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Même eux ont été pris de court. Ils ont d’abord savouré, dans un concert de casseroles sous les
fenêtres du conseil municipal, ce qu’ils considèrent comme « une première victoire contre
l’urbanisation », après neuf ans de lutte, à coups de grelinettes et de slogans légumiers – « des tomates
séchées, pas des écoquartiers ». Une victoire locale que les potagistes du Quartier libre des Lentillères
de Dijon veulent inscrire dans la lignée de l’abandon des projets d’aéroport de Notre-Dame-des-
Landes (NDDL, Loire-Atlantique) et d’EuropaCity, dans le triangle de Gonesse (Val-d’Oise).
Ce conflit d’aménagement remonte à 2010, lorsque la ville officialise sa volonté d’y construire un
nouvel écoquartier – elle en compte quatorze en tout. Des manifestants décident de défricher et
d’occuper illégalement ces dernières terres agricoles intra-muros, à l’abandon depuis le départ des
anciens maraîchers. Au fil du temps et des installations, un quartier bigarré et autogéré par une
centaine de personnes voit le jour, où se côtoient maraîchers, zadistes, migrants, étudiants précaires,
ingénieurs agronomes, résidants du foyer social voisin… Certains, sur leur petit lopin, y cultivent,
d’autres viennent s’y approvisionner en légumes à prix libre, une partie y a élu domicile, dans les
anciennes habitations ou dans des caravanes… La friche est devenue, par la force des choses, une
petite ZAD.
Relire notre reportage: A Dijon, un quartier autogéré et un projet d’écoquartier se disputent des
terres maraîchères
« Cadre légal »
En lieu et place de la deuxième portion de ce que la ville présentait, il y a encore quelques mois,
comme un projet d’écoquartier exemplaire, M. Rebsamen entend finalement proposer aux
cultivateurs et aux associations « qui seront prêts à intégrer un cadre légal » des baux à des sommes
modiques, qui permettraient de développer un système de jardins partagés et de projets de
maraîchage. Egalement, l’idée que le collège du quartier devienne expérimental en alimentation
locale provenant des jardins. L’élu socialiste se veut en revanche catégorique sur « l’expulsion de ceux
qui n’accepteront pas la voie légale ».
« Ces bonnes terres nourricières seraient bétonnées depuis longtemps si elles n’avaient pas été occupées
illégalement », font valoir de leur côté les occupants des Lentillères. Soulagés de les voir sauvées, ils
s’inquiètent de la menace qui pèse désormais sur « l’expérimentation sociale » qui s’y est aussi
inventée : à la volonté de sauvegarder des terres en ville et de recouvrer l’autonomie alimentaire s’est
en effet greffé « l’apprentissage d’autres formes de vie collective et de façon d’habiter la ville ».
Yannick Sencébé, sociologue à l’INRA de Dijon et membre du collectif à l’origine de l’occupation,
refuse d’être « dupe », tandis que tous les arguments – écologique, économique, juridique – que le
collectif avançait pour démontrer « l’intérêt de l’existant » et la possibilité de renoncer à l’écoquartier,
« jugés irrecevables neuf ans durant, deviennent possibles d’un seul coup de plume ».
Le « Quartier libre des Lentillères » se veut aussi un lieu d’accueil pour des personnes en
situation de précarité, comme les migrants et les Roms. Ici, en novembre 2018.
CAMILLE BORDENET / LE MONDE
Les défenseurs des Lentillères accepteront-ils ce que la ville affiche comme « une main tendue vers la
négociation » après des années de conflit, parfois musclé ? Parviendront-ils, malgré leur diversité et
leur horizontalité, à s’accorder sur ce qu’ils sont prêts, ou pas, à concéder, pour espérer pérenniser
leur projet dans ses différentes dimensions ?
Ni les espaces ni les enjeux ne sont comparables, mais les « lentilléristes » dijonnais s’apprêtent à
partager certains des questionnements qu’ont pu connaître leurs camarades de NDDL ou
d’EuropaCity. « Il faut qu’on se concerte, explique l’un d’eux. Mais nous sommes certains de vouloir
maintenir l’expérience telle qu’elle se construit, c’est-à-dire sous une forme autogestionnaire. »
De son côté, M. Rebsamen se veut inflexible quant au fait de « ne pas laisser s’enkyster une ZAD » :
« Oui à un projet alimentaire, mais pas à de l’urbanisation sauvage ni à de l’expérimentation sociale
avec des caravanes qui offrent des conditions d’habitat indignes. Auquel cas, j’aime autant
l’écoquartier », affirme-t-il, rappelant au passage qu’il avait su soutenir, par le passé, l’ouverture des
Tanneries, voisin des Lentillères, haut lieu autogéré de la contre-culture.
Camille
SURBordenet
LE MONDE
Du plastique dans l’eau du thé, les
sachets mis en cause