplastifiant (o),
ou sans superplastifiant (). Le critère indicatif de la durabilité du matériau est l’allongement relatif subi
après 300 cycles de gel-dégel dans l’eau (essai ASTM C666). Il est particulièrement clair que les bé-
tons étudiés sont durables pour toute valeur de L inférieure ou égale à 550-600 µm et vulnérables
dès que la valeur de L est supérieure à 600 µm. Par sécurité, L crit sera pris égal à 550 µm.

3.1.6. Principaux paramètres d’influence


3.1.6.1. Sévérité des cycles de gel-dégel
Les modèles des pressions hydrauliques et des pressions osmotiques suggèrent
que la durabilité d’un béton dépend notamment de la sévérité des cycles de gel-
dégel. Toujours selon ces modèles, deux caractéristiques des cycles de gel-dégel
sont particulièrement importantes :
– la vitesse de refroidissement lors de la phase de gel. Elle conditionne la quan-
tité de glace formée par unité de temps. Plus la formation de la glace est rapide
plus les pressions hydrauliques internes sont intenses ;
– la température minimale atteinte lors de la phase de gel. Elle conditionne la
taille des pores affectés par le déséquilibre thermodynamique. Plus la tempéra-
ture minimale est basse, plus la quantité d’eau gelable est importante car le gel
affectera des pores de plus en plus petits.

406
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Les procédures d’essais de résistance aux cycles gel-dégel en laboratoire utilisent


généralement un taux de refroidissement de 6 à 10 °C/h. Dans les pays où le cli-
mat comporte des cycles de gel-dégel, le taux de refroidissement enregistré dans
les premiers centimètres sous la surface des bétons exposés dépasse rarement 2 à
3 °C/h [NOK 04]. Les essais de durabilité au gel en laboratoire simulent donc des
conditions d’exposition beaucoup plus sévères que celles que l’on retrouve en mi-
lieu naturel. En laboratoire, l’utilisation d’un taux de refroidissement très rapide
permet de diminuer la durée des essais. Ainsi, en trois ou quatre mois, on peut ob-
tenir une estimation de la durabilité d’un béton alors qu’il faudrait plusieurs an-
nées si le béton était exposé à des conditions de gel plus représentatives de
l’environnement naturel.
Pigeon et al. [PIG 85] ont étudié l’influence de la vitesse de refroidissement (taux
de gel) sur la résistance à la fissuration interne des bétons à partir d’une approche
expérimentale basée sur le facteur d’espacement critique. Le concept de facteur
d’espacement critique a permis d’expliquer des divergences parfois enregistrées
entre résultats d’essais de formulation effectués suivant plusieurs procédures ex-
périmentales pour un même béton. La figure 10.13, tirée de résultats de Powers et
complétée par Pigeon et al. [PIG 85], montre une décroissance importante de L crit
lorsque la vitesse de refroidissement passe de 2 à 11 °C/h. Cette série de résultats
démontre que les cycles de gel-dégel ayant une faible vitesse de refroidissement
(2 °C/h) sont beaucoup moins sévères que les cycles rapides effectués en labora-
toire.
Les cycles de gel-dégel ayant une faible vitesse de refroidissement (2 °C/h) sont
beaucoup moins sévères que les cycles rapides effectués pour évaluer la durabi-
lité des bétons en laboratoire (8-10 °C/h). En laboratoire, l’utilisation d’un taux
de refroidissement très rapide permet de diminuer la durée des essais. Ainsi, en
trois ou quatre mois, on peut obtenir une estimation de la durabilité d’un béton
alors qu’il faudrait plusieurs années si le béton était exposé à des conditions de
gel plus représentatives de l’environnement naturel.

407
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1 000

Espacement critique (L crit)


800

600

400

200

0
2 4 6 8 10 12
Vitesse de refroidissement (°C / h)

Figure 10.13 : influence de la vitesse de refroidissement d’un béton sur la valeur


du facteur d’espacement critique, d’après [PIG 85].
Des mesures en laboratoire sur des compositions de béton similaires (rapport E/C = 0,50) conduisent
à des valeurs de L crit variant pratiquement du simple au triple en fonction de la vitesse de refroidis-
sement. Ceci montre la difficulté d’interpréter les données des essais de laboratoire en terme de pré-
vision de durabilité du béton in situ.

Il n’existe pas d’étude expérimentale de l’influence de la température minimale


du cycle de gel sur la dégradation par fissuration interne du béton. Selon les mo-
dèles présentés précédemment, plus la température minimale est basse plus les ef-
fets du gel sont sévères car la quantité d’eau gelable est plus importante
(figure 10.5). Les travaux de Stark ont montré que l’intensité de la dégradation
par les cycles de gel-dégel augmente avec la durée de la période de gel [STA 89].
Une période de gel prolongée (jusqu’à 7 jours) favorise la croissance des cristaux
de glace dans la porosité capillaire [NOK 04].
3.1.6.2. Le degré de saturation
Le degré de saturation de la porosité capillaire est un paramètre important gouver-
nant la résistance à la fissuration des bétons (§ 3.1.1.2). En pratique, le degré de
saturation est lié aux paramètres de composition du béton (qui ont fixé, entre
autres, la quantité d’eau initialement introduite dans le matériau). Il dépend aussi
des conditions de l’environnement (immersion intermittente), ainsi que de l’em-
placement dans l’ouvrage (les parties verticales où l’eau ne peut stagner sont les
moins dégradées) car ces facteurs agissent sur le bilan de l’eau susceptible d’im-
prégner le béton pendant sa durée de service.
Quelques études faites in situ confirment la grande influence du degré de satura-
tion sur la durabilité au gel des bétons en service. Les résultats montrent qu’un
béton n’est dégradé par le gel que s’il est entièrement saturé d’eau ou dans un état
voisin de la saturation (figure 10.14).

408
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Ce sont les parties d’ouvrages dont le béton a le plus fort degré de saturation qui
se dégradent le plus : elles correspondent soit à des parties qui, fonctionnelle-
ment, sont au contact de l’eau, soit à des parties qui, par leur géométrie, retien-
nent préférentiellement les eaux de précipitation (surfaces horizontales).

100

Bétons résistants
Résistance au gel (%)

80

60

40
Bétons attaqués

20

0
60 70 80 90 100
Degré de saturation (%)

Figure 10.14 : influence du degré de saturation d’un béton sur sa résistance


au gel de bétons sans air entraîné, d’après [NEV 95].
Ici le degré de saturation critique (3.1.1.2) est voisin de 85 %. Un béton d’ouvrage, s’il est toujours en
dessous du degré de saturation critique, ne se détériore pas et n’a donc pas besoin d’air entraîné.

3.1.6.3. L’air entraîné


Il est bien établi que les bétons d’usage courant doivent contenir des bulles d’air
entraîné pour être durables en ambiance hivernale. Ce comportement est illustré
à la figure 10.15 qui présente une relation entre la tenue au gel de bétons soumis
à des cycles de gel-dégel en laboratoire, en fonction de la résistance à la compres-
sion, de la teneur en air, du rapport E/C et de la durée de la cure humide (14 ou
180 jours) [MAT 62].
Les résultats de la figure 10.15 montrent que les deux bétons sans air entraîné ne
résistent pas au gel quel que soit le rapport E/C, la résistance à la compression, ou
le niveau de maturité avant l’exposition aux premiers cycles de gel-dégel. Le fac-
teur de durabilité des bétons contenant 6% d’air entraîné est significativement
plus élevé, ce qui démontre la protection offerte par la présence d’un bon réseau
de bulles d’air.
Dans le cas des bétons à air entraîné, une augmentation de la résistance à la com-
pression, ou une diminution du rapport E/C, produit généralement une améliora-
tion très significative de la tenue au gel. Il faut cependant noter que malgré la
protection offerte par les bulles d’air, il n’est pas possible de produire un béton
suffisamment durable au gel (facteur de durabilité > 60 %) en utilisant un rapport

409
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

E/C aussi élevé que 0,80. Pour parvenir à un niveau de durabilité acceptable, il
faut abaisser le rapport E/C à des valeurs plus faibles, voisines de 0,50.

100

80 Bétons à air entraîné


Facteur de durabilité (%)

60

E/C = 0,5 - 14 jours de mûrissement


E/C = 0,5 - 180 jours de mûrissement
40
E/C = 0,8 - 14 jours de mûrissement
E/C = 0,8 - 180 jours de mûrissement

20

Bétons sans air entraîné

0
0 10 20 30 40 50 60

Résistance à la compression (MPa)

Figure 10.15 : effet de l’air entraîné, du rapport E/C, de la résistance à la compression


et du niveau de maturité sur la tenue au gel du béton, d’après [MAT 62].
La durabilité au gel est exprimée à l’aide du facteur de durabilité. Ce paramètre est basé sur la mesure
de la vitesse de propagation d’une onde sonore pour caractériser l’endommagement interne d’un béton
soumis à des cycles de gel-dégel. Un facteur de durabilité de 100 % indique que le béton est parfaite-
ment résistant à la fissuration interne. La durabilité est considérée non satisfaisante lorsque le facteur
de durabilité est inférieur à 60 %. Malgré la protection offerte par les bulles d’air, il n’est pas possible
de produire un béton durable au gel en utilisant un rapport E/C aussi élevé que 0,80. Pour parvenir à
un niveau de durabilité acceptable, il faut abaisser le rapport E/C à des valeurs voisines de 0,50.

Il faut noter que l’air entraîné n’est pas toujours justifié dans le cas des bétons en
ambiance hivernale non rigoureuse. Les caractéristiques d’un environnement de
gel non rigoureux (gel modéré) sont notamment définies dans le guide technique
Recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel [LCP 03].
Pour ce type d’exposition, l’air entraîné peut inutilement pénaliser la résistance à
la compression tout en contribuant à augmenter les coûts de production et de con-
trôle de la qualité du béton.
En ambiance hivernale rigoureuse, la durabilité au gel des bétons ayant un rap-
port E/C relativement élevé (0,7-0,8) est inacceptable, même lorsqu’ils contien-
nent un réseau de bulles d’air entraîné. Pour parvenir à un niveau de durabilité
acceptable des bétons à air entraîné, il faut abaisser le rapport E/C à des valeurs
plus faibles, au moins inférieures à 0,50.
Le volume d’air requis pour protéger un béton contre les cycles de gel-dégel en am-
biance hivernale rigoureuse est aussi fonction de la proportion volumique de pâte
dans le mélange. Puisque le rôle des bulles d’air est de protéger la pâte de ciment

410
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

durci contre les effets du gel, les bétons contenant un plus grand volume de pâte re-
quièrent donc un volume d’air entraîné plus important. D’un point de vue pratique,
la proportion volumique de pâte dans un béton est surtout fonction de la dimension
maximale du gros granulat. En général, lorsque la dimension maximale augmente,
la fraction volumique de pâte diminue, tout comme le volume d’air nécessaire pour
protéger le béton contre le gel. La figure 10.16 présente des relations entre l’expan-
sion d’un béton après 300 cycles de gel-dégel et la dimension maximale du gros
granulat [KLE 52]. Chacune des courbes permet d’identifier un volume d’air opti-
mal. Pour un volume d’air inférieur à la valeur optimale, l’expansion après 300 cy-
cles évolue très rapidement vers des valeurs inacceptables (> 0,02 %) alors qu’un
volume d’air supérieur à la valeur optimale ne produit pas d’amélioration significa-
tive de la tenue au gel. Plus la dimension maximale est grande, plus le volume d’air
requis est faible. Puisqu’en pratique, il est assez rare que l’on fabrique des bétons
dont la dimension maximale du granulat soit inférieure à 10 mm, on constate que
les volumes d’air optimaux sont généralement compris entre 4 % et 9 %. Le para-
graphe 5 présentera plus en détails certaines exigences normatives (européennes et
canadiennes) concernant le volume d’air entraîné nécessaire pour assurer la protec-
tion des bétons contre les effets des cycles de gel-dégel.
0,20

0,18 Dimension maximale


du granulat (en mm)
Expansion après 300 cycles gel-dégel (%)

0,16

0,14

64 19 5
0,12

0,10
38 10
0,08

0,06

0,04

0,02

0
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Teneur en air (%)

Figure 10.16 : relation entre l’expansion au gel, la teneur en air et la dimension maximale
du granulat, d’après [KLE 52].
Chacune des courbes permet d’identifier un volume d’air optimal. Pour un volume d’air inférieur à la
valeur optimale, l’expansion après 300 cycles évolue très rapidement vers des valeurs inacceptables
(> 0,02 %) alors qu’un volume d’air supérieur à la valeur optimale ne produit pas d’amélioration signi-
ficative de la tenue au gel. Plus la dimension maximale est grande, plus le volume d’air requis est faible.

411
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.1.6.4. Le rôle des granulats


Le béton et les granulats ont certaines caractéristiques communes dont notam-
ment une porosité capillaire qui peut être plus ou moins saturée. Cette similarité
de structure fait en sorte que certains processus de destruction par le gel du béton
s’appliquent aussi à certains granulats. Dans le cas de ces granulats, on ne peut
évidement pas contrôler la porosité ou produire un réseau de bulles d’air pour di-
minuer les effets des cycles de gel-dégel. Par conséquent, pour s’assurer d’obtenir
un béton durable, il faut identifier et éviter d’utiliser des granulats qui, de par leur
porosité, leur dimension, leur degré de saturation ou leur perméabilité sont sensi-
bles à l’action du gel. La performance antérieure d’un granulat dans les ouvrages
en service constitue l’indice le plus fiable de sa durabilité.
L’indice de saturation de la porosité capillaire d’une roche est le principal critère
de classement en matériau gélif ou non gélif [HIR 12]. Si le degré de saturation
est supérieur à environ 90 %, il n’y a pas assez d’espaces vides pour accommoder
l’augmentation de volume de l’eau qui gèle [TOU 82]. L’eau en excès devra être
expulsée à l’extérieur de la porosité. L’expulsion d’eau peut alors engendrer des
pressions hydrauliques qui peuvent causer la rupture de la particule. Comme dans
le modèle des pressions hydrauliques, l’intensité des pressions est contrôlée par
quatre facteurs principaux: le degré de saturation, la porosité, la perméabilité et la
dimension du granulat [PIG 95]. Pour une vitesse de refroidissement donnée et
pour une perméabilité de la roche donnée, correspond un trajet maximal que peut
parcourir l’eau sans que les pressions hydrauliques engendrées n’excèdent la ré-
sistance à la traction de la roche : c’est cela qui constitue la dimension critique du
granulat. Ceci concorde avec la constatation des praticiens du béton, à savoir
qu’un sable présente toujours moins de risques de gélivité qu’un gravier et, à plus
forte raison, qu’un caillou issu de la même roche.
Le volume poreux conditionne la quantité maximale d’eau que peut emmagasiner
un granulat et la vitesse à laquelle il peut l’absorber ou la restituer dépend essen-
tiellement de la dimension des pores (lois de la capillarité et de la perméabilité).
Verbeck et Landgren [VER 60] ont montré que le degré de saturation que peut at-
teindre un granulat placé dans un milieu d’humidité relative fixée est dicté par les
caractéristiques de sa porosité (figure 10.17). Les granulats contenant des pores
relativement fins (traprock) peuvent atteindre un degré de saturation élevé dans
un environnement possédant une humidité relative relativement faible. À l’inver-
se, les granulats contenant des pores grossiers atteignent des degrés de saturation
nettement plus faibles, même sous des humidités relatives ambiantes relativement
élevées.

412
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

100

k
Traproc

Degré de saturation du granulat (%)


80

60

ite
an
40 Gr

cke
wa
au
20 Gr
mie
Dolo
h.m

0
20 40 60 80 90 95 98 99

Humidité relative (%)


Figure 10.17 : saturation de granulats différents en fonction de l’humidité relative,
d’après [VER 60].
Placés dans une ambiance dont l’humidité relative est proche de celle d’un béton (h.m), des granulats
peuvent acquérir, suivant leurs propriétés texturales, des degrés de saturation qui varient de 10 à 90%.

Lorsqu’un granulat poreux et saturé gèle, il s’y développe des pressions hydrau-
liques internes qui peuvent le fissurer. Le gel des granulats dans un béton se ma-
nifeste avec plus d’intensité en surface : il se traduit par des éclatements locaux et
par la formation de petits cratères (popouts des Anglo-Saxons) (figure 10.18). La
présence de granulats gélifs peut aussi occasionner de la fissuration dans la masse
des bétons.

G G

1 2 3

G : granulat gélif Pressions dues Formation d'un "cratère"


au gel du granulat G par éclatement de G
et à sa dilatation et du mortier de recouvrement

Figure 10.18 : fissuration d’un granulat dans un béton soumis au gel.

Puisque le granulat fait partie intégrante d’un béton, la durabilité du composite


granulat/pâte de ciment peut aussi dépendre de certaines caractéristiques de la
matrice de pâte qui l’entoure. Par exemple, dans le cas d’un granulat saturé, une
pâte très imperméable peut avoir des effets défavorables car, lors du gel, l’eau
sera plus difficilement expulsée du granulat, ce qui engendrera des pressions hy-
drauliques plus importantes dans la particule et dans la pâte au voisinage de cette

413
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

particule. À l’inverse, une pâte de ciment plus perméable et à air entraîné a des
effets positifs sur la durabilité au gel du granulat. Ces deux exemples indiquent
que la plupart du temps, des interactions importantes entre les deux phases inter-
viennent dans le comportement global. On peut retenir trois cas de figure d’après
les granulats considérés.
ˆ Granulats à forte porosité et forte perméabilité (gros pores)
Ils peuvent inclure la famille des grès et des calcaires crayeux. Par eux-mêmes,
ils ne sont pas gélifs puisqu’ils expulsent rapidement l’eau absorbée. Par contre,
ils rendront le béton gélif, car la pâte sera envahie par un grand volume d’eau qui
ne pourra se déplacer que de quelques centaines de micromètres dans la pâte sans
créer de tensions néfastes.
ˆ Granulats à faible porosité et faible perméabilité (par exemple les granites)
Ils ne peuvent emmagasiner que de très faibles quantités d’eau. Ne se saturant pas,
ils ne rejetteront donc que très peu d’eau dans la pâte. Ils n’affectent généralement
pas la durabilité au gel des bétons. En général, les granulats possédant une poro-
sité totale inférieure à 0,015 cm3/g (absorption totale inférieure à 1,5 %) n’altèrent
pas la durabilité au gel des bétons [KAN 80].
ˆ Granulats à porosité et perméabilité intermédiaires
Ces roches ne sont généralement pas saturées si elles sont enrobées d’une pâte de
bonne qualité. Si elles sont saturées, les risques qu’elles feront courir à la pâte de
ciment dépendront de la granularité des granulats, les plus grossiers étant les plus
nocifs puisqu’ils amènent à l’interface pâte/granulat le plus grand volume d’eau
par unité de surface. De plus, si la pâte est de bonne qualité et très compacte, elle
ne pourra pas accueillir facilement l’eau provenant des granulats, même si elle
contient de l’air entraîné.
3.1.6.5. Influence du rapport E/C
Parmi tous les paramètres de formulation du béton, le rapport E/C est certaine-
ment un de ceux ayant la plus grande influence sur la résistance à la fissuration
interne du béton. L’influence du rapport E/C découle principalement de ses effets
sur la quantité d’eau gelable (§ 3.1.1.1) et sur la perméabilité de la pâte. La baisse
du rapport E/C engendre une diminution de la quantité d’eau gelable consécutive
à la diminution du volume poreux total et au raffinement de la taille des pores.
C’est cette plus faible quantité d’eau gelable qui tend à diminuer l’intensité des
pressions internes dans les bétons ayant un faible rapport E/C.
La baisse de la perméabilité consécutive à une diminution du rapport E/C s’oppo-
se, d’une part, aux transferts internes de l’eau dans le volume poreux et d’autre
part, à l’absorption d’eau externe lors des cycles de gel-dégel. Ces deux phéno-
mènes ont des effets opposés sur l’intensité des pressions internes engendrées par

414
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

les cycles de gel-dégel. Une pâte faiblement perméable peut contribuer à augmen-
ter l’intensité des pressions internes car les mouvements d’eau vers les bulles d’air
sont plus fortement empêchés. À l’inverse, cette même pâte faiblement perméable
peut contribuer à abaisser l’intensité des pressions internes en diminuant l’absorp-
tion d’eau externe et, par conséquent, le degré de saturation du réseau poreux.
Globalement, l’influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne
du béton est donc relativement complexe en raison des effets superposés de plu-
sieurs mécanismes physico-chimiques mis en jeux lors des cycles de gel-dégel.
L’analyse de l’influence du rapport E/C sur le facteur d’espacement critique per-
met de mieux comprendre son influence globale sur la résistance à la fissuration
des bétons. Le tableau 10.1 présente quelques valeurs du facteur d’espacement cri-
tique de différents bétons, avec et sans fumée de silice, soumis à des cycles accé-
lérés de gel-dégel dans l’eau [PIG 87]. Ces valeurs s’appliquent à des bétons
conservés 14 jours dans l’eau avant la première exposition aux cycles de gel-dégel.
Le rapport E/C est la caractéristique de composition ayant la plus grande in-
fluence sur la résistance à la fissuration interne du béton. D’une part, la baisse
du rapport E/C engendre une diminution de la quantité d’eau gelable consécu-
tive à la diminution du volume poreux total et au raffinement de la taille des po-
res. D’autre part, lorsque le rapport E/C diminue, les résistances mécaniques
augmentent, ce qui produit un béton plus résistant aux contraintes internes en-
gendrées lors du gel.

