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de saint Pierre
La Passion de 1 'Église
Du même auteur
jeromefoulon@aliceadsl.fr
jeromefoulon@free.fr
jerome. foulon@neuf. fr
ISBN 2-9509570-2- 1
Le crucifiement
de saint Pierre
La Passion de 1 'Église
par
Pascal Bernardin
Première édition
2009
.Jf_d majorem (]Jei g{oriam
« Car un temps viendra où les hommes ne suppor
teront pas la saine doctrine, mais au gré de leurs dé
sirs se donneront une foule de maîtres, 1' oreille leur
démangeant, et ils détourneront 1' oreille de la vérité
pour se tourner vers les fables. » (Il Ti m. 4, 3-4)
' histoire de l ' humanité est l ' histoire du salut et de la lutte entre les
L deux Cités pour la conquête des âmes, seul enjeu qui vaille.
D' essence diabolique, la Révolution est une révolte contre Dieu inspirée
constamment par Satan. Son but ultime est la destruction de l' Église et
1' édification de la contre-église. Cette vérité élémentaire oubliée, le fil
conducteur est brisé, l ' histoire s' obscurcit, perd son sens et devient un mys
tère incompréhensible. Les pages qui suivent ne peuvent se comprendre sans
garder constamment à l' esprit ce cadre d' analyse.
Le vingtième siècle a été marqué par plusieurs dates capitales de ce com
bat eschatologique. Dans l' ordre spirituel, deux événements majeurs se dis
tinguent : les apparitions de Fatima et le concile Vatican II. Dans l' ordre poli
tique, le principal événement' est incontestablement la promulgation du Nou
vel Ordre Mondial par le président Bush. Enfin, il n' est guère besoin d' être
prophète pour annoncer que le XXI0 siècle verra, voit, l' apparition d' une spiri
tualité globale 2 • Nous en avons déjà donné des preuves suffisantes dans
d' autres écrits et un ouvrage en préparation l' établira surabondamment3 • Les
principales institutions internationales et toutes les puissances de ce monde
travaillent dès maintenant à diffuser cette spiritualité, à l' imposer progressi
vement à la population mondiale.
Nous voici donc avec quatre événements majeurs, dont les trois premiers
sont déj à survenus : les apparitions de Fatima, Vatican II, la promulgation du
Nouvel Ordre Mondial et l ' instauration d' une spiritualité globale. Il ne sem
ble pas nécessaire d' insister sur le fait que l ' instauration de cette spiritualité
globale sera un événement anté-christique, un épisode majeur de la lutte entre
les deux Cités. Nous supposerons connus les principaux éléments concernant
Fatima4 . Nous nous proposons de montrer, dans ce travail et le suivant, les
liens qui unissent ces quatre événements, de mettre en évidence l' histoire et
l' opposition des deux Cités pendant les cent dernières années.
2 La spiritualité globale est une spiritualité du Grand Tout, de la globalité, du cosmos, une spi
ritualité écologique destinée également à la globalité des hommes. C'est donc une version mo
dernisée de J'éternel panthéisme, une déclinaison exotérique de la doctrine maçonnique qui doit
permettre à J'œcuménisme de développer toutes ses potentialités.
3 Cet ouvrage, consacré à la spiritualité globale, doit être considéré comme la dernière partie
du présent travail. Nous avons dû nous résoudre à Je publier séparément pour ne pas augmenter
démesurément ce volume.
4 Nous ne pouvons qu'encourager Je lecteur qui les ignorerait à en prendre connaissance dans
l'urgence. Il est nécessaire de connaître les avertissements de la sainte Vierge pour comprendre
les événements spirituels et temporels considérables qui se déroulent à une vitesse toujours ac
crue.
8 Le crucifiement de saint Pierre
Nous établissons dans cet ouvrage que la doctrine spécifique à Vatican Il,
les innovations théologiques qu' il introduit et qui le distinguent de manière
unique des autres conciles, sont maçonniques, anticatholiques. Nous mesu
rons naturellement 1' énormité de nos affirmations, les difficultés considéra
bles qu' elles engendrent pour la Foi, l' Espérance et la Charité, la véritable
Passion de l ' Église qu' elles supposent. Mais cette vérité ne peut être cachée
et devient même évidente dès que l ' on a commencé à la percevoir et à appré
hender la cohérence interne de Vatican Il. En effet, 1' essence de Vatican II,
son inspiration, son unité interne, sa cohérence méritent d' être mises en lu
mière. L ' esprit qui a soufflé sur ce concile doit apparaître au grand jour.
Quelles sont les idées maîtresses, les utopies qui ont mené un concile de
l ' Église catholique à des réformes aussi catastrophiques ? On juge un arbre à
ses fruits.
Or en affirmant que l' esprit maçonnique5 a soufflé sur Vatican II, nous ne
faisons que répéter, en en tirant toutes les conséquences, ce que d' autres bien
plus autorisés ont attesté. C ' est ainsi que pour le futur cardinal Congar, Vati
can II fut « la Révolution d' octobre dans l' Église ».
« Ils [les chrétiens] ne devront pas oublier pour autant que tout che
min mène à Dieu (il est plusieurs demeures dans la Maison de mon
Père . . . ) et se maintenir dans cette courageuse notion de la liberté de
pensée, qui, on peut vraiment parler là de révolution, partie de nos loges
maçonniques, s' est étendue magnifiquement au-dessus du Dôme de
Saint-Pierre. » (Yves Marsaudon) 7
5 Nous n'entendons pas déterminer dans ce travail les voies (la cause efficiente) par lesquelles
l'influence maçonnique s'est exercée sur le concile Vatican II. Nous nous proposons seulement
de montrer la similitude (formelle), voire l'identité entre les thèmes conciliaires et maçonniques.
6 Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, Paris, Pierre Téqui, éditeur,
2005 , p. 426 sq. Voir également p. 423 sq.
7 Yves Marsaudon, L'œcuménisme vu par un Franc-Maçon de tradition, Paris, Éditions Vitia
no, 1 964, p. 1 2 1 .
Introduction 9
Nous montrerons donc que tout Vatican Il, dans sa spécificité, découle
immédiatement de la confusion entre le Créateur et la créature, entre la nature
et la grâce 8 . Il s ' agit d' affirmations, d' allégations maçonniques, gnostiques et
panthéistes. Tout Vatican II en découle immédiatement, naturellement et né
cessairement : omission du péché originel et du péché personnel, salut uni
versel et vacuité de l' enfer, désuétude du sacrement de pénitence, liberté reli
gieuse, œcuménisme et unité du genre humain, dignité de l' homme, Église
sacrement de l' unité du genre humain, protestantisation du sacrifice de la
messe, mélange entre le Royaume et le monde.
Le combat entre l' Église et la Révolution apparaît alors : le Ciel a réclamé
avec insistance à Fatima la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de
Marie, sous peine des plus graves châtiments. Cette consécration n' ayant pas
été faite dans les formes requises, des châtiments terribles se sont abattus sur
la chrétienté et continuent de l' affliger. En particulier, Vatican II a été la
cause de l' apostasie d ' un continent, l' Europe, et de beaucoup de catholiques
dans le monde. Et les peines ne s ' arrêtent pas là : Vatican II a aligné la doc
trine de la Rome moderniste avec les thèses maçonniques, avec la spiritualité
globale. Avec un demi-siècle d' avance, l' Église conciliaire a incorporé dans
sa doctrine les présupposés philosophiques et les principaux thèmes de cette
spiritualité mondialiste. Les pièces se mettent en place : vingt-cinq ans après
Vatican II, George Bush pouvait promulguer le Nouvel Ordre Mondial,
Rome s ' étant ralliée aux thèses gnostiques, maçonniques et mondialistes. La
spiritualité globale commence d' ores et déj à à être diffusée. Pourtant le Sei
gneur nous a donné le moyen surnaturel de vaincre ces forces colossales,
diaboliques, que plus aucun homme ne peut affronter. Un moyen aussi hum
ble que l' Incarnation du Verbe dans une grotte d' une province perdue de
l' Empire romain, aussi insignifiant, humainement parlant, que la Passion de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, crucifié entre deux voleurs : la consécration de
la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Puisse la hiérarchie mesurer
l' ampleur du combat eschatologique qui se livre, le poids de ses responsabili
tés, 1' étendue de 1' erreur de Vatican II et consacrer sans délai la Russie
comme Notre-Dame le demande pour l' Église et le salut des âmes.
* * *
8 La grâce est un don surnaturel concédé par Dieu à une créature douée d'intelligence en vue du
salut éternel. Elle est une participation à la nature divine. Elle ne saurait donc être due à notre
nature.
10 Le crucifiement de saint Pierre
tre aisément que les thèses de Hegel sont des thèses maçonniques, gnostiques,
sans guère d' originalité, et qu' elles sont à l' origine des idées de Rahner, « le
plus grand théologien du XX0 siècle » et l ' un des protagonistes de Vatican II.
D' autre part le jeune professeur Ratzinger fut l' élève de Rahner : tous les
textes du cardinal Ratzinger et de Benoît XVI que nous citons doivent être lus
en gardant ces éléments présents à l' esprit. Nous n' avons pas développé ces
considérations sur Hegel pour ne pas alourdir notre texte.
La question de la Réforme est autrement plus ardue et les recherches que
nous avons entreprises sur ce sujet sont loin d' être terminées. Nous ne mé
connaissons donc pas l ' influence protestante sur Vatican II. Mais l' état actuel
de nos recherches sur l' origine du protestantisme ne permet pas de les expo
ser.
Enfin, certains nous reprocheront et nous ont reproché de rester trop près
des textes étudiés et « de ne pas assez donner notre avis ». Il nous semble
bien plus profitable de faire connaître au lecteur la position des autorités ma
çonniques et conciliaires et de montrer leur parenté incontestable. La conver
gence entre la maçonnerie, les institutions internationales et l' Église conci
liaire pour parvenir à l ' instauration d' une spiritualité globale est un phéno
mène d' une ampleur telle qu' il nous suffit de l' établir de manière irréfutable.
* * *
* * *
Les écrits d ' un cardinal, même promis au suprême pontificat, n' engagent
pas le magistère de l' Église. Nous avons donc soigneusement distingué les
écrits des cardinaux Wojtyla et Ratzinger de ceux de Jean Paul II et de
Benoît XVI. Un texte d ' un pape qui s ' écarte de l' enseignement de l ' Église ne
peut être considéré comme appartenant au magistère et possède 1' autorité
d' une opinion d ' un docteur privé.
Première partie
La doctrine catholique
et
* *
11
ST, 1, q. 63, a. 3.
12
CG, liv. III, ch. 52.
La doctrine catholique de la création 15
Saint Thomas montre que Dieu est simple et qu ' Il est un. Dieu est simple
car « Tout composé est postérieur à ses composants et dans leur dépen
dance ; or, Dieu est l' être premier, comme on l ' a fait voir. » 1 3
1 3 ST, 1, q. 3, a. 7 .
1 4 ST, I, q.ll, a. 3.
16 Le crucifiement de saint Pierre
1 5 Sauf mention contraire, les traductions des textes du magistère proviennent de Henrici
Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, Enchiridion Symbolorum, Paris, les
Éditions du Cerf, 1 996. Abrégé par la suite en Denz ou Dz ou DS.
La doctrine catholique de la création 17
16
« Vu que Dieu est une substance spirituelle unique et singulière, absolument simple et im
muable, il faut affirmer qu'il est distinct du monde en réalité et par essence».
1 7 Réginald Garrigou-Lagrange, Dieu, Son Existence et sa Nature, solution thomiste des anti
nomies agnostiques, Paris, Gabriel Beauchesne, 1 9 1 5 , p. 1 3 . Voir p. 379 sq.
18 Le crucifiement de saint Pierre
l ' Un, immobile parce que nul besoin, nul désir ne peut altérer sa quié
tude, toujours le même parce qu' il n ' y a rien d' autre qu' il puisse ac
quérir en dehors de ce qu' il est, unique parce qu' il épuise par la pléni
tude de son être toute perfection, tout-puissant parce qu' il est tout être.
Il crée, c' est-à-dire qu' il pose en dehors de soi non pas de l 'être
comme le sien - la perfection d'être est infractionnable, comme la no
tion même : on est ou l ' on n' est pas ; il est impossible d' être à demi
il pose en dehors de soi, dans le néant qui ne peut lui résister, quelque
chose qui est néant de soi, mais qu' il constitue par une action conti
nue, quelque chose qui a son explication à chaque instant dans
l 'énergie de l 'être nécessaire, qui ne peut par conséquent
s ' additionner à lui comme être et être, puisqu ' il n' est rien dans l'un
qui ne vienne de l' autre, mais qui cependant fait quelque figure grâce
à la puissance de Celui qui peut tout, qui est réel, parce que cette par
ticipation de l ' être le constitue vraiment en dehors de Celui qui est
tout, qui demeure malgré tout néant de son propre fonds, parce que
toute sa puissance d' être est faite de l' action d'un autre. En quoi
consiste celle action singulière ? - Nul ne le sait que celui qui est ca
pable de la poser, mais on ne peut prouver a priori qu' elle est impos
sible (voir col. 2037 sq.) a posteriori, qu' elle n' est pas une réalité, si
elle se présente comme la seule explication possible des données évi
dentes de la conscience et des sens : quelque chose existe qui n 'étant
pas paifait ne s 'explique pas tout seul. La raison philosophique a bien
le droit de dépasser les évidences du bon sens ; elle n ' a jamais le droit
de les contredire. » (Dictionnaire de théologie catholique ) 1 9
18
L'auteur envisage les trois solutions possibles à la question de l'existence du monde : le
dualisme, le panthéisme et la doctrine de la création. Après avoir éliminé les deux premières
parce qu'impossibles, il en arrive à la troisième.
19 A. Vacant, E. Mangenot, Dictionnaire de théologie catholique, Paris, Letouzey et Ané,
éditeurs, 1 909, Article Création, Col. 2 1 08 et 2 1 09 . Article rédigé par H. Pinard. Le Diction
naire de théologie catholique (abrégé ultérieurement en DTC) est un ouvrage anté-conciliaire
considérable (30 forts volumes plus trois volumes de tables) auquel de nombreux auteurs ont
contribué et dont les articles jouissent souvent d'une grande autorité.
La doctrine catholique de la création 19
Les 24 thèses thomistes furent approuvées par saint Pie X (Doctoris an
ge/ici du 29 juin 1 9 1 4) puis par Benoît XV le 7 mars 1 9 16 et publiées par la
Sacrée Congrégation des études le 27 juillet 1 9 14. Voici les trois dernières :
« 22. L' existence de Dieu, nous ne la percevons point dans une in
tuition immédiate, nous ne la démontrons pas a priori, mais bien a
posteriori, c ' est-à-dire par les créatures, l ' argument allant des effets à
la cause : savoir, des choses qui sont mues et qui ne peuvent être le
principe adéquat de leur mouvement, à un premier moteur immobile ;
du fait que les choses de ce monde viennent de causes subordonnées
entre elles, à une première cause non causée ; des choses corruptibles
qui sont indifférentes à être ou à n' être pas, à un être absolument né
cessaire ; des choses qui, selon des perfections amoindries d' être, de
vie et d' intelligence, sont, vivent, pensent plus ou moins, à celui qui
est souverainement intelligent, souverainement vivant, souveraine
ment être ; enfin, de l ' ordre de l ' univers, à une intelligence séparée qui
a mis en ordre et disposé les choses et les dirige vers leur fin.
« 23. L' essence divine, par là même qu' elle s ' identifie avec
l' actualité en exercice de son existence, en d' autres termes, qu' elle est
l' Être même subsistant, s ' offre à nous comme bien constituée pour
ainsi dire dans sa raison métaphysique et par là aussi elle nous fournit
la raison de son infinité en perfection.
« 24. Donc, par la pureté même de son être, Dieu se distingue de
toutes les choses finies. De là il s' ensuit d' abord que le monde n ' a pu
procéder de Dieu que par une création ; ensuite que le pouvoir créa
teur, qui atteint de sa nature premièrement l ' être en tant qu' être, ne
peut, pas même par miracle, se communiquer à aucune nature finie ;
enfin qu' aucun agent créé ne peut influer sur l ' être d'un effet quel
qu' il soit, si ce n' est par une motion reçue de la Cause première. »
« À cela il est facile de répondre : rien ne peut s ' ajouter à l ' Infini
dans le même ordre, et la contradiction du panthéisme consiste préci
sément à ajouter à l ' Infini des modes finis, de telle sorte que l ' Infini
est en même temps fini. Mais il ne répugne pas que dans un ordre infé
rieur quelque chose s ' ajoute à l ' Être infini, comme un effet s ' ajoute à
la cause éminente qui le produit. Le nier, serait refuser à l ' Être infini
la perfection de la causalité [et de la toute-puissance créatrice] , dès
lors il ne serait plus infini.
« Le panthéisme insiste : mais alors, après la production des êtres
créés, il y a plus d 'être qu' avant. On est ainsi conduit à soutenir ce
qu ' on reproche aux évolutionnistes, savoir que le plus sort du moins.
« Après la création, il n'y a pas plus d' être, plus de perfection,
mais plusieurs êtres, comme lorsqu' un maître a formé un disciple, il
n'y a pas plus de science, mais plusieurs savants. Encore cette analo
gie est-elle fort éloignée ; si excellent que soit un maître, son école et
lui sont plus parfaits que lui seul. Mais si une cause est infinie, elle
contient d' avance dans son éminence toute la perfection de ses effets.
« Il est déjà vrai de dire dans l ' ordre de la quantité : l' infini plus un
égale toujours l ' infini. Si l ' ·o n suppose que la série des jours n' a pas
commencé ou qu' elle est infinie a parte ante, de nouveaux jours peu
vent s ' ajouter a parte post, la série n' augmente pas en tant qu' infinie,
mais seulement en tant qu ' elle était finie d'un côté, in ratione finiti .
« À plus forte raison, si 1' on parle de 1' infini de perfection, qui est
la plénitude non pas de la quantité ou de l ' étendue, mais de 1' être, de
la vie, de la sagesse, de l' amour, de la sainteté, il est évident qu' après
la création il n ' y a pas plus de perfection, plus d' être, plus de vie, plus
de sagesse, plus de sainteté. Mais cela suppose que 1' être est analogue
et non pas univoque, à cette condition seulement la plénitude de l' être
est réalisée dans le Premier être. » (Garrigou-Lagrange)20
20 Réginald Garrigou-Lagrange, Dieu, Son Existence et sa Nature, solution thomiste des anti
nomies agnostiques, op. cit., p. 385 sq.
21 CG, 1, 27.
La doctrine catholique de la création 21
l ' âme de l ' univers s' oppose également à son immutabilité et à son impassi
bilité, allant jusqu ' à introduire la souffrance, et donc le mal, en Lui.
Dieu est distinct du monde. Il y est présent de deux manières : en toute
créature, par sa présence générale d ' immensité ; et d' une présence spéciale
dans les justes.
22
Force et soutien du monde entier, Dieu qui demeures sans changer.
22 Le crucifiement de saint Pierre
«On dit qu ' une Personne divine est «envoyée », en tant qu ' elle
existe en quelqu ' un d' une manière nouvelle ; elle est «donnée », en
tant qu' elle est possédée par quelqu ' un. Or ni l ' un ni l' autre n ' a lieu
sinon en raison de la grâce sanctifiante. Il y a en effet pour Dieu une
manière commune d' exister en toutes choses par son essence, sa puis
sance et sa présence ; il y est ainsi comme la Cause dans les effets qui
participent de sa bonté. Mais, au-dessus de ce mode commun, il y a un
mode spécial qui est propre à la créature raisonnable : en celle-ci, on
dit que Dieu existe comme le connu dans le connaissant et l' aimé dans
l' aimant. Et parce qu' en le connaissant et aimant, la créature raisonna
ble atteint par son opération jusqu ' à Dieu lui-même, on dit que, par ce
mode spécial, non seulement Dieu est dans la créature raisonnable,
mais encore qu' il habite en elle comme dans son temple. Ainsi donc,
en dehors de la grâce sanctifiante, il n ' y a pas d' autre effet qui puisse
être la raison d ' un nouveau mode de présence de la Personne divine
dans la créature raisonnable. Et c' est seulement à raison de la grâce
29 ST, 1, q. 43, a. 3 .
CHAPITRE II
30 è
6 me session du concile de Trente, 1 3 janvier 1 547. Dz na 1 5 20. Nous supprimons tous les
passages qui se rapportent spécifiquement à la controverse avec les protestants concernant la
justification. Nous donnons donc une vue déséquilibrée et unilatérale du décret, néanmoins
suffisante pour notre travail et pour condamner la théorie de la grâce naturelle.
31
Nous omettons donc les guillemets pour alléger la composition.
3 2 Doctrine gnostique, condamnée par l'Église (Dz 409, 4 1 1), selon laquelle tout et tous re
tourneront en Dieu à la fin des temps.
33
DCT, art.Justification. Justification est encore synonyme de sanctification.
34
Cf infra.
26 Le crucifiement de saint Pierre
Chapitre 1 5 . Tout péché mortel fait perdre la grâce, mais non la foi.
Contre les esprits rusés de certains hommes qui, «par de doux discours
et des bénédictions, séduisent les cœurs simples » (Rm 1 6 , 18), il faut affir
mer que la grâce de la justification, qui a été reçue, se perd non seulement
par l' infidélité (can. 27), par laquelle se perd aussi la foi elle-même, mais
aussi par n ' importe quel péché mortel, bien qu' alors ne se perde pas la foi
(can. 28). On défend ainsi la doctrine de la Loi divine qui exclut du
Royaume de Dieu non seulement les infidèles, mais aussi les fidèles fornica
teurs, adultères, efféminés, sodomites, voleurs, avares, ivrognes, médisants,
rapaces ( 1 Co 6, 9- 1 0) et tous les autres qui commettent des péchés mortels
dont, avec l ' aide de la grâce divine, ils peuvent s' abstenir et à cause des
quels ils sont séparés de la grâce du Christ (can. 27) .
C' est donc dans cette perspective qu' il faut proposer aux hommes justi
fiés, qu' ils aient sans cesse gardé la grâce reçue ou qu' ils l ' aient recouvrée
après l ' avoir perdue, les mots de l ' Apôtre : «Soyez riches de toute œuvre
bonne, sachant que votre labeur n' est pas vain dans le Seigneur » ( 1 Co 15 ,
Le décret sur la justification 31
58) car « Dieu n' est pas injuste au point d' oublier ce que vous avez fait et la
charité dont vous avez fait preuve en son nom » (He 6, 1 0), et : « Ne perdez
pas votre confiance ; elle aura une grande récompense » (He 1 0, 35). Et
c' est pourquoi, à ceux qui agissent bien « jusqu ' à la fin » (Mt 1 0, 22 ; Mt
24, 1 3 ) et qui espèrent en Dieu, il faut proposer la vie éternelle à la fois
comme la grâce miséricordieusement promise par le Christ Jésus aux fils de
Dieu et « comme la récompense », que Dieu, selon la promesse qu ' il a faite
lui-même, accordera à leurs œuvres bonnes et à leurs mérites (can. 26 et 32).
Telle est, en effet, « la couronne de justice » dont l' Apôtre disait qu ' elle lui
était « réservée après son combat et sa course et lui serait donnée par le juste
juge, non seulement à lui, mais aussi à tous ceux qui attendent avec amour
son avènement » (2 Tm 4, 7-8).
Le Christ Jésus lui-même communique constamment sa force à ceux qui
ont été justifiés, comme la tête aux membres (Ep 4, 1 5 ), comme le cep aux
sarments (Jn 1 5 , 5) force qui toujours précède, accompagne et suit leurs
bonnes œuvres et sans laquelle celles-ci ne pourraient en aucune manière
être agréables à Dieu et méritoires (can. 2). Aussi faut-il croire qu ' il ne
manque rien d' autre aux justifiés eux-mêmes pour qu ' ils soient estimés
avoir pleinement satisfait à la Loi de Dieu, dans les conditions de cette vie,
par ces œuvres qui ont été faites en Dieu (Jn 3 , 2 1 ) , et avoir vraiment mérité
d' obtenir, en son temps, la vie éternelle (can. 32), si toutefois ils meurent
dans la grâce (Ap 1 4, 1 3 ). Le Christ notre Sauveur ne dit-il pas : « Si quel
qu' un boit de l ' eau que je lui donnerai, il n' aura jamais soif ; elle deviendra
en lui une source d' eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4, 1 4) ?
Ainsi notre justice personnelle n' est pas établie comme venant person
nellement de nous (2 Co 3, 5) et la justice de Dieu n' est ni méconnue ni re
jetée (Rm 1 0, 3). En effet cette justice est dite nôtre, parce que nous sommes
justifiés par cette justice qui habite en nous (can. 1 0 et 1 1 ) ; et cette même
justice est celle de Dieu, parce qu ' elle est répandue en nous par Dieu et par
les mérites du Christ.
Il ne faut pas omettre ceci : la sainte Écriture attribue, certes, une telle
valeur aux bonnes œuvres que le Christ promet que même celui qui donne à
l'un de ses plus petits un verre d' eau fraîche ne perdra pas sa récompense
(Mt 1 0, 42 ; Mc 9, 40) ; et l ' Apôtre atteste que notre « légère tribulation
d'un instant nous prépare au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire
dans les cieux » (2 Co 4, 1 7) . Cependant, loin de nous de penser que le chré
tien se confie ou se glorifie en lui-même et non pas dans le Seigneur ( 1 Co
1 , 3 1 ; 2 Co 1 0, 1 7 ) dont la bonté envers les hommes est si grande qu' il veut
que ses dons soient leurs mérites (can. 32).
Et parce que « nous péchons tous en bien des choses » (Je 3 , 2 ; can. 23),
chacun doit avoir devant les yeux non seulement la miséricorde et la bonté,
mais aussi la sévérité et le jugement, et 1 ' on ne doit pas se juger soi-même,
32 Le crucifiement de saint Pierre
même si on n' est conscient d' aucune faute. Car toute la vie des hommes doit
être examinée et jugée non pas par un jugement d' homme, mais par celui de
Dieu « qui éclairera les secrets des ténèbres et rendra manifestes les secrets
des cœurs ; et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui revient » ( 1
Co 4, 4 s.), lui qui, comme il est écrit, « rendra à chacun selon ses œuvres »
(Rm 2, 6).
Après avoir exposé la doctrine catholique concernant la justification
(can. 33), que chacun recevra fidèlement et fermement pour être justifié, le
saint concile a jugé bon d'y joindre les canons suivants, pour que tous sa
chent non seulement ce qu' ils doivent tenir et suivre, mais aussi ce qu'ils
doivent éviter et fuir.
1 . Si quelqu' un dit que l' homme peut être j ustifié devant Dieu par ses
œuvres - que celles-ci soient accomplies par les forces de la nature humaine
ou par l' enseignement de la loi - sans la grâce divine venant par Jésus
Christ : qu' il soit anathème.
2. Si quelqu' un dit que la grâce divine venant par Jésus Christ n' est don
née que pour que l' homme puisse plus facilement vivre dans la justice et
mériter la vie éternelle, comme si, par le libre arbitre et sans la grâce, il
pouvait parvenir à l ' une et à l' autre chose, toutefois péniblement et diffici
lement : qu' il soit anathème.
4. Si quelqu ' un dit que le libre arbitre de l' homme, mû et poussé par
Dieu, ne coopère en rien quand il acquiesce à Dieu, qui le pousse et
l' appelle à se disposer et préparer à obtenir la grâce de la justification, et
qu ' il ne peut refuser d' acquiescer, s ' il le veut, mais que tel un être inanimé
il ne fait absolument rien et se comporte purement passivement : qu' il soit
anathème. [ . . . ]
1 0. Si quelqu ' un dit que les hommes sont j ustifiés sans la justice du
Christ, par laquelle il a mérité pour nous, ou qu'ils sont formellement jus
tes par cette justice : qu' il soit anathème.
Le décret sur la justification 33
1 1 . Si quelqu ' un dit que les hommes sont justifiés ou bien par l a seule
imputation de la justice du Christ, ou bien par la seule rémission des pé
chés, à 1' exclusion de la grâce et de la charité qui est répandue dans leurs
cœurs par l ' Esprit Saint (Rm 5 , 5) et habite en eux, ou encore que la grâce
par laquelle nous sommes justifiés est seulement la faveur de Dieu : qu' il
soit anathème. [ . . . ]
2 1 . Si quelqu ' un dit que le Christ Jésus a été donné par Dieu aux hom
mes comme rédempteur, en qui se confier, et non pas aussi comme législa
teur à qui obéir : qu' il soit anathème.
22. Si quelqu ' un dit que le justifié soit peut persévérer dans la justice
sans un secours spécial de Dieu, soit ne le peut pas avec ce secours : qu ' il
soit anathème. [ . . . ]
24. Si quelqu ' un dit que la justice reçue ne se conserve pas et même ne
s' accroît pas devant Dieu par les bonnes œuvres, mais que ces œuvres ne
sont que le fruit et le signe de la justification obtenue et non pas aussi la
cause de son accroissement : qu ' il soit anathème. [ . . . ]
26. Si quelqu ' un dit que, pour les bonnes œuvres qu' ils ont faites en
Dieu (Jn 3, 2 1 ) , les justes ne doivent pas attendre et espérer de rétribution
éternelle de la part de Dieu, en raison de sa miséricorde et des mérites de
Jésus Christ, s ' ils persévèrent jusqu ' à la fin à faire le bien et à garder les
commandements divins (Mt 1 0, 22 ; Mt 24, 1 3 ) : qu ' il soit anathème.
27 . Si quelqu ' un dit qu' il n ' y a aucun péché mortel, sauf celui
d'infidélité, ou que la grâce une fois reçue ne peut être perdue par aucun
autre péché, aussi grave et énorme soit-il, sauf par celui de l ' infidélité : qu' il
soit anathème. [ . . ]
.
32. Si quelqu ' un dit que les bonnes œuvres de l' homme justifié sont les
dons de Dieu, en telle sorte qu ' elles ne soient pas aussi de bons mérites de
justifié ; ou que, par les bonnes œuvres qu ' il fait par la grâce de Dieu et les
mérites du Christ (dont il est un membre vivant), le justifié ne mérite pas
vraiment un accroissement de la grâce, la vie éternelle et ( s ' il meurt dans la
grâce) l ' entrée dans la vie éternelle, ainsi que l ' accroissement de gloire :
qu' il soit anathème. [ . . . ]
Chapitre III
35
Nous serons fréquemment appelé à rapprocher la gnose, le panthéisme et la maçonnerie.
La gnose désigne l' ensemble des doctrines qui affirment que l' homme est de nature divine et
qu' il doit parvenir à prendre conscience de sa nature réelle par la connaissance (gnose). La
gnose est donc une doctrine panthéiste. En sens inverse, le panthéisme mène directement à la
gnose : si Dieu est tout en tous, il nous faut prendre possession de notre nature divine, la réali
ser par la connaissance vraie de la réalité, par la gnose. La maçonnerie est, pour sa part, le
véhicule le plus commun dans la chrétienté des thèses gnostiques et panthéistes. Toutes ces
doctrines sont naturalistes en ce qu' elles affirment que notre nature est divine et donc gra
cieuse.
Les émanations gnostiques 35
Puisque nous émanons de Dieu, qui est sans partie, nous sommes divins,
nous sommes Dieu. D ' ailleurs, à la mort, selon Pike, nous retournerons en
Dieu.
36
Albert Pike, Marals and Dogma of the Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry,
NuVision Publications, LLC, 2004, p. 1 92, 1 9 3 .
36 Le crucifiement de saint Pierre
«l ' Âme de tous les êtres, le Moteur de toutes les sphères. » (Albert
Pike) 37
Puisque Dieu «constitue les âmes qui vivifient les corps », qu ' il est
«l' Âme de tous les êtres », «l' Âme du Monde », «l' Âme Universelle »,
notre âme est divine, nous sommes Dieu, le monde est Dieu.
«Tous les agents de la nature dans lesquels l ' âme universelle en
tra reçurent aussi une portion de son intelligence et l ' Univers, dans sa
totalité et dans ses parties, fut rempli d' intelligences qui peuvent être
regardées comme des émanations de l ' intelligence suprême et univer·
selle. Chaque fois que l ' âme divine agit comme cause, l' intelligence
fut également engagée. Et ainsi, les Cieux, les étoiles, les éléments et
toutes les parties de l ' Univers devinrent les sièges d' autant
d' intelligences. La plus petite partie de la grande âme devint une petite
intelligence et plus elle était dégagée de la matière brute, plus elle était
agissante et intelligente. Et tous les vieux adorateurs de la nature, les
théologiens, les astrologues et les poètes ainsi que les plus éminents
philosophes ont supposé que les étoiles étaient autant d' êtres intelli
gents et animés, des corps éternels, causes actives ou effets ici-bas,
animées par un principe de vie, dirigées par une intelligence qui
n' était rien d' autre qu ' une émanation ou une portion de la vie univer
selle et de l' intelligence du monde. » (Albert Pike) 3 8
«De la doctrine des deux Principes, l ' un Actif, l ' autre Passif, est
sortie celle de l ' Univers, animé d ' un Principe de Vie Eternelle et
d' une Âme universelle dont tout être isolé et temporaire reçoit, à sa
naissance, une émanation qui, à sa mort, retourne à sa source. » (Al
bert Pike ) 39
L' idée gnostique d' émanation doit être précisée. Tout étant Dieu pour les
gnostiques, rien ne saurait en sortir. La notion d' émanation ne peut donc
avoir de sens que pour les êtres plongés dans l ' illusion, qui s' imaginent être
séparés, émanés de Dieu. Mais du point de vue de Dieu, de la vérité et de
l ' éternité, il ne s ' agit que d' une illusion qui s ' évanouira lors de
1' apocatastase finale.
