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Chaîne logistique intégrée et intégration 75
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Sophie GIORDANO-SPRING
Institut des Sciences de l’Entreprise et du Management ERFI – FCCS, Université Montpellier 1
sophie.giordano-spring@univ-montp1.fr
Denis TRAVAILLE
Institut d’Administration des Entreprises, CREGO-COST, Université Montpellier 2
denis.travaille@univ-montp2.fr
Le concept de Supply Chain Management, sation de l’ensemble plutôt qu’à chacun de ses
apparu dans les années 1980, est souvent pré- éléments pris séparément (Paché et Colin,
senté comme l’innovation majeure en gestion 2000). Ces interfaces sont constituées de l’en-
de production de ces vingt dernières années. semble des flux physiques (produits et servi-
Traduit en français par « management logis- ces) et informationnels entre les membres de
tique intégré (MLI) »1 (Paché et Bacus-Mon- la relation inter-organisationnelle (RIO).
fort, 2002), il a été fortement argumenté d’un
point de vue stratégique et organisationnel. Parmi les flux informationnels utiles au
pilotage de la chaîne logistique intégrée, les
Le MLI suppose que deux ou plusieurs firmes informations comptables sont susceptibles
entretiennent des relations de coopération en d’orienter les prises de décision des partenai-
développant des liens logistiques structurés res tant dans le processus de configuration de
permettant d’atteindre une performance glo- la chaîne que par l’appréciation de sa perfor-
bale de la coopération au profit du client final. mance a posteriori.
Cette chaîne logistique (ou « supply chain »)
vise à assurer de manière efficace la concep- D’un point de vue théorique, le système d’in-
tion, la production et la mise à disposition des formation comptable est une collection de res-
produits pour les utilisateurs finaux. Elle sources conçues pour transformer des
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s’appuie sur la performance de chacun des données financières et autres en information 100
participants à la coopération mais aussi et sur- utile à la décision (Bodnar et Hopwood,
95 tout sur la qualité des interfaces entre ces par- 2003). Les informations comptables couvrent 1 - Le terme anglo-saxon est 95
ticipants. En d’autres termes, le MLI suppose autant des données brutes (par exemple, l’en- parfois traduit par
« management de la chaîne
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la conception d’un système de pilotage inté- registrement d’une simple facture) que les
logistique globale »,
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gré ou coordonné, c’est-à-dire de gestion des résultats d’une série de retraitements (calcul « management de la chaîne
interfaces, où la priorité est donnée à l’optimi- de coûts partiels ou complets, calcul de renta- logistique étendue ».
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bilité) ou d’une estimation en fonction de vue de la firme que de la supply chain dans son
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paramètres externes à l’entreprise (par ensemble.
exemple, coûts cibles).
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Au sein d’une entreprise, le système d’infor- L’intégration comptable, support 25
mation comptable de gestion est constitué de du Management Logistique
5 toutes les données et indicateurs comptables Intégré 5
Cost Management (Cooper et la mesure comptable des effets de l’intégra- La littérature consacrée à la coopération
Slagmulder, 2004, p.2) tion de la chaîne logistique, tant du point de inter-organisationnelle a largement mis égale-
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ment en exergue d’autres facteurs clés de suc- fonctions à l’intérieur de la firme et entre les
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cès tels que la confiance, l’intégrité, firmes. Par exemple, certains systèmes d’in-
l’engagement, visant à garantir l’équité entre formations automatisés de type MRP permet-
les partenaires et à favoriser la communica- tent de construire de manière intégrée les
25 tion inter-organisationnelle. Ainsi, les four- plans de production et d’approvisionnement 25
nisseurs qui ne souhaitent pas partager des et ainsi de renforcer les liens avec les fournis-
5
informations sur le coût, la qualité et la pro- seurs (Vollmann et al, 1997). De manière plus 5
duction peuvent être rejetés car l’absence de générale, les ERP permettent à toutes les fonc-
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volonté de partager des informations est tions à l’intérieur de la firme d’accéder et de
perçue comme un indicateur de méfiance du transmettre des informations d’une fonction à
fournisseur. Egalement, le coefficient de ris- une autre engendrant une intégration horizon-
ques tels que le retard, l’erreur, la panne, la tale ou trans-fonctionnelle à l’intérieur de
faillite du fournisseur, etc. peut constituer un l’organisation. Couplés à des logiciels de sup-
indicateur pertinent de choix du fournisseur. ply chain et d’EDI, ils permettent d’accroître
le niveau d’intégration des systèmes d’infor-
Au point de vue organisationnel, certaines mations entre firmes.
