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Arts Département Musique Année 1996
Mémoire de Maîtrise
Elsässischer
Orgelreform
et
Orgues
d’Alsace
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Emmanuel FABRE Sous la direction
de Mme M.D. Popin
de M. M. Schaefer
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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SOMMAIRE
Avantpropos p. 4
Introduction p. 6
PREMIÈRE PARTIE : L’ORGELREFORM p. 8
è
Chapitre 1. L’Alsace des orgues au tournant du XX siècle p. 9
1) Extinction des dynasties d’artisans [ manque ] p. 10
2) Les forces nouvelles p. 11
Chapitre 2. Les raisons d’une réaction :
les précurseurs et leurs critiques p. 14
Chapitre 3. Les précurseurs et leurs revendications p. 20
1) Les références p. 20
2) Les idées de Schweitzer p. 22
3) Les idées de Rupp p. 25
4) Le Congrès de Vienne p. 27
Chapitre 4. Les oppositions p. 31
Chapitre 5. Les évolutions p. 33
DEUXIÈME PARTIE :
LES ORGUES ALSACIENS ISSUS DE L’ORGELREFORM p. 38
Chapitre 1. Les premiers pas p. 39
1) DalsteinHærpfer : les pionniers p. 39
Les essais à l’orgue de Saint Nicolas
Le premier orgue de l’Orgelreform : Saint Sauveur
La première restauration : L’orgue de Saint Thomas
L’accomplissement : l’orgue du Palais des Fêtes
2) La conversion de Walcker p. 49
La recherche par Rupp de l’orgue synthétique : Saint Paul
L’orgue de Saint Paul de Koenigshoffen [ incomplet ]
3) Rinckenbach et Rœthinger : les nuances p. 55
Une console de Rupp dans un orgue de transition : Saint PierreleJeune
Le grand orgue selon Rinckenbach : SainteMarie de Mulhouse [ manque ]
Hautepression et Orgelreform : l’orgue de Saint Martin d’Erstein
Chapitre 2. Les grands instruments de l’entredeuxguerres p. 62
1) Les constructions de Rinckenbach p. 62
L’orgue de Saint Thiébaut à Thann [ manque ]
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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L’orgue de Notre Dame de l’Assomption à Ammerschwihr [ manque ]
2) Les grandes transformations de Rœthinger p. 63
L’orgue de Sainte Geneviève à Mulhouse [ manque ]
L’orgue de la Synagogue consistoriale à Strasbourg
3) Les débuts de Schwenkedel p. 67
La restauration de l’orgue de SaintThomas à Strasbourg [ manque ]
4
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Chapitre 3. L’orgue idéal de village selon Schweitzer p. 68
Muhlbach
Gunsbach
Chapitre 4. La maturité et les reconstructions p. 76
1) Les grandes constructions de Rœthinger p. 76
Saint Barthélemy de Mulhouse [ manque ]
Saint Laurent de Bischheim [ manque ]
2) Du neuf dans l’ancien p. 77
La reconstruction Hærpfer à Sainte Aurélie [ manque ]
Le reconstruction Rœthinger à la Cathédrale
3) Un orgue de guerre p. 83
Saint PierreleJeune catholique
TROISIÈME PARTIE : POSTÉRITÉ DE L’ORGELREFORM p.
Chapitre 1. En Alsace p.
1) Muhleisen p.
2) Max Rœthinger et Curt Schwenkedel p.
3) Avénement de Kern et Kœnig p.
Chapitre 2. À l’étranger p.
1) En Allemagne : l’Orgelbewegung p.
2) La Suisse et l’Autriche p.
3) Les mouvements de réforme au Danemark p.
4) Les pays scandinaves p.
CONCLUSION p.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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AVANT PROPOS
Parmi la multitude des instruments de musique, l’orgue est certainement celui qui
présente au plus haut point une personnalité polymorphe et exclusive. À l’exception
de quelques essais de production en semisérie, destinés essentiellement à l’exercice,
chaque instrument est unique, se singularisant toujours un tant soit peu de ses
homologues en facture, époque ou localisation. Mais cette originalité se rattache le
plus souvent à une base de conception commune, à une période, un style musical, un
pays, une région … Ainsi parleton communément d’”orgue baroque d’Allemagne du
Nord”, d’”orgue classique français,”, d’”orgue espagnol” ou encore d’”orgue
orchestralromantique”. Il en va de même pour la facture contemporaine qui, bien
souvent en panne d’originalité, s’applique à redécouvrir les trésors du passé au
travers de productions “néobaroques”, “néoclassiques” ou, plus récemment et de
façon encore timide, “néoromantique”.
