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Anne Pezet
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Une étude longitudinale et contextuelle
Anne Ppzer
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renouvellement de la pensée autour de l'investissement. Compte tenu de la faible utilisation des
instruments théoriques par les praticiens, l'analyse du risque de l'investissement mérite d'être complé-
tée par des éléments qualitatifs. [a compréhension des contextes dans lesquels se font les décisions est
aussi de nature à faciliter la gestion des investissements réalisés et, ce, quel que soit le niveau de risque
accePré au départ.
Létude longitudinale montre que I'instrumentation de mesure du risque ne suit pas parfaitement
les changements contextuels. Une forte permanence instrumentale ressort tout eu long du siècle
parcouru. Les industriels de l'aluminium semblent agir comme si le risque était inhérent à I'investis-
sement, lui-même inhérent à I'activité industrielle. Iæ choix rt'existe pas toujours quand la survie de
l'industrie dépend de l'investissement sans qdon en connaisse la rentabilité. De même que le proret
alternatif peut êûe inexistant. Dans ceme perspective, I'appréciation et la mesure du risque semblent
de nature à contribuer à la réflexion d'ensemble autour de l'investissement dans ses multiples aspects,
financiers mais aussi stratégiques, politiques, sociaux, etc. (Pezet, 1998). l,a mesure du risque ne fait
pas le choix d'investissement, elle perticipe avec d'autres critères, pas seulement financiers, à une
analyse d'ensemble et permet de déterminer, le cas échéant, les solutions les plus stres.
Un passage en revue succinct de la littérature montre ses insuffisances per rappoft aux pratiques.
Lhistoire, appuyée sur une méthode critique éprouvée, permet de réinvestir ce champ pratique et de
situer les usages instrumentaux de la mesure du risque dans un contexte idéel et économique afin de
montrer que I'analyse prime sur la mesure.
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La littérature sur le risque se donne généralement un double objecdf : définir le risque et analyser les
procédures et les instruments imaginés par I'homme pour le maîtriser. La définition originlle du
risque se trouve dans l'italien ancien risicare qui signifie oser (Bernstein, 1996). Le développement des
instruments de maltrise du risque a fait passer l'humanité d'un stade oir les dieux et leurs porte-parole
dominaient I'idée même du futur à un stade oh celui-ci est devenu un réservoir d'opportunités
(Bernstein, 1996).IJouwage de Knight, publié une première fois en 1921, aproposé une distinction
importante : le risque est probabilisable, l'incertitude ne l'est pas. [a turbulence apparalt plus tard, qui
exprime une fragmentation d'avenirs à la fois incertains et multiples. Les instruments de maitrise du
risque vont se développer dans une histoire otr l'avenir peut être perçu comme certain, risqué, incer-
tain ou turbulent.
Le risque voire I'incertitude font panie de la définition même de l'investissement ; s'il est l'action
d'engager une dépense maintenant afin de percevoir des gains futurs, il repose sur une série d'hypo-
thèses et non de certitudes. C'est pourquoi la littérature théorique sur le choix d'investissement
consacre généralement de longs développements au risque (Babusiaux, 1990 ; Fixari, 1993 ; Bancel et
Richard, 1995). Mais, comme pour la plupart des aspects liés au choix d'investissement, elle traite le
risque de manière normative et instrumenrale. Les méthodes présentées pour décider d'investir en
avenir incertain peuvent être extrêmement simples (délai de récupération ou ?a! bach, analyse de
sensibilité) ou plus complexes (actualisation, probabilités, arbre de décision, minimax et maximin,
modèle d'évaluation des actifs financiers, options réelles) pour ne citer que les plus connues.
Les méthodes les plus récentes sont précisément celles qui placent le risque au centre de leur
problématique. IJapproche par les options se présente comme une critique forte des modèles ortho-
doxes (dont le symbole est la valeur actuelle neae). Dixit et Pindyck (1994) soulignent la mauvaise
adéquation entre les instruments traditionnels et les trois caractéristiques fondamentales de l'investis-
sement l'irréversibilité, I'incertitude et la programmation dans le temps (tining). La démarche
optionnelle, en laissant la possibilité à I'investisseur de retarder sa décision, permet de résoudre, au
moins partiellement, ces trois problèmes. La théorie orthodoxe a d'ailleurs tenté d'intégrer cette
critique en créant une VAN o augmentée u de la valeur de I'option (Brizio, 1994). Parmi les modèles
récents, le MEDAF (modèle d'évaluation des actifs financiers) accorde également une place centrale
au risque en permeftant une comparaison €ntre la rentabilité d'un projet et celle des marchés finan-
ciers tout en évaluant le risque lié au projet lui-même. Ces modèles, issus de la finance de marché, sont
destinés à quantifier et mesurer le risque ; or les études empiriques montrent qu'ils sont largement
ignorés des praticiens.
