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Raison présente

Les services publics face au principe d'égalité


Ludivine Thiaw-Po-Une

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Thiaw-Po-Une Ludivine. Les services publics face au principe d'égalité. In: Raison présente, n°152, 4e trimestre 2004.
Discriminations. pp. 49-59;

doi : https://doi.org/10.3406/raipr.2004.3889

https://www.persee.fr/doc/raipr_0033-9075_2004_num_152_1_3889

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Les services publics face au principe d'égalité

Les services publics face au principe

d'égalité

Ludivine Thiaw-Po-Une *

Le service public, dans sa conception française, peut-il prendre en


compte la montée en puissance des nouvelles demandes d'égalité
ou d'égalisation qui caractérisent les sociétés contemporaines et
ouvrent, ailleurs, sur des politiques de la reconnaissance, voire sur
des politiques préférentielles ? Question souvent posée, vivement
débattue, tant il est fréquemment pris pour aller de soi que ces
demandes d'égalité, que l'on fait volontiers correspondre à l'idée-
épouvantail de « discrimination positive », déstabiliseraient
nécessairement notre conception et pratique du service public. Je
voudrais montrer à partir de quelques remarques sur ce qu'il en
est d'ores et déjà sous ce rapport du fonctionnement des services
publics que la situation est en vérité beaucoup plus nuancée que
ces réactions alarmées nous le laissent penser et qu'en
conséquence la réflexion sur les ressources futures du service
public, pour faire avancer l'exigence d'égalité, est plus ouverte
qu'on ne le croit.

Rappelons tout d'abord sous quelle forme le principe d'éga¬


lité -intervient dans la conception et dans la pratique des services
publics. Dans le tome III de son Traité de droit constitutionnel
Léon Duguit, qui fut l'un des pères de la théorie du service public,
aborde la question dans son dernier chapitre. Ce chapitre porte
principalement sur les grands principes de l'Etat de droit, tels
qu'ils ont été exprimés dans les Déclarations des droits de
l'homme et tels qu'ils déterminent en démocratie les principes
généraux du droit. Parmi ces principes figure, rappelle Duguit, le
« principe d'égalité », qui stipule que « le législateur ne peut faire
aucune loi qui porte atteinte à l'égalité des individus » (91). A
quoi s'ajoute, de la part de Duguit, le constat d'un flottement, dans
les différentes traditions inaugurées par les Déclarations fran¬
çaises, entre l'esprit de 1789 et l'esprit de 1793 : selon l'esprit de
1793, vient au premier plan le droit à l'égalité, avant le droit à la

* Philosophe, ATER Université Paris-IV Sorbonne

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Raison Présente

liberté; dans l'esprit de 1789 en revanche, on se bornait « à dé


rer que les hommes naissent et demeurent libres et égaux
droits », en plaçant certes l'égalité parmi les droits de l'hom
mais 1) il s'agissait alors de l'égalité en droits (donc de l'éga
des droits), sans mention d'un droit à l'égalité (par exemple m
rielle), et 2) les rédacteurs de la Déclaration de 1789 plaça
cette égalité au second rang après la liberté (ce qui fut de nouv
le cas en 1795, dans la Déclaration de l'an III, article 1er)
conséquence, souligne encore Duguit, il régnait là un esprit se
blement différent de celui qui s'est exprimé en 1793, et qu
grand théoricien du service public, en visant les Jacobins, ratt
aux « tendances dictatoriales de la Convention » en expliqu
qu'«il n'y a pas de gouvernement tyrannique qui n'ait eu pour
d'étendre un niveau égalitaire sur tous les individus ».
A l'encontre de quoi Duguit défend donc ce qu'il app
« le vrai principe d'égalité », qui « consiste à entendre l'éga
« seulement en ce sens que tous les hommes doivent être ég
ment protégés par la loi » et que « les charges (Duguit pe
notamment à l'imposition) doivent être non pas arithmétiquem
égales, mais proportionnelles ». Ces mêmes pages suggèr
qu'une telle interprétation du principe d'égalité (qui n'exclut
certaines formes d'inégalités, puisque l'égalité proportionn
n'aboutit évidemment pas à l'égalitarisme, mais consiste plut
procéder de façon juste en matière de répartition) correspo
l'interprétation « libérale » du principe d'égalité : alors que
faux principe de l'égalité naturelle et absolue des homm
conduit en fait à donner une « justification apparente » à la « l
de tyrannie qu'on faisait peser sur le pays » (pour « étendr
niveau égalitaire sur tous les individus », l'Etat libéral se do
pour but de « faire des lois en harmonie avec les différences n
relles ou acquises » entre les hommes — selon un principe d'ég
té proportionnelle dont on peut regretter que Duguit n'ait pas
bon
resse.
de préciser la portée pratique dans le domaine qui nous i

