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Introduction

L'émergence au côté des levures, de nouveaux champignons pathogènes


d'aspect filamenteux (moisissures) représente aujourd'hui un véritable défi pour
les cliniciens peu familiarisés à ces nouvelles espèces et pour les biologistes
confrontés à leur identification.

Les onychomycoses sont habituellement dues à des dermatophytes,


parfois des levures et dans certains cas à des moisissures. L’incidence des
onychomycoses à moisissures est sous-estimée du fait de la difficulté d’affirmer
le diagnostic. Ainsi la qualité du prélèvement et la rigueur dans l’approche
diagnostique sont nécessaires pour établir la causalité de la moisissure dans la
survenue de l’onychomycose. La vigilance s’impose vis-à-vis de certains
micromycètes, véritables pseudodermatophytes qui semblent poursuivre une
évolution phylogénique semblable aux vrais dermatophytes.

Notre étude prospective menée entre 29/11/06 et 01/03/07 avait pour but
d’établir le profil mycologique des moisissures isolées au Laboratoire de
Parasitologie et de Mycologie médicale à l’Hôpital d’Enfants de Rabat, tout en
faisant la distinction entre les moisissures incriminées en pathologie et celles
contaminantes de cultures.

1
I. DEFINITIONS
[1, 2]
1) Définition de champignon

Un champignon est un organisme eucaryote uni ou pluricellulaire, dépourvu


de chlorophylle, il est constitué d’un thalle unicellulaire (comme pour certaines
levures) ou pluricellulaire (mycélium) comme la plupart des micromycètes ou
des macromycètes.

C’est le thalle ou le filament mycélien qui assure la nutrition, celle-ci se fait


par absorption et non par phagocytose.

Les champignons sont des organismes hétérotrophes, vivant principalement


en saprophyte aux dépens de matières organiques en décomposition.

Certains champignons vivent aussi en symbiose avec bien des espèces


appartenant au règne végétal, mais aussi parfois en parasite avec tous les
composants du monde vivant. Les champignons sont des êtres immobiles qui
vont à l’instar du règne végétal compenser cet handicap par la production d’un
nombre considérable de spores. Les champignons sont capables de produire
d’énormes quantités de spores leur assurant ainsi un pouvoir de dispersion très
important [2].

L’identification des champignons est fondée principalement sur des critères


morphologiques liés aux modes de reproduction. Classiquement on distingue
chez les champignons, en dehors du bouturage, deux types de reproduction,
l’une étant appelée asexuée car la cellule fongique se divise par simple mitose,
l’autre appelée sexuée car elle intègre un processus de fusion cytoplasmique, de
caryogamie et de méiose. Chez une même espèce, on peut donc observer une
multiplication de type sexué issue d’un stade morphologique particulier appelé

2
téléomorphe et une multiplication asexuée issue d’un autre développement
appelé stade anamorphe.

2) Définition de moisissure [2]

Le terme de "moisissure" n'a pas réellement de signification systématique; il


désigne tous les champignons microscopiques qui intéressent l'économie et
l'environnement humains, de façon bénéfique ou néfaste.

Elles sont hétérotrophes car elles ne peuvent pas, comme les plantes vertes,
synthétiser la matière organique à partir du gaz carbonique atmosphérique. Elles
doivent donc puiser dans le milieu ambiant l'eau, les substances nutritives et les
éléments minéraux nécessaires à la synthèse de leur propre matière. Elles les
absorbent à travers la paroi de leur appareil végétatif. On dit qu’elles sont
absorbotrophes.

Toutes les moisissures sont des saprophytes, se développant au détriment de


matériaux inertes très variés (papiers, bois, aliments...). Certaines peuvent être
opportunistes, et puissent dans certains cas se comporter en parasites, se
développer sur des organismes vivants animaux ou végétaux et humains dont les
défenses sont affaiblies. Le développement normal d’une moisissure comprend
une phase végétative de croissance et de nutrition, et presque simultanément,
une phase reproductive au cours de laquelle se forme des spores qui assurent la
dispersion. La germination des spores est à l’origine de la forme végétative.

3
[2]
II. CLASSIFICATION

La classification (ou taxinomie) des champignons est en constante


évolution. Pendant longtemps en mycologie médicale, elle s’est appuyée sur
celle de Hawksworth, Sutton et Ainsworth qui est basée sur des caractères
morphologiques simples et elle a longtemps fait référence.
[2, 4, 5]
1) Principe de classification de champignons

Le règne des champignons (Fungi) comprend des sous-ensembles appelés


divisions ou phylums (tableau I).

Le nom de chaque division se termine par –mycotina, les phylums se


divisent en classes, le nom de ces dernières se termine par –mycètes. Ensuite le
suffixe « ale » est utilisé pour désigner les ordres, le suffixe « aceae » pour les
familles. Chaque famille renferme les genres et les espèces qui représentent la
base de la classification. Chaque champignon est identifié ainsi par un nom
binomal qui débute par le genre et qui se termine par l’espèce, comme tout autre
constituant du monde vivant.

Cependant en tenant compte des études ultrastructurales, biochimiques et


génétiques, cette classification a été modifiée dernièrement par Kwon chung et
Bennet (1992), puis par Hoog (1995) et devenue la plus utilisée actuellement

(fig 1).

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Champignons Champignons

Inférieurs Chytridiomycotina* Supérieurs


(Champignons
imparfaits)
Chytridiomycotina Basidiomycotina

FUNGI

Ascomycotina
Zygomycotina Oomycotina**

*= champignons connus seulement par leur stade asexué, en attente de

classification

** = actuellement les espèces issues de cette division ne sont plus classées parmi
les vrais champignons

Figure 1 : Présentation générale des champignons [3].

2) Taxinomie [2, 5]

On différencie quatre divisions selon les modalités de reproduction sexuée :


les Mastigomycotina, les Zygomycotina, les Basidiomycète, les Ascomycotina.
En outre lorsque la reproduction sexuée n’est pas connue, la division est appelée
Deuteromycotina ou fungi imperfecti.

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La division des Mastigomycotina disparaît, seuls sont conservés les
Chytridiomycètes qui occupent le rang maintenant d’une division chez les
Eufungi (vrais champignons). En pratique, les protistes fongoïdes sont souvent
étudiés par les mycologues car certains génèrent des lésions voisines des
mycoses humaines ou animales occasionnées par les Eufungi.
[2, 6,7]
2.1) Chytridiomycotina

Les Chytridiomycètes sont des champignons d’origine aquatique, Ce sont


les seuls des « vrais champignons » qui possèdent des cellules mobiles au cours
de leur cycle. Ils n’ont pas en pratique de rôle en pathologie humaine.
[2, 4,5]
2.2) Zygomycotina

Deux ordres de Zygomycotina intéressent la pathologie humaine et


animale : Mucorales et Entomophthorales (Tableau II).

Chez les Mucorales, les spores asexuées naissent à l’intérieur d’une sorte de
sac fermé appelé sporange (ou sporocyste) contenant de nombreuses endospores.
À l’inverse, chez les Entomophthorales, les spores asexuées naissent et sont
éjectées de l’extrémité d’un filament spécialisé. Elles portent le nom de
ballistospores.

Les Zygomycètes sont surtout des saprophytes du sol, des végétaux, parfois
aussi ce sont des prédateurs de nématodes ou d’insectes. En pathologie humaine
et/ou animale, ils sont également incriminés.

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Tableau II : Présentation générale de Zygomycotina [2].

Division (phylum) Zygomycotina

Classe Ordres Familles Espèces


Stade Stade
téléomorphe anamorphe
Zygomycètes Mucorales Cunninghamellaceae - -Cunninghamella
Mucoraceae bertholletiae
- - Absidia corymbifera
- -Apophysomyces elegans
- Chlamydoabsidia padenii
- - Mucor circinelloïdes
- - Mucor hiemalis
- -Mucor racemosus
-Mucor ramosissimus
- - Rhizomucor miehei
- -Rhizomucor pusillus
-Rhizomucor microsporus
- var. oligosporus
- -Rhizomucor microsporus
- var. rhizopodiformis
-Rhizopus oryzae
- Rhizopus stolonifer
-
-
-
Mortierellaceae - Mortierella wolfii

Saksenaeaceae - Saksenaea vasiformis

Syncephalastraceae - Syncephalastrum
racemosum

Thamnidiaceae - Cokeromyces recurvatus

Entomophthorales Ancylistaceae - Conidiobolus coronatus


Conidiobolus incongruus

Basidiobolaceae - Basidiobolus ranarum

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2.3) Basidiomycotina [3, 6, 9]

Ils sont caractérisés par la production de spores sexuées (appelées


basidiospores) formées par bourgeonnement à l’apex des cellules allongées. Les
basidiomycètes ont un thalle cloisonné avec des boucles au niveau des cloisons.
La division des Basidiomycotina comprend deux classes principales: (tableau
III).

Les Hétérobasidiomycètes, champignons sans carpophore, et les


Holobasidiomycètes, macromycètes avec carpophore. Ils regroupent environ
quelque 20 000 espèces, soit en saprophyte dans le sol, soit en parasite de
végétaux.

Trois phylums dans les basidiomycètes seraient actuellement proposés : les

Ustilaginomycètes, les Urédiniomycètes et les Agaricomycètes. Cependant, en


pratique médicale, rares sont les espèces qui parasitent réellement l’homme et
l’animal (tableau III).

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Tableau III : Présentation générale de Basidiomycotina [2].
Division (phylum) Basidiomycotina
Classe Ordres Familles Espèces
Stade Stade
téléomorphe anamorphe
Hétérobasidiomycètes Filobasidiales -Cryptococcus
- albidus
- -Cryptococcus
laurentii
Filobasidiella -Cryptococcus
neoformans neoformans var.
neoformans

Filobasidiella -Cryptococcus
bacillospora neoformans var.
gattii
-Trichosporon
asahii
-Trichosporon
cutaneum
-Trichosporon inkin
-Trichosporon
mucoïdes
-Trichosporon
ovoïdes
-Trichosporon
cyanescens

Ustilaginales Rhodosporidium Rhodotorula rubra


spp.

Rhodosporium Rhodotorula
diobovatum. glutinis

Rhodosporium Rhodotorula
sphaerocarpum. glutinis

Rhodosporium Rhodotorula
toruloïdes glutinis

Sporidiobolus Sporobolomyces
salmonicolor salmonicolor

Holobasidiomycètes Aphyllophorales Schizophyllaceae Schizophyllum


commune

Agaricales Coprinaceae Coprinus cinereus

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2.4) Ascomycotina [2,8]

Cette division regroupe, plus de la moitié de l’ensemble des champignons


répertoriés. C’est de loin le phylum le plus important, plus des trois quart des
espèces observées chez l’homme proviennent des Ascomycètes. Les spores
issues de la reproduction sexuée sont produites de manière endogène à
l’intérieur d’un sac appelé asque.

La division des Ascomycotina comprend deux classes principales :

a) Les Hémiascomycètes ou Endomycètes

Les champignons de cette classe ont des asques libres non protégés par une
structure épaisse (ascocarpe). Cette classe regroupe toutes les levures dites
ascosporées car pouvant révéler une forme sexuée.

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Tableau IV : Présentation générale d’Ascomycotina (Endomycètes) [2].
Division (phylum) Ascomycotina
Classe Ordre Familles Espèces
Stade Stade
téléomorphe anamorphe
Endomycètes Saccharomycetales Dipodascaceae Clavispora Candida lusitaniae
lusitaniae

Dipodascus Geotrichum
capitatus capitatum
Geotrichum
clavatum

Galactomyces Geotrichum
geotrichum candidum

Endomycetaceae Debaryomyces Candida famata


hansenii

Hansenula Candida
anomala pelliculosa

Pichia Candida
guilliermondii guilliermondii

Pichia norvegensis Candida


norvegensis

Pichia fermentans Candida lambica

Stephanoascus Candida ciferii


ciferii

Yarrowia lipolytica Candida lipolytica

Lipomycetaceae Kluyveromyces Candida kefyr


marxianus

Saccharomycetaceae Issatchenkia Candida krusei


orientalis

Saccharomyces
cerevisiae

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b) Les Euascomycètes ou Ascomycètes vrais

Toutes ces espèces possèdent des ascocarpes définissant des regroupements


intitulés : prototuniqué (asque arrondi), unituniqué (asque avec une seule paroi)
et operculé (avec ouverture), unituniqué sans opercule et bituniqué (asques à
double paroi). Ces regroupements permettent de classer les différents ordres
qui composent les Ascomycètes.

 Dothidéales [2]

Ils sont caractérisés par la structure de leur périthèce très résistant contenant
des asques cylindriques bituniqués (tableau V et VI). Se sont des champignons
noirs appelés aussi dématiés. La plupart d’entre eux vivent en saprophytes dans
le sol. C’est dans ce groupe où l’on rencontre de nombreuses espèces adaptées à
la vie parasitaire comme Leptosphaeria senegalensis classique agent de
mycétomes en Afrique sahélienne, Piedraia hortae responsable de la piedra
noire, ou encore Fonsecaea pedrosoi, Phialophora verrucosa principaux agents
de la chromomycose. Mais beaucoup d’espèces sont de redoutables
opportunistes impliqués dans des lésions de phaéohyphomycoses superficielles
ou profondes [1, 2, 9,13], citons par exemple quelques anamorphes : Aureobasidium
pullulans, Hortaea werneckii, Cladophialophora bantiana, Exophiala
jeanselmei, Bipolaris hawaiiensis, Alternaria alternata et Exserohilum
longirostratum…etc.

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Tableau V: Présentation générale d’Ascomycotina (Euascomycètes) [2].
Division (phylum) Ascomycotina
Classe Ordre Familles Espèces
Stade télémorphe Stade
anamorphe
Euascomycètes Dothidéales Botryosphaeriaceae Botryosphaeria rhodina Lasiodiplodia
theobroma

Dothideaceae Aureobasidium
pullulans
Sydowia polyspora Hormonoma
dematioïdes
Hortaea werneckii
Herpotrichiellaceae Cladophialophora
bantiana
Cladophialophora
boppii
Cladophialophora
carrionii
Capronia spp. Exophiala castellanii
Exophiala dermatitdis
Exophiala jeanselmei
Exophiala moniliae
Exophiala pisciphila
Exophiala spinifera
Fonsecaea compacta
Fonsecaea pedrosoi
Phialophora verrucosa
Rhamichloridum
mackenziei
Rhinocladiella aquasp
Leptosphariaceae Leptosphaeria Coniothyrium fuckelii
coniothyrium
Leptosphaeria
senegalensis
Leptosphaeria
thompkinsii
Phyllachoraceae Colletotrichum coccodes
Colletotrichum
dematium
Glomerella cingulata Colletotrichum
gleosporioides
Mycosphaerellaceae Cladosporium
cladosporiodes
Mycospharella tassiana Cladosporium herbarum
Cladosporium elatum
Cladosporium
oxysporum
Cladosporium
sphaerospermum

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Tableau VI : Présentation générale d’Ascomycotina (Euascomycètes) [2].
Division (phylum) Ascomycotina
Classe Ordre Familles Espèces
Stade teléomorphe Stade
anamorphe
Euamycètes Dothidéales Pleosporaceae Cochliobolus geniculatus Curvularia geniculat

Cochliobolus lunatus Curvularia lunata


Curvularia clavata
Cochliobolus pallescens Curvularia
pallescens
Cochliobolus verruculosum Curvularia
verruculosa
Dissitimurus
exedrus
Cochliobolus hawaiiensis Bipolaris
hawaiiensis

Cochliobolus spiciferus Biopolaris spicifera

Cochliobolus australiensis Biopolaris


australiensis
Cochliobolus cynodontis Biopolaris
cynodontis
Alternaria alternata
Alternaria
chlamydospora
Alternaria
dianthicola
Lewia infectoria Alternaria infectoria
Alternaria
tenuissima
Ulocladium
chartarum
Exserohilum
mcginnisii
Exserohilum
longirostratum

Setospharia rostrata Exserohilum


rostratum
Pyrenophora spp. Drechslera biseptata

Dydimosphaeriaceae Neostudina rosatii

Piedraiaceae Piedraia hortae

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 Eurotiales [2]

Cet ordre regroupe de nombreuses espèces saprophytes dont les


anamorphes sont pour la plupart des Hyalohyphomycètes. La principale famille
(Trichocomaceae) inclut les téléomorphes des Aspergillus et des Penicillium
(tableau VII).

