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6 : RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE À L'HEURE DE

L'INTERNATIONALISATION. TENSIONS ET RÉGIMES D'ACTION

Isabelle Berry-Chikhaoui et Agnès Deboulet

in Isabelle Berry-Chikhaoui et al., Villes internationales

La Découverte | Recherches

2007
pages 139 à 168

Article disponible en ligne à l'adresse:


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http://www.cairn.info/villes-internationales---page-139.htm
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Pour citer cet article :
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Berry-Chikhaoui Isabelle et Deboulet Agnès, « 6 : Restructurations urbaines à Marseille à l'heure de
l'internationalisation. Tensions et régimes d'action », in Isabelle Berry-Chikhaoui et al., Villes internationales
La Découverte « Recherches », 2007 p. 139-168.
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6

Restructurations urbaines à Marseille


à l’heure de l’internationalisation.
Tensions et régimes d’action

Isabelle Berry-Chikhaoui * et Agnès Deboulet **

Au cours de la dernière décennie, la plupart des métropoles se sont


inscrites dans un processus de restructuration urbaine observé d’abord
pour les villes globales de premier rang. Ce processus opère en
s’appuyant de plus en plus largement sur un partenariat public/privé
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articulé à des logiques économiques et patrimoniales. Les politiques de

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réhabilitation des quartiers anciens, ou de rénovation urbaine lourde
(Casablanca, Shanghaï), participent de ce mouvement. Ces politiques ne
relèveraient plus d’une approche sectorielle de la ville mais feraient
l’objet de véritables « programmes » visant à une « renaissance urbaine »
[Smith, 2003, p. 47].
La mise en œuvre de grands projets urbains vise à conférer aux villes
les atouts pour attirer des « opérateurs majeurs du système mondial »
[Dollfus, Grataloup et Lévy, 1999]. Cette recherche d’internationalisa-
tion passe par une mise en scène de la ville s’opérant à un double niveau.
Au plan fonctionnel, se déclinent à l’identique infrastructures de
transports, espaces d’accueil des entreprises, tourisme d’affaires,
rencontres scientifiques, culturelles, habitat de standing… Au plan
symbolique, les grands projets urbains valorisent le geste architectural
[Tomas, 1996], les politiques de patrimonialisation, la création d’artères
prestigieuses [Navez-Bouchanine et Berry-Chikhaoui, 2005], la
construction de grands équipements. Les métropoles se livrent donc
concurrence à travers la réalisation de grands projets emblématiques
reliés à un centre des affaires et jouant la carte de l’attractivité culturelle
et du renouvellement urbain.

*
Géographe, maître de conférences UMR CNRS Mutations des territoires en Europe,
université Montpellier-III.
**
Sociologue, maître assistante, IPRAUS UMR AUS (Architecture, Urbanisme,
Société), École nationale supérieure d’Architecture de Paris-La Villette.
140 VILLES INTERNATIONALES

2 3

Gare
Saint-Charles
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4

A B

Périmètre de l’Etablissement Public


A PRI Panier - Vieille Charité d’Aménagement Euroméditerranée

B PRI Centre-Ville 1 Cité de la Méditerranée

C PRI Thubaneau 2 ZAC de la Joliette

3 Pôle culturel de la Belle-de-Mai


N

4 ZAC Saint-Charles - Porte d’Aix


0 250 500 m

© SC - MTE - UMR 5045 - CNRS / 2006


Source : Ville de Marseille / EPA Euroméditerranée

Figure 1. Périmètre de restauration immobilière (PRI) et périmètre du projet


Euroméditerranée dans le centre de Marseille.
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 141

A
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C

Périmètre de l’Etablissement Public


A OPAH Marseille-République C OPAH Centre-Ville
d’Aménagement Euroméditerranée
N
B OPAH de Site Marseille
D OPAH La Plaine
Euroméditerranée
0 250 500 m

© SC - MTE - UMR 5045 - CNRS / 2006


Source : Ville de Marseille / EPA Euroméditerranée

Figure 2. Les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) dans le


centre de Marseille.
142 VILLES INTERNATIONALES

À Marseille, la réhabilitation des quartiers centraux, lancée à la fin


des années 1980 par la mairie, s’inscrit depuis 1995 dans le cadre
beaucoup plus large d’une restructuration guidée par une « opération
d’intérêt national », « Euroméditerranée » (figures 1 et 2). Celle-ci donne
à la ville les moyens d’une politique urbaine au service d’une
compétition européenne, tout en la confortant et, d’une certaine
manière, en lui offrant la couverture de l’État.
Face aux dispositifs actuels de la réhabilitation, notre attention porte
plus particulièrement sur le positionnement et les modes de mobilisation
des citadins et sur les interactions avec les acteurs institutionnels,
politiques, économiques et techniciens 1. Nous faisons l’hypothèse que
les politiques relatives aux quartiers centraux sont perçues par la plupart
des habitants comme une menace et vécues sur le mode de l’épreuve 2.
Par leur durée, elles produisent une mise en tension que nous étudierons
selon une perspective pragmatiste.
Ainsi, constatant que l’idée d’internationalisation est présente dans
les esprits des acteurs institutionnels, il devient nécessaire de se
demander de quelle façon elle est reconstruite et utilisée chez les acteurs
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« ordinaires ». Cette réflexion poursuit des travaux entrepris sur

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différentes métropoles du monde arabe, dans lesquelles on a commencé
à interroger les compétences des citadins en situation de vulnérabilité,
dans des contextes où les conditions d’habiter sont marquées par l’incer-
titude [Berry-Chikhaoui et Deboulet, 2000].
La présentation énonce d’abord les relations entre les régimes
d’action publics récents (restructuration urbaine) et le processus d’inter-
nationalisation (réel et désiré). Elle se poursuit, dans une deuxième
partie, par l’examen des modalités empiriques de la réhabilitation liées
à la menace de déplacement et débouche sur une analyse provisoire des
réponses apportées par les habitants, en suivant en particulier les
évolutions contrastées entre la réhabilitation des quartiers centraux
anciens et celle, plus « internationalisée », de l’artère hausmannienne à
Marseille, la rue de la République.
1. Cet article, écrit en septembre 2005, repose principalement sur des données collectées
jusqu’à cette date. L’enquête a débuté en 2002 à partir d’entretiens avec des acteurs institu-
tionnels, associatifs et habitants (plus d’une centaine à ce jour), d’un suivi des mobilisations
(réunions publiques notamment), d’observations participantes en particulier dans le cadre du
centre social de Belsunce, d’accompagnement de travaux d’étudiants (séminaires intensifs
sur le terrain). Nous remercions ici tous ceux qui nous ont permis d’approcher une réalité fort
complexe, l’association « Un Centre Ville Pour Tous », le centre social de Belsunce, la
maison pour tous Kléber…, et plus généralement l’ensemble des techniciens rencontrés,
ainsi que nos amis et collègues marseillais. Nos remerciements vont également aux
habitants. Merci aussi à J.-F Tribillon pour la relecture attentive de cet article.
2. Dans cet article, nous n’aborderons pas de manière directe la question des
commerçants.
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 143

RESTRUCTURATION URBAINE ET INTERNATIONALISATION

Les relations entre capitalisme financier et nouvelles logiques d’acteurs


dans la politique urbaine sont faites de continuités et de réajustements
progressifs face à une soudaine montée en régime des forces économi-
ques globales, notamment les fonds d’investissement. La restructuration
urbaine marseillaise est un composite de ces adaptations qui se déploient
dans deux sphères principales : projet de ville et logement.
Certes, la ville n’en est pas à sa première tentative d’embrayer sur
un processus de transformation motivé en partie par une vision libérale
de l’économie urbaine. On peut se rapporter aux travaux relatifs au per-
cement de la rue de la République sous Napoléon III [Roncayolo,
1996 ; Fournier et Mazella, 2004]. Mais c’est la première fois, au tour-
nant du XXIe siècle, qu’une conjonction de moyens nationaux et locaux
est mise au service d’une internationalisation « par le haut » en opposi-
tion à une « internationalisation par le bas », correspondant aux rela-
tions construites dans la migration entre les quartiers centraux de
Marseille et des territoires plus lointains [Tarrius, Marotel et Peraldi,
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1988].