Tableau 10.1 : influence du rapport E/C et de la fumée de silice sur le facteur


d’espacement critique du béton [PIG 87]

Rapport Facteur d’espacement critique, L crit (µm)


E/C
Ciment Portland ordinaire Ciment Portland avec 8 % de fumée de silice
0,50 500 250
0,30 400 300
0,25 750 < 700

Les données du tableau 10.1 indiquent que le facteur d’espacement critique d’un
béton sans fumée de silice avec un rapport E/C de 0,5 est de 500 µm. Rappelons
que cette valeur indique que pour être durable, ce béton doit être protégé par un
réseau de bulles d’air dont le facteur d’espacement est au moins inférieur à
500 µm. Le facteur d’espacement critique du béton avec un rapport E/C de 0,30
est de 400 µm. Cette valeur plus faible montre que, dans ce cas, l’abaissement du
rapport E/C de 0,50 à 0,30 a provoqué une légère diminution de la durabilité au
gel. Selon Pigeon et al. [PIG 87] cette baisse de la résistance à la fissuration in-
terne est probablement due à la forte baisse de la perméabilité de la pâte. Dans ce

415
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

cas, les effets favorables de la baisse de la quantité d’eau gelable ont été proba-
blement partiellement ou complètement annulés par les effets défavorables de la
plus faible perméabilité de la pâte.
Considérons maintenant le cas du béton sans fumée de silice ayant un rapport E/C
de 0,25. Le facteur d’espacement critique de 750 µm indique que ce type de béton
possède une bien meilleure résistance à la fissuration interne que celle du béton de
rapport E/C de 0,50. La forte baisse du rapport E/C a probablement engendré une
très forte baisse de la quantité d’eau gelable. Dans ce cas, les mouvements d’eau
lors du gel sont très limités, si bien que les effets défavorables de la faible perméa-
bilité deviennent alors mineurs.
Les données du tableau 10.1 montrent que le facteur d’espacement critique des
bétons avec 8 % de fumée de silice est systématiquement inférieur à celui des bé-
tons sans fumée de silice. Par conséquent, l’utilisation de 8 % fumée de silice con-
tribue à diminuer la résistance à la fissuration interne du béton. Selon les auteurs,
cette plus faible durabilité est due au fait que la fumée de silice diminue relative-
ment peu le volume poreux total mais diminue fortement la perméabilité de la pâ-
te. Lors du gel, les mouvements d’eau vers les bulles d’air sont plus lents, ce qui
diminue la protection offerte par les bulles d’air et augmente l’intensité des pres-
sions internes.
Marchand et al. [MAR 96] ont réalisé une importante revue de la documentation
technique sur l’influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne
des bétons. Cette synthèse regroupe de nombreux résultats de durabilité obtenus
à partir de bétons avec ou sans fumée de silice fabriqués avec des rapports E/C
compris entre 0,25 et 0,55. La figure 10.19 présente l’ensemble des résultats qui
regroupent des bétons à air entraîné ayant des facteurs d’espacement inférieurs à
250 µm et des bétons sans air entraîné ayant des facteurs d’espacement supérieurs
à 500 µm. Globalement, les résultats peuvent être regroupés en deux grandes fa-
milles. Une première famille regroupe des bétons courants ayant un rapport E/C
supérieur à 0,40 (zone II). Les résultats démontrent que ce type de béton doit tou-
jours être protégé par un bon réseau de bulles d’air entraîné pour pouvoir déve-
lopper une bonne résistance à la fissuration interne.
La seconde famille regroupe les bétons ayant un rapport E/C de 0,40 ou moins
(zone I). Les résultats montrent que l’utilisation d’un rapport E/C faible (≤ 0,35)
tend à améliorer la résistance à la fissuration interne puisque certains bétons de
cette famille peuvent avoir une durabilité au gel acceptable malgré l’absence d’air
entraîné. Il faut cependant noter que la résistance à la fissuration interne des bé-
tons à faible rapport E/C sans air entraîné est très variable. Certains sont parfaite-
ment durables alors que d’autres ne le sont pas. Pour un même rapport E/C, la
durabilité au gel des bétons sans air entraîné peut varier fortement en fonction du

416
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

type et de la durée du mûrissement et en fonction du type et du dosage des addi-


tions minérales [MAR 96]. Des études en laboratoires tendent à montrer que les
bétons ayant une résistance à la compression à 28 jours supérieure à environ
90 MPa n’ont généralement pas besoin de la protection d’un réseau de bulles d’air
entraîné pour résister à la fissuration interne engendrée par les cycles de gel-dégel
(voir § 3.1.7.2) [GAG 90, PIG 91b].

Zone I Zone II
120

100
Facteur de durabilité (%)

80 L < 250 μm
L > 500 μm
60

40

20

0
0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 0,55

Rapport E/C

Figure 10.19 : influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne du béton,
d’après [MAR 96].
La durabilité au gel est exprimée à l’aide du facteur de durabilité calculé après 300 cycles accélérés
de gel-dégel selon la procédure ASTM C666 (gel et dégel dans l’eau). La durabilité est considérée
non satisfaisante lorsque le facteur de durabilité est inférieur à 60 %.

3.1.6.6. Influence des additions minérales


Les additions minérales (fumées de silice, laitiers et cendres volantes) peuvent
modifier la résistance à la fissuration interne des bétons en raison de leurs effets
sur la maturité du béton et sur la structure de la porosité capillaire (porosité totale
et taille des pores). L’influence des additions minérales sur la tenue au gel est va-
riable en fonction du type d’addition et du taux de remplacement du ciment. De
nombreuses études tendent à démontrer qu’en général, les fumées de silices, les
cendres volantes et les laitiers n’améliorent pas significativement la résistance à
la fissuration interne du béton [PIG 87, GEB 96, SAR 03]. Les additions minéra-
les utilisées à des taux de remplacement très élevés peuvent parfois compromettre
la résistance à la fissuration interne du béton [BOU 03, TOU 04]. Cependant, dans
le cas des bétons de résistance normale, exposés au cycles de gel-dégel sans sels
fondants, on peut généralement profiter des nombreux avantages offerts par les

417
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

additions minérales en imposant une limite sur le taux de remplacement du ci-


ment, en s’assurant d’un niveau de maturité suffisant avant la première exposition
au gel et en prévoyant toujours un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité
( L < 200 µm) [SAR 03, HOO 00, BOU 03].
Le remplacement d’une partie du ciment Portland par 8 % de fumée de silice en-
gendre une diminution du facteur d’espacement critique [PIG 87]. Ce facteur
d’espacement critique plus faible indique que la fumée de silice produit une dimi-
nution de la résistance à la fissuration interne. Comme expliqué au para-
graphe 3.1.6.5, cette perte de durabilité résulte du fait que la fumée de silice dimi-
nue peu le volume total de la porosité capillaire mais diminue très fortement la
perméabilité de la pâte. Néanmoins, plusieurs études en laboratoire ont permis de
démontrer que les bétons avec fumée de silice possèdent une bonne résistance à
la fissuration interne lorsque le taux de remplacement du ciment Portland est in-
férieur à 10 % et lorsque le béton est protégé par un réseau de bulles d’air entraîné
adéquat [PIG 87, GAG 90]. Les fumées de silice sont par ailleurs souvent utilisées
pour formuler des BHP avec de faibles rapports E/C (type C70/85) pouvant dans
certains cas avoir un comportement satisfaisant sans réseau de bulles d’air comme
évoqué au paragraphe 3.1.6.5.
De nombreuses études en laboratoire ont montré que le remplacement de moins
de 25 % du ciment Portland par des cendres volantes n’a pas ou peu d’effets dé-
favorables sur la résistance à la fissuration interne des bétons à air entraîné fabri-
qués avec un rapport eau/(ciment + addition) de 0,45 ou moins [GEB 96, WHI 87,
LAN 89]. Certains types de bétons à air entraîné fabriqués avec des liants conte-
nant plus de 40 % de cendres volantes (high-volume fly ash concretes) peuvent
aussi avoir une excellente résistance à la fissuration interne à condition d’utiliser
un rapport eau/(ciment+addition) relativement faible (< 0,35) [LAN 89, HAQ 84,
LAN 90]. Le suivi de la performance en service de trottoirs très sévèrement ex-
posés aux cycles de gel-dégel (ville de Montréal) indique que la résistance à la fis-
suration interne des bétons contenant 25 % et 35 % de cendres volantes est
excellente lorsque ces bétons sont protégés par un bon réseau de bulles d’air en-
traînée [BOU 05]. Au Canada, des ciments ternaires contenant environ 25 % de
cendres volantes et 3 % de fumée de silice sont commercialisés depuis la fin des
années quatre-vingt-dix. Les performances en service de ce type de liant indiquent
une excellente résistance à la fissuration interne des bétons à air entraîné protégés
par un bon réseau de bulles d’air [BOU 05]. Il faut noter que les cendres volantes
peuvent avoir des effets défavorables sur la résistance à l’écaillage. Ce point sera
discuté plus en détails au paragraphe 3.2.2.3.

418
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

En général, les fumées de silice, les cendres volantes et les laitiers n’améliorent
pas significativement la résistance à la fissuration interne du béton. Dans le cas
des bétons de résistance normale, exposés aux cycles de gel-dégel sans sels fon-
dants, on peut généralement profiter des nombreux avantages offerts par les ad-
ditions minérales en imposant une limite sur le taux de remplacement du ciment,
en s’assurant d’un niveau de maturité suffisant avant la première exposition au
gel et en prévoyant toujours un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité.
L’influence des laitiers sur la résistance à la fissuration interne a fait l’objet d’un
relativement petit nombre d’études. Quelques études ont démontré que des bétons
à air entraîné fabriqués avec des liants composés uniquement de laitiers activés
par des silicates de sodium peuvent développer une bonne résistance à la fissura-
tion interne [DOU 92, GIF 96]. Ces performances satisfaisantes suggèrent que le
laitier est en mesure de produire des bétons durables lorsque adéquatement proté-
gés par un bon réseau de bulles d’air. Quelques études en laboratoire tendent à
monter que le remplacement du ciment Portland par des laitiers a relativement peu
d’effet sur la résistance à la fissuration interne des bétons à air entraîné. Saric-Co-
ric et Aïtcin ont étudié la résistance à la fissuration interne de bétons à hautes per-
formances à air entraîné fabriqués avec un rapport E/L de 0,35 et des liants
ternaires contenant tous 5 % de fumée de silice mais des teneurs variables en lai-
tier (20 %, 30 %, 50 % et 80 %) [SAR 03]. Tous ces bétons ont pu développer une
excellente résistance à la fissuration après 300 cycles de gel-dégel en laboratoire.
Au Canada, des ciments ternaires contenant environ 25 % de laitier et 3 % de fu-
mée de silice sont commercialisés depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Les
performances en service de ce type de liant indiquent une excellente résistance à
la fissuration interne des bétons à air entraîné protégés par un bon réseau de bulles
d’air [BOU 05, HOO 00].
3.1.7. Résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux
La résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux (bétons autoplaçants et
bétons à hautes performances, etc.) est, tout comme celle des bétons courants,
gouvernée par les mêmes principaux paramètres de formulation soit : les caracté-
ristiques du réseau de bulles d’air, le rapport E/C et le type et le dosage des addi-
tions minérales. Les bétons spéciaux sont généralement fabriqués avec les mêmes
matériaux cimentaires que ceux qui peuvent être utilisés pour la fabrication des
bétons conventionnels : ciment Portland, cendres volantes, laitiers, fumées de si-
lice, etc. Cependant, leur formulation se distingue généralement de celle des bé-
tons conventionnels au niveau du dosage des matières cimentaires, du rapport Eau
/Liant (E/L) et des adjuvants. Les effets des matériaux cimentaires et du rapport
E/L sur la résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux sont fondamen-
talement les mêmes que ceux qui ont déjà été présentés aux paragraphes 3.1.6.5

419
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

et 3.1.6.6. Quelques résultats spécifiques permettant de mieux comprendre la ré-


sistance à la fissuration interne des bétons autoplaçants et des bétons à hautes per-
formances sont présentés ci-après.
3.1.7.1. Bétons autoplaçants
Les bétons autoplaçants ont comme principale particularité d’avoir une propor-
tion volumique de pâte plus élevée et peuvent contenir des agents de viscosité per-
mettant de stabiliser la phase minérale en suspension dans la matrice de pâte.
Les travaux de Khayat ont montré que des agents de viscosité à base de cellulose
(HPMC) et à base de polysaccharides (Welan gum) n’ont pas d’effet significatif
sur la résistance à la fissuration interne de bétons autoplaçants à air entraîné fabri-
qués avec des rapports E/L de 0,45 et 0,49 [KHA 95]. Les résultats indiquent que
les deux types d’agents de viscosité testés n’ont pas modifié le facteur d’espace-
ment critique des bétons (figure 10.20). Le facteur d’espacement critique de tous
les bétons autoplaçants est d’environ 400-500 µm, une valeur très voisine de celle
des bétons conventionnels fabriqués avec le même rapport E/C (tableau 10.1).
Globalement, ces résultats démontrent que pour un rapport E/L donné, la résistan-
ce à la fissuration interne de ces bétons autoplaçants est principalement gouvernée
par les caractéristiques du réseau de bulles d’air et non pas par le type ou le dosage
de l’agent de viscosité.
Plusieurs études démontrent que les bétons autoplaçants sont en mesure de dé-
velopper une résistance à la fissuration interne similaire à celle des bétons cou-
rants ayant le même rapport Eau /Liant et les mêmes caractéristiques du réseau
de bulles d’air entraîné.

420
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

100

Coefficient de durabilité (%)


80

60
Valeur minimale acceptable

40 Sans agent de viscosité (E/C = 0,49)


Welan gum (E/C = 0,45)
HPMC (E/C = 0,45)

20
Facteur d’espacement

0
0 100 200 300 400 500 600 700 800

Facteur d’espacement (μm)

Figure 10.20 : influence de deux types d’agents de viscosité sur le facteur d’espacement
critique de bétons autoplaçants, d’après [KHA 95].
Deux types de bétons autoplaçants ont été fabriqués avec des agents de viscosité à base de polysac-
charides (Welan gum) et à base de cellulose (HPMC). La durabilité est considérée non satisfaisante
lorsque le facteur de durabilité est inférieur à 60 %.

Plusieurs types de bétons autoplaçants à air entraîné fabriqués avec des liants ter-
naires contenant des fumées de silice (3 %) et des cendres volantes (20 %) ou des
fumées de silice (3 %) et des laitiers (40 %) ont fait l’objet d’une étude très dé-
taillée comportant notamment la mesure de leur résistance à la fissuration interne
[KHA 00]. Les dosages en matières cimentaires et les rapports E/L étaient respec-
tivement compris entre 340 et 535 kg/m3 et 0,41 et 0,50. Les résultats montrent que
des teneurs en air comprises entre 4,0 % à 8,0 % ont permis de produire des fac-
teurs d’espacement inférieurs à 220 µm. Tous ces bétons autoplaçants à air entraî-
né ont pu développer une excellente résistance à la fissuration interne. D’une
manière plus générale, ces résultats suggèrent que les bétons autoplaçants sont en
mesure de développer une résistance à la fissuration interne similaire à celle d’un
béton conventionnel ayant le même rapport E/L et les mêmes caractéristiques du
réseau de bulles d’air entraîné. Ils montrent également qu’il est possible de stabi-
liser le réseau de bulles d’air malgré la grande fluidité des bétons autoplaçants
(§ 4.5.2).
3.1.7.2. Bétons à hautes performances
La résistance à la fissuration interne des bétons à hautes performances a fait l’ob-
jet d’un très grand nombre d’études. Une synthèse détaillée de Pigeon et Pleau

421
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

montre qu’une diminution du rapport E/L engendre généralement un accroisse-


ment du facteur d’espacement critique [PIG 95]. Par conséquent, plus le rapport
E/L est faible, meilleure est la résistance à la fissuration interne du béton. Cepen-
dant, les résultats présentés à la figure 10.19 ont clairement montré que l’augmen-
tation de la résistance à la fissuration interne n’est pas toujours suffisante pour
s’affranchir de la protection d’un bon réseau de bulles d’air entraîné.
La figure 10.21 présente une synthèse de nombreuses études portant sur la résis-
tance à la fissuration interne de bétons à hautes performances [MAR 96]. La ré-
sistance à la fissuration interne (facteur de durabilité) de bétons avec ou sans air
entraîné, avec ou sans fumée de silice et de rapport E/L variable, est exprimée en
fonction de la résistance à la compression à 28 jours. Globalement, les résultats
montrent que la résistance à la compression d’un béton à hautes performances
peut fournir un indice de sa résistance à la fissuration interne. Les bétons d’usage
courant possédant une résistance à la compression de 50 MPa ou moins (zone I)
doivent toujours être protégés par un bon réseau de bulles d’air pour résister à l’at-
taque des cycles rapides de gel-dégel. Les bétons à hautes performances ayant une
résistance à la compression comprise entre 50 et 90 MPa (zone II) doivent géné-
ralement être protégés par un bon réseau de bulles d’air. Cependant plusieurs ré-
sultats en laboratoire indiquent que certains de ces bétons n’ont pas toujours
besoin de cette protection. Seuls les bétons ayant une résistance à la compression
de plus de 90 MPa (zone 3) peuvent avoir une bonne résistance à la fissuration
interne sans la protection de l’air entraîné.
Les bétons à hautes performances, qui possèdent habituellement un rapport Eau
/Liant relativement faible (≤ 0,35), ont généralement une meilleure résistance à
la fissuration interne que celle des bétons courants. Cependant, de nombreuses
études en laboratoire ont montré que leur meilleure résistance à la fissuration
interne n’est pas toujours suffisante pour s’affranchir de la protection d’un bon
réseau de bulles d’air entraîné.
La durabilité au gel de plusieurs types de BHP utilisés pour la construction
d’ouvrages d’art en France a fait l’objet d’une étude approfondie par le groupe
« Durabilité BHP 2000 » [BAR 99, BAR 00]. Les résultats indiquent que, dans la
plupart des cas, les BHP ne nécessitent pas l’utilisation d’un entraîneur d’air pour
présenter un bon comportement vis-à-vis des cycles accélérés de gel et de dégel
dans l’eau. Cependant, certaines formulations de BHP sans air entraîné contenant
des cendres volantes ou des fumées de silice se sont avérées non durables lorsque
soumises à des cycles accélérés de gel et dégel dans l’eau (procédure d’essai XP
P18-424). Ces résultats tendent à confirmer le caractère non systématique de la
durabilité des BHP sans air entraîné soumis à des cycles sévères de gel et dégel
[BAR 05]. Le rapport du groupe « Durabilité BHP 2000 » ajoute que lorsque

422
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

qu’une procédure d’essai moins sévère est utilisée (gel dans l’air et dégel dans
l’eau selon la procédure P18-425), tous les BHP sans air entraîné sont alors en
mesure de résister à l’attaque de ce type de cycles de gel-dégel.
En pratique, avant d’autoriser la mise en place d’un béton sans air entraîné forte-
ment exposé aux cycles de gel-dégel, il convient de valider la durabilité au gel par
des essais de laboratoire. Dans le cas des bétons à hautes performances ayant un
très faible rapport E/L (0,25), il apparaît prudent de recommander un volume d’air
entraîné minimal (3 à 4 %) afin d’éviter d’obtenir un facteur d’espacement supé-
rieur à 600 ou 700 µm. Ce faible volume d’air entraîné aura peu d’effets défavo-
rable sur les propriétés mécaniques. Il procure cependant une garantie
supplémentaire contre l’attaque par les cycles de gel-dégel, tout en améliorant si-
gnificativement la maniabilité du béton frais.

Zone I Zone II Zone III


120
Facteur de durabilité (%)

100

80

60

L < 250 μm
40 L > 500 μm

20

0
20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120

Résistance à la compression (MPa)


Figure 10.21 : relation entre la résistance à la compression et la résistance
à la fissuration interne du béton, d’après [MAR 96].
La durabilité au gel est exprimée à l’aide du facteur de durabilité calculé après 300 cycles accélérés
de gel-dégel selon la procédure ASTM C666. La durabilité est considérée non satisfaisante lorsque
le facteur de durabilité est inférieur à 60 %. La résistance à la compression a été mesurée à partir
d’éprouvettes cylindriques âgées de 28 jours. Les bétons d’usage courant (zone I) doivent toujours
être protégés par un bon réseau de bulles d’air pour résister à l’attaque des cycles rapides de gel-
dégel. Certains bétons à hautes performances (zone II) doivent généralement être protégés par un
bon réseau de bulles d’air. Seuls les bétons ayant une résistance à la compression de plus de 90 MPa
(zone 3) peuvent avoir une bonne résistance à la fissuration interne sans la protection de l’air entraîné.

3.2. Détérioration par écaillage


L’emploi de sels fondants accroît les dégradations sur les ouvrages durant les pé-
riodes hivernales. Ces dégradations se manifestent préférentiellement sous forme

423
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

d’écaillage (figure 10.2). L’écaillage de surface est pratiquement inexistant lors-


que l’exposition au gel-dégel se fait en l’absence de sels fondants. Pourquoi la du-
rabilité des bétons est-elle affaiblie lorsqu’il y a combinaison des influences des
cycles de gel-dégel et des sels fondants ? Une réponse pleinement satisfaisante
n’est pas encore donnée actuellement : nous allons indiquer l’état actuel des con-
naissances.
Il n’existe pas encore de modèle unifié en mesure d’expliquer le mode de destruc-
tion des surfaces de béton soumises à l’action combinée du gel et des sels fon-
dants. Quelques chercheurs ont déjà proposé des mécanismes plus ou moins
détaillés, mais ce phénomène semble particulièrement difficile à modéliser en rai-
son du grand nombre de paramètres gouvernant les processus d’écaillage.
Les sels fondants sont en contact immédiat avec les couches externes du béton qui
ont une texture différente de celle du cœur du béton. Les caractéristiques de la
peau du béton, dont l’épaisseur atteint 2 à 3 cm, sont liées à la mise en place (spé-
cialement à la finition) et à la cure du béton. Les propriétés de la peau sont influen-
cées par les méthodes de coffrage, la ségrégation, l’évaporation, la fissuration
excessive, etc. Il en résulte l’apparition de gradients, parfois importants, dans les
principales propriétés du béton lorsque l’on se déplace de la surface externe vers
le cœur de l’ouvrage. La peau du béton est en général plus poreuse que le cœur du
béton et, de ce fait, accessible à l’eau. Par ailleurs, au cours de son vieillissement,
les cycles de mouillage/séchage auxquels elle est soumise ne font qu’accroître sa
porosité et son degré de fissuration [BAR 05].
Les conditions d’exposition de la peau du béton sont très variables. Par exemple,
le degré de saturation de la peau peut passer de pratiquement 0 %, durant la saison
sèche à presque 100 %, durant la saison froide et humide. La concentration de sel
fondant en contact avec les surfaces exposées peut varier fortement à l’intérieur
de plages temporelles de quelques heures. Les surfaces en contact avec l’atmos-
phère sont soumises à des cycles thermiques qui peuvent être plus étendus et plus
brusques comparativement au cœur de l’élément de béton où les conditions cli-
matiques sont généralement plus tempérées. Enfin, le type de sel fondant choisi
(chlorure de sodium, chlorure de calcium, etc.) peut varier d’une région ou d’un
gestionnaire d’ouvrage à l’autre et surtout de la température : en dessous de –
10 °C le chlorure de sodium est inefficace, il faut alors absolument avoir recours
au chlorure de calcium.
Plusieurs types de produits chimiques peuvent causer l’écaillage. Verbek et
Klieger ont montré qu’on pouvait endommager la surface d’un béton non seule-
ment avec des sels fondants courants (NaCl, CaCl2) mais aussi avec des produits
qui ne cristallisent pas tels l’urée, l’éthanol et l’alcool éthylique [VER 57]. Les
connaissances actuelles indiquent que l’action des sels fondants est principale-

424
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

ment associée à une attaque physique plutôt qu’à une attaque chimique [VER 57].
Cependant, certains sels fondants contenant des sulfates solubles peuvent chimi-
quement endommager les éléments en béton.
Les sels fondants (NaCl) sont hygroscopiques, car ils abaissent la pression de va-
peur saturante de la solution interstitielle. Par conséquent, en pénétrant dans la po-
rosité capillaire des bétons, ils contribuent à augmenter le degré de saturation du
réseau poreux, ce qui accroît l’intensité des mécanismes de destruction par
écaillage [PIG 95, MAC 79]. Les sels fondants en solution dans la solution inters-
titielle ont aussi pour effet de diminuer la température de formation de la glace
(figure 10.22). Les sels fondants peuvent donc produire des effets favorables et
défavorables en regard des principaux mécanismes de destruction par écaillage.

