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Autres ouvrages :
Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale,
par R. Roussillon et coll. 2007, 720 pages.
Manuel de psychiatrie, coordonné par J.-D. Guelfi et F. Rouillon. 2012,
888 pages.
Les dépressions périnatales: évaluer et traiter, par J. Dayan. 2008, 240 pages.
Collection Les Âges de la vie
Conseiller éditorial : Daniel Marcelli
Psychopathologie
de la périnatalité
et de la parentalité
Jacques Dayan (sous la direction de)
Professeur associé des universités,
praticien hospitalier
Psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable unité de psychologie et de psychiatrie
périnatales, CHU de Rennes
Ancien professeur associé institut de psychiatrie
Mausdley, Londres
avec
Gwenaëlle Andro
Praticien hospitalier, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable Unité de Périnatalité, CHU de Caen
Michel Dugnat
Praticien hospitalier, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable unité d’hospitalisation conjointe mères-nourrissons, AP-HM
Président de la Société Marcé Francophone
Et la collaboration de :
Mais il faut analyser les faits de plus près. Dans un système matrilinéaire,
le sperme n’est pas censé fabriquer l’enfant, l’homme n’est pas un géniteur,
la femme seule est génitrice, mais elle-même ne suffit pas à faire un enfant :
c’est un ancêtre qui se réincarne en elle dont l’esprit en se mélangeant au
sang menstruel de la femme fabrique un foetus. Dans les systèmes patrili-
néaires, c’est souvent l’inverse : l’homme seul est géniteur, la femme n’est
pas génitrice et l’enfant est également la réincarnation d’un ancêtre appar-
tenant au clan de l’homme. La définition et le vécu de la paternité et de
la maternité ne peuvent pas être les mêmes dans ces sociétés et sont diffi-
cilement comparables avec les attentes qui se manifestent au sein de nos
sociétés individualistes où les unions privilégiées sont celles de personnes
qui se sont choisies par amour et veulent des enfants pour la même raison.
En fait, au cours de l’histoire de l’humanité il fallait faire des enfants, qu’on
le désire ou non et entre personnes qui n’avaient pas d’obligation de se
désirer. Il faut ajouter que l’individualisme constitutif de notre mode de vie
entraîne pour beaucoup d’individus des situations de solitude et de difficul-
tés d’existence. Elles n’existeraient pas au même titre dans des sociétés plus
traditionnelles où les individus font partie de collectifs qui les entourent.
Grâce à ce livre j’ai pu mesuré l’énorme absence dans les travaux des
anthropologues d’enquêtes sur les attitudes des hommes et des femmes
appartenant à d’autres sociétés face à la grossesse, face a l’accouchement et
face à la survie des enfants. Difficile pour un anthropologue homme d’abor-
der les femmes et les interroger sur ces questions. Ce n’est pas impossible
pour une anthropologue femme mais peu d’entre elles à ma connaissance
l’ont fait (Bonnet, 1988).
Nous avons des informations sur les rites qui entourent la grossesse
d’une femme lorsque celle-ci, après avoir fait plusieurs fausses couches, res-
sent des douleurs et anticipe la perte à nouveau d’un enfant. Dans ce cas
dans certaines sociétés africaines on fait venir un homme qui possède le
savoir magique nécessaire car l’explication de ces troubles est que préci-
sément ce sont deux ancêtres défunts du mari ou de la femme qui veu-
lent en même temps se réincarner : explication parfaitement imaginaire
à nos yeux mais qui fait que le spécialiste des rites va chercher à apaiser
les esprits des défunts et leur demander de s’accorder entre eux pour que
la grossesse arrive à terme. On voit que la « thérapeutique » repose sur des
croyances religieuses partagées mais qui relèvent, à nos yeux, entièrement
de l’imaginaire et engendrent des pratiques symboliques sur le corps de la
femme. Si l’on compare ces observations avec ce qui se passe aujourd’hui
en France, on constate que la majorité des femmes accouchent en milieu
hospitalier et donc sont accompagnées avant et après l’accouchement par
des professionnels de la santé qui ne lui sont en rien apparentés. C’est là
une grande mutation sociale. Sans m’étendre plus loin j’aimerais faire
deux remarques.
X
psychologues, qui ont été à la base des récents développements portant sur
ce sujet ont, comme Esquirol et Marcé, bénéficié d’une formation orientée
vers ce qui est actuellement nommé la psychiatrie générale de l’adulte. Sans
surprise, la plupart des débats ont continué à porter sur l’existence d’entités
pathologiques autonomes et leurs possibles étiologies, tandis que l’essentiel
de la recherche s’est centrée sur la clinique de l’état maternel, incluant le
traitement et le pronostic, et bien entendu l’épidémiologie. Le nouveau-né,
qui pouvait légitimement être perçu comme étant à la source des troubles,
n’avait paradoxalement reçu que peu d’attention en dehors de la littérature
psychanalytique. Il avait bien entendu été reconnu que les bébés pouvaient
être victimes des impulsions homicides des parents, et des lois telles que
l’Infanticide Act of England and Wales (1938) furent promulguées pour
éviter aux mères mentalement malades la peine de mort pour infanticide.
Le risque de maltraiter ou négliger l’enfant était un des motifs pour lesquels
il était considéré comme inadéquat que les mères mentalement malades
prennent soin elles-mêmes de leur bébé.
C’est un psychanalyste anglais, Tom Main, qui rompit avec la tradi-
tion en 1948 et admit pour la première fois un bébé avec sa mère malade
mentale dans un hôpital psychiatrique. L’avantage d’une telle méthode se
répandit comme une traînée de poudre et il fut rapidement admis que la
vigilance clinique pouvait contrebalancer les risques potentiels. En réfé-
rence aux théories qu’avait développées Bowlby à propos de l’attachement,
un nombre restreint d’unités psychiatriques mères-bébés dirigées par des
psychiatres d’adultes firent rapidement leur apparition en Angleterre, puis
en Australie, Nouvelle-Zélande et Canada. Pourquoi n’a-t-on pas observé
de développement semblable en d’autres pays ? En France, Racamier
publia son travail novateur sur les mères et les bébés en 1961 mais il fallut
attendre près de vingt-cinq ans avant que ne surgisse un intérêt explosif
parmi les psychiatres français pour le développement et la création de
services appropriés aux mères et à leurs bébés. Hormis quelques notables
exceptions, le mouvement actuel pour améliorer la qualité des soins est
essentiellement mené en France par des psychiatres d’enfants qui, pour la
plupart, sinon tous, ont reçu une formation psychanalytique. Le nouveau-
né est ainsi revenu au centre du débat et il est bien qu’il en soit ainsi.
La question n’est plus simplement de savoir s’il faut garder ensemble la
mère et son bébé, mais plutôt de savoir comment le faire au mieux de
l’intérêt du bébé et de son développement, et quand procéder à une sépa-
ration pour le protéger. Concernant les soins à porter aux nouveau-nés et
aux nourrissons, il demeure de nombreuses questions sans réponse à côté
d’une grande quantité de théories, de dogmes et d’ignorance. Il n’y pas si
longtemps, on croyait que les bébés ne ressentaient pas la douleur, étaient
opérés sans anesthésie, nourris selon des horaires stéréotypés et séparés de
leur mère dans des nurseries « stériles ».
XIV
des troubles sévères, leur hospitalisation reste commune dans des dispositifs
psychiatriques peu ou pas adaptés à leur maternité. La banalisation, voire le
déni par l’institution soignante de la position centrale de l’accès à la paren-
talité est fréquente. L’accès à la maternité est souvent essentiel dans la sur-
venue des troubles et joue encore un rôle, comme cela a été montré, dans leur
dynamique évolutive. Lorsqu’il existe, le sentiment d’avoir été incomprise ou
ignorée en tant que mère, voire maltraitée par l’institution, la honte ou la
colère qui peut en résulter, accroit le risque du développement de relations
inadéquates avec le bébé ou au sein du couple.
Il arrive encore qu’aucune prévention adéquate des troubles sévères ne
soit mise en place. Parfois même, le fait n’est pas exceptionnel, le choix
thérapeutique maximalise le risque d’émergence délirante postnatale : sup-
pression de toute thérapeutique pendant la grossesse de femmes bipolaires
type I (« psychose maniaco-dépressive ») au motif du risque tératogène mal-
gré l’existence de traitement substitutif, alternative exclusive entre allaiter
ou recevoir des psychotropes et enfin mise à l’isolement en cas d’émergence
délirante et séparation durable avec le bébé. La violence des jugements
sociaux envers les mères en difficulté psychologique, a beaucoup décru,
notamment grâce aux travaux sur la dépression périnatale, mais elle ne s’est
pas éteinte. Des formes rigides de puériculture négligeant l’interaction ou
le développement précoce de la sensorialité, persistent ci et là, entrainant à
chaque fois la mise en difficulté des mères les plus vulnérables. Le père reste
quant à lui assez en retrait de toute prise en charge et un objet obscur et
rare de la recherche, malgré son implication de plus en plus répandue dans
les soins précoces.
Cet ouvrage trouve son origine dans une familiarisation aux relations
précoces mère-bébé à l’hôpital Saint-Anne auprès des docteurs Pierre Bour-
dier et Ilse Barrande. Cliniciens de l’enfance hors pair et psychanalystes, ils
avaient pris la suite de Pierre Male, fondateur d’une approche conceptuelle
novatrice de l’Adolescence, simultanément psychodynamique, sociale et
biologique, et enrichissaient leur pratique de celle d’Alice Doumic et de ses
travaux pionniers sur les relations précoces. Ils n’hésitaient pas, par leur
familiarité avec la pédiatrie, à accorder leur intérêt aux méthodes d’objec-
tivation de l’activité cérébrale, alors représentées essentiellement par l’élec-
troencéphalographie. Plus tard, le professeur R. Channi Kumar m’a invité
à travailler à Londres, à l’institut Mausdley, comme Consultant puis Pro-
fesseur Associé. Premier titulaire international d’une chaire de psychiatrie
périnatale, il m’a conduit à une approche scientifique dans une concep-
tion multidisciplinaire, associant des domaines aussi variés que l’endo-
crinologie, l’épidémiologie ou la pharmacologie. Dans ce contexte, son
intérêt constant pour les phénomènes culturels était un fait marquant et
original. Ma réflexion a été soutenue par la permanence d’un travail colla-
boratif avec des cliniciens et des chercheurs, parmi les premiers d’entre eux
XXIV
Modèles intégratifs
Modèles multidimensionnels
Un modèle à orientation socio-juridique (Théry, 1998). Irène Théry, sociologue,
distingue la parentalité domestique, assimilable à la possession d’état, la
parentalité généalogique fondée sur le droit et la parentalité biologique.
Cette dernière peut elle-même se décomposer en parentalité génétique
asexuée (fécondation in vitro) ou sexuée. Cette classification illustre le
caractère objectif de la parentalité ordinaire : l’idéal social de deux parents
géniteurs, éducateurs et époux, du fait des recompositions familiales n’est
pleinement atteint qu’à peine une fois sur deux dans la population fran-
çaise avec une pléthore de formes incomplètes.
Un modèle psychosocial (Houzel et Dayan, 2000). Didier Houzel et
Jacques Dayan, aidés de collaborateurs psychanalystes, philosophes,
8 Psychopathologie de la parentalité
L’accompagnement psychologique
des futurs parents à risque viral
L’arrêté du 10 mai 2001 introduit d’emblée la nécessité de la présence d’un
psychologue ou psychiatre impliqué dans l’accompagnement des couples à
risque viral et des équipes pluridisciplinaires – infectiologues, obstétriciens
et biologistes de la reproduction – qui en ont la charge. La position du
professionnel du psychisme n’a pas vocation d’expertise ni de jugement,
en revanche, celui-ci soutient les capacités élaboratives de la demande
La parentalité : concepts et modèles 11
Parenté et anthropologie
Les liens étroits entre l’organisation de la parenté et le phénomène de
parentalité sont devenus plus évidents, à travers les perspectives intégrant
les observations et concepts des différentes disciplines : anthropologie, psy-
chologie, psychanalyse, neurosciences…
Le sujet institué comme parent est à même de développer avec le plus
de facilité l’investissement parental. Il reçoit le soutien de l’organisation
sociale d’où il tire son identité de sujet et de parent. Des droits lui sont
attribués et les moyens de les assurer. Il est soumis à des devoirs. Seul le
parent légitime est appelé en droit à pouvoir exercer pleinement sa paren-
talité. Dans le cas contraire, selon son statut social et la société à laquelle il
appartient, le sujet en sera gêné, interdit ou même violemment sanctionné,
parfois jusqu’à la mort.
Parenté et droit
Filiation et lignées
Filiation et descendance. Selon Godelier (2004), la filiation est définie comme
les liens qui attachent l’individu à son père et à sa mère. La descendance est
distribuée selon trois modalités principales : unilinéaire (patri ou matrili-
néaire), bilinéaire (père et mère) et cognatique. Le système de descendance
n’est ni universel ni la traduction d’un état de nature mais celle de son
interprétation. Les principes qui touchent à la filiation sont « politiques » et
« religieux », ils concernent les rapports de solidarité et de domination entre
les sexes et entre les générations.
Lignée et nom du père. La lignée accepte plusieurs définitions, la plus simple
étant l’ensemble de la descendance d’un individu ou ancêtre. La lignée en
14 Psychopathologie de la parentalité
sexuels depuis des mois, voire des années. Ce point donne lieu à peu de
débats, ce que l’on peut comprendre étant donné que les relations entre
acte sexuel et parentalité font l’objet d’une certaine réserve voire de tabous.
Dans d’autres cas, comme le don de gamètes (ovules ou spermatozoïdes) et
don d’embryons, les parents ne transmettent pas leurs gènes à leur enfant,
l’identité des géniteurs reste connue seulement des autorités médicales :
cette position commence à être contestée.
Dans la gestation pour autrui (GPA), au départ initiée pour répon-
dre aux demandes de femmes sans utérus fonctionnel, les gamètes peuvent
appartenir aux « parents » mais l’enfant est porté par un tiers. Il est mainte-
nant des cas où la femme gestante porte un embryon dont un des gamètes est
issu d’une femme qui n’exercera pas elle-même de rôle maternel, notamment
en cas de couple homosexuel masculin. Dans ce cas complexe, l’enfant aura
été porté par une femme, une partie de ses gènes étant issue d’une seconde
femme et lui-même pouvant être élevé seulement par deux hommes, dont
un seul a donné ses gènes. Ce mode de filiation engendre de nombreuses
questions éthiques nouvelles à propos de ce que représente idéologique-
ment, philosophiquement, objectivement le corps de la femme qui engendre
que ce soit dans le cadre d’un couple hétérosexuel antérieur, dans le cadre
d’une adoption ou du recours à la procréation médicalement assistée. Récem-
ment en France, la possibilité du mariage homosexuel laisse augurer la pos-
sibilité d’une homoparenté ou au moins des débats à ce sujet. Dans presque
toutes ces situations, à l’exception aujourd’hui de la gestation pour autrui
(GPA), la position en droit dans la filiation est précisée sans ambiguïté : des
personnes (le père et la mère ou la mère seule) sont reconnues légalement
comme le parent de l’enfant, qu’ils exercent ou non leur fonction parentale.
Le non-parent cohabitant. Des droits se profilent pour le beau-
parent, c’est-à-dire l’allié (hétérosexuel en général) non-parent cohabitant
ou marié avec le parent (step father). Leur présence fut jusqu’à la fin du
Moyen-Âge presque exclusivement liée au décès d’un des parents qui sur-
venaient près d’une fois sur deux avant les 15 ans de l’enfant. D’autres
formes de coparentalité se dessinent aussi parmi les couples homosexuels,
phénomène marginal quantitativement, mais appelant à modifier la repré-
sentation sexuée que nous avons de la parenté.
Démographie
Monoparentalité. On nomme monoparentales « les familles où un
parent seul (aujourd’hui, dans 85 % des cas la mère), vit sans conjoint avec
un ou plusieurs enfants de moins de 25 ans dans un même logement ».
Jusque vers les années 1960, ces familles se composaient majoritairement
de « filles-mères », « veuves de guerre » et « veuves civiles ». La terminolo-
gie nouvelle participe à réduire leur stigmatisation, d’autant qu’elles n’ont
cessé de croître : en 2005, 18 % des enfants de moins de 25 ans vivent dans
une famille monoparentale, contre 8 % en 1968. En 1999, 75 % (Chardon
et al., 2008) des familles monoparentales étaient dues à la séparation d’un
couple établi, 15 % résultaient d’un couple jamais formé et 10 % du veu-
vage. Si les revendications se font croissantes sur le droit des pères seuls, le
nombre de familles monoparentales « paternelles » a peu évolué ces vingt
dernières années.
Homoparentalité. Le terme a été introduit en 1997 sur l’initiative
de groupes militants pour désigner « toutes les situations familiales
dans lesquelles au moins un adulte, se désignant lui-même comme
homosexuel, est le parent d’au moins un enfant ». Cette définition
assez vague, le terme parent n’est pas clairement défini, est en partie
tautologique et les situations répondant à ce critère étant multiples,
elle permet une assez large possibilité de consensus. Les configurations
homoparentales résultent soit d’une recomposition familiale après une
union hétérosexuelle, soit d’un projet élaboré avant la naissance par un
couple ou une personne homosexuelle. Pour devenir parent, un couple
de même sexe sans enfant ou une personne homosexuelle doit adopter
(sur une base individuelle dans la loi française) ou bien utiliser une
technique de procréation médicalement assistée (don de gamètes, sur
une base individuelle dans la loi française) associée dans le cas d’un
couple homosexuel masculin à un processus de gestation pour autrui (à
ce jour illégal en France).
La coparentalité. Le terme est employé dans des contextes diffé-
rents. Juridiquement, il désigne l’exercice de l’autorité parentale partagé
par les deux parents, même séparés. À côté de cette définition, il est aussi
employé avec d’autres significations. Il est le nom donné à l’exercice par
le conjoint non parent de « l’autorité parentale » pratique et de l’engage-
ment dans l’éducation en cas de familles hétérosexuelles recomposées ou
de parents séparés. En France, il n’est pas accordé de droits particuliers
au beau-parent exerçant une forme de parentalité contrairement à la
latitude donnée après un acte légal dans le droit britannique et aus-
tralien notamment. La coparentalité peut aussi désigner une forme
de parentalité à plus de deux parents (femmes, dont une au moins est
homosexuelle) s’accordant pour avoir un enfant ensemble et l’élever
conjointement.
18 Psychopathologie de la parentalité
Alors que les nouvelles parentés issues des techniques médicales de pro-
création ou du mariage homosexuel, autorisé depuis peu en France, concer-
nent relativement peu de familles, elles interrogent pourtant l’ensemble
du statut de la filiation. En effet, elles sont susceptibles de remettre en
cause les constructions culturelles de la parenté à partir desquelles les
sujets d’une société donnée établissent une part essentielle de leur identité.
Elles ne deviendront acceptables que lorsqu’elles seront assimilées à des
formes antérieures et légitimes de parenté, fonctionnant en quelque sorte
par cooptation. Des études entreprises à ce jour semblent montrer qu’elles
n’affectent pas plus l’enfant que les formes standard de la parenté.
Autorité et résidence
Autorité et résidence sont deux termes d’une décision juridique. L’« autorité »
est très aisément accordée aux deux parents, même lorsqu’un d’entre eux,
le père le plus souvent, s’occupe peu ou pas de son enfant. Ce « peu »
qualifie l’activité du père au regard de celle de la mère et non au regard de
l’ensemble des pères. Le lieu d’hébergement principal est fréquemment défini
comme le domicile de la mère, au moins pour le jeune enfant. Nombre de
pères tendent à perdre contact avec leurs enfants plus ou moins rapidement,
d’autant plus que la mère ne les investit pas dans leur fonction paternelle.
Le désinvestissement des pères tient aussi à des enjeux sociétaux généraux,
à la place réduite de l’homme dans les soins et l’éducation des enfants.
Il s’accroît aaussi lorsque s’accumulent certaines conditions, notamment la
garde accordée seulement à la mère, un beau-père venant s’installer au domi-
cile et le devoir de s’acquitter d’une pension alimentaire.
La garde conjointe et la garde alternée
Une évolution sociale
Les séparations affectant aujourd’hui près d’un couple sur deux, l’évolution
des mœurs a conduit à confier l’enfant du divorce à ses deux parents. Ce
mouvement est connexe de celui qui a vu les femmes s’engager massive-
ment dans des activités sociales valorisantes autres que la maternité. Il en
est résulté une fréquente garde conjointe. La garde alternée est l’extension
de ce principe avec un partage du temps presque égal entre les deux parents,
au moins 40 % pour l’un des deux. Cette pratique met en cause l’univocité
de la mère comme référence parentale nécessaire et adaptée au développe-
ment de l’enfant. Elle interroge la place que peuvent prendre les pères dans
le développement de l’enfant (Paquette, 2004), y compris à l’intérieur des
couples non conflictuels. Elle donne lieu à des prises de position passion-
nées, parfois diamétralement opposées et sans grande valeur scientifique
(cf. chapitre « Paternité »).
La doctrine de l’âge tendre
En France, la pratique courante qui tend à accorder à la mère le droit de
garde chez l’enfant jeune, en dépit de critères éducatifs ou sociaux qui pour-
raient sembler défavorables ne porte pas de nom. C’est seulement un fait.
26 Psychopathologie de la parentalité
Aux États-Unis, jusqu’au milieu du xixe siècle, le père avait un droit quasi
absolu de décision. Puis vint à régner la « doctrine de l’âge tendre » (age ten-
der doctrine) qui voulait que les besoins d’un enfant, au moins avant 6 ans
fussent mieux couverts par la mère que par le père, même en cas d’apprécia-
tion défavorable de la conduite maternelle. Par exemple, la première occur-
rence citée de cette doctrine au Kansas, consiste en un jugement de 1875
déclarant que la mère, bien qu’alcoolique, était la mieux à même de fournir
au jeune enfant ce qui était utile à son développement. Cette doctrine a été
battue en brèche dans les années 1970 avec le développement de la garde
conjointe, et à la fin des années 1980 par la garde alternée. Les arguments
étaient juridiques – la loi ne peut tolérer une discrimination sexuelle –,
et psychologiques, à travers le témoignage de psychologues d’enfants et
chercheurs attestant que le genre était bien moins important que l’exis-
tence de parents attentionnés et pouvant s’accorder, même séparés, sur
l’éducation de leurs enfants (Kielly et Lamb, 2000). Parmi les arguments
scientifiques, figurait l’examen de l’attachement de l’enfant très jeune au
père et à la mère par des méthodes allant au-delà du seul protocole limité
de la strange situation. Il montrait que le père apportait une contribution
spécifique dans le développement de l’enfant (Lamb, 2004). Ces modes de
garde, conjointe et alternée, se sont développés, en Europe et en Amérique,
avec pour immense avantage de réduire le désinvestissement paternel. La
garde alternée est aujourd’hui le mode de garde par défaut aux États-Unis
ou en Belgique par exemple. Cette mesure a montré toutefois quelques
limites. Tout d’abord les pères souvent n’assument pas toujours directe-
ment eux-mêmes l’ensemble des tâches qui leur sont confiées. Beaucoup
confient à leur nouvelle compagne ou à défaut à leur propre mère une part
importante de la prise en charge de leur enfant. Toutefois cette situation
reproduit le partage des tâches habituel au sein des couples dans les sociétés
occidentales. Le point le plus sujet à controverse consiste en la validité de
la garde conjointe ou alternée chez le jeune enfant en deçà de 3 ans. Quand
elle existe, elle est spontanément réduite par les parents. Durant la première
année, il est exceptionnel que l’enfant dorme plus d’une nuit par semaine
chez le père.
Validation scientifique de la garde conjointe
et de la garde alternée avant 3 ans
Quatre recherches d’ampleur, chacune en plusieurs vagues, ont permis de
suivre le développement de la qualité de l’attachement des enfants à leurs
parents, essentiellement la mère, ainsi que d’autres variables du dévelop-
pement, selon que ceux-ci dormaient fréquemment chez leurs pères. La
population d’étude était recrutée par volontariat pour deux d’entre elles
(Solomon et George, 1999 ; Pruett et al., 2004), chacune portant sur environ
150 familles. Une autre recrutait en population générale en Australie et la
dernière parmi des familles à risque aux États-Unis. Dans toutes les études, le
La parentalité : concepts et modèles 27
effets à plus long terme sur l’organisation familiale des modes de garde
précoces. Certains auteurs (Kielly et Lamb, 2000 ; Lamb et Lewis, 2010),
plaident pour le partage de la garde très précocement, mettant en avant que
la plupart des enfants deviennent attachés à chacun de leurs parents autour
de l’âge de 6 à 7 mois. Ils soulignent l’importance de garder la relation avec
le père pour le développement futur, et mettant en balance les avantages et
désavantages du temps partagé dès le plus jeune âge, ils plaident pour celui-
ci si les pères veulent s’y investir.
Validation scientifique de la garde conjointe et de la garde alternée
après 3 ans
Ces deux modes de garde semblent après 3 ans globalement favorables
à l’enfant par rapport à la garde exclusive d’un parent. Une étude (Kline
et al., 1989) menée auprès de 93 enfants entre 3 et 14 ans rencontrés
chaque année durant les trois années suivant la séparation, a montré que
les enfants en garde alternée étaient moins affectés par le changement de
domicile qu’avec les autres modes de garde. L’inadaptation de l’enfant après
le divorce ne tenait pas au mode de garde mais à l’âge de l’enfant, à son
genre, à l’existence de troubles anxieux ou dépressifs au moment de la sépa-
ration ou au maintien du conflit un an plus tard. McIntosh et al. (2010) ont
mené une étude sur les couples entretenant des relations très conflictuelles
et soumis à une médiation chez les enfants d’âge scolaire. Ils montrent que
les parents qui continuent à maintenir une garde partagée plusieurs années
après rapportent moins de conflits, plus de compétences parentales et de
chaleur dans les relations avec l’enfant. L’interprétation en est complexe. En
effet il peut s’agir soit d’un résultat sans intérêt, car frappé d’évidence, soit
qu’une médiation de qualité et la garde partagée pourraient permettre dans
certains couples séparés en conflit d’améliorer les relations entre les parents
au bénéfice de l’enfant. Un nombre important de parents (41 %) avaient
connu les deux modes de garde, une partie revenant à la garde conjointe
simple, un tiers seulement conservant après quatre ans de médiation la
garde partagée notamment pour des raisons de commodité tel l’éloignement
des résidences. Une méta-analyse aux États-Unis (Bauserman, 2002) a mon-
tré que les enfants avec la garde conjointe ou alternée présentaient un déve-
loppement plus favorable que ceux confiés à un seul de leurs parents : une
meilleure adaptation dans les domaines des relations familiales, de l’estime
de soi, de l’adaptation comportementale et émotionnelle et de la capacité à
supporter la séparation. Ces résultats globaux toutefois ne permettent pas de
résoudre un problème : quel est le meilleur mode de garde théorique pour le
nouveau-né ou le nourrisson quand les parents sont déjà séparés ?
Préconisations et incertitudes
En l’absence d’élément scientifique stable, nombre d’auteurs ont avancé des
préconisations générales. Le point de vue de Main et al. (2011) représente
30 Psychopathologie de la parentalité
celui d’un des principaux courants ayant pris part à ce débat dans les juridic-
tions américaines, celui des théoriciens de l’attachement. Ils soutiennent,
qu’en dehors d’un divorce très conflictuel dont l’examen est spécifique, il
est mieux qu’un enfant jusqu’à 2 ans reste dormir au domicile d’un seul
de ses parents et soit visité souvent par l’autre, idéalement deux fois par
semaine et longuement au cours du week-end. L’aménagement de nuits
passées au domicile de l’autre parent devrait être mis en place progressive-
ment durant la troisième année. Pour Main et al. (2011), le sexe du parent
ayant la garde importe peu et l’âge pour lequel la garde alternée ne semble
pas une solution adaptée est limité à 3 ans. Les arguments utilisés pour
défendre cette opinion reposent sur des études scientifiques. Il s’agit toute
fois essentiellement d’arguments par défaut. La question du genre n’est pas
abordée par Main qui a aucun moment, comme d’ailleurs les théoriciens
du développement comme Lamb et al., n’en font une question essentielle.
Pour Main et al. (2011), la théorie de l’attachement permet d’affirmer
qu’aucune des affirmations suivantes n’a été établie :
1) qu’un adulte doit être présent dès la naissance pour que l’enfant
construise un attachement secure avec lui précisément ;
2) qu’il existe une fenêtre d’opportunité unique, les trois premières années de
vie, pour que se forme un attachement de qualité à une personne en particu-
lier (il faut toutefois bien mieux que l’enfant ait formé un attachement secure
avec au moins une autre personne avant 3 ans pour former un attachement
secure avec une autre personne ensuite selon Dozier et Rutter, 2008) ;
3) que la quantité de temps passée avec l’enfant est plus importante (toutes
choses égales) que l’engagement du parent dans l’interaction ;
4) que de dormir avec l’enfant au domicile améliore la qualité d’attache-
ment ;
5) que l’enfant nécessite pour se développer (bien que cela soit optimal)
plus d’une figure d’attachement disponible ;
6) que des parents eux-mêmes organisés sur un mode insecure, bien que
limités dans leur capacité de présenter des formes d’affection qui ne présen-
tent pas de distorsion, soient incapables d’offrir une bonne qualité de soins
et de protection (George et Solomon, 2008).
Les situations réelles manifestant leur idiosyncrasie, Main et al. (2011)
proposent au besoin l’assistance de spécialistes de l’attachement pour les
choix juridiques. Ils peuvent évaluer la qualité de la relation aux deux
parents. Toutefois comme l’ont souligné plusieurs auteurs (Lamb, 2000 ;
Lamb et Lewis, 2010), cela nécessiterait peut-être une observation spéci-
fique pour les pères, le protocole d’attachement d’Ainsworth ne mesurant
pas un certain type de relations offertes plus spécifiquement par le père et
contributif à un développement favorable de l’enfant.
Surtout, l’examen médical prend mal en compte plusieurs phénomènes :
les études de population mesurent mal la spécificité des situations indi-
viduelles. Les études ne mettent pas en valeur la dynamique des facteurs
La parentalité : concepts et modèles 31
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34 Psychopathologie de la parentalité
Représentations
Une dimension imaginaire et sociale
de la procréation
Une trame mixte, culturelle et fantasmatique
entoure le fait de naître dans les sociétés traditionnelles
Selon Godelier (2004), dans aucune culture traditionnelle, un père et une
mère ne sont à eux seuls suffisants pour faire naître un sujet humain. Toutes
les cultures admettent le fait que faire un enfant nécessite des rapports
sexuels. Toutefois pour nombre d’entre elles le rôle des rapports n’est
pas d’unir deux gamètes, mais par exemple de faire grandir le fœtus ou de
lui apporter de quoi fabriquer son ossature. Deux êtres peuvent faire
un fœtus, mais l’âme, pour advenir, nécessite l’intervention d’un apport
tiers, « un plus » : par exemple chez les Inuits la bulle d’air, que le « maître
de l’univers » introduit, va devenir souffle et principe de vie ; chez les
Baruya, l’âme « esprit » se dépose dans le corps de l’enfant au moment où
le père lui donne son nom. Dans toutes les cultures, ce « plus » est marqué
à la fois par un principe de vie et d’intemporalité mais la réussite ou l’échec
de la naissance sont souvent marqués d’histoire : l’histoire des individus
parents, ensemble et chacun séparément, des ancêtres de la lignée et du
peuple dans son ensemble. Cette histoire est la source d’un récit plus ou
moins secret et complexe.
est qualifié de régressif car il fait appel à des mécanismes historiques qui
reprennent alors une place significative. Ce type d’identifications régres-
sives est retrouvé dans toutes les situations où le sentiment d’identité est
mis à mal par une modification importante et rapide de l’environnement,
qui devient menaçant ou incertain, et dont les repères ordinaires perdent
de leur acuité. La particularité du phénomène de grossesse consiste en ce
que la mise en tension de l’identité, qui inclut les transformations cor-
porelles, aboutit à une modification des défenses et des investissements,
dont l’issue anticipée est habituellement une satisfaction. Ce phénomène
ordinaire d’identifications à sa propre mère, comme à l’enfant qu’elle fut,
se dévoile aisément dans le transfert, la femme étant ordinairement dans
une attente que nous pourrions qualifier de prétransférentielle favorable.
Elle est souvent prête à accueillir l’aide d’un personnage secourable, qui
prendrait soin d’elle et comprendrait ses besoins et ses attentes en tant que
mère. La réassurance narcissique associée à l’état de grossesse favorise la
levée, partielle, du refoulement et permet alors un abord plus facile de
la conflictualité interne et des points de fixation.
Le concept de transparence psychique n’est pas toujours opérant. Dans
le cas où une issue défavorable est anticipée par la femme, on peut assister
à la mise en place d’autres mécanismes qui tendent au contraire à éloi-
gner les représentations défavorables : le clivage, le déni, la dénégation, la
pensée opératoire et parfois même les psychoses fonctionnelles. Les motifs
d’une telle anticipation peuvent être divers : social, physique ou sans fon-
dement réel, que la représentation de devenir mère soit intolérable ou trop
conflictuelle, que l’estime de soi soit insuffisante pour soutenir le processus
de maternité, que les mécanismes de défense ordinaires soient insuffisants
pour faire face à la perte de contrôle sur le corps ou les transformations du
statut social. La transparence psychique est alors remplacée par une grande
opacité, qui séduit et fascine tout autant.
Affects infantiles
Au cours des soins et de l’éducation apportés à leurs enfants, les parents
vivraient la réactualisation de leur propre évolution libidinale (Benedek,
1959). Bibring et al. (1961) décrivent l’émergence de comportements,
d’attitudes et de désirs représentatifs de stades antérieurs du développe-
ment, avec une prédominance du matériel oral et anal, ambivalent ou
46 Psychopathologie de la parentalité
Le narcissisme maternel
Selon Freud, l’amour que voue le parent à ses enfants « si touchant et au fond
si enfantin n’est rien d’autre que la reviviscence du narcissisme parental et,
bien que transformé en amour objectal, il révèle son caractère antérieur ».
Ce processus de réinvestissement narcissique de la mère, de son propre
corps et de sa fonction est soutenu par le socius, que ce soutien soit ins-
titué, explicite, ou implicite et spontané. Il participe à l’intense gratification
que représente la grossesse pour nombre de mères. Au maximum, la mère
pourrait avoir l’illusion narcissique d’être arrivée à son point de perfection
et vivre une expérience quasi délirante de toute-puissance que l’on observe
parfois sous forme de déréalisations passagères. Dans un certain nombre de
cas, ce travail s’accompagne de réactions anxieuses et dépressives.
Cependant, la transition vers la parentalité s’accompagne de changements
contradictoires dans l’économie narcissique. D’un côté, ce passage est une
source de satisfaction narcissique, puisque le parent s’identifie à ses propres
parents, à leur puissance, à leur autorité et aux autres qualités qu’il a perçues
et imaginées à leur propos. D’un autre côté, dans le même mouvement, l’indi-
vidu doit renoncer définitivement à être lui-même « l’enfant merveilleux ».
Surtout, insiste Deutsch (1945), l’estime de soi de la mère est en relation avec
les identifications à l’imago maternelle, représentation parfois dévalorisante
ou haïe qui ne permet pas de maintenir une estime de soi suffisante. C’est
dans ces circonstances défavorables qu’une figure tierce, qui n’est pas néces-
sairement féminine, peut jouer un rôle d’étayage durant la grossesse.
Schéma d’être-avec
Il s’agit d’un concept développé par Stern (1995), faisant essentielle-
ment référence aux fantaisies conscientes ou préconscientes. L’auteur
accorde moins d’intérêt à la naissance de la représentation dans le passé
de la mère. Avec le terme de représentation, il évoque (Stern et al., 1998)
des éléments concrets, telles la perception des mouvements actifs ou
l’image échographique durant la grossesse. Il cite toutefois les études
sur la « morphogenèse du bébé représenté » pour conclure que cette
activité de représentation culmine au septième mois de la grossesse pour
devenir moins précise ensuite, permettant à la mère de mieux accueillir
l’enfant réel et se préparer à accepter une certaine qualité de déception
que permet une représentation moins affirmée.
Il met l’accent sur l’intériorisation de patterns interactifs à partir des-
quels une transmission de schémas d’être-avec peut s’opérer, pour le bébé
52 Psychopathologie de la parentalité
aux rires du bébé, entraînant seulement chez les mères une diminution de
l’activité du cortex cingulaire antérieur lorsque la durée des stimuli était
brève (6 s). La comparaison de l’activité cérébrale entre les parents et ceux
qui ne l’étaient pas montre que chez les parents l’activité de la région amyg-
dalienne augmente plus en réponse aux cris et chez les témoins aux rires.
Swain et al. (2003) ont montré une plus forte activation chez les mères entre
deux et quatre semaines du post-partum dans la région du mésencéphale,
des ganglions de la base, du cortex cingulaire, de l’amygdale et de l’insula.
L’hypothèse de Swain était que les mères activaient deux grandes régions
au début de la relation avec le nouveau-né : celles qui parmi toutes leurs
fonctions sont aussi impliquées dans les préoccupations obsessionnelles et
celles impliquées dans le traitement des émotions. L’amygdale était moins
activée chez les pères qui se montraient aussi moins préoccupés du bébé
que les mères lors des entretiens. À trois ou quatre mois du post-partum le
même stimulus n’entraîne plus chez les mères d’activation de l’amygdale ni
de l’insula, mais il est observé une plus grande activité dans l’hypothalamus
et dans le cortex préfrontal.
Stimuli visuels
Photos et amour parental. Les expériences portant sur les stimuli visuels
s’appuient sur le postulat (Bartels et Zeki, 2004) que l’amour maternel
active les mêmes régions que l’amour « romantique » telles que l’insula,
le cortex cingulaire antérieure et les ganglions de la base (striatum), cette
dernière région étant impliquée dans les circuits de récompense (Bartels
et Zeki, 2004). Les mêmes montrent que l’exposition de photos de
leurs propres enfants comparés à ceux d’enfants inconnus entre 9 mois et
6 ans d’âge active chez les mères les régions impliquées dans les circuits de
récompense. Simultanément, ils mettent en évidence une diminution
de l’activité dans les régions impliquées dans les émotions négatives et les
comportements d’évitement. Nitschke et al. (2004) ont mis en évidence une
plus grande activation du cortex orbito-frontal chez les parents regardant
leur enfant de 2 à 4 mois, qui était corrélée avec une humeur plaisante
associée aux stimuli.
Détresse et sourires. Noriuchi et al. (2008) ont montré deux types de
résultats au visionnage de situations de séparation dans des vidéos silen-
cieuses de leur enfant et d’un enfant inconnu. Il est retrouvé le même
type standard d’activation préférentielle en relation avec la vision de son
propre enfant. Par contre il est aussi mis en évidence une nette et intense
activation quand l’enfant semble en détresse, de structures spécifiques
dont la substance noire, le noyau caudé, le thalamus, le cortex cingulaire
antérieur et les régions dorsales du cortex orbito-frontal. L’implication du
cortex orbito-frontal souligne l’engagement de structures impliquées dans
la cognition sociale.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 55
Motivation et empathie
La motivation pour l’engagement dans les conduites parentales sem-
ble en partie corrélé avec des manifestations hormonales diverses et
complexes avec au premier plan, chez la mère l’ocytocine. Les taux
et l’action des hormones sont eux-mêmes modifiés par des éléments de
l’environnement (Bartz et al., 2011 ; Tabak, 2013). Il existe une inter-
action complexe entre une détermination biologique et sociale qui reste
à explorer.
Tous ne s’accordent pas sur la définition de l’empathie (Zaki et Ochsner,
2012), mais ce concept présente une valeur opératoire et permet la
convergence d’approches multidisciplinaires. L’empathie maternelle (ou
du donneur de soins principal) est engagée à travers au moins quatre
réseaux de neurones (Rilling, 2013) : le circuit cingulo-thalamique
engagé dans la réponse à la détresse, l’insularité antérieure qui permet
à la mère de simuler et de comprendre ce que ressent son enfant, le sys-
tème des neurones miroirs qui exercent la même action surtout vis-à-vis
de la motricité en incluant les expressions faciales et enfin le cortex
préfrontal dorso-médial et la jonction temporo-pariétale qui permettent
d’inférer ce que l’enfant pense ou croit. L’activité de ces systèmes varie
avec l’état émotionnel de la mère, son type d’attachement et les corré-
lats hormonaux. Le concept d’empathie ainsi concu offre un champ de
recherches nouveau.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 57
La théorie de l’attachement2
Fondement épistemologique et postulats de base
La théorie de l’attachement est née de l’œuvre de Bowlby, qui s’inspire
à la fois de la psychanalyse, de l’éthologie et de la théorie des systèmes,
pour finalement constituer un complément de la théorie darwinienne. Le
lien au parent a ainsi été formalisé selon une perspective évolutionniste
découlant de la théorie de la sélection naturelle. On sait que pour Darwin
(1859), l’objectif principal d’une espèce est d’assurer sa survie. Au cours des
millénaires, les « programmes » qui augmentent les chances de survie d’une
espèce permettent à celle-ci de prospérer. Ainsi, les gènes de cette espèce se
transmettent de génération en génération et finissent par l’emporter sur
d’autres gènes qui eux, sont associés à des programmes moins efficients.
D’après cette théorie, les espèces qui ont survécu au travers des millénaires
sont celles qui étaient dotées des schèmes de comportements les plus « bio-
logiquement avantageux », c’est-à-dire de ceux qui permettent de s’adapter
au milieu naturel de façon optimale.
Or, d’après John Bowlby (1957), la tendance à s’attacher serait un de ces pro-
grammes qui favorisent la survie de l’espèce. Il ne faisait aucun doute pour
lui que l’être humain dispose, tout comme les animaux, d’un répertoire de
comportements visant à promouvoir l’attachement à la mère. Plus exactement,
les « comportements d’attachement » tels que le fait de pleurer, de s’agripper,
ou tout autre comportement favorisant la proximité d’un adulte donné seraient
des tendances innées qui se sont révélées efficaces, à travers les millénaires,
pour favoriser la survie de l’enfant. En effet, si à la naissance un bébé n’est pas
suffisamment armé pour survivre dans son environnement, ses chances d’y
parvenir seront fortement augmentées s’il parvient à obtenir la protection d’un
adulte. C’est en cela que l’instinct de s’attacher devient primordial. Certes, le
bébé a besoin d’être nourri ; mais même lorsqu’il est repu, il court un risque à
se trouver seul et sans surveillance. Pour cette raison, l’attachement, au même
titre que le nourrissage, constitue un besoin primaire à enjeu vital.
