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Approche pour la conception

de systèmes complexes

par Stéphane GRES


Consultant-chercheur
Enseignant au CESI
Diplômé de l’université de technologie de Compiègne

1. Méthodes actuelles : rappel des concepts ....................................... AG 1 560 - 2


1.1 Vision classique de la conception des systèmes.
Nouveau contexte et limites ....................................................................... — 2
1.2 Structure sous-jacente des méthodes existantes ..................................... — 2
1.3 Méthodes de conception centrées sur l’objet ........................................... — 3
1.4 Méthodes et démarches d’aide à la conception
(groupe et système technologique) ........................................................... — 3
1.5 Limites des modèles et des méthodes ...................................................... — 4
2. Méthode systémique : concepts et mise en œuvre........................ — 5
2.1 Environnement et complexité : vers une approche sociotechnique
de la conception de produit ........................................................................ — 5
2.2 Démarche ..................................................................................................... — 5
2.3 Description et illustration de la démarche................................................. — 6
3. Conclusion ................................................................................................. — 10
Bibliographie ...................................................................................................... — 10

ans la conception de systèmes et particulièrement dans le domaine indus-


D triel, les logiques qui, en dernière analyse, font « référence » ne s’inté-
ressent que partiellement à l’ensemble des besoins du client. Le principal critère
pris en compte est le potentiel de rente que le client peut apporter à l’entreprise.
Le système présenté comme un produit (par exemple : une voiture, une bicy-
clette) existe de par le fait qu’il est le catalyseur d’un échange commercial. Dès
lors, la fonction de conception et de fabrication va suivre des critères mécanistes
et produire des objets dont la double caractéristique est d’une part l’absence
de variété et d’autre part la nécessité de les ranger dans une catégorie préexis-
tante déjà identifiée et reconnue par le public, comme par exemple : des chaus-
settes, des médicaments, des engins de transports...
D’un point de vue pratique, les critiques le plus souvent formulées, une fois
le système confronté aux utilisateurs, se centrent sur des difficultés d’usage de
celui-ci dans son contexte de fonctionnement. Deux aspects majeurs
apparaissent : les fonctionnalités ne correspondent pas à un besoin réel, ou l’uti-
lisateur doit se conformer à un modèle qu’il n’est pas à même d’appréhender
sans un temps d’adaptation plus ou moins long et culturellement à sa portée.
Le plus souvent, il semble que les concepteurs se substituent aux utilisateurs
du système et imaginent des fonctionnalités en vertu d’une technologie qu’ils
maîtrisent à partir de leur propre champ de connaissance et de ses propres
contraintes bien explorées (technique, financière) [1]. La logique de conception
qui préside est alors guidée par le paradigme existant (c’est-à-dire mécaniste)
qui tend à reproduire un objet relativement similaire dans sa structure (par
exemple, la structure de base d’une voiture n’a pas évolué depuis une centaine
d’années). De plus, le concepteur omet, en définitive, la logique d’utilisation de
l’objet dans son contexte d’usage. Il transforme la représentation partielle qu’il
a de l’utilisateur dans son propre modèle, ce qui génère un produit contraignant
dans le sens où l’utilisateur doit se plier aux exigences portées par l’objet.

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APPROCHE POUR LA CONCEPTION DE SYSTÈMES COMPLEXES _________________________________________________________________________________

Dans une première partie, nous allons montrer sur quels modèles repose
aujourd’hui la conception de systèmes ainsi que les limites portées par les
méthodes et démarches existantes. Nous montrerons ensuite, dans une
seconde partie, les fondements systémiques de la méthode proposée que nous
décrirons ensuite en détail.
La démarche choisie est une approche systémique [2] ; elle s’appuie sur la
notion de projet vu comme un ensemble de personnes en interaction entrete-
nant des relations dynamiques autour d’un objectif commun, que celui-ci soit
porté par des enjeux économiques, sociaux ou technologiques. Notre approche
repose sur les concepts suivants :
— le projet porté par les acteurs, leurs enjeux, objectifs et contraintes
respectives ;
— le processus du projet qui représente le procédé garantissant la fiabilité de
la coordination des acteurs et l’obtention d’un système conforme aux besoins
des utilisateurs et intégré à son environnement ;
— le système en tant que concrétisation du déroulement des étapes du projet.