Je n'insisterai pas davantage sur ces indications fourn


propos du principe d'égalité par le plus grand théoricien fran
du service public : elles ne contiennent certes aucune applica
directe au service public 2, mais on peut en induire 1) que, si a
ne loi ne doit entrer en contradiction avec le principe d'éga
ainsi compris (c'est-à-dire plutôt en termes d'égalité en droits
de droit à l'égalité), une telle considération doit donc valoir a
pour l'organisation des services publics. Qui plus est, 2) on
poindre un débat entre deux interprétations possibles du prin
Les services publics face au principe d'égali

d'égalité, avec du même coup des exigences d'égalité sensibl


ment différentes auxquelles devrait faire référence le serv
public selon que ces exigences seraient exprimées dans l'esp
libéral de 1789 ou dans l'esprit jacobin de 1793, ou en tout c
dans des perspectives dérivées de ces deux acceptions de l'égali
C'est au demeurant la même constatation qui se dégage
bref développement que Maurice Hauriou, par ailleurs princi
adversaire de Duguit en matière de théorie du service public
consacre lui aussi à l'« idée d'égalité » dans ses Principes de dr
public 4. A la différence de Duguit, Hauriou n'insiste pas au p
mier chef sur les différences entre 1789 et 1793, mais esquisse u
tentative d'application du principe d'égalité qui peut ici nous in
resser fortement. L'auteur évoque en effet « l'égale admission a
places et aux emplois », en soulignant que jusqu'à présent « auc
ne loi générale n'a organisé cette matière » et que, comme
Déclarations n'ont pas valeur de loi, on ne peut en toute rigue
sans compléter ce qui a été légué par la Révolution, « justifier d
recours fondés sur la violation de la loi et des droits acquis con
une décision administrative qui, dans une nomination de fonctio
naire, violerait le principe d'égale admission aux places et a
emplois ». Où s'ébauche donc, de la part de Hauriou, un appe
réfléchir aux moyens de préciser les modalités d'application
principe d'égalité, notamment dans la fonction publique, Qui p
est, concernant cette carence, Hauriou suggère qu'elle est en tr
de se résorber pour ainsi dire « de fait », dans la mesure où, « po
des fonctions à l'entrée desquelles il existe des concours organ
sés, et aussi pour les examens d'entrée à certaines écoles du Go
vernement, comme des règlements ont été faits qui consacrent
principe d'égalité, on peut soutenir que la décision du ministre q
refuserait de nommer un candidat déclaré apte par le jury, uniqu
ment à cause de sa race ou de sa religion, pourrait être attaquée »
De ces grands classiques de la théorie du service public
dégageait donc en filigrane la nécessité d'expliciter la façon do
la pratique de la fonction publique se trouvait tenue de respecter
principe d'égalité hérité des Déclarations de la fin du xviii6 siècle
avec en germe un débat possible sur l'interprétation du princi
Pour autant que l'on puisse en juger d'après les brefs développ
ments disponibles, Hauriou défend une interprétation classiqu
ment républicaine de l'égalité en termes d'abstraction ou de m
entre parenthèses des différences : aucune inégalité ne doit ê
induite dans la trajectoire des fonctionnaires (en l'occurrence da
leur recrutement) par de quelconques considérations qui pou
raient être discriminatoires - notamment, sur l'exemple évoqu
Raison Présente