37
Albert Pike, op. cit. , p. 487.
38
Albert Pike, op. cit. , p . 489.
39
Albert Pike, op. cit. , p. 485.
Les émanations gnostiques 37
«Notre plus grande difficulté vient du langage qui n' exprime pas
nos idées adéquatement, parce que nos mots se réfèrent à des objets et
sont des images de choses substantielles et matérielles. Si nous utili
sons le mot «émanation », notre esprit en revient involontairement à
quelque chose de matériel qui s 'écoule hors d' une autre chose maté
rielle ; et si nous rejetons cette idée de matérialité, il ne reste rien de
l' émanation si ce n' est l ' irréalité. » (Albert Pike) 40
Panthéisme
«Il ne peut donc rien y avoir qui soit réellement hors de Brahma,
car cette supposition équivaudrait à le limiter ; comme conséquence
immédiate, le monde, en entendant par ce mot, dans le sens le plus
large dont il soit susceptible, l ' ensemble de la manifestation univer
selle n'est point distinct de Brahma, ou, du moins, ne s ' en distingue
qu'en mode illusoire. Cependant, d' autre part, Brahma est absolu
ment distinct du monde, puisqu ' on ne peut lui appliquer aucun des
attributs déterminatifs qui conviennent au monde, la manifestation
universelle tout entière étant rigoureusement nulle au regard de son in
finité ; » (René Guénon) 47
46
René Guénon, L 'homme et son devenir selon le Vêdanta, op. cit. , p. 3 1 sq.
Voir également Le symbolisme de la Croix, Paris, Les Éditions Véga, 1 983, p. 1 6 sq.
47 René Guénon, Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, Paris, Les Éditions
Véga, 1 983, p . 252 et 25 3 .
4 8 René Guénon, L 'homme et son devenir selon le Vêdanta, op. cit., p . 1 60.
Les émanations gnostiques 39
«Voici une partie de leur doctrine [doctrine hindoue, que Pike re
prend à son compte] : «Un Être immense et incompréhensible existe
« seul de toute éternité. Tout ce que nous voyons et nous-mêmes
«sommes des portions de Lui. L' âme, l ' esprit ou l ' intellect des dieux
«et des hommes et de toutes les créatures sensibles sont des parties
«détachées de 1' Âme universelle, à laquelle elles sont destinées à
«retourner à des époques déterminées. Mais 1' esprit des êtres finis est
«impressionné par une sene ininterrompue d' illusions qu ' ils
«considèrent comme réelles, jusqu ' à ce qu ' ils soient réunis à nouveau
«à la grande fontaine de la vérité. De toutes les illusions, la première
« et la principale est l 'individualité. À cause d' elle, l' âme, une fois
«qu ' elle a quitté sa source, oublie sa propre nature [divine] , son
«origine et sa destinée. Elle se considère comme une existence
«séparée et ne se perçoit plus ni comme une étincelle de la Divinité,
«ni comme un maillon d' une immense chaîne, ni comme une partie
«infiniment petite mais indispensable du grand tout. » (Albert Pike) 49
«L' esprit des Védas (les livres sacrés hindous, de haute antiquité),
tels qu' ils sont compris par leurs commentateurs les plus anciens et les
plus récents, est assurément celui d'un monothéisme panthéiste - un
Dieu qui est tout en tout. [ . . . ] La philosophie du V édanta, partant du
mystère de l ' «UN EN PLUSIEURS » comme de son article de foi fonda
mental, affirme non seulement l ' Unité Divine mais aussi l ' identité en
tre 1' esprit et la matière. L ' unité qu ' elle défend est celle de l ' esprit.
L' Esprit est l' Élément Universel, le Seul Dieu, la Grande Âme, Maha
Atmâ. Il est la cause tant matérielle qu' efficiente ; le monde est une
structure dont il est l' étoffe et le tisserand. Il est le Macrocosme,
l ' organisme universel appelé Purusha dont le Feu, l ' Air, le Soleil sont
seulement les principaux membres. Sa tête est la lumière, ses yeux le
soleil et la lune, son souffle le vent et sa voix les Védas . Tout procède
de Brahma, comme la toile procède de l ' araignée et l ' herbe de la
terre. » (Albert Pike) 5 0
les relie toutes ensemble et fait du monde des choses un tout complet
et parfait. L ' ordre et l' harmonie qui y règnent semblent lui appartenir
et en faire partie ; et la conception des différents plans de construction
des êtres organisés semble être gravée dans sa Suprême Intelligence,
source de toutes les autres Intelligences. Il communique cette Intelli
gence à l' homme avec la vie. Rien n' existe hors de lui ; il doit être re
gardé comme le principe et le terme de toute chose. » (Albert Pike) 5 1
«Dieu est l' auteur de tout ce qui existe ; l' Être Éternel, Suprême,
Vivant, Terrible ; de Qui rien de l' Univers n' est caché. Ne faites de
Lui ni idoles ni images visibles. Mais plutôt adorez-Le dans la solitude
profonde des forêts sauvages ; car Il est invisible et remplit l' Univers
comme son âme et n' habite dans aucun Temple. » (Albert Pike) 53
On arrive ainsi à la vision holistique qui affirme que tout est en tout, agit
et dépend de tout. Elle forme la base du panthéisme, du Nouvel-Âge, de
l' écologie profonde et de la spiritualité globale ; ses conséquences spirituel
les et politiques sont catastrophiques.
Nature sacrée
Dieu étant tout en tous, la nature est sacrée ; la spiritualité globale sera
écologique. La propagande écologique dont nous sommes constamment
victimes trouve là sa véritable finalité.
Nature tire son origine d' elle-même, ou fut et a toujours été la cause
de sa propre existence, l ' âme de l' Univers et sa Providence. Il y a à
l ' évidence un plan et un but à l' origine de l' ordre, de la beauté et de
l' harmonie ; mais tout ceci est le plan et le but de la nature.
«En pareil cas, la négation absolue de Dieu est purement formelle
et non réelle. Les qualités de Dieu sont admises et affirmées comme
réelles. On change simplement le nom du possesseur de ces qualités :
c' est la Nature et non Dieu. La véritable question est de savoir si ces
Qualités, que nous appelons Dieu, existent ; et non de connaître quel
nom particulier nous devons Leur donner. L ' un pourra appeler la
somme de ces Qualités Nature ; un autre le Ciel ; un troisième
l ' Univers, un quatrième la Matière ; un cinquième l' Esprit, un sixième
Dieu, Théos, Zeus, Alfadir, Allah ou ce qu ' il lui plaît. Tous admettent
l' existence d ' un Être, Puissance ou ENS sous des noms divers. Le nom
a fort peu d ' importance. » (Albert Pike) 5 9
cune explication. C ' est le texte sans les commentaires. Et, nous le sa
vons bien, l' erreur, l' hérésie et la persécution proviennent des com
mentaires et des gloses 60 . Les premiers instructeurs de l' humanité
n' ont pas seulement adopté les leçons de la Nature mais, autant que
faire se peut, s ' en sont aussi tenu à sa manière de les transmettre. Dans
les Mystères, au-delà des traditions communes et des narrations énig
matiques et sacrées faites dans les Temples, on ne donnait que peu
d'explications aux spectateurs qui devaient, comme à l' école de la na
ture, parvenir à leurs conclusions par eux-mêmes. » (Albert Pike) 6 1
« Tout ce que l ' on peut dire concernant les Dieux » dit Strabon,
«doit 1 ' être au moyen de légendes et de fables. Les Anciens avaient
«coutume d' entourer leurs pensées et leurs propos concernant la
«Nature d' énigmes et d' allégories qu ' il est donc difficile
«d' expliquer. » [ . . . ]
«Ainsi, les Mystères enseignaient la grande doctrine de la divinité
de la nature de l' âme et de son aspiration à l ' immortalité, de la no
blesse de son origine, de la grandeur de sa destinée et de sa supériorité
sur les animaux dont les aspirations ne sont pas dirigées vers le ciel . »
(Albert Pike) 62
«L' argument [de Cicéron] était que les Cieux et les Étoiles qui en
font partie sont animés parce qu ' ils possèdent une portion de l' Âme
Universelle : ce sont des êtres intelligents car l' Âme Universelle, dont
ils font partie, est suprêmement intelligente. Et ils partagent la Divinité
avec la Nature Universelle, car la Divinité réside dans l' Âme et
l' Intelligence Universelles qui meuvent et dirigent le monde et dont
chacun d' entre eux possède une partie. » (Albert Pike) 63
60 On notera l' attaque contre les dogmes de l' Église, que les maçons ont en horreur puisque,
définissant précisément la vérité, ils interdisent le relativisme dogmatique et s' opposent à
1 ' œcuménisme.
61 Albert Pike, op. cit. , p. 54.
62 Albert Pike, op. cit. , p. 328.
63 Albert Pike, op. cit. , p. 489.
64 Albert Pike, op. cit. , p. 488.
44 Le crucifiement de saint Pierre
uisque nous émanons de Dieu, nous sommes d' essence divine ; Dieu
P étant sans partie, nous sommes Dieu. Notre âme est divine, notre
nature est gracieuse. L' homme doit alors réaliser sa divinité, en prendre
conscience, la vivre et sortir des ténèbres, de l' illusion qui lui fait penser
qu' il est un individu séparé du Grand Tout, de Dieu. Il doit «devenir » ce
Dieu qu' il est déj à en réalité, parvenir à la Connaissance de la vérité, à la
gnose. Le salut est universel car Dieu en l' homme ne saurait être éternelle
ment dans l' erreur ou être condamné à l ' enfer, car vue de la Vérité
l' ignorance n' est rien, vu de l' éternité le temps est condamné à s ' y résorber,
car les existences individuelles et collectives ne sont que des moments de
l' Esprit universel. Tous retourneront en Dieu lors de l' apocatastase finale.
«Toute âme est une partie de l' Âme universelle, dont la totalité est
Dionysos ; et il ramène les esprits errants dans leur demeure et les ac
compagne dans leur processus de purification réel et symbolique lors
de leur transit terrestre. » (Albert Pike ) 6 8
«Et nulle part 1' antagonisme entre 1' esprit et le corps n' est plus
marqué que dans les écrits de cet apôtre [saint Paul], nulle part la na-
ture Divine de l' âme n' est affirmée avec plus de force. «En esprit »,
dit-il, «je sers la loi de Dieu ; mais ma chair sert la loi du péché. »
(Albert Pike) 69
Cette concomitance ne doit pas surprendre car ces deux négations entendent
couper l' homme de Dieu dans les ordres surnaturel et naturel.
On aura remarqué que Pike affirme de l' homme ce qui ne vaut que pour
le Verbe incarné. On retrouvera la même thèse dans les écrits conciliaires.
«Dieu seul est tout-puissant ; mais à toutes les époques, l' âme
humaine a défendu son droit à être considérée comme faisant partie du
Divin. » (Albert Pike) 77
«On sait en effet que, suivant la doctrine hindoue, jîvâtmâ, qui est
en réalité Atmâ même, mais considéré spécialement dans son rapport
avec l ' individualité humaine, réside au centre de cette individuali
té [ . . . ] .
«Tant que l' être n' atteignait Atmâ que dans ses rapports avec l' in
dividualité, c' est-à-dire comme jîvâtmâ, celui-ci lui apparaissait
comme inclus dans cette individualité, et ne pouvait même pas lui ap
paraître autrement puisqu' il était incapable de franchir les bornes de la
condition individuelle ; mais quand il atteint Atmâ directement et tel
qu ' il est en soi, cette même individualité, et avec elle tous les autres
états, individuels ou supra-individuels, lui apparaissent au contraire
comme compris dans Atmâ, comme ils le sont en effet au point de vue
de la réalité absolue, puisqu' ils ne sont rien d' autre que les possibilités
mêmes d 'Atmâ, hors duquel rien ne saurait véritablement être sous
quelque mode que ce soit. » (René Guénon) 7 8
L' homme est donc Dieu. Il doit réaliser sa divinité, en prendre cons
cience, en vivre véritablement, «devenir » ce Dieu qu' il est déj à en vérité.
Jésus est l ' exemple de l' homme qui est devenu Dieu, le modèle que nous
devons imiter.
Réalisation
«Tous les êtres spirituels sont de la même espèce que l ' Esprit Su
prême. [ . . ].
«Puisse mon Âme qui, pendant les heures de veille, s' élève
comme une étincelle éthérée et qui, même pendant mon sommeil, ef
fectue une semblable ascension et plane jusqu ' à une grande distance
comme une émanation de la Lumière des Lumières, puisse mon Âme
s' unir par une méditation fervente à l ' Esprit suprêmement heureux et
suprêmement intelligent ! . . Puisse mon âme, oblation première pla
.
Salut universel
La vision holistique (olloç : tout entier) affirme que tout est en tout, dans
le Grand Tout. Cette allégation spécifique au Nouvel Âge n'est rien qu' une
présentation modernisée de l' éternel panthéisme. L' unité du genre humain
en découle immédiatement : si tout est Dieu, si nous sommes tous Dieu,
tous sont un en lui, malgré les apparences, l ' ignorance et l' illusion de
l' individualité.
donc pas autre chose en son essence qu 'une greffe de sainteté in
troduite par Dieu dans un homme, et par cet homme, dans
l 'humanité » (Yves Marsaudon) 8 2
«Selon les Kabbalistes, tous les individus sont contenus dans les
espèces et toutes les espèces dans des genres et tous les particuliers
dans un des Universaux qui est une idée, abstraite de toute considéra
tion des individus ; non un agrégat d' individus mais, pour ainsi dire,
un Ens, Entité ou Être idéal ou intellectuel mais néanmoins réel ; anté
rieur à tout individu, les contenant tous et à partir duquel ils se déve
loppent tous successivement.
« Si ceci ne vous satisfait pas, songez que, si cette théorie est
exacte, tout était originellement dans la Déité, que l' Univers provient
d' Elle et n ' a pas été créé par Elle à partir de rien. L 'idée de l' Univers,
existant dans la Déité avant qu ' elle n ' en sorte, a dû être aussi réelle
que la Déité Elle-même. Toute la race Humaine, ou Humanité, par
exemple, existait alors dans la Déité, sans distinction d' individus mais
comme une Unité dont la Multiplicité devait découler. » (Albert
Pike) 8 3
«Nous sommes des êtres distincts en tant que nous créons nous
mêmes la distinction, qui n' existe que dans la mesure où nous la
créons ». (René Guénon) 8 4
té. Mais dans la vision holistique, panthéiste, pour les vrais initiés, nous
sommes véritablement, « surnaturellement », libres, égaux et frères (en
Dieu).
La négation de l 'enfer
Tous sont un - en Jésus qui est Dieu. Tous sont donc sauvés par la
«greffe de sainteté introduite par Dieu dans un homme, et par cet homme,
dans l' humanité ». L' Enfer existe, si l ' on reconnaît encore l ' autorité des
Écritures, mais il est vide.
«Auj ourd' hui, alors que certains dogmes, ou plus exactement cer
taines formulations d' apparence dogmatique font un peu sourire - la
notion d' enfer par exemple - les chrétiens qu' un impérieux besoin sa
cramentel n' incite pas à des mea culpa souvent injustes et impossibles,
devront se souvenir qu ' avant tout, ils trouveront les plus précieuses
consolations et des promesses dans un certain Petit Livre . . . [ . . . ]
«Nous avons dit également que certaines notions un peu simplistes
telles que celles de 1' enfer s ' estompaient. [ . . . ]
«À propos du Cardinal [Ottaviani] , nous nous souvenons, quant à
nous, de cette question un peu enfantine : « Comment, vous ne croyez
pas à l 'Enfer ? » (Yves Marsaudon) 8 5
Apocatastase
« L' homme, en effet, ennoblit par son triomphe tout ce qui lui est
inférieur et le fait remonter vers Dieu : il entraîne dans son ascension
tous les éléments de la matière et le cosmos lui-même tout entier.
Comme l' homme idéal a été la Mercaba ou le char de descente de l ' En
Soph vers les choses, de même l ' homme terrestre est la Mercaba ou le
char de montée et de retour des choses vers l ' En Soph. Ainsi « la vie
88
C' est, à un degré inférieur, le fondement de toutes les utopies et de tous les totalitarismes,
qui font disparaître l' individualité pour la résorber dans l' « infini >> de la collectivité.
89 Albert Pike, op. cit. , p. 499.
90 Albert Pike, op. cit. , p. 424.
9 1 Dont l ' auteur ne précise pas la source.
92 Yves Marsaudon, L 'œcuménisme vu par un Franc-Maçon de tradition, op. cit. , p. 1 02 .
54 Le crucifiement de saint Pierre
peut être qu ' un emprunt, qui ne s ' explique pas, au dogme chrétien.
Cela est d' autant plus vrai que le bien doit finir par triompher, que le
mal et la mort doivent être vaincus un j our, I, p. 70 ; II, p. 69 b, que
Samael [Satan] et ses démons eux-mêmes, loin d' être définitivement
condamnés, sont appelés à recouvrer l ' innocence, I, p. 70, 1 46 ab ; II,
p. 69 b.
« 6° Le ciel. - Voilà le but final de l ' homme, le terme assuré de
son voyage de retour, quel qu' ait été le nombre de ses épreuves. Le
Zohar décrit minutieusement l ' éden, Il, p. 1 50 b, 23 1 b ; III, p. 10 a, sa
place, II, p. 1 84 b, ses retranchements où les âmes prennent un avant
goût du bonheur, I, p. 4 1 ; Il, 245 ; IV, p. 1 90 b, ses palais, I, p. 4 1 b,
42 a ; II, p. 246 b, ses ineffables splendeurs. Il imagine même entre le
ciel et 1' enfer, et ceci rappelle vaguement le purgatoire, un lieu inter
médiaire où il place les hommes qui, pendant leur vie, ont eu
l ' intention de se repentir, mais auxquels la mort n ' a pas laissé le temps
de réaliser leur désir ; simple lieu de passage, du reste, car ceux qui y
séjournent en sortent dès qu ' ils ont confirmé leur volonté de bien
faire, II, p. 1 50 ab, 2 1 1 b. Au moment de la mort, l ' Âme ne connaît
plus ni la réflexion ni la crainte ; sans intérêt personnel, sans retour sur
elle-même, elle s ' élève jusqu' à Dieu par l' intuition directe, par
l ' amour qu ' elle excite et qu ' elle éprouve ; elle reçoit le baiser divin,
II, p. 97 a, s ' unit à Dieu, se plonge en lui dans un bonheur ineffable.
Le Pasteur fidèle, III, p. 278 a, compare ce retour de l' âme à Dieu à
l' oiseau qui rentre dans son nid. Et le corps ? Le corps doit ressusciter,
d' après Midrasch occulte, p. 1 26 a. Mais si une âme a successivement
animé plusieurs corps ? Le Zohar répond que ces corps sans âme, qui
restent pour compte, serviront d' instrument ou de « marchepied » à
l' âme des justes. I, p. 1 3 1 a, 1 87 a. Ainsi donc, d' après l ' enseignement
du Zohar, ni la matière ne peut être considérée comme un mal, ni
l' existence comme une déchéance, ni la vie comme une punition.
L' univers, expression de la perfection, de la sagesse et de la bonté di
vines, est essentiellement appelé une bénédiction ; il ne peut aboutir à
l ' anéantissement, mais doit faire retour à son principe par l' homme.
L' homme et les anges déchus eux-mêmes sont finalement sauvés.
Cette idée de restauration générale rappelle 1' anoxa-racrmcrv; [ apoca
tastase], dans laquelle s ' égara le puissant génie d' Origène. Et lorsque
ce retour des êtres vers leur source première et éternelle aura eu lieu,
alors commencera, au ciel, le grand jubilé, le sabbat sans fin, le bon
heur éternel dans le sein de Dieu. Alors, pour parler comme le Zohar,
le Roi se rapprochera de la Reine, et, dans cette union conjugale, la
divinité reprendra pour toujours son unité perdue. Et ainsi
56 Le crucifiement de saint Pierre
« LA GNOSE ET LA FRANC-MAÇONNERIE
« La Gnose, a dit le T :. Ill :. F :. Albert Pike, est l 'essence et la
moëlle de la Franc-Maçonnerie. » Ce qu' il faut entendre ici par
Gnose, c' est la Connaissance traditionnelle qui constitue le fonds
commun de toutes les initiations, et dont les doctrines et les symboles
se sont transmis, depuis l ' antiquité la plus reculée j usqu ' à nos jours, à
travers toutes les Fraternités secrètes dont la longue chaîne n ' a j amais
été interrompue. [ . . . ]
« Sans vouloir traiter ici la question si complexe des origines histo
riques de la Maçonnerie, nous rappellerons simplement que la Maçon
nerie moderne, sous la forme que nous lui connaissons actuellement,
est résultée d' une fusion partielle des Rose-Croix, qui avaient conser
vé la doctrine gnostique depuis le moyen-âge, avec les anciennes cor
porations de Maçons Constructeurs, dont les outils avaient déj à été
employés d' ailleurs comme symboles par les philosophes herméti
ques, ainsi qu' on le voit en particulier dans une figure de B asile V a
lentin95 .
« Mais, en laissant de côté pour le moment le point de vue restreint
du Gnosticisme, nous insisterons surtout sur le fait que l ' initiation ma
çonnique, comme d' ailleurs toute initiation, a pour but l ' obtention de
la Connaissance intégrale, qui est la Gnose au sens véritable du mot.
Nous pouvons dire que c' est cette Connaissance même qui, à propre
ment parler, constitue réellement le secret maçonnique, et c ' est pour
quoi ce secret est essentiellement incommunicable. » (René Guénon) 96
« Il résulte de ce qui précède que l ' homme peut, dès son existence
terrestre, s' affranchir du domaine du Démiurge ou du Monde hylique,
et que cet affranchissement s ' opère par la Gnose, c ' est-à-dire par la
Connaissance intégrale. [ . . . ]
« L' ignorance, c ' est ici l' état de l ' être enveloppé dans les ténèbres
du Monde hylique, attaché à l ' apparence illusoire de la Matière et aux
distinctions individuelles ; par la Connaissance, qui n' est point du
domaine de l ' action, mais qui lui est supérieure, toutes ces illusions
disparaissent, ainsi que nous l ' avons dit précédemment. [ . . . ]
« [C]elui qui est conscient de l ' Univers non manifesté ou du
Monde sans forme, c ' est-à-dire du monde pneumatique, et qui est ar
rivé à l' identification de soi-même avec l' Esprit universel, Atmâ, ce-
lui-là seul peut être dit Yogi, c' est-à-dire uni à l ' Esprit universel. »
(René Guénon) 9 7
L 'initiation et la grâce
Tout notre travail s ' appuie sur l ' opposition entre la doctrine de la créa
tion et celle de l' émanation, sur la confusion entre la nature et la grâce.
Nous avons suffisamment montré que la gnose, en affirmant que le monde
est en Dieu, confond la nature et la grâce et tient ainsi une position
incompatible avec la Révélation. Ne peut-on pourtant pas assimiler ou
rapprocher la grâce et l ' initiation, que les gnostiques tiennent pour
nécessaire pour soulever le voile de l' illusion 98 ? Trois éléments doivent être
pris en considération :
Tout d' abord, la nécessité de l' initiation, certes affirmée par les gnosti
ques, n' apparaît guère. D ' où provient cette contrainte, puisque nous sommes
tous Dieu, que la « séparativité » et l' individualité ne sont que des illu
sions ? Cette question découle d' une autre interrogation, plus ennuyeuse
encore pour les thèses panthéistes : puisque nous sommes tous Dieu, d'où
provient l' ignorance, l' illusion ? D ' un autre Dieu, d'un principe du Mal ?
On affirme qu ' il faut la « présence d'un élément "non-humain" » pour nous
délivrer de l' illusion, sans en expliquer la nécessité. Puisque nous sommes
tous Dieu, cette présence d ' un élément « non-humain » est certaine, que l ' on
soit initié ou non. Affirmer qu ' il s ' agit d' « une vue beaucoup trop exclusi
vement théorique »99 n' est que l ' un de ces innombrables sophismes que les
gnostiques accumulent sans même y prendre garde : il s' agit bien au
contraire, et selon leur théorie même, du seul point de vue réel, vrai, celui de
1 ' Absolu, tout le reste n' étant qu ' illusion. Ainsi la réponse à cette question,
en vérité et non pour les êtres dans l ' illusion, n' est pas donnée.
Ensuite, le rapprochement entre la grâce et l ' initiation est fallacieux. Par
un don gratuit, par une greffe divine qui transforme l ' âme, la grâce surélève
notre nature : « Le don de la grâce surpasse la puissance de toute nature
créée, puisque la grâce est une participation à la nature divine, laquelle sur
passe toute autre nature. C ' est pourquoi aucune créature ne saurait être
cause de la grâce. Dieu seul peut déifier des êtres en leur communicant par
participation de similitude quelque chose de sa vie divine » (Saint Tho
mas) 1 00 . Au contraire, l' initiation se contenterait de nous permettre d' enlever
101
René Guénon, Aperçus sur l'initiation, Paris, Les éditions traditionnelles, 1 983, p. 3 1 , 3 5 ,
25 1 . Initiation e t réalisation spirituelle, op. cit. , p. 52, 1 75 . Orient e t Occident, Paris, Les édi
tions Véga, 1 983, p. 209 sq.
1 02
René Guénon, L'homme et son devenir selon le Vêdanta, op. cit. , p. 1 86 sq. Citant les
Brahma-Sûtras, 3° Adhyâya, 4° Pâda, sûtras 36 à 3 8 . Les incises entre parenthèses sont des
commentaires insérés par Guénon dans le texte qu'il cite.
60 Le crucifiement de saint Pierre
dictait, il l ' a pourtant exprimé en des mots simples qui livrent l ' essentiel :
« Ils ont changé la religion ».
Cette opposition entre deux spiritualités antagonistes nous semble appa
raître particulièrement clairement à la lecture des deux textes qui suivent :
dans le premier, Guénon met l ' accent sur la divinité de l' homme tandis que
dans le second saint Thomas insiste sur la nécessité de la grâce.
« Si l ' être qui est un individu humain dans un certain état de mani
festation n' était véritablement que cela [n' était donc pas Dieu] , il n'y
aurait pour lui aucun moyen de sortir des conditions de cet état, et, tant
qu' il n ' en est pas sorti effectivement, c' est-à-dire tant qu' il n' est en
core qu' un individu selon les apparences (et il ne faut pas oublier que,
pour sa conscience actuelle, ces apparences se confondent alors avec
la réalité même, puisqu' elles sont tout ce qu ' il peut en atteindre), tout
ce qui est nécessaire pour lui permettre de les dépasser ne peut se pré
senter à lui que comme « extérieur » ; il n' est pas encore arrivé au
stade où une distinction comme celle de l ' « intérieur » et de
1 ' « extérieur » [entre lui-même et le monde et Dieu] cesse d' être vala
ble. » (René Guénon) 1 0 3
« Or, quand un intellect créé voit Dieu par essence, l' essence
même de Dieu devient la forme intelligible de l ' intellect. Il faut donc
que quelque disposition surnaturelle lui soit surajoutée, pour qu' il
s ' élève à une telle sublimité. Puisque la vertu naturelle de l' intellect
créé ne suffit pas à voir l' essence divine, ainsi qu ' on l ' a montré, il faut
donc que par un effet de la grâce divine cette vertu en lui soit surdéve
loppée. Et cet accroissement de force intellectuelle, nous l' appelons
une illumination de l' intellect, comme nous appelons l ' intelligible lui
même une lumière, un éclat. Telle est la lumière dont l ' Apocalypse
(Ap 2 1 , 23) dit : « La clarté de Dieu illuminera » la société des bien
heureux qui verront Dieu. Par la vertu de cette lumière, les bienheu
reux deviennent déiformes, c ' est-à-dire semblables à Dieu, selon la
première épître de saint Jean ( 1 Jn 3, 2) : "Au temps de cette manifes
tation, nous lui seront semblables, et nous le verrons tel qu' il est." »
(Saint Thomas) 1 04
La thèse gnostique pourrait ainsi provenir, pour partie, d' une interpréta
tion erronée et orgueilleuse des grâces mystiques. Dieu peut élever 1' âme au
mariage spiritu el, la rendre déiforme, là où « 1' esprit de 1' âme est devenu
une seule chose avec Dieu » 1 05 • L a gnose affirme que ces faveurs extraordi
naires sont dues à la nature, qu' elles ne font que mettre l ' âme en possession
de sa véritable nature qui lui apparaîtra nécessairement lors de
l' apocatastase finale.
105 Sai nte Thérèse d ' Avi la, Le château de l'âme, Pari s, Les éditions du seuil, 1 997, septièmes
demeures, ch. 2, p. 236.
CHAPITRE V
Satan et le serpent
Yahvé renversé ; car Satan n' est pas un dieu sombre mais la négation
de Dieu. Le Diable est la personnification de 1' Athéisme et de
1 ' Idolâtrie.
1 06
Cité en page 1 7 .
1 07 Dz 325 1 .
Le Bien et le mal en Dieu 63
« Pour les Initiés, ce n' est pas une Personne mais une Force créée
pour le bien mais qui peut servir au mal. C 'est l 'instrument de la liber
té et du Libre Arbitre. Ils représentent cette Force qui préside à la gé
nération physique sous la forme mythologique du Dieu cornu PAN ; de
là provient le bouc du S abbat, frère de 1' Antique Serpent, et le Porte
lumière ou Phosphore dont les poètes ont fait le faux Lucifer de la lé
gende. » (Albert Pike) 1 08
1 08
Albert Pike, op. cit. , p. 8 1 .
1 09 L' éloge du serpent couvre la totalité des pages 366 à 372.
1 10
Albert Pike, op. cit. , p. 2 1 4 sq.
111
Le Grand Livre de la Nature ou l'Apocalypse philosophique et hermétique, préface
d' Oswald Wirth, p. 9. Cité par Charles Nicoullaud, L'initiation maçonnique, Cadillac, Éditions
Saint-Rémi, 2005 , p. 96. Oswald Wirth est une autorité maçonnique considérable.
1 12
Ibid. Cité par Charles Nicoullaud, L'initiation maçonnique, op. cit. , p. 1 23 .
64 Le crucifiement de saint Pierre
Le principe du mal
« On pensait que, comme l ' homme, les Anges du Mal avaient chu
té de leur premier état ; et que, comme les hommes, le temps venu,
Dieu les rétablirait dans cet état et que le règne du mal cesserait pour
toujours. Les Anciennes Théologies tendent toutes à ce magnifique ré
sultat ; elles essayent donc toutes de réconcilier 1' existence du Péché
et du Mal avec la sagesse parfaite et indéniable de Dieu et sa bonté. »
(Albert Pike) 1 1 7
Mais cet effort est vain car Dieu serait 1' auteur du mal.
« L ' intention de Dieu, quand Il créa le monde, était que Ses créatu
res reconnaissent Son existence. C ' est pourquoi Il créa tant des maux
pour les en affliger quand elles pèchent que la Lumière et les Bénédic
tions pour récompenser les justes. Ainsi, l' homme dispose nécessai-
1 17
Albert Pike, op. cit. , p . 499.
1 18
Albert Pike, op. cit. , p. 6 1 7 .
1 19
Albert Pike, op. cit. , p. 5 20.
Le Bien et le mal en Dieu 67
1 20
Albert Pike, op. cit. , p. 579.
121
Albert Pike, op. cit. , p. 5 0 2 e t 503 .
1 22
Albert Pike, op. cit. , p. 578.
1 23 op. cit. ,
Albert Pike, p. 500.
68 Le crucifiement de saint Pierre
En effet, pour Pike, le mal est inséparable du Bien et lui est nécessaire
pour qu ' il prenne conscience de lui-même. Ils sont tous deux en équilibre.
Cette conception dualiste est l' origine de l ' idée hégélienne de synthèse.
1 24
Albert Pike, op. cit. , p. 496 et 497 .
Le Bien et le mal en Dieu 69
Ténèbres dans le monde, qui nous assure que tout est l' œuvre de la
Sagesse Infinie et d ' un Amour Infini ; qu' il n ' y a pas d' ange rebelle
du Mal ou de Principe des Ténèbres coexistant avec Dieu et en conflit
éternel avec Lui ou avec le Principe de la Lumière et du Bien ; en par
venant à la connaissance de cet équilibre, nous pouvons, grâce à la
Foi, voir que 1' existence du Mal, du Péché, de la Souffrance et de la
Peine dans le Monde sont compatibles avec l' Infinie Bonté et l' Infinie
Sagesse du Tout-Puissant.
