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SCIENCES DE L’INFORMATION
Éditée depuis 1964 par l’ADBS,
l’Association des professionnels
de l’information et de la
documentation, la revue
Documentaliste-Sciences de
l’information est consacrée aux
aspects professionnels de
l’information-documentation,
ainsi qu’à la recherche en
éditorial
sciences de l’information.
Le site de l’ADBS (www.adbs.fr)
propose les sommaires de cette
revue depuis 1964, les
présentations des articles parus Précieux esprit bêta
depuis 1988, et les numéros
parus depuis 1998 au format
PDF (accès aux numéros de Olivier Roumieux, membre du Conseil d’administration de l’ADBS
moins de deux ans réservé aux
abonnés).
Le site CAIRN (www.cairn.info)
propose, aux formats HTML et
PDF, les numéros de cette revue Les révolutionnaires lecteurs de Documentaliste – Sciences de
publiés depuis 2001 (accès l’information me pardonneront – mais autant le déclarer dès
payant aux articles parus depuis
moins de deux ans). l’ouverture de ce numéro : le web 2.0 n'est pas à mes yeux une
Revue analysée dans les révolution. L'opposition « révolution – évolution », telle qu'elle
banques de données PASCAL a été retenue comme titre du dossier de ce numéro consacré au
et LISA, et dans le Bulletin
bibliographique INTD. web 2.0, n'en demeure pas moins pertinente pour évaluer et
mesurer les bouleversements technologiques, sociologiques et
Directrice de la publication :
Martine Sibertin-Blanc. d'usages que nous connaissons actuellement sur le web. Savoir discerner les tendances
Rédacteur en chef : prometteuses et les paliers importants constitue aujourd'hui une compétence précieu-
Jean-Michel Rauzier. se. Bref, distinguer le futile de l'essentiel devient l'apanage des professionnels de
Conception et coordination
éditoriale des dossiers : l'information qui ont su se doter d'une solide grille de lecture.
Dominique Brisson
Conseil de rédaction :
Catherine Baude, Arlette
Gestion de projets bêta
Boulogne, Annie Buffeteau, Mais attention à ne point trop se prendre au sérieux ! Après tout, une des leçons du
Stéphane Chaudiron, Jacques « moment web 2.0 » ne tient-elle pas dans le fameux « bêta » apposé sur tous les
Chaumier, Sylvie Chevillotte,
Dominique Cotte, Viviane sites de cette génération ? Le moment n'est-il pas venu de faire preuve d’un peu d’« esprit
Couzinet, Pierre Le Loarer, bêta » : accorder un peu plus d'importance au futile, s'ouvrir un peu plus à des idées un
Monique Letranchant, Françoise
Marceau, Claudine Masse,
peu insolites ou pas tout à fait abouties ?
Jean Meyriat, Florence Muet, Il suffit de quelques minutes pour se créer l'adresse électronique qui servira de sésame.
Paul-Dominique Pomart. La grande majorité des services web 2.0 ne s'adresse plus seulement aux internautes, mais
Conception graphique :
ProEdito également aux professionnels et éditeurs en place sur le marché. En leur proposant des
Photo de couverture : services gratuits, ou peu s’en faut. Alors pourquoi ne pas se lancer et tester ces services
© Saniphoto-Fotolia
dans l’optique d’une utilisation professionnelle ? Pourquoi même ne pas imaginer une
Abonnement annuel (quatre « gestion de projets bêta », dans laquelle les projets ne sont jamais terminés – comme dans
numéros) : France 110 ¤, autres la vraie vie, me direz-vous – mais dont ce caractère inachevé devient un moteur
pays 122 ¤. Prix au numéro :
30 ¤. Rédaction et d’innovation ?
abonnements : ADBS, 25 rue Loin de moi, bien sûr, l'idée d'abandonner tous les contenus d'Europeana à Google
Claude Tillier, F-75012 Paris, tél.
+33 (0)1 43 72 25 25, fax +33
Books ! En d’autres termes, il ne s’agit pas de céder à toutes les modes au risque de se
(0)1 43 72 30 41, adbs@adbs.fr, retrouver vraiment… bêta. Jean-Michel Salaün pose d'ailleurs une question fondamentale
CCP 1997507J020-06 Paris dans ce dossier : « Faut-il s'intégrer à ces dynamiques quitte à risquer de perdre toute
Publicité : J.-F. Richard, Kallisté,
tél. +33 (0) 1 69 00 53 16, indépendance ou au contraire refuser de se compromettre au risque d'être marginalisé ? »
kalliste@laposte.net Entre perte d'indépendance, compromission, marginalisation et immobilisme, un espa-
Imprimerie : La Familiale,
3 bis place du Théâtre, 91150
ce existe. Dans lequel le professionnel de l'information peut faire valoir son rôle de
Etampes. CPPAP : 0110 G garant de l'intégrité de l'information et de défricheur de nouveaux services. Alors, tenté
85899. ISSN 0012-4508. Dépôt par un zeste d’esprit bêta ?. •
légal : mars 2009
Vos remarques et
commentaires : doc-si@adbs.fr
[ étude ] Les récentes évolutions des technologies de l’information et les pratiques qu’elles
induisent dans la société de l’information et du web 2.0 rendent plus nécessaire que jamais
la formation des élèves et des étudiants à un usage raisonné et critique des ressources infor-
mationnelles. Dans cette étude, Françoise Chapron et Éric Delamotte rappellent d’abord
les jalons de la mise en place en France, depuis un demi-siècle, d’une éducation à la culture
informationnelle. À partir des travaux d’une équipe de recherche et d’un récent colloque
international consacrés à cette problématique, les auteurs dégagent ensuite un certain
nombre de perspectives pour consolider et adapter l’éducation à l’information, indispen-
sable à la formation d’individus culturellement autonomes, professionnellement efficaces
et capables du jugement critique nécessaire à l’exercice de leur citoyenneté.
D
ES PREMIÈRES PRÉCONISATIONS D’USAGE des élèves et étudiants à un usage raisonné et critique
pédagogique des documents dans l’enseignement des ressources informationnelles devenues plus
secondaire au concept actuel de culture information- accessibles au fur et à mesure des évolutions de la
nelle qui se diffuse dans le milieu professionnel et société, des technologies et du système éducatif. On
celui de la recherche, un demi-siècle s’est écoulé. 2008 y repère diverses étapes, diverses conceptions et sys-
a été à la fois l’année du cinquantenaire des CDI tèmes de valeurs. Cette évolution montre comment
(centres de documentation et d’information des les praticiens, et en premier lieu les documentalistes
lycées et collèges) d’où est issue cette problématique du second degré, ont progressivement construit et
et celle du colloque international sur L’éducation à la formalisé leurs activités. À partir de savoirs théo-
culture informationnelle soutenu par l’Unesco et orga- riques liés à leurs pratiques, ceux-ci ont accordé une
nisé à Lille par l’ERTé (Équipe de recherche techno- importance croissante aux sciences de l’information
logique en éducation) « Culture informationnelle et et de la communication comme cadre de référence à
curriculum documentaire » mise en place en 2006 leur action inspirée au départ par des modèles issus
[voir page 6]. des sciences de l’éducation, notamment de l’Éducation
Depuis une trentaine d’années, la littérature pro- nouvelle.
fessionnelle des professeurs documentalistes et de Dans cette évolution, quels jalons, quelles figures
leurs associations, les revues des mouvements péda- et paradigmes peut-on repérer qui puissent constituer
gogiques et plus récemment des travaux de recherche une grille de lecture d’aujourd’hui ? Comment le front
ont mis en avant l’urgente nécessité d’une formation de recherche ouvert par les travaux de l’ERTé donne-
/////// représentations des acteurs n’en ont pas été tirées. En double mandat de professionnels de l’information et
revanche, ce statut modifie largement la formation et de la formation.
la professionnalisation des personnels. C’est d’ailleurs le moment où, aux « compagnons
L’universitarisation de la formation initiale, gérée de route » qui soutiennent la réflexion profession-
très rapidement par les nouveaux instituts universi- nelle plutôt liés jusque-là aux sciences de l’éducation
taires de formation des maîtres (IUFM) créés en 1991, – André de Peretti, Philippe Meirieu, Jean Pierre
donne aux nouveaux recrutés un niveau de qualifi- Astolfi, etc. – se joignent des spécialistes des SIC
cation à bac+5 qui suppose le recours à des savoirs comme notamment Gérard Losfeld, Yves-François
professionnels techniques autant que scientifiques et Le Coadic, Hubert Fondin, Marie-France Blanquet,
pédagogiques issus de la recherche pour assurer leur Yves Jeanneret, Annette Béguin-Verbrugge.
lacé sous la responsabilité de tivité des jeunes chercheurs (qui ont associations nationales présentes :
P Françoise Chapron et Éric
Delamotte, ce colloque international
répondu nombreux à l’appel, indice
d’un front de recherche dynamique)
ABF, ADBS, ADBU, ANDEP, FAD-
BEN.
a reçu le soutien de la Division de la et de collègues étrangers afin de La nature internationale et multi-
communication et de l’information prendre en compte la dimension culturelle des interventions
de l’Unesco, de l’Institut des internationale. Des ateliers, organisés démontre à quel point la thématique
sciences de la communication du en sous-thématiques dans chaque de ce colloque a fait écho à des
CNRS et du Conseil régional Nord- axe, ont été animés par les cher- questionnements de la communauté
Pas de Calais. Il a réuni 140 partici- cheurs de l’ERTé. scientifique internationale. La
pants et fut sans conteste le Trois conférences plénières ont présence de nombreux professeurs
congrès européen et francophone le articulé les journées du colloque. documentalistes, bibliothécaires,
plus important de l’année dans le Elles avaient pour thème : conservateurs de musée, formateurs,
domaine de l’information literacy. « De l’information à la communica- enseignants et chercheurs du
Organisé à mi-parcours de la tion » (Dominique Wolton, CNRS) ; supérieur et les échos qui en ont été
recherche menée par l’équipe ERTé « Panorama de l’information donnés* témoignent du large intérêt
« Culture informationnelle et curricu- literacy » (Sheila Webber, Université suscité par le colloque.
lum documentaire », avec l’appui du de Sheffield) ; et, pour ouvrir la der- L’intégralité des textes relatifs aux
laboratoire GERiiCO de l’Université nière journée consacrée à l’approche communications et aux présenta-
Lille-3, il se voulait un lieu didactique abordée sous divers tions des ateliers a été déposée dans
d’échanges de réflexions et angles, « Curriculums, disciplines HAL et est accessible sur le site
d’expériences avec d’autres cher- scolaires et "éducations à" » @rchiveSIC
cheurs et praticiens sollicités par un (François Audigier, Université de (http://archivesic.ccsd.cnrs.fr).
appel international à communication Genève). On peut retrouver les vidéos des
autour des quatre axes de travail Une table ronde sur les « Territoires conférences et l’actualité des travaux
de l’équipe : enjeux institutionnels, et acteurs de la culture information- de l’ERTé sur le site www.erte-cicd.fr
politiques et comparaisons inter- nelle » a permis d’aborder la problé- et sur le blog
nationales ; représentations liées matique d’une « transliteracy » qui http://ertecolloque.wordpress.com.
aux pratiques sociales d’information ; établirait un lien entre les domaines Les actes retravaillés et enrichis vont
formats de connaissances mobilisés de l’éducation aux médias, de la cul- être publiés prochainement par les
par les apprenants et les ture numérique et de l’éducation à Presses de l'École nationale supé-
enseignants ; et didactique de l’information. Elle enrichissait ainsi rieure des sciences de l’information
l’éducation à et par l’information. les communications consacrées à la et des bibliothèques (ENSSIB) dans
définition du concept de culture leur nouvelle collection « Papiers ».
La variété et le nombre des proposi- informationnelle.
tions de communication ont amené Enfin, la table ronde réunissant des * Voir notamment le compte rendu effectué par Blandine Raoul
le comité scientifique international professionnels a été un moment fort Réa pour le Café pédagogique
à retenir une vingtaine de communi- de positionnement et d’information (www.cafepedagogique.net/Documents/Education
cations en favorisant une représenta- réciproque entre représentants des CultureInformationnelle.htm).
/////// De ce mouvement convergent naît le projet d’une Pasquier, Hervé Glévarec, Olivier Ertzscheid, etc,. qui
Équipe de recherche technologique en éducation montrent la diversité des voies d’appropriation des
(ERTé), structure permettant d’associer chercheurs et modes de communication par les jeunes, phénomène
non-chercheurs praticiens. Elle rassemble au niveau qui ne peut plus être ignoré par le système éducatif.
national des collègues engagés dans des recherches, Cette diversité n’avait pas toujours été intégrée dans
réflexions professionnelles ou expérimentations. les recherches plutôt marquées par des approches
Annette Béguin-Verbrugge, professeur en sciences de modélisantes ou unifiantes. Et pour cause : tant que
l’information et de la communication, accepte d’en le niveau d’équipement et de diffusion des TIC n’a pas
assurer la responsabilité en appui sur le laboratoire été important et qu’il était plutôt réservé au secteur
GERIICO de l’Université Lille-3. Déposé en 2004, le scolaire, elle n’était pas une variable essentielle.
projet obtient l’aval du ministère de la Recherche en Or on constate que, dans les BCD, les CDI ou les
mai 2006 pour quatre ans. BU, ces pratiques et les compétences construites hors
l’école ne sont pas sans impact sur le rapport des
jeunes à ces outils ni sur l’usage qu’ils en font en
L’ERTé « CULTURE
2 INFORMATIONNELLE ET
CURRICULUM DOCUMENTAIRE »,
contexte d’étude, de manière souvent non conforme
à ce qu’attendent les adultes qui les encadrent.
Les objectifs de l’éducation formelle se voient souvent
CREUSET ET RÉVÉLATEUR battus en brèche par ces pratiques « importées ». Les
DES PROBLÉMATIQUES DE intentions éducatives se confrontent à des représen-
L’ÉDUCATION INFORMATIONNELLE tations et usages en opposition éventuelle entre le
monde hors l’école et celle-ci.
Une approche pluridisciplinaire En cela, la mise en place de dispositifs d’observa-
L’équipe est constituée de chercheurs en sciences tion ou d’entretiens dans une démarche ethnogra-
de l’information et de la communication et en phique (axe 1) vise autant des pratiques scolaires
sciences de l’éducation exerçant en université, en voire universitaires (y compris celles des enseignants)
départements spécialisés, URFIST, IUFM, de praticiens que celles existant hors l’école. S’y ajoutent (axe 2)
de terrain, professeurs documentalistes en second l’observation (et la prise de conscience, éventuelle-
degré ou du supérieur, pour certains engagés en mas- ment par les élèves ou étudiants eux-mêmes) de leurs
ters et thèse, et de professionnels des bibliothèques. stratégies cognitives et leurs usages des outils et res-
De par sa variété, elle croise des approches, des sources en milieu scolaire ou hors scolaire. Tout ceci
méthodologies, des objets divers3 structurés autour esquisse aujourd’hui un kaléidoscope de recueil de
de quatre axes [voir page 6 le hors texte sur le colloque pratiques, de conceptions, d’acquisitions de compé-
de Lille], impliquant des entrées différentes, parfois tences de niveau et d’expertise divers, dont l’analyse
divergentes. C’est d’ailleurs une richesse qui incite à apporte un éclairage nécessaire à l’entreprise didac-
des échanges évitant le cloisonnement ou le repli, per- tique de construction d’un curriculum.
mettant l’émergence de points de complexité épisté- En effet, tout individu (enfant ou adulte) rencontre
mologique ou méthodologique. la communication non seulement dans des échanges
Jusque-là, que ce soit en sciences de l’éducation ou avec autrui, mais aussi dans des instances de sociali-
en sciences de l’information et de la communication, sation diversifiées, c’est-à-dire dans divers lieux où les
l’objet éducation à l’information était pensé réalités qu’il croise sont différentes. Qu’il se trouve
comme un déroulement relativement homogène de chez ses parents ou auprès d’amis, devant la télévi-
l’apprentissage de la maîtrise de l’information sion ou l’ordinateur, dans un CDI ou dans une entre-
(information literacy). Or le développement des nou- prise en stage… le jeune fait à chaque fois l’expérience
velles formes d’information et de communication : de réalités particulières et d’enjeux différents.
téléphone portable, Internet, jeux vidéos, etc., Interagissant dans des contextes variés avec des per-
a modifié considérablement les représentations et les sonnes diverses qui ont face à lui des statuts et des
pratiques personnelles des jeunes qui fréquentent compétences divers, il construit petit à petit une per-
dans le même temps un monde éducatif dans lequel sonne sociale et apprend à gérer des relations inter-
le statut et l’usage de ces outils de communication personnelles. Les processus identitaires comme les
ne sont pas les mêmes. comportements collectifs ont donc leur origine dès
les toutes premières attitudes de l’enfant avec les
Des pratiques vers la didactique autres et c’est aussi là que commence à se fabriquer la
et réciproquement variation des rapports à la communication et à
Depuis quelques années se développent des l’information.