en matière raciale ou religieuse. Position à la fois classique, je le


répète, et bien évidemment indispensable comme telle (parce
qu' anti-discriminatoire) : toute la question serait cependant
aujourd'hui de savoir si l'interprétation de l'égalité en termes de
non-discrimination, qui est assurément nécessaire, peut aussi
continuer à nous apparaître comme par elle-même suffisante pour
satisfaire le besoin d'égalité. Nous allons y revenir, mais on peut
se demander si, dans le bref passage où Duguit évoque l'interpré¬
tation libérale du principe d'égalité, il n'y avait pas en gestation,
non pas une façon radicalement autre pour le service public de
prendre acte du principe d'égalité, mais du moins une approche
complémentaire de l'exigence d'égalité : une approche qui ne se
bornerait pas à la mise entre parenthèses de toutes les différences,
mais envisagerait l'éventualité de faire correspondre à certaines
d'entre elles un principe de proportionnalité dont la portée pourrait
alors donner lieu à bien des interprétations. Nous n'en sommes
certes pas là dans le débat entre Duguit et Hauriou, mais quelque
chose s'amorçait déjà à cet égard dans la façon très différenciée
dont ils avaient pris en considération, l'un et l'autre, le principe
d'égalité. Donnée d'autant moins négligeable si nous considérons
maintenant quel a été de ce point de vue, au-delà des théorisations
classiques, le devenir du service public.
Tous les manuels de droit public s'accordent aujourd'hui
pour souligner qu'avec le principe de continuité et celui de muta¬
bilité, le principe d'égalité fait partie des trois principes « clas¬
siques » du droit public, tels qu'ils se sont dégagés de la doctrine
et de la jurisprudence en la matière au cours des xixe et xxe siècles.
Il s'agit en fait d'un principe d'égalité des personnes devant le ser¬
vice public : tous les citoyens étant tenus, depuis 1789, pour égaux
en droits, ils sont aussi réputés également admissibles à toutes les
places, emplois et fonctions publics, uniquement selon la considé¬
ration de leurs capacités, et (selon la formule de l'article 6 de la
Déclaration de 1789) « sans autre distinction que leur vertu et
leurs talents ». Ce principe régit aussi bien le rapport de chaque
service public à ses usagers que le rapport entre le service et ses
agents ou (le point est moins attendu, mais explique beaucoup de
règles de la comptabilité publique) ses fournisseurs. Dans ses
diverses dimensions, ce principe d'égalité a été érigé en principe à
valeur constitutionnelle par une décision du Conseil constitution¬
nel du 12 juillet 1979. Considéré uniquement dans sa version for¬
melle, le principe a principalement deux corollaires :
— Le premier consiste dans la non-discrimination : la chose
s'entend 1) pour l'égalité d'accès, nous l'avons vu, de tous les

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Les services publics face au principe d'égalité

