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2006 – 2007

Droit européen

Louis Le Hardÿ de Beaulieu

1
Contenu du cours

Dans ce cours, nous nous intéresserons aux aspects structurants et constitutionnels de l’Union
européenne. Nous nous pencherons également, lorsque cela sera nécessaire pour la bonne
compréhension de la matière, sur des éléments de droit international public.

Nous aborderons cette matière en empruntant cinq axes :

1) L’histoire de l’Europe, de la construction européenne et son avenir. Concernant


l’avenir, nous ne ferons pas de prévisions « en l’air » mais nous nous baserons sur des
éléments de droit concrets pour tenter de deviner l’évolution que suivra l’Union.
2) La situation de l’Europe dans l’espace. Dans ce volet, nous nous intéresserons aux
limites spatiales de l’Europe (Dom Tom ? Espace maritime ? Espace aérien ?).
3) Les relations entre l’Union et les États (tant les États membres que non membres).
4) Les organes communautaires de décision, d’exécution et de contrôle. Nous verrons
dans ce volet que la structure bien nette de séparation des pouvoirs (législatif, exécutif
et judiciaire), qui nous est bien familière en droit interne, n’est pas présente telle
quelle au niveau européen. On parle plutôt d’équilibre institutionnel.
5) L’ordre juridique communautaire (traités, règlements, directives,…). Quelles en sont
les conséquences directes sur les citoyens ?

2
L’Union européenne dans le temps

Du 19e siècle à la Seconde guerre mondiale

Dès le 19e, Victor Hugo faisait une prédiction sur l’avenir des États européens, expliquant que
leur avenir passerait nécessairement par l’union et les bonnes relations commerciales, entre
les États européens ainsi qu’avec les États-Unis.

Il y a eu ensuite plusieurs tentatives belliqueuses d’unifier l’Europe. Plusieurs dirigeants ont


souhaité créer une union sous leur domination personnelle.

Nous arrivons à la Première guerre mondiale. Pour de nombreux historiens, le 19e ne s’est pas
terminé en 1900 mais bien en 1914. Cette date a en effet marqué un basculement du monde. À
cette époque, de grands empires ont explosé.

Cette guerre a eu des effets à long terme. Avant, celle-ci, les mouvements économiques
étaient relativement stables. Après la guerre, de nombreux changements se sont opérés.
Ainsi, Londres ne tenait plus la même place au niveau économique. Les États-Unis ont été
propulsés vers le haut. Ce changement est clair, même si les deux États ne s’en rendent peut-
être pas encore compte.

Autre changement notable : les nombreux morts chez les hommes de la tranche d’âge des 20 à
30 ans. Les femmes ont été forcées de reprendre le flambeau, elles ont remplacé les hommes
dans de nombreux domaines. Pourtant un manque de main-d’œuvre se fait cruellement sentir.
L’offre est donc faible, ce qui augmente les prix, ce qui augmente la demande de
rémunération. Conséquence : l’apparition de l’inflation, phénomène inconnu jusqu’alors.

Ensuite, la situation économique ne fait que s’empirer. Ainsi, en 1923, le gouvernement


dévalue la monnaie : 1 000 marks n’en valent plus qu’un. La pauvreté augmente donc
fortement. Autre catastrophe économique : le krach boursier de 1929 à New York.

La situation économique est donc désastreuse. Dans de nombreux pays, les gouvernements
vont affirmer que le malheur vient des autres. Cette conception va donner lieu au
développement du protectionnisme. Il s’agit toutefois d’une vision à court terme. En effet,
lorsqu’un État ferme ses frontières aux autres États, ces derniers ne tardent pas à lui fermer les
leurs. Au final, tout le monde est perdant.

En Allemagne, un groupe particulier sera tenu pour responsable des malheurs de la nation :
les Israélites. La Seconde guerre mondiale a des causes politiques, mais celles-ci découlent de
causes économiques.

3
L’ONU

Après la Seconde guerre mondiale, plusieurs États vont s’accorder pour dire que des réformes
doivent être entreprises. Le 1er janvier 1942, la Déclaration des Nations Unies est adoptée
pour imaginer comment sera le monde après la guerre. En 1945, les représentants de 50 pays à
la Conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale se sont rencontrés à San
Francisco pour élaborer la Charte des Nations Unies, dont l’objet est la création de l’ONU.

Pour la création de l’ONU, les États ont réfléchi à tous les éléments qui avaient posé problème
lors des décennies précédentes. Ils sont arrivés à la conclusion qu’une institution purement
politique ne serait pas suffisante, comme l’a montré l’échec de la Société des Nations. C’est
pour cette raison que l’Organisation des Nations Unies comporte quatre volets :

1) Un volet politique : essentiel mais pas suffisant, il faut tenir compte des autres aspects,
abordés par les trois autres volets.
2) Un volet financier : ce volet sera représenté par le Fonds Monétaire International. Le
but est de créer des règles en matière de dévaluation et d’évaluation des monnaies. Ces
opérations ne doivent plus être soumises au bon vouloir des États.
3) Un volet de déontologie commerciale : l’histoire nous a appris que le protectionnisme
ne donnait rien de bon à long terme, le but de ce volet est donc d’empêcher
l’utilisation à tort et à travers de ce type de barrières. Ce volet devait être représenté
par l’OIC, mais cette organisation a finalement disparu (le Congrès américain a refusé
que les États-Unis y adhèrent (pour contrarier le président Truman)). Elle a donc été
transformée en accord : le GATT (qui donnera finalement l’OMC).
4) Un volet de reconstruction et de développement : création de la BIRD (Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement).

La BIRD n'a jamais fonctionné comme on l'avait prévu. Différentes organisations ont repris le
volet du développement. Quant au volet de la reconstruction, il a été repris par les États-Unis
avec le plan Marshall.

Pourquoi les États-Unis ont-ils mis au point le plan Marshall ? Il s'agit d'une part d'un acte
généreux. Mais pas seulement. À l'époque, l'économie des États-Unis est florissante. En effet,
la guerre n'a eu qu'un impact limité sur ce pays. Ils ont donc besoin d'un partenaire
commercial. Ils décident dès lors d'aider à la reconstruction de l'Europe. Pour veiller à la
bonne gestion des fonds du plan Marshall, il crée l’OECE (Organisation européenne de
coopération économique).

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Jean Monnet

« Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des Hommes. »

Il est réformé de l'armée en 1914. Son père l'envoie aux États-Unis pour examiner, nouer des
contacts commerciaux. Il noue de nombreux contacts. Il a noué tellement de contacts, que
lorsqu'il revient en Europe, il est bombardé secrétaire général adjoint de la Société Des
Nations.

Lors de la deuxième guerre mondiale, Jean Monnet rencontre le général De Gaulle. Les deux
hommes ne s'entendent pas du tout, cela donne des étincelles. Jean Monnet va donc rencontrer
Winston Churchill. Les relations entre ce dernier et De Gaulle étant difficiles, Churchill est
bien content de jouer un mauvais tour à De Gaulle. Il envoie donc Jean Monnet comme son
représentant chez Roosevelt. Le courant passe bien entre ces deux hommes. Jean Monnet
glisse à Roosevelt l'idée du débarquement. Jean Monnet va en quelque sorte assurer le soutien
logistique du débarquement.

Jean Monnet connaît toutes les ficelles des relations internationales. Il souligne l'importance
du partage entre les États, des relations commerciales. Il va voir Robert Schuman et il lui
explique que l'on a besoin d'une institution européenne ou les États pourront discuter,
négocier, construire ensemble. Robert Schuman est enchanté par cette idée.

À l'époque, deux matières sont extrêmement importantes : le charbon et l'acier. Ce sont deux
matières concrètes, pour que les citoyens puissent comprendre pourquoi il est important de se
mettre ensemble. L'Europe a besoin d'une dimension citoyenne. On retrouve ici les bases de la
méthode Monnet :
1) réalisme historique : nous sommes conscients du passé et de savons également que
nous pouvons faire quelque chose ensemble ;
2) pragmatisme : il est très important d'avancer étape par étape.

Schuman est donc convaincu. Il est habitué à la proximité des frontières. Tous les hommes
politiques influents de l'époque sont d'ailleurs conscients des difficultés que représentent les
frontières. Ils sont donc tous d'accord avec Monnet. Le 9 mai 1950, ils se rendent donc à
Paris, au Quai d’Orsay, pour écouter le discours du salon de l'horloge de Schuman (écrit avec
Jean Monnet). Dans ce discours, Schuman insiste sur l'importance d'avancer par petits pas, il
ne faut pas aller trop vite. Cet extrait dénote clairement une logique idéaliste. Dès ce discours,
on retrouve le principe selon lequel l'individu est un sujet de droit européen, alors qu'il ne l'est
pas en droit international.

La Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier est créée par le traité de Paris du


18 avril 1951 et entre en vigueur le 23 juillet 1952. Elle compte six membres : la Belgique, les
Pays-Bas, le Luxembourg, la France, l’Italie et l’Allemagne. Cela marche très bien. Tant et si
bien que tout le monde est enthousiaste. Une autre idée apparaît alors. Les dirigeants tentent la
CED (Communauté européenne de défense). Elle est conçue comme une étape préliminaire à
la constitution d’une Communauté européenne politique. Le traité CED est signé le 27 mai
1952. Sa ratification commence, mais tout tombe à l’eau durant la nuit du 30 au 31 août
1954 : l’Assemblée nationale française refuse la prise en considération du traité ; tout est
terminé.

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On peut expliquer ce refus par la composition de l’Assemblée nationale. D’une part, les
parlementaires anciens résistants refusent que les soldats français puissent être placés sous le
commandement d’officiers allemands. D’autre part, les parlementaires communistes
s’interrogent sur l’opportunité d’une défense. Une défense contre qui ? demandent-ils. Ils
accusent l’Europe d’avoir des visions impérialistes.
On a voulu aller trop vite. Suite à cet échec, aux conséquences psychologiques à long terme,
on reprend la politique des petits pas. Les négociations vont être à nouveau engagées pour
ajouter des domaines un peu à la fois. Finalement, ces négociations donnent lieu, le 25 mars
1957, à la signature de deux nouveaux traités, les traités de Rome, qui s’ajoutent à la CECA :
le traité instituant l’EURATOM (ou CEEA) et le traité instituant la CEE.

En 1957, les trois communautés européennes coexistent. Dès cette date, on assistera à deux
tendances évolutives : une tendance d’approfondissement et une tendance d’élargissement.

Quelques grandes dates de la construction européenne

1962 :
PAC

1972 :
Élargissement : Royaume-Uni, Danemark et Irlande. De Gaulle s’était auparavant opposé à
l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE. Il y rentre lorsque Pompidou est au pouvoir. Des
négociations étaient également en cours avec la Norvège mais les Norvégiens ont refusé
l’adhésion par référendum.

