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Chez le même éditeur

Dans la collection Les Âges de la vie :


Psychopathologie transculturelle. De l’enfance à l’âge adulte, par T. Baubet,
M.-R. Moro, 2013, 304 pages.
Crise et urgence à l’adolescence, par P. Duverger, M.-J. Guedj, 2013, 352 pages.
Psychopathologie de l’intersubjectivité, par N. Georgieff, M. Speranza, 2013,
272 pages.
Enfance et psychopathologie, par D. Marcelli, D. Cohen. 2012, 9e édition,
688 pages.
Psychopathologie en service de pédiatrie, par P. Duverger, 2011, 656 pages.
Psychopathologie de l’adulte, par Q. Debray, B. Granger, F. Azaïs. 2010,
4e édition, 488 pages.
Le geste suicidaire, par V. Caillard, V. Chastang, 2010, 376 pages.
Psychopathologie du sujet âgé, par G. Ferrey, G. Le Gouès. 2008, 6e édition,
384 pages.
Psychopathologie de la scolarité. De la maternelle à l’université,
par N. Catheline. 2012, 3e édition, 432 pages.
Psychopathologie du sujet âgé, par G. Ferrey, G. Le Gouès, 6e édition, 2004,
384 pages.
L’attachement. Approche théorique, par N. Guédeney, A. Guédeney. 2010,
3e édition, 256 pages.
L’attachement. Approche clinique, par N. Guédeney, A. Guédeney. 2010,
3e édition, 256 pages.
La schizophrénie de l’adulte. Des causes aux traitements, par M. Saoud,
T. d’Amato. 2006, 248 pages.
Introduction à la psychopathologie, par A. Braconnier, E. Corbobesse,
F. Deschamps et coll. 2006, 352 pages.

Autres ouvrages :
Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale,
par R. Roussillon et coll. 2007, 720 pages.
Manuel de psychiatrie, coordonné par J.-D. Guelfi et F. Rouillon. 2012,
888 pages.
Les dépressions périnatales: évaluer et traiter, par J. Dayan. 2008, 240 pages.
Collection Les Âges de la vie
Conseiller éditorial : Daniel Marcelli

Psychopathologie
de la périnatalité
et de la parentalité
Jacques Dayan (sous la direction de)
Professeur associé des universités,
praticien hospitalier
Psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable unité de psychologie et de psychiatrie
périnatales, CHU de Rennes
Ancien professeur associé institut de psychiatrie
Mausdley, Londres

avec
Gwenaëlle Andro
Praticien hospitalier, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable Unité de Périnatalité, CHU de Caen

Michel Dugnat
Praticien hospitalier, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent
Responsable unité d’hospitalisation conjointe mères-nourrissons, AP-HM
Président de la Société Marcé Francophone

Et la collaboration de :

N. Thessier, R. Milijkovitch, O. Rosenblum

Préfaces de M. Godelier et A. Guédeney


Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que
représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le
domaine universitaire, le développement massif du « photo-copil-
lage  ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les
établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des
achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs
de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement
est aujourd’hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisa-
tion, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes
d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur
ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés,


réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé
que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation
de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une
part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non
destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées
par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont
incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

© 2015, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.


ISBN : 978-2-294-71024-7
ebook ISBN : 978-2-294-74062-6

Elsevier Masson  SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442  Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Liste des collaborateurs
Gwenaëlle Andro, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, pôle de psy-
chiatrie de l’enfant et de l’adolescent, CHU de Caen.
Michel Dugnat, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, service universi-
taire de psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, AP-HM, Marseille.
Raphaële Miljkovitch, professeur de psychologie du développement, res-
ponsable master psychologie de l’enfant et de l’adolescent, IED, univer-
sité Paris-8 Vincennes-Saint-Denis.
Ouriel Rosenblum, professeur de psychologie, université Paris-7 Paris
Diderot, psychiatre et psychanalyste, attaché au service de psychiatrie
de l’enfant et de l’Adolescent, groupe hospitalier de la Pitié Salpêtrière,
AP-HP, Paris
Nathalie Thessier-Dejoux, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, psy-
chanalyste, Nice.

Participation des différents auteurs :


Jacques Dayan a rédigé ou co-rédigé l’ensemble de l’ouvrage à l’exception
de «  La théorie de l’attachement  » (chapitre  1) et «  Dissociation entre
sexualité et parentalité » (chapitre 2).
Gwenaëlle Andro a co-rédigé les chapitres 7, 14 et 15.
Michel Dugnat a relu l’ouvrage et a effectué de nombreuses corrections et
suggestions.
Raphaële Miljkovitch a rédigé « La théorie de l’attachement » (chapitre 1).
Ouriel Rosenblum a rédigé «  Dissociation entre sexualité et parentalité  »
(chapitre 2).
Nathalie Thessier a co-rédigé le chapitre 9.
Abréviations
AAI Adult Attachment Interview
BDI Beck Depression Inventory (Beck, 1961)
BSQ Behavorial screening questionnaire (Richman et Graham, 1971)
CBLC Child Behaviour Checklist (Achenbach et Edelbrock, 1983)
CIM Classification internationale des maladies
CIS Clinical Interview Schedule (Goldberg, 1970)
DDSI  Delusions-Symptoms-States-Inventory (Bedford, Foulds, Sheffield,
1976)
DPP Dépression du post-partum
DSM Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
EPDS Edinburgh Postnatal Depression Scale (Cox, 1987)
GHQ-60 60- item General Health Questionnaire (Goldberg, 1972)
GHQ-28 28- item General Health Questionnaire (Goldberg et Hillier, 1979)
HDHQ Hostility and Direction of Hostility Questionnaire (Caine, Foulds
hope, 1967)
HRSD Hamilton Rating Scale for Depression (Hamilton, 1967)
ICG Inventory of Complicated Grief
IPAT Institute for Personality and Ability Testing (Cattell et Scheir, 1957)
MADRS Montgomery and Asberg Depression Rating Scale (Montgomery et
Asberg, 1979)
MAP Menace d’accouchement prématuré
MAS Manifest Anxiety Scale (Taylor, 1953)
PPAT Pregnancy Psychologic Attitudes Test
PSE Present State Examination (Wing, 1974)
PTSD Post Traumatic Stress Disorder
RDC Research Diagnostic Criteria (Spitzer, Endicott et Robins, 1978)
SADS  Schedule for Affective Disorders and Schizophrenics (Endicott et
Spitzer, 1978)
SDS Zung Depression Scale (Zung, 1965)
SDRS Zung Self-Rating Scale (Zung, 1965)
SPI Standardised Psychiatric Interview (Goldberg, 1970)
STAI Spielberger’s Trait Anxiety Inventory
TRIG Texas Revised Inventory of Grief
UCL Utrechtse Coping List
Préfaces à la seconde
édition

Préface d’Antoine Guédeney


Le livre de Jacques Dayan sur la psychopathologie de la périnatalité est un
classique. En voici une nouvelle édition révisée et, elle était très attendue. Cet
ouvrage et le précédent sont les premiers en français à couvrir tout le champ
de la psychopathologie et de la psychiatrie périnatales. Jacques Dayan avait
été le premier à ouvrir un Diplôme Universitaire sur le sujet, fruit de son
expérience considérable de clinicien et de chercheur. Ce manuel va devenir
un prérequis pour tous les étudiants des DU de psychopathologie périnatale
qui se sont maintenant multipliés, et qui accueillent de plus en plus de
professionnels déjà engagés dans ce champ et qui veulent se former, mais
aussi d’internes et de médecins hospitaliers, de sages femmes libérales et de
psychologues. La grande qualité de cet ouvrage est son ouverture, sur des
données et des théories psychopathologiques française et étrangères ; c’est
aussi de reposer sur la clinique, et d’intégrer les résultats les plus récents
issus de la recherche. Enfin, ce travail aux qualités pédagogiques remar-
quables fait le point sur des aspects du champ périnatal qui sont encore trop
peu traités du point de vue scientifique : l’homoparentalité, et le devenir des
enfants ; l’adoption et le développement ; l’abandon et l’infanticide, avec
une remarquable synthèse sur les concepts et modèles de la parentalité, qui
sont bien au cœur de la clinique actuelle avec les parents et jeunes enfants.
Ces données, intégrées et interprétées de façon rigoureuse, sont seules à
même d’éclairer et de faire avancer les débats qui agitent la société française
sur ces points chauds.
La seconde partie sur la psychopathologie périnatale traite de façon
actuelle et du père et de la mère. Jacques Dayan nous offre une synthèse
remarquable sur la dépression postnatale, dont il est un des experts mon-
dialement reconnus, comme sur la psychose du postpartum, dont il a décrit
les modes de prévention et d’intervention précoce. Le chapitre sur les psy-
chotropes est rarement trouvé ailleurs dans la littérature francophone. On
trouve donc dans ce livre une remarquable mise au point et un outil indis-
pensable aux professionnels de toute formation en périnatalité.
Antoine Guédeney
Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent,
université Paris 7, Denis Diderot
Polyclinique Ney hôpital Bichat Claude Bernard APHP
VIII  

Préface de Maurice Godelier


J’ai plaisir en tant qu’anthropologue à écrire quelques mots pour faire
connaître tout l’intérêt que j’ai pris à la lecture de l’ouvrage de Jacques
Dayan, Psychopathologie de la Périnatalité et de la Parentalité.
Ce livre n’est sans poser problème aux anthropologues qui ont parmi
leurs domaines de recherche privilégiés l’étude des systèmes de parenté et
des groupes sociaux qu’ils engendrent, clans, lignages, familles, etc. Les
systèmes de parenté ne sont pas nombreux. Dans les dix-mille sociétés
grandes ou petites qui coexistent encore aujourd’hui il n’existe que six à
sept grands types de système de parenté. Le système euro-américain est une
variété du système dit cognatique, où l’enfant qui naît d’une union est dit
appartenir aussi bien à la famille de son père qu’a celle de sa mère. Ce n’est
pas le cas du système patrilinéaire où l’enfant appartient au clan de son père,
ni du système matrilinéaire où l’enfant qui naît appartient à la mère et au
clan de sa mère. Tout système de parenté est engendré par la mise en oeuvre
de deux principes qui génèrent des rapports sociaux différents. Le premier
est un principe  de descendance, qui définit précisément l’appartenance
des enfants naissant des unions socialement légitimes. Le second consiste
en des règles fixant avec qui un homme ou une femme peut ou ne peut
pas s’unir. Parmi ces interdictions figure bien entendu la prohibition de
l’inceste, mais elles vont au-delà  : interdiction d’épouser une personne
d’une autre religion, d’une autre couleur de peau, exerçant certains métiers,
etc. En général pour les anthropologues, la tâche la première est d’identifier
le système de parenté qui règne dans une société et que les individus qui en
sont membres ne l’ont pas choisi mais doivent le respecter. La parentalité
est alors définie comme la série des fonctions que les adultes qui sont les
parents proches ou lointains d’un enfant doivent assumer vis-à-vis de ce
dernier. En général, en analysant un système de parenté, on recueille de la
part des informateurs les données qui explicitent ces fonctions et on précise
qui doit les assumer.
C’est relativement tardivement par rapport aux psychologues et aux psy-
chiatres qu’Esther Goody (1982), une anthropologue qui avait travaillé en
Afrique de l’Ouest, a écrit un livre sur la parentalité. J’ai moi-même repris son
inventaire des fonctions de la parentalité en le complétant (Godelier, 2004).
La parentalité dans les sociétés non occidentales ou à d’autres époques de
l’histoire de l’Occident ne se réduit jamais à un désir individuel d’enfant res-
senti par un homme ou par une femme, ceci pour deux raisons. Premièrement
le choix du conjoint ou du partenaire n’est jamais une affaire personnelle
mais une affaire collective : les individus ne se choisissent pas par amour.
Deuxièmement toute union est conçue comme devant prolonger la vie d’un
groupe de parenté, un lignage, un clan, etc. et donc l’obligation est faite aux
nouveaux couples d’avoir des enfants.
IX
 

Mais il faut analyser les faits de plus près. Dans un système matrilinéaire,
le sperme n’est pas censé fabriquer l’enfant, l’homme n’est pas un géniteur,
la femme seule est génitrice, mais elle-même ne suffit pas à faire un enfant :
c’est un ancêtre qui se réincarne en elle dont l’esprit en se mélangeant au
sang menstruel de la femme fabrique un foetus. Dans les systèmes patrili-
néaires, c’est souvent l’inverse : l’homme seul est géniteur, la femme n’est
pas génitrice et l’enfant est également la réincarnation d’un ancêtre appar-
tenant au clan de l’homme. La définition et le vécu de la paternité et de
la maternité ne peuvent pas être les mêmes dans ces sociétés et sont diffi-
cilement comparables avec les attentes qui se manifestent au sein de nos
sociétés individualistes où les unions privilégiées sont celles de personnes
qui se sont choisies par amour et veulent des enfants pour la même raison.
En fait, au cours de l’histoire de l’humanité il fallait faire des enfants, qu’on
le désire ou non et entre personnes qui n’avaient pas d’obligation de se
désirer. Il faut ajouter que l’individualisme constitutif de notre mode de vie
entraîne pour beaucoup d’individus des situations de solitude et de difficul-
tés d’existence. Elles n’existeraient pas au même titre dans des sociétés plus
traditionnelles où les individus font partie de collectifs qui les entourent.
Grâce à ce livre j’ai pu mesuré l’énorme absence dans les travaux des
anthropologues d’enquêtes sur les attitudes des hommes et des femmes
appartenant à d’autres sociétés face à la grossesse, face a l’accouchement et
face à la survie des enfants. Difficile pour un anthropologue homme d’abor-
der les femmes et les interroger sur ces questions. Ce n’est pas impossible
pour une anthropologue femme mais peu d’entre elles à ma connaissance
l’ont fait (Bonnet, 1988).
Nous avons des informations sur les rites qui entourent la grossesse
d’une femme lorsque celle-ci, après avoir fait plusieurs fausses couches, res-
sent des douleurs et anticipe la perte à nouveau d’un enfant. Dans ce cas
dans certaines sociétés africaines on fait venir un homme qui possède le
savoir magique nécessaire car l’explication de ces troubles est que préci-
sément ce sont deux ancêtres défunts du mari ou de la femme qui veu-
lent en même temps se réincarner  : explication parfaitement imaginaire
à nos yeux mais qui fait que le spécialiste des rites va chercher à apaiser
les esprits des défunts et leur demander de s’accorder entre eux pour que
la grossesse arrive à terme. On voit que la « thérapeutique » repose sur des
croyances religieuses partagées mais qui relèvent, à nos yeux, entièrement
de l’imaginaire et engendrent des pratiques symboliques sur le corps de la
femme. Si l’on compare ces observations avec ce qui se passe aujourd’hui
en France, on constate que la majorité des femmes accouchent en milieu
hospitalier et donc sont accompagnées avant et après l’accouchement par
des professionnels de la santé qui ne lui sont en rien apparentés. C’est là
une grande mutation sociale. Sans m’étendre plus loin j’aimerais faire
deux remarques.
X  

Il y a dans le livre un beau chapitre sur l’infanticide. Il comporte une


dimension historique profonde puisque l’on repart dans l’empire romain
et dans l’infanticide qui suivait souvent la décision du pater familias de ne
pas intégrer l’enfant qui vient de naître dans son clan (la gens patrilinéaire
romaine). L’enfant refusé était soit abandonné pour mourir, soit donné à
des esclaves. Il ne devenait pas citoyen de Rome. Là encore on a peu de
données en anthropologie sur les pratiques d’infanticide, mais personnelle-
ment j’avais fait une enquête sur ce sujet lorsque, par hasard, vivant et
travaillant chez les Baruya, une tribu des hautes terres de l’intérieur de la
Nouvelle Guinée, j’avais entendu dire que les femmes tuaient parfois leurs
enfants à la naissance. J’ai enquêté auprès d’une centaine de femmes qui ne
m’ont pas caché que, parfois, elles s’étaient séparées d’un de leurs enfants
à la naissance. Elles m’ont donné deux sortes de raisons pour leur geste :
le premier était qu’elles étaient tombées enceintes trop vite et qu’elles ne
pouvaient pas nourrir au sein deux jeunes enfants à la fois et travailler
chaque jour dans les champs pour nourrir leur famille et leurs cochons.
Donc le sacrifice d’un enfant signifierait un espacement des naissances effi-
cace. La deuxième raison était, dirons nous, sociale. Les femmes m’expli-
quaient qu’elles ne voulaient plus faire d’enfants pour le clan de leur mari,
celui-ci était un homme épouvantable et pour cette raison avaient étranglé
l’enfant à la naissance. Quand les femmes revenaient de la hutte où elles
avaient accouché, espace interdit aux hommes, sans bébé dans les bras,
les hommes, le mari en général, les accusaient d’avoir tué un fils (on est
dans une société patrilinéaire). Mais souvent le bébé était mort à la nais-
sance, il n’y avait donc pas de vengeance de la part de la femme. Ce qui
frappe à la lecture du chapitre sur l’infanticide et le néonaticide, c’est que
les gestes homicides des femmes ne semblent pas être liés à des symptômes
et des déficits psychiques mais à des difficultés à affronter des situations
traumatisantes, soit des situations de pauvreté ou d’opprobre social, soit
que la femme était tombée enceinte du fait d’une liaison sans avenir et ne
voulait pas la transformer en un fait permanent.
Également j’ai eu beaucoup d’intérêt à lire le chapitre sur l’homoparenta-
lité. J’avais il y a quelques années affirmé que c’était là une métamorphose
tout à fait prévisible dans les sociétés occidentales de la parenté. Je m’étais
appuyé sur une partie des données qui sont mentionnées dans ce livre,
notamment des enquêtes de Golombok. Le livre fait un point plus actuel.
Il affirme très clairement que les résultats des enquêtes sérieuses menées sur
l’orientation sexuelle des enfants nés de couples homosexuels montrent
que celle-ci ne semble pas affectée profondément par le fait d’être né ou
d’avoir été élevé au sein d’un couple de lesbiennes ou de gays. Peut-être fau-
drait-il ajouter que ce qui se passe dans nos sociétés aujourd’hui met plus en
évidence que jamais le fait que chaque individu est spontanément, « natu-
rellement », habité par des tendances homosexuelles et hétérosexuelles et
XI
 

que la reproduction de toutes les sociétés privilégie à l’évidence l’hétéro-


sexualité pour continuer d’exister. La primauté de l’hétérosexualité dans
toute société s’ajoute aux interdits des incestes homo et hétérosexuels. Mais
dans beaucoup de sociétés, également du passé ou du présent, l’homosexua-
lité a sa place, dans les rites d’initiation, dans la formation des guerriers, etc.
Il faudra cependant encore plus d’enquêtes et d’analyses pour comprendre
le désir de paternité chez les gays, par exemple les répartitions des rôles
dans un couple de gays pour prendre soin d’un enfant. Mais pour le temps
présent, le développement des unions homoparentales est un fait social et
culturel limité à l’Occident.
Enfin, derniers mots, l’adolescence. Dans la plupart des sociétés non
occidentales, particulièrement les sociétés tribales, le développement des
individus est socialement contrôlé, étape par étape. Par exemple les garçons
seront séparés de leur mère et du monde féminin vers huit dix ans, à douze
ans il franchiront une autre étape, à quinze ans ce seront des rites accompa-
gnant la puberté, à dix-huit ans l’entrée dans l’âge adulte et à vingt, vingt
et un ans le mariage avec une personne que l’individu n’a pas choisi. Paral-
lèlement d’autres étapes seront franchies par les femmes avec bien entendu
le moment crucial de la puberté chez les filles. Bref l’adolescence est enca-
drée et structurée socialement collectivement et ceci crée un sentiment de
solidarité entre individus du même âge. Là encore un grand contraste existe
avec la solitude que peut ressentir dans nos sociétés un adolescent d’abord
au sein de sa famille et au delà dans la société. Bref on a tout à espérer d’un
dialogue et d’une coopération à développer entre anthropologues et psy-
chiatres. Ce livre en est la preuve.
Maurice Godelier
Ancien directeur scientifique du CNRS

Godelier, M. (2004). Métamorphoses de la parenté. Paris : Fayard.
Goody, E.N. (1982). Parenthood and social reproduction: Fostering and occupational
roles in West Africa, Cambridge.
Bonnet, D. (1988). Corps biologique, corps social: Procréation et maladies de l’enfant
en pays Mossi, Burkina Faso (Vol. 110). IRD Editions.
Préface à la première
édition
Dans le monde développé, comme l’espérance de vivre longtemps et en
bonne santé s’est accrue, une prise de conscience s’est faite de l’importance
des troubles psychiques pouvant émerger à l’occasion de la naissance, et de
leurs conséquences particulièrement sur la mère, sa famille et sur l’enfant
en développement. En fait, la connaissance de l’existence de troubles
mentaux maternels remonte à l’Antiquité. En 400 av.  J.-C., Hippocrate a
décrit plusieurs cas de mères ayant récemment accouché qui devinrent déli-
rantes puis peu après décédèrent, probablement des suites d’une infection.
Environ 2000  ans plus tard, quelques comptes-rendus sporadiques de cas
de troubles mentaux où les mères non seulement survécurent, mais pour
la plupart guérirent totalement, sont apparus dans la littérature médi-
cale européenne. Il n’existait, quoi qu’il en soit, aucun corpus cohérent
de  connaissance concernant les troubles mentaux puerpéraux jusqu’à ce
que le grand médecin français Emile Esquirol, à partir de l’expérience
clinique d’une centaine de cas qu’il avait pu connaître à l’hôpital de la
Salpêtrière à Paris, entreprît une classification de leur maladie, attirant
l’attention sur le bref intervalle qui séparait l’accouchement du début
de l’affection. Il en examina l’étiologie, l’évolution et le pronostic et publia
son article princeps initialement dans un journal, puis l’inclut en tant que
chapitre dans son livre Des maladies mentales dont la première édition
date de 1838. Vingt ans après, Louis-Victor Marcé, élève d’Esquirol, publia
la première monographie entièrement consacrée à la maternité et à ses
troubles intitulée Traité de la folie des femmes enceintes, des nouvelles
accouchées et des nourrices. Ainsi, deux des plus importantes publications,
références de la psychologie périnatale, ont été publiées par des psychiatres
français. Leur impact s’est ressenti aussi bien en France qu’à l’étranger, et il
était par exemple courant que des psychiatres anglais citent ou se réfèrent
aux découvertes de leurs collègues français. La réciproque était d’ailleurs à
cette époque aussi fréquente.
Il s’agit peut-être d’une impression fausse mais fondée sur tout ce que
j’ai pu découvrir de la littérature, il semble que depuis la seconde moitié du
xixe siècle jusqu’à une époque très récente, l’intérêt porté aux troubles men-
taux périnataux avait décliné en France, tandis qu’il s’était développé dans
les pays anglo-saxons et scandinaves. La plupart des découvertes récentes,
tant cliniques qu’épidémiologiques, émanent de la Grande-Bretagne, de
l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Scandinavie et de l’Amérique
du Nord. De plus, la plupart des psychiatres influents, mais aussi des
XIII
 

psychologues, qui ont été à la base des récents développements portant sur
ce sujet ont, comme Esquirol et Marcé, bénéficié d’une formation orientée
vers ce qui est actuellement nommé la psychiatrie générale de l’adulte. Sans
surprise, la plupart des débats ont continué à porter sur l’existence d’entités
pathologiques autonomes et leurs possibles étiologies, tandis que l’essentiel
de la recherche s’est centrée sur la clinique de l’état maternel, incluant le
traitement et le pronostic, et bien entendu l’épidémiologie. Le nouveau-né,
qui pouvait légitimement être perçu comme étant à la source des troubles,
n’avait paradoxalement reçu que peu d’attention en dehors de la littérature
psychanalytique. Il avait bien entendu été reconnu que les bébés pouvaient
être victimes des impulsions homicides des parents, et des lois telles que
l’Infanticide Act of England and Wales (1938) furent promulguées pour
éviter aux mères mentalement malades la peine de mort pour infanticide.
Le risque de maltraiter ou négliger l’enfant était un des motifs pour lesquels
il était considéré comme inadéquat que les mères mentalement malades
prennent soin elles-mêmes de leur bébé.
C’est un psychanalyste anglais, Tom Main, qui rompit avec la tradi-
tion en 1948 et admit pour la première fois un bébé avec sa mère malade
mentale dans un hôpital psychiatrique. L’avantage d’une telle méthode se
répandit comme une traînée de poudre et il fut rapidement admis que la
vigilance clinique pouvait contrebalancer les risques potentiels. En réfé-
rence aux théories qu’avait développées Bowlby à propos de l’attachement,
un nombre restreint d’unités psychiatriques mères-bébés dirigées par des
psychiatres d’adultes firent rapidement leur apparition en Angleterre, puis
en Australie, Nouvelle-Zélande et Canada. Pourquoi n’a-t-on pas observé
de développement semblable en d’autres pays  ? En France, Racamier
publia son travail novateur sur les mères et les bébés en 1961 mais il fallut
attendre près de vingt-cinq ans avant que ne surgisse un intérêt explosif
parmi les psychiatres français pour le développement et la création de
services appropriés aux mères et à leurs bébés. Hormis quelques notables
exceptions, le mouvement actuel pour améliorer la qualité des soins est
essentiellement mené en France par des psychiatres d’enfants qui, pour la
plupart, sinon tous, ont reçu une formation psychanalytique. Le nouveau-
né est ainsi revenu au centre du débat et il est bien qu’il en soit ainsi.
La question n’est plus simplement de savoir s’il faut garder ensemble la
mère et son bébé, mais plutôt de savoir comment le faire au mieux de
l’intérêt du bébé et de son développement, et quand procéder à une sépa-
ration pour le protéger. Concernant les soins à porter aux nouveau-nés et
aux nourrissons, il demeure de nombreuses questions sans réponse à côté
d’une grande quantité de théories, de dogmes et d’ignorance. Il n’y pas si
longtemps, on croyait que les bébés ne ressentaient pas la douleur, étaient
opérés sans anesthésie, nourris selon des horaires stéréotypés et séparés de
leur mère dans des nurseries « stériles ».
XIV  

Il existe actuellement une opportunité pour que surgisse un mouvement


créatif émergeant du dialogue entre les traditions cliniques plutôt diffé-
rentes de part et d’autre de la Manche. Les avancées se feront à travers une
évaluation empirique des différentes idées et hypothèses, ce qui requiert
une large ouverture d’esprit de chacun des interlocuteurs. L’alternative
consisterait à se réfugier dans une mutuelle incompréhension en invoquant
l’obstacle présenté par le langage, autant dans ses manifestations concep-
tuelles que linguistiques.
Il est heureux que Jacques Dayan, qui est un psychiatre d’enfants ayant
reçu une formation psychanalytique et travaillant à Caen, soit autant à
l’aise avec l’usage des psychotropes qu’avec l’abord des mécanismes psy-
chiques. Il a rédigé un très érudit et stimulant traité couvrant la plupart des
domaines-clés de la psychiatrie périnatale. Il est clair que les opinions déve-
loppées dans cet ouvrage lui sont propres, basées sur l’expérience clinique
et sur une connaissance approfondie de la littérature, à la fois française et
internationale. Un auteur unique ne peut prétendre à être un expert inter-
national de chaque sujet qu’il aborde mais offre en revanche une perspec-
tive personnelle qui est ici inestimable du fait de la démarche ouverte et
pragmatique avec laquelle Dayan a exploré un sujet à l’interface de nom-
breux travaux, concepts et perspectives. Il explique mais ne simplifie pas
à l’extrême, il documente les conflits et les désaccords sans embrouiller le
lecteur et quand il laisse des questions sans réponse évidente, plutôt que
d’offrir une solution à tout prix, il souligne les directions vers lesquelles le
lecteur peut s’engager. En un mot, c’est un excellent thérapeute.
Il aborde le sujet d’une manière panoramique. Le livre commence par
l’examen de la psychologie de la parentalité et notamment de l’adaptation
que nécessitent les rôles changeants de la maternité, ce qui le conduit logi-
quement à l’étude des processus d’attachement et des mécanismes intergé-
nérationnels, ainsi qu’à la répercussion sur l’enfant des dysfonctionnements
parentaux. Il évoque succinctement la psychopathologie maternelle durant
la grossesse, incluant un important et très intéressant examen du phéno-
mène de déni de grossesse. Passant à la période post-natale, Dayan demande
si le blues de la maternité doit être considéré comme un trouble mental, s’il
peut entraîner des conséquences péjoratives pour la mère ou pour l’enfant
et enfin s’il nécessite d’entreprendre une démarche thérapeutique. De telles
interrogations peuvent inéluctablement s’appliquer à la dépression du post-
partum ainsi qu’à la psychose puerpérale. Aucune réponse n’est possible en
l’absence d’un consensus sur les définitions et les critères diagnostiques,
sauf à accepter une cacophonie d’avis discordants. En ce qui concerne la
dépression, on peut aussi se demander si le caractère post-natal est une
simple coïncidence ou s’il implique une signification étiologique. En ce qui
concerne la psychose, il persiste un doute quant à l’existence d’une entité
singulière qui puisse être qualifiée de puerpérale. Dayan n’impose pas une
XV
 

solution mais guide le lecteur à travers le labyrinthe kaléidoscopique de la


terminologie : bouffée délirante, psychose cycloïde, psychose schizophréni-
forme, psychose schizo-affective, psychose psychogénique et psychose hys-
térique. Après tout, peut-être Esquirol n’avait-il pas tort ? Peut-être aucun
trait clinique ne distingue-t-il la psychose puerpérale ? Dès lors comment
interpréter l’écart de temps si bref entre la naissance et la période de haut
risque d’émergence de l’affection, surtout en cas de troubles récurrents  ?
Comme Dayan le remarque pour ces raisons précises, les troubles mentaux
de la puerpéralité offrent un modèle d’un intérêt exceptionnel pour les
études étiopathologiques. Les pères réagissent différemment. Les études
systématiques les concernant sont à peu près inexistantes mais l’opportu-
nité est présente pour les développer. Les demandes de soins pour les mères
schizophrènes et leurs enfants vont augmenter car le développement des
prises en charge ambulatoires et les nouveaux traitements qui n’affectent
pas la fertilité entraîneront davantage de grossesses. Quel est le mieux pour
un bébé qui grandit dans un environnement marqué par la présence d’une
mère sévèrement malade mentale  ? Dayan examine l’impact additionnel
des psychotropes prescrits, et non prescrits, sur la grossesse et sur le fœtus
qui, déjà, présente un handicap génétique pouvant être encore aggravé par
un mode de vie maternel déstructuré.
Les sociétés peuvent apprendre les unes des autres quelle est la meil-
leure manière d’agir lorsque la mère renonce volontairement à élever son
enfant ou bien lorsque la société la prive de ses droits parentaux. Quels
sont les effets sur l’enfant de l’absence de sa mère ? Les enfants qui vivent
en institution souffrent mais ceux qui demeurent auprès de leurs parents
peuvent aussi en pâtir. Plusieurs chapitres qui approfondissent cette
question sont accompagnés d’un regard dirigé à la fois vers le passé et
vers l’avenir. Les facteurs psychologiques jouent assurément un rôle dans
la stérilité mais comment ? Les méthodes d’assistance médicale à la pro-
création créent des difficultés potentielles sans précédent pour l’individu
et la société. Quelles en seront les conséquences psychologiques pour
les enfants conçus selon ces techniques ? Il n’y a pas tant de littérature
capable de nous aider à répondre à cette question. Nous sommes en ter-
rain plus sûr concernant l’accouchement prématuré, sujet pour lequel
il existe de remarquables études qui abordent les facteurs de risque psy-
chosociaux tout comme les conséquences. Il en est de même pour l’inter-
ruption de grossesse. Pour terminer, un excellent chapitre conclut par
la description de l’organisation des unités de soin mère-enfant et de la
psychiatrie de liaison, insiste sur l’importance de la psychothérapie aussi
bien que sur les risques et bénéfices de la prescription de psychotropes
pendant la grossesse et au cours de l’allaitement.
L’engagement de Jacques Dayan pour cet important sujet est clairement
apparent, tout autant que la profondeur de ses connaissances et sa capacité
XVI  

de transmettre au lecteur des informations d’une manière stimulante qui


suggère de nouvelles voies d’analyse. Bien que beaucoup de ces perspectives
soient familières aux cliniciens et chercheurs français, elles peuvent amener
de nouvelles idées et permettre de porter un regard neuf sur de vieux pro-
blèmes. Pour cette seule raison, mais il y en a bien d’autres, je souhaite à
l’ouvrage un grand succès. De plus, ce livre fournit un accès à la littérature
anglo-saxonne dont autrement beaucoup de collègues français ne dispose-
raient pas. J’ai bon espoir qu’il existera bientôt une traduction en anglais
qui permettra réciproquement d’offrir à un public travaillant en Angleterre
et ailleurs un accès aux travaux français.
R. Channi Kumar
Professeur de psychiatrie périnatale, Institut de psychiatrie,
hôpitaux Bethlem et Maudsley, Londres
Introduction
La deuxième édition de cet ouvrage, actualisée et remaniée, rassemble
les éléments essentiels à l’approche de la psychopathologie périnatale.
Cette psychopathologie a pour objet l’interrelation entre les parents et
l’enfant, les troubles parentaux et le développement de l’enfant, des aléas
de la conception aux premiers mois après la naissance. La première partie
consiste en l’étude générale des phénomènes de parenté et des processus
de parentalité et de leurs effets sur l’enfant. Des notions y sont emprun-
tées à l’anthropologie, à la sociologie, au droit. Elle se réfère également à
des résultats d’études expérimentales. Prendre en compte tant les données
culturelles que celles issues du laboratoire nous a semblé indispensable à la
compréhension des modifications psychiques contemporaines de la nais-
sance, normales ou pathologiques. L’application en est faite à l’étude des
parentalités les plus habituelles comme à certaines formes de parentalités
minoritaires (grossesses à l’adolescence, homoparentalité, adoption), aux
conflits de parentalité (e.g. garde alternée) et aux impasses de la parenta-
lité (abandon, infanticide). La seconde partie de l’ouvrage a pour objet la
psychopathologie périnatale proprement dite. Celle-ci consiste en l’étude
systématique des troubles psychiques caractérisés lors de la transition à
la parentalité ainsi que leurs retentissements sur l’enfant. Les questions
classiques de la dépression périnatale et des psychoses puerpérales sont
actualisées. D’autres thèmes sont approfondis ou réexaminés  :  addiction
et maternité, troubles anxieux, le deuil et sa prise en charge, l’infanticide et
le déni de grossesse, les troubles du comportement alimentaire, la schizo-
phrénie. Le chapitre sur les troubles de la paternalité a été approfondi. Les
conséquences physiologiques et psychologiques des différents troubles sur
l’enfant sont exposées et discutées. Un dernier chapitre porte sur les théra-
peutiques – psychotropes, psychothérapies et soins institutionnels - avec de
nombreuses références pour une aide à la décision.
La psychopathologie périnatale est une discipline récente. A l’interface de
la psychiatrie de l’enfant et de la psychiatrie générale de l’adulte, elle présente
certaines spécificités. La première est de s’intéresser constamment à deux
sujets simultanément, à leur interaction au sein d’une dyade profondément
asymétrique. La seconde est de prendre en compte l’extrême plasticité et la
volatilité de la symptomatologie en cette période, qui ne peuvent être compa-
rées dans ce domaine qu’aux modifications psychiques de l’adolescence. La
troisième est d’aller de pair avec d’intenses modifications corporelles qui
affectent tous les systèmes biologiques, chez le nourrisson comme chez la
mère. La quatrième, évoquée depuis longtemps, mais établie plus récemment,
est d’impliquer massivement et extrêmement précocement des processus de
XXII  

socialisation, qui sont aussi des processus «  d’inter-subjectivation  ». Enfin


une cinquième spécificité est d’être indissociable de l’étude des processus de
développement de l’enfant, qu’il s’agisse de l’action de la relation sur le déve-
loppement ou du développement sur la relation.
Nous accordons un intérêt particulier à la réactivité parentale, d’impor-
tance majeure dans les interactions précoces. Les recherches actuelles,
chaque jour davantage, montrent la variété des facteurs qui y sont impli-
qués. La réactivité parentale est affectée par l’histoire du sujet et répond à
l’héritage infantile, premiers soins et éducation. Elle dépend aussi de fac-
teurs biologiques, psychologiques ou psychiatriques, sociaux et culturels.
Elle vient à influencer l’enfant. Dans une spirale interactive, elle tend, non
inéluctablement, à une forme de reproduction des patterns relationnels
personnels et intergénérationnels, et peut être, au delà, des mécanismes
biologiques qui les sous tendent. En effet, si l’enfant hérite des parents un
capital génétique, on considère aujourd’hui que l’expressivité de ce capital
est très variable, s’exprime en termes probabilistes et dépend en général
de l’environnement. Malgré le poids de ces multiples facteurs, la sympto-
matologie de la dyade reste très sensible à l’environnement immédiat et à
la thérapeutique. Cette plasticité sémiologique répond à la plasticité des
phénomènes biologiques contemporains de cette période de la vie, pour le
nouveau-né bien sûr, mais aussi dans une certaine mesure chez le parent.
L’évolution des regards portés sur la périnatalité est rendue visible par la
multiplicité des épistémologies qui les sous-tendent. Les premières concep-
tions cohérentes des processus psychiques associées à la naissance, tant
chez la mère que chez le nourrisson, sont dues à la psychanalyse - à des
auteurs tels que D. W. Winnicott ou Th. Benedek. D’autres approches en
sont issues, telles la théorie de l’attachement fondée par J. Bowlby – qui
enrichie de la cybernétique et de l’éthologie, postule un instinct primaire
d’attachement. Comme le rappelle dans sa préface R. Kumar, c’est un psy-
chiatre psychanalyste Tom Main qui a permis pour la première fois en 1948
une hospitalisation conjointe en psychiatrie d’une mère et de son bébé.
Parmi les notions mises en place à cette période, certaines restent robustes,
notamment la précocité de la vie psychique et la nature des phénomènes
intersubjectifs consubstantiels au développement. L’évolution des tech-
niques d’imagerie et plus généralement de traitement du signal, une meil-
leure connaissance des systèmes biologiques, une nouvelle considération
de l’épigénétique, une compréhension encore balbutiante mais sans cesse
approfondie du cerveau fonctionnel et de la plasticité synaptique offrent la
voie à la création de nouveaux paradigmes.
Dans la pratique thérapeutique contemporaine, de nombreux progrés restent
à effectuer et nous espérons que cet ouvrage y contribuera. La sous-estimation
de la souffrance psychique de certaines mères ou leur infantilisation quand
elles viennent à se plaindre sont encore très répandues. Lorsqu’elles présentent
XXIII
 

des troubles sévères, leur hospitalisation reste commune dans des dispositifs
psychiatriques peu ou pas adaptés à leur maternité. La banalisation, voire le
déni par l’institution soignante de la position centrale de l’accès à la paren-
talité est fréquente. L’accès à la maternité est souvent essentiel dans la  sur-
venue des troubles et joue encore un rôle, comme cela a été montré, dans leur
dynamique évolutive. Lorsqu’il existe, le sentiment d’avoir été incomprise ou
ignorée en tant que mère, voire maltraitée par l’institution, la honte ou la
colère qui peut en résulter, accroit le risque du développement de relations
inadéquates avec le bébé ou au sein du couple.
Il arrive encore qu’aucune prévention adéquate des troubles sévères ne
soit mise en place. Parfois même, le fait n’est pas exceptionnel, le choix
thérapeutique maximalise le risque d’émergence délirante postnatale : sup-
pression de toute thérapeutique pendant la grossesse de femmes bipolaires
type I (« psychose maniaco-dépressive ») au motif du risque tératogène mal-
gré l’existence de traitement substitutif, alternative exclusive entre allaiter
ou recevoir des psychotropes et enfin mise à l’isolement en cas d’émergence
délirante et séparation durable avec le bébé. La violence des jugements
sociaux envers les mères en difficulté psychologique, a beaucoup décru,
notamment grâce aux travaux sur la dépression périnatale, mais elle ne s’est
pas éteinte. Des formes rigides de puériculture négligeant l’interaction ou
le développement précoce de la sensorialité, persistent ci et là, entrainant à
chaque fois la mise en difficulté des mères les plus vulnérables. Le père reste
quant à lui assez en retrait de toute prise en charge et un objet obscur et
rare de la recherche, malgré son implication de plus en plus répandue dans
les soins précoces.
Cet ouvrage trouve son origine dans une familiarisation aux relations
précoces mère-bébé à l’hôpital Saint-Anne auprès des docteurs Pierre Bour-
dier et Ilse Barrande. Cliniciens de l’enfance hors pair et psychanalystes, ils
avaient pris la suite de Pierre Male, fondateur d’une approche conceptuelle
novatrice de l’Adolescence, simultanément psychodynamique, sociale et
biologique, et enrichissaient leur pratique de celle d’Alice Doumic et de ses
travaux pionniers sur les relations précoces. Ils n’hésitaient pas, par leur
familiarité avec la pédiatrie, à accorder leur intérêt aux méthodes d’objec-
tivation de l’activité cérébrale, alors représentées essentiellement par l’élec-
troencéphalographie. Plus tard, le professeur R. Channi Kumar m’a invité
à travailler à Londres, à l’institut Mausdley, comme Consultant puis Pro-
fesseur Associé. Premier titulaire international d’une chaire de psychiatrie
périnatale, il m’a conduit à une approche scientifique dans une concep-
tion multidisciplinaire, associant des domaines aussi variés que l’endo-
crinologie, l’épidémiologie ou la pharmacologie. Dans ce contexte, son
intérêt constant pour les phénomènes culturels était un fait marquant et
original. Ma réflexion a été soutenue par la permanence d’un travail colla-
boratif avec des cliniciens et des chercheurs, parmi les premiers d’entre eux
XXIV  

Gwenaëlle Andro, psychiatre, Christian Creveuil, biostatisticien et Keiko


Yoshida aujourd’hui professeur de pédopsychiatrie au Japon. Bérengère
Guillery-Girard et le professeur Francis Eustache m’ont ouvert les portes
du vaste domaine des sciences cognitives devenues indispensables à l’étude
des relations précoces. Je remercie Sylvie Larmenier au nom de ceux qui
m’accompagnent dans le travail clinique quotidien, ses innovations et ses
vicissitudes. Je remercie aussi ceux qui ont ici apporté leur expertise. A tous,
je rends hommage car ils m’ont permis d’investiguer le champ de la périna-
talité avec intérêt et plaisir.
Ce livre est dédié aux familles qui constamment enrichissent ce champ
de leurs propres réflexions.
Jacques Dayan
Psychopathologie
I
de la parentalité
Nous étudierons, dans cette première partie, le concept de parentalité et les
liens théoriques qu’il entretient avec les aspects anthropologiques, sociaux
et juridiques de la parenté, puis le processus psychique de parentalisation et
enfin plusieurs formes spécifiques de la parentalité : parentalité à l’adoles-
cence, homoparentalité et parentalité adoptive, en portant un intérêt parti-
culier au développement de l’enfant. Nous terminerons par l’étude des rup-
tures et discontinuités de la parentalité à travers l’abandon et l’infanticide.
1 La parentalité :
concepts et modèles
Le terme de «  parentalité  » est emprunté à l’anglais parenthood. Sa pre-
mière occurrence dans un dictionnaire est signalée en 1856. Il désigne à
son origine le rôle des parents dans une perspective pratique, morale ou
civilisatrice. Il a évolué depuis dans plusieurs directions  ; il a désormais,
notamment, une connotation psychologique. En 1931, le psychanalyste
Zilboorg introduit ce terme à propos de la dépression postnatale essentielle-
ment paternelle. H. Deutsch, puis ses « élèves » Thérèse Benedek (1959) et
Bibring (1961) se décentrèrent de l’exclusive de la pathologie psychiatrique
pour aborder les échecs de l’attachement, la haine ou l’hostilité contre le
fœtus ou l’enfant, certains aléas physiques de la grossesse et l’infertilité.
Il est devenu constitutif des procédés d’analyse des troubles en psychopa-
thologie périnatale. Introduit en 1961, il connaît en France une progression
constante, et est utilisé aujourd’hui couramment par les démographes, les
travailleurs sociaux et les anthropologues.
Le concept de parentalité nécessitera alors une définition qui ne soit pas
réduite au processus (diachronie) et qui puisse être utilisée à un moment
donné de l’évolution (synchronie). Il ne se cantonne plus, comme à son
origine, à la seule pathologie psychiatrique. Pour distinguer parentalité
synchronique et processuelle, Stoleru et Lebovici (1995) désignaient
par le terme de parentification la «  transition vers la parentalité  ». Le
terme de parentalisation, autre néologisme, est aujourd’hui plus employé
dans cette occurence, d’autant qu’il ne se confond pas avec le sens plus
commun de «  parentification  » qui est de donner aux enfants un rôle
parental inversant les places et attributs au sein de la famille.
Les termes parentalité et parenté sont polysémiques. Sauf précisions,
nous ferons ici référence à la parentalité en tant que processus et état, et à
la parenté en tant que statut.

La parentalité comme processus psychique


Une dimension développementale et maturative
Apports de la psychanalyse
Le terme «  parentalité  » est introduit en France en 1961 par le psychiatre,
psychanalyste et thérapeute de famille, Racamier, à travers l’étude des
psychoses puerpérales, manifestations délirantes aiguës du post-partum.
L’auteur interprète ces troubles comme une forme d’échec du processus de

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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4 Psychopathologie de la parentalité

parentalité. Celui-ci peut être défini comme le processus psychologique, prin-


cipalement inconscient, qui conduit à rendre possible pour le sujet l’expérience,
l’exercice et la pratique du statut de parent. Il s’accompagne de modifica-
tions des préoccupations du sujet, de son humeur ou de sa réactivité. Ces
­modifications sont à l’œuvre, pour la mère notamment, dès la grossesse et
se consolident dans le post-partum immédiat. L’accès à la maternité entraîne
une crise développementale dont l’issue générale est maturative. Tout en
actualisant des vœux infantiles, il s’accompagne de la reviviscence de
conflits du développement. Cette reviviscence prend rarement spontané-
ment une allure mnésique ; plus que la remémoration, c’est la reviviscence
d’affects sans contenus représentatifs conscients qui est au premier plan. Ils
sont facilement mobilisables chez le sujet en assez bonne santé psychique,
ce que Bydlowski (1997) a nommé la transparence psychique. Le processus
de parentalisation ne s’arrête pas à la naissance mais se poursuit toute la vie.
Des remaniements importants peuvent encore se manifester, lors de la nais-
sance de frères et sœurs.
Une crise maturative. Pour des auteurs tels que Benedek (1959) et Bibring
(1961), la grossesse et la naissance représentent une phase du développement
psychoaffectif de la femme. Comme la crise de l’adolescence à laquelle on l’a
comparée, elle fait intervenir de multiples facteurs biologiques et sociaux. Elle
contribue à la réactivation mais aussi à des réaménagements plus «  écono-
miques » des conflits latents, qu’il s’agisse de la problématique œdipienne ou
préœdipienne, ou plus généralement, de l’ensemble de l’évolution libidinale.
Elle s’accompagne de moments de régression. Les transformations corpo-
relles entraînent des modifications de la représentation de soi et de l’image
du corps, une mise en tension, avec parfois dissolution et reconstruction des
identifications précoces, en particulier à la mère. Le sens de l’identité person-
nelle peut devenir fluctuant et fragile, la relation d’objet s’établit sur le mode
de la confusion de soi et d’autrui. Pourtant, la grossesse est aussi le moment
d’un épanouissement et d’une affirmation de soi, en partie d’un soi infantile
et archaïque. Cette satisfaction régressive n’est atteinte que lorsque la mère
peut s’y laisser aller, ce qui suppose la sécurité de l’environnement et le sou-
tien à la future mère. Les études n’ont pas fait beaucoup de place à l’accès à la
paternité qui s’accompagne aussi de modifications psychiques, biologiques et
sociales (cf. chapitre « Paternité »).

Une dimension inter et transgénérationnelle


Définitions. Il est habituel de nommer intergénérationnels les « phénomènes »
transmis ayant trait aux générations en présence, et transgénérationnels ceux
liés aux générations en rupture, trop éloignées pour se rencontrer. Celles-ci
peuvent être séparées par le temps et aussi par la disparition, ­souvent la mort,
parfois l’abandon ou d’autres motifs. Les phénomènes étudiés par les psy-
chopathologues (thérapeutes familiaux et ­psychanalystes) sont représentés
La parentalité : concepts et modèles 5

par des manifestations pathologiques et ils éclairent la transmission normale


de phénomènes psychiques. Cette transmission a conduit à l’émergence
d’un vocabulaire nouveau en psychopathologie, empruntant pour partie à
l’anthropologie. Il a pour objet les représentations chargées d’affect qui sont
transmises, les moyens de cette transmission ou media (comportements, tics
langagiers, silences et secrets,  etc.), leur forme (mythes notamment), leur
contenu (réincarnation, reproduction non sexuée, mort ou naissance, etc.).
Mandat et dettes. Dans le cadre de la psychopathologie, les événements
auxquels se rapporte cette transmission sont essentiellement des phénomènes
négatifs  : les ruptures de filiation, les événements chargés d’effroi ou de
honte, les deuils, les maladies. Ils sont transmis sous forme de fantasmes
de  dettes générationnelles (le « grand livre de comptes » de Boszormenyi-Nagy,
1973), projection souvent inconsciente sur la descendance du devoir de
réincarner un acteur d’un événement devenu en partie mythique, ou de man-
dat (Lebovici,  1983), également inconscient, de répéter ou de réparer une
hypothétique faute ou transgression d’un ascendant. Abraham et Torok (1978),
deux psychanalystes français ont mis en avant un modèle de t­ransmission
sans conscience de l’objet transmis, même par levée du refoulement. Torok
a nommé crypte cette variété de clivage du moi, ­transmise à propos du deuil.
Ce mécanisme prive le sujet de tout accès au sens et ne laisse à la troisième
génération que le trouble et des fragments non ­interprétables. Ce mode de
transmission évoque une autre hypothèse, celle de la transmission (incons-
ciente) des représentations traumatiques intergénérationnelles, qui n’est pas
exclusive de la connaissance (consciente) de l’histoire traumatique familiale
et peut venir la compléter sous une forme ouverte ou cachée comme dans le
« secret de famille » (Dekel et G ­ oldblatt, 2008 ; Dayan, 1994).

Une dimension phylogénétique du fantasme


Fantasmes d’origine et fantasmes originaires. À travers la notion de fantasme
d’origine, Freud soutient une innéité de la vie fantasmatique commune à
l’espèce humaine. Ces trames ou représentations fantasmatiques seraient
des scénarios inconscients communs à l’espèce, réélaborés dans l’histoire
individuelle et dans chaque société. Ces fantasmes d’origine ou «  origi-
naires » incluent les fantasmes de naissance, de scène primitive, de séduction
(dans un sens parfois proche de celui de viol), et le roman familial, représen-
tation idéale du complexe familial. Ils seraient à base phylogénétique. Ces
scénarios mettent en jeu des traces mnésiques irrécupérables directement.
Il s’agirait d’une connaissance implicite transmise à l’espèce et liée à son
développement. Son articulation peut être retrouvée à travers les rêves, les
scénarios anxieux, certains comportements innés, mais aussi à travers des
éléments culturels tels le choix du prénom ou les codes v ­ estimentaires. Ils
demeurent en règle non accessibles à la conscience, en un mot des « fan-
tasmes ». Elle pourrait être la trace d’un codage génétique, et mise en œuvre
à travers le développement et les interactions humaines.
6 Psychopathologie de la parentalité

Le concept de roman familial apparaît chez Freud dans un article de 1909,


intégré à l’ouvrage d’Otto Rank «  Le mythe de la naissance du héros  ».
Selon Freud, la sensation de ne pas voir ses propres sentiments pleinement
payés de retour fait naître, durant les premières années de l’enfance, l’idée
d’être un enfant d’un autre lit ou un enfant adopté. Si, précise-t-il, pour
le petit enfant, les parents sont d’abord l’unique autorité et la source de
toute croyance, avec les progrès du développement intellectuel, il ne peut
manquer de faire « la connaissance d’autres parents, les compare aux siens
et acquiert ainsi le droit de douter du caractère incomparable et unique
qu’il leur avait attribué. » Il s’assigne lui-même une filiation imaginaire qui
répond à la fois à la satisfaction de la rivalité œdipienne et à l’idéalisation
première de ses parents, encore munie chez l’adulte névrosé des traits per-
ceptibles de l’enfance. Selon Freud, cette construction peut être perceptible
dans les rêveries diurnes de l’enfance mais reste refoulée chez l’adulte. Il
présente ainsi une forme de formation universelle du mythe familial chez
l’individu, qu’il distingue en une période asexuelle et une période sexuelle.
Surtout ajoute-t-il : « Ce qui entre encore en ligne de compte, c’est le plus
ou moins grand effort d’élaboration nécessaire pour que les fantasmes attei-
gnent à la vraisemblance. Ce stade est atteint à un moment où l’enfant n’a
pas encore la connaissance des conditions sexuelles de la venue au monde. »

Modèles intégratifs

Modèle psychoanthropologique de Guyotat (1980)


Trouble psychiatrique et fonction parentale, référés à la filiation. Guyotat pro-
pose en 1980 un modèle dont l’ambition est de rendre compte de la sur-
venue de troubles psychiatriques en période périnatale. L’anthropologie
lui offre une référence pour présenter un modèle cohérent. Sa pratique
de psychiatre de liaison dans les services d’obstétrique, qu’il fut l’un des
premiers à exercer en France, l’amène à observer les liens tissés, entre
des récits de stérilité, de fausses couches à répétition, de traumas familiaux
anciens ou actuels et l’émergence de troubles psychiatriques sévères, de la
dépression à la psychose. Il recueille l’histoire personnelle et familiale avec
ses traumas, secrets, dettes et mythes. Son essai théorique embrasse non
seulement l’accès à la parentalité, mais aussi le processus de filiation dans
son ensemble.
Il part de l’hypothèse qu’un ensemble de données sociales et symbo-
liques articulées autour du système de filiation, particulier à la famille du
sujet ou étendu à un peuple, un clan, une lignée,  etc., préexiste au sujet
et le confronte à certaines exigences implicites. La conflictualité autour
de ces exigences se retrouve au cœur de certains processus délirants. La
conflictualité réactualisée par le fait de devenir parent n’est donc pas seu-
lement individuelle, mais aussi transgénérationnelle et sociétale. Elle peut
La parentalité : concepts et modèles 7

s’organiser en un trouble psychiatrique patent. Guyotat rappelle, comme


Racamier (1978), que l’acceptation d’une dette de filiation est en rapport
avec la constitution de l’organisation symbolique du sujet et que son déficit
marque la psychose.
Filiation narcissique et filiation instituée. L’auteur distingue et oppose deux
types de filiations psychiques  : la filiation instituée et la filiation narcis-
sique. La filiation instituée est de l’ordre du langage, de la désignation des
places et fonctions dans l’ordre juridique et social. Elle peut être évoquée
comme une figure du langage, la métaphore. Elle se constitue dans un
monde d’échanges symboliques et de déplacements, à travers le langage,
les rites, les lois et structures qui désignent l’enfant dans son rapport de
filiation. Guyotat qualifie de métonymique la filiation narcissique, consti-
tuée dans une relation de contiguïté et de déni de la filiation paternelle.
L’aphorisme « la chair de ma chair » met clairement en exergue une sorte
de naissance par scissiparité, revendiquée absente de tout tiers et en même
temps de toute institution. Il donne des exemples, des thèmes qui sont
tout à la fois des mythes et des contenus délirants, caractérisant la filiation
métonymique  : naissances sans interventions sexuelles, naissances par la
tête, etc. Ces naissances éliminent la figure du tiers, en tout cas humain.
Pour l’auteur, le mythe dérive d’une forme psychologique de rapport à la
filiation, le rapport narcissique, et non l’inverse.
De la nature du rapport entre filiation instituée et narcissique, Guyotat fait
un élément central de nombreux troubles psychopathologiques, au premier
rang desquels les processus psychotiques (Guyotat, 1995). La psychose puer-
pérale est un délire de filiation projeté sur la descendance. Il cite plusieurs cas
de délire pouvant éclore à l’occasion de l’accès à la paternité ou bien chez la
mère adoptante, exemples illustrant sa proposition selon laquelle le primum
movens du délire n’est pas lié à la maternité stricto sensu. L’ensemble du modèle
de Guyotat est utilisable dans le cadre d’une prise en charge psychothérapique,
contrairement aux modèles présentés ci-après, plus opératoires et collaboratifs.

Modèles multidimensionnels
Un modèle à orientation socio-juridique (Théry, 1998). Irène Théry, sociologue,
distingue la parentalité domestique, assimilable à la possession d’état, la
parentalité généalogique fondée sur le droit et la parentalité biologique.
Cette dernière peut elle-même se décomposer en parentalité génétique
asexuée (fécondation in vitro) ou sexuée. Cette classification illustre le
caractère objectif de la parentalité ordinaire : l’idéal social de deux parents
géniteurs, éducateurs et époux, du fait des recompositions familiales n’est
pleinement atteint qu’à peine une fois sur deux dans la population fran-
çaise avec une pléthore de formes incomplètes.
Un modèle psychosocial (Houzel et Dayan,  2000). Didier Houzel et
Jacques Dayan, aidés de collaborateurs psychanalystes, philosophes,
8 Psychopathologie de la parentalité

travailleurs sociaux, psychologues et psychiatres, ont cherché à partir de


l’analyse de cas d’enfants ayant posé des difficultés majeures dans leur
prise en charge autour de la naissance ou lors des premières années de
vie, à définir des composantes de la parentalité dont la spécificité serait
de pouvoir être utilisée avec profit dans le travail médico-social. Leur
objectif était aussi de fournir un outil d’analyse permettant un travail de
distanciation et de formation, minimisant les jugements moraux et les
a priori qui, bien qu’implicites et souvent réprimés, menacent en perma-
nence le travail social.
Trois axes ont été isolés : l’« exercice » de la parentalité dont la description
se rapproche de celle qu’opère Guyotat de la filiation instituée, l’«  expé-
rience » qui renvoie à l’« éprouvé » de la parentalité, étudiée à travers les
représentations fantasmatiques ainsi que les éventuels troubles psychiques
associés à l’état d’être parent, et enfin la «  pratique  » de la parentalité
déployée à travers les soins les plus ordinaires, le care et le cure, l’emphase
étant mise sur la dimension psychique des échanges comportementaux.
Une quatrième dimension, hors champ, s’ajoutait à ces trois premières, la
parentalité «  attestée  », qui consistait en la qualité du développement de
l’enfant. L’ensemble pouvait donner lieu à une appréciation dynamique et
offrait une lecture des difficultés ouvrant à des interventions positives dans
les champs non spontanément abordés sous cet angle par les travailleurs
sociaux, celui de l’exercice des droits et celui de la souffrance psychique.

Dissociation médico-juridique entre sexualité


et parentalité*
L’exemple des couples contaminés par le VIH et/ou
l’hépatite
Depuis plusieurs années, les équipes d’assistance médicale à la procréation
(AMP) sont sollicitées par des couples désirant un enfant, dont l’un des
partenaires ou les deux sont infectés par le VIH et/ou le virus de l’hépatite C
(VHC). Ces demandes sont en augmentation constante. La technique pro-
créative proposée, aide médicale à la procréation avec préparation du sperme,
est la méthode de référence. Elle est le prélude à la construction d’un indi-
vidu issu d’un couple qui accède au statut de parents par l’entremise, à la fois
de la fiction d’une sexualité stérile et de la contrainte de la non-transmission
à l’enfant du caractère dangereux de leurs émissions sexuelles. Depuis 2001,
ces techniques, entraînant une innocuité virale complète chez le futur bébé,
ont permis la naissance de plusieurs milliers d’enfants en France.

* Texte rédigé par O. Rosenblum.


La parentalité : concepts et modèles 9

Comment fabrique-t-on des parents


en bonne santé ?
L’objectif ici est d’éviter la transmission à l’enfant d’une maladie d’une
particulière gravité selon l’article 152-2 du Code de santé publique paru en
1994. Les conditions sont pour le couple d’être vivant, en âge de procréer,
apportant la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentant
aux interventions. L’AMP étant destinée à répondre à la demande parentale
d’un couple, les membres de l’équipe médicale s’attelleront à vérifier la
motivation des deux membres du couple.
L’AMP chez les couples séropositifs vient lever l’interdit, du fait du danger
de la contamination parent-enfant, et autoriser une réinscription au sein
du champ social. Le couple passe du statut de survivants à celui de parents
potentiels leur ouvrant le champ à une immortalité enfin envisageable.
Ainsi, un des aspects primordiaux auxquels le clinicien est confronté de
manière manifeste est l’insistance des couples à se promouvoir comme des
futurs parents.

Quand la médecine parraine une nouvelle famille


En France, le 10 mai 2001 paraît un arrêté modifiant l’arrêté du 12 janvier
1999 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques en AMP.
Cet arrêté fixe les conditions particulières de la prise en charge du couple : il
s’engage à avoir une vie sexuelle protégée, y compris pendant la grossesse et
l’allaitement, et il est tenu au respect des conditions sérologiques pour confir-
mer la séronégativité du conjoint qui n’est pas infecté. De plus, la charge
virale du conjoint infecté doit être quasiment indétectable dans le sang et
nulle dans le sperme, si l’homme est infecté. Par ailleurs, le couple ayant reçu
les informations sur les risques d’une grossesse chez une femme séroposi-
tive, signe un consentement, les traitements antirétroviraux pris pendant la
grossesse pouvant avoir un caractère délétère sur le développement du futur
enfant (Rosenblum, 2012 ; Rosenblum et al., 2012).
Ces dispositions contraignantes maintiennent le couple sous la tutelle
d’une sexualité codifiée par la quantification normée des constantes
biologiques. Ici, l’intimité des conduites et du corps désirant se traduit
par une objectivation biologique, prélude à la naissance d’un corps filtré,
indemne de toute contagion virale. Dans ces conditions, l’AMP devient
une nouvelle forme de reproduction, parce qu’elle féconde selon ses
propres procédés qui deviennent, selon M. Iacub (2002), aussi contrai-
gnants, sinon plus, que ceux de la nature.
Par l’action «  régénérative  » de la technique, une famille peut enfin
émerger effaçant les éventuelles transgressions passées. La prise en charge
­médicalisée des couples séropositifs s’appuie sur les modes admis habituelle-
ment des systèmes de parenté, avec les conditions du « comme si » : être
10 Psychopathologie de la parentalité

vivant et en âge de procréer. L’« autre » du couple est une personne du sexe


opposé en âge de procréer, qui prend son traitement de manière efficace et
qui, plus est, abrite un virus présent, si possible indétectable, définissant
par là le caractère sain à partir d’une norme définie par la quantité de virus
lui-même. Ici, un des modes de la « fabrication de l’homme occidental »,
selon l’expression de P. Legendre (1996), est la prise en charge médicalisée
de ses futurs parents. Ils conservent les stigmates de la faute originelle, sous
l’apparence du virus rendu à l’état quiescent par les vertus du traitement.

L’accès au devenir parent pérennise l’institution


Par le jeu entre biologie et société, un certain type d’idéal du moi, «  être
parent soigné d’un enfant sain », va intervenir dans l’économie des désirs
de l’individu séropositif et contribuer en même temps à la reproduction des
rapports de parenté et des rapports sociaux auquel appartient cet individu.
Cette position peut permettre de « domestiquer » chez l’enfant à venir, d’une
manière anticipée, sa future sexualité polymorphe, déjà hypothéquée, en
appartenant d’emblée à la société l’ayant fabriqué. Ses parents dépendant de
manière vitale de la société qui les traite à vie, l’enfant à venir sera contraint
par une dette contractée par eux. Cette créance a un prix, fixé par la société ;
c’est, par exemple ici, le coût du traitement médicamenteux antirétroviral
administré aux parents. Cette dette se trouve en compétition avec la
dette de vie de l’enfant vis-à-vis de ses parents, décrit par M. Bydlowski
(1997). Ici, par conséquent, la filiation s’origine à partir d’un double regis-
tre, à la fois social et symbolique.
À partir du moment où les couples séropositifs se sont soumis à la voca-
tion reproductive de leur sexualité, ils n’en demeurent pas moins captifs
de l’injonction médicale paradoxale suivante  : pour se parer des habits
respectables d’une figure parentale, ils sont instamment priés de ne pas
se situer comme les agents transmetteurs vis-à-vis de leur progéniture.
Plus encore, la non-transmission est la qualité parentale érigée en valeur
suprême et requise comme condition unique pour offrir au futur enfant
son inscription dans le champ de la filiation instituée par la société qui
prend en charge ses parents.

L’accompagnement psychologique
des futurs parents à risque viral
L’arrêté du 10 mai 2001 introduit d’emblée la nécessité de la présence d’un
psychologue ou psychiatre impliqué dans l’accompagnement des couples à
risque viral et des équipes pluridisciplinaires – infectiologues, obstétriciens
et biologistes de la reproduction – qui en ont la charge. La position du
professionnel du psychisme n’a pas vocation d’expertise ni de jugement,
en revanche, celui-ci soutient les capacités élaboratives de la demande
La parentalité : concepts et modèles 11

parentale d’un couple, tout en se rendant disponible aux partenaires pour


les rencontrer tout au long des étapes de l’AMP, de la grossesse éventuelle
et de la période du post-partum. Ainsi, il suscite et accompagne le travail
d’élaboration du couple dans le cadre d’un suivi médical long et aléatoire et
la capacité de l’homme et de la femme à travailler les difficultés inhérentes
à une prise en charge où le risque de l’enfant à venir est posé par la situation
même de l’abord thérapeutique antirétroviral des futurs parents et des effets
éventuels sur leur progéniture. Enfin, il tente d’éclairer, par l’abord de la
dynamique psychique propre au processus de parentalisation et de ses ava-
tars, les décisions élaborées par l’équipe pluridisciplinaire ayant la respon-
sabilité médicale du suivi des couples dans le cadre de l’AMP à risque viral.

Parenté et anthropologie
Les liens étroits entre l’organisation de la parenté et le phénomène de
parentalité sont devenus plus évidents, à travers les perspectives intégrant
les observations et concepts des différentes disciplines : anthropologie, psy-
chologie, psychanalyse, neurosciences…
Le sujet institué comme parent est à même de développer avec le plus
de facilité l’investissement parental. Il reçoit le soutien de l’organisation
sociale d’où il tire son identité de sujet et de parent. Des droits lui sont
attribués et les moyens de les assurer. Il est soumis à des devoirs. Seul le
parent légitime est appelé en droit à pouvoir exercer pleinement sa paren-
talité. Dans le cas contraire, selon son statut social et la société à laquelle il
appartient, le sujet en sera gêné, interdit ou même violemment sanctionné,
parfois jusqu’à la mort.

Les structures de parenté


Prohibitions et obligations. Dans une perspective structurale, la parenté
désigne les liens d’alliance, de filiation et de consanguinité organisant la
structure familiale. Cette organisation joue un rôle considérable dans celle
de la structure sociale et par extension dans les rôles sociaux. Lévi-Strauss
(1967) nomme structure élémentaire de la parenté l’organisation qui résulte
de la prescription conjointe des liens de parenté autorisés et interdits. La
mobilité sociale est généralement plus limitée lorsque s’associent, en nom-
bre élevé, prohibitions et obligations. Lorsque seuls sont prescrits les inter-
dits, et qu’ils restent en nombre modéré, l’interdit de l’inceste en étant
le plus universel, les structures d’alliance qui se créent sont plus diverses,
variées et susceptibles d’évolution. Elles sont nommées structures complexes
de la parenté. Lévi-Strauss considère les systèmes de mariage et de parenté
comme des structures d’échange des femmes. Selon Godelier (2004), une
autre fonction essentielle de l’organisation de la parenté est le maintien de la
reproduction de l’« individu », de la lignée, de la société dans son ensemble.
12 Psychopathologie de la parentalité

Acculturation, déculturation. En Europe, les familles issues de sociétés tra-


ditionnelles sont confrontées à des prohibitions et obligations différentes
de celles de leur pays d’origine. Les études sociologiques montrent une
tendance spontanée à travers les générations à créer des compromis ou des
formes intermédiaires entre les modèles familiaux d’origine et d’accueil,
source parfois de tension intrafamiliale. Toutefois, certaines familles peu-
vent être arc-boutées sur les formes originelles de leur système de parenté,
particulièrement quand la société d’accueil ne leur offre pas d’autres formes
de réassurance narcissique indispensables à leur évolution. Ceci est ainsi
parfois le cas d’hommes issus de la seconde ou troisième génération qui per-
dent autorité et gratification que leur conférait leur statut masculin, tandis
que les femmes se trouvent revalorisées. Dans tous les cas, le passage d’un
système de parenté à un autre demande un travail psychique particulier,
long et complexe, à travers des formes intermédiaires de compromis, avec
parmi les freins les plus importants à toute modification des représentations
mentales, la loi et la religion, mais plus encore « une armature de traditions,
[…] qui, de génération en génération, sont transmises, sous de multiples
formes, par les divers systèmes d’éducation, celles dont le langage, les rites,
les convenances sociales constituent le soutien solide » (Duby, 1972).
Œdipe, interdit de l’inceste, exogamie. La prohibition de l’inceste demeure
l’interdit majeur dont la compréhension donne lieu à de vives contro-
verses. Universel, il répondrait pour certains à une hypothétique
détermination instinctuelle qui conduirait à une irrésistible tendance
à rechercher des partenaires sexuels en dehors des proches, répondant
à un mécanisme d’inhibition involontaire d’origine génétique et à parti-
cipation en partie hormonale. Les approches socioanthropologiques,
telle celle de Durkheim, mettent en avant des phénomènes culturels et
sociaux qui associent systématiquement interdit de l’inceste et exogamie.
Les croyances totémiques rendent pérennes à travers les générations le
sentiment d’horreur religieuse pour le sang apparenté au totem. L’interdit
de l’inceste dans les sociétés occidentales dériverait de telles croyances. La
psychanalyse qui fait aussi de cet interdit un point central de la théorie,
à travers notamment le « complexe d’Œdipe », n’offre pas d’hypothèse
scientifique mais un mythe anthropologique : les fils coupables après le
meurtre du père de la horde primitive s’interdisent d’épouser les mères et
les autres femmes du groupe totémique laissées libres.

Les fonctions de la parenté


Godelier (2004) définit ce qu’il nomme les fonctions de la parenté, c’est-à-
dire ce que l’organisation structurelle de la filiation oblige, interdit et permet.
Il met la parenté au service de la parentalité. Il établit un lien dialectique
entre organisations sociales et fonctions parentales. Il reprend en l’étendant
et en la précisant une liste établie par E. Goody à-propos des structures de la
La parentalité : concepts et modèles 13

parenté en Afrique de l’Ouest. Comme Malinowski, il fait de la parentalité la


base de la structure sociale. En retour, il est aisé de s’apercevoir que les modi­
fications pérennes des structures socio-économiques, qu’elles résultent
d’acculturation ou de déculturation, ou qu’elles soient fondées sur une
dynamique interne, les progrès scientifiques aussi, agissent à leur tour en
modifiant aux points de tangence, essentiels dans les organisations, l’orga-
nisation de la parenté. Il définit ainsi sept fonctions : (1) instituer certains
individus comme parents (2) élever les enfants, qui inclut  : les nourrir et
les protéger (3) les éduquer (4) les doter d’un statut et de droits spécifiques
implicites ou explicites dont le premier est d’avoir un nom (5) avoir sur les
enfants, en échange des devoirs à assumer envers eux, des droits particuliers
qui dans certaines sociétés peuvent être de les vendre ou de les mettre à mort
(7), définir les prohibitions sexuelles et leurs limites. La sixième fonction
est l’articulation entre l’autorité parentale, l’obéissance et le respect atten-
dus de l’enfant envers ses parents. Dans cette analyse, les fonctions de la
parenté sont d’assurer la reproduction sociale, au sens le plus vital du terme,
c’est-à-dire le maintien de l’existence d’une société donnée et de ses mem-
bres à travers les générations, en tenant compte du poids de sa culture et de
ses mythes propres, des modifications objectives de l’environnement, des
techniques, du savoir et de la richesse. Ceci, malgré et avec les pressions
contradictoires que chaque composante de cette dynamique peut exercer
sur les autres et sur le système. Si les fonctions sont considérées comme
universelles, les formes de la parenté sont elles-mêmes très variables. Cette
variabilité qui était mise en évidence à travers l’histoire des civilisations et à
travers la géographie des peuples, connaît actuellement une accélération qui
conduit pour certaines générations dans les sociétés industrialisées à faire
coexister des représentations différentes de la parenté et de ses fonctions
chez le même sujet, source de tension interne et sociétale.

Parenté et droit
Filiation et lignées
Filiation et descendance. Selon Godelier (2004), la filiation est définie comme
les liens qui attachent l’individu à son père et à sa mère. La descendance est
distribuée selon trois modalités principales  : unilinéaire (patri ou matrili-
néaire), bilinéaire (père et mère) et cognatique. Le système de descendance
n’est ni universel ni la traduction d’un état de nature mais celle de son
interprétation. Les principes qui touchent à la filiation sont « politiques » et
« religieux », ils concernent les rapports de solidarité et de domination entre
les sexes et entre les générations.
Lignée et nom du père. La lignée accepte plusieurs définitions, la plus ­simple
étant l’ensemble de la descendance d’un individu ou ancêtre. La lignée en
14 Psychopathologie de la parentalité

anthropologie est en grande partie imaginaire et dépend du système de


parenté. En effet, il ne s’agit pas de l’héritage biologique réel et contrôlé,
comme les petits pois de Mendel, mais d’une formation imaginaire, quoique
s’appuyant sur des vraisemblances biologiques, au regard de l’imaginaire bio-
logique lui-même. Depuis très longtemps, notre système de descendance est
juridiquement fondé sur un modèle généalogique à dominante patrilinéaire :
le statut de père y est accordé par le mariage avec la mère. Dans le monde
actuel, le nom qui marque la lignée reste le plus souvent celui d’un père
ancestral, et se transmet par les fils. Ce système fixe le nom de famille, depuis
la période 1000-1200 en France, à un ancêtre mâle supposé. Des dizaines de
générations ultérieures porteront ce nom, occultant le nom de tous les autres
hommes des lignées maternelles, comme bien sûr de toutes les femmes. La
dation du nom reste un élément symbolique fondateur de l’identité dans
notre société, pauvre en rituels. Elle est établie par un acte d’état civil. Elle
favorise une représentation implicite de l’intangibilité de l’origine, en un
ancêtre unique, sorte de père de la horde auquel l’enfant sera rattaché et en
même temps différencié par le prénom. Ce mythe invisible est mis en tension
notamment par l’adoption, l’enfant adultérin et la transmission médicale des
gamètes extérieurs au couple. La référence à un ancêtre commun se retrouve
encore communément aujourd’hui à travers la lecture du patronyme, « Ben »
en arabe, « O’ » en Irlande, « Mac » en Écosse, « Son » ou « Sohn » dans les
langues germaniques, signifiant « fils de ».
Les modèles de parenté sont aujourd’hui en reconstruction en Europe de
l’Ouest, pour de multiples motifs dont le délaissement du mariage et la
fréquence des recompositions familiales après séparation. Malgré cela, le
système de dation du nom résiste particulièrement bien. Il est demeuré en
France, jusqu’en 1994, le seuil qui séparait juridiquement, par inscription
à l’état civil, l’homicide de l’infanticide. En France encore, la possibilité
nouvelle de choisir pour l’enfant dans certaines conditions le patronyme
de la mère, en place ou à côté de celui du père, est peu utilisé  : ce n’est
étrangement pas sur le nom du père que s’établissent les luttes politiques
et idéologiques.

Les catégories juridiques de la filiation


La filiation juridique, à l’image des systèmes de parenté, n’est pas un fait
biologique mais une institution, dont l’ordre et l’essence sont, selon
­Lefebvre-Teillard (1996), politiques. Le droit présente une inertie moindre
que les systèmes de parenté. Il marque les changements évolutifs sous une
forme qui permet d’en concilier la structure de base : principaux interdits,
prescriptions, et alliances restent conservés.
La filiation légitime repose en France sur le mariage et non sur un fait
de nature, la reproduction sexuée : tout enfant né pendant le mariage est
a priori celui du père. Deux bouleversements récents ont ébranlé, sans encore
La parentalité : concepts et modèles 15

la détruire, cette fondation imaginaire  : la fréquence des naissances hors


mariage reconnues par les deux géniteurs et la possibilité de rendre certaine
la filiation paternelle par la recherche d’ADN. Beaucoup d’autres change-
ments ont encore fragilisé cette construction : le don de gamètes, le don
d’embryons, la gestation pour autrui et in fine le mariage homosexuel. La
filiation maternelle est exceptionnellement mise en doute, reconnue comme
telle à travers le fait observé que la mère a accouché. Les deux autres types
de filiation sont les filiations « naturelle » (naissance en dehors du mariage)
et « adoptive ». Le droit français contemporain (ordonnance n° 2005-759
du 4 juillet 2005) supprime les notions d’enfants « légitimes » ou « natu-
rels » pour les remplacer par celles d’enfants issus de couples mariés ou de
couples non mariés. Le problème est alors déplacé vers la question de la
reconnaissance des enfants par le père et la mère. La filiation adoptive en
droit français connaît une forme originale, l’adoption plénière, qui rompt
tous les liens institués avec les géniteurs, les attribuant en totalité aux
parents adoptants.

Limites de la parenté généalogique


Le statut des enfants nés hors mariage a attendu des siècles pour
trouver une certaine équivalence à celui des enfants nés et élevés par leurs
géniteurs mariés. Jusqu’en 2001, l’enfant né d’un tiers, alors que ses parents
étaient mariés, avait ses droits amputés de moitié dans la succession du
parent adultère. L’enfant adultérin était distingué de l’enfant naturel issu de
deux personnes non mariées. L’enfant pouvait être légitimé par le mariage
de sa mère et une reconnaissance de paternité de l’époux. Longtemps,
l’opprobre a conduit ces enfants à un destin souvent difficile, favorisant,
pour le moindre mal, le secret de la filiation et, pour le pire, toutes formes
de violence. Aujourd’hui encore, aucune statistique fiable n’est publiée sur
le nombre d’enfants adultérins alors qu’une évaluation pourrait être assez
aisément conduite dans les centres de greffe. Les chiffres souvent avancés
de 5 à 10 % tiennent plus de l’opinion que de la science et ne distinguent
pas les parents informés de ceux qui ne le sont pas.
Les lois sur l’adoption ont évolué ainsi que les droits de l’enfant
adopté. L’originalité de la filiation plénière consiste, en France, à ôter à
l’enfant adopté les droits attendus de la filiation par ses géniteurs et en
retour à lui offrir ceux des adoptants.
Les progrès techniques en matière de procréation ont amené de
nouvelles formes de parenté, de plus en plus complexes, où la position
de  géniteur se dissocie de celle d’être parent. Elles ont soulevé et soulè-
vent parfois encore autant de questions passionnées qu’autrefois le statut
de l’enfant abandonné ou adultérin. Une première particularité est la pos-
sibilité d’une naissance qui n’a pas été précédée d’un acte sexuel fécon-
dant entre les géniteurs. Dans certains cas, le couple n’a plus de rapports
16 Psychopathologie de la parentalité

sexuels depuis des mois, voire des années. Ce point donne lieu à peu de
débats, ce que l’on peut comprendre étant donné que les relations entre
acte sexuel et parentalité font l’objet d’une certaine réserve voire de tabous.
Dans d’autres cas, comme le don de gamètes (ovules ou spermatozoïdes) et
don d’embryons, les parents ne transmettent pas leurs gènes à leur enfant,
l’identité des géniteurs reste connue seulement des autorités médicales  :
cette position commence à être contestée.
Dans la gestation pour autrui (GPA), au départ initiée pour répon-
dre aux demandes de femmes sans utérus fonctionnel, les gamètes peuvent
appartenir aux « parents » mais l’enfant est porté par un tiers. Il est mainte-
nant des cas où la femme gestante porte un embryon dont un des gamètes est
issu d’une femme qui n’exercera pas elle-même de rôle maternel, notamment
en cas de couple homosexuel masculin. Dans ce cas complexe, l’enfant aura
été porté par une femme, une partie de ses gènes étant issue d’une seconde
femme et lui-même pouvant être élevé seulement par deux hommes, dont
un seul a donné ses gènes. Ce mode de filiation engendre de nombreuses
questions éthiques nouvelles  à propos de ce que représente idéologique-
ment, philosophiquement, objectivement le corps de la femme qui engendre
que ce soit dans le cadre d’un couple hétérosexuel antérieur, dans le cadre
d’une adoption ou du recours à la procréation médicalement assistée. Récem-
ment en France, la possibilité du mariage homosexuel laisse augurer la pos-
sibilité d’une homoparenté ou au moins des débats à ce sujet. Dans presque
toutes ces situations, à l’exception aujourd’hui de la gestation pour autrui
(GPA), la position en droit dans la filiation est précisée sans ambiguïté : des
personnes (le père et la mère ou la mère seule) sont reconnues légalement
comme le parent de l’enfant, qu’ils exercent ou non leur fonction parentale.
Le non-parent cohabitant. Des droits se profilent pour le beau-
parent, c’est-à-dire l’allié (hétérosexuel en général) non-parent cohabitant
ou marié avec le parent (step father). Leur présence fut jusqu’à la fin du
Moyen-Âge presque exclusivement liée au décès d’un des parents qui sur-
venaient près d’une fois sur deux avant les 15  ans de l’enfant. D’autres
formes de ­coparentalité se dessinent aussi parmi les couples homosexuels,
phénomène marginal quantitativement, mais appelant à modifier la repré-
sentation sexuée que nous avons de la parenté.

Normes et acceptabilité sociale


Le succès du terme de « parentalité » s’étend aux démographes et aux socio-
logues. La terminologie opère alors un léger glissement sémantique, qui
confère au terme un sens intermédiaire entre structure de parenté et pro-
cessus de parentalité, à travers deux déterminants majeurs, la domesticité
et l’autorité. Dès le début des années 1970, le terme est décliné dans une
version sociologique avec une perspective familialiste  : monoparentalité,
homoparentalité et coparentalité.
La parentalité : concepts et modèles 17

Démographie
Monoparentalité. On nomme monoparentales «  les familles où un
parent seul (aujourd’hui, dans 85 % des cas la mère), vit sans conjoint avec
un ou plusieurs enfants de moins de 25  ans dans un même logement  ».
Jusque vers les années 1960, ces familles se composaient majoritairement
de « filles-mères », « veuves de guerre » et « veuves civiles ». La terminolo-
gie nouvelle participe à réduire leur stigmatisation, d’autant qu’elles n’ont
cessé de croître : en 2005, 18 % des enfants de moins de 25 ans vivent dans
une famille monoparentale, contre 8 % en 1968. En 1999, 75 % (Chardon
et al., 2008) des familles monoparentales étaient dues à la séparation d’un
couple établi, 15 % résultaient d’un couple jamais formé et 10 % du veu-
vage. Si les revendications se font croissantes sur le droit des pères seuls, le
nombre de familles monoparentales « paternelles » a peu évolué ces vingt
dernières années.
Homoparentalité. Le terme a été introduit en 1997 sur l’initiative
de groupes militants pour désigner «  toutes les situations familiales
dans lesquelles au moins un adulte, se désignant lui-même comme
homosexuel, est le parent d’au moins un enfant  ». Cette définition
assez vague, le terme parent n’est pas clairement défini, est en partie
tautologique et les situations répondant à ce critère étant multiples,
elle permet une assez large possibilité de consensus. Les configurations
homoparentales résultent soit d’une recomposition familiale après une
union hétérosexuelle, soit d’un projet élaboré avant la naissance par un
couple ou une personne homosexuelle. Pour devenir parent, un couple
de même sexe sans enfant ou une personne homosexuelle doit adopter
(sur une  base individuelle dans la loi française) ou bien utiliser une
technique de procréation médicalement assistée (don de gamètes, sur
une base individuelle dans la loi française) associée dans le cas d’un
couple homosexuel masculin à un processus de gestation pour autrui (à
ce jour illégal en France).
La coparentalité. Le terme est employé dans des contextes diffé-
rents. Juridiquement, il désigne l’exercice de l’autorité parentale partagé
par les deux parents, même séparés. À côté de cette définition, il est aussi
employé avec d’autres significations. Il est le nom donné à l’exercice par
le conjoint non parent de « l’autorité parentale » pratique et de l’engage-
ment dans l’éducation en cas de familles hétérosexuelles recomposées ou
de parents séparés. En France, il n’est pas accordé de droits particuliers
au beau-parent exerçant une forme de parentalité contrairement à la
latitude donnée après un acte légal dans le droit britannique et   aus-
tralien notamment. La coparentalité peut aussi désigner une forme
de parentalité à plus de deux parents (femmes, dont une au moins est
homosexuelle) s’accordant pour avoir un enfant ensemble et l’élever
conjointement.
18 Psychopathologie de la parentalité

Les métamorphoses de la parenté (Godelier, 2004) :


acceptabilité sociale
Le rejet que peut susciter l’introduction de formes nouvelles de parenté est
à mettre en rapport avec le bouleversement de la construction fictionnelle
ou mythique établie par chaque société de l’ordre dit naturel ou légitime
de la filiation. Les déviations aux formes standard de la parenté peuvent
être interdites voire punies sévèrement dans telle société et calmement
autorisées voire encouragées dans d’autres : gémellité, mariage entre cou-
sins germains, rapt et viol des jeunes filles, nubilité déclarée dès le début
de la puberté, parenté de couples non mariés, monoparentalité féminine
et aujourd’hui homoparentalité. La légitimité des différentes formes de
parenté varie historiquement et selon les peuples et la géographie : elle est
donc éminemment culturelle. Les formes autorisées de la parenté sont sou-
vent représentées au regard de l’état de nature, désigné soit comme modèle,
soit comme repoussoir.
Dans le monde occidental dominé par des structures complexes de la
parenté, et donc par la possibilité d’une variation étendue des formes
d’alliance, le statut du parent et de l’enfant n’a évolué que lentement.
Des formes d’alliance éloignées du modèle standard ont toujours existé,
souvent en très grand nombre, mais tenues en marge ou au secret. Le rejet
des formes non standard d’exercice de la parenté a rarement été motivé
par l’intérêt de l’enfant même si celui-ci a été souvent évoqué. Il provient
de sources religieuses, culturelles, politiques notamment. Les formes de
parenté admises dans une société donnée participent de la superstructure
régulant l’organisation des alliances, elles-mêmes liées au partage et à
la transmission des biens matériels et immatériels, à l’organisation poli-
tique, économique et militaire. Le recul, apporté par le temps comme par
les études ethnologiques et psychologiques, montre que les enfants souf-
fraient non tant du fait de l’exercice de ces formes de parenté nouvelles
que de la déqualification sociale, voire intrafamiliale, qui en résultait.
Ceci est évident aujourd’hui pour les enfants illégitimes mais nombre
d’écrits ont fait porter pendant des siècles sur l’illégitimité même les
« vices » de l’enfant. Il y a à peine quelques années, des auteurs y compris
au sein de sociétés savantes, avait mis en avant le risque d’évolution psy-
chotique des enfants nés par don de gamètes, propos qui ne sont plus
rapportés maintenant. D’autres spéculent aujourd’hui sur un risque de
nature non précisée, que présenteraient les enfants élevés par des parents
homosexuels.
D’un point de vue individuel, la passion entraînée par les débats autour
des modifications du statut parental résulte de la remise en question d’une
fiction identitaire fondamentale et organisatrice de l’ordre social en géné-
ral, et de la psyché en particulier.
La parentalité : concepts et modèles 19

Alors que les nouvelles parentés issues des techniques médicales de pro-
création ou du mariage homosexuel, autorisé depuis peu en France, concer-
nent relativement peu de familles, elles interrogent pourtant l’ensemble
du statut de la filiation. En effet, elles sont susceptibles de remettre en
cause les constructions culturelles de la parenté à partir desquelles les
sujets d’une société donnée établissent une part essentielle de leur identité.
Elles ne deviendront acceptables que lorsqu’elles seront assimilées à des
formes antérieures et légitimes de parenté, fonctionnant en quelque sorte
par cooptation. Des études entreprises à ce jour semblent montrer qu’elles
n’affectent pas plus l’enfant que les formes standard de la parenté.

La construction progressive de la personne


La fonction de parent est consubstantielle à la naissance de l’enfant. Cette
naissance n’est pas seulement biologique, elle est aussi sociale et symbo-
lique. Le fœtus et le nouveau-né deviennent des humains (c’est-à-dire des
alter ego) à partir d’un consensus culturel qui a varié au cours de l’his-
toire en Europe (cf. chapitre «  Abandon et infanticide  ») et varie encore
aujourd’hui selon les cultures. Dans certaines sociétés traditionnelles, il
importe que le nouveau-né ait fait la preuve d’être un humain, et non un
esprit, ce qui peut prendre plusieurs années…
Le temps zéro. Il n’y a pas de temps zéro de la parentalité qui ne soit
défini par consensus, sur la base de l’expérience biologique et sociale, le
plus commun étant celui de la naissance de l’enfant, c’est-à-dire la sortie
de l’utérus maternel. La venue de l’enfant est anticipée, avec une progres-
sivité marquée comme le montre l’anxiété croissante des derniers mois de
grossesse et la mise en évidence fréquente de l’amorce de discrètes modifi-
cations de l’humeur accompagnée de bizarreries dès les dernières semaines
de grossesse chez les femmes qui connaîtront une psychose puerpérale. La
parentalité connaît une préhistoire dans la vie du sujet à travers les rela-
tions précoces et les premiers attachements (Guédeney A. et N., 2006), les
­premiers désirs d’enfant, les interdits œdipiens, etc. Elle connaît aussi une
préhistoire antérieure à la naissance du sujet : comment il a été désiré ou
pensé, parlé, évoqué, mais aussi plus généralement dans quelle lignée ima-
ginaire et réelle il prend vie et au-delà dans quelle civilisation. Comme l’ont
montré les thérapeutes de famille, cette préhistoire peut être abordée à tra-
vers, souvent, au moins trois générations, étendue à ce qui a été intériorisé
et connu de l’histoire des grands-parents, sans d’ailleurs aucune autre limite
diachronique que la mémoire des générations. La parentalité ne cesse non
plus d’évoluer en relation avec le développement de l’enfant, du parent et
de leurs interactions. Il s’agit d’un processus dynamique et non d’une rela-
tion en tout ou rien, comme le statut de parent. Sa fin par contre est celle de
la fin du parent ; la parentalité ne cesse pas avec la mort de l’enfant même
si elle prend une forme différente. La remarque a été souvent faite que si
20 Psychopathologie de la parentalité

« orphelin » désigne l’enfant qui a perdu son parent, « veuf » ou « veuve »,


celui ou celle qui a perdu son époux ou épouse, aucun terme ne désigne le
parent qui a perdu son enfant : il reste parent inaltéré.
On peut admettre que l’enfant confère le statut de parent, attribué avec
sa naissance. Il n’y a toutefois pas non plus de temps zéro de la parenté
qui ne soit défini par consensus. Le statut complet de parent s’origine avec
l’accès de l’enfant au statut de personne humaine. La première respiration
ou la sortie de l’utérus n’en a pas toujours été la marque sauf pour le droit
contemporain en Occident. Nous décrivons ci-après quelques variations de
ce statut d’un point de vue anthropologique, religieux et médico-légal.
Le «  seuil d’humanité  ». Il varie selon les civilisations et les époques. Il
connaît une grande part d’arbitraire. Un enfant potentiel doit quitter l’entre-
deux du monde des vivants et des ancêtres pour être considéré totalement
humain. Cette étape correspond à un stade observable ou au minimum
concevable pour tous dans une civilisation donnée. Parmi ces stades, les
anthropologues relèvent dans différentes sociétés traditionnelles la sortie
du ventre, la délivrance du placenta, le sevrage, l’acquisition de la marche.
Dans le monde contemporain, pour la plupart des sociétés modernes,
l’enfant naît quand il sort de l’utérus. Cependant pour l’Église chrétienne
d’aujourd’hui, il est entièrement humain dès l’union des gamètes, avant
que d’être né. Cette position de doctrine ne date que du xixe siècle. En effet,
selon Saint Augustin (354-430), la première respiration faisait entrer l’âme
dans le corps ; selon Saint Thomas d’Aquin (1225-1274), l’âme venait au
cours de la grossesse au bout de soixante jours pour les garçons et quatre-
vingts pour les filles, position reprise au concile de Trente. Toutefois, s’il
n’est pas baptisé, l’enfant décédé, parce que entièrement humain, souillé
du péché originel va directement en enfer ou, selon Saint Augustin, dans
un lieu intermédiaire entre l’enfer et le paradis, appelé « limbes ». Jusqu’au
concile de Vatican II, l’Église […] ne connaît pas d’autre moyen que le bap-
tême pour assurer aux petits enfants l’entrée dans la béatitude éternelle. En
2007, l’Église estime qúil existe désormais « des bases sérieuses pour espérer
que, lorsqúils meurent, les bébés non baptisés sont sauvés » (Document de
la commission théologique internationale, 2007).
Aujourd’hui en Europe, la définition de l’enfant mort-né varie d’un pays
à l’autre. Cette définition présente indirectement et sous une forme juri-
dique l’état de l’enfant en devenir avant la naissance. Il n’est aucun pays où
les enfants mort-nés acquièrent la personnalité juridique : un fœtus n’est
pas considéré comme une personne. Les enfants mort-nés sont toutefois
dotés de certains éléments d’état civil, s’ils naissent après la date légale
de viabilité. Ils sont inscrits soit au registre des naissances avec mention
du décès (Allemagne), soit au seul registre des décès (Belgique et Pays-Bas
par exemple), ou sur un registre particulier (notamment en Espagne et en
Grande-Bretagne). Cette inscription peut s’accompagner pour les parents
La parentalité : concepts et modèles 21

qui le désirent, de l’octroi d’un prénom et plus rarement d’un nom. La


France s’est alignée sur les autres législations européennes, par la circulaire
du 30 novembre 2001 : un bulletin d’enfant sans vie peut être établi dès 22
semaines d’aménorrhée ou si l’enfant a atteint un poids de 500 g (critère
de viabilité de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS). Toutefois, en
2008, un nouveau changement législatif a eu lieu : l’acte d’enfant sans vie
est établi sur la base du seul certificat médical d’accouchement. Les critères
de durée de gestation ou de poids ne sont plus pris en compte. Le statut de
parent est ainsi acquis même pour un enfant qui n’a pas vécu et qui n’aurait
pu vivre, exception relative dans le passage juridique européen.

Couple et rôles parentaux


L’organisation systémique du couple et les rôles parentaux ont connu une
évolution marquante à partir de la fin du xixe siècle. Les mutations de l’éco-
nomie puis les progrès des sciences y ont pris une place déterminante. Les
conséquences en sont une modification des relations au sein du couple, de
la distribution des rôles parentaux, du mode d’éducation des enfants et
de la durabilité des alliances.

Facteurs de changement et de stabilité


dans la vie des couples

Les facteurs économiques


L’autonomie du travail salarié de la femme a allégé la dépendance vis-à-vis
du conjoint et ipso facto affaibli, progressivement mais inéluctablement,
son autorité. La révolution industrielle au xixe siècle a initié ce mouve-
ment, qui s’est amplifié à l’occasion des guerres du xxe siècle, plaçant un
nombre très important de femmes sur le marché du travail. Dès lors celles-
ci ont de plus en plus revendiqué une reconnaissance sociale et un droit
d’intervention juridique et économique à l’égal de l’homme. Les progrès
ont été assez rapides mais incomplets. En France, le droit de vote a été
obtenu pour la première fois à la Libération en 1945, celui de signer cer-
taines transactions financières tel un chèque indépendamment de l’époux
dans les années 1960, et celui de signer les procédures administratives
concernant leur enfant seulement dans les années 1970. Cette autonomie
a permis aux femmes divorcées des milieux populaires de ne pas subir le
déclassement social massif des générations antérieures, l’opprobre morale
et la misère sociale.
Le développement scientifique
L’invention d’une méthode de contraception efficace, les œstroprogestatifs,
et la mise au point d’une méthode d’interruption volontaire de grossesse
22 Psychopathologie de la parentalité

(IVG) efficace et à moindre risque, viendront peu à peu modifier le rapport


à la naissance et à la sexualité des femmes. La contraception orale sera auto-
risée en 1970 et l’IVG en 1975.
Une naissance non désirée était restée pendant des siècles la hantise des
femmes, surtout si elle était illégitime. Après le mariage, alors que les nais-
sances étaient généralement sources de valorisation sociale, elles pouvaient
être également considérées comme une épreuve, à l’origine de souffrance
et de tristesse ainsi que le confie la comtesse de Ségur à sa fille (1863).
Aujourd’hui, la question du désir de grossesse et de sa programmation
semble aller de soi alors qu’elle se posait peu et en d’autres termes, il y a
seulement deux ou trois générations. Depuis les années 1970, les femmes
ont obtenu une forme de reconnaissance de la part irréfragable de leur
propre désir dans la relation sexuelle, également à travers une redéfinition
juridique du viol qui était auparavant rarement criminalisé et bien plus
rarement puni.
Le changement des valeurs : le mariage amoureux
Résultat d’une évolution du statut féminin et de l’organisation écono-
mique, le libre choix du conjoint s’est progressivement imposé. Le mariage
par désir amoureux est devenu le modèle sans contestation de la forma-
tion des couples, tirant un trait presque définitif sur le mariage de conve-
nance imposé par les parents, les alliances familiales, la constitution du
patrimoine, la préservation des pouvoirs, tel qu’il se pratiquait aux xviiie
et xixe siècles. De fait, les mariages sont devenus moins fréquents, la coha-
bitation librement choisie a augmenté comme les séparations et divorces.
Les enfants sont moins nombreux et les pères s’investissent différemment
dans leur parentalité. Des normes sociales souples mais très efficientes n’en
continuent pas moins de pousser à la reproduction sociale.
L’homogamie ou la recherche du semblable
L’homogamie participe à la reproduction des modèles familiaux à travers le
choix d’un conjoint sociologiquement proche. Partout en Europe et dans
le monde, les mariages, et à peine moins les cohabitations, obéissent à une
norme, au moins au sens statistique de l’expression. Alain Girard (1964),
le pionnier de ces travaux en France, s’étonnait de la puissance résiduelle
du déterminisme sociologique alors même que le sujet se sent libre. Cette
homogamie qui traverse toute la société française connaît un maximum
relatif aux deux extrémités du déploiement socio-économique : dans la grande
bourgeoisie et l’aristocratie, et chez les descendants d’immigrés pauvres
issus de sociétés traditionnelles, notamment du Maghreb, de la Turquie,
de l’Afrique sahélienne et subsahélienne (Santelli et Collet,  2011). Selon
Bozon (1990, 1991, 1992) plusieurs éléments allègent la pression normative
de l’homogamie dans plusieurs pays occidentaux. Cependant, hommes
et femmes sont soucieux de l’apparence physique du conjoint, l’homme
La parentalité : concepts et modèles 23

tend à rechercher dans cette apparence, comme d’ailleurs dans la psycho-


logie, des traits « en liaison avec les rôles de représentation et de médiation
sociales traditionnellement dévolus » aux femmes. Celles-ci ont tendance
aussi à prendre en compte l’apparence physique, mais sur d’autres critères,
la taille notamment, et surtout le statut socioprofessionnel permettant
d’assurer une sécurité pérenne. L’homogamie sociale générale et géogra-
phique reste importante, même si les formes qui dominent sont éducatives
et religieuses. En 1999, 56  % des couples présentaient le même niveau
d’études. Les couples dont l’un des conjoints a arrêté ses études après l’école
primaire tandis que l’autre a poursuivi des études supérieures représentaient
moins de 1 % de l’ensemble. L’homogamie socioprofessionnelle (Vander-
schelden, 2006), qui a le plus décru, est retrouvée aujourd’hui dans environ
30  % des couples. Parmi les Français d’origine métropolitaine, l’homoga-
mie religieuse incluant l’agnosticisme ou l’athéisme est estimée autour de
70 %. Elle est un peu plus élevée, de l’ordre de 70 à 80 %, quelle que soit
la religion (islam, christianisme), pour les enfants d’immigrés. Dans cette
population, on note outre une réislamisation, une tendance à obéir encore,
au moins partiellement, aux codes réinterprétés de leurs sociétés d’origine,
plus contraignants, homogamiques. On retrouve globalement une réinter-
prétation de cette norme qui conduit au mariage avec une personne « qui
partage une supposée culture commune » dont le « spectre va de l’endoga-
mie lignagère à des considérations de ressemblance sociale et affinitaire ».

Les modalités d’attachement


Le choix du conjoint s’opère aussi avec la tendance à rechercher comme
objet d’amour celui ou celle qui permettra la reproduction des liens d’atta-
chement unissant le sujet à son objet d’attachement principal, et ses
modalités : secure ou insecure. Ce point est développé par Miljkovitch dans
cet ouvrage, p. 57.

Une description psychanalytique du choix d’objet amoureux


Il n’existe pas de description prototypique du choix d’objet amoureux dans
le corpus psychanalytique mais plutôt des configurations. Elles sont toutes
nécessairement en lien avec le développement infantile et les représenta-
tions des imagos parentales, qu’elles s’en rapprochent, s’en éloignent ou s’y
opposent. Par exemple Eiguer (1984), distingue schématiquement le choix
d’objet narcissique où l’objet représente essentiellement une part idéalisée
de soi, le choix anaclitique où l’objet est investi pour l’étayage qu’il offre et
le choix œdipien « normalement névrotique ».
La pression à la procréation
La pression à procréer persiste implicitement dans les sociétés occiden-
tales bien que le taux de fécondité attendue varie régulièrement avec les
générations. Il s’équilibre actuellement autour de 2 enfants par famille en
24 Psychopathologie de la parentalité

France. À l’instar du choix du conjoint, cette norme sociale s’installe pour


beaucoup à l’insu du sujet qui se pense libre de déterminations. Le choix
du nombre d’enfants représente un compromis socio-économique mais
aussi une valeur normative. Les familles sans enfant, et dans une moindre
mesure celles avec plus de 3 enfants, sont regardées avec une légère curio-
sité. Quand il survient, cet écart à la norme statistique et sociale résulte
souvent de consensus au sein de sous-groupes et il marque l’affiliation.
C’est le cas par exemple d’une fraction notable des descendants d’immigrés
d’Afrique sahélienne ou subsahélienne qui aujourd’hui ont un nombre
d’enfants intermédiaire entre celui des générations les précédant et celui
de la population française. C’est aussi le cas des familles traditionnelles
métropolitaines répondant à une pression culturelle, religieuse ou autre.
La pression exercée par les parents est révélée de façon quasi expérimentale
par les couples inféconds qui n’ont pas osé confier leurs difficultés à leurs
propres parents. Nombre de ces couples font l’objet de remarques répétées
de leurs parents sous forme voilée ou clairement insistante.
Planifier et désirer
Une étude basée sur une population représentative du Royaume-Uni
­(Wellings et al., 2013) a permis d’inclure 5 686 femmes en âge de procréer
(16  à 44  ans) dont près de 10  % avaient eu une grossesse documentée
l’année précédente.
Parmi ces grossesses, 16,2  % n’étaient pas attendues, 29  % l’étaient
de façon ambivalente et 54,8 % étaient clairement planifiées. Bien que
ce soit parmi les adolescentes de 16 à 19 ans que les grossesses étaient
le moins souvent planifiées (45  %), c’est surtout parmi les femmes de
20-35 ansqu’elles se produisaient. Les facteurs les plus significativement
associés à l’absence de planification étaient la première relation sexuelle
avant 16 ans, la consommation de tabac ou d’autres drogues (à l’excep-
tion du cannabis), un niveau scolaire plus faible. L’étude relève aussi
l’absence de compétence lors de la première relation sexuelle, une fré-
quence élevée des relations sexuelles, une éducation sexuelle en dehors
de l’école et une dépression actuelle.

Autorité et conflits parentaux

Mode d’exercice de l’autorité parentale


Le mode d’exercice de l’autorité parentale effectif et quotidien a évolué,
la cohabitation ou le mariage étant devenus volontaires et la séparation
plus aisée. La source principale de ce changement est la substitution au
sein des couples d’un principe de négociation à celui d’autorité exercé par
l’époux. À l’autoritarisme de l’homme s’est substituée l’autorité négociée
des parents avec leurs enfants. La loi a suivi cette évolution sociale en abo-
lissant dans presque toute l’Europe la notion de «  puissance paternelle  »
La parentalité : concepts et modèles 25

pour la r­ emplacer par celle « d’autorité parentale conjointe ». Corrélative-


ment, les enfants, devenus moins nombreux, ont bénéficié d’un p ­ rincipe
d’éducation et de protections sociales plus étendus. Cette protection reste
difficile à mettre en place tant est complexe la détection des violences
réelles. La fréquence insoupçonnée auparavant des agressions sexuelles et
physiques à l’intérieur des familles a seulement été reconnue vers le milieu
des années 1970. La violence conjugale, présente dans 5 à 10 % des couples,
commence cependant à être reconnue en France, bien qu’il n’existe pas à
l’instar d’autres pays une législation spécifique.

Autorité et résidence
Autorité et résidence sont deux termes d’une décision juridique. L’« autorité »
est très aisément accordée aux deux parents, même lorsqu’un d’entre eux,
le  père le plus souvent, s’occupe peu ou pas de son enfant. Ce «  peu  »
qualifie l’activité du père au regard de celle de la mère et non au regard de
l’ensemble des pères. Le lieu d’hébergement principal est fréquemment défini
comme le domicile de la mère, au moins pour le jeune enfant. Nombre de
pères tendent à perdre contact avec leurs enfants plus ou moins rapidement,
d’autant plus que la mère ne les investit pas dans leur fonction paternelle.
Le désinvestissement des pères tient aussi à des enjeux sociétaux généraux,
à la place réduite de l’homme dans les soins et l’éducation des enfants.
Il s’accroît aaussi lorsque s’accumulent certaines conditions, notamment la
garde accordée seulement à la mère, un beau-père venant s’installer au domi-
cile et le devoir de s’acquitter d’une pension alimentaire.
La garde conjointe et la garde alternée
Une évolution sociale
Les séparations affectant aujourd’hui près d’un couple sur deux, l’évolution
des mœurs a conduit à confier l’enfant du divorce à ses deux parents. Ce
mouvement est connexe de celui qui a vu les femmes s’engager massive-
ment dans des activités sociales valorisantes autres que la maternité. Il en
est résulté une fréquente garde conjointe. La garde alternée est l’extension
de ce principe avec un partage du temps presque égal entre les deux parents,
au moins 40 % pour l’un des deux. Cette pratique met en cause l’univocité
de la mère comme référence parentale nécessaire et adaptée au développe-
ment de l’enfant. Elle interroge la place que peuvent prendre les pères dans
le développement de l’enfant (Paquette, 2004), y compris à l’intérieur des
couples non conflictuels. Elle donne lieu à des prises de position passion-
nées, parfois diamétralement opposées et sans grande valeur scientifique
(cf. chapitre « Paternité »).
La doctrine de l’âge tendre
En France, la pratique courante qui tend à accorder à la mère le droit de
garde chez l’enfant jeune, en dépit de critères éducatifs ou sociaux qui pour-
raient sembler défavorables ne porte pas de nom. C’est seulement un fait.
26 Psychopathologie de la parentalité

Aux États-Unis, jusqu’au milieu du xixe siècle, le père avait un droit quasi
absolu de décision. Puis vint à régner la « doctrine de l’âge tendre » (age ten-
der doctrine) qui voulait que les besoins d’un enfant, au moins avant 6 ans
fussent mieux couverts par la mère que par le père, même en cas d’apprécia-
tion défavorable de la conduite maternelle. Par exemple, la première occur-
rence citée de cette doctrine au Kansas, consiste en un jugement de 1875
déclarant que la mère, bien qu’alcoolique, était la mieux à même de fournir
au jeune enfant ce qui était utile à son développement. Cette doctrine a été
battue en brèche dans les années 1970 avec le développement de la garde
conjointe, et à la fin des années 1980 par la garde alternée. Les arguments
étaient juridiques – la loi ne peut tolérer une discrimination sexuelle –,
et psychologiques, à travers le témoignage de psychologues d’enfants et
chercheurs attestant que le genre était bien moins important que l’exis-
tence de parents attentionnés et pouvant s’accorder, même séparés, sur
l’éducation de leurs enfants (Kielly et Lamb,  2000). Parmi les arguments
scientifiques, figurait l’examen de l’attachement de l’enfant très jeune au
père et à la mère par des méthodes allant au-delà du seul protocole limité
de la strange situation. Il montrait que le père apportait une contribution
spécifique dans le développement de l’enfant (Lamb, 2004). Ces modes de
garde, conjointe et alternée, se sont développés, en Europe et en Amérique,
avec pour immense avantage de réduire le désinvestissement paternel. La
garde alternée est aujourd’hui le mode de garde par défaut aux États-Unis
ou en Belgique par exemple. Cette mesure a montré toutefois quelques
limites. Tout d’abord les pères souvent n’assument pas toujours directe-
ment eux-mêmes l’ensemble des tâches qui leur sont confiées. Beaucoup
confient à leur nouvelle compagne ou à défaut à leur propre mère une part
importante de la prise en charge de leur enfant. Toutefois cette situation
reproduit le partage des tâches habituel au sein des couples dans les sociétés
occidentales. Le point le plus sujet à controverse consiste en la validité de
la garde conjointe ou alternée chez le jeune enfant en deçà de 3 ans. Quand
elle existe, elle est spontanément réduite par les parents. Durant la première
année, il est exceptionnel que l’enfant dorme plus d’une nuit par semaine
chez le père.
Validation scientifique de la garde conjointe
et de la garde alternée avant 3 ans
Quatre recherches d’ampleur, chacune en plusieurs vagues, ont permis de
suivre le développement de la qualité de l’attachement des enfants à leurs
parents, essentiellement la mère, ainsi que d’autres variables du dévelop-
pement, selon que ceux-ci dormaient fréquemment chez leurs pères. La
population d’étude était recrutée par volontariat pour deux d’entre elles
(Solomon et George, 1999 ; Pruett et al., 2004), chacune portant sur environ
150 familles. Une autre recrutait en population générale en Australie et la
dernière parmi des familles à risque aux États-Unis. Dans toutes les études, le
La parentalité : concepts et modèles 27

nombre de familles optant pour la garde alternée ou conjointe au jeune âge


est faible (quelques  %)  : les parents qui optent pour ce choix sont plus
âgés, plus éduqués et bénéficient de meilleures conditions socio-économiques.
Même si ces variables sont prises en compte dans l’analyse multivariée,
elles peuvent masquer un facteur tiers dans l’organisation familiale, les res-
sources ou l’organisation de la personnalité.
Dans l’étude de Solomon et George, les enfants âgés de 2 à 3  ans, en
cas de garde « alternée » (définie comme au moins cinq jours ou plus par
mois chez l’autre parent) étaient plus irritables et beaucoup plus attentifs et
vigilants à la séparation avec le donneur de soin principal que les enfants de
couples mariés. Ils montraient plus d’attachement insecure et aussi, plus
de comportements de détresse dans leurs relations avec le parent de réfé-
rence : ils criaient plus, s’agrippaient, le mordant ou le frappant. Ils avaient
aussi plus de problèmes quant à l’alimentation. Ils réagissaient moins
quand ils étaient heurtés et montraient moins de persévérance pour les
tâches de  routine, les jeux et l’apprentissage que les enfants élevés par un
seul de leurs parents ou par leurs deux parents. Dans cette étude, ces diffi-
cultés étaient trouvées indépendamment des facteurs socio-économiques et
de la coopération entre les parents. À l’âge de 4 ans, ces difficultés n’étaient
plus spécifiquement retrouvées. Cette différence nette a pu être interprétée
en tant qu’effet de l’équipement neurobiologique, l’enfant à partir de 3 ans
étant beaucoup plus capable de se repérer et d’anticiper. Cette étude souffre
toutefois de faiblesses méthodologiques  : beaucoup d’enfants n’avaient
jamais vécu avec leur père avant la séparation et la connaissance des pères
était manquante sur des variables clés, enfin le recrutement était très hété-
rogène (listes, volontariats, etc.)
McIntosh et al. (2010) ont entrepris d’étudier en population générale
le développement psychoémotionnel des enfants en garde conjointe ou
partagée avant 3  ans dans une cohorte de 248 enfants dont les parents
étaient séparés. Les auteurs distinguent trois types d’arrangement chez les
moins de 2 ans : aucune nuit passée chez l’autre parent, entre une et quatre
nuits par mois passées chez l’autre parent, au moins une nuit par semaine
passée chez l’autre parent. À partir de 3 ans, le troisième type est étendu à
plus d’un tiers des nuits chez l’autre parent. Ils retrouvent dans ce groupe,
à 3 ans, des résultats défavorables en cas de garde alternée, proches de ceux
de l’étude de Solomon et George. À partir de 4 ans, les différences entre les
groupes se sont estompées. Avant 2 ans, l’état de santé des enfants (troubles
asthmatiformes) n’est pas lié au mode de garde mais au niveau de revenu
et au caractère chaleureux ou non des relations avec l’enfant. Ils montrent
toutefois que l’enfant en garde « partagée » tend à être plus irritable, mais
une différence de vigilance par rapport au départ du parent n’est retrou-
vée que si l’on ne tient pas compte des conditions socio-économiques et
de la chaleur des relations. À 2-3 ans, ils retrouvent encore une différence
28 Psychopathologie de la parentalité

s­ignificative concernant la stabilité émotionnelle, moins assurée chez les


enfants en garde alternée.
L’étude de Pruett et al. (2004) inclut les enfants de 0 à 6 ans. Elle confirme
l’importance essentielle de variables telles que la qualité de la relation du
parent à l’enfant et de ses parents entre eux sur l’attention, les troubles inter-
nalisés, externalisés, le sommeil, etc. Prenant en compte la seule variable du
nombre de nuits passées chez l’un ou l’autre des parents, il montre que glo-
balement les enfants en garde conjointe se développent mieux : moins de
problèmes de socialisation, de troubles comportementaux, de sommeil,
de difficultés attentionnelles ou cognitives en général. Une autre variable
importante consistait en la stabilité de l’emploi du temps des enfants. Deux
autres variables ont été examinées : le genre et l’âge. Les filles avec une garde
partagée avaient plus de comportements de retrait et d’inhibition. Concer-
nant les troubles de l’attention, les auteurs ne retrouvent pas de différence
significative en cas de garde conjointe en deçà de 3 ans et un avantage pour
la garde au-delà de 3 ans. Les auteurs concluent à l’importance essentielle
des modalités d’accord des parents pour les soins parentaux, en particulier
le calendrier, et le fait de les respecter. Les difficultés des relations entre les
parents semblent le plus grand prédicateur de troubles à venir, au-delà du
mode de garde.
La dernière étude (Tornello et al., 2013), portant sur environ 5 000 familles
à risque social, retrouve significativement plus d’attachements insecure
chez ceux qui dorment plus d’une fois par semaine chez le père jusqu’à
3  ans, (en ne tenant pas compte des facteurs associés) mais la première
année seulement en tenant compte de certaines variables de confusion.
Un élément incertain reste la direction de la causalité entre attachement
insecure et fréquentes nuits passées chez le père. D’autres limitations sont
l’hétérogénéité et la qualité variable des méthodes d’évaluation de la qua-
lité de l’attachement. Bien qu’il soit difficile de comparer ces études, elles
concordent pour affirmer que de fréquentes nuits passées chez le père sont
associées à un attachement plus insecure avec la mère avant 1 an, et pos-
siblement entre 2 et 3 ans. Cette corrélation n’est retrouvée dans aucune
étude après 3 ans. Ces résultats tiennent plus souvent compte de facteurs de
confusion tels les facteurs économiques ou la qualité parentale supposée du
père. Toutefois le modèle utilisé est très simple, voire faux. En effet la qua-
lité de la relation des deux parents entre eux, et encore plus des parents avec
l’enfant, est une variable importante dans le développement de l’enfant,
au moins autant que le mode de garde, et selon Lamb, plus encore. Elle
interfère avec le mode de garde. Par ailleurs, l’étude de Pruett le montre :
l’engagement du père dans la relation est important pour le développement
notamment après 3 ans. Il est évidemment possible de demander au père
d’attendre l’âge de 2 ans pour garder son enfant au domicile, mais quelles
en seront les conséquences sur les liens après 3  ans  ? Nous ignorons les
La parentalité : concepts et modèles 29

effets à plus long terme sur l’organisation familiale des modes de garde
précoces. Certains auteurs (Kielly et Lamb,  2000  ; Lamb et Lewis,  2010),
plaident pour le partage de la garde très précocement, mettant en avant que
la plupart des enfants deviennent attachés à chacun de leurs parents autour
de l’âge de 6 à 7 mois. Ils soulignent l’importance de garder la relation avec
le père pour le développement futur, et mettant en balance les avantages et
désavantages du temps partagé dès le plus jeune âge, ils plaident pour celui-
ci si les pères veulent s’y investir.
Validation scientifique de la garde conjointe et de la garde alternée
après 3 ans
Ces deux modes de garde semblent après 3  ans globalement favorables
à l’enfant par rapport à la garde exclusive d’un parent. Une étude (Kline
et  al.,  1989) menée auprès de 93 enfants entre 3 et 14  ans rencontrés
chaque année durant les trois années suivant la séparation, a montré que
les enfants en garde alternée étaient moins affectés par le changement de
domicile qu’avec les autres modes de garde. L’inadaptation de l’enfant après
le divorce ne tenait pas au mode de garde mais à l’âge de l’enfant, à son
genre, à l’existence de troubles anxieux ou dépressifs au moment de la sépa-
ration ou au maintien du conflit un an plus tard. McIntosh et al. (2010) ont
mené une étude sur les couples entretenant des relations très conflictuelles
et soumis à une médiation chez les enfants d’âge scolaire. Ils montrent que
les parents qui continuent à maintenir une garde partagée plusieurs années
après rapportent moins de conflits, plus de compétences parentales et de
chaleur dans les relations avec l’enfant. L’interprétation en est complexe. En
effet il peut s’agir soit d’un résultat sans intérêt, car frappé d’évidence, soit
qu’une médiation de qualité et la garde partagée pourraient permettre dans
certains couples séparés en conflit d’améliorer les relations entre les parents
au bénéfice de l’enfant. Un nombre important de parents (41  %) avaient
connu les deux modes de garde, une partie revenant à la garde conjointe
simple, un tiers seulement conservant après quatre ans de médiation la
garde partagée notamment pour des raisons de commodité tel l’éloignement
des résidences. Une méta-analyse aux États-Unis (Bauserman, 2002) a mon-
tré que les enfants avec la garde conjointe ou alternée présentaient un déve-
loppement plus favorable que ceux confiés à un seul de leurs parents : une
meilleure adaptation dans les domaines des relations familiales, de l’estime
de soi, de l’adaptation comportementale et émotionnelle et de la capacité à
supporter la séparation. Ces résultats globaux toutefois ne permettent pas de
résoudre un problème : quel est le meilleur mode de garde théorique pour le
nouveau-né ou le nourrisson quand les parents sont déjà séparés ?
Préconisations et incertitudes
En l’absence d’élément scientifique stable, nombre d’auteurs ont avancé des
préconisations générales. Le point de vue de Main et al. (2011) ­représente
30 Psychopathologie de la parentalité

celui d’un des principaux courants ayant pris part à ce débat dans les juridic-
tions américaines, celui des théoriciens de l’attachement. Ils soutiennent,
qu’en dehors d’un divorce très conflictuel dont l’examen est spécifique, il
est mieux qu’un enfant jusqu’à 2  ans reste dormir au domicile d’un seul
de ses parents et soit visité souvent par l’autre, idéalement deux fois par
semaine et longuement au cours du week-end. L’aménagement de nuits
passées au domicile de l’autre parent devrait être mis en place progressive-
ment durant la troisième année. Pour Main et al. (2011), le sexe du parent
ayant la garde importe peu et l’âge pour lequel la garde alternée ne semble
pas une solution adaptée est limité à 3  ans. Les arguments utilisés pour
défendre cette opinion reposent sur des études scientifiques. Il s’agit toute­
fois essentiellement d’arguments par défaut. La question du genre n’est pas
abordée par Main qui a aucun moment, comme d’ailleurs les théoriciens
du développement comme Lamb et al., n’en font une question essentielle.
Pour Main et al. (2011), la théorie de l’attachement permet d’affirmer
qu’aucune des affirmations suivantes n’a été établie :
1) qu’un adulte doit être présent dès la naissance pour que l’enfant
construise un attachement secure avec lui précisément ;
2) qu’il existe une fenêtre d’opportunité unique, les trois premières années de
vie, pour que se forme un attachement de qualité à une personne en particu-
lier (il faut toutefois bien mieux que l’enfant ait formé un attachement secure
avec au moins une autre personne avant 3 ans pour former un attachement
secure avec une autre personne ensuite selon Dozier et Rutter, 2008) ;
3) que la quantité de temps passée avec l’enfant est plus importante (toutes
choses égales) que l’engagement du parent dans l’interaction ;
4) que de dormir avec l’enfant au domicile améliore la qualité d’attache-
ment ;
5) que l’enfant nécessite pour se développer (bien que cela soit optimal)
plus d’une figure d’attachement disponible ;
6) que des parents eux-mêmes organisés sur un mode insecure, bien que
limités dans leur capacité de présenter des formes d’affection qui ne présen-
tent pas de distorsion, soient incapables d’offrir une bonne qualité de soins
et de protection (George et Solomon, 2008).
Les situations réelles manifestant leur idiosyncrasie, Main et al. (2011)
proposent au besoin l’assistance de spécialistes de l’attachement pour les
choix juridiques. Ils peuvent évaluer la qualité de la relation aux deux
parents. Toutefois comme l’ont souligné plusieurs auteurs (Lamb, 2000  ;
Lamb et Lewis,  2010), cela nécessiterait peut-être une observation spéci-
fique pour les pères, le protocole d’attachement d’Ainsworth ne mesurant
pas un certain type de relations offertes plus spécifiquement par le père et
contributif à un développement favorable de l’enfant.
Surtout, l’examen médical prend mal en compte plusieurs phénomènes :
les études de population mesurent mal la spécificité des situations indi-
viduelles. Les études ne mettent pas en valeur la dynamique des facteurs
La parentalité : concepts et modèles 31

interagissant entre eux, souvent mesurées comme des variables indépen-


dantes (i. e. garde partagée et entente parentale), la différence entre l’impact
à court terme et à long terme est difficile à établir et enfin il est difficile
d’appréhender les effets de la transformation lente mais significative des
rôles sociaux dans la parentalité. Des auteurs, comme Emery et al. (2005),
mettent en balance l’inadéquation méthodologique des études qui mesu-
rent des variables d’un intérêt modéré avec une méthodologie assez peu
consistante et la capacité de la majeure partie des êtres humains à assumer
leur responsabilité de parents. Ils encouragent les parents à s’entendre sur
ce qui leur semble le plus juste et à le proposer aux magistrats, tout en fai-
sant évoluer le mode de garde en même temps que le besoin s’en fera sentir.
Beaucoup d’auteurs ou d’institutions s’accordent toutefois sur le fait que
les avantages de la garde alternée sont réduits lorsque les parents ont des
relations très conflictuelles, surtout s’ils restent insensibles à la médiation
(et aux thérapies), bien que la garde conjointe, voire alternée, puisse au
cours du temps modifier favorablement les relations entre les parents. Dans
le cadre de violences avérées, ce type de garde est, sauf exceptions, un dés-
avantage pour l’enfant, voire une mise en danger.

