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MÉMOIRE DES ONDES.

LES ARCHIVES DE LA RADIO FRANÇAISE

Marine Beccarelli

Éditions de la Sorbonne | « Sociétés & Représentations »

2020/1 N° 49 | pages 181 à 190


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ISSN 1262-2966
ISBN 9791035105532
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2020-1-page-181.htm
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Marine Beccarelli

Mémoire des ondes.


Les archives de la radio française
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Les premières émissions de radio régulières ont été diffusées en France à par-
tir de décembre 19211. À l’origine, les stations ne proposent que quelques
heures d’émissions par jour, avant d’étendre progressivement leurs grilles de
programmes, en diffusant des pièces de théâtre et des concerts, des bulletins
d’informations, des jeux ou des causeries…
Si la radio révolutionne la vie quotidienne en faisant pénétrer dans l’inti-
mité des foyers des voix et musiques extérieures, elle est originellement conçue
comme le média de l’instantané et de l’éphémère : elle n’a pas vocation à laisser
de traces. L’écoute de la radio constitue alors un rendez-vous qu’il s’agit d’ho-
norer au bon moment, une émission à peine diffusée devenant généralement
presqu’aussitôt disparue. La radio a contribué à donner naissance à une culture
sonore particulière, mais ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la
notion de conservation des archives commence à apparaître. Cette contribu-
tion propose de retracer l’histoire de la conservation des archives radiopho-
niques en France, en dressant un panorama des lieux et supports de conserva-
tion de cette mémoire radiophonique.

Du média de l’instantané au souci de patrimoine sonore


Avant la Seconde Guerre mondiale, les professionnels de la radio française et les
autorités ne se soucient pas de la conservation des archives du médium sonore.

1. Caroline Ulmann-Mauriat, Naissance d’un média. Histoire politique de la radio en France (1921-1931),
Paris, L’Harmattan, 1999.

Marine Beccarelli, « Mémoire des ondes. Les archives de la radio française »,


S. & R., no 49, printemps 2020, p. 181-190.
Les stations publiques et privées qui coexistent alors ne sont que des organes de
transmission. Dans les premières années de son existence, les émissions se font
presque toutes en direct, sans enregistrement. Par ailleurs, jusqu’au milieu des
années 1930, les moyens d’enregistrements – des cylindres phonographiques
en cire d’abeille – sont réutilisables, et l’exploitation nécessite de les réutiliser
quasiment immédiatement. À partir de  1933, des disques souples 78  tours
non réutilisables commencent toutefois à être employés, notamment pour
l’enregistrement de dramatiques ou d’allocutions politiques. Les plus vieux
enregistrements de la radio française parvenus jusqu’à nous datent ainsi des
années 1930. Certains d’entre eux proviennent de collections privées, comme
celle de Léon Ropiquet2.
Le souci officiel de conservation des archives radiophoniques n’apparaît
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qu’après la Libération, au moment où la radiodiffusion est nationalisée et cen-
tralisée, et les radios privées interdites – l’importance stratégique de la radio
182 s’étant en effet largement révélée pendant la Seconde Guerre mondiale3.
Fin 1944, la RDF en gestation imagine un service des archives radiopho-
niques, officiellement créé en 1945, dont l’une des premières tâches consiste
à regrouper les enregistrements éparpillés à travers la trentaine de studios de
radio parisiens. Une phonothèque centrale de la RDF est créée en 1946, qui va
progressivement récolter et rassembler les documents sonores sur différents sup-
ports : d’abord des disques souples 78 tours d’une durée moyenne de 4 minutes,
pour la période allant de 1933 à 1957 ; puis des films Philips-­Miller, apparus
en 1945, mais se révélant dangereux car inflammables (composés de nitrate de
cellulose)  ; enfin, des bandes magnétiques, utilisées progressivement à partir
de 19474. L’apparition puis les améliorations du magnétophone permettent une
meilleure conservation des contenus de la radio, en particulier des émissions de
longue durée. En outre, après la Seconde Guerre mondiale, le direct recule pour
laisser place à une radio davantage enregistrée en amont : les émissions littéraires
et artistiques se développent, la radio de ces années-là étant largement dirigée et
fabriquée par des poètes5 : l’écrivain Paul Gilson est directeur des programmes
de la RDF, puis de la RTF6, de 1946 jusqu’à sa mort en 1963.