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Pour passer de la théorie des choix d'investissement, fortement financiarisée et mathématisée, à
I'analyse contextuelle que proposent March et Shapira tout en conservant I'approche instrumentale
de la décision d'investissement, I'adoption de la méthode historique paralt pertinente.
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(Savoie) i i i i i(AluminiumPechiney)
a Les références numérotées conespondent à des cotes archivées. soit au service central des archives de Pechiney, soit à l'lnstitut pour
I'histoire de l'aluminium (lHA).
** Capacité et intensité électrique indiquent la taille, toujours plus grande, des investisements.
*** Les anodes Sôderberg cuisent directement dans le bain d'alumine en fusion lors de l'électrolyse de I'aluminium. Le procédé clæsique
utiliæ des anodes orécuites.
gestion une dimension temporelle sans les couper de leur présent. IJanalyse contexruelle du risque
repose ici sur une périodisation de la perception possible du niveau de risque par les décideurs au
moment du choix d'investissement, perception dépendant de la situation économique de l'industrie
mais aussi de la mentalité des affaires qui influence le degré de tolérance au risque. IJanalyse contex-
tuelle du risque dans la décision d'investissement passe donc d'abord per un rcpérage des contextes
idéels afin d'érudier ensuite le lien entre les mentalités d'affaires et la décision.
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d'économie ou d'histoire économiquer pour I'essentiel, on peut retracer les grandes évolutions des
mentalités de la société économique française face au risque ainsi que les savoirs théoriques dont cette
société se dote pour le mesurer. La fone aversion au risgue d'avant 1945 laisse place à une valorisation
des projets risqués dans un environnement qui l'était peu, et enfin, à une véritable pratique du risque
dans les turbulences des années 1970 et1980.
La période de croissance forte qui suit la Seconde Guere mondiale semble remiser la crainte du risque
et de l'incertitude au rang de croyances du passé. Une o mythologie des investissements , (Saint-
Geours, cité par Caron et Bouvier dans Braudel et Labrousse, 1993, p. 1119) nalt des instruments
économiques que l'État met en place après la guerre. læ rôle central revient au Plan et à ses outils de
prévision, dont le modèle u fifi ,, ou physico-financier, outil permettant de prévoir les évolutions de
l'économie française grâce à une série d'équations mathématiques. Les premiers plans ont donné
l'image d'une économie dynamique dans laquelle les débouchés sont assurés, c'est une u étude de
marché généralisée pour toute l'économie française , (Mcfuthur et Scott, 1970, p. I28).
Linvestissement n'est plus considéré comme un o luxe dangereux o (Hirsch cité dans Fourquet, 1980,
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p.237) mais comme le moteur d'une croissance gârântie par le Plan.
Les enseignements de u l'école économétrique française u (Caron et Bouvier dans Braudel et
Labrousse, 1993, p. 1099) prolongent la longue tradition française de l'économie mathématique, de
Dupuit à Allais en passant par Cournot,'Walras, Divisia, Roy (Etner, 1987) et diffirsent une culrure
de la valeur croissance et de I'optimum, des techniques de gestion dites scientifiques (telle la recherche
opérationnelle), des identités comme celle de l'ingénieur, etc. La littérature esr un aurre vecreur
important du développement de ces valeurs : u Il y a un livre de Maurice Allais qui iappelle À la
recherche dhne discipline économQue t. . .] C. livre a joué pour moi le rôle d'un révélateur. J'ai compris
que ma culture scientifique pouvait avoir un sens pour l'étude des phénomènes économiques o
indique Jacques Lesourne (Colasse et Pavé, L992, p.45). Lui-même, professeur d'économie politique
à l'É,cole des mines de Saint-Étienne, publie en 1958 Tëchnique éconornique et gestion industielle
o qui a eu parmi les X le succès du Coran dans la péninsule fuabique au vII'siècle u (Riveline inter-
viewé par Colasse et Pavé, 1995, p.l5). Parmi les institutions littéraires de la gestion Êançaise dans
les années 1960, on peut aussi citer Pierre Massé pour Le choix des inaestissemenx (1959) ou Jacques
Desrousseaux pour L'éuolution économique et le comporteruent industiel (1966). Riveline évoque
u la religion de la recherche opérationnelle, comme du calcul économique d'ailleurs, [qui] était centrée
autour d'un mot, optimum : un mot magique, parce que c'est un absolu, c'est un sommet D
(Fridenson, 1994, p.23). Calcul économique et optimum sont donc érigés en mythes. Ils sont des
antidores au risque et à I'incertitude ; la rationalité calculatoire réduit théoriquemenr le risque.