Un concept sans base scientifique suffisante :


le syndrome d’aliénation parentale
Selon Gardner (1992), ce concept définit les situations où l’enfant est réputé
refuser de façon déterminée et hostile, souvent sans justification directe-
ment entendue de sa part, tout contact avec un de ses parents, souvent le
père. Hoult (2006) examinant les références amenées par Gardner montre
qu’aucune ne présente une base méthodologique suffisante pour appuyer
l’hypothèse du syndrome d’aliénation parentale. Hayez et Kinoo (2005)
sont plus prudents mais soutiennent que ce syndrome est insuffisant pour
décrire la complexité des relations infrafamiliales et peut conduire à des
décisions non appropriées.
Selon une étude canadienne, les conflits durables et sévères suite à un
divorce concernent 10 à 20  % des familles, et les conflits «  aliénants  »,
moins de 0,5  %. Ce concept s’est développé à la faveur des accusations
réitérées d’abus sexuel contre le père en cas de séparation, alors même que
la preuve ne pouvait en être apportée, et que des enquêtes ou plaintes réité-
rées plaçaient l’enfant au centre d’une lutte permanente entre ses parents.
Un certain nombre d’auteurs dont Gardner ont alors conclu que ces accu-
sations représentaient en règle générale une conduite pathologique de la
mère, résultant de mécanismes projectifs inconscients ou bien de pratiques
purement utilitaires et manipulatrices. Une étude canadienne (Everson et
Boat, 1989) a fait part de l’évaluation du taux de fausses allégations de vio-
lences sexuelles : elles sont estimées à 1,6 % pour les enfants de moins de
3 ans, 1,7 %, pour les 3-6 ans et 8 % pour les adolescents. Aux États-Unis,
32 Psychopathologie de la parentalité

après un engouement général pour ce concept, l’attitude actuelle est de le


considérer sans valeur, non tant après des enquêtes approfondies que suite
à des témoignages très défavorables d’enfants remis à leur père abuseur. Une
étude prospective menée en 2003 (Johnston, 2003) auprès de 215 enfants
après un divorce, retrouve un rejet ferme et hostile d’un des parents, par
l’enfant, comme un phénomène très rare. Les pères rejetés étaient peu
communicatifs et manquaient d’empathie, les mères rejetantes avaient
tendance à utiliser les enfants pour les soutenir contre la dépression et pour
combler leurs besoins émotionnels. Par ailleurs, il demeure presque impos-
sible de déterminer en cas de litige les fausses allégations d’abus sexuels :
elles semblent concerner aux États-Unis environ un tiers des accusations,
sans qu’aucune certitude ne puisse être obtenue, ce qui rend compréhen-
sible les débats passionnés, aucune preuve ne venant trancher le débat. Une
étude (Thoennes et Tjaden, 1990) a évalué à 2 %, à partir des dossiers des tri-
bunaux et des agences de protection de l’enfance, le pourcentage de divorce
conflictuel sur la garde le droit de visite qui se compliquait d’accusation de
sévices sexuels. Parmi 169 cas collectés, les accusations étaient formulées
par les mères dans deux tiers des cas environ. La validité de l’accusation a
été vérifiée dans 129 dossiers. Elle a été estimée exacte dans 50 % des cas,
inexacte dans 33 %, tandis que 17 % des cas sont restés indéterminés.
Les fausses allégations de violences sexuelles ne semblent pas, en géné-
ral, la résultante de manipulations de la mère mais plutôt de convictions
erronées. Si l’on considère les quelques données objectives, ces accusations
semblent rares dans les divorces conflictuels. Il demeure une indétermi-
nation dans un certain nombre de cas sur l’authenticité des accusations.
L’estimation donnée dans l’étude précédemment citée permet de formuler
l’hypothèse qu’il existe un certain nombre d’allégations inexactes. Toute-
fois l’étude ne montre pas non plus un acharnement pathologique chez
la plupart des auteurs de ces accusations données à tort. Il n’est donc pas
possible de conclure à une typologie qui validerait l’existence d’un syn-
drome d’aliénation parentale au sens d’un syndrome présent dans la
majorité des divorces avec allégations d’abus sexuels contre le père. Il est
toutefois intéressant d’examiner la violence des positions. Elles font écho
à la v
­ iolence du conflit au sein du couple parental. En effet, soit l’enfant a
été effectivement abusé, soit il est l’otage d’un conflit et l’agent indirect de
la violence contre son parent, alors même qu’il connaît l’inauthenticité
de l’accusation. Le syndrome de Münchhausen par procuration est un
modèle de la manipulation d’un enfant, à l’origine d’une dégradation parfois
très sévère de sa santé, dont la mère est l’auteur alors qu’elle se pose comme
victime ou parent éploré. Ce syndrome a été identifié, établi, démontré.
Dans le syndrome de « Münchhausen social » (Dauver et al., 2003), l’enfant
est utilisé comme arme contre le père, et en est aliéné. L’existence de cette
figure relationnelle ne permet évidemment pas d ­ ’assurer que tous, ni
même la ­majorité des pères accusés par leur épouse, le sont par le fait de
La parentalité : concepts et modèles 33

comportements pathologiques maternels. Il nous semble, à la lumière de


notre expérience, que ce que décrit Gardner peut refléter une situation
authentique mais que rien ne justifie la généralisation qu’il en propose.

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2 Parentalisation : du désir
d’enfant à l’attachement1

Désir et projet d’enfant


Aspects psychologiques et sociaux
Le mot désir est polysémique, son imprécision lui vaut une réinterpréta-
tion dans chaque système philosophique. Chez Freud, une des principales
­définitions du désir trouve son origine dans sa relation au besoin, indirecte.
Le désir, quand renaît le besoin, a pour objet la réapparition de la percep-
tion qui s’est accompagnée antérieurement de la satisfaction du besoin. Si
tout type de perception peut être évoqué, Freud fait souvent allusion à une
expérience prototypique qu’il nomme « l’expérience de satisfaction », expé-
rimentée par le nourrisson. Le désir est un mouvement, une action « qui
cherche à réinvestir l’image mnésique de cette perception […] à ­évoquer
cette perception […] à rétablir la situation de la première satisfaction  ».
(L’Interprétation des rêves, 1900). De contours mal déterminés, il inclut selon
le contexte le souhait inconscient, conscient ou bien les deux.
Des auteurs d’horizons très différents (J. Lacan, R. Girard) ont aussi mis
en exergue la dimension sociale du désir humain, qu’ils présentent tou-
jours en relation avec le désir d’autrui. Cette conception fait lien avec celle
des sociologues qui montrent qu’un désir peut être suscité artificiellement.
Le projet d’enfant est la mise en œuvre objective et planifiée du souhait
d’enfant. Il n’élimine pas une certaine forme d’ambivalence inhérente à
tout désir humain.

Déterminisme social et pression à procréer


Dans nos sociétés, «  faire un enfant  » relève à la fois d’un choix et de
contraintes sociales et biologiques. Cela étant, de nombreuses pressions
implicites déterminent la majorité des couples à se reproduire avec le
­sentiment d’avoir procédé à un libre choix. Cette pression normative a
pour principal effecteur la génération précédente, ce que montre le suivi
des couples stériles. Cette pression ne semble pas liée au fait religieux qui
est une autre source indépendante d’incitation ou d’exigence à procréer.

1. Rédigé avec R. Miljkovitch.

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
38 Psychopathologie de la parentalité

Dans nombre de cultures non occidentales, l’exigence d’un garçon reste


très vive, valorisant la femme auprès de son époux, la dévalorisant dans
le cas contraire. Le milieu familial élargi et celui du travail jouent parfois
un rôle, à travers une stigmatisation, en France souvent discrète et incons-
tante, de l’adulte sans enfant. Peu de choses sont connues avec certitude
ou subtilité des 10 à 12 % de femmes qui en France restent définitivement
sans enfant (Robert-Bobée, 2006). L’infertilité en est la cause pour seule-
ment un tiers des cas. Au contraire des hommes sans enfant, elles sont sou-
vent plus éduquées et occupent des positions socioprofessionnelles plus
valorisantes que le reste de la population. Pour un tiers environ, rester sans
enfant résulterait d’un choix déterminé (Ebest et Mazuy, 2011), tandis que
pour le tiers restant, demeurer sans enfant mêlerait contraintes sociales
et « aléas de la vie », notamment première installation en couple tardive,
séparation ultérieure et engagement socioprofessionnel exigeant. Nos
sociétés ne produisent pas d’instruction explicite à la reproduction bien
qu’un encouragement politique, sans effet mesurable d’ailleurs, fut tenté
en France par Michel Debré dans les années 1980. Toutefois, la poli-
tique  nationale encourage la reproduction à travers une prise en charge
médicale gratuite et de qualité, des avantages financiers, la construction
de crèches et l’universalité des écoles dites maternelles. Le résultat global
en est que 90 % environ des femmes ont actuellement un enfant, soit plus
qu’aux siècles précédents. Le plus souvent, elles retardent l’âge du premier
enfant (30 ans, âge moyen), ménageant une période de plusieurs années
sans enfants, leur permettant des études et une expérience autonome de la
vie sociale après la domiciliation chez les parents.

Dynamique interne du désir : hypothèses


psychodynamiques
Les racines infantiles du désir d’enfant. Les écrits psychanalytiques portent
une attention particulière à la construction du désir d’enfant durant la
période préœdipienne (avant 3 ans) et légèrement au-delà. Les hypothèses
théoriques se fondent sur un travail de réélaboration autour de la cure
d’adultes et dans une moindre mesure d’observations directes. Freud est
assez bref sur la question du désir d’enfant qu’il rapporte au souhait, chez la
petite fille, d’obtenir du père le pénis, désir dont la déception serait relayée
par le désir substitué d’avoir un enfant du père. Des psychanalystes, prin-
cipalement femmes, contesteront cette assertion (Klein,  1968  ; Deutsch,
1945 ; Benedek, 1959 ; Bibring, 1961). Selon elles, le désir d’enfant est un
désir féminin en soi et non une compensation. Le désir de la fillette serait
totalisant d’emblée et correspondrait au fantasme suivant  : incorporer le
pénis paternel et en faire un enfant. Pour Mélanie Klein, la structure de ce
désir perdure, de la relation infantile aux enfants fantasmatiques jusqu’à
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 39

la relation adulte à l’enfant en cours de gestation : « Ce besoin d’avoir des


enfants est primordial chez la petite fille parce que l’enfant est un moyen de
dominer ses angoisses et d’apaiser sa culpabilité, liée aux attaques fantasma-
tiques de la petite fille contre l’intérieur du corps de la mère. » Selon Klein,
la naissance d’un enfant pour la mère a plus d’une signification incons-
ciente : l’intérieur de son corps et les enfants qu’il contient sont intacts ou
rétablis dans leur intégrité, de même que sa mère et à l’intérieur de celle-
ci, les victimes de ses attaques fantasmatiques, ses frères et ses sœurs, son
père, son pénis. Dans cette conception le désir d’enfant est un vivant désir
de réparation et de complétude. La psychanalyse comme les théories de
l’attachement, montrent les racines infantiles du désir d’enfant et de la
structuration de la parentalité.
L’ambivalence habituelle du désir. L’ambivalence a été largement étudiée
après la naissance, mais très peu dès la période de la grossesse, bien que
la clinique révèle tous les jours combien le désir d’enfant est alimenté dès
son origine chez la petite fille par des buts multiples et menacés par la­
culpabilité. Cette ambivalence n’a rien de spécifique, ne menace pas le plus
souvent l’attachement à l’enfant ni son développement, elle est constitu-
tive du désir même. Tout désir humain est entaché d’ambivalence, sauf
peut-être la passion amoureuse, certains aspects du sentiment religieux et
de la psychologie des foules. L’ambivalence « normale » peut être définie
comme la capacité à gérer et à tolérer des sentiments conscients ou incons-
cients opposés, dirigés vers le même objet. Cette gestion est plus aisée
quand les sentiments tendres dominent nettement les sentiments agressifs.
­Contredisant Freud (1917), qui voyait dans l’amour de la mère pour son gar-
çon le seul sentiment qui ne soit pas marqué par l’ambivalence, Winnicott
(1947) rappelle que souffrant pendant sa grossesse et l’accouchement,
souvent déçue par les apparences de son enfant, déçue aussi de sa relative
incapacité à exercer aussi parfaitement qu’elle le souhaitait ses fonctions
maternelles, énervée par les cris de son bébé, dégoûtée par ses déjections, la
mère rêve parfois de s’en débarrasser. Plus fondamentalement, Klein (1968)
décrit la pulsion comme d’emblée ambivalente. Le conflit entre l’amour et la
haine marque la relation primordiale à l’objet maternel, prototype de toute
relation d’objet ultérieure. Divers mécanismes de défense peuvent être mis
en place contre l’ambivalence, en fonction de la nature du conflit intrapsy-
chique : refoulement, déni et clivage. L’idéalisation serait essentiellement
une défense contre les pulsions destructrices. Cet aspect pourrait jouer un
rôle majeur dans la relation de la mère à son bébé. La permanence de sen-
timents hostiles importants, à côté de sentiments tendres, peut déclencher
au-delà du refoulement, une formation réactionnelle, dans laquelle le sujet
« exprime un souci excessif pour le bien-être et la sécurité de la personne
pour laquelle il éprouve des sentiments ambivalents ». La sollicitude exces-
sive, la surprotection anxieuse relèvent de ce mécanisme.
40 Psychopathologie de la parentalité

Représentations
Une dimension imaginaire et sociale
de la procréation
Une trame mixte, culturelle et fantasmatique
entoure le fait de naître dans les sociétés traditionnelles
Selon Godelier (2004), dans aucune culture traditionnelle, un père et une
mère ne sont à eux seuls suffisants pour faire naître un sujet humain. Toutes
les cultures admettent le fait que faire un enfant nécessite des rapports
sexuels. Toutefois pour nombre d’entre elles le rôle des rapports n’est
pas d’unir deux gamètes, mais par exemple de faire grandir le fœtus ou de
lui apporter de quoi fabriquer son ossature. Deux êtres peuvent faire
un fœtus, mais l’âme, pour advenir, nécessite l’intervention d’un apport
tiers, « un plus » : par exemple chez les Inuits la bulle d’air, que le « maître
de l’univers  » introduit, va devenir souffle et principe de vie  ; chez les
Baruya, l’âme « esprit » se dépose dans le corps de l’enfant au moment où
le père lui donne son nom. Dans toutes les cultures, ce « plus » est marqué
à la fois par un principe de vie et d’intemporalité mais la réussite ou l’échec
de la naissance sont souvent marqués d’histoire  : l’histoire des individus
parents, ensemble et chacun séparément, des ancêtres de la lignée et du
peuple dans son ensemble. Cette histoire est la source d’un récit plus ou
moins secret et complexe.

La représentation de la naissance inclut


des représentations hors de toute scientificité
Dans la culture occidentale, les croyances partagées ont une triple origine :
l’expérience, la science, le mythe. Même inconciliables, elles sont sources
d’interprétation du monde. Ceci est valable aussi pour le fait de naissance.
Dans le champ de la maladie mentale, Racamier (1978) définit deux condi-
tions nécessaires pour qu’un sujet évite la psychose c’est-à-dire – exprimé
à la manière d’un anthropologue –, pour qu’il acquière les caractéristiques
d’un humain ordinaire. La première, liminaire, consiste à reconnaître que
l’on ne naît pas de soi-même. Son opposée est le fantasme d’autoengen-
drement : « Je me suis fait moi-même. » La seconde est de reconnaître que
l’on doit son existence « à plus d’une » personne. Son opposée est lefan-
tasme de filiation métonymique , décrit par Guyotat (1995). Dans cette
« plus d’une », se place non seulement le père mais aussi les institutions,
incluant à divers titres le langage, la parentèle et les ordres juridiques et/
ou religieux. Legendre (1992) appelle fondatrice, l’illusion normative « de
la reproduction des fils à partir des fils – reproduction du semblable à partir
du semblable », comme par exemple l’ordre généalogique et patronymique
semble l’induire.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 41

Il est au moins deux dimensions non objectives évoquées pour intervenir


dans la naissance d’un enfant.
La première, commune, consiste en une illusion rétrospective. Elle fait
supposer aux parents que l’enfant présent, dans son individualité, a été
désiré par eux alors même que les parents avant la naissance n’étaient
capables que de désirer le principe d’un enfant. Ils ne découvriront qu’une
fois la naissance advenue, ou parfois plus tôt par l’échographie, les premiers
indices de son identité à laquelle d’ailleurs ils contribueront. Cette erreur
rétrospective courante, proche de ce que Legendre (1992, 1996) nomme
« illusion fondatrice », permet au jeune enfant de pouvoir penser « j’étais
désiré par ma maman (ou mon papa)  », sous-entendant «  moi tel que je
suis ».
La seconde n’est souvent flagrante que lors d’issues défavorables de la
grossesse. Elle invoque la place d’un tiers dans cette issue (Dieu, une malé-
diction, etc.) ou une transgression (individuelle ou de la lignée).

La transition vers la parentalité pour la mère


Du souhait d’enfant à sa réalisation, un processus d’adaptation est à l’œuvre,
encore très mal connu et parfois mis en question. La mère connaît-elle un
état psychique particulier dans la transition vers la parentalité ? Présente-t-il
une spécificité par rapport à l’ensemble des situations de stress et d’adapta-
tion à un environnement très changeant et exigeant ? Débute-t-il dès l’état
de grossesse, et si oui à quel stade ? Connaît-il un équivalent chez le père ?
Existe-t-il, et dans quelle mesure, chez les parents d’enfants adoptés ? Quels
rôles jouent les modifications hormonales  ? Sa défaillance est-elle en jeu
dans les défauts d’attachement et les violences maternelles périnatales  ?
L’enjeu sociétal est de taille.
L’analyse psychologique de cette phase de transition chez le parent est
essentiellement le fait d’auteurs se référant à des conceptions psychanaly-
tiques, moins souvent aux théories de l’attachement ou bonding.

Régression, préoccupation maternelle primaire


et transparence psychique
La réactualisation d’affects infantiles et, parfois, des mécanismes de défense
qui y étaient associés ont conduit à qualifier de régressif l’état psychique
durant la grossesse et les premiers échanges avec le nourrisson. Cet état
de  régression ne se substitue ordinairement pas au fonctionnement psy-
chique ordinaire mais l’accompagne.
Winnicott (1960) décrit après l’accouchement un état proche d’une
modalité psychotique, la «  préoccupation maternelle primaire  », «  état­
organisé [qui] pourrait être comparé à un état de repli ou une sorte de
dissociation ou à une fugue, ou même encore à un trouble plus profond
tel qu’un épisode schizoïde ». Bien que l’auteur n’y fasse pas clairement
42 Psychopathologie de la parentalité

r­éférence et ne lève jamais l’ambiguïté, les états organisés qu’il décrit se


rapprochent des positions dépressives et schizoparanoïdes décrites par
M. Klein  : il ne s’agirait donc pas de manifestations symptomatiques
proprement dites. Cette assertion forte a toutefois soulevé beaucoup de
débats : l’auteur décrit-il ici l’état ordinaire des mères ou seulement d’une
partie d’entre elles  ? Cet état est-il nécessaire à l’établissement des liens
précoces ?
Nombre d’auteurs décrivent une réorganisation psychique présente dès
la grossesse, qui se prolongerait et se transformerait progressivement pour
atteindre l’état « de susceptibilité ou de transparence psychique où des frag-
ments de l’inconscient viennent à la conscience » (Bydlowski, 1978).

Enfant fantasmé ou imaginaire,


enfant de la culture ou imaginé
L’enfant imaginé, en dehors du cas particulier d’un passé maternel trau-
matique, est le plus souvent extrait d’un fragment d’expériences sociales
valorisées ou de représentations sociales partagées : enfant de 2 mois type
« vierge à l’enfant », reliquats mnésiques d’un autre nourrisson, ­construction
à partir d’une image échographique normale. Cette représentation joue peu
de rôle dans l’état psychique maternel.
L’enfant fantasmé, «  imaginaire  » ou fantasmatique est le terme qui
désigne la relation d’objet en construction, celle de l’imago de l’enfant à
venir. Il ne s’agit pas tant d’une représentation consciente que du résultat
mouvant d’un processus en évolution. Pour Deutsch (1945) si l’enfant
fantasmé est une partie du moi maternel, il est aussi un objet extérieur
envers lequel la femme répète les relations objectales entretenues avec
sa mère. Racamier (1978), à travers sa pratique de clinicien de la psy-
chose, relève que l’enfant à naître, lieu de projection, pourra, selon le
niveau des fixations prégénitales de la future mère, et en tant qu’objet
partiel, « symboliser » le sein, les fèces, le pénis ou tout à la fois. L’enfant
fantasmé résulte de deux processus principaux, la dynamique des iden-
tifications (actuelles) et l’actualisation spontanée des désirs, affects et
représentations infantiles. Il est issu des traces mnésiques maternelles
en tant qu’enfant, et pour les stades plus archaïques, d’une reviviscence
des échanges dyadiques. M. Bydlowski (1995) soulignait que dans le dis-
cours des femmes enceintes, ce sont les fantasmes régressifs et les remé-
morations infantiles qui prédominaient plutôt que l’enfant à venir. Elle
indique que « l’enfant fantasmatique, au cours de la grossesse, est celui
de la préhistoire maternelle elle-même ». Selon Bydlowski (1978, 1997)
la femme entoure de ses bras «  un ventre, pas un enfant  ». Elle précise
pourtant que, durant la grossesse, s’édifie, en même temps que l’enfant
biologique, un tissu unique de représentations, le nouveau-né demeurant
quant à lui inconnaissable.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 43

Variété et évolution des représentations :


de la grossesse à la naissance
Fantaisies bénignes. Durant la grossesse, c’est surtout d’elle-même ou de son
ventre que parle la mère, avec une très grande richesse associative et une
certaine levée du refoulement, ce que Bydlowski (1997) a nommé la « trans-
parence psychique ». Des fantaisies généralement labiles, de courte durée
et superficielles concernant l’enfant à naître sont pourtant fréquentes. Elles
peuvent être parfois déjà des inquiétudes concernant la survie, l’aspect ou le
sexe de l’enfant. Bénignes, elles semblent tout aussi fréquentes que l’attente
d’un enfant totalement réparateur. Seules la fixité des scénarios ou bien
la pauvreté de la vie imaginaire alarment, car ils peuvent préluder à des
troubles de la relation.
Représentations persistantes. Dans deux circonstances particulières, une
préoccupation directe pour l’enfant peut apparaître. La première concerne la
mère en insécurité physiologique, parce que sa grossesse est objectivement
menacée ou qu’elle le craint du fait d’accidents antérieurs, pour elle-même
ou ses proches. La seconde est associée à certains troubles psychiques. Ainsi
pour la mère psychotique, l’enfant peut être représenté avec la crudité du
fantasme : en cas de psychose aiguë par exemple, l’enfant évoqué peut être
« un monstre la dévorant », « un diable vicieux », « un revenant », « un
corps pourri » ou présenter les stigmates d’une affection imaginaire, etc.
Représentations traumatiques  : reviviscences. Dans le cas particulier d’un
traumatisme récent on assiste parfois à un envahissement par la représen-
tation traumatique qui se substitue au mouvement d’élaboration ordinaire-
ment à l’œuvre durant la grossesse. En cas de perte (grossesse interrompue,
fausse couche tardive, décès spontané in utero, perte d’un parent, mort d’un
enfant), la représentation traumatique du disparu peut venir s’imposer
comme illusion ou hallucination, ou bien par sa reviviscence obsédante
entraîner angoisse ou dépression, occulter la représentation de l’enfant
né ou à naître. Les traumatismes de l’enfance peuvent aussi venir exercer
leur prégnance : deuil précoce, violences et abus de toutes sortes. Lors de
la maternité, l’enfant à naître peut raviver ces préoccupations anciennes,
exerçant un effet de rappel. L’angoisse massive et les projections dont
­
l’enfant fait l’objet sont, au stade de la grossesse, appréhendées généralement
indirectement, notamment à travers les rêves d’angoisse.
Représentations traumatiques : évitement. Ailleurs, peut naître un « blanc »
de représentation, notamment dans les cas de mère déprimée, de grossesse
non désirée ou ambivalence du désir, de lutte contre la reviviscence trauma-
tique, de grande prématurité. Cela peut aussi être le cas lorsque le pronostic
vital d’un enfant est en jeu, par la mise en place d’une sorte de deuil anti-
cipé protégeant partiellement la mère de l’angoisse ou bien lorsque le deuil
d’un parent survient conjointement à la grossesse. Une culpabilité intense
peut alors s’accompagner de représentations mortifères de l’enfant. En cas
44 Psychopathologie de la parentalité

de décès d’un parent, une sorte de compétition s’établit entre anticiper la


naissance ou faire le deuil du disparu, les deux représentations apparaissant
incompatibles. L’investissement des représentations imaginaires peut gêner
la reconnaissance de l’enfant réel.
Rencontre avec le bébé réel. Cette rencontre est une expérience radi-
cale venant modifier la relation avec le bébé du fantasme. La réalité de
la ­ naissance va progressivement aboutir à la création de l’altérité. Les
­conditions de l’accouchement peuvent marquer une sorte d’empreinte sur
la représentation qu’aura la mère de son enfant. L’enfant va ensuite immé-
diatement être pris dans une relation triangulaire qui permettra d’échapper
à la relation symbiotique et à l’imaginaire tout-puissant maternel, parfois
source d’angoisse majeure pour cette dernière même.
Dégagement de l’altérité. Les gratifications narcissiques que le bébé apporte
à la mère vont l’aider à se dégager de l’emprise de scénarios fantasmatiques
parfois trop chargés d’excitation, tandis que les manifestations sociales de la
maternité et les gratifications qu’elle peut en recevoir vont l’aider à assurer
son identité nouvelle et le passage transgénérationnel. L’enfant est le siège
de projections et d’identifications maternelles constamment remodelées
par les interactions réelles.

Discussion autour du concept de transparence psychique


Le terme de transparence psychique mis en exergue par Bydlowski (Golse et
Bydlowski, 2001) a permis d’offrir une image assez intuitive de la manière
dont peuvent se dérouler les entretiens avec les femmes enceintes. Il éclaire
un aspect du fonctionnement mental durant la grossesse, qui consiste,
lorsqu’une relation transférentielle s’établit, dans un accès aisé au précons-
cient, des associations libres plus riches et spontanées, notamment et essen-
tiellement autour de l’enfance et des relations aux imagos parentales avec
une certaine forme de désinhibition. Ce fonctionnement permet de mieux
comprendre l’intérêt des psychothérapies à cette période, qui connais-
sent une véritable accélération dans leur marche. Durant la grossesse se
transforment la vie mentale, sa conflictualité, sa dynamique, ses enjeux.
La transparence psychique est un effet possible de cette dynamique, qui
est une dynamique relationnelle, comme le montrent les situations où au
contraire s’installe l’opacité.
Il est attesté que les modifications hormonales viennent, avec une
dynamique temporelle spécifique, modifier le comportement maternel,
notamment la socialisation et la cognition. La femme devenant enceinte,
comme l’a souligné une très abondante littérature psychanalytique depuis
soixante-dix ans, connaît une série de régressions et d’évolutions qui, dans
une situation de mise en tension identitaire, conduit à une double série
d’identifications à la mère préœdipienne, mère toute-puissante des pre-
miers soins, et au bébé que la future mère fut elle-même. Ce mécanisme
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 45

est qualifié de régressif car il fait appel à des mécanismes historiques qui
reprennent alors une place significative. Ce type d’identifications régres-
sives est retrouvé dans toutes les situations où le sentiment d’identité est
mis à mal par une modification importante et rapide de l’environnement,
qui devient menaçant ou incertain, et dont les repères ordinaires perdent
de leur acuité. La particularité du phénomène de grossesse consiste en ce
que la mise en tension de l’identité, qui inclut les transformations cor-
porelles, aboutit à une modification des défenses et des investissements,
dont l’issue anticipée est habituellement une satisfaction. Ce phénomène
ordinaire d’identifications à sa propre mère, comme à l’enfant qu’elle fut,
se dévoile aisément dans le transfert, la femme étant ordinairement dans
une attente que nous pourrions qualifier de prétransférentielle favorable.
Elle est souvent prête à accueillir l’aide d’un personnage secourable, qui
prendrait soin d’elle et comprendrait ses besoins et ses attentes en tant que
mère. La réassurance narcissique associée à l’état de grossesse favorise la
levée, partielle, du refoulement et permet alors un abord plus facile de
la conflictualité interne et des points de fixation.
Le concept de transparence psychique n’est pas toujours opérant. Dans
le cas où une issue défavorable est anticipée par la femme, on peut assister
à la mise en place d’autres mécanismes qui tendent au contraire à éloi-
gner les représentations défavorables : le clivage, le déni, la dénégation, la
pensée opératoire et parfois même les psychoses fonctionnelles. Les motifs
d’une telle anticipation peuvent être divers : social, physique ou sans fon-
dement réel, que la représentation de devenir mère soit intolérable ou trop
conflictuelle, que l’estime de soi soit insuffisante pour soutenir le processus
de maternité, que les mécanismes de défense ordinaires soient insuffisants
pour faire face à la perte de contrôle sur le corps ou les transformations du
statut social. La transparence psychique est alors remplacée par une grande
opacité, qui séduit et fascine tout autant.

L’actualisation des affects infantiles


La femme traverse ordinairement une phase de réinvestissement narcis-
sique au début de la grossesse, jusqu’à ce que les mouvements fœtaux, mais
aussi les images échographiques, introduisent le bébé comme un nouvel
objet au sein du moi, préparant la transition de l’investissement narcissique
vers l’investissement d’objet.

Affects infantiles
Au cours des soins et de l’éducation apportés à leurs enfants, les parents
vivraient la réactualisation de leur propre évolution libidinale (Benedek,
1959). Bibring et al. (1961) décrivent l’émergence de comportements,
d’attitudes et de désirs représentatifs de stades antérieurs du développe-
ment, avec une prédominance du matériel oral et anal, ambivalent ou
46 Psychopathologie de la parentalité

­hostile. En pratique clinique, cette actualisation (Cramer, 1996) s’exprime à


travers les affects et représentations suscités par l’expérience de la grossesse
et de la naissance : reviviscence des conflits infantiles, des traumatismes et
deuils. Ces ressentis n’engendrent généralement pas un démantèlement,
mais au contraire accompagnent une réorganisation des investissements.
Ils constituent l’occasion d’un processus de maturation.

Le narcissisme maternel
Selon Freud, l’amour que voue le parent à ses enfants « si touchant et au fond
si enfantin n’est rien d’autre que la reviviscence du narcissisme parental et,
bien que transformé en amour objectal, il révèle son caractère antérieur ».
Ce processus de réinvestissement narcissique de la mère, de son propre
corps et de sa fonction est soutenu par le socius, que ce soutien soit ins-
titué, explicite, ou implicite et spontané. Il participe à l’intense gratification
que représente la grossesse pour nombre de mères. Au maximum, la mère
pourrait avoir l’illusion narcissique d’être arrivée à son point de perfection
et vivre une expérience quasi délirante de toute-puissance que l’on observe
parfois sous forme de déréalisations passagères. Dans un certain nombre de
cas, ce travail s’accompagne de réactions anxieuses et dépressives.
Cependant, la transition vers la parentalité s’accompagne de changements
contradictoires dans l’économie narcissique. D’un côté, ce passage est une
source de satisfaction narcissique, puisque le parent s’identifie à ses propres
parents, à leur puissance, à leur autorité et aux autres qualités qu’il a perçues
et imaginées à leur propos. D’un autre côté, dans le même mouvement, l’indi-
vidu doit renoncer définitivement à être lui-même « l’enfant merveilleux ».
Surtout, insiste Deutsch (1945), l’estime de soi de la mère est en relation avec
les identifications à l’imago maternelle, représentation parfois dévalorisante
ou haïe qui ne permet pas de maintenir une estime de soi suffisante. C’est
dans ces circonstances défavorables qu’une figure tierce, qui n’est pas néces-
sairement féminine, peut jouer un rôle d’étayage durant la grossesse.

Le père de l’enfant pour la mère


Il exerce pendant la grossesse un rôle d’étayage essentiel, favorisant le
réinvestissement narcissique de la mère par elle-même. Celui-ci prépare,
accompagne et soutient la construction de la relation d’objet avec l’enfant
à venir. Le père joue alors, entre autres choses, un rôle de pare-excitation.
Toutefois, la grossesse réactive les fantasmes œdipiens susceptibles, dans
certaines configurations familiales, d’acquérir une valeur incestueuse.
Ils entraînent alors angoisse et culpabilité à reconnaître le rôle d’un
tiers paternel pour l’enfant, car susceptible d’évoquer pour la mère l’imago
paternelle et l’inceste. En dehors même de ces situations, certaines mères
développent ce que Guyotat (1995) nomme le fantasme de filiation narcis-
sique solitaire. Il s’agit d’une représentation de filiation de corps à corps
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 47

d’où le père «  institué  » est absent. Habituellement, l’investissement par


le père de la grossesse de sa conjointe contribue à limiter ces fantasmes et
favorise le passage à l’investissement objectal. Ce glissement est illustré
métaphoriquement par le passage de « je suis enceinte » à « j’attends un
enfant  ». Ultérieurement, seule la reconnaissance du tiers dans sa fonc-
tion paternelle permettra le passage de « j’attends un enfant » à « j’attends
un enfant de lui ».

La réconciliation avec sa propre mère


Devenir mère exige en particulier un nouvel aménagement des liens avec
sa propre mère  : identification et réconciliation. Selon Ammaniti et al.
(1992), « le point décisif […] est d’en venir à un accommodement avec ses
propres parents », la grossesse est en quelque sorte l’ultime occasion de cet
accommodement. Qu’il soit nécessaire d’avoir une référence et un appui
maternel pour enfanter, la clinique en témoigne ; la présence traditionnelle
de femmes, sages-femmes, matrones, auprès des accouchées l’institue. Ce
fait trouve de nombreuses illustrations à travers les récits consacrés à la
grossesse dans des sociétés traditionnelles. Selon Lallemand et al. (1991) :
«  La grossesse est le moment de plusieurs cérémonials actifs. Ainsi, il
importe de se concilier gens et ancêtres de sa parentèle lorsque l’enfant est
encore à l’état de fœtus. Par la cérémonie de la “levée des dangers”, la future
mère demande à ses géniteurs, non leur protection à l’enfant en gestation,
mais la cessation de rancœurs, même non explicites, voire inconscientes
entre eux et elle. Par l’apport de l’offrande, elle rend hommage à ses parents
et implore leur pardon pour des fautes connues ou inconnues qu’elle
aurait commises, qui pourraient entraver l’évolution de la grossesse et
mettraient sa vie en danger. » À cette phase, la réconciliation est d’autant
plus nécessaire que les conflits infantiles avec les angoisses archaïques qui
s’y associent sont réactivés. Faire naître, c’est symboliquement priver sa
propre mère de la fécondité, la repousser d’une génération vers la mort,
c’est-à-dire un acte agressif. La mère réelle dans la régression narcissique
qui accompagne la grossesse protège la femme des angoisses paranoïdes qui
peuvent l’étreindre.

La construction dyadique de la parentalité

L’enfant construit le parent : dyade et réciprocité


Après l’examen théorique de la parentalité et la mise en évidence des intri-
cations entre les dimensions psychologiques, anthropologiques et sociales,
il apparaît nécessaire de revenir sur la clinique de la parentalité (Guglielmi-
Rochette, 2012). Celle-ci est une clinique d’interactions : le parent et l’enfant,
surtout en période périnatale, représentent une dyade dont l’évolution
implique une forte dépendance entre deux termes qui ne sont pas égaux.
48 Psychopathologie de la parentalité

L’adulte est à un stade évolué de son développement, l’enfant à son début.


Pourtant si l’on accepte l’abstraction d’« être parent », celui-ci en est aussi
au début de ce développement quand il rencontre l’enfant. L’enfant joue un
rôle important dans l’établissement de la parentalité. Le nourrisson semble
avoir rapidement une certaine conscience de l’environnement social et de ses
modulations. Il prend sa part dans la dyade et aide le parent à se construire.
On sait d’ailleurs combien cette part laissée à l’enfant peut être hypertrophiée
au sein de certaines familles, dans le sens d’une parentalisation de l’enfant,
que l’on se réfère à la notion d’hypermaturité (Bourdier, 1972), de faux-self
(Deutsch, 1949 et Winnicott, 1960), ou d’enfant doué (Miller, 1983).

Les modèles interactionnistes


L’intérêt pour la parentalité a permis un décentrement de l’objet d’obser-
vation en pédopsychiatrie, particulièrement en périnatalité : l’enfant par sa
seule évolution ne suffit plus à attester de ses troubles propres ni de la nature
des transactions familiales. La notion d’interaction opère aussi ce décentre-
ment : sont étudiés les modes d’échange entre le parent et l’enfant. L’étude
initiale réservée aux dyades s’étend maintenant à des systèmes complexes
incluant le père et démontrant l’implication extrêmement précoce de ce der-
nier à la fois comme modulateur et comme partenaire de l’interaction avec
le bébé. Ce développement théorique s’inscrit dans la théorie des systèmes
s’appuyant sur la notion d’homéostasie et d’équilibre interne, d’action et
de rétroaction. La psychanalyse a très tôt développé un intérêt non seule-
ment pour la relation à l’imago parentale construite par l’enfant, mais aussi
en retour et dans une perspective adaptative (Anna Freud, Ferenczi) pour
l’impact de l’environnement sur l’enfant.
Lebovici a développé l’étude des interactions fantasmatiques, incluant
ainsi la dimension de l’inconscient et projetant un pont entre les théo-
ries expérimentales, la psychologie du développement et la psychanalyse.
Dans les pays anglo-saxons, les relations précoces sont essentiellement ana-
lysées en termes d’attachement, suivant en cela le protocole d’Ainsworth
développé suite aux travaux de Bowlby (1969).
Dans le même modèle interactionniste, Sameroff et Emde (1987) mon-
trent comment « l’environnement et le nourrisson s’influencent l’un l’autre
dans un processus continu de développement et de changement ».

Les modalités interactives


Au cours des premiers soins, de multiples canaux de communication sont
utilisés.
La communication par le regard a, dès les premières semaines de la vie,
une importance majeure. Le dialogue œil à œil induit souvent des affects
très marqués chez les mères. Les cris constituent une importante modalité
de communication. Pour Bowlby, ils sont un facteur d’attachement et res-
taurent la proximité.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 49

Pour Ajuriaguerra (1956), suite aux travaux de Wallon (1942), le «  dia-


logue tonique » désigne l’ensemble des échanges médiatisés autour du por-
tage de l’enfant et de son corps et inclut tous les contacts peau à peau, les
caresses, etc.
Winnicott (1969) définit par holding la façon dont l’enfant est porté mais
également soutenu, maintenu, contenu et par handling la manière dont il
est traité, manipulé physiquement mais aussi psychiquement. Ces méta-
phores désignent tout autant la description physique que la fonction psy-
chique assurée par celle-ci. Il existe un «  dialogue  » entre les postures de
la mère et la manière dont le bébé y répond. Un défaut du holding à une
période sensible peut produire chez le nourrisson des réactions anxieuses
majeures (« angoisses impensables », « impression de chute sans fin »).
Le langage d’adresse au nourrisson qui peut être signifiant est avant
tout une source d’échanges sonores dont le rythme, les intonations, les
silences, les répétitions s’ajustent aux vocalisations et au babillage du bébé
(Stern, 1985, 1989).
L’adaptation réciproque des deux partenaires s’exprime également selon
la dimension temporelle. Brazelton (1981) décrivait des «  cycles d’inter-
action » avec une alternance de phases de disponibilité et de repli de la part
du bébé. Une dimension de l’échange est constituée par les rythmes et leur
réciprocité qui suppose la perception par chacun des partenaires des signaux
émis par l’autre et l’adaptation permanente de l’un et de l’autre (contingence
responsivness).
Interactions et accordage affectif
Selon Daniel Stern (1985), il existe des «  moyens universels permettant
à une personne de connaître l’état mental d’une autre ». Les interactions
affectives sont un de ces moyens, en particulier par un phénomène qu’il
décrit sous le nom d’«  accordage affectif  » (affect attunement). L’accor-
dage affectif (Stern,  1989) présente plusieurs caractéristiques. Dans ce
bref moment, il existe une correspondance entre la conduite manifeste
de l’enfant et celle de l’adulte. Cette correspondance est transmodale ou
intermodale. Le moyen d’expression utilisé par la mère dans cette corres-
pondance est différent du moyen ou de la modalité expressive utilisé par
l’enfant ; par exemple, une modulation de la voix ou du regard de la mère
peut s’accorder à un mouvement du corps de l’enfant. Ce qui fait l’objet
de la correspondance n’est pas le comportement en soi mais plutôt l’état
affectif ou émotionnel interne de chacun des partenaires, la manifestation
comportementale n’ayant qu’une valeur de vérification du partage de cet
état affectif. Stern récuse le terme d’imitation, d’une part parce qu’il laisserait
entendre que la reproduction par le second partenaire de la conduite de
départ du premier partenaire est fidèle, ce qui n’est pas le cas, d’autre part
parce qu’on ne peut pas parler d’imitation d’un état émotionnel ou affectif
interne, enfin parce qu’une représentation interne n’est pas quelque chose
50 Psychopathologie de la parentalité

d’imitable. L’identification ne lui paraît pas non plus un terme ou un concept


clinique pertinent dans ce contexte : il est impossible de définir ce qui ferait
l’objet de l’identification.
En revanche, la définition du « partage de l’intersubjectivité », proposée
par Trevarthen (1980, 2013) est plus proche de ce qu’il cherche à décrire. Il
considère donc que l’accordage affectif est une forme particulière d’inter-
subjectivité, c’est-à-dire de partage mutuel de l’état psychique concernant
l’intentionnalité, l’affection ou l’affectivité. L’accordage affectif s’adressant
surtout à la qualité des émotions, un concept corollaire acceptable est celui
de la correspondance affective ou de la contagion affective. L’interaction
affective peut être en partie étudiée sur un mode objectif. La correspon-
dance entre la conduite de la mère et celle du bébé peut porter sur trois
qualités : l’intensité, la chronologie et la forme. La plupart des accordages
se réalisent à travers des modes sensoriels différents. L’importance de
l’accordage affectif tient à ce que les états psychiques rendus possibles par
ce mode d’interaction permettent à l’enfant de découvrir et reconnaître que
ses états affectifs internes peuvent être partagés avec l’adulte et qu’ils exis-
tent ­également chez celui-ci.
La réflexion en miroir
Fonagy et al. (1991a et b) proposent un modèle selon lequel la qualité de
l’attachement de l’enfant aux parents est intrinsèquement liée à deux fac-
teurs prénataux : la représentation interne des relations prédominantes chez
le parent, mesurée par l’AAI, et sa capacité à comprendre et se représenter
l’état psychique de son enfant. La base cognitive de ce second aspect du
développement émotionnel peut être conceptualisée comme la capacité
du parent à avoir une représentation théorique du fonctionnement psy-
chique de l’enfant. L’enfant se sentira sécurisé si la représentation interne
des relations du parent est stable et dominée par des expériences positives
ou si la capacité représentative du parent est de qualité suffisante. Fonagy
suppose que la transmission transgénérationnelle des structures d’attache-
ment secure peut être expliquée en partie par la transmission culturelle de
la capacité de mentalisation en « miroir ». Les parents fiables qui ont cette
capacité contiennent mieux les affects de l’enfant et engendrent un senti-
ment de sécurité chez celui-ci. Ils créent une base stable pour le dévelop-
pement de la vie mentale de l’enfant qui, à son tour, facilite sa capacité en
tant qu’individu à développer des relations sûres avec les autres individus,
y compris ses propres enfants.
Interactions et développement
Les affects du bébé connaissent, au cours du développement, un pro-
cessus de différenciation vers l’apparition de sentiments de plus en plus
nuancés. Les premières théories du développement considéraient que le
nouveau-né était désorganisé, passif, réactif ou renfermé. Les recherches
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 51

menées depuis lors ont montré ses aptitudes biologiques, cognitives,


communicationnelles, émotionnelles ou sociales. Elles permettent au
nouveau-né de chercher activement des stimuli et de régler son propre
comportement selon les interactions avec son environnement. Il possède
une remarquable capacité à détecter et à se souvenir d’aspects invariants
de l’expérience (Stern, 1985). Ces aptitudes font du nourrisson de 2 mois
un partenaire social bien plus développé que ne l’admettaient grand
nombre de théories du développement largement citées jusque-là. Dès 2
mois, le nourrisson devient un être modulant son comportement spon-
tané et celui en réaction avec la figure maternelle (caregiver). Le nourrisson
produit des efforts pour s’adapter etcorriger ses objectifs dans l’inter-
action. À partir de 2,5 mois, une nouvelle modalité d’expression affective
s’épanouit, la réponse par le sourire au visage humain. Ce phénomène du
« sourire social » a été appelé par Spitz (1946) « premier organisateur ».
De 7 à 9 mois, se produit une autre grande période de transition dans le
développement, que Emde (1984) a appelé le commencement de l’attache-
ment à une personne et que Stern (1985) a nommé la découverte de l’inter-
subjectivité. Spitz avait nommé «  deuxième organisateur  » l’angoisse de
l’étranger se manifestant à cette même époque. Après cette période
de transition, les nourrissons agissent comme s’ils comprenaient que leurs
pensées, leurs émotions et leurs actions peuvent être perçues par autrui.
Ces changements s’affinent progressivement durant l’année suivante,
mais leur apparition pour la première fois entre 7 et 9 mois fait de ces
nourrissons des expérimentateurs et des agents sociaux qualitativement
différents (Stern,  1985). De même, après cette période de transition, les
nourrissons ont développé une préférence marquée, se tournant vers un
nombre ­relativement restreint d’adultes prenant soin d’eux en ce qui
concerne leur nourriture et leur confort.

Schéma d’être-avec
Il s’agit d’un concept développé par Stern (1995), faisant essentielle-
ment référence aux fantaisies conscientes ou préconscientes. L’auteur
accorde moins d’intérêt à la naissance de la représentation dans le passé
de la mère. Avec le terme de représentation, il évoque (Stern et al., 1998)
des éléments concrets, telles la perception des mouvements actifs ou
l’image échographique durant la grossesse. Il cite toutefois les études
sur la «  morphogenèse du bébé représenté  » pour conclure que cette
activité de représentation culmine au septième mois de la grossesse pour
devenir moins précise ensuite, permettant à la mère de mieux accueillir
l’enfant réel et se préparer à accepter une certaine qualité de déception
que permet une représentation moins affirmée.
Il met l’accent sur l’intériorisation de patterns interactifs à partir des-
quels une transmission de schémas d’être-avec peut s’opérer, pour le bébé
52 Psychopathologie de la parentalité

d’abord mais en fait pour chacun des protagonistes de la dyade. Le réseau


de « schéma d’être-avec » est organisé autour d’un système de motivation
tel que se nourrir-avec ou bien d’expériences affectives telles que être-triste-
avec. Il suppose que les représentations se forment – sur la base d’un soi
originel – par le biais des interactions. Tous les schémas d’être-avec sont
fondés sur des interactions.
Le parentage intuitif
Le parentage intuitif décrit non un système de représentations mais un sys-
tème de comportements qui inclut un schème intuitif d’action interprétant
les demandes et besoins de l’enfant. H. et M. Papousek (1987) ont défini le
«  parentage intuitif  » comme un ensemble de comportements universels
destinés à stimuler les compétences de l’enfant. Ils se déclenchent avec un
temps de réponse intermédiaire entre celui de réflexes innés et des réponses
comportementales plus élaborées. Il s’agit surtout de comportements liés à
l’éveil de l’enfant, au contact œil-à-œil entre l’enfant et les parents, et plus
généralement aux premières communications. Les auteurs démontrent par
un système d’enregistrements vidéo chronométrés que le stimulus ayant
engendré la réponse parentale n’est pas le plus souvent celui que le parent
imagine. Pour ces auteurs, ces comportements se seraient construits tout au
long de la phylogenèse et seraient transmis génétiquement.
Cette dernière hypothèse fait l’objet de discussions. En effet, il paraît
possible de supposer également que ces comportements ont pour base,
au niveau individuel, un apprentissage acquis lors des premières relations
expérimentées par le parent alors même qu’il était nourrisson. Ils peuvent
représenter, pour une espèce donnée, un élément « culturel » au sens large
du terme. Quoi qu’il en soit, cet ensemble de comportements parentaux,
destiné à réguler une interaction dans le sens du bien-être du bébé et du
maintien de son attention, est attesté dans de nombreuses civilisations.
Dans un registre assez proche, le parler bébé ou langage adressé à l’enfant a
lui aussi été retrouvé dans de multiples cultures avec les énoncés brefs, sim-
ples, les répétitions, la fréquence plus élevée chez l’interlocuteur, la modu-
lation des intonations et l’exagération de la prononciation. Il paraît difficile
de négliger totalement le contexte social (Saïas et al., 2010) de tels compor-
tements bien que leur universalité plaide pour un étayage somatique et
fonctionnel commun, lui-même essentiellement fondé sur des caractères
et compétences transmises par voie génétique.

Corrélats cérébraux parentaux des interactions


Traitement du signal
L’étude des interactions s’est enrichie de moyens techniques à travers
l’enregistrement des échanges couplé à des mesures physiologiques très
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 53

variées  : hormones, rythme cardiaque, vocalisations, mesure des mouve-


ments, direction des regards, etc.
Les études utilisant le traitement (Delaherche et al., 2012) du signal
apportent une caution objective aux impressions sensibles des cliniciens,
trouvent des relations nouvelles. Nous détaillerons surtout les études
ayant utilisé l’imagerie cérébrale fonctionnelle. Les études d’imagerie ont
recherché les zones préférentiellement activées chez les parents dans des
protocoles variés : sons (cris, rires) ou images (visages, scènes de séparation
ou de retrouvailles). La coordination du comportement parental avec les
signaux sociaux émis par l’enfant s’organise progressivement dans une
constellation. Les éléments les plus étudiés de cette synchronisation sont
des échanges dont certains sont plus spécifiques à la mère comme le contact
œil à œil, le langage d’adresse au bébé avec ses vocalisations maternelles
spécifiques ou « mamanais », le contact tendre. Le père plus spécifiquement
participe à stimuler l’enfant et rediriger son attention vers l’environnement.

L’imagerie cérébrale fonctionnelle


Les études ont montré que les parents exposés aux stimuli de l’enfant acti-
vent des réseaux neuronaux impliqués dans la compréhension des expres-
sions faciales d’autrui (dont le système de neurones miroirs), des sentiments
d’autrui (la région du thalamus et du cortex cingulaire), les pensées d’autrui
(le cortex préfrontal dorso-médial), les systèmes de récompense et de moti-
vation (aire tegmentale ventrale, la substance noire, le striatum ventral, et
la région médiale du cortex orbito-frontal) et les réseaux impliqués dans
l’émotion (insula, amygdale) et sa régulation (cortex préfrontal latéral).
L’IRM mesure le signal Bold qui permet de traduire les variations du flux
sanguin et d’en déduire l’augmentation ou la diminution d’activité en cer-
taines zones. La résolution spatiale est actuellement de l’ordre de quelques
millimètres et la résolution temporelle de la seconde.

Stimulations sonores : le cri et les rires


La première étude à notre connaissance (Lorberbaum et al., 1999, 2002) a
consisté à comparer les réactions de quatre mères d’enfants de moins de
3,5 ans à des adultes sans enfant selon que le stimulus était un bruit blanc
ou le cri d’un bébé. L’activité était augmentée dans le cortex cingulaire
antérieur (CCA) et le cortex préfrontal médian. L’étude suivante a porté sur
10 mères de nourrissons entre quatre et huit semaines du post-partum avec
des bruits blancs de même intensité et de forme. Les régions qui étaient
stimulées chez les mères étaient les mêmes que celles retrouvées chez les
rongeurs. Elles incluaient l’hypothalamus, le mésencéphale, striatum et le
septum. Depuis de nombreuses études ont été publiées. Seifritz et al. (2003)
ont montré que les réponses des pères et des mères différaient aux cris et
54 Psychopathologie de la parentalité

aux rires du bébé, entraînant seulement chez les mères une diminution de
l’activité du cortex cingulaire antérieur lorsque la durée des stimuli était
brève (6 s). La comparaison de l’activité cérébrale entre les parents et ceux
qui ne l’étaient pas montre que chez les parents l’activité de la région amyg-
dalienne augmente plus en réponse aux cris et chez les témoins aux rires.
Swain et al. (2003) ont montré une plus forte activation chez les mères entre
deux et quatre semaines du post-partum dans la région du mésencéphale,
des ganglions de la base, du cortex cingulaire, de l’amygdale et de l’insula.
L’hypothèse de Swain était que les mères activaient deux grandes régions
au début de la relation avec le nouveau-né : celles qui parmi toutes leurs
fonctions sont aussi impliquées dans les préoccupations obsessionnelles et
celles impliquées dans le traitement des émotions. L’amygdale était moins
activée chez les pères qui se montraient aussi moins préoccupés du bébé
que les mères lors des entretiens. À trois ou quatre mois du post-partum le
même stimulus n’entraîne plus chez les mères d’activation de l’amygdale ni
de l’insula, mais il est observé une plus grande activité dans l’hypothalamus
et dans le cortex préfrontal.

Stimuli visuels
Photos et amour parental. Les expériences portant sur les stimuli visuels
s’appuient sur le postulat (Bartels et Zeki,  2004) que l’amour maternel
active les mêmes régions que l’amour «  romantique  » telles que l’insula,
le cortex cingulaire antérieure et les ganglions de la base (striatum), cette
dernière région étant impliquée dans les circuits de récompense (Bartels
et Zeki,  2004). Les mêmes montrent que l’exposition de photos de
leurs propres enfants comparés à ceux d’enfants inconnus entre 9 mois et
6 ans d’âge active chez les mères les régions impliquées dans les circuits de
récompense. Simultanément, ils mettent en évidence une diminution
de l’activité dans les régions impliquées dans les émotions négatives et les
comportements d’évitement. Nitschke et al. (2004) ont mis en évidence une
plus grande activation du cortex orbito-frontal chez les parents regardant
leur enfant de 2 à 4 mois, qui était corrélée avec une humeur plaisante
associée aux stimuli.
Détresse et sourires. Noriuchi et al. (2008) ont montré deux types de
résultats au visionnage de situations de séparation dans des vidéos silen-
cieuses de leur enfant et d’un enfant inconnu. Il est retrouvé le même
type standard d’activation préférentielle en relation avec la vision de son
propre enfant. Par contre il est aussi mis en évidence une nette et intense
activation quand l’enfant semble en détresse, de structures spécifiques
dont la substance noire, le noyau caudé, le thalamus, le cortex cingulaire
antérieur et les régions dorsales du cortex orbito-frontal. L’implication du
cortex orbito-frontal souligne l’engagement de structures impliquées dans
la cognition sociale.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 55

L’exposition à des mères d’images émotionnelles de leur enfant souriant,


neutre ou pleurant entre 3 et 8 mois (Strathearn et al., 2013) a montré une
activation significativement très différente quand il s’agissait de leur propre
enfant des régions incluant les circuits de récompense (striatum ventral,
thalamus et nucleus accubens), la reconnaissance des visages (gyrus fusi-
forme), l’émotion et la mémoire (amygdale et hippocampe). Par contre
un sous-groupe de mères présentant un attachement secure active le stria-
tum ventral à la fois pour les images tristes ou gaies des enfants, avec plus
d’intensité que les mères insecure (Strathearn et al., 2009).
Magnétoencéphalographie. Elle permet une discrimination temporelle bien
plus fine que l’IRM. Elle a montré (Kringebalch et al., 2008) en comparant la
réponse cérébrale à des images de visages d’enfants et d’adultes qu’il existe
dans les deux cas une réponse augmentée dans le gyrus fusiforme (dont
une fonction est le «  traitement  » des visages). Toutefois lorsqu’il s’agit
d’un visage d’enfant, il existe une activité précoce, intense d’environ 130
ms dans le cortex orbito-frontal médial, qui capture l’attention de l’adulte
spécifiquement.

Synchronisation, ocytocine et vasopressine


Atzil et al. (2012) ont examiné 30 couples, 15 avec un enfant entre quatre et
six mois du post-partum. Ils ont filmé le parent avec son enfant en situation
de jeu. Ils ont ensuite comparé pendant l’imagerie les réactions à l’exa-
men d’une scène standard et de leurs propres enfants en vidéo. Ils ont pu
­coordonner les réponses cérébrales entre les mères par un algorithme per-
mettant la coordination voxel par voxel. Certaines hormones impliquées
dans le lien parent-nourrisson ont été dosées : ocytocine et vasopressine. Il
existait une synchronisation dans les modifications de l’activité cérébrale
entre les pères et les mères. La coordination en temps réel entre les acti-
vations cérébrales maternelles et paternelles était mise en évidence dans
les réseaux neuronaux impliqués dans l’empathie et la cognition sociale.
De plus, les mères ont montré une activation plus importante de l’amyg-
dale, dont la réponse était corrélée au taux d’ocytocine, et les pères une
plus grande activation dans les circuits impliquant empathie et cognition
sociale.
La même équipe (Atzil et al., 2013) a examiné la réponse cérébrale de ces
mères devant des vidéos dont l’une incluait une courte séquence  d’inter-
action synchrone de la mère elle-même avec son enfant et d’une autre
mère, et deux séquences d’interactions non synchrones de mères ayant des
troubles anxieux et dépressifs caractérisés. Le visionnage des actions syn-
chrones de la mère avec son enfant, mais aussi de l’autre mère, active la
partie dorsale du cortex cingulaire antérieur.
Une autre étude sur un format proche (Apter-Levi et al., 2013) incluait
119 pères et mères et leur enfant entre 4 et 6 mois. Le recueil des taux
56 Psychopathologie de la parentalité

d’ocytocine et de vasopressine a précédé une séquence d’interactions de


10  min en face à face. Les mères étaient à l’origine de plus de contact
affectueux et les pères de plus de stimulation. Un taux d’ocytocine élevé
était associé à plus de contact affectueux chez les deux parents, une
préparation à l’engagement social en réponse au regard de l’enfant. Les
parents avec un taux élevé de vasopressine s’engagent plus dans la stimu-
lation et préférentiellement dans un contact médié par l’objet.

Le langage d’adresse à l’enfant


Enfin un protocole d’étude de la réaction au langage d’adresse au bébé
(« mamanais ») (Matsuda et al., 2011) a montré que celui-ci, uniquement
chez les mères d’enfants préverbaux, stimule les aires pariéto-temporales
gauches périsylviennes en réponse à la prosodie et au lexique, et au gyrus
frontal postéro-inférieur uniquement pour la prosodie. Ceci n’a pas été
constaté chez les pères qui dans aucun des cas n’étaient le donneur de soins
principal. Quand sa mère lui parle, le nouveau-né répond à ce type de lan-
gage comparé au langage de forme adulte par une plus grande activité dans
le cortex frontal (Saito et al., 2007).

Motivation et empathie
La motivation pour l’engagement dans les conduites parentales sem-
ble en partie corrélé avec des manifestations hormonales diverses et
complexes avec au premier plan, chez la mère l’ocytocine. Les taux
et l’action des hormones sont eux-mêmes modifiés par des éléments de
l’environnement (Bartz et al.,  2011  ; Tabak,  2013). Il existe une inter-
action complexe entre une détermination biologique et sociale qui reste
à explorer.
Tous ne s’accordent pas sur la définition de l’empathie (Zaki et Ochsner,
2012), mais ce concept présente une valeur opératoire et permet la
convergence d’approches multidisciplinaires. L’empathie maternelle (ou
du donneur de soins principal) est engagée à travers au moins quatre
réseaux de neurones (Rilling,  2013)  : le circuit cingulo-thalamique
engagé dans la réponse à la détresse, l’insularité antérieure qui permet
à la mère de simuler et de comprendre ce que ressent son enfant, le sys-
tème des neurones miroirs qui exercent la même action surtout ­vis-à-vis
de la motricité en incluant les expressions faciales et enfin le cortex
préfrontal dorso-médial et la jonction temporo-pariétale qui permettent
d’inférer ce que l’enfant pense ou croit. L’activité de ces systèmes varie
avec l’état émotionnel de la mère, son type d’attachement et les corré-
lats hormonaux. Le concept d’empathie ainsi concu offre un champ de
recherches nouveau.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 57

La théorie de l’attachement2
Fondement épistemologique et postulats de base
La théorie de l’attachement est née de l’œuvre de Bowlby, qui s’inspire
à la fois de la psychanalyse, de l’éthologie et de la théorie des systèmes,
pour finalement constituer un complément de la théorie darwinienne. Le
lien au parent a ainsi été formalisé selon une perspective évolutionniste
découlant de la théorie de la sélection naturelle. On sait que pour Darwin
(1859), l’objectif principal d’une espèce est d’assurer sa survie. Au cours des
millénaires, les « programmes » qui augmentent les chances de survie d’une
espèce permettent à celle-ci de prospérer. Ainsi, les gènes de cette espèce se
transmettent de génération en génération et finissent par l’emporter sur
d’autres gènes qui eux, sont associés à des programmes moins efficients.
D’après cette théorie, les espèces qui ont survécu au travers des millénaires
sont celles qui étaient dotées des schèmes de comportements les plus « bio-
logiquement avantageux », c’est-à-dire de ceux qui permettent de s’adapter
au milieu naturel de façon optimale.
Or, d’après John Bowlby (1957), la tendance à s’attacher serait un de ces pro-
grammes qui favorisent la survie de l’espèce. Il ne faisait aucun doute pour
lui que l’être humain dispose, tout comme les animaux, d’un répertoire de
comportements visant à promouvoir l’attachement à la mère. Plus exactement,
les « comportements d’attachement  » tels que le fait de pleurer, de s’agripper,
ou tout autre comportement favorisant la proximité d’un adulte donné seraient
des tendances innées qui se sont révélées efficaces, à travers les millénaires,
pour favoriser la survie de l’enfant. En effet, si à la naissance un bébé n’est pas
suffisamment armé pour survivre dans son environnement, ses chances d’y
parvenir seront fortement augmentées s’il parvient à obtenir la protection d’un
adulte. C’est en cela que l’instinct de s’attacher devient primordial. Certes, le
bébé a besoin d’être nourri ; mais même lorsqu’il est repu, il court un risque à
se trouver seul et sans surveillance. Pour cette raison, l’attachement, au même
titre que le nourrissage, constitue un besoin primaire à enjeu vital.
Ainsi, Bowlby a tenté de déterminer l’utilité des prédispositions innées
de l’être humain, par rapport à un objectif de survie de l’espèce. En parti-
culier, il s’est intéressé au sourire pour sa spécificité humaine. D’après lui, il
constituerait un exemple de comportement acquis au cours de l’évolution,
dont la fonction est d’assurer la protection de l’individu. De ce fait, il a
pour effet d’activer les comportements de soins de la mère, procurant ainsi
au vulnérable bébé une source de sécurité. La tendance à s’attacher à la
mère est aussi, pour Bowlby, une prédisposition innée du bébé qui favorise
sa protection. De ce point de vue, la nature du lien de l’enfant à sa mère
apparaît comme une question essentielle.

2. Partie rédigée par R. Miljkovitch.


58 Psychopathologie de la parentalité

Bowlby nota cependant qu’à la différence des oiseaux, il n’y a pas


d’empreinte (telle que décrite par Lorenz en 1935) chez l’être humain et
que celui-ci ne dispose pas de la totalité de ses comportements dès la nais-
sance. Il envisagea alors l’attachement, non pas comme un état fixé défi-
nitivement dès le début de la vie, mais plutôt comme un processus qui se
développe au fil du temps.
Chez l’homme, dont la croissance est lente, les comportements d’atta-
chement apparaissent au cours d’un laps de temps prolongé. Dans la petite
enfance, le nourrisson ne peut guère recourir qu’à des moyens qui éveillent
chez sa mère l’intérêt de s’occuper de lui. Quand il a besoin d’elle et qu’elle
se trouve à une certaine distance, il parvient à la faire venir au moyen des
pleurs. Dès qu’il l’aperçoit, il manifeste sa joie en lui souriant, ce qui a
pour effet de renforcer l’envie de sa mère de rester auprès de lui. Plus tard,
le bébé va s’agripper à elle, particulièrement quand il est effrayé, comme
pour empêcher qu’elle ne s’échappe. Dès l’âge de 3 mois, il apprend à la
suivre, d’abord du regard, puis en se déplaçant. Ainsi, pour Bowlby, le fait
de sucer, de s’agripper, de suivre, de pleurer, de sourire, d’appeler et peut-
être même de babiller constitue un répertoire de comportements qui favo-
risent l’attachement. Que ce soit en sollicitant la mère ou en essayant de
maintenir un contact avec elle, tous ces agissements ont pour fonction
de s’assurer sa proximité.
Comme nous l’avons mentionné, ce besoin de proximité résulte de celui
d’être protégé d’un danger éventuel. Pour cette raison, c’est principalement
au début de la vie, quand l’individu est particulièrement vulnérable, qu’il
a le plus besoin d’être près de sa mère. C’est aussi quand il se trouve dans
une situation alarmante que l’enfant a besoin de sa présence. Il est sensible
à des indices qui provoquent chez lui des réactions de peur. Certains de ces
indices sont transmis par la culture, mais d’autres, selon Bowlby, seraient
innés et propres à l’espèce humaine. Les stimuli non familiers, les change-
ments soudains de stimulation, l’approche rapide ou menaçante d’un objet
ou d’un être vivant sont autant de facteurs susceptibles de déclencher la
peur. Les réactions de l’enfant constituent des signaux destinés à faire venir
la figure d’attachement. Des facteurs de vulnérabilité supplémentaires, tels
que la fatigue ou la maladie peuvent accentuer le besoin de sécurité.
Bien que la perspective évolutionniste de Bowlby puisse, à première vue,
paraître éloignée des préoccupations premières des cliniciens, elle entraîne
en réalité une lecture bien particulière du fonctionnement humain. Par
exemple, un enfant carencé qui se met en danger ne sera pas perçu comme
mû par des tendances suicidaires. On cherchera à comprendre, ce qui,
dans son comportement, relève de la recherche de sécurité. Ainsi, sa prise
de risques sera considérée comme relevant d’une quête d’attention pour
­mobiliser un parent absent plutôt que comme l’expression de tendances
masochistes et mortifères.
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 59

Exploration et autonomie
La sécurité procurée par l’adulte, grâce au système comportemental d’atta-
chement de l’enfant, permet à celui-ci d’explorer son environnement
pour, à terme, en contourner les dangers et s’y débrouiller seul. En cela, la
dépendance à l’égard de l’adulte laisse place, petit à petit, à l’autonomie.
Mary Ainsworth, la plus proche collaboratrice de Bowlby, a bien mis en
évidence cette balance entre attachement et exploration à travers la situa-
tion étrange (Ainsworth et al.,  1978). Dans ce dispositif expérimental, où
l’on sépare brièvement le bébé de sa mère pour observer ses réactions (i. e.
ses comportements d’attachement), on voit bien combien l’inquiétude
quant à l’absence du parent vient bloquer la curiosité pour les jouets pré-
sents dans la pièce.
La notion de base sécurisante renvoie au fait qu’une personne se sent
bien et exploite mieux son potentiel lorsqu’elle sait qu’elle peut compter sur
une figure d’attachement en cas de difficulté. L’indépendance de l’enfant
est étroitement liée aux chances qu’il croit avoir de bénéficier, en cas de
besoin, de la protection de sa figure d’attachement. Ainsi, le nouveau-né
a dès sa naissance un besoin de contact et de rapprochement avec sa mère
pour se sentir bien et, en grandissant, il peut anticiper le type de réponses
qu’elle est susceptible d’avoir ; il lui suffit alors d’avoir confiance en sa dis-
ponibilité. Bowlby a repris de la perspective évolutionniste la notion de
« système motivationnel  », qui renvoie à une série de comportements des-
tinés à poursuivre un but précis, nécessaire à la survie. Parmi ces systèmes, il
distingue le système d’attachement , dont l’objectif est de maintenir le lien,
du système d’exploration , qui est antagoniste au premier (i. e. qui ne peut
s’activer au même moment) et qui vise à l’inverse à s’ouvrir au monde. Or, ce
sont la proximité, puis la confiance en la disponibilité de la mère, qui vont
permettre à l’enfant de se sentir en sécurité et de ce fait, de ne plus devoir
activer son système d’attachement (i. e. déployer des comportements d’atta-
chement). Cette désactivation laisse place à l’activation du système d’explo-
ration de l’environnement, qui donne à l’enfant la possibilité de développer
ses capacités de façon optimale. Au-delà de l’influence qu’a cette gestion
de la nouveauté au niveau de la familiarisation avec l’environnement, la
manière dont le parent accompagne l’enfant dans sa découverte du monde
physique et social va avoir des répercussions sur la relation qu’ils entretien-
nent entre eux. Car si l’attachement permet l’exploration, la perception
d’une menace extérieure provoque chez l’enfant un désir de se rapprocher
du parent. On comprend alors que selon la perception que l’enfant a de son
milieu, il sera plus ou moins susceptible de s’accrocher ou au contraire de
devenir indépendant du parent. Ainsi, dès le plus jeune âge, l’enfant élabore
une représentation de l’environnement qui va directement conditionner sa
manière d’être avec autrui.
60 Psychopathologie de la parentalité

En plus de concevoir l’exploration par rapport à la découverte de l’envi-


ronnement, Bowlby l’a aussi conçue comme pouvant être interne, comme
capacité à réfléchir aux états mentaux (Bowlby, 1977). Des recherches plus
récentes montrent également que l’insécurité d’attachement peut venir
entraver le fonctionnement cognitif ou les compétences scolaires de l’enfant
(Bergin, Bergin, 2009 ; Moss, Saint-Laurent, 2001). Les recherches dans le
domaine de la périnatalité suggèrent par ailleurs que cette dialectique entre
attachement et exploration pourrait s’observer chez le fœtus avant même la
naissance, à travers un va-et-vient entre les stimuli nouveaux et ceux qui
sont familiers (Miljkovitch et al., 2012b).
Partant du principe que chaque être cherche avant tout à survivre dans
son environnement naturel, Bowlby en est arrivé à la conclusion que toute
espèce est dotée d’une série de comportements spécifiques, dont l’activa-
tion et la forme sont influencées par des facteurs environnementaux, à des
fins adaptatives. L’objectif principal de l’enfant est d’assurer sa sécurité.
Pour certains, cela implique de rester à proximité du parent de manière
continue, tandis que pour d’autres, il n’y a rien d’inquiétant à se tourner
vers l’extérieur. La façon dont l’enfant ajuste son comportement dépend
de ce qu’il perçoit du parent dans la prise en charge de sa sécurité. Tout se
passe comme si au moins un des deux membres de la dyade (de préférence
le parent) devait veiller à ce que l’enfant ne coure aucun risque.

Stratégies d’attachement
Dès la naissance, le nourrisson dispose d’un répertoire de comportements
d’attachement censés faire venir ou faire rester la mère. En fonction de
l’efficacité de ces dites «  stratégies primaires   » (Main,  1990), l’enfant
est plus ou moins enclin à modifier le fonctionnement de son système
d’attachement et ainsi développer des «  stratégies secondaires   ». En
d’autres termes, l’enfant va adapter son comportement en fonction des
chances qu’il croit avoir de regagner le contact de sa mère. Cette adap-
tation peut le mener à inhiber son système d’attachement (Main parle
alors de stratégies de « minimisation  ») ou au contraire à l’hyperactiver
(stratégies de « maximisation  »).
Différentes stratégies ont pu être identifiées grâce à l’observation de
comportements d’enfants durant de courtes séparations d’avec leur mère
qui ont été provoquées expérimentalement. À chacune de ces stratégies cor-
respondent des patterns comportementaux spécifiques. Les observations
d’Ainsworth avec la mise au point de la « situation étrange » (Ainsworth
et al.,  1978) ont permis d’identifier ces différents patterns. Ce dispositif
expérimental permet d’observer les comportements d’un enfant lors de
départs et de retours successifs de sa mère, en présence ou non d’une
personne inconnue. À partir des comportements observés chez le bébé,
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 61

Ainsworth a tenté de rendre compte de l’expérience et des modèles de rela-


tion i­ntériorisés de l’enfant. L’épreuve a initialement été conçue pour des
enfants de 12 mois, âge auquel la séparation d’avec la mère constitue un
stress et en cela active le système d’attachement. Dans l’étude de validation
de la situation étrange, Ainsworth a mené des observations au domicile des
familles. Il s’est avéré que les patterns comportementaux révélés lors de
la situation étrange étaient associés à des comportements d’attachement
spécifiques manifestés à la maison.
Avec les catégorisations qu’Ainsworth a établies à partir de la situation
étrange, trois cas de figure ont été décrits. De nombreuses recherches (dont
celle d’Ainsworth) ont mis ces différents types d’attachements en corres-
pondance avec la sensibilité maternelle ou, plus généralement, avec la
qualité des interactions précoces mère-bébé (par ex., Beebe et al., 2010).
Dans le premier cas, les enfants n’ont pas à modifier l’expression de leurs
comportements innés parce qu’ils leur permettent, la plupart du temps,
d’obtenir du réconfort lorsqu’ils en ressentent le besoin  ; ils ont des
mères   «  sensibles  », qui répondent à leurs besoins de manière rapide et
appropriée (Pederson et al., 1998). Ces enfants protestent contre le départ
de leur figure d’attachement et cessent une fois celle-ci revenue. Ces enfants
ont été désignés comme « sécures ». Ce terme, repris de l’anglais secure, fait
référence à un sentiment de sécurité et de confiance dans l’accessibilité de
la figure d’attachement.
Mais pour d’autres enfants, réclamer la proximité ne suffit pas toujours à
faire venir la mère. S’ils ont intériorisé, au regard de ce qu’il se passe habituelle-
ment, qu’il est néanmoins possible d’attirer son attention, ils apprennent à
accentuer leurs manifestations de détresse. Main (1991) va jusqu’à dire que
pour s’assurer de la présence de leur mère, ces enfants détectent dans l’envi-
ronnement les stimuli alarmants susceptibles de les effrayer. En bref, dans ce
deuxième cas, la détresse est manifeste et paraît être à son comble. Lors de la
situation étrange, ils protestent vivement contre le départ de leur mère et ne
parviennent pas à retrouver leur calme lors des retrouvailles. Ils paraissent
fâchés contre elle pour les avoir abandonnés. La colère semble être associée à
un désir intense d’être réconforté, ce qui donne lieu à une attitude résistante
où se mêlent recherche et refus du contact. Ainsworth a nommé ces enfants
« anxieux :ambivalents  » ou « anxieux-résistants  ». Il convient cependant de
souligner que d’autres facteurs tels que l’éducation peuvent contribuer à un tel
fonctionnement. Le tempérament en est un : certains enfants, dès la naissance,
sont plus effrayés par la nouveauté que d’autres (Kagan, 1984). Les résultats de
plusieurs recherches suggèrent une influence du tempérament sur la mise en
place des stratégies d’attachement ultérieures (Belsky, Rovine, 1987 ; Goldsmith,
Alansky, 1987 ; Susman-Stillman et al., 1996).
Enfin dans le troisième cas, les enfants constatent que leurs appels sont
vains, en ce qu’ils ne donnent pas lieu à un réconfort parce que leurs
62 Psychopathologie de la parentalité

s­ollicitations sont rejetées (Main, Stadtman,  1981) ou que les réponses


maternelles sont inadaptées. Alors, pour tenter de s’épargner les sentiments
de frustration ou de peur, ils n’ont comme seule alternative que la pos-
sibilité de détourner leur attention de leurs besoins d’attachement et de
tout ce qui pourrait venir les réveiller (i. e. la mère). Lors de la situation
étrange, ces enfants dits « anxieux-évitants  » affichent une certaine indif-
férence au départ et au retour de la mère, avec parfois un évitement de
celle-ci. À l’inverse, l’attention portée aux jouets présents dans la pièce reste
constante. Si leur attitude défensive permet de ménager l’enfant, elle per-
mettrait également, selon Main et Stadtman (1981), de promouvoir l’atta-
chement en autorisant le juste degré de proximité avec une mère qui ne
supporte pas les contacts trop rapprochés.
Main et Solomon (1986) ont décrit un quatrième cas de figure où l’enfant
serait dans l’impossibilité de développer une stratégie d’attachement
cohérente et organisée. Cet échec s’expliquerait par l’expérience d’une
situation paradoxale et insoluble pour l’enfant. Plus précisément, lorsqu’il
a peur de sa figure d’attachement, il ne sait plus s’il doit s’en approcher
ou au contraire s’en éloigner pour mettre un terme à sa frayeur (Main et
Hesse, 1990). Par suite, il adopte des comportements contradictoires. Les
patterns comportementaux de ces enfants considérés comme «  désorga-
nisés » sont inconsistants, voire étranges. Ils ont des attitudes incompré-
hensibles qui semblent révéler un conflit entre la recherche et l’évitement
du contact (par ex. : s’agripper au parent en détournant le regard, pleurer
à son départ sans s’en rapprocher) ou un vécu d’appréhension et de peur
(par ex. : rester figé, les mains en l’air). Les enfants désorganisés semblent
perplexes et impuissants dans les situations de détresse. D’une manière
générale, des réponses parentales non congruentes aux comportements
d’attachement de l’enfant provoquent chez ce dernier de la peur, dans la
mesure où il ne se sent pas protégé par le parent (Lyons-Ruth et al., 1999).
Les parents qui souffrent d’une maladie mentale qui les accapare ont sou-
vent des enfants désorganisés (Radke-Yarrow et al., 1985 ; Teti et al., 1995).
De récents travaux montrent en particulier que l’absence de réactivité de
la mère serait un facteur prédisposant à l’attachement désorganisé (Beebe
et al., 2010 ; Lyons-Ruth et al., 2005 ; Miljkovitch et al., 2012a). Cette caté-
gorie d’attachement, sans directement relever de la psychopathologie,
représente toutefois un facteur de risque dans le développement ulté-
rieur de troubles tels que des troubles internalisés ou externalisés durant
l’enfance (Hazen et al., 2011 ; Moss et al., 2006) ou encore des symptômes
dissociatifs (Ogawa et al., 1997) ou borderline (Lyons-Ruth, 2008 ; Deborde,
Miljkovitch, 2013) à l’adolescence ou l’âge adulte.
En marge de ces quatre catégories issues de la recherche, la forme que peu-
vent prendre les stratégies d’attachement est infinie, selon le contexte  et l’âge
de développement de l’enfant. En s’apercevant que des comportements, dont
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 63

la finalité n’était pas initialement d’attirer le parent, peuvent néanmoins avoir


cet effet, l’enfant peut user de ce type de conduite pour inciter le parent à
s’occuper de lui. Ceci est d’autant plus susceptible de se produire, que des
demandes plus directes ne parviennent pas à lui procurer les soins attendus.
Pour agir sur le parent de manière à trouver une réponse à ses besoins, l’enfant
n’a donc pas comme unique recours de faire varier le niveau d’activation de
son système d’attachement ; il peut aussi développer des « stratégies d’attache-
ment masquées  » (Miljkovitch, 2009), en reproduisant des conduites autres,
dont il s’est rendu compte qu’elles permettaient de mieux accéder à lui.
Les troubles de l’attachement
Dans les cas de négligence ou de maltraitance, les comportements d’atta-
chement de l’enfant sont sérieusement perturbés et donnent lieu à des
troubles de l’attachement graves qui s’apparentent à des troubles relevant
de la psychopathologie. Zeanah et al. (1993) ont proposé un système de
classification de ces troubles pour les enfants de 1 à 5 ans. Ils distinguent
5 types de troubles de l’attachement différents (les deux premiers étant les
plus graves). Si le rapport au parent est perturbé, on constate en outre que
les comportements d’exploration de l’enfant le sont aussi, en ce que l’adulte
ne semble plus remplir sa fonction de base sécurisante.
Dans le type I : trouble de l’attachement non attaché , l’enfant ne manifeste
pas de préférence particulière pour un adulte donné et ne semble s’atta-
cher à personne. Il peut, par ailleurs, présenter un retard de développement
significatif. Vraisemblablement, une telle perturbation survient chez les
enfants élevés en institution, les cas de négligence extrême ou les enfants
dont les tuteurs se sont succédé les uns après les autres.
Le type II  : trouble de l’attachement indiscriminé, se caractérise par une
tendance à ne pas s’assurer de sa sécurité auprès du parent dans les situa-
tions non familières et à ne pas se réfugier vers lui en cas de peur ou
d’appréhension. L’enfant fait plutôt preuve de promiscuité, en allant vers
n’importe qui pour obtenir des soins et du réconfort. Dans le type II, on
distingue les enfants qui ont en outre tendance à avoir des accidents et des
comportements à risque de ceux qui présentent une promiscuité sociale
avec recherche de réconfort de façon indiscriminée.
Dans le type III : trouble de l’attachement inhibé, l’enfant se montre réti-
cent à s’éloigner de sa figure d’attachement et à explorer l’environnement
comme le font les autres enfants de son âge. Certains de ces enfants s’accro-
chent de manière excessive à leur parent, une attitude qui va bien au-delà
de la simple timidité. Face à des inconnus, ces enfants se montrent extrê-
mement anxieux. Une autre catégorie d’enfants de type III se montrent
totalement soumis face à leur parent (compulsive compliance) en lui obéis-
sant en toutes circonstances, sans manifester la moindre résistance. Cet état
résulte vraisemblablement d’une maltraitance physique à son encontre.
64 Psychopathologie de la parentalité

L’enfant se montre ainsi hypervigilant ; il contient ses affects et manque de


spontanéité en présence du parent maltraitant.
Dans le type IV : trouble de l’attachement agressif, la relation avec le parent
est essentiellement marquée par la colère. En effet, l’enfant se montre très
agressif envers sa figure d’attachement (physiquement ou verbalement) et/
ou envers lui-même (par ex. : en se frappant la tête contre les murs). Sou-
vent l’agressivité est tellement prédominante que d’autres manifestations
anxieuses comme des difficultés de séparation ou des troubles du sommeil
passent inaperçues ou sont interprétées par les parents comme des tentatives
de les mettre au défi. L’agressivité peut apparaître dans d’autres contextes,
mais à un moindre degré. L’enfant peut piquer des crises de colère terribles
lorsqu’il est frustré. De tels enfants sont généralement témoins ou victimes
de violence à la maison.
Dans le type V  : trouble de l’attachement avec inversion des rôles, l’enfant
endosse le rôle de parent et se soucie de manière inhabituelle du bien-
être psychologique de celui-ci. Dans son comportement, l’enfant peut
­infantiliser le parent en veillant sur lui ou en le commandant et en le
punissant. Il semblerait qu’un attachement désorganisé pendant la petite
enfance prédispose à ce type de trouble.
Tant que l’enfant n’en arrive pas à renoncer à l’espoir d’être pris en charge
par un adulte bienveillant (auquel cas il se laisse mourir), on s’aperçoit
que quel que soit le milieu dans lequel il évolue, il cherche à s’adapter à
son environnement, en développant des stratégies qui vont accroître ses
chances d’obtenir une protection quelconque. Par exemple, s’il n’a pas eu
de figure d’attachement stable, il apprend à solliciter n’importe quel adulte
pour assurer sa protection. S’il n’a personne qui veille sur lui, il va tenter de
se familiariser avec le monde qui l’entoure par lui-même, sans attendre la
guidance d’un adulte.
On voit donc que lorsque le lien au parent est problématique, les capa-
cités d’exploration de l’enfant sont altérées, en ce sens qu’il n’arrive pas
à s’intéresser à l’environnement physique ou social de manière prudente,
sans perdre de vue sa propre sécurité. Il en arrive ainsi à des extrêmes, où
son intérêt pour l’extérieur est entravé par une trop grande proximité avec
la figure d’attachement ou au contraire il fait preuve d’inconscience en
prenant des risques inconsidérés, sans faire appel, comme il le devrait, à
l’adulte pour le guider dans son exploration.
Les modèles internes opérants
Dès les premiers mois de la vie, le nourrisson mémorise les scénarios rela-
tionnels qu’il vit au quotidien. Très vite, il s’en forme un schéma, qui le
guide dans ses nouvelles expériences. Pour désigner de tels schémas, Bowlby
a emprunté à la psychologie cognitive (Craik, 1943) le concept de « modèle
interne opérant » (MIO) : l’enfant intériorise un modèle de relation à partir
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 65

de ses interactions avec son entourage. Des recherches confirment le lien


entre les interactions précoces et les représentations que l’enfant se forme
plus tard (Miljkovitch et al., 2013b).
Selon la définition de Bowlby, les MIO, une fois mis en place, aident
à comprendre et à interpréter le comportement de ses proches. Plus
­généralement, ils permettent d’anticiper les réactions d’autrui. De ce fait, ils
influencent le comportement de l’individu dans ses rapports interperson-
nels. Ainsi, l’interprétation qu’on a des événements s’appuie sur d’anciennes
situations similaires  ; des attentes quant à leur dénouement s’enclen-
chent. C’est ainsi que l’attachement à la mère prédit en partie la qualité
des relations que l’enfant va avoir avec ses amis (Schneider et al.,  2001  ;
Berlin et al., 2008 ; Thompson, 2008). Les MIO vont également exercer une
influence sur le rapport établi à l’âge adulte, par exemple, avec ses enfants
(Miljkovitch, 2001 ; Leblanc et al., 2009 ; Miljkovitch et al., 2012a), dans
ses relations amoureuses (Miljkovitch, 2009) ou encore dans un contexte
thérapeutique (Guédeney, 2005). On envisage même que dans certains cas,
une dépendance dans le domaine de l’attachement puisse prédisposer à
des dépendances autres, telles que les addictions (Miljkovitch, 2013a). Des
données longitudinales montrent que les MIO de l’adulte synthétisent en
quelque sorte l’histoire d’attachement du sujet (Miljkovitch et al., en prépa-
ration). Les MIO, parce qu’ils supposent une lecture du présent à la lumière
du passé, participeraient à la mise en place de la personnalité, en assurant à
l’individu une certaine constance (Miljkovitch et al., en préparation).
La théorie de l’attachement prévoit, qu’en plus d’être de simples représen-
tations implicites susceptibles d’être réactivées dans des situations analogues,
les MIO vont plus ou moins contraindre à la répétition, selon leur degré de
rigidité. Celle-ci serait augmentée par le recours à des processus défensifs
que Bowlby désigne sous les termes d’« exclusion défensive ». Il s’agit d’un
phénomène qui consiste à exclure de sa conscience les informations qui
engendrent un trop grand sentiment d’insécurité, car bannies et réprouvées
par les parents (Bretherton et Munholland,  2008) ou plus généralement,
parce qu’elles sont nuisibles aux conditions de sécurité (Miljkovitch, 2009).
Par exemple, mieux vaut pour un enfant idéaliser un parent violent (et
donc «  fermer les yeux  » sur certaines choses), lorsque cette idéalisation
favorise un climat plus apaisé. Ainsi, l’exclusion défensive vise à minimiser
l’insécurité. En revanche, elle empêche une bonne mise à jour des MIO, en
écartant du système de représentations les informations non conformes à
ce qui y est établi. Par conséquent, l’apparition de nouvelles perceptions
et de ce fait, de nouveaux comportements, est compromise. La personne
insécure est limitée dans sa capacité à adapter son MIO ou à en créer de
nouveaux qui intègrent les nouvelles informations. Plusieurs travaux sug-
gèrent en effet que les personnes qui recourent à ce type de défense sont
moins enclines que les autres à développer des MIO différents de ceux mis
66 Psychopathologie de la parentalité

en place auprès des parents (Cohin, Miljkovitch, 2007 ; Miljkovitch, 2009).


On peut donc s’attendre à ce que les personnes insécures, parce qu’elles
sont plus susceptibles de recourir à ce type de défense, voient les modalités
relationnelles mises en place auprès des parents se généraliser davantage
que les personnes sécures. Elles auraient un rapport au monde plus rigide à
travers les différents domaines et situations. Leur MIO d’attachement pré-
coce aurait un caractère envahissant, en ce qu’il entraînerait une tendance
excessive à l’analogie, entre des situations nouvelles non pertinentes et les
situations sources. Le caractère envahissant du MIO est alors susceptible de
conduire à des réactions inadaptées, conformes aux réactions provoquées
par l’insécurité d’origine.

Attachement et psychopathologie
En dehors des situations de carence ou de maltraitance extrêmes qui don-
nent lieu à des troubles de l’attachement, le sentiment d’insécurité en lui-
même n’équivaut pas à une psychopathologie. Il peut toutefois participer à
sa mise en place, et ce d’autant plus que d’autres facteurs de risque s’ajoutent
pour en précipiter la survenue (Cicchetti, Rogosh, 1997). Il n’en demeure
pas moins qu’un enfant insécure est plus vulnérable à plusieurs égards. En
premier lieu, la relation d’attachement est nécessaire au bébé pour la régula-
tion de ses états internes. Grâce à des soins sensibles et adéquats, il apprend,
progressivement que les états négatifs qu’il traverse sont passagers et qu’il
peut (au départ avec l’intervention de l’adulte) y mettre un terme. En
revanche, l’absence d’un tel accompagnement laisse l’enfant aux prises avec
des affects intolérables qu’il ne peut surmonter. Des études attestent du lien
entre attachement et régulation émotionnelle au niveau neurobiologique
chez le bébé (Hertsgaard et al., 1995 ; Spangler, Schieche, 1998), mais aussi
chez l’adulte (Coan et al., 2006 ; Mikulincer, Shaver, 2007). Ainsi, l’enfant
insécure, et a fortiori désorganisé, est fragilisé par cette difficulté à gérer ses
états internes et plus vulnérable au développement de psychopathologies.
Au vu des différentes recherches en neurosciences sur l’attachement (par
ex., Gillath et al.,  2005), Coan (2008) propose que les MIO modulent les
processus neurologiques associés à la régulation émotionnelle.
En agissant sur les anticipations relatives au déroulement des interactions
et, par là même, sur les attitudes qui en découlent, les MIO participent
à la pérennisation des modes de relations initiaux et des affects associés
(Thompson, 2008). Les modèles internes opérants des enfants sécures leur
sont favorables sur le plan des relations interpersonnelles et des émotions
que cela provoque. Les échanges avec leur entourage familial leur appor-
tent les assises narcissiques nécessaires à la formation d’une image positive
de soi et participent à la construction d’une image positive d’autrui. Les
relations avec les autres sont perçues comme gratifiantes. Ainsi les attentes
de ces enfants tendent à induire des modes d’interactions satisfaisants, qui
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 67

viennent renforcer l’image préalablement formée des relations. Ce faisant,


elles réduisent l’occurrence d’échanges conflictuels susceptibles d’engen-
drer des affects négatifs. Et lorsque de tels échanges ont lieu, la confiance
que ces enfants ont en eux-mêmes et en l’avenir les prémunit contre les
effets néfastes qu’ils pourraient avoir.
À l’inverse, les enfants insécures développent le sentiment de ne pas réus-
sir à se faire aimer, ainsi que l’idée que les relations sont sources de frus-
tration. Ils développent alors une attitude méfiante ou dépendante vis-à-vis
d’autrui, qui risque de gêner l’établissement de rapports satisfaisants (cf. par
ex. Cassidy et al., 1996). Ainsi, leurs relations leur renvoient à nouveau une
image négative d’eux-mêmes, de même qu’elles engendrent des sentiments
pénibles, difficiles à gérer. Leurs modèles internes opérants les conduisent à
faire des erreurs d’attribution, dont on sait, par ailleurs, qu’elles sont impli-
quées dans différents troubles (Beck,  1967  ; Dodge, Frame,  1982). Cette
sphère d’influence des MIO concourt à la cristallisation d’un vécu affectif
négatif, tant au niveau de la qualité de celui-ci, qu’au niveau de sa capacité
à y faire face.

L’attachement à l’âge adulte


Les modèles de relations construits durant les premières années créent donc
des filtres au travers desquels l’adulte perçoit les nouveaux liens. Ce phéno-
mène est d’autant plus susceptible de s’observer qu’il s’agit d’une relation
d’attachement. Ainsi, le couple représente un contexte particulièrement
propice à de telles projections.
Dès la petite enfance, des choses se mettent en place, qui peuvent induire
plus tard des difficultés au sein du couple ou au contraire en favoriser l’équi-
libre (Miljkovitch,  2009). Pour commencer, le sentiment de confiance se
construit dès les premières années de la vie. Les intentions qui sont attri-
buées au conjoint et la croyance en son amour dépendent notamment de
ces premières expériences. Dès l’enfance, la personne associe les différentes
situations de la vie quotidienne à un vécu particulier.
L’expérience de l’éloignement en est un exemple. Si les épisodes de sépa-
ration se sont bien passés, si l’enfant a été pris en charge correctement, si
la constance du lien paraissait évidente et si les parents s’assuraient qu’il
n’en doutait pas, ils peuvent ne pas porter à conséquence. La façon dont les
séparations se sont produites va déterminer la manière dont la personne vit
l’absence de ses proches par la suite. Si en revanche, ce type d’expérience
a donné lieu à un sentiment d’abandon ou de crainte quant à la pérennité
du lien entretenu avec ses parents, les angoisses passées sont susceptibles de
se réveiller à l’âge adulte, lorsqu’on est séparé de son partenaire amoureux.
L’absence psychologique va aussi s’accompagner d’un vécu particulier.
Selon ce qu’elle signifie pour l’enfant, celui-ci la supportera plus ou moins
bien par la suite, y compris avec d’autres personnes que ses parents. Si cette
68 Psychopathologie de la parentalité

absence momentanée révèle chez les parents des préoccupations accapa-


rantes qui les coupent de lui et les empêche d’assurer correctement leur
rôle, l’enfant restera marqué par ces moments où il est livré à lui-même.
Ainsi, à l’âge adulte, un conjoint introverti peut réveiller le vécu de l’enfant
qui est en lui. Bien qu’à la maturité, les moments d’absence du partenaire
ne devraient pas porter à conséquence, en ce qu’elles ne sont pas contra-
dictoires avec une capacité d’écoute et d’empathie quand le besoin s’en
fait sentir, pour la personne qui a été fragilisée par ce phénomène durant
l’enfance, l’absorption provisoire de l’autre peut être mal vécue et donner
lieu à des réactions disproportionnées.
Le fait d’être en désaccord ou en conflit avec les parents peut aussi être
une situation critique de l’enfance. Selon que le désaccord pouvait ou non
s’exprimer dans la relation avec les parents, il sera vécu différemment par
l’adulte lors des conflits conjugaux. L’attention accordée à d’autres choses
qu’à soi peut aussi être associée à un vécu spécifique. Si les parents témoi-
gnaient une préférence nette pour un autre membre de la fratrie et que cela
donnait lieu à un sentiment de rejet de sa propre personne, le conjoint dont
le partenaire amoureux portera de l’intérêt à d’autres personnes peut voir
se raviver ce vécu difficile. Tous les épisodes de la vie quotidienne sont ainsi
assortis d’émotions particulières, qui sont susceptibles de resurgir lorsque
des situations analogues apparaissent de nouveau dans le couple.
Ainsi, la lecture des intentions et des sentiments de son conjoint peut être
déformée, pour peu que la vision que l’enfant se soit créée au contact de ses
parents soit corroborée par ce qu’il vit adulte dans le couple.
La répétition du schéma amoureux peut s’expliquer par le recours à
des stratégies d’attachement qui, bien que justifiées dans l’enfance, ne le
sont plus à l’âge adulte. Ces stratégies peuvent induire les mêmes types
de réactions chez les partenaires amoureux qui se succèdent. À leur tour,
ces réactions confortent l’individu dans ses croyances sur les relations
interpersonnelles.
En même temps, l’expérience amoureuse favorise une meilleure connais-
sance de soi et représente une occasion de faire la part des choses entre ce
qui surgit du passé et ce qui est provoqué par l’attitude de son conjoint. La
mise à jour des modèles de relations permet alors à l’individu de mieux se
rendre compte de ses propres biais d’interprétation et de l’éventuelle inadé-
quation de ses réactions par rapport au contexte actuel.

Évaluation de l’attachement
Il existe une myriade d’outils évaluant l’attachement avec des systèmes de
classification à la fois voisins et différents, qui rendent la compréhension
des recherches sur l’attachement très complexe. En gros, il existe deux
courants à l’origine d’outils dont l’esprit diffère quelque peu. Le premier
courant repose sur la mise au point du dispositif expérimental de la situation
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 69

étrange élaborée par Ainsworth et ses collègues à la fin des années 1960
­(Ainsworth et Bell, 1970). Il s’inscrit dans une perspective développementale
qui propose une classification en trois, puis quatre (Main et Solomon, 1986)
catégories obtenues grâce à l’observation des comportements de bébés. Au
départ, la situation étrange a été mise au point pour des enfants de 12 mois,
puis des adaptations de la procédure ont étendu l’âge de passation jusqu’à
6 ans (Cassidy, Marvin, 1992 ; Main, Cassidy, 1988).
Parallèlement à cela, l’adult attachment interview ou AAI (George et al., 1985)
a aussi été dérivé de la situation étrange. En faisant ressortir des caractéris-
tiques spécifiques aux mères d’enfants classés respectivement sécures, évi-
tants, ambivalents ou désorganisés, Main et ses collègues (Main, Goldwyn et
Hesse, 2002) ont défini chez elles différents « états d’esprit », à partir de leur
discours sur leurs propres expériences d’attachement en tant qu’enfants.
L’introduction de cet entretien a ainsi ouvert la voie à une multitude
d’études établissant un phénomène de transmission intergénérationnelle
des modalités d’attachement (Leblanc et al., 2009 ou Miljkovitch,2001).
D’autres systèmes de codages ont été proposés pour évaluer des dimen-
sions complémentaires à celles mesurées par le système de codage classique.
En particulier, Fonagy et al. (1991a) ont développé une échelle de fonction
réflexive (i. e. capacité à comprendre ses propres états mentaux ainsi que
ceux des autres) qui s’avère, dès la grossesse, être un bon prédicteur de l’atta-
chement de l’enfant à naître (Fonagy et al.,  1991b). La mesure de la dés-
organisation n’étant pas calquée sur la définition d’origine, Melnick et al.
(2008) ont développé la catégorie « Hostile/Impuissant » (Hostile/Helpless)
pour mieux capter l’existence de modèles contradictoires de soi et de la
figure d’attachement. Cette classification chez la mère prédit la désorgani-
sation chez l’enfant (Lyons-Ruth et al., 2005).
Un autre entretien, l’AMMI ou attachment multiple model interview
(anciennement ASSSI, Miljkovitch,  2009), permet également de mesurer
chez l’adolescent ou l’adulte la présence de tendances incompatibles d’inhi-
bition et d’hyperactivation du système d’attachement. Mais à la différence
des autres outils qui proposent un seul état d’esprit, celui-ci distingue la
qualité de l’attachement selon la relation envisagée (par ex., mère, père,
conjoint…), et ce selon une approche à la fois dimensionnelle et catégo-
rielle. Son utilisation a ainsi permis de montrer la complémentarité des
relations avec chaque parent et la manière dont l’une et l’autre se conju-
guent dans le développement de l’individu (Deborde, Miljkovitch, 2013).
Sa validité a été établie à partir de données longitudinales montrant que
l’attachement mesuré de 4 à 18 ans permet de prédire le score de sécurité du
jeune adulte de 21 ans, et ce mieux que l’AAI (Miljkovitch, Moss, Bernier,
Pascuzzo, Sander, en préparation). Le current relationship interview (Crowell,
Owens, 1998) permet également d’évaluer l’attachement au sein du couple
(actuel), par un système de classification d’état esprit unique, conforme à la
conception d’origine de l’AAI.
70 Psychopathologie de la parentalité

Suite à ce saut vers l’âge adulte, d’autres instruments dans la perspective


développementale ont fait leur apparition. En particulier, Bretherton et al.
(1990) ont mis au point des histoires à compléter (attachment story comple-
tion task) pour évaluer l’attachement dès l’âge de 3 ans, à partir des narratifs
produits à l’aide de petites figurines. Plusieurs systèmes de codages ont été
proposés (Bretherton et al., 1990 ; Gloger-Tippelt et al., 2002 ; Solomon et
al., 1995), dont un en français (Miljkovitch et al., 2001) pour lequel des liens
avec l’AAI de la mère (Miljkovitch et al., 2004) et la qualité des interactions
précoces (Miljkovitch et al., 2012a) ont été établis. Sur le même modèle,
Green et al. (2000) ont mis au point la Manchester child attachment story task
(MCAST) pour les enfants de 5 à 7 ans. Un autre test projectif, le Projective
attachment interview (George, West, 2001) dont le format s’approche de celui
du TAT, a ensuite été développé pour les adultes.
Quelques autoquestionnaires permettent en outre d’évaluer l’attache-
ment chez l’enfant (Kerns et al., 1996 ; validation française par Bacro, 2011)
ou l’adolescent (Armsden, Greenberg, 1987 ; validation par Vignoli, Mallet,
2004). À cela, s’ajoutent de nombreux autres questionnaires destinés aux
adultes. Ceux-ci sont issus du deuxième courant, qui, bien qu’inspiré par
les travaux de Bowlby, s’inscrit dans le champ de la psychologie sociale.
Parce qu’il s’intéresse davantage aux relations entre adultes qu’aux relations
filiales, sa présentation sera ici beaucoup plus succincte. Notons toutefois
quelques outils validés en français tels que le relationship scales questionnaire
(RSQ, Guédeney et al.,  2010), le questionnaire des styles d’attachement
(QSA , Paquette et al., 2001) ou encore le CaMir (Pierrehumbert et al., 1996)
qui lui, s’inscrit à l’intersection des deux courants.

Retombées pratiques des travaux sur l’attachement


Le grand nombre d’outils existant pour évaluer l’attachement atteste de la
richesse des recherches effectuées dans le domaine. Petit à petit, la théorie
de Bowlby (1969) laisse place à des faits établis scientifiquement. En plus
de contribuer à une meilleure connaissance du développement humain, les
travaux sur l’attachement ont de nombreuses retombées pratiques. Ils ont
donné lieu, par exemple, à des conceptualisations sur le processus théra-
peutique, en soulignant l’importance d’une base de sécurité (en la personne
du thérapeute) dans l’accompagnement du patient dans son introspection
(Bowlby, 1977 ; Guédeney, 2005 ; Holmes, 2001) et dans la mise en place
d’un nouveau mode de  relation plus favorable (Bateman, Fonagy,  2012).
Mais ils permettent aussi une meilleure définition des enjeux liés à des
questions de politique sociale telles que l’adoption (Dozier, Rutter, 2008), le
placement (Miljkovitch, 2010), l’accueil des jeunes enfants (Vanwelleghem,
Miljkovitch, 2011), et l’approche pratique des troubles du développement
et leur prévention (Guédeney et al., 2001).
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 71

Une question au cœur des préoccupations actuelles en raison de l’évolution


de la société est celle des droits de garde des parents séparés. Les r­ épercussions
d’un tel événement sur l’enfant sont variables d’un cas à l’autre et dépendent
du contexte dans lequel il se produit. Parmi les facteurs susceptibles de modu-
ler l’impact du divorce, on peut citer le stade de développement de l’enfant,
la qualité de la relation conjugale et coparentale avant et après la rupture,
l’impact de la séparation sur les parents et sur leur capacité à s’occuper de leur
enfant, etc. Mais s’il existe des facteurs qui existent de fait et sur lesquels il est
difficile d’agir, le mode de garde reste un facteur important dans le devenir
des enfants qu’il convient d’adapter en fonction de la situation. Récemment,
l’association australienne pour la santé mentale du bébé (AAIMHI,  2011) a
préconisé des mesures qui découlent des conclusions de recherches effectuées
sur le sujet (par exemple McIntosh et Smith, 2012). Outre des rapports cor-
diaux entre les parents et une acceptation de chacun de l’autre dans la vie de
l’enfant, l’association recommande le maintien d’une relation continue avec
le principal fournisseur de soins, principalement jusqu’à la fin de la deuxième
année voire la troisième. Plus clairement, l’association déconseille fortement
le fractionnement de la garde, qui pourrait sérieusement entraver le bon
développement de l’enfant. En particulier, il est préférable que l’enfant fasse
toujours ses nuits chez le même parent, jusqu’à ce qu’il acquière des capacités
représentationnelles et une certaine notion du temps qui lui permettent d’anti-
ciper et de saisir la durée de la séparation, de se représenter au-delà de cette
« parenthèse » et de pouvoir penser au parent absent. Généralement, l’enfant
n’est capable d’évoquer spontanément le parent absent qu’aux alentours de
3 ans. Il n’en demeure pas moins qu’avant même la naissance, des processus
mnésiques sont à l’œuvre (Fassbender, 1996), qui lui permettent de construire
des représentations procédurales du monde qui l’entoure, en l’occurrence de
la relation à chacun de ses parents. En cela, la mise en place précoce du lien
avec la figure d’attachement secondaire (outre les facteurs relatifs à l’investis-
sement parental) est déterminante pour la suite de la relation. Ainsi, l’AAIMHI
recommande que, le temps passé avec cet autre parent augmente progressive-
ment, à mesure que l’enfant devient mature et capable de tolérer la séparation
d’avec sa principale figure d’attachement.

La théorie du bonding
Le terme attachement a été traditionnellement retenu pour décrire le
­mouvement affectif qui lie l’enfant à sa mère. La relation inverse est restée
innominée, si l’on néglige bien sûr le très controversé « instinct maternel » qui
demeure plus une théorie populaire qu’un concept psychiatrique. Une théorie
du lien (bond, en anglais) a été ébauchée par deux pédiatres américains, Klaus
et Kennel, une dizaine d’année après celle de l’attachement (1976).
72 Psychopathologie de la parentalité

Elle étudie le versant maternel de l’attachement au nouveau-né s’appuyant


sur des conceptions éthologiques. La théorie du bonding relève avant tout
d’un abord empirique et ne présente pas la sophistication conceptuelle
de la théorie de l’attachement. En 1972, Klaus et al. décrivent à partir de
leurs propres observations un pattern particulier de comportements mater-
nels qui apparaît aussitôt après la naissance. Selon cette étude, la mère,
lors  du premier contact, lorsque le nouveau-né, encore nu, est placé sur
son ventre, touche d’abord les doigts et les orteils du bébé. La mère conti-
nue son exploration en allant vers le centre du corps du nouveau-né et
finit par circonscrire l’abdomen par un mouvement de sa main ouverte
qui s’accompagne souvent d’un léger massage. Selon d’autres auteurs, ces
attitudes apparaissent aussi lorsque le nouveau-né est partiellement vêtu. Ils
peuvent aussi être le fait du père (Rodholm et Larsson, 1979). Selon Kennell
et Klaus (1984), ces patterns auraient des effets, à long terme, sur la relation
parent-enfant et sur le développement ultérieur de l’enfant. Les auteurs
soulignent que la séparation des mères de leur nouveau-né prématuré a des
effets désastreux sur leur relation subséquente. Contrairement à la théorie
de l’attachement, le bonding a été initialement conçu comme un proces-
sus de tout ou rien apparaissant à une période sensible. Cette notion a été
extrêmement critiquée ce qui a conduit les auteurs à admettre la possibilité
de créer secondairement des liens satisfaisants malgré des patterns initiaux
dysfonctionnant en termes de bonding (Kennell et Klaus, 1984).
Gouin-Décarie (1987) remarque que même si la mère est conçue comme
la personne la plus importante dans la dynamique du bonding, relativement
rapidement le père intervient au point que l’édition révisée du premier
ouvrage de Klaus et Kennell, Maternal-infant bonding (1976), porte le titre de
Parent-infant bonding (1982).
Une méta-analyse de Goldberg (1983), à partir de 28 travaux ayant porté
sur le bonding, montre les limites de la théorie. Elle conclut en particulier
qu’il n’a pas été démontré qu’au moment de la naissance les interactions
peau à peau aient plus d’effets qu’avec le bébé vêtu. Aucune preuve n’a été
également apportée que les premières heures constituent une période déter-
minante dans la création d’un lien parents-enfants. De même, le contact au
moment de la naissance ne peut servir de substitut à un soutien social, dans
le cas de parents issus de milieux socio-économiquement très défavorisés.
Cette théorie, malgré sa faiblesse, a toutefois eu l’avantage de contribuer à
limiter les séparations précoces mère-enfant, notamment lors de compli-
cations obstétricales ou néonatales, et demeure une importante tentative
d’élucidation théorique de l’attachement maternel.
Kumar (1997), dans une enquête préliminaire basée sur l’appel à des
témoignages, dont 88 ont été recueillis et inclus, a tenté d’orienter la théo-
rie du bonding dans une autre direction en montrant qu’un nombre non
négligeable de mères ne ressentent pas à la naissance d’un de leurs enfants,
Parentalisation : du désir d’enfant à l’attachement 73

et dans cette recherche le plus souvent d’un seul, l’élan affectif et l’ensem-
ble des sentiments qui les ont étreints lors de la naissance des précédents.
Cet enfant aurait pu, pour cette mère être «  l’enfant de n’importe qui  »
selon le titre même de l’article. Elles éprouvent parfois immédiatement des
affects hostiles. Toutes avaient présenté des manifestations psychopatholo-
giques, le plus souvent un trouble dépressif simultanément à l’élaboration
de la parentalité. Elles n’avaient pu communiquer à leurs proches ce déficit
clairement ressenti et dont la cause ne semble pas clairement expliquée.
Ces mères ne sont pas maltraitantes et leurs enfants sont élevés dans des
conditions ordinaires. L’auteur, psychiatre d’adultes, tente ainsi d’ouvrir la
voie à une recherche privilégiant les modalités de l’attachement maternel,
délaissée jusqu’alors pour l’intérêt quasi exclusif porté au processus de
l’attachement chez l’enfant. Ni le fait que la grossesse ait été désirée, ni le
désir d’y mettre fin, ni le sexe de l’enfant, ni des difficultés obstétricales ou
simplement des difficultés d’allaitement n’y jouaient un rôle significatif.