2. « Enregistrements de personnalités historiques célèbres », 70 ans de machines parlantes, 12 septembre


1947, archive INA. En ligne : https://www.ina.fr/emissions/70-ans-de-machines-parlantes/.
3. Voir notamment Aurélie Luneau, Radio Londres 1940-1944, Paris, Tempus, 2010.
4. Pascal Cordereix, La phonothèque de l’INA. Conservation et exploitation des archives radiophoniques,
mémoire d’études sous la direction de Mahfoud Galloul, ENSSIB, 1993, p. 5.
5. Voir Pierre-Marie Héron, Les écrivains hommes de radio (1940-1970), Marseille, Presses universitaires
de la Méditerranée, 2001.
6. La RDF (Radiodiffusion française) étant devenue la RTF (Radiodiffusion télévision française) en 1949.

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À partir de 1953, la Phonothèque commence aussi des opérations de res-
tauration et de copie du contenu des anciens supports – disques mous et films
Philips-Miller  – sur bandes magnétiques. La technique évoluant, le service
convertit progressivement ces enregistrements sur les supports les plus récents :
la bande magnétique à la vitesse de 76 cm/s, utilisée de 1947 à 1959, est rem-
placée à partir de 1954 par celles de 19 et 38 cm/s. Les conservateurs du son
s’appliquent aussi à rénover les enregistrements, en les nettoyant, par exemple
en supprimant des bruits de fond pour rendre les archives davantage audibles.
La réunion des différents services de la radio publique n’est effective
qu’en 1963, avec l’inauguration de la Maison de la radio, dans le 16e arron-
dissement de Paris. Les services de documentation se réorganisent en 1964 :
la phonothèque, la bibliothèque musicale, la bibliothèque littéraire et drama-
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tique, la discothèque et la documentation d’actualité sont regroupées au sein
de la direction des services de conservation des archives radio, tandis qu’un
nouveau système de documentation, centralisé et normalisé, est mis en place. 183
Le service rassemble et conserve aussi des archives écrites de la radio publique,
nous y reviendrons.

Quels choix de conservation des archives sonores ?


En plus de conserver des enregistrements préalables à la diffusion, le service
des archives de la radio publique met en place des procédures d’archivage de
la production nouvelle. Les émissions retenues pour la postérité sont soumises
à une sélection  : la conservation concerne surtout les œuvres dramatiques,
les journaux parlés (intégralement conservés à partir de 1957), les émissions
de grands entretiens ou de création radiophonique, ou encore les causeries,
autant de programmes considérés comme « sérieux » ou légitimes. Les émis-
sions de variétés, de jeux ou d’accompagnement sont, par exemple, très peu
conservées. En 1964, la responsable des archives radio de la phonothèque de
l’ORTF, Lise Caldaguès, explique :
Nous ne conservons en principe que [les enregistrements] susceptibles d’être dif-
fusés à nouveau, ou ceux qui peuvent enrichir nos documentations d’archives
sonores. Mais […] nous effaçons dans un délai de trois mois […] ceux dont toute
nouvelle diffusion est interdite, et ceux qui ne possèdent aucun intérêt pour nos
collections7.

7. Lise Caldaguès, responsable des archives radio de la phonothèque ORTF, « Magie et vérité des sons »,
24 juin 1964, archive INA.

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Les critères de sélection semblent alors pour le moins subjectifs  : les
documentalistes qui décrivent ces enregistrements dans des rapports d’écoute
doivent simplement « posséder une vaste culture », et « se tenir au courant de
l’actualité pour être capable d’apprécier [l’intérêt] des documents »8.
Lise Caldaguès rêve pourtant d’une phonothèque « assez vaste pour rece-
voir, jour après jour, tous les éléments [du] journalisme sonore » :
Rien ne sera plus facile alors que de faire renaître ces sons au gré de nos désirs et
de nos curiosités, soit devant 1’historien soucieux de retrouver un certain climat
sonore, soit devant les foules, chez qui le plaisir de l’oreille n’a pas encore été
épuisé. Ce que les bibliothèques font depuis si longtemps, les phonothèques le
feront ; elles seront à la fois un centre de recherches, de production et un conser-
vatoire. Le son aura rejoint l’écrit dans les justes préoccupations des hommes9.
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En 1973, le nouveau responsable de la conservation à la phonothèque,
Lucien Rioudy, insiste lui aussi sur l’importance des documents sonores :
184
Rien ne peut […] remplacer la pulsation de vie transmise par l’enregistrement
sonore. […] Il est donc important de conserver un grand nombre d’enregis-
trements pouvant porter témoignages des manifestations multiples d’un temps
vécu : ils ressusciteront ainsi dans le futur les images vivantes du passé et rendront
celui-ci accessible aux hommes de demain […]. La difficulté du choix réside sur-
tout dans la décision de conserver un document apparemment anodin de l’actua-
lité susceptible de se révéler par la suite comme la manifestation première d’un
mouvement de pensée ou d’action important10.
Si Lucien Rioudy reconnaît la difficulté inhérente à l’appréciation de
l’importance archivistique d’un document sonore pour le futur, ses propos
montrent la volonté de constituer un fonds qui témoigne. La phonothèque de
l’ORTF s’attache en tout cas, depuis le début, à rassembler un fonds d’archives
précieuses pour l’étude de l’évolution des sociétés, et si les historiens d’alors ne
s’intéressent pas encore vraiment à ces archives, c’est notamment en raison de
leur difficile accessibilité11.

