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TRAITEMENT DU CANCER
DU REIN
DOSSIER ÉLABORÉ
SELON LES CONSEILS
SCIENTIFIQUES
DU PR FRANÇOIS
DESGRANDCHAMPS
Service urologie,
hôpital Saint-Louis,
Paris, France
francois.
desgrandchamps
@aphp.fr
F. Desgrandchamps
déclare avoir
des liens ponctuels
avec Mylan.
L
a prise en charge des cancers du rein a beaucoup évolué récemment, à la fois pour la prise en
charge locale de la tumeur et pour la prise en charge d’éventuelles métastases. Une mise au point
était donc nécessaire.
Pour la prise en charge locale, la pression se fait de plus en plus forte pour ne plus traiter sur un
simple diagnostic d’imagerie : la biopsie à l’aiguille de la tumeur pour un diagnostic histologique précis
est de plus en plus recommandée en préalable au traitement.
Localement l’exérèse tumorale doit être préférée à l’ablation complète du rein lorsque celle-ci est pos-
sible et, dans certains cas, l’opération peut être évitée par la destruction in situ sous anesthésie locale
de la tumeur par cryothérapie.
Enfin, en cas de métastases, les nouveaux traitements par inhibiteurs de la néo-angiogenèse ou par
immunothérapie permettent d’améliorer le pronostic. François Desgrandchamps
SOMMAIRE
L
ÉRIC LECHEVALLIER es tumeurs rénales sont probablement parmi en évitant les zones de nécrose. Pour les tumeurs avec
Service urologie les dernières tumeurs à être prises couramment plusieurs contingents radiologiques, les contingents
et transplantation en charge sans diagnostic histologique certain. radiologiques différents doivent être prélevés. Une ai-
rénale, hôpital Le dogme de traiter toute masse solide rénale guille fine coaxiale (18 gauges) est utilisée pour protéger
de la Conception, comme un cancer est encore largement appliqué. Une le trajet de ponction d’une contamination tumorale.3 Il
Marseille, France tumorectomie d’une masse solide rénale de moins de est recommandé que le patient soit à jeun pour prévenir
eric.lechevallier 4 cm, une néphrectomie d’une masse solide de plus 7 cm, les nausées et vomissements réflexes éventuels. Un
@ap-hm.fr ou la surveillance d’une tumeur rénale chez un sujet contrôle tomodensitométrique post-biopsie est réalisé
fragile sont encore souvent réalisées sans histologie. avant le départ du patient pour vérifier l’absence de
Il existe cependant une littérature médicale fournie saignement rénal. Un rendez-vous de consultation est
É. Lechevallier concernant la biopsie des masses solides rénales et, à ce programmé avec l’urologue référent pour la communi-
déclare des liens sujet, les choses ont un peu évolué : le comité de cancéro- cation du diagnostic et la décision de la réunion de
ponctuels avec logie de l’Association française d’urologie a précisé en concertation pluridisciplinaire d’oncologie.
Astellas, Janssen, 2016 les indications des biopsies des masses rénales (v. ta-
Ipsen, Sanofi bleau).1 La biopsie est actuellement recommandée lorsque Quelle est la morbidité de la biopsie ?
et Zambon. le diagnostic histologique est susceptible de modifier la
prise en charge thérapeutique d’une tumeur du rein. Les La morbidité liée à la pratique d’une biopsie percutanée
recommandations européennes et nord-américaines re- des masses rénales est faible.1, 4 Les complications les plus
prennent cette notion.2, 3 Peut-on aller plus loin ? La bonne fréquentes sont les hématomes périrénaux (< 5 %), les
question à poser aujourd’hui devrait être : pourquoi ne douleurs lombaires (< 3 %) et l’hématurie (< 3 %).1, 5 Les
pas faire de biopsie à une tumeur solide rénale ? complications majeures (faux anévrismes, choc, pneu-
mothorax) sont rares mais possibles. Elles font partie de
La technique de biopsie est-elle l’information du patient avant la biopsie par l’urologue
standardisée ? et le radiologue. Il n’a pas été rapporté de contamination
du trajet par la tumeur en cas de carcinome rénal.2
La biopsie des masses rénales est actuellement bien
standardisée et codifiée. Elle est généralement réalisée Quelles sont les contre-indications
par un radiologue, sous anesthésie locale, en externe de la biopsie ?