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Corriger l’anomalie et orienter la ville
vers le capitalisme international

L’image que renvoie Marseille par rapport à la plupart des métropoles


françaises et européennes est celle d’une anomalie urbaine dans un site
convoité : ville des polars, ville des hasards, mais aussi qualifiée par
l’immigration [Bertoncello et Bredeloup, 2004 ; Medam, 1998 ;
Peraldi, 2001a et b], mal gérée, peu productive. Cette construction
s’alimente d’une pauvreté importante au cœur de la ville, qui contraste
avec la plupart des grandes villes françaises. Belsunce compte en effet
48,93 % de chômeurs en 1999, 33,34 % dans le Ier arrondissement
contre 23,24 % sur la commune entière, ou encore 15 % de logements
meublés (source IRIS, INSEE).
Le grand projet de « régénération » urbaine se cristallise autour de la
création de l’Établissement public d’aménagement Euroméditerranée
(EPAEM)3 qui doit permettre à la ville et à son port de jouer un rôle
« d’interface » entre l’Europe et la Méditerranée [Bertoncello et
Rodrigues-Malta, 2001 ; Euroméditerranée, 2002]. Sa vitrine sera

3. Le dispositif marseillais de restructuration urbaine affirme le rôle de l’intervention


publique étatique pour insuffler cet « esprit d’entreprise qui fait défaut à la ville »
[Rodrigues-Malta, 2004, 96].
144 VILLES INTERNATIONALES

notamment constituée de la nouvelle Cité de la Méditerranée et de son


Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, pensés comme
des moteurs de la réorientation de la façade portuaire [Rodrigues-Malta,
2004]. L’énumération est partielle, mais il importe à l’évidence de men-
tionner la réalisation d’un nouveau quartier des affaires (la Joliette) pour
donner à Marseille des « immeubles de bureaux de classe internationale »
[Dubois et Olive, 2004, p. 107], le réaménagement de la gare et ses alen-
tours, et les architectures innovantes qui redessinent le paysage urbain
(par exemple l’îlot M5 dessiné par Yves Lion).

Assurer une transformation des conditions résidentielles

Les différentes opérations menées depuis les années 1990 s’inscri-


vaient déjà dans une logique de « renaissance » de la métropole. Mais
l’ambition du projet Euroméditerranée va avoir un effet d’entraînement
considérable sur la réhabilitation des quartiers populaires, en liaison
avec la mairie. La réhabilitation couvre désormais la quasi-totalité du
périmètre des quartiers centraux, dont le plus ancien est le Panier, mais
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aussi Belsunce et Noailles, et, sur le périmètre d’Euroméditerranée, la

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rue de la République et les rues adjacentes, ainsi que les zones péri-cen-
trales situées au-delà de la porte d’Aix autour du boulevard Camille-
Pelletan. Par bien des aspects, l’on assiste à un glissement vers une
politique de renouvellement urbain qui pourtant continue de revêtir les
atours extérieurs de la réhabilitation.
En effet, dans les prises de positions récentes, la société d’économie
mixte Marseille Aménagement4 évoque le « redressement » des quartiers
centraux comme un « enjeu politique majeur » [2002, p. 5]. Ces quartiers
sont décrits sur le mode de la pathologie et selon une représentation
consensuelle de la déchéance [Peraldi, 2001 b]. Présentés comme des
« ghettos », ils seraient entraînés dans une « paupérisation » [Marseille
Aménagement, 2002, p. 4] et présenteraient des « conditions de vie indi-
gne(s) et dont l’existence même anéantit les efforts entrepris […] pour le
développement de l’activité commerciale, économique et touristique ».
L’une des solutions préconisées est « la restructuration urbaine (ayant)
pour but de concilier l’impératif de préservation et de mise en valeur du
patrimoine, avec les exigences de qualité de vie de la population dési-
reuse de revenir s’installer en centre-ville » [ibid., p. 5]. L’argumentaire

4. La SEM (société d’économie mixte) Marseille Aménagement est un des acteurs


majeurs des opérations de restauration immobilière à Belsunce, à Noailles et au Panier. En
tant que bras droit de la mairie, la SEM assure le pilotage, le suivi et l’animation des OPAH
de la rue de la République et des PRI du centre-ville. Elle est également propriétaire et ges-
tionnaire d’immeubles qu’elle acquiert notamment dans le cadre de ces opérations.
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 145

social trouve sa justification dans la législation urbaine de la dernière


décennie, qu’il s’agisse de rappeler la « lutte contre l’insalubrité » ou
encore « la mixité sociale par la mise en œuvre du droit au logement
notamment pour les populations les plus défavorisées » [p. 5]. Mais la
notion de mixité sociale combinée à l’idée de renouvellement urbain
est détournée de son sens comme cela a pu être montré ailleurs
[Bacqué, Fol et Lévy, 1998]. Pour Belsunce, le même document établit
une relation mécanique entre le processus de « lente dégradation » et les
vagues d’immigrants qui ont peuplé le quartier, dont la situation écono-
mique, s’agissant de « la main-d’œuvre maghrébine » et des « rapa-
triés », « ne permet guère […] de rompre » [p. 16] avec la « spirale du
déclin ».
Le visage de la revitalisation dans les quartiers résidentiels est
double : quelques nouveaux équipements, comme une bibliothèque
(régionale), desservent les habitants actuels en envoyant un message
positif aux nouveaux, des résidences étudiantes sont créées tandis que
les réhabilitations de logement se diffusent. La métaphore de l’enclave-
ment débouche également sur l’idéologie d’inspiration nord-américaine
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de retour au centre-ville des contribuables. Dans cet esprit, la documen-

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tation officielle évoque la nécessité de « répondre aux nouveaux désirs
d’habiter » des « actifs de la ville » [Marseille Euroméditerranée, 2005].
Le discours relatif aux « vrais Marseillais » qui devraient repeupler le
centre [Temime, 2001], en opposition avec les migrants pauvres, est
ainsi reproduit.

VILLE INTERNATIONALE : ENTRE OBJECTIFS ET RÉALITÉS

Volontiers décrite comme une ville en devenir, la « Bruxelles du


Sud » a déjà attiré des « implantations prestigieuses » dans les services
financiers, le secteur maritime et les télécoms [Euroméditerranée,
2005]. Il s’établit de la sorte une valorisation des nouvelles performan-
ces de Marseille dans l’économie post-industrielle.

Internationalisation des investissements,


discours high tech et icônes

La création d’emplois (15 000 à 20 000, site Internet,


Euroméditerranée, 2005) est présentée comme un objectif conditionné
à l’arrivée d’entreprises multinationales, branches de sociétés françai-
ses ou étrangères, têtes de réseau méditerranéen de groupes leaders
dans la connectique et les télécommunications, le secteur bancaire…
146 VILLES INTERNATIONALES

La référence à la « performance », à la « création de richesse », à la


« pépinière d’emplois5» est largement relayée par la presse économique :
« Gênes et Barcelone n’ont qu’à bien se tenir 6 » !
L’impératif entreprenarial se conjugue avec une politique architec-
turale affirmée, perçue comme le vecteur d’un repositionnement dans
la concurrence entre métropoles européennes [Tiano, 2005]. Une archi-
tecture respectueuse de la trame urbaine pré-existante caractérise les
projets d’Euroméditerranée, à la différence des modèles véhiculaires
dans les villes internationales (exemple de Bangkok, Charmes, 2002 ;
Sassen, 1996]. Malgré tout prédomine l’influence d’un « style interna-
tional », avec la tour de 110 mètres pour l’armateur CGA-CGM, édifiée
par Zaha Hadid, qui « symbolisera les ambitions retrouvées de
Marseille » [Euroméditerranée, 2005, p. 23]. Les effets de ce succès
sont quantifiés par des marqueurs de deux natures : les prix fonciers et
immobiliers ainsi que les soldes démographiques nets (population et
entreprises) [Euroméditerranée, 2004]. Ces mesures sont aussi jaugées
par les acteurs économiques et institutionnels à l’aune des visiteurs
issus des élites circulantes, et notamment les plaisanciers américains.
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Investir dans le secteur du logement

Le secteur du logement s’imprègne également de cette idéologie


entreprenariale ; il est dorénavant perçu comme un des lieux propices
aux investissements privés [Euroméditerranée, 2002].
À Marseille, la rue de la République et les rues adjacentes sont emblé-
matiques des logiques d’investissement et de spéculation à l’œuvre. Le
parc immobilier de la rue et ses pourtours appartient à plus de 50 % à
deux groupes financiers : une société d’investissement avec d’importantes
ramifications internationales (Eurazéo) et un fonds d’investissement,
principalement américain (Lone Star Funds) 7, se partageant à part égale
environ la moitié des logements sur les 5 200 du périmètre de l’OPAH
Marseille République. Lone Star est par conséquent le (nouveau)

