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Nouvelles méthodes d'essais mécaniques

pour la détermination des lois


de comportement des polymères

Christian G'SELL et Jean-Marie HIVER

Ecole des Mines de Nancy, INPL


Laboratoire de Physique des Matériaux (UMR CNRS 7556)

1. INTRODUCTION

Des lois de comportement triaxiales performantes sont devenues aujourd'hui


indispensables pour la simulation par éléments finis des procédés de mise en forme
des polymères à l'état solide et pour la prévision du comportement en service des
pièces industrielles. Dans la pratique, ces dernières sont des structures de géométrie
complexes soumises à un ensemble de forces, de pressions et de moments (par
exemple des absorbeurs de chocs pour automobiles soumises à une force dynamique
ou des préformes de PET pour le soufflage de bouteilles soumises à une pression
interne d'air comprimé).
Toutefois, le calcul par éléments finis nécessite de disposer des lois de
comportement des matériaux constitutifs de la pièce, c'est à dire de relations
différentielles ou intégrées entre les variables mécaniques ou thermiques pour un
élément matière homogénéisé représentatif (Figure 1).

ELEMENTS FINIS

δLi Fi
Fi δLi
δθi

Mi
.
f ( [σ], [ε], [ε], t, S ) Mi
δθi

EPROUVETTE LOI DE COMPORTEMENT PIECE INDUSTRIELLE

ANALYS LE
E MICROSTRUCTURA

Figure 1. Problématique de passage de l'éprouvette à la pièce industrielle

1
De plus, la microstructure des matériaux étant fondamentalement hétérogène,
il est le plus souvent indispensable de prendre en compte, dans la loi de
comportement, les mécanismes de déformation et/ou d'endommagement qui
contrôlent la réponse mécanique (par exemple pour les polymères : mouvements
macromoléculaires locaux, désenchevêtrement des chaînes, glissement et
fragmentation des cristallites, bandes de cisaillement, cavitation, craquelure).
Ces impératifs s'avèrent très exigeants dans beaucoup d'applications des
polymères, eu égard à la complexité des microstructures et à la coopérativité des
mécanismes de déformation à des échelles multiples. C'est pourquoi la réalisation
des essais mécaniques pose tant de problèmes. On souhaiterait que l'éprouvette soit
une structure simple se déformant de manière homogène et bien contrôlée, avec un
minimum d'endommagement sous l'effet d'une sollicitation monotone. Nous verrons
dans ce chapitre qu'il n'en est rien. La conception d'un essai mécanique est un
objectif complexe qui ne peut conduire à des résultats fiables que si : i) la géométrie
de l'éprouvette et son mode de sollicitation favorisent une réponse simple, ii) les
mécanismes de déformation actifs sont connus, iii) les mesures de contrainte et de
déformation sont contrôlés à une échelle pertinente.

2. METHODOLOGIE EXPERIMENTALE

2.1. A la recherche de l'essai "pertinent"

Longtemps, les ingénieurs ont réalisé des essais mécaniques avec le seul le
souci de reproduire, dans leur protocole expérimental, les conditions de sollicitations
auxquelles les pièces à fabriquer avec le matériau étaient sensées subir en service. Il
en résultait un nombre incalculable de tests ad hoc s'appuyant sur des normes
disparates, souvent propres à une compagnie ou à un secteur professionnel
(automobile, aéronautique, etc.). Il en résultait un coût important des campagnes
d'essais et une quasi-impossibilité de transposer les résultats à une autre application.
Progressivement, on a cherché à diminuer le nombre de tests, à définir des
méthodes aussi simples que possibles et, surtout à exploiter ces expériences de telle
façon que l'on puisse en déduire des lois de comportements intrinsèques du
matériau, et non plus seulement des valeurs caractéristiques ne permettant que des
classements sommaires.

2.2. A la recherche du matériau "standard"

Comme pour les autres classes de matériaux (alliages métalliques,


céramiques thermomécaniques, etc.), la loi de comportement d'un polymère dépend
de sa microstructure. Or, la composition des matériaux organiques est souvent
complexe et constitue un mélange d'ingrédients divers où le polymère de base est
parfois minoritaire. Il est donc essentiel de prendre soin à bien contrôler la nature
exacte de ces ingrédients dans un polymère étudié. Sinon, les lois de comportement
déterminées seraient sans intérêt car relative à un matériau mal défini.