pratiques d’intégration visent à renforcer les
liens entre les firmes de la chaîne logistique et Pour conclure, alors que l’approche classique
entre les fonctions à l’intérieur de chaque consistait à optimiser chaque stade du proces-
firme. Elles constituent des modes de coordi- sus production /distribution, la pratique des
nation adaptés à l’atteinte des facteurs clés de entreprises ainsi que les développements de la
succès précédemment décrits. Par exemple, le recherche en gestion industrielle, notamment
développement de relations d’affaires appro- depuis les travaux du professeur Jay Forrester
fondies avec un nombre limité de fournis- (1962), ont montré les effets pervers d’une
seurs, conduit à construire de véritables gestion indépendante des différents stades
partenariats, considérés comme stratégiques. d’une chaîne logistique globale. Parmi
Ces partenariats fournisseurs impliquent un ceux-ci, les phénomènes d’amplification des
niveau élevé de confiance, un engagement risques et des coûts induits liés à la forte inter-
permanent, des contrats à long terme, une dépendance des firmes d’une chaîne logis-
résolution en commun des conflits ainsi que le tique (effet « Bullwhip ») constitue un
partage d’informations, des risques et des argument essentiel en faveur du contrôle de
gains. Un autre exemple de pratique est celle cette chaîne (Lee et al, 1997).
de la collaboration étroite avec les clients. Elle
a pour objectif de rendre les firmes plus réacti- Cependant, la réussite du MLI est condi-
ves en permettant une collecte proactive d’in- tionnée à l’élaboration d’un cadre de contrôle
formations sur les préférences des clients et inter-organisationnel adapté, dans lequel l’in-
leurs besoins. Quand les firmes parviennent à formation comptable est susceptible de jouer
un niveau élevé de collaboration avec les un rôle.
clients, il devient beaucoup plus difficile pour Le cadre et les modalités du contrôle inter-or-
les concurrents d’intervenir. Dans les deux ganisationnel
cas, ces modes de coopérations inter-organi-
sationnelles peuvent s’appuyer sur l’utilisa- La collaboration entre firmes dans le domaine
tion d’équipes trans-fonctionnelles (Bishop, comptable est récente, sans doute parce que
1999) afin de développer une logique l’information comptable fait partie des infor-
gagnant-gagnant. Ces équipes permettent de mations les plus confidentielles d’une entre-
décentraliser la prise de décision autour de prise. Elle est apparue dans les années 90 avec
processus de décision horizontaux et donc le développement de la production « allégée »
d’accélérer le processus de décision et d’ac- (ou lean production) et du management logis-
croître la coopération. Certaines fois, ces tique intégré. Les principales techniques
équipes peuvent intégrer des représentants comptables du contrôle inter-organisationnel
des fournisseurs et des clients ce qui peut ren- sont celles du coût-cible (target costing) et de
forcer aussi bien les liens verticaux que les la comptabilité à livre ouvert (open
liens horizontaux. book accounting).
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Pour le MLI, il est recommandé dans la littéra- Les théories de la contingence du contrôle
95 ture d’avoir recours à des technologies d’in- permettent de comprendre les raisons de leur 95
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spécifiques à chaque firme. C’est dans ce bles constituent donc à la fois un moyen de
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cadre théorique que Kajüter et Kulmala justifier la confiance accordée entre partenai-
(2005) inscrivent le contrôle inter-organisa- res et de contrôler les résultats de leur collabo-
tionnel qui résulterait selon eux à la fois de ration.
25 facteurs spécifiques au réseau et de facteurs 25
En outre, des facteurs spécifiques à chacune
spécifiques à chaque firme.