 Hypocréales [2,9]

Sont caractérisés par la coloration de leur périthèce (orange, jaune ou


rouge). Leurs anamorphes sont des Hyphomycètes hyalins appartenant aux
genres Acremonium, Fusarium, Cylindrocarpon et Trichoderma. Les principales
espèces incriminées en pathologie humaine opportuniste sont Fusarium (F.
solani, F. oxysporum, F. moniliforme). Parmi Acremonium spp nous citons en
particulier A. falciforme et A. kiliense. Toutes ces espèces n’ont que rarement un
téléomorphe connu (tableau VIII).

 Microascales [2,9]

La principale famille est celle des Microascaceae caractérisée par des


ascospores ayant un ou deux pores de germination et un périthèce à col long.
Parmi les espèces pathogènes de l’homme : Pseudoallescheria boydii, stade
téléomorphe de Scedosporium apiospermum. Dans le genre Microascus, dont les
anamorphes produisent des annélides, les espèces appartiennent au genre
Scopulariopsis dont certaines comme S. brevicaulis sont impliquées comme
agents de mycoses superficielles comme les onychomycoses ou même
profondes (tableau VIII).

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Tableau VII : Présentation générale d’Ascomycotina (Euascomycètes) [2].
Division (phylum) Ascomycotina
Classe Ordre Familles Espèces
Stade téléomorphe Stade anamorphe
Euascomycètes Eurotiales Eremomycetaceae Eremomyces langeronii Arthrographis kalrae

Pseudeurotiaceae Pseudeurotium ovale Sporothrix-like

Thermoascaceae Thermoascus crustaceus Paecilomyces crustaceus

Trichocomaceae Aspergillus candidus


Aspergillus clavatus
Aspergillus conicus
Aspergillus deflectus
Neosartorya fischeri Aspergillus fischerianus

Neosartorya spinosa Aspergillus spinosus

Fennellia flavipes Aspergillus flavipes

Eurotium amstelodami Aspergillus hollandicus

Emericella nidulans Aspergillus nidulans


Aspergillus niger
Aspergillus ochraceus
Aspergillus oryzae
Aspergillus restrictus
Aspergillus sydowii
Aspergillus terreus
Emericella quadrilineata Aspergillus tetrazonus
Emericella unguis Aspergillusunguis
Aspergillus ustus
Aspergillus versicolor
Aspergillus fumigatus
Aspergillus fumosoroseus
Paecilomyces javanicus
Paecilomyces lilacinus
Paecilomyces marquandii
Paecilomyces varioti
Paecilomyces viridis
Penicillium chrysogenum
Penicillium citrinum
Penicillium commune
Penicillium decumbens
Penicillium expansum
Penicillium griseofulvum
Penicillium purpurogenum
Penicillium spinulosum
Penicillium marneffei

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Tableau VIII : Présentation générale d’Ascomycotina (Euascomycètes) [2].
Division (phylum) Ascomycotina
Classe Ordres Familles Espèces
Stade télémorphe Stade anamorphe

Euascomycètes Hypocréales Hypocreaceae Nectria radicicola Cylindrocarpon


destructans
Cyclindrocarpon
lichenicola
Acremonium falciforme
Acremonium hyalinulum
Acremonium potronii
Acremonium
roseogriseum
Acremonium strictum
Acremonium kiliense
Fusarium
chlamydosporum
Nectria episphaerica Fusarium aquaeductum
Fusarium dimereum
Gibberella fujikuroi Fusarium moniliforme
Fusarium oxysporum
Fusarium semitectum
Fusarium proliferatum
Nectria haematococca Fusarium solani
Fusarium verticillioides
Nectria radicicola Cylindrocarpon
destructans
Nectria spp. Gliocladium spp.

Hypocrea ruf Trichoderma viride

Niessliaceae Niesslia spp. Monocillium spp.

Microascales Microascaceae Microascus cinereus Scopulariopsis spp.

Microascus cirrosus Scopulariopsis spp.

Microascus manginii Scopulariopsis candida


Scopulariopsis fusca
Scopulariopsis koningii
Scopulariopsis brevicaulis
Scopulariopsis brumptii
Pseudallescheria boydii Scedosporium
apiospermum
Scedosporium prolificans
Monoascaceae Monoascus ruber Basipetospora rubra

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 Onygénales [2,9]

Sur les quatre familles qui composent cet ordre, deux ont une importance
considérable en pathologie humaine : les Arthrodermataceae avec le genre
Arthroderma correspondant aux anamorphes Trichophyton spp., Microsporum
spp. et Chrysosporium spp. (champignons kératinophiles), et les Onygenaceae
avec le genre Ajellomyces dont les anamorphes sont des Histoplasma spp.,
Blastomyces dermatitidis et Paracoccidioides brasiliensis. immitis et les
Onygenaceae. Il est intéressant de souligner que toutes ces espèces, déjà bien
adaptées au parasitisme, se révèlent être de redoutables agents de mycoses
opportunistes. Il convient aussi de surveiller l’évolution de certains
Chrysosporium kératinophiles, proches de dermatophytes classiques appartenant
au genre Trichophyton et Microsporum.

 Ophiostomatales [2]

Les champignons qui composent cet ordre sont caractérisés par un


ascocarpe en forme de périthèce avec un col très allongé de couleur marron à
noir. Ce sont pour la plupart des saprophytes du milieu extérieur, parfois
pathogènes de plantes. Seules les Ophiostomataceae ont une importance
médicale à savoir le genre Ophiostoma (exemple : Ceratocystis) avec ses
anamorphes : les Sporothrix. Une espèce est à retenir Sporothrix schenckii,
agent de la sporotrichose (tableau VIII).

 Sordariales [2]

Elles sont toutes issues du sol de bois et de débris morts. Certaines,


appartenant aux genres Sordaria et Neurospora, ont servi de modèles à des
études sur la génétique et la reproduction sexuée des champignons, mais la

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majorité de ces champignons ne sont pas impliqués en pathologie humaine.
Comme exemple de champignons opportunistes, il faut retenir Chaetomium spp.
impliqué dans des lésions de phaéohyphomycoses (tableau VIII).

Tableau VIII : Présentation générale d’Ascomycotina [2].


Division (phylum) Ascomycotina
Classe Ordres Familles Espèces
Euamycètes Stade télémorphe Stade
anamorphe
Ophiostomatales Ophiostomataceae Ophiostoma stenoceras Sporothrix spp.
Sporothrix
schenckii
Sordariales Chaetomiaceae Chaetomium
atrobrunneum
Chaetomium globosum -
Chaetomium
strumarium
Thielavia heterothallica Myceliophthora
thermophila
Thielavia terrestris Acremonium
alabamense
Lasiosphaeriaceae Apiospora spp. Apiospora spp.

Sordariaceae Neurospora sitophila Chrysonilia


sitophila

Trichosphaeriales Trichosphaeriaceae Trichosphaeriaceae Nigrospora spp.


- Nigrospora
sphaerica

Xylariales Xylariaceae Hypoxylon sp. Xylaria Nodulisporium spp.


sp. 
Rosellinia spp.

Amphisphaeriaceae Pestalosphaeria spp. Pestalotiopsis spp.

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2.5) Deuteromycotina [5,10]

Appelé aussi Fungi imperfecti (champignon imparfait), cet ensemble


hétérogène est un problème contrariant pour les taxinomistes. En effet, les
Deutéromycètes n’ont pas de forme sexuée connue et cette absence oblige à les
classer à part en ne tenant compte que de leur stade anamorphe. Cet ensemble
regroupe le plus grand nombre d’espèces médicales. Classiquement on distingue
trois classes (fig1).

 Blastomycètes :

Ou micromycètes ayant une phase levure, ils se multiplient par simple


bourgeonnement.

 Coelomycètes :

Ce sont des champignons filamenteux qui possédent des structures de


protection, pour leur conidiogenèse asexuée, appelées pycnides ou acervules
selon les cas.

 Hyphomycètes :

Ces derniers regroupent tous les micromycètes filamenteux asexués, c’est


un groupe très hétérogène, dont la biologie moléculaire étudie actuellement les
possibles rapprochements et même rattachements à des genres ou à des espèces
sexuées [11]. On y distingue principalement l’ordre des Moniliales.

Chez les Hyphomycètes, l’ordre des Moniliales se divise en deux principales


familles selon la couleur des filaments et des spores asexués : Les Moniliaceae
(Hyphomycètes clairs ou hyalins) appelées également hyalohyphomycètes et le
Dermatiaceae (Hyphomycètes foncés ou noirs) appelés aussi
Phaéohyphomycètes.

20
Cette classification classique, tout en étant pratique, est aujourd’hui
discutée. Actuellement les taxinomistes recherchent les liens ou les affinités
avec des formes sexuées connues, permettant ainsi de réintégrer toutes ces
espèces au sein de la classification générale des téléomorphes.

De même la biologie moléculaire représente, elle aussi, un outil


remarquable pour révéler des parentés entre les organismes asexués et sexués
[12]
. Beaucoup de Hyalohyphomycètes appartenant au genre Aspergillus,
Fusarium et Penicillium possèdent des caractéristiques phylogénétiques proches
des Eurotiales. Il en est de même pour certains dématies ou Phaéohyphomycètes
opportunistes qui sont actuellement intégrés parmi les Dothidéales dans la
famille des Herpotrichiellacea.

En attendant que la plupart des Deutéromycètes puissent trouver leur


équivalent parmi les trois phylums précédents, le maintien de cette division
s’avère actuellement aussi nécessaire que complémentaire.

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Deuteromycotina

Classe : Blastomycètes Coelomycètes Hyphomycètes


(Levures) (Pycnides ou acervules) (Filaments mycéliens)

Ordre : Sporobolomycétales Sphaéropsidales Moniliales


Genre : sporobolomyces, phoma, pyrénochaeta
Bullera phomopsis

Cryptococcales Mélanconiales
Genre : cryptococcus collectotrichum
Rhodotorula Melanconium
Candida,
Trichosporum
Malassezia Moniliaceae Dermaticaceae
(Hyalohyphomycètes) (Phéohyphomycètes)
Genre : Aspergillus Phialophora
Penicilium Alternaria
Acremonium Exophiala
Poecilomyces Curvularia
Fusarium Bipolaris
Exserohilum
Dreschlera

Figure 1: Présentation générale des Deuteromycotina [2].

22
III. PRINCIPALES MOISISSURES D’INTERET MEDICAL

1) Introduction [13]
L'émergence au côté des levures, de nouveaux champignons pathogènes
d'aspect filamenteux à mycélium clair (Mucorales et Hyphomycètes hyalins) ou
foncé (Dematiés) représentent aujourd'hui un véritable défi pour les cliniciens
peu familiarisés à ces nouvelles espèces et pour les biologistes confrontés à leur
identification.

Les manifestations cliniques, de même que les signes radiologiques et les


répercussions biologiques, sont rarement spécifiques. Le laboratoire, avec
l'isolement et l'identification du champignon en cause, a donc un rôle essentiel
dans le diagnostic de ces mycoses en pleine extension.

2) Conduite du diagnostic mycologique

2.1) Généralités [13,14]

L’examen mycologique est un outil indispensable dans le diagnostic d’une


dermatomycose, qu’elle soit superficielle ou sous-cutanée, mais il doit être
réalisé dans de bonnes conditions. Il comporte plusieurs étapes :

 Un interrogatoire et une prise de connaissance du dossier du patient ;

 Examen en lumière ultraviolette si celui-ci est utile ;

 Prélèvement ;

 Examen direct ;

 Culture ;

 Interprétation des résultats.

23
Compte tenu du contexte de survenue d'une mycose opportuniste
nosocomiale ou communautaire, tout champignon filamenteux isolé en culture
pure ou en plusieurs reprises d'un produit biologique (produits d'expectorations,
LBA, LCR, urines, sérosités, pus, fragments de peau, de phanères et biopsies de
[20]
tissus, ...) doit être a priori considéré comme un agent pathogène . La notion
de contaminant ou de colonisateur saprophyte ne sera retenue qu'après avoir
écarter l'hypothèse d'une mycose opportuniste. En clair, la question posée au
biologiste est le champignon isolé d'un prélèvement est-il impliqué dans un
processus pathologique?

2.2) Démarche diagnostique au laboratoire


[1,13, 15, 16, 17,18]
2.2.1) Réalisation du prélèvement

C’est l’étape capitale : de sa qualité découle la qualité de l’ensemble de


l’examen mycologique (examen direct et culture).

Il doit être réalisé avec un grand soin. La technique doit être adaptée au
type de lésion clinique. Il fait appel à une bonne connaissance de la clinique afin
de sélectionner au mieux la zone à prélever, là où le champignon est bien vivant.

Le matériel utilisé pour cet examen est simple et doit être stérile :
instrument de grattage tel qu’un grattoir de Vidal, ciseaux, pince à ongle, pince à
épiler, vaccinostyle ou instrument équivalent, boîte de Pétri. Le prélèvement est
parfois désagréable mais il n’est pas traumatisant.

La démarche de diagnostic est résumée en figure 3.

24
A partir d'un produit pathologique

1-Examen direct
Filaments irréguliers Filaments réguliers
Peu septés : diamètre 5 à 15 µm septés : diamètre inférieur

2-Culture

Macroscopie

Culture de croissance rapide culture blanche


Brune à grisâtre envahissante noire ou colorée
Microscopie

Présence de sporocystes Organes de reproduction Présence de Présence


avec endospores sexuées avec ascospores pycnides de conidies

Zygomycète Ascomycètes Coelomycètes Hyphomycètes


s

Filaments hyalins Filaments foncés


Hyalohyphomycètes Phaéohyphomycètes

Figure 2 : Résumé de démarche de diagnostic d’une moisissure [1, 14, 17, 18,26].

25
L'identification de l'espèce responsable peut être parfois difficile, II est
nécessaire, compte tenu de sa situation parasitaire et notamment en cas de
mycose profonde, de la faire dûment identifier auprès de ses référents habituels.
L'attitude thérapeutique dépend en effet de cette identification.
[13]
2.2.2) Examen direct

L'examen direct est la première étape du diagnostic biologique en


mycologie. On n'insistera jamais assez sur son intérêt pour affirmer la nature
fongique d'une infection (filaments mycé1iens cloisonnés ou non, réguliers ou
irréguliers...).
Un examen direct positif signe la présence du champignon dans le produit
pathologique et permet bien souvent de s'orienter sur la nature de l'agent
pathogène. Dans bien des situations, l'examen histopathologique est également
très précieux. Comme I'examen direct, il permet d'affirmer la nature parasitaire,
mais aussi d'apprécier la réponse cellulaire et tissulaire de I'hôte au contact du
champignon.

L’examen direct est réalisé entre lame et lamelle dans une solution potasse
à 30-40 % ou mieux de noir chlorazol E, qui colore la paroi fongique en bleu-
vert, pour les squames cutanées de la peau glabre et les fragments de l’appareil
unguéal. Les cheveux et les poils sont examinés dans une solution de chloral-
lactophénol. La lecture se fait au microscope optique.