recherches variées, notamment en sociologie des Cette réalité complique singulièrement l’analyse
pratiques culturelles, autour de ces nouveaux médias fine des comportements informationnels et commu-
[4]. Citons entre autres les études de Dominique nicationnels et constitue autant d’obstacles que
/////// souhaitons en donner. Celle esquissée par Brigitte objet l’organisation collective (générationnelle, par
Juanals [13] a eu le mérite de distinguer des niveaux niveau ou par discipline) de la variété, à travers
de formulation et de complexité progressifs. l’analyse historique de ses modalités ou en centrant
L’équipe a déjà effectué une confrontation des défi- l’interrogation sur le rôle des professionnels et des
nitions possibles et espère pouvoir l’enrichir. Mais on institutions. L’étude didactique, elle, s’attaque plutôt
ne l’aborde pas de la même façon selon que l’on pense aux conditions épistémiques et aux modalités de
la culture informationnelle à partir de la réalité des construction de la culture informationnelle. L’effort
pratiques sociales observées ou que l’on recherche vise à modifier la spontanéité, voire le savoir commun
une définition en terme de finalité à une éducation issu de la pratique, en structurant le travail
à l’information. Ces approches ne sont pas pour d’encadrement des dispositifs et des objets, qui part
autant antagonistes mais nécessitent d’être contex- de la modélisation de l’information pour s’appli-
tualisées, d’autant que le concept circule avec des accep- quer au fonctionnement logique des systèmes
tions, voire des interprétations différentes dans des d’informations. Mais les spécialistes de ces deux
domaines sociaux divers. approches ne peuvent que et dialoguer entre eux pour
Par ailleurs, la question des territoires de l’édu- rechercher une articulation et aboutir à une structu-
cation à l’information et de la culture information- ration durable d’une didactique de l’information-
nelle est posée. Les frontières et finalités de l’éducation documentation
aux médias, de la culture numérique et de l’éducation C’est dans cette interaction que les pratiques, vues
à l’information ne sont pas aisées à cerner. Le colloque comme un « déjà là » dont on doit tenir compte dans
de Lille a ménagé un temps pour engager ce débat la réflexion didactique, peuvent être travaillées. Car
porteur de forts enjeux institutionnels et qui préoc- les conceptions ou acquisitions des élèves sont autant
cupe aussi des institutions comme l’Unesco ou les ins- d’appuis ou d’obstacles à prendre en compte dans la
tances européennes. construction des situations d’apprentissage permet-
tant la conceptualisation de savoirs et de stratégies
Une articulation nécessaire cognitives. C’est cette conceptualisation qui, par
entre la prise en compte des pratiques sa force explicative, ouvre à une compréhension de
et la mise en œuvre de la didactique l’action et de l’environnement, donne un sens aux
info-documentaire activités informationnelles et permet des apprentis-
L’étude des pratiques s’ouvre à une intelligence sages durables et réinvestissables. Dans quelques
plus interne des usagers lorsqu’elle se donne pour académies comme à Rouen, Nantes, Orléans-Tours,
Références
[1] ASSISES NATIONALES [4] FRANÇOISE CHAPRON. « Table 2008, p. 30-31.
Éducation à l'information et à la ronde sur les pratiques culturelles www.fadben.asso.fr/IMG/pdf/Med
documentation : clés pour la réus- des adolescents. Indications iadoc1_oct2008_Manifeste78.pdf
site, de la maternelle à l'université. bibliographiques complémen- [6] COMMISSION EUROPÉENNE.
11-12 mars 2003. taires ». In : Culture information- DIRECTION GÉNÉRALE ÉDUCATION ET
http://urfist.enc.sorbonne.fr/ nelle : quels enjeux pour l’école CULTURE. Compétences clés pour
Assises/Ass-index.htm et la société ? Colloque inter- l’éducation et la formation tout
[2] JEAN-PIERRE ASTOLFI. départemental Indre/Indre-et- au long de la vie : un cadre
La saveur des savoirs : disciplines Loire, Tours, 29 mai 2008. 5 p. de référence européen. 2008.
et plaisir d'apprendre. Paris : wwwphp.ac-orleans- http://ec.europa.eu/dgs/educatio
ESF éditeur, 2008. Chap. 7 : tours.fr/crdp/blogs, onglet Tours, n_culture/publ/educ-trai-
« Le savoir de l’information », cliquer sur « Conférences audio », ning_fr.html#keycomp
p. 205-219 puis sur « Culture information- [7] PASCAL DUPLESSIS. « L’enjeu
[3] PAULETTE BERNHARD. nelle : quels enjeux pour l’École des référentiels de compétences
« Modèles-référentiels ». In : et la société ? », « Table ronde info-documentaires dans
La maîtrise de l’information, sur sur les pratiques culturelles des l’éducation nationale ».
le site Formanet : développer les adolescents », « Indications biblio- Documentaliste - Sciences de
compétences informationnelles graphiques complémentaires » l’information, 2005, vol. 42, n° 3,
dans l’enseignement secondaire [5] FRANÇOISE CHAPRON. p. 178-189
en France et au Québec. « Documentation : discipline nou- [8] FÉDÉRATION DES ENSEIGNANTS
www.ebsi.montreal.ca/formanet/ velle - Le Manifeste 78, un texte DOCUMENTALISTES DE L’ÉDUCATION
maitrise.htm#Modeles fondateur ». Médiadoc, octobre NATIONALE. Compétences en infor-
La gestion de l’information et
des archives électroniques en Europe
C
ette conférence du DLM Forum fut sonnes handicapées (Haute- Plusieurs thèmes
un succès marqué notamment par Garonne et Finistère), plates- émergents : normalisation,
le nombre élevé des participants formes d’archivage électronique interopérabilité,
(quatre cents), la forte présence du département des Yvelines et certification, pérennité,
d’étrangers de toutes nationalités pilote de la direction des Archives automatisation des
même si les Européens étaient le de France ou de la ville d’Anvers. processus…
plus fortement représentés. Succès La conférence a été ouverte On notera ainsi les conférences
marqué aussi par le nombre (une par la directrice des Archives de consacrées aux normes et à leur
soixantaine), la variété et la qua- France, Martine de Boisdeffre applicabilité : normes orientées
lité des interventions tant étran- ainsi que par Gilles Lassare, nou- « records management » et « archi-
gères que françaises. Plusieurs veau responsable en charge des vage électronique » qui ont fleuri
thèmes ont été débattus, qui illus- projets de l’administration élec- ces dernières années, dans des
trent les évolutions et les nouveau- tronique à la direction générale de environnements et des contextes
tés depuis la dernière conférence la modernisation de l’État. Leur variés, nécessitant d’effectuer une
d’il y a trois ans, alternant réfle- propos venait conforter la place cartographie critique de ces textes,
xions théoriques et cas pratiques. structurante de l’archivage élec- ainsi que d’élaborer des guides
On en retire le sentiment en- tronique au sein du nouveau plan explicatifs et des recueils de
courageant que, enfin, on ose se Économie numérique 2012. bonnes pratiques permettant de
lancer, depuis de petits projets Au-delà des thèmes permanents meilleures compréhension et prise
« artisanaux » jusqu’à une auto- autour des stratégies, de l’ac - en compte par des utilisateurs
matisation croissante des proces- cessibilité, des architectures, de la désarçonnés par le volume, le lan-
sus : gestion et archivage des conservation pérenne des don- gage, les différents concepts et
données de la mission « État de nées et documents numériques, vocabulaires.
droit » au Kosovo (EULEX), sau- des formats (présentations no- Thème également émergent :
vegarde numérique des courriers tamment du format PDF/A) et des celui du transfert des données et
électroniques en Belgique (élabo- supports, des stratégies de migra- de la question de l’interopérabilité,
ration d’une directive), archivage tion et d’émulation (mise en pour lequel l’Estonie, mais égale-
de la banque d’information radio- œuvre de la première version de ment la France, sont intervenues
phonique des Deux-Sèvres, archi- l’émulateur DIOSCURI aux avec insistance : projet de coopé-
vage des données des logiciels Pays-Bas), on peut se féliciter de ration entre plusieurs pays euro-
sociaux et des dossiers des mai- la consolidation voire de l’émer- péens avec la mise en place d’un
sons départementales des per- gence de thèmes nouveaux. wiki, application du standard
/////// automatique, des ontologies et la provient de la présentation de plu- ment », de numéro de versement,
modélisation des métiers. sieurs cas d’espèces de mise en appli- de système de cotation continu, à
cation des principes du records la nécessité d’une gestion très fine
La version 2 de MoReq management tant dans le secteur des droits d’accès, à la pertinence
Autre événement qui a marqué public que dans le secteur privé. des tris pour les archives numé-
cette conférence : la publication en MoReq a été présenté dans le cadre riques, à la gestion des dossiers
2008 de la version 2 de MoReq de plusieurs ateliers et notamment hybrides (papier et numérique).
(Model Requirements for the de son application dans des cadres Finalement, par la mise en
Management of Electronic Records nationaux (Roumanie) ou par le œuvre des pratiques du records
ou Exigences types pour la maîtrise biais d’études de marchés réalisées management génératrices de gains
de l’archivage électronique) qui pour le compte de l’Allemagne, de qualitatifs mais également quanti-
définit les exigences fonction- l’Autriche et de la Suisse. tatifs en matière de gestion de
nelles d’un système d’archivage l’information, les archivistes devien-
électronique au sens fort du mot Perspectives du métier nent des prestataires de services
archivage, publication suivie en d’archiviste auprès des organisations. L’enjeu
France de la sortie pour la confé- La manifestation s’est terminée est de taille avec, dans le contexte
rence du DLM de sa traduction en sur l’évolution du métier de du renforcement de l’administration
français, demandée par la direc- l’archiviste. Les convergences sont électronique actuellement mis en
tion des Archives de France à nombreuses à travers les réflexions place, l’occasion pour les archives
Marie-Anne Chabin3 qui avait déjà menées par exemple par le service de devenir de véritables leviers pour
assuré en 2001 la traduction de la national de la Poste ou par les la modernisation del’adminis -
première version de MoReq. conseils généraux de l’Aube ou des tration. Ou, dit autrement, com-
A été également ajouté à cette Yvelines, sur les nouvelles mis- ment réussir à intégrer pleinement
traduction un chapitre 0 visant sions dévolues aux services la gestion documentaire électro-
à présenter l’environnement fran- publics d’archives avec un déport nique dans les initiatives de réforme
çais de MoReq entre records mana- de l’action et de la prise en charge des services publics à travers la com-
gementet archivage. Une originalité dès le début du cycle de vie des préhension et la participation au
de ce chapitre vient de l’introduc- archives. Cette prise en charge très processus de formulation du savoir,
tion d’une partie consacrée au précoce se retrouve dans l’ex - en passant d’un principe d’enre-
contexte français du RM, ainsi que périence des archives fédérales gistrement passif à une démarche
de la présentation de ce référentiel d’Allemagne ou encore des ar- beaucoup plus engagée et interac-
par rapport aux autres normes et chives nationales des Pays-Bas tive et en faisant de l’archiviste un
standards relatifs au domaine (rôle d’entrepôt numérique de créateur de valeur dans la chaîne
(records management et archivage confiance pour le compte des documentaire ? •
électronique), leurs points de recou- agences gouvernementales). Françoise Banat-Berger
pement, leurs différences, leurs arti- Autres interrogations liées : celles Direction des Archives de France
culations. L’autre originalité relatives aux notions de « verse- francoise.banat-berger@culture.gouv.fr
L
leur être prodigués : il faut d’abord a question de l’évaluation est loin d’être nouvelle pour les pro-
surveiller les signes d’altération de fessionnels de l’information mais se pose de manière neuve
leur support matériel et veiller à depuis que les autorités de tutelle de la recherche et les bailleurs
maintenir un environnement logi- de fonds l’ont transformée en enjeu politique. Le classement de Shanghai
ciel capable de restituer leur a ainsi entraîné, dans le monde académique, l’apparition d’une fièvre de
contenu. Dans le cas d’un simple l’évaluation dont les effets sont perceptibles à tous les niveaux, du cher-
texte archivé numériquement, ces cheur à la ministre. Celle-ci ne déclarait-elle pas le 2 juillet 2008 que la
soins sont déjà assez conséquents. « réalisation d’un classement européen des universités est une priorité pour
Ils se démultiplient quand entrent la Présidence française de l’Union européenne en matière d’enseignement
en jeu les formats techniques liés supérieur » ? Que signifie cet unanimisme et que sert un tel classement ?
aux équipements de capture des Il ne s’agit pas d’affirmer que l’évaluation dans le champ des politiques
données. Il faut également s’assu- publiques est une exigence illégitime mais de s’interroger sur les objec-
rer de la validité des données. tifs de cette pratique qui, les documentalistes le savent bien, se fonde sur
Le monde anglo-saxon utilise des indicateurs très divers, mal contrôlés méthodologiquement, souvent
le terme de « curation » pour inadaptés et dont l’interprétation est la plupart du temps contestable.
décrire les soins à apporter aux Ainsi, dans le domaine jusque-là relativement épargné des SHS, cette
données numériques afin qu’elles fièvre comptable semble avoir saisi de nombreux directeurs de labora-
soient accessibles et réutilisables. toires et de départements scientifiques ainsi que les comités de visite de
Le NVO est par exemple associé l’agence de l’évaluation (AERES) qui manient désormais facteur
au centre DRCC6 pour l’archivage d’impact, h index et autres indicateurs avec la ferveur des nouveaux
de ses données. En France le terme convertis, mais sans toujours en saisir les modes de construction ni les
d’« archivage pérenne » tend difficultés d’interprétation. De même, à la suite du rapport Bourdin, on
à englober les opérations de stoc- reste dubitatif sur les méthodes utilisées pour établir les classements des
kage, de préservation, de conser- universités qui valorisent systématiquement celles des pays où ils sont
vation et de gestion à mener sur les établis.
données pour qu’elles restent aisé- Mais, dépassant les questions méthodologiques, se dévoile un enjeu
ment accessibles et exploitables. politique. Au-delà de la volonté de disposer d’outils de contrôle suppo-
Le nouveau visage des données sés améliorer le dispositif de recherche et sa compétitivité, on assiste en
de recherche, qui met en avant effet à une instrumentalisation de l’évaluation s’inscrivant dans la doc-
l’interopérabilité et la pérennité, se trine du New Public Management, destinée à importer le benchmarking
déploie depuis cinq ou six ans comme technique de contrôle administratif de la recherche et remède
déjà, principalement aux États- managérial de la sphère publique.
Unis et au Royaume-Uni, dans le Pour comprendre l’importance de l’enjeu, il faut le resituer dans la
cadre de l’e-science et des cyber- construction de l’Espace européen de la recherche, emblématique de la
infrastructures. En France, il émerge politique néolibérale mise en œuvre par la stratégie de Lisbonne et dans
progressivement. En astronomie, laquelle la compétitivité est endogène à la course sans fin que doivent
par exemple, l’IVOA, à laquelle la désormais se livrer laboratoires, organismes de recherche et universités.
France ne participait au début que L’évaluation comparative devient ainsi une fin en soi dans une vision de
par l’intermédiaire des projets la recherche où sa finalité n’est pas de réduire les inégalités socio-éco-
européens, compte depuis 2004 nomiques mais de distinguer des « pôles de compétitivité », des « centres
une structure française parmi ses d’excellence » susceptibles de concurrencer les laboratoires américains
membres, l’ASOVFrance. • ou japonais et d’attirer les « meilleurs cerveaux ». En appliquant les
Dominique Aussant méthodes du benchmarking à la recherche et l’enseignement supérieur,
Ministère de la Recherche, l’objectif est d’introduire sur le marché concurrentiel ce qui y échappait
Bureau de l’IST jusqu’à présent au moins dans une partie de l’Europe, à savoir la
dominique.aussant@recherche.gouv.fr recherche fondamentale et les formations universitaires. •
Q
uatre entrées principales étaient René Schneider (HEG Genève), à le cadre de la documentation scien-
proposées lors de la conférence partir d’une étude quantitative et tifique (Ghislaine Chartron,
Document numérique et Société qualitative de trois opacs suisses, Elisabeth Caillon, CNAM).
