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Médecine et maladies infectieuses 36 (2006) 52–54

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Communication brève

Évolution du paludisme grave de l’enfant au Togo de 2000 à 2002


Evolution of severe pediatrics malaria in Togo between 2000 and 2002
A.D. Gbadoé *, M. Kini-Caussi, S. Koffi, H. Traoré, D.Y. Atakouma, K. Tatagan-Agbi,
J.K. Assimadi
Service de pédiatrie, CHU-Tokoin, BP 8881, Lomé, Togo
Reçu le 16 février 2004 ; accepté le 17 octobre 2005
Disponible sur internet le 23 novembre 2005

Résumé
Le but de cette étude était de décrire la prise en charge hospitalière du paludisme grave à Lomé de 2000 à 2002. Nous avons étudié rétro-
spectivement 361 dossiers d’enfants hospitalisés dans le service de pédiatrie du CHU-Tokoin pour paludisme grave et traités systématiquement
par du SGH 10 %, suivi d’une perfusion de quinine ou de l’artéméther en intramusculaire. Le paludisme grave représentait 4,37 % des hospita-
lisations. Les enfants d’un à cinq ans étaient les plus touchés (69,53 %). Les manifestations les plus fréquentes étaient l’anémie sévère (55,7 %) et
les formes comateuses (42,7 %). La prévalence de l’hémoglobinurie était nettement en hausse (17,2 %) par rapport aux années précédentes, de
même que les formes avec insuffisance rénale (3 %). Trente-cinq enfants sont décédés (9,7 %) dont la majorité présentait une anémie sévère, des
troubles neurologiques ou une détresse respiratoire. Le taux de séquelles neurologiques était de 2,2 %.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
The aim of this study was to analyse the clinical and evolutive aspects of severe malaria in hospitalised children in 2000, 2001, and 2002 in
Togo. The study included 361 children in the pediatrics department of Lomé-Tokoin University hospital. All them received a 10% dextrose
infusion, then an infusion of quinine or intramuscular artemether. Malaria accounted for 4.37% of all hospitalizations. Children aged 1 to 5 years
were more affected (69.53%). The most frequent clinical forms were anaemia (55.7%) followed by cerebral manifestations. The frequency of
hemoglobinuria increased (17.2%) as well as renal failure (3%) compared to previous years. Thirty-five children died (9.7%). Most of them
presented with anaemia, neurological manifestations, or respiratory distress. Neurological sequels were present in 2.2% of patients.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Paludisme grave ; Togo

Keywords: Severe malaria; Togo

Cliniquement, le paludisme grave était synonyme d’accès faillance viscérale comme l’anémie sévère, l’hémoglobinurie,
pernicieux (neuropaludisme) jusque dans les années 1990. Au l’hypoglycémie, l’insuffisance rénale etc. L’évaluation en
CHU-Tokoin de Lomé, le traitement antipalustre était à base de 1994–1995 de la prise en charge du paludisme grave fondée
quinine souvent associée aux oxygénateurs cérébraux (pyracé- sur cette définition a mis à jour l’existence effective de plu-
tam) et aux corticoïdes. La létalité était de 18,8 % [1]. sieurs cas d’hypoglycémie sévère méconnus (11,46 %) et donc
À partir de 1990, une nouvelle définition de l’OMS a étendu non traités [2]. Le taux de létalité du paludisme grave était
la forme grave du paludisme à d’autres manifestations de dé- alors de 18,94 % dont plusieurs décès et séquelles se rappor-
taient aux formes hypoglycémiques [2]. Une perfusion systé-
matique de sérum glucosé hypertonique 10 % a été alors ins-
*
Auteur correspondant. tituée dans tous les cas suspects d’hypoglycémie (signes
Adresse e-mail : adgbadoe@yahoo.fr (A.D. Gbadoé). neurologiques) en préalable au traitement antipalustre spéci-
0399-077X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.medmal.2005.10.006
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fique (quinine). Cette pratique s’est avérée efficace puisque le Tableau 1