Les examens sérologiques et l'antigénémie, limités aujourd'hui au


diagnostic de l'aspergillose, seront d'un complément utile au diagnostic.

26
2.2.3) Culture [13, 15,16]

Elle est indispensable pour préciser le nom du champignon pathogène.

La date de rendu de l’examen varie en fonction de la rapidité de pousse du


champignon. Les milieux de culture recommandés sont :

 Le milieu de base en mycologie est le milieu de Sabouraud modifié :


gélose glucosée à 2% et peptonée.

 Pour empêcher la croissance des bactéries, on peut ajouter le


Chloramphénicol ou la Gentamycine.

 Pour limiter la croissance des champignons saprophytes, on peut


ajouter la cycloheximide (Actidione®).

2.2.4) Interprétation [18]

Elle revient toujours au biologiste. Les critères de pathogénicité sont


actuellement bien codifiés .Ils n'ont pas nécessairement besoin d'être tous
présents pour affirmer le caractère pathogène de l'isolat.

 Présence, à 1'état parasitaire dans les liquides biologiques.

 Isolement à plusieurs reprises.

 Croissance en plusieurs points d'ensemencement.

 Absence d'un autre pathogène classique.

 Pathogénicité pour l'animal de laboratoire.

 Réponse immunitaire spécifique.

 Réponse à une thérapeutique spécifique.

27
Dans toutes les situations, l'interprétation sera avantageusement facilitée
après la lecture et l'analyse du dossier médical du patient. La confrontation
clinico- biologique et le dialogue avec le praticien prennent ici toute leur valeur.

28
3) Clinique et diagnostic des principales moisissures d’intérêt médical

A) Hyahyphomycètes [13, 15]

Se sont des micrpmycètes cosmopolites apparetnant à la famille des


moniliaceae. Ils vivent pour la plupart en saprophyte, dans le sol ou sur les
végétaux en décomposition, d’autres espèces colonisent plus volontiers des
substrats telluriques divers.

A partir de leur habitat naturel, ces champignons dispersent leurs spores qui
sont véhiculés par le vent et seront ainsi présentes dans l’air de manière
permanente.

Le biologiste sera donc toujours confronté à ces champignons fréquents


dans l’environnement comme « contaminants des cultures » mais ils peuvent
parfois être incriminés dans des pathologies humaines nommées :
hyalohyphomycose.

Les hyalphyphomycoses sont des mycoses habituellement opportunistes,


cosmopolites, occasionnées par des champignons filamenteux autres que les
Aspergillus, qui, dans les tissus et en culture, montrent des filaments à bords
parallèles régulièrement cloisonnés à paroi claire ou hyaline. On assiste
actuellement à une augmentation du nombre d’infections humaines dues à ces
champignons opportunistes [13].

29
1) ASPERGILLUS [18]

Ce sont des champignons cosmopolites très abondants dans


l'environnement (dans le sol où ils se développent en saprophytes sur les
matières organiques en décomposition et dans l’air), ils sont également des
pathogènes opportunistes pour l’homme.

1.1) Manifestations cliniques

1.1.1) Atteintes au niveau respiratoire [19]

Aspergillus spp. est la première étiologie des mycoses respiratoires. Il est


responsable de tableaux cliniques variés, de mécanismes physiopathologiques
différents, dépendant principalement de facteurs favorisants locaux et généraux
de l’hôte et de l’environnement.

a) Aspergillome [19, 20]

L’aspergillome est du à la colonisation par Aspergillus spp. d’une cavité


pulmonaire, bronchique voire pleurale préexistante, du fait d’une diminution de
l’immunité locale au niveau de la cavité pulmonaire, d’une modification de sa
muqueuse et de la présence d’une bronche de drainage. Il peut être
asymptomatique ou favorisé par des surinfections bactériennes, des
hémoptysies, une altération de l’état général ou une aggravation de
l’insuffisance respiratoire.

b) Manifestations d’hypersensibilité

 Asthme aspergillaire [19]

Il s’agit rarement d’une monosensibilisation à Aspergillus spp. Cet


allergène est plus fréquent dans les asthmes du milieu agricole.

30
 Alvéolite allergique extrinsèque [19]

Les alvéolites allergiques extrinsèques sont dues à une exposition répétée à


des concentrations importantes d’Aspergillus spp. Ces alvéolites allergiques
extrinsèques sont souvent d’origine professionnelle : poumons du fermier, du
compost, d’ouvriers du malt (A. clavatus), d’ouvriers du tabac (A. fumigatus)...
Il peut s’agir également d’alvéolites domestiques favorisées par des locaux
humides, des matériaux organiques en décomposition ou une contamination des
systèmes de climatisation.

 Aspergillose bronchopulmonaire allergique [19]

L’aspergillose bronchopulmonaire allergique est due à une colonisation


bronchique par Aspergillus, favorisée par des anomalies sévères de la clairance
mucociliaire (asthme chronique, mucoviscidose...), qui va déclencher des
réactions d’hypersensibilité de type I, III, voire IV, et un syndrome
inflammatoire responsable de séquelles : bronchectasies, fibrose. Cette maladie
évolue par exacerbations.
[19,21]
c) Aspergilloses bronchiques

 Colonisation bronchique

La colonisation aspergillaire est fréquente au cours de la mucoviscidose.


Elle est définie par l’isolement répété d’Aspergillus spp. dans l’expectoration
[21]
.

 Bronchite aspergillaire [19]

La bronchite aspergillaire est une infection rare, survenant chez des


patients n’ayant pas toujours d’antécédents bronchiques, caractérisée par des

31
signes généraux une dyspnée, des douleurs thoraciques, une expectoration de
moules bronchiques, des hémoptysies.

 Aspergillose trachéobronchique nécrosante ou pseudomembraneuse

C’est une infection de la muqueuse plus ou moins invasive pouvant se


compliquer d’aspergillose pulmonaire invasive, d’obstruction bronchique par les
pseudomembranes, d’hémoptysies, de fistulisation dans le médiastin. Elle
survient le plus souvent chez des patients immunodéprimés : transplantés
pulmonaires, syndrome de l’immunodéficience acquise et hémopathies [19].

d) Infections pulmonaires aspergillaires

 Aspergillose pulmonaire invasive [19, 22, 23]

C’est une complication infectieuse majeure de l’immunodéprimé,


responsable d’une mortalité de plus de 50 %. Ses facteurs favorisants sont la
neutropénie profonde (< 500/mm3) prolongée (> 15 j) et les traitements
immunosuppresseurs : corticoïdes... [22].

Elle touche principalement les malades traités pour hémopathies : 5 % des


leucémies aiguës, 10 % des allogreffés de moelle osseuse, les greffés d’organe
(rein < 2 %, coeur 5 %, foie 2 à 10 %, pulmonaires 8,4 %), les patients au stade
de SIDA évolué, des patients sous immunosuppresseurs pour
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) [23].

Le mécanisme physiopathologique de cette infection est particulier. Les


spores aspergillaires inhalées vont se développer au niveau bronchique sous
forme filamenteuse. Les filaments vont être responsables d’une nécrose
bronchique, de l’envahissement du parenchyme contigu avec un tropisme pour
l’artère pulmonaire adjacente. Les filaments vont entraîner une thrombose

32
artérielle et un infarctus pulmonaire, puis disséminer dans le parenchyme ou par
voie hématogène vers d’autres organes : peau, os, cerveau, cœur…etc [19].

 Aspergillose pulmonaire chronique nécrosante [19]

Il s’agit d’une entité plus difficile à définir sur le plan clinique et


anatomopathologique. Il s’agit d’une infection d’évolution prolongée favorisée
par une immunodépression modérée (diabète, cirrhose, traitement par
immunosuppresseurs, corticothérapie...) et par des facteurs locaux (BPCO,
fibrose, pneumonie radique, sarcoïdose stade IV...). Les filaments mycéliens
envahissent le parenchyme, provoquant des plages de nécrose avec formation de
cavités sans envahissement vasculaire, une inflammation chronique avec
présence inconstante de granulomes tuberculoïdes.

1.1.2) Onyxis

Aspergillus spp. a un net pouvoir de colonisation de la kératine. De


nombreuses espèces peuvent être isolées d'onyxis. Deux sont particulièrement
fréquentes : A. versicolor et A. sydowii. D’autres sont également incriminées A.
candidus, A. unguis, A.flavus, A. terreus, A.ochraceus et A. sclerotiorum [24].

Figure 3: Onychomycose à Aspergillus spp [25].

33
Dans certains cas, ces atteintes unguéales sont caractérisées par une
leuconychie superficielles rencontrée également avec Acremonium spp. et
Fusarium spp. (figure 3 )[25]. Il y avait des cas où Aspergillus spp a été isolé
pathogène prés d’autres moisissures sur le même pied (figure 4).

Figure 4 : Onyxis à Scopulariopsis spp. (au niveau du gros orteil) et à


Aspergillus sclerotiorum (ongle troisième orteil).

1.1.3) Atteintes cutanées

Ces atteintes peuvent survenir soit après dissémination hématogène d’une


aspergillose pulmonaire invasive, soit directement par une porte d’entrée
cutanée [26].

1.2) Diagnostic mycologique [16, 19]

Le diagnostic des aspergilloses repose sur des méthodes histologiques,


mycologiques et sérologiques. L’étude anatomopathologique des biopsies
bronchiques et pulmonaires, facilitée par la coloration de Gomori-Grocott, met
en évidence les lésions tissulaires et les filaments ramifiés septés. Elle doit être
complétée par une étude mycologique, d’autres champignons filamenteux
pouvant donner le même aspect (Fusarium spp., Scedosporium spp.).

34
Les examens mycologiques peuvent être réalisées sur des biopsies, un
lavage bronchoalvéolaire, un brossage bronchique, une aspiration de sécrétions
bronchiques, voire une expectoration.

1.2.1) Caractères culturaux [16]

Ces champignons présentent une croissance rapide sur milieux de


Sabouraud additionné d’antibiotiques. Ils sont cependant, pour la plupart inhibés
par le cycloheximide. Après 24 à 48h, on observe des colonies plates, formée de
courts filaments aériens. C’est avec la maturation des structures conidiogènes
(48 à 96h) que ces colonies vont prendre leur teinte caractéristique, brune, verte,
jaune ou noire selon les espèces (figure 5).

La couleur de la culture permet ainsi une orientation rapide du diagnostic


de l’espèce. Au recto, les colonies sont gris-vert pour A. fumigatus, vert-jaune
pour A. flavus et A. glaucus, vert foncé à chamois pour A. nidilans ,brun
cannelle pour A. terreus, chamois clair,jaune et rose pour A. versicolor, jaune
puis noire pour A. niger. Le revers de la colonie reste incolore à jaune, il peut
aussi rougir ou brunir avec l’âge. Aspergillus spp. pousse habituellement à 22,
25C° et à 37C° pour les espèces thermophiles.

1.2.2) Morphologie microscopique [16]

Aspergillus spp. est caractérisé par un thalle végétatif formé de filaments


mycéliens hyalins, de diamètre fin et régulier, septés et ramifiés. L’identification
d’Aspergillus spp. reposera sur la mise en évidence de tête aspergillaire à
l’examen microscopique des colonies. Sur les filaments végétatifs, prennent
naissance des filaments dressés, non cloisonnés ces derniers qu’on appelle
conidiophores, se terminent par une vésicule de forme variable sur laquelle sont

35
déposées les cellules de conidiogènes ou phialides. La conidiogenèse s’effectue
en effet sur le mode blastique phialidique où les conidies se forment par
bourgeonnement à l’apex des phialides et restent accolées les uns aux autres en
chaîne non ramifiée, la plus jeune étant à la base de la chaîne.

Les spores toujours unicellulaires de forme variable, globuleuse,


subglobuleuse ou elliptique. Les phialides peuvent être directement insérées sur
la vésicule (tête unisériée), ou portées par des articles insérés sur la vésicule : les
métules (tête bisériées). L’ensemble vésicule (+ /- métule) + phialides et
conidies constitue la tête aspergillaires qui caractérise le genre Aspergillus.

Quand au diagnostic d’espèce. Il sera porté sur un ensemble de critères


macroscopiques et microscopiques :

Certaines espèces, apparaissent parfois en culture avec des formations


sexuées (stade téléomorphe). Ce sont des coléistothèces contenant des asques
arrondies renfermant chacun 8 ascospores.

36
Tableau X : Caractéristiques des quatre principales espèces d’Aspergillus spp.

Espèces Aspergillus Aspergillus Aspergillus Aspergillus


niger flavus fumigatus terreus
Caractéristiques

Culture Croissance Croissance Croissance très Croissance


rapide. rapide. rapide. Aspect rapide. Aspect
Aspect Aspect granuleux blanc poudreux, beige
granuleux granuleux puis devient vert brun.
noire. vert-jaune. foncé. Revers incolore
Revers pale Revers pale. Revers pale

Conidiophore Très long Long Court Court


1.5 à 3 mm, 1 mm, 0.3 mm incolore, 0.1à 0.25 mm
hyalin lisse jaunâtre
hyalin,
verruqueux

Vésicule Globuleuse Sphérique Hémisphérique Globuleuse

Phialides Insérées par Directement Directement Portées par des


des métules insérées ou insérées à la métules
portées par vésicule
des métules

Tête aspergillaire Radiée Radiée Unisériée, Bisériée, évasée


bisériée uni- ou compacte en colonne
bisériée En colonne

Conidie Globuleuse, Globuleuse, Globuleuse, Globuleuse,


échinulée échinulée, verte échinulée
de petite taille,
brune verte
lisse

37
A.flavus

A.fumigatus

A .niger

Figure 5 : Aspects macroscopique et microscopique de certaines espèces


d’Aspergilllus spp. [116,117].

38
2) FUSARIUM [16, 27]
Ces champignons sont cosmopolites, on les isole du sol où ils persistent
grâce à des chlamydospores ; ils parasitent de nombreuses variétés de plantes, en
particulier les céréales. Les spores ou conidies peuvent également être isolées de
l’air ambiant, mais beaucoup moins fréquemment que les spores aspergillaires
puisqu’elles ne représentent que 1 ou 2 % des espèces fongiques isolées de l’air
[27]
.

2.1) Manifestations cliniques

Fusarium spp. peut être responsable de manifestations allergiques, toxiques


et infectieuses locales ou généralisées.

2.1.1) Allergies [24]

L’hypersensibilité à Fusarium spp a été retrouvée dans 25 % des cas lors


d’allergie aux moisissures démontrée par tests cutanés. Son rôle a été également
reconnu dans les sinusites allergiques fongiques avec taux d’IgE élevé et un test
cutané positif ainsi que dans des manifestations de bronchopneumonie
allergique type aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA) [27] .

2.1.2) Mycotoxines

Le genre Fusarium est impliqué dans la synthèse de plusieurs mycotoxines


(Les fumonisines) responsables de mycotoxicoses, où fumonisine B1 a été
corrélée à une plus grande incidence du cancer de l’oesophage dans certains
pays [27,29].

39
2.1.3) Infections localisées

 Oculaires : kératites et endophtalmies [19, 30,31]

Les champignons filamenteux sont les agents le plus fréquemment


responsables de kératites fongiques, en particulier en zone tropicale et
[30, 31]
subtropicale . Les kératites surviennent essentiellement chez des hommes
jeunes, agriculteurs ou travailleurs d’extérieur. Le facteur prédisposant majeur,
est un traumatisme, parfois minime, le plus souvent par un végétal ou de la
poussière permettant la pénétration directe de spores dans la cornée. Le port de
[40]
lentilles souples est également fréquemment retrouvé dans l’anamnèse.
Fusarium spp. et plus particulièrement Fusarium solani, est l’agent le plus
fréquemment responsable avec Aspergillus spp.