1975 :
Création du FEDER (Fonds Européen de Développement Régional). À l’époque, l’économie
n’est pas au mieux de sa forme. Les nouveaux États membres sont pauvres et la crise
pétrolière fait rage. Le FEDER est le premier fonds structurel européen pour aider les régions
pauvres.

Pour une région pauvre, l’ouverture des frontières peut avoir des effets négatifs. En effet, lors
de l’ouverture des frontières, d’une part les gens partent pour vivre là où la vie est meilleure et
les investisseurs reprennent leurs capitaux pour les investir dans des régions plus riches. Des
outils tels que le FEDER sont donc nécessaires pour contre ces effets néfastes pour les régions
pauvres. C’est la base de la politique européenne régionale.

1981 :
Élargissement à la Grèce. On peut se poser la question de savoir pourquoi la Grèce, symbole
de la pensée européenne, n’est pas rentrée plus tôt dans la CEE. Il y a deux raisons :
- le niveau de développement économique était trop bas ;
- la Grèce était une dictature de 1967 à 1974 (régime des colonnels).

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1986 :
Élargissement : Espagne et Portugal, redevenus des démocraties.

Acte unique européen (signé en février 1986, entré en vigueur le 1er juillet 1987). C’est la
première révision de grande envergure du traité CEE. Il s’oriente dans quatre directions
majeures :
- l’uniformisation du marché intérieur ;
- le développement de politiques nouvelles (comme la recherche, les nouvelles
technologies, l’aménagement du territoire, la santé, la sécurité des travailleurs, le
secteur social ou l’environnement) ;
- le renforcement de la coordination des politiques en matière de relations extérieures,
sans aller toutefois jusqu’à une politique extérieure commune ;
- la mise en œuvre de nouvelles procédures ou la systématisation de certaines
techniques de fonctionnement institutionnel telles que le vote à la majorité qualifiée ou
le renforcement de la participation du Parlement européen au processus normatif.

1989 :
Chute du mur de Berlin. En 1991, réunification de l’Allemagne.

1992 :
7 février : traité sur l’Union européenne (traité de Maastricht). Ce traité s’oriente dans deux
directions : l’union économique et monétaire et l’union politique.
Ce traité crée l’Union européenne. Celle-ci est composée de trois piliers :
- le premier pilier composé des trois communautés européennes (la CECA, la CEE et la
CEEA) ;
- le deuxième pilier : la PESC, politique extérieure et de sécurité commune ;
- le troisième pilier : la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures.
Ces trois piliers reposent sur des valeurs communes (la démocratie, les droits de l’homme) et
le tout est chapeauté par une union politique : l’Union européenne.

La CEE devient la CE (Communauté européenne), car les matières traitées dépassent


maintenant la sphère purement économique.

1995 :
Élargissement : Autriche, Suède et Finlande (la Norvège a encore refusé par référendum).
Cette date n’est pas un hasard. Ces pays avaient en effet besoin de la chute du mur de Berlin
pour pouvoir rejoindre l’Union. Pour les soviétiques, la CEE était le cheval de Troie des
États-Unis. Comme ces trois pays sont neutres, ils ne peuvent pas y adhérer.

1997 :
Traité d’Amsterdam (2 octobre 1997). Ce traité approfondit le traité de Maastricht. C’est un
bon traité, mais il n’apporte pas réellement d’innovation.

Il laisse apparaître trois axes prioritaires :


- la mise en exergue de la politique de l’emploi et des droits des citoyens, l’intégration
de la Charte sociale européenne au texte du traité ;
- la suppression des dernières entraves à la libre circulation des personnes et le
renforcement des mesures de sécurité par l’extension de la convention de Schengen ;
- la recherche d’un accroissement de la crédibilité de la présence de l’Europe dans le
monde.

7
Nous arrivons alors en 2000, avec des institutions datant de l’après-guerre. Elles ne sont plus
adaptées, nous avons besoin de nouvelles manières de travailler.

2001 :
Traité de Nice (26 février 2001). La Conférence intergouvernementale qui a donné lieu à ce
traité s’est attachée d’une part, aux conditions du renforcement de la démocratie au sein de
l’Union et, d’autre part, à la réforme des institutions et des procédures de décisions.

2002 :
Convention sur l’avenir de l’Europe. Le but est de réfléchir à la rénovation des institutions
communautaires. Cette convention s’est toutefois transformée en sorte de boîte de Pandore.
On a commencé à discuter sur tout (« si on réforme ça, il faut réformer ça aussi… »).
Finalement, on a réussi à calmer les choses et les discussions ont abouti au projet de traité
constitutionnel, que tous les États n’ont pas encore ratifié, loin s’en faut !

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Les institutions européennes dans le temps : principes de base

Le traité CECA avait été conclu pour une période de cinquante ans. Il est arrivé à son terme
en 2002. Les pays fondateurs se sont donc donné cinquante ans, en se disant qu’après ce délai,
le traité aurait de toute manière vécu. En effet, après ce délai, deux solutions étaient
possibles : soit le traité s’avérait être une réussite et il faudrait aller plus loin que ce qu’il
permettait, soit le traité ne donne pas satisfaction et il faudrait admettre qu’on n’est trompé et
imaginer autre chose.

Ensuite, à mesure qu’avançait la construction européenne, les dirigeants se sont rendu compte
que cela n’était pas facile. On s’est donc dit : prenons le temps. C’est pour cette raison que les
autres traités ont été conclus pour une durée indéterminée. Cette prudence semble également
avoir prévalu dans la rédaction du traité de Maastricht. Le préambule de celui-ci et son article
1er indiquent clairement que « le présent traité marque une nouvelle étape dans le processus
d’unification, confirmant l’idée selon laquelle ce traité est plus un « traité sur l’Union
européenne » en devenir qu’un « traité instituant l’Union européenne ».

Règles dérogatoires

Les périodes transitoires

Dès 1957, les États fondateurs se sont donné un délai (de douze années) pour entrer
progressivement dans les Communautés. Ce délai était somme toute raisonnable et bien
compréhensible. En effet, les États fondateurs avaient à l’époque des administrations bien
différentes les unes des autres. On avait donc besoin de temps pour adapter les
administrations, les politiques, les lois, les mentalités.

Comme les États fondateurs se sont donné un délai, il est naturel que les nouveaux États
membres disposent aussi d’un temps d’adaptation. La durée de ce délai fait l’objet d’une
négociation au cas par cas lors de l’adhésion.

Les aménagements prévus pour les périodes transitoires peuvent se traduire de diverses
manières : l’atténuation temporaire de certaines obligations, le recours à des mécanismes
décisionnels particuliers ou l’admission de mesures de sauvegarde.

Les étapes

Ce mécanisme répond aux mêmes objectifs que les périodes transitoires : permettre une
intégration progressive.

Ce mécanisme a été utilisé notamment pour la mise en place de l’union économique et


monétaire. Des étapes bien définies sont prévues, avec un contrôle à chaque étape. Ce système
est donc plus fractionné que celui des périodes transitoires, dans lequel les États avancent à
leur propre rythme.

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Techniques d’adaptation des traités

Procédure d’imprévoyance

« Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement


du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les
pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la
Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions
appropriées. »1

L’idée de cette procédure est de pouvoir mettre une politique en œuvre qui n’est pas prévue
dans les traités, sans pour autant devoir lancer le processus de révision. Cette procédure est
assortie de conditions strictes, pour éviter qu’elle ne fasse office de « révision déguisée ».

Pour pouvoir faire appel à cette procédure, trois conditions cumulatives doivent être réunies :
1) il convient que le recours à cette technique soit réellement nécessaire (il ne peut pas
être seulement utile) ;
2) le but de la mesure envisagée doit être de réaliser un des objectifs communautaires (et
pas d’en développer de nouveaux) ;
3) il faut que le traité n’ait pas prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet (il ne peut
pas exister une autre procédure, que l’on voudrait éviter pour une quelconque raison).

La Cour de Justice veille scrupuleusement au respect de ces trois conditions.

Lors des négociations qui ont eu lieu pour l’élaboration du projet de traité constitutionnel, les
eurosceptiques ont souhaité obtenir la suppression de cet article. Cette suppression donnerait
tous les pouvoirs aux États, étant donné qu’il faudrait recourir à la procédure de révision pour
le moindre changement aussi minime soit-il. Pour cela, des négociations
intergouvernementales sont exigées et il serait alors possible de faire valoir un droit de veto
contre la modification souhaitée. On perdrait toute marge de manœuvre et il serait très
difficile d’avancer.

Les adaptations ponctuelles

Il s’agit d’adaptations de moindre envergure. Exemple : la modification du nombre de juges


siégeant à la Cour de Justice. Notons toutefois qu’en ce cas les règles de délibération
deviennent plus exigeantes (l’unanimité est ainsi requise pour la modification du nombre de
commissaires ou de magistrats de la Cour).

1
TCE, art. 308.

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La révision des traités

« Le gouvernement de tout État membre, ou la Commission, peut soumettre au Conseil des


projets tendant à la révision des traités sur lesquels est fondée l'Union.

Si le Conseil, après avoir consulté le Parlement européen et, le cas échéant, la Commission,
émet un avis favorable à la réunion d'une conférence des représentants des gouvernements des
États membres, celle-ci est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un
commun accord les modifications à apporter auxdits traités. Dans le cas de modifications
institutionnelles dans le domaine monétaire, le conseil de la Banque centrale européenne est
également consulté.

Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les États membres
conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »1

Cette procédure se divise en deux grandes phases :


- la procédure intégrée ;
- la procédure intergouvernementale.

La procédure intégrée

Le Conseil peut émettre un avis favorable pour l’initiation du processus de révision, après
consultation du Parlement et, le cas échéant, de la Commission (si la proposition ne vient pas
de cette dernière).

Ensuite, le Conseil convoque une conférence intergouvernementale. C’est à ce point que


débute la deuxième phase : la procédure intergouvernementale.

La procédure intergouvernementale

Cette procédure relève du droit international. Elle se déroule en cinq étapes.

1) Les négociations

Elles sont initiées par le pouvoir exécutif. En effet, la tradition veut que le pouvoir de
conclure les traités soit une prérogative régalienne. Selon l’importance (ou la médiatisation)
du traité en question, ce sont des responsables de niveaux différents qui négocieront (des
chefs d’États aux fonctionnaires).

2) La signature

C’est le moment où l’on authentifie, ou l’on identifie le texte final des négociations. Il s’agit
d’un stade important. En effet, au cours des négociations, qui peuvent s’étendre sur plusieurs
années, de nombreuses versions du texte ont circulé, des amendements ont été apportés, etc.
Après la signature, chaque négociateur soumet le texte aux autorités nationales.

1
TUE, art. 48.

11
3) La ratification

Cette étape est encore plus importante que la signature. La ratification est l’acte par lequel le
gouvernement national accepte d’être lié juridiquement par le traité. Chaque État peut ratifier
le texte à son rythme, selon ses procédures propres (voie référendaire, parlementaire, ou choix
entre les deux).

