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MAGAZINE LA LONGÈRE DE LA TRINITÉ

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M Le magazine du Monde n o 464. Supplément au Monde n o 23508/2000 C 81975

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Macron appelle les Libanais à forger  Covid­19
Un protocole 
sanitaire
un « nouveau pacte politique » assoupli pour la 
rentrée scolaire
▶ En déplacement
jeudi à Beyrouth, → Pour ne pas entraver
dévastée par l’explo­ le retour des élèves
sion qui s’est produite en septembre, la
distanciation physique
dans le port, le ne sera plus exigée
président français PAG E 6
a dit comprendre la
« colère » des Libanais → Le port du masque bien­
tôt obligatoire dehors, à
▶ Il a dénoncé un Paris, mais aussi en petite,
système qui a été voire en grande couronne
« capturé par une PAG E 6
corruption organisée »
→ Les médecins de ville
▶ Anciens, les liens
ne veulent pas revivre la
entre la France et le pénurie des équipements
Liban sont complexes de protection
et ne se résument pas PAG E 9
à l’« héritage colonial »
PAGES 2 À 4 → En Mayenne, la
douloureuse expérience
du rebond épidémique

1 ÉDITORIAL PAG E 7

→ La côte aquitaine, peu


FACE AU CHAOS touchée par l’épidémie,
Emmanuel Macron visite le site dévasté
LIBANAIS par la double explosion dans le port met tout en œuvre pour
de Beyrouth, le 6 août. THIBAULT CAMUS/AP le rester
PAGE 24 PAG E 8

Etats­Unis Politique Social Economie


CEFAM
La procureure Quand Mélenchon Au deuxième
de New York cible adopte les codes trimestre, l’emploi La crise secoue 
la NRA, puissant des réseaux salarié a un peu les banques 
lobby des armes sociaux pour ados résisté Centre d’études Franco-Américain de Management

PAGE 4 PAG E 1 0 PAGE 12 européennes Lyon & USA

2 rentrées par an: septembre et janvier


Hormis BNP Paribas et le
Crédit agricole, la plupart
des groupes bancaires du
L’été en séries Vieux Continent affichent
une chute brutale de leurs
Féminines résultats au deuxième
trimestre 2020
« Au milieu de la PAGE 11
fête », une
nouvelle inédite
de Carole Fives
PAG E 17
Culture
Paysages
Spectacles et 
Les glaciers alpins visites chez Maria  Investissez
de William Turner sur votre avenir
PAGES 18 -19
Casarès à l’international du BAC au MBA
En partenariat
avec des universités

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INTERNATIONAL
0123
2| SAMEDI 8 AOÛT 2020

EXPLOSION  AU  LIBAN

Emmanuel Macron,
dans le quartier
de Gemmayzé,
à Beyrouth, le 6 août.
BILAL HUSSEIN/AP

Macron veut « un nouveau pacte » au Liban
Le président français a exprimé sa compréhension de la « colère » du peuple et dénoncé la corruption

beyrouth ­ envoyé spécial flanqué de son collègue libanais, qui super­ blanc arrachent au chaos des décombres. envoyés par Paris aux autorités d’un pays déjà
vise les opérations. Il estime qu’il y a encore « Cette année, on a vécu la révolution, la crise au bord du gouffre, ruiné par une crise finan­

D’
abord, les ruines. Elles « bon espoir » de retrouver des survivants, économique, la crise politique, le coronavi­ cière galopante. Beyrouth n’avait pas encore
fument encore. D’un bloqués dans les décombres, « enterrés dans rus… Après cette explosion, cette horreur, on été défigurée par une explosion qu’une large
côté, la mer et ce qui une salle de contrôle » à 500 mètres de là. ne peut qu’espérer un nouveau départ », ré­ partie de la population impute à la corrup­
reste du port de Bey­ sume un des sauveteurs. Qu’attendre de la tion, à la négligence et à l’incompétence sys­
routh, de l’autre, des « QU’IL LES FASSE BOUGER » LE PRÉSIDENT  visite du président Macron ? Qu’espérer de témique qui ruissellent depuis les hautes
gratte­ciel aux façades Dans la chaleur, l’humidité, la poussière du FRANÇAIS A RAPPELÉ  ses échanges prévus plus tard avec les res­ sphères de l’élite politique jusqu’au niveau le
arrachées. Emmanuel Macron et le ministre port dévasté, ce qu’évoque le sort de ces ponsables du pays contre lesquels, après le plus bas du pouvoir. L’explosion du port de
des affaires étrangères, Jean­Yves Le Drian, hommes a quelque chose à voir avec un QU’IL N’ÉTAIT PAS LÀ  choc, la colère se réveille ? « Qu’il les fasse Beyrouth, un Tchernobyl libanais plutôt que
marchent les pieds dans la poussière et les sentiment d’épouvante. La cohorte prési­ bouger. Après ça, ils n’ont plus le choix… » le nouveau Hiroshima décrit peu après le si­
gravats, à l’épicentre du désastre, parmi la dentielle se dirige vers l’immense cratère « POUR DONNER La catastrophe donne un nouvel écho à la nistre par le gouverneur de Beyrouth, a préci­
petite foule mouvante, qui trotte et trébu­ rempli d’eau de mer creusé par l’explosion contestation massive, un temps étouffé par pité l’histoire. Et l’évolution de la position de
che, des conseillers, des responsables et du hangar 12, là où une cargaison de nitrate
DES CHÈQUES la pandémie de Covid­19, qui vise depuis des Paris devait en tenir compte.
des personnels de sécurité libanais et des d’ammonium a ouvert, le 4 août, une nou­ EN BLANC mois la classe politique libanaise tradition­
journalistes. Au bout d’un sentier déblayé velle brèche cauchemardesque dans l’his­ nelle. Installée, pour les intérêts propres de « RESPONSABILITÉ HISTORIQUE »
parmi les décombres des entrepôts se dresse toire du Liban. À DES SYSTÈMES ses oligarques, dans le système de cartel qui La ligne de crête entre solidarité avec le Liban
la silhouette tronquée, éventrée du silo De jeunes personnels de la Croix­Rouge li­ régit le Liban depuis la fin de la guerre civile. au nom d’une histoire partagée et fermeté
à grains qui a absorbé en tout premier le banaise attendent leur tour. Il y a une heure QUI N’ONT PLUS On lui prête tous les maux du pays. Et des an­ amicale envers ses dirigeants a­t­elle disparu
choc de l’explosion. tout juste, à peu près au moment où le LA CONFIANCE nées durant, de conférences de donateurs en dans les décombres ? Il s’agit de promouvoir
Il est bientôt 13 heures à Beyrouth jeudi Falcone présidentiel en provenance d’Hyè­ sommets diplomatiques, ses représentants un « nouveau pacte politique », comme
6 août et, dans ce paysage cerné d’épaves res (Var), à l’autre bout de la Méditerranée, se DE LEUR PEUPLE » se sont montrés incapables de mener à bien M. Macron l’a proclamé à la foule. Mais avec
échouées, retournées, pleines d’une mer sa­ posait sur la piste de l’aéroport de Beyrouth, les réformes qui conditionnent pourtant les qui ? Avec les dirigeants en place, dont le pré­
lie, dans l’odeur encore flottante de la catas­ ils ont trouvé, disent­ils, dans le fatras de bonnes volontés internationales. Emma­ sident français, dès son arrivée, a évoqué « la
trophe, la séquence du déplacement prési­ métal, de béton et de plastique brûlé, une nuel Macron l’a clairement exprimé lors de responsabilité historique » ? Ou avec ces Liba­
dentiel commence. C’est un premier chapi­ jambe détachée d’un disparu qui doit main­ sa conférence de presse à Beyrouth, jeudi nais qui veulent les voir « dégager » ? Dans le
tre consacré au silence des décombres et à tenant pourrir quelque part. Ils n’ont pas soir : il n’était pas là « pour donner des chè­ programme de sa journée, le chef de l’Etat a,
ceux qui les labourent encore. On présente plus de la trentaine. L’un d’entre eux, qui ques en blanc à des systèmes qui n’ont plus la de fait, donné la priorité aux seconds. Après
au président français le gouverneur de Bey­ tourne le dos au paysage dévasté de la ville, confiance de leur peuple ». les ruines s’est ouvert, dans la cohue, un
routh, Marwan Abboud. « Merci de nous ac­ montre une vidéo sur son téléphone porta­ Fin juillet, une visite de trente­six heures de autre acte, aux échos savamment maîtrisés.
cueillir, on est là. » Le chef du détachement de ble. On y voit un corps humain désarticulé M. Le Drian à Beyrouth avait été marquée par Celui de la rue. De la foule. Et de la colère.
pompiers de Marseille, dépêché la veille, est que ses compagnons en uniforme rouge des signes de fermeté, voire d’impatience, Au sortir du port, à Gemmayzé, qui était il y
a si peu un lieu de vie et de fête, cosmopolite
et flambeur, et dont les façades, parallèles au
Une grande manifestation est prévue samedi à Beyrouth littoral, ont été soufflées par l’explosion,
Emmanuel Macron a voulu un bain de foule.
Passé les vitrines brisées d’une boulangerie,
ils n’étaient que quelques dizaines, et ont dispersé la foule avec des gaz des habiletés de la visite aura été de ment d’Hassan Diab. Emmanuel son cortège de gros véhicules noirs était
mais des manifestants ont rejoint le lacrymogènes. Une grande manifesta­ parvenir à réunir les représentants de Macron n’a pas mâché ses mots face à d’abord entré sous les invectives. Des rési­
centre­ville de Beyrouth, jeudi 6 août tion est prévue samedi 8 août à factions politiques opposées, de l’an­ ces représentants, mettant la pression dents le croyaient accompagné de son homo­
au soir, exprimant leur colère contre la Beyrouth. Plus tôt, l’image d’Emma­ cien premier ministre Saad Hariri au pour un changement de cap. Mais les logue libanais, Michel Aoun. « Aoun, terro­
classe politique, deux jours après l’ex­ nuel Macron entouré d’une foule, à chef du bloc parlementaire du Hezbol­ interrogations se posent sur la façon riste ! », « Le peuple veut la fin du régime », en­
plosion meurtrière dans le port de la Gemmayzé, l’un des quartiers les plus lah, Mohammed Raad : un tel rassem­ dont le « nouveau pacte » souhaité par tendait­on dans un rassemblement de quel­
capitale, dont le nombre de victimes touchés par la déflagration meurtrière blement des partis communautaires M. Macron pourrait être mis en place, ques centaines de personnes se pressant sous
continue de grimper. Le rassemble­ du 4 août, était abondamment com­ antagonistes n’était plus arrivé au alors que l’oligarchie politico­finan­ les murs éborgnés des immeubles Art déco et
ment a tourné à la confrontation entre mentée à Beyrouth. cours des derniers mois, les divisions cière refuse justement toute réforme, des maisons traditionnelles beyrouthines,
protestataires et forces de sécurité. La scène marque d’autant plus s’étant creusées entre partis soutiens jusqu’à entraîner le pays dans une défigurées non plus comme autrefois par la
Celles­ci ont empêché les manifes­ qu’aucun haut responsable libanais (dont le Hezbollah) et formations d’op­ chute économique sans précédent.  guerre civile, mais par l’incurie publique.
tants, dont certains leur jetaient des n’a jugé bon jusque­là de se rendre position (dont l’ancien premier minis­ laure stephan Puis, entouré d’un cordon malmené de mili­
pierres, de s’approcher du Parlement, dans l’une des zones dévastées. L’une tre Saad Hariri) de l’actuel gouverne­ (beyrouth, correspondance) taires libanais en sueur, le président français a
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SAMEDI 8 AOÛT 2020 international | 3

▶▶▶

mis en scène son dialogue avec les Libanais.


Sur le seuil d’une pharmacie dévastée, il a
voulu parler aux Beyrouthins qui jouaient
des coudes dans la chaleur et les cris : « Je com­
Entre la France et le Liban,
la couleur des sentiments
prends votre colère. Je ne suis pas là pour cau­
tionner le régime. » Le terme était lâché, en
bras de chemise, dans la mêlée. « Je suis là
pour vous aider en tant que peuple. (…) Je vous
garantis que cette aide, elle n’ira pas dans les
mains de la corruption. » On entendait, dans la La thèse de l’« héritage colonial » ne suffit pas à expliquer les liens entre
foule : « Ne donnez rien, ce sont des voleurs. Ne
nous tuez pas une deuxième fois ! » Puis, dans les deux pays qui ont résisté aux remous géopolitiques
la rue livrée à la cohue, le président français
déclare : « Je suis là aujourd’hui pour proposer
un nouveau pacte politique. S’ils ne savent pas
le tenir, je prendrai mes responsabilités. »
On crie çà et là : « Vive la France ! » Et, en
écho : « Non ! Vive le Liban ! » Le président
donne l’accolade à un jeune Franco­Libanais,
qui brandissait sa carte consulaire en hur­
lant : « C’est tout ce qui me reste. » Les histoires
mêlées du Liban et de la France s’entrecho­
quent dans ce morceau de Beyrouth, à la fois
emblématique, ravagé et minoritaire. Un pe­
tit groupe réclame la libération de Georges Jacques Chirac
Ibrahim Abdallah, membre de la Fraction ar­ et son épouse,
mée révolutionnaire libanaise, emprisonné Bernadette,
depuis bientôt trente­sept ans en France pour entourent
complicité d’assassinat de deux diplomates Nazik Hariri,
français à Paris, en 1982. Une voix isolée crie : la femme
« Vive le mandat français ! » en anglais. En réfé­ de Rafic Hariri,
rence à la période de l’entre­deux­guerres où lors des
la France exerçait son autorité sur le Levant, obsèques,
au nom de la Société des nations. le 16 février
2005, à
ÉQUILIBRES POLITIQUES VICIÉS Beyrouth,
Le tumulte du quartier Gemmayzé n’était pas du premier
inattendu pour les équipes présidentielles. Il ministre
était même bienvenu. « Au Liban, tout se sait libanais.
très vite ! » On dit croire, autour du président RABIH MOGHRABI/AFP
français, que ces scènes, certes puissantes,
dans l’objectif des caméras et à travers la cen­
trifugeuse des réseaux sociaux, lui « donne­
ront la force nécessaire » face aux dirigeants
du pays qu’il a retrouvé ensuite.
Michel Aoun, président de la République,
Hassan Diab, premier ministre, et Nabih
Berri, président du Parlement, figures assimi­
lées aux équilibres politiques viciés du pays,
l’attendent. Invisibles, ils ont depuis long­
temps abandonné les foules. Le spectacle de
ANALYSE ponse toute faite, qui n’est pas
fausse pour autant. Ancienne pro­ « PARCE QUE 
l’histoire qui reste fort et, surtout, la
part d’irrationalité, d’affect, que re­

E
la rue de Gemmayzé n’a pas pu leur échapper. ntre la France et le Liban, la tectrice des minorités chrétiennes C’EST VOUS, PARCE QUE  cèle un très vieux compagnonnage
Plus tard, ce sera le tour des autres caciques relation échappe à toutes du mont Liban, la France préside à la entre deux peuples. Sans compter
des factions confessionnelles convoquées à la les normes attendues. Ce naissance du Liban contemporain. C’EST NOUS », A DIT  l’apport d’une diaspora libanaise
résidence des ambassadeurs de France, la qui les attache l’une à Au lendemain de la guerre de 1914­ installée en France (250 000 person­
Résidence des Pins, édifice où, en 1920, le l’autre ne relève ni seulement de la 1918, la France et le Royaume­Uni se EMMANUEL MACRON,  nes), qui contribue à entretenir une
Grand Liban a été proclamé par le général diplomatie, ni seulement de la stra­ partagent les dépouilles de l’Empire relation intense. « Beyrouth­sur­
Gouraud, haut­commissaire de France au Le­ tégie, ni seulement de l’économie, ottoman – qui avait eu le tort de s’al­
JEUDI 6 AOÛT,  Seine », dit­on parfois à propos de la
vant. Le tout­puissant Hezbollah, prolonge­ ni seulement de la politique. « Parce lier à l’Allemagne du Kaiser EN ARRIVANT  capitale française.
ment indéfectible des intérêts iraniens dans que c’est vous, parce que c’est nous », Guillaume. La France obtient un
la région en était. Des représentants de la so­ a dit Emmanuel Macron, jeudi mandat de la Société des nations, À BEYROUTH « Beyrouth-sur-Seine »
ciété civile, le noyau d’une opposition issue 6 août, en arrivant à Beyrouth. Pour­ l’ancêtre de l’ONU, sur le Liban et la Observateur pointu et passionné des
de la rue, en cours de consolidation, avec des quoi a­t­il été le premier chef d’Etat Syrie. A charge pour elle de conduire aventures moyen­orientales, le jour­
représentants syndicaux, de forces politiques occidental à manifester sur place ces deux « protectorats » à l’indé­ l’histoire là aussi, entend contrôler naliste Guy Sitbon explique : les Liba­
et d’ONG influentes ainsi que des médecins sa solidarité avec ce pays meurtri ? pendance. Après bien des péripé­ son voisin libanais. nais ont créé chez eux « une France
en blouses blanches leur ont emboîté le pas. Les histoires d’amour ne s’expli­ ties, celle­ci est acquise en 1943. L’Iran des ayatollahs réveille les du Moyen­Orient », avant même que
« J’ai été franc, direct, sincère », a assuré quent pas toujours. Les tenants de la diplomatie tradi­ chiites libanais (un tiers des musul­ la France ne devienne la puissance
Emmanuel Macron, lors de la conférence de Retour quelques décennies en ar­ tionnelle s’en tiennent à cet héri­ mans du pays), alors marginalisés mandataire du pays en 1920. Cette
presse qui a clos son voyage. Il a rappelé la rière. Le 24 octobre 1983, François tage de l’histoire : la France serait politiquement et économiquement. histoire est même bien plus an­
souveraineté libanaise sans pour autant épar­ Mitterrand est dans la capitale liba­ restée proche des chrétiens du Au Liban, Téhéran et Damas font cienne qu’on ne l’imagine générale­
gner ces hommes du système qu’il n’a pas naise. Il est le premier président de Liban (un tiers de la population), at­ cause commune contre la France. ment. En 1516 déjà, François Ier négo­
ménagé. Il a rendu hommage à la colère de la la Ve République à faire ce voyage. Au tachée à un pays largement franco­ Attentats, assassinats, prises d’ota­ ciait avec Soliman le Magnifique,
rue et dénoncé un « confessionnalisme qui a beau milieu des guerres du Liban, le phone et dont elle a été la marraine ges : sur le territoire libanais, Paris, alors à la tête de l’Empire ottoman, la
été parfois capturé, un système qui a été lui chef d’Etat vient rendre hommage à politique. Vraie, mais pas suffisante, dans les années 1980, paie cher protection des chrétiens d’Orient.
aussi capturé par une corruption organisée ». 58 parachutistes français, membres la thèse de « l’héritage colonial » d’avoir pris le parti du monde arabe En 1860, devenue l’ange gardien des
Et puis il a fallu aussi invoquer l’aide inter­ d’une force d’interposition interna­ n’explique pas tout. Loin de là. Elle sunnite – au nom duquel l’Irak de chrétiens du mont Liban, la France
nationale sans faire planer le spectre des ef­ tionale, tués la veille dans l’attentat ne rend pas compte de la singularité Saddam Hussein fait la guerre à la intervenait militairement pour les
fets de rente, des promesses de corruption qui contre le Drakkar, l’immeuble où ils du lien franco­libanais. République islamique. défendre contre les druzes. Mais pas
ne manque pas de surgir avec elle, une fois étaient logés à Beyrouth. Deux mi­ Mais aujourd’hui, poursuivent les seulement. Les missions religieuses
passé le temps de l’urgence. La conférence de nutes avant cette attaque, une ca­ « Politique arabe » mêmes « realpoliticiens », tout cela, allaient suivre, et certaines étaient
soutien au Liban évoquée par Emmanuel mionnette piégée explosait devant D’abord, au fil des guerres dont le ce jeu des alliances, appartient à une déjà sur place : jésuites, capucins, la­
Macron devrait mettre en place avec les le bâtiment hébergeant des soldats Liban a été le théâtre sans disconti­ époque révolue. Si la France veut te­ zaristes, maristes, filles de la cha­
Nations unies et la Banque mondiale, en aval américains membres de cette même nuité de 1975 à 1990, Paris n’a pas été nir son rang dans ce petit pays, ce se­ rité… Elles ouvrent des écoles et enra­
des financements étrangers, une « gouver­ force. 241 marines sont morts, mais l’allié inconditionnel des différents rait encore pour des raisons « straté­ cinent le français.
nance claire et transparente pour que l’ensem­ son homologue américain, Ronald camps chrétiens. S’est ajoutée la giques » : selon eux, il serait un Dès 1875, les jésuites créent l’uni­
ble de cette aide (…) soit directement achemi­ Reagan, lui, est resté à Washington. « politique arabe » de la France et son rouage important dans l’équilibre versité Saint­Joseph qui, avec l’Uni­
née aux populations, aux ONG, aux équipes Le 16 février 2005, le président attachement à la paix israélo­palesti­ moyen­oriental. C’est largement versité américaine de Beyrouth,
sur le terrain qui en ont besoin, sans qu’aucune Jacques Chirac, costume sombre, vi­ nienne, qui a diversifié et modulé, au faux. Le Liban n’a plus l’importance ouverte par une mission protes­
opacité, aucun détournement ne soit possi­ sage fermé, est l’unique chef d’Etat Liban même, les positions de Paris et qu’il avait dans les enjeux régionaux. tante en 1866, va former des généra­
ble ». Il s’est déclaré favorable à une enquête occidental convié à Beyrouth à l’en­ ses interventions. Dans les affronte­ La question palestinienne a été mar­ tions d’élites libanaises. Certaines
internationale sur l’explosion. terrement de Rafic Hariri, ancien ments inter­libanais, la diplomatie ginalisée ; les Etats du Golfe ont vont s’expatrier. Au fil des ans,
Sur l’horizon invoqué par Emmanuel premier ministre libanais. « Je suis française n’a pas choisi les uns émergé comme des forces avec les­ « Beyrouth­sur­Seine » a enrichi la
Macron, il y a comme un espace vide, entre venu rendre hommage à un homme contre les autres, elle n’a pas pris quelles il faut compter ; Paris prône France : un académicien, Amin
les instances internationales pourvoyeuses qui était mon ami, dit­il, un homme parti pour un soi­disant camp le dialogue avec l’Iran. Maalouf, des romanciers, des poli­
d’aide, de promesses de relèvement, et cette qui a incarné la volonté d’indépen­ conservateur chrétien contre un soi­ Dernier argument couramment tologues, des architectes, des capi­
société civile aux contours indistincts, tra­ dance, de liberté et de démocratie du disant camp palestino­progressiste avancé par l’école realpoliticienne : la taines d’industrie, des grands finan­
vaillée par des rêves de changement. C’est la Liban. » Chirac restera proche de la – lequel était composé des musul­ France défendrait au Liban des inté­ ciers, des armateurs – tous, ou pres­
place qu’occupe aujourd’hui un Etat confis­ famille Hariri. Il reçoit souvent Saad, mans sunnites du Liban, alliés à la rêts économiques importants. Faux que, passés à Beyrouth par le collège
qué, aux dysfonctionnements meurtriers. le fils de Rafic, quand celui­ci de­ minorité druze et aux milices pales­ encore. Paris entretient, certes, une jésuite Notre­Dame de Jamhour. La
Comment y construire « l’ordre politique nou­ vient, à son tour, le chef du gouver­ tiniennes installées au pays du coopération culturelle substantielle chaîne n’a pas été brisée : le Liban
veau » souhaité par le président français ? Em­ nement libanais. Ayant quitté l’Ely­ Cèdre. Ce fut plus compliqué. avec Beyrouth, mais les échanges dispose de six lycées français et de
manuel Macron a précisé que ce n’était pas à sée, l’ancien président français est A partir de 1980, les liens entre la économiques entre les deux pays cinquante établissements scolaires
la France et pas à un président français hébergé pendant huit ans dans un France et le monde arabe, majori­ sont plus que médiocres. La France homologués par Paris.
d’écrire l’histoire des Libanais. Il reviendra grand appartement de la famille tairement sunnite, lui valent est le sixième exportateur au Liban, Entre ces deux pays, le temps a ac­
faire un « point d’étape », le 1er septembre, jour Hariri, à Paris. Et, comme une sorte l’hostilité active du régime révolu­ derrière la Chine, l’Italie, la Grèce, les compli cette chose mystérieuse et
du centenaire du Grand Liban, créé par la de passage obligé, les successeurs de tionnaire qui s’installe en Iran Etats­Unis et l’Allemagne. mal définie : un Français n’est jamais
France. Des journalistes libanais ont applaudi Chirac font tous, sans exception, le – pays où la branche minoritaire de En réalité, le lien franco­libanais est tout à fait à l’étranger quand il déam­
à plusieurs reprises. Et, quand le président voyage de Beyrouth. l’islam, le chiisme, est prépon­ plus complexe. La langue a son im­ bule dans le quartier d’Hamra à
français est parti, la nuit était tombée comme Qu’y a­t­il donc de si particulier dérante. La République islamique portance, bien sûr, même si l’anglais Beyrouth ; un Libanais est toujours
un rideau sur Beyrouth.  entre la France et le Liban ? Les te­ devient vite l’alliée de la Syrie supplante tous les jours un peu plus un peu chez lui à Paris. 
allan kaval nants de la realpolitik ont une ré­ d’Hafez Al­Assad lequel, héritage de le français. Mais il y a plus : un legs de alain frachon
0123
4 | international SAMEDI 8 AOÛT 2020

EXPLOSION  AU  LIBAN


La procureure de New York
Des dégâts considérables
s’attaque au lobby des armes
Letitia James veut dissoudre la NRA, « nid de fraude et d’escroquerie »
pour le patrimoine
Les bâtiments de la période ottomane new york ­ correspondant si Biden devient président, votre
L’association a crié de surveillance de la NRA, grasse­
grand SECOND AMENDEMENT ment payés et qui ne voient pas de
ont été particulièrement touchés

