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Sanae Aljem, « 100 ans d’urbanisation du littoral Casablancais », actes du colloque « 100 ans d’urbanisme
à Casablanca : 1914-2014 », Ecole d’Architecture de Casablanca, 2016
Casablanca est la ville Marocaine qui a enregistré un développement des plus spectaculaires
durant le siècle dernier. Cette ville qui jadis n’avait rien de comparable aux villes Marocaines
impériales telles que Fès, Marrakech et Meknès en termes de populations, d’activités et
d’architecture, est aujourd’hui la première métropole du Maroc et son véritable cœur
économique. Ce grand dynamisme est fortement lié au processus d’industrialisation de la ville
et au port, qui n’a cessé d’évoluer au fil des années et de s’adapter aux dernières exigences en
termes d’infrastructure et d’équipement modernes.
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Après l’indépendance, l’Etat consacre peu d’intérêt aux questions urbaines. En l’absence
d’un dispositif juridique opérationnel, on a assisté progressivement à des déviations multiples
ayant donné lieu à l’expansion de l’habitat insalubre, des bidonvilles et des structures
anarchiques. Dans la période des années 80 et 90 les grandes villes marocaines ont été des
scènes de plusieurs tensions sociales, dues aux problèmes liés à la forte pression
démographique. Depuis lors, les problèmes urbains ont occupé une place centrale dans la
scène politique marocaine et un nouvel urbanisme de contrôle a pris place (A. Abouhani,
2002). L’État décida de lutter efficacement contre « le désordre urbain » à travers une série de
décisions relatives aux contrôles sociopolitiques et à l’aménagement urbain.
A la ville de Casablanca, théâtre des émeutes urbaines les plus violentes en 1981, ces
décisions ont donné naissance à plusieurs dispositifs de différente nature: découpages
administratifs, aménagements de nouvelles préfectures et de nouveaux districts de police,
création d’une agence urbaine dont le directeur a le statut de préfet et l'élaboration d'un
nouveau Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU) en 1985.
Cette absence d’édifices affectés au culte musulman est tout à fait logique dans une ville dont
l’essor et l’expansion urbains datent de la période du protectorat. Les stratégies d’urbanisation
y ont été élaborées selon des principes d’urbanisme évacuant toute référence à la religion
musulmane. La construction de la mosquée Hassan II est venue à un moment clé de
l’évolution urbaine et socio-politique de Casablanca et de tout le pays. Elle peut être
interprétée comme expression territoriale de la réappropriation sociale et de la requalification
symbolique (Cattedra, 2004) de la ville marquant une rupture cruciale avec son passé
colonial, prolétaire et protestataire. Elle représente également une marque de la stabilité
politique du Royaume qui affirme le contrôle et la légitimité du pouvoir politique de la sphère
religieuse (Cattedra, 2004). Le projet de la mosquée Hassan II présente les caractéristiques
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suivantes :
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Ainsi, entre la mosquée et le port a été initié le projet de la « Marina de Casablanca » au début
des années 90 avec pour objectif d’en faire un grand projet touristique pour la ville. Entre la
mosquée et la pointe d’Al Hank a été lancé le projet de « la grande baie de Casablanca » à la
fin des années 90, ce projet devait constituer une nouvelle zone d’attractivité à vocation
touristique de loisirs et de culture. Aussi, en face de la mosquée une artère de 1300 m de
longueur et de 60 m de largeur devait joindre la Place des Nations unies et la Mosquée Hassan
II. Ce projet sensé entrainer une nouvelle configuration urbaine de la zone prévoyait la
réalisation d’un ordonnancement d’immeubles de Haut standing le long de la percée
comprenant un centre d’affaire et plusieurs espaces commerciaux, il prévoyait également la
réalisation du futur théâtre national et d’un palais de congrès.
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Nouvelle génération de Projets à Casablanca :
A partir de l’année 1998 de nombreux changements significatifs ont été opérés dans le mode
de gestion et de planification urbaine. La planification réglementaire a était mise en veilleuse
à Casablanca, les plans d’aménagement qui n’avaient non seulement pas pu répondre
réellement aux besoins de la ville, étaient en plus devenus caducs. Il était alors logique et
raisonnable de les dépasser pour « encourager l’investissement » et pour « promouvoir le
développement » au sein de la capitale économique. Ceci a été rendu possible grâce à la
dérogation urbanistique qui, se limitant à ses débuts aux projets majeurs à envergure
nationale, a fini par devenir régionale et jouer un rôle important dans la généralisation des
grands projets. La multiplicité et la quasi-généralisation des interventions de type « Projet »
sur le territoire Casablancais peut être interprétée par ce qui suit :
La nécessité d’un marquage symbolique d’autorité, qui affiche une nette rupture avec les
actions antérieurs et démontre les nouvelles capacités du nouveau pouvoir central. Il s’agit
alors d’un geste politique.