5
des firmes du réseau peuvent freiner le déve- 5
Parmi les facteurs spécifiques au réseau, ils loppement d’un contrôle inter-organisation-
0 distinguent l’environnement externe et la nel de type comptable. En effet, la mauvaise 0
confiance. Ainsi, les approches contingentes qualité des systèmes comptables internes et
du contrôle identifient qu’une forte pression leur hétérogénéité peuvent constituer des
concurrentielle externe au réseau peut freins à la mise en place d’une collaboration
conduire les acteurs du réseau à devoir réduire sur la base d’informations comptables
les coûts de manière continue, et ce particuliè- (McIvor, 2001). Les fournisseurs peuvent ne
rement pour des réseaux en phase de maturité pas être disposés à faire connaître leurs cal-
(Tomkins, 2001). Ce contexte concurrentiel culs de coûts parce qu’ils sont conscients de
serait alors de nature à favoriser la mise en leur caractère imparfait. De plus, des différen-
oeuvre d’un contrôle inter-organisationnel ces entre les firmes dans les modes de réparti-
qui s’appuie sur des données comptables. Un tion des charges indirectes sont susceptibles
autre facteur spécifique au réseau qui consti- de rendre l’interprétation des structures de
tuerait une condition préalable à l’échange ou coûts plus compliquée et, par conséquent, les
au partage d’informations comptables est comparaisons entre ces mêmes firmes plus
celui de la confiance entre les partenaires difficiles.
(Carr et al., 1995 ; Ellram, 1996 ; Axelsson et
En synthèse, notre cadre d’étude du rôle de
al., 2002 ; Kulmala, 2002). En effet, la
l’information comptable dans le MLI peut
confiance entre partenaires de la chaîne logis-
être ainsi représenté dans le schéma 1 ci-des-
tique favoriserait la communication de don-
sous.
nées sur les coûts réduisant le risque
d’utilisation opportuniste de ces informa- Deux outils comptables sont principalement
tions. Dans le même temps, selon la littéra- identifiés dans la littérature portant sur le con-
ture, si les négociations sont loyales et si trôle inter-organisationnel, à savoir la
l’information fournie sur les coûts n’est pas démarche des coûts cibles et la comptabilité à
employée de manière abusive, alors les échan- livre ouvert. Il importe maintenant de les défi-
ges ou le partage d’informations comptables nir et de comprendre leurs modalités d’appli-
contribueraient à créer la confiance dans les cation.
relations entre les différents partenaires (Seal
et al., 1999 ; Decker, 2003). Comme le sou- Les outils du contrôle
ligne Tomkins (2001), les données compta- inter-organisationnel : l’exemple des coûts
cibles et de la comptabilité à livre ouvert
Schéma 1 : La place des outils comptables dans le modèle de contrôle Parmi la littérature désormais prolixe traitant
inter-organisationnel du Management Logistique Intégré des pratiques de coopération inter-organisa-
tionnelle, les études portant spécifiquement
sur la mise en œuvre d’outils comptables des-
tinés à l’optimisation du MLI sont peu nom-
breuses. Plus particulièrement, deux
techniques sont identifiées et observées dans
des contextes variés de chaînes logistiques :
les démarches de coûts-cibles et les démar-
ches de « comptabilité à livre ouvert » (open
book accounting).
Il est globalement considéré par les auteurs
que ces démarches sont censées « créer des
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relations inter-organisationnelles plus harmo- 100
nieuses et efficientes dans la mesure où l’in-
95 formation partagée doit créer le 95
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nant dans le choix et les modalités d’applica- Dans une logique à dominante contractuelle,
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tion des techniques comptables utilisées les coûts cibles peuvent être utilisés sans
(Cooper et Slagmulder, 2004). Les dispositifs conduire à une plus forte intégration entre les
de contrôle ainsi mis en place se construisent partenaires de la chaîne logistique. C’est par-
25 différemment selon le type de relation situé ticulièrement le cas dès lors que les actifs 25
sur un continuum entre deux formes extrê- échangés sont relativement standardisés et
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mes : les relations de marché s’appuyant sur que la relation est récente. Selon Cooper et 5
une logique contractuelle pure et les relations Slagmulder (2004), ce premier stade conduit à
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intersubjectives s’appuyant sur une logique des arbitrages autour d’un triptyque « fonc-
cognitive pure dans laquelle prédominent tionnalités, prix, qualité » dans le sens où le
confiance et contrôle informel. Les logiques donneur d’ordre est prêt à réviser ses exigen-
contractuelles semblent conduire à mobiliser ces sur une de ces trois dimensions dès lors
principalement une forme peu intégrative de que le coût d’approvisionnement proposé
coûts cibles tandis que les logiques cognitives excède son coût cible. En ce sens, il n’est pas
orientent vers une gestion plus collective des nécessaire de partager d’informations préci-
coûts avec la comptabilité à livre ouvert. Sur ses sur les coûts de chacun ni d’intégrer les
ce continuum, les relations partenariales partenaires dans un programme collectif de
empruntent à ces deux logiques selon qu’elles réduction de coûts.