Des kératites fongiques à Fusariums spp. ont également été signalées après
transplantation de la cornée [32].

L’endophtalmie à Fusarium spp. est presque toujours d’origine exogène.


L’évolution est souvent défavorable

 Onyxis [27, 33,34]

Ces agents surinfectent parfois un ongle préalablement dystrophique,


associé à une malposition des orteils, à des troubles vasculaires, traumatisé ou
déjà infecté par un dermatophyte [34].

Le type d’atteinte est variable : onychomycose sous-unguéale latérodistale,


affectant principalement le gros orteil, leuconychie superficielle, plus volontiers
du 3ème ou 4ème orteil, ou onychomycose sous-unguéale proximale (figure 6).
L’association d’une onychomycose sous-unguéale proximale à une paronychie
aiguë ou subaiguë peut orienter vers l’origine fusarienne de l’onychomycose.

40
Au niveau de la main, l’inflammation est fréquente et peut gagner la
première phalange. Contrairement aux atteintes dermatophytiques, l’évolution
semble plus rapide, de quelques semaines à quelques mois.

Figure 6 : Onychomycose à Fusarium spp. A : Aspect de leuconychie ;

B : Onychomycose à Fusarium spp. avec inflammation périunguéale [27].

 Mycétomes à Fusarium spp. [27, 35,36]

Fusarium spp. est un agent fongique relativement rare des mycétomes à


grains blanc-jaune ; Hay et al. rapportent quatre cas contractés en Inde. Plusieurs
auteurs en signalent également en Afrique.

 Brûlures [27,37]

Les infections à moisissures surviennent chez des patients avec plus de 50


% de surface corporelle brûlée, les agents fongiques les plus fréquemment isolés
étant Aspergillus spp et Fusarium spp. (68 % des isolats). Les auteurs insistent

41
sur l’importance de la précocité du diagnostic par biopsie et culture pour
identification afin d’éviter l’amputation et la dissémination secondaire.

 Sinusites [27,38]

Quelques cas de sinusites à Fusarium spp. ont été signalés, en particulier


chez les patients immunodéprimés et pouvant être à l’origine d’infections
disséminées.

 Endocardites [27, 39,40]

Une dizaine de cas sont rapportés dans la littérature : infections aortiques


secondaires à des implantations de prothèses chirurgicales.

 Péritonites [27,41]

Il s’agit essentiellement de péritonites survenant au cours de dialyses


péritonéales ambulatoires continues. Une dizaine de cas ont été publiés.

 Ostéomyélites [27,42]

Des cas d’ostéomyélites ont été rapportés, notamment à l’occasion de


fracture ouverte souillée, L’évolution est globalement satisfaisante après
débridement chirurgical.

 Infections cutanées [27,43]

Deux types de lésions sont à différencier : celles qui surviennent chez


l’immunocompétent qui sont des surinfections de plaies post-traumatiques
compliquées parfois de cellulite, de lésions ulcérées ou érythémateuses
d’évolution lente, et celles que l’on observe chez l’immunodéprimé.

42
[27, 43, 44, 45, 47, 48]
2.1.4) Infections profondes et disséminées

Ces infections surviennent essentiellement chez les patients atteints


d’hémopathie (leucémie, lymphome, syndrome d’activation macrophagique,
anémie réfractaire ou myélome) traités par chimiothérapie cytotoxique intense,
avec ou sans greffe de moelle, et ayant entraîné une neutropénie ou une aplasie
prolongée ; plus rarement lors de brûlures extensives, de tumeurs solides,
[54]
d’infection à virus de l’immunodéficience humaine : huit cas en 2002 ,chez
des transplantés d’organe en particulier pulmonaires (six cas en 2001) [55].

Les principales espèces responsables sont Fusarium solani, Fusarium


moniliforme, et Fusarium oxysporum (tableau XI).

Dans les infections où le cathéter est considéré comme le point de départ, il


n’existe en règle générale aucune inflammation locale [47].

La présence de moisissures dans les circuits hospitaliers de distribution


d’eau : essentiellement Aspergillus spp. et Fusarium spp., s’intégrant dans le
biofilm, peuvent expliquer, par un système d’aérosols, la persistance
d’infections dans les services à risques malgré la présence d’un traitement d’air
par filtre efficace [48].

2.2) Diagnostic mycologique

La détermination taxinomique usuelle au laboratoire se fait le plus souvent


sur l’observation des caractères morphologiques de reproduction asexuée.

Le diagnostic des kératites se fait par un simple grattage à l’anse de platine


ou une biopsie cornéenne, alors que celui des endophtalmies se fait par ponction
de la chambre antérieure ou mieux du vitré [27].

43
Le diagnostic de mycétome se fait sur l’aspect anatomopathologique des
grains : de consistance molle, de 0,5 à 2 mm de diamètre, de forme ronde ou
réniforme, constitués de filaments mycéliens enchevêtrés sans ciment [36].
[16, 27,49]
2.2.1) Caractères culturaux

Le milieu de Sabouraud sans Actidione® (cycloheximide) est utilisé pour


l’isolement, le champignon pousse à 37 °C. Les subcultures sont effectuées sur
milieu potato dextrose agar (PDA), qui a le plus souvent permis leur description,
et conservées à la lumière à 25 °C. Idéalement, elles sont observées à partir du
7e-10e jour, puis de façon séquentielle, certaines formations apparaissant plus
tardivement.

Les colonies duveteuses ou cotonneuses ont souvent des couleurs vives


ainsi que le revers de la colonie avec parfois un pigment diffusible (figure 7).
Les couleurs sont un caractère important à observer mais elles peuvent varier
d’une souche à l’autre et au cours de subcultures successives.

Figure 7 : Aspects macroscopique et microscopique de Fusarium oxysporum


[27]
.

44
[16, 27,50]
2.2.2) Morphologie microscopique

L’identification est basée sur l’aspect des conidies produites par des
phialides ou cellules conidiogènes sans collerette. Fusarium spp. peut produire
plusieurs types de spores : les macroconidies, les microconidies, les
mésoconidies ou blastoconidies et les chlamydospores. Certaines espèces
produisent les quatre variétés, d’autres non. L’aspect de ces conidies, la présence
ou l’absence de certaines d’entre elles sont les caractères essentiels
d’identification des Fusarium spp.(figure 8).

Microconidies Mésoconidies

Monophialides Polyphialides Macroconnidies Chlamydospores

Figure 8: Fructification et mode de fructification de Fusarium spp. [27]

45
Tableau XI: Caractéristiques des quatre principales espèces de Fusarium spp.
isolées en pathologie humaine [27].
Espèces Fusarium Fusarium Fusarium Fusarium
solani oxysporum monilforme dimerum

Caractéristiques
Culture Croissance Croissance Croissance Croissance lente
moyenne moyenne rapide Aspect
Aspect blanc– Blanchâtre Duveteuse puis floconneux
gris, revers rosé, revers poudreuse Orangé
marron lie-de-vin Blanc-violet, recto/verso
revers violet-
mauve

Macroconidies Macroconidies Plus ou moins Fusiformes Courtes


Moyenne abondantes 3 à 7 septa 20-25 μm
35-55 μm 3 à 5 septa 25 à 60 μm 1-2 septa
0-8 septa 30 à 70 μm Extrémités
Extrémités pointues
arrondies

Sporodochiums Fréquents Inconstants Inconstants Inconstants

Microconidies Abondantes, en Abondantes, Abondantes, absentes


boule en boule en chaînes,

Phialides Allongées Courtes Monophialides Courtes


et et ventrues
polyphialides

Chlamydospores Abondantes Abondantes Absentes Inconstantes


Isolées ou en Isolées ou en Intercalaires
chaînes chaînes

46
3) SCEDOSPORIUM [13,16]

L’espèce Scedosporium apiospermum est un champignon tellurique,


présent principalement dans les sols enrichis de débris organiques (litières
animales, fumiers) et dans les eaux boueuses et polluées, et présente un réel rôle
pathogène.

3.1) Manifestations cliniques

Scedosporium spp. est un redoutable pathogène. Il arrive en troisième


position (après les Aspergillus spp. et les Fusarium spp.) par ordre de fréquence
dans les mycoses humaines [18].

3.1.1) Mycétome fongique à Scedosporium spp. [13, 51,52]

Les mycétomes fongiques sont dus à des champignons dont Madurella


mycetomatis, Leptosphaeria senegalensis, Scedosporium apiospermum. Ces
champignons sont des saprophytes du sol et des épineux des régions tropicales.
Les mycétomes fongiques sont endémiques dans la zone nord-tropicale de part
et d’autre du 15ème parallèle nord : Sénégal, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad,
Somalie, Soudan, Inde, Mexique, Brésil. Ils sont plus rares en Asie du Sud-Est,
en Afrique du Nord et du Sud. De rares cas ont été observés en Europe.

L’inoculation se fait à partir d’une lésion traumatique par une écharde ou


épine souillée. Les champignons, qui ont un tropisme osseux important, se
développent d’abord dans le tissu sous-cutané puis gagnent de proche en proche
le périoste puis l’os. Ils forment des microabcès créant des géodes irrégulières,
parfois très étendues. Ces lésions se fistulisent et laissent sourdre des grains qui
sont formés d’agglomérats de filaments mycéliens. L’atteinte articulaire résulte
de l’extension du foyer osseux [51,52].

47
La forme clinique la plus caractéristique est le mycétome fongique du pied,
ou pied de Madura. Après une incubation variable de quelques mois à quelques
années, apparaît une tuméfaction nodulaire, indolore du pied qui augmente
progressivement de taille pour former une volumineuse tuméfaction bosselée
atteignant la face dorsale et plantaire, à partir de laquelle vont se développer les
fistules laissant s’échapper un pus contenant des grains. L’extension osseuse
lytique peut aboutir à des pertes de substance importantes.

D’autres localisations sont également possibles : membres, fesses, dos, cuir


chevelu [51].
[51, 53, 54,55]
3.1.2) Autres Infections

Des infections ostéoarticulaires isolées à Scedosporium spp. (Scedosporium

apiospermum, Scedosporium prolificans) ont été décrites. Les arthrites


apparaissent généralement après un traumatisme (plaie, piqûre), une injection
intra-articulaire ou une intervention chirurgicale.

Les ostéites peuvent également se voir à la suite d’un traumatisme ou d’une


amputation, exceptionnellement lors d’infection disséminée chez des patients
immunodéprimés.

II est aussi incriminé dans des atteintes oculaires consécutives et un


traumatisme (kératites et endophtalmies post-traumatiques) ou dans des
localisations viscérales chez l’immunodéprimé (endocardites, méningites,
ostéomyélites, abcès cérébraux). L’immunodépression n'est cependant pas
toujours retrouvée dans ces formes systémiques [55].

Scedosporium spp. est également rapporté agent d’onychomycose dans


plusieurs études [24].

48
Comme les Aspergillus spp., Scedosporium apiospermum peut aussi être à
[62]
l'origine d'atteintes respiratoires (sinusites, tumeurs pulmonaires) . Par
ailleurs, il est de plus en plus fréquemment isolé dans la mucoviscidose.

3.2) Diagnostic mycologique

Le diagnostic différentiel du mycétome fongique est le mycétome


[54]
actinomycosique d’origine bactérienne . Le diagnostic est confirmé par
l’examen direct et la mise en culture sur milieu de Sabouraud, permettant
d’identifier l’espèce responsable indispensable pour adapter le traitement.

3.2.1) Caractères culturaux [16]

Ce champignon pousse bien dans tous les milieux usuels en mycologie,


mais sa croissance est souvent inhibée par la cycloheximide. Les colonies
cotonneuses, laineuses de couleur blanchâtre au début, devenant grises en
vieillissant ; le verso est foncé, presque noir (figure 9).
[16]
3.2.2) Morphologie microscopique

- Reproduction asexuée :

La reproduction asexuée peut s’effectuer selon deux modalités


distinctes :

 La conidiogenèse s’effectue essentiellement sur le mode thallique


solitaire avec formation d’alleuries naissant directement sur les
cotés des filaments végétatifs ou à l’extrémité des conidiophores
fins dressés à angle droit sur le thalle végétatif. Les conidies sont
ovoïdes ou claviformes, brunes, mesurent 6 à14µm de long sur 5 à
6µm de large.

49
 L’autre mode dec conidiogenèse fait intervenir des annélides
groupées en corémie (stade Graphium) donnant naissance à des
conidies hyalines, plus fines, allongées, mesurant 2à 3µm de large.

- Reproduction sexuée : pseudallescheria boydii

Forme obtenue parfois après 3 semaines de culture ou sur des milieux


pauvres, est caractérisée par cleistothèces bruns à jaunes, arrondis, contenant des
asques sphériques octosporés de teinte cuivrée.

Figure 9 : Aspects macroscopique et microscopique de Scedosporium spp. [116]

50
4) PENICILIUM
Penicillium spp. est un champignons ubiquiste, dont le développement se
fait à partir de substances organiques ou de végétaux en décomposition. De ces
microcolonies naissent de multiples spores qui sont dispersées dans l’air
ambiant. Le genre Penicillium occupe ainsi une place des plus importants parmis
les moisissures isolées dans l’atmosphère et constitue de ce fait un des
contaminants aériens majeurs au laboratoire. Il est aussi très utilisé dans
l’industrie, notamment dans l’industrie agro alimentaire (affinage de fromage et
de soucisson) et pharmaceutiques [56].

4.1) Manifestations cliniques

4.1.1) Infections à Penicillium marneffei [17, 56, 57, 58, 60,61, 55]

P. marneffei est isolé pour la première fois par Segretain en 1959, il est
surtout rencontré en Asie du Sud Est, où il se trouve à l’état saprophyte dans le
sol et où il est souvent isolé des terriers de certains rongeurs (rat de bambou). Il
est endémique en Chine, en Indonésie, à Hong-Kong, en Thaïlande, au Vietnam,
a été récemment découvert au Cambodge et il existe en France des cas
[58]
d’importations . Les infections à P. marneffei sont liées à l’apparition et au
développement du SIDA, en effet plus de 80 % des individus infectés sont
immunodéprimés, ce qui en fait le 4ème agent infectieux opportuniste chez les
sujets atteints du SIDA.

P. marneffei peut aussi bien être à l’origine d’infections localisées que


disséminées. La pénicilliose à P. marneffei est surtout une mycose systémique
dont le tableau clinique est dominé par des symptômes pulmonaires
accompagnés de fièvre avec toux persistante, perte de poids, adénopathies

51
multiples, splénomégalie, puis, des lésions cutanées à type de papules ou de
nodules apparaissant au niveau de la face, du tronc ou de l’extrémité des
membres. De plus, il peut donner des complications telles que des infections de
la moelle osseuse, des ulcères génitaux, des ostéomyélites, des arthrites et des
abcès otorhinopharyngés ne sont pas rares [59].

Les infections localisées se situent au niveau cutané [61], ainsi qu’au niveau
des cheveux, des ongles [60], du conduit auditif, des sinus, du tractus urinaire, des
poumons, du cerveau et du cœur en cas de valve prothétique [59].

4.1.2) Infections à Penicillium autre que marneffei [56]

On retrouve dans la littérature l’implication de Penicillium comme agent


d’infections superficielles, de kératites ou très exceptionnellement d’infections
invasives opportunistes. Le diagnostic de certitude d’infection est souvent
difficile à poser, compte tenu de la fréquence de Penicillium spp. comme agent
aérocontaminant et des possibilités de saprophytisme des Penicillium.

