Sie sind auf Seite 1von 6

GENRE ET ENSEIGNEMENT

Pierre Bruno, Christine Mongenot

Armand Colin | « Le français aujourd'hui »

2016/2 N° 193 | pages 5 à 12


ISSN 0184-7732
ISBN 9782200930486
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2016-2-page-5.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin


Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pierre Bruno, Christine Mongenot, « Genre et enseignement », Le français
aujourd'hui 2016/2 (N° 193), p. 5-12.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin

DOI 10.3917/lfa.193.0005
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin.


© Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


PRÉSENTATION
GENRE ET ENSEIGNEMENT

Pierre BRUNO
&
Christine MONGENOT

Greffer la problématique d’un numéro du Français aujourd’hui sur une


brulante actualité1 , telle n’était pas notre intention en commençant à
concevoir ce projet de numéro qui revisite certains des questionnements
exposés dans le n° 163 (2008), intitulé « Genre, sexisme et féminisme ». Ce

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin


n’était pas au cœur même de querelles virulentes, d’anathèmes et de propos
déformés que l’on pouvait réfléchir de manière productive à la question du
genre et à la manière dont ce concept est tantôt manié, tantôt accueilli avec
réticence, voire récusé par les différents acteurs intervenant dans la sphère
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin

scolaire.
Il nous a donc paru plus intéressant d’observer les effets d’un débat
fortement médiatisé, une fois cette exposition retombée. Que traduit
l’apaisement relatif constaté dans la sphère médiatique : une reconnaissance
tacite de la validité du concept pour analyser certains contenus, certains
dispositifs ou certaines situations dans la sphère sociale ou scolaire ?, un
retour dissimulé à la situation antérieure et à l’occultation assez forte qui
prédominait ?
La question mérite d’être posée du côté institutionnel car la disparition des
ABCD de l’égalité au profit d’autres formulations telles que le « plan d’action
pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école » ou les « outils égalité filles-
garçons» désormais en ligne sur CANOPÉ, peut suggérer des hypothèses
contradictoires : ne s’agit-il que d’une concession lexicale et faut-il voir,
derrière le changement de termes, la continuité d’une incitation à éduquer,
en faisant découvrir aux élèves la dimension « genrée » de nombre d’objets
ou de pratiques sociales ? Faut-il à l’inverse considérer que la disparition
du mot genre en tant que tel, et son repli derrière la seule dénonciation
du sexisme recouvrent en profondeur une forme de « défaite » de la pensée
émancipatrice au sein de la sphère scolaire ?
Élargissant le questionnement, les contributions de ce numéro analysent
ou montrent en quoi le genre peut constituer un concept opératoire pour
penser l’enseignement, alors que celui-ci s’est durablement présenté comme

1. Voir Tous à poil et le débat autour des ABCD de l’égalité.

rticle on line
Le Français aujourd’hui n° 193, « Genre et enseignement »

neutre aussi bien dans ses contenus que dans ses modalités de transmission
ou de médiation.
Le genre fait désormais largement partie des catégories en usage dans les
recherches sociologiques concernant les pratiques culturelles et permet d’in-
terpréter certaines de leurs variations2 ; Sigolène Couchot-Scheix, montre
toutefois, dans la contribution qui ouvre ce numéro, que cette appropriation
s’est opérée lentement, avec un certain retard par rapport aux problématiques
déjà développées dans le monde anglosaxon et en rencontrant des résistances
au sein d’un monde universitaire globalement hostile aux cultural studies. Le
genre sert cependant aujourd’hui de concept opératoire aux sociologues qui
tentent de rendre compte des différences, voire des inégalités dans la sphère
scolaire en s’attachant aux acteurs masculins et féminins3 ; plus récemment
encore, il a commencé à être utilisé par les chercheurs en didactique4 .
C’est précisément dans le cadre de la didactique du français que s’inscrivent
les réflexions regroupées dans les deux principaux axes qui structurent le corps
de ce numéro : le premier intitulé « Des approches théoriques genrées de la

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin


langue et de la littérature » porte sur la relecture de contenus disciplinaires
au prisme du genre tandis que le second, « Des dispositifs d’enseignement
pour appréhender la question du genre », s’intéresse à l’activation effective
de cet outil conceptuel pour concevoir, mettre en œuvre et analyser des
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin

dispositifs d’enseignement spécifiques.