sont globalement symétriques entre les parte-
naires ou asymétriques, en général au profit Un résultat notable de diverses études sur le
d’un donneur d’ordre. sujet (par exemple, Kulmala, 2002) est qu’à ce
stade, les fournisseurs subissent plus par ce
Les démarches de coûts-cibles répondant à biais un nouveau dispositif de contrôle qu’ils
des logiques contractuelles n’en bénéficient, si ce n’est que leur participa-
tion à ce type de relation leur procure un
chiffre d’affaires plus stable ou en progres-
Les pratiques de coûts-cibles ont essentielle-
sion. Dans le même temps, il apparaît que les
ment été observées dans les chaînes logisti-
fournisseurs doivent prendre à leur charge de
ques de type hiérarchiques, structurées autour
nouvelles responsabilités de coordinateurs
d’une entreprise pivot ayant une position
des partenaires de rang inférieur, sans qu’ils
dominante. La méthode implique en premier
puissent souvent en apprécier la réelle profita-
lieu d’opérer une analyse fonctionnelle du
bilité économique dès que leurs propres systè-
produit nouveau fondée sur les attentes du
mes d’informations comptables ne sont pas
client final dès la phase de conception. Pour
suffisamment sophistiqués.
chaque fonction est estimé un prix maximal
accordé par le client, auquel l’entreprise qui La démarche du coût-cible traduit ainsi un
commercialise le produit soustrait sa marge pilotage de la chaîne logistique par l’aval,
objectif, définissant un coût d’approvisionne- c’est-à-dire par les besoins exprimés du client,
ment objectif qui devient la référence à ne pas ce qui correspond aux évolutions récentes à
dépasser par ses fournisseurs. Par ce méca- travers le concept actuel de DDSN (Demand
nisme, l’entreprise de tête répercute la pres- Driven Supply Network)3.
sion qu’elle subit sur les prix à ses
fournisseurs de premier rang. Cette répercus- Au-delà de ce premier stade de management
sion peut se propager par coordination à l’en- fondé sur la mise en place de coûts cibles
semble des fournisseurs de second et autres imposés par un partenaire dominant, d’autres
rangs de la chaîne logistique, construisant pratiques s’appuyant sur une intégration plus
progressivement une véritable chaîne de coûts explicite des systèmes d’informations comp-
cibles (Cooper et Slagmulder, 2004). tables des partenaires ont été identifiées.
Du coût cible à l’open book dans les logiques
Dans les enquêtes empiriques, la démarche de cognitives
coûts cibles apparaît comme une technique
générique qui recouvre de multiples modali- La « comptabilité à livre ouvert » (open book)
tés d’application selon le degré de proximité est une stratégie qui vise la coopération entre
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des participants et de la durée de leur relation. les firmes d’une chaîne d’approvisionnement 100
La mise en œuvre de cette démarche a été par le biais d’un échange ou d’un partage d’in-
95 essentiellement observée dans des secteurs formations internes à chaque entreprise. L’in- 95
soumis à une forte pression concurrentielle formation devenue transparente entre les
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sur les prix et dont la diversité des composants partenaires est alors utilisée pour influencer 75
rend la maîtrise de l’activité particulièrement les flux de produits et de services entre ces 3 - Réseau logistique tiré par la
complexe (Kajuter et Kulmala, 2005). mêmes firmes (Mouritsen et al., 2001). Cet demande
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comptables et confiance étant ainsi perçues systèmes comptables de gestion à ses fournis-
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comme complémentaires ou substituables seurs, sont déterminantes pour l’obtention des 5
que bien souvent, elles sont dans l’incapacité relativement bien établis dès lors que la chaîne
de négocier sur des bases comptables internes logistique est contrôlée correctement. Cepen-
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dant, la question de la mesure par l’informa- chaîne logistique revient souvent, d’un point
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tion financière de la valeur créée reste de vue financier, à externaliser une partie de la