Linvestissement se fait alors sans danger dans l'environnement quasi certain des Trente Glorieuses.
de la croissance âurait pu laisser prévoir. Les incitations gouvernementeles le soudennent (Muet dans
Jeanneney, 1989) malgré la victoire apparente de la u synthèse néoclassique , sur le keynésianisme
(Fitoussi et Muet dans Jeanneney, 1989, p. 346). Laccent est résolument mis sur I'ofte et non plus
sur la demande.
Dans ce contexte, la perception du risque d'investir est renforcée par I'apparition généralisée de
surcapacités. Le risque riest plus une valeur maitrisable et maîtrisée mais une pratique quotidienne.
Alors même que l'instrumentation s'est sophistiquée, il devient impossible de pr&oir. Les industriels
doivent u s'accommoder de l'imprévu u (Jeanneney, 1989, p. 380). I-a planification nationale est en
crise ; la prospective, o inventée u par Gaston Berger dans les années 1950, prend le relais afin de
mieux appréhender un environnement incertain. Les scénarios se substituent eux schémas tradition-
nels (Stoffaës, 1996) et la probabilisation des décisions de gestion est recommandée (Teller, 1976).
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Lavenir rt'offre qu'une lisibilité fragmentée, l'analyse des risques investit les pratiques de gestion.
< Ce rapport exposait donc avec optimisme que la SEMF posédait une chute d'une puissance de 25 000 chevaux, pou-
vant donner 3 000 tonnes d'aluminium par an. Que l'usine installée à son pied produirait son alumine et sa cryolithe,
transformerait I'aluminium en tôles, tubes et fils, avec une immobilisation de 6 millions de franct et conduirait à un prix
de revient du kilogramme d'aluminium, de deux francs seulement. Qu'avec une production réduite à 1 000 tonnes
annuelles, sans fabrication de matières premières, la dépense à prévoir ne serait plus que de 2, 4 millions de francs, mais
que le prix de revient du kilogramme d'aluminium passerait alors à 3 frana 30. Une brochure imprimée, confirmant ces
données avec détails, avait été envoyée aux principaux actionnaires, à des banquiers et à des capitalistes étrangers. >
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par tonne. Toutefois, I'auteur de la note fixe une borne haute de 5 000 francs par tonne (non détaillée)
par crainte d'une u surprise du côté hydraulique o (la production d'aluminium s'accompagne d'une
consommation importante d'énergie alors fournie par des centrales hydroélectriques). Le facteur
risque entre ainsi dans l'évaluation à hauteur de 25 o/o du ratio considéré comme normal. I^a réduc-
tion de I'incertitude passe alors par l'aléa, c'est-à-dire la surévaluation de la dépense en capital afin de
minimiser I'espérance de profit et donc d'appliquer un principe de prudence élémentaire.
Mais analyse de sensibilité et déa peuvent aussi être associés. Entre 1912 et l9l(,l'Aluminium
français étudie un projet d'investissement aux É,tats-Unis. Parmi les évaluations qui sont réalisées, on
trouve le calcul d' un prix de revient de l'aluminium selon deux hypothèses, la première repose sur un
approvisionnement extérieur en mâtière première, la seconde sur un accord avec la Société générale
des nitrures qui fournirait I'alumine à un cott plus faible (grâce à un procédé nouveau). Afin de cal-
culer le bénéfice prévisionnel du projet, le prix de vente est fixé à 2,29 francs avec ce commentaire,
signe d'une grande prudence liée à I'estimation d'une incertitude : o il est vraisemblable que ce prix
sera dépassé et qu il atteindra 2,50 francs en réalité o. Tiois hypothèses se succèdent : dumine achetée
puis alumine produite en interne et, enfin, capacité portée de 5 000 à 8 200 ronnes (après 5 ans de
fonctionnement). Pour chacune d'elles, on cdcule un Mnéfice prévisionnel avec des cotts de produc-
tion différents. Ainsi aléa (sur le prix de vente) et sensibilité (capacité de production, technologie) sont
associés pour maltriser l'incertitude liée à I'investissement et convaincre des epporteurs de capitaux
fonement influencés par I'aversion au risque qui caractérise cette période.
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commercial que financier (il ny a pas de valorisation des différentes options).