5. Pour les deux premiers, plaquette Euroméditerranée 2005.


6. Le Point, décembre 2003, n° 1629 ; L’Express, 27 juin 2005.
7. Lone Star, créé en 1992, est un fonds d’investissement spécialisé dans l’immobilier.
Les principaux investisseurs sont la Caisse des dépôts du Québec, des caisses de retraites
(enseignants de Californie, pompiers de Dallas), des fondations médicales américaines,
des universités américaines (Harward…) et canadiennes (Université du Québec…)…,
mais aussi la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui y investissent des
excédents de trésorerie (entretien en janvier 2006 avec Éric Foillard, directeur de Marseille
République, l’émanation locale de Lone Star, en charge de réaliser la réhabilitation du
patrimoine immobilier marseillais dont le fonds est propriétaire). Se reporter aussi à lone-
starfunds.com.
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 147

propriétaire de 1 311 logements privés situés sur l’une des artères les plus
prestigieuses de la ville d’un point de vue patrimonial.
Mais son arrivée rue de la République n’est que le dernier acte
d’une longue histoire de transactions qui inscrit le patrimoine haussma-
nien dans des logiques financières dépassant largement le contexte
marseillais [Dubois et Olive, 2004a]. Le précédent propriétaire, un
industriel de Strasbourg, a réalisé, en peu d’années grâce à la revente
de sa société P2C Immobilier, une opération financière très rentable, en
bénéficiant de la hausse des valeurs immobilières et sans investir dans
l’entretien de son patrimoine. La branche locale de Lone Star
(Marseille République) fonde pour sa part sa stratégie sur un projet
ambitieux de réhabilitation8. Son objectif est un retour rapide sur inves-
tissement, en commercialisant son patrimoine réhabilité d’ici à 2010,
« par lots » vides d’habitants. L’opération d’« embellissement » devrait
entre autres profiter à « 3 500 nouveaux résidents […] disposant d’un
revenu moyen mensuel de plus de 4 000 euros par ménage » [site
Internet Marseille République, 2005]. Or, selon une enquête réalisée sur
400 ménages [Urbanis, 2000], 42 % d’entre eux ne sont pas imposables.
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La mairie de Marseille considère cet opérateur comme un partenaire,

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prêt à jouer le jeu de la réhabilitation9 à la différence du précédent
propriétaire (P2C Immobilier). Ce dernier n’avait pas appliqué la
convention d’Opah qui le liait à l’établissement public d’aménagement
Euroméditerranée et prévoyait la mise en accord de subventions et de
travaux. Un protocole avec les deux grands propriétaires du secteur10
envisageait en outre la division du parc en trois parts égales : logements
conventionnés, loyers intermédiaires et loyers libres. Aujourd’hui, ce

8. Lone Star procède par cycle d’investissements couvrant des périodes de 7 ans. Le
fonds auquel se rattache le projet de réhabilitation de la rue de la République (Lone Star
Funds IV) concerne la période 2004-2010 pour quelques 200 projets, principalement en
Allemagne, France, Corée, Japon, États-Unis… Marseille République fait appel à de nom-
breux consultants et bureaux d’études spécialisés, dans la mise en œuvre de son projet.
Entretien avec le directeur de Marseille République, janvier 2006.
9. Selon la direction de Marseille République, une opération de cette envergure ne
peut se réaliser sans l’accord de la mairie et a été négociée en amont avec le secrétaire
général de la ville. Plusieurs autres sources confirment cet « engagement » tacite de la
ville. Notons en particulier l’inscription du maire de Marseille sur le livre d’or de l’expo-
sition permanente « Naissance et renaissance de la rue de la République » que Marseille
République, entrée dans une phase de marketing, inaugure en février 2006 : « À Marseille
République qui réalise un chantier exceptionnel et qui transforme cette belle avenue de
Marseille. Avec toutes mes félicitations ». La réussite de l’opération de réhabilitation rue
de la République et dans ses environs passe par l’engagement financier des grands proprié-
taires privés, d’où leur nécessaire implication.
10. Sur la question des négociations entre l’établissement public d’aménagement
Euroméditerranée et les grands propriétaires de la rue de la République, se reporter aux
analyses de J. Dubois et M. Olive [2004 a et b].
148 VILLES INTERNATIONALES

dernier aspect alimente l’une des principales polémiques autour de la


réhabilitation de la rue de la République, les intentions de Lone Star étant
de céder le tiers du parc à des bailleurs sociaux tout en y relogeant une
partie de ses locataires, ce qui équivaudrait pour le fonds d’investisse-
ment à bénéficier d’un « droit de réservation » dans le parc social.
Particulièrement visible, cette reprise d’une partie du patrimoine
immobilier du quartier par un fonds d’investissement arrive au moment
où la vente à la découpe se produit aussi à Paris, l’investissement dans
le patrimoine en Europe étant considéré désormais comme une valeur
porteuse11.
L’internationalisation des capitaux, aujourd’hui mobilisés pour
reconquérir un patrimoine de très faible rentabilité, s’adapte aux condi-
tions actuelles de la production du cadre bâti dans les centres anciens.
Un nouvel avenir semble donc bien envisagé pour cette rue, au fort
potentiel architectural et urbanistique. Nexity, le propre gestionnaire du
patrimoine locatif de Lone Star, a commandé la réalisation d’un « plan
de merchandizing » à des consultants. Et ce n’est pas la moindre des
coïncidences quand on sait que ce groupe de dimension européenne en
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pleine expansion intervient largement dans le secteur de l’immobilier

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de logement et d’entreprise (production, gestion locative, services aux
investisseurs, commercialisation…) 12. On le retrouve également pré-
sent dans le quartier de la Joliette où il a investi, à travers sa filiale
George V, dans la réalisation de logements neufs.
Dans ces nouveaux dispositifs, la démolition d’immeubles n’est plus
de règle. Ceci étant, par d’autres moyens, l’éviction ou le délogement
sont toujours de mise et provoquent une déstabilisation résidentielle de
résidents déjà vulnérables, migrants en particulier et, d’une manière
générale, populations à faibles revenus.

Une population internationale

Selon A. Tarrius [1992], une ville internationale se définit tout autant


par la présence des « élites professionnelles circulantes » que par celle de
populations immigrées résidentes. Les secteurs économiques, à faible légi-
timité, participent pleinement à l’internationalisation de la ville par le biais
des réseaux transnationaux (particulièrement, jusqu’aux années 1990, avec

11. Entretien avec un gestionnaire de fonds de pension, 2005.


12. Nexity s’est désengagé de cette gestion en 2006, nous explique un dirigeant de
Nexity France, suite à un désaccord avec les méthodes employées par Lone Star pour met-
tre en œuvre la réhabilitation de son patrimoine, en particulier les pressions exercées sur
les habitants pour les pousser à partir, en désaccord aussi avec la volonté de maximiser les
profits qui se traduit, toujours selon le même interlocuteur, par une opération « faite un peu
n’importe comment ».
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 149
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Projection de l’hôtel Novotel, rue Bernard-Dubois (ZAC Saint-Charles).
source : EPA Euroméditerranée.

le Maghreb) [Peraldi, 2001 a] alors qu’ils ne sont généralement pas


considérés par les décideurs avec bienveillance.
À Marseille, l’internationalisation se joue dans des sphères
disjointes, et s’inscrit dans une relation de conflit. L’obsession de
l’image [Ascaride et Condro, 2001] est ancienne et occulte la présence
de la population actuelle des quartiers anciens, qu’elle soit immigrée ou
non. Une des présentations donnant à voir un avenir dans ces secteurs
montre autour de la porte d’Aix un futur hôtel haut de gamme adjacent
à des bureaux (11 000 m2) et une placette visiblement privatisée,
puisqu’elle semble dépendre d’un café attenant à l’hôtel. Les
personnages que dévoile l’image de synthèse sont vêtus de costumes ou
tailleurs et lunettes de soleil. À cet endroit, pourtant, une observation
faite sur deux journées 13 avait montré que stationnaient 360 hommes,
essentiellement maghrébins, sur un petit marché « clandestin », déjà
déplacé plusieurs fois.

13. École d’architecture de Paris-Belleville, 2003, séminaire les Acteurs du projet.


