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Numéro 2

Octobre 2010 Revue Africaine sur le Commerce


et le Développement

Editorial

Commerce et Intégration Régionale en Afrique :


Démêler les écheveaux et Passer un Cap !
AGENCE AFRICAINE POUR LE COMMERCE ET LE DEVELOPPEMENT

Par Dr El Hadji A. DIOUF


Directeur Exécutif de 2ACD
E-mail : elhadjidiouf@2acd.org

L’Afrique centrale ensuite,


Les fronts de négociations L’Afrique de l’Ouest avec une organisation
commerciales se multiplient d’abord. Une volonté de régionale (CEMAC) disposant
pour les pays africains. Tous politique commerciale d’un TEC, et de réelles
imbriqués. Et ce n’est pas commune énoncée à travers
GLOCAL

velléités de la rapprocher de la
qu’une tendance conjoncturelle. le Tarif Extérieur Commun CEEAC pour une politique
C’est une réalité structurelle qui (TEC) de l’UEMOA, en commerciale régionale
fait réfléchir sur de véritables phase d’être transposée dans harmonieuse. Elle est dans la
stratégies d’harmonisation au l’espace plus globalisant de même configuration que
niveau régional. Car outre la la CEDEAO, avec une l’Afrique de l’ouest. Le
politique commerciale nationale cinquième bande tarifaire en Cameroun a signé un APE
élaborée à partir du siège prime. Mais la CEDEAO est intérimaire et est censé
classique de la souveraineté désagrégée par l’existence de exporter vers l’UE suivant ce
étatique, toutes les autres trois régimes commerciaux régime.
positions de négociations différents et antinomiques à
commerciales ont un lieu l’idéal commercial régional (suite page 2)
commun d’impulsion. C’est la énoncé. Les PMA sont sous
station régionale. Par le régime de
pragmatisme et par empirisme. l’Initiative tout
Mais aussi par nécessité. La Sauf les Armes vis Dans ce numéro :
dimension régionale est le à vis de l’Union
recours évident pour les pays Européenne • Commerce International, Politique de
africains, afin d’espérer garder (UE) ; la Côte Concurrence et Accords de Partenariats
un leadership crédible dans les d’Ivoire et le Economiques : Réflexions sur les Enjeux
négociations commerciales et Ghana qui ont et Perspectives d´un Triptyque ………….p3
avoir des gains tangibles sur signé des Accords • Interview de Son Excellence M. Libère
leurs différentes économies. de Partenariat BARARUNYERETSE, Ambassadeur,
Si le fait est constant, la réalité Economique Représentant permanent de
est plus fuyante. Les politiques (APE) individuels l'Organisation Internationale de la
commerciales régionales sont censés Francophonie (OIF) auprès des Nations
africaines peinent encore à être exporter vers l’UE Unies à Genève …………………………………p8
suivant ce
fluides et prévisibles. Les • Renforcement de l’Intégration
processus d’intégration nouveau régime;
Régionale pour une Relance des
commerciale subissent les faits alors que le Economies Africaines………………………p14
plus qu’ils ne les impulsent. Le Nigéria qui n’est
fameux « bol de spaghettis » ni Pays Moins • Aléas Conjoncturels et Harmonisation
Avancé (PMA), ni des Politiques Fiscales : L’Intégration
n’a jamais été aussi fumant que
signataire d’APE Régionale à l’épreuve de la dernière crise
sur le continent. L’image
individuel est alimentaire dans l’espace UEMOA…..p 18
d’aujourd’hui correspond certes
à une volonté d’intégration assujetti au • Diversité des régimes commerciaux et
assumée, mais déstabilisée par Système Général Processus d’intégration Régionale dans
des intérêts concurrents sur des de Préférences la zone CEMAC :
espaces géographiques (SGP) de droit Les APE en questions……………………. p21
différents. commun
européen.
Les PMA de la région (Tchad, (COMESA) au Tchad où les produits de personnes. Un vrai espace commercial,
Centrafrique, Guinée Equatoriale, Sao RDC pourraient entrer en libre circulation avec de réelles possibilités d’échanges qui
Tomé et dans le cas d’un APE constituent une réponse pertinente au
Principe) régional CEMAC (Union problème du déficit du commerce intra
restent couverts douanière) ? Quel est le africain.
par l’Initiative «En Afrique de l’ouest comme du centre, régime commercial d’un
Il est vrai qu’au delà des ambitions, il
Tout Sauf les il y a une volonté assumée de mise en produit européen, entré au
faudra démêler les écheveaux existants.
Armes alors que commun des politiques commerciales ; Cameroun en franchise de
Mais l’ambition aurait des vertus
le Gabon et le mais au final, on se retrouve dans la droits de douane et sans
contaminantes. Les efforts de l’intégration
Congo, pays en situation d’UNE Région, avec TROIS quotas par le biais de
commerciale régionale en Afrique de
voie de régimes commerciaux, pour ZERO l’APE intérimaire qui se
l’Ouest et du Centre sont louables. Les
développement, intégration. Cherchez l’erreur !» retrouve en RDC par le jeu
superpositions CEDEAO/UEMOA et
restent du libre échange de la
CEEAC/UEMOA ont généré des
assujettis au CEEAC, mais dont la
processus asynchrones d’intégration que
SGP de droit destination finale est
les APE ont aussi aidé à révéler
commun européen, comme le Nigéria. l’Ethiopie qui se doit de l’accueillir
davantage. Après les micro-
Dans les deux situations, en Afrique de comme un produit local dans la cadre de
rationalisations internes au niveau des
l’ouest comme du centre, il y a une l’Union douanière de COMESA ?
organisations concernées, il faudra passer
volonté assumée de mise en commun des
Cette réflexion, avec à l’étape supérieure
politiques commerciales ; mais au final,
en toile de fond le cas de l’élimination
on se retrouve dans la situation d’Une
de la RDC, peut aussi progressive des
Région, avec TROIS régimes
s’appliquer, mutatis « Une Zone de libre Echange CEDEAO/ barrières artificielles
commerciaux, pour ZERO intégration.
mutandis, au Burundi UEMOA/CEMAC/CEEAC engloberait à entre l’Afrique de
Cherchez l’erreur !
voisin qui est à la priori 24 pays. Le 25ème qui serait la l’ouest et l’Afrique
L’imbroglio de l’intégration régionale en fois, membre de la RDC pourrait constituer à la fois une du Centre. Le
Afrique a un symbole, s’il ne faut en CEEAC, de la zone tampon et une rampe de lancement commerce du
choisir qu’un. La République nouvelle pour deux grandes Zones de Libre Cameroun est-il si
démocratique du Congo (RDC) est au configuration APE de Echange africaines qui iraient du Caire détourné de celui de
cœur du continent. Elle reste une la communauté au Cap et de Dakar à Djibouti. Seulement son puissant voisin
potentielle puissance commerciale. Elle d’Afrique de l’Est alors, l’Afrique pourra réellement espérer nigérian ? Quels sont
représente une marché d’environ 60 (qui est aussi une peser sur les négociations commerciales les critères humains,
millions de personnes et ses 9 pays voisins union douanière) et internationales » économiques et
(cas rare) sont autant de convoitises que du COMESA. La commerciaux de
d’opportunités commerciales. La RDC est superposition des différenciation entre
membre de la CEEAC, qui est une Zone deux Unions les deux régions ? A
de Libre Echange. Elle n’est pas membre douanières de la CAE et du COMESA en l’évidence, le processus tripartite
de la CEMAC organique qui est une fait elle une Union douanière ? COMESA, SADC, CAE nous revient
Union douanière, mais négocie un APE comme un rappel à l’évidence de certaines
avec l’UE dans le cadre de cette Les questions se bousculent et ne trouvent réalités : commercer entre soi même
configuration régionale. CEMAC pas de réponses dans les configurations d’abord, avant de commercer avec les
organique et CEMAC/APE ont toutes régionales actuelles qui ne correspondent autres ; se constituer en grands ensembles
pas au champ défini par les politiques pour bénéficier d’un grand marché
deux vocation à appliquer un TEC.
commerciales communes existantes. crédible aussi du point de vue de la
La RDC va devoir appliquer dans le cadre Ramenées aux APE, les mêmes capacité de l’offre que d’un marché
de l’APE un TEC qui ne l’oblige pas au incohérences subsistent. Le principe de la potentiel en convoitises. Voilà les priorités
niveau strictement régional. Devra t-elle libre pratique qui garantit la libre commerciales pour l’Afrique.
intégrer la CEMAC organique pour circulation des biens et des services dans
rationnaliser davantage la politique un même territoire douanier autonome, Une Zone de libre Echange CEDEAO/
commerciale régionale ? Sao Tomé et compte non tenu de leurs origines, met à UEMOA/CEMAC/CEEAC engloberait à
Principe est dans la même situation, qui nu les brèches ouvertes par les APE priori 24 pays. Le 25ème qui serait la
est aussi similaire à celle de la Mauritanie intérimaires de la Côte d’Ivoire ou du RDC pourrait constituer à la fois une zone
en Afrique de l’Ouest. Cameroun. Tout produit européen, exporté tampon et une rampe de lancement pour
sous ce régime, en Duty free/Quota free, deux grandes zones de libre Echange
La RDC est membre du COMESA qui est est dans les faits en libre circulation dans africaines qui iraient du Caire au Cap et de
une Union Douanière (libre circulation des la région concernée par l’effet de Dakar à Djibouti. Seulement alors,
produits importés comme des produits l’existence des unions douanières de l’Afrique pourra réellement espérer peser
originaires de la zone). Elle est en même sur les négociations commerciales
l’UEMOA et de la CEMAC.
temps membre de la SADC qui est une internationales.
Zone de Libre Echange (libre échange Pendant que ces questions restent en
seulement pour les produits originaires de suspens, plus par impuissance que par
la Zone). Quel est le régime commercial stratégie, le COMESA, la SADC et la
d’un produit mozambicain entré en RDC CAE impulsent un processus important de
par le fait du libre échange (SADC), et création d’une Zone de Libre Echange
qui est censé circuler dans la zone ambitieuse qui s’inscrit dans le processus
COMESA sans justification de son plus général de la création de la
origine ? Quel est le statut du produit Communauté Economique Africaine. Elle
malgache entré en RDC en libre ira du Caire au Cap, regroupera 26 pays
circulation sans condition d’origine africains, pour un marché de 578 millions

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Commerce International, Politique de Concurrence et Accords de
Partenariat Economique : Réflexions sur les Enjeux et Perspectives d´un
Triptyque

Egalement, ce blocage exprime une objectif d´analyser la dynamique des


ambivalence de la relation commerce rapports entre commerce international et
international et droit de la concurrence. droit de la concurrence avec les enjeux
En même temps qu´il peut servir qu´elle suscite avant de jeter un regard
d´instrument de protection des marchés prospectif sur le futur du droit de la
contre les pratiques anticoncurrentielles, concurrence au niveau multilatéral. La
le droit de la concurrence peut également section 2 de cette contribution rappelle
constituer un instrument d´accès aux l´ambivalence des rapports entre
marchés. commerce international et droit de la
concurrence; la section 3 discute les
L´absence d´accord sur le plan multilatéral enjeux et perceptions divergentes de la
a conduit à l´exploration d´autres voies relation commerce international et droit
Par Dr. Mor Bakhoum, LLM sur le plan bilatéral, notamment par l´UE à de la concurrence, et la section 4 est
travers les Accords de Partenariat consacrée à quelques remarques
Research Fellow au Max Planck Institute for Economique (APEs). Par ailleurs, une
Intellectual Property, Competition and Tax law, conclusives.
Munich. stratégie de convergence, notamment
E-mail: mor.bakhoum@ip.mpg.de dans le cadre de l´International 2. Commerce international et droit de
Competition Network (ICN) dans la la concurrence : une relation
1. Introduction pratique des autorités de concurrence est ambivalente
considérée comme un facteur de
rapprochement et de réduction des Le développement exponentiel de
S´il y a un sujet sur lequel un potentiel
divergences dans l´application des politiques de concurrence dans les pays
accord multilatéral dans le cadre de l´OMC
différentes politiques de concurrence. Les en développement depuis les années 1990
semble lointain, c´est le droit de la
questions concurrentielles ne reflète pas, en soi, un accord sur le rôle
concurrence. Malgré la reconnaissance
transfrontalières résultant de l´ouverture du droit de la concurrence aussi bien dans
des rapports étroits entre commerce
progressive des marchés, résultat de la les politiques économiques internes que
international et droit de la concurrence et
globalisation de l´économie, nécessitent dans ses rapports avec le commerce
de la nécessité d´une régulation au plan
des solutions international. L´adoption de politiques de
international des
communes. Ceci concurrence dans les pays en
comportements sur
«Le processus de convergence ainsi que est d´autant plus développement a initialement été associée
le marché des
l´adoption de politiques de concurrence vrai pour les à des contraintes législatives imposées par
entreprises
dans les APE vont dans le sens d´une opérations de les bailleurs de fonds en droit ligne avec la
transnationales, les
diffusion des principes du droit de la concentration qui libéralisation des activités économiques ;
perspectives d´un
concurrence tels que perçus et appliqués peuvent résultat du consensus de Washington. Le
droit « mondial de
impliquer droit de la concurrence, dans cette
la concurrence » (1) dans les pays développés, le droit de la
l´application de approche est souvent assimilé comme un
demeurent concurrence tel que diffusé dans ces
standards outil d´ouverture des marchés des pays en
incertaines. La accords bilatéraux reflète une perception voie de développement. Toutefois, avec la
question est encore «occidentale» du droit de la concurrence ; à différents.
Toutefois, le découverte, dans les années 1990, des
débattue, des tort ou à raison assimilée à un outil
processus de effets néfastes de cartels internationaux
propositions sont supplémentaire d´accès aux marchés des
convergence ainsi dans les économies des pays en
encore faites mais pays en développement. »
que l´adoption de développement, le droit de la concurrence
le statu quo est la
politiques de a commencé à être perçu de plus en plus
constance.
concurrence dans comme un outil de protection des marchés
Les controverses qu´a suscité la question les APEs vont dans le sens d´une diffusion nationaux. Cette différence de perception,
ainsi que les différentes propositions des principes du droit de la concurrence comme nous le verrons, a été, entre
faites dans la doctrine témoignent de tels que perçus et appliqués dans les pays autres, la cause de l´échec dans le cadre de
l´acuité de la question. L´échec de la développés. En effet, le droit de la l´OMC des perspectives de l´ouverture de
conférence de Cancún ainsi que la concurrence tel que diffusé dans ces négociations sur la question. D´une
suppression de la question de la accords bilatéraux reflète une perception perception du droit de la concurrence
concurrence de l´agenda de l´OMC réduit «occidentale» du droit de la concurrence ; comme outil de protection des marchés
les perspectives de négociations encore à tort ou à raison assimilée à un outil des pays en développement, on tend
moins d´accord multilatéral sur la supplémentaire d´accès aux marchés des aujourd´hui de plus en plus à une
question commerce international et droit pays en développement. Cette approche conception «instrumentaliste» du droit de
de la concurrence. Ce blocage sur le plan n´est pas en phase avec la perception la concurrence qui est de plus en plus
multilatéral résulte d´une différence de naissante du droit de la concurrence assimilé comme un outil de
perception du droit de la concurrence non comme outil de développement. Le fossé développement économique. Ces
seulement entre pays développés, qui se creuse entre l´approche de différentes approches des interfaces
notamment l´Union Européenne et les concurrence et l´approche de entres droit de la concurrence et
Etats-Unis, mais aussi entres pays développement va avoir une influence commerce international ont des
développés et pays en voie de certaine sur un potentiel accord sur la conséquences certaines sur une solution
développement qui sont encore à un stade question au plan multilatéral. internationale pour faire face aux
initiatique dans l´introduction et pratiques anticoncurrentielles
l´application de politiques de concurrence. Cette succincte contribution a pour internationales.

