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La philosophie,…un outil pour l’ingénieur

L’ingénieur a-t-il besoin de la philosophie pour définir ses objectifs? Comment les exprimer et que
faire pour les atteindre avec succès ?
Pour répondre à de telles questions, encore faut-il s’entendre sur le sens du mot philosophie. La
philosophie n’est pas la « libre » discussion où chacun donne son avis sur tout, mais l’exercice de
l’esprit qui cherche à résoudre des problèmes et des contradictions au moyen d’argumentation
rationnelle et d’outils conceptuels propres. La philosophie n’est pas une donneuse de leçon : c’est la
fonction du sophiste ou du moraliste. Ce n’est pas non plus un réconfort psychologique, fonction du
psychologue.
De ce fait, on voit immédiatement ce qui rend naturel le dialogue ingénieur / philosophe :
l’ingénieur rencontre des difficultés de tous ordres (scientifiques, techniques, sociales et politiques)
et cherche des solutions rigoureuses.
Le philosophe peut donc devenir son allié ou, plus exactement, son alter ego, l’aidant à prendre du
recul pour mieux appréhender sa mission et sa finalité, en donnant ainsi sens et unité à son activité
et à sa vie.
La philosophie devient alors outil d’investigation, permettant de mettre en perspective les
différentes dimensions de l’activité de l’ingénieur.

Thème 1

L’ingénieur entre responsabilité, éthique et compétence


Article 1- (extrait)
Responsabilité sociétale et éthique
Auteur : Michel JONQUIÈRES

INTR ODUC TION


Grâce au succès indéniable et universel de la norme ISO 26000:2010, la responsabilité
sociétale est de nos jours au centre d'un grand nombre d'actions d'améliorations
sociales et environnementales au sein de bon nombre d'organisations.
Ce terme d'organisation est à comprendre ici tel qu'il est défini par le paragraphe 2.12
de la norme ISO 26000:2010 : une « entité ou groupe de personnes et d'installations,
structuré sur la base de responsabilités, d'autorités et de relations, et ayant des
objectifs identifiables ». C'est ainsi que des organismes de tous ordres, publics et
privés, et des collectivités se sont approprié les fondamentaux de la norme,
généralement avec grand dynamisme et réussite.
Il est dorénavant nécessaire de bannir les appellations RSE (responsabilité sociétale
des entreprises), et RSO (responsabilité sociétale des organisations), appellations jadis
utilisées et encore bien présentes dans de nombreuses présentations. Il vaut mieux
aujourd'hui parler de RS (responsabilité sociétale) « tout court » puisque cette
démarche n'est plus uniquement réservée à des entreprises mais ouvertes à des
collectivités par exemple.
Rappelons que la norme ISO 26000:2010 – Lignes directrices relatives à la
responsabilité sociétale a vu le jour fin 2010. Comme le précise l'avant-propos de la
norme : « La présente norme internationale a été élaborée suivant une approche
multiparties prenantes avec la participation d'experts de plus de quatre-vingt-dix
pays et de quarante organisations internationales ou ayant une assise régionale
étendue, couvrant différents aspects de la responsabilité sociétale. Ces experts
étaient originaires de six groupes différents de parties prenantes : les
consommateurs, les pouvoirs publics, l'industrie, les travailleurs, les organisations
non gouvernementales (ONG) et les services, le conseil, la recherche,
l'enseignement et autres ».
Cette approche multiprenante est une grande première dans le monde de la
normalisation, jusqu'à présent considéré comme chasse gardée du monde industriel. Et
c'est probablement aussi l'origine du succès indéniable de cette norme.
Venons-en un instant à l'éthique.
L'éthique, tout au moins le comportement éthique, puisque c'est ainsi que la norme
ISO 26000:2010 a pris en compte le concept, fait partie des sept domaines d'action que
comporte cette norme.
Le comportement éthique est souvent au centre de l'actualité et les mots de corruption,
de fraude... fleurissent dans les médias et sont de nos jours au cœur d'un grand nombre
de scandales.
Ces deux éléments, l'éthique et la responsabilité sociétale, représentent indéniablement
pour toute organisation un véritable gisement d'axes de progrès, progrès à la fois
collectif et individuel.

1. RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

1.1 Définition de la responsabilité sociétale


Le terme de responsabilité sociétale est défini dans le paragraphe 2.18 de la norme
ISO 26000:2010 comme la « responsabilité d'une organisation vis-à-vis des impacts de ses
décisions et activités sur la société et sur l'environnement, se traduisant par un
comportement éthique et transparent qui :
 contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ;
 prend en compte les attentes des parties prenantes ;
 respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de
comportement ;
 est intégré dans l'ensemble de l'organisation et mis en œuvre dans ses relations ».
Deux notes complètent cette définition :
 note 1 : « Les activités comprennent des produits, des services et des processus » ;
 note 2 : « Les relations correspondent aux activités de l'organisation au sein de sa sphère
d'influence ».
Cette définition met en exergue la différence qui existe entre les termes « social » et « sociétal ».
Selon le dictionnaire Larousse, social « se rapporte à une société, à une collectivité humaine
considérée comme une entité propre », alors que sociétal désigne la société et l'environnement
qui l'entoure.
Cette définition de la responsabilité sociétale introduit un ensemble de termes qu'il convient
d'assimiler :
 partie prenante : « individu ou groupe ayant un intérêt dans les décisions ou activités
d'une organisation » (cf. paragraphe 2.20, norme ISO 26000:2010) ;
 sphère d'influence : « portée/ampleur des relations politiques, contractuelles,
économiques ou autres à travers lesquelles une organisation a la capacité d'influer sur
les décisions ou les activités de personnes ou d'autres organisations » (cf.
paragraphe 2.19, norme ISO 26000:2010).
2. ÉTHIQUE
Ce paragraphe présente plus particulièrement un développement sur les liens existants entre la
responsabilité sociétale et l'éthique, en détaillant notamment le paragraphe 4.4 de la norme.

2.1 Définition
Ce terme est présent dans toutes les bouches, dans tous les médias, mais tout compte fait, qu'est-
ce que l'éthique ?
Depuis l'éthique de Spinoza , traité de philosophie pratique publié à sa mort en 1677, de
nombreux esprits ont apporté tout un ensemble de pierres à l'édifice. C'est ainsi que de
nombreuses définitions ont été élaborées pour le terme « éthique ».
En premier lieu, prenons en considération celle figurant dans le dictionnaire Larousse qui délivre
trois définitions, deux relatives au nom féminin éthique et une relative à l'adjectif éthique, soit :
 « partie de la philosophie qui envisage la prise en compte des fondamentaux de la
morale » ;
ou encore
 « ensemble de principes moraux qui sont à la base du comportement de quelqu'un ».
Et en tant qu'adjectif, éthique signifie « qui concerne la morale ».
Le sens moral est donc bien omniprésent dans chacune de ces définitions.
Selon Jacques Igalens et Michel Joras , « l'éthique objet de la « philosophie morale » répond au
double questionnement « comment vivre une situation, un événement, une action » et « quelle
décision prendre face à une alternative, un dilemme ». Elle est du domaine de la raison (ratio).
Appliquée à des situations qui peuvent être complexes.

3. ÉTHIQUE ET RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE


De nos jours, notamment après la parution fin 2010 de la norme internationale ISO 26000:2010,
l'éthique, et plus précisément le comportement éthique, sont devenus, aux côtés de six autres
principes, une des composantes de la RS (responsabilité sociétale).
Notons que cette norme ISO 26000 n'évoque pas l'éthique mais le comportement éthique. Celui-
ci est défini dans le paragraphe 2.7 de cette même norme comme un « comportement conforme
aux principes acceptés d'une conduite juste ou bonne dans le contexte d'une situation
particulière, et en cohérence avec les normes internationales de comportement ».
Nous retrouvons bien ici les deux composantes de l'éthique, à savoir le comportement
(comportement conforme) et les valeurs (les principes acceptés).
Certains esprits vont même jusqu'à définir la responsabilité sociétale en tant que comportement
responsable de l'individu.
Revenons un instant sur les normes internationales de comportement.
Selon le paragraphe 2.11 de la norme ISO 26000:2010, les normes internationales de
comportement sont les « attentes vis-à-vis du comportement d'une organisation en matière de
responsabilité sociétale, procédant du droit coutumier international, de principes généralement
acceptés de droit international, ou d'accords intergouvernementaux universellement ou quasi-
universellement reconnus ».
Trois notes précisent que :
 note 1 : « les accords intergouvernementaux comprennent les traités et les conventions » ;
 note 2 : « bien que le droit coutumier international, les principes généralement acceptés
de droit international et les accords intergouvernementaux s'adressent avant tout aux
États, ils expriment des objectifs et des principes auxquels toutes les organisations
peuvent adhérer » ;
 note 3 : « les normes internationales évoluent dans le temps ».