2008 pour rendre compte des évo- ont caractérisé les comportements
lutions en cours du champ docu- de recherche et proposé des évo- Les acteurs de l’offre
mentaire : les objets qui balisent lutions des interfaces, en prise documentaire
l’espace documentaire, les acteurs avec le paradigme des moteurs Présidé par Marc Minon (Cairn),
impliqués dans la constitution de grand public de l’Internet, tout en cette session a porté l’attention sur
l’offre, les traitements documen- cherchant à préserver la richesse les nouveaux entrants du web
taires, et les pratiques des usagers d’indexation proposée par les (Google et Yahoo, Amazon, Orange,
ainsi que leur accompagnement. opacs. Claire Scopsi (INTD- Verizo, etc.), développant une
CNAM) s’est intéressée à l’intro- stratégie au carrefour de l’écono-
Les objets du champ duction des SIGB open source dans mie des médias (financement
documentaire les bibliothèques et aux motiva- par un tiers) et de l’économie des
Les communications retenues tions associées des professionnels compteurs (exploitation des traces
sous ce premier axe ont pointé, de l’information, l’allègement des usagers), qu’Hervé Le Crosnier
lors d’une session présidée par financier étant l’un des plus a développée sous le concept de
Pierre Cubaud (CNAM), les trans- manifestes. « vectorialisme », dans le sillage
formations de l’architecture du Une seconde session, présidée des travaux de Wark McKenzie
web sous-jacente aux documents par Geneviève Lallich (Université (2004) sur les nouvelles formes
numériques, les opacs et les logi- Lyon-1), a considéré les plate- de domination au travail. Benoît
ciels métiers dans les bibliothèques formes pédagogiques (Thomas Epron (Enssib) a dressé les évolu-
et les centres de documentation. Kreczanik, Lyon-3), le renouvel- tions récentes du marché du livre
Jean-Marc Lecarpentier (Univer- lement des agencements classifi- numérique, caractérisée notam-
sité de Caen) a souligné l’étroite catoires dans les systèmes ment par une offre en croissance,
dépendance du document numé- documentaires internes aux orga- des supports de lecture renouve-
rique avec les technologies renou- nisations, avec notamment l’ex- lés et de nouveaux acteurs de
velées du web : web services, ploitation de facettes et l’intégra- la distribution dans le contexte
syndication, widgets, etc., et les tion de logiques propres au web national. Enfin, une synthèse sur
points de vue parfois divergents socio-sémantique (Manuel Zac- les outils de bookmarking a mis en
entre les web designers et les opé- klad, Université de Troyes), enfin perspective la maîtrise technique
rateurs de la normalisation du web le renouvellement des pratiques croissante des nouveaux acteurs
sur le développement des conte- de citations et des technologies de des réseaux s’appuyant sur
nus en ligne. Nicolas Bugnon et liens qui viennent s’y greffer dans l’indexation collaborative et
[ journée d’étude ] « Exercer son métier dans un autre pays européen : pourquoi et com-
ment ? » Tel était le sous-titre d’une journée proposée le 5 décembre 2008 par l’ADBS.
Si l'espace européen permet à ses citoyens d'y travailler librement, quelle est la situation
réelle des professionnels de l’information-documentation ?
L
a contrefaçon, qui touche la moi- mentation qui seule pourrait évi- tration qui présente l’enche -
tié de ses membres, est une ques- ter que la gratuité ne se traduise, à vêtrement des divers modèles où
tion incontournable pour la terme, par un appauvrissement prévalent le poids du consommac-
Chambre de commerce et d’indus- des répertoires. Il convient aussi teur, de la relation, de l’attention,
trie de Paris. Élargir, ce jour-là, la de favoriser l’apparition d’une et où le contenu, tout compte fait,
réflexion au web 2.0 était particu- offre légale importante et de qua- semble jouer un rôle annexe. Mais
lièrement judicieux, le projet de lité, d’accompagner ces mesures où le gratuit implique l’apparition
loi « Création et Internet » devant par une pédagogie sur les réseaux de multiples segmentations.
être discuté la même semaine en et d’un filtrage le plus en amont Google, système d’autorenfor -
première lecture au Sénat. possible. cement des interactions à partir
Dans le secteur des logiciels, où de services gratuits, est bien, à cet
L’ampleur du phénomène de tous temps le piratage a été très égard, un modèle emblématique.
Fondé sur une culture du par- prégnant, Microsoft multiple
tage, le web 2.0 facilite aussi les approches. L’entreprise, qui Des cercles vertueux
l’échange d’œuvres contrefaites, rappelle qu’elle est aussi produc- Le modèle économique de
comme l’a montré la présentation trice de services et de contenus, Dailymotion, plate-forme emblé-
de plusieurs systèmes. La fragilité organise une surveillance, réalise matique du web 2.0, est fondé sur
des arguments juridiques utilisés des enquêtes et collabore avec les la publicité. L’entreprise a signé,
par ceux qui les proposent pour se autorités de plusieurs pays. Elle par ailleurs un accord en sep-
décharger de toute responsabilité prône aussi l’autorégulation, tembre 20083 avec trois sociétés
1 La chronologie des
médias définit l'ordre a également été soulignée. comme le démontre l’accord UGC d’auteurs pour filtrer les vidéos
et les délais dans Le fait concerne tous les types signé, avec d’autres partenaires, qu’elle héberge, et la charte UGC,
lesquels les diverses d’œuvres, et au premier chef les en octobre 20082 , qui vise à encou- déjà évoquée, avec plusieurs
exploitations d'une œuvres musicales. C’est pourquoi rager la créativité des usagers tout autres producteurs de contenus et
œuvre
cinématogra?phique
la Sacem compte beaucoup sur la en luttant contre la contrefaçon. des plates-formes qui s’engagent
peuvent être faites. pédagogie préconisée dans le pro- Cela fait bien longtemps à faire respecter la propriété intel-
2 User Generated jet de loi. Mais cette surveillance qu’une entreprise française du jeu lectuelle.
Contents (UGC) est coûteuse, alors que les œuvres, vidéo, secteur au modèle écono-
Principles. utilisées comme produits d’appel, mique très particulier, a aban- Filtrer
www.?ugcprinciples.c
om permettent d’engranger des profits donné les produits en ligne pour C’est ce qu’impose la loi sur la
3 Accord qui ne bénéficient pas à leurs se concentrer sur les consoles, confiance dans l’économie numé-
www.adbs.?fr/accord- auteurs. moins souvent contrefaites. rique (LCEN) dans certaines
entre-dailymotion-et- Pour lutter contre ces dérives, L’érosion des revenus entraînera conditions. Le filtrage ne peut être
des-societes-d-
auteurs-50956.htm?R
l’industrie du cinéma table sur une l’effondrement du système actuel demandé que par une autorité
H=SR_DROIT-INFO- redéfinition de la chronologie des et les œuvres ne seront plus acces- judiciaire, être limité dans le
ACTU médias1 , mais aussi sur une régle- sibles qu’aux plus riches. temps, se faire avec des systèmes ///////
[ JEIJ ] Peu avant le terme de la Présidence française de l’Union, les Journées européennes
d’informatique juridique se sont déroulées du 10 au 12 décembre 2008. Elles ont proposé un
panorama très dense et équilibré de réflexions et d’informations sur les questions qui se
posent actuellement sur l'accès à l'information juridique en Europe.
[ journée d’étude ] Lors d’une journée d’étude proposée le 13 janvier 2009, la Fulbi
invitait des professionnels des bibliothèques et de la documentation à échanger avec des
chercheurs, des consultants et des éditeurs sur la question de l’identification des utilisateurs
des systèmes d’information. Un sujet qui, au-delà de la seule question technique, conduit à
s’interroger sur la place de l’individu dans le monde numérique.
sommaire
01 I Fondamentaux et usages [p.32]
[p.48] « Infotourisme ou la naissance d’une intelligence
collective autour d’une cinquantaine de contributeurs ».
[p.32] La documentation est-elle soluble dans Merchid Berger
le web 2.0 ? Jean-Michel Salaün [p.50] Quelles compétences 2.0
[p.36] Un site wiki : juste un plan de travail, pour les documentalistes ? Dominique Vignaud
pas une fin en soi. David Liziard [p.51] Web 2.0 et droit Éric Barbry
[p.37] Les paradoxes des blogs de bibliothèques. [p.52] « Flickr et PhotoNormandie : une entreprise
Silvère Mercier collective de redocumentarisation ». Patrick Pecatte
02 I Gérer autrement les projets [p.44] [p.64] La Renaissance au secours des mondes virtuels.
Rémi Sussan
[p.44] La gestion de projet à l’heure du web 2.0. Sources et ressources. [p.68]
Gilles Balmisse et Ali Ouni Quelques références pour aller plus loin. Sylvie Bourdier
[p.47] L’approche alpha, bêta, feedback. Gilles Balmisse Du côté de la formation. Claudine Masse Mots-clés
p
dance. Après quelques années, en attendant le 3.0,
de deuxpointzéro ? le 4.0, le n.0, il est temps de faire un point critique.
Les professionnels avides d’innovation que sont les
lecteurs assidus de Documentaliste – Sciences de
Parmi les experts fort judicieusement réunis en 2004 l’information ont-ils vraiment une tête de deuxpointzéro ?
à l’instigation de Tim O’Reilly, Dale Dougherty, pour
éclairé qu’il fût, n’avait probablement pas imaginé la Quelques ruptures mais beaucoup de continuités
fortune de son appellation : le désormais fameux Entre les années 1990 et les années 2000, le web a quelque
« web 2.0 ». Un succès à faire pâlir les meilleurs peu changé… ce n’est pas vraiment un scoop. Et l’explosion de
talents du web-marketing. En quelques années, le la bulle Internet, au tournant du millénaire, a certainement joué
« 2.0 » est devenu l’étendard de toutes les innova- un rôle d’accélérateur salutaire. Il y a incontestablement un
tions, mini-innovations, nano-innovations ou avant et un après, que l’on observe aussi dans le monde docu-
pseudo-innovations dans une foule d’activités mentaire. Mais le passage du 1 au 2 sous-entend une rupture,
humaines : documentation 2.0, économie 2.0, entre- un changement radical frappant brusquement d’obsolescence
prise 2.0, culture 2.0, etc. Ce logo est aux années tous les anciens modèles. Malheureusement, ce sous-entendu
2000 ce que fut l’arobase aux années 1990 (on en tend à masquer certaines continuités, nous privant par là même
voyait partout, dans les noms d’agences, les titres de d’une compréhension plus fine du web actuel et des mutations
usages
[p. 39] ] « Le blogueur ne crie pas dans le noir ! »
[p. 40] « L’espace flux de l’Y : un agrégateur
pour filtrer, un portail pour diffuser »
[p. 42] « Netvibes : une fondation solide et
extensible pour ceux qui manipulent l’information
au quotidien »
La documentation
est-elle soluble dans le web 2.0 ?
[ analyse ] Pourquoi le web 2.0 serait-il la panacée et le monde Le lecteur l’a compris, mon propos sera
documentaire à la traîne ? En fait, pour Jean-Michel Salaün, web plus nuancé. Sans doute les services et pra-
2.0 et activité documentaire peuvent parvenir à s’enrichir tiques, réunis sous le vocable web 2.0, illus-
trent des changements importants dans les
mutuellement. Certes, les outils 2.0 ont la capacité d’améliorer, offres et les comportements sur le web, qui
voire de transformer les services documentaires. Mais les pro- concernent directement les professionnels de
fessionnels de l’information ont aussi à faire valoir des compé- la documentation car ils interfèrent sur leur
tences et des raisonnements susceptibles de les faire évoluer. mode d’organisation et influent sur les habi-
tudes de leurs utilisateurs. Pour autant, il ne
faut pas céder à l’angélisme. Le web 2.0 n’est
l
pas une panacée et l’activité documentaire
Les dossiers, études, mémoires d’étudiant, blogues, n’est pas archaïque. Bien au contraire, comparés à d’autres, les
articles ou injonctions diverses relatifs au web 2.0 et professionnels de l’information réagissent sans rigidité et géné-
aux bibliothèques et à la documentation sont légions ralement intègrent astucieusement les ruptures nombreuses et
(voir p. 67). Pour la plupart, ils constatent l’émergence souvent brutales du numérique.
d’une pratique plus active du web, déplorent la faible
implication des institutions et des professionnels de Qu’est ce que le web 2.0 ?
la documentation sur celle-ci et suggèrent des pistes
pour enfin renverser ce conservatisme coupable. Comme le nom le suggère, le terme web 2.0 voudrait signi-
Il s’agit en quelque sorte de faire accéder un monde fier le passage du web à une nouvelle étape, où les internautes
documentaire, considéré a priori comme archaïque, sont plus actifs, les applications mutualisées et les services
à un monde numérique collaboratif porteur de plus collaboratifs. En réalité, il s’agit plus d’une maturation,
toutes les vertus. d’un palier dans un processus à la fois pour les internautes et
prétendre être exhaustif : les dépôts institutionnels là pour les professionnels de l’information un vaste chantier à
et l’inversion des flux documentaires ; l’informatique ouvrir où ils pourraient faire valoir leurs compétences et la vali-
dans les nuages (cloud computing) et l’externalisation dité des raisonnements construits aux cours des siècles pour
de l’activité documentaire ; l’effacement des organiser les savoirs, quitte à les faire évoluer5.
frontières entre la bibliothéconomie et l’archivistique
(archithécaires).
L’ancêtre du web 2.0 dans la science s’appelle Homologie et contradiction :
archive ouverte ou aujourd’hui dépôt institutionnel.
Selon son principe, les chercheurs déposent eux-
dix principes de fonctionnement
mêmes leurs articles dans une plate-forme de par- Si la rencontre entre web 2.0 et activité documentaire est
tage, le plus souvent gérée par la bibliothèque ou le inévitable, il n’est pas sûr qu’elle soit à tous coups bénéfique.
centre de documentation. Pour ces derniers, le chan- Dominique Cardon et ses collègues ont proposé6, à partir de
gement n’est pas mince puisque les flux documen- leurs enquêtes et analyses, dix principes de fonctionnement
taires sont inversés : non plus de l’extérieur vers sur lesquels reposerait la réussite des plates-formes relation-
l’intérieur, mais de l’intérieur vers l’extérieur. nelles du web 2.0. Il est intéressant de les confronter avec
Les industriels du web développent des services l’activité des services documentaires afin de mieux percevoir
de recherche d’information, d’accès à des collections leur compatibilité, leur écart ou même leurs contradictions.
numériques, de bureautique et de gestion documen-
taire de plus en plus performants au point que les
internautes se trouvent progressivement pris dans
une partie de la toile sans pouvoir en sortir. Cette
stratégie intéressée pose de redoutables questions 5 Sur ces questions, on peut consulter :
aux professionnels de l’information : faut-il s’intégrer - « Rêves d’archithèque », Bloc-notes de Jean-Michel Salaün, Septembre 4, 2006,
http://blogues.ebsi.umontreal.ca/jms/index.php/2006/09/04/70-reves-d-
à ces dynamiques quitte à risquer de perdre toute
architheque
indépendance ou au contraire refuser de se compro- - Ross Seamus, Digital Preservation, Archival Science and Methodological Foundations
mettre au risque d’être marginalisé ? for Digital Libraries, ECDL 2007, www.ecdl2007.org/Keynote_ECDL2007_SROSS.pdf
Le web 2.0 utilise, le plus souvent sans le savoir, - Karen Calhoun, « OUR space: the new world of metadata » (présenté au Industry
des raisonnements issus de l’archivistique (unicité Symposium, IFLA, Québec, Canada, Août 14, 2008),
www.slideshare.net/amarintha/our-space-the-new-world-of-metadata-presentation
du document, évaluation, classement par apparie- 6 Les paragraphes en italique sont extraits de : Dominique Cardon et al., « 10
ment, etc.) et d’autres issus de la bibliothéconomie propriétés de la force des coopérations faible [sic] », Internet Actu, Février 8, 2008,
(métadonnées structurées, mise en publicité). Il y a www.internetactu.net/2008/02/08/10-proprietes-de-la-force-des-cooperations-faible
2 / LA V I S I B I L I TÉ C O M M E O P P O RT U N I TÉ D E
COOPÉRATION. En rendant publiques des produc-
tions individuelles autrefois réservées au cercle des proches, 7 / LES « PETITS » SONT NÉCESSAIRES AUX « GRANDS ».
(...) Les petits engagements, comme la correction de fautes
les participants aux sites du web 2.0 offrent un ensemble d’orthographe sur Wikipédia, sont indispensables au travail collec-
de prises qui rend possible une mise en relation, un échange tif de mise en relation, de catégorisation et de production de savoir
ou une coopération avec d’autres. (...) des plus actifs. (...)