2
Cl
CH
Cl CH2H2
C Cl
CH CH2 CH CH H2
Cl C CH Cl
CH2 Cl H C
HC 2 CH
H2C Cl
CH2 Cl CH

H2C CH
Cl Polymère(s) de base
Etirage CH
CH2
Cl
CH Cl
CH Cl
Cl C H2
H2 H2C CH
C
H2C CH CH
Cl Cl
Vieillissement

Adjuvants
Traitement T °C
thermique
Charges
et fibres

Figure 2. Une caractérisation précise du polymère et des conditions


est un préalable indispensable à la réalisation d'un essai

Par ailleurs, plus que pour beaucoup d'autres matériaux, L'histoire


thermomécanique joue un rôle considérable sur les propriétés mécaniques des
polymères en raison notamment de l'importance des processus visqueux dans leur
comportement mécanique. On prend donc soin de "normaliser" les échantillons
avant essai, par exemple pour les polymères amorphes en leur faisant subir un recuit
au dessus de la température de transition vitreuse suivi d'un refroidissement lent.

2.3. A la recherche de l'essai "simple"

Comme nous l'avons signalé plus haut, les tests "maison" cèdent
progressivement la place à des tests fondamentaux correspondant à des modes de
sollicitation simples, ou supposés tels.

Outils
parallèles Cardans
d'alignement
Lubrifiant
Congés
arrondis

Rapport L / D
Rapport L / w
élevé
élevé

COMPRESSION TRACTION .

Figure 3. Caractéristiques essentielles des essais


de traction et de compression

3
Un mode de sollicitation homogène et uniaxial (traction ou compression,
Figure 3) est préféré par beaucoup d'auteurs aux tests complexes (flexion, torsion).
En effet, les essais de traction ou de compression sont sensés donner directement la
loi de comportement du matériau sous forme de variables "effectives" :
σ eff (ε eff ,ε& eff ) .
Toutefois, même ces essais réputés simples présentent en réalité de nombreux
problèmes expérimentaux : i) flambage en compression, ii) confinement des mors en
traction, iii) instabilités plastiques (barillet, striction, bandes de cisaillement),
iv) phénomènes d'endommagement (cavitation, crazing), v) auto-échauffement, etc.

2.4. A la recherche du "bon chemin"

Malgré l'intérêt des tests uniaxiaux, la loi de comportement "effective" qu'ils


délivrent ne suffit pas toujours pour prédire la réponse du matériau dans des cas où
le chemin de déformation est complexe. Afin de déterminer la loi de comportement
tensorielle du matériau, il est donc utile de disposer de relations contrainte -
déformation selon plusieurs chemins de déformation.

TRACTION CISAILLEMENT CISAILLEMENT TRACTION


PLANE SIMPLE PUR BIAXIALE

Figure 4. Tests correspondant à des chemins de déformation différents

2.5. A la recherche du "bon programme"

En raison de l'influence de la vitesse et du temps sur le comportement des


polymères, il est important d'analyser leurs propriétés lors d'essais particuliers
incluant toutes sortes d'histoires complémentaires avec des charges, des décharges
et/ou des relaxations (Figure 5). Ils donnent accès à des grandeurs mécaniques
importantes : i) volume d'activation, i) enthalpie d'activation, iii) phénomènes
transitoires à la limite élastique, iv) contrainte d'orientation, cinétique de
cristallisation induite, v) élimination de "défauts", vi) durcissement isotrope ou
cinématique.

4
σ σ σ

ε ε ε
SAUT DE VITESSE DECHARGE RELAXATION
(ou de température) (recouvrance ou "Dip") (simple ou multiple)

σ σ τ

T,t
γ
ε ε
FROTTEMENT INTERIEUR VIEILLISSEMENT
(spectrométrie dynamique) (physique ou chimique)

CYCLAGE PLASTIQUE
(en cisaillement)

Figure 5. Histoires d'essais complexes.

2.6. A la recherche de "l'extrême"

Dans tous les cas où l'on souhaite mettre en évidence les comportements
critiques de la matière (ruine aux temps longs, échauffement adiabatique,
endommagement, fissuration, etc.), il est essentiel de sortir du cadre standard des
essais traditionnels effectués la plupart du temps à des vitesses moyennes
( ε& eff ≈ 0,01 s-1). Des équipements spéciaux ont été développés pour accéder à ces
comportement particuliers. Certains sont classiques (tests de fluage, choc par masse
tombante, barres de Hopkinson…), d'autres beaucoup plus récemment (nano-

Vitesses très rapides :


Barres de Hopkinson
Vitesses très lentes :
Fluage

Déformations très localisées :


Nano-indentation

Figure 6. Dispositifs d'essais spéciaux

5
indentation instrumentée), Figure 6. Souvent, l'utilisation de ces dernières demande
une expérience particulière pour tirer le meilleur parti des résultats. C'est pourquoi
l'étude des comportements ultimes a intérêt à être menée dans le cadre de
programmes coopératifs au niveau européen.