Les documents de ratification sont envoyés à l’État dépositaire du traité, identifié dans le
traité lui-même.

N.B. : entre la signature et la ratification d’un traité, on demande à l’État de ne pas poser
d’acte contraire au traité. Exemple : un État qui signe un traité contre la prolifération des
armes nucléaires et qui réalise des tests d’armes de ce type entre la signature et la ratification.
Bien entendu, l’État ne subira de sanctions que dans la mesure où il finit par ratifier le traité.

4) L’enregistrement

Cet enregistrement se fait auprès du Secrétaire général de l’ONU, qui l’enregistre dans la
collection des traités des Nations Unies. Cet enregistrement n’est pas obligatoire. Toutefois,
un traité non enregistré ne pourra en aucun cas être invoqué devant les instances des Nations
Unies.

5) L’entrée en vigueur

Moment où le texte devient obligatoire, où il développe ses effets. La date d’entrée en vigueur
est variable et déterminée dans le traité.

Entre la signature et la ratification, chaque État dispose d’un mécanisme de contrôle l’action
internationale de l’État, que ce soit par référendum ou par assentiment parlementaire.

Concernant le projet de traité constitutionnel, la France a choisi d’organiser un référendum et


la population a dit non. Pour un texte tel que celui-là, l’organisation d’un référendum n’est pas
une bonne idée. Il s’agit en effet d’un texte très complexe pour le citoyen modal, qui n’a que
faire de questions institutionnelles. En outre, de nombreuses personnes ont répondu lors de ce
référendum à des questions qu’on ne leur posait pas (pour ou contre Raffarin, pour ou contre
la Pologne, pour ou contre la Turquie,…).

12
L’Union européenne dans l’espace

Le principe de base

« 1. Le présent traité s'applique au Royaume de Belgique, au Royaume de Danemark, à la


République fédérale d'Allemagne, à la République hellénique, au Royaume d'Espagne, à la
République française, à l'Irlande, à la République italienne, au Grand-duché de Luxembourg,
au Royaume des Pays-Bas, à la République d'Autriche, à la République portugaise, à la
République de Finlande, au Royaume de Suède et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord. »1

Dans cet article, il n’est pas question de territoire. Le traité s’applique en effet aux États. Cela
signifie qu’il déploiera ses effets partout où les États sont en droit d’exercer des compétences
en conformité avec le droit international : territoire métropolitain ou non, espaces maritimes
ou aériens. Cet angle d’approche est très large.

Les régimes particuliers

Les régions ultra-périphériques


Le traité d’Amsterdam introduit une modification. Il prévoit que les dispositions du traité
s’applique aux départements français d’outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries.
Toutefois, en raison des spécificités propres à ces régions, le nouveau texte prévoit que le
Conseil peut adopter des dispositions particulières à leur égard tout en veillant à ne pas nuire à
l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique communautaire.

Les pays et territoires d’outre-mer (PTOM)


Dès l’origine, il fut prévu que le traité ne s’appliquerait pas en tant que tel à ces pays. Un
régime particulier d’association fut néanmoins défini à leur intention.
Une déclaration a été jointe au traité d’Amsterdam, enjoignant le Conseil à réexaminer leur
statut d’ici à février 2000. L’objectif de cette mesure est quadruple : promouvoir plus
efficacement le développement économique et social des PTOM, développer leurs relations
économiques avec l’Union européenne, mieux prendre en compte leur diversité et la
spécificité de chacun et améliorer l’efficacité de l’instrument financier.

Les territoires où le traité n’est pas d’application


En raison de leur statut original d’autonomie interne, ni le Groenland, ni les îles Féroé ne se
voient inclus dans l’espace communautaire européen.2

1
TCE, art. 299.1.
2
TCE, art. 299.6.

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Notions de droit de la mer

La mer territoriale. Il s’agit de la zone s’étendant de la côté à (en général) 12 nautiques. Cette
zone ne fait pas partie du territoire de l’État, mais il y exerce ses compétences.
Tous les navires y ont un « droit de passage inoffensif ». Cela signifie qu’ils peuvent y passer
sous réserve du respect de certaines règles. Exemples : les navires de pêche doivent passer
avec leurs filets levés, les navires militaires ne peuvent pas faire de manœuvres, les sous-
marins doivent passer en surface, etc.
L’État peut réserver la pêche dans cette zone à ses ressortissants. Toutefois, il existe des
conventions européennes à cet égard. La politique de pêche commune régit qui peut pêcher
où, quel poisson et à quel moment.

Au-delà de la mer territoriale s’étend la zone contiguë, également d’une largeur de


12 nautiques. L’État y « perd » des compétences. Les seuls droits de l’État sont les contrôles
en matière fiscale, sanitaire et d’immigration clandestine.

Autre zone : la zone économique exclusive, s’étendant de la côté à 200 nautiques. L’État y a
le droit d’exploiter les richesses de la colonne d’eau.

Au-delà de la zone économique exclusive : la haute mer. La liberté y est totale, sous réserve
du respect du droit de la mer.

Notons qu’il existe un système particulier pour les détroits1. Ce système s’appelle le « libre
passage en transit ». Il permet notamment aux sous-marins de passer en plongée à ces
endroits.

Les espaces aériens

La législation en la matière date de la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à


l’aviation civile internationale.

La règle est qu’il y a une distinction entre l’espace aérien national (espace situé au-dessus du
territoire et de la mer territoriale) et l’espace aérien international (situé au-delà du territoire et
de la mer territoriale).

Dans l’espace aérien national, la circulation est libre pour les aéronefs civils. Les aéronefs
d’État (militaires ou non) ont besoin d’une autorisation. Dans l’espace aérien international, la
circulation est libre pour tous les aéronefs, sous réserve du respect des règles de l’ICAO2.

À l’époque, on n’aborde pas la limite verticale de l’espace aérien national. De nos jours, la
limite de l’espace extra atmosphérique est généralement fixée à 100 km d’altitude. C’est alors
le traité de l’espace de 1967 qui est d’application. On retiendra que l’espace est une zone
démilitarisée où les essais d’armes sont proscrits.

1
Définition juridique d’un détroit : un détroit est un bras de mer séparant deux États dont la largeur est inférieure
aux largeurs cumulées des mers territoriales des États concernés.
2
International Civil Aviation Organization.

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Les États et l’Union européenne

SECTION 1 : LE STATUT DE MEMBRE

I) L’ADHÉSION

L’Union européenne est une organisation ouverte. Cela signifie qu’elle a vocation à accueillir
de nouveaux membres. D’autres organisations sont fermées. On citera comme exemples le
Benelux ou l’Union économique belgo-luxembourgeoise.

1) Les conditions d’adhésion

L’adhésion est régie par l’article 49 du traité sur l’Union européenne :

« Tout État européen qui respecte les principes énoncés à l'article 6, paragraphe 1, peut
demander à devenir membre de l'Union. Il adresse sa demande au Conseil, lequel se prononce
à l'unanimité après avoir consulté la Commission et après avis conforme du Parlement
européen qui se prononce à la majorité absolue des membres qui le composent.

Les conditions de l'admission et les adaptations que cette admission entraîne en ce qui
concerne les traités sur lesquels est fondée l'Union, font l'objet d'un accord entre les États
membres et l'État demandeur. Ledit accord est soumis à la ratification par tous les États
contractants, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »1

« 1. L'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'État de droit, principes qui sont
communs aux États membres. »2

a) Les conditions formulées

« Tout État européen ».

« État » : les organisations internationales sont donc exclues.


« Européen » : cela n’est pas facile à définir. À l’époque du traité, définir ce qu’était un État
européen était bien plus aisé : le rideau de fer marquait une démarcation sans appel. De nos
jours, si la limite au sud est clairement marquée par la Méditerranée, la limite est/sud-est est
plus floue et reste une question politique sensible qui suscite de nombreux débats, même si
l’on admet communément l’Oural comme limite ultime.
« Tout » : cela signifie que tous les États sont égaux, aucun critère de taille n’est présenté.

« Qui respecte les principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1 ».

Cet article s’inscrit dans la logique de la démocratie.3

1
TUE, art. 49.
2
TUE, art. 6.1.
3
Notons que toutes les organisations internationales n’imposent pas à leurs États membres d’être des
démocraties. Exemple : l’ONU. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose, en ce sens que cela permet un
dialogue entre les démocraties et les autres régimes.

15
Que se passe-t-il si un État membre quitte le chemin de la démocratie ? C’est alors l’article 7
du TUE qui s’applique. Cet article permet de réaliser trois étapes :
1) constater l’existence d’un risque de violation grave et persistante par un État membre
des principes repris dans l’article 6, paragraphe 1 ;
2) la formulation de recommandations à l’État concerné ;
3) l’application de sanctions, à savoir la suspension de certains droits de l’État, parmi
lesquels son droit de vote au Conseil, tout en maintenant ses obligations.

b) Les conditions non formulées

Il s’agit de clauses de conditionnalité politique.

Il faut une certaine proximité des structures économiques de l’État demandeur par rapport à
celles des membres. D’une part, le système économique doit être compatible avec celui de
l’Union. Il doit s’agir d’une économie de marché, et pas d’une économie planifiée. Cette
condition s’explique par le fait que les deux systèmes économiques doivent pouvoir
« dialoguer ». D’autre part, le niveau de vie de l’État demandeur doit être suffisamment élevé.
Cette condition a pour but d’éviter les écarts trop importants, qui seraient nuisibles aux deux
parties, même pour l’État demandeur, qui verrait fuir une grande partie de ses ressortissants
vers des zones plus riches.

On considère également qu’il est délicat d’accueillir des États neutres. En effet, cette
neutralité pourrait être problématique dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité
commune.

2) La procédure d’adhésion

L’État candidat à l’adhésion présente sa candidature au Conseil. Celui-ci consulte la


Commission et sollicite du Parlement européen un avis conforme avant de statuer à
l’unanimité. Si la candidature est retenue, commencent alors les négociations portant sur les
modalités d’entrée du candidat. On rentre alors dans la procédure intergouvernemental
classique décrite plus haut.

3) Les conséquences de l’adhésion

Le nouveau membre a accès à tous les privilèges attachés à ce statut de membre. En outre, il
sera soumis, généralement après une période transitoire, à l’acquis communautaire, c’est-à-
dire à l’ensemble de la législation européenne en vigueur.

16
II) LA PERTE DU STATUT DE MEMBRE

On peut envisager quatre manières de perdre la qualité de membre.

1) Le retrait

Cette possibilité n’est pas prévue dans les traités. Cette absence s’explique par le fait que les
pères fondateurs ne voulaient pas tendre une perche aux États ne souhaitant pas faire trop
d’efforts pour que l’entreprise fonctionne. Notons que le projet de traité constitutionnel
prévoit cette possibilité.