La démarche optionnelle, même parrielle, présente le mérite de traiter la question de la réversibi-
lité de I'investissement. l,e projet de construcdon d'une usine d'aluminium à Champagnier (Isère) en
1929-1930 ne verra pas le jour. Ce projet présentait I'originalité d'une conception en plusieurs
ffanches de capacité (5 OOO, l0 000, l5 000, l8 500 et23 500 tonnes), autorisant ainsi un ajustement
précis aux besoins du marché. La réversibilité est ainsi possible dans la mesure oùr le projet peut être
arrêté à différents niveaux de capacité. Dans le cas de Champagnier, elle fut même totale : < Il a été
reconnu que les immobilisations à prévoir pour l'équipement d'une usine de production moyenne
(5 OOO tonnes pour la première tranche) étaient aduellement prohibitives. o læ Comité de direction
du 5 mai 1930 ofiicialise ainsi l'abandon du projet : par une meilleure utilisation des moyens exis-
tents, < la Compagnie sera en mesure de faire face aux accroissements possibles de la consommation
sans qu il soit besoin de prévoir d'ici longtemps la construction de I'usine de Champagnier. Cette
usine aurair nécessité I'investissement de capitaux très importants [...] >. Llne meilleure exploitation
des moyens existants apparalt comme la solution optimale et donc comme l'option la plus renable.
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d'investir, exclusivement hors du territoire national dans les années 1960, se fonde sur une informa-
tion riche et non abrégée destinée à réduire le risque par la connaissance. Les critères actualisés parti-
cipent peu à la décision, ainsi I'investissement d'Eastalco aux Etats-Unis a-t-il été réalisé malgré une
rentabilité inférieure à celui de Porto-Rico pour des raisons de natures diverses (mode de financement,
localisation, aspects politiques et sociaux, etc.).
En revanche, ils donnent lieu à une réévaluation de I'IRR (inærnal rate of retarn), du cash fnw et du
pay bach jusqu'en 2006. Un document de présentâtion du projet aux banquiers (septembre 1982)
condent une érude plus fine. Un o base case econornics > est passé au crible d'hypothèses sur les condi-
tions de réalisation du projet, hypothèses sur les prix, sur le devis, sur le délai de construction, sur les
taux d'intérêc, sur les taux de change, sur la dette (levier), sur les cycles de I'aluminium, sur l'infladon,
etc. IRR, return on eqaity (ROE) et Pa! bach sont réévalués dans chaque cas. Moins qualitatif que
Tomago, le dossier Bécancour est plus exhaustif dans l'évaluation chiffrée des risques.
Le u thème stratégique o du projet canadien se fait plus novateur en croisant stratégie du groupe et
analyse du risque politique. Une matrice de décision combinant les politiques possibles de la diplo-
matie Êançaise et les évolutions possibles de la politique canadienne débouche sur une série de scéna-
rios. La France peut se montrer pro-Québec, pro-Ottawa ou fluctuante. k Canada peut évoluer sur
une échelle d' u avenirs , allant da sutu quoàTndépendance du Québec. Dix scénarios en découlent
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sous forme de modèles ; par exemple, un modèle u helvétique o (confédération avec ou sans le
Québec), un modèle o Houphouët-Boigny o (indépendance négociée) ou un modèle u SékouTouré u
(indépendance conflictuelle). Ces scénarios conduisent Pechiney à une alternative simple : ne rien
faire (Sl) ou construire une usine de 240 000 tonnes sous certaines hypothèses de financement et de
fonctionnement (S2). La décision est le fruit d'instrumens de choix nouveaux : u Le résultat pour
Pechiney, d'une stratégie'Si ", dans un avenir (Aj, Fk), a été déterminé en utilisant des coefficiena
d'érosion de marge définis à partir des hypothèses suivantes :
a) Ottawa cherchera à obliger I'investisseur frangis à " trahir " le Québec ;
b) une érosion de marge résultera de I'agitation sociale, si I'investisseur' trahit " (Ft) ;
o
c) une érosion de marge résultera du comportement d'Ottewa, si finvestisseur ne trahit " pas (F2) ;
d) les modérés ayant toujours tort en situation de décolonisation, une politique F3 conduira à un
cumul des érosions de marge.
Les hypothèses d'usure de marge [étant] données [...], si I'on applique le critère du minimax
regret, 52 est le bon choix. o
Pechiney ne se limite pas à ce choix stratégique, le groupe s'intéresse également à l'inflexion que
doit prendre la diplomatie française en fonction de ses intérêts d'investisseur : ( Cette conclusion
suppose que I'on a implicitement considéré la politique française Fi, comme extérieure, au même titre
que les avenirs du Canada- Mais une politique française volontariste peut tenir compte des intérêts de
l'investisseur. Il convient alors de rechercher la meilleure stratégie France Fi, vis-à-vis des avenirs Aj du
Canada, en hypothèse 52.I-e critère du minimax regret conduit à donner une nefte préférence à Fl
(pro-Québec). o
Llne n matrice de discussion D croise les avenirs possibles du Québec et les politiques françaises. La
politique pro-Québec apparalt donc comme la plus favorable à I'investissement de Pechiney. IJanalyse
des risques politiques conduit donc I'entreprise, devenue publique, à vouloir peser sur des choix diplo-
metiques afin de réduire I'incertitude.