3. DE LA MICROSTRUCTRURE A LA MACROSTRUCTURE

3.1. Les différentes échelles d'investigation

La première question à se poser avant d'engager un programme d'essais


mécaniques est la suivante : "à quelle échelle se situent les mécanismes qui
interviennent dans le comportement apparent du matériau ?". La figure 7 illustre les
échelles typiques de la microstructure des polymères. On peut considérer à chaque
échelle que le matériau est à la fois un composite renfermant des entités de taille
inférieure et qu'il constitue lui-même un constituant d'un composite de taille
supérieure.
10-10 m

changements
1 nm conformationnels

cisaillement
10 nm lamellaire

cavitation
0,1 µm de nodules

micro-
1 µm craquelures

déformation
10 µm sphérolitique

bandes
1 mm de cisaillement

gradients
1 cm de déformation

10-1 m

Figure 7. Différentes échelles microstructurales des polymères

Les mécanismes microstructuraux aux différentes échelles sont mises en


évidence par des méthodes physico-chimiques complémentaires, dont les
principales sont rappelées au tableau ci-dessous. L'utilisation de ces méthode en
parallèle aux essais mécaniques apporte une indication essentielle, surtout in situ.

6
Tableau 1. Principales techniques de caractérisation microstructurale

Méthode Information In situ


Chromatographie GPC dégradation de la masse -
moléculaire des chaînes
Densimétrie endommagement ✓
cristallisation -
Calorimétrie DSC cristallisation, vieillissement ✓
Annihilation de PAS endommagement -
positons
Raman micro : contraintes internes ✓
B.F. : zones de plasticité -
Infrarouge IRTF conformations des chaînes ✓
orientation ✓

Diélectrique mobilité macromoléculaire -


Microscopie optique défauts, sphérolites, ✓
biréfringence
Microscopie MET cristaux, crazes, nodules ✓
électronique MEB sphérolites, défauts, fibres ✓

Microscopie AFM cristaux, phases, charges -


à champ proche etc. défauts…
Diffraction Rayons X WAXS phases, cristallinité, cristaux ✓
goniométrie de textures -
SAXS ordre local, réseau de défauts ✓

Diffraction Neutrons SANS ordre local, pelotes amorphes -


Diffusion de lumière SALS sphérolites, craquelures ✓

3.2. Notion de Volume Elémentaire Représentatif

Pour chaque matériau et chaque type d'essai, il faut définir l'échelle à


laquelle la loi de comportement est pertinente pour décrire les propriétés
recherchées. On détermine ainsi un Volume Elémentaire Représentatif (V.E.R.) dans
lequel on suppose que les champs des contraintes et des déformations peuvent être
assimilés à des champs moyens homogènes.
Si l'on considère les hétérogénéités d'ordre microstructurale (lamelles,
sphérolites, nodules d'alliage, etc.), on comprend bien que le V.E.R. doive être assez
grand pour inclure un grand nombre de ces entités. Si ce n'était pas le cas, la loi de

7
comportement trouvée serait caractéristique de la lamelle, du sphérolite individuel
ou du matériau dans le nodule, et non pas du matériau considéré dans son ensemble.
D'un autre côté, si l'on considère les hétérogénéités d'ordre comportemental
(notamment la striction), il faut que le V.E.R.soit petit par rapport à sa dimension
caractéristique afin que la loi de comportement représente bien le comportement
intrinsèque du matériau et non pas une moyenne des contraintes et des déformations
dans la striction et en dehors de la striction.
L'application du dernier concept est à l'origine de la notion de comportement
"vrai" dans l'essai de traction (Figure 8). Par contraste aux définition "nominales" de
la contrainte et de la déformation qui considèrent le comportement global de
l'éprouvette (εN = (L-Lo) / Lo ; σN = F / S o), nous avons montré l'intérêt de définir
des variables locales au niveau d'un V.E.R. situé au cœur da striction, typiquement
d'une dimension inférieure à 1 mm (G'Sell, 1979, 1988). Dans le cadre d'un schéma
lagrangien réactualisé, la déformation vraie est donc définie à partir de l'allongement
d'un élément de matière de longueur initiale l o par la relation ε zz = ln(l / l o ) . Quant
à la contrainte vraie, il est important de la définir au sens de Cauchy comme la force
par unité de section réelle de l'éprouvette dans la striction par la relation
σ zz = F / S .