On peut se demander si c’est possible. Si les traités ne citent pas explicitement cette
possibilité, ils ne l’excluent pas non plus. D’un point de vue juridique, on peut donc penser
que c’est possible. Toutefois, le retrait s’avérerait bien plus délicat dans la pratique, étant
donné l’état d’avancement de l’intégration européenne. Les implications d’un retrait seraient
bien trop nombreuses et au désavantage de l’État sortant.

2) L’exclusion

Cette hypothèse n’est pas non plus prévue dans les traités, ni dans le projet de traité
constitutionnel. L’exclusion est une sanction. Étant donné qu’elle n’est pas prévue, on ne peut
pas l’appliquer.

Lorsqu’un État ne répond plus aux conditions d’adhésion, on constate cet état de fait.

3) Les sanctions

C’est dans ce cas l’article 7 du TUE qui s’applique1.

4) La disparition d’un État

1
Voir page 16.

17
SECTION 2 : LES STATUTS D’ASSOCIATION

L’association est une notion fréquemment utilisée dans le langage institutionnel européen.
Elle renvoie cependant à des réalités très diverses.

I. L’association destinée à maintenir des relations particulières

L’article 182 du TCE envisage le maintien de liens privilégiés entre la Communauté


européenne et des « pays et territoires non européens » entretenant avec certains États
membres des relations particulières.

Les territoires concernés sont principalement d’anciennes colonies. L’objectif de ce type


d’association est double. Il s’agit d’une part de contribuer au développement économique,
social et culturel de ces territoires, et d’autre part, d’établir des relations économiques étroites
entre eux et l’ensemble de la Communauté.

II. L’association extravertie (article 310 du TCE)

Ce type d’association est tourné vers les États avec lesquels il n’existait pas de relations
particulières. Ces accords permettent de nouer des relations de longue durée, pour des raisons
diverses.

1) La préparation d’une adhésion éventuelle

Le 9 juillet 1961, un accord d’association fut ainsi conclu entre la Communauté et la Grèce.
Malgré sa suspension durant la période de la dictature entre 1967 et 1974, il a manifestement
constitué un premier pas dans la direction de l’adhésion de 1981.

Ce même type d’accord permit de rapprocher la Turquie (1963), Malte (1970) et Chypre
(1972) de la Communauté.

2) Le développement de relations de proximité

a) L’espace économique européen

L’EEE a été créé par l’accord de Porto du 2 mai 1992. Il s’agit en fait du successeur de
l’AELE, association européenne de libre-échange. L’EEE est actuellement composé des
membres de l’Union européenne et de l’Islande, du Lichtenstein et de la Norvège, qui sont les
trois États membres de l’AELE qui ne sont pas devenus membres de l’Union européenne.

Sans aller jusqu’à l’union douanière, cet accord tend, d’une part, à renforcer les liens
bilatéraux au sein de la zone de libre-échange et, d’autre part, à mettre en place un système
institutionnel commun particulier.

18
b) Les accords européens

Il s’agit des accords conclus dès 1991 entre la Communauté et les PECO (pays d’Europe
centrale et orientale), visant à établir des liens solides et durables avec ces pays. Ils prennent
également la forme des accords d’association au sens de l’article 310.

À l’époque de l’effondrement de l’URSS, l’Europe estimait avoir une responsabilité politique


et historique envers ces pays. Il fallait les aider à reprendre pied après la période dictatoriale
qu’ils avaient vécue. La situation politique était très instable dans les pays satellites de
l’URSS, entraînant une forte demande de ces accords. On a alors assisté à un emballement des
autorités européennes. Cet emballement s’est encore manifesté lors du dernier élargissement
de l’Union.

3) L’association coopérative

La technique d’association est aussi utilisée dans les liens qui unissent l’Europe à divers pays
méditerranéens ou les pays ACP. La finalité de ces accords d’association est l’établissement
d’une coopération durable visant à contribuer au développement économique et social des
partenaires extérieurs, et à permettre un bénéfice commun à tous, lié à la complémentarité des
économies de chacun.

Conformément à la logique de l’article 310, ces accords prévoient une institutionnalisation


élémentaire des rapports instaurés. Une assemblée mixte est ainsi créée, composée de
parlementaires européens et de représentants des États en question. On peut aussi citer le
Conseil des ministres et le Comité des ambassadeurs. Parmi les plus connus, on peut citer les
accords dits de Lomé, qui ont maintenant été remplacés par l’accord de Cotonou, signé le 23
juin 2000 avec 77 États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Le but n’est pas d’imposer un modèle économique mais d’aider au développement de ces
pays, de stabiliser les relations sociales locales et de faire évoluer certaines choses (par
exemple la situation de la femme dans ces sociétés).

Dans cette optique, on fait appel au système STABEX, dont le but est la stabilisation des
recettes à l’exportation. Le principe est le suivant. L’Europe s’engage envers ces pays à leur
acheter certaines quantités de leur production à un prix honorable (pas le plus haut), dans le
but d’écouler cette production régulièrement et sur le long terme.

Dans ces relations, on applique également la clause de la nation la plus favorisée.

19
Zone de libre-échange, union douanière,…

1) Zone de libre-échange

Les États membres d’une zone de libre-échange constituent un mécanisme leur permettant
d’échanger librement leurs marchandises, sans devoir payer de droits de douane.

Pour un producteur extérieur à cette zone, cela ne représente aucun avantage. Pour lui, c’est
comme si la zone n’existait pas.

2) L’union douanière

Le principe est le même que pour la zone de libre-échange, mis à part que la suppression des
droits de douane est valable pour tout le monde. Le producteur paiera une seule fois les droits
de douane, dans l’un des pays constituant l’union douanière. Une fois que ces produits seront
entrés dans cette zone, ils pourront y circuler librement.

Cela pose toutefois un problème : les États extérieurs entreront toujours dans l’union
douanière par le pays où les droits de douane sont les moins élevés. Pour contrer cela, on a
mis au point les TEC (tarif extérieur commun) ou TDC (tarif douanier commun). Ces
systèmes permettent d’harmoniser les droits de douane dans toute l’union douanière. Ces
droits seront ainsi les mêmes pour les mêmes produits dans toute la zone. De cette manière,
tous les pays de l’union douanière seront favorisés de la même manière.

3) L’union économique

L’union économique reprend les éléments de l’union douanière, en y ajoutant de nouveaux :


- la libre circulation des agents économiques (ex. : les travailleurs) ;
- la libre prestation des services (ex. : un médecin belge qui va soigner un patient
français) ;
- la liberté d’établissement (ex. : succursale d’entreprise) ;
- la libre circulation des capitaux.

Ce type d’union entraîne toutefois des effets pervers, qui doivent être contrés par des mesures,
des politiques d’accompagnements :
- une politique de la concurrence : pour éviter les agents ne respectant pas les règles de
la concurrence, la formation de cartels, le cloisonnement de marchés ;
- une politique de cohésion économique et sociale (politique régionale) : pour éviter la
fuite des habitants et des capitaux des régions pauvres. Pour ce faire, on peut penser à
la mise au point de réseaux de communication, à l’organisation d’infrastructures. En
bref, le but de ce type de politique est de redynamiser l’économie de la région.

4) L’union économique et monétaire

Cette union s’est construite en deux grandes phases. La première étant l’établissement d’un
système monétaire commun. Les monnaies de la zone ne pouvaient fluctuer les unes par
rapport aux autres que dans des limites déterminées. La seconde phase fut l’instauration de la
monnaie unique. Les objectifs principaux de l’instauration de cette monnaie unique étant de
faciliter les échanges commerciaux, de renforcer l’image de l’Europe auprès des citoyens et
d’asseoir la position de l’Europe sur la scène internationale.

20
La personnalité juridique des Communautés et de l’Union

SECTION 1 : LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

I. La personnalité juridique1 interne

« Dans chacun des États membres, la Communauté possède la capacité juridique la plus large
reconnue aux personnes morales par les législations nationales; elle peut notamment acquérir
ou aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice. À cet effet, elle est
représentée par la Commission. »2

Comme il est de mise pour les organisations internationales, les Communautés jouissent d’une
personnalité fonctionnelle. À la différence des États qui disposent d’une compétence générale
en vue de répondre à l’ensemble des sollicitations nécessitées par la satisfaction du bien
commun, les organisations ont été créées en vue de rencontrer un nombre défini d’objectifs.
Leur capacité se limite donc à la poursuite de ces objectifs, dans le respect des règles de
compétences qui leur sont imposées.

Comme le mentionne l’article 282 du TCE, les Communautés possèdent dans chaque État
membre la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations
nationales. Cette capacité est exercée par la Commission. Toutefois, certaines institutions se
sont vues reconnaître une personnalité juridique propre et distincte de celle de la
Communauté. Ainsi en va-t-il par exemple de la Banque européenne d’investissement.

II. La personnalité juridique externe

Plusieurs dispositions des traités confient des compétences internationales aux Communautés.
Mais au-delà de ces cas précis, qu’en est-il ? Un débat a surgi en doctrine à cet égard, les uns
prétendant que les articles 310 du TCE et 206 du TCEEA limitent la capacité internationale de
ces Communautés aux matières expressément visées, les autres arguant de la portée concrète
qu’il convient de donner aux articles 281 du TCE et 184 du TCEEA. Ces derniers estiment
que le postulat de rationalité des auteurs des traités s’accommode mal d’une simple
redondance entre les deux types de dispositions.

L’importance pratique de la question a poussé la Cour à s’intéresser à la question. Dès 1971,


elle va établir une jurisprudence à ce sujet. Cette jurisprudence est dite téléologique, c’est-à-
dire qu’elle s’intéresse à la finalité du traité, à ses effets utiles.

En 1969, les États souhaitaient renégocier l’AETR3, mais aucune base de compétence
explicite n’était prévue dans le traité à cet effet.

Saisie de la question, la Cour affirme que, pour donner au traité son effet utile, il faut
reconnaître que la portée de l’article 281 ne se limite pas aux attributions explicites du traité.

1
La personnalité juridique est la capacité d’avoir des droits et des obligations.
2
TCE, art. 282.
3
Accord relatif au travail des Équipages des véhicules effectuant des Transports internationaux par Route.

21
Aussi, juge la Cour, chaque fois qu’en vue de mettre en œuvre une politique prévue par le
traité, la Communauté a pris des dispositions instaurant des règles communes, « les États
membres ne sont alors plus en droit, qu’ils agissent individuellement ou même
collectivement, de contracter avec des États tiers des obligations affectant ces règles ». En
outre, estimant qu’il est impossible d’opérer dans la mise en œuvre des dispositions du traité
une scission entre les règles internes et celles qui relèvent des relations extérieures, la Cour
introduit l’idée d’un parallélisme des compétences internes et externes.
Nous avons donc trois conditions pour que le parallélisme soit accepté :
1) la compétence est octroyée au plan interne par le traité ;
2) la compétence a déjà été utilisée au plan interne ;
3) il est nécessaire d’utiliser cette compétence sur la scène internationale pour répondre
aux objectifs du traité.

