Question 4

1re partie

Quelles attitudes adopter devant des séquelles

de tuberculose mises en évidence
sur une radiographie thoracique ?
Comment devant une image radiologique thoracique, affirmer qu’il s’agit d’une séquelle
tuberculeuse ?

C. Beigelman1, M. Brauner2

La tuberculose pulmonaire, cause majeure de morbidité

et mortalité dans le monde, est responsable du plus grand
nombre de décès causés par un agent infectieux [1, 2], avec une
incidence en forte augmentation depuis 1985.
Les manifestations radiologiques de cette affection
varient en fonction de facteurs liés à l’hôte, en particulier les
antécédents de tuberculose, l’âge et le status immunitaire du
sujet [2]. Dans tous les cas, la radiographie thoracique reste
l’imagerie de première intention. Elle est essentielle pour le
suivi évolutif, en particulier pour l’évaluation de la réponse
thérapeutique et la détection d’une complication et/ou d’une
récidive. Son interprétation peut néanmoins être très com-
plexe, en particulier lorsque les séquelles sont étendues. La
tomodensitométrie (TDM) est classiquement requise pour
détecter des lésions de petite taille ou invisibles sur les radio-
graphies standards, préciser les aspects équivoques ou analyser
les complications [3]. La TDM en haute résolution (TDM-
HR) a en outre prouvé son efficacité dans l’évaluation de l’acti-
vité de la tuberculose [4]. Elle a ainsi toute sa place en fin de
traitement et lors de la surveillance pour dépister le plus pré-
cocément possible une récidive en cas de modification ou de
difficulté d’interprétation en radiographie standard. Après un
bref rappel des aspects typiques de formes actives, des aspects
attendus lors de la résolution lésionnelle, et des aspects typi-
ques des séquelles, une synthèse pratique sera exposée. La pro-
blématique des complications ne sera pas abordée.

1
Service de radiologie, GH Pitié Salpêtrière, Paris France.
2
Service de radiologie, Hôpital Avicenne, Bobigny, France.
Tirés à part : C. Beigelman, Service de radiologie (Pr Grenier),
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47/83 boulevard de l’Hôpital,
75651 Paris Cedex 13.
Mots-clés : Tuberculose pulmonaire v Image séquellaire v Radiographie
du thorax v Scanner du thorax v Infection tuberculeuse latente.
Signes d’activité
Tuberculose primaire
Les anomalies dominantes sont les adénopathies, de siège
essentiellement para-trachéal droit, trachéo-bronchique droit,
sous-carénaire et hilaires, et les infiltrats, condensations seg-
mentaires ou sous-segmentaires de topographie sous-pleurale,
de topographie lobaire inférieure ou lobaire moyenne [5].