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2.1. L´approche «expansionniste» : le développement d´entrer en négociation transnationales. Par contre, les autorités
droit de la concurrence, un outil sur un cadre multilatéral sur la question de concurrence des pays en
d´accès aux marchés dans le cadre de l´OMC. Cette approche du développement n´ont pas accès à
droit de la concurrence comme l´information pour poursuivre et
L´émergence de politiques de concurrence instrument d´accès constitue également la sanctionner de telles pratiques. L´option
à la fois comme instrument juridique et trame qui caractérise l´orientation des de la régionalisation des politiques de
comme politique économique est un objectifs assignés au droit de la concurrence dans les pays en voie de
phénomène relativement nouveau dans concurrence dans les APEs. développement est de plus en plus
les pays en développement. De par ses explorée pour faire face aux cartels
principes d´interdiction des ententes 2.2. L´approche «protectrice» : le droit internationaux. Ces politiques régionales
entres entreprises susceptibles de fausser de la concurrence, un outil de de concurrence, dans la plupart des cas,
la concurrence, de l´interdiction des abus « protection » des marchés et un non plus, ne sont pas opératoires.
de positions dominantes, de la régulation instrument de « développement »
de opérations de concentration ainsi que Par conséquent,
de l´exigence de neutralité des Etats dans Parallèlement à la malgré la
conception du droit de « Depuis quelques années une doctrine
la conduite des activités économiques, le perception du
la concurrence comme autorisée explore le droit de la concurrence
droit de la concurrence met au pied droit de la
d´égalité les acteurs du marché. instrument d´accès en relation avec les objectifs de concurrence
que l´on pourrait développement économique. A côté de comme outil de
Ces principes de base du droit de la qualifier l´objectif purement économique comme la protection, les
concurrence expriment l´objectif et «d´expansionnisme poursuite de l´efficience, des objectifs marchés des
l´impératif de protection de la économique», le droit qualifiés de «non économiques» comme la pays en voie de
concurrence en tant qu´institution. de la concurrence est protection de l´emploi, l´équité, la protection développement
Appliqués dans un cadre national, aux également perçu des infants entreprises, la protection des demeurent
acteurs économiques locaux, ces principes comme un outil parties historiquement désavantagées etc… encore
garantissent un traitement égalitaire des nécessaire à la sont de plus en plus présentes dans les vulnérables
différents acteurs économiques ainsi que protection des face aux cartels
politiques de concurrence des pays en voie
la neutralisation de l´intervention de l´Etat marchés des pays en internationaux.
de développement»
dans les activités économiques. Ces voie de Parallèlement à
principes qui garantissent une développement suite à la perception
concurrence libre et non faussée l´ouverture de leur marché à la du droit de la concurrence comme outil de
protègent la liberté de commerce et de la concurrence internationale. Cette protection, il apparaît de plus en plus dans
libre concurrence (2) . perception se reflète à travers la la doctrine une perception du droit de la
multiplication de concurrence comme instrument de
Analysé sur le législations de la
plan « La perception par les pays en voie de développement qui contraste avec une
concurrence dans vision du droit de la concurrence qui se
international, développement du droit de la concurrence les années 1990
avec l´ouverture focalise uniquement sur l´efficience
comme un instrument d´accès des entreprises suite à la
des marchés des économique. En effet, depuis quelques
des pays développés à leurs marchés est l´une découverte des années une doctrine autorisée explore le
pays en
des raisons de la réticence des pays en cartels droit de la concurrence en relation avec
développement à internationaux.
développement d´entrer en négociation sur un les objectifs de développement
la concurrence
internationale, la
cadre multilatéral sur la question dans le cadre L´argument économique. A côté de l´objectif purement
de l´OMC » avancé pour économique comme la poursuite de
protection de la justifier ces
concurrence en l´efficience, des objectifs qualifiés de «non
politiques est la économiques» comme la protection de
tant nécessité de lutter contre les cartels
qu´institution constituerait un instrument l´emploi, l´équité, la protection des infants
internationaux. L´objectif est noble. Force entreprises, la protection des parties
additionnel d´accès des entreprises est toutefois de constater que ces
transnationales dans les marchés des pays historiquement désavantagées etc… sont
législations n´existent que dans les textes de plus en plus présentes dans les
en développement. En effet, le principe de et ne sont pas opératoires. En effet, la mise
non discrimination et de traitement politiques de concurrence des pays en
en œuvre efficiente du droit de la voie de développement(3). La mise en
égalitaire des acteurs du marché garantit concurrence nécessite une volonté
un avantage aux entreprises œuvre de ces objectifs se reflète
politique, un cadre institutionnel adéquat, nécessairement sur l´élaboration et
transnationales. Dans sa perception des ressources matérielles suffisantes et
première, le droit de la concurrence tel l´application du droit de la concurrence
une expertise affirmée dans le domaine ; dans les pays en développement.
qu´introduit dans les pays en éléments qui n´existent pas dans
développement est analysé comme un beaucoup de pays en développement. La Par ailleurs, en droite ligne avec l´objectif
instrument d´accès aux marchés des pays conséquence est que l´objectif de de développement économique de plus en
en développement. « protection » des marchés des pays en plus assigné au droit de la concurrence, la
C´est cette perception supposée ou réelle développement contre les pratiques question des interfaces entre droit de la
du droit de la concurrence comme anticoncurrentielles externes demeure concurrence et politiques industrielles
instrument supplémentaire d´accès aux une chimère. Malgré l´existence de suscite encore des controverses. Dans
marchés des pays en développement qui législations de concurrence dans les pays cette perspective, l’Antimonopoly Act qui
s´est invitée dans les discussions autour en développement, leurs marchés sont est entré en vigueur en Chine en 2008
d´un cadre multilatéral sur la concurrence toujours vulnérables aux pratiques suscite un intérêt particulier pour les
dans le cadre de l´OMC. En effet, comme anticoncurrentielles conclues de multinationales ainsi que la doctrine du
nous le verrons, la perception par les pays l´extérieur. Les autorités de concurrence fait de son potentiel à constituer un
en voie de développement du droit de la des pays développés comme les Etats-Unis instrument de politique industrielle. Cette
concurrence comme un instrument et l´UE travaillent de concert et différence de perception du rôle du droit
d´accès des entreprises des pays collaborent de manière étroite, dans le et de la politique de concurrence a eu et
développés à leurs marchés est l´une des cadre d´accords de coopération, pour faire aura un impact certain sur les discussions
raisons de la réticence des pays en face aux pratiques anticoncurrentielles autour d´un cadre multilatéral sur le droit
de la concurrence.

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droit d´accès égal dans les marchés des reconnaissant d’emblée «l´importance
3. Droit de la concurrence et commerce
pays développés. d´une concurrence libre et non faussée»
international : des perceptions
dans les relations commerciales entre les
différentes et des enjeux inconciliables Par ailleurs, les leçons tirées des parties signataires. La réaffirmation dans
Les tentatives pour trouver des solutions négociations de l´accord ADPIC ont rendu un accord commercial de l´importance
communes pour juguler les pratiques plus réticentes les pays en voie de d´une concurrence libre et non faussée
anticoncurrentielles résultant du développement d´entrer dans un accord exprime une philosophie concurrentielle
commerce international ne sont pas multilatéral sur le droit de la concurrence. reconnue et acceptée comme étant
récentes. C´est avec l´initiative de l´UE conforme au degré de développement des
3.2. L´émergence d´une nouvelle
dans le cadre de l´Uruguay round que la pays industrialisés. On pourrait même
stratégie : promotion du droit de la
question est revenue sur le devant de la considérer qu´un tel langage est basique(7)
concurrence à travers les APEs
scène. En en droit de la concurrence qui, de manière
effet, l´UE a Face à l´incertitude générale, a pour soubassement la
été l´un des d´un accord au reconnaissance d´une concurrence libre et
« La protection en soi de la libre concurrence niveau multilatéral, non faussée. Dans cette optique, les
initiateurs
d´un cadre mettrait au pied d´égalité les entreprises locales d´autres voies sont paragraphes a et b de l´article 126 de
multilatéral et les multinationales actives dans les Etats explorées, l´accord reconnaissent respectivement les
sur la membres du CARIFORUM. Cette égalité de notamment par l´UE, ententes et les abus de position
concurrence traitement dans le marché mettrait les pour promouvoir dominante comme étant restrictives de
dans le entreprises locales dans une position son agenda concurrence dans les territoires
cadre de défavorable puisque n´ayant pas les moyens de « concurrentiel ». Il respectives de l´UE et du CARIFORUM et,
l´OMC. Sa supporter la concurrence des multinationales» s´agit des APEs. Il par conséquent, incompatibles avec le
stratégie n´a convient de fonctionnement de l´accord.
pas toutefois souligner également
Ce qui frappe à la lecture de ce principe
convaincu. En effet, aussi bien les Etats- le phénomène de
posé par l´article 126 est l´absence de
Unis que les pays en voie de convergence dans la pratique des
toute référence à la situation spécifique
développement ne se sont montrés autorités de la concurrence sous la
qui pourrait nécessiter une concurrence
enthousiastes et convaincus de l´approche houlette de l´International Competition
«diluée» dans les Etats CARIFORUM.
de l´UE. Network (ICN). Créée sur initiative
Aucune flexibilité que les besoins de
américaine, et regroupant la plupart des
Face à cet échec, l´UE a changé de fusille développement pourraient exiger n´est
autorités de concurrence des pays
d´épaule et s´est tournée vers la mentionnée dans les principes. Comme on
développés ainsi que des pays en voie de
coopération bilatérale, notamment dans le l´a indiqué avec raison, la promotion et la
développement, l´ICN s´est assigné pour
cadre des APEs avec ses partenaires protection de la libre concurrence, c´est à
tâche le rapprochement, à travers le soft
économiques pour poursuivre son agenda dire de la concurrence en tant
law, les législations et la pratique des
en matière de politique de concurrence. qu´institution est une fin en soi, et non un
autorités de concurrence. Ce
moyen utilisé pour atteindre des objectifs
3.1. Cancún et l´échec d´un agenda rapprochement répond à l´impératif de
spécifiques ; de développement par
«pro-concurrence» de l´UE trouver des solutions communes pour les
exemple(8).
cas de pratiques anticoncurrentielles
L´UE a été l´initiateur d´un projet de cadre mettant aux prises différentes législations Ce langage, basique de prime abord, cache
multilatéral sur le droit de la concurrence de la concurrence et pour lesquelles une approche fondée sur la protection de
dans le cadre de l´OMC. Sa démarche est différentes autorités de la concurrence la concurrence en tant qu´institution en
en droite ligne avec la conception sont compétentes. Si l´objectif est droite ligne avec l´approche
européenne du droit et de la politique de salutaire, ce rapprochement ne va pas concurrentielle des pays développés.
la concurrence. dans le sens de l´intérêt des pays en voie Comme on l´a souligné, «le chapitre relatif
de développement puisque le au droit de la concurrence dans l´accord
Toutefois, face à la réticence des pays en
rapprochement est unilatéral et se fait CARIFORUM/EU reflète les objectifs
développement ainsi que des Etats-Unis
autour des principes des politiques de typiques des politiques de concurrence des
d´accepter les propositions de l´UE, celle-
concurrence des pays développés, pays développés qui est d´interdire les
ci a revu sa proposition dans un sens
notamment de l´UE et des Etats-Unis(6) . pratiques commerciales restrictives en vue
beaucoup plus favorable à la situation des
pays en développement(4) . Ce changement de protéger leur investissement et garantir
Parallèlement à la stratégie de
de stratégie n´a pas produit de résultat l´accès au marché suite à la libéralisation
convergence, plus souple, puisque
puisque aussi bien les Etats-Unis que les du commerce». En effet, la protection en
n´impliquant pas d´obligations, l´UE
pays en développement(5), pour des soi de la libre concurrence mettrait au
poursuit son agenda pro-concurrentiel à
raisons différentes, se sont opposés à pied d´égalité les entreprises locales et les
travers les APEs qui imposent plus
l´agenda de l´UE. multinationales actives dans les Etats
d´ouverture des marchés des pays
membres du CARIFORUM. Cette égalité de
partenaires. L´accord EU/CARIFORUM
Pour les Etats-Unis, c´est la réticence traitement dans le marché mettrait les
conclu entre l´UE les pays membres du
d´entrer dans tout cadre multilatéral qui entreprises locales dans une position
CARICOM servira d´exemple pour
réduirait leur liberté d´appliquer leur défavorable puisque n´ayant pas les
l´analyse de l´agenda concurrentiel de l´UE
politique de concurrence qui est à moyens de supporter la concurrence des
à travers les APEs.
l´origine de leur opposition. Comme on l´a multinationales. C´est la raison pour
souligné dans la doctrine pour les 3.2.1. Accès au marché et approche laquelle dans les pays en développement
autorités américaines, tout doit se faire à «pro-concurrentielle» de l´accord on reconnaît certes les bienfaits d´une
Washington. CARIFORUM/UE concurrence non faussée dans son
principe, mais on aménage également des
Pour les pays en voie de développement L´article 126 de l´accord CARIFORUM/UE exceptions pour reconnaître la
par contre, la proposition de l´UE pour un qui jette les jalons de l´orientation et de la vulnérabilité des entreprises locales. Cette
cadre multilatéral est analysée comme un philosophie concurrentielle qui fonde les flexibilité n´est pas reconnue dans
instrument supplémentaire d´accès à leur relations commerciales entre les deux l´accord.
marché alors que les entreprises des pays parties adopte sans équivoque une
en développement ne bénéficient pas d´un approche «pro concurrentielle » en

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L’égalité dans les relations commerciales économique et la protection de la libre exemple se singularise par sa politique de
devrait garantir un accès égal des concurrence en tant qu´institution est de concurrence qui vise, entre autres objectifs,
entreprises des pays membres du plus en plus remis en cause dans les pays à corriger les injustices résultant de
CARIFORUM en voie de l´apartheid en reconnaissant plus
dans le marché développement. d´opportunités économiques à la frange de
de l´UE. Même si « Les pays en développement semblent accepter Parallèlement à la population historiquement discriminées.
le principe est dans les APEs ce qu´ils ont refusé dans le cadre de une En somme, on constate aujourd´hui
reconnu, sa l´OMC. La pertinence pour les pays en voie de accentuation de l´émergence d´un nouveau langage en droit
mise en œuvre développement de refuser d´entrer en négociation l´analyse de la concurrence ; celui de «l´approche de
demeure développement» qui s´oppose au langage de
dans le cadre d´un accord multilatéral et de régler économique
problématique. dans les «l´efficience économique»(17). Ce paradigme
les questions de concurrence dans le cadre
La vocation questions de est toutefois en quête de consolidation.
d´accord bilatéraux est douteuse. En effet, même si
locale de leurs concurrence
les négociations des APEs sont conduites dans le L´émergence de ce nouveau paradigme, de
activités fait que dans les pays
cadre des organisations régionales d´intégration ce model sui generis, aura des conséquences
ces entreprises développés,
économiques, les pays en voie de développement ne plus certaines sur d´éventuelles négociations
ne sont guère connue
sont pas encore suffisamment «armés» sur le plan d´un cadre multilatéral sur le droit de la
compétitives dans l´UE sous
technique pour négocier des accords allant dans le le label de concurrence. Le fossé qui semble se creuser
sur le marché
sens de leurs intérêts» de jour en jour dans l´approche
européen. «more ecocomic
concurrentielle des pays développés et
approach»(11),
Parallèlement, celle des pays en voie de développement
on assiste,
et en droite ligne avec l´objectif de sur le droit de la concurrence éloigne de
depuis quelques années, à l´émergence
promotion de la concurrence comme une plus en plus les perspectives d´un cadre
d´un nouveau paradigme en droit de la
fin en soi, l´accord CARIFORUM/UE crée multilatéral sur la question. L´introduction
concurrence dans les pays en
des obligations pratiques sur les parties des questions de concurrence dans les APEs
développement. Ceci est vrai d´abord par
liées notamment à l´obligation d´adopter et le phénomène de convergence que nous
rapport aux objectifs du droit de la
des politiques de concurrence et de créer avons évoqués constituent des voies
concurrence dans les pays en voie de
des autorités de concurrence, de raffermir d´évitement des obstacles à l´adhésion des
développement qui vont au-delà des
la coopération entre les autorités de la pays en voie de développement aux
objectifs «commun» d´une politique de
concurrence en matière d´échange standards des pays développés.
concurrence à savoir la protection de la
d´information et surtout, d´appliquer les concurrence, la poursuite de l´efficience 3.2.3. Approche multilatérale versus
principes de traitement national et de non- économique et la promotion du bien être des approche bilatérale des questions de
discrimination dans le fonctionnement des consommateurs. Comme nous l´avons déjà concurrence : quelle stratégie pour les
entreprises publiques dans le marché. mentionné, les objectifs qualifiés de non pays en voie de développement ?
Somme toutes, ces différentes obligations économiques sont de plus en plus présents
vont dans le sens d´instaurer une «égalité dans les législations de concurrence des Les pays en développement semblent
parfaite » des opérateurs du marché ; pays en voie de développement. accepter dans les APEs ce qu´ils ont refusé
égalité qui n´est qu´au bénéfice des dans le cadre de l´OMC. La pertinence pour
entreprises de l´UE actives dans les Par ailleurs, une doctrine sensible à la les pays en voie de développement de
marchés des pays CARIFORUM(9) . situation des pays en voie de refuser d´entrer en négociation dans le
développement semble aller dans le sens cadre d´un accord multilatéral et de régler
L´approche de la protection de la d´une théorisation d´une approche les questions de concurrence dans le cadre
concurrence en tant qu´Institution va dans différente du droit de la concurrence dans d´accord bilatéraux est douteuse. En effet,
un sens plus restrictif et privatif de les pays en voie de développement. En effet même si les négociations des APEs sont
flexibilité comparé à l´accord de Cotonou des voix autorisées dans la doctrine conduites dans le cadre des organisations
qui reconnaît les besoins d´investissement, mettent de plus en plus en cause la régionales d´intégration économiques, les
d´industrialisation et de transparence dans pertinence du model « concurrentiel pays en voie de développement ne sont pas
l´accès aux marchés. L´approche «pro- traditionnel » dans l´environnement encore suffisamment «armés» sur le plan
concurrentielle» de l´accord CARIFORUM/ économique des pays en voie technique pour négocier des accords allant
UE, également, contraste avec l´approche développement. Professeur Eleanor Fox, dans le sens de leurs intérêts. L´approche
concurrentielle des principes du “Set of par exemple, soutient qu´une approche concurrentielle adoptée dans l´accord
Multilaterally Agreed Equitable Principles concurrentielle uniquement fondée sur CARIFORUM/UE qui va dans le sens de
and Rules for the Control of Restrictive l´efficience économique n´est pas adaptée l´instrumentalisation du droit de la
Business Practices” qui tient mieux compte aux besoins de pays en développement(12) . concurrence comme instrument
des intérêts des pays en voie de Elle soutient qu´une politique supplémentaire d´accès aux marchés des
développement. concurrentielle adaptée aux pays en pays en voie de développement est la
3.2.2. Besoin de flexibilité, développement devrait garantir une large preuve que les pays en développement sont
considérations de développement et participation de la population aux activités entrain de concéder, dans les accords
l´approche CARIFORUM/EU en droit de économiques; en d´autres termes elle bilatéraux (les «TRIPS-Plus» agreements
la concurrence devrait être inclusive(13) . reviennent à l´esprit), ce qu´ils ont refusé
au niveau multilatéral. La multiplication
L´approche «pro-concurrentielle» prônée Des considérations de redistribution
des ces accords, sur le fond, aura les mêmes
par l´accord CARIFORUM/UE bien qu’elle doivent également guider une politique de
effets (en terme d´accès aux marchés) que
reflète la philosophie de l´UE et des pays concurrence adaptée aux pays en voie de
l´agenda initial de l´UE dans le cadre de
développés en droit de la concurrence, elle développement(14). La promotion et la
l´OMC.
ne tient pas compte d’une doctrine protection de l´emploi(15) des
naissante qui privilégie une approche considérations d´équité(16), de politique Le refus des pays en développement
différente du droit de la concurrence dans industrielle devraient être prises en d´entrer en négociation sur les questions de
les pays en développement(10). En effet, le compte dans l´élaboration des politiques de concurrence dans le cadre de l´OMC n´est
modèle concurrentiel des pays développés concurrence dans les pays en pas nécessairement dans leurs intérêts.
basé uniquement sur l´efficience développement. L´Afrique du Sud par

