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Logistique & Management

Évaluer la création de valeur


du Supply Chain Management

Nathalie FABBE-COSTES,
Professeur des Universités, CRET-LOG (Centre de REcherche sur le Transport et la LOGistique),
Université de la Méditerranée – Aix-Marseille II
nfc@univ-aix.fr

Le Supply Chain Management (SCM) est « créateur de valeur ». Mais, de quelle[s]


valeur[s] parlons-nous ? Pour qui ? Et comment l’évaluer ? Le caractère transversal
et multi parties prenantes de ces « nouvelles » pratiques interorganisationnelles
rend ces questions complexes. Notre contribution tentera d’apporter quelques ré-
ponses, si possibles non simplificatrices, utiles tant pour le chercheur en Sciences
de Gestion, que pour le praticien impliqué dans des supply chains.

Le Supply Chain Management (SCM) est dans les supply chains qui expliquent proba-
« créateur de valeur ». Nous avons tous lu ou blement l’ambiguïté autour de la définition et
entendu cette affirmation avancée par de nom- de la mesure de la « valeur » créée par le SCM.
breux praticiens, consultants ou chercheurs
comme la « bonne » raison de se lancer dans Puisque de nombreuses entreprises s’enga-
l’aventure de ces « nouvelles » pratiques inter- gent dans des démarches de SCM, il nous
organisationnelles qui permettent de repenser semble intéressant et utile de faire progresser
l’ensemble d’un système de valeur en même la réflexion. L’ambition de notre contribution
temps que les processus internes de chacune est donc d’apporter quelques réponses, si pos-
des firmes y participant. Mais au-delà de cette sible non simplificatrices à ces questions.
affirmation et de quelques success stories, Notre intention est sous-tendue par l’hypo-
force est de constater qu’il existe encore bien thèse qu’une clarification sera utile tant pour
peu de travaux apportant des preuves scienti- le chercheur en Sciences de Gestion, le SCM
fiques empiriquement fondées de cette créa- étant un thème « académique » relativement
tion de valeur. nouveau, que pour le praticien impliqué dans
des supply chains. Identifier la nature des
Une des principales raisons réside probable- « valeurs » à considérer, comprendre les
ment dans la complexité de cette analyse. Le enjeux associés, envisager les conditions de
SCM est en effet une démarche transversale cette création de valeurs ainsi que les problè-
multi-acteurs déployée « en réseau » impli- mes liés à son évaluation nous semble en effet
quant de nombreuses parties prenantes. Vou- un préalable à toute stratégie raisonnée de
loir apporter une preuve que le SCM est SCM et plus globalement à toute décision de
créateur de valeur conduit inévitablement à se participer à un réseau d’affaires. Les supply
poser les questions suivantes. De quelle[s] chains nous semblent en tout cas un terrain
valeur[s] parlons-nous ? Et pour qui ? Par ail- fécond d’observation et d’expérimentation L’auteur remercie J. Colin et
leurs, faisant l’hypothèse que ces questions pour faire progresser la réflexion sur la créa- P. Chollet, professeurs à
sont élucidées, l’évaluation ou la mesure de tion de valeur par et dans les entreprises. l’Université de la Méditerranée
cette création de valeur pose problème. De (Aix-Marseille II) et membres du
CRET-LOG, pour leurs conseils
plus, au-delà de la vision « positive » de la Nous articulerons notre réflexion en deux avisés et les échanges fructueux
création de valeur, nul ne peut contester qu’il temps. Dans un premier temps, nous rappelle- qui ont accompagné
existe des enjeux de pouvoir et de contrôle rons ce qu’est le SCM et mettrons en évidence l’élaboration de cet article.