Là, il y a beaucoup à prendre et à reprendre. Les L’apport des utilisateurs doit être relativisé. L’activité docu-
centres documentaires disposent de fonds riches, mentaire n’est pas spontanée ni auto-organisée, c’est un service
souvent sous-exploités, qu’ils peuvent mettre en institutionnalisé. Il s’agit surtout de mieux repérer les relais
valeur sur la toile dans un esprit web 2.0, enrichir et de s’en servir. Pour autant l’ensemble des utilisateurs doit
virtuellement par des mutualisations et par les toujours être servi.
apports de professionnels et d’utilisateurs dans une
géographie beaucoup plus large que leur collectivité
d’origine. Ces opportunités ouvrent des valorisa-
tions inédites aux services documentaires qui dispo-
8 / LA QUALITÉ PAR LE NOMBRE. (...) Les univers massive-
ment relationnels ont pour caractéristique de ne pas sélection-
ner a priori les contributeurs et les contributions, mais de les
sent souvent d’un capital qu’il ne tient qu’à eux de qualifier a posteriori en fonction de la réputation et de la fréquen-
faire fructifier. tation des contenus. (...)
david.liziard@laposte.net
David Liziard, titulaire d’une maîtrise de philosophie et
[ repères ]Participatif et véhiculant de l’« intelligence » col- du diplôme de conservateur, est directeur de la
lective, le wiki est emblématique du web 2.0. David Liziard Médiathèque du Perreux-sur-Marne. Il a créé le wiki
Bibliopedia, site collaboratif pour bibliothécaires, docu-
nous explique que, loin du modèle médiatisé de l’encyclopédie mentalistes et archivistes francophones, et participe à
Wikipédia, le wiki a en fait une vocation modeste : rassembler des actions de formations.
des informations issues de plusieurs contributeurs sur un
même site collaboratif, sous la houlette méthodique d’un
rédacteur coordinateur.
l
Les wikis sont représentatifs du web 2.0 à plusieurs presse, etc.) : des dizaines d’internautes peuvent, sans les déna-
titres. D’abord parce qu’ils incarnent une nouveauté turer, les mettre à jour efficacement.
participative, plus qu’une véritable nouveauté tech-
nique : ils existent en effet depuis 1995. Ensuite, L’accès au wiki peut être
parce qu’un site, Wikipédia, a monopolisé toute
l’attention les concernant, sans qu’il soit complète-
paramétré
ment représentatif de leur fonctionnement. Enfin, Bien que les wikis soient destinés à encourager la libre par-
parce que les wikis portent une image floue d’« intel- ticipation, des restrictions peuvent dans certains cas être sou-
ligence collective », qui peut masquer le côté prag- haitables. Les interventions mal intentionnées sont rares, mais
matique, voire prosaïque, de leur fonctionnement les spams automatiques peuvent contraindre l’administrateur à
concret : l’ajout d’informations, la gestion des spams rendre l’inscription obligatoire. Dans le cas de wikis liés à des
et des corrections, la recherche de participants. Dans groupes projets, on peut les rendre complètement inaccessibles
la pratique, le succès d’un wiki dépend plutôt de son en lecture comme en écriture, ou faire le choix de les laisser
réalisme et de sa modestie. visibles sur Internet (comme Alphabib2 et Bibliosesame3). Quel
que soit le degré d’ouverture choisi, il faut avant tout penser à
Le wiki est adapté aux rendre le wiki ergonomique : son utilisation ne devrait pas être
plus contraignante pour l’utilisateur que le simple envoi d’un
sujets simples courriel. Parmi les sites permettant d’héberger gratuitement
Alors que Wikipédia est un projet encyclopé- des wikis, le site PBwiki4 fournit une interface très accessible.
dique, mobilisant des milliers d’internautes et exi-
geant des procédures complexes dans la résolution Le rôle du coordinateur reste
des conflits d’écriture de ceux-ci, les autres wikis
sont plus mesurés dans leurs ambitions. Ils provien-
central
nent de la rencontre d’internautes intéressés par un Il ne suffit pas de lancer un wiki sur le net pour voir la col-
même sujet et décidant, plutôt que de créer des sites laboration y naître comme par magie. Un site wiki est juste un
individuels, de rassembler leurs informations sur plan de travail, pas une fin en soi. Il est donc nécessaire qu’un
un même site collaboratif. C’est pourquoi on peut rédacteur principal y fournisse un contenu initial et suive son
aussi bien trouver des wikis concernant le savoir évolution. Il peut être amené à modérer, déplacer ou effacer les
(JurisPedia, Tela Botanica) ou les loisirs (Star Trek, autres interventions, mais doit surtout veiller à reformuler clai-
Harry Potter). La réécriture incessante qui règne rement les objectifs de rédaction. Par exemple, dans le cas
dans un wiki est peu adaptée aux textes tradition- du wiki interne de la bibliothèque de l’université américaine
nels. Elle est en revanche pertinente dans le cadre d’Antioch, un bibliothécaire effectue un important travail de
d’un site structuré dans lequel chaque page a un mise à jour régulière des informations.
objectif simple et précis. Sur le wiki Bibliopedia1, j’ai 1 www.bibliopedia.fr Même dans le cas de Wiki-Brest5, ouvert
2 http://alphabib.bpi.fr
pu constater que les pages les plus souvent mises à 3 http://bibliosesame.bpi.fr à la population locale, le rôle des ani-
jour – et les plus consultées – sont les simples listes 4 http://pbwiki.com mateurs reste crucial pour dynamiser le
de liens (adresses de blogs, de wikis, d’articles de 5 www.wiki-brest.net projet et susciter des contributions. •
Les paradoxes
des blogs de bibliothèques
[ point de vue ] De nombreuses bibliothèques créent leur UNE LOGIQUE GLOBALE. Le second cas, le
blog, outil de communication de l’institution ou mini- blog thématique, est malheureusement plus
média thématique. Intéressante, cette démarche connaît rare mais plus cohérent avec notre rôle. Le
aussi des limites que commente pour nous Silvère Mercier. blog n’est pas un simple outil de communi-
cation local mais propose des contenus sus-
ceptibles d’intéresser les internautes au-delà
des usagers présents sur le territoire ou
Il est à la mode de créer des blogs qui s’adressent membres de l’institution… Des bibliothécaires s’attachent
aux usagers dans les bibliothèques françaises. Touti- ainsi à créer un mini-média thématique. Ce type de blog est de
Frouti, qui agrège les contenus les blogs de biblio- nature à d’être identifié et lu par d’autres blogs ou sites appa-
thèques publiques, n’en compte pas moins de qua- rentés qui en identifient la ligne éditoriale. Il est alors possible
rante-sept On en dénombre plus de quatre-vingts sur de passer d’une logique locale à une logique globale : celle d’une
la liste des « biblioblogs d’établissements » proposée communauté d’amateurs sur un thème. Un bon exemple de
par Bibliopedia. Même si ces chiffres ne sont quasi- point de vue est le blog musical Mediamus de la médiathèque
ment rien par rapport aux 133 millions de blogs de Dole qui figure en bonne place depuis plusieurs mois
comptabilisés depuis 2002 (selon Technorati), ils dans le classement des cent meilleurs blogs musicaux de Wikio
sont significatifs d’une tendance qui me semble para- (classement de référence dans la blogosphère). Ce dialogue-là
doxale. Je classerai ces outils, d’une manière volon- me semble très intéressant, parce qu’il contribue à redéfinir la
tairement schématique, en deux catégories : d’une place de l’institution dans la conversation globale du web.
part les blogs de type « communication localo- Mais cette démarche n’est pas non plus sans paradoxe. Les
locale » et d’autre part les blogs thématiques. usagers locaux, à qui l’on destine prioritairement ces contenus,
ne disposent que très rarement d’un lien leur permettant de
UN OUTIL DE COMMUNICATION LOCALE. Dans le s’informer sur la disponibilité en temps réel du livre conseillé
premier cas, il s’agit de faire de la forme blog un outil par un bibliothécaire sur le blog… C’est pourtant là une fonc-
de communication au service de l’image de la col- tion que propose n’importe quel système d’information de
lectivité ou de l’institution auprès des usagers du bibliothèque depuis que l’on a commencé à les informatiser !
service public local. On trouvera donc dans ces Tout se passe comme si l’outil blog était utilisé pour effectuer
publications des billets sur l’annonce d’une action ce qu’il n’est pas possible de faire avec un catalogue en ligne :
culturelle, d’une nouvelle ressource numérique, l’enrichir en contenus de manière collaborative. Paradoxe final,
ou encore sur les « coulisses de la bibliothèque ». certains concepteurs de logiciels informatiques (propriétaires)
L’objectif est de trouver une manière nouvelle de essaient de réinventer (mal) ce que font très bien les outils open
s’adresser aux usagers. De plus en plus d’entreprises source que commencent à utiliser les bibliothécaires en créant
ont un blog de ce type et l’utilisent comme un « fil des blogs…
d’actualité ». Autant être clair quitte à paraître un
peu radical : c’est là le degré zéro d’un projet de Bien sûr les deux catégories précitées sont poreuses et il est
média pour un organisme aux missions relatives à la très fréquent de voir sur un même blog une approche théma-
diffusion des savoirs. C’est pourtant ce que propo- tique, voire multithématique et une approche de « communi-
sent 95 % des blogs observés à partir des listes cation locale ». Au fond, l’enjeu est peut-être moins de reposi-
précitées. Pourquoi donc mettre en œuvre un blog tionner les blogs locaux sur des logiques thématiques globales
pour diffuser l’actualité de la bibliothèque alors que que d’en mutualiser les contenus à valeur ajoutée pour en
l’information devrait logiquement se trouver sur le développer l’audience… Un média public des critiques de
site principal de celle-ci ? Premier paradoxe. bibliothécaires et d’amateurs reste à inventer. •
témoignages
Comment pratique-t-on l’art du « blogging » quand on est profession-
nel de l’information ? Pour la consultante Sylvie Le Bars comme pour
le chercheur Olivier Charbonneau, les objectifs de départ – mise en
vitrine de l’expérience professionnelle pour l’une, partage de ses recherches
sur le droit de l’information pour le second –, ont rapidement été révi-
sés à la hausse.
Le blogueur
ne crie pas dans le noir !
Depuis que j’ai lancé mon carnet web en avril 2005, s’offre comme un terrain fertile pour
j’ai développé un vilain cas de bloguodépendance1. des projets, présentations et écrits
Après toutes ces contributions, vous seriez entre académiques.
10 et 20 000 lecteurs de mes commentaires épisto-
laires virtuels, dont près de 5 % en Afrique ! UNE C A RT E DE VISITE.
CultureLibre.ca me sert aussi de
U N O U T I L D E T R AVA I L . À l’origine, l’objectif marque de commerce personnelle2,
consistait à gérer les trou- O.Charbonneau@concordia.ca de carte de visite virtuelle. On pense
vailles que généraient mes souvent que les blogueurs se
recherches sur le droit de Olivier Charbonneau est bibliothécaire professionnel à vautrent dans une mondanité alar-
l’information. Donc, l’Université Concordia. Il est membre du conseil d’admi- mante, mais je m’impose une
avant d’être un méca- nistration de l’Association pour l’avancement des sciences contrainte de style où je m’efface au
nisme de diffusion, mon et des techniques de la documentation (ASTED), de la profit de ma ligne éditoriale, qui
Maison de la poésie de Montréal et de la Commission du
carnet s’offre comme un s’approche du journalisme. En effet,
droit de prêt public, sous l’égide du Conseil des arts du
outil de travail personnel. Canada. Il tient un blog à l’adresse www.CultureLibre.ca l’objectif secret lors du lancement
On s’étonne souvent de de mon carnet visait à démontrer
l’attention que j’y porte. que les blogues sont des outils tech-
J’octroie entre quelques minutes et près de dix heures nologiques3 avant d’épouser le message qu’ils transmettent4. Par
hebdomadairement pour sa mise à jour. ailleurs, je me devais d’embrasser cet univers5 pour l’étudier, le
En réalité, près des trois quarts de ce temps sont critiquer. Non seulement le jeu en a valu la chandelle pour moi-
alloués à la veille stratégique pour mes champs même, mais je me réjouis des conséquences inattendues.
d’intervention en tant que membre du corps profes-
soral de l’Université Concordia. L’écriture à propre- QUEL IMPACT ? On évoque souvent les commentaires versés
ment parler, et la réflexion préalable, en constituent directement dans un carnet pour mesurer sa notoriété. Je n’en
la balance, qui s’opère comme un investissement reçois que très peu malgré mes statistiques de lectorat, proba-
à long terme. Du brouillon à la sommation de billets blement car j’abhorre les diatribes et, surtout, puisque j’affiche
présentés séquentiellement en ordre chronologique mes opinions par la sélection des nouvelles qui retiennent mon
inversé, chacune des catégories de mon carnet attention et que ces opinions sont manifestement partagées par
notre communauté professionnelle.
Mais l’impact réel de mon carnet se mesure par les courriels
1 Olivier Charbonneau, « Confessions d’un blogodépendant », Argus, et les appels téléphoniques que je reçois, surtout des questions
2006, vol. 35, n° 1, p. 6-8, www.culturelibre.ca/?page_id=1269
de collègues mais parfois des invitations pour prononcer des
2 Tom Peters, « The Brand Called You », Fast Company, 1997,
www.fastcompany.com/magazine/10/brandyou.html conférences. Pas qu’ils soient particulièrement nombreux, mais
3 Olivier Charbonneau, « RSS et la publication simultanée sur Internet », ils démontrent que mes efforts sont porteurs d’autorité dans un
Lex Electronica, 2006, vol. 11, n° 1, www.lex-electronica.org/articles/ contexte convivial. Par exemple, la Biennale d’art contempo-
v11-1/charbonneau.htm rain 2009 de Montréal m’a invité à collaborer à son colloque
4 http://fr.wikipedia.org/wiki/Marshall_McLuhan
5 Technorati, State of the Blogosphere, 2008, d’ouverture6, dont le thème est justement « Culture Libre ».
www.technorati.com/blogging/state-of-the-blogosphere Sans l’ombre d’un doute, cela confirme que ce blogueur ne crie
6 www.biennalemontreal.org/2008/05/26/open-culture/langswitch_lang/fr pas dans le noir ! •
témoignage
Titulaire d’un DESS d’urbanisme et
En septembre 2008, le centre de docu- aménagement et d’un DUT de
mentation de l’Agence d’urbanisme de la documentation, Martine Goujon
région grenobloise a mis en place un por- a exercé son métier de documentaliste à
l’École d’architecture de Grenoble, puis
tail d’information avec un des outils phares dans une équipe de recherche du CNRS
du web 2.0, Netvibes. Ce site permet de (UMR Pacte). Depuis 2001, elle est char-
suivre, via des fils RSS, l’actualité de gée de documentation à l’Agence
d’urbanisme de la région grenobloise.
l’aménagement et de l’urbanisme, à la Ses missions : gestion du centre docu-
fois sur la région grenobloise et au niveau mentaire, veille et appui aux chargés
national. Martine Goujon nous raconte la d’études de l’agence. Elle est également
membre du bureau de l’ADBS Rhône-
démarche, le choix des outils et dresse Alpes/Grenoble.
un premier bilan de l’expérience.
martine.goujon@aurg.asso.fr
DES OUTILS WEB 2.0 SIMPLES ET PEU COUTEUX. Figure 1 – Le portail « L’espace Flux de l’Y »
Netvibes, qui est un service gratuit, permet de
créer un espace personnel, d’agréger des flux RSS
et d’accéder à son espace depuis n’importe quel
ordinateur.
Mais, alors que la plupart des univers Netvibes
diffusent des flux RSS existants et constituent ainsi
une sorte de portail documentaire thématique
(exemple : www.netvibes.com/adeupa), nous avons
choisi cet outil pour diffuser nos propres flux créés
à partir de Newsgator.
Notre portail, « L’espace flux de l’Y »
(www.netvibes.com/aurg) comporte des onglets
géographiques correspondant aux secteurs
d’intervention de l’agence (voir figure 1). Chaque
zone géographique propose des informations issues
de la presse et permet de garder un œil sur l’actualité
de chaque territoire. Un autre onglet diffuse notre
flux « actualités nationales ».
Les flux sont importés directement depuis notre Figure 2 – Exemple d’un flux créé sur Newsgator :
agrégateur Newsgator. L’information est ainsi triée en « Grenoble et agglomération » à partir d’articles sélectionnés
amont et classée avant sa publication. La mise à jour dans différentes sources (quotidien local, requête sur Google)
des articles s’effectue automatiquement lors de la L’adresse du flux est indiquée au bas de la page
modification du contenu de ces fils dans Newsgator.
témoignage
Xavier Borderie est responsable du
réseau de développeurs chez Netvibes.