1. Méthodes actuelles : l’outil industriel ou si elles en sont directement issues. L’aspect


commun des méthodes existantes est une logique d’étapes qui
rappel des concepts permet de garder une maîtrise complète sur le processus de
conception/fabrication et sur ses résultats intermédiaires. Ces éta-
pes suivent une logique d’opérations séquentielles avec des itéra-
1.1 Vision classique tions multiples et comparatives expérience/validation/amélioration
pour les méthodes les plus modernes.
de la conception des systèmes.
Nouveau contexte et limites
Nous présentons ci-après les étapes qui guident le processus
La définition la plus admise de la conception est la suivante : de conception selon le modèle communément admis dans le
« étude fonctionnelle du produit/système à concevoir et de ses domaine industriel [5] :
relations avec les utilisateurs dans son environnement d’usage ». 1. Expression des besoins.
Pour G.E. Dieter [3], concevoir consiste à faire quelque chose de 2. Définition de la problématique pour élaborer le projet :
nouveau (méthode, mode de réalisation...) pour satisfaire les étape essentielle, car elle nécessite le détail des objectifs
besoins du demandeur ou de l’utilisateur selon des critères de et l’établissement de critères pour que le groupe
coûts, de qualité et de délai. Nous y ajouterons le degré d’innova- comprenne la même chose.
tion comme une valeur/contrainte supplémentaire dans un envi- 3. Planification des différentes étapes et des livrables asso-
ronnement qui se complexifie. L’environnement se modifie de ciés ainsi que définition des compétences associées.
façon importante à la fois sous la contrainte de l’accélération des
progrès techniques et par la mondialisation des échanges. La 4. Réalisation d’un état de l’art sur le sujet ou la probléma-
transformation du tissu industriel et la formation de réseaux de tique traitée en rassemblant le plus d’informations pos-
compétences délocalisés rendent nécessaire la création de sys- sibles (différentes sources).
tèmes polyvalents, évolutifs et dotés d’une versatilité fonctionnelle 5. Conception du système :
accrue. — étude des spécifications : valider le besoin en réalisant
Ce qui apparaît en premier lieu dans la vision classique du pro- un cahier des charges fonctionnel et en proposant un
cessus de conception est son séquencement systématique en ensemble de solutions fonctionnelles cohérentes avec
grandes étapes. Ces étapes correspondent à l’intervention de dif- l’environnement d’usage ;
férents métiers selon un cycle guidant la genèse d’une idée jusqu’à — conception fonctionnelle : calcul des paramètres impor-
sa matérialisation au travers d’un produit [4]. Si l’on prend l’exem- tants du produit en terme de fonctionnalités, dimensions,
ple des métiers de l’édition, l’intégration progressive de la filière de viabilité, validation sur différents prototypes de solutions
conception/fabrication se fait par une réduction du nombre de techniques retenues assurant les fonctions ;
métiers sur le processus. Cet état de fait est rendu possible grâce — conception détaillée : finalisation des plans du produit
à une encapsulation progressive des opérations automatisables et des outils de production ;
(c’est-à-dire reproductibles) à l’aide de logiciels et de machines — planification pour la production, la distribution, les tests
sans cesse plus compliqués. De dix métiers autrefois, on passe finaux.
aujourd’hui à quelques organisations qui supportent trois à quatre 6. Finalisation du projet : évaluer et vérifier les objectifs du
fonctions : rédaction, maquettage, imprimerie, diffusion. D’une produit à réaliser et la satisfaction du client vis-à-vis du
manière plus générale, les structures de production actuelles sont résultat.
relativement spécialisées autour d’une compétence de métier
spécifique.
Dans ce type de structure de production, la conception de
système repose sur des modèles de processus qui sont le plus 1.2 Structure sous-jacente
souvent proches de l’outillage industriel à disposition. Celui-ci des méthodes existantes
porte en lui une logique mécaniste favorable à la fabrication en
nombre d’un objet très peu varié une fois sa définition arrêtée. Les méthodes développées ont fait la preuve de leur efficacité,
Cette contrainte ou avantage (en fonction du critère : baisse des en particulier pour la conception de systèmes dans lesquels les
coûts ou innovation) est également visible au niveau des méthodes acteurs humains ont un degré de liberté qui est entièrement défini
dont on ignore si elles cherchent à s’adapter aux contraintes de a priori. Dans cette optique, la modélisation constitue le cœur des

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méthodes. Celles-ci cherchent toutes une solution visant à décrire


l’objet de l’extérieur, dans une perspective essentiellement des-
criptive et analytique. Ce type de méthode repose sur la mise en Moyens Information sur
œuvre d’une démarche scientifique dont l’enjeu est de prédire les d'action Phénomène les événements
résultats. Ainsi, le principe essentiel est la détection de relations Ou entrées, observé Ou sorties,
intrants extrants [1]
entre des causes et des effets en fonction de critères fixés par
l’observateur, à la différence de la démarche systémique présentée
dans le paragraphe 2.
Représentation Représentation Représentation
Le processus de modélisation classique suit en effet le schéma des moyens d'action du phénomène issue de la perception
présenté sur la figure 1 [6]. des événements
Dans le cas d’une modélisation a priori, l’objet conçu est vu Relation de cause à
comme quelque chose d’objectivable à partir de critères portés par effet entre les
des champs de connaissances reconnus ou des domaines scienti- actions et les sorties
fiques stabilisés. Dans cette « manière » d’objectiver les phéno-
mènes, les méthodes et démarches de conception de systèmes
évoluent en se complexifiant et en intégrant progressivement des Figure 1 – Processus de modélisation classique
notions telles que l’itération, la rétroaction, l’impact d’une
séquence d’opérations sur les autres. Mais elles restent collées à
l’objet sans prendre en compte les acteurs autrement que par leurs
rôles qui doivent s’intégrer dans l’une des étapes prédéfinies du
processus. C’est le modèle « maître » qui assure l’organisation
dans le temps et dans l’espace du processus de conception de
l’objet ou du système spécifié. Spécification Conception Conception
Besoin Réalisation
du problème fonctionnelle détaillée
Nous illustrons nos propos en présentant différentes méthodes
de conception [1]. Les différents exemples nous montrent un
chemin vers une vision de plus en plus systémique et une logique
de projet pour la conception de produits et de systèmes Figure 2 – La méthode simple
complexes. Nous distinguons historiquement deux grands pas-
sages :
— les méthodes de conception centrées essentiellement sur
l’objet avec le modèle simple, le modèle en V et le modèle d’amé-
lioration (§ 1.3) ;
— puis des démarches d’aides à la conception qui incluent la
Ensemble d'éléments formant système