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que pour apprécier la création de valeur par le parts of it, across or within firms” (Cooper, et
SCM, il convient d’adopter une grille d’éva- alii, 1997, p.2). Nous renvoyons plus large-
luation multi-niveaux et multi-points de vue. ment à Cooper et alii (1997), Bechtel et Jaya-
Dans un second temps, nous reviendrons sur ram (1997), Larson et Dale (1998), Croom et
la notion de valeur et discuterons le problème alii (2000) qui proposent de nombreuses défi-
de l’évaluation de la création de valeur par le nitions du SCM ainsi que de larges revues de
SCM, ce qui nous permettra de proposer une littérature montrant cette absence de consen-
méthode de travail pour élaborer des systèmes sus. Les auteurs, comme les entreprises d’ail-
d’évaluation de la création de valeur dans des leurs, adoptent en effet des perspectives
démarches de SCM. variées. Certains se focalisent sur une
approche interne du SCM et choisissent
comme stricte unité d’analyse l’entreprise
SCM : une création de valeur (approche locale fermée). D’autres privilé-
multi-niveaux et gient aussi l’intra-organisationnel, mais en
multi-dimentionnelle intégrant des interfaces avec des acteurs exter-
nes (approche locale ouverte). D’autres
Le SCM : une démarche multi-niveaux
encore adoptent une approche d’emblée glo-
Le SCM date du début des années 1980. Plus bale du SCM et situent leur analyse au niveau
précisément, il semble que les premiers à du réseau inter-organisationnel concerné
avoir utilisé le terme de SCM soient Oliver et (approche globale). Cette perspective
Weber (1982) en discutant des bénéfices renvoie à la notion d’entreprise étendue ou
potentiels pour une entreprise d’une intégra- entreprise réseau qui fait l’objet de nombreux
tion fonctionnelle des achats, de la produc- travaux depuis les années 19901.
tion, des ventes et de la distribution. Pour les
travaux français de cette époque (Colin, 1981 ; Pour évaluer la création de valeur par le SCM,
Mathe et Tixier 1987, Colin et Paché, 1988), il convient donc préciser, comme l’illustre la
telle était la mission de la logistique qui figure 1, le ou les niveaux d’analyse choisis
devait, pour piloter « convenablement » les sachant qu’il est possible de raisonner sur
flux et optimiser le couple coût-service, plusieurs niveaux imbriqués : au niveau
réconcilier et coordonner les activités liées à inter-organisationnel, soit avec une approche
l’approvisionnement, la production, la distri- locale ouverte, soit avec une approche globale
bution physique et le SAV. (système de valeur), éventuellement en ajou-
tant une dimension sociétale (approche glo-
Cette vision principalement intra-organisa- bale étendue), au niveau de la chaîne de
tionnelle du SCM, qui renvoie à la notion valeur de chaque entreprise partie prenante de
contemporaine de chaîne de valeur (Porter, la supply chain, éventuellement en « descen-
1985), s’est rapidement enrichie, tant dans les dant » en interne au niveau des différents pro-
pratiques des entreprises que les recherches cessus et activités concernées. En fait, évaluer
anglo-saxonnes et francophones, d’une la création de valeur par le SCM conduit à
dimension inter-organisationnelle. Dans un s’inscrire dans une dialectique locale / globale
premier temps, ce sont les interfaces avec les multi-niveaux qui, comme nous le verrons par
partenaires directement à l’amont et à l’aval la suite, n’est pas sans poser des problèmes
1 - Pour une vision complète des
travaux et des courants de de l’entreprise qui ont été prises en considéra- d’arbitrage.
recherche sur les réseaux tion, puis la perspective s’est étendue à
inter-organisationnels, nous l’ensemble des acteurs concernés par le SCM, Le SCM : de multiples parties prenantes
renvoyons le lecteur aux de la matière première (le fournisseur du four-
récentes thèses de Dumoulin Tout en gardant en mémoire les multiples
(1996), Fulconis (2000) et nisseur) au produit fini rendu chez les clients /
Geindre (2000), ainsi qu’au utilisateurs / consommateurs (au client du niveaux d’évaluation possibles, nous allons
numéro spécial du Strategic client), en intégrant les processus de soutien maintenant identifier les parties prenantes du
Management Journal consacré logistique pour les produits durables ainsi que SCM qui devraient a priori être bénéficiaires
aux Strategic Networks (Vol.21, d’une création de valeur et qui pourraient
Issue 3, 2000), numéro édité par la gestion des produits en fin de vie (reverse
Gulati, Nohria et Zaheer. logistics, traitement des déchets, recyclage). l’apprécier (positivement ou négativement).
2 - La “ valeur ” pour le client Pour une synthèse de cette évolution et des
La plupart des définitions classiques du SCM
est souvent évaluée par sa satis- interfaces successivement concernées voir
faction, mais aussi par la VAC mettent en avant le client2. En fait, la notion
Paché et Colin (2000).
– valeur ajoutée pour le client – de client demande à être précisée puisqu’il
qui combine une évaluation La notion de SCM ne fait cependant pas peut s’agir des clients directs (souvent privilé-
absolue et relative (par rapport
aux concurrents) du rapport
aujourd’hui l’objet d’une approche unifiée. giés dans la pratique) mais aussi et surtout des
qualité /prix de l’offre (Lambert “While some authors have addressed the clients des clients. Plusieurs niveaux de
et Burduroglu, 2001). entire supply chain, others have focused on clients peuvent donc être envisagés, l’idéal