4. CONCLUSION
Il paraît difficile de dissocier le comportement éthique du concept de responsabilité sociétale.
Le fonctionnement de toute organisation génère en permanence et inévitablement des dilemmes
éthiques.
Le dictionnaire Larousse définit un dilemme comme « l'obligation de choisir entre deux partis
qui comportent l'un et l'autre des inconvénients ». Appliqué à un dilemme éthique, cela
signifierait que, quel que soit le choix réalisé, toute décision éthique entraînerait inévitablement
des inconvénients !
En matière de responsabilité sociétale, il n'existerait donc pas de bon comportement
éthique face à une situation donnée !
Alors, l'éthique est-elle composée de deux éléments de nature différente ?
Peut-on parler de bonne éthique et de mauvaise éthique ?
Sont-ce les principes moraux (les fondements de l'éthique) qui sont bons ou mauvais ?
Est-ce la conduite de quelqu'un dans une situation donnée qui n'est pas bonne ?
Ou est-ce un peu (ou beaucoup) des deux ?
Voilà l'alternative posée !
Article 2 (extrait) Principe de précaution en ingénierie de conception

Auteur(s) : Jean-Marc PICARD

INTR ODUC TION


Nous ne sommes pas propriétaires de la Terre mais l’empruntons à nos
enfants (Saint-Exupéry).
Nous sommes donc engagés envers les générations futures. Ainsi à travers ce concept
d’engagement est associé un concept de responsabilité repris universellement dans les
conférences sur le sujet. Ce concept de responsabilité est au cœur du développement
durable.
Le développement durable est considéré à tort comme une boîte de Pandore. Les
professionnels de l’environnement, notamment, ont bien délimité son champ d’action ;
il inclut plusieurs principes dont le principe de précaution. Des procédés nouveaux,
des exigences nouvelles en matière de produit, des organisations repensées, le
développement durable est un concept qui se traduit concrètement dans l’ingénierie. De
la mode philosophique à la mode politique et sociétale, il est devenu un élément
déterminant de la stratégie des entreprises.
Tout industriel doit l’intégrer dans sa démarche d’ingénierie. Sécurité et précaution
seront les premiers indicateurs de valeur, à terme un argument de vente, et
révolutionneront les processus industriels. Le risque zéro se substituera au zéro défaut.
Outre les affaires défrayant la chronique, le CNISF (Conseil national des ingénieurs et
scientifiques de France) publiait il y a un peu plus d’un an une charte d’éthique
évoquant sécurité et développement durable, et proposait dans le même temps une
assurance de protection juridique à ses ingénieurs quant à leur mise en cause éventuelle
dans l’exercice de leur profession. Derrière cette évolution se cache à peine
l’incontournable principe de précaution.
D’une part les grandes entreprises se voient cotées par des institutions diverses où
l’évaluation « développement durable » des activités prend une place quasi égale aux
performances financières, d’autre part ces mêmes entreprises, outre les nouvelles
obligations légales (loi NRE), ont compris pour nombre d’entre elles que le
développement durable est un argument commercial et, mieux, une source de profit et
de développement. La conjugaison des entreprises de services, de distribution d’eau et
de retraitement des déchets tant en France qu’à l’étranger n’est pas que le fruit du
hasard. Le succès en France du salon Pollutec le démontre aisément. Enfin elles sont
soumises aux impératifs de la normalisation à travers les normes ISO 14000,
OHSAS 18000 (Occupational Health and SAfety management System) ou équivalent et
ISO 9000.
Les industriels ont à repenser leur ingénierie en fonction du principe de précaution et
du développement durable, ainsi est né le concept de précautique . Nous exposons
donc ci-après les grands traits de notre réflexion sur le principe de précaution et la
notion de précautique. Cette réflexion porte sur la mise en œuvre d’un SMS (Système
de Management de la Sécurité type OHSAS 18001 ou DNV SIES notamment ou allant
au-delà de ces référentiels), et d’un SMQ (Système de Management de la Qualité type
ISO 9001) orientés sécurité que nous avons menée.