Besoin Produit
notion de groupe et de systèmes intégrés à un (des) système(s)
technique(s) avec la conception fonctionnelle et l’ingénierie
système (§ 1.4). Expression Évaluation
du besoin du produit

Spécification Validation
1.3 Méthodes de conception
centrées sur l’objet Conception Test
fonctionnelle d'intégration
Les méthodes utilisées reposent sur des modèles qui en
constituent la structure sous-jacente. Nous avons cherché à mon- Conception Tests
trer les principaux traits des méthodes, pour mieux comprendre détaillée unitaires
leur évolution.
■ La méthode simple (figure 2) Réalisation
Élément
Les différentes étapes sont réalisées les unes à la suite des de base
autres sans itérations et sans modifications des opérations
réalisées une fois celles-ci validées. Cette vision de type séquentiel Temps
repose sur l’indépendance des phases. Elle minimise les inter-
actions entre les acteurs/réalisateurs des différentes phases. Figure 3 – Le cycle en V
■ Le cycle en V (figure 3)
Les étapes du cycle de développement sont systématiquement
validées avant de passer à l’étape suivante. L’étape précédente
peut être remise en cause et ses instances modifiées. Plus on des-
cend, plus le système à réaliser est défini dans ses moindres
1.4 Méthodes et démarches
constituants. Les étapes qui précèdent l’évaluation et la validation d’aide à la conception
sont ascendantes, car les tests sont faits sur les constituants, puis (groupe et système technologique)
sur les sous-systèmes afin d’évaluer le concept global finalisé.
■ La méthode reposant sur un modèle d’amélioration (figure 4) Cette deuxième série de modèles de conception inclut le concept
La principale caractéristique de cette méthode est de donner la de groupe de projet puis de processus d’intégration des métiers
possibilité de remettre en cause une ou plusieurs des étapes pré- selon le cycle de vie du système. La première méthode présentée
cédentes par boucle d’amélioration. Les données recueillies au est une représentation schématique de l’analyse fonctionnelle [7].
cours de l’avancement des opérations permettent d’affiner la Cet outil méthodologique peut être un support pour la conception
description des caractéristiques du produit. Cette méthode a été de systèmes. Son grand apport est de proposer aux acteurs une
utilisée dans le cadre de la conception d’un système de copilotage méthode structurée pour faciliter la définition ou l’expression
automatique de voiture. d’une problématique dans le cadre d’un projet (il s’agit d’une

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Besoin Identification du but sur produit/service

Spécifications
Identification et expression des fonctions

Phases de la vie
Identifier les problèmes
(avec profil de mission)
Rechercher les pistes de solutions
Évaluer les solutions en fonction de critères choisis
Déterminants
A (caractéristiques)
Conception M
Méthode intuitive
É (insatisfaction, séquences d'utilisation)

Développer les études de faisabilité L Hiérarchisation et valorisation


Sélectionner les études
Affiner en fonction des critères I
O Construction de l'organigramme fonctionnel
Étude préliminaire R Groupes fonctionnels, sous-fonctions
A
Optimiser les formes
Finaliser les études techniques et économiques T Expression des fonctions
I Degrés de liberté, aspects sémantiques
Étude définitive O
N Rédaction version de base du cahier des charges fonctionnel
Finaliser les détails
Compléter les dessins de définition Critères d'appréciation, niveaux et flexibilités
Compléter les documents de production

Validations successives
Documentation

Solution Hiérarchisation et valorisation

Figure 4 – La méthode reposant sur un modèle d’amélioration Figure 5 – L’analyse fonctionnelle

démarche systémique dont le déroulement est normalisé). Le — le système final est généralement constitué d’un système déci-
deuxième modèle présenté est l’ingénierie système qui décrit un sionnel et d’un système opérant, entre lesquels s’insère de plus en
point de vue plus global avec une vision intégrative métier. Cette plus un système d’information ;
démarche repose sur un savoir-faire industriel capitalisé dans la — le système final est toujours inclus dans un système englobant
conception de systèmes industriels de grande ampleur (systèmes et dans un environnement dont les effets directs ou indirects des
spatiaux, infrastructure de transport, etc.). défaillances, des comportements humains et sociaux, doivent être
pris en compte.
■ La méthode d’analyse fonctionnelle/analyse de la valeur (figure 5)
L’analyse fonctionnelle est un outil de définition qui nécessite en
pratique un travail en équipe. L’objectif est de définir une problé- 1.5 Limites des modèles et des méthodes
matique sur la base d’un inventaire et d’une expression des
besoins en terme de résultats selon une démarche facilitant L’utilisation des méthodes existantes fait apparaître les limites
l’appropriation progressive des concepts par l’ensemble des des modèles sur lesquels elles reposent [8] et nous permet aussi
acteurs du projet. de mieux poser de nouveaux principes plus efficients dans le cadre
d’une maîtrise de la complexité. Les deux axes de critiques formu-
■ L’ingénierie système (figure 6) lées par les membres des groupes de conception sur les méthodes
employées sont d’une part la recherche de la minimisation des
L’ingénierie système est une démarche de création de produits et interactions entre les acteurs et d’autre part la prise en compte par-
de systèmes, intégrant l’ensemble des aspects coûts, délais, qua- tielle de l’utilisateur final en situation dans le processus de
lité. Elle facilite la confrontation, l’interaction de différents points conception. Le modèle qui préside conduit les groupes de
de vue et vise à la satisfaction des futurs utilisateurs du produit ou conception à formuler également des souhaits quant à la prise en
du système. À cette fin, elle est centrée sur l’identification des compte des aspects suivants :
besoins et des contraintes, l’établissement des fonctions et des exi-
gences le plus en amont possible du processus projet, la validation — maintenir une vision globale et synthétique du projet qui va
de la conception et la vérification que les exigences sont tenues et permettre à chacun des acteurs de se positionner par rapport aux
cela en considérant l’ensemble du problème [8]. autres membres du projet, et à l’objet en construction ;
— développer une terminologie, une sémantique propre au
L’ingénierie système nécessite la modélisation de plusieurs groupe, c’est-à-dire permettant de réaliser des passerelles mini-
points de vue : males entre les représentations des différents métiers.