ou en ambulatoire. Le guidage classique est un guidage
tomodensitométrique (fig. 1). Certaines masses rénales La biopsie est contre-indiquée, comme toutes les biopsies,
faciles d’accès peuvent être biopsiées sous guidage écho- chez les sujets ayant des troubles de la coagulation, sous
graphique. Au moins deux prélèvements sont réalisés anticoagulant ou en cas d’infection en cours, notamment
RECOMMANDATIONS 2016-2018 DU COMITÉ DE CANCÉROLOGIE DE L’AFU : INDICATIONS DE BIOPSIE DES MASSES RÉNALES
Avant la décision de surveillance active d’une petite tumeur rénale (grade C)
Avant de faire un traitement ablatif percutané (grade C)
Avant tout traitement systémique s’il n’y a pas de preuve histologique (grade C)
Dans le cas d’une néphrectomie partielle techniquement difficile pour éliminer une tumeur bénigne (grade C)
En cas d’incertitude diagnostique sur l’imagerie : lymphome, sarcome, « pseudotumeur » du rein, métastase rénale d’une autre tumeur (grade C)
Tableau. D’après la réf. 1. AFU : Association française d’urologie.
Il a longtemps été reproché à la biopsie percutanée des Le taux de biopsies non significatives (échec, biopsie
masses rénales une faible performance. Actuellement blanche) avec la technique de biopsie actuelle est de
il est reconnu que la biopsie standardisée a une perfor- moins de 10 %.5 Dans ces cas, une seconde biopsie peut
mance, une sensibilité (99 %) et une spécificité (99 %) être proposée et réalisée en fonction du contexte clinique
élevées pour le diagnostic de malignité (fig. 2).1, 2 et radiologique, avec une rentabilité de plus de 80 %.5
La biopsie a une performance de 90 % pour le sous-
type histologique, et de plus de 95 % pour les tumeurs La biopsie améliore-t-elle la prise
solides de moins de 4 cm. en charge du patient ?
Pour la détermination du grade tumoral la perfor-
mance de la biopsie est de 43-93 %. Pour les tumeurs La biopsie permet dans la majorité des cas un diagnostic
de moins de 4 cm, la biopsie peut déterminer un faible ou fiable des masses rénales (bénignité ou malignité, sous-
un haut grade avec une fiabilité de plus de 85 %.1, 5 La déter- type tumoral, grade tumoral) au prix d’une faible mor-
mination du grade (faible grade, par exemple) peut influen- bidité. Ce diagnostic peut être fait et communiqué au
cer la décision d’une surveillance d’une petite tumeur, patient avant toute décision thérapeutique.
d’une tumorectomie chez un patient insuffisant rénal, d’un Avec la biopsie la décision thérapeutique ou de prise
traitement ablatif chez un patient à risque opératoire. en charge peut être discutée et validée en réunion de
concertation pluridisciplinaire (RCP) avant d’être matoïde peut remettre en question un abord cœlios-
proposée au patient. Puis le patient, avec le résultat copique. Une modification de l’attitude thérapeutique
de la biopsie et l’avis de la RCP, est informé au mieux en raison du résultat de la biopsie a été rapportée dans
du projet thérapeutique. 10 à 40 % des cas.7, 8
L’attitude thérapeutique doit être adaptée aux ré- Il est actuellement difficile de proposer des traite-
sultats de la biopsie : une tumeur bénigne peut ne pas ments chirurgicaux (tumorectomie, néphrectomie)
nécessiter de traitement chirurgical ; un carcinome sans diagnostic fiable et sans validation en RCP. La
papillaire, à risque de multifocalité significatif, impose chirurgie des masses rénales ne doit plus être à la fois
un examen de toute la surface rénale en cas de chirurgie diagnostique et thérapeutique.
conservatrice ; une tumeur de haut grade peut remettre Les bénéfices de la biopsie des masses rénales sont
en question un traitement conservateur et faire discuter supérieurs aux risques. Elle doit être discutée et propo-
une lymphadénectomie lors de la chirurgie ; une tumeur sée à tous les patients ayant une masse rénale
agressive, de haut grade ou avec une composante sarco- indéterminée. V
RÉSUMÉ NE PLUS TRAITER risques, la biopsie des masses rénales doit être discutée et the multidisciplinary oncologic round. The patient can be
UN CANCER DU REIN proposée aux patients ayant une masse rénale indéterminée. properly and fully informed about the planned management.