largement ouverte. Les débats s’articulent gestion des coûts d’immobilisation des stocks
autour d’une part, du point de vue de chaque du point de vue de la firme. Néanmoins, ces
25 entreprise participante, et d’autre part du transferts ne correspondent en réalité qu’à une 25
point de vue de la chaîne logistique dans sa nouvelle répartition de ces coûts dans l’en-
5
globalité. semble de la chaîne. En d’autres termes, l’ap- 5
du MLI du point de vue de la firme ques, devrait conduire les firmes à se recentrer
Au regard des différents arguments dévelop- sur leurs compétences distinctives et donc à
pés précédemment, le MLI devrait être pour abandonner les activités mal maîtrisées. Cette
chaque entreprise une source de rentabilité réorganisation permet alors une réallocation
financière individuelle à plusieurs niveaux. des ressources financières immobilisées sur
des activités plus rentables du point de vue
A un premier niveau, la rentabilité écono- chaque firme. Certains réseaux de PME ont
mique des entreprises les plus impliquées ainsi construit leur collaboration sur des
dans les démarches collectives de gestion des échanges non facturés de services et de
coûts doit se trouver potentiellement accrue. compétences en retour de sous-traitances pro-
Inhérentes aux pratiques de MLI, selon grammées et donc essentiellement informel-
Morana et Paché (2000), il s’agit pour l’orga- les et garanties exclusivement par la qualité du
nisation d’être efficiente « dans sa capacité à contexte relationnel (Giordano, 2004). A cet
éliminer systématiquement toute forme de endroit, c’est la rentabilité financière globale
gaspillage, et en cherchant à optimiser les de la firme qui doit s’en trouver impactée
frais de structure et des processus logistiques, grâce à une meilleure utilisation des moyens
les ressources engagées et les coûts externes productifs, sans que des mesures financières
pour l’environnement (éco-logistique inté- précises n’aient été jugées nécessaires par les
grée). Cela signifie que, pour être durable- entrepreneurs pour le vérifier.
ment efficientes et efficaces, les entreprises
devront notamment rechercher une maximi-
Pour des entreprises de plus grande taille,
sation des synergies entre les différentes sup-
l’impact de cette intégration logistique peut
ply chains dans lesquelles elles s’insèrent ».
trouver, selon certains auteurs, une mesure de
En d’autres termes, tout facteur constitutif de
création de valeur à destination des apporteurs
la rentabilité économique de l’entreprise
de capitaux notamment à l’aide d’indicateurs
(maîtrise des stocks, rationalisation des acti-
tels que l’Economic Value Added. Comme le
vités, meilleure connaissance et gestion des
précise Fabbe-Costes (2002), le MLI « vise la
inducteurs de coûts concomitante à une stabi-
réduction des coûts en même temps que l’a-
lisation ou une progression du chiffre d’affai-
mélioration des niveaux de service, tout en
res) fait l’objet d’une attention accrue, que
préservant la flexibilité des firmes. Le SCM a
cette attention soit suscitée par la firme
pour ambition d’agir simultanément sur l’ac-
elle-même par la négociation ou qu’elle soit
croissement de la valeur ajoutée, la maîtrise
accompagnée par des partenaires influents.
du coût de revient et sur la maîtrise des capi-
Au sein même d’une chaîne logistique taux engagés améliorant la profitabilité glo-
intégrée, la réorganisation des activités entre bale de la firme. Le SCM vise donc
les partenaires devrait conduire à une modifi- explicitement à accroître la profitabilité des
cation de la structure des charges et des inves- firmes y participant et par voie de consé-
tissements, dès lors que les relations sont quence à créer de la valeur pour leurs action-
devenues stables. Par exemple, les décisions naires. De grandes entreprises ont adopté la
d’externalisation au profit des maillons les création de valeur pour les actionnaires
plus spécialisés de la chaîne devraient (mesurée notamment par l’EVA) comme le
conduire à un abaissement de certaines char- meilleur indicateur de performance pour la
ges de structure au profit de charges d’appro- logistique (Lambert et Burduroglu, 2001) ».