1. RISQUE ZÉRO ET ZÉRO DÉFAUT


 La contrainte comme source de progrès
Sans faire un historique de ces termes, rappelons que même chez les inconditionnels de
Six Sigmas le zéro défaut est relatif ! Il en va de même évidemment en ce qui concerne le
risque zéro. Nous le considérons donc comme un objectif dont on se rapprochera au gré
des avancées et exigences au même titre que le zéro défaut. C’est ainsi qu’a vu le jour le
progrès technologique. Certains scientifiques (et politiques) acceptent le concept de zéro
défaut mais pas celui de risque zéro. En examinant leur refus, il semble qu’ils admettent
en définitive les deux concepts, mais n’entendent pas que l’on puisse être condamné sur
ces principes de progrès qui ne peuvent être que volontaires et non coercitifs.
Cette considération n’est pas anecdotique ; en admettant que le progrès est souvent le fruit
d’une contrainte, elle met en évidence effectivement deux sources de progrès :
la contrainte volontaire (norme) et la contrainte coercitive (réglementation). Ce sont
ces deux aspects qui délimiteront certification et homologation.
 Le respect des contraintes : conformité du comportement, des processus ou du
produit ?
Le risque zéro peut-il être une exigence objective ? Peut-il être contractuel en matière de
produit ? En d’autres termes répond-il à une obligation plus ou moins coercitive via la
réglementation ou le droit ? Relève-t-il d’une responsabilité pénale ou civile ?

2. DES RÈGLES DE L’ART ET DE LA VALEUR JURIDIQUE DES NORMES


Nous nous limitons évidemment ici au droit français et généralement communautaire.
Les règles de l’art, tant sur les produits que sur l’organisation ou les processus, relèvent soit de
documents écrits, soit de coutumes évidentes et impératives. Et à choisir, l’ingénieur et le
magistrat préféreront rationnellement s’en référer si possible à des coutumes écrites, c’est-à-dire
le plus souvent aux normes.
Ainsi la norme industrielle – règle écrite – devient-elle ipso facto source de droit et référence des
règles de l’art.
Les normes sont en principe des spécifications techniques dont l’application est volontaire à ne
pas confondre avec les standards et labels. Mais la frontière norme réglementation devient assez
floue. D’une part certaines normes sont obligatoires de par la loi, d’autre part certaines directives
européennes renvoient en partie à des normes quant à leurs conditions d’application, c’est le cas
de la « nouvelle approche » (cas du marquage CE : directives machine, CEM...). Enfin, en cas
de conflit devant un tribunal, le juge peut assimiler une norme aux règles de l’art même si elle
n’est ni obligatoire ni mentionnée dans le contrat.
Nota :
Les normes sont souvent un monopole d’État ou dont la création est étroitement contrôlée par les
autorités. Ainsi les « normes » d’entreprises sont « reléguées » au rang et à l’appellation de
« label » (souvent marque déposée) ou de standard (mais aux USA on ne parlera que de
« standard » en lieu et place de norme...). Le statut de la normalisation, issu de la dernière guerre,
a été revu entièrement en France principalement en 1984.
Toute norme contractuelle peut être d’application obligatoire par le biais d’une simple référence
directe ou indirecte : renvoi par une autre norme. C’est le cas de l’ISO 9000 à laquelle renvoie
l’ISO 9001. Il est donc important d’éviter toute confusion dans les plans d’assurance qualité entre
un document applicable et un document de référence. Une déclaration de conformité à une
norme dans une publicité et a fortiori une certification engagent le fournisseur quant à
l’application de la norme ou dudit document cité en référence.

3. DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION ET DES RÈGLES DE L’ART


La notion est récente. A sa base un ouvrage de Hans Jonas paru en 1979 dont un sous-chapitre
traite du « progrès avec précaution ». La déclaration de Rio (1992) prévoit l’application de ce
principe par les États signataires. Ce principe est entré dans le droit français (loi 95-101 du 2/2/95
[6]) : « L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir
un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement
acceptable. ». L’être humain faisant partie de l’environnement, toute activité induisant un risque
humain rentre dans le champ d’application de ce principe. Les conséquences de ce principe sont
multiples : au niveau de l’organisation, du process et du produit. Notons que les normes sur le
management de l’environnement (ISO 14000) ont été les premières à introduire la notion de
parties prenantes (Le référentiel Eco Audit précédemment aussi, mais celui-ci n’est pas normatif).
Ce principe pose, au-delà des notions de certitude, de confiance, d’efficacité des mesures, le
problème des parties prenantes et surtout celui du suivi de l’état de l’art et de la responsabilité.
Quelle est la limite entre « prévention » et « précaution ».
4. RESPONSABILITÉ DES CONCEPTEURS ET DES PRODUCTEURS
L’innovation peut être la conséquence directe de la contrainte, nous avons vu par exemple les
contraintes environnementales générer de nouveaux produits (filtres à particules), de nouveaux
process (collages sans solvant) ainsi que de nouvelles organisations (SMS, SM-QSE [7]...). En
matière de sécurité et d’environnement, le concepteur, le producteur, l’importateur et le
distributeur sont responsables de leurs produits, process ou installations. La notion de
responsabilité sous-entend une notion d’objectifs à atteindre (conformité, contrat à respecter) ou à
ne pas atteindre (mise en danger d’autrui). Toute responsabilité n’a donc de sens qu’au regard
d’objectifs ou d’obligations (principe de précaution) clairement assignés. La responsabilité
des acteurs venant d’être évoquée concerne aussi bien dorénavant les personnes morales que
physiques. En d’autres termes on cherchera autant la responsabilité de l’ingénieur que de
l’entreprise, responsabilités qui se retrouvent dans les Codes : civil, de la consommation et pénal.
Nota :
Nous considérons d’ailleurs comme extension mathématiquement satisfaisante de l’analyse
fonctionnelle que toute contrainte est une fonction de service de sorte que Fc = Fs. La contrainte
est un service rendu à l’environnement ou à une partie prenante au détriment d’une fonction de
service rendue à un type particulier de partie prenante : le client. Nous n’avons pas le temps de
détailler ici cette approche que nous avons développée pour de nombreux industriels, mais elle
permet une simplification importante et un développement quasi illimité des arborescences
fonctionnelles permettant d’englober aspects juridiques, durables etc.
 De la responsabilité civile en général
Les articles 1382 à 1386 portent sur la responsabilité civile : « Tout fait quelconque de
l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à
le réparer. ». Chacun est responsable du dommage qu’il a causé par son fait, par sa
négligence...