Ainsi, Bowlby a tenté de déterminer l’utilité des prédispositions innées
de l’être humain, par rapport à un objectif de survie de l’espèce. En parti-
culier, il s’est intéressé au sourire pour sa spécificité humaine. D’après lui, il
constituerait un exemple de comportement acquis au cours de l’évolution,
dont la fonction est d’assurer la protection de l’individu. De ce fait, il a
pour effet d’activer les comportements de soins de la mère, procurant ainsi
au vulnérable bébé une source de sécurité. La tendance à s’attacher à la
mère est aussi, pour Bowlby, une prédisposition innée du bébé qui favorise
sa protection. De ce point de vue, la nature du lien de l’enfant à sa mère
apparaît comme une question essentielle.
Exploration et autonomie
La sécurité procurée par l’adulte, grâce au système comportemental d’atta-
chement de l’enfant, permet à celui-ci d’explorer son environnement
pour, à terme, en contourner les dangers et s’y débrouiller seul. En cela, la
dépendance à l’égard de l’adulte laisse place, petit à petit, à l’autonomie.
Mary Ainsworth, la plus proche collaboratrice de Bowlby, a bien mis en
évidence cette balance entre attachement et exploration à travers la situa-
tion étrange (Ainsworth et al., 1978). Dans ce dispositif expérimental, où
l’on sépare brièvement le bébé de sa mère pour observer ses réactions (i. e.
ses comportements d’attachement), on voit bien combien l’inquiétude
quant à l’absence du parent vient bloquer la curiosité pour les jouets pré-
sents dans la pièce.
La notion de base sécurisante renvoie au fait qu’une personne se sent
bien et exploite mieux son potentiel lorsqu’elle sait qu’elle peut compter sur
une figure d’attachement en cas de difficulté. L’indépendance de l’enfant
est étroitement liée aux chances qu’il croit avoir de bénéficier, en cas de
besoin, de la protection de sa figure d’attachement. Ainsi, le nouveau-né
a dès sa naissance un besoin de contact et de rapprochement avec sa mère
pour se sentir bien et, en grandissant, il peut anticiper le type de réponses
qu’elle est susceptible d’avoir ; il lui suffit alors d’avoir confiance en sa dis-
ponibilité. Bowlby a repris de la perspective évolutionniste la notion de
« système motivationnel », qui renvoie à une série de comportements des-
tinés à poursuivre un but précis, nécessaire à la survie. Parmi ces systèmes, il
distingue le système d’attachement , dont l’objectif est de maintenir le lien,
du système d’exploration , qui est antagoniste au premier (i. e. qui ne peut
s’activer au même moment) et qui vise à l’inverse à s’ouvrir au monde. Or, ce
sont la proximité, puis la confiance en la disponibilité de la mère, qui vont
permettre à l’enfant de se sentir en sécurité et de ce fait, de ne plus devoir
activer son système d’attachement (i. e. déployer des comportements d’atta-
chement). Cette désactivation laisse place à l’activation du système d’explo-
ration de l’environnement, qui donne à l’enfant la possibilité de développer
ses capacités de façon optimale. Au-delà de l’influence qu’a cette gestion
de la nouveauté au niveau de la familiarisation avec l’environnement, la
manière dont le parent accompagne l’enfant dans sa découverte du monde
physique et social va avoir des répercussions sur la relation qu’ils entretien-
nent entre eux. Car si l’attachement permet l’exploration, la perception
d’une menace extérieure provoque chez l’enfant un désir de se rapprocher
du parent. On comprend alors que selon la perception que l’enfant a de son
milieu, il sera plus ou moins susceptible de s’accrocher ou au contraire de
devenir indépendant du parent. Ainsi, dès le plus jeune âge, l’enfant élabore
une représentation de l’environnement qui va directement conditionner sa
manière d’être avec autrui.
60 Psychopathologie de la parentalité
Stratégies d’attachement
Dès la naissance, le nourrisson dispose d’un répertoire de comportements
d’attachement censés faire venir ou faire rester la mère. En fonction de
l’efficacité de ces dites « stratégies primaires » (Main, 1990), l’enfant
est plus ou moins enclin à modifier le fonctionnement de son système
d’attachement et ainsi développer des « stratégies secondaires ». En
d’autres termes, l’enfant va adapter son comportement en fonction des
chances qu’il croit avoir de regagner le contact de sa mère. Cette adap-
tation peut le mener à inhiber son système d’attachement (Main parle
alors de stratégies de « minimisation ») ou au contraire à l’hyperactiver
(stratégies de « maximisation »).
Différentes stratégies ont pu être identifiées grâce à l’observation de
comportements d’enfants durant de courtes séparations d’avec leur mère
qui ont été provoquées expérimentalement. À chacune de ces stratégies cor-
respondent des patterns comportementaux spécifiques. Les observations
d’Ainsworth avec la mise au point de la « situation étrange » (Ainsworth
et al., 1978) ont permis d’identifier ces différents patterns. Ce dispositif
expérimental permet d’observer les comportements d’un enfant lors de
départs et de retours successifs de sa mère, en présence ou non d’une
personne inconnue. À partir des comportements observés chez le bébé,
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 61
Attachement et psychopathologie
En dehors des situations de carence ou de maltraitance extrêmes qui don-
nent lieu à des troubles de l’attachement, le sentiment d’insécurité en lui-
même n’équivaut pas à une psychopathologie. Il peut toutefois participer à
sa mise en place, et ce d’autant plus que d’autres facteurs de risque s’ajoutent
pour en précipiter la survenue (Cicchetti, Rogosh, 1997). Il n’en demeure
pas moins qu’un enfant insécure est plus vulnérable à plusieurs égards. En
premier lieu, la relation d’attachement est nécessaire au bébé pour la régula-
tion de ses états internes. Grâce à des soins sensibles et adéquats, il apprend,
progressivement que les états négatifs qu’il traverse sont passagers et qu’il
peut (au départ avec l’intervention de l’adulte) y mettre un terme. En
revanche, l’absence d’un tel accompagnement laisse l’enfant aux prises avec
des affects intolérables qu’il ne peut surmonter. Des études attestent du lien
entre attachement et régulation émotionnelle au niveau neurobiologique
chez le bébé (Hertsgaard et al., 1995 ; Spangler, Schieche, 1998), mais aussi
chez l’adulte (Coan et al., 2006 ; Mikulincer, Shaver, 2007). Ainsi, l’enfant
insécure, et a fortiori désorganisé, est fragilisé par cette difficulté à gérer ses
états internes et plus vulnérable au développement de psychopathologies.
Au vu des différentes recherches en neurosciences sur l’attachement (par
ex., Gillath et al., 2005), Coan (2008) propose que les MIO modulent les
processus neurologiques associés à la régulation émotionnelle.
En agissant sur les anticipations relatives au déroulement des interactions
et, par là même, sur les attitudes qui en découlent, les MIO participent
à la pérennisation des modes de relations initiaux et des affects associés
(Thompson, 2008). Les modèles internes opérants des enfants sécures leur
sont favorables sur le plan des relations interpersonnelles et des émotions
que cela provoque. Les échanges avec leur entourage familial leur appor-
tent les assises narcissiques nécessaires à la formation d’une image positive
de soi et participent à la construction d’une image positive d’autrui. Les
relations avec les autres sont perçues comme gratifiantes. Ainsi les attentes
de ces enfants tendent à induire des modes d’interactions satisfaisants, qui
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 67
Évaluation de l’attachement
Il existe une myriade d’outils évaluant l’attachement avec des systèmes de
classification à la fois voisins et différents, qui rendent la compréhension
des recherches sur l’attachement très complexe. En gros, il existe deux
courants à l’origine d’outils dont l’esprit diffère quelque peu. Le premier
courant repose sur la mise au point du dispositif expérimental de la situation
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 69
étrange élaborée par Ainsworth et ses collègues à la fin des années 1960
(Ainsworth et Bell, 1970). Il s’inscrit dans une perspective développementale
qui propose une classification en trois, puis quatre (Main et Solomon, 1986)
catégories obtenues grâce à l’observation des comportements de bébés. Au
départ, la situation étrange a été mise au point pour des enfants de 12 mois,
puis des adaptations de la procédure ont étendu l’âge de passation jusqu’à
6 ans (Cassidy, Marvin, 1992 ; Main, Cassidy, 1988).
Parallèlement à cela, l’adult attachment interview ou AAI (George et al., 1985)
a aussi été dérivé de la situation étrange. En faisant ressortir des caractéris-
tiques spécifiques aux mères d’enfants classés respectivement sécures, évi-
tants, ambivalents ou désorganisés, Main et ses collègues (Main, Goldwyn et
Hesse, 2002) ont défini chez elles différents « états d’esprit », à partir de leur
discours sur leurs propres expériences d’attachement en tant qu’enfants.
L’introduction de cet entretien a ainsi ouvert la voie à une multitude
d’études établissant un phénomène de transmission intergénérationnelle
des modalités d’attachement (Leblanc et al., 2009 ou Miljkovitch,2001).
D’autres systèmes de codages ont été proposés pour évaluer des dimen-
sions complémentaires à celles mesurées par le système de codage classique.
En particulier, Fonagy et al. (1991a) ont développé une échelle de fonction
réflexive (i. e. capacité à comprendre ses propres états mentaux ainsi que
ceux des autres) qui s’avère, dès la grossesse, être un bon prédicteur de l’atta-
chement de l’enfant à naître (Fonagy et al., 1991b). La mesure de la dés-
organisation n’étant pas calquée sur la définition d’origine, Melnick et al.
(2008) ont développé la catégorie « Hostile/Impuissant » (Hostile/Helpless)
pour mieux capter l’existence de modèles contradictoires de soi et de la
figure d’attachement. Cette classification chez la mère prédit la désorgani-
sation chez l’enfant (Lyons-Ruth et al., 2005).
Un autre entretien, l’AMMI ou attachment multiple model interview
(anciennement ASSSI, Miljkovitch, 2009), permet également de mesurer
chez l’adolescent ou l’adulte la présence de tendances incompatibles d’inhi-
bition et d’hyperactivation du système d’attachement. Mais à la différence
des autres outils qui proposent un seul état d’esprit, celui-ci distingue la
qualité de l’attachement selon la relation envisagée (par ex., mère, père,
conjoint…), et ce selon une approche à la fois dimensionnelle et catégo-
rielle. Son utilisation a ainsi permis de montrer la complémentarité des
relations avec chaque parent et la manière dont l’une et l’autre se conju-
guent dans le développement de l’individu (Deborde, Miljkovitch, 2013).
Sa validité a été établie à partir de données longitudinales montrant que
l’attachement mesuré de 4 à 18 ans permet de prédire le score de sécurité du
jeune adulte de 21 ans, et ce mieux que l’AAI (Miljkovitch, Moss, Bernier,
Pascuzzo, Sander, en préparation). Le current relationship interview (Crowell,
Owens, 1998) permet également d’évaluer l’attachement au sein du couple
(actuel), par un système de classification d’état esprit unique, conforme à la
conception d’origine de l’AAI.
70 Psychopathologie de la parentalité
La théorie du bonding
Le terme attachement a été traditionnellement retenu pour décrire le
mouvement affectif qui lie l’enfant à sa mère. La relation inverse est restée
innominée, si l’on néglige bien sûr le très controversé « instinct maternel » qui
demeure plus une théorie populaire qu’un concept psychiatrique. Une théorie
du lien (bond, en anglais) a été ébauchée par deux pédiatres américains, Klaus
et Kennel, une dizaine d’année après celle de l’attachement (1976).
72 Psychopathologie de la parentalité
et dans cette recherche le plus souvent d’un seul, l’élan affectif et l’ensem-
ble des sentiments qui les ont étreints lors de la naissance des précédents.
Cet enfant aurait pu, pour cette mère être « l’enfant de n’importe qui »
selon le titre même de l’article. Elles éprouvent parfois immédiatement des
affects hostiles. Toutes avaient présenté des manifestations psychopatholo-
giques, le plus souvent un trouble dépressif simultanément à l’élaboration
de la parentalité. Elles n’avaient pu communiquer à leurs proches ce déficit
clairement ressenti et dont la cause ne semble pas clairement expliquée.
Ces mères ne sont pas maltraitantes et leurs enfants sont élevés dans des
conditions ordinaires. L’auteur, psychiatre d’adultes, tente ainsi d’ouvrir la
voie à une recherche privilégiant les modalités de l’attachement maternel,
délaissée jusqu’alors pour l’intérêt quasi exclusif porté au processus de
l’attachement chez l’enfant. Ni le fait que la grossesse ait été désirée, ni le
désir d’y mettre fin, ni le sexe de l’enfant, ni des difficultés obstétricales ou
simplement des difficultés d’allaitement n’y jouaient un rôle significatif.
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Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 81
Fécondité à l’adolescence
Données quantitatives
Les grossesses
La fréquence des grossesses à l’adolescence, c’est-à-dire de 15 à 19 ans selon
la classification internationale, varie beaucoup selon les pays. Les États-Unis
ont, avec la Russie, le taux le plus élevé des pays industrialisés soit 3,9 % en
2009 et le Royaume-Uni le taux le plus élevé d’Europe soit 2,6 %. Il est
en France métropolitaine de 0,8 % en 2008.
Le devenir de la grossesse. Le soutien affectif des parents et, dans une moin-
dre mesure, du géniteur est décisif dans le choix de mener la grossesse à son
terme (Roye et Balk, 1996 ; Tabberer et al., 2000) : une grossesse sur trois
environ conduira à une naissance.
Les naissances. Les grossesses adolescentes représentent 0,6 % des nais-
sances totales soit environ 4 200 par an. La proportion d’adolescentes
enceintes n’a cessé de baisser depuis quarante ans, passant de 3,6 % en
1976, à 2,4 % en 1998 et à 1 % en 1992. Elles sont rarement planifiées
(Wellings et al., 2013).
L’IVG. Aujourd’hui, plus d’une grossesse sur deux est interrompue
volontairement (IVG) d’autant que l’enfant est plus jeune : 61,9 % pour
les 14-15 ans, 50,4 % pour les 16-17 ans (DREES). Dans le groupe d’âge
15-17 ans, le ratio IVG/naissance a fortement augmenté en vingt ans (pas-
sant de 1,5 à presque 3). En 2010, 29 000 femmes âgées de 15 à 19 ans ont
eu recours à l’IVG, dont 40 % concernaient les 15-17 ans, 60 % les 17-19 ans
(Vilain, 2010). Environ 50 % des IVG sont de type médicamenteux. Le ratio
entre nombre d’IVG et de naissances, depuis une vingtaine d’années, reste
stable (cf. schéma). Les IVG chez les adolescentes sont considérées le plus
Attentes sociales
L’attente sociale. Dans la plupart des cultures traditionnelles la préoc-
cupation n’est pas l’avortement ou la contraception des jeunes filles,
mais au contraire leur fertilité et leur possibilité de procréation. Selon
Chapelier (2000), dans ces sociétés, la formule « La grossesse chez une
adolescente c’est un risque d’adolescence avorté » n’est pas culturellement
admise. Dans nos propres sociétés, une reconsidération de l’évolution des
adolescentes enceintes a été rendue possible par des études de clustering
qui montrent des destinées variables et très diversifiées, certaines péjo-
ratives, d’autres favorables, tenant compte que beaucoup de grossesses
surviennent chez des jeunes filles cumulant des facteurs de risque per-
sonnels, familiaux ou socio-économiques. Certains auteurs avancent
aussi l’hypothèse qu’une sexualité précoce c’est-à-dire dès 14-15 ans
Les grossesses à l’adolescence 85
Sexualité à l’adolescence
L’âge médian des premières relations sexuelles est en France de 17,2 ans
pour les filles. Il se rapproche de plus en plus de l’âge du premier rapport
sexuel des garçons. Ce sont les femmes qui ont vécu les plus grands change-
ments, et ils se sont produits dans les années 1960 et dans les années 1970.
Depuis 2000, une nouvelle tendance à une plus grande précocité se dessine.
Les modalités
Les relations sont plus sporadiques (5 à 15 par an) que chez leurs aînées,
moins planifiées, et avec un nombre de partenaires rapidement croissant
(2,2 partenaires sexuels déclarés chez les filles de 19 ans contre 4,4 parte-
naires sur la vie entière, dans l’enquête « Contexte de la sexualité en
France », menée en 2006 par l’INED et l’Institut national de la santé et de
la recherche médicale). Le nombre moyen de partenaires atteint son maxi-
mum à 18-19 ans pour les femmes. Dans cette enquête, 40 % des garçons
et 27 % des filles de 15-18 ans avaient eu plus d’un partenaire sur l’année
écoulée (1,4 pour les filles, 2,1 pour les garçons). Entre 15 et 18 ans, 12 %
des garçons et 5 % des filles du même âge ont eu cinq partenaires ou plus,
d’après les données du Conseil national du sida en 2004.
La contraception
La grande majorité des jeunes adolescentes déclarent utiliser un préservatif
ou la pilule. Toutefois, lors du premier rapport, à peine 30 à 50 % des adoles-
cents auraient utilisé un moyen de contraception. 10 % environ n’utilisent
aucun moyen de contraception bien que maintenant des rapports, et peuvent
utiliser la pilule du lendemain. L’échec de la contraception de l’ordre de 20 %
chez les adolescentes serait associé à une mauvaise technique mais aussi à une
très grande fécondité. Dans l’étude de Godeau et al. (2008), la proportion de
jeunes filles non ou mal protégées contre les grossesses est significativement
plus élevée chez celles qui ont déclaré avoir eu des rapports sexuels avant l’âge
de 13 ans (17 % chez les 13 ans ou moins versus 6,5 % chez les autres).
Le désir de grossesse
Faucher (2002) soutient que la majorité des grossesses menées à terme, soit
environ un tiers, résultent du projet d’une jeune fille ou d’un jeune couple. Une
étude menée à Angers retrouvait moins de la moitié des grossesses menées à
terme affirmées comme désirées, et environ 10 % seulement planifiées
(Jerome, 2010). La grossesse peut répondre aussi à des modalités inconscientes
du désir (Marcelli, 2003), parfois multiples, parfois contradictoires : s’éprouver
par rapport à sa mère, vérifier sa propre sexualité, agresser son propre corps
ou au contraire en vérifier le bon fonctionnement, équivalent suicidaire, etc.
L’association à la dépression
Il est difficile d’affirmer que l’état dépressif suit ou précède, quand il existe,
la grossesse, du fait que la majorité des études sont transversales ou bien que
longitudinales elles n’aient pu apprécier l’état préalable à la grossesse. La
prévalence de la dépression chez les adolescentes enceintes est supérieure à
celle de la population générale. Les facteurs de risque sont un faible soutien
social, des événements de vie défavorables, un environnement stressant et
une mauvaise estime de soi. Une revue de la littérature (Reid et al., 2007) a
montré qu’un des facteurs spécifiques les plus constamment retrouvés était
l’existence de conflits au sein de la famille.
L’âge est un critère important. En fin d’adolescence, la prévalence de la dépres-
sion semble modérément augmentée par rapport à la population générale,
Les grossesses à l’adolescence 89
Le risque obstétrical
La littérature abonde d’articles confortant l’idée d’une contre-indication médi-
cale de la grossesse à l’adolescence. L’anémie, l’hypertension et l’accouchement
prématuré sont les complications maternelles les plus retrouvées. Pourtant plu-
sieurs auteurs s’accordent pour considérer que ces grossesses après 15 ans ne
seraient pas plus risquées qu’à l’âge adulte si elles étaient mieux suivies.
Leppälahti et al. (2013) en Finlande ont étudié le devenir obstétrical d’adoles-
centes ayant bénéficié d’un suivi prénatal intense. Elles étaient présentes à autant
de consultations que les contrôles, bien qu’étant moins souvent présentes aux
visites obligatoires. Les auteurs ont remarqué que les adolescentes avaient des
conditions socio-économiques moins favorables mais n’ont pas inclus ce facteur
dans l’analyse multivariée. Ils retrouvent plus souvent une anémie, une infec-
tion urinaire et l’éclampsie, pour ce dernier facteur seulement chez les jeunes
filles ayant été moins suivies en prénatal. Le risque d’accouchement prématuré
n’a été retrouvé que chez les très jeunes filles entre 13 et 15 ans.
L’étude menée en Turquie par Karabult et al. (2013) montre l’absence de
complications obstétricales chez les adolescentes, le seul désavantage signifi-
catif est celui d’un poids de naissance abaissé. Les auteurs concluent que les
différences observées avec les pays industrialisés tiennent au fait que les adoles-
centes sont soutenues et accompagnées par leurs parents, viennent régulière-
ment aux consultations et que leur grossesse n’est pas une transgression.
Une très large étude a été menée dans la province de l’Ontario qui inclut
550 000 grossesses dont 24 000 (4,35 %) surviennent chez des adoles-
centes. Il est retrouvé significativement moins de risque d’hypertension, de
diabète gestationnel et d’anomalie placentaire et les conditions de la déli-
vrance sont meilleures que celles de la population générale. Seul le risque
de rupture prématurée des membranes est très modérément augmenté
(RR = 1,6). Aucun élément défavorable n’est noté pour l’enfant.
Les grossesses à l’adolescence 91
Une autre étude (Fleming et al., 2012) a été menée à Ottawa chez 206
adolescentes qui significativement consommaient plus de tabac, de pro-
duits illicites, d’alcool. Elles étaient incluses dans un programme spécifique
qui leur aura permis de recevoir autant de soins et autant de préparation à
la naissance que le reste de la population. Il n’y avait aucune différence en
termes de prématurité, de poids de naissance et de croissance intra-utérine.
L’hétérogénéité des populations en termes de suivi de grossesse a été retrou-
vée dans une étude française (Genest et al., 2013).
mère adolescente. Enfin une prise en charge de qualité peut éviter presque
la totalité de la répétition du comportement maltraitant (Noria et al., 2007)
Troubles psychocomportementaux. Un suivi aux États-Unis pendant trois
ans des enfants de 121 mères adolescentes (Sommer et al., 2000) a mon-
tré chez les trois quarts d’entre eux un score inférieur à la moyenne dans
le domaine du développement du langage, de la sociabilité, de l’équilibre
affectif. De moindres performances intellectuelles ou linguistiques étaient
liées au QI maternel et à l’importance du réseau familial de soutien. Les dif-
ficultés émotionnelles ou sociales étaient au mieux prédites par les troubles
internalisés de la mère mais aussi par le soutien du partenaire et des amis.
Enfin l’adaptation était liée au style parental.
Éléments de psychopathologie
Hétérogénéité
Il n’y a de commun entre toutes les grossesses à l’adolescence que la coexis-
tence de deux processus qui peuvent s’entraver réciproquement, surtout
en l’absence d’un soutien affectif et d’une sécurité environnementale
Les grossesses à l’adolescence 93
Le désir de grossesse
L’IVG. Une grossesse avortée malgré la souffrance qui peut s’y associer,
autant qu’elle s’accompagne d’un étayage suffisant peut devenir un
moment résolutif. Elle vient lever l’impasse des identifications maternelles
et accompagner l’adolescente dans son cheminement vers l’état d’adulte.
Selon Brockington, parmi les adolescentes qui choisissent d’avorter, cer-
taines entretiennent avec leurs parents des relations conflictuelles, notam-
ment avec leur père, et souffrent d’ambivalence, de culpabilité et de honte.
Les négations de grossesse ne sont pas rares, du déni partiel ou déni total,
du mensonge à la dissimulation. « Je savais que j’étais enceinte, je n’arrivais
pas à y croire… vraiment je ne m’en suis pas aperçu… je le savais mais je
l’oubliais tout le temps. » L’ignorance, la dissimulation, la gêne, voire le
déni de ces grossesses, s’accompagnent souvent de l’absence ou du retard
du suivi de grossesse.
Dynamiques familiales. On retrouve parfois des constellations familiales
particulières où l’adolescente, à travers cette maternité exprime sa rivalité
envers sa mère avec qui elle a souvent entretenu de fréquentes relations de
dépendance. Parfois la grossesse offre la possibilité d’une régression infan-
tile, la jeune adolescente redevenant « l’enfant » de sa mère soit directe-
ment, soit à travers l’enfant qu’elle lui confie. Enfin il est des maternités
adolescentes qui témoignent essentiellement d’un désir d’émancipation et
de mise à distance du système familial exerçant alors proprement leur effet
thérapeutique.
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4 Homoparentalité :
le devenir des enfants
Position de la question
Le nombre d’enfants élevés par un couple homosexuel reste mal connu. Les
évaluations sont faites par recoupement entre enquêtes démographiques et
sondages sur des échantillons représentatifs. Selon une enquête réalisée en
2011 (IFOP, 2011), 3,5 % des personnes interrogées se définissent comme
homosexuelles et 3 % comme bisexuelles. 46 % des homosexuels vivraient
en couple contre 70 % des hétérosexuels. En 2000, l’étude des fichiers démo-
graphiques estimait à environ 1 % la prévalence des couples homosexuels
corésidents (Festy, 2006). Le nombre d’enfants résidant avec un couple de
même sexe est estimé entre 24 000 et 40 000, la très grande majorité vivant
avec un couple de femmes, et le nombre de couples vivant avec des enfants
(Festy, 2006) à 14 000. Selon l’INSEE, en 2011 (Buisson et Lapinte, 2013)
100 000 couples étaient de même sexe et environ une personne en couple
de même sexe sur dix réside (même une partie du temps seulement) avec au
moins un enfant. On estime que plus de 80 % des couples homosexuels qui
élèvent un enfant sont féminins.
Principaux résultats
La plupart des études ont porté sur les couples homosexuels féminins qui
sont largement majoritaires parmi ceux qui élèvent des enfants. Peu de
choses sont connues sur les enfants élevés par des couples homosexuels
masculins.
Les troubles du comportement. Les résultats sont très concordants : les
enfants de mères lesbiennes ne montrent pas plus de troubles du déve-
loppement, de difficultés relationnelles, ni se comportent différemment
des garçons et des filles élevés par des parents hétérosexuels (Bos, 2004 ;
MacCallum, Golombok, 2004). Dans l’étude de Gartrell et al. (2011), après
dix-sept ans de suivi, les adolescents avaient des performances scolaires et
sociales ainsi que des compétences sociales de haut niveau et moins de pro-
blèmes comportementaux que la moyenne de la population en utilisant le
« Achenbach Child Behavior Checklist ».
L’orientation sexuelle. Une des premières études marquantes, bien que
limitée méthodologiquement, a été conduite par Green (1978) qui a mené
des entretiens structurés et effectué des tests standardisés auprès de 37
enfants, entre 3 et 20 ans. 21 enfants avaient été élevés par des mères les-
biennes, 9 par des transsexuelles femmes devenues hommes et 7 par des
transsexuels hommes devenus femmes. La question du genre était au pre-
mier plan et répondait à une inquiétude très vive de la société en relation
avec la modification d’un des piliers identitaires centraux de la famille et
du self. Elle n’a pas montré chez les enfants de fantasmes autres qu’hété-
rosexuels quand ils étaient évalués indirectement chez les préadolescents
(après 11 ans) et au-delà. Les études menées une ou deux décennies plus
tard ont surtout concerné des femmes devenues mères dans le cadre d’une
Homoparentalité : le devenir des enfants 101
La stigmatisation
Aucune étude n’a établi de risque significativement supérieur de harcè-
lement au sens fort du terme (bullying). Par contre la moitié environ des
études ont montré que les enfants, peut-être plus les garçons issus d’un
couple homosexuel féminin, pouvaient être souvent raillés ou taquinés par
leurs pairs (Golombok et Spencer, 1983 ; Bos et Gartrell, 2010 ; Van Gelderen
et al., 2012). Une étude longitudinale menée aux États-Unis auprès d’enfants
de mères lesbiennes, depuis la naissance jusqu’à leur majorité, confirme
ces résultats et explore d’autres thèmes comme les effets de la stigmatisa-
tion et les stratégies pour les circonvenir (Bos et Gartrell, 2010 ; Gartrell
et al., 2011). Les enfants sont souvent activement soutenus par leurs parents
en ces situations. La Société Américaine de Pédiatrie recommande que des
droits égaux à ceux des parents hétérosexuels soient donnés aux
parents homosexuels pour réduire les discriminations sociales qui peuvent
peser sur les enfants et leurs conséquences sur leur développement (Perrin
et Siegel, 2013).
Ajustement/adaptation
Les enfants élevés dans des formes familiales non traditionnelles et en parti-
culier par des parents du même sexe ne présentent pas de risque psychosocial
plus important que les enfants élevés dans des formes familiales traditionnelles
(Golombok et Tasker, 2010 ; Patterson et al., 2006 ; Tasker, 2005). Au-delà de
l’orientation sexuelle, une récente méta-analyse de Stacey et Biblarz (2001)
montre que le genre des parents est peu significatif pour l’ajustement psycho-
logique des enfants et leur réussite sociale.
102 Psychopathologie de la parentalité
Désir d’enfant
Des auteurs comme Gratton (2008) ont pris comme centre d’intérêt les
conditions d’émergence du désir d’enfant chez les homosexuel(le)s (Gratton,
2008 ; Herbrand, 2009). Ces travaux indiquent que chez les mères les-
biennes, le désir d’enfant émerge du couple, tandis que chez les pères gays,
les enfants ont été souvent l’objet d’un désir conçu par un seul des mem-
bres du couple, l’autre souhaitant seulement (du moins de prime abord)
accompagner le parent. Toutefois l’évolution sociétale aidant, il semble que
l’homoparentalité masculine évolue plus souvent vers un projet parental
conjugal.
Psychopathologie
Une dernière série de travaux a été plus spécifiquement développée en
France et en Belgique au cours des années 2000. Elle porte sur les processus
inconscients mobilisés par le devenir parent pour les couples de même sexe.
Trois dimensions ont été retenues :
La bisexualité psychique
Sur le pôle de l’identité de genre, les travaux montrent comment, pour chacun des
membres du couple, les identifications masculines et féminines sont réactuali-
sées par le devenir parent. Ils sous-tendent leurs références à la fonction mater-
nelle et à la fonction paternelle (Ducousso-Lacaze, 2004 ; Ducousso-Lacaze et
Grihom, 2009, 2010 ; Grihom et Ducousso-Lacaze, 2009 ; Feld-Elzon, 2010)
ainsi que la répartition des rôles auprès des enfants.
Du côté de l’orientation sexuelle se trouve illustrée une idée psychanalytique
centrale : chez chaque être humain, subsistent des traces de la bisexualité
originelle, sous la forme d’identifications partielles aux parents du même
104 Psychopathologie de la parentalité
La représentation du tiers
Du fait de son infertilité le couple homosexuel est contraint de recourir à un
tiers pour avoir un enfant. L’approche psychanalytique montre que les couples
homosexuels construisent des figures du tiers. Celui-ci est présent dans la vie
subjective des couples lesbiens en dépit de son absence dans la réalité (Naziri,
2010) ; de même dans l’expression du désir d’enfant des pères ou futurs pères
gays. Ces figures témoignent de la manière dont ces couples intègrent à leur
expérience de la parentalité la référence à leurs propres limites (infertilité en
tant que couple), à la contrainte biologique, à l’autre sexe (le tiers a forcément
un sexe différent de celui du couple) et c’est à partir de la référence à ce tiers
qu’ils élaborent et transmettent un récit sur l’origine de l’enfant.
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5 Adoption
et développement
L’adoption contemporaine dans les pays industrialisés a pour princi-
pal objet d’être un substitut à la procréation (Bonte et al., 2011). Avec
l’adoption plénière ou ses équivalents, toute filiation est rompue avec les
parents d’origine créant une parentalité substitutive et une rupture dont
la radicalité est aujourd’hui discutée.
Faits et histoire
L’adoption au fil du temps
Dans l’Antiquité romaine, elle concernait essentiellement les adultes jeunes.
Elle nécessitait leur consentement et celui de leur géniteur. Une forme
particulière en était l’adoption « prénatale ». Elle consistait en la « remise »
d’une épouse féconde, après séparation légale, à un homme qui devien-
drait le père légal de l’enfant à naître. L’adoption n’a été instituée dans le
droit francais qu’en 1804 avec le code Napoléon. Au xxie siècle, le nombre
d’enfants au sein des familles s’est considérablement réduit, mais moins
de couples sont sans enfant et être parent est devenu un élément essentiel
du statut social et de l’assomption identitaire. Simultanément, les droits
de l’enfant illégitime ont été rétablis et l’adoption est devenue largement
accessible.
Les adoptants
Ce sont essentiellement des couples. Pour 70 % d’entre eux, l’adoption est
l’unique possibilité de devenir parents : ils n’ont pas d’enfant biologique
commun et ils ont dû renoncer à l’AMP. 7 % de couples ont des difficultés
de conception et préfèrent recourir directement à l’adoption ; 12 % encore
recourent directement à l’adoption sans aucun obstacle physiologique et
12 % sont devenus stériles après avoir eu un enfant. Il existe une sélection
sociale spontanée des couples adoptants : 25 % sont des cadres alors qu’ils
ne sont que 16 % de la population générale et par contre seulement 19 %
sont ouvriers contre 35 % pour la population générale.
Les adoptés
En moyenne, les enfants adoptés ont environ 3 ans (2,9 ans) lors de leur
arrivée dans la famille adoptive, 2 ans (1,9 an) pour les enfants originaires
de France. Il y a à peu près autant de garçons que de filles, mais selon l’ori-
gine nationale il peut y avoir un sex-ratio très différent. Par exemple, les
enfants chinois sont essentiellement des filles et parmi les enfants russes on
trouve plus de garçons.
L’adoption contemporaine
Statistiques (www.adoption.gouv.fr/Chiffres-cles.html). L’adoption concerne
environ 10 000 enfants par an avec en 2007 : 33 % d’adoptions plénières
et 67 % d’adoptions simples. Le nombre d’enfants adoptés nés à l’étran-
ger diminue régulièrement. En 2007, l’adoption plénière concernait 5 300
enfants et provenait à 80 % de l’adoption internationale. L’adoption simple
concernait 9 400 enfants et était pour 95 % une adoption intrafamiliale.
Adoptions simples et plénières. Avec l’adoption simple, l’enfant garde des
liens avec sa famille d’origine et avec l’adoption plénière, il rompt tout lien
avec celle-ci. Cette fiction juridique demeure sujette à controverse, car la
Convention internationale des droits de l’enfant stipule que l’enfant a droit
à la connaissance de ses origines.
Adoptions nationales. Dans les pays occidentaux, le nombre d’enfants
adoptables d’origine nationale a largement chuté du fait de plusieurs
facteurs conjoints : le soutien social et financier apporté aux mères
seules ; la maîtrise de la conception apportée par les moyens anticon-
ceptionnels ; la libéralisation de l’avortement durant le dernier quart du
siècle ; les modifications de l’autorité parentale et le développement de
la cohabitation non maritale.
Adoption internationale. Le nombre d’enfants étrangers adoptés par des
familles françaises baisse depuis plusieurs années. Alors que 2 000 enfants
ont été adoptés en 2011, en France, seulement 1 569 l’ont été en 2012,
selon les statistiques du ministère des Affaires étrangères.
Adoption et développement 111
Éléments de psychopathologie
Dépression maternelle post-adoption
Elle a été retrouvée à un taux proche de celui connu après une naissance
(Mott et al., 2011 ; Senecky et al., 2009), mais les méthodologies employées
n’utilisent pas de groupe contrôle, le recrutement de mères adoptantes
est mal précisé et le taux de refus inconnu. Toutefois, il est montré que
le corrélat principal de la dépression est le stress sous forme d’événement
stressant ou de difficultés d’adaptation aux exigences de la parentalité et
non les antécédents psychiatriques. Une étude a néanmoins montré que les
scores de dépression avant l’adoption étaient significativement plus élevés
qu’après l’adoption.
Psychopathologie
Il n’existe pas de psychopathologie spécifique de l’adoption. Toutefois
comme le souligne Winnicott (1957) « lorsqu’une mère adopte, elle ne se
charge pas (seulement) d’un enfant, mais (aussi) d’un problème ». Ainsi, un
certain nombre de familles vont être, soit dépassées par les problèmes que
pose l’enfant et le remettre à nouveau à l’adoption (le chiffre est mal connu,
il serait de l’ordre de 0,3 %), soit plus souvent en lutte permanente pour faire
face à des problèmes comportementaux ou psychiatriques. Enfin, parfois
les parents eux-mêmes n’offrent pas à leurs enfants un environnement
suffisamment sécurisant pour des motifs extrêmement variés : sentiment
112 Psychopathologie de la parentalité
Développement psychologique
et social des enfants adoptés
Un développement globalement satisfaisant
L’immense majorité des enfants adoptés se développent sans plus de
troubles que les enfants issus d’une filiation naturelle. Toutefois globale-
ment, les risques de présenter des troubles sont légèrement plus élevés.
Nous présentons ici les facteurs de risque de ces troubles à la lumière des
connaissances actuelles.
Bien que la majorité des enfants adoptés connaissent un développement
typique (Palacios et Brodzinsky, 2010), certains antécédents, en particulier
des traumas précoces et des carences sévères, sont à l’origine de troubles
du comportement persistants comme l’agression, les conduites opposi-
tionnelles, mais également des troubles internalisés comme l’anxiété et
Adoption et développement 113
Le développement psychoaffectif
Méthodologie
Les enquêtes épidémiologiques et cliniques sur ce sujet sont complexes et
souffrent de faiblesses méthodologiques liées à la méconnaissance fréquente
des conditions de vie, de l’état psychique et somatique précédant l’adoption,
des problèmes d’échantillonnage, aux difficultés d’appariement et de recru-
tement, enfin à l’utilisation de méthodes d’évaluation non standardisées.
Troubles de l’attention
Lindblad et al. (2010) a comparé, en utilisant les registres statistiques natio-
naux, les prescriptions de produits spécifiques pour les troubles déficitaires de
l’attention dans la population générale d’enfants (1 326 000) et d’enfants inter-
nationalement adoptés (16 000). Il a retrouvé significativement plus de pres-
criptions chez les enfants adoptés, d’autant qu’ils étaient adoptés tardivement
ou que les conditions initiales de prise en charge semblaient peu favorables.
Adoption et développement 115
Compétences relationnelles
Les effets sur les bénéfices de l’adoption commencent à être étudiés de façon
systématique. Il a été montré que les enfants adoptés pouvaient présenter
des compétences supérieures à leurs pairs non adoptés (Tan et Camras, 2011)
et de bonnes compétences sociales (Smyke et al., 2009). Toutefois, même
chez ces enfants doués, un traitement différent de l’information sociale et
émotionnelle (Wismer Fries et Pollak, 2004) ou une conduite socialement
désinhibée peut se retrouver, plus particulièrement chez les enfants élevés
en institution (Bruce et al., 2009b). Ce dernier comportement est susceptible
de favoriser le harcèlement (bullying) scolaire (Raaska, 2012).
Facteurs de risque
L’âge à l’adoption
Bohman et Sigvardsson (1980) étudièrent le devenir de 624 enfants
« candidats à l’adoption », immédiatement ou peu de temps après la nais-
sance. Leur développement à long terme est comparé, selon qu’ils furent
immédiatement adoptés, réinsérés dans leur famille biologique ou qu’ils
intégrèrent une famille d’accueil. Si, avant l’adolescence, les troubles furent
maximaux dans la dernière catégorie et minimaux dans la première, ces
différences vont significativement diminuer pour devenir imperceptibles
à l’âge adulte sur les critères d’adaptation sociale relevés dans des registres
administratifs et judiciaires. Seuls les enfants intégrés en famille d’accueil,
même lorsque cette intégration était longuement préparée, même effec-
tuée par des familles compétentes, ont continué de présenter à l’âge adulte
plus de conduites alcooliques ou antisociales. Cette étude n’a été menée
que chez les garçons.
Bien que plusieurs études et méta-analyses mettent en évidence le risque
d’une adoption tardive, le seuil reste difficile à définir à partir duquel les
différences seraient significatives En effet, les études ne prennent pas le
même seuil, et il est donc difficile de les comparer entre elles. Selon Duyme
et Dumaret (1987), les adoptions après 18 mois semblent obérer le pro-
nostic à long terme, résultats confirmés par des études internationales.
Néanmoins, l’âge seul ne peut entrer en ligne de compte : en effet, ces
enfants ont souvent subi des discontinuités éducatives et affectives qui,
à elles seules, interfèrent avec le développement. Hodges et Tizard (1989)
insistent sur le fait que les enfants ayant un passé institutionnel peuvent
néanmoins bénéficier d’une adoption tardive, l’évolution semblant plus
favorable que celle des enfants restant en institution. La conclusion la
plus générale concernant les enfants élevés en institution est qu’à partir
de 6 mois les risques de voir des troubles survenir augmentent significa-
tivement comme l’ont montré les études effectuées dans les orphelinats
roumains (Zeanah et al., 2011).
116 Psychopathologie de la parentalité
L’adoption internationale
Il est aujourd’hui difficile de définir l’adoption internationale comme un
facteur de risque : elle représente l’essentiel des enfants adoptés actuelle-
ment. Le risque est lié surtout aux conditions initiales du développement,
non tant les relations avec les géniteurs que la présence dans des institu-
tions où la qualité humaine des soins fait défaut et confine à l’hospitalisme.
Une fraction non négligeable des enfants adoptés ont supporté, avant
l’adoption, des négligences graves ou des abus sexuels, ou ont vécu en ins-
titution dans des conditions parfois extrêmement péjoratives (Verhulst et
Versluis den Bieman, 1995).
Lorsque l’adoption a pu être précoce ou lorsque l’enfant a été élevé dans
des conditions initiales relativement satisfaisantes, il ne semble pas exister
plus de facteurs de risque au sein de cette population. Une étude menée
aux Pays-Bas (Juffer et Rosenboom, 1997), à propos de 80 enfants issus
de l’adoption internationale, met en évidence 74 % d’attachement secure
selon le protocole d’Ainsworth à 12 et 18 mois lorsque les enfants ont été
adoptés tôt (avant 6 mois). Contrairement à d’autres études aux résultats
plus péjoratifs, menées essentiellement aux États-Unis, portant sur la rela-
tion d’attachement chez les enfants issus de l’adoption internationale, ce
taux est comparable à celui généralement retenu pour les nationaux. Les
auteurs suggèrent, pour l’expliquer, l’impact essentiel de l’âge au moment
de l’adoption. L’adoption internationale soulève de nouveaux problèmes
qu’il reste à plus clairement quantifier et définir.