taux de létalité est passé en l’an 2000 à 6,2 % [3]. Répartition des patients selon les manifestations du paludisme grave et taux de
létalité des principaux signes de gravité
Entre 2001 et 2003, la recrudescence des cas d’hémoglobi- Distribution of patients according to clinical manifestations of severe malaria
nurie et l’hypothèse d’une élévation à nouveau du taux de lé- and lethality rate according to the main signs of severity
talité en rapport avec des difficultés de transfusion des formes Manifestations Nombre de Létalité
graves anémiques (approvisionnement insuffisant en sang du cas (%) Décès (%) p*
Signes de gravité
Centre national de transfusion sanguine), nous ont incités à ré-
Anémie sévère 201(55,67) 28 (13,93) NS
évaluer la prise en charge du paludisme grave de l’enfant au Coma 154(42,7) 26 (16,88) p < 0,005
CHU-Tokoin de Lomé. Convulsions 98 (27,14) 13 (13,26) p = 0,008
Prostration 89 (24,65) 4 (4,49) NS
Ictère conjonctival 67 (18,55) 6 (8,95) NS
1. Patients et méthodes Hémoglobinurie 62 (17,2) 6 (9,67) NS
Détresse respiratoire 45 (12,46) 11 (24,44) p < 0,005
Insuffisance rénale 11 (3,04) 3 (27,27) NS
Nous avons analysé 361 dossiers d’enfants âgés de 0 à 15 ans Collapsus 7 (1,9) 0 NS
hospitalisés dans le service de pédiatrie du CHU-Tokoin pour Hémorragie diffuse 2 (0,55) 0 NS
paludisme grave de 2000 à 2002 selon la définition de l’OMS [4]. Hypoglycémie – – –
Acidose sanguine – – –
Nous avons étudié les aspects épidémiologiques, cliniques, Autres manifestations graves
thérapeutiques et évolutifs de chaque dossier. Un comptage de Déshydratation 25 (6,9)
plus d’un parasite par champ de goutte épaisse (grossisse- Hyperthermie > 39 °C 100 (27,7)
Hyperparasitémie 117 (32,4)
ment × 600) constituait une hyperparasitémie. Les renseigne-
Thrombopénie 16 (4,4)
ments ont été recueillis à l’aide de fiches de collecte de données
*p : seuil de signification ; NS : non significatif (p > 0,05).
déjà utilisées pour deux études précédentes similaires [2,3] per-
mettant ainsi de faire des comparaisons. Les variables qualitati- 2.3. Le traitement
ves ont été comparées à l’aide des tests de χ2 de Mantel-Haen-
zel et de Fisher exact. La valeur de p (seuil de signification) Le traitement antipalustre spécifique institué à l’admission
inférieure ou égale à 0,05 a été considérée comme significative. des patients était à base de quinine dans 67,6 % des cas (244
patients) et d’artéméther dans 32,4 % des cas (117 patients).
L’artéméther a été utilisé dans tous les cas d’hémoglobinurie
2. Résultats
et dans les cas d’anémie sévère décompensée pour prévenir
une surcharge hydrique. Pour le traitement adjuvant, tous les
2.1. Données épidémiologiques patients ont bénéficié systématiquement avant le début du trai-
tement antipalustre d’une perfusion de sérum glucosé hyperto-
nique 10 % pour prévenir ou traiter une éventuelle hypoglycé-
Sur 8259 enfants hospitalisés, 2845 présentaient un palu-
mie. Cent soixante-cinq patients (45,7 %) ont bénéficié d’une
disme (34,44 %) et 361 avaient un paludisme grave (4,37 %).
transfusion, et 142 patients (39,3 %) ont reçu du diazépam pour
Le paludisme grave représentait 12,68 % de tous les cas de
des convulsions. Les patients fébriles ont reçu soit du paracé-
paludisme hospitalisés.
tamol, soit de l’acétyl salicylate de lysine. Les moyens de réa-
La tranche d’âge la plus touchée était celle d’un à cinq ans nimation se sont limités à l’oxygénothérapie au masque, à l’as-
(n = 251, soit 69,7 %). L’âge moyen était de 3,9 ± 2,1 ans (ex- piration des voies aériennes supérieures et à la surveillance
trêmes de deux mois et 15 ans). Le ratio garçons–filles était de permanente des patients dans une unité de soins intensifs.
1,3. Les cas les plus nombreux étaient recensés en juin, juillet
et août, correspondant à la période la plus humide de l’année. 2.4. Évolution sous traitement