« La Sympathie et l' Antipathie, l' Attraction et la Répulsion, toutes
Forces de la nature, sont contraires dans les âmes des hommes et dans
l' Univers des sphères et des mondes ; l' Harmonie et le mouvement,
qui sont la Vie de l' Univers et de l' Âme, proviennent de leur action et
de leur opposition l' une à l' autre.
« Elle ne sont pas antagonistes. La force qui repousse une Planète
du Soleil n' est pas plus une force mauvaise que celle qui attire cette
Planète vers la Lumière centrale ; car chacune est créée et utilisée par
la Déité ; le résultat en est le mouvement harmonieux des Planètes qui
suivent docilement leurs orbites elliptiques, la précision mathématique
et la régularité immuable de leurs mouvements. » (Albert Pike) 1 29
1 26
Gershom Scholem, Les grands courants de la mystique juive, Paris, Payot, 1 994, p. 253
sq. Les écrits de Scholem en matière de cabale font autorité.
1 27
Cette citation suit immédiatement celle qui appelle la note 1 1 8 en page 66.
1 28
Albert Pike, op. cit., p. 6 1 7 .
1 29
Albert Pike, op. cit. , p. 625 , avant-dernière page.
Le Bien et le mal en Dieu 71
1 30
The Freemason (organe officiel de la maçonnerie britannique), 1 9 janvier 1 93 5 . Cité par
Epiphanius, Maçonnerie et sectes secrètes : le côté caché de l 'histoire, Versailles, Publications
du Courrier de Rome, 2005, p. 592 sq. Voir également Monseigneur Léon Meurin, La Franc
maçonnerie, synagogue de Satan, Paris, Victor Retaux et fils, 1 893, (réédition des Éditions
Delacroix), p. 2 1 6, ainsi que tout le chapitre
131
Cité par Jean-Pierre Laurant, L 'argumentation historique dans l 'œuvre de René Guénon,
Paris, Ephe, 1 972, sous la direction de François Secret.
132
On nous opposera peut-être que cette citation et les suivantes proviennent d' œuvres de
jeunesse de Guénon, ce qui est exact. Il n ' en reste pas moins que sa pensée, sur ce point comme
sur beaucoup d' autres, n ' a guère varié et qu'on la retrouve à l' identique dans ses œuvres tardi
ves. Seule la forme a changé et l ' on n'y rencontre plus d' aveux aussi nets. Voir par exemple :
Le blanc et le noir, in Les symboles fondamentaux de la Science sacrée, Paris, Gallimard, 1 982,
p. 306, où Guénon affirme qu' << il est à peine besoin de rappeler que ce qui est opposition à un
certain niveau devient complémentarisme à un autre niveau >>.
72 Le crucifiement de saint Pierre
celle d ' un idéalisme exagéré et mal compris [car la matière existe pour
nous, qui sommes dans l' erreur] .
« Si la Matière n' existe pas, la distinction de 1' Esprit et de la Ma
tière disparaît par là même ; tout doit être Esprit en réalité [ . . . ] . En ré
alité, l ' Esprit universel est l ' Être, et non tel ou tel être particulier ;
mais il est le Principe de tous les êtres, et ainsi il les contient tous ;
c' est pourquoi tout est Esprit.
« Lorsque l' homme parvient à la connaissance réelle de cette véri
té, il identifie lui-même et toutes choses à l' Esprit universel, et alors
toute distinction disparaît pour lui, de telle sorte qu ' il contemple toutes
choses comme étant en lui-même, et non plus comme extérieures, car
l' illusion s ' évanouit devant la Vérité comme l ' ombre devant le soleil.
Ainsi, par cette connaissance [gnose] même, 1' homme est affranchi
des liens de la Matière et de l ' existence individuelle, il n' est plus sou
mis à la domination du Prince de ce Monde, il n' appartient plus à
l' Empire du Démiurge. » (René Guénon) 1 3 4
Si « l' imparfait n' est qu ' un élément du Parfait », comme l' affirme Gué
non, c' est qu ' à l' opposé ce pseudo-parfait « n' est pas vraiment parfait », car
il n'y a nulle imperfection ni mal en Dieu, nul devenir. Affirmer que
« l' imparfait n' est qu' un élément du Parfait », que tout est en Dieu, déplace
la question du mal de la création en Dieu : le mal et la difficulté ne sont plus
dans la création de Dieu mais en Dieu lui-même. Pour tourner cette diffi
culté, il ne reste qu' à affirmer que le mal n' est qu' une illusion, « que son
domaine n' existe pas au point de vue universel, pas plus que la distinction
du Bien et du Mal ». Car effectivement supprimer le problème est encore la
meilleure manière de prétendre le résoudre. Enfin, et comme toujours, on ne
nous offre aucune explication à 1' origine de la « distinction du Bien et du
Mal » qui en vérité « n' existe pas ». Quelle peut être l' origine de cette illu
sion tenace ? De même, si nous sommes Dieu, comment pouvons-nous ne
pas en avoir conscience ?
« Toi qui disais en ton cœur : « Je monterai dans les cieux ; au
« dessus des étoiles de Dieu, j ' élèverai mon trône ; je m' assiérai sur la
« montagne de 1' assemblée, dans les profondeurs du septentrion ;
« je monterai sur les sommets des nues, je serai semblable au Très
« Haut ! . . . »
« Et te voilà descendu au schéol, dans les profondeurs de
l' abîme ! » 1 35
La question du Bien et du mal jette une vive lumière sur les similitudes
entre les thèses maçonniques et cabalistes. Certains pourront alors nous de
mander pourquoi nous avons mis en exergue dans cet ouvrage l' influence
maçonnique plutôt que le poids cabaliste.
Nous pensons tout d' abord que la maçonnerie touche plus directement le
clergé, les fidèles et la société que les cercles cabalistes.
Cette réponse doit être précisée, car il est certain que les milieux cabalis
tes exercent leur influence par l ' intermédiaire de la maçonnerie. La question
qui se pose est alors de savoir à qui revient la prééminence et dans quelle
mesure cette opposition dialectique correspond à un antagonisme réel .
L'histoire, et plus particulièrement l ' histoire des idées, fournit un élé
ment de réponse fort important. La cabale, panthéiste et non créationniste,
est un corps étranger au judaïsme, qui y a été inséré avec violence. En ac
cord avec Monseigneur Meurin, nous considérons que cet événement consi
dérable s ' est probablement produit lors de la grande captivité à Babylone.
On sait d' autre part que les juifs les plus pieux retournèrent à Jérusalem tan
dis que d' autres restèrent à Babylone, d ' où ils exercèrent leur domination
sur 1' ensemble de la « diaspora » .
Enfin, 1' observateur attentif aura noté la lutte perpétuelle entre cabalistes
et maçons. Nous n'en citerons que trois exemples récents : le conflit entre la
« communauté internationale » et Israël au sujet des territoires occupés ;
1' élection de Barack Obama au détriment de Hi lary Clinton ; et la chute de
Lehman Brothers. Tous les points que nous venons d' évoquer mériteraient
de très amples développements. Nous espérons que ces quelques éléments
permettront d' ouvrir de nouveaux champs de réflexion et de recherche.
136
Mgr Léon Meurin, La Franc-Maçonnerie, op. cit. , p.23 . Voir p. 8, 1 9, 38, 69, 73.
CHAPITRE VI
La spiritualité globale
La tradition primordiale
Les maçons et gnostiques de tout bord se réclament d' une tradition pri
mordiale, caricature de la Révélation primitive faite à Adam, continuée par
la Révélation mosaïque et couronnée par la Révélation évangélique. Le
contenu de cette tradition primordiale, qui remonte effectivement aux origi
nes de l' humanité, au j ardin d' Eden, n' est autre que le panthéisme, le men
songe diabolique : « Eritis sicut dii » 1 37 , mensonge que l ' on retrouve à
l' identique dans les diverses initiations, dans les divers panthéismes, sous
des habits à peine différents.
« L' humanité n ' a j amais eu qu' une seule religion et qu' un seul
culte. Cette lumière universelle a eu ses mirages vaporeux, ses reflets
trompeurs et ses ombres ; mais, après les nuits de l' Erreur, elle réappa
raît touj ours, unique et pure comme le Soleil. » (Albert Pike) 1 39
Œcuménisme
Une fois l' existence d' une tradition primordiale posée, l' œcuménisme
suit rapidement. En leur noyau, toutes les religions se rejoindraient dans une
vérité supérieure. Leurs séparations, leurs oppositions seraient purement
artificielles, le fait de profanes qui n' ont pas reçu la lumière maçonnique et
ne peuvent voir l' unité du Grand Tout. Après des siècles de conflits stériles,
« Ils [les chrétiens] ne devront pas oublier pour autant que tout
chemin mène à Dieu (il est plusieurs demeures dans la Maison de mon
Père . . . ) et se maintenir dans cette courageuse notion de la liberté de
pensée, qui, on peut vraiment parler là de révolution, partie de nos lo
ges maçonniques, s ' est étendue magnifiquement au-dessus du Dôme
de Saint-Pierre. » (Yves Marsaudon) 145
« Il n' entre pas plus dans [le] domaine [de la Maçonnerie] de dire
si le Sauveur, cherché et attendu par toutes les nations, est apparu en
Judée ou s ' il doit encore venir.
« La Maçonnerie révère tous les grands réformateurs . Elle voit en
Moïse le législateur des Juifs, en Confucius et en Zoroastre, en Jésus
de Nazareth et en l' Iconoclaste Arabe de Grands Maîtres de Morale,
d' Éminents Réformateurs, si ce n' est plus ; et elle autorise chacun des
frères de l' Ordre à leur assigner une dignité plus haute voire une Na
ture Divine si sa Foi et sa Vérité le réclament.
« Ainsi, la Maçonnerie ne conteste aucune vérité et n' enseigne
l ' incrédulité envers aucune croyance, sauf si cette croyance peut
amoindrir sa haute estime de la Déité, La dégrader au niveau des pas
sions humaines, nier la haute destinée de l' homme, contester la bonté
et la bienveillance du Dieu Suprême, attaquer les grandes colonnes de
la Maçonnerie, la Foi, l ' Espérance et la Charité ou inculquer
l ' immoralité et mépriser les devoirs de l' Ordre.
« La Maçonnerie est un culte ; mais c' est un culte dans lequel tous
les hommes civilisés peuvent s ' unir. » (Albert Pike) 1 46
« Si, dans les temps anciens, les maçons étaient obligés, en tous les
pays, de suivre la religion de ce pays ou de cette nation, on juge plus
commode de nos jours de ne les obliger qu' envers la religion sur la
quelle tous les hommes se mettent d' accord, laissant à chacun la liber
té de ses opinions personnelles. Cette religion consiste à être hommes
de bien et sincères, hommes d' honneur et de probité, quelles que
soient les dénominations ou les croyances qui puissent les distinguer.
« Ce en quoi la maçonnerie devient le Centre de l' Union et le
moyen de réunir, par une vraie amitié, des gens qui sans elle seraient à
jamais restés étrangers. » (Constitutions d' Anderson)
La spiritualité globale
146
Albert Pike, op. cit. , p . 3 8 8 .
La spiritualité globale 79
« t-il ajouté ilfaudrait que cette unité soit spirituelle et non pas
-
contenues dans les Livres sacrés de tous les peuples. » (René Gué
non) ' s o
« Mais, d' autre part, il en résulte aussi que l' existence d' une doc
trine uniquement religieuse est insuffisante pour permettre d' établir
une entente profonde comme celle que nous avons en vue quand nous
parlons du rapprochement intellectuel de l' Orient et de l' Occident ;
c ' est pourquoi nous avons insisté sur la nécessité d' accomplir en pre
mier lieu un travail d' ordre métaphysique [en établissant une spiritua
lité globale] , et ce n' est qu' ensuite que la tradition religieuse de
l' Occident, revivifiée et restaurée dans sa plénitude, pourrait devenir
utilisable à cette fin, grâce à 1' adjonction de l' élément intérieur [gnos
tique] qui lui fait actuellement défaut, mais qui peut fort bien venir s ' y
superposer sans que rien soit changé extérieurement. Si une entente est
possible entre les représentants des différentes traditions, et nous sa
vons que rien ne s ' y oppose en principe, cette entente ne pourra se
faire que par en haut, de telle façon que chaque tradition gardera tou
jours son entière indépendance, avec les formes qui lui sont propres ;
et la masse, tout en participant aux bénéfices de cette entente, n ' en au
ra pas directement conscience ». (René Guénon) 1 5 1
Le scandale d' Assise n' est donc rien d' autre que la mise en œuvre des
projets maçonniques exposés dès 1 924. « L' adjonction d ' un élément inté
rieur », explique que l ' on ait tenté de garder la forme catholique tout en en
modifiant le sens. Car il n' est guère possible d' ajouter à la Révélation un
« élément intérieur qui lui fait actuellement défaut [ . . . ] sans que rien soit
changé extérieurement », d' accorder le Christ et Bélial.
1 50
René Guénon, Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, Paris, Les éditions
traditionnelles, 1 980, tome I, p. 28.
151
René Guénon, Orient et Occident, op. cit. , p. 1 9 5 .
La spiritualité globale 81
« Le Monde entier est plongé dans l' angoisse et i l cherche avec af
folement, à travers les désordres enfantés par notre temps de transi
tion, une lueur annonciatrice d' une nouvelle aurore.
« Elle viendra. Malgré les apparences, il ne nous semble pas possi
ble que l ' humanité s ' enfonce dans le matérialisme. Les hommes ne
peuvent pas vivre et l' humanité ne peut pas progresser sans foi, sans
espérance, sans amour. [ . . . ]
« Nous pensons avec TEILHARD DE CHARDIN qu ' au milieu de
« la crise totale que traverse le Monde, il n' est pas auj ourd' hui un seul
« homme, croyant ou incroyant, qui n' appelle du fond de son âme la
« lumière - une lumière qui lui montre un sens et une issue aux
« bouleversements de la Terre. Jamais peut-être, depuis l ' an I de l' ère
« chrétienne, l' humanité ne s ' est trouvée à la fois plus détachée de ses
« formes passées, plus anxieuse, plus prête à recevoir un Sauveur. »
[. . .]
« Qui prononcera les paroles d'un Évangile élargi qui aura
l 'homme à sa base, la Puissance suprême à son sommet et placera en
tre cette base et ce sommet l' entité humaine vivante toute entière, telle
que l ' a faite l' évolution déj à accomplie, telle que la conditionnera,
physiquement et mentalement, le développement continu des connais
sances et des techniques ?
« Nous sommes dans l ' attente d' une nouvelle prophétie.
« Charles RIANDEY
« Grand Commandeur du Suprême Conseil de France, Rite Ecos
sais Ancien et Accepté. » (Yves Marsaudon) 152
Le salut cosmique
1 52
Yves Marsaudon, L 'œcuménisme vu par un Franc-Maçon de tradition, op. cit. , p. 1 5 sq.
Le passage cité provient de la préface signée par Charles Riandey, Souverain Grand Comman
deur du Suprême Conseil de France.
82 Le crucifiement de saint Pierre
« Enfin, il est un point sur lequel nous désirons revenir, car il pour
rait intéresser nos amis Francs-Maçons. C ' est un trait bien caractéris
tique de l' Orthodoxie : son Cosmisme.
« Il s 'adresse à l 'âme humaine, mais à toute la création, et sancti
fie cette dernière ». 156
« Si nous nous éloignons de la Mystique pour revenir sur la
Science et la Philosophie, nous pourrions retrouver sur ce terrain les
dernières conclusions de TEILHARD DE CHARDIN. » (Yves Marsau
don) I 5 7
1 53 Ibid. , p. 1 6. Le passage cité provient de la préface signée par Charles Riandey, Souverain
Grand Commandeur du Suprême Conseil de France.
1 54 « Liturgie Cosmique » de Von B althasar.
1 55 Yves Marsaudon, L 'œcuménisme vu par un Franc-Maçon de tradition, op. cit. , p. 73.
1 5 6 S . B OULGAKOFF : « L' Orthodoxie ».
1 57 Yves Marsaudon, L 'œcuménisme vu par un Franc-Maçon de tradition, op. cit. , p. 86 sq.
Seconde partie
158 « Ô
incompréhensible dilection d e votre charité ! Pour racheter l' esclave, vous avez livré
votre Fils ! » (Exultet de la veillée pascale)
CHAPITRE !
Vatican II
1 59 Impropères du Vendredi saint (reproches que le Christ adresse à son peuple, auquel il n'a
fait que du bien).
Vatican II 85
La recherche de la cause
notre sainte mère l' Église, la fin des missions et l' arrêt des conversions pro
viennent de ce mélange de la lumière et des ténèbres, de la vérité et des
mensonges. Et seul un retour complet et manifeste à la doctrine catholique,
qui passera probablement par la consécration de la Russie au Cœur Immacu
lé de Marie, permettra à la foi de rayonner et d' être à nouveau répandue sur
la terre entière.
Ces paroles sont dures, sans doute. Aussi n' hésiterons-nous pas à invo
quer l' autorité de saint Pie X et à citer longuement son encyclique Pascendi,
dans laquelle, il y a déjà un siècle, le saint pape dénonçait ces erreurs :
si elle laisse Dieu distinct de l ' homme ou non : si distinct, en quoi dif
fère-t-elle de la doctrine catholique et de quel droit rejeter la révélation
extérieure ? Si non distinct, nous voilà en plein panthéisme. Or, la
doctrine de 1' immanence, au sens moderniste, tient et professe que
tout phénomène de conscience est issu de l 'homme en tant qu' homme.
La conclusion rigoureuse c ' est l ' identité de l ' homme et de Dieu, c ' est
à-dire le panthéisme. La même conclusion découle de la distinction
qu' ils posent entre la science et la foi. » (Saint Pie X, Pascendi, 1 1 et
55)
Le cardinal Siri, s ' appuyant sur l' encyclique Humani generis de Pie XII,
met également en exergue la confusion entre la nature et la grâce :
1 60
Il s ' agit de l' ouvrage du Père de Lubac, Surnaturel, Études historiques, Paris, Éditions du
Seuil, 1 946. Note de 1' auteur.
161
Cf Denz. 389 1 .
1 62
Système qui affirme l' unité de toutes choses.
163 Cardinal Siri, Gethsemani, Paris, Téqui, 1 98 1 , p. 62.
88 Le crucifiement de saint Pierre
« "Image du Dieu invisible" (Col 1 , 1 5), il est l' homme parfait qui
a restauré dans la descendance d' Adam la ressemblance divine [c' est
à-dire la grâce] , altérée dès le premier péché. Parce qu ' en lui la nature
humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a
été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarna
tion, le Fils de Dieu s ' est en quelque sorte uni lui-même à tout
homme. » (Vatican II, Gaudium et spes, 22.2) 1 66
1 67 «
Je serai semblable au Très-Haut », Is, 14, 14.
90 Le crucifiement de saint Pierre
Il ne s ' agit plus de demi-mesures, de jouer sur les mots et d' accorder le
Christ et Bélial. Une fois l' essence de Vatican II appréhendée, nous avons le
devoir d' affirmer que ce concile véhicule une doctrine hérétique, anté
christique et maçonnique.
Enfin nous rappelons que les textes d ' un cardinal, d'un concile ou d'un
pape qui s ' écartent de l' enseignement de l ' Église ne peuvent être considérés
comme appartenant au magistère et possèdent l ' autorité d' opinions de doc
teurs privés.
1 68
ST, II II, q. 33, a. 4.
CHAPITRE II
Panthéisme
ous avons montré dans la première partie de cet ouvrage que la doc
N trine catholique de la création s ' oppose aux idées panthéistes sur le
monde. Cette doctrine, en accord avec la droite raison, affirme que « par la
pureté même de son être, Dieu se distingue de toutes les choses finies. De là
il s' ensuit d' abord que le monde n ' a pu procéder de Dieu que par une créa
tion ». Le panthéisme inclut par contre le monde en Dieu et, dans ses formes
les plus grossières telles le matérialisme, arrive à les confondre. L ' histoire
montre que les idées panthéistes sont à 1' origine de bien des hérésies (voire
de presque toutes 169 ) , de bien des religions, du communisme, du socialisme
et du mondialisme. Il s ' agit donc d' une des idées fortes qui ont agi et agis
sent sur le monde, d'un des axes majeurs de l' histoire des idées et du
monde.
Nous affirmons, et il s 'agit naturellement d 'une des thèses centrales de
cet ouvrage, que l 'originalité, l 'essence de Vatican II, sa spécificité par
rapport aux conciles antérieurs, tient à ce qu 'il reprend les thèses panthéis
tes et maçonniques en essayant de les intégrer dans la doctrine catholique
et en les revêtant d 'un vocabulaire catholique 1 70•
Nous n' affirmons pourtant pas que Vatican II nie la création pour inclure
le monde en Dieu : pareille « réinterprétation » de la doctrine catholique
aurait probablement heurté trop violemment le sensus fidei pour être accep
tée. Nous montrerons en revanche que Vatican II affirme que, grâce à
l' Incarnation du Verbe, le monde tout entier sera réintégré en Dieu 1 7 1 , « les
brebis à sa droite » comme « les boucs à sa gauche », les anges fidèles et les
démons : « le monde, sorti des mains de Dieu créateur, retourne à lui après
avoir été racheté par le Christ. » (Jean Paul II, Ecclesia de Eucharistia, 8) Et
Dieu, contemplant le temps de l' éternité, connaissant cette restauration,
cette réintégration finale dans son omniscience, ne peut voir la création que
comme un jeu divin (maya) qui a plongé les êtres dans l' illusion de la sépa
ration et dans l' ignorance, mais dont ils sortiront tous à la fin des temps 1 72 •
1 69
Cette affirmation mériterait d' être solidement étayée, ce que nous ne pouvons envisager
dans cet ouvrage - d' autant qu' il nous faudrait revisiter bien des idées reçues.
1 70
Voir Garrigou-Lagrange, La nouvelle théologie ; où va-t-elle ? in La synthèse thomiste,
Paris, 1 947, p. 7 1 0 sq.
171
Il s' agit naturellement de l' apocatastase gnostique.
1 72 Cf
CG, III, ch. 6 1 , Comment la vision de Dieu est une participation à la vie éternelle.
92 Le crucifiement de saint Pierre
l' annonciation, prononce son « fiat » : « Qu ' il m' advienne selon ta pa
role », elle conçoit de façon virginale un homme, le Fils de l 'homme,
qui est le Fils de Dieu. Grâce à une telle « humanisation » du Verbe
Fils, la communication que Dieu fait de lui-même atteint sa plénitude
définitive dans l ' histoire de la création et du salut. Cette plénitude ac
quiert une densité particulière et une éloquence très expressive dans le
texte de l ' Évangile de Jean : « Le Verbe s ' est fait chair ».
L' Incarnation de Dieu-Fils signifie que l a nature humaine est élevée
à l'unité avec Dieu, mais aussi, en elle, en un sens, tout ce qui est
« chair » : toute 1 'humanité, tout le monde visible et matériel.
L' Incarnation a donc aussi un sens cosmique, une dimension cosmi
que. Le « premier-né de toute créature », en s' incarnant dans
l' humanité individuelle du Christ, s' unit en quelque sorte avec toute la
réalité de l' homme, qui est aussi « chair », et, en elle, avec toute
« chair » avec toute la création. » (Jean Paul II, Dominum et vivifi
cantem, 50)
« Sous l ' action du même Esprit, l 'homme et, par son entremise, le
monde créé, racheté par le Christ, avancent vers leur destinée défini
tive en Dieu. L' Église est « le sacrement, c ' est-à-dire le signe et
l' instrument » du rapprochement des deux pôles de la création et de la
Rédemption, Dieu et l' homme. [ . . . ] Et il nous est bon de prendre une
conscience toujours plus vive du fait que, à l ' intérieur de l ' action ac
complie par l' Église dans l ' histoire du salut, inscrite dans l ' histoire de
l' humanité, l ' Esprit Saint est présent et agissant, lui qui anime par le
souffle de la vie divine le pèlerinage terrestre de l ' homme et fait
converger toute la création, toute l ' histoire, jusqu ' à son terme ultime,
dans l' océan infini de Dieu. » (Jean Paul II, Dominum et vivifican
tem, 64)
« J ' ai pu célébrer la Messe dans des chapelles situées sur des sen
tiers de montagne, au bord des lacs, sur les rives de la mer ; je l ' ai cé
lébrée sur des autels bâtis dans les stades, sur les places des villes . . .
Ces cadres s i divers de mes Célébrations eucharistiques me font for
tement ressentir leur caractère universel et pour ainsi dire cosmique.
Oui, cosmique ! Car, même lorsqu' elle est célébrée sur un petit autel
d' une église de campagne, l ' Eucharistie est toujours célébrée, en un
sens, sur l 'autel du monde. Elle est un lien entre le ciel et la terre. Elle
englobe et elle imprègne toute la création. Le Fils de Dieu s ' est fait
homme pour restituer toute la création, dans un acte suprême de
louange, à Celui qui l ' a tirée du néant. C ' est ainsi que lui, le prêtre
souverain et éternel, entrant grâce au sang de sa Croix dans le sanc
tuaire éternel, restitue toute la création rachetée au Créateur et Père. Il
le fait par le ministère sacerdotal de l' Église, à la gloire de la Trinité
sainte. C' est vraiment là le mysterium fidei qui se réalise dans
l' Eucharistie : le monde, sorti des mains de Dieu créateur, retourne à
lui après avoir été racheté par le Christ. » (Jean Paul II, Ecclesia de
Eucharistia, 8)
« Et lorsque tout lui aura été soumis, alors le Fils lui-même fera
hommage à celui qui lui aura soumis toutes choses, afin que Dieu soit
tout en tous. » 1 80
« Or on dit que Dieu est tout en tous, quand aucun de ceux qui
s ' attachent à lui n' aime sa propre volonté aux dépens de la sienne, et
quand tous comprennent clairement ce que 1' Apôtre dit ailleurs :
« Qu' as-tu que tu n' aies reçu ? » [ . . . ]
« Il n' est donc point déraisonnable d' appliquer ces paroles :
« Alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a soumis toutes
choses », de les appliquer, dis-je, non seulement au Christ comme chef
de l' Église, mais aussi à tous les saints, qui ne font qu' un dans le
Christ, une même race d' Abraham, soumise, en contemplant
l' éternelle vérité, pour y trouver le bonheur, sans éprouver aucune ré
sistance ni dans le corps ni dans l ' âme, « en sorte que », personne
n' aimant plus son propre pouvoir, "Dieu soit tout en tous" ». (Saint
Augustin) 1 8 1
peut y avoir aucun soulèvement du Fils contre celui qui 1' a engendré,
comme la perfection de la concorde règne entre eux, alors Dieu sera
tout en tous. » (Saint Jean Chrysostome) 1 8 2
« La révélation ne s ' arrête donc pas ici parce que Dieu a décidé po
sitivement de l ' arrêter, mais parce qu ' elle est arrivée à son terme, ou
comme le dit Karl Rahner : « Il n' est plus rien dit de nouveau, non pas
« malgré qu' il eût encore beaucoup à dire, mais parce que tout a été
« dit, tout a été donné dans le Fils de l' amour, dans lequel Dieu et le
« monde sont devenus un 1 8 5 . » (Cardinal Ratzinger) 1 8 6
Précisons que l ' ouvrage dont cette citation est extraite (La foi chrétienne
hier et aujourd 'hui), et que nous citerons fréquemment, a été réédité en
2000 avec l'accord de son auteur, alors cardinal, qui n'a pas estimé né
cessaire de le modifier. L' importance capitale de cette précision s' éclairera
par la suite. En voici encore deux extraits, que le cardinal n ' a pas cru devoir
modifier :
182
Saint Jean Chrysostome, Commentaires sur la première épître aux Corinthiens, Homélie
XXXIX, 6.
183
L' être même subsistant.
184
Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p. 37.
1 85
K. Rahner, Schriften zur Theologie, 1, Einseideln, 1 954, p. 60 ; cf. J. Ratzinger,
« Kommentar zur Offenbarungskonstitution », dans LTHK, Supplément II, p. 5 1 0.
1 86
Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, Paris, Cerf, 2005 , p. 1 82.
98 Le crucifiement de saint Pierre
1 87
Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 2 1 5 , 2 1 6, 227 sq.
188
Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 259 et 260.
L' ouvrage se termine sur cette phrase.
CHAPITRE III
participe également de cette nature divine, n' est en vérité qu' une manifesta
tion, qu' une émanation divine.
Il y a donc identité entre la confusion panthéiste du Créateur et de la
créature et l' affirmation que notre nature est gracieuse 1 89 • Toutes deux sont
des doctrines panthéistes, maçonniques, qui s ' opposent frontalement à la
vérité révélée. Or nous allons montrer, sans laisser la moindre place à
l 'interprétation ou à la discussion, que le naturalisme, la confusion entre la
nature et la grâce 190, est un autre fondement de Vatican II191 • Les consé
quences incalculables de cette Révolution doctrinale nous font réclamer une
fois encore toute l ' attention du lecteur malgré la difficulté des deux premiè
res citations de saint Thomas, qui peuvent être lues rapidement sans trop de
dommages.
Le Fils de Dieu n 'a pas assumé la nature humaine abstraite de tous ses
individus
1 89
Une étude plus approfondie de la confusion entre la nature et la grâce, restreinte au seul
concile Vatican II, aurait exigé que nous étudiions l ' « existential surnaturel » de Rahner, les
écrits de Lubac (Surnaturel, condamné implicitement par Pie XII dans Humani Generis ; Le
mystère du surnaturel), de von B althasar (Liturgie cosmique), de B ouyer (Le mystère pascal),
de Teilhard de Chardin - et surtout leurs origines.
19°
Cf Cardinal Siri, Gethsémani, op. cit.
191
Lors même de leur rédaction, les textes de Vatican II ont été critiqués pour leur natura
lisme par les pères conciliaires. Cf Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, B ouère,
Dominique Martin Morin, 1 992, p. 1 63 , 1 84, 207, 250, 252, 265 .
1 02 Le crucifiement de saint Pierre
Le Fils de Dieu n 'a pas assumé la nature humaine dans rous ses indivi
dus
1 91
ST, III, q. 4, a. 4.
Notre nature est gracieuse 1 03
« En assumant la nature humaine c' est toute l' humanité qu ' il s ' est
unie par une solidarité surnaturelle qui en fait une seule famille ».
(Vatican II, Apostolicam actuositatem, 8)
1 93 ST, III, q. 4, a. 5 . Pour une discussion approfondie de ces questions, voir : Abbé Guy Cas
telain, Bref examen de GS n° 22, § 2, p. 2 1 2 sq. , in La conscience dans la religion de Vatican
JI, Études théologiques, deuxième symposium de Paris, 9- 1 0- 1 1 octobre 2003, A vrillé, 2004.
1 94 Pour une discussion approfondie de ces affirmations, voir : Abbé Philippe Toulza,
<< L 'union du Fils de Dieu à tout homme » : origines et actualité, ibid. , p. 1 90 sq.
1 04 Le crucifiement de saint Pierre
« Par ailleurs, l ' on peut constater une nouvelle fois ici qu ' en der
nière analyse il n 'est pas possible de faire une séparation nette en
tre « naturel » et « surnaturel » : le dialogue fondamental qui consti
tue l' homme en tant qu' homme, passe sans interruption au dialogue de
la grâce qui a nom Jésus-Christ. Comment pourrait-il en être autre
ment, si le Christ est véritablement le « second Adam », le véritable
accomplissement de cette nostalgie infinie qui s ' élève du premier
Adam, de l ' homme en un mot ? » (Cardinal Ratzinger) 1 95
195 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 257 et 258 .
1 96 Congrégation pour la doctrine de la Foi, Lettre aux évêques de l 'Église catholique sur cer
tains aspects de l ' Église comprise comme communion, 1 992, 3 et 4.
1 06 Le crucifiement de saint Pierre
« Par l' incarnation, c' est la nature humaine qui est véritablement
devenue le trône de Dieu, lequel est ainsi définitivement relié à la
terre, définitivement accessible à notre prière. » (Cardinal Ratzin
ger) I 9 7
« Et voici que celui qui est le Verbe prend lui-même corps, vient
de Dieu en tant qu' homme et attire à lui toute la condition humaine, la
transporte dans la Parole de Dieu, la transforme en « oreille » pour
écouter Dieu et ainsi en « obéissance », en réconciliation entre Dieu et
l' homme (cf. 2 Co 5 , 20) . Lui-même devient le vrai « sacrifice » en
tant qu' il s ' est donné, entrant totalement dans l' obéissance et dans
l' amour, aimant « jusqu ' au bout » (Jn 1 3 , 1 ) . Il vient de Dieu et ins
taure ainsi la véritable condition d' homme. Comme le dit Paul, par
rapport au premier homme qui était et est terrestre, il est le second,
l' homme définitif (le dernier), qui vient « du ciel », « esprit vivifiant »
(cf. 1 Ca 1 5 , 45-49). Il vient, et il est en même temps le nouveau
« royaume ». Il n' est pas simplement un, mais de nous tous avec lui
même il ne fait « plus qu ' un » (Ga 3, 28) il nous transforme en une
humanité nouvelle. [ . . . ]
197
Cardinal Ratzinger, L 'esprit de la liturgie, Genève, Ad solem, 200 1 , p. 5 8 .
1 98
Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Paris, Flammarion, 2007, p. 3 1 2 et 3 1 3 .
