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le gouvernement, qui a « peur » de la colère sociale

attendue à l’automne avec la crise économique, n’a
En Grèce, le gouvernement conservateur
comme solution que « toujours plus de répression ».
tape de plus en plus fort
PAR ELISA PERRIGUEUR
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 28 JUILLET 2020

Départ de la manifestation contre le projet de loi

sur les rassemblements, le 9 juillet à Athènes. © EP

La fin précoce de leur manifestation ce 9 juillet leur

donne raison. «Les tirs de lacrymogènes en réponse
à quelques cocktails Molotov ont été intenses, il y a
eu la volonté d’anéantir la contestation en moins de
deux heures »,déplore Antonios Draganigos, porte-
parole du groupe extra-parlementaire anticapitaliste
Une arrestation musclée en décembre 2019 à Exárcheia. © EP
Antarsya. Témoin d’échauffourées entre policiers et
Arrivé au pouvoir il y a un an, le parti Nouvelle
manifestants, il s’alarme du « niveau de violence
Démocratie a entamé dès sa prise de fonctions un
élevé de ce gouvernement ». En fin de journée, neuf
virage de fermeté. La crise sanitaire du Covid-19 a
participants ont été arrêtés pendant que la loi était
accéléré cette tendance.
adoptée.
Athènes (Grèce).– Le 9 juillet, en quelques minutes,
Ce virage autoritaire a démarré bien avant la
la place de la Constitution noire de monde devient
pandémie, mais il s’accentue. Arrivé au pouvoir il y
blanche sous l’effet des lacrymogènes. Les gaz tirés
a un an, le parti Nouvelle Démocratie – qui a surtout
par les forces de l’ordre postées devant le Parlement
séduit les classes moyennes votant au centre ou pour
poussent la foule composée de quelque 12 000
la droite modérée ou nationaliste – mise désormais sur
manifestants à se disperser.
une politique du « tout sécuritaire ».
À l’intérieur du bâtiment, les députés débattent du
Son credo ? Remettre « de l’ordre » pour poursuivre
projet de loi destiné à encadrer les manifestations.
sa politique économique libérale en rupture avec
Il prévoit que chaque rassemblement devra être
celle de ses prédécesseurs appartenant à la gauche
désormais déclaré et autorisé par les autorités.
Syriza. Avant la pandémie, à l’automne 2019,
Un organisateur devra être nommé et portera la
il a adopté un « grand projet de loi pour la
responsabilité pénale d’éventuels débordements. Le
croissance » qui a limité le droit de grève,
premier ministre conservateur Kyriakos Mitsotakis
supprimé les conventions collectives et facilité les
vise ainsi à réguler les rassemblements qui perturbent
privatisations. Cet hiver, le gouvernement a recruté
l’activité des commerces du centre-ville de la capitale
1 500 policiers. Les unités dites « Dias » ou « Drasi »
grecque.
à moto – équivalent des BRAV-M en France –
Dans l’hémicycle, l’opposition de gauche s’insurge et patrouillent de jour comme de nuit à Athènes.
dénonce un texte qui rappelle la sombre époque de la
Les organisations de défense des droits
« junte militaire » (1967-1974), lorsque les colonels
humains mettent en garde contre les dérives. «
avaient adopté un décret sur les rassemblements
Il existe un problème systémique de violences et
publics. Dehors, le cortège fustige aussi cette « attaque
d’impunité policières en Grèce. Les enquêtes de
contre la liberté d’expression ». Pour les manifestants,
l’EDE [équivalent de l’IGPN – ndlr]ne sont pas