citoyens aux emplois publics, pour l'égalité dans le développe¬


ment de la carrière et de la rémunération (c'est la fameuse ques¬
tion de la grille indiciaire de la fonction publique), mais aussi 2)
pour l'égal accès des entreprises aux marchés et contrats passés
par les gestionnaires des services publics (liberté d'accès à la com¬
mande publique, égalité de traitement des entreprises candidates,
transparence des procédures). La non-discrimination vaut enfin
bien sûr 3) pour les usagers, qui bénéficient d'un accès égal au ser¬
vice public, qui doit fonctionner de façon égale pour tous les usa¬
gers, lesquels doivent pouvoir bénéficier en principe d'un traite¬
ment absolument identique par la poste, l'école publique, les com¬
munes, etc. Nous allons y revenir, mais au niveau du principe lui-
même la non-discrimination est un premier corollaire, parfaite¬
ment clair, de l'égalité.
— Un deuxième corollaire du principe d'égalité réside dans
ce qu'on appelle tantôt l'impartialité, tantôt la neutralité du service
public : parce que le principe d'égalité implique de privilégier un
usager ou un groupe d'usager, l'impartialité ou la neutralité signi¬
fie qu'un service ne peut affirmer comme telle aucune conviction
qui lui soit propre - sauf la neutralité à l'égard de toutes les
convictions. C'est un corollaire important, où vient s'ancrer le
débat possible et même réel sur la laïcité. On ne s'engagera pas ici
dans l'examen de ce débat, mais on reviendra en revanche sur la
portée du rejet principiel de la discrimination.
A ce niveau purement principiel, le principe d'égalité inter¬
prété comme impliquant le refus de toute discrimination semble
faire du service public un espace social particulièrement rebelle à
la prise en compte des renouvellements contemporains de la
réflexion sur l'égalité. Comme on sait, ces renouvellements se
caractérisent par une interrogation de plus en plus accentuée sur la
nécessité, pour aller plus loin dans la direction de l'égalité, de
concevoir un certain nombre d'entorses à l'idée classique d'égalité
telle qu'elle impliquait de traiter tous les individus de façon iden¬
tique. Ici s'ouvre, de fait, le dossier qu'on désigne désormais de
plus en plus couramment comme celui de la discrimination positi¬
ve, dont la notion procède de la conviction selon laquelle, pour
égaliser vraiment les individus, il faut, non pas traiter de façon
identique ceux qui sont différents, mais traiter différemment ceux
qui pâtissent de leurs différences, sociales, culturelles, régionales
ou génériques. Notamment, il s'agirait, dans cette optique, de trai¬
ter différemment ceux qui pâtissent de telles différences pour éga¬
liser leurs chances, plus particulièrement encore : pour maximiser
les chances de ceux qui sont socialement les plus défavorisés.

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Raison Présente

Sans ouvrir ici ce dossier si complexe, je voudrais simplem


examiner si l'extériorité supposée, par rapport à l'esprit des
vices publics, des considérations dont procèdent les politiques
férentielles est aussi assurée qu'on le prétend souvent. S
n'était pas le cas, il faudrait alors se demander pourquoi ce déc
ge s'est introduit entre les principes et la réalité : faut-il l'inter
ter comme une trahison des principes par la réalité (avec com
perspective celle d'un retour aux principes) ou plutôt com
l'indice que, la réalité s 'avérant plus complexe que les princ
l'application de ces derniers à la réalité exige aujourd'hui, d
part des politiques, une plus grande ouverture à des considérat
apparemment incompatibles avec les principes.
Au plan des principes, l'article 1er de la Constitutio
1958 ne souffre de ce point de vue d'aucune équivoque, puis
énonce que la France « assure l'égalité devant la loi de tou
citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion ». D
la même logique, mais en descendant davantage vers le
concret et sa diversité, l'article 225-1 du Code pénal préc
« Constitue une discrimination toute distinction opérée entr
personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de
situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap
leurs mœurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités sy
cales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vra
minée
supposée,
». Comme
à une ethnie,
la même
une nation,
définition
une de
race
la ou
discrimination
une religion d

réaffirmée en ce qui concerne les personnes morales et l


membres (les Eglises, les associations, les groupes diver

consiste
s'ensuit, au
à s'interdire
plan des principes,
toute discrimination
une logique du
aussi
service
bienpubli
entr

agents qu'entre ses usagers - ce dont on ne peut évidemment


se réjouir. Le service public ne doit pas créer d'inégalités :
façon classique d'entendre le principe d'égalité apparaît consti
ve d'un espace social démocratique - et l'on ne peut qu'être r
ré par l'attention parfois extrême avec laquelle les services pu
se soucient de garantir la stricte application du principe. La q
tion est cependant de savoir, répétons-le, si cette condition n
saire d'une société démocratique peut aussi en constituer
condition suffisante. Plutôt que d'affronter dans sa globalité
question difficile, je me bornerai à verser ici au dossier ce qu
est en fait de la position républicaine, telle qu'elle s'est sédi
tée dans la pratique de nos services publics - sachant que (te
au fond ce que je voudrais faire apparaître) le principe d'égal
Les services publics face au principe d'égali