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Un problème, un besoin Une solution, un système

RETRAIT
BESOIN DÉVELOPPEMENT PRODUCTION EXPLOITATION
du système

Ingénierie système
Pluridisciplinarité
Interdisciplinarité

Domaine du besoin : Domaine du SLI


maîtrise d'ouvrage (soutien logistique integré) :
(points de vue : approvisionnement,
organisateur, exploitation,
utilisateur, maintien
opérateur...) Domaine de spécialités : Domaine des métiers :
SdF (sûreté de fonctionnement), mécanique, électronique,
performances, ergonomie informatique

Figure 6 – L’ingénierie système

2. Méthode systémique : ● Au niveau social, le milieu dans lequel évolue l’homme devient
de plus en plus complexe et varié. Les relations personnelles,
concepts et mise en œuvre sociales, professionnelles se multiplient et s’internationalisent. Bien
que le réflexe naturel de l’être humain soit de chercher à simplifier
sa pensée pour mieux maîtriser le monde, l’homme doit faire face
au défi de la complexité dont il est une partie agissante.
2.1 Environnement et complexité : Suivant notre logique, nous cherchons à prendre en compte
cette complexité en associant simultanément les dimensions
vers une approche sociotechnique sociale et technologique. Dans le cadre d’une vision sociotech-
de la conception de produit nique, l’objectif est d’accompagner ce processus de complexifi-
cation porteur de potentialités nouvelles. Un des leviers d’action
est la mise en synergie des compétences individuelles et collec-
Nous avons montré, à travers la genèse des différents modèles, tives. La représentation du monde portée par des individus, des
l’apparition du principe d’amélioration, puis, dans le cadre des groupes, des paradigmes de connaissance est selon notre appro-
méthodes et démarches d’aide à la conception, la mise en œuvre che vue comme une richesse facilitant l’intégration de la
d’étapes et d’opérations réalisées de façon de plus en plus
complexité. Nous cherchons à créer un espace collectif favorable
concomitante. L’évolution se fait vers un processus de conception pour trouver de nouveaux modes opératoires. Le processus de
qui prend en compte la notion de groupe, puis l’intégration du
gestion des interactions du groupe, prend alors toute son impor-
point de vue des différents métiers sur le cycle de conception.
tance et le produit conçu selon cet esprit a plus de possibilités de
Nous pouvons voir se dessiner progressivement une évolution du
s’intégrer dans son environnement d’usage. Il pourra même porter
paradigme de la conception d’une vision technicienne vers une
plus facilement en lui une capacité à évoluer avec les utilisateurs
vision systémique qui articule les métiers autour de la conception dans une interaction coévolutive.
du produit vu comme un système inséré dans un environnement
pour des utilisateurs ayant des exigences de plus en plus Une vision sociotechnique va permettre d’intégrer ces remar-
spécifiques. ques, elle s’inscrit dans le paradigme systémique selon une
représentation constructiviste [9].
Deux niveaux sont à considérer selon notre approche : le niveau
technique et le niveau social.
● Au niveau technique, les modèles de conception s’inspirent 2.2 Démarche
progressivement du paradigme systémique en mettant en exergue
le fait d’observer les systèmes ou les produits dans leur globalité. Cette approche redonne sa vraie place à l’acteur. La réalité est
Cette évolution est sensible autant pour les outils d’aide à la fabrica- maîtrisée par le modélisateur, sujet actif et connaissant. Ce mode
tion en groupe que pour des méthodes centrées sur les processus d’appréhension du monde permet de contourner la tendance
du type ingénierie système. Bien que ces méthodes et démarches naturelle à voir le réel comme indépendant de l’observateur et à
présentent un point de vue technique ou technologique, elles pren- croire qu’il est accessible selon un unique angle de vue.
nent en considération les parties qui composent le produit assemblé L’autre particularité de la méthode est d’être centrée sur l’inter-
ou le système et ses interactions par rapport à son environnement. action (entre individus, entre objet et projet d’acteurs) et les pro-
L’objectif recherché est de concevoir des systèmes complexes qui ductions qui en sont issues. La création d’une dynamique de
ne peuvent émerger dans des contextes méthodologiques groupe repose sur le mode du projet porté par les acteurs ou les
classiques. Favoriser la multiplicité des représentations permet membres d’une communauté d’appartenance. Les objectifs, les
d’enrichir l’objet et ses potentialités d’être correctement utilisé dans principes et le mode de fonctionnement (modèle et mise en œuvre)
son environnement au cours de son cycle de vie. de la méthode proposée sont exposés ci-après.