–5
Température (°C)

– 10

– 15

– 20
0 5 10 15 20 25
Concentration de la solution de NaCl (%)

Figure 10.22 : relation entre la température de formation de la glace et la concentration


de la solution de chlorure de sodium, d’après [PIG 95].

L’intensité de l’écaillage n’est pas proportionnelle à la concentration des sels fon-


dants. La figure 10.23 indique que les concentrations relativement faibles sont les
plus dommageables. On observe un effet pessimum entre 3 % et 6 % selon les pro-
duits utilisés [MAR 99, VER 57].

425
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5
Chlorure de sodium

4
Béton sans air entraîné après 25 cycles

Sévérité de l'écaillage

3 Béton avec air entraîné après 200 cycles

1
Béton avec air entraîné
après 50 cycles

0
0 4 8 12 16
Concentration de la solution saline (% massique)

Figure 10.23 : influence de la concentration en NaCl sur l’écaillage, d’après [VER 57].
La sévérité de l’écaillage est exprimée à l’aide d’une cote visuelle. Une cote de 0 indique qu’il n’y a
aucun écaillage. Une cote de 5 indique un écaillage très sévère.

3.2.1. Mécanismes fondamentaux


Selon Browne et Cady, le modèle des pressions hydrauliques, proposé par
Powers, s’applique à certains mécanismes fondamentaux de la destruction par
écaillage [BRO 75]. Selon ce modèle, l’écaillage serait produit par des pressions
hydrauliques générées tout juste sous la surface exposée au gel-dégel. Près de la
surface, les pressions hydrauliques seraient plus intenses en raison d’un degré de
saturation très élevé qui favorise la formation d’une grande quantité de glace. Les
concentrations en sels fondants plus faibles sont les plus dommageables car elles
abaissent moins fortement la température de fusion de la glace.
En observant les débris en forme de minces flocons, Browne et Cady ont émis
l’hypothèse que les pressions hydrauliques maximales sont générées à une pro-
fondeur correspondant à peu près à l’épaisseur des « écailles ». De part et d’autre
de ce plan de rupture, les pressions sont plus faibles, car la concentration ionique
de la solution interstitielle au-dessus est plus grande ou parce que le degré de sa-
turation de la pâte au-dessous est moins élevé. Ce mécanisme de destruction n’ex-
plique pas complètement le processus de destruction par écaillage, car il ne

426
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

permet pas d’expliquer pourquoi le béton peut s’écailler même en présence de


produits qui n’augmentent pas de volume en gelant (alcool).
Selon Powers et Helmuth, le modèle des pressions osmotiques peut contribuer à
expliquer l’action néfaste des sels fondants [POW 53]. Les dommages sont prin-
cipalement engendrés près de la surface car les pressions osmotiques y sont plus
intenses en raison de la plus forte concentration en sels fondants. Selon Fagerlund,
l’écaillage pourrait être le résultat de l’action combinée de pressions hydrauliques
et osmotiques (figure 10.24) [FAG 75]. Cette approche permet notamment d’ex-
pliquer pourquoi les concentrations les plus agressives sont comprises entre 3 %
et 6 % : pour de faibles concentrations en sels fondants, les pressions internes se-
raient principalement d’origine hydraulique. La contribution des pressions osmo-
tiques serait nettement plus faible en raison de la faible concentration ionique de
la solution interstitielle. Lorsque la concentration en sels fondants augmente, les
pressions hydrauliques diminuent car la baisse de la température de fusion de la
glace diminue la quantité de glace formée. Inversement, l’augmentation de la con-
centration en sels fondants favorise l’augmentation des pressions osmotiques. La
somme des effets simultanés des pressions osmotiques et hydrauliques suggère
que des pressions internes maximales sont générées lorsque la concentration en
NaCl est approximativement de 2,5 % (figure 10.24).

Hydraulique + osmotique
Pression

Hydraulique

Osmotique

Concentration la plus agressive

0 2,5 5,0 7,5 10,0

Concentration de la solution de NaCl (%)

Figure 10.24 : courbes hypothétiques des pressions internes se développant


dans la porosité d’une pâte de ciment qui gèle, d’après [FAG 75].

Rösli et Harnik ont émis l’hypothèse que l’écaillage pourrait être engendré par un
mécanisme de choc thermique [RÖS 80]. Lorsque le sel est appliqué sur une surface
déjà glacée, il provoque une fusion brutale de la glace. C’est une réaction endother-

427
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

mique (335 kJ/kg) qui va puiser sa chaleur dans le matériau au contact, c’est-à-dire
dans la peau du béton. Celle-ci se refroidit brutalement et il apparaît un important
gradient thermique. En laboratoire, on a enregistré des chutes de température de 3,5
à 7,5 °C dans la peau de dalles de béton recouvertes de 1 à 4 mm de glace, et ceci
dans les cinq minutes suivant l’application du fondant (NaCl) [BER 71]. Des me-
sures effectuées in situ ont établi que ces chutes de température existent bien dans
les ouvrages mais que leur amplitude est plus faible. Dans la région de Zurich, les
chutes de température s’échelonnent de 0 à 4,3 °C [RÖS 77].
L’existence de ce gradient de température entraîne, puisque les raccourcissements
différentiels sont quasiment empêchés, l’apparition de contraintes internes répar-
ties suivant le schéma de la figure 10.25 [RÖS 80]. Dans ces conditions, des con-
traintes de traction atteignant 1,1 à 1,4 MPa peuvent s’établir en surface, et sont
susceptibles de créer des microfissures.
y
– 'T
y
Tension
Gradient thermique
Contraintes
internes
b=
1
Compression
Tension

Figure 10.25 : contraintes internes engendrées par un gradient thermique


à la surface du béton, d’après [RÖS 80].

Le mécanisme de destruction proposé par Rosli et Harnik montre comment peut


s’amorcer la fissuration de la surface du béton suite à l’action des sels fondants et
du gel. L’écaillage à proprement parler survient lorsque les microfissures sont for-
tement amplifiées par la formation de glace lors des cycles de gel-dégel subsé-
quents. Un des points faibles de ce modèle est qu’il ne permet pas d’expliquer
comment l’air entraîné peut contribuer à diminuer les dommages engendrés par
les sels fondants.
Des mesures sur des ouvrages régulièrement salés montrent que le profil de con-
centration des chlorures présente généralement un maximum à une profondeur
d’environ 1 cm sous la surface (figure 10.26) [RÖS 80]. La concentration maxi-
male n’est pas mesurée en surface, car les chlorures y sont lessivés par les préci-
pitations atmosphériques. Les gradients de concentration entraînent une variation
de la température de congélation de la solution interstitielle avec la profondeur.
En d’autres termes, pour une température de gel donnée, seule une couche serait
susceptible de geler [HAR 80]. Lorsque le gel survient, ce sont d’abord les cou-
ches contenant la moins grande teneur en ions qui gèlent en premier. Ces couches

428
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

sont situées, d’une part, tout près de la surface et, d’autre part, plus en profondeur.
Par conséquent, il existe une couche intermédiaire qui, à cause de sa forte teneur
en ions, gèle après les deux autres. Ce phénomène peut provoquer des tensions in-
ternes en raison de la dilatation différente des couches gelées et non gelées. De
plus, lorsque le gel parvient à la couche intermédiaire, une certaine quantité d’eau
ne peut être expulsée en raison de la faible perméabilité des deux couches voisines
qui sont déjà gelées.
Ce modèle du gel couche par couche n’explique pas tous les mécanismes associés
à l’écaillage. Il propose cependant une explication plausible qui fait intervenir la
présence prépondérante des ions en solution. Cependant, comme le modèle du
choc thermique, il ne parvient pas à expliquer le rôle protecteur des bulles d’air
entraîné.
0 Concentration en Cl–

§FP M

Profondeur

Figure 10.26 : concentration en ions chlorure à l’intérieur du béton


suite à plusieurs applications successives de sels fondants, d’après [RÖS 80].
Globalement, l’ensemble des modèles présentés suggère que la sévérité des dom-
mages résultant de l’action combinée des cycles de gel-dégel et des sels fondants
résulte principalement de la plus grande gélivité de la zone superficielle (porosité
élevée) et des conditions hivernales qui renforcent ses défauts en la maintenant
saturée, en la soumettant à des chocs thermiques et en créant des gradients de
concentration saline (osmose, gel par couche).

3.2.2. Principaux paramètres d’influence


3.2.2.1. Air entraîné et facteur d’espacement
Comme dans le cas de la fissuration interne, les caractéristiques du réseau de bul-
les d’air ont une grande influence sur la résistance à l’écaillage des bétons. Le ré-
seau de bulles d’air entraîné permet de diminuer l’intensité des pressions
hydrauliques et osmotiques engendrées par les cycles de gel-dégel en présence de

429
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

sels fondants. De nombreuses études en laboratoire ont montré que les bétons nor-
maux doivent toujours être protégés par un bon réseau de bulles d’air entraîné
pour pouvoir développer une bonne résistance à l’écaillage.
Les courbes de la figure 10.27 présentent des relations typiques entre le volume
d’air entraîné et la résistance à l’écaillage de bétons fabriqués avec un rapport E/C
compris entre 0,43 et 0,47. Ces données démontrent que la résistance à l’écaillage
du béton augmente avec le volume d’air entraîné. Un volume d’air entraîné compris
entre 4 % et 6 % est nécessaire pour pouvoir développer une résistance à l’écaillage
acceptable.

10

A
B Type d’agent
C entraîneur d’air
8
D
Écaillage après 56 cycles (kg/m2)

0
2 3 4 5 6 7

Teneur en air (%)


Figure 10.27 : influence du volume d’air entraîné et du type d’agent entraîneur d’air
sur la résistance à l’écaillage du béton, d’après [PET 93].
Ces résultats ont été obtenus en laboratoire avec des bétons fabriqués avec des rapports E/C compris
entre 0,43 et 0,47. Quatre types d’agents entraîneur d’air ont été utilisés pour produire le réseau de
bulles d’air entraîné. L’intensité de l’écaillage est exprimée en kg de débris par m2 de surface expo-
sée. L’écaillage maximum acceptable est de 1 kg de débris par m2.

Les courbes de la figure 10.27 indiquent que, pour un même volume d’air entraî-
né, la protection offerte par le réseau de bulles d’air peut varier en fonction du
type d’agent entraîneur d’air. Les agents entraîneur d’air les plus efficaces (types
A et B de la figure 10.27) produisent des bulles d’air plus petites. Le réseau de

430
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

bulles d’air offre alors une meilleure protection contre le gel, car les bulles d’air
sont plus nombreuses et plus rapprochées les unes des autres.
Le facteur d’espacement permet de prendre en compte la taille des bulles, car il ca-
ractérise la demi-distance moyenne séparant les bulles d’air. Comme dans le cas
de la fissuration interne, le facteur d’espacement est le meilleur indicateur du ni-
veau de protection du réseau de bulles d’air entraîné contre l’attaque par les sels
fondants. La figure 10.28 présente la résistance à l’écaillage des bétons de la figure
précédente en fonction du facteur d’espacement. On constate qu’il existe une rela-
tion beaucoup plus nette entre le facteur d’espacement des bulles d’air et la résis-
tance à l’écaillage : plus il est faible, meilleure est la résistance à l’écaillage.
Les données de la figure 10.28 montrent également que, dans le cas de l’écaillage,
il n’existe pas de facteur d’espacement critique en deçà duquel la destruction ne
se produit plus. On observe plutôt que l’efficacité de la protection augmente gra-
duellement à mesure que le facteur d’espacement diminue. Cependant, aussi fai-
ble soit-il (< 150 µm), l’écaillage n’est jamais nul.
7

6 1
Écaillage après 56 cycles (kg/m2)

2 Type d’agent
entraîneur d’air
5 3

0
0 50 100 150 200 250 300

Facteur d’espacement (μm)


Figure 10.28 : influence du facteur d’espacement des bulles d’air sur la résistance
à l’écaillage du béton, d’après [PET 93].

Pour des valeurs usuelles du rapport E/C (0,40-0,50), on trouve qu’un facteur
d’espacement inférieur à environ 200 µm offre généralement un niveau de protec-
tion suffisant pour prévenir la destruction par écaillage. En pratique, la validité de
cette limite de 200 µm a déjà été confirmée par de nombreux relevés de terrains
(figure 10.29).

431
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Détruit
5

4
Échelle de dégradation

12 Béton sain

Teneur en air entraîné (%)


3
Béton écaillé
10

2 8

4
1

0 0
Intact 200 400 600 800 200 400 600
Facteur d'espacement des bulles (μm) Facteur d'espacement des bulles (μm)

a) Trottoirs en béton en milieu urbain b) Ouvrages variés en béton


(Montréal), âgés de 4 à 8 ans. de la communauté urbaine de Québec.

Figure 10.29 : influence de la géométrie du réseau de bulles d’air entraîné


sur la vulnérabilité des bétons à l’écaillage, d’après [ATI 89] pour a et [FOU 87] pour b.
On n’observe pas, comme c’est le cas des dégradations internes par les cycles de gel-dégel, de fron-
tière nette entre bétons intacts et bétons dégradés qui soit liée à une valeur critique du facteur d’es-
pacement. Néanmoins, un facteur d’espacement inférieur à 200 micromètres permet de réduire
efficacement les dégradations.

Il faut noter que, dans le cas des bétons normaux (rapport E/C = 0,40-0,50), la pro-
tection contre l’écaillage requiert un facteur d’espacement inférieur à 200 µm
alors que la protection contre la fissuration interne requiert un facteur d’espace-
ment inférieur à 400 µm (tableau 10.1). Cette différence démontre, d’une part, la
plus grande sévérité des mécanismes d’attaque par écaillage et, d’autre part, que
la protection contre l’écaillage requiert généralement un réseau de bulles d’air de
meilleure qualité que celui requis pour la protection contre la fissuration interne.
Pour des valeurs usuelles du rapport E/C (0,40-0,50), un facteur d’espacement
inférieur à environ 200 µm offre généralement un niveau de protection suffisant
pour prévenir la destruction par écaillage. La plus grande sévérité des mécanis-
mes d’attaque par écaillage fait en sorte que la protection contre l’écaillage re-
quiert généralement un réseau de bulles d’air de meilleure qualité que celui
requis pour la protection contre la fissuration interne.

3.2.2.2. Influence du rapport E/C


Le rapport E/C est un des principaux paramètres conditionnant la structure de la
porosité capillaire. La baisse du rapport E/C diminue à la fois le volume total et
la dimension des pores capillaires. Par conséquent, elle contribue à améliorer la

432
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

résistance à l’écaillage en diminuant la quantité d’eau gelable, en augmentant la


résistance à la traction de la pâte et en diminuant la vitesse de pénétration des ions
chlorure.
La figure 10.30 résume l’influence du rapport E/C sur la résistance à l’écaillage
de bétons sans additions minérales [GAG 93]. Cette figure regroupe les résultats
de plusieurs études en laboratoire réalisées à partir de bétons avec et sans air en-
traîné. Les bétons avec air entraîné sont regroupés en deux familles : les bétons
protégés par un bon réseau de bulles d’air ( L < 250 µm) et ceux protégés par un
moins bon réseau de bulles d’air ( L > 250 µm).
Les données de la figure 10.30 confirment que pour des valeurs usuelles du rap-
port E/C (0,40-0,50), il est toujours nécessaire de prévoir un bon réseau de bulles
d’air entraîné ( L < 250 µm) pour protéger ces bétons contre l’attaque par les sels
fondants. On note aussi que l’utilisation d’un rapport E/C relativement élevé
(> 0,55) peut produire une durabilité à l’écaillage insuffisante même lorsque le
béton est protégé par un bon réseau de bulles d’air entraîné. Globalement, l’en-
semble des résultats montre que la baisse du rapport E/C augmente la résistance
à l’écaillage [MAR 99]. Dans le cas des bétons fabriqués avec un rapport E/C re-
lativement faible (≤ 0,40), l’air entraîné demeure généralement nécessaire pour
obtenir une résistance à l’écaillage acceptable. Cependant, certains bétons fabri-
qués avec un rapport E/C inférieur à 0,35 peuvent développer une bonne résistan-
ce à l’écaillage, même en présence d’un réseau de bulles d’air entraîné de moins
bonne qualité ( L > 250 µm). Il faut noter que seuls les bétons ayant un très faible
rapport E/C (0,25) sont en mesure de développer une bonne résistance en l’absen-
ce de toute protection d’un réseau de bulles d’air entraîné.
Pour un rapport E/L donné, le remplacement d’une partie du ciment par des addi-
tions minérales peut produire des effets favorables ou défavorables sur la résistan-
ce à l’écaillage. L’influence des additions minérales sur la résistance à l’écaillage
est présentée plus en détail au paragraphe 3.2.2.3.

433
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Masse des débris (kg/m2)


10 5
Béton avec air entraîné
8 4 L > 250 μm
> 10 kg/m2 L < 250 μm
6 3

4 2

2 Béton sans air entraîné 1

0 0
0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60

Rapport E/C

Figure 10.30 : influence du rapport E/C et de l’air entraîné sur la résistance à l’écaillage
du béton, d’après [GAG 93].
La résistance à l’écaillage des bétons sans additions minérales est exprimée par la masse des débris
après 50 cycles de gel-dégel en présence de sels fondants. La résistance à l’écaillage est considérée
acceptable lorsque la masse de débris est inférieure à 1 kg/m2. Les bétons à air entraîné sont regrou-
pés en deux familles définies selon la qualité du réseau de bulles d’air entraîné :
L < 250 µm : bon réseau de bulles d’air entraîné ;
L > 250 µm : moins bon réseau de bulles d’air entraîné.

3.2.2.3. Influence des additions minérales


Comme dans le cas de la fissuration interne, les additions minérales (fumées de
silice, laitiers et cendres volantes) peuvent modifier la durabilité à l’écaillage en
raison de leurs effets sur la maturité du béton et sur la structure de la porosité ca-
pillaire (porosité totale et taille des pores). L’influence des additions minérales est
variable en fonction du type d’addition et du taux de remplacement du ciment.
De nombreuses études en laboratoire ont montré que les bétons de résistances nor-
males, contenant moins de 10 % de fumée de silice en remplacement du ciment,
résistent très bien à l’écaillage lorsqu’ils sont protégés par un bon réseau de bulles
d’air entraîné [GAG 93]. Au Canada, des ciments binaires contenant environ 8%
de fumée de silice sont commercialisés depuis la fin des années quatre-vingt. Les
performances en service de ce type de liant indiquent une excellente résistance à
l’écaillage des bétons à air entraîné protégés par un bon réseau de bulles d’air.
Lorsqu’elle est utilisée à des taux de remplacement de 8 % et moins, la fumée de
silice a généralement pour effet d’améliorer la résistance à l’écaillage. La
figure 10.31 synthétise des résultats de plusieurs études portant sur la durabilité à
l’écaillage de bétons avec et sans air entraîné contenant tous de la fumée de silice
[GAG 93]. Les résultats démontrent que les bétons avec fumée de silice à air entraî-
né possèdent une excellente résistance à l’écaillage, quel que soit le rapport E/L.
L’influence favorable de la fumée de silice sur la résistance à l’écaillage est parti-
culièrement évidente dans le cas des bétons à faible rapport E/L sans air entraîné.
En effet plusieurs bétons avec fumée de silice ayant un rapport E/L compris entre

434
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

0,25 et 0,30 peuvent développer une bonne résistance à l’écaillage sans la protec-
tion d’un réseau de bulles d’air entraîné (figure 10.31) alors que ce n’est pas le cas
des bétons similaires mais ne contenant pas de fumée de silice (figure 10.30).

> 10 kg/m2
Masse des débris (kg/m2)

Béton avec air entraîné


3 Béton sans air entraîné

0
0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45

Rapport E/L

Figure 10.31 : influence du rapport E/L et de l’air entraîné sur la résistance à l’écaillage
de bétons, avec fumée de silice [GAG 93].
La résistance à l’écaillage des bétons avec 8% de fumée de silice est exprimée par la masse des dé-
bris après 100 cycles de gel-dégel en présence de sels fondants. La résistance à l’écaillage est con-
sidérée acceptable lorsque la masse de débris est inférieure à 1 kg/m2. Ces résultats expérimentaux
indiquent que plusieurs bétons avec fumée de silice ayant un rapport E/L compris entre 0,25 et 0,30
peuvent développer une bonne résistance à l’écaillage sans la protection d’un réseau de bulles d’air
entraîné alors que ce n’est pas le cas des bétons similaires mais ne contenant pas de fumée de silice
(figure 10.30).

De nombreuses études en laboratoire indiquent que les bétons avec cendres vo-
lantes (ASTM C618 Type F – obtenues de la combustion de l’anthracite ou du
charbon bitumineux ou ASTM C618 Type C – produites à partir de lignite ou de
charbon sub-bitumineux) ont une moins bonne durabilité à l’écaillage que les bé-
tons de référence ne contenant pas de cendres volantes [WHI 87, BIL 91,
KLE 87]. Une étude exhaustive de Bouzoubaâ et al. a montré que les taux de rem-
placement de 25 % et 35 % produisent une durabilité à l’écaillage inacceptable
(débris > 2,5 kg/m2) lorsque les bétons sont soumis à l’essai d’écaillage en labo-
ratoire selon la norme ASTM C672 (figure 10.32) [BOU 03]. Leurs résultats mon-
trent aussi que la méthode d’essai en laboratoire a une grande influence sur la
résistance à l’écaillage des bétons avec cendres volantes. Par exemple, la méthode
d’essai accélérée de la norme québécoise B NQ 2621-900 (§ 5.3.1) produit une
durabilité à l’écaillage satisfaisante, même pour des teneurs en cendres volantes
de 25 % et de 35 % du liant [BOU 03]. L’étude de Bouzoubaâ et al. a clairement

435
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

démontré que l’utilisation d’un produit de cure, appliqué à la surface du béton


frais, améliore très significativement la résistance à l’écaillage des bétons avec
cendres volantes soumis aux essais accélérés en laboratoire (figure 10.32).
4
Mûrissement humide de 14 jours

Produit de cure
Écaillage après 50 cycles (kg/m2)
3

2
Limite de 0,8 kg/m2
(Ontario, Canada)

0
Béton 25 % 35 % 25 % 35 %
de cendres cendres laitier laitier
référence volantes volantes

Figure 10.32 : influence des cendres volantes, du laitier et du type de mûrissement


sur la résistance à l’écaillage du béton, d’après [BOU 03].
La résistance à l’écaillage est mesurée à l’aide de la procédure normalisée ASTM C672. Pour chaque
type de bétons, une série d’éprouvettes ont été conservées dans l’eau pendant 14 jours puis séchées
pendant 14 jours dans une atmosphère à 50 % d’humidité relative. Une autre série d’éprouvettes ont
été mûries pendant 28 jours avec un produit de cure vaporisé sur la surface du béton frais. L’utilisation
d’un produit de cure améliore très significativement la résistance à l’écaillage des bétons avec cen-
dres volantes soumis aux essais accélérés en laboratoire.