fonctionne en réalité de façon sensiblement différente de ce q


pourrait laisser croire sa lettre.
En vérité, la doctrine du service public qui correspo
aujourd'hui aux pratiques effectives a d'ores et déjà largeme
intégré des dimensions de discrimination positive. Le rappo
annuel du Conseil d'Etat de 1996 6 l'indique expressément :
doctrine du service public, explique ce rapport, « va désorm
plus loin (= que dans sa version classique), car son objet même
de réduire les inégalités de fait et pas seulement de tenir comp
des différences de situations de toute nature », et elle « réduit u
inégalité en créant une discrimination positive au bénéfice de p
sonnes en situation défavorable ». A suivre ce texte, il y aur
donc deux niveaux de correctifs par rapport à la version la p
formelle du principe d'égalité : d'une part, tenir compte des dif
rences de situation et donc, d'ores et déjà, intégrer au principe ab
trait d'égalité une dimension ou un esprit d'équité, en adaptant
règle générale aux particularités des cas; d'autre part, propreme
réduire les inégalités en promouvant de façon préférentielle
candidatures ou les demandes de ceux qui en étaient victimes (
dont procède par exemple l'application du principe de parité). P
rapport
sommes àeffectivement.
ces deux niveaux de correctifs, regardons où nous

Concernant le premier correctif, il existe aujourd'hui, da


le fonctionnement de chaque service public, une série très impre
sionnante de cas où le fonctionnement du service tient compte d
différences de situations, qu'il s'agisse des agents ou des usage
Ces cas où il ne s'agit pas du tout de traiter identiquement les pe
sonnes concernées concernent par exemple les conditions ta
faires dans l'usage d'un service public, où il n'est pas rare qu'
arrêté, par exemple dans une commune, énonce la légalité d'u
discrimination (désignée comme telle) entre les personnes domic
liées dans la commune et celles qui n'y ont qu'une résiden
secondaire du point de vue des tarifs de la distribution d'eau
d'électricité, ou encore qu'on fixe des tarifs préférentiels aux pe
sonnes domiciliées dans la commune pour les cantines scolair
pour les crèches, pour les conservatoires de musique ; de mêm
pour l'administration des télécommunications qui multiplie l
différences tarifaires en fonction de paramètres extrêmeme
variables, ou pour l'administration qui gère le pont de l'île de
ou le pont d'Oléron, et qui accorde des tarifs préférentiels a
insulaires. Je ne vais pas multiplier ce type d'exemples, mais
peut d'ores et déjà considérer que se développe de plus en pl
Raison Présente

sation des traitements des agents ou des usagers : les service


traitent plus seulement avec des interlocuteurs impersonne
abstraits, mais avec des particuliers irréductibles les uns
autres. En sorte que si l'égalité des situations continue bien d
ger différences
les l'égalité desdedroits,
fait créent
on endes
arrive
différences
à considérer
de droit
comme
- et juste
ici o