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■ Les objectifs Le modèle cadre dans les 7 encadrés qui suivent est un guide
générique qui décrit les étapes et leur nature. Nous donnons
Il s’agit de :
l’exemple du SQ en mettant en exergue à chaque étape les carac-
— permettre la construction de repères et le positionnement rela- téristiques essentielles de notre approche par rapport aux métho-
tif des acteurs les uns par rapport aux autres et vis-à-vis du projet dologies existantes :
(maintenir un flux d’information entre le niveau local et le niveau
global) ; — l’objectif essentiel de l’interaction entre les membres du
— activer des boucles d’amélioration perception/compréhension/ groupe de conception (guide la dynamique collective) ;
action ; — le résultat attendu à la « sortie de l’étape » (clé de la validation
— former une relation stable et durable entre les membres au du passage à l’étape suivante) ;
niveau du groupe de projet. — le distingo entre la partie explicite de la démarche et la boucle
d’apprentissage activée chez les membres du projet (fondement du
■ Les principes rapport individuel et collectif) avec ses conséquences ;
— les aspects implicites recherchés par l’animateur de la
Le principe pivot est de favoriser la constitution d’une interaction méthode.
collective forte. Cette interaction a pour objet de construire le lien
entre une vision individuelle et une vision collective du système à Notons qu’à chaque étape l’objectif de l’interaction change. (0)
construire. Les autres principes de la démarche sont les suivants :
— faire émerger les attentes, objectifs, contraintes des acteurs,
face à eux-mêmes, aux autres individus et au projet ; ÉTAPE No 1
— susciter la formulation et la reformulation en groupe ;
— faciliter les traductions réciproques pour favoriser l’appro- FINALITÉ : PERCEPTION - OBSERVATION
priation ;
— développer un principe de respect des valeurs de l’individu et OBJECTIF DE L’INTERACTION : QUESTIONNEMENT
de transparence ;
— construire une représentation/modélisation visuelle articulant Enjeu de l’objectif de l’interaction
les niveaux local et global (métier, entreprise, environnement).
Proposer la mise en relation des personnes
■ Le modèle et ses étapes sur la base d’une problématique ou d’un thème

La démarche comprend sept étapes dont les finalités sont les Résultats attendus
suivantes :
• Fonder le concept du projet dans une optique de fonctionnalités
1. Perception-observation
souhaitées par les utilisateurs du système en interaction avec
2. Identification et positionnement
son environnement
3. Co-construction du référentiel
4. Appropriation du langage et socialisation • Constituer les fondements du futur groupe de projet
5. Configuration-reconfiguration
6. Organisation et intégration des contraintes de l’environ- Principes, remarques ou techniques
nement physique
7. Action et sécurisation • Les personnes directement concernées par le projet sont
« invitées » à cette première étape. Elles peuvent « appartenir »
à différentes organisations autour des représentants de l’entre-
Le groupe projet se réunit régulièrement et les réunions activent prise sur l’initiative du groupe fondateur du projet.
dans un ordre donné une boucle d’apprentissage selon le cycle :
perception, co-construction, reconfiguration, intégration, action. Illustration de l’étape 1 de la démarche
Chaque étape active une boucle à finalité spécifique qui fonde le appliquée à la conception d’un système qualité
rapport individuel et collectif nécessaire à la construction du lien
entre les membres du groupe projet. La démarche permet, de par ● Partie explicite
sa structure et son contenu, de favoriser la prise de conscience de
Objectif de l’interaction : créer une dynamique de question-
l’individu par rapport au groupe et au projet et elle va l’aider à se
nement autour du thème : « Construire un système qualité infor-
positionner dans ses rapports relationnels. L’objectif de l’inter-
matisé adapté à l’entreprise et répondant aux besoins réels
action guide la dynamique collective pour qu’au fur et à mesure du
d’organisation interne et qui devra également améliorer la réponse
déroulement de l’étape se fabrique une émergence évaluée en fin
aux exigences des marchés et des clients ».
de séance. L’émergence est qualifiée en comparant l’écart entre le
résultat attendu et le résultat réel perçu par les acteurs. Dans le cas Résultat attendu : la formation du groupe projet système qualité
où le résultat est obtenu, il est alors possible de déclencher le pas- constitué par les futurs utilisateurs, ainsi que les représentants
sage à l’étape suivante. externes de l’entreprise (clients et fournisseurs) directement im-
pactés.
Perception-observation : observer et comprendre les grands
principes du SQ de façon individuelle et collective. Les principes et
2.3 Description et illustration les exigences du système constitueront les déclencheurs séman-
de la démarche tiques du projet.
Les principes du système qualité sont les suivants :
Les grandes lignes de mise en œuvre de la démarche — identifier et transcrire sous forme de procédure les savoir-faire
La démarche est appliquée à la conception d’un système qualité essentiels de l’entreprise ;
(SQ). Celui-ci est simplifié pour permettre une meilleure compré- — réaliser ce qui a été transcrit (ou implémenté) conformément
hension du déroulement des étapes. Ce système a pour objectif aux spécifications originelles ;
d’améliorer le fonctionnement de l’entreprise. Il est vu ici comme — contrôler ce qui a été réalisé ;
un moyen systémique d’augmenter le niveau de qualité des ser- — apporter les corrections nécessaires compte tenu de la mesure
vices ou des produits de l’entreprise. des résultats obtenus.