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3 Les grossesses
à l’adolescence
Attendre un enfant à l’adolescence représente dans les sociétés industrialisées
une perturbation de « l’ordre séquentiel, socialement construit, de la procréa-
tion » (Daguerre et Nativel, 2004). Pour autant, la grossesse adolescente n’est pas
une catégorie homogène, mais « une diversité d’histoires, de personnalités, de
conditions de vie » (Le Van, 2006). Elle met en tension l’ordre social, sollicite les
familles et leurs ressources et révèle la vulnérabilité de certaines des a­ dolescentes
qui la vivront. En France, un « référentiel hygiéniste bienveillant » veille sur
ces jeunes filles (Memmi, 2003).

Fécondité à l’adolescence
Données quantitatives
Les grossesses
La fréquence des grossesses à l’adolescence, c’est-à-dire de 15 à 19 ans selon
la classification internationale, varie beaucoup selon les pays. Les États-Unis
ont, avec la Russie, le taux le plus élevé des pays industrialisés soit 3,9 % en
2009 et le Royaume-Uni le taux le plus élevé d’Europe soit 2,6  %. Il est
en  France métropolitaine de 0,8 % en 2008.
Le devenir de la grossesse. Le soutien affectif des parents et, dans une moin-
dre mesure, du géniteur est décisif dans le choix de mener la grossesse à son
terme (Roye et Balk, 1996 ; Tabberer et al., 2000) : une grossesse sur trois
environ conduira à une naissance.
Les naissances. Les grossesses adolescentes représentent 0,6  % des nais-
sances totales soit environ 4 200 par an. La proportion d’adolescentes
enceintes n’a cessé de baisser depuis quarante ans, passant de 3,6  % en
1976, à 2,4  % en 1998 et à 1  % en 1992. Elles sont rarement planifiées
(Wellings et al., 2013).
L’IVG. Aujourd’hui, plus d’une grossesse sur deux est interrompue
volontairement (IVG) d’autant que l’enfant est plus jeune  : 61,9  % pour
les 14-15  ans, 50,4  % pour les 16-17  ans (DREES). Dans le groupe d’âge
15-17 ans, le ratio IVG/naissance a fortement augmenté en vingt ans (pas-
sant de 1,5 à presque 3). En 2010, 29 000 femmes âgées de 15 à 19 ans ont
eu recours à l’IVG, dont 40 % concernaient les 15-17 ans, 60 % les 17-19 ans
(Vilain, 2010). Environ 50 % des IVG sont de type médicamenteux. Le ratio
entre nombre d’IVG et de naissances, depuis une vingtaine d’années, reste
stable (cf. schéma). Les IVG chez les adolescentes sont considérées le plus

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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84 Psychopathologie de la parentalité

souvent comme le résultat d’une méthode mal maîtrisée ou d’une absence de


contraception (Amate et al., 2013). Ainsi, d’après les chiffres de la DREES
de 2007, deux tiers des jeunes femmes de 16-25 ans recourant à une IVG
avaient utilisé une méthode contraceptive le mois précédant leur IVG, dont
plus de 42 % une contraception orale.
Une étude longitudinale effectuée en Finlande (Lehti et al.,  2013) a
­montré que le recours à l’IVG avant 20  ans était plus fréquent en cas de
familles monoparentales ou recomposées, de mère avec un faible niveau
d’éducation, de performances scolaires faibles et de troubles de la conduite.
Les enfants étaient suivis à partir de l’âge de 8 ans et 13 % des jeunes filles
étaient enceintes avant 20 ans.
Le timing : norme sociale et fait biologique
Âge de la puberté. L’âge moyen des premières règles s’est abaissé de deux
ans en deux siècles en France (INED, 2007). Il est actuellement de 12,5 ans
avec une large variabilité interindividuelle qui peut atteindre quatre à cinq
ans. Il était de 16 ans il y a deux siècles en Europe.
Âge du mariage. L’âge du premier enfant, toutes choses égales, reste
en grande partie déterminé par l’environnement socioculturel et écono-
mique. Dans les pays qui permettent un mariage très précoce (Unicef, 2011)
l’adolescente peut être mère dès qu’elle devient féconde. En France, avant
la Révolution, l’âge légal pour le mariage était de 12 ans pour les filles et
de 14 ans pour les garçons, disposition adoptée du droit romain. Toutefois,
la majorité des filles n’était pas féconde avant 16 ans. En 1803, l’âge légal a
été porté à 18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes.
Âge du premier enfant. L’âge moyen du premier enfant ne cesse pour-
tant d’augmenter, de 24 ans à la fin des années 1970 à 28 ans actuellement.
Mais il était déjà de 30 ans aux XVIIe et XVIIIe siècles où la population se
mariait tard, entre 25 et 30 ans.

Attentes sociales
L’attente sociale. Dans la plupart des cultures traditionnelles la préoc-
cupation n’est pas l’avortement ou la contraception des jeunes filles,
mais au contraire leur fertilité et leur possibilité de procréation. Selon
Chapelier (2000), dans ces sociétés, la formule «  La grossesse chez une
adolescente c’est un risque d’adolescence avorté » n’est pas culturellement
admise. Dans nos propres sociétés, une reconsidération de l’évolution des
adolescentes enceintes a été rendue possible par des études de ­clustering
qui montrent des  destinées variables et très diversifiées, certaines péjo-
ratives, d’autres favorables, tenant compte que beaucoup de grossesses
surviennent chez des jeunes filles cumulant des facteurs de risque per-
sonnels, familiaux ou socio-économiques. Certains auteurs avancent
aussi l’hypothèse qu’une sexualité précoce c’est-à-dire dès 14-15  ans
Les grossesses à l’adolescence 85

puisse être aussi une réponse développementale à des conflits et difficul-


tés de l’adolescence.
La diffusion de moyens de contraception. Dans une moindre
mesure, cette diffusion est avec la libéralisation de l’IVG à la source du
contrôle des naissances. Les moyens de contraception participent au recul
depuis les années 1970 de l’âge de la première grossesse (ou naissance), mais
ne peuvent seuls expliquer le recul de l’âge moyen du premier enfant.
L’entrée des femmes dans le monde du travail. L’engagement des
femmes dans le monde du travail et la promotion sociale que leur permet
l’obtention de diplômes contribuent aussi à retarder la venue du premier
enfant. Il vient après le mouvement de scolarisation massif des jeunes
filles qui a abouti depuis 1971 à ce que les femmes soient plus   nom-
breuses que les hommes à étudier dans l’enseignement supérieur. Les
femmes les moins diplômées sont mères pour la première fois en moyenne
à 25  ans et les plus diplômées à 30  ans. Toutefois, historiquement, un
premier enfant autour de 30 ans n’a rien de nouveau : cela était la règle il
y deux siècles (Henry et Houdaille, 1979).
L’image péjorative d’une grossesse précoce. Un gauchissement des
représentations des grossesses adolescentes est fréquent qui les associe systéma-
tiquement à la pauvreté, à la détresse psychosociale et à une moindre éducation.
Lorsque ces facteurs sont absents, il semble bien que les risques pour le dévelop-
pement de l’enfant et l’avenir de la mère soient tout à fait réduits. Quand ces
facteurs défavorables sont présents, il n’y a pas d’étude à notre connaissance
qui compare le devenir des femmes et de leurs enfants nés plus tardivement.

Sexualité à l’adolescence
L’âge médian des premières relations sexuelles est en France de 17,2  ans
pour les filles. Il se rapproche de plus en plus de l’âge du premier rapport
sexuel des garçons. Ce sont les femmes qui ont vécu les plus grands change-
ments, et ils se sont produits dans les années 1960 et dans les années 1970.
Depuis 2000, une nouvelle tendance à une plus grande précocité se dessine.

L’âge des premières relations sexuelles


Plusieurs enquêtes ont été menées en France dont une enquête d’envergure
dans le cadre d’un projet international sur la santé des enfants d’âge scolaire
(Grandjean, 2008). Les chercheurs ont interrogé par voie de questionnaires
1 264 filles entre 14,5 ans et 15,5 ans sur leur sexualité : 13,7 % ont déclaré
avoir déjà eu des rapports sexuels, presque toutes (90 %) avaient utilisé un
préservatif ou la pilule lors du dernier rapport. Environ 5 % déclarent avoir
eu leur premier rapport à 13 ans ou moins. Si près de 20 % regrettent que
cette relation n’ait pas été plus tardive, les autres ne se sont pas posé cette
question ou se sont montrés satisfaites du timing.
86 Psychopathologie de la parentalité

Les modalités
Les relations sont plus sporadiques (5 à 15 par an) que chez leurs aînées,
moins planifiées, et avec un nombre de partenaires rapidement croissant
(2,2 partenaires sexuels déclarés chez les filles de 19 ans contre 4,4 parte-
naires sur la vie entière, dans l’enquête «  Contexte de la sexualité en
France », menée en 2006 par l’INED et l’Institut national de la santé et de
la recherche médicale). Le nombre moyen de partenaires atteint son maxi-
mum à 18-19 ans pour les femmes. Dans cette enquête, 40 % des garçons
et 27 % des filles de 15-18 ans avaient eu plus d’un partenaire sur l’année
écoulée (1,4 pour les filles, 2,1 pour les garçons). Entre 15 et 18 ans, 12 %
des garçons et 5 % des filles du même âge ont eu cinq partenaires ou plus,
d’après les données du Conseil national du sida en 2004.

Facteurs de risque associés à des relations précoces


Une expérience sexuelle précoce est significativement corrélée à l­’existence
d’une famille recomposée ou monoparentale, des ivresses répétées, la
consommation de tabac, l’expérimentation du cannabis, une apprécia-
tion plutôt négative de la vie et l’apparition précoce des règles à 12  ans.
L’enquête internationale (Madkour et al.,  2010) menée auprès de 5 600
enfants en Europe et aux États-Unis retrouve des résultats à peu près simi-
laires. L’entrée précoce dans la sexualité est aussi corrélée à une moindre
utilisation du préservatif lors du premier rapport, à une moins bonne ges-
tion de la contraception orale et à plus de grossesses non désirées.
Dans une étude longitudinale, en trois vagues, aux États-Unis, Spriggs et
Halpern (2008) ont montré que des symptômes dépressifs chez les adoles-
centes étaient associés à une sexualité plus précoce. La cohorte comprenait
à son origine 5 000 enfants qui n’avaient jamais eu de relations sexuelles.
(n  =  5,061). Environ 20  % d’entre eux débuteront des relations sexuelles
avant 16 ans et 50 % entre 16 et 18 ans. L’association entre un début pré-
coce des relations sexuelles et la présence d’une symptomatologie dépres-
sive n’est plus retrouvée à l’âge adulte.

La sexualité : un facteur de socialisation


De plus en plus d’auteurs (Tolman et McClelland, 2011), depuis les années
2000, reconsidèrent la sexualité à l’adolescence, la situant comme un pro-
cessus développemental central avec ses aléas, dont sa précocité, qui ne sont
pas toujours péjoratifs à terme. Ainsi des relations sexuelles précoces, même
variées, ne sont plus considérées per se comme une manifestation transgres-
sive ou pathologique. Elles répondent, au sein du groupe social élargi, à des
normes implicites partagées. La sexualité est intégrée à la quête d’identité
qui caractérise l’adolescence. Elle n’est pas seulement un phénomène qui
laisse l’adolescent passif devant une pulsion qui le déterminerait.
Les grossesses à l’adolescence 87

McGee et al. (2000) dans une étude longitudinale effectuée en Nouvelle-


Zélande ont recherché la relation entre l’estime de soi évalué entre 9 et
13  ans et les comportements menaçant la santé à 15  ans. Ils ont montré
une association significative entre le niveau d’estime de soi et des troubles
du comportement alimentaire, des idées suicidaires et des comportements
variés menaçant la santé. Par contre, il n’a pas été mis en évidence de rela-
tions avec l’usage de toxiques ni une sexualité précoce.

La contraception
La grande majorité des jeunes adolescentes déclarent utiliser un préservatif
ou la pilule. Toutefois, lors du premier rapport, à peine 30 à 50 % des adoles-
cents auraient utilisé un moyen de contraception. 10 % environ n’utilisent
aucun moyen de contraception bien que maintenant des rapports, et peuvent
utiliser la pilule du lendemain. L’échec de la contraception de l’ordre de 20 %
chez les adolescentes serait associé à une mauvaise technique mais aussi à une
très grande fécondité. Dans l’étude de Godeau et al. (2008), la proportion de
jeunes filles non ou mal protégées contre les grossesses est significativement
plus élevée chez celles qui ont déclaré avoir eu des rapports sexuels avant l’âge
de 13 ans (17 % chez les 13 ans ou moins versus 6,5 % chez les autres).

Corrélats de la grossesse à l’adolescence


Corrélats psychosociaux
Certains facteurs sont plus souvent retrouvés dès avant la grossesse : une
mésestime de soi, une symptomatologie dépressive, ou un risque secondaire
de dépression, l’usage ou l’abus de substances toxiques, un comportement
à risques, des conditions socio-économiques plus défavorables, des parents
séparés ou une situation de monoparentalité (Mylod et al., 1997). Les condi-
tions socio-économiques défavorables qui préexistent à la grossesse tendent
à se prolonger voire à s’aggraver après la naissance : moins de réussite sco-
laire sociale ou économique, monoparentalité pour elles-mêmes, précarité,
dépendance sociale, emploi instable (Field et al., 1990  ; Leadbeater et al.,
1992, 1996). Les difficultés psychologiques tendent aussi à perdurer.
C’est surtout aux États-Unis et au Royaume-Uni où les grossesses à l’ado-
lescence sont nombreuses et affectent une population très précaire qu’un
développement très défavorable a été rencontré.

Antécédents d’abus sexuel et de négligences graves


Ils représentent le caractère le plus spécifique de ces grossesses (Boyer et
Fine,  1992) pouvant concerner selon les études entre 30 et 70  % de la
population. Les grossesses précoces, particulièrement celles qui surviennent
avant 15-16 ans, témoignent d’une activité sexuelle précoce qui peut être
en lien avec des vécus incestueux, une carence affective ou de soins, ou bien
88 Psychopathologie de la parentalité

encore des violences sexuelles extrafamiliales. La fréquence de ces antécé-


dents est un des facteurs qui s’opposent à la banalisation de ces grossesses.
Une étude menée dans l’Ohio (Noll et al., 2013) a comparé 54 jeunes
filles entre 14 et 17 ans ayant été sévèrement négligées ou abusées sexuelle-
ment parmi 435 suivies. Elles furent évaluées chaque année jusqu’à l’âge
de 19 ans. Les jeunes filles maltraitées présentaient deux fois plus de risque
(OR = 2,17) de donner naissance à un enfant avant 19 ans.

Un facteur culturel ou social ?


Dans toutes les études menées en Europe ou aux États-Unis, l’appartenance
à une minorité culturelle ou ethnique, ou bien l’immigration, est un facteur
de risque. Il est difficile de discerner la part qui revient à travers ces items
aux facteurs économiques, à la précarité, à l’environnement, au défaut de
soutien personnel et aux facteurs culturels. Une étude rétrospective menée
(Filou,  2011) à partir de 172 cas d’adolescentes ayant accouché dans un
service parisien retrouvait 80  % de jeunes filles d’origine étrangère, dont
30 % environ ne parlant pas la langue française ou en ayant seulement des
notions. Un tiers d’entre elles vivaient en couple et 10 % étaient mariées,
10 % des multipares, 15 % avaient déjà fait au moins une IVG. La grossesse
est souhaitée dans 40 % des cas renseignés.

Le désir de grossesse
Faucher (2002) soutient que la majorité des grossesses menées à terme, soit
environ un tiers, résultent du projet d’une jeune fille ou d’un jeune couple. Une
étude menée à Angers retrouvait moins de la moitié des grossesses menées à
terme affirmées comme désirées, et environ 10  % seulement planifiées
(Jerome, 2010). La grossesse peut répondre aussi à des modalités inconscientes
du désir (Marcelli, 2003), parfois multiples, parfois contradictoires : s’éprouver
par rapport à sa mère, vérifier sa propre sexualité, agresser son propre corps
ou au contraire en vérifier le bon fonctionnement, équivalent suicidaire, etc.

L’association à la dépression
Il est difficile d’affirmer que l’état dépressif suit ou précède, quand il existe,
la grossesse, du fait que la majorité des études sont transversales ou bien que
longitudinales elles n’aient pu apprécier l’état préalable à la grossesse. La
prévalence de la dépression chez les adolescentes enceintes est supérieure à
celle de la population générale. Les facteurs de risque sont un faible soutien
social, des événements de vie défavorables, un environnement stressant et
une mauvaise estime de soi. Une revue de la littérature (Reid et al., 2007) a
montré qu’un des facteurs spécifiques les plus constamment retrouvés était
l’existence de conflits au sein de la famille.
L’âge est un critère important. En fin d’adolescence, la prévalence de la dépres-
sion semble modérément augmentée par rapport à la population générale,
Les grossesses à l’adolescence 89

surtout et, peut-être, seulement pendant la grossesse, et le risque dépressif sem-


ble tenir pour beaucoup à des facteurs indépendants de l’âge. Meltzer-Brody
et al. (2013) ont conduit une recherche aux États-Unis auprès de 212 jeunes
mères entre 12 et 20 ans (moyenne d’âge 18,4). Dans cette population à risque,
plus de la moitié avait subi des violences physiques ou sexuelles sévères, la plu-
part vivaient dans des conditions économiques défavorables, 10 % seulement
étaient mariées et près de 90 % appartenaient à des groupes ethniques mino-
ritaires. Les antécédents traumatiques et le stress actuel, l’absence de soutien
social et la position par rapport à la grossesse sont les seuls facteurs restés dans
le modèle final, les facteurs de confusion une fois pris en compte. La préva-
lence de la dépression évaluée par l’EPDS au seuil de 11 était de 20 % pour la
dépression anténatale et 10 % pour la dépression postnatale.

Conséquences des grossesses adolescentes


Une certaine discordance des résultats dès lors qu’il est tenu compte des fac-
teurs de confusion, tel le contexte socio-économique et psychoaffectif, peut
être mise en évidence. En effet, la grossesse à l’adolescence ne représente
pas en soi un élément péjoratif du développement ni un très grand risque
médical. Par ailleurs, c’est par un certain artifice que l’on est parfois amené
à distinguer facteurs de risque et conséquences. En effet, surtout dans les
situations les plus à risque, l’environnement familial, socio-économique et
les éventuelles difficultés psychologiques demeurent relativement stables
entre la période pré- et postnatale. Toutefois des remaniements sont pos-
sibles, parfois dans le sens d’une aggravation, parfois au contraire vers une
amélioration par des modifications favorables des relations au sein de la
famille ou avec la mise en place d’un soutien psychosocial.

Une approche originale : la résilience


Une récente littérature a suggéré que l’impact des grossesses chez les adoles-
centes peut être positif (Borkowski et al., 2007 ; Leadbeater et Way, 2003 ;
Shapiro et Mangelsdorf, 1994 ; Easterbrooks et al., 2005). Un certain nombre
de jeunes filles même avec des conditions très défavorables s’appuient sur
cette grossesse et la responsabilité qu’elle entraîne pour construire d’elle-
même une image plus valorisée et affronter la conflictualité interne de
l’adolescence. Cette évolution favorable a aussi été conceptualisée sous le
terme de résilience (Masten, 2001). Elle s’appuie notamment sur des études
de clustering, qui semblent plus adaptées à l’hétérogénéité des parcours asso-
ciés à la survenue d’une grossesse précoce.
L’étude longitudinale d’Oxford et al. (2005) a permis de suivre des mères
adolescentes jusque douze ans après la naissance de l’enfant. Une autre
étude longitudinale (Noria et al., 2007) retrouva les mêmes profils que la
précédente dans des proportions à peu près équivalentes : 43 % des mères
qui conçoivent la maternité comme un chemin vers l’âge adulte, 15 % qui
présentent des comportements à haut risque et 43 % qui conçoivent la
90 Psychopathologie de la parentalité

maternité comme une compensation à l’image négative d’elles-mêmes.


Ce dernier groupe présente plus souvent des symptômes dépressifs.
Comme toutes les mères, les mères adolescentes peuvent être tentées d’idéa-
liser leur bébé. Celles d’entre elles, qui ont vécu une enfance marquée par les
violences ou la carence, peuvent (Letendre et Doray, 2003) avoir tendance à
rechercher chez leur enfant la possibilité de faire vivre un sujet qui ne connaî-
trait pas les souffrances qu’elles-mêmes ont dû endurer. Cette propension
réparatrice n’est pas à considérer péjorativement dès lors qu’elle ne s’accom-
pagne pas d’un déni de la réalité. Il a d’ailleurs été montré que les mères ado-
lescentes qui présentaient une capacité de résilience, en ce sens qu’elles ne
reproduisaient pas les comportements de violence subie, présentaient, plus
que celles qui répétaient ce comportement de violence, une symptomatologie
dépressive. Les auteurs (Easterbrooks et al., 2011) ont fait l’hypothèse que cette
souffrance était le prix à payer pour la mère d’échapper à la reproduction.

Le risque obstétrical
La littérature abonde d’articles confortant l’idée d’une contre-indication médi-
cale de la grossesse à l’adolescence. L’anémie, l’hypertension et l’accouchement
prématuré sont les complications maternelles les plus retrouvées. Pourtant plu-
sieurs auteurs s’accordent pour considérer que ces grossesses après 15 ans ne
seraient pas plus risquées qu’à l’âge adulte si elles étaient mieux suivies.
Leppälahti et al. (2013) en Finlande ont étudié le devenir obstétrical d’adoles-
centes ayant bénéficié d’un suivi prénatal intense. Elles étaient présentes à autant
de consultations que les contrôles, bien qu’étant moins souvent présentes aux
visites obligatoires. Les auteurs ont remarqué que les adolescentes avaient des
conditions socio-économiques moins favorables mais n’ont pas inclus ce facteur
dans l’analyse multivariée. Ils retrouvent plus souvent une anémie, une infec-
tion urinaire et l’éclampsie, pour ce dernier facteur seulement chez les jeunes
filles ayant été moins suivies en prénatal. Le risque d’accouchement prématuré
n’a été retrouvé que chez les très jeunes filles entre 13 et 15 ans.
L’étude menée en Turquie par Karabult et al. (2013) montre l’absence de
complications obstétricales chez les adolescentes, le seul désavantage signifi-
catif est celui d’un poids de naissance abaissé. Les auteurs concluent que les
différences observées avec les pays industrialisés tiennent au fait que les adoles-
centes sont soutenues et accompagnées par leurs parents, viennent régulière-
ment aux consultations et que leur grossesse n’est pas une transgression.
Une très large étude a été menée dans la province de l’Ontario qui inclut
550 000 grossesses dont 24 000 (4,35  %) surviennent chez des adoles-
centes. Il est retrouvé significativement moins de risque d’hypertension, de
diabète gestationnel et d’anomalie placentaire et les conditions de la déli-
vrance sont meilleures que celles de la population générale. Seul le risque
de ­ rupture prématurée des membranes est très modérément augmenté
(RR = 1,6). Aucun élément défavorable n’est noté pour l’enfant.
Les grossesses à l’adolescence 91

Une autre étude (Fleming et al.,  2012) a été menée à Ottawa chez 206
adolescentes qui significativement consommaient plus de tabac, de pro-
duits illicites, d’alcool. Elles étaient incluses dans un programme spécifique
qui leur aura permis de recevoir autant de soins et autant de préparation à
la naissance que le reste de la population. Il n’y avait aucune différence en
termes de prématurité, de poids de naissance et de croissance intra-utérine.
L’hétérogénéité des populations en termes de suivi de grossesse a été retrou-
vée dans une étude française (Genest et al., 2013).

Les risques pour le développement de l’enfant


Les limites des études. La majorité des études qui ont montré des risques
augmentés d’infections, d’accidents domestiques, de sévices et de troubles
psychocomportementaux ont été conduites sur des cohortes d’adolescentes
ne bénéficiant pas d’un soutien psychologique et social adapté. Il semble-
rait que ces grossesses, activement et durablement suivies, ont un pronostic
plus favorable, comparable à celles des femmes plus âgées (Alvin, 2002  ;
Valentino et al., 2012) ayant les mêmes facteurs de risque. Des issues défavo-
rables accompagnent plus souvent les grossesses précoces que les grossesses
plus tardives. Il demeure toutefois possible que l’essentiel du risque soit lié
à des facteurs associés : facteurs sociaux économiques défavorables, absence
de soutien maternel voire parents agressifs ou dévalorisants, violences ou
carences durant l’enfance, usage de substances toxiques.
Des interactions troublées. Elles surviennent surtout lorsque se conjuguent à
l’adolescence les effets des carences précoces et de l’absence de soutien social
actuel et un environnement socio-économique défavorable. Les relations
avec l’enfant peuvent être rendues difficiles par des attentes irréalistes, la
méconnaissance de son développement et des préoccupations égocentriques
liées à l’âge et à l’absence de sollicitude maternelle (Karraker et Evans, 1996).
Certaines mères entraînées par la déception d’un enfant idéalisé peuvent res-
sentir à son égard des affects de haine et présenter des comportements à la
limite de la violence (Leadbeater et Way, 2003 ; ­Stevens-Simon et al., 2001),
à la hauteur de la faible estime qu’elles se portent à elles-mêmes.
Répétition du comportement maltraitant. Il a été estimé que les enfants de
mères adolescentes ont deux fois plus de risques d’être maltraités par leur
mère ou par leur compagnon que les enfants de mères plus âgées. Ceci
se retrouve tout particulièrement chez les mères ayant été victimes elles-
mêmes de négligence grave ou de violence (Bert et al., 2009  ; Lounds
et al., 2006). Une étude conduite auprès de 45 mères adolescentes sans prise
en charge particulière a retrouvé un taux de maltraitance de 33  % après
deux ans seulement (Flanagan et al., 1995). Prenant en compte les variables
de confusion, une étude longitudinale d’enfants suivis de leur naissance
jusqu’à 18 ans a montré que l’essentiel de la production du comportement
maltraitant est associé au fait d’avoir été maltraité et non d’avoir été une
92 Psychopathologie de la parentalité

mère adolescente. Enfin une prise en charge de qualité peut éviter presque
la totalité de la répétition du comportement maltraitant (Noria et al., 2007)
Troubles psychocomportementaux. Un suivi aux États-Unis pendant trois
ans des enfants de 121 mères adolescentes (Sommer et al.,  2000) a mon-
tré chez les trois quarts d’entre eux un score inférieur à la moyenne dans
le domaine du développement du langage, de la sociabilité, de l’équilibre
affectif. De moindres performances intellectuelles ou linguistiques étaient
liées au QI maternel et à l’importance du réseau familial de soutien. Les dif-
ficultés émotionnelles ou sociales étaient au mieux prédites par les troubles
internalisés de la mère mais aussi par le soutien du partenaire et des amis.
Enfin l’adaptation était liée au style parental.

Les risques sociaux pour l’enfant


Un a priori défavorable  ? Au Royaume-Uni et aux États-Unis, l’accent est
souvent mis sur la corrélation entre dépendance économique et grossesse
adolescente. La maternité adolescente est souvent considérée comme mora-
lement critiquable, faisant suite à un comportement inapproprié, et très
connoté ethniquement aux États-Unis. Les femmes, surtout aux États-Unis,
dans les milieux défavorisés, doivent ensuite assumer seules l’éducation des
enfants, dans la mesure où elles ne peuvent compter sur le père, ce qui les
rend dépendantes de l’aide sociale.
Des résultats contrastés. À l’âge adulte, les enfants nés de mères adoles-
centes tendent à avoir un niveau académique plus faible, une dépendance
plus grande à l’aide publique et une parentalité retardée. Une étude menée
en Suède sur une cohorte de 300 000 enfants (Ekeus, 2006) a mis en évi-
dence chez les enfants nés de mères adolescentes plus de suicides (Risque
relatif = 1,9) et d
­ ’hospitalisation pour tentative de suicide (RR 2,0), d’abus
d’alcool ou d’usage de drogues illicites (RR 2,2), comparées aux enfants nés
de mères plus âgées (entre 25 et 29 ans) et tenant compte des facteurs de
confusion. Une étude longitudinale (Lipman et al., 2010) menée aux États-
Unis incluant 2 355 participants de 4 à 16 ans a montré, en tenant compte
des variables socio-économiques et du soutien social, que la santé mentale ou
physique des enfants ne montrait aucune différence entre enfants nés de
mères adolescentes et de mères plus âgées. Par contre, les enfants qui avaient
été élevés par leur mère durant leur adolescence se montraient moins satis-
faits de leur existence et avait en moyenne un revenu inférieur aux seconds.

Éléments de psychopathologie
Hétérogénéité
Il n’y a de commun entre toutes les grossesses à l’adolescence que la coexis-
tence de deux processus qui peuvent s’entraver réciproquement, surtout
en l’absence d’un soutien affectif et d’une sécurité environnementale
Les grossesses à l’adolescence 93

s­uffisante  : devenir parent et traverser son adolescence. Dans certaines


configurations, l’accès précoce à la maternité, choisie ou non, apparaît
comme un mode de résolution d’une impasse conflictuelle.

Le désir de grossesse
L’IVG. Une grossesse avortée malgré la souffrance qui peut s’y associer,
autant qu’elle s’accompagne d’un étayage suffisant peut devenir un
moment résolutif. Elle vient lever l’impasse des identifications maternelles
et accompagner l’adolescente dans son cheminement vers l’état d’adulte.
Selon Brockington, parmi les adolescentes qui choisissent d’avorter, cer-
taines entretiennent avec leurs parents des relations conflictuelles, notam-
ment avec leur père, et souffrent d’ambivalence, de culpabilité et de honte.
Les négations de grossesse ne sont pas rares, du déni partiel ou déni total,
du mensonge à la dissimulation. « Je savais que j’étais enceinte, je n’arrivais
pas à y croire… vraiment je ne m’en suis pas aperçu… je le savais mais je
l’oubliais tout le temps.  » L’ignorance, la dissimulation, la gêne, voire le
déni de ces grossesses, s’accompagnent souvent de l’absence ou du retard
du suivi de grossesse.
Dynamiques familiales. On retrouve parfois des constellations familiales
particulières où l’adolescente, à travers cette maternité exprime sa rivalité
envers sa mère avec qui elle a souvent entretenu de fréquentes relations de
dépendance. Parfois la grossesse offre la possibilité d’une régression infan-
tile, la jeune adolescente redevenant «  l’enfant  » de sa mère soit directe-
ment, soit à travers l’enfant qu’elle lui confie. Enfin il est des maternités
adolescentes qui témoignent essentiellement d’un désir d’émancipation et
de mise à distance du système familial exerçant alors proprement leur effet
thérapeutique.

Prise en charge des grossesses adolescentes


Un temps d’accueil et d’écoute
Selon l’âge, la position du psychologue ou du psychiatre peut être différente.
La grossesse chez une jeune fille de 12  ans à peine pubère qui n’ose pas
prendre position pour garder ou conserver l’enfant est un problème éthique
typique qui engage la responsabilité morale et médicale. La suspicion, qu’il
s’agisse d’un enfant né d’un rapport incestueux ou d’un viol, s’installe
parfois. Elle exige du consultant une prudence attentive et une grande déli-
catesse, où il ne faut ni ignorer une violence réelle ni envahir la relation de
préoccupations totalement inappropriées. Une évaluation précoce, qui peut
être un temps d’élaboration, permet d’apprécier la position de la jeune fille
par rapport à sa grossesse, la disponibilité de ses propres parents et du père de
l’enfant pour l’accompagner et la soutenir, sa propre disposition à elle de  les
informer et enfin sa situation famille sociale et scolaire.
94 Psychopathologie de la parentalité

La présentation des lieux et la prise de décision


Il est difficile et contradictoire pour les adultes de laisser une mineure, sur-
tout si elle est très jeune, prendre une décision dont ils estiment souvent
qu’elle n’en perçoit pas toutes les dimensions. Or, c’est à elle de décider
selon la loi française ce qu’elle fait de sa grossesse. Il importe donc de
l’informer aussi complètement et simplement que possible de la matéria-
lité des décisions. Les mots qui seront prononcés sont essentiels, car s’il
est décidé une IVG le médecin devra tenir compte des effets d’après-coup
qui pourront survenir secondairement. Rencontrer les parents est indis-
pensable, mais en préservant l’autonomie de la décision de l’adolescente.
Il n’est que de rares cas, qui en général entraînent un signalement, où une
certaine distance devra être conservée entre l’adolescente et ses parents,
voire exceptionnellement le secret. Dès lors que la décision est prise tout
particulièrement pour les jeunes de moins de 15  ans, une familiarisation
des lieux est utile pour prévenir l’inquiétude.

Un enjeu social : pouvoir étudier


Un argument souvent évoqué par les jeunes filles, après 15  ans, qui déci-
dent une interruption volontaire de grossesse, est l’impossibilité de pou-
voir continuer à étudier. L’argument n’est pas inexact puisque deux tiers de
celles qui poursuivront la grossesse abandonneront leurs études le temps
de la grossesse et seule la moitié d’entre elles reprendront leurs études ensuite
(Whitman et al., 2001). La possibilité de pouvoir reprendre des études est un fac-
teur pronostique de l’évolution (Weinman et al., 1999). La grossesse adolescente
conduit à quitter le système d’éducation (Roye et Balk, 1996). Aux États-Unis, il a
été montré que l’isolement, les faibles ressources sociales et la moindre éducation,
entraînent une vulnérabilité qui peut se traduire par plus d’isolement encore et la
survenue de troubles somatiques (Hobcraft et Kiernan, 2001), l’usage ou l’abus de
substances. Toutefois, le départ du système éducatif peut aussi être le souhait
de l’adolescente, que permet sa grossesse ; certaines d’entre elles, à condition d’un
soutien, reprendront ensuite études ou insertion professionnelle.

Le soutien psychologique et social


Il est bien rare qu’il soit nécessaire d’envisager la mise en place d’une psycho-
thérapie proprement dite, individuelle ou familiale. L’essentiel de l’accompa-
gnement, qu’il soit ambulatoire ou en institution (centre maternel en particu-
lier), consistera à ménager un espace permettant à l’adolescente, en particulier
après la naissance, de poursuivre le processus a­ dolescent tout en donnant des
soins à son enfant. Dans les cas où il existe un passé de négligences graves,
voire de violences physiques ou sexuelles, la présence  d’une personne de
confiance tout au long du processus peut être utile voire indispensable.
Les grossesses à l’adolescence 95

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4 Homoparentalité :
le devenir des enfants

Position de la question
Le nombre d’enfants élevés par un couple homosexuel reste mal connu. Les
évaluations sont faites par recoupement entre enquêtes démographiques et
sondages sur des échantillons représentatifs. Selon une enquête réalisée en
2011 (IFOP, 2011), 3,5 % des personnes interrogées se définissent comme
homosexuelles et 3 % comme bisexuelles. 46 % des homosexuels vivraient
en couple contre 70 % des hétérosexuels. En 2000, l’étude des fichiers démo-
graphiques estimait à environ 1 % la prévalence des couples homosexuels
corésidents (Festy, 2006). Le nombre d’enfants résidant avec un couple de
même sexe est estimé entre 24 000 et 40 000, la très grande majorité vivant
avec un couple de femmes, et le nombre de couples vivant avec des enfants
(Festy, 2006) à 14 000. Selon l’INSEE, en 2011 (Buisson et Lapinte, 2013)
100 000 couples étaient de même sexe et environ une personne en couple
de même sexe sur dix réside (même une partie du temps seulement) avec au
moins un enfant. On estime que plus de 80 % des couples homosexuels qui
élèvent un enfant sont féminins.

Objet des enquêtes sur l’homoparentalité


Aux États-Unis, le sentiment que l’homoparentalité pouvait menacer le
mariage est resté longtemps au premier plan, tandis que moins d’intérêt
était porté à la filiation  ; en France les préoccupations étaient inversées.
Les études portant sur les enfants élevés par des parents homosexuels
existent depuis bientôt une quarantaine d’années. Elles reflètent étroite-
ment l’extrême préoccupation qu’a entraînée cette « métamorphose de la
parenté » (Godelier, 2004) au sein des sociétés considérées.
Les premières enquêtes sont américaines et datent des années 1970. Elles
portaient sur l’existence de sévices sexuels subis par les enfants au sein
des familles ou à l’extérieur et sur l’orientation sexuelle des enfants. Cette
variable est restée presque systématiquement recherchée jusqu’au début
des années 1990. Ces premières études, n’ont pas démontré de retentis-
sement sur le choix de genre, l’orientation sexuelle et l’existence de sévices
­(Patterson, 2009 ; Vecho et Schneider, 2005).
Les défauts méthodologiques des premières enquêtes ont été progressive-
ment réduits notamment le recrutement par volontariat et affiliation de

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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100 Psychopathologie de la parentalité

familles de conditions socio-économiques plus favorables que la moyenne.


Toutefois des difficultés sont restées  : faibles effectifs et représentativité
incertaine. Il fallait en effet, trouver une population représentative des
parents homosexuels élevant un enfant et trouver une population avec
laquelle la comparer pour contrôler les variables socio-économiques et tenir
compte des parcours de vie.
Les nouvelles interrogations ont porté sur l’adaptation psychologique des
enfants tandis que celles portant sur d’éventuelles « déviations sexuelles »
étaient abandonnées. La convergence des travaux de recherche portant sur
le genre et sur le développement s’est établie. Des études longitudinales ont
été mises en place et de nouvelles questions ont été posées. Une des pre-
mières occupations a consisté à reprendre les modèles habituels d’études du
développement en population générale pour les couples homoparentaux.
Une seconde préoccupation a été de rechercher les mécanismes d’adapta-
tion des parents et des enfants par rapport à cette spécificité.

Principaux résultats
La plupart des études ont porté sur les couples homosexuels féminins qui
sont largement majoritaires parmi ceux qui élèvent des enfants. Peu de
choses sont connues sur les enfants élevés par des couples homosexuels
masculins.
Les troubles du comportement. Les résultats sont très concordants  : les
enfants de mères lesbiennes ne montrent pas plus de troubles du déve-
loppement, de difficultés relationnelles, ni se comportent différemment
des garçons et des filles élevés par des parents hétérosexuels (Bos,  2004  ;
MacCallum, Golombok, 2004). Dans l’étude de Gartrell et al. (2011), après
dix-sept ans de suivi, les adolescents avaient des performances scolaires et
sociales ainsi que des compétences sociales de haut niveau et moins de pro-
blèmes comportementaux que la moyenne de la population en utilisant le
« Achenbach Child Behavior Checklist ».
L’orientation sexuelle. Une des premières études marquantes, bien que
limitée méthodologiquement, a été conduite par Green (1978) qui a mené
des entretiens structurés et effectué des tests standardisés auprès de 37
enfants, entre 3 et 20 ans. 21 enfants avaient été élevés par des mères les-
biennes, 9 par des transsexuelles femmes devenues hommes et 7 par des
transsexuels hommes devenus femmes. La question du genre était au pre-
mier plan et répondait à une inquiétude très vive de la société en relation
avec la modification d’un des piliers identitaires centraux de la famille et
du self. Elle n’a pas montré chez les enfants de fantasmes autres qu’hété-
rosexuels quand ils étaient évalués indirectement chez les préadolescents
(après 11 ans) et au-delà. Les études menées une ou deux décennies plus
tard ont surtout concerné des femmes devenues mères dans le cadre d’une
Homoparentalité : le devenir des enfants 101

union ­hétérosexuelle avant de vivre des relations lesbiennes. L’équipe de


Golombok au Royaume-Uni (1983) a comparé et suivi de la prime enfance
jusqu’à l’âge adulte 38 enfants issus de foyers féminins hétérosexuels
monoparentaux à 37 enfants issus de foyers féminins homosexuels mono-
parentaux. Dans cette cohorte, l’orientation sexuelle des enfants ne paraît
pas affectée par celle de leurs parents : elle ne diffère pas significativement
de celle d’enfants de parents hétérosexuels (Golombok et Spencer, 1983 ;
Golombok Tasker, 1996). L’étude de Gartrell et Bos (2010), conduite aux
Etats-Unis, a porté sur le développement d’une cohorte d’enfants nés de
mères lesbiennes qui devinrent parents à travers un processus d’insémi-
nation. 154 mères ont participé à cette étude dont 70 mères biologiques,
70 mères sociales et 14 mères seules. Aux États-Unis, si aucune différence
n’a été retrouvée sur l’orientation sexuelle des enfants de sexe masculin,
plusieurs études semblent montrer une plus fréquente bisexualité, peut-être
exploratoire et transitoire, chez les jeunes filles ou adolescentes (Gartrell
et al., 2011 ; Schumm, 2010).

La stigmatisation
Aucune étude n’a établi de risque significativement supérieur de harcè-
lement au sens fort du terme (bullying). Par contre la moitié environ des
études ont montré que les enfants, peut-être plus les garçons issus d’un
couple homosexuel féminin, pouvaient être souvent raillés ou taquinés par
leurs pairs (Golombok et Spencer, 1983 ; Bos et Gartrell, 2010 ; Van ­Gelderen
et al., 2012). Une étude longitudinale menée aux États-Unis auprès d’enfants
de mères lesbiennes, depuis la naissance jusqu’à leur majorité, confirme
ces résultats et explore d’autres thèmes comme les effets de la stigmatisa-
tion et les stratégies pour les circonvenir (Bos et Gartrell,  2010  ; Gartrell
et al., 2011). Les enfants sont souvent activement soutenus par leurs parents
en ces situations. La Société Américaine de Pédiatrie recommande que des
droits égaux à ceux des parents hétérosexuels soient donnés aux
parents homosexuels pour réduire les discriminations sociales qui peuvent
peser sur les enfants et leurs conséquences sur leur développement (Perrin
et Siegel, 2013).

Ajustement/adaptation
Les enfants élevés dans des formes familiales non traditionnelles et en parti-
culier par des parents du même sexe ne présentent pas de risque psychosocial
plus important que les enfants élevés dans des formes familiales traditionnelles
(Golombok et Tasker, 2010 ; Patterson et al., 2006 ; Tasker, 2005). Au-delà de
l’orientation sexuelle, une récente méta-analyse de Stacey et Biblarz (2001)
montre que le genre des parents est peu significatif pour l’ajustement psycho-
logique des enfants et leur réussite sociale.
102 Psychopathologie de la parentalité

Couples homosexuels masculins


Beaucoup moins d’études ont été réalisées. La plupart des premières études
portaient sur les enfants de pères gays, nés dans un contexte hétérosexuel,
avec un vécu difficile lié à la séparation des parents, ou bien des enfants
adoptés avec un vécu éventuellement traumatique lié à l’abandon et qui
trouvaient plus de difficultés au sein de ces familles, comparés aux enfants
de couples hétérosexuels stables. Les quelques études avec une méthodolo-
gie suffisante effectuées dans la population homoparentale masculine ne
font pas la démonstration de plus de troubles chez les enfants (Gates, 2009 ;
Gates et al., 2007). Une recherche récente a montré que les jeunes enfants
adoptés par des pères gays ne diffèrent pas en ce qui concerne l’ajustement
psychologique de ceux adoptés par des parents hétérosexuels (Farr
et al., 2010).

Désir d’enfant
Des auteurs comme Gratton (2008) ont pris comme centre d’intérêt les
conditions d’émergence du désir d’enfant chez les homosexuel(le)s (Gratton, 
2008  ; Herbrand,  2009). Ces travaux indiquent que chez les mères les-
biennes, le désir d’enfant émerge du couple, tandis que chez les pères gays,
les enfants ont été souvent l’objet d’un désir conçu par un seul des mem-
bres du couple, l’autre souhaitant seulement (du moins de prime abord)
accompagner le parent. Toutefois l’évolution sociétale aidant, il semble que
l’homoparentalité masculine évolue plus souvent vers un projet parental
conjugal.

Renouveau des études


Le développement des enfants
et la parentalité homoparentale
L’approche débutée par Lamb consiste à mener strictement le même type
d’études, avec les mêmes variables auprès des familles homosexuelles et
hétérosexuelles ainsi qu’avec les parents isolés pour rechercher quelles sont
les variables pertinentes dans le développement de l’enfant. Elle m ­ ontre
que l’adaptation des enfants est dominée quel que soit le type de famille par
les mêmes facteurs que sont la qualité des relations avec les parents, la qua-
lité des relations entre les parents et les ressources sociales et économiques
disponibles pour les familles. Il n’a pas été démontré de différences signifi-
catives entre les enfants de parents de même sexe et les enfants élevés par
un couple hétérosexuel pour les variables cognitives, affectives et compor-
tementales pour des cohortes portant sur 30 à 150 enfants environ (Farr.
et al., 2010 ; Golombok et Badger, 2010 ; Golombok et al., 2003 ; Vanfraussen
Homoparentalité : le devenir des enfants 103

et al., 2002  ; Wainright et Patterson,  2006,  2008  ; Wainright et al.,  2004).


L’élément le plus essentiel est constitué par l’équilibre émotionnel du parent
ou des parents et par le soutien qu’il(s) apporte(nt) à ses (leurs) enfants.
Une seule étude française est connue à ce jour (Nadaud, 2002) évaluant 58
enfants, âgés de 4 à 16 ans, par questionnaires et entretiens semi-structurés.
Elle ne met pas en avant de troubles majeurs chez les enfants de famille
homoparentale, mais souffre des défauts habituels de ce type d’étude avec
notamment l’absence de groupe de comparaison.

L’étude des représentations des liens de parenté


Dans un contexte où les représentations de la famille sont encore dominées
par le stéréotype de la famille nucléaire tout en laissant entrevoir des réali-
tés sociales diverses, il a été recherché les modes de constitution des familles
homoparentales et leur évolution.
Les représentations, au sein de ces familles, du caractère bisexué de la
parentalité et de l’exclusivité de la filiation (Gross, 2009b ; Tarnovski, 2011)
ont été particulièrement étudiées. L’intérêt est placé sur la manière dont
les processus ordinaires de la parentalité sont mis en place dans les
familles homoparentales et comment celles-ci peuvent s’approprier le
modèle  commun. Il a été montré que les enfants construisent avec leurs
parents un sentiment d’appartenance à une famille, alors que celle-ci est
basée sur des modèles encore transgressifs dans une partie de la population
mais devenant au sein de réseaux sociaux élargis progressivement acceptés
et légitimés.

Psychopathologie
Une dernière série de travaux a été plus spécifiquement développée en
France et en Belgique au cours des années 2000. Elle porte sur les processus
inconscients mobilisés par le devenir parent pour les couples de même sexe.
Trois dimensions ont été retenues :

La bisexualité psychique
Sur le pôle de l’identité de genre, les travaux montrent comment, pour chacun des
membres du couple, les identifications masculines et féminines sont réactuali-
sées par le devenir parent. Ils sous-tendent leurs références à la fonction mater-
nelle et à la fonction paternelle (Ducousso-Lacaze, 2004 ; Ducousso-Lacaze et
Grihom, 2009, 2010 ; Grihom et Ducousso-Lacaze, 2009 ; Feld-Elzon, 2010)
ainsi que la répartition des rôles auprès des enfants.
Du côté de l’orientation sexuelle se trouve illustrée une idée psychanalytique
centrale : chez chaque être humain, subsistent des traces de la bisexualité
originelle, sous la forme d’identifications partielles aux parents du même
104 Psychopathologie de la parentalité

sexe, et de l’existence de fantasmes inconscients ou non, homos et hété-


rosexuels. Ces fantasmes, n’impliquent pas une activité bisexuelle réelle
ni même le souhait d’une activité homosexuelle. Ils signalent seulement
des éléments de la vie inconsciente dont l’existence de figures de déplace-
ment et de figures d’identification dans les deux sexes. Ces figures sont à
l’œuvre dans les processus qui permettent d’être parents chez des personnes
homosexuelles ou d’ailleurs hétérosexuelles. Le père peut s’identifier à des
­éléments maternels, qu’il soit homo ou hétérosexuel, comme la mère à
des  éléments paternels, qu’elle soit homo ou hétérosexuelle.

Les processus inter et transgénérationnelles


La notion de permutation symbolique des places a permis de rendre compte
des voies subjectives par lesquelles le couple accède au sentiment d’être parent
tout en se représentant la place de ses propres parents en tant que grands-
parents (Gratton,  2008) indiquant que l’homoparentalité emprunte à des
formes classiques de parentalité (Ducousso-Lacaze, 2004 ; Ducousso-Lacaze et
Gachedoit, 2006).

La représentation du tiers
Du fait de son infertilité le couple homosexuel est contraint de recourir à un
tiers pour avoir un enfant. L’approche psychanalytique montre que les couples
homosexuels construisent des figures du tiers. Celui-ci est présent dans la vie
subjective des couples lesbiens en dépit de son absence dans la réalité (Naziri,
2010) ; de même dans l’expression du désir d’enfant des pères ou futurs pères
gays. Ces figures témoignent de la manière dont ces couples intègrent à leur
expérience de la parentalité la référence à leurs propres limites (infertilité en
tant que couple), à la contrainte biologique, à l’autre sexe (le tiers a forcément
un sexe différent de celui du couple) et c’est à partir de la référence à ce tiers
qu’ils élaborent et transmettent un récit sur l’origine de l’enfant.

Des questions non résolues sur la filiation


La parentalité homosexuelle peut faire suite à la parentalité hétérosexuelle
notamment après une séparation. Toutefois, elle est aussi liée à des modes
de procréation originaux ou nouveaux tels que la gestation pour autrui
avec don de gamètes ou d’embryon, le don de gamètes d’un tiers connu ou
inconnu, l’adoption. Ces modalités d’être parent et d’être enfant soulèvent
des questions nouvelles qui concernent aussi les couples hétérosexuels.
Une des revendications les plus importantes, bien qu’inconstantes, des
enfants adoptés ou issus d’un don de gamètes, surtout lorsqu’ils deviennent
adultes, et parfois dès l’adolescence, est d’avoir accès à la connaissance,
si ce n’est à la rencontre, de l’individu qui aura transmis des gènes et
Homoparentalité : le devenir des enfants 105

­ eut-être un fragment d’histoire. Cette revendication est parfois aussi celle


p
de l’enfant issu d’un adultère et sera peut-être dans l’avenir celle d’enfants
issus de la gestation pour autrui. Il ne s’agit pas ici de pathologie, mais de
la création d’un modèle culturel important pour la représentation de soi.
Cette question reste ouverte comme le sont d’autres : « Que transmettent
les parents de leurs enjeux inconscients concernant l’inscription dans une
généalogie, la représentation de l’origine, le lien à l’autre sexe ? Comment
les enfants s’approprient-ils et transforment-ils ce que leurs parents leur
transmettent ? » Ces questions ne sont pas spécifiques à l’homoparenta-
lité, mais celle-ci conduit l’ensemble de la société à s’interroger. L’adop-
tion plénière est-elle compatible avec ces exigences ? Ne vaut-il pas mieux
permettre un accès aux origines biologiques  ? Celui-ci permettra-t-il aux
parents de s’investir suffisamment ? Aux États-Unis, à côté de l’adoption
confidentielle (proche de l’adoption plénière) où les origines biologiques
de l’enfant adopté sont conservées secrètes afin de prévenir la rencontre
entre l’enfant et l’un ou l’autre de ses parents biologiques, le mode le plus
fréquent est l’adoption ouverte (proche de l’adoption simple) qui permet
à l’enfant et aux parents de connaître un certain nombre d’informations
sur le(s) parent(s) biologique(s) et éventuellement de le(s) rencontrer. La
fiction de l’adoption plénière et la méconnaissance de ses origines quand le
transfert de gamètes est organisé par la médecine répondent-elles à l’intérêt
de l’enfant ? Une étude a montré que le développement des enfants qu’ils
connaissent ou non les donneurs n’est pas altéré : la question ne permet
pas de réponses simples (Bos et Gartrell, 2011).

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5 Adoption
et développement
L’adoption contemporaine dans les pays industrialisés a pour princi-
pal objet d’être un substitut à la procréation (Bonte et al.,  2011). Avec
l’adoption plénière ou ses équivalents, toute filiation est rompue avec les
parents d’origine créant une parentalité substitutive et une rupture dont
la radicalité est aujourd’hui discutée.

Faits et histoire
L’adoption au fil du temps
Dans l’Antiquité romaine, elle concernait essentiellement les adultes jeunes.
Elle nécessitait leur consentement et celui de leur géniteur. Une forme
particulière en était l’adoption « prénatale ». Elle consistait en la « remise »
d’une épouse féconde, après séparation légale, à un homme qui devien-
drait le père légal de l’enfant à naître. L’adoption n’a été instituée dans le
droit francais qu’en 1804 avec le code Napoléon. Au xxie siècle, le nombre
d’enfants au sein des familles s’est considérablement réduit, mais moins
de couples sont sans enfant et être parent est devenu un élément essentiel
du statut social et de l’assomption identitaire. Simultanément, les droits
de l’enfant illégitime ont été rétablis et l’adoption est devenue largement
accessible.

Une substitution à la procréation


Dans les sociétés traditionnelles, les échanges d’enfants, les dons et les
placements provisoires se pratiquent entre parents de naissance vivants
et parents adoptifs féconds. Dans l’ensemble des pays industrialisés son
objet principal est de pallier à l’infertilité d’un couple. Comme le mariage
arrangé a fait place au mariage d’amour, ce n’est plus en premier l’héritier
qui est recherché mais un enfant à choyer. Le parent conserve la fonction
d’élever, éduquer et nourrir, mais déployer son amour envers son enfant
est aussi un élément clé de son projet parental. Toutefois aujourd’hui
avec le développement de l’adoption internationale, l’origine vient par
l’apparence physique mettre en tension cette création fictionnelle et
nécessite des stratégies d’adaptation. Elle réduit la propension au secret
qui était encore importante dans les adoptions plénières nationales il y a
quelques décennies.

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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110 Psychopathologie de la parentalité

Les adoptants
Ce sont essentiellement des couples. Pour 70 % d’entre eux, l’adoption est
l’unique possibilité de devenir parents  : ils n’ont pas d’enfant biologique
commun et ils ont dû renoncer à l’AMP. 7 % de couples ont des difficultés
de conception et préfèrent recourir directement à l’adoption ; 12 % encore
recourent directement à l’adoption sans aucun obstacle physiologique et
12 % sont devenus stériles après avoir eu un enfant. Il existe une sélection
sociale spontanée des couples adoptants : 25 % sont des cadres alors qu’ils
ne sont que 16 % de la population générale et par contre seulement 19 %
sont ouvriers contre 35 % pour la population générale.

Les adoptés
En moyenne, les enfants adoptés ont environ 3 ans (2,9 ans) lors de leur
arrivée dans la famille adoptive, 2 ans (1,9 an) pour les enfants originaires
de France. Il y a à peu près autant de garçons que de filles, mais selon l’ori-
gine nationale il peut y avoir un sex-ratio très différent. Par exemple, les
enfants chinois sont essentiellement des filles et parmi les enfants russes on
trouve plus de garçons.

L’adoption contemporaine
Statistiques (www.adoption.gouv.fr/Chiffres-cles.html). L’adoption concerne
environ 10 000 enfants par an avec en 2007 : 33 % d’adoptions plénières
et 67  % d’adoptions simples. Le nombre d’enfants adoptés nés à l’étran-
ger diminue régulièrement. En 2007, l’adoption plénière concernait 5 300
enfants et provenait à 80 % de l’adoption internationale. L’adoption simple
concernait 9 400 enfants et était pour 95 % une adoption intrafamiliale.
Adoptions simples et plénières. Avec l’adoption simple, l’enfant garde des
liens avec sa famille d’origine et avec l’adoption plénière, il rompt tout lien
avec celle-ci. Cette fiction juridique demeure sujette à controverse, car la
Convention internationale des droits de l’enfant stipule que l’enfant a droit
à la connaissance de ses origines.
Adoptions nationales. Dans les pays occidentaux, le nombre d’enfants
adoptables d’origine nationale a largement chuté du fait de plusieurs
facteurs conjoints  : le soutien social et financier apporté aux mères
seules  ; la maîtrise de la conception apportée par les moyens anticon-
ceptionnels ; la libéralisation de l’avortement durant le dernier quart du
siècle ; les modifications de l’autorité parentale et le développement de
la cohabitation non maritale.
Adoption internationale. Le nombre d’enfants étrangers adoptés par des
familles françaises baisse depuis plusieurs années. Alors que 2 000 enfants
ont été adoptés en 2011, en France, seulement 1 569 l’ont été en 2012,
selon les statistiques du ministère des Affaires étrangères.
Adoption et développement 111

Éléments de psychopathologie
Dépression maternelle post-adoption
Elle a été retrouvée à un taux proche de celui connu après une naissance
(Mott et al., 2011 ; Senecky et al., 2009), mais les méthodologies employées
n’utilisent pas de groupe contrôle, le recrutement de mères adoptantes
est mal précisé et le taux de refus inconnu. Toutefois, il est montré que
le corrélat principal de la dépression est le stress sous forme d’événement
stressant ou de difficultés d’adaptation aux exigences de la parentalité et
non les antécédents psychiatriques. Une étude a néanmoins montré que les
scores de dépression avant l’adoption étaient significativement plus élevés
qu’après l’adoption.

L’attachement de l’enfant : plus souvent insecure


Une méta-analyse montre que les enfants adoptés présentent significa-
tivement moins fréquemment un attachement sécure (Van den Dries et
al., 2009). La possibilité pour les enfants adoptés de développer un atta-
chement secure dépend de leurs antécédents, de l’âge d’adoption et de la
façon dont leurs parents adoptifs les prendront en charge (Homes et al.,
2008). L’attachement au parent adoptant peut différer de celui déve-
loppé avant l’adoption (Howes et Spieker,  2008), mais il se construira
à partir des modèles d’interactions antérieurs (Dozier et Rutter,  2008).
En cas d’attachement insécure ou désorganisé certains auteurs prônent
le soutien et la formation des parents. Dozier et al. (2005) soutiennent
qu’il s’agit alors d’être non simplement un parent de substitution, mais
également de devenir un parent thérapeutique. C’est pourquoi les inter-
ventions chez des enfants troublés sont pertinentes (Dozier  et al., 2005).
Dans ce contexte, la parentalité adoptive nécessite des connaissances et
compétences complémentaires, au-delà de la sensibilité et de l’engage-
ment parental (Dozier et al., 2005).

Psychopathologie
Il n’existe pas de psychopathologie spécifique de l’adoption. Toutefois
comme le souligne Winnicott (1957) « lorsqu’une mère adopte, elle ne se
charge pas (seulement) d’un enfant, mais (aussi) d’un problème ». Ainsi, un
certain nombre de familles vont être, soit dépassées par les problèmes que
pose l’enfant et le remettre à nouveau à l’adoption (le chiffre est mal connu,
il serait de l’ordre de 0,3 %), soit plus souvent en lutte permanente pour faire
face à des problèmes comportementaux ou psychiatriques. Enfin, parfois
les parents eux-mêmes n’offrent pas à leurs enfants un environnement
suffisamment sécurisant pour des motifs extrêmement variés  : sentiment
112 Psychopathologie de la parentalité

de culpabilité ou bien au contraire sentiment que l’enfant lui-même est en


dette, fantasmes ou désirs d’emprise, incapacité à gérer les différences cultu-
relles ou physiques, etc. Dans ce contexte, l’association aux vulnérabilités
préalables de l’enfant peut conduire à des impasses familiales éducatives ou
à des troubles psychiques.
Un élément original dans la psychopathologie de l’enfant adopté tient à
la construction du sentiment d’identité. Il s’associe à la perception que peut
avoir l’enfant d’être ou de ne pas avoir été désiré, tant par ses parents adop-
tifs que biologiques. Il n’est pas toujours clairement exprimé ni ressenti.
Chez les enfants les plus troublés, il est souvent le «  fait choisi  » autour
duquel s’articulent discours et représentations. À l’adolescence, particuliè-
rement les enfants les plus troublés, marquent un intérêt important pour
leurs parents biologiques qui peut les conduire à la tentation de sinon
répudier, du moins, dévaloriser leurs parents adoptifs. Ce mouvement, sans
grande originalité à l’adolescence, est complexifié par la duplicité des images
parentales. Ceux précocement abandonnés peuvent trouver une réparation
symbolique à travers des fantaisies de réunification avec des parents imagi-
naires. Des fantasmes agressifs sont alors dirigés contre les adoptants à qui
ils demeurent, malgré tout, extrêmement attachés. Les enfants adoptés plus
tardivement manifestent moins d’agressivité vis-à-vis des parents adoptants
mais tendent à s’en détacher.
Le fait d’être adopté donne aux fantasmes de filiation un poids particu-
lier. L’adoption ne peut per se être interprétée, lorsque des troubles existent,
comme leur cause principale. Les troubles participent de facteurs multiples,
dont la qualité des soins et des interrelations précoces de l’adopté et le fonc-
tionnement familial des adoptants.

Développement psychologique
et social des enfants adoptés
Un développement globalement satisfaisant
L’immense majorité des enfants adoptés se développent sans plus de
troubles que les enfants issus d’une filiation naturelle. Toutefois globale-
ment, les risques de présenter des troubles sont légèrement plus élevés.
Nous présentons ici les facteurs de risque de ces troubles à la lumière des
connaissances actuelles.
Bien que la majorité des enfants adoptés connaissent un développement
typique (Palacios et Brodzinsky, 2010), certains antécédents, en particulier
des traumas précoces et des carences sévères, sont à l’origine de troubles
du comportement persistants comme l’agression, les conduites opposi-
tionnelles, mais également des troubles internalisés comme l’anxiété et
Adoption et développement 113

la dépression. Les troubles de l’attention et l’hyperactivité sont aussi plus


fréquents (Juffer et al.,  2011). Plus récemment, il a été mis en évidence
des difficultés d’adaptation à l’adolescence chez des enfants chez lesquels
aucun facteur de risque significatif n’était connu (Hawk et McCall, 2010).
Les troubles de l’estime de soi ne sont pas plus fréquents (Juffer et Van
Ijzendoorn, 2007).

Une vigilance particulière des adoptants


Les enfants adoptés constituent entre 5 et 15 % du nombre total de consul-
tants dans les centres de soins psychiatriques établissant une incontestable
surreprésentation (Kotsopoulos et al.,  1988  ; Warren,  1992). La vigilance
particulière des familles adoptantes et leur connaissance des filières de soins
sont partiellement à l’origine de cette surreprésentation. Le recours à l’avis
psychiatrique est précoce, dès le début des troubles. Une méta-analyse (Juffer
et Van Ijzendoorn,  2005), rassemblant 25 280 cas et 80 260 contrôles, a
montré que les enfants adoptés étaient nettement surreprésentés dans les
services de santé mentale (5 092 cas) avec une taille d’effet élevé. Les fac-
teurs principaux en seraient l’hyperprotection parentale, la sensibilisation
et le haut niveau d’information. Ils présentaient toutefois plus de problèmes
comportementaux mais avec une taille d’effet faible.

Le développement psychoaffectif
Méthodologie
Les enquêtes épidémiologiques et cliniques sur ce sujet sont complexes et
souffrent de faiblesses méthodologiques liées à la méconnaissance fréquente
des conditions de vie, de l’état psychique et somatique précédant l’adoption,
des problèmes d’échantillonnage, aux difficultés d’appariement et de recru-
tement, enfin à l’utilisation de méthodes d’évaluation non standardisées.

Troubles internalisés et externalisés


Une méta-analyse (Van Ijzendoorn et al.,  2007) provenant d’un projet
international (adoption meta-analysis project) montre que globalement les
enfants adoptés ont plus de troubles, internalisés et externalisés, que
les non adoptés. Elle montre plus précisément que les enfants de l’adop-
tion internationale ont moins de troubles que les enfants de l’adoption
nationale et que les enfants adoptés ayant vécu des expériences trauma-
tiques ou des négligences extrêmes ont plus de troubles que les autres.
Des méta-analyses plus restrictives (Hawk et McCall,  2010) ont utilisé
le CBCL (child behavior check list) pour comparer les enfants élevés en
114 Psychopathologie de la parentalité

i­nstitution à des enfants non adoptés ou bien à des enfants adoptés


ayant été élevés en famille. Elles convergent vers des résultats connus,
à savoir que les enfants recueillis en institution, d’autant qu’ils ont été
tardivement adoptés, montrent le plus de troubles.
Troubles du comportement
Plusieurs études font état d’une fréquence plus élevée de troubles du compor-
tement ou de l’adaptation (Warren, 1992 ; Lipman et al., 1993). Toutes ces
études ont été effectuées sur des échantillons importants, 3 698 enfants en
population générale et 145 adoptés dans l’étude de Warren (1992), 3 294
enfants dont 104 adoptés dans l’étude de Lipman et al. (1993). Bohman et
Sigvardsson (1980, 1982), en particulier, montrent que les garçons adoptés
avaient, entre 10 et 11  ans, plus de troubles du comportement que leurs
homologues des mêmes classes scolaires. Ces différences s’atténuaient net-
tement à l’adolescence, puis à l’âge adulte. Aucune différence significative
n’est constatée pour les filles.
Pour Lipman et al. (1993), l’évolution est légèrement plus péjorative : de
mauvais résultats scolaires à l’âge de 10 et 11 ans chez des enfants adoptés
seraient corrélés à une fréquence supérieure de troubles psychiques chez
les adolescents. Lipman et al. (1993) montrent une différence significative
entre 8 et 20 ans sur la fréquence des troubles psychiatriques chez les gar-
çons uniquement. Ils ne trouvent pas de différence quant aux performances
scolaires. Comme d’autres chercheurs, ils avancent l’hypothèse que les
familles adoptantes offrent des facteurs de stimulation et d’environnement
favorables qui compensent d’éventuelles carences précoces expliquant, lors
de l’adolescence et surtout à l’âge adulte, la « mise à niveau » progressive
avec la population générale.
Lors de l’adolescence, les troubles du comportement, plus fréquents chez
les enfants élevés longtemps en institution ou victimes de négligence ou de
violences, tendent à s’aggraver. Les comportements délinquants deviennent
plus nombreux. Des troubles émotionnels, une diminution de la compétence
sociale et/ou une inhibition sociale apparaissent plus régulièrement que dans la
population générale. La protection assurée par le cadre scolaire et la famille, qui
offre une fonction « contenante » et assure des repères et une « supervision »,
devient moins efficace (Larson et Richards,  1991). Les différences ethniques
entre familles adoptantes et adoptées ne semblent pas jouer de rôle significatif.

Troubles de l’attention
Lindblad et al. (2010) a comparé, en utilisant les registres statistiques natio-
naux, les prescriptions de produits spécifiques pour les troubles déficitaires de
l’attention dans la population générale d’enfants (1 326 000) et d’enfants inter-
nationalement adoptés (16 000). Il a retrouvé significativement plus de pres-
criptions chez les enfants adoptés, d’autant qu’ils étaient adoptés tardivement
ou que les conditions initiales de prise en charge semblaient peu favorables.
Adoption et développement 115

Compétences relationnelles
Les effets sur les bénéfices de l’adoption commencent à être étudiés de façon
systématique. Il a été montré que les enfants adoptés pouvaient présenter
des compétences supérieures à leurs pairs non adoptés (Tan et Camras, 2011)
et de bonnes compétences sociales (Smyke et al.,  2009). Toutefois, même
chez ces enfants doués, un traitement différent de l’information sociale et
émotionnelle (Wismer Fries et Pollak, 2004) ou une conduite socialement
désinhibée peut se retrouver, plus particulièrement chez les enfants élevés
en institution (Bruce et al., 2009b). Ce dernier comportement est susceptible
de favoriser le harcèlement (bullying) scolaire (Raaska, 2012).

Facteurs de risque

L’âge à l’adoption
Bohman et Sigvardsson (1980) étudièrent le devenir de 624 enfants
« candidats à l’adoption », immédiatement ou peu de temps après la nais-
sance. Leur développement à long terme est comparé, selon qu’ils furent
immédiatement adoptés, réinsérés dans leur famille biologique ou qu’ils
intégrèrent une famille d’accueil. Si, avant l’adolescence, les troubles furent
maximaux dans la dernière catégorie et minimaux dans la première, ces
différences vont significativement diminuer pour devenir imperceptibles
à l’âge adulte sur les critères d’adaptation sociale relevés dans des registres
administratifs et judiciaires. Seuls les enfants intégrés en famille d’accueil,
même lorsque cette intégration était longuement préparée, même effec-
tuée par des familles compétentes, ont continué de présenter à l’âge adulte
plus de conduites alcooliques ou antisociales. Cette étude n’a été menée
que chez les garçons.
Bien que plusieurs études et méta-analyses mettent en évidence le risque
d’une adoption tardive, le seuil reste difficile à définir à partir duquel les
différences seraient significatives En effet, les études ne prennent pas le
même seuil, et il est donc difficile de les comparer entre elles. Selon Duyme
et Dumaret (1987), les adoptions après 18 mois semblent obérer le pro-
nostic à long terme, résultats confirmés par des études internationales.
Néanmoins, l’âge seul ne peut entrer en ligne de compte  : en effet, ces
enfants ont souvent subi des discontinuités éducatives et affectives qui,
à elles seules, interfèrent avec le développement. Hodges et Tizard (1989)
insistent sur le fait que les enfants ayant un passé institutionnel peuvent
néanmoins bénéficier d’une adoption tardive, l’évolution semblant plus
favorable que celle des enfants restant en institution. La conclusion la
plus générale concernant les enfants élevés en institution est qu’à partir
de 6 mois les risques de voir des troubles survenir augmentent significa-
tivement comme l’ont montré les études effectuées dans les orphelinats
roumains (Zeanah et al., 2011).
116 Psychopathologie de la parentalité

L’adoption internationale
Il est aujourd’hui difficile de définir l’adoption internationale comme un
facteur de risque  : elle représente l’essentiel des enfants adoptés actuelle-
ment. Le risque est lié surtout aux conditions initiales du développement,
non tant les relations avec les géniteurs que la présence dans des institu-
tions où la qualité humaine des soins fait défaut et confine à l’hospitalisme.
Une fraction non négligeable des enfants adoptés ont supporté, avant
l’adoption, des négligences graves ou des abus sexuels, ou ont vécu en ins-
titution dans des conditions parfois extrêmement péjoratives (Verhulst et
Versluis den Bieman, 1995).
Lorsque l’adoption a pu être précoce ou lorsque l’enfant a été élevé dans
des conditions initiales relativement satisfaisantes, il ne semble pas exister
plus de facteurs de risque au sein de cette population. Une étude menée
aux Pays-Bas (Juffer et Rosenboom,  1997), à propos de 80 enfants issus
de l’adoption internationale, met en évidence 74 % d’attachement secure
selon le protocole d’Ainsworth à 12 et 18 mois lorsque les enfants ont été
adoptés tôt (avant 6 mois). Contrairement à d’autres études aux résultats
plus péjoratifs, menées essentiellement aux États-Unis, portant sur la rela-
tion d’attachement chez les enfants issus de l’adoption internationale, ce
taux est comparable à celui généralement retenu pour les nationaux. Les
auteurs suggèrent, pour l’expliquer, l’impact essentiel de l’âge au moment
de l’adoption. L’adoption internationale soulève de nouveaux problèmes
qu’il reste à plus clairement quantifier et définir.

Les conséquences biologiques de la déprivation


Elles commencent à être mieux connues. Leur recherche est effectuée à
partir d’un examen somatique simple, particulièrement en pédiatrie. Sur un
plan plus expérimental, des dosages biologiques, les méthodes électroencé-
phalographiques ou l’imagerie cérébrale fonctionnelle sont utilisés.

Retard de croissance
L’hypothèse la plus consensuelle actuellement, cohérente avec les données
expérimentales, est que la carence précoce, peut modifier le fonctionnement
cérébral et particulièrement celui de l’axe hypothalamo-hypophysaire qui
intervient dans de nombreux systèmes de régulation, notamment dans la
sécrétion de l’hormone de croissance (GRH) (Romero et al., 2009). Il a été
montré (Van Ijzendoorn et al.,  2007) une réduction de la croissance, un
amaigrissement et une diminution du périmètre crânien à partir d’une revue
de 33 études portant sur les enfants issus de l’adoption internationale. Il
est estimé que deux à trois mois de soins institutionnels défaillants engen-
drent environ un mois de retard sur la croissance (Miller et Hendrie, 2000). Il
Adoption et développement 117

existe une certaine réversibilité. Par exemple, les enfants qui ont été adoptés
avant 1 an, présentent moins de retard et rattrapent le déficit de poids et de
taille dans les huit années qui suivent l’adoption. Par contre, la réduction du
périmètre crânien en général persiste. Plus l’enfant est adopté tard moins la
réversibilité est mise en évidence. Les études qui ont porté sur les orphelinats
roumains ont montré que d’être élevé dans une famille d’accueil de qualité
conduisait à une réversibilité équivalente (Zeanah et al.,  2003  ; Johnson
et al., 2010). Il est toutefois probable que l’intensité de la carence exerce une
influence qu’il est difficile d’apprécier.

Le développement cérébral
La découverte de la réduction fréquente du périmètre crânien a immédiate-
ment suggéré qu’elle pouvait être associée à la diminution du volume céré-
bral (Kreppner et al., 2010), ce qui a été démontré ensuite par l’utilisation
de l’imagerie cérébrale. Des anomalies à l’électroencéphalographie ont aussi
été retrouvées, qui suggéraient un retard de la maturation corticale qui pou-
vait être associé au trouble déficitaire de l’attention (Shaw et al., 2007). Une
corrélation a été retrouvée entre certaines perturbations à l’EEG et une dés-
inhibition comportementale à l’âge préscolaire (Tarullo et al.,,2011). L’exa-
men en imagerie cérébrale a montré chez les enfants maltraités un déficit du
volume total touchant tout à la fois la matière grise et la matière blanche. La
réduction des voies de conduction a été confirmée par l’examen en tenseur
de diffusion (Eluvathingal et al.,  2006). Ce déficit a été retrouvé ensuite
chez les enfants ayant été gravement carencés en institution. Toutefois, il a
aussi été montré en Roumanie le bénéfice du placement dans des familles
d’accueil de qualité (Sheridan et al., 2012). Celui-ci, effectué par randomi-
sation, a montré les importantes capacités de reprise du développement
témoignant de la plasticité cérébrale. La mesure exacte de cette réversibi-
lité n’est pas connue. Les anomalies ont aussi été retrouvées au niveau de
l’amygdale et de l’hippocampe (Mehta et al., 2009 ; Tottenham et al., 2010)
mais avec des résultats discordants, comme d’ailleurs dans les recherches
sur le syndrome de stress post-traumatique chez l’enfant. Des perturbations
ont aussi été retrouvées concernant la cognition, QI et fonctions exécutives.
À travers une méta-analyse, les performances scolaires (à partir de 55 études)
et le quotient intellectuel (à partir de 48 études) des enfants adoptés ont été
comparés à ceux de leurs frères et sœurs restés dans leur famille ou leur ins-
titution d’origine, ainsi qu’à ceux des enfants non adoptés mais vivant dans
le même environnement qu’eux. Le QI des enfants adoptés ne diffère pas de
ceux avec qui ils vivent dans le milieu familial (Van Ijzendoorn et al., 2005).
Il est meilleur que celui de leurs frères ou sœurs non adoptés. Malgré cela,
ils ont de moins bons résultats scolaires et plus de problèmes d’apprentis-
sage que ces derniers. Les enfants adoptés après 1 an surtout ont de moins
bonnes performances scolaires.
118 Psychopathologie de la parentalité

Culture, racisme et identité


Les enfants provenant d’une autre ethnie que celle, majoritaire dans le pays
d’accueil, sont souvent confrontés à des moqueries, parfois à une franche
stigmatisation, des propos ou des attitudes xénophobes ou racistes. Les
enfants victimes de discrimination présentaient selon leurs parents plus de
troubles du comportement (Lee, 2010).
Les études américaines font état d’adoption «  transraciale  », en France
on parle « d’adoption visible ». Elles concernent 85 % des adoptions inter-
nationales et 20  % des adoptions domestiques aux États-Unis. Deux
options parentales ont été décrites. Avec un certain schématisme, la pre-
mière consiste à nier l’existence de différences ethniques, l’autre consiste
à les reconnaître. Les recommandations des i­nstitutions organisant l’adop-
tion durant les années 1960 consistaient à favoriser l’orientation vers une
approche « aveugle à la couleur ». Le racisme que subissaient les enfants a
conduit les institutions vers une autre approche du problème. Reconnaître la
spécificité de l’ethnie ou de la couleur peut s’organiser dans deux directions
principales. La première consiste à valoriser l’histoire et l’héritage culturel et
ethnique et à en rendre l’enfant fier. La seconde consiste à mettre en avant
les différences culturelles et ethniques pour apprendre à l’enfant à être averti
de la discrimination et à pouvoir s’y adapter. L’étude conduite par Leslie
et al. en  2013 a montré que la ­combinaison des deux approches pourrait
modérer le caractère stressant de la discrimination. Il a ainsi été montré que
des enfants roumains avertis de leur héritage culturel étaient plus communi-
catifs sur leur adoption que ceux moins familiarisés avec celui-ci.

Prévention, information
et soutien à la parentalité
En France, les pouvoirs publics ont porté leurs efforts de prévention sur
l’intérêt de l’enfant, à travers une démarche de sélection des parents adop-
tants. Cette démarche est toutefois souvent ressentie comme intrusive par
les candidats à l’adoption, ces parents potentiels se voyant interroger sur
leurs capacités et leur histoire au contraire des parents naturels. En France,
le principe d’une information psychosociale préalable des futurs adoptants
et d’un soutien plus systématique à la parentalité adoptive n’est pas à l’ordre
du jour malgré sa spécificité, surtout dans le cadre de l’adoption internatio-
nale, et des difficultés, le plus souvent bénignes mais parfois sévères, qui
peuvent y être rencontrées. Pour le parent adoptant tout comme l’enfant
adopté la parentalité adoptive s’accompagne de mouvements psychiques
identiques à ceux retrouvés dans la parentalité naturelle. Toutefois, il s’y
associe la gestion, explicite ou non, d’une part supplémentaire d’histoire et
d’expérience, notamment de ce qu’a vécu l’enfant avant son adoption et du
Adoption et développement 119

mouvement qui a conduit un premier couple à l’abandonner et un second


à l’adopter. Il peut encore s’y ajouter des différences physiques visibles avec
les parents, qui peuvent être une source d’interrogation pour les enfants,
parfois dès l’enfance, souvent à l’adolescence, et éventuellement de stigma-
tisation sociale.

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6 Ruptures
et discontinuités :
abandon et infanticide
L’abandon et l’infanticide sont deux formes de rupture de la filiation aux
destins très différents pour l’enfant. Si dans la civilisation gréco-romaine
l’abandon équivalait souvent à une forme d’infanticide par délaissement,
depuis la fin du Moyen Âge en Europe il est aussi le moyen d’éviter les vio-
lences et l’infanticide. L’invention des tours et l’accouchement anonyme
répondent en effet à une forme de prévention de l’infanticide. Une étude
récente en Autriche (Orthofer et Orthofer, 2013) semble encore aujourd’hui
en montrer le bénéfice.
L’abandon dans les sociétés traditionnelles (Lallemand, 1993) n’a pas tout
à fait la même valeur que dans les sociétés héritées de la civilisation gréco
romaine. Il y connaît, comme l’adoption qui en est le corollaire, de très
nombreuses formes où la filiation initiale peut être rompue, totalement ou
partiellement, ou bien conservée. Le transfert d’enfant est aussi un moyen
d’échange entre ou au sein des familles, de dons, de contre-dons, de dettes ;
l’enfant parfois est même vendu ou mis en gage. Le transfert peut-être
réversible, l’enfant peut bénéficier d’un simple accueil provisoire, parfois
enfin l’adoption est symbolique mais peut modifier les droits successoraux.
L’enfant est souvent confié à un consanguin de l’un de ses géniteurs,
comme souvent dans le cas de l’adoption simple en France. L’adoption peut
aussi avoir pour but de faire fonction d’enfant naturel, en y recherchant
l’enfant le plus ressemblant, ou bien encore d’instaurer des liens tout à
fait nouveaux, dans une résidence tout à fait nouvelle avec un changement
d’identité, à l’image de l’adoption plénière en France.

Définitions
L’abandon
Le terme d’abandon, quand il est volontaire, a été remplacé dans le voca-
bulaire administratif par «  remise en vue d’adoption  ». Il aurait été forgé
à partir de l’expression « donner à ban », c’est-à-dire « mettre au pouvoir
de quelqu’un  ». La mère qui abandonne son enfant à la naissance peut
demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé
(article  341-1 du Code civil). Sinon, l’abandon dit volontaire est un acte
solennel. L’abandon peut aussi être juridiquement prononcé après un
délaissement prolongé.

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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124 Psychopathologie de la parentalité

Il peut être distingué six modes de transfert de l’autorité parentale : la délé-


gation, la déchéance qui est une sanction, la déclaration judiciaire d’abandon
(régie par l’article 350 du Code civil), la tutelle familiale ou sociale, la tutelle
administrative sur les pupilles de l’État et l’adoption. Ces transferts avaient
concerné en 1990 environ 6 % du nombre de naissances (Verdier, 1993).

L’infanticide
Il a reçu plusieurs définitions. S’il s’agit toujours du meurtre d’un enfant, son
âge n’est pas clairement déterminé. Il peut selon le dictionnaire Littré désigner
le meurtre d’un nouveau-né, voire « d’un nouveau-né que la mère vient de
mettre au monde », ce que Tardieu reconnaissait comme l’infanticide typique.
Aujourd’hui l’infanticide est souvent défini comme l’homicide d’un enfant de
moins d’un an.
Les définitions juridiques n’ont cessé de fluctuer. L’ancien Code pénal le
définissait comme le meurtre ou l’assassinat d’un enfant nouveau-né.
Le meurtre commis pendant l’accouchement peut être qualifié d’infanticide
quand la victime a été considérée comme un nouveau-né viable. Il cessait
d’être qualifié ainsi à l’expiration du délai de trois jours imparti pour décla-
rer l’enfant nouveau-né à l’état civil. Ce crime maternel n’a plus, depuis
1995, de qualification pénale spécifique.
Définitions psychiatriques. Le néonaticide depuis l’article princeps de
Resnick (1969), désigne le meurtre ou l’assassinat d’un enfant âgé de moins
de  24  heures. Le filicide (1665) et le libéricide (1892) ont à l’origine
la même signification : le meurtre d’un enfant par un de ses parents.

Rappel historique
Civilisation gréco-romaine. L’abandon et l’infanticide étaient étroite-
ment liés. Tout enfant devant être adopté par le père pour entrer dans la
lignée, l’abandon pouvait être la conséquence directe du défaut d’adoption.
La contraception bien que pratiquée était assez peu efficace et l’avortement
dangereux. L’abandon était pratiqué pour préserver l’héritage ou simplement
subsister, masquer une naissance illégitime ou réduire le nombre d’enfants
de sexe féminin. Il était le plus souvent suivi d’exposition. L’infanticide
longtemps n’a été condamné ni moralement ni religieusement. À Rome il
était même ordonné de tuer les enfants malformés. La noyade et l’étouffe-
ment étaient les modalités les plus fréquentes de l’infanticide, l’exposition
le mode le plus courant de l’abandon. Quelques enfants exposés étaient éle-
vés pour leur force de travail, devenaient parfois soldats ou prostitués, mais
la mort était le destin le plus fréquent. Aucun n’était fondateur d’empire
comme Romulus. Infanticide et exposition donnaient lieu à des rites de
purification. Au iie siècle après J.-C. ces mœurs deviennent critiquées tandis
qu’un système d’aide aux parents se met en place (Harris, 1994).
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 125

À partir du Moyen Âge. Au ive  siècle, les lois romaines punissent


l’infanticide et l’abandon. Au ve  siècle, les conciles de Vaison et d’Arles
précisent les dispositions à prendre en faveur des enfants exposés  : celui
qui les recueille les portera à l’église où le prêtre annoncera aux fidèles
qu’un ­nouveau-né a été trouvé. S’il n’est pas réclamé après dix jours, il est
fait appel aux fidèles. Au xviie siècle, Saint Vincent de Paul tente de lever
l’opprobre qui continuait à régner sur les enfants abandonnés.
La mortalité des enfants confiés est extrêmement élevée, plus du
double  de celle des enfants élevés par leur propre famille, elle-même de
l’ordre de 30 % durant la première année. À Paris, elle est au xviiie siècle
de 84  % dans les hôpitaux. En 1750, 20  % des enfants nés à Paris sont
abandonnés et jusqu’à 40 % en 1772. Avec la révolution de 1789, la Société
de charité maternelle est créée. Son but est de combattre l’abandon par un
soutien moral et financier aux mères. L’enfant abandonné sera accueilli,
sans formalité, à bureau ouvert.
En milieu rural, les principaux motifs sont, outre les grossesses illégitimes,
la misère. Dans certaines régions, le nombre d’enfants abandonnés est
étroitement corrélé à la production agricole. Pageot (1995) remarque que
«  beaucoup de femmes tentaient d’adoucir leur peine en se persuadant
que l’abandon n’était que temporaire, que le mauvais cap passé, de meil-
leurs jours revenus, elles reviendraient chercher leur garçon ou leur fille ».
Beaucoup de mères laissaient une trace de l’origine de l’enfant dans l’espoir,
très souvent vain, de le retrouver plus tard : l’anonymat n’était en aucune
façon une règle absolue. Cette pratique a été conservée jusqu’à la fin du
xixe siècle. Sous l’Empire, l’abandon est favorisé mais la répression contre
les enfants illégitimes est sévèrement accrue. Au xixe siècle, les tours sont
fermés au nom du droit moral. Dès lors, le taux d’infanticides augmente
considérablement.
L’époque moderne. Le grand nombre d’orphelins de la première guerre
mondiale va produire une libéralisation et une intensification de l’adoption
des pupilles de guerre. Le gouvernement de Vichy va modifier le statut de
l’adoption en permettant en 1941 l’accouchement dans le secret  : «  […]
toute femme enceinte devra, sur sa demande, être reçue gratuitement et sans
qu’elle ait besoin de justifier de son identité, dans tout établissement hos-
pitalier public susceptible de lui donner les soins que comporte son état. »
Conjointement, l’avortement était puni de mort. Aujourd’hui, l’adhésion
de la France à la Convention internationale des droits de l’enfant, lui
enjoint de permettre à tout enfant d’avoir accès à ses origines et s’oppose
ainsi sur le fond au principe de l’accouchement secret qui a été toutefois
maintenu. À partir des années 1875, deux facteurs concourent à réduire le
taux d’infanticide : la société commence à devenir plus tolérante à l’égard
de l’enfant né hors mariage et conjointement des techniques d’avortement
moins dangereuses se développent. Les mères qui abandonnent sont à
126 Psychopathologie de la parentalité

­ ouveau invitées à laisser des traces de leur identité pour que leur enfant
n
puisse les rechercher à l’âge adulte ou au minimum qu’il hérite de rensei-
gnements significatifs sur ses origines.

L’abandon
Données quantitatives

Nombre d’abandons
Lors de la dernière décennie, environ 1 000 enfants de moins d’un an ont
été abandonnés chaque année. Parmi ceux-ci environ 600 ont été remis
anonymement à l’adoption, l’essentiel des autres enfants ayant été déclarés
juridiquement abandonnés.

Caractéristiques maternelles
Dumaret et Rosset (1993) ont mené une étude sur les femmes qui remet-
taient leur enfant à l’adoption à Paris. Elle concerne 580 dossiers entre 1985
et 1989. L’âge moyen est de 25 ans, 50 % environ étaient françaises et 13 %
sont venues directement de l’étranger pour accoucher. Seules 14 % vivaient
avec le père de l’enfant ou un autre homme, 33 % ont « caché » leur gros-
sesse à leur entourage, 28 % ont souhaité une IVG. 40 % des grossesses n’ont
pas été suivies et 15 % d’entre elles uniquement durant les deux derniers
mois. À la naissance, 15 % des mères ont refusé de voir leur enfant. Villeneuve-­
Gokalp a mené une étude dans 83 départements français entre  2007
et 2009 portant sur 739 dossiers de mères qui demandent le secret de leur
identité lors de leur accouchement. La moyenne d’âge est de 26 ans, 25 %
des femmes vivent en couple. Des données complémentaires sont acces-
sibles pour 60 % d’entre elles : 46 % ont pris connaissance de leur grossesse
au deuxième trimestre, 39  % au troisième trimestre et 8  % ont présenté
un déni de grossesse total. Pour près de 10  %, un événement survenant
tardivement au cours de la grossesse (découverte d’une malformation, décès
du conjoint) les a conduites à cette démarche. Plus de la moitié des femmes
n’informaient pas le père de leur grossesse, pour la plupart du fait de la
brièveté de leur liaison.

Données qualitatives
La relation au géniteur : elle demeure un élément central du projet d’aban-
don. Les partenaires sont souvent absents, peu fiables, illégitimes (homme
marié, adultère) ou demeurent des relations de passage.
Dissimulation et déni : la déclaration de grossesse est souvent tardive. Elle
est parfois le fruit d’une dissimulation, notamment chez les mères adoles-
centes, les femmes illégitimement enceintes dans un milieu peu tolérant,
une institution intransigeante.
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 127

Les troubles de l’humeur  : s’il a pu être rapporté de façon anecdotique


l’existence d’affects dépressifs évidents, les troubles de l’humeur n’ont fait
l’objet d’aucune recherche systématique.
L’ambivalence affective : les émotions hostiles vis-à-vis de l’enfant sont le
plus souvent réprimées au moins jusqu’à la naissance. Néanmoins, à tra-
vers la monographie de Dumaret et Rosset (1993) et les travaux de Bonnet
(1990), soit de notre propre expérience, il apparaît dans quelques cas une
hostilité franche, voire un désir de mort contre l’enfant.

Conséquences sur la mère de l’abandon précoce


Réactions immédiates. Il n’existe à notre connaissance sur ce sujet, que des
rapports de cas ou des études rétrospectives. Ils font état de souffrance et
de culpabilité surtout lorsque l’abandon répond à une pression sociale
ou familiale et se fait à distance de l’accouchement. Lorsque la mère est
ambivalente, l’abandon effectif peut parfois permettre la sédation de
l’angoisse. Certaines mères tendent à abandonner toutes relations avec
« ceux qui savent ».
Réactions à long terme. Des études sur l’abandon ont été menées dès 1962
par Loesch et Greenberg chez des mères célibataires. En Australie, Winkler
et Van Keppel (1984) s’entretiennent avec 213 femmes en 1983. En 1986,
Condon s’entretient vingt-et-un ans après l’abandon avec 20 femmes ayant
consenti à l’adoption. De Simone mène en 1996 une enquête auprès de 264
femmes, en moyenne vingt-cinq ans après l’abandon. La moyenne d’âge
lors de l’abandon était de 20  ans, 8  % vivaient avec un partenaire stable
et 46 % affirmaient qu’elles n’avaient absolument pas souhaité l’abandon.
Une vie familiale satisfaisante et la possibilité d’avoir pu réaliser leurs sou-
haits personnels ou professionnels modéraient significativement l’intensité
du deuil. Askren et al.et Bloom (1999) ont effectué une revue de 12 études
menées de 1978 à 1998. Ces travaux montrent avec grande constance que
le sentiment d’avoir été contrainte à l’abandon était le facteur de risque
principal d’un deuil chronique et pouvait s’accompagner d’affections soma-
tiques. La difficulté du recrutement a conduit à sélectionner des popula-
tions susceptibles d’être différentes de la population générale : volontariat,
membres de sociétés dont l’objet est l’abandon, etc. L’étude de Burnell et
Norfleet (1979) qui ont adressé des questionnaires à une population choisie
au hasard parmi les femmes qui ont confié leur enfant à une agence d’adop-
tion, avec un taux de réponse de 27 %, suggère, tenant compte du résultat
général des autres études, qu’un minimum de 10  % des mères vivent un
deuil sévère et prolongé, de plusieurs décennies dans certaines études.
Pour certaines mères, le deuil est impossible, notamment à cause de la
conscience aiguë que leur enfant est vivant quelque part. Selon une étude
citée par Brockington (1996), (17) % des mères abandonnantes ont choisi
de rester définitivement sans enfant.
128 Psychopathologie de la parentalité

Conduite à tenir
Lorsque la mère prévoit un accouchement anonyme, lui permettre de
prendre contact, si elle le souhaite, avec le nouveau-né tend à diminuer
la survenue d’un deuil pathologique et prolongé (Condon,  1986). Les
contacts réduisent le plus souvent le sentiment de perte très vif ressenti
par ces femmes et non l’inverse. Toutefois, comme dans le deuil périnatal,
les mécanismes d’évitement peuvent être plus efficaces et sollicités par cer-
taines femmes qui ont déjà peu investi la grossesse. Un accompagnement
souple permet de s’adapter à l’attitude de la mère susceptible de rapidement
évoluer, notamment du fait des sentiments ambivalents qui la traversent et
des processus d’attachement qui peuvent se mettre en place.
Lorsque la démarche d’abandon suit d’assez loin la naissance, une diffi-
culté cruciale est de pouvoir apprécier les intérêts contradictoires du nour-
risson et de sa mère et de pouvoir proposer à cette dernière une forme de
soutien même après l’abandon.

Infanticide et néonaticide
Épidémiologie
Nous désignerons par infanticide l’homicide commis durant la première
année de vie de l’enfant et par néonaticide l’homicide commis durant le
premier jour de vie. Toutefois, certaines statistiques de la police qui servent
en France de référence n’ont pas évolué depuis un siècle. Elles désignent
sous le terme «  d’infanticide  » tous les crimes commis contre les enfants
de 0  à 14  ans. Si, jusqu’à la fin du xixe  siècle, il s’agissait beaucoup plus
souvent d’infanticides et surtout de néonaticides, il n’en est plus de même
aujourd’hui.

Prévalence
Entre 1830 et 1930, plus de 50 000 dossiers d’infanticide ont été ouverts,
soit environ 500 par an, soit environ 1‰ des naissances. Un quart environ
(13 000) a donné lieu à des poursuites. La plupart étaient des néonaticides.
Dès 1920, la proportion d’infanticides et d’avortements poursuivis s’inverse,
en relation avec l’effondrement du taux de néonaticides. Depuis les années
1970, soit aux alentours de la période de l’accessibilité de la contraception
et de la libéralisation de l’avortement, le taux d’infanticide constaté est
minimal.
Vellut et al. (2013) ont mené, entre  1996  et  2000, une enquête auprès
des tribunaux, couvrant un territoire représentant environ un tiers des
naissances en France. Un recoupement avec les statistiques des hôpitaux
publics a permis d’identifier 80 décès avant 1 an, soit environ 6/100 000
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 129

naissances vivantes. Les auteurs retrouvent 35  cas de syndromes du bébé


secoué (45 %), 27 néonaticides (33 %) et 22 (27 %) autres causes. Un tiers
des décès classés sous la rubrique «  causes accidentelles  » et un quart de
ceux classés « sans cause connue » étaient des homicides. Parmi les 27 cas
de néonaticides, soit 2,1/100 000 naissances vivantes, un tiers des enfants
n’avaient pas de filiation connue.
Marks et Kumar (1993), à partir de sources statistiques criminelles, ont
recherché le nombre d’enfants de moins d’un an victimes d’homicides en
Angleterre et au pays de Galles depuis 1957. Le taux est de 4,3/100  000
enfants vivants de moins d’un an. Les nouveau-nés de moins d’un jour
représentent près de 25 % des victimes, soit environ 1,1/100 000. Le sex-
ratio est à peu près équivalent. Près de la moitié des nouveau-nés décèdent
par négligence. Le risque d’être tué est maximal le premier jour de vie puis
décroît progressivement jusqu’à un an. Le néonaticide est presque exclusi-
vement un crime maternel, au contraire de l’infanticide réparti à peu près
également entre les deux sexes.
Le taux d’infanticide est estimé entre 2,5 et 7/100  000 aux États-Unis,
4,5/100 000 en Nouvelle-Zélande (Dean et al. 2004) et 3/100 000 au Canada
(Hatters-Friedman et al., 2005b).

Des mères qui commettent un néonaticide


relativement à l’infanticide
Néonaticides. Les mères qui commettent un néonaticide sont plus sou-
vent jeunes, entre 22  et 26  ans en moyenne (Haapasalo et Petaja,  1999  ;
Mendlowicz et al., 1998 ; Resnick, 1970 ; Spinelli, 2001), plus immatures,
avec un moindre ou sans soutien social, sans compagnon, moins éduquées
ou encore étudiantes, avec des parents moins présents ou perçus comme
hostiles à la grossesse. Le suivi de grossesse est réduit et l’accouchement est
moins souvent à l’hôpital (Paulozzi et Sells, 2002). Il est assez fréquent que
l’enfant victime ne soit pas l’aîné, 35 % dans une étude menée aux États-Unis
et 65 % dans une étude menée en Finlande (Herman-Giddens et al., 2003 ;
Putkonen et al., 2007a et b). Les mères présentent rarement un trouble
­psychiatrique caractérisé, bien qu’une étude ait retrouvé plus de troubles de
la personnalité (Putkonen et al., 1998). Le crime est rarement prémédité. Il
est effectué sans arme ni objet, par étouffement, noyade ou étranglement.
La grossesse est souvent dissimulée ou déniée, dans 90 % des cas dans une
étude danoise (Putkonen et al., 2007a). Les cas de grossesses inconscientes
sont plus rares, environ 10  %, mais de 50 à 100  % dans certaines études
(Spinelli,  2001). Il existe une gradation et une intermittence du déni qui
peut porter sur des objets différents  : non seulement sur le fait d’être
enceinte mais aussi d’accoucher, de devoir élever l’enfant ou que la gros-
sesse ait une fin. D’une certaine façon, il existe toujours une forme de mise à
130 Psychopathologie de la parentalité

l’écart de la ­représentation de l’inéluctabilité de la naissance, plus ou moins


réussie et plus ou moins permanente. Il ne s’agit pas toujours de dénégation
(Mendlowicz et al., 1998). D’autres mécanismes de défense peuvent être mis
en évidence comme l’annulation, le déplacement ou le cloisonnement de
la pensée. Ils répondent à une situation qui place la femme subjectivement
dans un état de détresse.
L’infanticide s’oppose point par point au néonaticide : il est plus souvent un
crime des deux parents ou du père et qu’un crime maternel, il ne concerne
pas également les deux sexes, le garçon est le plus souvent victime (ratio entre
1,5 et 1,8 selon les études) ; les troubles psychiatriques chez les parents sont
fréquents. Meyer et Oberman (2001) retrouvent dans 46 % des cas un trouble
psychotique, d’autres études font état d’une symptomatologie dépressive
extrêmement fréquente. Les femmes qui commettent un infanticide sont
plus souvent mariées ou en couple, plus âgées, et ont un niveau académique
et social équivalent à celui de la population générale. Le crime est parfois
prémédité longuement et peut survenir dans le cadre d’une maladie mentale.
Il peut aussi répondre à une impulsion, une pensée obsédante. Il peut corres-
pondre à une vengeance contre le père de l’enfant (syndrome de Médée).

Les néonaticides
Modalités de l’acte. Tardieu, médecin légiste français du xixe siècle, doit
faire face au scepticisme et au désintérêt plus ou moins unanime de la col-
lectivité médicale devant l’ampleur et la fréquence qu’il décrit des crimes
commis contre les enfants. Il écrit, en 1874, que les causes de la mort sont
dominées dans les grandes villes par l’immersion dans les fosses d’aisance :
«  La malheureuse qui vient d’accoucher clandestinement et qui a tué son
enfant […] n’a rien de plus pressé que de le jeter dans les latrines et elle se
croit assurée du secret et de l’impunité. » Tardieu (1868) lui-même ne recon-
naît pas la possibilité d’une grossesse inconsciente : « Leur déclaration est fort
simple et on peut dire stéréotypée : j’ai été prise d’un besoin subit, je ne me
savais pas près d’accoucher, et pendant que j’étais sur le siège, l’enfant est
sorti et est tombé… sans que j’aie pu l’en empêcher. » Il ajoute : « Quelques-
unes vont plus loin et disent ne pas s’en être aperçues. » Tardieu examine les
modes d’infanticide parmi 555 cas. La plupart sont commis le premier jour de
vie, plus de la moitié par suffocation (51 %), les autres par noyade (24 %), ou
strangulation (11 %). Les gestes directement violents sont plus rares et plus
tardifs (14 %) et la négligence est assez rare (3 %). Les descriptions modernes
sont tout à fait équivalentes, bien que les modalités de l’acte varient selon les
cultures et pays (i. e. Marks et Kumar, 1993 ; Putkonen et al., 2007b).
Formes cliniques
Les néonaticides à répétition. Ces cas restent rares dans la littérature jusqu’aux
années 1990. Plus nombreux ont été ceux relatés au Japon (Funayama
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 131

et al., 1994). Le motif était considéré d’ordre économique, les mères vivaient


seules, ou étaient mariées à des pères très fréquemment absents du domicile
et ignorants du crime. Aucun trouble mental n’avait été mis en évidence et
le déni de grossesse jamais évoqué. Aux États-Unis, un cas très médiatique
de récidive a été représenté par une famille ayant d’abord participé à porter
au public la détresse des parents ayant des enfants décédés de mort subite.
Il a été appris plus tard que ces parents avaient eux-mêmes tué cinq de leurs
six enfants (Busch, 2009). Des cas de néonaticides ou d’infanticides pré-
coces répétés ont été rapportés depuis en France, en Allemagne et en Aus-
tralie (Porter et Gavin, 2010 ; Glendinning, 2003 ; Burton et Dalby, 2012 ;
Schipoliansky et Childs, 2009).
Les néonaticides culturels (Dayan, 2012). Ils demeurent, et de loin, la plus
grande source d’infanticide dans le monde. Ils affectent surtout les filles.
Ils sont révélés en Chine et en Inde à travers le taux anormalement élevé
de naissances masculines déclarées. L’apport de l’échographie a permis de
réduire leur prévalence de façon concomitante avec l’augmentation des
interruptions de grossesse.
Classifications. Plusieurs auteurs ont proposé des classifications, mais les
catégories se chevauchant la plupart du temps, elles ne présentent pas un
grand intérêt clinique. Nous citerons celle de Resnick (1970) visant à distin-
guer les « étiologies » du néonaticide. Parmi les principales déterminations,
il met en avant le refus d’avoir un enfant (80 %) et les troubles mentaux
(psychose) dans environ 10 % des cas.
Les troubles mentaux caractérisés sont rares
Depuis le xixe siècle, il est constaté, avec un important consensus, qu’un trouble
psychiatrique n’affecte qu’une minorité de femmes ayant commis un infan-
ticide (néonaticide). Ce résultat est retrouvé dans les études récentes. Resnick
(1970) retrouve parmi 34 néonaticides, 17 % de psychoses aiguës ou de décom-
pensations d’une psychose chronique. Plus récemment, Haapasalo et Petaja
(1999) dans une étude portant sur 15 sujets retrouvent moins de 30 % ayant
une difficulté psychologique ; Hatters-Friedman et al. (2007) parmi 80 femmes
qui ont une grossesse inconsciente ou dissimulée ne retrouvent pas de troubles
psychiatriques ; enfin en 2001, Meyer et Oberman parmi 37 cas de néonati-
cides retrouvent une faible minorité ayant un trouble psychiatrique caractérisé.
L’état de conscience peut être altéré
Certains auteurs dont Esquirol ont soutenu que l’état mental peut être trou-
blé et la conscience altérée. Qu’en savons-nous actuellement ? Très peu de
choses. Il peut être altéré en relation avec le stress, le bouleversement hormo-
nal et l’épreuve physique. Assez étrangement, cette question n’a pas béné-
ficié de l’apport des moyens d’exploration moderne et des neurosciences.
Une psychose transitoire de l’accouchement. Krafft-Ebbing, en 1886, s’en fait
l’avocat. Pour lui, ces manifestations vont de pair avec un trouble profond
132 Psychopathologie de la parentalité

de la conscience, proche de la confusion mentale. Il distingue clairement


les délires transitoires maniaques ou mélancoliques et les émotions patho-
logiques. Il énumère leurs causes : enfants illégitimes, émotions causées par
la situation d’abandonnées, par la honte d’avoir perdu l’honneur sexuel, la
peur éprouvée lors des symptômes précurseurs de l’accouchement, le souci
de l’avenir, qu’il distingue de troubles psychiatriques plus caractérisés.
Un état d’obnubilation. Esquirol, dès 1838, décrit un cas d’infanticide sur-
venu au cours d’un accouchement clandestin. Il l’attribue à une obnubila-
tion passagère due à la parturition : « Une jeune femme est enceinte ; elle
ne cache point sa grossesse ; elle fait faire une layette ; la veille de l’accou-
chement, elle se montre à tout le monde. Elle accouche pendant la nuit.
Le lendemain, on la trouve dans son lit et l’enfant dans les latrines, mutilé
de 21 coups d’un instrument qu’on juge être les ciseaux […]. Quelques
jours après, on l’interroge  ; elle avoue son crime, ne s’en défend point,
ne témoigne pas le moindre regret ; mais elle refuse de manger. » L’auteur
propose l’hypothèse d’un accès de délire transitoire.
Une conscience claire. Tardieu (1874) s’oppose à cette thèse. Il décrit
l’infanticide typique : « Dans l’immense majorité des cas, il suit de très près
un accouchement clandestin et la femme, seule dans l’ombre, après avoir
tué l’enfant qu’elle vient de mettre au monde, peut dissimuler à la fois sa
naissance et sa mort. » Il affirme : « Ce n’est pas la folie, ce n’est même pas
la perversion transitoire des facultés, c’est une surexcitation de la sensibilité
qui laisse intacts la raison et les instincts. » Il reconnaît néanmoins la pos-
sibilité d’une minorité de cas (plus tardifs) où l’infanticide peut être l’œuvre
de la mélancolie hallucinatoire, plus accessoirement de la fureur maniaque
et enfin de la folie hystérique.
Une conscience atténuée. En 1897, Bouton, magistrat, avance l’idée que
le geste infanticide est un équivalent suicidaire. Il résulte du manque
d’individuation du nouveau-né avec la mère  : «  Plus la mère est près de
la nature, plus elle a la conviction de l’impersonnalité de son enfant. […]
L’enfant sorti de son sein est un prolongement de son corps. » Si le suicide
lui semble permis, ajoute l’auteur, pourquoi ne pourrait-elle alors « tuer une
partie de son être » ? Il anticipe des descriptions ultérieures qui utiliseront
les notions de lien fusionnel, d’identification projective, voire encore de
suicide du double. Les études transnationales récentes, telles que celle
de Lester (1992), mettent en évidence une relation étroite et significative
dans chaque pays entre le taux d’infanticide (au sens large) et le taux de sui-
cide. En revanche, il n’existe aucun lien statistiquement significatif avec le
taux global d’homicides. Cette corrélation est interprétée comme le résultat
d’une racine commune entre le geste infanticide et le geste suicidaire.
Brouardel, en 1897 évoque déjà le flou de la pensée et l’espoir mis dans
une fin magique, d’une résolution spontanée de la grossesse : « Elles e­ spèrent
malgré tout que quelque événement interviendra : l’enfant ­viendra ­peut-être
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 133

mort  ?  » La réalité de la naissance devrait mettre fin à leurs illusions. Elles


choisissent de mettre fin au nouveau-né : « Il crie, il faut en finir […]. Tout
cela reste confus peut-être dans leur esprit, mais ce qui est net, c’est que le
cri de l’enfant ne doit pas être entendu. L’acte criminel suit. » Il se refuse à
cautionner l’aliénation : « Cet acte est insensé, c’est vrai, mais ­Lassègue l’a dit
depuis longtemps : « Quelque insensé que soit un acte, il ne prouve pas, par
lui seul, que celui qui l’a commis l’était. »
Retard mental. Près de 25  % des mères infanticides étaient considérées
comme déficientes intellectuelles, dans la première partie du xxe siècle. La
maîtrise de la conception était rudimentaire et l’avortement d’accès très
difficile. Ce taux va décroître à 18 % dans les années 1960, et actuellement,
apparaît très rare (Vellut et al., 2013).

État de conscience
Déni de grossesse et autres états de conscience atténués. En 1971, Brozowski expose
les conceptions psychanalytiques de l’infanticide et met l’accent sur la fréquence
des dénis de grossesse chez les mères néonaticides. À côté du déni, on constate,
précédant l’infanticide, la fréquence de la régression à des mécanismes de pen-
sée magique, avec vœu de mort sur l’enfant, tentative d’annulation magique de
la grossesse, pseudo-déni. Le geste infanticide est fréquemment commis pour
annuler la naissance, faire disparaître la trace vivante de l’enfant, et notamment
son cri. On assiste souvent, une fois le geste commis, à une relative sédation de
l’angoisse. Inversement la quasi - totalité des dénis de grossesse ne s’accompa-
gnent pas d’infanticide mais de soins ordinaires à l’enfant.
Angoisse et déréalisation. L’angoisse est parfois absente sur le plan mani-
feste. Ailleurs, elle envahit la mère par moments, offrant le tableau d’une
pseudo-rationalité froide, traversée de propos étranges, quasi délirants. Il est
loin d’être exceptionnel que les mères qui se sentent devenir « folles » aver-
tissent souvent à mots couverts leur entourage familial ou professionnel, de
leur désir de tuer l’enfant, mais sont malheureusement rarement entendues.
Dans d’autres cas, le sujet apparaît assez froid, déterminé, préméditant son
geste dans une sorte de clivage, qu’on ne sait qualifier de psychotique ou
dissociatif. Cette froideur a pu être interprétée comme la belle indifférence
de l’hystérique. Dans notre expérience, surtout lorsque le crime est commis
le premier jour de vie, il nous a semblé que les mères répondaient à un
sentiment de nécessité interne auquel il leur paraissait inéluctable de se
soumettre. Il pouvait exister une forme de culpabilité, mais celle-ci était
rationnelle : il leur semblait qu’elles n’auraient pu faire autrement.
Refoulement. La thèse de la réactivité primitive de Kretschmer éclaire la
continuité entre déni et amnésie dont fait parfois état la mère infanticide.
Elle consiste à admettre l’existence, dès lors que l’enfant réel est perçu, de la
nécessité de mettre fin définitivement à son existence de crainte d’être
­submergée par les affects anxieux.
134 Psychopathologie de la parentalité

L’infanticide
Il représente un tableau bien moins homogène. Les troubles mentaux sont
beaucoup plus fréquents (psychose et dépression). Il ne s’agit plus exclusi-
vement d’un crime maternel, plus l’enfant grandit plus souvent le père est
impliqué dans les violences.
Les modalités de l’acte. Elles sont dominées par la négligence
(Kellett, 1992 ; Marks et Kumar, 1993). Concernant l’infanticide actif, les
méthodes sont différentes pour le père et pour la mère. Les pères usent
de méthodes directement violentes, destructrices, telles que secouer l’enfant,
le jeter à terre, le frapper, l’étrangler, lui tirer dessus, le poignarder, tandis
que les mères le plus souvent l’asphyxient ou l’empoisonnent. Le néona-
ticide, presque exclusivement le fait des mères, est le plus souvent lié aux
moyens déjà relevés par Tardieu  : la suffocation. Il s’accompagne parfois
pourtant de violences directes meurtrissant le corps de l’enfant. Le garçon
est presque deux fois plus souvent victime que la fille. Cela n’est pas vérifié
durant le premier jour de vie.

Infanticide et mort subite du nourrisson


Prévalence. Plusieurs enquêtes ont estimé entre 5  % et 10  % (Levene et
Bacon,  2004) la probabilité qu’une mort subite inexpliquée dissimule un
homicide. Aucune statistique fiable n’existe à ce sujet. Emery (1993) le pre-
mier en tente une étude exhaustive. Sur des arguments assez hétérogènes, il
estime que 10 à 20 % des enfants pour qui le diagnostic de mort subite du
nourrisson est porté sont en réalité tués par leurs parents. Les arguments de
l’auteur reposent sur plusieurs éléments : les résultats d’enquêtes confiden-
tielles menées en Grande-Bretagne estimant le nombre de cas douteux, la
fréquence des parents signalés précédemment comme maltraitants aux ser-
vices sociaux dont les enfants décèdent ensuite de mort subite du nourrisson,
la communauté des facteurs de risque à la maltraitance et à la mort subite
du nourrisson, l’étude des familles avec morts subites du nourrisson répétées
dont l’origine non accidentelle apparaît exceptionnelle et oriente vers une
étiologie homicide, une étude des malaises inexpliqués du nourrisson menée
en 1993 qui identifia, sur 61 enfants, 18 asphyxies délibérées. Le diagnostic
porté fut celui de syndrome de Münchausen par procuration.
Répétition. L’enquête menée par Carpenter et al. (2004) montre que
contrairement aux expectatives, le taux d’homicide lorsque la mort subite
survient de façon répétée n’est pas significativement supérieur à celle mise
en évidence la première fois (environ 5 %).
Les troubles mentaux sont plus fréquents
D’Orban (1990), parmi 89 mères homicides, en recense 24 (27 %) atteintes
d’un trouble mental dont 14 (15  %) relevant de troubles psychotiques.
Dans ce même échantillon, aucune mère néonaticide ne fut considérée
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 135

comme malade mentale. Les mères infanticides présentent plus souvent


des antécédents de difficulté chronique et de violence. Il semble exister un
continuum entre le contexte psychoaffectif des mères maltraitantes et des
mères infanticides. Le rôle du père a été moins bien étudié. Marks et Kumar
ne notent pas de relation entre le sexe de l’auteur et celui de la victime. Le
meurtre est le plus souvent violent. L’enfant est secoué, poignardé, frappé,
ou bien asphyxié, suffoqué, noyé. La négligence est marginale.