5. LE PRINCIPE D’ACTION PRÉCAUTIVE, UN NOUVEAU CONCEPT


 La précaution, complément indispensable de la prévention
Le principe de précaution et les nouvelles dispositions réglementaires appellent de
nouvelles démarches dans la conduite des affaires, l’objectif de sécurité des produits et
des installations est un critère de qualité, on parlera aussi de rapport sécurité/prix.
La prévention procède d’une démarche causale. Elle consiste à adopter des mesures ou
un comportement face à un danger réel ou déduit, c’est-à-dire un risque dont les effets et
le mécanisme par lequel il se manifeste sont connus. La précaution consiste à adopter des
mesures face à un danger supposé et induit.
Le concept d’action préventive est bien connu des qualiticiens. Il s’agit « d’éliminer les
causes de non-conformités potentielles pour éviter qu’elles ne surviennent ». Le fait de
poser le problème de causes potentielles se rapproche d’une démarche inductive. Mais la
pratique de l’assurance qualité, basée sur la recherche de la conformité aux exigences
spécifiées, conduit à mélanger les démarches inductives et les démarches déductives.
De plus si les méthodes déductives sont modélisables, les méthodes inductives relèvent de
l’art de l’hypothèse et de la spéculation.
Le principe d’action précautive consiste donc à séparer le déduit de l’induit. C’est ainsi
que nous avons bientôt fini de mettre au point un modèle pour les risques organisationnels
faisant le lien entre les exigences sociétales (référentiel) vues comme des fonctions de
services et une classification des événements redoutés qui s’avère très prometteur.
 Traduire le principe de précaution dans la réalité industrielle
Le principe de précaution est un principe d’abord juridique mais aussi une attitude
industrielle, il conjugue les notions de risque, de coût acceptable, de gravité et de
probabilité. L’appliquer implique d’engager une démarche sur la valeur des aspects
sécurité.
6. CONCLUSION
L’intégration du principe de précaution ne se résume pas à l’ajout de dispositions sur les risques,
c’est une évolution culturelle et industrielle. Le principe de précaution est incontournable. Le
concept d’action précautive ou la « précautique » est la base d’un management qualité-sécurité-
environnement, pierre angulaire de toute stratégie développement durable. Cette intégration en
vogue des systèmes de management dans l’ingénierie conduit dès à présent à une harmonisation
des référentiels et logiques de développement. Cela augure de belles études en matière de ce qui
se dessine comme une nouvelle discipline : l’ingénierie comparée.
Le principe de précaution répond au besoin de chacun de se protéger juridiquement et de ne pas
faire prendre un risque non maîtrisé au client ou aux parties prenantes. Il n’est pas étonnant que
déjà ce concept débouche sur le concept d’éthique sociale. La normalisation en ce sens étant par
contre à notre avis une hérésie, mais c’est un autre sujet !