2.2. Aspects cliniques et paracliniques Dix-neuf patients se sont évadés (5,26 %). Le taux de gué-
rison sans séquelles était de 82,83 % (299 sur 361 patients).
Huit enfants ont eu des séquelles à type de monoplégie (un
L’anémie sévère était la manifestation clinique du paludisme cas), d’hémiplégie (un cas), d’aphasie (un cas), de surdité
grave la plus fréquemment retrouvée chez nos patients, puis (deux cas), de tremblement des extrémités (deux cas), et de
suivaient les formes neurologiques ; l’hémoglobinurie était troubles du comportement (un cas).
également fréquente, de même que l’insuffisance rénale (Ta-
bleau 1). Tous les patients qui présentaient une insuffisance 2.5. Étude de la létalité
rénale avaient une hémoglobinurie. Aucun cas d’hypoglycémie
n’a été notifié, le dosage de la glycémie n’étant pas systéma- Trente-cinq enfants sont décédés, ce qui constitue un taux
tique au cours de la période d’étude. De la même façon, l’ab- de létalité de 9,70 % (11,9 % dans le groupe artéméther et
sence de cas d’acidose s’explique par l’insuffisance du plateau 8,6 % dans le groupe quinine, p = 0,31, différence non signifi-
technique permettant de les détecter. cative). Il s’agissait surtout d’enfants présentant une anémie
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sévère, des troubles neurologiques et une détresse respiratoire. La quinine reste le médicament de première intention dans
L’insuffisance rénale a été une des manifestations les plus léta- le paludisme grave. Mais l’utilisation de l’artéméther est de
les (Tableau 1). plus en plus fréquente au Togo (2 % en 1994–1995 [2] contre
14,2 % en 2000 [3] et 34,1 % dans cette étude). Cette grande
3. Discussion fréquence d’utilisation de l’artéméther s’explique par la recru-
descence des cas d’hémoglobinurie, mais aussi par son coût de
On note une augmentation de la prévalence de l’hémoglobi- plus en plus réduit (formes génériques), sa facilité d’adminis-
nurie (62 cas sur 361, soit 17,2 % des cas), par rapport aux tration, et son efficacité.
années antérieures : 7,1 % des cas en 2000 [3] et 3,28 % en Le taux de létalité de 9,76 % retrouvé dans cette série est
1994–1995 [1]. Ce taux élevé n’a été retrouvé dans la littérature plus élevé que les 6,2 % notés en 2000 [3]. Dans l’étude hos-
africaine qu’au Bénin, pays voisin du Togo où Ayivi et al. ont pitalière multicentrique sur le paludisme grave réalisée dans
signalé un taux de 15,8 % en 2000 (148 cas sur 934) [5]. La dix pays d’Afrique noire en 2000, le taux global de létalité était
prévalence élevée de l’hémoglobinurie dans ces deux pays a été de 9 % [6] comparable à notre étude. Les décès de notre série
récemment confirmée par une étude multicentrique sur le palu- étaient surtout en rapport avec les formes neurologiques et ané-
disme grave réalisée en Afrique, couvrant une période d’un an miques. Ceux qui se rapportaient aux formes anémiques étaient
[6]. Sur les dix pays africains inclus dans l’étude (Bénin, Burki- dus à un retard à la transfusion à cause de difficultés d’appro-
na Faso, Burundi, Cameroun, Côte-d’Ivoire, Éthiopie, Nigeria, visionnement en sang par le Centre national de transfusion san-
Ouganda, Togo, Zambie), l’hémoglobinurie n’a été signalée que guine au cours de la période d’étude. L’une des principales
dans cinq d’entre eux : Togo (13,8 %, n = 101) ; Bénin (8,69 %, raisons de ces difficultés est la prévalence de plus en plus éle-
n = 207) ; Burundi (2,88 %, n = 104), Nigeria (1,06 %, vée de l’infection à VIH avec comme conséquence l’insuffi-
n = 163) ; Éthiopie (0,99 %, n = 101). L’étiologie de ces hémo- sance en sang de bonne qualité.
lyses intravasculaires n’est pas encore connue au Togo. Le mé-
canisme de l’hémoglobinurie dans le paludisme grave n’est pas 4. Conclusion
univoque. La fièvre bilieuse hémoglobinurique, réaction d’hy-
persensibilité retardée à la quinine et classiquement décrite chez Actuellement, le paludisme grave se caractérise au Togo par