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 Comment devant une image radiologique thoracique, affirmer qu’il s’agit d’une séquelle tuberculeuse ?
Tuberculose secondaire
Les principales anomalies rencontrées sont des infiltrats
ou des condensations, minimes ou extensifs, réalisant des opa-
cités hétérogènes, des cavitations et des nodules. Des nodules
acinaires peuvent être visualisés à proximité d’une condensa-
tion alvéolaire, d’une cavité ou siéger dans des régions lobaires
indemnes [1].
La présence d’une cavité est un signe suggestif d’activité
de la maladie. Les cavités, fréquemment multiples, siègent
typiquement au sein de condensations parenchymateuses.
La dissémination bronchogène, mode de dissémination
le plus caractéristique de la tuberculose post-primaire [6], a
une présentation très suggestive en imagerie :
– en radiographie standard, seuls les nodules acinaires [7] de 5
à 10 mm de diamètre, de limites floues et de distribution
lobaire ou segmentaire, reflètant des lésions péri-
bronchiolaires, sont visibles ;
– en TDM-HR, les lésions centro-lobulaires branchées suggè-
rent fortement une maladie active [9]. Des micronodules
centro-lobulaires et des structures linéaires branchées de
contours nets et relativement denses avec un aspect en arbre
bourgeonnant sont les signes les plus précoces d’une telle dis-
sémination [2]. Un épaississement pariétal bronchique, des
condensations lobulaires, des hyperdensités en verre dépoli et
des lignes septales sont également rapportées avant traitement
[6, 9].
Formes radio-cliniques
Dans les tuberculoses miliaires, les signes visibles en
radiographie standard, tardifs, sont un discret voile mal défini
au niveau des deux champs pulmonaires ou des micronodules.
Une détection plus précoce peut être obtenue en TDM
[1]. Les signes typiques en TDM-HR consistent en des micro-
nodules de contours nets, répartis au hasard dans le paren-
chyme pulmonaire sans prédominance ni au niveau du pou-
mon ni au niveau du lobule pulmonaire secondaire. Des
nodules de plus grande taille peuvent se voir dans les territoires
pulmonaires supérieurs [10]. Des lignes septales, des réticula-
tions intralobulaires et du verre dépoli peuvent être également
mis en évidence [2, 11].
L’atteinte trachéo-bronchique, cause la plus fréquente de
sténose inflammatoire bronchique [2], génère en cas de mala-
die active, une atteinte circonférentielle avec rétrécissement
irrégulier et rehaussement après injection de produit de
contraste, sans prédominance topographique. Les autres
signes classiquement décrits sont une atteinte d’un long seg-
ment bronchique, une atteinte bronchique avec adénopathies
tuberculeuses, une obstruction bronchique avec densités anor-
males péri-bronchiques [5, 12, 13]. Des lésions endo-
trachéales et endo-bronchiques peuvent se présenter sous la
forme de lésions polypoïdes hypodenses intra-luminales. De
telles lésions sont fréquemment observées en cas de tubercu-
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lose de localisation basale [14]. Des collapsus lobaires ou seg-
mentaires avec de multiples zones hypodenses, une pneumo-
nie obstructive, une hyperclarté, des cavités ou une
hypodensité ronde tubulée suggérant une impaction mucoïde
en aval d’une bronche obstruée peuvent être vus [4, 15].
Un épanchement pleural peut être rencontré au cours de
la tuberculose primaire ou secondaire, avec possible épaississe-
ment des feuillets pleuraux. Un empyème avec fistule
broncho-pleurale peut également être observé.
Régression lésionnelle
Tuberculose primaire
La régression du foyer parenchymateux initial nécessite
de 6 mois à 2 ans pour une résolution complète. La résolution
des adénopathies, le plus souvent associées aux anomalies
parenchymateuses, est encore plus lente.
Le traitement antituberculeux accélère la résolution des
anomalies radiographiques, bien qu’une réaction paradoxale
avec majoration lésionnelle au cours des trois premiers mois ne
soit pas rare [16]. Au cours des réaction paradoxales, des
condensations et du verre dépoli homo- ou controlatéraux aux
lésions initiales sont rapportés, alors qu’en cas d’aggravation
réelle d’une tuberculose, des macronodules et nodules centro-
lobulaires, avec fréquente excavation sont observés [17]. Une
réaction paradoxale a également été décrite en cas de tubercu-
lose pleurale. Cette réaction consiste en des nodules pulmonai-
res uniques ou multiples, de siège essentiellement périphéri-
ques, homolatéraux à l’épanchement pleural, survenant dans
les 3 mois après le début du traitement, avec disparition ou
persistance d’opacités résiduelles les 3 à 18 mois suivants sous
traitement [18].
Tuberculose secondaire