Les différents contenus qu’englobe la discipline du français aujourd’hui
pourraient donc tous avoir quelque chose à gagner au fait d’être repensés en
prenant en compte le paramètre du genre, qu’il s’agisse de l’histoire littéraire,
des notions grammaticales ou des textes de littérature de jeunesse à proposer
aux élèves. Cependant l’utilisation de cet outil conceptuel qu’est le genre
pour analyser des contenus disciplinaires, mais aussi leur mise en forme
dans des supports scolaires ou même des œuvres de littérature, continue de
rencontrer des résistances et son maniement doit par ailleurs contourner un
certain nombre d’écueils.
Le premier, qui revient en filigrane dans plusieurs des contributions de
ce volume, est l’absence d’accord sur les termes ; la recherche louable du
consensus s’effectuant aux dépends de la clarification des concepts. Nous le
verrons, plusieurs des auteurs rappellent la nécessité de définir précisément
les termes de l’« égalité » entre filles et garçons.
Le deuxième, en adoptant la perspective genrée, est le risque d’un
mode de lecture potentiellement monopolistique, écrasant d’autres prismes
analytiques. Par ailleurs, si paradoxalement la cohabitation avec des lectures

2. Voir S. Octobre, Questions de genre, questions de culture, Paris, DEPS - Ministère de la


culture, 2014.
3. M. Estripeaut-Bourjac et N. Sembel (dir.), Femmes, travail, métiers de l’enseignement.
Rapports de genre, rapports de classe, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, coll.
« Genre à lire... et à penser », 2014.
4. C’est ce que montre l’intitulé du colloque UPEC-ÉSPÉ programmé à Créteil, les 8 et 9
avril 2015 et intitulé : Genre, didactique et formation.

6
Genre et enseignement

du texte excluant toute préoccupation sociale s’avère peu problématique


– une fois actées les légitimes divergences de paradigmes scientifiques ou de
philosophies politiques –, elle peut être plus difficile avec d’autres grilles de
lectures centrées, par exemple, sur l’objectivation des représentations racistes.
Les difficultés d’une approche globalisante des discriminations éclairent
l’hostilité que peut rencontrer le féminisme intersectionnel.
Le troisième écueil est celui de l’absence de regard critique sur le
développement du concept lui-même. Pour ne prendre qu’un exemple
la légitimité de la lutte contre les stéréotypes et les violences liées au genre ne
doit pas faire oublier les enjeux de pouvoirs au fondement de son succès. Anne
Berger, dans notre précédent numéro sur la question, identifiait deux facteurs
explicatifs de cette faveur et signalait leur convergence : « la substitution,
dans l’enseignement supérieur, d’une logique de compétition internationale
aux principes qui gouvernaient jusque-là l’ensemble du système éducatif
français, et le renversement de la position de la France intellectuelle, qui,
d’exportatrice majeure d’idées dans le monde, est devenue depuis quelques

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin


années une importatrice avide des discours les plus « en vue » hors de ses
frontières »5 . Nul ne sait si Dieu se rit de ceux qui chérissent les effets dont
ils maudissent les causes, mais en tout cas s’engager dans cette voie suppose
nuance et prise de distance.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin

Dans le cadre de ce numéro, la mobilisation du concept de genre pour


penser l’enseignement du français, s’exerce principalement dans les champs
littéraires et linguistiques. Qu’elle concerne plus spécifiquement l’histoire
littéraire comme c’est le cas dans l’article de Martine Reid ou les manuels
de grammaire du cycle 2, dans l’article de Yannick Chevalier, elle permet
de mettre à distance des contenus disciplinaires qui semblent pratiquement
naturalisés alors que leur réception parfois problématique par les élèves
devrait précisément nous alerter sur leur caractère d’artéfact, et nous conduire
à les mettre à distance, voire à les remettre en cause. Il en va ainsi de l’histoire
littéraire dont la constitution s’inscrit dans une histoire idéologiquement
marquée, phénomène trop souvent minoré et qui conduit à reproduire
des déséquilibres, des occultations ou des biais dans la représentation des
femmes. De manière similaire, et alors que l’on s’y attendrait sans doute
moins, l’enseignement grammatical du genre hérite de quelques poncifs
pédagogiques eux aussi marqués au coin de l’idéologie, comme l’analyse
Yannick Chevalier qui ouvre pour les enseignants quelques alternatives à
la reconduction servile de ce qu’il faut bien appeler des représentations
erronées de la langue et de son fonctionnement.
Cette prise de distance est sans doute aussi nécessaire lorsque l’on se
confronte aux œuvres – ou aux productions ? – littéraires aujourd’hui
proposées à la jeunesse. Dans un article à trois voix, Marie Manuelian,
Nathalie Magnan-Rahimi et Lydie Laroque évaluent la manière dont la

5. A. Berger, « Petite histoire paradoxale des études dites de "genre" en France. », Le français
aujourd’hui, 163, 83-91, 2008.