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lancées quand il le faudrait ou bien ne mènent nulle
part», déclare Eirini Gaitanou, la porte-parole locale
d’Amnesty International. La présence permanente des
policiers dans le quartier athénien d’Exárcheia met
ce foyer des anarchistes sous tension. Les opérations
musclées des forces de l’ordre (voir les deux vidéos ci-
dessous) se multiplient.
Le cas de Vassilis Maggos a également mis en lumière
un autre épisode de brutalité policière à Volos (centre).
Cet homme de 27 ans est mort chez lui le 13 juillet un
mois après avoir été sévèrement battu par les forces
de l’ordre lors d’une manifestation. Il avait alors été
hospitalisé quatre jours pour sept côtes cassées, des
lésions au foie et à la vésicule biliaire, rapportent les
médias locaux.
Les autorités se sont empressées d’écarter tout lien
entre son décès et l’intervention policière. D’après
l’autopsie, un œdème pulmonaire a causé sa mort.
Mais l’épisode a agité les réseaux sociaux, où les
images de l’agression de Vassilis Maggos ont été
largement diffusées par des internautes en colère.
Twitter ou Facebook, où fuitent ces vidéos de
violences, souvent amateurs, deviennent des espaces
d’expression fondamentaux pour les personnes
critiques du pouvoir. Le 20 juillet, Michalis
Chryssochoidis, le ministre de l’intérieur, a néanmoins
publiquement stigmatisé ces images montrant des
brutalités policières, les qualifiant d’« extraits
abusifs » filmés par des individus cherchant eux-
mêmes à semer le trouble.
Le gouvernement assume une ligne ferme, car il a
les mains libres. Le premier ministre a gagné en
popularité en raison du faible impact sanitaire du
Covid-19. Il a été globalement salué pour avoir fermé
l’économie tôt afin d’enrayer la diffusion du virus. Les
grands médias, pour beaucoup aux mains d’oligarques
proches de M. Mitsotakis, ont largement loué sa
gestion de la pandémie. Parfois sans limites. En avril,
un éditorialiste du site Liberal.gr comparait ainsi la
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position du premier ministre à celle de Moïse. Au
sommet européen de juillet, Parapolitika.gr saluait le
fait qu’il porte son masque de façon exemplaire.
Peinture représentant une arrestation musclée ayant eu
lieu en décembre 2019 dans le quartier d'Exárcheia. © EP
Mais cette cote est fragile, juge Seraphim Seferiades,
politiste et directeur d’un laboratoire de recherches
sur les politiques contestataires à l’université Panteion
d’Athènes. « La population a conscience des liaisons
étroites entre médias et exécutif. L’influence de cette
propagande va bientôt s’effondrer », juge-t-il.
En juillet, la révélation que des médias s’étaient
partagé une aide de l’État de 20 millions dans
le cadre d’une campagne de sensibilisation au virus
a suscité un scandale. Des sites internet qui avaient
mis leurs activités en sommeil ont reçu de l’argent,
alors que le journal d’investigation Documento n’a
rien touché, accusé par le gouvernement de propager
de fausses informations.
Dans une lettre adressée au premier ministre
grec, l’organisme International Press Institute (IPI)
s’est inquiété du fait que les médias jugés critiques du
gouvernement ont reçu proportionnellement moins
que ceux considérés comme proches ou ont été exclus,
comme Documento.
Des journalistes locaux alertent également sur les
atteintes à la liberté de la presse. L’association des
photojournalistes de Grèce (EFE) a dénoncé mi-juillet
les « pressions et intimidations des policiers » envers
des photographes au cours d’une manifestation.
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De son côté, l’union des journalistes des quotidiens Mais, face à la droite, le principal parti d’opposition
athéniens (ESIEA) a « exprimé sa solidarité » envers Syriza est pour l’heure peu écouté, juge le
une collègue « ciblée » par le député de la Nouvelle politiste Seraphim Seferiades : « Il a signé en
Démocratie Constantinos Bogdanos. Ce derniera 2015 un mémorandum alors qu’il se disait anti-
critiqué sur Twitterle travail de la journaliste, austérité. Beaucoup d’électeurs de gauche déçus
l’accusant de minimiser le nombre de personnes peinent à voir en lui une opposition crédible. »
présentes à une manifestation antimigrants à Athènes. L’expert préfère regarder les actions de divers
L’homme politique se trouvait au rassemblement, tout petits groupes extraparlementaires d’extrême gauche,
comme l’ancien député néonazi Ilias Kasidiaris. anticapitalistes, autonomes… qui organisent des
À la rentrée, la crise économique ne devrait pas rassemblements sur le terrain. Ils ont aujourd’hui dans
arranger la situation, alors que le FMI prévoit une le viseur les nombreuses mesures du gouvernement
récession de 10 % en 2020. Le tourisme s’effondre. En considérées comme « anti-écologiques » et qui
juin, le nombre de passagers arrivés par voie aérienne cherchent à attirer à tout prix les investisseurs
a chuté de 93 % par rapport à juin 2019. étrangers.
Mais, a assuré le premier ministre au Financial Ainsi, une nouvelle loi votée en mai facilitant les
Times le 5 juillet, la Grèce n’acceptera pas de projets dans des zones naturelles protégées inquiète les
nouvelles mesures d’austérité en contrepartie de l’aide militants. La construction d’un complexe touristique
prévue par l’Union européenne (UE). Pour la gauche luxueux au cœur de la forêt d’Erimitis dans la région
et l’extrême gauche, la rigueur est pourtant déjà là et de Corfou (ouest) attise la colère des habitants.
imposée par le gouvernement lui-même. « C’est une question de temps pour que ces
initiatives engendrent une vague encore plus large
«Lorsque notre parti a quitté le pouvoir [en juillet
de protestations »,estime Seraphim Seferiades. Et ce,
2019 – ndlr], il a laissé une réserve de 37 milliards
malgré la réponse ferme du gouvernement.
d’euros qui aurait pu être utilisée aujourd’hui,
détaillele porte-parole de Syriza Alexis Charitsis. Le Boite noire
gouvernement a choisi de revenir à une période Contactés à de plusieurs reprises pour des interviews,
d’austérité. »L’opposition en veut pour preuve le les membres ou représentants du parti au pouvoir
peu de moyens alloués à l’hôpital public pendant le Nouvelle démocratie n’ont pas répondu à nos
confinement ou l’allocation mensuelle de 534 euros sollicitations.
jugée très faible – et versée avec de plus en plus de
retard – pour les travailleurs contraints au chômage.

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