Une recherche d’efficacité que ça soit sur le plan urbanistique, pour résorber l’image de chaos
général qui règne sur la capitale économique qui semble échapper aux concepteurs et aux
gestionnaires, mais aussi sur le plan technique. Le projet se veut alors une sorte de solution à
l’échec des actions antérieures qui n’ont pas produits les effets escomptés.
La volonté de véhiculer une nouvelle image d’un Maroc moderne en mouvement, en dotant
les grandes villes de services supérieurs et d’éléments d’attractivité, ceci conjugué à
l’incapacité de l’Etat à financer lui même tous ces chantiers ambitieux de transformation. Ce
qui justifie la forte introduction des investisseurs et promoteurs privés dans la réalisation et le
portage des projets.
L’introduction du privé témoigne non seulement d’une rupture avec le modèle de l’Etat
providence vers un modèle d’Etat mobilisateur, mais il s’agit également, par le biais du
conventionnement (pratique très courante dans le cadre des nouveaux projets), du
renoncement de l’Etat à son pouvoir de contrainte pour s’engager dans des modes d’échange
et de négociation (Lascoumes, Valluy, 1996). On remarque l’émergence des nouvelles
institutions dédiées aux projets ce qui témoigne de l’entrée en jeu de nouveaux acteurs dans la
conduite des politiques publiques urbaines et concrétise une nouvelle rationalité porteuse de
valeurs de l’innovation : la modernisation, la déréglementation et l’ouverture au marché…
Conclusion : Du « plan » et du « projet » :
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Les conditions d’émergence du projet urbain en Europe et au Maroc sont différentes de tous
les points de vues. Si cette démarche s’intègre dans la lignée naturelle d’évolution de l’action
publique urbaine européenne, par rapport aux conditions économiques, politiques et sociales
des années 70 qui ont fait qu’un changement dans les instruments de l’action urbaine
s’impose autant par le haut que par le bas. L’histoire de l’émergence des grands projets à
Casablanca est tout aussi hybride que celle de sa croissance urbaine. Le « projet urbain » en
Europe est étroitement lié aux politiques publiques constitutives, qui mettent en place des
mécanismes qui favorisent la mobilisation des acteurs locaux autour du projet de
développement territorial (G. Pinson, 2009). Au Maroc les notions de concertation et de
participation citoyenne sont fortement mobilisées dans les discours politiques, mais leur
utilisation reste formelle, théorique, et appartient bien souvent aux registres de l’image, de la
justification ou encore de la mise en scène. Le « grand projet » de Casablancais sont bien loin
des modèles de planification « par le bas » promus dans le cadre des démarches de « projet ».
Aussi, la généralisation des grands projets à Casablanca ne témoigne nullement de la volonté
de passage du « plan au « projet ». L’Etat reste un grand producteur de la réglementation par
le biais du plan, en témoigne la préparation en cours des nouveaux plans d’aménagement de
Casablanca.
Est-ce que ces projets, plus ambitieux les uns que les autres et dont les programmes présentent
des composantes plus ou moins similaires, ne se font pas concurrence ? Est-ce que le marché
casablancais est capable d’absorber toute cette offre ? Ou bien finiraient on par avoir- comme
c’est le cas dans plusieurs villes du Golf- des tours vides dont l’unique fonction est de
modeler le skyline moderne de la ville ?
La réussite des nouvelles institutions ad-hoc, qui sont venues s’ajouter au complexe
institutionnel classique hypertrophié, dans la mise en œuvre des projets, témoigne-t-elle de
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leur capacité à créer de la transversalité et à générer le consensus, qualités qui ont longtemps
fait défaut aux politiques publiques urbaines ?
Le vis à vis des projets de front d’eau n’est pas des plus avantageux pour l’ambition
d’iconisation de la façade maritime de Casablanca. Si la Médina de Casablanca intra-muros
arrive à tirer un bénéfice des nouveaux grands projets, qu’advient-il des autres zones
avoisinantes appelées Médina extra-muros qui sont tout aussi vétustes et délabrés ? est ce que
les grands projets de Casablanca contribuent ils à la naissance d’un nouvel ordre socio-
spatiale dans la ville ?
Bibliographie :
Barthe Y. Callon M. Lascoumes P. Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie
technique. Paris, France : Le Seuil.
Gaudin J. P. (1999), Gouverner par contrat. Paris, France : Presses de Sciences Po.
Souami T. et Verdeil E. (2006) Concevoir et gérer les villes - Milieux d’urbanistes du sud de
la Méditerranée. Paris, France : Economica, Anthropos.