SANS UNE BIOPSIE PRÉALABLE Because the benefit/risk ratio is in favor of renal tumor
L’imagerie ne peut établir un diagnostic histologique fiable SUMMARY NO TREATMENT biopsy in most of cases, renal tumor biopsy must be dis-
des tumeurs du rein. Un diagnostic histologique doit per- OF A RENAL CANCER WITHOUT cussed and proposed to patients harboring an undetermined
mettre une prise en charge appropriée des tumeurs rénales. BIOPSY ANYMORE renal mass.
La biopsie percutanée des tumeurs rénales est une technique Imaging modalities are not accurate for histological diagno-
fiable avec une faible morbidité, réalisée sous anesthésie sis of renal masses. An histological diagnosis helps to
locale sans hospitalisation. L’attitude thérapeutique est choose the optimal management of a renal mass. Percu- MOTS-CLÉS
discutée et validée en réunion de concertation pluridiscipli- taneous biopsy of renal mass is an accurate procedure with tumeurs du rein, biopsie des masses rénales.
naire avant d’être proposée au patient. La biopsie permet low morbidity. It is performed with local anesthesia in an
d’apporter au patient une information adaptée. Les bénéfices outpatient setting. The biopsy results and optimal manage- KEY-WORDS
de la biopsie des masses rénales étant supérieurs aux ment of the renal mass are discussed and validated during renal masses, renal tumor biopsy.
RÉFÉRENCES 3. Ljunberg B, Albiges L, Bensalah K, diagnostic accuracy of clinical role of fine needle
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Une alternative à la
chirurgie partielle
dans certaines conditions
L’
incidence du cancer du rein localisé et de avec des tumeurs multiples de volume limité ; ÉRIC DE KERVILER*
petite taille est en permanente augmentation – dans les situations impératives (rein unique ou insuf- LOÏC COLLETER*
depuis plusieurs décennies. Cela s’explique fisance rénale préexistante) avec risque d’insuffisance ALEXANDRA
en partie par l’essor de l’imagerie médicale rénale terminale après néphrectomie partielle. MASSON-LECOMTE**
puisque plus des deux tiers des cancers du rein sont Pour la cryothérapie, on peut rajouter les contre- FRANÇOIS
découverts fortuitement au cours d’un examen d’ima- indications à l’anesthésie générale ou à la sédation DESGRANDCHAMPS**
gerie réalisé pour une autre raison.1, 2 Le traitement de profonde puisque le geste peut être réalisé sous anes- * Service de radiologie
référence de ces petites tumeurs rénales de stade T1a thésie locale.5 Il n’y a pas d’âge seuil mais, classiquement, et ** service
(< 4 cm) est la chirurgie lorsqu’elle est possible. Le la cryothérapie est réservée à des patients ayant plus d’urologie, hôpital
nombre de petites tumeurs traitées par néphrectomie de 75 ans ou des comorbidités importantes. Saint-Louis, AP-HP,
élargie est en nette diminution, au profit de la néphrec- Contrairement à la chirurgie au cours de laquelle on Paris, France,
tomie partielle et des ablations percutanées.3 Cependant, procède à l’exérèse de la tumeur qui est ensuite analysée eric.de-kerviler
la néphrectomie partielle n’est pas dénuée de compli- en anatomopathologie, la cryothérapie laisse en place @aphp.fr
cations et reste complexe pour certaines tumeurs, une tumeur présumée détruite. Il est donc fondamental
en particulier les tumeurs centrales. Les techniques de disposer au préalable d’une biopsie de la lésion afin
ablatives percutanées sont une option thérapeutique de connaître sa nature précise. Idéalement, la biopsie É. de Kerviler déclare
intéressante chez les patients qui ne sont pas de bons doit être réalisée dans une autre session, avant la cryo- être consultant
candidats à la chirurgie : lésions difficilement extir- thérapie, afin de disposer du résultat le jour du traite- pour Galil Medical.