I
l y a eu la dissolution du Ku [qui garantit le droit de posséder au complot problème à ce que la NRA leur of­
par l’explosion du port de Beyrouth Klux Klan new­yorkais dans des armes] n’a aucune chance. Vos
politique de la part fre des contrats de consultants et
les années 1940. Puis celle de pistolets vous seront retirés immé­ verse des subventions aux asso­
la Fondation Donald Trump, diatement et sans préavis. Pas de d’une procureure ciations qu’ils président ; l’équipe
en 2018, qui pratiquait la charité police, pas d’armes », a tweeté le de LaPierre, composée de trois
démocrate qui
D e tout ce verre bleu qui
faisait scintiller les
luxueuses tours d’habi­
tation du quartier Solidere, de la
colline d’Achrafieh, il ne reste que
LES ASSOCIATIONS 
CRAIGNENT QUE
LES RISQUES 
inversée, servant le président
américain au lieu d’aider autrui.
Cette fois­ci, c’est la puissante
National Rifle Association (NRA),
forte de 5 millions de membres,
président, alors qu’une partie de la
gauche – mais pas son candidat à
la présidentielle Joe Biden – en­
tend supprimer les financements
de la police après la mort fin mai à
avait traité la NRA
d’« organisation
terroriste »
collaborateurs, eux aussi mis en
cause et jugés incompétents par
le parquet. Dans ce contexte, nul
au conseil de surveillance n’a jugé
opportun d’examiner si les rému­
des débris. Le souffle de l’explo­ qui pourrait être dissoute, comme Minneapolis de l’Afro­Américain nérations étaient excessives,
sion qui a eu lieu le 4 août dans le D’EFFONDREMENT  l’a exigé, jeudi 6 août, la procu­ George Floyd, étouffé par un poli­ comme l’estime la plainte :
port de Beyrouth a pulvérisé les SERVENT DE PRÉTEXTE reure de New York, Letitia James. cier blanc qui l’interpellait. anonyme de « dissident nu­ 10,2 millions de dollars de 2015 à
vitres à plusieurs kilomètres à la « J’ai lancé des poursuites pour dis­ méro un ». 2018 inclus pour Wayne LaPierre,
ronde. Les carcasses des immeu­ À UNE VAGUE DE  soudre la National Rifle Associa­ Bahamas et safaris L’acte d’accusation comporte auxquels il faut ajouter une ga­
bles à nu convoquent les images tion pour des années de conduite il­ En réalité, l’affaire a débuté dans des abus édifiants : les jets privés rantie de salaire de 10,3 millions
de destruction de la guerre civile DÉMOLITIONS BRUTALES légale et d’abus de confiance. La les rangs très droitiers de la NRA mis à disposition de Wayne La­ de 2019 à 2025 et des honoraires
mais l’échelle est autre, beaucoup NRA est un nid de fraudes et d’es­ elle­même, lorsque Oliver North, Pierre et de sa famille ; huit voya­ de consultant de 7,1 millions de
plus large, incroyablement plus croqueries. Aucune organisation héros de la droite républicaine, fut ges familiaux aux Bahamas, pour 2026 à 2030 : une « pilule empoi­
brutale, et ce verre qui, hier en­ portunité pour vendre. Beaucoup n’est au­dessus de la loi », a­t­elle élu président de la NRA en la bagatelle de 500 000 dollars, et sonnée », comme disent pudique­
core, symbolisait la frénésie de bâtiments présentent de sé­ annoncé sur Twitter. mai 2018. Célèbre pour avoir livré la jouissance d’un yacht de 33 mè­ ment les financiers, qui dissuade
d’une ville en proie à la spécula­ rieux risques d’effondrement, et Cette dernière a autorité sur la des armes à l’Iran sous Ronald tres équipé de deux jet­skis, écrit le de vous licencier.
tion immobilière en incarne dé­ les associations craignent que ce NRA, qui est immatriculée à New Reagan en violation d’un em­ parquet, qui sait que la presse re­
sormais la douloureuse faillite. danger serve de prétexte à une va­ York depuis 1871 en tant qu’asso­ bargo pour financer la guérilla an­ prend les petits détails frappant Plainte civile
Les vitres de la voiture de George gue de démolitions brutales. Vice­ ciation caritative. A quatre mois tisandiniste au Nicaragua, l’ancien les esprits. Le propriétaire du « Il n’y a aucun indice » que l’ac­
Arbid, le directeur du Centre arabe président de l’ONG Save Beirut des élections, le parquet new­yor­ lieutenant­colonel a pris son poste yacht faisait partie d’un consor­ cord ait été revu par le conseil ou
pour l’architecture, ont explosé el­ Heritage, Antoine Atallah écrit kais s’attaque au lobby des armes, au sérieux. tium ayant reçu au fil des ans plus un comité d’audit, déplore le par­
les aussi, mais ça ne l’a pas empê­ sur Facebook que certaines mai­ qui fit et défit les candidats répu­ Il ne s’est pas contenté d’occuper de 100 millions de dollars de con­ quet de New York. Quant à la
ché de prendre le volant pour sons seraient déjà « abusivement blicains pendant des décennies, et une position honorifique comme trats de la NRA. M. LaPierre a expli­ firme d’avocats du groupe,
constater l’étendue du désastre. menacées de destruction par la grand soutien de Donald Trump. l’escomptait son mentor LaPierre, qué qu’il utilisait ce navire de luxe Brewer, invitée à vérifier la gou­
Les mots lui manquent pour dé­ municipalité, au motif qu’elles Principale accusation, les diri­ ravi d’avoir fait venir une telle pour travailler. Il y a aussi les safa­ vernance de la NRA, elle touchait
crire ce qu’il voit, sinon pour con­ constitueraient une menace à la geants de la NRA, à commencer figure médiatique, mais a com­ ris en Afrique, autant de cadeaux 2 millions de dollars d’honoraires
firmer ce que l’on sait déjà : « L’am­ sécurité publique ». par son patron depuis trente ans, mencé à mettre son nez dans les personnels que LaPierre n’a ja­ par mois sans contrôle adéquat.
pleur des dégâts est inimaginable. » Dès le 5 août, des volontaires Wayne LaPierre, 70 ans, se sont en­ opérations financières de M. La­ mais déclarés en violation du code C’est à son propos que les rela­
Il préfère prendre des photos. s’organisaient pour établir collec­ richis illicitement, nageant dans Pierre. L’affaire a conduit à un d’éthique de la NRA qui impose de tions entre MM. North et LaPierre
tivement un état des lieux des les conflits d’intérêts. Au mépris clash mémorable à la tête de la signaler tout cadeau supérieur à se seraient vite envenimées.
« Les vautours sont revenus » destructions et poser un diagnos­ de leurs obligations fiduciaires, NRA, conduisant en avril 2019 au 250 dollars. La plainte du parquet, qui ac­
L’explosion a frappé particulière­ tic. Le lendemain, une réunion pi­ l’affaire coûtant 64 millions de départ d’Oliver North, aujourd’hui Dans ce petit monde, tout le cuse la NRA d’avoir fait des décla­
ment les quartiers où se concen­ lotée par la direction des antiqui­ dollars (53,9 millions d’euros) à la âgé de 76 ans. Mais elle a permis à monde se tient : les consultants, rations fausses dans ses comptes,
trent le plus de bâtiments histori­ tés du ministère de la culture et la NRA sur trois ans. la justice de s’engouffrer dans le responsables de relations publi­ est pour l’instant civile : elle de­
ques, celui d’Achrafieh, notam­ branche libanaise de l’ONG Sans surprise, l’association a crié dossier, manifestement aiguillon­ ques ou leveurs de fonds qui ob­ mande la dissolution de l’associa­
ment, où des blocs de maison en­ Icomos (International Council on au complot politique de la part née par M. North que la plainte tiennent des contrats sans appel tion, le versement de ses actifs à
tiers rappelaient le XIXe siècle. Les Monuments and Sites) avait lieu d’une procureure démocrate qui qualifie de manière faussement d’offres ; les membres du conseil une entreprise poursuivant le
maisons bourgeoises de la pé­ dans les locaux de l’ordre des in­ avait traité la NRA d’« organisation même objet social. Elle exige que
riode ottomane n’ont pas été pen­ génieurs et des architectes pour terroriste » pendant sa campagne M. LaPierre rembourse le trop­
sées pour résister à un souffle
aussi violent. Les triples fenêtres
lui donner une assise institution­
nelle. L’enjeu, comme le pose
de 2018, quelques mois après la
tuerie de Parkland dans un lycée
Pression accrue de Trump contre TikTok perçu, soit démis de ses fonctions
et interdit de fonctions à la NRA.
en arche qui percent les façades, George Arbid, est de « s’assurer de Floride (17 morts). LA NRA a Le président américain, Donald Trump, a publié jeudi 6 août La procureure Letitia James a in­
les toits pyramidaux en tuiles que les bâtiments en danger ne le contre­attaqué en justice la déci­ deux décrets, qui entreront en vigueur dans quarante-cinq jours, diqué jeudi avoir transmis le dos­
rouges, les structures en pierres soient plus, et que tout soit fait sion de la procureure, dénonçant interdisant aux entreprises américaines toute transaction avec sier au fisc et n’exclut pas de lui
jaunes, tous ces éléments qui font pour que le patrimoine, qu’il soit un procès politique et la violation les groupes chinois ByteDance, propriétaire de l’application donner une suite pénale. La NRA
leur identité sont fragiles. Faisant ancien ou moderne, puisse être du premier amendement à la de vidéos TikTok, et Tencent, qui possède l’application de est en difficulté financière, en rai­
valdinguer les tuiles, les charpen­ sauvegardé ». Constitution, qui garantit le droit messagerie WeChat. Cette interdiction intervient alors que son de ses conflits internes et du
tes de bois, l’explosion a balayé les d’expression. M. Trump a donné jusqu’à mi-septembre à TikTok pour céder Covid­19, qui l’a contrainte à an­
colonnes de marbre, distordu les Les démons d’un pays Donald Trump a immédiate­ ses activités américaines à Microsoft. Il souligne, évoquant nuler sa convention annuelle et
agencements de pierres, allant, Si le béton a mieux résisté que la ment réagi à l’affaire : « Tout une « urgence nationale », que l’application de partage de vidéos de nombreuses opérations de
dans certains cas, jusqu’à fracas­ pierre, nombre d’édifices moder­ comme la gauche radicale de New peut être utilisée pour des campagnes de désinformation levées de fonds. 
ser des façades entières. nes et contemporains sont très York qui essaye de détruire la NRA, qui profitent au Parti communiste chinois. arnaud leparmentier
Ces bâtisses avaient pourtant abîmés. C’est le cas du
survécu à la guerre civile. Et à celle chef­d’œuvre moderniste qu’est
que menaient les promoteurs im­ l’« Electricité du Liban » (J. Arac­
mobiliers depuis sa fin officielle. tingi, J. N. Conan, J. Nassar,
Rongeant le tissu urbain de la
ville comme de l’acide, leur vora­
cité a fini par buter sur les associa­
P. Neeema, 1972). Sa jeune voisine,
l’« East Village » (2015), une tour de
logements aux volumes expres­
Le processus de paix afghan bute
tions de défense du patrimoine sifs et à la matérialité sexy dont on
dont la passion et l’opiniâtreté
ont su préserver jusqu’à ce jour
quelques petites enclaves autour
salua, au moment de sa livraison,
les performances environnemen­
tales, a beaucoup subi également.
sur la libération de quatre cents criminels
de la rue Sursock ou des quartiers Son architecte, le franco libanais
Gemmayzé et Mar Mikhaël… Jean­Marc Bonfils, habitait un de
L’exigence posée par les talibans ne concerne pas des insurgés, un embarras pour Kaboul
Pourront­elles tenir encore après ses appartements et y est mort,
cette catastrophe ? Rien n’est emporté par l’explosion.
moins sûr. « Les vautours sont re­
venus, avertit George Arbid. Ils ont
commencé leur tournée. »
Et si certains propriétaires
comme Antonio el­Hachem ou
Bernard Khoury a eu plus de
chance. Auteur d’une architec­
ture brutale, très sombre, qui fait
écho, selon lui, aux démons d’un
pays qui n’a jamais affronté les
C’ est, en théorie, le der­
nier obstacle avant de
pouvoir réunir les tali­
bans et le gouvernement afghan
autour d’une table, à Doha (Qatar),
pour le président Ghani, est que
400 d’entre eux sont des criminels
endurcis – violeurs, trafiquants de
drogue ou assassins – sans lien di­
rect avec l’insurrection. Arguant
les dessous de cette liste établie
par les talibans. Leurs interlocu­
teurs officiels afghans se mon­
trant, néanmoins, peu diserts.
Selon nos informations, confir­
terroge, enfin, sur l’intérêt du gou­
vernement de Kaboul à ne pas
communiquer sur l’« affaire des
400 criminels ». L’une des explica­
tions pourrait se trouver dans la
Fadlo Dagher se sont engagés à crimes de sa guerre civile, ce pour sceller l’avenir d’un pays en que la Constitution lui interdit de mées par des membres du Conseil forte pression exercée par les
restaurer leurs maisons, d’autres grand provocateur a vu deux de paix. Le président Ashraf Ghani a prendre seul une telle décision et national de sécurité afghan auprès Etats­Unis, qui menacent réguliè­
n’en auront pas les moyens, sur­ ses tours réduites à l’état de car­ convoqué, vendredi 7 août, à Ka­ de la légitime colère des familles de diplomates étrangers, les tali­ rement Kaboul de se retirer bruta­
tout dans le contexte de la grave casse mais a miraculeusement boul, une Loya Jirga – une assem­ de victimes, il s’en remet donc à bans auraient reçu de l’argent des lement du pays si le gouverne­
crise économique que traverse le échappé à la mort. Alors qu’il bou­ blée traditionnelle réunissant cette assemblée de sages. Si celle­ci familles des 400 criminels dont ils ment continue de faire obstacle au
pays. Dans la catastrophe qui les clait un concours pour un aména­ 3 200 notables, chefs tribaux et re­ satisfait l’attente des insurgés, au exigent encore la libération. Ils se processus de paix.
frappe, ils pourraient voir une op­ gement urbain en Ukraine, son ligieux de tout le territoire – pour terme des deux ou trois jours de seraient livrés, en amont, à une Lundi 3 août, lors de son entre­
agence a été littéralement souf­ savoir s’il faut céder à la dernière discussions, le face­à­face avec les forme de prospective commer­ tien, par visioconférence, sur la
flée par l’explosion. Personne exigence des insurgés : la libéra­ talibans pourra commencer. ciale auprès d’elles et auraient question des prisonniers, avec le
dans l’équipe n’a été blessé, et tion de 400 criminels demandée monnayé la présence du nom de négociateur en chef des talibans,
JEAN­MARC BONFILS,  tout le monde s’est remis au tra­ par les talibans. Une politique clientéliste leur parent sur la liste. Il y aurait le mollah Abdul Ghani Baradar, le
vail le soir même. Le projet a été Le préaccord de paix signé, le Ces considérations juridiques ainsi les noms de trafiquants de secrétaire d’Etat américain Mike
L’ARCHITECTE FRANCO­ rendu comme prévu, à 7 heures 29 février, par ces derniers avec les montrent la position de force des drogue fortunés de provinces du Pompeo n’a rien trouvé à redire
du matin. « Depuis le début de Etats­Unis stipulait, en effet, insurgés. Elles cachent aussi leurs sud et du nord du pays. sur les 400 criminels. Le départe­
LIBANAIS DE L’« EAST  cette crise, il y a quatre ou cinq ans, qu’avant de pouvoir commencer liens particuliers avec le monde Un cadre de la mission politique ment d’Etat s’est refusé à tout
on n’a pratiquement plus de com­ le dialogue inter­afghan devait, criminel. Car, dans un premier de l’ONU (Unama), à Kaboul, at­ commentaire. Le porte­parole du
VILLAGE », QUI HABITAIT  mandes à Beyrouth, explique l’ar­ notamment, être précédé par la temps, le gouvernement afghan a teste avoir eu vent de cette contre­ président afghan, Sediq Sediqqi,
UN DES APPARTEMENTS  chitecte. On n’a pas d’autre choix remise en liberté de 5 000 insur­ tenté d’éviter ce blocage en propo­ partie financière sans en avoir eu n’a pas souhaité s’exprimer sur
que de s’activer à l’international. » gés, en contrepartie de celle de sant de remplacer ces 400 noms li­ la preuve. « Quand j’en ai parlé avec l’existence d’une négociation fi­
DE CETTE TOUR Les ressources des habitants et le 1 000 membres des forces de sécu­ tigieux par 400 talibans véritables les autorités afghanes, elles ont re­ nancière entre les talibans et les fa­
concours de l’étranger, c’est tout rité. Selon les sources interrogées dormant encore dans les geôles fusé de donner des noms. » Pour lui, milles de criminels, mais il a pré­
 DE LOGEMENTS, ce dont dispose cette ville ruinée par Le Monde, de 570 à 592 déte­ afghanes. Face au refus du mouve­ cette démarche des insurgés peut cisé que cette Loya Jirga porterait
Y EST MORT, EMPORTÉ pour retrouver la beauté enchan­ nus, dont les noms figurent sur la ment insurgé, la communauté di­ également s’inscrire dans une po­ également sur « le type de paix vers
teresse qui fut un jour la sienne.  liste fournie par les talibans, doi­ plomatique occidentale a com­ litique clientéliste et pas seule­ laquelle elle veut aller ». 
PAR L’EXPLOSION isabelle regnier vent encore être libérés. Le souci, mencé à poser des questions sur ment de recherche de fonds. Il s’in­ jacques follorou
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SAMEDI 8 AOÛT 2020 international | 5

En Biélorussie, l’usure d’un régime autoritaire


Loukachenko devrait remporter l’élection du 9 août, alors que la vigueur de l’opposition a montré ses failles

A
Minsk, ce jeudi 6 août,
sur la place de L’Amitié
Depuis son
entre les peuples, les arrivée à la tête
Biélorusses voulaient
de l’espoir, sentir le souffle de la
du pays,
démocratie et applaudir, pour le « Batka »
son dernier meeting de campa­
gne, celle qui est devenue la figure
est resté le même
de proue de la lutte pour un Etat Des partisans quand
de droit, la candidate à l’élection de Svetlana
présidentielle du 9 août, Svetlana Tsikhanovskaïa
la population
Tsikhanovskaïa. participent changeait
A défaut de rêve, le chef d’Etat à un concert
leur a proposé des démonstra­ organisé par
tions de maîtres­chiens, une ex­ les autorités lisent également, a priori, l’appa­
position de matériel ferroviaire dans le centre­ rition de traîtres.
et, pour se sustenter, du porridge ville de Minsk, Il reste que le régime d’Alexan­
comme celui donné aux soldats. le 6 août, en dre Loukachenko est usé. Ce n’est
Soucieux de mettre un terme au brandissant plus contre une poignée d’acti­
vent de liberté à même d’embra­ le drapeau vistes − citadins épris des droits
ser les foules, le président Alexan­ blanc et rouge de l’homme − qu’il se bat, mais,
dre Loukachenko, à la tête du pays interdit par désormais, contre la majorité de
depuis plus de vingt­cinq ans, le régime la population. Ces « petites gens »
avait organisé des festivités pour du président que le blogueur Sergueï Tsikha­
célébrer les « troupes ferroviai­ Loukachenko. S novski, époux de Svetlana, était
res » à la même date et à la même ERGUEÏ GAPON/AFP allé sonder au printemps pour
heure que la manifestation de récolter leurs griefs à l’encontre
Svetlana Tsikhanovskaïa, annulée du chef d’Etat.
plus tôt dans la journée.
« La décision des autorités est ab­ Emergence des réseaux sociaux
solument illégale (…) mais nous Depuis son arrivée à la tête du
n’allons pas mettre les gens en pays, le « Batka » (« père ») est
danger », a expliqué l’équipe de resté le même quand la popu­
campagne de Mme Tsikhanovs­ lation changeait. Son discours,
kaïa, renonçant à son meeting. faisant redouter le spectre d’un
Prenant le chef d’Etat à son propre retour au chaos des années 1990
piège, la candidate a néanmoins tume, 80 % des suffrages ou sera­ ment leur accréditation. La ré­ fin au régime en place depuis plus s’il venait à partir, ne signifie
appelé ses soutiens à se joindre au t­il, cette fois­ci, plus modeste ? pression, intense, avant même
« Loukachenko d’un quart de siècle. Mais sur le rien pour la jeunesse née après la
concert organisé par les autorités, A qui oserait remettre en cause la tenue de l’élection, laisse peu semble même site du magazine BNE Intellinews, chute de l’URSS. L’émergence
réunissant plusieurs milliers de son sixième triomphe, et imagi­ de place au doute. Alexandre Lou­ le chercheur biélorusse Tadeusz des réseaux sociaux lui a fait per­
personnes, tandis que deux DJ nerait un « grand soir » biélo­ kachenko aura, une fois de plus,
prêt à déployer Giczan souligne, mercredi 5 août, dre le contrôle de l’information.
ont brièvement passé la chan­ russe, l’autocrate a déjà fait sentir recours à la force pour se mainte­ l’armée que « les révolutions qui ont réussi Enfin, son modèle économique,
son Changes de sa campagne, l’odeur de la poudre : « Vous nir au pouvoir. « Loukachenko dans l’espace post­soviétique visant à maintenir un secteur
avant d’être interpellés. Tout au avez oublié comment Karimov semble même prêt à déployer
contre ont une chose en commun. Ce ne public pléthorique et une agri­
long de cette journée, des mem­ [ex­président ouzbek] a mis fin au l’armée contre la population. Et la population » sont pas des manifestations de culture subventionnée, a ruiné
bres de l’équipe de la candidate et putsch d’Andijan en tuant des cen­ l’on sait tous ici que le premier masse qui ont provoqué l’effon­ le pays. Quant à la Russie, autre­
ZMICIER MICKIEWICZ
des militants ont été arrêtés à taines de personnes ? [la répres­ coup de fusil sera un point de drement du régime, mais la scis­ fois prête à financer le « pays
analyste au sein du Belarus
Minsk et en province. « Ces déten­ sion, le 13 mai 2005, avait fait non­retour », pense Zmicier sion au sein des élites. Ce n’est frère » sans réelle contrepar­
Security Blog
tions arbitraires et préventives vi­ des centaines de morts] (…) Nous Mickiewicz, analyste au sein du que lorsque les manifestants de tie, elle exige désormais une inté­
sent à empêcher les manifesta­ vous le rappellerons », avait­il Belarus Security Blog, un cercle rue ont été rejoints par les pre­ gration renforcée que la Biélo­
tions du 9 août lors de l’annonce lancé début juin. de réflexion consacré aux ques­ miers ministres d’hier, les maires russie refuse.
des résultats », pense Valentin tions de sécurité et défense. boda, mardi 4 août. En dépit des et les chefs de police, que les révo­ « Le régime d’Alexandre Louka­
Stefanovic, vice­président de Répression intense Les Biélorusses savent que se menaces, la candidate, qui ne re­ lutions ont abouti. » chenko est confronté à la crise la
l’ONG de défense des droits de Depuis le démarrage de la campa­ battre contre le chef d’Etat et ses vendique rien d’autre que de ren­ Jusqu’à présent, Alexandre Lou­ plus grave de son histoire (…) Dans
l’homme Viasna. gne, au printemps, plus de 1 300 siloviki, chargés de faire régner dre le pouvoir, sitôt élue, pour or­ kachenko a su empêcher l’émer­ les mois à venir, on verra si la
Après avoir vu sa rivale galvani­ personnes ont été arrêtées. Quel­ l’ordre, a un coût. Svetlana Tsikha­ ganiser des élections libres, a gence de ce genre de personnali­ combinaison de tous ces facteurs
ser des dizaines de milliers de per­ que 25 détenus sont considérés novskaïa, qui a lancé sa candida­ maintenu sa croisade. tés, tant au sein de l’aristocratie donnera lieu à une situation pro­
sonnes dans les villes comme comme des prisonniers politi­ ture pour remplacer son mari A trois jours de l’issue du scru­ politique que parmi les forces ar­ pice au renversement du pouvoir
dans les campagnes, l’autocrate ques. Pour la première fois depuis emprisonné, le blogueur Sergueï tin, nul ne sait si cette ancienne mées. « Ceux que l’on appelle en place, s’interroge Andreï Parat­
remet les choses au clair. Lors de 2001, aucun observateur de l’Or­ Tsikhanovski, n’ignore rien du traductrice d’anglais, épaulée par “l’élite” savent qu’ils ne sont là que nikau, dans une étude de l’Insti­
son discours comminatoire du ganisation pour la sécurité et la danger. A maintes reprises, celle Maria Kolesnikova et Veronica grâce à Loukachenko et que, s’il tut français des relations interna­
mardi 4 août, dans lequel il expli­ coopération en Europe (OSCE) n’a qui était encore, il y a quelques se­ Tsepkalo, représentant deux tombe, ils seront considérés dès tionales (IFRI) datée du mois
quait qu’il ne laisserait jamais le été autorisé à suivre l’élection, et maines, une mère au foyer, a autres candidats d’opposition le lendemain comme des crimi­ d’août. En attendant, la répression
pays lui échapper, Alexandre Lou­ des dizaines de journalistes étran­ pensé renoncer. « Nous disons que emprisonnés ou exilés (l’ancien nels », estime l’analyste Zmicier qui s’est abattue sur les contesta­
kachenko a fait clairement enten­ gers, accusés d’inciter à un nou­ nous voulons un nouveau prési­ banquier Viktor Babaryko et l’ex­ Mickiewicz. Les forces de sécurité, taires (…) a montré que la force res­
dre qu’il remporterait cette élec­ veau « Maïdan » − du nom de cette dent et le gouvernement nous ré­ diplomate Valery Tsepkalo), res­ divisées en une kyrielle d’orga­ tait la ressource la plus importante
tion, comme toutes les autres de­ révolution en Ukraine qui, pond qu’il y aura un “Maidan” », a­ tera dans les manuels d’histoire nisations (police, sécurité prési­ − et peut­être désormais la seule −
puis 1994. Seul un doute réside : en 2014, est parvenue à renverser t­elle déclaré, sur un ton désolé, comme la figure de la « révolu­ dentielle, armée, KGB), en se jau­ dont dispose l’autocrate. » 
s’octroiera­t­il, comme de cou­ le pouvoir − attendent désespéré­ lors d’un entretien à Radio Svo­ tion des femmes » qui aura mis geant les unes les autres neutra­ claire gatinois

Entre Moscou et Minsk, une complexe relation d’intérêts mutuels


Vladimir Poutine n’a pas réagi aux virulentes attaques d’Alexandre Loukachenko, dont il souhaite le maintien au pouvoir

moscou ­ correspondance en ami, Alexandre Loukachenko groupe militaire russe Wagner ar­ Biélorussie sont des alliés, les par­ mate européen, rappelant les ten­ questions internationales. Le pire
n’avait jamais jusque­là visé Mos­ rivés pour « déstabiliser la situa­ tenaires les plus proches », a in­ tatives passées du Kremlin d’inté­ des cas, c’est une révolution

F ace aux diatribes d’Alexan­


dre Loukachenko, Moscou
reste de marbre. Au fil de la
campagne électorale, le président
biélorusse est allé crescendo con­
cou avec tant de virulence. Il était
d’ailleurs encore le 24 juin au côté
de Vladimir Poutine sur la place
Rouge pour le défilé souvenir de la
grande guerre patriotique contre
tion en période de campagne élec­
torale ». Telle est l’explication des
médias au service d’Alexandre
Loukachenko qui, lui­même, a dé­
noncé une tentative d’organiser
sisté Dmitri Peskov.
Avec son gaz à bas prix, ses cré­
dits bancaires et autres subven­
tions, Moscou assure une survie
artificielle de son voisin. La moitié
grer la Biélorussie à la Russie :
« Son allié Loukachenko a l’habi­
tude de zigzaguer entre Europe et
Russie, surtout depuis 2016, avec la
libération des prisonniers politi­
comme Maïdan en Ukraine. Ce se­
rait non seulement la perte d’un al­
lié mais aussi un coup dur politi­
quement : si un changement de
pouvoir par la rue se révèle possi­
tre la Russie de Vladimir Poutine. le nazisme. Sous le soleil mosco­ « un massacre » à Minsk. « Invrai­ du PIB biélorusse dépendrait de la ques et la fin des sanctions. Si ces ble en Biélorussie, pays frère à la
Sur un ton guerrier, il a accusé le vite, il rayonnait de confiance semblable ! Le président veut en fait Russie, principale destination des élections se passent mal, avec frau­ mentalité post­soviétique, cela de­
grand frère d’être intervenu dans malgré de persistantes tensions se mettre en scène en protecteur de exportations des produits biélo­ des et maintien en prison des op­ viendrait envisageable en Russie.
la présidentielle pour déstabiliser depuis fin 2019 et l’échec de pour­ la nation face à une menace imagi­ russes non compétitifs sur le mar­ posants, Minsk ne pourra plus par­ Une vraie menace pour Vladimir
son régime. « Nous ne vous aban­ parlers sur les prix préférentiels naire », proteste Anatoly Lebedko. ché mondial. « Plutôt que d’inter­ ler avec l’Europe. Alexandre Louka­ Poutine, dont les élections ne sont
donnerons pas le pays. L’indépen­ des hydrocarbures russes vendus venir sur le terrain, Moscou a tout chenko sera donc contraint de se guère plus propres que celles
dance, ça coûte cher, mais elle en à la Biélorussie. Le Kremlin a le beau rôle intérêt à laisser pourrir la situation retourner vers Vladimir Poutine… » d’Alexandre Loukachenko. »
vaut le coût », a lancé Alexandre Un mois plus tard, mis en diffi­ A Moscou, l’heure est à la retenue. à Minsk », décode un haut diplo­ Une analyse largement partagée Autre scénario possible : un
Loukachenko mardi 4 août, lors culté par une inédite vague de Vladimir Poutine, qui entretient à Moscou : le Kremlin a aujour­ mouvement qui, comme en Ar­
de son discours à la nation. Il ci­ contestation à Minsk, Alexandre depuis des années une relation d’hui le beau rôle, regardant les ménie en 2018, a mené au pouvoir
blait clairement la Russie. Loukachenko est soupçonné de complexe avec son homologue choses se passer à Minsk, obser­ de nouveaux dirigeants. Cette
C’est un retournement pour vouloir regonfler sa popularité en biélorusse, entre amicales parties
Loukachenko est vant la montée de l’opposition et élite rajeunie à Erevan n’est pas
« Batka », comme on appelle le cherchant un ennemi pour se de hockey sur glace à Sotchi et né­ soupçonné de l’affaiblissement de son allié, afin antirusse, mais n’est plus en phase
président. Par le passé, le « père » montrer en père de la nation. « Il a gociations tendues au Kremlin de se retrouver ensuite en posi­ avec les dirigeants de Moscou. « Si
défiait les Occidentaux et se pré­ changé de cible, la Russie plutôt sur les livraisons de gaz, n’a pas
vouloir regonfler tion de force. « Le Kremlin a peu cela se répétait à Minsk, ce serait
sentait en « dernier rempart avant que l’Ouest. Il n’y a que contre Mos­ personnellement commenté les sa popularité apprécié les diatribes antirusses aussi une mauvaise nouvelle pour
Moscou ». Il a certes observé ce qui cou qu’il pouvait mener pareille attaques de Minsk. Son porte­pa­ d’Alexandre Loukachenko, mais il le Kremlin. Il perdrait ses repères »,
s’est passé en Crimée, annexée opération commando… », ironise role a démenti les accusations sur
en cherchant veut son maintien. Parce qu’il re­ affirme Andreï Kortounov. Malgré
par Moscou en 2014, puis dans Anatoly Lebedko, vétéran de l’op­ les 33 paramilitaires et, plus large­ un ennemi pour doute des scénarios pouvant se re­ leurs différends, Vladimir Poutine
le Donbass, et craignait que les position biélorusse. Allusion à ment, sur les velléités de déstabi­ tourner contre lui, prévient Andreï et Alexandre Loukachenko ont
Russes ne répètent en Biélorussie l’arrestation, le 29 juillet près de liser le voisin. « C’est évident que
se montrer en Kortounov, directeur du Russian appris à s’utiliser l’un l’autre. 
le scénario ukrainien. Mais, traité Minsk, de 33 « combattants » du ça ne peut être le cas : la Russie et la père de la nation Council, think tank russe sur les nicolas ruisseau
FRANCE
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C R I S E   S A N I TA I R E

Ile­de­France : le masque bientôt obligatoire
Les mesures de précaution devraient être étendues à la grande couronne pour « éviter un nouveau confinement »

B
lois, Tours, Lille, Toulouse,
Nice, Deauville, Epinal, ou en­
core Dinan… et bientôt Paris et
toute l’Ile­de­France. Déjà im­
posé dans plus de 1 000 com­
munes françaises, le port du
masque à l’extérieur va bientôt être rendu
obligatoire dans la capitale, la petite – et
peut­être la grande – couronne, du moins
dans certaines zones, a fait savoir la Préfec­
ture de police. Alors que cette protection
avait d’abord été présentée comme inutile,
l’obligation de la porter dans les lieux pu­
blics les plus fréquentés devient depuis quel­
ques semaines une des armes privilégiées
par les communes pour faire face à la propa­
gation du Covid­19.
La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo,
avait fait une demande en ce sens, mardi
4 août, auprès du préfet de police, Didier Lal­
lement. Après discussions, le représentant
de l’Etat a finalement décalé de quelques
jours la signature de l’arrêté prévu. Car plu­
tôt qu’une mesure cantonnée à la capitale,
l’Etat prépare une décision à l’échelle de l’Ile­
de­France. « Ce sera en principe pour la se­
maine prochaine, le temps que des discus­
sions aient lieu avec les préfets dans tous les
départements de la région », explique­t­on à
la Préfecture de police.
Toutes les rues de toutes les communes ne
seront pas concernées. Porter un masque ne
devrait devenir obligatoire à l’extérieur que
dans des zones jugées problématiques. Celles
où il y a souvent beaucoup de monde, des re­
groupements, parfois des fêtes, et où respec­ Sur la place du Trocadéro,
ter une distance d’au moins un mètre entre à Paris, le 3 août.
chaque personne se révèle impossible : les GONZALO FUENTES/REUTERS
rues étroites et commerçantes, les marchés,
le canal Saint­Martin ou les quais de Seine à
Paris, par exemple. Les préfets devraient fixer
un cadre global, indiquant la liste des types de
lieux visés, et laisser les maires ajuster les
mesures à la réalité de chaque commune. autres départements proches de la capitale identifié et faciliter la chasse aux clusters. La nuls pour autant, en particulier en cas de
sont touchés, comme la Seine­Saint­Denis, le Mairie prépare aussi de grandes campagnes forte promiscuité, comme sur certains mar­
TROISIÈME DÉPARTEMENT LE PLUS TOUCHÉ Val­de­Marne, le Val­d’Oise et l’Essonne. Glo­ de test, malgré le manque de personnes habi­ chés ou lors de fêtes.
« Imposer le masque là où il y a des rassemble­ balement, le taux de tests positifs dans la po­ litées à effectuer les prélèvements. Dans son dernier avis au gouvernement,
ments, nous y sommes favorables, approuve­ pulation demeure assez bas, mais deux fois daté du 27 juillet, le conseil scientifique ad­
t­on au siège de la région, présidée par Valérie plus important en région parisienne que MANQUE DE CERTITUDES met que la communauté médicale manque
Pécresse. Il faut tout faire pour éviter un nou­ dans le reste du pays. À PARIS, DEPUIS LE  En annonçant, le 31 juillet, qu’il laissait aux de certitudes concernant les modes exacts
veau confinement, et permettre la reprise éco­ « Il y a eu un infléchissement clair, constatait 25 JUIN, LE NOMBRE  préfectures la possibilité « d’étendre l’obliga­ de contamination, la « part relative de la
nomique. » A la Mairie de Paris, rendre le mas­ mardi Anne Souyris, l’adjointe chargée de la tion de port du masque aux lieux publics transmission gouttelette et aérienne », et
que obligatoire, non seulement dans les espa­ santé à la Mairie de Paris. C’est désolant, mais DE PERSONNES  ouverts, (…) en fonction de l’évolution de l’épi­ donc les mesures barrières à privilégier.
ces publics clos, le métro, le bus, mais aussi nous sommes au début d’une deuxième va­ démie dans chaque territoire », le ministre de Néanmoins, dans la mesure où le port du
certaines rues très passantes, donc réduire la gue. » A Paris et en banlieue, la résurgence de DIAGNOSTIQUÉES  la santé, Olivier Véran, a ajouté une arme à masque ne présente aucun danger et où il
liberté de chacun pour un gain difficile à éva­ la pandémie commence aussi à se sentir dans l’arsenal. Des dizaines et des dizaines de est peut­être efficace, le conseil se montre fa­
luer, n’a pas été une mesure facile à prendre. les passages en réanimation, qui augmentent
POSITIVES NE CESSE  communes ont demandé à l’utiliser, dans vorable à sa généralisation.
Mais les résultats des tests effectués quoti­ à nouveau. Un signe notable, même si, à ce DE CROÎTRE,  l’espoir d’endiguer le retour du virus et d’évi­ Dans leur avis, les scientifiques se montrent
diennement sont nets. Depuis le 25 juin, le stade, il reste de la place dans les hôpitaux. ter un reconfinement général ou local. dépités devant le relâchement des comporte­
nombre de personnes diagnostiquées positi­ Face à une telle situation, les élus d’Ile­de­ PASSANT DE 5,5 À  Cette mesure politiquement spectaculaire ments depuis la fin du confinement. Ils sug­
ves au cours de sept jours écoulés n’a cessé France comme d’ailleurs ne veulent surtout est­elle pour autant utile sur le plan sani­ gèrent de recourir à la fois à la pédagogie et à
de croître, passant de 5,5 pour 100 000 habi­ pas se retrouver accusés d’avoir vu la vague PLUS DE 30 POUR  taire ? A l’air libre, les gouttelettes qui trans­ la contrainte. « L’obligation du port du masque
tants à plus de 30 pour 100 000 habitants au arriver sans rien faire. Dans la capitale, on vé­ 100 000 HABITANTS portent le virus se dispersent, surtout s’il y a dans les lieux publics clos est une mesure qui
2 août. Presque six fois plus. La hausse est rifie donc les stocks de masques, de blouses, un peu de vent. Les risques de transmission pourrait être étendue à l’ensemble des lieux
particulièrement vive depuis le 25 juillet. de charlottes, pour éviter une nouvelle pénu­ de la maladie sont donc bien plus réduits publics », écrivent­ils. Une nouvelle applica­
Selon ce critère, Paris est devenu le troi­ rie. On incite les cafés et les restaurants à de­ qu’en milieu clos. Presque vingt fois plus fai­ tion du principe de précaution, à laquelle
sième département le plus atteint de France, mander leurs coordonnées aux clients, pour bles, selon une étude publiée par une équipe souscrivent de plus en plus de maires. 
derrière la Guyane et la Mayenne. Plusieurs qu’ils puissent être contactés si un malade est japonaise en avril. Ils ne sont sans doute pas denis cosnard

L’éducation nationale publie un protocole sanitaire assoupli


Pour ne pas entraver le retour de tous les élèves en septembre, la distanciation physique ne sera pas toujours exigée dans les classes

E n toute discrétion, fin


juillet, la dernière version
du protocole sanitaire de
rentrée applicable dans les écoles
et les établissements scolaires a
dernière d’ici la rentrée », ajoute­
t­on rue de Grenelle.
Le mot d’ordre de ce protocole
est clair : assouplir les règles,
comme souhaité par le Haut Con­
lité des élèves », précise le proto­
cole. Une règle valable également
dans tous les autres espaces clos :
ateliers, bibliothèques, réfectoi­
res, cantines, internats, etc. Dans
En contrepartie de ces assou­
plissements, le masque sera obli­
gatoire pour les élèves de plus de
11 ans dans les espaces clos
comme à l’extérieur « lorsque la
les pour faire face à l’épidémie.
Tous les autres professeurs
devront l’arborer sauf s’ils se
tiennent à une distance d’au
moins un mètre des élèves en
Autre changement de taille,
concernant le nettoyage des lo­
caux et matériels : à la rentrée, l’ac­
cès aux jeux, aux bancs et espaces
collectifs extérieurs sera autorisé.
été mise en ligne par le ministère seil de la santé publique dans un les cours de récréation et autres distanciation d’un mètre ne peut école élémentaire, en collège et Le protocole permet « la mise à dis­
de l’éducation nationale. avis rendu le 7 juillet. L’objectif est espaces extérieurs, la distancia­ être garantie et qu’ils sont placés en lycée. « Nous disposons de position d’objets partagés au sein
Le document de sept pages, qui simple : rien ne doit entraver une tion physique ne s’appliquera pas face à face ou côte à côte », ce qui masques en nombre suffisant d’une même classe ou d’un même
n’a fait l’objet d’aucune commu­ reprise des cours pour la totalité non plus. correspond à la configuration jusqu’au 31 décembre », indique­ groupe constitué (ballons, jouets, li­
nication officielle auprès du des élèves au mois de septembre. d’une immense majorité de clas­ t­on au ministère. Selon le vres, jeux, journaux, dépliants réu­
grand public, a été transmis aux Une gageure alors que de nom­ Pas de masque en maternelle ses lorsque tous les élèves sont protocole, seuls les enseignants tilisables, crayons, etc.) ». Une in­
recteurs d’académie dès le breux parents se sont interrogés De même, la limitation du bras­ présents. peuvent bénéficier de ces stocks, connue demeure : le texte ne pré­
20 juillet, précise au Monde le mi­ et s’interrogent encore sur les ris­ sage entre classes et groupes d’élè­ Du côté des personnels, la les élèves devant s’équiper par cise pas dans quelles conditions se
nistère. Il est étrangement daté ques encourus par leurs enfants. ves n’est plus obligatoire même si nouvelle version du protocole sa­ leurs propres moyens. Néan­ prendront les repas à la cantine,
du 9 juillet, « date à laquelle les Dans les salles de classe, la dis­ « les arrivées et départs sont parti­ nitaire exempte les enseignants moins, le ministère dotera cha­ un lieu où les élèves de collège et
discussions ont repris avec les tanciation physique n’est plus culièrement étudiés pour limiter en maternelle du port du mas­ que collège et lycée en masques lycée enlèveront leurs masques
autorités sanitaires. A moins d’un obligatoire lorsqu’elle n’est « pas au maximum les regroupements que, une disposition prise en « grand public » qui pourront être sans que la distanciation d’un mè­
brutal changement de contexte sa­ matériellement possible ou qu’elle d’élèves et/ou de parents », souli­ application d’un décret du fournis aux élèves qui n’en tre soit forcément possible. 
nitaire, cette version devrait être la ne permet pas d’accueillir la tota­ gne le document ministériel. 27 juillet sur les mesures généra­ disposeraient pas. soazig le nevé
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REPORTAGE LES CHIFFRES
laval et mayenne ­ envoyée spéciale

