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PLANÈTE • CLIMAT

« Des tomates séchées, pas des écoquartiers » : la lutte


victorieuse des « jardiniers-squatteurs » de Dijon
La 2e phase d’un projet d’écoquartier sur les dernières terres maraîchères a été abandonnée,
une victoire pour des opposants qui en ont fait, depuis neuf ans, une petite ZAD.

Par Camille Bordenet • Publié aujourd’hui à 15h31, mis à jour à 17h48

Pour certains potagistes, l’expérience de production agricole collective du « Quartier


libre des Lentillères », à Dijon, a représenté un apprentissage qui leur a donné envie de
s’installer professionnellement, par la suite. CAMILLE BORDENET / LE MONDE

Même eux ont été pris de court. Ils ont d’abord savouré, dans un concert de casseroles sous les
fenêtres du conseil municipal, ce qu’ils considèrent comme « une première victoire contre
l’urbanisation », après neuf ans de lutte, à coups de grelinettes et de slogans légumiers – « des tomates
séchées, pas des écoquartiers ». Une victoire locale que les potagistes du Quartier libre des Lentillères
de Dijon veulent inscrire dans la lignée de l’abandon des projets d’aéroport de Notre-Dame-des-
Landes (NDDL, Loire-Atlantique) et d’EuropaCity, dans le triangle de Gonesse (Val-d’Oise).

Le maire de la capitale bourguignonne, François Rebsamen, a annoncé, lundi 25 novembre, l’abandon


de la deuxième phase d’un projet d’écoquartier. Celle-ci prévoyait la construction de six cents
logements, bureaux et services – en plus des neuf cents déjà construits sur la zone attenante au cours
de la première phase –, sur un triangle de terre de sept hectares, précieusement gardé : les derniers
vestiges de l’ancienne ceinture maraîchère.

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Ce conflit d’aménagement remonte à 2010, lorsque la ville officialise sa volonté d’y construire un
nouvel écoquartier – elle en compte quatorze en tout. Des manifestants décident de défricher et
d’occuper illégalement ces dernières terres agricoles intra-muros, à l’abandon depuis le départ des
anciens maraîchers. Au fil du temps et des installations, un quartier bigarré et autogéré par une
centaine de personnes voit le jour, où se côtoient maraîchers, zadistes, migrants, étudiants précaires,
ingénieurs agronomes, résidants du foyer social voisin… Certains, sur leur petit lopin, y cultivent,
d’autres viennent s’y approvisionner en légumes à prix libre, une partie y a élu domicile, dans les
anciennes habitations ou dans des caravanes… La friche est devenue, par la force des choses, une
petite ZAD.

Relire notre reportage: A Dijon, un quartier autogéré et un projet d’écoquartier se disputent des
terres maraîchères

« Cadre légal »
En lieu et place de la deuxième portion de ce que la ville présentait, il y a encore quelques mois,
comme un projet d’écoquartier exemplaire, M. Rebsamen entend finalement proposer aux
cultivateurs et aux associations « qui seront prêts à intégrer un cadre légal » des baux à des sommes
modiques, qui permettraient de développer un système de jardins partagés et de projets de
maraîchage. Egalement, l’idée que le collège du quartier devienne expérimental en alimentation
locale provenant des jardins. L’élu socialiste se veut en revanche catégorique sur « l’expulsion de ceux
qui n’accepteront pas la voie légale ».

« Ces bonnes terres nourricières seraient bétonnées depuis longtemps si elles n’avaient pas été occupées
illégalement », font valoir de leur côté les occupants des Lentillères. Soulagés de les voir sauvées, ils
s’inquiètent de la menace qui pèse désormais sur « l’expérimentation sociale » qui s’y est aussi
inventée : à la volonté de sauvegarder des terres en ville et de recouvrer l’autonomie alimentaire s’est
en effet greffé « l’apprentissage d’autres formes de vie collective et de façon d’habiter la ville ».
Yannick Sencébé, sociologue à l’INRA de Dijon et membre du collectif à l’origine de l’occupation,
refuse d’être « dupe », tandis que tous les arguments – écologique, économique, juridique – que le
collectif avançait pour démontrer « l’intérêt de l’existant » et la possibilité de renoncer à l’écoquartier,
« jugés irrecevables neuf ans durant, deviennent possibles d’un seul coup de plume ».

Le « Quartier libre des Lentillères » se veut aussi un lieu d’accueil pour des personnes en
situation de précarité, comme les migrants et les Roms. Ici, en novembre 2018.
CAMILLE BORDENET / LE MONDE

Entrer dans la légalité

Les défenseurs des Lentillères accepteront-ils ce que la ville affiche comme « une main tendue vers la
négociation » après des années de conflit, parfois musclé ? Parviendront-ils, malgré leur diversité et
leur horizontalité, à s’accorder sur ce qu’ils sont prêts, ou pas, à concéder, pour espérer pérenniser
leur projet dans ses différentes dimensions ?

Ni les espaces ni les enjeux ne sont comparables, mais les « lentilléristes » dijonnais s’apprêtent à
partager certains des questionnements qu’ont pu connaître leurs camarades de NDDL ou
d’EuropaCity. « Il faut qu’on se concerte, explique l’un d’eux. Mais nous sommes certains de vouloir
maintenir l’expérience telle qu’elle se construit, c’est-à-dire sous une forme autogestionnaire. »

Lire aussi | Notre-Dame-des-Landes, terrain fertile pour les intellectuels

De son côté, M. Rebsamen se veut inflexible quant au fait de « ne pas laisser s’enkyster une ZAD » :
« Oui à un projet alimentaire, mais pas à de l’urbanisation sauvage ni à de l’expérimentation sociale
avec des caravanes qui offrent des conditions d’habitat indignes. Auquel cas, j’aime autant
l’écoquartier », affirme-t-il, rappelant au passage qu’il avait su soutenir, par le passé, l’ouverture des
Tanneries, voisin des Lentillères, haut lieu autogéré de la contre-culture.

Lire aussi | De squats en musées, Dijon vit un véritable bouillon de culture


Certains ne cachent pas leur crainte d’une « récupération », tandis que Dijon affiche son volontarisme
en matière d’écologie, en portant, entre autres, un projet d’alimentation durable. Le maire explique
d’ailleurs ce revirement par la volonté de se conformer à ses exigences écologiques. D’autres
préfèrent y voir de la tactique, alors qu’approchent les élections municipales – une liste EELV a fait de
cet abandon une priorité de campagne et M. Rebsamen semble prêt à briguer un quatrième mandat.
D’aucuns estiment aussi que l’abandon de ce projet local emblématique ne doit pas être « l’arbre qui
cache la forêt », tandis que le plan local d’urbanisme intercommunal prévoit la construction de
milliers de logements – pour répondre à des besoins, défend la ville.
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jamais attendu que ces thématiques deviennent des enjeux électoraux », soulignent les
lentilléristes, prévenant que s’ouvre pour eux une nouvelle phase de lutte : celle pour que le Quartier
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Camille
SURBordenet
LE MONDE
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