Depuis quelques années, j’ai la chance d’être titulaire de l’orgue de l’église catholique
SaintPierreleJeune à Strasbourg, construit en 1945 par E.A. RŒTHINGER. Il
s’agit d’un orgue de 42 registres, sur 3 claviers et pédale, à traction électrique. Notre
époque souffrant d’un besoin permanent de classification, je suis toujours frappé du
nombre et de la diversité des qualificatifs dont cet instrument se voit affublé au gré
des experts, facteurs et organistes qui l’approchent : romantique, orchestral
romantique, néoclassique, postsymphonique. Bien souvent, par mépris ou
commodité, on le range dans la catégorie prolifique des “orgues à tout jouer”. Audelà
du côté facilement avilissant de l’expression, c’est faire bien peu de cas du nécessaire
projet esthétique du concepteur et constructeur d’un tel instrument. D’autant plus que,
toujours par facilité, on a tendance à placer sous ce vocable la plupart des orgues
construits entre 1920 et 1960, quelle qu’en soit la région d’origine. Or, en se limitant à
l’Alsace, et même à une dynastie de facteurs d’orgues, comment peuton assimiler
purement et simplement des instruments aussi différents que l’orgue de Saint
Barthélémy à Mulhouse, construit en 1935 par E.A. RŒTHINGER, et celui de Saint
PierreleVieux catholique, conçu en 1960 par son fils Max ?
Dans mon ignorance et ma naïveté de jeune organiste de paroisse, j’ai cherché les
points communs que pouvait avoir l’orgue de SaintPierreleJeune avec d’autres
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instruments de la même époque et de la même importance. Ils sont nombreux dans
notre province à participer d’un même projet esthétique, datant de la première moitié
de notre siècle, sans véritable rupture avec le précédent. Retrouvant fréquemment les
noms de DALSTEINHÆRPFER, RINCKENBACH, WALCKER, RŒTHINGER,
SCHWENKEDEL, j’ai voulu savoir ce qui pouvait réunir des facteurs d’horizons aussi
différents. C’est presque par hasard que j’ai rencontré le terme d’Elsässischer
Orgelreform dont, en plus de quinze ans de pratique de l’orgue en Alsace, je n’avais
jamais entendu parler.
Or, il semble que ces derniers temps, depuis la restauration de l’orgue DALSTEIN
HÆRPFER de SaintSauveur à Cronenbourg, une amorce timide de reconnaissance
de ce mouvement se produise en Alsace, notamment sous l’impulsion de Georges
WALTHER, dirigeant de la manufacture d’orgues MUHLEISEN.
Il m’a donc paru intéressant et utile de faire le point sur une période non négligeable
de la facture d’orgues alsacienne qui a sa part de responsabilité dans l’évolution de
è
la facture d’orgues européenne du XX siècle.
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INTRODUCTION
Il aura fallu près de 80 ans pour que le premier orgue alsacien directement issu des idées
d’Albert SCHWEITZER soit enfin jugé digne d’intérêt et restauré selon sa conception
d’origine. C’est en effet en 198586 qu’eut lieu la réfection de l’orgue DALSTEINHÆRPFER
de l’église protestante SaintSauveur de Cronenbourg par la manufacture d’orgues
MUHLEISEN. Construit en 1907, un an après la parution à Leipzig de l’opuscule de
SCHWEITZER Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst, il était, selon
Emile RUPP 1
, le premier orgue de la Réforme alsacienne. De fait, un très petit nombre
d’instruments alsaciens sont explicitement affiliés à l’Orgelreform par les initiateurs de ce
mouvement. quant aux rares organologues français qui se sont penchés sur la question, ils
ne citent pratiquement aucun orgue s’en inspirant, endehors de ceux avec lesquels
SCHWEITZER, RUPP ou MATHIAS ont été en contact. En revanche, à l’étranger, en
Allemagne, en Autriche, en Suisse, au Danemark et même aux ÉtatsUnis, de nombreux
musicologues reconnaissent le rôle indéniable joué par la Réforme alsacienne d’une part
è
dans l’élaboration de quantité d’instruments de la première moitié du XX siècle, d’autre
part dans l’évolution de la facture d’orgue.
Si en France la domination de CAVAILLÉCOLL et l’excellence de sa
production qui était d’ailleurs une des revendications des Réformateurs n’ont pas justifié
l’épanouissement de l’Orgelreform, l’Alsace était un terrain d’expérimentation rêvé. Le
manque de références auquel nous faisions allusion auparavant signifietil que la Réforme
n’y a trouvé que peu d’écho auprès des organiers ? Le projet manquaitil de valeur ou
d’achèvement ? Ou bien encore, pour des raisons qui restent à déterminer, n’aton pas
voulu s’en réclamer ?