100
visionnement devenues variables. De ce point En définitive, ces configurations inter-organi- 100
de vue, l’intégration à une chaîne logistique sationnelles peuvent être considérées égale-
95 intégrée devrait avoir pour effet un abaisse- ment comme un mode de gestion particulier 95
ment des seuils de rentabilité si son optimisa- des capitaux, localement investis à l’intérieur
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tion a conduit à une réorganisation de la de la chaîne logistique. En ce sens, le MLI 75
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Les liens entre MLI et valeur financière glo- empiriques partiels sur les effets de certains
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bale de la chaîne logistique aspects de l’intégration sur le service client.
Par exemple, l’enquête empirique de Stank et
Pour étudier de quelle manière le MLI est sus-
al. (1999) montre que le recours à des équipes
ceptible d’accroitre la performance financière
25 trans-fonctionnelles ou à des systèmes d’in- 25
de la chaîne logistique dans son ensemble, il
formation intégrés permet une meilleure maî-
importe d’identifier les liens théoriques exis-
5
trise de certains facteurs clés de succès du 5
tant entre le management logistique intégré et
service au client (appréciation des besoins de
0 ses principaux indicateurs de performance. 0
clients stratégiques, adaptation à des deman-
Dans les enquêtes empiriques sur l’étude des des de services spécifiques, ajustement à des
effets du MLI sur la performance, les indica- introductions de produits nouveaux…). Nara-
teurs le plus souvent cités portent sur le ser- simhan et Jayaram (1998) montrent égale-
vice client, en tant que critère majeur ment que les pratiques d’intégration amont et
d’appréciation de la performance opération- aval ont un effet positif sur la réactivité par
nelle, et la performance financière. Ces rapport aux clients. Plus récemment, Stanley
enquêtes font un lien soit directement entre et Wisner (2001) montrent que la mise en
MLI et performance financière, soit indirecte- œuvre de partenariats fournisseurs améliore
ment par l’intermédiaire de la satisfaction du la qualité de service vis-à-vis des clients inter-
client final. (cf schéma 2) nes, qui à son tour augmente la satisfaction
des clients externes. Egalement, l’enquête de
La majeure partie des études empiriques s’est
Frohlich et Westbrook (2001) montre que les
centrée sur l’impact du MLI sur l’améliora-
firmes qui sont les plus intégrées du point de
tion du service au client final et à ses consé-
vue des pratiques (avec des plans de produc-
quences sur la performance financière. En
tion partagés) et des technologies d’informa-
effet, d’un point de vue stratégique et organi-
tion (avec des systèmes EDI) ont les meilleurs
sationnel, le management logistique intégré a
taux d’amélioration de performance, à la fois
pour objectif théorique une augmentation de
du point de vue du service client, du respect
la performance globale de la chaîne logistique
des délais, du cycle de livraison, de la produc-
orientée vers une meilleure satisfaction de son
tivité, de la qualité et du coût et de celui de
client final.
mesures plus globales telles que la part de
Le service client constitue le résultat de l’en- marché et la profitabilité. Mais ce sont Vic-
semble de la chaîne logistique : il résulte de la kery et al. (2003) qui fournissent la mesure la
combinaison des efforts de toutes les fonc- plus complète des effets de l’intégration tant
tions au sein de chaque firme et des partenai- interne qu’externe de la chaîne logistique sur
res de la chaîne logistique. Beaucoup de le service client, appliquée au cas de l’in-
recherches suggèrent donc que le manage- dustrie automobile. Leur étude montre que
ment logistique intégré devrait améliorer le l’intégration du système d’information et des
service client mais ne fournissent pas à l’ap- pratiques permet d’améliorer le service
pui des résultats empiriques. Néanmoins, plu- avant-vente, le service après-vente, la réacti-
sieurs recherches donnent des résultats vité aux demandes des clients, la fiabilité des
livraisons, et la vitesse de livraison, comme
Schéma 2 : Les liens entre MLI et performance financière autant de critères de la performance du service
client.
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impact sur des indicateurs de performance de 48% des coûts de gestion dans le secteur de
5
financière comme le retour sur capitaux inves- la santé aux États-Unis à la suite de la mise en 5
tis, sa variation, la variation du chiffre d’affai- place de démarches ECR (Efficient consumer
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res. response).