1 99
Cardinal Ratzinger, L 'esprit de la liturgie, op. cit. , p. 97 .
Notre nature est gracieuse 1 07
« Pour citer encore une fois Paul : « Puisque Adam est pétri de
« terre, comme lui les hommes appartiennent à la terre ; puisque le
« Christ est venu du ciel, comme lui les hommes appartiennent au
« ciel » ( 1 Ca 1 5 , 48). L' expression « Fils de l'homme » demeure ré
servée à Jésus lui-même, mais la vision nouvelle de l' union entre Dieu
et l' homme qui s ' y exprime traverse la totalité du Nouveau Testament
et le marque de son empreinte. C' est de cette nouvelle humanité ve
nant de Dieu qu ' il s ' agit dans la vie à la suite de Jésus Christ. » (Be
noît XVI) 200
« C ' est pourquoi l' œuvre divine du salut est menée par Dieu lui
même à partir de ce qui est humain, essentiellement humain, constitu
tif de son humanité, de sa nature d' homme. Nous devons nous situer
dans cette optique pour découvrir le sens le plus profond du mystère
de l ' Incarnation, la clef de voûte du plan divin du salut.
« Si le mystère de l' Incarnation, c' est-à-dire le Christ historique et
le Christ mystique manifeste en plénitude l' homme à lui-même,
l' homme de tous les temps et de toutes les époques, il réassume ce qui
est essentiel, ce qui constitue l' homme, dans son humanité, aussi bien
par son Verbe que par son Acte. » (Cardinal Wojtyla) 201
200
Benoît XVI, Jésus de Nazareth, op. cit. , p. 362 et 363.
201
Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, Retraite au Vatican, op. cit. , p. 1 52.
202
Karol Wojty1a, Sources of Renewal, the Implementation of Vatican Il, San Francisco,
Harper & Row, 1 979, p . 62. Il existe une traduction française de ce texte.
1 08 Le crucifiement de saint Pierre
Ainsi, en partant de son tréfonds, l ' homme parcourt l' itinéraire spirituel
qui le mène à Dieu. En partant de sa nature, il parvient à la grâce, il met ex
périmentalement en évidence « la transcendance de la personne humaine »,
de tout homme. L' expérimentation mène au surnaturel. Le simple silence, la
prière de la « foi », n'est qu' un acte de la religion naturelle qui suffit pour
tant à unir « l' esprit humain avec Dieu ».
203
Karol Woj tyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 78 et 80.
204
Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, Retraite au Vatican, op. cit. , p. 30 et 32.
205
La nature demande, appelle, la grâce. Voir à ce suj et de Lubac et Pie XII.
Notre nature est gracieuse 1 09
« Même si, initialement, 1' eros est surtout sensuel, ascendant - fas
cination pour la grande promesse de bonheur -, lorsqu ' il s ' approche
ensuite de l ' autre, il se posera toujours moins de questions sur lui
même, il cherchera toujours plus le bonheur de l' autre, il se préoccu
pera toujours plus de l' autre, il se donnera et il désirera « être pour »
l' autre. C ' est ainsi que le moment de l ' agapè [l' amour oblatif, des
cendant] s' insère en lui ; sinon l ' eros déchoit et perd aussi sa nature
même. D' autre part, l' homme ne peut pas non plus vivre exclusive
ment dans l' amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seule
ment donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l' amour
doit lui aussi le recevoir comme un don. L' homme peut assurément,
comme nous le dit le Seigneur, devenir source d ' où sortent des fleuves
d' eau vive (cf. Jn 7, 37-3 8). Mais pour devenir une telle source, il doit
lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire
qui est Jésus Christ, du cœur transpercé duquel j aillit l' amour de Dieu
(cf. Jn 1 9, 34). » (Benoît XVI, Deus caritas est, 5 sq. )
L' amour naturel de l' homme et de la femme, l 'eros, « promet l ' infini »,
« veut nous élever "en extase" vers le Divin », « vise à l' éternité », à « la
découverte de Dieu » : la nature promet la grâce.
206
Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p . 398.
1 10 Le crucifiement de saint Pierre
l ' instauration d' une fraternité universelle qui réponde à cette voca
tion. » (Vatican II, Gaudium et spes, 3 .2)
« Ensuite, la Révélation n' est pas une théorie ou une idéologie, elle
réside en ce que le Fils de Dieu par son Incarnation s ' est uni à chaque
homme, qu' il est devenu en tant qu' homme « l ' un de nous », en tout
semblable à nous, hormis le péché (He 4, 1 5 ) ». (Cardinal Wojtyla) 207
« Cette voix, l ' Église l ' a entendue, et a compris que le Christ est
avec nous, que l' Epoux est avec nous ! Il est avec l ' Église, et dans
chaque homme, et avec toute la famille humaine. » (Cardinal Wojty
la) 2o s
« Cette invocation à l' Esprit et par l' Esprit n' est autre qu' une façon
constante de pénétrer dans la pleine dimension du mystère de la Ré
demption, selon lequel le Christ, uni au Père et avec tout homme, nous
communique continuellement cet Esprit qui met en nous les senti
ments du Fils et nous tourne vers le Père. » (Jean Paul II, Redemptor
hominis, 1 8)
Et que le cardinal Ratzinger ait pu écrire que Vatican II « s' écarte dans
une large mesure de la ligne de l ' histoire des conciles » :
208
Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p. 1 25 .
209 Il semble superflu de rappeler que l' humanisme désigne l' ensemble des thèses et utopies
maçonniques.
1 12 Le crucifiement de saint Pierre
Le Père également
« Grâce à l' union de Jésus, et par lui de tous les hommes, avec le
Dieu vivant, le rideau du Temple s ' est déchiré, le ciel s ' est ouvert. »
(Cardinal Ratzinger) 21 1
2 1 ° Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p. 423 sq.
2 1 1 Cardinal Ratzinger, L 'esprit de la liturgie, op. cit. , p.5 1 .
Notre nature est gracieuse 1 13
Et le Saint-Esprit
« L' Esprit est donc à l' origine même de l ' interrogation existen
tielle et religieuse de l' homme qui ne naît pas seulement de conditions
contingentes mais aussi de la structure même de son être.
« La présence et l' activité de l' Esprit ne concernent pas seulement
les individus, mais la société et l ' histoire, les peuples, les cultures, les
religions. En effet, l' Esprit se trouve à l' origine des idéaux nobles et
des initiatives bonnes de l' humanité en marche : « Par une providence
admirable, il conduit le cours des temps et rénove la face de la terre ».
Le Christ ressuscité « agit désormais dans le cœur des hommes par la
« puissance de son Esprit ; il n ' y suscite pas seulement le désir du
« siècle à venir, mais, par là même, anime aussi, purifie et fortifie ces
« aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer
« ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre entière ».
C' est encore l' Esprit qui répand les « semences du Verbe », présentes
dans les rites et les cultures, et les prépare à leur maturation dans le
Christ.
1 14 Le crucifiement de saint Pierre
212
Voir également 4 1 . 1 .
Notre nature est gracieuse 1 15
Le péché
« Il n' est pas étonnant que pareilles nouveautés aient déj à produit
des fruits empoisonnés dans toutes les parties, ou presque, de la théo
logie. On révoque en doute que la raison humaine, sans le secours de
la révélation et de la grâce divine, puisse démontrer l' existence d'un
Dieu personnel par des arguments tirés des choses créées ; on nie que
le monde ait eu un commencement et l ' on soutient que la création est
nécessaire, puisqu' elle procède de la nécessaire libéralité de l' amour
de Dieu ; on refuse aussi à Dieu l' éternelle et infaillible prescience des
libres actions de l' homme. Or tout cela s' oppose aux déclarations du
Concile du Vatican [ I f 1 3 .
« Quelques-uns aussi se demandent si les Anges sont des créatures
personnelles, et si la matière diffère essentiellement de l' esprit214 •
D ' autres corrompent la véritable gratuité de l' ordre surnaturel, puis
qu ' ils tiennent que Dieu ne peut pas créer des êtres doués
d'intelligence sans les ordonner et les appeler à la vision béatifique.
Ce n' est pas assez ! au mépris de toutes définitions du Concile de
Trente, on a perverti la notion du péché originel, et du même coup, la
notion du péché en général, dans le sens même où il est une offense à
Dieu, et ainsi la notion de la satisfaction offerte pour nous par le
Christ. » (Pie XII, Humani Generis)
Puisqu' en vérité nous sommes Dieu, puisque notre nature est gracieuse,
le péché ne saurait nous séparer de Dieu. Il doit alors trouver une nouvelle
interprétation dans l' exégèse conciliaire. L' antique enseignement du péché
mortel faisant perdre la grâce et menant en enfer est incompatible avec
l' infinie miséricorde de Dieu et la Passion de son divin Fils, mort pour sau
ver tous les hommes. L' enfer existe, mais il est vide. L' état de péché mortel
ne saurait s ' opposer à la miséricorde et à la grâce divine. Malgré toutes les
précautions dont Jean Paul II les entoure, ces affirmations ressortent de ses
écrits :
213
Cfr. Conc . Vatic. Const. De Fide cath. , ch. 1 , De Deo rerum omnium creatore.
214
Voir à ce sujet le texte du cardinal Ratzinger donné en page 99.
Le péché 1 17
219
Jean Paul II, Entrez dans l 'Espérance, Paris, Plon-Marne, 1 994, p. 272 sq.
220
1 Tm 2, 4.
22 1 Cf. : Ez 1 8, 23.
222 Jean Paul II, Entrez dans l 'Espérance, op. cit. , p. 1 23.
Le péché 1 19
« On sait que des gens comme Origène ont tenté de sortir des fron
tières de ce témoignage qui provient de « Jésus-Christ, le fidèle té
moin, le premier-né d' entre les morts » (Ap 1 , 5 ) . Ils ont peut-être
marché, guidés par la lumière de cette vérité que « Dieu est amour »
(Jn 4, 8 . 1 6), et ont cherché en quelque sorte dans les cycles ultérieurs
du salut, dans ceux dont ne parlent ni la Révélation ni l' Écriture, la
suppression du départage entre les élus et les damnés. [ . . . ]
« Il sera tout en tous ; et pour ceux qui se trouveront à droite et
pour ceux qui se trouveront à gauche, dans le dernier fruit de l ' union
aussi bien que dans le dernier fruit de la damnation. L' amour qui fait
tout dans le Christ : L 'Amour de Dieu jusqu 'au mépris de soi-même,
ne prive pas la créature de la liberté, ni du choix ni du droit de dispo
ser de soi-même. Le discours eschatologique du Christ révèle que dans
l' Accomplissement final de l' histoire de l' homme et du monde, ne
disparaîtra pas non plus l' amour de soi poussé jusqu ' au mépris de
Dieu, et que lui également récoltera les fruits de sa damnation défini
tive.
« 4. « La gloire de Dieu, c'est l 'homme vivant ! »
« Et pourtant le Fils restituera tout au Père dans l' Esprit Saint.
« En ceci, l' Accomplissement se manifeste comme une œuvre par
faite de louange (cf. Lumen Gentium, 34). La gloire de Dieu est la
première loi de la Réalité et son application constituera
l' Accomplissement de toutes choses. La gloire est le rayonnement du
bien, le reflet de toute perfection. Elle est en quelque sorte le climat
intérieur, l' atmosphère de la Divinité et de la Déité. Dieu vit dans la
gloire. Il reporte cette gloire sur tout ce qu' il fait. Toutes ses œuvres
sont pleines de sa gloire : la création, la rédemption, la sanctification
et 1' accomplissement. Dieu reporte cette gloire tout spécialement sur
l' homme : « La gloire de Dieu est l' homme vivant223 ! » Et Dieu le
conduit vers la gloire. » (Cardinal Wojtyla) 224
« Quand Dieu dit : « J' introduirai l' hostilité » (Gn 3 , 1 5 ), ces mots
n' infirment pas l' immense Amour dont sont imprégnés les premiers
chapitres de la Genèse. Ils expliquent seulement que cet Amour - lui
même et lui seul - se trouve hors de ce dramatique conflit du bien et
du mal, qu ' il le domine, et qu' il constitue - ce qui est le plus impor
tant - le dernier rempart du bien. Ce Dieu, qui est entièrement du côté
du bien, et contre le mal, ne cesse d' être le Dieu de l ' Alliance. Tout au
contraire ! C ' est un Dieu plus sublime que cette opposition, que cette
« joue l' histoire du genre humain, le monde marqué par l' effort de
« l' homme, ses défaites et ses victoires. Pour la foi des chrétiens, ce
« monde a été fondé et demeure conservé par 1' amour du Créateur ; il
« est tombé, certes, sous l 'esclavage du péché, mais le Christ, par la
« Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l ' a libéré
« pour qu ' il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu' il parvienne
« ainsi à son accomplissement » 229 • Il faut, en référence à ce texte très
synthétique, lire les autres passages de la Constitution qui cherchent à
montrer, avec tout le réalisme de la foi, la situation du péché dans le
monde contemporain et aussi à expliquer son essence, en partant de
divers points de vue 230 . [ . . ] .
Le péché n'est plus une inj ure faite à Dieu mais une rupture de
l'unité, une aliénation
Le péché ne saurait être la perte de l' amitié divine, ce qui s' opposerait à
la miséricorde de Dieu. Le péché ne saurait se situer que du côté de
229
Gaudium et spes, 2.
23°
Cf. ibid. , nn. 10, 13, 27, 37, 63, 7 3 , 79, 80.
23 1
Aux Hébreux.
232
27 , 28, 29, 3 1 , 39, 40. Voir également Benoît XVI, Spe salvi, 44 sq.
1 22 Le crucifiement de saint Pierre
l ' homme, de l' Église et de la société. Il aliène l' homme de son essence di
vine, de l ' unité de toutes choses et introduit la division. La délivrance du
péché se fait par retour à l' unité, thème gnostique par excellence.
La négation de 1' aspect corporel, concret de 1' enfer que 1' on relève dans
le texte qui suit est caractéristique de la pensée gnostique.
236 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 2 1 3 et 22 1 sq.
237 Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p . 1 82 sq.
1 24 Le crucifiement de saint Pierre
La dignité de 1 'homme
« Il vient après moi, celui qui est plus puissant que moi, dont je ne
suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses sandales. »
(Mc 1 , 7)
« Domine, non sum dignus ut intres sub tectum meum, sed tantum
die verbo et sanabitur anima mea. »
« Seigneur, j e ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit,
mais dites seulement une parole et mon âme sera guérie. » (Commu
nion)
À l' image de son divin maître, l' Église n ' a j amais insisté sur la dignité
de l' homme. Non qu ' elle méconnaisse la dignité des enfants de Dieu : nous
portons des trésors dans des vases d' argile. « Car Dieu, qui a dit : Que la
lumière brille du sein des ténèbres, c ' est lui qui a fait luire sa clarté dans nos
cœurs, pour que nous fassions briller la connaissance de la gloire de Dieu,
laquelle resplendit sur la face du Christ. » 23 8 Pourtant, de peur que nous ne
nous enorgueillissons, ce trésor est immédiatement rapporté à Dieu : « Mais
nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin qu' il paraisse que cette
souveraine puissance de l' Évangile vient de Dieu et non pas de nous. »239
Saint Thomas lui-même, qui ne confond certes pas la nature et la grâce,
s' appuie sur saint Jérôme pour montrer la dignité de nos âmes, qu' elles
soient en état de grâce ou non : « Saint Jérôme, dans son commentaire sur S .
2 3 8 II Cor 4, 6.
2 39 II Cor 4, 7 . Voir également ST, III, q. l . a. 2 ; 11-II, q . 84, a. 1 ; 11-11, q . 1 42, a. 4 ; III, q .
46, a. 3.
Le péché 1 25
Matthieu (Mt 1 8 , 1 0) : "Leurs anges dans les cieux, etc." nous dit : "Elle est
grande la dignité des âmes, puisque chacune reçoit à sa naissance un ange
désigné pour sa garde." »240 Mais elle ne trouve son plein épanouissement
que dans la grâce à laquelle nous sommes appelés et non dans notre nature.
Le péché nous éloigne de notre dignité et nous fait ressembler aux ani
maux : « l ' homme, oubliant sa dignité, se compare aux bêtes stupides, et
devient semblable à elles » (Ps 49, 1 3) 24 1 • « [L' intempérance] a pour matière
les plaisirs qui nous sont communs avec les bêtes, nous 1' avons dit. Selon le
Psaume (Ps 49, 2 1 ), "l ' homme dans son luxe est sans intelligence, il res
semble au bétail qu ' on abat". » 242
« Le péché fait perdre à l ' homme une double dignité : celle qu' il a
par rapport à Dieu, et celle qu ' il a par rapport à l' Église. Par rapport à
Dieu, il perd une double dignité. Tout d' abord sa dignité principale
« qui le mettait au nombre des fils de Dieu » (Sg 5, 5) par la grâce. Et
il récupère cette dignité par la pénitence, comme l' indique la parabole
du fils prodigue où le père fait rendre au pénitent "sa première robe,
son anneau et ses chaussures" ». (Saint Thomas) 243
À l' exemple du Sauveur, l' Église a donc exalté l' humilité du pécheur
qui, sans la grâce de Dieu, retomberait dans 1' orgueil.
« Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jé
sus :
« bien qu' il fût dans la condition de Dieu, il n ' a pas retenu avide
ment son égalité avec Dieu ;
« mais il s' est anéanti lui-même, en prenant la condition d' esclave,
en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout
ce qui a paru de lui ;
240 ST, 1, q. 1 1 3 , a. 2.
241 Cité en ST, II-11, q. 1 6 1 , a. 1 .
242 ST, 11-II, q . 1 42, a. 4.
243 ST, III, q . 89, a. 3 .
244 ST, III, q. 4 9 , a. 6 .
1 26 Le crucifiement de saint Pierre
Lui qui nous a enseigné qu' il est « doux et humble de cœur »245 a voulu
laver lui-même les pieds de ses apôtres, en en faisant une condition pour
« avoir part avec lui ». Saint Augustin nous donne à contempler l' humilité
du Sauveur :
« Est-il étonnant que celui qui, ayant la forme de Dieu, s ' est anéan
ti lui-même, se soit levé de table et dépouillé de ses vêtements ? Y a-t
il rien d' étonnant à ce qu' il se soit ceint d'un linge, celui qui, prenant
la forme d' esclave, a été trouvé semblable à un homme246 ? Est-il
étonnant qu ' il ait mis de l' eau dans un bassin, pour laver les pieds de
ses disciples, lui qui a répandu son sang sur la terre, pour effacer la
souillure des péchés ? Qu' y a-t-il d' étonnant à ce qu' avec le linge dont
il était ceint, il ait essuyé les pieds qu ' il venait de laver, lui qui, dans la
chair dont il était revêtu, a confirmé tous les dires des évangélistes ? Il
est vrai que, pour se ceindre d'un linge, il quitta les vêtements qu' il
avait, tandis que pour prendre la forme d' esclave au moment où il
s' anéantit lui-même, il ne quitta pas ce qu' il avait, mais il prit ce qu' il
n' avait pas. Pour être crucifié, il fut dépouillé de ses vêtements, et
quand il fut mort on 1' enveloppa dans un linceul. Et toute sa passion a
servi à nous purifier. Avant donc de souffrir les derniers tourments, il
a voulu s' abaisser, non-seulement devant ceux pour qui il allait subir
la mort, mais encore devant celui qui devait le livrer à la mort.
L' humilité est d' une importance si grande pour l' homme, que Dieu
dans sa grandeur a voulu lui en laisser un exemple complet ; car
l' homme aurait péri à j amais victime de son orgueil, si Dieu ne l' avait
sauvé par son humilité. Le Fils de l' Homme est venu chercher et sau
ver ce qui était perdu 247 . Or, l' homme s' était perdu en imitant l' orgueil
de son séducteur ; puisqu' il est retrouvé, qu' il imite l' humilité de son
Rédempteur. » (Saint Augustin) 24 8
L' enseignement conciliaire sur la dignité humaine est donc une nouveau
té dans l' Église. Il s' oppose à l' enseignement antérieur qui insistait sur le
péché, la pénitence et la satisfaction et ne mentionnait la dignité de l' homme
que bien rarement, secondairement : l' homme était d' abord pécheur puis,
245
Mt 1 1 , 29.
246
Ph 2, 6-7 .
247
Le 1 9, 1 0 .
248
Traités sur saint Jean, 5 5 , 7 .
Le péché 1 27
sous un autre aspect seulement, détenteur d' une dignité qui ne trouvait son
accomplissement que dans la grâce et la vie éternelle, et qu' il était à tout
moment en danger de trahir en s 'éloignant de son Sauveur. Quels sont les
présupposés « dogmatiques » qui ont permis à des idées en opposition com
plète avec la doctrine de l ' Église et la spiritualité catholique de s ' imposer ?
Il importe de mettre en évidence l' origine de cet inconcevable renverse
ment, de saisir qu' il est une conséquence immédiate du panthéisme maçon
nique, de la confusion entre la nature et la grâce.
Malgré son orgueil, la créature qui se sait pécheresse et qui sait que sans
son Sauveur elle « ne peut rien faire » est inclinée à l' humilité dont elle voit
l' exemple dans le Christ aux outrages. Le « dieu qui s' ignore » du pan
théisme, qui veut réaliser sa nature divine et se rendre semblable à Dieu, qui
affirme la divinité de sa nature et nie le surnaturel, ne peut qu' exalter sa di
gnité - derrière laquelle se cache probablement l ' orgueil du tentateur. La
spiritualité catholique porte naturellement à l ' humilité ; la négation pan
théiste du surnaturel incline à l' exaltation de la dignité de l' homme.
comme Il l ' a fait pour tous les êtres transitoires, minéraux, plantes et ani
maux. Et cette seule création naturelle, que l' homme partage avec toute la
création, est déj à l' « invitation que Dieu adresse à l ' homme de dialoguer
avec Lui ». La nature, la création exige la grâce.
252 Cf. liturgie de la veillée pascale, Exultet : « qui a mérité d' avoir un si grand Rédemp
teur >>. Note de Jean Paul II.
253 Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p. 1 35 .
1 30 Le crucifiement de saint Pierre
« [ 1 ]1 n' est pas rare qu ' ils signent de leur martyre l' exaltation su
prême de la dignité humaine. » (Jean Paul II, Dominum et vivifican
tem, 60)
« Cette invocation à l' Esprit et par l' Esprit n' est autre qu' une façon
constante de pénétrer dans la pleine dimension du mystère de la Ré
demption, selon lequel le Christ, uni au Père et avec tout homme, nous
communique continuellement cet Esprit qui met en nous les senti
ments du Fils et nous tourne vers le Père. C ' est pour cette raison que
l' Église de notre époque particulièrement affamée d'Esprit parce
qu' affamée de justice, de paix, d' amour, de bonté, de force, de respon
sabilité, de dignité humaine doit se concentrer et se réunir autour de ce
Mystère, en retrouvant en lui la lumière et la force indispensable à sa
propre mission. Si en effet, comme il a été dit précédemment,
l'homme est la route de la vie quotidienne de l' Église, il est nécessaire
que l' Église elle-même soit toujours consciente de la dignité de
l' adoption divine que l' homme obtient dans le Christ par la grâce de
l' Esprit Saint, et consciente de sa destination à la grâce et à la gloire. »
(Jean Paul II, Redemptor hominis, 1 8)
Humanisme
que le fils de la terre se fait plus grand), a absorbé l' attention de notre
Synode.
« Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes moder
nes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez
reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que qui
conque, nous avons le culte de l ' homme. [ . . . ]
« Mais, vénérables Frères et vous tous, Nos chers fils ici présents,
si nous nous rappelons qu ' à travers le visage de tout homme - spécia
lement lorsque les larmes et les souffrances l ' ont rendu plus transpa
rent - Nous pouvons et devons reconnaître le visage du Christ (cf.
Matt., 25 , 40), le Fils de l ' homme, et si sur le visage du Christ nous
pouvons et devons reconnaître le visage du Père céleste : « Qui me
voit, dit Jésus, voit aussi le Père » (Jean, 14, 9), notre humanisme de
vient christianisme, et notre christianisme se fait théocentrique, si bien
que nous pouvons également affirmer : pour connaître Dieu, il faut
connaître l' homme. » (Paul VI, Discours de clôture du concile Vati
can Il)
Le salut universel
« Mais, bien que lui soit « mort pour tous » (2 Co 5 , 1 5), tous ce
pendant ne reçoivent pas le bienfait de sa mort, mais ceux-là seule
ment auxquels le mérite de sa Passion est communiqué. En effet, de
même qu' en toute vérité les hommes ne naîtraient pas injustes s ' ils ne
naissaient de la descendance issue corporellement d' Adam, puisque,
quand ils sont conçus, ils contractent une injustice personnelle par le
fait qu' ils descendent corporellement de lui, de même ils ne seraient
jamais justifiés s ' ils ne renaissaient pas dans le Christ (can. 2 et 1 0),
puisque, grâce à cette renaissance, leur est accordé par le mérite de sa
Passion la grâce par laquelle ils deviennent justes. [ . . ] .
« En effet, bien que personne ne puisse être juste que si les mérites
de la Passion de notre Seigneur Jésus Christ lui sont communiqués,
c' est cependant ce qui se fait dans la justification de 1' impie, alors que,
par le mérite de cette très sainte Passion, la charité de Dieu est répan
due par l' Esprit Saint dans les cœurs (Rm 5 , 5) de ceux qui sont justi
fiés et habite en eux (can. 1 1 ) . Aussi, avec la rémission des péchés,
258 Ici plus qu' ailleurs nous regrettons de ne pouvoir citer l' ouvrage du père de Lubac intitulé
Catholicisme. Notre méthodologie nous impose de nous appuyer principalement sur les textes
du magistère et des cardinaux ayant accédé au suprême Pontificat. L'étude de Lubac aurait
ouvert la boîte de Pandore de la nouvelle théologie, ce que nous ne pouvons envisager pour
conserver à ce travail des dimensions restreintes.
Le salut universel 1 35
l' homme reçoit-il dans la justification même par Jésus Christ, en qui il
est inséré, tous les dons suivants infus en même temps : la foi,
l ' espérance et la charité. [ . . . ]
« Contre les esprits rusés de certains hommes qui, « par de doux
discours et des bénédictions, séduisent les cœurs simples » (Rm 1 6,
1 8), il faut affirmer que la grâce de la justification, qui a été reçue, se
perd non seulement par l' infidélité (can. 27), par laquelle se perd aussi
la foi elle-même, mais aussi par n' importe quel péché mortel, bien
qu' alors ne se perde pas la foi (can. 28). On défend ainsi la doctrine de
la Loi divine qui exclut du Royaume de Dieu non seulement les infi
dèles, mais aussi les fidèles fornicateurs, adultères, efféminés, sodomi
tes, voleurs, avares, ivrognes, médisants, rapaces ( 1 Co 6, 9- 1 0) et tous
les autres qui commettent des péchés mortels dont, avec l' aide de la
grâce divine, ils peuvent s' abstenir et à cause desquels ils sont séparés
de la grâce du Christ (can. 27) . » (Concile de Trente) 2 59
Salut universel
« Mais cette perfection, les prêtres sont tenus de l' acquérir à un ti
tre particulier : en recevant l' Ordre, ils ont été consacrés à Dieu d' une
manière nouvelle pour être les instruments vivants du Christ Prêtre
éternel, habilités à poursuivre au long du temps l' action admirable par
laquelle, dans sa puissance souveraine, il a restauré la communauté
humaine tout entière. » (Vatican Il, Prebyterorum ordinis, 1 2)
« Car le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s ' est lui-même fait
chair, afin que, homme parfait, il sauve tous les hommes et récapitule
toutes choses en lui. » (Vatican II, Gaudium et spes, 45 .2)
« Dans l ' Évangile de saint Jean, l' universalité du salut par le Christ
comprend les aspects de sa mission de grâce, de vérité et de révéla
tion : « Le Verbe est la lumière véritable, qui éclaire tout homme » (cf.
Jn 1 , 9). » (Jean Paul II, Redemptoris missio, 4 et 5)
« En effet, parce que le Christ s ' est uni à elle dans son ministère de
Rédemption, l' Église doit être fortement unie à chaque homme.
« Cette union du Christ avec l ' homme est en elle-même un mystère
dont naît l ' « homme nouveau », appelé à participer à la vie de Dieu,
créé à nouveau dans le Christ et élevé à la plénitude de la grâce et de
la vérité. » (Jean Paul II, Redemptor hominis, 1 8 )
264 Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p. 220 sq. , 230.
Le salut universel 1 39
Salut collectif266
La doctrine de Vatican II considère que l' humanité forme une unité qui
sera sauvée. Ce n' est plus l ' homme individuellement qui croit et auquel les
mérites de la Passion sont appliqués mais l'humanité dans son ensemble
« qui deviendra une offrande agréable à Dieu » (Vatican II) . Il s ' agit bien
entendu d' une doctrine totalement étrangère au catholicisme, condamnée
par les Écritures : « Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta
postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au
talon. » (Gn 3, 1 5) et par les Pères de l' Église : « Deux amours ont donc bâti
deux cités, l' amour de soi jusqu' au mépris de Dieu, la cité de la terre ;
l' amour de Dieu jusqu ' au mépris de soi, la cité de Dieu » 267 . L' origine de ce
corps étranger, inséré avec violence dans la doctrine catholique, ne fait au
cun doute : il s' agit d' une conséquence immédiate de la vision holistique qui
veut croire que « tout est un », d' une déclinaison du panthéisme maçonni
que.
« Si ce que nous avons dit jusqu ' à présent est valable, cela signifie
aussi que la Résurrection, en tant qu' œuvre eschatologique de Dieu,
comporte un caractère cosmique et se rapporte en même temps à
l' avenir, en sorte que la foi chrétienne qui y correspond est une foi
268
Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p . 1 7 1 .
Le salut universel 141
impliquant l' espérance en une promesse dont l' ampleur s ' étend au
cosmos tout entier. Cela signifie également le refus de l ' isolement de
l' homme, la subordination du Je au Nous, l' orientation de l' être chré
tien vers l' avenir tout autant que vers le passé. En essayant d' exprimer
cela d' une façon un peu moins académique, nous dirons : dans la
christologie il ne s' agit pas simplement d' une manière qu ' on pourrait
trouver bien compliquée de libérer l ' individu en tant que tel de son pé
ché. Tout au fond il s ' agit de l ' avenir de l' homme lequel ne peut se ré
aliser que comme avenir de l ' humanité. Il s ' agit de l ' humanité comme
ne pouvant parvenir à être elle-même qu' en se dépassant. Dans la
théologie scholastique tout comme dans la théologie patristique, la
christologie se construit sur deux pôles l ' un situé dans le passé et arti
culé sur la doctrine du péché originel l' autre dans l ' avenir et trouvant
sa constante décision dans la conception biblique de Christ « homme
ultime », c' est-à-dire révélation et prémice de la manière d' être défini
tive de l' homme. Si du premier point de vue il faut dire que le Christ
est nécessaire pour que le fardeau du passé - le péché originel - soit
surmonté, de 1' autre point de vue il faut affirmer : le Christ est néces
saire pour que l' humanité atteigne son avenir, car elle n' est pas capa
ble de le réaliser seule. [ . . . ]
« Et cela signifie d' ailleurs aussi qu ' il faudrait récuser comme in
suffisante toute théologie qui réduirait le salut à une pure subjectivité
non objectivable, alors qu ' il est précisément la libération de
l ' isolement et de la subjectivité et l ' introduction au service de
l' ensemble. » (Cardinal Ratzinger) 269
Le cardinal affirme que « le Christ est nécessaire pour que l' humanité at
teigne son avenir » et qu ' elle ne peut « parvenir à être elle-même qu' en se
dépassant ». Doit-on voir dans ce texte l' affirmation nette de la nécessité de
la grâce ? Ces lignes doivent au contraire se lire dans le contexte des autres
écrits que nous avons cités et dans leur totalité. L' ampleur de la promesse
« s' étend au cosmos tout entier ». La nature exige la grâce, qui n' est certes
pas niée mais découle de l' ordre naturel pour être en quelque sorte natu
relle.
269 Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p. 208 et 209.
27° Karol Wojtyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 206.
142 Le crucifiement de saint Pierre
Salut cosmique
27 1 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 224.
272 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 72.
273 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 253 . Les hommes
sont donc tous sauvés ou tous damnés. Cette dernière hypothèse doit être écartée, le Verbe
s' étant fait chair.
274 Sur le retour à son principe de la créature rationnelle, voir : ST, 1, q. 1 2, a. 1 ; CG, II, 46.
Le salut universel 1 43
« Le Christ élevé de terre a tiré à lui tous les hommes (cf. Jean 1 2,
32 grec) ; ressuscité des morts (cf. Rom 6, 9), il a envoyé sur ses apô
tres son Esprit de vie et par lui a constitué son Corps, qui est l ' Église,
comme le sacrement universel du salut ; » (Vatican II, Lumen gentium,
48)
S ' appuyant sur Lumen gentium, Jean Paul II montre, dans le texte sui
vant, que Vatican II a fait passer d' une eschatologie « individualiste » à une
eschatologie de l' Église, du monde et du cosmos :
275 Voir également : Karol Woj tyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 68.
1 44 Le crucifiement de saint Pierre
276
Jean Paul II, Entrez dans l 'Espérance, op. cit., p. 267 sq.