Retard de croissance
L’hypothèse la plus consensuelle actuellement, cohérente avec les données
expérimentales, est que la carence précoce, peut modifier le fonctionnement
cérébral et particulièrement celui de l’axe hypothalamo-hypophysaire qui
intervient dans de nombreux systèmes de régulation, notamment dans la
sécrétion de l’hormone de croissance (GRH) (Romero et al., 2009). Il a été
montré (Van Ijzendoorn et al., 2007) une réduction de la croissance, un
amaigrissement et une diminution du périmètre crânien à partir d’une revue
de 33 études portant sur les enfants issus de l’adoption internationale. Il
est estimé que deux à trois mois de soins institutionnels défaillants engen-
drent environ un mois de retard sur la croissance (Miller et Hendrie, 2000). Il
Adoption et développement 117
existe une certaine réversibilité. Par exemple, les enfants qui ont été adoptés
avant 1 an, présentent moins de retard et rattrapent le déficit de poids et de
taille dans les huit années qui suivent l’adoption. Par contre, la réduction du
périmètre crânien en général persiste. Plus l’enfant est adopté tard moins la
réversibilité est mise en évidence. Les études qui ont porté sur les orphelinats
roumains ont montré que d’être élevé dans une famille d’accueil de qualité
conduisait à une réversibilité équivalente (Zeanah et al., 2003 ; Johnson
et al., 2010). Il est toutefois probable que l’intensité de la carence exerce une
influence qu’il est difficile d’apprécier.
Le développement cérébral
La découverte de la réduction fréquente du périmètre crânien a immédiate-
ment suggéré qu’elle pouvait être associée à la diminution du volume céré-
bral (Kreppner et al., 2010), ce qui a été démontré ensuite par l’utilisation
de l’imagerie cérébrale. Des anomalies à l’électroencéphalographie ont aussi
été retrouvées, qui suggéraient un retard de la maturation corticale qui pou-
vait être associé au trouble déficitaire de l’attention (Shaw et al., 2007). Une
corrélation a été retrouvée entre certaines perturbations à l’EEG et une dés-
inhibition comportementale à l’âge préscolaire (Tarullo et al.,,2011). L’exa-
men en imagerie cérébrale a montré chez les enfants maltraités un déficit du
volume total touchant tout à la fois la matière grise et la matière blanche. La
réduction des voies de conduction a été confirmée par l’examen en tenseur
de diffusion (Eluvathingal et al., 2006). Ce déficit a été retrouvé ensuite
chez les enfants ayant été gravement carencés en institution. Toutefois, il a
aussi été montré en Roumanie le bénéfice du placement dans des familles
d’accueil de qualité (Sheridan et al., 2012). Celui-ci, effectué par randomi-
sation, a montré les importantes capacités de reprise du développement
témoignant de la plasticité cérébrale. La mesure exacte de cette réversibi-
lité n’est pas connue. Les anomalies ont aussi été retrouvées au niveau de
l’amygdale et de l’hippocampe (Mehta et al., 2009 ; Tottenham et al., 2010)
mais avec des résultats discordants, comme d’ailleurs dans les recherches
sur le syndrome de stress post-traumatique chez l’enfant. Des perturbations
ont aussi été retrouvées concernant la cognition, QI et fonctions exécutives.
À travers une méta-analyse, les performances scolaires (à partir de 55 études)
et le quotient intellectuel (à partir de 48 études) des enfants adoptés ont été
comparés à ceux de leurs frères et sœurs restés dans leur famille ou leur ins-
titution d’origine, ainsi qu’à ceux des enfants non adoptés mais vivant dans
le même environnement qu’eux. Le QI des enfants adoptés ne diffère pas de
ceux avec qui ils vivent dans le milieu familial (Van Ijzendoorn et al., 2005).
Il est meilleur que celui de leurs frères ou sœurs non adoptés. Malgré cela,
ils ont de moins bons résultats scolaires et plus de problèmes d’apprentis-
sage que ces derniers. Les enfants adoptés après 1 an surtout ont de moins
bonnes performances scolaires.
118 Psychopathologie de la parentalité
Prévention, information
et soutien à la parentalité
En France, les pouvoirs publics ont porté leurs efforts de prévention sur
l’intérêt de l’enfant, à travers une démarche de sélection des parents adop-
tants. Cette démarche est toutefois souvent ressentie comme intrusive par
les candidats à l’adoption, ces parents potentiels se voyant interroger sur
leurs capacités et leur histoire au contraire des parents naturels. En France,
le principe d’une information psychosociale préalable des futurs adoptants
et d’un soutien plus systématique à la parentalité adoptive n’est pas à l’ordre
du jour malgré sa spécificité, surtout dans le cadre de l’adoption internatio-
nale, et des difficultés, le plus souvent bénignes mais parfois sévères, qui
peuvent y être rencontrées. Pour le parent adoptant tout comme l’enfant
adopté la parentalité adoptive s’accompagne de mouvements psychiques
identiques à ceux retrouvés dans la parentalité naturelle. Toutefois, il s’y
associe la gestion, explicite ou non, d’une part supplémentaire d’histoire et
d’expérience, notamment de ce qu’a vécu l’enfant avant son adoption et du
Adoption et développement 119
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6 Ruptures
et discontinuités :
abandon et infanticide
L’abandon et l’infanticide sont deux formes de rupture de la filiation aux
destins très différents pour l’enfant. Si dans la civilisation gréco-romaine
l’abandon équivalait souvent à une forme d’infanticide par délaissement,
depuis la fin du Moyen Âge en Europe il est aussi le moyen d’éviter les vio-
lences et l’infanticide. L’invention des tours et l’accouchement anonyme
répondent en effet à une forme de prévention de l’infanticide. Une étude
récente en Autriche (Orthofer et Orthofer, 2013) semble encore aujourd’hui
en montrer le bénéfice.
L’abandon dans les sociétés traditionnelles (Lallemand, 1993) n’a pas tout
à fait la même valeur que dans les sociétés héritées de la civilisation gréco
romaine. Il y connaît, comme l’adoption qui en est le corollaire, de très
nombreuses formes où la filiation initiale peut être rompue, totalement ou
partiellement, ou bien conservée. Le transfert d’enfant est aussi un moyen
d’échange entre ou au sein des familles, de dons, de contre-dons, de dettes ;
l’enfant parfois est même vendu ou mis en gage. Le transfert peut-être
réversible, l’enfant peut bénéficier d’un simple accueil provisoire, parfois
enfin l’adoption est symbolique mais peut modifier les droits successoraux.
L’enfant est souvent confié à un consanguin de l’un de ses géniteurs,
comme souvent dans le cas de l’adoption simple en France. L’adoption peut
aussi avoir pour but de faire fonction d’enfant naturel, en y recherchant
l’enfant le plus ressemblant, ou bien encore d’instaurer des liens tout à
fait nouveaux, dans une résidence tout à fait nouvelle avec un changement
d’identité, à l’image de l’adoption plénière en France.
Définitions
L’abandon
Le terme d’abandon, quand il est volontaire, a été remplacé dans le voca-
bulaire administratif par « remise en vue d’adoption ». Il aurait été forgé
à partir de l’expression « donner à ban », c’est-à-dire « mettre au pouvoir
de quelqu’un ». La mère qui abandonne son enfant à la naissance peut
demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé
(article 341-1 du Code civil). Sinon, l’abandon dit volontaire est un acte
solennel. L’abandon peut aussi être juridiquement prononcé après un
délaissement prolongé.
L’infanticide
Il a reçu plusieurs définitions. S’il s’agit toujours du meurtre d’un enfant, son
âge n’est pas clairement déterminé. Il peut selon le dictionnaire Littré désigner
le meurtre d’un nouveau-né, voire « d’un nouveau-né que la mère vient de
mettre au monde », ce que Tardieu reconnaissait comme l’infanticide typique.
Aujourd’hui l’infanticide est souvent défini comme l’homicide d’un enfant de
moins d’un an.
Les définitions juridiques n’ont cessé de fluctuer. L’ancien Code pénal le
définissait comme le meurtre ou l’assassinat d’un enfant nouveau-né.
Le meurtre commis pendant l’accouchement peut être qualifié d’infanticide
quand la victime a été considérée comme un nouveau-né viable. Il cessait
d’être qualifié ainsi à l’expiration du délai de trois jours imparti pour décla-
rer l’enfant nouveau-né à l’état civil. Ce crime maternel n’a plus, depuis
1995, de qualification pénale spécifique.
Définitions psychiatriques. Le néonaticide depuis l’article princeps de
Resnick (1969), désigne le meurtre ou l’assassinat d’un enfant âgé de moins
de 24 heures. Le filicide (1665) et le libéricide (1892) ont à l’origine
la même signification : le meurtre d’un enfant par un de ses parents.
Rappel historique
Civilisation gréco-romaine. L’abandon et l’infanticide étaient étroite-
ment liés. Tout enfant devant être adopté par le père pour entrer dans la
lignée, l’abandon pouvait être la conséquence directe du défaut d’adoption.
La contraception bien que pratiquée était assez peu efficace et l’avortement
dangereux. L’abandon était pratiqué pour préserver l’héritage ou simplement
subsister, masquer une naissance illégitime ou réduire le nombre d’enfants
de sexe féminin. Il était le plus souvent suivi d’exposition. L’infanticide
longtemps n’a été condamné ni moralement ni religieusement. À Rome il
était même ordonné de tuer les enfants malformés. La noyade et l’étouffe-
ment étaient les modalités les plus fréquentes de l’infanticide, l’exposition
le mode le plus courant de l’abandon. Quelques enfants exposés étaient éle-
vés pour leur force de travail, devenaient parfois soldats ou prostitués, mais
la mort était le destin le plus fréquent. Aucun n’était fondateur d’empire
comme Romulus. Infanticide et exposition donnaient lieu à des rites de
purification. Au iie siècle après J.-C. ces mœurs deviennent critiquées tandis
qu’un système d’aide aux parents se met en place (Harris, 1994).
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 125
ouveau invitées à laisser des traces de leur identité pour que leur enfant
n
puisse les rechercher à l’âge adulte ou au minimum qu’il hérite de rensei-
gnements significatifs sur ses origines.
L’abandon
Données quantitatives
Nombre d’abandons
Lors de la dernière décennie, environ 1 000 enfants de moins d’un an ont
été abandonnés chaque année. Parmi ceux-ci environ 600 ont été remis
anonymement à l’adoption, l’essentiel des autres enfants ayant été déclarés
juridiquement abandonnés.
Caractéristiques maternelles
Dumaret et Rosset (1993) ont mené une étude sur les femmes qui remet-
taient leur enfant à l’adoption à Paris. Elle concerne 580 dossiers entre 1985
et 1989. L’âge moyen est de 25 ans, 50 % environ étaient françaises et 13 %
sont venues directement de l’étranger pour accoucher. Seules 14 % vivaient
avec le père de l’enfant ou un autre homme, 33 % ont « caché » leur gros-
sesse à leur entourage, 28 % ont souhaité une IVG. 40 % des grossesses n’ont
pas été suivies et 15 % d’entre elles uniquement durant les deux derniers
mois. À la naissance, 15 % des mères ont refusé de voir leur enfant. Villeneuve-
Gokalp a mené une étude dans 83 départements français entre 2007
et 2009 portant sur 739 dossiers de mères qui demandent le secret de leur
identité lors de leur accouchement. La moyenne d’âge est de 26 ans, 25 %
des femmes vivent en couple. Des données complémentaires sont acces-
sibles pour 60 % d’entre elles : 46 % ont pris connaissance de leur grossesse
au deuxième trimestre, 39 % au troisième trimestre et 8 % ont présenté
un déni de grossesse total. Pour près de 10 %, un événement survenant
tardivement au cours de la grossesse (découverte d’une malformation, décès
du conjoint) les a conduites à cette démarche. Plus de la moitié des femmes
n’informaient pas le père de leur grossesse, pour la plupart du fait de la
brièveté de leur liaison.
Données qualitatives
La relation au géniteur : elle demeure un élément central du projet d’aban-
don. Les partenaires sont souvent absents, peu fiables, illégitimes (homme
marié, adultère) ou demeurent des relations de passage.
Dissimulation et déni : la déclaration de grossesse est souvent tardive. Elle
est parfois le fruit d’une dissimulation, notamment chez les mères adoles-
centes, les femmes illégitimement enceintes dans un milieu peu tolérant,
une institution intransigeante.
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 127
Conduite à tenir
Lorsque la mère prévoit un accouchement anonyme, lui permettre de
prendre contact, si elle le souhaite, avec le nouveau-né tend à diminuer
la survenue d’un deuil pathologique et prolongé (Condon, 1986). Les
contacts réduisent le plus souvent le sentiment de perte très vif ressenti
par ces femmes et non l’inverse. Toutefois, comme dans le deuil périnatal,
les mécanismes d’évitement peuvent être plus efficaces et sollicités par cer-
taines femmes qui ont déjà peu investi la grossesse. Un accompagnement
souple permet de s’adapter à l’attitude de la mère susceptible de rapidement
évoluer, notamment du fait des sentiments ambivalents qui la traversent et
des processus d’attachement qui peuvent se mettre en place.
Lorsque la démarche d’abandon suit d’assez loin la naissance, une diffi-
culté cruciale est de pouvoir apprécier les intérêts contradictoires du nour-
risson et de sa mère et de pouvoir proposer à cette dernière une forme de
soutien même après l’abandon.
Infanticide et néonaticide
Épidémiologie
Nous désignerons par infanticide l’homicide commis durant la première
année de vie de l’enfant et par néonaticide l’homicide commis durant le
premier jour de vie. Toutefois, certaines statistiques de la police qui servent
en France de référence n’ont pas évolué depuis un siècle. Elles désignent
sous le terme « d’infanticide » tous les crimes commis contre les enfants
de 0 à 14 ans. Si, jusqu’à la fin du xixe siècle, il s’agissait beaucoup plus
souvent d’infanticides et surtout de néonaticides, il n’en est plus de même
aujourd’hui.
Prévalence
Entre 1830 et 1930, plus de 50 000 dossiers d’infanticide ont été ouverts,
soit environ 500 par an, soit environ 1‰ des naissances. Un quart environ
(13 000) a donné lieu à des poursuites. La plupart étaient des néonaticides.
Dès 1920, la proportion d’infanticides et d’avortements poursuivis s’inverse,
en relation avec l’effondrement du taux de néonaticides. Depuis les années
1970, soit aux alentours de la période de l’accessibilité de la contraception
et de la libéralisation de l’avortement, le taux d’infanticide constaté est
minimal.
Vellut et al. (2013) ont mené, entre 1996 et 2000, une enquête auprès
des tribunaux, couvrant un territoire représentant environ un tiers des
naissances en France. Un recoupement avec les statistiques des hôpitaux
publics a permis d’identifier 80 décès avant 1 an, soit environ 6/100 000
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 129
Les néonaticides
Modalités de l’acte. Tardieu, médecin légiste français du xixe siècle, doit
faire face au scepticisme et au désintérêt plus ou moins unanime de la col-
lectivité médicale devant l’ampleur et la fréquence qu’il décrit des crimes
commis contre les enfants. Il écrit, en 1874, que les causes de la mort sont
dominées dans les grandes villes par l’immersion dans les fosses d’aisance :
« La malheureuse qui vient d’accoucher clandestinement et qui a tué son
enfant […] n’a rien de plus pressé que de le jeter dans les latrines et elle se
croit assurée du secret et de l’impunité. » Tardieu (1868) lui-même ne recon-
naît pas la possibilité d’une grossesse inconsciente : « Leur déclaration est fort
simple et on peut dire stéréotypée : j’ai été prise d’un besoin subit, je ne me
savais pas près d’accoucher, et pendant que j’étais sur le siège, l’enfant est
sorti et est tombé… sans que j’aie pu l’en empêcher. » Il ajoute : « Quelques-
unes vont plus loin et disent ne pas s’en être aperçues. » Tardieu examine les
modes d’infanticide parmi 555 cas. La plupart sont commis le premier jour de
vie, plus de la moitié par suffocation (51 %), les autres par noyade (24 %), ou
strangulation (11 %). Les gestes directement violents sont plus rares et plus
tardifs (14 %) et la négligence est assez rare (3 %). Les descriptions modernes
sont tout à fait équivalentes, bien que les modalités de l’acte varient selon les
cultures et pays (i. e. Marks et Kumar, 1993 ; Putkonen et al., 2007b).
Formes cliniques
Les néonaticides à répétition. Ces cas restent rares dans la littérature jusqu’aux
années 1990. Plus nombreux ont été ceux relatés au Japon (Funayama
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 131
État de conscience
Déni de grossesse et autres états de conscience atténués. En 1971, Brozowski expose
les conceptions psychanalytiques de l’infanticide et met l’accent sur la fréquence
des dénis de grossesse chez les mères néonaticides. À côté du déni, on constate,
précédant l’infanticide, la fréquence de la régression à des mécanismes de pen-
sée magique, avec vœu de mort sur l’enfant, tentative d’annulation magique de
la grossesse, pseudo-déni. Le geste infanticide est fréquemment commis pour
annuler la naissance, faire disparaître la trace vivante de l’enfant, et notamment
son cri. On assiste souvent, une fois le geste commis, à une relative sédation de
l’angoisse. Inversement la quasi - totalité des dénis de grossesse ne s’accompa-
gnent pas d’infanticide mais de soins ordinaires à l’enfant.
Angoisse et déréalisation. L’angoisse est parfois absente sur le plan mani-
feste. Ailleurs, elle envahit la mère par moments, offrant le tableau d’une
pseudo-rationalité froide, traversée de propos étranges, quasi délirants. Il est
loin d’être exceptionnel que les mères qui se sentent devenir « folles » aver-
tissent souvent à mots couverts leur entourage familial ou professionnel, de
leur désir de tuer l’enfant, mais sont malheureusement rarement entendues.
Dans d’autres cas, le sujet apparaît assez froid, déterminé, préméditant son
geste dans une sorte de clivage, qu’on ne sait qualifier de psychotique ou
dissociatif. Cette froideur a pu être interprétée comme la belle indifférence
de l’hystérique. Dans notre expérience, surtout lorsque le crime est commis
le premier jour de vie, il nous a semblé que les mères répondaient à un
sentiment de nécessité interne auquel il leur paraissait inéluctable de se
soumettre. Il pouvait exister une forme de culpabilité, mais celle-ci était
rationnelle : il leur semblait qu’elles n’auraient pu faire autrement.
Refoulement. La thèse de la réactivité primitive de Kretschmer éclaire la
continuité entre déni et amnésie dont fait parfois état la mère infanticide.
Elle consiste à admettre l’existence, dès lors que l’enfant réel est perçu, de la
nécessité de mettre fin définitivement à son existence de crainte d’être
submergée par les affects anxieux.
134 Psychopathologie de la parentalité
L’infanticide
Il représente un tableau bien moins homogène. Les troubles mentaux sont
beaucoup plus fréquents (psychose et dépression). Il ne s’agit plus exclusi-
vement d’un crime maternel, plus l’enfant grandit plus souvent le père est
impliqué dans les violences.
Les modalités de l’acte. Elles sont dominées par la négligence
(Kellett, 1992 ; Marks et Kumar, 1993). Concernant l’infanticide actif, les
méthodes sont différentes pour le père et pour la mère. Les pères usent
de méthodes directement violentes, destructrices, telles que secouer l’enfant,
le jeter à terre, le frapper, l’étrangler, lui tirer dessus, le poignarder, tandis
que les mères le plus souvent l’asphyxient ou l’empoisonnent. Le néona-
ticide, presque exclusivement le fait des mères, est le plus souvent lié aux
moyens déjà relevés par Tardieu : la suffocation. Il s’accompagne parfois
pourtant de violences directes meurtrissant le corps de l’enfant. Le garçon
est presque deux fois plus souvent victime que la fille. Cela n’est pas vérifié
durant le premier jour de vie.
Facteurs de risque
Durant la première année de vie, une étude de Cummings et al. (1994),
menée à partir des statistiques de décès dans l’état de Washington, met
en évidence les facteurs de risque suivants valables quel que soit le parent
auteur : absence de suivi de grossesse ; faible poids de naissance ; âge mater-
nel inférieur à 20 ans ; enfant mâle. La prématurité a été retrouvée comme
un facteur important dans l’étude de Vellut et al. (2013).
D’autres facteurs de risque sont assez fréquemment signalés lors des
comptes rendus d’expertise, mais leur prévalence reste inconnue : carences
et abus de l’enfance, répression sexuelle intense, discordes familiales, cli-
mat incestueux ou antécédents d’agressions sexuelles, ambiance familiale
dépourvue de chaleur et d’empathie, déni de grossesse. Les troubles de la
personnalité ont été évoqués surtout pour le filicide.
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7 Dépression périnatale
Dépression anténatale
La dépression anténatale affecte environ 10 à 20 % des grossesses. Elle est
mal reconnue, en dehors des formes sévères et mélancoliques, les troubles
étant souvent imputés à la grossesse elle-même. La traiter, souvent sim-
plement, est indispensable pour réduire le risque de sa persistance en post-
partum, et au titre du principe de précaution, pour prévenir les risques
encore incertains mais de plus en plus plausibles sur le développement
fœtal.
ce qu’ils ne sont pas. L’EPDS à un seuil de 10-11 est optimal pour le dépis-
tage des dépressions mineures et majeures, et à un seuil de 14-15 offre la
meilleure sensibilité et spécificité pour le diagnostic de dépression majeure.
Prévalence
Facteurs de risque
Nous avons sélectionné l’ensemble des études parues entre 1995 et 2012
comprenant au moins 200 sujets. Nous n’avons tenu compte que de
celles comprenant une analyse multivariée incluant des composantes socio-
économiques et au moins deux des facteurs de risque suivants : facteurs
psychologiques ou psychiatriques, facteurs de stress, soutien social, facteurs
biologiques ou autres facteurs somatiques contemporains de la grossesse.
Facteurs sociaux. Un faible niveau d’éducation est le plus couramment
attesté (Bolton et al., 1998 ; Bunevicius et al., 2009 ; Faisal-Cury et al., 2007 ;
Marcus et al., 2003). L’association est forte et, dans plusieurs études, linéaire.
L’absence d’emploi est fréquemment mise en évidence, qu’elle semble choi-
sie ou subie (chômage). La pauvreté du lien social pourrait en être l’expli-
cation. Un faible niveau économique est moins universellement retrouvé
après analyse multivariée (Faisal-Cury et al., 2007 ; Leigh et Milgrom, 2008).
D’interprétation beaucoup plus difficile est le lien avec l’appartenance à une
minorité ethnique (Abdou et al., 2010), qui s’avère être aussi une minorité
socio-économique et culturelle : ne pas être blanc en Australie ou aux États-
Unis, ou bien posséder une langue maternelle autre que le suédois en Suède.
L’âge n’est pas un facteur de risque établi mais aucune de ces études n’inclut
des femmes enceintes de moins de 17 ans, alors que la plupart des études
portant sur la grossesse à l’adolescence retrouvent une prévalence élevée. Être
seule n’est pas un facteur de risque aussi solidement établi que l’on pourrait
penser : il se retrouve seulement dans deux tiers des études (Bolton et al., 1998 ;
Rich-Edwards et al., 2006 ; Faisal-Cury et al., 2007 ; Marcus et al., 2003 ; Orr
et al., 2002, 2007 ; Robertson et al., 2004 for multiparous). De mauvaises rela-
tions avec le partenaire (dont la femme peut s’être séparée) semblent plus
préjudiciables que d’être une mère isolée (Bilszta et al., 2008).
La survenue d’un événement de vie défavorable, et a fortiori de plusieurs, dans
toutes les études, augmente le risque de survenue d’un état dépressif de novo
ou en récidive. Quand il est quantifié, le risque augmente avec le nombre
d’événements (Leigh and Milgrom, 2008 ; Robertson et al., 2004 ; Bunevicius
et al., 2009). La seule étude (Dayan, 2010) ayant pris en compte un à un ces
facteurs a montré que seuls le stress au travail et des relations très conflic-
tuelles (violence verbale ou physique) avec le partenaire demeuraient dans
le modèle final. Ces résultats corroborent, en outre, d’autres études portant
146 Psychopathologie périnatale
La prise en charge
Généralités. La difficulté porte sur la capacité de repérage de la dépression
anténatale. En dehors des troubles sévères, le diagnostic ou même la sus-
picion du diagnostic sont très rarement faits par des soignants qui n’ont pas
reçu de formation. Les plaintes sont rares et souvent mises sur le compte de
troubles physiques.
Efficacité. La prise en charge est assez aisée et efficace : dans la plupart des
cas, le trouble rétrocède à une psychothérapie bien conduite et adaptée. Elle
permet aussi de créer une alliance, d’offrir un soutien durant le post-partum,
d’organiser la prévention. Dans ce contexte, les visites prénatales n’ont pas
permis d’offrir le soutien psychologique qu’on en attendait. En effet, l’aide
psychosociale, sans psychologues ou psychiatres formés, ne permet ni de
prévenir ni de traiter les troubles anxio-dépressifs périnataux.
Thérapeutique : voir chapitre 18.
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154 Psychopathologie périnatale
Dépression du post-partum
Les premières observations. En 1845, Esquirol observe chez certaines femmes
qui viennent d’accoucher des troubles psychiatriques d’intensité modé-
rée qui ne nécessitent pas d’hospitalisation et échappent à l’investigation
des psychiatres.
En 1858, Marcé décrit des accidents nerveux « qui ne se développent que
vers la cinquième ou sixième semaine ».
Le concept de dépression atypique. Pitt, en 1968, entreprend son étude princeps,
qui recherche une forme intermédiaire entre blues et psychoses puerpérales.
Il sera amené à décrire « la dépression atypique suivant la naissance ». Sous
ce terme, il distingue une dépression non psychotique sans idées suicidaires
ni ralentissement psychomoteur ou labilité de l’humeur, qui apparaît durant
le post-partum chez des femmes indemnes durant la grossesse. Sa prévalence
élevée fut tout à fait surprenante. Ce résultat fut reproduit ensuite à maintes
reprises, mais la reconnaissance des dépressions natales rencontra une
franche résistance dans les pays d’Europe du Sud et en France, comme en
témoigne l’examen de la littérature scientifique, peut être comme le suggère
Héritier en relation avec le statut maternel et sa place imaginaire variable en
Europe, selon les déterminations religieuses dominantes des sociétés.
Épidémiologie générale
Méthodologie
L’évaluation de la dépression repose soit sur des entretiens semi-structurés,
standardisés et validés, généralement établis en regard des principales clas-
sifications internationales (DSM ou CIM) ou selon les critères RDC (Research
Diagnostic Criteria), soit sur des questionnaires, auto-administrés ou non,
qui ne permettent pas un diagnostic stricto sensu. Ces derniers tendent à
surestimer la prévalence, évaluée par les entretiens, d’un facteur 1,5 à 2.
Les principales échelles d’auto-évaluation utilisées sont le BDI ou Beck
depression inventory (Beck et al., 1961), le CES-D ou Center for Epidemiological
Studies-Depression scale ; l’EPDS ou Edinburgh Depression Scale (Cox et
al., 1987), le questionnaire de Zung (SDRS ; Zung, 1965). Les valeurs choisies
varient selon les études et les pays. Celles le plus souvent retenues (O’Hara
et al., 1996) sont les suivantes : BDI : ≥ 9 ; CES-D : ≥ 16 ; Zung : ≥ 48 ;
EPDS : ≥ 12. En France on utilise souvent pour l’EPDS un seuil de 10/11
pour le dépistage et 12/13 pour la recherche.
Prévalence
En utilisant les critères du DSM ou RDC, les taux de dépression majeure
varient de 3 % à 6 % au cours des deux premiers mois du post-partum. Si l’on
Dépression périnatale 155
L’instrument de mesure
La prévalence varie selon la méthode d’évaluation utilisée (O’Hara et
Swain, 1996), certains instruments n’ayant jamais été validés (cf. tableau 7.2).
seuils suivantes : BDI : ≥ 9 ; CES-D : ≥ 16 ; Zung : ≥ 48 ; EPDS : ≥ 12.
c La prévalence moyenne estimée, à partir de ces études, était de 0,20. La prévalence estimée
sur le nombre de cas est bien plus faible selon Gotlib et al. (1991) qui rapportent un taux
de prévalence à 0,047 (n = 655).
(d’après O’Hara et Swain, 1996.)
156 Psychopathologie périnatale
Aspects nosographiques
DSM-V (APA, 2013)
Le DSM-V introduit le critère « avec début périnatal » qui regroupe les
troubles du début de la grossesse jusqu’à quatre semaines après l’accou-
chement. La spécification est applicable à un épisode dépressif majeur (dont
la prévalence est estimée entre 3 et 6 %), isolé ou récurrent, mais également
à un trouble bipolaire I ou II, ou à un trouble psychotique bref.
Limites temporelles
L’incidence de la dépression durant le premier mois du post-partum est trois
fois supérieure à celle d’un groupe « approximativement » contrôlé (Cox
et al., 1993 ; Cooper et Murray, 1995). Le risque dépressif ne se limite pas
aux quatre premières semaines. Si une grande part des épisodes puerpé-
raux débute dans le premier mois du post-partum (Cox et al., 1993), on peut
constater leur prolongation ou leur présence bien au-delà. La guérison serait
plus tardive que celle des dépressions ordinaires (Hendrick et al., 2000).
Dépression périnatale 157
En 1993, Pop et al., dans une étude longitudinale portant sur 293 accouchées,
ont trouvé un pic de prévalence de la DPP dix semaines après l’accouche-
ment. En outre, Holt, en 1995, qui recherchait la dépression à trois, neuf et
quinze mois du post-partum, relève que la prévalence la plus élevée se situait
à neuf mois. De fait, de nombreuses études (cf. Holt, 1995) définissent la
DPP comme un épisode survenant dans la première année du post-partum. Il
s’agit d’ailleurs de la définition conseillée par la Société Marcé (http://www.
marcesociety.com/ ; http://www.marce-francophone.fr/), société interna-
tionale, réunissant cliniciens et chercheurs d’horizons très différents, et qui
a pour but la compréhension, la prévention et le traitement des affections
mentales liées à la naissance.
Limites sémiologiques
Les DPP ne répondent pas toutes aux critères de la dépression majeure.
Une définition trop réductrice a pour conséquence d’écarter d’une prise
en charge spécifique deux tiers des patientes dont le trouble ne sera pas
diagnostiqué (Godfroid, 1997).
Aspects sémiologiques
Les difficultés diagnostiques
Ces dépressions échappent pour la plupart à l’investigation psychiatrique
et au traitement. Leur dénomination a longtemps reflété la difficulté de
leur diagnostic : « dépressions mineures », « atypiques », « névrotiques »,
« souriantes ». Les mères déprimées souvent résistent au diagnostic
qu’elles craignent, n’évoquant qu’une fatigue exagérée ou des troubles
hormonaux.
Certains signes sont peu spécifiques Les éléments les plus caractéristiques sont
Pleurs Épuisement majeur
Labilité de l’humeur, plus altérée le soir Phobies d’impulsion
Plaintes somatiques, craintes hypocon- Déplaisir et inadaptation aux soins du bébé
driaques Irritabilité dirigée vers l’époux ou les autres
Troubles de la concentration et de la mémoire enfants
Insomnie d’endormissement avec cauchemars Sentiment d’incapacité physique
Perte de la libido, perte des intérêts habituels Anxiété fréquente et intense
Dépression périnatale 159
Éléments spécifiques
Certaines études attachées à la sémiologie retrouvent quelques traits sémio-
logiques plus particuliers à la DPP :
Questions de dépistage
En pratique clinique une « préorientation » diagnostique peut être obtenue
à l’aide d’une ou deux questions :
1) « Avez-vous la sensation d’être parfois anormalement épuisée ou décou-
ragée ? »
En cas de réponse hésitante, il sera proposé la question suivante :
2) « Éprouvez-vous parfois un sentiment de fatigue ou de lassitude qui vous
conduit à pleurer ? »
En cas de réponse positive à l’une des questions un autoquestionnaire
comme l’Edinburgh postnatal depression scale (EPDS) (12, 38, 39) peut-être
proposé à la parturiente, qui assure une meilleure qualité de dépistage.
Questionnaires
Ils sont intéressants en cas de consultation ou de suivi à domicile par des
sages-femmes ou des travailleurs sociaux formés à leur lecture. L’EPDS,
d’emploi rapide et aisé (10 items, remplissage par le sujet en 2 à 5 minutes)
est un des instruments les plus employés pour dépister un état dépressif
durant la grossesse et le post-partum. Durant le post-partum, le seuil de 12 est
habituellement préconisé. D’autres échelles moins spécifiques sont dispo-
nibles notamment la Beck depression inventory (BDI) (Beck et al., 1961) et la
primary care evaluation of mental disorders patient health questionnaire (PRIME-
MD, PHQ). Ils sont tous (Spitzer et al., 1999) disponibles en français.
160 Psychopathologie périnatale
Diagnostic différentiel
Il est souvent aisé, la question essentielle étant de détecter la souffrance
maternelle, fréquemment masquée.
• Le baby blues précoce et transitoire : intense ou prolongé, il peut annoncer
ou se confondre avec une DPP (Hapgood et al., 1988 ; Sutter et al., 1995).
• La psychose puerpérale se manifeste dans la majorité des cas entre la
première et la troisième semaine postnatale, et le tableau est nettement
psychotique : délire et hallucinations dans les psychoses aiguës, états
maniaques ou mixtes souvent délirants.
• Stress aigu et état de stress post-traumatique : le début du trouble se situe 24
à 48 heures après l’accouchement, l’angoisse est au premier plan, diurne et
nocturne avec cauchemars récurrents.
• Autres : hypothyroïdie, syndrome de Cushing, dépressions induites par les
drogues à action directe sur le système nerveux central, embolies cérébrales
et autres causes rares de délire ou de syndrome confusionnel postnataux.
Évolution et pronostic
Récurrence
La DPP constitue, parfois, le début d’épisodes dépressifs récurrents soit
lors d’une grossesse suivante, le risque de récidive étant alors de 25 à 30 %
(Blackmore et al., 2013 ; Altemus et al., 2012 ; Sharma et Pope, 2012 ;
Dépression périnatale 161
Hormones thyroïdiennes
Pendant la grossesse, les modifications des hormones thyroïdiennes sont
le reflet de l’augmentation de la thyroxine-binding globulin (TBG). Les T3 et
T4 totales sont augmentées, mais les taux d’hormones libres sont dans les
limites de la normale et sont abaissés pour environ 10 % de la population
(Ekinci et al., 2013).
Une hypothyroïdie transitoire, parfois précédée d’une hyperthyroïdie (liée
à une infiltration de la glande avec destruction et libération initiale de T3 et
T4), survient chez plus de 5 % des femmes au cours de la première année du
post-partum avec un pic vers les quatrième-cinquième mois. Une association
Dépression périnatale 163
Hormones stéroïdiennes
Progestérone et œstrogène (stéroïdes sexuels)
Les dosages plasmatiques et les dosages urinaires n’ont pas amené d’élé-
ments marquants en faveur d’un rôle de la progestérone ou des œstrogènes.
Soit ils montrent l’absence de modifications significatives, soit les résultats
sont non reproductibles ou discordants. Une étude a même retrouvé chez
les femmes présentant une dépression majeure un taux plasmatique plus
élevé d’œstroprogestatifs (Klier et al., 2007). Des recherches plus agres-
sives ont par contre suggéré leur intervention. Ainsi, Bloch et al. (2000)
ont simulé l’augmentation très importante du taux d’hormones stéroïdes
sexuelles durant la grossesse et son effondrement après la naissance. Pour
ce faire, ils ont administré un agoniste du GRH (gonadotropin-releasing hor-
mone) à 16 femmes euthymiques dont la moitié présentait des antécédents
de dépression postnatale. Après huit semaines de ce traitement, le sevrage
fut pratiqué en double aveugle. Chez deux tiers des femmes présentant des
antécédents dépressifs, le sevrage s’accompagnait de la survenue de symp-
tômes dépressifs, alors qu’il n’y en avait aucun dans le groupe contrôle sans
antécédent de dépression postnatale.
Cortisol (glucocorticoïde)
Harris (1994) montre l’association d’un taux abaissé de cortisol salivaire le
soir (dans le péripartum immédiat) et l’apparition secondaire d’une DPP. La
chute en post-partum du cortisol diurne serait ralentie chez les mères dépri-
mées (Pedersen et al., 1993) comparées à un groupe de mères non déprimées.
Nierop et al. (2006) retrouvent un taux plus élevé de cortisol à une épreuve
de stress chez les mères qui ont un score ≥ 10 durant les deux premières
semaines du post-partum. Groer et Morgan (2007) retrouvent, entre quatre
et six semaines, une concentration salivaire de cortisol abaissé et un taux
sérique abaissé d’interféron gamma suggérant une diminution de l’activité
de l’axe hypothalamo-hypophysaire, retrouvé dans certaines études (Taylor,
Glover et al., 2009) et non dans d’autres (Lommatzsch et al., 2006).
164 Psychopathologie périnatale
Autres hormones
Une étude a retrouvé un taux de mélatonine le matin significativement
plus élevé chez les femmes présentant une DPP (Parry et al., 2008). Skal-
kidou et al. (2009) ont montré que la leptine, synthétisée dans le tissu adi-
peux, pouvait conférer une protection contre la dépression, ce qui pourrait
s’accorder avec le taux élevé de DPP retrouvé dans certaines études chez les
sujets de faible indice de masse corporelle.
Planification de la grossesse
Son absence selon Warner et al. (1996) augmente le risque de DPP. La
notion de moindre préparation à la maternité est également relevée (Mills
et al., 1995).
Présence d’un support émotionnel durant le travail
Selon Wolman et al., en 1993, un soutien, même effectué par une personne
auparavant inconnue de la parturiente, conduit à une meilleure « estime
de soi » et à une diminution de l’anxiété et de la dépression, évaluées six
semaines après la naissance. Au minimum, ce choix améliore la satisfaction
des conditions de l’accouchement (Bruggemann et al., 2007).
Naissance à domicile. C’est seulement depuis l’après-guerre que
l’accouchement à domicile est devenu tout à fait inhabituel en Europe de
l’Ouest. La prépondérance de la technique et la médicalisation de l’accou-
chement ont été évoquées à l’origine de la dépression postnatale. En
Hollande, 35 % des femmes accouchent à la maison contre moins de 1 %
en France ou en Angleterre. Selon Pop et al., en 1995, l’incidence du blues et
de la DPP est semblable chez les femmes qui accouchent à l’hôpital et celles
qui accouchent à domicile.
Parité. Stowe et Nemeroff, en 1995, rapportent que, sur 18 études, seu-
lement 3 études retrouvent un plus haut taux de DPP chez les primipares.
Nous avons retrouvé (Dayan cité in Gravereau-Vanecke, 2004) une corréla-
tion entre grande parité et dépression dans un modèle univarié.
Allaitement. Une plus grande proportion de femmes déprimées ne
désirent pas allaiter ou interrompent plus tôt l’allaitement (Henderson
et al., 2003). En aucune façon allaiter n’améliore leur humeur si elles ne le
souhaitent pas. Au contraire, en clinique il est fréquent que la pression à
allaiter chez les femmes dépressives qui n’en font pas le souhait augmente
la mésestime d’elles-mêmes. Par contre l’effet est inverse lorsqu’elles le sou-
haitent, et que spontanément et suffisamment aidées celui-ci se déroule
favorablement. Toutefois, des interactions troublées entre mères et bébés
peuvent rendre plus difficile l’allaitement. La dépression prénatale prédit
un taux d’allaitement diminué et réciproquement les femmes qui allaitent
sont moins déprimées (Figueiredo et al., 2013). Il s’agit d’effets bidirection-
nels entre dépression et allaitement (Hahn-Holbrook et al., 2013).
Facteurs gynécologiques
Syndrome prémenstruel et dysphorie prémenstruelle sont corrélés avec
l’apparition d’une DPP (Pitt, 1968 ; Buttner et al., 2013).
Dépression périnatale 167
Activité professionnelle
La seule absence d’emploi n’est pas un facteur de DPP (Robertson, 2004)
à l’opposé de l’instabilité professionnelle (O’Hara et Swain, 1996 ; Murray
et al., 1995). Plus que l’absence d’emploi, l’absence de reprise d’un emploi
à la suite du congé de maternité serait un facteur de risque indépendant
(Warner et al., 1996). Les auteurs estiment que la perte d’emploi (volontaire
ou non) qui suit la grossesse affecterait les femmes par l’isolement social et
la faible estime d’elles-mêmes qu’elle entraînerait.
Âge maternel
Les différentes méta-analyses concluent en l’absence de corrélation entre
l’âge maternel et la survenue d’une DPP. Toutefois, plusieurs études ont
montré qu’aux extrêmes de la période fertile, soit avant 18 ans et après
40 ans, la DPP était plus fréquente. Il est néanmoins probable que le
mode de calcul influe sur ces résultats. La DPP affecterait un quart des
adolescentes.
Stress et abus
Antécédents d’abus physiques ou sexuels et de carences
affectives précoces
Les violences subies durant l’enfance qu’elles soient physiques, psycholo-
giques, sexuelles, l’exposition à des violences intrafamiliales ou une édu-
cation despotique, ont été associées de façon significative dans plusieurs
études à la survenue d’une dépression postnatale (Malta et al., 2012 ; Mezey
et al., 2005 ; Sagami et al., 2004).
Très souvent, les victimes d’abus sexuels ont également été victimes
d’abus physique et émotionnel, de négligence ou d’autres conséquences
d’un dysfonctionnement familial majeur. Il a été proposé que l’ensemble de
ces facteurs pourrait être aussi déterminant que l’abus sexuel dans la déter-
mination de la psychopathologie du futur adulte. Les travaux de Bifulco
et al. (1998) orientent, néanmoins, vers un rôle prépondérant de l’abus
sexuel en regard de la dépression. Dans ces circonstances, des difficultés
relationnelles et d’accès à la parentalité ont également été rapportées,
communément constatées par les praticiens malgré peu d’études précises
sur le sujet (Cole et al., 1992). Le maternage quotidien devient source
d’angoisses plus ou moins conscientes (Buist et Barnett, 1995).
L’allaitement au sein est parfois abandonné en le qualifiant de répugnant,
les soins sont confiés à autrui, l’enfant peut être négligé. Ces mêmes auteurs
signalent que, dans une unité d’hospitalisation mère-bébé, 40 % de femmes
rapportent un abus sexuel, et 54 % un abus sexuel et/ou physique. L’échan-
tillon si particulier et les critères mal définis de l’abus ne permettent, bien
entendu, aucune conclusion épidémiologique, mais ces résultats incitent à
continuer les recherches.
Stress et événements de vie
Les résultats sont étroitement dépendants du mode d’évaluation. Le plus
souvent, les études sur de larges populations sont conduites avec des échelles
restreintes d’événements de vie. Il peut s’agir d’événements de vie évalués
sur la vie entière ou plus souvent sur une période restreinte du moment de
l’évaluation jusqu’aux 6 mois ou un an avant. La cotation se fait par oui ou
170 Psychopathologie périnatale
Ces deux derniers paradigmes sont liés par plusieurs résultats (i. e. Cohn
et al., 1991).