Quatre ans plus tard, la Cour va alléger ces conditions, dans l’Avis 1/75. La Cour estima que
la Communauté dispose d’une compétence externe dès lors que la base de compétence est
certaine. Elle ne requiert par contre plus que des règles communes aient été adoptées au plan
interne préalablement à la mise en œuvre d’une action internationale.

Dans l’arrêt Kramer, rendu le 14 juillet 1976, cette jurisprudence fut confirmée et étendue. Il
ne faut plus uniquement prendre en compte le traité et les compétences qu’il octroie
explicitement ; il convient également d’envisager qu’une compétence peut découler
implicitement du droit communautaire primaire ou dérivé.

Une nouvelle étape fut franchie en 1977, avec l’Avis 1/76. Elle estime que « chaque fois que
le droit communautaire a établi » une compétence interne « en vue de réaliser un objectif
déterminé », la Communauté dispose de la compétence en vue de prendre « les engagements
internationaux nécessaires à la réalisation de cet objectif, même en l’absence d’une
disposition expresse du traité à cet égard ».

Cette jurisprudence fut confortée lorsque la Cour admit même qu’il peut être fait recours à
l’article 308 pour justifier une action interne.

SECTION 2 : L’UNION EUROPÉENNE

« L'Union est fondée sur les Communautés européennes complétées par les politiques et
formes de coopération instaurées par le présent traité. Elle a pour mission d'organiser de façon
cohérente et solidaire les relations entre les États membres et entre leurs peuples. »1

Cet article nous permet d’affirmer que l’Union européenne ne se confond pas juridiquement
avec les Communautés. On trouve des embryons de personnalité juridique, mais rien de
fondamental. On peut à cet égard retenir trois critères d’analyse.

1. Critère organique
Le cadre institutionnel de l’Union européenne ne lui est pas propre puisque les institutions de
l’Union sont en fait celles des Communautés. Elle n’a donc aucune indépendance
institutionnelle par rapport aux Communautés.

1
TUE, art. 1er, alinéa 3.

22
2. Critère matériel
Contrairement aux Communautés, l’Union ne dispose ni d’un siège, ni d’un budget
autonomes.1

3. Critère fonctionnel
À ce niveau, on peut noter de légères différences entre les Communautés et l’Union, qui
pourraient laisser présager une personnalité juridique propre de l’Union. Ainsi, le mécanisme
des Communautés est un mécanisme intégré, alors que celui de l’Union est
intergouvernemental. Toutefois, il ne s’agit que de tendances. En effet, les Communautés
utilisent des mécanismes de type intergouvernemental et inversement. La démarcation entre
l’Union et les Communautés n’est donc pas, dans ce domaine non plus, aussi nette que ce
qu’on aurait pu croire au premier abord.

Pendant longtemps, la souveraineté des États était réellement un concept sacré. On parlait
d’un pouvoir de droit divin. Seul le pape avait son mot à dire dans la gestion d’un État. Avec
la Révolution française, Dieu fut remplacé par la Nation (« tous les pouvoirs émanent de la
Nation »). Mais la logique reste la même : notre nation est souveraine.
Dans le courant du 19e, on voit apparaître les premières tentatives de rapprochement entre
États, mais toujours dans la logique intergouvernementale. Aucun État souverain ne veut
céder quoi que ce soit à son voisin. Dans cette optique, on arrive qu’à de petites avancées,
dans des domaines très spécifiques, car les décisions doivent se prendre à l’unanimité.
Petit à petit, on va arriver à une autre mentalité : la logique intégrée. Dans celle-ci, les
décisions se prennent ensemble, à la majorité, comme si nous étions une communauté et plus
des États séparés.

1
TUE, art. 41.2 : « Les dépenses administratives entraînées pour les institutions par les dispositions relatives aux
domaines visés au présent titre sont à la charge du budget des Communautés européennes. »

23
Les institutions1

L’article 7 du TCE énumère cinq institutions : le Parlement européen, le Conseil, la


Commission, la Cour de Justice et la Cour des comptes. Ces institutions sont limitées dans
leurs actions par le principe de l’attribution des pouvoirs (lié au caractère fonctionnel des
institutions).

Au niveau européen, il n’est pas question de séparation des pouvoirs ; on parle d’un équilibre
institutionnel. Autre principe important : le principe de loyauté. Il implique, dans le chef des
États membres, l’obligation de veiller à l’exécution fidèle du droit européen, comme celle de
s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des buts du traité.

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE2

SECTION 1 : LA COMPOSITION DU CONSEIL

I. Les membres du Conseil

« Le Conseil est formé par un représentant de chaque État membre au niveau ministériel,
habilité à engager le gouvernement de cet État membre. »3

Les membres du Conseil doivent être des représentants du pouvoir exécutif des États
membres. Ils doivent en outre être investis d’une responsabilité de type politique. Ils ne
doivent donc pas être titulaires d’une fonction administrative ou d’un titre honorifique.

Le traité sur l’Union européenne a introduit une modification dans la formulation du texte qui
a pour conséquence de permettre la présence de ministres émanant d’entités régionalisées ou
fédérées. Il n’en demeure pas moins qu’une seule voix peut se faire entendre pour représenter
et engager l’État membre. Cela implique donc une négociation interne au sein des États
membres souhaitant utiliser cette possibilité.

La participation au Conseil n’implique pas d’être titulaire d’un portefeuille ministériel bien
déterminé, sauf si cela est précisé par le traité. Ainsi, il faut être ministre des Finances pour
participer au Conseil ECOFIN. Autre exemple : pour certaines décisions en matière de
politique économique et monétaire, le TCE requiert une intervention « au niveau des chefs
d’État et de gouvernements ».

1
Pour l’introduction, lire également les pp. 83 à 88 de l’ouvrage.
2
Pages 113 à 138 de l’ouvrage.
3
TCE, art. 203, alinéa 1er.

24
II. La présidence du Conseil

« La présidence est exercée à tour de rôle par chaque État membre du Conseil pour une durée
de six mois selon un ordre fixé par le Conseil, statuant à l'unanimité. »1

La présidence du Conseil est une fonction très importante car c’est le président qui oriente les
débats. C’est lui qui détient les clés du dynamisme européen.

Un État assume la présidence pendant six mois. Cette période peut être longue avec une
mauvaise présidence et peut être considérée comme courte, étant que les projets dont il est
question sont des projets de longue haleine.

Il convient toutefois de nuancer l’affirmation selon laquelle une présidence de six mois est
trop courte. En effet :
- l’administration reste la même, ce qui assure une certaine stabilité dans la gestion du
Conseil ;
- l’État à la présidence prépare celle-ci bien à l’avance ;
- on a prévu le système de la troïka, pour assurer la continuité de l’action. Principe de ce
système : l’État à la présidence associe à ses travaux la présidence sortante et la
présidence future.

1
TCE, art. 203, 2e alinéa.

25
SECTION 2 : LE FONCTIONNEMENT DU CONSEIL

I. La planification du travail du Conseil

Le Conseil est convoqué à l’initiative de son Président, d’un des membres ou de la


Commission1. En règle générale, il se réunit le premier mardi de chaque mois.

Un ordre du jour provisoire est établi par le Président du Conseil. Ce document reprend les
points dont l’inscription à l’ordre du jour a été demandée soit par un membre, soit par la
Commission, ainsi que ceux sur lesquels un vote pourra être demandé. L’ordre du jour
définitif sera arrêté en début de session. Pour faciliter le travail du Conseil, les points qui lui
sont présentés sont classés, suite aux réunions du Comité des représentants permanents
(COREPER), dans la partie A ou B. Les points A font l’objet d’un consensus au sein du
COREPER et ils passeront normalement sans problème au Conseil. Les points B doivent faire
l’objet d’une discussion au sein du Conseil.

II. Les règles du processus décisionnel

1) Les règles écrites

L’article 205.1 du TCE donne la règle de base pour les délibérations du Conseil : la majorité
simple. Toutefois, cette règle de la majorité est très rarement appliquée (« sauf dispositions
contraires du présent traité […]).

L’article 205.2 du TCE introduit la notion de majorité qualifiée. C’est le système utilisé le
plus souvent. Dans ce système, les voix des membres sont affectées d’une pondération, qui
dépend de plusieurs facteurs comme la population de l’État ou sa contribution au budget de
l’Union. Notons que le niveau de cette pondération est défini à l’issue de négociations, il n’y a
pas de formule fixe. Les pondérations ont été modifiées à la suite de l’entrée dans l’Union des
dix nouveaux membres.

Jusqu’à 2001, le système était assez simple. Il suffisait qu’une proposition recueille 62 voix
favorables pour être adoptée. À l’heure actuelle, le système est plus complexe. Dans tous les
cas où la majorité qualifiée est requise, une règle double s’applique. Pour qu’une proposition
soit adoptée, il faut recueillir :
- les voix de la majorité des États membres2 ;
- au moins 232 voix, soit 72,3 % des voix.

En outre, la notion de filtre démographique apparaît dans l’article 205.4. Cela signifie qu’un
État peut demander que l’on vérifie que les votes réunis sur un acte garantissent l’adhésion de
62 % de la population de l’Union.

L’idée de la pondération est d’empêcher que les grands États se liguent contre les petits, et
inversement. Cette logique est toujours présente actuellement (avec l’exigence des 232 voix)
mais on a voulu aller plus loin avec le filtre démographique. Le but est de lutter contre le
« déficit démocratique » de l’Union dont on parle souvent, en empêchant les pays les moins
peuplés d’imposer leurs choix aux pays les plus peuplés.

1
TCE, art. 204.
2
Cette condition s’applique pour les décisions prises sur proposition de la Commission. Dans les autres cas, il
faut recueillir les votes favorables des deux tiers des États membres.

26
L’article 205.3 indique que « Les abstentions des membres présents ou représentés ne font pas
obstacle à l’adoption des délibérations du Conseil qui requièrent l’unanimité. » La lecture de
cet article nous apprend qu’il existe une troisième méthode de prise de décision : l’unanimité.

Pour savoir quand quelle technique sera utilisée, il faut consulter le traité au cas par cas. Le
choix dépendra des matières, et même des sujets au sein de ces matières. Au début de la
construction européenne, la majorité était très souvent requise. À l’heure actuelle, ce système
est extrêmement lourd.

Les coopérations renforcées

Un mécanisme décisionnel particulier a été mis en place par le traité d’Amsterdam (article 11
du TCE) : les coopérations renforcées. Ce mécanisme est en fait apparu de manière empirique
avec les accords de Schengen. La logique de ce processus est de permettre à des États (au
minimum 8) souhaitant aller plus loin dans un domaine particulier de le faire ensemble, sans
devoir attendre les autres. Conditions :
- ce système n’est possible que dans les premier et troisième piliers ;
- il est impossible dans des matières relevant exclusivement des compétences
communautaires ;
- il doit rester ouvert aux autres États ;
- les décisions prises ne peuvent pas être contraires au droit communautaire (ces règles
ne font toutefois pas partie de l’acquis communautaire tant que seuls quelques États
participent) ;
- le financement est assuré par les seuls États concernés.