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étant d’aller jusqu’au client « final » (celui qui Figure 1 - Le SCM : de multiples niveaux d’évaluation de la création
« tire » le flux) comme le rappelle la définition de valeur
suivante : le SCM est « a network of firms inte-
racting to deliver product or service to the end
consumer, linking flows from raw material
supply to final delivery » (Ellram, 1991).
Une deuxième partie prenante est souvent
explicitement mentionnée : l’actionnaire.
Citons la définition du Global Supply Chain
Forum rappelée par Halley (2000). Le SCM est
« l’intégration des processus d’affaires clés de
l’utilisateur final en remontant jusqu’aux four-
nisseurs initiaux qui offrent les produits, les
services et l’information contribuant à
l’accroissement de la valeur pour le client et
les actionnaires ». Le SCM, en héritier direct
de la logistique, vise en effet la réduction des
coûts en même temps que l’amélioration des
niveaux de service, tout en préservant à long
terme la flexibilité des firmes. Le SCM a pour
ambition d’agir simultanément sur l’accroisse-
ment de la valeur ajoutée, la maîtrise du coût de
revient et sur la maîtrise des capitaux engagés
améliorant la profitabilité globale de la firme
(Fiore, 2000, notamment p.46-59), ce que
développent Lambert et Burduroglu (ib.). Le
SCM vise donc explicitement à accroître la
profitabilité des firmes y participant et par voie
de conséquence à créer de la valeur pour leurs
Source : élaboration personnelle.
actionnaires. De grandes entreprises ont adopté
la création de valeur pour les actionnaires
(mesurée notamment par l’EVA – Economic deurs, acteurs du SAV, et clients finaux), mais
Value Added –) comme le meilleur indicateur aussi les fournisseurs (sur plusieurs “rangs”)
de performance pour la logistique (Lambert et ainsi que les nombreux prestataires logisti-
Burduroglu, ib.). Mais outre la limite de ce type ques qui s’insèrent à chaque stade de la supply
d’évaluation (Caby et Hirigoyen, 1999), chain. Il est d’ailleurs étonnant de constater
doit-on évaluer la création de valeur pour les que les prestataires sont les grands absents de
actionnaires des firmes impliquées dans la sup- tous les modèles de SCM présentés tant par les
ply chain séparément (approche locale) ou col- consultants que les chercheurs ! Pourtant la
lectivement (approche globale) ? L’évaluation plupart des firmes industrielles et commercia-
de la création de valeur pour l’actionnaire les confient la réalisation de leurs opérations
d’une firme doit-elle, comme dans le cas de physiques à des prestataires en leur laissant
l’EVA, se limiter aux capitaux investis par la souvent de grandes marges de manœuvre pour
firme considérée (approche locale fermée) ou trouver les solutions techniques et organisa-
prendre en compte les capitaux engagés par les tionnelles aux problèmes logistiques posés.
alliés du réseau (approche locale ouverte) ? Remarquons aussi qu’il n’est jamais ques-
La valeur créée par une supply chain (même tions des “ autres ” fournisseurs tels que les
évaluée localement) est le fruit, compte tenu banques, les SSII, etc. qui certes ne sont pas
des réseaux d’affaire actuels, des décisions et directement impliqués dans le SCM mais qui 3 - Signalons que le terme
actions de l’ensemble de ses acteurs3. La en sont d’importantes parties prenantes. En acteur renvoie à des firmes
particulier, pour de telles firmes, travailler directement impliquées dans le
coordination des cycles de développement et supply chain management
d’exploitation doit en effet se faire à l’échelle avec des acteurs impliqués dans des supply (firmes qui participent au
du réseau. Les logiques locales de chaque chains peut représenter de formidables oppor- pilotage et à la circulation des
acteur doivent donc être articulées et conci- tunités d’affaires mais comporte aussi des ris- flux) alors que le terme de
ques. partie prenante renvoie à la
liées dans une perspective globale, le SCM notion anglo-saxonne plus large
devant a priori créer de la valeur pour chacun de stakeholder.
d’eux4. Sont donc concernés les clients déjà Plus récemment, et compte tenu d’une actua- 4 - Et donc chacun de leurs
évoqués (à savoir les distributeurs, reven- lité parfois dramatique, le SCM s’est vu attri- actionnaires.