150 VILLES INTERNATIONALES
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Un petit marché « clandestin » appelé à disparaître, rue Bernard-Dubois, ZAC Saint-
Charles (photo Isabelle Berry-Chikhaoui, janvier 2006).

Cette pauvreté est associée à une forte composante migratoire, jugée


antinomique avec le développement postindustriel. La plupart des acteurs
politiques s’accordent sur l’idée que la composition démographique du
centre doit être réorientée. Sachant que les classes moyennes ne revien-
nent pas aisément au centre, Marseille Aménagement « opère un tri beau-
coup plus subtil […] visant à établir une mixité sociale restreinte ». La
SEM mise surtout sur le « côté exotique du quartier » [Manry, 2002, p.
141], à destination d’une population de « nouveaux cosmopolites » seuls
à accepter aujourd’hui de s’y installer [Simon, 1994]. Le cas de la restruc-
turation marseillaise démontre comment le processus de globalisation
prend forme dans la sphère discursive mais aussi en termes d’opérations
enracinées localement. Les implantations s’exercent ici en faveur des seu-
les entités économiques perçues comme rentables en s’opposant à la
petite économie de services, ou de l’« économie de bazar14 », pourtant

14. Après extrapolation, les boutiques (hors commerce automobile et tissu) composant
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 151

bien consubstantielle à la montée en force du transnationalisme [Peraldi,


2001 a ; Tarrius, 2000].

RÉHABILITATION ET MISE EN TENSION

L’efficacité de la réhabilitation a été recherchée par la ville dans la


combinaison des outils, l’élargissement du territoire d’intervention, la
juxtaposition et le chevauchement des périmètres. Elle recourt également
à un outil coercitif (PRI : périmètre de restauration immobilière 15) qui
dans certains secteurs s’est substitué ou surajouté aux outils incitatifs
(OPAH : opérations programmées d’amélioration de l’habitat)
[Bertoncello, Girard, 2001] (figures 1 et 2).

Investissements privés et préoccupations sociales :


agencements

Dans ce nouveau contexte, c’est de plus en plus souvent une logique


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financière qui fonde la réhabilitation. Il ne s’agit plus seulement d’aider

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les petits propriétaires, occupants ou bailleurs, dans l’amélioration de
leur habitat, mais de faciliter l’arrivée de nouveaux investisseurs. Ainsi,
étonnament, une OPAH couvre le secteur de la rue de la République
alors que le patrimoine immobilier appartient majoritairement à de gros
propriétaires/sociétés multinationales16.
À Belsunce, Noailles et au Panier, la réhabilitation cède la place à un
dispositif de restauration immobilière. Il s’agit d’une opération d’amé-
nagement qui consiste en la remise en état complète d’un immeuble ou
d’un groupe d’immeubles, compris dans un PRI.

le « comptoir commercial maghrebin » auraient réalisé 2,9 milliards de francs de chiffre


d’affaires entre 1987 et 1988 [Tarrius, 2000, 105].
15. Le PRI est « un des rares mécanismes contraignant du droit français créant l’obli-
gation de faire des travaux prescrits sous Déclaration d’utilité publique » [ministère de
l’Équipement, des Transports et du Logement, 1999, 235]. Il est généralement justifié
comme une alternative aux OPAH qui n’ont pas toujours permis les résultats escomptés en
terme d’amélioration de l’habitat et de lutte contre la vacance.
16. Notons que sur le site d’Euroméditerranée le suivi et l’animation de l’OPAH
Marseille République est conduit par la SEM de la ville, Marseille Aménagement, qui est
également le concessionnaire des PRI, tandis que l’OPAH dite de site Marseille
Euroméditerranée, sur un secteur moins stratégique, est animée par un bureau d’études.
J. Dubois et M. Olive expliquent que la réussite de l’opération de réhabilitation dépend de
l’engagement des deux grands propriétaires sur le secteur de la rue de la République. Le
retard pris dans l’opération, jusqu’à l’arrivée en 2004 du fonds d’investissement Lone Star,
serait justement lié à un déficit d’engagement de ces grands propriétaires dans un contexte
d’incertitude sur l’avancement des travaux publics (tramway, parking…).
152 VILLES INTERNATIONALES
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Les chantiers de la rue de la République : réhabilitation, ligne de tramway, bassin de
rétention, parking souterrain (photo Isabelle Berry-Chikhaoui, janvier 2006).

La force du dispositif réside dans la capacité du concessionaire


d’exproprier le propriétaire initial si celui-ci ne se conforme pas à la
demande de travaux. En outre, réalisé en périmètre protégé (secteur
sauvegardé ou, comme à Marseille, zones de protection du patrimoine
architectural urbain et paysager), il permet, en contrepartie de loyers
plafonnés, d’octroyer les avantages fiscaux dont bénéficient les travaux
entrepris en application des PSMV et des ZPPAUP. Cet avantage subs-
tantiel attire avant tout des investisseurs, qui peuvent aussi bénéficier
des subventions publiques lorsque PRI et OPAH se superposent
(Belsunce et Noailles)17. Outre ces avantages financiers, Marseille
Aménagement, concessionnaire des PRI, assure aux investisseurs des
garanties en cas de vacance locative ou d’impayés de loyers.
Ajoutons que, dans la conduite des opérations de restauration immo-
bilière, l’une des missions de Marseille Aménagement est l’acquisition de

17. Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, Ville, Conseil général et Conseil
régional dans le cadre des OPAH.
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 153

biens immobiliers, à l’amiable ou par expropriation si les propriétaires


n’ont pas engagé les travaux dans les deux ans. La constitution d’un
patrimoine immobilier par l’opérateur facilite ainsi dans une deuxième
phase le transfert de la propriété, avant travaux, vers des investisseurs,
qui souvent ne résident pas à Marseille, ne sont ni connus, ni joignables.
Ceux-ci, généralement organisés en Association foncière urbaine libre,
acquièrent ainsi un bien dont ils délèguent la gestion à une agence loca-
tive qui opère comme écran entre eux et les locataires.
Défiscalisation des travaux, cumul de bénéfices tels que les subven-
tions OPAH, et garanties diverses sont autant d’avantages financiers
destinés en théorie à faciliter la reconversion de zones résidentielles en
difficulté. Mais, au-delà, constatons que le dispositif PRI marseillais
fait système : ce n’est pas tant le caractère coercitif qui est questionna-
ble que ses modalités et destinataires ajoutés à la nature du transfert
d’argent public, ou encore le fait qu’il implique le relogement des loca-
taires. Aucun bilan chiffré n’est disponible mais les quelques études
réalisées montrent que les premiers bénéficiaires sont ces propriétaires
« invisibles » et de nouveaux locataires, qui déchantent souvent bien
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vite face à la mauvaise qualité des travaux réalisés18.

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Pression sur les habitants et mécanismes d’éviction

Parmi les facteurs qui, en lien avec la réhabilitation, favorisent un chan-


gement de composition sociale de la population, la très forte augmentation
des valeurs immobilières19 a un impact considérable depuis quatre ans.
Elle n’épargne aucun secteur et accentue le décalage avec le niveau de
vie des populations des quartiers centraux. Les difficultés grandissan-
tes d’accès au logement bon marché contraindraient de nombreux
ménages modestes à quitter le centre-ville pour des quartiers de plus en
plus éloignés, voire vers d’autres villes de la connurbation20. Dans ce
contexte, en zones opérationnelles ou hors, toutes sortes de pressions
sont exercées sur les locataires pour les pousser à déménager afin de
libérer les appartements.