Facteurs de risque
Durant la première année de vie, une étude de Cummings et al. (1994),
menée à partir des statistiques de décès dans l’état de Washington, met
en évidence les facteurs de risque suivants valables quel que soit le parent
auteur : absence de suivi de grossesse ; faible poids de naissance ; âge mater-
nel inférieur à 20 ans ; enfant mâle. La prématurité a été retrouvée comme
un facteur important dans l’étude de Vellut et al. (2013).
D’autres facteurs de risque sont assez fréquemment signalés lors des
comptes rendus d’expertise, mais leur prévalence reste inconnue : carences
et abus de l’enfance, répression sexuelle intense, discordes familiales, cli-
mat incestueux ou antécédents d’agressions sexuelles, ambiance familiale
dépourvue de chaleur et d’empathie, déni de grossesse. Les troubles de la
personnalité ont été évoqués surtout pour le filicide.

Juger l’infanticide : un enjeu culturel ?


Peines effectives. Les peines effectives pour infanticide ont largement
varié au cours de l’histoire, de la plus grande tolérance à la plus grande
rigueur. Le silence de ces crimes villageois et surtout la tolérance de
fait (non de droit) en Europe furent mis en cause à partir du xvie  siècle
(Tinková, 2005), en relation avec la place de plus en plus essentielle accor-
dée au baptême et surtout au scandale de la damnation des enfants non
baptisés. Les femmes furent menacées de pendaison, de décapitation ou
d’empalement. Ces peines terribles étaient toutefois peu appliquées, les
magistrats invoquant pour réduire la condamnation le doute sur la volonté
homicide, bien plus que l’état mental de la mère. Si certaines étaient pen-
dues (ainsi, le 18 février 1589 : « On fait savoir que Marguerite Targot, native
d’Angoulême, ci-prise pour avoir celé sa grossesse et suffoqué son enfant,
par arrêt de la Cour, a été condamnée à être pendue et étranglée à une
potence, qui sera dressée sur la place de Grève »), beaucoup furent libérées.
Le droit français. Jusqu’en 1994, l’infanticide était défini en France
comme « le meurtre ou l’assassinat d’un enfant nouveau-né, commis avant
l’expiration du délai de trois jours imparti pour déclarer l’enfant nouveau-
né à l’état civil ». La qualification « infanticide » entraînait une atténuation
de la peine maximale encourue. Les jurys populaires souvent relaxaient
les femmes ou les condamnaient à des peines assez courtes manifestant
136 Psychopathologie de la parentalité

leur empathie. La conception prédominante depuis au moins le xixe siècle


était que le crime était commis par une mère qui, «  dans le désordre de
ses facultés physiques et morales […], [avait] agi presque à son insu  »
(Georget,  1826). Depuis 1994, l’infanticide est un homicide aggravé (par
ascendant, sur personne vulnérable…). Le terme lui-même n’existe plus.
Les peines se sont dans l’ensemble fortement aggravées depuis que n’est
plus reconnue la spécificité maternelle. C’est aussi dans ce contexte qu’est
apparu le débat sur le déni de grossesse.
Le droit anglo-saxon envisage très différemment l’infanticide. La spéci-
ficité du crime reste reconnue jusqu’à un an. L’Infanticide Act ­(Loughan, 2012)
de 1938, édicté au Royaume-Uni, inspire encore de nombreuses légis-
lations telles celles du Canada, du Brésil, de l’Australie, du Danemark
ou de la Suède. Les peines prononcées et effectives sont très réduites au
regard de celles prononcées en France. Aux États-Unis, les jugements sont
extrêmement variables avec une certaine tendance à la clémence au regard
d’autres crimes (Shelton et al.,  2010). Au Royaume-Uni, la préméditation
de la mère n’est pas retenue selon le principe qu’«  au moment de l’acte
ou de l’omission, l’équilibre de son esprit [est] troublé en raison de ne pas
avoir complètement récupéré de l’effet de donner naissance à l’enfant ou
en raison de l’effet de la lactation consécutive à la naissance de l’enfant ».
Il est peu de pays où comme en France, le crime est aggravé au lieu d’être
réduit en ces circonstances.
En conclusion, la science ne pouvant aujourd’hui trancher, en dehors
de quelques cas particuliers, laisse au législateur le pouvoir d’inscrire son
opinion dans la loi, opinion divergente de chaque côté de la Manche. En
France, un cas particulier émerge, le déni de grossesse qui ouvre une brèche
au principe selon lequel l’état psychique des mères, non psychotiques, non
délirantes, venant d’accoucher ne présente pas de spécificité suffisante pour
atténuer leur responsabilité.

Prise en charge et prévention


La prévention est très difficile
Individuelle, elle repose sur la prise en compte de certaines attitudes durant la
grossesse, quand elle est connue : une dénégation partielle, des propos hos-
tiles discordant avec l’habitus de la patiente, une absence de suivi surtout
chez une femme isolée sont des signes d’alarme, surtout et très particulière-
ment lorsqu’il existe des antécédents d’abandon, de maltraitance ou de déni.
Chez les femmes ayant des antécédents de psychose, la prévention de l’infan-
ticide repose sur une prescription préventive de psychotropes et sinon leur
dépistage et prise en charge précoce en unité mère-bébé. Les soins doivent
être proposés aux mères infanticides, y compris lorsqu’elles sont incarcérées.
Ruptures et discontinuités : abandon et infanticide 137

Il n’est pas du tout exceptionnel que la femme exprime sa détresse de


manière voilée, et qu’y réponde la surdité de l’entourage.
Générale, elle repose sur la mise en place de l’accouchement anonyme.
Une étude autrichienne a montré récemment qu’après plusieurs années,
l’introduction de l’anonymat a permis de réduire la prévalence de l’infanti-
cide de façon importante. Une prévention sociale pourrait consister en une
moindre stigmatisation des femmes qui ne veulent pas élever leur enfant.

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7 Dépression périnatale

Dépression anténatale
La dépression anténatale affecte environ 10 à 20 % des grossesses. Elle est
mal reconnue, en dehors des formes sévères et mélancoliques, les troubles
étant souvent imputés à la grossesse elle-même. La traiter, souvent sim-
plement, est indispensable pour réduire le risque de sa persistance en post-
partum, et au titre du principe de précaution, pour prévenir les risques
encore incertains mais de plus en plus plausibles sur le développement
fœtal.

Épidémiologie : prévalence et risque


Méthodologie
Deux incertitudes majeures dominent les recherches épidémiologiques sur
les troubles anxio-dépressifs durant la grossesse. L’une est liée au choix de
l’instrument d’évaluation, aucun ne semblant très satisfaisant, l’autre à des
biais de recrutement.

Validité des instruments d’évaluation


En période de grossesse, l’interprétation des instruments d’évaluation,
faciles à administrer, mais qui comprennent la plupart une inflation d’items
somatiques reste délicate, surtout si la grossesse est compliquée. Des préoc-
cupations ou des comportements qui peuvent ressortir normalement de la
grossesse sont parfois notés comme items dépressifs, d’autres (se préoccuper
souvent de son état de santé, limiter la pratique du sport ou de certains
loisirs) n’ont pas de signification dépressive. Il n’est pas non plus fiable de
retirer sans validation seconde les items somatiques d’un instrument validé
(type CES-D) car ce qui est mesuré peut être très éloigné de l’objet initial, ici
d’un trouble dépressif (Kamerrer et al., 2009). Dans ce contexte le choix de
seuils très bas au « diagnostic » de dépression, ajoute à la confusion. Certains
auteurs ont conclu avec enthousiasme et une certaine imprudence que la
prévalence de la dépression de la grossesse dépassait celle du post-partum
(Evans et al., 2001). Trois instruments ont été validés : l’EPDS, l’un des meil-
leurs questionnaires auto-administrés, le GHQ-30 et le BDI. L’EPDS, qui a
été validé en français (Guédeney et al.,  1998, 2000), et le BDI n’incluent
pas d’items somatiques qui puissent aussi être attribués à la grossesse ou au
post-partum. Ces instruments sont peu utilisés au dépistage, où ils sont les
plus performants. Ils sont à tort assimilés à des instruments diagnostiques,

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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144 Psychopathologie périnatale

ce qu’ils ne sont pas. L’EPDS à un seuil de 10-11 est optimal pour le dépis-
tage des dépressions mineures et majeures, et à un seuil de 14-15 offre la
meilleure sensibilité et spécificité pour le diagnostic de dépression majeure.

Biais de recrutement et autres biais


Beaucoup d’études ne précisent pas la méthode de recrutement. Parmi les
femmes incluses, un taux d’attrition supérieur à 30 % réduit la portée des
conclusions, surtout si l’on ne peut étudier les caractéristiques des sujets
perdus de vue. De plus, certaines études fournissent des informations sur
des populations spécifiques, peu généralisables.
La plupart des études sont transversales. À l’opposé d’études prospectives,
la découverte de corrélations ne permet souvent pas de conclure sur la
direction de l’inférence. Un exemple typique de résultat incertain est celui
qui associant les complications obstétricales et la « dépression » fait de la
« dépression » un facteur de risque de ces complications, alors que les préoc-
cupations dépressives (probablement pas une dépression majeure) peuvent
ressortir de ces complications.
Enfin, encore souvent, les analyses du risque incluent beaucoup de fac-
teurs et une faible population, avec le risque de retrouver des corrélations
« par hasard », non reproductibles dans d’autres études (erreur de type 2),
soit un nombre réduit de facteurs, mais concluent devant des corrélations
à une causalité, alors même que les facteurs corrélés peuvent masquer un
facteur causal tiers et absent de l’étude. Il est donc important de choisir
avec soin les facteurs de risque étudiés, et d’engager une analyse multivariée
plutôt qu’univariée avec une population suffisamment importante.

Prévalence

Variabilité des mesures


La prévalence s’étend de 6,1 % (Bunevicius et al., 2009) à 44 % (Orr et al., 2007).
Un taux élevé est généralement associé à la conjonction de seuils bas et du
choix d’une population particulièrement défavorisée (Marcus et al., 2003 ; Orr
et al., 2002 ; Edwards et al., 2008). Aux seuils habituellement choisis, le taux
de dépression (ou de risque de dépression) est estimé à environ 20 % avec le
BDI ou la CES-D et de l’ordre de 10-12 % avec l’EPDS pour un seuil « élevé »
(Andersson et al., 2004 ; Wu et al., 2002). La dépression majeure avérée, effec-
tuée avec l’aide d’un entretien standardisé, est de l’ordre de 3 à 6 % selon les
études.

Évolution lors de la grossesse


Selon la méta-analyse de Bennett et al. (2004), la prévalence moyenne du
taux total de dépression, mineure et majeure, évaluée à l’aide d’instruments
auto-administrés (EPDS au seuil de 10-11) ou par le moyen d’entretiens
Dépression périnatale 145

standardisés est de 7,4 % durant le premier trimestre, de 12,8 % durant le


deuxième et de 12 % durant le troisième trimestre. Selon Gavin et al. (2005),
le taux moyen, en utilisant exclusivement les entretiens standardisés, est
respectivement de 11 %, 8,5 % et 8,5 %. La discordance relative entre les
taux du premier trimestre, par rapport aux suivants, selon la méthode,
entretien ou globale, n’est pas expliquée pour l’instant.

Facteurs de risque
Nous avons sélectionné l’ensemble des études parues entre  1995 et  2012
comprenant au moins 200 sujets. Nous n’avons tenu compte que de
celles comprenant une analyse multivariée incluant des composantes socio-
économiques et au moins deux des facteurs de risque suivants  : facteurs
psychologiques ou psychiatriques, facteurs de stress, soutien social, facteurs
biologiques ou autres facteurs somatiques contemporains de la grossesse.
Facteurs sociaux. Un faible niveau d’éducation est le plus couramment
attesté (Bolton et al., 1998 ; Bunevicius et al., 2009 ; Faisal-Cury et al., 2007 ;
Marcus et al., 2003). L’association est forte et, dans plusieurs études, linéaire.
L’absence d’emploi est fréquemment mise en évidence, qu’elle semble choi-
sie ou subie (chômage). La pauvreté du lien social pourrait en être l’expli-
cation. Un faible niveau économique est moins universellement retrouvé
après analyse multivariée (Faisal-Cury et al., 2007 ; Leigh et Milgrom, 2008).
D’interprétation beaucoup plus difficile est le lien avec l’appartenance à une
minorité ethnique (Abdou et al., 2010), qui s’avère être aussi une minorité
socio-économique et culturelle : ne pas être blanc en Australie ou aux États-
Unis, ou bien posséder une langue maternelle autre que le suédois en Suède.
L’âge n’est pas un facteur de risque établi mais aucune de ces études n’inclut
des femmes enceintes de moins de 17 ans, alors que la plupart des études
portant sur la grossesse à l’adolescence retrouvent une prévalence élevée. Être
seule n’est pas un facteur de risque aussi solidement établi que l’on pourrait
penser : il se retrouve seulement dans deux tiers des études (Bolton et al., 1998 ;
Rich-Edwards et al., 2006 ; Faisal-Cury et al., 2007 ; Marcus et al., 2003 ; Orr
et al., 2002, 2007 ; Robertson et al., 2004 for multiparous). De mauvaises rela-
tions avec le partenaire (dont la femme peut s’être séparée) semblent plus
préjudiciables que d’être une mère isolée (Bilszta et al., 2008).
La survenue d’un événement de vie défavorable, et a fortiori de plusieurs, dans
toutes les études, augmente le risque de survenue d’un état dépressif de novo
ou en récidive. Quand il est quantifié, le risque augmente avec le nombre
d’événements (Leigh and Milgrom, 2008 ; Robertson et al., 2004 ; Bunevicius
et al., 2009). La seule étude (Dayan, 2010) ayant pris en compte un à un ces
facteurs a montré que seuls le stress au travail et des relations très conflic-
tuelles (violence verbale ou physique) avec le partenaire demeuraient dans
le modèle final. Ces résultats corroborent, en outre, d’autres études portant
146 Psychopathologie périnatale

sur la violence domestique (Jeanjot et al., 2008). Ils peuvent être compris à


travers l’analyse des rôles sociaux. En effet, l’engagement professionnel et
les relations avec le partenaire sont, durant la transition avec la maternité,
deux facteurs essentiels de l’identité sociale (Gatrell, 2005).
Le risque fœtal. Dayan et al. (2010) ont montré qu’un développement
fœtal à risque (anomalies biologiques ou échographiques) est corrélé avec
une plus grande occurrence de la dépression prénatale. Il est difficile de
déterminer le sens principal de cette interaction  : influence des manifes-
tations anxio-dépressives sur la survenue d’une anomalie, manifestations
déclenchées par le stress et la détresse qui accompagnent la connaissance
ou l’intuition des anomalies de développement ou bien encore, réactions
inconscientes à un développement fœtal anormal. Ce facteur semble très
important en ce sens qu’il est l’un des plus déterminants de ceux distin-
guant les femmes déprimées en prénatal et en postnatal (à condition que
l’enfant durant le post-partum ne présente aucun symptôme ni pathologie).
L’importance du soutien social, parents et beaux-parents notamment, semble
avoir été surévaluée à l’exception de celui du partenaire, si l’on prend en
compte les résultats des analyses multivariées (Ritter et al., 2000 ; Pakenham
et al.,  2007). Les sujets seraient plus sensibles à l’hostilité de leurs proches
qu’à leur absence, au moins en termes de risque dépressif. Le rôle péjoratif
de l’absence de soutien n’est d’ailleurs retrouvé que dans les études où les
facteurs de stress ne sont pas évalués. Ceci peut être compris en rappelant que
les femmes sans soutien social sont les plus à mêmes d’être confrontées à plus
de stress majeurs, avec moins de moyens d’y faire face, y compris la violence.
Des épisodes psychopathologiques antérieurs, mêmes mineurs, augmente le
risque dépressif dans toutes les études qui les ont recherchés, sous la forme
d’une question ad hoc plutôt que d’entretiens standardisés. Tous les troubles
et pathologies sont concernés sans exhaustivité par cette approche.
Les événements défavorables de l’enfance jouent un rôle dans la survenue
d’un épisode dépressif à cette étape de la vie. Cette question peut être
décisive dans les orientations thérapeutiques, si l’on s’accorde avec la
suggestion selon laquelle les dépressions majeures associées avec un passé
traumatique de l’enfance répondent mieux à la psychothérapie qu’au trai-
tement pharmacologique (Heim et al., 2008 ; Nemeroff et al., 2003). Trois
études seulement ont examiné cette question. Deux ont montré un lien
entre symptômes dépressifs durant la grossesse et la reconnaissance d’abus
sexuels durant l’enfance (Leigh et Milgrom,  2008  ; Edwards et al.,  2008).
L’étude de Dayan et al. (2010) n’a pas retrouvé cette association, ni d’ailleurs
avec des antécédents de violence physique. Toutefois, les femmes qui décla-
raient avoir été l’objet d’un rejet durant l’enfance ou qui affirmaient qu’un
secret de famille y était présent ont montré plus de risques de dépression.
Ces résultats se rapprochent de ceux retrouvés en population générale  :
relations dysfonctionnant avec les parents, violence psychologique et rejet
Dépression périnatale 147

sont associés significativement avec un état dépressif non mélancolique


(Parker et al., 1981, 2000) ; Crook et al., 1981) tandis que seuls la dépression
mélancolique ou l’état dépressif majeur étaient associés avec un abus sexuel
ou des violences physiques sévères (Harkness et Monroe, 2002).
La présence de pathologies médicales chroniques, contrairement à ce qui est
retrouvé en population générale, n’est pas associée à l’augmentation du
risque dépressif (Dayan et al., 2010 ; Andersson et al., 2004). L’hypothèse
selon laquelle l’espoir de mettre au monde un enfant vivant contrebalance les
anticipations négatives associées à la maladie chronique peut être proposée.
Par contre, l’existence de problèmes de santé pouvant menacer directement
la grossesse participe à augmenter le risque (cf. Leigh et Milgrom, 2008 ;
Orr et al., 2007 ; Dayan et al., 2010).
L’association avec le fait de fumer, retrouvée dans presque toutes les études
lors de l’analyse univariée, disparaît dans presque toutes les études en mul-
tivarié, suggérant l’absence d’action directe du tabac ou du maintien de
l’habitude tabagique.
D’autres facteurs sont plus épisodiquement étudiés. Il est souvent mon-
tré qu’avec la parité augmente le risque de survenue d’épisode dépressif,
mais seulement lors de l’analyse univariée. La primiparité n’augmente pas
le risque dans la grande majorité des études. Les résultats concernant des
issues de grossesses défavorables antérieures (avortement spontané, volon-
taire ou médical, fausse couche, antécédent de naissance avec malforma-
tion mineure ou majeure) sont plus contrastés. Ce risque est avéré dans
certaines études (Faisal-Cury et al.,  2007  ; Robertson et al.,  2004  ; Dayan
et al.,  2010) et non dans d’autres, même lors de l’analyse univariée
(Leigh et Milgrom, 2008, Bunevicius et al., 2009). Cette discordance peut
être comprise à la lueur des résultats en population générale qui montrent
que le risque dépressif après de tels événements augmente initialement
(Fergusson et al., 2008) mais faiblit avec le temps (Broen et al., 2006). Les
études évaluant le délai qui sépare la grossesse actuelle des interruptions
de grossesse spontanées ou provoquées ou de la naissance d’enfants mort-
nés arrivent à des résultats contrastés. On soulignera enfin les corrélations
retrouvées avec les sentiments négatifs ou l’ambivalence par rapport à la
grossesse (Areias et al., 1996).

Conséquences observées en post-partum


Les conclusions de telles études doivent toutefois être prises avec précau-
tion : peu sont prospectives et souvent peu de facteurs de confusion sont
pris en compte à travers une analyse multivariée. Enfin concernant les effets
postnataux, il peut être difficile de distinguer ce qui revient à la dépression
pré- ou postnatale, aux psychotropes, à des complications obstétricales ou
aux effets postnataux d’interactions inadaptées ou empêchées.
148 Psychopathologie périnatale

Les effets sur le nouveau-né sont encore peu connus


Effets sur le fœtus
Des études prospectives ont mis en évidence des associations significatives
entre la dépression prénatale et des issues de grossesse défavorables notam-
ment une réduction de la durée de gestation, le travail ou l’accouchement
prématuré (Li et al., 2009 ; Orr et al., 2007), la prééclampsie, une césarienne
et l’admission du nouveau-né dans une unité de soins intensifs. La modi-
fication du rythme cardiaque fœtal et de sa réactivité motrice ainsi qu’un
retard de croissance intra-utérin ont aussi été corrélés avec un taux élevé
de dépression prénatale (Hoffman et Hatch, 2000 ; Field et al., 2003). Les
nouveau-nés peuvent être aussi affectés dans leur comportement émo-
tionnel, la qualité de leur communication (Misri et al., 2004) bien que le
manque d’expressivité parfois constaté peut aussi résulter du traitement
pharmacologique (Dayan et Yoshida, 2007 ; Kallen, 2004).
Parmi les causes de ces issues défavorables, les effets négatifs de l’inges-
tion de substances (tabac, alcool, drogues, psychotropes), un moindre suivi
médical de la grossesse (Zuckerman et al., 1989), ou enfin l’hypoperfusion
placentaire due aux catécholamines (Murray et al., 1991) et enfin une modi-
fication de la sécrétion de cortisol (O’Donnell et al., 2012) ont été évoqués.
Une étude conduite sur 132 enfants âgés en moyenne de 15 ans a retrouvé,
mais uniquement chez les garçons, une plus grande réactivité du système
nerveux sympathique au stress si la mère était déprimée avant la grossesse
(Vedhara et al., 2012).

Effets chez le nouveau-né


Le nouveau-né serait plus irritable et difficilement consolable (Chung
et al.,  2001), présenterait une orientation motrice de moins bonne
qualité associée à une plus grande irritabilité à l’épreuve de Brazelton
(Field, 2004), un tonus vagal diminué et un tracé électroencéphalogra-
phique altéré dans le cortex frontal droit (Field et al.,  2010) rappelant
une anomalie déjà retrouvée chez les déprimés adultes (Henriques et
Davidson, 1990), et enfin des expressions émotionnelles d’allure dépres-
sive (i. e. depression-like faces). Les nourrissons en seraient différemment
affectés selon le genre (Gerardin, 2012 ; Dayan et al., 2006). Les patterns
interactifs inadéquats peuvent entraîner un impact défavorable sur le
développement psychobiologique. De plus, la dépression pourrait affec-
ter le tempérament de l’enfant sans qu’il soit aisé de démêler le rôle du
pré- et post-partum (Eastwood et al., 2012).
Effets à long terme. Dans plusieurs études, seuls les enfants dont les
mères déprimées durant la grossesse continuaient à l’être durablement
après la naissance présentent un développement défavorable après
plusieurs années par rapport aux enfants de mères non exposées aux
Dépression périnatale 149

antidépresseurs et non déprimées (cf. dépression du post-partum  ;


Andersson et al.,  2004)  : développement intellectuel et du langage
pour l’une, anxiété, dépression et inhibition pour l’autre. Les auteurs
suggèrent une spirale transactionnelle négative, la possible association
entre certains problèmes néonataux et la symptomatologie dépressive
maternelle dans une séquence débutant par la dépression maternelle en
anténatal. Les troubles neurocomportementaux observés à la naissance
pourraient être à l’origine des troubles des interactions mère-bébé
observés plus tard (Gerardin, 2012). L’irritabilité du nouveau-né pouvant
conduire à l’exacerbation des sentiments dépressifs maternels serait alors
à l’origine d’un renforcement en boucle des affects dépressifs maternels
et des difficultés du nourrisson.

Une dépression « périnatale » ?


La dépression anténatale est un facteur de risque certain et consensuel
de dépression postnatale. Les interrogations portent surtout sur la qualité de
la liaison, forte ou faible, entre dépression pré- et postnatale. Selon O’Hara
(1994), prenant pour référence onze études sur ce sujet ; cette liaison est
particulièrement forte lorsque sont utilisés des autoquestionnaires. Cer-
tains auteurs suggèrent que 50 % des dépressions du post-partum débutent
durant la grossesse, mais il s’agit surtout dans ce cas de la continuité entre
symptômes isolés. Plus récemment, choisissant un seuil élevé en anté-
natal plusieurs études retrouvent (Wu et al., 2002 ; Dayan in Gravereau-
Vanecke, 2004) environ un tiers des femmes déprimées en anténatal qui
le restent en postnatal. La distribution se fait ainsi pour 14  % de sujets
déprimés (critères EPDS 14/15) : entre 6 et 8 % de femmes « déprimées »
exclusivement en anténatal, 9  % exclusivement dans le post-partum et
environ 5 % tout à la fois en anté-et postnatal. Environ 80 % de femmes
sont en dessous du seuil à tout moment. Bien qu’utilisant des seuils diffé-
rents, d’autres études trouvent une répartition relative assez proche entre
des sujets déprimés pré- et postnatal.
Les seuls critères spécifiques retrouvés pour la dépression prénatale sont
une perception négative de la grossesse, présente dans la moitié des cas.
Les femmes déprimées avant et après la grossesse n’avaient, pour un tiers
d’entre elles, personne à qui se confier après la naissance et un quart ne
recevait pas à la fin de la grossesse le soutien qu’elle souhaitait de leur
partenaire.
La première enquête longitudinale effectuée avec un entretien stan-
dardisé (critères RDC) par Kumar et Robson (1984) retrouve beaucoup
moins de correspondance entre dépressions anté- et postnatale. Les
auteurs supposent que la participation à l’étude pouvait avoir eu un effet
thérapeutique.
150 Psychopathologie périnatale

Tableau 7.1. Continuité dépression pré- et postnatale.


Score EPDS Pré-partum Post-partum
(n = 688) (n = 470)
Distribution 0-28 0-28
Étendue 7,3 (5,5) 6,4 (5,3)
Moyenne (écart-type) 6 5
Médiane au seuil 14/15 au seuil 12/13
Scores indicatifs de dépression majeure 82 62
Nombre 11,9 % 13,2 %
Pourcentage IC à 95 % [9,5 %-14,3 %] [10,1 %-16,3 %]
(d’après Dayan et Creveuil, in Gravereau-Vanecke, 2004) (cf. méthodologie in Dayan et al., 2006)

La prise en charge
Généralités. La difficulté porte sur la capacité de repérage de la dépression
anténatale. En dehors des troubles sévères, le diagnostic ou même la sus-
picion du diagnostic sont très rarement faits par des soignants qui n’ont pas
reçu de formation. Les plaintes sont rares et souvent mises sur le compte de
troubles physiques.
Efficacité. La prise en charge est assez aisée et efficace : dans la plupart des
cas, le trouble rétrocède à une psychothérapie bien conduite et adaptée. Elle
permet aussi de créer une alliance, d’offrir un soutien durant le post-partum,
d’organiser la prévention. Dans ce contexte, les visites prénatales n’ont pas
permis d’offrir le soutien psychologique qu’on en attendait. En effet, l’aide
psychosociale, sans psychologues ou psychiatres formés, ne permet ni de
prévenir ni de traiter les troubles anxio-dépressifs périnataux.
Thérapeutique : voir chapitre 18.

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154 Psychopathologie périnatale

Dépression du post-partum
Les premières observations. En 1845, Esquirol observe chez certaines femmes
qui viennent d’accoucher des troubles psychiatriques d’intensité modé-
rée qui ne nécessitent pas d’hospitalisation et échappent à l’investigation
des psychiatres.
En 1858, Marcé décrit des accidents nerveux « qui ne se développent que
vers la cinquième ou sixième semaine ».
Le concept de dépression atypique. Pitt, en 1968, entreprend son étude princeps,
qui recherche une forme intermédiaire entre blues et psychoses puerpérales.
Il sera amené à décrire « la dépression atypique suivant la naissance ». Sous
ce terme, il distingue une dépression non psychotique sans idées suicidaires
ni ralentissement psychomoteur ou labilité de l’humeur, qui apparaît durant
le post-partum chez des femmes indemnes durant la grossesse. Sa prévalence
élevée fut tout à fait surprenante. Ce résultat fut reproduit ensuite à maintes
reprises, mais la reconnaissance des dépressions natales rencontra une
franche résistance dans les pays d’Europe du Sud et en France, comme en
témoigne l’examen de la littérature scientifique, peut être comme le suggère
Héritier en relation avec le statut maternel et sa place imaginaire variable en
Europe, selon les déterminations religieuses dominantes des sociétés.

Épidémiologie générale
Méthodologie
L’évaluation de la dépression repose soit sur des entretiens semi-structurés,
standardisés et validés, généralement établis en regard des principales clas-
sifications internationales (DSM ou CIM) ou selon les critères RDC (Research
Diagnostic Criteria), soit sur des questionnaires, auto-administrés ou non,
qui ne permettent pas un diagnostic stricto sensu. Ces derniers tendent à
surestimer la prévalence, évaluée par les entretiens, d’un facteur 1,5  à  2.
Les principales échelles d’auto-évaluation utilisées sont le BDI ou Beck
depression inventory (Beck et al., 1961), le CES-D ou Center for Epidemiological
Studies-Depression scale  ; l’EPDS ou Edinburgh Depression Scale (Cox et
al., 1987), le questionnaire de Zung (SDRS ; Zung, 1965). Les valeurs choisies
varient selon les études et les pays. Celles le plus souvent retenues (O’Hara
et al., 1996) sont les suivantes : BDI : ≥ 9 ; CES-D : ≥ 16 ; Zung : ≥ 48 ;
EPDS : ≥ 12. En France on utilise souvent pour l’EPDS un seuil de 10/11
pour le dépistage et 12/13 pour la recherche.

Prévalence
En utilisant les critères du DSM ou RDC, les taux de dépression majeure
varient de 3 % à 6 % au cours des deux premiers mois du post-partum. Si l’on
Dépression périnatale 155

tient compte de la totalité des dépressions, mineures et majeures, estimées


par des questionnaires, la prévalence se situe entre 10 et 18 %. On note une
importante variabilité pour des instruments semblables, même à des dates
identiques, indiquant la nécessité de préciser les conditions de l’évaluation
pour en apprécier les résultats (tableau 7.2).

Facteurs de variabilité des résultats


La date d’évaluation est un critère essentiel
Le taux de dépression (10 % environ) après la naissance d’un enfant est sem-
blable à celui retrouvé au sein de la population féminine en général, et avec
les mères ayant un enfant adopté (Kumar, 1994 ; Cooper et al., 1988 ; O’Hara
et al., 1990). En revanche, si l’intervalle postnatal est réduit à un mois, l’inci-
dence de la dépression est alors triple du taux d’incidence mensuel retrouvé
dans la population féminine à une autre période (Cox et al., 1993). Bridge et al.
(1985) illustrent les variations de prévalence inhérentes à la période d’évalua-
tion, dans leur étude deux fois plus élevée à un an qu’à six semaines.

L’instrument de mesure
La prévalence varie selon la méthode d’évaluation utilisée (O’Hara et
Swain, 1996), certains instruments n’ayant jamais été validés (cf. tableau 7.2).

Tableau 7.2. Prévalence estimée selon la méthode d’évaluation.


Méthode d’évaluation Nombre Nombre de Prévalence Intervalle de
d’études sujets moyenne confiance à 95 %
Estimation globale 59 12 810 12,8 % 0,123-0,134
BDIa, b, c 8 1 073 11,6 % 0 0,097-0,135
CES – Da, b 5 1 583 18 % 0,161-0,199
Zung depression inventory 3 329 7,6 % 0 0,047-0,105
EPDSa, b 12 3 121 12 % 0 0,109-0,131
RDCa 19 5 614 10,5 % 0,097-0,113
DSM 3 208 7,2 % 0 0,037-0,107
Critères de Pitt 2 124 16,1 % 0,096-0,226
Critères de Goldberg 4 1 436 17,8 % 0 0,158-0,198
Remarque : les mesures effectuées dans moins de deux études ne sont pas présentées.
a BDI : Beck depression inventory ; CES-D : Center for Epidemiological Studies-Depression Scale ;

EPDS : Edinburgh Postanatal Depression Scale ; RDC : Research Diagnostic Criteria.


b Les études furent incluses uniquement si le taux de prévalence était basé sur les valeurs

seuils suivantes : BDI : ≥ 9 ; CES-D : ≥ 16 ; Zung : ≥ 48 ; EPDS : ≥ 12.
c La prévalence moyenne estimée, à partir de ces études, était de 0,20. La prévalence estimée

sur le nombre de cas est bien plus faible selon Gotlib et al. (1991) qui rapportent un taux
de prévalence à 0,047 (n = 655).
(d’après O’Hara et Swain, 1996.)
156 Psychopathologie périnatale

L’hétérogénéité des questionnaires est aussi illustrée par l’étude de deux


chercheurs australiens, Condon et Corkindale, qui, en 1997 évaluent la
concordance entre différents instruments utilisés pour évaluer la dépres-
sion du post-partum. À un échantillon de 200 femmes, 4 questionnaires
furent administrés à un, quatre et huit mois du post-partum : EPDS, Zung
self rating dépression scale, une sous-échelle de dépression de l’HAD (Hos-
pital Depression and Anxiety Scale) et du PMS (Profile of Mood States). L’accord
entre deux instruments pour identifier les femmes les plus déprimées ne
dépasse jamais 40 %. Il est constamment inférieur à 25 % entre trois ins-
truments.

Aspects nosographiques
DSM-V (APA, 2013)
Le DSM-V introduit le critère «  avec début périnatal  » qui regroupe les
troubles du début de la grossesse jusqu’à quatre semaines après l’accou-
chement. La spécification est applicable à un épisode dépressif majeur (dont
la prévalence est estimée entre 3 et 6 %), isolé ou récurrent, mais également
à un trouble bipolaire I ou II, ou à un trouble psychotique bref.

CIM-10/ICD-10 (OMS, 1993)


Les troubles du post-partum, exclus de la CIM-9, réapparaissent en clair
dans la CIM-10 au terme « de discussions approfondies » permettant « un
degré de consensus acceptable ». La CIM-10 distingue la catégorie (F53) des
« troubles mentaux et troubles du comportement associés à la puerpéralité,
non classés ailleurs » qui inclut les dépressions et les psychoses puerpérales,
s’ils apparaissent dans les six semaines qui suivent l’accouchement.

Les limites des classifications internationales


L’exigence statistique à laquelle satisfont ces classifications impose des cri-
tères diagnostiques qui parfois ne rendent pas compte de la spécificité de
la clinique.

Limites temporelles
L’incidence de la dépression durant le premier mois du post-partum est trois
fois supérieure à celle d’un groupe «  approximativement  » contrôlé (Cox
et al., 1993 ; Cooper et Murray, 1995). Le risque dépressif ne se limite pas
aux quatre premières semaines. Si une grande part des épisodes puerpé-
raux débute dans le premier mois du post-partum (Cox et al., 1993), on peut
constater leur prolongation ou leur présence bien au-delà. La guérison serait
plus tardive que celle des dépressions ordinaires (Hendrick et al.,  2000).
Dépression périnatale 157

En 1993, Pop et al., dans une étude longitudinale portant sur 293 ­accouchées,
ont trouvé un pic de prévalence de la DPP dix semaines après l’accouche-
ment. En outre, Holt, en 1995, qui recherchait la dépression à trois, neuf et
quinze mois du post-partum, relève que la prévalence la plus élevée se situait
à neuf mois. De fait, de nombreuses études (cf. Holt, 1995) définissent la
DPP comme un épisode survenant dans la première année du post-partum. Il
s’agit d’ailleurs de la définition conseillée par la Société Marcé (http://www.
marcesociety.com/  ; http://www.marce-francophone.fr/), société interna-
tionale, réunissant cliniciens et chercheurs d’horizons très différents, et qui
a pour but la compréhension, la prévention et le traitement des affections
mentales liées à la naissance.
Limites sémiologiques
Les DPP ne répondent pas toutes aux critères de la dépression majeure.
Une définition trop réductrice a pour conséquence d’écarter d’une prise
en charge spécifique deux tiers des patientes dont le trouble ne sera pas
diagnostiqué (Godfroid, 1997).

Aspects sémiologiques
Les difficultés diagnostiques
Ces dépressions échappent pour la plupart à l’investigation psychiatrique
et au traitement. Leur dénomination a longtemps reflété la difficulté de
leur diagnostic : « dépressions mineures », « atypiques », « névrotiques »,
«  souriantes  ». Les mères déprimées souvent résistent au diagnostic
qu’elles craignent, n’évoquant qu’une fatigue exagérée ou des troubles
hormonaux.

Le débat sur la spécificité de la DPP

Les arguments en faveur d’une spécificité


Sémiologie maternelle. Malgré la tristesse ou l’aboulie, ce sont les symp-
tômes « névrotiques » telles l’anxiété, l’irritabilité ou des phobies nouvelles,
qui dominent le tableau. Les femmes déprimées, Cooper et Murray (1995)
pour qui le premier épisode dépressif est postnatal, présenteraient un
risque de récidive plus élevé uniquement en post-partum et non à une autre
période de la vie. La fréquence des suicides pendant la grossesse et en post-
partum est remarquablement rare. Le sentiment d’être utile semble être le
facteur protecteur le plus remarquable. Sa disparition doit alors alerter
le professionnel.
Sémiologie dyadique. Les mères déprimées expriment plus aisément
leur souffrance à travers des doléances concernant le bébé, sans négliger
158 Psychopathologie périnatale

que la dépression maternelle puisse effectivement entraîner ou favoriser


l’émergence de certains troubles  : du sommeil, balancements, difficultés
alimentaires, anorexie ou régurgitations voire vomissements, prise de
poids insuffisante, affection dermatologique, pleurs prolongés. Des consul-
tations répétées pour un nourrisson sans raison apparente peuvent aussi
être le stigmate d’une dépression maternelle et en marquer les éléments
projectifs.

Les arguments contre la spécificité de la DPP


Pour Whiffen (1991), la DPP est une construction d’intérêt limité  : la
maternité est une période normalement stressante. Elle requiert une capa-
cité d’adaptation au même titre que d’autres périodes stressantes, tels le
divorce ou la perte d’emploi. Ces arguments conduisent plutôt à distinguer
un trouble dépressif majeur sans spécificité avec une faible prévalence (3 à
6 %) et des formes moins sévères qui s’apparenteraient plutôt à des troubles
de l’adaptation. Cette remarque est déduite notamment de l’efficacité du
traitement par des groupes de pairs conduits par des thérapeutes entraînés.
De tels groupes ont démontré leur utilité pour faciliter l’adaptation face à
d’autres crises de la vie.
Toutefois, ces formes « mineures » ou « troubles de l’adaptation » semblent
s’accompagner aussi de conséquences sur le développement de l’enfant et
une fraction d’entre elles évolue vers une certaine chronicité.

Description clinique de la DPP


Le tableau complet
Le début est le plus souvent insidieux, parfois sous la forme d’un post-partum
blues qui se prolonge (Lempérière et al., 1984), mais le plus souvent après
une latence de durée variable. Deux pics de fréquence ont été signalés : les
six premières semaines puis entre le neuvième et quinzième mois du post-
partum. La phase d’état est dominée par des manifestations d’allure névro-
tique. C’est une dysthymie asthénique et irritable affectant centralement la
relation à l’enfant et aux soins.

Certains signes sont peu spécifiques Les éléments les plus caractéristiques sont
Pleurs Épuisement majeur
Labilité de l’humeur, plus altérée le soir Phobies d’impulsion
Plaintes somatiques, craintes hypocon- Déplaisir et inadaptation aux soins du bébé
driaques Irritabilité dirigée vers l’époux ou les autres
Troubles de la concentration et de la mémoire enfants
Insomnie d’endormissement avec cauchemars Sentiment d’incapacité physique
Perte de la libido, perte des intérêts habituels Anxiété fréquente et intense
Dépression périnatale 159

Éléments spécifiques
Certaines études attachées à la sémiologie retrouvent quelques traits sémio-
logiques plus particuliers à la DPP :

Tableau 7.3. Sémiologie de la DPP versus dépression non périnatale.


Dépression du post-partum Dépression non périnatale
Aggravation symptomatique le soir Amélioration symptomatique le soir
Difficultés d’endormissement Réveil précoce
Labilité émotionnelle Constance de l’humeur
Rares idées suicidaires Assez fréquentes idées suicidaires
Perte d’estime de ses capacités maternelles Perte d’estime de soi
Anxiété fréquente, déplacée vers le bébé Anxiété moins fréquente
Rareté du ralentissement psychomoteur Fréquence du ralentissement psychomoteur
Risque de récidive lors d’une grossesse Pas de risque augmenté en post-partum
ultérieure augmenté

Dépistage rapide en pratique clinique généraliste

Questions de dépistage
En pratique clinique une « préorientation » diagnostique peut être obtenue
à l’aide d’une ou deux questions :
1) « Avez-vous la sensation d’être parfois anormalement épuisée ou décou-
ragée ? »
En cas de réponse hésitante, il sera proposé la question suivante :
2) « Éprouvez-vous parfois un sentiment de fatigue ou de lassitude qui vous
conduit à pleurer ? »
En cas de réponse positive à l’une des questions un autoquestionnaire
comme l’Edinburgh postnatal depression scale (EPDS) (12, 38, 39) peut-être
proposé à la parturiente, qui assure une meilleure qualité de dépistage.

Questionnaires
Ils sont intéressants en cas de consultation ou de suivi à domicile par des
sages-femmes ou des travailleurs sociaux formés à leur lecture. L’EPDS,
d’emploi rapide et aisé (10 items, remplissage par le sujet en 2 à 5 minutes)
est un des instruments les plus employés pour dépister un état dépressif
durant la grossesse et le post-partum. Durant le post-partum, le seuil de 12 est
habituellement préconisé. D’autres échelles moins spécifiques sont dispo-
nibles notamment la Beck depression inventory (BDI) (Beck et al., 1961) et la
primary care evaluation of mental disorders patient health questionnaire (PRIME-
MD, PHQ). Ils sont tous (Spitzer et al., 1999) disponibles en français.
160 Psychopathologie périnatale

Diagnostic différentiel
Il est souvent aisé, la question essentielle étant de détecter la souffrance
maternelle, fréquemment masquée.
• Le baby blues précoce et transitoire : intense ou prolongé, il peut annoncer
ou se confondre avec une DPP (Hapgood et al., 1988 ; Sutter et al., 1995).
• La psychose puerpérale se manifeste dans la majorité des cas entre la
première et la troisième semaine postnatale, et le tableau est nettement
psychotique  : délire et hallucinations dans les psychoses aiguës, états
maniaques ou mixtes souvent délirants.
• Stress aigu et état de stress post-traumatique : le début du trouble se situe 24
à 48 heures après l’accouchement, l’angoisse est au premier plan, diurne et
nocturne avec cauchemars récurrents.
• Autres : hypothyroïdie, syndrome de Cushing, dépressions induites par les
drogues à action directe sur le système nerveux central, embolies cérébrales
et autres causes rares de délire ou de syndrome confusionnel postnataux.

Évolution et pronostic

Durée des troubles


Certaines DPP représentent plutôt de simples difficultés d’ajustement tran-
sitoires tandis que d’autres représentent des formes majeures, de modérées
à sévères, généralement plus durables.
La durée moyenne rapportée des DPP varie de trois à quatorze mois, mais
la plupart auraient une résolution spontanée en trois à six mois (Kumar et
Robson, 1984 ; Cox et al., 1993). Pourtant selon Pitt, puis Cox, un an après
l’accouchement, 50 % des femmes ne sont pas guéries. En 1994, par une
étude prospective, Kumar, utilisant les critères RDC, a montré que 50 % des
femmes déprimées dans le post-partum précoce présentent encore des affects
dépressifs à un an. Ces femmes se rappelaient clairement de la durée et du
contenu de ces troubles dépressifs trois ans plus tard.
Cependant, une autre étude (Wickberg et Hwang, 1997) a montré que
la majorité des DPP détectées à deux mois par l’EPDS à l’inverse ont cessé
un mois plus tard. Selon les auteurs, ces DPP « résolutives », détectées par
cet autoquestionnaire, représentent des difficultés d’ajustement durant la
transition à la parentalité. Elles sont pourtant, la plupart, des dépressions
(mineures ou majeures) au sens des classifications psychiatriques auxquelles
se rajoutent des troubles de l’adaptation.

Récurrence
La DPP constitue, parfois, le début d’épisodes dépressifs récurrents soit
lors d’une grossesse suivante, le risque de récidive étant alors de 25 à 30 %
(Blackmore et al.,  2013  ; Altemus et al.,  2012  ; Sharma et Pope,  2012  ;
Dépression périnatale 161

Viguera et al., 2011 ; Banti et al., 2011 ; Nylen et al., 2010), soit à une autre


période de la vie. La plupart ne sont pas diagnostiquées.
Évolution après traitement psychothérapique. Quelques études
ont été consacrées à la modification des mécanismes de défense ou coping
qui font suite à une psychothérapie. L’objectif du soin en psychiatrie est
de réduire les symptômes et simultanément la souffrance, l’inefficacité
et l’inadaptabilité sociales. Gut (1993) distingue d’une part la dépression
productive, permettant un réajustement adaptatif, avec de nouvelles stra-
tégies cognitives, et de l’autre une dépression non productive, conduisant
à la chronicité ou à la récurrence. Un point de vue proche énoncé par un
psychanalyste (Fedida,  2001) consistait à distinguer les dépressions «  de
vie  » et «  de mort  », les premières libérant le sujet d’un certain nombre
de contraintes névrotiques d’ailleurs préexistantes à la dépression, les
secondes les entraînant dans la répétition. Ainsi, dans ces conceptions,
la psychothérapie peut non seulement reproduire le statut précédant la
dépression, mais surtout ouvrir à une forme plus riche de relation au
monde. Nylen et al. (2010) procèdent au suivi de 35 femmes ayant reçu un
traitement psychothérapique de trois mois. Ils montrent que les bénéfices à
long terme de la psychothérapie peuvent être mis en évidence même chez
les sujets qui n’ont pu être guéris dans le temps du traitement.

Vulnérabilité et facteurs de risque


Génétique et épigénétique
Les femmes ayant un épisode de dépression postnatale avec des antécé-
dents familiaux d’épisode dépressif majeur ou de trouble bipolaire présen-
tent plus que d’autres une susceptibilité à la dépression périnatale (Mahon
et al., 2009). Celle-ci se manifesterait par des réactions spécifiques de l’axe
hypothalamo-hypophysaire durant la grossesse et au moment de la déli-
vrance, pouvant impliquer le cortisol mais aussi les hormones sexuelles. Par
une expérience assez agressive, Bloch et al. (2000) ont établi que deux tiers des
femmes avec des antécédents de dépression postnatale développaient
des symptômes dépressifs en réponse à un sevrage en aveugle d’œstrogènes
ou de progestatifs donnés initialement à des doses supraphysiologiques
puis arrêtés, alors qu’aucune n’en développait dans le groupe contrôle.
La recherche d’une méthylation épigénétique de l’ADN a été effectuée via
une étude interespèce utilisant des puces à ADN, chez les femmes présen-
tant un épisode dépressif modéré survenant dans les quatre semaines du
post-partum (Guintivano et al.,  2013). Les profils ont été générés chez un
échantillon de femmes suivies de façon prospective de la grossesse jusqu’à
quatre semaines du post-partum. Ces profils ont permis d’identifier deux
loci (HP1BP3  et  TTC9B), qui dans l’ADN hippocampique chez la souris
162 Psychopathologie périnatale

sont modifiés en réponse à un traitement prolongé avec des œstrogènes


(17-b-œstradiol). Leur méthylation a une valeur prédictive de dépression
postnatale. Parmi les femmes présentant un épisode dépressif dès la gros-
sesse, les études de méthylation ont aussi permis de prédire celles qui
seront aussi déprimées durant le post-partum. Le locus HP1BP3  apparaît
ainsi associé avec le récepteur aux b-œstrogènes (Nassa et al.,  2011) et le
locus TTC9B sensible aux hormones gonadiques (Cao et al., 2006). Les liens
avec la sensibilité au stress restent à établir. Un indice repose sur le fait que
le locus TTC9B  pourrait être lié à des récepteurs eux-mêmes associés à la
résilience au stress (Schmidt et al., 2010).

Hypothèses neuro-endocriniennes de la DPP


Le bouleversement hormonal qui affecte l’ensemble des femmes à la nais-
sance et dans le post-partum a conduit à porter une attention soutenue aux
facteurs endocriniens. La grossesse s’accompagne d’une montée progres-
sive du taux de progestérone et d’œstradiol jusqu’à plusieurs centaines de
fois le taux normal, suivie d’une chute brutale après l’accouchement. Une
faible fraction de ces hormones stéroïdes sont libres et donc biologique-
ment actives. Le taux de cortisol croît plus lentement pendant la grossesse,
avec maintien du cycle nycthéméral, pour atteindre trois fois environ son
taux de base, puis encore lors du travail avant de retrouver un taux normal
en quinze jours. Une part considérable de ces hormones sont secrétées par
l’unité fœto-placentaire et sont indépendantes du système hypothalamo-
hypophysaire maternel.
Malgré de nombreuses recherches concernant la DPP, aucun élément
significatif, suffisamment reproductible et consistant n’a pu être retenu
concernant les hormones stéroïdes avec les méthodes usuelles de recherche
(Bloch et al.,  2003). De nombreux indices laissent pourtant supposer un
rôle joué par ces hormones, mais dans une dynamique complexe que ne
peuvent traduire de simples études de corrélation. En revanche, il a été
démontré de façon répétée, pour une fraction des DPP, une corrélation avec
l’apparition de dysfonctionnements thyroïdiens.

Hormones thyroïdiennes
Pendant la grossesse, les modifications des hormones thyroïdiennes sont
le reflet de l’augmentation de la thyroxine-binding globulin (TBG). Les T3 et
T4 totales sont augmentées, mais les taux d’hormones libres sont dans les
limites de la normale et sont abaissés pour environ 10 % de la population
(Ekinci et al., 2013).
Une hypothyroïdie transitoire, parfois précédée d’une hyperthyroïdie (liée
à une infiltration de la glande avec destruction et libération initiale de T3 et
T4), survient chez plus de 5 % des femmes au cours de la première année du
post-partum avec un pic vers les quatrième-cinquième mois. Une association
Dépression périnatale 163

entre ce dysfonctionnement thyroïdien du post-partum et la dépression a été


démontrée (Hage et Azar, 2012). Cette association DPP-thyroïdite concerne-
rait 1 à 3 % des jeunes accouchées (Pop et al., 1993).
Lors d’une grossesse ultérieure, le risque de développer une thyroïdite
(Lazarus et al., 1997) est de 70 % après un premier épisode de thyroïdite lors
de la précédente grossesse. Il est de 25 % lorsqu’était détectée la présence
d’anticorps antithyroïdiens. Toutefois, la récurrence d’épisodes de DPP n’est
pas directement liée à la fonction thyroïdienne. Plusieurs auteurs préco-
nisent d’évaluer soigneusement lors des grossesses suivantes les patientes
ayant eu un précédent dysfonctionnement thyroïdien ou seulement la pré-
sence d’anticorps antithyroïdiens. L’importance de ce constat réside dans la
possibilité d’identifier un groupe à risque.

Hormones stéroïdiennes
Progestérone et œstrogène (stéroïdes sexuels)
Les dosages plasmatiques et les dosages urinaires n’ont pas amené d’élé-
ments marquants en faveur d’un rôle de la progestérone ou des œstrogènes.
Soit ils montrent l’absence de modifications significatives, soit les résultats
sont non reproductibles ou discordants. Une étude a même retrouvé chez
les femmes présentant une dépression majeure un taux plasmatique plus
élevé d’œstroprogestatifs (Klier et al.,  2007). Des recherches plus agres-
sives ont par contre suggéré leur intervention. Ainsi, Bloch et al. (2000)
ont simulé l’augmentation très importante du taux d’hormones stéroïdes
sexuelles durant la grossesse et son effondrement après la naissance. Pour
ce faire, ils ont administré un agoniste du GRH (gonadotropin-releasing hor-
mone) à 16 femmes euthymiques dont la moitié présentait des antécédents
de dépression postnatale. Après huit semaines de ce traitement, le sevrage
fut pratiqué en double aveugle. Chez deux tiers des femmes présentant des
antécédents dépressifs, le sevrage s’accompagnait de la survenue de symp-
tômes dépressifs, alors qu’il n’y en avait aucun dans le groupe contrôle sans
antécédent de dépression postnatale.
Cortisol (glucocorticoïde)
Harris (1994) montre l’association d’un taux abaissé de cortisol salivaire le
soir (dans le péripartum immédiat) et l’apparition secondaire d’une DPP. La
chute en post-partum du cortisol diurne serait ralentie chez les mères dépri-
mées (Pedersen et al., 1993) comparées à un groupe de mères non déprimées.
Nierop et al. (2006) retrouvent un taux plus élevé de cortisol à une épreuve
de stress chez les mères qui ont un score ≥ 10 durant les deux premières
semaines du post-partum. Groer et Morgan (2007) retrouvent, entre quatre
et six semaines, une concentration salivaire de cortisol abaissé et un taux
sérique abaissé d’interféron gamma suggérant une diminution de l’activité
de l’axe hypothalamo-hypophysaire, retrouvé dans certaines études (Taylor,
Glover et al., 2009) et non dans d’autres (Lommatzsch et al., 2006).
164 Psychopathologie périnatale

Quelques études ont examiné les relations entre la dépression du post-


partum, le cortisol et/ou le test de freinage du cortisol par la dexaméthasone
(O’Hara et al., 1991). Elles n’ont fait émerger aucune association significa-
tive.

Monoamines : sérotonine (5-hydroxytryptamine)


En 1995, Stowe rapporte des études retrouvant une association entre la
baisse du tryptophane libre dans le sérum à J5-J6 et le blues, de même lors
d’un suivi sur six mois dans les cas de DPP. La disponibilité en tryptophane
est une étape ultime avant la synthèse de sérotonine. Plus récemment, il a
été retrouvé en cas de DPP un taux abaissé de sérotonine plaquettaire (Lom-
matzsch et al., 2006), et une liaison altérée aux récepteurs du transporteur
de la sérotonine plaquettaire (Newport et al., 2004). Il n’a pas été retrouvé de
résultats consistants concernant le gène du transporteur de la séroto-
nine (5HTT), ses deux allèles, long et court (Skalkidou et al.,  2012), bien
que l’allèle court soit théoriquement susceptible d’augmenter la susceptibi-
lité au stress (Malta et al., 2012).

Autres hormones
Une étude a retrouvé un taux de mélatonine le matin significativement
plus élevé chez les femmes présentant une DPP (Parry et al., 2008). Skal-
kidou et al. (2009) ont montré que la leptine, synthétisée dans le tissu adi-
peux, pouvait conférer une protection contre la dépression, ce qui pourrait
s’accorder avec le taux élevé de DPP retrouvé dans certaines études chez les
sujets de faible indice de masse corporelle.

Facteurs de risque de la dépression postnatale


Remarques méthodologiques
Durant ces deux dernières décennies, de nombreuses recherches ont été
consacrées à préciser les facteurs de risque de dépression périnatale. Elles ont
donné lieu à plusieurs méta-analyses dont celle de Robertson, la dernière
en date (2004). Ces dernières utilisent un concept, la notion de taille de
l’effet (effect size). Elle mesure la puissance d’un test. Développé par Cohen
(1992) ce concept va permettre de s’affranchir des paramètres du modèle :
la taille de l’effet (d) permet d’estimer si l’effet des paramètres à tester est
faible ou fort. Les facteurs de risque retrouvés de façon consistante à travers
la méta-analyse de Robertson et al. (2004), où toutes les études considérées
sont prospectives, sont la dépression et l’anxiété prénatale, la survenue
(souvent dans l’année précédant le temps d’évaluation) de stress sévères
ou d’événements de vie majeurs, le faible soutien social, des antécédents
de dépression et une mauvaise estime de soi. En aucune façon une méta-
analyse ne permet de valider les modèles. Elle associe sous le même nom
des mesures parfois disparates (par exemple des facteurs obstétricaux très
Dépression périnatale 165

divers, des antécédents de dépression mesurés de façon différente, etc.). Elle


ne remplace pas, mais complète, l’intérêt des études ciblées sur un facteur
de risque spécifique qui peuvent renseigner sur les possibles mécanismes
d’action du risque et offrir des éléments de réflexion quant à la nature de la
liaison. Peu discriminative, la solidité des résultats obtenus par une méta-
analyse l’est aux dépens d’une analyse fine du contexte.

Tableau 7.4. Facteurs de risque psychosociaux prénataux de la dépression


postnatale.
Nombre de sujets Taille de l’effet (d) (Cohen, 1988)
Dépression anténatale > 3 000 0,75
Anxiété anténatale > 1 100 0,68
Événements de vie > 2 500 0,61
Soutien social > 3 100 0,64
Antécédents de dépression > 3 700 0,58
Neuroticisme > 600 0,39
Relations de couple > 1 700 0,39
Statut socio-économique > 1 700 0,14
Facteurs obstétricaux > 9 500 0,26
Par convention pour d = 0,2, l’effet est faible, d = 0,5 modéré et d = 0,8 fort.
(d’après Robertson et al., 2004.)

Facteurs obstétricaux et gynécologiques


Les complications obstétricales
Globalement, l’existence de complications obstétricales est significative-
ment, mais faiblement, associée à une augmentation du risque de DPP
(O’Hara et Swain, 1996 ; Beck et al., 2001 ; Robertson et al., 2004). L’étude
de facteurs spécifiques donne lieu à des résultats divergents, peut-être par
manque de puissance des études. La césarienne n’est pas un facteur de
risque à six semaines du post-partum (Sword et al., 2011). Le trouble amené
par une césarienne en urgence peut être profond, mais il s’estompe sou-
vent au-delà de la première semaine, ne répondant pas aux critères d’un
état dépressif. Le même raisonnement peut être appliqué à la réduction
embryonnaire (McKinney et al., 1995). Les relations entre la prééclampsie
et la dépression sont incertaines. Il semblerait que ce soit surtout la gravité
des conséquences sur le fœtus, mesurée par l’admission en unité de soins
intensifs ou le décès, qui en sont les causes réelles (Hoedjes et al., 2011).
Un syndrome de stress peut d’ailleurs survenir dans les suites compliquées
de l’éclampsie.
166 Psychopathologie périnatale

Modalités d’accouchement et allaitement


Séances de préparation à la naissance
L’absence de participation constituerait un facteur de risque important
(Nielsen Forman et al., 2000).

Planification de la grossesse
Son absence selon Warner et al. (1996) augmente le risque de DPP. La
notion de moindre préparation à la maternité est également relevée (Mills
et al., 1995).
Présence d’un support émotionnel durant le travail
Selon Wolman et al., en 1993, un soutien, même effectué par une personne
auparavant inconnue de la parturiente, conduit à une meilleure «  estime
de soi » et à une diminution de l’anxiété et de la dépression, évaluées six
semaines après la naissance. Au minimum, ce choix améliore la satisfaction
des conditions de l’accouchement (Bruggemann et al., 2007).
Naissance à domicile. C’est seulement depuis l’après-guerre que
l’accouchement à domicile est devenu tout à fait inhabituel en Europe de
l’Ouest. La prépondérance de la technique et la médicalisation de l’accou-
chement ont été évoquées à l’origine de la dépression postnatale. En
Hollande, 35 % des femmes accouchent à la maison contre moins de 1 %
en France ou en Angleterre. Selon Pop et al., en 1995, l’incidence du blues et
de la DPP est semblable chez les femmes qui accouchent à l’hôpital et celles
qui accouchent à domicile.
Parité. Stowe et Nemeroff, en 1995, rapportent que, sur 18 études, seu-
lement 3 études retrouvent un plus haut taux de DPP chez les primipares.
Nous avons retrouvé (Dayan cité in Gravereau-Vanecke, 2004) une corréla-
tion entre grande parité et dépression dans un modèle univarié.
Allaitement. Une plus grande proportion de femmes déprimées ne
désirent pas allaiter ou interrompent plus tôt l’allaitement (Henderson
et al., 2003). En aucune façon allaiter n’améliore leur humeur si elles ne le
souhaitent pas. Au contraire, en clinique il est fréquent que la pression à
allaiter chez les femmes dépressives qui n’en font pas le souhait augmente
la mésestime d’elles-mêmes. Par contre l’effet est inverse lorsqu’elles le sou-
haitent, et que spontanément et suffisamment aidées celui-ci se déroule
favorablement. Toutefois, des interactions troublées entre mères et bébés
peuvent rendre plus difficile l’allaitement. La dépression prénatale prédit
un taux d’allaitement diminué et réciproquement les femmes qui allaitent
sont moins déprimées (Figueiredo et al., 2013). Il s’agit d’effets bidirection-
nels entre dépression et allaitement (Hahn-Holbrook et al., 2013).

Facteurs gynécologiques
Syndrome prémenstruel et dysphorie prémenstruelle sont corrélés avec
l’apparition d’une DPP (Pitt, 1968 ; Buttner et al., 2013).
Dépression périnatale 167

Rôle des facteurs socio-économiques


et démographiques
Le niveau de revenus et la classe sociale
À la lueur de plusieurs méta-analyses, dont celle de Robertson (2004), il est
admis que des conditions socio-économiques défavorables sont faiblement
mais significativement associées à la survenue d’une dépression postnatale.
La façon dont est caractérisé le statut social est variable  : revenu, pres-
sion financière, profession, parfois niveau d’éducation. (Lee et al.,  2000  ;
Beck, 2001). Le statut socio-économique reflète aussi le soutien social, au
sens large du terme, c’est-à-dire l’opportunité et la capacité à l’utiliser l’envi-
ronnement, le niveau quotidien de stress et un certain nombre d’autres
variables cognitives, de santé.

Activité professionnelle
La seule absence d’emploi n’est pas un facteur de DPP (Robertson, 2004)
à l’opposé de l’instabilité professionnelle (O’Hara et Swain, 1996 ; Murray
et al., 1995). Plus que l’absence d’emploi, l’absence de reprise d’un emploi
à la suite du congé de maternité serait un facteur de risque indépendant
(Warner et al., 1996). Les auteurs estiment que la perte d’emploi (volontaire
ou non) qui suit la grossesse affecterait les femmes par l’isolement social et
la faible estime d’elles-mêmes qu’elle entraînerait.

Âge maternel
Les différentes méta-analyses concluent en l’absence de corrélation entre
l’âge maternel et la survenue d’une DPP. Toutefois, plusieurs études ont
montré qu’aux extrêmes de la période fertile, soit avant 18 ans et après
40  ans, la DPP était plus fréquente. Il est néanmoins probable que le
mode de calcul influe sur ces résultats. La DPP affecterait un quart des
adolescentes.

Relation avec le partenaire et soutien social


Soutien social. Le soutien social est une notion générale qui se décline
en soutien affectif, matériel ou instrumental et informationnel, portant
tout à la fois sur les réseaux d’aide actifs et sur les moyens de les utiliser.
Il varie évidemment avec la classe sociale. L’absence effective de ce réseau
comme le sentiment de ne pouvoir être aidé sont associés significative-
ment avec la survenue de symptômes dépressifs en post-partum (Nielsen
et al., 2000).
Statut marital. Les résultats sont controversés. Certaines études
rapportent le rôle de l’isolement (mère célibataire, divorcée, séparée),
d’autres non. Wickberg, en 1997, estime que la majorité des études sont
biaisées par des échantillons non représentatifs qui, notamment, excluent
les femmes jeunes ou non mariées et sélectionnent une population issue de
168 Psychopathologie périnatale

la classe moyenne. Étudiant une population moins sélective, il est retrouvé


une association significative avec l’isolement maternel.
Relation avec le partenaire. O’Hara et al. (1996) retrouvent une
corrélation significative négative entre la qualité des relations maritales
évaluées par un questionnaire standardisé (DYAS) et la DPP. L’insatisfaction
conjugale, l’absence de soutien ou la moindre disponibilité du conjoint,
la pauvreté de la communication à l’intérieur du couple ont été parfois
retrouvées comme facteurs de risque. La dépression du partenaire n’est pas
un facteur de risque de la dépression maternelle. Par contre, la violence du
partenaire durant la grossesse est un facteur de risque très significatif avec
un RR élevé, de 2 à 6 selon les études (Rich-Edwards et al., 2011 ; Ludermir
et al., 2010). Ce facteur en pratique clinique est souvent sous-estimé, recher-
ché essentiellement dans les classes sociales défavorisées. Wu et al. (2012)
par une méta-analyse où 679 études ont été incluses a montré l’association
significative avec la DPP (OR =  3,47  ; 95  %  ; IC 2,13-5,64). Ce risque se
retrouve aussi en cas d’antécédent de violence avec le partenaire même en
dehors de la grossesse (La Coursière et al., 2012 ; Garabedian et al., 2011)
mais avec une occurrence moindre.
Difficultés de relation avec leur propre mère. Beaucoup d’auteurs
ont évoqué les relations difficiles avec la mère actuelle (Kumar et Rob-
son,  1984  ; Mills et al.,  1995  ; Murray et Cox,  1995). Les auteurs fran-
çais (Lempérière et al., 1984) ont insisté sur les relations avec la mère de
l’enfance, en cohérence avec les théories de l’attachement ou les théories
psychanalytiques.

Facteurs de risque psychiatriques


Antécédents personnels de dépression ou de désordres
affectifs puerpéraux ou non puerpéraux
Les antécédents personnels de dépression, de symptômes dépressifs
même sans dépression caractérisée, mais aussi tout autre trouble psychia-
trique, durant le post-partum ou un autre moment de la vie, augmentent
significativement l’occurrence du risque dépressif durant le post-partum
(Robertson, 2004). Il s’agit d’un facteur pouvant parfois donner lieu à une
prévention.

Antécédents familiaux de dépression


Les études montrent quelques discordances, probablement du fait de la
nature très hétérogène du recueil de données. Avec un diagnostic de dépres-
sion obtenu par un entretien clinique, donc potentiellement plus fiable, la
corrélation est fortement significative (Steiner, 2002). Une étude, menée en
1999 (Treloar et al., 1999) chez 838 femmes avec une sœur jumelle, a mon-
tré que les facteurs «  génétiques  » expliquaient 25  % de la variance dans
Dépression périnatale 169

la survenue d’une dépression postnatale. Une autre étude en 2006 (Forty


et al., 2006) portant sur 44 femmes et leurs jumeaux avec une dépression
unipolaire utilisant une définition stricte de la dépression du post-partum
ont montré que 42  % d’entre elles développaient une telle dépression à
la première grossesse comparée à seulement 15  % des femmes sans anté-
cédents. Une autre étude (Murphy-Eberenz et al.,  2006) portant sur 328
femmes ayant au moins une sœur a mis en évidence un risque élevé de
dépression postnatale si l’une des sœurs avait un tel antécédent.

Stress et abus
Antécédents d’abus physiques ou sexuels et de carences
affectives précoces
Les violences subies durant l’enfance qu’elles soient physiques, psycholo-
giques, sexuelles, l’exposition à des violences intrafamiliales ou une édu-
cation despotique, ont été associées de façon significative dans plusieurs
études à la survenue d’une dépression postnatale (Malta et al., 2012 ; Mezey
et al., 2005 ; Sagami et al., 2004).
Très souvent, les victimes d’abus sexuels ont également été victimes
d’abus physique et émotionnel, de négligence ou d’autres conséquences
d’un dysfonctionnement familial majeur. Il a été proposé que l’ensemble de
ces facteurs pourrait être aussi déterminant que l’abus sexuel dans la déter-
mination de la psychopathologie du futur adulte. Les travaux de Bifulco
et al. (1998) orientent, néanmoins, vers un rôle prépondérant de  l’abus
sexuel en regard de la dépression. Dans ces circonstances, des difficultés
relationnelles et d’accès à la parentalité ont également été rapportées,
communément constatées par les praticiens malgré peu d’études précises
sur le sujet (Cole et al.,  1992). Le maternage quotidien devient source
d’angoisses plus ou moins conscientes (Buist et Barnett, 1995).
L’allaitement au sein est parfois abandonné en le qualifiant de répugnant,
les soins sont confiés à autrui, l’enfant peut être négligé. Ces mêmes auteurs
signalent que, dans une unité d’hospitalisation mère-bébé, 40 % de femmes
rapportent un abus sexuel, et 54 % un abus sexuel et/ou physique. L’échan-
tillon si particulier et les critères mal définis de l’abus ne permettent, bien
entendu, aucune conclusion épidémiologique, mais ces résultats incitent à
continuer les recherches.
Stress et événements de vie
Les résultats sont étroitement dépendants du mode d’évaluation. Le plus
souvent, les études sur de larges populations sont conduites avec des échelles
restreintes d’événements de vie. Il peut s’agir d’événements de vie évalués
sur la vie entière ou plus souvent sur une période restreinte du moment de
l’évaluation jusqu’aux 6 mois ou un an avant. La cotation se fait par oui ou
170 Psychopathologie périnatale

non ou par une échelle de Likert. L’association devient significative le plus


généralement à partir d’un ou deux événements de vie, mais il reste difficile
avec ce mode d’évaluation de rendre compte des événements les plus signi-
ficatifs. Un certain nombre d’études détaillent les événements susceptibles à
eux seuls de favoriser la survenue d’une DPP. La survenue d’une menace sur
le nouveau-né doit aussi être considérée comme un facteur de stress. Il est
dans une étude partiellement publiée (Dayan in Gravereau-Vanhecke, 2004)
le principal facteur de dépression postnatale avec la violence du conjoint.

Le rôle joué par le comportement de l’enfant


La qualité du comportement interactif du nourrisson, et plus particuliè-
rement le degré de réaction favorable à l’adulte, influence la nature de
l’engagement de l’adulte envers le nourrisson (Murray et Trevarthen, 1986).
En outre, Murray, Stanley, Hooper, King, et Fiori-Cowley (1996), par une
étude portant sur des nourrissons nés de mères non dépressives dans la
période néonatale, ont fait état d’un impact important du comportement
du nourrisson sur l’état mental ultérieur de la mère. La réciproque a été
mise en évidence par d’autres études de type longitudinal, mais souvent
en dehors de la période périnatale  : l’état mental de la mère ou la qua-
lité de ses attentes satisfaites ou non satisfaites, son état de bien-être vont
influencer le comportement ou le tempérament de l’enfant (Hanington
et al., 2010 ; Gross et al., 2008). Nous avons aussi montré de façon prospec-
tive comment l’état psychique de la mère était influencé par l’état de santé
du nouveau-né, notamment lorsque celui faisait l’objet de soins intensifs
(Gravereau-Vanhecke, 2004). Ce même cycle interactif doit être recherché
en cas de nourrisson à risque  : enfant prématuré, né avec un syndrome
de sevrage,  etc. Enfin plusieurs études ont montré une association entre
coliques du nourrisson et plus encore pleurs prolongés et dépression mater-
nelle postnatale (Radesky et al., 2013).
Ainsi, le processus interactif contribue à façonner l’état émotionnel et le
comportement de la dyade de façon bidirectionnelle. Parfois, le sens prépon-
dérant de la causalité reste difficile à déterminer. Il peut être important de
considérer dans quelle mesure des discontinuités peuvent surgir en fonction
des caractéristiques du nourrisson et des parents lorsque l’on cherche à
comprendre la relation qui existe entre les interactions débutées tôt et les
résultats ultérieurs du développement cognitif du nourrisson.

Développement et interactions précoces


Interactions précoces
L’observation des interactions est devenue partie intégrante de la sémio-
logie de la dépression maternelle. La psychopathologie périnatale est une
psychopathologie dynamique des échanges et de la dyade.
Dépression périnatale 171

Selon Field (1984), l’indisponibilité maternelle affecte davantage le


bébé qu’une séparation. Si la mère n’est pas disponible, le bébé recherche
les moyens d’une régulation propre, qui s’ils sont infructueux, peuvent
conduire à un état de détresse et/ou à des affects déprimés. La dépression
n’entraîne pas un modèle univoque d’interaction  : elles varient au cours
du temps pour une même dyade et diffèrent entre les mères elles-mêmes,
déprimées ou non. Certaines mères sont intrusives, d’autres plutôt absentes,
certaines ont un mode d’interaction pérenne, d’autres labile, certaines
sont plus agressives, etc. Les capacités du bébé de répondre à sa mère et de
conserver la dyade en état de fonctionnement jouent aussi un rôle.

Modalités d’étude de recherche


Protocoles expérimentaux
La plupart des protocoles utilisés avant la marche s’inspirent d’un même
dispositif de base. Celui-ci consiste généralement en une expérience de
face-à-face, mère et enfant séparés par une table, enregistrée plus souvent
dans un laboratoire qu’au domicile. Cette méthodologie tend à diminuer
les distorsions des relations des mères déprimées avec leur enfant qui,
spontanément, agissent peu en continu dans l’interaction, minimisent les
contacts (Tronick,  1989) et se montrent mal à l’aise en relation directe
de corps à corps. Beaucoup de recherches utilisent les enregistrements
vidéo d’interactions. Celles-ci peuvent être évaluées par un observateur,
cette observation est de plus en plus souvent complétée ou substituée par
l’analyse du signal.
D’autres protocoles peuvent être utilisés qui ne mesurent pas la dépression
mais ses éventuelles conséquences.
La situation étrange (Ainsworth, 1968) montre un changement de distri-
bution des proportions d’attachement secure et insecure au sein des popula-
tions étudiées (Radke-Yarrow et al., 1985). De nombreuses études ont montré
la plus grande fréquence d’attachement insecure chez les enfants de mères
ayant présenté une DPP (Murray, 1992 ; Righetti-Veltema et al., 1996 ; Wan
et Green,  2009). Des instruments plus aisément utilisables d’évaluation
des modalités précoces d’attachement sont en voie de validation (Bifulco
et al., 2004).
Dans le still-face (Tronick, 1978), la mère a pour consigne de demeurer
face à son nourrisson sans réaction durant une à trois minutes. Immédiate-
ment, le bébé tente d’attirer son attention. Il se détourne après chaque ten-
tative sans réponse puis tente à nouveau de solliciter sa mère notamment
par le regard. Il abandonne plus ou moins tôt ce cycle de sollicitations,
s’affaisse, se retire de l’échange et se réconforte lui-même. Il représente pour
Tronick « un modèle expérimental de négligence émotionnelle et de déni
de l’intersubjectivité ». Il est actuellement plutôt utilisé comme un modèle
d’étude du stress (Melinder et al., 2010) et sa durée réduite à 1 minute.
172 Psychopathologie périnatale

Ces deux derniers paradigmes sont liés par plusieurs résultats (i. e. Cohn
et al., 1991).

Procédure de cotation
Les protocoles sont standardisés pour permettre une analyse fiable des
items observés. Les critères connaissent une définition spécifique pour
chaque auteur, par exemple « le désengagement » maternel est défini dans
une étude par l’expression neutre de la mère et le fait qu’elle n’interagisse
pas avec le bébé. Elle peut aussi détourner le regard ou regarder « passive-
ment  » son enfant. Ailleurs est coté le nombre de sourires, en tenant ou
pas compte de leur qualité  ; ou bien encore le nombre «  d’états affectifs
négatifs ». Certaines études (Murray, 1992) procèdent à une cotation semi-
qualitative alors que d’autres (Field et al., 1990) préfèrent y adjoindre une
cotation quantitative des mimiques, sourires, expressions gestuelles ou de
la voix. Le kia-profil établi par Stern (1989) est basé sur une telle méthode
d’évaluation.

Concepts utilisés
L’observation d’un défaut dans le rythme d’accordage des échanges entre les
états affectifs de l’enfant et de la mère ou bien l’inadaptation des réponses
aux signaux émis a donné lieu à la promotion du concept de synchronie
(Feldman, 2007). Il est promu comme signal d’alarme par certains auteurs
(Guédeney et al., 2011).
L’accordage affectif, concept développé par Stern, est l’expression
d’affects partagés entre l’enfant et son partenaire à travers des manifes-
tations comportementales généralement dissemblables. La « contingence »,
concept développé par Greenspan et Lieberman (1980), est l’état d’un
comportement quand il répond de façon appropriée aux signaux de l’émet-
teur en relation avec le but que ceux-ci manifestaient. En cas de dépression,
les comportements maternels sont plus souvent anti-contingents, non syn-
chrones et mal adaptés.
Résultats (présentation chronologique)
8 à 9 semaines  : l’étude de Cohn et al. (1990) use d’une méthodologie
rigoureuse : population spécifiée (jeune, classe moyenne, mariée, présentant
une dépression majeure répondant aux critères RDC) et groupe contrôlé sur
les variables sociodémographiques. Le comportement des mères déprimées
se distinguait par moins de comportements «  positifs  » et 4 fois plus de
comportements « négatifs », une attention moins soutenue, plus d’irritabi-
lité, moins d’activité et de sourires. Toutefois, la quantité d’affects positifs
maternels ne différenciait pas significativement dans les deux groupes
et les bébés eux-mêmes ne semblaient pas répondre différemment selon
les critères considérés. On note d’ailleurs un taux d’harmonisation des
affects semblables. Devant cet effet restreint de la dépression maternelle, les
Dépression périnatale 173

auteurs concluent que probablement les études antérieures n’ont pas tenu
compte de facteurs annexes déterminant les troubles précédemment constatés.
2 mois : l’analyse dynamique en vidéo (Murray et al., 1996) étudie les
précurseurs (dans l’intervalle d’une seconde) des comportements différant
entre mères déprimées et non déprimées (diagnostic critères RDC ou research
diagnostic criteria) : interruptions de l’enfant et comportements affirmatifs
ou négatifs de la mère. Dans la relation mère déprimée/bébé, les ruptures
induites par l’enfant sont précédées par des réponses discordantes de la
mère ou une attitude de rejet. Ces attitudes sont elles-mêmes précédées par
l’expression d’affects négatifs chez l’enfant. À l’inverse, les comportements
positifs de la mère (réponses empathiques reflétant ou prolongeant celles
du nourrisson) sont précédés par l’expression d’affects positifs chez l’enfant
(sourires, vocalisations positives). Le sexe de l’enfant ne modifie pas ces
conclusions.
3 mois : Field et al., en 1990, étudient, au cours de séquences interactives
en face-à-face entre une mère et son nourrisson de 3  mois, les moments
où les deux partenaires semblent partager le même comportement affec-
tif. L’analyse tend à montrer une plus grande cohérence entre les cycles
comportementaux des dyades de mère non déprimée et une meilleure syn-
chronie interactive.
6 mois : Campbell et al. (1995) ont évalué les interactions de mères dépri-
mées (évaluées par la CES-D, seuil à 27), issues d’un milieu très défavorisé,
avec leur bébé. Elles avaient en commun l’expression beaucoup plus rare
d’affects positifs que le groupe contrôle (20 % du temps des échanges contre
50 %). Surtout, leurs styles différaient, démontrant que la dépression ne peut
se résumer à une modalité interactive unique : la moitié des mères étaient
«  intrusives  », les autres désengagées, mais parfois positives et semblables
dans l’interaction au groupe contrôle, ou mixtes. Au comportement mater-
nel répondait assez spécifiquement un profil de comportement du bébé. Au
comportement intrusif répondaient des «  regards vagues  », au désengage-
ment la protestation, au comportement positif, des réponses positives.
8 mois  : les mères déprimées ne sont, à 8  mois, ni plus intrusives ni
plus évitantes vis-à-vis de leur enfant que le reste de la population (Murray
et al.,  1996). Toutefois, elles sont moins sensibles et moins accordées au
comportement de l’enfant, expriment moins de commentaires sur sa
conduite et ont plus de comportements négatifs. L’enfant lui-même est
aussi souvent actif et engagé dans l’interaction, son tonus est semblable,
il ne se montre pas plus en détresse que les autres enfants. La seule diffé-
rence avec le groupe contrôle est la fréquence des discontinuités induites
par l’enfant. Ces résultats contrastent avec ceux d’études menées parmi des
populations défavorisées où les stress et l’adversité sociale augmentent
les effets de la dépression pour perturber plus massivement les interactions
mère-enfant (Field et al., 1990).
174 Psychopathologie périnatale

18 mois : les enfants de mères déprimées ont moins d’échanges vocaux


et visuels, sont moins souriants (Righetti-Veltema et al., 1996). Les échanges
se déroulent souvent sur un mode discontinu, les mères plus permissives
ou interdictrices favorisent moins l’exploration par l’enfant de l’environne-
ment. Ces derniers jouent davantage seuls, présentent moins d’interaction
à distance, adoptent un comportement d’évitement par rapport à la mère.
Ils expriment moins de plaisir, leur capacité d’attention est diminuée au
test de Bayley et ils se fatiguent plus vite. Ils présentent plus fréquemment
un retard dans l’acquisition de la notion de la permanence au test d’Uzgiris,
moins souvent un attachement secure et plus souvent un attachement
évitant.
19 mois : Stein et al., en 1991, montrent à 19 mois une moindre qualité
des interactions même en l’absence d’état dépressif au moment de l’évalua-
tion. Les mères aident moins leur enfant dans le jeu, ceux-ci se comportent
eux-mêmes plus négativement à l’égard de leur mère. En sus de la dépres-
sion dans le premier groupe, étaient plus fréquemment retrouvées des
difficultés conjugales et des mauvaises conditions sociales que les auteurs
invoquent pour expliquer la persistance d’un « tempérament » de l’enfant
ne permettant pas de bonnes interactions.

DPP et développement précoce


Relations entre interactions et développement
Elles sont encore mal comprises  : les actions sur le système de stress, les
modifications épigénétiques transmissibles par le comportement, l’épige-
nèse neuronale avec stabilisation des réseaux de neurones, l’établissement
de patterns de communication présentant une stabilité et une complexité
croissante en sont des vecteurs. Des notions comme l’imitation et l’empa-
thie viennent traduire les mécanismes des processus comportementaux
d’échanges.
Communication altérée. La dépression affecte de multiple manière
la communication interpersonnelle  : la fréquence de l’adresse verbale
(Teasdale et al., 1980), la qualité de la voix (Sherer, 1986), le contact œil à
œil (Beebe et al., 2008), la qualité de l’expression et des réponses émotion-
nelles (Libert et Lewinsohn, 1973).
Pleurs et sommeil. L’étude de Radesky et al. (2013) a montré une asso-
ciation significative entre des pleurs prolongés chez l’enfant à 6 semaines
et un score élevé à l’EPDS à huit semaines du post-partum. Ils ne rapportent
pas une telle association avec l’EPDS administré peu de temps après la nais-
sance.
Les troubles du sommeil chez l’enfant sont corrélés avec des troubles
du sommeil chez la mère et chacun d’entre eux avec la dépression post-
natale (Radesky et al.,  2013). Bien que l’ordre de la causalité soit difficile
Dépression périnatale 175

à d
­ éterminer, il semble bien que la DPP soit plutôt le promoteur de ces
troubles. Quoi qu’il en soit, une fois ceux-ci installés, une spirale interactive
négative est en place.
Développement de l’enfant évalué à 18 mois
La plupart des études aujourd’hui ne retrouvent plus de corrélation signi-
ficative entre une dépression postnatale isolée avant 6 mois et des troubles
cognitifs affectifs ou moteurs chez l’enfant à 18 mois (Azak et al., 2012  ;
Conroy et al.,  2012  ; Keim et al.,  2011  ; Sutter-Dallay et al.,  2011  ; Tse
et al., 2010).
Par contre la dépression postnatale, en association avec d’autres condi-
tions défavorables (par exemple, Tse et al.,  2010) ou lorsque les troubles
maternels tendent à la chronicité ou récidivent (Sutter-Dallay et al., 2011),
demeure un facteur de risque démontré. Les associations défavorables
sont le faible soutien social, des conditions domestiques inadaptées (Piteo
et al., 2012) ou bien un trouble de la personnalité (Conroy et al., 2012).
Certaines études ont montré que les acquisitions des enfants de mères
continûment dépressives semblaient conserver un retard discret mais signi-
ficatif par rapport aux enfants de mère non déprimées (Azak, 2012). Une
étude a retrouvé de moins bonnes performances aux épreuves de perma-
nence d’objet (épreuves piagétiennes) à 9 et 18 mois (Murray, 1992). Ces
troubles restent toutefois modérés : les nourrissons n’avaient pas d’altéra-
tion globale du développement cognitif. Une étude a montré qu’un stress
psychosocial modéré pouvait légèrement accélérer le développement
moteur et les performances langagières (Keim et al., 2011).

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8 Anxiété et stress
La totalité des enquêtes épidémiologiques mettent en évidence environ
deux fois plus de troubles anxieux chez les femmes que chez les hommes
(Seedat et al., 2009 ; Howell et al., 2001). En période périnatale, une cer-
taine forme d’anxiété et d’inquiétude, les préoccupations maternelles,
généralement de faible intensité, ne ressortent pas de la pathologie. Il
leur a été prêté une fonction adaptative. Les questionnaires, échelles
et entretiens diagnostiques standardisés les classent parmi les manifes-
tations anxieuses peu intenses ou les négligent. Elles font pourtant partie
du processus de parentalisation. À côté d’elles des formes de plus grande
intensité s’organisent parfois selon des syndromes qui, à partir de certains
critères (par exemple DSM, CIM), seront considérés comme des troubles
mentaux.

Une anxiété non pathologique?


Anxiété spécifique et anxiété de séparation 
Nous avons pris le parti de reprendre deux expressions utilisées dans la
littérature psychiatrique concernant la périnatalité  : l’anxiété spécifique
(ou « relative à la grossesse ») désigne les inquiétudes et les préoccupations
se rapportant directement à la grossesse, l’anxiété maternelle de séparation
affecte les mères durant le post-partum et diminue au fur et à mesure du
développement normal de l’enfant.

Évaluation de l’anxiété
L’anxiété-état, par définition ponctuelle, est susceptible de fluctuations
rapides. Elle est aujourd’hui souvent mesurée par le STAI (State, Trait Anxiety
Inventory). Un niveau d’anxiété plus élevé est retrouvé autour du troisième
mois de la grossesse, s’atténuant au second trimestre pour connaître un
pic avant l’accouchement. Standley et al. (1979), procédant par entretiens,
retrouvent au dernier mois de grossesse chez 37 % des femmes au moins
un symptôme anxieux caractérisé (insomnie, réactivité anxieuse, idées
bizarres ou pensées incontrôlables) et chez 11 %, deux ou plus. Durant le
post-partum, la comorbidité est importante entre trouble anxieux et trouble
dépressif mais aussi entre symptômes dépressifs et anxieux.

Anxiété spécifique de la grossesse 


Méthodes d’évaluation 
Burstein et al. (1974) mesurent l’anxiété spécifique par l’échelle Pregnancy
Anxiety Scale (PAS) en 25 items. Standley et al. (1979) établissent un

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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186 Psychopathologie périnatale

­ uestionnaire qu’ils distribuent au dernier mois de grossesse à 73 femmes.


q
L’analyse factorielle dégage trois dimensions indépendantes de l’anxiété :
inquiétudes obstétricales, inquiétudes liées au maternage et signes «  psy-
chiatriques  » d’anxiété  : insomnie, réactivité anxieuse, présence d’idées
bizarres ou de pensées rapides et incontrôlables, etc. Huizink et al. (2004),
à partir d’un autre questionnaire distribué à 230 femmes à trois temps de la
grossesse (début et fin du deuxième trimestre de grossesse et entre 37 et 38
semaines de grossesse) dégagent aussi trois dimensions différentes  : peur
d’accoucher, peur de porter un enfant handicapé et préoccupations quant
à l’apparence. Le score d’anxiété a été retrouvé significativement corrélé à
des complications obstétricales, ce qui est peu surprenant sachant qu’une
proportion non négligeable des femmes inquiètes avait des motifs objectifs
d’inquiétude (mouvements fœtaux, risques connus, inquiétudes des méde-
cins formulées ou non).
Résultats
Les femmes qui expriment le plus d’inquiétudes par rapport à l’accouche-
ment et à la santé du bébé ne sont pas les plus anxieuses au sens psychia-
trique du terme. L’anxiété spécifique semble davantage liée à un facteur de
dépendance (Grimm et Venet, 1966). Les femmes les plus jeunes, les moins
éduquées et les moins préparées sont les plus « spécifiquement » anxieuses
(Standley et al., 1979 ; Burstein et al., 1974).
Parmi 139 parturientes suédoises, interrogées entre la 31e et la 33e
semaine de gestation, 6 % expriment une crainte sévère du travail et de la
délivrance, 17 % une crainte modérée (Areskog et al., 1981). L’inquiétude
est plus fréquente lorsqu’une grossesse antérieure s’est déroulée dans des
conditions stressantes  : anomalie du travail, accouchement douloureux,
grande prématurité, malformation, mort fœtale, etc. Cette crainte, parfois
majeure, a pu être décrite comme annonciatrice d’un état de stress post-
traumatique (Bidlowski et Raoul-Duval, 1978).
Anxiété de séparation  maternelle
Dans le post-partum a été décrite une « anxiété de séparation maternelle »
marquée par l’inquiétude, la tristesse et la culpabilité (Hock et Shirtzinger, 
1992). Elle aurait fonction d’assurer un état de vigilance suffisant à la mère
pour qu’elle apporte au bébé la sécurité nécessaire. Elle diminuerait au fur
et à mesure de la confiance qu’acquiert celle-ci en l’état de sûreté de son
enfant. Assurant une fonction adaptative, cette anxiété encourage la mère à
prendre soin de son enfant. Elle tend à disparaître lorsqu’elle ressent le bébé
en sécurité malgré son absence à ses côtés. Elle décroît avec l’âge du bébé et
augmente en cas de dépression majeure.

De l’anxiété de la grossesse  à la dépression du post-partum 


La relation entre anxiété prénatale et trouble anxieux ou dépressif du post-
partum a fait l’objet de plusieurs enquêtes. Une étude longitudinale de très
Anxiété et stress 187

grande ampleur (Tod, 1964), bien que ne fournissant aucune donnée quan-


titative stricte, offre des résultats intéressants. Les auteurs interviewaient
700 femmes enceintes consultant consécutivement dans un service d’obs-
tétrique à Londres. Elles furent reçues très régulièrement, six fois durant
la grossesse et six fois durant le post-partum. L’analyse de l’évolution des
troubles permet aux auteurs d’émettre l’hypothèse que les symptômes
d’anxiété pathologique durant la grossesse annoncent généralement une
dépression du post-partum. Ce résultat a été très régulièrement retrouvé par
les études des instruments standardisés (Zaers et al., 2008).

Les troubles anxieux caractérisés : trouble


panique, toc et phobies, état de stress
Anxiété généralisée 
Elle est définie comme une extrême inquiétude, quotidienne ou presque
présente durant au moins six mois, et qui perturbe les activités quotidiennes
du sujet et à laquelle un certain nombre de symptômes sont associés. La
fréquence du trouble anxieux généralisé en période périnatale a été évaluée
entre 6 et 8 %, mais une symptomatologie anxieuse incomplète est retrou-
vée chez près de 20  % des parturientes. Elle a été associée, comme dans
les études portant sur le stress, à une plus grande occurrence de complica-
tions obstétricales ou de troubles du développement (Van Batenburg-Eddes
et al., 2009). L’existence d’un lien direct, causal, est discutée.

Le trouble panique 
Il associe des attaques de panique et, dans l’intervalle de leur survenue,
une attente anxieuse généralisée dont le motif principal est la crainte d’une
récidive de l’attaque. Deuils et naissances, grossesse et accouchement ont
été incriminés parmi les facteurs précipitant ainsi que les abus sexuels ou
événements stressants de l’enfance.

Études systématiques
Prévalence
La plupart des études portent sur l’évolution d’un trouble panique pré-
existant à l’état de grossesse. Les résultats sont discordants, mais la plupart
des études à ce jour présentent des faiblesses méthodologiques : enquêtes
rétrospectives, faibles échantillons et sélection peu représentative, taux
très élevé de non-réponses. L’évolution est éminemment variable. De plus,
il n’est généralement pas tenu compte d’un éventuel traitement en cours.
Villeponteaux et al. (1992) étudient l’effet de la grossesse sur les attaques
de panique préexistantes chez 129 femmes précédemment traitées pour
trouble panique ou agoraphobie (critères DSM-III-R). Ils adressent un
188 Psychopathologie périnatale

ensemble de questionnaires par voie postale à ces 129 femmes. Seuls 57


furent retournés  : 28 patientes firent état de l’absence de grossesse après
le début des troubles paniques et ne furent pas incluses, 3 continuèrent
à prendre des psychotropes durant la grossesse, 4 questionnaires étaient
incomplets. L’étude ne put porter que sur 22 femmes. La majorité (14/22)
fit part d’une nette amélioration : cessation totale ou diminution de la fré-
quence et de la sévérité des attaques de panique. Dans deux cas les troubles
perdurent et dans trois cas ils s’aggravent.
Une étude fut menée sur le même modèle par Northcott et Klein en 1994.
Des questionnaires furent adressés à 138 femmes présentant des attaques de
panique avec un taux de réponse de 70 %. Durant la grossesse, les troubles
cessent ou se réduisent pour 43 % des femmes mais 33 % d’entre elles subis-
sent une aggravation. Celle-ci peut aussi survenir lors du sevrage : c’est le
cas de 30 % des mères allaitantes. Il est à noter que 42 % décrivent le début
des troubles dans la suite de leur dernière grossesse. Une étude rétrospec-
tive menée par Cohen et al. (1994a), à partir de 49 dossiers cliniques de
femmes suivies en psychiatrie, conclut à un impact variable de la grossesse :
elle améliorerait les troubles modérés mais serait sans effet sur les troubles
sévères. Cette constatation conduit les auteurs à suggérer l’intérêt en cas de
troubles sévères d’un traitement durant la grossesse. Un tiers des 49 femmes
vit ses symptômes nettement aggravés durant le post-partum et moins d’un
dixième améliorés. Lors du trouble panique, le symptôme « évitement » qui
lui est parfois associé semble grandement amélioré durant la grossesse et
disparaît dans de nombreux cas. Une revue publiée par Hertzberg et Whahl-
beck (1999) retrouve, parmi 215 cas reportés, 41  % s’améliorant durant
la grossesse et 38  % s’aggravant ou récidivant durant le post-partum. Une
autre étude (Meshberg-Cohen et Svikis, 2007) trouve une prévalence moitié
moindre chez les femmes enceintes qu’en population générale.
Facteurs modulant l’évolution
Une étude rétrospective sur sept ans suggère que lorsque le trouble panique
s’est manifesté pour la première fois durant la grossesse il tend à récidiver
lors de la grossesse suivante (Dannon et al.,  2006). Le trouble anténatal,
s’il est modéré, tend à diminuer durant le post-partum, puis à disparaître
lorsque les conditions de l’attachement mère-bébé sont favorables (Guler
et al.,  2008a et b). L’aggravation postnatale est plus fréquente en cas de
troubles sévères. Un trouble persistant durant le post-partum serait aussi
un facteur prédictif d’une dépression majeure (Rambelli et al.,  2010) et
précéderait dans environ 10 % des cas l’apparition de troubles obsession-
nels compulsifs. L’augmentation de la consommation d’alcool durant la
grossesse serait assez fréquente (Meshberg-Cohen et Svikis, 2007). L’usage
d’autres substances à titre anxiolytique n’a pas été évalué mais est probable
(Zvolensky et al., 2008).
Anxiété et stress 189

Vignette clinique : panique et crainte de la rage


Une mère qui présente des attaques de panique est adressée dans une unité
mère-bébé. Elle est incapable de se séparer plus de quelques instants, jour
et nuit, de son bébé de 5 mois. À toute sollicitation, elle lui répond en lui
proposant le sein. Le nourrisson ne peut rester longtemps séparé de sa mère, il
pleure. Depuis la grossesse, elle a développé la crainte phobo-obsessionnelle de
la rage (Wolfe et Sigl, 1998), de l’attraper ou de la communiquer à son bébé.
Elle présente des antécédents d’anorexie et de boulimie.
Elle dit avoir toujours fait l’objet de railleries de ses parents du fait d’un discret
surpoids. Elle se décrit aussi comme « méchante ». La relation avec son enfant
est marquée par la surprotection agressive. Pendant très longtemps, et encore
durant le post-partum précoce, elle procédait sur elle-même à des lacérations
cutanées qui étaient alors le seul moyen de calmer l’angoisse qui l’étreignait.
Le traitement a consisté à lui offrir, au sein de l’unité mère-bébé, un cadre
contenant, évitant les conseils, signalant seulement la capacité du bébé à plus
d’autonomie. Les entretiens lui ont permis d’énoncer progressivement les émo-
tions extrêmement hostiles ressenties envers ses propres parents qu’elle sem-
blait exprimer, pour la première fois, à des tiers.
Un travail effectué sur la divergence entre intentionnalité agressive objective
et pensées hostiles lui a permis de rendre plus acceptable le souhait ordinaire
qu’elle pouvait avoir de rester sans son bébé. Elle a pu dire que celui-ci la fati-
guait parfois ou qu’elle ne désirait pas en permanence le prendre en charge. Les
troubles anxieux se sont atténués et la mère a été prise en charge ensuite en
ambulatoire.

Troubles obsessionnels compulsifs  – phobies


d’impulsion 
Les TOC associent des pensées obsédantes et des rituels aliénants qui ont
pour fonction de neutraliser fantasmatiquement la pensée obsédante, par
exemple le rituel de lavage des mains contient la crainte obsédante d’être
contaminée par des microbes, les rituels de vérification la crainte obsédante
de l’oubli ou du désordre. Les TOC les plus spécifiques de la période périna-
tale sont des phobies d’impulsion. La prévalence en population générale est
évaluée à 1,6 % et 2,3 % entre 30 et 45 ans (Kessler et al., 2005).
Troubles obsessionnels compulsifs (TOC)
La prévalence des TOC en post-partum, toutes formes confondues, est éva-
lué à environ 2-3 % en utilisant des critères stricts. La grossesse ou le post-
partum sont l’occasion des premières manifestations de TOC pour nombre
de patientes (10 à 25 %) (Zambaldi et al., 2009 ; Williams et Koran, 1997 ;
Neziroglu et al., 1992). De plus, nombre de femmes présentant des TOC res-
tent sans enfant (Williams et Koran, 1997).
190 Psychopathologie périnatale

Tableau 8.1. Événements de vie déclenchants du TOC chez 106 femmes


avec ou sans enfant.
Avec enfant Sans enfant
(n = 59) (n = 47)a
Événements liés à la maternité 25 45 % 4 8,5 %
Grossesse 23 39 0 0
Avortement 0 0 3 6,4
Arrêt de la pilule 1 1,7 0 0,0
Autre événement ou aucune 34 55 % 43 91,5 %
circonstance connue
a comprenant cinq femmes ayant eu des avortements ou des fausses couches.
(d’après Neziroglu et al., 1992).

Lorsqu’ils préexistent, les TOC tendent à une certaine rémission ou sta-


bilisation durant la grossesse et à une aggravation durant le post-partum
(Buttolph et Holland, 1990 ; Neziroglu et al., 1992). La comorbidité entre
TOC (pensées obsédantes et rituels de neutralisation) et dépression est éle-
vée. Toutefois ces études menées sur de très petits échantillons conduisent
parfois à des résultats discordants, comme l’aggravation durant la grossesse
(Uguz et al., 2007 ; Zambaldi et al., 2009).

Phobies d’impulsion
Les phobies d’impulsion  sont une forme de TOC extrêmement caractéris-
tique du post-partum. Elles peuvent conduire dans leur forme sévère à une
prise en charge spécifique dans les unités d’hospitalisation mère-enfant.
Historique. Esquirol rapporte, en 1845, le cas d’une parturiente qui, cinq
jours après la naissance, fut troublée par l’histoire d’une femme qui assas-
sina et décapita un enfant. Prise elle-même d’un irrépressible désir de tuer
son propre bébé, elle ne se décida à chercher de l’aide qu’après s’être sen-
tie tendre involontairement son bras vers un couteau. Après six semaines
d’hospitalisation, elle se rétablit complètement.
Idéations phobiques. Si la fréquence des phobies d’impulsion véritables est
faible (estimée entre 0,5 et 1 % de la population), les idéations agressives
sont fréquentes, affectant selon leur définition entre 10 et 40 % des partu-
rientes. Elles ont été retrouvées par Jennings et al. (1999) chez 41  % de
femmes avec bébé présentant un état dépressif contre 7 % dans la popula-
tion générale.
La phobie d’impulsion infanticide est caractérisée par la pensée obsédante
mêlée de crainte et parfois de terreur de blesser ou tuer compulsivement
ou par accident le nouveau-né  : l’égorger avec un couteau, le jeter par la
fenêtre, le noyer dans son bain, le laisser tomber de la fenêtre. Elle entraîne
des manœuvres pour éviter les bains, les couteaux de cuisine, l’isolement
avec l’enfant. Source de honte ou de culpabilité, elle peut conduire à altérer
Anxiété et stress 191

gravement les soins. Ces phobies d’impulsion peuvent se retrouver isolées


ou associées à un TOC caractérisé, à d’autres troubles anxieux et à un état
dépressif.
Symptomatologie des phobies infanticides sévères. Les plus caractéristiques
surviennent durant le post-partum mais elles n’en sont pas exclusives. But-
ton et al. (1972) rapportent 42 cas d’obsession infanticide consécutivement
adressés à un hôpital psychiatrique universitaire, soit 3 % des cas référés. Ils
diagnostiquent 17 schizophrénies, 11 dépressions et 7 troubles obsessionnels
compulsifs. Une psychothérapie de soutien associée à une chimiothérapie
ou une sismothérapie améliore rapidement les symptômes. Les auteurs dis-
tinguent deux types de personnalité sous-jacente. La première est constituée
par une personnalité obsessionnelle rigide et hypercontrôlée, peu expressive
émotionnellement. La seconde est caractérisée par une organisation de la
personnalité borderline avec une pauvreté du contrôle des impulsions, des
mécanismes de défenses archaïques incluant projection, déni et clivage.
L’étude de Sichel et al. (1993) porte sur 15 femmes hospitalisées en psy-
chiatrie présentant des TOC graves avec phobies d’impulsion. Près de la
moitié des femmes présentaient des antécédents d’attaques de panique et,
pour certaines, des désordres anxieux généralisés. La moitié évolua vers
une symptomatologie dépressive deux à trois semaines après l’épisode
aigu obsessionnel. Quatre seulement présentèrent une rémission complète
à trois mois. Dans aucun cas, un geste dangereux n’avait pu être relevé à
l’encontre de l’enfant. L’étude de Chapman (1959) porte sur 20 phobies
d’infanticide ayant pour la plupart fait l’objet d’une psychothérapie. Le
début est entre la naissance et dix ans pour la plupart. La durée des épi-
sodes est variable, entre une et deux semaines et jusqu’à quatorze ans. Les
mères sont le plus souvent traversées par la représentation de poignarder,
décapiter ou étrangler leur enfant. Cette crainte les fait éviter tout objet
contondant même apparemment anodin. Ces obsessions s’organisent en
scénarios élaborés : les mères se représentent par exemple se tenant autour
des corps mutilés et ensanglantés de leurs propres enfants. Elles peuvent
aller jusqu’à imaginer le choc et la détresse de leur mari. Ces fantaisies
s’accompagnent d’une intense anxiété, voire d’un état de panique. Le mari
tente généralement de rassurer son épouse sur le fait qu’elle n’est pas folle
ou ne le deviendra pas. Les symptômes peuvent débuter après un événe-
ment déclenchant, telle la lecture d’un article sur des gestes infanticides. Il
n’existe pas de développement psychotique ou de passage à l’acte, mais par
contre des évolutions dépressives secondaires. Il décrit deux types d’orga-
nisation mentale. Un premier groupe est constitué de femmes passives,
presque incapables d’exprimer leur colère ou d’assurer authentiquement
leurs sentiments, un second groupe plus hétérogène est constitué surtout de
femmes ayant connu des agressions sexuelles ou un comportement inces-
tuel. Les mères développeraient des fantasmes agressifs contre leurs enfants
par déplacement de la haine ressentie envers l’abuseur.
192 Psychopathologie périnatale

Pronostic et thérapeutique. Le pronostic relativement favorable, en


dehors d’une possible évolution vers un état dépressif, des phobies d’impul-
sion (clairement conscientes, source de culpabilité, d’angoisse et parfois
de mécanismes d’évitement ou de protection), doit être distingué de celui,
réservé, des fantasmes infanticides des psychoses puerpérales (souvent
confus, seulement accessibles à travers le délire ou les conduites inappro-
priées, des déclarations bizarres). Le traitement efficace doit être commencé
rapidement  : réassurance pour les idéations simples, psychothérapie psy-
chodynamique ou cognitive en cas de troubles caractérisés, antidépresseurs,
rarement hospitalisation. Souvent ces manifestations anxieuses régressent
avec l’état dépressif quand les deux sont associés.

États de stress aigu et de stress post-traumatique 


Brockington (1996) cite Savage qui fait allusion à cette complication chez
une mère primipare qui, après un travail douloureux et prolongé, fit un
horrible cauchemar et devint, pendant les quatre jours qui suivirent la nais-
sance, affectée par une stupeur mélancolique. Bydlowski et Raoul-Duval
(1978) ont rapporté dix cas de syndrome de stress post-traumatique pour
4 400 accouchements sur une période de deux années. Les troubles sur-
venaient souvent au début du dernier trimestre d’une grossesse suivant un
premier accouchement difficile et à l’issue parfois dramatique.
L’état de stress aigu associe un état de déréalisation, une amnésie dis-
sociative, des flash-back, une sidération psychique et/ou des réactions de
sursaut, une angoisse diffuse. Il peut survenir après certaines complications
sévères de l’accouchement dont les états hémorragiques mettant en jeu la
vie de la patiente, plus rarement en relation avec une angoisse intolérable
devant la douleur, la perte de contrôle ou la crainte du décès de l’enfant
à naître. En cas de complications vitales, l’état de stress est généralement
négligé par l’équipe soignante tout entière accaparée par l’enjeu vital,
et plus à distance souvent confondu avec un accès d’angoisse simple, voire
en présence de troubles dissociatifs avec un état psychotique.
L’état de stress post-traumatique (ESPT) est caractérisé par des
reviviscences mnésiques, incontrôlées, diurnes (flash-back) et nocturnes
(rêves d’angoisse), un syndrome d’évitement et un état d’hypervigilance. Il
suit un syndrome de stress aigu ou s’installe d’emblée. Beaucoup d’études
aujourd’hui portent, notamment à travers des questionnaires, sur des syn-
dromes incomplets ou très incomplets qui restent mal cernés dans leur
évolution et leurs conséquences.
Prévalence. Des études utilisant une procédure stricte d’entretien ont
retrouvé entre 1 % et 6 % de femmes avec un ESPT complet (Czarnocka et
Slade, 2000 ; Creedy et al., 2000), entre 6 % et 24 % présentant des symp-
tômes graves avec un diagnostic d’ESPT partiel. Toutes les procédures inva-
sives (Tham et al., 2010), particulièrement les césariennes en urgence, mais
Anxiété et stress 193

surtout les syndromes hémorragiques sévères sont susceptibles de conduire


à un ESPT, souvent incomplet.
Événement stressant obstétrical. Les événements susceptibles de conduire à
un ESPT peuvent ne pas mettre la vie de la femme ou du fœtus en danger :
travail douloureux prolongé, difficultés de l’accouchement par voie basse,
etc. La survenue d’un ESPT est favorisée par la coïncidence avec une antici-
pation négative de la naissance. On retrouve parfois une vulnérabilité préa-
lable, révélée par des antécédents de traitement psychologique ou psychia-
trique, et favorisée par des antécédents traumatiques, abus sexuels, ou un
précédent accouchement sévèrement stressant (Czarnocka et Slade, 2000).
Évolution. Parmi les possibles répercussions à terme de l’ESPT, il est noté l’évi-
tement des rapports sexuels, la crainte d’avoir un nouvel enfant, la demande
lors d’une grossesse ultérieure d’une césarienne, plus rarement d’anesthésie
(Fones, 1996), la persistance au-delà de plusieurs mois de reviviscences (Zaers
et al., 2008). L’existence de syndrome de stress post-traumatique a été aussi
notée dans d’autres circonstances : après l’annonce d’une stérilité ou en cas
de mort subite du nourrisson. Il peut s’associer à tout processus de deuil.

Concept et mesures du stress


Le terme de stress recouvre plusieurs acceptions différentes. Il peut être
vu comme un stimulus, c’est-à-dire une condition ou situation aversive
survenant dans l’environnement du sujet. Il peut également désigner la
réponse spécifique, physiologique et comportementale, de l’individu, le
retentissement émotionnel de l’événement. Une troisième conception, dite
interactionnelle, fait intervenir conjointement la perception qu’a l’individu
de la situation aversive et sa capacité à contrôler le stress, grâce aussi bien à
ses ressources personnelles que sociales. Huizink et al. (2004) différencient
trois types de facteurs : ceux qui provoquent la réaction de stress (événe-
ments de vie), ceux qui agissent en tant que médiateur du stress (coping,
soutien social) et enfin les facteurs qui résultent du stress comme l’anxiété
ou le stress perçu. Les principales modifications biologiques retrouvées
avec consistance sont pour le stress aigu les variations du taux de catécho-
lamines, d’ACTH ou de bêta endorphines et pour le stress chronique les
modifications du taux de cortisol (Baibazarova et al., 2012 ; DiPietro, 2012 ;
Diego et al., 2006 ; Graignic-Philippe et Tordjman, 2009).
Les événements stressants. De ces acceptions diverses a résulté la
conception de différents types d’instruments de mesure du stress. Les résul-
tats sont étroitement dépendants du mode d’évaluation. L’évaluation par
entretiens, précise et contextualisée (Brown et Harris, 1978), comme dans
la life events and difficulties schedule est plus difficile à mettre en place que
dans les échelles où les événements sont pondérés de façon préétablie tels la
life events inventory (Cochrane and Robertson, 1973) ou le schedule of recent
194 Psychopathologie périnatale

experiences (Holmes et Rahe, 1967) ; très souvent des échelles ad hoc sont


créés, sans qu’elles aient pu être validées, qui affaiblissent la portée des
résultats obtenus. Enfin certains considèrent l’anxiété comme une mesure
du stress, voire la dépression. D’autres instruments évaluent le stress chro-
nique, l’anxiété-état ou la présence de symptômes dépressifs.
Mesures biologiques. Les hormones de stress, hormones stéroïdiennes
(CRH, ACTH, b-endorphine ou cortisol) et catécholamines, sont recher-
chées dans le sang, la salive ou dans les urines. La plupart des informa-
tions sont apportées par un dosage dynamique en réponse à des facteurs de
stress mineurs et pour le cortisol notamment l’étude du rythme circadien.
Des dosages indirects sont possibles : le taux d’alpha-amylase en réponse
au stress aigu prédit de façon significative l’augmentation de la norépiné-
phrine plasmatique (Thoma et al.,  2012). Des mesures simples comme la
fréquence cardiaque et ses variations devant un stress léger, la pression arté-
rielle ou la résistance dermique sont aussi couramment utilisées.

Stress et grossesse : du sentiment de stress


à la catastrophe vécue
La plupart des enquêtes ont recherché l’association avec des complications
obstétricales telles que la durée de gestation réduite ou des enfants de petits
poids. Des résultats discordants suggèrent la nécessité de prendre en compte
d’autres variables que le stress lui-même (soutien social, tempérament,
conditions socio-économiques et niveau académique), et de caractériser la
nature du stress. Ainsi, Dunkel Schetter (2011), à travers une revue de la lit-
térature ne sélectionnant que des études prospectives de qualité suffisante,
ne retrouve une association entre prématurité et stress que dans deux tiers
des études, qu’elles concernent les événements de vie ou les catastrophes
naturelles ou sociales. Par contre, presque toutes retrouvent une associa-
tion avec le stress chronique et aucune avec le harassement quotidien. Des
corrélations significatives avec un risque relatif élevé de complications sont
aussi retrouvées avec «  l’anxiété spécifique à la grossesse  ». Ces échelles
interfèrent fortement avec des processus d’anticipation objectifs. En effet
leur formulation permet d’inclure l’inquiétude de femmes anxieuses parce
qu’elles ont connaissance d’indice objectif ou ont perçu des éléments qui
les ont inquiétés à juste titre. L’association est donc artificiellement aug-
mentée. Les études sur le stress perçu retrouvent une association à la condi-
tion de combiner cette mesure à d’autres éléments d’évaluation du stress
(Lobel et al., 1992, 2008 ; Zambrana et al., 1999).
Stress perçu et anxiété-état. La plupart des travaux (Wadhwa
et al.,  2001  ; Hedegaard et al.,  1996  ; Nordentoft et al.,  1996  ; Graignic-
Philippe et al.,2014) convergent pour montrer l’existence d’une liaison
entre prématurité ou faible poids de naissance et événements de vie
Anxiété et stress 195

perçus comme stressants par la femme enceinte. Dans une étude écossaise
­(Pritchard et Teo, 1994), une association est trouvée avec la perception qu’a
la femme des difficultés rencontrées dans son rôle de mère et dans les tâches
domestiques. Dans une étude menée aux États-Unis (Lobel et al.,  1992),
c’est un score composite de stress (stress perçu pour les événements de vie
majeurs, pour les tracas de la vie quotidienne, mesure d’anxiété) qui est lié
à l’accouchement prématuré. Une étude (Wadhwa et al., 1993) ne retrouve
pas de lien avec le stress perçu, aussi bien quotidien que lié aux événements
de vie majeurs, mais la population étudiée ne comporte que 90 femmes,
contre souvent plusieurs milliers pour les études citées précédemment. Il
est intéressant de relever que c’est surtout la réponse au stress qui joue un
rôle et non pas la seule occurrence de l’événement supposé stressant. Ainsi,
Hedegaard et al. (1996) et Lobel et al. (2008) ne détectent pas de liaison avec
l’accouchement prématuré lorsque les événements sont évalués indépen-
damment de la perception plus ou moins stressante qu’en a la femme.
Stress chronique. Il se manifeste au sein d’un environnement, affectif,
culturel et économique dont il ne peut être séparé. La personnalité du sujet,
son tempérament et son niveau académique vont aussi intervenir. L’aug-
mentation de la sécrétion par le placenta du CRH serait le point central des
interrelations complexes entre mère et fœtus en réaction à un stress chro-
nique. L’augmentation du taux de cortisol (Makrigiannakis et al., 2007) est
plus spécifique du stress chronique et de l’anxiété-trait (Diego et al., 2006).
Stress et catastrophes. Dans les quatre comtés de l’État de New York
affectés par l’inondation de juin 1972, une augmentation significative du
nombre des fausses couches a été constatée au dernier trimestre 1972 et
dans l’année qui a suivi (Janerich et al., 1981).
Une diminution du taux de naissances de faible poids a été observée, pendant
la guerre, à Helsinki (Corsa et al., 1952 d’après Omer et al., 1986). Ce résultat est
généralement imputé à un meilleur équilibre psychique des femmes soumises
en groupe à des conditions de vie plus difficiles et donc à un stress durable.
Omer et al. (1986) ont mis en évidence en Israël un taux d’accouchements
prématurés, durant la guerre d’octobre 1973 et le mois qui suivit, inférieur à
celui observé durant les mêmes mois l’année suivante. Une meilleure cohésion
sociale est encore ici proposée pour expliquer cet apparent paradoxe.
Les attaques terroristes, comme celles du World Trade Center aux États-
Unis se sont accompagnées d’un taux augmenté de retard de croissance
intra-utérin dû aux effets environnementaux mais (Engel et al.,  2005  ;
­Berkowitz et al.,  2003  ; Perera et al.,  2005  ; Rich-Edwards et al.,  2005)
d’aucune autre complication obstétricale.
Les études qui ont pris pour objet le stress ont montré des résultats
variables concernant la prématurité ou la réduction de l’âge gestationnel.
Toutefois certaines études portent seulement sur les femmes témoins directs
des événements et d’autres incluent celles qui en ont entendu parler, ce
196 Psychopathologie périnatale

qui n’est guère comparable. Il est démontré que ces dernières n’ont pas
d’augmentation du risque, voire même une diminution significative (Rich-
Edwards et al., 2005). C’est le cas d’une étude incluant 165 000 enfants nés
de familles de militaires en activité mais dont l’immense majorité n’était pas
directement exposée. Cette large étude n’a pas trouvé d’augmentation des
enfants de petit poids (Endara et al., 2009) ni d’effets sur le développement.
Une étude a même montré une réduction du risque obstétrical chez les
femmes qui présentaient un PTSD ou un état dépressif, à l’exception d’une
réduction du périmètre crânien (Engel et al., 2005). Les études qui ont porté
sur les tremblements de terre ont montré des complications obstétricales de
toutes sortes. Elles étaient maximales avec les catastrophes les plus massives
comme celle en Chine, en 2008, qui causa 70 000 décès (Tan et al., 2009).
Des tremblements de terre de moindre amplitude et de moindre sévérité
en Israël ont retrouvé une augmentation des enfants nés prématurément
(Weissman et al., 1989).
Les catastrophes qui ont entraîné d’importants déplacements de per-
sonnes sont souvent associées à des carences et des stress cumulatifs psycho-
logiques et physiologiques, surtout dans les pays en voie de développement
ou dans les populations très défavorisées. L’ouragan Katrina, qui a causé plus
de 1 800 décès aux États-Unis, s’est accompagné de moins de naissances de
petit poids et d’aucune augmentation d’autres complications obstétricales
(Hamilton et al., 2009). Globalement, il n’y a pas eu plus de problèmes de
santé mentale chez les enfants nés à cette période, bien qu’il y eût plus
de PTSD et d’états dépressifs chez les femmes enceintes à cette période (Savage
et al.,  2010). Ces troubles étaient associés à plus de difficultés psycholo-
giques chez les enfants (Tees et al., 2009), ce qui laisse supposer qu’une part
non négligeable de femmes ayant connu des troubles psychiques après la
catastrophe auraient peut-être été les mêmes qui auraient entretenu des rela-
tions difficiles avec leurs enfants. Au total, la littérature portant sur les catas-
trophes ne permet pas de conclure à des effets importants sur la durée de la
gestation. Plus d’études ont montré une réduction qu’une augmentation du
risque (Eskenazi et al., 2007 ; Engel et al., 2005 ; Rich-Edwards et al., 2005 ;
El-Sayed et al., 2008 ; Hamilton et al., 2009). Par contre, des résultats plus
consistants ont été trouvés sur la croissance fœtale et le poids de naissance.
Le timing de l’exposition au stress aigu. Le premier trimestre et le début
du second trimestre semblent une période de particulière vulnérabilité.
Entre la 8e et la 24e semaine, lorsque se mettent en place les réseaux corti-
caux, le cerveau est particulièrement vulnérable. Par ailleurs il est démon-
tré qu’une élévation du taux de cortisol durant le premier trimestre de
grossesse prédit un taux élevé de CRH au troisième trimestre, qui pourrait
expliquer le lien entre stress précoce et réduction de la durée de gestation.
La datation d’un stress est souvent difficile, car il comprend souvent une
période d’anticipation elle-même stressante et lui-même peut s’étaler sur
Anxiété et stress 197

plusieurs jours, semaines ou mois. Ce problème est partiellement simplifié


en cas de catastrophe naturelle ou sociale (guerre). Les études ont porté sur
la recherche de complications obstétricales ou d’anomalies du développe-
ment. Deux études, l’une portant sur les conséquences d’un tremblement
de terre (Torche et Kleinhaus, 2012), l’autre sur les effets d’un bombarde-
ment (Malaspina et al., 2008) ont montré que les enfants exposés durant le
premier trimestre jusqu’au début du second, étaient plus souvent prématu-
rés et présentaient une incidence plus grande de la schizophrénie.