 Onychomycoses [56, 57,63]

Penicillium spp. apparaît dans certaines séries d’onychomycoses comme


agent étiologique. Pour certains auteurs, ils représenteraient jusqu’à 12 % des
[64]
onychomycoses dues à des champignons saprophytiques . En revanche,
Contet-Audonneau, en France, ne retient jamais le diagnostic d’onychomycose à
Penicillium parmi une série de 124 cas d’onychomycoses à moisissures. La
majorité des patients présentaient une diminution du brillant de l’ongle, une
leuconychie, une hyperkératose ou une pigmentation unguéale anormale.

52
 Kératites [56,55]

La place de Penicillium spp. au sein des agents fongiques responsables de


kératites est de même différemment appréciée. Dans une étude menée au Nigeria
et portant sur 42 cas de kératite fongique, Penicillium spp. était considéré
comme agent étiologique dans 12 cas. Il s’agissait essentiellement de P.
citrinum (huit cas), puis de P. expansum (deux cas). Dans deux cas d’infections
dues à P. citrinum, une uvéite aiguë était notée ; de même, dans deux autres cas,
une panophtalmie associée à une cellulite était observée.

 Infections invasives [55, 56, 64, 65, 66, 67]

Les infections invasives à Penicillium spp. autres que P. marneffei sont


exceptionnelles, sans doute en raison de l’absence de thermotolérance de ces
champignons, dont la croissance est habituellement inhibée à 37 °C.

Une trentaine de cas bien documentés ont été rapportés. P. chrysogenum


[64]
semble être l’espèce la plus souvent en cause . On peut distinguer, environ à
égalité, les infections survenant chez des patients immunodéprimés et les
infections survenant chez des sujets sans déficit immunitaire documenté.

Chez ces derniers, la porte d’entrée est le plus souvent secondaire à un


traumatisme, une intervention chirurgicale ou un matériel étranger : valve
[55, 68]
cardiaque ou cathéter de dialyse péritonéale . En règle, ces infections,
souvent torpides, restent localisées. On peut également noter trois cas
d’infection neurologique à la suite d’un traumatisme ou d’une atteinte
[55]
nasosinusienne , dont une très lentement progressive (30 ans) due à P.
chrysogenum [65].

53
 Autres infections

Différentes formes cliniques d’atteinte pulmonaire ont également été


rapportées : « penicilliome » par analogie avec les aspergillomes ; pneumonie
lobaire ; pneumonie parenchymateuse diffuse ; bronchite oblitérante ;
épanchement pleural [56].

Quelques cas d’endophtalmie ont été publiés, dont un cas dû à P.


chrysogenum chez un enfant après un traumatisme par une fléchette souillée par
de la terre, ainsi qu’une atteinte purement cutanée [67, 83].

4.2) Diagnostic mycologique


[16,56]
4.2.1) Caractères culturaux

Généralement, la croissance est rapide (de 48 à 72 heures) sur le milieu de


Sabouraud et elle est habituellement inhibée par l’Actidione ®. Les colonies,
d’aspect poudreux en général, blanches initialement, prennent souvent une teinte
bleu-vert avec une bordure blanche, bien que certaines espèces tendent vers le
jaune ou le brun.

La colonie est souvent plissée. Le revers est habituellement incolore, mais


certaines espèces produisent un pigment parfois diffusible comme pour P.
marneffei.

Sur le plan morphologique, Penicillium spp se distingue d’Aspergillus spp


par son organisation en pinceau. Il se différencie des Poecilomyces spp. par
leurs phialides qui sont moins effilées et qui restent serrées les unes contre les
autres. Enfin il se distingue de Scopulariopsis spp. par les conidies qui ne
possèdent pas de base troquée.

54
[16, 54,56]
4.2.2) Morphologie microscopique

Au plan microscopique, il s’agit d’un champignon dont les filaments sont


hyalins et septés.

Les conidiophores, ramifiés ou non, donnent naissance à des métules. Ces


métules forment elles-mêmes des phialides cylindriques organisées en pinceaux,
qui produisent les conidies (spores) arrangées en chaînes non ramifiées .les
phialides peuvent être soit insérées directement (Penicillium monoverticilé) ou
par l’intermédiaire d’une rangée de métules (Penicillium biverticilé) ou de deux
rangées de métules succesives (Penicillium triverticilé) (fig 10).

Les spores sont lisses ou rugueuses, d’un diamètre variant de 2,5 à 5 μm.
C’est l’ensemble de cette structure caractéristique, en forme de pinceau, qui
donne le nom au genre Penicillium.

Figure 10 : Différents types de pinceaux de Penicillium [56].

A : Monoverticilé ; B : Biverticilé ; C : triverticilé

55
Figure 11: Aspects macroscopique et microscopique de Penicillium spp.
[116]

Figure 12: Aspects macroscopique et microscopique de Penicillium .marneffei


[116]
.

56
5) SCOPULARIOPSIS [55]

Le genre Scopulariopsis, décrit par Bainier en 1907 en même temps que le


genre Paecilomyces, est principalement composé d’espèces telluriques,
fréquemment retrouvées dans la nourriture et le papier, mais également
présentées comme contaminant de laboratoires. Parmi les espèces de
Scopulariopsis responsables de pathologies humaines, nous citons
Scopulariopsis brevicaulis, Scopulariopsis candida et Scopulariopsis
acremonium.

5.1) Manifestations cliniques


[24]
5.1.1) Onyxis

Scopulariopsis spp. est parmi les champignons autres que les


dermatophytes les plus fréquemment rencontrés en cas d’onychomycoses [70].

Cette moisissure est connue de longue date comme agent d'onychomycose.


Au départ, il s'agit d'onychomycoses disto-latérale. L'ongle présente des bandes
de couleur blanchâtre, jaunâtre et brune, elles sont disposées de façon
longitudinale, côte à côte (figure 13). L’hyperkératose unguéale est habituelle et
la notion de traumatisme est toujours retrouvée. Comme il peut aussi exister une
infection mixte avec un dermatophyte ou une autre moisissure (figure 4).

57
Figure 13 : Onyxis à Scopulariopsis brevicaulis.

5.1.2) Infections profondes [55,68, 69, 70, 73]

Scopulariopsis spp. est responsable plus rarement, d’infections profondes et


disséminées, surtout chez les patients immunodéprimés. Dans 90 % des
infections invasives, il y a des facteurs de risque bien défini comme le SIDA, les
transplantations d’organes, les corticothérapies, la dialyse péritonéale, la
chirurgie, les maladies cardiaques et les traumatismes. Chez les sujets
immunodéprimés, S. brevicaulis et S. acremonium peuvent envahir les sinus,
puis diffuser par voie sanguine dans les organes profonds [72,73]. S. brevicaulis est
en plus responsable d’infections souvent mortelles chez les immunodéprimés
telles que des mastoïdites, des kératites, des endophtalmies, des pneumonies, des
endocardites, des péritonites et des infections cutanées [70].

5.2) Diagnostic mycologique

5.2.1) Caractères culturaux [16]

Ce champignon pousse bien sur les milieux usuels de mycologie mais sa


croissance est freinée en présence de cycloheximide. Les colonies sont

58
extensives, veloutées, devenant vite poudreuses et granuleuses. Initialement
elles sont blanchâtres, deviennent ensuite beiges à brun-noisette. Le revers est
crème à brunâtre. La température optimale de croissance est comprise entre 25
et 30C°.

5.2.2) Morphologie microscopique [16]

Les cellules conidiogènes (annélides), cylindriques, plus au moins renflée à


leur base, sont isolées ou groupées à l’extrémité de conidiophores courts, septés
et hyalins. Elles sont soit directement insérées ou à l’intermédiaire de métules.

Les annélides présentent à leurs extrémités des cicatrices de croissance


terminales et produisent des conidies globuleuses à base tronquée disposées en
chaîne basipète. Ces conidies initialement lisses, puis verruqueuses à maturité,
mesurant 5 à 8µm de long sur 5µm de large.

Figure 13: Aspects macroscopique et microscopique de Scopulariopsis

brévicaulis [116].

59
6) ACREMONIUM: Acremonium strictum [72, 115]
Ce genre que l’on retrouve également sous le nom de Cephalosporium a été
décrit pour la première fois par Fries en 1809. Il regroupe des champignons
cosmopolites vivant en saprophytes dans le sol, sur des végétaux et sur d’autres
champignons.

6.1) Manifestations cliniques [59, 55, 73, 75,76]

La plupart des Acremonium isolés du laboratoire sont des contaminants de


culture mais l’inhalation de leurs conidies peut, dans un contexte opportuniste,
provoquer diverse pathologiques. Les principales espèces responsables de
lésions humaines sont A. strictum, A. kililense, A.potronii, A .falciforme et
A.albamense [76].

6.1.1) Mycétome

La majorité des infections produites par Acremonium spp. sont des


mycétomes ou des infections oculaires [73].

Les mycétomes apparaissent le plus souvent chez des patients


immunocompétents ayant subi des lésions traumatiques. Cependant, des
mycétomes ont été trouvés chez des patients immunodéprimés, notamment lors
d’une transplantation rénale, ainsi que lors d’une transplantation cardiaque.

Dans la majorité des cas de mycétomes les espèces impliquées sont A.


kiliense et A. falciforme.

60
6.1.2) Autres infections

 Onyxis
Acremonium spp. peut donner des onyxis surtout avec l’espèce
Acremonium strictum [24, 74].

 Infections oculaires
[59, 77]
Les infections oculaires sont des kératites ou des endophtalmies . La
plupart surviennent après un événement traumatique ou chirurgical ou après un
traitement d’appoint stéroïdien. Les lentilles de contact constituent également
une porte d’entrée.

 Infections profondes

La plupart des infections disséminées à Acremonium spp. surviennent chez


des patients immunodéprimés tels que des transplantés, des patients atteints de
[62,75]
leucémie, ou recevant une chimiothérapie . La souillure d’un cathéter, le
matériel de dialyse, un tissu greffé contaminé sont des portes d’entrée possibles.
Les localisations sont pulmonaires, cardiaques, cérébroméningées, musculaires
ou articulaires.

Néanmoins, ces espèces peuvent occasionnellement entraîner des


infections superficielles, et des complications chez les brûlés.

6.2) Diagnostic mycologique

6.2.1) Caractères culturaux [16]

Ils poussent sur tous les milieux usuels en mycologie en l’absence de


cycloheximide. Les colonies sont parfois finement poudreuses, ou le plus
souvent humides et muqueuses. La couleur varie du blanc au rouge orangé.

61
Les températures optimales de croissance varie de 25C°à 37C°, et la
croissance est restreinte.

6.2.2) Morphologie microscopique [16]

Le thalle végétatif est constitué de filaments septés, isolés ou disposés


parallèlement les uns aux autres. Les phialides naissent directement des
filaments végétatifs, elles sont fines et cylindriques, plus étroite à l’extrémité
apicale qu’à la base (phialides aciculaires). Elles sont solitaires plus rarement
groupées en 2 ou 3. Les conidies cylindriques ou elliptiques (3,5 µm de long sur
1à 2µm de large) sont regroupées en amas à l’extrémité des phialides, et sont
généralement unicellulaire et hyalines (figure 14).

La confusion se fait généralement avec des isolats de Fusarium spp.


dépourvus de macroconidies, mais ces derniers ont une texture laineuse et une
croissance plus rapide.

Figure 14: Aspects macroscopique et microscopique d’Acremonium


strictum [24].

62
B) Phaéohyphomycètes [18,78]

Les phaéohyphomycètes (hyphomycètes dématiés) sont des champignons


cosmopolites appartenant à la flore aérienne normale. Ce sont donc des
contaminants habituels de l’environnement et des cultures dans nos laboratoires
mais ils sont parfois parasites des plantes et certains sont des opportunistes pour
l’homme.

Leur caractéristique commune est de produire des pigments de type


mélanine imprégnant la paroi des filaments, d’où l’aspect foncé ou noir des
filaments en culture et des filaments dans les tissus parasités.

Ces champignons se reproduisent en générale seulement sur le mode


asexué, et l’organisation conidiogène varie selon les espèces.

Le pouvoir pathogène de ces champignons se présente par des


phaéohyphomycoses qui incluent un vaste spectre d’atteintes cliniques qui vont
de la simple colonisation superficielle de la peau, de la cornée ou des muqueuses
oto-rhio-laryngologiques (ORL) à des lésions sous-cutanées (kystes) aux
localisations profondes touchant un ou plusieurs organes.

Ce sont les ruraux, les éleveurs, les jardiniers, les menuisiers qui sont
particulièrement infectés car le traumatisme par un matériel souillé est plus
fréquent.

Les classiques facteurs favorisant la mycose sont ; le traitement


immunosuppresseur en vue d’une greffe d’organe ou de tissus, le diabète
déséquilibré et surtout la corticothérapie. Il existe aussi des observations bien
documentées où aucun facteur favorisant n’a pu être mis en évidence.

63
1) ALTERNARIA [18]
Alternaria spp. sont des saprophytes ou des parasites de plantes très
répandus. Ils sont impliqués dans les phaéohyphomycoses cutanées ou sous-
cutanées.

1.1) Manifestations cliniques [13, 24 .79]

En France Alternaria spp est le genre responsable des phaéohyphomycoses


les plus fréquentes. Les atteintes oculaires, cutanées (lésions verruqueuses) ou
sous-cutanées (plaques, nodules) sont les plus nombreuses, on compte plus de
100 observations bien documentées [79].

1.1.1) Alternariose cutanée

La colonisation de la peau par les espèces appartenant au genre Alternaria


spp. n’est pas rare, compte tenu de l’habitat habituel de ces dématiés dans le sol
et les végétaux. La lésion cutanée est en général unique et située
préférentiellement dans une région cutanée découverte. Initialement maculeuse,
puis papuleuse, elle évolue vers un nodule rouge violacé, parfois ulcérocroûteux
(figure 15) ou verruqueux. La corticothérapie générale favorise les alternarioses
dermiques, qui guérissent le plus souvent facilement, soit à l’arrêt de
l’immunodépression si cela est possible, soit avec l’exérèse chirurgicale de la
lésion, et n’évoluent jamais vers une atteinte systémique.

64
Figure 15: Lésion ulcérocroûteuse de la jambe due à Alternaria spp. [26]

1.1.2) Onyxis

Alternaria spp. fait partie des phaeohyphomycètes générant des


onychomycoses à coté des pseudodermatophytes mais rarement [13].

1.2) diagnostic mycologique

En raison de leur fréquence comme contaminants de laboratoire.


L’implication d’Alternaria spp.dans les pathologies humaines doit être
démontrée, non seulement par l'isolement dans la culture, mais par la preuve
histologique de leur présence dans les tissus infectés. L’examen
histopathologique révèle la présence d’éléments fongiques de la couche cornée
vers le bas ou le plus souvent dans le derme.
[16]
1.2.1) Caractères culturaux

Les colonies sont de croissance rapide sur milieu de Sabouraud entre 25C°
et 30 C°. La croissance est également inhibée à 37C°, ainsi qu’en présence de
cycloheximide. La couleur de la colonie est blanc-gris au départ, devient

65
rapidement foncée (vert foncé à noir) au recto comme au verso. La texture est
duveteuse à laineuse.

1.2.2) Morphologie microscopique [16]

Les hyphes septés sont ramifiés et tardivement certains filaments sont


pigmentés en brun. Les conidiophores sont cloisonnés, bruns, septés, simples ou
ramifiés, plus au moins droits ou flexueux (géniculés).

Les conidies ou porospores, sont brunes, pluricellulaires, d’aspect piriforme


ou ovoïdes, avec une partie basale arrondie et une extrémité apicale allongée en
bec plus ou moins important : ce sont des dictyospores. A maturité elles
présentent à la fois des cloisons transversales, obliques ou longitudinales. Ces
spores à paroi lisse ou verruqueuse et de taille importante (50-100 µm sur 3-16
µm), sont souvent disposées en chaîne. En l’absence du bec marqué, c’est la
disposition en chaîne des dictyospores qui caractérise le genre d’Alternaria
(figure 16).