O
n est des pestiférés,
même les Belges ne 7 565
veulent plus de C’est le nombre de nouveaux cas
nous », lâche, gogue­ confirmés en France métropoli-
nard, Gérard Charlot, 72 ans. On taine, enregistrés la semaine du
en plaisante, mais seulement à 27 juillet au 2 août, selon le der-
moitié, devant le bus itinérant de nier bulletin épidémiologique de
dépistage du Covid­19, au pied de Santé publique France. L’ensem-
la maison de quartier d’Hilard, à ble des indicateurs montre que
Laval, où une trentaine de la transmission de l’infection au
Mayennais attendent pour se Covid-19 « progresse et s’intensi-
faire passer le « Coton­Tige dans fie », indique l’agence.
le nez » (test PCR) ce mardi 4 août. Au niveau national, le taux d’in-
Quelques jours plus tôt, la Belgi­ cidence (nombre de nouveaux
que a inscrit leur département sur cas rapportés à la population),
sa liste rouge des destinations in­ est lui aussi en hausse, avec
terdites, pour cause de Covid. Une 12 cas pour 100 000 habitants.
énième manifestation de la « stig­ En métropole, pour 21 départe-
matisation » qu’ils disent être ments, il est supérieur au seuil
nombreux à ressentir, depuis que de vigilance fixé à 10, les plus
la Mayenne a vu certains de ses in­ élevés étant enregistrés en
dicateurs épidémiques s’emballer, Des explications sont Mayenne (48), à Paris (31), en
au début de l’été. Voilà cinq semai­ données sur le déroulé Seine-Saint-Denis (28), dans le
nes que ce territoire de du dépistage, à l’accueil Val-de-Marne (28) et en Haute-
300 000 habitants se retrouve d’un centre de tests, à Savoie (27). La Guyane et
confronté à un brusque rebond du Mayenne, le 4 août. THIERRY Mayotte restent quant à eux
nombre de nouveaux cas positifs PASQUET/SIGNATURES POUR « LE MONDE » classés en niveau de vulnérabi-
– 1 200 depuis le 13 mai. Une accélé­ lité élevé.
ration « exponentielle », à la lecture
des bulletins de l’agence régionale
de santé (ARS) Pays de la Loire,
+ 45 %
scrutés avec de plus en plus d’in­
quiétude, semaine après semaine.
Une accalmie se dessine pour la
première fois : le « taux d’inci­
En Mayenne, l’expérience L’augmentation de l’incidence
concerne toutes les classes
d’âge mais est plus marquée

amère du rebond épidémique


dence », c’est­à­dire le nombre de chez les 15-44 ans (+ 45 %), et
personnes positives au Covid­19 notamment chez les jeunes
pour 100 000 habitants sur adultes de 20-30 ans. « L’aug-
sept jours, a fondu de plus de la mentation de l’incidence étant
moitié, d’après les dernières don­ plus importante que l’augmenta-
nées de Santé publique France du Malgré une baisse de l’incidence du SARS­CoV­2, la Mayenne reste tion du nombre de personnes dé-
jeudi 6 août. Il s’élève désormais pistées, elle reflète une augmen-
à 48, contre 126,1 la semaine pré­ le seul département métropolitain en « vulnérabilité élevée » tation réelle de la circulation
cédente. Le département de­ virale, que ce soit chez les cas
meure le seul de métropole à être symptomatiques ou chez les cas
classé en « vulnérabilité élevée », asymptomatiques », insiste Santé
mais il est enfin passé sous le couverte de masques FFP2 péri­ feu de paille. Mais, en plus, on n’en blissement. Comment l’expli­ publique France.
seuil d’alerte (fixé à 50 par les més depuis dix ans, destinés aux CETTE CRISE A  est pas capable, il faudrait des mois quer ? Le dépistage à grande
pouvoirs publics). testeurs, retarde de plus d’une UNE DIMENSION  pour tester tout le monde. » A la échelle a changé la donne : « Il y a
heure les premiers prélèvements. suite d’un échange avec les autori­ plus de cas asymptomatiques ou 5 162
Le virus circule toujours A une trentaine de kilomètres PARTICULIÈRE : SI LE  tés belges, il a bon espoir de sortir peu symptomatiques parmi les C’est le nombre de personnes
Le taux de positivité (nombre de plus au nord, dans la petite ville de leur liste rouge dans les pro­ cas positifs », décrit­elle. Des hospitalisées au 4 août, dont
cas positifs pour 100 personnes de Mayenne, le centre de dépis­ NOMBRE DE CAS POSITIFS  chains jours. contaminations qui existaient 388 en réanimation. Après une
testées), qui a pu frôler les 10 % dé­ tage qui vient tout juste d’ouvrir, « Ce n’est pas le moment de polé­ peut­être avant, mais qui ne ren­ tendance à la diminution les se-
but juillet, a fortement diminué le 1er août, dans une salle polyva­
A EXPLOSÉ, L’HÔPITAL NE  miquer, mais de se coordonner et traient pas sur les radars. maines précédentes, le nombre
depuis plusieurs semaines déjà – lente, compte trois lignes pour ac­ S’EST PAS POUR AUTANT  de tout faire pour faire baisser la « Plus de pédagogie » de la part de nouvelles hospitalisations
il se situe à 1,4 %, soit un chiffre cueillir les volontaires. Une seule circulation du virus », estime de de l’ARS n’aurait pas été de trop, s’est accru (778 la semaine du
qui correspond à la moyenne de est nécessaire, le 4 août en début RETROUVÉ SOUS TENSION son côté le maire divers gauche de juge la praticienne : « Un matin on 27 juillet au 2 août, contre 749 la
la région. Douze malades sont ac­ d’après­midi, dans cette partie du Laval, Florent Bercault. Même se réveille, on entend qu’on va tes­ semaine précédente). Le nom-
tuellement hospitalisés à Laval, département moins touchée par sentiment chez le maire socialiste ter 300 000 Mayennais, tout le bre hebdomadaire de nouvelles
dont deux en service de réanima­ le virus. C’est d’abord « pour se autour d’une circulation plus de la ville de Mayenne, Jean­ monde s’est dit : “Ça y est, le Covid admissions en réanimation est,
tion. Une tendance à la baisse rassurer » qu’on y vient. Par large du virus, d’aucuns craignant Pierre Le Scornet : « Il ne faut pas revient, et c’est en Mayenne.” » Si lui aussi, en légère augmenta-
« plus favorable », a soufflé le di­ « peur », lâche Marie­Thérèse, de voir se reproduire un scénario brouiller le message auprès de la elle comme l’ensemble des ac­ tion (105 contre 85 la semaine
recteur de l’ARS, Jean­Jacques 82 ans, qui a interdit à ses deux « à la Mulhouse », l’un des pre­ population, on a besoin d’encou­ teurs de la santé appellent à tou­ précédente).
Coiplet, défendant un « plan d’ac­ fils de région parisienne de venir miers foyers majeurs de contami­ rager le plus grand nombre à se jours plus de vigilance, toute
tion » qui va « dans le bon sens », la voir depuis la crise sanitaire. Le nation en France. faire tester. » comparaison avec Mulhouse lui
lors d’un point presse, le 4 août. docteur de sa voisine vient de re­ La réponse s’est voulue massive, paraît exclue : « Chez nous, c’est
Les rassemblements de plus de commander à cette dernière de dans le cadre de la stratégie désor­ « Plus de cas asymptomatiques » une microvaguelette. » « On a sur­
dix personnes ont été interdits faire le test, elle a voulu faire de mais connue « tester­tracer­iso­ Le débat est d’autant plus com­ tout eu le malheur d’être les pre­
dès le 27 juillet, tandis que le port même. Robert Fleury, 70 ans, veut ler ». Décision est prise dès le plexe que cette crise a une dimen­ miers à faire “bip”, en dépassant
du masque obligatoire s’applique aussi en avoir le cœur net, avant 6 juillet et déployée en quelques sion particulière : si le nombre de les taux des indicateurs détermi­
dans 69 communes du départe­ d’aller voir sa mère en Ehpad. jours, pour un dépistage élargi des cas positifs a explosé, l’hôpital ne nés après la première vague »,
ment, depuis lundi. Pas question « Cela fait partie de nos devoirs, Mayennais. Au total, 41 457 tests s’est pas pour autant retrouvé constate­t­elle. 
néanmoins de crier victoire : « Il pour ne pas mettre en danger les ont eu lieu, d’après le préfet Jean­ sous tension. Au plus fort de la camille stromboni
faut rester extrêmement prudent, autres », abonde Clémentine Hue, Francis Treffel : « C’est exception­ crise de juillet, à l’hôpital de Laval
on n’est pas à l’abri d’un rebond, 19 ans, Rennaise en vacances nel », dit­il, louant la mobilisation qui centralise l’accueil des pa­
insiste le responsable. Au moin­ dans la famille de son copain. générale. Une stratégie « ni alar­ tients « Covid » du département,
dre relâchement, ça peut repartir miste ni laxiste », a tenu à préciser douze personnes étaient hospita­
très vite. » Un reconfinement est Clusters importants le directeur de l’ARS, Jean­Jacques lisées dans le service de médecine

DE CAUSE
une « hypothèse exclue tout à fait Comment la Mayenne s’est­elle Coiplet, le 4 août. polyvalente, rapporte la médecin
à ce stade », a rassuré le préfet, retrouvée dans cette situation, Quelques jours plus tôt, le prési­ interniste, Noémie Gaudré. C’était
Jean­Francis Treffel. sous les feux des projecteurs ? dent du conseil départemental, la semaine dernière, aucun n’était

À EFFETS.
Le retraité Gérard Charlot est Alors que tous les indicateurs Olivier Richefou (UDI), a jeté un en réanimation (contre une quin­
venu se faire tester « au cas où », étaient au vert à la fin juin, dans froid : l’ARS en a­t­elle fait trop ? zaine durant la première vague de
parce qu’il fréquente « pas mal de ce territoire peu touché lors de la L’élu a accusé l’agence de « stigma­ mars). « On envisageait d’ouvrir
© Radio France/Ch. Abramowitz

personnes âgées ». Le dépistage est


gratuit et sans prescription, dans
première vague, le nombre de cas
positifs s’est mis tout d’un coup à
tiser » son département avec des
« chiffres alarmistes », qui ne reflè­
des lits dans les autres hôpitaux du
territoire, raconte­t­elle, mais cela
Le magazine de
ce bus déployé aux pieds des im­ doubler, de semaine en semaine. tent pas la « réalité sanitaire ». n’a pas été nécessaire, avec la dimi­ l’environnement
meubles de plusieurs quartiers Des clusters importants sont ap­ « Cette stigmatisation, on en souf­ nution de quelques patients inter­
par la mairie. « On en a fait beau­ parus : d’après l’ARS, ils se sont fre, dit encore aujourd’hui Olivier venue ces derniers jours. »
coup sur la Mayenne, il faut toutes concentrés, aux deux tiers, dans Richefou, qui souligne la déser­ C’est l’une des découvertes de
proportions gardées », insiste der­ les entreprises de traitement de la tion de son département par les cette crise : « On est sur des chiffres Chaque
rière lui, un voisin, venu se faire viande – les abattoirs sont nom­ touristes. Mais en plus, elle est in­ qui n’ont rien à voir avec la pre­ samedi
tester à son retour de vacances. Si breux dans la région –, ainsi que juste. » Le « thermomètre » du taux mière vague », dit la jeune femme,
peu font part de symptômes, cha­ dans des structures accueillant d’incidence n’est pas le bon, juge­ à propos du rapport entre la part
8H05-9H00
cun a son anecdote de situations des publics précaires, notam­ t­il : « Il ne tient pas compte du de cas positifs et celle des cas gra­ Aurélie
malheureuses, entre cet ami qui a
vu son véhicule dégradé dans une
ment des foyers d’hébergement
pour demandeurs d’asiles. Des
nombre de tests, et forcément, plus
on teste, plus on a de cas. » Pour lui,
ves qui arrivent à l’hôpital. Là où
20 % des personnes comptabili­ Luneau
autre région, cet autre dont la loca­ populations de travailleurs ou de la stratégie de tests tous azimuts, sées comme contaminées au
tion de vacances a été refusée, et précaires vivant souvent dans la au­delà des clusters, n’a pas de Covid­19 arrivaient à l’hôpital du­
tous ces Mayennais qui tentent de promiscuité, dans des lieux où les sens : « Cela laisse entendre que rant la crise de mars, dont 5 % en En partenariat
changer leur plaque d’immatricu­ gestes barrières sont plus diffici­ tous les Mayennais seraient por­ réanimation, l’ordre de grandeur avec
L’esprit
lation avant de partir… lement respectés. teurs potentiels du virus, et surtout est cette fois­ci de 4 % pour l’hos­ d’ouver-
Sur la dalle du quartier d’Hilard, Mais très vite, la découverte de que le virus se limiterait aux fron­ pitalisation, et de 0,5 % pour la
le sort s’acharne un peu, au pays plusieurs cas non reliés aux clus­ tières d’un département, déplore­ réanimation, d’après les calculs ture.
de la « douceur de vivre » : la dé­ ters a fait monter l’inquiétude t­il. On a sorti un Canadair pour un sur le mois de juillet dans son éta­
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Dans le Sud­Ouest, éviter le virus « à tout prix »


Fermeture des plages la nuit, campagnes de tests… La région, peu touchée par le Covid­19, agit pour le rester

REPORTAGE front et deux jolies filles à ses cô­


tés. L’une d’elles tient dans ses
biarritz et hossegor ­
envoyée spéciale
mains une grande bouteille de
soda en plastique contenant un

I
l est 21 h 30 lorsqu’une voix mélange de vodka et de jus
retentit dans le haut­parleur : d’orange. Ici, sur le sable de « la
« Pour des raisons sanitaires, Centrale », très prisée des mi­
les accès aux plages de Biar­ neurs, quasiment personne ne
ritz sont désormais interdits de porte de masque, personne ne
22 heures à 6 heures. » Les centai­ respecte les mesures de distancia­
nes de personnes assises par peti­ tion sociale et tout le monde s’al­
tes grappes sur le sable de la coolise, malgré l’interdiction. Un
grande plage, située au cœur de la vrai défi pour les autorités.
station balnéaire basque, tendent
l’oreille mais ne bougent pas. Fêtes clandestines
Nous sommes le mardi 4 août, Dernière mesure en date : désor­
une douzaine de policiers natio­ mais, à 2 h 30, les agents de sécurité
naux et municipaux sont postés privée font évacuer la plage. « En
devant l’escalier principal, au pied juillet, il pouvait y avoir environ
du Casino, prêts à faire respecter 1 500 jeunes sur la plage tous les
le nouvel arrêté municipal. Un soirs, depuis, leur nombre a consi­
quart d’heure plus tard, le mes­ dérablement réduit », raconte An­
sage est de nouveau diffusé. A thony Pronier, chef de mission au
21 h 55, les vacanciers remballent sein de la société SIS sécurité. Ce
d’eux­mêmes rosé et chips. Les soir­là, ils ne sont pas plus de 300.
forces de l’ordre ferment les bar­ Bémol, à Biarritz comme à Hos­
rières. Dans le calme. A 22 h 05, la segor, les fêtards déçus se replient
plage est déserte. dans les maisons et appartements
privés. Les appels pour tapages
« Grande fraveur » nocturnes ont doublé par rapport
Le Sud­Ouest est l’une des régions à la même période en 2019 sur
« les moins impactées » depuis le toute la zone du grand Dax par
début de la crise sanitaire liée au exemple, dans les Landes, qui
Covid­19, selon l’agence régionale compte 150 communes et 70 kilo­
de santé (ARS) de Nouvelle­Aqui­ mètres de plage. Quant aux fêtes
taine. Et il compte bien le rester. Des policiers lors de la fermeture de la grande plage, à Biarritz, le 4 août. GAIZKA IROZ/AFP clandestines, sur les plages ou
Alors que les aoûtiens déferlent dans les forêts de pins, elles se
sur la côte basco­landaise, élus, multiplient et occupent beaucoup
collectivités, commerçants, servi­ la semaine précédente. Biarritz – à 50 personnes sur les places du renfort pour faire respecter les les services des renseignements
ces de l’Etat et forces de l’ordre re­ 26 000 habitants l’année, « EN JUILLET, IL POUVAIT Y  centre­ville. consignes tous les soirs de territoriaux qui font un travail de
doublent de vigilance. Port du 100 000 l’été – ne compte actuel­ AVOIR 1 500 JEUNES  Un peu plus au nord, dans les 22 heures à 7 heures. Debout de­ veille sur les réseaux sociaux.
masque obligatoire dans certai­ lement aucun cas. Et aucune hos­ Landes, impossible de fermer les vant l’escalier principal menant à Une situation que Laurent Pey­
nes rues, traque aux fêtes clan­ pitalisation liée au coronavirus AGGLUTINÉS LA NUIT SUR  plages. Elles s’étirent de manière la plage Centrale, ils font ouvrir rondet, maire MoDem de Laca­
destines, fermeture des plages la depuis le début du confinement, ininterrompue sur plus de 100 ki­ les sacs à dos et « invitent » les con­ nau (Gironde), veut éviter. A con­
nuit, gel hydroalcoolique dans les selon la municipalité, à part quel­ LA PLAGE. C’EST TROIS  lomètres. Parmi les spots les plus trevenants à rebrousser chemin tre­courant, il a pris la décision de
magasins, campagnes de tests de ques patients transférés du fréquentés, la place des Landais, à ou à vider leurs bouteilles dans maintenir son programme évé­
dépistage (38 000 cette semaine, Grand­Est. « Nous avons échappé
FOIS PLUS QUE LES  Hossegor (3 600 habitants l’an­ un grand container positionné à nementiel, soit 46 concerts sur le
30 000 la semaine précédente, se­ à la première vague, nous faisons ANNÉES PRÉCÉDENTES » née, environ 45 000 l’été), qui proximité. Une stratégie de dis­ front de mer entre les mois de
lon la préfecture de Nouvelle­ tout pour échapper à la seconde, abrite onze débits de boissons sur suasion avant tout, les plus moti­ juillet et août. La municipalité a
Aquitaine)… A Bayonne, Biarritz, lance la maire LR, Maïder Arosté­ OLIVIER MARTINEZ le front de mer. Pour tenter de con­ vés n’ont que quelques mètres à choisi de « contrôler » les festivi­
Anglet, Mimizan ou encore Hos­ guy, qui a également imposé le commissaire de Biarritz tenir les grands rassemblements parcourir pour trouver un autre tés plutôt que de les interdire : pas
segor, les mesures de précaution port du masque dans les rues les spontanés sur le sable, le maire a escalier, sans planton celui­là. « Le plus de 300 personnes dans l’es­
se multiplient pour éviter « à tout plus fréquentées. On observe avec pris un arrêté obligeant le port du filtrage hermétique est impossi­ pace concert, distributions de
prix » une propagation du virus, une grande frayeur tous les mou­ plage, c’est trois fois plus que les masque dans certaines zones à ble », souligne la chef d’escadron masques et de gel hydroalcooli­
jusque­là très contenu. vements de population, alors chez années précédentes », raconte le partir du 5 août (il est déjà obliga­ de gendarmerie Bénédicte Pon­ que aux entrées, agents de sécu­
L’ARS recense sept foyers nous, on mise sur la prévention, on commissaire de Biarritz, Olivier toire sur les marchés depuis mi­ tiès, qui chapeaute la zone. rité privé en renfort de la police
aujourd’hui, dont cinq dans la prend les devants. » Martinez. En deux jours, il a déjà juillet) et un autre interdisant la Le Covid­19, Bastien (le prénom municipale. Et 600 tests réalisés
zone de Bordeaux, et 182 patients Au mois de juillet, « il pouvait y observé une « forte décrue », se détention et le transport d’alcool. a été modifié) « s’en fout ! ». « Je n’y chaque jour. Budget pour la
testés positifs entre le 20 et le avoir des pics de 1 500 jeunes ag­ félicite­t­il, tout en constatant un Quatre agents d’une société de pense pas », dit­il. Il a 16 ans, une mairie : 30 000 euros. 
26 juillet, en hausse par rapport à glutinés la nuit sur la grande « léger déport » de groupes de 30 sécurité privée ont été appelés en grande mèche qui lui barre le louise couvelaire

Entre gommettes et éprouvettes, le circuit des tests à Roissy


S’ils ne justifient pas d’un test négatif au Covid­19, les voyageurs en provenance de certains pays classés « rouges » sont testés à leur arrivée

L a mine fatiguée, en plein


décalage horaire. Les pas­
sagers qui débarquent du
vol Detroit­Paris, aux alentours
de 8 heures ce mercredi 5 août,
résidence dans l’Hexagone sont
autorisés à atterrir sur le
territoire.

« C’est normal de le faire »


rendre visite à leur famille. « Les
centres de dépistage étaient fer­
més le week­end. Comme les délais
de validité exigés sont très courts,
nous avons dû décaler notre vol »,
passagers dans l’aéroport », expli­
que Raphaël Taravella, coordina­
teur régional du contrôle
sanitaire aux frontières.
Une fois ce premier tri effectué,
sur la tête et équipée de gants
qu’elle change à chaque prélève­
ment, cette étudiante infirmière
s’est portée volontaire pour effec­
tuer les dépistages. « Je trouve cela
fectées peuvent donc circuler sur
le territoire sans craindre de
poursuites. Seul un refus d’effec­
tuer un test mène à une mise en
quarantaine forcée, ordonnée par
ressemblent à n’importe quel Les passagers du vol Detroit­Pa­ regrette­t­elle. Malgré cela, im­ ceux dépourvus de test sont diri­ important d’apporter mon aide », arrêté préfectoral. Chacun reste
voyageur. Mais, crise sanitaire ris doivent donc passer par la possible de se faire dépister dans gés vers un circuit les menant jus­ estime­t­elle. Les tests étant de donc responsable de ses actes,
oblige, certains d’entre eux vont case dépistage, ou bien justifier leur pays de départ. Mère et fille qu’aux box de prélèvement, où ils type PCR, les prélèvements se font une fois sur le sol français. « Notre
être soumis à des tests de d’un test négatif réalisé moins de sont donc invitées à suivre une doivent d’abord remplir un for­ par voie nasale, à l’aide d’une lon­ objectif, avec ces tests, est de casser
dépistage du Covid­19 dès leur soixante­douze heures avant file de passagers dans le même mulaire. « On nous demande de gue tige. Celle­ci est ensuite placée les chaînes de transmission le plus
sortie de l’avion, à l’aéroport de leur vol, comme l’exige le minis­ cas, comme Pierre, qui arrive de renseigner nos nom, prénom, dans une éprouvette, arborant un vite possible », explique l’Agence
Roissy­Charles­de­Gaulle. tère de l’intérieur. Chacun Bombay, en Inde. Sachant qu’il adresse et numéro de Sécurité so­ code­barres, le même que celui du régionale de santé (ARS).
Annoncé par le premier minis­ adopte une stratégie différente. Il pouvait effectuer la démarche à ciale, ainsi que notre numéro de formulaire rempli par le voya­ Les aéroports ont été aux pre­
tre, Jean Castex, vendredi y a les prévoyants, comme Anas­ Paris, il a préféré s’éviter des com­ vol », énumère Magalie, rentrée geur, qui permettra au laboratoire mières loges de la propagation du
24 juillet et effectif depuis tasia (les personnes dont seul le plications : « C’était plus simple et de Miami avec son compagnon et d’analyse d’identifier chaque pa­ virus depuis janvier, quand les
samedi 1er août, ce dispositif teste prénom apparaît n’ont pas sou­ gratuit, résume­t­il. C’est normal sa fille. Ces informations sont né­ tient et d’envoyer les résultats cor­ voyageurs en provenance de cer­
entre 500 et 1 000 personnes par haité donner leur nom), qui ré­ de le faire, si cela n’avait pas été cessaires pour pouvoir consulter respondants. taines provinces de Chine étaient
jour. side à Washington. Elle et son possible et obligatoire en France, je les résultats, par SMS ou en ligne. invités à faire prendre leur tempé­
Le dépistage est obligatoire compagnon sont parvenus à se l’aurais fait avant. » Les formulaires sont ensuite « Casser les chaînes » rature. « J’ai l’impression que c’était
pour toutes les personnes issues faire tester avant d’embarquer : Dès leur arrivée, les voyageurs transmis à des agents de la pro­ « Nous conseillons aux passagers il y a mille ans ! », note un agent.
des pays classés « rouges », au « Nous savions qu’il fallait justi­ sont séparés en deux files. D’un tection civile, qui scannent les de rester chez eux jusqu’au résultat Aujourd’hui, l’ARS et l’ensemble
nombre de seize pour l’instant : fier d’un test à l’aéroport, expli­ côté, les passagers munis d’un ré­ passeports. Les papiers se voient de l’analyse », au maximum qua­ du personnel des aéroports gar­
Afrique du Sud, Algérie, Bahreïn, que­t­elle. Mais aux Etats­unis, sultat négatif : les agents de l’aé­ attribuer une gommette bleue. rante­huit heures après le test, in­ dent un œil sur la liste des pays
Brésil, Emirats arabes unis, avec le système de santé qui est roport de Roissy collent une gom­ Les voyageurs accèdent finale­ dique François­Xavier Volot­De­ classés « rouges », évolutive. Alors
Etats­Unis, Inde, Israël, Koweït, très complexe, c’était difficile d’y mette verte sur leur passeport, ils ment à la salle de prélèvement, di­ launay, directeur général adjoint que des médecins émettaient ré­
Madagascar, Oman, Panama, accéder. Nous avons donc anti­ peuvent alors passer le poste­ visée en dix box. « Je vais vous in­ de la protection civile. cemment des inquiétudes sur la
Pérou, Qatar, Serbie et Turquie. cipé, pour être sûrs d’être dépistés frontière. De l’autre, les person­ troduire quelque chose dans le En cas de résultat positif, les sécurité sanitaire dans ces lieux de
Les frontières avec ces Etats étant juste avant de partir. » nes qui devront se faire tester. nez », prévient Sophie avant de porteurs du virus sont invités à transit, la vigilance reste plus que
fermées, seuls les Français ou les Caroline Levet, elle, vit en Flo­ « Nous essayons de ralentir le tester un patient. En combinaison entrer en quarantaine. Mais rien jamais de mise. 
personnes justifiant d’une ride avec sa fille. Elles viennent moins possible le déplacement des blanche, masquée, une charlotte ne les y oblige. Des personnes in­ mailis rey­bethbeder
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SAMEDI 8 AOÛT 2020 france | 9

La médecine de
ville ne veut pas
revivre la pénurie
de masques
Les professionnels de santé libéraux
s’inquiètent de la fin, début octobre,
de la distribution des équipements
de protection issus des stocks d’Etat

L
e courriel, adressé par la moment donné on se trouve en
direction générale de la rupture, or il est très clair qu’on va
santé (DGS), est arrivé devoir travailler avec ces équipe­
dans la boîte de récep­ ments pendant plusieurs mois
tion des professionnels de santé voire plusieurs années », avance
libéraux vendredi 31 juillet en fin Jacques Battistoni, président de
de journée. Il leur annonce la MG France, le premier syndicat de
« fin du dispositif de distribution généralistes, averti il y a quinze Une pharmacie au Perreux­sur­Marne (Val­de­Marne), le 4 mai. BERTRAND GUAY/AFP
des masques et équipements de jours de cette décision.
protection individuelle » (EPI),
programmée la semaine du « Décision unilatérale » contactée par Le Monde. De nom­ travailler », s’inquiète un chirur­ che arrière et procéderont de nou­
28 septembre au 4 octobre. Autre­ Dans son courrier, la DGS ne pré­ breux professionnels de santé li­ gien­dentiste de Freyming­Merle­ « ALORS QU’ON VOIT  veau à des distributions.
ment dit, la suspension des dota­ cise aucune donnée chiffrée sur béraux font cependant état de dif­ bach (Moselle), qui reçoit, pour lui L’échéance de début octobre est
tions hebdomadaires issues des les quotas que devrait constituer ficultés d’approvisionnement et son assistante, 24 masques
L’ÉPIDÉMIE REDÉMARRER,  encore à ce stade « un horizon de
stocks d’Etat qui avaient été mi­ chaque ordre de santé concerné. auprès de leurs grossistes encore FFP2 par semaine. QUE TOUT LE MONDE travail qui évolue pour prendre en
ses en œuvre au cours des pre­ « Les acteurs de santé ont des be­ prégnantes à l’heure actuelle. « Est­ce qu’il va falloir qu’on pré­ compte les difficultés remontées
mières semaines de l’épidémie soins différents selon les profes­ Si la plupart arrivent désormais voie aussi des protections pour les EST TRÈS INQUIET À  par le terrain pour l’approvisionne­
de Covid­19 à destination notam­ sions et selon chaque type de spé­ à se fournir assez régulièrement patients ? », interroge Jean­Paul ment de certains EPI, assure­t­on à
ment des professionnels de ville : cialité », relève Patrick Bouet, qui a en masques chirurgicaux sans Hamon, ancien président de la PROPOS DE L’AUTOMNE, la DGS. Ce calendrier de retour à la
médecins, infirmiers, sages­fem­ appris la nouvelle en recevant le passer par la réserve d’Etat, « il y a Fédération des médecins de JE TROUVE ÇA CURIEUX » normale reste soumis au maintien
mes, pharmaciens, masseurs­ki­ courriel en tant que généraliste, et plein d’autres équipements qui ne France (FMF). A compter de la fin de conditions de transition serei­
nésithérapeutes ou encore chi­ non comme président du Conseil sont pas disponibles, ne serait­ce mars, le médecin généraliste de GILLES BONNEFOND nes. L’Etat veillera au bon déroule­
rurgiens­dentistes. national de l’ordre des médecins. que les essuie­mains, sans parler Clamart (Hauts­de­Seine) a reçu président de l’Union des syndicats ment de cette transition et conser­
« Tous les professionnels de santé « La moitié du 1,3 million de profes­ des gants… devenus une denrée une dotation de 12 masques chi­ de pharmaciens d’officine vera la possibilité de reprendre la
du secteur ambulatoire doivent sionnels inscrits aux sept ordres très rare », fait valoir John Pinte, rurgicaux par semaine et 6 mas­ main à tout moment, dès lors que
donc s’organiser pour être en ca­ sont en ambulatoire, il s’agit de mo­ vice­président du Syndicat natio­ ques FFP2. « Aller à la pêche aux la situation sanitaire l’exigera ».
pacité de s’approvisionner de ma­ biliser des centaines de milliers de nal des infirmières et infirmiers masques, ça ne va pas être triste, sentations professionnelles, no­ Quant au stock de sécurité de
nière autonome à partir du 5 octo­ professionnels, ajoute­t­il. Il faut libéraux (Sniil), profession qui re­ car le monde entier est en train de tamment syndicales, mais égale­ trois semaines, il « correspond
bre », écrit le ministère. Par que tout cela soit mis en place çoit, depuis le 7 mai, 24 masques courir après, ça va vite grimper, ment un encadrement des prix : aux délais de livraison en cas de be­
ailleurs, chacun d’entre eux est in­ avant la fin du mois de septembre, par semaine, dont 6 FFP2. anticipe­t­il. C’est une décision to­ « Il ne faut pas que les profession­ soin de réapprovisionnement anti­
vité « à constituer un stock de sé­ ce qui nous paraît difficilement réa­ Malgré le timing d’envoi choisi, talement unilatérale, sans aucune nels de santé soient les otages com­ cipé », soutient la DGS, qui expli­
curité » de masques chirurgicaux, lisable aujourd’hui. C’est déjà un au beau milieu de l’été, la cir­ concertation ni préoccupation de merciaux d’une demande qui va que qu’il s’additionnera au stock
FFP2 et autres EPI (gants, blouses, marché lourdement compétitif. » culaire de la DGS a fait bondir ce que ça va nous coûter. Les coif­ devenir plus pressante, s’alarme stratégique national de masques
surblouses, charlottes, lunettes…) « Aujourd’hui, la production de nombre de praticiens, dubitatifs. feurs, eux, tarifent 3 euros de Patrick Bouet. Puisque c’est une chirurgicaux et FFP2 de dix se­
nécessaires à la prise en charge masques et d’EPI est à nouveau « Pour le moment on peut recevoir plus leurs prestations… » mission de service public, il va fal­ maines en cours de constitu­
de patients atteints du Covid­19, abondante, les échanges commer­ des FFP2 auprès de nos fournis­ loir qu’on ait accès aux centrales tion par Santé publique France.
« correspondant à trois semaines ciaux ont repris, les stocks seurs, mais on ne sait pas ce qu’ils Négociations tarifaires d’achat auxquelles ont accès les ac­ Trois semaines, « ça ne suffit pas si
de consommation en temps de mondiaux sont reconstitués et les ont comme stocks et comment ils « Au moment où nous ne dispo­ teurs du service public. » on a une véritable deuxième vague
crise épidémique ». délais de livraison sont revenus à vont ouvrir les robinets. Si on n’a sions pas encore des dotations En outre, le choix de la date de à l’automne », plaide Guilaine
« S’il est normal qu’à un moment la normale », soutient la DGS, pas de masques, on ne peut plus d’Etat, pour certains cabinets, le fin du dispositif, le 4 octobre, in­ Kieffer­Desgrippes, de l’URPS du
donné les professionnels s’appro­ surcoût pouvait monter à 500 ou terroge au moment où le conseil Grand­Est, mettant en avant les
visionnent, encore faut­il que l’Etat 600 euros par mois par infirmier, scientifique appelle à se prépa­ difficultés que les professionnels
s’assure qu’ils puissent le faire en
flux continu sur l’ensemble des EPI,
Un dispositif de suivi des stocks renchérit John Pinte. Quand on né­
gocie nos tarifs avec l’Assurance­
rer à une deuxième vague à
l’automne. « On a été assez sur­
de santé pourraient rencontrer
à faire la différence entre une
estime Guilaine Kieffer­Desgrip­ pour les hôpitaux maladie, c’est en fonction du maté­ pris, on s’était dit que, tant que la grippe classique, une rhino­pha­
pes, présidente de l’Union régio­ Les professionnels de santé libéraux ne sont pas les seuls concer- riel utilisé. Là, ça n’a pas du tout été crise sanitaire se prolongeait, le ryngite et les symptômes du
nale des professionnels de santé nés par la fin de la distribution des stocks d’Etat à compter du renégocié. » Début juillet, le direc­ dispositif allait être gelé », indique Covid­19, qui les contraindront à
(URPS) – qui représente les méde­ 4 octobre. Le dispositif d’approvisionnement mis en place au teur général de la Caisse nationale John Pinte. s’équiper « comme si tous étaient
cins libéraux – du Grand­Est. Ça printemps, dans un contexte de pénurie mondiale des masques d’assurance­maladie (CNAM), Ni­ « Alors qu’on est en train de voir des patients Covid ».
n’est pas une décision qui nous sur­ et des équipements de protection individuelle (EPI : gants, sur- colas Revel, a été nommé directeur l’épidémie redémarrer, que tout le « Quand on sort du Ségur de la
prend, mais nos professionnels ne blouses, tabliers, charlottes, lunettes…) concernait aussi les hôpi- de cabinet du premier ministre, monde est très inquiet à propos de santé, où les milliards sont distri­
veulent pas revivre ce qu’ils ont taux ainsi que les établissements médico-sociaux. L’Etat a prévu Jean Castex. Son successeur, l’automne, je trouve ça curieux, bués à l’hôpital, et les médecins
vécu en début d’épidémie. » Cha­ la mise en place d’une plate-forme afin d’assurer un relais au Thomas Fatome, prendra ses fonc­ commente Gilles Bonnefond, pré­ libéraux totalement oubliés et mé­
cun garde en mémoire la polémi­ dispositif exceptionnel de crise. « Elle permettra aux établissements tions le 17 août. Le calendrier se re­ sident de l’Union des syndicats de prisés, et qu’on reçoit ce mail, c’est
que ayant ponctué les premières de santé et médico-sociaux de passer commande et d’être livrés trouve de facto ajourné. Contactée pharmaciens d’officine (USPO). très énervant et désespérant. C’est
semaines de la crise sanitaire, liée individuellement », précise la direction générale de la santé (DGS). par Le Monde, l’Assurance­maladie C’est une communication hors­ une manière de se défausser, si
à la pénurie d’équipements de Par ailleurs, la DGS fait savoir qu’a été conçu un dispositif de suivi « confirme que ce sujet fera partie sol. On n’envoie pas un message né­ jamais on était contaminés…, ful­
protection, en premier lieu les des stocks des établissements, « qui permettra aux agences des discussions conventionnelles gatif comme ça pour agacer et dé­ mine Jean­Paul Hamon. Pour les
masques, et à la gestion chaotique régionales de santé (ARS) et au ministère de détecter en amont les qui auront lieu à la rentrée ». mobiliser les professionnels. » Le médecins libéraux, c’est la goutte
de leur distribution. situations de tension sur les EPI afin d’anticiper les besoins et d’agir L’ordre des médecins réclame pharmacien émet l’hypothèse d’eau qui, j’espère, va faire débor­
« Si on raisonne en termes de en conséquence. Cet outil est en cours de déploiement et sera non seulement que le surcoût en­ qu’en cas de nouvelle flambée épi­ der le vase. » 
“stocks”, cela sous­entend qu’à un opérationnel dès la fin août pour les plus gros établissements ». gendré soit négocié avec les repré­ démique les autorités feront mar­ élisabeth pineau