Stress et développement 
Théorie de la programmation foetale
Le rôle des facteurs psychologiques, tels que le stress, l’anxiété ou la dépres-
sion, est suspecté dans certaines issues défavorables de la grossesse, en parti-
culier prématurité et poids de naissance (DiPietro et al.,  2002) mais aussi
dans le développement, comme le suggèrent les études très documentées
chez l’animal. Toutefois, la plupart des études contrôlent mal les facteurs
de confusion et les risques relatifs sont le plus souvent modérément aug-
mentés. Lorsqu’il s’agit d’affection rare (schizophrénie, malformation de la
crête neurale) il importe de garder à l’esprit que la très grande majorité des
grossesses ne mènent pas aux complications étudiées.
Selon la théorie de la programmation fœtale (cf. par exemple Glover
et al., 2010), le fœtus s’adapte aux conditions de l’environnement. En cas de
stimuli extrêmement défavorables, un accouchement plus précoce favorise-
rait la survie mais exposerait à plus de vulnérabilité et plus de maladies. Les
modèles épidémiologiques, comme les modèles expérimentaux se heurtent
à certaines limites pour expliquer les relations entre le stress et les issues
défavorables de la grossesse ou les conséquences sur le développement. En
effet, de nombreux facteurs interviennent qui modulent l’effet du stress,
comme certains propres à l’unité fœto-placentaire, d’autres liés aux facultés
d’adaptation du sujet dans son environnement.

Plusieurs études ont croisé les registres de naissance


et les complications obstétricales
Une étude danoise (Hansen et al., 2000) a comparé, entre 1980 et 1992, 3
600 femmes exposées au décès de leur partenaire ou d’un de leurs enfants
à ces événements durant la grossesse et jusqu’à seize mois après la gros-
sesse, à un groupe contrôle randomisé (20 000 femmes). Elle a évalué le
taux de malformations global (3 % dans la population de référence) et de
malformation de la crête neurale (0,65 % dans la population de référence).
L’augmentation globale du risque est modérée (RR = 1,14) pour l’ensemble
des malformations, un peu plus élevée pour des malformations de la crête
198 Psychopathologie périnatale

neurale. Elle est maximale lorsqu’il s’agit d’un décès d’un enfant (RR = 4,75),
a fortiori durant le premier trimestre, et qu’il est inattendu (RR = 8,36). Les
études portant sur les désastres naturels ou sociaux, déjà citées, ont montré
une plus grande incidence de la schizophrénie chez les femmes exposées au
premier trimestre. Une autre étude au Danemark (Khashan et al., 2008) a
porté sur une cohorte de 1,4 million de naissances entre 1973 et 1995. Les
enfants dont un proche (partenaire ou enfant) des mères était décédé de
cancer, d’infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire cérébral durant
les six mois qui précédaient la conception ou pendant la grossesse, mon-
traient une incidence plus élevée de schizophrénie (RR  =  1,7) si et seule-
ment si le décès survenait durant le premier trimestre de grossesse.
De nombreuses autres études récentes (Buss et al., 2012 ; Davis et al., 2012 ;
Sandman et al., 2011 ; Davis et al., 2011 ; Davis et al., 2010) ont montré des
liaisons significatives entre le stress durant la grossesse et certaines variantes
ou anomalies du développement neurologique (Sandman et al., 2011, 2012) :
modification de la taille de l’amygdale et de l’hippocampe (Buss et al., 2012),
troubles anxieux chez le préadolescent (Davis et al., 2012), difficulté de régula-
tion du stress (Davis et al., 2011) et enfin troubles cognitifs (Davis et Sandman,
2010 ; Schwabe et al., 2012). Un lien direct de causalité reste encore à établir.

Modes d’action
La régulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire est modifiée durant la
grossesse. Le CRH est principalement secrété par le placenta, à la fois dans
le compartiment maternel et dans le compartiment fœtal. En contraste
avec le rétrocontrôle négatif qu’exerce le cortisol sur la production de CRH
hypothalamique, il stimule la production de CRH par le placenta qui atteint
des concentrations extrêmement élevées au fur et à mesure de la grossesse.
Les effets du cortisol maternel qui traverse le placenta sont modulés par
l’enzyme placentaire 11bHSD2 qui le transforme en sa forme inactive, la
cortisone (Seckl et Meaney, 2004 ; Murphy et al., 2006). À la fin de la gros-
sesse l’activité de cette enzyme qui était très élevée chute et permet la dispo-
nibilité du cortisol pour le développement fœtal et en particulier cérébral.
Deux types d’action ont été particulièrement étudiés : les modifications de
l’activité utérine et le développement fœtal. Chez les rongeurs, un stress bref
de modéré à sévère, entraîne l’augmentation de la production de cortisol en
réduisant l’activité de l’enzyme placentaire 11b-HSD2 (Welberg et al., 2005).
Quant au stress chronique, les études chez l’animal suggèrent qu’il n’affecte
pas la production basale de cortisol mais réduit la capacité d’adapter l’activité
de l’enzyme placentaire 11b-HSD2 en réponse à un nouveau stress. Des études
conduites chez les femmes enceintes anxieuses ont montré que les concentra-
tions de cortisol du fœtus et de la mère et dans une moindre mesure du CRH
sont corrélées de façon linéaire, avec un ratio de 10/1 en faveur du cortisol
maternel. Ainsi le fœtus est sensible au stress sans être inondé par le cortisol
Anxiété et stress 199

maternel, ce qui selon certaines hypothèses participe au mécanisme adaptatif


(Glover et al., 2009). Une action sur le système nerveux sympathique est aussi
suggérée par une modification de l’activité des catécholamines.
Les catécholamines conduisent à une réduction du flux de l’artère uté-
rine (Edwards et Burnham,  2001  ; Weinstock,  1997  ; Gitau et al.,  2001  ;
Teixeira et al., 1999). L’action du stress porterait aussi sur l’activité utérine
à travers la libération d’ocytocine et/ou l’augmentation du taux de récep-
teurs utérins à l’ocytocine (Carsten et Miller, 1987). La mesure de l’activité
utérine spontanée chez des femmes non gestantes a montré que des stimuli
soudains, désagréables ou anxiogènes étaient susceptibles d’augmenter la
fréquence et la survenue des contractions utérines (Bickers,  1956  ; Omer
et al.,  1986). Inversement, un stimulus relaxant diminue les contractions
spontanées en fin de grossesse. Omer et al. proposent de traiter les menaces
d’accouchement prématuré par relaxation sous hypnose et rapportent une
efficacité de cette prise en charge. Les médiateurs des modifications péjo-
ratives sur le développement et leurs cibles sont un objet de recherche
actuelle : hormones de stress et neuropeptides (Ratnayake et al., 2013), crois-
sance neurale et épigénèse (Archer et al., 2012 ; Kolb et al., 2012 ; Ratnayake
et al., 2013 ; Schwabe et al., 2012 ; Buss et al., 2011).
L’ensemble de ces recherches met en évidence la dimension de l’éco-
nomie psychique dans l’issue de grossesse. Elle invite à associer aux soins
physiologiques, le cure, un soin psychologique de base, le care entendu dans
une dimension indépendante de santé publique.

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9 Psychoses puerpérales
La psychose puerpérale représente un modèle quasi expérimental de
déclenchement d’un délire aigu et d’un trouble affectif par un événement de
vie (conception phénoménologique) ou stress (conception physiologique).
L’unité de la psychose puerpérale n’est pas constituée de sa sémiologie, où
priment le délire, la manie et la mélancolie, mais des circonstances de sa
survenue. Elle montre les limites de toute classification en psychiatrie.
Bien que d’une extrême sévérité ces troubles sont mal prévenus et sur-
tout, peu de moyens spécifiques sont attribués à leur prise en charge. Beau-
coup de mères ayant fait l’expérience d’hospitalisation dans des services de
psychiatrie générale, expriment colère et insatisfaction, se sentent peu sou-
tenues, plutôt maltraitées et peu prises en compte dans leur statut maternel
(Mowbray et al., 1995 ; Robertson et Lyons, 2003 ; Hauck et al., 2013).
D’étiologie complexe, le délire ou les troubles affectifs déclenchés par
la naissance peuvent, bien qu’exceptionnellement, survenir chez le père
ou chez des mères ayant adopté un enfant (Shahani, 2012 ; Davenport et
Adland, 1982 ; Van Putten et Lawall, 1981 ; Millet et al., 1978).

Historique
Les descriptions princeps
La notion de troubles mentaux survenant à l’occasion de la maternité est
rapportée depuis l’Antiquité. Hippocrate (460-380) en donne l’illustration
dans le 3e livre des « épidémies ». Le délire est expliqué par la montée au
cerveau d’un mélange de lochies, pertes vaginales liquides, s’écoulant pen-
dant une à plusieurs semaines, jusqu’à cicatrisation de la paroi utérine, et
de lait maternel. La coutume qui subsiste de-ci de-là en France d’imposer
le jeûne au nourrisson durant les premières vingt-quatre heures de vie en
est la trace : interdire aux femmes de nourrir pour que dans un mouvement
imaginaire d’équilibre des fluides, le sang ne monte pas à la tête.
Esquirol, en 1819, décrit « l’aliénation mentale des nouvelles accouchées
et des nourrices ». Il entreprend la première enquête psychiatrique systéma-
tique. Parmi 95 femmes hospitalisées en post-partum, il distingue 50 % de
manies, 40 % de mélancolies et monomanies et 10 % de démences précoces
(schizophrénie). Il signale la fréquence des prodromes et la guérison fré-
quente, souvent spontanée en six à huit mois. Il insiste sur le risque d’infan-
ticide. Il inverse les rapports de causalité traditionnels : le défaut de sécrétion
de lait devient la conséquence de la folie puerpérale. Il remarque chez les
femmes qui en mourraient, l’absence de lésion anatomique : « l’ouverture

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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206 Psychopathologie périnatale

des corps… n’offre rigoureusement rien de particulier.  » Le terrain (héré-


dité, susceptibilité personnelle, accès de folie antérieurs), une vulnérabilité
somatique (écarts de régime, refroidissement, sevrage brusque) et des causes
morales (isolement, crainte de tomber malade, de perdre l’enfant, d’être
abandonnée du père, traumatismes familiaux) sont les étiologies nouvelles
de l’affection.
Pour Marcé, les états délirants du post-partum, ne diffèrent pas fondamen-
talement des manies et mélancolies.

Étiopathogénie
Les théories vont se succéder, organiques, psychologiques ou mixtes. Les
grands axes hormonaux, l’hérédité et les causes « morales » ont été succes-
sivement, alternativement ou conjointement évoqués. Aucune théorie ne
peut à elle seule apporter des arguments scientifiques suffisants et plusieurs
se sont déjà effondrées.

Tableau 9.1. Principales théories étiologiques des psychoses puerpérales.


Dégénérescence Magnan 1877
Constitution Ballet 1892
Auto-infection ou intoxication Toulouse et Marchand 1930
Déséquilibre lutéino-follicullinique Sivadon 1933
Réactivation des fantasmes œdipiens Zilboorg 1929
Intrication physio-psychopathologique Deutsch 1945
(orientation analytique)
Intrication stress-hérédité-hormones Consensus 2013

Épidémiologie
Fréquence
La fréquence des psychoses puerpérales varie selon les études
de 1 à 1,5 ‰ accouchements
Hemphill (1952), à partir d’un travail cliniquement très documenté,
retrouve 1,4 ‰ de psychoses puerpérales, parmi 40 000 grossesses et accou-
chements.
Kendell et al. (1987), à Edimbourgh, sur une période de onze ans, retrou-
vent pour 54  000 naissances, 120 admissions psychiatriques à trois mois
du post-partum, répondant aux critères RDC (Research Diagnostic Criteria), soit
0,9 ‰ de psychoses puerpérales : manies (17 %), dépressions de tous types
(50  %), psychoses fonctionnelles (10  %), épisodes schizo-affectifs (7,5  %),
Psychoses puerpérales 207

schizophrénies (3 %), 10 cas insuffisamment documentés. 51 femmes (42 %)


furent admises durant le premier mois.
Terp et Mortensen (1998) au Danemark entre  1973 et  1993 avec une
population de référence de 1 270 000 femmes retrouvent un taux de psy-
chose puerpérale jusqu’à trois mois du post-partum de 1 ‰ (1 200 sujets).
L’étude de Harlow et al. (2007) en Suède porte sur 612  000 primipares
entre 1987 et 2001. Ils retrouvent un taux de psychoses puerpérales égal à 1 ‰
(600 sujets), 0,7 ‰ de troubles psychotiques et 0,3 ‰ de troubles bipolaires.

Le post-partum précoce est une période à risque psychiatrique


Paffenbarger (1964) en prenant pour base de comparaison les mêmes
femmes à une autre période de leur vie a montré que dix-huit fois plus de
femmes étaient hospitalisées durant le premier mois du post-partum que
durant les autres mois de la grossesse, trente-cinq fois plus lorsqu’il s’agit
de primipares.
Selon Terp et Mortensen (1998), le risque d’être admis pour la première fois à
l’hôpital psychiatrique est multiplié par trois durant les trois premiers mois. Le
risque général d’être hospitalisée n’est augmenté que d’un faible ratio : 1,09.
Selon Harlow et al. (2007), le risque d’être hospitalisé durant le post-
partum augmente avec la récence de l’hospitalisation précédente et le
nombre d’hospitalisations antérieures. 90 % des hospitalisations dans cette
étude surviennent durant le premier mois.

Formes cliniques
Les classifications diagnostiques (CIM, DSM) internationales parfois à seule-
ment dix années d’intervalle n’utilisent pas les mêmes critères. De plus, beau-
coup de chercheurs spécialisés dans le domaine périnatal ont conservé des
catégories diagnostiques anciennes (psychoses fonctionnelles notamment).
Une dizaine d’enquêtes de grande envergure, toutes rétrospectives, ont
été menées durant les deux dernières décennies. Elles montrent 30  % de
troubles bipolaires, 30 % de psychoses aiguës et environ 35 % de troubles
de symptomatologie intermédiaire classés soit psychoses (surtout Europe
du Nord), soit troubles bipolaires (DSM, CIM). Cette pondération entre les
troubles est retrouvée à trois mois, six mois et douze mois. Des auteurs, tels
Meltzer et Kumar (1985) ou Klompenhouwer et Van Hulst (1991) maintien-
nent en effet le diagnostic jusqu’à un an du post-partum. Utilisant le DSM
ou la CIM, les troubles de l’humeur prévalent et représentent environ 70 %
des cas. Ils se partagent entre environ un tiers d’épisodes maniaques ou
mixtes et deux tiers d’épisodes dépressifs sévères avec ou sans sémiologie
mélancolique. Environ 5 % des hospitalisations sont liées à des troubles du
spectre de la schizophrénie.
Deux semaines après l’accouchement, les accès maniaques représentent
la moitié des cas.
208
Tableau 9.2. Diagnostics à 3 et 12 mois du post-partum.

Psychopathologie périnatale
Dean et Kendell et al. Klompenhouwer et Terp et Mortensen Harlow et al. Meltzer et Videbech et
Kendell (1981) (1987) Van Hulst (1991) (1998) (2007) Kumar (1985) Gouliaev (1995)
Diagnostic RDC RDC RDC ICD 8 CIM-8,9 10 RDC DSM-IV
Délai 3 mois 3 mois 3 mois 3 mois 3 mois 12 mois 12 mois
Patients 71 120 250 378 892 142 50
Troubles de l’humeur 82 % 73 %* 28 % 33 % 65 % 68 % 76 %
Épisode dépressif 49 69 % 44 37 % 40 16 % 124 581 63 44 % 29 58 %
Manie/hypomanie/ 9 13 % 44 37 % 31 12 % 34 24 % 9 18 %
états mixtes
Troubles psycho- 14 % 21 % 60 % 67 % 35 % 14 % 24 %
tiques
Psychoses fonction- 5 7 % 13 11 % 74 30 % 209 55 % 209 23 % 3 2 % 1 2 %
nelles*
Schizophrénie 1 1,5 % 4 3 % 12 5 % 102 12 % 102 11 % 9 2 % 6 12 %
Schizo-affectifs 4/0 5,5 % 5/3 51/12 25 % – 5/3 6 % 1/4 10 %
(manie/dépression)
Autres troubles 4 % 6 % 12 % 0 % 0 % 18 % 0 %
* dont 22 cas de troubles de l’humeur probable.
Psychoses puerpérales 209

Nosographie : une question toujours actuelle


La nosographie détermine en partie la conduite à tenir. Par exemple, le
principe qu’une psychose puisse être «  fonctionnelle  » permet d’analyser
l’émergence délirante dans une perspective adaptative et donne légitimité à
une réflexion sur le contexte et l’histoire de la patiente. La classification du
DSM offre une perspective presque exclusivement biologique.

Les classifications internationales


La classification de l’association américaine de psychiatrie
(APA) : le DSM
Dans le DSM-V, la spécification « avec début périnatal » s’étend aux troubles
survenant durant la grossesse jusqu’à quatre semaines du post-partum. Elle
s’applique à un épisode dépressif majeur, maniaque ou mixte, un trouble
bipolaire (I ou II) ou à un trouble psychotique bref. L’entité nosographique
« psychose puerpérale », qui figurait dans le DSM-II (1968) a été retirée du
DSM-III-R (1987), puis partiellement réintroduite dans le DSM-IV par la
mention « avec début lors du post-partum ».
La classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
Cette classification a connu elle aussi l’exclusion puis la réintroduction
d’une terminologie spécifique aux troubles du post-partum. Aujourd’hui,
une classification propre à la psychose puerpérale demeure possible, dans la
section F53 : « Troubles mentaux et troubles du comportement associés à la
puerpéralité, non classés ailleurs », parmi les troubles sévères. Ces troubles
doivent apparaître dans les six premières semaines du post-partum.
Tableau 9.3. Principales dénominations utilisées pour décrire
les « psychoses aiguës délirantes ».
Dénomination du trouble Description princeps Écrits récents
délirant aigu ou de référence
Amentia Meynert 1890 Klompenhouwer 1991
et Van Hulst
Bouffée délirante aiguë Magnan 1893 Sichel et al. 1991
Psychoses psychogéniques Winner 1919 Mac Cabe 1975
Psychoses schizo-affectives Kasanin 1933 DSM-III-R 1987
Psychoses schizophréniformes Langfeld 1939 DSM-III-R 1987
Délire confuso-onirique Ey 1954 Lempérière 1984
Psychoses cycloïdes Leonhard 1961 Brockington 1996
Psychoses hystériques Follin 1963 Hirsch et Hollender 1969
Psychose aiguë/Troubles schizo- DSM-V/CIM-10 2013
phréniformes
210 Psychopathologie périnatale

Des troubles psychotiques sont retrouvés dans 70 % des cas publiés par
les Européens du Nord et 30  % par tous ceux qui utilisent le DSM ou
la CIM. Cette différence s’explique par les traditions psychiatriques. Elle
révèle des points de tension quant à la théorie, en particulier l’orientation
du DSM qui dans l’interaction complexe entre constitution et événement,
biologie et psychisme, réduit au minimum concevable la part de la sub-
jectivité.
La bouffée délirante aiguë
Définie par Magnan (1893) elle est conservée dans le DSM au titre de syn-
drome spécifique observé en Afrique de l’Ouest et à Haïti ! Les critères en
sont (Pull et al., 1987) des idées délirantes polymorphes de survenue bru-
tale, un bouleversement psychique, sans désorientation temporospatiale,
caractérisé par au moins 3 critères suivants  : changements soudains de
l’humeur ou du comportement, dépersonnalisation et/ou déréalisation,
hallucinations ou perceptions inhabituelles. Il s’y ajoute l’absence d’antécé-
dents autres qu’une ou plusieurs bouffées délirantes et le retour complet à
l’état prémorbide en moins de deux mois.
Sichel et al. (1991) décrivent 34 cas de «  bouffée délirante aiguë  » sur-
venant en post-partum, entre  1976 et  1989. Les mécanismes du délire les
plus fréquemment rencontrés sont les interprétations (41,2 %), les thèmes
retrouvés sont le plus souvent de persécution (52,9 %), la thymie dépres-
sive ou la confusion dominent (35,3 %), moins fréquemment une thymie
expansive (26,5 %). La durée d’hospitalisation est dans 80 % des cas infé-
rieure à un mois.
Les psychoses cycloïdes
Terme introduit par Kleist (1928), que Brockington (1996) souhaite réin-
troduire au titre de forme clinique des psychoses du post-partum. La symp-
tomatologie à la fois thymique et schizophrénique s’accompagne, à des
degrés divers, de confusion mentale. L’évolution est marquée par la récur-
rence des troubles. La guérison après chaque accès est complète. Il n’y a pas
d’évolution vers un état déficitaire.
Les psychoses schizophréniformes
Décrit par Langfeldt (1939) et Kant (1942), le tableau clinique des psychoses
schizophréniformes associe des signes confusionnels et une expérience
psychotique. Les symptômes accessoires sont essentiellement des idées de
référence, des sentiments de persécution et des hallucinations auditives.
Le début, brutal ou subaigu, est rapporté à un événement précipitant. La
durée est de quelques mois, mais avec une guérison complète. La typologie
est classiquement pycnique et les antécédents familiaux plus fréquemment
maniaco-dépressifs que schizophréniques. Le trouble schizophréniforme
(DSM) se distingue de la schizophrénie par la durée brève et le caractère
inconstant de l’altération du fonctionnement social.
Psychoses puerpérales 211

Le trouble psychotique bref


Il est repris dans les deux principales classifications internationales, CIM-10
et DSM des troubles « psychotiques aigus ». Il dure moins d’un mois et peut
être déclenché par un stress. Sa survenue possible dans le post-partum est
reconnue. La notion de confusion n’est plus spécifiée. La CIM-10 a créé la
catégorie des « troubles psychotiques aigus polymorphes avec symptômes
schizophréniques » qui inclue les bouffées délirantes aiguës et les psychoses
aiguës avec symptômes schizophréniques. Tous deux doivent durer moins
d’un mois.
Les psychoses schizo-affectives
Ce concept a été réintroduit par le DSM-III-R en 1987. En France, on
emploie plus volontiers le terme de schizophrénies dysthymiques. Leur
description fut l’œuvre de Kasanin en 1933. Le tableau clinique est dominé
par un début brutal, une durée de quelques semaines à plusieurs mois, des
troubles de l’humeur majeurs (excitation traditionnellement), des illusions
et des hallucinations. On peut aussi retrouver une confusion, des troubles
de la motilité, des périodes d’extase et d’anxiété massive. Les phases inter-
critiques sont marquées par une bonne adaptation sociale, rarement inva-
lidées par de discrets troubles. Les manifestations sont en général précoces,
avant 20 ans. Le pronostic est favorable, ce d’autant plus que les troubles
thymiques prédominent sur les symptômes schizophréniques.
Les psychoses psychogéniques
Faergeman (1963) puis Mac Cabe (1975) décrivent un tableau clinique
de début brutal, suite à un traumatisme dit «  adéquat  ». Le contenu de
l’épisode psychotique reflète le traumatisme, l’affectivité est conservée,
l’humeur souvent déprimée. Des idées de référence, de préjudice ou de per-
sécution sont présentes dans plus de la moitié des cas. Il peut s’y adjoindre
des difficultés cognitives annexes ou des idées de suicide, tandis que les
troubles de la conscience vigile sont exceptionnels. La théorie qui fait de la
grossesse pour certaines femmes un trauma et non seulement un stress peut
trouver à travers les psychoses psychogéniques un appui nosographique. Il
s’agit d’un concept scandinave proche des psychoses réactionnelles dont la
première description par Winner (1919) distingue deux types de psychoses
« affectives » et « paranoïaques ». Elles ne répondent pas aux critères krae-
peliniens de la psychose maniaco-dépressive ni bleuleriens de la schizo-
phrénie. Elles sont la conséquence d’un facteur précipitant identifiable.
Les psychoses hystériques
Follin (1963) a décrit des états psychotiques aigus ou subaigus, oniroïdes,
de thématique mystique ou sexuelle, chez des personnalités hystériques, en
continuité avec leur problématique existentielle. Ces épisodes peuvent res-
ter isolés ou se répéter, voire même s’intégrer dans un tableau de « psychose
hystérique chronique  », dépassant alors le cadre des bouffées délirantes,
212 Psychopathologie périnatale

sans pour autant présenter l’aspect d’une «  mutation  » schizophrénique.


Hirsch et Hollender (1969) considèrent ces troubles comme de véritables
bouffées délirantes chez des personnalités hystériques. Maleval (1996) dis-
socie nettement la folie hystérique de la psychose schizophrénique, attri-
buant au délire une fonction et une organisation spécifiques en relation
avec la personnalité du sujet. Le discours des femmes délirantes en post-
partum présente parfois une sensibilité initiale à l’environnement, s’infiltre
de métaphores et s’accompagne de théâtralisme, faisant évoquer un profil
hystérique qui tend à s’estomper dès que l’exaltation ou l’abattement, voire
les hallucinations, occupent le devant du tableau.

Aspects sémiologiques
On distinguera deux formes essentielles  : les désordres thymiques francs,
maniaques ou dépressifs, souvent délirants et les psychoses aiguës déli-
rantes plus ou moins « confusionnelles ». Il existe de nombreuses formes
de passage. Les troubles schizophréniques sont plus rares, marqués par la
dissociation et la discordance.
Dans une perspective clinique et pragmatique, il importe de souligner
l’importance des troubles du sommeil. Ils sont toujours présents à la phase
d’état et sont le meilleur signe d’alarme chez les sujets à risque  : il s’agit
d’insomnies sévères ou progressivement croissantes sans rémission.

Spécificités sémiologiques
Tous les auteurs ont reconnu, dont Esquirol, Marcé et Ey en France et
Hamilton en Angleterre, des caractéristiques sémiologiques propres aux
psychoses puerpérales, mais toutefois insuffisantes à les distinguer radi-
calement des autres formes de délire aigu. Plusieurs études empiriques
ont tenté de répondre à cette question en comparant, pour des diagnos-
tics semblables, les troubles survenant pendant et en dehors du post-
partum (Protheroe, 1969 ; Hays, 1978 ; Brockington et al., 1981 ; Hays et
Douglass, 1984 ; Platz et Kendell, 1988 ; Brockington et Meakin, 1994). La
plupart des auteurs concluent globalement à une certaine forme de spé-
cificité dont la labilité des troubles, le passage parfois rapide, d’un délire
franc à des éléments qui évoquent plus la confusion, voire une forme
« d’hystérie ».
Les troubles de forme «  intermédiaire  » représentent environ un tiers
des cas. Ils ne sont ni typiquement « maniaco-dépressifs » (bipolaires), ni
typiquement « schizophréniques ». Formes de passage, ils ne semblent pas
compatibles avec la dichotomie kraepelinienne entre schizophrénie et psy-
chose maniaco-dépressive (trouble bipolaire type I) (Klompenhouwer et
Van Hulst, 1991 ; Terp et Mortensen, 1998 ; Videbech et Gouliaev, 1995 ;
Brockington, 1996).
Psychoses puerpérales 213

Les troubles de l’humeur


Accès maniaque
Les accès maniaques et mixtes surviennent pour la plupart dans les quinze
premiers jours du post-partum. Ils représentent à cette période de 35 à 40 %
des troubles « psychotiques puerpéraux ». La manie puerpérale se caracté-
rise par son début brutal et précoce, l’agitation intense, la désorganisation
psychotique, la très grande fréquence des productions hallucinatoires et
délirantes. La thématique délirante est variée, irrégulièrement centrée sur
l’enfant : idées de toute-puissance, d’influence, de mission divine, thèmes
érotomaniaques ou de persécution.
Comparant 21 cas de manies puerpérales à un groupe de manies sur-
venant à une autre période, Kadrmas et al. (1979) constatent parmi les
premières la fréquence des symptômes de premier rang de Kurt Schneider
(62  % des cas), plus élevée que dans le groupe contrôle (28  % des cas).
Les états mixtes sont fréquents, particuliers par l’intrication ou l’alternance
rapide d’éléments maniaques et mélancoliques. Dans la moitié des cas envi-
ron, la manie puerpérale évolue vers une phase dépressive ou mixte.

Accès dépressif « majeur »


Les formes délirantes atteignent 50  % des cas (Kendell et al.,  1981  ;
Katona, 1982). Les formes aiguës ont souvent une allure stuporeuse, confu-
sionnelle ou mixte. La labilité de l’humeur est fréquente.
Un tiers environ (des dépressions majeures hospitalisées) sont précédées
par une dépression mineure ou modérée en ante-partum. L’hospitalisation a
lieu pour 20 % des cas durant les deux premières semaines, la majorité dans
les trois mois.
Dans la mélancolie puerpérale, les sentiments d’incapacité, de culpabi-
lité, de déshonneur, de ruine ou de mort dominent la thématique anxio-
dépressive et convergent vers le nourrisson : la mère est convaincue qu’elle
ne sait pas soigner son enfant, qu’il aura par sa faute un destin malheu-
reux, qu’il va mourir ; ou que déjà elle l’a tué. Elle sent peser sur elle et sur
son enfant des menaces précises : elle est jugée, condamnée, elle doit dis-
paraître, on va les tuer. Des visions funestes la hantent, mettent en scène
des catastrophes dont elle se dit responsable (mort ou maladie des proches
par exemple). Le raptus suicidaire et/ou infanticide est ici particulièrement
à redouter.

Psychoses aiguës
Phase prédélirante
Elle précède de quelques jours l’irruption délirante. Elle peut survenir dès la
fin de la grossesse (Dayan, 1997 ; Harlow et al., 2007) ou dès le lendemain
de l’accouchement (Jonquiere-Wichmann, 1981 ; Heron et al., 2007).
214 Psychopathologie périnatale

Les signes en sont des troubles du sommeil à type de cauchemars avec agi-
tation nocturne, des ruminations anxieuses, des bizarreries du comporte-
ment, un désintérêt ou dégoût progressif vis-à-vis du contact corporel avec
l’enfant, des crises de larmes, une asthénie profonde, des plaintes soma-
tiques. Le contact avec l’enfant est marqué par la distractivité, des gestes de
plus en plus « automatisés » ou distants.
Phase d’état
C’est dans les trois premières semaines du post-partum avec un pic de fré-
quence au dixième jour que le délire proprement dit peut être observé. La
variabilité du tableau est l’un des aspects les plus caractéristiques : la patiente
passe de l’agitation à la stupeur, de l’agressivité aux conduites ludiques,
en fonction des fluctuations thymiques et des oscillations du niveau de
conscience.
Les troubles de la vigilance sont fréquents. La réalité est mal perçue, sur-
chargée de significations inquiétantes. Des illusions perceptives, parfois des
hallucinations auditives et surtout visuelles sont présentes. Quand elles sont
au premier plan, elles s’organisent en véritables bouffées oniroïdes alimen-
tant l’anxiété et le délire.
L’humeur est instable  : dépressive ou exaltée avec des moments d’abat-
tement, d’irritation, de désespoir. Parfois se trouvent réalisés des tableaux
mixtes, des syndromes confuso-maniaques ou confuso-mélancoliques.
Organisation du délire. Il est mal structuré, très fluctuant dans son intensité
et son expression. Le vécu délirant est généralement persécutoire et terri-
fiant. Les idées sont particulièrement lugubres et funèbres (« délire triste »
de Marcé). L’intensité de l’angoisse de dépersonnalisation est sensible à
l’attitude de l’entourage.
Thématique. La thématique délirante est généralement centrée sur la nais-
sance et la relation à l’enfant  : négation du mariage ou de la maternité,
sentiment de non-appartenance (il n’est pas d’elle, on a substitué un autre
enfant au sien, on l’a changé de sexe, il a été dérobé par des proches mal-
veillants, il est atteint de grave maladie ou de difformités) ou de non-exis-
tence de l’enfant (il n’est pas né, elle a une tumeur dans son ventre). L’agres-
sivité envers l’enfant est possible, même lorsque la mère semble apathique
ou indifférente (Sichel et Chepfer, 1974). La mère peut se sentir elle-même
menacée, soumise à des influences maléfiques, droguée, hypnotisée.
L’infanticide et/ou le suicide peuvent surprendre l’entourage par la brutalité
de leur réalisation.
L’évolution immédiate
L’évolution est généralement rapidement favorable, sous traitement anti­
psychotique et plus rarement sismothérapie. La guérison est remarquable-
ment accélérée par le maintien de la relation mère-enfant ou sinon par
l’introduction rapide de l’enfant dans le champ d’action thérapeutique, par
Psychoses puerpérales 215

sa présentation à la mère. Mais des rechutes à très court terme ne sont pas
rares, ayant l’allure d’états mixtes, d’accès mélancoliques ou maniaques
plus ou moins typiques.

Schizophrénie et états schizophréniformes


Faible proportion des psychoses puerpérales, les troubles peuvent débuter
tôt après l’accouchement sous trois modalités principales :
• « flambées schizophréniques » avec agitation délirante, discordance idéo-
affective, bizarreries du comportement, conduites impulsives, repli autis-
tique, négativisme ;
• schizophrénie dysthymique avec excitation atypique, dépression déli-
rante et discordante ;
• parfois, le tableau se constitue insidieusement : attitude de repli et d’hos-
tilité, comportement bizarre, désintérêt pour l’enfant qui est négligé ou soi-
gné de manière aberrante.
Dans ces schizophrénies à début (ou à rechute) puerpéral, l’adaptation à
la maternité est sévèrement compromise mais la séparation précoce consti-
tuerait un facteur important et négatif du pronostic (Racamier et al., 1961).

Aspects évolutifs
Moment de survenue des troubles « psychotiques »
en relation avec la puerpéralité
Les troubles psychotiques puerpéraux peuvent survenir durant la grossesse
ou durant le post-partum. Surtout, contrairement aux idées reçues, les pro-
dromes sont très fréquents.
Manifestations prépsychotiques. Elles sont fréquentes durant
la grossesse, et leur sémiologie est variée. L’étude prospective de Mac Neil
(1986) chez 88 femmes présentant des antécédents psychiatriques a mis
en évidence des troubles psychiatriques divers pendant la grossesse dans
75 % des cas. Dans l’étude de Dean et Kendell (1981), 25 % des patientes
ayant présenté un épisode psychotique précoce ont consulté pendant la
grossesse pour des symptômes psychiatriques, dont la moitié pour une
symptomatologie anxieuse ou dépressive. Pour Rhode et Marneros (1993),
dans une étude portant sur 86 cas, près de 80 % des troubles débutent dans
les deux semaines précédant l’accouchement. Heron et al. (2007) mettent
en évidence une symptomatologie hypomaniaque dans les trois premiers
jours suivant l’accouchement chez 75  % des femmes ayant présenté une
psychose puerpérale.
Les psychoses de la grossesse. Leur symptomatologie est similaire à
celles du post-partum avec peut-être plus de formes mélancoliques. Dans
l’étude de Klompenhouwer et Van Hulst (1991) portant sur 250 cas, 11,5 %
216 Psychopathologie périnatale

des psychoses puerpérales surviennent en ante-partum. Selon Harlow et al.


(2007), un peu plus de 40 % des femmes hospitalisées durant la grossesse
pour un épisode psychotique ou pour un trouble bipolaire seront hospitali-
sées dans les trois mois du post-partum.
Les psychoses antérieures à la grossesse. Parmi les femmes ayant été
hospitalisées avant la grossesse, et non durant celle-ci, le taux de récidive est
de 9 % (Harlow et al., 2007). Presque aucune femme ne fut hospitalisée pour
schizophrénie si elle ne l’avait pas déjà été auparavant.
Psychoses précoces et psychoses tardives du post-partum.
Brockington (1989), comme la plupart des auteurs, retrouve, parmi les
femmes admises dans une unité mère-enfant, un début des troubles maxi-
mal durant la 1re semaine (42,5 %) puis ensuite régulièrement décroissant :
24 % dans la deuxième semaine, 7 % dans la troisième, 4 % dans la qua-
trième. Des résultats équivalents sont retrouvés dans des études plus récentes
(Terp et Mortensen, 1998 ; Harlow, 2007, etc.). La symptomatologie maniaque
est plus précoce – 90  % des cas survenant durant les deux premières
semaines (Meltzer et Kumar, 1985 ; Kendell et al., 1987 ; Klompenhouwer et
Van Hulst, 1991) – que la symptomatologie dépressive.

Évolution et pronostic
Le pronostic vital : le risque de suicide
Avant l’avènement des antibiotiques, des techniques de réhydratation et
des neuroleptiques – mais encore aujourd’hui dans les zones déshéritées du
tiers monde – le pourcentage de décès était de 10 à 20 % : décès secondaires
à des manifestations infectieuses, ou bien à la déshydratation et à la dénu-
trition secondaires à l’agitation maniaque ou à l’anorexie mélancolique.
Actuellement, les risques vitaux sont surtout la conséquence d’un geste
suicidaire. Il a été longtemps avancé que 4 % des mères « psychotiques »
commettraient un infanticide (Davidson et Robertson, 1985) dans l’année
qui suit la naissance. Seuls les suivis à long terme (Appleby et al.,  1998  ;
Robling et al., 2000) trouvent un taux de suicide de l’ordre de 5 %, proche
de celui proposé par Davidson et Robertson (1985). Une enquête systéma-
tique menée au Royaume-Uni (Oates,  2003), fournit une estimation très
indirecte et très basse du taux de suicide à court terme en cas de psychose
puerpérale  : 0,2  %. Quoi qu’il en soit, les causes psychiatriques demeu-
rent la principale cause attestée de mortalité en post-partum, de l’ordre de
2/100  000 naissances, en premier par suicide et en second par surdosage
de drogues illicites. Les comparaisons avec les taux internationaux doivent
être prudentes. La définition internationale de la mortalité maternelle est
réduite à une période de 42 jours. Dans beaucoup de pays, les registres sous-
estiment la mortalité psychiatrique, par absence de diagnostic et par le
caractère non obligatoire dans de nombreux pays d’inclure spécifiquement
cette étiologie dans le registre de mortalité maternelle.
Psychoses puerpérales 217

Le pronostic psychiatrique
Le pronostic de l’accès aigu est très favorable
La durée moyenne des troubles variait de six à huit mois avant l’introduc-
tion des chimiothérapies psychotropes (Ball, 1880). L’évolution sous traite-
ment conduit à une sédation en une à deux semaines (mais avec un taux de
rechutes précoces élevé).

À long terme, les récidives sont extrêmement fréquentes


Le risque de récurrence puerpérale à chaque grossesse varie de 20 à 30 %
(Kumar et al., 1983).
Le taux de récidives puerpérales et non puerpérales à long terme est éva-
lué entre 50 % et 75 % (Protheroe, 1969 ; Benvenutti et al., 1992 ; Videbech
et Gouliaev, 1995 ; Robling et al., 2000 ; Robertson et al., 2005). 50 à 65 %
des patientes ayant présenté une psychose du post-partum rechutent sur un
mode thymique, en dehors d’un contexte puerpéral. Sur une période de
vingt-trois ans en moyenne, 37 % des sujets avaient connu au moins trois
rechutes.
Facteurs de risque. La fréquence des récidives puerpérales est augmentée
avec la réduction de l’intervalle séparant deux grossesses (Ey et al.,  1978,
Marks et al.,  1992  ; Harlow et al.,  2007), le nombre d’épisodes antérieurs
non puerpéraux ou puerpéraux (Kadrmas et al., 1979 ; Schopf et al., 1984 ;
Dean et al.,  1989  ; Protheroe,  1969  ; Reich et Winokur,  1970), en cas de
troubles maniaques comparés aux psychoses avec signes confusionnels,
début précoce et absence de troubles thymiques (Rancurel et Marmie, 1975 ;

Tableau 9.4. Rechutes et récidives puerpérales et non puerpérales.


Premier(s) auteur(s) N* % de rechutes % de rechutes % de rechutes
puerpérales puerpérales non puerpérales
par sujet par grossesse par sujet
Paffenberger (1964) 41 51 35
Protheroe (1969) 149 20 50
Schopf et al. (1985) 32 34 65
Mac Neil (1986) 48 35 66
Platz et Kendell (1988) 11 18
Dean et Kendell (1981) 80 36
Robling et al. (2000) 64 29 70
Robertson et al. (2005) 103** 57 62
Estimation moyenne 35 25 60
* N : nombre de cas.
** Troubles bipolaires exclusivement.
218 Psychopathologie périnatale

Dean et al.,  1989) ou aux dépressions unipolaires (Robling et al.,  2000).


La présence de signes évoquant un trouble schizophrénique, notamment
discordance affective et survenue dans le post-partum tardif, augmente net-
tement le risque de passage à la chronicité (Davidson et Robertson, 1985).
L’étude rétrospective de Protheroe (1969) porte sur 134 femmes hospita-
lisées entre 1927 et 1961 pour des troubles psychotiques survenus dans les
6 premières semaines du post-partum. Le risque de survenue d’un nouvel
épisode lors de la grossesse suivante est estimé à 1/3 en cas de troubles
bipolaires et 1/8 en cas de dépression unipolaire. Le risque de récidive non
puerpérale est estimé à plus de 50 %.
En 1985, Schopf et al. entreprennent une étude rétrospective portant
sur 57 femmes hospitalisées entre 1958 et 1977 pour des troubles psychia-
triques trois mois après leur accouchement. 65 % des patientes ont présenté
au moins une récidive non puerpérale dont 43 % répondaient aux critères de
psychose affective et 25 % sont restées indemnes de toute pathologie.
En 1985, Davidson et Robertson examinent l’évolution de 82 patientes,
hospitalisées entre 1946 et 1978. Le risque de rechute puerpérale varie de
20 à 30 %. Chez 58 patientes, dont la pathologie puerpérale fut le premier
épisode psychiatrique, le risque de récurrence non puerpérale est estimé à
40 % pour les unipolaires, 66 % pour les bipolaires. Pour les schizophrènes,
ils relèvent plus de 50 % de passage à la chronicité.
En 1986, Mac Neil compare un groupe de 88 femmes, aux antécédents
de psychoses du post-partum, à une population témoin de 104 femmes du
même profil sans antécédents puerpéraux. 28  % des femmes aux antécé-
dents puerpéraux présentèrent des récurrences puerpérales contre 0 % dans
le groupe témoin.
En Italie, en 1992, Benvenutti et al. étudièrent le devenir de 30 femmes
hospitalisées entre 1973 et 1987 pour des psychoses puerpérales survenues
dans les deux premiers mois du post-partum, sans autre antécédent person-
nel. Un tiers des patientes demeurent indemnes de toute pathologie. Deux
tiers présentent des rechutes, à 84,2  % sur un mode thymique, principa-
lement bipolaire (63,1 %). Dans quatre cas, le diagnostic diffère lors de la
récidive.
Schopf et Rust (1994) étudièrent 119 patientes admises dans les trois
mois après leur accouchement et suivies pendant deux à trente-cinq ans.
Ils retrouvent 66 % de rechutes non puerpérales, et 35 % de rechutes puer-
pérales.
Videbech et Gouliaev (1995), dans leur étude portant sur 50 cas avec un
recul de sept à quatorze ans, retrouvent 20 épisodes uniques (40 %), 30 cas
de récidives (60 %) dont 22 % de troubles maniaco-dépressifs sans que soit
précisé si ces rechutes survenaient dans un contexte puerpéral.
En 2005, Robertson et al. ont mené une étude portant sur 103 femmes
ayant présenté un trouble psychotique puerpéral de type bipolaire. 62  %
Psychoses puerpérales 219

connaîtront une récidive non puerpérale dans les neuf années suivantes et
parmi celles qui auront au moins un enfant, la moitié, environ 31 (57 %),
connaîtra une récidive en post-partum.
Toutes les études montrent un risque très élevé de récidive puerpérale.
Malgré cela il n’existe pas de politique systématique de prévention. Celle-ci
pourrait relever du simple conseil d’avertir toujours l’obstétricien lors d’une
nouvelle grossesse. La recherche systématique, lors d’un des multiples
entretiens du suivi de grossesse, d’antécédents d’hospitalisation psychia-
trique en post-partum ou de troubles bipolaires est aussi une option.

Facteurs de risque
Facteurs de risque démontrés
Nous retiendrons essentiellement :
• la parité (Jonquière-Wichmann, 1981 ; Kendell et al., 1987 ; Blackmore
et al.,  2006). On trouve 70  % environ de primipares parmi les psychoses
puerpérales. Les études transculturelles soulignent, quant à elles, l’augmen-
tation du risque chez les grandes multipares ;
• les antécédents de trouble de l’humeur. Les psychoses puerpérales survien-
nent dans un tiers des cas chez des femmes ayant présenté antérieurement
des accidents psychiatriques majeurs spontanés ou puerpéraux. Le risque est
évalué à environ 25 % chez les femmes présentant une psychose maniaco-
dépressive unipolaire (Protheroe,  1969  ; Whalley et al.,  1982  ; Kendell et
al., 1987 ; Marks et al., 1991 ; Benvenutti et al., 1992) et à environ 40 % pour
les troubles bipolaires, que l’épisode maniaque soit ou non situé dans le
post-partum. En cas d’antécédents associés de manie puerpérale et non puer-
pérale, la récidive en post-partum est considérée comme quasi inéluctable ;
• les antécédents personnels de psychose puerpérale, toutes formes confon-
dues ;
• les femmes présentant des antécédents psychiatriques familiaux de
troubles de l’humeur.

Facteurs de risque plausibles


Des corrélations ont été observées dans certaines études, mais elles ne sont pas
suffisamment reproduites, ou n’ont pas été considérées avec un consensus suf-
fisant comme des facteurs de risque directs. Nous citerons dans l’ordre de leur
probabilité : l’isolement des mères (Kendell, 1985 ; Meltzer et Kumar, 1985 ;
Nager et al., 2006a), la césarienne en urgence, la mort périnatale, la préma-
turité (Kendell, 1987 ; Blackmore et al., 2006 ; Nager et al., 2006a et b), les
traumatismes de l’enfance notamment sexuels, le sexe de l’enfant, l’avance en
âge (Paffenbarger, 1964 ; Nager et al., 2006), les conditions socio-économiques
(Naguer et al., 2006a).
220 Psychopathologie périnatale

L’environnement social et le stress ne semblent


pas des facteurs de risque
Études transculturelles
Mead et Newton (1967) relate la rareté des psychoses puerpérales dans les
« sociétés traditionnelles ». Ce fait est actuellement contesté. Ainsi, Kumar
(1994) rassemble les arguments qui permettent d’affirmer qu’il existe un
taux stable de troubles psychotiques puerpéraux depuis cent cinquante ans
à travers différentes sociétés et cultures. Néanmoins, l’étude dans les socié-
tés traditionnelles de la prévalence du trouble apparaît problématique : les
sources sont peu fiables et les études rares. Il est différent du taux dans les
régions du monde très défavorisées économiquement mais où les cultures
traditionnelles sont en voie d’effacement.

Stress et adversité
Globalement, les recherches réalisées récemment dans ce domaine n’accor-
dent aucun rôle significatif aux événements de vie, le stress en particulier,
dans la survenue des troubles psychotiques du post-partum, contrairement
à celle des troubles dépressifs. Elles ne prennent toutefois pas en compte
le stress principal, celui de la grossesse et de la maternité. Une seule étude
avec groupe contrôle a retrouvé le rôle péjoratif de l’environnement social
(Nager et al., 2006).
Conjoints des mères hospitalisées. Selon Harvey et McGrath
(1988), parmi 40 pères dont les femmes souffraient de psychoses du post-
partum, 30  % présentaient un trouble psychiatrique (critères DSM-III)
dont la moitié environ une dépression majeure ou une dysthymie.
Lovestone et Kumar (1993) retrouvent 50  % de pathologies psychia-
triques parmi 24 pères dont les épouses sont hospitalisées dans une unité
mère-enfant.

Tableau 9.5. Facteurs de risque psychosociaux.


Auteur(s) Risques démontrés Validité
Paffenbarger (1964) Aucun
Dean et Kendell (1981) Absence de support Faible : pas de groupe témoin
social, stress conjugaux
Jonquiere-Wichmann (1981) Relations à la mère Faible : pas de groupe témoin
perturbées
Kendell et al. (1987) Primiparité, célibat
Brockington et al. (1990) Aucun Groupe témoin, échelle de stress*
Nager et al. (2006a) Voisinage défavorisé Groupe témoin
* LEDS : Life events and difficulties schedule.
Psychoses puerpérales 221

Aspects étiopathologiques
Facteurs biologiques
Œstrogènes. Les œstrogènes exercent une action propre au niveau du sys-
tème nerveux central. De nombreux récepteurs sont retrouvés dans le cor-
tex cérébral et dans les ganglions de la base. Ils ont été suspectés d’emblée
de jouer un rôle dans l’émergence psychotique, en relation avec la dyna-
mique particulière du système endocrinien durant la grossesse et le post-
partum, dont en particulier la chute brutale du taux d’œstrogènes dans le
post-partum. Quelques arguments cliniques ont été mis en avant en faveur
de cette hypothèse : Mallett et al. (1989) décrivent une symptomatologie
proche de la psychose puerpérale en relation avec un sevrage en œstrogènes
chez un transsexuel ; Brockington et Meakin (1994) décrivent huit cas de
psychose puerpérale suivis d’une rechute prémenstruelle. Dans cinq cas
furent constatées des rechutes successives. Toutefois leur rôle, s’il existe,
semble indirect. L’administration d’œstrogènes en post-partum ne semble
pas réduire le risque de récidive (Kumar et al., 2003).
Dopamine. L’œstradiol interagit aussi avec les systèmes dopaminer-
giques, sérotoninergiques et glutamatergiques. Chez l’animal, il a été
montré que la prescription d’œstrogènes est associée à l’augmentation des
récepteurs à la dopamine dans le striatum (Byrnes et al., 2001), après ovariec-
tomie. Ils stimulent la synthèse de la dopamine via la thyrosine hydroxy-
lase. Ils augmentent la densité des sites dopaminergiques présynaptiques et
des récepteurs dopaminergiques striataux. Ils inhibent la COMT (cathécol­-
o-méthyl-transférase) qui participe au catabolisme de la dopamine. En
conséquence du taux extrêmement élevé d’œstrogènes circulants, la sensi-
bilité des récepteurs à la dopamine (ou leur nombre) se serait accrue durant
la grossesse. Lors de la chute du taux d’œstrogènes après la naissance, plus
nombreux ou plus sensibles, ils ne seraient plus inhibés (Mahe et Dumaine,
2001). Ainsi serait favorisée l’émergence psychotique. Cette hypothèse
s’appuie aussi sur l’action antipsychotique des neuroleptiques inhibant les
récepteurs dopaminergiques et sur l’action de la bromocriptine (Pinardo
Zabala et al., 2003 ; Misdrahi et al., 2006). Wieck et al. (2003) ont aussi mon-
tré une plus grande sensibilité des récepteurs à l’apomorphine (agoniste
dopaminergique) en phase lutéale, donc avec un taux élevé d’œstrogènes,
chez les patientes aux antécédents de psychose puerpérale. Vinogradov et
Csernansky (1990) rapportent en faveur de la même hypothèse deux cas de
psychoses puerpérales associées à des mouvements extrapyramidaux.
Sérotonine. Le gène du récepteur à la sérotonine 2A (5HT2A) comprend
plusieurs variétés alléliques. Il est sensible au taux d’œstrogènes. La pré-
sence d’une forme particulière dite « STin2·12 » a été corrélée à un risque
élevé de psychose puerpérale (OR = 4) dans une étude avec groupe témoin
(Coyle et al., 2000).
222 Psychopathologie périnatale

Hormones thyroïdiennes. Les modifications de l’axe thyroïdien


ont été évoquées en raison de l’analogie avec certaines manifestations
psychiques consécutives aux dysfonctionnements thyroïdiens, d’états
transitoires d’hypo- ou d’hyperthyroïdie (Goldman,  1986) durant le post-
partum, ou bien d’associations entre psychose puerpérale et thyrotoxicose
(Butts, 1968). Bergink et al. (2011) ont retrouvé des signes d’affection thy-
roïdienne auto-immune chez 19 % des patientes avec psychose puerpérale
contre 5 % dans le groupe contrôle. Des essais thérapeutiques ont été effec-
tués avec l’administration de T3 sans succès démontrable (Hamilton, 1962).
Autres. L’activité surrénalienne, l’action des sécrétions de prolactine ou
d’ocytocine, ont été aussi suggérées (Russell et al., 2001).

Hérédité et vulnérabilité personnelle


Vulnérabilité et génétique
L’accroissement très significatif du risque de décompensation maniaco-
dépressive chez les patients dont les collatéraux ou les ascendants présen-
tent la même affection est connu. Les recherches menées dans le cadre des
psychoses puerpérales sont particulièrement proches de celles menées sur la
maladie bipolaire. De nombreux résultats partiels sont publiés qui suggèrent
une sensibilité génétique de certains récepteurs, dont les récepteurs dopa-
minergiques, à la chute d’œstrogènes et aux facteurs de stress sans résultats
probants reproductibles jusqu’à aujourd’hui (cf. Jones et Craddock, 2007).

Vulnérabilité acquise
Une modification précoce de type épigénétique lié au stress maternel et
à la nature des interactions précoces est aussi une hypothèse. Certaines
études de cas suggèrent aussi le rôle des traumatismes sexuels de l’enfance
(Dayan,  1997) dans la survenue d’épisodes délirants puerpéraux. Bifulco
et al. (1998) ont montré que les carences, négligences et abus subis durant
l’enfance rendaient plus vulnérables à une décompensation dépressive
devant un stress.

Psychopathologie
Il est des psychoses réactionnelles, particulièrement au sein des troubles
brefs, où le stress joue un rôle déclenchant sur une complexion particulière
(susceptibilité génétique par exemple) ou par le fait d’une vulnérabilité
acquise. La fonction du soignant est aujourd’hui d’écouter le discours du
délirant pour ses implications dans le processus de soin (diagnostic, dange-
rosité, compliance au traitement, évolution, etc.).
L’orientation psychodynamique s’attache quant à elle à conserver une
signification au discours produit par le sujet. Cette signification ne prétend
pas à une valeur étiologique mais elle met en relation les préoccupations du
Psychoses puerpérales 223

sujet délirant avec certaines sources subjectives de son angoisse. Elle permet
de rétablir le sujet dans une continuité psychique que le délire lui avait fait
perdre.

Modèle matriciel de filiation narcissique


Guyotat (1978, 1980) décrit la psychose puerpérale comme une forme de
délire de filiation projeté sur la descendance. Avec la grossesse, apparaît le
fantasme de filiation narcissique solitaire, unisexué, souvent orienté vers
la descendance. Représentation imaginaire d’une filiation de corps à corps,
métonymique, elle dénie le tiers paternel. Le père n’est pas situé dans le
langage, ni représenté dans la fécondation. Mythe parthénogénétique, le
délire implique la communauté des origines et s’accompagne parfois de la
représentation d’une immaculée (ou diabolique) conception. L’enfant est
une duplication ou un complément de la mère. Descendance née de l’infla-
tion narcissique, elle s’accompagne du fantasme de mort de l’enfant réel.
L’usage d’une pensée magique, toute-puissante et dangereuse, est fréquent,
source de protection de la mère et de l’enfant mais agissant pour son propre
compte car, comme le langage en perte de métaphore, poussant à l’adop-
tion de rites conjuratoires.
Si cette catastrophe touche à la filiation, c’est qu’elle réveille ou révèle un
défaut, un manque dans la « structure fragile de la mère ». Dans les antécé-
dents des malades, on retrouverait fréquemment des événements trauma-
tiques touchant la filiation : décès, illégitimité, secret, imagos maternelles
et paternelles déficientes, expériences de rejet et d’abandon dans l’enfance.
Plus que le trouble réel dans la filiation, ce sont les représentations catas-
trophiques et incommunicables qui y sont associées qui sont en cause dans
la psychose puerpérale. Si le père institué est éliminé, sa présence réelle
va permettre de limiter ces fantasmes et favoriser le passage de «  je suis
enceinte » à « j’attends un enfant », introduire celui-ci dans l’ordre du lan-
gage. Le travail de désillusion consiste donc à abandonner le fantasme de
redoublement narcissique, au profit de la reconnaissance progressive d’un
enfant réel, né des deux parents. Ce travail de mise en présence du père
complète celui de l’enfant.
Guyotat, quant à lui, situe l’effet thérapeutique de la présentation de l’enfant
comme une action visant à rétablir la réalité de l’enfant vivant pour démentir
les fantasmes de meurtre et la toute-puissance imaginaire maternelle.

La fragilité psychique
Racamier insistait sur la notion de fragilité psychique des femmes présen-
tant une psychose puerpérale : « schizophrénie en puissance », organisation
obsessionnelle, mais aussi pauvreté des contacts et surtout relations pertur-
bées avec la mère.
224 Psychopathologie périnatale

Les relations avec le parent souffrent plus souvent d’une organisation


précoce que l’on peut rapprocher des formes désorganisées de l’attache-
ment. L’équilibre psychique ne peut plus être maintenu quand survien-
nent la grossesse et surtout l’accouchement. Les liens psychiques les plus
archaïques unissant la mère à sa propre mère sont réactivés, les méca-
nismes de défense jusque-là développés (refoulement, déplacement, déné-
gation, etc.) trouvent leurs limites. L’expérience de maternité fait resurgir
certaines représentations et affects insupportables jusque-là refoulés. Seuls
le déni ou le clivage, les défenses maniaques ou l’émergence mélancolique
permettent de maintenir l’unité précaire de la vie psychique que menace
le bébé.
La décompensation délirante renvoie à la phase schizoparanoïde, les
thèmes de persécution ou de dépréciation correspondant à une projection
ou une introjection du mauvais objet. L’agressivité, l’angoisse, la culpabilité
de la mère vis-à-vis de l’enfant vont être exprimées par le délire. La mère
craignant d’agresser ou d’être agressée par l’objet maternel, craint d’être
dangereuse à son tour pour son enfant ou d’être menacée par celui-ci. Pour
Racamier, l’introduction de l’enfant a une valeur réparatrice de la « brèche
narcissique  » ouverte par l’angoisse liée à la régression et aux identifica-
tions archaïques. Elle est colmatée par l’aide réelle mais aussi identificatoire
apportée par l’entourage soignant. Leur encouragement va permettre à la
mère d’abord aidée, puis seule, d’éprouver ses capacités maternelles. Il se
crée ainsi un double holding à la fois de l’enfant et de la mère défaillante par
l’institution.

Étude symptomatique
Le deuil, la confusion
L’enfant oblige la mère à quitter une position libidinale que, nous dit Freud
(1920), « l’homme n’abandonne pas volontiers […] même lorsqu’un substitut
lui fait déjà signe ». La rébellion contre la réalité peut être si intense qu’elle
conduit à maintenir l’objet dans une « psychose hallucinatoire de désir ».
Si le travail de deuil n’a pu être préparé avant la naissance, l’enfant fait bru-
talement irruption, entraînant un véritable traumatisme : « À l’afflux d’exci-
tation qui fait irruption et menace son identité, le sujet ne peut répondre ni
par une décharge adéquate, ni par une élaboration psychique » (Soulé, 1990).
Ainsi, la confusion, dont l’étiologie apparaît multifactorielle, incriminant
des modifications hormonales, l’asthénie du travail et de la délivrance,
paraît aussi associée et aggravée par les troubles de l’identité provoqués
par la gestion du conflit d’ambivalence reliant la mère à sa propre mère et
plus généralement la relation aux imagos parentales. Elle participe au refus
inconscient de reconnaître certaines représentations insupportables dans
lesquelles s’inscrit celle du bébé réel.
Psychoses puerpérales 225

Le délire
Les thèmes de négation qui y sont retrouvés visent à nier l’événement trau-
matisant (« je n’ai pas accouché, ce n’est pas mon enfant ») ou traduisent les
projections dont il fait l’objet. Ils traduisent aussi l’emprise des fantasmes
de filiation narcissique qu’illustre la négation des liens d’alliance, « ce n’est
pas mon mari ». Dans sa difficulté à entrer dans le registre du symbolique
défini par la position du tiers, la femme en vient à désirer la mort du nou-
veau venu, cet étranger, ou celle du mari. Elle se maintient dans le registre
du double. La mort de « l’enfant du narcissisme », enfant fantasmatique,
apparaît nécessaire pour que vive l’enfant réel. Guyotat souligne les vertus
antidépressives du délire. Des thèmes mystiques sont aussi souvent retrou-
vés où s’expriment l’apothéose de la filiation narcissique, l’idée de filiation
divine. Dans ce monde de double, la notion d’identité personnelle devient
précaire. Conjointement, la représentation de soi ne peut plus s’étayer et le
sentiment d’unité vient à se dissoudre. Dans cette confusion, se manifes-
tent souvent des angoisses intenses de morcellement et de destruction liées
au vécu de dépersonnalisation.
Une autre fonction supposée du délire est de permettre le maintien de
positions antinomiques, de maintenir des affects contradictoires, d’associer
et de maintenir dans la psyché les représentations inconciliables que le bébé
suscite.

La dépression mélancolique
Une théorie fonctionnelle du délire conduit à analyser l’émergence de la
dépression comme le résultat de son échec : « Dans l’élaboration de la libido
qui est retournée dans le moi, c’est peut-être seulement après l’échec du
délire narcissique que le stade de la libido dans le moi devient pathogène »
(Freud, 1917). Le sujet s’identifie à l’objet perdu, la mère ou son représen-
tant, devenu mauvais du fait de son absence et de l’ambivalence qui lui
était attachée.
Au total, la psychose puerpérale, malgré sa faible incidence, offre un
modèle étiopathologique exceptionnel du délire aigu. Elle permet de
modéliser l’action de l’événement sur la vie psychique. Elle demeure une
source de compréhension de la nécessité d’élaborer un modèle complexe
du fonctionnement psychique qui n’apparaît aucunement réductible à une
modélisation simplificatrice, biologique ou génétique, ni à une théorie du
sens que la psychanalyse permet d’élaborer.

Thérapeutique : principes généraux


Traitement curatif
Les impératifs d’un traitement optimal sont rarement atteints.
226 Psychopathologie périnatale

La prise en charge hospitalière


Urgence médico-légale, elle repose sur la prescription d’antipsychotiques et
l’hospitalisation conjointe mère-bébé. Dans de rares cas de début précoce,
le trouble immédiatement traité car les antécédents en sont connus, la
symptomatologie peut involuer très rapidement et la mère demeurer hos-
pitalisée dans un service d’obstétrique à condition d’un soutien psychia-
trique (équipe mobile, psychiatrie de liaison). Sinon l’hospitalisation doit
avoir lieu idéalement en UMB (unité mère-bébé) ou sinon en lit aménagé
dans un service de psychiatrie générale, en intégrant le père au projet de
soins. Ces structures permettent d’assurer contenance et continuité.
Il est en tout cas nécessaire d’éviter d’ajouter au trouble l’expérience
d’une hospitalisation dans un lieu non adapté, l’enfant séparé de sa mère,
le père non inclus dans la dimension du soin, l’usage facile des chambres
de contention et la rupture de continuité avec les équipes soignantes par
changement imprévisible d’unité de soins pour motifs administratifs.
La sortie d’hospitalisation est associée à un programme de soutien à la
parentalité, intense au moins durant les premières semaines.
La prévention des récidives. Un suivi à plus long terme ou une éducation à
la santé est indispensable.
Prescriptions complémentaires (cf. chapitre « Thérapeutique »)
Antidépresseurs (formes dépressives) ou anxiolytiques type benzodiazépines
(angoisse extrême ou agitation).
Les régulateurs de l’humeur, sauf cas particulier, ne semblent plus l’indi-
cation de premier choix. Ils peuvent toutefois être utilisés de préférence
aux antipsychotiques s’ils représentent le traitement habituel et efficace du
trouble chez la patiente (notamment lithium pour son efficacité ou lamo-
trigine pour le faible risque que le produit semble démontrer durant la gros-
sesse).
Sismothérapie - ECT (électroconvulsivothérapie)  : ils sont utilisés en cas
de forme sévère et résistante aux autres traitements bien conduits. Certains
auteurs soutiennent que leur particulière efficacité au regard d’autres trai-
tements n’a pas été clairement démontrée (Fisher et Greenberg, 2013). La
magnéto-convulsivothérapie, limitant l’expansion des crises sur le territoire
temporal et donc les déficits cognitifs est encore en phase d’exploration
(Loo et al., 2011 ; Kayser et al., 2009).
Un abord psychothérapeutique est très rarement proposé, mais
nous avons pu montrer à travers certains cas cliniques son intérêt (Dayan
et Thessier, 1999 ; Dayan, 2013). En son absence, un soutien aux soins, une
explication du trouble et une guidance parentale sont un minimum néces-
saire.
Le travail de parentalisation. Une facette spécifique et indispensable
au travail du soin dans ces circonstances est la prise en compte du processus
Psychoses puerpérales 227

de parentalité, à travers les soins psychothérapiques mais aussi les soins


ordinaires à l’enfant. Il accélère la guérison, favorise une meilleure estime
de soi, participe à prévenir les troubles du développement pour l’enfant,
l’infanticide et le suicide. Il associe le père et permet de modérer les consé-
quences familiales de ce trouble très sévère.

Traitement préventif
La prévention secondaire a pour objet de prévenir la récurrence ou la
récidive des troubles.
Durant la grossesse, bien qu’il n’existe pas de total consensus, il peut être
proposé en cas de troubles bipolaires de type  I, systématiquement en cas
d’épisodes maniaques répétés et sévères, de mettre en place une prophy-
laxie, en premier lieu avec des antipsychotiques, sinon selon les cas, avec
le lithium ou éventuellement un antiépileptique régulateur de l’humeur, la
lamotrigine. En cas d’antécédent de psychose aiguë, si la surveillance durant
la grossesse, en particulier les dernières semaines, est étroite, il n’y a pas
d’indication en l’état des connaissances et en l’absence de tout trouble à
mettre en place une prophylaxie avant la naissance.
Durant le post-partum. Le traitement par antipsychotiques à dose de main-
tenance est mis en place dès la naissance, pour les psychoses aiguës comme
pour les troubles bipolaires de type I. Les régulateurs de l’humeur, tels les
antiépileptiques, ne sont pas en général indiqués en premier. Le lithium,
s’il est bien toléré par la patiente et efficace est une excellente indication.
L’allaitement, avec certaines précautions, peut être mis en place.
La prévention primaire. Très difficile à mettre en place, elle repose
totalement sur l’observation clinique des femmes en maternité et la for-
mation du personnel, connaissant l’absence le plus souvent d’intervalle
libre entre la naissance et la psychose manifeste. Le principal signe d’alerte
étant des troubles du sommeil sévères auxquels peuvent déjà s’associer des
éléments de bizarrerie ou d’agitation, une modification de la qualité du
portage et des soins. Le sommeil lui-même est un indicateur du trouble et
participe peut-être à sa survenue (Ross et al., 2005 ; Sharma, 2003). Après un
entretien psychiatrique approfondi et la collecte de renseignements auprès
de l’équipe obstétricale il peut être prescrit des antipsychotiques. La surveil-
lance quotidienne de l’évolution conduira à maintenir, réduire ou arrêter
cette prescription.

Illustration
L’étude de Bergink et al. (2012) illustre la démarche proposée. Il s’agit d’une
recherche-action. Elle a été conduite chez des femmes ayant été précédem-
ment reçues dans un centre spécialisé pour des troubles psychiatriques
périnataux, 41 pour trouble bipolaire et 29 pour psychose aiguë (critères
228 Psychopathologie périnatale

DSM-IV). Aucune n’avait précédemment présenté des troubles en dehors


du post-partum. Les conditions du soin étaient particulièrement adaptées à
chaque personne, dans une certaine mesure elles participaient déjà, indé-
pendamment des psychotropes, à la prévention secondaire.
Pendant la grossesse suivante, aucune des 29 femmes avec un antécédent
de psychose aiguë n’a connu de récidive qu’elles aient été traitées ou non
préventivement. Par contre 10 femmes avec un diagnostic de trouble bipo-
laire (25 %) ont eu une récidive pendant la grossesse, deux fois plus souvent
lorsqu’elles n’étaient pas traitées.
Durant le post-partum, aucune des femmes ayant une psychose aiguë et
prenant un traitement antipsychotique n’a eu de récidive, mais la moitié de
celles qui n’ont pas souhaité en prendre a récidivé. Le taux de rechute chez
les femmes présentant des troubles bipolaires a été élevé, particulièrement
lorsqu’elles avaient déjà présenté des troubles de l’humeur durant la gros-
sesse (60 %).

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10 Le déni de grossesse
Le déni de grossesse ou grossesse inconsciente est en voie de passer du statut
de curiosité médicale, au xixe siècle, à celui, aujourd’hui, de pathologie. Il
n’est intégré à aucune des classifications internationales. Il doit la médi-
calisation de son statut surtout à la mise en exergue d’un certain degré de
corrélation avec la survenue de néonaticide. Il est aussi une redécouverte
au XXIe siècle, rationnel et biologique, de mécanismes de défense utilisés
par le sujet ordinaire pour nier la réalité qui dépassent très largement le
champ périnatal. Il est une forme de négation de grossesse à participation
principalement inconsciente à côté des grossesses dissimulées et de la
méconnaissance. Les déterminations microsociales semblent importantes
dans l’occurrence des négations de grossesse, y compris les « dénis », parti-
culièrement les conditions de la vie relationnelle, affective et sexuelle, le
statut marital, le soutien à la grossesse et aux fonctions parentales dans
le contexte des grossesses en cause.

Les négations de grossesse


Les négations de grossesse. Ce terme désigne un large éventail de
manifestations caractérisant le refus ou l’incapacité de la femme enceinte à
reconnaître son état.
On distingue sous le terme de « négations de grossesse » toutes les formes
de refus de reconnaître l’état de grossesse. Elles incluent :
• les grossesses inconscientes (Gould et Pyle,  1898  ; Dayan,  1999,  2009,
2013 ; Beier et al., 2006) ou « dénis de grossesse » dont nous développerons
particulièrement l’examen plus après ;
• les dissimulations de grossesse qui sont conscientes et volontaires ;
• la méconnaissance ;
• les formes limites et formes de passage.
Les dissimulations de grossesse. Elles sont conscientes et s’accompa-
gnent en principe des modifications physiologiques habituelles associées
à la grossesse (Beier et al.,  2006  ; Hatters-Friedman et al.,  2005  ; Nirmal
et  al.,  2006) qui sont délibérément masquées. Un cas a été rapporté de
troubles associés telle une anorexie mentale (Foster et Jenkins, 1987) chez
une jeune fille de 14 ans à mettre en relation avec à la fois la dissimulation
et les fantasmes oraux de la parturition. Si le mensonge ou la dissimula-
tion volontaire ne présentent pas le caractère d’un trouble psychiatrique,
elles alertent sur la souffrance ou les difficultés de la femme enceinte. Ils
sont aussi un facteur de risque pour l’évolution de la grossesse. Ils précè-
dent très souvent les troubles dépressifs du post-partum et/ou la survenue de

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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236 Psychopathologie périnatale

­ysfonctionnement des interactions mère-enfant. Le risque infanticide


d
est augmenté. Les dissimulations sont plus fréquentes dans un contexte
marqué par des conditions subjectives désavantageuses, chez les femmes
jeunes, voire les adolescentes, et chez les primipares.
La méconnaissance (Dayan, 2009) tient à la fois à un refus inconscient
de reconnaître les signes de grossesse et à des obstacles extrinsèques s’oppo-
sant à cette reconnaissance, considérés par convention comme prévalents
(Maldonado-Duran et al., 2000) : obésité marquée, très jeune fille aux règles
irrégulières, femmes ayant un long parcours d’infertilité, femmes de plus de
40 ans qui n’attendaient plus d’enfant (Nirmal et al., 2006).
Formes limites. Les dénégations de grossesse peuvent prendre des
formes particulières, par leur intermittence (Haapasalo et Petaja,  1999),
leur incomplétude, leur réversibilité. L’examen de la littérature, l’expé-
rience clinique et la pratique d’expertise montrent que ces formes inter-
médiaires sont très nombreuses (Green et Manohan,  1990), dues à ce
que déni et dénégation sont des mécanismes intrinsèques à la vie psy-
chique et constamment utilisés. Ils sont liés en particulier aux processus
attentionnels et préattentionnels. Conlon (2006) dans un travail mené
en Irlande distingue les grossesses dissimulées, clairement conscientes, de
celles où la femme se cache à elle-même la grossesse qu’elle connaît. Nous
avions nommé ce phénomène « clivage conscient » (Dayan, 2009), méca-
nisme que l’on, retrouve aussi dans cette énigme de la conscience qu’est
la « mauvaise foi » (Sartre, 1943). Il est bien exprimé dans la littérature
d’imagination (Bacary Sarr, 2002).
La dénégation de la réalité peut être intense ou partielle mais surtout
avoir un objet différent de la grossesse elle-même (Dayan, 1999 ; Vellut et
al., 2012) tels l’accouchement, la naissance d’un enfant vivant ou le devoir
de le prendre en charge.

Sémiologie des dénis de grossesse


Les grossesses inconscientes ou « dénis de grossesse » ne relèvent pas toutes
du même mécanisme, ne se prolongent pas toutes jusqu’à la fin de la gros-
sesse, ne présentent pas toutes la même profondeur ni la même permanence
du « déni ». Elles se distinguent aussi par la symptomatologie physique.

Historique
Le terme de grossesse inconsciente est utilisé dès 1898 par Gould et Pyle
(1898) qui rassemblent 12 cas signalés par des médecins britanniques et
français. Ils observent que « les règles sont régulières, la taille ne s’est pas
élargie, comme si elles portaient un corset tout le temps. Il n’y a pas de
perception de mouvements fœtaux, ni de modification de la poitrine et,  en
fait, aucun des signes habituels de grossesse  ». Les femmes présentent,
Le déni de grossesse 237

en fin de grossesse, une « grosseur » de l’abdomen qu’elles interprètent alors


fréquemment comme une tumeur. Elles attribuent les premières douleurs
du travail à une origine abdominale ou lombaire.

Grossesse inconsciente par dénégation


Elle constitue l’essentiel des « dénis de grossesse » (environ 90-95 %).
Sémiologie. La description physique du déni de grossesse non psychotique
est assez stéréotypée (Gould et Pyle, 1898).
L’aménorrhée est souvent masquée par des métrorragies plus ou moins
régulières. Le tableau typique du déni de grossesse est retrouvé chez la
plupart, mais non la totalité des sujets. Dans l’étude de Brezinka, presque
toutes les femmes avaient auparavant des règles irrégulières et une femme
sur deux a présenté des métrorragies durant la grossesse. 15  % les ont
décrites comparables aux menstruations ordinaires. Des femmes (10  %),
qui présentaient au préalable une aménorrhée, n’ont pas pensé qu’elles
pouvaient être enceintes.
Le gain de poids est longtemps minime. Dans l’étude citée, la prise de
poids est faible ou nulle dans 55 % des cas et dans 15 % des cas les femmes
n’ont pu apporter de renseignements à ce sujet.
Enfin, les nausées et autres symptômes secondaires de grossesse sont rares.
Collusion ou contagion du déni. L’entourage familial, comme parfois le
médecin consulté, peut être entraîné par la conviction de la parturiente et
participer au phénomène de « collusion du déni » : le diagnostic de trouble
digestif n’est pas exceptionnel. La distension abdominale lorsqu’elle est
reconnue en fin de grossesse est fréquemment banalisée, imputée à une prise
de poids, les premières contractions à des douleurs digestives. La prise de
conscience de la grossesse s’accompagne en quelques heures ou jours
de l’apparition nette ou de l’exagération franche de la distension abdomi-
nale jusqu’alors absente ou minime.
L’hypothèse d’un substrat hormonal à cet état n’a pu être étayée, en
l’absence d’études, le déni étant toujours connu rétrospectivement.
La révélation de la grossesse, surtout en cas de déni total, s’accompagne
fréquemment de réactions de sidération, d’un sentiment d’insécurité ou
d’angoisse ou d’un sentiment dépressif, tous de courte durée. Quelques cas
d’abandon sont signalés. Un développement délirant a pu être observé chez
deux femmes par ailleurs décrites comme psychotiques (Brezinca, 1994).
Des fugues ont aussi été observées.
Les relations à l’enfant. Une période de vulnérabilité existe dans l’intermé-
diaire de la pleine reconnaissance et l’acceptation de l’existence de l’enfant,
qui peut être quasi immédiate ou prendre quelques jours. Le plus souvent
les relations avec le nourrisson sont ensuite sans particularité observable.
Récurrence. Le déni récurrent est évalué entre 5 et 8 % (Nirmal et al., 2006 ;
Hatters Friedman et al., 2007).
238 Psychopathologie périnatale

Grossesse inconsciente par déni


Elle est rare, constituant environ 5 à 10 % des négations de grossesse.
Appelé aussi « déni psychotique » (Neifert et Bourgeois, 2000), il s’inscrit
dans le cadre général des manifestations psychotiques (schizophrénie*, psy-
chose aiguë, manie ou mélancolie délirantes, troubles schizo-affectifs) et
ne présente à cet égard aucune spécificité si ce n’est son objet. Il s’accom-
pagne des modifications physiologiques habituelles associées à la grossesse
(Beier et al., 2006 ; Hatters-Friedman et al., 2005 ; Nirmal et al., 2006). Les
mécanismes psychiques en œuvre sont des phénomènes de clivage. Ils
se manifestent par des illusions ou surtout des hallucinations (négatives)
accompagnées souvent de bizarrerie et parfois de délire franc. Le déni est
souvent intermittent, il peut subsister avec une forme de conscience de la
grossesse, en relation avec le clivage.

Épidémiologie clinique
Longtemps les obstétriciens ont remarqué ces femmes qui « prétendaient »
ne pas se savoir enceintes, sans trop s’en inquiéter, et les médecins légistes,
sans les croire. Quant au déni chez les mères schizophrènes, il est aussi
connu depuis plus d’un siècle. Les premières enquêtes systématiques
sur le déni de grossesse datent des années 1990. Elles ont été menées à
l’aide d’entretiens chez les mères qui abandonnent leur enfant ou le tuent
(Bonnet,  1990), par des enquêtes systématiques en service d’obstétrique
(Brezinka, 1994  ; Pierronne et al.,  2002  ; Wessel et al.,  2007  ; Pierronne
et al.,  2002  ; Hatters Friedman et al.,  2007  ; Nirmal et al.,  2006), par des
études de cas chez les mères schizophrènes (Spielvogel et Hohener, 1995 ;
Kaplan et Grotowski, 1996) ou après le décès d’enfants nouveau-nés dans
le cadre de la médecine légale, de l’expertise psychiatrique ordinaire ou
d’entretiens de recherche (Spinelli, 2001 ; Bonnet, 1993) et d’enquête épi-
démiologique (Turscz, 2011 ; Vellut, 2012).
L’ensemble des études conduites durant la dernière décennie a permis de
mieux comprendre et caractériser ces troubles.

Prévalence
Quatre études menées en Europe dans des centres obstétricaux (Wessel
et al.,  2007  ; Brezinka,  2009  ; Nirmal et al.,  2006  ; Pieronne et al., 2002),
dont une seule prospective (Wessel et al., 2007), fournissent des statistiques
remarquablement proches. Depuis 2009, une dizaine d’études menées
dans   les services d’obstétrique en France, (mémoires de sages-femmes,
thèses de médecine ou de psychologie) ont retrouvé les mêmes proportions
de déni partiel ou total. Elles présentent en général les mêmes difficultés
que toutes les études rétrospectives, y compris les études princeps, pour
Le déni de grossesse 239

saisir le déni : souvent assimilé à un suivi de grossesse tardif, il reste indis-


tinct d’une grossesse dissimulée, ou d’une absence délibéré de suivi, en
l’absence d’informations directes et d’entretiens avec les femmes enceintes.
Le déni ne pourra être clairement connu que s’il est indiqué en tant que tel
dans les dossiers d’obstétrique. Le déni de grossesse affecte environ 2 ‰ des
grossesses (1/500) en y incluant les cas où le déni est levé avant la fin de la
grossesse (formes partielles) et après vingt semaines, soit en France environ
1 200 cas annuels. La prévalence du déni total, c’est-à-dire jusqu’aux pre-
mières contractions du travail, est d’environ 0,4 ‰ (1/2 500 grossesses) soit
environ 250 cas annuels (Wessel et al., 2007 ; Beier et al., 2006). Dans une
étude menée aux États-Unis il a été retrouvé un taux un peu plus élevé de
0,6 ‰ (1/1 750) (Hatters-Friedman et al., 2007).

Caractéristiques médicales et obstétricales


Plus d’une femme sur deux est multipare. Le déni n’est lié ni à l’expérience,
ni à la connaissance. Peu utilisent un mode de contraception au moment
de la conception (6 % dans l’étude de Nirmal et al., 2006). Dans cette même
étude, 20  % des femmes ont nécessité un soin particulier du fait de pro-
blèmes médicaux tels l’épilepsie ou des affections cardiaques.

Caractéristiques sociodémographiques
Âge. Le déni ne semble pas caractéristique d’un âge particulier car il se
retrouve tout au long de la période féconde (entre 15  et 44  ans) avec un
âge moyen se situant entre 20 et 28 ans. Toutefois dans l’étude prospective
de Wessel et al. (2007), on retrouve significativement plus de jeunes femmes
mineures et de femmes de plus de 40 ans, que dans le reste de la population.
C’est aussi dans cette tranche d’âge que se pratiquent le plus les IVG.
Niveau socio-économique. Dans l’étude prospective réalisée à Berlin, il est
retrouvé plus de femmes bénéficiant d’une aide sociale, ou d’un moindre
statut professionnel. Le niveau académique est plus faible et l’on remarque
aussi significativement plus de femmes qui sont encore en train d’étudier
(Wessel et al., 2007).
L’anticipation d’un placement du bébé peut contribuer au déni, 13 % des
femmes souffrant d’un déni de grossesse dans l’étude de Nirmal et al. ont
déjà un enfant placé. Miller (1990) avait fait cette même remarque à propos
du déni chez les mères schizophrènes, qui rappelons-le peut aussi prendre
la forme d’une dénégation.
Place du père de l’enfant et relation avec le partenaire. La relation avec le
partenaire est un élément central probablement insuffisamment souligné.
Dans l’étude de Nirmal, le taux de femmes célibataires est très élevé de
l’ordre de 80 %, mais il n’est pas précisé le pourcentage de femmes vivant
en couple sans être mariées ; dans l’étude berlinoise, 35 % des femmes n’ont
240 Psychopathologie périnatale

pas de partenaire stable ou ne vivent pas avec lui. Trois jeunes filles mineures
vivent avec leurs parents. Dans celle de Brezinka, 35 % des femmes se sépa-
rent de leur compagnon au début la grossesse, 20 % deviennent enceintes
après le début d’une nouvelle relation affective et 15  % vivent avec leur
compagnon dans un climat de conflit conjugal majeur.
La collusion du déni. Alors qu’environ 50 % des femmes présentant un déni
de grossesse montrent quand même quelques signes pouvant évoquer celle-
ci, et que le contexte le laisse penser (relations sexuelles sans contraception),
le partenaire ne prend étonnement presque jamais conscience de cette gros-
sesse. La puissance de la dénégation comme mécanisme collectif est illus-
trée par cette « contagiosité » qui affecte aussi d’autres relations de la femme
enceinte  : ses parents et son médecin par exemple. Il peut exister des élé-
ments favorisant la collusion du déni, mais aucun n’a été clairement reconnu
comme tel. Souvent, lorsque la grossesse est connue, on culpabilise le père
de n’en avoir pas pris conscience. Toutefois il n’est que de rares circonstances
où cette méconnaissance prend le caractère d’un événement trop difficile à
affronter. C’est le cas de l’exceptionnel infanticide.

La durée du déni
Les données de plusieurs études (Wessel et al., 2002, 2007 ; Brezinka, 2009)
sont remarquablement concordantes : 25 % des femmes environ ont pris
conscience de leur grossesse entre 21 et 26 semaines de gestation, très sou-
vent à l’occasion d’un incident ou accident obstétrical, pour 35 % d’entre
elles la grossesse fut découverte souvent accidentellement, par un tiers,
entre 26 et 36 semaines de grossesse. Enfin 40 % l’ont découverte à partir
de 37 semaines. Dans l’ensemble, 35 à 40 % des femmes ont découvert leur
grossesse lors du travail.

Troubles psychiatriques associés


Dans la plupart des études, même si un entretien avec un psychiatre a géné-
ralement eu lieu, les diagnostics n’ont pas toujours été établis à l’aide d’un
entretien standardisé. La prévalence des troubles psychotiques est estimée
entre 5 et 7 % (Wessel et al., 2007 ; Brezinka et al., 1994, 2009). Il semble exis-
ter une déficience intellectuelle dans 5 à 10 % de la population, mais aucune
évaluation stricte du QI n’a été effectuée. L’usage addictif de substances a été
retrouvé dans 10 % de l’ensemble des dénis de grossesse.

Évolution et conséquences
Complications obstétricales
Elle représente le risque le plus fréquent associé aux grossesses incons-
cientes. Elles affectent plus les femmes ayant découvert leur grossesse entre
Le déni de grossesse 241

21 et 22 semaines de gestation (Brezincka). Il s’agit de retard de croissance,


de prématurité, de mort in utero et de malformations (Wessel et al., 2007 ;
Brezinka et al., 2009 ; Nirmal et al., 2006 ; Pieronne et al., 2002).
La mort du nouveau-né n’est pas exceptionnelle mais peut soulever un
classique problème médicolégal, notamment quand, après des contractions
confondues avec des épreintes, l’enfant est retrouvé noyé dans les toilettes
(Mitchell et Davis, 1984). La fréquence de la mortinatalité est de 5 % dans
une étude française menée en milieu obstétrical (Pierronne et al., 2002).

Devenir des enfants


Il est peu étudié, connu essentiellement par les données recueillies auprès
des services sociaux (quelques uns sont confiés à l’adoption). Dans une
étude (Brezinka, 1994), pour toutes les mères non psychotiques après deux
ans d’évolution, il n’est noté aucun trouble majeur du développement ni
de signes d’une quelconque violence ou carence. Nous avons eu toutefois,
dans notre propre cohorte, le cas d’une patiente qui au cinquième jour du
post-partum après un déni de grossesse total, a fracturé les deux fémurs de
son enfant. Elle présentait alors un discret syndrome dissociatif.

Infanticide
Le risque d’infanticide est très faible. Il ne peut être évalué qu’indirecte-
ment. L’estimation tient compte du taux de néonaticide/naissances, du
taux de déni/naissance, du taux de déni/néonaticide. Il est fluctuant selon
les conditions d’inclusion et la définition du déni. Il est au maximum
d’environ 1 %. Il s’agit presque exclusivement de néonaticides. Il arrive que
ceux-ci se répètent (Vellut et al., 2012) ou bien que la grossesse conclue par
un infanticide soit précédée de grossesses déniées (dont un cas personnel).
Rappelons toutefois que la majorité des néonaticides sont le fait de gros-
sesses dissimulées même s’il existe toujours un certain niveau d’évitement
de la représentation.

Psychopathologie des grossesses inconscientes


Le terme de « déni de grossesse » définit un ensemble syndromique. Cette
manifestation a initialement été étudiée à l’aune des concepts psychanaly-
tiques qui en a fourni la terminologie en langue française comme anglaise
(déni et désaveu). L’entité «  déni de grossesse  » recouvre principalement
deux mécanismes, la dénégation qui s’établit en lien avec le refoulement
et le déni en lien avec le rejet ou désaveu de la réalité. Le premier prévaut
dans les grossesses inconscientes. Le déni peut être défini comme la néga-
tion d’une perception, le sujet tend à l’hallucination, la dénégation comme
la négation d’une représentation. Certains cas rapportés ­(Bonnet,  1990)
242 Psychopathologie périnatale

l­ aissent supposer que les négations de grossesse sont secondaires à l’ébauche


d’une prise de conscience (préconscient) de la maternité rapidement répri-
mée. L’ensemble des descriptions détaillées des cas de déni de grossesse
suggère qu’ils sont en fait des dénégations de grossesse.

La négation comme processus inconscient


Un mécanisme de défense. Freud pour la première fois en 1905 se réfère au
processus de négation par le très jeune enfant de la différence des sexes. La
perception angoissante a eu lieu mais a été chassée. La représentation n’est
plus accessible : elle est refoulée et disparaît de la conscience. Le refoule-
ment est un mécanisme actif. Dans les premiers écrits, il existe toutefois un
certain flou entre déni et dénégation, entre clivage et refoulement.
Sous certaines conditions, la représentation peut-être mobilisable. L’utili-
sation d’un mécanisme de défense quel qu’il soit, même à l’excès, ne signe
ni n’infirme une configuration pathologique. Toutefois, le déni sous forme
de désaveu et de clivage, s’il prévaut parmi les mécanismes de défense à
l’âge adulte serait l’indice d’une psychose, contrairement à la dénégation.
Pour nombre de femmes, le « déni de grossesse » a été efficace, toutes choses
égales. Il leur a permis de mener une grossesse dans des conditions défavo-
rables : interdits moraux, dépendance psychologique ou sociale à un milieu
ressenti comme hostile, conflits internes, antécédents de grossesse compli-
quée, etc. Il les a protégées de l’angoisse et d’autres affects négatifs.
Déni et dénégation. Freud distinguera la dénégation du déni (ou désaveu)
par leur mécanisme. La première opère par refoulement, et le second par
le rejet ou désaveu. La première ne nie pas la réalité, mais « ne veut rien
savoir d’elle  », la seconde «  la dénie et cherche à la remplacer  ». En cas
de déni de grossesse psychotique, le désaveu et le clivage sont pérennes
et entravent sévèrement l’adaptation du sujet à la réalité. Le sujet clivé
peut admettre deux types de réalité. Une mère schizophrène formulait cela
ainsi : « Ils me disent que j’ai un bébé dans le ventre. » Des auteurs, tels Nau
et Street (2011), promeuvent dans ces conditions une obligation de soins
auprès des mères psychotiques dans le déni. Cette mesure serait sans signi-
fication en cas de déni ordinaire de grossesse (dénégation) notamment par
le fait qu’un tiers convaincu de la grossesse suffit souvent à lever le « déni
de grossesse ».

Nosographie
Certains auteurs promeuvent l’intégration des grossesses ou déni de gros-
sesse au sein des classifications psychiatriques. L’argument principal repose
sur la constatation d’un phénomène psychique spécifique chez certaines
mères commettant un infanticide, reconnaissant ainsi leur responsabilité
diminuée. Un autre argument repose sur l’idée qu’un usage si étranger au
Le déni de grossesse 243

sens commun et si extensif de la dénégation par son intensité et ses consé-


quences sociales ne peut relever que de la pathologie.
Comme les psychoses fonctionnelles, il peut être postulé que les grossesses
inconscientes répondent à des processus psychiques qui ont pour fonction de
protéger le sujet contre des affects douloureux. Sa fonction adaptative est
de permettre de mener à bien une grossesse dans des conditions telles que la
femme n’aurait pu se résoudre à les assumer. L’issue en est le plus générale-
ment positive. Il n’est pas remarqué en général de trouble de la personnalité
associé, ni d’usage extensif du déni pour d’autres situations.

Un trouble de l’adaptation ou un avantage ?


Kaufman-Milstein et Milstein (1983) puis Kaplan et Grotowski (1996)
s’accordent à voir dans le déni de grossesse le plus souvent un trouble de
l’adaptation  : il permet de maintenir en l’état la vie sociale et affective
quand la grossesse s’avère insupportable pour des motifs psychiques ou
sociaux. Les principaux arguments en sont l’adaptation sociale préalable
généralement adéquate, l’absence d’autres troubles psychiatriques et la fin
du déni quand disparaît la situation stressante. Il permet aux mères d’éviter
des affects déplaisants, l’angoisse, la culpabilité, une mauvaise estime de soi
(Strauss, 1990 ; Strauss et al., 1991 ; Kinzl et Biebl, 1991). Les risques en sont
une majoration des complications obstétricales, d’abandons à la naissance
et, dans une bien moindre mesure, d’infanticides.
La période de levée du déni, lorsqu’elle est liée à la naissance de l’enfant
est habituellement très brève, presque sans transition. Elle est toutefois un
bref moment de risque pour l’enfant.
Les données d’une enquête en cours (Congratel,  2013) fournissent des
éléments en faveur de l’avantage que procure le déni. Nous avons rencon-
tré des femmes ayant présenté un déni de grossesse entre deux et quatre
ans après la naissance, renonçant à les interroger dans les suites immédiates
de l’accouchement où elles se protègent encore. Dans ce contexte, nous
avons pu rencontrer des femmes qui avaient pris conscience, a ­posteriori,
de l’avantage qu’avait représenté pour elles le déni : femmes ayant trans-
mis une maladie génétique à un précédent enfant qui se sentaient effrayées
de mener une nouvelle grossesse, femmes pour qui la grossesse précédente
s’était gravement compliquée, femmes avec une faible estime d’elles-
mêmes qui n’osaient pas prendre la décision d’être mères, femmes qui
avaient présenté durant leur enfance et des fois encore actuellement un
trouble ou une maladie qui les avait fait douter de leur capacité à être mère
(comme par exemple l’épilepsie), jeunes filles qui étaient enceintes suite à
une relation sexuelle qu’elles ne se sentaient pas capables d’assumer, enfant
conçu avec l’homme qu’elles quittaient ou bien avec un autre homme que
celui avec lequel elles vivaient ou bien encore dans le cadre d’une relation
de couple très conflictuelle. Il existe toutefois de nombreux cas où aucune
244 Psychopathologie périnatale

explication rationnelle ne s’impose pour expliquer la survenue d’un déni de


grossesse, si ce n’est le caractère peu favorable de l’environnement.

Un trouble dissociatif ?
Le déni de grossesse apparaît parfois entretenir avec la conversion ­hystérique
quelques traits communs, sorte d’hystérisation négative. Un mécanisme
dissociatif devient parfois manifeste après la naissance, particulièrement en
cas d’infanticide.

Un trouble lié aux fonctions de reproduction ?


Certains auteurs proposent d’inclure les négations de grossesse inconscientes
au sein des classifications internationales. Cette proposition a l’intérêt d’atti-
rer l’attention des obstétriciens sur la vulnérabilité du sujet et des psychiatres
sur le phénomène de parentalité.

Caractéristiques du « déni de grossesse »


Nous ne décrirons ici que des caractéristiques du déni non psychotique où
prédomine la dénégation.

Un déni inconstamment présent jusqu’à la naissance


(partiel/total/durée)
Timing. On oppose le déni total, persistant jusqu’aux premières heures du
travail voire jusqu’à la délivrance au déni partiel, parfois révélé par une
complication (Brezinka et al., 2009 ; Wessel et al., 2002). Le déni partiel est
beaucoup plus fréquent. Le terme à partir duquel il serait pathologique de
ne pas se savoir enceinte a été déterminé par convention à 20 semaines.­
Ordinairement une parturiente suspecte la grossesse par des signes tels l’arrêt
des règles, l’apparition de symptômes végétatifs ou par des modifications cor-
porelles patentes, absentes ou réduites en cas de déni de grossesse. Certains
auteurs suggèrent d’abaisser ce seuil à 12 semaines (Grangaud, 2001).

Une forme de connaissance persistante malgré


le déni (partiel/total/conscience)
Il persisterait toujours une forme de connaissance de l’état du corps et par
le corps de l’état du monde (embodied cognition) sans que ni l’une ni l’autre
n’impliquent la conscience ou sens ordinaire du terme. Un cas favorable à
la grossesse (middle knowledge) est celui où la femme bien qu’inconsciente
de son état modifie ses habitudes de vie de façon à protéger le développe-
ment fœtal : habitudes alimentaires ou prise de risques par exemple.
Une autre forme de déni partiel est constituée à l’inverse par une
forme d’oubli de l’état de grossesse qui conduit à la négliger pendant des
Le déni de grossesse 245

i­nstants de durée variable. La femme sait, mais est capable d’écarter les
implications de ce savoir et parfois ce savoir lui-même. Ces deux formes
diffèrent essentiellement par la relation inconsciente au désir d’enfant.
Ce que Miller (2003) nomme le déni affectif peut aussi être considéré
comme une forme de déni partiel.

Autres formes de refus de grossesse sans déni


totalement caractérisé
Elles font partie de ces situations qui sont fréquemment l’objet de
litiges entre experts. Leur situation invite à une prise en charge psycho-
sociale, étant donné le risque obstétrical immédiat, mais aussi futur, de
l’ambivalence hostile ou dépressive, jusqu’aux comportements violents
voire infanticides.
Dans notre pratique clinique en obstétrique des femmes dont la déclara-
tion de grossesse est très tardive, nous observons aussi :
• des femmes qui ne s’investissent pas dans leur grossesse, dont elles sont
conscientes clairement. Leur hostilité est souvent latente, parfois mani-
feste. Elles nécessitent d’être aidées rapidement au risque de négligences, de
conduites violentes ou inadaptées auto ou hétéro-agressives. Il s’agit aussi
d’une prévention des néonaticides pour cette grossesse ou la suivante ;
• des femmes qui se savent enceintes mais se refusent à anticiper la nais-
sance, prises, lorsqu’on les interroge, dans une sorte de « pensée magique »
selon laquelle l’accouchement n’aura pas lieu puisqu’elles ne le désirent
pas. Il existe ici effectivement une forme de dénégation et d’illusion. Elle
intéresse une représentation : accoucher ;
• des femmes qui s’investissent peu dans leur grossesse, dont elles ont clai-
rement conscience, mais qui par moments fluctuants « oublient » et s’adon-
nent à des pratiques mettant en danger leur grossesse, sorte d’épisodes brefs
de dénégation où se manifeste l’ambivalence.

La classification proposée par Miller (1998, 2003)


L’auteur a proposé trois catégories :
• le déni affectif qui suppose la connaissance de la grossesse mais l’absence
d’anticipation et de préparation tant physique qu’émotionnelle à son
advenue ;
• le déni envahissant où il n’y existe aucune conscience de la grossesse ;
• le déni psychotique chez une femme souffrant de psychose et qui tend à
dénier sa grossesse par le biais d’illusions.
Cette définition est porteuse d’ambiguïté quant au statut de l’affect.
Dans toutes ces situations, il n’est pas besoin, à notre sens, de définir
le processus psychique à partir de l’action ou de l’inaction de la femme
enceinte, au risque de favoriser un jugement moral sur ces mères (Shelton
et al., 2010).
246 Psychopathologie périnatale

Un déni rarement « envahissant »


En dehors du déni psychotique, il est exceptionnel que ne soit pas retrouvé
à distance de l’événement (car la conscience en sera refoulée sur l’instant)
des indices d’une connaissance fugace et partielle de l’état de grossesse, ou
d’une manifestation affective ou comportementale pouvant témoigner de
cet état. Une certaine qualité de cognition incarnée existe toujours (embo-
died cognition) sauf peut-être chez le sujet halluciné. Par ailleurs, le terme
« envahissant » figure un processus développemental or la dénégation est
un mécanisme de défense : il vient du sujet, il répond à son désir (incons-
cient) de se protéger de la réalité externe.

Les formes intermédiaires et connexes


La méconnaissance. Nous avons souligné la place particulière de la mécon-
naissance qui conjoint à la fois un mécanisme de dénégation (« je ne peux
être enceinte ») et des facteurs objectifs gênant la perception de la grossesse.
La dénégation de l’accouchement, de la naissance ou de l’enfant. Il s’agit de
rares cas de femmes qui ne peuvent sans malaise anticiper l’accouchement,
c’est-à-dire la naissance de l’enfant. Elles peuvent accepter l’idée d’être
enceinte, avec difficulté, mais pas celle d’une naissance. Ces cas sont rares.
La grossesse est souvent mal suivie. Elle peut faire suite à la levée d’un déni
avant la naissance. Elle consiste parfois en une sorte de pensée magique au
terme de laquelle la femme adhère avec plus ou moins de conviction à l’idée
que l’enfant ne naîtra pas ou décédera spontanément in utero, du fait même
de son désir ou du destin. Les entretiens avec ces patientes mettent souvent
en évidence un refus tout à fait net de l’enfant les culpabilisant et les para-
lysant. Ces dénégations les conduisent à l’absence de conduite appropriée
pour empêcher la grossesse d’être menée à terme.
Des formes mineures de négation de grossesse peuvent être retrouvées à
travers les entretiens menés chez les femmes enceintes après le cinquième
mois. Leurs désinences sont multiples. Nous pouvons les schématiser ainsi :
je ne suis pas enceinte, je ne me suis pas rendu compte que j’étais enceinte
(dénégation), j’ai bien pensé que j’étais enceinte mais je n’y ai pas cru
(dénégation ou annulation), je savais que j’étais enceinte mais je n’y pen-
sais jamais (refoulement), je suis enceinte puisque vous me le dites (déni),
j’étais persuadée que je ne pouvais pas être enceinte, que je ne pouvais
avoir un bébé ou qu’il allait mourir, je n’en voulais tellement pas (pensée
magique), j’ai eu un bébé mais j’ai pensé que ce n’était pas le mien (déréa-
lisation névrotique ou psychotique). Ces formes mineures ou partielles de
négation de grossesse sont souvent le signe de l’incapacité à gérer l’ambiva-
lence du désir, parfois de l’hostilité refoulée, ou du caractère insupportable
de la représentation de l’enfant à naître, sentiments qui ne peuvent chez ces
parturientes être admis à la conscience aisément.
Le déni de grossesse 247

Deux vignettes cliniques


Une forme originale du déni de grossesse. Une patiente se sachant enceinte
de cinq mois affirme avec une totale conviction l’origine digestive de contractions
utérines douloureuses. Elle néglige de consulter son obstétricien pour s’adresser
à son médecin généraliste se plaignant de douleurs coliques. Celui-ci n’arrive
pas à la convaincre qu’elle est enceinte. La position de la patiente est donc très
particulière puisqu’elle sait par son médecin mais continue à nier son état. Elle
ne présente aucun trouble psychiatrique caractérisé. Elle travaille normalement
et occupe un poste avec une certaine responsabilité. Plusieurs de ses gros-
sesses précédentes s’étaient achevées par un avortement spontané. Le médecin
généraliste l’adressera pour une psychothérapie. La psychothérapie va mettre
en évidence une très grande agressivité jusque-là refoulée envers son premier
enfant. Elle prend simultanément conscience, à travers son activité onirique, de
la relation très ambiguë qui l’unit à sa propre mère. Le récit des rêves qu’elle fit
pendant le temps des entretiens laisse entrevoir une imago maternelle sadique,
destructrice et toute-puissante, contrastant avec le tableau idéalisé mais froid
qu’en dressait la future mère. La disparition des contractions sera l’issue de la
thérapie. La femme accouchera normalement.
Un déni de grossesse total. L’enfant de la patiente reçu à l’âge de 5 ans était
né dans les toilettes, sa mère ayant confondu les douleurs du travail avec une
épreinte. Elle ne s’était pas aperçue de sa grossesse. Les modifications de son
corps lorsqu’elle était enceinte étaient réduites à un très léger gain pondéral.
Elle n’évoque pas d’aménorrhée. Victime lorsqu’elle était enfant d’abus sexuels
et placée ensuite en institution, elle avait mené dès sa sortie des relations
sexuelles insatisfaisantes. L’enfant né de ces rapports, n’ayant pas eu, malgré
les conditions particulières de sa naissance, de séquelles apparentes, se serait
développé normalement la première année. Il a ensuite présenté un retard des
acquisitions et de discrets troubles du comportement attribué à des carences de
soins. Un syndrome dépressif maternel fut diagnostiqué quatre ans plus tard.
Il aurait débuté selon la patiente après la naissance de son enfant et se serait
prolongé sans véritable rémission ultérieure. Elle n’a jamais reçu, ni demandé
de traitement.

Déni et infanticide
L’infanticide est une complication rare du déni de grossesse. Dans
ce cas, il survient presque toujours dans les 24  heures et entre dans la
catégorie médicale et criminologique des néonaticides. Les modalités les
plus ­fréquentes de l’homicide consistent à étouffer ou noyer l’enfant et
le laisser dans les toilettes (Tardieu, 1868). Il peut être trouvé aussi dans des
poubelles. Le fait le plus étrange consiste en ce que la mère ne dissimule
pas l’enfant qui est très souvent retrouvé, au contraire de l’infanticide qui
suit les grossesses conscientes et cachées. (Brezinka, 2009 ; Spinelli, 2003 ;
Vallone et Hoffman, 2003).
248 Psychopathologie périnatale

Prévalence du néonaticide
Le néonaticide est l’homicide d’un enfant commis le premier jour de vie.
De fait, les taux de prévalence sont variables d’une étude à l’autre, se situant
entre 0,07 et 2,1 néonaticides pour 100 000 accouchements (0,07 à 0,18 en
Finlande, 2,1 en France et aux États-Unis) (Shelton, 2010). Ils sont probable-
ment une sous-estimation du nombre effectif de néonaticides (Gartner et
McCarthy, 2005).

Association du déni de grossesse au néonaticide


La force statistique de cette association est mal connue. Il existe souvent
des biais de recrutement, mais aussi de références, pour définir le déni de
grossesse. Les 16 cas d’infanticide étudiés par Spinelli sont associés à une
forme de déni (5 totaux et 11 partiels), pour Beyer et al., aucun parmi 40 cas.
Cette différence tient en partie aux biais de recrutement mais plus encore au
diagnostic de déni : Beyer et al., 2008 ne désignent pas ce que nous avons
appelé les « dénis partiels en étendue » comme des dénis. Il est en effet pro-
bable que la quasi-totalité des mères refusant leur état et qui commettront
l’infanticide tentent d’éviter de garder à l’esprit toute représentation de la
grossesse, de la naissance et de l’infanticide lui-même. Il existe donc toujours
une forme d’évitement de la représentation qui ne semble pas équivalente ni
en intensité ni en étendue au déni qui accompagne les femmes accouchant
brutalement.

Épidémiologie
Vellut et al. (2012) ont recensé de 1996 à 2000, dans trois régions françaises
et 26 tribunaux sur 27, la totalité des cas d’infanticide. Ils ont identifié 32
néonaticides pour 1 286 253 naissances vivantes soit 2,7 pour 100 000. Pour
vingt-quatre d’entre eux la mère a été identifiée. Bien que, selon l’avis des
experts, la personnalité de celle-ci fût souvent marquée par la dépendance,
l’immaturité, la faible estime de soi et l’absence de soutien social, il n’a pas été
noté de troubles psychiatriques caractérisés sauf un cas de psychose. Aucune
grossesse n’a été suivie, et deux ou trois d’entre elles n’ont été découvertes
par la mère qu’à l’accouchement. Pour une femme sur deux le diagnostic de
déni de grossesse a été évoqué par les experts, mais les auteurs n’ont retenu
que 10  % des cas formellement identifiés comme tels. Ils éloignent de ce
diagnostic ce qu’ils nomment le « déni de la réalité ». Ils éloignent aussi la
connaissance partielle de la grossesse, ce qui correspond à ce que nous avons
décrit du déni partiel de grossesse. Un quart des dossiers correspondent à des
enfants trouvés morts sans que leur filiation soit connue.
Mitchell et Davis (1984) ont recherché à établir l’existence d’un geste
homicide parmi 74 cas rapportés d’enfants mort-nés ou décédés au domi-
cile le premier jour de vie entre 1959 et 1981 dont 18 naissances eurent
Le déni de grossesse 249

lieu dans les toilettes. Les 18 enfants furent autopsiés pour déterminer par
l’examen anatomopathologique du tissu pulmonaire et du contenu gas-
trique si l’enfant était vivant à la naissance. Les enfants nés vivants étaient
issus pour la plupart de grossesses menées à terme tandis que les enfants
prématurés étaient décédés in utero et pesaient moins de 1 000 g. Parmi
les dix enfants nés à terme, quatre décédèrent probablement du fait d’un
homicide, quatre décédèrent accidentellement et deux naturellement. La
plupart des mères d’enfants nés à terme avaient tendance à nier leur gros-
sesse et, contrairement aux mères d’enfants prématurés, généralement
mort-nés, ne prirent pas soin d’enterrer le bébé ni d’engager une cérémo-
nie. La confusion des douleurs du travail avec des douleurs digestives et de
l’enfant avec les fèces est communément retrouvée lors des dénis de gros-
sesse et peut mener à ce type d’accouchement.
Au total, le déni de grossesse, terme qui pour plus de clarté gagnerait
à être remplacé par celui de grossesse inconsciente, est une modalité rare
accompagnant la grossesse. Il semble avoir principalement une valeur adap-
tative. Le risque qu’il entraîne est surtout obstétrical. L’infanticide, très rare,
en reste une éventualité pour un maximum de 1 % des cas. Certains auteurs
souhaitent que le diagnostic soit inscrit au sein des classifications interna-
tionales, un des principaux intérêts en serait de faire reconnaître l’absence
de responsabilité ou la responsabilité atténuée des mères ayant commis un
infanticide dans cet état.

Thérapeutique et prévention
Grossesses tardivement déclarées. La conscience de porter un enfant peut être
réprimée, et les sensations et perceptions oubliées, annulées, renvoyées à
une autre cause. Le soutien doit s’organiser dès que la grossesse est connue
et proposé après la naissance. En effet, l’accès aux grossesses suivantes peut
être menacé par l’organisation d’un déni constitué. Avec une très grande
fréquence, il est retrouvé durant la grossesse précédant celle qui aboutira à
un néonaticide un important retard de la déclaration associé soit à une dis-
simulation soit à un déni de grossesse.
La levée du déni. Dans les formes limites, il est fréquent qu’une femme qui
a dissimulé sa grossesse ou dont la dénégation prend progressivement fin
se trouve dans une grande difficulté pour faire part de sa grossesse à autrui :
il n’est pas rare qu’elle laisse des indices pour que le conjoint ou un proche
s’en saisisse, ce qui advient rarement.
Lors des dénis totaux, une fois l’enfant né, après une brève période qui
permet à la mère de l’accepter comme réel, vivant et sien, il n’est générale-
ment noté aucune difficulté dans les relations et dans les soins. Par contre, il
importe de surveiller les mères présentant des symptômes de type d ­ issociatif
ou bien semblant ne pas tout à fait reconnaître pleinement d’existence à
250 Psychopathologie périnatale

l’enfant. Il s’agit de la seule période connue immédiatement à risque et qui


devra faire l’objet de surveillance.

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11 Post-partum blues

Définition
Il s’agit d’une dysphorie transitoire bénigne. Décrit pour la première fois
en 1952 (Moloney, 1952 ; Victoroff, 1952), le post-partum blues a fait l’objet
d’études systématiques menées auprès de sages-femmes ou d’accouchées,
qui en ont progressivement établi les caractéristiques (Stein, 1982), stabili-
sées depuis 1989 (Kennerley et Gath, 1989). Ce syndrome est nommé dès
1952 par Moloney blues du troisième jour et par Victoroff blues de la maternité.
Le bleu est en anglais et en allemand la couleur de la tristesse ou de la moro-
sité. Cette manifestation émotionnelle fugace survient chez près d’une
femme sur deux, typiquement entre le troisième et le dizième jour suivant
la naissance. La dispersion des taux de prévalence, entre 5 et 80 %, est liée
à la variabilité des critères diagnostiques. Les principaux questionnaires
ou échelles employés sont ceux de Yalom et al. (1968), Pitt (1968,  1973)
puis Handley et al. (1980), Stein (1980), Kendell et al. (1981), Kennerley et
Gath (1989). Le taux de 50 % est retenu si l’on associe pleurs et labilité de
l’humeur. Le blues du post-partum est aujourd’hui principalement considéré
comme un phénomène adaptatif. Les facteurs culturels semblent jouer un
rôle mineur, le blues ayant été mis en évidence avec approximativement le
même ratio aux États-Unis, en Europe, aux Caraïbes et en Tanzanie.

Sémiologie
Forme typique
Le signe le plus caractéristique du blues est l’accès de pleurs, parfois bref,
spontané ou déclenché par des déconvenues ou des désagréments mineurs.
Il ne s’accompagne pas nécessairement de l’expression de tristesse mais sou-
vent d’anxiété, d’irritabilité, voire parfois d’exaltation, d’allégresse ce qui
justifie la dénomination de dysphorie. L’humeur est typiquement labile.
Dans près d’un tiers des cas est présente une franche exaltation de l’humeur
et dans 5 % des cas environ un sentiment de dépersonnalisation (Kennerley
et Gath,  1989). Le tableau se rattache pour certains à une forme infracli-
nique de trouble bipolaire. Des troubles de la mémoire immédiate ou de
l’attention ont été rapportés par des enquêtes systématiques, mais sont
cliniquement peu perceptibles. Le raccourcissement de la durée de sommeil
par rapport aux témoins est constaté, mais difficile à remarquer en post-
partum. Entre 10 et 20 % des parturientes connaissent un ou plusieurs rêves

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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254 Psychopathologie périnatale

d’angoisse et plus rarement des distorsions perceptives essentiellement


hypnopompiques.