Il a en charge la documentation et la
promotion du format de widget
Universal Widget API (UWA), ainsi que le
support aux développeurs. Auparavant,
il a été analyste-rédacteur pour la sec-
tion Développeurs du Journal du Net
pendant plus de quatre ans.
xavier@netvibes.com
c
La gestion de projet à l’heure du web 2.0
Ces dernières années, la gestion de projet a fortement son déroulement de manière drastique, mais d’obtenir rapide-
évolué. Fondée dans les années quatre-vingt-dix sur ment des résultats en privilégiant la souplesse et la réactivité.
une approche centrée sur une analyse structurée des Cette nouvelle nature de projet privilégie :
activités du projet et l’utilisation d’outils tels que • une cible réduite, parfaitement identifiée et généralement
GANTT ou PERT, elle s’est ensuite orientée vers locale ;
une approche plus souple, centrée sur les individus • des délais plutôt courts visant à produire rapidement des
et reposant sur la collaboration. résultats concrets ;
• un planning macroscopique affiné au fur et à mesure du
Vers une gestion de projet déroulement du projet.
Confrontés à des situations nouvelles de plus en plus com-
moins structurée plexes, les collaborateurs devenus des acteurs-décideurs sont
et plus collaborative obligés à plus de réactivité et de souplesse dans leurs activités
Aujourd’hui, de nombreuses équipes quotidiennes et sont amenés à solliciter leurs homologues et à
projet n’utilisent plus les logiciels spécialisés tels que collaborer.
Microsoft Project, mais des logiciels bureautiques
qui sont à la disposition et à la portée de tous : la mes- Une accélération avec le web 2.0
sagerie électronique, Microsoft Word et Excel, les
gestionnaires de tâches, etc. Désormais, l’objectif L’arrivée du web 2.0 n’a fait qu’accélérer cette situation fai-
n’est plus de structurer la démarche et de contrôler sant évoluer la gestion de projet d’une approche organisation-
MS
Orientation sociale
///////
De nouveaux outils
pour la gestion de projet LES PRINCIPAUX OUTILS DE GESTION DE PROJET
[ méthode ] Mettre en œuvre des solutions web 2.0 au sein de l’entreprise nécessite de respecter
leurs spécificités : légèreté des technologies, permanente évolutivité, « viralité » des usages.
Gilles Balmisse propose ici de détailler l’approche alpha, bêta, feedback.
témoignage
prieurdom@yahoo.fr
focus
[ juridique ] Sur le plan technique, le web 2.0 n’est Éric Barbry dirige le pôle « Droit du numérique »
qu’une évolution du web précédent, mais qui induit du cabinet Alain Bensoussan. Il est l’auteur de plusieurs
des modifications importantes en termes d’offre et ouvrages et articles consacrés au droit de l’Internet et du
numérique. Il est membre fondateur de Cyberlex et
d’usages. Éric Barbry explique comment il change de l’Association française des correspondants informa-
donc radicalement notre approche du droit et bou- tique et libertés et membre de l’OSSIR. Il est chargé
leverse les rares certitudes précédemment acquises. d’enseignement à l’École nationale supérieure des
télécommunications.
Quelques conseils pour éviter un tsunami juridique…
témoignage
peccatte@softexperience.com
Après une formation en mathé-
Au départ : une collection de matiques et informatique,
2 763 photos libres de droit sur la Patrick Pecatte a suivi les cours
de documentation à l'INTD.
bataille de Normandie, et une initia-
Il a travaillé dans l'informatique
tive privée, celle de corriger les erreurs documentaire et la presse et,
de légendage et d’enrichir la qualité depuis quelques années, essen-
des descriptions. Un choix : utiliser tiellement sur les technologies
XML appliquées aux domaines
les fonctionnalités de la plate-forme du texte et de l'image numé-
de partage de Flickr pour améliorer riques, et en particulier sur
l’indexation de ce fonds. Au total, un les métadonnées. Sur Internet :
www.softexperience.com et
bilan positif présenté par un des ini- blog.tuquoque.com
tiateurs du projet, Patrick Pecatte.
Flickr et PhotoNormandie :
une entreprise collective
de redocumentarisation
Le projet PhotosNormandie a pour but d'améliorer associées à une image et communément appelées méta-
l'indexation d'un fonds de photos historiques sur données IPTC1 ; il s'agit de champs textuels (Titre, Description,
la Bataille de Normandie, présenté par le site Mots-clés, Ville, Pays, etc.) stockés à l'intérieur de l'image
Archives Normandie 1939-1945 mis en place en numérique.
2004 par le Conseil régional de Basse-Normandie. Lors du chargement sur Flickr d'une photo contenant des
Les 2 763 photos qui y figurent proviennent des métadonnées IPTC, celles-ci sont automatiquement décodées
Archives nationales des États-Unis et du Canada. Et et utilisées pour renseigner les champs affichés. Cette technique
sont libres de droits avec pour seule contrainte d'encapsulation des métadonnées permet à la description tex-
l'obligation de mentionner leur origine lors de toute tuelle de l'image d'être toujours disponible avec cette image et
utilisation. facilement réutilisable. Il n'y a pas de risque de perdre des méta-
Or de nombreuses légendes de photos compor- données, et l'utilisateur reste ainsi libre de la technologie utili-
tent des erreurs importantes, ce qui diminue gran- sée pour l'exploitation de son fonds. Le travail rédactionnel
dement l'intérêt documentaire de cette collection demeure contrôlé en local puisqu'il est stocké dans les photos.
accessible au grand public. À la fin de l'année 2006, Nous ne sommes pas captifs de la plate-forme de partage.
Michel Le Querrec – co-responsable du projet – et Cependant, puisque chaque photo est identifiée sur Flickr
moi-même avons donc décidé d'améliorer les des- par un numéro automatiquement attribué, l'URL pointant sur
criptions de ces photos. Il s'agit d'une initiative pri- une photo de notre projet ne peut être considéré comme stable
vée développée par une équipe de passionnés car le numéro en question change lors d'une mise à jour.
désireux de mieux valoriser ce fonds tout en aug- Il est cependant très facile de retrouver chaque photo grâce
mentant sa visibilité. à son identifiant unique hérité du site Archives Normandie
Nous avons utilisé les fonctionnalités de la plate- 1939-1945.
forme de partage de photos et vidéos Flickr.
UNE PRISE EN MAIN FACILE. Tout visiteur peut rechercher,
ENCAPSULATION DES DONNEES. Sur le plan tech- afficher, télécharger les photos en haute définition. Pour com-
nique, le projet repose sur l'utilisation d'informations menter les photos, l'utilisateur doit ouvrir un compte gratuit
Critique
un mariage de raison
[p.61] Web 2.0 et mémoire : de
la conversation à la conservation
[p.64] La Renaissance au secours
des mondes virtuels
et prospective
[ analyse ] Demain, le web : les nuages
ou la forêt ?… Il faudrait être devin pour
imaginer les métaphores qui ne manque-
ront pas de se substituer à « la toile » et pour en dégager les nouveaux usages. Restons
modestes, propose Bertrand Sajus, et analysons les concepts-clés qui sont au cœur des
transformations 2.0. C’est un paysage passionnant et touffu qui apparaît. Il revisite
notamment les questions de validation et fixité des contenus, les rapports entre webs
social et sémantique et pourrait bien remettre en selle les arts antiques de la mémoire…
q
avons également tenu à faire le point
Jusqu’où ira-t-elle ? sur les rapports du web dit sémantique
avec le web social, ainsi qu’aux spécu-
lations sur les mondes virtuels et la
Qui se risquerait aujourd’hui à brosser, même à mémoire. Au regard de la diversité de ces sujets, force est de
grands traits, la carte du web de demain ? On se rap- reconnaître que l’évolution du web nous tourne vers des hori-
pelle que la révolution Internet elle-même n’avait été zons multiples et nous réserve bien des surprises. Mais ces
prévue par personne, du moins dans l’ampleur qu’on sujets ne sont pas pour autant fermés sur eux-mêmes. Loin
lui connaît. Et demain, parlera-t-on même de web ? s’en faut ! Ils communiquent entre eux et s’inscriront peut-être
D’autres métaphores prendront peut-être le relais demain dans des problématiques communes.
(le nuage, par exemple, pourrait se substituer à la
toile...). Vous l’avez compris, le dernier volet de ce Validation des contenus
dossier n’a pas l’ambition de poser le moindre jalon
prédictif. Il s’agit seulement de souligner quelques Pour les professionnels de l’information, la question des
points cruciaux, en positif et en négatif, à partir des- contenus, de leur genèse et de leur validation est essentielle.
quels de profondes transformations des usages sont Wikipédia, avec plus de onze millions de notices en 229 langues
envisageables, quoique impossibles à prédire dans est un monument incontournable. Avec ses huit années
leurs formes et dans leurs rythmes. d’existence, il offre assez de recul pour analyser les ressorts
Or, parmi ces points cruciaux, on ne peut guère sociologiques profonds de sa réussite. À la différence d’autres
ignorer quelques questions spécifiques du web 2.0. projets encyclopédiques inaboutis, ce sont les mêmes contri-
Nous en avons retenu deux qui concernent particu- buteurs qui, selon le principe fondateur du projet, produisent,
lièrement, par leur nature, les fondamentaux des sanctionnent et valident les contenus.
métiers de l’information, de la documentation et de C’est à ce couplage constant des fonctions de production et
la connaissance (IDC). La validation des contenus de régulation que, selon Dominique Cardon et Julien Levrel,
dominique.cardon@gmail.com
Dominique Cardon est sociologue au laboratoire SENSE d’Orange
Labs et chercheur associé au Centre d’études des mouvements
sociaux (CEMS/EHESS). Ses travaux portent sur les relations entre les
usages des nouvelles technologies et les pratiques culturelles et
médiatiques. Il s’intéresse notamment aux transformations de
Julien Levrel est en doctorat de sociologie au labora- l’espace public sous l’effet des nouvelles technologies de communi-
toire SENSE d’Orange Labs et au laboratoire Techniques, cation. Il a récemment publié : (avec Christophe Aguiton) « The
tTerritoires et sociétés (UPEMLV/ENPC/CNRS). Ses travaux Strength of Weak Cooperation: An attempt to Understand the
portent sur les modes de régulation des grands collectifs Meaning of Web2.0 » (Communications & Strategies, 2007, n° 65)
en ligne et sa thèse s’attache à appréhender et analyser et « Le design de la visibilité : un essai de cartographie du web 2.0 »
l’autorégulation du projet Wikipédia. Ses publications : (Réseaux, 2008, n° 151).
« L’écriture encyclopédique ouverte à tous » (Savoirs en
débat : perspectives franco-allemandes, L’Harmattan,
2008) et « Wikipédia, un dispositif médiatique de publics
participants » (Réseaux, 2006, n° 138).
j.levrel@gmail.com
Contribuer et surveiller :
l’autorégulation sur Wikipédia
[ décryptage ] Comment fonctionne Wikipédia ? Quelles procédures utili-
sent les participants à cette gigantesque encyclopédie en ligne pour régler
leurs désaccords et produire un bien commun ? Dominique Cardon et Julien
Levrel détaillent les fondements de Wikipédia qui ne propose pas uniquement
à tous de contribuer à l’encyclopédie, mais s’attache aussi à faire de chaque
contributeur un critique vigilant des contributions des autres. C’est la mise en
œuvre de cette discussion continue et décentralisée qui fait toute l’originalité
de son système d’autorégulation.
l
L’écriture de Wikipédia est le produit d’une forme wikipédiens ne se contentent pas d’écrire l’encyclopédie. Ils dis-
surprenante et originale de travail coopératif qui cutent, se disputent, négocient et s’accordent sur les pages
reste encore mal ou incomplètement comprise1. Discussion. Ils se modifient, se corrigent et se révoquent sur les
Dans les multiples débats qui entourent le succès de pages Historique. Ils se testent, s’amusent et apprennent dans
l’encyclopédie en ligne, on insiste en effet beaucoup les pages Bac à sable et Bistrot. Ils montent la garde, veillent,
sur la liberté de tout utilisateur d’écrire comme il le vérifient, corrigent, protègent et bloquent à l’aide de la Liste de
souhaite, sur les risques d’erreurs, d’approximation suivi et des pages de Modifications récentes. Ils se querellent,
ou de vandalisme consécutifs à l’absence de contrôle argumentent, votent et décident sur les Pages à supprimer et
éditorial a priori ou encore sur la revanche des ama- alertent les Wikipompiers lorsque leurs débats s’enflamment. Et
teurs sur les professionnels du savoir. L’originalité du s’ils ne parviennent pas à s’accorder, ils iront alors accuser ou
processus d’écriture ouverte focalise l’attention de la se défendre devant le Comité d’arbitrage.
plupart des commentaires, laudateurs ou critiques L’originalité la plus radicale de Wikipédia tient sans doute
qu’attire l’encyclopédie sans que soit parallèlement moins à l’écriture participative qu’à cette mutualisation des pro-
souligné le contrôle de chacun sur chacun cédures de surveillance et de sanction qui permet à la commu-
qui constitue l’indispensable corrélat de la liberté nauté de veiller sur elle-même.
d’écriture des contributeurs.
Car, si sur Wikipédia l’écriture est un processus Une vigilance participative
ouvert et participatif, comme sur beaucoup d’autres
sites contributifs de l’Internet, la production collec- Le système de régulation de Wikipédia s’adosse sur une règle
tive d’une encyclopédie n’est possible que parce cardinale des systèmes auto-organisés : le contrôle local est plus
que la surveillance a posteriori des écritures indivi- efficient que la monopolisation centrale du pouvoir de sanc-
duelles est, elle aussi, ouverte et participative. Les tion2. Lorsqu’elle est mise en œuvre par les producteurs
/////// médiation en faisant intervenir des tiers étrangers au Les conditions de la réussite
conflit. N’importe qui peut alors se proposer comme
médiateur dans un conflit sans détenir un statut spé- Wikipédia n’aurait pas été possible, ou à tout le moins
cifique, comme celui d’administrateur, au sein de la n’aurait pas été la même, si ces deux droits, écrire et révoquer,
communauté. Il ouvre une arène de médiation spé- participer et sanctionner, n’avaient pas été aussi intimement
cifique afin de favoriser l’exposition des arguments associés. Que serait en effet Wikipédia si, seul, un corps
des parties en conflit, favoriser la recherche d’un accord particulier de personnes disposait du droit de révoquer les
et, lorsque celui-ci apparaît impossible, d’inviter les productions des autres ? Comment un tel filtre aurait-il été
wikipédiens à procéder à un vote argumenté. Ces toléré par les contributeurs ? Qui aurait été légitime pour
médiations interviennent principalement dans trois user d’un tel pouvoir ? Tout autre design des règles de partici-
arènes : les Pages à supprimer, les Désaccord de neu- pation et de sanction conduirait en effet à réinstaller dans
tralité et les Wikifeux. le dispositif ce contre quoi l’encyclopédie ouverte s’est
Enfin un troisième niveau de régulation doit être construite, l’autorité d’un comité d’expert veillant sur les
distingué dès lors que des sanctions à l’égard des productions des autres.
contrevenants sont mises en jeu. Mais, ici, deux Depuis l’échec de Nupédia, de nombreuses expériences, à
ordres de sanctions doivent être isolés selon que l’instar de Citizendium lancé par Larry Sanger, ont été conduites
celles-ci relèvent de la gestion des conflits entre édi- pour proposer ce genre d’architecture éditoriale. Toutes ont
teurs ou de la surveillance des vandalismes. La pre- échoué ou sont moribondes. Quelle que soit la justesse des
mière procédure est extrêmement rare et s’apparente intentions de leurs concepteurs et la pertinence de leurs cri-
à une chambre d’appel en cas d’échec des procédures tiques à l’égard de Wikipédia, ces expériences font l’hypothèse
de médiation précédentes. Elle s’exerce au sein du que la motivation expressive des encyclopédistes amateurs
Comité d’arbitrage, petit groupe composé peut être séparée de leur intérêt pour la surveillance de la
d’administrateurs élus qui doivent prononcer des qualité du bien collectif auquel ils ont contribué.
mesures contre les personnes qui n’ont pas su régler C’est sans doute mal comprendre que les ressorts sociolo-
leur différend par la discussion ou la médiation. La giques qui fondent la participation à Wikipédia, et plus géné-
seconde, beaucoup plus fréquente elle, s’apparente à ralement aux dynamiques de production de contenu sur le
une sorte de pouvoir de police que les wikipédiens web 2.0, mêlent inséparablement désir expressif et vigilance
s’accordent afin de surveiller certaines des modifica- critique. Et il est sans doute assez naïf de penser qu’il serait
tions récentes de l’encyclopédie. possible d’inviter les personnes à s’exprimer bénévolement tout
La patrouille RC (Recent Change) à laquelle tous en réservant à quelques-unes la possibilité de discuter, de
les wikipédiens peuvent participer, mais qui dans les corriger ou de sélectionner ces
faits est plutôt réservée aux membres les plus aguer- multiples productions amateurs.