8. Ibid.
9. Lise Caldaguès, dans Pierre Schaeffer, Dix ans d’essais radiophoniques  : du Studio au Club d’Essai,
1942-1952, Arles, Phonurgia Nova/Ina, p. 18.
10. «  Des sons pour passer le mur du temps. Conserver et diffuser les archives sonores de la radio  »,
dans Hervé Glevarec (dir.), Histoire de la radio. Ouvrez grand vos oreilles, Milan, Silvana Editoriale, 2012,
p. 105-106.
11. Marie-France Chambat-Houillon et Évelyne Cohen, «  Archives et patrimoines visuels et sonores  »,
Sociétés & Représentations, no 35, 2013, p. 13.

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La création de l’INA puis du dépôt légal de l’audiovisuel
Après l’éclatement de l’ORTF en 197412, l’Institut national de l’audiovisuel
(INA) est créé en 1975, dont le but est de récolter et conserver les archives
audiovisuelles de Radio France et des autres organismes audiovisuels publics.
Le fonds de l’INA est alimenté quotidiennement selon les décisions adoptées
lors de commissions mensuelles de conservation, durant lesquelles il est décidé
ce qui doit être préservé. La notion de patrimoine audiovisuel tend à prendre
de l’importance dans les années 198013, puis s’impose véritablement en France
en 1992, avec la création du dépôt légal de l’audiovisuel.
À partir de cette date, les programmes des stations de radios publiques
commencent à être captés 24 heures sur 24 – hormis les stations locales de
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France Bleu, qui ne seront intégrées au dépôt légal qu’en 2016. À partir de
janvier 2002, les stations privées disposant de plus de cinquante émetteurs sur
le territoire entrent aussi dans les collections du dépôt légal (notamment RFI, 185
Europe 1, RTL, RMC, NRJ, Nostalgie, Fun Radio14…).
Depuis les années  1980, les études universitaires consacrées à l’histoire
des médias en général, et à la radio en particulier15, se sont ainsi développées,
notamment sous l’impulsion des comités d’histoire de la radiodiffusion et de
la télévision. L’émergence de ces recherches a été permise et encouragée par le
dépôt légal de l’audiovisuel, puis par l’ouverture en 1995 de l’Inathèque de
France, un centre de consultation des archives audiovisuelles destiné essentiel-
lement aux chercheurs. L’Inathèque se trouvait d’abord rue de Patay, dans le
XIIIe arrondissement de Paris, avant de se transposer dans les locaux de la BnF,
en 1998. Les bases de données qui y sont consultables, facilitent grandement
les recherches parmi les archives de l’INA, même si le repérage des archives
radiophoniques est plus ardu que celui des sources télévisuelles, en raison de
descriptifs moins complets et de fonds plus éclatés16.

12. Sophie Bachmann, L’éclatement de l’ORTF, Paris, L’Harmattan, 1997.


13. Marie-France Chambat-Houillon et Évelyne Cohen, « Archives et patrimoines visuels et sonores », art.
cité, p. 11-12.
14. Denis Maréchal et Jean-Michel Rodes, «  Une richesse à découvrir  : les fonds complémentaires des
collections du dépôt légal de la radio-télévision », Le Temps des médias, no 9/2, 2007, p. 247.
15. Cécile Méadel et Caroline Mauriat (dir.), Les sources de l’histoire de la radio et de la télévision en
France, Groupe d’études historique sur la radiodiffusion, actes de la journée d’études du 15 octobre 1983,
Paris, Gehra, 984.
16. Agnès Chauveau et Isabelle Veyrat-Masson, «  L’Institut national de l’audiovisuel  », dans Jean-Noël
Jeanneney, L’écho du siècle. Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France, Paris, Hachette/
Arte/La Cinquième, 2001, p. 713.