S F

localement
déformation "vraie" contrainte "vraie"
εzz = ln ( / o) σzz = F / S

Figure 8. Définitions de la déformation vraie et de la contrainte vraie


dans une éprouvette de traction présentant une striction

3.3. Essais mécaniques à pilotage vidéométrique

Une application récente du concept de test avec variables "vraies" est


illustrée par les dispositifs d'essais mécaniques à pilotage vidéométrique, et
notamment le système VidéoTractionTM développé par les auteurs au cours de la
dernière décennie (Figure 9). La méthodologie est fondée sur un concept original
d'extensométrie sans contact par analyse d'images vidéo. Les dispositifs
optoélectroniques modernes permettent aujourd'hui de réaliser ces mesures en temps
réel avec une résolution de l'ordre de 800 x 600 pixels, avec une vitesse
d'échantillonnage meilleure que 20 images par seconde. De plus, les progrès des
technologies de Vision Assistée par Ordinateur permettent un doublement de ces
performances tous les 5 ans environ.

8
Interface Windows 95 / NT
de force σ

VCR
centrale
VidéoTraction
Interface Imprimante
Vidéo
σ

Interface Clavier + Souris ε


de Pilotage

Machine de Traction
Servo-Hydraulique
(ou Electro-Mécanique)

Figure 9. Schéma du système VidéoTractionTM

La mesure des déformations locales est effectuée à partir de marqueurs


imprimés sur l'éprouvette avant l'essai, ou simplement à partir de la morphologie
générale de l'éprouvette, le diamètre de la striction par exemple (Figure 10). Dans le
cas des marqueurs, on veille à ce que les taches (blanches, noires ou fluorescentes)
restent bien adhérentes sur l'éprouvette même aux grandes déformations. A l'aide du
système d'analyse d'image, on détermine avec précision le barycentre des taches et
l'on mesure les distances l x ,l y et l z entre les marqueurs orientés selon les
directions transversales et axiale respectivement. La résolution de ces mesures est
meilleure que le 1/1000. Lorsque les cisaillements sont négligeables, le champ
de déformations triaxial est donné par ε xx = ln(l x / l ox ), ε yy = ln(l y / l oy ) et

Film Haltère Sablier Tonnelet

Figure 10. Marquage des éprouvettes pour la méthode vidéométrique

9
ε zz = ln(l z / l oz ) . Dans le cas de l'éprouvette de traction en sablier, on n'accède en
principe qu'à la déformation transverse, εrr = ln(D/Do), la détermination de la
déformation axiale n'étant calculable que dans le cas où le volume spécifique reste
constant, et on a alors εzz = 2 ln(Do/D). Dans tous les cas, la formation de bandes de
cisaillement obliques apportent à la méthode des perturbations plus ou moins
sérieuses.
L'extensométrie sans contact présente des avantages sensibles lorsque
l'environnement est difficile (à chaud, à froid, sous atmosphère agressive, sous
irradiation, etc.) et lorsque l'échantillon est mou ou fragile (films minces…). Il suffit
de pouvoir imprimer les marqueurs et les observer au travers de la fenêtre de la
chambre d'environnement.
Quant à la contrainte vraie, elle est calculée automatiquement à partir du
signal du capteur de force et de la section instantanée de l'éprouvette déterminée par
analyse d'image vidéo.
Enfin, un point important de la méthode réside dans la possibilité de contrôler
en temps réel la vitesse de déformation, par exemple ε& zz = l& / l . Si cette variable
influe peu sur la contrainte dans certains matériaux (métaux à froid, caoutchouc),
elle joue un rôle considérable dans la loi de comportement de nombreux
thermoplastiques, comme nous le verrons ci-dessous.