Les causes de la moins bonne résistance à l’écaillage des bétons avec cendres vo-
lantes ne sont pas encore parfaitement comprises. Deux principales hypothèses
ont été proposées pour tenter d’expliquer cette moins bonne durabilité. Les essais
accélérés normalisés en laboratoire (ASTM C672) recommandent une durée de
mûrissement humide relativement courte (14 jours) ne permettant pas aux cendres
de participer à la densification de la pâte avant la première exposition au gel et
aux sels fondants. Par conséquent, au cœur du béton et particulièrement près de
la surface, seul le ciment Portland participe à l’hydratation durant les premiers
jours ou les premières semaines. Lorsque le taux de remplacement dépasse envi-
ron 25 %, il semble que l’hydratation du ciment Portland, à lui seul, ne permette
pas de produire une pâte de ciment en mesure de développer une bonne résistance
à l’écaillage, même en présence d’un bon réseau de bulles d’air. L’allongement
de la période de mûrissement (28 jours) avant la première exposition aux sels fon-
dants ne produit pas nécessairement une amélioration significative de la résistan-
ce à l’écaillage [BOU 03]. Cependant, un mûrissement humide de 180 jours

436
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

produit une amélioration très significative de la résistance à l’écaillage des bétons


avec cendres volantes [BOU 03]. Pigeon et al. [PIG 96] ont proposé une autre hy-
pothèse pour tenter d’expliquer l’effet défavorable des cendres volantes sur la ré-
sistance à l’écaillage. Leur étude microstructurale a montré que la pâte près de la
surface (1 à 2 mm) des bétons avec cendres volantes présente souvent une forte
porosité qui amplifie probablement les mécanismes de destruction par écaillage.
Cette plus forte porosité pourrait résulter du ressuage plus important des bétons
contenant des cendres volantes.
Contrairement aux conclusions obtenues en laboratoire, plusieurs études de la per-
formance en service de structures en béton contenant des cendres volantes indi-
quent que leur résistance à l’écaillage est généralement satisfaisante [BOU 05,
THO 97, LAN 98]. Au Québec, des bétons contenant 25 % et 35 % de cendres vo-
lantes ont été utilisés pour construire des trottoirs sévèrement exposés à des cycles
de gel-dégel en présence de sels fondants [BOU 03, BOU 05]. Après plus de 4 an-
nées de service, l’analyse de la performance en service indique que les bétons à air
entraîné avec cendres volantes (25 % et 35 %) ont une bonne résistance à l’écailla-
ge, quoique parfois légèrement inférieure à celle du béton de référence [BOU 05].
La performance en service confirme que l’utilisation d’un produit de cure filmo-
gène, appliqué à la surface du béton frais, permet d’éliminer presque totalement
l’écaillage des bétons avec cendres volantes. Globalement, la comparaison des du-
rabilités à l’écaillage en laboratoire et en service suggère que l’essai accéléré de la
norme ASTM C672 tend à sous estimer la résistance à l’écaillage alors que l’essai
d’écaillage de la norme B NQ 2621-900 semble nettement mieux en mesure de
prédire la performance réelle des bétons avec cendres volantes [BOU 03].
La résistance à l’écaillage des bétons avec laitiers a fait l’objet d’un nombre limité
d’études. Les travaux de Bouzoubaâ et al. ont montré que le remplacement de 25 %
et de 35 % du ciment par un laitier diminue très légèrement la résistance à l’écailla-
ge des bétons avec air entraîné [BOU 03]. Après 50 cycles de geldégel selon la nor-
me ASTM C672, les masses de débris sont comprises entre 0,9 et 1,4 kg/m2, ce qui
est tout juste au-dessus de la limite de 0,8 kg/m2 imposée par le ministère des Trans-
ports de la province canadienne de l’Ontario (figure10.32). Globalement, l’aug-
mentation de la teneur en laitier a diminué la résistance à l’écaillage [BOU 03].
L’influence défavorable du laitier sur la résistance à l’écaillage a également été dé-
montrée par les travaux de Saric-Coric et Aïtcin qui ont étudié la durabilité au gel
de bétons à hautes performances fabriqués avec un rapport E/L de 0,35 et des te-
neurs en laitiers comprises entre 0 % et 80 % [SAR 03]. Après 50 cycles de gel-
dégel selon la procédure ASTM C672, comportant 14 jours de mûrissement humi-
de, tous les bétons avec laitier ont produit des débris dont la masse totale était su-
périeure à la limite maximale de 0,5 kg/m2 du ministère des Transports de la

437
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

province de Québec. Les bétons contenant 20 % et 30 % de laitiers avaient une mas-


se de débris tout juste au-dessus de la limite (0,6-0,7 kg/m2) alors que ceux conte-
nant 50 % et 80 % de laitier avaient des masses de débris comprises entre 1,8 et
2,5 kg/m2. Les travaux de Saric-Coric et Aïtcin ont clairement démontré que la plus
faible résistance à l’écaillage des bétons avec laitier testés en laboratoire était es-
sentiellement due à la durée trop courte du mûrissement (14 jours) ne permettant
pas à la pâte en surface de développer tout son potentiel de durabilité. En effet, l’uti-
lisation d’un mûrissement humide de 28 jours, avant de soumettre les bétons à la
procédure normalisée ASTM C672, a permis de produire des bétons avec laitiers
(0-80 %) possédant tous une très bonne résistance à l’écaillage (débris < 0,5 kg/m2).
Contrairement au cas des cendres volantes, l’utilisation d’un produit de cure filmo-
gène n’améliore pas la résistance à l’écaillage des bétons avec laitier; ce type de
mûrissement a plutôt pour effet d’augmenter légèrement la masse des débris
(figure 10.32).
Comme pour le cas des bétons avec cendres volantes, la durabilité à l’écaillage
des bétons avec laitiers à air entraîné en service peut être tout à fait satisfaisante
malgré une performance inacceptable lors des essais normalisés d’écaillage en la-
boratoire [HOO 00, BOU 03]. Au Québec, des bétons contenant 25 % et 35 % de
laitiers ont été utilisés pour fabriquer des trottoirs sévèrement exposés à des cycles
de gel-dégel en présence de sels fondants [BOU 03]. Après plus de 4 années de
service, l’analyse de la performance indique que les bétons à air entraîné avec lai-
tier (25 % et 35 %) avaient une très bonne résistance à l’écaillage.
Contrairement aux conclusions obtenues en laboratoire, plusieurs études de la
performance en service de bétons contenant des cendres volantes ou des laitiers
indiquent que leur résistance à l’écaillage est généralement satisfaisante lors-
qu’ils sont adéquatement protégés par un bon réseau de bulles d’air entraîné.

3.2.2.4. Influence du mûrissement, des produits de cure et du séchage


L’allongement de la période de mûrissement a généralement des effets favorables
sur la résistance à l’écaillage en favorisant la formation d’une pâte de ciment plus
imperméable et moins poreuse. Cependant, dans le cas des bétons d’usage courant
ne contenant pas d’additions minérales, l’allongement de la période de mûrisse-
ment humide au-delà de 14 ou 28 jours, ne produit qu’une amélioration marginale
de la résistance à l’écaillage des bétons testés en laboratoire. Certains types de bé-
tons à hautes performances à air entraîné peuvent développer une excellente ré-
sistance à l’écaillage malgré une durée de mûrissement humide de seulement 3
jours [GAG 93, GAG 91].

438
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

L’influence des produits de cure sur la résistance à l’écaillage peut être très varia-
ble en fonction du type de produit et du type de bétons sur lequel ils sont appli-
qués. Les travaux de Bouzoubaâ et al. ont montré que dans le cas d’un béton
normal, l’utilisation d’un produit de cure engendre une masse des débris environ
deux fois plus importante que celle obtenue avec un mûrissement humide de
14 jours (figure 10.32). Comparativement au mûrissement humide, il diminue
également la durabilité à l’écaillage des bétons avec laitiers. À l’inverse, le pro-
duit de cure peut avoir des effets très favorables sur la résistance à l’écaillage des
bétons avec cendres volantes [BIL 98, KLE 87].
3.2.3. Résistance à l’écaillage des bétons spéciaux
La formulation des bétons spéciaux se distingue généralement de celle des bétons
conventionnels au niveau du dosage des matières cimentaires, du rapport E/L et
des adjuvants. Les effets des matériaux cimentaires et du rapport E/L sur la résis-
tance à l’écaillage des bétons spéciaux sont fondamentalement les mêmes que
ceux déjà été présentés aux paragraphes 3.2.2.1 à 3.2.2.3. Quelques résultats spé-
cifiques permettant de mieux comprendre la résistance à l’écaillage des bétons
autoplaçants et des bétons à hautes performances sont présentés ci-après.
3.2.3.1. Bétons autoplaçants
Comme nous l’avons déjà écrit au paragraphe 3.1.7.1, la formulation des bétons
autoplaçants a comme principale particularité de comporter une plus grande pro-
portion volumique de pâte. Cette caractéristique de formulation n’est pas un pa-
ramètre majeur des mécanismes fondamentaux de destruction par écaillage. Par
conséquent, la durabilité à l’écaillage des bétons autoplaçants n’est pas fonda-
mentalement différente de celle des bétons d’usage courant [PER 03, KHA 00].
Il faut cependant noter que certains agents de viscosité peuvent diminuer légère-
ment la résistance à l’écaillage de bétons autoplaçants fabriqués avec un ciment
Portland normal [KHA 95].
Des études en laboratoire ont confirmé que des bétons autoplaçants à air entraîné
fabriqués avec différent types de liants (ciment Portland normal, liant avec 3 %
de fumée de silice, liant avec 3 % de fumée de silice et 20 % de cendres volantes)
possèdent une excellente résistance à l’écaillage lorsque le rapport E/L est infé-
rieur à 0,41 [KHA 00, BEA 99]. Depuis 1997, le ministère des Transports du Qué-
bec a utilisé de nombreuses formulations de bétons autoplaçants pour la
construction d’ouvrages routiers en béton armé exposés aux cycles de gel-dégel
en présence de sels fondants [HOV 00]. Tous les bétons autoplaçants avaient une
résistance à la compression à 28 jours d’au moins 35 MPa et un volume d’air en-
traîné compris entre 5 % et 8 %. Le facteur d’espacement des bulles d’air était in-
férieur à 250 µm. Les rapports E/L étaient compris entre 0,35 et 0,40. Plusieurs

439
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

types de liants ont été utilisés dont notamment un ciment Portland normal, un liant
avec 8% de fumée de silice, un liant avec 5 % de fumée de silice et 30 % de laitier
et un liant avec 5 % de fumée de silice 20 % de cendres volantes. Tous les bétons
autoplaçants contenant de la fumée de silice ont développé une excellente résis-
tance à l’écaillage selon la procédure ASTM C672. Seul le béton autoplaçant fa-
briqué avec le ciment Portland normal s’est fortement écaillé en laboratoire
(débris = 1,8 kg/m2). En service, tous ces bétons ont développé une excellente du-
rabilité à l’écaillage [HOV 00].
3.2.3.2. Bétons à hautes performances
Les bétons à hautes performances ont un rapport E/L plus faible qui contribue à
produire une pâte de ciment peu poreuse et imperméable généralement en mesure
de développer une très bonne résistance à l’écaillage. La résistance à l’écaillage
des bétons à hautes performances à air entraîné (rapport E/L ≤ 0,35) est habituel-
lement excellente [GAG 93, GAG 91, BAR 05].
L’effet bénéfique de la baisse du rapport E/L sur la résistance à l’écaillage a déjà
été présenté au paragraphe 3.2.2.2. On a notamment montré qu’un facteur d’espa-
cement inférieur à 200 µm est généralement nécessaire pour protéger un béton
d’usage courant (rapport E/C = 0,45) contre l’écaillage. Pour un rapport E/L de
0,30, un facteur d’espacement de 500 µm peut être suffisant pour obtenir une du-
rabilité à l’écaillage acceptable (figure 10.33). Certains bétons à hautes perfor-
mances, notamment ceux contenant de la fumée de silice, sont même en mesure
de résister à l’écaillage malgré un facteur d’espacement supérieur à 750 µm
[GAG 96, GAG 90].
La durabilité à l’écaillage de plusieurs types de BHP utilisés pour la construction
d’ouvrages d’art en France a fait l’objet d’une étude approfondie par le groupe
« Durabilité BHP 2000 » [BAR 02, BAR 99]. Les résultats indiquent que, dans la
plupart des cas, les BHP ne nécessitent pas l’utilisation d’un entraîneur d’air pour
présenter un bon comportement vis-à-vis des cycles accélérés de gel en présence
de sels de déglaçage (procédure XP P18-420). Cependant, certaines formulations
de BHP sans air entraîné se sont avérées non durables. Ces résultats tendent à con-
firmer le caractère non systématique de la durabilité à l’écaillage des BHP sans air
entraîné [BAR 05]. La comparaison de la durabilité à l’écaillage de BHP sans air
entraîné en condition in situ avec celle obtenue par des essais normalisés en labo-
ratoire (XP P18-420) a montré que le comportement (classement) en laboratoire
correspond plutôt bien à celui observé après cinq ans en condition in situ
[BAR 00].

440
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

8
E/L = 0,30
7 E/C = 0,43-0,47 [Petersson, 1993]
Masse des débris (kg/m2)
6

0
0 250 500 750 1 000 1 250 1 500
Facteur d’espacement (μm)

En pratique, avant d’autoriser la mise en place d’un béton sans air entraîné forte-
ment exposé à des cycles de gel-dégel en présence de sels fondants, il convient de
toujours de valider la durabilité à l’écaillage par des essais de laboratoire.
Figure 10.33 : influence du rapport E/L et du facteur d’espacement sur la résistance
à l’écaillage de bétons avec sans fumée de silice [GAG 96].
Les bétons à hautes performances ont été fabriqués avec un rapport E/L de 0,30. Certains bétons à
hautes performances ont été fabriqués avec un ciment contenant 8% de fumée de silice. La résistance
à l’écaillage, mesurée selon la procédure ASTM C672, est considérée comme acceptable lorsque la
masse des débris après 50 cycles est inférieure à 1 kg/m2. Pour un rapport E/L de 0,30, un facteur
d’espacement de 500 µm est tout à fait suffisant pour obtenir une durabilité à l’écaillage acceptable.

4. L’ENTRAÎNEMENT D’AIR DANS LES BÉTONS


Tous les bétons contiennent un volume plus ou moins important de bulles d’air.
Ces bulles d’air sont essentiellement formées lors du malaxage du béton frais.
Dans le béton durci, elles forment un réseau macroporeux stabilisé par la solidi-
fication de la pâte de ciment. En l’absence d’adjuvant ou de contaminant entraî-
neur d’air, le volume total des bulles d’air est généralement compris entre 1 % et
3 % du volume du béton. Des adjuvants entraîneurs peuvent être utilisés pour aug-
menter le volume d’air du béton (4 % à 10 %). D’autres types d’adjuvants (super-
plastifiants, réducteurs d’eau) peuvent posséder une fonction secondaire
d’entraînement d’air. Dans les climats froids, l’utilisation d’agent entraîneur d’air
est recommandée dans presque tous les bétons, notamment dans ceux exposés à
des cycles de gel-dégel et à des sels fondants. En plus de protéger efficacement le
béton contre ces attaques, l’entraînement d’air peut influencer d’autres propriétés
du béton frais et durci.

441
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.1. Types et modes d’action des adjuvants entraîneurs d’air


Les pales des bétonnières, en malaxant la masse du béton frais, créent des vortex
qui introduisent des bulles d’air dans la pâte. Cependant, ces bulles fusionnent fa-
cilement en bulles plus grosses qui sont alors soumises à une poussée d’Archimè-
de importante, et viennent crever en surface. Par la suite, la vibration expulse la
majorité des bulles résiduelles. Il en résulte que dans un béton durci courant, fa-
briqué sans entraîneur d’air, on mesure de faibles volumes d’air (< 2 %). Les bul-
les d’air ainsi produites sont relativement grosses, car leur diamètre est
généralement compris entre quelques centaines de micromètres et quelques mil-
limètres. Il s’agit, la plupart du temps, d’un réseau impropre à assurer une protec-
tion efficace contre l’attaque du béton par les cycles de gel-dégel.
Les adjuvants entraîneurs d’air stabilisent les bulles engendrées lors du malaxage
du béton frais. En s’opposant à la coalescence des bulles, ils favorisent la forma-
tion de bulles à la fois plus nombreuses et plus petites. Les bulles d’air entraîné
ont généralement un diamètre compris entre 5 et 100 µm. En jouant sur la nature
et sur le dosage de l’entraîneur d’air, on dispose d’un outil puissant pour régler les
caractéristiques du réseau de bulles d’air entraîné dans le béton (figure 10.34).
50

E/C = 0,70
Volume d'air en % du volume total

40

30
E/C = 0,50

20

10 E/C = 0,40

0
0,2 0,4 0,6 0,8 1,0

Résine Vinsol en % du ciment


Figure 10.34 : influence du dosage en adjuvant entraîneur d’air et du rapport E/C
sur le volume d’air dans une pâte de ciment, d’après [POW 68].
Deux conclusions essentielles sont à retenir de l’examen de cette figure :
(i) en jouant sur le dosage en adjuvant, on peut ajuster le volume d’air entraîné V ;
(ii) le domaine de variation de V, pour des teneurs réalistes en adjuvant, est imposé par les caracté-
ristiques de la pâte de ciment, ici le rapport E/C.

442
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Les adjuvants entraîneurs d’air sont des molécules organiques, de composition


chimique très variables, qui ont des propriétés surfactantes. Leurs molécules com-
portent une extrémité polaire hydrophile reliée à une chaîne hydrophobe. Les ad-
juvants entraîneurs d’air peuvent être de type anionique, cationique ou non ionique
selon la charge portée par l’extrémité hydrophile de leurs molécules. Les pôles hy-
drophobe et hydrophile des molécules font en sorte qu’elles peuvent s’adsorber
aux interfaces air/eau ou ciment/eau. Cette adsorption abaisse fortement la tension
superficielle air/eau dont la valeur peut passer de 0,072 N/m à 0,018 N/m. Plus la
concentration du surfactant augmente plus la tension de surface de la solution di-
minue. Le résultat pratique est que l’adjuvant entraîneur d’air favorise la stabilisa-
tion de bulles d’air plus petites car l’abaissement de la tension superficielle permet,
pour une énergie de malaxage donnée, de créer des interfaces plus étendues.
Deux principaux mécanismes ont été proposés pour expliquer la fonction stabili-
satrice des adjuvants entraîneurs d’air. La partie hydrophile (chargée électrique-
ment) de certaines molécules d’adjuvant entraîneur d’air peut se fixer solidement
sur les grains de ciment, qui dès le premier contact avec l’eau, se recouvrent d’une
fine couche d’hydrates portant une charge positive (figure 10.35). Les bulles d’air
sont alors maintenues éloignées les unes des autres en plus d’être ancrées à la pha-
se solide de la suspension. D’après Kreijger, c’est ce mécanisme qui s’oppose à
la coalescence des bulles et à leur ascension vers la surface [KRE 67].
Les adjuvants entraîneurs d’air stabilisent les bulles engendrées lors du malaxa-
ge du béton frais. En s’opposant à la coalescence des bulles, ils favorisent la for-
mation de bulles à la fois plus nombreuses et plus petites. En jouant sur la nature
et sur le dosage de l’entraîneur d’air, on dispose d’un outil puissant pour régler
les caractéristiques du réseau de bulles d’air entraîné dans le béton.

– – – –
– – + – –
+ +
–+ C –
+ Air
Air + + –
– – – –
– –
– – – – –
– ++ + + –
+ + – Air
– –+ C + –
C
– + +– – ++–
+ –
– –

Figure 10.35 : bulles d’air ancrées aux grains de ciment sous l’action des molécules
d’un adjuvant entraîneur d’air anionique, d’après [KRE 67].

443
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’autre mécanisme de stabilisation des bulles d’air se fonde sur le principe que
certains types d’adjuvants entraîneurs d’air produisent, au contact de la solution
interstitielle de la pâte de ciment, un précipité insoluble et hydrophobe, qui forme
une membrane à l’interface eau/air [MIE 58]. Les bulles d’air sont alors recouver-
tes d’un film suffisamment épais et solide pour engendrer un effet stérique qui fa-
vorise la dispersion et qui s’oppose à la coalescence des bulles.
La formation d’un film continu et plus ou moins imperméable à la surface des bul-
les pourrait également favoriser la formation des plus petites bulles d’air (5 à
10 µm de diamètre). Ces très petites bulles d’air sont thermodynamiquement plus
instables car leur petit diamètre engendre une forte pression capillaire qui favorise
la dissolution du gaz dans la solution interstitielle. Ramachandran a calculé que
les bulles d’air ayant un diamètre de moins de 4 µm ne peuvent exister car elles
sont complètement dissoutes dans la solution [RAM 95]. La formation d’un film
à la surface des bulles diminue la perméabilité et ralentit la diffusion du gaz au
travers de la paroi de la bulle. Les très petites bulles d’air sont alors thermodyna-
miquement plus stables. L’analyse microscopique du béton durci tend à confirmer
que les plus petites bulles d’air ont un diamètre de l’ordre de 5 µm.
4.2. Caractéristiques du réseau de bulles d’air
4.2.1. Principales caractéristiques du réseau de bulles d’air
Nous avons déjà vu que la qualité d’un réseau de bulles d’air entraîné peut être
évaluée à partir de trois paramètres principaux : le volume total, la surface volu-
mique moyenne et l’espacement des bulles d’air dans le réseau. La mesure du vo-
lume total des bulles (V), exprimé en pourcentage du volume total du béton,
permet d’apprécier la qualité générale du réseau de bulles d’air entraîné. Des mé-
thodes d’essais normalisées peuvent être utilisées pour déterminer le volume d’air
total à partir d’échantillons de béton frais ou durci (§ 4.2.2). Par exemple, avant
la mise en place du béton au chantier, l’utilisation d’un aéromètre permet de vé-
rifier rapidement si le volume d’air contenu dans le béton frais est conforme aux
exigences du devis. Le volume d’air contenu dans un béton sans air entraîné est
généralement inférieur 3 % du volume total. Celui des bétons à air entraîné est va-
riable en fonction des exigences spécifiques de durabilité. Il est généralement
compris entre 4 % et 10 %.
Le volume total d’air ne donne aucune mesure directe de la dimension et de l’es-
pacement des bulles d’air. Par exemple, un vide de 50 litres rempli d’air situé au
centre d’un cube de 1m de côté ne protège évidemment pas ce m3 de béton contre
les effets des cycles de gel et dégel. L’espacement des bulles d’air est un paramè-
tre très important gouvernant l’intensité des pressions internes engendrées par le
gel de la pâte de ciment (§ 3.1.5). La mesure du facteur d’espacement des bulles

444
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

d’air, L , permet de caractériser l’espacement moyen des bulles d’air à partir de


l’observation au microscope d’une surface de béton polie (§ 4.2.2). Le calcul de
L prend en compte à la fois le volume et la dimension des bulles d’air. Le facteur
d’espacement des bulles est le meilleur indicateur de la protection offerte par le
réseau de bulles d’air puisqu’il correspond approximativement à la demi-distance
séparant les parois de deux bulles voisines du réseau supposé régulier (figure
10.36). Le facteur d’espacement d’un béton sans air entraîné est généralement su-
périeur à 700 µm. Celui d’un béton bien protégé par un bon réseau de bulles d’air
entraîné est généralement compris entre 100 et 200 µm.