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bué de nouvelles responsabilités et doit aussi vue adoptés, voire privilégiés, et analyser
être créateur de valeur pour la collectivité. Le dans quelle mesure ils sont contradictoires
SCM devrait en effet conduire à bâtir des entre eux et avec ceux des autres parties
réseaux logistiques sûrs, respectueux de prenantes. L’objectif n’est pas nécessaire-
l’environnement et des personnes tant du ment de toujours adopter un point de vue
point de vue de leur sécurité que de leur holistique du SCM mais plutôt d’être cons-
« exploitation ». Comme l’indique Lorino cient des interactions et éventuelles opposi-
(1997, p.18), « la viabilité économique d’une tions entre les préférences et les objectifs des
entreprise tient à sa capacité à assurer un multiples parties prenantes au SCM.
niveau satisfaisant d’accroissement net de
valeur pour la société : détruire les ressources
qu’elle consomme « vaut-il la peine » au Évaluer la création de valeur
regard des besoins finalement satisfaits ? ». du SCM
Ce méta-acteur, « le citoyen », devient critique
La valeur créée par le SCM : qu’est-ce que
compte tenu du poids des médias, de certains
c’est ?
groupes de pression et de l’effet démultiplica-
teur de technologies telles qu’Internet. La complexité qui se cache derrière l’affirma-
tion « le SCM est créateur de valeur » étant
Finalement, l’acteur le moins souvent évoqué mieux appréhendée, revenons maintenant à la
par le SCM est le salarié. Or certaines prati- notion de valeur en elle-même. Un rapide exa-
ques logistiques, comme le juste-à-temps, les men des principaux dictionnaires (voir
flux tendus, ont fait – et font encore – appa- tableau de synthèse) montre que le terme
raître des limites au plan des ressources « valeur » est polysémique. Pour une analyse
humaines. Une grande flexibilité, réactivité et plus spécifiquement économie et gestion de la
tension des flux conduit à un stress finalement polysémie du terme « valeur », nous ren-
contre-productif cependant que les reconfigu- voyons aux articles de Perrin (2001) et Chaze-
rations permanentes des supply chains doi- let et Lhote (2001) et plus largement à tout le
vent mobiliser toutes les intelligences des dossier spécial de la Revue Française de Ges-
firmes. Tantôt maillon faible, tantôt ressource tion Industrielle consacré au « Management
clé, le salarié qu’il soit opérationnel ou fonc- par la valeur ». Nous retiendrons pour notre
tionnel, ouvrier ou cadre est une partie pre- propos :
nante essentielle du SCM. À ce titre, il nous • que la valeur s’apprécie, ce qui confère de
semble important de considérer le point de l’importance au « point de vue » adopté,
vue des salariés (qu’ils soient directement ou introduit une relativité dans l’évaluation,
indirectement concernés par la logistique) et montre l’importance des représentations,
pour lesquels le SCM devrait être créateur de
• qu’elle s’apprécie par rapport à un projet
valeur.
donc une attente (validité, utilité, efficaci-
Ce rapide panorama des parties prenantes au té…),
SCM montre la multiplicité des points de vues • que cette appréciation peut être « normée »
possibles pour apprécier, évaluer, sinon mesu- (conventions d’un individu, d’un groupe ou
rer, la valeur créée par le SCM. En fait, il serait de la société), et
plus juste de parler des valeurs créées par le • qu’elle peut se mesurer, ce qui suppose de
SCM, puisque chaque type de partie prenante préciser la ou les variables et les échelles de
appréciera la création de valeur à l’aune de ses cette mesure.
préoccupations. Ajoutons que nous avons rai-
sonné ici en parties prenantes types, ce qui La définition proposée par Lorino (1997,
réduit la variété des points de vue à prendre en p.503) rejoint pour partie cette synthèse : « la
compte « réellement », certaines catégories valeur est le jugement porté par la société
d’acteurs étant très hétérogènes. La com- (notamment le marché et les clients poten-
plexité est par ailleurs accrue par le dévelop- tiels) sur l’utilité des prestations offertes par
pement des organisations « éphémères » qui l’entreprise comme réponse à des besoins. Ce
cristallisent « par projet » des supply chains jugement se concrétise par des prix de vente,
temporaires au sein de réseaux d’acteurs rela- des quantités vendues, des parts de marché,
tivement stables, ce qui conduit à imaginer des revenus, une image de qualité une réputa-
une évaluation combinatoire et évolutive de la tion… ». Nous proposons dans le même
création de valeur. esprit, mais à l’échelle du SCM, la définition
suivante : la valeur est le jugement porté par
Pour évaluer la création de valeur par le SCM, les parties prenantes d’une supply chain sur
il convient donc préciser le ou les points de l’utilité du système d’offre global comme