Procédure de cotation
Les protocoles sont standardisés pour permettre une analyse fiable des
items observés. Les critères connaissent une définition spécifique pour
chaque auteur, par exemple « le désengagement » maternel est défini dans
une étude par l’expression neutre de la mère et le fait qu’elle n’interagisse
pas avec le bébé. Elle peut aussi détourner le regard ou regarder « passive-
ment » son enfant. Ailleurs est coté le nombre de sourires, en tenant ou
pas compte de leur qualité ; ou bien encore le nombre « d’états affectifs
négatifs ». Certaines études (Murray, 1992) procèdent à une cotation semi-
qualitative alors que d’autres (Field et al., 1990) préfèrent y adjoindre une
cotation quantitative des mimiques, sourires, expressions gestuelles ou de
la voix. Le kia-profil établi par Stern (1989) est basé sur une telle méthode
d’évaluation.
Concepts utilisés
L’observation d’un défaut dans le rythme d’accordage des échanges entre les
états affectifs de l’enfant et de la mère ou bien l’inadaptation des réponses
aux signaux émis a donné lieu à la promotion du concept de synchronie
(Feldman, 2007). Il est promu comme signal d’alarme par certains auteurs
(Guédeney et al., 2011).
L’accordage affectif, concept développé par Stern, est l’expression
d’affects partagés entre l’enfant et son partenaire à travers des manifes-
tations comportementales généralement dissemblables. La « contingence »,
concept développé par Greenspan et Lieberman (1980), est l’état d’un
comportement quand il répond de façon appropriée aux signaux de l’émet-
teur en relation avec le but que ceux-ci manifestaient. En cas de dépression,
les comportements maternels sont plus souvent anti-contingents, non syn-
chrones et mal adaptés.
Résultats (présentation chronologique)
8 à 9 semaines : l’étude de Cohn et al. (1990) use d’une méthodologie
rigoureuse : population spécifiée (jeune, classe moyenne, mariée, présentant
une dépression majeure répondant aux critères RDC) et groupe contrôlé sur
les variables sociodémographiques. Le comportement des mères déprimées
se distinguait par moins de comportements « positifs » et 4 fois plus de
comportements « négatifs », une attention moins soutenue, plus d’irritabi-
lité, moins d’activité et de sourires. Toutefois, la quantité d’affects positifs
maternels ne différenciait pas significativement dans les deux groupes
et les bébés eux-mêmes ne semblaient pas répondre différemment selon
les critères considérés. On note d’ailleurs un taux d’harmonisation des
affects semblables. Devant cet effet restreint de la dépression maternelle, les
Dépression périnatale 173
auteurs concluent que probablement les études antérieures n’ont pas tenu
compte de facteurs annexes déterminant les troubles précédemment constatés.
2 mois : l’analyse dynamique en vidéo (Murray et al., 1996) étudie les
précurseurs (dans l’intervalle d’une seconde) des comportements différant
entre mères déprimées et non déprimées (diagnostic critères RDC ou research
diagnostic criteria) : interruptions de l’enfant et comportements affirmatifs
ou négatifs de la mère. Dans la relation mère déprimée/bébé, les ruptures
induites par l’enfant sont précédées par des réponses discordantes de la
mère ou une attitude de rejet. Ces attitudes sont elles-mêmes précédées par
l’expression d’affects négatifs chez l’enfant. À l’inverse, les comportements
positifs de la mère (réponses empathiques reflétant ou prolongeant celles
du nourrisson) sont précédés par l’expression d’affects positifs chez l’enfant
(sourires, vocalisations positives). Le sexe de l’enfant ne modifie pas ces
conclusions.
3 mois : Field et al., en 1990, étudient, au cours de séquences interactives
en face-à-face entre une mère et son nourrisson de 3 mois, les moments
où les deux partenaires semblent partager le même comportement affec-
tif. L’analyse tend à montrer une plus grande cohérence entre les cycles
comportementaux des dyades de mère non déprimée et une meilleure syn-
chronie interactive.
6 mois : Campbell et al. (1995) ont évalué les interactions de mères dépri-
mées (évaluées par la CES-D, seuil à 27), issues d’un milieu très défavorisé,
avec leur bébé. Elles avaient en commun l’expression beaucoup plus rare
d’affects positifs que le groupe contrôle (20 % du temps des échanges contre
50 %). Surtout, leurs styles différaient, démontrant que la dépression ne peut
se résumer à une modalité interactive unique : la moitié des mères étaient
« intrusives », les autres désengagées, mais parfois positives et semblables
dans l’interaction au groupe contrôle, ou mixtes. Au comportement mater-
nel répondait assez spécifiquement un profil de comportement du bébé. Au
comportement intrusif répondaient des « regards vagues », au désengage-
ment la protestation, au comportement positif, des réponses positives.
8 mois : les mères déprimées ne sont, à 8 mois, ni plus intrusives ni
plus évitantes vis-à-vis de leur enfant que le reste de la population (Murray
et al., 1996). Toutefois, elles sont moins sensibles et moins accordées au
comportement de l’enfant, expriment moins de commentaires sur sa
conduite et ont plus de comportements négatifs. L’enfant lui-même est
aussi souvent actif et engagé dans l’interaction, son tonus est semblable,
il ne se montre pas plus en détresse que les autres enfants. La seule diffé-
rence avec le groupe contrôle est la fréquence des discontinuités induites
par l’enfant. Ces résultats contrastent avec ceux d’études menées parmi des
populations défavorisées où les stress et l’adversité sociale augmentent
les effets de la dépression pour perturber plus massivement les interactions
mère-enfant (Field et al., 1990).
174 Psychopathologie périnatale
à d
éterminer, il semble bien que la DPP soit plutôt le promoteur de ces
troubles. Quoi qu’il en soit, une fois ceux-ci installés, une spirale interactive
négative est en place.
Développement de l’enfant évalué à 18 mois
La plupart des études aujourd’hui ne retrouvent plus de corrélation signi-
ficative entre une dépression postnatale isolée avant 6 mois et des troubles
cognitifs affectifs ou moteurs chez l’enfant à 18 mois (Azak et al., 2012 ;
Conroy et al., 2012 ; Keim et al., 2011 ; Sutter-Dallay et al., 2011 ; Tse
et al., 2010).
Par contre la dépression postnatale, en association avec d’autres condi-
tions défavorables (par exemple, Tse et al., 2010) ou lorsque les troubles
maternels tendent à la chronicité ou récidivent (Sutter-Dallay et al., 2011),
demeure un facteur de risque démontré. Les associations défavorables
sont le faible soutien social, des conditions domestiques inadaptées (Piteo
et al., 2012) ou bien un trouble de la personnalité (Conroy et al., 2012).
Certaines études ont montré que les acquisitions des enfants de mères
continûment dépressives semblaient conserver un retard discret mais signi-
ficatif par rapport aux enfants de mère non déprimées (Azak, 2012). Une
étude a retrouvé de moins bonnes performances aux épreuves de perma-
nence d’objet (épreuves piagétiennes) à 9 et 18 mois (Murray, 1992). Ces
troubles restent toutefois modérés : les nourrissons n’avaient pas d’altéra-
tion globale du développement cognitif. Une étude a montré qu’un stress
psychosocial modéré pouvait légèrement accélérer le développement
moteur et les performances langagières (Keim et al., 2011).
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8 Anxiété et stress
La totalité des enquêtes épidémiologiques mettent en évidence environ
deux fois plus de troubles anxieux chez les femmes que chez les hommes
(Seedat et al., 2009 ; Howell et al., 2001). En période périnatale, une cer-
taine forme d’anxiété et d’inquiétude, les préoccupations maternelles,
généralement de faible intensité, ne ressortent pas de la pathologie. Il
leur a été prêté une fonction adaptative. Les questionnaires, échelles
et entretiens diagnostiques standardisés les classent parmi les manifes-
tations anxieuses peu intenses ou les négligent. Elles font pourtant partie
du processus de parentalisation. À côté d’elles des formes de plus grande
intensité s’organisent parfois selon des syndromes qui, à partir de certains
critères (par exemple DSM, CIM), seront considérés comme des troubles
mentaux.
Évaluation de l’anxiété
L’anxiété-état, par définition ponctuelle, est susceptible de fluctuations
rapides. Elle est aujourd’hui souvent mesurée par le STAI (State, Trait Anxiety
Inventory). Un niveau d’anxiété plus élevé est retrouvé autour du troisième
mois de la grossesse, s’atténuant au second trimestre pour connaître un
pic avant l’accouchement. Standley et al. (1979), procédant par entretiens,
retrouvent au dernier mois de grossesse chez 37 % des femmes au moins
un symptôme anxieux caractérisé (insomnie, réactivité anxieuse, idées
bizarres ou pensées incontrôlables) et chez 11 %, deux ou plus. Durant le
post-partum, la comorbidité est importante entre trouble anxieux et trouble
dépressif mais aussi entre symptômes dépressifs et anxieux.
Le trouble panique
Il associe des attaques de panique et, dans l’intervalle de leur survenue,
une attente anxieuse généralisée dont le motif principal est la crainte d’une
récidive de l’attaque. Deuils et naissances, grossesse et accouchement ont
été incriminés parmi les facteurs précipitant ainsi que les abus sexuels ou
événements stressants de l’enfance.
Études systématiques
Prévalence
La plupart des études portent sur l’évolution d’un trouble panique pré-
existant à l’état de grossesse. Les résultats sont discordants, mais la plupart
des études à ce jour présentent des faiblesses méthodologiques : enquêtes
rétrospectives, faibles échantillons et sélection peu représentative, taux
très élevé de non-réponses. L’évolution est éminemment variable. De plus,
il n’est généralement pas tenu compte d’un éventuel traitement en cours.
Villeponteaux et al. (1992) étudient l’effet de la grossesse sur les attaques
de panique préexistantes chez 129 femmes précédemment traitées pour
trouble panique ou agoraphobie (critères DSM-III-R). Ils adressent un
188 Psychopathologie périnatale
Phobies d’impulsion
Les phobies d’impulsion sont une forme de TOC extrêmement caractéris-
tique du post-partum. Elles peuvent conduire dans leur forme sévère à une
prise en charge spécifique dans les unités d’hospitalisation mère-enfant.
Historique. Esquirol rapporte, en 1845, le cas d’une parturiente qui, cinq
jours après la naissance, fut troublée par l’histoire d’une femme qui assas-
sina et décapita un enfant. Prise elle-même d’un irrépressible désir de tuer
son propre bébé, elle ne se décida à chercher de l’aide qu’après s’être sen-
tie tendre involontairement son bras vers un couteau. Après six semaines
d’hospitalisation, elle se rétablit complètement.
Idéations phobiques. Si la fréquence des phobies d’impulsion véritables est
faible (estimée entre 0,5 et 1 % de la population), les idéations agressives
sont fréquentes, affectant selon leur définition entre 10 et 40 % des partu-
rientes. Elles ont été retrouvées par Jennings et al. (1999) chez 41 % de
femmes avec bébé présentant un état dépressif contre 7 % dans la popula-
tion générale.
La phobie d’impulsion infanticide est caractérisée par la pensée obsédante
mêlée de crainte et parfois de terreur de blesser ou tuer compulsivement
ou par accident le nouveau-né : l’égorger avec un couteau, le jeter par la
fenêtre, le noyer dans son bain, le laisser tomber de la fenêtre. Elle entraîne
des manœuvres pour éviter les bains, les couteaux de cuisine, l’isolement
avec l’enfant. Source de honte ou de culpabilité, elle peut conduire à altérer
Anxiété et stress 191
perçus comme stressants par la femme enceinte. Dans une étude écossaise
(Pritchard et Teo, 1994), une association est trouvée avec la perception qu’a
la femme des difficultés rencontrées dans son rôle de mère et dans les tâches
domestiques. Dans une étude menée aux États-Unis (Lobel et al., 1992),
c’est un score composite de stress (stress perçu pour les événements de vie
majeurs, pour les tracas de la vie quotidienne, mesure d’anxiété) qui est lié
à l’accouchement prématuré. Une étude (Wadhwa et al., 1993) ne retrouve
pas de lien avec le stress perçu, aussi bien quotidien que lié aux événements
de vie majeurs, mais la population étudiée ne comporte que 90 femmes,
contre souvent plusieurs milliers pour les études citées précédemment. Il
est intéressant de relever que c’est surtout la réponse au stress qui joue un
rôle et non pas la seule occurrence de l’événement supposé stressant. Ainsi,
Hedegaard et al. (1996) et Lobel et al. (2008) ne détectent pas de liaison avec
l’accouchement prématuré lorsque les événements sont évalués indépen-
damment de la perception plus ou moins stressante qu’en a la femme.
Stress chronique. Il se manifeste au sein d’un environnement, affectif,
culturel et économique dont il ne peut être séparé. La personnalité du sujet,
son tempérament et son niveau académique vont aussi intervenir. L’aug-
mentation de la sécrétion par le placenta du CRH serait le point central des
interrelations complexes entre mère et fœtus en réaction à un stress chro-
nique. L’augmentation du taux de cortisol (Makrigiannakis et al., 2007) est
plus spécifique du stress chronique et de l’anxiété-trait (Diego et al., 2006).
Stress et catastrophes. Dans les quatre comtés de l’État de New York
affectés par l’inondation de juin 1972, une augmentation significative du
nombre des fausses couches a été constatée au dernier trimestre 1972 et
dans l’année qui a suivi (Janerich et al., 1981).
Une diminution du taux de naissances de faible poids a été observée, pendant
la guerre, à Helsinki (Corsa et al., 1952 d’après Omer et al., 1986). Ce résultat est
généralement imputé à un meilleur équilibre psychique des femmes soumises
en groupe à des conditions de vie plus difficiles et donc à un stress durable.
Omer et al. (1986) ont mis en évidence en Israël un taux d’accouchements
prématurés, durant la guerre d’octobre 1973 et le mois qui suivit, inférieur à
celui observé durant les mêmes mois l’année suivante. Une meilleure cohésion
sociale est encore ici proposée pour expliquer cet apparent paradoxe.
Les attaques terroristes, comme celles du World Trade Center aux États-
Unis se sont accompagnées d’un taux augmenté de retard de croissance
intra-utérin dû aux effets environnementaux mais (Engel et al., 2005 ;
Berkowitz et al., 2003 ; Perera et al., 2005 ; Rich-Edwards et al., 2005)
d’aucune autre complication obstétricale.
Les études qui ont pris pour objet le stress ont montré des résultats
variables concernant la prématurité ou la réduction de l’âge gestationnel.
Toutefois certaines études portent seulement sur les femmes témoins directs
des événements et d’autres incluent celles qui en ont entendu parler, ce
196 Psychopathologie périnatale
qui n’est guère comparable. Il est démontré que ces dernières n’ont pas
d’augmentation du risque, voire même une diminution significative (Rich-
Edwards et al., 2005). C’est le cas d’une étude incluant 165 000 enfants nés
de familles de militaires en activité mais dont l’immense majorité n’était pas
directement exposée. Cette large étude n’a pas trouvé d’augmentation des
enfants de petit poids (Endara et al., 2009) ni d’effets sur le développement.
Une étude a même montré une réduction du risque obstétrical chez les
femmes qui présentaient un PTSD ou un état dépressif, à l’exception d’une
réduction du périmètre crânien (Engel et al., 2005). Les études qui ont porté
sur les tremblements de terre ont montré des complications obstétricales de
toutes sortes. Elles étaient maximales avec les catastrophes les plus massives
comme celle en Chine, en 2008, qui causa 70 000 décès (Tan et al., 2009).
Des tremblements de terre de moindre amplitude et de moindre sévérité
en Israël ont retrouvé une augmentation des enfants nés prématurément
(Weissman et al., 1989).
Les catastrophes qui ont entraîné d’importants déplacements de per-
sonnes sont souvent associées à des carences et des stress cumulatifs psycho-
logiques et physiologiques, surtout dans les pays en voie de développement
ou dans les populations très défavorisées. L’ouragan Katrina, qui a causé plus
de 1 800 décès aux États-Unis, s’est accompagné de moins de naissances de
petit poids et d’aucune augmentation d’autres complications obstétricales
(Hamilton et al., 2009). Globalement, il n’y a pas eu plus de problèmes de
santé mentale chez les enfants nés à cette période, bien qu’il y eût plus
de PTSD et d’états dépressifs chez les femmes enceintes à cette période (Savage
et al., 2010). Ces troubles étaient associés à plus de difficultés psycholo-
giques chez les enfants (Tees et al., 2009), ce qui laisse supposer qu’une part
non négligeable de femmes ayant connu des troubles psychiques après la
catastrophe auraient peut-être été les mêmes qui auraient entretenu des rela-
tions difficiles avec leurs enfants. Au total, la littérature portant sur les catas-
trophes ne permet pas de conclure à des effets importants sur la durée de la
gestation. Plus d’études ont montré une réduction qu’une augmentation du
risque (Eskenazi et al., 2007 ; Engel et al., 2005 ; Rich-Edwards et al., 2005 ;
El-Sayed et al., 2008 ; Hamilton et al., 2009). Par contre, des résultats plus
consistants ont été trouvés sur la croissance fœtale et le poids de naissance.
Le timing de l’exposition au stress aigu. Le premier trimestre et le début
du second trimestre semblent une période de particulière vulnérabilité.
Entre la 8e et la 24e semaine, lorsque se mettent en place les réseaux corti-
caux, le cerveau est particulièrement vulnérable. Par ailleurs il est démon-
tré qu’une élévation du taux de cortisol durant le premier trimestre de
grossesse prédit un taux élevé de CRH au troisième trimestre, qui pourrait
expliquer le lien entre stress précoce et réduction de la durée de gestation.
La datation d’un stress est souvent difficile, car il comprend souvent une
période d’anticipation elle-même stressante et lui-même peut s’étaler sur
Anxiété et stress 197
Stress et développement
Théorie de la programmation foetale
Le rôle des facteurs psychologiques, tels que le stress, l’anxiété ou la dépres-
sion, est suspecté dans certaines issues défavorables de la grossesse, en parti-
culier prématurité et poids de naissance (DiPietro et al., 2002) mais aussi
dans le développement, comme le suggèrent les études très documentées
chez l’animal. Toutefois, la plupart des études contrôlent mal les facteurs
de confusion et les risques relatifs sont le plus souvent modérément aug-
mentés. Lorsqu’il s’agit d’affection rare (schizophrénie, malformation de la
crête neurale) il importe de garder à l’esprit que la très grande majorité des
grossesses ne mènent pas aux complications étudiées.
Selon la théorie de la programmation fœtale (cf. par exemple Glover
et al., 2010), le fœtus s’adapte aux conditions de l’environnement. En cas de
stimuli extrêmement défavorables, un accouchement plus précoce favorise-
rait la survie mais exposerait à plus de vulnérabilité et plus de maladies. Les
modèles épidémiologiques, comme les modèles expérimentaux se heurtent
à certaines limites pour expliquer les relations entre le stress et les issues
défavorables de la grossesse ou les conséquences sur le développement. En
effet, de nombreux facteurs interviennent qui modulent l’effet du stress,
comme certains propres à l’unité fœto-placentaire, d’autres liés aux facultés
d’adaptation du sujet dans son environnement.
neurale. Elle est maximale lorsqu’il s’agit d’un décès d’un enfant (RR = 4,75),
a fortiori durant le premier trimestre, et qu’il est inattendu (RR = 8,36). Les
études portant sur les désastres naturels ou sociaux, déjà citées, ont montré
une plus grande incidence de la schizophrénie chez les femmes exposées au
premier trimestre. Une autre étude au Danemark (Khashan et al., 2008) a
porté sur une cohorte de 1,4 million de naissances entre 1973 et 1995. Les
enfants dont un proche (partenaire ou enfant) des mères était décédé de
cancer, d’infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire cérébral durant
les six mois qui précédaient la conception ou pendant la grossesse, mon-
traient une incidence plus élevée de schizophrénie (RR = 1,7) si et seule-
ment si le décès survenait durant le premier trimestre de grossesse.
De nombreuses autres études récentes (Buss et al., 2012 ; Davis et al., 2012 ;
Sandman et al., 2011 ; Davis et al., 2011 ; Davis et al., 2010) ont montré des
liaisons significatives entre le stress durant la grossesse et certaines variantes
ou anomalies du développement neurologique (Sandman et al., 2011, 2012) :
modification de la taille de l’amygdale et de l’hippocampe (Buss et al., 2012),
troubles anxieux chez le préadolescent (Davis et al., 2012), difficulté de régula-
tion du stress (Davis et al., 2011) et enfin troubles cognitifs (Davis et Sandman,
2010 ; Schwabe et al., 2012). Un lien direct de causalité reste encore à établir.
Modes d’action
La régulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire est modifiée durant la
grossesse. Le CRH est principalement secrété par le placenta, à la fois dans
le compartiment maternel et dans le compartiment fœtal. En contraste
avec le rétrocontrôle négatif qu’exerce le cortisol sur la production de CRH
hypothalamique, il stimule la production de CRH par le placenta qui atteint
des concentrations extrêmement élevées au fur et à mesure de la grossesse.
Les effets du cortisol maternel qui traverse le placenta sont modulés par
l’enzyme placentaire 11bHSD2 qui le transforme en sa forme inactive, la
cortisone (Seckl et Meaney, 2004 ; Murphy et al., 2006). À la fin de la gros-
sesse l’activité de cette enzyme qui était très élevée chute et permet la dispo-
nibilité du cortisol pour le développement fœtal et en particulier cérébral.
Deux types d’action ont été particulièrement étudiés : les modifications de
l’activité utérine et le développement fœtal. Chez les rongeurs, un stress bref
de modéré à sévère, entraîne l’augmentation de la production de cortisol en
réduisant l’activité de l’enzyme placentaire 11b-HSD2 (Welberg et al., 2005).
Quant au stress chronique, les études chez l’animal suggèrent qu’il n’affecte
pas la production basale de cortisol mais réduit la capacité d’adapter l’activité
de l’enzyme placentaire 11b-HSD2 en réponse à un nouveau stress. Des études
conduites chez les femmes enceintes anxieuses ont montré que les concentra-
tions de cortisol du fœtus et de la mère et dans une moindre mesure du CRH
sont corrélées de façon linéaire, avec un ratio de 10/1 en faveur du cortisol
maternel. Ainsi le fœtus est sensible au stress sans être inondé par le cortisol
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204 Psychopathologie périnatale
Historique
Les descriptions princeps
La notion de troubles mentaux survenant à l’occasion de la maternité est
rapportée depuis l’Antiquité. Hippocrate (460-380) en donne l’illustration
dans le 3e livre des « épidémies ». Le délire est expliqué par la montée au
cerveau d’un mélange de lochies, pertes vaginales liquides, s’écoulant pen-
dant une à plusieurs semaines, jusqu’à cicatrisation de la paroi utérine, et
de lait maternel. La coutume qui subsiste de-ci de-là en France d’imposer
le jeûne au nourrisson durant les premières vingt-quatre heures de vie en
est la trace : interdire aux femmes de nourrir pour que dans un mouvement
imaginaire d’équilibre des fluides, le sang ne monte pas à la tête.
Esquirol, en 1819, décrit « l’aliénation mentale des nouvelles accouchées
et des nourrices ». Il entreprend la première enquête psychiatrique systéma-
tique. Parmi 95 femmes hospitalisées en post-partum, il distingue 50 % de
manies, 40 % de mélancolies et monomanies et 10 % de démences précoces
(schizophrénie). Il signale la fréquence des prodromes et la guérison fré-
quente, souvent spontanée en six à huit mois. Il insiste sur le risque d’infan-
ticide. Il inverse les rapports de causalité traditionnels : le défaut de sécrétion
de lait devient la conséquence de la folie puerpérale. Il remarque chez les
femmes qui en mourraient, l’absence de lésion anatomique : « l’ouverture
Étiopathogénie
Les théories vont se succéder, organiques, psychologiques ou mixtes. Les
grands axes hormonaux, l’hérédité et les causes « morales » ont été succes-
sivement, alternativement ou conjointement évoqués. Aucune théorie ne
peut à elle seule apporter des arguments scientifiques suffisants et plusieurs
se sont déjà effondrées.
Épidémiologie
Fréquence
La fréquence des psychoses puerpérales varie selon les études
de 1 à 1,5 ‰ accouchements
Hemphill (1952), à partir d’un travail cliniquement très documenté,
retrouve 1,4 ‰ de psychoses puerpérales, parmi 40 000 grossesses et accou-
chements.
Kendell et al. (1987), à Edimbourgh, sur une période de onze ans, retrou-
vent pour 54 000 naissances, 120 admissions psychiatriques à trois mois
du post-partum, répondant aux critères RDC (Research Diagnostic Criteria), soit
0,9 ‰ de psychoses puerpérales : manies (17 %), dépressions de tous types
(50 %), psychoses fonctionnelles (10 %), épisodes schizo-affectifs (7,5 %),
Psychoses puerpérales 207
Formes cliniques
Les classifications diagnostiques (CIM, DSM) internationales parfois à seule-
ment dix années d’intervalle n’utilisent pas les mêmes critères. De plus, beau-
coup de chercheurs spécialisés dans le domaine périnatal ont conservé des
catégories diagnostiques anciennes (psychoses fonctionnelles notamment).
Une dizaine d’enquêtes de grande envergure, toutes rétrospectives, ont
été menées durant les deux dernières décennies. Elles montrent 30 % de
troubles bipolaires, 30 % de psychoses aiguës et environ 35 % de troubles
de symptomatologie intermédiaire classés soit psychoses (surtout Europe
du Nord), soit troubles bipolaires (DSM, CIM). Cette pondération entre les
troubles est retrouvée à trois mois, six mois et douze mois. Des auteurs, tels
Meltzer et Kumar (1985) ou Klompenhouwer et Van Hulst (1991) maintien-
nent en effet le diagnostic jusqu’à un an du post-partum. Utilisant le DSM
ou la CIM, les troubles de l’humeur prévalent et représentent environ 70 %
des cas. Ils se partagent entre environ un tiers d’épisodes maniaques ou
mixtes et deux tiers d’épisodes dépressifs sévères avec ou sans sémiologie
mélancolique. Environ 5 % des hospitalisations sont liées à des troubles du
spectre de la schizophrénie.
Deux semaines après l’accouchement, les accès maniaques représentent
la moitié des cas.
208
Tableau 9.2. Diagnostics à 3 et 12 mois du post-partum.
Psychopathologie périnatale
Dean et Kendell et al. Klompenhouwer et Terp et Mortensen Harlow et al. Meltzer et Videbech et
Kendell (1981) (1987) Van Hulst (1991) (1998) (2007) Kumar (1985) Gouliaev (1995)
Diagnostic RDC RDC RDC ICD 8 CIM-8,9 10 RDC DSM-IV
Délai 3 mois 3 mois 3 mois 3 mois 3 mois 12 mois 12 mois
Patients 71 120 250 378 892 142 50
Troubles de l’humeur 82 % 73 %* 28 % 33 % 65 % 68 % 76 %
Épisode dépressif 49 69 % 44 37 % 40 16 % 124 581 63 44 % 29 58 %
Manie/hypomanie/ 9 13 % 44 37 % 31 12 % 34 24 % 9 18 %
états mixtes
Troubles psycho- 14 % 21 % 60 % 67 % 35 % 14 % 24 %
tiques
Psychoses fonction- 5 7 % 13 11 % 74 30 % 209 55 % 209 23 % 3 2 % 1 2 %
nelles*
Schizophrénie 1 1,5 % 4 3 % 12 5 % 102 12 % 102 11 % 9 2 % 6 12 %
Schizo-affectifs 4/0 5,5 % 5/3 51/12 25 % – 5/3 6 % 1/4 10 %
(manie/dépression)
Autres troubles 4 % 6 % 12 % 0 % 0 % 18 % 0 %
* dont 22 cas de troubles de l’humeur probable.
Psychoses puerpérales 209
Des troubles psychotiques sont retrouvés dans 70 % des cas publiés par
les Européens du Nord et 30 % par tous ceux qui utilisent le DSM ou
la CIM. Cette différence s’explique par les traditions psychiatriques. Elle
révèle des points de tension quant à la théorie, en particulier l’orientation
du DSM qui dans l’interaction complexe entre constitution et événement,
biologie et psychisme, réduit au minimum concevable la part de la sub-
jectivité.
La bouffée délirante aiguë
Définie par Magnan (1893) elle est conservée dans le DSM au titre de syn-
drome spécifique observé en Afrique de l’Ouest et à Haïti ! Les critères en
sont (Pull et al., 1987) des idées délirantes polymorphes de survenue bru-
tale, un bouleversement psychique, sans désorientation temporospatiale,
caractérisé par au moins 3 critères suivants : changements soudains de
l’humeur ou du comportement, dépersonnalisation et/ou déréalisation,
hallucinations ou perceptions inhabituelles. Il s’y ajoute l’absence d’antécé-
dents autres qu’une ou plusieurs bouffées délirantes et le retour complet à
l’état prémorbide en moins de deux mois.
Sichel et al. (1991) décrivent 34 cas de « bouffée délirante aiguë » sur-
venant en post-partum, entre 1976 et 1989. Les mécanismes du délire les
plus fréquemment rencontrés sont les interprétations (41,2 %), les thèmes
retrouvés sont le plus souvent de persécution (52,9 %), la thymie dépres-
sive ou la confusion dominent (35,3 %), moins fréquemment une thymie
expansive (26,5 %). La durée d’hospitalisation est dans 80 % des cas infé-
rieure à un mois.
Les psychoses cycloïdes
Terme introduit par Kleist (1928), que Brockington (1996) souhaite réin-
troduire au titre de forme clinique des psychoses du post-partum. La symp-
tomatologie à la fois thymique et schizophrénique s’accompagne, à des
degrés divers, de confusion mentale. L’évolution est marquée par la récur-
rence des troubles. La guérison après chaque accès est complète. Il n’y a pas
d’évolution vers un état déficitaire.
Les psychoses schizophréniformes
Décrit par Langfeldt (1939) et Kant (1942), le tableau clinique des psychoses
schizophréniformes associe des signes confusionnels et une expérience
psychotique. Les symptômes accessoires sont essentiellement des idées de
référence, des sentiments de persécution et des hallucinations auditives.
Le début, brutal ou subaigu, est rapporté à un événement précipitant. La
durée est de quelques mois, mais avec une guérison complète. La typologie
est classiquement pycnique et les antécédents familiaux plus fréquemment
maniaco-dépressifs que schizophréniques. Le trouble schizophréniforme
(DSM) se distingue de la schizophrénie par la durée brève et le caractère
inconstant de l’altération du fonctionnement social.
Psychoses puerpérales 211
Aspects sémiologiques
On distinguera deux formes essentielles : les désordres thymiques francs,
maniaques ou dépressifs, souvent délirants et les psychoses aiguës déli-
rantes plus ou moins « confusionnelles ». Il existe de nombreuses formes
de passage. Les troubles schizophréniques sont plus rares, marqués par la
dissociation et la discordance.
Dans une perspective clinique et pragmatique, il importe de souligner
l’importance des troubles du sommeil. Ils sont toujours présents à la phase
d’état et sont le meilleur signe d’alarme chez les sujets à risque : il s’agit
d’insomnies sévères ou progressivement croissantes sans rémission.
Spécificités sémiologiques
Tous les auteurs ont reconnu, dont Esquirol, Marcé et Ey en France et
Hamilton en Angleterre, des caractéristiques sémiologiques propres aux
psychoses puerpérales, mais toutefois insuffisantes à les distinguer radi-
calement des autres formes de délire aigu. Plusieurs études empiriques
ont tenté de répondre à cette question en comparant, pour des diagnos-
tics semblables, les troubles survenant pendant et en dehors du post-
partum (Protheroe, 1969 ; Hays, 1978 ; Brockington et al., 1981 ; Hays et
Douglass, 1984 ; Platz et Kendell, 1988 ; Brockington et Meakin, 1994). La
plupart des auteurs concluent globalement à une certaine forme de spé-
cificité dont la labilité des troubles, le passage parfois rapide, d’un délire
franc à des éléments qui évoquent plus la confusion, voire une forme
« d’hystérie ».
Les troubles de forme « intermédiaire » représentent environ un tiers
des cas. Ils ne sont ni typiquement « maniaco-dépressifs » (bipolaires), ni
typiquement « schizophréniques ». Formes de passage, ils ne semblent pas
compatibles avec la dichotomie kraepelinienne entre schizophrénie et psy-
chose maniaco-dépressive (trouble bipolaire type I) (Klompenhouwer et
Van Hulst, 1991 ; Terp et Mortensen, 1998 ; Videbech et Gouliaev, 1995 ;
Brockington, 1996).
Psychoses puerpérales 213
Psychoses aiguës
Phase prédélirante
Elle précède de quelques jours l’irruption délirante. Elle peut survenir dès la
fin de la grossesse (Dayan, 1997 ; Harlow et al., 2007) ou dès le lendemain
de l’accouchement (Jonquiere-Wichmann, 1981 ; Heron et al., 2007).
214 Psychopathologie périnatale
Les signes en sont des troubles du sommeil à type de cauchemars avec agi-
tation nocturne, des ruminations anxieuses, des bizarreries du comporte-
ment, un désintérêt ou dégoût progressif vis-à-vis du contact corporel avec
l’enfant, des crises de larmes, une asthénie profonde, des plaintes soma-
tiques. Le contact avec l’enfant est marqué par la distractivité, des gestes de
plus en plus « automatisés » ou distants.
Phase d’état
C’est dans les trois premières semaines du post-partum avec un pic de fré-
quence au dixième jour que le délire proprement dit peut être observé. La
variabilité du tableau est l’un des aspects les plus caractéristiques : la patiente
passe de l’agitation à la stupeur, de l’agressivité aux conduites ludiques,
en fonction des fluctuations thymiques et des oscillations du niveau de
conscience.
Les troubles de la vigilance sont fréquents. La réalité est mal perçue, sur-
chargée de significations inquiétantes. Des illusions perceptives, parfois des
hallucinations auditives et surtout visuelles sont présentes. Quand elles sont
au premier plan, elles s’organisent en véritables bouffées oniroïdes alimen-
tant l’anxiété et le délire.
L’humeur est instable : dépressive ou exaltée avec des moments d’abat-
tement, d’irritation, de désespoir. Parfois se trouvent réalisés des tableaux
mixtes, des syndromes confuso-maniaques ou confuso-mélancoliques.
Organisation du délire. Il est mal structuré, très fluctuant dans son intensité
et son expression. Le vécu délirant est généralement persécutoire et terri-
fiant. Les idées sont particulièrement lugubres et funèbres (« délire triste »
de Marcé). L’intensité de l’angoisse de dépersonnalisation est sensible à
l’attitude de l’entourage.
Thématique. La thématique délirante est généralement centrée sur la nais-
sance et la relation à l’enfant : négation du mariage ou de la maternité,
sentiment de non-appartenance (il n’est pas d’elle, on a substitué un autre
enfant au sien, on l’a changé de sexe, il a été dérobé par des proches mal-
veillants, il est atteint de grave maladie ou de difformités) ou de non-exis-
tence de l’enfant (il n’est pas né, elle a une tumeur dans son ventre). L’agres-
sivité envers l’enfant est possible, même lorsque la mère semble apathique
ou indifférente (Sichel et Chepfer, 1974). La mère peut se sentir elle-même
menacée, soumise à des influences maléfiques, droguée, hypnotisée.
L’infanticide et/ou le suicide peuvent surprendre l’entourage par la brutalité
de leur réalisation.
L’évolution immédiate
L’évolution est généralement rapidement favorable, sous traitement anti
psychotique et plus rarement sismothérapie. La guérison est remarquable-
ment accélérée par le maintien de la relation mère-enfant ou sinon par
l’introduction rapide de l’enfant dans le champ d’action thérapeutique, par
Psychoses puerpérales 215
sa présentation à la mère. Mais des rechutes à très court terme ne sont pas
rares, ayant l’allure d’états mixtes, d’accès mélancoliques ou maniaques
plus ou moins typiques.
Aspects évolutifs
Moment de survenue des troubles « psychotiques »
en relation avec la puerpéralité
Les troubles psychotiques puerpéraux peuvent survenir durant la grossesse
ou durant le post-partum. Surtout, contrairement aux idées reçues, les pro-
dromes sont très fréquents.
Manifestations prépsychotiques. Elles sont fréquentes durant
la grossesse, et leur sémiologie est variée. L’étude prospective de Mac Neil
(1986) chez 88 femmes présentant des antécédents psychiatriques a mis
en évidence des troubles psychiatriques divers pendant la grossesse dans
75 % des cas. Dans l’étude de Dean et Kendell (1981), 25 % des patientes
ayant présenté un épisode psychotique précoce ont consulté pendant la
grossesse pour des symptômes psychiatriques, dont la moitié pour une
symptomatologie anxieuse ou dépressive. Pour Rhode et Marneros (1993),
dans une étude portant sur 86 cas, près de 80 % des troubles débutent dans
les deux semaines précédant l’accouchement. Heron et al. (2007) mettent
en évidence une symptomatologie hypomaniaque dans les trois premiers
jours suivant l’accouchement chez 75 % des femmes ayant présenté une
psychose puerpérale.
Les psychoses de la grossesse. Leur symptomatologie est similaire à
celles du post-partum avec peut-être plus de formes mélancoliques. Dans
l’étude de Klompenhouwer et Van Hulst (1991) portant sur 250 cas, 11,5 %
216 Psychopathologie périnatale
Évolution et pronostic
Le pronostic vital : le risque de suicide
Avant l’avènement des antibiotiques, des techniques de réhydratation et
des neuroleptiques – mais encore aujourd’hui dans les zones déshéritées du
tiers monde – le pourcentage de décès était de 10 à 20 % : décès secondaires
à des manifestations infectieuses, ou bien à la déshydratation et à la dénu-
trition secondaires à l’agitation maniaque ou à l’anorexie mélancolique.
Actuellement, les risques vitaux sont surtout la conséquence d’un geste
suicidaire. Il a été longtemps avancé que 4 % des mères « psychotiques »
commettraient un infanticide (Davidson et Robertson, 1985) dans l’année
qui suit la naissance. Seuls les suivis à long terme (Appleby et al., 1998 ;
Robling et al., 2000) trouvent un taux de suicide de l’ordre de 5 %, proche
de celui proposé par Davidson et Robertson (1985). Une enquête systéma-
tique menée au Royaume-Uni (Oates, 2003), fournit une estimation très
indirecte et très basse du taux de suicide à court terme en cas de psychose
puerpérale : 0,2 %. Quoi qu’il en soit, les causes psychiatriques demeu-
rent la principale cause attestée de mortalité en post-partum, de l’ordre de
2/100 000 naissances, en premier par suicide et en second par surdosage
de drogues illicites. Les comparaisons avec les taux internationaux doivent
être prudentes. La définition internationale de la mortalité maternelle est
réduite à une période de 42 jours. Dans beaucoup de pays, les registres sous-
estiment la mortalité psychiatrique, par absence de diagnostic et par le
caractère non obligatoire dans de nombreux pays d’inclure spécifiquement
cette étiologie dans le registre de mortalité maternelle.
Psychoses puerpérales 217
Le pronostic psychiatrique
Le pronostic de l’accès aigu est très favorable
La durée moyenne des troubles variait de six à huit mois avant l’introduc-
tion des chimiothérapies psychotropes (Ball, 1880). L’évolution sous traite-
ment conduit à une sédation en une à deux semaines (mais avec un taux de
rechutes précoces élevé).
connaîtront une récidive non puerpérale dans les neuf années suivantes et
parmi celles qui auront au moins un enfant, la moitié, environ 31 (57 %),
connaîtra une récidive en post-partum.
Toutes les études montrent un risque très élevé de récidive puerpérale.
Malgré cela il n’existe pas de politique systématique de prévention. Celle-ci
pourrait relever du simple conseil d’avertir toujours l’obstétricien lors d’une
nouvelle grossesse. La recherche systématique, lors d’un des multiples
entretiens du suivi de grossesse, d’antécédents d’hospitalisation psychia-
trique en post-partum ou de troubles bipolaires est aussi une option.
Facteurs de risque
Facteurs de risque démontrés
Nous retiendrons essentiellement :
• la parité (Jonquière-Wichmann, 1981 ; Kendell et al., 1987 ; Blackmore
et al., 2006). On trouve 70 % environ de primipares parmi les psychoses
puerpérales. Les études transculturelles soulignent, quant à elles, l’augmen-
tation du risque chez les grandes multipares ;
• les antécédents de trouble de l’humeur. Les psychoses puerpérales survien-
nent dans un tiers des cas chez des femmes ayant présenté antérieurement
des accidents psychiatriques majeurs spontanés ou puerpéraux. Le risque est
évalué à environ 25 % chez les femmes présentant une psychose maniaco-
dépressive unipolaire (Protheroe, 1969 ; Whalley et al., 1982 ; Kendell et
al., 1987 ; Marks et al., 1991 ; Benvenutti et al., 1992) et à environ 40 % pour
les troubles bipolaires, que l’épisode maniaque soit ou non situé dans le
post-partum. En cas d’antécédents associés de manie puerpérale et non puer-
pérale, la récidive en post-partum est considérée comme quasi inéluctable ;
• les antécédents personnels de psychose puerpérale, toutes formes confon-
dues ;
• les femmes présentant des antécédents psychiatriques familiaux de
troubles de l’humeur.
Stress et adversité
Globalement, les recherches réalisées récemment dans ce domaine n’accor-
dent aucun rôle significatif aux événements de vie, le stress en particulier,
dans la survenue des troubles psychotiques du post-partum, contrairement
à celle des troubles dépressifs. Elles ne prennent toutefois pas en compte
le stress principal, celui de la grossesse et de la maternité. Une seule étude
avec groupe contrôle a retrouvé le rôle péjoratif de l’environnement social
(Nager et al., 2006).
Conjoints des mères hospitalisées. Selon Harvey et McGrath
(1988), parmi 40 pères dont les femmes souffraient de psychoses du post-
partum, 30 % présentaient un trouble psychiatrique (critères DSM-III)
dont la moitié environ une dépression majeure ou une dysthymie.
Lovestone et Kumar (1993) retrouvent 50 % de pathologies psychia-
triques parmi 24 pères dont les épouses sont hospitalisées dans une unité
mère-enfant.
Aspects étiopathologiques
Facteurs biologiques
Œstrogènes. Les œstrogènes exercent une action propre au niveau du sys-
tème nerveux central. De nombreux récepteurs sont retrouvés dans le cor-
tex cérébral et dans les ganglions de la base. Ils ont été suspectés d’emblée
de jouer un rôle dans l’émergence psychotique, en relation avec la dyna-
mique particulière du système endocrinien durant la grossesse et le post-
partum, dont en particulier la chute brutale du taux d’œstrogènes dans le
post-partum. Quelques arguments cliniques ont été mis en avant en faveur
de cette hypothèse : Mallett et al. (1989) décrivent une symptomatologie
proche de la psychose puerpérale en relation avec un sevrage en œstrogènes
chez un transsexuel ; Brockington et Meakin (1994) décrivent huit cas de
psychose puerpérale suivis d’une rechute prémenstruelle. Dans cinq cas
furent constatées des rechutes successives. Toutefois leur rôle, s’il existe,
semble indirect. L’administration d’œstrogènes en post-partum ne semble
pas réduire le risque de récidive (Kumar et al., 2003).