1 46 Le crucifiement de saint Pierre
tion ne s ' excluent plus mais se confirment ; l' homme en qui l' unité
suprême277 - le « Corps du Christ » comme le dit Paul, ou d' une ma
nière encore plus nette : « Car tous vous ne faites qu' un dans le Christ
Jésus » (Ga 3 , 28) - et l ' individualité suprême coïncident ; l' homme
en qui l' humanité touche son avenir et se réalise pleinement elle
même, parce que par Lui elle touche Dieu-même, participe à Dieu et
parvient ainsi à ce qui fait ses plus intimes possibilités. À partir de
là, la foi verra dans le Christ le commencement d ' un mouvement qui
fait entrer de plus en plus l' humanité divisée dans l' être d'un unique
Adam [Kadmon] , d ' un unique « corps », dans l' être de l' homme à ve
nir. Elle verra dans le Christ le mouvement vers cet avenir de
l' homme, où celui-ci est totalement « socialisé », incorporé à
l' Unique, de telle manière cependant que l' individu n'y soit pas dis
sous, mais parvienne à devenir lui-même.
« Il ne serait pas difficile de montrer que la théologie johannique
va dans le même sens. » (Cardinal Ratzinger) 27 8
277 0 Guénon. Cf p. 7 1 .
�
« Dans la vision des Pères de l ' Église, qui suivent en cela la pensée
biblique, le véritable don consiste dans la réunion de l' homme et de la
Création avec Dieu. Or l ' union avec Dieu n ' a rien à voir avec la des
truction ou l ' amlihilation, mais tient plutôt d ' un mode d' être. Elle im
plique le renoncement à l' état de séparation, à cette apparente auto
nomie qui consiste à vivre uniquement en soi et pour soi. Elle impli
que la perte de soi-même, unique possibilité de se trouver (cf Mc 8,
35 ; Mt 1 0, 39). On comprend alors, avec saint Augustin, que le véri
table « sacrifice » soit la civitas Dei, l' humanité devenue amour, dans
la déification de la Création et l' abandon de toute chose en Dieu.
« Dieu tout en tous » ( 1 Co 1 5 , 28), telle est la finalité du monde et tel
est le but essentiel du sacrifice et du culte. Voilà qui nous permet
d' affirmer que le culte et la Création ont en commun la déification,
l' édification d ' un univers de liberté et d' amour. » (Cardinal Ratzin
ger) 2 8 1
La réalisation
282
Cf Décret sur la justification, ch. 5, can. 3 .
283
Cf Décret sur la justification, ch. 1 6, can. 22.
1 50 Le crucifiement de saint Pierre
2R4 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 40.
La réalisation 151
« La révélation ne s ' arrête donc pas ici parce que Dieu a décidé po
sitivement de l' arrêter, mais parce qu' elle est arrivée à son terme, ou
comme le dit Karl Rahner : « Il n' est plus rien dit de nouveau, non pas
« malgré qu ' il y eût encore beaucoup à dire, mais parce que tout a été
« dit, tout a été donné dans le Fils de l' amour, dans lequel Dieu et le
« monde sont devenus un. »
« En continuant la réflexion dans cette ligne, on découvre encore
un autre aspect. Si, dans le Christ, le but de la révélation et celui de
l' humanité ont été atteints, parce qu' en Lui être Dieu et être homme se
touchent et s' unissent, cela veut dire en même temps que le but atteint
n' est pas une limite rigide, mais un espace ouvert. Car cette union qui
a été réalisée en cet unique point Jésus de Nazareth, doit s' étendre à
l ' « Adam » total et le transformer en « Corps du Christ ». Aussi long
temps que cette totalité n' est pas atteinte, aussi longtemps qu ' elle est
restreinte à un seul point, ce qui s ' est passé dans le Christ reste à la
fois terme et commencement. L' humanité ne peut aller ni plus avant ni
plus haut que le Christ, car Dieu est ce qu' il y a de plus avant et de
plus haut ; chaque progrès apparent au-delà du Christ est une chute
dans le vide. L' humanité ne saurait le dépasser, et en ce sens le Christ
est le terme ; mais elle doit s ' intégrer en Lui, et en ce sens il est seu
lement le véritable commencement. (Cardinal Ratzinger) 2 87
28 5 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 26.
286 Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p . 2 1 1 .
287 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 82.
1 52 Le crucifiement de saint Pierre
288
Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 54 et 1 5 5 .
La réalisation 153
d' une façon que Dieu connaît, l a possibilité d' être associé au mystère
pascal. » (Vatican II, Gaudium et spes, 22)
assignée une fois pour toutes à l' Église dans le cours changeant des
temps, est en même temps s ' avancer vers le Père et vers son amour.
Le Concile Vatican II a confirmé cette vérité pour notre temps.
« Plus la mission de l' Église est centrée sur l ' homme - plus elle
est, pour ainsi dire, anthropocentrique -, plus aussi elle doit s' affirmer
et se réaliser de manière théocentrique, c ' est-à-dire s ' orienter en Jésus
Christ vers le Père. Tandis que les divers courants de pensée, anciens
et contemporains, étaient et continuent à être enclins à séparer et
même à opposer théocentrisme et anthropocentrisme, l' Église au
contraire, à la suite du Christ, cherche à assurer leur conjonction orga
nique et profonde dans l' histoire de l' homme. C ' est là un des princi
pes fondamentaux, et peut être même le plus important, de
l' enseignement du dernier Concile. » (Jean Paul Il, Dives in miseri
cordia, 1 )
La réalisation
Puisque tous les hommes sont déj à justifiés et sauvés par la venue du
Messie, l' Incarnation doit également avoir pour but de leur en faire prendre
conscience. Ils doivent réaliser leur divinité, parvenir à la déification293 .
La doctrine de Vatican II élimine donc le péché, la nécessité du baptême,
le repentir, la crainte de Dieu, la conversion, le passage de l' état de péché
mortel à l' état de grâce, la vie surnaturelle, l' humilité, la pénitence, la répa
ration, la mortification et la sanctification. Autant de mots qui ont pratique
ment disparu du vocabulaire post-conciliaire. L' amour surnaturel de Dieu,
de Notre-Seigneur Jésus-Christ et du prochain, le sacrifice, les mystères de
la Croix et de l' Incarnation, la lutte contre l ' amour-propre, la vie de la
grâce, des vertus infuses et des dons du Saint-Esprit subissent un sort analo
gue. L' homme ne doit plus recevoir le don de la grâce mais réaliser une réa
lité préexistante, naturelle (ou naturellement surnaturelle294 ), parvenir à une
prise de conscience.
La déification est certes le but de notre vie. Mais il s' agit d ' un but surna
turel, qui réclame la grâce, transmise ordinairement par les sacrements, et
qui exige notre participation et notre sanctification295 et non d ' un don fait
indistinctement à chaque homme, quelle que soit sa résistance à la grâce. Le
Père Garrigou-Lagrange décrit la paix surnaturelle que reçoivent ceux qui
s' attachent à Dieu et deviennent un même esprit avec lui :
293 Voir Hans Urs von Balthasar, Liturgie cosmique, op. cit. , ch. Présent et éternité.
294 Cette expression de F. Schuon illustre à merveille les idées gnostiques.
295 Cf Décret sur /a justification, ch. 5, 6, 7 , 1 0, 1 1 , 1 3 , 1 4, 1 6, can. 4, 7, 8 , 9, 20, 24, 26, 3 1 ,
32.
296 Jean, XVII, 22.
297 1 Cor. , VI, 1 7 .
1 56 Le crucifiement de saint Pierre
Saint Jean de la Croix affirme également que l' âme est totalement assi
milée à Dieu, non parce qu' elle lui serait égale, mais parce qu' elle lui est
devenue semblable en tout :
« Sous l' influence de l ' Esprit S aint, cet homme intérieur, c ' est-à
dire « spirituel », mûrit et devient plus fort. [ . . . ]
304 I Jean, III, 2 : « au temps de cette manifestation, nous lui serons semblables, parce que
nous le verrons tel qu'il est ».
305 Jean, XVI, 23.
306 Saint Jean de la Croix, La nuit obscure, Paris, Éditions du Seuil, 1 984, c. 20, p. 1 92 sq.
307 Voir également : Jean Paul II, Rosarium virginis Mariae, 25 .
158 Le crucifiement de saint Pierre
« Grâce à la relation d' intimité avec Dieu dans l' Esprit Saint,
l' homme se comprend également lui-même d' une façon nouvelle, il
comprend sa propre humanité. L' image, la ressemblance de Dieu
qu' est l' homme depuis le commencement est ainsi pleinement réali
sée. » (Jean Paul II, Dominum et vivificantem, 58 et 59)
« [L' homme] doit, pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec tout
son être, il doit « s ' approprier » et assimiler toute la réalité de
l 'Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver soi-même. S ' il
laisse ce processus se réaliser profondément en lui, il produit alors des
fruits non seulement d' adoration envers Dieu, mais aussi de profond
émerveillement pour soi-même. Quelle valeur doit avoir l' homme aux
yeux du Créateur s ' il « a mérité d' avoir un tel et un si grand Rédemp-
308 L' Écriture ne mentionne pas de bien demeuré intact mais, au contraire, un bien perdu et
retrouvé : il « était mort et le voilà revenu à la vie ».
3 09 Voir infra, les textes qui appellent les notes n° 3 1 4 à 3 1 6.
La réalisation 1 59
teur » 3 10 , si « Dieu a donné son Fils » afin que lui, l' homme, « ne se
perde pas, mais qu' il ait la vie éternelle » 3 1 1 ! [ . . . ]
« À toutes les époques, et plus particulièrement à la nôtre, le devoir
fondamental de l ' Église est de diriger le regard de l ' homme, d' orienter
la conscience et l' expérience de toute l ' humanité vers le mystère du
Christ, d' aider tous les hommes à se familiariser avec la profondeur de
la Rédemption qui se réalise dans le Christ Jésus. En même temps, on
atteint aussi la sphère la plus profonde de l ' homme, nous voulons dire
la sphère du cœur de 1' homme, de sa conscience et de sa vie. » (Jean
Paul II, Redemptor hominis, 1 0)
Et encore :
« La fonction royale - munus regale - ce n' est pas d' abord le droit
d' exercer l ' autorité sur les autres, mais de révéler la royauté de
3 1 4 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 59. En note, le car-
dinal cite bien naturellement Rahner.
3 15 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 5 3 .
3 1 6 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p . 1 60.
3 17 Cardinal Woj tyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p . 1 52.
La réalisation 161
l' homme. Cette royauté est inscrite dans l a nature humaine, dans la
structure de la personne. [ . . . ]
« Cette vérité selon laquelle le pouvoir spirituel s ' exerce foncière
ment pour révéler la dignité de l' homme et pour réaliser cette royauté
qui lui vient du Christ, le Bon Pasteur, y trouve sa parfaite confirma
tion. » (Cardinal Wojtyla) 3 1 8
Initiation
« Dans cette étude, nous nous sommes concentrés sur l' analyse de
l' enseignement de Vatican II du point de vue de la formation de la
conscience et des attitudes des chrétiens d' aujourd' hui. Ceci semble
être le point fondamental dans la mise en œuvre du Concile. C' est le
processus d' « initiation » par lequel la conscience conciliaire de
l' Église doit être partagée par tous et chacun et qui occupe donc la
première place dans notre étude. [ . . . ]
« Cet enrichissement de la réalité de l' Église est une initiation
complète, c ' est la maturité de la conscience et des attitudes de tous les
membres du peuple de Dieu. » (Cardinal Wojtyla) 325
C' est ainsi que les initiations païennes peuvent se mélanger aux sacre
ments :
« Dans les pays de mission, outre les éléments d' initiation fournis
par la tradition chrétienne, il sera permis d' admettre ces autres élé
ments d ' initiation dont on constate la pratique dans chaque peuple,
pour autant qu' on peut les adapter au rite chrétien, conformément aux
articles 37-40 de la présente Constitution. » (Vatican II, Sacrosanctum
Concilium, 65)
« "Revêtir le Christ" est sans doute une notion que saint Paul a re
prise au culte des mystères où, dans le rite d' initiation, le néophyte
devait revêtir le masque de la divinité. Chez saint Paul, il ne s ' agit
plus de masque ni de rite mais d ' un processus de transformation, d ' un
renouvellement intérieur de l ' homme, qui vise à faire de lui un autre
Christ et qui contribue à restaurer l' unité de l ' humanité divisée depuis
le Péché originel. Le vêtement liturgique rappelle aux fidèles la voie
3 28 René Guénon, L 'homme et son devenir selon le Vêdanta, op. cit. , p. 20 1 . Citant le Chhân
dogya Upanishad, 6° Prapâthaka, 1 er Khanda, shrutis 4 et 6. Les incises entre parenthèses sont
des commentaires insérés par Guénon dans l e texte qu'i l cite.
329 Karol Wojtyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 26 et 27.
33° Ch. 1, § 1 : « Le mot de Foi dans l a S ainte É criture a plusieurs significations. Ici nous le
prenons pour cette vertu par laque lle nous donnons un assentiment plein et entier aux vérités
révélées de Dieu. Personne ne peut raisonnablement douter que cette Foi dont nous parlons ne
soit nécessaire pour le salut, car il est écri t : Sans la Foi, il est impossible de plaire à Dieu
[Hébr. 1 1 , 6] . En effet, la fin dernière de l ' homme - c ' est-à-dire le bonheur auquel il doit ten
dre - est beaucoup trop élevée pour qu'i l puisse la découvrir par l es seules lumières de son
esprit. Il était donc nécessaire que Dieu Lui-même lui en donnât la connaissance. Or cette
connaissance n'est autre chose que la Foi, par l aquel le, et sans hésitation aucune, nous tenons
pour certain tout ce que l ' autorité de l a Sainte É glise notre mère nous propose comme révélé de
Dieu. Car il est impossible de concevoir le moindre doute sur les choses qui viennent de Dieu,
puisqu' Il est l a Vérité même. De là, il est faci l e de comprendre combien la Foi que nous avons
en Dieu est différente de celle que nous accordons au témoignage des historiens qui nous ra
content des faits purement naturels. »
33 1 Hébr. 1 1 , 6.
1 66 Le crucifiement de saint Pierre
« Grâce à l' ouverture faite par le Concile Vatican II, l' Église et
tous les chrétiens ont pu parvenir à une conscience plus complète du
mystère du Christ, « mystère caché depuis les siècles » en Dieu, pour
être révélé dans le temps - dans l' Homme Jésus-Christ - et pour se ré
véler continuellement, en tout temps. Dans le Christ et par le Christ,
Dieu s ' est révélé pleinement à l' humanité et s' est définitivement rendu
proche d' elle ; en même temps, dans le Christ et par le Christ,
l' homme a acquis une pleine conscience de sa dignité, de son éléva
tion, de la valeur transcendante de l' humanité elle-même, du sens de
son existence. » (Jean Paul Il, Redemptor hominis, 1 1 )
33 2 Rocco Buttiglione, La pensée de Karol Wojtyla, p. 39. Cité par : Abbé Daniel Le Roux,
Pierre m 'aimes-tu ?, Escurolles, Éditions Fideliter, 1 988, p. 63.
333 Occultiste notoire.
334 Ibid.
La réalisation 1 67
vie intérieure de Dieu, telle que nous 1' expose la révélation, avec la
conscience du salut, qui réside dans une participation à cette vie. [ . . . ]
« L' enrichissement de la foi dans la Sainte Trinité, exprimé dans
l' enseignement de Vatican II, est lié à la réalité de la mission des Per
sonnes divines. Cette mission, destinée à l' homme, constitue la réalité
divine de l' Église ; grâce à elle, l' Église porte en elle-même la cons
cience du salut et cherche à la partager avec tout homme, avec toute la
famille humaine. Cette conscience est exprimée par l' une des premiè
res phrases de Lumen Gentium :
« LG 1 335 . . . l' Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le
« sacrement, c' est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l ' union
« intime avec Dieu et de l' unité de tout le genre humain. »
« On peut également dire que cette auto-conscience de 1' Église,
telle que 1' exprime le Concile, est le point de départ de
l' enrichissement de la foi qui unit la réalité divine de la Sainte Trinité
avec la réalité de l' humanité. » (Cardinal Wojtyla) 336
Nous venons de voir que l' homme doit prendre conscience de sa divini
té, de sa participation réelle à la vie trinitaire. Dieu se révèle donc progres
sivement dans sa conscience, en une révélation continue. Il s ' agit d'un illu
minisme qui nie la foi, soumission à l' autorité de Dieu révélant et la rem
place par 1' expérience. La Révélation intérieure, continue, éclot en réalisa
tion. Il s' agit là encore de conséquences directes du panthéisme. Les textes
suivants doivent être lus à cette lumière, en se souvenant que pour les mo
dernistes, la révélation est révélation de la divinité de l' homme, la foi est foi
en la divinité de l' homme. Ce qui jaillit des profondeurs de l' homme, dans
sa conscience, c' est la conscience de cette divinité qu ' il doit progressive
ment réaliser337 .
« Ensuite, la Révélation n' est pas une théorie ou une idéologie, elle
réside en ce que le Fils de Dieu par son Incarnation s' est uni à chaque
homme, qu' il est devenu en tant qu' homme « l' un de nous », en tout
semblable à nous, hormis le péché (He 4, 1 5 ) ». (Cardinal Wojtyla) 33 8
La Révélation n' est· donc pas un dépôt révélé auquel nous devons donner
notre assentiment par la foi. Il nous faut au contraire prendre conscience que
« le Fils de Dieu par son Incarnation s' est uni à chaque homme », prendre
conscience de la Révélation. S aint Pie X condamne ces divagations :
Saint Pie X a insisté sur la confusion entre l ' ordre naturel et l' ordre sur
naturel qui résulte des divagations modernistes. Le premier concile du Vati
can insiste sur le caractère surnaturel de la foi, don de Dieu conforme à la
raison et « nullement mouvement aveugle de l' esprit » :
« La venue de Dieu à l' homme est, d' abord et avant tout, révéla
tion. Le contenu de la révélation, et le but de cette venue qui eut lieu et
continue d' avoir lieu dans le temps, est le salut. La conscience du sa
lut est étroitement liée à la mission du Fils et du Saint Esprit ». (Car
dinal Wojtyla) 340
Le passage en italiques, bien que figurant dans Gaudium et spes 1 6, n' est
pas cité par le cardinal. C ' est pourtant lui qui laisse entendre que la loi
évangélique se révèle dans la conscience et c' est aussi ce passage qui intro
duit la suite, qui décrit l ' amour du prochain (les chrétiens, unis aux autres
hommes, doivent chercher) dont la source est précisément la conscience
(Par fidélité à la conscience) . La « voix [de Dieu qui] se fait entendre »
n' est donc pas seulement la loi naturelle mais aussi la loi nouvelle qui nous
conduit « par l' amour qui est infusé en nos cœurs par la grâce du Christ » 343
« Par son intériorité, il dépasse en effet l ' univers des choses : c' est
à ces profondeurs qu' il revient lorsqu' il fait retour en lui-même où
1 ' attend ce Dieu qui scrute les cœurs et où il décide personnellement
de son propre sort sous le regard de Dieu. » (Vatican II, Gaudium et
spes, 1 4.2)
« Mais c' est par sa conscience que l' homme perçoit et reconnaît
les injonctions de la loi divine [révélée et non naturelle] ; c' est elle
qu' il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités, pour parve
nir à sa fin qui est Dieu. » (Vatican II, Dignitatis humanae, 3)
S aint Pie X, condamnant ces erreurs, énonce explicitement qu' elles dé
passent l' affirmation du droit de la nature à l' ordre surnaturel - puisque la
nature elle-même serait à l' origine du surnaturel. Le saint pape conclut logi
quement que ces hérésies mènent au panthéisme :
3 44 De Revel. , can. m.
La réalisation 1 73
L' É glise,
que l' Église triomphante s ' étend à tout l' univers et en confondant la vie
éternelle et la vie terrestre.
Nous nous bornerons, dans ce chapitre, à mettre en évidence
l' affirmation conciliaire de l' unité spirituelle du genre humain. Les consé
quences temporelles, politiques, sont immédiates : collectivisme, socia
lisme, communisme, mondialisme, totalitarisme - qui ont donc tous la
même origine et sont tous frères, comme l' histoire l ' a prouvé. La vision
holistique, le monisme émanationiste, panthéiste, maçonnique et gnostique
est à la racine de toutes ces utopies meurtrières, à la racine du communisme
et du mondialisme.
Voici un siècle ( 1 884 ), Léon XIII rappelait la haine dont Satan et son
royaume poursuivent l' Église. Cette doctrine est maintenant totalement oc
cultée, ce qui entraîne cette question : se seraient-ils convertis entre temps ?
« Depuis que, par la jalousie du démon, le genre humain s ' est mi
sérablement séparé de Dieu auquel il était redevable de son appel à
l' existence et des dons surnaturels, il s ' est partagé en deux camps en
nemis, lesquels ne cessent pas de combattre, l ' un pour la vérité et la
vertu, l' autre pour tout ce qui est contraire à la vertu et à la vérité. Le
premier est le royaume de Dieu sur la terre, à savoir la véritable Église
de Jésus Christ, dont les membres, s' ils veulent lui appartenir du fond
du cœur et de manière à opérer le salut, doivent nécessairement servir
Dieu et son Fils unique, de toute leur âme, de toute leur volonté. Le
second est le royaume de Satan. Sous son empire et en sa puissance se
trouvent tous ceux qui, suivant les funestes exemples de leur chef et de
nos premiers parents, refusent d' obéir à la loi divine et multiplient
leurs efforts, ici, pour se passer de Dieu, là pour agir directement
contre Dieu.
1 76 Le crucifiement de saint Pierre
« Ces deux royaumes, saint Augustin les a vus et décrits avec une
grande perspicacité [ . . . ] .
« À notre époque, les fauteurs du mal paraissent s' être coalisés
dans un immense effort, sous l' impulsion et avec l' aide d' une Société
répandue en un grand nombre de lieux et fortement organisée, la So
ciété des francs-maçons. Ceux-ci, en effet, ne prennent plus la peine
de dissimuler leurs intentions et ils rivalisent d' audace entre eux
contre l' auguste majesté de Dieu. C' est publiquement, à ciel ouvert,
qu ' ils entreprennent de ruiner la sainte Église, afin d' arriver, si c' était
possible, à dépouiller complètement les nations chrétiennes des bien
faits dont elles sont redevables au S auveur Jésus Christ.
« Gémissant à la vue des maux et sous l' impulsion de la charité,
Nous Nous sentons souvent porté à crier vers Dieu, « Seigneur, voici
« que vos ennemis font un grand fracas, ceux qui vous haïssent ont
« levé la tête. Ils ont ourdi contre votre peuple des complots pleins de
« malice et ils ont résolu de perdre vos saints. Oui, ont-ils dit, venez et
« chassons-les du sein des nations. » (Léon XIII, Humanum genus)
« En assumant la nature humaine c ' est toute l' humanité qu ' il s 'est
unie par une solidarité surnaturelle qui en fait une seule famille ».
(Vatican II, Apostolicam actuositatem, 8)
pour tout l' ensemble du genre humain le germe le plus fort d' unité,
d' espérance et de salut. Etabli par le Christ pour communier à la vie, à
la charité et à la vérité, il est entre ses mains l' instrument de la Ré
demption de tous les hommes, au monde entier il est envoyé comme
lumière du monde et sel de la terre (cf. Mt 5 , 1 3- 1 6) . » (Vatican II,
Lumen gentium, 9)
« Le Fils de Dieu, dans la nature humaine qu ' il s ' est unie, a racheté
l' homme en triomphant de la mort par sa mort et sa résurrection, et il
l ' a transformé en une créature nouvelle (cf. Gal 6, 1 5 ; 2 Cor 5, 1 7 ) .
E n effet, e n communiquant son Esprit à ses frères, qu' il rassemblait de
toutes les nations, il a fait d'eux, mystiquement, comme son Corps.
[. . ]
.
« En effet, plus le monde s ' unifie et plus il est manifeste que les
obligations de l' homme dépassent les groupes particuliers pour
s ' étendre peu à peu à l' univers entier. » (Vatican II, Gaudium . et spes,
30)
348 Voir également la citation du cardinal Ratzinger donnée au chapitre VI, § Initiation, en p.
1 63 sq.
1 80 Le crucifiement de saint Pierre
se dérober. Peut-être est-il bon d' écouter ici les pages par lesquelles,
en 1 93 8 , le père de Lubac ouvrait la porte à une nouvelle concep
tion. » (Cardinal Ratzinger) 349
« En ceci est apparue la charité de Dieu pour nous, que le Fils uni
que de Dieu a été envoyé au monde par le Père pour que, par son In
carnation, il régénérât tout le genre humain, lui procurant la rédemp
tion et le rassemblement en un tout. » (Vatican II, Unitatis redintegra
tio, 2)
« Tout au fond il s' agit de l' avenir de l' homme lequel ne peut se
réaliser que comme avenir de l' humanité. Il s' agit de l' humanité
comme ne pouvant parvenir à être elle-même qu ' en se dépassant.
Dans la théologie scholastique tout comme dans la théologie patristi
que, la christologie se construit sur deux pôles l ' un situé dans le passé
et articulé sur la doctrine du péché originel l' autre dans l' avenir et
trouvant sa constante décision dans la conception biblique de Christ
« homme ultime », c ' est-à-dire révélation et prémice de la manière
d' être définitive de l' homme. Si du premier point de vue il faut dire
que le Christ est nécessaire pour que le fardeau du passé - le péché
originel - soit surmonté, de l' autre point de vue il faut affirmer : le
Christ est nécessaire pour que l' humanité atteigne son avenir, car elle
n ' est pas capable de le réaliser seule. [ . . . ]
« Et cela signifie d' ailleurs aussi qu ' il faudrait récuser comme in
suffisante toute théologie qui réduirait le salut à une pure subjectivité
non obj ectivable, alors qu' il est précisément la libération de
l ' isolement et de la subjectivité et l ' introduction au service de
l' ensemble. [ . . . ]
« Jésus est le Christ. Dieu est homme et avenir de l' homme ; cela
signifie donc être un avec Dieu, et par conséquent être un avec
l' humanité qui sera un homme unique définitif dans l' unité complexe
que crée l' exode de l' amour. » (Cardinal Ratzinger) 350
« Nous savons aujourd' hui plus que j amais que l' existence d'un
chacun touche à cet abîme [l' enfer] ; et comme en définitive
l' humanité est un homme, cet abîme ne concerne pas seulement
l' individu, mais le corps unique de la race humaine en son entier, qui
349 Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p. 5 1 et 52.
35° Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p. 208, 209 et 2 1 1 .
Voir le début de ce texte en page 1 40.
L' Église sacrement 181
« Et parce que c'est l'homme lui-même qui vivra et non pas seule
ment une âme isolée, 1' élément de solidarité communautaire appartient
aussi à l' avenir ; c ' est pour cela que l ' avenir de l ' homme p articu
lier ne sera accompli que lorsque l' avenir de l' humanité le sera égale
ment. » (Cardinal Ratzinger) 352
35 1 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 222.
352 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 253 , 254 et 256.
Voir également la citation de la page 1 82 du même ouvrage donnée chapitre VI, § L' homme
est-il Dieu ?, p. 1 5 1 .
353 Voir également 34.2. La notion de relation j oue un rôle essentiel dans la théologie mo
deme : puisque nous sommes tous Dieu, nos relations sont des relations en Dieu et nous ne
pouvons envisager de rester sans relation avec ce Dieu qui est en autrui. À l' inverse, pour la
théologie catholique et la philosophie de l ' être, la relation n'est qu'un accident de l 'être. Le
Dieu Créateur crée des êtres et des personnes ; le Grand Tout ne connaît que des « parties » en
relation les unes avec les autres. Ces remarques mériteraient d' être développées, touchant à la
base philosophique de tous les totalitarismes.
1 82 Le crucifiement de saint Pierre
« En vertu de la mission qui est la sienne, d' éclairer l ' univers en
tier par le message évangélique et de réunir en un seul Esprit tous les
354 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p . 203 .
355 Sur l' élaboration de ce texte et ses versions successives, voir : Cardinal Ratzinger, Les
principes de la théologie catholique, op. cit. , p. 46 sq.
L' Église sacrement 1 83
« Mais dans l' ensemble, l ' Alliance avec la famille et avec le peu
ple est orientée vers la dernière Alliance avec l' homme, c ' est-à-dire
avec l' humanité entière dans le Fils éternel de Dieu, et celle-ci aura at
teint ses dimensions définitives. [ . . . ]
1 84 Le crucifiement de saint Pierre
L' Église n ' est pas seulement le sacrement universel de l' unité. Si les
hommes sont unis au Christ, ils sont tous sauvés. L' Église, en réalisant leur
unité, réalise d' abord leur salut. L' Église est alors le « sacrement universel
du salut ».
« Le Christ élevé de terre a tiré à lui tous les hommes (cf. Jean 1 2,
32 grec) ; ressuscité des morts (cf. Rom 6, 9), il a envoyé sur ses apô
tres son Esprit de vie et par lui a constitué son Corps, qui est l ' Église,
comme le sacrement universel du salut ; » (Vatican II, Lumen gentium,
48) 360
« Qu ' elle aide le monde ou qu ' elle reçoive de lui, l' Église tend
vers un but unique : que vienne le règne de Dieu et que s ' établisse le
salut du genre humain. D ' ailleurs, tout le bien que le peuple de Dieu,
au temps de son pèlerinage terrestre, peut procurer à la famille hu
maine, découle de cette réalité que l' Église est « le sacrement univer
sel du salut » manifestant et actualisant tout à la fois le mystère de
l' amour de Dieu pour l' homme.
« Car le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s ' est lui-même fait
chair, afin que, homme parfait, il sauve tous les hommes et récapitule
toutes choses en lui. » (Vatican II, Gaudium et spes, 45)
« En effet, parce que le Christ s ' est uni à elle dans son ministère de
Rédemption, l ' Église doit être fortement unie à chaque homme.
« Cette union du Christ avec l ' homme est en elle-même un mystère
dont naît l ' « homme nouveau », appelé à participer à la vie de Dieu,
créé à nouveau dans le Christ et élevé à la plénitude de la grâce et de
la vérité. » (Jean Paul II, Redemptor hominis, 1 8)
« L' Église est sacrement du salut pour toute l' humanité et son ac
tion ne se limite pas à ceux qui acceptent son message. » (Jean Paul II,
Redemptoris missio, 20)
360
Le début de ce paragraphe est cité en page 1 43 , ch. 5 , § Salut cosmique.
1 86 Le crucifiement de saint Pierre
L' É glise du Christ, l ' Église du Dieu vivant et l' Église catholique
La définition conciliaire de l' Église s ' effrite de toute part : elle n' est ni
sainte, ni catholique ; elle est d' origine naturelle et non surnaturelle, liée à la
conscience de la création ; elle ne s ' identifie plus à l' Épouse mystique du
Christ, qui subsiste en elle ; l' Église du Dieu vivant l' englobe. La collégiali
té lui fait perdre sa structure hiérarchique. Elle sera remplacée par le Peuple
de Dieu.
« Donc les Pères conciliaires voulaient dire que l' être de l' Église,
en tant que tel, est une entité plus grande que l' Église catholique ro
maine ». (Cardinal Ratzinger) 362
« Le Concile prend ses distances [ . . . ] d' avec Pie XII (Mystici cor
paris) qui avait dit : l' Église catholique "est" (est) l' unique Corps
mystique du Christ. Dans la différence entre le "subsistit" et l"'est" de
Pie XII se cache tout le problème de l' œcuménisme. » (Cardinal Rat
zinger) 363
« L' Église du Dieu vivant réunit justement en elle ces gens qui de
quelque manière participent à cette transcendance à la fois admirable
et fondamentale de l ' esprit humain, car elle sait que nul ne peut apai
ser les plus profondes aspirations de cet esprit si ce n' est Lui seul : le
364
Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p. 32.
365
L' incise en italiques ne figure pas dans l' original allemand. Voir Le sel de la terre, Avril-
lé, printemps 2006, n° 56, p. 1 53 .
366
Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 244.
367
Dei Verbum, 3 .
368
Le texte anglais porte « preuve ».