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Les principales définitions du terme « valeur »


Définitions Remarques Références
Caractère mesurable (d’un objet) en tant que susceptible d’être échangé, d’être désiré. Renvoie en particulier au prix Le Petit Robert
Qualité d’une chose fondée sur son utilité objective ou subjective (valeur d’usage), sur le Le Petit Robert
rapport de l’offre à la demande (valeur d’échange), sur la quantité de travail nécessaire à
Notion relative, contingente,
la production.
perceptuelle
Qualité (d’un bien, d’un service) fondée sur son utilité (valeur d’usage), sur le rapport de
Liée à l’utilité à la rareté relative. Le Petit Robert
l’offre à la demande (valeur d’échange), sur la quantité de facteurs nécessaires à sa
production (valeur travail). CD-Rom

Caractère de ce qui répond aux normes idéales de son type et qui le rend plus ou moins
Notion de référentiel pour évaluer Grand Dico
digne d’estime, d’admiration
Caractère de ce qui remplit les conditions requises pour être valable, valide, acceptable Notion de norme Grand Dico
Renvoie à l’appréciation
Le Petit Robert
Qualité estimée par un jugement « individuelle », le point de vue est
CD-Rom
relatif
Grand Dico
Qualité de ce qui produit l’effet voulu, de ce qui satisfait à ce à quoi il est destiné Renvoie à l’efficacité, à l’utilité
Suppose comparaison avec les
Le Petit Robert
Caractère de ce qui satisfait à une certaine fin objectifs visés, avec les attentes
CD-Rom
Renvoie à la perception de celui
Importance, prix attaché subjectivement à quelque chose Grand Dico
qui accorde de la « valeur »
Ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d’un point de vue personnel ou selon les S’inscrit dans une dialectique
critères d’une société et qui est donné comme idéal à atteindre, comme quelque chose à local/global, suggère l’existence Grand Dico
défendre d’un paradigme de la valeur
Préférence manifestée par un être vivant, en fonction des exigences de son Soi et de ses
Idem ci-dessus Grand Dico
conditions d’existence (Nietzsche)
Renvoie à la mesure, mais peut
Mesure d’une grandeur variable être absolue, relative ou Le Petit Robert
conventionnelle
Valeur ajoutée : supplément de valeur apporté à des produits par les opérations ayant
pour objet de les créer, de la produire, de les distribuer. Mesure la contribution La valeur est créée par les agents Grand Dico
spécifique de tout en ensemble d’agents à la production totale.