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10 | france SAMEDI 8 AOÛT 2020

Jean­Luc Mélenchon, star des réseaux sociaux


Pour séduire un électorat jeune, le leader de La France insoumise en adopte les codes, de Twitch à TikTok

L
a scène est surprenante.
Jean­Luc Mélenchon est
devant la station de mé­
tro parisienne Républi­
que. Il montre le panneau du
doigt et revient à lui comme pour
dire : « La République, c’est moi. »
Manière humoristique de retour­
ner le stigmate de son célèbre
coup de sang d’octobre 2018, lors
des perquisitions à son siège. Puis
il enchaîne : « Il t’appelle pour ton
bac. Toi, tu parles à Macron ? Et
moi je m’appelle Mélenchon. Tu
hors de ma vue ! Va voir ton Par­
coursup ! »
Cette vidéo publiée sur le réseau
TikTok (où les utilisateurs parta­
gent de courtes vidéos) a marqué
les esprits : elle a réuni plus de
quatre millions de vues. Jean­Luc
Mélenchon, 68 ans, réussit à par­
ler des problèmes de Parcoursup
tout en citant la chanteuse
Wejdene et son titre « Anissa » qui
a connu un succès phénoménal
justement sur TikTok, et dont le
gimmick est ce « Tu hors de ma
vue ». En ce début juillet, M. Mé­
lenchon répondait surtout au
président de la République, Em­
manuel Macron, qui venait de pu­
blier un message sur ce réseau so­
cial très prisé des adolescents,
pour féliciter les nouveaux ba­
cheliers. Dans la même période,
le député des Bouches­du­Rhône
a donné deux directs sur Twitch, Extrait de vidéos publiées sur le réseau TikTok par Jean­Luc Mélenchon et page d’accueil de son compte. @MELANCHONNJL/TIKTOK
une plate­forme à l’origine dédiée
aux jeux vidéos. Comme sur Tik­
Tok, le leader de La France insou­ il savait déléguer et écouter ses pas. On parle différemment selon Massiet, qui anime la chaîne Ac­ son image, fortement abîmée de­
mise (LFI) a réussi son pari. équipes, se rappelle un bon con­ les endroits. Chaque réseau est un
« C’est une cropolis. Ce passionné de jeux vi­ puis les perquisitions de 2018.
naisseur de la Mélenchonie qui champ différent. On ne veut pas sé­ déconstruction déos, passé par le cabinet de Mari­ « Ce sont des outils pour compren­
« 3615 Tonton » souhaite rester anonyme. Il est duire, mais convaincre. Ce n’est sol Touraine, est le premier à dre que Jean­Luc Mélenchon croit
Ces interventions ne doivent rien friand de toutes les technologies. pas une idée de communicant
de l’image avoir parlé de politique sur ce site. en ce qu’il dit, qu’il a de l’humour.
au hasard. Depuis toujours, Jean­ Il pense que ce sont les nouvelles mais de militant », résume donnée de lui par Il a même décroché un partena­ C’est une déconstruction de
Luc Mélenchon est très au fait des armes, que les réseaux sociaux M. Léaument. riat avec la chaîne Public Sénat l’image donnée de lui par certains
nouvelles technologies. Ce féru sont moins manipulés. Ça rentre
certains médias » pour une émission sur Twitch : médias », reconnaît Antoine
de science­fiction aime maîtriser dans son analyse des “médias en­ « Education populaire » ANTOINE LÉAUMENT « Questions aux sénateurs ». Léaument. Cela permet aussi à
les nouveaux outils de commu­ nemis de classe”. Surtout, il est en­ Les succès précédents sur les communicant « Mélenchon, c’est un vieux mon­ l’insoumis de continuer à parler
nication. Il fut l’un des premiers touré d’une équipe extrêmement autres plates­formes sont aussi sieur, ancien sénateur socialiste à la jeunesse qui est un réservoir
politiques à utiliser le minitel jeune, ça lui permet de rester en des sources de motivations pour qui cloue le bec à tous les minots de voix potentiel.
avec son « 3615 Tonton » pour fa­ pointe. Il a donc l’appétence et se renouveler mais aussi distan­ Le député du Nord Ugo Bernali­ infoutus d’être aussi modernes. Il Demeure un risque : celui de la
voriser la candidature de Fran­ l’environnement. » cer les adversaires qui ont plus de cis confirme l’intérêt politique explique très simplement, sans décrédibilisation. Lors des deux
çois Mitterrand en 1988. Bien Sa tête chercheuse dans ce do­ mal à prendre en main ce genre d’investir ces nouveaux espaces vouloir se la jouer jeune. C’est ce précédents scrutins présiden­
plus tard, quand il sera affranchi maine est Antoine Léaument. d’exercice. Par exemple, l’arrivée d’expression. Lui aussi a sa chaîne qui fait son succès », continue tiels, Jean­Luc Mélenchon s’est
du Parti socialiste, il lancera son Trentenaire ayant fait ses pre­ de M. Mélenchon sur Twitch n’al­ sur Twitch où il parle politique et M. Massiet. En revanche, pour lui, évertué à apparaître comme ca­
blog qu’il alimente toujours miers pas militants au MoDem, il lait pas de soi. Aucune personna­ joue aux jeux vidéos. Un exercice cet exercice ne contribue pas à pable d’être un chef d’Etat. Il a fait
aujourd’hui. Et lorsqu’il se lan­ est aujourd’hui la tête de pont des lité politique ne s’y exprime, et qui peut paraître étrange sur le une quelconque « conscientisa­ montre de pédagogie, a énormé­
cera lui­même dans les campa­ mélenchonistes sur les réseaux l’identité « gamer » de la plate­ papier. « On parle à des gens que tion » : les politiques prêchent les ment travaillé avec ses équipes
gnes présidentielles de 2012 et sociaux. Responsable de la com­ forme de streaming est encore l’on ne toucherait pas ailleurs. convaincus. « Jean­Luc Mélen­ pour avoir un programme effec­
2017, il investira Facebook, You­ munication numérique de Jean­ très présente. « J’avais repéré Twitch est une énorme commu­ chon s’adresse aux “insoumis”, tif, se plaçant dans la lignée d’un
Tube ou encore Twitter. Par Luc Mélenchon et de LFI, il est Twitch car c’était le vingt­qua­ nauté, c’est un public relativement pas au grand public. Il y a un effet François Mitterrand. Mais imagi­
ailleurs, il crée de nombreux mé­ aussi un sniper aux tweets acérés trième site le plus visité de France. Il jeune. Il y a un côté éducation po­ loupe des réseaux sociaux », es­ ne­t­on l’ancien président socia­
dias plus classiques comme l’In­ pour défendre « Jean­Luc ». Mais était entre Pornhub et Le bon pulaire où l’on explique ce qu’est le time Jean Massiet. liste dans une vidéo TikTok ? Les
soumission.fr, un site qui agrège pas seulement. Avec d’autres, par coin », raconte M. Léaument. rôle d’un parlementaire, les réfor­ temps ont changé, répondent en
les contenus LFI, ou le Monde en exemple la communicante So­ Bonne pioche : lors de ses lives in­ mes, etc. », avance M. Bernalicis. Risque de décrédibilisation substance les mélenchonistes.
commun, « un média internatio­ phia Chikirou (contactée par Le teractifs (on voit les centaines de « La présence de Mélenchon sur Une chose est sûre : cette straté­ Ugo Bernalicis : « Il y a toujours
naliste, d’actualités, d’analyses et Monde, elle n’a pas donné suite), il questions des internautes défiler ce genre de plate­forme n’est pas gie numérique s’inscrit dans un une méfiance. C’était le même dé­
de mobilisations ». En résumé, il fait de la prospective pour savoir sur la gauche de l’écran), M. Mé­ étonnante. C’est la continuation champ plus large de la troisième bat au début de Twitter. On est
crée une marque politique glo­ où et surtout comment interve­ lenchon a récolté 65 000 « fol­ de 2012 et 2017. Il y a aussi l’in­ candidature de M. Mélenchon à dans une bataille culturelle et
bale qui se décline sur une multi­ nir sur les différentes plates­for­ lowers » et près de 4 000 person­ fluence de la gauche américaine. l’élection présidentielle. Même si tous les outils sont bons pour
tude de supports. mes qui ont chacune une « gram­ nes suivaient son intervention de Les partisans de Bernie Sanders rien n’est officiel, l’ancien socia­ conscientiser, interpeller, faire ré­
« En 2012, c’était Facebook et maire », des codes, différents. « On mi­juillet qui a duré plus de deux ont créé une chaîne sur Twitch et liste devrait, selon toute vrai­ fléchir. On est partout. » Au risque
Twitter. Au début, il ne compre­ n’a pas une stratégie spécifique vis­ heures et où M. Mélenchon mêlait Alexandria Ocasio­Cortez a aussi semblance, retourner dans de se perdre. 
nait pas l’intérêt de Twitter. Mais à­vis des jeunes, on ne segmente l’humour et le message politique. participé à un talk », souligne Jean l’arène. Il lui faut donc changer abel mestre

Au Havre, le preneur d’otages de la BRED a été interpellé JUSTICE


La performeuse Deborah
de Robertis condamnée
pour exhibition à Lourdes
L’assaillant, qui s’est rendu au RAID après avoir libéré les sept employés de banque, a un « passé psychiatrique lourd » L’artiste performeuse franco­
luxembourgeoise Deborah
de Robertis a été condamnée
jeudi 6 août par le tribunal

J eudi 6 août, vers 23 heures,


la dernière personne retenue
en otage par un individu de
34 ans dans une succursale de
la banque BRED, située boulevard
une arme dans l’établissement
bancaire où se trouvaient alors les
sept employés. Avant que le pre­
neur d’otages ne ferme les issues,
un homme est parvenu à s’échap­
contact avec le preneur d’otages
(…). Les effectifs de la BRI, puis un
détachement du RAID, ont été dé­
pêchés sur place. Le RAID était à
pied d’œuvre à 18 h 30 », a détaillé le
mandie Unité SGP­FO. Gérald Dar­
manin a également expliqué que
« l’individu [était] connu des servi­
ces du ministère de l’intérieur, de la
justice et de la santé, pour des faits
En 2013, il avait déjà pris en otage
quatre personnes, pendant plus
de deux heures, dans une banque
CIC de Paris, avant de se rendre à la
police. Il réclamait alors un loge­
de Tarbes à 2 000 euros
d’amende, dont 1 000 avec
sursis, pour s’être montrée
nue les mains jointes et la tête
recouverte d’un voile à l’en­
de Strasbourg dans le centre­ville per. « Très rapidement, les effectifs ministre de l’intérieur, Gérald Dar­ de délinquance de droit commun ment social pour son fils et lui. trée de la grotte du sanctuaire
du Havre (Seine­Maritime), a été de la police nationale ont établi manin, en fin de soirée. que je qualifierais de grave, assortis Durant la soirée néanmoins, de Lourdes, en août 2018. Le
relâchée. L’homme s’est rendu un périmètre de sécurité et pris de différentes condamnations ». ses revendications sont restées sanctuaire avait porté plainte.
aux forces de l’ordre et a été inter­ Revendications confuses Le ministre a précisé que l’homme confuses. « Il appartient à l’enquête Poursuivie à plusieurs repri­
pellé après plus de six heures de S’en sont suivies plusieurs heures était également « connu pour des judiciaire de faire toute la lumière ses pour exhibition, après
prise d’otages pendant lesquelles de négociations entre l’assaillant antécédents psychiatriques et, en­ sur cet acte et ses motivations », a s’être montrée dénudée
sept personnes, des employés de Gérald Darmanin et les membres du RAID, qui ont fin, connu au titre de la radicalisa­ précisé le ministre de l’intérieur. au Louvre devant La Joconde,
la banque, ont été retenues par permis la libération progressive tion par la préfecture de Seine­Ma­ Quelques minutes après l’inter­ au Musée d’Orsay devant
l’assaillant. Une enquête a été
a expliqué que des otages, jusqu’au dernier, peu ritime et le renseignement territo­ pellation, le procureur de la Répu­ L’Origine du monde ou devant
ouverte en « crime flagrant pour « l’individu était avant 23 heures, sans qu’aucun rial qui le suivait ». blique du Havre, François Gosse­ Olympia, de Manet, l’artiste
tentative de vol à main armée et d’entre eux ne soit blessé. « Ce qui L’homme interpellé figure no­ lin, avait expliqué que si l’homme de 36 ans n’avait jamais été
séquestration », sous l’autorité
connu pour a été favorable, c’est que la commu­ tamment dans le fichier du minis­ était connu « pour un passé psy­ condamnée. Un rappel à la loi
du procureur de la République des faits de nication n’a jamais été rompue en­ tère de l’intérieur dit de « Traite­ chiatrique lourd », il n’était pas, à ce lui avait été signifié. Son
du Havre, François Gosselin. tre lui et le négociateur », a déclaré à ment d’antécédents judiciaires », stade, « en mesure de fournir des avocate, Marie Dosé, a
Aux alentours de 16 h 30, jeudi,
délinquance de Paris Normandie, Frédéric Des­ pour des faits d’enlèvement, de sé­ éléments circonstanciés ».  annoncé qu’elle ferait appel de
cet homme a fait irruption avec droit commun » guerre, secrétaire régional Nor­ questration et de port d’arme. juliette bénézit cette condamnation. – (AFP.)
ÉCONOMIE & ENTREPRISE
0123
SAMEDI 8 AOÛT 2020 | 11

Les banques violemment secouées par la crise
Hors BNP Paribas et Crédit agricole, les groupes bancaires ont affiché une chute brutale de leurs résultats

L
a pandémie de Covid­19 de 14,5 %. Les autorités devront
et l’arrêt brutal de l’éco­ alors « se tenir prêtes à mettre en
nomie pendant le confi­ œuvre de nouvelles mesures ».
nement n’ont pas en­
traîné le déclenchement d’une Des têtes tombent dans les ban­
crise financière. Le choc n’a tou­ ques françaises Dans cette pé­
tefois pas épargné les banques riode de crise, les états­majors des
européennes, contraintes d’ac­ banques tricolores ne résistent pas
cumuler d’importantes provi­ à la pression de résultats en berne.
sions pour faire face aux faillites Au lendemain de la publication
et impayés à venir. d’une perte trimestrielle de
Partout sur le continent, des 1,3 milliard d’euros, la Société géné­
institutions affichent au rale, à la peine depuis déjà plu­
deuxième trimestre 2020 de sieurs années, a annoncé mardi
lourdes pertes : − 11,1 milliards 4 août le départ de deux de ses qua­
d’euros pour l’espagnole Banco tre directeurs généraux délégués.
Santander, premier établisse­ Philippe Heim, qui figurait sur la
ment du pays et deuxième ban­ liste des candidats à la succession
que de la zone euro, − 1,3 milliard de Frédéric Oudéa, patron de la
pour Société générale, − 1,1 mil­ banque depuis plus de douze ans, a
liard pour la britannique Nat­ immédiatement quitté ses fonc­
West (ex­RBS), − 77 millions pour tions. Séverin Cabannes, chargé
l’allemande Deutsche Bank. des activités de banque de finance­
Lorsqu’ils ne passent pas dans le ment et d’investissement, partira à
rouge, les groupes bancaires la retraite à la fin de l’année.
voient leurs bénéfices nets chu­ Chez Natixis, la filiale cotée du
ter brutalement (− 96 % chez groupe bancaire mutualiste BPCE,
HSBC et − 91 % pour Barclays, c’est le directeur général François
au Royaume­Uni, − 86 % chez Riahi, en poste depuis deux ans,
Banque populaire Caisse d’épar­ qui a été remercié, après que la
gne (BPCE), − 77 % pour l’ita­ banque a essuyé une perte nette
lienne UniCredit, − 79 % pour la au deuxième trimestre. Officielle­
néerlandaise ING ou − 50 % pour ment, le groupe a évoqué « des di­
BBVA en Espagne). vergences stratégiques concernant
Seules quelques rares banques les options du futur plan de Na­
sont parvenues à traverser le tixis ». Selon un représentant syn­
printemps sans encombre, dical au sein de l’établissement,
parmi lesquelles BNP Paribas, à la « François Riahi est un fusible »
faveur d’un retour à meilleure pour le patron de BPCE, Laurent
fortune dans ses activités de Mignon, précédent directeur géné­
marché, ou le Crédit agricole, ral de Natixis. « Bien entendu, Lau­
qui a bénéficié de la bonne acti­ rent Mignon a une part de respon­
vité commerciale de ses caisses sabilité dans les difficultés actuelles
régionales. Elles ont respective­ de Natixis, qui ne sont pas toutes
ment enregistré un profit net de apparues ces deux dernières an­
2,3 milliards d’euros (− 7 %) et de nées, mais François Riahi manquait
1,5 milliard (− 18 %). de leadership », indique une source
au sein du groupe. Nicolas Namias,
Explosion des provisions et directeur général chargé des finan­
dépréciations Les perspectives ces et de la stratégie chez BPCE, va
économiques désastreuses lui succéder.
nécessitent que les banques cons­
tituent des réserves. Nombre de provisions au deuxième trimes­ ses comptes trimestriels une dé­ des au titre de l’exercice 2019. Réductions de coûts Avant que
leurs clients particuliers, pro­ tre, pour 1,3 milliard d’euros. Le préciation exceptionnelle de
En Europe, Cet apport vient s’ajouter à des ne se répande la pandémie, le sec­
fessionnels et PME risquent en groupe Crédit agricole les a dou­ 12,6 milliards d’euros, à l’origine, les banques niveaux de capitaux beaucoup teur bancaire avait déjà engagé des
effet de ne plus être en mesure blées, à 1,2 milliard d’euros. Elles l’ampleur de ses pertes. plus élevés depuis la crise finan­ plans massifs d’économies. Dans
de rembourser leurs crédits. Les atteignent 1,6 milliard de livres
se préparent cière de 2008, constitués année un contexte de taux d’intérêt bas
règles de comptabilité contrai­ sterling (1,8 milliard d’euros) Reconstitution des fonds pro­ à absorber après année, à la demande des voire négatifs, de chute de la fré­
gnent donc les institutions pour Barclays ou 3,1 milliards pres Pour se préparer aux failli­ régulateurs. quentation des agences et d’auto­
financières à passer de lour­ pour Santander. Le géant ban­ tes, aux crédits non remboursés
la vague des Ces coussins de fonds propres se­ matisation des métiers, les grands
des provisions. caire britannique HSBC a pré­ et à de possibles pertes sur les « créances ront­ils suffisants ? La BCE a mené établissements européens, en
Les banques américaines sont venu que ses provisions pour­ marchés financiers, les banques une « analyse de vulnérabilité » constante recherche de rentabi­
celles qui ont mis le plus de côté : raient même atteindre 13 mil­ européennes ont également
douteuses » auprès de 86 banques qu’elle su­ lité, avaient annoncé plus de
au deuxième trimestre, JPMor­ liards de dollars cette année. augmenté leurs fonds propres, pervise. Elle a conclu, le 28 juillet 80 000 suppressions de postes en
gan Chase a augmenté ses provi­ Or, ces réserves amputent direc­ lorsqu’elles ont pu mettre leurs dernier, que le secteur bancaire de 2019 et début 2020. Les difficultés
sions de 8,9 milliards de dollars tement le résultat des banques. bénéfices du deuxième trimes­ dès le mois de mars et prolongée la zone euro « résiste aux tensions présentes risquent donc d’accélé­
(7,5 milliards d’euros) ou Wells Les sombres perspectives écono­ tre en réserve. La recomman­ jusqu’en janvier 2021, a permis causées par le coronavirus ». Dans rer ces coupes. Société générale
Fargo de 8,4 milliards de dollars. miques ont également poussé dation de la Banque centrale la constitution de réserves en ca­ l’hypothèse d’une aggravation de vient d’annoncer une nouvelle
En Europe aussi les banques se des établissements à réviser à européenne (BCE) aux établisse­ pital non négligeables. Les plus la conjoncture, si le scénario « sé­ baisse de coûts de 450 millions
préparent à absorber la vague la baisse la valeur de certaines ments de la zone euro de ne pas grandes banques de la zone euro vère » se matérialise, le ratio de d’euros dans ses activités de mar­
des « créances douteuses ». So­ filiales ou activités. L’espagnol verser de dividendes, ni de rache­ ont en effet renoncé à verser solvabilité des banques pourrait ché d’ici à 2022­2023. 
ciété générale a quadruplé ses Santander a ainsi inscrit dans ter d’actions propres, formulée 27,5 milliards d’euros de dividen­ toutefois s’affaisser à 8,8 %, au lieu véronique chocron

Mediapro verse 172 millions d’euros à la Ligue de football française


Ce versement rassure les clubs qui doutaient du sérieux de l’espagnol. Mais il intervient alors que la Ligue traverse une zone de turbulence

Q u’ils soient à la plage ou à


la montagne, les vingt
présidents de club de
football français ont
poussé un soupir de soulage­
leur premier chèque, ces derniers
vont toucher 1,15 milliard d’euros.
« Il y a peut­être eu une erreur de la
LFP, c’est de ne pas demander 5 %
du paiement au départ, comme
Selon nos informations, l’espa­
gnol a dû renoncer aux minimum
garantis. Ce premier « deal » pour­
rait encourager Orange, Bouygues
Telecom ou Free à signer.
Ces bonnes nouvelles tranchent
avec l’ambiance qui règne à la LFP,
entrée en zone de turbulences.
Certains patrons de club ont une
dent contre sa gouvernance. L’ac­
Covid­19. Nasser Al­Khelaifi, à la
tête du PSG, lui reprocherait le
contrat avec Mediapro, qui a fait
comme victime collatérale le pré­
cédent diffuseur du championnat
sport qatarie en signant un accord
de distribution exclusif avec Ca­
nal+, a des liens de proximité avec
Vincent Bolloré, premier action­
naire de Vivendi (qui détient la
ment. Jeudi 6 août, Mediapro s’est cela se fait ailleurs. Mais moi, j’ai tuelle présidente, Nathalie Boy de BeIN Sports, dont il est président. chaîne). Dans l’entourage du PSG,
acquitté avec vingt­quatre heures toujours dit qu’il fallait faire « Rejoindre les grandes ligues » la Tour, a annoncé qu’elle ne se re­ Selon plusieurs sources, le duo on affirme que l’élection à la Ligue
d’avance sur l’échéance, de la pre­ confiance à Mediapro, qui jouit Enfin, le groupe de Jaume Roures a présenterait pas, et une élection voudrait reprendre en main la n’a rien à voir avec Mediapro, qui
mière facture des droits télévisés d’une très bonne réputation en Es­ annoncé une offre couplée avec se tiendra le 10 septembre. Didier LFP, notamment dans la perspec­ constitue « un bon accord ».
pour la nouvelle saison. Il a versé pagne », analyse Bernard Caiazzo, Netflix pour 29,90 euros par mois. Quillot, le directeur général, et ar­ tive du prochain appel d’offres. En changeant de président, les
172 millions d’euros TTC, soit le président de l’AS Saint­Etienne. « Tout cela est très positif », salue tisan du contrat avec Mediapro, « Certains se disent qu’il faut pré­ patrons de Ligue 1 ont un objectif :
145 millions hors taxes, à la Ligue Mediapro a nourri les inquiétu­ Bernard Caiazzo. « L’idée de Netflix ne fait pas l’unanimité. Il a certes parer l’après­Mediapro, et ména­ accroître leurs revenus. Ils regar­
de football professionnel (LFP). des des sceptiques, tardant à faire est très créative, et peut avoir un ses partisans : « Didier Quillot et ger Canal+ », analyse un patron de dent avec envie l’Italie, où les
Depuis mai 2018, date à laquelle avancer son projet. Mais, ces der­ impact très fort, se félicite Jacques­ ses équipes ont fait du très bon Ligue 1. Les relations sont exécra­ clubs sont en négociation avec les
Mediapro avait emporté l’appel nières semaines, tout s’est accé­ Henri Eyraud, le président de travail », s’est félicité Jean­Pierre bles entre la Ligue et la chaîne fonds Cinven, CVC et Bain, qui se­
d’offres pour la diffusion du léré : il a signé des accords, d’abord l’Olympique de Marseille. Il faut Caillot, président du Stade de payante. D’après un proche de la raient prêts à injecter des mil­
championnat de France de foot­ avec TF1 pour l’utilisation de la être conscient que Mediapro, qui Reims dans Le Point le 6 août. LFP, la sortie dans L’Equipe des liards d’euros. « Il faut créer une so­
ball, certains doutaient de son sé­ marque Téléfoot, qui sera le nom va accroître les droits télé de 60 % Mais l’ex­cadre de Lagardère s’est noms de Michel Denisot et de ciété commerciale et en finir avec le
rieux, qui a fait flamber la facture. de la chaîne lancée le 17 août. Puis entre 2020 et 2024, permet à la Li­ fait d’influents ennemis. Jean­Mi­ Cyril Linette, deux ex­Canal, pré­ modèle associatif. Cela demande
Chaque année, jusqu’en 2024, l’en­ avec Altice. Téléfoot codiffusera la gue 1 de rejoindre les grandes ligues chel Aulas, le patron de l’Olympi­ sentés comme candidats poten­ de changer la loi, mais nous de­
treprise a promis de verser aux Ligue des champions au côté de européennes, au côté de l’Italie, de que lyonnais, l’accuse d’avoir trop tiels, est tout sauf un hasard. vons nous inspirer du modèle an­
clubs 780 millions d’euros. En in­ RMC Sport et sera distribué par l’Espagne et de l’Allemagne en ma­ facilement arrêté la saison 2019­ Une chose est sûre, Nasser Al­ glais », affirme M. Caiazzo. 
cluant Canal+ et Free, qui ont signé SFR ces quatre prochaines années. tière de droits domestiques. » 2020, prise dans la crise liée au Khelaifi, qui a sauvé la chaîne de sandrine cassini
0123
12 | économie & entreprise SAMEDI 8 AOÛT 2020

La France a perdu 600 000 emplois depuis janvier


Après une chute historique au premier trimestre, la baisse a été fortement réduite entre avril et juin

C
ompte tenu du con­
texte, le chiffre résonne
Les effectifs
presque comme une dans le privé
bonne surprise. D’avril
à fin juin, sur un trimestre où le
sont revenus
produit intérieur brut (PIB) de à leur niveau
l’économie française a plongé de
13,8 %, le nombre d’emplois dé­
de juin 2017,
truits n’est « que » de 119 400 em­ effaçant toutes
plois, soit 0,6 % des effectifs sala­
riés. Le trimestre précédent, mar­
les créations
qué par le début du confinement constatées en
le 17 mars et la fermeture de très
nombreux commerces et servi­
deux ans et demi
ces, près d’un demi­million d’em­
plois avaient disparu, soit 2,5 %
des emplois. Sur le premier se­ l’épidémie, fin des dispositifs d’aide,
mestre 2020, l’emploi salarié dans pérennisation de la reprise… »
le secteur marchand a chuté de Pour l’heure, les économistes
3,4 %, soit la plus forte chute sur restent très prudents sur les pers­
un semestre depuis que cette sta­ pectives de rentrée. Si la consom­
tistique existe. A titre de compa­ mation de biens durables a forte­
raison, au cœur de la crise écono­ ment repris, celle de services
mique de 2008­2009, cet indica­ (transports, hébergements, etc.)
teur avait baissé de 1,7 % entre est à la traîne et l’incertitude sani­
septembre 2008 et mars 2009. taire demeure forte. « En témoigne
Le signal positif du deuxième tri­ la volonté des ménages d’épargner
mestre provient du retour des in­ davantage si c’est possible », remar­
térimaires. Le nombre de mis­ Des ouvriers sur le que Philippe Waechter, directeur
sions a rebondi de manière signifi­ chantier de la future de la recherche économique chez
cative avec 108 500 emplois (équi­ gare Arcueil­Cachan, Ostrum Asset Management. Selon
valent temps plein) créés, en construite dans le cadre la dernière enquête de l’Insee
hausse de 23,1 % après une chute du Grand Paris Express, auprès des ménages, ils se disent
historique de 40,4 % durant le tri­ le 23 juillet. LUDOVIC MARIN/AFP plus que jamais prêts à épargner.
mestre précédent. Dans de nom­ « Une fois le rattrapage effectué
breux secteurs, en effet, l’ajuste­ sur la consommation, poursuit
ment à la baisse des emplois s’était M. Waechter, il est peu probable
fait au détriment, en premier lieu, de cette diminution d’activité s’est Pôle emploi : en juin, le nombre de groupe environ 15 000 experts­ vité partielle », note M. Romero. que la dynamique de dépenses s’ac­
des travailleurs intérimaires. traduit par des mesures de chô­ demandeurs d’emploi en catégo­ comptables qui travaillent auprès Dans ces secteurs, et notamment célère, surtout si la situation sani­
« La baisse de l’emploi est très li­ mage partiel ou par des congés rie A – n’exerçant aucune activité – de 80 000 entreprises. Selon les dans l’hébergement­hôtellerie, la taire devient préoccupante. »
mitée par rapport à la baisse de classiques. Les personnes ont tra­ avait baissé de 4,6 % par rapport données sociales – bulletins de reprise ne s’est pas encore traduite « Il demeure énormément d’in­
l’activité et au recul du PIB, souli­ vaillé moins d’heures, mais ont au mois précédent. Une baisse salaires, déclarations d’embau­ par des créations d’emplois : « On certitudes pour la suite », renché­
gne Sylvain Larrieu, économiste à conservé leur emploi. » Cette ana­ due au retour de demandeurs che, etc. – examinées par ces pro­ constate beaucoup d’attentisme, rit Hélène Baudchon, économiste
l’Insee. Cela montre que l’essentiel lyse est étayée par les chiffres de d’emploi vers une activité réduite, fessionnels, « le taux d’inactivité les entreprises gèrent pour l’heure à chez BNP Paribas, qui pointe « une
selon les chiffres du service public s’établit à une moyenne nationale court terme », ajoute­t­il. petite baisse de confiance des mé­
de l’emploi publiés le 27 juillet. de 14 %, soit une baisse de 13 points Du côté de l’emploi intérimaire, nages en juillet ». « Certes, on a des
Les pays de l’OCDE ont largement Il n’en reste pas moins que l’étiage
reste particulièrement bas : les ef­
entre mai et juin ». les professionnels semblent assez
optimistes. Selon Randstad, l’un
signaux d’un redémarrage de l’ac­
tivité plus ou moins rapide selon
amorti la chute des revenus fectifs salariés dans le secteur « Beaucoup d’attentisme » des acteurs importants du sec­ les secteurs, mais quel va être l’effet
Grâce aux plans d’aide des gouvernements, les revenus réels par privé sont revenus à leur niveau La réouverture des bars et restau­ teur, les intentions d’embauches retard du choc récessif ? », s’inter­
habitant ont augmenté de 0,1 % au premier trimestre 2020 dans de juin 2017, effaçant ainsi toutes rants a permis de réduire l’activité ont retrouvé, en juin, leur niveau roge l’experte. Les inquiétudes de
les pays de l’Organisation de coopération et de développement les créations d’emplois constatées partielle dans ce secteur de d’avant­crise. « Si le dynamisme rentrée concernent particulière­
économiques (OCDE), malgré une baisse du PIB réel de 2 %. en deux ans et demi. 41 points sur le seul mois de juin, des offres d’emploi est une bonne ment les défaillances d’entrepri­
Parmi les sept économies les plus riches de l’OCDE, qui « Les mesures de déconfinement pour s’établir à une moyenne de nouvelle, il faut se garder de tout ses, qui pourraient se multiplier
comprend 37 Etats membres, les Etats-Unis sont les seuls à voir et les plans de soutien ont permis à 18 % des effectifs. « On constate triomphalisme, commente toute­ une fois les plans de soutien pas­
enregistré une hausse des revenus de leurs ménages (+ 0,7 %), la majorité des TPE­PME de repren­ néanmoins que certains secteurs fois Frank Ribuot, président du sés. « De sorte que l’évolution du
reflétant en partie, selon l’organisation, « des mesures de dre leur activité et ainsi de remo­ d’activité peinent à se relancer, à groupe Randstad France, dans un marché du travail ne serait pas du
confinement plus limitées ». La France est le pays qui enregistre biliser leurs salariés », confirme l’image du monde du spectacle et point publié mi­juillet. La rentrée tout aussi positive que pourrait
le plus grand écart entre la baisse de 6 % de son PIB au premier Jean­Philippe Romero, membre de l’hébergement qui enregistrent laisse planer un risque sur le front l’être la reprise économique ». 
trimestre et celle des revenus qui s’est limitée à – 0,3 %. du Cercle Perspectives, qui re­ respectivement 36 % et 34 % d’acti­ de l’emploi : risques de reprise de béatrice madeline

Le gouvernement va réintroduire les néonicotinoïdes COMMERCE


La balance commerciale
française s’enfonce
dans le rouge
Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a annoncé le retour de ces insecticides sur la betterave, pour lutter La balance commerciale
française s’est alourdie au
contre une maladie transmise par un puceron. Il avait pourtant banni leur utilisation en 2018 mois de juin avec près de
8 milliards d’euros de déficit,
selon le relevé des douanes.