Autres formes cliniques


Les exceptionnelles formes sévères (Nott et al., 1976) ne se distinguent des
formes de début des psychoses puerpérales que par la rétrocession sponta-
née et rapide de l’épisode. Les mères ont été décrites étrangement détachées
de leur bébé, manifestant de la culpabilité en cas d’humeur dépressive ou
des crises de rires motivées par leurs sentiments bizarres en cas d’humeur
expansive. Les formes très précoces surviennent quelques heures après la
naissance. Elles affectent près de 10 % des femmes et s’accompagnent sou-
vent d’un discret sentiment de dépersonnalisation (Stein, 1982). Les formes
prolongées ou tardives peuvent précéder ou se confondre avec une dépres-
sion postnatale débutante (Sutter et al., 1995). Elles interrogent sur l’exis-
tence d’une continuité entre les différents troubles postnataux.

Étiologie
Hypothèses hormonales
Le blues survient au plus bas de la décroissance du taux d’œstrogènes, qui
très élevé durant la grossesse s’effondre en post-partum. La modification du
profil hormonal n’est pas restreinte aux œstrogènes, elle affecte aussi le
cortisol, l’ocytocine et de nombreuses autres hormones. Pourtant, il n’a pu
être établi, de façon consistante, le rôle d’aucune hormone en particulier,
lorsque l’on compare les femmes présentant un blues à celles qui en sont
indemnes.
Monoamine-oxydase et œstrogènes
Sacher et al. (2010) ont montré que la chute du taux d’œstrogènes en post-
partum était inversement corrélée avec la densité intracérébrale du récep-
teur à la MAO (monoamine-oxydase) mesurée par la tomographie à émis-
sion de positons (TEP). 15 femmes venant d’accoucher ont été comparées à
un groupe contrôle. Le taux de MAO est significativement augmenté dans le
cortex préfrontal, cingulaire antérieur, le thalamus et l’hippocampe notam-
ment. L’augmentation de la MAO est en général corrélée avec une humeur
dépressive. Toutefois cette étude n’était pas ciblée sur les femmes présentant
un blues.

CRH et cortisol
O’Keane et al. (2011) ont tenté de mettre en évidence une modification des
taux d’ACTH de CRH et de cortisol en cas de blues. Ils ont pour cela prélevé
un échantillon plasmatique durant la grossesse chez 70 volontaires, puis
chaque jour à un et six jours du post-partum. Une corrélation significative a
Post-partum blues 255

été retrouvée entre l’intensité du blues et la réduction du taux de CRH, mais


aucune avec l’ACTH ou le cortisol. Ils ont proposé pour expliquer ce résultat
l’hypothèse selon laquelle l’humeur dépressive postnatale pourrait être en
relation avec une sécrétion augmentée d’ACTH du fait de la réduction du
rétrocontrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysaire maternel, secon-
daire à la cessation en postnatal de la production du CRH par le placenta.

Hypothèses psychopathologiques
De très nombreuses hypothèses ont été proposées. Elles n’ont pas pour
ambition d’être une proposition étiologique mais de décrire le mou-
vement psychologique qui accompagne le moment et le processus du
« blues » en relation avec le travail psychothérapique. Parmi toutes ces
thèses, nous retiendrons celle de Parker (1997), pour son intérêt dans
les psychothérapies psychodynamiques. Pour l’auteur, le trouble est un
équivalent du passage de la position schizoparanoïde du nourrisson à la
position dépressive (Klein,  1946), c’est-à-dire de la nécessité de l’aban-
don du clivage de l’objet (la mère idéalisée et la mauvaise mère) pour
considérer un objet réel qui rassemble les bonnes et les mauvaises pro-
priétés attribuées à l’objet total. L’enfant du fantasme, qui rassemble les
représentations multiples en lien avec les attentes et craintes principa-
lement inconscientes liées à son advenue doit faire place à l’enfant réel,
aux satisfactions et aux exigences qui lui sont associées. Les émotions
mixtes qui étreignent la mère seraient liées à cette transition  : l’aban-
don définitif de l’enfant du fantasme. Les émotions du blues seraient
contingentes de la création du lien intersubjectif (Bydlovski et al., 2014 ;
Rochette, 2005).

Blues et sommeil
Des études récentes utilisant la polysomnographie (Ross et al.,  2005) ont
confirmé que la quantité de sommeil est augmentée durant le premier tri-
mestre de grossesse pour décroître à nouveau au troisième trimestre avec
moins de sommeil lent et plus de réveils. Les difficultés s’accroissaient
encore le premier mois du post-partum. Quoi qu’il en soit il n’a pas été
démontré d’associations significatives entre troubles du sommeil prénataux
et le blues du post-partum.
Le stade des mouvements oculaires rapides (REM) correspondant à la
phase de rêve est considérablement diminué en fin de grossesse ainsi que le
stade 4 (sommeil lent profond) (Karacan et al., 1969). Ce dernier connaît un
rebond durant le deuxième et le troisième jour du post-partum.
Dans les jours suivant la naissance, les mères séparées la nuit de leur bébé
dorment en moyenne six heures (Karacan et al., 1969), en sa présence cinq
heures (Stein, 1979) contre environ sept heures quarante minutes pour la
population générale aux mêmes âges. Des rêves aux affects particulièrement
256 Psychopathologie périnatale

intenses surviennent fréquemment de la quatrième à la sixième nuit. 20 %


des parturientes font des cauchemars qui les éveillent et parfois troublent
leur sentiment de réalité. Des distorsions perceptives essentiellement hyp-
nopompiques, confinant parfois à l’hallucination, surviennent selon Stein
(1982) chez près de 10 % des femmes entre le quatrième et le sixième jour.
Les cauchemars et les hallucinations semblent plus fréquents en présence
de modifications de l’humeur.

Troubles connexes
Dépression périnatale
De nombreuses études ont retrouvé une corrélation entre un blues sévère
et la survenue d’une dépression postnatale (Reck et al.,  2009  ; Fossey
et al., 1997 ; Sutter, 1995 ; Edhborg, 2008). Sutter et al. trouvent en 1995
une association significative entre l’intensité du blues à J3 et/ou J5 et une
symptomatologie dépressive d’une durée supérieure à un mois, dans les
quatre mois qui suivent l’accouchement. Cette tendance n’existe plus au
neuvième mois. L’absence de signes de blues aurait une excellente valeur
prédictive négative  : parmi les 51  % de femmes qui ne présentaient pas
de post-partum blues, 2 % seulement présentaient une dépression du post-
partum au huitième mois.

Manie, hypomanie et états mixtes


Comme le suggèrent Nott et al. (1976), le blues sévère peut aussi représen-
ter une catégorie de troubles différente du blues commun  : l’existence de
dépersonnalisation, de déréalisation, de confusions ou d’hallucinations,
de bizarrerie des sentiments ou des conduites évoquant la note psycho-
tique. Aucune étude n’a été menée à ce sujet et les comptes rendus demeu-
rent anecdotiques.

Trouble de l’adaptation et stress aigu


Dans une perspective cognitiviste, l’expérience soudaine de la maternité
peut être considérée sous la forme d’une surcharge d’informations, débor-
dant les capacités de mentalisation du sujet. L’épreuve de la naissance,
dépassant le cadre de l’expérience habituelle, prend en défaut les capacités
de coping. L’accouchement peut être aussi un événement stressant, et le
blues ressemble en partie à une réaction de stress (Mastorakos et al., 2006).
Des arguments en ce sens sont apportés par l’existence de réactions
proches du blues mais de moindre intensité chez le père et plus précoce
maximal au premier jour (Edhborg, 2008) ou bien après une intervention
chirurgicale (Kennerley et Gath, 1989 ; Imsiragic et al., 2009).
Post-partum blues 257

La construction du concept de trouble de l’adaptation marque son auto-


nomie en regard de deux courants majeurs de la psychiatrie contempo-
raine : celui du « tout organique » où les affections sont prédéterminées par
la constitution biologique du sujet, et certaines conceptions psychodyna-
miques où la part de l’événement est réduite.

Thérapeutique
Le blues nécessite seulement un accompagnement empathique par des soi-
gnants de première ligne sensibilisés et une surveillance, s’il se prolonge ou
dans les formes sévères. Les sorties précoces de la maternité peuvent favoriser
le sentiment d’incapacité et de détresse chez certaines patientes vulnérables.
Elles ne permettent pas, sauf à instaurer des visites à domicile très précoces
par un personnel formé et supervisé, de dépister les dépressions débutantes
et de les traiter. Malheureusement, le focus à peu près exclusif sur le corps et
ses soins par l’organisation sanitaire laisse peu de place à la prévention ou la
prise en charge des troubles psychiques maternels au début de leur évolution.
Presque tous les documents administratifs (SROS, PRADO, HAS, Plan d’actions
psychiatrie et santé mentale 2003, circulaire DHOS/DGS/02/6C n° 2005-300,
4 juillet 2005, relative à la promotion de la collaboration médico-psycholo-
gique en périnatalité) comportent quelque part une déclaration d’intention
pour « veiller au » ou « surveiller » le bien-être psychologique, mais qui sans
formation et sans moyens, reste trop limité, peu efficace et un vœu pieux.

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12 Troubles de la paternalité

Psychologie de la paternité
Du désir paternel d’enfant
Aspects psychodynamiques. Le désir d’enfant est pour une part commun aux
deux parents : désir d’ajouter un enfant dans la lignée, d’obtenir un héri-
tier – mais il portera en général le nom du père – et aussi désir du double
et d’éternité. Dans ces acceptions, il n’est pas (ou peu) sexué. Il reste plus
particulièrement masculin dans la mesure, restreinte, où le père est parfois
encore considéré comme le « chef de famille », qui transmet son nom. Le
désir du double, malgré son apparence objective, n’est qu’indirectement
sexué : il est avant tout désir pur de soi.
Il existe aussi une part sexuée du désir d’enfant, l’une est masculine, l’autre
est féminine. Les deux existent chez le même individu mais connaissent
habituellement une hiérarchie assez nette. Elle a au moins deux origines :
la différence des corps propres et les identifications aux imagos parentales.
Le plus souvent l’identification de l’homme à son propre père prévaut dans
le souhait d’être père. La réalisation de désir est alors principalement indi-
recte : le père est celui qui a le pouvoir de réaliser le désir d’une femme, la
sienne. Il satisfait alors un désir œdipien. À côté de ce versant masculin
du désir de l’homme, il existe aussi, du fait de la bisexualité psychique et
des identifications mixtes (à chacun des parents) un désir paternel de type
«  féminin  », porter un enfant, le fabriquer. Beaucoup d’arguments sou-
tiennent l’existence d’un tel désir  : les études transculturelles, l’existence
d’une symptomatologie universelle de type couvade, les modifications
hormonales et le travail psychothérapique de type psychodynamique. Ce
versant du désir paternel est généralement beaucoup plus réprimé (Aubert-
Godard,  1993). Toutefois l’évolution sociale actuelle favorise son expres-
sion à travers l’encouragement aux soins précoces et la diffusion du congé
parental.
Participation au «  projet  » d’enfant. Les enfants nés de grossesse non
désirée tendent à trouver moins de soutien parental, des interactions
de moins bonne qualité, un style plus autoritaire et le rejet des parents
­(Baydar, 1995 ; Bustan et Coker, 1994 ; Bronte-Tinkew et al., 2007). A contra-
rio, les pères plus âgés ou avec d’autres enfants sont plus souvent impliqués
et rapportent moins de grossesses non désirées ou planifiées. Une étude
portant sur 6  816  pères, dont l’enfant est âgé de 9  mois (Bronte-Tinkew
et al., 2007), montre que les pères impliqués durant la grossesse sur le plan

Psychopathologie de la périnatalité
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260 Psychopathologie périnatale (père et mère)

comportemental (discuter avec sa conjointe, se rendre aux consultations


médicales, participer aux cours de préparation à l’accouchement) et sur
ses objectifs (planifier la grossesse, la souhaiter) assurent ensuite avec leur
enfant plus d’activités intellectuellement stimulantes, de chaleur, de soins
y compris le nourrissage. L’idée fréquemment admise que le primipère ne
prend conscience de sa paternité qu’une fois l’enfant né est moins vrai
aujourd’hui : il y est amené précocement par les consultations d’échogra-
phie auxquelles il assiste souvent et à une demande sociale d’être engagé
dès ce stade.

Un moment évolutif ?
L’accès à la paternité représente un moment évolutif, crise selon Erikson
(1950, 1954), moment maturatif selon Benedek (1959, 1970), à l’image de
ce qui est décrit chez la femme. L’ensemble des conflits développementaux
écartés par le refoulement, résolus sous le mode du compromis ou ayant fait
l’objet de fixation, connaissent un regain directement associé à la réalisation
de souhait que représente devenir père. La paternité est l’occasion d’une
nouvelle élaboration de ces conflits, d’une intense satisfaction narcissique,
d’une revanche contre la frustration infantile permettant la réconciliation
avec les imagos parentales. Assurant une fonction de protection à la future
mère durant sa grossesse et lors des premières relations avec son bébé, il
s’identifie alors à une image paternelle bienveillante et forte, assurant une
sorte de réparation symbolique contre les attaques commises envers le père.
Cette crise est l’occasion d’une évolution au sein de la dyade maritale. Selon
Benedek (1959, 1970) les mécanismes d’adaptation à la paternité subissent
les influences des relations précoces du père avec ses propres parents mais
aussi avec ses frères et sœurs. Le rôle de l’épouse apparaît essentiel quant
aux réponses émotionnelles du père au regard de la grossesse, alors que les
réponses de la mère sont moins influencées par le comportement du père.

Le réveil de conflits internes spécifiques


L’accès à la paternité peut placer le père en rivalité avec son propre père au
lieu de le conduire à la réconciliation. La grossesse de son épouse amène
parfois le père à prendre conscience douloureusement de sentiments
ambivalents à l’égard de ses propres parents. Ainsi une imago paternelle
terrifiante, aussi souvent associée à un père réel faible ou absent qu’à un
personnage despotique ou brutal, peut raviver des angoisses de castration
et infléchir une identité de genre mal assuré vers un choix moins angois-
sant, une position féminine et passive dans le couple et parfois au-delà. Des
décompensations délirantes ont été décrites (cf. infra).
La naissance de son propre enfant et les soins prodigués par la mère peu-
vent s’accompagner de l’apparition d’un sentiment de jalousie ou d’envie,
Troubles de la paternalité 261

surtout chez l’homme dont l’enfance a été marquée de conflits de rivalité


irrésolus au sein de sa propre fratrie et d’un délaissement maternel. En cas
de carence de soins maternels, de privations ou de toutes formes de conflits
infantiles irrésolus avec la mère (imago), l’accès à la paternité peut induire
des comportements agressifs dont la conjointe, par « déplacement », peut
devenir l’objet : l’association à la figure imaginaire de l’amante de l’imago
maternel est rendue intolérable.
La venue d’un garçon pour un père impose aussi de s’engager dans une
relation affective et amoureuse de nature littéralement « homosexuelle ».
Elle peut parfois réveiller une homosexualité latente, d’autant que l’activité
hétérosexuelle est généralement réduite durant la période prénatale.
Tous les facteurs mentionnés sont certainement présents chez tous les
pères, mais à des degrés très divers. Ils ne sont cependant généralement
pas suffisamment importants pour provoquer une symptomatologie obser-
vable, ni a fortiori un trouble psychiatrique, sauf s’ils persistent dans un
conflit émotionnel.

Aspects descriptifs
Osofsky (1982), à partir d’une expérience de dix-sept ans en maternité et
s’adjoignant les résultats d’une enquête sur les mécanismes d’adaptation
des couples durant la grossesse et l’accès à la parentalité, relate les modi-
fications constatées chez les pères reçus en entretien. De façon assez géné-
rale, la grossesse de leur épouse et la naissance de leur enfant apportaient
un stress et un bouleversement rapidement recouverts par le sentiment de
fierté paternelle qui survenait même lorsque le mariage avait été contraint
par la grossesse elle-même. Quelques hommes se sentaient si confortés dans
leur masculinité qu’ils n’éprouvaient plus de doute quant à leur virilité ni
même ne se sentaient concernés si leur femme les quittait pour un autre
homme. D’autres, après la période initiale d’excitation et de fierté, ressen-
tirent des états d’étrangeté ou de discrète déréalisation  ; enfin, quelques-
uns s’inquiétèrent de la modification des relations avec leurs épouses et,
plus généralement, de leur mode de vie. Certains se sentaient gratifiés par
les responsabilités à venir tandis que d’autres s’angoissaient à leur évoca-
tion. Tandis que quelques-uns se demandaient s’ils étaient bien le père de
l’enfant, d’autres se demandaient quel type de père ils pourraient être pour
l’enfant. Si quelques-uns semblaient jaloux des capacités procréatrices de
leur femme, d’autres s’engageaient dans leur propre effort créatif durant la
grossesse, tel cultiver leur jardin, élever des animaux ou écrire des livres. Les
sentiments envers les épouses enceintes étaient assez ambivalents, partagés
diversement entre la tendresse, l’admiration ou le dégoût du corps trans-
formé. Du fait de ces sentiments contradictoires, beaucoup d’hommes deve-
naient troublés et irritables. Certains d’entre eux développaient des fantai-
sies de désir à propos d’autres femmes, quelques-uns avaient de véritables
262 Psychopathologie périnatale (père et mère)

liaisons. La plupart se cantonnaient à des souhaits de fuir le mariage et en


éprouvaient souvent de la culpabilité. Lors de l’accouchement, à l’excita-
tion et à la fierté de devenir père se mêlaient parfois des sentiments plus
négatifs, associés à la conscience de ne plus pouvoir s’abandonner aisément
à une position régressive mais aussi de devoir satisfaire à un idéal paternel
désexualisé.
L’étude d’Herzog (1982), portant sur 103 pères permit, par une analyse
rétrospective, d’étudier les fantaisies et fantasmes apparus durant la gros-
sesse. Les fantaisies sexuelles étaient modifiées, les sentiments envers leur
père réexaminés et revivifiés par la future paternité. À l’apparition des
mouvements fœtaux, ils développaient souvent des fantasmes d’agres-
sion envers le bébé et une sorte d’attention un peu fascinée au processus
magique et mystérieux de la création. Bien que l’échantillon de cette étude
fût particulier, le caractère commun des fantaisies relatées plaide en faveur
de l’universalité de telles préoccupations.
En relation avec la modification progressive des rôles parentaux, l’intérêt
porté aux troubles psychiques du père autour de la naissance est devenu
plus important ces dernières décennies. Les formes de la détresse pater-
nelle sont parfois similaires à celle des mères : manifestations dépressives,
anxieuses, et troubles délirants. Les comportements impulsifs, violents ou
transgressifs, les conduites d’abandon ou de prises de toxiques sont plus
caractéristiques mais il existe un net déficit d’études sur ce sujet. Ils ont
pourtant un retentissement majeur sur le couple et sont un des principaux
facteurs de risque de la dépression maternelle.
Les connaissances sur la psychologie, la sociologie et la biologie de la
paternité ont progressé parallèlement. Toutefois, il existe encore très peu
d’études sur ce sujet en comparaison avec la littérature portant sur la mater-
nité et la maternalité.

Biologie de la paternité
De l’identité biologique du père
Les gènes
La grossesse assure avec une assez grande vraisemblance la certitude de l’ori-
gine maternelle des gamètes. Le rôle du père dans la fécondation peut se
prêter plus aisément à la dénégation. Depuis seulement quelques décennies,
la filiation biologique peut être déterminée avec certitude par la comparai-
son des ADN de l’enfant et du père putatif. Néanmoins, le Code civil repose
encore sur la présomption première selon laquelle le père est le mari de la
mère, et à défaut de mariage, l’homme qui va le premier reconnaître
l’enfant. Au contraire des États où prime une conception biologique de la
Troubles de la paternalité 263

filiation, la France privilégie une conception sociale, cependant ouverte à


la contestation.
La possibilité d’avoir recours à un test de filiation biologique est juridique-
ment limitée, et les résultats n’ouvrent à aucun droit automatique. Le Comité
consultatif national d’éthique (CCNE,  2007) a attiré l’attention, à propos
des tests de paternité, «  sur la dimension profondément symbolique dans
la société de toute mesure qui demande à la vérité biologique d’être l’ultime
arbitre dans des questions qui touchent à l’identité sociale et culturelle ».

Le gamète
Biologie et illusions. Avant la diffusion des techniques d’assistance médicale
à la procréation, l’infertilité était, par principe, supposée d’abord féminine.
Chez l’homme, stérilité et impuissance tendaient à se confondre, associa-
tion imaginaire, résistante aux savoirs. Dans la plupart des sociétés occi-
dentales aujourd’hui la fréquence à peu près égale des stérilités masculine
et féminine est connue et admise. Les représentations sociales n’en sont
pas semblables. La stérilité masculine reste couverte de plus de honte que
la stérilité féminine (Weil et Dayan, 2000). Il est fréquent que l’épouse fasse
croire à son environnement proche qu’elle est elle-même stérile pour pro-
téger son mari.
D’autres fantaisies existent presque inverses, peu exprimées dans les
sociétés non traditionnelles : partager avec la femme, une activité procréa-
trice au-delà de l’acte de fécondation (Godelier, 2004 ).
Paillettes et gamètes. Avec les techniques d’ICSI, il est devenu moins fré-
quent que l’homme infertile doive recourir à un don de gamètes. Lorsque
cela est le cas, la plupart des pères comme des mères usent, pour supporter
la représentation du don, du déni de l’origine des gamètes et de leur nature.
Ceux-ci sont réduits dans le discours à des paillettes, des objets non sexués
sans propriétaire ni identité. Cette attitude est plus spécifique à l’homme.
La plupart des femmes évoquent (Weil et Dayan,  2000) sans fard le don
d’ovocytes et expriment assez aisément leur rêverie par rapport à l’identité
de la donneuse.
Dissociation de la paternité juridique et biologique avant la naissance de
l’enfant. Le droit français oblige les parents potentiels à déclarer leur
consentement à l’AMP devant un juge ou un notaire avant toute démarche
médicale. La rédaction d’un acte authentique est précédée d’une infor-
mation sur le caractère définitif des liens qui les uniront à l’enfant. Cet
acte modifie le droit ordinaire de la filiation en renforçant par antici-
pation le caractère irrévocable de la paternité. Jolibert Dewitt et Dayan
(2001) ont examiné les réactions des parents à cette obligation. Environ
80 questionnaires sur 200 furent remplis avec précision. Dans plus de la
moitié des cas (55 %), les couples apparaissent résignés, parfois dans un
contexte dépressif. Quelques pères s’engageaient carrément dans le déni
264 Psychopathologie périnatale (père et mère)

évoquant leur « enfant du sang » ou « un enfant de A à Z ». D’autres mani-


festaient la crainte de la stigmatisation (10 %) ou ressentaient l’obligation
juridique comme une persécution (5 %), une mise en doute de la parole
du couple et son engagement dans la parentalité. On observe aussi une
certaine révolte contre cette judiciarisation, considérée comme superféta-
toire : « Ce n’est pas un bout de papier qui va changer quelque chose. »
Moins fréquemment (30 %) cette démarche était considérée positivement
comme une protection des droits de l’enfant, mais rarement comme un
soutien au père.

Vignette clinique
L’existence de la contribution sociale et imaginaire à la filiation paternelle est
bien illustrée par les réactions opposées de deux pères, reçus au CECOS dont les
enfants étaient nés après un don de gamètes. Des proches, ignorants du mode
de procréation, les avaient chacun félicités à la maternité de leur ressemblance
avec l’enfant. L’un était rempli de colère et de détresse, cette remarque venant
lui rappeler brutalement qu’il n’était pas le « vrai » père de cet enfant, l’autre
au contraire avait accueilli avec plaisir ce commentaire venant le conforter dans
le fait qu’être père avait peu à voir avec la biologie, et que celle-ci somme toute
pouvait s’inventer.

Biologie des comportements


Ethologie et parentalité
Les mâles assurent un soin parental dans moins de 5 % des espèces (Moller
et Cuervo,  2003), et chez 12  % des espèces de primates (Mehlman,
1998). Les modifications hormonales qui préparent à la «  paternité  »
sont déclenchées par l’accouplement, la grossesse des femelles ou des
stimuli provenant de la portée. Selon les espèces, il a été démontré que
le comportement parental est associé à un taux plus élevé de prolactine
et de vasopressine ainsi qu’à la diminution du taux de testostérone ou sa
conversion en œstradiol. Le soin à l’enfant est le plus souvent indirect
chez l’homme et plutôt de type affiliatif que direct et intensif, ce qui
n’empêche pas ses effets.
Deux tâches fondamentales connexes de la reproduction sont la
séduction du partenaire et l’effort parental (Lancaster et Kaplan, 1992).
Wingfield et al. (1990) suggère que chez le mâle le taux de testostérone
s’ajuste aussi en fonction de ces tâches, il augmente lors de la compéti-
tion entre mâles et diminue lors des soins parentaux, ce qui a été mis en
évidence chez plusieurs espèces en milieu naturel (Wingfield et al., 1990)
ou par le biais d’expérimentations (Ketterson et Nolan,  1999). Cet
ajustement affecte plusieurs compartiments biologiques  : notamment
génétique, hormonal et cérébral. Le principe d’une causalité hormonale
Troubles de la paternalité 265

univoque, principale et unidirectionnelle aux comportements sexuels


et de soins aux enfants est invalidé par les études menées chez les pères.
Elles montrent au contraire que dans nombre de circonstances le statut
du père, même chez l’animal, vient à modifier le taux des secrétions
hormonales. Il existe de fait une interaction complexe et réciproque
entre statut social et hormonal, les hormones, dès lors qu’il n’existe pas
de lésion somatique profonde ou de déficit de type organique entraî-
nant une sévère dérégulation, s’ajustant en synergie avec les choix et
circonstances.

Modifications hormonales : testostérone, prolactine, cortisol,


œstradiol
L’établissement en couple, évalué le plus souvent par le mariage, indépen-
damment de la paternité, vient à modifier la dynamique hormonale. La
paternité elle-même, comme le mariage, s’associe à une diminution du taux
de testostérone et s’accompagne de modifications du taux d’autres neuro-
peptides impliqués dans la reproduction, l’attachement et plus générale-
ment « l’effort parental ».
Testostérone
Dans leur étude de plus de 4  000 militaires, Booth et Dabbs (1993) ont
constaté que le taux de testostérone tendait à être plus élevé chez les sujets
non mariés, et, parmi les sujets mariés chez ceux ayant plus fréquemment
des relations sexuelles extraconjugales. Gray et al. (2002) retrouve aussi une
diminution de la testostérone en relation avec le mariage, avec ou sans
enfant. Mazur et Michalek (1998) ont rapporté que le taux de testostérone
baissait avec le mariage et augmentait lors de sa dissolution. Une étude
menée auprès de 624 sujets aux Philippines retrouve parmi les hommes
célibataires, un taux de testostérone basal le matin plus élevé chez ceux qui
deviendront pères dans les quatre ans et demi du suivi (Gettler, 2011).
Berg et Wynne-Edwards (2001) ont comparé au Canada 33 hommes dans
les trois mois du post-partum à 14 hommes de la population générale. Les
concentrations de testostérone salivaire semblent diminuer dès la fin de
la grossesse (Storey et al.,  2000  ; Ellison,  2001). Les taux restent abaissés
en post-partum précoce, de 33 % dans l’étude de Storey et al., (2000) chez
les hommes dont les épouses avaient accouché au cours des trois dernières
semaines comparés à ceux dont les épouses devaient accoucher au plus tôt
dans les trois semaines suivantes. Cette diminution est encore mise en évi-
dence au moins jusque vers la fin de la première année.
L’implication du père dans les soins parentaux abaisse aussi le taux de
testostérone. Les jeux initiés par les parents, comme tenir une poupée,
diminuent le taux de testostérone. Les pères qui consacrent plus de trois
heures quotidiennes aux tâches parentales ont un taux de testostérone
abaissé par rapport à ceux qui ne s’y impliquent pas. Des études menées
266 Psychopathologie périnatale (père et mère)

auprès de groupes ethniquement voisins en Tanzanie montrent que lorsque


les soins parentaux paternels sont la norme, les pères ont un taux de tes-
tostérone diminué par rapport aux célibataires ou aux non-pères, mais pas
dans la sous-culture où les soins parentaux ne sont pas la norme (Muller
et al., 2009). Lorsqu’aux Philippines les pères dorment avec le nourrisson,
le taux de testostérone diminue comparé aux pères dormant seuls (Gettler
et al., 2012). Une étude (Gray et al., 2007) menée en Jamaïque a montré que
les pères visitant leurs enfants sans vivre avec eux avaient un taux de testos-
térone abaissé significativement en regard des célibataires, mais plus élevé
que ceux vivant entièrement avec leur partenaire. Une autre étude (Mascaro
et al.,  2013) a montré que le taux de testostérone comme le volume tes-
ticulaire étaient inversement corrélés à l’engagement du père dans les soins
au nourrisson. Simultanément regarder les photos de son propre enfant
activait chez le père l’aire ventrale tegmentale, une composante clé du sys-
tème de récompense et de motivation médié par la dopamine.

Autres hormones
Prolactine. Dans l’étude de Storey (2000) les hommes avec plus de deux
symptômes de grossesse (symptomatologie de couvade) présentent un taux
plus élevé de prolactine. L’étude menée aux Philippines (Gettler et al., 2012)
auprès de 289 sujets a retrouvé un taux plus élevé de prolactine chez les
pères que chez les non-pères. À l’inverse de la testostérone, le taux de pro-
lactine chez les non-pères, ne prédit pas ceux qui plus vraisemblablement
dans les quatre ans et demi du suivi deviendront pères. Chez certains pri-
mates, le taux de prolactine est corrélé avec le nombre de naissances que le
père a pu assumer et s’élève d’ailleurs même chez les alloparents qui n’ont
pas eu de rôle reproductif (Ziegler et al., 1996).
Œstradiol. Berg et Wynne-Edwards (2001) ont montré dans l’étude cana-
dienne que chez les hommes venant d’être pères le taux de testostérone sali-
vaire était abaissé comme celui du cortisol, tandis que l’œstradiol devenait
plus souvent détectable. Une étude menée en Jamaïque (Gray et al., 2007)
sur un échantillon de 43 pères a montré que le taux de vasopressine baissait
proportionnellement à l’âge de l’enfant.
Ocytocine. Gordon et al. (2010) ont montré que le taux d’ocytocine (dosage
veineux) chez les pères, à sept semaines en moyenne du post-partum et six
mois, était significativement corrélé à l’occurrence des comportements de
parentage typiquement masculins tels que la stimulation et non à celle des
comportements affectueux comme chez la mère. L’évaluation reposait sur
une séquence de jeu et de toucher de dix minutes, enregistrée en vidéo.
De plus, les taux d’ocytocine maternel et paternel étaient corrélés entre
eux chez les parents cohabitants. Feldman et al. (2011) ont montré que
chez les deux parents le taux d’ocytocine était corrélé à l’engagement positif
(regards, vocalisations, affect), à la synchronie, et à la successivité des enga-
gements positifs du parent à la sollicitation de l’enfant.
Troubles de la paternalité 267

Modifications cérébrales
Chez les primates, dont les mâles participent (marmosets) activement aux
tâches domestiques, la paternité conduit au développement massif de
dendrites dans le cortex préfrontal, particulièrement celles contenant des
récepteurs à la vasopressine (Kozorovitskiy et al., 2006). Le cortex préfrontal
contient aussi des récepteurs à d’autres neuropeptides impliqués dans le
comportement parental comme l’ocytocine et la prolactine. Réciproque-
ment des études menées chez les rats ont montré que l’absence de soins
paternels induit une diminution de la concentration synaptique dans le
cortex préfrontal de la portée. Il n’existe pas à notre connaissance d’étude
chez l’homme qui mesure les relations entre modifications anatomiques
cérébrales et comportements paternels, mais plusieurs ont été développées
chez l’animal, en particulier chez les rongeurs qui montrent des modifi-
cations de l’hippocampe (taches spatiales), de l’amygdale et du cortex
préfrontal. Certaines études montrent une activation des aires cérébrales
différentes chez le père et la mère (cf. chapitre « Parentalité »). Il n’est pas
déterminé si elles sont dues au sexe ou aux tâches parentales.

Socio-anthropologie de la paternalité
De nombreux aspects de cette question sont traités tout au long de la pre-
mière partie de cet ouvrage Psychopathologie de la parentalité.

Une crise sociale de la paternalité ?


L’évolution des modes de filiation, conséquence de facteurs économiques,
culturels et scientifiques (cf. chapitres 1 à 5), s’est accompagnée, voire a été
précédée, de la remise en cause du modèle social et juridique de la famille
nucléaire, prépondérante encore il y a quelques décennies, sous la domi-
nation d’un pater familias, exerçant sa puissance sur une épouse assurant
la domesticité. Aujourd’hui en Europe, en droit, la « puissance » a laissé sa
place à l’« autorité ». Celle-ci de « paternelle » est devenue « parentale ». Elle
s’exerce sous un mode partagé, que les couples soient ou non séparés. Les
rôles sociaux ont été modifiés et le paternage ne s’associe plus à une image
dévalorisée de l’homme, il est même devenu un aspect potentiellement
constitutif de l’identité. Cette transition n’est pas socialement achevée et
est devenue un facteur de tension entre modèles culturels, mais aussi entre
les propres modèles internes de l’individu.
Le père éducateur. Jusqu’à l’ère de l’industrialisation, les pères ont eu
un rôle premier, en tout cas de principe, dans l’éducation des enfants, au
motif d’une rationalité supérieure. Les attentes et idéalisations sociales de la
paternité ont varié au cours des siècles : pédagogue et autorité morale (xviiie
et début du xixe siècle), père distant assurant les revenus du foyer (début du
xixe siècle jusqu’au milieu du xxe siècle) et enfin aujourd’hui père de plus
268 Psychopathologie périnatale (père et mère)

engagé dans les tâches parentales avec son épouse, mais partageant avec elle
la tâche de contribuer aux revenus (Pleck, 1987 ; Lupton et Barclay, 1997).
La mère assume en effet aujourd’hui une fois sur deux un emploi rémunéré.
L’accélération de l’urbanisation et de l’isolement des familles nucléaires a
mis en exergue le rôle croissant du père dans la socialisation : d’être « père
présent » ou « père absent » est devenu un qualificatif en soi. L’image d’un
père réservant son intérêt à l’enfant seulement à partir du moment où celui-
ci peut s’engager dans des échanges hautement socialisés, et dédaignant
les soins au bébé, s’est aussi progressivement estompée au profit de celle
d’un père partageant très tôt les tâches. Même si le partage effectif n’est pas
égalitaire, l’exclusivité des rôles a cessé.

Paternité et paternage (les soins à l’enfant


par le père)
Primipères. Une étude menée en Italie dans la région du Piémont auprès de
600 volontaires, dans l’immédiat post-partum, a montré un manque criant
d’information des hommes, surtout les « primipères », sur la compétence
du nouveau-né : environ un père sur deux pensait que l’enfant était aveugle
à la naissance ou ignorait qu’une mère puisse être déprimée durant le post-
partum (Pellai, 2013). La plupart des hommes ayant leur premier enfant
étaient en difficulté pour communiquer leur désarroi ou même leurs sim-
ples interrogations sur le fait de devenir père.
L’accompagnement à la paternité dans les services d’obstétrique et en
postnatal. Une étude (Steen et al., 2012), portant sur l’ensemble des textes
publiés entre 1999 et 2010 sur l’accompagnement des pères à la paternité,
de la grossesse à six mois du post-partum, a retenu 23 articles de type quali-
tatif, avec une méthodologie suffisamment rigoureuse. Le principal résultat
est de montrer la difficulté des pères à se situer ou à être situés. Si la plupart
d’entre eux s’estiment être des pères et des partenaires, ils ont l’impression
d’être perçus plutôt par défaut, comme des non patients et des non visi-
teurs. Beaucoup dès lors se sentent exclus. Le père est aussi de plus en plus
sollicité à partager les rôles parentaux, mais souvent avec comme objectif
ou résultat le soutien aux soins maternels : accompagnement d’un enfant
prématuré, soutien à l’allaitement maternel (Rempel et Rempel, 2011) ou
aux soins courants à domicile (Shapiro et al., 2011).
Conditions socio-économiques. Une étude menée en Espagne auprès
de 150 pères (Maroto-Navarro et al., 2013) a montré que les pères les plus
impliqués dans les soins et l’éducation de leurs enfants étaient d’un
plus haut niveau d’éducation, plus souvent cohabitaient sans être mariés
(au contraire de certaines études), leur conjointe étant employée à plein
temps, eux-mêmes étant nés dans le pays et participaient au cours de prépa-
ration à la naissance. Les pères ayant un meilleur statut économique et plus
Troubles de la paternalité 269

généralement ayant un emploi s’impliquent plus dans leurs tâches paren-


tales (Johnson, 2001), peut-être simplement parce qu’ils se savent capables,
à leurs propres yeux, de remplir une des tâches sociales paternelles les plus
archaïques, nourrir sa famille. Toutefois l’importance du temps de travail
vient réduire leur implication réelle.
Sexe des enfants. Des études menées il y a une vingtaine d’années mon-
traient plus d’implication des pères auprès des garçons, avec le souhait de
leur servir de modèle, surtout après quelques années (Stattin et Klackenberg-
Larsson, 1991 ; Russell et Saebel, 1997). Les études plus récentes ne retrou-
vent pas ce résultat, mais parfois un lien entre un genre intensément
désiré pour l’enfant et l’implication paternelle (Stattin et Klackenberg-
Larsson, 1991). En géneral, actuellement, le père semble s’engager autant
dans les conduites affectives avec les enfants des deux sexes (Updegraff et
al., 2001 ; NICHD, 2000) mais moins dans les soins corporels avec le nour-
risson ou le très jeune enfant s’il s’agit d’une fille.

Le rituel de couvade
Selon Frazer (1910), sous le nom général de couvade, deux coutumes dis-
tinctes, liées à la naissance, ont été confondues. La couvade prénatale qui a
pour fonction de soulager symboliquement la mère, en partageant les dou-
leurs et la couvade postnatale exercée au bénéfice de l’enfant. Les rites pré-
nataux sont d’une grande variété de formes tandis que les rites postnataux
plus constants, sont souvent centrés sur l’alimentation, et plus s­tructurés
(Menget,  1989). Il est attribué aux seconds une fonction de protection
de l’enfant par le père et la mère unis par les restrictions alimentaires,
sexuelles et d’activité qu’ils partagent complémentairement. Le père lutte
avec la mère pour défendre l’enfant à cette période de grande vulnérabilité
physique et spirituelle confondues. En ce sens, il participe à la création de
l’enfant. Plusieurs auteurs ont voulu voir dans les rituels de couvade un
rituel d’adoption symbolique qui permet au père d’affirmer la légalité et la
légitimité de sa paternité.

Troubles psychiatriques et paternité


Wainwright (1966) notait il y un demi-siècle que souvent ni le thérapeute ni
le patient ne prennent conscience du rôle joué par la paternité dans l’éclo-
sion des troubles. Cela reste en grande partie le cas aujourd’hui comme le
suggère la rareté des études sur les liens entre psychopathologie et accès à la
paternité, à l’exception très nette de la dépression. Toutefois une nouvelle
littérature a émergé depuis la fin des années 1990 qui atteste des difficultés
et des troubles psychiques qui accompagnent l’accès à la paternité et leurs
conséquences sur le développement de l’enfant (Phares, 1997).
270 Psychopathologie périnatale (père et mère)

Le syndrome de couvade
Si le rituel de couvade est normatif, le syndrome est au contraire consi-
déré comme un dysfonctionnement. Il n’est pas prescrit culturellement,
ses manifestations sont essentiellement involontaires. Le syndrome n’est
toutefois pas classé comme une manifestation psychiatrique. Il a été néan-
moins signalé des cas de « couvade psychotique » (Tenyi et al., 1996).
Le syndrome inclut des signes somatiques fonctionnels, généralement
en période prénatale mais pouvant se poursuivre durant le post-partum
(cf. Klein, 1991). Deux symptômes au moins sont apparus durant la gros-
sesse de la mère et ont occasionné une gêne réelle :
• la sphère digestive est concernée en premier lieu : ballonnement ou dou-
leurs abdominaux, colites, nausées ou vomissements, anorexie, caprices
alimentaires, variation pondérale de plus de trois kilos, douleurs dentaires
(jusqu’au milieu du siècle dernier lorsque la carence alimentaire entraînait
fréquemment de telles douleurs chez la femme enceinte) ;
• les autres symptômes fréquemment retrouvés sont les maux de têtes, les
démangeaisons ou une faiblesse générale.
Ils auraient une dynamique particulière  : tendant à apparaître en fin
de premier trimestre de grossesse, ils diminuent au second trimestre
pour réapparaître au troisième et disparaître habituellement, mais non
systématiquement en période postnatale (Trethowan,  1965). Une étude
prospective menée parmi 81 couples retrouve chez 20 % des pères un tel
syndrome. Nous ne connaissons pas d’étude avec groupe contrôle. Les
estimations de l’incidence du syndrome de couvade sont diverses avec
des chiffres tels que 22 à 72  % aux États-Unis, 11 à 56  % en Grande-
Bretagne, selon les études et les critères retenus. Les facteurs de risque
évoqués sont divers. En premier, sont retenus (Clinton,  1985,  1986)
l’absence de figure paternelle durant l’enfance, un dysfonctionnement au
sein du couple parental, l’appartenance culturelle et religieuse. L’absence
de modèle paternel a été plusieurs fois évoquée (Klein, 1991), accroissant
les sentiments ambivalents de l’homme vis-à-vis de la grossesse et de sa
propre paternité. L’anxiété générée peut avoir une traduction somatique,
voire dans les cas extrêmes, se manifester par un délire de négation de
paternité.
La plupart des interprétations proposées pour le syndrome de couvade
proviennent d’auteurs de formation psychanalytique. Felix Boehm intro-
duit en 1930 la notion d’envie de parturition. Elle résulterait (Osofsky, 1982)
du refus par l’homme de la passivité dans le processus de conception.
Lacoursière (1972) conçoit le syndrome de couvade comme un processus
réactionnel, le fruit de la culpabilité paternelle résultant des sentiments hos-
tiles envers la mère ou le fœtus. Cette configuration peut naître dans une
dynamique de régression narcissique. Elle peut entraîner un sentiment
Troubles de la paternalité 271

de haine et de rage, particulièrement lorsque l’histoire du père est marquée


par la rivalité fraternelle avec un cadet (Cavenar et Butts, 1977) ou lorsque
la relation de l’homme à sa compagne est dominée par la dépendance et/
ou  la régression. Pour Lukesh, les symptômes traduisent tout à la fois la
rivalité avec la mère et le désir d’être materné.
La nature de cette manifestation a été discutée : trouble de l’adaptation,
conversion, manifestation anxieuse, trouble hypochondriaque. Quoi qu’il
en soit, il ne donne quasiment jamais lieu à une consultation psychiatrique
(Kendell et al., 1976).
Données transculturelles sur le syndrome de couvade. L’étude trans-
culturelle la plus complète concernant la symptomatologie spontanée
revient à J. et B. Whiting et à Munroe (1973). Les auteurs montrent que des
symptômes tels des vomissements, la lassitude, l’alimentation compulsive,
les maux de tête, les maux de dents résultent plus de processus inconscients
que de rituels dans les cultures étudiées. Par exemple, chez les Wogeo de
Nouvelle-Guinée ou les Garifuna d’Amérique centrale, il existe des rituels
impliquant physiquement les hommes durant la grossesse, mais en aucune
façon les symptômes décrits. Les hommes les plus susceptibles de présenter
ces manifestations étaient à la fois plus engagés dans les rituels de couvade
mais aussi plus violents envers leur épouse et menant d’autres conduites
transgressives.

États dépressifs
Dépressions mineures ou modérées du post-partum
Qualité émotionnelle de la dépression paternelle. Quadagno et al. (1986), uti-
lisant une liste d’adjectifs, évaluent la qualité des émotions présentées par
chacun des membres du couple jusqu’à six mois après la naissance. La qua-
lité des réponses est globalement semblable entre père et mère bien que
celle-ci mette plus souvent en avant un sentiment de tristesse, les pleurs,
moins d’estime de soi et d’enthousiasme.
Prévalence
Les études menées sur de larges populations utilisant soit des entretiens
standardisés soit l’EPDS retrouvent une prévalence de la dépression pater-
nelle postnatale comprise 3 et 10 % avec des seuils de « dépression » parfois
très bas de 5 jusqu’à strictement supérieur à 13 (Ballard et al., 1994 ; Matthey
et al., 2000 ; Ramchandani et al., 2005 ; Edmonson et al., 2010). Dans une
des premières études, Ballard et Davis (1996) ont mis en évidence avec
l’EPDS, sur un échantillon de 200 couples, un taux de dépression de 9 % à
six semaines et 5,4 % six mois avec un seuil > 13. Ils valident partiellement
l’EPDS, en utilisant, les critères RDC  : aucun homme ne présentait dans
la population étudiée les critères d’une dépression majeure. Dans une très
large étude de cohorte de 12 884 pères, avec un taux de réponses de 65 %,
272 Psychopathologie périnatale (père et mère)

Ramchandani et al. (2005) retrouvent 4 % de pères déprimés à huit semaines


du post-partum. Ils utilisent l’EPDS avec un score > 12. La question du seuil
a été étudiée par Matthey et al. (2001) en Australie et Edmonson (2010) au
Royaume-Uni, mais les études présentent d’importantes faiblesses métho-
dologiques. Ils utilisent toutefois un entretien standardisé (SCID) pour la
validation. Ils suggèrent respectivement de choisir un seuil > 9 et > 10. La
sensitivité retrouvée par Edmonson est de 89,5 % et la spécificité de 78,2 %
avec une prévalence de 10 % et un score moyen de 14,8 contre 6,4 pour
les pères déprimés versus non déprimés. Dans d’autres études, la dépression
paternelle a une moindre prévalence, de l’ordre de 5 à 6 %. L’évolution des
troubles entre pré- et post-partum est assez variable selon les études différant
par leur population et les seuils choisis.

Facteurs de risque
Un des facteurs de risque les plus originaux et spécifiques de dépression
postnatale mis en évidence chez les pères qui n’étaient pas déprimés avant
la naissance et que l’on retrouve aussi dans les cas cliniques de psychoses
puerpérales (cf. infra) est de se sentir sous contrôle de sa mère ou de son père
(RR ≈ 4) (Matthey et al., 2000), avec un risque relatif de l’ordre de 4 dans
l’étude de référence.
L’influence de la dépression maternelle sur l’état affectif du père a été
mise en évidence dès 1996 par Areias et al. (1996) à Porto parmi 42 pères.
Utilisant l’EPDS et un entretien semi-structuré (SADS), ils montrent que
les pères déprimés pendant la grossesse (4,8  %) ne le sont généralement
plus à trois mois. Par contre, à douze mois du post-partum, une proportion
importante de pères présente une symptomatologie dépressive. Celle-ci est
plus fréquente en cas d’antécédents personnels de dépression, mais aussi
lors de la survenue d’une dépression chez leur épouse pendant la gros-
sesse ou dans le post-partum précoce. Richman et al. (1991) montrent que
si la femme peut tirer un bénéfice de son engagement social et du soutien
de son entourage, l’homme est davantage dépendant du soutien et de
l’humeur de son épouse. Selon Lovestone et Kumar (1993), le taux de gué-
rison est identique chez les deux sexes bien que la dépression paternelle
soit souvent décalée par rapport à la dépression maternelle. La plupart
des données sur la dépression paternelle dérivent d’études menées sur la
dépression maternelle. Dans toutes ces études, la dépression chez l’un des
partenaires était significativement corrélé avec la dépression chez l’autre
(Wee et al., 2011 pour revue), avec semble-t-il une précession de la dépres-
sion maternelle. L’étude de Davey et al. (2006) porte sur les sentiments des
partenaires de femmes déprimées : ils se sentent dépassés, isolés, stigmati-
sés et frustrés.
Les autres facteurs de risque retrouvés à travers la multiplication des
études ne sont pas bien originaux : le chômage, l’appartenance à une classe
Troubles de la paternalité 273

sociale défavorisée, les troubles psychiatriques antérieurs dont des troubles


dépressifs, le sentiment de stress perçu, une dysharmonie grave dans le
fonctionnement du couple, un faible soutien social, la consommation
d’alcool et des antécédents de stress (Wee et al., 2011 pour revue ; Ballard et
Davies, 1996 ; Areias et al., 1996). Comme il est maintenant admis chez les
mères, anxiété et dépression pendant la grossesse prédisposent à la dépres-
sion du post-partum.

Symptomes associés et comorbidité


La colère ou un niveau d’agressivité élevé, le sentiment d’être contrôlé par le
partenaire (Buist et al., 2003) et la diminution de la fréquence des relations
sexuelles sont plus souvent retrouvés. Bien que les recherches suggèrent un
impact de la naissance sur l’humeur dépressive, aucune étude avec groupe
contrôle n’a pu démontrer que la prévalence de la dépression était plus
élevée chez les hommes dans la période postnatale que chez ceux ayant
des enfants plus âgés. Une comorbidité anxieuse est fréquemment retrou-
vée. Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sont les plus fréquents
des troubles caractérisés. Une étude a montré que 80 % des pères (contre
95 % des mères) présentent à un moment ou à un autre des préoccupations
inquiètes récurrentes (Mayes et al., 2005) : elles favoriseraient la survenue
de pensées intrusives voire de phobies d’impulsion caractérisées chez une
minorité d’entre eux.
Conséquences familiales. L’impact de la dépression paternelle postnatale
sur les relations avec l’enfant semble modéré au contraire de celui sur les
relations de couple, indépendamment de l’éventualité d’une dépression
maternelle (Ramchandani et al., 2011).

Dépressions majeures sévères avec ou sans caractéristiques


psychotiques
Il n’existe pas à notre connaissance d’étude systématique récente sur les rela-
tions entre paternité et bipolarité, mais seulement des études de cas, comme
d’ailleurs avec les manifestations psychotiques. Zilboorg (1931), dans une
perspective psychanalytique, rapporte 30 observations de troubles psychia-
triques sévères, réactions dépressives de type mélancolique ou psychotique
en relation avec l’imminence de la paternité ou son advenue. Il fait état
d’une certaine propension à des fantasmes agressifs, parfois de parricide ou
incestueux, qui peuvent être déplacés vers l’enfant, obstacle imaginaire au
lien avec sa compagne. Millet et al. (1978) rapportent, parmi 20 hospita-
lisations masculines en période périnatale, 50  % d’états dépressifs graves
dont deux épisodes mélancoliques et huit dépressions atypiques. Les deux
états mélancoliques surviennent à l’occasion d’un cumul d’événements
stressants mettant en jeu le lien de filiation et particulièrement la relation
à l’imago paternelle : paternité tardive pour tous les deux, licenciement du
274 Psychopathologie périnatale (père et mère)

beau-père pour l’un, décès du père pour l’autre. Les deux sujets ne présen-
taient aucun antécédent psychiatrique.

Troubles anxieux caractérisés


Il n’existe très peu d’études systématiques sur ce sujet, à l’exception de
celles corrélatives à l’étude du trouble dépressif, évalué par des autoques-
tionnaires. Boyce et al. (2007) entreprennent une étude spécifique sur les
pères avec le GHQ qui mesure l’état de détresse, plus que l’anxiété propre-
ment dite. Ballard et al. (1994) mettent en évidence 10 % d’anxiété généra-
lisée selon les critères RDC parmi 48 pères à six mois du post-partum. Dans
l’étude de Lovestone et Kumar (1993), aucun père ne présentait de troubles
anxieux.
Dans les suites de pertes périnatales (fausse couche spontanée, inter-
ruption de grossesse, enfant mort-né) il a été montré que le père pouvait
présenter des symptômes d’un état de stress post-traumatique. En dehors
de ces travaux, comme pour presque la totalité de la pathologie psychia-
trique chez l’homme en période périnatale, la littérature se résume pra-
tiquement à des études de cas ou au recueil de questionnaires type EPDS.
Rarement isolés, ces troubles sont associés à des manifestations dépressives,
à des troubles hypocondriaques ou des manifestations somatiques fonc-
tionnelles.

Usage et trouble de l’utilisation de substances


psychoactives
Les pères présentant une addiction sont souvent présentés sous une forme
unilatérale : dangereux, irresponsables et désintéressés de leur rôle paternel
(Scourfield, 2001). Les études récentes montrent un tableau plus ambigu,
complexe et varié (Coley,  2001). L’évaluation spécifique de chacune des
situations et des changements qu’il est possible de leur apporter semble être
une attitude plus efficiente que le rejet a priori d’emblée.
L’implication paternelle est dépendante étroitement de facteurs sociaux,
et en particulier d’une stabilité économique, de la qualité des relations
de couple et de l’établissement d’une routine de vie (Mac Mahon et Roun-
saville, 2002).
Les hommes jeunes tendent à cesser l’usage de substances psychoactives
dès lors qu’ils deviennent pères (Elster et Panzarine, 1983 ; Christmon et
Luckey, 1994), notamment en ce qui concerne l’alcool. Selon Stover et al.
(2012), parmi les hommes qui entreprennent un traitement pour sevrage
ou substitution, 60 à 80 % sont déjà consommateurs lors de la naissance
du premier enfant. Parmi cette population, la gravité de l’intoxication
n’est pas corrélée à plus ou moins de comportements paternels inadéquats
au contraire de l’existence et de la sévérité d’antécédent d’état de stress
Troubles de la paternalité 275

post-traumatique (McMahon et al.,  2005,  2008). La prise en charge d’un


homme présentant une dépendance autour de la naissance doit donc aussi
évaluer son engagement dans la paternité. Si protéger la mère de compor-
tements violents du père doit rester une option, soutenir l’homme dans
son engagement en est une autre, extrêmement peu développée en Europe
comme aux États-Unis.

Troubles des conduites


Hartmann et Nicolay (1966), dans le contexte d’une pratique d’expertise
criminologique, menant une étude avec un groupe contrôle, retrouvent
des troubles des conduites de type sexuel – voyeurisme, exhibitionnisme,
voire viol – plus fréquents parmi les futurs pères. Curtis (1955), dans une
cohorte de militaires, relève l’apparition de comportements agressifs et
violents chez des pères dont l’épouse est enceinte. Il interprète ces compor-
tements de défi et d’opposition comme le fruit d’une réaction à l’angoisse
suscitée par le vacillement de la position masculine qu’entraîne la repré-
sentation de devenir père. Les agressions sexuelles participeraient de ce
même processus.
Le surgissement d’angoisses, de type œdipiennes ou préœdipiennes,
répondrait à la transformation de l’amante en mère. La violence est une
réponse de certains hommes à l’incapacité d’assumer ces angoisses.
L’emprise violente sur l’objet, dont sa propre femme, une agression phy-
sique contre l’enfant né ou des agressions sexuelles contre ses autres enfants
sont des réactions possibles. Elles sont retrouvées plus fréquemment dans le
contexte policier et judicaire que psychiatrique.
Ces résultats contrastent avec le phénomène de désistance (Dayan,
2012  ; Kerr et al., 2011), c’est-à-dire l’abandon des conduites antisociales,
délinquantes ou criminelles chez les jeunes hommes à l’occasion de la
vie en couple et de la paternité. L’identification à leur propre père dans
ses fonctions idéalisées, et l’engagement objectif dans ce rôle, permet une
réassurance narcissique et l’abandon d’investissements objectaux anté-
rieurs.

Troubles psychotiques puerpéraux


Considérations générales
Groddeck, dès 1923, esquisse la description d’une psychose puerpérale mas-
culine. Depuis, de nombreuses monographies ont été publiées mais peu
d’études abordent globalement la question de l’impact de la « paternalité ».
On citera en France le travail d’Ebtinger (1963). Towne et Afterman (1955)
mirent en évidence chez 28 hommes la coïncidence temporelle entre
l’émergence d’un délire psychotique et la survenue d’une grossesse ou
d’une nais­sance. Tous ces hommes présentaient des demandes régressives de
276 Psychopathologie périnatale (père et mère)

dépendance insatisfaites, leurs femmes étaient le plus souvent possessives,


fonctionnant dans la maîtrise et incapables de répondre aux demandes
excessives de leurs époux.
Prévalence. Elle est mal connue, évaluée au sein de la population de
patients hospitalisés mais non au sein de la population générale. La pro-
portion des troubles psychotiques aigus (schizophrénie aiguë) survenant en
période périnatale peut être évaluée à 2 %, 18 parmi 879 patients (Towne
et Afterman,  1955). Retterstöl (1968), examinant une série de première
admission chez les hommes présentant une psychose paranoïde à l’hôpital
psychiatrique de l’université d’Oslo, rapporte 4 cas de troubles périnataux
parmi 169, soit une proportion de 2,4 %.
Psychopathologie. Les différents niveaux de conflits irrésolus expliquent la
variété des angoisses archaïques et des mécanismes adaptatifs mis en œuvre :
déni de paternité, sentiment d’impuissance, régression vers la dépen-
dance, trouble hypocondriaque, hyperactivité sexuelle de type homo- ou
­hétérosexuelle, régression vis-à-vis des figures d’autorité ou inversement
conduite d’opposition et de provocation, lutte contre la passivité par des
comportements dangereux, manifestations psychosomatiques.
Sémiologie. Les troubles les plus souvent décrits sont des épisodes psy-
chotiques aigus rapidement résolutifs associés à une note thymique. Ils
sont le plus souvent désignés sous le terme de psychose aiguë ou troubles
bipolaires, dans la littérature anglo-saxonne, parfois d’épisode maniaque
avec symptômes psychotiques. Ils apparaissent plus souvent sous la déno-
mination de bouffées délirantes aiguës ou d’épisodes maniaques ou mélan-
coliques dans les écrits de langue française. Ce peut être également l’entrée
dans un processus schizophrénique ou la décompensation d’une schizo-
phrénie ancienne, le plus souvent de type paranoïde. Ainsi, la diversité des
troubles recouvre exactement celle rencontrée dans les psychoses puerpé-
rales féminines, les faibles effectifs ne pouvant permettre de connaître leur
répartition proportionnelle. Les thèmes délirants les plus fréquents sont
la culpabilité à l’égard de la mère, la jalousie et le doute sur l’origine de
la paternité, la négation de cette paternité. Les troubles débutent souvent
durant la grossesse mais le délire n’éclot généralement que dans le post-
partum.
Facteurs de risque. Ils ne sont pas démontrés. Toutefois Millet et al. (1978)
retrouvent, dans leur étude concernant des dépressions graves ou des
troubles psychotiques paternels, un rôle essentiel à la relation établie avec
le père. La mort précoce du père est retrouvée dans près d’un cas sur deux,
les autres pères étant décrits absents ou inaccessibles, ou bien à l’inverse
« tyrans et castrateurs ». Il est probable que la mort réelle du père est un
frein à l’élaboration des fantasmes incestueux et parricides alors brutale-
ment ravivés par l’accès à la paternité. Certains auteurs, comme Wainwright
(1966), ont souligné le risque de récidive à l’occasion d’autres grossesses.
Troubles de la paternalité 277

Vignettes cliniques
Psychose aiguë confusionnelle (Millet et al., 1978)
Un jeune homme de 22 ans, placé sous l’autorité d’un père despotique mais
malade, affirme brusquement son désir d’autonomie. Il quitte le domicile fami-
lial et épouse, contre l’avis de son père, la jeune fille qu’il aime. Peu après
le mariage, elle tombe enceinte. De façon plus ou moins contemporaine de
l’annonce de la paternité future, le père du sujet décède d’une perforation
d’ulcère. Le sujet durement affecté ne présente aucun trouble psychiatrique.
Ceux-ci vont éclater à la naissance de son propre fils  : désorientation, pros-
tration et délire de négation de paternité (« qui c’est celui-là, enlevez-le de là,
il n’est pas à moi »). Le délire cède rapidement sous neuroleptiques mais les
affects dépressifs perdurent plusieurs semaines. En se mariant et en devenant
père, le fils avait affronté le père. Sa mort réelle conjointe à l’accès à la paternité
réactive une culpabilité œdipienne intense et des fantasmes parricides. La déné-
gation de paternité apparaît comme un mécanisme de lutte contre l’angoisse
et la culpabilité.
Trouble paranoïde : délire du double de Capgras (d’après Benvenuti
et al., 1995)
Un homme de 37 ans, sans aucun antécédent psychiatrique, présente un pre-
mier épisode délirant lors de la première grossesse de son épouse avec qui il
s’était tardivement marié contre l’avis de sa mère. Fils unique, son père était
décédé lorsqu’il avait 4 ans. Il quitte sa mère avec qui il entretenait une rela-
tion fusionnelle pour sa nouvelle femme, avec qui il poursuit des liens mar-
qués par la dépendance affective. Au septième mois de grossesse, il accuse sa
femme de l’avoir trompé avec différents partenaires, il se sent moqué par ses
collègues de travail qui parlent de lui et le ridiculisent. À la naissance de sa fille,
il doute de sa paternité. Il exige de sa femme des pratiques sexuelles qu’elle
refuse ce qu’il interprète comme une preuve de son infidélité. Peu après, il se
plaint d’impuissance qu’il explique comme une réaction aux menaces posées
par des homosexuels. Son épouse le quitte. Le père continue à voir régulière-
ment sa femme et sa fille mais, prétendant qu’elles ne sont que des copies, il
les agresse d’abord verbalement puis physiquement. Cet état psychotique aigu
conduit à une hospitalisation. Les troubles s’amenderont. Le père reconnaîtra
son incapacité d’assurer sa paternité et rejoindra la famille de sa mère.

Paternalité et attachement
Approches psychanalytiques : un père abordé
symboliquement
La psychanalyse a mis en avant une « fonction » précoce du père, structu-
rante, que l’on peut grossièrement décrire en termes comportementaux  :
détourner la mère de l’attention qu’elle porte à son bébé et que le bébé
278 Psychopathologie périnatale (père et mère)

porte à sa mère, ouvrir la dyade à l’existence signifiante d’un tiers. Elle a


moins accordé d’importance aux modalités de cette fonction, au comment
de cette fonction et donc à la relation directe qu’entretient le père avec
son enfant. Le rôle du père lors de l’émergence de la vie psychique était
essentiellement analysé, notamment par Lacan, comme facteur de diffé-
renciation. Winnicott, quant à lui, insistait sur le rôle de soutien apporté
à la mère permettant à celle-ci d’être absorbée par la préoccupation mater-
nelle primaire. En effet, celle-ci implique une réduction des investissements
autres que le nourrisson.

Théories de l’attachement : une théorie à compléter


pour les pères ?
Le père, figure d’attachement secondaire ?
À partir des travaux de Bowlby, Ainsworth développera un protocole
d’observation nommé la situation étrange (strange situation).
Elle explore le rôle de la mère comme base de sécurité. Le lien de l’enfant
au père, selon ce même modèle, a été recherché dès 1974 par Lester et al.
Ils montrent que le père représente une figure d’attachement bien supé-
rieure à une figure étrangère, mais pourtant moindre que la figure mater-
nelle. Lorsque l’enfant est soumis à des stress plus intenses, la hiérarchie
des figures d’attachement devient plus nette : il se dirige pour rechercher
une protection, avant tout, vers la mère (Lamb, 1981b, 2010). La qualité et
la nature des relations que le père entretient avec son enfant ne modifient
pas cette donnée. Un père habituellement engagé dans des activités de
soin (père maternant) ne représenterait pas plus une base de sécurité qu’un
père ordinairement peu impliqué. Ce résultat a été contesté par Main et
Weston (1981) qui ont montré que certains enfants pouvaient se montrer
plus attachés à leur père. Certains auteurs dont Grossmann et al. (2002)
montrent de surcroît un rôle spécifique de l’attachement paternel et de
ses modalités Lamb (2010) a montré le rôle spécifique du père dans le
développement.
Un autre modèle d’attachement pour le père
Yogman (1982) met en évidence, dès 3 mois, une participation de l’enfant
équivalente en qualité avec ses deux parents et différant nettement avec
un étranger (bien plus d’expressions faciales négatives). L’étude porte sur
six enfants premiers-nés filmés itérativement entre 2  semaines et 6  mois
dans une situation expérimentale où la consigne donnée aux parents et à
l’interlocuteur étranger était de « jouer sans jouet » avec l’enfant. Les jeux
visuels sont privilégiés par les mères, la mobilisation des membres par les
pères. Cette différence a été interprétée comme une recherche de mobilisa-
tion à distance par la mère, de désir de maintenir éveil et excitation vigile
chez le père. Cette distinction n’est pas modifiée par le fait que le père
Troubles de la paternalité 279

s’occupe régulièrement ou bien accessoirement de son enfant. À l’âge de 4


mois, les mères privilégient le contact corps à corps et le père l’intervention
ludique (Field, 1978). Plus que la nature exacte du contact, les interventions
semblent différer par le niveau d’excitation qu’elles induisent  : les pères
favorisent l’expression d’affects intenses et les mères de l’apaisement. Le
Camus et al. (1995), selon un protocole proche de celui de Yogman, ne
retrouvent aucune différence significative entre les activités de stimulation
et de protection selon qu’elles soient le fait des pères ou des mères, ni même
de différence quant aux modalités de stimulation en dehors de ce qu’ils
nomment la stimulation sociale  : faire intervenir un tiers ou l’environne-
ment. Mais surtout, ils mettent en évidence que l’augmentation de l’acti-
vité exploratoire chez l’enfant augmente, non seulement avec la fréquence
des comportements de protection – comme dans le modèle de la situation
étrange – mais aussi avec celle des comportements de stimulation que le
père partage avec la mère (ou selon d’autres études qu’il privilégie). Il est
démontré que les comportements actifs des pères représentent un facteur
de protection quant au développement de troubles comportementaux (Ste-
venson et Crnic, 2013). Pour que cette découverte puisse participer à décrire
une spécificité du rôle paternel, il importe à l’avenir de confirmer que celui-
ci joue un rôle plus actif dans les comportements de stimulation et de dis-
tinguer quelles stimulations favorisent le comportement exploratoire. Le
protocole d’Ainsworth pourrait ainsi trouver certaines limitations pour
explorer d’autres modalités de l’attachement aussi essentielles.

Un modèle triadique
La plupart des protocoles expérimentaux impliquent l’intervention de
dyades. L’importance dans la structuration du psychisme des interrelations
très précoces a été soulignée par Lacan dès 1936.
Nugent et al. (1992) reprennent le modèle triadique d’interactions fami-
liales de Clarcke-Stewart (1977) et Parke et al. (1979) . Dans ce modèle de
développement, la compétence intellectuelle dans la toute petite enfance
est affectée par l’ensemble du système familial. Corboz-Warnery et al.
(1993) ont mis au point un protocole expérimental permettant une des-
cription formalisée des interactions triadiques. Il met en évidence la part
prise par le père dans les interactions précoces dès la première année de vie,
ou même durant la vie prénatale..

Conséquences des troubles sur le développement


de l’enfant
La dépression paternelle du post-partum a été associée à un risque plus
élevé de troubles du comportement et de troubles émotionnels durant
l’enfance. Deux méta-analyses (Connell et Goodman,  2002) ont mon-
tré une faible taille d’effet de l’association, respectivement d =  0,24 pour
280 Psychopathologie périnatale (père et mère)

les troubles internalisés et d =  0,19 pour les troubles externalisés durant


l’enfance, et à l’adolescence plus de risques dépressifs (Klein et al.,  2005)
et de comportements suicidaires (Kane et Garber, 2004). Elle est toutefois
comparable entre le père et la mère. Une emphase particulière a été mise
sur le rôle défavorable du conflit de l’enfant avec son père. L’impact des
troubles dépressifs maternels semble plus élevé concernant les troubles
émotionnels, mais équivalents pour les troubles comportementaux.
L’usage de substances illicites ou la dépendance chez le père sont cor-
rélés à plus de troubles du comportement chez l’enfant et d’usage de subs-
tances illicites ou psychoactives, particulièrement chez le garçon ; ceci a pu
être montré par des études longitudinales (Loukas et al., 2001).
En cas de troubles bipolaires ou de schizophrénie plusieurs études lon-
gitudinales ont aussi établi un risque augmenté dans la descendance.
En conclusion, la rareté des recherches (Cabrera et al., 2000 ; Ramchandani
et al., 2008) illustre, encore aujourd’hui, le très grand déséquilibre apporté
jusque ces dernières décennies à l’importance du père pour le dévelop­
pement de l’enfant.

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13 Les mères schizophrènes
et leurs enfants

Généralités
De nombreux patients psychotiques accèdent aujourd’hui à une vie de
couple et à l’expérience de la parentalité. La grossesse des femmes schizo-
phrènes est toutefois moins fréquemment planifiée, le suivi obstétrical est
moins assidu et les complications sont plus fréquentes que dans la popula-
tion générale. Pour une fraction d’entre elles, mal estimée, la vie sexuelle
s’accompagne de plus de violence ou de coercition.
La prévalence de la schizophrénie est estimée entre 0,5 et 1 %. En France,
environ 3 000 femmes schizophrènes deviendraient mères chaque année.
Concernant la descendance, le risque d’être atteint de schizophrénie est
estimé entre 5 et 10 % pour un individu dont l’un des parents est schizo-
phrène (Dalery et d’Amato, 1995).
Moins d’une femme schizophrène sur deux élèvera son enfant sans être
obligée de le confier à un tiers à un moment donné de son développement,
partiellement ou totalement.

Vie sexuelle et affective


Selon Goldstein (1988), l’insertion sociale des femmes schizophrènes et leur
équilibre psychique, comparés à ceux des hommes, sont bien meilleurs.
Ces résultats sont confirmés (McGlashan et Bardestein, 1990) pour tous les
domaines de la vie affective et sexuelle. Une étude en France retrouve envi-
ron 40 % des femmes schizophrènes mariées lors de leur première admis-
sion à l’hôpital (Dalery et d’Amato, 1995).
Selon Apfel et Handel (1993), la sexualité et la reproduction sont pour les
malades mentaux chroniques des voies pour accéder à la normalité. Le trouble
ne semble pas modifier en soi le désir sexuel mais seulement retarder et limiter
la capacité de l’exprimer adéquatement (McEvoy et al., 1983 ; Raboch, 1984).
L’activité sexuelle est souvent limitée (Kelly et Conley, 2004 ; Romans, 2010),
en relation avec les effets constamment péjoratifs des antipsychotiques mais
aussi d’un manque de confiance en soi, de difficultés à nouer des relations
sociales, d’un moindre contrôle de l’impulsivité et de symptômes déficitaires.
Par contre une étude menée à New York en 1994 (Cournos et al., 1994) a
montré que plus de la moitié des femmes schizophrènes mal insérées socia-
lement recourraient à la sexualité dans une logique de subsistance.

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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288 Psychopathologie périnatale

Au total, la sexualité représente chez la plupart des femmes schizophrènes


une modalité de la vie de relation et participe à leur épanouissement. Toute-
fois, les abus sexuels menacent les plus fragiles, en particulier celles qui sont
isolées socialement et vivent dans la précarité.

La transmission du trouble
Facteurs génétiques
La transmissibilité génétique de la schizophrénie est établie dans son prin-
cipe, mais il n’en existe pas de modèle fiable. Des mécanismes de trans-
mission épistatiques et épigénétiques avec un modèle multigénique sont
proposés (Gejman et al., 2010).
Le paradoxe darwinien. Une énigme posée par la transmission de la
maladie est nommée le paradoxe darwinien. Il consiste en ce que la préva-
lence de la schizophrénie, malgré son caractère défavorable et une fécondité
moindre des mères schizophrènes, ne semble pas diminuer depuis qu’il est
évalué. Certains auteurs ont proposé que la schizophrénie soit « le prix à
payer » par l’espèce humaine pour l’immense progrès apporté par le déve-
loppement cérébral qui implique des gènes répartis dans l’ensemble de la
population et expose celle-ci au risque schizophrénique.
Environnement ou gène ? Longtemps les partisans d’une théorie envi-
ronnementale, mettant en avant la communication parfois très perturbée
entre l’enfant et sa mère se sont opposés aux tenants de la théorie génétique
sur un modèle mendélien. Aujourd’hui, l’hypothèse d’une hérédité obéis-
sant aux seules lois de Mendel est définitivement abandonnée. L’idée même
que quelques gènes puissent à eux seuls déterminer le trouble n’a amené
aucun résultat probant (Ng, Levinson et al., 2009).
Environnement et gène. La réflexion se porte aujourd’hui sur des
modèles complexes associant vulnérabilité génétique, environnement et
croissance neuronale (Drachman, 2005), le cerveau étant ainsi la cible d’un
nombre extrêmement élevé de gènes. Certaines familles peuvent être iden-
tifiées avec un risque un peu plus élevé soulevant des questions éthiques
particulières (Gershon et Alliez-Rodriguez, 2013).
Agrégation familiale. Un certain nombre d’auteurs soutiennent
qu’il existe une continuité entre schizophrénie, trouble schizo-affectif et
trouble bipolaire. Les arguments reposent essentiellement sur la probabi-
lité plus grande de retrouver ces troubles agrégés dans une même famille
qu’au hasard (Maier et al., 2002). Comme le soulignait déjà Kraepelin, des
formes de passage existent qui rendent difficile de distinguer clairement ces
troubles entre eux (Heckers, 2009).
Études chez les jumeaux. L’étude de jumeaux (Kringlen et Cramer, 
1989 ; Ingraham et Kety, 2000) a permis de mieux apprécier, avec certaines
Les mères schizophrènes et leurs enfants 289

réserves, l’importance relative de l’inné et de l’acquis quant au devenir


schizophrénique. Le taux de concordance entre jumeaux monozygotes
est d’environ 45 %. L’héritabilité dans le domaine de la génétique est une
estimation de la cause de la variance (et non l’estimation de la cause de la
maladie) dans une population donnée. Elle est évaluée à 80 %.

Facteurs d’environnement
L’adoption modifie le pronostic. Chez les enfants dont la mère bio-
logique présente un trouble schizophrénique ou du spectre de la schizo-
phrénie, le risque de présenter le même trouble est moindre s’ils sont
adoptés. Il est encore moindre s’ils sont adoptés par une famille ayant des
compétences parentales particulièrement élevées. À l’opposé, le risque est
maximal lorsqu’ils sont placés à temps partiel dans une famille et revoient
régulièrement leur mère (Parnas, 1993), même en comparaison des enfants
élevés par leur mère schizophrène.
Une étude finlandaise (Tienari et al., 2004) compare deux groupes de 190
enfants adoptés, les uns à haut risque, les autres à bas risque. Parmi les
premiers, 137 avaient une mère biologique avec le diagnostic de schizo-
phrénie (DSM-III-R) et 53 une affection du « spectre schizophrénique ». Le
risque corrigé chez les enfants de mère schizophrène d’être à leur tour schi-
zophrène était de 5,34 % contre 1,74 % (OR ≈ 3) chez les enfants adoptés à
bas risque, mais cette différence n’était pas significative. La « transmission »
d’un trouble du spectre schizophrénique est significativement augmentée
de 4,36 % à 22,46 % (OR ≈ 5).
Chez les enfants adoptés à haut risque, les compétences parentales de la
famille adoptante jouent un rôle majeur dans l’évolution (Tienari et al., 2004).
Les familles adoptantes ont été évaluées pendant deux jours par des psy-
chiatres entraînés. Les enfants ont été revus en moyenne douze ans plus tard.
Parmi 303 enfants adoptés dont les familles ont pu être évaluées, 145 étaient
à haut risque. Le pourcentage de ces enfants présentant un trouble du spectre
schizophrénique était multiplié par six lorsqu’ils étaient élevés dans un envi-
ronnement moins favorable (6 % vs 36 %), la différence était significative. Il
n’a pas été noté de différence pour les enfants à bas risque.
Autres facteurs de risques environnementaux. Parmi les facteurs
de risque environnementaux figurent en premier les complications obs-
tétricales de la mère de la patiente (Mittal et al., 2008), la naissance ou la
résidence dans un milieu urbain, la dénutrition sévère, le statut de migrant,
l’âge du père (Torrey et al., 2009) et la variation saisonnière. L’hypoxie hip-
pocampique qui résulte de certaines complications obstétricales pourrait
favoriser la survenue de la maladie. Toutefois, ce risque est restreint au sujet
dont l’anamnèse retrouvait des antécédents familiaux de psychose (Cannon
et al., 2000). Mais d’autres complications ne permettent pas de comprendre
l’éventuel mode d’action comme, par exemple, le traitement par diurétiques
290 Psychopathologie périnatale

au troisième trimestre qui est un facteur indépendant du risque (Cannon


et Rosso, 2002). Bien entendu, la façon dont la mère élève son enfant, dès
les stades les plus précoces, probablement l’un des plus importants facteurs
d’environnement, est difficilement évaluable directement, mis à part les
études d’adoption déjà signalées.
Le risque de transmission. Il est évalué entre 5 et 10 % quand l’un
des sujets est porteur d’un trouble du spectre schizophrénique. La schizo-
phrénie est une affection débutant dans l’adolescence ou au début de l’âge
adulte. McGrath et al. (2008) évalue sa prévalence vie-entière à 0,4  %.
D’autres évoquent une prévalence plus élevée. Le taux de mortalité est
évalué à 2,6 fois celui la population générale. Un des motifs principaux en
est la fréquence élevée du suicide et à plus long terme des maladies cardio-
vasculaires. Il est encore supposé que la grossesse et la maternité seraient
une période à moindre risque pour la mère schizophrène.

Grossesse et fécondité
Faire naître ou non un enfant

Fécondité et contraception
La fécondité globale des femmes schizophrènes tend à augmenter depuis
la fin des années 1960 en relation avec l’arrêt de l’enfermement asilaire
et le développement des prises en charge ambulatoires. Une étude récente
en Ontario (Vigod et al.,  2012) a retrouvé un ratio de naissances de 0,41
par rapport aux mères non schizophrènes (95 % CI 0,36-0,47). L’éducation
à la contraception est prônée chez les femmes schizophrènes (Seeman et
Ross, 2011) mais n’explique pas le faible taux de fécondité.
Eugénisme et stérilisation
Les femmes schizophrènes ont subi dans un passé non lointain des cam-
pagnes de stérilisation (Lewis,  1967) et furent, jusqu’à l’après-guerre, vic-
times d’un eugénisme militant aux États-Unis et dans certains pays d’Europe
du Nord ou, plus irrégulier et inconstant, honteux et discret, en France.
Le procédé de stérilisation des handicapés mentaux est essentiellement en
France la ligature des trompes. Ce phénomène demeure « faible mais non
marginal  », selon un rapport, déjà ancien, de l’Inspection générale de la
santé (IGAS, 1993). Parmi les 61 femmes schizophrènes de l’étude de Darves-
Bornoz (1995), 5 soit environ 8 %, ont subi une ligature des trompes.
L’interruption de grossesse
Épidémiologie. L’application de la loi du 4 juillet 2001 est antithétique à des
positions eugéniques : elle repose sur le respect dû à tout individu, la recon-
naissance de la dimension sexuelle de la vie affective, fondatrice d’altérité et
Les mères schizophrènes et leurs enfants 291

d’humanité. Pourtant, il arrive encore que des femmes schizophrènes soient


incitées à avorter. Les interruptions de grossesse sont, quels que soient les
motifs explicites du geste, plus fréquentes chez les femmes schizophrènes
(Laura, 1996). À l’inverse, certaines femmes schizophrènes qui demandent
l’interruption de grossesse peinent à être entendues. L’entretien difficile
(Dudzinski et Sullivan, 2004 ; de Nesnera et al., 2000) nécessite patience et
sollicitude pour permettre un choix libre.
Des perturbations psychologiques, surtout si l’avortement est contraint,
sont très fréquentes  : elles vont du simple sentiment de tristesse et de
regret à des dépressions sévères ou des décompensations psychotiques. Les
dépressions les plus sévères surviennent chez les femmes qui ont le moins
de soutien social (David, 1985). Le risque de décompensation psychotique
dans le post-partum (25  % selon MacNeil,  1987) s’étend au post-abortum
40  % de décompensations dans le post-partum contre 30  % dans le post-
abortum (Apfel et Handel,  1993). De plus, des récurrences psychotiques
ne sont pas inhabituelles dans les mois qui suivent un avortement ou à
des dates anniversaires, comme la date présumée de l’accouchement par
exemple.
En pratique. Au libre arbitre de la femme s’oppose la crainte pour le
devenir de l’enfant à naître. À l’exception de troubles délirants actuels et
d’altération nette de la faculté de jugement soulevant un problème éthique,
le souhait de la mère, en premier lieu et de son entourage, le futur père
particulièrement, demeure le critère essentiel pour orienter la conduite à
tenir. Les exemples de femmes schizophrènes, qui ont subi des IVG ou dont
les enfants ont été placés, qui tentent par la suite de mener une autre gros-
sesse à terme dans l’espoir d’élever un enfant, sont nombreux.

Données obstétricales et néonatales

Complications obstétricales et néonatales


Facteurs de risque. Plusieurs facteurs augmentent le risque de complications
obstétricales chez les femmes schizophrènes, en particulier la désocialisa-
tion (Walker et Emory, 1983), un suivi tardif de la grossesse, la prescription
de psychotropes et une plus grande fréquence de consommation de tabac
et d’autres substances psychoactives. Au sein des populations très défavo-
risées, une prise en charge obstétricale de qualité est possible, la moitié des
femmes ayant eu droit à ce soutien expriment un vécu positif de leur accou-
chement et ont noué de bonnes relations avec l’équipe obstétricale (McNeil
et al., 1974).
Résultats. Le risque imputé à la seule schizophrénie semble moins élevé
depuis que les études incluent des facteurs de confusion comme le suivi de
grossesse et les conditions socio-économiques. En 1996, une méta-analyse
de Sacker et al., à partir de quatorze études ayant une méthodologie
292 Psychopathologie périnatale

acceptable, conclut à l’existence plus fréquente de faibles poids de nais-


sance. Bennedsen et al. (2001) ont montré un risque augmenté (RR = 1,57)
pour les enfants de petits poids et pour le retard de croissance intra-utérin
(RR = 1,34). Le risque de malformation congénitale et la mortalité fœtale
et néonatale ne sont pas augmentées dans la plupart des études récentes
(Bennedsen et al., 2001). Pourtant Nilsson et al. (2002), sur les registres de
naissance suédois entre 1983 et 1997, retrouvent 1 438 femmes classifiées
schizophrènes et 2 096 naissances. Le risque est augmenté d’enfants mort-
nés, d’accouchements prématurés, de petits poids de naissance. Il est maxi-
mal chez les femmes avec un épisode de schizophrénie durant la grossesse
(OR ≈ 4) mais, après ajustement sur la consommation de tabac et autres
variables, diminue presque de moitié.
État neurologique du nouveau-né
Concernant le bébé lui-même, plusieurs études avec groupe témoin
notent un trouble précoce de la vigilance. À partir de l’étude de New
York des enfants à haut risque, Schubert et al. (1996) constatent que les
nouveau-nés entre 3 et 4 jours de vie sont moins éveillés et, pour certains
d’entre eux, répondent moins aux stimulations par rapport à un groupe
témoin. Dans l’échantillon de douze enfants de l’étude prospective de
Fish (1963, 1977, 1987), huit présentent une hypotonie, une diminution
des mouvements spontanés et une diminution de réaction aux stimuli.
Selon Marcus (1981) les scores de développement à l’échelle de Bayley
ne diffèrent pas du groupe témoin à 3 et 14  jours de vie. Les antipsy-
chotiques surtout à doses élevées ou lorsque plusieurs produits sont pres-
crits participeraient à cet état : intoxication ou syndrome de sevrage du
nouveau-né.

Psychopathologie périnatale
Troubles psychiques prénataux

Effets contrastés de la grossesse sur l’état mental antérieur


Plus souvent que dans la population générale, les grossesses ne sont pas
programmées, mais surtout, restent non acceptées après leur découverte.
L’effet de la grossesse sur l’état mental des femmes schizophrènes n’est
pas clairement connu, les études aboutissent à des résultats discordants.
Il est généralement admis qu’elle entraîne plus souvent son aggravation.
Dans une étude prospective conduite en Suède par McNeil (1984b) sur
un groupe de 88 femmes psychotiques dont certaines seulement étaient
schizophrènes, 60 % déclaraient que leur état mental s’aggravait à cette
période et 30  % qu’il s’améliorait. Selon Miller (1997) les soignants
ne sont souvent pas conscients de l’aggravation de l’état mental des
Les mères schizophrènes et leurs enfants 293

patientes, qui survient surtout chez les femmes jeunes ou lorsque les
grossesses ne sont ni programmées ni désirées. L’inquiétude des femmes
concernant leurs capacités maternelles serait bien plus importante que
pour tout autre trouble mental. Elles se confieraient moins aisément
(Sacker et al.,  1996) par crainte que leur enfant ne leur soit retiré ou
qu’elles ne perdent l’intérêt et l’attention prodigués par l’entourage à cet
instant de leur vie.
Une étude française rétrospective menée par Darves-Bornoz et al. (1995)
retrouve 80 % de vécu positif de la grossesse chez les femmes schizophrènes.
La divergence de ces résultats pourrait résulter, parmi bien d’autres facteurs,
des conditions différentes dans lesquelles se sont déroulées les grossesses et
notamment de la continuité de la prise en charge entre la période précédant
la conception et la grossesse elle-même.

Le déni de grossesse
Le déni de grossesse est bien plus fréquent que dans la population générale
(Spielvogel et Wile,  1986  ; Miller,  1990). Il prend souvent les qualités du
déni psychotique, différent dans son expression clinique et sa dynamique
psychique, marqué par le clivage. Généralement, le déni de grossesse n’est
pas total, il varie constamment et coexiste avec un attachement prénatal au
bébé. Ce déni est très souvent accompagné d’une grande anxiété. Le diag-
nostic de grossesse est parfois porté au moment du travail. Il est lourd de
conséquences : absence de surveillance prénatale, risque d’accouchements
précipités, non assistés, exceptionnellement conduites violentes sur le
fœtus ou néonaticides. Le stress de l’accouchement et de la naissance, peut
provoquer des états de désorganisation et engendrer des réactions agres-
sives.
Miller (1990) a dénombré 12 dénis de grossesse parmi 26 femmes
schizophrènes enceintes durant un an d’hospitalisation, soit 46  %. Les
femmes qui présentaient un déni de grossesse, comparées à celles qui
n’en présentaient pas, avaient connu l’expérience de devoir se séparer de
l’enfant, elles avaient, plus rarement, vécu un deuil périnatal. L’hypothèse
avancée est que le déni protège la femme de la répétition de la perte mais
aussi, à un niveau plus inconscient, de mouvements agressifs envers son
fœtus. On doit aussi reconnaître que lorsqu’il existe un projet de gros-
sesse, il est le plus souvent désapprouvé par l’entourage, dont celui des
professionnels de santé. Le déni peut assurer une forme de protection, et
inclure une part intentionnelle. Bien souvent, les patientes n’évoquent la
grossesse qu’avec réticence et retard, attendant, consciemment ou non,
que le délai légal d’avortement soit dépassé. Les structures permettant une
prise en charge psychosociale à cette période sont rarement sollicitées par
les mères elles-mêmes. Une politique de prévention active des troubles
apparaît nécessaire.
294 Psychopathologie périnatale

Troubles psychiques du post-partum


Le post-partum est une période de grande vulnérabilité pour les femmes
schizophrènes ou présentant des troubles «  schizothymiques  ». Le baby
blues qui concerne 30 à 80 % des accouchées, prend pour ces femmes des
formes plus inquiétantes dans leur intensité ou durée. Il peut annoncer une
véritable décompensation psychotique aiguë.
Aggravation de l’état antérieur
Deux formes cliniques. Les risques de décompensation sont plus fréquents chez
les femmes avec des troubles sévères ayant nécessité une hospitalisation préa-
lable. Selon McNeil (1984a), 44 % des femmes ayant été auparavant hospitali-
sées, au total plus de trois mois, voient leur état s’aggraver en post-partum. Sur
le plan sémiologique plusieurs tableaux peuvent être distingués :
• désorganisation progressive  : dans cette forme la plus fréquente, la
mère peut de moins en moins faire face aux exigences de la réalité externe.
Elle ne s’adapte plus aux besoins de son enfant malgré un discours qui,
parfois, reste apparemment adéquat. Plus rarement, la mère conserve un
comportement de nursing adapté aux besoins de son enfant, mais son dis-
cours est envahi d’éléments délirants. Yarden et al. (1966), par une étude avec
groupe contrôle auprès de 67 schizophrènes mariées, montrent que le post-
partum immédiat n’est pas en soi un facteur de risque, mais plutôt l’ensemble
constitué par la naissance, la maternité et le développement de l’enfant ;
• décompensation psychotique aiguë  : des réveils anxieux avec des
rêves au contenu angoissant, des comportements bizarres ou l’apparition
d’éléments confusionnels, doivent en faire craindre la survenue. McNeil
(1986) retrouve, par une étude prospective, 25 % de décompensations déli-
rantes aiguës durant les six premiers mois parmi les seules schizophrènes.
Elles surviennent pour la plupart au-delà des trois premières semaines et des
troubles du sommeil sont toujours présents.
Prévention. Elle repose sur la planification de la grossesse, le soutien à la
maternité et le maintien du traitement. Elle est difficile, car souvent la future
mère a suspendu ou allégé considérablement toute thérapeutique durant la
grossesse et, malgré de nouvelles prescriptions durant le post-partum, ne les
a pas reconduites. Un suivi psychiatrique et social étroit permet, si néces-
saire, l’hospitalisation de la mère avec son bébé dans une unité spécialisée
avant la décompensation, voire à titre préventif en fin de grossesse. Il n’y a
pas d’indication de séparation de principe contrairement à une idée reçue.

Interactions précoces mère-nourrisson


Les troubles schizophréniques peuvent donner lieu à des tableaux cliniques
extrêmement divers, fluctuants dans le temps. Ils sont l’un des facteurs
participant au développement de l’enfant.
Les mères schizophrènes et leurs enfants 295

Au Royaume-Uni, environ une femme schizophrène sur deux admise


dans une unité mère-bébé voit son enfant retiré ou surveillée par une ins-
titution sociale. Certains enfants, malgré le contexte peuvent développer
un attachement secure : ceux-ci souffriraient de moins de risques d’une évo-
lution défavorable (D’Angelo, 1986 ; Wan et al., 2008).

Les interactions observées dans une situation


standardisée
Les études présentées ci-dessus montrent des tendances. Les résultats ne
qualifient pas le comportement de toutes les mères schizophrènes, ni tous
les comportements des mères schizophrènes.
Les mères schizophrènes répondent moins aux sollicitations, sont moins
sensibles, moins vives, plus silencieuses, plus absorbées par leur propre
préoccupation et intrusives sur le plan verbal et comportemental en compa-
raison des mères présentant un trouble bipolaire (Riordan et al., 1999 ; Wan
et al., 2007). Elles éprouvent fréquemment une grande difficulté à favoriser
l’autonomie de leur enfant, souvent dans un déni de ses progrès moteurs.
Elles distinguent difficilement les désirs et besoins propres du nourrisson
et les leurs. Elles freinent parfois ces progrès par des soins inadéquats ou
un manque de stimulation (Walker et Emory, 1983). Elles discernent avec
difficulté les messages non verbaux, notamment les expressions faciales et
modulent avec difficulté les interactions (Corrigan et Green, 1993). L’enfant
en réponse aurait tendance à contenir ses mouvements. La mère de son
côté souffre de l’autonomie qui la détache de son bébé. Celui-ci peut alors
devenir rapidement un objet de persécution. Paradoxalement, elle supporte
aussi avec angoisse la dépendance du nourrisson qui pourrait la priver du
repli autistique qui la protège des fantasmes d’intrusion. Elle joue moins
avec son bébé (Gamer et al., 1976).
Une adaptation excessive du nourrisson. Les réponses aux signaux de la
mère paraissent longtemps adaptées alors que les réponses de la mère à
ses propres manifestations sont fréquemment inadéquates. Ceci condui-
rait le nourrisson à développer une représentation de lui-même inactif
sur l’environnement. Il n’acquiert pas le sentiment d’être compétent. Il
réagit souvent à cette carence par une adaptation vigilante au «  style  »
maternel qui se révèle une arme à double tranchant. Elle a une valeur
régulatrice, protectrice pour les deux partenaires. Le nourrisson, en res-
pectant le seuil de tolérance de sa mère à ses manifestations, la désor-
ganise moins. Mais c’est une organisation défensive qui risque d’aller à
l’encontre des processus de maturation de l’enfant, une grande partie de
son énergie psychique étant investie dans la surveillance de l’environne-
ment qu’il ne peut contrôler, comme si le nourrisson vivait en perma-
nence dans un état d’alerte.
296 Psychopathologie périnatale

Les dysfonctionnements interactifs sévères observés


en milieu de soins
Contexte
En France, le recueil des données concernant la description des interactions
provient principalement d’observations cliniques lors de prise en charge de
dyades mère-bébé au sein d’unités de soins (Lamour, 1985, 1989). L’accent
avait été mis sur les dysfonctionnements les plus spécifiques, souvent
sévères. Ils n’étaient liés ni à la gravité de la maladie ni à son ancienneté.
Quels dysfonctionnements peuvent être observés dans le cadre
des interactions mère-bébé ?
Les interactions visuelles sont parfois caractérisées par une limitation des
regards mutuels. À l’évitement du regard chez la mère, peut répondre chez
l’enfant une hypervigilance visuelle ou au contraire un évitement en miroir.
L’évitement peut aller jusqu’au détournement actif de la tête et ne pas se limi-
ter au mouvement oculaire. Il a été noté que parfois l’enfant « s’accroche »,
voire « s’agrippe » au regard de l’étranger. Ce fait a été interprété comme une
tentative de se rassembler ou de se réorganiser à travers le regard de l’autre.
Les interactions corporelles peuvent être « chaotiques », alternant des ins-
tants fusionnels et des périodes d’indifférence. Le bébé délaissé répond soit
sur le mode de l’hypertonie, soit par un véritable abandon moteur marqué
par l’hypotonie. La tolérance de la mère à la motricité du bébé apparaît
faible. Celui-ci réagit par une diminution des mouvements volontaires,
interprétée comme une répression « active ».
Les interactions vocales sont parfois très pauvres : la mère parle très peu à son
bébé, ne reprend pas ses vocalises. Le bébé, en retour devient de plus en plus
silencieux. Les pleurs diminués seraient un élément de pronostic défavorable.
Accordages et réactions du bébé. Une discordance peut souvent être mise en
évidence entre le discours et la conduite maternels. Ces mères peuvent e­ xprimer
un intense attachement à leur bébé lorsque celui-ci est absent, et paradoxale-
ment éprouver de grandes difficultés dans le maternage voire une véritable
­réticence aux soins teintée d’angoisse ou d’agressivité. Le bébé en réponse sem-
ble utiliser à des fins défensives ses états de vigilance. L’hypervigilance initiale
est suivie, quand la discordance relationnelle ou l’abandon psychique s’accroît,
d’une chute immédiate, brutale et très impressionnante dans le sommeil.

Hypothèses psychopathologiques sur la relation


mère-bébé
Une adaptation maternelle possible
Selon Bourdier (1972) la préoccupation maternelle primaire n’est pas
étrangère aux mères psychotiques. La psychose maternelle, loin d’exclure
Les mères schizophrènes et leurs enfants 297

cette sollicitude, dans certains cas et dans certaines limites, la favorise. Mais
l’enfant pourra aussi être rejeté sans transition, sevré des soins alors que la
position dépressive n’est pas acquise, condamné à une hyperadaptation.
Les réactions au nourrisson
Toutes les manifestations d’autonomie, de désir propre sont susceptibles
d’embarrasser la mère. Les moindres progrès dans le développement peu-
vent être difficiles à aménager  : cycles veille-sommeil, besoins corporels,
jeux de regard, position assise, mobilité puis marche, acquisition du lan-
gage. Chacune de ces étapes peut aussi entraîner une rupture dans la qualité
des soins maternels.
Les réactions du nourrisson
Lorsqu’elles existent, les discontinuités de la relation massives, répétées ou
sans anticipation possible qu’impose parfois la mère, peuvent entraîner
chez le nourrisson des angoisses d’annihilation d’une extrême violence
(Winnicott, 1961).
La relation d’objet psychotique
Le bébé peut devenir à chaque instant « un objet menaçant et destructeur à
l’égard duquel le sujet se maintient dans un double et contradictoire mouve-
ment d’écart et de rapprochement, d’investissement et de désinvestissement »
(Bouvet et Viderman, 1969). La mère, à travers une relation essentiellement
narcissique « tend à disposer de l’objet en fonction de ses propres besoins sans
égard pour ceux de l’objet ». Le désir de fusion avec le bébé imaginaire peut
freiner la compréhension des besoins du bébé réel : il entrave la capacité à le
considérer comme distinct et d’accepter le développement de son autono-
mie. Toute tentative en ce sens sera perçue comme dangereuse. Cette fusion
désirée par la mère est aussi source d’une angoisse d’anéantissement, de mor-
cellement et de dévoration, qui peut entraîner une réactualisation du délire.
Les réactions délirantes de la mère à la maternité
Pour M. David (1981), le danger tient « au caractère intolérable et inaména-
geable de l’espace entre la mère psychotique et son enfant ».

Développement de l’enfant
Le concept de pandysmaturation (Fish, 1977)
Il s’agit d’un concept promu par Fish (1977) à partir d’une étude sur les
« enfants à risque » débutée en 1952 à New York et dont le suivi s’est étendu
sur vingt-cinq ans.

Définition
Pour l’auteur, la pandysmaturation est un trait phénotypique transitoire
spécifique des deux premières années. Elle associe chez des enfants de
298 Psychopathologie périnatale

moins de 2  ans des troubles tonico-posturaux, des troubles de la coor-


dination visuo-motrice et un retard de croissance. Ces manifestations sont
indépendantes des conditions obstétricales. Les troubles sont transitoires :
les retards constatés dans le développement sont comblés par des reprises
accélérées conférant à l’ensemble du développement psychomoteur un
aspect chaotique et désorganisé.
À l’origine, la pandysmaturation est définie comme « un mauvais timing
et une mauvaise intégration de tous les aspects du développement incluant
la croissance physique, le contrôle homéostatique, le développement
neuromusculaire et l’organisation perceptive » (Fish, 1963, p. 22-23). Ulté-
rieurement, le concept sera défini sur une base plus opérationnelle comme
l’association d’un retard dans le développement cérébral avec réduction
du périmètre crânien, une désorganisation motrice pour certaines perfor-
mances et un retard de développement visuo-moteur (Fish et al., 1992 ; Fish
et Kendler, 2005).

Résultat des recherches


L’échantillon étudié dans l’étude princeps est très réduit, composé de 12
enfants de mère schizophrène, dont 9 élevés par leurs grands-parents ou
une famille adoptive, comparés à un groupe témoin d’enfants issus de
milieux généralement défavorisés. 7 enfants issus du groupe de cas ont pré-
senté ce syndrome, contre 1 dans le groupe témoin. La pandysmaturation
était statistiquement corrélée à la survenue de troubles moteurs et cognitifs
à l’âge de 10 ans. L’évolution à l’âge adulte était bien plus nettement péjora-
tive que celle des autres enfants nés de mère schizophrène. Une évaluation
psychométrique réalisée en aveugle a mis en évidence un trouble schizoty-
pique, dont un cas de schizophrénie, chez 4 à 6 (selon les évaluateurs) des 7
enfants présentant un syndrome de pandysmaturation et seulement parmi
eux (Fish et al., 1992).
D’autres études ont répliqué ces résultats (Rosenthal,  1971  ; Hanson
et al.,  1976  ; Marcus et al.,  1981  ; Sameroff et al.,  1987  ; Erlenmeyer-
Kimling et al., 1997). Toutes prospectives avec groupe témoin, elles portent
souvent aussi sur de petits échantillons. En 2011, une étude plus large
menée en Suède auprès de 166 enfants, nés entre 1973 et 1977, confirme
les résultats précédents. Parmi les 75 enfants à haut risque, 38 étaient
nés de mère avec un diagnostic de schizophrénie et 37 avec un trouble
affectif. Les enfants furent suivis jusqu’à l’âge de 25 ans. Parmi les 166
sujets, 10 furent diagnostiqués avec un trouble du spectre schizophré-
nique, 6 ayant une mère schizophrène, 2 ayant une mère présentant un
trouble affectif et 2 dans le groupe témoin. L’association était trouvée
significative avec la condition de maturation qui augmentait de 35 fois
le risque pour les enfants de présenter à l’âge adulte un trouble du spectre
schizophrénique.
Les mères schizophrènes et leurs enfants 299

Tableau 13.1. Développement précoce des enfants de mère schizophrène.


Auteur Lieu de réalisation N* Principaux résultats
Fish, 1977 New York 12 « Pandysmaturation » avec troubles
transitoires tonico-posturaux et de la
coordination visuo-motrice (échelle
de Gesell)
Rosenthal, 1971 Israël 50 Troubles de la coordination
visuo-auditive
Hanson, 1976 Minnesota 33 Retard à l’épreuve mentale de
l’échelle de Bayley à 8 mois pour une
sous-population d’évolution péjorative
(5/33)
Marcus et al., 1981 Chicago 19 Retard du développement mental à
4 et 8 mois, psychomoteur à 8 mois
(échelle de Bayley), normalisation à
1 an
Sameroff et al., 1987 Rochester 29 Retard du développement mental à
4 et 12 mois (échelle de Bayley)
* N : nombre d’enfants du groupe à risque (mères schizophrènes).

Discussion. L’interprétation faite par Fish et al. (1977, 1987, 1992)


conduit à admettre le concept de trouble schizotypique ou de spectre schi-
zophrénique (Goldstein et al.,  2010) et à leur supposer une origine géné-
tique. Les résultats obtenus sur des populations de faible taille doivent pour
être validés être répliqués à plus grande échelle. Ces études ont toutefois
permis d’attirer l’attention sur la fréquence de certains troubles précoces et
transitoires dont l’étiologie demeure actuellement incertaine. Ils pourraient
répondre à des anomalies précoces du développement cérébral d’origine
génétique/épigénétique (Ross et al., 2010 ; Roth et Sweatt, 2011).

Le concept d’hypermaturation (Bourdier, 1972)


Bourdier, à partir de son expérience de suivi d’une centaine d’enfants de
mères schizophrènes à la guidance infantile de l’hôpital Sainte-Anne à
Paris, a élaboré un « profil » psychopathologique évolutif. Son impression
clinique a été complétée de bilans psychologiques approfondis. L’auteur
constate plusieurs voies de développement possibles. Il décrira plus parti-
culièrement l’une d’entre elles  : l’hypermaturation qui n’est pas, comme
le souligne l’auteur, la garantie d’un développement harmonieux. Sa des-
cription est cohérente avec les études sur le devenir des enfants à risque
schizophrénique comme sur la mise en évidence de plus de personnalités
éminentes (Karlsson, 1970) dans des familles de schizophrénie.
L’enfant hypermature met en place très précocement des réponses adap-
tatives et défensives : absence quasi totale de pleurs, hypervigilance, grande
300 Psychopathologie périnatale

tolérance à la séparation physique avec sa mère. Le contact mimique gestuel


et verbal est bon, mais qu’il soit naturel ou emprunté, il demeure limité et
contrôlé. Le plus souvent, ces enfants ne sollicitent pas l’adulte et le font
savoir sans opposition ni hostilité marquées. Leur regard trahit le souci de
percevoir ce qu’on peut attendre d’eux. Dans certains cas, ils ont une atti-
tude de dignité et de réflexion grave qui peut leur donner une physionomie
d’enfants plus âgés. Ils ont en général une faible appétence au jeu et un
monde transitionnel limité. Ils n’ont pas les phobies habituelles de l’enfance,
ni d’ailleurs aucune note névrotique manifeste. Ils se portent bien, leur adap-
tation scolaire est sans histoire, tant sur le plan de l’apprentissage que de la
conduite. Les traits les plus fréquemment retrouvés chez ces enfants sont
leur calme, leur capacité à être seul, sans doute développée à partir de leur
compétence à percevoir la maladie des parents et à discerner ses variations.
Ces conduites hypermatures ou pseudohypermatures ne préjugent pas
forcément d’un développement favorable de la personnalité. Bien qu’elles
puissent être révélatrices d’un renforcement authentique du moi, et de
mécanismes d’intégration, Bourdier signale qu’il peut s’agir de formations
réactionnelles masquant parfois un clivage du moi. Une construction de la
personnalité en faux-self est une éventualité signalée.
Quelques années plus tard, Bourdier contrôle le devenir de ces enfants, vus
initialement entre 5 et 12 ans. Les évolutions sont très variables (Dupasquier
et al., 1992), de la présence de troubles psychiques caractérisés à d’excellentes
intégrations ou à des destins originaux. L’hypothèse qu’il développe au sujet
de cette hypermaturité est la suivante : « Il s’agit de parents officiellement
malades mentaux, ce caractère officiel du trouble est décisif par la possibilité
de distanciation qu’il offre à l’enfant. Le seul regard critique du parent “sain”
peut suffire à permettre à l’enfant de se dégager de la relation psychotique
fusionnelle. »

Séparation et placement
La séparation est simultanément un moyen de protéger l’enfant des
influences d’un environnement défavorable et une source de souffrance
psychique pour la mère et l’enfant. La maternité demeure une préoccupa-
tion essentielle des mères schizophrènes, qui bien que souvent incapables
d’élever leur enfant ne peuvent généralement consentir à l’adoption. Le
deuil du maternage représente parfois une source de souffrance permanente
et dévastatrice (Apfel et Handel, 1993).

Aspects quantitatifs : que deviennent les enfants


de mère schizophrène ?
Il existe en France plusieurs recherches sur le devenir de ces enfants. Elles
donnent une indication, mais issues d’échantillons non contrôlés, les
Les mères schizophrènes et leurs enfants 301

chiffres doivent être interprétés avec prudence. Nous citerons l’étude de


Darves-Bornoz et al. où seuls 39 % des enfants de moins de 3 ans étaient
élevés à plein temps par leur mère, les autres étaient sous les modes de
garde suivants : la famille (24 %), le placement (24 %), l’adoption (2 %), un
service psychiatrique (4 %), autres (4 %). La survenue tardive de la schizo-
phrénie, la stabilité de la vie de couple depuis plus de deux ans, le logement
autonome, une activité professionnelle d’au moins trois ans, une durée
d’hospitalisation inférieure à six mois sur la vie entière sont des éléments
d’un meilleur devenir social. Ce sont souvent les femmes réunissant ces
conditions qui ont été capables d’élever leur enfant tout au moins jusqu’à
3 ans. Cela fait de ce dernier trait un indicateur de bon devenir social des
schizophrènes.
Dans le suivi d’intersecteur de psychiatrie infantile, Chauvin (1992)
retrouve sur 36 enfants de mères schizophrènes  : 10 cas de maltraitance
soit 28 %, 17 cas de signalements judiciaires soit 45 %, 14 séparations dans
le premier mois soit 39  %. Par ailleurs 26 enfants soit 72  % présentent
des troubles mentaux  : 2 cas de psychose, 4 cas de «  débilité  », dix cas
de troubles du développement associés à des troubles du comportement
(agressivité, hyperkinésie). Le taux de séparation global, tout motif d’hos-
pitalisation, au sein des unités mère-bébé (cf. chapitre « Thérapeutique ») a
été évalué très différemment selon les unités : Glangeaud-Freudenthal et al.
(2013), (15) % ; Neil et al. (2006), (9),6 %. ; Poinso et al. (2002), (22),8 % ;
Whitmore et al. (2011), (10) %. Les interactions mère-bébé restent souvent
troublées de manière chronique chez les mères schizophrènes, mais avec
plus ou moins d’intensité et plus ou moins marginalement.

Le placement entraîne-t-il un bénéfice


pour l’enfant ?
Higgins et al. (1997) analysent le suivi durant vingt-cinq ans de 50 enfants de
mères schizophrènes au Danemark. Ils comparent deux groupes d’enfants,
le premier comprenant 25 enfants élevés par leurs mères, et le deuxième,
25 enfants placés. L’âge du placement se situant entre 0 et 36 mois. Dans
le premier groupe, les enfants présentaient moins de troubles psychopa-
thologiques (y compris les troubles schizophréniques). Les auteurs propo-
sent pour expliquer ce résultat surprenant la moindre sévérité des troubles
présents chez les mères schizophrènes capables d’élever leurs enfants en
opposition à celles pour qui l’indication de placement avait été effectuée.
Les études sur les enfants de mère schizophrène qui ont pu être adoptés
précocement montrent un développement plus favorable que ceux qui
sont restés avec leur mère, surtout lorsque la famille adoptante présente
des compétences parentales développées. Les modèles de placement pro-
visoire avec des familles d’accueil et retours aux parents semblent procurer
302 Psychopathologie périnatale

les moins bonnes perspectives de développement inférieures à celles des


enfants laissés avec leur mère schizophrène à plein-temps (Parnas, 1993).
Ces résultats doivent encore être confirmés et précisés car ils mettent en
cause les modèles de prise en charge habituellement préconisés en France.

Aspects thérapeutiques
Planification. Avec une alliance thérapeutique de qualité, une program-
mation de la grossesse est possible, permettant une préparation à la nais-
sance et la maternité, réduisant la plupart des risques signalés. L’éducation à
la contraception, à condition de la répéter assez régulièrement, semble assez
efficace (Miller, 1997). Elle permet de maintenir une prescription optimale
d’antipsychotiques durant la grossesse et le post-partum et d’organiser
le suivi en collaboration avec les services d’obstétrique et d’éviter ou réduire
la fréquence des séparations brutales précoces.
Évaluation et soutien au développement des capacités paren-
tales. Ils sont pratiqués au mieux au sein d’une unité mère-bébé. En leur
absence, une alternative est représentée par les méthodes combinant soins
et observations, et parmi celles-ci la méthode d’observation d’Esther Bick
dans son utilisation thérapeutique (Houzel, 1997). Le soutien thérapeutique
implique une coordination étroite entre les soins maternels et le soutien à
la parentalité.
Évaluation de la santé psychique de la mère. Un traitement de
maintenance est indispensable. Dans environ un quart des cas la naissance
aboutit à une aggravation des troubles qui doit être prévenue et sinon trai-
tée très rapidement.
Les unités mère-enfant. L’équipe soignante peut permettre une
médiation (About,  1992), aboutissant à la réalisation d’une «  triangula-
tion », évitant l’alternance entre une proximité inadéquate et le rejet. C’est
souvent à cette condition qu’un lien entre la mère et son enfant pourra être
maintenu (Laura, 1996). Dans cet écart s’ouvrira par la suite la place pour
un tiers qui permettra l’inscription de l’enfant dans un monde symbolique
(Joubert et al., 1992).
Autres modalités institutionnelles. En cas de troubles mineurs,
le temps de la grossesse et l’hospitalisation dans un service ordinaire de
maternité peuvent suffire à la mise en place d’un réseau thérapeutique
serré transdisciplinaire, d’autant qu’il avait été préparé avant la naissance.
Il est prolongé par des visites à domicile très fréquentes les premières
semaines. Un accueil dans les services classiques d’hospitalisation psychia-
trique peut être créé. Il demande un investissement particulier des locaux
et du personnel.
La séparation. Une mère sur deux environ sera apte, avec une aide
précoce dès la grossesse et un environnement de qualité, à élever son
Les mères schizophrènes et leurs enfants 303

enfant. Son avenir sera dans ce cas bien moins compromis que dans le cas
de placements et de séparations répétés. Le placement est parfois néces-
saire pour protéger l’enfant : il doit être préparé avec la mère et le père de
l’enfant.

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14 Substances psychoactives,
licites et illicites
Alcool, opiacés et autres
substances

La consommation de substances psychoactives peut retentir sur le dévelop-


pement fœtal. Chez le sujet dépendant, le risque est nettement aggravé, car
les doses consommées sont souvent élevées et les produits consommés mul-
tiples. De plus, l’addiction modifie le mode de vie et les intérêts, l’état de
santé peut-être déjà altéré, le suivi de grossesse n’est pas toujours optimal et
des troubles psychiques associés sont assez fréquents. La consommation de
produits illicites peut entraîner une certaine marginalité. Enfin l’addiction
retentit sur la parentalité.
La consommation ordinaire soulève des questions fort différentes d’édu-
cation à la santé : l’abstinence totale doit-elle être prônée ? En produisant ce
message simplifié ne réduit-on pas, au nom d’une certaine efficacité, le rôle
de la femme à la maternité ?

Définitions et classifications
Classification des substances psychoactives
Il n’existe aucune société qui ne fasse usage de produits psychotropes, à
des fins religieuses, de combat ou simplement pour leurs vertus spécifiques
dans une consommation plus ou moins banalisée, qu’elle soit licite ou non.
En France, si l’on met à part le tabac et la caféine, la substance psychoac-
tive de loin la plus utilisée est l’alcool. L’enquête menée par l’Observatoire
français des drogues et des toxicomanies révèle qu’en 2010 seuls 12,6 % des
18-75 ans déclarent n’avoir bu aucune boisson alcoolisée l’année précédant
l’interview (Beck et al., 2010).
La classification de Lewin (1931), historique aujourd’hui, mais toujours
cohérente, comprend cinq catégories de substances : Excitantia, Phantastica
(hallucinogènes), Inebriantia, Hypnotica et Euphorica.
Lors de l’établissement de la convention de Vienne par l’ONU en 1971,
signée par 179 pays, 4 classes de psychotropes de synthèse ont été distin-
guées selon leur potentiel d’abus, leur risque sur la santé publique et leur
valeur thérapeutique.

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
310 Psychopathologie périnatale

Le DSM-V cite pêle-mêle l’alcool, la caféine, le cannabis, les hallucino-


gènes, les inhalants, les opioïdes, les sédatifs (hypnotiques ou anxiolytiques),
les stimulants, le tabac et les autres substances ou substances inconnues.

De la toxicomanie
La définition de la toxicomanie par l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) en 1955 met l’accent sur la compulsion à consommer le produit, la
dépendance et la tolérance. En 1969, l’OMS impose le terme de pharma-
codépendance. Castel (1994) met en avant les aspects sociaux complexes
du phénomène, «  le toxicomane avéré est celui qui organise une part
essentielle de sa vie personnelle et sociale autour de la recherche et de la
consommation d’un ou plusieurs produits psychotropes  ». En 2013, en
même temps que s’est largement popularisé le terme d’addiction, le DSM-V
use d’une terminologie propre avec la catégorie de « trouble d’utilisation de
substance ». Le terme « toxicomanie » subsiste en France seulement en droit
notamment avec la loi de 1970 dont les dispositions sanitaires constituent
l’article premier et prennent place dans le Code de la santé publique sous le
titre de « lutte contre la toxicomanie ».

Le trouble d’utilisation de substance


Le DSM-V regroupe sous le diagnostic de «  trouble d’utilisation de subs-
tance » l’abus et la dépendance. L’abus désigne l’ensemble des conséquences
sociales, judiciaires, professionnelles et relationnelles préjudiciables au sujet
ou à son environnement. La dépendance inclut les phénomènes de tolé-
rance et de sevrage. Nous examinerons ici l’effet de l’alcool, des opioïdes
et de la cocaïne. Nous serons brefs sur le tabac et le cannabis. L’usage des
psychotropes médicamenteux ne sera pas examiné, ni celui de la caféine.