3.4. Caractères distinctifs des polymères

Bien que l'objet de ce chapitre ne soit pas de décrire en détail le


comportement mécanique de tel ou tel polymère, il est intéressant de présenter
brièvement les points saillants communs à cette classe de matériaux.
Considérons tout d'abord le comportement des polymères ductiles en traction
uniaxiale (polymères amorphes entre Tβ et Tg et semi-cristallins entre Tg et Tf).

durcissement
croissant
crochet
σ si vitreux

E / σy 20
forte influence
.
de ε et de T

Figure 11. Comportement typique des polymères ductiles


en traction uniaxiale

10
Comme l'illustre le graphe de la Figure 11, les courbes contrainte vraie -
déformation vraie à vitesse de déformation constante sont caractérisées par plusieurs
aspects communs ; i) module d'Young de l'ordre de 1.000 MPa, ii) limite élastique
de l'ordre de E / 20, iii) durcissement plastique d'abord très faible puis de puis en
plus élevé, iv) sensibilité à la vitesse, | m = ∂ log σ / ∂ log ε& |ε , compris entre 0,02 et
0,2. La différence principale entre les amorphes et les semi-cristallins se manifeste
principalement au niveau de la limite élastique : crochet avec stade d'adoucissement
dans le premier groupe, transition progressive en forme de genou dans le second.

traction biaxiale
σeff Influence traction uniaxiale
de σH sur σY
compression
cisaillement simple

εeff

Figure 12. Influence du chemin de déformation sur la loi de


comportement effective des polymères vitreux

Si l'on examine maintenant plus particulièrement le comportement typique


des polymères vitreux pour différents chemins de déformation (Figure 12), on note
que la limite élastique est relativement sensible à la pression hydrostatique (facteur
de piezo-dépendance ∂σeff / ∂σH ≈ 0,1) en raison de la faible compacité du réseau de
macromolécules. C'est toutefois aux déformations plus élevées que l'influence du
chemin de chargement se fait le plus sentir, le durcissement plastique étant beaucoup
plus élevé dans les modes de sollicitations pour lesquels les chaînes s'orientent au
cours de la déformation selon la direction de la force appliquée.
L'orientation macromoléculaire, déjà citée ci-dessus, entraîne des propriétés
spécifiques aux polymères: la forte anisotropie induite par traction et la recouvrance
presque totale de la déformation après décharge et éventuellement réchauffage. Ces
propriétés ont été abondamment décrites dans la littérature. Elles trouvent des
applications d'usage très importantes dans les procédés d'étirage de films pour
l'emballage. Du fait de la grande rigidité des liaisons covalentes du squelette des
chaînes vis-à-vis des liaisons de van der Waals beaucoup plus souples
perpendiculairement aux chaînes, ces processus d'orientation par étirage aboutissent
à des microstructures qui peuvent rappeler dans une certaine mesure les composites
renforcés par fibres unidirectionnelles ou par un mat de fibres.

11
4. PROGRES RECENTS DES ESSAIS MECANIQUES

4.1. Correction de triaxialité dans les essais de traction

Nous avons vu plus haut comment l'essai de traction à pilotage vidéométrique


permettait d'accéder à la loi de comportement par suivi du diamètre de l'éprouvette
au centre de la striction. Dans cette méthode, la détermination de la déformation
vraie, ε = 2 ln(Do/D), et de la contrainte vraie, σ = 4F / πD², repose sur les
hypothèses simplificatrices que : i) le volume spécifique est constant et, ii) la
contrainte est uniaxiale. Nous discuterons plus loin la validité de la première
hypothèse. Examinons maintenant la seconde dans le cas du polyéthylène (Favier et
al., 1997).
Lors de la déformation de l'éprouvette en sablier, la déformation
s'accompagne de la formation d'une striction diffuse mais fortement localisée
(Figure 13). Ce phénomène bien connu dans de nombreux polymères a pour effet
une courbure marquée du profil de l'éprouvette dans le Volume Elémentaire
Représentatif où la contrainte est mesurée. Or, si l'on se réfère à des travaux bien

So
So exp( -ε )

Figure 13. Formation d'une striction pendant l'étirage du polyéthylène

établis de mécanique des structures (notamment l'étude classique de Bridgman,


1944, initialement appliquée aux aciers), la courbure du profil ajoute au tenseur des
contraintes des composantes radiale, σrr et circonférentielle σθθ positives. La
contrainte effective σeff n'est donc plus strictement égale à la composante axiale σzz,
mais doit s'écrire maintenant :