L es betteraviers ont eu gain


de cause. Le ministère de
l’agriculture et de l’alimen­
tation a annoncé, jeudi 6 août, la
mise en place d’un plan d’aide à
interdit les usages des principaux
représentants de cette famille
chimique. « Ces interdictions sont
essentielles pour lutter contre
le déclin massif des colonies
étant croissante, assurait Franck
Sander, président de la Confé­
dération générale des plan­
teurs de betteraves (CGB), le
31 juillet, dans une lettre ouverte
ces qui ne persistent pas suffisam­
ment ». Et nécessitent donc des
passages réguliers sur les parcel­
les. En outre, assure­t­on au mi­
nistère, les betteraves ne produi­
Julien Denormandie, dans un
communiqué, il nous faut trou­
ver un équilibre durable, c’est
tout l’enjeu de la transition agro­
écologique. »
Sur le premier semestre,
ce déficit est de 34 milliards
d’euros contre 29 milliards
en 2019. Dans une interview
au Figaro, le ministre
la filière, confrontée à la jaunisse d’abeilles et des pollinisateurs sau­ au premier ministre. Certains sent pas de fleurs avant la récolte : Fait surprenant : la betterave délégué au commerce exté­
de la betterave, une maladie vi­ vages », expliquait alors le minis­ agriculteurs perdront plus de l’impact sur les insectes pollinisa­ cultivée selon le cahier des char­ rieur, Franck Riester, dit
rale transmise par un puceron tère de l’agriculture et de l’ali­ 1 000 euros par hectare, un drame teurs serait mineur. Cependant, ges de l’agriculture biologique s’attendre à une nouvelle
(Myzus persicae). Cette maladie mentation, dans un communi­ pour ces exploitants ! » un grand nombre de travaux (très minoritaire) semble, elle, aggravation sur l’ensemble
peut entraîner des baisses de qué d’août 2018. conduits ces dernières années peu ou pas touchée par la de l’année. – (AFP.)
rendement pouvant atteindre Le retour des « néonics » était « Souveraineté alimentaire » ont montré que l’impact des néo­ jaunisse. Dans les Hauts­de­
30 % à 50 % – selon les estima­ l’une des principales revendica­ Tandis que les syndicats bettera­ nicotinoïdes utilisés en enrobage France, Loïc Tridon, chargé d’étu­ Hausse de 14,9 % des
tions de la filière, reprises par le tions des betteraviers, d’autant viers saluent l’annonce du gou­ de semences pouvait être indi­ des au sein de l’organisation ré­ exportations allemandes
communiqué ministériel. Les que d’autres pays européens dé­ vernement, les organisations de rect. L’essentiel de ces produits gionale de l’agriculture bio (Bio en juin
professionnels disent être face à rogent eux aussi à l’interdiction. protection de l’environnement – jusqu’à 98 % des doses appli­ en Hauts­de­France) assure que Les exportations alleman­
une « crise inédite ». « C’est une perte probable supé­ fulminent. François Veillerette, quées sur les graines, selon des les parcelles de betterave bio de la des ont poursuivi leur
Outre la promesse d’indemni­ rieure à 150 millions d’euros et directeur de l’association Généra­ données industrielles – reste en région « ne sont presque pas rebond en juin, progressant
sations et le lancement d’un qui pourrait même atteindre les tions futures, dénonce « un recul effet dans les sols, où ils peu­ concernées par ce problème ». de 14,9 % sur un mois,
effort de recherche ad hoc, le 200 millions d’euros pour les plan­ inacceptable qui montre que ce vent s’accumuler et contaminer, « On ignore pourquoi, c’est peut­ après un premier bond de
gouvernement annonce pour teurs, l’ampleur de l’épidémie gouvernement plie aisément sous plusieurs années durant, les être lié à la taille des parcelles », 9 % en mai. A 15,6 milliards,
l’automne une « modification le poids des lobbys de l’agrochimie cultures ultérieures, ou encore explique­t­il au Monde. l’excédent commercial se
législative » permettant « pour la et de l’agriculture industrielle, et a les plantes sauvages poussant Au cabinet du ministre on est situe seulement 9,4 % en
campagne 2021 et, le cas échéant, renoncé à être le leader de la lutte aux abords des parcelles. surpris de l’information, et on dessous de son niveau de
les deux campagnes suivantes
« Il nous faut contre les insecticides tueurs Selon le ministère, il sera inter­ invoque l’effet possible d’un dé­ juin 2019. – (AFP.)
tout au plus » des dérogations trouver un d’abeilles en Europe ». dit de planter des cultures attrac­ calage des périodes de semis,
permettant l’usage de semen­ Au cabinet du ministre de l’agri­ tives pour les pollinisateurs, sui­ entre les bios et les convention­ Trump réimpose des
ces enrobées de pesticides dits
équilibre durable, culture et de l’alimentation, on vant celles de betteraves, afin de nels. Même constat en Ile­de­ droits de douane sur
« néonicotinoïdes ». Au ministère c’est tout assure qu’aucune alternative aux ne pas exposer abeilles et bour­ France. Interrogé par Le Monde, l’aluminium canadien
de l’agriculture, on assure que néonicotinoïdes n’est possible. Le dons aux résidus. La durée de Victor Charlot, conseiller techni­ Le président américain Do­
ces dérogations ne concerneront
l’enjeu de discours est plus nuancé à l’Insti­ cette restriction n’est pas encore que au Groupement des agricul­ nald Trump a annoncé, jeudi
que la betterave. la transition tut technique de la betterave définie, selon le cabinet du mi­ teurs bios d’Ile­de­France, estime 6 août, qu’il allait réimposer
En France, la loi sur la biodiver­ (ITB), où l’on assure que l’un des nistre. « Au moment où nous nous que les dommages liés à la jau­ des droits de douane de 10 %
sité de 2016 a interdit ces insecti­
agro-écologique » produits alternatifs est trop toxi­ sommes donné comme priorité de nisse de la betterave sont, dans sur l’aluminium canadien à
cides dits « tueurs d’abeilles » à JULIEN DENORMANDIE que pour les insectes auxiliaires retrouver notre souveraineté ali­ les exploitations bio, « très limi­ partir du 16 août, estimant
compter du 1er septembre 2018 ; ministre de l’agriculture et que « deux autres possibilités mentaire, assure le ministre de tés » dans sa région.  que le Canada « profitait »
l’Union européenne a également et de l’alimentation existent, mais ce sont des substan­ l’agriculture et de l’alimentation, stéphane foucart des Etats­Unis. – (AFP.)
0123
SAMEDI 8 AOÛT 2020 carnet | 13
Mme Catherine Bicart See, Dominique,

Philippe Frémeaux Le Carnet


sa conjointe,
Lise, Anne, Jeanne, Jean, Camille,
Léa,
ses enfants,
son époux,
Colas et Aude,
son fils et sa belle-fille,
Elya, Alyssa et Amatys,
Le Pecq.
Remerciements

ses petits-enfants, La famille de


Ex­PDG d’« Alternatives Ses quatre petits-enfants,
Toute sa famille,

ont l’immense douleur de faire part


ont l’immense chagrin de faire part du
décès de leur bien-aimée « Mine »,
Anne JOUVE,
née SANDOZ,
Merci de nous adresser
économiques » vos demandes
du décès de

Me Gilles DUQUENNE,
M me
Nicole LEVEQUE,
née TANDEAU DE MARSAC,
remercie toutes celles et tous ceux
qui lui ont témoigné leur amitié et
par mail en précisant avocat au barreau de Paris, directrice de recherche au CNRS
et chef de laboratoire
leur soutien, à l’occasion de son
décès, survenu le 28 juin 2020, à l’âge
impérativement survenu à l’âge de soixante-cinq ans. à l’Institut Pasteur, de soixante et onze ans.
votre numéro de Il sera crématisé samedi 8 août, au survenu le 31 juillet 2020, aa.jouve@wanadoo.fr
à l’âge de soixante-seize ans.
téléphone personnel, crématorium d’Annecy et l’inhumation
aura lieu ultérieurement.
votre nom et prénom, Elle est inhumée au cimetière Souvenir
Campbeau de Châteauneuf-de-
adresse postale Uzès. Gadagne (Vaucluse). Le 8 août 2009
et votre éventuelle Michael Gallos, Evelyne VIVET,
Ses enfants,
référence d’abonnement. son fils, Ses petits-enfants née VIRAUT,
Jacques et Madeleine Gallos, Et arrière-petits-enfants,
son frère et son épouse, quittait les siens.
L’équipe du Carnet Françoise et René Billaud, font part du décès de
sa sœur et son époux,
reviendra vers vous Claudie Gallos,
Que ceux qui l’ont connue et
Christiane RASSE, aimée aient une pensée pour elle,
dans les meilleurs délais. sa sœur, chevalier ainsi que pour son mari,
Claude-Lise Blanc, de l’ordre national du Mérite,
sa compagne ancienne adjointe au maire Jean Pierre VIVET,
Ainsi que toute sa famille, d’Ivry-sur-Seine,
carnet@mpublicite.fr disparu le 11 août 1998.
ont la profonde tristesse de faire part survenu le 3 août 2020.
du décès de
Une cérémonie d’adieu a lieu ce Communication diverse
M. Jean-Pierre GALLOS, vendredi 7 août, à 14 h 30, en l’église
né le 22 juin 1941, Saint-Pierre Saint-Paul d’Ivry-sur-
AU CARNET DU «MONDE» Seine.
survenu le 30 juillet 2020, à Nîmes.
Décès 6, rue Baudin,
L’inhumation a eu lieu ce vendredi 94200 Ivry-sur-Seine.
Maximilien 7 août, à 11 h 30, au cimetière de l’Est
En 2013. JULIEN FAURE/REA à Montluçon.
son fils Aurélia Weingarten,
Et sa famille, sa sœur,
Le présent avis tient lieu de faire- Léa weingarten,
part et de remerciements. Envie d’être utile ? Rejoignez-nous !
ont la peine de faire part de la mort sa nièce,

P
de Yordane Weingarten, Les bénévoles de SOS Amitié
hilippe Frémeaux, an­ 1ER OCTOBRE 1949 P.F. Marbrerie Brun, Uzès. son neveu,
cien PDG de la coopéra­ Naissance à Villemomble Tél. : 04 66 22 41 42. écoutent
Fabienne Martin et Ruth Brahmy,
tive Alternatives écono­ (Seine-Saint-Denis) Catherine BEGIN, ses amies,
par téléphone et/ou par internet
ceux qui souffrent de solitude,
miques et figure mar­ 1979-1983 Collaborateur survenue à l’âge de soixante-huit Le docteur Marion Lacaille, de mal-être et peuvent avoir
née Lampel, ont la grande tristesse de faire part
quante de la gauche et de l’écolo­ régulier du « Monde » ans, le samedi 1er août 2020, à son de la mort de des pensées suicidaires.
son épouse,
gie, est mort lundi 3 août à l’âge 1988 Devient rédacteur domicile parisien.
Séverine et Julien Rosa, Nous recherchons des écoutants
de 70 ans. Né le 1er octobre 1949, il en chef d’« Alternatives leurs enfants,
Isabelle WEINGARTEN,
Elle fut professeure d’histoire, modèle, actrice, photographe, bénévoles
faisait face depuis un an avec économiques » Toute la famille Loisel, Raviart, sur toute la France.
spécialiste de la Révolution Lampel, Mesnier et Maugein,
courage à un cancer qu’il savait 2016 Crée les Journées française, en région parisienne puis survenue le 3 août 2020, à Paris. L’écoute peut sauver des vies
incurable. Ce sont les évène­ de l’économie autrement au lycée français de Lisbonne. et enrichir la vôtre !
ont la douleur de faire part du décès Les obsèques auront lieu à Paris le Choix des heures d’écoute,
ments de Mai 68 qui précipitè­ 3 AOÛT 2020 Mort du mardi 11 août, à 10 h 30, au formation assurée.
rent son engagement. Menant à Avranches (Manche) L’inhumation aura lieu dans la funérarium de la rotonde du Père-
alors des études de droit et d’éco­ plus stricte intimité à Esbarres, en docteur Lachaise, Paris 20e. En IdF RDV sur
Côte-d’Or. Jean-Marie LACAILLE,
nomie à Paris, il s’opposait régu­ médecin généraliste, www.sosamitieidf.asso.fr
Un moment de partage aura lieu
lièrement à l’extrême droite à As­ paux titres de la presse économi­ psychanalyste, après la cérémonie. En région RDV sur
sas, tout en participant aux « Ca­ que au cours des années 1990. Monique Villeminey, ancien membre de la SPP,
sa sœur, www.sos-amitie.com
hiers de mai ». En 1999, il prend le relais de De­ Cet avis tient lieu de faire-part.
Michel et Patricia, survenu le 5 août 2020, à l’âge de
Grand voyageur depuis son ado­ nis Clerc à la tête de la coopérative François soixante-treize ans.
lescence, il entreprend entre octo­ qu’il dirigera jusqu’en 2012. Phi­ et son épouse, Viviane, Société éditrice du « Monde » SA
bre 1970 et juillet 1971 un vaste pé­ lippe Frémeaux ne possédait pas ses enfants, Son inhumation aura lieu le lundi Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Oriane, 10 août, à 15 h 30, au cimetière de Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
riple à travers l’Afrique, qui l’a seulement une culture étendue Directeur de la rédaction Luc Bronner
Antonin et Cécile Boscher, Sens.
beaucoup marqué. « Nous avons dans un nombre impressionnant Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise Tovo
Sébastien et Virginie Rodieux, Direction adjointe de la rédaction Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle Chevallereau, Alexis Delcambre,
appris une leçon que j’ai conservée de domaines, il avait aussi le goût Grégoire, La levée de corps se fera à Benoît Hopquin, Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot, Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements)
toute ma vie, l’universalité de l’es­ du « business ». Il s’est impliqué à Pierre, 15 heures, à la chambre mortuaire du Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
pèce humaine n’est pas contradic­ fond dans la gestion, parfois ru­ ses petits-enfants, Centre hospitalier de Sens, Rédaction en chef numérique Hélène Bekmezian
Rédaction en chef quotidien Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws, Franck Nouchi (Débats et Idées)
toire avec l’infinie diversité des cul­ gueuse, de la PME Alternatives Arsène, Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote
Cet avis tient lieu de faire-part et Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
tures et des civilisations » écrira­ économiques au cours d’une pé­ Ambroise, de remerciements.
ses arrière-petits-enfants, Chef d’édition Sabine Ledoux
t­il dans ses souvenirs. riode déjà marquée par la crise de Les familles Villeminey, Boutinard
Directrice du design Mélina Zerbib
Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
Il obtient ensuite le capes de la presse. Pour cette raison, il Rouelle, Rossier, Godest, Erik Le Maresquier, Photographie Nicolas Jimenez
sciences économiques et sociales, s’amusait régulièrement des pro­ son mari, Infographie Delphine Papin

matière qu’il enseigne de 1975 à cès en idéologie dressés contre lui ont la tristesse de faire part du rappel Ses enfants, Directrice des ressources humaines du groupe Emilie Conte
Ses petits-enfants, Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
1983 au lycée Hector­Berlioz de par des intellectuels libéraux ou à Dieu de Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président
Sa famille,
Vincennes (Val­de­Marne). Il res­ des bureaucrates patronaux très Ses amis,
Marie-Thérèse
tera toujours très attaché à cette éloignés des entreprises. BOUTINARD ROUELLE,
discipline face au dénigrement Il comptait également beau­ font part du décès de
née VILLEMINEY,
dont elle fera l’objet de la part de coup dans le monde de l’écono­ Yvonne-Hélène (Yvolène)
la droite et des milieux patro­ mie sociale et solidaire auquel Al­ le 2 août 2020, dans sa centième LE MARESQUIER,
naux. Parallèlement, il s’engage ternatives économiques appar­ année. née KESTELOOT,
responsable
dans Le Canard du XIIIe, qui a dans
les années 1970 un écho impor­
tient, même s’il ne ménageait pas
ses critiques. Il lui consacrera un
La cérémonie religieuse a été du Centre de topographie
historique de Paris,
Le Carnet
célébrée le jeudi 6 août, à 11 heures,
tant dans ce quartier de la capi­ ouvrage La Nouvelle Alternative ? en l’église du Sacré-Cœur d’Ouchy, CNRS - Archives nationales
tale. C’est aussi dans ce contexte Enquête sur l’économie sociale et chemin du Beau-Rivage 3, Lausanne (1983-2012),
secrétaire générale
qu’il rencontre son épouse, Chris­
tine Canuet, avec qui il aura deux
solidaire (Les Petits Matins, 2011),
qui fait référence. Depuis sa re­
(Suisse).
de la Société de l’histoire
de Paris
Annoncez
L’inhumation aura lieu à Ruaux -
enfants. Il est alors très actif dans
la mouvance écologiste nais­
traite, il s’était enfin beaucoup in­
vesti à l’Institut Veblen qu’il prési­
Plombières-les-Bains (Vosges).
et de l’Île-de-France
(2008-2017), vos événements culturels
auxiliaire de l’Académie
sante, participant à la première dait, y approfondissant en parti­ Chemin de Bellerive 6, des inscriptions et belles-lettres
manifestation à vélo et candidat culier la réflexion sur la société 1007 Lausanne (Suisse). (2002-2020),
sur les premières listes écologis­ post­croissance et les moyens de 14, rue François Miron,
75004 Paris. à Fresnes (Val-de-Marne), le 22 juin
tes aux municipales de 1977. Ce concilier justice sociale et consé­
2020.
sera cependant son seul engage­ quences de la crise écologique.
ment électoral. Philippe Frémeaux avait le souci M. Marc Lamire,
Elle a été inhumée à Mirabel-aux-
constant de contribuer à amélio­
son compagnon,
M. Marc Caffet,
Baronnies (Drôme). Signatures
Une culture étendue
Entre 1979 et 1983, il devient pi­
rer le fonctionnement de la so­
ciété. Non pas en délivrant la
M. Jean-Pierre Caffet
et son épouse, Marie-Christine,
Une messe sera célébrée en l’église Projections-débats
Notre-Dame-de-la-Merci de Fresnes,
giste au Monde. Puis il quitte l’édu­ bonne parole mais en armant les ses enfants, le samedi 3 octobre, à 10 h 30. Lectures
cation nationale pour entrer au citoyens pour mieux comprendre Jean-Christophe Caffet
Bureau d’informations et de pré­ les mécanismes à l’œuvre et les et son épouse, Camille, 14, rue de la Terrasse, Communications
Laurence Caffet, 94260 Fresnes.
visions économiques, où il mène différentes options possibles. Il a ses petits-enfants, diverses
de nombreuses études pour le mi­ toujours défendu une gauche in­ Yvette,
La Ferté-Macé.
nistère de l’industrie ou la Com­ ternationaliste et pro­euro­ sa sœur
mission européenne et conseille péenne qui se défie des avant­gar­ Ainsi que toute la famille, On nous prie d’annoncer le décès de
beaucoup de grandes entreprises. des et des « sauveurs suprêmes ».
ont le chagrin de faire part du décès Jean-Marie LEBOUC,
Il devient ainsi un fin connaisseur Il voulait qu’elle soit à la fois radi­ de
de l’industrie, ce qui le dissuade de cale, notamment sur l’écologie et survenu le 3 août 2020, à l’âge de
céder aux sirènes d’un discours la lutte contre les inégalités, et réa­ Mme Marie CAFFET, soixante-dix-sept ans.
néolibéral qui a peu à voir avec la liste dans l’appréciation des mar­ née BUONACORE,
réalité des entreprises. ges de manœuvre. Entre renonce­ titulaire des Palmes académiques, La cérémonie religieuse sera
célébrée samedi 8 août, à 15 heures, en
Sa trajectoire prend un nouveau ment gestionnaire et surenchère l’église Notre-Dame de La Ferté-Macé.
survenu le 5 août 2020, à Fréjus,
tournant quand, en 1982, il com­ maximaliste, cela a souvent à l’âge de quatre-vingt-treize ans.
mence à écrire pour Alternatives amené Philippe Frémeaux à ne Ni fleurs ni plaques. Pour toute information :
économiques, fondée en 1980 par pas partager les avis dominants à Les obsèques religieuses seront
Denis Clerc. A l’époque, la revue est gauche. Cela ne l’empêchait pas célébrées le mardi 11 août, à 9 h 30,
en la basilique Notre-Dame de la
Cet avis tient lieu de faire-part et
de remerciements. carnet@mpublicite.fr
rédigée par des bénévoles mais cependant de continuer à vouloir
Victoire suivies de l’inhumation au 5, résidence de la Prairie,
son développement impose une s’adresser à tous et toutes, en évi­ cimetière A. Karr, à Saint-Raphaël. 14000 Caen.
professionnalisation. En 1988, Phi­ tant de creuser les clivages.  14, boulevard Clémenceau, Tarif : 29,50 € TTC
lippe Frémeaux prend la rédaction guillaume duval (ancien M et Mme Caffet, 22000 Saint-Brieuc. Prix à la ligne
en chef du mensuel qui deviendra éditorialiste à « alternatives 135, rue Ordener, PF Mélanger, La Ferté-Macé.
sous sa houlette un des princi­ économiques ») 75018 Paris. Tél. : 02 33 30 40 38.
CULTURE
0123
14 | SAMEDI 8 AOÛT 2020

« Deux rien », spectacle jeune public de Caroline Maydat et Clément Belhache. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE « Prodiges », avec Caroline Maydat, Johanna Silberstein et Aurore Déon. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

Au théâtre chez Maria Casarès
La maison de la comédienne, devenue un centre culturel
de rencontres, organise spectacles et visites contées en plein air

REPORTAGE un peu (injustement) oubliée, va­


canciers sortis de leurs maisons
alloue (charente)
­ envoyée spéciale
de famille, et touristes de passage.
A l’heure du goûter, le broyé du

I
l faut garer la voiture au Poitou et le jus de pommes local
parking, et prendre à pied accompagnent Deux rien, un
l’allée de chênes, de hêtres et spectacle jeune public, entre
de charmes. La maison est mime et clown, de Clément
au bout de la route, seule au Belhache et Caroline Maydat.
milieu des champs, superbe et Juste le temps de faire une pause
tranquille sous la chaleur sur les transats à l’ombre des pla­
écrasante de cette fin de juillet. tanes, et c’est l’heure de l’apéro –
Une maison de maître avec sa pineau des Charentes, bien sûr –
tourelle à la proue, bien cachée et de Prodiges, une pièce com­
dans la campagne de la Charente mandée par Matthieu Roy, le maî­
limousine, et qui fut le refuge de tre des lieux, à la jeune autrice
la grande comédienne Maria Mariette Navarro. En deux temps
Casarès pendant plus de trente trois mouvements, Prodiges ra­
ans, jusqu’à sa mort, en novem­ conte comment une célèbre mar­
bre 1996. que de boîtes en plastique dont le
Depuis 1999, la maison est deve­ nom commence par un « t » a pré­
nue un foyer pour les comédiens tendu changer la vie de femmes
de théâtre, puis un centre culturel qui n’avaient pas l’indépendance
de rencontres, en 2008. En cet été de Maria Casarès, dans ces années
2020, où la plupart des festivals 1960 où la consommation allait
ont été annulés, le domaine de transformer le monde.
Maria Casarès est l’un des rares en C’est fou ce que l’histoire de l’in­
France où l’on puisse voir du venteur du bol hermétique en
théâtre. L’espace s’y prête, avec polyéthylène révèle de l’imagi­
son parc de cinq hectares, et ses naire d’une époque où le bonheur
vastes dépendances. et la liberté semblaient pouvoir
La comédienne Johanna Sil­ tenir dans une boîte en plastique
berstein et le metteur en scène aux couleurs « pop ». Mais voilà
Matthieu Roy, qui dirigent la venue l’heure du spectacle du
Maison Maria Casarès depuis soir, Les Noces, de Samira Sedira,
2017, ont concocté un pro­ Le parc de 5 hectares et les vastes dépendances permettent le respect des règles de distanciation physique. C. RAYNAUD DE LAGE mis en scène par une toute jeune
gramme bien dans la ligne de leur femme, Jeanne Desoubeaux. Une
projet, qui mêle patrimoine, théâ­ comédie loufoque qui orchestre
tre, gastronomie, écologie et ressemble, à la fois noble et rusti­ Fille de la Galice, et donc d’une deux créations théâtrales, elle Aujourd’hui, cette maison, à la le mariage semé de péripéties en­
transmission. Au domaine de la que, majestueuse et austère. Elle a Espagne atlantique et ver­ vient se ressourcer. Elle se dore au fois austère, espagnole et théâ­ tre un jeune homme de Sevran et
Vergne se succèdent donc, tous alors 39 ans, et la sensation que sa doyante, elle songe d’abord à la soleil devant les murs de pierre, trale, est restée telle qu’elle était, une jeune femme d’Alloue, sur
les jours du lundi au vendredi, vie s’est arrêtée, depuis qu’Albert Bretagne, où les propriétés qui la se laisse dériver en barque sur la avec ses meubles en bois massif fond de « gilets jaunes » et de choc
jusqu’au jeudi 20 août, visites Camus est mort, le 4 janvier 1960, font rêver s’avèrent trop chères Charente brune et paresseuse, qui qui semblent sortis d’un décor, des cultures.
contées, goûter­spectacle, apéro­ et avec lui leur amour clandestin pour elle. Au hasard des annonces coule au milieu de son parc, et se sa collection d’armes dans la Des formes que Maria Casarès
spectacle et dîner­spectacle dans et incandescent. immobilières, André et elle se dé­ promène avec son chien sous la salle à manger, et l’établi de bois aurait peut­être trouvées un peu
les différents recoins du parc et Et puis Maria, l’éternelle exilée, cident à aller visiter ce domaine pluie. Elle lit un des innombrables trapu de la cuisine, sur lequel légères, elle qui vivait le théâtre
donc à l’air libre, dans les règles de la fille d’une Espagne où elle ne niché en Charente, région avec ouvrages qui tapissent les deux Maria Casarès, dotée d’un solide comme un brasier. Mais la
distanciation physique. veut pas remettre les pieds tant laquelle ils n’ont aucun lien ni salons­bibliothèques rouges et appétit, préparait à manger. douceur de la campagne charen­
que le général Franco ne sera pas l’un ni l’autre. En ce jour de prin­ noirs, où Johanna Silberstein ne Dans la chambre de Maria, au taise a aussi du bon. Le spectacle
Terre d’asile mort, a besoin d’un ancrage. temps, une pluie douce tombe se lasse pas de retrouver, au premier étage de la tourelle, le terminé, tout le monde se re­
Avec la visite contée intitulée Les En 1950, déjà, elle écrivait à sur la campagne. La légende dit hasard, une dédicace de Camus papier peint à fleurs jaunes se trouve autour des grandes tables,
Fantômes d’Alloue, on part sur les Camus : « Je traîne avec moi une que Maria Casarès est tombée ou un exemplaire annoté de Mère décolle doucement. sous les tilleuls et les guirlandes,
traces de l’immense Maria, dont vieille nostalgie qui crie de plus en amoureuse de sa maison dans Courage, de Brecht. La maison elle­même n’est pas pour goûter le menu imaginé par
la présence semble imprégner plus fort à mesure que les années cette allée d’arbres qui y mène, Maria meurt là, le 22 novem­ visitable cette année, en raison le jeune chef Romain Portelli.
tous les recoins du domaine. La coulent et qu’elle assiste, impuis­ sous cette pluie qui lui rappelait bre 1996. Elle lègue le domaine des mesures liées à l’épidémie de « La rencontre autour d’une table
comédienne l’a achetée en sante, à mon destin d’éternelle exi­ La Corogne de son enfance. au village voisin d’Alloue, en Covid­19, mais elle le sera sans entre les artistes et les visiteurs­
août 1961, cette maison qui lui lée. Prendre racine, trouver une Le domaine, qui tire son nom remerciement à la France pour doute l’année prochaine, avant spectateurs est au cœur de notre
patrie et m’y attacher jusqu’à la fin, des vergnes, autrement dit les avoir été une terre d’asile pour que ne commencent des travaux projet », soulignent Johanna
voilà mon profond souhait. » (Al­ aulnes, qui poussent au bord de elle et sa famille. Et elle, l’exilée de rénovation indispensables. En Silberstein et Matthieu Roy. Le
bert Camus­Maria Casarès, Corres­ l’eau, devient sa terre d’asile. C’est sans famille, demande à être attendant, on peut se promener fantôme de Maria, lui, se dit peut­
pondance, Gallimard, « Folio ».) là qu’entre deux tournées, entre enterrée au cimetière du village, dans le parc, et partir sur la piste être qu’elle a droit à un peu de
En cette année 1960, ses amis la que l’on aperçoit à travers les d’une vie brûlée par le théâtre, les légèreté – enfin. 
Les poussent à trouver enfin ce re­ arbres du parc. La petite com­ grands rôles au Festival d’Avignon fabienne darge
fuge. Maria Casarès vient de mune de 500 habitants ne sait avec Jean Vilar, Lady Macbeth ou
gagner beaucoup d’argent, en
La comédienne trop que faire de cet énorme Marie Tudor, les créations histori­ Festival d’été de la Maison
recherchent de triomphant au Théâtre de Johanna cadeau, jusqu’au jour de 1999 où ques des Paravents, de Genet, ou Maria Casarès, domaine
nouveaux l’Athénée avec Cher menteur, une
comédie fondée sur… la corres­
Silberstein Véronique Charrier, ancienne di­
rectrice adjointe du Festival
de Quai Ouest, de Koltès, avec
Patrice Chéreau, Le Roi Lear avec
de la Vergne, Alloue (Charente).
Réservation : 05­45­31­81­22.

auteurs
Envoyez vos manuscrits :
pondance amoureuse entre un
grand écrivain – George Bernard
Shaw – et une actrice célèbre au
et le metteur
en scène
d’Avignon, crée l’association La
Maison du comédien ­ Maria
Casarès. En 2008, la Maison est
Bernard Sobel…

Douceur et légèreté
Visite contée de 15 heures
à 18 heures, puis spectacles
à 16 h 30, 18 h 30 et 19 h 30,
Éditions Amalthée
8-10 rue Louis Marin, 44200 Nantes regard de feu. Elle se met en quête, Matthieu Roy devenue centre culturel de ren­ La journée au domaine, en ce jusqu’au jeudi 20 août.
en compagnie d’André Schlesser, contres, et des troupes s’y retrou­ mois d’août, est rythmée par les 5 € les spectacles,
Tél. 02 40 75 60 78
ami­compagnon de route, qui de­
dirigent le lieu vent pour des temps de résidence spectacles, où se mêlent habi­ 25 € pour le dîner­spectacle
www.editions-amalthee.com
viendra son mari en 1978. depuis 2017 ou de représentation. tants de cette Charente limousine du soir.
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SAMEDI 8 AOÛT 2020 culture | 15