Figure 16: Aspects macroscopique et microscopique du genre Alternaria [116].

66
2) CLADOSPORIUM
Cladosporium spp. sont largement retrouvés dans le sol et sur des
nombreux végétaux. Ils sont souvent isolés de l’air ambiant, et de ce fait sont
des contaminants fréquents de laboratoire [16].
[13, 78, 80, 81,82]
2.1) Manifestations cliniques

Le genre Cladosporium notamment Cladosporium carrionii qui est un des


principaux genres de chromomycoses. Il a d’ailleurs été récemment isolé de
cactus en zone endémique vénézuelienne. Les études épidémiologiques ont
montré la prépondérance des cas ruraux, survenant chez des travailleurs
(agriculteurs, planteurs, éleveurs) se déplaçant pieds nus et associant travaux
agricoles et de déforestation. Ainsi dans le sud de Madagascar, dans l’État de
Falcon au Venezuela comme dans le Queensland australien, où la végétation
xérophile (aloès et agaves à Madagascar) est adaptée au climat semi-désertique,
tous les cas sont dus à C. carrionii.

La réponse de l’hôte à cette infection fongique se traduit par la formation, au


point d’inoculation, d’un granulome centré qui va être environné par les
phagocytes., et prend par la suite un aspect verruqueux, en choux-fleur
caractéristique avec des points noirs superficiels (figure 17). La fibrose tissulaire
parfois très importante peut conduire à un spectaculaire aspect en éléphantiasis.
Le caractère hautement organisé d’une telle réaction granulomateuse lui a valu
le nom de nodule mycosique.

Cladosporium bantianum est en revanche plus redoutable, thermophile et


neurotrope, il détermine des abcès cérébraux au pronostic sombre.

67
Pour C. cladosporoides il est incriminé dans des lésions cutanées et sous-
cutanées : kystes phaéohyphomycotiques [84,82].

Figure 17 : Chromomycose : forme tumorale, lésions bourgeonnantes, aspect en


« choufleur »

2.3) Diagnostic mycologique

2.3.1) Caractères culturaux [16]

Cladosporium spp. ont une croissance lente à modérément rapide sur tous
les milieux de culture en mycologie. Ils ne sont pas inhibés par le
cycloheximide. Ils ne poussent généralement qu’à 20 à 25C°, mais certaines
espèces comme C .carrionii et C. bantianium sont thermophiles. Ils ont une
texture veloutée parfois poudreuse. La couleur va du vert olive au brun noir trop
foncé, et le revers est brun noir (figure 18).

2.3.2) Morphologie microscopique [16]

Les hyphes septés sont pigmentés. Ils produisent des conidiophores (encore
plus foncés) de longueur variable. Les premières conidies formées à l’extrémité
des conidiophores sont de grande taille, uni ou pluricellulaires ; les suivantes
sont plus petites et unicellulaires. L’ensemble forme des longues chaînes

68
acropètes, ramifiées, réalisant des arbuscules fragiles qui se dissocient lors du
montage. La paroi des conidies, de forme généralement elliptique à cylindrique
est lisse ou finement verruqueuse et présente souvent aux extrémités des
cicatrices de bourgeonnement et de libération (figure 18).

Figure 18: Aspects macroscopique et microscopique de Cladosporium spp. [116]

69
3) EXOPHIALA
Exophiala spp. sont des saprophytes du sol et des bois en décomposition.
Certaines espèces sont rencontrées en pathologie humaine. Sont découvert pour
la première fois en 1966 par Carmichael.

3.1) Manifestations cliniques [13, 16, 78, 83,84]

Le champignon pénètre habituellement lors d’un traumatisme transcutané


(éclat de bois, écharde,…) et la rétention du végétal est un facteur prédominant
dans le déclenchement des lésions. L’état d’immunodépression ainsi que la
corticothérapie prennent une place parmi les facteurs favorisants des
phéaohyphomycoses à Exophiala spp.

3.1.1) Atteintes cutanées

E. jeanselmei : principale espèce incriminée dans des lésions cutanées


(figure 19) et sous-cutanée, elle est présente dans les pays tropicaux, mais aussi
tempérés. Les lésions siègent essentiellement au niveau des membres, en
particulier aux extrémités (mains, pieds…), parties du corps particulièrement
exposées aux traumatismes. Ces lésions se présentent habituellement comme un
nodule ou kyste faisant saillie sous la peau sans y adhérer (figure 20): kystes et
nodules cutanés phaéohyphomycotiques [84].

E.jeanselmei est également responsable d’atteintes oculaires (kératites) qui


peuvent être liées au portage de lentilles cornéennes souillées ou aussi
secondaires à un traumatisme direct par un végétal. Comme elle peut donner
une atteinte génitale sous forme d’épididymite et kystes testiculaires.

70
Figure 19 : Chromomycose cutanée à Exophiala spp. [116]

Exophiala dermatitidis s’avère aussi un redoutable dématié. Jadis agent


classique de Chromomycose, il est de plus en plus incriminé dans des atteintes
superficielles (consécutives à un traumatisme), sinusienne ou ORL ou
profondes notamment cérébrales (abcès cérébraux, encéphalite), cardiaques
(végétation valvulaires, péricardite), septicémique, auriculaire, et pulmonaires
chez l’immunodéprimé.

Figure 20: Kyste phæohyphomycotique de l’index dû à E. jeanselmei [78].

71
3.1.2) Autres localisations

Exophiala spp est impliqué dans des péritonites, des lésions cérébrales
(abcès cérébral), des infections disséminées, et rarement dans des
onychomycoses [78].

3.2) Diagnostic mycologique

3.2.1) Caractères culturaux [16]

Les colonies sont à croissance lente sur milieu de Sabouraud à 25C°. Les
espèces isolées en pathologie humaine poussent à 37C°et au-delà, donnant alors
des colonies d’aspect levuriforme. Les cultures sont habituellement inhibées par
le cycloheximide. La texture des colonies est en général mucoîde devenant
veloutée. La couleur est brune foncée à noire et le verso est foncé (figure 21).

3.2.2) Morphologie microscopique [16]

Au début des cultures prédominent des petites levures uni ou bicellulaires.


Les filaments sont septés, sur lesquels naissent des annélides cylindriques ou
légèrement gonflées avec une extrémité uni ou bicellulaires. Ces cellules
conidiogènes sont peu différenciées des filaments végétatifs. Elles produisent
des colonies hyalines ou brun pâle, ovales à cylindriques, uni ou bicellulaires,
s’accumulent à l’extrémité des annélides ou glissant parfois le long de ces
dernières à partir de leur sommet (figure 21).

72
Figure 21: Aspects macroscopique et microscopique d’Exophiala spp. [116,117]

73
4) SCYTALIDIUM : Scytalidium dimidiatum
C’est un parasite de plantes et d’arbres fruitiers, trop fréquent dans les
régions tropicales ou subtropicales et absent dans les régions tempérées [88].
[24, 84, 86, 87, 88, 90,91]
4.1) Manifestations cliniques

Scytalidium dimidiatum est responsable de lésions pseudodermatophytiques


de la peau et des ongles. La contamination se produisant vraisemblablement par
le biais de la marche pieds nus. Il est responsable d’intertrigo
interdigitoplantaire, d’onyxis et d’hyperkératose palmoplantaire simulant une
dermatophytie. Les onychomycoses sont habituellement au départ de type sous-
unguéal distal (figure 22).

Figure 22 : Onychomycose à Scytalidium dimidiatum [90].

De rares atteintes profondes ont également été rapportées : lésions sous-


cutanée, mycétome, fongémie et abcès abdominal, endophtalmie, sinusites ou
encore spondylodiscite. Dans la majorité des cas, on retrouve des facteurs
favorisants, tels qu’une neutropénie ou un diabète. Ce champignon peut
également disséminer dans l'organisme en cas de granulopénie. [88, 91,92].

74
4.2) Diagnostic mycologique

4.2.1) Caractères culturaux [84]

S. dimidiatum est une espèce thermophile dont la croissance sur milieu de


Sabouraud est inhibée en présence de la cycloheximide. Les colonies,
extensives, aériennes, sont de couleur grise à noire. Le verso se caractérise,
comme pour la plupart des phaeohyphomycètes, par la présence d’un pigment
noir (figure 23).
[84]
4.2.2) Morphologie microscopique

Microscopiquement, on observe in vitro des filaments végétatifs hyalins


étroits, ainsi que des filaments épais, à paroi pigmentée, se dissociant en
arthrospores uni ou bicellulaires, rectangulaires ou en forme de tonnelet, très
évocatrices (figure 23). La présence de pycnides est associée à l’autre forme
asexuée du champignon, Nattrassia mangiferae

Figure 23 : Aspects macroscopique et microscopique de Scytalidium dimdiatum


[84]
.

75
5) AUREOBASIDIUM [13 ,81]

Aureobasidium spp. est un champignon cosmopolite, appartenant aux


dematiés communément isolé des débris de plantes, du sol, du bois, et au niveau
de l’air de l’environnement intérieur. Le genre Aureobasidium regroupe
plusieurs espèces parmi lesquelles on distingue Aureobasidium pullulans.
[18, 81,80]
5.1) Manifestations cliniques

Aureobasidium spp. est considéré comme un simple contaminant de


laboratoire, néanmoins il est parmi les champignons responsables de
phaéohyphomycoses surtout pour A. pullulans, qui est incriminé dans des
kératomycoses et de mycoses pulmonaires qui peuvent être primitives, d’aspect
tumoral (nodules…), ou secondaires à des colonisations pulmonaires sur lésions
préexistantes (bronchite asthmatiforme, dilatation des bronches, bronchocèle
allergique…).

Ainsi que d’autres infections opportunistes chez l’immunodeprimé :


infections cutanées et sous cutanées, et isolé aussi chez des patients présentant
des péritonites.

Tandis que Aureobasidium mansoni est rapporté comme cause d’infections


profondes nosocomiales ex : cas de méningite.

5.2) Diagnostic mycologique

5.2.1) Caractères culturaux [16]

Les colonies sont de croissance rapide sur milieu Sabouraud sans


cycloheximide au bout de 7 jours. L’optimum de croissance est de 22C°-25C°,
et le champignon est inhibé à 37C°. La texture des colonies est mucoîde ; elles

76
sont de couleur rose pâle au départ devenant brune à noire avec l’âge. Le revers
est incolore.

5.2.2) Morphologie microscopique [16]

Les hyphes sont septés, hyalins au départ, devenant bruns foncés avec
l’âge. Certains de ces filaments (produisant des arthroconidies et des
chlamycospores) sont plus épais et bien foncés.

Ce champignon produit deux types de spores : les unes petites, incolores


(hyalines), se développent en grappe de façon synchrone à partir des cellules
conidiogènes peu différenciées, intégrées dans les filaments ou disposées en
position terminale, les autres plus grandes produites sur le mode thallique
arthrique, uni ou bicellulaires, devenant rapidement foncées (figure 24).

Figure 24: Aspects macroscopique et microscopique d’Aureobasidium spp. [116]

77
C) Zygomycètes [94]
La plupart de ces champignons sont cosmopolites, saprophytes du sol, de
l’air et de végétaux en décomposition. Ils peuvent devenir pathogènes dans
certaines circonstances et se manifester par différents tableaux cliniques
1) les Mucorales

Les Mucorales sont des champignons cosmopolites très répandus,


appartenant aux zygomycètes, saprophytes du sol où ils se nourrissent à partir de
végétaux, de céréales ou d'excréments, ils contaminent fréquemment les denrées
alimentaires (fruits, légumes...). Les principales espèces en cause sont Rhizopus
oryzae, R. rhizopodiformis, R.. microsperus, Absidia corymbifera,
Rhizomucorpusillus.

Mucor spp. sont en revanche moins fréquemment impliqués (Mucor


racemosus, M. circinereus) [14].
[13,24, 93, 94]
1.1) Manifestations cliniques

Les mucormycoses sont des infections fongiques opportunistes, le plus


souvent aiguës, secondaires à la prolifération, dans différents tissus viables, de
champignons ubiquitaires appartenant à la classe des Zygomycètes et à l’ordre
des Mucorales. C’est une pathologie rare, d’incidence croissante, cosmopolite,
avec une forte létalité et survenant le plus souvent sur un terrain débilité.

Les Mucorales sont en effet de redoutables opportunistes notamment chez


les sujets diabétiques et les patients atteints d'hémopathie maligne. Ils peuvent
également être rencontrés chez les transplantés comme chez les sujets atteints de
SIDA au stade terminal.

78
 Mucormycose rhino-cérébrale

La forme la plus commune est la forme rhino-orbitocérébrale dans 39 %


des cas par inhalation de spores par les voies aériennes supérieures, suivie par la
forme pulmonaire dans 22 % des cas, la forme cutanée dans 16 % des cas, les
formes disséminées également dans 16 % des cas et la forme gastro-intestinale
dans 4 % des cas [93].

La forme rhinocérébrale est une urgence médicale compte tenu du


caractère fulminant de l’évolution. Elle demeure une affection mettant en jeu le
pronostic vital du patient en quelques heures ou quelques jours. Plusieurs
éléments sont de mauvais pronostic : hémiplégie, nécrose faciale, déformation
nasale, extension intracrânienne, occlusion artérielle de la carotideinterne,
thrombose du sinus caverneux. [94].

Cette zygomycose est provoquée par la prolifération dans les tissus de


moisissures dont les hyphes ont un tropisme vasculaire. Le genre Rhizopus est
en cause dans plus de 90% des cas. Elle est habituellement décrite comme une
complication rare mais grave du diabète décompensé. Cliniquement, la
mucormycose rhinocérébrale évolue classiquement en trois étapes : naso-
sinusienne, orbitaire puis cérébrale. La brièveté et la banalité des signes naso-
sinusiens risquent de faire méconnaître le diagnostic à un stade précoce et
justifient au moindre doute des prélèvements et des biopsies multiples.

Les neutropéniques et les patients traités par la déféroxamine font beaucoup


plus volontiers des formes pulmonaires avec dissémination par voie hématogène
et abcès cérébraux. La porte d’entrée se situe le plus souvent au niveau des sinus
para-nasaux et plus rarement au niveau du palais ou du pharynx.

79
 Mucormycose cutanée

La forme cutanée, troisième localisation après la forme rhino-


orbitocérébrale et la forme pulmonaire, est rare, voire exceptionnelle chez
l’immunocompétent, survenant quasi toujours dans les suites d’une plaie qu’elle
soit d’origine traumatique chirurgicale ou après brûlure.

Figure 25 : Mucormycose cutanée [117].

1.2) Diagnostic mycologique

La mucormycose est une infection fongique rare, opportuniste, dont le


diagnostic est souvent tardif avec, de ce fait, une morbidité élevée et un taux de
mortalité avoisinant les 50 %. Il repose sur l’examen anatomopathologique et
mycologique. L’histopathologie des mucormycoses est évocatrice car elle
montre une nécrose associée à une atteinte vasculaire avec thrombose et
infarctus, et la présence d’hyphes fongiques caractéristiques des zygomycètes.

Non ou mal traitée, une infection à mucormycose est pratiquement toujours


fatale [26].

80
1.2.1) Caractères culturaux [16]

Les mucorales se développent sur tous les milieux utilisés en mycologie


médicale, cependant leur croissance rapide est inhibée par le cycloheximide.

Les températures optimales varient entre 20° pour les Mucor et 20°-25°
pour les Rhizopus, à 36° pour Absidia, mais les espèces incriminées dans les
pathologies humaines sont plus thermophiles et présentent des températures de
croissance plus élevées vers 40°C. Les colonies présentent un développement
aérien souvent important en particulier chez Rhizopus et envahissent de manière
quasi-totale les boites de cultures en 5 à 7 jours (figure 25).