Après traitement antituberculeux, l’épaisseur des cavités
diminue et les contours externes sont plus nets.
Sous traitement adapté, dans la série de Im et coll. [4, 6],
une disparition progressive des lésions dans l’ordre suivant
était notée : condensations lobulaires, nodules de contours
flous, nodules centro-lobulaires ou lésions linéaires branchées.
Une disparition des nodules centrolobulaires et des opacités
linéaires branchées était notée après 5 à 12 mois de traitement,
laissant des lésions fibreuses séquellaires de degré variable.
Aspect typique de séquelles
Tuberculose primaire
Un nodule volontiers calcifié correspondant à la cicatrice
granulomateuse, ou complexe de Ghon, est retrouvé dans 1/3
des tuberculoses post-primaires guéries. Des ganglions hilaires
associés à une cicatrice parenchymateuse calcifiés, ou complexe
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 C. Beigelman, M. Braunner
de Ranke, sont également typiques de séquelles de primoinfec-
tion tuberculeuse.
Des séquelles plus ou moins calcifiées correspondant à la
cicatrisation de sites secondairement infectés peuvent égale-
ment être visibles.
La cicatrisation de lésions parenchymateuses plus larges
peut laisser des séquelles fibreuses ou des nodules persistants
connus sous le nom de tuberculomes. Toutes ces lésions peu-
vent se calcifier [19].
Tuberculose post-primaire
Les séquelles de l’infection primaire sont souvent retrou-
vées.
Les tuberculoses stables ou inactives sont caractérisées par
des lésions de fibrose avec des bandes irrégulières, des lésions
stellaires ou linéaires, des nodules calcifiés, des distorsions des
axes broncho-vasculaires, des atélectasies cicatricielles, des
lésions d’emphysème paracicatriciel, des sténoses bronchiques
et des bronchectasies [4, 3]. Les bronchectasies sont le plus
souvent des bronchectasies par traction en rapport avec les
phénomènes de fibrose. Elles sont plus rarement secondaires à
une sténose bronchique centrale et/ou une broncho-lithiase.
Dans la série de Long, les bronchectasies étaient plus souvent
rencontrées au cours des maladies cavitaires que non cavitaires
(64 versus 11 %) [7]. L’emphysème résulte principalement de
phénomènes de traction (emphysème paracicatriciel) ou
d’obstruction du flux aérien causé par la sténose fibreuse des
bronchioles [6]. Ces remaniements fibreux sont plus marqués
en cas de lésions excavées que non excavées. Les lésions de
bronchiolite constrictive s’expriment par des zones d’hypoat-
ténuation en rapport avec un piégeage et une vasoconstriction
artérielle pulmonaire. Les cavités, qui en général se rétractent
lors de leur cicatrisation, sont rarement complètement affais-
sées. La persistance d’une cavitation stérile est rare [2]. Des
niveaux hydro-aériques peuvent témoigner d’une surinfection
à Gram négatif ou à anaérobie surajoutée [21].
Des fibroses sévères avec perte de volume lobaire supé-
rieure, plus volontiers unilatérale, rétraction hilaire et trachéo-
mégalie secondaire sont vues dans 30 % des cas [19]. La des-
truction de la majeure partie d’un poumon est possible.
Des fibrothorax séquellaires possiblement calcifiés avec
hypertrophie de la graisse extra-pleurale sont fréquents. Une
coiffe apicale est également très fréquemment observée à titre
de séquelle. Elle est essentiellement en rapport avec une hyper-
trophie de la graisse extra-pleurale et à un moindre degré avec
un épaississement pleural, une condensation sous-pleurale ou
des lésions de fibrose [19, 21]. La preuve formelle de sa cons-
titution est apportée en TDM, les reconstructions coronales
étant parfois utiles dans ce cadre.
Formes radiocliniques
Les tuberculomes sont en règle générale considérés
comme une lésion cicatricielle rétractée. Des calcifications
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nodulaires, centrales, curvilignes ou diffuses surviennent dans
20 à 30 % des cas, parfois dans un délai de 6 mois, mais le plus
souvent après 2 ans [22]. Ils peuvent néanmoins contenir des
bacilles viables. Une augmentation de taille ou l’apparition
d’un autre nodule doivent faire suggérer une réactivation de la
tuberculose ou un nouveau processus tel un carcinome [20].
Un rétrécissement régulier des voies aériennes avec épais-
sissement pariétal minime et atteinte préférentielle de la bron-
che souche gauche [23, 24] suggère une localisation tubercu-
leuse trachéo-bronchique au stade de fibrose.
Les broncho-lithiases, à prédominance droite, qui résul-
tent d’une érosion de ganglions calcifiés dans les bronches
adjacentes, peuvent générer un collapsus segmentaire ou une
hyperclarté avec piégeage bien visible en expiration [25].
Apport de la tomodensitométrie
Les insuffisances de la radiographie thoracique ont été