Page 6 GLOCAL
Ce vide juridique rend encore plus nouvelle orientation dans l´introduction de advocate an antitrust paradigm adapted to
vulnérable leurs marchés face aux cartels l´approche en droit de la concurrence de their context and the spokespeople of the
internationaux. Il serait concevable pour les l´UE. Une approche statique et défensive developed world who advocate a universalism
pays en développement d´enter en consistant à refuser d´entrer en in antitrust.
négociation sur les questions de négociation sur les questions de
11.Voir, pour un apercu, Josef Drexl, Is there a
concurrence et d´exiger des pays concurrence n´est pas nécessairement dans
‘more economic approach’ to intellectual
développés d´interdire les pratiques l´intérêt des pays en voie de
property and competition law’ in Josef Drexl
anticoncurrentielles initiées à partir de leur développement. Le combat n´est plus à
(ed), Research handbook on intellectual
Etats et qui ont des conséquences dans les mener dans le cadre de l´OMC. Une
property and competition law, Edward Elgar,
pays en voie de développement. nouvelle forme «d´impérialisme
(2008), p. 27.
concurrentiel», dans des sphères
Une obligation de partage d´informations différentes s´est ouverte. Il faut s´adapter. 12.Eleonor M. Fox, Economic Development,
entre autorité de concurrence des pays Mais comment ? Poverty and Antitrust: The Other Path
développés et celles des pays en voie de
développement pourrait également aider Face au processus de convergence dans le 13.Ibid.
les autorités de concurrence des ces cadre de l´ICN il est nécessaire que les pays
14.Ibid.
derniers à découvrir et sanctionner les en voie de développement s´organisent en
cartels internationaux. La protection d´une réseau pour défendre une approche du 15.Comme c´est le cas en Afrique du Sud.
concurrence non faussée au niveau droit de la concurrence plus conforme à
16.Pour une discussion de la notion d´équité en
international passe nécessairement par un leurs besoins de développement
droit de la concurrence, voir, David Gerber,
engagement des autorités des pays économique. Dans cette perspective, la
«Fairness in Competition Law: European and
développés. C´est seulement dans un cadre création récente de l´African Competition
U.S. Experience», disponible sur : http://
multilatéral que les pays en voie de Network (ACN) est une initiative à saluer.
www.kyotogakuen.ac.jp/o_ied/information/
développement, unis, pourraient les
amener à faire des concessions. La manière L´autre solution consiste à accentuer la fairness_in_competition_law.pdf;
dont les questions de concurrence sont coopération dans le cadre des
17.Voir, Mor Bakhoum, “A dual language in
analysées dans le cadre des APEs n´est pas organisations d´intégration économique.
modern competition law? “efficiency approach”
nécessairement dans l´intérêt des pays en Références versus “development approach” and
voie de développement. implications for developing countries”, paper
1. Voir Andreas Heinemann, La nécessité d´un
presented at the 4th annual competition
L´approche concurrentielle dans l´accord droit mondial de la concurrence qui est pour
conference organized by the South African
CARIFORUM/UE va certainement faire l´option d´un cadre multilatéral sur les
tache d´huile dans la négociation des Competition Commission, Septembre 2010,
questions de concurrence dans le cadre de
accords similaires de l´UE avec ses Johannesburg, à paraitre.
l´OMC.
partenaires des autres régions. Il est 18.Josef Drexl, ‘International Competition Policy
nécessaire dans l´optique de 2. Voir sur cet aspect, Mor Bakhoum, Reflections
after Cancún: Placing a Singapore Issue on the
l´établissement de relations équitables on the goals of competition law in developing
WTO Development Agenda’ op. cit. (note 5), pp.
entre l´UE et ses partenaires de doter les countries, présenté at the 5th ASCOLA
437-446 qui défend la nécessité de la protection
pays partenaires des implications de leurs conference on the “Goals of Competition Law”,
de la concurrence international comme un bien
engagements en droit de la concurrence. Bonn, Mai 2010, à paraître. Disponible auprès
commun global («Global Public Good»).
de l´auteur.
4. Remarques conclusives
3. Ibid.
Malgré la reconnaissance de l´impératif de
4. Pour une discussion approfondie de la
solutions communes pour faire face aux
proposition de l´UE, voir Josef Drexl,
pratiques anticoncurrentielles résultant de
l´internationalisation du commerce, les ‘International Competition Policy after Cancún:
perspectives d´une solution globale Placing a Singapore Issue on the WTO
semblent de plus en plus s´éloigner. Ce vide Development Agenda.
juridique n´est pas nécessairement dans 5. Ibid. pp. 435-437 (qui discute les raisons de
l´intérêt des pays en voie de l´opposition des pays en voie de
développement. En effet, l´absence de développement).
«protection de la concurrence
internationale»(18) en tant qu´institution 6. Eleonor M. Fox, Economic Development, Poverty
garantit une impunité des acteurs and Antitrust: The Other Path, SW Journal of
économiques au niveau international, Law & Trade in the Americas, vol 13, p. 214.
surtout dans les marchés des pays en voie 7. Dans ce sens, Professeur Michal Gal parle de ´fit
de développement. -all` formulation en droit de la concurrence.
Aujourd´hui, le recours aux APEs et à la 8. Voir, South Centre, “Competition Policy In
logique de convergence comme moyens Economic Partnership Agreements
pour trouver des solutions communes n´est (CARIFORUM Text)”, Geneva, Avril 2008,
pas une solution apte à protéger la disponible sur:
concurrence internationale et ne prend pas
en compte les intérêts des pays en voie de 9. Voir articles 127, 128 et 129 de l´accord. Pour
développement. La question est complexe, une étude analytique et détaillée de ces
les enjeux semblent inconciliables ; différentes obligations, voir, South Centre,
toutefois des solutions prenant en compte Competition Policy In Economic Partnership
des intérêts des différentes parties Agreements (CARIFORUM Text)
s´imposent. 10.Eleonor M. Fox, Economic Development,
Les pays en voie de développement ont Poverty and Antitrust: The Other Path,
besoin de stratégies pour faire face à la highlighting the tension between “the
spokespeople” for developing countries who

NUMÉRO 2 Page 7
Interview de Son Excellence M. Libère BARARUNYERETSE,
Ambassadeur, Représentant permanent de l'Organisation Internationale
de la Francophonie (OIF) auprès des Nations Unies à Genève

GLOCAL: Que représente pour vous du marché qui sont sources d’inégalités.
C’est pourquoi, entres autres, la
l’organisation du XIIIème sommet de
Francophonie considère avec réserve la
l’OIF à Montreux, en Suisse, pays où multiplication d’accords bilatéraux,
vous représentez cette Organisation ? demeurant inévitablement inégaux. Aussi,
elle plaide en faveur d’une Organisation
S.E.M LB: Effectivement, la
Mondiale du Commerce forte, chargée de
Représentation de l’OIF à Genève a
faire respecter les règles admises par tous
participé, dans une certaine mesure à
ses membres.
l’organisation du XIIIème Sommet de la
Francophonie à Montreux. Comme vous le GLOCAL: Les pays africains présents à
savez, il s’agit d’un événement organisé Genève ont d’importants besoins en
par le pays hôte. J’ai pris personnellement termes de capacité de négociation. Quel
part à toutes les visites du Comité de
soutien spécifique l’OIF leur accorde t-
pilotage qui ont permis d’harmoniser les
modalités de préparation de l’Etat hôte et elle, à l’OMC notamment ?
Son Excellence Monsieur Libère
BARARUNYERETSE est Ambassadeur, les pré-requis de l’OIF. Par ailleurs, notre
S.E.M LB: Votre question est en lien direct
Représentant permanent de l’Organisation Représentation a eu un rôle très
avec celle qui précède. Compte tenu de
important de relais pour informer les
Internationale de la Francophonie (OIF) l’importance des négociations qui se
Délégations Francophones, notamment
auprès des Nations Unies à Genève. Avant déroulent à l’OMC et des besoins des
lors de réunions du Groupe des
de rejoindre la Suisse, Mr Libère délégations francophones présentes à
Ambassadeurs Francophones. Plus
BARARUNYERETSE a exercé Genève, nous menons, des actions
précisément, nous avions pu délivrer les
d’importantes fonctions dans son pays, le concrètes d’appui. Afin d’informer les
temps forts qui allaient se dérouler à
Burundi, et à l’étranger. Il a été délégations francophones sur l’actualité
Montreux. Dans cette fonction de
Ambassadeur Extraordinaire et des négociations commerciales
sensibilisation, la Suisse a été à nos côtés
Plénipotentiaire de la République du multilatérales, la Représentation
pour assurer ce rôle de la façon la plus
Burundi, notamment auprès du Royaume Permanente de l’OIF à Genève organise
efficace possible. Egalement, nous
de Belgique et de la Communauté régulièrement des réunions thématiques
assurerons une information substantielle
Economique Européenne ; Président du dont l’ordre du jour est choisi en fonction
sur les résultats du Sommet. Donc, pour
Sénat de la transition ; Chargé de Mission à des souhaits exprimés par les délégations.
notre Représentation, la tenue du Sommet
la Présidence de la République ; Ministre à Ces réunions destinées aux Chefs de
à Montreux fut l’occasion de nous
la Réinsertion, à la Réinstallation des délégation et Conseillers aux affaires
positionner comme une entité fédératrice
Déplacés et des Rapatriés; Ministre des économiques, permettent de maintenir un
et à la disposition des Francophones pour
Relations Extérieures et de la Coopération ; niveau d’information constant et
diffuser l’information au mieux.
Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité d’enrichir le dialogue entre tous les
publique et du Développement des GLOCAL: Vous représentez l’OIF auprès groupes de négociations représentés à
Collectivités locales ; Député, Secrétaire du Système des Nations-Unies à l’OMC. En effet, ces réunions, hors du
Général de l’Assemblée Nationale du cadre formel des négociations de l’OMC,
Genève. Mais quelle est la place
Burundi. permettent aux représentants des PMA,
accordée par l’OIF aux négociations à des PED et des pays développés de
Dans cet entretien, il nous parle du rôle de l’OMC ? partager leurs points de vue, de
l’OIF dans les négociations commerciales à confronter leurs positions et d’enrichir
Genève, du Cycle de Doha, de l’Examen des S.E.M LB: L’organisation internationale de
leur perception des négociations. La
politiques commerciales des pays la Francophonie a le statut d’observateur
valeur ajoutée du groupe francophone
francophones à l’OMC, de l’Initiative auprès des Nations Unies à Genève. Nous
revêt là pleinement sa richesse, de part sa
sectorielle sur le coton, de la difficulté des assurons ce rôle par notre participation
diversité. Ces mois écoulés, la RPG a
négociateurs francophones face à la toute active et régulière au Conseil des Droits de
notamment organisé plusieurs rencontres
puissance de l’anglais dans les l’Homme, aux réunions de la CNUCED, de
sur le thème de l’agriculture, des produits
négociations commerciales, des processus l’OMPI, de l’OMS pour ne citer que ces
de base et des produits industriels.
d’intégration régionale en Afrique et de la organisations. En revanche, l’OIF a le
statut d’observateur uniquement pendant GLOCAL: Plus généralement, les
place de son pays, le Burundi, dans la
les conférences ministérielles ordinaires négociations commerciales sont au
Communauté de l’Afrique de l’Est, des
de l’OMC. Nous avons également accès aux ralenti à Genève. Quels sont les
Objectifs du Millénaire pour le
réunions ouvertes, comme le Forum
Développement (OMD), du changement dossiers que vous y traitez en priorité
public de l’OMC qui a lieu tous les mois de
climatique, des programmes développés en et quelle issue envisagez-vous pour le
septembre. Nous profitons des occasions
matière commerciale comme REXPACO et Cycle de Doha ?
que nous avons pour participer
HUB and SPOKES. On y découvre une OIF
activement. Au delà de ces aspects, l’OIF a
qui a vocation à prendre à bras le corps les S.E.M LB: Compte tenu de ce qui précède,
un message très clair. Deuxièmement, le
questions économiques et commerciales et nous traitons en priorité des dossiers qui
développement économique passe par
à aider les pays en développement à mieux intéressent le plus les pays francophones
l’intégration des pays vulnérables dans le
s’intégrer au commerce international. du Sud, à savoir l’agriculture, les services
commerce mondial. Ainsi, la Francophonie
demeure attachée à un système et plus généralement tous les aspects
multilatéral aussi large, ouvert et efficace politiques qui entravent la conclusion du
que possible, palliant aux fragmentations Cycle pour le moment.

Page 8 GLOCAL
En plus, nous traitons de problèmes très aboutissement est une condition de la ainsi d’accueillir les Délégations, certes,
précis, comme « le mécanisme de conclusion du Cycle de Doha. mais aussi de servir d’enceinte de travail
sauvegarde spécial » par exemple ; nous et de concertation.
GLOCAL: Est-ce que le dossier coton n’a
discutons des problèmes globaux, tels que
la politique américaine, les lobbies, le G 20 pas révélé un déficit de solidarité GLOCAL: Est-ce qu’on peut dire que
etc. Nous sommes donc à l’écoute des panafricaine dû à la fracture l’omniprésence de l’anglais à l’OMC
besoins de nos Etats membres. linguistique Afrique anglophone/ continue d’être un obstacle à la
Afrique francophone ? participation des pays francophones
S’agissant de la question de l’issue du
Cycle de Doha, effectivement, il n’y a pas S.E.M LB: Je crois que le dossier coton a dans les négociations ?
d’échéance pour sa conclusion, mais nous pu bénéficier de la solidarité panafricaine. S.E.M LB: Fondamentalement, la langue
en avons l’habitude ; ce n’est pas ce qui est En l’occurrence, il me semble que la
le plus important. Pour l’heure, il faut se n’est pas seulement un outil de
dimension politique a transcendé la
fixer une orientation pour Séoul. Les fracture linguistique. D’autant que le communication ; c’est aussi une façon de
négociations sont compliquées, tout le coton est une spécificité, non exclusive penser, de concevoir un système juridique
monde le sait, et plus on s’approche de la certes, de l’Afrique de l’Ouest, et économique, entres autres. Aussi,
fin et plus les Etats pensent à la majoritairement francophone. Je crois, au l’utilisation systématique de l’anglais dans
ratification des résultats qui en seront contraire, que ce dossier a été, depuis le les enceintes intergouvernementales,
issus. Je pense pour ma part qu’il faut un début fédérateur. comme l’OMC, tend, à mon avis, à
groupe de PED forts, qui ne doit pas
relâcher la pression sur les pays GLOCAL: Certains pays d’Afrique uniformiser les politiques économiques et
développés et les pays émergents. Les 20 francophones (le Burkina Faso, le Mali plus généralement celles mises en œuvre
% restant à négocier représentent une et le Bénin) viennent de passer pour le développement. Ne va-t-on pas
moyenne, bien sûr, car la question des l’examen de leurs politiques passer à côté d’une problématique du
tarifs agricoles est réglée à 95% environ. commerciales à Genève. Comment l’OIF développement, si les repères sont
Depuis deux ans maintenant, nous les a-t-elle accompagnés et comment systématiquement anglo-saxons ? C’est un
organisons chaque année une rencontre
procède t-elle en pratique dans la prise risque certain. Par ailleurs, la
interactive entre Pascal Lamy, le DG de
l’OMC et le Groupe des Ambassadeurs en charge de ce genre d’exercice quand multiplication des conférences et des
Francophones pour scruter les horizons des pays francophones sont documents retarde considérablement les
du Cycle de Doha dont nous appelons de concernés ? traductions dans les autres langues
tous nos vœux la conclusion, sans qu’on officielles. Il est également important de
puisse malheureusement en arrêter une S.E.M LB: Les 4, 5 et 6 octobre derniers
(2010), le Bénin, noter que les
échéance définitive.
le Burkina Faso négociations
GLOCAL: L’un des dossiers africains les et le Mali se sont « La Francophonie a cela de particulier, et c’est un sont
plus connus à l’OMC est l’Initiative présentés, atout. Elle est une organisation transrégionale, enregistrées /
Sectorielle pour le Coton. Comment ensemble, avec des membres européens, africains, asiatiques, compilées en
l’OIF a-t-elle accompagné les pays du devant l’organe américains, dont les intérêts économiques anglais en
d’examen des divergent. La Francophonie, riche de cette
C4 et quelle évaluation en faites-vous ? premier lieu.
politiques diversité se trouve être un forum de discussions, où
S.E.M LB: Oui, l’initiative en faveur du C4 commerciales De plus, la
tous les membres en développement, PMA et
Coton a bénéficié d’un accompagnement de l’OMC. La développés, sont sur un pied d’égalité et peuvent dynamique
de la Francophonie. Tout d’abord, Francophonie a améliorer leur compréhension de tel ou tel aspect des groupes
j’aimerais faire un bref rappel de cette apporté, comme d’un dossier technique». (G77, G33
initiative. L’Initiative Sectorielle en faveur d’habitude, son etc.) impose
du Coton, depuis 2003, est devenue un soutien à
aux Etats
véritable symbole de demande et d’attente plusieurs niveaux. Comme vous le savez,
nous avons vocation à fournir un soutien membres, pour des raisons de simplicité
urgente de réformes nécessaires à
introduire dans les règles du commerce technique, via nos experts du programme et d’efficacité, de se concerter et d’opter
agricole et un fer de lance pour combattre Hub & Spokes ; nous y reviendront plus pour des positions communes en anglais.
la pauvreté dans les pays africains tard. Ces conseillers en négociation et Ainsi, petit à petit, l’anglais s’est imposé
producteurs de coton. « L’initiative formulation de politiques commerciales, comme la langue de référence. La
coton » s’inscrit pleinement dans cette au niveau national et au niveau régional, conséquence négative de tout cela est un
dynamique et véhicule l’idée que les pays en l’occurrence l’UEMOA, ont bien
net recul de l’utilisation du Français. Cela
vulnérables ont également leur place, un entendu, été impliqués dans le processus
de formulation des examens. Plus étant, je pense que les francophones, à
poids important dans le système des
négociations commerciales multilatérales, concrètement, en amont de l’examen, les l’inverse de nombreux anglophones,
et dans la mondialisation en général. Cette trois délégations, conduites par le s’adaptent plus facilement et plus
initiative rappelle la pénibilité de la Ministre du Commerce du Mali, ont régulièrement. En effet, ce sont les
culture du Coton dans les pays Africains et organisé leur rencontre de coordination francophones qui s’efforcent, le plus,
le droit de ces pays à participer eux aussi au sein de notre Représentation. Cette d’être à l’écoute de leur interlocuteur en
au commerce international. Cela justifie importante réunion aura permis de
faisant l’effort de comprendre l’anglais à
leurs attentes de voir être adoptées des peaufiner la position des membres. Nous
règles et principes justes et équilibrés avons bien entendu mis à disposition nos l’écrit et à l’oral. Bon nombre
pour le commerce international de ce locaux pour laisser travailler les d’anglophones ne leur rendent pas la
produit. Délégations le long de ces trois jours. pareille. Aussi, pour répondre à votre
Enfin, le 6 octobre, avant le discours de question, je dirai que les documents de
Nous sommes très vigilants aux avancées réponse et de clôture du Ministre, les
de ce dossier, et en débattons références, les textes de modalités doivent
délégations ont eu une ultime réunion de
régulièrement dans le cadre de réunions être impérativement traduits
cadrage autour du Ministre malien. Notre
thématiques. Au niveau de l’évaluation de Représentation à Genève aura permis simultanément dans toutes les langues
ce dossier, nous savons tous que son officielles, car c’est un principe de base de