4F  1 
σ = σ zz × FT = 2 { + 
πD  1 4R c / D}Log{1 + (D / 4R c )}

où le "facteur de triaxialité" FT ne dépend en première approximation, selon


Bridgman, que du rayon de courbure Rc du profil dans la zone de mesure.
Les mesures in situ de Rc réalisées sur le polyéthylène a cours d'un essai de
traction et les valeurs calculées de FT qui en découlent sont illustrées par les graphes
de la Figure 14. On constate que le rayon de courbure, égal initialement à 20 mm

12
dans l'éprouvette en sablier, diminue jusqu'à une valeur minimum voisine de 7 mm
lors de la formation de la striction, avant d'augmenter rapidement lorsque la striction
se propage. En conséquence, le facteur de triaxialité de Bridgman atteint une valeur
minimum de l'ordre de 0,915 lorsque la déformation vaut environ 0,8, avant de
rejoindre une valeur unité aux grandes déformations qui l'éprouvette devient

40 1,00

FACTEUR DE TRIAXIALITE
RAYON DE COURBURE (mm)
Polyéthylène BRIGMAN (1944)
TUB 71 0,98
30
. T = 80 °C
ε = 5 10-3 s-1 0,96

20
0,94 Polyéthylène
TUB 71
10
0,92 . T = 80 °C
ε = 5 10-3 s-1

0 0,90
0 0,25 0,5 0,75 1,0 1,25 1,5 1,75 2,0 0 0,25 0,5 0,75 1,0 1,25 1,5 1,75 2,0

DEFORMATION VRAIE DEFORMATION VRAIE

Figure 14. Evolution du rayon de courbure local et du facteur de triaxialité


des contraintes lors de la traction d'une éprouvette axisymétrique de polyéthylène

quasiment cylindrique. Il ne reste plus qu'à appliquer cette correction à la courbe


contrainte - déformation délivrée par le système VidéoTraction pour obtenir le
comportement effectif du matériau (Figure 15). Par rapport à la courbe de contrainte
axiale, on note que la correction de Bridgman "creuse" un peu la courbe de traction
dans le stade initial de plasticité, ce qui diminue encore le durcissement dans une
zone où il est déjà assez faible. On peut donc en conclure que la correction est
sensible, mais pas très importante.

40
CONTRAINTE VRAIE (MPa)

30

20 Courbe
non corrigée
Polyéthylène
TUB 71
10
Courbe . T = 80 °C
corrigée ε = 5 10-3 s-1

0
0 0,25 0,5 0,75 1,0 1,25 1,5 1,75 2,0

DEFORMATION VRAIE

Figure 15. Graphe contrainte vraie vs. déformation varie du polyéthylène


montrant l'influence relative de la correction de Bridgman

13
4.2. Mesure des variations de volume spécifique

Comme nous l'avons vu précédemment, certaines équations utilisées dans le


dépouillement des essais mécaniques supposent implicitement que la déformation
est "isochore", c'est à dire à volume constant. Or, des travaux antérieurs (notamment
Dahoun, 1992) ont montré que les polymères étaient sujets à des phénomènes
d'endommagement plastique qui augmentent leur volume spécifique.
Les systèmes d'essais mécaniques à pilotage vidéométrique permettent
d'appréhender ces processus d'endommagement en temps réel et avec une assez
bonne précision. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, le marquage d'une
éprouvette avec des taches alignées longitudinalement et transversalement permet
d'accéder aux différentes composantes principales du tenseur des déformations.
Dans la méthode "à 5 taches" illustrée à la Figure 16, on a volontairement placé une
tache sur l'arête de l'éprouvette observée diagonalement, de sorte que l'on mesure
simultanément les trois composantes des déformations. Le système est donc capable,
en temps réel, de calculer la déformation volumique εv = ln(v/vo) = εxx + εyy + εzz..

εzz

εxxεyy

mesure des déformations


dans les 3 directions principales
εv = ln(v/vo)

Figure 16. Principe de mesure vidéométrique de la déformation volumique

Nous avons appliqué cette méthode tout d'abord à un grade de polypropylène


isotactique à la température ambiante (Figure 16). Ce polymère a été testé dans une
gamme de déformation jusqu'à 0,3 et la variation de volume spécifique a été
mesurée par la technique vidéométrique. On constate que le volume augmente dès le
début de la traction, mais d'une manière limitée (au maximum 2 % environ) et avec
une certaine tendance à la saturation. On en déduit que dans ces conditions les
lamelles cristallines du polypropylène sont capables de glissement plastique et que
les zones amorphes interstitielles accommodent convenablement les
microhétérogénéités de déformation entre les lamelles voisines. Le phénomène
d'endommagement peut donc être qualifié de modéré.