1.2.2) Morphologie microscopique [16]

Le thalle est constitué de filaments siphonnés (coenocytiques), non ou peu


cloisonnés, de diamètre large (5 à 15µm) et irrégulier. Le champignon émet
généralement des stolons qui courent à la surface du support gélosé et adhèrent
au substrat par des sortes de racines appelés rhizoïdes. Des stolons partent des
filaments dressés : les sporocystophores, filaments porteurs des organes de
reproduction : sporocystes ou sporanges. La partie terminale de sporocystophore
se dilate en une vésicule appelée columelle qui fait saillie à l’intérieur de
sporocyste d’aspect globuleux ou piriforme selon les espèces. C’est dans ces
sporocystes que sont produites des spores à surface lisse ou granuleuse selon les
espèces sont libérées à maturité par déchirement de la paroi de sporocyste la
paroi peut persister autour de l’apex de sporocystophore pour donner une
collerette.

La différenciation des genres au sein de la famille des Mucoraceae (qui


comprend la plupart des Mucorales d’intérêt médical), elle se fera sur l’aspect

81
des sporocystophores et leur groupement éventuel, sur la forme de la columelle
et les caractéristiques de sa surface, mais surtout sur la présence ou non d’une
apophyse et sa taille, la présence ou non de rhizoïdes, et l’abondance des
chlamydospores (figure 25)

Mucor spp.

Absidia spp.

Figure 25 : Aspects macroscopique et microscopique de certaines espèces


appartenant aux Mucorales.

82
4) Traitement d’onychomycoses à moisissures [24]

Le traitement est difficile, car en plus de la mycose, l'ongle présente des


séquelles de traumatismes de la matrice, ou une onychopathie sous-jacente.
Malgré les antifongiques actuellement plus nombreux et plus efficaces, le
traitement reste long et dure souvent plus de 6 mois. Lorsque la matrice est
saine, l'application d'un traitement local va nécessiter 6 mois à un an. II consiste
en la destruction répétée (mécanique ou chimique) de la partie atteinte de la
tablette unguéale ou en ré application d'une solution filmogène antifongique
Mycoster ® (ciclopirox) ou Loceryl ® (amorolfine) ou encore d'une association
bifonazole-uree (Amycor onychoset®).
Ces traitements locaux ont été jugés plus efficaces que les traitements
systémiques sur des onyxis à S. brevicaulis, Acremonium spp. et Fusarium spp.
par Tosti. Gupta de son coté a montré l'efficacité de plusieurs antifongiques sur
S. brevicaulis, alors que d'autres auteurs insistent sur la résistance de cette
espèce aux antifongiques. Par voie générale, le Nizoral ® (ketoconazole) peut
être prescrit dans la plupart de ces infections (si les fonctions hépatiques sent
bonnes), mais avec des résultats variables. Le Sporanox ® (itraconazole) en
pulse-therapy a donné des résultats satisfaisants, en particulier dans les
infections à Aspergillus spp. La plupart des moisissures, contrairement aux
dermatophytes, sont peu sensibles au Lamisil ® (terbinafine) in vivo par voie
générale, aux doses habituelles. Ellis et al. ont montré son efficacité, dans des
onyxis à Aspergillus spp., (comme pour le Sporanox, la terbinafine était utilisée
en pulse-therapy). Cette étude a aussi mis en évidence que des onychomycoses
attribuées à des moisissures se sont révélées, avec le suivi, être des
dermatophytoses.

83
La thérapeutique des onyxis à moisissures n'est actuellement pas codifiée.
Les études des CMI (concentration minimale inhibitrice) permettent de choisir
I'antifongique auquel l'espèce fongique est la plus sensible in vitro, mais sans
garantie de résultat.

84
Plusieurs espèces de moisissures se sont révélées de véritables
opportunistes, entraînant des mycoses superficielles représentées surtout par les
onyxis voire même des infections fongiques profondes.

L’implication d’une moisissure dans la genèse d’une lésion mycologique


n’est pas facile, ça impose une bonne maîtrise des données mycologiques en
terme d’identification macroscopique ou microscopique.

I. Objectifs

Cette étude avait pour principaux objectifs de :

1) Faire la distinction entre les moisissures contaminantes des cultures et


celles incriminées en pathologie.

2) Déterminer la prévalence des moisissures incriminées dans la pathologie


humaine.

3) Etablir le profil mycologique des moisissures isolées lors de cette étude.

85
II. Matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude prospective réalisée sur une durée de trois mois du
29/11/2006 au 01/03/2007, et qui a concerné l’ensemble des prélèvements
mycologiques effectués au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie de
l’Hôpital d’Enfants de Rabat.

Durant cette période d’étude, nous avons inclus tous les patients adressés
par les dermatologues pour suspicion d’une atteinte fongique soit 133 cas. Les
prélèvements ont été effectués sur plusieurs parties du corps : le cuir chevelu, la
peau glabre, ongles, inter orteil. Lors de cette période d’étude, nous n’avons pas
eu de prélèvements profonds.

 Examen mycologique

L’examen mycologique est débuté par un examen direct qui se fait après
avoir soigneusement choisi la zone à prélever. L’échantillon prélevé est déposé
entre lame et lamelle dans une goute de potasse à 30%. L’observation
microscopique est effectuée à l’objectif 10 puis 40, et l’examen direct est
considéré positif en cas de présence de spores ou de filaments mycéliens.

Les cultures sont effectuées sur gélose de Sabouraud simple, additionné de


chloramphénicol seul et associé à l’Actidione®. Les tubes sont ensemencés et
mis à l’étuve à 28°C pour les prélèvements superficiels et 37°C pour les
prélèvements profonds.

Toutes les cultures à moisissures feront l’objet d’identification


macroscopique et microscopique.

86
 Identification macroscopique

Vitesse de pousse

La vitesse de pousse des moisissures constitue déjà une orientation


diagnostic car les moisissures poussent plus rapidement que les dermatophytes
surtout pour les Mucorales et Aspergillus spp.

Aspect des colonies

Nous nous sommes intéressés dans ce travail aux moisissures filamenteuses


dont les colonies ont une texture qui peut être duveteuse, laineuse, cotonneuse,
veloutée, poudreuse ou granuleuse. Parfois certaines colonies peuvent avoir une
apparence glabre en raison de la rareté du mycélium aérien ou être encore plus
envahissante.

Nous avons également décrit, le relief de la colonie, ce dernier peut être


plat, lisse ou cérébriforme ainsi que la consistance à voir est-ce qu’elle est
molle, friable ou dure. Il convient aussi de préciser la taille des colonies.

La couleur de la colonie est un élément pertinent d’orientation avec aussi la


présence ou l’absence du pigment sur la gélose. Nous distinguons selon la
couleur :

- Les hyalohyphomycètes qui donnent des colonies blanches, ou aussi


colorées (verte, jaunâtre, gris orange, rose),

- Les phaéohyphomycètes qui donnent des colonies devennant


rapidement foncées (brunes ou noires).

87
 Identification microscopique

Une ou plusieurs parties de la culture seront prélevées à l’oêse pour les


cultures glabres ou au scotch (technique de drapeau) pour les cultures
poudreuses ou cotonneuses.

La lecture se fait au microscope optique à l’objectif 10 pour visualiser le


meilleur champ de lecture et déterminer la longueur des hyphes pour certaines
espèces, et à l’objectif 40 qui permet de préciser les éléments d’identification et
déduire l’espèce fongique. Parfois, nous étions obligés de passer à l’immersion
pour plus de détails.

Plusieurs critères sont à déterminer lors de cette lecture microscopique :

 Le thalle végétatif : siphonné ou septé ;

 La couleur du thalle : hyalin et clair ou foncé et mélanisé ;

 L’origine endogène ou exogène des spores ;

 L’aspect des spores : amérospore, dictyospore, didymospore,


phragmospore, scolécospore ;

 La présence ou non des chlamydospores ;

 Le mode de formation des conidies ;

 Le mode de regroupement des conidies : en grappe, en masse, en


têtes, ou en chaîne basipètale ou acropètale.

88
III. Résultats

L’examen de 133 prélèvements mycologiques a permis d’isoler 87


moisissures à partir de 67 cultures à moisissures.

1) moisissures incriminées en pathologie humaine

Quatre souches ont été incriminées dans des atteintes unguéales


(onychomycose), le reste des 83 souches ont été considérées comme des
contaminants.

- Première observation :

Il s’agit d’une femme âgée de 65 ans ayant présenté une onychomycose au


niveau de son gros orteil droit. L’examen direct était positif et les deux cultures
successives ont révélé des colonies noirâtres granuleuses. L’examen
microscopique a montré des filaments hyalins septés avec un long conidiophore
qui se termine par une tête aspergillaire radiée et bisériée. Les conidies étaient
globuleuses et échinulées. Il s’agissait d’Aspergillus niger (fig. 24).

NB. Toutes les photos ci-jointes (aspect macro et microscopique) ont été
prises par nos soin.

89
A B

Figure 24 : Aspergillus niger. A : Recto : colonies noirâtres granuleuses ;

B : Verso.

- Deuxième observation :

Il s’agit d’une femme de 60 ans soufrant d’une atteinte unguéale du grand


orteil. L’examen direct s’est révélé positif, et les cultures successives ont donné
des colonies blanchâtres poudreuses et colorées au verso.

L’examen microscopique a montré des hyphes hyalins septés et courts


ainsi que des macroconidies arquées. Il s’agissait de Fusarium oxysporum (fig.
25).

90
A B

Figure 25: Fusarium oxysporum. A : recto : colonies blanchâtres cotonneuses;


B : verso ; C : macroconidies lunaires.

- Troisième observation:

Le troisième cas, c’était une femme de 36 ans ayant consulté pour une
atteinte de l’ongle du gros orteil gauche. L’examen direct est revenu positif
montant des filaments déhiscents avec des chlamydospores. Les cultures au bout
de quinze jours ont montré des colonies noires et mucoîdes. La même
moisissure est revenue sur les cultures suivantes (fig. 26).

L’aspect microscopique a montré des filaments bruns et septés sur lesquels


naissent des annélides où s’accumulent à l’extrémité des conidies cylindriques
avec extrémité effilée. Il s’agissait d’Exophiala jeanselmei (fig26).

91
A B

C D

Figure 26 : Exophiala jeanselmei. A : Culture sur milieu de Sabouraud ;

B : Recto : Culture sur milieu de Malt ; C : Revers foncé ; D : Filaments hyalins


septés et conidies regroupées en fausses têtes.

- Quatrième observations :

Il s’agit toujours d’une femme de 20 ans qui accusait d’une lésion de


l’ongle du gros orteil droit sans intertrigo ni lésion de la plante du pied.
L’examen direct était positif, des colonies verdâtres et poudreuses ont été isolées
sur les cultures. L’examen microscopique des cultures a montré des filaments
dématiés, septés avec des conidiophores où se forment des conidies à l’aspect de

92
citron uni ou bicellulaires : les premières sont de grande taille suivies d’autres
plus petites formant une chaîne acropètale, certaines conidies présentent une
cicatrise de bourgeonnement. Il s’agissait de Cladosporium carronii (fig. 27).

A B

Figure 27: Cladosporium caronii A : Recto : colonies verdâtres duveteuses ;

B : Revers foncé ; C: Filaments hyalins septés et microconidies ayant gardé une


cicatrice de détachement.

93
1.1) La prévalence des champignons incriminées en pathologie
humaine

Sur 133 prélèvements, nous avons isolé 58 souches tous genres confondus.
Elles sont réparties comme suit : 43 dermatophytes soit 74%, 11 levures soit
19% et 4 moisissures soit 7%.

7%
19% dermatophytes
levures
moisissures

74%

Figure 28: Répartition des souches pathogènes isolées au laboratoire.

1.2) La prévalence des moisissures responsables d’onychomycose

Lors de cette étude, 59 prélèvements étaient effectués au niveau des ongles


dont 32 champignons ont été identifiés comme responsables d’onychomycoses à
savoir : 21 dermatophytes soit 65,5% ; 7 levures soit 22% ; 4 moisissures soit
12,5%, soit un pourcentage de 3,12% pour chaque espèce de moisissure
incriminée dans la genèse d’onyxis (fig. 29).

94
12,5%
dermathophytes
22,0% levures
moisissures
65,5%

Figure 29 : Agents d’onychomycoses isolées au laboratoire.

2) Moisissures contaminantes des cultures

A part les quatre isolats décrits précédemment comme étant des

moisissures pathogènes, les autres ont été considérés comme contaminants de

cultures. Ces derniers regroupent 83 moisissures appartenant à 12 genres de

prédominance variable.

2.1) Fréquence des moisissures contaminant les cultures

Les souches de moisissures ayant été considérées comme contaminant des

cultures, se présentaient comme suit (Tableau XII; Figure 30).

95
Tableau XII : Fréquence des moisissures contaminant les cultures.

souches de moisissures Pourcentage

isolées %

Aspergillus spp. 24 29%

Penicillium spp. 19 23%

Cladosporium spp. 13 15,6%

Scytalidium spp. 10 12%

Fusarium spp. 5 6%

Alternaria spp. 4 4,8%

Scopulariopsis spp. 2 2,4%

Chrysosporium spp. 2 2,4%

Acremonium spp. 1 1,2%

Cladophialophora spp. 1 1,2%

Aureobasidium spp. 1 1,2%

Mucor spp. 1 1,2%

Total 83 100%

96
40,00%

30,00% espèces
fréquence

20,00%

10,00%

0,00%
Ac

Al

As

Au

ch

Cl

Cl

Fu

Mu

Pe

Sc

Sc
ter

rys

ad

ad

op

yta
nn
pe
rem

sar
reo

cor
op

osp

ula
rgi

ici
na

osp

lid
ium
ba
on

hia

liu
ria

llu

rio

ium
o
sid

ori
ium

m
s

lop

ium

psi
ium

um

ho

si
ra

Figure 30: Fréquence des moisissures contaminant les cultures.

2.2) Présentation des principales moisissures isolées contaminantes des


cultures

D’après les résultats du screening des souches de moisissures ayant


poussé sur les cultures, plusieurs souches ont été isolées :

 24 souches d’Aspergillus spp ont été isolées :


souches isolées
Aspergillus niger 22
Aspergillus flavus 1
Aspergillus versicolor 1

97
Aspergillus flavus

A B

C D

Figure 32 : Aspergillus flavus ; A : Recto colonies verdâtres granuleuses ;

B : Revers; C : Conidiophores et têtes aspergillaires ;

D: Têtes aspergillaires.

98
 19 souches de Penicillium spp. ont été identifiées.

A B

C D

Figure 32 : Penicillium spp A : Recto : colonies verdâtres et duveteuses ;

B : Revers pale ; C : Aspect de pinceau de Penicillium biverticillé ; D : Aspect


de pinceau de Penicillium monoverticillé.

99
 10 souches de Scytalidium spp. ont été isolées : deux espèces ont été
identifiées :
souches isolées
Scytalidium dimidiatum 9
Scytalidium hyalinium 1

Scytalidium dimidiatum:

A B

Figure 33: Scytalidium dimidiatum A : Recto : colonies duveteuses noirâtre ;

B: Revers ; C : Filaments dématiés et arthrosporés.

100
 5 souches de Fusarium spp. ont été identifiées : Deux principales espèces
ont été identifiées :
souches isolées

Fusarium solani 3
Fusarium oxysporum 2

A B

Figure 34: Fusarium solani A : Recto : colonies blanchâtres cotonneuses ;

B : Revers; C : Macroconidies en fuseau et chlamydospores disposées en courte


chainette.