Elaboration personnelle. Sources : Le Petit Robert, Paris, 1992 (p.2061-2062), Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, Tome 15, Paris, 1985
(p.10608-10609), Le Petit Robert en CD-Rom (Havasinteractive), complétés par la consultation du Dictionnaire Hachette encyclopédique CD-Rom
2001 et de l’Encyclopédie Larousse multimédia.

réponse à des besoins. Ce jugement se concré- rente de la valeur pour le client d’une supply
tise par des relations d’affaires (non réducti- chain de la grande distribution, elle-même
bles à des transactions de type achat – vente) très différente de la valeur pour le soldat,
dont il est possible de mesurer les effets par client d’une supply chain militaire. De même,
des variables qualitatives ou quantitatives. la valeur pour le client d’une supérette de
proximité est assez différente de la valeur pour
Cette courte discussion sur la notion de valeur le client d’un hypermarché. Dans un supply
confirme que non seulement il faut a priori chain d’hypermarché, l’appréciation de la
considérer la multiplicité des regards portés création de valeur par le SCM pour l’agricul-
par les parties prenantes du SCM, ce que nous teur qui fournit des produits frais risque d’être
avons fait dans la section précédente, et que assez différente de celle de la firme de distri-
pour chaque partie prenante il y aura a priori bution. Dans la firme de distribution, le direc-
de multiples paramètres pour apprécier la teur financier aura certainement d’autres
« valeur » créée. De plus, le caractère relatif et critères pour évaluer la valeur créée par le
parfois subjectif de la valeur accordée est a SCM que le directeur logistique ou le direc-
priori très variable, tant en nature (types de teur des ressources humaines.
variables à considérer) qu’en niveau (échelle
de mesure), d’un secteur d’activité à l’autre ;
au sein d’un même secteur d’une supply chain Il est donc très discutable de définir les valeurs
à l’autre ; dans une même supply chain d’une types que le SCM doit créer, de même qu’il est
partie prenante à l’autre ; mais aussi au sein discutable d’avoir une vision normative de la
d’une même firme entre différents décideurs. valeur à créer. L’évaluation de la création de
Par exemple, la valeur pour le client (patient) valeur est donc à construire et reconstruire
d’une supply chain hospitalière est très diffé- « chemin faisant » (Avenier, 1997).

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Le développement du benchmarking intra et saire hiérarchisation des valeurs pour donner