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Avant la création de ce centre de consultation, la phonothèque de l’INA
disposait de locaux de réception et de cabines d’écoute à la Maison de la radio,
et de plusieurs milliers de kilomètres de rayonnage aux Essarts-le-Roi, près
de Rambouillet. Depuis les années 1990, les CD ont progressivement rejoint
les bandes magnétiques sur ces rayonnages et, en  1999, l’institution a mis
en place un vaste plan de sauvegarde et de numérisation de ces fonds patri-
moniaux, dont environ 500 000 heures d’archives radiophoniques17, en passe
d’être bientôt achevé. Depuis 2005, les supports physiques des archives audio-
visuelles de l’INA sont désormais conservés à Saint-Rémy-l’Honoré, dans les
Yvelines, totalisant près de 120 kilomètres linéaires d’archives, dont 892 000
bandes magnétiques d’enregistrement de radio, 127  000  CD et 164  000
disques 78 tours18.
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186 Un accès plus difficile aux archives des stations privées
Si l’INA conserve des centaines de milliers d’heures d’archives radiophoniques
(environ 700 000 heures), ces fonds sonores sont en fait largement lacunaires.
D’une part, de très nombreuses émissions de radios publiques n’ont jamais été
conservées ; d’autre part, l’organisme ne dispose de quasiment aucune archive
émanant de stations de radios privées avant 2002, à l’exception d’archives de
postes privés datant d’avant la Seconde Guerre mondiale (Poste Parisien, Radio
Cité, Radio Nîmes, Radio 37) et de quelques rares journées tests captées sur les
principales stations généralistes, y compris privées, à la fin des années 1970 et
au début des années 1980.
En effet, si un monopole de la radiodiffusion a été instauré à la Libéra-
tion, des stations « périphériques » ont immédiatement détourné cette légis-
lation en émettant depuis l’extérieur des frontières françaises (Radio Luxem-
bourg, Europe 1, ou encore Radio Monte Carlo). D’une manière générale, le
chercheur s’intéressant à des émissions diffusées sur des stations privées aura
donc beaucoup plus de difficultés à accéder à des archives sonores. Si Europe 1
a par exemple conservé un important fonds d’enregistrements, son service
d’archives n’est pas ouvert au public. Il n’existe pas de possibilité de consul-
tation sur place et son catalogue n’est pas disponible en ligne. Des recherches
peuvent être effectuées par des documentalistes, mais elles sont soumises à des

17. Marie-Claire Amblard, « La numérisation des archives de l’Ina », Bulletin des bibliothèques de France,
2007, no 2, p. 41-43.
18. Le Parisien, 3 décembre 2017.

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frais techniques de recherche et de copies s’élevant à plus de 200 euros19, à la
suite de quoi seuls quelques exemples d’émissions peuvent être écoutés. Il est
toutefois possible d’essayer d’approcher les stations privées au cas par cas, en
fonction des besoins des chercheurs.
Des archives sonores peuvent parfois être retrouvées sur internet, sur
des sites spécialisés dans l’histoire de la radio ou des pages consacrées à une
émission ou une station en particulier20. Ces archives ont été enregistrées par
des auditeurs au moment de leur diffusion, lesquels ont choisi, des années
après, de les mettre à disposition des internautes. Il existe également une mul-
titude de fonds privés non accessibles, dont le dénombrement est impossible,
même si certains fonds sont bien identifiés, en particulier celui de l’archi-
viste passionnée Joëlle Girard, qui fut trésorière du comité d’histoire de la
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radiodiffusion, qui a enregistré depuis les années  1960 des dizaines de mil-
liers d’heures de radios publiques, libres et commerciales21. Par ailleurs, depuis
quelques années, plusieurs dépôts privés ont été effectués à l’INA et ont per- 187
mis de constituer un fonds sonore consacré aux radios pirates et libres des
années  1970 et  1980, comme Carbone  14, Radio Lorraine Cœur d’acier,
Radio Verte et Radio Joufflu parmi d’autres, grâce aux dépôts d’Antoine Lefé-
bure, Francis Lattuga, ou encore Jean-Baptiste Blanchemain. Très récemment,
le chercheur Thierry Lefebvre a confié à l’INA les bandes de l’émission pirate
Radio Riposte interrompue par la police en juin 1979, à laquelle participaient
François Mitterrand et plusieurs personnalités du parti socialiste22.
L’INA n’est pas la seule institution accueillant des archives radiopho-
niques en France, puisque les Archives nationales conservent également des
enregistrements de radio publique. Toutes ces sources sonores ont, en tout
cas, un caractère bien singulier. En écoutant ces sons du passé, le chercheur,
déconnecté du flux de la programmation radiophonique et du contexte de
l’époque, peut faire « l’expérience d’un passé audible23 », sans pour autant pré-
tendre saisir l’audition des auditeurs ayant entendu ces émissions en direct24.
Ces archives constituent un paysage sonore bien particulier, pour lequel il est
nécessaire de mettre en place des protocoles d’écoute, comme l’a bien démontré