Article 3 (extrait)
La responsabilité de l’ingénieur dans les systèmes complexes
Publication IESF
L’humanité, et avec elle notre planète, entre dans une période à hauts risques. L’accélération et la
combinaison d’avancées scientifiques et technologiques stupéfiantes dans tous les domaines
engendrent des mutations complexes qui n’impactent plus seulement nos modes de vie, mais
engagent le futur de notre humanité dans son ensemble.
Nous sommes entrés dans l’ère « anthropocène » : pour la première fois dans l’histoire de
l’humanité, les activités humaines influencent significativement l’évolution de l’écosystème
terrestre. On sait désormais modifier le patrimoine génétique des individus : pour le réparer, voilà
un grand progrès annoncé, mais aussi pour l’ « augmenter ». Le « transhumanisme » frappe à
notre porte ! Nos technologies, nos économies, nos politiques, nos écologies sont, que nous le
voulions ou non, mondialisées et constituent un immense système hyper-complexe
d’interdépendances généralisées. Voilà des tournants scientifiques et technologiques qui engagent
notre futur !
L’ingénieur est non seulement un acteur de cet écosystème mondial, il en est aussi l’auteur et le
concepteur. Sa responsabilité éthique est engagée : l’ingénieur ne peut plus se contenter de
réaliser ce qui est techniquement possible et légalement autorisé, il doit aussi mettre en oeuvre
dans sa réflexion un questionnement éthique sur les intentions et sur les conséquences des
progrès techniques auxquels il travaille. S’il ne le fait pas, qui le fera ?
La « responsabilité éthique de l’ingénieur dans les systèmes complexes » ne relève pas d’un
vague souci de bien-pensance, c’est l’une des questions les plus urgentes et les plus importantes
pour la construction de notre futur.
L’expression « le métier d’ingénieur » est devenue bien trop étroite pour exprimer la diversité et
la complexité des multiples activités que l’ingénieur du 21ème siècle doit savoir exercer pour
assumer ses responsabilités.
Trois types de compétences se conjuguent maintenant dans les responsabilités de l’ingénieur :
• Il doit maîtriser des compétences scientifiques et techniques de plus en plus pointues et
spécialisées.
• En même temps, il doit exercer sa spécialité en étroite coordination avec d’autres
spécialistes eux-mêmes très pointus dans leur domaine, recouvrant une grande diversité
(technique, économique, sociale, commerciale, écologique, juridique, politique, …). Il est en
permanence immergé dans des « écosystèmes interdisciplinaires » où l’efficience collective ne
peut pas se résumer à une simple addition de compétences individuelles. Il doit avoir une
compétence de l’interdisciplinarité, et de la systémique.

• Enfin, l’ingénieur est confronté aux défis d’une complexité croissante : incertitude,
imprévisibilité, multiplicité et imbrication des parties prenantes, mutations technologiques,
mutations sociétales, bifurcations brutales, ambiguïtés, contradictions, antagonismes, etc. Il doit
aussi apprendre, non pas à « maîtriser la complexité », car la complexité est précisément tout ce
qu’on n’arrive pas à comprendre complétement et encore moins à maîtriser frontalement, mais à
conduire ses projets « dans et avec » la complexité ».

Ce métier complexe, l’ingénieur doit l’exercer dans un monde confronté à un changement de


civilisation, percuté par la nécessité de conduire de front et d’urgence plusieurs mutations
radicales, que nous pouvons synthétiser en trois axes majeurs :
• faire face à la crise écologique qui menace à la fois notre survie et celle de notre planète-
nourricière,
• domestiquer l’explosion de technologies nouvelles telles que l’univers digital (le « big
data »), l’intelligence artificielle, la biogénétique, etc. pour les mettre au service de notre
humanité et déjouer des effets pervers potentiels qui pourraient s’avérer dévastateurs,

• assumer la mondialisation en participant à la réinvention d’une gouvernance mondiale


(écologique, politique, économique, financière) libérée de ses dérives et perversions.

L’ingénieur est impliqué à plusieurs titres et sur plusieurs aspects de ces mutations. Il n’est pas le
seul, bien évidemment. Bien d’autres professions, et bien d’autres catégories d’acteurs sont
appelés à porter collectivement la responsabilité de la construction de notre futur.
L’ingénieur porte une responsabilité particulière sur trois registres :
• il est fortement engagé dans la conception des systèmes nouveaux,

• il est toujours engagé dans la mise en oeuvre et l’organisation des solutions imaginées,

• il se trouve dans l’obligation, pour conduire de façon éthiquement responsable la


conception et l’organisation de ces systèmes nouveaux, de se repenser lui-même, de se donner les
moyens d’une vigilance éthique et d’un recul critique sur son action et ses choix.