inter-sectoriel dans le domaine du SCM tend un sens à l’action, suppose une délibération,
néanmoins à produire des conventions en la des concessions, des innovations en vue de
matière. De même, dans certains secteurs très réconcilier les points de vues et de déboucher
concurrentiels, les prestations des leaders (les sur une distribution acceptable sinon équi-
Best-In-Class) tend à normer la valeur à créer table des valeurs5. Travailler « à livre ouvert »
puisqu’elles représentent des valeurs de réfé- sur cette question est bien sûr difficile, compte
rences voire des valeurs cibles. tenu d’enjeux de pouvoir et de risques de com-
portements opportunistes de certains acteurs.
L’extrême variété des variables à considérer
Il y a fort à parier que toutes les valeurs atten-
pour apprécier la valeur créée par le SCM
dues ne seront pas toujours explicitées et qu’il
montre en tout cas que la création de valeur ne
faudra envisager des valeurs « implicites »
peut exclusivement s’apprécier par des varia-
associées au SCM6.
bles financières et qu’il convient bien de
croiser des points de vue gestionnaires com- La question qui se pose ensuite est de traduire
plémentaires, ce qui pose le problème de ces « valeurs » à créer en des actions dans le
l’arbitrage entre ces points de vue. Comme SCM, ce qui conduit à s’interroger sur les
l’indiquent Brechet (1998) et Brechet et Des- points critiques du SCM vis-à-vis des valeurs
reumaux (2001), toute réflexion sur la valeur, ainsi identifiées. Or dans le SCM, cela revient
terme récurrent des discours économiques et à raisonner sur trois flux imbriqués. La
gestionnaires mais peu souvent explicité, valeur peut en effet être créée par une « meil-
appelle la pluralité des regards, des lectures leure » circulation des flux physiques (ex :
complémentaires voire concurrentes. rapidité et fiabilité de la circulation des flux,
réduction des temps de réponse de la chaîne
Évaluer la création de valeur du SCM :
logistique, capacité à customiser les produits
vers une méthode de travail
“ au plus tard ”…), des flux financiers (ex :
L’ensemble de cette discussion sur l’évalua- accélération de la rotation des liquidités, de la
tion de la création de valeur du SCM montre la rotation des capitaux…), ou des flux d’infor-
complexité d’une telle entreprise qui suppose mation (ex : accélération des échanges
de préciser, en préalable à toute analyse, le ou d’informations inter-fonctionnels et inter-
les niveaux de travail adoptés, les ou les points organisationnels, amélioration de la capacité
de vues considérés. Se pose ensuite la ques- d’anticipation et de réaction, amélioration de
tion de l’évaluation proprement dite, sachant l’accès à distance et en temps réel aux infor-
que certaines « valeurs » sont objectives mations utiles à la décision…). L’idéal, dans
d’autres éminemment subjectives. Enfin, en le cadre d’une démarche scientifique, serait de
vue de représenter une aide à la décision, se tester empiriquement les relations de causalité
pose le problème de hiérarchiser les valeurs entre les facteurs du SCM (processus, activi-
5 - Cette co-construction rejoint
les propos de Bréchet et Desreu- évaluées, ce qui intègre une analyse des con- tés) considérés comme créateurs de valeurs et
maux (2001) : la valeur est à la tradictions entre les « valeurs » identifiées les « valeurs » identifiées, pour valider ainsi
fois donnée et construite, im- ainsi qu’un éventuel arbitrage final. leur capacité explicative et surtout prédictive7.
posée par l’environnement et
façonnée par l’entreprise Ce type d’analyse suppose une méthodologie À des fins de pilotage des activités et des pro-
elle-même… qui intègre à la fois une modélisation de la cessus logistiques, ces points critiques du
6 - De plus, la valeur est cons- supply chain, l’identification des acteurs criti- SCM repérés permettront ensuite de définir
truite sur fond d’ambiguïté et de
paradoxes (Bréchet et Desreu-
ques ainsi que des parties prenantes à des indicateurs de performance qui seront
maux, ib.), les représentations considérer, l’analyse de leur point de vue sur regroupés dans un tableau de bord de pilotage
des acteurs individuels et collec- la création de valeur par le SCM (comment ils de la chaîne logistique qui associera les diffé-
tifs jouant un rôle capital dans la apprécient ou mesurent la création de valeur, rentes perspectives de performance pour assu-
définition de « leurs » valeurs.
les points qu’ils considèrent comme créateurs rer l’équilibre entre les objectifs définis pour
7 - La plupart des consultants se
limitent à l’utilisation de matri-
de valeur pour eux). A priori, compte tenu de le SCM. L’évaluation de la valeur à créer
ces (ex : les SCORECARD) pour la nature multi-acteurs du SCM, cette apparaît donc bien comme un préalable à tout
analyser la contribution des pro- démarche ne peut pas se faire unilatéralement. travail sur la performance, tant à l’échelle
cessus des supply chains aux Co-concevoir et co-piloter une supply chain, d’une supply chain que d’une entreprise.
attentes des parties prenantes de
suppose d’échanger, de communiquer (au C’est aussi le point de vue de Lorino (1997,
ces supply chains. C’est notam-
ment le cas de PRTM (1999 et sens fort) sur les types de valeurs à créer et le p.502) : « est performance dans l’entreprise
2000) et plus largement de ceux niveau de ces valeurs, sachant que compte tout ce qui, et seulement ce qui, contribue à
qui utilisent le modèle SCOR tenu de l’évolution permanente des réseaux améliorer le couple valeur-coût (a contrario
(Supply Chain Operations Refe- logistiques cette communication doit être n’est pas forcément performance ce qui con-
rence-model) géré par le Supply
Chain Council, régulière sinon permanente. Les inévitables tribue à diminuer le coût ou à augmenter de la
voir www.supply-chain.org. contradictions entre les « valeurs », la néces- valeur, isolément) ». Ceci remet en question

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certaines logiques de recherche de perfor- qui déterminerait de façon quasi-automatique