ris de la communauté et aux administrateurs, pro- La participation à la production
cède à une surveillance en temps réel de toutes les 5 S. Bryant, Andrea Forte, Amy d’un bien commun implique
nouveautés apportées à l’encyclopédie afin de corri- Bruckman, « Becoming aussi un investissement dans
ger d’une simple « révocation » les vandalismes, de Wikipedian : Transformation of la définition de ses règles
Participation in a Collaborative
bloquer les utilisateurs récidivistes ou de protéger les Online Encyclopaedia », d’organisation et de gestion
pages vandalisées (pouvoir réservé aux seuls admi- Proceedings of GROUP 2005, ACM et dans l’évaluation des produc-
nistrateurs). Press, New York, NY, 2005, p. 1-10. tions des autres5. •
l
Les technologies du web social sont désormais En cette même année 1995, Ward Cunningham met en ligne le
connues et utilisées peu ou prou par la quasi-totalité premier wiki, l’ancêtre de toutes les technologies de sites web
des internautes, et ont généré une pléthore de sites collaboratifs, un site toujours vivant et actif aujourd’hui. La
et d’applications qui représentent indéniablement technologie wiki deviendra vraiment populaire à partir de 2001
un phénomène de fond. Face à cette marée, les tech- avec Wikipédia dont on connaît le succès (voir p 56).
nologies sémantiques seraient-elles condamnées à
rester dans les cercles étroits de quelques ingénieurs Technologie wiki et sujets
initiés ? Notre propos, ici, est de montrer au contraire
que la sémantique est déjà implicitement présente au
de conversation
cœur des applications du web 2.0 et que les relations L’activité favorite du web 2.0, c’est la conversation, et le
entre composantes sociale et sémantique du web centre de la conversation, ce qui la structure, c’est bien sûr
sont visibles depuis longtemps à qui sait les lire. toujours son sujet. Dans le web social, une grande part de
l’activité consiste donc à échanger des informations sur des
Deux courants parallèles sujets de conversation, qui peuvent être – mais ne sont pas tou-
jours – des documents au sens traditionnel du terme. On par-
Le courant social et le courant sémantique ont tage bien sûr des textes, des images, de la musique, des vidéos,
leur source dans le web des origines, parcourent mais on agrège aussi de l’information autour de sujets : des
celui d’aujourd’hui et semblent vouloir structurer personnes, des lieux, des organisations, des événements ou
ensemble, comme on va le voir, celui de demain. simplement des centres d’intérêt.On peut considérer comme
Ils naissent à peu près à la même époque et ont des exemplaire la technologie wiki qui, au-delà de son aspect
histoires parallèles. En 1995, Ramanathan V. Guha collaboratif, est fondée sur deux principes qui se retrouvent
travaille sur le Meta Content Framework (MCF). dans nombre d’applications du web 2.0 et s’avèrent de nature
Publié comme une note W3C en juin 1997, MCF est essentiellement sémantique.
le précurseur du Resource Description Framework Le premier de ces principes est une page pour chaque sujet,
(RDF), la norme W3C qui définit la lingua franca un sujet pour chaque page. La version du même principe dans
du web sémantique, dont la première version date l’univers du web sémantique s’énonce de façon un peu plus
de 1999, et la version définitive de début 2004. technique comme une URI pour chaque ressource à décrire. ///////
/////// Alors la technologie wiki applique ce principe de Les pages centrées sur un sujet se comptent désormais par
façon native et intuitive pour l’utilisateur, sans qu’il milliards sur le web. Citons évidemment les articles de
ait besoin de connaître les arcanes de la sémantique. Wikipédia (12 millions d’articles dans 250 langues) qui sont les
Le second principe est nommer donner une adresse. plus connues, mais se multiplient sans bruit les sites rassem-
Dans la syntaxe wiki, un nom simplement marqué blant des descriptions structurées de sujets de même type,
par une syntaxe spécifique se transforme automati- comme les lieux de Geonames (7 millions), les espèces vivantes
quement en lien hypertexte vers la page ayant ce de l’Encyclopedia of Life (2 millions), les livres de OpenLibrary
titre. Bien sûr, le mécanisme ne fonctionne qu’à (23 millions)… et bien sûr les innombrables pages de profil
l’intérieur d’un wiki donné, alors que le web séman- utilisateur des réseaux sociaux qui se comptent par milliards.
tique s’appuiera sur la généralisation du principe à
l’espace du web tout entier par un protocole uni- La valeur ajoutée RDF :
forme d’adressage.En résumé la technologie wiki, et
au-delà beaucoup des technologies du web 2.0,
identification uniforme des sujets
sont centrées sur le sujet ou orientées-sujet. et sémantique des liens
Ces pages, centrées sur un sujet, constituent donc un maté-
Du web des documents riau abondant et structuré que les technologies sémantiques
peuvent exploiter plus facilement que toute autre. Quelle est
au web des sujets donc la valeur ajoutée par ces technologies à ce qui a été
Le sujet, simple valeur de métadonnée (le champ construit par le web social ? On peut citer deux points essen-
dc:subject du Dublin Core) dans le monde des biblio- tiels : l’identification des sujets par un système uniforme et par-
thèques où le document est central, est donc placé tageable et le typage des sujets, de leurs attributs et de leurs
au centre de la conversation dans le monde du web relations. Dans les deux cas, le modèle RDF propose une
2.0. De plus en plus de ressources web, qu’elles soient même technologie d’identification liée à l’infrastructure même
ou non des pages wiki, sont ainsi des pages définies du web : les URI (Uniform Resource Identifiers). Dans la logique
par leur sujet plus que par leur contenu, ce dernier très récursive de RDF, les types ou classes deviennent eux-
devenant notoirement mobile et dématérialisé. mêmes des sujets adressables, définis par des URI dans des onto-
Dans le web 2.0, les documents statiques devien- logies partageables. Les éléments de ces ontologies peuvent être
nent minoritaires, au profit d’une majorité de pages construits a priori par des experts ou, dans une démarche plus
dynamiques, mais dont beaucoup ont un sujet et une pragmatique, extraits de données structurées, et en particulier
adresse fixe. les ressources « orientées sujet » citées plus haut.
Dans les premiers temps du web, les documents Comme Wikipédia représente le paradigme du web 2.0, la
en ligne pouvaient à la rigueur changer d’adresse, au base de données DBpedia s’appuie sur ses données structurées
gré des humeurs des webmestres, mais sans beau- pour générer automatiquement une base de données séman-
coup changer de contenu ni de sujet. Les métadon- tiques, chaque article étant considéré comme une description,
nées attachées au document se déplaçaient le au sens RDF du terme, d’un sujet unique. La base de données
cas échéant avec ce dernier, comme dans des biblio- DBpedia, de par son caractère encyclopédique, a vocation à
thèques classiques. Dans le web centré sur le sujet, ce devenir le noyau du web sémantique, en agrégeant de nom-
sont les sujets, ou du moins leur représentation breuses autres données générées selon les mêmes principes, qui
dans le système en tant que ressources, qui gardent viennent s’y relier pour former le « linked data cloud ».
une adresse fixe. En retour, les identifiants de sujets (URI) ainsi définis de
Le contenu accessible à travers l’adresse (URI) du façon émergente par la communauté des utilisateurs pourront
sujet peut varier, et ne correspond pas en général à être utilisés pour indexer les documents, en lieu et place des
un document au sens traditionnel du terme, mais il « tags » dont on sait tous les défauts (ambiguïté, sémantique
est généré dynamiquement à chaque requête sur liée à la culture de l’utilisateur, problème de gestion multi-
l’adresse, et donc variable suivant le moment de lingue), mais dans le même esprit de marquage partageable.
la requête et le résultat du dialogue client-serveur À cet égard on peut citer l’application Faviki qui, intégrée
définissant des préférences utilisateur comme la dans un navigateur, permet à l’utilisateur de marquer et parta-
langue, le format de présentation, etc. Singulièrement, ger ses favoris non plus en utilisant ses propres mots-clés, mais
le contenu accessible à l’adresse du sujet n’est pas les URI définies dans DBpedia. Ainsi, une page web sera mar-
un document d’autorité, comme dans un diction- quée avec un sujet identifié et non avec un terme supposé
naire, mais un lieu où le sujet émerge et se précise représenter un sujet. Les URI de DBpedia étant attachés à des
par la conversation du web social. libellés multilingues, le sujet est visible, en édition comme
en lecture, dans la langue choisie par l’utilisateur. Une aide
supplémentaire à l’indexation est proposée à l’utilisateur
par l’intermédiaire à la fois du moteur Google et de l’outil d’aide
« LE SUJET EST PLACÉ AU à l’indexation Zemanta.
CENTRE DE LA Parions que de telles applications, mariant le meilleur
du web social et du web sémantique, seront appelées dans
CONVERSATION DANS les années qui viennent à se multiplier et à trouver leur modèle
LE WEB 2.0 » économique. •
a
de la conversation à la conservation
Avec le web s’est répandue l’habitude d’exploiter des de conservation. Combien de blogs ont disparu lors du crash
informations sans ressentir le besoin de les enregis- de la plate-forme 20six.fr1 ?
trer pour les réutiliser. Le web 2.0 a représenté Par ailleurs, si l’on songe que le principal moyen permettant
une étape considérable dans cette évolution : avec les de désigner les documents est leur URL, le web est comme une
plates-formes de blogs ou les sites de partage de ville où les habitants n’auraient pas de noms, le seul moyen de
vidéos, c’est désormais la production et le stockage les identifier étant de connaître leur adresse exacte. Au moindre
des documents par les internautes qui s’effectuent déménagement, au moindre changement de palier, le contact
à distance. D’espace de communication et de créa- est rompu. Les références réputées les plus fiables n’échappent
tion, le web est ainsi devenu un espace de mémoire, pas à ce phénomène. Ainsi, une étude menée sur les articles en
abritant une somme de connaissances et d’expériences ligne cités dans trois grands périodiques médicaux montre que
inaccessibles hors ligne. 13 % d’entre eux avaient disparu en l’espace de deux ans2.
De plus, le risque de perdre son nom de domaine est réel
Les trous de mémoire pour les sites bénéficiant d’une forte audience dont les
domaines sont guettés par les sociétés spécialisées dans le
du web domain squatting. Leur objectif est parfois simplement de faire
Le web n’est pourtant pas un média pensé pour de l’« élevage de liens » (en récupérant un site populaire, chargé
garantir l’archivage et la fixité des informations. Les de pointer sur des sites clients pour faire augmenter leur
supports numériques sont fragiles et les formats de classement par des moteurs de recherche). Mais il peut aussi
fichiers peuvent devenir obsolètes du fait de la dis- s’agir d’une forme de chantage, la société ayant acquis le nom
parition des logiciels capables de les lire. Les services de domaine monnayant au prix fort la cession à l’ancien
gratuits offerts sur l’Internet – pour le stockage locataire oublieux.
des courriels et des photographies, l’hébergement Cependant, il existe sur le web 2.0 une dimension para-
de pages web – présentent rarement des garanties doxale de la permanence des contenus. Les contenus les plus ///////
/////// institutionnalisés ou travaillés reposent sur un inves- publiées. Mais le jour où l’on souhaitera changer de plate-forme
tissement technologique de leur créateur (mainte- logicielle, si l’on veut embarquer les contenus déjà publiés, il
nance du site web, renouvellement annuel du nom faudra mettre en place des mécanismes permettant de récupé-
de domaine, etc.) et donc tendent à disparaître rer automatiquement les URL ainsi créés pour les réutiliser dans
lorsque celui-ci s’en désintéresse ou n’est plus en le nouveau système ; une préoccupation trop peu souvent prise
mesure de les maintenir. De leur côté, les contenus en compte par les responsables de contenus.
générés par les utilisateurs et hébergés sur les plates- Des services permettent d’agir sur la pérennité des contenus
formes 2.0 ont une permanence forte puisque celles- mis en ligne, soit du côté du producteur, soit du côté de l’inter-
ci continuent à fonctionner même une fois que leur naute. Le système PURL5, développé par OCLC, propose de
auteur s’en est détourné : ce serait le cas de 94 % des créer un annuaire qui redirige un identifiant pérenne vers
133 millions de blogs nés en 20023. Ainsi, alors que l’emplacement actuel de la ressource, en utilisant uniquement
de précieuses informations s’évanouissent, d’autres des techniques simples faisant partie de l’architecture du web,
ne veulent pas disparaître : avec le web 2.0, les indi- et indépendamment de la solution logicielle utilisée. Du côté
vidus déplacent vers le web la problématique du des usagers, il existe par exemple webcite, qui permet de
stockage et de la sauvegarde de leurs informations et demander l’archivage d’une ressource en ligne et l’assignation à
de leurs documents, donc celle de leur mémoire. cette ressource d’un identifiant pérenne6.
Il apparaît donc nécessaire de se préoccuper de La pérennité de l’information repose aussi sur celle du for-
la mémoire du web. Cette attention doit s’appliquer mat dans lequel elle est encodée. L’accent doit être mis sur
aussi bien au niveau des établissements qui veulent l’utilisation de formats ouverts et conformes aux normes et stan-
s’engager sur le web 2.0 qu’à celui des institutions dards internationaux. Cette attention peut aussi s’exercer sur
patrimoniales, qui se voient confier la tâche de l’accessibilité des sites web, puisqu’on y retrouve les mêmes
conserver la trace d’un média par essence volatil. soucis de respect des standards et de description détaillée des
informations mises à disposition. Les règles de l’accessibilité
Citabilité et pérennité pour sont répertoriées dans les recommandations WCAG (Web Content
Accessibility Guidelines7) élaborées par un groupe de travail du
une information durable sur W3C. Pour les institutions publiques, la démarche va d’ailleurs
le web 2.0 devenir obligatoire dès lors qu’entrera en application l’article 47
Alors que les pages web utilisées comme une de la loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances8.
vitrine institutionnelle voyaient les nouveaux conte- Un site web (2.0 ou non) qui respecte ces principes de cita-
nus remplacer les anciens, les médias du web 2.0 bilité et d’accessibilité augmente fortement ses chances de four-
gèrent la temporalité des contenus : les historiques nir à ses usagers une information en ligne pérenne et stable. De
des pages wikis, les actualités passées d’un blog sont plus, il s’avère que ces contenus seront également plus faciles à
autant de traces que laisse sur le web l’institution par archiver pour les institutions patrimoniales, qui procèdent à
rapport à son discours passé. Par ailleurs, il peut y l’archivage du web en vue de constituer la mémoire de l’Internet.
avoir délégation de la fonction d’archivage à un opé-
rateur privé si le blog ou le wiki de l’institution est Mémoire du web et patrimoine
hébergé : il faut veiller aux clauses de l’accord
d’hébergement, notamment pour préserver la pro- Le problème de la mémoire de l’Internet a été très tôt res-
priété intellectuelle des contenus, et aux possibilités senti par quelques institutions pionnières dans ce domaine. La
de sauvegarde et d’export de données. principale est la fondation Internet Archive9, qui a commencé
La question de la durabilité des adresses URL doit à collecter des sites dès 1996, soit quelques années seulement
être une priorité pour veiller à la permanence des après la naissance du web10. La Bibliothèque nationale de Suède
contenus et à leur citabilité. La mise en place fut la première à lancer, en 1996 également, un projet d’archivage
d’identifiants pérennes est une démarche qui permet à grande échelle de son web national. Trois ans plus tard, la BnF
d’éviter que le lien entre la ressource et son identi- commençait ses premières expérimentations, afin de préparer
fiant ne soit rompu. Pour reprendre la métaphore la mise en œuvre de la mission de dépôt légal de l’Internet qui
d’une ville, les identifiants pérennes agissent comme allait lui être confiée en 200611.
un annuaire qui fournit la correspondance entre Techniquement, l’archivage du web repose sur l’utilisation
le nom d’une personne et son adresse. Les Digital de robots de collecte automatique appelés crawlers ou spiders.
Object Identifiers (DOI), Archival Resource Key (ARK) Disposant d’une liste d’adresses URL de départ, ils se connec-
ou encore les Uniform Resource Identifiers (URI) tent successivement sur toutes les pages qui y correspondent,
sont différents systèmes conçus pour faciliter et amé- pour les copier et en extraire les liens hypertexte ; ils décou-
liorer la persistance des adresses URL4. vrent ainsi d’autres pages et leur appliquent le même traitement.