bien près de franchir le pas qui conduit au second correctif env


gé : réduire les inégalités en traitant de façon préférentielle
taines catégories d'agents ou d'usagers.
Considérons en effet ce qu'il en est d'ores et déjà d
second correctif, à la faveur duquel une application profondém
revisitée du principe d'égalité conduirait à lutter contre les iné
tés et les exclusions. Les services publics français, sous ce rap
ont plutôt choisi jusqu'ici de réduire des inégalités sans p
autant les supprimer - j'en donne un ou deux exemples. La c
préhension des exemples requiert toutefois de mobiliser
notion importante dans la doctrine et dans la pratique contem
raine des services publics, qui est celle de « service universel
partir du principe général selon lequel tout individu possèd
droit égal à bénéficier d'un service public, certains serv
publics ont réfléchi à ce que cela signifiait concrètement pou
qu'ils pouvaient offrir à leurs usagers - par exemple pour ce
est des missions de service public assurées par la Poste e
entreprises de télécommunication : le droit égal garanti à ch
de pouvoir recourir à ces services impliquait-il par exempl
principe de gratuité étendu à toutes les missions considérées
qui eût évidemment précipité, non pas certes la ruine de ces e
prises publiques (puisqu'elles sont publiques et financées
l'imposition), mais soit une croissance démesurée du déficit
gétaire, soit une augmentation exponentielle d'un taux d'imp
tion déjà très lourd ? La solution retenue passe précisémen
l'idée de « service universel », telle qu'elle est définie
l'article L.ler du Code des Postes et Télécommunications
sieurs fois modifié en 1990 et 1999) : le service universel po
est-il indiqué, « est assuré dans le respect des principes d'éga
de continuité et d'adaptabilité en recherchant la meilleure effi
té économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de ma
permanente et sur l'ensemble du territoire national, des ser
postaux répondant à des normes de qualité déterminées. Ces
vices sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateu
L'article L.35-1 du même Code précise alors ce que cela signif
savoir « l'acheminement gratuit des appels d'urgence » ou en
« la desserte du territoire national en cabines téléphoniques in
Les services publics face au principe d'égali

lées sur le domaine public » : tous éléments du service qui se tro


vent fournis, est-il précisé, par exemple « dans des conditions tar
faires et techniques prenant en compte les difficultés spécifiqu
rencontrées par certaines catégories de personnes en raison notam
ment de leur niveau de revenu ou de leur handicap » — et
jusques et y compris dans des conditions de gratuité, puisque
Code ajoute que « ces conditions incluent le maintien, pendant u
année, en cas de défaut de paiement, d'un service restreint com
portant la possibilité de recevoir des appels ainsi que d'achemin
des appels téléphoniques aux services gratuits ou aux servic
d'urgence au bénéfice du débiteur saisi ». En sorte que le Cod
peut effectivement à bon droit, dans les limites indiquées, estim
que « toute personne obtient sur sa demande l'abonnement au tél
phone auprès d'un opérateur chargé du service universel ».
Je n'entre pas davantage dans les détails de ce dispositi
mais il est patent qu'on frôle ici la discrimination positive, ou
politique préférentielle, puisque l'on n'accorde ces tarifs les pl
bas, voire la gratuité pour certains numéros, que de façon préf
rentielle à ceux qui possèdent le moins de ressources (en l'occur
rence, comme l'a précisé un décret de mars 1999, les bénéficiair
du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de solidari
spécifique). Il s'agit bien ainsi de remédier par des dispositio
relevant de l'organisation des services publics à une partie des di
ficultés auxquelles s'affrontent les personnes victimes de certain
inégalités socio-économiques. Reste-t-on encore ici dans le pr
longement du principe d'égalité comme non-discrimination? C
n'est pour le moins pas certain, et beaucoup de juristes, dans leu
traités de droit public 7, n'hésitent pas à écrire que le pas a été fra
chi et que, même si la notion de discrimination positive n'est p
utilisée par les textes ou règlements concernés, ces mesures so
constitutives d'une atteinte portée aux principes traditionnels d
service public.
Dans la même logique, on pourrait mentionner l'existen
de politiques préférentielles dans le service public d'éducation lu
même. La loi d'orientation du 29 juillet 1998, relative à la lut
contre les exclusions, énonce ainsi, de façon très claire, que «
répartition des moyens du service public de l'éducation tie
compte des différences de situation objectives, notamment
matière économique et sociale » — de façon, par ces pratiques
répartition inégalitaires, à égaliser au moins en partie les chanc
des enfants issus des milieux socialement les plus défavorisés. O
l'on a donc le sentiment que, dans cet espace aussi, reconstitu
l'égalité des chances, ou une dimension de l'égalité des chance
Raison Présente