1 88 Le crucifiement de saint Pierre
« Ce savoir et cette activité [profanes], même s ' ils ne sont pas ac
compagnés de la conscience de la création et d' une relation consciente
avec le Créateur, constituent déj à une certaine rencontre avec lui - une
rencontre dans le travail de la création et dans son cadre. [ . . . ]
« [L' ] affirmation du travail de la création, qui est à la racine de la
conscience de l' Église, émerge indirectement. L' Église est touj ours
dans le monde et dérive sa conscience du mystère de la création au
quel le « monde » correspond ; et tout le développement du monde,
provoqué par l ' homme, n' est rien d' autre que la manifestation pro
gressive et la révélation de l' œuvre de création de Dieu. [ . . . ]
« Quand nous affirmons que la conscience du fait de la création est
à la base de la conscience que l' Église a d' elle-même, nous pouvons
découvrir les manières d' enrichir la foi soulignées par le Concile
quand il oriente vers la création pour proclamer le Créateur. [ . . . ]
« À cause du travail de la création, la conscience de l' Église est
également, en un sens, conscience du monde et inversement, la cons
cience du monde, pénétrée de la vérité de la création et du Créateur,
devient la conscience de l ' Église dans ses fondements mêmes, sur les
quels nous devons continuer à construire. » (Cardinal Wojtyla) 37 1
Le Peuple de Dieu
Si tous sont Dieu, tous appartiennent au peuple de Dieu qui s ' étend à
toute l' humanité, promise à la gloire, qu' elle en soit consciente ou non. In
versement, si tous appartiennent au peuple de Dieu et sont promis à la
gloire, la nature est gracieuse. La notion de peuple de Dieu dissout le carac
tère hiérarchique de l' Église : un Dieu transcendant institue naturellement
une Église hiérarchique ; un dieu païen, immanent, réclame un peuple hori
zontal, sans hiérarchie, qui procède d' une vision panthéiste et holistique du
monde.
fidèles catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et
finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu ap
pelle au salut. [ . . . ]
« Ainsi, l' unique peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la
terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens, citoyens
d ' un royaume dont le caractère n' est pas terrestre mais céleste. » (Va
tican II, Lumen gentium, 1 3 )
« Ainsi, l ' Église unit prière et travail pour que l e monde entier
dans tout son être soit transformé en peuple de Dieu, en Corps du Sei
gneur et temple du Saint-Esprit, et que soient rendus dans le Christ,
chef de tous, au Créateur et Père de l' univers, tout honneur et toute
gloire. » (Vatican II, Lumen gentium, 1 7)
Est-il besoin de rappeler que ni les Écritures, ni les Pères n' ont jamais
assimilé l' humanité à l' Église ?
« C' est certainement l ' un des grands mérites de Vatican II d' avoir
révélé cette dimension horizontale [du Peuple de Dieu] et d' avoir
donné au concept de Peuple de Dieu une place centrale dans ses en
seignements, pourvu que nous gardions à l' esprit la richesse théologi
que qui lui est propre et qui dérive du fait que le Peuple de Dieu est
contenu dans le Corps Mystique du Christ et vice versa. » (Cardinal
Wojtyla) 376
376 Karol Woj tyla, Sources of Renewal, op. cit. , p . 9 1 . Voir également p . 90.
377 Karol Wojtyla, Sources of Renewal, op. cit. , p . 94 .
37 8 Karol Woj tyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 1 22.
379 Lumen gentium, 4.
1 92 Le crucifiement de saint Pierre
répétons encore une fois cette citation classique, tirée des Pères de
l ' Église et qui forme la clé de voûte de tout Lumen Gentium. Cette
union mystique avec l' unité de la Trinité trouve sa contrepartie dans
1' alliance historique de Dieu avec les hommes, non seulement comme
individus mais aussi comme peuple. » (Cardinal Wojtyla) 3 80
La collégialité
« En ces jours-là, il sortit d' Israël des enfants infidèles qui en en
traînaient beaucoup d' autres en disant : « Allons et unissons-nous aux
« nations qui sont autour de nous ; car, depuis que nous nous tenons
« séparés d' elles, il nous est arrivé beaucoup de malheurs. » (1 Mach
1 , 1 2)
volonté divine ou pour s ' y opposer. L' accent ne doit pas être mis sur la li
berté de conscience de l' homme, évidente, et sans laquelle il ne saurait y
avoir d' acte méritoire, mais sur l 'usage qu ' il doit en faire, sur sa possibilité
d'en abuser. Il faut rappeler à l' homme que la valeur suprême n' est pas sa
liberté, quelque usage qu' il en fasse ; qu' elle doit se conformer à la réalité et
à la vérité révélée. Le fait que l ' homme jouisse de la liberté de conscience
ne signifie pas qu' il ait la liberté d ' en abuser mais bien au contraire qu ' il a
le devoir de se conformer à la Vérité objective qui s ' impose à lui jusque
dans ses ultimes conséquences : le salut ou la damnation. Si l' homme pos
sède donc la liberté de conscience, il a l 'obligation de 1' offrir à Dieu, de
rendre « toute pensée captive pour l' amener à obéir au Christ » (Il Cor 1 0,
5).
La liberté de conscience repose également sur l' illusion qu' il est impos
sible, en matière de religion, de parvenir à des convictions solides. Et il faut
reconnaître que des siècles de propagande révolutionnaire ont considéra
blement obscurci la question.
Or la foi est une vertu surnaturelle, infusée par Dieu dans nos âmes :
382
Et que les versions récentes du Denzinger les omettent pieusement. . . Voir par exemple
Oz n° 3 1 56 sq, 2890 sq, 3683 et en particulier les n° 2730 sq. L' encyclique Providas de Benoît
XIV est passée entièrement sous silence.
Liberté religieuse et œcuménisme 1 95
vée à une infime élite ? Nous serions tentés, à l' inverse, de penser qu' il
s' agit du fondement de bien des croyances : hindouisme, bouddhisme,
taoïsme, animisme, etc. Fondement nulle part caché, si l ' on excepte la chré
tienté où la distinction entre le Créateur et la créature est rigoureusement
maintenue.
Mais a-t-on tiré toutes les conséquences de l' affirmation panthéiste ? Si
Dieu est tout en tous, l ' homme est Dieu qui se réalise. Dieu « a besoin » de
l' homme pour se réaliser, pour prendre conscience de Lui-même 3 84 . Mais
Dieu est également le mal : Il est Lucifer et a besoin de lui pour se connaî
tre. La connaissance intégrale de Dieu exige la connaissance du bien et du
mal 3 8 5 • Rien ne saurait être tenu à l ' écart de Dieu, pas même le mal. Qu' en
est-il alors de la réalisation par l' homme de sa divinité ? La conséquence
inéluctable de tout ceci, que les initiés en soient conscients ou non, qu' ils le
reconnaissent ou non, est que l' homme doit aussi s ' assimiler au diable, lui
aussi divin. L ' esprit recule devant de pareils blasphèmes - qu' il nous fallait
pourtant exposer pour comprendre la racine du secret dont la gnose entoure
son enseignement. La substance de sa doctrine est le panthéisme, qui n' est
guère secret. Ses conséquences intellectuelles inéluctables sont autrement
plus dérangeantes. On comprend que les pratiques qui permettent de les réa
liser véritablement soient tenues secrètes et ne soient dévoilées que fort pro
gressivement. « Tous les dieux des nations sont des démons. » (Ps 96, 5)
La doctrine de l' œcuménisme et de la liberté religieuse, amplifiée par le
dogme maçonnique de l' unité transcendante des religions, serait-elle néan
moins vraie ? La pression ecclésiale, sociale et médiatique qui entoure cette
question nous contraint à y répondre en détail. Nous montrerons donc que
l' œcuménisme nie le contenu et la réalité de la Révélation et s' oppose à la
droite rai son.
L' œcuménisme nie le contenu et la réalité de la Révélation. Car si Dieu,
qui ne saurait ni se tromper ni nous tromper, s ' est révélé aux hommes, cette
Révélation requiert le plein assentiment de notre intelligence. À chaque
page des Évangiles, le Christ exige la foi en Lui : « Celui qui croira et sera
baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné. » (Mc 1 6, 1 6) La
doctrine conciliaire et maçonnique heurte donc le sens obvie des Écritures et
l ' interprétation que, sous l' inspiration du Saint-Esprit, l' Église en a cons
tamment donné pendant deux millénaires. Pourtant la transposition qu' en
fait la thèse de l' unité transcendante des religions serait-elle valide ? Se
3 8 4 Nous évoquerons Hegel dans un prochain chapitre. L' exactitude philosophique et histori
que impose pourtant de relever que les fondements de la pensée de Hegel proviennent tous
d' affirmations maçonniques.
3 8 5 << Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gn 3 , 5)
Liberté religieuse et œcuménisme 1 97
pourrait-il qu' ici comme souvent, l' Écriture doive être interprétée, qu' elle
ne doive pas être prise dans son sens littéral ?
Or l' Écriture insiste à d ' innombrables reprises sur l ' obligation faite à
Israël de ne pas se tourner vers les dieux des nations. N' est-ce pas le pre
mier commandement ? « Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t ' ai fait sortir du pays
d' Égypte, de la maison de servitude. Tu n' auras point d' autres dieux devant
ma face. » (Deut 5, 6-7) Aucune unité transcendante des religions n' est j a
mais mentionnée, bien au contraire : « Vous n' irez point après d' autres
dieux, d' entre les dieux des peuples, qui seront autour de vous. Car Yahvé,
ton Dieu, qui est au milieu de toi, est un Dieu j aloux ; la colère de Yahvé,
ton Dieu, s ' enflammerait contre toi, et il t' exterminerait de dessus la terre. »
(Deut 6, 1 4- 1 5) Il ne reste guère d' autre possibilité que d' affirmer que Dieu
a menti, que ce qu ' Il nous a révélé est inexact - que la Révélation n ' en est
pas une. Or Dieu est la Vérité.
Les religions auraient pu être toutes vraies si elles n' avaient pas toutes
formulé de semblables exigences, ni toutes prétendu à une origine divine. Si
l' une est vraie, toutes les autres sont fausses. Il eût été possible que Dieu se
révélât de diverses manières, s ' Il n' avait affirmé par ailleurs que « Tous les
dieux des nations sont des démons ». Songe-t-on qu' en posant l' unité trans
cendante des religions, on fait de Dieu un menteur mais aussi le fauteur des
guerres de religions ? Que ne pouvait-Il nous enseigner également que tou
tes les religions ne sont que des points de vue, valables mais limités qui,
dans leur vérité profonde, ne se contredisent pas, des darshanas (points de
vue) comme il en existe dans l ' hindouisme et qui coexistent sans se nier ?
Que ne pouvait-Il nous donner la lumière maçonnique ?
Ainsi, soutenir la thèse de l' unité transcend(lnte des religions amène à
prétendre Dieu « homicide et menteur depuis le commencement », affirma
tions qui indiquent suffisamment l ' origine de cette thèse, à nier pratique
ment la Révélation, l' existence d' une vérité révélée, à relativiser l' autorité
de l' Église, à contester son magistère, à vider de leur sens les paroles si clai
res et pressantes du Seigneur, à douter de l ' inerrance des Écritures, à faire
violence à leur sens obvie en affirmant que la vérité leur est opposée, ou
vrant la voie à d' autres « réinterprétations ».
La doctrine maçonnique de l' œcuménisme et sa conséquence, la liberté
religieuse, heurtent également la droite raison. Sans même considérer
l' autorité de Dieu révélant, tous ont toujours compris que le principe de
non-contradiction exige que seule une religion puisse être vraie. Dieu est-il
le Créateur de l' univers ou celui-ci en procède-t-il par émanation ? Les deux
réponses sont inconciliables. Affirmer que Dieu a créé le monde ex nihilo
exclut qu' il émane de Lui et inversement. On ne saurait être catholique et
maçon, hindouiste, bouddhiste, taoïste, etc. Notre-Seigneur Jésus-Christ est
il le Messie, mort sur la Croix ? La pierre d' achoppement interdit que l ' on
1 98 Le crucifiement de saint Pierre
386 É
L' glise a toujours lutté contre l ' esclavage. En Europe, les esclavagistes étaient principa
lement des non-catholiques. Le mouvement d' abolition de l ' esclavage est parti des terres catho
liques.
Liberté religieuse et œcuménisme 1 99
ce que je leur ai dit ; eux ils savent ce que j ' ai enseigné. » (Jn 1 8, 20-2 1 )
« Heureux ceux qui ont un esprit de pauvre, car le Royaume des Cieux est à
eux. » (Mt 5 , 3 ) « Au même moment, il tressaillit de joie par l ' Esprit-Saint,
et il dit : « Je vous bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous
« avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et les avez révélées aux
« simples. Oui, Père, car tel fut votre bon plaisir. » (Le 1 0, 2 1 ) La doctrine
maçonnique suppose que Dieu a volontairement provoqué les conflits reli
gieux quand l' Écriture affirme au contraire qu' ils sont l ' œuvre du démon :
« Tous les dieux des nations sont des démons. » Elle ne fournit aucune justi
fication à cette incompréhensible attitude de Dieu. Elle entre en contradic
tion frontale avec la Révélation : puisque toutes les religions sont vraies,
puisque « L' Incarnation de Dieu-Fils signifie que la nature humaine est éle
vée à l' unité avec Dieu, mais aussi, en elle, en un sens, tout ce qui est
« chair » : toute l' humanité, tout le monde visible et matériel. [Puisque]
L' Incarnation a donc aussi un sens cosmique, une dimension cosmique. »
(Jean Paul II, Dominum et vivificantem, 50) , le monde est divin comme
l' affirme le panthéisme ; notre nature est gracieuse et tous seront, sont sau
vés. La doctrine maçonnique nie aussi les preuves de la religion catholique.
Les conséquences sont réellement dramatiques : négation pratique de la
Révélation ; déconsidération de l' Incarnation et de la Passion de Notre
Seigneur Jésus-Christ ; naturalisme ; refus des trésors inestimables de la
grâce, des dons surnaturels, immérités, que notre nature ne peut en aucune
manière atteindre ni même imaginer. Et par contre orgueil infini d' une misé
rable créature déchue qui ose s ' égaler à Dieu ; orgueil qui se manifeste dans
la vie spirituelle et dans la société. La foi s ' attiédit, l' esprit missionnaire
disparaît, les missions s ' éteignent et les âmes se perdent. « Le contenu du
troisième secret ne concerne que notre foi. L ' identifier avec des annonces
catastrophiques ou avec un holocauste nucléaire, c' est déformer le sens du
message. La perte de la foi d ' un continent est pire que l' anéantissement
d' une nation ; et il est vrai que la foi diminue continuellement en Europe. »
(Monseigneur Amaral, évêque de Fati ma) . Et comment s ' étonner de ces
conséquences dramatiques puisque l' œcuménisme s ' oppose au premier
commandement ?
*
* *
« Syllabus de Pie IX, ou Catalogue d' erreurs qui ont été condam
nées dans différentes déclarations de Pie IX, publié le 8 décembre
1 864. [ . . . ]
« 1 5 . Il est loisible à chaque homme d' embrasser et de confesser la
religion qu' il aura considérée comme vraie en étant conduit par la lu
mière de la raison.
« 1 6. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et ob
tenir le salut éternel dans n' importe quelle religion. » (Pie IX, Sylla
bus)
« proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée. Les
« citoyens ont droit à i' entière liberté de manifester hautement et
« publiquement leurs opinions quelles qu' elles soient, par les moyens
« de la parole, de l' imprimé ou tout autre méthode sans que l' autorité
« civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite ». Or, en don
nant pour certitudes des opinions hasardeuses, ils ne pensent ni ne se
rendent compte qu' ils prêchent « la liberté de perdition » 3 88 , et que
« s' il est permis à toutes les convictions humaines de décider de tout
« librement, il n'en manquera j amais pour oser résister à la vérité et
« faire confiance au verbiage d'une sagesse toute humaine. On sait
« cependant combien la foi et la sagesse chrétienne doivent éviter cette
« vanité si dommageable, selon l' enseignement même de Notre
« Seigneur Jésus-Christ » 3 89 • [ . . . ]
« Au milieu donc d' une telle perversité d' opinions corrompues,
Nous souvenant de Notre charge Apostolique, dans notre plus vive
sollicitude pour notre très sainte religion, pour la saine doctrine, et
pour le salut des âmes à Nous confiées par Dieu, et pour le bien de la
société humaine elle-même, Nous avons jugé bon d'élever à nouveau
Notre Voix Apostolique. En conséquence, toutes et chacune des opi
nions déréglées et des doctrines rappelées en détail dans ces Lettres,
Nous les réprouvons, proscrivons et condamnons de Notre Autorité
Apostolique ; et Nous voulons et ordonnons que tous les fils de
l' Église catholique les tiennent absolument pour réprouvées, proscrites
et condamnées. » (Pie IX, Quanta cura, 5 et 1 4)
Pie XI condamnait déjà ces théories qui s' opposent au premier comman
dement et rappelait ces paroles du Seigneur : « Celui qui croira et sera bap
tisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné ».
« Il faut donc connaître l' état d' esprit des frères séparés. Pour cela,
une étude est nécessaire, et il faut la mener avec loyauté et bienveil
lance. Il est nécessaire que des catholiques bien préparés acquièrent
une meilleure connaissance de la doctrine et de 1' histoire, de la vie spi
rituelle et cultuelle, de la mentalité religieuse et de la culture propre à
leurs frères (séparés). Peuvent y contribuer beaucoup de réunions mix
tes, où, d' égal à égal, on traite en particulier de questions théologi
ques, pourvu que ceux qui y prennent part, sous la vigilance des évê
ques, soient vraiment compétents. De ce genre de dialogue ressort plus
clairement aussi la vraie position de l' Église catholique. » (Vatican II,
Unitatis redintegratio, 9)
Bien loin de chercher à « connaître l' état d' esprit des frères séparés »,
Grégoire XVI condamnait l'erreur et dénonçait les calamités spirituelles et
temporelles qui découlent de 1' indifférentisme :
« Aussi, une fois rejetés les liens sacrés de la religion, qui seuls
conservent les royaumes et maintiennent la force et la vigueur de
1' autorité, on voit 1' ordre public disparaître, 1' autorité malade, et toute
puissance légitime menacée d' une révolution toujours plus prochaine.
Abîme de malheurs sans fonds, qu' ont surtout creusé ces sociétés
conspiratrices dans lesquelles les hérésies et les sectes ont, pour ainsi
dire, vomi comme dans une espèce de sentine, tout ce qu' il y a dans
leur sein de licence, de sacrilège et de blasphème. [ . . . ]
« Nous venons maintenant à une cause, hélas ! trop féconde des
maux déplorables qui affligent à présent l' Église. Nous voulons dire
1' indifférentisme, ou cette opinion funeste répandue partout par la
fourbe des méchants, qu' on peut, par une profession de foi quel
conque, obtenir le salut éternel de l' âme, pourvu qu' on ait des mœurs
conformes à la justice et à la probité. Mais dans une question si claire
et si évidente, il vous sera sans doute facile d' arracher du milieu des
peuples confiés à vos soins une erreur si pernicieuse. L'Apôtre nous
en avertit : « Il n 'y a qu 'un Dieu, qu 'une foi, qu 'un baptême » 390 ;
qu' ils tremblent donc ceux qui s 'imaginent que toute religion conduit
par une voie facile au port de la félicité ; qu 'ils réfléchissent sérieu
sement sur le témoignage du Sauveur lui-même : « qu 'ils sont contre
le Christ dès lors qu 'ils ne sont pas avec le Christ »391 ; qu'ils dissi
pent misérablement par là même qu' ils n' amassent point avec lui, et
que par conséquent, « ils périront éternellement, sans aucun doute,
390 Eph. 4, 5 .
39 1 Le. 1 1 , 23.
206 Le crucifiement de saint Pierre
« s' ils ne gardent pas la foi catholique et s' ils ne la conservent entière
« et sans altération » 3 92. Qu' ils écoutent saint Jérôme racontant lui
même, qu' à l' époque où l' Église était partagée en trois partis, il répé
tait sans cesse et avec une résolution inébranlable, à qui faisait effort
pour l' attirer à lui : « Quiconque est uni à la chaire de Pierre est avec
moi » 3 9 3 • En vain essayerait-on de se faire illusion en disant que soi
même aussi on a été régénéré dans 1' eau, car saint Augustin répondrait
précisément : « Il conserve aussi sa forme, le sarment séparé du
« cep ; mais que lui sert cette forme, s 'il ne vit point de la racine ? » 3 94
« De cette source empoisonnée de 1' indifférentisme, découle cette
maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu' on doit procurer et
garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieu
ses, à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opi
nions qui, pour la ruine de l' Église et de l' État, va se répandant de tou
tes parts, et que certains hommes, par un excès d'impudence, ne crai
gnent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh !
« quelle mort plus funeste pour les âmes, que la liberté de l 'erreur ! »
disait saint Augustin 3 95 • En voyant ôter ainsi aux hommes tout frein
capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu'ils
sont déj à à leur perte par un naturel enclin au mal, c' est en vérité que
Nous disons qu' il est ouvert ce « puits de l 'abîme » 3 96 d' où saint Jean
vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sor
tir pour la dévastation de la terre. De là, en effet, le peu de stabilité des
esprits ; de là, la corruption toujours croissante des jeunes gens ; de là,
dans le peuple, le mépris des droits sacrés, des choses et des lois les
plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus funeste qui puisse rava
ger les États ; car 1' expérience nous l' atteste et 1' antiquité la plus recu
lée nous l' apprend ; pour amener la destruction des États les plus ri
ches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus florissants, il n'a
fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des dis
cours publics, cette ardeur pour les innovations. » (Grégoire XVI, Mi
rari vos)
L' aveu maçonnique qui suit recoupe l' extrait d'Humanum genus que
nous venons de citer. Pie IX et Benoît XIV attribuent également la diffusion
de 1' indifférentisme à la maçonnerie :
397 L'Acacia, mars 1 908. Cité par l ' Abbé Emmanuel B arbier, Les infiltrations maçonniques
dans l'Église, DDB , Lille, 1 9 1 0, p. 1 5 7 . Réédition des Éditions Delacroix.
208 Le crucifiement de saint Pierre
mort, d' oser ou présumer entrer dans ces sociétés, ou les propager, les
entretenir, les recevoir chez soi, les cacher, y être inscrit, agrégé, ou y
assister, et autrement, comme il est exprimé plus au long dans ladite
Lettre.
« Mais comme il s'en est trouvé, ainsi que Nous l' apprenons, qui
n' ont pas craint d' assurer et de publier que ladite peine
d' excommunication portée par Notre prédécesseur comme dessus, ne
frappe plus, parce que la constitution précitée n'a pas été confirmée
par Nous, comme si la confirmation expresse du Pape successeur était
requise pour que des constitutions apostoliques données par un Pape
prédécesseur subsistene98 ; [ ] • • •
« Cependant, pour qu' on ne puisse pas dire que Nous ayons omis
imprudemment quelque chose qui pût facilement ôter toute ressource
et fermer la bouche au mensonge et à la calomnie, Nous, de l' avis de
plusieurs de Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la Sainte Église
Romaine, avons décrété de confirmer par les présentes, la susdite
constitution de Notre prédécesseur, insérée mot à mot, dans la forme
spécifique, qui est la plus ample et la plus efficace de toutes, comme
Nous la confirmons, corroborons, renouvelons de science certaine et
de la plénitude de Notre autorité apostolique, par la teneur des pré
sentes, en tout et pour tout, comme si elle était publiée de Notre propre
mouvement, de Notre propre autorité, en Notre propre nom, pour la
première fois ; voulons et statuons qu'elle ait force et efficacité à
toujours.
« Or, parmi les causes très graves de la susdite prohibition et
condamnation, exprimées dans la constitution rapportée ci-dessus, la
première est que, dans ces sortes de sociétés ou conventicules, il se ré
unit des hommes de toute religion et de toute secte ; d'où l'on voit as
sez quel mal peut en résulter pour la pureté de la religion catholique. »
39 8 Le discours maçonnique n ' a donc pas changé depuis deux siècles et demi.
210 Le crucifiement de saint Pierre
« Mais c' est par sa conscience que l' homme perçoit et reconnaît
les injonctions de la loi divine ; c'est elle qu'il est tenu de suivre fidè
lement en toutes ses activités, pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il
ne doit pas être empêché non plus d' agir selon sa conscience, surtout
en matière religieuse. » (Vatican II, Dignitatis humanae, 3)
d'obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d' aimer et d' accomplir
le bien et d' éviter le mal, au moment opportun résonne dans l'intimité
de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c'est une loi inscrite par
Dieu au cœur de l'homme ; sa dignité est de lui obéir, et c' est elle qui
le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le
sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C' est
d'une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui
s' accomplit dans l' amour de Dieu et du prochain. » (Vatican II, Gau
dium et spes, 1 6)
« Dans les pays de mission, outre les éléments d' initiation fournis
par la tradition chrétienne, il sera permis d' admettre ces autres élé
ments d' initiation dont on constate la pratique dans chaque peuple,
pour autant qu' on peut les adapter au rite chrétien, conformément aux
articles 37-40 de la présente Constitution. » (Vatican II, Sacrosanctum
Concilium, 65)
Ainsi, le scandale d' Assise est une conséquence directe de Vatican II.
Éloge du paganisme
« Cette parabole [du bon Samaritain] est d' une actualité patente. Si
nous la transposons à 1' échelle de la société internationale, nous
voyons que nous sommes concernés par les peuples d' Afrique que
l'on dépouille et que l'on pille. Nous voyons aussi à quel point ils sont
notre « prochain » : notre mode de vie, notre histoire, dans lesquelles
nous sommes nous aussi impliqués, ont concouru et concourent encore
à leur pillage. Et surtout, nous avons par là même blessé leur âme. Au
lieu de leur faire don de Dieu, du Dieu qui en Jésus-Christ nous est
proche, au lieu d' accepter et de parachever tout ce que leurs propres
traditions ont de précieux et de grand [le paganisme et l' invocation des
esprits], nous leur avons apporté le cynisme d'un monde sans Dieu, où
la seule chose qui importe, c' est le pouvoir et le profit. Nous [ ! ] avons
détruit l' échelle des valeurs morales de sorte que la corruption et la
volonté de pouvoir sans scrupule finissent par s'imposer comme des
évidences. Et 1' Afrique n' est pas un cas isolé.
« Bien sûr, il nous faut apporter une aide matérielle et réviser notre
propre mode de vie. » (Benoît XVI) 407 408
Y aurait-il confusion entre l' Épouse mystique du Christ d' une part et la
maçonnerie et le grand capital d' autre part ? Ces reproches étonnent quand
on sait que Vatican II a brisé l'élan missionnaire de l' Église.
409 Jean Paul II, Entrez dans l'Espérance, op. cit., p. 1 36 sq. Voir également Karo1 Wojtyla,
Sources of Renewal, op. cit., p. 1 29, 1 30 et 3 1 1 .
Liberté religieuse et œcuménisme 217
dées comme l' âme de tout l' œcuménisme et peuvent à bon droit être
appelées œcuménisme spirituel. » (Vatican II, Unitatis redintegratio, 7
et 8)
4 1 2 Ou presque, si l ' on veut respecter l ' histoire officielle qui masque parfois des phénomènes
considérables.
4 1 3 Etienne Couvert, De la gnose à l'œcuménisme, Chiré-en-Montreuil, Éditions de Chiré,
200 1 , p. 63 sq.
Le saint sacrifice de la messe 219
d' interprétation ? Il nous faut résumer ici des considérations qui mériteraient
d' amples développements. La doctrine maçonnique, qui est également celle
de Vatican II, confond la nature et la grâce en divinisant la nature. [C]ette «
nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son in
carnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni lui-même à tout
homme. » Pour sa part, Luther confondait la nature et la grâce en détruisant
la nature pour ne plus laisser subsister que Dieu : le péché originel, que le
baptême n' efface pas, a radicalement corrompu l'homme. La nature étant
irrémédiablement blessée, l'homme ne peut faire aucun effort moral. Toute
notre sanctification est l' œuvre de Dieu seul et nous ne pouvons y collaborer
en aucune manière. Les élus sont alors justifiés par la seule grâce de Dieu
qui leur impute la justice du Christ, les revêtant comme d'un manteau de ses
mérites. On arrive ainsi au panthéisme par deux voies opposées : soit en
exaltant et divinisant l'homme, soit en l' abaissant jusqu ' à l' anéantissement.
Il reste pourtant à mentionner que, malgré toutes ces profondes similitu
des, le protestantisme ne peut rendre compte à lui seul de la doctrine de V a
tican II : la confusion entre le Créateur et la créature, le salut universel, le
salut cosmique, l'unité du genre humain, notre grâce naturelle et la dignité
humaine ne peuvent s' expliquer que dans le cadre de la pensée holistique.
Le libre examen protestant ne prendra son ampleur définitive qu' avec la
doctrine conciliaire et gnostique de la révélation intérieure. Ainsi la Ré
forme apparaît comme une simple étape dans la transmutation alchimique
de la chrétienté qui aboutit au concile Vatican II.
Il n' entre pas dans nos intentions d'ajouter aux profondes études sur la
nouvelle messe que d' autres, mieux armés, ont publiées414 . Nous nous
contenterons, dans ce chapitre, d'en rappeler les conclusions bien établies et
de renvoyer à ces ouvrages les lecteurs soucieux d' approfondissement. Nous
nous servirons particulièrement de l' étude publiée par le Fraternité sacerdo
tale saint Pie X intitulée Le problème de la réforme liturgique415. Elle met
en exergue l' une des clefs de compréhension de la nouvelle messe : le
4 1 4 Bref examen critique de la nouvelle messe, présenté à Paul VI par les cardinaux Ottaviani
et Bacci, supplément spécial à lntroibo, n° 95, Angers, association Noël Pinot.
Louis Salleron, La nouvelle messe, Paris, Nouvelles éditions latines, 1 98 1 .
Daniel Raffard de B rienne, Lex orandi, la nouvelle messe et la foi, Lecture et tradition, Chi
ré-en-Montreuil, mai-juin 1 983, n° 1 0 1 .
Monseigneur Marcel Lefebvre, La messe de toujours, Étampes, Clovis, 2005 .
415 Fraternité sacerdotale saint Pie X, Le problème de la réforme liturgique, La messe de Va
tican Il et de Paul VI; Étude théologique et liturgique, Étampes, Clovis, 200 1 .
220 Le crucifiement de saint Pierre
416
§ 7 . Édition originale de 1 969. Voir§ 27 de la rédaction actuelle, où il est dit que la messe
perpétue le sacrifice de la Croix, et non qu' il s' agit du même sacrifice (ST III, q. 83, a. 1 ;
Catéchisme du concile de Trente, ch. XX, § VIII : Le sacrifice de la messe est le même que
celui de la Croix ; Catéchisme de saint Pie X,§ 349). L'identité entre ces deux sacrifices doit
être fortement rappelée pour pouvoir ensuite énoncer sans craindre de mauvaise interprétation
que le saint sacrifice de la messe représente [rend présent] et renouvelle le sacrifice de la
Croix : « il n'y a qu'une seule et même Victime dont l'immolation se renouvelle tous les jours
dans l'Eucharistie» (Catéchisme du concile de Trente, ibid. ) ; « La sainte Messe est le sacrifice
du Corps et du Sang de Jésus-Christ que le prêtre offre à Dieu sur l' autel sous les espèces du
pain et du vin, en mémoire et renouvellement du sacrifice de la Croix. » (Catéchisme de saint
Pie X,§ 348 ; en italiques dans le texte) ; « à l'autel, [ . . . ] le sacrifice de la croix est perpétuelle
ment représenté et renouvelé» (Pie XII, Mediator Dei).
Le saint sacrifice de la messe 22 1
« Lorsqu' on lit dans l' Église la sainte Écriture, c' est Dieu lui
même qui parle à son peuple, et c' est le Christ, présent dans sa parole,
qui annonce l' Évangile. » (lnstitutio generalis, § 9)
« L' Église veut que les fidèles non seulement offrent cette victime
sans tache, mais encore qu' ils apprennent à s' offrir eux-mêmes ».
(lnstitutio generalis, 2007, § 79)
Toute l' assemblée des fidèles s' associe donc au prêtre pour célébrer
l'eucharistie. Ce renversement est particulièrement sensible lors de
l' agenouillement du prêtre, qui a lieu immédiatement après la consécration
dans l' ancien rite tandis qu' il est maintenant repoussé après l' élévation,
après que les fidèles, réunis au nom du Seigneur, l' ont rendu présent (là où
deux ou trois . . . ). De la même manière, le Pater est maintenant récité par
tous, prêtre et fidèles.
Le « mystère pascal »
422 Louis Bouyer, Le mystère pascal, Paris, Les éditions du cerf, 1 957. p. 44, 96, 132, 133,
135, 1 42, 143, 1 86, 190, 1 97 , 222, 3 1 5 , 327, 366, 377.
423 Le problème de la réforme liturgique (p. 55) rappelle la doctrine traditionnelle : « S ' il est
évident que le péché n' enlève rien à la nature de Dieu, il lèse cependant son droit à être adoré
et obéi. » La négation de ce droit révèle une démarche typiquement idéaliste et gnostique.
424 Les confessionnaux sont donc désertés.
425 Le problème de la réforme liturgique, op. cit. , p. 5 8 .
426 Le problème de la réforme liturgique, op. cit. , p. 66.
427 Jean Paul II, Dives in misericordia, no 3 .
42 8 Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique. De la Trinité à la Trinité, Éditions universitai
res, Fribourg, 1 985, p. 635.
224 Le crucifiement de saint Pierre
rassemblé est sacrement de l' Église, qu' il manifeste et rend présent429 • Dieu
se révèle ainsi directement dans la conscience, par 1' expérience et non par la
prédication. Le sacrement est « révélation » de la présence vivante de Dieu.
Il permet de faire une « certaine expérience des vérités de foi ».