McCartney fait Paul McCartney,


à Londres,
COVID-19
Incertitude pour les
spectacles recevant plus
de 5 000 personnes

recette avec
en 1996. La tenue de rassemblements
LINDA MCCARTNEY culturels de plus de
5 000 personnes à partir de
septembre sera condition­

« Flaming Pie »
née à l’évolution de la situa­
tion sanitaire, a souligné,
jeudi 6 août, le ministère de
la culture : « La règle de l’in­
terdiction des rassemble­
Réédition de l’excellent et très gistrées sur une période de deux
ans (de 1995 à 1997), principale­
ments de plus de 5 000 per­
sonnes, sauf autorisation
artisanal dixième album solo de ment dans le Sussex et aux Etats­
Unis. McCartney y joue de quasi­
préfectorale, fera l’objet d’un
réexamen très prochaine­
l’ancien Beatles, publié en 1997 ment tous les instruments, se­
condé par Jeff Lynne pour les har­
ment, au regard de l’évolu­
tion de l’épidémie », a précisé
monies vocales et la guitare. à l’AFP la Rue de Valois.
Parmi les plus belles réussites, Mardi 4 août, dans un précé­
MUSIQUE proue, Oasis, se revendique plu­
tôt des Beatles version Lennon.
la chanson­titre, un brûlant re­
tour aux sources du rock’n’roll, et
dent communiqué, le minis­
tère s’était montré plus opti­

L es Beatles n’étaient pas un


groupe sérieux », écrit Paul
McCartney dans le livret ac­
compagnant la réédition de Fla­
ming Pie, son dixième album solo,
Sur le plan personnel, McCartney
voit l’état de santé de son épouse
Linda se détériorer – atteinte d’un
cancer du sein, elle meurt le
17 avril 1998 à l’âge de 56 ans. Sur
le somptueux Calico Skies, une
ballade acoustique – dans la veine
de Blackbird, sur l’album blanc
des Beatles – qui avait été écrite
en 1991 à Long Island (New York),
miste en annonçant que ces
rassemblements pouvaient
être autorisés, à compter
du 15 août, par les préfets, à
condition de respecter « cer­
qui avait été commercialisé en Flaming Pie, elle participe aux en plein ouragan Bob. Cette réé­ taines conditions » sanitaires,
mai 1997. Il suffit de lire les titres chœurs de Great Day (dans la ma­ dition est copieusement agré­ et qu’à partir du début
de quelques­unes de leurs chan­ nière de Wings, le groupe mené mentée de démos et d’inédits qui, septembre ils pourraient se
sons – Sgt. Pepper’s Lonely Hearts par Paul McCartney), et le délicat sans s’avérer indispensables, lais­ tenir sans jauge ni autorisa­
Club Band ou Mean Mr Mustard – Somedays lui est dédié. sent entendre l’évident plaisir tion préfectorale.
pour comprendre que les « Fab éprouvé par McCartney lors de
Four » entretenaient entre eux Esprit (ré)créatif l’élaboration de l’album. ARTS
un humour particulier. Celui de Seule éclaircie, le récent projet An­ A sa sortie, Flaming Pie ne béné­ En Italie, le visage
Flaming Pie s’inspire d’ailleurs thology des Beatles, trois copieux ficiera pas d’un puissant soutien du peintre Raphaël
d’une plaisanterie de John Len­ volumes rassemblant des inédits promotionnel et sera quelque reconstitué en 3D
non, qui prétendait qu’il avait in­ et raretés, a régénéré le musicien peu éclipsé par l’engouement Une équipe de l’université de
venté le nom du groupe après auprès de ses anciens complices, autour d’Anthology. Mais les criti­ Rome a reconstitué en 3D le
avoir eu la vision d’un homme George Harrison et Ringo Starr, le ques seront relativement bonnes visage du peintre Raphaël
sur une tarte enflammée. producteur George Martin et l’in­ et l’objet finira par s’écouler à plus (1483­1520) à partir d’un
Disque léger et pétri de bonnes génieur du son Geoff Emerick, et sépare de son groupe d’alors et va de 2 millions d’exemplaires, soit moulage en plâtre de son
ondes, Flaming Pie a pourtant été un nouveau venu, le producteur
Disque léger et rappeler Jeff Lynne et George l’album le plus vendu de la car­ crâne, a­t­elle annoncé jeudi
conçu lors d’une période de et multi­instrumentiste Jeff Lynne pétri de bonnes Martin pour réaliser Flaming Pie, rière solo de son auteur. Cette pa­ 6 août. Les chercheurs ont
lourde remise en question pour (leader d’Electric Light Orchestra). son premier album en quatre ans. tine artisanale et humble lui aura confirmé également
McCartney. Son précédent al­ McCartney souhaite dès lors re­
ondes, l’album Sans atteindre les sommets de finalement donné raison.  l’authenticité des restes du
bum, Off the Ground (1993), n’a nouer avec l’esprit (ré)créatif de a pourtant été Ram (1971), Flaming Pie n’en de­ franck colombani peintre, mort à 37 ans à
pas réitéré la réussite artistique et l’album blanc des Beatles (1968), meure pas moins un excellent al­ Rome et enterré sous la cou­
commerciale de Flowers in the qui laissait cours à davantage de
conçu lors d’une bum. Et certainement l’un de ses Flaming Pie, de Paul McCartney, pole du Panthéon. Des dou­
Dirt de 1989. L’auteur de Yester­ spontanéité après la prouesse période de remise plus homogènes en solo. Majori­ réédition en 2 CD, 2 LP, 3 LP tes récurrents ont tourmenté
day se trouve dépassé par la va­ technologique de Sgt. Pepper’s Lo­ tairement acoustiques, les chan­ et coffret 5 CD/2 DVD durant des siècles ses admi­
gue Britpop, dont la figure de nely Hearts Club Band (1967). Il se
en question sons ont été composées et enre­ (Capitol/Universal Music). rateurs. – (AFP.)

MARYAM PEUT CONDUIRE, TRAVAILLER, MAIS PAS VOYAGER SANS L’ACCORD DE SON PÈRE.
ELLE DÉCIDE DE SE LANCER EN POLITIQUE

THE PERFECT
CANDIDATE
UN FILM DE
HAIFAA AL MANSOUR

MERCREDI
AU CINÉMA
16 | télévision 0123
SAMEDI 8 AOÛT 2020

Cuisine antigaspillage à la sauce autrichienne VOTRE


SOIRÉE
TÉLÉ
Dans une série en huit volets, David Gross traque les initiatives européennes pour éviter la gabegie alimentaire

USHUAÏA TV des cours de cuisine gratuits que


SAMEDI 8 - 20 H 40 dispense la chef Sonia Ezgulian SAMEDI  8  AOÛT
DOCUMENTAIRE (riz aux poireaux et huile de sardi­
nes en boîte), qui flingue au pas­ TF1

A
vec sa casquette sur sage la « grande » cuisine. 21.05 Franck Dubosc : Fifty/Fifty
l’arrière du crâne, son Spectacle enregistré le
sourire bon enfant et Pragmatisme actif 15 janvier 2020 à la Salle Pleyel.
sa benne à ordures L’huile de sardine sert à tout, 22.50 Les 100 Plus Grands…
aménagée en cuisine roulante, même à faire avancer le 4 × 4 jus­ Magazine présenté par Christophe
David Gross attire la sympathie qu’au port pilote de Saint­Gué­ Beaugrand et Anaïs Grangerac.
– ou, au pire, l’indulgence. Le jour­ nolé (Finistère), où est installée
naliste autrichien, autoproclamé l’association Le Panier de la France 2
« activiste alimentaire », a ainsi mer depuis quinze ans. Là, tout 21.05 Fort Boyard
choisi de traiter en mode farfelu sourire, Hélène ne se laissera pas Jeu présenté par Olivier Minne.
un sujet révoltant : le gaspillage culpabiliser et défendra pied à 23.25 Fort Boyard : toujours
alimentaire. Au volant d’un 4 × 4 pied son pragmatisme actif face à plus fort !
roulant à l’huile de friture usagée l’utopie rêveuse d’un David… Jeu présenté par Olivier Minne.
(dégageant au passage des oxydes contraint de capituler !
d’azote et des particules fines), il a Contrairement à la France, le France 3
sillonné l’Europe en quête d’ini­ Danemark, qui suit, a la réputa­ 21.05 Roches noires
tiatives « antigaspi » originales et tion d’être un bon élève de la lutte Téléfilm de Laurent Dussaux.
de recettes de produits délaissés. antigaspi. Ce que le téléspecta­ Avec Grégori Derangère, Flore
La minisérie de quatre fois deux teur pourra vérifier auprès d’un Bonaventura (Fr., 2018, 95 min).
épisodes qui en résulte renouvelle jeune chef jovial et nature, Jakob 22.40 Le Vagabond de la baie
un genre ancien – la première édi­ Hvidsten Orstrup, spécialisé de Somme
tion de L’Art d’accommoder les res­ « La cuisine anti­gaspi », de Georg Misch. MISCHEF FILMS & CO-KG dans l’accommodement du va­ Téléfilm de Claude-Michel Rome.
tes dédié aux petites fortunes, par rech, ou en découvrant l’applica­ Avec Sonia Rolland, Jérôme Robart
un « gastronome émérite », date… tion consacrée aux invendus Too (Fr., 2015, 95 min).
de 1866. Elle surprend également ture (FAO), soit 10 millions de ton­ le « dernier » épisode quand il France « gastronomique » est sur­ Good to go et le premier restau­
à plus d’un titre, en particulier nes juste en France. Alors qu’à s’agit pour nous du 3e. L’ordre de tout appréhendée comme le pays rant antigaspi Rub & Stub. A re­ Canal+
quand elle aborde, comme ce soir, l’autre bout de la chaîne 690 mil­ diffusion a été modifié pour cette où l’on gaspille le plus : « On dit faire chez soi : la tarte au pain 21.10 Le Cheval pâle
la France. lions d’humains souffraient de la première en première partie de que c’est à Rungis qu’on jette le rassi, chocolat périmé et vieille Téléfilm de Leonora Lonsdale.
Sur le fond, l’aberration envi­ faim en 2019 (source FAO). soirée dans l’Hexagone. Trois épi­ plus de nourriture », surtout du citrouille. « Nyd dit maltid ! », Avec Rufus Sewell, Kaya Scodelario
ronnementale est inacceptable. Sur la forme, le traitement dé­ sodes de la saison 1 (Pays­Bas, Bel­ poisson. David Gross va donc re­ « bon appétit », en danois.  (RU, 2020, 110 min).
1,3 milliard de tonnes de nourri­ sinvolte proposé par la télévision gique et France) ont été ajoutés à monter la filière. Depuis le plus catherine pacary 23.00 Freaks
ture finirait à la poubelle chaque autrichienne nécessite quelques la saison 2 (Danemark, Angle­ grand marché de gros européen Film de Zach Lipovsky et Adam B.
année dans le monde, selon l’Or­ adaptations. Tout d’abord techni­ terre, Italie, Grèce, Roumanie). (dans un reportage trop superfi­ La Cuisine antigaspi, de Stein. Avec Lexy Kolker, Emile Hirsch
ganisation des Nations unies ques : ainsi, il ne faut pas s’éton­ Passé ce petit calage vient ciel) jusqu’au chalutier à langous­ Georg Misch (Aut., 2015 et 2017, (EU-Can., 2018, 100 min).
pour l’alimentation et l’agricul­ ner d’entendre David Gross lancer l’adaptation… culturelle. La tines d’Eric Pochat. En passant par 8 × 26 min). En replay 30 jours.
France 5
20.50 Echappées belles
Magazine présenté
par Ismaël Khelifa.

Une intrigue façon puzzle d’Alejandro Gonzalez Iñarritu Sénégal, au rythme du fleuve.
22.25 Le Meilleur du Violon
sur le sable
Avec « Babel », le cinéaste signe une fable sur l’impossible communication entre les cultures et les générations Magazine musical.

Arte
20.50 Le Cosmos selon Kepler
CINÉ+ ÉMOTION qui vivent sur trois continents. Au entend retrouver le propriétaire nourrice travaille illégalement sur ries innocentes ou artificielles. Documentaire de Christian Twente
SAMEDI 8 AOÛT - 20 H 50 Maroc, un éleveur de chèvres ac­ du fusil, ainsi que l’angoisse de le sol américain, et le Japonais, Transposer les ratés de la commu­ (Autr., 2020, 95 min).
FILM quiert un fusil, qu’il confie à ses l’époux américain cherchant à veuf, a des difficultés avec sa fille nication dans les blessures du 22.25 Tempêtes solaires :
deux fils avec mission de tuer tout faire soigner sa femme qui perd sourde­muette, qui compense son corps est une belle idée, que une mystérieuse menace

D ès son premier film,


Amours chiennes (2000),
le Mexicain Alejandro
Gonzalez Iñarritu a inventé un
type de récit à partir d’un accident
chacal menaçant son troupeau.
Les gamins s’amusent à tirer à tort
et à travers, visent un autocar
chargé de touristes, dont un cou­
ple de jeunes Américains. La balle
son sang en plein désert, et celle de
la nourrice à laquelle il a confié ses
deux enfants en Californie – une
Mexicaine qui a pris le risque de les
emmener à un mariage de l’autre
déficit d’affection en cherchant un
partenaire sexuel.
Cette quadruple intrigue permet
à Iñarritu de mettre en valeur sa
virtuosité narrative, sa dextérité à
l’auteur exploite avec un rien d’in­
sistance, et le message généreux
sur l’urgence d’abolir les barrières
de langues, de cultures et de suspi­
cions politiques entre les hommes
Documentaire de Lars Ole Reimer
(All., 2020, 50 min).

M6
21.05 Fiston
de la circulation, qui provoque une atteint l’épouse, qui s’effondre. côté de la frontière et les a perdus. mêler réalisme et onirisme, sa clignote de façon subliminale.  Film de Pascal Bourdiaux.
série d’effets en chaîne conduisant Ainsi s’assemble un puzzle. Outre la description des imprévi­ maîtrise de la direction d’acteurs, jean­luc douin Avec Kev Adams, Franck Dubosc
des personnages à se retrouver en­ Tout en dépeignant l’enquête de sibles conséquences du coup de son talent à générer de très belles (Fr., 2014, 100 min).
traînés dans une tragédie qui bou­ la police marocaine et l’effondre­ feu initial, Babel orchestre une cas­ scènes d’émotion. Il est à l’aise Babel, d’Alejandro Gonzalez 22.45 Tout là-haut
leverse leur cellule familiale. Le ment moral du sniper incons­ cade de drames. Le couple est en dans l’évocation des désarrois les Iñarritu. Avec Brad Pitt, Cate Film de Serge Hazanavicius.
défi est ici plus ambitieux encore. cient, Iñarritu suit les démarches quête de renaissance depuis la plus poignants, des intimités en Blanchett, Gael Garcia Bernal Avec Kev Adams, Vincent Elbaz
Babel implique des personnages de la police japonaise, qui, à Tokyo, mort de son troisième enfant, la détresse, et dans celle des eupho­ (EU­Mex.­Fr., 2006, 135 min). (Ind.-Fr., 2017, 115 min).

0123 est édité par la Société éditrice


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0123
SAMEDI 8 AOÛT 2020

L’été en séries décryptage | 17

JOEL SAGET /AFP

par carole fives

L
e crématorium est bondé. Le « Rassure­moi, tu n’as jamais couché
maître de cérémonie s’ap­ avec une mineure ?
prête à lancer la musique – J’ai eu une histoire avec une jeune fille,
avant l’éloge funèbre. Il c’est resté platonique… »
fouille dans son ordinateur à J’observe Jean­Louis. A son poignet
la recherche du titre de­ droit, des bracelets brésiliens colorés. Ce
mandé. Encore un morceau qu’on lui a genre de bracelets qu’on portait au col­
réclamé à la dernière minute. Il n’a pas lège, quand on avait 13 ans­14 ans… Les
réussi à le télécharger mais l’a trouvé in vœux les plus chers étaient censés se réa­
extremis sur YouTube. Il préfère quand liser dès que les fils du bracelet lâche­
on lui demande Puisque tu pars, de Gold­ raient… Je vois au cou de Jean­Louis le la­
man, ou Allumer le feu, de Johnny, les tu­ cet de cuir brun que je trouvais si sexy. Au
bes du crématorium. Il appuie sur Play. pied du lit, son jean slim. Son sweat­shirt
La pub, il a oublié la pub. Une voix lascive APC. Comme j’avais trouvé Jean­Louis
retentit dans la salle de cérémonie, « Tu jeune, à côté des hommes de son âge.
viens ? Tu viens ? Tu viens ou tu viens Tout à coup, je pense à Tom.
pas ? Tu viens ? » C’est un slogan pour un « Et les enfants, tu as déjà été attiré par
putain de site de rencontres. Un mur­ les enfants ?
mure de désapprobation parcourt l’as­ – Mais non…
semblée. Jean­Louis a beau cliquer – T’es sûr ? »
comme un forcené sur « Passer l’an­
nonce », YouTube lui indique qu’il reste « CE VIEUX KEUM ? »
six secondes, six interminables secon­ Je pense à mes déplacements à Paris,
des, le temps de subir quatre ou cinq « Tu cette année, aux soirées où j’ai laissé mon
viens » supplémentaires. fils seul avec Jean­Louis. L’heure du bain.
Est­ce cette ultime maladresse qui lui a L’heure du coucher. Tom n’a que 6 ans.
coûté sa place au crématorium ? Quinze Jean­Louis me regarde.
jours plus tard, Jean­Louis était licencié. ROZENN LE GALL « T’es folle ? T’es pas en train de t’imagi­
Réduction du personnel, lui avait­on as­ ner que j’ai pu faire des trucs avec Tom ? Je
suré. C’était quelques semaines avant le suis attirée par les lolitas, ça ne fait pas de
Covid. moi un pédophile ! »
Jean­Louis gît sur mon lit. Je contemple Le soir même, j’appelais ma sœur, il fal­
son sexe flapi. Rien à faire. Il a durci quel­ lait qu’elle vérifie les messageries de Zoé,
ques minutes au début de la fellation,
puis est graduellement retombé sur
l’aine… Je le rassure comme je peux :
« C’est normal, tu fais une petite dé­
prime, ça va passer…
Au milieu de la fête son téléphone. Peut­être qu’elle en parle
avec elle. Ma sœur me rappela quelques
jours plus tard. Aucune trace d’un mes­
sage de Jean­Louis nulle part. Lorsqu’elle
avait abordé le sujet avec sa fille, celle­ci

FÉMININES 5 | 6  « Le Monde » a proposé à six écrivaines de rédiger


– Je ne comprends pas, j’avais pourtant lui avait simplement répondu : « Ce vieux
très envie, et puis… keum qui buvait trop de vin ? Non mais
– Et puis quoi ?
– C’est comme si je n’étais plus là… une nouvelle, fictive ou inspirée de faits réels, à partir du mot « féminité ». j’hallucine ! »
Les jours qui suivirent, je pris dix ans. Je
– T’étais où alors ? »
Jean­Louis fixe le plafond de ma cham­ Aujourd’hui, le texte de Carole Fives vis soudain la peau plus fine sous les
yeux, le visage aux contours incertains,
bre : « Il faut que je t’avoue quelque les veines mauves sur le ventre, les che­
chose… » veux blancs que je ne teignais pas. Et sur­
Il se reprend : trait les familles endeuillées, les ques­ de Hugo, le discours passait comme une Aujourd’hui, il est là, allongé contre moi. tout je ne pus résister à aller regarder les
« Non, oublie ! tionnait sur la vie du défunt, qu’avait­il lettre à la poste, J’ai bien tenté une fellation, mais rien à photos de Zoé, datant de l’été dernier.
– Il ne fallait pas commencer, t’en as aimé, qu’avait­il accompli dans sa vie… il Je m’en irai bientôt, au milieu de la fête, faire. J’avais des photos de ma nièce à tous les
trop dit ! » notait puis composait un texte d’hom­ Sans que rien manque au monde, im­ « Alors ? Qu’est­ce que tu voulais me âges, je l’avais vue grandir, comme ma
Jean­Louis est croque­mort. Ça fait dix­ mage. Jean­Louis était écrivain aussi à sa mense et radieux ! dire Jean­Louis ? propre fille. Je contemplai les derniers cli­
huit mois que je le fréquente. Lui, il ne dit manière, le maître de cérémonie, c’était Afin de nourrir ses discours funéraires, – Rien, je… chés, sa peau diaphane, ses taches de
pas croque­mort, il dit « maître de céré­ l’écrivain de la dernière heure, l’auteur du Jean­Louis lisait beaucoup. De la littéra­ – Dis­moi… rousseur, ses os saillants, sa maigreur
monie ». Au début, quand je le présentais, texte ultime. ture contemporaine, de la poésie. Sa page – C’est arrivé lorsqu’on est allés à Paris, d’adolescente…
je disais, « MC Jean­Louis » mais, dès qu’il Parfois, m’expliquait­il, ce n’était pas Facebook regorgeait d’extraits de ses lec­ chez ta sœur… Si les hommes de mon âge désiraient
avait le dos tourné, mes amis me tan­ simple. Ainsi, la semaine précédente, un tures, appréciés par une petite commu­ – Tu es tombé sous le charme d’Hélène ? les filles de trente ans de moins, que pou­
naient, « alors, tu vois toujours ton cro­ frère et une sœur n’étaient pas parvenus nauté toujours prompte à réagir par une – Sa fille. vais­je espérer ? Un type de 70 ans ? Fal­
que­mort ? » à retenir une seule note positive de la vie série d’émoticônes, de cœurs ou de bou­ – Zoé ? » lait­il qu’en vieillissant je me rabatte sur
de leur père. Jean­Louis avait pourtant in­ quets de fleurs. C’est ainsi qu’il m’avait Les murs de la chambre se rétrécissent. la génération de mon père ? Mais alors,
L’ÉCRIVAIN DE LA DERNIÈRE HEURE sisté, l’homme n’était­il pas attachant, contactée pour me dire à quel point il Je sais à présent qu’il y aura un avant et les femmes de 70 ans, nos mères,
Les gens détestent la mort. Détestent dans le fond, sous ses airs bourrus ? avait aimé mon dernier livre. Il avait pris un après à cette conversation. qu’est­ce qu’on leur laissait ? Les cada­
qu’on leur en parle. Et naturellement ils N’avait­il pas une passion, un loisir, un plaisir à suivre sa narratrice, de nuit, dans « Elle a 14 ans ! vres ? Non, les cadavres, c’était pour le
ne supportent pas les gens qui travaillent engouement quelconque qui le rendrait les rues de Lyon, où il vivait lui aussi. Il – Je sais… crématorium. Que Jean­Louis se dé­
dans ce domaine. C’est un truc que je un peu humain ? Et surtout grâce auquel, ajoutait qu’il aurait aimé une dédicace, – Tu as cherché à la contacter ? brouille avec sa peur de la mort, son atti­
n’avais pas mesuré avant de rencontrer lui, Jean­Louis, pourrait broder quelques autour d’un café peut­être ? – Non ! J’ai été troublé, c’est tout… rance pour les jeunes filles. J’étais tom­
Jean­Louis. Au début, je m’étais dit, c’est lignes ? Non, vraiment, le père aux yeux Avant de lui répondre, j’avais consulté – Qu’est­ce qui peut t’attirer chez une bée sur un pervers. Qui heureusement
sûr, il y a plus sexy comme boulot. Jean­ de ses enfants était une ordure, il n’y son profil, vu les citations, les cœurs et les gamine de 14 ans ? Tu en as plus de 50 ! ne passait pas à l’acte. Il n’avait commis
Louis semblait spécialisé dans les boulots avait rien à sauver. Dans ces cas­là, Jean­ bouquets de fleurs et je m’étais dit, non, – Elle portait une petite chemise de aucun crime. Après tout, chacun était li­
pas sexy. Il avait été huissier de justice, Louis avait de la ressource. Une sorte de pitié. Mais les photos de Jean­Louis nuit… bre de ses fantasmes. Et dans quelle me­
ambulancier, gardien de cimetière… Mais canevas qui s’appliquait à n’importe eurent raison de mes réticences. Il avait la – Elle allait se coucher, on était invités sure notre société alimentait­elle en per­
Jean­Louis, lui, était très sexy. Sur Face­ quelle vie, un texte à trous pour les cas les chevelure adéquate, les boucles poivre et pour l’apéro ! manence ces fantasmes de jeunesse ?
book, site sur lequel il m’avait contactée, plus désespérés. Il était alors question de sel, le large sourire, tout y était. J’ai ré­ – Il y a eu un petit jeu entre nous, un Mais moi, maintenant que je savais ce
il annonçait 40 ans, alors qu’il en avait en la brièveté de l’existence, qui faisait natu­ pondu à son message. Oui, je vivais aussi truc… que Jean­Louis avait dans la tête, des
réalité dix de plus. Sur ses photos de pro­ rellement sa beauté, et, entre deux vers à Lyon. Oui, je serais ravie de lui signer – Quel jeu ? Quel truc ? corps juvéniles, des poitrines adolescen­
fil, de grosses boucles brunes tirant sur le son exemplaire lors d’une rencontre en – Calme­toi ! tes, pouvais­je continuer à l’aimer ? Non,
gris encadraient un visage souriant. Les librairie, je mentionnais des lieux et des – Merde, 14 ans ! bien sûr, et, sur le coup, c’est ce qui me fit
cheveux mi­longs, chez un homme, SI LES HOMMES DE  dates, comme autant de possibles. Jean­ – La majorité sexuelle est à 15 ans ! le plus mal. 
m’avaient toujours fait craquer. J’avais Louis vint à un festival auquel je partici­ – Et tu comptes faire quoi ? Attendre son
beau me raisonner, me dire que la cheve­ MON ÂGE DÉSIRAIENT  pais et, en quelques jours, l’affaire était anniversaire ? Je te préviens, j’appelle ma Le dernier livre de Carole Fives est « Tenir
lure ne faisait pas l’homme, il n’y avait entendue, nous étions ensemble. sœur, qu’elle protège Zoé ! jusqu’à l’aube » (L’arbalète/Gallimard,
rien à faire, je n’étais attirée que par les LES FILLES DE TRENTE ANS  J’admire les boucles brunes de Jean­ – T’énerve pas ! 2018).
Samson à la chevelure luxuriante. Bien Louis sur l’oreiller pastel, mais son visage – Ça ne te met pas mal à l’aise, toi, d’être A paraître le 20 août, « Térébenthine »,
sûr, plus les années passaient et plus l’es­
DE MOINS, QUE POUVAIS­JE  reste fermé. Ça fait quelque temps que attiré par une aussi jeune fille ? Gallimard.
pèce semblait en voie d’extinction, Jean­ ESPÉRER DÉSORMAIS ?  Jean­Louis est ailleurs, je le sens bien. Et – Oh, tu sais, avant toi, je ne sortais
Louis était une sorte de rescapé. J’aimais surtout quelques semaines qu’il n’a plus qu’avec des 20­25 ans… » Prochain article « Dans la piscine »
l’écouter parler de son métier. Il rencon­ UN TYPE DE 70 ANS ? envie de faire l’amour. Plus du tout. Je me redresse. de Marie Darrieussecq
L’été en séries
18 | décryptage 0123
SAMEDI 8 AOÛT 2020

« The Source of the Arveyron below the Glacier du Bois and Mer de Glace » (1802), de William Turner (1775­1851). Tate Britain, Londres. SAM DRAKE/TATE IMAGES

William Turner, premier


de la glace au Montenvers
chamonix (haute­savoie) ­ envoyée spéciale PAYSAGES EN MOUVEMENT 5 | 6  Le peintre britannique découvre, au tout était venu un siècle et demi plus tôt, lors d’un
épisode aigu du « Petit Age glaciaire » (une
début du XIXe siècle, le panorama grandiose de la mer de Glace, au pied du mont période d’hivers très froids sur l’Atlantique

A
lors c’est ça, la mer de Glace ? Nord, entre le début du XIVe siècle et les
Cette chose toute plate, toute Blanc, et en dessine tous les atours. La géante des Alpes, aujourd’hui, fait grise mine, années 1870), il aurait observé l’énorme

sous les effets conjugués du réchauffement climatique et du tourisme de masse


grise et couverte de cailloux, langue blanche que la montagne projetait
perdue au fond d’un lit trop vers le milieu de la vallée. Au début de la
grand pour elle ? Oui, c’est décennie 1640, elle avançait de 2 à 3 mètres
cela : l’ombre du glacier par jour, si vite qu’elle finit par engloutir
monumental que le peintre britannique deux hameaux, des bosquets et des pâtura­
William Turner (1775­1851) a jadis représenté ges, sous le regard épouvanté des habitants.
dans sa splendeur. En ce temps­là, les visiteurs
venaient de loin pour admirer la carapace LA PROMENADE DES ANGLAIS
tourmentée de ce long serpent blanc, devenu En ce temps­là, on ne l’appelait pas mer de
terne aujourd’hui. Ils accourent encore, pour­ Glace, mais « glacière » des Bois (terme utilisé
tant. Par un petit train à crémaillère, ils arri­ que maintenant, et sans doute encore plus ses bords, on aperçoit des ombres, comme les jusqu’à la fin du XVIIIe siècle), puisqu’elle arri­
vent sur l’esplanade du Montenvers, cadre du temps d’Ötzi, le fameux « homme des gla­ « L’ALPINISME EST  traces laissées à l’intérieur d’une tasse. S’ils vait jusqu’au hameau du même nom, dans la
sublime d’où l’on aperçoit le glacier amorçant ces » du troisième millénaire avant notre ère, UN SPORT SANS  veulent accéder aux télécabines construites vallée de Chamonix. La ville, devenue célè­
son virage vers Chamonix. Mais aujourd’hui, découvert congelé à 3 200 mètres d’altitude en 1988 à hauteur de glace, les skieurs ayant bre, n’existait d’ailleurs pas encore sous ce
c’est pour découvrir la catastrophe engendrée dans les Alpes italiennes, en 1991. Contraire­ SPECTATEUR.  descendu la vallée Blanche (la partie skiable nom. A sa place, il y avait un bourg nommé
par le réchauffement climatique. ment à d’autres paysages, celui­ci s’est donc du glacier) savent qu’ils devront grimper : Le Prieuré, entouré d’une constellation de
Ceux­là sont des touristes de la dernière souvent métamorphosé sans intervention D’OÙ UN DÉSIR  pour rejoindre l’esplanade du Montenvers et petits villages. En 1643, du temps où toute la
chance, poussés par l’idée qu’il sera bientôt directe des habitants. Mais son recul actuel, DE TÉMOIGNAGE  reprendre le train vers Chamonix, il faut région appartenait au duché de Savoie, on
trop tard. Ils veulent pouvoir dire un jour à lié aux activités humaines, n’a pas d’équiva­ aujourd’hui gravir 540 marches, et l’escalier sollicita l’évêque de Genève pour tenter de
leurs enfants : « Je l’ai vue, j’y étais. » Preuve lent : il est infiniment plus rapide et plus dan­ PAR LE RÉCIT ET  s’allonge à chaque début de saison. Telles des conjurer ce monstre vorace, qui menaçait de
que, petite ou grosse, la mer de Glace offre gereux que tous les précédents. stations de chemin de croix, plusieurs recouvrir la rivière de l’Arve et de provoquer
toujours un spectacle hors du commun. Elle LA PEINTURE, PUIS  panneaux sont installés le long des marches : des inondations. Ironiquement, ce type de
fascine ou fait peur, et cela depuis très long­ MONTAGNE SUPPLICIÉE 1990, 2001, 2005… A voir ainsi les reculs processions a repris en Suisse, en 2015, mais
temps : peu d’endroits ont fait l’objet d’autant De nos jours, ce géant formé par la confluence
ENFIN LA PHOTO » successifs du glacier supplicié, on ressent un avec l’imploration contraire. Cette fois, il
de représentations, de fantasmes et de clichés des glaciers du Tacul et de Leschaux renferme LAURE DECOMBLE vertige sans rapport avec l’altitude. s’agissait de prier pour la santé du glacier
que ce fleuve gelé cascadant sur les flancs encore 4 milliards de mètres cubes de glace ; chargée de la Douze kilomètres, c’est tout de même trois d’Aletsch, lui aussi menacé de disparition.
septentrionaux du massif du Mont­Blanc. son épaisseur au pied du Montenvers est de documentation du Musée de moins qu’en 1802, lorsque Turner l’a Si Turner avait été là, il aurait adoré ces
Sa capacité à changer de forme, un peu 60 à 70 m et sa longueur totale de 12 km. Mais alpin de Chamonix représenté sur une aquarelle conservée à la excès : comme l’explique Pierre Wat, histo­
comme un être vivant, joue un rôle dans ce ces chiffres fondent à toute vitesse, eux aussi. Tate Britain de Londres. Cette œuvre a été rien d’art spécialiste de ce peintre et auteur
magnétisme. « Les glaciers sont les éléments « Chaque année, nous perdons de 30 à 50 m de détachée d’un carnet de voyage dans lequel le de Turner, menteur magnifique (Hazan, 2010),
qui réagissent le plus aux modifications clima­ long en moyenne et même, depuis 2015, de peintre britannique accumulait des esquis­ « il voyageait énormément, plusieurs mois par
tiques », explique le glaciologue Luc Moreau. l’ordre de 80 à 100 mètres. Plus 8 à 10 mètres ses au cours de ses déplacements. Et encore, an, traversant l’Europe en tous sens à la
Telle une rivière alternant crues et décrues, la d’épaisseur », explique Ludovic Ravanel, guide, l’artiste, grand voyageur et déjà bien connu recherche de paysages, et notamment de sites
mer de Glace a souvent changé de longueur géomorphologue et glaciologue. dans son pays (même s’il n’était pas la super sublimes ». Rappelons, ajoute M. Wat, que,
et de volume au fil des évolutions atmosphé­ A l’aplomb du Montenvers, la moraine qui star qu’il deviendrait dix ans plus tard), ne selon la définition du philosophe irlandais
riques. Elle était plus courte au Moyen Age longe le glacier est haute de 220 mètres. Sur voyait­il pas ce glacier à son plus haut. S’il du XVIIIe siècle Edmund Burke, le sublime est
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L’été en séries décryptage | 19