Dopamine. L’œstradiol interagit aussi avec les systèmes dopaminer-
giques, sérotoninergiques et glutamatergiques. Chez l’animal, il a été
montré que la prescription d’œstrogènes est associée à l’augmentation des
récepteurs à la dopamine dans le striatum (Byrnes et al., 2001), après ovariec-
tomie. Ils stimulent la synthèse de la dopamine via la thyrosine hydroxy-
lase. Ils augmentent la densité des sites dopaminergiques présynaptiques et
des récepteurs dopaminergiques striataux. Ils inhibent la COMT (cathécol-
o-méthyl-transférase) qui participe au catabolisme de la dopamine. En
conséquence du taux extrêmement élevé d’œstrogènes circulants, la sensi-
bilité des récepteurs à la dopamine (ou leur nombre) se serait accrue durant
la grossesse. Lors de la chute du taux d’œstrogènes après la naissance, plus
nombreux ou plus sensibles, ils ne seraient plus inhibés (Mahe et Dumaine,
2001). Ainsi serait favorisée l’émergence psychotique. Cette hypothèse
s’appuie aussi sur l’action antipsychotique des neuroleptiques inhibant les
récepteurs dopaminergiques et sur l’action de la bromocriptine (Pinardo
Zabala et al., 2003 ; Misdrahi et al., 2006). Wieck et al. (2003) ont aussi mon-
tré une plus grande sensibilité des récepteurs à l’apomorphine (agoniste
dopaminergique) en phase lutéale, donc avec un taux élevé d’œstrogènes,
chez les patientes aux antécédents de psychose puerpérale. Vinogradov et
Csernansky (1990) rapportent en faveur de la même hypothèse deux cas de
psychoses puerpérales associées à des mouvements extrapyramidaux.
Sérotonine. Le gène du récepteur à la sérotonine 2A (5HT2A) comprend
plusieurs variétés alléliques. Il est sensible au taux d’œstrogènes. La pré-
sence d’une forme particulière dite « STin2·12 » a été corrélée à un risque
élevé de psychose puerpérale (OR = 4) dans une étude avec groupe témoin
(Coyle et al., 2000).
222 Psychopathologie périnatale
Vulnérabilité acquise
Une modification précoce de type épigénétique lié au stress maternel et
à la nature des interactions précoces est aussi une hypothèse. Certaines
études de cas suggèrent aussi le rôle des traumatismes sexuels de l’enfance
(Dayan, 1997) dans la survenue d’épisodes délirants puerpéraux. Bifulco
et al. (1998) ont montré que les carences, négligences et abus subis durant
l’enfance rendaient plus vulnérables à une décompensation dépressive
devant un stress.
Psychopathologie
Il est des psychoses réactionnelles, particulièrement au sein des troubles
brefs, où le stress joue un rôle déclenchant sur une complexion particulière
(susceptibilité génétique par exemple) ou par le fait d’une vulnérabilité
acquise. La fonction du soignant est aujourd’hui d’écouter le discours du
délirant pour ses implications dans le processus de soin (diagnostic, dange-
rosité, compliance au traitement, évolution, etc.).
L’orientation psychodynamique s’attache quant à elle à conserver une
signification au discours produit par le sujet. Cette signification ne prétend
pas à une valeur étiologique mais elle met en relation les préoccupations du
Psychoses puerpérales 223
sujet délirant avec certaines sources subjectives de son angoisse. Elle permet
de rétablir le sujet dans une continuité psychique que le délire lui avait fait
perdre.
La fragilité psychique
Racamier insistait sur la notion de fragilité psychique des femmes présen-
tant une psychose puerpérale : « schizophrénie en puissance », organisation
obsessionnelle, mais aussi pauvreté des contacts et surtout relations pertur-
bées avec la mère.
224 Psychopathologie périnatale
Étude symptomatique
Le deuil, la confusion
L’enfant oblige la mère à quitter une position libidinale que, nous dit Freud
(1920), « l’homme n’abandonne pas volontiers […] même lorsqu’un substitut
lui fait déjà signe ». La rébellion contre la réalité peut être si intense qu’elle
conduit à maintenir l’objet dans une « psychose hallucinatoire de désir ».
Si le travail de deuil n’a pu être préparé avant la naissance, l’enfant fait bru-
talement irruption, entraînant un véritable traumatisme : « À l’afflux d’exci-
tation qui fait irruption et menace son identité, le sujet ne peut répondre ni
par une décharge adéquate, ni par une élaboration psychique » (Soulé, 1990).
Ainsi, la confusion, dont l’étiologie apparaît multifactorielle, incriminant
des modifications hormonales, l’asthénie du travail et de la délivrance,
paraît aussi associée et aggravée par les troubles de l’identité provoqués
par la gestion du conflit d’ambivalence reliant la mère à sa propre mère et
plus généralement la relation aux imagos parentales. Elle participe au refus
inconscient de reconnaître certaines représentations insupportables dans
lesquelles s’inscrit celle du bébé réel.
Psychoses puerpérales 225
Le délire
Les thèmes de négation qui y sont retrouvés visent à nier l’événement trau-
matisant (« je n’ai pas accouché, ce n’est pas mon enfant ») ou traduisent les
projections dont il fait l’objet. Ils traduisent aussi l’emprise des fantasmes
de filiation narcissique qu’illustre la négation des liens d’alliance, « ce n’est
pas mon mari ». Dans sa difficulté à entrer dans le registre du symbolique
défini par la position du tiers, la femme en vient à désirer la mort du nou-
veau venu, cet étranger, ou celle du mari. Elle se maintient dans le registre
du double. La mort de « l’enfant du narcissisme », enfant fantasmatique,
apparaît nécessaire pour que vive l’enfant réel. Guyotat souligne les vertus
antidépressives du délire. Des thèmes mystiques sont aussi souvent retrou-
vés où s’expriment l’apothéose de la filiation narcissique, l’idée de filiation
divine. Dans ce monde de double, la notion d’identité personnelle devient
précaire. Conjointement, la représentation de soi ne peut plus s’étayer et le
sentiment d’unité vient à se dissoudre. Dans cette confusion, se manifes-
tent souvent des angoisses intenses de morcellement et de destruction liées
au vécu de dépersonnalisation.
Une autre fonction supposée du délire est de permettre le maintien de
positions antinomiques, de maintenir des affects contradictoires, d’associer
et de maintenir dans la psyché les représentations inconciliables que le bébé
suscite.
La dépression mélancolique
Une théorie fonctionnelle du délire conduit à analyser l’émergence de la
dépression comme le résultat de son échec : « Dans l’élaboration de la libido
qui est retournée dans le moi, c’est peut-être seulement après l’échec du
délire narcissique que le stade de la libido dans le moi devient pathogène »
(Freud, 1917). Le sujet s’identifie à l’objet perdu, la mère ou son représen-
tant, devenu mauvais du fait de son absence et de l’ambivalence qui lui
était attachée.
Au total, la psychose puerpérale, malgré sa faible incidence, offre un
modèle étiopathologique exceptionnel du délire aigu. Elle permet de
modéliser l’action de l’événement sur la vie psychique. Elle demeure une
source de compréhension de la nécessité d’élaborer un modèle complexe
du fonctionnement psychique qui n’apparaît aucunement réductible à une
modélisation simplificatrice, biologique ou génétique, ni à une théorie du
sens que la psychanalyse permet d’élaborer.
Traitement préventif
La prévention secondaire a pour objet de prévenir la récurrence ou la
récidive des troubles.
Durant la grossesse, bien qu’il n’existe pas de total consensus, il peut être
proposé en cas de troubles bipolaires de type I, systématiquement en cas
d’épisodes maniaques répétés et sévères, de mettre en place une prophy-
laxie, en premier lieu avec des antipsychotiques, sinon selon les cas, avec
le lithium ou éventuellement un antiépileptique régulateur de l’humeur, la
lamotrigine. En cas d’antécédent de psychose aiguë, si la surveillance durant
la grossesse, en particulier les dernières semaines, est étroite, il n’y a pas
d’indication en l’état des connaissances et en l’absence de tout trouble à
mettre en place une prophylaxie avant la naissance.
Durant le post-partum. Le traitement par antipsychotiques à dose de main-
tenance est mis en place dès la naissance, pour les psychoses aiguës comme
pour les troubles bipolaires de type I. Les régulateurs de l’humeur, tels les
antiépileptiques, ne sont pas en général indiqués en premier. Le lithium,
s’il est bien toléré par la patiente et efficace est une excellente indication.
L’allaitement, avec certaines précautions, peut être mis en place.
La prévention primaire. Très difficile à mettre en place, elle repose
totalement sur l’observation clinique des femmes en maternité et la for-
mation du personnel, connaissant l’absence le plus souvent d’intervalle
libre entre la naissance et la psychose manifeste. Le principal signe d’alerte
étant des troubles du sommeil sévères auxquels peuvent déjà s’associer des
éléments de bizarrerie ou d’agitation, une modification de la qualité du
portage et des soins. Le sommeil lui-même est un indicateur du trouble et
participe peut-être à sa survenue (Ross et al., 2005 ; Sharma, 2003). Après un
entretien psychiatrique approfondi et la collecte de renseignements auprès
de l’équipe obstétricale il peut être prescrit des antipsychotiques. La surveil-
lance quotidienne de l’évolution conduira à maintenir, réduire ou arrêter
cette prescription.
Illustration
L’étude de Bergink et al. (2012) illustre la démarche proposée. Il s’agit d’une
recherche-action. Elle a été conduite chez des femmes ayant été précédem-
ment reçues dans un centre spécialisé pour des troubles psychiatriques
périnataux, 41 pour trouble bipolaire et 29 pour psychose aiguë (critères
228 Psychopathologie périnatale
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10 Le déni de grossesse
Le déni de grossesse ou grossesse inconsciente est en voie de passer du statut
de curiosité médicale, au xixe siècle, à celui, aujourd’hui, de pathologie. Il
n’est intégré à aucune des classifications internationales. Il doit la médi-
calisation de son statut surtout à la mise en exergue d’un certain degré de
corrélation avec la survenue de néonaticide. Il est aussi une redécouverte
au XXIe siècle, rationnel et biologique, de mécanismes de défense utilisés
par le sujet ordinaire pour nier la réalité qui dépassent très largement le
champ périnatal. Il est une forme de négation de grossesse à participation
principalement inconsciente à côté des grossesses dissimulées et de la
méconnaissance. Les déterminations microsociales semblent importantes
dans l’occurrence des négations de grossesse, y compris les « dénis », parti-
culièrement les conditions de la vie relationnelle, affective et sexuelle, le
statut marital, le soutien à la grossesse et aux fonctions parentales dans
le contexte des grossesses en cause.
Historique
Le terme de grossesse inconsciente est utilisé dès 1898 par Gould et Pyle
(1898) qui rassemblent 12 cas signalés par des médecins britanniques et
français. Ils observent que « les règles sont régulières, la taille ne s’est pas
élargie, comme si elles portaient un corset tout le temps. Il n’y a pas de
perception de mouvements fœtaux, ni de modification de la poitrine et, en
fait, aucun des signes habituels de grossesse ». Les femmes présentent,
Le déni de grossesse 237
Épidémiologie clinique
Longtemps les obstétriciens ont remarqué ces femmes qui « prétendaient »
ne pas se savoir enceintes, sans trop s’en inquiéter, et les médecins légistes,
sans les croire. Quant au déni chez les mères schizophrènes, il est aussi
connu depuis plus d’un siècle. Les premières enquêtes systématiques
sur le déni de grossesse datent des années 1990. Elles ont été menées à
l’aide d’entretiens chez les mères qui abandonnent leur enfant ou le tuent
(Bonnet, 1990), par des enquêtes systématiques en service d’obstétrique
(Brezinka, 1994 ; Pierronne et al., 2002 ; Wessel et al., 2007 ; Pierronne
et al., 2002 ; Hatters Friedman et al., 2007 ; Nirmal et al., 2006), par des
études de cas chez les mères schizophrènes (Spielvogel et Hohener, 1995 ;
Kaplan et Grotowski, 1996) ou après le décès d’enfants nouveau-nés dans
le cadre de la médecine légale, de l’expertise psychiatrique ordinaire ou
d’entretiens de recherche (Spinelli, 2001 ; Bonnet, 1993) et d’enquête épi-
démiologique (Turscz, 2011 ; Vellut, 2012).
L’ensemble des études conduites durant la dernière décennie a permis de
mieux comprendre et caractériser ces troubles.
Prévalence
Quatre études menées en Europe dans des centres obstétricaux (Wessel
et al., 2007 ; Brezinka, 2009 ; Nirmal et al., 2006 ; Pieronne et al., 2002),
dont une seule prospective (Wessel et al., 2007), fournissent des statistiques
remarquablement proches. Depuis 2009, une dizaine d’études menées
dans les services d’obstétrique en France, (mémoires de sages-femmes,
thèses de médecine ou de psychologie) ont retrouvé les mêmes proportions
de déni partiel ou total. Elles présentent en général les mêmes difficultés
que toutes les études rétrospectives, y compris les études princeps, pour
Le déni de grossesse 239
Caractéristiques sociodémographiques
Âge. Le déni ne semble pas caractéristique d’un âge particulier car il se
retrouve tout au long de la période féconde (entre 15 et 44 ans) avec un
âge moyen se situant entre 20 et 28 ans. Toutefois dans l’étude prospective
de Wessel et al. (2007), on retrouve significativement plus de jeunes femmes
mineures et de femmes de plus de 40 ans, que dans le reste de la population.
C’est aussi dans cette tranche d’âge que se pratiquent le plus les IVG.
Niveau socio-économique. Dans l’étude prospective réalisée à Berlin, il est
retrouvé plus de femmes bénéficiant d’une aide sociale, ou d’un moindre
statut professionnel. Le niveau académique est plus faible et l’on remarque
aussi significativement plus de femmes qui sont encore en train d’étudier
(Wessel et al., 2007).
L’anticipation d’un placement du bébé peut contribuer au déni, 13 % des
femmes souffrant d’un déni de grossesse dans l’étude de Nirmal et al. ont
déjà un enfant placé. Miller (1990) avait fait cette même remarque à propos
du déni chez les mères schizophrènes, qui rappelons-le peut aussi prendre
la forme d’une dénégation.
Place du père de l’enfant et relation avec le partenaire. La relation avec le
partenaire est un élément central probablement insuffisamment souligné.
Dans l’étude de Nirmal, le taux de femmes célibataires est très élevé de
l’ordre de 80 %, mais il n’est pas précisé le pourcentage de femmes vivant
en couple sans être mariées ; dans l’étude berlinoise, 35 % des femmes n’ont
240 Psychopathologie périnatale
pas de partenaire stable ou ne vivent pas avec lui. Trois jeunes filles mineures
vivent avec leurs parents. Dans celle de Brezinka, 35 % des femmes se sépa-
rent de leur compagnon au début la grossesse, 20 % deviennent enceintes
après le début d’une nouvelle relation affective et 15 % vivent avec leur
compagnon dans un climat de conflit conjugal majeur.
La collusion du déni. Alors qu’environ 50 % des femmes présentant un déni
de grossesse montrent quand même quelques signes pouvant évoquer celle-
ci, et que le contexte le laisse penser (relations sexuelles sans contraception),
le partenaire ne prend étonnement presque jamais conscience de cette gros-
sesse. La puissance de la dénégation comme mécanisme collectif est illus-
trée par cette « contagiosité » qui affecte aussi d’autres relations de la femme
enceinte : ses parents et son médecin par exemple. Il peut exister des élé-
ments favorisant la collusion du déni, mais aucun n’a été clairement reconnu
comme tel. Souvent, lorsque la grossesse est connue, on culpabilise le père
de n’en avoir pas pris conscience. Toutefois il n’est que de rares circonstances
où cette méconnaissance prend le caractère d’un événement trop difficile à
affronter. C’est le cas de l’exceptionnel infanticide.
La durée du déni
Les données de plusieurs études (Wessel et al., 2002, 2007 ; Brezinka, 2009)
sont remarquablement concordantes : 25 % des femmes environ ont pris
conscience de leur grossesse entre 21 et 26 semaines de gestation, très sou-
vent à l’occasion d’un incident ou accident obstétrical, pour 35 % d’entre
elles la grossesse fut découverte souvent accidentellement, par un tiers,
entre 26 et 36 semaines de grossesse. Enfin 40 % l’ont découverte à partir
de 37 semaines. Dans l’ensemble, 35 à 40 % des femmes ont découvert leur
grossesse lors du travail.
Évolution et conséquences
Complications obstétricales
Elle représente le risque le plus fréquent associé aux grossesses incons-
cientes. Elles affectent plus les femmes ayant découvert leur grossesse entre
Le déni de grossesse 241
Infanticide
Le risque d’infanticide est très faible. Il ne peut être évalué qu’indirecte-
ment. L’estimation tient compte du taux de néonaticide/naissances, du
taux de déni/naissance, du taux de déni/néonaticide. Il est fluctuant selon
les conditions d’inclusion et la définition du déni. Il est au maximum
d’environ 1 %. Il s’agit presque exclusivement de néonaticides. Il arrive que
ceux-ci se répètent (Vellut et al., 2012) ou bien que la grossesse conclue par
un infanticide soit précédée de grossesses déniées (dont un cas personnel).
Rappelons toutefois que la majorité des néonaticides sont le fait de gros-
sesses dissimulées même s’il existe toujours un certain niveau d’évitement
de la représentation.
Nosographie
Certains auteurs promeuvent l’intégration des grossesses ou déni de gros-
sesse au sein des classifications psychiatriques. L’argument principal repose
sur la constatation d’un phénomène psychique spécifique chez certaines
mères commettant un infanticide, reconnaissant ainsi leur responsabilité
diminuée. Un autre argument repose sur l’idée qu’un usage si étranger au
Le déni de grossesse 243
Un trouble dissociatif ?
Le déni de grossesse apparaît parfois entretenir avec la conversion hystérique
quelques traits communs, sorte d’hystérisation négative. Un mécanisme
dissociatif devient parfois manifeste après la naissance, particulièrement en
cas d’infanticide.
instants de durée variable. La femme sait, mais est capable d’écarter les
implications de ce savoir et parfois ce savoir lui-même. Ces deux formes
diffèrent essentiellement par la relation inconsciente au désir d’enfant.
Ce que Miller (2003) nomme le déni affectif peut aussi être considéré
comme une forme de déni partiel.
Déni et infanticide
L’infanticide est une complication rare du déni de grossesse. Dans
ce cas, il survient presque toujours dans les 24 heures et entre dans la
catégorie médicale et criminologique des néonaticides. Les modalités les
plus fréquentes de l’homicide consistent à étouffer ou noyer l’enfant et
le laisser dans les toilettes (Tardieu, 1868). Il peut être trouvé aussi dans des
poubelles. Le fait le plus étrange consiste en ce que la mère ne dissimule
pas l’enfant qui est très souvent retrouvé, au contraire de l’infanticide qui
suit les grossesses conscientes et cachées. (Brezinka, 2009 ; Spinelli, 2003 ;
Vallone et Hoffman, 2003).
248 Psychopathologie périnatale
Prévalence du néonaticide
Le néonaticide est l’homicide d’un enfant commis le premier jour de vie.
De fait, les taux de prévalence sont variables d’une étude à l’autre, se situant
entre 0,07 et 2,1 néonaticides pour 100 000 accouchements (0,07 à 0,18 en
Finlande, 2,1 en France et aux États-Unis) (Shelton, 2010). Ils sont probable-
ment une sous-estimation du nombre effectif de néonaticides (Gartner et
McCarthy, 2005).
Épidémiologie
Vellut et al. (2012) ont recensé de 1996 à 2000, dans trois régions françaises
et 26 tribunaux sur 27, la totalité des cas d’infanticide. Ils ont identifié 32
néonaticides pour 1 286 253 naissances vivantes soit 2,7 pour 100 000. Pour
vingt-quatre d’entre eux la mère a été identifiée. Bien que, selon l’avis des
experts, la personnalité de celle-ci fût souvent marquée par la dépendance,
l’immaturité, la faible estime de soi et l’absence de soutien social, il n’a pas été
noté de troubles psychiatriques caractérisés sauf un cas de psychose. Aucune
grossesse n’a été suivie, et deux ou trois d’entre elles n’ont été découvertes
par la mère qu’à l’accouchement. Pour une femme sur deux le diagnostic de
déni de grossesse a été évoqué par les experts, mais les auteurs n’ont retenu
que 10 % des cas formellement identifiés comme tels. Ils éloignent de ce
diagnostic ce qu’ils nomment le « déni de la réalité ». Ils éloignent aussi la
connaissance partielle de la grossesse, ce qui correspond à ce que nous avons
décrit du déni partiel de grossesse. Un quart des dossiers correspondent à des
enfants trouvés morts sans que leur filiation soit connue.
Mitchell et Davis (1984) ont recherché à établir l’existence d’un geste
homicide parmi 74 cas rapportés d’enfants mort-nés ou décédés au domi-
cile le premier jour de vie entre 1959 et 1981 dont 18 naissances eurent
Le déni de grossesse 249
lieu dans les toilettes. Les 18 enfants furent autopsiés pour déterminer par
l’examen anatomopathologique du tissu pulmonaire et du contenu gas-
trique si l’enfant était vivant à la naissance. Les enfants nés vivants étaient
issus pour la plupart de grossesses menées à terme tandis que les enfants
prématurés étaient décédés in utero et pesaient moins de 1 000 g. Parmi
les dix enfants nés à terme, quatre décédèrent probablement du fait d’un
homicide, quatre décédèrent accidentellement et deux naturellement. La
plupart des mères d’enfants nés à terme avaient tendance à nier leur gros-
sesse et, contrairement aux mères d’enfants prématurés, généralement
mort-nés, ne prirent pas soin d’enterrer le bébé ni d’engager une cérémo-
nie. La confusion des douleurs du travail avec des douleurs digestives et de
l’enfant avec les fèces est communément retrouvée lors des dénis de gros-
sesse et peut mener à ce type d’accouchement.
Au total, le déni de grossesse, terme qui pour plus de clarté gagnerait
à être remplacé par celui de grossesse inconsciente, est une modalité rare
accompagnant la grossesse. Il semble avoir principalement une valeur adap-
tative. Le risque qu’il entraîne est surtout obstétrical. L’infanticide, très rare,
en reste une éventualité pour un maximum de 1 % des cas. Certains auteurs
souhaitent que le diagnostic soit inscrit au sein des classifications interna-
tionales, un des principaux intérêts en serait de faire reconnaître l’absence
de responsabilité ou la responsabilité atténuée des mères ayant commis un
infanticide dans cet état.
Thérapeutique et prévention
Grossesses tardivement déclarées. La conscience de porter un enfant peut être
réprimée, et les sensations et perceptions oubliées, annulées, renvoyées à
une autre cause. Le soutien doit s’organiser dès que la grossesse est connue
et proposé après la naissance. En effet, l’accès aux grossesses suivantes peut
être menacé par l’organisation d’un déni constitué. Avec une très grande
fréquence, il est retrouvé durant la grossesse précédant celle qui aboutira à
un néonaticide un important retard de la déclaration associé soit à une dis-
simulation soit à un déni de grossesse.
La levée du déni. Dans les formes limites, il est fréquent qu’une femme qui
a dissimulé sa grossesse ou dont la dénégation prend progressivement fin
se trouve dans une grande difficulté pour faire part de sa grossesse à autrui :
il n’est pas rare qu’elle laisse des indices pour que le conjoint ou un proche
s’en saisisse, ce qui advient rarement.
Lors des dénis totaux, une fois l’enfant né, après une brève période qui
permet à la mère de l’accepter comme réel, vivant et sien, il n’est générale-
ment noté aucune difficulté dans les relations et dans les soins. Par contre, il
importe de surveiller les mères présentant des symptômes de type d issociatif
ou bien semblant ne pas tout à fait reconnaître pleinement d’existence à
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11 Post-partum blues
Définition
Il s’agit d’une dysphorie transitoire bénigne. Décrit pour la première fois
en 1952 (Moloney, 1952 ; Victoroff, 1952), le post-partum blues a fait l’objet
d’études systématiques menées auprès de sages-femmes ou d’accouchées,
qui en ont progressivement établi les caractéristiques (Stein, 1982), stabili-
sées depuis 1989 (Kennerley et Gath, 1989). Ce syndrome est nommé dès
1952 par Moloney blues du troisième jour et par Victoroff blues de la maternité.
Le bleu est en anglais et en allemand la couleur de la tristesse ou de la moro-
sité. Cette manifestation émotionnelle fugace survient chez près d’une
femme sur deux, typiquement entre le troisième et le dizième jour suivant
la naissance. La dispersion des taux de prévalence, entre 5 et 80 %, est liée
à la variabilité des critères diagnostiques. Les principaux questionnaires
ou échelles employés sont ceux de Yalom et al. (1968), Pitt (1968, 1973)
puis Handley et al. (1980), Stein (1980), Kendell et al. (1981), Kennerley et
Gath (1989). Le taux de 50 % est retenu si l’on associe pleurs et labilité de
l’humeur. Le blues du post-partum est aujourd’hui principalement considéré
comme un phénomène adaptatif. Les facteurs culturels semblent jouer un
rôle mineur, le blues ayant été mis en évidence avec approximativement le
même ratio aux États-Unis, en Europe, aux Caraïbes et en Tanzanie.
Sémiologie
Forme typique
Le signe le plus caractéristique du blues est l’accès de pleurs, parfois bref,
spontané ou déclenché par des déconvenues ou des désagréments mineurs.
Il ne s’accompagne pas nécessairement de l’expression de tristesse mais sou-
vent d’anxiété, d’irritabilité, voire parfois d’exaltation, d’allégresse ce qui
justifie la dénomination de dysphorie. L’humeur est typiquement labile.
Dans près d’un tiers des cas est présente une franche exaltation de l’humeur
et dans 5 % des cas environ un sentiment de dépersonnalisation (Kennerley
et Gath, 1989). Le tableau se rattache pour certains à une forme infracli-
nique de trouble bipolaire. Des troubles de la mémoire immédiate ou de
l’attention ont été rapportés par des enquêtes systématiques, mais sont
cliniquement peu perceptibles. Le raccourcissement de la durée de sommeil
par rapport aux témoins est constaté, mais difficile à remarquer en post-
partum. Entre 10 et 20 % des parturientes connaissent un ou plusieurs rêves
Étiologie
Hypothèses hormonales
Le blues survient au plus bas de la décroissance du taux d’œstrogènes, qui
très élevé durant la grossesse s’effondre en post-partum. La modification du
profil hormonal n’est pas restreinte aux œstrogènes, elle affecte aussi le
cortisol, l’ocytocine et de nombreuses autres hormones. Pourtant, il n’a pu
être établi, de façon consistante, le rôle d’aucune hormone en particulier,
lorsque l’on compare les femmes présentant un blues à celles qui en sont
indemnes.
Monoamine-oxydase et œstrogènes
Sacher et al. (2010) ont montré que la chute du taux d’œstrogènes en post-
partum était inversement corrélée avec la densité intracérébrale du récep-
teur à la MAO (monoamine-oxydase) mesurée par la tomographie à émis-
sion de positons (TEP). 15 femmes venant d’accoucher ont été comparées à
un groupe contrôle. Le taux de MAO est significativement augmenté dans le
cortex préfrontal, cingulaire antérieur, le thalamus et l’hippocampe notam-
ment. L’augmentation de la MAO est en général corrélée avec une humeur
dépressive. Toutefois cette étude n’était pas ciblée sur les femmes présentant
un blues.
CRH et cortisol
O’Keane et al. (2011) ont tenté de mettre en évidence une modification des
taux d’ACTH de CRH et de cortisol en cas de blues. Ils ont pour cela prélevé
un échantillon plasmatique durant la grossesse chez 70 volontaires, puis
chaque jour à un et six jours du post-partum. Une corrélation significative a
Post-partum blues 255
Hypothèses psychopathologiques
De très nombreuses hypothèses ont été proposées. Elles n’ont pas pour
ambition d’être une proposition étiologique mais de décrire le mou-
vement psychologique qui accompagne le moment et le processus du
« blues » en relation avec le travail psychothérapique. Parmi toutes ces
thèses, nous retiendrons celle de Parker (1997), pour son intérêt dans
les psychothérapies psychodynamiques. Pour l’auteur, le trouble est un
équivalent du passage de la position schizoparanoïde du nourrisson à la
position dépressive (Klein, 1946), c’est-à-dire de la nécessité de l’aban-
don du clivage de l’objet (la mère idéalisée et la mauvaise mère) pour
considérer un objet réel qui rassemble les bonnes et les mauvaises pro-
priétés attribuées à l’objet total. L’enfant du fantasme, qui rassemble les
représentations multiples en lien avec les attentes et craintes principa-
lement inconscientes liées à son advenue doit faire place à l’enfant réel,
aux satisfactions et aux exigences qui lui sont associées. Les émotions
mixtes qui étreignent la mère seraient liées à cette transition : l’aban-
don définitif de l’enfant du fantasme. Les émotions du blues seraient
contingentes de la création du lien intersubjectif (Bydlovski et al., 2014 ;
Rochette, 2005).
Blues et sommeil
Des études récentes utilisant la polysomnographie (Ross et al., 2005) ont
confirmé que la quantité de sommeil est augmentée durant le premier tri-
mestre de grossesse pour décroître à nouveau au troisième trimestre avec
moins de sommeil lent et plus de réveils. Les difficultés s’accroissaient
encore le premier mois du post-partum. Quoi qu’il en soit il n’a pas été
démontré d’associations significatives entre troubles du sommeil prénataux
et le blues du post-partum.
Le stade des mouvements oculaires rapides (REM) correspondant à la
phase de rêve est considérablement diminué en fin de grossesse ainsi que le
stade 4 (sommeil lent profond) (Karacan et al., 1969). Ce dernier connaît un
rebond durant le deuxième et le troisième jour du post-partum.
Dans les jours suivant la naissance, les mères séparées la nuit de leur bébé
dorment en moyenne six heures (Karacan et al., 1969), en sa présence cinq
heures (Stein, 1979) contre environ sept heures quarante minutes pour la
population générale aux mêmes âges. Des rêves aux affects particulièrement
256 Psychopathologie périnatale
Troubles connexes
Dépression périnatale
De nombreuses études ont retrouvé une corrélation entre un blues sévère
et la survenue d’une dépression postnatale (Reck et al., 2009 ; Fossey
et al., 1997 ; Sutter, 1995 ; Edhborg, 2008). Sutter et al. trouvent en 1995
une association significative entre l’intensité du blues à J3 et/ou J5 et une
symptomatologie dépressive d’une durée supérieure à un mois, dans les
quatre mois qui suivent l’accouchement. Cette tendance n’existe plus au
neuvième mois. L’absence de signes de blues aurait une excellente valeur
prédictive négative : parmi les 51 % de femmes qui ne présentaient pas
de post-partum blues, 2 % seulement présentaient une dépression du post-
partum au huitième mois.
Thérapeutique
Le blues nécessite seulement un accompagnement empathique par des soi-
gnants de première ligne sensibilisés et une surveillance, s’il se prolonge ou
dans les formes sévères. Les sorties précoces de la maternité peuvent favoriser
le sentiment d’incapacité et de détresse chez certaines patientes vulnérables.
Elles ne permettent pas, sauf à instaurer des visites à domicile très précoces
par un personnel formé et supervisé, de dépister les dépressions débutantes
et de les traiter. Malheureusement, le focus à peu près exclusif sur le corps et
ses soins par l’organisation sanitaire laisse peu de place à la prévention ou la
prise en charge des troubles psychiques maternels au début de leur évolution.
Presque tous les documents administratifs (SROS, PRADO, HAS, Plan d’actions
psychiatrie et santé mentale 2003, circulaire DHOS/DGS/02/6C n° 2005-300,
4 juillet 2005, relative à la promotion de la collaboration médico-psycholo-
gique en périnatalité) comportent quelque part une déclaration d’intention
pour « veiller au » ou « surveiller » le bien-être psychologique, mais qui sans
formation et sans moyens, reste trop limité, peu efficace et un vœu pieux.
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12 Troubles de la paternalité
Psychologie de la paternité
Du désir paternel d’enfant
Aspects psychodynamiques. Le désir d’enfant est pour une part commun aux
deux parents : désir d’ajouter un enfant dans la lignée, d’obtenir un héri-
tier – mais il portera en général le nom du père – et aussi désir du double
et d’éternité. Dans ces acceptions, il n’est pas (ou peu) sexué. Il reste plus
particulièrement masculin dans la mesure, restreinte, où le père est parfois
encore considéré comme le « chef de famille », qui transmet son nom. Le
désir du double, malgré son apparence objective, n’est qu’indirectement
sexué : il est avant tout désir pur de soi.
Il existe aussi une part sexuée du désir d’enfant, l’une est masculine, l’autre
est féminine. Les deux existent chez le même individu mais connaissent
habituellement une hiérarchie assez nette. Elle a au moins deux origines :
la différence des corps propres et les identifications aux imagos parentales.
Le plus souvent l’identification de l’homme à son propre père prévaut dans
le souhait d’être père. La réalisation de désir est alors principalement indi-
recte : le père est celui qui a le pouvoir de réaliser le désir d’une femme, la
sienne. Il satisfait alors un désir œdipien. À côté de ce versant masculin
du désir de l’homme, il existe aussi, du fait de la bisexualité psychique et
des identifications mixtes (à chacun des parents) un désir paternel de type
« féminin », porter un enfant, le fabriquer. Beaucoup d’arguments sou-
tiennent l’existence d’un tel désir : les études transculturelles, l’existence
d’une symptomatologie universelle de type couvade, les modifications
hormonales et le travail psychothérapique de type psychodynamique. Ce
versant du désir paternel est généralement beaucoup plus réprimé (Aubert-
Godard, 1993). Toutefois l’évolution sociale actuelle favorise son expres-
sion à travers l’encouragement aux soins précoces et la diffusion du congé
parental.
Participation au « projet » d’enfant. Les enfants nés de grossesse non
désirée tendent à trouver moins de soutien parental, des interactions
de moins bonne qualité, un style plus autoritaire et le rejet des parents
(Baydar, 1995 ; Bustan et Coker, 1994 ; Bronte-Tinkew et al., 2007). A contra-
rio, les pères plus âgés ou avec d’autres enfants sont plus souvent impliqués
et rapportent moins de grossesses non désirées ou planifiées. Une étude
portant sur 6 816 pères, dont l’enfant est âgé de 9 mois (Bronte-Tinkew
et al., 2007), montre que les pères impliqués durant la grossesse sur le plan
Psychopathologie de la périnatalité
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260 Psychopathologie périnatale (père et mère)
Un moment évolutif ?
L’accès à la paternité représente un moment évolutif, crise selon Erikson
(1950, 1954), moment maturatif selon Benedek (1959, 1970), à l’image de
ce qui est décrit chez la femme. L’ensemble des conflits développementaux
écartés par le refoulement, résolus sous le mode du compromis ou ayant fait
l’objet de fixation, connaissent un regain directement associé à la réalisation
de souhait que représente devenir père. La paternité est l’occasion d’une
nouvelle élaboration de ces conflits, d’une intense satisfaction narcissique,
d’une revanche contre la frustration infantile permettant la réconciliation
avec les imagos parentales. Assurant une fonction de protection à la future
mère durant sa grossesse et lors des premières relations avec son bébé, il
s’identifie alors à une image paternelle bienveillante et forte, assurant une
sorte de réparation symbolique contre les attaques commises envers le père.
Cette crise est l’occasion d’une évolution au sein de la dyade maritale. Selon
Benedek (1959, 1970) les mécanismes d’adaptation à la paternité subissent
les influences des relations précoces du père avec ses propres parents mais
aussi avec ses frères et sœurs. Le rôle de l’épouse apparaît essentiel quant
aux réponses émotionnelles du père au regard de la grossesse, alors que les
réponses de la mère sont moins influencées par le comportement du père.
Aspects descriptifs
Osofsky (1982), à partir d’une expérience de dix-sept ans en maternité et
s’adjoignant les résultats d’une enquête sur les mécanismes d’adaptation
des couples durant la grossesse et l’accès à la parentalité, relate les modi-
fications constatées chez les pères reçus en entretien. De façon assez géné-
rale, la grossesse de leur épouse et la naissance de leur enfant apportaient
un stress et un bouleversement rapidement recouverts par le sentiment de
fierté paternelle qui survenait même lorsque le mariage avait été contraint
par la grossesse elle-même. Quelques hommes se sentaient si confortés dans
leur masculinité qu’ils n’éprouvaient plus de doute quant à leur virilité ni
même ne se sentaient concernés si leur femme les quittait pour un autre
homme. D’autres, après la période initiale d’excitation et de fierté, ressen-
tirent des états d’étrangeté ou de discrète déréalisation ; enfin, quelques-
uns s’inquiétèrent de la modification des relations avec leurs épouses et,
plus généralement, de leur mode de vie. Certains se sentaient gratifiés par
les responsabilités à venir tandis que d’autres s’angoissaient à leur évoca-
tion. Tandis que quelques-uns se demandaient s’ils étaient bien le père de
l’enfant, d’autres se demandaient quel type de père ils pourraient être pour
l’enfant. Si quelques-uns semblaient jaloux des capacités procréatrices de
leur femme, d’autres s’engageaient dans leur propre effort créatif durant la
grossesse, tel cultiver leur jardin, élever des animaux ou écrire des livres. Les
sentiments envers les épouses enceintes étaient assez ambivalents, partagés
diversement entre la tendresse, l’admiration ou le dégoût du corps trans-
formé. Du fait de ces sentiments contradictoires, beaucoup d’hommes deve-
naient troublés et irritables. Certains d’entre eux développaient des fantai-
sies de désir à propos d’autres femmes, quelques-uns avaient de véritables
262 Psychopathologie périnatale (père et mère)
Biologie de la paternité
De l’identité biologique du père
Les gènes
La grossesse assure avec une assez grande vraisemblance la certitude de l’ori-
gine maternelle des gamètes. Le rôle du père dans la fécondation peut se
prêter plus aisément à la dénégation. Depuis seulement quelques décennies,
la filiation biologique peut être déterminée avec certitude par la comparai-
son des ADN de l’enfant et du père putatif. Néanmoins, le Code civil repose
encore sur la présomption première selon laquelle le père est le mari de la
mère, et à défaut de mariage, l’homme qui va le premier reconnaître
l’enfant. Au contraire des États où prime une conception biologique de la
Troubles de la paternalité 263
Le gamète
Biologie et illusions. Avant la diffusion des techniques d’assistance médicale
à la procréation, l’infertilité était, par principe, supposée d’abord féminine.
Chez l’homme, stérilité et impuissance tendaient à se confondre, associa-
tion imaginaire, résistante aux savoirs. Dans la plupart des sociétés occi-
dentales aujourd’hui la fréquence à peu près égale des stérilités masculine
et féminine est connue et admise. Les représentations sociales n’en sont
pas semblables. La stérilité masculine reste couverte de plus de honte que
la stérilité féminine (Weil et Dayan, 2000). Il est fréquent que l’épouse fasse
croire à son environnement proche qu’elle est elle-même stérile pour pro-
téger son mari.
D’autres fantaisies existent presque inverses, peu exprimées dans les
sociétés non traditionnelles : partager avec la femme, une activité procréa-
trice au-delà de l’acte de fécondation (Godelier, 2004 ).
Paillettes et gamètes. Avec les techniques d’ICSI, il est devenu moins fré-
quent que l’homme infertile doive recourir à un don de gamètes. Lorsque
cela est le cas, la plupart des pères comme des mères usent, pour supporter
la représentation du don, du déni de l’origine des gamètes et de leur nature.
Ceux-ci sont réduits dans le discours à des paillettes, des objets non sexués
sans propriétaire ni identité. Cette attitude est plus spécifique à l’homme.
La plupart des femmes évoquent (Weil et Dayan, 2000) sans fard le don
d’ovocytes et expriment assez aisément leur rêverie par rapport à l’identité
de la donneuse.
Dissociation de la paternité juridique et biologique avant la naissance de
l’enfant. Le droit français oblige les parents potentiels à déclarer leur
consentement à l’AMP devant un juge ou un notaire avant toute démarche
médicale. La rédaction d’un acte authentique est précédée d’une infor-
mation sur le caractère définitif des liens qui les uniront à l’enfant. Cet
acte modifie le droit ordinaire de la filiation en renforçant par antici-
pation le caractère irrévocable de la paternité. Jolibert Dewitt et Dayan
(2001) ont examiné les réactions des parents à cette obligation. Environ
80 questionnaires sur 200 furent remplis avec précision. Dans plus de la
moitié des cas (55 %), les couples apparaissent résignés, parfois dans un
contexte dépressif. Quelques pères s’engageaient carrément dans le déni
264 Psychopathologie périnatale (père et mère)
Vignette clinique
L’existence de la contribution sociale et imaginaire à la filiation paternelle est
bien illustrée par les réactions opposées de deux pères, reçus au CECOS dont les
enfants étaient nés après un don de gamètes. Des proches, ignorants du mode
de procréation, les avaient chacun félicités à la maternité de leur ressemblance
avec l’enfant. L’un était rempli de colère et de détresse, cette remarque venant
lui rappeler brutalement qu’il n’était pas le « vrai » père de cet enfant, l’autre
au contraire avait accueilli avec plaisir ce commentaire venant le conforter dans
le fait qu’être père avait peu à voir avec la biologie, et que celle-ci somme toute
pouvait s’inventer.
Autres hormones
Prolactine. Dans l’étude de Storey (2000) les hommes avec plus de deux
symptômes de grossesse (symptomatologie de couvade) présentent un taux
plus élevé de prolactine. L’étude menée aux Philippines (Gettler et al., 2012)
auprès de 289 sujets a retrouvé un taux plus élevé de prolactine chez les
pères que chez les non-pères. À l’inverse de la testostérone, le taux de pro-
lactine chez les non-pères, ne prédit pas ceux qui plus vraisemblablement
dans les quatre ans et demi du suivi deviendront pères. Chez certains pri-
mates, le taux de prolactine est corrélé avec le nombre de naissances que le
père a pu assumer et s’élève d’ailleurs même chez les alloparents qui n’ont
pas eu de rôle reproductif (Ziegler et al., 1996).