NUMÉRO 2 Page 9
De plus, cela donne une chance égale aux offre aussi un cadre où les membres promotion et la participation effective des
membres de pouvoir travailler dans leur échangent librement leurs perceptions, pays ACP dans les négociations
langue, ce qui me parait être la moindre leurs inquiétudes, leurs attentes. commerciales internationales, en
des choses. L’organisation Internationale de la particulier les négociations des ACP/UE
Francophonie met en œuvre un certain sur les APE et les négociations dans le
Enfin, je pense que, face à cet ensemble de
nombre de programmes d’assistance cadre de l’OMC. 2)Le renforcement au
choses, les Francophones ressentent un
technique dont Hub & Spokes visant à niveau national et régional des capacités
vrai sentiment de frustration ; ils doivent
aider les pays ACP à négocier les APE. A de formulation, négociation et mise en
à mon avis fournir de plus grands efforts.
noter, et c’est important, que ce œuvre de politiques commerciales
Mais cela étant, je ne pense pas que cela
programme est financé, en grande partie efficaces permettant d’utiliser
les lèse dans leur participation aux
par la Commission européenne. En effectivement le commerce international
négociations. Voyez vous-même : nous
somme, le Principe fondateur de la en faveur du développement et des
avons parlé tout à l’heure du C4 Coton, qui
communauté francophone est la stratégies de réduction de la pauvreté des
grâce à l’initiative de 4 pays PMA,
solidarité, qui détermine autant la pays ACP.
francophones, est devenu un fer de lance
stratégie politique que la coopération de
politique. Preuve est faite que les Pays Ainsi, L’Organisation internationale de la
la Francophonie. La contribution de la
francophones sont fortement impliqués ! Francophonie (OIF) et le Secrétariat du
Francophonie à cet effort de solidarité
Commonwealth (ComSec) assurent
GLOCAL: D’autres Organisations s’inscrit dans une stratégie de
l’exécution de cette ambitieuse initiative.
travaillant dans les domaines développement durable.
Pour sa part, l’OIF coordonne le projet
commerciaux comme le Groupe des GLOCAL: Plus généralement, en termes dans 23 pays, le ComSec ayant la charge
pays ACP, l’Union Africaine, voire le de cohérence, comment l’OIF gère-t- des autres pays ACP. Le programme
Groupe africain à l’OMC sont présentes elle la diversité économique de ses inscrit son action à un double niveau : 1)
à Genève. Existe-t-il des synergies entre Au niveau régional, par la mise à
membres, avec des intérêts
vous et comment cette coordination est disposition, au bénéfice de trois
commerciaux parfois divergents (Pays organisations d’intégration régionale
elle gérée ? du Nord/Pays du Sud) ? (CEDEAO, UEMOA et CEMAC), d’experts
S.E.M LB: Effectivement, il existe des S.E.M LB: L’OIF, qui est pourtant une en matière de politiques et de
synergies entre le Secrétariat du groupe jeune organisation au regard des négociations commerciales (Conseillers
ACP à Genève, l’Union Africaine, et le nombreuses autres créées dans l’après régionaux). 2) Au niveau national, par la
Groupe Africain, et ce, sous de multiples guerre a réussi à évoluer afin de mieux mise à disposition, au bénéfice des pays
formes. Principalement, nous nourrissons répondre aux problèmes de notre temps. ayant manifesté leur intérêt, d’analystes
des rapports de dialogues et de partage Cela tient peut-être aussi au fait que la en matière de politiques commerciales
d’informations. Nous avons, bien Francophonie est une organisation (Conseillers nationaux).
évidemment beaucoup de membres en originale, toute à fait atypique. Elle est Conseillers régionaux et nationaux
commun, auxquels nous tentons ainsi forte de la diversité de ses 70 œuvrent ainsi de concert, afin de
d’apporter une aide significative. Ces membres – soit plus du tiers des membres permettre une articulation cohérente
synergies se traduisent pour l’essentiel des Nations Unies - répartis sur les 5 entre les différents échelons, dans la
par l’organisation, en commun, continents, certains membres du G 8, définition et la mise en œuvre des
d’événements à caractère informatif, et d’autres Pays en développement ou PMA, politiques commerciales. De par leur place
l’échanges de points de vue. petits pays enclavés ou territoires centrale, les Conseillers régionaux
Nous avons aussi des relations de immenses aux richesses culturelles et assurent la coordination des actions des
partenaires privilégiés. Par exemple, nous naturelles incommensurables et si Conseillers nationaux.
sommes toujours associés aux réunions diverses…. ! Nul doute que la
Francophonie a fait de la diversité de ses S’agissant du bilan que l’on peut en faire,
des Ministres du Commerce de l’Union
membres, un outil pour s’accomplir et en 2009, nous avons enregistré 1) la
Africaine. Je dirai que la coordination est
élargir son mandat. La francophonie poursuite des activités de sensibilisation
gérée en fonction des besoins de nos pays
profite de cette diversité économique des parties prenantes (75 activités de
membres et selon le calendrier
pour offrir à ses membres un espace de formation et de sensibilisation ont été
international.
dialogue et de partage des expériences, organisées). Dans ce cadre, 3 302 parties
GLOCAL: Sur le continent africain, les sans oublier bien évidemment le devoir de prenantes ont participé à des activités de
pays africains sont dans un processus solidarité à l’égard des plus démunis qui sensibilisation lors d’ateliers et de
de négociation d’Accords de est l’autre valeur cardinale de notre séminaires portant sur de nombreux
Organisation. sujets de politiques commerciales. 2) La
Partenariat Economique (APE) avec les
priorité est accordée à l’appropriation du
pays de l’Union Européenne. Vous GLOCAL: HUB AND SPOKES et REXPACO projet par les bénéficiaires grâce à la
représentez les intérêts des deux sont des programmes phares de l’OIF poursuite de la formation des personnes-
parties. Est-ce à dire que vous êtes en matière de renforcement des ressources (une quarantaine de personnes
soumis à une obligation de neutralité ? capacités dans les négociations ont suivi une formation en présentiel à
commerciales. Pouvez-vous nous en l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar du
S.E.M LB: Effectivement, la Francophonie 12 au 23 octobre 2009. 3) On notera aussi
a cela de particulier, et c’est un atout. Elle donner les contenus et faire un bilan
l’’augmentation des activités d’appui
est une organisation transrégionale, avec d’étape de leur mise en œuvre ? institutionnel : les conseillers nationaux et
des membres européens, africains, régionaux ont rédigé 149 memoranda,
S.E.M LB: Nous en venons donc au
asiatiques, américains, dont les intérêts notes techniques et termes de référence.
contenu de notre assistance technique. En
économiques divergent. La Francophonie, 4) Enfin, et cela est en lien avec la
premier lieu, je vous parlerai d’Hub &
riche de cette diversité se trouve être un question sur les Examens de politique
Spokes. Le projet Hub & Spokes a pour
forum de discussion, où tous les membres commerciales, plusieurs pays ont
objectif le renforcement des capacités des
en développement, PMA et développés, bénéficié de l’appui du projet pour leur
pays ACP en formulation, négociation et
sont sur un pied d’égalité et peuvent examen de politique commerciale à
mise en œuvre de politiques
améliorer leur compréhension de tel ou l’Organisation Mondiale du Commerce
commerciales. Les objectifs généraux de
tel aspect d’un dossier technique. Elle (OMC).
ce projet sont les suivants : 1) La

Page 10 GLOCAL
Le bilan est donc positif. Nous avons de qu’une caractéristique majeure du opportunité où mon pays ne peut que
très bonnes appréciations de nos phénomène de mondialisation. Ainsi, tous gagner. Sans oublier qu’en plus des
partenaires comme l’OMC. L’objectif, à les pays francophones en développement questions liées aux échanges, la CEA a
mon avis, est désormais d’assurer la sont impliqués dans divers mouvements pour objectif de promouvoir la Paix, la
pérennisation du projet et de son d’intégration qui, à terme, permettront la Sécurité et la stabilité dans la Région et le
appropriation. réduction ou l’élimination des obstacles bon voisinage entre les Etats membres »
au commerce sur une base régionale, par et « la promotion de la bonne
S’agissant de REXPACO, le projet de la mise en place de véritables zones de gouvernance, y compris l’adhésion aux
« Renforcement de l’expertise francophone libre échange et de libre circulation des principes de démocratie, l’état de droit, la
en négociations des accords commerciaux biens, des services, des capitaux et des responsabilité, la transparence, la justice
et d’investissement » (REXPACO) vise à personnes. sociale, l’égalité des opportunités et
créer, au niveau des pays et des régions, l’égalité des genres »
une masse critique d’expertise pérenne, Toutefois, en dépit des régions
afin de permettre aux pays francophones constituées, les niveaux des échanges et Ainsi, en juillet dernier, les cinq Chefs
du Sud de mieux formuler leurs politiques des investissements intra-régionaux d’Etat de la Communauté ont instauré le
et stratégies de négociations restent faibles, du fait de la persistance de marché commun. Du moins, les Chefs
commerciales et de l’investissement. Ce nombreux obstacles. En outre, les d’Etat ont fait état de leur volonté
projet a été conçu par l’OIF et est mis en performances des institutions politique. Il reste à voir quelles en seront
œuvre en partenariat avec les communautaires requises pour assurer les applications en pratique. En effet, Il
organisations régionales francophones du l’émergence de véritables marchés faudra des années pour modifier toutes
Sud, les organisations internationales intégrés sur une base régionale doivent les législations et règlements des cinq
impliquées dans les négociations être améliorées. Conscients de la pays concernés et les mettre en
commerciales et l’investissement, ainsi complexité de cet environnement et conformité avec les exigences du marché
qu’avec les négociateurs eux-mêmes. prenant acte de la variété des processus commun. Il faut, à mon sens, renforcer le
d’intégration régionale auxquels droits des affaires et ce, afin d’instaurer un
Concrètement, des ateliers interactifs ont participent les différents pays membres climat propice au développement du
été organisés en partenariat avec de la Francophonie, les Ministres de commerce et des investissements.
l’Organisation Mondiale du Commerce l’Economie et des Finances de la
(OMC) dans les pays et régions du Sud, à Le fait que le Burundi soit le seul pays
Francophonie, réunis en Conférence à
l’intention des décideurs et des dirigeants francophone – même si le Rwanda fait
Monaco (14 et 15 avril 1999) ont engagé
des organisations professionnelles. Des partie de la Francophonie - ne simplifie
l’OIF à "apporter son soutien à la
supports pédagogiques ont en outre été pas les démarches. J’ai eu conscience de
coopération et à l’intégration régionale ».
distribués au cours de sessions de négociations techniques difficiles, en
Sur la base de cet engagement solennel,
formation des formateurs sous format raison de la différence de langue de travail
l’Organisation internationale de la
électronique (cédéroms) et papier. Les et bien entendu de cultures. Je veux dire
Francophonie se propose d’accompagner
bénéficiaires de ces sessions de formation par là, que le Burundi a sa propre
les organisations d’intégration régionale
sont des représentants des organisations tradition institutionnelle, législative. La
dans leurs efforts de mise en place de
internationales, des enseignants langue, comme vous le savez est aussi le
véritables marchés régionaux et d’aider
expérimentés (CERDI, Université du véhicule d’une culture sociétale. Le
les pays francophones en développement
Québec à Montréal, Université de Burundi devra faire, sans doute, plus
à jouer un rôle actif dans la gestion des
Brazzaville), des cadres des organisations d’efforts d’adaptation, du fait de sa
accords régionaux concernés. Elle les
régionales (UEMOA, CEMAC) et des spécificité linguistique. Mais je pense
accompagne dans les différentes étapes de
ministères en charge du Commerce. également que ses partenaires devraient
construction de leurs marchés régionaux
accepter de faire de la place à la langue
Le Projet REXPACO est un programme et mobilise les partenaires au
française. La CEA s’enrichirait ainsi d’un
phare. Les contacts avec les institutions développement en vue d’apporter un
autre univers et elle ne pourrait qu’y
partenaires sont excellents. A ce titre, le soutien coordonné. Par vous donner un
gagner.
nouveau Directeur de la Direction du exemple concret, l’OIF organise des
développement durable et de la Solidarité, rencontres entre acheteurs et vendeurs GLOCAL: Pour rester dans cette région,
M. Etienne Alingué vient de rencontrer à des différentes régions, comme l’Afrique il y a une initiative nouvelle de création
Genève, les institutions partenaires, dans centrale / l’UEMOA et la région du d’une vaste zone de libre échange entre
le cadre de ces deux programmes. Mékong.
CEA-COMESA-SADC. Qu’est ce que cela
GLOCAL: L’OIF s’intéresse aussi aux GLOCAL: Votre pays, le Burundi est vous inspire t-il ?
différents processus d’intégration devenu récemment membre de la
S.E.M LB: Plus largement cette initiative
régionale en Afrique, notamment au Communauté Est Africaine. Quelle
de la création d’une vaste zone de libre
volet commercial. Comment les évaluez lecture en faites-vous en tenant compte échange entre la CEA – le COMESA et la
-vous et quelles orientations l’OIF du fait qu’il est le seul pays SADC fait appel à la notion encore plus
aimerait pouvoir donner ? francophone dans cet espace large, déjà développée de « Communauté
d’intégration régionale ? économique africaine », idée dont l’Union
S.E.M LB: Effectivement, nous nous Africaine est à l’origine et qui, au
intéressons aux questions d’intégration S.E.M LB: Le Burundi est membre de cette conditionnel, pourrait voir le jour en
régionale et, à travers le programme Hub communauté depuis 2007, comme le 2027.
& Spokes, comme vous l’aurez compris, Rwanda qui est aussi membre de l’OIF.
Pour ma part, je pense que l’adhésion du Pour en revenir au sujet, je pense pour ma
nous essayons, entres autres, d’appuyer
Burundi à la Communauté est un part que cette vaste zone, composée des
les Etats francophones du Sud pour
processus dont les avantages ne sont plus trois marchés sous-régionaux
faciliter ces processus. Bien entendu, il n’y
à démontrer. Le Burundi fait partie de cet représenterait de grandes opportunités
a pas que cette dimension. Il y a aussi, en
espace géographique et socioculturel est- économiques, avec un marché d’environ
l’occurrence, le processus des APE. Les
africain. Par ailleurs, sa situation 700 millions de personnes. Cela étant, je
processus d’intégration régionale, qui se
d’enclavement et son marché à pense qu’il faut déjà réussir l’intégration
multiplient dans le monde, représentent
l’exportation est orienté vers l’Océan au niveau sous-régional.
une tendance géopolitique lourde ainsi
Indien font de cette communauté une