Bulle d'air


L
– –
L L –
L

Pâte de ciment

Figure 10.36 : représentation schématique du facteur d’espacement des bulles d’air.


Les deux réseaux de bulles occupent 30% du volume total de la pâte. Malgré un volume total identi-
que, la demi distance séparant deux bulles d’air voisines ( L ) est nettement plus faible lorsque l’air est
contenu dans des petites bulles. Pour un même volume total, le réseau constitué de petites bulles of-
fre donc une bien meilleure protection contre la destruction par les cycles de gel-dégel.

La surface volumique moyenne du réseau de bulles d’air, α, correspond au rapport


entre la surface et le volume d’une bulle d’air de dimension moyenne (le réseau de
bulles d’air est supposé régulier). Cette grandeur, exprimée en mm–1 est notamment
déterminée lors du calcul du facteur d’espacement des bulles d’air. Plus la dimen-
sion des bulles d’air diminue, plus la surface volumique augmente. Les agents en-
traîneur d’air, qui favorisent la formation de petites bulles, produisent des réseaux
de bulles d’air dont la surface volumique moyenne est généralement supérieure à
25 mm–1. La surface volumique moyenne des bulles d’air d’un béton ne contenant
pas d’agent entraîneur d’air est généralement inférieure à 20 mm–1. Dans la prati-
que, on recommande une valeur de α supérieure à 25 mm–1 [ATI 89]. La
figure 10.37 montre que le respect de cette exigence permet généralement de produi-
re des facteurs d’espacement inférieurs à 200 µm [SAU 91].

445
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

50

40
Surface volumique D (mm–1)

30


D•PP–1 L 200 μm

20

10

0
0 200 400 600 800

Facteur d’espacement des bulles d’air L (μm)

Figure 10.37 : relation entre le facteur d’espacement et la surface volumique


des bulles d’air, d’après [SAU 91].

Le facteur d’espacement d’un béton sans air entraîné est généralement supé-
rieur à 700 µm. Celui d’un béton bien protégé par un bon réseau de bulles d’air
entraîné est généralement compris entre 100 et 200 µm.

4.2.2. Méthodes d’essais


Les méthodes pressiométriques sont les plus couramment utilisées pour mesurer
rapidement le volume d’air. Les procédures normalisées EN 12350-7, ASTM
C231 et CSA A23.2-4C utilisent un aéromètre qui donne une mesure directe du
volume d’air contenu dans le béton frais. Ce type de mesure est basé sur le prin-
cipe qu’une pression appliquée à la surface d’un béton frais engendre la compres-
sion du volume gazeux contenu dans le réseau de bulles d’air (les phases liquides
et solides sont considérées incompressibles). Le volume d’air total peut être esti-
mé à partir de la chute de pression ou le changement de volume mesuré lors de
l’essai. Les différents types d’appareils de mesure du volume d’air dans le béton
frais comportent un manomètre ou une échelle graduée devant faire l’objet de pro-
cédures de calibrage spécifiques et régulières. Les méthodes pressiométriques
(aéromètre) ne doivent pas être utilisées pour mesurer le volume d’air des bétons
contenant des granulats légers ou très poreux. Pour ces types de bétons, les nor-
mes EN 206-1 et CSA A23.1 recommandent la procédure normalisée ASTM
C173. Cette procédure, plus longue et plus complexe, permet d’obtenir une me-

446
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

sure du volume d’air total qui exclut l’air pouvant être contenu dans la porosité
connectée des granulats. Elle est fréquemment utilisée pour mesurer le volume
d’air dans les mortiers.
Certaines caractéristiques du réseau de bulles d’air (surface volumique, facteur
d’espacement) ne peuvent être obtenues directement à partir d’un échantillon de
béton frais. On peut cependant les déterminer à partir d’observations au micros-
cope de sections polies taillées dans le béton durci (environ 100 × 100 × 20 mm).
En général, un béton âgé d’au moins trois jours permet de produire des surfaces
polies adéquates pour l’observation microscopique. La procédure normalisée
ASTM C457 décrit le mode opératoire et les méthodes de calcul du volume d’air
total (V), de la surface spécifique moyenne des bulles d’air et du facteur d’espa-
cement des bulles d’air ( L ). L’observation microscopique des sections polies doit
être effectuée par un opérateur confirmé. Celui-ci doit pouvoir identifier rapide-
ment, de manière objective et répétitive, les différentes phases du béton (pâte de
ciment, granulats et bulles d’air) apparaissant derrière un repère gravé dans un des
oculaires du microscope. La qualité du polissage a une importance majeure sur la
fiabilité des résultats. L’ouvrage de Pigeon et Pleau [PIG 95] présente en détail le
principe de la mesure, le mode opératoire, les procédures de calcul ainsi qu’une
discussion sur la variabilité et la reproductibilité des résultats.
Cette brève revue des méthodes d’essais montre que deux types d’approches peu-
vent être utilisés pour déterminer le volume d’air entraîné : les méthodes pressio-
métriques, à partir du béton frais, et la méthode microscopique à partir du béton
durci. Les travaux de Saucier et al. ont permis de comparer les volumes d’air me-
surés dans le béton frais et dans le béton durci [SAU 91]. Les données de leur étu-
de proviennent de plus de 80 formulations de bétons fabriqués en laboratoire et
en chantier (rapport E/C = 0,45). Les données de la figure 10.38 montrent qu’il
peut exister fréquemment des écarts de 2 % entre les valeurs mesurées dans le bé-
ton frais et dans le béton durci. L’écart tend à s’accroître lorsque le volume d’air
devient supérieur à environ 8 %.

447
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

16

lité
'éga
Volume d'air du béton frais (%)
ned
12 Lig

0 4 8 12 16

Volume d'air du béton durci (%)

Figure 10.38 : comparaison des volumes d’air entraîné mesurés sur le béton frais,
puis sur le béton durci, d’après [SAU 91].
La courbe moyenne (M), obtenue par la méthode des moindres carrés, coïncide assez bien avec la
ligne d’égalité dans le domaine le plus courant (5-7 %), mais peut s’en écarter notablement aux va-
leurs extrêmes.

4.3. Production du réseau de bulles d’air entraîné


La formulation d’un béton à air entraîné nécessite un travail préalable de mise au
point en laboratoire et sur le site de production. La démarche consiste à sélection-
ner et à doser l’adjuvant entraîneur d’air de manière à produire un réseau de bulles
d’air dont le volume total et le facteur d’espacement soient conformes aux exigen-
ces spécifiées. Il faut également vérifier la stabilité du réseau de bulles d’air pour
s’assurer qu’il ne sera pas significativement modifié lors du transport, du pompa-
ge et de la mise en place du béton frais (§ 4.4). Le paragraphe 5.2.3 résume les
caractéristiques du réseau de bulles d’air spécifiées en fonction du type et des con-
ditions d’exposition du béton.
Il n’existe pas de règles simples et précises permettant de choisir le type et le do-
sage de l’adjuvant entraîneur d’air. La grande diversité des produits actuellement
disponibles (résines de vinsol, sels sulfonés d’hydrocarbures, acides gras, déter-
gents synthétiques, etc.) et les très nombreux paramètres de formulation et de
mise en œuvre affectant la production du réseau de bulles d’air entraîné ne per-
mettent pas de suggérer des dosages précis pour produire les caractéristiques du
réseau de bulles d’air spécifiées. Le processus de formulation d’un béton à air en-
traîné doit débuter à partir des dosages recommandés dans la notice d’utilisation

448
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

de l`adjuvant entraîneur d’air. Le choix du dosage optimal dépend notamment des


matériaux utilisés (ciment, additions minérales, granulats, autres adjuvants), du
rapport E/C, de la méthode de malaxage et des conditions de mise en œuvre (tem-
pérature, vibration, etc.).
Des gâchées d’essais, en laboratoire ou sur le site de production, sont nécessaires
pour pouvoir déterminer le dosage optimal de l’agent entraîneur d’air. On admet
au départ que, toutes choses égales par ailleurs, l’augmentation du dosage de l’ad-
juvant entraîneur d’air engendre une augmentation du volume d’air. Il faut cepen-
dant prendre en compte que l’accroissement du volume d’air engendre une baisse
de la résistance à la compression et une augmentation de la maniabilité. Il peut
alors être nécessaire de diminuer le rapport E/C, ou d’ajuster le dosage en eau, pour
pouvoir satisfaire les spécifications de maniabilité et de résistance mécanique.
La production d’un volume d’air entraîné conforme aux spécifications ne garantit
pas la conformité du facteur d’espacement des bulles d’air. Cependant, les adju-
vants entraîneur d’air commerciaux sont soumis à des normes spécifiques qui exi-
gent notamment la confirmation de leur aptitude à produire un facteur
d’espacement inférieur à 200 µm sur béton de référence (EN 480-1) conformé-
ment au tableau 5 de la norme EN 934-2, ou à protéger efficacement le béton con-
tre les cycles de gel-dégel (ASTM C233, ASTM C260). Le volume d’air entraîné
qui permet d’obtenir un facteur d’espacement de 200 µm est variable en fonction
du type de produit, du type de béton et des équipements de production. La
figure 10.39 présente un ensemble de résultats expérimentaux qui illustrent la re-
lation entre le facteur d’espacement et le volume d’air [SAU 91]. Pour un volume
d’air donné, il n’existe pas qu’une seule valeur du facteur d’espacement. Cette va-
riabilité est due à la dimension moyenne des bulles d’air qui peut notamment
changer en fonction du type d’adjuvant entraîneur d’air et de la méthode de ma-
laxage. Les données de la figure 10.38 montrent que pour les plages usuelles de
spécification du volume d’air (de 4 % à 8 %), le facteur d’espacement peut varier
de 100 µm à 400 µm. C’est pour cette raison que la vérification expérimentale du
facteur d’espacement est généralement exigée dans le cas des bétons sévèrement
exposés aux cycles de gel-dégel.

449
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

800

Facteur d'espacement des bulles, L (μm)


600

I II III

400

200

0
0 3 4,5 6 8,5 9 12

Volume d'air du béton frais (%)

Figure 10.39 : facteur d’espacement en fonction de la teneur en air du béton frais,


d’après [SAU 91].
Il existe trois régions bien marquées :
I : une valeur satisfaisante du facteur d’espacement (supposée fixée à 200 µm) n’est jamais atteinte,
II : zone d’incertitude où le facteur d’espacement peut varier entre 100 et 400 µm,
III : le facteur d’espacement est toujours inférieur à 200 µm.

Le type et le dosage de l’adjuvant entraîneur d’air ne sont pas les seuls paramè-
tres contrôlant la production du réseau de bulles d’air. Deux groupes de facteurs
ont une influence décisive : les paramètres de composition du béton et les condi-
tions de fabrication.

4.3.1. Influence des paramètres de formulation


4.3.1.1. Type d’adjuvant entraîneur d’air
Les caractéristiques physico-chimiques (composition moléculaire, concentration)
des adjuvants entraîneur d’air commerciaux peuvent être différentes d’un produit
à l’autre. Il est donc très important de consulter la fiche technique pour connaître
les plages de dosage recommandées pour obtenir le volume d’air souhaité. Les
travaux de Pigeon et al. [PIG 89], Plante et al. [PLA 89], et Saucier et al.
[SAU 91] ont montré que la nature chimique de l’adjuvant entraîneur d’air peut
avoir une grande influence sur la production et la stabilité du réseau de bulles
d’air entraîné. Globalement, leurs résultats indiquent que l’efficacité relative des
différents types de produits testés (résine de vinsol, hydrocarbures sulfonés, dé-
tergents synthétiques) est très variable en fonction du type du ciment, des addi-
tions minérales, des superplastifiants et de la température.

450
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

4.3.1.2. Ciment et rapport E/C


Plus un ciment est broyé finement, plus il faut une grande quantité d’adjuvant pour
produire un même volume de bulles. Pour une même quantité de ciment, une plus
grande finesse augmente la quantité d’adjuvant adsorbée sur les surfaces solides. Par
conséquent, il reste moins d’adjuvant entraîneur d’air disponible pour produire et sta-
biliser les bulles d’air [DU 05]. L’accroissement peut être de l’ordre de 75 % à 100 %
quand la surface spécifique du ciment passe de 300 à 500 m2/kg (Blaine) [KOS 04].
L’activité chimique du ciment semble se manifester surtout par ses alcalis mais
les résultats obtenus ne sont pas concordants. Smaoui et al. ont montré qu’une
augmentation de la teneur en alcalis du ciment (de 0,6 % à 1,25 % Na2Oeq.) en-
gendre une légère augmentation du volume d’air (+ 0,5 %) pour des bétons avec
et sans air entraîné [SMA 05]. Selon Plante et al. l’utilisation d’un ciment riche
en alcalis a peu d’effet sur la production de l’air entraîné mais il améliore la sta-
bilité du réseau de bulles des bétons à air entraîné [PLA 89].
Pour des bétons de résistance courante et pour un dosage constant de l’adjuvant
entraîneur d’air (exprimé par rapport à la masse de ciment), le volume d’air en-
traîné diminue quand le dosage en ciment augmente (figure 10.40). Par exemple,
pour maintenir une teneur en air constante, lorsque le dosage en ciment passe de
230 kg/m3 à 360 kg/m3, il peut être nécessaire de doubler le dosage de l’adjuvant
entraîneur d’air [KOS 04].

10

Ciment Portland normal


Affaissement : 50 à 80 mm
8
Volume d'air entraîné (%)

222 kg/m3
6

306 kg/m3
4

388 kg/m3
2

0
10 14 20 28 40 56
Diamètre maximal du gros granulat (mm)

Figure 10.40 : relation entre la dimension maximale du granulat, le dosage en ciment


et la teneur en air du béton, d’après [KOS 04].
Pour un dosage fixe de l’adjuvant entraîneur d’air, le volume d’air entraîné dépend du dosage en ci-
ment et du diamètre maximal du gros granulat. À maniabilité constante le volume d’air augmente
quand le dosage en ciment diminue.

451
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Pour certains auteurs, ce n’est pas le dosage en ciment qui importe, mais le rapport
E/C (figure 10.34). L’influence du rapport E/C est notamment reliée à la consis-
tance du béton. La baisse du rapport E/C provoque une augmentation du seuil de
cisaillement et de la viscosité de la pâte. Selon Du et Folliard, l’augmentation du
seuil de cisaillement et de la viscosité de la pâte engendre une « barrière énergique
» qui s’oppose à la formation des bulles d’air [DU 05].
4.3.1.3. Consistance et superplastifiant
Dans le cas des bétons sans superplastifiant, les variations de consistance sont es-
sentiellement dues aux modifications du rapport E/C. À quantité constante d’ad-
juvant entraîneur d’air, le volume d’air entraîné augmente lorsque l’affaissement
passe de 75 mm à 150 mm. Au-delà de 150 mm, il peut diminuer en raison de
l’instabilité croissante des grosses bulles d’air qui remontent vers la surface
[DOD 90].
Les superplastifiants peuvent augmenter ou diminuer le volume d’air entraîné en
fonction de la nature chimique de l’adjuvant et de l’affaissement du béton. Les su-
perplastifiants à base de naphtalène tendent à augmenter le volume d’air alors que
ceux à base de mélamine peuvent diminuer ou n’avoir pas d’effet sur le volume
d’air entraîné [KOS 04]. Des essais de chantier ont montré que certains superplas-
tifiants à base de polycarboxylates possèdent une fonction secondaire d’entraîne-
ment d’air. Ils peuvent augmenter très fortement le volume d’air entraîné
(> 10 %), notamment lors de l’agitation durant le transport [GAG 04].
Les superplastifiants tendent généralement à augmenter la dimension moyenne
des bulles d’air entraîné [PIG 89, PLA 89]. Par conséquent, pour un volume d’air
donné, l’ajout de superplastifiant tend à augmenter le facteur d’espacement du ré-
seau de bulles d’air. Pour certaines combinaisons ciment/adjuvant entraîneur
d’air, le facteur d’espacement peut passer de moins de 200 µm, avant l’ajout de
superplastifiant à près de 400 µm, après l’ajout de superplastifiant [PLA 89]. Cela
confirme bien que des études préalables en laboratoire ou des essais sur le site de
production en usine sont indispensables.
4.3.1.4. Addition minérales
L’influence des additions minérales sur la production du réseau de bulles d’air en-
traîné varie considérablement en fonction de la dimension des particules, de leur
réactivité, de leur composition chimique et de leur taux d’addition dans le béton.
La fumée de silice, lorsque utilisée à des dosages de 5 % et 10 % de la masse du
liant, a relativement peu d’effet sur la production du réseau de bulles d’air entraî-
né [PIG 89]. La fumée de silice peut provoquer une légèrement augmentation de
la surface volumique (bulles plus petites) et une légère augmentation du volume

452
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

d’air entraîné. L’augmentation du volume d’air ne se produit que lorsqu’un super-


plastifiant est utilisé pour compenser la plus grande demande en eau des liants
avec fumée de silice [PIG 89].
L’utilisation de cendres volantes diminue fortement l’efficacité des adjuvants en-
traîneur d’air. Les travaux de Zhang ont montré que les bétons avec cendres vo-
lantes peuvent nécessiter des dosages en adjuvant entraîneur d’air jusqu’à cinq
fois plus élevés que ceux qui sont normalement recommandés dans les bétons fa-
briqués avec un ciment Portland normal [ZHA 96]. Plusieurs caractéristiques
physico-chimiques particulières des cendres volantes sont souvent mises en cause
pour expliquer ce phénomène [DU 05]. Au niveau physique, la surface spécifique
des cendres volantes est généralement légèrement supérieure à celle du ciment
Portland. Une plus grande quantité d’adjuvant entraîneur d’air peut alors être ad-
sorbée à la surface des particules de cendres volantes. Les cendres volantes peu-
vent contenir des cénosphères et des plérosphères qui contribuent à augmenter
l’adsorption de l’adjuvant entraîneur d’air. Au niveau chimique, les cendres vo-
lantes contiennent du carbone fortement adsorbant qui neutralise partiellement
l’adjuvant entraîneur surtout s’il est sous forme de suie [DU 05]. La capacité d’ad-
sorption du carbone dépend notamment de la taille, de la chimie de surface et de
la forme des sites actifs [DU 05]. Malgré ces interactions, plus ou moins sévères
en fonction des caractéristiques physico-chimiques particulières des cendres vo-
lantes, il est généralement possible de produire un réseau de bulles d’air dont le
volume total et le facteur d’espacement respectent les exigences habituelles pour
la protection contre les cycles de gel-dégel [BOU 03, LAN 89, ZHA 96].
Les laitiers de haut-fourneau diminuent l’efficacité des adjuvants entraîneur d’air
[SAR 03, FER 90]. Pour un volume d’air entraîné donné, la demande en adjuvant
entraîneur d’air augmente avec le dosage en laitier. Les travaux de Saric-Coric et
Aïtcin ont montré que des bétons fabriqués avec des liants contenant 50 % et 80 %
de laitier requièrent des dosages en adjuvant entraîneurs d’air de 2 à 4 fois plus
élevés que ceux utilisés en l’absence de laitier [SAR 03]. Selon Saric-Coric et Aït-
cin, la plus grande demande en adjuvant entraîneur d’air des bétons avec laitier
découle de leur plus faible production d’ions Ca2+. Ces ions, qui forment des sels
insolubles avec les extrémités hydrophiles de l’adjuvant entraîneur d’air, inter-
viennent dans le mécanisme de stabilisation des bulles d’air.
4.3.1.5. Granulats
La forme, la texture des particules, la granulométrie et la proportion volumique du
squelette granulaire influencent les mécanismes de cisaillement et la formation de
vortex lors du malaxage du béton [DU 05]. À maniabilité constante et pour un do-
sage fixe de l’adjuvant entraîneur d’air, l’augmentation de la dimension maximale