Œstradiol. Berg et Wynne-Edwards (2001) ont montré dans l’étude cana-
dienne que chez les hommes venant d’être pères le taux de testostérone sali-
vaire était abaissé comme celui du cortisol, tandis que l’œstradiol devenait
plus souvent détectable. Une étude menée en Jamaïque (Gray et al., 2007)
sur un échantillon de 43 pères a montré que le taux de vasopressine baissait
proportionnellement à l’âge de l’enfant.
Ocytocine. Gordon et al. (2010) ont montré que le taux d’ocytocine (dosage
veineux) chez les pères, à sept semaines en moyenne du post-partum et six
mois, était significativement corrélé à l’occurrence des comportements de
parentage typiquement masculins tels que la stimulation et non à celle des
comportements affectueux comme chez la mère. L’évaluation reposait sur
une séquence de jeu et de toucher de dix minutes, enregistrée en vidéo.
De plus, les taux d’ocytocine maternel et paternel étaient corrélés entre
eux chez les parents cohabitants. Feldman et al. (2011) ont montré que
chez les deux parents le taux d’ocytocine était corrélé à l’engagement positif
(regards, vocalisations, affect), à la synchronie, et à la successivité des enga-
gements positifs du parent à la sollicitation de l’enfant.
Troubles de la paternalité 267
Modifications cérébrales
Chez les primates, dont les mâles participent (marmosets) activement aux
tâches domestiques, la paternité conduit au développement massif de
dendrites dans le cortex préfrontal, particulièrement celles contenant des
récepteurs à la vasopressine (Kozorovitskiy et al., 2006). Le cortex préfrontal
contient aussi des récepteurs à d’autres neuropeptides impliqués dans le
comportement parental comme l’ocytocine et la prolactine. Réciproque-
ment des études menées chez les rats ont montré que l’absence de soins
paternels induit une diminution de la concentration synaptique dans le
cortex préfrontal de la portée. Il n’existe pas à notre connaissance d’étude
chez l’homme qui mesure les relations entre modifications anatomiques
cérébrales et comportements paternels, mais plusieurs ont été développées
chez l’animal, en particulier chez les rongeurs qui montrent des modifi-
cations de l’hippocampe (taches spatiales), de l’amygdale et du cortex
préfrontal. Certaines études montrent une activation des aires cérébrales
différentes chez le père et la mère (cf. chapitre « Parentalité »). Il n’est pas
déterminé si elles sont dues au sexe ou aux tâches parentales.
Socio-anthropologie de la paternalité
De nombreux aspects de cette question sont traités tout au long de la pre-
mière partie de cet ouvrage Psychopathologie de la parentalité.
engagé dans les tâches parentales avec son épouse, mais partageant avec elle
la tâche de contribuer aux revenus (Pleck, 1987 ; Lupton et Barclay, 1997).
La mère assume en effet aujourd’hui une fois sur deux un emploi rémunéré.
L’accélération de l’urbanisation et de l’isolement des familles nucléaires a
mis en exergue le rôle croissant du père dans la socialisation : d’être « père
présent » ou « père absent » est devenu un qualificatif en soi. L’image d’un
père réservant son intérêt à l’enfant seulement à partir du moment où celui-
ci peut s’engager dans des échanges hautement socialisés, et dédaignant
les soins au bébé, s’est aussi progressivement estompée au profit de celle
d’un père partageant très tôt les tâches. Même si le partage effectif n’est pas
égalitaire, l’exclusivité des rôles a cessé.
Le rituel de couvade
Selon Frazer (1910), sous le nom général de couvade, deux coutumes dis-
tinctes, liées à la naissance, ont été confondues. La couvade prénatale qui a
pour fonction de soulager symboliquement la mère, en partageant les dou-
leurs et la couvade postnatale exercée au bénéfice de l’enfant. Les rites pré-
nataux sont d’une grande variété de formes tandis que les rites postnataux
plus constants, sont souvent centrés sur l’alimentation, et plus structurés
(Menget, 1989). Il est attribué aux seconds une fonction de protection
de l’enfant par le père et la mère unis par les restrictions alimentaires,
sexuelles et d’activité qu’ils partagent complémentairement. Le père lutte
avec la mère pour défendre l’enfant à cette période de grande vulnérabilité
physique et spirituelle confondues. En ce sens, il participe à la création de
l’enfant. Plusieurs auteurs ont voulu voir dans les rituels de couvade un
rituel d’adoption symbolique qui permet au père d’affirmer la légalité et la
légitimité de sa paternité.
Le syndrome de couvade
Si le rituel de couvade est normatif, le syndrome est au contraire consi-
déré comme un dysfonctionnement. Il n’est pas prescrit culturellement,
ses manifestations sont essentiellement involontaires. Le syndrome n’est
toutefois pas classé comme une manifestation psychiatrique. Il a été néan-
moins signalé des cas de « couvade psychotique » (Tenyi et al., 1996).
Le syndrome inclut des signes somatiques fonctionnels, généralement
en période prénatale mais pouvant se poursuivre durant le post-partum
(cf. Klein, 1991). Deux symptômes au moins sont apparus durant la gros-
sesse de la mère et ont occasionné une gêne réelle :
• la sphère digestive est concernée en premier lieu : ballonnement ou dou-
leurs abdominaux, colites, nausées ou vomissements, anorexie, caprices
alimentaires, variation pondérale de plus de trois kilos, douleurs dentaires
(jusqu’au milieu du siècle dernier lorsque la carence alimentaire entraînait
fréquemment de telles douleurs chez la femme enceinte) ;
• les autres symptômes fréquemment retrouvés sont les maux de têtes, les
démangeaisons ou une faiblesse générale.
Ils auraient une dynamique particulière : tendant à apparaître en fin
de premier trimestre de grossesse, ils diminuent au second trimestre
pour réapparaître au troisième et disparaître habituellement, mais non
systématiquement en période postnatale (Trethowan, 1965). Une étude
prospective menée parmi 81 couples retrouve chez 20 % des pères un tel
syndrome. Nous ne connaissons pas d’étude avec groupe contrôle. Les
estimations de l’incidence du syndrome de couvade sont diverses avec
des chiffres tels que 22 à 72 % aux États-Unis, 11 à 56 % en Grande-
Bretagne, selon les études et les critères retenus. Les facteurs de risque
évoqués sont divers. En premier, sont retenus (Clinton, 1985, 1986)
l’absence de figure paternelle durant l’enfance, un dysfonctionnement au
sein du couple parental, l’appartenance culturelle et religieuse. L’absence
de modèle paternel a été plusieurs fois évoquée (Klein, 1991), accroissant
les sentiments ambivalents de l’homme vis-à-vis de la grossesse et de sa
propre paternité. L’anxiété générée peut avoir une traduction somatique,
voire dans les cas extrêmes, se manifester par un délire de négation de
paternité.
La plupart des interprétations proposées pour le syndrome de couvade
proviennent d’auteurs de formation psychanalytique. Felix Boehm intro-
duit en 1930 la notion d’envie de parturition. Elle résulterait (Osofsky, 1982)
du refus par l’homme de la passivité dans le processus de conception.
Lacoursière (1972) conçoit le syndrome de couvade comme un processus
réactionnel, le fruit de la culpabilité paternelle résultant des sentiments hos-
tiles envers la mère ou le fœtus. Cette configuration peut naître dans une
dynamique de régression narcissique. Elle peut entraîner un sentiment
Troubles de la paternalité 271
États dépressifs
Dépressions mineures ou modérées du post-partum
Qualité émotionnelle de la dépression paternelle. Quadagno et al. (1986), uti-
lisant une liste d’adjectifs, évaluent la qualité des émotions présentées par
chacun des membres du couple jusqu’à six mois après la naissance. La qua-
lité des réponses est globalement semblable entre père et mère bien que
celle-ci mette plus souvent en avant un sentiment de tristesse, les pleurs,
moins d’estime de soi et d’enthousiasme.
Prévalence
Les études menées sur de larges populations utilisant soit des entretiens
standardisés soit l’EPDS retrouvent une prévalence de la dépression pater-
nelle postnatale comprise 3 et 10 % avec des seuils de « dépression » parfois
très bas de 5 jusqu’à strictement supérieur à 13 (Ballard et al., 1994 ; Matthey
et al., 2000 ; Ramchandani et al., 2005 ; Edmonson et al., 2010). Dans une
des premières études, Ballard et Davis (1996) ont mis en évidence avec
l’EPDS, sur un échantillon de 200 couples, un taux de dépression de 9 % à
six semaines et 5,4 % six mois avec un seuil > 13. Ils valident partiellement
l’EPDS, en utilisant, les critères RDC : aucun homme ne présentait dans
la population étudiée les critères d’une dépression majeure. Dans une très
large étude de cohorte de 12 884 pères, avec un taux de réponses de 65 %,
272 Psychopathologie périnatale (père et mère)
Facteurs de risque
Un des facteurs de risque les plus originaux et spécifiques de dépression
postnatale mis en évidence chez les pères qui n’étaient pas déprimés avant
la naissance et que l’on retrouve aussi dans les cas cliniques de psychoses
puerpérales (cf. infra) est de se sentir sous contrôle de sa mère ou de son père
(RR ≈ 4) (Matthey et al., 2000), avec un risque relatif de l’ordre de 4 dans
l’étude de référence.
L’influence de la dépression maternelle sur l’état affectif du père a été
mise en évidence dès 1996 par Areias et al. (1996) à Porto parmi 42 pères.
Utilisant l’EPDS et un entretien semi-structuré (SADS), ils montrent que
les pères déprimés pendant la grossesse (4,8 %) ne le sont généralement
plus à trois mois. Par contre, à douze mois du post-partum, une proportion
importante de pères présente une symptomatologie dépressive. Celle-ci est
plus fréquente en cas d’antécédents personnels de dépression, mais aussi
lors de la survenue d’une dépression chez leur épouse pendant la gros-
sesse ou dans le post-partum précoce. Richman et al. (1991) montrent que
si la femme peut tirer un bénéfice de son engagement social et du soutien
de son entourage, l’homme est davantage dépendant du soutien et de
l’humeur de son épouse. Selon Lovestone et Kumar (1993), le taux de gué-
rison est identique chez les deux sexes bien que la dépression paternelle
soit souvent décalée par rapport à la dépression maternelle. La plupart
des données sur la dépression paternelle dérivent d’études menées sur la
dépression maternelle. Dans toutes ces études, la dépression chez l’un des
partenaires était significativement corrélé avec la dépression chez l’autre
(Wee et al., 2011 pour revue), avec semble-t-il une précession de la dépres-
sion maternelle. L’étude de Davey et al. (2006) porte sur les sentiments des
partenaires de femmes déprimées : ils se sentent dépassés, isolés, stigmati-
sés et frustrés.
Les autres facteurs de risque retrouvés à travers la multiplication des
études ne sont pas bien originaux : le chômage, l’appartenance à une classe
Troubles de la paternalité 273
beau-père pour l’un, décès du père pour l’autre. Les deux sujets ne présen-
taient aucun antécédent psychiatrique.
Vignettes cliniques
Psychose aiguë confusionnelle (Millet et al., 1978)
Un jeune homme de 22 ans, placé sous l’autorité d’un père despotique mais
malade, affirme brusquement son désir d’autonomie. Il quitte le domicile fami-
lial et épouse, contre l’avis de son père, la jeune fille qu’il aime. Peu après
le mariage, elle tombe enceinte. De façon plus ou moins contemporaine de
l’annonce de la paternité future, le père du sujet décède d’une perforation
d’ulcère. Le sujet durement affecté ne présente aucun trouble psychiatrique.
Ceux-ci vont éclater à la naissance de son propre fils : désorientation, pros-
tration et délire de négation de paternité (« qui c’est celui-là, enlevez-le de là,
il n’est pas à moi »). Le délire cède rapidement sous neuroleptiques mais les
affects dépressifs perdurent plusieurs semaines. En se mariant et en devenant
père, le fils avait affronté le père. Sa mort réelle conjointe à l’accès à la paternité
réactive une culpabilité œdipienne intense et des fantasmes parricides. La déné-
gation de paternité apparaît comme un mécanisme de lutte contre l’angoisse
et la culpabilité.
Trouble paranoïde : délire du double de Capgras (d’après Benvenuti
et al., 1995)
Un homme de 37 ans, sans aucun antécédent psychiatrique, présente un pre-
mier épisode délirant lors de la première grossesse de son épouse avec qui il
s’était tardivement marié contre l’avis de sa mère. Fils unique, son père était
décédé lorsqu’il avait 4 ans. Il quitte sa mère avec qui il entretenait une rela-
tion fusionnelle pour sa nouvelle femme, avec qui il poursuit des liens mar-
qués par la dépendance affective. Au septième mois de grossesse, il accuse sa
femme de l’avoir trompé avec différents partenaires, il se sent moqué par ses
collègues de travail qui parlent de lui et le ridiculisent. À la naissance de sa fille,
il doute de sa paternité. Il exige de sa femme des pratiques sexuelles qu’elle
refuse ce qu’il interprète comme une preuve de son infidélité. Peu après, il se
plaint d’impuissance qu’il explique comme une réaction aux menaces posées
par des homosexuels. Son épouse le quitte. Le père continue à voir régulière-
ment sa femme et sa fille mais, prétendant qu’elles ne sont que des copies, il
les agresse d’abord verbalement puis physiquement. Cet état psychotique aigu
conduit à une hospitalisation. Les troubles s’amenderont. Le père reconnaîtra
son incapacité d’assurer sa paternité et rejoindra la famille de sa mère.
Paternalité et attachement
Approches psychanalytiques : un père abordé
symboliquement
La psychanalyse a mis en avant une « fonction » précoce du père, structu-
rante, que l’on peut grossièrement décrire en termes comportementaux :
détourner la mère de l’attention qu’elle porte à son bébé et que le bébé
278 Psychopathologie périnatale (père et mère)
Un modèle triadique
La plupart des protocoles expérimentaux impliquent l’intervention de
dyades. L’importance dans la structuration du psychisme des interrelations
très précoces a été soulignée par Lacan dès 1936.
Nugent et al. (1992) reprennent le modèle triadique d’interactions fami-
liales de Clarcke-Stewart (1977) et Parke et al. (1979) . Dans ce modèle de
développement, la compétence intellectuelle dans la toute petite enfance
est affectée par l’ensemble du système familial. Corboz-Warnery et al.
(1993) ont mis au point un protocole expérimental permettant une des-
cription formalisée des interactions triadiques. Il met en évidence la part
prise par le père dans les interactions précoces dès la première année de vie,
ou même durant la vie prénatale..
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13 Les mères schizophrènes
et leurs enfants
Généralités
De nombreux patients psychotiques accèdent aujourd’hui à une vie de
couple et à l’expérience de la parentalité. La grossesse des femmes schizo-
phrènes est toutefois moins fréquemment planifiée, le suivi obstétrical est
moins assidu et les complications sont plus fréquentes que dans la popula-
tion générale. Pour une fraction d’entre elles, mal estimée, la vie sexuelle
s’accompagne de plus de violence ou de coercition.
La prévalence de la schizophrénie est estimée entre 0,5 et 1 %. En France,
environ 3 000 femmes schizophrènes deviendraient mères chaque année.
Concernant la descendance, le risque d’être atteint de schizophrénie est
estimé entre 5 et 10 % pour un individu dont l’un des parents est schizo-
phrène (Dalery et d’Amato, 1995).
Moins d’une femme schizophrène sur deux élèvera son enfant sans être
obligée de le confier à un tiers à un moment donné de son développement,
partiellement ou totalement.
La transmission du trouble
Facteurs génétiques
La transmissibilité génétique de la schizophrénie est établie dans son prin-
cipe, mais il n’en existe pas de modèle fiable. Des mécanismes de trans-
mission épistatiques et épigénétiques avec un modèle multigénique sont
proposés (Gejman et al., 2010).
Le paradoxe darwinien. Une énigme posée par la transmission de la
maladie est nommée le paradoxe darwinien. Il consiste en ce que la préva-
lence de la schizophrénie, malgré son caractère défavorable et une fécondité
moindre des mères schizophrènes, ne semble pas diminuer depuis qu’il est
évalué. Certains auteurs ont proposé que la schizophrénie soit « le prix à
payer » par l’espèce humaine pour l’immense progrès apporté par le déve-
loppement cérébral qui implique des gènes répartis dans l’ensemble de la
population et expose celle-ci au risque schizophrénique.
Environnement ou gène ? Longtemps les partisans d’une théorie envi-
ronnementale, mettant en avant la communication parfois très perturbée
entre l’enfant et sa mère se sont opposés aux tenants de la théorie génétique
sur un modèle mendélien. Aujourd’hui, l’hypothèse d’une hérédité obéis-
sant aux seules lois de Mendel est définitivement abandonnée. L’idée même
que quelques gènes puissent à eux seuls déterminer le trouble n’a amené
aucun résultat probant (Ng, Levinson et al., 2009).
Environnement et gène. La réflexion se porte aujourd’hui sur des
modèles complexes associant vulnérabilité génétique, environnement et
croissance neuronale (Drachman, 2005), le cerveau étant ainsi la cible d’un
nombre extrêmement élevé de gènes. Certaines familles peuvent être iden-
tifiées avec un risque un peu plus élevé soulevant des questions éthiques
particulières (Gershon et Alliez-Rodriguez, 2013).
Agrégation familiale. Un certain nombre d’auteurs soutiennent
qu’il existe une continuité entre schizophrénie, trouble schizo-affectif et
trouble bipolaire. Les arguments reposent essentiellement sur la probabi-
lité plus grande de retrouver ces troubles agrégés dans une même famille
qu’au hasard (Maier et al., 2002). Comme le soulignait déjà Kraepelin, des
formes de passage existent qui rendent difficile de distinguer clairement ces
troubles entre eux (Heckers, 2009).
Études chez les jumeaux. L’étude de jumeaux (Kringlen et Cramer,
1989 ; Ingraham et Kety, 2000) a permis de mieux apprécier, avec certaines
Les mères schizophrènes et leurs enfants 289
Facteurs d’environnement
L’adoption modifie le pronostic. Chez les enfants dont la mère bio-
logique présente un trouble schizophrénique ou du spectre de la schizo-
phrénie, le risque de présenter le même trouble est moindre s’ils sont
adoptés. Il est encore moindre s’ils sont adoptés par une famille ayant des
compétences parentales particulièrement élevées. À l’opposé, le risque est
maximal lorsqu’ils sont placés à temps partiel dans une famille et revoient
régulièrement leur mère (Parnas, 1993), même en comparaison des enfants
élevés par leur mère schizophrène.
Une étude finlandaise (Tienari et al., 2004) compare deux groupes de 190
enfants adoptés, les uns à haut risque, les autres à bas risque. Parmi les
premiers, 137 avaient une mère biologique avec le diagnostic de schizo-
phrénie (DSM-III-R) et 53 une affection du « spectre schizophrénique ». Le
risque corrigé chez les enfants de mère schizophrène d’être à leur tour schi-
zophrène était de 5,34 % contre 1,74 % (OR ≈ 3) chez les enfants adoptés à
bas risque, mais cette différence n’était pas significative. La « transmission »
d’un trouble du spectre schizophrénique est significativement augmentée
de 4,36 % à 22,46 % (OR ≈ 5).
Chez les enfants adoptés à haut risque, les compétences parentales de la
famille adoptante jouent un rôle majeur dans l’évolution (Tienari et al., 2004).
Les familles adoptantes ont été évaluées pendant deux jours par des psy-
chiatres entraînés. Les enfants ont été revus en moyenne douze ans plus tard.
Parmi 303 enfants adoptés dont les familles ont pu être évaluées, 145 étaient
à haut risque. Le pourcentage de ces enfants présentant un trouble du spectre
schizophrénique était multiplié par six lorsqu’ils étaient élevés dans un envi-
ronnement moins favorable (6 % vs 36 %), la différence était significative. Il
n’a pas été noté de différence pour les enfants à bas risque.
Autres facteurs de risques environnementaux. Parmi les facteurs
de risque environnementaux figurent en premier les complications obs-
tétricales de la mère de la patiente (Mittal et al., 2008), la naissance ou la
résidence dans un milieu urbain, la dénutrition sévère, le statut de migrant,
l’âge du père (Torrey et al., 2009) et la variation saisonnière. L’hypoxie hip-
pocampique qui résulte de certaines complications obstétricales pourrait
favoriser la survenue de la maladie. Toutefois, ce risque est restreint au sujet
dont l’anamnèse retrouvait des antécédents familiaux de psychose (Cannon
et al., 2000). Mais d’autres complications ne permettent pas de comprendre
l’éventuel mode d’action comme, par exemple, le traitement par diurétiques
290 Psychopathologie périnatale
Grossesse et fécondité
Faire naître ou non un enfant
Fécondité et contraception
La fécondité globale des femmes schizophrènes tend à augmenter depuis
la fin des années 1960 en relation avec l’arrêt de l’enfermement asilaire
et le développement des prises en charge ambulatoires. Une étude récente
en Ontario (Vigod et al., 2012) a retrouvé un ratio de naissances de 0,41
par rapport aux mères non schizophrènes (95 % CI 0,36-0,47). L’éducation
à la contraception est prônée chez les femmes schizophrènes (Seeman et
Ross, 2011) mais n’explique pas le faible taux de fécondité.
Eugénisme et stérilisation
Les femmes schizophrènes ont subi dans un passé non lointain des cam-
pagnes de stérilisation (Lewis, 1967) et furent, jusqu’à l’après-guerre, vic-
times d’un eugénisme militant aux États-Unis et dans certains pays d’Europe
du Nord ou, plus irrégulier et inconstant, honteux et discret, en France.
Le procédé de stérilisation des handicapés mentaux est essentiellement en
France la ligature des trompes. Ce phénomène demeure « faible mais non
marginal », selon un rapport, déjà ancien, de l’Inspection générale de la
santé (IGAS, 1993). Parmi les 61 femmes schizophrènes de l’étude de Darves-
Bornoz (1995), 5 soit environ 8 %, ont subi une ligature des trompes.
L’interruption de grossesse
Épidémiologie. L’application de la loi du 4 juillet 2001 est antithétique à des
positions eugéniques : elle repose sur le respect dû à tout individu, la recon-
naissance de la dimension sexuelle de la vie affective, fondatrice d’altérité et
Les mères schizophrènes et leurs enfants 291
Psychopathologie périnatale
Troubles psychiques prénataux
patientes, qui survient surtout chez les femmes jeunes ou lorsque les
grossesses ne sont ni programmées ni désirées. L’inquiétude des femmes
concernant leurs capacités maternelles serait bien plus importante que
pour tout autre trouble mental. Elles se confieraient moins aisément
(Sacker et al., 1996) par crainte que leur enfant ne leur soit retiré ou
qu’elles ne perdent l’intérêt et l’attention prodigués par l’entourage à cet
instant de leur vie.
Une étude française rétrospective menée par Darves-Bornoz et al. (1995)
retrouve 80 % de vécu positif de la grossesse chez les femmes schizophrènes.
La divergence de ces résultats pourrait résulter, parmi bien d’autres facteurs,
des conditions différentes dans lesquelles se sont déroulées les grossesses et
notamment de la continuité de la prise en charge entre la période précédant
la conception et la grossesse elle-même.
Le déni de grossesse
Le déni de grossesse est bien plus fréquent que dans la population générale
(Spielvogel et Wile, 1986 ; Miller, 1990). Il prend souvent les qualités du
déni psychotique, différent dans son expression clinique et sa dynamique
psychique, marqué par le clivage. Généralement, le déni de grossesse n’est
pas total, il varie constamment et coexiste avec un attachement prénatal au
bébé. Ce déni est très souvent accompagné d’une grande anxiété. Le diag-
nostic de grossesse est parfois porté au moment du travail. Il est lourd de
conséquences : absence de surveillance prénatale, risque d’accouchements
précipités, non assistés, exceptionnellement conduites violentes sur le
fœtus ou néonaticides. Le stress de l’accouchement et de la naissance, peut
provoquer des états de désorganisation et engendrer des réactions agres-
sives.
Miller (1990) a dénombré 12 dénis de grossesse parmi 26 femmes
schizophrènes enceintes durant un an d’hospitalisation, soit 46 %. Les
femmes qui présentaient un déni de grossesse, comparées à celles qui
n’en présentaient pas, avaient connu l’expérience de devoir se séparer de
l’enfant, elles avaient, plus rarement, vécu un deuil périnatal. L’hypothèse
avancée est que le déni protège la femme de la répétition de la perte mais
aussi, à un niveau plus inconscient, de mouvements agressifs envers son
fœtus. On doit aussi reconnaître que lorsqu’il existe un projet de gros-
sesse, il est le plus souvent désapprouvé par l’entourage, dont celui des
professionnels de santé. Le déni peut assurer une forme de protection, et
inclure une part intentionnelle. Bien souvent, les patientes n’évoquent la
grossesse qu’avec réticence et retard, attendant, consciemment ou non,
que le délai légal d’avortement soit dépassé. Les structures permettant une
prise en charge psychosociale à cette période sont rarement sollicitées par
les mères elles-mêmes. Une politique de prévention active des troubles
apparaît nécessaire.
294 Psychopathologie périnatale
cette sollicitude, dans certains cas et dans certaines limites, la favorise. Mais
l’enfant pourra aussi être rejeté sans transition, sevré des soins alors que la
position dépressive n’est pas acquise, condamné à une hyperadaptation.
Les réactions au nourrisson
Toutes les manifestations d’autonomie, de désir propre sont susceptibles
d’embarrasser la mère. Les moindres progrès dans le développement peu-
vent être difficiles à aménager : cycles veille-sommeil, besoins corporels,
jeux de regard, position assise, mobilité puis marche, acquisition du lan-
gage. Chacune de ces étapes peut aussi entraîner une rupture dans la qualité
des soins maternels.
Les réactions du nourrisson
Lorsqu’elles existent, les discontinuités de la relation massives, répétées ou
sans anticipation possible qu’impose parfois la mère, peuvent entraîner
chez le nourrisson des angoisses d’annihilation d’une extrême violence
(Winnicott, 1961).
La relation d’objet psychotique
Le bébé peut devenir à chaque instant « un objet menaçant et destructeur à
l’égard duquel le sujet se maintient dans un double et contradictoire mouve-
ment d’écart et de rapprochement, d’investissement et de désinvestissement »
(Bouvet et Viderman, 1969). La mère, à travers une relation essentiellement
narcissique « tend à disposer de l’objet en fonction de ses propres besoins sans
égard pour ceux de l’objet ». Le désir de fusion avec le bébé imaginaire peut
freiner la compréhension des besoins du bébé réel : il entrave la capacité à le
considérer comme distinct et d’accepter le développement de son autono-
mie. Toute tentative en ce sens sera perçue comme dangereuse. Cette fusion
désirée par la mère est aussi source d’une angoisse d’anéantissement, de mor-
cellement et de dévoration, qui peut entraîner une réactualisation du délire.
Les réactions délirantes de la mère à la maternité
Pour M. David (1981), le danger tient « au caractère intolérable et inaména-
geable de l’espace entre la mère psychotique et son enfant ».
Développement de l’enfant
Le concept de pandysmaturation (Fish, 1977)
Il s’agit d’un concept promu par Fish (1977) à partir d’une étude sur les
« enfants à risque » débutée en 1952 à New York et dont le suivi s’est étendu
sur vingt-cinq ans.
Définition
Pour l’auteur, la pandysmaturation est un trait phénotypique transitoire
spécifique des deux premières années. Elle associe chez des enfants de
298 Psychopathologie périnatale
Séparation et placement
La séparation est simultanément un moyen de protéger l’enfant des
influences d’un environnement défavorable et une source de souffrance
psychique pour la mère et l’enfant. La maternité demeure une préoccupa-
tion essentielle des mères schizophrènes, qui bien que souvent incapables
d’élever leur enfant ne peuvent généralement consentir à l’adoption. Le
deuil du maternage représente parfois une source de souffrance permanente
et dévastatrice (Apfel et Handel, 1993).
Aspects thérapeutiques
Planification. Avec une alliance thérapeutique de qualité, une program-
mation de la grossesse est possible, permettant une préparation à la nais-
sance et la maternité, réduisant la plupart des risques signalés. L’éducation à
la contraception, à condition de la répéter assez régulièrement, semble assez
efficace (Miller, 1997). Elle permet de maintenir une prescription optimale
d’antipsychotiques durant la grossesse et le post-partum et d’organiser
le suivi en collaboration avec les services d’obstétrique et d’éviter ou réduire
la fréquence des séparations brutales précoces.
Évaluation et soutien au développement des capacités paren-
tales. Ils sont pratiqués au mieux au sein d’une unité mère-bébé. En leur
absence, une alternative est représentée par les méthodes combinant soins
et observations, et parmi celles-ci la méthode d’observation d’Esther Bick
dans son utilisation thérapeutique (Houzel, 1997). Le soutien thérapeutique
implique une coordination étroite entre les soins maternels et le soutien à
la parentalité.
Évaluation de la santé psychique de la mère. Un traitement de
maintenance est indispensable. Dans environ un quart des cas la naissance
aboutit à une aggravation des troubles qui doit être prévenue et sinon trai-
tée très rapidement.
Les unités mère-enfant. L’équipe soignante peut permettre une
médiation (About, 1992), aboutissant à la réalisation d’une « triangula-
tion », évitant l’alternance entre une proximité inadéquate et le rejet. C’est
souvent à cette condition qu’un lien entre la mère et son enfant pourra être
maintenu (Laura, 1996). Dans cet écart s’ouvrira par la suite la place pour
un tiers qui permettra l’inscription de l’enfant dans un monde symbolique
(Joubert et al., 1992).
Autres modalités institutionnelles. En cas de troubles mineurs,
le temps de la grossesse et l’hospitalisation dans un service ordinaire de
maternité peuvent suffire à la mise en place d’un réseau thérapeutique
serré transdisciplinaire, d’autant qu’il avait été préparé avant la naissance.
Il est prolongé par des visites à domicile très fréquentes les premières
semaines. Un accueil dans les services classiques d’hospitalisation psychia-
trique peut être créé. Il demande un investissement particulier des locaux
et du personnel.
La séparation. Une mère sur deux environ sera apte, avec une aide
précoce dès la grossesse et un environnement de qualité, à élever son
Les mères schizophrènes et leurs enfants 303
enfant. Son avenir sera dans ce cas bien moins compromis que dans le cas
de placements et de séparations répétés. Le placement est parfois néces-
saire pour protéger l’enfant : il doit être préparé avec la mère et le père de
l’enfant.
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14 Substances psychoactives,
licites et illicites
Alcool, opiacés et autres
substances
Définitions et classifications
Classification des substances psychoactives
Il n’existe aucune société qui ne fasse usage de produits psychotropes, à
des fins religieuses, de combat ou simplement pour leurs vertus spécifiques
dans une consommation plus ou moins banalisée, qu’elle soit licite ou non.
En France, si l’on met à part le tabac et la caféine, la substance psychoac-
tive de loin la plus utilisée est l’alcool. L’enquête menée par l’Observatoire
français des drogues et des toxicomanies révèle qu’en 2010 seuls 12,6 % des
18-75 ans déclarent n’avoir bu aucune boisson alcoolisée l’année précédant
l’interview (Beck et al., 2010).
La classification de Lewin (1931), historique aujourd’hui, mais toujours
cohérente, comprend cinq catégories de substances : Excitantia, Phantastica
(hallucinogènes), Inebriantia, Hypnotica et Euphorica.
Lors de l’établissement de la convention de Vienne par l’ONU en 1971,
signée par 179 pays, 4 classes de psychotropes de synthèse ont été distin-
guées selon leur potentiel d’abus, leur risque sur la santé publique et leur
valeur thérapeutique.
De la toxicomanie
La définition de la toxicomanie par l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) en 1955 met l’accent sur la compulsion à consommer le produit, la
dépendance et la tolérance. En 1969, l’OMS impose le terme de pharma-
codépendance. Castel (1994) met en avant les aspects sociaux complexes
du phénomène, « le toxicomane avéré est celui qui organise une part
essentielle de sa vie personnelle et sociale autour de la recherche et de la
consommation d’un ou plusieurs produits psychotropes ». En 2013, en
même temps que s’est largement popularisé le terme d’addiction, le DSM-V
use d’une terminologie propre avec la catégorie de « trouble d’utilisation de
substance ». Le terme « toxicomanie » subsiste en France seulement en droit
notamment avec la loi de 1970 dont les dispositions sanitaires constituent
l’article premier et prennent place dans le Code de la santé publique sous le
titre de « lutte contre la toxicomanie ».
La consommation
La consommation ordinaire : mère idéale, sujet réel
Bien que l’on s’attende à ce que durant la grossesse les femmes adoptent des
attitudes parfaitement idéales pour protéger la santé de leur enfant, la vie
réelle, c’est-à-dire la pression de l’environnement, la conflictualité interne,
l’organisation de la personnalité et son équilibre, leur propre santé et diffi-
cultés, ne leur permettent pas de toujours atteindre cet objectif. Le stress lié
à la grossesse elle-même peut contribuer, avec les facteurs précédemment
cités, à faire perdurer, voire même induire des modes de vie potentiellement
péjoratifs comme restreindre son alimentation ou augmenter sa consom-
mation de cigarettes, de drogues, d’alcool ou de médicaments (Brooke
et al., 1989 ; Lobel et al., 2008).
Substances psychoactives, licites et illicites 311
Résultats
Une femme sur quatre déclare consommer de l’alcool pendant la
grossesse
Selon l’enquête nationale périnatale (2010) conduite auprès d’un échan-
tillon de 13 000 femmes, 23 % ont déclaré une consommation de boissons
alcoolisées pendant la grossesse et 2 % plus de 3 verres en une même occa-
sion (Saurel-Cubizolles et al., 2013). D’autres enquêtes ont montré des écarts
régionaux importants : par exemple, 48 % de femmes déclarant consommer
pendant la grossesse au CHU de Saint-Etienne (Senn et al., 2005), 52 % dans
des maternités en Auvergne (de Chazeron et al., 2008) et 63 % au CHU de
Nantes (Chassevent-Pajot et al., 2011).
Une réduction spontanée de la consommation
70 % des femmes, selon une étude écossaise (Plant, 1984), cessent de consom-
mer de l’alcool ou diminuent nettement leur consommation lorsqu’elles
sont enceintes. Toutefois, l’abstinence ou la réduction de la consommation
a surtout été démontrée chez les buveuses modérées et parmi les groupes
sociaux favorisés. Cette réduction est plus fréquente lorsque le conjoint
a également modifié son comportement (Subtil et al., 1994). La diminu-
tion est moindre parmi les femmes fumeuses, non mariées, d’un niveau
Substances psychoactives, licites et illicites 313
Addiction et dépendance
Définitions
Goodman a proposé en 1990 une définition consensuelle de l’addiction :
« Processus par lequel un comportement, dont la fonction peut être de
procurer du plaisir et d’échapper à un sentiment d’inconfort, est employé
avec une constante perte de contrôle et maintenu malgré ses conséquences
négatives significatives. » Il décrit aussi le sentiment de nécessité interne
qui conduit aux conduites addictives. On retrouve souvent dans les articles
français cette définition plus concise : « L’addiction est une caractéristique
comportementale qui se reconnaît à une envie constante et irrépressible, en
dépit de la motivation et des efforts du sujet pour y échapper. »
Le terme d’addiction n’est pas utilisé dans les classifications internatio-
nales, mais celui de dépendance. Il est pourtant employé largement par les
cliniciens. L’American Society of Addiction Medicine la définit comme une
affection chronique primaire des circuits neuronaux de la récompense, de
la motivation et des circuits associés.
Assez tôt utilisée dans le corpus psychanalytique, l’addiction, d’abord
sous le terme d’habitude morbide, a donné lieu à des élaborations
théoriques bien que la plupart des auteurs n’adhèrent pas à l’idée
d’un modèle unique de la personnalité addictive. McDougall (1978)
met l’accent sur les fonctions défensives de l’addiction, tentative de
protection contre la menace angoissante d’effondrement narcissique.
Bergeret (1991) insiste sur le sacrifice du corps dans la quête d’un « objet
imaginaire ». Gutton (2001) évoque le processus psychique de l’incor-
poration, présymbolique, permettant de faire face à la perte d’objet
dans une pratique de déni. La dépendance répondrait à la faillite des
Substances psychoactives, licites et illicites 315
Selon cette même étude réalisée aux États-Unis, 65 % des femmes alcoo-
liques présentaient un trouble psychiatrique associé. Parmi les diagnostics
associés les plus fréquents, on retrouve les troubles dépressifs, le trouble
panique, les phobies sociales et les troubles du comportement alimentaire.
De 56 % à 73 % des femmes dépendantes à l’héroïne souffrent d’une patho-
logie psychiatrique associée, principalement des troubles affectifs (dépres-
sion, anxiété) et des troubles de la personnalité (Benningfield et al., 2010).
Grossesse et addiction
Relations au corps
Les sujets dépendants particulièrement dans les formes sévères et prolon-
gées entretiennent avec leur corps des rapports singuliers, ambivalents et
contradictoires (Charles-Nicolas, 1998). Les fréquentes méconnaissances
anatomiques et physiologiques relèvent probablement plus de la dénéga-
tion que de l’ignorance. Dans le cadre du trouble de l’usage de l’alcool, les
troubles de l’image du corps seraient dus, selon Dehaene (1995), à l’inadé-
quation des réponses du premier objet d’amour, laissant l’enfant envahi par
des ressentis corporels non liés.
La sexualité
Après plusieurs années de consommation, la sexualité de la femme toxicomane
est caractérisée par une fréquente diminution du désir, déplacé vers le toxique.
Si certaines drogues, telle l’héroïne, procurent parfois des sensations qualifiées
Substances psychoactives, licites et illicites 317
Désir de grossesse
Alcool. Au sein de familles touchées déjà par l’alcoolisme fœtal, Dehaene
(1995) constatait des demandes de contraception exceptionnelles et
l’absence de désir d’interruption de grossesse malgré le risque encouru. Si
la négligence du corps et le désinvestissement de la sexualité vécue sur le
mode opératoire ont pu être invoqués à l’origine des grossesses itératives,
Dehaene constate que le désir d’être enceinte s’exprime au cours des entre-
tiens, souvent comme l’espoir d’un renouveau voire comme moyen de
parvenir à l’abstinence. En cas de consommation alcoolique importante la
grossesse peut être aussi découverte tardivement.
Héroïne. Le taux de grossesses non attendues parmi les femmes dépendantes
à l’héroïne a été estimé entre 80 et 90 % (Lamy, Thibaut, 2010). Une demande
d’interruption de grossesse doit être entendue à la lueur de l’ambivalence
naturelle et surtout de la crainte de nuire au fœtus. Le déni de grossesse est
parfois signalé. L’attitude vis-à-vis de la grossesse lorsqu’elle est découverte
varie de l’indifférence au désir mêlé d’angoisse, devant les conséquences
éventuelles de l’intoxication sur le développement du fœtus. La relation au
corps est modifiée, centrée autour des deux extrêmes du manque et de l’anes-
thésie affective et somatique due au produit. Le désir sexuel et l’affectivité
sont transformés par l’addiction. La femme perçoit mal les transformations
de la grossesse. Et ce d’autant que la dénutrition et l’amaigrissement fréquent
entraînent des cycles irréguliers ou une aménorrhée, avec négligence en
termes de contraception. Indépendamment de cette difficulté, les facteurs
favorisant l’absence de suivi de ces grossesses sont un mode de vie chaotique,
la précarité sociale, l’isolement familial, l’addiction et souvent la violence du
partenaire (Moore et al., 2011), parfois les complications infectieuses.
Complications fœto-obstétricales
et développement
Bien que cela apparaisse plus didactique, il est devenu de plus en plus arti-
ficiel d’étudier les complications par produit. En effet dans la plupart des
pays industrialisés, le profil des sujets consommateurs ou dépendants aux
Substances psychoactives, licites et illicites 319
Alcool
La totalité des troubles constatés dépend de la quantité consommée ou de
ses modalités (binge drinking). La recherche de seuils est un élément essen-
tiel dès lors que la consommation d’alcool reste largement répandue dans
la population. Des troubles ou des complications qui étaient retrouvés dans
des études anciennes ne prenant pas en compte suffisamment les facteurs
de confusion ne sont la plupart du temps plus retrouvés pour des consom-
mations faibles. Toutefois, ni les études expérimentales en laboratoire ni les
études sur des cohortes ne permettent d’établir rigoureusement des seuils.
Risques obstétricaux
Retard de croissance intra-utérin et prématurité
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est dose-dépendant. L’arrêt ou la
diminution de la consommation au cours de la grossesse diminue l’inten-
sité du RCIU. Il est majoré par une consommation de nicotine associée.
À la naissance, certaines études anciennes montrent des effets sur le
poids de naissance à partir de consommation quotidienne de l’ordre
de 2 à 3 verres par jour ; en dessous, il n’est pas trouvé de corrélation
(Larroque, 1992 ; Kaminski et Larroque, 1995). Une première revue de la
littérature en 2007 avait montré l’inconsistance des résultats concernant
l’association entre alcoolisation modérée et accouchement prématuré ou
RCIU (Henderson, 2007a), confirmé quatre ans plus tard par une méta-ana-
lyse (Patra et al., 2011). Les études déjà anciennes ayant mis en évidence de
tels résultats n’avaient pas été sérieusement évaluées. Deux études rétros-
pectives menées l’une à Amsterdam portant sur 5 238 sujets et l’autre en
Allemagne auprès de 16 300 femmes n’ont pas mis en évidence de corrélation
entre la consommation d’alcool de la grossesse, à trois mois du post-partum,
et la survenue d’un accouchement prématuré ou d’un RCIU pour les doses
considérées. Une étude menée en Irlande (McCarthy et al., 2013) auprès de
5 628 femmes nullipares à 15 semaines de gestation sur leur consommation
n’a retrouvé aucune association avec un retard de croissance intra-utérin
ou un accouchement prématuré, y compris pour les femmes buvant plus
de 2 verres par jour. D’autres études n’ont retrouvé aucune association
non plus avec la prématurité quelle que soit la consommation d’alcool, en
France (Lelong et al., 2011 ; Saurel-Cubizolles et al., 2013) et en Corée (Han
et al., 2012) Dans l’enquête française citée, menée auprès de 13 000 femmes
représentatives de la population générale (Saurel-Cubizolles et al., 2013) il
320 Psychopathologie périnatale
est trouvé, avant ajustement sur les autres facteurs de risque, plus d’enfants
hypotrophes pour les femmes qui ont bu 2 verres ou plus par jour, ou bien
3 verres ou plus dans une seule fois au moins une fois par mois. Toutefois,
après ajustement cette relation n’est plus significative.
Fausses couches spontanées et mortinatalité
Plusieurs études ont mis en évidence un taux de fausses couches spontanées
significativement augmenté pour une consommation d’alcool durant les
16 premières semaines de gestation. Harlap et Shiono (1980), en Californie,
dans une étude portant sur environ 30 000 femmes, interrogées durant
la visite prénatale, trouvent un risque relatif de fausse couche au second
trimestre de 2 pour les femmes buvant entre 1 et 2 verres/jour et de 3,5
chez les femmes consommant plus de 3 verres/jour. Il n’y avait pas d’aug-
mentation du risque pour les femmes déclarant boire un verre par jour.