Limites et conclusions
IJanalyse longitudinale de la décision d'investissemenr confirme, pour le cas de I'industrie de I'alumi-
nium en France, les conclusions des autres études empiriques : les instruments préconisés par la théo-
rie sont largement ignorés par les praticiens d'entreprises. Iæ secteur de l'aluminium représente un c:$
particulier ; I'analyse historique permet cependant de distinguer des phases de développement
communes à d'autres secteurs (émergence, décollage, croissance et crise) pendant lesquelles la percep-
tion du risque varie. Il représente par ailleurs une forme d'activité économique dont on trouve les
caractéristiques dans d'autres secteurs : intensité capitalistique, concurrence de type oligopolistique,
durée de vie des installations, etc. Ainsi la sidérurgie ou I'industrie du ciment présentent-elles des
similitudes tant dans les caractéristiques que dans la gestion de I'investissement (Lomba, 2000 ;
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Dumez etJeunemaître, 1995). Le cas étudié ici peut donc être utile pour l'érude d'autres secteurs
industriels.
Le traitemenr du risque se traduit par la permanence d'instruments généralement simples. Les
aléas et les analyses de sensibilité constituent, dans l'industrie française de l'aluminium, les instru-
ments permanents mais évolutifr (par la sophistication) de la mesure du risque lors des choix d'inves-
tissement (tableau 2). Ces deux instruments oftent une double souplesse quant au choix des fadeurs
de risque (ils peuvent différer d'un projet à l'autre) et quant à la nature et au degré de variabilité de ces
facteurs. En cela, ils permettent une appréhension du risque simple mais tendant vers I'exhaustivité.
La démarche optionnelle et les scénarios apparaissent comme un prolongement des instruments
permanents. Qn*d un facteur précis apparaît comme particulièrement risqué (la demande dans le
projet Champagnier ou bien l'évolution politique dans le projet Bécancour), les industriels de l'alu-
minium éprouvent le besoin de le traiter avec une méthode plus sophistiquée. Pourtant, il s'agit bien
de faire varier un facteur affectant la décision. En revanche, le délai de récupération, cité dans de
nombreuses études empiriques comme un critère largement répandu dans les entreprises (Colasse,
1993; Scapens et Sale, 1981 ; Nussenbaum,1978), riest pas un des instruments récurrents du choix
d'investissement chez Pechiney. Llanalyse des facteurs de risque prime sur la mesure du risque. En
période de croissance forte et stable, alors que le risque perçu est faible à courr terme, l'évaluation du
risque se fait au trâvers d'une veille constitutiye de connaissance qui révèle la reconnaissance d'un
risque à long terme pour des investissements très lourds en capitaux.
Iæ caractère permanent de I'instrumentadon révèle la présence de n gestes réflexes , dans I'organi-
sation. Ils sont partiellement perméables aux évolutions contextuelles (théories, mentalités) mais
restent fortement déterminés par un schéma organisationnel propre. l,es industriels de I'duminium
ont commencé leur activité dans un climat généralisé de méfiance à l'égard de l'innovation et de I'in-
vestissement. Ils restent conquérants jusque dans les années 1980 malgré une place mineure dans la
compétition mondiale. Lévaluation du risque est moins la résultante de I'environnemenr écono-
mique, idéel et théorique que de I'histoire d'une organisation qui construit ses références et ses modes
de décision. Elle fait partie d'un espace de la décision qui prend en compte d'aurres critères que ceux
issus de la finance : stratégiques, politiques, institutionnels, etc. Linstrumentation sophistiquée, si
largement développée dans la littérature, est encore inapte à prendre en compte ces éléments pour la
plupart non quentifiables. lianalpe longitudinale offre ici des perspectives de recherches nouvelles par
I'intégration d'élémenm non strictement financiers ou même non quantifiables à la décision d'inves-
tissement.
Tableau 2
Instrumentation, tolérance au risque et degré de risque
ToÉmra AU RrseuE
guerres). incertitude.
Faible Aléas et analyses de sensibilité.
Aléas, analyses de sensibilité et
démarche optionnelle.
Faible Fort
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