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Au cours de notre première année d’apprentissage, nous avons tous découvert que le nombre
trois est le nombre de l’Apprenti, nombre dont celui-ci doit approfondir la connaissance.
Occasionnellement, nous avons entendu évoquer d’autres nombres (cinq, sept,…), bien
présents dans nos rituels des trois premiers grades, c’est-à-dire en Loge bleue. Ainsi, le
« tuilage » nous dit que trois Maîtres dirigent la Loge, que cinq (Maîtres) l’éclairent et que
sept la rendent juste et parfaite.
Un nombre est un concept permettant d’évaluer et de comparer des quantités ou des rapports
de grandeurs, mais aussi d’ordonner des éléments par une numérotation. Souvent écrits à
l’aide d’un ou plusieurs chiffres, les nombres interagissent par le biais d’opérations qui sont
résumées par des règles de calcul. Les propriétés de ces relations entre les nombres sont
l’objet d’étude de l’arithmétique, qui se prolonge avec la théorie des nombres.
Plus proche du symbolisme qui nous intéresse, Irène Mainguy nous donne sa définition du
nombre : « un nombre est une unité et chaque nombre est l’expression différente de la même
unité. C’est l’unité primordiale qui se divise comme la cellule d’un organisme pour se
démultiplier. Tous les nombres sont issus de l’Unité, de même que le point génère toutes les
figures géométriques qui sont une prolifération et une continuité du point ».
A partir de cette définition, le nombre deux n’est pas l’addition de deux unités distinctes mais
la division en parties égales de l’unité, d’où sont issus tous les couples d’opposés et de
complémentaires. La clé des nombres se situe entre le UN, qui est à la fois être et non être,
substance et essence et le DEUX qui est deux moitiés ou deux pôles de la même réalité.
Avec le nombre TROIS, l’idée d’opposition disparaît, grâce à ce troisième terme qui est
conciliateur des oppositions nécessaires et fécondes, et ramène à l’Unité.
Si l’Apprenti a trois ans, l’être qui vit dans l’univers a trois dimensions : physique, psychique
et spirituelle. Trois est un nombre archétypal.
Remarquons que les plus anciens rituels ne mentionnent l’âge de l’Apprenti qu’à la fin des
Travaux. Ceci peut nous laisser penser que le Néophyte qui vient de naître n’acquiert cet âge
qu’à la fin de son apprentissage dû à un travail initiatique accompli !
Entrant dans le temple, le Néophyte se trouve entre le binaire des deux Colonnes, face à
l’opposition colorée du Pavé mosaïque. En proie aux doutes, aux débats contradictoires,
l’Apprenti découvre par le travail initiatique, la conciliation des opposés grâce au ternaire, lui
offrant un terrain d’entente sur une base solide. Le fait que des êtres ou des objets soient au
nombre de deux, permet d’établir un rapport direct de comparaison, d’antithèse, d’opposition.
Dans la Genèse il est dit : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Cela signifie
qu’à l’origine, au commencement de toutes choses, préexiste l’Unité.
Le 1 n’a pas de forme. C’est le symbole de l’Absolu qui est au-delà de toutes limites. Il
contient tout. C’est le point. C’est le germe.
Le 2, c’est la ligne, le domaine de l’informel. Le nombre pair est considéré comme inachevé,
alors que le nombre impair est achevé.
Une autre propriété des nombres est celle de caractériser des rythmes, à partir de faits
récurrents. C'est la mesure du temps, c'est le cycle des saisons, mais c'est aussi la possibilité
de prévoir en fonction de la connaissance réelle ou supposée des rythmes de la nature.
Et enfin, le nombre peut caractériser l'harmonie, la proportion entre les choses, l'équilibre qui
est également justice.
Le langage des nombres est donc un langage universel qui permet de rendre l'univers
perceptible, intelligible à la pensée humaine.
En ésotérisme, on travaille essentiellement sur les nombres naturels. L'idée de base est celle
qui consiste à penser que chaque nombre possède ses propres qualités, sa propre symbolique
et que les opérations sur ces nombres-idées permettent de définir les lois de la nature ou
celles de la surnature. Dieu est géomètre, dit-on.
Le nombre est donc porteur de son propre symbole qui dépend des présupposés
métaphysiques du système en vigueur. L'étendue du système symbolique dépendant en
grande partie du système numéral et de la façon d'écrire les nombres.
Les nombres, qui semblent si familiers à l'homme du 21 ème siècle ont constitué pendant des
millénaires une difficulté énorme pour les peuples primitifs. L'habitude de compter
couramment est beaucoup plus récente que l'on croit.
Au début du 20ème siècle, certains aborigènes d'Australie ne possédaient que trois nombres
dans leur dialecte : un, deux et beaucoup. Jusqu'à deux, c'était concret, après, c'était l'abstrait.
Ces nombres ont une histoire merveilleuse puisque dès que l'on a pu écrire, même sur les
parois des grottes, on voyait déjà des dessins pour dénombrer...