2) Les règles issues de la pratique

1) La recherche du consensus

L’objectif est d’arriver à l’unanimité sans avoir besoin de voter. À un moment des
négociations, on demande simplement si quelqu’un n’est pas d’accord. Il est alors plus
difficile, même si cela reste relatif, de dire que l’on n’est pas d’accord que lors d’un vote, où
l’on demande qui est pour et qui est contre. Le rôle du président est ici important car il choisit
le moment où il pose la question. Il choisit le moment le plus propice.

Les décisions prises au consensus ont un poids politique plus important que celles prises suite
à un vote. Depuis une vingtaine d’années, cette tendance est forte.

2) Le compromis de Luxembourg1

Nous sommes en 1965, en plein débat sur le financement de la PAC. Les négociations sont
extrêmement difficile, à un tel point que, en juin 1965, la France marque son désaccord total
et va pratiquer la politique de la chaise vide. Cette situation est très critique pour la
Communauté européenne, qui est menacée d’implosion. On va alors tenter de renégocier et on
arrivera fin janvier 1966 au compromis de Luxembourg.

1
Pour plus de détails, voir pp. 123-125 de l’ouvrage.

27
En substance, ce compromis permet, pour des décisions devant être prises à la majorité, à un
État de demander que l’on arrive à un accord unanime s’il est question d’intérêts « très
importants » pour ce pays.

En fait, le compromis de Luxembourg est un accord pour dire qu’on n’est pas d’accord.
Pendant vingt ans, cette règle va s’appliquer et développer ses effets néfastes sur le processus
décisionnel. Mme Thatcher en profitera entre autres régulièrement pour protéger les « intérêts
vitaux » du Royaume-Uni. Cela donnait lieu à des négociations marathons.

Il fallut attendre 1985 pour mettre un terme à ce recours systématique au compromis de


Luxembourg. La question concernait encore une fois le financement de la PAC. La Belgique,
alors présidente, tenta un « coup de poker » et fit voter la question à la majorité,
conformément aux prescriptions du traité. Ce choix était risqué mais cela a marché.

De nos jours, le risque de voir réapparaître le compromis de Luxembourg est toujours présent,
mais pas en tant que tel. Ce risque est moindre suite, notamment, à la possibilité qu’il existe
maintenant de quitter l’Union. Des résurgences sont toutefois possibles (ex. : compromis de
Ioannina).

28
SECTION 3 : LES COMPÉTENCES INSTITUTIONNELLES DU CONSEIL

Le pouvoir du Conseil est important et se manifeste à plusieurs niveaux.1

1) Participation au pouvoir normatif

C’est le Conseil qui adopte les actes de portée générale tels que des règlements ou des
directives, généralement sur proposition de la Commission. Ce pouvoir s’exerce de plus en
plus en codécision avec le Parlement.

2) Pouvoir de coordination des politiques2

C’est dans ce cadre que le Conseil adopte les positions communes et les actions communes. Il
est ici question de règles adoptées dans des matières où les États gardent des compétences. Le
but est de faire avancer les politiques nationales dans le même sens.

3) Pouvoir de décision externe

C’est le Conseil qui signe et qui est chargé de la ratification des traités internationaux (les
négociations sont menées par la Commission). Il dispose également de la compétence de
représenter l’Union sur la scène internationale.

4) Pouvoir d’avis et de recommandation

En matière de coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le


Conseil peut établir des conventions. Il dispose de la faculté d’en recommander l’adoption par
les États membres. Notons ici que le pouvoir n’est pas confié à une autorité européenne mais
aux États membres.

5) Pouvoir de sanction

Sanction lorsque le déficit public d’un État est excessif.

1
Pour plus de détails, voir pp. 126-131 de l’ouvrage.
2
TCE, art. 202.

29
Le Conseil européen1

Pas prévu dans les traités à l’origine, le Conseil européen est né de la pratique des chefs d’État
de se rencontre une ou deux fois par an en Sommets européens. À l’occasion du Sommet
européen de Paris de décembre 1974, le Président Giscard d’Estaing proposa de conférer un
caractère de permanence accru ses rencontres qui, au fil du temps, prirent le nom de Conseil
européen. Depuis l’acte unique européen, le Conseil européen a acquis une physionomie
juridique. Le traité sur l’Union européenne l’a intégré dans son article 4 et a défini sa mission.

Le Conseil européen regroupe les chefs d’État ou de gouvernement des États membres. Le
seul chef d’État présent est, en fonction de ses prérogatives constitutionnelles, le président
français. Est également présent le Président de la Commission. S’ajoutent à ces personnes les
ministres des Affaires étrangères et un membre de la Commission. Il arrive toutefois que les
chefs d’État et de gouvernement se réunissent sans leurs ministres.

Le Conseil européen se réunit sous la présidence du chef d’État ou de gouvernement de l’État


qui, au moment de la réunion, exerce la présidence du Conseil de l’Union. Ses réunions se
tiennent au moins tous les six mois.

Aucune règle de vote n’étant prévue par le traité, le Conseil européen travaille selon la règle
du consensus.

L’article 4 du TUE, assigne au Conseil européen la double mission de donner à l’Union les
impulsions nécessaires à son développement et d’en définir les orientations politiques
générales. La pratique y a ajouté une fonction d’appel politique, d’évocation du Conseil de
l’Union. Dans le cadre de cette dernière fonction, le Conseil européen reprendra un dossier
sur lequel le Conseil de l’Union n’a pas réussi à s’accorder et il définira la direction à suivre,
avant de renvoyer le dossier au Conseil.

Pour résumer, le Conseil remplit trois grandes fonctions : il fixe les grands rendez-vous de
l’histoire de l’Union, il fixe les grandes orientations de l’évolution de la construction
européenne et il exerce une fonction d’appel politique.

1
Pages 133 à 136 de l’ouvrage.

30
La Commission1

Suite au traité de Bruxelles de fusion des exécutifs du 8 avril 1965, on ne compte plus qu’une
seule Commission pour toutes les Communautés européennes.

La Commission compte actuellement 25 commissaires (ils seront 27 dès le 1er janvier 2007).
La règle en la matière étant que chaque État peut envoyer au moins un des siens et au
maximum deux. Depuis l’élargissement de 2004, chaque pays ne compte plus qu’un seul
commissaire.

Les commissaires doivent avoir la nationalité d’un des États membres. Une fois nommé, le
commissaire doit « oublier » sa nationalité, il a un devoir d’ingratitude. Il doit en effet
représenter les intérêts de l’ensemble de l’Union2 et pas ceux de son pays. Les commissaires
ne peuvent solliciter ni recevoir d’instructions d’un gouvernement ou de tout autre organisme.
Ils ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer d’autre activité professionnelle.

LA PROCÉDURE DE NOMINATION DE LA COMMISSION (art. 214 du TCE)

1) Désignation du Président
Le Président de la Commission est désigné par le Conseil réuni au niveau des chefs d’État et
de gouvernement. À ce stade, il n’est pas encore nommé mais seulement désigné. Il a
toutefois de fortes chances d’être nommé.
Pour cette désignation, le Conseil statue selon un consensus, après avoir demandé l’avis du
Parlement. Légalement, le Conseil n’est pas tenu de tenir compte de l’avis du Parlement mais
il lui est difficile de faire autrement, comme nous le verrons par la suite.

2) Composition de l’équipe
Le Président compose son équipe. À l’heure actuelle, chaque État propose son candidat
commissaire et on ne discute pas. Le projet de traité constitutionnel prévoit à l’avenir que
chaque État membre propose trois candidats et que le Président choisisse.

3) Présentation au Parlement
Le Président et son équipe se présentent devant le Parlement pour avoir son approbation.
C’est la seule exigence du traité. Toutefois, depuis quelques années, le Parlement exige
d’auditionner les candidats commissaires individuellement. C’est le cas depuis la Commission
Santer (1999). Ces entrevues se sont très mal passées, on a assisté à de vraies « querelles de
ménage ». Finalement, la situation s’est arrangée.

4) Nomination
La nomination définitive de la Commission se fait par le Conseil réuni au niveau des chefs
d’État et de gouvernement.

1
Pages 137 à 150 de l’ouvrage.
2
TCE, art. 213.2.

31
La durée du mandat d’un commissaire est de cinq ans (comme pour le Parlement). Plusieurs
hypothèses entraînent la fin précoce du mandat :
- le décès du commissaire (il est dans ce cas remplacé pour la durée restante du
mandat) ;
- la démission volontaire ;
- la démission d’office pour faute grave ou si le commissaire perd la qualité nécessaire
pour exercer ses fonctions (notion très restreinte qui implique par exemple la perte de
la nationalité).

LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION

Le principe de la collégialité

Les décisions sont prises par la Commission dans son ensemble. S’il y a eu débat au sein de la
Commission, le monde extérieur n’en est pas informé. Des mesures de gestion ou
d’administration peuvent toutefois être adoptées par des membres de la Commission, à trois
conditions :
- que le principe de la responsabilité collégiale soit pleinement respecté ;
- que les membres intéressés agissent au nom et sous le contrôle de la Commission ;
- que les mesures visées soient clairement définies.

L’article 219 du TCE indique toutefois que le Président de la Commission est son « patron ».
C’est lui qui définit les orientations politiques de la Commission. Le principe de collégialité a
pour objectif d’assurer l’autonomie politique de la Commission. Cette collégialité permet en
effet d’éviter des réflexions comme « le commissaire untel a voté contre… ».

La planification du travail

Lors de sa nomination, la Commission présente un programme général sur cinq ans. Chaque
année, elle présente un programme pour les douze mois à venir. Une certaine souplesse existe
toutefois à ce niveau : des « programmes trimestriels glissants » et un ordre du jour de chaque
réunion sont établis en fonction des nécessités.

Le processus décisionnel

La Commission délibère collégialement, le vote est rare. Toutefois, à la demande d’un ou de


plusieurs commissaires, la Commission statuera à la majorité des membres. Notons toutefois
que le monde extérieur ne sera pas informé de ces votes éventuels.

Toutes les décisions ne sont pas prises en séance. Il existe une procédure écrite1. Dans le
cadre de cette procédure, le commissaire chargé du dossier prépare un projet et l’envoie par
courrier aux autres commissaires. Un délai est donné pour formuler des remarques. Une fois
les remarques éventuelles intégrées, le document est à nouveau envoyé et on considère que le
texte est approuvé après un délai fixé. Le projet peut également être discuté en séance si cela
s’avère nécessaire.