14
30 0,3

DEFORMATION VOLUMIQUE
CONTRAINTE VRAIE (MPa)
20 0,2

POLYPROPYLENE
10 0,1
T = 25 °C
.
ε = 5. 10-4 s-1

0 0
0,0 0,1 0,2 0,3

DEFORMATION VRAIE AXIALE

Figure 17. Evolution de la déformation volumique du polypropylène


(PP copolymère Atochem 3060 MN5)

Un autre exemple est représenté par le cas du polystyrène "choc". Dans ce


matériau, la formulation a été optimisée par la polymérisation simultanée de
polystyrène (rigide et fragile) et de polybutadiène (caoutchoutique). Au terme d'un
processus d'inversion de phase bien connu, la microstructure finale du matériau est
constituée de nodules micrométriques de polybutadiène dans une matrice continue
de polystyrène (les nodules contenant eux-mêmes des inclusions de polystyrène).
30 0,3

DEFORMATION VOLUMIQUE
CONTRAINTE VRAIE (MPa)

20 0,2

10 0,1
POLYSTYRENE CHOC

T = 25 °C
.
ε = 5. 10-4 s-1
0 0
0,0 0,1 0,2 0,3

DEFORMATION VRAIE AXIALE

Figure 18. Evolution de la déformation volumique du polystyrène choc


(PS choc Atochem 4241)

Dès la limite élastique (Figure 18), on assiste au démarrage de l'endommagement


par une augmentation progressive de la déformation volumique. La littérature a
rapporté que cet endommagement se manifeste sous la forme d'une multitude de
craquelures générées à partir des nodules caoutchoutiques. Il est intéressant que sans
mesure de déformation volumique, on aurait pu interpréter la courbe σ(ε) comme
une simple courbe de plasticité avec son crochet bien marqué et son long stade

15
d'écoulement. Toutefois, l'absence presque totale de durcissement pouvait laisser
suspecter quelque endommagement. En fait, on constate un phénomène tout à fait
remarquable puisque la déformation volumique est pratiquement égale à la
déformation axiale. Cela signifie que tout l'allongement de l'éprouvette est assumé
par la formation et l'ouverture des craquelures, sans intervention de bandes de
cisaillement. Il en résulte que l'éprouvette s'allonge sans diminution significative de
section.

4.3. Essais de fluage à contrainte vraie constante

Bien que les essais mécaniques à vitesse de déformation constante constituent


une part majoritaire des tests réalisés sur les polymères, les essais de fluage ont
également une grande importante pour la prédiction de la tenue des pièces
mécaniques à long terme. Toutefois, dans la pratique courante, les essais de fluage
relèvent d'un grand empirisme et mettent en œuvre des techniques rudimentaires.
Dans la plupart des cas, les éprouvettes sont soumises à une force constante, en
général à l'aide de poids morts. En supposant en première approximation une
déformation isochore, la contrainte vraie, égale à σ = (Fo / So) x exp(ε), augmente
régulièrement au fur et à mesure que l'éprouvette s'allonge et que sa section diminue.
Or la plupart des auteurs semble ignorer ce phénomène et traite les résultats de
fluage à force constante comme s'ils étaient obtenus sous contrainte vraie constante.

1,2
DEFORMATION VRAIE

0,9 σ = 15 MPa

σ = 13 MPa
0,6

σ = 11 MPa
0,3
Polyéthylène SCLAIR 2907
T = 60 °C

0,0
0 25.000 50.000 75.000 100.000
TEMPS (s)

Figure 19. Essais de fluage à contrainte vraie constante

Nous avons mis au point (G'Sell et al., 1995) un test de fluage plus rigoureux dans
lequel la force appliquée diminue régulièrement au cours du temps de telle sorte que
la contrainte vraie reste strictement constante au niveau du V.E.R. où la déformation
vraie est mesurée. Des courbes typiques obtenues dans ces conditions sont
présentées à la Figure 19 dans le cas du polyéthylène à haute densité. On y voit que
la vitesse de déformation diminue continuellement au fur et à mesure que la
déformation augmente. Ce résultat est important car infirme l'existence d'une
accélération de la vitesse aux grandes déformations, souvent qualifié de "fluage