NUMÉRO 2 Page 11
Ces trois sous-régions ont parmi leurs Je voudrais ensuite vous parler plus concertée visant le développement du
membres des pays aux potentiels précisément des OMD puisque la secteur de l'énergie dans les pays
économiques très différents. Certains sont Francophonie était à la tribune de membres. En 1996, cette action a été
très avancés, tandis que d’autres ont de l’Assemblée générale des Nations Unies élargie à l'Environnement.
lourds problèmes d’infrastructures. Il faut, pendant le Sommet de Haut niveau qui a
Comme chacun le sait, les négociations
à mon avis, procéder de façon ordonnée. eu lieu à New York en septembre dernier.
internationales sur l’environnement se
Dans son intervention à la tribune de
Mais comme vision, on ne peut que se sont accélérées, avec une complexification
l’Assemblée générale, le Représentant du
réjouir de la perspective d’une Afrique et une connexion des enjeux croissantes.
Secrétaire général de l’OIF, a présenté aux
toujours plus unie et mieux intégrée. Dans ce contexte, l’IEPF déploie des actions
Etats-membres l’approche de la
de sensibilisation, d’information et de
GLOCAL: Les négociations Francophonie en matière d’OMD. Celle-ci
formation aux grands enjeux des
commerciales font ressortir de se veut porteuse de valeur ajoutée : il
négociations. Il s’agit concrètement de
nouveaux enjeux comme les s’agit d’une approche fondée sur
diffusion de publications spécifiques,
l’accompagnement des pays membres, la
changements climatiques et les comme « Liaison Energie-Francophone » et
mobilisation de l’expertise au service de la
Objectifs du Millénaires pour le « Objectif Terre », et l’organisation de
Communauté, le renforcement des
Développement (OMD). Quelles sont rencontres techniques.
capacités, la mutualisation des contenus et
vos stratégies d’intervention dans ce de l’information pertinente et enfin le En décembre 2009, l’IEPF s’est mobilisé au
domaine ? développement des partenariats. Des cours du Sommet de Copenhague. Un
progrès ont été enregistrés dans la voie de atelier sur le thème « Les agricultures
S.E.M LB: Je dirais ceci en la réalisation de plusieurs OMD au sein de africaines face aux changements climatiques
introduction pour cibler cette question l’espace francophone. Mais en dépit des » et un autre sur « les approches sectorielles
éminemment importante: malgré la efforts déployés, l’atteinte des OMD reste d’adaptation au changement climatique »
volonté politique des Etats membres de encore hors de portée dans beaucoup de ont eu lieu sur le site de la Conférence.
l’OMC de conclure le Cycle de Doha, peu de régions, notamment en Afrique. Dans ce Parallèlement à cela, l’IEPF a mis à
signes concrets vont dans ce sens, comme contexte, la Communauté internationale disposition des notes de décryptage des
en ont témoigné les déclarations des est appelée à renouveler et à accroître textes des négociations, un Guide du
Ministres jusqu’à ce jour. Depuis 2001, l’effort global en matière d’aide publique négociateur et un résumé sur les enjeux.
force est de constater que les lignes de au développement, mais aussi à trouver et Ces « guides des négociateurs » remportent
démarcation des intérêts en jeu se sont à mobiliser des ressources additionnelles un tel succès que des traductions sont
transformés. En ce sens, par exemple, on et des financements innovants à la mesure envisagées, à la demande des pays
constate que les aspects d’un défi qui met en jeu la survie même anglophones en développement. Forts de
« développement » du cycle, ne rallient d’un pan entier de la famille humaine". La cet appui de cette solidarité lors de la
plus nécessairement tous les PED. On peut Francophonie est engagée en faveur d’un Conférence, les Ministres et Chefs de
désormais s’interroger sur un éventuel développement durable et solidaire, et délégations francophones ont adopté une
isolement du Cycle par rapport aux souhaite que tous les efforts convergent déclaration ministérielle sur la lutte contre
réalités géopolitiques et géoéconomiques. pour une mondialisation maîtrisée visant les changements climatiques, rappelant
Les à installer entres autres, leur mobilisation pour
changements durablement inclure les changements climatiques dans
auxquels nous une ère de leurs stratégies de développement. De
« Il est certain que suite à la crise financière, des
avons assisté, responsabilité même, l’IEPF s’est mobilisé pendant le
phénomènes croissants comme le changement
comme
l’émergence climatique et des besoins identifiés en matière de et de prospérité Sommet de Nagoya, durant lequel il a
financement, de nouveaux paradigmes vont se partagées. organisé une rencontre ministérielle pour
d’un G20 très débattre des grands enjeux et présenter les
puissant dans le mettre en place. La Francophonie aura un rôle de Maintenant, en
guides du négociateur et du décideur qui
cadre de la plaidoyer et de promotion des concepts innovants ce qui concerne
ont été spécialement élaborés.
résolution de la à jouer et elle le fera d’autant mieux qu’elle le changement
crise, la voix de pourra partager ses réflexions avec des climatique, la GLOCAL: L’OMC, à travers son Directeur
plus en plus organisations telles que l’OMC.». Francophonie a Général, M. Pascal Lamy a lancé un
affirmée des bien conscience appel pour la soumission de cas
pays émergents que la maîtrise
d’expériences en matière d’aide pour le
aux potentiels de l’énergie et la
protection de l’environnement sont des commerce. Quelle est l’importance que
énormes, des nouveaux enjeux comme le
conditions essentielles à un vous accordez à cette thématique et
changement climatique, la sécurité
alimentaire et énergétique, la place des développement durable. Aussi, la comment l’OIF entend elle procéder ?
droits de l’Homme etc..., nous laissent Francophone aide-t-elle ses Etats
S.E.M LB: Le Directeur général de l’OMC, M.
aujourd’hui penser que l’OMC ne peut plus membres, à travers l’Institut de l’Energie
Pascal LAMY a effectivement pris contact
être seule. En somme, nous pensons que et de l’Environnement de la Francophonie
avec la Francophonie pour la soumission
les changements fondamentaux mondiaux (IEPF), dédié à la mise en œuvre de
de cas d’expérience en matière d’Aide au
doivent s’accompagner d’une nouvelle politiques nationales cohérentes avec le
commerce. Comme vous le savez, la
gouvernance mondiale. Il est certain que développement durable. Cette aide est
Francophonie est fortement engagée dans
suite à la crise financière, des phénomènes concrétisée par la mise en œuvre de
le cadre de l’initiative Aide au Commerce.
croissants comme le changement programmes destinés à favoriser le
Nous sommes attentifs aux besoins de nos
climatique et des besoins identifiés en renforcement des capacités et des
membres et avons déjà mené une étude sur
matière de financement, de nouveaux compétences professionnelles ainsi que la
l’Aide au commerce dans l’espace
paradigmes vont se mettre en place. La diffusion d’une information de qualité en
francophone. Nous voulons nous impliquer
Francophonie aura un rôle de plaidoyer et français.
dans l’élaboration de ces cas d’expérience.
de promotion des concepts innovants à L’IEPF, organe subsidiaire de l’OIF basé à Nul doute que ce travail de recherches, sur
jouer et elle le fera d’autant mieux qu’elle Québec, est né en 1988 de la volonté des ce qui marche, ce qui ne marche pas, tant
pourra partager ses réflexions avec des Chefs d'État et de gouvernement des pays au niveau national, qu’au niveau régional
organisations telles que l’OMC. francophones de conduire une action ne peut qu’enrichir la réflexion sur cette
initiative.

Page 12 GLOCAL
A mon sens, je pense que la transparence vue de fédérer tous les Francophones. Ce GLOCAL: Quel est votre mot de la fin ?
est la meilleure façon de pallier les type de réunion permet de dégager des
problèmes d’implantation et de réussite visions et de faire naître des réseaux. S.E.M LB: En premier lieu, je voudrais
de l’Aide au commerce. vous remercier de m’avoir offert cette
Nous avons depuis organisé à Genève des tribune dans le deuxième numéro de
Cela a déjà été abordé, la francophonie rencontres où nous avons convié des ONG GLOCAL. Pour résumer mes propos je
aimerait collaborer avec 2ACD sur ce à vocation économique, pour discuter des voulais vous dire pour terminer ceci : être
dossier, Il reste à en fixer les modalités. questions liées aux négociations francophone à Genève, dans les enceintes
commerciales. des Organisations Internationales, c’est
GLOCAL: Vous représentez l’OIF qui est
u n e o r g a n i s a t i o n Nous appréhendons donc ce phénomène avant tout, le partage d’une langue. Mais
intergouvernementale. Mais on sait de façon très positive et nous savons que cela est un combat au quotidien pour faire
la société civile a un rôle à jouer dans le respecter ce droit. Les différences qui
que la société civile et le secteur privé
cadre de la nouvelle gouvernance existent entre les économies des pays
aspirent à jouer un rôle de plus en plus membres de l’organisation sont
mondiale.
important dans l’élaboration des considérables : histoire, ressources
positions de négociations GLOCAL: Comment appréciez-vous naturelles et humaines. Chaque pays,
commerciales. Comment appréhendez l’implantation à Genève de l’Agence chaque communauté économique
vous ce phénomène et quelle place Africaine pour le Commerce et le régionale ou union ont des caractères
l’OIF leur accorde t-elle dans ses Développement (2ACD) qui propose propres, donc des intérêts, des positions
une offre ciblée sur les pays africains, spécifiques à défendre. Dans ce cadre, la
programmes de renforcement des
dans le domaine du renforcement des vocation d’une organisation telle que la
capacités ? Francophonie, fondée sur le partage d’une
capacités commerciales et de
S.E.M LB: Nous prenons le rôle de la langue et de valeurs communes est d’offrir
l’assistance technique ? en toute circonstance la possibilité d’une
société civile très au sérieux et ce depuis
longtemps. Comme vous le savez, en juin S.E.M LB: Vous le savez, nous sommes très parole libre et respectueuse de l’autre.
dernier, s’est tenu à Genève, le 7ème Forum satisfaits de la création de cette Agence. Au moment où je m’apprête à quitter
des OING et OSC francophones. Ces D’une part nous connaissons l’ampleur Genève, après près de cinq ans d’actions
Organisations, accréditées auprès de l’OIF, des besoins en matière de renforcement laborieuses au bénéfice de ces valeurs, je
ont été invitées à débattre du partenariat des capacités commerciales et voudrais pour terminer remercier tous les
entre la société civile et la Francophonie, d’assistance technique. Nous sommes partenaires qui nous ont aidés à accomplir
dix ans après l’adoption de la Déclaration donc heureux de voir que ce type notre mission. Je souhaite que les
de Bamako - le texte de référence de la d’assistance se développe. En plus de cela, chantiers en cours comme le Cycle de
Francophonie pour son action en faveur 2ACD travaille en français. Cela pourrait Doha connaissent un heureux
de la démocratie, des droits de l’Homme et paraitre tout à fait normal, mais c’est tout aboutissement et contribuer à instaurer
de la paix. de même à souligner. Les délégations de meilleures conditions de vie pour les
francophones à Genève sont à mon avis, populations les plus pauvres de notre
Au niveau des questions commerciales,
tout à fait satisfaites de cette initiative, planète.
nous avons accompagné les Représentants
tout comme nous. Nous souhaitons
de la société civile lors de la CNUCED 12
pérenniser dans le temps cette
qui a eu lieu à Accra, au Ghana, en avril
collaboration.
2008. Nous avons, à cette occasion,
organisé des réunions de concertation en

L’Ambassadeur Libère lors de la journée de la Francophonie, à Genève, Edition 2009

NUMÉRO 2 Page 13
Renforcement de l’Intégration Régionale pour une Relance des
Economies Africaines
commerce, la Communauté de 1.1. Justification théorique de
développement de l’Afrique Australe l’intégration régionale
(SADC) a formulé une nouvelle stratégie
Les deux principales considérations
pour l'intégration des marchés, etc. Ces
théoriques justifiant la formation de blocs
initiatives ont coïncidé avec des accords
commerciaux sont l’effet d’allocation et
de partenariats économiques (APE) qui
l’effet d’accumulation (ou de croissance)
mettent l’accent eux aussi sur l’intégration
résultant du libre-échange à l’intérieur
régionale.
d’un groupement régional (Baldwin,
Comment expliquer sur le plan théorique 1997). En ce qui concerne l’effet
cet engouement au régionalisme ou aux d’allocation, la théorie économique
regroupements régionaux ? Si sur le plan montre que, dans une économie
théorique le régionalisme procure des compétitive, la demande pour un produit
gains aux pays membres, est ce que la canalise les ressources productives vers la
pratique des initiatives en matière production de ce produit. La demande est
d’intégration régionale déjà prises en donc un important signal entre
Dr. Robert Nkendah Afrique a toujours donné les résultats consommateurs et producteurs. Comme
Enseignant – Chercheur escomptés dans le domaine du commerce l’imposition d’obstacles tarifaires et non
Université de Douala (FSEGA), Cameroun intrarégional des marchandises ? Sinon tarifaires entre les pays brouille ce signal,
E-mail : nkendah.robert@yahoo.fr
quels en sont les facteurs explicatifs et l’élimination de ces obstacles au
comment les lever pour une relance des commerce dans le contexte de
économies africaines ? l’intégration régionale contribue, en
L’intégration(*) et la coopération régionale
principe, à une allocation des ressources
sont reconnues par les décideurs africains Pour répondre à ces différentes questions,
plus efficiente.
comme des facteurs importants pour nous nous servons des statistiques et
accélérer et renforcer le développement rapports de la Conférence des Nations Les «effets d’échelle et de variété» sont un
économique et social. Dans son livre Africa Unies pour le Commerce et le corollaire de l’effet d’allocation (Baldwin,
Must Unite, le nationaliste africain Kwame Développement (CNUCED) (2009, 2008, 1997). S’agissant de l’effet d’échelle, la
Nkrumah préconisait déjà l’unité, la 2007). Bien que l’article est axé plus sur protection d’industries inefficientes en
coopération et l’intégration de l’Afrique les flux économiques que sur les aspects Afrique et dans d’autres pays en
comme condition indispensable au institutionnels de l’intégration intra- développement à l’époque des politiques
développement du continent. Aujourd’hui, africaine, la recommandation d’une prise de remplacement des importations a
avec les défis de la mondialisation et de en compte des questions nouvelles comme maintenu en place de trop nombreuses
l’interdépendance qui s’imposent aux le commerce des services, l’investissement entreprises inefficientes, qui pour
économies, avec le risque d’une et les migrations dans le cadre des beaucoup opéraient à une échelle
marginalisation du continent africain, cet arrangements régionaux d’intégration, qui insuffisante. L’ouverture des marchés
objectif d’intégration est redevenu plus ne sont couvertes que partiellement dans dans le cadre d’une politique de
que prioritaire. les études existantes sont les domaines à libéralisation du commerce globalement
explorer pour une redynamisation des ou au sein d’un groupement commercial
L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA)
processus d’intégration en Afrique. La régional réduit cette protection et peut
a été établie en 1963 pour intégrer
première partie donne une vue aider à rationaliser des industries entières
économiquement les pays d’Afrique,
d’ensemble de la théorie économique et à travers une réallocation des ressources.
régler les conflits dans les pays africains et
de l’histoire de l’intégration régionale Par ailleurs, en créant de vastes marchés
entre ces pays, promouvoir le
alors que la deuxième partie fait en l’intégration régionale pouvait permettre
développement et améliorer le niveau de
quelque sorte le bilan de la pratique des à des petites entreprises d’atteindre leur
vie des populations (Olubomehin et
initiatives d’intégration régionale en taille optimale, d’où une baisse des coûts
Kawonishe, 2004). Plusieurs groupements
Afrique en termes de flux commerciaux moyens mais aussi des prix pour les
sous-régionaux africains ont été formés
intra-africains. Les recommandations sont consommateurs.
par la suite. En juin 1991, le Traité
ensuite formulées pour une relance des
d’Abuja, qui prévoyait la création d’une En ce qui concerne l’effet de variété, l’idée
économies africaines dans le sens du
communauté économique africaine à est simplement qu’en intégrant l’économie
renforcement de l’intégration régionale
l’échelle du continent d’ici 2027, a été d’un pays dans un plus vaste marché on
capable d’accélérer le développement
signé. Par ailleurs, on a remarqué au cours offre aux consommateurs un choix de
économique et social.
de ces dernières décennies, une produits variéS, qui devrait contribuer à
augmentation significative des efforts 1. L’INTÉGRATION RÉGIONALE EN leur bien-être.
dans les pays en développement pour AFRIQUE: THEORIE ET HISTOIRE
réaliser l'intégration économique
La formation des blocs régionaux en
régionale. Dans de nombreuses régions du
Afrique répond à un fondement
monde en développement, les accords
économique théorique dont il faut (*) Le concept d'intégration régionale implique
régionaux existants ont été revitalisés ou
comprendre les bases et les gains que les nations d'une région géographique se
élargies et de nouveaux groupements ont
commerciaux qu’on peut en tirer. Cette réunissent dans un certain type de partenariat
été constitués. La Communauté d’Afrique
justification théorique explique une pour promouvoir le commerce et le
de l’Est (CAE) est un exemple d'un développement en réduisant et en éliminant les
histoire plutôt riche, sur le plan
groupement revitalisé. Ailleurs dans le droits de douane et les barrières non tarifaires à
institutionnel, de la création de plusieurs
monde, l'Association des Nations du Sud- la libre circulation des marchandises, des
communautés économiques régionales
Est Asiatique (ASEAN) a maintenant un services et des facteurs de production entre eux.
(CER) en Afrique depuis les années 1960.
programme concerté de libéralisation du

Page 14 GLOCAL
La concurrence accrue pour une large commerce. Le commerce occupe donc une important que l’effet de détournement des
gamme de produits peut aussi faire place spéciale dans le discours sur échanges. Pour qu’un processus
baisser les prix à la consommation. Pour l’intégration économique. d’intégration soit réussi, il faut donc qu’il
l’entreprise, la possibilité d’un plus grand induise la création de courants
choix de facteurs de production l’aidera à Les concepts fondamentaux utilisés pour commerciaux sans imposer de tarif
utiliser les intrants mieux appropriés, ce évaluer les gains en termes de commerce extérieur commun excessif. En effet, si ce
qui peut accroître sa productivité. procurés par le régionalisme ont été tarif est trop élevé il protégera de la
étudiés dans le contexte de la théorie des concurrence les entreprises inefficientes,
Le deuxième effet majeur du régionalisme, unions douanières. Viner (1950) a établi
l’effet d’accumulation, s’observe dans les situation qui pénalisera les
les fondements de cette théorie en consommateurs dans la zone. Mais la
circuits de l’investissement et du montrant que le régionalisme pouvait
commerce. Quand des marchés régionaux question qui consiste à savoir si le
conduire à «l’expansion des échanges» et régionalisme en Afrique a conduit à la
se développent grâce à l’intégration au «détournement des échanges». Quant
économique, davantage de fournisseurs création nette de courants commerciaux
un groupement commercial est créé, ne peut pas être tenue pour acquise en
sont attirés vers le marché régional, et les l’élimination des obstacles au commerce
entreprises peuvent se spécialiser. Ce dépit d’une histoire de plus de 200
crée un vaste marché où le pays qui initiatives intergouvernementales de
processus réduit les coûts de production produit à bas coûts des biens de
moyens à l’intérieur du groupement coopération économique en Afrique.
consommation accroît sa part de marché
commercial, et accroît ainsi le rendement en capturant le marché intégré du produit 1.3. Histoire de l’intégration régionale
des facteurs de production et par fabriqué à bas coûts. Cela permet au en Afrique
conséquent l’accumulation des facteurs producteur à
matériels et bas coûts Dès le début du processus de
non matériels d’abaisser décolonisation dans les années 60,
(y compris le « L’histoire de l’intégration régionale en Afrique est encore ses l’établissement de communautés
savoir-faire). caractérisée par l’existence d’une multitude coûts de économiques sous-régionales a été un
Il est d’initiatives d’intégration régionale et, par production volet important de la stratégie de
désormais conséquent, par la participation des pays africains à grâce aux développement de l’Afrique où presque la
largement divers accords commerciaux régionaux (ACR), de économies totalité des pays du continent ont souscrit
admis que nombreux pays appartenant à de multiples entités. d’échelle, au à l’idée de l’intégration régionale. Trois
l’un des effets Sur les 53 pays africains, 27 sont membres de deux plus grand grandes périodes marquent l’histoire de
de la groupements régionaux, 18 appartiennent à trois nombre de l’intégration régionale en Afrique :
groupements et 1 pays est membre de quatre fournisseurs • La période 1960 à 1980 qui se ferme
groupements. Sept pays seulement ne sont membres disponibles et sur l’adoption du plan d’action de
que d’un seul groupement » aux effets de
Lagos qui proposait une stratégie pour
spécialisation
engager l’Afrique sur la voie du
(Corden,
développement durable qui allait à
1972). Le
mondialisation a été d’accroître la contre-courant des politiques suivies
mouvement de la demande du pays à
mobilité des ressources humaines et depuis les années 60.
coûts élevés vers le pays à bas coûts crée,
financières, qui se dirigent plutôt vers les
pays où la rentabilité est la plus forte. En
pour ce dernier, de nouvelles opportunités • La période de 1980 à 1991 se fermant
commerciales d’où «l’expansion des sur la signature, à Abuja le 3 juin 1991,
outre, l’intégration régionale a des échanges».
retombées technologiques conduisant à du traité établissant la Communauté
des gains de productivité et à une Il y a détournement des échanges quand la économique africaine (CEA) d’ici à
réduction des coûts de production, ce qui production d’un pays partenaire remplace 2027. Ce traité prévoit une monnaie
attire d’autres investissements et favorise des importations à bas coûts provenant de commune, une mobilité intégrale des
par conséquent l’accumulation des l’extérieur de la zone couverte par l’ACR facteurs de production et la libre
facteurs. Vu les effets cumulés de grâce au niveau de protection important circulation des biens et des services
l’intégration économique régionale en conféré aux producteurs au sein de entre les pays africains.
termes d’efficience et d’accumulation, il l’accord en question. Le niveau de
• La période de 1991 à nos jours qui a vu
est clair qu’elle peut contribuer à la protection contre la concurrence
l’accélération des discussions sur
croissance économique. Sachant qu’une extérieure ainsi établi est bien entendu un
l’intégration régionale avec
efficience accrue et une accumulation plus déterminant essentiel de la dispersion des
l’établissement de l’Union africaine
rapide sont les ingrédients d’un système courants commerciaux.
(UA) en 2001 et le lancement du
compétitif, l’intégration régionale peut
Si le tarif extérieur commun est fixé de Nouveau Partenariat pour le
donc être un tremplin permettant à
telle sorte qu’une source intérieure plus développement de l’Afrique (NEPAD).
l’Afrique de s’intégrer à l’économie
mondiale grâce aux gains théoriques coûteuse qui fournit un facteur de
Bref, l’histoire de l’intégration régionale
qu’elle peut procurer au continent. production ou un bien de consommation
en Afrique est caractérisée par l’existence
remplace la source moins coûteuse située
d’une multitude d’initiatives d’intégration
1.2. Les gains théoriques en termes de hors de la zone couverte par l’ACR, les
régionale et, par conséquent, par la
commerce procurés par les ACR consommateurs sont pénalisés puisqu’ils
participation des pays africains à divers
(accords commerciaux régionaux) paient des prix plus élevés après
accords commerciaux régionaux (ACR), de
l’intégration. C’est ce que l’on entend par
On a vu ci-dessus que la théorie du nombreux pays appartenant à de
«détournement des échanges».
régionalisme s’est articulée autour de multiples entités. Sur les 53 pays africains,
considérations d’ordre essentiellement L’effet global du régionalisme sur le 27 sont membres de deux groupements
commercial. Les concepts utilisés pour commerce en Afrique peut être positif ou régionaux, 18 appartiennent à trois
analyser les effets économiques de négatif, selon celui des deux effets qui groupements et 1 pays est membre de
l’intégration économique, tels que prévaut. Le gain net pour les pays quatre groupements. Sept pays seulement
l’expansion ou le détournement des concernés est positif quand l’effet de ne sont membres que d’un seul
échanges, sont eux mêmes centrés sur le l’expansion des échanges est plus groupement (CNUCED, 2009).