La consommation
La consommation ordinaire : mère idéale, sujet réel
Bien que l’on s’attende à ce que durant la grossesse les femmes adoptent des
attitudes parfaitement idéales pour protéger la santé de leur enfant, la vie
réelle, c’est-à-dire la pression de l’environnement, la conflictualité interne,
l’organisation de la personnalité et son équilibre, leur propre santé et diffi-
cultés, ne leur permettent pas de toujours atteindre cet objectif. Le stress lié
à la grossesse elle-même peut contribuer, avec les facteurs précédemment
cités, à faire perdurer, voire même induire des modes de vie potentiellement
péjoratifs comme restreindre son alimentation ou augmenter sa consom-
mation de cigarettes, de drogues, d’alcool ou de médicaments (Brooke
et al., 1989 ; Lobel et al., 2008).
Substances psychoactives, licites et illicites 311

Lorsqu’il existe déjà abus et dépendance, le problème de la consomma-


tion peut se poser en termes bien plus conflictuels et complexes. Il existe
aux États-Unis et au Canada des affaires judiciaires dans lesquelles les mères
ont été contraintes d’arrêter leur consommation, voire incarcérées (Paltrow
et Flavin, 2013). Un décret de 2004 sanctionne la mise en danger du fœtus
sous le titre Unborn victim of violence Act. Ainsi, la mère peut devenir aux
yeux de la société non celle qui contribue à la vie mais celle qui la menace.
La consommation de substances licites, tels l’alcool ou la nicotine, peut
être occasionnelle ou régulière, et s’associer ou non à l’abus et à la dépen-
dance. La consommation des drogues illicites entraîne des problèmes spé-
cifiques. Le risque en est la marginalisation et une plus grande propension
à la dépendance, moins marquée pour certains produits, le cannabis par
exemple, que pour d’autres telles la cocaïne ou l’héroïne. En cas d’abus
et de dépendance, la consommation de produits multiples est devenue
la règle.
La consommation à l’occasion d’une grossesse de substances psychoac-
tives, licites ou illicites, reste insuffisamment renseignée et généralement
sous-évaluée, notamment du fait de la crainte des femmes d’être stigma-
tisées par leur réponse. En 2009, une étude aux États Unis indiquait que
4,5 % des femmes enceintes consommaient des drogues illicites. En France,
les consommations estimées par extrapolation sur les données en popula-
tion générale, sont de 20 à 30 % pour le tabac, 3 à 10 % pour la marijuana,
0,5 à 3  % pour la cocaïne et de l’ordre de 0,3  % pour l’héroïne par voie
intraveineuse (Lamy et Thibaut, 2010).

La consommation d’une substance psychoactive


licite : l’alcool
Recueil des données
Une sous-déclaration importante
La consommation quotidienne déclarée est recueillie en nombre de verres
de boissons alcoolisées, ou en volume, en grammes d’alcool absolu ou bien
encore en onces d’alcool absolu aux États-Unis (1 verre ≈ 10 g ≈ 0,5 Oz). Le
rapport entre la quantité d’alcool mise à disposition et la quantité déclarée
est en France de l’ordre de 2 (Hill et Laplanche, 2010). La sous-déclaration
est plus forte chez les buveurs excessifs. Elle est le talon d’Achille de nombre
d’enquêtes, quel que soit le moment de l’interrogation.
La sous-déclaration augmente au fur et à mesure de la grossesse (Day et
al., 1989). En post-partum, les réponses sont influencées par l’état de santé
de l’enfant. Les femmes dont la grossesse connaît une issue défavorable
déclarent consommer moins d’alcool que lorsqu’elles ont été interrogées
pendant la grossesse (Feldman et al.,  1989). Une étude menée en 1989
(Morrow-Tlucak et al., 1989) a montré, cinq ans après la grossesse cible, que
312 Psychopathologie périnatale

la consommation était régulièrement sous-évaluée, mais que les écarts à la


consommation réelle ne connaissaient pas de règles précises, la consom-
mation déclarée pendant et après pouvant varier jusqu’au maximum d’un
facteur 20 dans leur étude.
Mesures de l’abus et de la dépendance
La consommation d’alcool peut être appréciée par un questionnaire déve-
loppé par l’OMS, le Alcohol Use Disorders Identification (AUDIT), validé sur
les douze derniers mois précédant la passation. Les questionnaires les plus
utilisés, pour détecter l’alcoolodépendance, sont le CAGE (Mayfield et al.,
1974) et le Michigan Alcoholism Screening Test (MAST  ; Selzer,  1971). Le
MAST dans sa version abrégée comprend 13 questions (le short MAST ou
SMAST  ; Selzer et al.,  1976). Le CAGE est composé de quatre questions,
qui, en anglais forment l’acronyme  : Cut, Annoyed, Guilty, Eye-opener.
Il comprend les quatre questions suivantes (le diagnostic d’alcoolodépen-
dance est probable si le sujet répond affirmativement à deux questions
ou plus) :
• avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de
boissons alcoolisées ?
• votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre
consommation ?
• avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ?
• avez-vous déjà eu besoin d’alcool dès le matin pour vous sentir en forme ?

Résultats
Une femme sur quatre déclare consommer de l’alcool pendant la
grossesse
Selon l’enquête nationale périnatale (2010) conduite auprès d’un échan-
tillon de 13 000 femmes, 23 % ont déclaré une consommation de boissons
alcoolisées pendant la grossesse et 2 % plus de 3 verres en une même occa-
sion (Saurel-Cubizolles et al., 2013). D’autres enquêtes ont montré des écarts
régionaux importants : par exemple, 48 % de femmes déclarant consommer
pendant la grossesse au CHU de Saint-Etienne (Senn et al., 2005), 52 % dans
des maternités en Auvergne (de Chazeron et al., 2008) et 63 % au CHU de
Nantes (Chassevent-Pajot et al., 2011).
Une réduction spontanée de la consommation
70 % des femmes, selon une étude écossaise (Plant, 1984), cessent de consom-
mer de l’alcool ou diminuent nettement leur consommation lorsqu’elles
sont enceintes. Toutefois, l’abstinence ou la réduction de la consommation
a surtout été démontrée chez les buveuses modérées et parmi les groupes
sociaux favorisés. Cette réduction est plus fréquente lorsque le conjoint
a également modifié son comportement (Subtil et al.,  1994). La diminu-
tion est moindre parmi les femmes fumeuses, non mariées, d’un niveau
Substances psychoactives, licites et illicites 313

d’éducation plus faible ou plus jeunes (Miller et Mian, 1997) ou de femmes


insatisfaites de la grossesse en cours. Mais la grossesse peut être également
une source d’anxiété supplémentaire, voire de crises dépressives aboutissant
à des ivresses répétées, particulièrement dangereuses par les pics d’alcoo-
lémie qu’elles entraînent (Dehaene, 1995).
La relation avec le partenaire : un facteur de risque essentiel
La consommation aiguë ou chronique d’alcool est fréquemment retrou-
vée dans des situations de violence familiale. Une large étude pros-
pective américaine (Amaro et al., 1990) étudiant les femmes enceintes
ayant subi des violences physiques ou sexuelles pendant la grossesse
(prévalence de 7  %) retrouvait que les seuls facteurs indépendants
étaient la consommation d’alcool par la femme pendant la grossesse et
la consommation de drogue par le partenaire. Les auteurs pointent la
nécessité de rechercher cette violence pendant la grossesse en particu-
lier parmi cette population.

La consommation des substances illicites


Marginalité. Elle peut affecter seulement le circuit de la consommation
ou tous les secteurs de la vie sociale, particulièrement en cas d’addiction.
Lorsqu’il existe un trouble de l’utilisation de substance, les consommateurs
tendent à se marginaliser progressivement et la consommation est souvent
masquée aux professionnels de santé.
L’évaluation du niveau et des modalités de la consommation, en
cas d’addiction, ainsi que la prise en charge ressortent d’une démarche spé-
cialisée, obstétriciens et sages-femmes devant pouvoir référer la patiente au
psychiatre ou à l’addictologue du réseau périnatal, pour un suivi commun.
La mesure de la consommation peut se faire en pratique de recherche par
questionnaire, avec un entretien ou par dosage biologique. Une étude
menée en Floride (Chasnoff et al., 1990), où toute femme enceinte consom-
mant de l’alcool ou des substances interdites était référée aux autorités de
santé, a montré, par prélèvement urinaire, que malgré l’interdiction et la
surveillance, 15 % des 715 femmes consommaient des produits interdits, à
des taux équivalents selon l’ethnie ou le niveau socio-économique : 12 %
du cannabis, 5 % de la cocaïne, 0,3 % des opioïdes et 0,2 % de l’alcool. Chez
le nouveau-né, l’imprégnation peut être appréciée par un dosage dans le
cheveu, l’urine ou le méconium.
Polyconsommation. La consommation de substances psychoactives
multiples (Falk et al., 2008) est la règle actuellement, plus de 90 % des cas
dans une étude française (Lejeune et al., 2013). L’alcool peut être utilisé pour
« soulager les effets indésirables d’autres substances ou pour se substituer à
elles quand elles ne sont pas disponibles » (DSM). Le tabac est fréquemment
associé à l’utilisation d’autres substances psychoactives, les benzodiazépines
314 Psychopathologie périnatale

notamment. Les femmes dépendantes à l’alcool consomment aussi plus de


tabac et de tranquillisants. Parfois, elles peuvent substituer à l’alcoolisation
du matin la prise d’un anxiolytique dès le réveil pour amender les signes de
sevrage. Par une analyse factorielle, Lejeune et al. (2013) ont pu définir trois
types de profil de femmes enceintes avec un trouble d’utilisation : celles
consommant ou ayant consommé des opiacés au cours de leur vie, et qui
recevaient un traitement de substitution aux opiacés (TSO) ; ce profil majo-
ritaire en 1998 au début de l’étude avait pratiquement disparu dix ans plus
tard. Le second profil concernait des femmes qui consommaient de l’alcool
associé à d’autres produits : ce profil était de niveau assez stable au cours des
dix ans de l’étude, il concernait environ une femme sur six. Enfin, le dernier
profil type était constitué de femmes sans problèmes sociaux, consommant
soit un TSO soit du cannabis associé à du tabac. Ce profil concernait trois
quarts des femmes à la fin des années 2000.

Addiction et dépendance
Définitions
Goodman a proposé en 1990 une définition consensuelle de l’addiction :
«  Processus par lequel un comportement, dont la fonction peut être de
procurer du plaisir et d’échapper à un sentiment d’inconfort, est employé
avec une constante perte de contrôle et maintenu malgré ses conséquences
négatives significatives.  » Il décrit aussi le sentiment de nécessité interne
qui conduit aux conduites addictives. On retrouve souvent dans les articles
français cette définition plus concise : « L’addiction est une caractéristique
comportementale qui se reconnaît à une envie constante et irrépressible, en
dépit de la motivation et des efforts du sujet pour y échapper. »
Le terme d’addiction n’est pas utilisé dans les classifications internatio-
nales, mais celui de dépendance. Il est pourtant employé largement par les
cliniciens. L’American Society of Addiction Medicine la définit comme une
affection chronique primaire des circuits neuronaux de la récompense, de
la motivation et des circuits associés.
Assez tôt utilisée dans le corpus psychanalytique, l’addiction, d’abord
sous le terme d’habitude morbide, a donné lieu à des élaborations
théoriques bien que la plupart des auteurs n’adhèrent pas à l’idée
d’un modèle unique de la personnalité addictive. McDougall (1978)
met l’accent sur les fonctions défensives de l’addiction, tentative de
protection contre la menace angoissante d’effondrement narcissique.
Bergeret (1991) insiste sur le sacrifice du corps dans la quête d’un « objet
imaginaire ». Gutton (2001) évoque le processus psychique de l’incor-
poration, présymbolique, permettant de faire face à la perte d’objet
dans une pratique de déni. La dépendance répondrait à la faillite des
Substances psychoactives, licites et illicites 315

processus de séparation d’avec l’objet (primaire) maternel, favorisé par


la carence.

Le sujet dépendant cumule les risques


Risques psychosociaux
Ils sont communs à toutes les formes d’addiction et particulièrement
retrouvés chez les femmes (Regan et al., 1987 ; Ferraro, 1998) : antécédents
familiaux de consommation excessive, partenaire présentant une addic-
tion et/ou violent, antécédents d’événements de vie défavorables dont
séparations précoces (fréquence doublée chez les jeunes toxicomanes par
rapport à un groupe contrôle de lycéens) et abus sexuels durant l’enfance.
Il faut y ajouter les contraintes sociales ou professionnelles, l’isolement
affectif, les troubles de la personnalité, les affections psychiatriques
(Ondersma et al., 2006 ; Felitti, 2003). Dans une large étude prospective
aux États-Unis (Amaro et al.,  1990), les seuls facteurs indépendants de
violences physiques ou sexuelles pendant la grossesse (prévalence de 7 %)
sont la consommation d’alcool par la femme pendant la grossesse et la
consommation de drogue par le partenaire. Des événements de vie peu-
vent déclencher la survenue de l’alcoolisme, tels les conflits conjugaux,
le divorce, le départ des enfants, les deuils. Parmi les facteurs de risque
d’alcoolodépendance on retrouve aussi des conditions socio-économiques
défavorables.
L’existence d’une participation génétique à certaines formes d’alcoolisme
est une hypothèse fréquemment évoquée, du fait de l’agrégation familiale
du trouble et de la présence plus fréquente dans ces familles de certaines
variétés alléliques, notamment de gènes impliqués dans le métabolisme de
la dopamine (Rietschel et Treutlein, 2013).

Troubles induits par la substance


Chaque type de substance est susceptible de produire des troubles psy-
chiques particuliers selon sa modalité d’action. Selon le DSM, les troubles
aigus sont imputés à la substance si et seulement s’ils sont apparus pendant
une intoxication ou un sevrage, ou dans le mois qui a suivi. Les compli-
cations chroniques sont essentiellement les troubles du caractère et de
l’affectivité avec agressivité, irritabilité, alternance d’accès euphoriques et
de moments dépressifs sur fond d’apathie, d’indifférence et de pauvreté des
investissements. Des troubles cognitifs et des psychoses chroniques sont
également décrits.

Association à d’autres troubles psychiatriques


La comorbidité est fréquente autant pour l’addiction aux opiacés (Benning-
field et al., 2010) qu’à l’alcool (Bulik et al., 2004).
316 Psychopathologie périnatale

Tableau 14.1. Prévalence vie-entière de troubles psychiatriques présentant


une dépendance aux substances psychoactives (alcool, drogues licites
et illicites).
Hommes Femmes
Dépression 8 % 23,4 %
Psychose maniaco-dépressive bipolaire 0,8 % 3,1 %
Schizophrénie 2,4 % 7,2 %
Personnalité antisociale 14,6 % 10,1 %
Trouble panique 2,1 % 7,9 %
Epidemiological Catchment Area Study (Helzer et Pryzbeck, 1988).

Selon cette même étude réalisée aux États-Unis, 65 % des femmes alcoo-
liques présentaient un trouble psychiatrique associé. Parmi les diagnostics
associés les plus fréquents, on retrouve les troubles dépressifs, le trouble
panique, les phobies sociales et les troubles du comportement alimentaire.
De 56 % à 73 % des femmes dépendantes à l’héroïne souffrent d’une patho-
logie psychiatrique associée, principalement des troubles affectifs (dépres-
sion, anxiété) et des troubles de la personnalité (Benningfield et al., 2010).

Association à des risques médicaux


Les plus sévères ou les plus fréquents, présents surtout avec les opiacés, mais
que l’on peut retrouver avec toutes les formes d’addiction, sont la dénu-
trition, l’anémie, les infections du tractus urinaire, l’hépatite, l’infection par
le VIH et les maladies sexuellement transmissibles.

Grossesse et addiction
Relations au corps
Les sujets dépendants particulièrement dans les formes sévères et prolon-
gées entretiennent avec leur corps des rapports singuliers, ambivalents et
contradictoires (Charles-Nicolas,  1998). Les fréquentes méconnaissances
anatomiques et physiologiques relèvent probablement plus de la dénéga-
tion que de l’ignorance. Dans le cadre du trouble de l’usage de l’alcool, les
troubles de l’image du corps seraient dus, selon Dehaene (1995), à l’inadé-
quation des réponses du premier objet d’amour, laissant l’enfant envahi par
des ressentis corporels non liés.

La sexualité
Après plusieurs années de consommation, la sexualité de la femme toxicomane
est caractérisée par une fréquente diminution du désir, déplacé vers le toxique.
Si certaines drogues, telle l’héroïne, procurent parfois des sensations qualifiées
Substances psychoactives, licites et illicites 317

d’orgasmiques, l’activité sexuelle réelle est généralement limitée. Plus rarement


elle s’exercerait sur un mode compulsif ou bien au sein d’un climat où le désir
propre de la femme s’exerce avec difficulté. Les partenaires sexuels sont alors
multiples, interchangeables, peu ou non reconnus dans leur individualité.
Dans la recherche d’argent pour obtenir le produit, une «  délinquance de
nécessité » peut survenir chez certaines femmes au statut social précaire. L’exis-
tence de troubles de la sexualité, chez les femmes alcooliques, est un facteur de
sévérité et de chronicité de la conduite alcoolique (Mourad et al., 1997).

Désir de grossesse
Alcool. Au sein de familles touchées déjà par l’alcoolisme fœtal, Dehaene
(1995) constatait des demandes de contraception exceptionnelles et
l’absence de désir d’interruption de grossesse malgré le risque encouru. Si
la négligence du corps et le désinvestissement de la sexualité vécue sur le
mode opératoire ont pu être invoqués à l’origine des grossesses itératives,
Dehaene constate que le désir d’être enceinte s’exprime au cours des entre-
tiens, souvent comme l’espoir d’un renouveau voire comme moyen de
parvenir à l’abstinence. En cas de consommation alcoolique importante la
grossesse peut être aussi découverte tardivement.
Héroïne. Le taux de grossesses non attendues parmi les femmes dépendantes
à l’héroïne a été estimé entre 80 et 90 % (Lamy, Thibaut, 2010). Une demande
d’interruption de grossesse doit être entendue à la lueur de l’ambivalence
naturelle et surtout de la crainte de nuire au fœtus. Le déni de grossesse est
parfois signalé. L’attitude vis-à-vis de la grossesse lorsqu’elle est découverte
varie de l’indifférence au désir mêlé d’angoisse, devant les conséquences
éventuelles de l’intoxication sur le développement du fœtus. La relation au
corps est modifiée, centrée autour des deux extrêmes du manque et de l’anes-
thésie affective et somatique due au produit. Le désir sexuel et l’affectivité
sont transformés par l’addiction. La femme perçoit mal les transformations
de la grossesse. Et ce d’autant que la dénutrition et l’amaigrissement fréquent
entraînent des cycles irréguliers ou une aménorrhée, avec négligence en
termes de contraception. Indépendamment de cette difficulté, les facteurs
favorisant l’absence de suivi de ces grossesses sont un mode de vie chaotique,
la précarité sociale, l’isolement familial, l’addiction et souvent la violence du
partenaire (Moore et al., 2011), parfois les complications infectieuses.

Une écologie du risque


Les produits : mode d’action
La plupart des substances utilisées traversant facilement la barrière pla-
centaire, les principales causes de fœtopathies toxiques peuvent se trouver
associées. Ces substances agissent soit directement sur le développement
318 Psychopathologie périnatale

fœtal, soit par le biais de la malnutrition ou de complications infectieuses.


Elles sont suspectes d’avoir des effets sur les neurotransmetteurs et leurs
récepteurs chez le fœtus. La toxicité varie selon la voie d’administration,
moindre per os (diminution du passage placentaire en raison de l’effet de
premier passage hépatique) que par inhalation et injection.

Une écologie du risque


L’effet spécifique du produit se combine avec ceux de comportements
inadaptés, du stress ou du trouble associé particulièrement chez les sujets
à haut risque social (Aliyu et al.,  2009  ; London, 2008). Le sentiment de
devoir restreindre la consommation de toxiques peut être un stress supplé-
mentaire, trop souvent négligé, surtout chez les sujets dépendants. Long-
temps le soutien aux femmes devenant mères a été moins mis en avant que
la répression des conduites à risque ou la culpabilisation. Il n’est souvent
efficace que si le compagnon peut être associé à la politique de soins.

Des complications obstétricales et un risque développemental


Ils diffèrent entre les consommateurs simples et les sujets dépendants, en
relation des doses consommées et avec plus de facteurs associés péjoratifs
pour le développement chez le sujet dépendant. Ces derniers ont en général
une consommation de nombreuses substances et un mode de vie qui les
protège peu du stress et les expose à un moindre suivi médical et des risques
pour leur santé. En cas de polyconsommation, il reste difficile de rapporter
un risque spécifique à chaque substance.
Les principaux risques connus sont les fausses couches spontanées, la mor-
talité fœto-infantile, le retard de croissance intra-utérin (RCIU), les anomalies
congénitales, les malformations, les troubles mentaux et les déficits cognitifs
(Connor et al., 2000 ; Flynn et al., 2003 ; Johnson et al., 2003 ; Menegaux
et al., 2007 ; Mohsin et al., 2003 ; Singer et al., 1996 ; Brezinka et al., 1994).

Tentative de modification des conduites addictives


La survenue de la grossesse entraîne souvent la réduction de la consomma-
tion, avec parfois des rebonds, beaucoup moins souvent son arrêt. Le désir
de protéger l’enfant est une opportunité à la mise en place d’un traitement,
notamment par l’inclusion dans un programme de substitution pour ce qui
concerne les opiacés.

Complications fœto-obstétricales
et développement
Bien que cela apparaisse plus didactique, il est devenu de plus en plus arti-
ficiel d’étudier les complications par produit. En effet dans la plupart des
pays industrialisés, le profil des sujets consommateurs ou dépendants aux
Substances psychoactives, licites et illicites 319

substances psychoactives a largement évolué. Lejeune et al. (2013) retrou-


vent une diminution des consommatrices d’héroïne et beaucoup plus de
consommatrices de cannabis associé à d’autres substances psychoactives.
Bien que la sélection des patientes, sur la base de la consommation d’au
moins deux substances psychoactives, puisse présenter certains bais, les
données reflètent l’évolution internationale de la consommation.

Alcool
La totalité des troubles constatés dépend de la quantité consommée ou de
ses modalités (binge drinking). La recherche de seuils est un élément essen-
tiel dès lors que la consommation d’alcool reste largement répandue dans
la population. Des troubles ou des complications qui étaient retrouvés dans
des études anciennes ne prenant pas en compte suffisamment les facteurs
de confusion ne sont la plupart du temps plus retrouvés pour des consom-
mations faibles. Toutefois, ni les études expérimentales en laboratoire ni les
études sur des cohortes ne permettent d’établir rigoureusement des seuils.

Risques obstétricaux
Retard de croissance intra-utérin et prématurité
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est dose-dépendant. L’arrêt ou la
diminution de la consommation au cours de la grossesse diminue l’inten-
sité du RCIU. Il est majoré par une consommation de nicotine associée.
À la naissance, certaines études anciennes montrent des effets sur le
poids de naissance à partir de consommation quotidienne de l’ordre
de 2 à 3 verres par jour  ; en dessous, il n’est pas trouvé de corrélation
(Larroque, 1992 ; Kaminski et Larroque, 1995). Une première revue de la
littérature en 2007 avait montré l’inconsistance des résultats concernant
l’association entre alcoolisation modérée et accouchement prématuré ou
RCIU (Henderson, 2007a), confirmé quatre ans plus tard par une méta-ana-
lyse (Patra et al., 2011). Les études déjà anciennes ayant mis en évidence de
tels résultats n’avaient pas été sérieusement évaluées. Deux études rétros-
pectives menées l’une à Amsterdam portant sur 5 238 sujets et l’autre en
Allemagne auprès de 16 300 femmes n’ont pas mis en évidence de corrélation
entre la consommation d’alcool de la grossesse, à trois mois du post-partum,
et la survenue d’un accouchement prématuré ou d’un RCIU pour les doses
considérées. Une étude menée en Irlande (McCarthy et al., 2013) auprès de
5 628 femmes nullipares à 15 semaines de gestation sur leur consommation
n’a retrouvé aucune association avec un retard de croissance intra-utérin
ou un accouchement prématuré, y compris pour les femmes buvant plus
de 2 verres par jour. D’autres études n’ont retrouvé aucune association
non plus avec la prématurité quelle que soit la consommation d’alcool, en
France (Lelong et al., 2011 ; Saurel-Cubizolles et al., 2013) et en Corée (Han
et al., 2012) Dans l’enquête française citée, menée auprès de 13 000 femmes
représentatives de la population générale (Saurel-Cubizolles et al., 2013) il
320 Psychopathologie périnatale

est trouvé, avant ajustement sur les autres facteurs de risque, plus d’enfants
hypotrophes pour les femmes qui ont bu 2 verres ou plus par jour, ou bien
3 verres ou plus dans une seule fois au moins une fois par mois. Toutefois,
après ajustement cette relation n’est plus significative.
Fausses couches spontanées et mortinatalité
Plusieurs études ont mis en évidence un taux de fausses couches spontanées
significativement augmenté pour une consommation d’alcool durant les
16 premières semaines de gestation. Harlap et Shiono (1980), en Californie,
dans une étude portant sur environ 30  000 femmes, interrogées durant
la visite prénatale, trouvent un risque relatif de fausse couche au second
trimestre de 2 pour les femmes buvant entre 1 et 2  verres/jour et de 3,5
chez les femmes consommant plus de 3 verres/jour. Il n’y avait pas d’aug-
mentation du risque pour les femmes déclarant boire un verre par jour.
Dans le même numéro du Lancet où fut publiée l’étude de Harlap et Shiono
(1980), une autre étude avec groupe contrôle, mais portant sur un plus
faible échantillon et rétrospective, trouvait une susceptibilité à l’alcool bien
plus élevée. Une recherche récente menée au Danemark (Strandberg-Larsen
et al., 2008 ; Andersen et Olsen, 2011) retrouve un risque relatif de fausses
couches au premier trimestre de 1,66 pour les femmes déclarant boire de 2
à 4 verres/semaine et de 2,82 pour celles déclarant consommer 4 verres ou
plus/semaine, sur une cohorte de 92  719 femmes. Le risque s’éteint à 16
semaines de gestation. Il est aussi augmenté pour les femmes déclarant plus
de trois épisodes de binge drinking durant la grossesse. Dans cette cohorte,
55,4 % des femmes déclarent s’abstenir de toute boisson et 30 % environ
consommer moins de 2 verres par semaine, moins de 0,5 % consommer un
verre par jour ou plus. La déclaration de consommation étant faite par télé-
phone, reste sujette à caution, possiblement très sous-estimée. Kesmodel et
al. (2001) retrouvent un taux élevé d’enfants mort-nés avec un risque relatif
de 3 pour les femmes consommant 5 verres ou plus/semaine comparées à
celles consommant moins d’un verre par semaine.

Troubles cognitifs et syndrome d’alcoolisme fœtal (SAF)


Le syndrome d’alcoolisme fœtal (SAF)
Diagnostic. Lemoine et al. en 1968, puis Jones et Smith en 1973, ont mis en
évidence un syndrome dysmorphique spécifique, conséquence de l’alcoo-
lisme gestationnel. Le syndrome d’alcoolisme fœtal (SAF) associe une dys-
morphie cranio-faciale caractéristique, des malformations non spécifiques,
un retard de croissance intra-utérin, une atteinte neurologique clinique ou
morphologique dont la plus caractéristique est une microcéphalie. Il s’agit
de la première cause de retard mental acquise.
Prévalence. Le syndrome complet n’est retrouvé que chez les femmes
ayant une consommation très élevée, régulière de 5 à 6 verres/jour ou bien
d’au moins 5 à 6 verres en une seule fois avec au moins 45  verres/mois
Substances psychoactives, licites et illicites 321

(O’Leary, 2004). Des formes intermédiaires ont été décrites sous le terme de


fetal alcohol spectrum disorder. Ce dernier diagnostic est critiqué pour sa défi-
nition floue et l’absence du critère le plus objectif, les anomalies faciales.
Les troubles associés peuvent être dus à d’autres facteurs (O’Leary, 2004).
La fréquence du SAF est estimée entre 1/600 et 1/1  500 naissances en
France, à 1/300 naissances aux États-Unis. Selon les définitions et la popu-
lation étudiée, la fréquence varie de 1 à 10 (Abel et Sokol, 1991). Une étude
australienne a retrouvé une incidence du SAF de 1/2 500 naissances dans
la population non indigène et 1/250 dans la population indigène (Burns
et al., 2013). En Afrique du Sud, dans la région du Cap, chez des popula-
tions socialement défavorisées avec une consommation massive d’alcool,
des taux de syndrome/spectre d’alcoolisme fœtal ont été trouvés de l’ordre
de 1/70 (Viljoen et al., 2005). Les chiffres sont également variables suivant
les régions, avec ici la notion de population à risque. Ainsi, dans le Nord
de la France, à Roubaix, dans une population spécialement défavorisée, la
fréquence de ce syndrome a été estimée de 1/300 à 1/600 naissances et à
1/157 naissances toutes formes réunies (Dehaene et al.,  1986). En cas de
consommation supérieure ou égale à 60 g d’alcool par jour prolongée pen-
dant toute la grossesse, il existe pour l’enfant un risque élevé (30 à 40 %)
d’anomalies selon Rueff (1995). L’alcoolisation fœtale tend à prendre la
première place parmi les étiologies des retards intellectuels et des troubles
du comportement de l’enfant (Subtil et al., 1994).
Mode d’action. L’alcool favoriserait une dégénérescence neuronale par
apoptose, en bloquant au niveau du cortex des récepteurs N-méthyl-D-
aspartate (NMDA)-glutamate et en activant des récepteurs gamma amino-
butyric acid (GABA) (Van den Bergh et al., 2005 ; Ikonomidou et al., 2000).
Cette neurodégénérescence se déroule au moment de la synaptogenèse, à
partir du sixième mois de grossesse. Les « études animales suggèrent en plus
de l’effet dose cumulatif, un impact du pic d’alcoolémie ».
Les facteurs associés. Une participation génétique est suggérée par le reten-
tissement variable d’une même imprégnation éthylique chez des jumeaux
dizygotes (Warren et Li, 2005). Le rôle du génome maternel a été suggéré
par des études expérimentales sur l’animal, par le biais d’un polymor-
phisme génétique de deux enzymes qui métabolisent l’alcool : l’alcool dés-
hydrogénase (ADH) et l’acétaldéhyde. La séparation, l’abandon et l’abus ou
la négligence particulièrement fréquents (Spohr et al.,  1993) aggravent le
pronostic à long terme.

Autres troubles cognitifs


Les premiers résultats inquiétants d’une faible consommation.
Longtemps, l’étude menée à Seattle (Streissguth et al.,  1989) est restée la
référence concernant les effets de la consommation alcoolique modérée
dans les trois domaines atteints dans le cadre du SAF : croissance, système
322 Psychopathologie périnatale

nerveux central, morphologie. Prospective, elle consistait dans le suivi d’une


cohorte d’environ 500 enfants de la naissance à l’âge de 14 ans. Les mères
avaient été sélectionnées parmi 1 529 femmes blanches mariées de la classe
moyenne consultant au cinquième mois de grossesse dans deux materni-
tés hospitalières à Seattle (États-Unis). L’échantillon avait été stratifié pour
représenter à la fois abstinentes, petites, moyennes et grandes buveuses,
fumeuses et non fumeuses. Elle a mis en évidence des troubles fonctionnels
et des problèmes scolaires plus fréquents, et un quotient intellectuel (QI)
en moyenne plus bas de 5 à 7 points dès la consommation de 2 verres par
jour. Les troubles précoces varient surtout avec le niveau de consommation
moyenne hebdomadaire (au-delà de 3 ou 4 verres par jour) et les troubles
tardifs, plus significativement avec le « nombre de verres par occasion ».
Des enquêtes ultérieures aux résultats plus mesurés. De très nom-
breuses études ont ensuite modéré drastiquement, voire invalidé, ces résul-
tats péjoratifs pour une faible consommation d’alcool.
Larrson et al. (1985) et Greene et al. (1991) n’ont mis en évidence aucune
anomalie en relation avec de faibles consommations d’alcool pendant la
grossesse, chez les enfants évalués plusieurs fois jusqu’à 4 ans. Une étude
de prospective menée au Danemark (Kesmodel et al., 2012) auprès de 1 628
femmes a recherché chez des enfants de 5 ans l’existence de troubles cogni-
tifs (intelligence, attention et fonctions exécutives). Ils ont utilisé le score
de Weschler révisé. Environ 40 % des femmes interrogées, jusqu’à environ
la moitié du deuxième trimestre, déclaraient consommer 1 à 4 verres par
semaine, 10 % déclaraient 5 à 8 verres et un peu plus de 1 % plus de 9 verres
par semaine. Les épisodes de binge drinking étaient définis par l’absorption
de plus de 5 verres en une seule fois, 46 % des femmes ne consommaient
pas d’alcool. Aucune relation significative n’a été trouvée entre la consom-
mation d’alcool stratifié selon les groupes, que l’analyse soit univariée ou
multivariée. Les auteurs concluent à l’absence d’association entre l’exis-
tence de trouble neuro-développemental à 5  ans et une consommation
d’alcool de moyenne à modérée.
Une gravité particulière du binge drinking  ? En 2004, Bayley et
al. montraient, par une analyse avec contrôle des variables de confusion,
que les mères qui avaient plus de deux épisodes de binge drinking par mois
(5 verres ou plus en une seule fois) avaient un risque significatif (RR = 1,7)
que leur enfant présente un retard au test de QI verbal à l’âge de 7 ans ou
bien qu’ils présentent un niveau cliniquement significatif de comportement
criminel. Par contre, ils ne trouvaient aucun lien avec la quantité d’alcool
consommé. Les mères étaient d’un milieu défavorisé, consommaient de la
cocaïne et plus souvent les enfants avaient un petit poids de naissance, ce
qui ne fait pas de la population étudiée une représentation correcte de la
société américaine. La gravité potentielle du binge drinking reste toutefois
une préoccupation majeure.
Substances psychoactives, licites et illicites 323

Les résultats des méta-analyses. Elles doivent être interprétées avec


précaution, car elles lissent les différences entre méthodologies employées,
populations et variables d’observation. Testa et al. (2003) n’avaient pas montré
de corrélations entre le développement psychologique et de faibles consom-
mations, que retrouve une méta-analyse plus puissante de Flak et al. (2013)
pour des consommations inférieures à 3 verres par semaine. Le principe de
précaution conduit à tenir compte des résultats de ce type d’enquête bien qu’il
importe encore de montrer que les corrélations constatées tiennent bien à la
consommation effective d’alcool étant donné le problème de sous-estimation
majeure que nous avons précédemment décrit.

Autres substances
Opioïdes : héroïne, méthadone, buprénorphine
Toutes les complications retrouvées sont aggravées voire provoquées par
les facteurs de risque associés (notamment, absence de suivi de grossesse et
conditions environnementales défavorables).
Fertilité et fécondité. Une moindre fertilité serait secondaire à l’amai­
grissement et aux épisodes infectieux pelviens. Des épisodes d’aménorrhée ou
d’oligoménorrhée sont habituels. Enfin, le taux de fausses couches spontanées
serait particulièrement élevé, évalué entre 14,3 et 29,8 % (Rogers et al., 1997).
Tératogenèse et fœto-toxicité. La plupart des études ne mettent pas
en évidence d’augmentation significative de malformations congénitales
(Chanoff et al., 1984 ; Ellwood et al., 1987).
Prématurité et RCIU. L’apport irrégulier d’héroïne entraîne des
contractions utérines et favorise l’accouchement prématuré, voire excep-
tionnellement la mort in utero. Le retard de croissance intra-utérin (RCIU)
est le plus souvent harmonieux (Ellwood et al., 1987 ; Little et al., 1990).
Plusieurs auteurs ont obtenu, grâce à un suivi intensif, une réduction
des accouchements prématurés et des hypotrophies à la naissance (Blazy
et Mignot,  1995). Le RCIU existe également en cas de substitution par
la méthadone mais le poids de naissance serait moins abaissé (Wilson et
al.,  1981). Cet effet toutefois pourrait simplement être dû à un meilleur
suivi obstétrical.
Allaitement. La méthadone et l’héroïne passent en faible quantité dans
le lait. L’allaitement ne protège pas l’enfant de la survenue d’un syndrome
de manque néonatal (SMN), mais il reste admis (Gerada, 1996) et mainte-
nant conseillé y compris lors de l’allaitement avec la méthadone.
Syndrome de manque néonatal. Il est particulièrement fréquent en
cas d’intoxication par les opioïdes en regard d’autres substances.
Aspects cliniques. Il survient chez environ 50 % des nouveau-nés. Rarement
immédiat, il apparaît 48 à 72  heures après l’accouchement, mais parfois
jusqu’à deux semaines du post-partum. Sa durée est limitée mais il existe des
324 Psychopathologie périnatale

formes subaiguës pouvant persister quatre à six mois (Rogers et al., 1997).


Dans l’étude de Lejeune, un score maximal avait été mesuré en moyenne
à 40 heures de vie : un tiers des enfants présentait un syndrome de sevrage
néonatal modéré et près d’un quart un syndrome marqué. Un syndrome de
sevrage peut se manifester in utero avec une augmentation des mouvements
fœtaux et l’apparition de contractions utérines. Il précède de 30 minutes
la sensation de manque par la femme. Il est réduit par un apport régulier
d’opiacés.
Le SMN, chez les enfants de mères prenant un traitement de substitution
à la méthadone, commence avec retard mais est plus sévère et plus durable.
Selon Wilson et al. (1981), ces troubles seraient surtout liés à la persistance
d’une intoxication concomitante non déclarée. En France, nombre de pra-
ticiens sont enclins à prescrire comme produit de substitution la buprénor-
phine.
Modifications des interactions précoces. L’imprévisibilité des réactions des
nouveau-nés est déroutante et l’impression que rien ne peut les soulager,
parfois désespérante. Pleurs, difficultés d’alimentation, réactivité excessive,
troubles du sommeil sont observés dès les premiers jours. Le bébé excitable,
hypertonique, difficile à consoler, s’engage peu dans un comportement
d’orientation. Il est difficile de maintenir un contact d’œil à œil, essentiel
au processus d’attachement (Robson, 1976). La non-consolabilité favorise la
mésestime de soi chez la mère, les affects hostiles ou dépressifs. Kaltenbach
et Finnegan (1992) auprès de 45 femmes recevant un traitement substitutif
par méthadone ont retrouvé dans les 72 heures, des performances abaissées
dans la dimension « interaction » de l’échelle de comportement néonatal
de Brazelton par rapport aux contrôles. À trente jours, seuls les enfants
souffrant encore d’un SMN présentaient un score d’interaction inférieur
aux sujets contrôles. Les auteurs pointent la nécessité d’intervention sur les
relations dyadiques.
Traitement du syndrome de manque néonatal (SMN). Dans environ 10  %
des cas, il peut imposer le recours à des dérivés morphiniques, voire à des
anticonvulsivants. Le traitement est instauré en fonction de l’intensité des
troubles (score de Finnegan ; évaluation d’Ostréa, score de Lipsitz). L’hyper-
sensibilité des enfants réclame de leur éviter au maximum le stress. Les tech-
niques de maternage (enveloppement) deviennent alors thérapeutiques.
Les unités « kangourous » peuvent éviter le transfert en néonatologie.

Cocaïne
Le seul effet direct totalement démontré de l’usage de cocaïne est le retard
de croissance intra-utérin (RCIU) et la réduction du périmètre crânien
corrélée avec l’usage de cocaïne au troisième trimestre (Eyler et al.,  2001,
1998). De nombreuses autres complications obstétricales ont été associées
avec plus d’incertitude à l’usage de cocaïne : les avortements spontanés, la
Substances psychoactives, licites et illicites 325

rupture prématurée de la poche des eaux, les accouchements prématurés, le


décollement placentaire. Le sevrage peut entraîner un syndrome de manque
néonatal (SMN). Une large étude menée aux États-Unis, intitulée « Maternal
life style study » a montré que ces complications semblent dépendre d’autres
facteurs, notamment suivi de grossesse et polyintoxications. Il n’y a pas
d’effet tératogène établi (Behnke et al., 2001).
La cocaïne passe dans le lait maternel avec possibilité d’intoxication
(vomissements, diarrhée, irritabilité, dilatation des pupilles, tremblements
et hyperactivité pendant 48 heures). Elle est aussi retrouvée dans les urines
du bébé.
L’étude des interactions précoces mère toxicomane-bébé a mis en évi-
dence une diminution du comportement d’interaction et une pauvre
réponse aux stimuli dans les trois premiers jours, y compris chez les mères
qui étaient abstinentes depuis le premier trimestre (Chasnoff et al., 1985).
Cannabis
De nombreuses études anglo-saxonnes se sont intéressées aux effets de l’abus
de cannabis sur la grossesse et le nouveau-né : la démonstration d’un effet
nocif direct spécifique du produit sur le devenir de l’embryon et la pour-
suite de la grossesse n’a pas été apportée pour l’instant. Il n’est pas trouvé
d’augmentation des malformations fœtales si les groupes sont appariés selon
le revenu et les consommations d’alcool et de tabac. Toutefois, les résultats
concernant la prématurité, le RCIU et le poids de naissance sont discordants
(Huizink, 2013). Une augmentation des trémulations, une hyperréflexivité
encore présente à J30 et une certaine irritabilité sont possibles (Fried, 1989).
Le tétrahydrocannabinol passe dans le lait (taux huit fois supérieur au taux
sanguin maternel), est absorbé et métabolisé par le bébé (métabolites dans
les selles). Il est donc théoriquement imprudent d’allaiter.
Tabac
Un tableau alarmant. La consommation de tabac a été corrélée avec de nom-
breux risques : enfant de faible poids (Brooke et al., 1989 ; Lobel et al., 2008),
rupture prématurée des membranes et toutes formes d’accouchement pré-
maturé (Cnatttingius et al., 1999), augmentation de la mortalité infantile
(Aliyu et al., 2007 ; Jauniaux et Greenough, 2007) et même une évolution
comportementale ou cognitive défavorables (Ernst et al., 2001 ; Jacobsen et
al., 2007). Des troubles des réflexes d’orientation et de la régulation par le
système autonome ont été décrits.
Un souci méthodologique. Un examen attentif des méthodologies
employées montre que de nombreuses études laissent dans l’ombre une
part des facteurs associés, psychiatriques et sociaux, susceptibles de contri-
buer de façon importante à l’advenue de ces troubles et de majorer le
risque imputé au tabac. La neutralisation efficace d’un certain nombre
326 Psychopathologie périnatale

de conséquences dommageables par l’arrêt du tabac avant 15 semaines


(McCowan et al., 2009 ; Polakowski et al., 2009) ou 32 semaines (Lindley
et al., 2000) sur le poids de naissance et le périmètre crânien sont toutefois
un fort argument pour un rôle direct du produit. Il ne s’agit pourtant
pas d’une preuve irréfutable, les femmes susceptibles d’arrêter de fumer
n’étant probablement pas tout à fait comparables à celles qui ne le peu-
vent pas.

Thérapeutiques
Pour un exposé plus clair, nous distinguons dépendance à l’alcool et dépen-
dance aux opiacés. En pratique, la polyconsommation conduit à un pro-
jet global de prise en charge mené par une équipe mobilisée autour de la
patiente intégrant l’ensemble des facteurs de risque, liés au produit, à la
dépendance, aux démarches de soins anciennes et en cours, aux conditions
socio-économiques, au soutien social et à d’éventuels troubles psychia-
triques associés et enfin à la qualité des interactions avec le bébé et au projet
parental maternel et paternel.

Alcool

Durant la grossesse
Information
Dans une enquête effectuée à Roubaix en 1995 (Lelong et al., 1995), 60 %
des femmes considéraient que 2 verres par jour étaient une consomma-
tion raisonnable pendant la grossesse ; 17 % des femmes consommant
2 verres ou plus déclaraient ne pas avoir reçu de conseils sur la consom-
mation d’alcool à cette période. En 2007, 30  % des femmes estiment
que le risque pour le fœtus commence dès le premier verre contre 25 %
en 2004 (Guillemont et Léon, 2008). Deux arguments de santé publique
conduisent à recommander l’abstinence  : un argument de communi-
cation (un message doit être simple pour être suivi) et le respect du
principe de précaution (les résultats sont discordants quant aux risques
engendrés par une faible consommation d’alcool, la nocivité n’ayant
plus été retrouvée dans beaucoup mais non dans la totalité des études
récentes).
En cas de dépendance, il est essentiel d’informer les patientes des struc-
tures et des soignants prêts à les aider et à les entendre.
Sevrage maternel
L’abstinence totale obtenue par une cure de sevrage en hospitalisation est
encore une pratique courante en France. Le sevrage pendant le deuxième
trimestre de la grossesse n’aurait pas d’effet néfaste connu sur le bébé
Substances psychoactives, licites et illicites 327

(Brockington, 1996). Cependant, il n’existe pas d’étude le confirmant, tout


au moins en cas d’alcoolisme important. En cas de symptômes sévères
de manque (agitation, hypertension artérielle, tachycardie, convulsions),
selon Miller et Mian (1997), le recours à la chimiothérapie est parfois indis-
pensable pour pallier au risque materno-fœtal. Les benzodiazépines peuvent
être prescrits pour aider au sevrage (diazepam, chlordiazepoxide, lorazepam,
oxazepam) sont prescrits, y compris pendant le travail, en cas d’agitation
sévère et/ou de convulsions malgré un faible risque iatrogène. La prescrip-
tion d’antipsychotiques est parfois nécessaire.

Traitements de l’appétence
Le baclofène par voie orale entraînant chez l’animal un risque malformatif
est déconseillé au moins durant le premier trimestre. La seule molécule spé-
cifiquement développée pour le traitement de l’appétence est actuellement
l’acamprosate. Il est déconseillé d’interrompre un traitement antérieur si
l’on doute de la capacité d’abstinence.

Traitement de la comorbidité psychiatrique


La comorbidité psychiatrique doit être diagnostiquée et même réévaluée
à plusieurs reprises en fonction de l’évolution de la conduite alcoolique.
Primaire ou secondaire, elle doit être traitée rapidement car elle est res-
ponsable de nombreuses rechutes. La prescription médicamenteuse répond
aux règles habituelles pendant la grossesse.

Le soutien à la parentalité
Il apparaît nécessaire pour mettre en valeur et soutenir les compétences
parentales particulièrement en cas de syndrome de sevrage marqué.

Traitement durant le post-partum


Le SAF. Rare et grave, il peut, comme le rare syndrome de sevrage, imposer
une hospitalisation du nouveau-né dans un service de réanimation. Les
unités «  kangourou  » sont une alternative. Le pronostic du SAF dans sa
forme majeure est parfois sombre.
Alcoolisme maternel. Souvent les prises en charge individuelles sont pré-
férées aux thérapies de groupe : thérapie de relaxation, thérapies compor-
tementales et cognitives (TCC) et thérapies familiales. La participation à
des groupes d’anciens buveurs et autres associations, dont les Alcooliques
anonymes sont les plus connus, qui prennent en compte la notion même
de codépendance, vise à soulager la culpabilité et à permettre le développe-
ment d’un soutien social.
Le soutien à la parentalité. Il pourra être particulièrement important en
cas de syndrome de sevrage marqué. En cas de SAF, l’annonce du handicap
devra être faite progressivement, sans culpabilisation.
328 Psychopathologie périnatale

Opiacés
Traitement pendant la grossesse
La grossesse est un moment propice aux changements dans l’approche de la
toxicomanie. Toutefois, très peu de femmes dépendantes à l’héroïne
sont aptes au sevrage pendant cette période. De plus, un sevrage rapide
durant la grossesse n’est pas recommandé pour le fœtus, avec un risque
de fausse couche, d’accouchement prématuré voire de mort fœtale (Dashe
et al.,  1998). Cependant, si la patiente le désire et en semble capable, un
sevrage progressif peut se réaliser lors du deuxième ou du troisième trimes-
tre, mais avant la 32e SA, de préférence en hospitalisation avec encadrement
médical et monitoring fœtal.
L’accès aux traitements de substitution aux opiacés (TSO) est un élément
crucial dans la réduction des risques obstétricaux et néonataux liés à l’addic-
tion. Le temps de la grossesse est un moment psychologique opportun pour
la mise en place d’un TSO. Il contribue à stabiliser la consommation de la
future mère et à protéger le fœtus des effets délétères des épisodes répétés
alternant excès et manque. Il améliore le suivi de la grossesse grâce à une
prise en charge globale incluant gynécologue, pédiatre, sage-femme, méde-
cin généraliste, addictologue et psychiatre. Il permet de prévenir les risques
de transmissions virales, de rechute et de reconsommation. Le mieux-être
vécu par la future mère favorise son investissement de la grossesse et plus
tard de l’enfant à naître, encourage la réalisation de ses compétences mater-
nelles.
Les deux TSO, méthadone et buprénorphine, sont utilisables. La méthadone
a longtemps été considérée comme la substitution de choix pour la femme
enceinte. Depuis plusieurs années, la buprénorphine a été l’objet d’études
croissantes la présentant comme une alternative valable conduisant en
particulier à un syndrome de sevrage moins marqué chez le nouveau-né
(Fischer et al., 2006 ; Jones et al., 2010). En effet, les nouveau-nés exposés
à la buprénorphine ont une durée significativement plus courte de traite-
ment avec des doses significativement plus basses de chlorhydrate de mor-
phine en comparaison à ceux exposés à la méthadone. Un traitement de
substitution par buprénorphine mis en place avant la grossesse pourra être
continué pendant celle-ci. Toutefois, la méthadone reste l’alternative de
choix pour les femmes qui ne répondent pas bien à la buprénorphine ou
dans les cas très fréquents de son mésusage.
Un autre aspect important consiste, pour conserver leur efficacité, en la néces-
sité d’augmenter les doses vers le début du troisième trimestre (change-
ments métaboliques, taux d’œstrogène augmenté) et de les diminuer après
l’accouchement (Drozdick et al., 2002).
Par ailleurs, outre la dose, la durée du traitement de substitution joue
un rôle dans l’amélioration de l’issue de la grossesse : ainsi, les femmes qui
Substances psychoactives, licites et illicites 329

ont été substituées pendant toute la grossesse s’abstiennent plus souvent de


consommer d’autres toxiques, le terme est plus tardif et les nouveau-nés ont
un poids plus élevé. L’efficacité d’un traitement précoce renforce la néces-
sité de détecter tôt la consommation de toxiques lors du suivi de grossesse,
le suivi ultérieur reposant sur une coopération étroite avec les spécialistes
en addiction.
Accouchement et post-partum
Douleur maternelle. L’association d’une plus grande sensibilité à la douleur
et d’une plus grande tolérance aux traitements antalgiques complique
l’accouchement et le post-partum immédiat. La plupart des parturientes
sont en effet insuffisamment traitées contre la douleur. Les dépendances
ajoutées, notamment à la nicotine, et la forte prévalence d’autres patho-
logies psychiatriques sont susceptibles encore d’augmenter de façon
indépendante l’intensité de la douleur ressentie. Les recommandations
insistent sur l’importance de doses continues et adéquates (Meha et
Langford, 2006).
Le syndrome de sevrage du nouveau-né se manifeste dans les premiers jours
suivant la naissance chez plus de la moitié des enfants nés d’une mère
dépendante aux opioïdes. Il se caractérise par des symptômes affectant
principalement le SNC, le système respiratoire et digestif. L’utilisation du
phénobarbital comparée à celle du chlorhydrate de morphine montre la
supériorité de ce dernier sur la durée du syndrome de sevrage (Lacroix et
al.,  2011). Il reste donc le traitement de référence. Cependant, un usage
prolongé des opioïdes dans la période postnatale devrait être évité en raison
de leurs effets négatifs sur les cellules neuronales d’un cerveau en crois-
sance. L’origine de la variabilité individuelle concernant la survenue et
l’intensité du syndrome de sevrage n’est pas connue malgré de nombreuses
hypothèses. En effet, incidence et intensité ne sont pas affectées par la dose
de substitution. Par contre, la consommation mêlée à d’autres toxiques, en
particulier les benzodiazépines, mais aussi la nicotine, a été associée à un
syndrome de sevrage prolongé. Des variations génétiques affectant le pla-
centa et ainsi le taux d’opioïde maternel présent dans la circulation fœtale
pourraient davantage expliquer les variations d’intensité et d’incidence du
syndrome de sevrage.
L’allaitement sous méthadone est encouragé avant tout pour la qualité de
la relation mère-bébé. Il diminue la durée et la sévérité du syndrome de
sevrage mais retarde l’apparition des symptômes. Les seules contre-indi-
cations sont la persistance d’un abus de substances et l’existence d’une
pathologie infectieuse concomitante (certaines hépatites et VIH). La
sécurité de la buprénorphine pour l’allaitement a été moins étudiée. Les
recommandations sont, pour l’instant, identiques à celles de la méthadone
(Liu et al., 2011).
330 Psychopathologie périnatale

La parentalité et la sortie de la maternité


Les études sur le devenir des enfants de mères dépendantes aux opiacés mon-
trent des retards de développement pour lesquels l’étiologie reste dis-
cutée, et probablement variable, entre la fœto-toxicité, les complications
néonatales ou les effets d’un maternage inadéquat et d’un environne-
ment inadapté. Pratiquement toutes les études montrent un taux élevé de
séparation d’avec la mère, d’emblée ou secondairement, avec des succes-
sions de modes de garde différents (passage en pouponnière, institution
ou famille d’accueil, grands-parents). La fréquence d’enfants élevés par
leurs parents est toutefois plus importante lorsque la mère est substituée.
En cas de TSO, ce sont davantage la comorbidité psychiatrique et la pré-
carité sociale qui détermineront l’avenir de la relation entre l’enfant et
ses parents.
Qu’il y ait ou non syndrome de sevrage, les suites de couches devront être
accompagnées, idéalement au sein d’une unité kangourou, avec implication
active de la mère. Les soins qui ont pu démarrer en anténatal contribuent à
initier le processus de maternalité. Ils ont permis à ces femmes de prendre
soin d’elles-mêmes et de leur corps sans nier leur problématique addictive.
Il importe de pouvoir repérer une éventuelle dissociation entre l’intention
maternante et les soins réels au bébé, rendus parfois difficiles par le fait d’un
syndrome de sevrage décourageant.
Polydépendances. Dans l’étude citée de Lejeune, 85 % des enfants étaient
sortis avec leur mère, dont 17 % avec une mère hébergée et 15 % avaient
été séparés d’elle par décision judiciaire. Les facteurs corrélés (p < 0,001) à
un placement judiciaire de l’enfant étaient une consommation en fin de
grossesse de plus de 3 substances psychoactives (76,9 % en cas de placement
contre 28,6 % sinon), de cocaïne ou de crack ou de benzodiazépines tous
les jours, et sur le plan psychosocial, à des pathologies psychiatriques mal
maîtrisées, à une grossesse non acceptée et mal suivie, à un père absent,
à une mère ne participant pas aux soins de son bébé et ne l’allaitant pas,
à un contexte socioculturel très défavorable avec souvent une absence de
domicile fixe et à une durée de séjour longue du fait d’une recherche infruc-
tueuse de solution pour prévenir la séparation.
Enfin, même si les séparations précoces dès la maternité sont devenues
rares (15  % dans l’étude de Lejeune et al.), grâce notamment aux alter-
natives d’accompagnement au domicile voire aux accueils séquentiels
des mères ou des enfants chez des assistantes maternelles, il ne faut pas
négliger l’effet contenant et protecteur ressenti par ces parents lorsqu’une
décision judiciaire de protection de l’enfant intervient dès la maternité.
Parfois, c’est même seulement à partir de cette dissociation énoncée des
intérêts de la mère et de l’enfant que peut commencer un travail sur le lien
mère-enfant.
Substances psychoactives, licites et illicites 331

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15 Modifications ordinaires et
troubles du comportement
alimentaire
Les modifications du comportement alimentaire sont fréquentes durant la
grossesse. Elles entretiennent une certaine continuité avec des manifesta-
tions considérées comme des troubles avérés. En ce sens, elles interrogent les
limites entre le normal et le pathologique, entre le soin (care) et le traitement
(cure), entre l’organisation physiologique et l’émergence du symptôme.
Le DSM-V (APA), dans la rubrique « Troubles des conduites alimentaires »,
distingue un nombre considérable de catégories : anorexie mentale (anorexia
nervosa), boulimie (bulimia nervosa), alimentation compulsive (binge eating
disorder), le pica, le mérycisme, la consommation alimentaire évitante/
restrictive, les troubles alimentaires autres spécifiés et les troubles non spécifiés.
La philosophie du texte conduit à inclure presque tous les comportements
particuliers de nourrissage et d’alimentation parmi les désordres psychiques.

Modifications ordinaires et limites


du comportement alimentaire
Modifications qualitatives
Il est depuis longtemps décrit des modifications du comportement alimen-
taire durant la grossesse. Quelques-unes échappent encore à la classifica-
tion, telles les aversions électives ou la compulsion pour les produits sucrés !
Étrangement, un trouble sévère tel l’hyperemesis gravidarum pouvant mena-
cer la vie de la mère n’est pas classé parmi les troubles du comportement
alimentaire dans le DSM V, au contraire de la CIM 10.

Envies et dégoûts
Sous le terme d’envie, les anciens auteurs décrivent aussi bien certains habi-
tus de la grossesse, tels l’absorption compulsive de produits non comes-
tibles (pica), exceptionnelle aujourd’hui dans les pays industrialisés, ou les
besoins irrépressibles de se nourrir avec des aliments habituellement offerts
à la satisfaction infantile, tels les produits sucrés. Ces démarches sont parti-
culières par l’intensité du sentiment de nécessité qui peut les accompagner
(craving). Certains auteurs les ont comparées aux compulsions de troubles
obsessionnels (Njiru et al.,  2011), d’autres à l’équivalent d’une conduite
addictive (Kozlowski et Wilkinson, 1987).

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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340 Psychopathologie périnatale

Le pica. Il est assez répandu dans les pays économiquement défavorisés


avec une prévalence comprise entre 5 et 50 %, notamment sous forme de
géophagie (Rose et al., 2000). Dans certains pays africains sa prévalence est
particulièrement élevée en relation avec des pratiques religieuses, culturelles
mais aussi en réponse à la privation. Au Nigéria (Njiru et al., 2011), elle est
estimée à 50 % environ. Le pica été décrit surtout comme un trouble, du
fait de ses complications comme par exemple l’anémie ferriprive, qui
en est aujourd’hui plutôt considérée comme une cause, l’intoxication et
les parasitoses. Il pourrait toutefois être une source de fer dans les popu-
lations qui ne reçoivent pas de dose suffisante. Il est aussi retrouvé avec
une fréquence élevée chez les patients atteints de troubles mentaux sévères.
Dans les pays où il n’est pas la coutume, il est considéré comme un trouble
mental ! Il peut être associé à la trichotillomanie, représentant une forme
d’attaque du corps propre : la signification de la conduite s’interprète donc
à partir du contexte. En 2006, une étude danoise (Mikkelsen et al., 2006)
menée auprès de 100  000  femmes enceintes met en évidence 0,02  % de
consommations sans but alimentaire, mais 30 % de non-réponses peuvent
masquer une prévalence plus forte comme pour tous les comportements
stigmatisés.
De l’attirance au craving pour les produits sucrés. Il est rapporté
que 50 à 90 % de femmes ont eu à un moment de leur grossesse un besoin
irrépressible de produits sucrés, incluant le chocolat, les fruits et le jus de
fruits (Pope et al., 1992 ; Bayley et al., 2002). L’acmé de ces comportements
survient durant le second trimestre et tend à diminuer vers la fin du troi-
sième trimestre. Dans presque tous les cas, il cesse durant le post-partum. Des
liens avec le diabète gestationnel ont été évoqués, sans nette corrélation.
Des aversions électives peuvent s’installer conjointement. Elles pren-
nent parfois l’allure de conduites phobiques. L’ensemble de ces manifesta-
tions sont, selon Ellis (1926), à la fois universelles et rapportées continuelle-
ment depuis l’Antiquité. Une étude menée au siècle dernier retrouvait,
parmi 300 femmes enceintes, un tiers présentant de telles conduites (Giles,
1893 cité par Ellis, 1926). Fairburn et al. (1992), dans une population de 100
femmes enceintes étudiée prospectivement, ont retrouvé ces modifications
alimentaires largement présentes en début de grossesse, tendant à rapide-
ment disparaître par la suite. Elle a été aussi retrouvée (Pope et al., 1992)
chez deux tiers des adolescentes, l’aversion portant essentiellement sur les
viandes et les œufs.

Mérycisme et régurgitations
L’étude des régurgitations durant la grossesse est compliquée par la
certitude de reflux physiologiques qui peuvent concerner jusque 80 %
de la population. Le mérycisme qui associe régurgitations et remas-
tication des aliments a été décrit essentiellement chez l’enfant et chez
certains malades mentaux (Rajindrajith et al., 2012 ; Guédeney, 1995).
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 341

Il est exceptionnel durant la grossesse. Nous avons nous-mêmes observé


l’association de vomissements spontanés durant la grossesse à des
vomissements provoqués et au ­mérycisme, cette association ayant été
remarquée par d’autres auteurs (­Birmingham et Firoz,  2006  ; Parry-
Jones, 1994).

Modifications quantitatives de la consommation


alimentaire
Une femme enceinte de poids standard et en bonne santé grossit en
moyenne de 11 à 13 kg. Dans le cadre des troubles des conduites alimen-
taires (TCA), le gain pondéral est souvent inférieur au minimum recom-
mandé. Mais il n’existe pas de prise de poids idéal, seul importe le poids du
fœtus à la naissance. Or, le poids de naissance de l’enfant est fonction non
seulement du gain pondéral, mais aussi du poids initial avant la grossesse.
Restriction. Selon Fairburn et Welch (1990), 28  % des primipares
acceptent mal les modifications corporelles de la grossesse, 40 % s’inquiè-
tent de trop grossir, et 72 % craignent de ne pas retrouver leur poids anté-
rieur après l’accouchement. Les modifications corporelles seraient mieux
acceptées en fin de grossesse.
Accroissement. Une étude menée dans le sud du Brésil (Soares et al., 2009)
retrouvait une prévalence durant la grossesse du binge eating de 17  %
dont l’occurrence était augmentée en cas d’antécédents de binge eating, de
troubles anxieux actuels et d’un BMI < 20. Les troubles anxieux caractérisés
(définition du DSM) étaient présents dans 0,6 % de la population. L’asso-
ciation aux nausées et vomissements est possible. Le gain pondéral devra
être ainsi important chez les anorexiques, car elles ne peuvent compter sur
leurs réserves énergétiques. Une augmentation considérable de l’appétit est
parfois constatée chez certaines femmes, ou un grignotage constant, qui
mêle probablement plusieurs facteurs, dont l’anxiété.

Anorexie et boulimie
Définition et épidémiologie
L’anorexie mentale. Depuis Lasègue, en 1873, sa définition a peu évolué.
Elle associe anorexie, aménorrhée et amaigrissement. Un des ajouts les
plus importants à cette description porte sur l’image troublée du corps et
le déni de l’amaigrissement, voire du risque vital. Elle est essentiellement une
affection de l’adolescente et de la femme jeune avec deux pics pour l’âge de
début, 14-15 et 18-19  ans. L’incidence annuelle du trouble est estimée à
0,8/10 000 et sa prévalence entre 0,3 et 1 % (Hoek, 2006). La stratégie de
contrôle du poids peut menacer gravement l’équilibre hydro-électrolytique :
vomissements provoqués, hyperactivité motrice, médicaments avec, en
particulier, usage de laxatifs, de diurétiques et de différents anorexigènes.
342 Psychopathologie périnatale

Peuvent s’y adjoindre une potomanie ou un mérycisme. Au fur et à mesure


de la progression des troubles, la perception de l’image corporelle s’altère,
l’amaigrissement même très important est souvent méconnu ou dénié.
L’anorexie peut acquérir un caractère de chronicité ou bien récidiver à
l’occasion d’événements stressants. Si environ 80 % des sujets sont consi-
dérés comme guéris à la suite du premier épisode, 20 % environ présentent
encore un an après des symptômes du trouble et 10 % un état de chroni-
cité mettant leur vie en danger (Zipfel et al., 2000). La durée moyenne du
trouble est de l’ordre de quatre années.
La boulimie est un désordre psycho-comportemental complexe, essentielle-
ment féminin, qui associe à des épisodes critiques de gavage alimentaire des
stratégies consécutives de contrôle du poids et des préoccupations exces-
sives quant aux formes corporelles. Les vomissements, très investis, souvent
ritualisés, constituent une conduite d’annulation. Ils sont parfois suivis
d’amnésie ou d’assoupissement. Les formes mixtes (anorexie-boulimie)
sont fréquentes.

L’étiologie du trouble anorexique


Le trouble a d’abord été décrit au xixe siècle comme une affection primiti-
vement cérébrale, affectant le système endocrinien, et a été ensuite reconnu
comme une affection primitivement psychologique. Aujourd’hui, où des
modèles plus complexes sont proposés, aucune étiologie n’est exclusive.
Par ailleurs tant sur le plan comportemental que biologique, l’anorexie pré-
sente quelques points communs avec le trouble addictif.
Profil hormonal. Il est typiquement caractérisé par une altération de la
fonction corticotrope avec augmentation du cortisol libre urinaire et de
la cortisolémie, un dysfonctionnement hypothalamo-hypophysaire avec
hypoœstrogénie, disparition des pics spontanés de LH et diminution de la
LH et FSH sériques. L’anorexie elle-même entraîne une diminution
de la masse grasse qui impacte le métabolisme des stéroïdes. La plupart
des modifications biologiques constatées sont réversibles à l’arrêt de l’amai-
grissement. Toutefois les modifications hormonales constatées sont incons-
tantes, complexes et nombreuses (Bailer et Kaye, 2003). Elles affectent les
neuropeptides (CRH notamment mais aussi vasopressine et ocytocine) et
les monoamines (sérotonine, dopamine, norépinéphrine, hormones thy-
roïdiennes). Les interactions entre les déterminations psychologiques et
biologiques ne sont pas clairement connues.
Génétique et épigénétique. Il est supposé des mécanismes épigénétiques qui
permettraient de relier certaines descriptions des premiers soins maternels
à l’advenue de comportement ultérieur spécifique chez l’enfant. Il pourrait
exister des phénotypes différents, plusieurs ont été proposés selon des critères
variés comme l’association ou non d’une boulimie (type restrictif) ou l’absence
de réversibilité des modifications biologiques après rétablissement clinique.
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 343

Une participation génétique a aussi été évoquée à travers les études sur les
jumeaux. Il n’existe pas, malgré quelques résultats intéressants d’indication
tangible, de gènes précisément impliqués dans la survenue du trouble.
Activité cérébrale. Les études en imagerie fonctionnelle montrent un dys-
fonctionnement du signal Bold au niveau du striatum ventral qui présen-
terait une certaine spécificité, en relation avec les systèmes de récompense
(Cowdrey et al., 2013) que l’on pense impliquer dans l’anorexie.
Facteurs de risque. Certains sont communs à d’autres troubles psychia-
triques : antécédents familiaux du même trouble, troubles affectifs, consom-
mation de substances psychoactives, antécédents stressants, manque de
soutien social et certains traits de personnalité comme le perfectionnisme,
un conformisme excessif et une faible estime de soi (Fairburn et al., 1997,
1999). L’abus sexuel semble un risque spécifique de la boulimie (Welch et
Fairburn, 1994 ; Welch et al., 1997). Senior et al. (2005) ont montré que la
remémoration de maladies physiques des parents et les expériences sexuelles
précoces non désirées sont associées indépendamment avec les troubles du
comportement alimentaire, l’usage de laxatifs et les vomissements durant
la grossesse, ainsi que des préoccupations excessives concernant le poids
ou la forme du corps.

Hypothèses psychopathologiques
Freud rapprochait l’anorexie de la conversion hystérique, expression d’un
refoulement de l’érotisme oral. Actuellement, une tendance se dessine à
associer les conduites anorexiques à un trouble de l’édification du narcis-
sisme. Plus qu’une organisation psychopathologique structurée, Corcos
et al. (1998) évoquent une absence d’organisation stable du moi, une forte
vulnérabilité narcissique et des défenses névrotiques précaires. Bruch (1977)
fait état d’une lutte désespérée et vaine, entreprise par le sujet durant de
nombreuses années, pour constituer un sentiment de contrôle et d’identité.

L’anorexique et l’image du corps


Le rôle des parents dans le développement de l’image du corps a été souligné
dès 1932 par Levy puis par Schilder (1932/1968) dans son ouvrage princeps
en 1958. Selvini-Palazzoli (1967) évoque le caractère essentiel des relations
précoces de l’anorexique à sa mère et particulièrement « l’incorporation »
à visée défensive du mauvais objet maternel. Selon Brusset (1977), les rela-
tions de la mère de l’anorexique à son bébé fille seraient marquées par l’atti-
tude plus ou moins pathologique avec laquelle la mère assume sa propre
identité sexuée et assure un contrôle actif sur son bébé et ses pulsions. La
différenciation d’avec la mère resterait difficile, l’enfant étant entretenu et
contraint par le désir de sa mère. À l’adolescence, le corps sexué, identifié
à celui de la mère, serait rejeté. Bruch (1984) insiste sur le contrôle de la
mère sur (l’image du) corps de sa fille qu’elle cherche à façonner selon son
344 Psychopathologie périnatale

propre désir. Jeammet relève l’insuffisante différenciation d’avec les images


parentales, évoquant dans la construction de l’image du corps la prévalence
d’un fantasme d’englobement sujet/objet.
La dénégation des impératifs corporels, voire de la réalité du corps propre,
s’associe à un refus de son aspect sexué. Des troubles perceptifs de type enté-
roceptif peuvent être présents, ainsi que des dysmorphophobies. Les plus
fréquentes concernent l’obésité et électivement le «  gros ventre  ». Bruch
(1984) parle de trouble du concept du corps.

Troubles de la sexualité
Les jeunes filles anorexiques sont classiquement décrites ascétiques, enfan-
tines, immatures, asexuées ou anti-sexuées. Pour Jeammet (1984), la sexua-
lité fait l’objet d’un refoulement massif. L’ensemble des sentiments qui
devraient l’accompagner, de l’attrait au plaisir et de la pudeur au dégoût
sont déplacés sur les activités alimentaires. L’activité sexuelle, quand elle
existe, est anhédonique, machinale et s’inscrit dans les comportements de
maîtrise. Les satisfactions sexuelles demeurent généralement limitées, mal-
gré parfois des comportements de séduction. Jeammet décrit des conduites
sexuelles qui, malgré leurs apparences érotiques, sont marquées par «  la
conquête plus que la satisfaction, et la maîtrise plus que l’abandon ».
Troubles anxieux et dépressifs. Actuellement, certains auteurs insistent
sur la fréquence des éléments dépressifs et les problèmes endocriniens associés,
suffisants pour expliquer les difficultés sexuelles. De plus, l’anorexie apparaît
aussi comme une crise développementale et peut, en tant que telle, répondre
à plusieurs impasses dans le développement : sa psychogenèse ne serait pas
univoque. Enfin, l’âge est un facteur déterminant en matière de sexualité  :
l’anorexie prépubère est plus rare et, par ailleurs, les anorexiques sont plus
jeunes que les boulimiques. Des recherches ont mis en évidence une fréquence
majorée des abus sexuels de l’enfance chez les femmes présentant des troubles
des conduites alimentaires, notamment en cas d’anorexie-boulimie.

Fécondité et complications obstétricales


Plusieurs revues de la littérature concordent pour montrer une naissance
plus tardive du premier enfant et une moindre fécondité globale. Parmi les
femmes consultant pour infertilité et présentant une aménorrhée ou une
oligoménorrhée, Steward (1992) avait mis en évidence 58  % de troubles
du comportement alimentaire, alors même que le trouble n’avait pas été
recherché dans le cours de la consultation.
Une importante étude (Linna et al., 2013) concernant 2 257 femmes trai-
tées pour troubles du comportement alimentaire à Helsinki, avec un groupe
contrôle d’environ 9 000 sujets, entre 1995 et 2010, a mis en évidence une
plus grande probabilité d’être sans enfants (RR =  1,86), d’avoir entrepris
une IVG (RR = 1,85) ou d’un avortement spontané (RR = 3,18).
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 345

Le taux de prématurité et surtout d’avortements semble bien plus élevé que


dans la population générale (Bulik et al., 1999), tandis que le taux d’allai-
tement est abaissé (Blais et al.,  2000  ; Waugh et Bulik, 1999). D’autres
complications ont été retrouvées comme un retard de croissance intra-utérin
(Koubaa et al.,  2005). Une étude n’a pas retrouvé de différence de risque
entre les femmes présentant des antécédents d’anorexie mentale et celles
présentant un trouble actuel (Brinch et al., 1988). Par contre Morgan et al.
(2006) ont montré un risque plus élevé de dépression postnatale (RR =  2,8),
de fausse couche spontanée (RR  =    2,6) et d’accouchement prématuré
(RER =  3,3). Pour cela, ils ont comparé 122 femmes présentant durant la
grossesse une boulimie active et 82 femmes présentant des antécédents de
boulimie utilisant pour le diagnostic le SCID (eating disorders examination,
structured clinical interview for DSM-III-R) Les risques n’étaient pas expliqués
par les facteurs de confusion comme l’adiposité ou la consommation de
toxiques. La présence de vomissements pendant la grossesse est aussi un
facteur de risque de naissance d’un enfant de petit poids (Conti et al., 1998).
Il est toutefois possible que l’Hyperemesis soit une explication plus facile à
présenter pour les futures mères que les vomissements provoqués.

Évolution du trouble durant la grossesse


et le post-partum
Pendant la grossesse. Aujourd’hui, la grossesse pendant une anorexie active est
souvent induite par stimulation ovarienne. Anorexie et boulimie sont très
fréquemment améliorées par l’état de grossesse (Conti et al.,  1998  ; Rocco
et al., 2005), particulièrement au troisième trimestre, qui représente une sorte
de période « d’indulgence » apportant une résolution temporaire des conflits
internes. Une étude en population générale (Senior et al., 2005) retrouve une
corrélation entre des relations sexuelles non désirées et des préoccupations
corporelles majeures durant la grossesse, pour le contrôle de la prise de poids
avec usage de produits laxatifs, vomissements. L’hyperemesis est plus fréquent
chez les femmes ayant des TCA (Conti et al., 1998).
Durant le post-partum. L’amélioration persiste quelque temps après l’accou-
chement. En cas d’anorexie stabilisée, des troubles anxieux peuvent être pré-
sents, mais c’est durant le post-partum que la plupart des auteurs rapportent
le risque très élevé d’une récidive du trouble, évalué jusqu’à 50 % (Brinch
et al., 1988 ; Blais et al., 2000) avec un retour à l’état antérieur pathologique
au bout de six mois. Une étude norvégienne (Knoph et al., 2013) portant
sur une cohorte d’environ 80 000 femmes suivies prospectivement à dix-
huit et trente-six mois du post-partum retrouve une évolution plus positive :
la rémission des troubles, comparée à la période précédant la grossesse, est
d’environ 50  % pour les patientes anorexiques mais de seulement 20  %
pour celles présentant des troubles de type binge eating.
346 Psychopathologie périnatale

Les causes de l’amélioration survenant durant la grossesse restent incon-


nues, certains proposent une explication psychologique, d’autres les modi-
fications de l’activité endocrine du placenta.

Relations précoces et développement de l’enfant


Le maternage de la mère anorexique est plutôt adéquat. Toutefois chez
une fraction non négligeable d’entre elles (20 % environ), la relation pré-
coce mère-enfant tend à être perturbée par des préoccupations excessives
concernant l’alimentation (Brinch et al., 1988 ; Stein et al., 2006 ; Waugh et
Bullick, 1999) avec un retard pondéral au-delà de deux déviations standard
persistant au-delà de la première année. Les mères souffrant de TCA tendent
aussi à adhérer avec rigidité au rythme de puériculture, particulièrement
en ce qui concerne le nourrissage (Evans et Le Grange, 1995). Ce compor-
tement résulterait d’une moindre confiance en leur capacité à reconnaître
les signaux émis par leur bébé, mais aussi de la nécessité de contrôler le
comportement de leur enfant. Cette attitude s’associe parfois à un déni des
compétences du nourrisson. L’allaitement au sein, source d’inquiétude, est
souvent interrompu. Les mères s’imaginent ne pas avoir assez de lait et crai-
gnent de ne pas nourrir suffisamment leur enfant, surtout s’il s’agit d’une
fille. Plus tardivement, l’alimentation demeure souvent source de conflits
(Evan et Le Grange, 1995). La littérature comporte quelques rares exemples
de mères qui affament véritablement leur enfant.
Les conséquences à plus long terme sont moins connues. Une étude pros-
pective (Micali et al., 2013) menée au Royaume-Uni dans une cohorte de
8 622 femmes, dont 193 rapportaient l’existence d’un trouble anorexique
et 158 d’une boulimie, a examiné le devenir des enfants à trois ans et demi.
L’étude, utilisant une analyse multivariée, a montré que les filles avaient
un risque plus élevé de présenter les troubles émotionnels (OR = 1,7), un
trouble des conduites (OR = 2,2) ou un syndrome d’hyperactivité (OR = 1,8)
et les garçons seulement plus de troubles émotionnels (2). Des troubles ont
été aussi mis en évidence en cas de boulimie. L’existence de conséquences
dommageables sur la santé des enfants semble être médiée par les troubles
anxio-dépressifs associés.

Thérapeutique
Dans les formes graves, une prise en charge thérapeutique multidiscipli-
naire associant obstétricien, nutritionniste et psychiatre est souhaitable.
Il importe de prendre en compte la fréquente comorbidité psychiatrique
(notamment troubles dépressifs, abus de toxiques et parfois TOC) et de
tenir compte de la vulnérabilité traumatique avec un rapport au corps et
une sexualité souvent perturbés. L’hospitalisation est préconisée pour les
femmes ne pouvant contrôler leurs conduites ou présentant des fluctua-
tions pondérales trop importantes ou lorsqu’il existe une prise de poids
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 347

insuffisante. Avant la grossesse, l’évolution favorable lors d’un traitement


psychothérapique (TC) de la boulimie semble être un bon indicateur du
désir de grossesse et d’enfant et de la qualité des relations avec le nourrisson
ensuite (Carter et al., 2003a et b).

Vomissements gravidiques sévères


(Hyperemesis gravidarum)
Définitions et généralités
On désigne sous ce terme des vomissements abondants, répétés ou incoer-
cibles entraînant des désordres métaboliques. Typiquement, ces vomis-
sements commencent avant 22 semaines de gestation, se répètent tout au
long de la journée, s’associent à un état de jeûne et provoquent une perte
de poids supérieure à 5  % du poids initial, une déshydratation intra et
extracellulaire et des désordres électrolytiques avec un risque de mort fœtale
ou maternelle. Les principales complications sont une insuffisance rénale
fonctionnelle, des troubles neurologiques avec, au premier plan, une encé-
phalopathie de Gayet-Wernicke, des hémorragies digestives, un trouble
hépatique. Il est rare que les symptômes psychiques associés soient au
premier plan : angoisse, détresse, troubles du sommeil, fatigue, irritabilité.
La fréquence de l’hyperemesis gravidarum (HG) est mal connue, de l’ordre
de 0,3  % dans les formes caractérisées mais des études rapportent jusque
2 % des grossesses (Goodwin, 2008). Ce large écart résulte de diagnostics
étendus à des formes de moindre sévérité. Si le trouble est décrit depuis le
début du IIe siècle avant J.-C par Soranos d’Ephèse, son étiologie demeure
toujours mal cernée. Des facteurs biologiques, psychologiques et culturels
semblent étroitement intriqués.
Hypothèses hormonales. Elles reposent sur un faisceau d’arguments (Verberg
et al., 2005) et impliquent au premier plan le rôle de l’hormone chorionique
gonadotrophique (HCG), et potentiellement d’autres hormones (TSH,
leptine, œstrogènes, progestérone, hormone de croissance, prolactine). Une
susceptibilité génétique est fréquemment évoquée.

Hypothèses étiologiques

Hypothèses psychosociales
Une telle diffusion de cette symptomatologie serait propre aux sociétés
industrialisées et son existence spécifique à l’homo sapiens (Iancu et al., 1994).
Très sensible à l’environnement, sa prévalence augmente en l’absence
de soutien social, notamment en cas de mauvaises relations conjugales
(surtout maintenues par un déni mutuel). Elle serait considérablement
diminuée en temps de guerre. L’efficacité thérapeutique de la mise à l’abri
348 Psychopathologie périnatale

des stress sociaux ordinaires par l’isolement est aussi un argument en faveur
de l’influence psychosociale.

Hypothèses génétiques
Une étude menée en Norvège (Vikanes, 2008), a montré une forte dis-
parité du trouble selon le lieu de naissance des mères : 3 % environ chez
les femmes nées en Inde et en Afrique mais seulement 0,8 % chez les mères
nées en Europe de l’Ouest ou aux USA. Les auteurs attribuent ces différences
à de potentiels facteurs génétiques, infectieux ou alimentaires, ignorant
l’éventualité de facteurs psychologiques ou culturels. Il a été suggéré que
l’existence d’isoformes d’HCG pourrait expliquer tant la variabilité indivi-
duelle que celle des populations.

Constructivisme social
Un courant d’analyse sociale s’oppose à l’hypothèse d’une participation
psychogène au trouble. Il prend pour argument principal des entretiens
avec des femmes enceintes assurant elles-mêmes qu’elles n’ont d’autres
difficultés psychologiques que celles causées par les vomissements. Outre
que l’argument paraît faible, il s’agit le plus souvent d’études ouvertes sans
groupe contrôle (Munch, 2002).

Attachement fœto-maternel
Une étude prospective contrôlée portant sur 32 patientes (McCormack
et al.,  2011) a montré que l’attachement au fœtus était altéré durant les
premiers temps de la grossesse et que des difficultés psychologiques tendent
à persister même après la fin des vomissements. L’extrême désagrément,
voire l’angoisse, que peut susciter l’HG, ainsi que son caractère stigmati-
sant pourrait contribuer à altérer le processus initial d’attachement fœto-
maternel et à expliquer la persistance des phénomènes de détresse après
les vomissements. Toutefois d’autres arguments montrent que ces éléments
sont insuffisants à inverser globalement le rapport de causalité.

Antécédents psychiatriques
Une étude (Seng et al., 2007) conduite auprès de 11 000 femmes ayant donné
naissance à des enfants uniques a retrouvé 208 cas d’HG. Environ 20 % des
parturientes présentaient un trouble psychique diagnostiqué avant la gros-
sesse et inscrit dans les dossiers d’assurance sociale : dans environ 10 % des
cas, un trouble anxio-dépressif ou l’abus de substances toxiques ; dans 10 %
des cas, un trouble somatoforme avec prépondérance de douleurs chro-
niques. Ce taux est très élevé tenant compte qu’il sous-estime la prévalence
réelle, car les troubles doivent avoir été diagnostiqués médicalement avant
la grossesse pour être inclus.
Swallow et al. (2004) étudient, sur un petit échantillon de 273 femmes
à 12 semaines de gestation, l’humeur, le sentiment de bien-être et par une
Modifications ordinaires et troubles du comportement alimentaire 349

échelle adaptée la prévalence et la sévérité des nausées et vomissements.


Ces derniers sont présents chez environ 50  % de la population, ils sont
associés à la plupart des échelles du general health questionnaire (GHQ) à
l’exception de l’humeur qui en semble totalement indépendante.
D’autres associations significatives dans des études contrôlées ont été
retrouvées notamment avec des antécédents d’anorexie et de boulimie. Par
ailleurs, certains cas d’hyperemesis gravidarum s’accompagnent rapidement
de vomissements induits qui peuvent se poursuivre dans le post-partum par
une anorexie avec vomissements. Certains auteurs parlent de « phénomène
appris  ». L’analyse psychodynamique de patientes présentant des vomis-
sements graves et les rares études contrôlées utilisant des évaluations psy-
chologiques instrumentales convergent aussi pour suggérer une forte asso-
ciation entre HG, troubles de conversion et troubles somatoformes (Guze
et al.,  1959). L’hospitalisation, l’isolement ou des entretiens psychothéra-
piques améliorent très souvent l’état psychologique global et font cesser les
vomissements, mais les récidives sont fréquentes à leur arrêt et sources de
réhospitalisations.

Conséquences sur l’enfant


Elles ont été peu étudiées. Une étude prospective a montré l’existence de
plus fréquents troubles du comportement ou neurodéveloppementaux
dont l’origine reste indéterminée, fœtale ou postnatale, biologique ou psy-
chosociale (Mullin et al., 2011).

Thérapeutique
Elle repose dans les formes les plus sévères sur la réanimation et sur l’isole-
ment social comme dans les autres formes sévères de troubles du compor-
tement alimentaire. L’isolement sensoriel complet n’a pas démontré son
utilité. La prescription d’antiémétiques n’est pas systématique.
Le recours à un traitement psychothérapique (psychothérapie psychodyna-
mique, TCC, hypnose, relaxation) doit être envisagé en fonction du contexte et
des troubles associés. L’hypothèse que les vomissements seraient une forme
de réponse somatique à l’angoisse, mais aussi dans un certain nombre de cas
des manifestations de conversion, permettrait d’expliquer l’efficacité relative
de la suggestion et les succès de l’acupuncture et du placebo.

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16 Interruption de grossesse

Dans toutes les sociétés et de tout temps, la pratique d’interrompre volontai-


rement la grossesse a existé (Le Naour et Valenti, 2013 ; Crahay, 1941 ; Bajos
et Ferrand,  2006). En France, avant sa légalisation, l’avortement volontaire
était considéré comme un crime au même rang que l’homicide volontaire et
le meurtre. Dans les pays industriels, parallèlement à sa libéralisation, l’inter-
ruption volontaire de grossesse (IVG) fait l’objet de débats récurrents. Inter-
venant même indirectement dans la décision, mais surtout dans la réalisation
de l’acte, le médecin est un intermédiaire entre les femmes et le législateur.
Actuellement, l’IVG peut être réalisée par aspiration, sous anesthésie locale ou
générale ou, dans plus de 50 % des cas, à l’aide de médicaments. L’interrup-
tion de grossesse décidée après un avis médical, pour cause fœtale (> 97 % des
cas) ou maternelle, prend le nom d’interruption médicale de grossesse (IMG).

Cadre législatif
IVG. Selon la loi française, dite Veil et Pelletier, du 17 janvier 1975, « la femme
enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à
un médecin l’interruption de sa grossesse… ». Une jeune fille mineure doit
avoir l’autorisation d’un des parents ou du tuteur mais à certaines conditions
la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 lui permet de s’en affranchir. Depuis 2014
le détresse n’est plus exigible et l’IVG peut résulter du simple libre choix.
IMG. La loi française est la seule en Europe à donner la possibilité d’une inter-
ruption de grossesse jusqu’au terme. Aujourd’hui les indications maternelles
sont réduites et dominent les indications fœtales (malformations, anoma-
lies génétiques). La décision d’interruption de grossesse appartient aux parents
dûment informés, toutefois, deux médecins, dont l’un exerçant dans un centre
multidisciplinaire, attestent de la validité du « motif » thérapeutique. Les limites
de « la particulière gravité » ou de l’incurabilité de l’affection et la notion « de
péril grave de la santé de la femme » qui justifient légalement l’IMG, demeu-
rent, probablement par la volonté du législateur, incertaines et subjectives. Elles
permettent ainsi de s’adapter à l’évolution de la science et des mœurs mais
peuvent aussi donner lieu à des orientations régionales discordantes.

Épidémiologie
Interruption volontaire de grossesse. En France, plus de 90  % des
femmes sexuellement actives emploient une méthode contra­ ceptive.
Pourtant, le nombre d’IVG, 200 000 par an, est stable depuis une vingtaine

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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354 Psychopathologie périnatale

d’années : plus d’un tiers des femmes (36 %) ont eu recours au moins à une
IVG au cours de leur vie féconde. Deux tiers des IVG sont dues à un échec
ou un oubli. Le taux d’IVG est maximal en région Provence-Alpes-Côte
d’Azur (≈ 2 IVG  pour  100  femmes/an) et minimal dans les Pays de Loire
(≈ 1 IVG pour 100 femmes/an). Le ratio IVG/naissance (≈ 0,25, soit 1 IVG
pour 4 naissances) dessine une courbe en U, avec deux maximums et un
minimum. Le ratio minimal survient au maximum de la période féconde,
entre 20 et 35  ans, et le ratio est maximal aux périodes de plus faible
fécondité, avant 18  ans (R  ≈ 1,5) et après 40  ans (R  ≈ 1). À ces extrêmes
de la vie féconde, les grossesses ne sont en général pas planifiées, ce qui
est le cas aux États-Unis de 75 % des grossesses après 40 ans et 85 % avant
18 ans (Squires, 1995). Le jeune âge à la première grossesse est un facteur de
risque de recours répété à l’IVG, toutefois l’IVG est principalement le fait de
femmes plus âgées, mariées et exerçant une activité professionnelle.
Interruption médicale de grossesse. Elles représentent 3,5  % des
interruptions de grossesse. En 2006, environ 7  000 attestations ont été
­délivrées et 400 grossesses ont été poursuivies. Près de la moitié de ces gros-
sesses ont abouti à la naissance d’un enfant vivant. Les IMG après 22 semaines
d’aménorrhée concernent essentiellement les malformations et syndromes
malformatifs, en raison d’un diagnostic lui-même souvent tardif. L’indi-
cation maternelle est aujourd’hui d’environ 3  % (Agence de la bioméde-
cine, 2009).Une enquête en Ille-et-Vilaine (Schneider et al., 1994) retrouvait
parmi les indications maternelles, 4,3 % portées pour cause psychiatrique
(psychose, retard mental sévère, anorexie mentale, dépression sévère),
0,75 % pour viol et inceste et 2 % en raison d’un contexte social très défa-
vorisé avec un âge maternel très jeune (moins de 16 ans) et des grossesses
après ligature des trompes chez des femmes de plus de 38 ans.

Réactions psychologiques communes


Il n’a pu être établi en termes statistiques que l’avortement en lui-même
est responsable d’un traumatisme psychologique, dès lors qu’il résulte
d’un libre choix. La recherche d’un groupe contrôle adéquat n’est pas réa-
lisable, certaines études comparent le devenir des mères qui devant une
grossesse inattendue la poursuivent à celles qui l’interrompent, ce qui n’a
guère de sens. Par contre, il a pu être établi que l’IVG était un facteur de
risque d’aggravation de troubles psychiatriques préexistants (Fergusson
et  al., 2013) comme d’ailleurs la naissance.

Fantaisies et fantasmes accompagnant la décision de l’IVG


Ils ont été étudiés par Allanson et Astbury (1996) à l’aide de questionnaires et
d’entretiens. Les auteurs soulignent que la décision d’interrompre une gros-
sesse s’accompagne, à côté des pensées logiques ou raisonnées, de f­ antaisies
Interruption de grossesse 355

plus ou moins conscientes. Les présages, la pensée magique, l’anxiété géné-


rée par ces fantasmes sont autant d’éléments importants à considérer pour
comprendre le sens que peut prendre l’arrêt ou la poursuite de la grossesse.
Ces facteurs n’apparaissent pas, quand seuls les éléments rationnels sont
étudiés, par des questionnaires par exemple. Envisager d’interrompre une
grossesse n’exclut pas que la femme y soit attachée, entretienne les fantai-
sies de devenir mère ou s’attache à l’enfant in utero. Elle imagine commu-
nément quelle sorte de mère elle serait ou le sexe du bébé. Elle envisage
souvent l’option de continuer sa grossesse pour clarifier sa décision. Parfois,
pour cela, les femmes peuvent se représenter leur rôle futur et les modifica-
tions qu’il apportera à leur vie relationnelle. Parfois, les fantaisies sont plus
angoissantes : elles ont l’idée que quelque chose de terrifiant peut survenir
si elles poursuivent la grossesse ou que cela nuise à leurs relations avec des
personnes significatives. Elles craignent de devenir infertiles. Les idées de
se nuire, en particulier dans leurs fonctions reproductives, sont liées à une
culpabilité probablement spontanée, mais toutefois accrue par des mythes,
la stigmatisation sociale et le silence entourant l’avortement. L’angoisse de
décider peut les amener au souhait d’une fausse couche, avortement invo-
lontaire et spontané dont la femme ne serait plus responsable. Cet abord
passant par la vie imaginaire permet un dialogue thérapeutique entre des
émotions et des solutions contradictoires en associant des pensées ration-
nelles et non rationnelles ou fantasmatiques.

Réactions émotionnelles habituelles


Ambivalence. Toute interruption de grossesse est marquée par des sentiments
ambivalents. Généralement, l’IVG est bien supportée. Elle peut même être
un soulagement à une angoisse envahissante. Toutefois dans certains cas,
elle donne toutefois la possibilité de mettre en acte des fantasmes de mort
à l’égard d’un enfant, de réveiller le souvenir d’expériences traumatiques
(Hamama, 2010) ou d’engendrer une culpabilité massive notamment après
un précédent deuil périnatal. Chez la jeune adolescente, la grossesse, même
interrompue, peut signer la preuve de ses capacités procréatrices et l’IVG,
le signe de son entrée dans les problématiques sexuelles du monde adulte.
Selon Duprez et Viala (1988), chez certaines d’entre elles la preuve de la
fertilité étant faite, le suivi contraceptif sera généralement bon.
Enquêtes en population générale. Major et al. (2009), par une revue de la lit-
térature, concluent qu’une interruption légale au premier trimestre de gros-
sesse n’est pas un danger psychologique pour la femme. Malgré la fréquence
de sentiments plus ou moins mêlés de regrets, de tristesse et de culpabilité,
marqués mais transitoires (10 à 30 %), l’interruption légale d’une grossesse
non désirée connaît généralement une issue favorable (Adler et al., 1990 ;
Stotland,  1992  ; Henshaw et al.,  1994a et b). Le ­post-abortion blues des
­Anglo-Saxons associe regret, tristesse transitoire, colère à l’évocation de
356 Psychopathologie périnatale

l’IVG par des tiers, culpabilité. L’incidence des réactions négatives sévères
après un avortement est basse selon l’étude de Lazarus (1985)  : deux
semaines après une IVG, 76 % des femmes rapportaient un sentiment de
soulagement, tandis que l’émotion négative la plus commune, à savoir la
culpabilité, était notée chez seulement 17 % : il ne s’agit pas de troubles
psychiatriques. Ce résultat est retrouvé dans la quasi-totalité des études
menées dans les nations industrialisées. L’autonomie de décision et un
soutien social et affectif sont les meilleurs facteurs prédictifs d’une issue
favorable.

Risques psychiatriques de l’IVG


Une vulnérabilité psychique plus fréquente
Rôle des antécédents. Des antécédents de troubles psychiatriques sont plus
fréquents chez les femmes qui recourent à l’IVG. Une étude menée aux
Pays-Bas (Van Ditzhuijzen et al.,  2013) a comparé les antécédents de  325
femmes ayant subi une IVG à 1 902 femmes de la population générale. La
prévalence vie-entière a été estimée à partir du CIDI  3.0 (Composite Inter-
national Diagnostic Interview 3.0). Les auteurs ont retrouvé un risque relatif
de troubles psychiatriques significativement augmenté (OR = 3), particuliè-
rement pour les troubles des conduites (OR = 7) et la dépendance addictive
(OR = 5).

Caractéristiques des interruptions de grossesses à risque


Les indications médicales (souvent génétiques dans les IMG précoces), l’exis-
tence d’antécédents psychiatriques, l’avortement tardif, le maintien d’un
haut degré d’ambivalence vis-à-vis du fœtus et la persistance de l’attachement
après sa perte, une faible estime de soi, un sentiment d’aliénation, la mécon-
naissance relative des procédés contraceptifs et une décision très ambivalente
ou contrainte sont des facteurs de risque de réactions défavorables. Le soutien
par les parents ou le partenaire protège de la dépression et s’associe à moins
de plaintes somatiques post-abortum (Major et al., 2009). Si, pour toutes les
femmes, l’anxiété diminue fortement après l’avortement, cette améliora-
tion est plus nette chez celles qui présentaient des stratégies d’approche
(par exemple réfléchir à la procédure, en parler) par rapport à celles utilisant
le déni (Major et al.,  1985). Une étude anglaise (Handy,  1982) rapporte,
pour les femmes les plus en difficulté par rapport à la décision à prendre,
l’impact négatif d’un service médical qui n’éprouve pas de sympathie à leur
égard. Les affects dépressifs trois semaines après l’avortement (mesurés par
le BDI) sont moins intenses chez les femmes qui déclarent ne pas avoir eu
l’intention d’être enceinte par rapport à la minorité de celles qui en avaient
eu le souhait (Major et al., 1985).
Interruption de grossesse 357

Modèles univariés : des résultats discordants


La santé mentale après une IVG est largement dépendante des facteurs qui ont
conduit à la pratiquer, des conditions socio-économiques et de l’existence de
troubles préalables. Il n’a pas pu être établi que l’IVG à elle seule entraîne une
pathologie spécifique identifiable. Steinberg et Finer (2011) ont repris les résul-
tats de l’étude prospective de Coleman (Coleman et al., 2009) qui avait conclu
au risque psychiatrique de l’IVG. Ils ont montré que l’IVG dans un modèle
univarié était significativement corrélée à des manifestations anxieuses ou à
un trouble de l’usage de substances, mais non à un trouble dépressif. Après
l’introduction dans le modèle d’antécédents de violence subie et d’anté­
cédents de troubles psychiatriques, l’analyse multivariée ne retrouvait plus
aucune corrélation significative entre la santé mentale et l’IVG. Plusieurs
études ont montré que chez les patientes présentant déjà des troubles, ceux-
ci tendent à s’aggraver ou rechuter après l’interruption de grossesse, en
particulier les troubles anxieux, l’usage de l’alcool et plus encore de drogues
illicites, et enfin les comportements suicidaires (Fergusson et al.,  2013).
Cette tendance et l’absence de prise en compte des facteurs de confusion
pourraient expliquer certains résultats péjoratifs. Au total, l’IVG conduit à
plus de troubles quand la femme qui l’entreprend est déjà troublée ou bien
qu’elle décide l’IVG avec un sentiment de contrainte.

Évolution
Quand des troubles psychologiques surviennent, ils tendent à diminuer rapi-
dement après l’avortement. Freeman et al. (1980), dans une étude incluant
400 femmes, montrent que les troubles, évalués par les scores au SCL-90,
dépression et anxiété, sont élevés à plusieurs sous-échelles avant l’avorte-
ment, mais diminuent significativement et rapidement par la suite. Mais
si la plupart des femmes réalisant une IVG ne vivent pas une expérience
psychologique très négative, des cas cliniques rapportent leur existence. La
forte ambivalence sur le désir de grossesse peut entraîner une sensation de
perte  douloureuse. D’autres réponses négatives sont favorisées par l’impor-
tance du conflit entre les valeurs propres ou croyances de la femme et le désir
d’avorter, la perception d’une stigmatisation sociale, le manque de support
social et les carences précoces.

Un cas particulier : les psychoses du post-abortum


Brewer, en  1977, dans une étude prospective menée au Royaume-Uni,
recense 0,3/1  000 admissions psychiatriques pour psychose puerpérale
dans le post-abortum contre 1,7/1  000 dans le post-partum. Au Danemark,
David (1985) compare trois échantillons de femmes, celles donnant nais-
sance, celles avortant et des femmes de la population générale âgées de 15 à
45 ans. Les admissions psychiatriques dans les quinze mois précédant et les
358 Psychopathologie périnatale

trois mois suivant l’événement étaient répertoriées. Les taux d’admission


psychiatriques étaient de 1,2/1 000 en post-partum, de 1,84/1 000 après un
avortement et de 0,75/1 000 dans la population générale.

Conséquences maternelles et
développementales du refus de l’interruption
de grossesse
Les études présentées ont été réalisées dans les pays ou les États où l’IVG
a pu être sévèrement contrôlée ou bien interdite. L’étude de la cohorte de
Prague présente les meilleures qualités méthodologiques.

Conséquences maternelles
Adaptation maternelle. Les femmes à qui l’avortement a été refusé montrent
un ressentiment persistant qui peut durer des années et les enfants nés à
la suite de cette grossesse présentent plus souvent des difficultés sociales,
interpersonnelles et dans leurs occupations qui peuvent durer jusqu’à l’âge
adulte (Dagg, 1991). Parmi 249 femmes interrogées sept ans après un refus
d’avortement (Hook, 1963 cité par Dagg, 1991), 27 % déclarent s’être bien
adaptées d’emblée à la grossesse et à l’enfant, 51 % rapportent des troubles
psychiques et une tension pénible pendant une durée considérable après la
naissance qu’elles ont actuellement dépassés, et enfin 22 % affirment souf-
frir encore de troubles mentaux et ne pas s’être adaptées.
Suicide et tentatives de suicide. Staehelin (cité par Duchene en 1956) affirme
qu’un cinquième des femmes en état de grossesse illégitime font de sérieuses
tentatives de suicide. Dans ce même article de 1956, Duchene cite Strasser :
« Le danger de suicide, à mon avis, est considérable chez presque toutes les
femmes en état de grossesse illégitime, et aussi d’autres requérantes. Ici, il
n’y a rien d’autre à envisager que l’interruption légale de la grossesse. Ce
ne sont pas les juges d’instruction qui portent les responsabilités de nos
décisions, mais nous seuls. » Pourtant, si les menaces de suicide rapportées
sont fréquentes, le taux de suicide réel est bas. Un ouvrage de 1984 sur le
suicide pendant la grossesse (Hook cité par Brockington, 1996) rapporte que
12 % de 294 femmes suédoises ont menacé de se suicider suite à un refus
d’avortement mais aucune ne s’est suicidée. En Suède, 3 cas de suicide ont
été enregistrés suite à un refus d’avortement entre 1938 et 1958 et aucun
les vingt années suivantes. Selon Brockington (1996), une grossesse non
désirée reste un facteur de risque de suicide.
Relations avec l’enfant. Pare et Raven, en 1970 (cité par Dagg,  1991),
rapportent que, parmi 73 femmes à qui l’interruption de grossesse a été
refusée, 59  % déclarent, un à trois ans après le refus, avoir bien accepté
l’enfant et être satisfaites de ne pas avoir avorté, tandis que 34 % rapportent
que l’enfant reste encore un fardeau pour elles.
Interruption de grossesse 359

Conséquences sur l’enfant


Devenir des enfants. En Suède, pendant les années de guerre l’avortement
était interdit. Une étude longitudinale a permis de suivre, pendant trente-
cinq ans, 120 enfants nés après un refus d’IVG. L’étude était basée sur un
semi-appariement, avec un enfant né le même jour dans le même hôpital.
Ces enfants avaient significativement plus de troubles que la population
appariée, mais les différences s’atténuaient au fur et à mesure des trente-cinq
ans de suivi (Forssman et Thuwe, 1981, 1988). Une étude menée aux États-
Unis, dans les États où l’IVG était interdite, a évalué la qualité des interactions
entre la mère et son enfant durant trente et un ans à partir de 1961. Ils ont
montré que ces naissances s’accompagnaient de plus de troubles mentaux
chez les mères, de moins d’affection et de soutien social entre la mère et
l’enfant et de plus de violence dans les interactions durant l’enfance. Les
enfants avaient plus de difficultés à se socialiser et une moindre estime d’eux-
mêmes. La mauvaise qualité des relations entre la mère et l’enfant tendait à se
prolonger durant l’adolescence et au début de l’âge adulte (Barber et al., 1999).
Une étude a été menée à Prague (David,  2011) chez les femmes à qui
l’IVG a été refusé deux fois entre 1961 et 1963. 317 enfants sont nés, dont
5 sont morts durant la première année et 19 ont été adoptés, soit plus de 30
fois la moyenne nationale. Tenant compte des départs à l’étranger ou loin
de Prague et du refus de participer, 220 enfants furent inclus et appariés à
l’âge de 9 ans avec des critères socio-économiques, d’éducation et de taille
de famille. Des évaluations répétées ont eu lieu à cinq reprises entre 9 et
35 ans. Il n’y avait pas de différence significative du point de vue obstétri-
cal. Les enfants non désirés ont été moins longtemps allaités ou pas du tout.
À 9 ans, il n’est pas noté de différence de QI, mais de moins bonnes  per-
formances scolaires et de moins bonnes appréciations par les enseignants
sur le comportement. À 14  ans, les différences de performances scolaires
devenaient significatives. Un nombre significativement plus important de
ces enfants quittaient l’école à 16 ans. Entre 20 et 23 ans, ils étaient moins
satisfaits de leur travail, avaient plus de conflits avec leurs collègues ou leur
superviseur, moins de relations amicales et plus de déceptions amoureuses.
Entre 26 et 28 ans, plus de femmes étaient, de façon significative, seules ou
divorcées, mais plus d’hommes étaient mariés. Les épouses des hommes
dont la naissance n’avait pas été désirée ont subi plus d’avortements,
plus d’avortements répétés et étaient plus souvent insatisfaites de leur tra-
vail ou de leur bien-être. Elles avaient, pour ces critères, le même statut que
les femmes nées de grossesses non désirées. Les femmes nées de gros-
sesses non désirées rapportaient plus souvent qu’elles n’étaient pas prépa-
rées pour leur propre grossesse et qu’elles ne se sont senties mères qu’après
l’accouchement. Entre 32 et 35 ans, environ 75 % des enfants de la cohorte
ont pu être évalués. Les enfants nés de grossesse non désirée avaient signi-
ficativement le plus souvent recours à un traitement psychiatrique que le
360 Psychopathologie périnatale

groupe contrôle et que leurs frères et sœurs ; ils montraient une différence
significative dans plusieurs domaines de leur évolution avec leurs frères et
sœurs et pas uniquement avec le groupe apparié.
Adoption et maltraitance. Une revue de la littérature (Dagg, 1991), sur le
devenir des grossesses pour lesquelles un avortement avait été refusé, trouve
des taux d’enfants adoptés variant de 6,7 à 19 % selon les études, 6 % d’adop-
tions précoces dans l’étude praguoise. Condensant six études, Brockington
trouvait 86 adoptions sur 597 enfants non désirés (soit 14,4 %).
Les complications obstétricales. Avant la légalisation de l’IVG, le taux de FCS
rapporté après un refus est particulièrement élevé. Une étude de 1961 (Aren
cité par Brockington, 1996) rapporte que, parmi 195 femmes ayant essuyé un
refus d’avortement, 33 ont subi une FCS ou pratiqué un avortement illégal.
Sept décès périnataux ont été recensés. Ces mauvais résultats ne sont pas
retrouvés dans l’étude praguoise, mais la non-participation d’enfants à l’étude
peut aussi s’expliquer par des complications obstétricales importantes.

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17 Le deuil périnatal
Le deuil peut faire suite à la perte d’un proche, particulièrement d’un parent
ou d’un enfant. Il est habituel de nommer deuil périnatal le processus qui
accompagne l’interruption de grossesse, surtout tardive, spontanée ou non,
volontaire ou médicale, et les décès spontanés pré- ou postnatals.

Le processus de deuil
Historique de la notion de deuil
Les connaissances que nous avons aujourd’hui des modifications psycho-
logiques qui surviennent après la perte d’un objet d’amour, dans lequel le
sujet s’est profondément investi et qui représente une partie même de sa
« raison d’être » – tel son conjoint, son enfant ou son parent –, proviennent
de plusieurs sources. Les travaux psychanalytiques débutés avec Abraham
et Freud, ont permis de décrire ce que nous nommons aujourd’hui le travail
de deuil, mais aussi ses impasses à travers les deuils traumatiques, les deuils
déniés et les effets inter et transgénérationnels du deuil. Ces descriptions
ont été ensuite enrichies à partir de trois sources  : les études portant sur
l’attachement, les études de cas suivis en psychothérapies et enfin les études
de cohorte. Par ailleurs, les rites de deuil ont fait l’objet de nombreuses
recherches en sociologie et surtout en anthropologie. Il n’existe pas actuelle-
ment de synthèse de toutes ces approches. Cependant des grandes lignes
se dégagent. Tout d’abord la description princeps du «  travail de deuil  »,
même si elle reste valable, ne désigne pas la totalité des processus qui sur-
viennent dans les suites d’un décès (Wortman et Silver, 1989 ; Stroebe et
Stroebe, 1991 ; Bonanno et al., 1995 ; Fraley et Shaver, 1999). Mené à bien,
il permet au sujet de réorganiser son existence et ses investissements, mais
il a un coût psychique tel qu’il n’est pas possible indéfiniment de le répéter
et même parfois de l’achever. Dès lors, il semblerait que lorsque le sujet
peut l’éviter, il le fait. Des mécanismes de défense plus économiques se met-
tent en place  : évitement, refoulement, annulation, clivage, dénégation,
déplacement des investissements, etc. Ils sont fonction de l’investissement
préalable et de la personnalité du sujet.

Le processus de deuil
Le travail de deuil
Il consiste dans le détachement des investissements portant sur «  l’objet
d’amour  » perdu. Le travail qu’opère l’endeuillé consiste à se soumettre à
l’exigence de la réalité  : l’objet aimé n’est plus, le sujet doit s’en détacher.

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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364 Psychopathologie périnatale

Mais pour cela, le lien avec l’objet est paradoxalement renforcé pour pou-
voir ensuite se détacher « en détail, de chacun des souvenirs et de chacune
des attentes pris un à un, dans lesquels la libido était rattachée à l’objet ». Il
se traduit, comme le décrit Freud (1917/1988), par « l’humeur douloureuse,
la perte de l’intérêt pour le monde extérieur quand il ne fait pas penser au
disparu, la perte de la capacité à choisir un nouvel objet d’amour […], le fait
de se détourner de toute activité qui n’est pas en relation avec le souvenir
du disparu ». Un deuil peut être considéré achevé lorsque la libido est enfin
libre, que le sujet peut trouver à nouveau des objets à aimer. Le travail de
deuil aura considérablement marqué l’individu, parfois modifié sa relation
au monde. La représentation du disparu pourra toujours être revivifiée par
tout lien symbolique ou perceptif évoquant son existence  : anniversaire,
prénom, odeur, sonorité,  etc. Ainsi, le travail de deuil demeure toujours
partiellement inachevé. Bowlby (1984), proposera de décomposer le deuil
typique en quatre étapes à partir de l’observation du nourrisson humain :
phase d’engourdissement, phase de langueur et de recherche, phase de dés-
organisation et de désespoir et phase de réorganisation.
Jugement de réalité et deuils atypiques
Dans certains cas, le sujet ne peut ou refuse de se détacher de l’objet. Il
préfère maintenir la satisfaction de se représenter vivant l’objet perdu. La
rébellion contre la réalité peut aller jusqu’à s’accompagner d’une «  psy-
chose de souhait hallucinatoire », forme de psychose fonctionnelle (cf. cha-
pitre « Psychoses puerpérales »). Perte de connaissance initiale ou confusion
peuvent aussi marquer l’impossibilité temporaire d’inscrire le fait comme
advenu. D’autres mécanismes peuvent être mis en place plus à distance
pour réduire la souffrance du deuil  : annulation et cloisonnement de la
pensée, déplacement, dénégation, banalisation, refoulement. Dans certains
cas, le travail de deuil est durablement suspendu : l’objet d’amour reste une
représentation vivante avec lequel l’endeuillé aménage ses investissements,
au prix d’une certaine perte de contact avec la réalité et l’abandon parfois
d’investissements antérieurs.
L’accompagnement social
L’inhumation ou l’incinération sont pratiquées dès l’aube de l’huma-
nité. Le rituel confirme la cohésion du groupe social. Il offre au mort un
dédommagement symbolique, garantit, notamment par l’oraison funèbre,
l’absence d’intentions hostiles, loue les qualités du défunt, protège les
vivants du retour des morts (« les revenants ») et les fait disparaître à leur
vue en l’enfermant. En un mot, les rites de mort assurent la paix des vivants
(Thomas,  1991). La disparition des corps est un obstacle au deuil chez
l’adulte comme l’a montré l’expérience des décès au combat, les armées se
chargeant pendant des décennies, si besoin était, de chercher à récupérer
le corps des défunts pour le présenter à la famille. Le rituel assure un modèle
et un support socio-affectif. Son organisation minutieuse reflète et soutient
Le deuil périnatal 365

les processus intrapsychiques de deuil  : «  Les opérations matérielles dis-


simulent des opérations mentales  » (Durkheim,  1912). Le décès du nou-
veau-né, et encore plus de l’enfant mort-né, a fait longtemps l’objet d’une
grande négligence sociale, que l’on peut interpréter comme le fruit d’une
« position » sociale : encourager l’évitement du deuil plutôt que le travail de
deuil. Depuis cinquante ans, l’option a été prise de favoriser rites et rituels
en cas de pertes périnatales.
Nous avons découpé avec un certain artifice les périodes du deuil pour les
aligner sur les définitions internationales de la mortalité périnatale afin de
mieux en dégager les spécificités.

Symptomatologie générale
Les catastrophes, le suicide d’un proche et le veuvage ont servi de
situations prototypiques à l’étude du deuil. Tout d’abord Adler (1943) a mis
en avant l’aspect traumatique du deuil, puis Lindemann (Parkes, 1986) les
difficultés à se dégager de l’objet perdu. Ils ont tous deux dressé un tableau
exhaustif des symptômes les plus spécifiques dont la détresse somatique, la
préoccupation par l’image du défunt, la culpabilité, la colère et la modifica-
tion des comportements habituels. À ces cinq caractéristiques considérées
comme pathognomoniques fut ajouté le phénomène d’identification au
défunt ou symptôme fac-similé (imitation de l’apparence, des habitudes,
des symptômes du défunt) auquel, sous forme d’identification projective, le
tableau de l’enfant de remplacement pourrait correspondre.
Dans le domaine du deuil parental, il existe plusieurs études qualita-
tives (Braun et Berg, 1994) qui explorent le lien du deuil avec les hypothèses et
croyances de base : centralité de l’enfant dans le projet de vie, désorientation
impliquant le sentiment d’être mis sur la touche, d’avoir perdu le contrôle de
sa vie et tout but à celle-ci. De nombreuses mesures d’auto-évaluations standar-
disées ont été créées pour décrire les réactions de deuil et en identifier le carac-
tère pathologique avec la TRIG (Texas Revised Inventory of Grief) (Faschingbauer
et al., 1987) ou l’ICG (Inventory of Complicated Grief) (Prigerson et Jacobs, 2001)
pour en apprécier le caractère pathologique.
Deuils pathologiques et DSM-V. L’existence face à la perte de défenses
maniaques, obsessionnelles ou hystériques, de manifestations phobiques,
voire de troubles psychotiques, de réactions traumatiques a été décrite par
Abraham (1924). Presque un siècle plus tard, dans le DSM-V, le deuil lui-
même devient un trouble dépressif. L’argument consiste dans le fait que les
symptômes en sont souvent semblables. Toutefois dans le deuil ordinaire, il
s’agit plutôt d’une perte objective et dans la dépression d’une perte imagi-
naire, surtout d’ailleurs dans les états sévères telles les mélancolies. Dans le
DSM-V, le diagnostic est posé dès deux semaines de persistance des symp-
tômes. Auparavant la notion de deuil pathologique était évoquée après au
moins six mois, plus souvent deux ans. Cette nouvelle classification favo-
rise la médicalisation du deuil, dont l’éthique reste discutable.
366 Psychopathologie périnatale

Terminologie
La définition de la mortinatalité ou mortinaissance (i.e. l’expulsion d’un
fœtus mort) a été modifiée à deux reprises en France ces dernières années.
La circulaire du 30 novembre 2001 conduit à rédiger un bulletin d’enfant
sans vie est rédigé à partir de 22 semaines d’aménorrhée ou d’un poids d’au
moins 500 g. Depuis 2008, un décret autorise les familles à faire enregistrer
un enfant né sans vie et à le doter d’un prénom quels que soient le poids de
naissance et l’âge gestationnel. Suite à cette circulaire, le nombre de déclara-
tions a presque doublé (Beaumel et Bellamy, 2013) de 4,8 ‰ en 2001 (3 700
mort-nés) à 8,2 ‰ en 2003 (6 300 mort-nés) et 9,2 ‰ en 2010 (7100 morts-
nés). La répartition des âges gestationnels des mort-nés est bimodale, avec
un pic à 22-23 semaines d’aménorrhée et un second pic vers 39-40 semaines
d’aménorrhée correspondant aux mort-nés de fin de grossesse, le plus sou-
vent au cours de grossesses normales et sans prodromes. Ces modifications
législatives illustrent la part d’arbitraire des limites données à la naissance
de la personne. Bien que leur définition reste biologique, leur détermina-
tion est avant tout le fruit d’interactions complexes entre science et culture.
La mortalité périnatale stricto sensu s’étend de 22 semaines d’aménorrhée
(ou plus de 500 g) in utero jusqu’au sixième jour de vie, la mortalité néonatale
tardive de la naissance à 27 jours de vie (2,3 ‰ en 2010) et la mortalité
­post-néonatale de 28 jours à un an de vie.
La mortalité infantile (INED, 2013) correspond au nombre d’enfants nés
vivants et décédés durant la première année de vie. En 2012, elle est de
3,3  ‰. Elle était 100 fois plus élevée il y a deux cent cinquante ans et
encore 10 fois plus élevé il y a cinquante ans. Les facteurs de décroissance
sont multiples : mise en place des pratiques d’hygiène en général et d’asep-
sie en particulier, amélioration des techniques d’accouchement, vaccina-
tion contre la variole, et à partir de la fin du xixe siècle, développement des
politiques publiques de surveillance des enfants et des nourrices. En Île-de-
France, les causes de mortalité infantile prennent surtout leur origine dans
la période prénatale (i. e. prématurité, hypotrophie), qui représente près de
la moitié des décès, les anomalies congénitales (cardiopathies notamment)
représentent 20 % des décès et le syndrome de mort subite du nourrisson
près de 10 % des décès. Un peu plus de 40 % des décès surviennent lors de
la première semaine de vie et 65 % durant le premier mois.