Des études moins nombreuses s’interrogent En synthèse de ces études, il apparaît que
sur le lien direct entre le management logis- l’impact du MLI sur la performance finan-
tique intégré et les indicateurs de performance cière n’est effectif que via l’amélioration du
financière. Frolich et Wesbrook (2001) ont service client. Autrement dit, l’enjeu de l’inté-
ainsi fait apparaître que des pratiques d’inté- gration reste avant tout d’ordre stratégique et
gration plus fortes permettent d’accroitre la organisationnel du point de vue de la création
part de marché et la profitabilité des firmes, et de valeur pour le client.
donc de la chaîne logistique dans son
ensemble, sans pour autant pouvoir le démon-
trer pour l’indicateur de retour sur capitaux
Conclusion
investis. Powell (1995), Tan et al. (1998) et Il ressort d’abord de notre étude de la littéra-
Carr et Pearson (1999) constatent par ailleurs ture que l’échange ou le partage d’informa-
que les pratiques de partenariat fournisseur tions comptables entre acteurs d’une chaîne
sont fortement corrélées avec la performance logistique peut s’avérer utile, voire nécessaire
financière. En ce qui concerne l’impact des à la réussite du management logistique inté-
pratiques de collaboration avec les clients sur gré. Cependant, l’étude de deux techniques
la performance financière, si Powel constate d’intégration comptable, la méthode des coûts
un effet positif, en revanche Tan et al. n’obser- cibles et la comptabilité à livre ouvert, montre
vent pas de lien significatif. Plus globalement, aussi que le contrôle inter-organisationnel
Johnson (1999) démontre qu’une stratégie peut varier selon différents degrés d’intégra-
d’intégration conduit à une performance amé- tion comptable. En effet, l’intégration comp-
liorée de la firme en termes de chiffre d’affai- table peut évoluer entre deux situations
res, part de marché et de croissance. Enfin, extrêmes. Soit d’un côté des formes peu inté-
Nakhla (2006) propose un chiffrage des effets gratives de coûts cibles imposées par un parte-
de la gestion de la chaîne logistique par l’ap- naire dominant, soit de l’autre, une gestion
préciation d’indicateurs financiers de perfor- collective des coûts avec la comptabilité à
mance : un cas dans le secteur de l’emballage livre ouvert lorsque la confiance et le contrôle
illustre le lien entre l’amélioration du taux de informel prédominent. Cela signifie que
service et le besoin en fonds de roulement de lorsque la dimension disciplinaire domine
l’entreprise, l’autre cas dans le secteur entre les membres de la chaîne logistique, le
agro-alimentaire montre de quelle manière la degré d’intégration comptable peut être plus
réorganisation de la supply chain a un impact faible. A l’inverse, lorsque le management
positif sur la marge opérationnelle de l’entre- logistique intégré devient une condition de
prise. réussite de la chaîne logistique, alors la
dimension cognitive de la relation devient
Parmi les recherches empiriques, seule celle
plus forte, et par conséquent, le degré d’inté-
de Vickery et al. (2003) a étudié à la fois les
gration comptable devrait augmenter. Cepen-
liens directs et indirects (via le service client)
dant, dans ce second cas, les études
entre le management logistique intégré et la
empiriques montrent aussi que la plus forte
performance financière qu’ils mesurent par
intégration comptable n’est possible que si
comparaison aux firmes concurrentes avec
elle est accompagnée de mécanismes d’incita-
trois indicateurs : le retour sur actifs immobi-
tion.
lisés, le retour sur ventes et le retour sur inves-
100
tissements. Les résultats de cette étude ne Cet article montre aussi que la performance 100
révèlent pas de lien significatif direct entre du management logistique intégré peut par-
95 l’intégration de la chaîne logistique et la per- tiellement se traduire dans des mesures comp- 95
formance financière. Il n’apparaît qu’un lien tables des effets de l’intégration. Tout
75
indirect par l’intermédiaire du service client, d’abord, du point de vue de chaque firme, 75
confirmant de ce fait leur étude précédente avec une réallocation des ressources entre les
(Vickery et al., 1997). différentes chaînes logistiques et au sein
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Composite Trame par dØfaut
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ches ultérieures d’approfondir le lien entre table : le cas des transactions de réseaux
0
création de valeur pour le client du manage- inter-entreprises, Comptabilité Contrôle 0
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Profil couleur : DØsactivØ
Composite Trame par dØfaut
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