18. Voir relevés et enquêtes faits par les étudiants de l’option de cinquième année
« Villes et quartiers en développement » de l’École d’architecture de Paris-La Villette,
conduits par A. Deboulet, V. Dufoix, J.-F. Tribillon [2005], synthèses disponibles sur le
site de « Un centre ville pour tous ».
19. Taux de croissance annuels de 24,1 % et de 17,9 % donnés respectivement aux
deuxième et quatrième trimestres 2004, à comparer avec l’augmentation sur Paris en 2004-
2005 (12,5 %) (source FNAIM).
20. Se reporter aux enquêtes auprès de professionnels de l’immobilier dans la presse
hebdommadaire, par exemple Le Nouvel Observateur, mars 2004, « Marseille, l’image
reconquise ».
154 VILLES INTERNATIONALES

Plusieurs figures de tensions peuvent être observées. D’un côté, les


locataires légalement protégés par un bail 48, subissent de la part des
opérateurs ou propriétaires, publics ou privés, des pressions qui les
conduisent certains à renoncer à leurs droits. Ces pressions jouent sur
leur méconnaissance d’une loi complexe. De l’autre, des locataires en
loyer 89 peuvent être délogés pour cause de travaux réalisés dans le cadre
d’une réhabilitation lourde. Suivant les cas, ils perdent le bénéfice du bail
ou sont provisoirement relogés, mais leur réintégration du logement
après travaux n’est pas assurée. Cette réintégration suppose de maintenir
des contacts réguliers avec l’opérateur et les services de relogement sous-
traités par la ville, ce qui paraît souvent bien compliqué 21. Rue de la
République, le non-renouvellement des baux établis sous le régime de la
loi 89 est devenu une pratique courante, justifiée légalement par la
nécessité d’entreprendre des travaux lourds de rénovation.
La gamme des incitations au déménagement est extrêmement éten-
due, du non-renouvellement des baux aux pressions exercées pour un
départ avant la date légale. Pour ce faire, propriétaires individuels et
sociétés ne recourent pas aux mêmes outils mais l’« angoisse » que racon-
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tent les habitants est identique. Deux exemples : Marseille Aménagement

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fait savoir de façon répétée à une famille de Noailles que leur apparte-
ment est trop grand, que le mari, âgé, ne pourra bientôt plus faire face ;
des locataires de la rue de la République décrivent leurs déboires avec
certains « médiateurs22 », employés par Marseille République, qui
pratiqueraient une désinformation sur les droits locatifs. Les registres
de l’incitation à partir va dans certains cas jusqu’au harcèlement, l’in-
timidation, la menace…
Plus délicate encore est la situation des personnes dépourvues de
titre d’occupation légal, qu’il soit locatif, de résidence ou les deux,
s’agissant des habitants des hôtels meublés ou des immeubles de rap-
port dégradés et loués à la chambre par des propriétaires qualifiés de
« marchands de sommeil », ou encore des sous ou co-locataires non
déclarés et des squatters.

Information et tensions : vers quels engagements ?

Face au risque d’éviction, la réaction première des habitants rencon-


trés prend souvent la forme d’une double inquiétude : en raison, d’une

21. Entretiens avec des assistantes sociales proposant du relogement ou responsables


du volet relogement dans deux associations.
22. Les habitants ne se privent pas de se livrer à une critique sémantique du terme
« médiateurs » qu’ils rebaptisent par le terme de « négociateurs », en partie payés « au
pourcentage » des départs.
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 155

part, des difficiles conditions de relogement dans un contexte marqué


par une très forte pression immobilière et, d’autre part, parce que les
habitants perçoivent le départ comme une rupture avec l’espace vécu.
Le seul horizon est généralement celui d’un logement social dans les
quartiers nord de Marseille tandis que les gens sont conscients des dif-
ficultés d’accès au logement aidé dans des programmes immobiliers
plus centraux.
L’inquiétude débouche ensuite sur une volonté plus ou moins
affirmée de rester ou un refus de partir. Si ce refus est très largement
partagé, il ne se traduit pas par un même engagement dans l’action. Il
convient en effet de noter que les mécanismes de l’éviction sont plus
ou moins lisibles ou identifiés en tant que tels. La variation de la mobi-
lisation s’inscrit aussi dans les différences sociales des habitants des
quartiers centraux, accentuées par les situations d’irrégularité (locative
et administrative) qui fragilisent tout particulièrement certains
immigrés.
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L’ENGAGEMENT DANS L’ACTION COLLECTIVE RUE DE LA RÉPUBLIQUE

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Sur l’ensemble des quartiers de Marseille concernés par la réhabili-
tation, seul le secteur de la rue de la République voit émerger un
mouvement de résistance fort face au déplacement, initié et porté par
les habitants. Un collectif s’est constitué, dès le printemps 2004, à l’ini-
tiative de deux femmes (cf. encadré), conduites par une lucidité prémo-
nitoire, avant même qu’un risque d’éviction collective puisse être
démontré. Ce collectif de quelques habitants a trouvé dans l’association
Un centre ville pour tous (CVPT), déjà active sur Belsunce et Noailles,
un relais local qui a permis au mouvement de se renforcer en
bénéficiant d’une logistique et de compétences déjà acquises. Les
ressources ainsi mises à disposition sont d’ordre technique (connais-
sance des outils et procédures de la réhabilitation), organisationnel,
juridique. Le recours à cette association facilite la mise en relation et
les négociations avec les acteurs institutionnels et procure une écoute
et une veille attentive par les adhérents actifs. Cependant il n’y a pas eu
substitution d’acteurs par d’autres. Au contraire, les habitants ont été de
plus en plus nombreux à se mobiliser, plus ou moins actifs ou
impliqués, suite aux inquiétudes croissantes nourries par une
succession d’événements, « micro » si on les considère individuelle-
ment mais qui, mis en perspective, rendent compte d’un risque fort et
partagé d’éviction et d’une mise en tension collective. Ils ont investi le
champ associatif par le biais d’un second collectif créé rue de la
156 VILLES INTERNATIONALES

République à l’initiative de l’un des plus actifs parmi eux, pour la


défense des locataires en loyer 48 (cf. encadré) avec le soutien juridique
d’un avocat spécialisé mobilisé à partir d’un réseau personnel. Le
mouvement associatif s’est organisé en « Coordination des associations
et collectifs23 de la rue de la République et des rues adjacentes ». La
diversité de cette coordination, composée de collectifs d’habitants, asso-
ciations, professions libérales, comités d’intérêt de quartier, évoque
certes une perception partagée du risque d’éviction et un intérêt commun
à résister, lui-même témoignant de la force de l’attachement au secteur de
résidence ou de travail. Mais elle apparaît également comme un lieu où
convergent des intérêts d’autres natures et/ou plus partisans, liés
notamment à l’entrée dans une période pré-électorale. Du point de vue de
l’action s’y confrontent aussi, dans une recherche de construction
collective, des visions différenciées autour en particulier des modalités
d’inscription du mouvement dans l’espace public.
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Genèse d’une mobilisation

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Rue de la République, deux locataires, Madame B.24 et Madame A., ont
constitué un collectif d’habitants. Elles se rencontrent, au printemps 2004, dans
le commerce que tient l’une d’elles, et en viennent à discuter des problèmes du
quartier. Madame P. a reçu une lettre de non-renouvellement de bail « justifié par
l’imminence d’une opération de rénovation » (selon les termes de la lettre)
envoyée par les huissiers de son propriétaire, la SA P2C Immobilier. Elle a déjà
beaucoup bataillé pour faire reconnaître auprès des responsables politiques,
d’Euroméditerranée, des médias, de la préfecture, des comités d’intérêt de
quartier… que ce non-renouvellement équivalait à une expulsion, elle a d’ailleurs
saisi la justice. Madame A. est inquiète de ce qui se passe dans son quartier, « …
je sentais qu’il y avait des trucs pas très nets, enfin, en fait on en avait marre, je
veux dire c’était délabré, les squatters, […] et puis cette rénovation qui ne venait
pas, on ne savait pas trop ce qu’on allait devenir… ». Elle avait déjà interpellé
l’association Un centre ville pour tous, sans suite, et restait informée des
problèmes de réhabilitation dans le centre-ville en assistant à plusieurs réunions
organisées par l’association sur Noailles, Belsunce ou le Panier.
Le Collectif a démarré par la distribution d’un tract déjà très alarmant et
lucide : « Projet Euroméditerranée. Vous êtes locataire, commerçant dans le secteur
Euroméditerranée… Urgence… Danger… Expulsion, relogement moins
avantageux… immeuble dangereux… Aujourd’hui… dans 1 an… dans 5 ans…
Notre propriétaire est organisé… il nous divise pour gagner… ». Elles y ont
indiqué leurs coordonnées téléphoniques personnelles. C’est par ce biais, et par
voix de presse, que d’autres habitants inquiets les contacteront ultérieurement.