Mais, en réalité, il ne s’agit pas d’un problème Durant leur navigation, les robots suivent des règles précises,
technique : seule une bonne organisation permet de qui correspondent à la politique de collecte de l’institution qui
maintenir l’annuaire à jour, et donc de garantir que les pilote. Les collectes menées par Internet Archive, par
le service reste disponible. Les systèmes de publica- exemple, ont une vocation exploratoire : l’objectif est de
tion du web 2.0 tels que les blogs et les wikis suivre le maximum de liens sortant, pour découvrir le plus
ont l’avantage, de par la gestion temporelle des grand nombre de sites possible. Les établissements ayant pour
contenus, d’associer des URL stables aux ressources mission de conserver le web de leur pays peuvent demander à
La Renaissance
au secours des mondes virtuels
d
Depuis les débuts du monde virtuel, deux concep- pace ne suscite plus, de nos jours, l’excitation qu’il procurait au
tions, pas nécessairement opposées, président à sa début des années 1990. À cette époque, Internet était encore
création : le cyberspace et le métavers. Deux idées entre les mains des universités et les particuliers recouraient
élaborées dans les années 1980 par des auteurs de plutôt à des « services en ligne » comme Compuserve ou même
science-fiction, William Gibson et Neal Stephenson. les BBS, petits serveurs artisanaux souvent maintenus par les
Le cyberespace, création de William Gibson, désigne amateurs. Sans doute l’austérité des interfaces d’alors, en pur
« une hallucination consensuelle vécue quotidienne- mode texte, était-elle favorable à l’explosion de la fantasmatique
ment en toute légalité par des dizaines de millions abstraite propre au cyberespace. C’était l’âge d’or des médita-
d’opérateurs, dans tous les pays, par des enfants à qui tions sur l’hypertexte, un concept qui a fondé l’idée même
des concepts mathématiques sont ainsi enseignés… Une du web mais qui fait partie aujourd’hui de l’archéologie
représentation graphique de données extraites des des idées futuristes, aux côtés de l’expression « autoroutes
mémoires de tous les ordinateurs du système humain. » de l’information ».
Le métavers1, lui, est une simulation du réel, à l’instar En 1995, l’apparition du VRML (Virtual Reality Modeling
des jeux vidéo. Le métavers de Neal Stephenson res- Language), premier langage de modélisation 3D dédié au web,
semble à une grande rue, les visiteurs y possèdent semble donner un coup d’accélérateur à l’idée de « cyberespace ».
des avatars et se rendent dans des boîtes de nuit vir- Lorsque les deux inventeurs de ce langage, Mark Pesce et Tony
tuelles... en bref, Second Life. Parisi, présentent leur création au W3C (organisme détermi-
Il est bien sûr possible de créer des lieux de savoir nant les standards du web), ils apportent aussi dans leurs
dans un métavers mais, dans le cyberespace, c’est la cartons une proposition pour recréer l’architecture du web
connaissance, l’information, qui fournit sa structure en fonction de coordonnées spatiales tridimensionnelles, le
même à l’espace. « cyberspace protocol 3 ». Mais cette idée, qui implique
Aujourd’hui, on s’intéresse surtout au métavers. de remettre à plat tout le système des adresses web, n’est
La qualité de la simulation (qui peut aller jusqu’au pas retenue.
monde miroir, parfaite imitation du monde réel, dont
Google Earth est la préfiguration), l’aspect des ava- Du cyberspace à l’Art
tars, etc., tout cela joue un rôle bien plus grand que
la signification de l’environnement virtuel lui-même.
de la mémoire
Il existe cependant aujourd’hui de multiples À l’époque, nombreux sont ceux qui notent une ressem-
cartographies de l’espace sémantique, comme par blance entre le cyberspace en gestation et une vieille pratique
exemple le système « anoptique » d’Olivier Auber2. mnémotechnique, l’Art de la mémoire. Attribué par la légende
Cependant force est de reconnaître que le cybers- au poète Simonide de Chéos, pratiqué par les Romains, notam-
/////// L’auteur rappelle les caractéristiques, usages et l’entreprise. Ancien responsable des communautés de
enjeux de chaque outil, et montre la façon dont pratique chez Schneider Electric USA, l’auteur trace ici les
on peut les utiliser dans les bibliothèques pour contours du management 2.0, centré sur les valeurs, l’enga-
mieux communiquer avec ses usagers. Ce dossier gement, la coordination et la confiance interpersonnelle.
ouvre de nombreuses perspectives sur leurs pos-
sibilités d’utilisation dans un contexte profession- Hervé LE CROSNIER. Web 2.0 et bibliothèques numériques.
nel. Très bien documentée, la bibliographie Les entretiens de la BnF, 8 décembre 2006.
recense notamment un bon nombre de res- www.bnf.fr/PAGES/infopro/journeespro/ppt/lecrosnier/index.html
sources anglophones. Un document synthétique où Hervé Le Crosnier balaie les
principales dimensions que recouvre la notion de web 2.0.
Olivier ERTZSCHEID. Créer, trouver et exploiter les En prenant exemple sur quelques sites phares, il décrit les
blogs. ADBS Éditions, 2008. 64 p. aspects technologiques du web 2.0, explique à quelles nou-
Une synthèse claire et riche sur un des outils velles pratiques sociales il correspond et quelles implica-
qui a fait la notoriété du web 2.0 : le blog. Olivier tions économiques il engendre. Un des documents les plus
Ertzscheid dresse en fin d’ouvrage une typologie riches sur la question.
des blogs pour mieux comprendre et caractériser
la blogosphère. Angelina GARREAU. Les blogs entre outils de publication et
espace de communication : un nouvel outil pour les profes-
Serge COURRIER. Utiliser les fils RSS et Atom. sionnels de la documentation. Maîtrise des sciences de
ADBS Éditions, 2007. 64 p. l'information et de la documentation, Université catholique de l’Ouest,
Une introduction à l’exploitation directe des Angers, 2005. 160 p. http://memsic.ccsd.cnrs.fr/mem_00000273.html
informations diffusées aux formats RSS et Atom. Un document très complet. Après en avoir défini les fonc-
Un second volume, à paraître au printemps 2009, tionnalités, Angelina Garreau étudie le potentiel des blogs
abordera la question de la production et de la pour l’intelligence collective, le knowledge management ou
réutilisation de tels outils. encore la communication interne en entreprise. Elle analyse
également de quelle manière les professionnels de
Thomas CHAIMBAULT. Web 2.0 : l'avenir du web ? l’information–documentation peuvent en tirer profit. La
Dossier documentaire. Enssib, septembre 2007. bibliographie de ce mémoire est, sur le sujet, très riche
www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-2
Véritable vade-mecum sur le sujet, ce dossier Olivier ZARA. Le management de l’intelligence collective :
documentaire retrace l’histoire du web 2.0, les vers une nouvelle gouvernance. M2 Éditions, 2005, 270 p.
évolutions technologiques qui le sous-tendent, les L’auteur explique dans quelle mesure les entreprises
pratiques qui lui sont liées, et montre comment actuelles ont une organisation fondée sur l’atteinte
le phénomène bouleverse notre conception de d’objectifs individuels et non sur l’idée d’une performance
l’Internet. La dernière partie, plus critique, fournit collective. Olivier Zara propose ensuite une méthodologie
une prise de recul salutaire sur les limites du web pour mettre en place des logiques de coopération au sein
2.0 et ses points d’achoppement. La bibliographie de l’entreprise.
est d’excellente qualité.
Coup
de cœur Une réflexion riche et stimulante
sur l’avenir du livre
Gutenberg 2.0 : le futur du livre. Lorenzo Soccavo
« ix siècles après Gutenberg, Les principaux e-books de nouvelle Il faut aussi « Réinventer la
S une nouvelle révolution va
changer votre façon de lire », prédit
génération 2004-2008 sont présen-
tés à l’aide de nombreuses illustra-
chaîne du livre » (chapitre 5)
tenant compte de lecteurs deman-
Paul Soriano dans la préface de la tions qui concrétisent bien leur deurs et exigeants et l’apparition
Préface de Paul
Soriano. – 2e éd. –
deuxième édition de cet ouvrage. existence. Des tableaux récapitu- de e-communautés de lecteurs
Paris : M21 Éditions, Il salue cette étude en remerciant latifs permettent d’en connaître les capables de donner un nouveau
2008. – 220 p. – ISBN l’auteur pour sa modération. « On principales caractéristiques tech- souffle au livre et à sa diffusion.
2-916260-12-9 : 23 ¤ lui saura gré de s’être tenu éloigné niques et financières (dimensions, Il faut pour cela que les industriels
de deux catégories de commenta- poids, prix, etc.). se mobilisent et acceptent de nou-
teurs peu fréquentables : celle des La « nouvelle révolution » ne veaux partenaires dans la nouvelle
fondamentalistes ("Touche pas à concerne pas que le livre. Elle chaîne économique qui doit se
mon livre !") et celle des extermina- concerne tous les documents mettre en place. Un nouveau par-
teurs ("Vivement qu’on s’en débar- imprimés au premier rang des- tenariat doit également voir le jour
rasse !") ». L’intention de l’auteur quels se trouve la presse (« Le entre éditeurs et auteurs de l’écrit,
est, dès lors, très claire. C’est celle renouveau de la presse », chapitre levant la confusion établie au
d’informer et uniquement informer. 3). Différents groupes de presse cours des ans entre création litté-
C’est ce qu’il fait au cours des cinq sont intéressés par ce nouveau raire et marché du livre.
chapitres qui composent son texte. journal au format plus aisé à lire Doivent apparaître également
« Le livre n’est pas un produit dans des lieux publics, tels les de nouvelles voies de promotion.
comme un autre », affirme Lorenzo métro bondés !. En France, Les La diffusion / distribution à l’ère
Soccavo dans le premier chapitre. Échos offrent déjà une édition de la dématérialisation, permettant
Son histoire sans fin l’entraîne e-paper de leur quotidien. à tout individu, n’importe où sur
vers l’apparition, dans les années « Le livre 2.0 et après ? », inter- la planète, d’accéder sur sa tablette
soixante-dix, de nouvelles formes de roge le chapitre 4. Un peu de pros- de lecture à tout livre qu’il souhaite
livres qu’il qualifie de « mutants ». pective permet d’entrevoir la lire, réveille le mythe millénaire de
Ceux-ci conduisent à s’interroger réalité des readers à l’horizon 2010 la bibliothèque universelle. Le livre
: comment sera le livre 2.0, qui est et d’envisager, avec une nouvelle du futur permet de se rapprocher
à l’origine « De nouveaux appareils charte graphique concernant de sa réalisation avec la naissance
de lecture » (chapitre 2) utilisant l’ergonomie, les contenus et la d’une bibliothèque numérique
l’e-ink ou encre électronique et l’e- typographie, un nouveau contrat mondiale. Change également la
paper ou papier communicant ? de lecture. librairie du futur qui, pour sur-
Sélection
Des solutions pour donner légalement
un accès aux œuvres sous droit
Bibliothèques numériques : le défi du droit d’auteur. Lionel Maurel
nalyser les stratégies adoptées par les biblio- vernement pour couvrir les compensations financières
A thèques nationales en France et au Québec pour éventuelles, sa bibliothèque nationale a pu intégrer
Préface d’Yves Alix. intégrer les œuvres protégées par le droit d'auteur dans les œuvres protégées dans ses projets de numérisa-
– Villeurbanne : les projets de numérisation de masse afin de donner tion. Elle peut ainsi proposer des collections conti-
Presses de l’ENSSIB, des pistes pour favoriser le développement des biblio- nues, des accès à distance et un accès démocratique,
2008. – 356 p. –
ISBN 978-2-910227- thèques numériques – quelle belle perspective ! non réservé, comme en France, aux seuls chercheurs.
69-2 : 35 ¤ Libérer les droits : un choix politique. Si, en « Surmonter la barrière des droits sans la
France, les négociations autour de questions juri- démolir ». Mais les contextes dans les deux pays sont
diques ont très vite limité l'intérêt et l'ampleur des naturellement très différents, y compris dans le
projets de la BnF, proposer des œuvres du domaine domaine juridique. Puisque le système canadien est
public, « défraîchies » et inadaptées aux usages à mi-chemin entre le droit d'auteur continental et le
contemporains, « était une position intenable dans le copyright anglo-saxon, il était utile de présenter les
temps ». Aujourd'hui, les projets ont changé d'échelle marges de manœuvre offertes aux bibliothécaires par
tant en quantité qu'en qualité, mais ils portent encore chaque système « pour éviter la tendance à la régres-
sur des œuvres du domaine public et, lorsqu'il s'agit sion que pourrait induire le numérique ».
d'œuvres sous droits, sur un modèle payant, directe- En ce qui concerne les outils appliqués aux docu-
ment de l'éditeur à l'utilisateur. ments, l'arrêt Microfor-Le Monde, qui les légitime
Le Québec s'est donné les moyens d'engager à dans un contexte de droit continental, est précieux,
grande échelle une politique de libération des droits. tout comme les procès contre Google, à suivre pour
Pour poursuivre une mission de promotion de la lec- les répercussions qu'ils pourraient avoir si devaient
ture publique, grâce à des crédits dégagés par le gou- prévaloir les interprétations strictes du droit d'auteur. ///////
/////// Parmi les nombreux autres défis : le recours aux limites, comme l'indique l'expérience canadienne,
outils du web 2.0 dont les fondements juridiques ne tout comme la négociation auprès de sociétés de ges-
sont pas stabilisés, la coexistence d'éléments aux sta- tion collective, en dépit d'expérimentations réussies
tuts juridiques divers ou encore – le numérique mul- (celle de l'Ina, par exemple) et même si la licence col-
tipliant les possibilités de verrouillage – le piège de la lective étendue des pays scandinaves semble offrir des
réappropriation du domaine public. perspectives intéressantes.
« Éviter le trou noir » documentaire. Faute de Les solutions potentielles sont extrêmement
réponse adaptée donnée par la loi, le Canada a choisi variées, comme le soulignent les systèmes adoptés
« une voie diplomatique et individuelle » en négociant dans le monde pour utiliser les œuvres orphelines ou
avec chaque ayant droit. Mais l'approche « individua- épuisées. Puisque alléguer, par ailleurs, un droit à la
liste » trouve ses limites dans la lourdeur et la com- culture est une position fragile, il convient de préco-
plexité de la procédure, le coût des démarches et par niser des approches « moins frontales mais plus sub-
ses résultats aléatoires. versives » fournies par les licences libres qui « présen-
La BnF a choisi d'accompagner l'émergence d'une tent un fort potentiel ».
offre numérique légale et les négociations collectives Un « nuancier juridique » ouvert aux biblio-
faites avec les représentants des éditeurs pour les thèques numériques. Au-delà de la lecture binaire
ouvrages sous droits. Portail donnant accès aux classique du droit d'auteur – œuvres sous droit ou
œuvres, elle fixe les modalités de la collaboration avec œuvres du domaine public –, les bibliothèques trou-
les plates-formes de distribution. Ce modèle donne veront à côté de la « zone rouge » (œuvres objets d'une
de fortes garanties juridiques mais, privilégiant les exploitation commerciale active) et de la « zone
œuvres rentables lorsqu'il s'agit d'œuvres sous droit, blanche » (œuvres du domaine public), une « zone
pêche par l'absence de vision documentaire. grise » regroupant les œuvres épuisées mais encore
Mais, au-delà des clivages, l'approche doit être protégées, libérables par des négociations contrac-
complémentaire et souple, comme le prouve la réus- tuelles, et une « zone verte » regroupant les œuvres
site d'un modèle adopté pour l'accès à des revues élec- libérées volontairement par les licences de la culture
troniques. libre.