pables, patients les plus fragiles. Elles ont pour objectif ment. Si certaines équipes réalisent la biopsie dans le
de traiter les patients en diminuant la morbidité liée même temps que la cryothérapie, il existe toujours un L. Colleter déclare
à une chirurgie conventionnelle. Elles consistent en risque de biopsie négative. Enfin, le fait de réaliser la n’avoir aucun
la destruction du tissu tumoral in situ soit par échauf- biopsie sous tomodensitométrie dans la position de trai- lien d’intérêts.
fement (radiofréquence ou micro-ondes), soit par refroi- tement sert de répétition et à identifier les éventuelles
dissement tissulaire (cryoablation). Une des limites difficultés (proximité d’une structure vitale, variante A. Masson-Lecomte
de ces traitements ablatifs par le chaud est leur caractère anatomique) et de vérifier la bonne tolérance et le degré déclare des
douloureux, nécessitant leur réalisation sous sédation de coopération du patient. interventions
consciente, voire sous anesthésie générale. La cryoabla- ponctuelles (activités
tion percutanée permet, en revanche, de traiter les Procédure de conseil ou
patients avec une anesthésie locale exclusive. conférences) pour
Pour chaque patient, un bilan d’hémostase est systéma- Ipsen et Janssen.
Critères d’inclusion tiquement réalisé avant la procédure. Pour les patients
prenant des anticoagulants oraux, un relais par héparine F. Desgrandchamps
Tous les patients éligibles à la cryothérapie sont présen- de bas poids moléculaire est réalisé. Pour les antiagré- déclare avoir
tés en réunion de concertation pluridisciplinaire réunis- gants plaquettaires, seul le clopidogrel doit être inter- des liens ponctuels
sant urologues, radiologues et oncologues afin de valider rompu 5 jours avant. Le patient reçoit une prémédication avec Mylan.
l’indication de la procédure. La place des traitements par 1 g de paracétamol intraveineux 30 minutes avant la
ablatifs a été rappelée dans les dernières recomman- procédure. Il reste hospitalisé une nuit, mais une prise
dations de l’Association française d’urologie ; ils sont en charge ambulatoire est possible.
recommandés :4 La cryothérapie est réalisée sous anesthésie locale à
– pour les patients ayant des petites tumeurs rénales l’aide d’un mélange de lidocaïne et de ropivacaïne.
(< 4 cm) et plusieurs facteurs de comorbidité (dont l’âge) ; Contrairement à la radiofréquence ou aux micro-ondes
– lorsqu’il y a une contre-indication à la chirurgie ; où une seule électrode est insérée, la cryothérapie néces-
– dans certaines situations de cancer du rein héréditaire site de mettre en place plusieurs aiguilles (cryoprobes)
Résultats
le plus souvent favorablement après drainage de la voie sordres métaboliques et d’événements cardiovasculaires
excrétrice supérieure par sonde urétérale ; font de la néphrectomie partielle le traitement de première
– le faux anévrisme artérioveineux est une complication intention des tumeurs du rein localisées. Il n’y a pas d’éva-
classique mais rare (0,5 % des cas), qui se traduit clini- luation récente du pourcentage de néphrectomie partielle.
quement par la survenue d’une douleur lombaire asso- Il était de 30 % environ dans les années 2000 ; des données
ciée à une hématurie macroscopique massive, générale- suggèrent que ce pourcentage a augmenté dans les centres
ment dans le premier mois postopératoire. La prise en ayant fait l’acquisition d’un robot chirurgical.
charge relève de la radiologie interventionnelle par Le développement et la maîtrise des techniques chirur-
embolisation sélective. gicales moins invasives, et la robotisation de la chirurgie,
La surveillance carcinologique est ensuite identique, ont permis de diminuer la morbidité périopératoire de la
que la néphrectomie ait été partielle ou totale ; elle se fait néphrectomie partielle et d’en étendre les indications.
par tomodensitométrie ou par imagerie par résonance La néphrectomie totale élargie doit être réservée aux
magnétique en cas de déclin de la fonction rénale. tumeurs rénales localisées volumineuses rendant la
chirurgie partielle techniquement difficile, et aux tu-
AU CAS PAR CAS meurs localement avancées.