« Ainsi que nous l' avons dit, l'une des principales clés de la théo
logie du mystère pascal est le sens qu' elle accorde au mot
« sacrement ». Parce qu' elle le considère comme une réalité qui rend
présent le divin (le « mystère » proprement dit), elle fait du sacrement
le lieu permettant l'expérience de la rencontre avec Dieu. « Signe et
moyen de l' union intime avec Dieu » (Lumen gentium 1 ), le sacrement
nouvellement conçu, centré qu' il est sur le symbole et sur le divin ren
du accessible à l' expérience humaine, reçoit un champ d' application
d' une amplitude jusque-là inconnue. »430
429 On arrive ainsi à affirmer que le Peuple de Dieu est le corps physique et non mystique du
Christ, opinion condamnée par Pie XII dans Mystici Corporis : « tandis qu' ils accordent aux
hommes des attributs divins, ils soumettent le Christ Notre-Seigneur aux erreurs et à l' incli
nation au mal de l'humaine nature.» Voir à ce sujet : Cornelia R. Ferreira et John Vennari,
World Youth Day, From Catholicism to Counterchurch, Toronto, Canisius Books, 2005 , p. 54.
43 0 Le problème de la réforme liturgique, op. cit., p. 1 09 .
43 1 Le problème de la réforme liturgique, op. cit., p. 1 1 4.
Le saint sacrifice de la messe 225
Il nous est maintenant possible d' achever d' établir que les critiques for
mulées contre Vatican II et plus particulièrement par Le problème de la ré
forme liturgique montrent toutes que l'on se trouve en présence d'une ré
forme d' inspiration maçonnique et gnostique. La doctrine de Vatican II est
rigoureusement équivalente au panthéisme ou à l' affirmation que notre na
ture est gracieuse. Si notre nature est gracieuse d'une grâce inamissible43 5 , il
nous faut alors nier la nécessité des sacrements43 6 puisque la grâce, qui nous
serait naturelle, ne pourrait être perdue. Le sacrifice propitiatoire de la
messe, son application à nos âmes et la satisfaction vicaire sont inutiles et le
péché ne nous fait plus perdre l' amitié divine. En sens inverse, si le péché
ne nous fait plus perdre l' amitié divine, notre nature est gracieuse d'une
grâce inamissible. Il en va de même si l'on nie la nécessité de l' application
des mérites de la Passion à nos âmes par le saint sacrifice de la messe ou si
l'on nie la satisfaction vicaire : c'est affirmer que toutes les âmes sont tou
jours en état de grâce, que le péché n' offense plus Dieu, n' entraîne plus de
dette de justice - que notre nature possède une grâce inamissible.
Il en résulte une liturgie de sauvés, une simple action de grâce, un repas
mémorial. Le sacrifice étant gommé, le rôle du prêtre est minoré, simple
président. Toute l' assemblée de sauvés doit participer : « La Cène domini-
432 Odon Casel, Le mystère du culte, Paris, Cerf, collection Lex orandi, 1 964, p. 300.
433 Le problème de la réforme liturgique, op. cit., p. 7 1 sq.
434 Odon Casel, Le mystère du culte, op. cit., 1 964, p. 3 1 9 .
435 S T, 1-11, q. 85, a . 1 .
43 6 ST, III, q . 62.
226 Le crucifiement de saint Pierre
437 Ce glissement du réel vers le spirituel est caractéristique de la gnose. Il explique égale
ment pourquoi on veut affirmer que l' Église du Christ (spirituelle) subsiste dans l ' Église catho
lique (objective).
43 8 Livius, X, 38 ss.
439 Livius, XXXIX, 1 5 , 1 3 . Voir aussi Reitzenstein, Die hellenistischen Mysterienreligionen,
III, p. 1 92.
440 Métamorphoses, XI, 1 5 .
44 1 Initié aux petits mystères.
Le saint sacrifice de la messe 227
notre siècle selon Joseph Ratzinger, la notion de mystère vient des initia
»
également p. 1 08 et 1 23 ainsi que Karol Wojtyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 83, où sont
mis en évidence les liens unissant le mystère pascal et le salut universel.
228 Le crucifiement de saint Pierre
L' initié doit alors réaliser sa divinité, ne plus se contenter de savoir qu'il
est Dieu mais le vivre et l'être véritablement :
Il convient de remarquer que cette réalisation s' effectue par la seule effi
cacité des rites initiatiques45 0 , grâce au sacrement qui rend réellement pré-
445 Odon Casel, Le mystère du culte dans le christianisme, op. cit. , 1 946, p. 25.
446 Odon Casel, Le mystère du culte dans le christianisme, op. cit. , 1 946, p . 21 et 22.
447 Tout l'historicisme est aussi contenu dans ce mot.
448 Odon Casel, Le mystère du culte, op. cit. , 1 946, p. 34.
449 Odon Case1, Le mystère du culte, op. cit. , 1 964, p. 3 1 9.
Le saint sacrifice de la messe 229
« L' organe des mystères, c' est l' action liturgique ; elle est une
coopération à des actes divins. Leur aboutissement, c' est l' union avec
la divinité, la participation à la vie divine. [ . . . ]
« On peut donc définir ainsi le mystère : une action sacrée et
cultuelle, dans laquelle une œuvre rédemptrice du passé est rendue
présente sous un rite déterminé ; la communauté cultuelle, en accom
plissant ce rite sacré, entre en participation du fait rédempteur évo
qué, et acquiert ainsi son propre salut. » (Odon Casel) 45 2
C' est ainsi que l'on retrouve partout sous la plume de Casel les grands
thèmes gnostiques : haine des dogmes, de la connaissance rationnelle et de
la philosophie ; gnose (de la foi) ; expérience directe de divin (illumination).
Il nous faut alors affirmer fortement que la théologie des mystères sur
« »,
core une fois cet article du Credo. Les réflexions précédentes nous ont
pratiquement fourni tous les éléments pour une réponse ; il nous faut
maintenant essayer de les synthétiser. La conscience chrétienne a été
sur ce point très largement marquée, comme nous 1' avons déjà consta
té, par une présentation extrêmement rudimentaire de la théologie de
la satisfaction d' Anselme de Cantorbéry, dont nous avons exposé les
grandes lignes dans un autre contexte. Pour un très grand nombre de
chrétiens, et surtout pour ceux qui ne connaissent la foi que d' assez
loin, la croix se situerait à l'intérieur d'un mécanisme de droit lésé et
rétabli. Ce serait la manière dont la justice de Dieu infiniment offensée
aurait été à nouveau réconciliée par une satisfaction infinie. Aussi la
croix paraît-elle exprimer une attitude de Dieu exigeant une équiva
lence rigoureuse entre le « Doit » et 1' « A voir » ; et en même temps on
garde le sentiment que cette équivalence et cette compensation repo
sent malgré tout sur une fiction. On donne d' abord en secret de la
main gauche ce que 1' on reprend solennellement de la main droite. La
« satisfaction infinie » que Dieu semble exiger prend ainsi un aspect
doublement inquiétant. Certains textes de dévotion semblent suggérer
que la foi chrétienne en la croix se représente un Dieu dont la justice
inexorable a réclamé un sacrifice humain, le sacrifice de son propre
Fils. Et l'on se détourne avec horreur d'une justice dont la sombre co
lère enlève toute crédibilité au message de 1' amour.
« Autant cette image est répandue, autant elle est fausse. La Bible
ne présente pas la Croix comme partie d'un mécanisme de droit lésé ;
la croix y apparaît tout au contraire comme l' expression d'un amour
radical qui se donne entièrement ; c' est un événement dans lequel
quelqu'un est ce qu' il fait, et fait ce qu' il est ; c' est l' expression d' une
vie tout entière pour les autres. [ . . . ]
« [Dans le Nouveau Testament] Ce n' est pas l' homme qui
s' approche de Dieu pour lui apporter une offrande compensatrice,
c' est Dieu qui vient à l' homme pour lui donner. Par l' initiative de la
puissance de son amour, Dieu rétablit le droit lésé, en justifiant
l' homme injuste par sa miséricorde créatrice, en revivifiant celui qui
était mort. Sa justice est grâce ; elle est justice active, qui « réajuste »
l' homme courbé, qui le redresse, le rend droit. Telle est la révolution
que le christianisme a apportée dans l'histoire des religions. Le Nou
veau Testament ne dit pas que les hommes se réconcilient Dieu,
comme nous devrions en fait nous y attendre, puisque ce sont eux qui
ont commis la faute et non pas Dieu. Le Nouveau Testament affirme
au contraire que c' est « Dieu qui, dans le Christ, se réconciliait le
monde » (2 Co 5, 1 9). C' est là quelque chose de vraiment inouï et
nouveau, le point de départ de l' existence chrétienne et le centre de la
Le saint sacrifice de la messe 23 1
théologie néotestamentaire de la croix : Dieu n' attend pas que les cou
pables viennent d'eux-mêmes pour se réconcilier avec Lui, il va au
devant d'eux et les réconcilie. En cela se manifeste la vraie direction
du mouvement de l' incarnation, de la croix.
« Ainsi, dans le Nouveau Testament, la croix apparaît avant tout
comme un mouvement de haut en bas. Elle n' est pas l' œuvre de ré
conciliation que l'humanité offre au Dieu courroucé, mais l'expression
de l' amour insensé de Dieu qui se livre, qui s' abaisse pour sauver
l'homme ; elle est sa venue auprès de nous, et non l' inverse. À partir
de cette révolution dans l' idée d' expiation, et donc dans l' axe même
de la réalité religieuse, le culte chrétien et toute 1 ' existence chrétienne
reçoivent eux aussi une nouvelle orientation. L' adoration dans le
christianisme consiste d 'abord dans l' accueil reconnaissant de l' action
salvifique de Dieu. C' est pourquoi l' expression essentielle du culte
chrétien s' appelle à bon droit Eucharistie, action de grâces. [ . . . ]
« Il est vrai que tout n' est pas encore dit par là. En lisant le Nou
veau Testament du commencement à la fin, on est tout de même obli
gé de se demander si malgré tout il ne décrit pas l' œuvre d' expiation
de Jésus comme un sacrifice offert au Père, si la croix n' est pas pré
sentée comme le sacrifice offert par le Christ à son Père dans
1' obéissance. Dans toute une série de textes, la croix apparaît bien
comme le mouvement ascendant de l'humanité vers Dieu, de sorte que
nous voyons resurgir tout ce que nous venons d' écarter. En effet, avec
la seule ligne descendante, on ne saurait comprendre toutes les don
nées du Nouveau Testament. Mais alors comment concevoir la rela
tion entre les deux lignes ? Faudra-t-il en éliminer une en faveur de
l' autre ? Et si nous voulions le faire, quel critère aurions-nous pour
justifier notre choix ? Il est évident que nous ne saurions procéder ain
si : ce serait prendre arbitrairement notre propre opinion comme cri
tère de la foi. » (Cardinal Ratzinger) 455
Il n' est peut-être pas inutile de rappeler quelques uns des textes de cette
« série » que le cardinal mentionne sans en citer aucun45 6 :
« C'est lui que Dieu a donné comme victime propitiatoire par son
sang moyennant la foi, afin de manifester sa justice, ayant, au temps
de sa patience, laissé impunis les péchés précédents » (Rom 3 , 25)
455 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 97 sq.
45 6 Voir également : 1 Pi 1 , 1 8- 1 9 ; 2, 24 ; Eph 2, 1 4- 1 8 ; 5, 25 ; Mat 20, 28 ; Mc 1 0, 45 ; Jn
1 1 , 50 ; Col l , 1 4-22 ; He 2, 1 7- 1 8 ; 7, 24-27 ; 9, 1 5 ; 9, 24-28 ; 1 0, 9- 1 4 ; Isaïe 53 ; 1 Cor 5, 7 ;
6, 20 ; 7, 23 ; 1 5 , 3 ; Rom 4, 25 ; 5 , 6- 1 0 ; Gal 2, 20 ; Tit 2, 14.
232 Le crucifiement de saint Pierre
« Et cet amour consiste en ce que ce n'est pas nous qui avons aimé
Dieu, mais lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils comme vic
time de propitiation pour nos péchés. » (1 Jn 4, 1 0)
« C' est en lui que nous avons la rédemption acquise par son sang,
la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce » (Eph 1 , 7)
« Lui qui n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré à la
mort pour nous tous, comment avec lui ne nous donnera-t-il pas toutes
choses ? » (Rom 8, 32)
457 On notera en effet la parenté entre les thèses du cardinal et celles des protestants.
234 Le crucifiement de saint Pierre
463 Concile de Trente, 1 4° session, ch. 8 et 9. Canon sur le très saint sacrement de pénitence
na 1 3 . DS 1 689 sq et 1 7 1 3 .
464 ST, III, q. 48, a. 2. DS 539.
465 Il conviendrait d' étudier les liens entre la pensée d' Abélard et celle du cardinal. Cf DS
722 sq.
466 P. Garrigou-Lagrange, L 'Amour de Dieu et la Croix de Jésus, op. cit. , p. 526 sq, pour plu
sieurs textes des grands spirituels sur la Croix.
Le saint sacrifice de la messe 237
qu' il fait, mais comme une faveur signalée qu' il accorde. » (Sainte
Thérèse d'A vila)467
« Par les effets de ces grandes grâces, si vous y avez pris garde,
vous avez déjà sans doute entrevu la fin pour laquelle Notre Seigneur
les accorde à certaines âmes en ce monde ; je crois néanmoins utile
d'en parler ici. Il ne faut point s' imaginer que son dessein soit seule
ment de leur donner des consolations et des délices ; ce serait une
grande erreur ; car la faveur la plus signalée que Dieu puisse nous
faire en ce monde, c' est de rendre notre vie semblable à celle que son
Fils a menée sur la terre. Ainsi, je tiens pour certain qu' en accordant
ces grâces, Notre Seigneur se propose, comme je l'ai quelquefois dit
dans ce traité, de fortifier notre faiblesse, afin de nous rendre capables
d' endurer à son exemple de grandes souffrances. » (Sainte Thérèse
d' Avila) 468
467 Saine Thérèse d' Avila, L e château d e l 'âme, VII demeures, ch. 4. Traduction du Père
Marcel Bouix, s. j .
468 Saine Thérèse d' Avila, Le château de l 'âme, VII demeures, ch. 4. Traduction du Père
Marcel Bouix, s. j .
469 « [La communion] nous amène a u plus intime d u mystère chrétien, d u mystère pascal,
mystère d' unité. [ . . . ] Et qu'est-ce que l' humanité ? C ' est comme un fragment détaché de cette
pensée divine, amené par la création à l'existence distincte, fragment lui-même divisé en autant
de parcelles qu' il s ' y trouve de personnalités différentes, alors que dans le Verbe toutes les
idées divines, encore que distinctes, subsistaient dans une parfaite unité. En outre, par la chute,
ce fragment de la pensée de Dieu a été séparé de cette pensée vivante, laquelle voulait, en
l' unissant dans son exemplaire à l' infinie totalité, l 'unir en lui-même. » Louis Bouyer, Le mys
tère pascal, op. cit. , p. 1 87 et 1 90 sq.
470 Alors que le Seigneur n ' a pas prié pour le monde.
238 Le crucifiement de saint Pierre
En vérité, et même s' ils n'en ont pas conscience, tous les hommes sont
déj à sauvés. La Croix subit une réinterprétation herméneutique. La Passion,
la croix qui nous crucifie, c' est « cette incompatibilité dans notre cœur de
47 1 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 59.
472 Cf Dz. 256 (concile d' Ephèse).
473 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 53 .
Le saint sacrifice de la messe 239
porter à la fois l' amour de la Trinité très sainte et l' amour d'un monde
étranger à la Trinité très sainte », c' est cette « division », cette erreur qui
nous voile l' unité divine. Pour réaliser Dieu et le monde, et avant de parve
nir à la paix de la résurrection, l' homme doit passer par « l' exode du
"pour" » qui sera source de grandes croix et qui est également « le vrai fon
dement d'une dévotion authentique envers la Passion ».
« Or, dans la mesure où cet exode de l' amour est l' « ec-stase » de
l' homme hors de lui-même, une extase où il se trouve tendu en avant
infiniment au-delà de lui-même et comme écartelé, attiré bien au-delà
de ses apparentes possibilités de développement, dans cette mesure-là
l' adoration (le sacrifice) est en même temps croix, souffrance du dé
chirement, mort du grain de blé, qui ne peut porter du fruit qu' en pas
sant par la mort. » (Cf supra)
475 Voir en particulier les très éclairantes études de Monsieur l ' abbé Jean-Michel Gleize, dans
La religion de Vatican Il, Études théologiques, Premier symposium de Paris, 4-5-6 octobre
2002, Éditions des Cercles de Tradition de Paris, 2003 , p. 206 sq et 2 1 8 sq.
« Pour que l' oblation, par laquelle dans ce sacrifice ils offrent au
Père céleste la divine victime, obtienne son plein effet, il faut encore
que les chrétiens ajoutent quelque chose : ils doivent s' immoler eux
mêmes en victimes. Cette immolation ne se réduit pas seulement au
sacrifice liturgique. Parce que nous sommes édifiés sur le Christ
comme des pierres vivantes, le prince des apôtres veut, en effet, que
nous puissions, comme « sacerdoce saint, offrir des victimes spirituel
les agréables à Dieu par Jésus-Christ » ( l P 2, 5) ; et l' apôtre Paul, par
lant pour tous les temps, exhorte les fidèles en ces termes : « Je vous
« conjure donc, mes frères. . . d' offrir vos corps en hostie vivante,
« sainte, agréable à Dieu : c' est là le culte spirituel que vous lui
« devez » (Rm 1 2, 1 ) . Mais lorsque les fidèles participent à l' action li
turgique avec tant de piété et d' attention qu' on peut dire d'eux :
« Dont la foi et la dévotion te sont connues » (Missale Rom., Canon
Missae ), alors il est impossible que leur foi à chacun n' agisse avec
plus d' ardeur par la charité, que leur piété ne se fortifie et ne
Le saint sacrifice de la messe 243
réinterprété ; son rôle n' est plus alors de représenter et de renouveler le sa
crifice de la Croix mais d' aider tout un chacun à prendre conscience de son
L' accent mis sur les Écritures contribue également à amoindrir les diffé
rences hiérarchiques, tout fidèle pouvant maintenant annoncer la Parole,
sacrement du Christ qu' elle rendrait réellement présent ; et à atténuer le ca
ractère de représentation et de renouvellement du sacrifice de la Croix inhé
rent à la messe. Voir à ce sujet :
Le problème de la réforme liturgique, op. cit. , p. 78.
Karol Wojtyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 3 7 0 et 37 1 .
Vatican II, Lumen gentium 5 , 1 1 ; Sacrosanctum concilium 1 06, 1 09 ;
Presbyterorum ordinis 4, 1 8 ; Optatam tatius 4.
Que s' est-il passé depuis l' époque où l'on pouvait écrire comme d' une
évidence : « La Gnose, où le ministère prophétique du Christ constituait le
principal de son action salutaire, se disqualifiait assez par l' ensemble de sa
christologie pour ne pas apparaître comme un danger spécial en matière de
rédemption. » (DTC, art. Rédemption, col 1 9 1 6) ?
Le saint sacrifice de la messe 245
480 « Quand nous analysons « l' attitude liturgique » [active] qui fut
définie avec tant de soins lors du Concile, nous devons nous souvenir
que la base et la motivation de cette attitude spirituelle est la cons
cience de la rédemption [universelle et de la rédemption du monde]
comme réalité continuellement présente dans le sacerdoce du Christ,
auquel tout le Peuple de Dieu a part grâce aux sacrements de l' Église :
« Le caractère sacré et organique de la communauté sacerdotale
« entre en action par les sacrements et les vertus. » (Lumen gentium,
1 1 ) » (Karol Wojtyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 97)
« Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des
célébrations de l' Église, qui est « le sacrement de l' unité », c' est-à
dire le peuple saint réuni et organisé sous l' autorité des évêques. [ . . . ]
« Chaque fois que les rites, selon la nature propre de chacun, com
portent une célébration commune avec fréquentation et participation
246 Le crucifiement de saint Pierre
dium et spes, 1 4)
gogue, qui n' est plus un enseignant, est de développer l' intuition de
l' apprenant. À l' inverse, si l'homme n' est qu'une créature déchue, il lui
faut, par un laborieux apprentissage, s' extraire de l' animalité et s' élever
progressivement avec l' aide de ses maîtres qui l'instruisent et lui transmet
tent l'héritage et le trésor de la société et des siècles précédents. Les raisons
profondes de l' opposition radicale entre intuition et instruction en matière
pédagogique apparaissent alors clairement. Comme toujours, l' utopie abou-
248 Le crucifiement de saint Pierre
on entend 1' écho de ces paroles de révolte qui retentissent au travers des
siècles depuis le commencement : « Vous serrez comme des Dieux », « Je
ne servirai pas », « Je m'égalerai au Très-Haut ».
Le sacerdoce commun des fidèles manifeste également l'unité (divine)
du genre humain, la divinité de l'homme et la vérité de la vision holistique.
Car l' Église est le sacrement de l'unité du genre humain et l' assemblée des
fidèles le sacrement de l' Église. L' assemblée manifeste donc l' Église qui
manifeste elle-même le mystère de l' unité du genre humain. On passe ainsi
du prêtre à l' assemblée puis à tous les hommes et au monde entier.
On retrouve tous ces éléments dans le texte de Lumen gentium qui défi
nit le sacerdoce commun des fidèles (avant même le sacerdoce hiérarchique,
montrant la dépendance de ce dernier par rapport au premier). On notera
tout particulièrement l' imbrication des thèmes du sacerdoce commun des
fidèles et de la Rédemption universelle :
« Ceux, en effet, qui croient au Christ, qui sont « re-nés » non d'un
germe corruptible mais du germe incorruptible qui est la parole du
Dieu vivant (cf. ! Pierre 1 , 23 ), non de la chair, mais de l' eau et de
l'Esprit-Saint (cf. Jean 3 , 5-6), ceux-là deviennent ainsi finalement
« une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que
« Dieu s' est acquis, ceux qui autrefois n' étaient pas un peuple étant
« maintenant le peuple de Dieu » ( ! Pierre 2, 9- 1 0) .
« Ce peuple messianique a pour chef le Christ, « livré pour nos
péchés, ressuscité pour notre justification » (Rom 4, 25) possesseur
désormais du Nom qui est au-dessus de tout nom et glorieusement ré
gnant dans les cieux. La condition de ce peuple, c'est la dignité et la
liberté des fils de Dieu, dans le cœur de qui, comme dans un temple,
habite l'Esprit-Saint. Sa loi c' est le commandement nouveau d' aimer
comme le Christ lui-même nous a aimés (cf. Jean 1 3 , 34). Sa destinée
enfin, c'est le royaume de Dieu, inauguré sur la terre par Dieu même,
qui doit se dilater encore plus loin jusqu'à ce que à la fin des siècles, il
reçoive enfin de Dieu son achèvement, lorsque le Christ notre vie sera
apparu (cf. Col. 3 , 4) et que « la création elle-même sera affranchie de
« l' esclavage de la corruption pour connaître la glorieuse liberté des
« enfants de Dieu » (Rom. 8 , 2 1 ) . C'est pourquoi ce peuple messiani-
Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en
lui. » (Jn 6, 54-56)
Historicisme,
histoire du salut
et « tradition vivante »
ertains regretteront sans doute, et une fois encore avec raison, que
C nous n' ayons pas construit notre ouvrage autour de la question de
l'historicisme, théorie qui affirme que Dieu se réalise dans l'histoire. Re
marquons d' abord que panthéisme et historicisme sont deux aspects d'une
même erreur, l'un se rapportant à l' espace et l' autre au temps - se rappor
tant tous deux à la créature confondue avec le Créateur. Si le monde est (en)
Dieu, Dieu se réalise dans le temps. Inversement, si l'histoire est le proces
sus par lequel Dieu parvient à l' autoconscience de Lui-même, le monde est
divin. Mais la raison principale pour laquelle nous avons choisi d' édifier ce
travail autour du panthéisme, autour de la confusion entre la nature et la
grâce, tient à ce que le cardinal Siri, dans son remarquable ouvrage Gethsé
mani, dont nous recommandons vivement la lecture, nous a largement de
vancé et nous aurait contraint à de nombreuses redites. Par ailleurs, une
étude sérieuse de l'historicisme amène nécessairement à traiter de Hegel et
de Rahner de manière approfondie, ce que la méthodologie retenue pour ce
travail ne nous permettait pas, exigeant que nous ne considérions que les
textes incontestables du magistère et des autorités maçonniques. Enfin,
l'historicisme débouche naturellement sur le communisme et sur
l' évolutionnisme, forme modernisée du panthéisme qui nie au moins impli
citement la création.
Sous sa forme la plus radicale, l ' historicisme affirme que Dieu se réalise
dans le temps, parvient à l' autoconscience par un processus historique. Il ne
nous semble guère utile d' insister sur le fait que cette thèse, conséquence
immédiate du panthéisme, nie l' éternité et l' immutabilité de Dieu et ne sau
rait avoir aucune place dans le catholicisme : « Je suis celui qui suis. » (Ex
3, 1 4) « Avant qu'Abraham fut, Je suis. » (Jn 8, 58) La seule question qui
subsiste est celle de la création. Comment un Dieu éternel, immuable, peut
Il créer, ce qui semble impliquer une mutation au sein même de l'immuable
éternité ? Nous rappelons, dans le paragraphe suivant, la réponse que la
théologie catholique apporte à cette question.
Historicisme 253
Dieu et le temps
« Nous n' avons pas à prouver l' immutabilité [de Dieu] en général,
cf. Petau De Deo, 1. Ill, c. 1, in-fol., Venise, 1 745 , t. 1, p. 1 23 sq., mais
à expliquer seulement que la création temporelle du monde ne saurait
lui porter préjudice en rien. Ibid. , c. II , p. 1 29 sq. L' objection est née
dans 1' antiquité avec la philosophie plus profonde des Eléates et de
Platon, dès que l'on commença à chercher la raison du mouvement,
non dans le mouvement lui-même, mais dans l' immobile et le parfait.
L' Être premier, qui seul est vraiment, est immuable, dit Platon. Timée,
38 a, édit. Didot, t. II , p. 209 . C'est la pensée qu' Aristote développera
dans la théorie de l' acte pur. Mais cette immobilité de l' infini l' arrête
dès qu' il s' agit de déterminer si l' Être premier est cause efficiente,
comme il est cause finale, et la question du commencement temporel
du monde lui semble insoluble. Topicorum, 1. 1, c. x, édit. Didot, t. 1, p.
1 79. Il penche visiblement pour l' éternité du monde, et le néoplato
nisme marche sur ses traces en affirmant catégoriquement son éternité
et sa nécessité. [ . . . ]
« Grave en soi, la difficulté présente a donc été sentie plus vive
ment par les plus grands philosophes. Le panthéisme gnostique, avec
ses émanations successives, le stoïcisme et l' atomisme épicurien, cf.
Origène, Cont. Cels., 1. IV, n. 14, P. G., t. XI , col. 1 045 , le monisme
contemporain avec son évolution de l' idée ou de la matière seraient
mal venus à la faire valoir. Pour résoudre le problème du mouvement,
ils l' exaspèrent : dire que le mouvement est nécessaire, c'est affirmer
que le changement est l'expression de la nécessité. La contradiction
semble un peu forte. Essayons de montrer, pour justifier la solution
chrétienne, que le mouvement peut exister par Dieu, sans être en
Dieu.
« L' objection est à double face : si la création temporelle entraîne
quelque nouveauté en Dieu, l' être premier change ; il n' est par consé
quent ni nécessaire, ni infini. Si elle ne suppose rien de nouveau,
comment expliquer qu' elle n' est pas éternelle comme le créateur ?
« 1 Nul changement moral en Dieu.
o - La forme la plus commune
de l' objection est la suivante : qu'est-ce que ce Dieu qui sort tout à
coup de son oisiveté, à qui il prend soudain la fantaisie de créer des
mondes ? Mais elle procède en somme d'un anthropomorphisme in
conscient. Le rationalisme de tous les temps, très prompt à dénoncer
ce vice dans les solutions qu' il combat, est souvent moins frappé de la
part qu' il occupe dans les objections qu' il soulève. Celle-ci vient de ce
qu' on se représente l' activité divine sur le même type que la nôtre,
quia quidquid novi faciendum venit in mentem novo concilia fa-
254 Le crucifiement de saint Pierre
488
Parce qu' ils agissent en vertu d'un nouveau dessein chaque fois qu'ils font quelque chose
de nouveau.
Historicisme 255
l' action, Dieu est simple et son essence est son action, c' est-à-dire que
la réalité infinie de son être équivaut, dans son immobilité, à toute
l'efficacité des mouvements et agitations par lesquels nous agissons,
sans « mise en train qui complète sa puissance, et, quand il agit, sans
»
489 Ceci peut être mieux compris si l'on contemple ces deux choses . . . comme il est le plus
parfait, tout ce qui est parfait lui est attribué ; comme il est le plus simple, aucune diversité ne
peut se présenter en lui.
490 Article Création, col. 2 1 36 sq. Voir également col. 2 1 38 .
256 Le crucifiement de saint Pierre
Hegel
Nous serons donc très bref sur Hegel. L' étude de son influence sur Rah
ner et son élève, le jeune professeur Ratzinger, mériterait un fort travail -
qui mettrait en évidence la généalogie des idées gnostiques : maçonnerie,
puis Hegel, Rahner, Vatican II et ses suites49 1 • Ce bref paragraphe décevra
donc certains ; il est des questions fondamentales que nous ne pouvons
aborder, tout en reconnaissant que ce silence nuit gravement à la compré
hension d'ensemble du phénomène conciliaire et révolutionnaire, voire à
une juste appréhension de l' actualité la plus immédiate. Nous ne présente
rons que quelques textes de Hegel - parfaitement représentatifs de ses idées
- et qui donnent un simple aperçu de sa pensée panthéiste, maçonnique et
gnostique dans laquelle on trouve les principaux thèmes conciliaires.
Hegel franc-maçon
49 1 Notre intention n' est pas, dans ce paragraphe, d' établir les voies par lesquelles l ' influence
maçonnique est parvenue j usqu'au concile Vatican Il. Nous ne pouvions traiter de
l 'historicisme, de la maçonnerie, du panthéisme, de Benoît XVI et de Vatican II en omettant de
mentionner les liens qui unissent Hegel et la maçonnerie.
492 Hans Küng, Incarnazione di Dio, Queriniana, Brescia 1 972, pp. 643-644. Cité par le car
dinal Siri, Gethsémani, op. cit. , p. 72, 73.
Historicisme 257
Il s' agit d'un thème gnostique par excellence, que l'on retrouve dans la
maçonnerie, la cabale, le taoïsme, le bouddhisme, etc. En le reprenant, He
gel signe incontestablement l'origine de ses idées. Nous en produirons bien
d' autres preuves.
493 Eleusis. Cité p ar Jacques D'Hont, Hegel secret, Paris, puf, 1 986, p. 27 1 sq, 274.
494 Eleusis. Cité par Jacques D' Hont, Hegel secret, op. cit. , p. 257 .
495 Eleusis. Cité par Jacques D' Hont, Hegel secret, op. cit. , p. 254.
258 Le crucifiement de saint Pierre
« Or, cet être pur est abstraction pure, partant l ' absolument-négatif
qui, pris pareillement en son immédiateté, est le néant. [ . . . ]
« Il s'en est ensuivi la deuxième définition de l' absolu, à savoir
qu' il est le néant ; en fait, elle est contenue dans ce qu'on énonce lors
qu' on dit que la chose-en-soi est ce qui est indéterminé, absolument
sans forme et par là sans contenu ; - ou encore que Dieu est seulement
l ' Être suprême et rien d' autre en plus, car en tant que tel il est exprimé
comme exactement la même négativité ; le néant dont les Bouddhistes
font le principe de tout ainsi que l'ultime but final et terme de tout, est
la même abstraction. [ . . ] .
Hegel ajoute lui-même, lucide : « Cela n' exige pas une grande dépense
d' esprit, de tourner en ridicule la proposition qu' être et néant sont la même
chose ». Nous nous en abstiendrons donc.
Dualisme
« Pour l' Esprit, [1' évolution] constitue une lutte dure, infinie,
contre lui-même. Ce que l'Esprit veut, c'est atteindre son propre
concept ; mais lui-même se le cache, et dans cette aliénation (Ent
fremdung) de soi-même, il se sent fier et plein de joie.
« De cette manière, l' évolution n'est pas une simple éclosion sans
peine et sans lutte, comme celle de la vie organique, mais un travail
dur et forcé sur soi-même. » (Hegel)497
« L' homme n' est vraiment homme que lorsqu' il connaît le bien et,
par suite, son opposé, que lorsqu' il s'est divisé à l' intérieur de lui
même. Il ne peut en effet connaître le bien que lorsqu' il connaît aussi
le mal. C' est pourquoi l'état paradisiaque n' est pas un état parfait. »
(Hegel)498
496 G.W.F. Hegel, La science de la logique, Paris, Vrin, 1 970, p . 349 sq.
497 Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit. , p. 1 80.
498 Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit. , p. 252.