23. Fédération des comités d’intérêt de quartier (CIQ) du IIe arrondissement,


Association Un centre ville pour tous, Association des propriétaires, copropriétaires et
résidents des IIe et IIIe arrondissements, Association solidarité mieux vivre, Collectif des
locataires de la rue de la République et ses environs, Représentants des professions
libérales de la rue de la République, Collectif des habitants « loi de 48 ».
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 157

Fin juillet 2004, tout s’accélère. Deux autres lettres de non-renouvellement de


bail sont envoyées par les huissiers de P2C I. Cette fois c’est Madame A. qui est
concernée. Ainsi que Monsieur. D. qui la contacte. CVPT est à nouveau sollicité par
le Collectif et s’engage dans un soutien aux habitants. Une veille active est alors
assurée par le collectif et l’association dont quelques membres sont présents tout
l’été sur le terrain ; ensemble ils rencontrent les gens, discutent avec eux, les infor-
ment. « Tout le mois d’août, les choses se sont précisées, c’était plus une personne
qui était attaquée, c’était toute la population ». Une quatrième lettre de non-renou-
vellement de bail est envoyée à une autre locataire, la première envoyée par Lone
Star qui, fin juillet, avait racheté la société P2C I, et la première d’une longue série.
Lors de son premier conseil d’administration, après les vacances d’été, début
septembre, CVPT inscrit à l’ordre du jour les évènements de la Rue de la
République. Un premier objectif est fixé : démontrer que les non-renouvellements
de baux sont liés entre eux de manière à parler de déplacement de population et
éventuellement intenter une action en justice. Quelques habitants sont présents et
racontent, dont Madame A. et Madame P. Celle-ci, contrairement aux autres, n’a
pas reçu de lettre de non-renouvellement de bail, mais une lettre extrêmement
ambiguë et opaque de son propriétaire, la société Eurazéo, en mai 2004, qui débute
ainsi : « Nous avons l’honneur de vous informer que nous vous donnons congé
pour le 29 septembre 2004 à midi de l’appartement que vous occupez à
Marseille ». Il est ensuite précisé que « la présente ne comporte pas en elle-même
obligation de quitter les lieux » mais Madame B. ne retient que l’information du
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congé. Elle ne comprend pas la longue série de références aux lois et articles de loi

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censée appuyer la demande de congé. Elle ignore alors qu’elle n’est pas la seule
dans ce cas. 700 lettres ont été envoyées, toutes à des personnes en loyer 48. « Il y
a une dame qui a eu un malaise, il y a des mamies qui se sont complètement
effondrées et tout, je suis restée sans oser aller demander de quoi il retournait parce
que j’avais peur de me faire ficher dehors, mais si vous voyez la tournure de la
lettre, vous comprendrez tout de suite que… ». C’était une « erreur » ont-ils appris
ensuite, l’information a circulé de bouche à oreille et non pas par voie de courrier
officiel, alors que la lettre leur signifiant leur congé était, elle, recommandée.
Les habitants mobilisés, dont Madame A. et Monsieur D., vont s’appuyer sur
l’association CVPT et en devenir membres actifs. Les adhésions vont aller
croissant. Madame A. explique ainsi le choix du régime d’engagement : « Une
association, c’est trop lourd, moi je ne me sentais pas, un collectif, ce sont des
gens qui se mettent ensemble pour défendre une idée, après nous collectif, on n’a
pas d’avocats, on connaît pas les lois, le collectif c’est juste pour contacter des
gens, avertir des gens, les aider… ». Quant à Madame B., elle continuera sa lutte
sans adhérer à l’association mais en participant, toujours au nom du collectif des
habitants, à la « Coordination des associations et collectifs des habitants de la rue
de la République et des rues adjacentes ».
Les moyens mis en œuvre à l’attention des habitants de la rue, des hommes
politiques, des Marseillais et des Français, sont diversifiés : tracts, signés CVPT
du comité « Loi de 48 » ou rédigés par des habitants, pétitions, banderoles
accrochées aux fenêtres des immeubles, affichettes colées sur les murs, manifes-
tations, recours aux médias, journaux et télévisions, interpellations des hommes
politiques, de l’équipe municipale et du maire de Marseille, de l’opposition, des
présidents des conseils général et régional, de l’Établissement public d’aména-
gement Euroméditerranée, du préfet, recours à la justice… Par tous ces moyens,
les habitants et les associations défendent l’idée d’une réhabilitation sans
déplacement des populations.

24. Les initiales ne correspondent ni aux noms ni aux prénoms des personnes évoquées.
158 VILLES INTERNATIONALES

Face à l’opacité ou à l’absence d’informations officielles, la


mobilisation a modifié les régimes d’action [Boltanski, 1990] en
incorporant une dimension stratégique, temporelle et collective. Outre les
actions formelles d’information (visites chez les habitants, tracts,
pétitions, manifestations, banderoles, presse locale et nationale, écrite et
télévisée, réunions des associations), les liens de quartier ont été activés
ou réactivés, le voisinage mobilisé. C’est sur le palier, au bas de
l’immeuble, dans la rue et les boutiques qui la jalonnent, au gré des
croisements et des rencontres, que les habitants informent et s’informent,
quand ils ne se rendent pas visite. L’action s’inscrit ainsi dans le
quotidien, permettant une veille nécessaire pour que le mouvement ne
s’essouffle pas, sans cesse soutenue et relancée par quelques habitants
leaders, avec le soutien et les conseils des associations. La quotidienneté
fabrique une expérience collective, qui répond aussi à l’urgence de la
situation [Deboulet, 2002] : tout va très vite face à un acteur « global » qui
a les moyens financiers de mobiliser de multiples compétences pour faire
avancer son projet de réhabilitation (bureau d’études, sociétés de
services…) et qui a un objectif de rentabilité à court terme. Cette
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circulation de l’information s’est renforcée par la formalisation d’un lieu

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dans le quartier, un café, comme « permanence », assurée par des
membres de la « Coordination ».
C’est donc bien ici la force du lien local, qui comme dans d’autres
métropoles connaissant des luttes urbaines [Berner, 1997], enracine
profondément la mobilisation. Mais l’opposition entre République,
d’une part, et Belsunce, Noailles et le quartier au-delà de la porte d’Aix
d’autre part, illustre que ce lien ne suffit pas en soi, ni d’ailleurs l’ap-
partenance communautaire. Au contraire, rue de la République, c’est le
mélange social et la plus forte présence d’individus en capacité d’ex-
pression publique qui a permis à la lutte d’exister. Dans les autres
quartiers, y compris à Belsunce qui est pourtant un secteur où l’asso-
ciation CVPT se manifeste régulièrement, la stratification sociale est
moins composite et, sans que l’on puisse y déceler un élément de
causalité, les voix du désaccord sont publiquement muettes. Elles
s’expriment selon d’autres modes : celui de la confidence auprès
d’acteurs sociaux et se traduisent plus souvent par un déplacement, qui
prend parfois la forme négociée sur une base individuelle d’un
relogement dans le quartier.
Mais c’est aussi une proximité de situation, face à un même proprié-
taire et à l’échelle de quelques rues, du reste fortement visibles dans le
paysage urbain, et la simultanéité des évènements qui ont favorisé, rue
de la République, une prise de conscience partagée du risque
d’éviction. Unicité de temps, de lieu et unicité du propriétaire, alors
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 159

qu’ailleurs, au-delà de la porte d’Aix, à Noailles ou à Belsunce, les


changements relatifs à la réhabilitation sont diffus, moins visibles,
moins explicites, même si leur efficacité est aussi grande.

La montée en force du mouvement

La résistance que le mouvement oppose à Lone Star/Marseille


République freine sans conteste le projet de réhabilitation.
Fin juillet 2004, trois lettres de non-renouvellement de bail ont été
envoyées par l’ancien propriétaire, P2C I, à des habitants en loyer 89 (cf.
encadré). Plus d’une cinquantaine d’autres suivront, émanant cette fois
du nouveau propriétaire, Lone Star. L’enjeu pour celui-ci est bien de pou-
voir réaliser une réhabilitation de son patrimoine, après avoir vidé les
immeubles (aujourd’hui il gère 450 baux). Des pressions sont d’ailleurs
simultanément exercées sur les locataires protégés par la loi de 1948.
Septembre 2005, des habitants se retrouvent « occupants sans droit
ni titre », suite à l’expiration de leur bail, mais sont bien décidés à ne
pas quitter leur logement. D’autres sont partis, ayant bénéficié d’un
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relogement, et/ou accepté une compensation financière, sous la pres-