NUMÉRO 2 Page 15
Cette profusion d’arrangements et les pays africains commercent davantage internes qu’externes. Sur le plan interne, il
d’institutions et ces appartenances avec l’UE qu’avec d’autres pays d’Afrique, s’agira de renforcer et d’approfondir
multiples à l’intérieur d’une même région malgré la proximité géographique de ces l’intégration régionale en allant au-delà
brouillent quelque peu les objectifs derniers (CEA, 2008). des échanges commerciaux de
d’intégration et induisent une marchandises, en prenant en compte des
concurrence contre-productive entre pays Bien que la part du commerce
intrarégional en Afrique reste faible en questions nouvelles comme le commerce
et entités (CEA, 2008). Tout cela peut des services, l’investissement et les
peser négativement sur le bilan de comparaison, elle a progressé
considérablement au fil des années mais migrations dans le cadre des
l’intégration régionale en Afrique. arrangements régionaux d’intégration ;
en partant il est vrai d’un niveau
2. BILAN ET PERSPECTIVES DE particulièrement bas. L’évolution de la sur le plan externe, il s’agira de prendre en
L’INTEGRATION REGIONALE POUR UNE part de ces échanges est passée par compte les phénomènes qui déterminent
RELANCE DES ECONONOMIES différentes phases. Après avoir été stable l’intégration de l’Afrique dans le
AFRICAINES initialement jusqu’au début des années 70, commerce mondial.
elle a plongé durant cette décennie-là A. Approfondissement de l’intégration
Nous présentons d’abord un bilan succinct jusqu’à un plus bas niveau en 1978, où les
avant de voir les perspectives de relance régionale
exportations intra-africaines ne
de l’intégration régionale africaine. représentaient plus que 2,9 % du total des Le projet politique de créer un marché
2.1. Bilan de l’intégration régionale en exportations de l’Afrique. À partir de là, la commun africain d’ici à 2027 est toujours
Afrique proportion s’est lentement redressée à l’ordre du jour mais pour y parvenir il
jusqu’au milieu des années 80, puis elle a faudrait très probablement commencer
Les résultats de l’intégration régionale en fortement augmenté durant la seconde par rationaliser les systèmes existants
Afrique restent mitigés lorsqu’on moitié des années 80 et la première moitié (CEA, 2006). Un certain nombre de signes
considère les flux commerciaux intra- des années 90 (CNUCED, 2009). (voir encourageants donnent à penser que la
africains. La part du commerce Tableau 2). volonté politique d’accentuer l’intégration
intrarégional dans le commerce total reste est actuellement très forte. Ainsi, la
très inférieure, dans le cadre des De façon générale, la pratique du communauté d’Afrique de l’Est s’est
arrangements d’intégration régionale en régionalisme en Afrique n’a pas toujours élargie récemment avec l’adhésion du
Afrique, à ce qu’elle est en Asie et en donné les avantages théoriques escomptés Burundi et du Rwanda. Cet élargissement
Amérique latine (tableau 1). Certains comme en témoigne la faiblesse du présente des avantages évidents pour ces
groupements régionaux en Afrique ne commerce intra-africain. L’analyse des deux États enclavés dont l’économie est
sont pas parvenus à dynamiser les motifs de la faiblesse du commerce intra- fortement tributaire des pays maritimes
exportations des zones concernées. Ainsi, africain par rapport à ce qu’il pourrait être de la Communauté (Kenya et République-
dans la CEMAC, la part du commerce fait apparaître la présence de coûts de Unie de Tanzanie). Les deux États ont tout
intrarégional est plus basse aujourd’hui transport excessifs dus à la médiocrité des à gagner à cette adhésion si la
que dans tous les autres mécanismes infrastructures (transport, libéralisation au sein de la Communauté
d’intégration régionale en Afrique (moins communication, etc), particulièrement n’est pas compromise par des
de 2 %). L’intégration régionale ne profite pour les pays sans littoral, qui souffrent considérations politiques, comme il est
pas non plus de manière égale à tous les des déficiences à la fois de leur propre arrivé précédemment.
membres des groupements. Dans la région infrastructure et de celle de leurs voisins.
de la CEDEAO, par exemple, trois pays Des formalités frontalières inutiles et L’approfondissement de l’intégration
(Nigéria, Côte d’Ivoire et Sénégal) nombreuses, l’instabilité politique et le régionale devrait prendre en compte
représentent à eux seuls près de 90 % des caractère imprévisible et incertain des certaines questions nouvelles comme les
exportations intrarégionales et près de 50 politiques commerciales nuisent aussi au services, l’investissement et la mobilité/
% des importations intrarégionales. La commerce intra-africain en augmentant migration de la main d’œuvre. Elles sont
libéralisation des échanges commerciaux les coûts commerciaux, malgré les progrès considérées comme nouveaux, parce que,
dans les régions de l’Afrique couvertes par remarquables enregistrés récemment contrairement à d’autres secteurs de
des arrangements d’intégration régionale dans ces domaines. l’intégration régionale tels que les
a été modeste elle aussi en général. marchandises, ils sont encore au premier
stade de leur développement. La relance
des économies africaines dépendra de
Régions en développement Importations Exportations
l’importance de la contribution de ces
Afrique 9,6 8,7
domaines de coopération pour le succès
de l’intégration régionale en Afrique.
Pays en développement d’Amérique 20,9 18,5
L’investissement étranger direct (IED)
Pays en développement d’Asie 48,1 45,5 intra-africain est estimé à 13 % de
l’investissement étranger total en Afrique.
Pays développés d’Amérique 23,3 39,8
Cette proportion est petite, surtout par
Pays développés d’Europe 68,1 71,4 rapport à d’autres régions en
développement comme l’Asie du Sud-Est,
où l’investissement intrarégional
Tableau 1 : Importations et exportations intrarégionales par rapport au commerce total,
moyennes 2004-2006 (en pourcentage) représente 30 % du total. Étant donné le
Source : CNUCED, 2008. besoin général d’investissements plus
étoffés en Afrique, l’investissement intra-
Dans la majorité des communautés 2.2. Perspectives d’avenir de africain devrait jouer un rôle plus actif. La
économiques régionales, plus de 80 % des l’intégration régionale pour une présence d’un secteur financier solide
exportations restent destinées à des relance des économies africaines serait une condition préalable au
marchés en dehors de l’Afrique (tableau développement des courants
Dans l’avenir prévisible, l’évolution des d’investissement à l’intérieur de l’Afrique.
2), l’Union européenne et les États-Unis économies africaines dépendra d’un
représentant plus de 50 % de ce total. Et certain nombre de processus aussi bien

Page 16 GLOCAL
Cette profusion d’arrangements et ces gains potentiels. C’est pourquoi le 4. Etablissant un secteur financier fort en
d’institutions et ces appartenances bilan des accords d’intégration régionale Afrique ;
multiples à l’intérieur d’une même région dans les domaines du commerce, des
brouillent quelque peu les objectifs investissements et de la migration reste 5. S’attaquant au problème des obstacles
d’intégration et induisent une mitigé. L’enjeu consiste maintenant à au commerce des services ;
concurrence contre-productive entre pays déterminer la façon de maximiser les 6. Veillant à ce que les mouvements
et entités (CEA, 2008). Tout cela peut effets positifs de l’intégration régionale migratoires soient avantageux pour tous
peser négativement sur le bilan de sur le développement de l’Afrique. les pays d’Afrique ;
l’intégration régionale en Afrique. L’intégration régionale n’est pas une fin en
soi; elle devrait plutôt être considérée 7. Se préparant à négocier à différents
B. Processus qui déterminent comme un premier pas vers la création niveaux.
l’intégration de l’Afrique dans le d’un climat propice aux investissements et
commerce mondial Références bibliographiques
à la compétitivité à l’exportation.
Sur le plan international, plusieurs L’intégration régionale africaine évoluera 1. Baldwin R. E. (1997). Review of theoretical
en fonction de l’issue des négociations de developments on regional integration, dans
phénomènes vont certainement être
déterminants pour l’avenir du commerce Doha, qui visent à établir un nouveau 2. CEA (2006). État de l’intégration régionale
intra-africain et l’intégration du continent cadre pour le système commercial en Afrique II: Rationalisation des
dans le commerce mondial. Le plus mondial. L’intégration régionale sera aussi communautés économiques régionales. Addis
notable aujourd’hui est la négociation affectée par la restructuration des -Abeba: CEA.
d’accords de partenariat économique relations entre le Groupe ACP et l’Union 3. CNUCED (2009). Renforcer l’intégration
entre l’Afrique et l’Union européenne. européenne prévue dans les négociations économique régionale pour le
Sont à mentionner aussi: le Cycle de sur les APE, ainsi que par l’établissement développement de l’Afrique. Rapport sur le
négociations de Doha à l’OMC, la loi de nouvelles relations économiques développement économique en Afrique 2009.
américaine sur la croissance et les bilatérales, en particulier avec les Genène.
potentialités de l’Afrique, les accords- nouveaux pays en développement 4. Corden M. (1972). Economies of scale and
cadres sur le commerce et émergents. Les pays africains doivent customs union theory. Journal of Political
l’investissement et l’apparition récente de adopter une nouvelle approche du Economy. 80 (3): 465-475.
la Chine comme protagoniste majeur du régionalisme mieux adaptée à toutes ces
réalités en : 5. Olubomehin D. et Kawonishe D. (2004). The
commerce mondial. African Union and the challenges of regional
Conclusion générale et 1. Adaptant une stratégie de coopération integration in Africa. Document présenté à la
régionale axée sur le développement des conférence annuelle de la African Studies
recommandations Association of Australia and the Pacific
infrastructures ;
La théorie de l’intégration régionale (AFSAAP). 26-28 novembre. University of
2. Créant des projets régionaux d’IED ; Western Australia.
montre les gains importants que les pays
peuvent avoir en se regroupant. Mais la 3. Renforçant les mesures réglementaires 6. Viner J. (1950). The Customs Union Issue.
mise en œuvre de cette théorie nécessite Washington, DC, Carnegie Endowment for
pour promouvoir les IED entre pays International Peace.
une démarche pour pouvoir concrétiser africains ;

Pays Vers les Vers les Vers l’Asie Vers l’Asie Vers Vers les principaux Principaux
pays déve- Etats de l’Est, du occidenta- l’Afri- groupements groupements
loppés d’Eu- Unis Sud et du le que régionaux
rope Sud Est régionaux
Kenya 26,98 5,66 10,36 3,08 47,36 32,92 COMESA
Sénégal 26,34 0,60 12,46 0,80 44,99 37,32 CEDEAO
Ouganda 38,72 1,89 6,64 12,81 34,00 29,22 COMESA
B. Faso 11,21 0,28 48,73 0,70 33,20 31,37 CEDEAO
Rwanda 50,21 2,23 12,41 0,64 31,33 29,63 COMESA
Côte d’I. 48,48 11,07 4,99 0,76 28,95 23,62 CEDEAO
Ghana 40,79 18,66 7,05 1,95 26,80 9,90 CEDEAO
Cameroun 66,50 5,66 6,57 1,10 12,26 5,71 CEEAC
Nigéria 23,37 47,79 6,91 0,52 8,78 5,26 CEDEAO
Gabon 16,62 59,48 14,35 0,20 5,11 1,35 CEEAC
Algérie 54,44 24,89 2,73 3,94 2,18 1,01 UMA
Tchad 9,68 73,14 16,69 0,01 0,20 0,01 CEEAC

Tableau 2 : Les destinations des exportations de quelques pays africains, 2004 – 2006, (pourcentage)

NB. Les pays sont classés, en ordre décroissant, selon le pourcentage de leurs exportations allant à d’autres pays africains.
Source : CNUCED, 2008.

NUMÉRO 2 Page 17
Aléas Conjoncturels et Harmonisation des Politiques Fiscales :
L’Intégration Régionale à l’épreuve de la dernière crise alimentaire
dans l’espace UEMOA
protège pas suffisamment les Etats aucunement occulter la nécessité de
membres de l’Union entre eux. En effet, la poursuivre la construction de l’Union
libre circulation des capitaux aurait pour Economique.
conséquence, si elle n’est pas encadrée,
d’entraîner un déplacement des I. Les crises comme facteur de
investissements et une polarisation de fragilisation des politiques fiscales
ceux-ci dans un pays membre de l’Union, à
fiscalité plus attrayante. Cela se ferait Les mesures adoptées par l’Etat de Côte
donc au détriment des autres pays d’Ivoire pour juguler la crise alimentaire
membres de l’Union et pourrait de 2008 ont conduit à la remise en cause
compromettre l’objectif recherché. de certaines directives de l’UEMOA(1).
L’objectif visé était de protéger l’ordre
C’est pourquoi, le traité de l’UEMOA exige, public national au détriment de l’ordre
dans les Etats membres, une économique communautaire, ce qui peut
harmonisation des législations fiscales, avoir de fâcheuses conséquences en
gage du bon fonctionnement du marché matière d’intégration régionale.
Par ACKAH – MIEZAN commun. Cette exigence a été traduite par
Administrateur des Services Financiers et Direc-
de nombreuses directives de l’UEMOA en 1.1. La remise en cause de certaines
teur de l'Ecole de Gestion Economique directives de l’UEMOA
et Financière de l'Ecole Nationale d'Administration matière fiscale, parmi lesquelles l’on peut
de Côte d'Ivoire. citer : Les directives de l’UEMOA qui ont été
E-mail : ackahmiezan77@yahoo.fr
contournées par les décisions du
• La directive n° 02/98/CM/UEMOA du gouvernement ivoirien portent à la fois
Introduction 22 Décembre 1998 portant sur le tarif extérieur commun de l’Union et
harmonisation des législations des le taux de la TVA. Le 28 Novembre 1997,
Dans le cadre de la mise en œuvre de Etats membres en matière de taxe sur
l’Union Economique, les Etats membres de le conseil des Ministres de l’UEMOA a
la valeur ajoutée ; adopté le règlement n°02/97/CM/
l’UEMOA ont convenu d’harmoniser • La directive n° 03/98/CM/UEMOA du UEMOA, portant tarif extérieur commun
certaines de leurs politiques. Ils ont
22 Décembre 1998 portant de l’Union Economique et Monétaire
d’abord procédé à la mise en place d’un
harmonisation des législations des Ouest Africaine (UEMOA). Selon ce
marché commun qui institue d’une part
Etats membres en matière de droits règlement, en son article 7, les taux du
une zone de libre échange, et d’autre part
d’accises ; droit de douane inscrit au tarif Extérieur
un tarif extérieur commun (TEC) et une
politique commerciale commune. Le • La directive n° 07/2001/CM/UEMOA commun sont repartis en 4 catégories :
marché commun vise à faciliter la libre du 26 Novembre 2001 portant régime
1. Catégorie 0 : 0% ; 2. Catégorie 1 : 5% ; 3.
circulation des biens et des personnes, le harmonisé de l’acompte sur Impôts
Catégorie 2 : 10% ; 4. Catégorie 3 : 20%
droit d’établissement pour les personnes assis sur les bénéfices au sein de
Ainsi, des produits comme la tomate en
qui exercent une activité indépendante et l’UEMOA.
conserve, le poisson, ou le riz relèvent de
le droit de résidence pour celles qui En application de ces directives, la
la catégorie 2, tandis que la farine ou le
exercent une activité salariée. législation fiscale en Côte d’Ivoire a subi
lait par exemple relèvent de la catégorie 1.
de nombreuses modifications pour
Le droit d’établissement est le droit Les premiers sont taxés à 10%(2) et les
s’adapter à l’exigence de la mise en place
reconnu à toute personne ressortissant seconds à 5%(3) .Cependant l’ordonnance
de l’Union.
d’un pays membre de l’Union, de ivoirienne n° 2008-123 du 01 Avril 2008
s’installer dans un autre pays de l’Union Cependant, la crise alimentaire de 2008, portant aménagement du taux de la TVA
pour y exercer une activité non salariée. Il survenue dans la plus part des pays du et des droits de douane sur certains
peut s’agir d’une profession libérale monde, et les émeutes de la faim qui en produits de grande consommation, en son
(Médecin, Avocat, Notaire…) ou même ont suivi, particulièrement en Côte article 3, suspend les droits de douane à
d’une profession commerciale. Quant au d’Ivoire, ont amené le Gouvernement l’importation pour le lait, l’huile de palme
droit de résidence, il permet à tout Ivoirien à prendre des dispositions qui raffinée, la tomate en conserve, le sucre, la
individu ressortissant d’un pays membre vont à l’encontre des directives de farine de blé, le poisson, le riz et le ciment,
de l’espace communautaire, d’exercer une l’UEMOA. jusqu’au 30 juin 2008.
activité salariée dans un autre Etat de De ce fait, nous nous posons la question de Cette même mesure est reconduite par
l’Union avec un droit de résidence dans savoir si la gestion des crises dans les l’ordonnance 2008-219 du 16 juillet 2008
cet Etat. Etats membres de l’Union, notamment la pour une période allant jusqu’au 30
Par ailleurs, le Marché commun prévoit la crise alimentaire, n’est pas un facteur de Septembre 2008, puis par l’ordonnance n°
libre circulation des Biens, des Services fragilisation de l’harmonisation des 2008-283 du 22 Octobre 2008 pour la
mais aussi et surtout des Capitaux. politiques fiscales ? période allant au 31 Décembre 2008. Il en
résulte que le tarif extérieur commun
Les Capitaux sont l’élément fondamental La réponse à cette question se fondera prévu par le règlement de l’UEMOA n’a
dans les investissements. La libre essentiellement de la Côte d’Ivoire. En pas été respecté par l’Etat de Côte d’Ivoire.
circulation des Capitaux permet donc une effet, au regard des mesures prises par le Car la suspension des droits de douane
liberté d’investissement dans n’importe Gouvernement Ivoirien pour faire face à la conduit à une importation en franchise de
lequel des Etats membres de l’Union. Or, si crise alimentaire, nous pouvons affirmer droits de douanes, des produits ci-dessus
le marché commun permet de définir une que les crises peuvent être l’un des mentionnés.
politique commerciale commune vis-à-vis facteurs qui fragilisent l’harmonisation
des pays non membres de l’Union, il ne des politiques fiscales, mais cela ne doit