Historicisme 259
Panthéisme
« L 'Esprit du Monde ( Weltgeist) est l' Esprit de l' Univers tel qu' il
s' explicite dans la conscience humaine. Entre lui et les hommes, il y a
le même rapport qu' entre les individus et le Tout qui est leur subs
tance. Cet esprit du Monde est conforme à l' Esprit divin, lequel est
l' Esprit absolu. Dans la mesure où Dieu est omniprésent, il existe dans
chaque homme et apparaît dans chaque conscience : c' est cela l'Esprit
du Monde. (Hegel) 5 00
»
Historicisme
même et qui explicite son être unique dans la vie de l'univers (l'Esprit
du Monde est l'Esprit en général). (Hegel i04
»
« L'Esprit n' est pas un être naturel, comme l' animal qui est ce
qu' il est immédiatement. L' Esprit se produit lui-même, il se fait lui
même ce qu' il est. Son être n'est pas existence en repos, mais activité
pure : son être est d' avoir été produit par lui-même, d'être devenu
pour lui-même, de s'être fait par soi-même. Pour exister vraiment, il
faut qu' il ait été produit par lui-même : son être est le processus abso
lu. Ce processus, médiation de lui-même avec lui-même et par lui
même (et non par un autre) implique que l'Esprit se différencie en
Moments (Momente) distincts, se livre au mouvement de diverses fa
çons. Ce processus est aussi, essentiellement, un processus graduel, et
l'histoire universelle est la manifestation du processus divin, de la
marche graduelle par laquelle l'Esprit connaît et réalise sa vérité. Tout
ce qui est historique est une étape de cette connaissance de soi. Le de
voir suprême, l'essence de l'Esprit, est de se connaître soi-même et de
se réaliser. [ . . . ]
« L'histoire universelle est la manifestation du processus divin ab
solu de l' Esprit dans ses plus hautes figures : la marche graduelle par
laquelle il parvient à sa vérité et prend conscience de soi. (Hegel) 505
»
(Hegel) 5 07
504
Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit. , p. 49 sq. Voir également p. 52.
505
Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit. , p. 97.
506
Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit. , p. 75 sq. Voir également p. 67 .
L' historicisme mène naturellement à l'évolutionnisme, autre forme de panthéisme : voir p. 1 79
et 1 82.
507
Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit. , p. 7 1 .
Historicisme 26 1
Réalisation
« L' homme ne doit pas seulement connaître tout cela ; il doit aussi
se connaître lui-même et acquérir la claire conscience de son unité
originelle vers l'Esprit universel. (Hegel) 5 09
»
Spiritualité globale
« Pourtant son but est de se connaître et [l' Esprit] n' aspire qu' à
connaître lui-même c e qu' il est e n soi e t pour soi : à s e manifester
dans le monde sensible tel qu' il est vraiment pour soi, - à produire un
monde spirituel qui soit adéquat à son concept, à accomplir et réaliser
sa vérité, à produire une religion, un État qui correspondent à son
concept, en sorte qu' il soit en vérité soi-même ou l'Idée de soi-même,
car l' Idée est la réalité qui n' est qu' un miroir, une expression du
Concept. » (Hegeli 10
Historicisme
508 G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l 'Esprit, Il, op. cit. , p. 883. Exceptionnellement, dans
cette citation, les passages entre crochets [ ] ont été insérés par le traducteur de Hegel et non
par cet auteur.
509 Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit. , p. 1 50.
51 0 Georg Hegel, La raison dans l 'Histoire, op. cit., p. 82 sq.
262 Le crucifiement de saint Pierre
511
L' être même subsistant.
512
Cardinal Wojtyla, Le signe de contradiction, op. cit. , p. 37.
Historicisme 263
5 1 3 En avant.
5 1 4 Voir Aristote, Politique, 1 325b, 28 et Métaphysique, 1 074b, 2 1 -35.
5 1 5 Cardinal Ratzinger, Les principes de l a théologie catholique, op. cit. , p . 206.
264 Le crucifiement de saint Pierre
5 16 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 25 et 1 26.
5 17 Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p . 1 4 et 25.
Historicisme 265
C' est ainsi que le cardinal Ratzinger est amené à se distancer des thèses
de Hegel parce que, selon lui, elles séparent l' ontologie et l'histoire,
5 18 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 259 et 260.
5 1 9 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 255 .
52° Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p. 2 1 1 sq.
266 Le crucifiement de saint Pierre
Bien plus que d' idées protestantes, il s ' agit des processions gnostiques et
du plérôme originel, conséquences immédiates du panthéisme.
Ce Dieu inséré dans le temps pourra donc souffrir ; c' est ce qui ressort,
malgré les précautions rhétoriques, de l' enseignement de Jean Paul II :
péché même « de ne pas avoir cru » , 1 ' Esprit fait croître à un degré
-
La tradition vivante
« 2 1 . La Révélation, qui est l' objet de la foi catholique, n'a pas été
achevée par les apôtres.
« 22. Les dogmes que l' Église présente comme révélés ne sont pas
des vérités descendues du ciel, mais une interprétation de faits reli
gieux que 1' esprit humain s' est donnée par un laborieux effort. »
(Saint Pie X, Lamentabili)
Le serment antimoderniste que les prêtres ont dû prêter n' était-il donc
motivé que par des détails ?
« La venue de Dieu parmi les hommes est, d' abord et avant tout,
Révélation. Le contenu de la Révélation, et le but de cet Avent qui eut
lieu dans le temps et qui continue d'y avoir lieu, est le salut de
l' homme. » (Cardinal Wojtyla) 5 3 2
53° Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction sur la vocation ecclésiale du théolo
gien.
53 1 Joseph Ratzinger, Église et théologie, Paris, Marne, 1 992, p. 90 sq.
532 Karol Wojtyla, Sources of Renewal, op. cit. , p. 1 59.
Historicisme 27 1
créatrice » n'a été possible que sous la forme d'un accueil de révéla
tion. Le processus de création est d' ailleurs toujours un processus
d' accueil [qui va donc jusqu'à forger des éléments essentiels de la Ré
vélation tels le nom et l' image de Dieu] .
« De nos jours, se dessine à nouveau une forte présomption pour
attribuer cette création à Moïse, qui apportait ainsi un nouvel espoir à
ses frères réduits en esclavage. La création définitive d'un nom pro
pre, et par là d' une image originale de Dieu, semble avoir été le point
de départ de la constitution du peuple de Dieu. [ . . . ]
« Dans la racine linguistique et sémantique supposée du nom de
Yahvé, où 1 ' élément yau évoque le Dieu personnel, transparaît à la
fois le choix et la discrimination opérés par Israël dans l'univers reli
gieux ambiant, et la continuité avec l' histoire d'Israël depuis Abra
ham. Le Dieu des pères ne s' appelait pas Yahvé ; il se présente à nous
sous les noms de El et Elohim. Les patriarches se rattachaient ainsi à
leur entourage religieux, où la divinité appelée El se distinguait par
son caractère social et personnel. La particularité de ce Dieu, du point
de vue [de la] typologie religieuse, c'est qu' il est numen personale
(Dieu des personnes) et non pas numen locale (divinité locale).
Qu' est-ce à dire ? Essayons de l'élucider brièvement à partir des
points de départ de ces deux types de divinités. Rappelons-nous tout
d' abord que l'expérience religieuse de l' humanité s' est toujours rani
mée en certains lieux sacrés où, pour une raison ou une autre,
272 Le crucifiement de saint Pierre
533 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 67 sq.
Historicisme 273
La spiritualité globale
534 Cardinal Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd 'hui, op. cit. , p. 1 07 et 1 00.
535 Joseph Ratzinger, Église et théologie, op. cit. , p. 1 1 7 et 1 1 9.
274 Le crucifiement de saint Pierre
réserve à Dieu qui parle et d' obéir totalement à Dieu qui commande. »
(Pie XI, Mortalium animos) 536
53 6 Voir également d' autres passages de cette encyclique en Partie Il, ch. VIII, § La liberté
religieuse et l ' œcuménisme, condamnés par le magistère, p. 1 99 .
537 1 C o 1 5 , 1 0.
276 Le crucifiement de saint Pierre
Mondialisme
' Église est le royaume de Dieu 540 . Ce titre ne saurait être décerné au
L monde, quelle que soit la définition que l'on en donne :
« [L' Église] est appelée le Royaume suscité par Dieu et qui durera
éternellement ; [ . . . ]
« Jésus a encore ajouté : « Et je te donnerai les clés du royaume
des cieux ». Il est clair qu' il continue à parler de l' Église, de cette
Église qu' il vient d' appeler sienne, et qu' il a déclaré vouloir bâtir sur
Pierre comme sur son fondement. L' Église offre, en effet, l' image non
seulement d'un édifice, mais d'un royaume ; au reste nul n' ignore que
les clés sont l' insigne ordinaire de l' autorité. Ainsi, quand Jésus pro
met de donner à Pierre les clés du royaume des cieux, il promet de lui
donner le pouvoir et l' autorité sur l' Église. » (Léon XIII, Satis cogni
tum, 47, 55)
'
540
DTC, art. Eglise, col. 2 1 1 6 .
27 8 Le crucifiement de saint Pierre
nal écrit donc avec raison que le concile a établi « un nouveau rapport entre
la temporalité et l'éternité, de l'historique et de l'eschatologique » puisque
Dieu est venu « dans l'homme et dans le monde », constituant le
« fondement de l' arrivée de l'homme et du monde à Dieu, c'est-à-dire à
l'Accomplissement final ». L'historique et l' eschatologique en viennent à se
confondre. Puisque la grâce est une semence de la gloire et que 1 ' Église,
« sacrement de l'unité du genre humain », réunit à un titre ou à un autre
toute l'humanité, peuple de Dieu, le monde tout entier s' achemine vers le
royaume dans « l'Accomplissement final ».
"car ils seront appelés fils de Dieu" (Mt 5 , 9). » (Vatican II, Gaudium
et spes, 77. 1 )
« De même qu' elle procède de l'homme, l' activité humaine lui est
ordonnée. De fait, par son action, 1 ' homme ne transforme pas seule
ment les choses et la société, il se parfait lui-même. Il apprend bien
des choses, il développe ses facultés, il sort de lui-même et se dépasse.
[. . .]
« Assurément les dons de l'Esprit sont divers : tandis qu' il appelle
certains à témoigner ouvertement du désir de la demeure céleste et à
garder vivant ce témoignage dans la famille humaine, il appelle les au
tres à se vouer au service terrestre des hommes, préparant par ce mi
nistère la matière du royaume des cieux. Mais de tous il fait des hom
mes libres pour que, renonçant à l' amour-propre et rassemblant toutes
les énergies terrestres pour la vie humaine, ils s'élancent vers l' avenir,
vers ce temps où l'humanité elle-même deviendra une offrande agréa
ble à Dieu.
« Le Seigneur a laissé aux siens les arrhes de cette espérance et un
aliment pour la route : le sacrement de la foi, dans lequel des éléments
de la nature, cultivés par l'homme, sont changés en son Corps et en
son Sang glorieux. C' est le repas de la communion fraternelle, une an
ticipation du banquet céleste. [ . . . ]
« Car ces valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liber
té, tous ces fruits de notre nature et de notre industrie, que nous aurons
propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son
Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure,
illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père "un
royaume éternel et universel" ». (Vatican II, Gaudium et spes, ch. III ,
L' activité humaine dans l'univers, 35, 38, 39)
Christ révèle dans sa religion : la vérité de l' âme doit se relier à la Di
vinité. Ici, la conciliation s' accomplit en soi et pour soi, mais du fait
qu' elle s' accomplit d' abord en soi, ce degré de l' évolution doit, à
cause de son caractère immédiat, commencer par une opposition.
« Il est vrai que ce degré commence historiquement par la concilia
tion accomplie dans le Christianisme ; mais celle-ci n' est encore qu'à
ses débuts et, pour la conscience, elle est accomplie seulement en soi :
c'est pourquoi il se produit tout d' abord une immense opposition qui
apparaîtra par la suite comme un Mal qui doit être supprimé. C'est
l' opposition entre le principe spirituel, religieux, et le monde séculier
qui se présente en face de lui. Ce monde séculier n' est plus le monde
du despotisme : c' est un monde chrétien et il doit en tant que tel deve
nir adéquat à la vérité. De même, le monde spirituel doit progresser
jusqu'à reconnaître que l'Esprit doit se réaliser dans le monde. Dans la
mesure où tous les deux sont immédiats, dans la mesure où le monde
séculier ne s' est pas encore dépouillé de 1' arbitraire subjectif et
l'Esprit n'a pas reconnu le monde, ils se trouvent tous les deux en
conflit. Le progrès n' est donc pas une évolution tranquille et sans
heurts ; l' Esprit n' accomplit pas tranquillement sa réalisation.
L' histoire consiste en ceci que les deux côtés se-dépouillent de leur
unilatéralité, suppriment cette forme de la non-vérité. D'un côté, se
trouve la réalité vide qui doit se conformer à l' Esprit mais qui ne lui
est pas encore conforme : c' est pourquoi elle doit succomber. De
l' autre côté, le monde spirituel se présente d' abord comme un monde
ecclésiastique et s' engloutit dans la réalité extérieure ; de même que le
pouvoir séculier est dompté d' une manière extérieure, de même le
pouvoir ecclésiastique se laisse corrompre. [ . . . ]
« Ainsi apparaît le principe de la conciliation de l' Église et de
l' État par laquelle la spiritualité ecclésiastique (Geistlichkeit) acquiert
et trouve son concept et sa rationalité dans le monde séculier. Ainsi
disparaît l' opposition entre l' Église et ce qu' on appelle l' État ; ce der
nier n' est plus inférieur à l'Église et ne lui est plus subordonné ; celle
là ne conserve aucun privilège : l'Esprit n' est plus étranger à l' État. La
liberté a trouvé le moyen propre de réaliser son concept ainsi que sa
vérité. (Hegel) 5 42
»
542 Georg W. F. Hegel, La raison dans l 'histoire, op. cit. , p. 293 sq.
Mondialisme 283
« Mais ici le concept d' État est pris en un sens plus étendu. De
même, nous avons employé l' expression « royaume » pour désigner le
champ où se manifeste l' Esprit. [ . . . ]
« On peut se représenter de bien des manières le royaume de Dieu,
mais il s' agit toujours d'un royaume de l'esprit qui doit se réaliser
dans l' homme et passer dans l' existence. » (Hegel) 5 44
543 Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, op. cit. , p. 427 .
544 Georg W. F. Hegel, La raison dans l 'histoire, op. cit. , p. 1 39 et 7 1 .
284 Le crucifiement de saint Pierre
L'apologie du mondialisme
545 Nous avons effectué l a critique d e la rhétorique maçonnique utilisant les prétendus pro
blèmes globaux et systémiques dans notre Empire écologique. Dès 1 96 1 , la propagande ma
çonnique n'hésitait pas à affirmer que tous les problèmes importants étaient globaux.
286 Le crucifiement de saint Pierre
« Fonds mondial
« Il faudrait encore aller plus loin. Nous demandions à Bombay la
constitution d'un grand Fonds mondial alimenté par une partie des dé
penses militaires, pour venir en aide aux plus déshérités. Ce qui vaut
pour la lutte immédiate contre la misère vaut aussi à l' échelle du déve
loppement. Seule une collaboration mondiale, dont un fonds commun
serait à la fois le symbole et l'instrument, permettrait de surmonter les
Unies, c' est son visage humain le plus authentique ; c' est l' idéal dont
rêve l'humanité dans son pèlerinage à travers le temps ; c' est le plus
grand espoir du monde ; Nous oserons dire : c' est le reflet du dessein
de Dieu - dessein transcendant et plein d' amour - pour le progrès de
la société humaine sur la terre, reflet où Nous voyons le message
évangélique, de céleste, se faire terrestre. [ . . . ]
« Ce que vous proclamez ici, ce sont les droits et les devoirs fon
damentaux de l' homme, sa dignité, sa liberté, et avant tout la liberté
religieuse. Nous sentons que vous êtes les interprètes de ce qu' il y a de
plus haut dans la sagesse humaine, Nous dirions presque : son carac
tère sacré. » (Paul VI, Discours à l 'ONU du 4 octobre 1 965, 3, 6)
« C' est à partir de là que les diverses questions [portant sur la réa
lisation concrète de l' unité du genre humain] devraient et pourraient
trouver une réponse. Je me contenterai d'une seule indication. G. Phi
lips, l' auteur principal du texte conciliaire sur l' Église, dit avec raison
dans son commentaire : « L' Église est aussi sacrement de l'union avec
« Dieu, et par là de l'union réciproque des croyants dans un commun
« élan d' amour. Il est vrai que ce n'est pas sa tâche propre d' avoir
« directement en vue 1' établissement de la paix mondiale : la tâche de
« bâtir une organisation planétaire de la paix appartient aux peuples.
« Mais l'unité de l' Église est une incitation permanente à la réalisation
« de cet idéal . . . 5 48 Egalement, si une organisation temporelle d'unité
« au plan mondial et la construction du Royaume de Dieu universel
548 G. Philips, L 'Église et son mystère au Second Concile du Vatican, Tournai, éditions Des
clée, 1 967, I, p. 7 4.
290 Le crucifiement de saint Pierre
fléchit) que la plupart des choses s' allient à l' oppression. Il n'y a
qu'une chose qui ne peut franchir un certain seuil dans son alliance
avec l' oppression, c'est l' orthodoxie. Il est pourtant vrai que je peux
déformer l' orthodoxie pour qu' elle justifie en partie un tyran. » (Ches
terton) 55 2
Puisque le Royaume se réalise sous nos yeux en incluant toutes les reli
gions (et les systèmes politiques totalitaires), il est inutile de prêcher le rè
gne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Quinze siècles d'histoire de
l' Église sont reniés, effacés en un instant tandis que la société mondiale tout
entière se précipite dans 1' abîme du mondialisme et de la spiritualité glo
bale, antichristique, dans la voie de la perdition.
Fatima
« viendront pour l' Église et qu' il faut beaucoup de prières pour que
« l' apostasie ne soit pas trop grande ».
« On trouve aussi des indiscrétions « excellentes » citées et docu
mentées dans le livre de Socci. Mgr Capovilla, secrétaire de Jean
XXIII, lui aussi certainement au courant du secret, répond par écrit à
une interview en 1 978. À la question de savoir si le secret fait expres
sément référence à la hiérarchie ecclésiastique, à la Russie ou à une
« crise religieuse du monde », il répond en écartant les deux premières
hypothèses, mais ne dit rien de la troisième. Le contenu d'une lettre
que le cardinal Luigi Ciappi, qui a longtemps été le théologien de la
Maison pontificale, adresse au professeur Baumgartner, est encore
plus explicite. Dans cette missive, écrite en 2000 mais publiée en mars
2002, le cardinal révèle : « Dans le troisième secret, il est prédit, entre
« autre, que la grande apostasie de l' Église commencera par son
« sommet ».
« Tous menteurs ? Et s ' il n'en est pas ainsi, faut-il croire que le
Vatican a publié un faux ? Les choses sont un peu plus complexes. Sur
la base d'une série d' indices et de témoignages concordants, de nom
breux critiques de la version officielle sont convaincus que le secret
serait fait en réalité de deux parties distinctes, et que celle qui a été ré
vélée en 2000, écrite sur quatre feuillets, ne serait qu' une des deux
parties et aurait toujours été gardée dans les archives du Saint-Office.
L' autre partie, encore secrète, écrite sur un seul feuillet, serait toujours
restée dans l' appartement des Papes. » (30 Jours) 553
« l' Église doutera comme Pierre a douté. Elle sera tentée de croire que
« l' homme est devenu Dieu, que son Fils n' est qu'un symbole, une
« philosophie comme tant d' autres, et dans les églises, les chrétiens
« chercheront en vain la lampe rouge où Dieu les attend, comme la
« pécheresse criant devant le tombeau vide : Où l' ont-ils mis ? (Car »
Or on sait que la sainte Vierge avait demandé que le troisième secret fût
révélé en 1 960, soit peu de temps avant V atic an II : car tout le cycle de Fa
tima s' oppose aux divagations conciliaires. Les enfants ont vu l' enfer, rap
pelant la gravité du péché, son châtiment et l'urgence de notre sanctifica
tion. La très sainte Vierge a insisté sur la prière et la pénitence, pénitence
qui a disparu du vocabulaire conciliaire. La Russie doit être consacrée au
Cœur Immaculé de Marie, condamnant l' orthodoxie et également le protes
tantisme qui nie le rôle de médiatrice de Marie. La constitution divine et
hiérarchique de l'Église catholique est rappelée sans ambiguïté puisque le
saint Père doit effectuer la consécration en union avec les évêques du monde
entier.
554 Monseigneur Georges Roche et Philippe Saint Germain, Pie XII devant l 'histoire, Paris,
Robert Laffont, 1 972, p. 52 sq.
CONCLUSION
* *
Nous avons montré que la religion de Vatican II n'est pas la religion ca
tholique mais une autre religion, d' inspiration gnostique, panthéiste et ma
çonnique, qui ne garde que 1' apparence du catholicisme, que son discours,
pour réinterpréter tous ses dogmes dans un cadre naturaliste :
557 Et naturel.
55 8 Jacques Crétineau-Joly, L 'Église romaine en face de la Révolution, Paris, Cercle de la re
naissance française, 1 976.
298 Le crucifiement de saint Pierre
ensuite ajouté que « si tant de fois dans 1' évangile, sur les lèvres du
Christ, revient le nom de cet ennemi des hommes de même pour no »,
ger) s 6 J
559
ST, I, q. 63, a. 3 .
560
Paul VI, A llocution lors de l 'audience générale du 2 9 juin 1 9 72.
561
Joseph, cardinal Ratzinger, Entretien sur la foi, Paris, Fayard, 1 985, p. 1 64.
Conclusion 299
*
* *
562 Monseigneur Lefebvre, La Passion de l ' Église, disque compact, Séminaire Saint Pie X,
Ecône, 1 908 Riddes, Suisse. Se reporter également à la conférence du 2 1 juin 1 982.
300 Le crucifiement de saint Pierre
ble par les prophéties, les miracles et les Évangiles, qui sont comme la
preuve de leur propre authenticité. Visible par Notre-Seigneur Jésus-Christ,
par le Verbe fait chair, par qui Dieu nous enseigne une sagesse non
humaine, surnaturelle. Et cette visibilité est certes amoindrie aujourd'hui.
Mais cet obscurcissement nous introduit dans le mystère de la Passion de
l' Église, de la Passion du Christ.
Il nous semble infiniment plus profitable, dans une perspective spiri
tuelle, de vivre la Passion de l' Église que de s'interroger sur elle. « Un
glaive de douleur te transpercera l' âme. » Elle s' impose à nous comme l'un
des faits spirituels marquants du dernier siècle, qui ne peut être comparé
qu' aux apparitions de Fatima qui lui sont intimement reliées. Or la Passion
de l' Église est un « mystère » : comment l' Église, qui est infaillible et
sainte, peut-elle proposer à ses enfants et au monde un enseignement empoi
sonné ? Comment peut-elle, dans un enseignement certes dépourvu de la
note d' infaillibilité, répéter les erreurs constamment condamnées de ses en
nemis ? Il y a là un « mystère », lié à la constitution divine et humaine de
l' Église. Mais comme tout mystère, il nous faut en accepter les termes anti
nomiques sans chercher à supprimer l'un d'eux et pénétrer ainsi dans
l' obscurité du mystère qui nous indique une vérité supérieure.
Les mystères de notre sainte religion n'étonnent plus guère : Dieu est
trine et un ; « le Verbe s' est fait chair, et il a habité parmi nous » ; le Fils de
Dieu a souffert sa Passion, est mort sur la Croix pour notre Rédemption : ô
inestimabilis dilectio caritatis, ut servum redimeres, Filium tradidisti ; la
très sainte Trinité habite dans l' âme des fidèles en état de grâce ; Dieu vient
dans nos âmes par les sacrements et en particulier par la sainte communion ;
le sacrifice de la Croix est représenté et se renouvelle sur les autels. Est-ce
l' habitude qui nous insensibilise à ces grands mystères qui devraient en
flammer les âmes ? Pourquoi se scandaliser du mystère de la Passion du
corps mystique du Christ quand on vit de la Passion du Seigneur, du mys
tère de sa Croix, des mystères de notre sainte religion ? Le Verbe s' est fait
chair, et il a habité parmi nous. Il souffrit sa Passion et fut crucifié. Lui, le
Fils de Dieu, 1 ' innocent, 1 ' agneau, s' est offert en sacrifice pour notre Ré
demption. Mystère de la charité divine qui devrait nous convertir et nous
laisse trop souvent tièdes. On ne saurait méditer ne serait-ce que quelques
instants sur ce grand mystère de la Rédemption sans pressentir l' insondable
sagesse de Dieu, infiniment éloignée de tout naturalisme, de toute sagesse
humaine. « Ô profondeur des trésors de la sagesse et de la science de
Dieu. » 5 63 Pourquoi s' étonner alors du mystère de la Passion de son Église ?
Comment ne pas voir la marque de Dieu dans cet abaissement et cette im
molation ? Le mystère de la Passion de l' Église nous tourne vers Dieu. Il
563
Ro 1 1 , 3 3 .
Conclusion 301
nous montre sa justice, qui nous châtie de nos péchés, et sa miséricorde qui
relèvera son Église. Lui seul pourra la restaurer, la sauver des mains des
puissances de ce monde, toutes unies à sa perte. La « résurrection » du corps
mystique du Christ ne pourra plus être que purement surnaturelle, négation
éclatante du naturalisme gnostique. L' Église conciliaire a nié le surnaturel
par sa hiérarchie et · par là est venu le châtiment. Se privant volontairement
de l' assistance du Saint-Esprit en refusant d'enseigner, l' Église enseignante
a été réduite à répéter les gloses maçonniques, à véhiculer une doctrine na
turaliste qui ne rencontre aucun écho et ne saurait vivifier. La Passion de
l' Église découle de la négation du surnaturel : niant sa dimension divine,
l' Église a été apparemment réduite à une assemblée humaniste, naturaliste.
Et comment ne pas voir dans cet abaissement les suites de la résistance à la
grâce manifestée par la hiérarchie lorsqu' elle a refusé d' accéder aux deman
des de la Mère de Dieu ? Des calculs politiques, naturels, une prudence hu
maine ont remplacé l'esprit de foi, d'espérance et de charité.
Oui, la Passion de l' Église est un mystère. Tous nous avons regretté,
hommes de peu de foi, de ne pas avoir vu Notre-Seigneur Jésus-Christ de
nos yeux de chair. Nous sommes témoins d'un autre mystère, l' Église cruci
fiée devant nous et, comme saint Pierre fuyant Rome, dans nos pensées hu
maines, privés de l' intelligence des choses de Dieu, nous osons demander
au Seigneur : « Quo vadis, Domine ? » « Lorsque tu abandonnes mon peu
ple, je vais à Rome, pour qu' une fois encore on me crucifie ! . »
. .
Par la Passion de l' Église, Dieu nous rappelle la valeur infinie de chaque
messe, la nécessité de la Croix, l' autorité qu'Il a concédée à l' épouse mysti
que du Christ. Par une nuit de l'esprit, Dieu fait entrer son Église dans la
purification passive des vertus théologales de foi, d' espérance et de charité ;
pour espérer contre toute espérance, contre toute sagesse naturelle, humaine,
abandonnée « par la foi pure à l' obscurité, qui n' est autre chose que la nuit
de l'esprit et des puissances naturelles »5 66 , dans cette nuit de la charité,
pendant le calvaire de notre sainte Mère l' Église.
La très sainte Vierge a appelé avec insistance à la prière et à la pénitence
et à prier pour le saint Père ; à nous tourner vers les moyens surnaturels.
Puissions-nous, par nos prières et nos sacrifices offerts pour le pape et les
évêques, hâter la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie.
« À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. »
* *
1 50 1 73 1 83 s 1 92 2 1 5s 277 Naturalisme 13 34 45 s
2 1 8 228 250 252s 259 libéralisme 44 85 8 8 s 1 00 101 131
26 1 278s 282s 290 296 liberté de conscience 1 34 1 59 1 74 1 99s 203
holisme 41 50s 88 1 34 1 93 s 1 99 20 1 203 206 2 1 3 2 1 5 260 274 284
1 39 1 74s 1 82 1 89 1 92 liberté religieuse 8s 8 8 296 298s
2 1 8s 242 247s 295 1 1 2 1 93 s 2 1 8 246 270 Nature 4 1 s 48 65 68 70
humanisme 75 89 Ill 289 295 non-manifesté 57 38 257
1 1 5 1 28 1 3 1 s 1 50 1 54 de Lubac cardinal 87 89 Nostra Aetate 8 8 1 3 3
1 59 1 79 2 1 8 286 296 1 0 1 1 0 8 1 34 1 40 210 213
301 Lumen gentium 94 1 05 Nouvel Âge 4 1 5 0 8 8
Humani generis 8 7 101 1 3 6s 1 4 3 s 1 67 1 76s 278
1 03 1 1 6 262 1 82s 1 90s 2 1 1 2 1 3 22 1 nouvelle théologie 14 9 1
Humanum genus 1 76 224 243 s 249s 278 1 34 297
200s 207 277 Luther 84 2 1 9
humilité 1 3 48 1 24s 1 5 5 Oecuménisme 7s 25 34
236 295 Maçonnerie 7 s 1 3 s 25 43 76s 8 8 1 1 1 1 32 1 74
34 43 47s 56s 62 7 1 74 1 86 1 93 s 2 1 8 246 297
Immanentisme 37 86s 85 88s 9 1 1 0 1 1 1 1 1 1 5 Optatam totius 2 1 4 244
1 07 1 72 1 89 262 1 27 1 3 1 1 34 1 39 1 45 orgueil 1 4 48 60 89 1 24s
illuminisme 27 52 60 1 48 1 50 1 64s 1 74s 1 49 1 99 295s
1 67 1 69 1 74 1 98 209 1 94s 207 s 2 1 3 2 1 5
2 1 2 229 247 286 2 1 7s 222 225 227 229 Pacem in terris 285s
initiation 49 52 56s 5 8 s 235s 239 247 252 256s paix 1 8 3 1 89 2 1 3 3 80
6 3 7 1 7 5 s 79 148 1 62s 284s 295 s 283 287s
1 74 1 96 198 200 2 1 3 mal 1 7s 5 3 5 5 62s 74 panthéisme 7 1 3 s 34 38s
226s 239 248 256s 1 00 1 3 8 1 76 1 96 200 46 74s 7 8 8 1 8 5 s 89s
interdépendance 285 238 258 26 1 268 282 9 1 s l OOs 1 34 1 39 1 42
Isis 41 43s 228 mal en Dieu 62s 267s 1 49 1 6 1 1 67 1 7 l s 1 74s
Marsaudon 8 34 49 5 1 s 1 82 1 89 1 92 1 96 200
Jean XXIII 34 1 7 8 285s 75 77 79 8 1 s 207s 2 1 4s 2 1 8s 225
290 293 Mater et magistra 285 227 229 237 242 247
Jean Paul II 10 84 91 93 messe 9 85 89 95 1 1 5 252s 256 259 26 1 s 268
95 1 04 1 1 1 1 1 3 s 1 1 8 2 1 8s 295 302 276 283s 290 295s
1 20s 1 27 1 29s 1 34 1 37 modernisme 9 87 1 64 Parole 22 1 s 229 244 247
1 40 1 42s 1 45 1 48s 1 5 1 1 66s 1 7 1 1 7 3 270 272 249
1 54 1 57s 1 6 l s 1 66 1 83 mondialisme 9 75 89s Pascendi 86 1 64 1 66
1 85 s 1 90 1 92 1 95 2 1 3 1 75 247 277s 297s 1 68 1 72s
2 1 6s 223 240 248 267 mystères (antiques) 42s pastoral (concile) 275s
269 275 s 280 289 64s 76 1 39 148 1 63 s 299
j ustification 23 25s 1 34s 220 2 2 3 s 226s 237 Paul VI 84 1 1 1 1 32 2 1 4
1 37s 1 49 1 55 249 Mystici corporis 1 86 224 2 1 9 22 1 287 289 298
mystère pascal 89 1 0 1 péché 9 25s 46 50 5 6 66
Lefebvre Mgr 44 1 48 1 37 1 5 3 220 223s 237 70 8 8 s 1 00 1 09 1 1 6s
2 1 9 222 299 278s 1 34s 1 40s 1 52 1 55 1 63
Léon XIII 85 1 75 s 200s 1 77 1 79s 2 1 9 223s 229
306 Le crucifiement de saint Pierre
INTRODUCTION . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Première partie
Dieu et le temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 3
Hegel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
Hegel franc-maçon . .. .. . . . .. . . .. .. .. . . .. .. . .. . . .. . . . . .. .. .. .. . . . .. .. .. .. .. .. .. . . . . . .. .. .. . . 256
L' Être est le néant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Dualisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 8
Panthéisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Historicisme . . . . . . .. .. .. .. . . . .. .. . . .. .. .. .. . . . . .. .. .. .. .. .. .. . . . .. .. .. . . .. . . . . . .. .. .. .. . .. .. . 259
La nature humaine est divine, gracieuse . . . .. . . .. . . . . .. . .. .. . . . . .. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260
Réalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 1
Spiritualité globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 1
Historicisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 1
L' homme fait miséricorde à Dieu ; la douleur en Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 0 0
CONCLUSION 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 •• 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 •• 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 • • • • • • 0 0 0 0 0 •• 0 0 0 295
INDEX · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 304