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sion ou trouvant dans le relogement une opportunité de se relocaliser.
Les armes de la contre-pression sont au moins au nombre de trois :
donner au conflit une résonance publique, par le biais de la presse écrite
et la télévision, l’organisation de manifestations de rue, dont la première
en novembre 2004 a rendu visible l’adéquation de la population au
mouvement de résistance ; le porter sur la scène politique en interpellant
les élus et Euroméditerranée, mais aussi l’État à travers le préfet de
région ; saisir la justice.
La mobilisation a réussi à créer une « arène publique » [Cefaï,
2002], notamment parce que l’interpellation de quelques élus conduit à
des prises de position jusque-là absentes. Ce n’était pas le cas, en effet,
au début du mouvement. Madame A. a adressé, dès août 2004, des let-
tres au maire de Marseille et aux présidents des conseils régional et
général. Ce dernier a été le seul à envisager une solution à son pro-
blème, mais il situe sa réponse dans une logique clientéliste : sa
demande de relogement sera examinée rapidement par ses services25.
Madame A. est très critique face à une réponse qui ne considérait pas
l’enjeu collectif de sa demande.
Aujourd’hui, l’une des forces du mouvement tient dans la création
d’un « comité de pilotage » qui met face à face les différents acteurs,

25. Le recours à des pratiques clientélistes a d’ailleurs constitué une des modalités du
relogement, dans un secteur qui correspond au canton du président du Conseil général,
Jean-Noël Guerini.
160 VILLES INTERNATIONALES

publics et privés, et implique directement le préfet. Ce comité confère


au mouvement une crédibilité supplémentaire et permet une avancée
dans le rapport de forces, en particulier sur la question du relogement.
L’un des enjeux de ce comité est la transparence des conditions de relo-
gement à laquelle Marseille République ne se résout aucunement.
C’est ainsi, à travers les différents moments de cette interpellation
des élus et de l’État, un droit de regard et une exigence de concertation
qui sont revendiqués.
L’autre arme est d’ordre juridique. L’interpellation de CVPT par les
premiers habitants mobilisés (cf. encadré) est d’abord une demande
d’assistance juridique, par rapport à la légalité des lettres de non-renou-
vellement de bail et, au fur et à mesure de l’avancement du projet, par
rapport aux multiples pressions subies par les locataires. C’est égale-
ment une telle demande qui sous-tend la fondation du collectif Loi de
1948. Mais l’implication des habitants dans la bataille juridique, encou-
ragés par les succès juridiques de locataires d’hôtels meublés, soutenus
et accompagnés par CVPT, contre les exploitants, contribue à la mise
en place d’une jurisprudence en matière de droit au logement. Des pro-
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cès ont été récemment gagnés contre Marseille République par des

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locataires en situation d’expulsion.
Premières victoires juridiques et symboliques, comme le souligne
CVPT lors d’un conseil d’administration un an après le début des évé-
nements (3 octobre 2005) : le relogement ne peut plus être considéré
comme une faveur mais comme une obligation pour le propriétaire et
un droit pour le locataire. Le chemin parcouru est long depuis le procès
dans lequel Madame B. s’est lancée, seule, et qu’elle a perdu contre
son propriétaire. Elle l’avait assigné en justice suite au non-renouvelle-
ment de son bail, dès 2004, dans le cadre d’un projet de transformation
des logements de son immeuble en bureaux.

Une mobilisation légitimée

« Uncle Sam veut nos maisons », « non à la délocalisation des habi-


tants ». Ces slogans sont inscrits sur des banderoles confectionnées, en
octobre 2004, par des habitants leaders du mouvement. Elles ont été
accrochées aux fenêtres des immeubles, dans un souci d’information
mais aussi, en début de mouvement, dans une optique de construction de
l’opposition. Ce slogan inscrit clairement la mobilisation dans une criti-
que sociétale, dépassant largement la relation propriétaire/locataire. Rue
de la République, l’ancrage perçu du risque d’éviction dans le contexte
de la mondialisation nourrit le mouvement. Celui-ci apparaît d’autant
plus légitime et juste qu’il se fait contre un fonds d’investissement, dont
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 161

les modes de fonctionnement sont jugés opaques, et non contre un


propriétaire classique : la bataille du « pot de terre contre le pot de fer »,
selon les propos d’une habitante recueillis par la presse [Marseille
L’Hebdo, 1er septembre 2004), confère au conflit une dimension politique
forte renforcée par le retentissement national de cette affaire. Dans ce
contexte particulier, la mobilisation se nourrit de tous les évènements qui
la sortent de son cadre local (vente à la découpe, incendies des immeu-
bles insalubres et vidage des squats à Paris…).
Par ailleurs, la légitimation de la résistance oppose au discours alar-
miste sur l’habitat indécent une analyse « constructive » soulignant qu’une
réhabilitation lourde ne serait pas de mise. La distinction sybilline entre
réhabilitation tout court et réhabilitation lourde contraindrait en effet, dans
le second cas, les locataires à se déplacer pendant les travaux et la certi-
tude de ne pas pouvoir réintégrer leur logement d’origine. Certes, les habi-
tants n’ignorent pas les problèmes d’insalubrité, mais font surtout valoir
que cela concerne les parties communes des immeubles, et relèvent donc
de la responsabilité du propriétaire. Ainsi, c’est la négligence de ces très
gros propriétaires qui est mise en cause. D’ailleurs, le non-entretien des
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immeubles est généralement comparé au soin qu’ils apportent à leur loge-

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ment à travers différents travaux d’entretien, voire d’amélioration des
conditions de confort. De même l’augmentation de la vacance et le
murage des appartements (par endroits jusqu’à 50 % d’un immeuble26) par
des portes blindées identifiées par un numéro sont largement dénoncés.

Les habitants fragilisés par l’incertitude

Ascaride et Condro [2001] qualifient de « naufragés » les habitants


isolés et âgés du centre-ville vivant dans des logements non convention-
nels. Leur ressource est l’ancrage à tout prix, faute d’alternative.
L’hypothèse d’une absence de mobilisation liée à un fatalisme caractéri-
sant les pauvres/immigrés mérite d’être approfondie (« on retrouve ainsi
à Belsunce des personnes “ bloquées ”, immobilisées par leur situation,
puis par l’habitude et l’acceptation de leur sort » [Tabourdeau, 2003,
p. 17], d’autant qu’elle est paradoxale si l’on l’opère une comparaison
avec la rue de la République.
Nous avons essayé d’appréhender comment les occupants, à
Noailles et à Belsunce, analysaient la situation, en amont de la mobilisa-
tion : comment sont identifiés l’environnement et les chances de succès,
sachant que le besoin de légitimité et de reconnaissance de l’action sont
vitales pour lui donner sens et efficacité. Dans ces situations de vulnéra-

26. 60 % du parc de Lone Star seraient vides (interview donnée au quotidien La


Provence, 25 août 2004).
162 VILLES INTERNATIONALES

bilité résidentielle accentuée par la précarité, chacun a parfaitement


compris que résister ne conduit pas toujours à changer le cours des
choses [Bessin et Roulleau-Berger, 2001]. Cette recherche nous amène à
un constat d’humilité : les raisons du succès ou de l’insuccès localisé des
luttes urbaines sont complexes à analyser, et les variations interquartiers
doivent être déchiffrées au sein d’un langage complet qui inclut les
locuteurs protagonistes (habitants), les tiers (ceux, en faible nombre,
engagés dans le dialogue) et ceux, au moins une dizaine de types
d’acteurs, qui se tiennent dans une distance voulue.
Sans prétendre à l’exhaustivité, on décrira certaines positions relati-
vement fréquentes face au risque d’éviction. Les modalités mêmes de
la réhabilitation, la population touchée, les mécanismes de relogement
et plus largement les conditions futures d’habitation font l’objet de
représentations qui orientent les réactions face aux tensions subies.
La métaphore de l’exil est souvent évoquée par les habitants pour
décrire les conditions de départ. Elle est d’autant plus prégnante que les
résidents sont attachés au lieu, enracinés. De manière symptomatique,
ce sont les personnes âgées qui sont décrites comme les premières
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victimes de la réhabilitation, tandis que la tension liée au relogement