Dans le même numéro du Lancet où fut publiée l’étude de Harlap et Shiono
(1980), une autre étude avec groupe contrôle, mais portant sur un plus
faible échantillon et rétrospective, trouvait une susceptibilité à l’alcool bien
plus élevée. Une recherche récente menée au Danemark (Strandberg-Larsen
et al., 2008 ; Andersen et Olsen, 2011) retrouve un risque relatif de fausses
couches au premier trimestre de 1,66 pour les femmes déclarant boire de 2
à 4 verres/semaine et de 2,82 pour celles déclarant consommer 4 verres ou
plus/semaine, sur une cohorte de 92 719 femmes. Le risque s’éteint à 16
semaines de gestation. Il est aussi augmenté pour les femmes déclarant plus
de trois épisodes de binge drinking durant la grossesse. Dans cette cohorte,
55,4 % des femmes déclarent s’abstenir de toute boisson et 30 % environ
consommer moins de 2 verres par semaine, moins de 0,5 % consommer un
verre par jour ou plus. La déclaration de consommation étant faite par télé-
phone, reste sujette à caution, possiblement très sous-estimée. Kesmodel et
al. (2001) retrouvent un taux élevé d’enfants mort-nés avec un risque relatif
de 3 pour les femmes consommant 5 verres ou plus/semaine comparées à
celles consommant moins d’un verre par semaine.
Autres substances
Opioïdes : héroïne, méthadone, buprénorphine
Toutes les complications retrouvées sont aggravées voire provoquées par
les facteurs de risque associés (notamment, absence de suivi de grossesse et
conditions environnementales défavorables).
Fertilité et fécondité. Une moindre fertilité serait secondaire à l’amai
grissement et aux épisodes infectieux pelviens. Des épisodes d’aménorrhée ou
d’oligoménorrhée sont habituels. Enfin, le taux de fausses couches spontanées
serait particulièrement élevé, évalué entre 14,3 et 29,8 % (Rogers et al., 1997).
Tératogenèse et fœto-toxicité. La plupart des études ne mettent pas
en évidence d’augmentation significative de malformations congénitales
(Chanoff et al., 1984 ; Ellwood et al., 1987).
Prématurité et RCIU. L’apport irrégulier d’héroïne entraîne des
contractions utérines et favorise l’accouchement prématuré, voire excep-
tionnellement la mort in utero. Le retard de croissance intra-utérin (RCIU)
est le plus souvent harmonieux (Ellwood et al., 1987 ; Little et al., 1990).
Plusieurs auteurs ont obtenu, grâce à un suivi intensif, une réduction
des accouchements prématurés et des hypotrophies à la naissance (Blazy
et Mignot, 1995). Le RCIU existe également en cas de substitution par
la méthadone mais le poids de naissance serait moins abaissé (Wilson et
al., 1981). Cet effet toutefois pourrait simplement être dû à un meilleur
suivi obstétrical.
Allaitement. La méthadone et l’héroïne passent en faible quantité dans
le lait. L’allaitement ne protège pas l’enfant de la survenue d’un syndrome
de manque néonatal (SMN), mais il reste admis (Gerada, 1996) et mainte-
nant conseillé y compris lors de l’allaitement avec la méthadone.
Syndrome de manque néonatal. Il est particulièrement fréquent en
cas d’intoxication par les opioïdes en regard d’autres substances.
Aspects cliniques. Il survient chez environ 50 % des nouveau-nés. Rarement
immédiat, il apparaît 48 à 72 heures après l’accouchement, mais parfois
jusqu’à deux semaines du post-partum. Sa durée est limitée mais il existe des
324 Psychopathologie périnatale
Cocaïne
Le seul effet direct totalement démontré de l’usage de cocaïne est le retard
de croissance intra-utérin (RCIU) et la réduction du périmètre crânien
corrélée avec l’usage de cocaïne au troisième trimestre (Eyler et al., 2001,
1998). De nombreuses autres complications obstétricales ont été associées
avec plus d’incertitude à l’usage de cocaïne : les avortements spontanés, la
Substances psychoactives, licites et illicites 325
Thérapeutiques
Pour un exposé plus clair, nous distinguons dépendance à l’alcool et dépen-
dance aux opiacés. En pratique, la polyconsommation conduit à un pro-
jet global de prise en charge mené par une équipe mobilisée autour de la
patiente intégrant l’ensemble des facteurs de risque, liés au produit, à la
dépendance, aux démarches de soins anciennes et en cours, aux conditions
socio-économiques, au soutien social et à d’éventuels troubles psychia-
triques associés et enfin à la qualité des interactions avec le bébé et au projet
parental maternel et paternel.
Alcool
Durant la grossesse
Information
Dans une enquête effectuée à Roubaix en 1995 (Lelong et al., 1995), 60 %
des femmes considéraient que 2 verres par jour étaient une consomma-
tion raisonnable pendant la grossesse ; 17 % des femmes consommant
2 verres ou plus déclaraient ne pas avoir reçu de conseils sur la consom-
mation d’alcool à cette période. En 2007, 30 % des femmes estiment
que le risque pour le fœtus commence dès le premier verre contre 25 %
en 2004 (Guillemont et Léon, 2008). Deux arguments de santé publique
conduisent à recommander l’abstinence : un argument de communi-
cation (un message doit être simple pour être suivi) et le respect du
principe de précaution (les résultats sont discordants quant aux risques
engendrés par une faible consommation d’alcool, la nocivité n’ayant
plus été retrouvée dans beaucoup mais non dans la totalité des études
récentes).
En cas de dépendance, il est essentiel d’informer les patientes des struc-
tures et des soignants prêts à les aider et à les entendre.
Sevrage maternel
L’abstinence totale obtenue par une cure de sevrage en hospitalisation est
encore une pratique courante en France. Le sevrage pendant le deuxième
trimestre de la grossesse n’aurait pas d’effet néfaste connu sur le bébé
Substances psychoactives, licites et illicites 327
Traitements de l’appétence
Le baclofène par voie orale entraînant chez l’animal un risque malformatif
est déconseillé au moins durant le premier trimestre. La seule molécule spé-
cifiquement développée pour le traitement de l’appétence est actuellement
l’acamprosate. Il est déconseillé d’interrompre un traitement antérieur si
l’on doute de la capacité d’abstinence.
Le soutien à la parentalité
Il apparaît nécessaire pour mettre en valeur et soutenir les compétences
parentales particulièrement en cas de syndrome de sevrage marqué.
Opiacés
Traitement pendant la grossesse
La grossesse est un moment propice aux changements dans l’approche de la
toxicomanie. Toutefois, très peu de femmes dépendantes à l’héroïne
sont aptes au sevrage pendant cette période. De plus, un sevrage rapide
durant la grossesse n’est pas recommandé pour le fœtus, avec un risque
de fausse couche, d’accouchement prématuré voire de mort fœtale (Dashe
et al., 1998). Cependant, si la patiente le désire et en semble capable, un
sevrage progressif peut se réaliser lors du deuxième ou du troisième trimes-
tre, mais avant la 32e SA, de préférence en hospitalisation avec encadrement
médical et monitoring fœtal.
L’accès aux traitements de substitution aux opiacés (TSO) est un élément
crucial dans la réduction des risques obstétricaux et néonataux liés à l’addic-
tion. Le temps de la grossesse est un moment psychologique opportun pour
la mise en place d’un TSO. Il contribue à stabiliser la consommation de la
future mère et à protéger le fœtus des effets délétères des épisodes répétés
alternant excès et manque. Il améliore le suivi de la grossesse grâce à une
prise en charge globale incluant gynécologue, pédiatre, sage-femme, méde-
cin généraliste, addictologue et psychiatre. Il permet de prévenir les risques
de transmissions virales, de rechute et de reconsommation. Le mieux-être
vécu par la future mère favorise son investissement de la grossesse et plus
tard de l’enfant à naître, encourage la réalisation de ses compétences mater-
nelles.
Les deux TSO, méthadone et buprénorphine, sont utilisables. La méthadone
a longtemps été considérée comme la substitution de choix pour la femme
enceinte. Depuis plusieurs années, la buprénorphine a été l’objet d’études
croissantes la présentant comme une alternative valable conduisant en
particulier à un syndrome de sevrage moins marqué chez le nouveau-né
(Fischer et al., 2006 ; Jones et al., 2010). En effet, les nouveau-nés exposés
à la buprénorphine ont une durée significativement plus courte de traite-
ment avec des doses significativement plus basses de chlorhydrate de mor-
phine en comparaison à ceux exposés à la méthadone. Un traitement de
substitution par buprénorphine mis en place avant la grossesse pourra être
continué pendant celle-ci. Toutefois, la méthadone reste l’alternative de
choix pour les femmes qui ne répondent pas bien à la buprénorphine ou
dans les cas très fréquents de son mésusage.
Un autre aspect important consiste, pour conserver leur efficacité, en la néces-
sité d’augmenter les doses vers le début du troisième trimestre (change-
ments métaboliques, taux d’œstrogène augmenté) et de les diminuer après
l’accouchement (Drozdick et al., 2002).
Par ailleurs, outre la dose, la durée du traitement de substitution joue
un rôle dans l’amélioration de l’issue de la grossesse : ainsi, les femmes qui
Substances psychoactives, licites et illicites 329
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15 Modifications ordinaires et
troubles du comportement
alimentaire
Les modifications du comportement alimentaire sont fréquentes durant la
grossesse. Elles entretiennent une certaine continuité avec des manifesta-
tions considérées comme des troubles avérés. En ce sens, elles interrogent les
limites entre le normal et le pathologique, entre le soin (care) et le traitement
(cure), entre l’organisation physiologique et l’émergence du symptôme.
Le DSM-V (APA), dans la rubrique « Troubles des conduites alimentaires »,
distingue un nombre considérable de catégories : anorexie mentale (anorexia
nervosa), boulimie (bulimia nervosa), alimentation compulsive (binge eating
disorder), le pica, le mérycisme, la consommation alimentaire évitante/
restrictive, les troubles alimentaires autres spécifiés et les troubles non spécifiés.
La philosophie du texte conduit à inclure presque tous les comportements
particuliers de nourrissage et d’alimentation parmi les désordres psychiques.
Envies et dégoûts
Sous le terme d’envie, les anciens auteurs décrivent aussi bien certains habi-
tus de la grossesse, tels l’absorption compulsive de produits non comes-
tibles (pica), exceptionnelle aujourd’hui dans les pays industrialisés, ou les
besoins irrépressibles de se nourrir avec des aliments habituellement offerts
à la satisfaction infantile, tels les produits sucrés. Ces démarches sont parti-
culières par l’intensité du sentiment de nécessité qui peut les accompagner
(craving). Certains auteurs les ont comparées aux compulsions de troubles
obsessionnels (Njiru et al., 2011), d’autres à l’équivalent d’une conduite
addictive (Kozlowski et Wilkinson, 1987).
Mérycisme et régurgitations
L’étude des régurgitations durant la grossesse est compliquée par la
certitude de reflux physiologiques qui peuvent concerner jusque 80 %
de la population. Le mérycisme qui associe régurgitations et remas-
tication des aliments a été décrit essentiellement chez l’enfant et chez
certains malades mentaux (Rajindrajith et al., 2012 ; Guédeney, 1995).
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 341
Anorexie et boulimie
Définition et épidémiologie
L’anorexie mentale. Depuis Lasègue, en 1873, sa définition a peu évolué.
Elle associe anorexie, aménorrhée et amaigrissement. Un des ajouts les
plus importants à cette description porte sur l’image troublée du corps et
le déni de l’amaigrissement, voire du risque vital. Elle est essentiellement une
affection de l’adolescente et de la femme jeune avec deux pics pour l’âge de
début, 14-15 et 18-19 ans. L’incidence annuelle du trouble est estimée à
0,8/10 000 et sa prévalence entre 0,3 et 1 % (Hoek, 2006). La stratégie de
contrôle du poids peut menacer gravement l’équilibre hydro-électrolytique :
vomissements provoqués, hyperactivité motrice, médicaments avec, en
particulier, usage de laxatifs, de diurétiques et de différents anorexigènes.
342 Psychopathologie périnatale
Une participation génétique a aussi été évoquée à travers les études sur les
jumeaux. Il n’existe pas, malgré quelques résultats intéressants d’indication
tangible, de gènes précisément impliqués dans la survenue du trouble.
Activité cérébrale. Les études en imagerie fonctionnelle montrent un dys-
fonctionnement du signal Bold au niveau du striatum ventral qui présen-
terait une certaine spécificité, en relation avec les systèmes de récompense
(Cowdrey et al., 2013) que l’on pense impliquer dans l’anorexie.
Facteurs de risque. Certains sont communs à d’autres troubles psychia-
triques : antécédents familiaux du même trouble, troubles affectifs, consom-
mation de substances psychoactives, antécédents stressants, manque de
soutien social et certains traits de personnalité comme le perfectionnisme,
un conformisme excessif et une faible estime de soi (Fairburn et al., 1997,
1999). L’abus sexuel semble un risque spécifique de la boulimie (Welch et
Fairburn, 1994 ; Welch et al., 1997). Senior et al. (2005) ont montré que la
remémoration de maladies physiques des parents et les expériences sexuelles
précoces non désirées sont associées indépendamment avec les troubles du
comportement alimentaire, l’usage de laxatifs et les vomissements durant
la grossesse, ainsi que des préoccupations excessives concernant le poids
ou la forme du corps.
Hypothèses psychopathologiques
Freud rapprochait l’anorexie de la conversion hystérique, expression d’un
refoulement de l’érotisme oral. Actuellement, une tendance se dessine à
associer les conduites anorexiques à un trouble de l’édification du narcis-
sisme. Plus qu’une organisation psychopathologique structurée, Corcos
et al. (1998) évoquent une absence d’organisation stable du moi, une forte
vulnérabilité narcissique et des défenses névrotiques précaires. Bruch (1977)
fait état d’une lutte désespérée et vaine, entreprise par le sujet durant de
nombreuses années, pour constituer un sentiment de contrôle et d’identité.
Troubles de la sexualité
Les jeunes filles anorexiques sont classiquement décrites ascétiques, enfan-
tines, immatures, asexuées ou anti-sexuées. Pour Jeammet (1984), la sexua-
lité fait l’objet d’un refoulement massif. L’ensemble des sentiments qui
devraient l’accompagner, de l’attrait au plaisir et de la pudeur au dégoût
sont déplacés sur les activités alimentaires. L’activité sexuelle, quand elle
existe, est anhédonique, machinale et s’inscrit dans les comportements de
maîtrise. Les satisfactions sexuelles demeurent généralement limitées, mal-
gré parfois des comportements de séduction. Jeammet décrit des conduites
sexuelles qui, malgré leurs apparences érotiques, sont marquées par « la
conquête plus que la satisfaction, et la maîtrise plus que l’abandon ».
Troubles anxieux et dépressifs. Actuellement, certains auteurs insistent
sur la fréquence des éléments dépressifs et les problèmes endocriniens associés,
suffisants pour expliquer les difficultés sexuelles. De plus, l’anorexie apparaît
aussi comme une crise développementale et peut, en tant que telle, répondre
à plusieurs impasses dans le développement : sa psychogenèse ne serait pas
univoque. Enfin, l’âge est un facteur déterminant en matière de sexualité :
l’anorexie prépubère est plus rare et, par ailleurs, les anorexiques sont plus
jeunes que les boulimiques. Des recherches ont mis en évidence une fréquence
majorée des abus sexuels de l’enfance chez les femmes présentant des troubles
des conduites alimentaires, notamment en cas d’anorexie-boulimie.
Thérapeutique
Dans les formes graves, une prise en charge thérapeutique multidiscipli-
naire associant obstétricien, nutritionniste et psychiatre est souhaitable.
Il importe de prendre en compte la fréquente comorbidité psychiatrique
(notamment troubles dépressifs, abus de toxiques et parfois TOC) et de
tenir compte de la vulnérabilité traumatique avec un rapport au corps et
une sexualité souvent perturbés. L’hospitalisation est préconisée pour les
femmes ne pouvant contrôler leurs conduites ou présentant des fluctua-
tions pondérales trop importantes ou lorsqu’il existe une prise de poids
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 347
Hypothèses étiologiques
Hypothèses psychosociales
Une telle diffusion de cette symptomatologie serait propre aux sociétés
industrialisées et son existence spécifique à l’homo sapiens (Iancu et al., 1994).
Très sensible à l’environnement, sa prévalence augmente en l’absence
de soutien social, notamment en cas de mauvaises relations conjugales
(surtout maintenues par un déni mutuel). Elle serait considérablement
diminuée en temps de guerre. L’efficacité thérapeutique de la mise à l’abri
348 Psychopathologie périnatale
des stress sociaux ordinaires par l’isolement est aussi un argument en faveur
de l’influence psychosociale.
Hypothèses génétiques
Une étude menée en Norvège (Vikanes, 2008), a montré une forte dis-
parité du trouble selon le lieu de naissance des mères : 3 % environ chez
les femmes nées en Inde et en Afrique mais seulement 0,8 % chez les mères
nées en Europe de l’Ouest ou aux USA. Les auteurs attribuent ces différences
à de potentiels facteurs génétiques, infectieux ou alimentaires, ignorant
l’éventualité de facteurs psychologiques ou culturels. Il a été suggéré que
l’existence d’isoformes d’HCG pourrait expliquer tant la variabilité indivi-
duelle que celle des populations.
Constructivisme social
Un courant d’analyse sociale s’oppose à l’hypothèse d’une participation
psychogène au trouble. Il prend pour argument principal des entretiens
avec des femmes enceintes assurant elles-mêmes qu’elles n’ont d’autres
difficultés psychologiques que celles causées par les vomissements. Outre
que l’argument paraît faible, il s’agit le plus souvent d’études ouvertes sans
groupe contrôle (Munch, 2002).
Attachement fœto-maternel
Une étude prospective contrôlée portant sur 32 patientes (McCormack
et al., 2011) a montré que l’attachement au fœtus était altéré durant les
premiers temps de la grossesse et que des difficultés psychologiques tendent
à persister même après la fin des vomissements. L’extrême désagrément,
voire l’angoisse, que peut susciter l’HG, ainsi que son caractère stigmati-
sant pourrait contribuer à altérer le processus initial d’attachement fœto-
maternel et à expliquer la persistance des phénomènes de détresse après
les vomissements. Toutefois d’autres arguments montrent que ces éléments
sont insuffisants à inverser globalement le rapport de causalité.
Antécédents psychiatriques
Une étude (Seng et al., 2007) conduite auprès de 11 000 femmes ayant donné
naissance à des enfants uniques a retrouvé 208 cas d’HG. Environ 20 % des
parturientes présentaient un trouble psychique diagnostiqué avant la gros-
sesse et inscrit dans les dossiers d’assurance sociale : dans environ 10 % des
cas, un trouble anxio-dépressif ou l’abus de substances toxiques ; dans 10 %
des cas, un trouble somatoforme avec prépondérance de douleurs chro-
niques. Ce taux est très élevé tenant compte qu’il sous-estime la prévalence
réelle, car les troubles doivent avoir été diagnostiqués médicalement avant
la grossesse pour être inclus.
Swallow et al. (2004) étudient, sur un petit échantillon de 273 femmes
à 12 semaines de gestation, l’humeur, le sentiment de bien-être et par une
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 349
Thérapeutique
Elle repose dans les formes les plus sévères sur la réanimation et sur l’isole-
ment social comme dans les autres formes sévères de troubles du compor-
tement alimentaire. L’isolement sensoriel complet n’a pas démontré son
utilité. La prescription d’antiémétiques n’est pas systématique.
Le recours à un traitement psychothérapique (psychothérapie psychodyna-
mique, TCC, hypnose, relaxation) doit être envisagé en fonction du contexte et
des troubles associés. L’hypothèse que les vomissements seraient une forme
de réponse somatique à l’angoisse, mais aussi dans un certain nombre de cas
des manifestations de conversion, permettrait d’expliquer l’efficacité relative
de la suggestion et les succès de l’acupuncture et du placebo.
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16 Interruption de grossesse
Cadre législatif
IVG. Selon la loi française, dite Veil et Pelletier, du 17 janvier 1975, « la femme
enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à
un médecin l’interruption de sa grossesse… ». Une jeune fille mineure doit
avoir l’autorisation d’un des parents ou du tuteur mais à certaines conditions
la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 lui permet de s’en affranchir. Depuis 2014
le détresse n’est plus exigible et l’IVG peut résulter du simple libre choix.
IMG. La loi française est la seule en Europe à donner la possibilité d’une inter-
ruption de grossesse jusqu’au terme. Aujourd’hui les indications maternelles
sont réduites et dominent les indications fœtales (malformations, anoma-
lies génétiques). La décision d’interruption de grossesse appartient aux parents
dûment informés, toutefois, deux médecins, dont l’un exerçant dans un centre
multidisciplinaire, attestent de la validité du « motif » thérapeutique. Les limites
de « la particulière gravité » ou de l’incurabilité de l’affection et la notion « de
péril grave de la santé de la femme » qui justifient légalement l’IMG, demeu-
rent, probablement par la volonté du législateur, incertaines et subjectives. Elles
permettent ainsi de s’adapter à l’évolution de la science et des mœurs mais
peuvent aussi donner lieu à des orientations régionales discordantes.
Épidémiologie
Interruption volontaire de grossesse. En France, plus de 90 % des
femmes sexuellement actives emploient une méthode contra ceptive.
Pourtant, le nombre d’IVG, 200 000 par an, est stable depuis une vingtaine
d’années : plus d’un tiers des femmes (36 %) ont eu recours au moins à une
IVG au cours de leur vie féconde. Deux tiers des IVG sont dues à un échec
ou un oubli. Le taux d’IVG est maximal en région Provence-Alpes-Côte
d’Azur (≈ 2 IVG pour 100 femmes/an) et minimal dans les Pays de Loire
(≈ 1 IVG pour 100 femmes/an). Le ratio IVG/naissance (≈ 0,25, soit 1 IVG
pour 4 naissances) dessine une courbe en U, avec deux maximums et un
minimum. Le ratio minimal survient au maximum de la période féconde,
entre 20 et 35 ans, et le ratio est maximal aux périodes de plus faible
fécondité, avant 18 ans (R ≈ 1,5) et après 40 ans (R ≈ 1). À ces extrêmes
de la vie féconde, les grossesses ne sont en général pas planifiées, ce qui
est le cas aux États-Unis de 75 % des grossesses après 40 ans et 85 % avant
18 ans (Squires, 1995). Le jeune âge à la première grossesse est un facteur de
risque de recours répété à l’IVG, toutefois l’IVG est principalement le fait de
femmes plus âgées, mariées et exerçant une activité professionnelle.
Interruption médicale de grossesse. Elles représentent 3,5 % des
interruptions de grossesse. En 2006, environ 7 000 attestations ont été
délivrées et 400 grossesses ont été poursuivies. Près de la moitié de ces gros-
sesses ont abouti à la naissance d’un enfant vivant. Les IMG après 22 semaines
d’aménorrhée concernent essentiellement les malformations et syndromes
malformatifs, en raison d’un diagnostic lui-même souvent tardif. L’indi-
cation maternelle est aujourd’hui d’environ 3 % (Agence de la bioméde-
cine, 2009).Une enquête en Ille-et-Vilaine (Schneider et al., 1994) retrouvait
parmi les indications maternelles, 4,3 % portées pour cause psychiatrique
(psychose, retard mental sévère, anorexie mentale, dépression sévère),
0,75 % pour viol et inceste et 2 % en raison d’un contexte social très défa-
vorisé avec un âge maternel très jeune (moins de 16 ans) et des grossesses
après ligature des trompes chez des femmes de plus de 38 ans.
l’IVG par des tiers, culpabilité. L’incidence des réactions négatives sévères
après un avortement est basse selon l’étude de Lazarus (1985) : deux
semaines après une IVG, 76 % des femmes rapportaient un sentiment de
soulagement, tandis que l’émotion négative la plus commune, à savoir la
culpabilité, était notée chez seulement 17 % : il ne s’agit pas de troubles
psychiatriques. Ce résultat est retrouvé dans la quasi-totalité des études
menées dans les nations industrialisées. L’autonomie de décision et un
soutien social et affectif sont les meilleurs facteurs prédictifs d’une issue
favorable.
Évolution
Quand des troubles psychologiques surviennent, ils tendent à diminuer rapi-
dement après l’avortement. Freeman et al. (1980), dans une étude incluant
400 femmes, montrent que les troubles, évalués par les scores au SCL-90,
dépression et anxiété, sont élevés à plusieurs sous-échelles avant l’avorte-
ment, mais diminuent significativement et rapidement par la suite. Mais
si la plupart des femmes réalisant une IVG ne vivent pas une expérience
psychologique très négative, des cas cliniques rapportent leur existence. La
forte ambivalence sur le désir de grossesse peut entraîner une sensation de
perte douloureuse. D’autres réponses négatives sont favorisées par l’impor-
tance du conflit entre les valeurs propres ou croyances de la femme et le désir
d’avorter, la perception d’une stigmatisation sociale, le manque de support
social et les carences précoces.
Conséquences maternelles et
développementales du refus de l’interruption
de grossesse
Les études présentées ont été réalisées dans les pays ou les États où l’IVG
a pu être sévèrement contrôlée ou bien interdite. L’étude de la cohorte de
Prague présente les meilleures qualités méthodologiques.
Conséquences maternelles
Adaptation maternelle. Les femmes à qui l’avortement a été refusé montrent
un ressentiment persistant qui peut durer des années et les enfants nés à
la suite de cette grossesse présentent plus souvent des difficultés sociales,
interpersonnelles et dans leurs occupations qui peuvent durer jusqu’à l’âge
adulte (Dagg, 1991). Parmi 249 femmes interrogées sept ans après un refus
d’avortement (Hook, 1963 cité par Dagg, 1991), 27 % déclarent s’être bien
adaptées d’emblée à la grossesse et à l’enfant, 51 % rapportent des troubles
psychiques et une tension pénible pendant une durée considérable après la
naissance qu’elles ont actuellement dépassés, et enfin 22 % affirment souf-
frir encore de troubles mentaux et ne pas s’être adaptées.
Suicide et tentatives de suicide. Staehelin (cité par Duchene en 1956) affirme
qu’un cinquième des femmes en état de grossesse illégitime font de sérieuses
tentatives de suicide. Dans ce même article de 1956, Duchene cite Strasser :
« Le danger de suicide, à mon avis, est considérable chez presque toutes les
femmes en état de grossesse illégitime, et aussi d’autres requérantes. Ici, il
n’y a rien d’autre à envisager que l’interruption légale de la grossesse. Ce
ne sont pas les juges d’instruction qui portent les responsabilités de nos
décisions, mais nous seuls. » Pourtant, si les menaces de suicide rapportées
sont fréquentes, le taux de suicide réel est bas. Un ouvrage de 1984 sur le
suicide pendant la grossesse (Hook cité par Brockington, 1996) rapporte que
12 % de 294 femmes suédoises ont menacé de se suicider suite à un refus
d’avortement mais aucune ne s’est suicidée. En Suède, 3 cas de suicide ont
été enregistrés suite à un refus d’avortement entre 1938 et 1958 et aucun
les vingt années suivantes. Selon Brockington (1996), une grossesse non
désirée reste un facteur de risque de suicide.
Relations avec l’enfant. Pare et Raven, en 1970 (cité par Dagg, 1991),
rapportent que, parmi 73 femmes à qui l’interruption de grossesse a été
refusée, 59 % déclarent, un à trois ans après le refus, avoir bien accepté
l’enfant et être satisfaites de ne pas avoir avorté, tandis que 34 % rapportent
que l’enfant reste encore un fardeau pour elles.
Interruption de grossesse 359
groupe contrôle et que leurs frères et sœurs ; ils montraient une différence
significative dans plusieurs domaines de leur évolution avec leurs frères et
sœurs et pas uniquement avec le groupe apparié.
Adoption et maltraitance. Une revue de la littérature (Dagg, 1991), sur le
devenir des grossesses pour lesquelles un avortement avait été refusé, trouve
des taux d’enfants adoptés variant de 6,7 à 19 % selon les études, 6 % d’adop-
tions précoces dans l’étude praguoise. Condensant six études, Brockington
trouvait 86 adoptions sur 597 enfants non désirés (soit 14,4 %).
Les complications obstétricales. Avant la légalisation de l’IVG, le taux de FCS
rapporté après un refus est particulièrement élevé. Une étude de 1961 (Aren
cité par Brockington, 1996) rapporte que, parmi 195 femmes ayant essuyé un
refus d’avortement, 33 ont subi une FCS ou pratiqué un avortement illégal.
Sept décès périnataux ont été recensés. Ces mauvais résultats ne sont pas
retrouvés dans l’étude praguoise, mais la non-participation d’enfants à l’étude
peut aussi s’expliquer par des complications obstétricales importantes.
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17 Le deuil périnatal
Le deuil peut faire suite à la perte d’un proche, particulièrement d’un parent
ou d’un enfant. Il est habituel de nommer deuil périnatal le processus qui
accompagne l’interruption de grossesse, surtout tardive, spontanée ou non,
volontaire ou médicale, et les décès spontanés pré- ou postnatals.
Le processus de deuil
Historique de la notion de deuil
Les connaissances que nous avons aujourd’hui des modifications psycho-
logiques qui surviennent après la perte d’un objet d’amour, dans lequel le
sujet s’est profondément investi et qui représente une partie même de sa
« raison d’être » – tel son conjoint, son enfant ou son parent –, proviennent
de plusieurs sources. Les travaux psychanalytiques débutés avec Abraham
et Freud, ont permis de décrire ce que nous nommons aujourd’hui le travail
de deuil, mais aussi ses impasses à travers les deuils traumatiques, les deuils
déniés et les effets inter et transgénérationnels du deuil. Ces descriptions
ont été ensuite enrichies à partir de trois sources : les études portant sur
l’attachement, les études de cas suivis en psychothérapies et enfin les études
de cohorte. Par ailleurs, les rites de deuil ont fait l’objet de nombreuses
recherches en sociologie et surtout en anthropologie. Il n’existe pas actuelle-
ment de synthèse de toutes ces approches. Cependant des grandes lignes
se dégagent. Tout d’abord la description princeps du « travail de deuil »,
même si elle reste valable, ne désigne pas la totalité des processus qui sur-
viennent dans les suites d’un décès (Wortman et Silver, 1989 ; Stroebe et
Stroebe, 1991 ; Bonanno et al., 1995 ; Fraley et Shaver, 1999). Mené à bien,
il permet au sujet de réorganiser son existence et ses investissements, mais
il a un coût psychique tel qu’il n’est pas possible indéfiniment de le répéter
et même parfois de l’achever. Dès lors, il semblerait que lorsque le sujet
peut l’éviter, il le fait. Des mécanismes de défense plus économiques se met-
tent en place : évitement, refoulement, annulation, clivage, dénégation,
déplacement des investissements, etc. Ils sont fonction de l’investissement
préalable et de la personnalité du sujet.
Le processus de deuil
Le travail de deuil
Il consiste dans le détachement des investissements portant sur « l’objet
d’amour » perdu. Le travail qu’opère l’endeuillé consiste à se soumettre à
l’exigence de la réalité : l’objet aimé n’est plus, le sujet doit s’en détacher.
Mais pour cela, le lien avec l’objet est paradoxalement renforcé pour pou-
voir ensuite se détacher « en détail, de chacun des souvenirs et de chacune
des attentes pris un à un, dans lesquels la libido était rattachée à l’objet ». Il
se traduit, comme le décrit Freud (1917/1988), par « l’humeur douloureuse,
la perte de l’intérêt pour le monde extérieur quand il ne fait pas penser au
disparu, la perte de la capacité à choisir un nouvel objet d’amour […], le fait
de se détourner de toute activité qui n’est pas en relation avec le souvenir
du disparu ». Un deuil peut être considéré achevé lorsque la libido est enfin
libre, que le sujet peut trouver à nouveau des objets à aimer. Le travail de
deuil aura considérablement marqué l’individu, parfois modifié sa relation
au monde. La représentation du disparu pourra toujours être revivifiée par
tout lien symbolique ou perceptif évoquant son existence : anniversaire,
prénom, odeur, sonorité, etc. Ainsi, le travail de deuil demeure toujours
partiellement inachevé. Bowlby (1984), proposera de décomposer le deuil
typique en quatre étapes à partir de l’observation du nourrisson humain :
phase d’engourdissement, phase de langueur et de recherche, phase de dés-
organisation et de désespoir et phase de réorganisation.
Jugement de réalité et deuils atypiques
Dans certains cas, le sujet ne peut ou refuse de se détacher de l’objet. Il
préfère maintenir la satisfaction de se représenter vivant l’objet perdu. La
rébellion contre la réalité peut aller jusqu’à s’accompagner d’une « psy-
chose de souhait hallucinatoire », forme de psychose fonctionnelle (cf. cha-
pitre « Psychoses puerpérales »). Perte de connaissance initiale ou confusion
peuvent aussi marquer l’impossibilité temporaire d’inscrire le fait comme
advenu. D’autres mécanismes peuvent être mis en place plus à distance
pour réduire la souffrance du deuil : annulation et cloisonnement de la
pensée, déplacement, dénégation, banalisation, refoulement. Dans certains
cas, le travail de deuil est durablement suspendu : l’objet d’amour reste une
représentation vivante avec lequel l’endeuillé aménage ses investissements,
au prix d’une certaine perte de contact avec la réalité et l’abandon parfois
d’investissements antérieurs.
L’accompagnement social
L’inhumation ou l’incinération sont pratiquées dès l’aube de l’huma-
nité. Le rituel confirme la cohésion du groupe social. Il offre au mort un
dédommagement symbolique, garantit, notamment par l’oraison funèbre,
l’absence d’intentions hostiles, loue les qualités du défunt, protège les
vivants du retour des morts (« les revenants ») et les fait disparaître à leur
vue en l’enfermant. En un mot, les rites de mort assurent la paix des vivants
(Thomas, 1991). La disparition des corps est un obstacle au deuil chez
l’adulte comme l’a montré l’expérience des décès au combat, les armées se
chargeant pendant des décennies, si besoin était, de chercher à récupérer
le corps des défunts pour le présenter à la famille. Le rituel assure un modèle
et un support socio-affectif. Son organisation minutieuse reflète et soutient
Le deuil périnatal 365
Symptomatologie générale
Les catastrophes, le suicide d’un proche et le veuvage ont servi de
situations prototypiques à l’étude du deuil. Tout d’abord Adler (1943) a mis
en avant l’aspect traumatique du deuil, puis Lindemann (Parkes, 1986) les
difficultés à se dégager de l’objet perdu. Ils ont tous deux dressé un tableau
exhaustif des symptômes les plus spécifiques dont la détresse somatique, la
préoccupation par l’image du défunt, la culpabilité, la colère et la modifica-
tion des comportements habituels. À ces cinq caractéristiques considérées
comme pathognomoniques fut ajouté le phénomène d’identification au
défunt ou symptôme fac-similé (imitation de l’apparence, des habitudes,
des symptômes du défunt) auquel, sous forme d’identification projective, le
tableau de l’enfant de remplacement pourrait correspondre.
Dans le domaine du deuil parental, il existe plusieurs études qualita-
tives (Braun et Berg, 1994) qui explorent le lien du deuil avec les hypothèses et
croyances de base : centralité de l’enfant dans le projet de vie, désorientation
impliquant le sentiment d’être mis sur la touche, d’avoir perdu le contrôle de
sa vie et tout but à celle-ci. De nombreuses mesures d’auto-évaluations standar-
disées ont été créées pour décrire les réactions de deuil et en identifier le carac-
tère pathologique avec la TRIG (Texas Revised Inventory of Grief) (Faschingbauer
et al., 1987) ou l’ICG (Inventory of Complicated Grief) (Prigerson et Jacobs, 2001)
pour en apprécier le caractère pathologique.
Deuils pathologiques et DSM-V. L’existence face à la perte de défenses
maniaques, obsessionnelles ou hystériques, de manifestations phobiques,
voire de troubles psychotiques, de réactions traumatiques a été décrite par
Abraham (1924). Presque un siècle plus tard, dans le DSM-V, le deuil lui-
même devient un trouble dépressif. L’argument consiste dans le fait que les
symptômes en sont souvent semblables. Toutefois dans le deuil ordinaire, il
s’agit plutôt d’une perte objective et dans la dépression d’une perte imagi-
naire, surtout d’ailleurs dans les états sévères telles les mélancolies. Dans le
DSM-V, le diagnostic est posé dès deux semaines de persistance des symp-
tômes. Auparavant la notion de deuil pathologique était évoquée après au
moins six mois, plus souvent deux ans. Cette nouvelle classification favo-
rise la médicalisation du deuil, dont l’éthique reste discutable.
366 Psychopathologie périnatale
Terminologie
La définition de la mortinatalité ou mortinaissance (i.e. l’expulsion d’un
fœtus mort) a été modifiée à deux reprises en France ces dernières années.
La circulaire du 30 novembre 2001 conduit à rédiger un bulletin d’enfant
sans vie est rédigé à partir de 22 semaines d’aménorrhée ou d’un poids d’au
moins 500 g. Depuis 2008, un décret autorise les familles à faire enregistrer
un enfant né sans vie et à le doter d’un prénom quels que soient le poids de
naissance et l’âge gestationnel. Suite à cette circulaire, le nombre de déclara-
tions a presque doublé (Beaumel et Bellamy, 2013) de 4,8 ‰ en 2001 (3 700
mort-nés) à 8,2 ‰ en 2003 (6 300 mort-nés) et 9,2 ‰ en 2010 (7100 morts-
nés). La répartition des âges gestationnels des mort-nés est bimodale, avec
un pic à 22-23 semaines d’aménorrhée et un second pic vers 39-40 semaines
d’aménorrhée correspondant aux mort-nés de fin de grossesse, le plus sou-
vent au cours de grossesses normales et sans prodromes. Ces modifications
législatives illustrent la part d’arbitraire des limites données à la naissance
de la personne. Bien que leur définition reste biologique, leur détermina-
tion est avant tout le fruit d’interactions complexes entre science et culture.
La mortalité périnatale stricto sensu s’étend de 22 semaines d’aménorrhée
(ou plus de 500 g) in utero jusqu’au sixième jour de vie, la mortalité néonatale
tardive de la naissance à 27 jours de vie (2,3 ‰ en 2010) et la mortalité
post-néonatale de 28 jours à un an de vie.
La mortalité infantile (INED, 2013) correspond au nombre d’enfants nés
vivants et décédés durant la première année de vie. En 2012, elle est de
3,3 ‰. Elle était 100 fois plus élevée il y a deux cent cinquante ans et
encore 10 fois plus élevé il y a cinquante ans. Les facteurs de décroissance
sont multiples : mise en place des pratiques d’hygiène en général et d’asep-
sie en particulier, amélioration des techniques d’accouchement, vaccina-
tion contre la variole, et à partir de la fin du xixe siècle, développement des
politiques publiques de surveillance des enfants et des nourrices. En Île-de-
France, les causes de mortalité infantile prennent surtout leur origine dans
la période prénatale (i. e. prématurité, hypotrophie), qui représente près de
la moitié des décès, les anomalies congénitales (cardiopathies notamment)
représentent 20 % des décès et le syndrome de mort subite du nourrisson
près de 10 % des décès. Un peu plus de 40 % des décès surviennent lors de
la première semaine de vie et 65 % durant le premier mois.
quarante ans après par sa mère. Que sa fille meure fut assimilé par elle au geste
commis à son encontre par son beau-père, identification insoutenable.
Deuil prénatal
Nous étudierons ici trois situations spécifiques : les fausses couches
spontanées, l’interruption médicale de grossesse et la réduction embryon-
naire.
sur l’occurrence des troubles. Ils sont augmentés à six mois sur le critère de
dépression mineure (Klier et al., 2000).
Réactions immédiates. L’expérience est marquée par l’inquiétude, la détresse
et un sentiment de perte de contrôle. Les femmes n’ont pas toujours confié
leur grossesse auparavant et leur situation est rarement considérée comme
une urgence vitale à l’hôpital où elles peuvent être amenées à attendre des
heures malgré leur angoisse avec un personnel banalisant l’événement à
titre de réassurance. Selon Broen et al. (2006), (10) jours après, plus de 50 %
des mères montraient un état de détresse significatif. Quelques semaines
après plus de la moitié des femmes ne présentent aucune modification émo-
tionnelle (Beutel et al., 1995 ; Lok et Neugebauer, 2007).
Réactions à distance. Le risque de survenue de symptômes dépressifs ou de
dépression durant l’année suivante est doublé (Robinson et al., 1994 ; Lok et
Neugebauer, 2007). Les femmes vulnérables sont en particulier celles anté-
rieurement dépressives, celles qui sont sans enfant et qui avaient beaucoup
investi la grossesse. Les réactions anxieuses sont en relation avec l’anticipa-
tion d’une prochaine grossesse.
La réduction embryonnaire
La réduction embryonnaire est aujourd’hui un geste médical dont la fréquence
a beaucoup diminué grâce à l’amélioration des techniques qui ont permis de
réduire le nombre d’embryons transférés après une fécondation in vitro (FIV).
Après une stimulation de l’ovulation, le monitoring régulier empêche aussi
l’apparition d’un nombre excessif de follicules. Le plus fréquemment, cette
réduction quand elle reste nécessaire se pratique vers la fin du premier trimes-
tre (11 SA). Son objet principal est de réduire le risque de grande prématurité
(Boulot et al., 2000). Elle est toujours vécue par la mère comme bizarre et
souvent pénible, du fait du contraste entre sa démarche, faire naître, et le
geste médical qui empêche de faire vivre un embryon. Elle peut donner lieu
à un sentiment de culpabilité, plus rarement à une symptomatologie trauma-
tique. La préparation par l’équipe obstétricale du geste médical, proposé, non
imposé en cas de grossesses triples, pour en permettre la compréhension et
l’anticipation, et l’explication rationnelle de son objet ainsi que le soutien au
mari, permettent de réduire le malaise de la femme enceinte. L’amélioration
de l’état psychique est la règle à court ou moyen terme lorsqu’un ou plusieurs
enfants vivants naissent, mais un véritable effondrement peut survenir dans
le cas contraire, passager dans notre expérience.
L’étude de Garel et al. (1997) a montré qu’un an après la réduction un tiers
des mères présentaient encore des symptômes dépressifs (essentiellement,
tristesse et culpabilité). Les autres rationalisaient le geste par des commen-
taires médicaux. Après deux ans, la plupart des mères ne montraient plus
de souffrance et avaient moins de difficultés de relations avec leurs enfants
que le groupe de mères avec des triplés, référé comme groupe contrôle.