Loi et/ou contrat ? Pour des approches combi- Et de conclure en donnant une liste de dix propo-
nées. Une analyse de la loi Dadvsi démontre que celle- sitions très concrètes.
ci offre peu de perspectives pour les bibliothèques et
qu'aller plus loin serait « irréaliste voire dangereux ». Michèle Battisti
La négociation individuelle a également montré ses michele.battisti@adbs.fr
À lire
De l'utilité d'une analyse économique
en matière de droit d’auteur
L’évaluation en droit d’auteur. Guillaume Henry
valuer une œuvre est une opé- l'évaluation se fait de manière indi- qui est menacée à la fois par les
É ration indispensable dans le viduelle, par les parties, dans juges et par la Commission euro-
cadre d'un contrat d'édition ou de d'autres cas, l'évaluation est col- péenne. Guillaume Henry milite
Préface de Pierre- production ou, en cas de contrefa- lective, réalisée par les sociétés par ailleurs pour une peine privée,
Yves Gautier. – çon, pour obtenir réparation. Mais d'auteurs, ou par loi lorsqu'il s'agit appliquée à la contrefaçon, qui
Paris : Litec : IRPI,
2007. – XIII-364 p. –
comment définir sa valeur de de licences légales. Pour évaluer le irait au-delà de la simple répara-
(Le Droit des manière objective ? S'il existe plu- préjudice d'une mise en ligne ou tion et où la part punitive de
affaires : propriété sieurs méthodes (par le revenu, le d'une vente illicite, ce seront les l'amende serait versée à la victime.
intellectuelle, ISSN prix du marché ou les coûts histo- juges qui se chargeront de réaliser Il souligne aussi qu'en réaction à
0757-0341 ; 30). – riques), un choix doit être fait en ce calcul délicat. une marchandisation croissante
ISBN 978-2-7110-
0984-8 : 55 ¤ fonction de l'opération juridique, L'auteur de cette thèse, qui sou- des œuvres sont apparus des mou-
mais aussi de l'objectif qui est pri- ligne les risques de déséquilibres vements de « contestation de la
vilégié (fiabilité, précision, simpli- liés aux contrats individuels, est prise de pouvoir de l'argent dans le
cité). Par ailleurs, si, lors de la inquiet pour l'avenir de la gestion domaine de la culture » qui reven-
négociation d'un contrat d'auteur, collective, qui a ses faveurs mais diquent un accès gratuit aux
Sélection
Un dictionnaire de qualité,
nécessaire à tout professionnel
Dictionnaire de l’information. Sous la direction de Serge Cacaly
uelques chiffres, d’entrée de jeu, pour caractéri- les chercheurs et acteurs majeurs de l’information
Q ser ce dictionnaire : 26 spécialistes (enseignants, et de son histoire sont particulièrement précieuses,
chercheurs ou professionnels) pour son élaboration, et fournissent d’excellentes synthèses sur l’apport des
Comité de
rédaction : Yves-
900 entrées dont 700 définitions, 15 articles encyclo- uns et des autres, et sur le contexte historique de leurs
François Le Coadic, pédiques, 35 biographies. Ainsi se présente la troi- productions ».
Paul-Dominique sième édition du Dictionnaire de l’information, dirigée Des questions, bien sûr, se posent quant à certains
Pomart, Éric Sutter. par Serge Cacaly. Par rapport à l’édition précédente choix : fallait-il vraiment définir ici des termes comme
– 3e éd. – Paris : (2004), 150 nouvelles entrées ont été ajoutées. « inférence » ou « infogérance » ? Certains termes
Armand Colin, 2008.
– VIII-296 p. – ISBN On ne dira jamais assez l’importance de ce type sont préférés en langue anglaise (« repository ») alors
978-2-200-35132-8 : d’ouvrage dans un champ disciplinaire – les sciences que la traduction française est entrée dans les mœurs
30 ¤ de l’information et de la communication – qui englobe depuis plusieurs années. Certains renvois posent éga-
des notions hétérogènes, de la plus technique lement question : « outil collaboratif » vers « colla-
(le catalogage, l’indexation, etc.) à la plus complexe boratoire », terme qui n’est certainement pas très fami-
à définir (l’information, le savoir, etc.). Ce Dictionnaire lier à tout un chacun. La notion de marketing est très
de l’information couvre parfaitement ce domaine, il peu développée, avec seulement une notice d’une
définit les termes techniques et spécialisés, indique dizaine de lignes sur le « marketing viral ». À part ces
les auteurs, les organismes, les sigles (anglo-saxons quelques points (qui montrent la difficulté d’un tel
ou français) que chaque professionnel de l’information travail sur la terminologie), le (les) champ(s) actuel(s)
doit connaître. des sciences de l’information semble(nt) bien cou-
Il se présente sous forme de notices successives verts : citons les technologies de l’information (avec
généralement courtes, d’une dizaine de lignes. Cer- l’apparition du terme « blog », par exemple) ; la veille
taines notions, ainsi que la biographie de certains (avec « veille informationnelle », « profil », « person-
auteurs, demandent cependant un développement nalisation de l’information », etc.) ; le management
plus important : c’est le cas pour des auteurs comme des connaissances…
Georges Boole ou Suzanne Briet ou pour des notions Les exemples de dictionnaires sont suffisamment
telles que « associations professionnelles » ou « cul- rares – tout du moins en français – dans le champ dis-
ture de l’information ». Chaque notice est signée par ciplinaire qui nous occupe pour ne pas intégrer celui-
un expert du domaine concerné, et propose parfois ci dans toute bonne bibliothèque professionnelle. Car
un arrière-plan historique ou technique indispensable c’est un outil de qualité qui nous est donné ici, qui se
à connaître. Par la force des choses, ce dictionnaire lit avec facilité (la présentation est aérée), et dont le
rassemble donc des notions a priori disparates ou qui style des notices est très soigné. La publication d’une
peuvent apparaître sans lien entre elles : il est en effet troisième édition confirme également que cet instru-
difficile de rattacher des notions telles que « brevet » ment de travail a trouvé son public. C’est donc
et « écologie de l’information » ou celles de « langage un ouvrage à conseiller, utile à tout moment de la vie
naturel » et de « veille informationnelle ». Mais, professionnelle.
comme l’avait déjà constaté Sylvie Lainé-Cluzel lors Jean-Philippe Accart
de la parution de la deuxième édition, « les notices sur jean-philippe.accart@nb.admin.ch
À lire
Pour valoriser l’intelligence
économique « à la française »
Les nouveaux territoires de l'intelligence économique. Sous la direction de Marc-Antoine Duval
et ouvrage apporte une contri- Les experts-comptables consti- ligence sociale ou mieux sociétale.
C bution importante pour pré- tuent les principaux acteurs de la Considérant que l’intelligence
ciser l’originalité de l’intelligence veille comptable et financière. sociétale s’inscrit dans un proces-
Préface d’Alain économique à la française et L’auteure plaide pour une politique sus d’intelligence collective, il
Juillet. – Paris : l’élargissement de ses champs de soutien de l’État aux PME stra- insiste sur son aspect interdiscipli-
Institut français de
l’intelligence écono- d’action à de nouveaux territoires. tégiques. Elle présente un « plan naire et sur son ancrage très
mique (IFIE), 2008. Dans sa préface, Alain Juillet, de comptes intelligent » qui ne doit ancien, en insistant sur le capital
– 171 p. – ISBN 978- Haut Responsable en charge de plus être vu comme un outil sta- social que permettent de consti-
2-916265-04-9 : 15 ¤ l’intelligence économique, redéfi- tique mais comme un « outil de tuer les réseaux. Il situe l’intel-
nit le champ de cette IE « à la fran- veille intelligent ». ligence sociétale au cœur des nou-
çaise ». En prolongement du rap- Jean-Philippe Mousnier pré- velles stratégies de développement
port Carayon (2003), il s’agit, dans sente le nouveau territoire de durable. Hervé Azoulay applique
un contexte de compétition géné- l’intelligence culturelle, une nou- ensuite l’intelligence sociale au cas
ralisée, d’aider à capitaliser nos velle façon de penser et de porter des banlieues en montrant com-
véritables points forts tout en les projets culturels muséaux ou ment un maillage de réseaux
réduisant nos faiblesses et de touristiques. Il insiste sur son (entreprises, associations, collec-
savoir acquérir les informations apport au marché de l’art en pleine tivités locales) peut y aider au
nécessaires pour cela. La concep- expansion. Le dialogue intercultu- développement de l’emploi.
tion française de l’IE s’inspire à la rel constitue une autre vision de la Dernier « nouveau territoire »
fois de l’école suédoise et des mondialisation. Pour le tourisme, de l’IE évoqué ici : l’intelligence
approches anglo-saxonnes au le défi est de passer de l’actuel tou- sportive. En profonde mutation, le
« ciblage trop économique » : com- risme de masse à un tourisme cul- sport est devenu une composante
petitive intelligence américaine et turel à forte valeur ajoutée. Dans majeure de la vie économique, poli-
business intelligence britannique. ce secteur, la France doit savoir tique, sociale et culturelle de la
L’IE n’est pas réservée aux grandes définir un nouveau « modèle de France. Il constitue un enjeu des
entreprises, elle concerne aussi les raisonnement stratégique » en inté- relations internationales et un élé-
PME. Une délégation des missions grant la notion de patrimoine ment de gouvernance, comme le
de l’État devrait lui permettre de immatériel, la relation de la cul- montre Marie Brigaud à partir de
s’impliquer davantage dans ture à l’image et à l’identité du lieu, l’exemple du football. Émerge ainsi
l’intelligence territoriale. Alain du site ou du pays, en articulation un nouveau concept de géopo-
Juillet envisage aussi l’élargis- avec des politiques culturelles ter- litique du sport. L’intelligence spor-
sement de l’IE vers un concept ritoriales. tive peut aussi aider à prévenir mal-
d’« intelligence stratégique » et le L’intelligence humanitaire est versations et tricheries, etcontribuer
champ du développement durable. ensuite présentée par François à la « cohésion sociale ».
Dans l’introduction, Marc- Mabille. Les ONG humanitaires et Développant des réflexions pas-
Antoine Duval insiste aussi sur la de développement constituent de sionnantes et d’actualité pour
nécessité de dépasser l’intelligence nouveaux acteurs des relations mieux comprendre une mondiali-
économique classique pour visiter, internationales. Assimilées à des sation qui ne concerne pas que
avec une nouvelle vision de cette entreprises, elles évoluent dans un l’économie, cet ouvrage se lit faci-
discipline, d’autres territoires marché fortement concurrentiel. lement. Au-delà des professionnels
qu’explore cet ouvrage. Dans le cadre d’une « citoyenneté de la veille et de l’intelligence éco-
Thibault du Manoir de Juaye mondiale », elles traduisent de nomique, il concerne tous les
présente la spécificité de l’intel- nouvelles formes d’organisation publics : universitaires, étudiants,
ligence juridique qui constitue le des identités qui ne sont plus uni- décideurs publics et privés, et
fondement légal de la protection quement liées à la nation, au ter- toutes personnes soucieuses de
juridique du patrimoine des entre- ritoire, à la religion. Leur force mieux comprendre les enjeux de
prises, permettant à celles-ci réside dans leur capacité à mobi- notre monde globalisé, avec des
d’éviter les contentieux et à défaut liser des imaginaires. Avec la crise méthodes pour essayer de maîtri-
d’obtenir gain de cause devant les de l’État-Providence, elles remplis- ser cet environnement incertain et
tribunaux. sent une fonction sociale. de plus en plus concurrentiel.
Agnès Bricard s’intéresse à Philippe Clerc aborde ensuite Christian Bourret
l’intelligence comptable et financière. le nouveau territoire de l’intel- Christian.Bourret@univ-mlv.fr
vec ce titre prometteur, on pouvait s’attendre à ment ou, en aval, dans la mesure des résultats.
A un ouvrage consacré principalement à ces envi- On regrettera peut-être que les deux chapitres
ronnements technologiques – dits 2.0 – qui placent consacrés aux outils soient d’avantage énumératifs
Paris : Hermès l’utilisateur au cœur des dispositifs informationnels. qu’analytiques. Reprenant la répartition traditionnelle
Science Publications : Autant le dire d’entrée, cet ouvrage rédigé par les deux des fonctions constitutives de la veille, les auteurs
Lavoisier, 2008. –
directeurs associés de Knowledge Consult est plus un proposent ainsi un panorama de l’offre d’outils pour
234p. –
(Management et panorama général des solutions techniques actuelles la collecte et pour l’analyse. Curieusement, les outils
informatique). – qu’un opus de décryptage et d’analyse de la veille 2.0 de diffusion ne sont quasiment pas mentionnés dans
ISBN 978-2-7462- proprement dite. Il offre en outre de larges rappels sur ces chapitres, si ce n’est au travers des progiciels de
1929-8 : 49 ¤ les principes constitutifs de la veille en entreprise et veille généraliste.
livre quelques cas d’implémentation intéressants. La partie consacrée à l’offre open source dans le
De ce fait, il s’adresse aussi bien à des veilleurs, à des domaine de la veille mérite d’être signalée. En effet,
responsables de centres de documentation, à des direc- si cette offre est encore naissante, des briques fonc-
teurs de systèmes d’information qu’à des utilisateurs tionnelles commencent à exister à tous les niveaux
finals. Et il constituera pour les personnes non expertes de la chaîne. On notera cependant l’absence d’un véri-
de ces questions une très bonne entrée en matière. table agent de surveillance pouvant rivaliser avec les
Cet ouvrage rappelle tout d’abord quelques notions solutions propriétaires, de même que l’absence d’une
de base sur la veille, en insistant sur le fait qu’il est véritable plate-forme de veille.
attendu aujourd’hui d’un système qu’il rassemble Gilles Balmisse et Denis Meingan consacrent un
l’ensemble des fonctions de collecte, de stockage, chapitre aux outils d’analyse de données, de text-
d’analyse, de diffusion et partage et d’administration. mining et de visualisation. Ils rappellent le fonction-
Cette évolution technique vers une plus grande inté- nement des systèmes d’extraction de connaissances
gration fonctionnelle n’est pas étrangère à l’élar- qui visent à automatiser les opérations d’analyse et de
gissement des objectifs assignés à la veille. Ce qui res- synthèse pour traiter une quantité parfois gigantesque
sort d’ailleurs le plus nettement au cours de ces d’informations. En matière de visualisation de l’infor-
dernières années, c’est à la fois la plus grande inser- mation, ils insistent sur l’apport des « vues connec-
tion de la veille dans les différents niveaux opération- tées » issues des cartes cognitives ou des cartes séman-
nels de l’entreprise et sa plus grande spécialisation. tiques qui permettent des approches globales d’un
Les auteurs distinguent ensuite trois grands périmètre informationnel.
« âges » de la veille : l’époque de l’information (sur- Viennent enfin les outils web 2.0 proprement dits
veillance concurrentielle ou technologique sans but et le rappel de leurs principales caractéristiques : cen-
opérationnel précis) ; l’époque de la gestion (où la tralité de l’utilisateur, ouverture (API publiques),
veille apporte « sous forme de documents de synthèse décentralisation de la production et du partage des
les éléments qui vont permettre de valider ou d’affiner contenus dont del.icio.us est l’exemple emblématique.
les choix qui doivent être faits ») ; vient enfin l’époque En terme de collecte, les auteurs considèrent – à juste
de l’action dans laquelle nous serions aujourd’hui et titre – que la diffusion du format RSS « est en passe de
dont les caractéristiques principales sont à la fois modifier notre vision et notre utilisation d’Internet et de
l’organisation volontariste de la veille et son statut de son contenu ». Ils soulignent à cet égard la polyvalence
composant de base de l’intelligence économique. de la plupart des outils web 2.0 (wikis, blogs, etc.)
En terme d’organisation, ces évolutions ont vu qui sont à la fois des sources, des outils de produc-
naître, au début des années 2000, les premières cel- tion et, via RSS et le tagging notamment, des outils
lules de veille et l’embauche de personnes aux profils communautaires. Sur ce dernier aspect, les pratiques
spécialisés. Les auteurs évoquent les modalités pré- 2.0 apparaissent comme une opportunité (représen-
cises de cette mise en place dans une PME spéciali- tativité des différents collaborateurs de l’entreprise
sée dans les composants électroniques et dans un dans le social bookmarking, « trouvabilité ») non
grand groupe industriel, où apparaissent clairement exempte de risques (pérennité des outils, surabon-
des besoins en veille spécifiques à chaque client dance d’informations, incohérence dans la caractéri-
interne. L’apport le plus intéressant de cette partie de sation des sources et problèmes de réutilisation de
l’ouvrage consiste en un tableau de recommandations l’information collectée).
à mettre en œuvre en fonction du niveau de maturité Cet ouvrage a le mérite de rappeler en conclusion
de la fonction veille dans l’organisation, selon que l’on la différence dans la mise en œuvre d’un dispositif de
se situe dans une phase de sensibilisation, de déploie- veille entre l’approche fonctionnelle (initiée au plus
près des processus et des besoins d’information de déploiement du système. Quant au choix de l’outil
l’entreprise) et l’approche outils (plutôt centrée sur lui-même, dont les critères font l’objet de la dernière
la résolution technique des problèmes de traitement partie de l’ouvrage, Gilles Balmisse et Denis Meingan
de l’information). Dans la mise en œuvre d’un sys- insistent sur l’intérêt de mixer les profils décision-
tème de veille, qu’il soit ou non 2.0, le succès dépend naires pour que la plupart des facteurs de succès
très largement d’un cadrage clair des objectifs et de soient correctement pondérés. La veille 2.0 semble
l’implication des participants. Elle appelle également donc être, au moins autant que la précédente, une
une mobilisation des ressources humaines adaptées affaire de management et de gestion de projet.
aux différentes phases du projet et une juste évalua- Loïc Lebigre
tion des mutations d’organisation qu’entraînera le loic.lebigre@adbs.fr