Page 18 GLOCAL
En matière de fiscalité intérieure, Il y avait donc nécessité de préserver mettre en place des mécanismes ou
notamment de TVA, on a également l’ordre et l’équilibre national. Cela devait- politiques communs de gestion des crises.
assisté à une violation des dispositions il se faire au détriment de l’ordre
2.1. Le renforcement de la force
communautaires. La directive n° 02/98/ économique communautaire ?
juridique des directives
CM/UEMOA du 22 Décembre 1998
portant harmonisation des législations des A ce niveau d’analyse, il est bon de noter La constitution des communautés
Etats membres en matière de TVA, que la communauté n’est et ne se économiques régionales conduit
dispose en son article 29 que « les Etats développe que par le développement des nécessairement à la réduction de la marge
membres fixent un taux de la taxe sur la entités qui la composent. Ainsi, la stabilité de souveraineté des Etats. La souveraineté
valeur ajoutée applicable pour l’ensemble de la communauté dépend-elle de la fiscale est le pouvoir dont dispose un Etat
des opérations imposables. Le taux est stabilité de tous les Etats membres de pour déterminer les règles applicables à
compris entre 15% et 20%(4)». l’Union. La décision de suspension des l’assiette, au contrôle et au recouvrement
droits de douane sur certains produits de l’Impôt. Elle est fondamentalement liée
Contrairement au tarif extérieur commun importés et de réduction de moitié du taux à la souveraineté politique(6).
qui est fixe, pour la TVA, l’UEMOA laisse la de la TVA sur les mêmes produits avait
latitude aux Etats membres de fixer pour but d’aboutir à une réduction des Dans le cadre d’un régime juridique
librement leur taux. Cependant, ce taux ne prix des denrées alimentaires. communautaire, la souveraineté se
doit pas être inférieur à 15% sur la base conçoit comme le fait pour les Etats
hors taxe et supérieur à 20% sur cette L’Etat de Côte d’Ivoire pouvait-il se membres de l’espace, de renoncer à
même base. Par application de cette permettre de laisser perdurer la paralysie l’exercice d’une compétence autonome
directive, l’Etat de Côte d’Ivoire a de l’économie au risque d’assister à une dans certains domaines pour l’exercer en
supprimé le taux réduit de 11,11% en situation de chaos généralisé ? Le chaos en commun par le biais d’une institution
2000 et a adopté un taux unique de 20%. Côte d’Ivoire n’aurait –il pas impacté la supra nationale qu’ils créent. Ainsi, dans le
Le taux est passé à 18 % en 2003. communauté toute entière d’autant plus cadre de l’UEMOA, les Etats ont décidé,
que ce pays représente près de 40% du dans certaines mesures, d’abandonner
Mais, pour faire face à la crise de 2008, poids de l’Union ? Cette violation de la une partie de leur souveraineté fiscale,
l’article premier de l’ordonnance directive et du règlement de l’union n’a-t- pour la transmettre à l’Union. Cet abandon
ivoirienne n°2008-123 du 01 Avril 2008 elle pas été salutaire pour l’union ? de souveraineté se manifeste à travers les
précédemment citée, a disposé que « le directives de l’UEMOA dont certaines ont
taux de la TVA prévu à l’article 359 du Autant de question que nous nous posons.
Mais il est indéniable qu’à défaut d’avoir été citées plus haut.
code général des Impôts est réduit de 18%
à 9% en ce qui concerne le sucre et le des mesures palliatives, la réaction de Les directives constituent, avec les
ciment jusqu’au 30 Juin 2008 ». La mesure l’Etat de Côte d’Ivoire pourrait être règlements et les recommandations, le
a été reconduite jusqu’au 31 Décembre qualifiée de normale. Elle demeure droit de l’UEMOA. Mais à la différence du
2008. normale dans la mesure où les règlement qui s’applique de façon directe
dispositions prises étaient limitées dans le et totale, la directive donne des objectifs à
Bien plus, l’article 2 de l’annexe fiscale à temps et ont pris fin, pour la plupart, le 31 atteindre par les pays membres, avec un
l’ordonnance n°2008-381 du 18 Décembre 2008. Ce qui est resté délai. Ce délai permet aux gouvernements
Décembre 2008 portant budget de l’Etat incompréhensible, c’est l’instauration, en nationaux de s’adapter à la nouvelle
pour la gestion 2009 à institué un taux matière de TVA, d’un taux réduit réglementation(7).
réduit permanent de 9% pour le lait et les permanent de 9% pour le lait et les pâtes
pâtes alimentaires à base de semoule de alimentaires à base de semoule de blé dur La directive n°02/98/CM/UEMOA du 22
blé dur à 100%(5). à 100%. L’Article 2 à l’annexe fiscale à Décembre 1998 a donc laissé un délai de 2
l’ordonnance n° 2008-381 du 18 ans pour la mise en œuvre effective des
Comme on le constate, l’Etat de Côte Décembre 2008 qui institue ce taux ne le mesures inscrites. Ce qui a été fait par les
d’Ivoire a d’abord pris une série de limite pas dans le temps. Etats membres. Mais est-il prévu des
mesures conjoncturelle (limitation dans le sanctions au cas où un Etat membre ne
temps). Cependant l’annexe fiscale à la loi Pourtant depuis 2009, les effets de la crise respecterait pas les dispositions de la
de finance pour la gestion 2009, en alimentaire de 2008 se font de moins en directive ?
instituant des mesures permanentes, viole moins sentir et il aurait été logique que
de manière flagrante, les dispositions de toutes les mesures conjoncturelles prises A l’état actuel de nos connaissances, nous
l’article 29 de la directive de l’UEMOA ; dans le cadre du règlement de cette crise ne pouvons affirmer avec certitude qu’il
même si l’objectif de la Côte d’Ivoire est de soient abandonnées. Ce taux de 9% a donc existe des sanctions. Aux termes de
protéger l’ordre public national. créé un déséquilibre entre les Etats l’article 5 du Protocole additionnel,
membres de l’UEMOA et aurait pu lorsque sur saisine de la Commission ou
1.2. La volonté de protéger l’ordre remettre en cause la volonté d’aboutir à d’un autre Etat membre, la Cour de Justice
public national une harmonisation totale des politiques de l’UEMOA constate qu’un Etat membre
La crise alimentaire de 2008 qui a affecté fiscales. ne respecte pas les obligations lui
l’Etat de Côte d’Ivoire à conduit à des incombant en vertu du Traité ou de ses
Il est cependant dans l’intérêt des Etats actes dérivés, elle fait injonction à l’Etat
troubles. Diverses appellations ont été membres de l’UEMOA de poursuivre la
utilisées pour qualifier ceux-ci : défaillant de se conformer auxdites
construction de l’Union économique. obligations. Si le manquement persiste
manifestations contre la vie chère,
émeutes de la faim, etc. Les troubles ont II. La nécessité de poursuivre la malgré cette injonction, la Commission a
eu pour conséquence une paralysie de construction de l’Union économique la possibilité de saisir la Conférence des
l’activité économique, voire de l’activité Chefs d’Etats et de Gouvernements, afin
La construction de l’Union économique est que celle-ci commande à cet Etat de se
tout court. Dans un contexte de sortie de
aujourd’hui une exigence. Cette exigence conformer à ses obligations
crise socio-politique, l’Etat se devait de
permettra d’aboutir à la mise en place de communautaires. Aucune mesure
réagir pour rassurer les populations et
la communauté économique de l’Afrique. coercitive n’est donc prévue à cet effet.
éviter que la situation ne dégénère en
crise civile. Pour ce faire, il faut renforcer la force
juridique des directives et règlements et

NUMÉRO 2 Page 19
Toutefois, l’absence de réaction de la kilowatt/heure pour le consommateur et aliments pour bétail et pour volaille ;
communauté vis-à-vis de la Côte d’Ivoire en accroissant ses investissements en poussins d’un jour ; farine de maïs, de mil,
en matière de TVA confirme qu’il n’existe faveur de l’électrification(8). de millet, de sorgho, de riz, de blé et de
aucun mécanisme de contrainte en la fonio ; matériel agricole ; matériel
Quant au Sénégal, il a adopté dix neuf (19)
matière. Si tel est le cas, il serait alors informatique ; matériels de production de
mesures divisées en quatre catégories.
judicieux d’envisager, comme c’est le cas l’énergie solaire.
dans l’Union Européenne, des sanctions à La première catégorie de mesures porte
2) Services : prestations d’hébergement et
l’encontre des Etats qui contreviennent sur la suspension des Droits de porte pour
de restauration fournies par les hôtels, les
aux dispositions de l’UEMOA. Que vaut le riz brisé, le blé, et le lait en poudre. La
restaurants et organismes assimilés agréés
une règle de droit qui n’est accompagnée deuxième catégorie prévoit la modération
et les prestations réalisées par les
d’aucune sanction ? des marges laissées à la discrétion des
organisateurs de circuits touristiques
producteurs et des commerçants et la
Pour aider la communauté à grandir et à agréés ; location de matériel agricole ;
sécurisation des approvisionnements. La
atteindre les objectifs qui lui sont réparation de matériel agricole ;
troisième catégorie comprend inter alia la
assignés, il faut qu’elle dispose de moyens prestations réalisées par les entreprises
subvention du prix des hydrocarbures
de contrainte vis-à-vis des Etats membres dans le cadre des activités de pompes
pour faire face à la flambée des cours
qui ne se conformeraient pas à la funèbres.
mondiaux. La quatrième catégorie vise à
législation commune. Ces moyens de étudier la possibilité de soumettre les prix Cette directive semble être une
contrainte pourraient être des amendes de certains produits au régime de régularisation des mesures prises par
d’un montant élevé avec astreinte ou l’administration des prix(9). certains Etats de l’Union pour faire face à la
même des mesures d’ordre économique, crise. L’examen de la liste des produits
notamment l’interdiction d’importer ou Comme on le constate, la crise n’a pas été
visés par le taux réduit fait apparaître les
d’exporter au sein de l’Union. spécifique à la Côte d’Ivoire. Elle a aussi
biens qui ont été soumis à taux réduit lors
touché le Sénégal et le Burkina Faso.
Evidemment, cela devra être précédé des émeutes de la faim.
Cependant, chacun de ces Etats a réagi de
d’une mise en demeure préalable de manière isolée. La prise de mesures individuelles au
s’exécuter. niveau de chaque Etat pour faire face à la
Certes, l’inventaire des mesures permet de
Par ailleurs, la nécessité de poursuivre la crise constitue, à n’en point douter, une
se rendre compte que certaines sont
réalisation de l’union commande la mise violation des directives et règlements de
communes aux trois Etats (suspension de
en place de politique commune de gestion l’UEMOA. Pourtant, ces mêmes mesures,
droits de douanes à l’importation
des crises. adoptées dans un cadre communautaire
notamment) et d’autres particulières à
auraient non seulement permis la
2.2. La mise en place de politique chacun d’entre eux. Dans un contexte où la
mutualisation des réflexions et des efforts
commune de gestion des crises crise a été partagée par tous les Etats de la
de sortie de crise mais aussi une remise en
communauté, il eût fallu mettre en place
Pour lutter contre les émeutes de la faim, cause légale des engagements communs.
des politiques communes de gestion de la
la plus part des pays ont adopté des crise qui auraient été profitables à Aussi, la directive N°02/2009/CM/UEMOA
mesures qui sont allées à l’encontre du l’ensemble de la communauté. C’est à ce portant modification de la directive N°
droit communautaire. Au Burkina Faso prix et par une action concertée que 02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998
par exemple, L’Etat a consenti sept mois l’UEMOA pourra faire face aux crises sans portant harmonisation des législations des
de suppression de droits de douane et/ou remettre en cause les objectifs Etats membres en matière de TVA, adoptée
de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur des d’harmonisation des politiques fiscales. le 27 mars 2009 apparaît – elle comme une
produits importés tels que le riz, les pâtes réponse communautaire à des problèmes
alimentaires, le lait, le sel, les préparations Dans cette optique, la directive N°
communautaires. Elle donne la possibilité
alimentaires de base pour enfants, la 02/2009/CM/UEMOA portant
aux Etats de transformer en toute légalité
semoule de blé… Le gouvernement a modification de la directive N°02/98/CM/
des décisions conjoncturelles en décision
également supprimé la TVA à la vente sur UEMOA du 22 décembre 1998 portant
structurelles. Néanmoins, elle ne saurait
le savon, les huiles et pâtes alimentaires harmonisation des législations des Etats
occulter la remise en cause des décisions
produits localement. Toutes ces mesures membre en matière de TVA, adoptée le 27
communautaires par les mesures
prises pour contrer l’inflation ont mars 2009 est salutaire.
individuelles adoptées en 2008 par
engendré une perte de cinq milliards de F En effet, le Conseil des Ministres de certains pays de l’Union.
CFA pour le budget de l’Etat. l’Union, considérant que l’harmonisation
Références :
Après une évaluation de l’impact des des législations fiscales contribue à
facilités accordées jusque-là sur l’inflation, réaliser la cohérence des systèmes 1. www.uemoa.int/autres//règlement%
il a maintenu les concertations avec les internes de taxation et à assurer l’égalité 202_99_cm.btm
industriels, les commerçants et les de traitement des opérateurs 2. www.uemoa.int/actes/dec 99/REG_12_99
importateurs dans une dynamique économiques au sein de l’Union ; a 3. www.uemoa.int/actes/2002/annexes/
d’application de prix supportables pour le apporté des modifications sensibles à la REG_23_2002, section.pdf
consommateur et la recherche de Directive de 1998 en matière de TVA en
4. Voir Code Général des Impôts de Côte d’Ivoire
solutions pérennes à la crise alimentaire. prévoyant, de manière expresse, des cas
édition 2005, page 487
d’application de taux réduit. Selon l’article
Le soutien à la consommation s’est 29 nouveau de cette directive, les Etats 5. JORCI, numéro 2, numéro spécial du jeudi 16
accompagné par une volonté d’alléger la membres ont la faculté de fixer un taux avril 2009, paru le jeudi 30 avril 2009
facture énergétique. C’est la bagatelle de réduit de la Taxe sur la Valeur Ajoutée 6. M BOUVIER, Introduction au droit fiscal et à la
19,46 milliards F CFA qui a été consacrée compris entre 5% et 10%. Les Etats théorie générale de l’impôt, JGDJ, 2007
à la subvention des hydrocarbures (Fuel membres appliquent ce taux réduit à un
notamment) et à la stabilisation du gaz 7. www.wkipédia.org/wiki/directives de l’union
nombre maximum de dix (10) biens et européenne
butane. Ces efforts considérables ont services choisis sur la liste
permis à la Société nationale d’électricité 8. www.gouvernement. Gov.bf
communautaire définie ci-après(10) :
du Burkina (SONABEL) de mieux assurer 9. www.blogs.afrique.info/senegal-politique/
ses missions de service public en 1) Biens : huiles alimentaires ; sucre ; lait index.php/2007/11/05/1008- les 19 mesures
appliquant des coûts raisonnables du manufacturé ; pâtes alimentaires ; de diversion de Wade

Page 20 GLOCAL
Diversité des régimes commerciaux et Processus d’intégration
Régionale dans la zone CEMAC : Les APE en questions