mance logistique où, comme en qualité, on les décisions de gestion des entreprises
recherche la performance pour elle-même, concernées ” (Caby et Hirigoyen, ib.).
sans s’interroger sur sa pertinence.
Inversement, une partie prenante au SCM (en Bibliographie
particulier les acteurs de la supply chain) peut
apprécier la valeur créée par le SCM à partir Avenier M.J. (Coord.) (1997), La stratégie
de l’amélioration de performance qu’elle lui « chemin faisant », Economica, Paris.
apporte8. Connaître les performances « loca-
les » jugées critiques par les parties prenantes Battezzati, L. (2001), La différenciation
est donc aussi utile, ce qui confirme la perti- retardée des produits. L’application du
nence des tableaux de bord « croisés », de modèle décalage-spéculation aux entreprises
même que des équipes ou de groupes de tra- manufacturières, Thèse en Sciences de Ges-
vail mixtes (multi-parties prenantes) pour tion, CRET-LOG, Université de la Méditer-
co-concevoir les tableaux de bord de pilotage ranée – Aix-Marseille II, Octobre.
du SCM.
Bechtel C. et Jayaram J. (1997), Supply chain
Dans une perspective de progrès continu, la management: a strategic perspective, The
mesure de la performance sur les points criti- International Journal of Logistics Manage-
ques du SCM, l’analyse des écarts avec la per- ment, Vol.8, n°1, pp.15-34.
formance attendue est un puissant moteur
pour reconsidérer les processus et les activi- Brechet J.P. (1998), Le thème de la valeur :
tés, à l’échelle globale de la supply chain mais transversalité, ambiguïté et enjeux, in Valeur,
aussi à l’échelle locale de chaque partie pre- marché et organisation, Brechet J.P. (Coord),
nante, ce qui peut conduire à un renouvelle- Presses Académiques de l’Ouest, Nantes.
ment des stratégies voire à un changement des
Brechet J.P. et Desreumaux A. (2001), Le
règles du jeu stratégique.
thème de la valeur en sciences de gestion
représentations et paradoxes, Revue Sciences
Conclusion de Gestion, n°28, Printemps 2001,
pp.217-245, ISEOR Editeur, Ecully.
Le fondement du SCM est de créer de la
valeur. La plupart des démarches proposées Caby J. et Hirgoyen G. (1999), Les limites de
pour mettre en œuvre un SCM insistent sur la la création de valeur, Banque Magazine,
nécessité de commencer par définir la valeur n°161, Juin 1999, pp.22-24.
attendue avant de repenser les processus et
activités9. Cependant bien peu explicitent la Chazelet P. et Lhote F. (2001), Repères pour
nature de cette analyse qui est complexe un modus vivendi sur la valeur, Revue Fran-
comme nous venons de le montrer. çaise de Gestion Industrielle, Vol.20, n°2,
pp.21-33.
Il nous semble à la lumière de la réflexion pro-
posée que la création de valeur du SCM Colin J. (1981), Stratégies logistiques : ana-
concerne de nombreuses parties prenantes qui lyse et évaluation des pratiques observées en
ont des systèmes d’évaluation variés difficiles France, Thèse de Doctorat, Université
à concilier, mais que l’explicitation de ces pré- d’Aix-Marseille II, octobre 1981.
férences constitue un pré-requis à la construc-
tion de supply chains. Colin J. et Paché G. (1988), La logistique de
distribution. L’avenir du Marketing, Chotard
Aussi complexe soit-elle, l’évaluation de la et associés éditeurs, Paris.
création de valeur devrait être une « figure
imposée » de toute démarche de SCM, qu’il Cooper M.C., Lambert D.M. et Pagh J.D.
8 - Voir par exemple l’article
soit, comme la logistique (Fabbe-Costes et (1997), Supply chain management: more than
« Les bénéfices du Supply Chain
Colin, 1999), au service de la stratégie géné- a new name for logistics, The International Management », Logistiques
rale (stratégie logistique) ou qu’il soit le fon- Journal of Logistics Management, Volume 8, Magazine, n°139 – Juillet-Août
dement de stratégies originales (logistique Number 1, pp.1-13. 1999, pp.48-50.
stratégique). 9 - Voir à titre d’exemple la
Croom S., Romano P. et Giannakis M. (2000), démarche présentée dans
À condition, bien entendu, que la création de Supply chain management: an analytical fra- l’article « Supply Chain
Management : convaincre la
valeur (surtout si elle privilégie une approche mework for critical literature review, Euro- direction générale et l’ensemble
financière ainsi que le point de vue des action- pean Journal of Purchasing & Supply Chain des acteurs », Stratégie
naires) “ ne soit pas conçue comme une norme Management, Vol.6, n°1, pp.67-83. logistique, Juin 1999, n°17.

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