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● Aspects implicites recherchés (0)


Faciliter la compréhension de la finalité du système qualité. ÉTAPE No 3
Clarifier les exigences du système qualité avec les membres de
l’entreprise et les utilisateurs externes impliqués. La démarche FINALITÉ : CO-CONSTRUCTION DU RÉFÉRENTIEL
orientera le groupe vers un choix des participants au projet en
fonction de leur degré d’influence (valeur ajoutée) sur le processus OBJECTIF DE L’INTERACTION : COMPRÉHENSION
d’affaire de l’entreprise. (0) MODÉLISATION

Enjeu de l’objectif de l’interaction


ÉTAPE No 2
Description stabilisée du projet
FINALITÉ : IDENTIFICATION ET POSITIONNEMENT
Résultats attendus
OBJECTIF DE L’INTERACTION : CARTOGRAPHIE,
POSITIONNEMENT • Liste des acteurs, de leurs objectifs, gains attendus, critères,
freins, contraintes, part de risques acceptables estimés
Enjeu de l’objectif de l’interaction • Identification des groupes ainsi que de leurs responsables
• Détermination de l’économie du système et des sous-systèmes
Description du système selon des angles : communicationnel, économique, politique,
social, écologique
Résultats attendus
Principes, remarques ou techniques
• Identifier, rassembler l’ensemble des partenaires du projet
selon leurs motivations respectives • Schématisation des frontières du projet au niveau individuel,
• Aider les individus à se positionner les uns par rapport aux local (entreprise) et global et visualisation des impacts du sys-
autres en faisant émerger les gains espérés et les prises de ris- tème sur différents plans
que envisagées par rapport à la finalité du système à concevoir • Utilisation de modèles schématiques et visuels de différentes
formes (statique, dynamique, interactionniste)
Principes, remarques ou techniques

• Principe de liberté sur la façon de réaliser les fonctions du sys- Illustration de l’étape no 3
tème
• Chaque entité pourra dans la mesure du possible conserver son ● Partie explicite
propre mode de fonctionnement Objectif de l’interaction : favoriser la compréhension des rela-
• Premier ancrage en faveur d’une traduction des données en tions entre les acteurs participant à la fabrication du système qua-
information et savoir-faire compréhensible par tous lité par une opération de modélisation globale des interactions
prévues entre les groupes d’acteurs du projet (matrice) et des sché-
mas distinguant les aspects internes et externes du système. Le
Illustration de l’étape no 2 tableau (matrice de relations d’acteurs) et les schémas vont per-
● Partie explicite mettre de montrer, puis de partager, les responsabilités en fonction
des objectifs et critères de chacun des groupes impliqués.
Objectif de l’interaction : dans la première étape, le processus
d’affaire de l’entreprise a été schématisé, ceci a permis d’identifier À ce stade, chaque grande partie du système qualité est expli-
les groupes de personnes ayant une influence certaine sur la per- quée de façon détaillée par un tiers extérieur, selon quatre aspects
formance (qualité, coûts, délais) de l’entreprise. Cette étape amé- essentiels :
nage un espace favorable pour permettre aux membres du groupe 1. Responsabilité du management
d’échanger leurs points de vue sur le futur système. 2. Management des ressources
Résultat attendu : une exploration des différents moyens possi- 3. Management des processus
bles, puis disponibles, pour fabriquer un système qualité répon- 4. Mesure, analyse, amélioration
dant aux principes et exigences de l’entreprise (étape no 1). Ici, les
participants ont souhaité de façon collective un système simple, L’effort portera sur la façon dont chaque groupe d’acteur va
fiable et informatisé qui doit résoudre les problèmes qu’engendre s’impliquer (et pourquoi) sur tel ou tel aspect du système, ce qui
la croissance de l’entreprise. revient à se pencher sur « l’économie du système » vu dans sa glo-
balité.
Identification et positionnement : passer des caractéristiques du
système (étape no 1) à l’identification des partenaires clés et leur Résultat attendu : une identification fine des acteurs, des res-
permettre de se positionner les uns par rapport aux autres. ponsables des groupes, de leurs objectifs, critères et contraintes
respectifs. Une représentation simplifiée de l’économie du système
Dans l’exemple, cinq grands groupes ayant un point de vue
sera schématisée. Cette image est fabriquée par les membres du
particulier sur le futur système à concevoir ont été composés : les
projet en fonction de l’utilité pressentie du système selon leur
clients, les fournisseurs, le marketing, la conception/fabrication, la
propre point de vue.
maintenance.
● Aspects implicites recherchés Co-construction du référentiel : passer de l’identification floue
des groupes de partenaires du projet (étape no 2) à la prise de
La clarification des critères de satisfaction de chacun des grou- conscience des enjeux et des relations nécessaires pour mener à
pes (clients, fournisseurs, marketing, conception/fabrication, main- bien le projet dans sa globalité. La fabrication d’une matrice (objec-
tenance) vis-à-vis du futur système, leurs attentes en termes de tifs, contraintes, critères), puis la schématisation des relations entre
gains ainsi que leurs apports respectifs dans sa conception. les milieux interne et externe va implicitement permettre de
La démarche permettra de faire émerger les motivations essen- construire un référentiel commun et faciliter la formation d’un
tielles de chaque partie pour mieux les valoriser au cours du projet. vocabulaire et d’une vision d’un modèle partagé.