passe, non plus par la simple égalité d'accès à des prestat


identiques offertes à tous, mais bien par des pratiques préfé
tielles relevant de la discrimination positive.
Là encore, on pourrait certes discuter sans fin pour sa
s'il s'agit vraiment d'une atteinte aux principes, ou d'une ada
tion prenant en compte les transformations survenues dans n
représentation même de l'égalité, telle qu'elle inclut de plu
plus, non pas l'abstraction des différences, mais la reconnaiss
de ces différences. Force est en tout cas de convenir que la
tique des services publics peut supporter un infléchissement
une direction permettant l'intégration de dimensions de discr
nations positives. Le vieil adage selon lequel ce qui est réel
être possible s'applique une fois de plus ici : s'il se trouve d
discrimination positive dans le fonctionnement de certains
vices publics en France, pourquoi la modernisation des service
pourrait-elle pas passer par une prise en compte d'un prin
d'égalité « revisité » — voire repensé, redéfini, remodelé? La
tinction, ici, entre la condition nécessaire (garantir jusque dan
plus infime détail tout ce qui va dans le sens de l'égalité form
de traitement) et la condition suffisante (inclure dans ce dispo
des dimensions de politique préférentielle) est sans doute la
précieuse, puisqu'elle permet de hiérarchiser les deux appro
de l'égalité. Ce qui est inacceptable dans certaines pratique
discriminations positives réside dans la manière dont il peut
ver que des pratiques préférentielles recréent de nouvelles iné
tés. Si l'on aperçoit en revanche, comme on vient de le sugg
qu'il n'y a pas d'obstacle juridique réel à ce que, comme c'e
cas dans certains services publics, des dimensions de discrim
tions positives s'introduisent dans un service public, on se tr
conduit à se demander ce qui peut bien entretenir le blocage o
crispation française sur ces questions : l'hypothèse qui se fo
est alors inévitablement que, ce blocage ne tenant ni à l'esprit
la lettre du service public (puisqu'il peut admettre et admet d'
et déjà ce type de renouvellement), il soit de nature purement
tique, voire idéologique - c'est-à-dire qu'il tienne à certains c
de valeurs propres à la conception et à la pratique françaises
démocratie. C'est alors à ces choix de valeurs, qui ont que
chose à voir avec l'option républicaine qui caractérise la ver
française de la démocratie, qu'il faudrait entreprendre de réflé
pour apprécier s'ils sont encore compatibles, sans aggiorname
avec les nouveaux besoins d'égalité.
Pratiques de choix des langues vivan

1. Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel (1911), Paris, Bocca

2e éd., 1923.
2. Pour une plus ample analyse de ce qu'implique directement le m
de service public conçu par Duguit, notamment quant à la place
accordée à l'Etat dans un tel dispositif, on consultera le précieux liv
d'Evelyne Pisier Le service public dans la théorie de l'Etat de Léon
Duguit, Paris, LGDJ, 1972.
3. Dans son étude, E. Pisier thématise l'opposition entre les deux
modèles de service public : celui de Hauriou correspond à un Etat d
services visant à renforcer la puissance publique, là où celui de Dug
un service public de l'Etat, cherche à substituer à cette puissance le
services publics eux-mêmes.
4. Maurice Hauriou, Principes de droit public (1900-1901), Paris, S
1910, p. 564-566.
5. Ibid., p. 566.
6. Conseil d'Etat, « Sur le principe d'égalité », Rapport public pour
1996, Paris, EDCE, 1997, p. 86.
7. Par exemple Gilles J. Guglielmi et Geneviève Koubi dans le Droi
service public, Paris, Domat droit public, Montchrestien, 2000, ou
encore J.-F. Lachaume, C. Boiteau et H. Pauliat dans les Grands
Services publics, Paris, 2e éd., 2000.

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