Sémiologie et figures du deuil périnatal


La sémiologie du deuil périnatal présente quelques spécificités liées notam-
ment au déséquilibre entre la part de l’investissement narcissique et le
manque de connaissance et de familiarité avec l’objet d’amour. L’enfant
reste surtout fantasmé et imaginé, in utero, mais encore dans une large
Le deuil périnatal 367

mesure après la naissance. Toutefois, l’échographie y a ajouté un degré de


réalité pour le sujet, qui ne facilite pas la mise en place des mécanismes
d’évitement et d’annulation de la perte. C’est au nom de ce principe que
les rituels de deuil avec reconnaissance du corps, voire étreinte de l’enfant
mort-né, veille du corps et inhumation se sont développés. Il apparaît
aujourd’hui que ces rituels peuvent déstabiliser certains sujets et les entraî-
ner dans un processus de deuil qu’ils sont en difficulté d’affronter.

Deuil périnatal (prénatal et néonatal précoce)


Le deuil périnatal stricto sensu constitue la figure la plus étudiée.
La blessure narcissique. La gravité de l’atteinte narcissique (Barr, 2012),
qui caractérise le deuil périnatal, est parfois si sévère qu’elle a pu être décrite
sous forme d’«  amputation du moi  ». La culpabilité est fréquente avec
une impression de vide ou de béance (Toedter et al.,  1988). L’impression
d’être trahie par son corps, trompée par la substitution d’un événement
traumatique à la joie d’attendre, contribue au sentiment de vulnérabilité et
de perte de contrôle.
La culpabilité et le sentiment d’incapacité à être mère
(Cacciatore,  2013  ; France et al.,  2013). Ils sont en partie liés à l’illusion
de l’étendue du rôle joué par les qualités et comportements maternels
dans la nature et la constitution de l’enfant à naître. La société dans son
ensemble et le corps médical en particulier participent à soutenir cette illu-
sion lorsque la mère est félicitée d’avoir mis au monde un bel enfant alors
que dans le même temps, d’autres mères ayant mis au monde un enfant
handicapé ou malformé seront rassurées par les médecins de n’y être pour
rien. Aujourd’hui toutefois, le regain d’un mouvement hygiéniste puissant,
d’une inégale pertinence scientifique, contribue à culpabiliser les mères,
en exigeant d’elles des comportements parfois difficiles à atteindre et pas
toujours justifiés ou possibles, tels que de ne plus du tout boire, fumer, voire
danser ou travailler, très proche des recommandations en cours à la fin du
xixe siècle. Un des facteurs le plus contributif à la survenue de sentiments de
culpabilité, mis à part la personnalité antérieure, est l’ambivalence du désir
de grossesse ou de l’interrompre.
La colère et l’envie. En cas de perte périnatale, l’envie (Silver, 2007),
la jalousie et la souffrance, voire des sentiments insupportables de haine,
peuvent naître du spectacle de mères avec des bébés vivants, mais aussi
se diriger contre l’enfant subséquent, le jumeau survivant ou les aînés qui
appellent l’attention de la mère engagée dans le processus de deuil. Ces sen-
timents, plus ou moins intenses, surprennent et gênent les parents. Ils ten-
tent d’éviter de s’y retrouver confrontés. Ils reflètent aussi l’ambivalence et
l’agressivité contre l’objet perdu, impensable et insupportable, mais surtout
un sentiment d’injustice. Ils sont souvent réduits ou disparaissent après la
naissance d’un autre enfant. Le médecin peut en être l’objet.
368 Psychopathologie périnatale

L’intensité très variable du deuil. Il est assez caractéristique du deuil


périnatal d’être imprévisible dans sa sévérité.
La durée du deuil. Il est souvent prolongé lorsqu’il a pris une forme
traumatique. La sévérité des symptômes diminue tout au long de la pre-
mière année, mais persiste souvent au moins deux ans (Badenhorst et
Hughes, 2007). Moins de 20 % des femmes ont durant la première année
un trouble psychiatrique caractérisé.
Défaut du jugement de réalité. Illusions ou hallucinations ne sont
pas exceptionnelles. Il en est ainsi de mères croyant entendre pleurer leur
bébé décédé. Dans les formes les plus extrêmes, le sujet peut non seulement
croire reconnaître la présence du défunt mais aussi halluciner durablement
sa présence, ce que Freud (avec d’autres) nommait la « psychose de souhait
hallucinatoire ». Des cas de psychose puerpérale ont été associés au décès de
l’enfant nouveau-né (Hellerstedt et al., 2013).
Reviviscences et aggravations transitoires. Tous les événements
susceptibles de remettre en mémoire la perte de l’enfant ou de la gros-
sesse peuvent donner lieu à des réminiscences qui s’accompagnent d’une
souffrance plus ou moins nette  : anniversaire, nouvelle grossesse, autre
deuil, etc. Ces réactions sont considérées comme normales dès lors qu’elles
n’empiètent pas trop sévèrement sur la vie sociale au-delà d’une certaine
durée établie par consensus. Ne pas en tenir compte peut constituer un biais
dans l’appréciation (Hughes et al., 2002) de l’impact des rituels périnataux.

Deuil post-néonatal (néonatal tardif et post néonatal)


Il se distingue par une expérience de vie avec l’enfant qui permet d’en
acquérir une représentation plus stable et de partager une expérience de
vie. Cette expérience peut toutefois rendre plus traumatique la perte.

Défaut du jugement de réalité (« psychose fonctionnelle »)


Une femme, chef de service dans la grande distribution, perd en période périna-
tale son quatrième enfant, sa première fille. Après un épisode dépressif mineur
et résolutif, elle va présenter à l’occasion d’un incident survenu au travail une
décompensation délirante, elle-même résolutive. La récurrence durant plusieurs
années d’épisodes délirants intermédiaires entre troubles thymiques et psy-
chose aiguë va la conduire à abandonner son travail et ses importantes respon-
sabilités. Elle conservera la conviction inébranlable que sa petite fille décédée
est toujours vivante, même durant les phases intermédiaires où le délire n’est
pas extériorisé. Une prise en charge multiple associant hospitalisations, psycho-
tropes et psychothérapie va permettre, au terme de six années, la cessation des
épisodes délirants en même temps que pourra s’effectuer le deuil de son bébé
mort. La mort du bébé était psychiquement associée au viol qu’elle subit entre
3 et 5 ans et dont la remémoration fut tardive. Il ne s’agissait pas d’une recons-
titution hystérique ou induite : les faits, cachés jusqu’alors, furent confirmés,
Le deuil périnatal 369

quarante ans après par sa mère. Que sa fille meure fut assimilé par elle au geste
commis à son encontre par son beau-père, identification insoutenable.

Défaut du jugement de réalité ? (entre fétiche et avatar)


Une jeune femme adresse son enfant, scolarisé en maternelle, car il présente
quelques difficultés scolaires mais surtout des difficultés à nouer des relations.
Son mari, de par sa profession, est absent de longs mois. Elle ne travaille pas.
Elle rencontre des voisines avec qui elle entretient des relations agréables mais
superficielles. La thérapie de l’enfant achoppe jusqu’à la révélation faite un
jour par la mère dans une atmosphère dramatique : elle a perdu un enfant à
la naissance. Ce secret pour l’enfant se double de la présence depuis le décès
d’une poupée de chiffon. La mère la porte contre son ventre nu à l’insu de
tous, presque en permanence, depuis plusieurs années. Aucune symptomato-
logie dépressive maternelle ni aucun élément délirant n’a été mis en évidence.
Le fonctionnement social reste adapté chez cette mère sans antécédent psy-
chiatrique. Entre incorporation, fétichisme et animisme, la poupée représente
un avatar du nourrisson décédé. La naissance de l’enfant subséquent n’a pu
enrayer l’incapacité maternelle à faire le deuil. L’utilisation des poupées reborn a
été récemment proposée aux mères endeuillées, captant un besoin exprimé ici à
la limite de la pathologie et en tout cas dans la dissimulation (Fitzgerald, 2011).

Nous étudierons deux cas particuliers : l’enfant réanimé et la mort subite


du nourisson.

L’enfant réanimé et l’extrême prématurité


Parfois après un suivi de grossesse marqué par l’inquiétude, parfois abrup-
tement, peut naître un enfant prématuré. La très grande (26 et 27  SA) et
l’extrême prématurité (avant 26 SA) affectent environ 0,5 % des grossesses. La
survenue d’une naissance très prématurée représente toujours une situation
stressante, parfois un traumatisme. Le taux de mortalité des nouveau-nés hos-
pitalisés en réanimation (Boujenah-Truong, 2012) demeure aux environs de
10 à 15  %. L’extrême prématurité en constitue une des causes principales.
Dans ce contexte, les soins palliatifs ont pour but d’assurer le confort et de
prévenir la souffrance du nouveau-né. Ils concernent les enfants nés avant
24 semaines d’aménorrhée, mais également parfois certains enfants nés
entre 24 et 25 semaines d’aménorrhée. L’utilisation des soins palliatifs peut
être proposée dès la période anténatale. La rupture brutale de la dyade mère-
enfant nouée in utero, l’angoisse qui entoure la naissance prématurée prive
la mère d’interactions suffisamment satisfaisantes. Ce type de proposition
de soins peut permettre d’aménager un temps de rencontre entre les parents
et leur enfant, parents qui pourront accompagner leur bébé jusqu’à son décès et
devront eux-mêmes à leur tour être accompagnés et soutenus. Le traitement
est celui de soins palliatifs, dont les principes ont été étendus à la néonatalogie.
370 Psychopathologie périnatale

Le cas particulier de la mort subite du nourrisson (MSN)


La mort subite inexpliquée du nourrisson survient surtout durant le second
mois de vie et dans 90  % des cas avant six mois. Cet accident affecte
aujourd’hui environ 300 enfants par an au lieu de plus d’un millier avant
qu’il ne soit donné la consigne de coucher les enfants sur le dos. Le caractère
brutal et imprévisible est à l’origine de la fréquence des deuils compliqués
et de la symptomatologie post-traumatique (Dyregrov et Dyregrov, 1999).
Description de l’épisode aigu. Il s’agit de la mort soudaine et imprévisible
d’un nourrisson compte tenu des antécédents et pour laquelle des examens
complets post-mortem ne permettent pas de révéler de cause précise au décès ;
c’est un diagnostic d’exclusion. Entre 5 et 10 % des MSN sont suspectées de
faire suite à des violences et en particulier à un étouffement. Sinon, le tableau
est souvent stéréotypé : l’enfant est trouvé mort à un moment où il est supposé
dormir. Il est dans sa position habituelle, sans signe de lutte. Il s’ensuit une
période de sidération ou, au contraire, d’agitation fébrile et l’appel aux services
d’urgence dans une ambiance de catastrophe. Perte de connaissance, crises de
rage ou de larmes, stupeur hébétée, peuvent survenir d’emblée. La deuxième
phase est marquée par la recherche de signes du disparu. Illusions, interpréta-
tions erronées, voire pseudo-hallucinations de l’enfant mort, sont communes.
Évolution. L’évolution se fait vers l’achèvement du travail de deuil qui n’est
jamais tout à fait définitif, la majorité des parents se disant encore affectés
durant leur vie quotidienne douze et quinze ans après le décès (Dyregrov
et Dyregrov,  1999). Les séparations de couples, surtout lorsqu’il s’agit du
premier enfant, et la survenue d’un syndrome de stress post-­traumatique
sont assez fréquentes.
Prise en charge. Les parents nécessitent un soutien émotionnel urgent,
particulier et intense (Rudd et D’Andrea, 2013) comprenant conjointement
de la compassion et une information détaillée sur les causes de la mort,
éventuellement répétée, ainsi qu’un suivi à long terme au besoin.

Deuil prénatal
Nous étudierons ici trois situations spécifiques  : les fausses couches
spontanées, l’interruption médicale de grossesse et la réduction embryon-
naire.

Les fausses couches spontanées (FCS) : arrêt d’une grossesse


évolutive avant 22 semaines d’aménorrhée
Les FCS surviennent chez 15 à 20 % de la population, avec un risque mini-
mal entre 20 et 25 ans, et maximal à la fin de la période fertile.
Impact de la durée de grossesse. Les trois quarts surviennent avant 12
semaines de gestation. Tardives, autour de 20 semaines de grossesse, elles
entraînent une pathologie du deuil semblable à celle des enfants mort-nés.
Les résultats sont controversés quant à l’impact de la durée de la gestation
Le deuil périnatal 371

sur l’occurrence des troubles. Ils sont augmentés à six mois sur le critère de
dépression mineure (Klier et al., 2000).
Réactions immédiates. L’expérience est marquée par l’inquiétude, la détresse
et un sentiment de perte de contrôle. Les femmes n’ont pas toujours confié
leur grossesse auparavant et leur situation est rarement considérée comme
une urgence vitale à l’hôpital où elles peuvent être amenées à attendre des
heures malgré leur angoisse avec un personnel banalisant l’événement à
titre de réassurance. Selon Broen et al. (2006), (10) jours après, plus de 50 %
des mères montraient un état de détresse significatif. Quelques semaines
après plus de la moitié des femmes ne présentent aucune modification émo-
tionnelle (Beutel et al., 1995 ; Lok et Neugebauer, 2007).
Réactions à distance. Le risque de survenue de symptômes dépressifs ou de
dépression durant l’année suivante est doublé (Robinson et al., 1994 ; Lok et
Neugebauer, 2007). Les femmes vulnérables sont en particulier celles anté-
rieurement dépressives, celles qui sont sans enfant et qui avaient beaucoup
investi la grossesse. Les réactions anxieuses sont en relation avec l’anticipa-
tion d’une prochaine grossesse.

Interruption médicale de grossesse (IMG) pour anomalie du fœtus


L’IMG peut être légèrement pratiquée à tout moment de la grossesse. Lorsqu’elle
est tardive, le tableau clinique est assez proche de toutes les autres formes de
perte périnatale. La cause en est alors souvent une malformation non curable.
Évolution à court et moyen terme. Korenromp et al. (2007a et b, 2009), parmi
217 femmes et 169 hommes après une interruption de grossesse pour ano-
malie fœtale, ont montré qu’à quatre mois 44  % des femmes et 22  % des
hommes présentaient des éléments d’un syndrome de stress post-trauma-
tique, et respectivement 28 et 16 % une symptomatologie dépressive. Après
seize mois, deux tiers des femmes restaient incluses dans la cohorte : 20 %
d’entre elles présentaient encore des symptômes isolés d’un état de stress
post-traumatique et 13 % une symptomatologie dépressive. L’état psycholo-
gique à seize mois était prédit surtout par l’état à quatre mois. Les autres fac-
teurs de risque de troubles prolongés étaient la faible estime de soi, un haut
niveau de doute quant à la décision d’interrompre la grossesse, le manque de
soutien du conjoint, les convictions religieuses et un âge gestationnel avancé.
Moins de 2 % des hommes et de 1 % des femmes regrettaient leur décision.
Évolution à long terme. Plusieurs études (McCoyd,  2007  ; Kersting et
al., 2007 ; Kersting et al., 2005 ; Korenromp et al., 2005a) ont montré que
chez les femmes présentant initialement une pathologie du deuil sévère
les symptômes ne s’atténuaient que très progressivement avec les années,
celles-ci étant évaluées entre dix-huit mois et sept ans après l’IMG.
La grossesse subséquente. Les symptômes anxieux sont fréquents, surtout
en fin de grossesse. Certaines femmes minimisent leur angoisse en refusant
d’anticiper la naissance, voire en anticipant une issue défavorable.
372 Psychopathologie périnatale

La réduction embryonnaire
La réduction embryonnaire est aujourd’hui un geste médical dont la fréquence
a beaucoup diminué grâce à l’amélioration des techniques qui ont permis de
réduire le nombre d’embryons transférés après une fécondation in vitro (FIV).
Après une stimulation de l’ovulation, le monitoring régulier empêche aussi
l’apparition d’un nombre excessif de follicules. Le plus fréquemment, cette
réduction quand elle reste nécessaire se pratique vers la fin du premier trimes-
tre (11 SA). Son objet principal est de réduire le risque de grande prématurité
(Boulot et al.,  2000). Elle est toujours vécue par la mère comme bizarre et
souvent pénible, du fait du contraste entre sa démarche, faire naître, et le
geste médical qui empêche de faire vivre un embryon. Elle peut donner lieu
à un sentiment de culpabilité, plus rarement à une symptomatologie trauma-
tique. La préparation par l’équipe obstétricale du geste médical, proposé, non
imposé en cas de grossesses triples, pour en permettre la compréhension et
l’anticipation, et l’explication rationnelle de son objet ainsi que le soutien au
mari, permettent de réduire le malaise de la femme enceinte. L’amélioration
de l’état psychique est la règle à court ou moyen terme lorsqu’un ou plusieurs
enfants vivants naissent, mais un véritable effondrement peut survenir dans
le cas contraire, passager dans notre expérience.
L’étude de Garel et al. (1997) a montré qu’un an après la réduction un tiers
des mères présentaient encore des symptômes dépressifs (essentiellement,
tristesse et culpabilité). Les autres rationalisaient le geste par des commen-
taires médicaux. Après deux ans, la plupart des mères ne montraient plus
de souffrance et avaient moins de difficultés de relations avec leurs enfants
que le groupe de mères avec des triplés, référé comme groupe contrôle.
Cette étude est limitée par le faible nombre de sujets et la faible partici-
pation. Une recherche menée sur un plus grand échantillon (Schreiner-­
Engel et al.,  1995), comprenant 100  mères successivement incluses dans
un programme de réduction embryonnaire, retrouve chez 65  % d’entre
elles des sentiments douloureux persistants quand elles évoquent la pro-
cédure. Un processus de deuil est retrouvé chez 70 % des femmes. Pour la
plupart il persiste moins d’un mois. Par contre, des sentiments de faible
intensité de tristesse et de culpabilité sont retrouvés de façon assez inter-
mittente chez beaucoup d’entre elles. Les femmes les plus affectées sont
les plus jeunes, les plus religieuses et celles qui ont assisté le plus souvent
à l’échographie. Il a été rapporté 7  % des mères qui regrettaient ce geste
dans l’après-coup. McKinney et al. (1995) ont montré que la douleur liée à
la réduction embryonnaire semble bien moins intense que celle associée à
l’infertilité. Dans les cas très défavorables, heureusement rares, l’association
d’une fausse couche spontanée et de la réduction embryonnaire sans enfant
vivant apparaît particulièrement traumatique. Dans cette même étude, la
moitié des femmes dirent que la décision avait été prise sans difficulté contre
16 % qui avaient eu des difficultés à s’y résoudre. L’étude française de Garrel
Le deuil périnatal 373

et al. a permis de suivre 11 femmes ayant mis au monde des triplés dans un
contexte favorable, sans complication néonatale et dans un environnement
socio-économique aisé pour la plupart. Dans ce petit groupe, un tiers des
mères présentent une symptomatologie d’allure dépressive à la CES-D mais
les enfants se développent normalement. L’équipe attribue ces difficultés à
la fatigue et à l’âge avancé de femmes ayant un long parcours d’infertilité.
Dodd et Crowther (2012) par une revue systématique concluent que les
études entreprises ne permettent pas de consensus sur la conduite à tenir et
les avantages de la réduction embryonnaire.

Évolution générale
Le deuil d’enfants mort-nés ou après quelques jours et semaines de vie
peut-être particulièrement compliqué et prolongé (Bennett et al.,  2005  ;
Cacciatore, 2010). Des réminiscences et des rêves anxieux, ravivés par tout
ce qui évoque la perte, sont fréquents formant les symptômes d’un état de
stress post-traumatique souvent partiel. Ils ont été retrouvés en particulier
lors des grossesses subséquentes vers le second ou troisième trimestre.

Facteurs de risque généraux d’un deuil compliqué


Le risque de voir survenir une dépression du deuil est augmenté quand il
existe préalablement des deuils de l’enfance (Parkes et al., 1991). Il est aussi
significativement augmenté, comme celui du PTSD, en cas de multiplication
des pertes périnatales (Giannandrea et al.,  2013). L’hypothèse cumulative
rejoint alors celle invoquée pour le traumatisme. La vulnérabilité maternelle
est maximale dans la première année. Elle serait augmentée par la répression
des émotions dans les suites immédiates du drame (Black et Urbanowiz, 1987)
ce qui est mis en cause aujourd’hui (Turton et al.,  2001). D’autres facteurs
participent à cette vulnérabilité (Kennell et al., 1970 ; Giles, 1970 ; Forrest
et al., 1982 ; Janssen et al. 1997 ; Harmon et al., 1984 ; Janssen et al., 1996 ;
Boyle et al., 1996 ; Toedter et al., 1988 ; Stroebe et al., 1988 ; Lang et al., 2004 ;
Nicol et al., 1986 ; Tudehope et al., 1986) : la faiblesse du soutien social et les
antécédents de trouble psychique (Forrest et al., 1982 ; Janssen et al., 1997 ;
Cuisinier et al.,  1993  ; Lasker et Toedter,  1991). La difficulté à concevoir,
l’âge de la mère ou le sexe du bébé, n’ont pas été attestés comme facteurs de
risque (Kersting et al., 2012). Toutefois, l’échec des techniques d’assistance
médicale à la procréation (AMP) entraîne des figures de deuil particulières
qui sont liées au deuil de la fertilité elle-même (Harris et Daniluk, 2010) mais
très généralement de faible gravité et peu durables. Il existe des doutes quant
à trois autres facteurs : être sans enfant (Nicol et al., 1986), un statut socio-
économique défavorable (Janssen et al.,  1997) qui aggraverait le risque, et
l’observance religieuse qui aurait des effets différenciés selon le type de deuil.
Des questions restent sans conclusion consensuelle comme la relation entre
374 Psychopathologie périnatale

la durée de la grossesse et la gravité du deuil, ainsi que l’intérêt des mesures


prophylactiques telles que prendre l’enfant dans ses bras. Les personnalités
présentant des traits de neuroticisme seraient particulièrement à risque d’un
deuil compliqué (Janssen et al., 1997).
Toutes montrent l’importance du soutien obstétrical comme de la famille.
À part une étude contestée (Broen et al., 2006), l’ensemble de la littérature
scientifique montre que l’IVG sur les critères de l’évolution diffère plus
qu’elle ne ressemble aux événements précédemment cités.

Évolution à moyen et long terme


Vance et al. (1995) ont mené une étude prolongée jusqu’à trente mois dans
une population comprenant 45 cas de mort subite du nourrisson (MSN),
82 enfants mort-nés et 93 décès périnataux. Une plus grande fréquence de
l’anxiété et de la dépression est présente à deux mois chez les deux parents.
À huit mois, cet excès de troubles n’est retrouvé que chez les mères. À deux
mois, le risque pour les mères est multiplié par 22 en cas de MSN, par 5 pour
un enfant mort-né et aussi en cas de décès périnatal. Chez les pères, il est
retrouvé une alcoolisation majorée par rapport au groupe contrôle, encore
significative à trente mois. Hunfeld et al. (1997), quatre ans après un décès
en période périnatale, par une étude prospective utilisant des questionnaires
standardisés (GHQ28, perinatal grief scale) et des entretiens semi-structurés
chez 29 femmes, mettent en évidence 38 % de détresse cliniquement signifi-
cative et 25 % de remémorations angoissantes. Selon Schaap et al. (1997), des
réactions divergentes des parents en cas d’IMG semblent un facteur de péren-
nisation des troubles. Les symptômes d’un état de stress post-traumatique
sont observés dans environ 20 % des grossesses suivant un enfant mort-né
avec 4 % des femmes présentant un trouble caractérisé un an après la nais-
sance, dans l’étude de Turton et al. (2001b). Turton et al. (2009), sept ans après
la naissance de l’enfant mort-né, retrouvent plus de symptômes post-trauma-
tiques isolés et plus de ruptures avec le partenaire. Le sous-groupe des femmes
ayant rompu avec leur partenaire avaient plus souvent tenu l’enfant décédé
dans leurs bras et présentaient plus souvent un état de stress post-traumatique.

Grossesse subséquente
La grossesse subséquente peut s’accompagner d’une importante anxiété et
de difficultés obstétricales. Cuisinier et al. (1996) ont sollicité 193 femmes
après une FCS et 28 femmes après un décès périnatal. Dans les dix-huit mois
suivants, 86 % des femmes étaient enceintes, et 14 % ont à nouveau vécu
une FCS. La réactivation du deuil par la grossesse est constatée dans seule-
ment 5 % des cas. Les troubles sont majeurs dans 1,5 % des cas, mais liés à
un événement intercurrent. L’anxiété est fréquente au premier trimestre et
parfois la grossesse est cachée à l’entourage de peur d’une récidive.
Le deuil périnatal 375

Hughes et al. (1999) et Turton et al. (2001) montrent que les femmes
qui sont enceintes après un enfant mort-né ont un niveau plus élevé de
dépression et d’anxiété durant la grossesse, mais ne diffèrent pas du groupe
contrôle à six semaines et vingt-six semaines du post-partum. Les femmes
qui conçoivent un nouvel enfant avant un an ont un score d’anxiété et de
dépression supérieur, jusqu’à vingt-six semaines, aux femmes qui attendent
pour concevoir. Elles présentent aussi plus de symptômes de stress post-
traumatique (Turton et al., 2001).
Selon Blackmore et al. (2011) lors de la grossesse suivante et durant le
post-partum (Blackmore et al., 2011), même après la naissance d’un enfant
en bonne santé, le nombre d’enfants mort-nés ou de précédentes FCS est un
facteur de risque significatif de symptômes dépressifs. Le désir de se proté-
ger contre la souffrance de la perte stimule parfois le désir de la mère, mais
plus souvent celui du père d’entreprendre immédiatement une nouvelle
grossesse. Les résultats des études à ce sujet sont controversés (Turton et
al., 2001 ; Franche, 2001).

Conséquences familiales
Les pères et le deuil périnatal
Les pères. Ils tendent à inhiber l’expression de leurs affects, répondant
peut-être en cela à un rôle social, car lorsque l’occasion leur en est four-
nie, ils font état de peine ou de détresse (Mandell et al.,  1980  ; Gauthier
et al., 1993). Puddifoot et Johnson (1997), dans les situations de FCS, met-
tent en évidence chez 126 pères des réactions de deuil proches de celles des
mères. Elles s’aggravent avec la durée de la gestation et sont encore plus
nettes lorsque l’enfant a pu être vu à l’échographie. Ces auteurs confirment
ce que révèle la clinique : les pères ne s’accordent pas aisément le droit à
la peine ou aux pleurs, ils masquent à eux-mêmes ou à autrui leur peine
et favorisent les mécanismes d’évitement. L’étude n’évalue pas la consom-
mation de substances psychoactives, particulièrement l’alcool, qui est une
réaction aux deuils sévères plus fréquente chez le père (Vance et al., 2002).
Korenromp et al. (2005b) étudiant 151 couples deux à sept ans après une
IMG ne retrouvent que des différences minimes entre les réactions chez
le père et la mère. Récemment, Kong et al. (2010) montrent que la moitié
des pères dont la conjointe présente une détresse intense ne montrent pas
eux-mêmes de signes de détresse (GHQ et BDI) et ceux-ci, quand ils sont
présents, cèdent généralement en moins de trois mois alors qu’ils tendent à
persister chez leur compagne au moins une année.
Le couple. Le deuil périnatal est aussi un facteur de tension au sein du
couple. Il augmente le risque de séparation (Gold et al., 2010). Toutefois
pour d’autres couples, il est au contraire source d’un rapprochement entre
376 Psychopathologie périnatale

les partenaires. Le principal problème est posé par la différente prévalence


des modes de défense (ou coping). La mère a tendance à favoriser les méca-
nismes d’internalisation et d’investissement de l’enfant perdu ; le père est
davantage dans l’évitement du deuil, avec un risque plus élevé d’alcoolisa­
tion mais aussi avec le bénéfice éventuel d’un surinvestissement profes-
sionnel, par exemple. Les parents peuvent se retrouver en porte-à-faux,
sans communication possible.

La fratrie
La fratrie bénéficie aujourd’hui d’une meilleure prise en compte et est sou-
tenue notamment en cas d’IMG ou de FCS tardives, lors du transfert en
unité de soins intensifs (Sandler et al., 2013), que le pronostic soit ou non
favorable, ou lors de la MSN. Les enfants ont été préparés à l’advenue d’un
frère ou d’une sœur pour lequel ou laquelle ils présentent des sentiments
plus ou moins ambivalents. Plusieurs équipes ont proposé à ce que les
enfants participent au rituel de deuil ou à une partie de celui-ci avec leurs
parents (Avelin et al., 2012 ; Warland et al., 2011 ; Callister, 2006).
Recherche de savoir. Les enfants jeunes s’interrogent sur le devenir du
bébé, sur la possibilité d’entrer en contact avec lui, s’il va revenir et moins
souvent sur les causes de la mort. Ils peuvent s’inquiéter de leur propre mort
ou de celle de leurs parents. Ils ressentent le délaissement de leurs parents
pendant ou après l’hospitalisation comme un signe de rejet (Walker, 1993).
Bien que la plupart ne manifestent pas de signes psychiatriques de souf-
france, ces préoccupations peuvent surgir de façon intermittente et parfois
s’aggraver brutalement plusieurs années plus tard. Des adultes ayant perdu
leur frère ou sœur en unité de soins intensifs rappellent comment, chaque
fois qu’ils étaient impliqués dans la connaissance et le devenir de l’enfant
malade, ils sentaient ces moments essentiels (Fanos et al., 2009).
L’anxiété est particulièrement mise en évidence après une mort subite
(Mandell et al., 1983). Elle se manifeste sous forme d’un sentiment diffus
d’insécurité ou, chez les plus petits, par l’agrippement aux parents. De fait,
toutes les formes d’anxiété sont présentes chez l’enfant : angoisse de sépa-
ration, crainte quant à la santé des parents, peur d’une mort accidentelle ou
provoquée. La crainte de voir mourir sa mère se manifesterait dans près d’un
tiers des cas et celle de décéder lui-même dans 10 % des cas. Les troubles du
sommeil peuvent être liés à des angoisses nocturnes, même en l’absence de
souvenir de rêves ou avant un plein développement du langage. La survenue
secondaire de troubles sphinctériens, et en particulier d’énurésie, est pos-
sible. Ces troubles partageraient une connotation anxieuse et agressive.
Sentiments dépressifs. L’enfant peut se sentir délaissé et manifester
des affects dépressifs ou hostiles. Ce sentiment d’être rejeté n’est pas tou-
jours une simple fantaisie anxieuse. Les parents présentent souvent moins
d’empathie avec l’enfant survivant et parfois le rejettent (Cornwell, 1977,
Le deuil périnatal 377

cité par Brockington,  1996). L’enfant lui-même interagit moins avec ses
parents (Halpern, 1972).
Parentification. Devant la souffrance des parents, l’enfant peut réagir
en tentant d’alléger leur préoccupation, assurant ainsi paradoxalement soin
et aide, au risque d’une hypermaturation.

L’enfant subséquent
La chronicité du deuil peut entraîner des troubles particuliers. Outre des
sentiments dépressifs ou anxieux chez l’enfant, un tableau particulier a été
remarqué et analysé comme une forme de transmission intergénération-
nelle d’un deuil traumatique : « l’enfant de remplacement ».
La grossesse puis la naissance de l’enfant suivant tendent à réactiver
le souvenir de l’enfant perdu ou des attentes non exaucées. Des troubles per-
sistants durant le post-partum de type dépressif ou l’existence de symptômes
post-traumatiques peuvent altérer les interactions et la relation à l’enfant.
Les premiers soins prodigués à l’enfant subséquent lorsque le deuil
n’est pas achevé peuvent être marqués par de brefs instants de confusion
entre l’enfant vivant et le disparu. De simples substitutions de prénoms
jusqu’à des manifestations pseudo-hallucinatoires peuvent se rencontrer,
qui généralement disparaissent rapidement.
Modalités d’attachement. Hughes et al. (2001) ont retrouvé plus fré-
quemment chez les enfants nés après un enfant mort-né (chaque groupe
comprenant 53 sujets) un attachement désorganisé, tenant compte dans
l’analyse des facteurs de risques psychiatriques maternels. Ce type d’atta-
chement était prédit par le statut «  irrésolu  » de la mère par rapport à la
perte, et moins fortement avec le fait d’avoir subi une IMG.
À six ans de vie. Turton et al. (2009a) ont montré par une étude menée
auprès de 52 enfants nés après un enfant mort-né que ces derniers à l’âge de
6 ans ne présentaient pas, selon les enseignants comme les mères, plus de
troubles cognitifs ou de problèmes de santé que le groupe contrôle. Toute-
fois les mères rapportaient une moins bonne ambiance familiale, avec plus
de critique des actions de l’enfant, un comportement plus contrôlant et
moins d’implication.
Le tableau de l’enfant de remplacement. Des travaux sur l’idéali-
sation par les parents de l’enfant perdu et du statut de l’enfant suivant ont
été menés par Caïn et Caïn (1964). Parmi un groupe de six enfants nés après
un aîné décédé et examinés dans le cadre d’une consultation psychiatrique,
Caïn et Caïn (1964) remarquent l’unité de la symptomatologie : obsessions
de la maladie ou de la mort, troubles somatiques divers avec, parfois, mani-
festations de conversion, préoccupations et empiétement de la vie psy-
chique par la représentation du disparu. Le tableau survient lorsque l’enfant
précédent fait l’objet d’une intense idéalisation, d’autant plus aisée qu’il
n’a pas vécu. Il ne s’agit pas d’un destin commun aux enfants subséquents
378 Psychopathologie périnatale

mais d’une configuration particulière retrouvée parmi la grande variété des


équilibres familiaux qui font suite à une mort périnatale. Les peintres Dali
et Van Gogh ont été décrits comme des enfants de remplacement.
Au total, lorsque la naissance de l’enfant suivant est assez rapprochée,
il est très commun de noter une tendance des parents à l’identifier (ou le
comparer) à l’enfant disparu. L’hypervigilance est banale. Cette attitude
s’estompe fréquemment lorsque le dernier né atteint l’âge du précédent.
Elle devient pathogène lorsque le parent ne peut investir dans son altérité
ce nouvel enfant et empiète sur sa vie psychique en lui imposant l’image
de l’autre.

La prise en charge : consensus et incertitudes


Faut-il maintenir les rituels du deuil périnatal ?
Un tiers des enfants mourraient durant la première année de vie au début
du XVIIIe  siècle. Si la douleur spontanée n’était pas rare, et peut être
aussi intense qu’aujourd’hui, ces décès étaient socialement banalisés.
Bien qu’aucune statistique ne soit disponible, il ne semblait pas en même
temps exceptionnel que les mères prennent l’enfant mort-né dans les bras.
Aujourd’hui la pratique de montrer l’enfant mort-né après proposition aux
parents est devenue courante, la douleur est admise et dans une certaine
mesure encouragée à s’exprimer. Dans certaines situations d’ailleurs, répon-
dant à la demande des parents, les soins palliatifs peuvent maintenant se
pratiquer au domicile.
La présentation de l’enfant mort-né
Puéricultrices. Les premières études modernes menées sur le deuil périnatal
ont été le fait d’enseignantes en puériculture (Mac Lenahan, 1962), relayées
ensuite par des obstétriciens (Bruce et al., 1962). Ce n’est qu’en 1968 que
Bourne, pédopsychiatre, interrogea les médecins prenant en charge les
femmes ayant perdu leurs enfants et démontra la méconnaissance générale
des troubles consécutifs à cette perte. Les parents réunis en associations
prirent une part déterminante à faire reconnaître leur souffrance, encou-
rager et organiser les prises en charge des couples endeuillés. En cas de
perte périnatale, il était préconisé que le parent prenne contact, au moins
visuellement, parfois tactilement, avec le nouveau-né décédé, et de rompre
avec l’habitude qui était de cacher le nouveau-né au parent.
L’échographie. Ce mouvement s’est développé, en raison de plusieurs
facteurs, notamment l’usage de plus en plus répandu de la technique de
l’échographie, qui a conduit à une expérience précoce de représentation
objective du fœtus (Soulié, 2011), jusque-là réduite aux percepts internes.
La diminution très importante de la mortinatalité et le nombre réduit des
fratries ont aussi contribué à ces changements. Des rituels de deuil ont été
Le deuil périnatal 379

proposés aux familles, qui incluent la possibilité de voir, toucher et veiller


l’enfant mort-né, de l’inhumer et d’inscrire, avant 20 semaines de gestation
ou le poids de 500 g, son nom à l’état civil. Jusque dans les années 1980, il
était commun que des baptêmes d’urgence aient lieu dans les maternités.
Voir, toucher, inhumer : faut-il maintenir les rituels de deuil ? De nombreuses
études (Trulsson et Radestad, 2004 ; Cacciatore et al., 2008, 2012) montrent
l’effet bénéfique de prendre l’enfant dans les bras, mais évoquent une aggra-
vation momentanée de l’état dépressif durant la grossesse suivante, élément
normal, jusqu’à un seuil, de l’évolution de tout deuil. De nombreux cas
cliniques (Dayan, 2002) sont rapportés de parents qui considèrent essentiel
d’avoir pu voir et, pour certains de prendre dans leur bras, l’enfant mort-né.
Mirlesse et al. (2011) ne retrouvent pas plus de femmes déprimées trois mois
après l’IMG selon qu’elles aient ou non vu le fœtus, mais par contre tendent
à retrouver plus de femmes ne revenant pas pour le suivi des trois mois parmi
celles qui n’ont pas vu le fœtus et l’appelaient « fœtus » plutôt qu’« enfant ».
Une étude (Hughes et al., 2002) a toutefois mis en doute la pertinence de
l’encouragement à voir et encore plus à prendre dans ses bras l’enfant mort-
né. Parmi les 65 mères ayant mis au monde un enfant mort-né (en l’absence
de toute IMG) entreprenant une nouvelle grossesse, la moitié moins d’un
an après la naissance précédente, celles qui ont pu prendre leur enfant dans
leur bras présentent plus de signes d’ESPT au troisième trimestre de gros-
sesse. Leur enfant à un an a plus souvent un attachement insecure. De plus,
les mères qui ont seulement vu leur enfant vont mieux que celles qui l’ont
pris dans leurs bras, et moins bien que celles qui ne l’ont pas vu du tout
(Hughes et al., 2001). Dans cette recherche, le fait pour la mère de prendre
dans ses bras l’enfant est corrélé avec plus de ruptures avec le partenaire
que de le voir simplement, entraînant toutefois plus de risques que de ne
rien faire du tout. Cette étude unique en son genre, publiée dans le Lan-
cet, nécessite d’être confirmée, mais invite à réfléchir sur les conditions de
l’accompagnement.

Annonce de la malformation potentiellement létale


ou du décès in utero
Les remarques développées ci-après sont formulées en relation avec la
prise en charge systématique d’environ une centaine de mères endeuillées
dans le cadre d’IMG ou d’enfants mort-nés et avec la revue de la littérature
(Einaudi et al., 2010).
Annonce. La qualité de l’annonce des anomalies décelées est essentielle,
car elle va fréquemment conditionner les relations futures entre la patiente
et l’équipe obstétricale (Pullen et al., 2012 ; Radestad et al., 1996), mais peut
aussi faire effet de traumatisme. Elle s’accompagne souvent d’une surdité
psychique, la femme entend l’annonce mais le reste du discours s’opère
dans une confusion de mots avec quelques rares îlots audibles, à la façon
380 Psychopathologie périnatale

d’une bande-son dégradée. Ce n’est parfois que lors d’une seconde rencon-
tre ou consultation que les explications vont être réellement comprises et la
question de l’interruption de la grossesse clairement appréhendée.
Attente. Dans le laps de temps qui sépare la décision de l’IMG même,
la mère peut généralement contenir sa souffrance. Cette capacité demeure
toutefois précaire si le délai s’allonge, l’angoisse ou le malaise peuvent s’ins-
taller. La présence du bébé in utero est souvent un élément de réassurance :
la représentation de la perte n’est pas encore fondée sur une expérience. Le
plus souvent, le père ressent un profond malaise, se hâte de ne plus penser
à cette grossesse, cherche à précipiter le moment de l’interruption effective
et s’imagine parfois débarrassé de l’angoisse par l’action.
L’entretien avec le psychothérapeute permet d’évoquer, notamment pour
les primipares, les modalités pratiques de l’expulsion. Il est systématique-
ment proposé aux parents la possibilité, lors de cet accouchement, de regar-
der leur enfant et, s’ils le souhaitent, de le prendre dans leurs bras.
La présentation de l’enfant. Elle répond à une proposition faite aux parents.
Dans notre expérience, la mère ressent et exprime presque toujours de la
compassion pour ce qu’elle nomme la souffrance de l’enfant. Elle exprime
ensuite la profonde satisfaction d’avoir pu le voir. Elle est considérée comme
un élément essentiel de prévention de certaines formes de pathologie du
deuil périnatal, mais les preuves empiriques sont faibles.
La ritualisation de la perte. Les effets sont controversés (Hughes et al., 2002).
Cliniquement, deux risques différents sont appréhendables : précipiter plu-
tôt que prendre le temps pour que la mère voie ou prenne l’enfant dans
ses bras, favoriserait l’issue traumatique ; rassurer la mère par des images,
photos ou autres objets pourrait favoriser la fétichisation de l’enfant perdu
en l’absence d’expérience réelle de vie commune. Par contre, aucune étude
n’a montré que l’inhumation de l’enfant favorise, si elle est décidée avec les
parents, de quelconques troubles.
Sentiments précoces de la perte. La perte sera souvent exprimée sous la
forme d’un sentiment de vide, d’un corps creux duquel on a retiré l’enfant,
d’une incomplétude. Parfois les mères expriment l’impression de ressentir
encore le bébé à l’intérieur de leur ventre, voire de percevoir ses mouve-
ments. Certaines malformations sont plus anxiogènes que d’autres : celles
qui touchent la face ou bien renvoient à une représentation du corps de
l’enfant ouvert, comme par exemple l’absence de fermeture du tube neural,
l’omphalocèle ou le laparoschisis. La présentation à la mère, proposée et
expliquée, jamais imposée ni exercée sous pression, peut permettre de faire
face, par l’expérience, à ces représentations angoissantes.
L’état psychique maternel. La préoccupation maternelle primaire, l’idéali-
sation de l’enfant attendu, la vie fantasmatique et l’expérience de la trans-
formation de son corps propre induisent des représentations et attentes
spécifiques à beaucoup de femmes enceintes vers la fin de la grossesse.
Le deuil périnatal 381

Les réactions maternelles ne peuvent donc être appréhendées sur la seule


base du vécu du personnel présent et des identifications des soignants
(cf. vignettes cliniques).

Idéalisation et humanisation
Vignette clinique 1
Une échographie tardive a conduit au diagnostic d’anencéphalie. L’interruption
de grossesse est proposée à la mère. Le médecin, inquiet de l’aspect de l’enfant,
la décourage fortement de le voir. Bousculé de questions insistantes et précises,
il décrit le fœtus « comme un enfant à tête de grenouille ». L’équipe est très
inquiète des réactions de la mère (qui n’a pas vu son enfant). Cet élément est
saisi positivement par la mère qui imagine sous un masque de carnaval un
bébé conforme à celui-là même qu’elle voulait se représenter : un beau bébé.
Le puissant désir maternel a permis de « créer » un objet d’amour conforme à
son espoir.
Vignette clinique 2
Un enfant décédé in utero est découvert malformé et macéré. L’équipe obstétri-
cale dans la salle d’accouchement s’inquiète de proposer à la mère, une jeune
primipare, de voir son bébé. Les sages-femmes et l’obstétricien préviennent
avec tact et précaution de l’aspect de l’enfant mais demeurent jusqu’aux der-
niers instants anxieux des réactions maternelles. À leur surprise, la mère insiste
malgré tout et demande à prendre l’enfant dans ses bras. Elle lui parle, ainsi
qu’à son mari présent dans la salle, et en souriant lui trouve, à l’étonnement des
soignants, un « air de famille » avec un oncle.

En conclusion : quelle politique de prise en charge ?


Prévention. Accompagner les parents et la fratrie d’une façon proactive,
expliquer et proposer sans imposer, soumettre les cas complexes à une dis-
cussion collégiale, non seulement de la décision obstétricale mais aussi du
type d’accompagnement possible des parents (Payot et al.,  2007), former
les soignants à la prise en charge de ces situations fréquentes, les soutenir
face à ce qui peut être pour eux aussi une source de difficultés, voire de
troubles, mettre à disposition des psychologues au sein des structures pour
les parents, repérer les cas les plus sévères qui sont les plus à risque d’une
évolution compliquée ou durable du deuil sont des axes proposés de pré-
vention.
Soins palliatifs. En cas d’enfants vivants, la loi dite « Léonetti » du 22 avril
2005, dont l’article premier impose que les « actes (de soin) ne doivent pas
être poursuivis par une obstination déraisonnable », promeut la plupart de
ces mesures. Les applications concrètes entraînent un certain malaise des
soignants : il est difficile de laisser un enfant sans le nourrir artificiellement,
même si des techniques peuvent réduire la souffrance secondaire à cette
382 Psychopathologie périnatale

abstention. Par contre un grand laps de temps entre la décision d’arrêt de


réanimation et le décès met les parents en difficulté et les trouble. L’atti-
tude de protection des parents, par une décision de l’équipe médicale et un
avis scientifique très contrôlé pour éviter ce qu’il est supposé de souffrance
et culpabilité parentale, s’est transformée aujourd’hui en une démarche
associant beaucoup plus les parents à la décision, leur donnant une res-
ponsabilité déterminante dans le choix thérapeutique, dont l’abstention.
Faire participer à la décision d’arrêt des soins est généralement vécu par ces
derniers comme une mesure positive et de respect (Caeymaex, 2013).
En cas de décès anténatal ou périnatal, il importe aussi d’effectuer un bilan
de la mise en place des protocoles qui peuvent parfois conduire à une cer-
taine systématisation des conduites peu appropriée dans ces circonstances :
il n’y a pas de « procédure psychique » univoque du deuil, chaque sujet voit
des réactions assez différentes se mettre en place face à la perte.
Le traitement par antidépresseurs reste discuté du fait du risque de déni de
la perte et d’abandon du travail de deuil. Il peut paradoxalement masquer
et conduire à négliger une dépression authentique. On tend actuellement
à le réserver à certains deuils compliqués et prolongés particulièrement
quand les sujets sont réticents à une psychothérapie ou que celle-ci apparaît
inefficace (Bui et al., 2012 ; Mancini et al., 2012). On notera que l’appel à
la psychiatrie comme thérapeutique n’exclut pas une croyance en la pen-
sée magique, en des esprits ou dans les sorts, et l’appel à toutes sortes de
guérisseurs.

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18 Thérapeutique
La grossesse est avant tout le temps du dépistage, de l’écoute, du sou-
tien, de la prévention, de l’information, de la planification, mais parfois
aussi du traitement. Le post-partum peut aussi donner lieu à une action
préventive, mais il est essentiellement le temps du traitement actif. Les
moyens du soin et de la prévention sont multiples. Nous décrirons les
modalités institutionnelles propres à la psychiatrie périnatale et aux
soins psychologiques périnataux (psychiatrie de liaison, unités mère-
bébé et équipes mobiles), les soins psychothérapiques proprement dits
(psychothérapies psychodynamiques brèves, TCC et thérapies inter-
personnelles) et les méthodes psychosociales (du ressort de soignants
ou d’aidants non psy ou d’associations de pairs) et enfin l’usage des
psychotropes.

Modalités institutionnelles
Psychiatrie de liaison
Historique
Dès 1956, Douglas travaillait régulièrement en Angleterre avec un service
d’obstétrique. Ce fut le cas quelques années plus tard, en 1962 de Guyotat,
psychanalyste et psychiatre, à la maternité de l’Hôtel-Dieu à Lyon. L’activité
de liaison a évolué de la prise en charge des accouchées présentant une
pathologie mentale au soutien aux femmes éprouvées par des complica-
tions obstétricales, puis enfin à la prise en compte spécifique du processus
de parentalisation.

Un travail transdisciplinaire
La plainte doit rencontrer une écoute suffisante et un accueil favorable
pour être adressée à un tiers. Cette étape, appelée « la négociation du symp-
tôme », nécessite une base commune d’échanges et de représentations des
troubles et de leurs soins.

Un champ partagé entre la psychiatrie infantile


et la psychiatrie d’adultes
En France, les interventions psychiatriques en maternité sont assurées
pour la plupart par des pédopsychiatres. Cette tendance s’inscrit dans la
continuité des orientations de la pédopsychiatrie française, sensible à une

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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390 Psychopathologie périnatale

approche globale du bébé dans son environnement. En Grande-Bretagne,


un intérêt des psychiatres d’adultes s’est continuellement manifesté depuis
le xixe siècle pour la santé mentale de la mère.

L’organisation des soins


Elle doit assurer un sentiment de sécurité pour les soignants de première
ligne et donc pouvoir établir avec ces derniers un espace commun de
travail, assurer une disponibilité quotidienne et la capacité à se déplacer
rapidement en cas de suspicion de trouble sévère. Les lieux d’intervention
peuvent être multiples, au lit du patient, dans les unités de soins intensifs
ou bien encore dans des bureaux de consultation aménagée (Friedman et
al., 2013).

Indications
On en distingue trois principales : prévention, évaluation et prise en charge,
de la mère, de la dyade et souvent incluant des séquences avec le père ou
la fratrie.

Équipes mobiles
Ce mode d’intervention (Ramonet et Roelandt, 2013) dans le champ de la
périnatalité permet de tenir compte de la spécificité du contexte :
• action temporellement ciblée : de la grossesse ou des échecs de la concep-
tion à la première année de vie environ ;
• fréquence des situations d’urgence : situation de détresse, premiers signes
de décompensation psychotique ou thymique ;
• lieux d’intervention multiples : domicile, départements d’obstétrique, de
pédiatrie, de psychiatrie infantile ou générale, cliniques privées ;
• lien effectifs (en présence) avec multiples réseaux d’intervenants : travailleurs
sociaux, TISF, sages-femmes, réseaux associatifs, soins médicaux hospitaliers ou
libéraux, réseaux d’addictologie.
D’une grande réactivité et souplesse, cette organisation permet d’acquérir
un haut niveau d’expertise. Elle complète et pallie jusqu’à un certain point à
l’absence d’unité d’hospitalisation conjointe mère-bébé en accompagnant et
parfois en organisant la liaison active entre les différents intervenants pour
permettre à la mère d’être régulièrement en contact avec le nourrisson. Elle
s’adresse à tous les milieux sociaux. Elle permet une excellente alliance thé-
rapeutique avec des populations plus réservées ou marginalisées initialement
pour accepter un soin ou la collaboration avec les services sociaux (Lyons
et al.,  1996) Les modalités des interventions peuvent évoluer en s’adaptant
au cours de la maladie et au contexte. L’intervention est aussi possible lors de
soins médicaux à la mère ou au nourrisson et en cas de handicap.
Ces équipes comprennent au minimum l’équivalent temps plein d’un
infirmier, d’un psychologue et d’un psychiatre compétents dans les champs
Thérapeutique 391

de la psychiatrie générale de l’adulte comme dans les troubles du développe-


ment et, si possible, formés à la psychothérapie. Elles sont liées étroitement
à des centres de consultation et de psychiatrie de liaison en psychiatrie
périnatale.

Unités d’hospitalisation mère-enfant


Historique et développement
En Grande-Bretagne
Dès 1948, Main, psychiatre et psychanalyste britannique, expérimente
au Cassel Hospital l’hospitalisation avec leur bébé de mères présentant
des pathologies modérées, dépressives ou anxieuses. Douglas, en 1956,
dans le cadre d’un travail de psychiatrie de liaison avec un service d’obs-
tétrique, accueille au West Middlesex Hospital les mères présentant une
schizophrénie aiguë (psychose puerpérale pour la nosographie française).
Baker et al., au sein de la première unité mère-enfant, créée en 1959 au
Banstead Hospital et comprenant huit lits, comparent l’évolution (1961)
de 20 femmes qualifiées schizophrènes (dont schizophrénies aiguës) hos-
pitalisées avec leur enfant à celle de 20 autres femmes schizophrènes hos-
pitalisées sans leur enfant. Ils mettent en évidence dans le premier groupe
une durée moyenne d’hospitalisation raccourcie et des rechutes à six mois
moins fréquentes. Toutes les mères ayant bénéficié d’une hospitalisation
conjointe ont pu conserver la garde de leur enfant, contrairement à celles
du second groupe. Il existait en 1986, selon Brockington, 294 places
d’hospitalisation mère-enfant, réparties dans 149 hôpitaux psychiatriques
et sept unités mère-enfant de plus de huit places. Ce mouvement va
connaître d’importantes fluctuations puisqu’en 1991 ne subsistaient que
133 places.

En France
Sous l’influence de l’expérience anglaise, Racamier fut le premier à pratiquer
des hospitalisations conjointes (hôpital psychiatrique de Prémontré dans
l’Aisne), plus particulièrement chez les mères psychotiques. La première unité
mère-enfant fut créée en 1979 au centre hospitalier de Créteil en région pari-
sienne. L’influence de la psychiatrie du nourrisson y fut déterminante.
On compte aujourd’hui, en France, quinze unités d’hospitalisation mère-
enfant à temps complet et dix unités le jour (tableau 18.1). Elles peuvent recevoir
en moyenne quatre patientes. À ces lits d’hospitalisation réservés et spécifiques,
il faut ajouter l’accueil à la demande dans des services de psychiatrie générale,
souvent peu adaptés, des mères avec leur bébé, ou plus exceptionnellement
dans un service de pédiatrie ou d’obstétrique. En 2013, des régions entières sont
dépourvues de tout lit d’hospitalisation mère-bébé telles la Bretagne, la Haute et
la Basse-Normandie, qui regroupent 6 millions d’habitants.
Tableau 18.1. Typologie des unités psychiatriques mère-bébé temps plein en France*.

392
UMB Institution Date de création Lieu d’implantation et modalités Nombre de lits
de gestion en post-partum et de berceaux

Psychopathologie périnatale
Créteil 94 CHI Créteil 1979- Unité individualisée gérée par un service de pédopsychiatrie 4+4
Villejuif 94 CHU P. Brousse 1980-1994 Chambres individualisées gérées 2+2
1998- par un service de psychiatrie adulte
Marseille 13 CHU Ste-Marguerite 1985-1990- Unité individualisée dans un service de pédopsychiatrie 2+2
1990 - (accueil possible pour le père)
(hôpital de semaine)
Lille/Addicto Clinique La Charité 1985- Lits en addictologie, cogestion psychiatrie générale 3+3
et pédopsychiatrie
Montesson 92 CH Th. Roussel 1986- Unité individualisée en pédopsychiatrie 8+8
Avignon 30 CHS Montfavet 1988-1997 ; 1997- Unité individualisée gérée par un service de pédopsychiatrie (2+2)
Devenu unité de jour
Lille 59 CHRU 1989- Unité individualisée cogérée par un service de psychiatrie 4+4 (5)
Hôpital Fontan générale et pédopsychiatrie
Besançon 25 CHU St-Jacques 1991- Lits disponibles en pédopsychiatrie 2+2
Paris CH Maison Blanche 1993- Unité individualisée gérée par un service de pédopsychiatrie 5+5 (6)
(convention avec le Réseau périnat Paris Nord)
Limoges 87 CH Esquirol 1995- Unité individualisée gérée par un service de psychiatrie adulte 4+5
Poitiers 86 CHU Poitiers 1996-1997 Unité individualisée cogérée par un service 3+4
et CH H. Laborit 1998- de psychiatrie adulte et pédiatrie
hôpital de semaine
Lyon-Bron 69 CH Le Vinatier 1991-2009 Unité temps plein de Lyon Bron (2+2)
Devenue unité de jour
par manque de moyens x
x UMB


Institution Date de création Lieu d’implantation et modalités Nombre de lits
de gestion en post-partum et de berceaux
La Roche-sur- CH G. Mazurelle 1997-2001 Centre Donald Winnicott, unité intersectorielle, (1+1)
Yon 85 fermé manque de moyens gérée par un service de pédopsychiatrie
Bordeaux 33 Hôpital Ch. Perrens 1998- Unité d’hospitalisation au sein du pôle universitaire 4 (5)+4 (5)
de psychiatrie générale
Albi 81 CHS Albi 1999 2007 Lits disponibles gérés par un service de psychiatrie générale (2+2)
Inactif, manque de moyens
Strasbourg 67 CHRU Strasbourg 2000- Unité fonctionnelle dans un service de psychiatrie générale 4+4
en coordination avec le service de pédopsychiatrie (6+6 en projet)
Nantes 44 CHU Nantes 2003- Unité individualisée en hospitalisation de semaine gérée 3+3
par le service de pédopsychiatrie, située en ville avec l’unité
de jour
St-Denis 93 CH St-Denis 2004- Un lit/année disponible en maternité géré par l’unité 1+1
petite enfance (maximum 3 hospi. en même temps)
Brumath 67 EPSAN, CH Brumath 2007- Unité autonome dans l’intersecteur de pédopsychiatrie 4+5
en lien avec les services de psychiatrie générale
Lyon-Mont- Hôpital privé de 2011 Unité privée « Natecia » en partenariat avec le service (5+5) autorisés

Thérapeutique
plaisir 69 Lyon de pédopsychiatrie du Vinatier non installés
Villeurbanne Clinique Notre- 2008 Hospitalisations dans la clinique psychiatrique cogérée avec 1+1
69 Dame l’Unité de psychopathologie périnatale de la clinique de
(PSPH) Monplaisir
St-Cyr-l’École 78 Hôpital J.M. Charcot 1987 projet de fermeture ( ?) Unité de maternologie 4+4
Le Vésinet 78 CHD Le Vésinet 1858- Unité autonome de 21 lits et 23 berceaux d’hospitalisation

393
postnatale et 20 lits de prénatal. Toutes pathologies 7+7
(seulement 30 % relèvent de la psychiatrie)
*Adapté de Cazas et Glangeaud-Freudenthal, 2009.
394 Psychopathologie périnatale

Spécificité thérapeutique
Empirisme
Ce sont essentiellement des critères empiriques qui ont conduit à
la création de telles unités. Aujourd’hui, les premiers bilans ont été
publiés. Ils montrent la supériorité de ces unités sur les soins ambula-
toires et les services d’hospitalisation ordinaires, notamment pour la
prévention des suicides (Oates, 2003), le soutien à la parentalité, et, par
des enquêtes qualitatives, le sentiment d’être respectée dans sa position
maternelle.
Avantages
Assurer une sécurité psychique à la mère. Les épisodes de déréalisation aiguë
sont un moment de rupture avec le sentiment d’identité, expérience qui
entraîne un sentiment de discontinuité dans le vécu, irréductible même
après guérison. Le soutien à la relation mère-bébé, constitutive du sen-
timent d’identité à cette période, sert de levier thérapeutique dans les
unités.
Réguler les contre-attitudes. Le personnel est le plus souvent formé et
supervisé pour éviter les attitudes contre-transférentielles qui consistent
en la mise à l’écart du nourrisson ou de la mère elle-même ou sa disqua-
lification. Les études recueillant le narratif de mères hospitalisées, surtout
dans les services de psychiatrie générale, ont montré la violence subjecti-
vement ressentie du fait du manque d’égard pour leur statut maternel, le
manque d’information et plus généralement l’inadéquation ressentie du
soin.
Assurer la sécurité physique en maintenant les liens. Seuls des locaux adaptés
et un personnel formé permettent de protéger simultanément le bébé et sa
mère tout en maintenant constante une forme de liens.
Efficacité thérapeutique. Elle est en partie assurée par la seule présence
maintenue du bébé (cf. Baker et al.,  1961) En 2011, a été créée aux
États-Unis la première unité d’hospitalisation mère-bébé. Les respon-
sables ont rapidement publié les premiers résultats de leur démarche
de soins en montrant son efficacité, mais en l’absence de contrôle
(Meltzer-Brody et al.,  2013  ; Glangeaud-Freudenthal et al.,  2013). Un
travail similaire avait été effectué en France en 2010 (Meltzer et al.,
2013  ; Kenny et al.,  2013). Au Royaume-Uni, Kenny et al. (2013) ont
comparé plusieurs groupes de patientes traitées dans le post-partum
immédiat pour des troubles mentaux sévères équivalents (dépression
majeure ou autres pathologies) à domicile (67 sujets) ou dans une UMB
(49 sujets) et un groupe de mère indemnes de toute pathologie. Ils ont
montré, utilisant une technique de vidéo feed-back dans chacun des
groupes, l’amélioration plus significative des interactions mère-bébé
pour le groupe de mères hospitalisées au sein des UMB. Une enquête,
Thérapeutique 395

menée en Grande-Bretagne par Oates et al. (2003), a montré l’absence


totale de suicide en post-partum chez les femmes ayant été hospitalisées
dans les UMB.
Éviter les séparations ou les réaliser dans les meilleures conditions. Il reste assez
fréquent que les mères schizophrènes doivent être séparées de leur enfant,
presque toujours en France de façon non définitive. Avec un suivi précoce,
une partie de ces séparations peut être évitée et, si elles apparaissent néces-
saires, aménagées.
Taux de séparation. Le taux de séparation a été évalué très différemment
selon les unités  : Glangeaud-Freudenthal et al. (2013), 15  %  ; Neil et al.
(2006), 15,6  %  ; Poinso et al. (2002), 8  %  ; Kumar et al.,  (1995), 57,3  %.
Les interactions mère-bébé restent souvent troublées de manière chronique
chez les mères schizophrènes, avec plus ou moins de distorsions, mais sont
le plus souvent normales ou peu altérées en cas de psychoses aiguës ou de
troubles bipolaires.
Indications
Indications curatives
Il s’agit avant tout des psychoses puerpérales, des troubles anxieux invali-
dants, notamment attaques de panique récurrentes et troubles obsessionnels
compulsifs sévères, de certaines dépressions non psychotiques lorsque la
mère évolue dans un environnement défavorable, de décompensations déli-
rantes chez des mères schizophrènes et de troubles de la relation mère-bébé.
Indications préventives
Il s’agit avant tout de l’aide à la parentalité, le plus souvent chez les
femmes présentant des troubles de la personnalité, des antécédents de
carence, parfois dans les suites d’une hospitalisation pour des troubles
aigus sévères.

Méthodes psychothérapeutiques
Psychothérapies « réglées »
Elles sont le fait de thérapeutes formés et supervisés, leurs indications sont
essentiellement les troubles internalisés (anxieux et dépressifs notamment)
et certains troubles de la personnalité.

Considérations générales
Efficacité. En dehors du contexte périnatal, la plupart des études récentes de
validation en cas de trouble anxio-dépressif portent sur les TCC ­(thérapies
comportementales et cognitives) et les TIP (thérapies interpersonnelles),
peu sur les méthodes d’inspiration psychanalytique ­ (Leichsenring et
Rabung,  2008  ; Gerber et al.,  2011). Un rapport franco-canadien très
396 Psychopathologie périnatale

­ iscuté a mis en cause l’intérêt de ces dernières (INSERM, 2004). Les psy-


d
chothérapies étudiées, TCC surtout, montrent dans les épisodes dépressifs
majeurs une efficacité comparable ou supérieure à celle des antidépres-
seurs concernant l’amélioration symptomatique ou la rémission de l’épi-
sode actuel (Dimidjian et al., 2006), et meilleure concernant la prévention
des rechutes à un ou deux ans (Paykel, 2006). Enfin, l’efficacité de toute
méthode psychothérapique, est modulée par la qualité de l’alliance entre
le patient et son psychothérapeute (Barber et al., 2000 ; Baldwin, 2006).
Globalement, les psychothérapies réglées et évaluées tendent à être d’une
efficacité comparable aux traitements par psychotropes et plus efficaces
en termes de prévention des rechutes ou récidives (Baldwin et al., 2005).
Associations. Plusieurs études ont comparé l’efficacité de l’association
psychotropes/psychothérapie au traitement par psychotropes seuls ou
par psychothérapie seule (INSERM, 2004). Le bénéfice d’ajouter un trai-
tement par psychotropes à une psychothérapie semble en général assez
faible.
À l’inverse, l’association d’une psychothérapie (TCC, TIP, thérapies d’ins-
piration psychanalytique), et non d’un simple accompagnement psycholo-
gique (de Maat et al., 2006), à un traitement par psychotropes semble régu-
lièrement bénéfique tant en termes d’amélioration clinique qu’en termes de
réduction des coûts mesurés en jours d’hospitalisation et d’arrêts de travail
(Burnand et al., 2002). Ce bénéfice est surtout démontré en cas de troubles
sévères, discutable ailleurs. Dans le cas particulier de troubles de la per-
sonnalité (Bellino et al., 2006) ou de troubles bipolaires (Miklowitz, 2006)
plusieurs études montrent un avantage net à la combinaison psychotropes/
interventions psychosociales. En pratique, toutefois, ces considérations
générales, incluant des contextes assez différents, ne peuvent être considé-
rées comme une règle d’airain, mais plutôt comme une contribution aux
décisions thérapeutiques.

Dans le contexte périnatal


L’évaluation de l’efficacité porte sur l’état psychique maternel (dépression,
anxiété) mais aussi sur la qualité des interactions qui ne sont pas toujours
corrélées (Forman et al., 2007). Il peut être utile de prolonger les soins por-
tant sur les interactions ou de joindre ces soins simultanément à la prise en
charge psychothérapeutique.
Efficacité à court terme. Très peu d’études prospectives avec groupe contrôle
ont comparé l’efficacité des différentes modalités de soin durant le post-
partum. Cooper et al. ont montré, par une étude portant sur environ 200
sujets en cas de troubles dépressifs (critères DSM-III), la supériorité d’un
traitement bref par une psychothérapie d’inspiration psychanalytique
comparé à la TCC, à la méthode de conseils non directifs et aux soins de
routine (groupe contrôle). L’évaluation s’est tenue à 4 reprises entre quatre
Thérapeutique 397

mois et demi et soixante mois après la naissance. Après neuf mois, aucune
thérapie brève ne se distingue de l’évolution spontanée après des soins de
routine. L’impact sur les interactions mère/nourrisson est favorable avec les
trois techniques psychothérapiques (Milgrom et al., 2005). Il est limité dans
le temps, et significativement plus importante avec le conseil non directif
(Cooper et al., 2003).
Efficacité à long terme. Deux enseignements peuvent être tirés de cette
première étude, confirmés ultérieurement : le bénéfice d’un traitement psy-
chothérapique diminue dans la durée et il n’est pas toujours suffisant pour
améliorer la relation mère-bébé qui doit bénéficier d’un soutien spécifique
quand elle est altérée. Les auteurs concluaient au bénéfice probable d’un
soutien plus étendu dans le temps. Ainsi, une revue (Forman et al., 2007)
n’a pu conclure à l’efficacité durable des TCC après deux ans d’évolution en
cas de dépression postnatale (Perveen et al., 2013).
Prévention. L’avantage de débuter un traitement dès la période anténatale
en cas de dépression ou de troubles anxieux caractérisés a été mis en évi-
dence pour les TIP (Grote et al., 2009). Quelques rares études ont recherché
et ont montré, en cas de troubles anxieux ou dépressifs récents, le bénéfice
des psychothérapies brèves mère-bébé d’inspiration psychodynamique
(Nanzer et al., 2012) ainsi que des TIP notamment celles prenant en compte
les spécificités culturelles (Grote et al., 2009). Par contre une revue met en
doute l’efficacité des TCC (Nardi et al., 2012), probablement parce qu’elles
ne comprennent pas, comme l’a mis en place Milgrom, une prise en charge
globale du sujet.

Interventions « psychosociales » à l’exclusion


des psychothérapies
Définition. Sous ce terme générique sont regroupées des modalités d’aide
et de soutien très diverses qui ont en commun de n’être pas exercées sous
forme de psychothérapie, au sens d’une modalité thérapeutique codifiée
et contrôlée : préparation à l’accouchement, groupes de parole avec ou
sans intervention d’un psychologue, visites à domicile par des visiteurs
de santé, infirmiers, sages-femmes, travailleurs sociaux, soutien par les
pairs, etc.
Limites. En cas de troubles anxio-dépressifs caractérisés, utilisées seules,
ces modalités d’intervention n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
En tant que méthode de prévention de la dépression postnatale (Den-
nis, 2005 ; Baldwin, 2006), une méta-analyse portant sur plus de 7 000
sujets et 15 études prospectives strictement contrôlées n’a pas mon-
tré non plus leur utilité. Cette inefficacité globale est retrouvée même
lorsque la population est ciblée par des questionnaires de dépistage
en anténatal comme ont pu procéder Austin (2003) en Australie ou
398 Psychopathologie périnatale

Le Foll et Guédeney (2014) en France. Le projet français avait pour cible


les femmes sans enfants de moins de 26 ans avec de faibles revenus ou
d’un niveau académique limité ou bien ayant le projet d’élever seule
l’enfant (Dugravier et al.,  2013). Toutefois, sous certaines conditions
ces méthodes psychosociales pourraient voir accroître leur efficacité
« préventive » (Dennis, 2005) : il faudrait qu’elles soient ciblées sur des
groupes à haut risque, qu’elles maintiennent une continuité entre pré-
natal et postnatal, que le suivi soit d’une fréquence élevée et que les
modalités d’intervention s’adaptent au contexte.
Une nouvelle revue de la littérature (Dennis et Dowswell, 2013) a permis
de repréciser les interventions efficaces pour prévenir, pendant la grossesse
surtout, la dépression du post-partum à travers 28 recherches incluant
17 000 sujets. Les interventions qui semblent les plus bénéfiques (des
différences significatives sont mises en évidence avec le soin standard) sont
celles faites à domicile, intensives et individualisées par des infirmières ou
des sages-femmes (RR = 0,56) et le soutien par des groupes de femmes non
professionnels par téléphone. Les interventions durant le post-partum sont
efficaces mais avec un RR plus proche de 1 (RR  =  0,73). Actuellement, la
difficulté de mener des études méthodologiquement rigoureuses tenant
compte de l’ensemble de ces critères laisse ouvert le champ de la recherche
et impose des décisions empiriques.
Les interventions non psychothérapiques n’ont pas globalement
démontré leur efficacité sur les troubles anxio-dépressifs caractérisés du
pré- ou post-partum, ni à titre thérapeutique ni à titre de prévention.
Toutefois, certains résultats suggèrent que ciblées sur des sujets à risque,
en continuité dans le pré- et post-partum, avec un rythme soutenu, indi-
vidualisées et à domicile, elles pourraient voir leur efficacité « préven-
tive  » augmentée. Elles pourraient aussi jouer un rôle très important
dans le dépistage très insuffisant des troubles et constituer un complé-
ment thérapeutique significatif à la psychothérapie et/ou aux psychotropes.

Psychotropes
Les risques d’une prescription pendant la grossesse
Généralités
Sources des connaissances
Outre les études expérimentales, les sources de données sont multiples  :
recueil spontané de cas, rares études de cohorte, examen croisé des dossiers
informatisés sur de très larges populations surtout en Europe du Nord à
l’heure actuelle. C’est donc devant un faisceau d’arguments que les prescrip-
teurs décideront. Ils doivent trouver l’équilibre entre soulager la souffrance
de leurs patientes et prendre un risque, en théorie minime, pour l’enfant
Thérapeutique 399

qu’elles portent ou qu’elles allaitent. De plus, les études nouvelles sur le


stress et l’épigénèse laissent supposer un possible retentissement durable sur
l’enfant des troubles pré- et postnataux non pris en charge : l’abstention est
donc aussi un risque potentiel. Les recommandations actuelles sont fondées
sur l’examen de la littérature en regard d’une clinique très individualisée.

Quels risques étudier ?


In utero  : la tératogenèse, conséquence de l’exposition durant la période
embryonnaire, soit les dix premières semaines de gestation, et la fœto-toxi-
cité résultant d’une exposition in utero au principe actif ou à ses dérivés.
À la naissance : les syndromes périnataux traduisant le sevrage ou l’intoxication
À long terme : le développement.
Nous étudierons principalement les antidépresseurs et les antipsycho-
tiques qui sont les psychotropes les plus prescrits à cette période de la vie.
Les régulateurs de l’humeur et les benzodiazépines pour des motifs mul-
tiples doivent être évités en période prénatale et ne sont plus une pres-
cription de première intention dans la plupart des cas aujourd’hui durant le
post-partum. Des indications pour la prescription seront proposées à la suite
de l’examen de la sécurité des psychotropes.

Les antidépresseurs
Tératogenèse
Tricycliques (TC) : la quasi-totalité des études récentes ne signalent pas d’effet
tératogène (McElhatton et al., 1996 ; Ericson et al., 1999).
Une recherche préliminaire (Kallen et al., 2006) non confirmée à
notre connaissance a montré une élévation significative du nombre de
malformations cardiaques, de sévérité généralement modérée, chez les nou-
veau-nés dont les mères reçoivent de la clomipramine au premier trimestre.
Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine (ISRS) et apparentés. Les données
accumulées jusqu’à ces dernières années ne mettent pas en évidence un risque
accru de malformations (Kallen et al., 2006  ; Hallberg et Sjoblom,  2005) à
l’exception de la paroxétine avec un risque augmenté de CIA et CIV (RR ≈ 2).
Celles concernant la fluoxétine restent particulièrement rassurantes, car
rassemblant le plus grand nombre de travaux ; à l’inverse, il est acquis que la
paroxétine augmente le risque de malformations cardiaques (CIA et CIV) ;
(Diav-Citrin et al., 2005 ; Kallen et al., 2006 ; Cole et al., 2006). Enfin une
étude rétrospective portant sur 5 337 enfants à travers plusieurs registres
nord-américains de malformations a retrouvé un taux significativement plus
élevé d’omphalocéle (OR = 3) avec l’ensemble des ISRS mais surtout avec
la paroxétine (Alwan et al., 2005). Toutefois, Kallen et Otterblad Olausson
(2007), tenant compte des facteurs de confusion (tabac, âge maternel,
parité, antécédents d’avortements spontanés, psychotropes et médica-
ments associés), confirment l’absence de modification du taux global de
400 Psychopathologie périnatale

malformations avec l’usage d’ISRS sauf de CIA et CIV. Une étude, rétros-
pective, portant sur 377 femmes dont les enfants ont présenté une hyper-
tension pulmonaire, comparées à 836 témoins appariés, a mis en évidence
une association significative avec la prise d’ISRS, sans spécificité du produit,
durant la grossesse (Kallen et al., 2007). Ce résultat n’a pas été confirmé par
d’autres recherches publiées à ce jour.
À ce jour, aucune étude n’a montré une modification du taux de malfor-
mations par les antidépresseurs des classes étudiées et autorisées en France
(TC ou ISRS) sauf pour la paroxétine.

Les syndromes périnataux (tricycliques et ISRS)


Sont rapportés des symptômes de sevrage avec les signes caractéristiques
d’hyperpnée, d’irritabilité et de sueurs dans les 24 heures suivant l’accou-
chement, mais aussi un cas associant dysfonctionnement circulatoire et
respiratoire, crise comitiale, hypotonie et tremblements pendant quelques
semaines après l’accouchement (Eggermont, 1973). Ils sont attestés dans les
deux principales classes d’antidépresseurs (TC et ISRS). L’odds ratio dans les
différentes études est environ de 2 (Kallen, 2004 ; Oberlander et al., 2006).
Ajustant sur le taux d’accouchement prématuré, les associations signi-
ficatives signalées avec le taux de détresse respiratoire perduraient (odds
ratio = 1,81). D’autres études utilisant les bases de données de l’OMS (Sanz
et al., 2005) retrouvent une fréquence significativement augmentée de syn-
dromes périnataux avec essentiellement la paroxétine et la clomipramine.

Les effets sur le développement


Les études prospectives sont particulièrement rares et le nombre de sujets
inclus faible ; nous pouvons en citer cinq (Misri et al., 1991, 2006 ; Nulman
et al., 1997, 2002). Dans quatre études, le groupe contrôle était constitué
d’enfants de mères n’ayant pas reçu d’antidépresseurs, et les variables étu-
diées, le QI, le langage pour Nulman et al. (1997, 2002), le tempérament,
l’humeur, la distractibilité et le comportement pour Misri et al. (1991, 2006).
Aucune différence de développement n’était mise en évidence entre les
enfants de mères ayant pris des antidépresseurs et ceux de mères n’en ayant
pas pris. La variable pertinente concernant le développement de l’enfant
n’était pas la prise d’antidépresseurs durant la grossesse, mais la récidive ou
la pérennité de l’état de dépression maternelle au-delà de la période périna-
tale (cf. chapitre sur la dépression). Ces différences significatives portaient
soit sur le développement intellectuel ou du langage, soit sur l’intensité
des troubles internalisés (anxiété, dépression et inhibition) (Nulman et
al., 2002). Casper et al. (2003), chez des mères ayant reçu des ISRS, ont mis
en évidence des scores de développement psychomoteur (échelle de Bayley)
significativement abaissés. Malgré des résultats peu décisifs (Gentile, 2005),
plusieurs auteurs supposent en s’appuyant sur les études animales une sous-
estimation de l’impact neurologique des ISRS (Morrison et al., 2005).
Thérapeutique 401

Les antipsychotiques
Tératogénicité
Les études menées avec des patientes souffrant de troubles psychotiques
comportent un nombre restreint de sujets. Beaucoup d’études ont porté
sur des neuroleptiques portés pour d’autres indications et en général à
doses faibles ou pour des molécules peu prescrites. Le risque semble faible
(RR  =  1,2) mais significatif concernant la phénothiazine (Altshuler et
al., 1996). Pour l’halopéridol, il n’a pas été montré d’incidence de la pres-
cription (Kopelman et al.,  1975  ; Briggs et al.,  2000). Quant aux antipsy-
chotiques récents dits atypiques, il existe actuellement peu de données.
Concernant la clozapine, les risques sont a priori considérés comme réduits
(McKenna et al., 2005 ; Gupta et Grover, 2004) comme pour l’olanzapine
(McKenna et al., 2005) dont seul 20 % environ traversent la barrière pla-
centaire. Les données concernant la rispéridone (McKenna et al., 2005), la
ziprasidone, la quiétapine et l’aripiprazole sont bien trop réduites pour une
quelconque conclusion, mais il faut rappeler les résultats défavorables des
études animales pour les trois derniers produits.
Syndromes périnataux
Ils sont fréquents, affectant jusqu’à 50 % des enfants (Auerbach et al., 1992).
La plupart disparaissent en quelques jours. De troubles plus sévères ont été
rapportés avec la clozapine (Grover et al., 2006).
Les effets sur le développement
Ils sont mal connus mais aucun développement défavorable n’a été établi.
Les antipsychotiques les mieux connus et les plus fiables sont l’halopéri-
dol, le largactil et l’olanzapine.

Les régulateurs de l’humeur


In utero
Antiépileptiques. Les antiépileptiques et leurs dérivés avec, au premier plan,
les dérivés de l’acide valproïque (Dépakine, Dépakote) et la carbamazépine
(Tégrétol) ne doivent pas être prescrits durant la grossesse, sauf cas très parti-
culiers. Il sera préféré la prescription d’antipsychotiques. La lamotrigine en
est une exception, les données actuelles se montrant rassurantes ; elle est
surtout efficace pour le traitement et la prévention des phases dépressives
du trouble bipolaire (Vajda et al., 2013). En cas de prescription, les troubles
cognitifs semblent plus fréquents chez l’enfant de six ans mais uniquement
lorsque les mères présentent un trouble épileptique (Meador et al., 2013).
Comme le lithium, des dosages sont importants au cours de la grossesse
(Clarck et al., 2013).
Lithium. Son maniement est difficile et il expose à plus de risques que les
anti­psychotiques ; il est toutefois le seul médicament efficace chez certains
patients.
402 Psychopathologie périnatale

Tératogenèse. Un réexamen des données de l’International register of lithium


babies (Cohen et al.,  1994) et de nouvelles études prospectives (Jones et
al., 1989) ont confirmé l’existence d’un risque de survenue d’une anomalie
cardiaque type Ebstein avec un risque relatif maximal de l’ordre de sept. Le
risque absolu reste toutefois faible, de l’ordre de 1/1000. Sa prescription au
premier trimestre impose une surveillance échocardiographique.
Syndromes périnataux
Les bébés exposés au lithium avant l’accouchement (à des taux sanguins
maternels normaux), peuvent présenter le tableau de l’enfant mou (floppy
syndrom) (Schou et Amdisen,  1973  ; Newport et al.,  2005). Des tableaux
d’insuffisance cardiaque ont été aussi rapportés.
Il sera systématiquement préféré durant la grossesse les antipsychotiques
aux antiépileptiques, à l’exception de la lamotrigine, et leurs dérivés. Le
lithium est un choix possible dans des cas particuliers.

Les benzodiazépines
Leur prescription doit être évitée.
Tératogenèse
Le risque principal est la survenue d’une fente labio-palatine. L’odds ratio
est de 1,8 avec un taux de malformations égal à environ 0,1  % chez les
sujets exposés.
Syndromes néonataux
Si l’enfant a été exposé près du terme, des symptômes d’intoxication (dys-
régulation de la température corporelle, troubles respiratoires, défaut de
succion et syndrome de l’enfant mou) ainsi que des signes de sevrage (trem-
blement, excitation, irritabilité, parfois diarrhées ou vomissements) sont
régulièrement rapportés (Briggs et al., 2002).
Effets sur le développement
Il n’existe pas de données fiables en la matière.

Psychotropes et allaitement
Tous les psychotropes sont susceptibles de passer dans le lait maternel. Le
transfert est principalement sous la dépendance de la liposolubilité et du
gradient de concentration (Hale, 1999). Durant les deux premières semaines,
de larges espaces entre les cellules alvéolaires permettent le passage aisé
de certaines molécules. Des revues sont constamment réactualisées sur ce
mode de prescription (Dayan et Graignic-Philippe, 2011).

Les antidépresseurs
Aux doses usuelles, ils sont toujours détectables dans le lait (Weissman
et al.,  2004) alors que les taux plasmatiques néonataux sont par contre
Thérapeutique 403

souvent nuls ou très faibles sauf avec la fluoxétine (ISRS) et la clomi-


pramine (TC).
Tricycliques. Seules la doxépine (Matheson et al., 1985) et la dothiépine
(Buist et Janson, 1995) ont été associées avec des signes de toxicité aiguë ou
un retard de développement.
ISRS. La plupart des ISRS semblent d’une grande sécurité d’emploi durant
l’allaitement (Weissman et al., 2004 ; Rubin et al., 2004 ; Berle et al., 2004).
Par contre 10 % de complications, principalement bénignes, ont été rappor-
tées avec la fluoxétine et un cas de léthargie avec la paroxétine.
Les produits dont les taux plasmatiques néonataux dosés sont les plus faibles
sont recommandés comme l’amitryptiline, la paroxétine ou la sertraline.

Les antipsychotiques
Le passage de l’halopéridol dans le lait maternel est attesté mais sans effet
connu. La chlorpromazine (Yoshida et al., 1999 ; Rubin et al., 2004) peut
entraîner somnolence et léthargie. Un retard du développement a été
retrouvé chez 3 enfants entre 12 et 18 mois soumis à de fortes doses de
chlorpromazine, mais associées à d’autres psychotropes. Avec l’olanza-
pine, le taux dans le lait est faible et le produit indétectable dans le plasma
du nouveau-né. Aucune complication directement imputable n’a été
retrouvée chez les enfants exposés (Yoshida et al., 1999 ; Rubin et al., 2004 ;
Gentile, 2004 ; Brunner et al., 2013).

Les thymorégulateurs
Le lithium. Sa toxicité potentielle est surtout importante (Schou, 1998) en
cas d’infection intercurrente du bébé. Elle entraîne cyanose, hypotonie,
troubles de la succion, anomalies électrocardiographiques. La vulnérabilité
est maximale dans les premiers jours de vie. Moretti et al. (2003) ont retrouvé
une dose absorbée ajustée variant entre 0 et 30 % de la dose maternelle et
des taux sériques plus dispersés chez le nouveau-né (2 cas seulement). Les
auteurs recommandent une prise en charge individualisée avec surveillance
clinique et dosage de la lithiémie chez la mère et l’enfant.
Valproate et carbamazépine sont considérés comme compatibles avec
l’allaitement, les taux étant remarquablement bas chez les mères n’ayant
pas reçu le produit durant la grossesse. (Wisner et Perel, 1998). Il est toute-
fois recommandé la recherche d’hépatotoxicité et de troubles de la coagula-
tion particulièrement en cas de dosages élevés bien qu’aucune complication
n’ait été rapportée pour le Valproate (Dodd et Berk, 2004).
Au total  : La prescription de lithium est compatible avec l’allaitement à
condition d’une surveillance clinique étroite et biologique, surtout les deux
premières semaines. Le nourrisson doit être en bonne santé, non prématuré,
non infecté (risque de déshydratation). Carbamazépine ou valproate parais-
sent mieux indiqués du fait de leur innocuité apparente, les données sont
moins nombreuses sur la lamotrigine, mais restent dans l’ensemble favorables.
404 Psychopathologie périnatale

Les benzodiazépines
Ils doivent être évités. En cas de nécessité, il est préconisé d’utiliser une molé-
cule à demi-vie courte comme l’oxazépam, le lorazépam ou le temazépam
(McElhatton, 1994) et une prescription brève.

Le traitement est accompagné d’une surveillance clinique fœto-maternelle


puis du nouveau-né avec adaptation des doses. En France, une mise à jour
constante des connaissances sur la toxicité de ces psychotropes est effectuée
par le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT). Il est aussi
utile de se référer aux données et références internationales. Chaque pres-
cription doit évaluer le rapport risques/bénéfices et tenir compte de l’avis
d’une patiente éclairée et avertie du contexte de la prescription, l’absten-
tion étant aussi un risque.

Indications thérapeutiques

Vignette clinique : pathologie dépressive chronique


Arrêt du traitement en anténatal, posologie insuffisante en post-
partum
Mme F., âgée de 33  ans, présentant un état dépressif sévère est admise au
troisième mois du post-partum en service de psychiatrie pour une tentative de
suicide médicamenteuse.
Ses antécédents sont un syndrome dépressif évoluant depuis cinq ans et pour
lequel elle est suivie en psychothérapie. Ses oncles et tantes maternels sont
dépressifs, un oncle s’est suicidé.
Mariée depuis deux ans, elle a accouché d’un premier enfant. L’épisode dépres-
sif actuel est survenu au 6e mois de sa grossesse. Son traitement antidépresseur
avait été arrêté en vue de la grossesse mais, devant la réapparition d’angoisses
massives par rapport à l’issue de sa grossesse et d’une humeur triste, un traite-
ment par clomipramine a été de nouveau instauré à la posologie de 75 mg/jour.
La symptomatologie s’est rapidement améliorée et la grossesse s’est poursuivie
normalement. La posologie a été ensuite diminuée à 25 mg/jour au motif de
permettre l’allaitement. L’accouchement, par voie basse, s’est déroulé norma-
lement, les suites de couches ont été simples et Mme F. a pu rejoindre avec son
enfant le domicile conjugal. Deux mois et demi après son accouchement, au
moment du sevrage, elle présente une recrudescence anxieuse (angoisses de se
retrouver seule avec le bébé) et des idées noires avec « l’envie de se retrouver
seule une fois pour toutes ». Se sentant indigne d’élever son enfant et mauvaise
femme pour son mari, elle décide de mettre fin à ses jours en ayant, au préa-
lable, confié son enfant à la nourrice. Dans le service de psychiatrie où elle est
hospitalisée, elle présente un état dépressif caractérisé mais sans symptômes
psychotiques. Le traitement par clomipramine, qui était resté à 25  mg/jour,
est rétabli à haute posologie : 100 mg/jour et associé à des antipsychotiques
Thérapeutique 405

sédatifs. L’évolution sera favorable en une quinzaine de jours. Elle sort avec ce
même traitement. Elle reprend sa psychothérapie arrêtée depuis sa grossesse.
Cette dépression du post-partum s’inscrit dans une dynamique évolutive depuis
le 6e mois de la grossesse : c’est une dépression périnatale. Cette femme a pu
bénéficier d’un traitement antidépresseur par clomipramine pendant sa gros-
sesse, mais la posologie de 25 mg/jour n’a pas permis d’éviter la rechute. Paral-
lèlement, aucune prise en charge psychologique après son accouchement n’a
été établie ; la seule prophylaxie médicamenteuse était insuffisante.

Choix des psychotropes


Le choix du psychotrope dépend (tableau 18-4) du trouble présenté, des
antécédents, de l’efficacité et de la tolérance en cas de produit déjà prescrit,
et de la connaissance générale des effets iatrogènes des produits. À défaut
d’autres arguments, il est généralement préférable d’utiliser les antipsycho-
tiques comme les antidépresseurs les plus anciennement prescrits pour les-
quels le moins d’effets iatrogènes ont été signalés. Concernant ces derniers,
en période périnatale, il n’y a pas d’avantage incontestable des inhibiteurs
spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) sur les tricycliques (TC)
concernant l’ensemble des variables prises en compte.

Règles générales de prescription durant la grossesse


ou en cas d’allaitement
1) Préférer pour les troubles modérés chez les patientes à bas risque un trai-
tement psychothérapique au traitement par psychotropes.
2) Déterminer les situations à très haut risque de rechutes ou récidives (≥ 30 %)
(cf. tableaux 18.2 et 18.3) :
a) dépressions majeures sévères traitées durant la grossesse ou en prénatal
(Yonkers et al., 2009) ;
b) troubles bipolaires difficilement équilibrés ou avec de nombreux épi-
sodes (même en cas de rémission prolongée) (Barbui et al., 2013) ;
c) antécédent de psychose puerpérale.
3) Modalités de prescription, lorsqu’une prescription médicamenteuse
paraît nécessaire :
a) prescrire à doses minimales efficaces, éviter les associations, choisir les
psychotropes qui ont fait leurs preuves chez la patiente ;
b) en cas d’allaitement, vérifier l’état clinique du nouveau-né et au moindre
doute ses fonctions rénale et hépatique ; proscrire les psychotropes chez
une mère d’un enfant prématuré ou éventuellement l’allaitement, conseil-
ler une prise unique après la dernière tétée du soir, alterner éventuellement
avec l’allaitement au biberon, utiliser les produits dont la concentration
plasmatique chez le nouveau-né est la plus faible et les effets indésirables
connus les moins marqués.
406 Psychopathologie périnatale

4) Monitoring : tenir compte du volume de dilution croissant au cours de


la grossesse et s’effondrant en post-partum particulièrement pour certains
produits (lamotrigine, lithium), vérifier le taux plasmatique à plusieurs
reprises.
5) Plus discuté, car empirique : éviter le premier trimestre (mais risque de
rechute) ; réduire progressivement le dosage à l’approche du terme pour évi-
ter les syndromes périnataux (mais date du terme peu prévisible, efficacité
discutée, risque de rechutes).

Tableau 18.2. Principales propositions thérapeutiques durant la grossesse.


Trouble actuel Antécédent Risque évolutif Traitement proposé
Rémission (partielle Dépression majeure 50 à 75 % (rechute Reprise du traite-
ou totale) récemment traitée* avant la naissance) ment AD. Soutien
psychothérapique
Trouble bipolaire I 30 % de récidives en Guidance
de type I* post-partum Envisager pro-
Psychose puerpérale* phylaxie
(AP surtout, lithium,
lamotrigine)
Manie*, psychose*
aiguë*, mélancolie* Hospitalisation,
AP, AD, etc.
Schizophrénie* Schizophrénie 20 à 40 % Maintenance par AP
(aggravation)
Épisode dépressif 20 à 40 % en Soutien psycho-
post-partum thérapique. Pas
d’indication AD
d’emblée
(sauf formes sévères
et troubles anxieux
caractérisés associés)
Troubles anxieux Mal connu Envisager AD si
caractérisés* formes sévères ou
s’aggravant
AD : antidépresseurs ; AP : antipsychotiques ; BZD : benzodiazépines ; TC : tricycliques ; ISRS :
inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ; UMB : unité mère-bébé.
* dans les situations à haut risque, le traitement peut être débuté dès la phase d’embryogenèse
avec les antipsychotiques et les antidépresseurs les plus sûrs. Suivi étroit en cas de traitement
par lithium ou lamotrigine. Dans tous les cas prévenir la mère des données de la science sous
une forme claire et compréhensible.
Thérapeutique 407

Tableau 18.3. Principales propositions thérapeutiques durant


le post-partum.
Trouble actuel Antécédent Risque évolutif Traitement proposé
(Grossesse)
Psychose Suicide, infanticide Urgence médico-légale.
puerpérale Hospitalisation, en UMB si
possible
Avis spécialisé : hospitalisa-
tion, psychothérapie, AP, AD,
ECT, etc.
Psychose 30 % de récidives Prophylaxie dès la naissance
puerpérale en post-partum (AP surtout)
ou (tenir compte éventuel traite-
Trouble bipolaire ment pendant la grossesse)
Type I Surveillance étroite 2 premières
semaines.
Schizophrénie Schizophrénie 25 à 50 %, aggrava- Soutien à la relation +
tion ou reprise des Traitement de maintenance
éléments délirants par AP
et hallucinatoires
DPP Récidives, Psychothérapie
chronicité, AD (formes sévères, évolutives,
troubles du lien comorbidité avec troubles
anxieux caractérisés)
408
Tableau 18.4. Choix du psychotrope : recommandations générales et timing.

Psychopathologie périnatale
Classe Début de grossesse (premier trimestre) Fin de grossesse (48 à 72 h) Nouveau-né Allaitement
AD ISRS (ne pas prescrire TC (éviter si possible +/– Réduction progressive doses Surveillance clinique Éviter fluoxétine (coliques,
paroxétine surtout clomipramine en en fin de grossesse (fonction de la doses plasmatiques élevées
en début de grossesse) début de grossesse) clinique). chez le nouveau-né).
Éviter fluoxétine (ISRS) et clomi- Nortryptiline, paroxétine et
pramine (TC) car syndromes de sertraline sont souvent indé-
sevrage plus fréquents tectables chez le nouveau-né
allaité
Régulateurs Éviter lithium en Ne pas prescrire val- Si déjà prescrit (lithium ou Surveillance clinique Éviter lithium (si prescrip-
de l’humeur début de grossesse proate ou carbamazé- l­omotrigine), ajuster les doses en et biologique initiale tion, dosages plasmatiques
(syndrome pine sauf indications fin de grossesse en fonction des du nouveau-né en utiles mère-enfant).
d’Ebstein) exceptionnelles taux plasmatiques, surveillance cas d’administration Préférer AP, valproate ou
Préférer AP si néces- durant le travail pré- et postnatale de carbamazépine
saire ou lomotrigine Préférer AP si nécessaire lithium chez la mère
BZD Éviter administration Éviter, sinon réduire progressive- Surveillance clinique Éviter sauf ponctuellement
prolongée ment les doses, arrêt si possible
AP Éviter en début Préférer chlorproma- Réduire progressivement les doses Surveillance clinique Éviter associations avec
de grossesse (mais zine, halopéridol, au en fin de grossesse (discuté) autres psychotropes, sur-
risque faible) besoin olanzapine veillance clinique
AD : antidépresseurs ; AP : antipsychotiques ; BZD : benzodiazépines ; TC : tricycliques ; ISRS : inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ; UMB :
unité mère-bébé.
Thérapeutique 409

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Index

A Amentia, 209
AAI, 50, 69 AMMI, 69
Abandon, 102, 123, 125, 126 Amygdale, 267
Abstinence, 326 Amygdalienne, 54
Abus, 312 Anémie, 340
––physique, 169 Angoisse, 133
––sexuel, 87, 169, 343 ––de séparation, 376
Acamprosate, 327 ––œdipienne, 275
Accès maniaque, 213 ––préœdipienne, 275
Accordage, 296 Annulation, 364
––affectif, 49 Anomalie faciale, 321
Accouchement Anorexie, 270, 341, 345
––dénégation, 246 Anthropologie, 11
Accueil des jeunes enfants, 70 Antidépresseur(s), 226, 382
Acculturation, 12 Anxiété, 273, 356
ACTH, 194 ––de séparation, 185, 186
Actualisation, 45 ––généralisée, 187
Adaptation, 256, 296 ––grossesse, 186
––trouble, 114, 243 ––post-partum, 186
Addiction, 65, 314 ––spécifique, 185
Adolescence, 83, 114 Anxieux
Adopté, 102 ––ambivalents, 61
Adoption, 15, 70, 109, 289 ––évitants, 62
––confidentielle, 105 ––résistants, 61
––internationale, 116 ––troubles, 344
––ouverte, 105 Artère utérine, 199
––plénière, 105, 110 Assistance médicale à la procréation
––précoce, 116 (AMP), 8, 263, 373
––simple, 105, 110, 123 ASSSI, 69
––tardive, 115 Attachement, 23, 50, 111
Adultère, 105 ––Attachment multiple model
Affects, 45 interview, 69
Âge maternel, 167 ––désorganisé, 62, 64
Âge tendre ––fœto-maternel, 348
––doctrine, 25 ––insecure, 28
Agressivité, 273 ––père, 278
Alcool, 92, 188, 274, 311, 317, 357 ––secondaire, 278
Aliénation parentale Attention, 53, 113, 114
––syndrome, 31 Autoengendrement, 40
Allaitement, 166, 323, 325, 329, 346 Autoquestionnaire, 70
Ambivalence, 37, 39, 355 Autorité, 25, 267
Aménorrhée, 237 ––parentale, 124

Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité


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416 Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité

Avortement, 125, 345, 353 Comportement, 170


––spontané, 344 ––d'attachement, 57
––troubles, 114
B
Compulsifs, 395
Baclofène, 327 Conduites
Base sécurisante, 59, 70 ––troubles, 275
Benzodiazépines, 402, 404 Conflit, 31, 68
Biais de recrutement, 144 Conformisme, 343
Binge drinking, 319, 322 Conscience, 131, 132
Binge eating, 341, 345 Consommation, 312, 313, 321, 326
Biologie, 263 ––déclaration, 320
––paternité, 262 Contagion
Bisexualité, 103, 259 ––du déni, 237
Blues Contagiosité, 240
––post-abortion, 355 Contexte social, 354
––post-partum, 253 Contingence, 49, 172
Bonding, 71 Contraception, 21, 85, 87, 290
Borderline, 191 Contre-attitude, 394
Bouffée délirante aiguë, 209 Contrôle
Boulimie, 341, 345 ––perte, 371
Buprénorphine, 323, 328 Conversion, 343
Coparentalité, 17
C
Cortex cingulaire antérieur, 53
CaMir, 70
Cortex préfrontal, 267
Cannabis, 86, 325
Cortisol, 194, 198, 254
Care, 339
Cotation, 172
Caregiver, 51
Couple, 67, 375
Carence(s), 66, 112, 116, 169
Couteau, 190
Catastrophes, 194, 195, 365
Couvade, 266
Catécholamines, 148, 199
Crânien
Cérébral(e), 267
––périmètre, 196
––développement, 117
Craving, 340
––plasticité, 117
Crête neurale, 197
Césarienne, 148, 193
CRH, 194, 196, 198, 254
––en urgence, 192
Cri, 53
Chances de survie, 57
Crime, 353
Child behavior check list, 113
Crypte, 5
CIM, 207
Culpabilité, 192, 367
Classifications, 209
Culturel, 88
Clozapine, 401
––modèle, 267
Cocaïne, 311, 324
Cure, 339
Code civil, 262
Current relationship interview, 69
Colère, 367
Collégiale D
––discussion, 381 Déculturation, 12
Collusion Dégénérescence, 206
––du déni, 237 Dégoût, 339
Compétences scolaires, 60 Dénégation, 245, 364
Complications obstétricales, 90, 240, 243, Déni, 126, 133
289, 291, 318 ––de grossesse, 235, 293
Index 417

––de paternité, 276 DSM, 207


––des compétences du nourrisson, 346 Durée
Dépendance, 275, 312, 314 ––dépression, 160
Dépersonnalisation, 253 Dyade, 47, 260
Dépistage, 159 Dysphorie, 253
Déplacement, 364
E
Dépressifs
––troubles, 344 Éducation, 145
Dépression, 86, 88, 111, 186, 256, 357, Église, 20
371 Électroconvulsivothérapie, 226
––anténatale, 143 Embryon, 104
––majeure, 273 Embryonnaire
––maternelle, 272 ––réduction, 372
––mineure, 271 Empathie, 56
––modérée, 271 Empreinte, 58
––paternelle, 271, 279 Enfance
––périnatale, 149 ––événements défavorables, 146
Déréalisation, 133, 261 Enfant
Désir, 19, 24, 102, 317 ––adultérin, 14
––enfant, 37 ––de remplacement, 377
––grossesse, 88 ––dénégation de l', 246
––paternel, 259 ––premier, 38, 84
Désorganisé, 62, 66 ––présentation, 380
Deuil, 128, 224 ––projet, 37, 259
––durée, 368 Enfant mort-né
––parental, 365 ––présentation, 378
––pathologique, 365 Envahissant
––périnatal, 363 ––déni, 246
––travail, 363 Envie, 367
Développement, 4, 50, 92, Environnement, 114
112, 174 EPDS, 272
––stress, 197 Épigénèse, 199
Dialogue tonique, 49 Épigénétique, 161
Dilution Erreurs d'attribution, 67
––volume, 406 Estime de soi, 88, 343, 356
Dissimulation État de stress post-traumatique, 186, 374
––de grossesse, 235 Ethnique, 88
Dissociatif Eugénisme, 290
––trouble, 244 Évaluation, 143
Diurétiques, 289 ––méthodes, 185
Domicile, 390 Événement de vie, 145
––intervention, 398 Évitement, 192
––naissance à, 166 Exclusion défensive, 65
Don de gamètes, 104 Exploration, 64
Dopamine, 221, 266 Exploratoire
Douleur, 270, 329 ––activité, 279
Drogue, 92, 357
F
Droit, 13
Famille, 268
––anglo-saxon, 136
––français, 135 ––d'accueil, 115
Droit de garde, 71 ––nom, 14
418 Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité

Fantasmé Histoire à compléter (attachment story


––enfant, 42 completion task), 70
Fantasme(s), 5, 43, 192, 206, 262, 354 Holding, 49
Fausses couches, 6 Homicide, 353
––spontanées (FCS), 320, 360 Homogamie, 22
Fécondité, 83, 290, 323, 344 Homoparentalité, 17, 99
Fertilité, 323, 355 Homosexuel, 261
Fétichisation, 380 ––couple, 99
Filiation, 6, 7, 11, 46, 99, 263 Hormonal, 254, 265
––adoptive, 15 Hormones, 194
––métonymique, 40 ––cortisol, 163
––narcissique, 223 ––œstrogène, 163
––naturelle, 15 ––progestérone, 163
Fœtal ––stéroïdiennes, 163
––développement, 318 ––thyroïdiennes, 162, 222
Fœto-toxicité, 323 Hostile/Helpless, 69
Fœtus, 20, 60 Hyperactivité, 113
Fonctionnement cognitif, 60 Hyperemesis gravidarum, 345, 347
Fratrie, 261, 376 Hypermaturation, 299
Fréquence cardiaque, 194 Hyperprotection, 113
Hypothalamo-hypophysaire
G ––axe, 198
Gamète, 263 Hypothalamus, 53
Garde Hystérisation négative, 244
––alternée, 25, 26, 29
I
––conjointe, 25, 26, 29
Généalogique Identification, 45, 50, 259
––ordre, 40 Illusion, 43
Gènes, 262 Imagerie, 53
Génétique, 161, 222, 288 Imaginaire, 40
––polymorphisme, 321 ––enfant, 42
Géniteur, 126 Imago, 42, 259
Gestation IMG, 353
––durée, 196 In utero, 399
––pour autrui, 16, 105 Inceste
Grossesse ––prohibition, 12
––déclaration tardive, 249 Incinération, 364
––illégitime, 125 Infanticide, 124, 216, 241, 247
––inconsciente, 237 ––et néonaticide, 128
––planification de la, 166 ––mode, 130
––subséquente, 374 Infantile
––mortalité, 366
H Infertilité, 3, 372
Hallucination, 43 Information, 326
Halopéridol, 401 Inhumation, 364
Hémorragique Insecure, 65, 66
––état, 192 Interactif(s)
Hépatite C (VHC), 8 ––pattern(s), 51
Hérédité, 288 Interaction(s), 50, 259, 324
Héroïne, 311, 323 ––corporelles, 296
Hippocampe, 267 ––mère-nourrisson, 294
Index 419

––précoces, 61, 170, 325 Méthadone, 323, 328


––visuelles, 296 Méthylation, 161
––vocales, 296 Microcéphalie, 320
Interactionniste, 48 Middle knowledge, 244
Intergénérationnel, 4, 104 Minorité ethnique, 145
Interruption de grossesse, 290 Miroir, 50
––médicale, 371 Modèle interne opérant
––refus, 358 (MIO), 64
––volontaire (IVG), 22, 83, 93, 344, Monitoring, 406
353, 360 Monoamine-oxydase, 254
Intersubjectivité, 51 Monoparentalité, 17, 87
Intoxication, 315 Mort, 43, 376
Irritable ––subite du nourrisson, 134,
––nouveau-né, 148 370
Isolement Mortinatalité, 366
––sensoriel, 349 Motivation, 52
––social, 349 Münchhausen
Ivresse, 86 ––procuration, 32
––social, 32
J ––syndrome, 32
Jouer, 278
Jumeaux, 288 N
Naissance, 83
L ––dénégation de la, 246
Langage, 56, 92 ––préparation à la, 166
Leptine, 164 Narcissisme, 46, 270, 367
LH, 342 Narratifs, 70
Libido, 158 Nausée, 270
Lithium, 401 Négation
Loi dite Léonetti, 381 ––de grossesse, 235
Négation de grossesse, 93
M
Négligence, 63, 114
Magnétoencéphalographie, 55 ––grave, 87
Maltraitance, 63, 66, 91, 360 Néonaticide(s), 248
Mamanais, 53 ––à répétition, 130
Manchester child attachment story ––culturel, 131
task, 70 Nicotine, 311
Mandat et dettes, 5 Nom, 21
Manie, 256 Normes, 16
Manque néonatal Nosographie, 209
––syndrome, 323
Mariage, 84, 99 O
––amoureux, 22 Objet, 42
Marijuana, 311 Objet amoureux
Mary Ainsworth, 59 ––choix, 23
Mécanisme de défense, 242 Obsession, 395
Méconnaissance, 235 Obstétricales
Mélatonine, 164 ––complications, 360
Mère Ocytocine, 55, 56, 199, 222, 266,
––lesbienne, 101 342
Mérycisme, 340 Œdipe, 12
420 Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité

Œstradiol, 264, 266 Périnatal(e)


Œstrogènes, 221, 254 ––mortalité, 366
Olanzapine, 401 Personnalité, 65
Opiacé, 314 ––obsessionnelle, 191
Opioïde, 323 Personne, 19
Perspective évolutionniste, 58
P
Perte, 380
Pandysmaturation, 297 Peur, 58
Panique Phobies
––attaque de, 187 ––d'impulsion, 189, 190
––trouble, 187, 188 ––infanticides, 191
Paradoxe darwinien, 288 Pica, 340
Paranoïde Placement, 70, 117, 239, 300, 301
––trouble, 277 Pleurs, 158
Parent, 10, 18 ––et sommeil, 174
Parentage Poids, 341
––intuitif, 52 Polyconsommation, 313
Parental(e) Polydépendance, 330
––autorité, 24 Prééclampsie, 148
––conflit, 24 Prématuré
––effort, 264 ––accouchement, 195
––exercice, 24 ––enfant, 196, 268
––rôle, 21 Prématurité, 194, 319, 323, 345
Parentalisation, 3 ––extrême, 369
Parentalité, 3, 41 Préoccupation maternelle primaire, 41
––exercice, 8 Prépsychotique
––expérience, 8 ––manifestation, 215
––généalogique, 7 Prescription
––génétique asexuée, 7 ––règles générales, 405
––génétique sexuée, 7 Prévalence, 238
––pratique, 8 Prévention, 136
Parenté, 11, 13, 18 Primate, 264
Parentification, 3, 377 Primipère, 268
Parité, 147 Processus thérapeutique, 70
Paroxétine, 400 Procréation, 15, 23
Partenaire, 313 Programmation fœtale, 197
Paternage, 268 Programmes, 57
Paternalité, 267 Projection(s), 67
Paternité, 260 Projective attachment interview, 70
––biologique, 263 Prolactine, 222, 266
––juridique, 263 Protection, 279
Pathologie médicale Psychanalytique, 277
chronique, 147 Psychopathologie, 63, 66
Pensée Psychose(s), 131, 315
––incontrôlable, 185 ––aiguë, 213, 276
––magique, 245 ––aiguë confusionnelle, 277
––obsédante, 189 ––cycloïde, 209
Père, 46, 130, 239, 262 ––de la grossesse, 215
––deuil, 375 ––de souhait hallucinatoire, 364
––éducateur, 267 ––hystérique, 209, 211
Perfectionnisme, 343 ––post-abortum, 357
Index 421

––psychogénique, 211 Ritualisation, 380


––puerpérale, 205 Rituels, 189, 364, 367, 378
––puerpérale masculine, 275 ––deuil, 379
––schizo-affective, 211 Roman familial, 6
––schizophréniforme, 210
S
Psychosociale
––intervention, 397 Scénario, 43
Psychothérapeutique, 226 Schéma
Psychothérapie, 395 ––amoureux, 68
––inspiration psychanalytique, 396 ––d'être-avec, 51
Psychothérapique, 405 Schizophrène
Psychotrope, 396, 398, 405 ––mère, 287
PTSD, 373 Secret, 109, 123, 125
Puberté, 84 Secure, 61
Sécurité, 394
Q Séduction, 264
QI, 92 Sélection naturelle, 57
Questionnaire, 159 Sensibilité maternelle, 61
––des styles d'attachement Séparation, 67, 71, 300, 330
(QSA), 70 Séropositive, 9
Sérotonine, 164, 221
R Sevrage, 274, 315, 326
Racisme, 118 Sexe, 269
Rapports sexuels, 40 Sexualité, 8, 85, 287, 316
RCIU, 323 ––troubles, 344
Réalité Sexuelle(s)
––jugement, 364 ––agression, 191
Réanimation, 369 ––orientation, 100
Récidive, 217 ––relations, 24
Récompense Signal, 52
––circuit, 54 Situation étrange, 171
––système, 343 Socialisation, 86
Réconciliation, 47, 260 Socio-économique, 268
Réfléchir aux états mentaux, 60 Socio-économique
Régulateur de l'humeur, 226 ––condition, 90
Régulation émotionnelle, 66 Soins, 269
Régurgitations, 340 ––organisation, 390
Rejet, 376 ––palliatifs, 369, 381
Relation d'objet, 297 Sommeil
Relationship scales questionnaire, 70 ––blues, 255
Religieuse, 372 Sourire, 51
Représentation, 43, 59, 103, 364 Soutien social, 146
––de la naissance, 40 Spécificité, 157
Reproduction, 287 Stérilisation, 290
Résidence, 25 Stérilité, 6, 263
Résilience, 89 Stigmatisation, 38
Retard de croissance, 116 Still-face, 171
––intra-utérin, 195, 318, 319, 324 Stimulation, 279
Retard mental, 320 Strange situation (situation étrange), 26,
Reviviscences, 368 59–61, 69
Rires, 53 Stratégies
422 Psychopathologie de la périnatalité et de la parentalité

––d'attachement, 62, 68 ––cognitive, 395


––d'attachement masquées, 63 ––comportementale, 395
––de maximisation, 60 ––interpersonnelle, 395
––de minimisation, 60 ––psychanalytique, 396
––primaires, 60 Thymorégulateur, 403
––secondaires, 60 Timing, 196, 244
Stress, 169, 220, 256, 318 Tonus vagal, 148
––aigu, 192 Toxicomanie
––chronique, 194, 195 ––trouble d'utilisation, 310
––post-traumatique, 192 Toxiques
Striatum ventral, 343 ––abus, 346
Substance ––substances, 87
––illicite, 280 Transculturel(les), 259, 271
Substance ––études, 220
––abus, 94 Transdisciplinaire, 389
––illicite, 280 Transgénérationnel, 4, 50, 104
Substance psychoactive, 274, 343 Transmission
––classification, 309 ––risque de, 290
––consommation, 310 Transparence psychique, 44
Substitution Trauma, 112
––traitement, 328 Traumatique, 42, 43, 355
Sucré Trouble(s)
––produit, 340 ––anxieux, 274
Suicide, 358, 365 ––bipolaire, 276
Suivi de grossesse, 135 ––de l'attachement avec inversion des
Surdité psychique, 379 rôles, 64
Synchronie, 172 ––de l'attachement indiscriminé, 63
Synchronisation, 55 ––de l'attachement non attaché, 63
Syndrome d'alcoolisme fœtal, 320 ––obsessionnel compulsif, 189
Système ––psychotique bref, 211
––comportemental d'attachement, 59 U
––d'attachement, 59
Unité mère-enfant, 302
––d'exploration, 59
Urgence médico-légale, 226
––motivationnel, 59
V
T
Vasopressine, 55, 267, 342
Tabac, 147, 325 VIH, 8
Tératogenèse, 323 Violence(s), 114, 275, 313
Testostérone, 264 ––sexuelles, 31
––salivaire, 265 Vomissements, 270, 341, 347
Théorie darwinienne, 57
Thérapeutique, 65 X
Thérapie Xénophobe, 118

471524 – (I) – (1,2) – CMM90

Elsevier Masson SAS - 62, rue Camille-Desmoulins,


92442 Issy-les-Moulineaux Cedex
Dépôt Légal : octobre 2014

Composition : Thomson

Imprimé en Pologne par Dimograf

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