7
Le Français aujourd’hui n° 193, « Genre et enseignement »

littérature de jeunesse contemporaine ou les outils qui la promeuvent, telles


les listes indicatives de l’éducation nationale, intègrent la problématique
du genre et de sa construction, ou parfois revendiquent cette intégration :
de l’intention affichée à la réalité de sa mise en œuvre dans des fictions,
les écueils là aussi ne manquent pas et les trois auteures montrent que le
champ de la littérature ne s’exempte ni d’allers-retours sur ces questions, ni
d’occultations ou de biais dans les représentations qu’il fait ou voit naitre.
Ces premières contributions suggèrent donc, chacune à leur manière, la
complexité des analyses genrées à conduire sur des contenus d’enseignement
finalement complexes du fait de leur constitution progressive dans le temps,
de leur sédimentation, et de leur inscription dans des traditions reconduites
sans être nécessairement identifiées comme telles. Une observation réfléchie
de ces contenus ou de ces objets, leur « démontage » outillé par le concept
de genre ne va donc pas de soi, même si leur enjeu n’a guère besoin d’être
démontré dans le cadre d’une éducation à l’égalité qui implique que les
enseignants comme les élèves mettent au jour des mécanismes favorisant

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin


la « naturalisation » des différences ou sa part d’impensé. Le concept de
« dispositif » pédagogique ou didactique s’en trouve d’autant plus nécessaire.
Or, c’est paradoxalement sur ce point que les « outils » proposés sur le site
CANOPÉ par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin

supérieur et de la Recherche semblent frileux, comme le montre l’article de


Pierre Bruno et de Christine Mongenot. Les deux chercheurs s’interrogent
d’une part sur les ambigüités internes à certains documents à propos du
concept privilégié d’égalité mais soulignent aussi le faible étayage finalement
apporté à l’enseignant désireux de se saisir d’une telle approche : en se
focalisant sur les activités de repérage, dans des situations de réception, les
« outils » proposés pour l’enseignement du français permettront-ils d’engager
une réflexion productive chez les élèves, réflexion qui évite à son tour les
stéréotypes ou les catégorisations rigides ?
La prise en compte nuancée de certaines données apparait précisément
dans l’article d’Annette Jarlégan qui rappelle que les inégalités liées au genre
ne se retrouvent pas dans les seuls manuels mais aussi dans la gestion des
classes au quotidien et, plus particulièrement, dans les inégalités quantitatives
ou qualitatives des interactions entre les enseignant-e-s et leurs élèves, filles
ou garçons. Sur la durée, d’une enquête à l’autre, une amélioration peut être
observée mais la vigilance reste de mise
Le même appel à la nuance, voire à la prudence clôt la réflexion d’Aude
Biren, comédienne, animatrice et formatrice dans sa contribution intitulée
« Donner la parole aux enfants dans le cadre scolaire et périscolaire pour
déconstruire les stéréotypes sexistes ». À l’issue d’un travail théâtral conduit
avec de jeunes élèves, elle conclut que « la mise en cause des stéréotypes
de premier niveau se réduit à un contournement de l’interdiction qui ne
remet pas en jeu, en profondeur le stéréotype lui-même : accommodements,
ou simple inversion, les contrepropositions formulées n’évacuent pas les
stéréotypes ».

8
Genre et enseignement

Dans un travail avec des élèves, répondant à un objectif proche, Gaël


Pasquier, Cendrine Marro et Laurence Breton analysent quelques gestes
professionnels accompagnant une activité de lecture littéraire d’ouvrages
destinés à la jeunesse, pour montrer que l’éducation à l’égalité des sexes
à l’école primaire nécessite une clarification du choix des supports, des
consignes à donner aux élèves ainsi que des modalités d’intervention dans
les débats.
L’analyse des contenus disciplinaires, des supports textuels ou iconogra-
phiques, la construction et l’évaluation de dispositifs didactiques intégrant
le concept de genre, ou pensées à partir de celui-ci, montrent donc à quel
point former les enseignants, dans ce domaine comme dans d’autres, est
une véritable priorité. Isabelle Collet s’attaque précisément à cette question
dans la contribution qui clôt ce numéro, considérant que la « pédagogie de
l’égalité » ne s’improvise pas mais se construit de manière réfléchie, informée.
Au vu du décalage entre la succession de directives interministérielles et de
la rareté des formations approfondies sur la question, une formation initiale

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin


obligatoire et évaluée parait plus que jamais nécessaire.

Pierre BRUNO & Christine MONGENOT


Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 87.222.24.163 - 29/09/2016 17h54. © Armand Colin

Das könnte Ihnen auch gefallen