1
Pour des explications sur les autres procédures, voir page 144 de l’ouvrage.

32
LES COMPÉTENCES INSTITUTIONNELLES DE LA COMMISSION

I. Les compétences liées au processus normatif interne

Elle dispose du pouvoir normatif propre, qui lui permet d’adopter des règlements et des
directives.

Elle dispose également d’un pouvoir d’initiative unique. Elle dispose d’un quasi-monopole
quant à l’initiative normative. Sauf exceptions (qui sont rares), le Conseil ne peut adopter de
normes que sur la proposition de la Commission. Bien plus, alors que la Commission peut
modifier sa proposition tant que le Conseil n’a pas statué, le Conseil n’est habilité à adopter
un acte constituant un amendement à la proposition de la Commission qu’en statuant à
l’unanimité1.

À l’opposé de cette restriction, on a accordé dès l’origine au Conseil la faculté de demander à


la Commission de lui soumettre des propositions d’actes. Le traité sur l’Union européenne a
reconnu le même type de prérogatives au Parlement.

Dans le traité sur l’Union européenne, la Commission a également obtenu le pouvoir de saisir
le Conseil et de lui soumettre les propositions qu’elle juge utiles en matière de PESC et de
coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Toutefois dans ce cadre,
les États membres et la présidence ont aussi le droit d’initiative.

II. La compétence exécutive de la Commission2

La Commission dispose de la compétence d’exécution des actes du Conseil. Notons que


lorsque le Conseil adopte un texte, il se méfie de la Commission pour son exécution. Il est très
regardant et a instauré des comités pour contrôler cette mise en œuvre.

La Commission dispose également d’une compétence d’exécution autonome, ce qui signifie


qu’elle met en œuvre ses propres actes.

III. La compétence de contrôle

La Commission est souvent désignée comme la gardienne des traités. Pour remplir cette
fonction, elle agit comme le moteur de l’action de la Cour de Justice. Elle s’informe,
recherche et poursuit devant la Cour de Justice les infractions au droit européen commises par
les États et d’autres institutions communautaires.

Elle agit également comme organe d’administration contentieuse. La Commission peut, en cas
de constatation de certaines infractions, établir elle-même des sanctions au terme d’une
procédure juridictionnelle, impliquant le respect du principe contradictoire et celui des droits
de la défense.

1
TCE, art. 250.
2
Pour plus de détails et d’autres compétences, voir pages 145 à 150 de l’ouvrage.

33
IV. La compétence de représentation

Les traités de Rome ont confié à la Commission une mission générale de représentation
interne. Elle a également obtenu dans ces traités une mission de représentation externe large1.
Ainsi, c’est à elle que revient, en général, la mission de négocier les traités avec des tiers. Elle
dispose également de la possibilité d’établir des liens avec certains organismes internationaux,
de même que du droit de légation.

1
TCE, art. 282.

34
Le Parlement1

SECTION 1 : ÉVOLUTION

La première assemblée communautaire fut créée le 10 septembre 1952 dans le cadre de la


CECA. Lors de la fondation des deux autres Communautés, on décida de maintenir cette
assemblée et de la rendre commune aux trois institutions. Par une résolution du 30 mars 1962,
elle décida de porter le nom de « Parlement européen ».

Le Parlement européen est élu au suffrage universel depuis 1979. Auparavant, les
parlementaires européens étaient nécessairement des parlementaires au niveau national. Cette
situation était peut-être une bonne chose pour la légitimité de l’assemblée, mais pas pour son
efficacité. En effet, les parlementaires européens accordaient plus d’importance à leur action
nationale, étant donné que c’était à ce niveau qu’ils étaient jugés et éventuellement réélus.

SECTION 2 : COMPOSITION

I. Les membres du Parlement

Le Parlement européen est composé « de représentants des peuples des États réunis dans la
Communauté2 ». Cette expression permet d’exclure les circonscriptions électorales
transfrontalières, ainsi que la participation de ressortissants extracommunautaires aux
élections européennes.

Le Parlement compte aujourd’hui 732 membres, selon une répartition prévue dans les traités.
Leur mandat est d’une durée de cinq ans.

Les parlementaires sont soumis à un régime d’incompatibilités, qui exclut qu’ils fassent partie
d’un gouvernement national ou d’une autre institution communautaire.

L’indépendance requise par leur fonction suppose qu’ils n’acceptent aucun mandat impératif.
Elle requiert également un statut d’immunité parlementaire. À cet égard, les parlementaires
européens bénéficient d’une triple protection :
- la garantie de leur liberté de déplacement ;
- l’irresponsabilité, destinée à les protéger de toute recherche, poursuite ou détention du
fait des opinions ou votes émis dans l’exercice de leurs fonctions ;
- l’inviolabilité, qui les protège en période de session des mêmes risques liés à
d’éventuels soupçons d’infractions non couvertes par l’irresponsabilité.

1
Pages 89 à 112 de l’ouvrage.
2
TCE, art. 189.

35
II. Les groupes politiques

Les parlementaires sont regroupés par familles politiques et non par nationalités, le but étant
d’accentuer le caractère européen de l’institution. Appartenir à un groupe politique est
important car ceux-ci disposent de moyens financiers et logistiques permettant de faciliter le
travail de leurs membres.

Pour former un groupe politique, il faut un certain nombre de parlementaires issus d’un
certain nombre de pays différents. La règle étant que plus le nombre de nationalités
différentes est grand, moins il faut de parlementaires pour constituer un groupe politique.

Les groupes techniques sont des groupes politiques particuliers en ce sens qu’ils regroupent
des parlementaires qui n’ont aucune idéologie commune mais qui se rassemblent en groupes
politiques pour bénéficier de tous les avantages que confère le statut de groupe politique.

Notons également que certains parlementaires restent seuls. Ils sont toutefois très rares et leur
carrière est de courte durée.

SECTION 3 : FONCTIONNEMENT1

Le Parlement fonctionne selon la logique de grandes sessions parlementaires. En pratique, le


Parlement reste en session jusqu’à la veille de la session suivante. Il existe des commissions
comme au niveau national.

SECTION 4 : LES COMPÉTENCES DU PARLEMENT

I. La fonction constitutionnelle

Cette fonction donne le droit au Parlement de donner son avis lors du processus de révision
des traités.

II. La participation au pouvoir normatif ordinaire

Le Parlement ne dispose pas d’une compétence législative autonome. Depuis le traité


d’Amsterdam, il peut demander une proposition à la Commission.

Sa participation au pouvoir normatif prend plusieurs formes2.

1) La procédure d’avis simple


Dans le cadre de cette procédure, le Parlement exprime son avis, dont on n’est pas obligé de
tenir compte. Cette procédure est parfois obligatoire et parfois facultative, selon les
dispositions du traité. Lorsqu’elle est obligatoire, son non-respect peut entraîner un recours
devant la Cour de Justice.
Depuis 1979, le Parlement fait toutefois jouer sa légitimité démocratique. Le Parlement laisse
ainsi entendre que, même si ce n’est pas obligatoire, il vaut mieux prendre son avis en
compte, car il est aussi compétent pour d’autres domaines, comme le budget…
1
Pour plus de détails, voir pages 96 à 98 de l’ouvrage.
2
Pour la procédure de coopération et des détails sur la codécision, voir pages 101 à 103 de l’ouvrage.

36
2) La procédure d’avis conforme
Cette procédure a pour effet que l’autorité qui sollicite l’avis est tenue de le respecter si elle
entend adopter définitivement l’acte qui y est soumis. Les cas où cette procédure est
obligatoire sont également décrits par le traité. Si l’avis émis ne convient pas à l’autorité qui
l’a sollicité, celle-ci peut toujours décider de ne pas décider.

3) La procédure de la codécision
Dans cette procédure, le Parlement partage le pouvoir normatif avec le Conseil et la
Commission. La décision ne peut pas être prise sans l’accord du Parlement. On tente de
généraliser cette procédure et de la simplifier.

III. Les pouvoirs de contrôle du Parlement1

1) Contrôle politique

Le Parlement peut poser des questions au Conseil et à la Commission auxquelles ces


institutions doivent répondre. Le contrôle exercé est donc bien réel.

Le Parlement examinera également le rapport annuel de la Commission. Il peut installer des


commissions d’enquête. Il existe un droit de pétition. Il accorde sa confiance à la nouvelle
Commission.

Autre pouvoir du Parlement : la censure de la Commission en place

Ce pouvoir est à la fois intéressant et étonnant. Intéressant parce qu’il montre l’ampleur du
pouvoir de contrôle du Parlement. Étonnant également, dans le sens où le Parlement et la
Commission représentent tous les deux l’intérêt communautaire. Ils sont donc en quelque
sorte « alliés » et il est donc étonnant que le Parlement puisse court-circuiter de la sorte la
Commission.

La logique de cette possibilité de censure est de permettre aux peuples de dire qu’ils ne sont
pas d’accord avec la manière de diriger l’Union. Notons que la censure du Conseil par le
Parlement n’est pas possible. C’est tout à fait logique. En effet, il serait inconcevable que le
Parlement européen refuse sa confiance à des représentants élus et bénéficiant de la confiance
de leurs parlements nationaux.

La motion de censure est déposée par des parlementaires européens. Trois jours plus tard, le
Parlement se prononce sur cette motion. Pour être adoptée, elle doit recueillir les deux tiers
des voix des parlementaires présents. Un quorum de la majorité des parlementaires est requis.

Des motions ont déjà été déposées, mais la procédure n’a jamais abouti. Cela a failli arriver en
1999 avec la Commission Santer. À l’époque, le PS voulait voter une motion de confiance à
la Commission. Le problème est que cette possibilité n’est pas prévue dans les traités. Ils ont
donc déposé une motion de censure dans l’intention de voter contre. C’était bien pensé, mais
des accusations de malversations et de mauvaise gestion se sont faites jour. La motion de
méfiance risquait donc d’être adoptée. Pour éviter cela, les commissaires ont démissionné
chacun à leur tour (la démission collective de la Commission n’est en effet pas prévue).

1
Pour plus de détails, voir pages 103 à 112 de l’ouvrage.

37
2) Contrôle budgétaire

Le Parlement intervient dans la confection du budget. À cet égard, son rôle diffère pour les
dépenses obligatoires et pour les dépenses non obligatoires.
En matière de dépenses obligatoires, le Parlement peut proposer des amendements.
Pour les dépenses non obligatoires, le Parlement peut décider d’une augmentation d’au plus
50 % de ce qui est proposé par la Commission pour chaque poste.

Le Parlement peut également rejeter le budget. Il faut alors fonctionner sur une logique de
provisions.

Le Parlement dispose également de compétences juridictionnelles. Il remplit en outre une


fonction de médiation.