19. 235 € HT en 2014.


20. Voir par exemple le site consacré aux Choses de la nuit de France Inter, émission très peu conservée à
l’INA. En ligne : http://leschosesdelanuit.free.fr/, consulté le 19 septembre 2019.
21. « Elle aura tout entendu », Télérama, no 2994, juin 2017.
22. Thierry Lefebvre, François Mitterrand pirate des ondes. L’affaire Radio Riposte, Paris, Le Square, 2019.
23. Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, trad. Maxime Boidy, Paris, La Découverte, 2015.
24. Céline Loriou, « Faire de l’histoire, un casque sur les oreilles : le goût de l’archive radiophonique », La
Gazette des archives, no 253, 2019, p. 71-82.

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Marie-Madeleine Mervant-Roux, dans le cas des archives sonores du théâtre25.
Il s’agit, en effet, de reconstituer notamment l’histoire des conditions d’enre-
gistrement et de l’écoute originale.

La complémentarité des archives écrites


Bien sûr, les chercheurs travaillant sur l’histoire de la radio ne peuvent se
contenter de consulter ces archives sonores, il convient de croiser ces der-
nières avec des archives écrites provenant d’acteurs professionnels et privés,
dans un va-et-vient constant entre ces deux types de sources, qui s’éclairent
mutuellement.
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Les archives écrites peuvent renseigner sur les conditions de production,
la programmation et la diffusion, ou encore sur la réception26. Pour la radio,
188 elles concernent, là encore, surtout la radio publique et sont essentiellement
regroupées dans trois lieux : le Centre des archives contemporaines (CAC) des
Archives nationales, l’INA et Radio France. Dans les années  1970, le CAC
a accueilli les fonds RDF/RTF/ORTF, et une convention tripartite signée
en 1995 a prévu la répartition des archives écrites de Radio France entre les
Archives nationales et l’INA.
On trouve ainsi au CAC de multiples archives écrites émanant de la radio
publique, que celles-ci proviennent des fonds des PDG, des conseils et comi-
tés de programmes, ou encore des producteurs ou réalisateurs. Ces sources
comprennent notamment des rapports d’écoute, des projets d’émission, des
documents préparatoires, ainsi que des courriers d’auditeurs (par exemple le
fonds Macha Béranger). Outre ces archives écrites de la radio publique, le
CAC dispose également de sources sonores, mais aussi de multiples archives
des ministères utiles à l’étude de l’histoire radiophoniques (les fonds du Pre-
mier ministre, du ministère de la Culture ou du Conseil d’État, par exemple).
À l’INA, en complément du dépôt des archives sonores, la radio publique
a versé des documents de programmes avant diffusion, des textes de bulletins
d’information de France Culture et de France Musique, des conducteurs du
journal parlé, des projets de programmes… Par ailleurs, l’Inathèque a égale-
ment récupéré les archives du service de la recherche de l’ORTF, celles du CSA,
ainsi que celles du comité d’histoire de la radiodiffusion. En outre, plusieurs

25. Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Peut-on entendre Sarah Bernhardt ? Le piège des archives audio et
le besoin de protocoles », Sociétés & Représentations, no 35, 2013, p. 165-182.
26. Cécile Méadel, « Les archives écrites », dans Jean-Noël Jeanneney, L’écho du siècle, op. cit., p. 700.