largement démontrées à tous les stades de la maladie [8]. Dans
la série de Woodring [26], l’appréciation incorrecte de l’acti-
vité de la maladie était la cause la plus fréquente d’erreur dans
un contexte de tuberculose post-primaire. Dans la série de Lee,
80 % des patients avec une maladie active et 89 % de ceux avec
maladie inactive étaient correctement classés par la TDM-HR.
Les nodules de type miliaire et centrolobulaires, acinaires ou
alvéolaires étaient les signes les plus fréquents de tuberculose
pulmonaire active [12]. Dans la série de Im [6], les densités
centrolobulaires linéaires branchées étaient les signes les plus
fréquents et les plus caractéristiques en TDM chez les patients
ayant une tuberculose pulmonaire disséminée récente. Ces
lésions étant invisibles en radiographie standard, la TDM-HR
[27] peut ainsi être recommandée en cas de suspicion de réac-
tivation tuberculeuse.
La TDM est plus sensible que la radiographie standard
pour la détection des petites cavités, en particulier aux apex,
aux bases, en para-médiastinal et en rétro-cardiaque [1], ou
dans les territoires comportant des bandes fibreuses plus ou
moins calcifiées.
Un épaississement pleural visible les radiographies de
thorax sera au mieux analysé, et les modifications d’un fibro-
thorax parfaitement évaluées. Une greffe aspergillaire au sein
de cavités sous ses différents aspects pourra être authentifiée
dans le même temps [2, 5, 11].
Toute autre modification sur les radiographies thoraci-
ques doit bénéficier d’un examen TDM dans un cadre d’une
surveillance de séquelles, qu’il s’agisse d’un élargissement
médiastinal, d’une anomalie osseuse... Une péricardite, un
abcès froid pariétal, une spondylodiscite ou des lésions
d’ostéite costale [28] pourront être aisément authentifiés.
Ainsi, la TDM peut être utile à toutes les phases de la
tuberculose, lorsqu’il existe une discordance clinique ou radio-
logique et/ou lorsque l’interprétation des signes radiographi-
ques est délicate. Elle aide à différencier la tuberculose d’autres
 Comment devant une image radiologique thoracique, affirmer qu’il s’agit d’une séquelle tuberculeuse ?
affections granulomateuses ou d’une néoplasie, bien que les
deux puissent coexister avec nécessité d’une preuve histologi-
que. Elle peut être répétée dans les cas où l’évolution lésion-
nelle reste d’appréciation difficile. La TDM est surtout utile en
fin de traitement en tant qu’élément de comparaison pour une
surveillance évolutive adéquate de ces patients.
Synthèse
Si les séquelles de la tuberculose primaire ne posent aucun
problème diagnostique, celles rencontrées au cours de la tuber-
culose post-primaire peuvent être d’évaluation plus délicate.
Les aspects typiques des séquelles sont ainsi des images de
fibrose de morphologie variable, plus ou moins calcifiées et
étendues.
La réponse thérapeutique est effectuée en première inten-
tion par radiographie standard. Un aspect stable des opacités
sur les radiographies sur une période d’au moins 6 mois et des
recherches répétées de BK négatives sont les meilleurs signes
prédictifs de maladie inactive [29].
Un examen TDM en fin de traitement doit idéalement
être effectué afin d’avoir une cartographie lésionnelle de
départ.
La problématique essentielle est qu’il persiste très volon-
tiers en fin de traitement des micronodules adjacents aux
lésions séquellaires, quels que soient leur aspect et leur sévérité.
Ceci est ainsi extrêmement fréquemment observé en TDM et
l’on ne peut en aucun cas se prononcer sur l’existence éven-
tuelle de lésions actives en fin de traitement sur un seul exa-
men. Le seul argument formel pouvant être retenu est la réap-
parition de micronules centrolobulaires avec aspect en arbre
bourgeonnant sur un fond des lésions séquellaires. Dans ce
dernier cas, un repérage lésionnel précis s’impose afin de gui-
der un lavage broncho-alvéolaire dans ce territoire en cas de
négativité des prélèvements autres.
Dans tous les cas, les densités tissulaires adjacentes à des
lésions calcifiées séquellaires ne sont pas spécifiques et restent à
surveiller, une lésion néoplasique sur cicatrice étant possible.
Une réapparition d’un épanchement pleural sur un fibro-
thorax calcifié doit faire suspecter une réactivation tubercu-
leuse, une aspergillisation ou une surinfection à pyogènes.
En conclusion, si la radiographie standard reste l’examen
clef de surveillance, la TDM est la technique de choix permet-
tant d’approcher au mieux la possibilité d’une réactivation
bacillaire. Toute anomalie de survenue récente peut être aisé-
ment détectée et au mieux précisée par des prélèvements diri-
gés.
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