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● Partie implicite ● Aspects implicites recherchés


L’identification des critères de chaque groupe permet de réaliser Découvrir l’enrichissement mutuel possible dans la synergie du
des évaluations à partir des attentes initiales formulées. À titre groupe et se découvrir soi-même en situation de crise. La démar-
d’exemple, la maintenance est attachée à un système qualité qui che permet de limiter les freins à la coopération et de favoriser
doit faire l’historique des interventions effectuées sur chaque l’émergence d’une culture propre au projet. À partir de cette étape,
produit spécifique livré à un client. La valorisation de chaque cri- les conditions favorables pour fabriquer un système innovant sont
tère permet d’orienter la conception du système en fonction des réunies. (0)
réelles nécessités de chaque acteur. (0)

ÉTAPE No 5
ÉTAPE No 4
FINALITÉ : CONFIGURATION - RECONFIGURATION
FINALITÉ : APPROPRIATION DU LANGAGE - SOCIALISATION
OBJECTIF DE L’INTERACTION : CONSTRUCTION D’UN LIEN
ENTRE LA VISION LOCALE ET GLOBALE
OBJECTIF DE L’INTERACTION : SOCIALISATION, VÉCU COMMUN
ET APPARTENANCE AU GROUPE Enjeu de l’objectif de l’interaction

Enjeu de l’objectif de l’interaction Construction/destruction d’une représentation

Résultats attendus
Accompagnement à la formation de la relation entre les membres
du projet et à l’éthique fondant l’appartenance au groupe
• Modélisation/redéfinition des liens et des relations entre les
acteurs en fonction du référentiel (étape no 3), ainsi que des dif-
Résultat attendu férents champs de responsabilité et de risques des partenaires
• Fabrication/destruction d’un modèle commun simplifié mis à
jour en permanence et/ou d’une carte d’accès aux différents
• Découverte mutuelle des acteurs et formation de compor- modèles et vue métiers supportant les validations successives
tements implicitement acceptés et partagés du système
• Construction d’une série d’hypothèses et de scénarios d’évolu-
Principes, remarques ou techniques tion du modèle en l’isolant du milieu extérieur

• Bilan de motivation individuel, formation à l’ethnométhodologie Principes, remarques ou techniques


• Formation à la communication interpersonnelle et à la préven-
tion de la gestion des conflits • La validation des représentations construites est soumise au
• Découverte des individus hors contexte de travail principe de priorité de décision de l’acteur le plus directement
• Mise au point d’une charte commune et d’une synthèse des impliqué (avec une vue globale commune et un avis externe
spécifications techniques du projet systématique)

Illustration de l’étape no 4 Illustration de l’étape no 5

● Partie explicite ● Partie explicite


Objectif de l’interaction : permettre la mise en configuration des
Objectif de l’interaction : construire ensemble un vécu commun
vues du système qualité selon les différents groupes constitués
qui va générer la construction de relations d’appartenance autour
lors de l’étape no 3. Gérer les éventuels conflits naissants de la pre-
du projet. Il s’agit de fabriquer une culture apte à porter le projet
mière stabilisation du système qualité.
jusqu’à son terme. Selon notre approche, le système est le reflet de
la « bonne » constitution des interactions entre les membres du Résultat attendu : mettre en configuration plusieurs vues du sys-
projet. Cette étape doit assurer le fondement relationnel affectif du tème qualité puis les reconfigurer sous forme d’un modèle (holo-
groupe. Les individus sont appelés à se comprendre eux-mêmes graphique) validé par le groupe dans une perspective qui tient
dans leurs relations avec le groupe. Ils vont constituer progressi- compte du niveau stratégique de l’entreprise. Dans cette étape, le
vement une culture autour de l’acquisition d’un vocabulaire par- manager intervient pour faire le lien entre le mode de fonction-
tagé. nement interne de l’entreprise et l’environnement externe,
c’est-à-dire les besoins du marché et les axes de développement
Résultat attendu : favoriser l’émergence d’un lien entre les
privilégiés par l’entreprise.
membres du projet fondé sur des règles implicites de respect
mutuel des valeurs individuelles et, simultanément, permettre aux Configuration-reconfiguration : passer de l’agrégation du lien
acteurs de réfléchir sur leurs propres comportements. Cette étape entre les membres du projet (étape no 4) à une modélisation du
permet aux individus de comprendre comment leur projet indivi- système qualité par les acteurs impliqués, puis réintégrer les
duel s’intègre au projet collectif. contraintes du milieu extérieur. Cette boucle suit un cycle calé sur
l’évolution des marchés de l’entreprise.
Socialisation-appropriation du langage : passer de la stabili-
sation du projet (étape no 3) à l’agrégation du lien affectif, puis ● Aspect implicite recherché
culturel, nécessaire entre les membres de l’équipe.
Cette étape doit bien mettre en évidence le passage entre une
Dans l’exemple, le passage ou l’engagement à participer pleine- vue métier, et une vue globale de l’entreprise d’un point de vue
ment à la fabrication du système qualité s’est effectué autour d’un interne et du point de vue de l’entreprise insérée dans son environ-
vocabulaire commun propre au projet. Celui-ci s’est progressive- nement. Cette méthode permet de découvrir les relations entre les
ment stabilisé, puis est devenu d’un usage complètement implicite. niveaux local et global, individuel et collectif. (0)

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ÉTAPE No 6 ÉTAPE No 7

FINALITÉ : ORGANISATION ET INTÉGRATION FINALITÉ : ACTION ET SÉCURISATION


DES CONTRAINTES DE L’ENVIRONNEMENT
OBJECTIF DE L’INTERACTION : VUE SUR LES FLUX
DE CONCRÉTISATION ET SÉCURISATION
OBJECTIF DE L’INTERACTION : PASSAGE DU CONCEPTUEL
AU MATÉRIEL
Enjeu de l’objectif de l’interaction