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tertiaire" dans la littérature. Cette contradiction s'explique très clairement par le fait
que, dans les essais traditionnels, la section diminue en fin de fluage ce qui produit
une auto-accélération catastrophique du fluage.
Dans nos essais, les courbes ε(t) représentent le comportement intrinsèque du
polymère et devraient logiquement obéir aux mêmes lois que celles obtenues avec
les essais à vitesse constante. Si l'on utilise par exemple la loi de comportement de
G'Sell et Jonas (1979), σ(ε, ε& ) = K (1-exp(-wε)) exp(h ε²) ε& m on obtient facilement,
la loi de fluage ε& (σ, ε ) = [σ / K (1-exp(-wε)) exp(h ε²)]1/m qui correspond bien aux
courbes expérimentales.
Non seulement les courbes de fluage à contrainte vraie constante donnent
accès aux paramètres de la plasticité du matériau (notamment le coefficient de
durcissement, h, et le coefficient de sensibilité à la vitesse de déformation, m), mais
elles permettent de plus de prédire le comportement opérationnel d'une éprouvette
de traction sous l'effet d'un poids mort (à force constante). Les courbes calculées
ainsi sont présentées à la Figure 20, de même que les courbes expérimentales
correspondant aux mêmes valeurs de la contrainte nominale. On constate que la
modélisation reproduit très bien le "fluage tertiaire", pour lequel elle confirme que la
vitesse de fluage auto-accélérée résulte bien de la diminution catastrophique de
section aux grandes déformations. Si le stade initial de fluage n'est pas parfaitement
modélisé (en raison de la validité limitée de la fonction viscoélastique de
Maxwell, [1-exp(-wε)]) la fin des courbes, et notamment le temps à la rupture en
fluage est bien prédit dans une fourchette de variation de deux décades.

0,8
σi =15 MPa 13 MPa 11 MPa
DEFORMATION VRAIE

PE Sclair 2907
T = 60 °C
0,6

calcul
0,4 expérience

0,2

0
0,1 1 10 100 1.000 10.000
TEMPS (s)

Figure 20. Comportement en fluage sous force constante et prédiction


de celui-ci à partir des paramètres déterminés avec les expériences
à contrainte vraie constante

17
5. CONCLUSIONS

Dans ce chapitre, nous avons analysé les problèmes généraux liés à la


définition d'une stratégie d'essais mécaniques pour la détermination des lois de
comportement des polymères solides et leur interprétation sur la base des
mécanismes microstructuraux. Nous avons montré notamment que :
- la déformation plastique des polymères résulte de processus hétérogènes aux
niveaux macroscopique et/ou microscopique
- la définition des essais mécaniques doit être adaptée selon une approche locale à
l'échelle d'un Volume Elémentaire Représentatif
- les systèmes d'essais mécaniques à pilotage vidéométrique répondent à cette
démarche avec des possibilités très étendues
- des programmes d'essais spéciaux et des techniques de caractérisation in-situ
donnent accès aux mécanismes microstructuraux
- les lois de comportement déduite des essais sont utilisables pour prédire les
performances des pièces industrielles lors de leur mise en œuvre ou en service
(par la méthode des éléments finis)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Bridgman, P.W., 1944, "The Stress Distribution at the Neck of Tension Specimen,"
Transactions of the American Society of Metals, Vol. 32, pp. 533-574.
Dahoun, A., "Déformation plastique et textures cristallines induites dans les
polymères semi-cristallins", Thèse de Doctorat, INPL, Nancy (1992)
Favier, V., Giroud, T. et G'Sell, C., "Etude du comportement plastique de grades de
polyéthylène pour tubes sous pression", Travail non publié, (1998)
G'Sell, C. et Jonas, J.J., "Determination of the plastic behaviour of solid polymers at
constant true strain rate", Journal of Materials Science, 14 (1979) 583
G'Sell, C., "Instabilités de déformation pendant l'étirage des polymères solides",
Revue de Physique Appliquée, 23 (1988) 1085-1101.
G'Sell, C., Hiver, J.M., Dahoun, A. et Souahi, A., "Video-controlled tensile testing
of polymers and metals beyond the necking point", Journal of Materials Science, 27
(1992) 5031-5039
C. G'Sell, A. Dahoun et C. Poinsot, "Creep and yield behavior of semi-crystalline
polyethylene in uniaxial tension", Proceedings of an international IUTAM
Symposium on "Micromechanics of Plasticity and Damage of Multiphase
Materials", Sèvres (1995)

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