101
 4 souches d’Alternaria spp ont été identifiées

A B

C D

Figure 35 : Alternaria spp, A: recto : colonies duveteuses noires marron ;

B : Revers ; C : Dictyospores (X40) ; D: Dictyospore (X100).

Dans cette étude on a noté des associations de moisissures dans la même


culture, dont certaines d’entre elles sont plus fréquentes telles que :

 Aspergillus spp avec Penicillium spp.;

 Aspergillus spp avec Cladosporium spp.;

 Cladosporium spp avec Scytalidium spp.

102
On a noté également la poussée de quelques moisissures à l’actidione:

- 2 souches de Scopulariopsis spp.;

- 2 souches de Cladosporium spp. ;

- 2 souches d’Aspergillus.spp.

Durant cette étude, plusieurs cultures étaient caractérisées par la coexistence


de moisissures et de dermatophytes à la fois, les cas détectés sont résumés dans
le tableau suivant :

Dermatophyte associé Nombre de culture

Trichophytpon rubrum 8

Trichophyton mentagrophytes 4

Trichophyton violacium 4

Microsporum canis 1

103
IV. Discussion :

Les moisissures sont des champignons cosmopolites très répandus dans la


nature. La plupart des espèces sont des saprophytes de sol et divers végétaux.
On les isole souvent à partir des prélèvements cutanées et unguéaux en tant que
simples contaminants, par ailleurs certaines espèces se sont révélées de
véritables pathogènes.

Les onychomycoses sont des infections fréquentes, en nette augmentation


du fait du changement du mode de vie des personnes [25].

Aspergillus spp., Scopulariopsisb spp., Cladosporium spp. et Fusarium


spp. sont avec les dermatophytes les champignons les plus fréquemment
[25]
impliqués dans les onychomycoses à moisissures . Selon May Engish, les
moisissures ne sont pas habituellement aptes à lyser une kératine saine
contrairement aux dermatophytes. En revanche, elles peuvent dégrader une
kératine préalablement altérée, c’est pourquoi elles donnent généralement des
onyxis chez les personnes âgées ou ayant une pathologie dermatologique
chronique [25]. En effet deux des quatre cas d’onychomycose à moisissures que
nous avons isolés ont été diagnostiquées chez des sujets âgés de plus de 60 ans.

Les quatre onychomycoses à moisissures diagnostiquées lors de ce travail


étaient toutes détectées au niveau du gros orteil, ce qui concorde avec les
résultats d’une étude turque où 67% des onychomycoses à moisissures ont été
localisées au niveau de l’ongle du gros orteil [99]. La fréquence d’onychomycoses
au niveau des orteils peut être expliquée par le fait que ces mycoses
superficielles sont en général favorisées par les concentrations humaines qui
assurent le contage et la diffusion des espèces fongiques, et cela par l’interaction
conjuguée entre les sols généralement humides et souillés de squames ou de

104
poils infectés et celle du pouvoir des moisissures de se développer dans des
conditions humidifiées et enfermées similaires à celles engendrées par les
chaussures serrées et mal aérées. Ainsi, différents travaux ont permis l’isolement
des souches kératinophiles à partir des sols infectés (piscines ; mosquées ;
hammams) [98].

Dans le même sens une étude marocaine menée à Casablanca sur deux
plages largement fréquentées par les estivants avait pour but d’étudier la flore
fongique de leur sable a abouti aux résultats suivants : Sur les 120 échantillons
de sable prélevés, 56 contenaient au moins une espèce fongique, soit une
fréquence d’isolement de 46,6 % ; et au total, 70 souches de champignons ont
été isolées des deux plages étudiées réparties de la façon suivante : les
dermatophytes (5 souches), les levures (19 souches), Aspergillus spp. (38
souches), Penicillium spp.(13 souches), Cladosporium spp. (2 souches) et
Scedosporium spp. (2 souches). Il est important de signaler que Le sable des
plages pourrait être aussi à l’origine des mycoses superficielles notamment au
[98]
retour des vacances d’été . En outre, Esterre et Agis rapportent que la
contamination à partir du sable des plages lors des vacances estivales est
fréquente engendrant souvent des mycoses superficielles au retour des vacances
[98]
.

La prévalence d’onychomycoses à moisissures obtenue dans notre étude


était de 12.5%, ce taux est très élevé comparé à celui obtenu par une étude
rétrospective réalisée par Agoumi entre 1982 et 2003 à l’Hôpital d’Enfants de
[97]
Rabat à propos des onychomycoses avec une prévalence de 1.53% . En
revanche cette prévalence est proche de celle trouvée en Colombie où une étude
[100]
établie entre 1990 et 2000 a montré un taux 12.4% . En Turquie, cette

105
prévalence était de 9% [99] et au Brésil, elle était de 4.5% [101]. Nous remarquons,
que les résultats différent d’une étude à l’autre, un constat qui est également fait
lors des études effectuées à l’échelle européenne où les valeurs mentionnées
[101]
varient entre 1.6% et 6% . Par ailleurs d’autres études ont estimé que les
taux d’onychomycose à moisissures sont de 2% à 12% de l’ensemble des
onychomycoses toutes étiologies fongiques confondues [101,102].

Les moisissures que nous avons isolées lors de cette étude prospective sont
Fusarium spp.; Cladosporium spp. ; Aspergillus spp. et Exophiala spp. avec
une prévalence de 3.12% pour chaque espèce.

D’après les travaux de Zaias et de Rush-Munro, le rôle pathogène de


Fusarium dans les lésions unguéales a été mis en évidence pour la première
[27]
fois . En France, les onyxis à Fusarium sont en pleine émergence et ont
détrôné ceux dus à Scopulariopsis qui constituait auparavant le principal agent
d’infections unguéales non dermatophytiques. Au Brésil, sept cas
d’onychomycose à Fusarium ont été rapportés en 2006 [103] alors qu’en en 2007,
7.5% des cas d’onychomycose à Fusarium étaient causé par l’espèce Fusarium
[104] [99]
oxysporum . En Turquie, ce taux était de 1.63% . Agoumi a révélé un
pourcentage d’implication de Fusarium dans 47% d’onychomycoses à
[97]
moisissures . Aussi, une étude de Vélez et Diaz en Colombie a mis en cause
Fusarium spp. dans 40% des infections des ongles de pied à moisissures [105].
[26]
Fusarium oxysporum reste la principale espèce responsable d’onyxis .
Dans ce travail, nous avons isolé la même espèce de Fusarium. Une étude
française a rapporté un cas d’onychomycose à Fusarium solani chez un patient
de 75 ans aux antécédents de diabète non insulinodépendant.

106
Il importe de souligner que le genre Aspergillus est caractérisé par un net
[27]
pouvoir de colonisation de la kératine et est fréquemment isolé au niveau de
[27]
l’ongle . Agoumi, a mentionné des cas d’onychomycoses à Aspergillus avec
[97],
un pourcentage de 12% de l’ensemble des onychomycoses à moisissures
Une étude turque a rapporté un pourcentage de 30.3% d’onychomycose à
Aspergillus spp. [99]

A noter que Plusieurs espèces d’Aspergillus peuvent attaquer la kératine de


[27]
l’ongle et générer l’onyxis , en effet en Turquie, Aspergillus niger a été
impliqué dans 2% des onychomycoses [99]. (à savoir que La même espèce a été
isolée au niveau de l’ongle chez une de nos patientes). Dans une autre série,
Aspergillus versicolor a été incriminé dans 12 cas d’onychomycosess soit 5.8%
[106]
. Une étude prospective belge sur les onychomycoses ayant porté chez les
psoriasiques a révélé deux cas d’onyxis à Aspergillus sydowii avec un
pourcentage de 5.17% soit 2/35 cas d’onychomycose et 2/3 d’onychomycose à
moisissures [107]. Il y a lieu de signaler qu’un cas d’onychomycose à Aspergillus
flavus a été également publié, il s’agit d’une femme de 60 ans ayant présenté
une onychomycose chronique associée à une déformation profonde des ongles
de son pied lesquels avaient pris une teinte brunâtre [108].

L’onyxis à Exophiala spp. est très rarement rapporté dans la littérature.


Certaines espèces sont plutôt responsables de mycoses sous-cutanées et
profondes. Deux espèces sont les plus rencontrées en pathologie humaine à
savoir Exophiala wernedui et Exophiala jeanselmei. En France, des auteurs ont
publié un cas d’onyxis chez un homme immunodéprimé âgé de 60 ans ayant
subi une transplantation rénale. Ce dernier a présenté une hyperkératose et une
coloration noirâtre des ongles de ses deux pouces et de ses deux gros orteils.

107
L’examen direct était positif et Exophiala jeanselmei a été isolé sur des cultures
[109]
répétées . Lors de ce travail prospectif que nous avons mis au point au
laboratoire, nous avons eu la chance de tomber sur ce rare champignon qui reste
très particulier. Il s’agit d’un champignon filamenteux et dématié mais qui passe
obligatoirement par une phase levure de couleur noirâtre très attirante. Pour
l’étude de l’espèce responsable nous avons du le repiquer sur des milieux
spéciaux (milieu Malt à 2% et milieu PDA) pour le faire passer au stade
filamenteux. Le stade levure apparaît en 5 à 8 jours, caractérisé par la pousse
des colonies rappelant celles de Candida mais de couleur noire alors que le stade
filamenteux se fait en 3 semaines, les colonies qui étaient molles et brillantes se
transforment en colonies mates, poudreuses et noirâtres. L’identification de
l’espèce se fait au stade filamenteux. Exophiala jeanselmei a été isolé sur tous
les tubes (sauf sur le milieu additionné de cyclohéximide) et sur des cultures
répétées. Rappelons aussi que notre patiente était immunocompétente.

Les cas d’onychomycose à Cladosporium spp. sont rarement mentionnés à


travers la littérature. Un cas a été révélé par l’étude turque précédemment décrite
[99]
soit 0.27% d’onychomycose . En Inde une étude portée sur l’onychomycose
chez des patients infectés par VIH a rapporté un cas d’onyxis à Cladosporium
spp. soit 5,26% d’onychomycoses à moisissures [110]. S’agissant de notre travail,
nous avons isolé Cladosporium carrionii comme agent responsable d’onyxis à
moisissures chez un de nos quatre cas.

Concernant les champignons que nous avons isolés et que nous avons
considéré comme étant des contaminants de cultures (examen direct négatif et
cultures faites de moisissures sans champignon potentiellement pathogène,
dermatophytes et/ou levures ou examen direct positif avec en cultures des

108
champignons potentiellement pathogènes associés à des moisissures ou examen
direct positif avec absence de champignons potentiellement pathogènes et
présence de moisissures en souches non pures), Aspergillus spp. était le
contaminant qui surgissait le plus souvent suivi de loin de Penicillium spp.,
Cladosporium spp. et Scytalidium spp. Cette fréquence de contamination des
cultures est due à la présence des spores de ces moisissures en quantité
importante dans l’environnement et notamment dans l’air ambiant et donc
facilement véhiculées. Les différentes enquêtes aéromycologiques révèlent que
les spores aspergillaires se situent au 4eme rang des spores fongiques de l’air
(après les spores d’Alternaria, de Cladosporium et de Pénicillium). Ces spores
contaminent les milieux de cultures sauf ceux additionnés d’actidione et aussi,
elles sont facilement inhalées. La taille des spores et leur thermotolérance
favorisent à la fois la contamination et la propagation des pathologies
[14]
respiratoires à moisissures infectieuses ou allergiques . La contamination de
l’air est variable selon que l’on se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur d’un
bâtiment, selon le climat, les saisons, l’environnement et les mouvements d’air.
En effet, la concentration moyenne atmosphérique peut augmenter brusquement
du fait des turbulences d’air occasionnées par des travaux de construction. En
Belgique une étude menée sur les moisissures atmosphériques a rapporté les
résultats suivants : le genre Aspergillus (22.5%) avec une prédominance
d’Aspergillus niger (35%), les mycéliums stériles (20%), le genre Curvularia
(9.3%) avec une prédominance de Curvularia lunata, le genre Penicillium
(8.8%), Fusarium spp. (7%) alors que pour le genre Alternaria, il n’a été décelé
qu’en quantité très faible sachant que ce dernier reste parmi les moisissures
[114]
atmosphériques les plus isolées . En revanche, une étude française réalisée
entre 1999 et 2005 ayant pour but la surveillance des taux de moisissures dans

109
l’air atmosphériques n’a retenu qu’Alternaria spp. et Cladosporium spp. comme
champignons atmosphériques, avec toutefois une concentration en
Cladosporium dix fois plus élevée par rapport à celle d’Alternaria [113].

Il ressort des résultats de notre étude que des moisissures contaminantes


des cultures comme Aureobasidium spp., Scopulariopsis spp., Chrysosporium
spp., Cladophialophora spp. ou Mucor spp. se trouvaient à des pourcentages très
faibles. Elles sont généralement des champignons telluriques isolés du sol et des
végétaux et la présence de leurs spores dans l’air est faible par rapport aux
autres moisissures citées plus haut.

Nous avons noté pour certaines cultures la poussée simultanée


d’Aspergillus spp. et de Penicillium spp. sur 6 cultures. Cette association trouve
son explication dans le fait que les deux moisissures sont fréquemment présentes
dans l’air ambiant « moisissures atmosphériques ». Des moisissures telluriques
tels que Scytalidium spp. et Fusarium spp. ont le même mode de contamination
« moisissure telluriques » et ont été associées sur 3 cultures.

L’air ambiant joue par excellence le double rôle de foyer et de véhicule


disséminateur de spores de moisissures, et constitue, ainsi incontestablement un
facteur de prédisposition à la contamination des cultures mycologiques, sans
pour autant négliger l’effet additionnel néfaste des sols couverts de débris
végétaux humidifiés et / ou souillés dans la propagation des spores telluriques.

La contamination des cultures par les moisissures peut influencer sur la


qualité des résultats mycologiques car ces agents poussent plus rapidement que
les dermatophytes en culture. A l’issue de notre étude nous avons pu identifier
quelques espèces présentant une résistance à la cycloheximide : 2 souches de
Cladosporium spp., 2 souches d’Aspergillus spp. et 2 souches de Scopulariopsis

110
spp. Ces données montrent que pour tester la sensibilité d’une souche à
l’actidione, le recours sur des cultures en Sabouraud liquide additionné de 0.9%
d’actidione reste de mise. Cette modalité de culture en phase liquide demeure la
technique de référence.

Le prélèvement mycologique est un acte fondamental et indispensable dans


la détermination de l’agent causal d’une lésion, cependant, tout va dépendre de
la qualité de ce dernier que se soit l’examen direct ou les cultures.

111
Conclusion

Plusieurs espèces de moisissures se sont révélées de véritables


opportunistes, entraînant des mycoses superficielles représentées surtout par les
onyxis voire même des infections fongiques profondes.

Les onychomycoses à moisissures ne sont pas rares, elles surviennent sur


des ongles dont la kératine est altérée, ce qui rend la guérison parfois
incomplète. Ces onychomycoses des ongles de pieds atteignent surtout les
personnes âgées. Elles contribuent à la perte d’autonomie du fait des difficultés
à la marche qu’elles provoquent et ne doivent pas être négligées.

Les critères d’implication d’une moisissure en pathologie, sont difficiles


à obtenir, et font de l’examen histo-pathologique un atout important. Cet
examen devrait être demandé systématiquement, en cas de doute sur l’origine de
l’infection, en anatomo-pathologie ou au laboratoire de mycologie.

Le traitement des onychomycoses à moisissures est difficile, car en plus


de la mycose, l’ongle présente des séquelles de traumatismes de la matrice, ou
une onychopathie sous-jacente. Malgré les antifongiques actuellement plus
nombreux et plus efficaces, le traitement reste long et décevant.

112

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