Enjeu de l’objectif de l’interaction Élaboration des préconisations/actions

Identification des axes de réalisation du projet Résultats attendus

• Identification des problématiques rencontrées et recherche des


Résultats attendus solutions adaptées valables dans un périmètre donné
• Mesure des résultats obtenus et des risques associés aux res-
• Identification des métiers sollicités et de leurs articulations sentis des acteurs face à eux-mêmes, aux autres ainsi qu’au
• La liste détaillée des actions à effectuer et leurs délais de réali- projet
sation en se basant sur les articulations et les relations entre les • Description des processus à mettre en œuvre sur la base de
acteurs du projet (matrice et schématisation) l’identification des critères de qualité attendus sur chaque fonc-
• Évaluation de l’importance relative des actions face aux risques, tionnalité du système
coûts, délais, performances attendues • Accompagnement à l’action et à la sécurisation des acteurs

Principes, remarques ou techniques


Principes, remarques ou techniques
• La partie évaluation « humaine » consiste en une simple
• Le passage du conceptuel au matériel est fonction des spécifici- verbalisation par un tiers extérieur et l’exercice d’une pédagogie
tés de l’environnement local de chaque fragment identifié du visant à faire baisser les freins à l’action
système • L’évaluation subjective du système est anonyme
• La partie objective est quantifiée sur la base des critères identi-
fiés lors des étapes no 2 et no 3
Illustration de l’étape no 6 • Des « candides » seront intégrés particulièrement lors de cette
étape
● Partie explicite
Objectif de l’interaction : gérer la construction effective du sys-
tème qualité en fonction des moyens disponibles mis à la dispo- Illustration de l’étape no 7
sition de chaque responsable des groupes du projet.
● Partie explicite
Résultats attendus : Objectif de l’interaction : permettre un premier recul collectif sur
1. Identifier les personnes impliquées directement dans la réali- le système qualité provisoire. Dans cette étape, les acteurs vont
sation et fournir un plan d’action qui va distinguer : vérifier l’état d’avancement de l’action et exposer au groupe les
problèmes rencontrés. Par exemple : comment impliquer les four-
— les processus métier pouvant être gérés de façon indépen-
nisseurs qui manquent de temps, ou comment gérer au mieux
dante et autonome par des individus ;
l’arrivée d’un nouvel interlocuteur.
— les espaces d’articulation où la construction du système devra
s’appuyer sur des groupes de travail transversaux. Par exemple, la Résultats attendus :
documentation qualité d’une affaire de son origine jusqu’à son — évaluer l’état d’avancement du projet ;
achèvement. — mesurer les risques objectifs et subjectifs pour mieux les
prendre en considération ;
2. Chaque partie définit sa part de prise de risques, les coûts, les — arbitrer les difficultés individuelles et collectives sur les
délais et les performances attendues. aspects potentiellement conflictuels de façon à sécuriser chaque
Organisation et intégration des contraintes de l’environnement individu dans son rapport au projet.
physique : passer d’un modèle simplifié du système qualité à sa Action et sécurisation : passer d’un modèle conceptuel (étape
réalisation effective et son implementation. Les caractéristiques no 6) à l’autoévaluation du degré de réalisation du projet par les
des fragments du système qualité sont déjà clairement identifiées acteurs. Chaque individu est clairement responsable de son
par les acteurs et modélisées. La question des articulations avec le fragment vis-à-vis du collectif. Le coordinateur veillera à créer une
système global n’est plus nécessaire à ce stade. Le montage d’un boucle entre les critères de satisfaction identifiés au début du
budget permet de concrétiser les moyens à mettre en œuvre. projet (étape no 3) et les moyens mis en œuvre pour les atteindre.

● Aspect implicite recherché ● Aspect implicite recherché


La manière de procéder met bien en évidence le fait que la qua- Donner les moyens d’évaluer la progression individuelle de
lité du résultat dépend du respect par chacun des spécifications. Ce chaque individu, faire baisser les freins à l’action au niveau indi-
résultat est rendu « possible » par le contexte où chacun se posi- viduel et collectif par une sécurisation des acteurs. Dans cette
tionne par rapport aux autres en fonction d’un besoin détecté à son étape, des tiers extérieurs seront impliqués pour faciliter la conso-
propre niveau. Dans l’action, le niveau local a primauté sur le lidation des liens du groupe et valoriser les résultats individuels et
global. (0) collectifs.

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3. Conclusion les conditions favorables à l’émergence de l’innovation. Un des


axes essentiels est la co-construction, progressivement articulée,
d’une représentation implicite du futur système par les membres
Cet article visait à présenter une démarche systémique favori- du groupe de conception.
sant l’innovation pour la conception de systèmes sociotechniques. Sur la base d’une représentation partagée et surtout acceptée
Cette démarche montre que la notion de projet d’acteurs favorise, par le groupe, plusieurs visions du système en conception sont
à partir du moment où elle est correctement orchestrée, la consti- alors facilement intégrées.
tution d’un lien social et d’une culture commune, levier incontour-
Le monde actuel se complexifie et les besoins évoluent de plus
nable pour produire un système innovant. Dans la pratique, cette
en plus rapidement, tout comme les technologies à la disposition
démarche d’interaction guidée permet de construire progressive-
des concepteurs. Dès lors, le fait de pouvoir représenter une réalité
ment le lien entre une vision individuelle et une vision collective du
la plus « complète » possible face à des besoins difficiles à cerner
système à créer, dans son contexte d’usage.
et complexes ne peut s’établir que dans la recherche d’une
Le respect des boucles d’apprentissage du groupe de conception complémentarité des visions des personnes autour d’un objectif
permet de garantir une qualité de la communication interperson- qui doit être vraiment commun et en rapport avec un réel besoin
nelle et d’entretenir sa dynamique dans la durée. Ce procédé fonde d’usage multiforme et perçu comme tel.

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