Toutes voies d’abord confondues, la néphrectomie par- Dans tous les cas, les indications de néphrectomie
tielle est une intervention techniquement plus complexe partielle ou totale sont discutées au cas par cas pour
que la néphrectomie totale élargie. chaque patient, et les voies d’abord choisies en fonction
Cependant, l’efficacité carcinologique équivalente et des particularités individuelles des patients, des carac-
le bénéfice apporté à moyen et long terme sur la conser- téristiques des tumeurs, du niveau d’équipement des
vation de la fonction rénale qui limite la survenue de dé- centres, et de l’expérience des équipes. V
RÉSUMÉ NÉPHRECTOMIE TOTALE OU nécessitant expérience et rapidité d’exécution afin de li- nephronic capital. However, this surgery is technically
PARTIELLE miter la durée d’ischémie rénale. demanding and requires experience and rapidity to limit
DANS LE CANCER DU REIN ? renal ischemia.
L’augmentation de l’incidence des tumeurs rénales de SUMMARY TOTAL OR PARTIAL
petite taille et les conséquences à long terme de la né- NEPHRECTOMY FOR RENAL TUMORS?
phrectomie élargie sur la fonction rénale ont conduit la Due to the raising incidence of small renal masses in the MOTS-CLÉS
chirurgie partielle à s’imposer comme traitement de réfé- past decades and long term consequences of enlarged chirurgie conservatrice, néphrectomie élargie,
rence des tumeurs rénales de moins de 4 cm. La néphrec- nephrectomy on renal function, partial nephrectomy has néphrectomie partielle, tumeur rénale
tomie partielle a démontré être équivalente d’un point de been recommended as reference treatment for renal tu-
vue carcinologique à la néphrectomie élargie et permet mors less than 4 cm. Partial nephrectomy has shown to KEY-WORDS
une préservation du capital néphronique du patient. Elle allow equivalent oncological control compared to enlarged nephron sparing surgery, partial nephrectomy,
n’en reste pas moins une chirurgie techniquement difficile nephrectomy and allows preservation of the patient’s renal tumors, total nephrectomy
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E
HÉLÈNE GAUTHIER nviron 30-40 % des patients ayant un cancer du growth factor (PDGF) ou le transforming growth factor
STÉPHANE CULINE rein développent des métastases, qui peuvent α (TGF-α). Par sa liaison au récepteur du VEGF (VEGF-R)
Service d’oncologie être présentes dès le diagnostic ou survenir au sur les cellules endothéliales et les péricytes présentes
médicale, hôpital cours de la surveillance après le traitement dans le micro-environnement tumoral, le VEGF repré-
Saint-Louis, AP-HP, local de la tumeur primitive. Les métastases métachrones sente le principal facteur de croissance impliqué dans
Paris, France peuvent se développer tardivement, parfois plus de 10 ans les processus de néo-angiogenèse. Parmi les autres voies
stephane.culine après le traitement initial. Les sites anatomiques les plus qui participent également à la néo-angiogenèse, la pro-
@aphp.fr fréquemment concernés sont les ganglions sous- et téine mTOR (mammalian target of rapamycin) induit
sus-diaphragmatiques, les poumons, les os, le foie et le également une surexpression de HIF1α et, par son inter-
cerveau. Mais les atteintes d’autres organes tels que la médiaire, des facteurs de l’angiogenèse.1
H. Gauthier déclare thyroïde ou le pancréas ne sont pas rares. À la fin des
n’avoir aucun années 1990, le pronostic des patients ayant un cancer du … à la clinique
lien d’intérêts. rein métastatique était très réservé puisque la médiane Les trois protéines VEGF, VEGF-R et mTOR sont les cibles
de survie était d’environ 1 an. Les traitements médicaux des médicaments qui ont été développés et ont obtenu une
S. Culine déclare étaient alors limités à l’interféron alpha et à l’in- autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le trai-
des interventions terleukine 2, aujourd’hui abandonnés. Depuis le début tement du cancer du rein métastatique (fig. 2). Le bévaci-
ponctuelles pour des années 2000, des progrès importants ont été réalisés zumab (Avastin) est un anticorps monoclonal anti-VEGF
Janssen, Roche, avec le développement de traitements ciblant le micro- administré par voie intraveineuse (IV). Le temsirolimus
MSD et Ipsen environnement tumoral, à savoir la néo-angiogenèse (Torisel) et l’évérolimus (Afinitor) sont des inhibiteurs
et avoir été pris et plus récemment l’infiltrat immunitaire. enzymatiques de l’activité sérine/thréonine kinase de
en charge lors de la protéine mTOR et s’administrent respectivement
congrès par Janssen, Ciblage thérapeutique par voies IV et orale. La cible préférentielle de l’axitinib
Astellas et Roche. de la néo-angiogenèse tumorale (Inlyta), du cabozantinib (Cabometyx), du pazopanib
(Votrient), du sunitinib (Sutent) et du sorafénib (Nexavar)
De la biologie … est l’inhibition de l’activité tyrosine kinase du VEGF-R.