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fonds d’archives écrites privées de producteurs radio ont été déposés à l’INA,
par exemple le fonds Henri Gédovius, le fonds André Gillois, ou encore le
fonds Robert Arnaut27. D’autres professionnels ont déposé leurs documents
dans d’autres centres. C’est le cas, par exemple, de Menie Grégoire, qui a
versé ses courriers d’auditeurs aux archives départementales d’Indre-et-Loire.
Comme pour les enregistrements sonores, il existe bien sûr de multiples autres
fonds de documents privés et, pour les identifier, il est nécessaire de solliciter
des entretiens avec des professionnels, ou anciens professionnels de radio. Les
stations privées ou associatives ont inégalement conservé leurs écrits, mais, là
encore, il s’agit de les approcher pour tenter d’obtenir des informations et un
accès éventuel à leurs archives. Enfin, une source écrite indispensable et plus
facile d’accès peut également être mobilisée : la presse, sous toutes ses formes
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– généraliste, de programme, ou professionnelle.

⁂ 189

La mémoire des ondes radiophoniques françaises se trouve contenue dans des


fonds d’archives sonores et écrites conservés dans plusieurs lieux, essentielle-
ment à l’INA et aux Archives nationales. Si les sources sonores sont lacunaires,
la France constitue tout de même un pays bien loti en matière de conservation
et d’accès à ses archives radiophoniques. L’existence du dépôt légal de l’audio-
visuel et d’un organisme central comme l’INA a grandement facilité le rassem-
blement, la conservation et la valorisation de ces fonds.
Toutefois, ces archives proviennent presque essentiellement des stations
publiques, tandis que les émissions des radios privées ont pour l’essentiel dis-
paru, ou sont en tout cas beaucoup moins faciles d’accès28. Il en résulte, pour
le chercheur s’intéressant à l’histoire radiophonique, un déséquilibre dans l’ac-
cès aux sources. L’enjeu serait d’essayer d’identifier davantage de collections
privées, ou que des stations commerciales ouvrent leur service d’archives aux
chercheurs. Quoi qu’il en soit, les émissions radiophoniques qui ont été conser-
vées, comme celles qui ont disparu, doivent être analysées dans un aller-retour
permanent avec les sources écrites et orales, toutes constituant un pan de la
mémoire des ondes.
Récemment, plusieurs pays se sont lancés dans des entreprises de numé-
risation des archives de leur radio publique. En Grande-Bretagne, la British

27. Voir aussi Évelyne Cohen et Pascale Goetschel, « La documentation écrite de l’Institut national de l’Au-
diovisuel : un ensemble foisonnant de ressources », Sociétés & Représentations, no 25, 2008, p. 173-181.
28. Jean-Noël Jeanneney, « Le prix de la mémoire », dans Id., L’écho du siècle, op. cit., p. 697.

Marine Beccarelli, « Mémoire des ondes. Les archives de la radio française »,


S. & R., no 49, printemps 2020, p. 181-190.
Library a lancé en 2018 « The National Radio archive project », faisant partie
du programme plus vaste Save Our Sounds29, destiné à numériser massivement
des centaines de milliers d’heures d’archives sonores menacées de disparition.
Aux États-Unis, un grand colloque sera organisé à l’automne 2020 à Washing-
ton D.C. autour des archives radiophoniques, à l’occasion du centenaire de
la radiodiffusion30. Cette conférence est à l’initiative de la Radio Preservation
Task Force de la Bibliothèque du Congrès, elle-même partie intégrante du
programme National Recording Preservation Board. Finalement, près de cent
ans après la naissance de la radio, la question de la préservation des archives
sonores semble plus que jamais au cœur des préoccupations.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Laval - - 132.203.227.63 - 13/07/2020 06:18 - © Éditions de la Sorbonne

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29. Projet Save our Sounds, en ligne :https://www.bl.uk/projects/save-our-sounds, consulté le 9 septembre


2019.
30. «  Century of Broadcasting: Preservation and Renewal  ». En ligne  : https://www.radiosurvivor.
com/2019/08/22/call-for-papers-century-of-broadcasting-preservation-and-renewal-conference/, consulté
le 9 septembre 2019.

Marine Beccarelli, « Mémoire des ondes. Les archives de la radio française »,


S. & R., no 49, printemps 2020, p. 181-190.

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