Après avoir explicité ces trois aspects, nous pourrons examiner à quoi notre pays devrait porter
attention pour former ses ingénieurs, et les accompagner dans les différentes étapes de leur vie
professionnelle par un écosystème leur apportant appui à la réflexion, lieux et occasions
d’échanges d’expériences et de formation continue, et … de prise de parole !
1- L’ingénieur est un concepteur. Ses conceptions engagent le futur.
Les ingénieurs reçoivent une formation reconnue de qualité par le monde entier. Dotés de
compétences scientifiques et techniques solides, ils sont prêts à les mettre en oeuvre.
Mais le monde d’aujourd’hui n’attend pas seulement de l’ingénieur qu’il sache appliquer des
méthodes apprises. On attend de lui surtout qu’il soit « concepteur » : qu’il sache imaginer et
mettre au point des objets, des machines, des systèmes, des organisations, des méthodes, des
processus, avec la conscience que ces artefacts vont modeler la vie et orienter le futur des
hommes qui les utiliseront.
Qu’il le veuille ou non, l’ingénieur contribue à la construction du futur de l’humanité. Ses choix
techniques et organisationnels vont forcément influer sur nos modes de vie. C’est le cas, bien sûr,
pour les grandes inventions comme l’électricité, l’automobile ou internet qui ont révolutionné les
sociétés de façon radicale et massive. Mais au-delà de ces découvertes séculaires, les ingénieurs
conçoivent en permanence des objets, des systèmes, des usages, des processus qui modifient le
cours de nos vies, dans tous les domaines, qui peuvent aller du banal sac plastique au système de
réservation aérienne, en passant par le traitement de texte, les carrefours giratoires sans feux
rouges, le traitement des déchets, ou encore la déclaration électronique de ses revenus au service
des impôts. Ainsi se construisent progressivement (ou régressivement !) les civilisations, sans que
nous y prenions garde.
Voici ce qu’écrivait déjà en 1996 Herbert Simon (prix Nobel d’économie en 1978) à propos des
sciences de la conception, qu’il a été l’un des premiers à considérer comme sciences :
« Historiquement et traditionnellement la mission des disciplines scientifiques a été d’enseigner
les connaissances relatives aux phénomènes naturels ; comment sont-ils constitués et comment
fonctionnent-ils ? Et la mission des écoles d’ingénieurs a été d’enseigner les phénomènes
artificiels : Comment fabriquer des artefacts ayant des propriétés souhaitées et comment les
concevoir ?
Les ingénieurs ne sont pas les seuls concepteurs professionnels. Quiconque imagine quelques
dispositions visant à changer une situation existante en une situation préférée, est concepteur.
L’activité intellectuelle par laquelle sont produits les artefacts matériels n’est pas
fondamentalement différente de celle par laquelle on prescrit un remède à un malade ou par
laquelle on imagine un nouveau plan de vente pour une société, voire même une politique sociale
pour un Etat. La conception, ainsi conçue, est au coeur de toute formation professionnelle. C’est
elle qui fait la différence entre sciences et professions. Les écoles d’ingénieurs, comme les écoles
d’architecture, de droit, de gestion, de médecine, les écoles normales d’enseignement, toutes sont
concernées, au premier chef, par le processus de la conception.
Par un paradoxe ironique, alors que s’affirme le rôle décisif de la conception dans toute activité
professionnelle, les sciences naturelles au 20ème siècle, surtout dans les deux ou trois décennies
qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, ont presque complètement éliminé les sciences de
l’artificiel du programme des écoles formant des professionnels. Les écoles d’ingénieurs sont
devenues des écoles de physique et de mathématiques ; Les écoles de médecine sont devenues
des écoles de sciences biologiques ; Les écoles de gestion des entreprises sont devenues des
écoles de mathématiques finies. »
Dans cette activité de conception, la responsabilité éthique de l’ingénieur est de porter un
jugement critique sur ce qu’il construit. Cette responsabilité ne peut pas se limiter au respect
d’un code moral (fort utile et respectable au demeurant) et encore moins à un repli facile derrière
le principe de précaution. La responsabilité éthique consiste en un exercice de lucidité et de
discernement, qui passe par un questionnement.
Les questions à se poser à propos d’un projet à concevoir concernent d’une part ses finalités :
quelles sont les intentions sous-jacentes au projet ? D’où est-il né ? Quelles sont ses finalités,
explicites et implicites ? Quels intérêts sert-il ? Quels buts le concepteur lui-même poursuit-il ?
Sa propre vision est-elle partagée ? Etc.
Le questionnement doit porter aussi sur les conséquences et impacts de ce que l’on conçoit :
quelles sont les parties prenantes du projet ? Quels sont les impacts, sur les personnes,
l’environnement, la société ? Quelles sont les effets systémiques à anticiper ? Etc.
Voici trois illustrations de cette responsabilité éthique des ingénieurs dans la conception :
• Mettre ses talents de concepteur et de programmeur d’algorithmes sophistiqués n’a pas la
même portée éthique selon qu’on les met au service du « high-frequency trading », qui produit de
la spéculation, ou du pilotage à distance des stimulateurs cardiaques, qui maintient des personnes
en vie.