des sujets expatriés vivant en zone d’endémie, est un méca- une recrudescence des hémoglobinuries et de leur complication
nisme incriminé. La bilieuse aurait pratiquement disparue dans directe, l’insuffisance rénale. Les décès se rapportent surtout
les années 1950–1970 avec l’utilisation accrue de la chloroquine aux formes anémiques et neurologiques. Ainsi, la réduction
en remplacement de la quinine jusqu’alors très utilisée, même de la mortalité palustre repose sur une bonne politique transfu-
en chimioprophylaxie [4]. Mais depuis, on assiste à des publi- sionnelle et une amélioration des mesures de réanimation.
cations de plus en plus nombreuses de « bilieuse hémoglobinu-
rique » chez des sujets immuns en zone d’endémicité palustre, Références
notamment en Afrique [7]. Au Togo, à cause du phénomène de
chloroquinorésistance, la quinine, bien que non recommandée [1] Assimadi JK, Ayendo M, Ategbo SJ, Atakouma Y, Tatagan K, Begue P.
dans la prise en charge du paludisme simple est de plus en plus Aspects cliniques du neuropaludisme de l’enfant au CHU de Lomé-
utilisée comme alternative à la chloroquine (65 % des prescrip- Tokoin. Med Dig 1992;18(Suppl 1):1–14.
teurs selon une enquête récente [8]). Cela pourrait expliquer la [2] Assimadi JK, Gbadoé AD, Atakouma DY, Agbénowosi K, Lawson-Evi
recrudescence des hémoglobinuries palustres. Mais les antipyré- K, Gayibor A, et al. Paludisme sévère de l’enfant au Togo. Arch Pédiatr
1998;5:1310–5.
tiques (salicylés notamment) et les antipaludéens couramment [3] Gbadoé AD, Aményah KA, Agbèrè A-D, Assimadi JK. Chute du taux de
utilisés (quinine, quinidine, sulfadoxine–pyriméthamine) peu- létalité du paludisme cérébral après perfusion systématique de sérum glu-
vent également être responsables d’hémolyse intravasculaire cosé hypertonique 10 %. Arch Pediatr 2004;11:866–7.
par accident immunoallergique. Ces mêmes molécules peuvent [4] WHO. Severe falciparum malaria, 3rd edition. Trans R Soc Trop Med
agir comme de puissants oxydants chez des patients présentant Hyg 2000;94(Suppl 1):1–90.
[5] Ayivi B, Toukourou R, Gansey R. Le paludisme grave de l’enfant au
un déficit en G6PD (prévalence estimée à 15,4 % au Togo [9]).
CNHU de Cotonou. Bénin Médical 2000;14:146–52.
Ces hémolyses intravasculaires entraînent chez certains pa- [6] WHO. The multicentre study on severe malaria in the African region.
tients une insuffisance rénale d’où le taux également en ascen- Final Report; 2001: 21 p.
sion des insuffisances rénales aiguës dans notre série (3,04 % [7] Rogier C, Imbert P, Tall A, Sokhna C, Spiegel A, Trape JF. Epidemiolo-
contre 0,36 % en 1994–1995 [2]). D’une manière générale, gical and clinical aspects of blackwater fever among African children
suffering frequent malaria attacks. Trans R Soc Trop Med Hyg 2003;97:
l’insuffisance rénale dans le paludisme est une complication
193–7.
rare. Elle relève, au cours du paludisme, de plusieurs mécanis- [8] Nyansa AT. Étude de la disponibilité des antipaludiques et du comporte-
mes. Il peut s’agir d’un rein de choc en cas d’insuffisance cir- ment des prescripteurs et des clients face aux antipaludiques au Togo. In:
culatoire, ou de lésions ischémiques en liaison avec des phéno- PNLP. Togo: MSP; 2004. p. 1–36.
mènes de cytoadhérence des trophozoïtes au niveau de [9] Dalapa A. Dépistage du déficit en G6PD au Togo. [Thèse]. Lomé : Uni-
versité de Lomé; 1984.
l’endothélium des capillaires veineux [10]. Mais, le mécanisme
[10] Prakash J, Gupta A, Kumor O, Rout SB, Malhotra V, Srivastava PK.
qui semble le plus souvent en cause est la précipitation de mo- Acute renal failure in Plasmodium falciparum malaria increasing preva-
lécules d’hémoglobine dans les tubules rénaux comme le sug- lence in some areas of India. A need for awareness. Nephrol Dial Trans-
gèrent nos résultats. plant 1996;11:2414–6.

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