38
La Cour de Justice des Communautés européennes1

Introduction

On fait souvent un mélange entre les différentes cours internationales. Faisons le point :
- la Cour de Justice des Communautés européennes, dépend de l’Union européenne et
des Communautés européennes et a son siège à au Luxembourg ;
- la Cour européenne des Droit de l’Homme, dépend du Conseil de l’Europe et a son
siège à Strasbourg ;
- la Cour internationale de Justice, dépend de l’ONU et a son siège à La Haye ;
- la Cour pénale internationale (elle n’est pas encore en vigueur ; pour l’instant, on
installe des tribunaux pénaux internationaux ponctuels).

La CJCE compte trois institutions :


- la Cour
- le Tribunal de première instance
- le Tribunal de la fonction publique

Composition de la Cour

La Cour compte 25 juges (les deux autres institutions également). Ils sont nommés pour 6 ans
par les États membres (commun accord). Leur mandat est renouvelable.

Les juges sont choisis sur un double critère d’indépendance et de compétence. Indépendance :
ils ne peuvent être que juges (quelques exceptions sont accordées, ex. : professeur
d’université). Compétence : ils doivent réunir les conditions pour exercer dans leur pays les
fonctions juridictionnelles les plus importantes ou être des jurisconsultes de compétence
notoire.

La Cour compte également huit avocats généraux. Leur mission est d’assister la Cour en
présentant publiquement en toute impartialité et indépendance des conclusions motivées sur
les affaires traitées.

1
Ouvrage pages 151 à 172.

39
LES COMPÉTENCES DE LA COUR

I. Le contentieux de légalité
Dans le cadre du contentieux de légalité, on examine la légalité d’un acte posé par une
autorité publique. Il s’agit d’un contentieux objectif car on examine un objet de droit et pas un
sujet de droit.

1. Le contrôle des actes des États membres (recours en manquement, art. 226 du TCE)

a) Fondements du recours

Les États membres doivent satisfaire aux obligations découlant des traités. Pour ce faire, ils
doivent s’abstenir de poser des actes illégaux (contraires au droit européen) et ils doivent
prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre des textes.

Notons qu’ils sont tenus par les obligations en vertu des traités. Cela signifie qu’ils doivent
respecter les règles écrites noir sur blanc mais également les règlements pris en application
des traités. Ils doivent ainsi par exemple respecter les obligations découlant d’un traité conclu
par l’Union avec d’autres États.

Le manquement peut consister dans une attitude positive, un retard ou une abstention d’agir
de la part de l’État ou de l’une de ses institutions. L’ampleur du manquement, son caractère
répétitif ou non, sont sans influence.

La non-exécution ou la mauvaise exécution du droit européen ne sont pas toujours dues à une
mauvaise volonté de l’État. Toutefois, le retard dû soit à la procédure législative soit à une
crise parlementaire ou ministérielle n’est pas accepté par la Cour comme cause exonératoire.

Pour la Cour, les États fédéraux sont responsables de la bonne exécution du droit européen.
Le pouvoir central ne peut rejeter la faute sur les entités fédérées.

b) La procédure

1) La phase précontentieuse

La Commission joue le rôle du Parquet (elle est la gardienne des traités). Elle recherche les
infractions au droit européen. Les autres États membres peuvent également dénoncer les
infractions. Toutefois, ils le font rarement car la revanche ne se fait alors pas attendre.
Lorsqu’elle estime avoir découvert une infraction, la Commission questionne l’État. La
Commission émettra ensuite un avis motivé, donnant un délai à l’État pour se mettre en ordre.
Si l’État ne se met pas en ordre dans le délai convenu, s’ouvre alors la phase contentieuse.

2) La phase contentieuse

Il s’agit d’un procès devant la Cour, une procédure contradictoire. À l’issue du procès, la
Cour émet un arrêt.
Selon l’article 228 du TCE, l’État membre doit respecter l’arrêt de la Cour. Si l’État ne
satisfait pas à l’arrêt de la Cour, la Commission interpelle l’État et peut introduire un nouveau

40
recours. Celui-ci aura des conséquences plus lourdes. En effet, si la Cour estime que l’État ne
respecte pas son premier arrêt, elle pourra condamner l’État au paiement d’une astreinte. Cette
punition est inévitable. En effet, si l’État ne veut pas payer, il suffit de lui retirer des
avantages qu’il reçoit de l’Union.

Que se passe-t-il si l’État est mis en cause suite à un problème régional ? Tout d’abord, le
niveau fédéré doit venir au procès pour défendre l’État. Si la Belgique est condamnée, on peut
distinguer deux hypothèses :
- la région ne fait pas ce qu’elle doit faire : le niveau fédéral pourra agir temporairement
à la place du niveau régional (procédure de substitution) ;
- la contrainte fédérale : le niveau fédéral récupère l’argent payé sur le budget du
gouvernement régional.

2. Le recours en annulation (article 230 du TCE)

Il s’agit d’un recours contre un acte positif d’une institution communautaire et contraire au
droit européen. Pour être mis en cause, l’acte doit être unilatéral, définitif, venir d’une
institution communautaire et avoir des effets juridiques (sont exclus par exemple les avis et
les recommandations).

Qui peut demander l’annulation ?


1) Peuvent toujours agir : les États membres, le Conseil, la Commission, le Parlement.
2) Les requérants conditionnels : la Cour des Comptes et la BCE. Elles ne peuvent agir
que si l’acte va à l’encontre d’une de leurs prérogatives.
3) Toute personne physique ou morale contre un acte dont elle est destinataire ou adressé
à une autre personne mais qui la concerne directement et individuellement
(art. 230.4) : cette personne aura alors un accès direct à la Cour. Il faut agir dans les
deux mois de la publication ou de la notification de l’acte. Il ne faut pas passer par les
recours internes (comme c’est le cas pour la CEDH). Cela montre le souhait d’établir
une Communauté de droit, démocratique.

Notons que lorsqu’un acte est annulé, il l’est indéfiniment et pour tout le monde. Que se
passe-t-il si l’on souhaite faire annuler un acte après le délai de deux mois, parce que cet acte
ne nous concernait pas à l’époque ? Un autre procédure est prévue pour ce cas particulier :
l’exception d’inapplicabilité, ou d’illégalité.

3. L’exception d’inapplicabilité (article 241 du TCE)

Cette procédure permet d’opposer, à l’occasion d’un litige porté devant la Cour, le caractère
inapplicable d’un acte (les traités visent les règlements mais la jurisprudence a étendu la
notion) entachés de l’un des vices visés à l’article 230 du TCE. Elle permet d’obtenir le même
résultat que l’annulation. Toutefois, cette « annulation » n’est valable que dans le cas
d’espèce. L’acte continue d’exister.

4. Le recours en carence (article 232 du TCE)

Ce recours est possible lorsqu’une organisation communautaire n’a pas agi alors qu’elle aurait
dû le faire. Dans ce cas, le requérant doit saisir l’organisation concernée. L’organisation
dispose alors d’un délai de deux mois pour réagir. En l’absence de réaction de l’institution

41
dans le délai de deux mois, la personne lésée dispose alors d’un délai de deux mois pour
introduire un recours en carence devant la Cour. Si la Cour reconnaît la carence, elle obligera
l’institution à prendre les mesures nécessaires et la condamnera (rarement) au paiement de
dommages et intérêts.

II. Le renvoi préjudiciel (article 234 du TCE)


Les juridictions nationales sont tenues d’appliquer le droit européen. Toutefois, les juges
nationaux ne maîtrisent pas toujours les règlements européens. Ils peuvent alors demander
l’éclairage de la Cour de Justice avant de prendre une décision. Cette procédure permet
d’appliquer le droit européen de façon uniforme dans tous les États membres.

Cette question ne peut être posée que si une affaire se présente devant la juridiction nationale.
Il ne s’agit pas d’une procédure contentieuse, mais simplement d’un dialogue entre les
juridictions. Cette question ne peut être posée que par une juridiction nationale, ce qui exclut
les collèges arbitraux.

Il existe deux types de renvois préjudiciels :


1) le renvoi préjudiciel en validité : la personne dit au juge que l’acte n’est pas légal et le
juge pose la question à la Cour ;
2) le renvoi préjudiciel en interprétation : le juge demande à la Cour comment il doit
interpréter l’acte.

Un juge national peut toujours poser cette question. Certaines juridictions doivent poser la
question : les juridictions statuant en dernier degré de juridiction. Toutefois, deux nuances ont
été apportées, pour lever l’obligation de renvoi :
- la théorie du « sens clair », lorsque l’application du droit communautaire ne laisse
place à aucun doute raisonnable ;
- la Cour de Justice a déjà répondu à la même question.

Le renvoi aura pour effet de suspendre l’acte. Quant aux effets de la réponse, si le juge ne la
respecte pas, un recours en manquement pourra être introduit contre l’État. La réponse de la
Cour fait jurisprudence.

42
L’ordre juridique communautaire

Le droit communautaire ne peut pas être comparé avec autre chose. Il s’agit d’un ordre
juridique propre. Différence fondamentale avec le droit international : ses sujets sont les États
ET les citoyens (alors que les citoyens ne sont pas sujets de droit international).

Les sources du droit communautaire1

1) Le droit primaire
Il s’agit des traités. Ils conditionnent tout le reste. Leur validité est évaluée par rapport au
droit international. Il s’agit en effet de traités internationaux, d’acte de droit international.

2) Le droit dérivé
Il s’agit de tous les actes adoptés à partir du droit primaire. Il en existe deux types :
- conventionnel (rare) ;
- unilatéral (la majorité).

Les normes communautaires (droit dérivé unilatéral, art. 249 du TCE)2

1) Le règlement

Il s’agit en quelque sorte de la « loi » européenne par excellence. Il s’agit d’un acte de portée
générale et obligatoire dans tous ses éléments. Deux caractéristiques :
- application immédiate : il ne nécessite pas de transposition dans le droit national, il est
applicable dès sa parution au JOCE ;
- applicabilité directe : chaque citoyen peut bénéficier des avantages découlant de l’acte,
à la préférence de l’acte national. Le règlement communautaire ne fait pas disparaître
l’acte national. Celui ne s’appliquera simplement pas dans les relations européennes.

2) La directive

Elle lie l’État membre quant au résultat à atteindre, dans un certain délai, en lui laissant la
liberté pour ce qui est des moyens.
La directive doit être transposée dans le droit national, sous une forme libre mais qui doit être
claire. Cette procédure est donc plus souple. Toutefois, certaines directives peuvent être
précises (« règlements déguisés »). En principe, une directive ne peut pas s’appliquer
directement car il s’agit d’une loi « en kit ». Toutefois, la jurisprudence de la Cour dit que si
la directive est suffisamment claire et précise, le citoyen peut bénéficier de l’applicabilité
directe.

3) La décision

Il s’agit d’un acte de porté individuelle, obligatoire dans tous ses éléments pour les
destinataires qu’elle vise.

1
Pour plus de détails, voir pp. 9 à 15 de l’ouvrage.
2
Voir aussi pp. 20 à 23 de l’ouvrage.

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