453
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

du gros granulat engendre une diminution du volume d’air entraîné (figure 10.40).
Pour un dosage constant en ciment et en adjuvant entraîneur d’air, le volume d’air
entraîné augmente avec l’accroissement de la proportion de granulats fins dans le
béton. Les particules ayant un diamètre compris entre 160 µm et 630 µm ont un
effet favorable sur l’entraînement d’air. L’augmentation de la proportion de parti-
cules de moins de 160 µm diminue significativement le volume d’air entraîné
[DU 05]. Les granulats fins contaminés par des huiles ou des matières organiques
peuvent engendrer d’importantes variations du volume d’air entraîné (§ 4.3.1.6).
4.3.1.6. Eau de gâchage et contaminants
L’eau potable, utilisée comme eau de gâchage, n’a pas d’effet significatif sur l’en-
traînement d’air car elle contient relativement peu d’impuretés. En revanche, les
eaux de gâchage contenant certaines impuretés organiques ou inorganiques peu-
vent avoir des effets favorables ou défavorables sur l’entraînement d’air. Par
exemple, les eaux contenant des algues favorisent l’entraînement et la stabilisa-
tion des bulles d’air alors que les fortes teneurs en ions Ca2+ et Mg2+ que l’on re-
trouve dans les eaux de lavage des camions malaxeur et dans les eaux très dures
nuisent à l’entraînement d’air [DU 05].
Les réseaux de bulles d’air partiellement ou entièrement produits par des conta-
minants (dans l’eau de gâchage ou dans les granulats) offrent généralement une
mauvaise protection contre les cycles de gel-dégel. Malgré un volume d’air par-
fois acceptable (> 5 %), ces réseaux de bulles d’air sont constitués de grosses bul-
les d’air instables et dont le facteur d’espacement peut être très supérieur à la
valeur de 200 µm généralement recommandée pour la protection contre les effets
des cycles de gel-dégel. Dans un tel cas, il faut commencer par désentraîner ces
grosses bulles pour ensuite entraîner de petites bulles.
4.3.1.7. Autres adjuvants
Les adjuvants entraîneur d’air peuvent entrer en interaction physico-chimique
avec d’autres adjuvants du béton (réducteur d’eau, superplastifiant, retardateur et
accélérateur de prise). Les interactions sont souvent associées à l’apport d’élec-
trolytes inorganiques ou de molécules organiques polaires contenus dans les ad-
juvants pouvant être utilisés simultanément avec l’entraîneur d’air [DU 05]. Les
travaux de Pigeon et al. [PIG 89], Plante et al. [PLA 89] et Saucier et al. [SAU 91]
ont démontré que des incompatibilités chimiques peuvent diminuer très significa-
tivement l’efficacité de l’adjuvant entraîneur d’air, tant du point de vue de la pro-
duction que de la stabilité du réseau de bulles d’air. La grande complexité et la
diversité des structures moléculaires des adjuvants ne permettent pas de formuler
des recommandations spécifiques permettant d’éviter les combinaisons incompa-
tibles. Néanmoins, les fiches techniques des adjuvants peuvent indiquer des in-

454
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

compatibilités entre certains types de produits. En l’absence de données, la


compatibilité des adjuvants doit généralement être vérifiée expérimentalement.
4.3.1.8. Fibres
Les fibres peuvent avoir des effets défavorables sur la production et la stabilité du
réseau de bulles d’air [BAL 88]. Dans le béton frais, l’entrecroisement des fibres
et du squelette granulaire s’oppose à la formation de vortex et aux cisaillements
intergranulaires. Du point de vue de l’entraînement d’air, ce phénomène diminue
l’efficacité du malaxage. L’effet de l’ajout de fibres varie beaucoup en fonction
de la séquence d’introduction dans le malaxeur. L’incorporation des fibres, en
même temps que les autres ingrédients du béton, diminue fortement l’efficacité
de l’adjuvant entraîneur d’air. Un surdosage de plus de 50 % peut être nécessaire
pour compenser la perte d’efficacité du malaxage. Avec ce type de séquence de
malaxage, l’influence défavorable sur l’entraînement d’air s’accroît avec la lon-
gueur, la rigidité et le dosage des fibres. Les fibres ont généralement un effet
beaucoup moins défavorable lorsqu’elles sont ajoutées tardivement, en fin de ma-
laxage, et après la production d’un réseau de bulles d’air approprié. Les travaux
de Balaguru et Ramakrishnan ont démontré qu’il est possible de produire un ré-
seau de bulles d’air de bonne qualité ( L < 200 µm) dans des bétons contenant
44 kg/m3 de fibres d’acier à crochets de 50 mm de longueur [BAL 88].
Les réseaux de bulles d’air partiellement ou entièrement produits par des con-
taminants (dans l’eau de gâchage ou dans les granulats) offrent généralement
une mauvaise protection contre les cycles de gel-dégel. Malgré un volume d’air
parfois acceptable (> 5 %), ces réseaux de bulles d’air sont constitués de grosses
bulles d’air instables.

4.3.2. Influence des conditions de mise en œuvre


4.3.2.1. Mode de malaxage
Le type de malaxeur influence les mécanismes d’emprisonnement et de disper-
sion (fractionnement/coalescence) des bulles d’air dans le béton frais. Les para-
mètres de malaxage (durée, vitesse, couple, compression, tension, cisaillement,
pétrissage, etc.) gouvernent la vitesse de production et la dimension des bulles
d’air [DU 05]. L’efficacité du processus de malaxage est aussi fonction de la
quantité relative de béton dans le malaxeur. Des charges trop faibles ou trop im-
portantes peuvent diminuer très significativement l’intensité des processus de ci-
saillement ou la formation de vortex dans le béton frais. L’usure des pales du
malaxeur diminue la dispersion de l’air et allonge le temps de malaxage nécessai-
re pour produire un réseau de bulles d’air donné.

455
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.3.2.2. Température
L’augmentation de la température du béton engendre une diminution du volume
d’air entraîné. Pour pouvoir maintenir le volume d’air constant, il faut augmenter
le dosage de l’adjuvant entraîneur d’air. Le facteur d’espacement tend alors à di-
minuer. Par contre, si le dosage de l’adjuvant est diminué pour tenir compte d’une
diminution de température du béton, le facteur d’espacement risque d’augmenter.
Des mécanismes physico-chimiques relativement complexes ont été proposés
pour tenter d’expliquer la perte d’efficacité des adjuvants entraîneur d’air consé-
cutive à une augmentation de la température [DU 05]. Ce phénomène, encore mal
compris, fait l’objet d’explications parfois discordantes.
4.4. Stabilité du réseau de bulles d’air entraîné
La stabilité est une caractéristique importante du réseau de bulles d’air initiale-
ment entraîné lors du malaxage. L’agitation durant le transport du béton frais, les
ajouts d’eau et d’adjuvants sur chantier, le pompage et la vibration peuvent pro-
voquer l’échappement des bulles vers la surface et le fusionnement des petites
bulles pour en former de plus grosses. La perte d’air et la formation de grosses
bulles diminuent la protection offerte par le réseau de bulles d’air en augmentant
le facteur d’espacement des bulles. En pratique, pour pouvoir assurer une protec-
tion au gel adéquate du béton en place, il est important que les caractéristiques du
réseau de bulles d’air (volume total, surface volumique et facteur d’espacement)
soit stables, de la fin du malaxage jusqu’à la prise du béton.
4.4.1. Influence du transport du béton frais
L’agitation et les chocs imposés lors du transport du béton frais peuvent engen-
drer des variations du volume et du facteur d’espacement du réseau de bulles d’air
entraîné. Les agents entraîneur d’air commerciaux sont conçus pour pouvoir pro-
duire et stabiliser le réseau de bulles d’air durant les opérations normales de trans-
port et de mise en place du béton. Saucier et al. ont mesuré l’évolution des
caractéristiques du réseau de bulles d’air de bétons à air entraîné entre la fin du
malaxage à la centrale de béton prêt à l’emploi et la mise en place sur le chantier
[SAU 90]. Les caractéristiques du réseau de bulles d’air ont été mesurées dans le
béton durci après 15, 25, 70 et 90 minutes suivant le premier contact eau/ciment.
Les bétons ont été produits dans un malaxeur stationnaire ou dans des camions
malaxeurs. Deux types d’adjuvants entraîneur d’air, deux types de superplasti-
fiants et trois ciments ont été étudiés. Leurs résultats montrent qu’en l’absence de
superplastifiant, les deux types d’adjuvants entraîneur d’air ont produit des ré-
seaux de bulles d’air stables durant le transport (malaxage à vitesse lente) et la
mise en place. L’ajout de superplastifiant à l’usine peut parfois déstabiliser le ré-

456
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

seau d’air en provoquant une augmentation ou une diminution du volume d’air


entraîné et du facteur d’espacement. Les réseaux de bulles d’air les plus instables
sont obtenus avec les plus faibles dosages en adjuvant entraîneur d’air. Les résul-
tats démontrent qu’une augmentation du volume d’air durant le transport (ma-
laxage à vitesse lente) n’a pas toujours pour effet de diminuer le facteur
d’espacement des bulles. Dans certains cas, le volume d’air augmente mais la sur-
face volumique des bulles diminue (bulles plus grosses), ce qui a peu d’influence
sur le facteur d’espacement (figure 10.41). Globalement, les résultats indiquent
que les mesures du volume d’air entraîné ne permettent pas de prédire l’évolution
du facteur d’espacement. Il n’a pas été possible d’expliquer pourquoi certaines
combinaisons adjuvant entraîneur d’air/superplastifiants peuvent produire des ré-
seaux de bulles d’air instables. Les auteurs suggèrent de vérifier expérimentale-
ment la stabilité du réseau de bulles d’air après toutes modifications du type et du
dosage des adjuvants.

7 400 Superplastifiant A
Facteur d'espacement (μm)

Superplastifiant B
Volume d'air (%)

6 Sans superplastifiant

Superplastifiant A
5 300
Superplastifiant B

4
Sans superplastifiant

3 200
0 15 30 45 60 75 90 0 15 30 45 60 75 90
Temps d’échantillonage (min) Temps d’échantillonage (min)

Figure 10.41 : évolution, en fonction du temps, du volume d’air et du facteur


d’espacement de bétons avec et sans superplastifiant, d’après [SAU 90].
Les caractéristiques du réseau de bulles d’air du béton durci ont été mesurées à la fin du malaxage
et jusqu’à 90 minutes après le premier contact eau-ciment. Tous les bétons ont été dosés en usine
puis malaxés dans des camions à tambour malaxeur. Le béton sans superplastifiant et celui avec le
superplastifiant A ont des réseaux de bulles d’air instables. Les résultats indiquent notamment que les
variations du volume d’air entraîné ne permettent pas de prédire l’évolution du facteur d’espacement.

4.4.2. Influence de la vibration et du mode de mise en place


Hover et Phares ont étudié l’influence de différents modes de mise en place sur les
caractéristiques du réseau de bulles d’air de bétons contenant environ 8 % d’air
[HOV 96]. Des dalles sur sol ont été coulées en utilisant quatre méthodes de mise en
place : déversement à partir de la chute du camion malaxeur, pompage (deux confi-
gurations), déversement à l’aide d’une benne et déversement à l’extrémité d’un con-
voyeur. Dans tous les cas, une règle vibrante a été utilisée pour araser la surface des
dalles. Globalement les mesures des caractéristiques du réseau de bulles d’air dans

457
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

le béton frais et durci indiquent que les méthodes de mise en place ont relativement
peu d’effet sur le volume d’air. Les variations du volume d’air sont exprimées par
rapport au volume d’air mesuré dans le béton prélevé à la chute du camion malaxeur.
Le pompage à l’aide d’une configuration permettant la chute libre du béton dans la
dernière section verticale engendre une perte d’air comprise entre 0,5 % et 2 % (va-
leur absolue). L’utilisation d’un conduit souple, formant une demi-boucle à l’extré-
mité de la partie verticale du conduit de la pompe, permet de diminuer la perte d’air.
L’utilisation d’une benne engendre une perte d’air comprise entre 0,5 % et 1 %. La
perte d’air associée à l’utilisation d’un convoyeur est comprise entre 1 % à 1,5 %.
L’arasement de la surface à l’aide d’une règle vibrante ajoute une perte d’air d’en-
viron 0,5 %. Malgré ces pertes, dans tous les cas, le réseau de bulles d’air dans les
dalles de béton possédait un facteur d’espacement inférieur à 200 µm.
Lessard et al. ont montré qu’une configuration de pompage utilisant des tubes repo-
sant sur un sol horizontal n’affecte pas significativement le volume d’air et le facteur
d’espacement [LES 96]. L’utilisation de tronçons verticaux, permettant une chute li-
bre du béton dans le tube, engendre des pertes d’air relativement faibles (1 %) mais le
facteur d’espacement peut fortement augmenter en passant de 180 µm à plus de
300 µm. L’utilisation d’un étranglement à l’extrémité du dernier tronçon vertical em-
pêche la chute libre du béton dans le tube. Cette approche permet de diminuer consi-
dérablement l’accroissement du facteur d’espacement lors des opérations de
pompage. L’augmentation du facteur d’espacement mesuré avec les configurations
comportant des tronçons verticaux résulte principalement de la coalescence des bulles
et des forces d’impact générées lors de la décompression et de la chute libre du béton
dans la section verticale du tube de pompage. De plus, les fortes pressions de pompage
favorisent la dissolution des plus petites bulles d’air dans la solution interstitielle
[PLE 95].
Les bulles d’air entraîné d’un réseau stable sont en équilibre dans le béton frais.
Le pompage et les méthodes de mise en place peuvent créer des pressions, des
vibrations et des déformations qui modifient l’état d’équilibre des bulles d’air.
Des bulles peuvent alors fusionner ou s’échapper vers la surface, ce qui diminue
la protection offerte par le réseau de bulles d’air en contribuant à augmenter son
facteur d’espacement.
Le volume d’air entraîné diminue avec la durée de vibration interne
(figure 10.42). La perte d’air est plus importante dans les bétons ayant un plus
grand affaissement et un plus grand volume d’air initial. Une vibration bien utili-
sée engendre généralement une perte d’air relativement faible. Dans ce cas, l’air
perdu résulte de l’échappement de grosses bulles habituellement indésirables du
point de vue de la résistance mécanique et de la durabilité au gel-dégel. La perte

458
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

des grosses bulles a relativement peu d’effet sur le facteur d’espacement des bul-
les d’air.
9

7
Volume d'air entraîné (%) Affaissement 140 mm
6

5
95 mm
4

3
45 mm
2

1
0 10 20 30 40 50
Durée de la vibration (s)
Figure 10.42 : relation entre l’affaissement, la durée de vibration et la teneur en air
du béton, d’après [KOS 04].
Les bétons à air entraîné ont été consolidés à l’aide d’un vibrateur de 25 mm de diamètre. Ils ont tous
été fabriqués avec le même dosage d’adjuvant entraîneur d’air. Plus la durée de vibration est longue,
plus la perte d’air est importante. La perte d’air s’accroît avec l’affaissement.

4.4.3. Influence d’un ajout d’eau


Pigeon et al. ont étudié l’influence d’un ajout d’eau sur la stabilité du réseau de
bulles d’air entraîné de bétons produits en laboratoire et en usine [PIG 90]. Envi-
ron 45 minutes après le premier contact eau/ciment, un ajout d’eau d’environ
10 litres par m3 a été effectué de manière à faire passer l’affaissement de 50 mm
à environ 100 mm. Les résultats indiquent que l’ajout d’eau dans un béton à air
entraîné produit avec un dosage approprié d’un agent entraîneur d’air à base de
détergent synthétique ou d’hydrocarbures sulfonés, n’a pas d’effet significatif sur
le facteur d’espacement des bulles d’air. Cependant, l’ajout d’eau engendre sou-
vent une faible augmentation du volume d’air entraîné mais surtout une baisse de
résistance mécanique.
4.5. Entraînement d’air dans les bétons spéciaux
4.5.1. Bétons à hautes performances
Il est tout à fait possible de produire un réseau de bulles d’air entraîné stable dans
un béton à hautes performances. Il importe cependant que l’usine soit équipée de
systèmes de dosage (eau, ciment, adjuvants) précis et bien calibrés et d’un ma-
laxeur (en centrale ou en camion) puissant et bien entretenu. Des gâchées d’essais

459
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

sont nécessaires pour déterminer les dosages et vérifier la compatibilité des adju-
vants (entraîneur d’air, superplastifiant, retardateur de prise). Les dosages d’adju-
vants entraîneur d’air peuvent être de 2 à 3 fois plus élevés que ceux qui sont
normalement recommandés dans les bétons de résistance courante. L’agent entraî-
neur d’air doit être introduit en même temps que le sable et l’eau, au tout début de
la séquence de malaxage. L’ouvrage de Aïtcin contient de nombreuses recomman-
dations sur la production des bétons à hautes performances à air entraîné [AÏT 01].
Aïtcin et Lessard ont suivi la production de deux bétons à hautes performances à
air entraîné utilisés pour construire deux ponts au Québec [AÏT 94]. Les bétons
ont été dosés en usine puis malaxés dans des camions à toupie. Dans les deux cas,
la résistance caractéristique spécifiée était de 60 MPa. Les bétons ont été fabri-
qués avec un liant contenant 8 % de fumée de silice et avec un rapport E/L com-
pris entre 0,29 et 0,30. Les résistances moyennes à 28 jours sont comprises entre
75 et 81 MPa. Les spécifications incluaient notamment un volume d’air entraîné
de 5,5 ± 1,5 %, un facteur d’espacement moyen inférieur à 230 µm (aucune valeur
supérieure à 260 µm) et un affaissement de 180 ± 40 mm. L’analyse des résultats
porte sur 23 échantillonnages pour le premier pont et 43 pour le second. Pour les
deux projets, toutes les spécifications préconisées ont pu être respectées. Les fac-
teurs d’espacement moyens étaient de 190 µm et 185 µm avec des coefficients de
variation de 17 % et 19 % respectivement.
4.5.2. Bétons autoplaçants
De nombreuses études en laboratoire et plusieurs projets de construction ont dé-
montré qu’il est possible de produire des bétons autoplaçants à air entraîné com-
portant un réseau de bulles stable et pouvant offrir une protection adéquate contre
l’attaque par les cycles de gel-dégel [KHA 95, KHA 00, HOV 00]. Cependant,
certaines formulations de bétons autoplaçants peuvent produire un réseau de bul-
les d’air instable en raison de leur grande fluidité et d’une viscosité parfois trop
faible [KHA 02]. L’agitation (durant le transport) ou le pompage favorisent
l’échappement ou le fusionnement des bulles, ce qui peut produire un facteur
d’espacement supérieur aux spécifications habituelles.
Khayat et Assaad ont démontré qu’il est possible de stabiliser un réseau de bulles
d’air entraîné dans différents types de bétons autoplaçants produits avec ou sans
agents de viscosité [KHA 02]. La stabilité a notamment été évaluée durant une pé-
riode de 95 minutes suivant le premier contact eau ciment. L’utilisation d’un
agent de viscosité peut augmenter par un facteur de 2 à 4 la demande en adjuvant
entraîneur d’air nécessaire pour produire un facteur d’espacement stable et infé-
rieur à 200 µm. Les liants contenant des cendres volantes peuvent aussi contribuer
à augmenter la demande en adjuvant entraîneur d’air. Des réseaux de bulles d’air
instables ont été obtenus avec les bétons contenant un dosage en matières cimen-

460
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

taires relativement faible (360 kg/m3) et un fort dosage en superplastifiant ainsi


qu’avec ceux ayant un étalement relativement élevé (640 ± 10 mm) [KHA 02].
Au Canada, des bétons autoplaçants à air entraîné sont fréquemment utilisés, no-
tamment pour la réparation des structures en béton armé [KHA 00, HOV 00,
KHA 04]. Ces projets ont pu démontrer qu’il est tout à fait possible de produire
en usine, de transporter et de pomper des bétons autoplaçants possédant un réseau
de bulles d’air entraîné stable et offrant une bonne protection contre l’attaque par
les cycles de gel-dégel.
Des études en laboratoire et plusieurs projets de construction ont démontré qu’il
est possible de produire des bétons autoplaçants à air entraîné comportant un
réseau de bulles stable et pouvant offrir une protection adéquate contre l’atta-
que par les cycles de gel-dégel.

5. DISPOSITIONS NORMATIVES
De nombreux organismes internationaux et nationaux (CEN, Comité européen de
normalisation; CSA, Association canadienne de normalisation; ACI, American
Concrete Institute; ASTM, American society for testing and materials) établissent
des normes pour la construction des structures en béton encadrant la conception
structurale (EN 1992, CSA A23.3, ACI 318), la formulation, les spécifications et
le contrôle du béton (EN 206-1, CSA A23.1), l’exécution des structures en béton
(ENV 13670-1) et les matériaux et procédures d’essais (EN, CSA A23.2, ASTM).
Toutes ces normes contiennent notamment de nombreuses exigences et recom-
mandations spécifiques pour la conception et la construction des structures en bé-
ton exposées à une ambiance hivernale rigoureuse. L’ensemble des dispositions
normatives applicables à la durabilité au gel des structures en béton peut être re-
groupé en trois familles :
1) des normes de conception qui formulent des exigences et des recommandations
sur la géométrie des éléments structuraux dans le but de minimiser l’action de
l’environnement sur la structure ;
2) des normes matériaux qui comprennent des recommandations spécifiques sur
la formulation du béton, la spécification, la production et le contrôle de la qualité
des bétons exposés au gel ;
3) des normes d’essais permettant de vérifier certains critères clés de la perfor-
mance des bétons exposés à des cycles de gel-dégel (gélivité des granulats, volu-
me d’air entraîné, essais normalisés de durabilité, etc.).
5.1. Normes de conception, disposition constructives
Une structure en béton mal conçue peut avoir une durabilité déficiente malgré
l’utilisation de matériaux durables et de bonne qualité. La durabilité vis-à-vis du

461
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

gel d’une structure de béton peut être influencée par des paramètres de conception
liés à la géométrie des éléments structuraux. Par exemple le choix du type, du
nombre et du positionnement des joints de dilatation peut influencer la durabilité
au gel des éléments en béton de la sous-structure. Les joints de dilatation sont des
composantes relativement fragiles. Ils sont soumis à des sollicitations mécaniques
et environnementales importantes qui peuvent engendrer des pertes d’étanchéité.
Les joints de tablier qui fuient peuvent permettre à l’eau et aux sels de déglaçage
de saturer et de contaminer le béton des poutres chevêtres, des poutres caisson,
des piles et des murs de soutènement. Ces éléments en béton, fortement contami-
nés par les chlorures et maintenus dans un état de saturation plus élevé, sont plus
fortement attaqués par les cycles de gel-dégel (fissuration interne et écaillage). La
norme canadienne de conception des ponts (CSA S6) recommande de minimiser
le nombre de joints structuraux et de les concevoir en fonction de la durabilité de
la structure.
La conception des systèmes de drainage des eaux de fonte contaminées par les
chlorures peut aussi influencer la durabilité au gel des éléments de béton. Des dé-
pressions mal drainées à la surface des tabliers ou à la surface des ailes inférieures
des poutres caisson contribuent à maintenir le béton saturé et fortement contaminé
par les chlorures. Ces zones sont alors plus fréquemment dégradées par l’écaillage
de surface. Pour diminuer la saturation et la contamination des éléments de sous
structure, les conduits d’évacuation des eaux de ruissellement et de fonte doivent
se prolonger à une distance d’au moins 150 mm sous la surface du tablier (norme
CSA S6). Le positionnement des drains doit être conçu pour que les eaux éva-
cuées n’entrent pas en contact avec le béton.
5.2. Normes sur le matériau béton
La durabilité au gel du béton est fortement influencée par plusieurs de ses para-
mètres de composition et de mise en œuvre. Des normes nationales adaptées à
chaque contexte climatique national encadrent précisément le choix des consti-
tuants, la formulation, la mise en œuvre et le contrôle de la qualité des bétons ex-
posés à des cycles de gel-dégel. De nombreuses exigences normatives peuvent
s’appliquer au prescripteur, au producteur et à l’utilisateur du béton.
5.2.1. Norme NF EN 206-1
En ce qui concerne la production du béton, la norme européenne EN 206-1 indi-
que les tâches et responsabilités techniques respectives du prescripteur, du pro-
ducteur et de l’utilisateur, dans les différents types de spécifications qu’elle
prévoit. Le tableau 1 de la norme EN 206-1 définit ainsi quatre classes d’exposi-
tion concernant le gel (tableau 10.2).