Cette étude est limitée par le faible nombre de sujets et la faible partici-
pation. Une recherche menée sur un plus grand échantillon (Schreiner-
Engel et al., 1995), comprenant 100 mères successivement incluses dans
un programme de réduction embryonnaire, retrouve chez 65 % d’entre
elles des sentiments douloureux persistants quand elles évoquent la pro-
cédure. Un processus de deuil est retrouvé chez 70 % des femmes. Pour la
plupart il persiste moins d’un mois. Par contre, des sentiments de faible
intensité de tristesse et de culpabilité sont retrouvés de façon assez inter-
mittente chez beaucoup d’entre elles. Les femmes les plus affectées sont
les plus jeunes, les plus religieuses et celles qui ont assisté le plus souvent
à l’échographie. Il a été rapporté 7 % des mères qui regrettaient ce geste
dans l’après-coup. McKinney et al. (1995) ont montré que la douleur liée à
la réduction embryonnaire semble bien moins intense que celle associée à
l’infertilité. Dans les cas très défavorables, heureusement rares, l’association
d’une fausse couche spontanée et de la réduction embryonnaire sans enfant
vivant apparaît particulièrement traumatique. Dans cette même étude, la
moitié des femmes dirent que la décision avait été prise sans difficulté contre
16 % qui avaient eu des difficultés à s’y résoudre. L’étude française de Garrel
Le deuil périnatal 373
et al. a permis de suivre 11 femmes ayant mis au monde des triplés dans un
contexte favorable, sans complication néonatale et dans un environnement
socio-économique aisé pour la plupart. Dans ce petit groupe, un tiers des
mères présentent une symptomatologie d’allure dépressive à la CES-D mais
les enfants se développent normalement. L’équipe attribue ces difficultés à
la fatigue et à l’âge avancé de femmes ayant un long parcours d’infertilité.
Dodd et Crowther (2012) par une revue systématique concluent que les
études entreprises ne permettent pas de consensus sur la conduite à tenir et
les avantages de la réduction embryonnaire.
Évolution générale
Le deuil d’enfants mort-nés ou après quelques jours et semaines de vie
peut-être particulièrement compliqué et prolongé (Bennett et al., 2005 ;
Cacciatore, 2010). Des réminiscences et des rêves anxieux, ravivés par tout
ce qui évoque la perte, sont fréquents formant les symptômes d’un état de
stress post-traumatique souvent partiel. Ils ont été retrouvés en particulier
lors des grossesses subséquentes vers le second ou troisième trimestre.
Grossesse subséquente
La grossesse subséquente peut s’accompagner d’une importante anxiété et
de difficultés obstétricales. Cuisinier et al. (1996) ont sollicité 193 femmes
après une FCS et 28 femmes après un décès périnatal. Dans les dix-huit mois
suivants, 86 % des femmes étaient enceintes, et 14 % ont à nouveau vécu
une FCS. La réactivation du deuil par la grossesse est constatée dans seule-
ment 5 % des cas. Les troubles sont majeurs dans 1,5 % des cas, mais liés à
un événement intercurrent. L’anxiété est fréquente au premier trimestre et
parfois la grossesse est cachée à l’entourage de peur d’une récidive.
Le deuil périnatal 375
Hughes et al. (1999) et Turton et al. (2001) montrent que les femmes
qui sont enceintes après un enfant mort-né ont un niveau plus élevé de
dépression et d’anxiété durant la grossesse, mais ne diffèrent pas du groupe
contrôle à six semaines et vingt-six semaines du post-partum. Les femmes
qui conçoivent un nouvel enfant avant un an ont un score d’anxiété et de
dépression supérieur, jusqu’à vingt-six semaines, aux femmes qui attendent
pour concevoir. Elles présentent aussi plus de symptômes de stress post-
traumatique (Turton et al., 2001).
Selon Blackmore et al. (2011) lors de la grossesse suivante et durant le
post-partum (Blackmore et al., 2011), même après la naissance d’un enfant
en bonne santé, le nombre d’enfants mort-nés ou de précédentes FCS est un
facteur de risque significatif de symptômes dépressifs. Le désir de se proté-
ger contre la souffrance de la perte stimule parfois le désir de la mère, mais
plus souvent celui du père d’entreprendre immédiatement une nouvelle
grossesse. Les résultats des études à ce sujet sont controversés (Turton et
al., 2001 ; Franche, 2001).
Conséquences familiales
Les pères et le deuil périnatal
Les pères. Ils tendent à inhiber l’expression de leurs affects, répondant
peut-être en cela à un rôle social, car lorsque l’occasion leur en est four-
nie, ils font état de peine ou de détresse (Mandell et al., 1980 ; Gauthier
et al., 1993). Puddifoot et Johnson (1997), dans les situations de FCS, met-
tent en évidence chez 126 pères des réactions de deuil proches de celles des
mères. Elles s’aggravent avec la durée de la gestation et sont encore plus
nettes lorsque l’enfant a pu être vu à l’échographie. Ces auteurs confirment
ce que révèle la clinique : les pères ne s’accordent pas aisément le droit à
la peine ou aux pleurs, ils masquent à eux-mêmes ou à autrui leur peine
et favorisent les mécanismes d’évitement. L’étude n’évalue pas la consom-
mation de substances psychoactives, particulièrement l’alcool, qui est une
réaction aux deuils sévères plus fréquente chez le père (Vance et al., 2002).
Korenromp et al. (2005b) étudiant 151 couples deux à sept ans après une
IMG ne retrouvent que des différences minimes entre les réactions chez
le père et la mère. Récemment, Kong et al. (2010) montrent que la moitié
des pères dont la conjointe présente une détresse intense ne montrent pas
eux-mêmes de signes de détresse (GHQ et BDI) et ceux-ci, quand ils sont
présents, cèdent généralement en moins de trois mois alors qu’ils tendent à
persister chez leur compagne au moins une année.
Le couple. Le deuil périnatal est aussi un facteur de tension au sein du
couple. Il augmente le risque de séparation (Gold et al., 2010). Toutefois
pour d’autres couples, il est au contraire source d’un rapprochement entre
376 Psychopathologie périnatale
La fratrie
La fratrie bénéficie aujourd’hui d’une meilleure prise en compte et est sou-
tenue notamment en cas d’IMG ou de FCS tardives, lors du transfert en
unité de soins intensifs (Sandler et al., 2013), que le pronostic soit ou non
favorable, ou lors de la MSN. Les enfants ont été préparés à l’advenue d’un
frère ou d’une sœur pour lequel ou laquelle ils présentent des sentiments
plus ou moins ambivalents. Plusieurs équipes ont proposé à ce que les
enfants participent au rituel de deuil ou à une partie de celui-ci avec leurs
parents (Avelin et al., 2012 ; Warland et al., 2011 ; Callister, 2006).
Recherche de savoir. Les enfants jeunes s’interrogent sur le devenir du
bébé, sur la possibilité d’entrer en contact avec lui, s’il va revenir et moins
souvent sur les causes de la mort. Ils peuvent s’inquiéter de leur propre mort
ou de celle de leurs parents. Ils ressentent le délaissement de leurs parents
pendant ou après l’hospitalisation comme un signe de rejet (Walker, 1993).
Bien que la plupart ne manifestent pas de signes psychiatriques de souf-
france, ces préoccupations peuvent surgir de façon intermittente et parfois
s’aggraver brutalement plusieurs années plus tard. Des adultes ayant perdu
leur frère ou sœur en unité de soins intensifs rappellent comment, chaque
fois qu’ils étaient impliqués dans la connaissance et le devenir de l’enfant
malade, ils sentaient ces moments essentiels (Fanos et al., 2009).
L’anxiété est particulièrement mise en évidence après une mort subite
(Mandell et al., 1983). Elle se manifeste sous forme d’un sentiment diffus
d’insécurité ou, chez les plus petits, par l’agrippement aux parents. De fait,
toutes les formes d’anxiété sont présentes chez l’enfant : angoisse de sépa-
ration, crainte quant à la santé des parents, peur d’une mort accidentelle ou
provoquée. La crainte de voir mourir sa mère se manifesterait dans près d’un
tiers des cas et celle de décéder lui-même dans 10 % des cas. Les troubles du
sommeil peuvent être liés à des angoisses nocturnes, même en l’absence de
souvenir de rêves ou avant un plein développement du langage. La survenue
secondaire de troubles sphinctériens, et en particulier d’énurésie, est pos-
sible. Ces troubles partageraient une connotation anxieuse et agressive.
Sentiments dépressifs. L’enfant peut se sentir délaissé et manifester
des affects dépressifs ou hostiles. Ce sentiment d’être rejeté n’est pas tou-
jours une simple fantaisie anxieuse. Les parents présentent souvent moins
d’empathie avec l’enfant survivant et parfois le rejettent (Cornwell, 1977,
Le deuil périnatal 377
cité par Brockington, 1996). L’enfant lui-même interagit moins avec ses
parents (Halpern, 1972).
Parentification. Devant la souffrance des parents, l’enfant peut réagir
en tentant d’alléger leur préoccupation, assurant ainsi paradoxalement soin
et aide, au risque d’une hypermaturation.
L’enfant subséquent
La chronicité du deuil peut entraîner des troubles particuliers. Outre des
sentiments dépressifs ou anxieux chez l’enfant, un tableau particulier a été
remarqué et analysé comme une forme de transmission intergénération-
nelle d’un deuil traumatique : « l’enfant de remplacement ».
La grossesse puis la naissance de l’enfant suivant tendent à réactiver
le souvenir de l’enfant perdu ou des attentes non exaucées. Des troubles per-
sistants durant le post-partum de type dépressif ou l’existence de symptômes
post-traumatiques peuvent altérer les interactions et la relation à l’enfant.
Les premiers soins prodigués à l’enfant subséquent lorsque le deuil
n’est pas achevé peuvent être marqués par de brefs instants de confusion
entre l’enfant vivant et le disparu. De simples substitutions de prénoms
jusqu’à des manifestations pseudo-hallucinatoires peuvent se rencontrer,
qui généralement disparaissent rapidement.
Modalités d’attachement. Hughes et al. (2001) ont retrouvé plus fré-
quemment chez les enfants nés après un enfant mort-né (chaque groupe
comprenant 53 sujets) un attachement désorganisé, tenant compte dans
l’analyse des facteurs de risques psychiatriques maternels. Ce type d’atta-
chement était prédit par le statut « irrésolu » de la mère par rapport à la
perte, et moins fortement avec le fait d’avoir subi une IMG.
À six ans de vie. Turton et al. (2009a) ont montré par une étude menée
auprès de 52 enfants nés après un enfant mort-né que ces derniers à l’âge de
6 ans ne présentaient pas, selon les enseignants comme les mères, plus de
troubles cognitifs ou de problèmes de santé que le groupe contrôle. Toute-
fois les mères rapportaient une moins bonne ambiance familiale, avec plus
de critique des actions de l’enfant, un comportement plus contrôlant et
moins d’implication.
Le tableau de l’enfant de remplacement. Des travaux sur l’idéali-
sation par les parents de l’enfant perdu et du statut de l’enfant suivant ont
été menés par Caïn et Caïn (1964). Parmi un groupe de six enfants nés après
un aîné décédé et examinés dans le cadre d’une consultation psychiatrique,
Caïn et Caïn (1964) remarquent l’unité de la symptomatologie : obsessions
de la maladie ou de la mort, troubles somatiques divers avec, parfois, mani-
festations de conversion, préoccupations et empiétement de la vie psy-
chique par la représentation du disparu. Le tableau survient lorsque l’enfant
précédent fait l’objet d’une intense idéalisation, d’autant plus aisée qu’il
n’a pas vécu. Il ne s’agit pas d’un destin commun aux enfants subséquents
378 Psychopathologie périnatale
d’une bande-son dégradée. Ce n’est parfois que lors d’une seconde rencon-
tre ou consultation que les explications vont être réellement comprises et la
question de l’interruption de la grossesse clairement appréhendée.
Attente. Dans le laps de temps qui sépare la décision de l’IMG même,
la mère peut généralement contenir sa souffrance. Cette capacité demeure
toutefois précaire si le délai s’allonge, l’angoisse ou le malaise peuvent s’ins-
taller. La présence du bébé in utero est souvent un élément de réassurance :
la représentation de la perte n’est pas encore fondée sur une expérience. Le
plus souvent, le père ressent un profond malaise, se hâte de ne plus penser
à cette grossesse, cherche à précipiter le moment de l’interruption effective
et s’imagine parfois débarrassé de l’angoisse par l’action.
L’entretien avec le psychothérapeute permet d’évoquer, notamment pour
les primipares, les modalités pratiques de l’expulsion. Il est systématique-
ment proposé aux parents la possibilité, lors de cet accouchement, de regar-
der leur enfant et, s’ils le souhaitent, de le prendre dans leurs bras.
La présentation de l’enfant. Elle répond à une proposition faite aux parents.
Dans notre expérience, la mère ressent et exprime presque toujours de la
compassion pour ce qu’elle nomme la souffrance de l’enfant. Elle exprime
ensuite la profonde satisfaction d’avoir pu le voir. Elle est considérée comme
un élément essentiel de prévention de certaines formes de pathologie du
deuil périnatal, mais les preuves empiriques sont faibles.
La ritualisation de la perte. Les effets sont controversés (Hughes et al., 2002).
Cliniquement, deux risques différents sont appréhendables : précipiter plu-
tôt que prendre le temps pour que la mère voie ou prenne l’enfant dans
ses bras, favoriserait l’issue traumatique ; rassurer la mère par des images,
photos ou autres objets pourrait favoriser la fétichisation de l’enfant perdu
en l’absence d’expérience réelle de vie commune. Par contre, aucune étude
n’a montré que l’inhumation de l’enfant favorise, si elle est décidée avec les
parents, de quelconques troubles.
Sentiments précoces de la perte. La perte sera souvent exprimée sous la
forme d’un sentiment de vide, d’un corps creux duquel on a retiré l’enfant,
d’une incomplétude. Parfois les mères expriment l’impression de ressentir
encore le bébé à l’intérieur de leur ventre, voire de percevoir ses mouve-
ments. Certaines malformations sont plus anxiogènes que d’autres : celles
qui touchent la face ou bien renvoient à une représentation du corps de
l’enfant ouvert, comme par exemple l’absence de fermeture du tube neural,
l’omphalocèle ou le laparoschisis. La présentation à la mère, proposée et
expliquée, jamais imposée ni exercée sous pression, peut permettre de faire
face, par l’expérience, à ces représentations angoissantes.
L’état psychique maternel. La préoccupation maternelle primaire, l’idéali-
sation de l’enfant attendu, la vie fantasmatique et l’expérience de la trans-
formation de son corps propre induisent des représentations et attentes
spécifiques à beaucoup de femmes enceintes vers la fin de la grossesse.
Le deuil périnatal 381
Idéalisation et humanisation
Vignette clinique 1
Une échographie tardive a conduit au diagnostic d’anencéphalie. L’interruption
de grossesse est proposée à la mère. Le médecin, inquiet de l’aspect de l’enfant,
la décourage fortement de le voir. Bousculé de questions insistantes et précises,
il décrit le fœtus « comme un enfant à tête de grenouille ». L’équipe est très
inquiète des réactions de la mère (qui n’a pas vu son enfant). Cet élément est
saisi positivement par la mère qui imagine sous un masque de carnaval un
bébé conforme à celui-là même qu’elle voulait se représenter : un beau bébé.
Le puissant désir maternel a permis de « créer » un objet d’amour conforme à
son espoir.
Vignette clinique 2
Un enfant décédé in utero est découvert malformé et macéré. L’équipe obstétri-
cale dans la salle d’accouchement s’inquiète de proposer à la mère, une jeune
primipare, de voir son bébé. Les sages-femmes et l’obstétricien préviennent
avec tact et précaution de l’aspect de l’enfant mais demeurent jusqu’aux der-
niers instants anxieux des réactions maternelles. À leur surprise, la mère insiste
malgré tout et demande à prendre l’enfant dans ses bras. Elle lui parle, ainsi
qu’à son mari présent dans la salle, et en souriant lui trouve, à l’étonnement des
soignants, un « air de famille » avec un oncle.
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18 Thérapeutique
La grossesse est avant tout le temps du dépistage, de l’écoute, du sou-
tien, de la prévention, de l’information, de la planification, mais parfois
aussi du traitement. Le post-partum peut aussi donner lieu à une action
préventive, mais il est essentiellement le temps du traitement actif. Les
moyens du soin et de la prévention sont multiples. Nous décrirons les
modalités institutionnelles propres à la psychiatrie périnatale et aux
soins psychologiques périnataux (psychiatrie de liaison, unités mère-
bébé et équipes mobiles), les soins psychothérapiques proprement dits
(psychothérapies psychodynamiques brèves, TCC et thérapies inter-
personnelles) et les méthodes psychosociales (du ressort de soignants
ou d’aidants non psy ou d’associations de pairs) et enfin l’usage des
psychotropes.
Modalités institutionnelles
Psychiatrie de liaison
Historique
Dès 1956, Douglas travaillait régulièrement en Angleterre avec un service
d’obstétrique. Ce fut le cas quelques années plus tard, en 1962 de Guyotat,
psychanalyste et psychiatre, à la maternité de l’Hôtel-Dieu à Lyon. L’activité
de liaison a évolué de la prise en charge des accouchées présentant une
pathologie mentale au soutien aux femmes éprouvées par des complica-
tions obstétricales, puis enfin à la prise en compte spécifique du processus
de parentalisation.
Un travail transdisciplinaire
La plainte doit rencontrer une écoute suffisante et un accueil favorable
pour être adressée à un tiers. Cette étape, appelée « la négociation du symp-
tôme », nécessite une base commune d’échanges et de représentations des
troubles et de leurs soins.
Indications
On en distingue trois principales : prévention, évaluation et prise en charge,
de la mère, de la dyade et souvent incluant des séquences avec le père ou
la fratrie.
Équipes mobiles
Ce mode d’intervention (Ramonet et Roelandt, 2013) dans le champ de la
périnatalité permet de tenir compte de la spécificité du contexte :
• action temporellement ciblée : de la grossesse ou des échecs de la concep-
tion à la première année de vie environ ;
• fréquence des situations d’urgence : situation de détresse, premiers signes
de décompensation psychotique ou thymique ;
• lieux d’intervention multiples : domicile, départements d’obstétrique, de
pédiatrie, de psychiatrie infantile ou générale, cliniques privées ;
• lien effectifs (en présence) avec multiples réseaux d’intervenants : travailleurs
sociaux, TISF, sages-femmes, réseaux associatifs, soins médicaux hospitaliers ou
libéraux, réseaux d’addictologie.
D’une grande réactivité et souplesse, cette organisation permet d’acquérir
un haut niveau d’expertise. Elle complète et pallie jusqu’à un certain point à
l’absence d’unité d’hospitalisation conjointe mère-bébé en accompagnant et
parfois en organisant la liaison active entre les différents intervenants pour
permettre à la mère d’être régulièrement en contact avec le nourrisson. Elle
s’adresse à tous les milieux sociaux. Elle permet une excellente alliance thé-
rapeutique avec des populations plus réservées ou marginalisées initialement
pour accepter un soin ou la collaboration avec les services sociaux (Lyons
et al., 1996) Les modalités des interventions peuvent évoluer en s’adaptant
au cours de la maladie et au contexte. L’intervention est aussi possible lors de
soins médicaux à la mère ou au nourrisson et en cas de handicap.
Ces équipes comprennent au minimum l’équivalent temps plein d’un
infirmier, d’un psychologue et d’un psychiatre compétents dans les champs
Thérapeutique 391
En France
Sous l’influence de l’expérience anglaise, Racamier fut le premier à pratiquer
des hospitalisations conjointes (hôpital psychiatrique de Prémontré dans
l’Aisne), plus particulièrement chez les mères psychotiques. La première unité
mère-enfant fut créée en 1979 au centre hospitalier de Créteil en région pari-
sienne. L’influence de la psychiatrie du nourrisson y fut déterminante.
On compte aujourd’hui, en France, quinze unités d’hospitalisation mère-
enfant à temps complet et dix unités le jour (tableau 18.1). Elles peuvent recevoir
en moyenne quatre patientes. À ces lits d’hospitalisation réservés et spécifiques,
il faut ajouter l’accueil à la demande dans des services de psychiatrie générale,
souvent peu adaptés, des mères avec leur bébé, ou plus exceptionnellement
dans un service de pédiatrie ou d’obstétrique. En 2013, des régions entières sont
dépourvues de tout lit d’hospitalisation mère-bébé telles la Bretagne, la Haute et
la Basse-Normandie, qui regroupent 6 millions d’habitants.
Tableau 18.1. Typologie des unités psychiatriques mère-bébé temps plein en France*.
392
UMB Institution Date de création Lieu d’implantation et modalités Nombre de lits
de gestion en post-partum et de berceaux
Psychopathologie périnatale
Créteil 94 CHI Créteil 1979- Unité individualisée gérée par un service de pédopsychiatrie 4+4
Villejuif 94 CHU P. Brousse 1980-1994 Chambres individualisées gérées 2+2
1998- par un service de psychiatrie adulte
Marseille 13 CHU Ste-Marguerite 1985-1990- Unité individualisée dans un service de pédopsychiatrie 2+2
1990 - (accueil possible pour le père)
(hôpital de semaine)
Lille/Addicto Clinique La Charité 1985- Lits en addictologie, cogestion psychiatrie générale 3+3
et pédopsychiatrie
Montesson 92 CH Th. Roussel 1986- Unité individualisée en pédopsychiatrie 8+8
Avignon 30 CHS Montfavet 1988-1997 ; 1997- Unité individualisée gérée par un service de pédopsychiatrie (2+2)
Devenu unité de jour
Lille 59 CHRU 1989- Unité individualisée cogérée par un service de psychiatrie 4+4 (5)
Hôpital Fontan générale et pédopsychiatrie
Besançon 25 CHU St-Jacques 1991- Lits disponibles en pédopsychiatrie 2+2
Paris CH Maison Blanche 1993- Unité individualisée gérée par un service de pédopsychiatrie 5+5 (6)
(convention avec le Réseau périnat Paris Nord)
Limoges 87 CH Esquirol 1995- Unité individualisée gérée par un service de psychiatrie adulte 4+5
Poitiers 86 CHU Poitiers 1996-1997 Unité individualisée cogérée par un service 3+4
et CH H. Laborit 1998- de psychiatrie adulte et pédiatrie
hôpital de semaine
Lyon-Bron 69 CH Le Vinatier 1991-2009 Unité temps plein de Lyon Bron (2+2)
Devenue unité de jour
par manque de moyens x
x UMB
Institution Date de création Lieu d’implantation et modalités Nombre de lits
de gestion en post-partum et de berceaux
La Roche-sur- CH G. Mazurelle 1997-2001 Centre Donald Winnicott, unité intersectorielle, (1+1)
Yon 85 fermé manque de moyens gérée par un service de pédopsychiatrie
Bordeaux 33 Hôpital Ch. Perrens 1998- Unité d’hospitalisation au sein du pôle universitaire 4 (5)+4 (5)
de psychiatrie générale
Albi 81 CHS Albi 1999 2007 Lits disponibles gérés par un service de psychiatrie générale (2+2)
Inactif, manque de moyens
Strasbourg 67 CHRU Strasbourg 2000- Unité fonctionnelle dans un service de psychiatrie générale 4+4
en coordination avec le service de pédopsychiatrie (6+6 en projet)
Nantes 44 CHU Nantes 2003- Unité individualisée en hospitalisation de semaine gérée 3+3
par le service de pédopsychiatrie, située en ville avec l’unité
de jour
St-Denis 93 CH St-Denis 2004- Un lit/année disponible en maternité géré par l’unité 1+1
petite enfance (maximum 3 hospi. en même temps)
Brumath 67 EPSAN, CH Brumath 2007- Unité autonome dans l’intersecteur de pédopsychiatrie 4+5
en lien avec les services de psychiatrie générale
Lyon-Mont- Hôpital privé de 2011 Unité privée « Natecia » en partenariat avec le service (5+5) autorisés
Thérapeutique
plaisir 69 Lyon de pédopsychiatrie du Vinatier non installés
Villeurbanne Clinique Notre- 2008 Hospitalisations dans la clinique psychiatrique cogérée avec 1+1
69 Dame l’Unité de psychopathologie périnatale de la clinique de
(PSPH) Monplaisir
St-Cyr-l’École 78 Hôpital J.M. Charcot 1987 projet de fermeture ( ?) Unité de maternologie 4+4
Le Vésinet 78 CHD Le Vésinet 1858- Unité autonome de 21 lits et 23 berceaux d’hospitalisation
393
postnatale et 20 lits de prénatal. Toutes pathologies 7+7
(seulement 30 % relèvent de la psychiatrie)
*Adapté de Cazas et Glangeaud-Freudenthal, 2009.
394 Psychopathologie périnatale
Spécificité thérapeutique
Empirisme
Ce sont essentiellement des critères empiriques qui ont conduit à
la création de telles unités. Aujourd’hui, les premiers bilans ont été
publiés. Ils montrent la supériorité de ces unités sur les soins ambula-
toires et les services d’hospitalisation ordinaires, notamment pour la
prévention des suicides (Oates, 2003), le soutien à la parentalité, et, par
des enquêtes qualitatives, le sentiment d’être respectée dans sa position
maternelle.
Avantages
Assurer une sécurité psychique à la mère. Les épisodes de déréalisation aiguë
sont un moment de rupture avec le sentiment d’identité, expérience qui
entraîne un sentiment de discontinuité dans le vécu, irréductible même
après guérison. Le soutien à la relation mère-bébé, constitutive du sen-
timent d’identité à cette période, sert de levier thérapeutique dans les
unités.
Réguler les contre-attitudes. Le personnel est le plus souvent formé et
supervisé pour éviter les attitudes contre-transférentielles qui consistent
en la mise à l’écart du nourrisson ou de la mère elle-même ou sa disqua-
lification. Les études recueillant le narratif de mères hospitalisées, surtout
dans les services de psychiatrie générale, ont montré la violence subjecti-
vement ressentie du fait du manque d’égard pour leur statut maternel, le
manque d’information et plus généralement l’inadéquation ressentie du
soin.
Assurer la sécurité physique en maintenant les liens. Seuls des locaux adaptés
et un personnel formé permettent de protéger simultanément le bébé et sa
mère tout en maintenant constante une forme de liens.
Efficacité thérapeutique. Elle est en partie assurée par la seule présence
maintenue du bébé (cf. Baker et al., 1961) En 2011, a été créée aux
États-Unis la première unité d’hospitalisation mère-bébé. Les respon-
sables ont rapidement publié les premiers résultats de leur démarche
de soins en montrant son efficacité, mais en l’absence de contrôle
(Meltzer-Brody et al., 2013 ; Glangeaud-Freudenthal et al., 2013). Un
travail similaire avait été effectué en France en 2010 (Meltzer et al.,
2013 ; Kenny et al., 2013). Au Royaume-Uni, Kenny et al. (2013) ont
comparé plusieurs groupes de patientes traitées dans le post-partum
immédiat pour des troubles mentaux sévères équivalents (dépression
majeure ou autres pathologies) à domicile (67 sujets) ou dans une UMB
(49 sujets) et un groupe de mère indemnes de toute pathologie. Ils ont
montré, utilisant une technique de vidéo feed-back dans chacun des
groupes, l’amélioration plus significative des interactions mère-bébé
pour le groupe de mères hospitalisées au sein des UMB. Une enquête,
Thérapeutique 395
Méthodes psychothérapeutiques
Psychothérapies « réglées »
Elles sont le fait de thérapeutes formés et supervisés, leurs indications sont
essentiellement les troubles internalisés (anxieux et dépressifs notamment)
et certains troubles de la personnalité.
Considérations générales
Efficacité. En dehors du contexte périnatal, la plupart des études récentes de
validation en cas de trouble anxio-dépressif portent sur les TCC (thérapies
comportementales et cognitives) et les TIP (thérapies interpersonnelles),
peu sur les méthodes d’inspiration psychanalytique (Leichsenring et
Rabung, 2008 ; Gerber et al., 2011). Un rapport franco-canadien très
396 Psychopathologie périnatale
mois et demi et soixante mois après la naissance. Après neuf mois, aucune
thérapie brève ne se distingue de l’évolution spontanée après des soins de
routine. L’impact sur les interactions mère/nourrisson est favorable avec les
trois techniques psychothérapiques (Milgrom et al., 2005). Il est limité dans
le temps, et significativement plus importante avec le conseil non directif
(Cooper et al., 2003).
Efficacité à long terme. Deux enseignements peuvent être tirés de cette
première étude, confirmés ultérieurement : le bénéfice d’un traitement psy-
chothérapique diminue dans la durée et il n’est pas toujours suffisant pour
améliorer la relation mère-bébé qui doit bénéficier d’un soutien spécifique
quand elle est altérée. Les auteurs concluaient au bénéfice probable d’un
soutien plus étendu dans le temps. Ainsi, une revue (Forman et al., 2007)
n’a pu conclure à l’efficacité durable des TCC après deux ans d’évolution en
cas de dépression postnatale (Perveen et al., 2013).
Prévention. L’avantage de débuter un traitement dès la période anténatale
en cas de dépression ou de troubles anxieux caractérisés a été mis en évi-
dence pour les TIP (Grote et al., 2009). Quelques rares études ont recherché
et ont montré, en cas de troubles anxieux ou dépressifs récents, le bénéfice
des psychothérapies brèves mère-bébé d’inspiration psychodynamique
(Nanzer et al., 2012) ainsi que des TIP notamment celles prenant en compte
les spécificités culturelles (Grote et al., 2009). Par contre une revue met en
doute l’efficacité des TCC (Nardi et al., 2012), probablement parce qu’elles
ne comprennent pas, comme l’a mis en place Milgrom, une prise en charge
globale du sujet.
Psychotropes
Les risques d’une prescription pendant la grossesse
Généralités
Sources des connaissances
Outre les études expérimentales, les sources de données sont multiples :
recueil spontané de cas, rares études de cohorte, examen croisé des dossiers
informatisés sur de très larges populations surtout en Europe du Nord à
l’heure actuelle. C’est donc devant un faisceau d’arguments que les prescrip-
teurs décideront. Ils doivent trouver l’équilibre entre soulager la souffrance
de leurs patientes et prendre un risque, en théorie minime, pour l’enfant
Thérapeutique 399
Les antidépresseurs
Tératogenèse
Tricycliques (TC) : la quasi-totalité des études récentes ne signalent pas d’effet
tératogène (McElhatton et al., 1996 ; Ericson et al., 1999).
Une recherche préliminaire (Kallen et al., 2006) non confirmée à
notre connaissance a montré une élévation significative du nombre de
malformations cardiaques, de sévérité généralement modérée, chez les nou-
veau-nés dont les mères reçoivent de la clomipramine au premier trimestre.
Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine (ISRS) et apparentés. Les données
accumulées jusqu’à ces dernières années ne mettent pas en évidence un risque
accru de malformations (Kallen et al., 2006 ; Hallberg et Sjoblom, 2005) à
l’exception de la paroxétine avec un risque augmenté de CIA et CIV (RR ≈ 2).
Celles concernant la fluoxétine restent particulièrement rassurantes, car
rassemblant le plus grand nombre de travaux ; à l’inverse, il est acquis que la
paroxétine augmente le risque de malformations cardiaques (CIA et CIV) ;
(Diav-Citrin et al., 2005 ; Kallen et al., 2006 ; Cole et al., 2006). Enfin une
étude rétrospective portant sur 5 337 enfants à travers plusieurs registres
nord-américains de malformations a retrouvé un taux significativement plus
élevé d’omphalocéle (OR = 3) avec l’ensemble des ISRS mais surtout avec
la paroxétine (Alwan et al., 2005). Toutefois, Kallen et Otterblad Olausson
(2007), tenant compte des facteurs de confusion (tabac, âge maternel,
parité, antécédents d’avortements spontanés, psychotropes et médica-
ments associés), confirment l’absence de modification du taux global de
400 Psychopathologie périnatale
malformations avec l’usage d’ISRS sauf de CIA et CIV. Une étude, rétros-
pective, portant sur 377 femmes dont les enfants ont présenté une hyper-
tension pulmonaire, comparées à 836 témoins appariés, a mis en évidence
une association significative avec la prise d’ISRS, sans spécificité du produit,
durant la grossesse (Kallen et al., 2007). Ce résultat n’a pas été confirmé par
d’autres recherches publiées à ce jour.
À ce jour, aucune étude n’a montré une modification du taux de malfor-
mations par les antidépresseurs des classes étudiées et autorisées en France
(TC ou ISRS) sauf pour la paroxétine.
Les antipsychotiques
Tératogénicité
Les études menées avec des patientes souffrant de troubles psychotiques
comportent un nombre restreint de sujets. Beaucoup d’études ont porté
sur des neuroleptiques portés pour d’autres indications et en général à
doses faibles ou pour des molécules peu prescrites. Le risque semble faible
(RR = 1,2) mais significatif concernant la phénothiazine (Altshuler et
al., 1996). Pour l’halopéridol, il n’a pas été montré d’incidence de la pres-
cription (Kopelman et al., 1975 ; Briggs et al., 2000). Quant aux antipsy-
chotiques récents dits atypiques, il existe actuellement peu de données.
Concernant la clozapine, les risques sont a priori considérés comme réduits
(McKenna et al., 2005 ; Gupta et Grover, 2004) comme pour l’olanzapine
(McKenna et al., 2005) dont seul 20 % environ traversent la barrière pla-
centaire. Les données concernant la rispéridone (McKenna et al., 2005), la
ziprasidone, la quiétapine et l’aripiprazole sont bien trop réduites pour une
quelconque conclusion, mais il faut rappeler les résultats défavorables des
études animales pour les trois derniers produits.
Syndromes périnataux
Ils sont fréquents, affectant jusqu’à 50 % des enfants (Auerbach et al., 1992).
La plupart disparaissent en quelques jours. De troubles plus sévères ont été
rapportés avec la clozapine (Grover et al., 2006).
Les effets sur le développement
Ils sont mal connus mais aucun développement défavorable n’a été établi.
Les antipsychotiques les mieux connus et les plus fiables sont l’halopéri-
dol, le largactil et l’olanzapine.
Les benzodiazépines
Leur prescription doit être évitée.
Tératogenèse
Le risque principal est la survenue d’une fente labio-palatine. L’odds ratio
est de 1,8 avec un taux de malformations égal à environ 0,1 % chez les
sujets exposés.
Syndromes néonataux
Si l’enfant a été exposé près du terme, des symptômes d’intoxication (dys-
régulation de la température corporelle, troubles respiratoires, défaut de
succion et syndrome de l’enfant mou) ainsi que des signes de sevrage (trem-
blement, excitation, irritabilité, parfois diarrhées ou vomissements) sont
régulièrement rapportés (Briggs et al., 2002).
Effets sur le développement
Il n’existe pas de données fiables en la matière.
Psychotropes et allaitement
Tous les psychotropes sont susceptibles de passer dans le lait maternel. Le
transfert est principalement sous la dépendance de la liposolubilité et du
gradient de concentration (Hale, 1999). Durant les deux premières semaines,
de larges espaces entre les cellules alvéolaires permettent le passage aisé
de certaines molécules. Des revues sont constamment réactualisées sur ce
mode de prescription (Dayan et Graignic-Philippe, 2011).
Les antidépresseurs
Aux doses usuelles, ils sont toujours détectables dans le lait (Weissman
et al., 2004) alors que les taux plasmatiques néonataux sont par contre
Thérapeutique 403
Les antipsychotiques
Le passage de l’halopéridol dans le lait maternel est attesté mais sans effet
connu. La chlorpromazine (Yoshida et al., 1999 ; Rubin et al., 2004) peut
entraîner somnolence et léthargie. Un retard du développement a été
retrouvé chez 3 enfants entre 12 et 18 mois soumis à de fortes doses de
chlorpromazine, mais associées à d’autres psychotropes. Avec l’olanza-
pine, le taux dans le lait est faible et le produit indétectable dans le plasma
du nouveau-né. Aucune complication directement imputable n’a été
retrouvée chez les enfants exposés (Yoshida et al., 1999 ; Rubin et al., 2004 ;
Gentile, 2004 ; Brunner et al., 2013).
Les thymorégulateurs
Le lithium. Sa toxicité potentielle est surtout importante (Schou, 1998) en
cas d’infection intercurrente du bébé. Elle entraîne cyanose, hypotonie,
troubles de la succion, anomalies électrocardiographiques. La vulnérabilité
est maximale dans les premiers jours de vie. Moretti et al. (2003) ont retrouvé
une dose absorbée ajustée variant entre 0 et 30 % de la dose maternelle et
des taux sériques plus dispersés chez le nouveau-né (2 cas seulement). Les
auteurs recommandent une prise en charge individualisée avec surveillance
clinique et dosage de la lithiémie chez la mère et l’enfant.
Valproate et carbamazépine sont considérés comme compatibles avec
l’allaitement, les taux étant remarquablement bas chez les mères n’ayant
pas reçu le produit durant la grossesse. (Wisner et Perel, 1998). Il est toute-
fois recommandé la recherche d’hépatotoxicité et de troubles de la coagula-
tion particulièrement en cas de dosages élevés bien qu’aucune complication
n’ait été rapportée pour le Valproate (Dodd et Berk, 2004).
Au total : La prescription de lithium est compatible avec l’allaitement à
condition d’une surveillance clinique étroite et biologique, surtout les deux
premières semaines. Le nourrisson doit être en bonne santé, non prématuré,
non infecté (risque de déshydratation). Carbamazépine ou valproate parais-
sent mieux indiqués du fait de leur innocuité apparente, les données sont
moins nombreuses sur la lamotrigine, mais restent dans l’ensemble favorables.
404 Psychopathologie périnatale
Les benzodiazépines
Ils doivent être évités. En cas de nécessité, il est préconisé d’utiliser une molé-
cule à demi-vie courte comme l’oxazépam, le lorazépam ou le temazépam
(McElhatton, 1994) et une prescription brève.
Indications thérapeutiques
sédatifs. L’évolution sera favorable en une quinzaine de jours. Elle sort avec ce
même traitement. Elle reprend sa psychothérapie arrêtée depuis sa grossesse.
Cette dépression du post-partum s’inscrit dans une dynamique évolutive depuis
le 6e mois de la grossesse : c’est une dépression périnatale. Cette femme a pu
bénéficier d’un traitement antidépresseur par clomipramine pendant sa gros-
sesse, mais la posologie de 25 mg/jour n’a pas permis d’éviter la rechute. Paral-
lèlement, aucune prise en charge psychologique après son accouchement n’a
été établie ; la seule prophylaxie médicamenteuse était insuffisante.
Psychopathologie périnatale
Classe Début de grossesse (premier trimestre) Fin de grossesse (48 à 72 h) Nouveau-né Allaitement
AD ISRS (ne pas prescrire TC (éviter si possible +/– Réduction progressive doses Surveillance clinique Éviter fluoxétine (coliques,
paroxétine surtout clomipramine en en fin de grossesse (fonction de la doses plasmatiques élevées
en début de grossesse) début de grossesse) clinique). chez le nouveau-né).
Éviter fluoxétine (ISRS) et clomi- Nortryptiline, paroxétine et
pramine (TC) car syndromes de sertraline sont souvent indé-
sevrage plus fréquents tectables chez le nouveau-né
allaité
Régulateurs Éviter lithium en Ne pas prescrire val- Si déjà prescrit (lithium ou Surveillance clinique Éviter lithium (si prescrip-
de l’humeur début de grossesse proate ou carbamazé- lomotrigine), ajuster les doses en et biologique initiale tion, dosages plasmatiques
(syndrome pine sauf indications fin de grossesse en fonction des du nouveau-né en utiles mère-enfant).
d’Ebstein) exceptionnelles taux plasmatiques, surveillance cas d’administration Préférer AP, valproate ou
Préférer AP si néces- durant le travail pré- et postnatale de carbamazépine
saire ou lomotrigine Préférer AP si nécessaire lithium chez la mère
BZD Éviter administration Éviter, sinon réduire progressive- Surveillance clinique Éviter sauf ponctuellement
prolongée ment les doses, arrêt si possible
AP Éviter en début Préférer chlorproma- Réduire progressivement les doses Surveillance clinique Éviter associations avec
de grossesse (mais zine, halopéridol, au en fin de grossesse (discuté) autres psychotropes, sur-
risque faible) besoin olanzapine veillance clinique
AD : antidépresseurs ; AP : antipsychotiques ; BZD : benzodiazépines ; TC : tricycliques ; ISRS : inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ; UMB :
unité mère-bébé.
Thérapeutique 409
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Index
A Amentia, 209
AAI, 50, 69 AMMI, 69
Abandon, 102, 123, 125, 126 Amygdale, 267
Abstinence, 326 Amygdalienne, 54
Abus, 312 Anémie, 340
––physique, 169 Angoisse, 133
––sexuel, 87, 169, 343 ––de séparation, 376
Acamprosate, 327 ––œdipienne, 275
Accès maniaque, 213 ––préœdipienne, 275
Accordage, 296 Annulation, 364
––affectif, 49 Anomalie faciale, 321
Accouchement Anorexie, 270, 341, 345
––dénégation, 246 Anthropologie, 11
Accueil des jeunes enfants, 70 Antidépresseur(s), 226, 382
Acculturation, 12 Anxiété, 273, 356
ACTH, 194 ––de séparation, 185, 186
Actualisation, 45 ––généralisée, 187
Adaptation, 256, 296 ––grossesse, 186
––trouble, 114, 243 ––post-partum, 186
Addiction, 65, 314 ––spécifique, 185
Adolescence, 83, 114 Anxieux
Adopté, 102 ––ambivalents, 61
Adoption, 15, 70, 109, 289 ––évitants, 62
––confidentielle, 105 ––résistants, 61
––internationale, 116 ––troubles, 344
––ouverte, 105 Artère utérine, 199
––plénière, 105, 110 Assistance médicale à la procréation
––précoce, 116 (AMP), 8, 263, 373
––simple, 105, 110, 123 ASSSI, 69
––tardive, 115 Attachement, 23, 50, 111
Adultère, 105 ––Attachment multiple model
Affects, 45 interview, 69
Âge maternel, 167 ––désorganisé, 62, 64
Âge tendre ––fœto-maternel, 348
––doctrine, 25 ––insecure, 28
Agressivité, 273 ––père, 278
Alcool, 92, 188, 274, 311, 317, 357 ––secondaire, 278
Aliénation parentale Attention, 53, 113, 114
––syndrome, 31 Autoengendrement, 40
Allaitement, 166, 323, 325, 329, 346 Autoquestionnaire, 70
Ambivalence, 37, 39, 355 Autorité, 25, 267
Aménorrhée, 237 ––parentale, 124
Composition : Thomson