Les premiers symboles numériques semblent être apparus en Mésopotamie[1] : on y a
retrouvé des tablettes d'argile datant presque de 5000 ans sur lesquelles figuraient des traces
de numération.
Ensuite ou parallèlement, c'est en Égypte qu’est née une nouvelle façon d'écrire les nombres.
Ce sont des papyrus ou rouleaux de cuir qui en attestent l'existence. Puis ce furent des
numérations en Chine, en Grèce, en Amérique centrale avec les Mayas, chez les Romains et
enfin celle que nous connaissons qui a énormément évolué de l'Inde, en passant par l'Arabie
et en arrivant ensuite en Europe.
Un chiffre est un symbole employé pour représenter des nombres. Le mot « chiffre » vient de
l'arabe sifr ( أَلصِّ ْفرaṣ-ṣifr), utilisé pour « zéro » et signifiant « le vide ».
Contrairement à l'alphabet latin, les chiffres arabes font partie des écritures de type
logographique. Par exemple, le symbole « 1 » se prononce de façon différente dans chaque
langue (un, een, one, ein, uno,…) mais représente le même élément abstrait ( I ) et reste donc
compréhensible sous sa forme écrite.
0 (zéro) est le plus petit entier naturel, le seul qu'aucun d'entre eux ne précède. C'est un
nombre (représenté par le chiffre 0) désignant la valeur nulle ou le cardinal (nombre
d'éléments) de l'ensemble vide. Il est l'élément neutre de l'addition.
Rappelons que les Romains ont inventé un système qui ne nous est pas totalement
inconnu. Les chiffres romains (I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, etc.) formaient un
système de numération utilisé par les Romains de l'antiquité pour, à partir de seulement sept
lettres, écrire des nombres entiers (mais pas le zéro, qu’ils ne connaissaient pas ou plus
exactement ne considéraient pas comme un nombre).
Le nombre 3
Le nombre trois est le nombre maçonnique par excellence. Il est le centre de la Loge, de la
symbolique et du rituel. Le nombre trois est le nombre créateur. Il est créateur par sa source
de lumière.
Dans certaines traditions, si Un est Dieu, le ciel, et Deux la terre, Trois est le symbole
d’un monde organisé, un ordre divin le régissant. L’idée de monde réalisé, achevé, est
signifiée dans de nombreux mythes comme celui des trois frères, Zeus, Poséidon et
Hadès, qui gouvernent, le premier la terre et le ciel, le deuxième les mers, et le
troisième les enfers.
Par contre, on rencontre aussi l’interprétation suivante : trois est le nombre du Ciel et
deux le nombre de la Terre, car un est antérieur à leur polarisation.
Si Un, l’Unité, est Dieu, si Deux est la Matière, Trois est la Matière organisée. Trois
va donc signifier l’équilibre : physique, moral, intellectuel ou cosmique.
Trois est le premier des nombres impairs puisque le Un est à la fois pair et impair, source de
tous les autres nombres. A l’instar de beaucoup de sociétés initiatiques, notre Ordre est
sensible à l’imparité.
Dans l’ancienne Chine, les nombres avaient un sexe, les impairs étant mâles et les pairs
femelles. Cette préférence pour l’imparité reste mystérieuse. Un nombre impair est toujours
décomposable en deux nombres égaux lorsque le nombre un en a été extrait.
Trois est le seul nombre à contenir trois fois l’unité. Il marque de son sceau le premier degré.
Trois est la somme des deux premiers nombres. Après le Un, il est le premier nombre
insécable.
Le nombre trois est un nombre universel que l’on retrouve dans toutes les traditions
initiatiques. Il exprime un ordre spirituel dans les plans humain, cosmique ou divin.
Synthétisant le caractère tri-unitaire de tout produit manifesté, il s’avère spécifique de la
conjonction 1 + 1 = 3. La somme, 1 + 1 = 2, découle d’un arbitraire ou postulat humain qui
ne peut s’appliquer au mouvement divin de la création.
Trois n’est pas véritablement le troisième nombre mais le premier. Composé à partir des
nombres 1 (nombre du Créateur) et 2 (division, dualité, binaire), trois est le premier nombre
mystérieux qui intervient comme la signature de la création dans l’Ordre.
Symbole du ciel, il se rapporte à l’esprit. Mesurant un temps qui n’a pas de limite, il
correspond aux trois degrés d’actions qui relèvent du cercle (méditation, spéculation,
contemplation).
Depuis l’avènement de l’humanité, le genre humain porte la marque de la loi de création qui
se manifeste par une cause, un effet, un produit, cette triade correspondant à la mise en branle
de l’énergie créatrice, la transformation de la lumière en matière, l’incorporation de l’esprit
dans la matière.
Trois marque toutes les choses créées parce qu’il a présidé à leur création. C’est le nombre
de la loi directrice des êtres et du commencement des choses matérielles. Il est le nombre de
toute production à l’image du triangle.
Trois pourrait donc correspondre à un rythme et à une structure essentielle dans l'homme et
dans l'univers. Cette structure pourrait être à la base du syllogisme et de la relation « thèse,
antithèse, synthèse ».