462
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Tableau 10.2 : classes d’exposition au gel-dégel avec ou sans sels fondants


(norme EN 206-1).

Désignation Exemples informatifs illustrant le choix des classes


Description de l’environnement
de la classe d’exposition

Saturation modérée en eau sans Surfaces verticales de bétons exposés à la pluie et


XF1
sels fondants au gel

Surfaces verticales de bétons des ouvrages rou-


Saturation modérée en eau avec
XF2 tiers exposés au gel et à l’air véhiculant des sels
sels fondants
fondants

Forte saturation en eau, sans sels Surfaces horizontales de bétons exposées à la


XF3
fondants pluie et au gel

Routes et tabliers de ponts exposés aux sels fon-


dants et surfaces de bétons verticales directement
Forte saturation en eau, avec sels
XF4 exposées aux projections de sels fondants et au
fondants ou eau de mer
gel. Zones des structures marines soumises aux
projections et exposées au gel

Chacun des États membres du CEN a la possibilité de compléter ces exigences au


niveau de l’Annexe nationale de la norme.
En France, la norme NF EN 206-1 précise que sauf spécifications particulières
notamment fondées sur l’état de saturation en eau du béton (par exemple surface
horizontale ou non), les classes d’exposition XF1 à XF4 sont définies géographi-
quement par département. La carte des zones de gel en France a été établie suivant
un classement en trois catégories (gel faible, gel modéré, gel sévère) à partir de
données statistiques de stations météorologiques couvrant le territoire national.
Ce classement, établi à partir de températures sous abri, ne prend pas en compte
les conditions d’exposition et les phénomènes microclimatiques.

463
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Gel faible ou modéré { XF1 (sans agent de déverglaçage)


XF2 (avec agent de déverglaçage)

Gel sévère { XF3 (sans agent de déverglaçage)


XF4 (avec agent de déverglaçage)

Gel modéré ou sévère suivant l'altitude

Station météorologique

Figure 10.43 : carte des zones de gel en France (norme NF EN 206-1, figure NA.2).

Pour chaque classe d’exposition, la norme NF EN 206-1 définit des limites appli-
cables à la composition et aux propriétés du béton. Cette approche impose, pour
chaque classe d’exposition, un rapport E/Léquivalent maximal (le terme « liant
équivalent » correspond à la masse de (ciment + k × additions minérales), une
classe de résistance minimale, une teneur minimale en liant équivalent et une te-
neur en air minimale. Ces paramètres, qui ont une influence directe sur la quantité
d’eau gelable, la perméabilité et le niveau de protection du réseau de bulles d’air,
permettent de moduler le potentiel de durabilité du béton en fonction de la sévé-
rité des conditions d’exposition au gel. Il faut noter que le facteur d’espacement
des bulles d’air ne fait l’objet d’aucune spécification dans la norme. Il est toute-
fois possible de déroger à certaines limites imposées (notamment le volume d’air
entraîné) si des essais de validation démontrent l’équivalence de performance.
Le tableau 10.3 résume les limites de composition de la norme française. Certai-
nes limites imposent notamment une proportion maximale d’additions minérales
dans le liant. Ces proportions sont variables en fonction du type d’addition et de
la sévérité des conditions d’exposition au gel. Des essais de validation de la dura-
bilité sont également recommandés dans le cas des expositions au gel les plus sé-
vères. Dans le cas des classes d’expositions XF3 et XF4, il est notamment suggéré
de mesurer le facteur d’espacement des bulles d’air entraîné.

464
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Tableau 10.3 : valeurs limites applicables pour la composition et les propriétés du béton
soumis au gel-dégel en fonction de la classe d’exposition. D’après la norme NF EN 206-1.
NF EN 206-1 (valeurs limites applicables en NF EN 206-1 (valeurs limites applicables en
Norme applicable France pour les bétons coulés en place) France pour les produits de béton
selon tableau NA.F.1 préfabriqués en usine) selon tableau NA.F.2
Classe d’exposition
XF1 XF2 XF3 XF4 XF1 XF2 XF3 XF4
au gel-dégel
Rapport E/C maximal – – – – – – – –
Rapport Eeff/liant éq
0,60 0,55 0,55 0,45 0,50 0,50 0,45 0,40
maximal
Classe de résistance
C25/30 C25/30 C30/37 C30/37 C35/45
minimale
Teneur minimale en
– – – – – – – –
ciment (kg/m3)
Teneur minimale en
280 (2) 300 315 340 – – – –
liant éq (kg/m3)
Teneur minimale en
air (%)
– 4 (3) 4 (3) 4 (3) – 4 (8) 4 (8) 4 (8)

Essai(s) de perfor-
– – – – – – (1) (4) (1) (4) (5)
mances
Absorption d’eau
maximale (%)
– – – – 6 5 (7) 5 (7) 4 (7)

Cendres
0,15 (6) 0,15 (6)
Rapport maximal A/(A+C)

0,30 0,30 0,30 0,30 0,30 0,30


volantes
Fumées
0,10 0,10 0,10 0,10 0,10 0,10 0,10 0,10
de silice
Laitier moulu 0,30 0,30 0,30 0,15 0,30 0,30 0,30 0,15
Addition
0,25 0,25 0,25 0,05 0,25 0,25 0,25 0,05
calcaire
Addition
0,20 0,20 0,20 0,05 0,20 0,20 0,20 0,05
siliceuse
Nature du ciment – – – (5) – – – –

(1) Granulats non gélifs au sens de NF EN 12620.


(2) Pour un béton précontraint, la valeur est portée à 300 kg/m3.
(3) Le respect de cette valeur nécessite l’utilisation d’un agent entraîneur d’air. Il est possible de
déroger à la teneur minimale en air pour les bétons à hautes performances en appliquant les recom-
mandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel.
(4) Dans le cas d’ouvrages importants, sensibles, ou particulièrement exposés, il est souhaitable
d’avoir recours à des essais complémentaires afin de s’assurer de l’adéquation du béton aux perfor-
mances attendues. Pour XF3 : XP P18-424 ou XP P18-425, ASTM C457. Pour XF4 : XP P18-424
ou XP P18-425, ASTM C457 et XP P18-420.
(5) Pour les bétons soumis à l’eau de mer, utiliser un ciment PM. En cas d’utilisation de sels fon-
dants dont la teneur en sulfates solubles est supérieure ou égale à 3%, utiliser un ciment PM ou un
ciment ES.
(6) L’utilisation de cendres volantes peut induire des difficultés à entraîner de l’air. Il est recom-
mandé de n’utiliser dans ce cas que des cendres de catégorie A selon NF EN 450-1 et de renforcer
le contrôle de la quantité d’air entraîné.

465
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(7) L’exigence d’absorption maximale est retenue uniquement lorsque le béton doit respecter les
seuils associés aux essais de performance (XP P18-424, XP P18-425, XP P18-420) et qu’il est réa-
lisé sans agent entraîneur d’air. Lorsque le béton est réalisé avec un agent entraîneur d’air, il n’y a
pas d’exigence sur l’absorption d’eau maximale, compte tenu du fait qu’une teneur en air élevée
peut conduire à une absorption d’eau plus importante.
(8) Le respect de cette valeur nécessite l’utilisation d’un agent entraîneur d’air. Il est possible de
déroger à la teneur minimale en air en utilisant les essais de performance (XP P18-424, XP P18-
425, XP P18-420) et les seuils correspondants (allongement relatif, fréquence de résonance, perte
de matière) définis dans les recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel.
N.B. Dans le cas des produits de structure préfabriqués, le préfabricant a la possibi-
lité d’utiliser au choix les exigences de l’un ou de l’autre des deux tableaux. Pour
chaque type de produit préfabriqué, une procédure documentée doit mentionner le
tableau auquel il est fait référence.
5.2.2. Fascicule 65A
En ce qui concerne la mise en œuvre du béton, le fascicule 65A applicable aux
ouvrages d’art, en cours de révision (au moment de la publication de cet ouvrage)
afin de le rendre cohérent avec l’ensemble du contexte normatif dont la norme NF
EN 206-1, précise des exigences complémentaires, notamment en ce qui concerne
les bétons soumis aux cycles de gel-dégel avec ou sans agents de déverglaçage,
en se référant notamment aux recommandations pour la durabilité des bétons sou-
mis au gel du LCPC de 2003 (qui stipulent des exigences en terme de respect du
réseau de microbulles d’air ou de performances vis-à-vis d’essais de gel-dégel)
[LCP 03].
5.2.3. Approche canadienne : la norme CSA A23.1-04
Certaines prescriptions de la norme CSA A23.1-04 Bétons : constituants et exé-
cution des travaux méritent d’être citées car elles concernent un pays où les con-
ditions climatiques font que les agressions hivernales, aussi bien par le nombre et
la sévérité des cycles de gel-dégel que par l’utilisation intensive de sels fondants
durant quatre ou cinq mois par an, sont beaucoup plus dommageables pour les
ouvrages qu’elles ne le sont en France. Cette norme, disponible en français, a fait
l’objet d’une modification majeure en 2004.
Depuis le début des années 1980, la norme CSA A23.1 prescrit une composition
de béton qui dépend du type et de la sévérité des conditions d’expositions. Tout
béton soumis à des cycles de gel-dégel et/ou à l’action des sels fondants ou des
ions chlorure doit :
– développer une résistance à la compression minimale à 28 ou 56 jours ;
– être caractérisé par un rapport E/L inférieur à une valeur imposée (les additions
minérales conformes à la norme CSA A3000 sont permises et prises en compte
dans le calcul du rapport E/L) ;

466
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

– contenir un réseau de bulles d’air entraîné dont les caractéristiques doivent


satisfaire des prescriptions spécifiques ;
– être soumis à une cure dont le type et la durée sont spécifiés ;
– peuvent devoir satisfaire des exigences portant sur leur capacité à résister à la
pénétration des ions chlorure.
Sept classes d’exposition sont définies en fonction du type d’élément en béton et
du type et de la sévérité de l’exposition au gel-dégel et aux ions chlorure :
C-XL béton armé exposé aux chlorures ou à d’autres milieux agressifs, soumis ou
non au gel-dégel, pour lequel les attentes en matière de durabilité sont plus
élevées que celles de la classe C-1.
C-1 béton armé exposé aux chlorures, soumis ou non au gel-dégel (tabliers de
ponts, planchers et rampes d’ouvrages de stationnement, parties d’ouvra-
ges maritimes situées à l’intérieur des zones de marnage et d’éclabousse-
ment, ouvrages en béton exposés aux éclaboussements d’eau de mer et
piscines d’eau salée).
C-2 béton non armé exposé aux chlorures et soumis au gel-dégel (planchers de
garage, porches, marches, chaussées, trottoirs, bordures et caniveaux).
C-3 béton constamment submergé, exposé aux chlorures mais non soumis au
gel-dégel (parties submergées d’ouvrages maritimes).
C-4 béton non armé exposé aux chlorures mais non soumis au gel-dégel (dalles
sur le sol dans les ouvrages de stationnements intérieurs).
F-1 béton soumis au gel-dégel, en condition saturée, mais non exposé aux chlo-
rures (bords de piscine, patios, courts de tennis, piscines d’eau douce et ins-
tallations de régulation des eaux douces).
F-2 béton soumis au gel-dégel, en condition non saturée, mais non exposé aux
chlorures (murs et poteaux extérieurs).
Le tableau 10.4 présente un extrait des principales exigences de composition et de
performance de la norme CSA A23.1-04 pour les bétons soumis à des cycles de
gel-dégel avec ou sans ions chlorure. Ces exigences normatives ont notamment
comme particularité d’imposer un facteur d’espacement maximal pour les classes
d’exposition les plus sévères. Le volume d’air entraîné spécifié varie pour tenir
compte de la dimension maximale du gros granulat (§ 3.1.6.3, figure 10.16). Les
bétons les plus sévèrement exposés aux gel-dégel et aux ions chlorure sont soumis
à un critère de pénétration des ions chlorure (nombre de coulomb mesuré selon la
norme ASTM C1202). La qualité minimale de la cure, qui influence fortement la
résistance à l’écaillage, est spécifiée en fonction de la classe d’exposition.

467
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 10.4 : extrait des principales exigences de composition et de performance


de la norme CSA A23.1-04 pour les bétons soumis à des cycles de gel-dégel
avec ou sans exposition aux ions chlorure.
Classes d’exposition

Caractéristiques du réseau de bulles d’air


Résistance à
Résistance selon la dimension maximale du gros granulat
la pénétration
Rapport minimale Type de
Air (%) des ions
E/L à la compres-
maximal sion à 28 jours L cure (b) chlorure
à 56 jours
(MPa) (µm) (a) 10 mm 14-20 mm 28-40 mm (coulomb)

C-XL 0,37 50 (56 jours) < 230 6-9 5-8 4-7 3 < 1000
C-1 0,40 35 < 230 6-9 5-8 4-7 2 < 1500

C-2 0,45 32 < 230 6-9 5-8 4-7 2 –

C-3 0,50 30 – 5-8 4-7 3-6 1 –


C-4 0,55 25 – 5-8 4-7 3-6 1 –

F-1 0,50 30 < 230 6-9 5-8 4-7 2 –

F-2 0,55 25 – 5-8 4-7 3-6 1 –

(a) Pour un rapport E/L supérieur à 0,36, le facteur d’espacement moyen doit être inférieur à
230 µm sans qu’aucune valeur n’excède 260 µm. Pour un rapport E/L égal ou inférieur à 0,36, le
facteur d’espacement moyen doit être inférieur à 250 µm sans qu’aucune valeur n’excède 300 µm.
(b) Type de cure 1 : 3 jours à une température 10 °C ou pendant le temps nécessaire pour atteindre
40 % de la résistance spécifiée.
Type de cure 2 : 7 jours à une température 10 °C et pendant le temps nécessaire pour atteindre
70 % de la résistance spécifiée. Lorsqu’on utilise du béton à la fumée de silice, on doit recourir à
des méthodes de cure additionnelles.
Type de cure 3 : Période de cure par voie humide de 7 jours. Les types de cure acceptables sont les
suivantes : nappe d’eau, arrosage continu, matériau absorbant ou toile maintenue continuellement
mouillée.

On dispose actuellement de normes et de guides de recommandations qui per-


mettent de concevoir et de fabriquer des bétons durables en ambiances hiverna-
les rigoureuses. Au niveau international, les prescriptions les plus récentes
convergent toutes vers les mêmes exigences : obtention d’un béton compact at-
teignant de bonnes résistances mécaniques et protégé par un bon réseau de bul-
les d’air entraîné (facteur d’espacement inférieur à une valeur limite, volume
d’air à l’intérieur d’une plage spécifiée). Toutes ces exigences de formulation
sont modulées en fonction de la sévérité de l’exposition aux cycles de gel-dégel
avec ou sans sels de déverglaçage.

468
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

5.3. Normes d’essais


Des organismes de normalisation (CEN, ASTM, CSA) ont développé des procé-
dures d’essais pour évaluer plusieurs propriétés importantes associées à la dura-
bilité au gel-dégel des bétons. Ces normes d’essais comprennent des essais de
performance pour évaluer la résistance du béton aux cycles de gel-dégel et à
l’écaillage. Elles comprennent aussi des essais de contrôle pour mesurer certaines
caractéristiques clés des bétons pouvant être exposés au gel.
5.3.1. Tests de performance au gel-dégel
ˆ Essais de gel interne – Normes NF P 8-424 (gel sévère),
NF P18-425 (gel modéré), ASTM C666
Les procédures d’essais NF P18-424 (gel sévère), NF P18-425 (gel modéré) re-
prennent, en partie, la procédure de l’essai ASTM C666. Les essais consistent à
soumettre des éprouvettes prismatiques soit à des cycles de gel dans l’eau et dégel
dans l’eau (gel sévère) soit à des cycles de gel dans l’air et dégel dans l’eau (gel
modéré). La résistance au gel est évaluée à partir de mesures d’allongement, de
mesures soniques et d’un examen visuel. Le tableau 10.5 présente les principales
caractéristiques de ces essais.
Tableau 10.5 : principales caractéristiques des méthodes d’essais NF P18-424,
NF P18-425 et ASTM C666.
Traitement Évaluation de la résis- Critère d’acceptation
Norme Éprouvettes Cycles de gel-dégel
préalable tance au gel-dégel (contrôle)
Durée de 4 à 6 heures.
Vitesse de refroidissement Mesure de gonflement
Δl/l < 500 µm/m
NF P18-425 de 6 ± 1 °C/h et de fréquence
Prismes F²/F0² > 60
Gel dans l’eau et dégel de résonance
suivant 28 jours dans l’air
NF P 18-404 dans l’eau
et à 20 ± 2 °C Durée de 4 à 6 heures.
Vitesse de refroidissement Mesure de gonflement
NF P 18-421 Δl/l < 500 µm/m
NF P18-424 de 6 ± 1 °C/h et de fréquence
F²/F0² > 60
Gel dans l’eau et dégel de résonance
dans l’eau
Après 300 cycles :
Le facteur de durabi-
lité doit être supé-
Procédure A rieur à 60 % (le
Gel dans l’eau (-18 °C) Mesures de l’allonge- module d’élasticité
Prismes de 14 jours et dégel dans l’eau (4 °C) ment et du module dynamique résiduel
ASTM C666 350 x 75 x 75 mm dans l’eau d’élasticité dynamique doit être supérieur à
(typique) à 23 °C Procédure B (qui permet de calculer 80 % du module ini-
Gel dans l’air (-18 °C) un facteur de durabilité) tial).
et dégel dans l’eau (4 °C)
L’allongement doit
être inférieur à 500-
1000 µm/m [PIG 95]

469
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ˆ Essais d’écaillage – Norme NF P18-420, ASTM C672, NQ 2621-900


Ce type d’essai consiste à déterminer la masse des particules écaillées de la sur-
face de béton durci exposée aux cycles de gel-dégel en présence d’une solution
saline. L’essai NF P18-420 reprend, en partie, les essais ASTM C672 et
NQ 2621-900 (Québec). La résistance à l’écaillage est évaluée à partir d’un exa-
men visuel et de la masse des débris (écailles) exprimée en kg/m2 de surface ex-
posées au gel-dégel et aux sels fondants. Le tableau 10.6 présente les principales
caractéristiques de ces essais.
Tableau 10.6 : principales caractéristiques des méthodes d’essais NF P18-420,
ASTM C672 et NQ 2621-900.
Évaluation
Traitement Critère d’acceptation
Norme Éprouvettes Cycles de gel-dégel de la résistance
préalable (contrôle)
à l’écaillage
Prismes de 13 ± 1 jours
Durée de 4 à 6 heu-
15 × 15 × 7 cm. dans l’eau
res. Vitesse de refroi- Évaluation de la masse
La surface expo- à 20 ± 2 °C
dissement de 6 ± 1 des particules écaillées
NF P18-420 sée à la solution + < 750 g/m²
°C/h ramenée à la surface
saline doit être 14 ± 1 jours HR 65
Gel dans l’eau et exposée
comprise entre 180 ±5%
dégel dans l’air
et 250 cm² à 20 ± 2 °C

Tous les 5 cycles :


La norme ne comporte
pas de critère d’accep-
Cotation visuelle de
Prismes de 50 cycles de 24 heu- tation. Cependant, des
l’aspect de surface :
280 × 230 × 75 mm 14 jours res. organisations spéci-
à 100 % HR 0 sans dommage
(typique) fient une masse maxi-
ASTM C672 + 5 très endommagé
Gel : 16-18 h à –18 male de débris après
Surface d’un 14 jours 50 cycles. Cette limite
°C. Dégel : 6-8 h à 23 Mesure de la masse
à 50% HR maximale est généra-
prisme > 460 cm2 °C cumulative des débris
lement comprise entre
écaillés
0,8 et 1,0 kg/m2.
(kg/m2)

Tous les 7 cycles :


14 jours
Prismes de à 100 % HR 56 cycles de 24 heu- Cotation visuelle de
280 × 230 × 75 mm + res. l’aspect de surface :
(typique). Le béton 14 jours Après 56 cycles,
0 sans dommage
frais est coulé dans à 50% HR Gel : 16±1 h dont un la masse cumulative
NQ 2621-900 5 très endommagé
un moule dont le + minium 7 h et un maxi- des débris doit être
fond a des proprié- 7 jours mum 12 h Mesure de la masse inférieure à 0,5 kg/m2.
tés drainantes spé- de présaturation (5 à – 18 °C. cumulative des débris
cifiques mm Dégel : 8 ± 1 h à 23 °C écaillés
de saumure)
(kg/m2)

470
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

5.3.2. Tests de contrôle


ˆ Volume d’air entraîné - Norme EN 12350-7, ASTM C231
Cette mesure est pratiquée sur le béton frais pour mesurer, en laboratoire ou au
chantier, le volume d’air entraîné. Il s’agit d’une procédure relativement simple
et rapide. Elle est décrite plus en détails au titre 4.2.2 de ce chapitre.
ˆ Caractéristiques du réseau de bulles d’air - Norme ASTM C457
Cette procédure conduit à la définition complète du réseau de bulles d’air : volu-
me d’air entraîné, surface volumique moyenne et facteur d’espacement des bulles
d’air. Les titres 4.2.1 et 4.2.2 de ce chapitre définissent plus précisément le con-
cept de facteur d’espacement des bulles d’air et présentent les principales étapes
de la procédure expérimentale utilisée pour l’obtenir.