Le cancer du rein à cellules claires est la plus fréquente D’autres cibles thérapeutiques sont également concer-
des variétés histologiques de cancer du rein (80 % des nées et peuvent expliquer les différences dans l’efficacité
patients). Il est reconnu depuis longtemps comme une et surtout les toxicités induites par ces traitements (v. ta-
tumeur maligne hypervascularisée, suggérant une im- bleau). Ils sont administrés par voie orale.
portante néo-angiogenèse tumorale en son sein. Les mé- Les toxicités observées avec ces traitements sont
canismes moléculaires sous-tendant cette observation avant tout générales (asthénie), cutanées (syndrome
ont été reliés à la fréquente détection d’une mutation mains-pieds), muqueuses (épistaxis, mucite buccale, épi-
du gène von Hippel-Lindau (VHL), acquise (somatique) gastralgies, diarrhées, hémorroïdes…), cardiovasculaires
chez la majorité des patients. Dans la cellule normale, (hypertension artérielle), hormonales (hypothyroïdie) et
la protéine pVHL interagit avec un facteur de trans- à moindre degré hématologiques (anémie, neutropénie,
cription, l’hypoxia-inducible factor 1α (HIF1α). Dans des thrombopénie). Leur intensité est variable d’une molécule
conditions de normoxie, l’interaction avec pVHL conduit à l’autre et d’un patient à l’autre. Certaines d’entre elles
à l’hydroxylation et la dégradation de la protéine HIF1α nécessitent un traitement préventif (bains de bouche al-
(fig. 1). En situation d’hypoxie, ou en cas de mutation de calins, inhibiteurs de la pompe à protons) mais la majorité
la protéine pVHL dans les cellules tumorales, la protéine sont gérées au cas par cas, avec adjonction à la demande
HIF1α n’est plus dégradée, migre dans le noyau et initie d’un traitement antihypertenseur, d’un traitement subs-
la transcription de gènes qui codent plusieurs facteurs titutif thyroïdien... Leur chronicité est parfois plus diffi-
de croissance impliqués dans l’angiogenèse : le vascular cile à supporter pour le patient que leur intensité, et des
endothelial growth factor (VEGF), le platelet-derived adaptations posologiques sont fréquemment nécessaires.2
Figure 1.
La protéine
VHL en situation
physiologique et
les conséquences
d’une mutation
inactivatrice.
EGF : endothelial
growth factor ;
HIF1α : hypoxia-
inducible factor 1α ;
PDGF : platelet-
derived growth
factor ; VEGF :
vascular endothelial
growth factor ;
VHL : von
Hippel-Lindau.
Figure 2.
Les cibles
thérapeutiques
des médicaments
ciblant la
néo-angiogenèse
tumorale.
HIF1α : hypoxia-
inducible factor 1α ;
mTOR : mammalian
target of rapamycin ;
R : récepteur ;
VEGF : vascular
endothelial growth
factor ; VHL :
von Hippel-Lindau.
A B
Figure 3. L’inhibition du lymphocyte T induite (A) par l’interaction PD1/PD-L1 est levée (B) par les médicaments ciblant le PD1
ou son ligand PD-L1. PD-1 : program cell death 1 ; PD-L1 : ligand de PD-1.