Les naturalistes ont observé de nombreux ternaires dans le corps humain. Il semblerait que
toute fonction importante d’un organisme possède cette structure de base. La raison
fondamentale de ce phénomène ternaire universel est sans doute à chercher dans une vue
globale de l’unité – complexité de tout être dans la nature, qui se résume dans les trois phases
de l’existence : apparition, évolution, destruction ; ou naissance, croissance, mort ; ou encore,
selon la tradition et l’astrologie : évolution, culmination, involution.
Trois est un nombre sacré et spirituel. On pense d'abord à la Trinité (le Père, le Fils et le
Saint-Esprit), mais aussi à l'espace (les trois dimensions), au temps (passé, présent et futur), à
l'action (début, milieu et fin), à la famille (père, mère et enfant)... C'est par le nombre trois
qu'on échappe à la dualité, il devient donc un nombre de rupture.
Survolons à présent le symbolisme des deux premiers nombres puis de ceux qui ne
concernent pas encore tout-à-fait l’Apprenti.
Le nombre 1
Un est le nombre « rassembleur ». Il unifie et forme un tout. Il est qualifié comme étant « le
symbole unificateur des éléments de la vie ».
Un est le chiffre de base, l’unité qui permet le fondement des mathématiques, il forme un tout
et est indivisible. C’est donc un nombre qui symbolisera le « commencement », le créateur.
Souvent symbole de l'homme debout, l'Un est le lieu symbolique de l'être. C'est aussi la base,
le point de départ, un symbole unificateur. Il signifie aussi l'indépendance et parfois la
domination.
Le nombre 2
Aussi bien symbole de l'opposition du conflit que symbole de l'union et de l'équilibre (Yin-
Yang), le deux a une couleur féminine. Il est attribué souvent à la Mère.
Deux est un nombre incarnant toutes les oppositions : les deux sexes, le jour et la nuit, la vie
et la mort, la gauche et la droite, le bien et le mal... C'est un nombre symbole de conflit (on
retrouve sa racine dans le verbe « diviser »), mais il n'a pas que des aspects négatifs car
l'union de deux contraires peut permettre la progression alors que l'unité est signe de stabilité.
Deux est le nombre « unificateur ». Il figure un ensemble parfait. L'un des plus beaux
symboles que l'on associe régulièrement au nombre 2 est le « Taï – Ghi – Tu » ou le Yin et le
Yang.
Deux exprime la dualité. Deux est le nombre du couple. Il est opposé à l’indivisibilité du un.
Ce sera donc aussi le nombre des oppositions (Mâle – femelle ; positif – négatif).
Comme toute évolution peut passer par une dualité, un conflit, le nombre deux symbolise
aussi le progrès, le développement. Il représente aussi le commerce.
Deux est le nombre de la terre nourricière.
Le nombre 4
Le nombre quatre représente le corporel, le matériel (les quatre éléments), le terrestre (les
quatre points cardinaux).
La symbolique du nombre quatre est celle du carré et de la croix. Quatre représente aussi le
tangible ainsi que le détail. Des quatre points cardinaux aux quatre saisons en passant par les
quatre phases de la lune, ce nombre symbolise la force et le pouvoir des éléments ainsi que
l'universalité.
Il est surprenant que le même mot « Shi » désigne en japonais le quatre et la mort. La pensée
de Jung est fondée sur l'importance de quatre, nombre de fonctions fondamentales de la
conscience : pensée, sentiment, intuition et sensation.
Quatre est le nombre de la Matière que représente bien le carré ou le tétraèdre ancrés dans le
solide, figures de stabilité. Il fut associé longtemps à la terre considérée comme carrée par les
Anciens. Mais ce nombre a une signification d’une toute autre dimension lorsqu'on le
retrouve accolé à des éléments fondamentaux de la vie terrestre.
Et d’abord les quatre éléments eux-mêmes, les quatre points cardinaux qui « crucifient » le
monde, les quatre âges du monde, les quatre saisons mais aussi les quatre animaux du
Tétramorphe attribués aux Évangélistes et baptisés par saint Jean « les Quatre Vivants » dans
son Apocalypse.
Et c’est encore le quaternaire qui détermine le Nom ineffable de Dieu pour Pythagore comme
pour la tradition hébraïque, retransmise également par la pyramide égyptienne, symbole
universel de l’immortalisé, selon Ragon.
Arrivée à son terme provisoire, cette petite planche n’a eu qu’une ambition, celle de proposer
une ébauche de la signification profonde des nombres de l’Apprenti sur le plan ésotérique.
C’est à présent à chacun d’approfondir le sens de ces quatre premiers nombres, au moment où
il apparaîtra sur le chemin maçonnique individuel, à commencer par le nombre trois car tout
le degré d’Apprenti est placé sous le signe de ce nombre.
Ce n’est qu’une fois la maîtrise bien entamée qu’il sera possible pour chacun de vérifier la
cohérence de son interprétation personnelle de chacun des dix premiers nombres.