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est accrue par le risque d’installation dans les grands ensembles de
logements sociaux situés au nord de la ville. « Noailles, on leur propose
systématiquement les quartiers nord et les gens ne veulent pas. Les
gens n’ont pas envie d’être exilés. Les plus fragiles acceptent » (un
membre du bureau CVPT).
Le premier constat est donc celui d’une forte crainte de délogement,
qui débute par l’angoisse du non-renouvellement de bail dans un
contexte où les chances d’obtenir un logement équivalent sont faibles.
Derrière le refus de déménager se descèlent à la fois des conflits et des
jugements d’urbanité [Cefaï et Joseph, 2002]. Mais il faut souligner
que cette crainte n’empêche pas une division permanente entre des
ménages qui acceptent sans résistance le relogement et d’autres qui
continuent, plus ou moins longtemps, à le refuser.
Prenons l’exemple de ceux qui acceptent le relogement en foyer
dans un autre arrondissement lorsqu’ils vivent une opération sur un
Hôtel meublé via la maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) qui a
démarré début 2002 sur les secteurs en PRI. Pour les immigrés ou
isolés, surtout âgés, très nombreux, un relogement individuel va défaire
une partie de leurs liens sociaux et de leur capacité d’étayage. Certains
tentent de les maintenir en faisant des allers-retours avec le quartier
d’origine. Un ancien navigateur, comorien, qui a partagé sa chambre
durant trente ans avec un compagnon, est provisoirement relogé en
foyer à la Madrague. Il revient chaque jour, plusieurs fois, rue du Bon
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 163

Pasteur à la mosquée, pour accomplir au moins trois prières diurnes


mais surtout revoir ses compagnons. D’autres exemples pourraient être
évoqués, comme celui d’un père de famille, algérien, dont le logement
va être détruit rue Bernard-Dubois et qui, suite à une deuxième
proposition de relogement dans les quartiers Nord, craint de ne plus
pouvoir refuser. Pourtant, il s’inquiète pour son épouse et ses deux fils,
scolarisés dans le quartier, qui rejettent l’idée d’être délocalisés.

Les étrangers traqués : immobilisme et peur

Dans les hôtels meublés, la relation de dépendance au gérant (du


fonds) et la précarité résidentielle sont telles que les occupants en
viennent rarement à s’organiser pour demander une mise aux normes
généralement indispensable ou un bail d’un an, renouvelable par tacite
reconduction, auquel ils peuvent prétendre au titre de la loi sur
l’exclusion du 29 juillet 199827. La peur d’être mis à la porte lorsqu’une
mise en travaux est déclarée s’ajoute à l’idée répandue qu’une simple
résiliation orale de contrat suffit, ce contre quoi lutte l’association
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CVPT: « Quand la température monte, ils viennent. Parfois des gens

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n’osent pas m’aborder sur la Canebière de peur d’être reconnus par leur
propriétaire » (membre du bureau CVPT). Ici, la configuration est
davantage celle d’une mobilisation organisée par l’association à la
demande des occupants que d’un mouvement de la base. Comme dans
la plupart des urbanisations irrégulières dans les villes du Sud, les
habitants souffrent en effet de désinformation comme d’absence de
soutien. Là, nulle famille ou réseau solide pour soutenir ces personnes
souvent célibataires, âgées, isolées. Une faible maîtrise du français rend
tout aussi nécessaire le recours à des tiers pour connaître les revendica-
tions possibles, d’autant que la contestation est souvent perçue comme
illégitime par les occupants qui se savent tout juste tolérés dans leur
pays d’accueil. Malgré cela, récemment certains collectifs ponctuels se
sont créés et ont permis de manifester devant les hôtels. Au fil des
années, plusieurs plaintes collectives ont pu être déposées avec l’aide du
CVPT lorsque les conditions du relogement n’étaient pas remplies.
Ensuite, il y a ceux qui résistent, individuellement. En général, ils
sont soutenus, soit par l’association, soit par un mouvement plus large
au niveau d’un immeuble. C’est le cas dans certains (rares) hôtels meu-
blés et autour de quelques immeubles concernés par le PRI à Belsunce
et Noailles ou voués à la destruction dans le secteur de l’OPAH de site
Marseille Euroméditerranée. Mais lorsque des gens s’arc-boutent, ils

27. Entretien avec une juriste de l’Ampil.


164 VILLES INTERNATIONALES

finissent souvent par obtenir ce qu’ils souhaitent : « le relogement a été


fait correctement à chaque fois que des gens ont montré une capacité
de résister » (membre du bureau CVPT). En dépend en fait, autant que
de leurs soutiens et réseaux, leur capacité à tenir dans la durée face aux
pressions et à la désinformation.

Les disparus

À l’inverse, le plus souvent, les acteurs intermédiaires et les nouveaux


habitants disent ignorer ce que sont devenus une partie des occupants ini-
tiaux des immeubles réhabilités en PRI : « ils ont disparu ». Voile pudique
des acteurs institutionnels et de leurs maillons actifs, les associations qui
proposent du relogement, pour éviter la confrontation à l’inexplicable.
Les occupants disparaissent lors d’une transaction, généralement
une vente d’un hôtel meublé ou d’un immeuble à Marseille
Aménagement, ou encore lors des démolitions d’immeubles (mises en
péril, Zone d’aménagement concerté). V. Manry [2002] raconte com-
ment, bien souvent à Belsunce, il suffit que le propriétaire envoie « un
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courrier recommandé aux locataires, en leur demandant d’évacuer les

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lieux dans les plus brefs délais sous peine de poursuites ; et la plupart
partent, persuadés que c’est la loi ». Il est clair que face à des habitants
sans connaissance de leurs droits, les opérateurs, même publics, procè-
dent par accord oral. Cela concerne les sans-papiers ou les occupants
sans titre clair qui sont nombreux dans les immeubles dégradés gérés
par des « marchands de sommeil28 » ou par des propriétaires n’ayant
jamais assumé leur part de travaux et d’entretien. Le renforcement de
la mobilisation, notamment rue de la République, ou à travers l’action
du CVPT, tempérerait peut-être aujourd’hui ce constat.
Les opérations de renouvellement urbain par le secteur privé,
encadrées par le secteur public, interviennent sur fond d’un désinves-
tissement cumulatif par rapport au bâti : non-entretien courant, pas de
travaux et murage progressif des appartements libérés. Le processus de
dégradation peut alors aller très vite, surtout lorsque la déficience des
services publics renforce le sentiment d’un complot diffus pour faire
partir les habitants. Des techniques éprouvées en somme. Ceux qui
ignorent comment se défendre peuvent être tentés d’accepter les arran-
gements individuels. Découragés, parfois démoralisés par la
dégradation constante de leur environnement, il leur arrive d’accepter
des relogements sans y être contraints.

28. Cette expression est elle-même souvent critiquée ; elle créerait de l’amalgame
entre propriétaires impécunieux et honnêtes et les autres.
RESTRUCTURATIONS URBAINES À MARSEILLE 165

La principale faille de la résistance collective dans les quartiers


centraux (Belsunce, Noailles, porte d’Aix) tient à notre sens à l’atomi-
sation des opérations de réhabilitation ou de destruction. L’individuali-
sation des cas concourt aussi à la non-mobilisation. Les temporalités du
renouvellement urbain s’étirent sur plusieurs années, des opérations
s’achèvent tandis que d’autres démarrent juste, et l’absence d’informa-
tions conduit à une faible prise de conscience de la similarité des cas de
figure. Les « disparitions » semblent y être plus fréquentes que rue de
la République. Sur cette dernière en effet, la mobilisation collective est
permise par un bâti très homogène et disposé dans une continuité
géographique et historique particulièrement frappante, parce qu’elle se
réalise face à un acteur emblématique de la mondialisation mais aussi
parce qu’elle est facilitée par un profil socioéconomique plus varié et
des statuts locatifs plus sûrs.

CONCLUSION
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Dans cette contribution, on a vu comment les facteurs de vulnérabi-

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lité (âge, faible familiarité avec la langue et les institutions, méconnais-
sance des droits) se cumulaient. L’intimidation permet alors d’accélérer
le processus de « soumission volontaire ». Elle s’ajoute à l’insécurité
que fait peser le risque d’éviction dans un contexte de brouillage des
informations.
Le caractère répétitif de ces menaces et inquiétudes et leur extension
à de nombreux habitants du centre-ville construit une tension qui
s’inscrit de façon permanente dans le quotidien et l’histoire sociopoli-
tique et économique de ces populations, conditionnant une bonne partie
de leurs actions, de leurs projets de vie, projetant du doute sur une
construction sociale chevillée au lieu. La confrontation des acteurs
revêt ici une dimension pédagogique, à la fois pour des citadins
« ordinaires » tenus à l’écart du débat public, et pour des opérateurs
variés pour qui la participation habitante est absente de la gestion
quotidienne. En ce sens, l’effet « fonds de pension » rencontre opportu-
nément l’internationalisation portée par le projet Euroméditerranée en
agissant comme révélateur des conflits portés par la réhabilitation.
166 VILLES INTERNATIONALES

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