Le point de vue de Turner, au pied de la mer de Glace, le 13 juillet. FLORENT MICHEL/11 H 45 POUR « LE MONDE »

ce qui provoque un effet d’« horreur déli­ Ce manque de froid engendre un autre phé­ vallée, bien avant le mont Blanc, dont la pre­ accès à des paysages que seuls les alpinistes
cieuse ». Autrement dit, l’impression d’être nomène très nuisible, comme l’explique Luc mière ascension a eu lieu en 1786 », explique pouvaient contempler de visu.
petit au regard de l’immensité – fragile, mais Moreau : « Il y a de moins en moins de blanc. » Laure Decomble, chargée de la documenta­ Et puis, ajoute­t­elle, « l’alpinisme est un sport
en sécurité. C’est peut­être au sublime qu’ont Autrement dit, le recul du glacier dégage des tion du musée alpin. Dès la fin du XVIIIe siè­ sans spectateur. D’où un désir de témoignage
aspiré, sans le savoir, les visiteurs de toutes espaces sombres, qui absorbent le rayonne­ cle, on se met à construire au Montenvers. par le récit et la peinture, puis enfin la photo ».
les époques face à la mer de Glace. ment solaire au lieu de le renvoyer, comme la D’abord un « hospice », abri précaire. Puis, Créée dès la fin du XIXe siècle, une Société des
Turner, lui, ne jouait pas avec ce sentiment glace. Le réchauffement qui en résulte engen­ très vite, trois bâtiments qui existent peintres de montagne regroupe ces adeptes,
de la même façon que la plupart de ses dre ainsi un cercle vicieux : la fonte alimente encore, même si les deux premiers sont alpinistes pour la plupart. C’est le cas de Lionel
contemporains. De toute façon, cet homme la fonte. Pour tenter de freiner la débâcle, les fermés au public. Dans le « Temple de la Wibault, qui reçoit dans son chalet décoré de
énigmatique faisait tout différemment des scientifiques tendent des draps géotextiles nature », sorte de petite chapelle païenne, maximes gravées à même les murs. Fou de
autres, notamment dans sa vie privée, qu’il a blancs en certains points du glacier. On peut les visiteurs trouvaient de quoi se rafraîchir. Turner, il est peintre et fils de peintre, mais
obstinément dissimulée, au point de prendre en apercevoir au pied du Montenvers, près de « On considère, dit Ludovic Ravanel, qu’il aussi guide de haute montagne : 2 500 ascen­
un faux nom. Dans sa peinture, au lieu d’ins­ la grotte creusée dans la glace pour les touris­ s’agit du premier refuge de haute montagne sions au compteur, dont 83 au sommet du
taurer une distance entre le spectateur et le tes, chaque année depuis 1946. au monde. » Ensuite, dans les années 1830, mont Blanc. A 73 ans, Lionel Wibault est un
paysage, « il se situait à l’intérieur de la catas­ Rien de tel quand Turner arrive dans la val­ un véritable hôtel, bientôt remplacé par un pilier de la Compagnie des guides de Cha­
trophe, souligne Pierre Wat, suggérant ainsi lée de Chamonix : nous sommes à l’aube de plus vaste et plus luxueux, qui existe tou­ monix, qui fêtera ses 200 ans en 2021.
qu’il faisait corps avec le monde ». En plein mi­ la révolution industrielle et les ennuis ont jours. Le Grand Hôtel du Montenvers reçoit,
lieu des éléments donc, au pied des reliefs acé­ déjà commencé, mais personne ne le sait depuis cent quarante ans, des clients à pres­ LES DERNIÈRES IMAGES
rés que l’on distingue encore aujourd’hui. encore. La mer de Glace, elle, est très loin de la que 2 000 mètres d’altitude. Pour l’occasion, il prépare un ensemble de
Pourtant, n’allez pas croire que vous moindre cheminée d’usine. Loin de tout, C’est qu’on doit bien accueillir les foules de 100 tableaux représentant « ses » montagnes
verrez l’horizon rocheux tel que Turner l’a d’ailleurs, à plusieurs jours de route de promeneurs, dont les désirs d’altitude ont sous tous leurs aspects. Son plus grand plaisir,
représenté dans ses aquarelles (dont certai­ Genève, mais déjà connue des Anglais. Car fait naître le métier de guide. Il faut dire que c’est de peindre des endroits seulement acces­
nes sont exposées au musée parisien ceux­ci ont ouvert la voie au tourisme « IL PLEUT PARFOIS  Windham, dans son récit, présente le glacier sibles par des professionnels. « Je sais où sont
Jacquemart­André jusqu’au 11 janvier 2021). chamoniard depuis plus d’un demi­siècle. AU REFUGE  comme si fabuleux qu’il avoue ne pas tou­ les ombres, les lumières, dit­il. Je les connais
Car les sommets ne sont pas immuables, Les pionniers ? William Windham (1717­1761) jours savoir à quoi le comparer. Comment ne par cœur ! » Et bien sûr, il consacrera une toile
eux non plus : ils bougent. Le peintre, du et Richard Pococke (1704­1765), deux Britan­ DES COSMIQUES,  pas avoir envie de se rendre compte par à ce réchauffement qui rapetisse les glaciers,
reste, les a figurés d’une manière un peu niques lancés dans ce que l’on appelait alors soi­même ? Des dames en robe longue et des « rend le monde beaucoup plus minéral et les
floue, comme pour indiquer que rien n’est le « grand tour » – un voyage à travers À 3 600 MÈTRES  messieurs en chapeau haut de forme entre­ approches bien plus difficiles » que lorsqu’il a
jamais éternel. Mais de là à imaginer qu’une l’Europe, d’où est issu le mot « tourisme ». D’ALTITUDE, LÀ  prennent alors de monter à pied ou à dos de commencé, en 1970. L’un de ses tableaux
montagne entière s’effondrerait un jour, mule, avant de traverser le glacier – pour les montre déjà le refuge des Périades, démonté
comme un vulgaire château de sable… LES LOUANGES DE VICTOR HUGO OÙ IL NE FAISAIT  plus aventureux – avec des chaussettes pas­ tout récemment car le rocher sur lequel il
C’est pourtant ce qui s’est produit les 29 et En juin 1741, ils entendent parler du fameux sées sur leurs souliers. Le train, lui, n’a fait son était bâti s’effritait. Déplacé dans la vallée, il
30 juin 2005. En deux jours, dans un colossal glacier qui descend jusqu’à la vallée. Mais QUE NEIGER  apparition qu’en 1909, après un long combat sera reconstruit sur un sol plus stable.
nuage de poussière, 800 000 tonnes de attention, leur dit­on en Suisse, l’endroit est avec les Chamoniards, qui craignaient pour En attendant, la mer de Glace continue de
roches se sont détachées de la face sud­ouest mal famé, les brigands pullulent, ils détrous­
JUSQU’ICI » l’avenir de la profession de guide. reculer. Destiné à alimenter la turbine électri­
des Drus, juste en face du Montenvers. Cent sent les voyageurs. Sur les gravures d’époque, LUDOVIC RAVANEL On ne compte pas les visiteurs célèbres. que de la centrale des Bois, le captage hydroé­
mètres de haut, lisse comme le dos de la exposées au musée alpin de Chamonix, on glaciologue Mary Shelley en a tiré l’inspiration de lectrique situé sous son manteau a dû être
main, ce pilier vertical porte le nom du grand les voit donc arriver en compagnie d’une Frankenstein sur la mer de Glace ; Victor déplacé. Après s’être retrouvé à l’air libre,
alpiniste italien Walter Bonatti, depuis une escorte armée – parfaitement inutile, en défi­ Hugo en a chanté les louanges dans la Revue en 2009, il a été remonté de 100 mètres, mais
spectaculaire ascension en solitaire, au mois nitive. Auteur du tout premier guide touristi­ des deux mondes ; quant à Eugène Labiche, il devra bientôt l’être de nouveau, jugent les spé­
d’août 1955. Cinquante ans plus tard, le piton que, Comment se rendre à Chamonix, Wind­ y a expédié monsieur Perrichon en 1860, cialistes. Selon eux, les touristes d’aujourd’hui
reste imposant, mais définitivement estro­ ham est aussi l’inventeur du nom « mer de faisant tenir à ce commerçant des propos voient bel et bien les dernières images de ce
pié, privé d’une grande partie de sa façade. Glace ». « Il faut s’imaginer un lac agité d’une qui ont fait rire des générations : « Que glacier majestueux, né il y a deux millions et
A qui la faute ? Pour les scientifiques, la grosse bise et gelé tout d’un coup », écrit­il l’homme est petit quand on le contemple du demi d’années. D’ici à la fin du siècle, entre
réponse ne fait pas l’ombre d’un doute : il fait dans sa Relation d’un voyage aux glacières de haut de la mère [sic] de Glace ! » 85 % et 95 % des espaces englacés des Alpes
trop chaud, même la montagne transpire. Savoie en l’année 1741. L’aspect hérissé de la Les peintres et les dessinateurs n’ont pas auront baissé pavillon face au réchauffement
« Le permafrost est un état thermique qui mer de Glace, très accentué sur les gravures été en reste. « Très vite, dès que le tourisme climatique. Entre­temps, des arbres continue­
maintient la roche à des températures négati­ anciennes, vient de ce qu’elle avançait vite, s’est développé, on a eu beaucoup de représen­ ront de pousser sur les bords de la mer de
ves durant toute l’année, explique Ludovic formant des séracs bien serrés. tations », indique Laure Decomble. Non seu­ Glace et des petits lacs pourront se former à sa
Ravanel. Du coup, la glace qui se forme dans Les randonneurs qui vont du Montenvers lement les œuvres du musée, mais d’autres surface, comme ce fut le cas durant les pre­
les fissures joue un rôle de ciment. On appelle au glacier peuvent encore voir, à gauche du qui sont la préhistoire des cartes postales : mières années du XXIe siècle. Puis eux aussi
cela le “béton de glace”, il peut dater de plu­ sentier, les noms des deux compères gravés « Avant l’invention de la photo couleur, les disparaîtront, obstrués par les moraines.
sieurs milliers d’années. Mais si la roche dégèle, sur un rocher, avec l’année de leur expédition. voyageurs emportaient chez eux des gravures Alors, que restera­t­il ? Un grand lit vide, des
alors la glace fond et la pierre se déstabilise. » Cette inscription en lettres capitales marque, rehaussées de gouache ou d’aquarelle, qui ont souvenirs et les aquarelles de Turner. 
Or, maintenant, « il pleut parfois au refuge des en quelque sorte, le coup d’envoi du tourisme largement contribué à la notoriété du lieu et à raphaëlle rérolle
Cosmiques, à 3 600 m d’altitude, là où il ne fai­ chamoniard. « Pendant longtemps, la mer de son identité visuelle », poursuit Mme Decom­
sait que neiger jusqu’ici », conclut le guide. Glace a constitué la principale attraction de la ble. Une manière, pour beaucoup, d’avoir Prochain article : Pablo Picasso à Royan
L’été en séries
20 | décryptage 0123
SAMEDI 8 AOÛT 2020

Ci­dessus :
Moscou, 1995.
Ci­contre :
Moscou, 1997.
IGOR MOUKHINE/
COLLECTION OF MULTIMEDIA
ART MUSEUM, MOSCOU

De haut en bas : Moscou, 2000 ; Moscou, 1998 ;


Moscou, 1996. IGOR MOUKHINE/COLLECTION OF MULTIMEDIA ART MUSEUM, MOSCOU

La Russie des
années 1990 par
Igor Moukhine
EXPOSITIONS FANTÔMES 5 | 6  « Le Monde » ouvre les portes d’expositions
annulées à cause du Covid-19. Aujourd’hui, celle du photographe Russe, « Our
1990s. A Time of Changes », prévue à la Photobiennale de Moscou en mars

G
rande figure de la photo­ connexion aux jeunes depuis toujours, lieu partout, de toutes sortes : commu­ La directrice du MAMM se souvient « C’est aussi l’époque la plus kitsch qui
graphie russe contem­ dans la vie et dans son œuvre. » nistes, anticommunistes, anarchistes, aussi que le pays était à l’arrêt dans les soit, remarque Olga Sviblova. Les gens se
poraine, Igor Moukhine, La jeunesse : celle qui s’embrasse, celle nationalistes… « Avant, on était obligés années 1990, et que la crise économique faisaient construire des mini­Versailles,
né en 1961, est devenu qui rêve, celle qui se révolte. C’est la d’aller à la parade, avec ce sourire forcé a été terrible. Les photos de Moukhine des chalets suisses ! »
célèbre dans les années même qu’on retrouve dans son exposi­ sur la figure. Là, enfin, les gens sourient, témoignent de ces difficultés, par peti­ Tous ces bouleversements, Igor
1980 en photographiant tion déprogrammée, centrée cette fois sont inquiets, se disputent. Ils croient à tes touches. Une vieille femme ramasse Moukhine les saisit avec un œil moins
les jeunes de son pays. Il l’a fait au mo­ sur les explosives années 1990. « C’est quelque chose, ils veulent agir, ils s’en­ des bouteilles, sans doute pour les ven­ journalistique que cinématographique :
ment où, pendant la perestroïka – ces juste après la chute de l’URSS. On s’est tous flamment », note Olga Sviblova. dre et acheter du pain. Un bocal explosé il attend des heures dans la rue la bonne
quelques années d’ouverture et de chan­ retrouvés désemparés, tout était incertain sur le sol symbolise une vie au quoti­ lumière pour jouer avec les ombres de fa­
gement politique juste avant la chute de et, en même temps, tout était possible », dien très dure pour certains : « Ce sont çon spectaculaire. Ses couples d’amou­
l’URSS –, une culture underground souligne Olga Sviblova. des tomates salées, explique Olga Svi­ reux surgissent comme des acteurs
autour du rock’n’roll fleurissait dans le L’AUTODIDACTE IGOR  blova. Les familles russes faisaient des d’Hollywood, soulignés d’un coup de
secret des caves et des appartements. UN ŒIL CINÉMATOGRAPHIQUE conserves pour passer l’hiver. » projecteur, hors du temps, le sourire aux
« La jeunesse a toujours été son sujet, L’autodidacte Igor Moukhine, proche un
MOUKHINE SAISIT SON PAYS  A cette pauvreté s’ajoutent les signes lèvres. Ils s’embrassent avec fougue, l’air
confirme Olga Sviblova, directrice du temps de l’art conceptuel, saisit son pays D’UNE FAÇON SUBTILE ET  du début du capitalisme sauvage, qui co­ confiant, le regard tourné vers le futur : le
Multimedia Art Museum de Moscou d’une façon subtile et non spectaculaire, habitent avec ceux du passé commu­ contraste ne pourrait pas être plus saisis­
(MAMM), où une exposition consacrée à avec des photos noir et blanc qui livrent NON SPECTACULAIRE, AVEC  niste : sur les photos de Moukhine, les sant avec les silhouettes grises du passé,
Moukhine était prévue en mars, à la Pho­ par de petits détails une atmosphère, un passants se promènent avec un sac plas­ pour qui le monde vient de s’écrouler. 
tobiennale, avant d’être annulée. Il est état d’esprit. On voit les Russes désor­ DES PHOTOS NOIR ET BLANC  tique siglé d’une marque – le comble du claire guillot
professeur à l’école de photographie Rodt­ mais libres de s’exprimer, et qui en profi­ QUI LIVRENT PAR DE PETITS  chic à l’époque –, les publicités Marlboro
chenko de Moscou, et c’est l’un des ensei­ tent : le photographe fait la tournée des apparaissent dans les rues, les belles voi­ Prochain article Les images militantes
gnants préférés des étudiants, car il a cette innombrables manifestations qui ont DÉTAILS UN ÉTAT D’ESPRIT tures des nouveaux riches surgissent. des performeurs afro­américains
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L’été en séries décryptage | 21

LE TEMPS DE L’EXIL
MARIA MONTESSORI, PIONNIÈRE DE L’ÉDUCATION 5 6
A la fin des années 1930, la célèbre pédagogue italienne prend ses distances avec l’Europe en guerre
et se retrouve en Inde, où de nouveaux horizons spirituels s’ouvrent à elle et à son fils
CELIA CALLOIS

JEFF BEZOS
REFUSE LE
CHANTAGE
L
e petit avion postal six places
de Tata Airlines amorce sa
descente vers Madras. Le
sémillant dandy JRD Tata, pré­
sident de la compagnie aérienne, est
SEXE ET POUVOIR lui­même aux commandes. Il n’aurait
laissé à aucun de ses pilotes l’honneur
de transporter sa célèbre passagère ita­
lienne, accompagnée de son proche
Quand un grand patron divorce, les collaborateur, prénommé Mario. Une
actionnaires s’affligent. Moins par em­ fois le coucou immobilisé en bout de
pathie que par crainte des conséquen­ piste, Maria Montessori, 69 ans, s’ex­
ces sur le business. Alors, imaginez trait de la carlingue d’un bond énergi­
l’émoi des investisseurs lorsque le cou­ que. La fatigue du périple et l’air suffo­
ple qui se sépare est le plus riche du cant du Tamil Nadu ne perturbent en
monde, à la tête d’une fortune évaluée à rien son bonheur d’être en Inde.
137 milliards de dollars. La rupture entre Nous sommes le 4 novembre 1939.
Jeff et MacKenzie Bezos, mariés depuis L’armée nazie, déjà victorieuse en Polo­
vingt­cinq ans, promettait de faire val­ gne, s’apprête à fondre sur l’Europe oc­
ser les milliards et pleuvoir les révéla­ cidentale. A des milliers de kilomètres
tions. Grand déballage il y eut ; mais pas de là, Maria Montessori et son fils
celui que l’on imaginait. Mario répondent à une invitation
Début janvier 2019, le couple Bezos an­ lancée il y a plus de vingt ans par les
nonce sa séparation. Aux Etats­Unis, le dirigeants de la Société théosophique –
tabloïd conservateur The National En­ une organisation internationale
quirer complète aussitôt l’information humaniste prônant le syncrétisme
en publiant une série de SMS explicites religieux pour accéder à « la vérité ».
échangés par Jeff Bezos et Lauren San­ Le voyage fut une expédition
chez­Whitesell, ancienne star du réseau aérienne de cinq jours : Naples, Athè­
Fox. Irrité mais, aussi, intrigué, le fonda­ nes, Alexandrie, Bagdad, Bassora, Jask,
teur d’Amazon mandate un détective Karachi, Bombay… Puis ce dernier vol,
privé, qui est rapidement amené à s’in­ en sauts de puce, piloté par le « Louis
téresser aux liens entre l’hebdomadaire Blériot indien » en personne. L’Inde,
conservateur et l’Arabie saoudite. enfin… Le pays du poète Tagore et du
Quelques mois auparavant, l’opposant guide spirituel Gandhi. Ces maîtres à
Jamal Khashoggi a été odieusement as­ penser sont aussi des admirateurs de Maria Montessori et son fils, en Inde, dans les années 1940. MARIA MONTESSORI ARCHIVES / AMI
sassiné à Istanbul dans les locaux du l’Italienne, connue pour avoir déve­
consulat saoudien. Or, le Washington loppé dans le monde entier une révolu­
Post, propriété de Jeff Bezos, et dont la tion éducative, laissant aux enfants la
victime était un collaborateur régulier, liberté d’apprendre à « faire seul », au
enquête activement sur cette sombre af­ moyen de matériel pédagogique ludi­
faire. En février, le rédacteur en chef du que conçu par ses soins… Maria Mon­ rare dans sa vie vagabonde ; anachroni­ pays où bruisse un souffle d’indépen­ Alors qu’ils sont de nouveau réunis à
National Enquirer adresse un e­mail à tessori rêvait de confronter ses théories que quand, autour, l’Europe s’engageait dance, suivre la formation Montessori Adyar, le temps s’étire, les semaines
Jeff Bezos. Il enjoint à celui­ci d’admettre à ce pays mastodonte de 300 millions vers une guerre sans merci. De Berlin à ne signifie pas simplement trouver un deviennent des mois, les mois des
publiquement que les informations di­ d’habitants et au taux d’analphabétisa­ Vienne, les écoles montessoriennes emploi dans l’éducation : les élèves – années. Les moussons rincent la terre ;
vulguant sa vie privée n’ont aucune mo­ tion de 90 %. Le moment est venu. ont été remplacées par des fabriques brahmanes comme intouchables − la chaleur la craquelle. En 1942, le duo
tivation politique. Au passage, il lui con­ Bannie de Rome par les fascistes d’enfants parfaits du IIIe Reich. préparent aussi la révolution. rejoint la station d’altitude de Kodaika­
seille de modérer l’intérêt du Post pour en 1934, chassée de Barcelone en 1936, Maria, le cœur tiraillé, a laissé ses Jour après jour, la dottoressa retrouve nal, au climat plus frais. Ils emména­
les affaires saoudiennes. Dans le cas con­ la famille Montessori (Maria, son fils petits­enfants aux bons soins des le bonheur simple de la transmission. gent au premier étage d’une demeure
traire, le tabloïd publiera une série de Mario, son épouse Helen et leurs qua­ Pierson. L’appel de l’Inde et d’un pro­ Loin de la politique et de l’Europe en coloniale. Au rez­de­chaussée, une
selfies dits « en dessous de la ceinture ». tre enfants) avait finalement trouvé re­ gramme de formation de trois mois guerre, elle est comme sur une autre école accueille des enfants de ce repaire
fuge à Laren, une coquette bourgade était trop fort… Même son imagination planète, à vivre selon un nouveau d’expatriés européens.
Rendre publique la menace des environs d’Amsterdam, hébergée débordante n’aurait pu se figurer un tel tempo. Tilaka rouge collé entre les
Suit la description par le menu de ces fa­ par la famille Pierson, des amis de dépaysement. Lovés entre le fleuve yeux, elle aime parcourir, à la tombée Une philosophe aux pieds nus
meux clichés, qui ne laissent aucun confiance. Mario, ce fils né hors Adyar et les plages du golfe du Bengale, du jour, le front de mer, tantôt calme, Répondant aux invitations de mahara­
doute sur la vigueur anatomique de Jeff mariage que la dottoressa Montessori les jardins d’Huddelston, siège de la tantôt tempétueux. jas ou de philanthropes, Maria et Mario
et la nature de ses relations avec la capi­ avait abandonné à la naissance jusqu’à Société théosophique, composent une Dans le monde qu’elle a quitté, l’hor­ parcourent ensuite le pays, du Gujarat
teuse Lauren. Le patron d’Amazon ses 15 ans, est désormais son meilleur oasis luxuriante, déployée autour d’un reur nazie s’étend, les alliances se au Cachemire, en passant par Ceylan –
décide de rendre public le message. « Au allié, son alter ego protecteur, chef d’or­ banian géant de 500 ans d’âge, peuplé nouent. L’Italie, sa patrie, entre en « le pays de Simbad le marin », comme
lieu de capituler face à l’extorsion et au chestre du « mouvement Montessori » d’oiseaux et de singes. Un village de guerre au côté de l’Allemagne le en rêvait Maria. Partout, elle reçoit la
chantage, j’ai décidé de publier exacte­ et de l’emploi du temps maternel. huttes a été construit pour l’occasion : 10 juillet 1940. Mécaniquement, Maria même ferveur, celle due aux divinités.
ment ce qu’ils m’ont envoyé, en dépit Comme si la douleur de l’éloignement 300 étudiants, venus de tout le pays, se et Mario sont donc considérés comme Elle est devenue « une gourou », expli­
du coût personnel et de l’embarras », avait cimenté entre eux un lien d’une sont inscrits à la formation que doit as­ « sujets d’un pays ennemi » sur le terri­ quera sa collaboratrice autrichienne
explique­t­il. puissance infinie. surer l’Italienne. « Madam Montessori » toire indien, colonie britannique. La Elise Brown, elle­même réfugiée en
Cette stratégie a pour effet de déstabili­ A Laren, non loin du siège de l’Asso­ est accueillie avec la déférence due à police vient briser l’harmonie d’Adyar : Inde durant la guerre. Il est vrai que sa
ser le National Enquirer. Cet hebdoma­ ciation Montessori internationale une reine. Le Dr George S. Arundale, Mario est interné dans le camp de civils seule présence électrise son auditoire ;
daire aux finances précaires, ouverte­ (AMI), Maria enseignait dans une président de la Société théosophique, d’Ahmednagar, à l’autre bout du pays ; bercé ensuite par son débit chantant.
ment pro­Trump, est dans ses petits petite école, organisait ses stages. Au et sa jeune épouse Rukmini Devi, une Maria, pour sa part, est assignée à rési­ L’Italienne parle maintenant de
souliers. Il avait déjà eu maille à partir programme figurait même un sémi­ danseuse de talent, s’assurent du bien­ dence. Si elle continue tant bien que cosmos, d’âme, de karma.
avec la justice pour avoir, dans des condi­ naire intitulé « Propagande », destiné à être de leur invitée, logée, avec son fils, mal son travail de conférencière, il n’est Les bébés qu’elle a pu observer
tions troubles, versé 150 000 dollars à promouvoir sa méthode éducative. Un dans une maison dissimulée parmi les pas rare de la voir errer, sans but, dans auprès de leurs mères (étudiantes, voi­
une femme ayant eu une liaison avec quotidien tranquille et sédentaire, si frondaisons. les jardins ; elle qui est d’ordinaire si en­ sines…) lui ont permis d’étendre ses re­
l’actuel locataire de la Maison Blanche. Lorsque la dottoressa se présente à jouée, si bavarde, a perdu son sourire. cherches aux premiers mois de la vie.
Une manœuvre destinée à s’assurer que eux pour sa première leçon, un élé­ Les années passant, elle comptait tou­ Parmi ses écrits indiens, L’Esprit absor­
son témoignage ne serait… jamais publié. ment vestimentaire surprend ses hô­ jours plus sur son Mario, tant pour son bant de l’enfant, publié en 1949, décrit
Au terme de ce scénario un tantinet si­ LORSQU’ELLE AVAIT  tes : elle a abandonné sa traditionnelle travail que pour son équilibre person­ l’importance des échanges sensoriels
nueux, il était temps pour Jeff Bezos, robe noire, qu’elle portait depuis la nel. Toujours impeccable, avec ses entre une mère et son bébé. Plus holis­
quelque peu mortifié, de régler ses déli­ BOUCLÉ SES VALISES,  mort de sa mère adorée, en 1912, pour cravates et ses costumes croisés, son tique, plus sensible, l’ex­psychiatre des
cates affaires matrimoniales. Exception EN OCTOBRE 1939, POUR  revêtir un sari. « collaborateur », désormais quadragé­ hôpitaux romains est devenue une
qui confirme la règle, celles­ci seront naire, avait accepté de vivre dans l’om­ philosophe aux pieds nus. Lorsqu’elle
soldées sans difficulté. Ecrivaine, Mac­ L’INDE, ELLE IMAGINAIT  Le bonheur simple de la transmission bre de sa mère. Il s’épanouissait à son avait bouclé ses valises, en octo­
Kenzie Bezos, qui avait jadis tenu la L’atmosphère est studieuse, il règne en contact, formant avec elle un insépara­ bre 1939, elle imaginait revenir aux
comptabilité lorsque Amazon n’était REVENIR AUX PAYS­BAS  ces lieux une harmonie apaisante. ble duo de globe­trotteurs animés par Pays­Bas dès le printemps 1940, pour
qu’une start­up, aurait pu mener la vie Maria Montessori s’assoit derrière une la mission commune de révolutionner assurer ses cours à Laren et vite revoir
impossible à son ex. Elle acceptera de se
DÈS LE PRINTEMPS 1940.  table posée sur une dalle, en surplomb. l’éducation. Le 31 août 1940, jour de son ses petits­enfants. Six ans plus tard,
contenter, si l’on ose dire, de 4 % du ca­ SIX ANS PLUS TARD, ELLE  Mario, qui officie comme traducteur de 70e anniversaire, Maria Montessori re­ elle s’apprête à repartir vers un conti­
pital du géant de la distribution, ce qui l’italien vers l’anglais prend place à côté çoit, en guise de présent, un télé­ nent en ruines, usé par la guerre et ses
lui assure une fortune personnelle de S’APPRÊTE À REPARTIR  d’elle. Face à eux, les élèves sont assis en gramme signé du vice­roi des Indes. traumatismes. A 70 ans, quel rôle pour­
35 milliards de dollars. « Une somme tailleur, pieds nus, sur des nattes. « Nous avons pensé que le meilleur ra­t­elle encore y jouer ? 
d’argent disproportionnée » qu’elle en­ VERS UN CONTINENT EN  Certains ont économisé pendant des cadeau à vous offrir est de vous rendre thomas saintourens
tend pour l’essentiel distribuer à des or­ RUINES, USÉ PAR LA  mois, placé leurs bijoux en gage, votre fils ». Pour la première fois, un
ganisations caritatives.  parcouru des milliers de kilomètres document officiel présente Mario Prochain article La vieille dame et
jean­michel normand GUERRE  pour rencontrer la pédagogue. Dans un comme son fils. sa « méthode »
L’été en séries
22 | décryptage 0123
SAMEDI 8 AOÛT 2020

BRUCE SPRINGSTEEN
CHEZ LES BRETONS
MÉMOIRES DE FESTIVALS 5 | 6  Le 16 juillet 2009, le rockeur réserve au festival des Vieilles Charrues, dans le Finistère, l’unique date française de sa tournée

D
emat Karaez ! Demat Ka­ Pharrell Williams, Manu Chao et surtout
raez ! » (« bonjour Carhaix ! »). Depeche Mode, en 2018, pour un cachet
Pour la première fois en qua­ que la rumeur prétendit se monter au
tre décennies de carrière, double de celui de Springsteen… C’est
Bruce Springsteen a l’occasion, ce plausible : en juin 2019, Ben Barbaud, di­
jeudi 16 juillet 2009, de saluer son public recteur du Hellfest à Clisson (Loire­Atlan­
en breton alors que flotte devant lui le tique), parfois surnommé « les Vieilles
Gwenn ha Du, le drapeau aux mouchetu­ Charrues du metal », indiquait dans Le
res d’hermine. De racines irlandaises par Monde que « plusieurs artistes [tou­
son père, le chanteur américain est un chaient] 1 million d’euros sur cette édi­
cousin éloigné de la famille interceltique tion » de son festival. Cette « surenchère »
qui se réunit traditionnellement à Lo­ a fait exploser les frais artistiques du Hel­
rient lors de la première quinzaine du lfest, 8 millions d’euros, soit un quart du
mois d’août. Mais c’est une commune de budget global.
7 000 âmes du Finistère qui a obtenu la
primeur de sa première (et à ce jour uni­ Trésorerie fragilisée
que) participation à un festival français. La proportion est sensiblement la même
Idéalement situé au centre de la Bretagne, aux Vieilles Charrues : 5 millions sur
Carhaix­Plouguer abrite une des plus 18 millions d’euros, qu’il a fallu reporter
grandes manifestations estivalières du pour l’été 2021 en raison de la pandémie.
pays, sinon du continent : les Vieilles La tête d’affiche, Céline Dion, a établi un
Charrues, qui accueilleront 230 000 spec­ nouveau record pour un festival en
tateurs lors de cette 18e édition. France : huit minutes ont suffi pour que
Des stars internationales, les Charrues les 55 000 places mises en vente trouvent
en ont programmé quelques­unes de­ preneur. Entendre la diva québécoise
puis le « parrain de la soul », James Brown, sera, il est vrai, moins cher le
qui débarqua cinq minutes avant le début 15 juillet 2021 dans le Finistère (59 euros)
de son show en 1997 : pour mémoire, Iggy que pour une des six dates décalées en
Pop, Massive Attack, Cesaria Evora, Muse, mars à la Défense Arena (de 73 à
Joe Cocker, Beck, The Cure, R.E.M. ou New 155,50 euros).
Order. Mais même notre Johnny natio­ Seul le Covid­19 a pu porter un coup
nal, qui avait allumé le feu en 2006, n’est d’arrêt à cette dérive qui a fragilisé la tré­
pas en mesure, dans la catégorie poids sorerie des grands festivals, un taux de
lourds de la profession, de concurrencer remplissage de 90 % étant généralement
le saint patron du New Jersey. Sa venue nécessaire pour atteindre l’équilibre.
permet au festival, né d’une fête étu­ L’arrêt des tournées oblige à repenser un
diante, de pulvériser tous les records, et modèle né de la chute des revenus géné­
pas seulement de fréquentation. rés par la musique enregistrée et d’une
compensation par le live. « On a discuté
Parfum de revanche Bruce Springsteen, aux Vielles Charrues, à Carhaix­Plouguer (Finistère), le 16 juillet 2009. J.-M. ROIGNANT/ANDIA avec Live Nation et Alias [société produc­
« On avait organisé une conférence de trice de concerts] : il y a une prise de cons­
presse événementielle dès janvier dans la cience commune et solidaire pour sauver
grande salle du Glenmor, le centre des con­ victime d’un AVC en 2011 et indissociable de nouveaux fans. Cinq seulement pour­ nard, conviée ce soir­là à danser sur scène la filière car nous sommes interdépen­
grès de Carhaix, se souvient Jérôme Tré­ de Springsteen depuis la pochette du ront l’inscrire à leur affiche : le Pinkpop à pendant Dancing in the Dark. dants, indique Jérôme Tréhorel. Nous
horel, actuel directeur général des grand œuvre Born To Run (1975) sur la­ Landgraaf (Pays­Bas), le Bonnaroo à Man­ Le festival associatif (soutenu tout de avons actuellement un gentlemen’s
Vieilles Charrues, à l’époque en charge de quelle tous deux posent. Surtout, les pro­ chester (Tennessee), Glastonbury dans le même aujourd’hui par 250 entreprises) agreement avec les producteurs : tout le
la communication. On avait fait du grammateurs des Vieilles Charrues ont Somerset, Hard Rock Calling à Hyde Park adresse aussi un pied de nez à un nouvel monde doit faire un effort. La baisse des
teasing sans révéler le nom, avant de faire été informés par le producteur Gérard (Londres) et Carhaix. Au stand de pro­ entrant sur le marché français, le géant cachets s’échelonne entre − 10 et − 20 %, en
apparaître Springsteen sur écran géant Drouot d’une innovation dans l’agenda duits dérivés, Jérôme Tréhorel et ses ca­ américain du spectacle Live Nation, qui a revanche, on ne touche pas à ceux des ar­
avec un extrait live d’un de ses tubes. Tout de l’auteur de Born in the USA : son désir marades savourent ce moment : le nom racheté l’année précédente le Main tistes en développement, ceux qui reçoi­
s’est fait dans le secret : l’annonce, la billet­ de participer à quelques festivals, peut­ de Carhaix a été imprimé sur le tee­shirt Square d’Arras et fait venir Metallica. vent 3 000, 5 000 ou 10 000 euros… »
terie, qui a permis de battre le record de être pour rajeunir son public et conquérir de la tournée, en lettres égales à celles de « Cela peut nous ouvrir des opportunités S’agissant des stars, une souplesse exis­
vente de billets [23 000] en une journée Los Angeles, Chicago, Londres et Rome. auprès des tourneurs et des manageurs, se tait déjà de fait puisque le montant pou­
que détenait Johnny. » Sans parler du ca­ Il y a dans l’air un parfum de revanche félicitent les organisateurs à l’heure du vait varier du simple au triple selon les
chet astronomique. Un chiffre fuite rapi­ sur Paris, le magazine des Vieilles Char­ bilan de l’édition 2009. Pour l’accueil de pays. « De grands acteurs du marché ont
dement, jamais confirmé ni infirmé offi­ rues ne manquant pas de rappeler que, Springsteen, la pression était sur tout le aussi débauché des artistes avec des avan­
ciellement, puisque c’est confidentiel : LA VENUE DU SAINT PATRON  depuis son premier concert français, monde. Mais nous avons réussi notre ces, mais celles­ci n’offrent aujourd’hui
1 million d’euros, somme jamais débour­ DU NEW JERSEY PERMET en 1981, Springsteen a chanté 21 fois sur coup. » Par « pression », il faut entendre plus aucune garantie », ajoute Jérôme
sée par un festival français. 30 dans la capitale. Sa photo fait évidem­ l’accueil d’une entreprise forte de Tréhorel. Springsteen, lui, devait démar­
C’est le tarif pour bénéficier de l’exclusi­ AU FESTIVAL, NÉ D’UNE FÊTE  ment la « une » des quotidiens locaux. 70 techniciens et 17 pages de doléances. Si rer en 2020 une tournée avec le E Street
vité nationale lors de la tournée qui suivit Qui semblent ne s’être jamais remis de la team Springsteen n’a pas daigné goûter Band pour accompagner son album,
l’album Working on a Dream, dix ans ÉTUDIANTE, DE PULVÉRISER  son passage puisque, onze ans après, ce aux crêpes bretonnes, sa satisfaction s’est Western Stars, paru en juin 2019. On en
après les retrouvailles du E Street Band, le 13 juillet, Le Télégramme consacrait en­ traduite le lendemain par la livraison de est sans nouvelles. 
groupe historique du « Boss ». Sans l’orga­
TOUS LES RECORDS, core un article à la jeune femme qui eut le croissants et tee­shirts aux bénévoles. bruno lesprit
niste Danny Federici, mort en 2008, ce ET PAS SEULEMENT privilège de masser le héros la veille du Après lui, viendront à Carhaix Lou
devait être aussi la dernière occasion de concert. Le même journal avait aussi re­ Reed, The Cure, Sting, Bob Dylan, Prochain article Klaus Michael Grüber
voir le saxophoniste Clarence Clemons, DE FRÉQUENTATION trouvé l’inconnue, une lycéenne de Di­ Rammstein, Neil Young, Elton John, et Pierre Boulez à Aix­en­Provence