Un avis éclairé sur la question est celui de Dominique Cardon, auteur d’un remarquable ouvrage
sur l’impact des algorithmes sur nos sociétés :
« Les calculateurs fabriquent notre réel, l’organisent et l’orientent. Ils produisent des conventions
et des systèmes d’équivalence qui sélectionnent certains objets au détriment d’autres, imposent
une hiérarchisation des valeurs qui en vient progressivement à dessiner les cadres cognitifs et
culturels de nos sociétés. »
• Les ingénieurs qui travaillent dans le domaine de l’intelligence artificielle et des robots
ont une responsabilité d’alerte quand le jour viendra (on ne sait pas si ce jour sera dans 20 ans ou
dans 50 ans, mais il viendra) de décider de la possibilité ou non pour un robot d’autoprogrammer
sa désobéissance à son concepteur et de générer des « robots hostiles », qui pourraient devenir
catastrophiques pour l’humanité.

• Les manipulations génétiques, si porteuses de progrès quand elles s’exercent dans le


champ de la thérapie génique, peuvent dériver rapidement vers des abominations d’eugénisme, de
transhumanisme, et de création d’hommes artificiels, si nous ne savons pas « questionner » à
temps nos intentions.

2- L’ingénieur est un organisateur, responsable dans la durée des artefacts qu’il


conçoit.
 La responsabilité de l’ingénieur se poursuit au-delà de la conception, dans la mise en
oeuvre de ses inventions. Dans cette deuxième phase de son travail, la vigilance et
l'attention portée aux conditions d’une bonne mise en oeuvre et d’une bonne évolution
s’avèrent indispensables, même si un grand soin a été apporté à la conception. Le diable
peut se cacher dans les détails, et l’accident surgir là où on ne l’attendait pas.
 L’étude de faisabilité est en principe faite durant la phase de conception. Mais ce sont
souvent les conditions d’un bon lancement du projet qui font défaut. Parmi de nombreux
exemples, on se souvient du grandiose cafouillage du lancement par la SNCF en 1992-
1993 du système « Socrate » de réservation informatisée. Pourtant, la stratégie portée par
ce projet était pertinente et s’est avérée dans le futur largement gagnante, et les aspects
techniques du projet étaient excellents. Mais les conditions du lancement avaient été
négligées.
 L’ingénieur se doit également d’être attentif à une caractéristique des systèmes assez
subtile et souvent négligée : le phénomène d’auto-organisation et de récursivité. En
exerçant leur activité, en transformant leur environnement, les systèmes s’auto-
transforment par récursivité au fil du temps, souvent pour le pire si l’on n’y prend garde.
La responsabilité de l’ingénieur est de porter une grande vigilance à la détection et à la
prévention des risques. L’un des risques est notamment la dérive du projet dans un sens
non désiré initialement, le détournement des usages et les effets pervers.

La correction des dérives, l’organisation des systèmes de prévention et d’alerte, l’évaluation


continue, les retours d’expérience, constituent l’arsenal de base de la vigilance opérationnelle,
mais aussi éthique.

3- L’ingénieur a besoin d’une compétence épistémologique et éthique

On le voit, beaucoup de responsabilités complexes pèsent sur les épaules de l’ingénieur, tant au
plan des intentions de ce qu’il conçoit, qu’au plan des conséquences de ce qu’il met en oeuvre.
Pour faire face à la complexité de la conception et aux pièges de la mise en oeuvre évoqués ci-
dessus, les ingénieurs ne peuvent pas se contenter d’appliquer des techniques, des politiques ou
des réglementations existantes, mais ils ont à essayer de comprendre des situations
multidimensionnelles complexes et de concevoir des stratégies d’action nouvelles et spécifiques.
Ils se trouvent aussi devant le défi d’entrainer les autres dans cet effort de conception,
d’innovation et de conduite de l’action dans l’incertitude.
Pour cela, les ingénieurs se trouvent dans la nécessité de renouveler radicalement leurs propres
façons de « concevoir ». Sans une prise de recul sur leur façon de conduire leur pensée, de faire
leurs choix, d’établir leurs stratégies, ils risquent, à leur insu, de reproduire les modèles anciens,
et de ne pas prendre les moyens de concevoir de réelles transformations.

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