(Cameroun, République Centrafricaine, européen de certains de ses produits,


République du Congo, Gabon, Guinée exempts de taxes douanières. La
Equatoriale, Tchad) auxquels s’ajoutent signature de cet accord intérimaire par le
Sao Tomé et Principe (STP) puis les trois Cameroun vient ajouter un autre régime
membres de la Communauté Economique commercial au sein d’une même région, ce
des Pays des Grands Lacs (CEPGL) à savoir qui suscite bien d’interrogations. Quel est
la République Démocratique du Congo l’impact sur le processus d’intégration
(RDC), le Burundi et le Rwanda. Malgré la régionale de la superposition des régimes
conclusion de l’accord sur le document de commerciaux au sein de la CEMAC ?
stratégie de coopération régionale le 24 Quelles sont les implications du passage
janvier 2003, (pour plus d’informations sur de l’accord intérimaire Cameroun-UE à
cet accord, voir le document de l’OMC WT/ l’APE régional ?
TPR/S/187 du 27 août 2007), entre les
pays de l’Afrique Centrale et l’UE qui Pour répondre à ces questions, nous avons
Par Manfred KOUTY
prévoit à terme la fusion entre la CEEAC et analysé, au regard de la théorie de l’IR,
Researcher/Ph.D candidate (NPTCI)
la CEMAC, les deux regroupements se l’effet de la superposition des régimes sur
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion,
disputent le leadership dans la le processus d’IR de la CEMAC, avant de
Université de Yaoundé 2
E-mail : koutymanfred@yahoo.fr négociation de l’APE. La date limite pour nous atteler à montrer les divergences
la création de la zone de libre échange entre les dispositions de l’accord
entre les pays de la CEEAC était fixée au intérimaire du Cameroun et les
Au moment où les négociations pour un 31 décembre 2007, en accord avec le propositions de négociation de l’APE
APE régional marquent le pas, le Cameroun calendrier de l’APE avec l’UE. Toutefois, régional.
à signé un accord intérimaire avec l’Union jusqu’en 2007, le démantèlement tarifaire 1. Régimes commerciaux et cohérence
Européenne. Cet accord confère au n’avait toujours pas démarré. Les d’intégration régionale de la CEMAC
Cameroun un régime commercial différent difficultés de fonctionnement de la CEEAC
de celui des autres pays de la CEMAC. En ont conduit certains pays comme le D’après Balassa (1975), l’IR qui est un
l’absence d’un APE final, trois régimes Rwanda et le Burundi, à rejoindre la ensemble de procédés par lesquels deux
commerciaux se superposent actuellement Communauté d’Afrique de l’Est, qui est nations au moins, créent un espace
au sein de la CEMAC, ce qui met à mal le devenue la cinquième région APE sur le économique commun, peut prendre
processus d’intégration régionale. Chaque continent africain, en 2007. Aujourd’hui, plusieurs formes :
régime commercial étant doté d’un tarif l’arbitrage a été fait en faveur de la CEMAC
extérieur différent vis-à-vis des pour conduire le processus de • La zone de libre échange(ZLE), qui
importations de l’Union Européenne. négociations de l’APE en Afrique centrale. consacre la suppression des droits de
douane et les restrictions quantitatives
INTRODUCTION Le traité instituant la CEMAC a été signé le
entre les membres, les politiques
16 mars 1994. L’un des objectifs
Les Accords de Partenariat Economique extérieures de chaque Etat vis-à-vis des
principaux de la CEMAC est la création
(APE) sont conçus pour rendre les tiers restant libres ;
d’un marché unique, fondé sur la libre
relations commerciales entre l’Union
Européenne (UE) et les pays ACP(Afrique,
circulation des biens, des services, des • L’union tarifaire qui est une ZLE dotée
capitaux et des personnes. Cependant, la d’un tarif extérieur commun (TEC) ;
Caraïbes et Pacifique) compatibles avec
réalisation de cet objectif se heurte à de
les règles de l’OMC. La finalité étant,
nombreux obstacles. Malgré le • L’union douanière(UD), qui est une
comme le stipule l’article 34 de l’accord de zone où les législations nationales en
démantèlement tarifaire sur les échanges
Cotonou, de remplacer les mécanismes et
intra-communautaires, les exportations matière de douane sont harmonisées ;
les politiques de solidarité par la
compétitivité économique et commerciale.
intra-régionales ne dépassent pas 2% du • Le marché commun, qui est une UD où
total des exportations (Voir aussi le
Un des principes fondamentaux des APE la libre circulation des personnes et des
document de l’OMC WT/TPR/187 du 27
est le renforcement de l’intégration capitaux est réalisée ;
Août 2007).
régionale (IR) au sein des sept régions
• L’union économique, qui est un marché
ACP. Dans l’accord de Cotonou, plusieurs
Le Tarif Extérieur Commun (TEC) n’est commun où il y a harmonisation des
articles font référence à l’IR : les articles
pas appliqué par les pays et l’absence d’un politiques économiques nationales,
28, 29, et 30 notamment. Cependant, au
système d’entrée unique qui entrave le
stade actuel, les négociations ne semblent aussi bien conjoncturelles que
mouvement des biens. L’observation des
pas avoir atteint cet objectif, et elles sectorielles (monnaie, énergie,
règles d’origine est insuffisante et les
pourraient même l’affaiblir étant donné la industrie, agriculture…) ;
obstacles naturels (coût de transport, coût
difficulté d’aboutir à des APE régionaux.
des communications) sont nombreux. • L’union monétaire, qui apparaît comme
En Afrique centrale, les négociations de Cependant, le Cameroun dispose d’une le préalable à l’union économique ;
l’APE sont d’avantage compliquées par la situation plus avantageuse, étant l’unique
coexistence de deux entités régionales. La pays membre avec une base industrielle • L’intégration économique totale enfin,
Communauté Economique des Etats significative. Il est le principal acteur des qui est l’étape finale de l’IR. Elle consiste
d’Afrique Centrale (CEEAC) et la échanges intra-communautaires. Le pays en l’unification des politiques
Communauté Economique et Monétaire a signé le 15 Janvier 2009 un accord conjoncturelles, sectorielles sous l’égide
des Etats de l’Afrique Centrale CEMAC. La intérimaire avec l’UE qui lui permet de d’une autorité supranationale.
CEEAC comporte les six pays de la CEMAC préserver l'exportation vers le marché

NUMÉRO 2 Page 21
L’une des difficultés à la signature d’un Cameroun et les autres pays de la CEMAC, possède un tarif extérieur vis-à-vis des
APE régional tient au statut des pays. En on voit mal comment ces derniers importations de l’UE. Il s’avère donc
effet, les six pays de la CEMAC n’ont pas le accepteront sur leur territoire des produits
important pour les pays de la CEMAC de
européens admis en franchise de droits de
même statut (Pays Moins Avancés -PMA- conclure un APE régional avec l’UE, seul
douane par le Cameroun alors qu’ils ne
ou non), ils n’ont donc pas le même bénéficient des mêmes préférences. pouvant favoriser le processus
intérêt à signer l’APE. Les trois PMA de la d’intégration régionale. Cependant, comme
sous région, le Tchad, la République Bref, la CEMAC redeviendra au mieux, une
nous l’avons souligné, le processus ne sera
Centrafricaine (RCA), et la Guinée zone de libre échange où seuls les produits
pas aisé car le passage d’un APE
équatoriale qui ne contribuent qu’à 10% intérieurs seront libéralisés et chaque pays
intérimaire Cameroun-UE à un APE
des exportations agricoles vers l’UE, reprendra son autonomie en matière de
régional va se heurter à plusieurs
bénéficient, d’un accès libre au marché politique commerciale extérieure.
contraintes : le degré et le calendrier de
européen, grâce à l’initiative « Tout sauf libéralisation, l’introduction de la « clause
2. De l’APE intérimaire Cameroun-UE à
les armes » (TSA). Cette initiative adoptée NPF » et les instruments de politiques
l’APE régional
par l’UE en février 2001 permet aux PMA commerciale, entre autres (Suite P. 23:
d’exporter vers l’UE tous les produits sauf Tableaux 1 et 2)
Les divergences entre les dispositions de
les armes et les munitions en franchise de l’accord intérimaire Cameroun-UE et les
droit de douane. Contrairement aux autres propositions de négociation de l’APE Références :
pays, les PMA ne sont pas tenus de faire régional à plusieurs niveaux compliquent
des offres (c’est –à-dire d’ouvrir leur l’IR. Le tableau 2 résume les dispositions des • Balassa, B. (1975), European Economic
marché), mais peuvent faire des requêtes. deux accords Integration, Amsterdam: North-Holland.

1. Offre d’accès au marché : Dans l’APE • Bilal, S. et Rampa, F. (2006), APE alternatifs et
La situation est différente pour les trois intérimaire Cameroun-UE, le taux alternatives aux APE : Scénarios envisageables
autres pays non PMA, le Cameroun, le d’ouverture du marché camerounais est
Gabon et le Congo. Une non-signature de • pour les futures relations commerciales entre les
de 80% progressivement sur une ACP et l’UE, Rapport ECDPM 11.
l’APE par ces derniers les soumet au SPG période de 15ans. La proposition de
(Système de Préférences Généralisées) libéralisation des importations en • Commission européenne (2009), Fact sheet on
européen, qui est moins favorable que le provenance de L’UE est de 71% dans le the interim EPA – Central Africa: Cameroon,
régime dont ils bénéficiaient jusqu’à fin
2007. En effet, le SPG est accordé par l’UE
cadre de l’APE régional. Compte tenu de • fromhttp://ec.europa.eu/development/icenter/
ce fait, le Cameroun devrait commencer repository/fact_sheet_epa_cameroon.pdf.
à tous les pays en développement et son démantèlement tarifaire depuis
n’octroie aucun avantage spécifique aux janvier 2010, il peut, dans le cadre d’un
• ICTSD (2009), « APE : Les négociations entre
pays ACP. L’on comprend alors l’attitude l’UE et l’Afrique centrale dans l’impasse : l’UE
APE complet, réaligner les droits de
du Cameroun en signant un APE douane dans la région. • Presse, la région se braque », Passerelles
intérimaire avec l’UE. Cet accord autorise 2. Clause NPF : l’APE intérimaire intègre la Synthèse, 10(3).
le Cameroun à continuer à exporter vers clause NPF qui exige que le Cameroun
l’UE en toute franchise de droits de accorde automatiquement à l’UE toutes
douane. Par exemple, la banane qui les concessions accordées à ces
représente le quatrième produit exporté partenaires commerciaux majeurs.
par le Cameroun vers l’UE (7% des L’Afrique centrale a refusé
exportations) (COMTRADE) aurait été systématiquement une quelconque
taxée à l’entrée sur le marché européen inclusion de cette clause dans le futur
dans le cas d’une non-signature. Le Gabon APE régional.
et le Congo sont soumis au SPG depuis
2008. Au total, trois régimes commerciaux 3. De l’utilisation des instruments de
cohabitent au sein de la CEMAC ainsi que politique commerciale : l’utilisation
le montre le tableau 1. d’instruments de politique commerciale
autres que les droits de douane tels que
A la lumière de la théorie de l’intégration les taxes à l’exportation, les mesures de
présentée ci-dessus, cette superposition restriction quantitative aux échanges ou
de régimes commerciaux va mettre à mal les accords de licences d’importations est
le processus d’intégration enclenché un point litigieux dans les négociations
depuis 1964 (Date de la signature du de l’APE. Dans le cadre de l’accord
traité de l’Union Douanière des Etats de intérimaire Cameroun-UE, les mesures
l’Afrique Centrale UDEAC). Dans ce de restriction quantitative (prohibitions
conteste, aucune union tarifaire n’est d’importations, contingents, licences)
possible car chaque régime commercial sont formellement interdites, même pour
est doté d’un tarif extérieur différent vis-à des raisons de protection des industries
-vis des produits européens. naissantes ou de sécurité alimentaire.

Il y a risque d’une dés-harmonisation des En définitive, il est apparu qu’à l’état actuel
politiques nationales en matière de de négociations d’un APE régional, la
douane. Chaque Etat va reprendre en superposition des régimes commerciaux au
main sa politique extérieure vis-à-vis de sein de la CEMAC nuit à la cohérence d’IR.
l’UE. A moins qu’un mécanisme de Dans ce contexte, aucun TEC n’est plus
compensation ne soit trouvé entre le
possible car chaque régime commercial

Page 22 GLOCAL
Tableau 1 : différents régimes commerciaux dans les pays de la CEMAC

Régimes commerciaux APE intérimaire SPG TSA


Pays Cameroun Congo, Gabon Tchad, République Centra-
fricaine, Guinée Equatoriale

Tableau 2 : Dispositions de l’APE intérimaire et propositions de négociations de l’APE régional

Dispositions APE intérimaire Propositions de négociation de l’APE ré-


gional par la CEMAC

Commerce des marchandises Accès libre au marché de l’UE Accès libre au marché de l’UE

Libéralisation modérée du Cameroun Libéralisation modérée de la CEMAC (71%


(80% sur une période de 15 ans) sur une période 20 ans)

Règles d’origine Plus simple et améliorées pour déve- Plus simple et améliorées pour développer les
lopper les exportations de produits exportations de produits finis
finis
Abolition des barrières tarifaires et Prohibition de toute restriction aux Exigence de flexibilité
des mesures quantitatives importations et aux exportations au-
tres que les droits ou taxes exception
faite des mesures antidumping ou de
compensation
Clause NPF oui non

Mot du Directeur de la Publication : Equipe d’édition :

Il nous est apparu que la participation de l’Afrique aux négociations Directeur Exécutif :
El Hadji A. DIOUF
commerciales internationales relève d’une perpétuelle quête de
cohérence. Cohérence avec le système global. Cohérence avec les Chargée du Développement
différents partenaires commerciaux. Cohérence avec elle-même. Le institutionnel
et du Partenariat (Conception) :
constater n’est pas seulement l’accabler. Participer à la recherche de Imane El Hachimi
solutions techniques harmonieuses relève du sacerdoce. Toutes les
forces vives y sont conviées. Sur le continent et au-delà. 2ACD Assistante de Recherche :
Fatima Badet Mahamadou
ambitionne de jouer sa partition dans ce vaste chantier, pour déjouer
les risques d’un Sisyphe commercial africain. Editeur de GLOCAL :
Zakaria Sorgho
A travers la revue mensuelle GLOCAL qui est la contraction de Global
et de Local, nous mettons à votre disposition cet espace d’expression Chargé de l’Assistance technique
pour mettre en exergue les préoccupations des pays africains, à tous les et de la Formation :
niveaux des négociations commerciales (multilatéral, interrégional, Oumar Sissoko
régional, bilatéral, local). GLOCAL propose un décryptage des
Les opinions exprimées dans les
informations à travers les analyses d’experts du système commercial articles signés sont celles de leurs
international. auteurs et ne reflètent pas
nécessairement celles de 2ACD
Vos contributions sont les bienvenues !
Copyright © 2ACD 2010
Email : glocal@2acd.org
ISSN 1664-5189

NUMÉRO 2 Page 23
Nouvelle parution :
« L’Economie agricole du Burkina Faso : Un potentiel de
développement » est un livre d’analyses sur l’état
économique de l’Agriculture du Burkina Faso. Il part d’une
revue diagnostique du secteur pour tenter d’énumérer les
différents problèmes d’intégration dont souffrent les
produits agricoles burkinabés. Ensuite, il traite des
AGENCE AFRICAINE POUR LE COMMERCE ET LE DEVELOPPEMENT

évolutions de la politique commerciale du pays depuis


1960, avant d’en dégager une analyse en termes de
développement. Pour finir, il jette un regard sur les enjeux
des Accords de partenariat économique (APE) avec un
focus sur la région de l’Afrique de l’ouest (Région
CEDEAO).
Les arguments développés par l’auteur font appel non
seulement aux outils économiques mais aussi, aux notions
du droit de l’OMC et des relations internationales.
L’objectif central de l’ouvrage est de proposer une
réflexion sur les forces et faiblesses de l’économie agricole
GLOCAL
du Burkina Faso en termes d’intégration dans le système
du commerce international. L’agriculture est au cœur de
l’économie du Burkina Faso. Elle emploie plus de 80 % de
la population active. Cette situation fait d’elle un excellent
outil de lutte contre la pauvreté et de développement du
pays.
Cependant, le manque de compétitivité de ses produits et
les fluctuations des prix internationaux constituent une entorse à l’intégration commerciale du pays.
Même si elles restent encore insuffisantes et parfois mal jugées, une dynamique et une volonté se
confirment depuis 1995 au niveau des politiques commerciales du Burkina Faso pour faire face aux
problèmes. Par ailleurs, à l’instar de ses voisins communautaires, le pays doit arriver à faire valoir
significativement la place de l’agriculture dans les Accords de partenariat économique (APE) avec
l’Union européenne.
Réalisé grâce au soutien de l’Agence Africaine pour le Commerce et le Développement (2ACD),
Genève, Suisse.
Préface : Pr. Bruno Larue, Chaire de recherche canadienne en économie agroalimentaire, Université
Laval, QC, Canada.
Avant-propos : Dr. Hakim Ben Hammouda, Directeur de l’Institut pour la formation et la coopération
technique de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Genève, Suisse.
Auteur : Zakaria Sorgho
Contact : zakariasorgho@2acd.org
ISBN: 9782355086069
Nb de pages : 322 p.
Editeur : Les Editions Baudelaire
Commande en ligne : Chapitre.com

L’Agence Africaine pour le Commerce et le Développement (2ACD)


est une Organisation Internationale Non Gouvernementale
(OING) régie par les articles 60 et suivants du Code Civil suisse.
Elle a été créée à Genève le 7 Juillet 2010. C’est une
Organisation à but non lucratif qui vit des subventions et
ressources autorisées par la loi et les règlements suisses. Elle a son
siège à Genève et des représentations régionales et nationales
sur le continent africain.
Mettre le commerce au service du
développement de l’Afrique Ses missions essentielles sont :
. La mise en cohérence des différentes politiques commerciales
Agence Africaine pour le Commerce et africaines, aux niveaux multilatéral, régional et bilatéral
le Développement (2ACD)
. La mise à la disposition des négociateurs africains de
45/47A Rue de Lausanne
l’information technique nécessaire à l’élaboration de positions de
1201 Genève – SUISSE
Case postale 2173, 1211 Genève 2
négociations
Téléphone : +41 22 732 47 37 . Le renforcement des capacités des parties prenantes africaines
Fax : +41 22 732 47 35 dans les négociations commerciales : gouvernements, Société
E-mail : info@2acd.org Civile, Secteur productif, milieux académiques etc.
Site web : http://www.2acd.org

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