L’ALBUM QUI M’A FAIT AIMER… SAN ANTONIO


« T’as écouté les Béru ? » La ceux nés dans les squats Joli sens de la dérision pour core qui donne son nom au braillés des chansons des Béru.
question a surgi un après­midi au début des années 1980. ceux dont la chanson Baston premier album live du groupe, Et si l’album Concerto pour dé­
après les cours. Parmi les Il me faudra un peu de dénonce les violences policiè­ Viva Bertaga, paru en 1990. traqués a depuis bien long­
tribus qui se croisent et se mé­ temps (Wikipédia n’existe pas res que de se référer à cet im­ Voilà donc deux nouveaux temps quitté ma discothèque,
langent alors au collège, il y a et Bérurier noir n’est pas vrai­ probable – et génial – flic mondes dévoilés, avec les ap­ le volume de Concerto pour
les copains « keupons » dont ment le style du Larousse) rabelaisien, apparu pour parences de l’interdit associé porte­jarretelles est toujours en
les groupes fétiches n’ont pas avant de comprendre qu’il y a la première fois sous la plume aux romans de gare et au bonne place dans la bibliothè­
les honneurs de la bande FM du Frédéric Dard (1921­2000) de Frédéric Dard en 1953 dans punk. A côté des lectures im­ que, avec les 174 autres aventu­
ou des rayons des magasins derrière toute cette gouaille et Des clientes pour la morgue posées par le professeur de res du commissaire le plus
de la Fnac. De fait, c’est avec ce goût du calembour. Le – le premier roman de la série français, Remouille­moi la bath de France. Frédéric Dard y
une cassette au son médiocre temps de faire le lien entre les de Dard date de 1949. L’antihé­ compresse et Bacchanale chez donnait une belle définition
que je découvre les deux San­Antonio de Dard qui traî­ ros littéraire et les antihéros la mère Tatzi amènent l’éva­ de son métier. « Ma littérature,
premiers albums de Bérurier nent à la maison et ce person­ du rock unis dans une même sion vers une langue corsée, au lieu de la pondre horizon­
« CONCERTO POUR noir, Macadam massacre nage truculent dont le groupe détestation du conformisme pleine d’humour et d’éro­ tale, je l’ai voulue verticale,
DÉTRAQUÉS » (1984) et Concerto pour détra­ militant de la scène alterna­ et des bonnes manières. tisme. Chez Parallèles, le librai­ qu’elle se voie de loin sans
qués (1985). Guitares râpeuses, tive a emprunté le nom : re­disquaire du quartier des avoir la tâche ingrate de me­
(1985) boîte à rythmes, textes enga­ l’inspecteur Alexandre­Benoît Apparences de l’interdit Halles à Paris, on se retrouve ner quelque part. » Elle a
BÉRURIER NOIR gés et humour potache – « Elle Bérurier, dit le « Gros », Les Béru étendent ce copinage pour acheter les cassettes quand même accompagné
est paf la girafe/Il a bu le zébu/ le « Gravos », l’« Enorme », jusqu’à l’épouse Bérurier d’Oberkampf (Cris sans thème quelques Béruriers. 
Il est plein le caoin/Il est rond l’« Enflure » le « Mammouth », – Berthe –, dite la « Gravosse » notamment), de Ludwig von guillaume fraissard
le dindon », sur Commando dit aussi « Béru », adjoint et ou « Bertaga ». C’est elle dans 88 ou de La Souris déglinguée.
Pernod –, le groupe parisien a ami du commissaire Antoine les paroles de Salut à toi (« Sa­ La richesse de San­Antonio Edition originale 1 CD
la rage et l’esprit subversif de San­Antonio. lut à toi la Bertaga »), elle en­ l’emporta sur les accords dé­ Archives de la zone mondiale.
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SAMEDI 8 AOÛT 2020

L’été des idées décryptage | 23

Frédéric Keck
« Cette crise est un vrai
défi pour la recherche »
ENTRETIEN LES PENSEURS DU NOUVEAU MONDE 5|6  

A
L’anthropologue analyse
nthropologue, Frédéric Keck les ressorts sociaux, sanitaires et
vient de publier Les Sentinelles
des pandémies. Chasseurs de virus
politiques d’une pandémie qui,
et observateurs d’oiseaux aux selon lui, « va durer longtemps »
frontières de la Chine » (préface de
Vinciane Despret, aux éditions
Zones sensibles, 2020). Il analyse la reprise
de la pandémie de Covid­19.
que cette crise a produit dans les sociétés
Dans quelle mesure est­ce la lecture, asiatiques. Le masque retire des éléments
l’édition et la fréquentation de Claude d’interprétation dans l’interaction – il faut
Lévi­Strauss qui vous ont conduit regarder les yeux plutôt que la bouche – et
à étudier notre « monde grippé » ? provoque des gênes matérielles et symboli­
J’ai édité Le Totémisme aujourd’hui et La ques. Mais il suscite également une éton­
Pensée sauvage dans les Œuvres de Claude nante inventivité dans les pratiques de
Lévi­Strauss en « Pléiade ». Ce double livre, fabrication. Il est devenu un signe de la
paru en 1962, montre que la plupart des prise au sérieux de la pandémie, mais cela
sociétés humaines fabriquent leurs classi­ n’exclut pas la fantaisie. Même s’il devient
fications à partir des noms d’animaux et de obligatoire dans certains lieux publics, YANN LEGENDRE
plantes. Il souligne notamment que les aucune loi ne peut prescrire quel type de
nouvelles maladies sont souvent expli­ masque il faut porter, ce qui laisse une place
quées par des changements dans les rela­ à l’initiative et à la diversité.
tions avec les animaux. Dans son article
« La Leçon de sagesse des vaches folles » Qu’est­ce que le Covid­19 a changé
(paru en italien dans La Repubblica en 1996, le plus fondamentalement
puis en français dans Etudes rurales dans nos comportements ?
en 2001), Lévi­Strauss éclaire ainsi une crise Les relations sociales sont en train de
sanitaire contemporaine par les mythes des devenir plus distanciées, plus virtuelles.
sociétés « sauvages ». J’ai repris sa méthode Nous n’avions jamais autant communiqué
en passant de la « vache folle » à la « grippe sur Internet, mais nous ne pouvons plus
aviaire » lorsque j’ai commencé mes recher­ nous réunir pour discuter ou faire la fête.
ches ethnographiques en 2005. Ces crises Les projets sont comme suspendus, dans
sanitaires, qui mobilisent le principe de l’attente d’une résolution de la crise sani­
précaution en maximisant les risques pour taire qui s’étire. Pour l’enseignement supé­
les humains, obligent aussi à nous préparer rieur et la recherche, c’est un vrai défi, car il
à des catastrophes venues des animaux. faut prévoir des enseignements en ligne à la
rentrée. Les enquêtes de terrain, qui sont le
L’ère des maladies qui se transmettent moteur du travail des sciences sociales, sont
de l’animal à l’homme – les zoonoses – pour l’instant impossibles. Ce sont autant
nous fait­elle considérer autrement de défis pour la réflexion collective, qui doit
les relations entre les humains et apprendre à faire avec l’imprévisible.
les non­humains ?
Une anthropologie des zoonoses peut La Chine a été le foyer du virus, mais

Le chantre de la pensée concrète


étudier de deux façons les relations entre elle n’en est plus l’épicentre. Les pays
humains et non­humains impliquées dans de l’hémisphère Sud sont­ils en train
l’émergence de nouveaux agents pathogè­ de devenir des « sentinelles »
nes. Elle analyse comment des change­ des pandémies ?
ments de comportements contribuent à La Chine a étouffé les nouveaux foyers de
ces émergences, comme le commerce glo­ SARS­CoV­2, comme celui de Pékin en juin,
bal d’animaux sauvages qui rapproche les avec des mesures très lourdes de confine­ La crise sanitaire a révélé au Né en 1974 à Villeurbanne L’homme pressé fit toutefois
humains des réservoirs viraux (oiseaux ment et de dépistage. Le gouvernement de grand public cultivé cet an­ (Rhône) – son père était pro­ un long détour par la philo­
pour la grippe, chauve­souris pour les coro­ Xi Jinping saisit l’occasion de cette crise thropologue du « monde fesseur de toxicologie à l’Ecole sophie avant de se former
navirus). Mais elle peut aussi montrer com­ sanitaire pour contrôler sa population et grippé ». La pandémie a mis en vétérinaire de Lyon –, Frédédic à l’anthropologie culturelle
ment les mesures de biosécurité visant à envoyer des signaux au reste du monde, relief la pertinence de ses re­ Keck a d’abord fait le choix de américaine, dans la tradition
contrôler ces réservoirs modifient les rela­ comme on le voit dans sa reprise en main cherches pionnières. Directeur la philosophie avant de pren­ de Franz Boas, Alfred Kroeber
tions entre humains et animaux. Par exem­ de Hongkong. Les pays du Sud semblent in­ de recherche au CNRS au labo­ dre le tournant de l’anthropo­ et Clifford Geertz, qu’il décou­
ple, à Hongkong, les bouddhistes prient diquer à l’Europe les mesures qu’il faudra ratoire d’anthropologie sociale logie. Comme tant d’autres vrit grâce à l’enseignement de
pour les âmes des oiseaux qui sont abattus prendre à l’automne : Melbourne se du Collège de France, auteur avant lui, de Pierre Bourdieu à Paul Rabinow à l’université
par le gouvernement et relâchent des reconfine, l’Afrique du Sud est en couvre­ des Sentinelles des pandémies. Philippe Descola en passant de Berkeley. Mais son terrain
oiseaux achetés sur les marchés en portant feu. Ce ne sont pas vraiment des sentinelles, Chasseurs de virus et observa­ par Claude Lévi­Strauss, dont il expérimental fut celui de
des masques chirurgicaux. En tant qu’an­ car celles­ci lancent l’alerte au début d’une teurs d’oiseaux aux frontières édita une partie des œuvres l’Agence française de sécurité
thropologue, je cherche à décrire comment épidémie, mais ce sont bien des indicateurs de la Chine » (préface de Vin­ dans « La Pléiade », il décida de sanitaire des aliments (Afssa),
les différents points de vue impliqués dans que la pandémie va durer longtemps. ciane Despret, aux éditions bifurquer afin d’ancrer sa pen­ créée en 1998, et alors dirigée
la préparation aux émergences zoonoti­ Zones sensibles, 240 pages, sée dans un objet concret. par Martin Hirsch, qui lui
ques peuvent être pris en compte. Une politique écologique peut­elle 20 euros), Frédéric Keck a mar­ Après sa formation à l’Ecole proposa d’observer ses
naître de cette crise, comme l’illustrerait qué les esprits par ses analyses normale supérieure auprès de comités d’experts : « C’était
Le masque est devenu obligatoire notamment le résultat des élections éclairées sur le Covid­19. Après Frédéric Worms – « trois an­ une voie d’entrée privilégiée
dans les lieux publics clos. municipales en France ? avoir suivi les chasseurs de vi­ nées extraordinaires » à se pour suivre les dispositifs
Dans quelle mesure va­t­il modifier Ces élections ont fait percevoir un besoin rus et virologues australiens et plonger dans Matière et Mé­ de surveillance qui s’étaient
nos relations sociales ? de relocalisation de la politique et de l’éco­ asiatiques, étudié la façon moire d’Henri Bergson –, s’im­ mis en place en France après
Le port du masque dans les lieux publics nomie. Je le sens sur les marchés de mon dont Hongkong, Taïwan et Sin­ posa peu à peu la nécessité la crise de la vache folle »,
va à l’encontre de la vision du citoyen fran­ lieu de vacances, où les gens échangent avec gapour faisaient face aux d’un terrain. écrit­il dans Un monde grippé
çais qui doit se présenter à visage décou­ plaisir, alors que ces marchés ont été fermés zoonoses entre 2007 et 2013, il (Flammarion, 2010).
vert. Il s’est imposé en Europe après avoir pendant le confinement. Tandis que les avait compris que « chaque Impertinent impénitent Une position ethnographi­
été un objet commun en Asie depuis la crise marchés financiers continuent à bien se transformation que l’espèce hu­ Il fut tout d’abord textuel, avec que qui lui permit de suivre
du SRAS en 2003. La France, qui a interdit le porter malgré la crise économique qui me­ maine impose à son environne­ des travaux consacrés à Lucien les débats scientifiques sur
foulard islamique en 2004, n’a pas saisi ce nace, les marchés aux produits frais susci­ ment est suivie d’une maladie Lévy­Bruhl (1857­1939), sociolo­ le principe de précaution. Et
tent une attractivité. C’est une hypothèse animale qui signale cette trans­ gue et historien des idées le conduisit, à partir de 2005,
que je vais tester dans les années à venir à formation ». encore largement méconnu, à faire de notre « monde
propos des marchés aux animaux vivants Et distingué trois techniques proche d’Emile Durkheim, grippé » (du virus H5­N1 à l’épi­
en Chine, qui ont été dénoncés comme des de préparation aux catastro­ cousin par alliance d’Alfred démie de SRAS) son terrain
lieux de saleté et de cruauté : ils répondent phes, les « trois S » : les « senti­ Dreyfus et intime de Jean de prédilection. Son écrivain
plutôt à un manque de confiance dans les nelles », qui (comme les Jaurès, un intellectuel socialiste préféré demeure Claude Lévi­
LES ENQUÊTES supermarchés et à un besoin d’interaction oiseaux contaminés) envoient qui oscilla toute sa vie « entre Strauss, « parce qu’il concilie
réelle entre producteurs et consomma­ des signaux d’alerte précoce ; philosophie et anthropologie ». Proust, Comte, Rousseau et
DE TERRAIN, teurs. Ce qui était à l’origine de la crise sani­ les « simulations », qui, Un Alsacien aussi, comme son Montaigne. Quatre siècles de
QUI SONT LE MOTEUR taire en serait peut­être une solution : l’hy­ comme les modélisations père. En allemand, d’ailleurs, littérature française récapitulés
pothèse est paradoxale, mais l’anthropolo­ d’épidémies, mettent en scène Keck signifie à la fois « rapide » dans une œuvre scientifique ».
DU TRAVAIL DES gie part souvent de paradoxes pour des scénarios du pire cas ; et et « impertinent ». L’un de ses Pas étonnant de la part de
construire sa méthode comparative.  enfin le « stockage » de biens principaux défauts, répond­il celui qui, de Wuhan à Dakar –
SCIENCES SOCIALES, propos recueillis par prioritaires (comme les mas­ dans un savoureux portrait son prochain terrain d’enquête
SONT POUR L’INSTANT nicolas truong ques et les respirateurs). Une chinois : « La rapidité qui dérive –, a résolument pris le parti du
approche qui le plaça au cœur souvent en impétuosité, en « regard éloigné ». 
IMPOSSIBLES Prochain entretien Nastassja Martin de la pensée de la catastrophe. impertinence et en impatience. » n. t.
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Cheikh Sakho EMMANUEL 


MACRON FACE  système politique vicié. Mettant en cause pro­iranien, le président français a fait

Bataille mémorielle :
« la responsabilité historique des dirigeants preuve de pragmatisme et d’indépendance.
AU CHAOS  en place » et « un système capturé par une Au­delà du geste fort, la démarche fran­
LIBANAIS corruption organisée », M. Macron a pro­ çaise risque pourtant de se heurter aux mê­

match nul à Reims


noncé des sentences implacables qui ne mes inerties que celles ayant conduit à
pouvaient être délivrées par un président l’impasse actuelle. La formule d’un « gou­
étranger que dans un pays hébété, piégé de­ vernement d’union nationale » appelé de
puis des décennies par un système clani­ ses vœux par M. Macron n’est­elle pas pré­
que et des dirigeants corrompus dont l’im­ cisément celle qui, gangrenée par l’obses­
péritie semble être la première responsable sion d’un « partage du gâteau » systémati­
d’une énième tragédie. que entre les communautés, a conduit à
La ville natale de Colbert est aussi celle S’il est toujours réconfortant pour un transformer l’Etat libanais en un monstre
du Monument des héros de l’armée noire, chef d’Etat en difficulté dans son pays de ingouvernable ? Quant à l’idée de « disso­
prendre à l’étranger un bain de foule et de ciation » des crises régionales et de « distan­
rappelle l’historien. Selon lui, il est plus utile se faire acclamer, il est à remarquer ciation » à l’égard des parrains du pays, elle
de conserver les statues, plutôt que de qu’aucun autre dirigeant, en particulier du n’est guère nouvelle.
les déboulonner, afin de les appréhender
de manière critique L e voyage éclair d’Emmanuel Macron,
jeudi 6 août, dans le chaudron liba­
nais, au cœur d’une capitale meurtrie,
sous le choc des terribles explosions surve­
nues mardi soir, aurait pu se transformer en
monde arabe, n’a pris le risque d’aller im­
médiatement sur place témoigner sa com­
passion, annoncer des mesures d’aide et
tenter d’aider les Libanais en plein désarroi
à sortir de l’impasse sociale, financière et
Il faut une bonne dose d’optimisme pour
imaginer que le nouveau traumatisme en­
duré par les Libanais, même immense,
puisse en soi enclencher un rebond salu­
taire. Cela ne doit pas empêcher de tout

R
un redoutable piège diplomatique. Outre politique où ils se débattent. faire pour que la recherche des responsabi­
eims, son champagne, sa une manifestation de courage et de volonta­ Tendre la main, appeler à la solidarité in­ lités dans les explosions du port de Bey­
cathédrale, son Ange au risme politique, le président français a livré ternationale tout en enjoignant aux diri­ routh soit menée à son terme, d’épauler la
sourire – et ses batailles une démonstration d’équilibre dans un geants politiques de « refonder le système société civile, qui a montré sa soif de chan­
mémorielles par statues pays en plein chaos, lui­même situé dans un politique » et à la population de se remobili­ gement lors des manifestations de
interposées, avec, en ligne de Proche­Orient plus déchiré que jamais. ser dans ce sens, n’allait pas de soi pour le l’automne, et d’exhorter, en parallèle, à une
front, Colbert et les tirailleurs sé­ IL IMPORTE Aucun des responsables politiques liba­ président de l’ancienne puissance manda­ refonte du système politique qui pourrait
négalais. S’en souvient­on ? La
cité des sacres est la ville natale
DE REDIRE, nais, voués aux gémonies par la population
pour leur responsabilité dans la tragédie,
taire. « Aucune complaisance mais aucune
ingérence », a répondu M. Macron à ceux
passer par sa déconfessionnalisation. Le gé­
nie individuel des Libanais, leurs multiples
de Colbert, convoqué sur le banc EN DÉTOURNANT n’aurait pu, comme l’a fait M. Macron, af­ qui l’accuseraient de naïveté ou d’interven­ talents, notamment intellectuels et entre­
des accusés du tribunal de l’his­ fronter la rue, mettre en scène son dialogue tionnisme. En rencontrant les représen­ preneuriaux, se déploient dans de nom­
toire pour avoir codifié l’escla­ UNE CÉLÈBRE avec elle et répondre aux interpellations tants de toutes les composantes de l’exécu­ breux domaines. Il leur reste à retrouver la
vage dans le Code noir. Reims n’a d’une foule en colère réclamant la fin d’un tif libanais, y compris ceux du Hezbollah voie de la construction collective. 
pas oublié d’honorer sa mémoire.
CHANSON, QUE, SI
Une rue porte son nom, avec une « LES AFRICAINS
plaque commémorative apposée
sur un mur de sa maison natale. N’ÉTAIENT PAS LÀ,
Deux statues du ministre de
VOUS SERIEZ TOUS

Nathalie Heinich La « cancel culture »


Louis XIV jalonnent autant d’en­
droits symboliques de la ville : le EN GERMANIE »
jardin public devant la gare et le
rectorat de l’académie. Aux der­

n’a rien à faire sur notre territoire


nières nouvelles, ces monuments
ont échappé aux soulèvements Le Monument aux héros de l’ar­
planétaires du mouvement Black mée noire, chef­d’œuvre du
Lives Matter qui a pris pour cible sculpteur Paul Moreau­Vauthier,
notamment les statues de Léo­ fut inauguré à Reims le
pold II, en Belgique, et de Christo­ 14 juillet 1924, quelques mois
phe Colomb, aux Etats­Unis. après l’inauguration du monu­ Ce conformisme idéologique, issu de la nouvelle gauche américaine, n’a rien de
A rebours du reste du monde, ment jumeau de Bamako. C’est
Reims donne presque raison à Hitler qui exigea l’enlèvement de progressiste, estime la sociologue. En France, la liberté d’expression est encadrée par la loi
l’écrivain autrichien Robert Musil la statue en septembre 1940.
(1880­1942) : rien n’est plus invisi­ En 1963, un monument plus

L
ble que les monuments. Dans sa abstrait a été inauguré pour rap­
ville natale, Colbert s’est fondu peler le premier monument a cancel culture, qui nous vient premier de la Charte canadienne des qu’ignorent, ou feignent d’ignorer, les
dans le décor. On ignore qu’il a « détruit par haine raciale ». En­ des campus nord­américains et droits et libertés, fait de la liberté d’ex­ partisans français de la cancel culture,
contribué à légaliser ce que fin, le 6 novembre 2018, ce fut au des réseaux sociaux, normalise pression un « droit fondamental posi­ qui ne s’autorisent que d’eux­mêmes
d’aucuns qualifient de crime con­ tour du président du Mali et les tentatives pour faire taire – lit­ tif », rendant a priori anticonstitution­ lorsqu’ils s’arrogent le droit d’empê­
tre l’humanité. d’Emmanuel Macron d’inaugu­ téralement, pour « annuler » – les opi­ nelle toute entrave à ce droit. cher une représentation théâtrale parce
En 2006, l’association Cascade rer, à Reims, la réplique du mo­ nions considérées comme illégitimes. Or, tout autre est le système juridique qu’elle leur paraît irrespectueuse des
(le Collectif artistique Sénégal/ nument original enlevé en 1940. On la voit aujourd’hui défendue, non français, où la liberté d’expression est droits des minorités, une projection ci­
Champagne­Ardenne pour le dé­ Si nous étions un chroniqueur seulement outre­Atlantique par des mi­ d’emblée contenue dans des lois qui la nématographique parce que le réalisa­
veloppement des échanges) que des exploits du Stade de Reims, litants radicaux, qu’ils soient féminis­ restreignent, en interdisant, par exem­ teur a fait l’objet de plaintes en justice
je présidais avait invité l’artiste on pourrait dire : match nul. Col­ tes, anti­homophobes, anticolonialis­ ple, l’incitation à la haine raciale, l’ap­ ou une conférence parce que son
martiniquais Jean­François Boclé bert : deux monuments, ti­ tes, antiracistes ou anti­appropriation­ pel au meurtre, l’encouragement à la auteur serait « homophobe » – sans
pour la première commémora­ railleurs africains : deux monu­ nistes (refusant que des productions discrimination en raison du sexe ou autre forme de procès.
tion de la Journée nationale des ments. culturelles soient reprises par d’autres de l’orientation sexuelle, ou encore le Ainsi, ce qui se nomme ailleurs cancel
mémoires de la traite, de l’escla­ Reims est au carrefour des com­ que les membres des « communautés » négationnisme. culture devrait être clairement désigné,
vage et de leurs abolitions insti­ plexités de l’histoire coloniale de dont elles sont censées être issues), chez nous, par le seul terme adéquat :
tuée par Jacques Chirac. Son ins­ la France. A l’heure de la traque mais aussi par des sympathisants fran­ Au risque de l’arbitraire « culture de la censure ». C’est pourquoi,
tallation vidéo et sonore mon­ aux statues, il importe de rappe­ çais des causes ainsi défendues. En face, La différence est patente : là où, en quelle que soit la justesse des causes dé­
trait l’artiste de dos en train de ler cette évidence à une jeunesse ce sont jusqu’à présent les conserva­ France, la liberté d’expression est enca­ fendues, l’on ne peut se contenter de
recopier au tableau les 60 articles globalisée, inapaisée, parfois dé­ teurs qui tiennent le haut du pavé dans drée par la loi, en Amérique du Nord condamner les « excès » de ces mili­
du Code noir rédigé par Colbert boussolée et, à juste titre, horri­ la dénonciation de ces pratiques – tel, elle ne peut guère être bridée que par la tants radicaux tout en suggérant que la
en 1685. Ecrits et réécrits, les arti­ fiée par des brutalités policières hélas, un certain Donald… mobilisation publique. Ce n’est plus le fin justifie malgré tout les moyens.
cles se superposent avant de se indignes d’une démocratie mo­ Il est temps de sortir de cet affronte­ droit qui la régit, mais les simples ci­ L’on doit poser fermement la seule
fondre dans un monochrome derne. Il est facile de déboulon­ ment « trumpeur » entre censeurs « de toyens, au risque de l’arbitraire et de la question qui vaille : quelles sont la légi­
blanc indélébile. ner des statues, mais sûrement gauche » et anti­censeurs « de droite », guerre civile larvée. D’où ce qu’on a ap­ timité et la légalité des méthodes utili­
plus utile de les appréhender de car la censure que promeuvent et prati­ pelé à partir des années 1980 les culture sées par ces nouveaux censeurs ? Faute
Au carrefour des complexités manière critique en les conser­ quent ces nouveaux « annulateurs » n’a wars, avec les manifestations massives de quoi la gauche risque de sombrer à
Les différentes strates de l’écri­ vant en tant que témoignages rien de progressiste, en dépit du crédit contre des expositions artistiques ; et nouveau dans les tentations totalitai­
ture de l’histoire esclavagiste et d’une histoire qui n’est ni blan­ que leur confère la légitimité de leurs d’où, aujourd’hui, les mobilisations sur res qui en ont assombri l’histoire, de­
coloniale de la France se super­ che ni noire. causes aux yeux d’une partie de la gau­ les campus et les réseaux sociaux pour puis la Terreur révolutionnaire jus­
posent jusqu’à l’illisibilité totale : Car le temps historique a ceci de che. Et elle n’a rien à faire sur notre terri­ priver de parole, voire de poste, ceux qu’aux horreurs staliniennes. Et faute
impossible de passer l’éponge, commun avec le temps qu’il fait toire, pour une raison que semblent dont les propos sont jugés déplacés, of­ de quoi aussi nous ne vivrons plus dans
telle était la conclusion de l’ar­ dehors, on ne peut rien y changer ! ignorer les partisans de la cancel culture. fensants ou simplement déplaisants. un Etat de droit, ni dans une démocra­
tiste. Une partie du public ré­ Mais il est possible que la France, Ce qu’ils ignorent, en effet, c’est que Les appels au lynchage médiatique se tie, mais dans l’équivalent, à l’échelle
mois exprima son ignorance ou qui – Marc Bloch nous l’a enseigné son ancrage dans la société nord­amé­ donnent libre cours, au mépris de la li­ des réseaux sociaux, de ce que fabri­
son indignation en apprenant – a mis longtemps à réussir la syn­ ricaine n’est pas l’effet de la prégnance berté académique et de la liberté de la quait naguère le ragot de village : le
que l’illustre enfant de la cité thèse du sacre de Reims et de la dans leurs pays des maux contre les­ presse, aboutissant à empêcher les en­ contrôle social sans appel, sans merci,
avait contribué à la perpétuation Fête de la Fédération, parvienne à quels luttent – souvent à juste titre – ces seignants, les chercheurs et les journa­ sans recours.
de l’esclavage. réconcilier des mémoires radica­ militants ; il est avant tout le produit listes de faire, tout simplement, leur « Entre le fort et le faible, c’est la liberté
Colbert ne résume pas cepen­ lement divergentes. d’un système juridique spécifique : le métier. Soit on intime aux « mal­ qui opprime et c’est la loi qui affran­
dant toute l’histoire coloniale de A l’endroit de la jeunesse et de premier amendement de la Constitu­ pensants » l’ordre de se taire, soit on se chit », affirmait magnifiquement Lacor­
la ville de Reims. Dès les années la diaspora africaine, il importe tion américaine, tout comme l’article tait soi­même pour éviter de se retrou­ daire (1802­1861). Est­ce à croire que
2000, nous avons entrepris une également de redire, en détour­ ver dans la prochaine charrette. ceux qui, aujourd’hui, prétendent à la
bataille mémorielle en sens in­ nant une célèbre chanson, que, La cancel culture n’étant rien d’autre liberté sans limites d’interdire la parole
verse, en demandant la recons­ si « les Africains n’étaient pas là, que la conséquence du sous­dévelop­ à leur prochain voudraient en revenir à
truction d’une statue. J’ai été avec vous seriez tous en Germanie ». pement juridique nord­américain en la loi du plus fort – la loi de la meute ? 
d’autres l’acteur de cette bataille Le premier territoire de la France matière de liberté d’expression, son
mémorielle pour sortir de l’oubli libre se trouve être en Afrique, importation en France est absurde et
les tirailleurs dits sénégalais qui du côté de Brazzaville et de Fort­ ne témoigne que de l’ignorance ou du
ont victorieusement défendu la Lamy (aujourd’hui N’Djamena). déni de notre culture juridique. Car
ville en 1918. L’action du gouverneur Félix QUELLES SONT c’est la loi qui protège les libertés
Eboué (1884­1944), celle des ti­ beaucoup plus sûrement que l’absence Nathalie Heinich est sociologue.
railleurs de la colonne Leclerc
LA LÉGITIMITÉ de loi. Chercheuse au CNRS, elle a publié
sont également là pour en té­ ET LA LÉGALITÉ Que personne dans notre pays n’ait le de nombreux ouvrages et articles sur
moigner. Pour autant, en dépit droit de s’instituer censeur, ni juge à la le statut d’artiste, l’art contemporain,
de tels motifs de reconnaissance DES MÉTHODES place des juges ni policier à la place des la question de l’identité, l’histoire
Cheikh Sakho est doctorant mémorielle, le danger est grand, policiers, parce que l’encadrement de ce de la sociologie et les valeurs. Elle
en histoire et initiateur de la le psychiatre et essayiste an­ UTILISÉES PAR qui est licite ou illicite relève de la re­ vient également de publier un article
reconstruction du Monument tillais Frantz Fanon le notait CES NOUVEAUX présentation démocratique par l’inter­ intitulé « Nouvelles censures et vieux
aux héros de l’armée noire déjà, de rester prisonnier de son médiaire du législateur, de l’institution réflexes totalitaires » dans le n° 82
de Reims histoire.  CENSEURS ? judiciaire et de la police : voilà ce de la revue Cités

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