6. RÉALISATION D’OUVRAGES EN BÉTON DURABLES


AU GEL
La mise en œuvre d’une structure en béton durable au gel repose sur une démar-
che concertée qui peut inclure le maître d’ouvrage, le concepteur, le producteur,
le prescripteur, le laboratoire d’essai/contrôle et le constructeur de l’ouvrage. Par
exemple, le maître d’ouvrage doit concevoir un cahier des charges qui établit no-
tamment la durée de vie et la localisation géographique de l’ouvrage. Ces para-
mètres permettent de définir la classe d’exposition à laquelle va être soumise la
partie d’ouvrage. Le cahier des charges doit définir des règles de partage des res-
ponsabilités liées à la conception, le contrôle de la qualité, la construction et l’en-
tretien de la structure. C’est à partir de ces informations que le concepteur pourra,
d’une part, choisir un concept structural adapté aux conditions d’exposition au gel
(drainage, localisation des joints, protection environnementale, etc.) et d’autre
part, spécifier un ou des bétons dont la composition et les propriétés sont adaptées
à l’environnement et aux sollicitations mécaniques prévues. Dans le cas d’un bé-
ton à propriétés spécifiées, le producteur de béton doit déterminer une composi-
tion de béton en mesure de satisfaire les critères de la norme NF EN 206-1 vis-à-
vis du gel-dégel. Il doit disposer d’équipements de dosage, de malaxage et de
transport adaptés à la production de bétons ayant un réseau de bulles d’air entraîné
conforme et stable jusqu’à la fin de la mise en place finale. Le laboratoire de con-
trôle doit notamment maîtriser l’ensemble des règles normatives liées à la durabi-
lité au gel (fréquence d’échantillonnage, méthode d’essai pour le contrôle des
caractéristiques du réseau de bulles d’air, essais de qualification de la durabilité
au gel du béton et des granulats, etc.). Le constructeur doit choisir des méthodes
de mise en place (pompage, vibration, coffrage) permettant de maintenir la stabi-
lité du réseau de bulles d’air entraîné. La cure, la protection thermique du béton

471
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

frais et la vitesse de décoffrage doivent permettent au béton de développer tout le


potentiel de durabilité normalement associé à sa composition.
6.1. Évaluation du type et de la sévérité de l’exposition au gel
La première étape du processus de conception d’un béton durable au gel consiste
à évaluer le type et la sévérité de l’exposition environnementale. Il faut prendre
en compte la fréquence et les températures extrêmes des cycles de gel-dégel, l’état
de saturation du béton exposé au gel et la présence ou l’absence d’ions chlorure
(origine marine ou apportés par les sels fondants).
Le nombre de cycles peut varier considérablement : annuellement il est de 0 à
Biarritz, 1 au cercle polaire (!), une centaine en moyenne en Ontario, et jusqu’à
126 au nord du Japon. L’observation globale d’ouvrages âgés confirme que les
dégâts sont cumulatifs, cycle par cycle : les détériorations sont généralement plus
marquées lorsque la durée de service s’accroît mais il n’est pas possible d’établir
une corrélation directe entre le degré de détérioration et le nombre annuel de cy-
cles de gel-dégel [GEB 96] (figure 10.44). Ceci indique bien que, sur le terrain, le
pouvoir destructeur d’un cycle de gel-dégel n’a pas une valeur unique, mais qu’il
est lié aux autres composantes climatiques.
3
État de détérioration

2
Degré de détérioration

6 1

0 0
10 20 30 40 60 100 120
Âge de l'ouvrage (année) Nombre de cyles/an
(a) (b)
Figure 10.44 : relations entre l’âge d’un ouvrage et son degré de détérioration (a),
et entre le nombre de cycles de gel-dégel et l’état de détérioration (b), d’après [GEB 96].
On rapporte ici le résultat d’observations faites sur des ouvrages subissant tous les ans un hiver ri-
goureux. La détérioration augmente régulièrement avec l’âge de l’ouvrage (a), sans qu’il soit possible
de la corréler avec le nombre de cycles (b).

La vitesse de refroidissement est un paramètre important dans le développement


de pressions hydrauliques. Les vitesses mesurées sur le terrain sont généralement
bien inférieures à celles qui sont adoptées dans les essais de laboratoire, à l’excep-

472
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

tion de quelques cas spéciaux. La température minimale atteinte au cours de la


phase de gel influe évidemment sur le comportement du béton : un abaissement
de cette température accroît la quantité d’eau gelable et rend l’attaque plus sévère.
La durée de la phase de gel influe sur la croissance des cristaux de glace et, à ce
titre, est un facteur aggravant lorsque la variation de ce paramètre se fait à l’échel-
le des heures. La situation est bien différente lorsque l’on atteint un régime de
températures toujours inférieures à 0 °C pendant plusieurs mois (cas des régions
polaires). Dans ce cas, des observations de terrain ont révélé un comportement
sans problème majeur pour des bétons pourtant préparés avec des granulats de
qualité, sinon mauvaise, du moins douteuse [HOO 00]. Un cas particulier doit être
signalé : en raison d’un nombre de cycles de gel-dégel relativement faible, on a
constaté que les dalles des patinoires intérieures et des chambres froides lissées à
la truelle mécanique donnaient une performance satisfaisante sans air entraîné
(CSA A23.1-04).
L’importance des précipitations a des répercussions sur le degré de saturation du
matériau et, par là même, sur sa durabilité. C’est ainsi que Fujimara a proposé de
relier l’état de détérioration des ponts étudiés au produit du nombre de cycles de gel-
dégel par un paramètre indicateur des précipitations locales [GEB 96]
(figure 10.45). Ce sont toujours les parties d’ouvrages dont le béton a le plus fort de-
gré de saturation qui se dégradent le plus : elles correspondent soit à des parties qui,
fonctionnellement, sont en contact avec l’eau, soit à des parties qui, par leur géomé-
trie, retiennent préférentiellement les eaux de précipitations (surfaces horizontales).

3
État de détérioration

0
0 50 100
Produit : nombre de cycles x S

Figure 10.45 : relation entre le degré de détérioration d’un ouvrage, le nombre de cycles
de gel-dégel et le coefficient climatique de saturation, d’après [GEB 96].
Cette figure est la transformée de la figure 10.43b où l’on a porté en abscisse, non plus le nombre de
cycles de gel-dégel, mais son produit par un coefficient climatique de saturation, S (rapport de la hau-

473
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

teur des précipitations affectant l’ouvrage à la valeur moyenne de l’ensemble du district étudié). On
obtient une assez bonne corrélation.

Les différentes parties d’un ouvrage peuvent être exposées à des conditions de mi-
lieu variables par l’humidité (air, eau, aspersions) ou par la température (ombre,
soleil, orientation nord ou sud). Une illustration en est fournie par les résultats
d’une étude du comportement de bétons de barrages canadiens dont les durées de
service s’échelonnaient de 13 à 52 ans [BOU 03]. Les conclusions indiquent que
les surfaces verticales des ouvrages poids et des superstructures sont généralement
en excellente condition. Les surfaces horizontales des superstructures où l’eau
peut s’accumuler sont fréquemment détériorées (béton sans air entraîné et non ex-
posé aux sels fondants). La conduite plus uniforme des bétons à air entraîné, com-
parativement à celle des bétons sans air entraîné, est évidente. Les bétons exposés
à l’air montrent systématiquement un peu moins de dégâts que ceux au contact de
l’eau, ou les problèmes les plus sérieux sont un écaillage modéré. Les auteurs ci-
tent aussi, pour ces mêmes barrages, l’influence possible de l’orientation par rap-
port au soleil sur la gravité des dégradations. On peut effectivement supposer avec
d’autres auteurs, comme Hudec et al. [TOU 04], que les cycles de mouillage/sé-
chage sont plus marqués sur les faces exposées au soleil : ils y induisent une fissu-
ration superficielle plus dense qui favorise les attaques ultérieures par
accroissement du degré de saturation et affaiblissement de la pâte interstitielle.
Il n’est pas possible d’exprimer, à l’aide d’une seule cote, la sévérité d’une expo-
sition aux cycles de gel-dégel. L’évaluation de la sévérité de cycles de gel repose
donc sur une approche qualitative basée sur la comparaison avec des environne-
ments reconnus comme sévères ou modérés. Considérons les caractéristiques des
cycles de gel-dégel d’un environnement reconnu comme très sévère du point de
vue de la durabilité au gel. L’expérience pratique canadienne démontre que le cli-
mat des régions du sud est du Canada (Ontario, Québec et Provinces maritimes)
est très agressif du point de vue de la durabilité au gel. Pour êtres durables au gel,
les bétons exposés aux précipitations climatiques (environnement humide) doi-
vent clairement faire l’objet de règles de composition spécifiques dont notam-
ment comporter un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité ( L < 230 µm).
Des mesures de températures in situ dans des poutres et des dalles exposées dans
la région de Kingston au Canada ont montré que les températures minimales
moyennes mensuelles (janvier) à 50 mm sous la surface du béton sont de – 24 °C
dans une poutre et de – 14 °C dans une dalle sur sol [NOK 04]. Le nombre de cy-
cles de gel-dégel annuel varie en fonction de la température minimale atteinte lors
d’un cycle, de la profondeur sous la surface du béton et du type d’exposition. Pour
fin de comparaison, le climat de la région de Kingston (Ontario) comporte en
moyenne 96 cycles annuels de gel-dégel (nombre de fois où la température de

474
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

l’air est passée sous 0 °C). Dans le cas d’une poutre dont toutes les faces sont ex-
posées à l’air, le nombre de cycles de gel-dégel annuel (température minimale des
cycles au moins inférieure à – 5 °C), varie de 30 à une profondeur de 50 mm à 8
à une profondeur de 300 mm. Dans le cas d’une dalle sur sol, le nombre de cycles
varie de 12 à une profondeur de 50 mm à 4 à une profondeur de 100 mm [NOK
04]. Les mesures de Cortez et Gerlach [COR 90] ont montré que le nombre de cy-
cles de gel mesuré immédiatement à la surface de pavages en béton est environ
deux fois plus élevé que le nombre de cycles mesuré à environ 50 mm de profon-
deur. Le taux de gel médian mesuré à 50 mm de profondeur dans des éléments en
béton de la région de Kingston varie de 0,88 °C/h (dans une poutre) à 0,34 °C/h
(dans une dalle sur sol). Des taux de gel supérieurs à 2 °C/h ont été mesurés dans
moins de 30 % du nombre total de cycles. D’autres études effectuées au Québec
[PIG 81] ont permis de dégager des conclusions similaires.
L’évaluation de la sévérité de l’exposition au gel doit prendre en compte la pré-
sence d’ions chlorure d’origine marine ou apportés par les sels fondants. Les ions
chlorure sont la principale cause de l’écaillage des surfaces de bétons exposées
aux cycles de gel-dégel. Dans le cas des structures routières, les eaux de fontes
contenant les sels fondants peuvent fortement contaminer les dalles, les tabliers,
les trottoirs et les parapets. Des éléments de la sous-structure (piles, poteaux, che-
vêtres, extrados des poutres et des dalles) peuvent aussi être contaminés par les
projections générées par le passage des véhicules. En milieu côtier, les surfaces
de bétons peuvent être soumises au contact des chlorures présents dans l’eau de
mer ou dans les embruns marins.
Il n’est pas possible d’exprimer, à l’aide d’une seule cote, la sévérité d’une expo-
sition aux cycles de gel-dégel. L’évaluation de la sévérité de cycles de gel repose
donc sur une approche qualitative basée sur la comparaison avec des environne-
ments reconnus comme sévères ou modérés.

6.2. Formulation du béton


La formulation d’un béton durable exposé à un environnement comportant des
cycles de gel-dégel peut être réalisée selon deux principales approches : 1) Les ca-
ractéristiques de composition du béton sont spécifiées dans une norme ; 2) Les ca-
ractéristiques de formulation sont déterminées à l’aide d’une approche basée sur
la performance.
Dans le premier cas, les caractéristiques de composition du béton sont prescrites
par une norme applicable là où le béton est utilisé. La composition prescrite varie
notamment en fonction de la sévérité des conditions de gel-dégel. Les paragra-
phes 5.2.1 et 5.2.2 résument les principales exigences de formulation des bétons
exposés au gel.

475
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’approche basée sur la performance consiste à déterminer les paramètres de


composition d’un béton exposé au gel de manière à obtenir une performance sa-
tisfaisante lorsqu’il est soumis à des essais spécifiques de durabilité au gel (fissu-
ration interne, écaillage, saturation, etc.). Le formulateur doit pouvoir disposer
d’une réelle compétence pour pouvoir définir des critères de performance au gel
qui permettent de garantir que le béton en service sera durable au gel (par exem-
ple, un certain niveau de performance lors d’essais normalisés de gel-dégel). Cet-
te méthode peut se baser sur une expérience satisfaisante avec des pratiques
locales dans des environnements locaux, sur des données recueillies à partir de
méthodes d’essais de performance établies pour les dégradations par fissuration
interne et écaillage. Cette approche peut notamment s’avérer appropriée lors-
qu’une durée de vie supérieure à 50 ans est requise; lorsque la structure est quali-
fiée de « particulière » ce qui implique une probabilité de défaillance plus faible
ou lorsque des groupes significatifs de structures ou d’éléments similaires doivent
être construits.
L’approche de formulation basée sur la performance s’applique plus facilement
lorsque le béton est exposé à une ambiance hivernale rigoureuse. Cela s’explique
par le fait que les essais normalisés d’évaluation de la durabilité en laboratoire,
utilisés comme indicateurs de la performance au gel (fissuration interne et écailla-
ge), sont tous considérés comme relativement sévères (taux de refroidissement
élevés, faibles températures minimales, béton saturé) (§ 5.3). Le groupe Durabi-
lité B.H.P.2000 a comparé la durabilité de plusieurs types de béton soumis à des
cycles accélérés d’écaillage en laboratoire (XP P18-420) et en condition réelle
d’exposition. L’étude a montré que le classement après quelques cycles d’essai
accéléré normalisé correspond plutôt bien à celui observé après environ cinq ans
in situ. Les auteurs concluent que l’essai accéléré normalisé semble donc bien
jouer son rôle : le classement qu’il fournit est pertinent et il permet de discriminer
rapidement les bétons [BAR 05, BAR 00].
Dans le cas d’une exposition à une ambiance hivernale rigoureuse, la formulation
du béton basée sur la performance au gel consiste principalement à choisir le rap-
port E/L, le type et le dosage en additions minérales et les caractéristiques du ré-
seau de bulles d’air qui permettent d’atteindre les niveaux de performance
spécifiés. Les performances au gel peuvent notamment être spécifiées en exigeant
une durabilité acceptable lorsque le béton est soumis à des essais accélérés de gel-
dégel en laboratoire (§ 5.3.1). Le paragraphe 3 présente de nombreuses relations
entre les paramètres de composition et la durabilité au gel des bétons soumis à des
essais normalisés de gel-dégel en laboratoire.
L’approche de formulation basée sur la performance peut être utile pour formuler
des bétons à haute résistance (C50/60, C60/70) exposés à des cycles de gel-dégel.

476
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Dans le cas d’une exposition à un gel sévère, les formulations spécifiées dans les
normes imposent un volume d’air au moins supérieur à 4%. L’air entraîné diminue
la résistance à la compression. Pour obtenir la résistance spécifiée, tout en satisfai-
sant le volume d’air minimal, il peut être nécessaire de prévoir un rapport E/L re-
lativement faible (< 0,35), ce qui rend parfois le béton difficile à produire en
centrale. Par exemple, dans certaines régions, la production d’un béton C60/70
avec 5 % d’air entraîné relève d’un « pari impossible ». Dans ce cas, une approche
de formulation basée sur la performance pourrait démontrer qu’un volume d’air
entraîné plus faible (< 4 %) ou qu’un facteur d’espacement plus élevé (> 250 µm)
peuvent être adéquats pour assurer une bonne protection contre l’attaque par les
cycles de gel-dégel.
Dans le cas d’une exposition à un gel modéré, il est plus difficile d’utiliser l’ap-
proche de formulation basée sur la performance. Par exemple, un environnement
de gel modéré peut n’engendrer que très rarement des températures inférieures à
– 5 °C à quelques mm sous la surface exposée ; le béton n’est généralement pas
saturé lors du gel ; les sels fondants ne sont pas systématiquement utilisés à cha-
que saison froide. Dans le cas d’un gel modéré, les essais accélérés utilisés com-
me indicateurs de performance (§ 5.3.1) sont tous considérés comme très sévères
et peu représentatifs des conditions réelles d’exposition. Il est par conséquent dif-
ficile de les utiliser pour spécifier des niveaux de performance au gel-dégel. Des
travaux de recherche sont nécessaires pour pouvoir développer de nouveaux es-
sais de laboratoire mieux adaptés pour la spécification de critères de performance
au gel de bétons exposés à un environnement de gel modéré.
L’atteinte du niveau de performance spécifié vis-à-vis du gel d’une formulation
de béton est basée sur le choix du rapport E/L, du type et due dosage en additions
minérales et des caractéristiques du réseau de bulles d’air.

6.3. Mise en œuvre du béton


Plusieurs paramètres de mise en œuvre du béton peuvent influencer la durabilité
au gel des bétons exposés à une ambiance hivernale rigoureuse. Il est particuliè-
rement important d’adopter une méthodologie de mise en œuvre qui favorise le
développement de tout le potentiel de durabilité de la peau du béton car d’une
part, c’est la peau des éléments en béton (0-50 mm) qui est la plus fréquemment
et sévèrement exposée aux cycles de gel-dégel et d’autre part, les caractéristiques
de la peau sont étroitement dépendantes de nombreux paramètres de mise en œu-
vre du béton (vibration, mûrissement, finition de surface).
Le délai entre le début du malaxage du béton et la fin de mise en place doit être com-
patible avec le maintien de la stabilité de son réseau de bulles d’air. Un délai allon-
gé, soit parce que le transport est tributaire de conditions de circulation fluctuantes,

477
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

soit parce qu’une mauvaise organisation du chantier aboutit à une attente prolongée
du transporteur avant qu’il ne déverse le béton peut déstabiliser le réseau de bulles
et diminuer l’efficacité de la protection contre les cycles de gel-dégel.
Les bétons à air entraîné peuvent être mis en place par vibration. La vibration, si
elle est effectuée correctement, a l’avantage d’éliminer les grosses bulles d’air
(inefficaces pour la protection au gel et pénalisantes pour les résistances mécani-
ques). Il faut éviter un excès de vibration qui risque de déstabiliser le réseau de
bulles d’air, notamment au niveau de la peau du béton.
Une finition trop poussée des surfaces est à proscrire car, plus encore que ne le
fait une vibration prolongée, elle favorise le ressuage et crée une couche superfi-
cielle riche en eau, fissurable, qui résistera très mal à l’écaillage. Une finition trop
poussée risque aussi de détériorer le réseau de bulles en surface. Les truelles ou
les taloches métalliques sont à proscrire car elles ont un effet encore plus défavo-
rable sur le réseau de bulles à la surface du béton.
La cure est un paramètre clé de la durabilité des bétons exposés aux cycles de gel-
dégel. La méthode de cure doit notamment permettre à la peau du béton de déve-
lopper tout son potentiel de durabilité. Par temps normal ou chaud la cure doit
protéger les surfaces de béton contre une dessiccation excessive et trop rapide. Le
fascicule 65A contient plusieurs recommandations sur la méthodologie de cure
des bétons.
S’il y a des risques de gel, le béton doit en être protégé durant une période suffi-
sante. Le béton ne doit pas être exposé à des températures négatives avant d’avoir
atteint une résistance à la compression égale ou supérieure à 15 MPa. Une longue
période de maturation avant exposition aux conditions hivernales est souhaitable
pour que la résistance au gel du béton ait atteint son meilleur niveau (degré d’hy-
dratation élevé qui a rempli la porosité capillaire par des hydrates, diminué la per-
méabilité et accru la résistance à la traction).
La peau des éléments en béton (0-50 mm) est la plus fréquemment et sévèrement
exposée aux cycles de gel-dégel. Les caractéristiques de la peau sont étroitement
dépendantes de nombreux paramètres de mise en œuvre du béton (vibration,
mûrissement, finition de surface).
L’expérience pratique montre que la fissuration n’a pas ou peu d’effet sur la du-
rabilité au gel des éléments en béton exposés à des cycles de gel-dégel. Par exem-
ple, au Canada, de très nombreuses structures en béton à air entraîné présentant
des fissures (retraits empêchés) sont en bonne condition malgré plus de 20 années
d’exposition à de nombreux cycles de gel-dégel en présence de sels fondants.
Dans ce type d’environnement, la fissuration du béton d’enrobage a surtout des
effets défavorables sur la corrosion des aciers d’armature. Du point de vue de la

478
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

durabilité au gel, les fissures ont pour effet d’augmenter localement le degré de
saturation et la profondeur de pénétration des ions chlorure. Un béton conçu pour
résister à une ambiance hivernale rigoureuse (air entraîné, matrice cimentaire
compacte) est normalement durable même lorsque la pâte est complètement satu-
rée. Dans le cas des bétons à air entraîné, les pressions engendrées par l’expansion
de la glace contre les parois internes des fissures ne semblent pas suffisantes pour
endommager localement le béton au voisinage de la fissure.

7. CONCLUSION
Il ne faut pas exagérer l’importance des agressions en ambiance hivernale, même
rigoureuses, sur les ouvrages en béton courant. On constate, en effet, que les sur-
faces verticales des ouvrages, lorsqu’elles ne sont pas au contact direct de l’eau,
ne présentent pas de détérioration particulière dans la mesure où le béton a été for-
mulé et mis en oeuvre suivant les règles de l’art. Pour les autres parties d’ouvra-
ges, notamment les surfaces horizontales ou à contact prolongé avec l’eau,
l’obtention d’une durabilité convenable demande que le béton renferme de l’air
entraîné. Pour des parties d’ouvrages peu sollicitées mécaniquement et/ou, sur-
tout, sans contact avec des sels fondants, une simple incorporation d’entraîneur
d’air, au dosage requis, dans la bétonnière, conduit à livrer un béton satisfaisant,
sans aucune complication de fabrication. Par contre, pour les situations les plus
sévères, celles des surfaces horizontales en contact avec des sels fondants, la pro-
tection par entraînement d’air dans le béton n’est assurée que si des conditions
supplémentaires de malaxage, de mise en place et de cure sont scrupuleusement
respectées.
L’obtention de bétons résistants aux cycles de gel-dégel éventuellement associés
à l’action des sels de déverglaçage nécessite l’implication de tous les acteurs in-
tervenant dans la construction des structures : prescripteur, producteur de béton et
entrepreneur. Outre une conception adéquate, il est primordial de définir des for-
mules de béton adaptées et validées par le biais d’essais, notamment en ce qui
concerne la quantité d’agent entraîneur d’air permettant de garantir l’obtention
d’un réseau de bulles d’air adéquat dans le béton durci, ou une valeur du rapport
Eau/Liant permettant une résistance aux cycles de gel-dégel pour les bétons ne
comportant pas nécessairement d’adjuvant entraîneur d’air (BHP).
Les mécanismes de dégradation des bétons ont été largement étudiés ces dernières
années, notamment au Canada, et ont conduit à la rédaction de normes et de re-
commandations pertinentes pour la définition de béton adaptés à des ambiances
hivernales rigoureuses.
En revanche, même si les normes et règlements en vigueur (telle que la NF EN
206-1 et le fascicule 65A) définissent des règles de formulation pour les bétons

479
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

soumis à des gels faibles ou modérés avec ou sans sels de déverglaçage, les essais
performantiels actuellement disponibles (gel-dégel et écaillage), par nature accé-
lérés, ne sont pas adaptés à la qualification de formules de béton destinées à des
ambiances hivernales peu rigoureuses et des besoins de recherches existent sur ce
sujet.

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