Ce mémoire va modestement tenter de répondre à ces questions. La première d’entre elles
concerne les bases de l’Orgelreform, ses raisons, son environnement, sa cohérence en tant
que concept artistique. Ensuite, si la Réforme est dite “alsacienne”, quel contexte trouvet
elle en Alsace, quels facteurs d’orgues seratelle susceptible de toucher ? Au travers d’un
inventaire des orgues alsaciens présentant des caractères proches des idées des
Réformateurs, nous chercherons à déterminer si l’impact du mouvement fut si faible dans la
1 Emile RUPP : Die Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, 1929, Verlaganstalt Benziger & Co A.G.
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province qu’il y parait au premier abord. Enfin, par l’évolution même de ces instruments,
par leur sort actuel, par les conceptions de la facture et des facteurs d’orgues alsaciens
d’aujourd’hui, nous observerons la postérité réservée à l’Orgelreform en Alsace, en la
comparant à celle constatée sans d’autres pays qui s’y rattachent plus ouvertement.
Toutefois, le but de ce travail n’est en aucun cas de porter un jugement de valeur sur une
doctrine prônée à une certaine époque, dans un contexte organologique donné, articulée
autour d’un ensemble de connaissances musicologiques comportant d’inévitables lacunes.
Comme dans tout milieu artistique, le monde de l’orgue a souvent tendance à dénigrer les
mouvements passés. L’Elsässischer Orgelreform, quelle que fut sa valeur, a eu le mérite
d’exister, de faire réagir et évoluer la facture d’orgue. Ce simple fait mérite au moins que l’on
s’y attarde et que ses actifs lui soient crédités.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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PREMIÈRE PARTIE :
L’ELSÄSSISCHER ORGELREFORM
Quelques mois avant sa mort, le 25 juillet 1947, Emile RUPP écrivait à Pierre VALLOTTON 2
,
un de ses plus fervents disciples, à propos d‘un orgue suisse récent à traction mécanique :
“Voici la réalisation intégrale des principes de notre École : la synthèse absolue
et parfaitement équilibrée du PleinJeu et du GrandJeu, problème ardu où
avaient échoué nos devanciers, s’ils n’ont pas éludé les difficultés par le
refoulement d’un ou de l’autre de ces éléments constitutifs dans le plan
sonore.” Le long cheminement qui allait mener à cette dernière réflexion de l’organiste de
SaintPaul prend sa source en 1898, avec sa violente réaction exprimée dans l’article
Hochdruck !, à l’occasion de l’installation de jeux à hautepression dans l’orgue WEIGLE de
SaintMaurice. Le hasard a voulu qu’à deux années de distance, en 1896 et 1898, deux
jeunes organistes alsaciens pleins de talent, Emile RUPP et Albert SCHWEITZER aillent à
Paris approfondir leur art auprès de WIDOR. Ils côtoyèrent de ce fait CAVAILLÉCOLL et ses
réalisations à SaintSulpice ou NotreDame. Ils s’aperçurent alors que ces orgues
mécaniques, riches en fournitures et en anches, favorisaient davantage l’expression de la
polyphonie, notamment celle de BACH, que l’orgue romantique germanique. De retour en
Alsace, ils allèrent à la découverte des SILBERMANN ou des supposés tels qui, eux aussi,
permettaient une délicatesse et une clarté de jeu oubliées.
Dès lors, le mot d’ordre de ce qui allait devenir l’Elsässischer Orgelreform fut : “Retour à
Silbermann”, ce qui signifiait : retour à l’orgue polyphonique, nonorchestral. De là
naquirent les nombreuses publications vindicatives de RUPP qui aboutirent à sa
monumentale Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst. Plus modéré et, partant, plus
influent, SCHWEITZER fit éditer en 1906 son Deutsche und französische Orgelbaukunst
und Orgelkunst, suivi en 1914 de Zur Diskussion über Orgelbau. Entretemps, en 1909,
l’International Regulativ für Orgelbau, fruit des réflexions de la section facture d’orgue du
Congrès de Vienne, dirigée par SCHWEITZER et MATHIAS, vint ériger en système les idées
des Réformateurs.
Il ne s’agit donc pas d’élucubrations de vagues organistes en mal de notoriété, comme
d’aucuns ont pu le laisser accroire. Dans la première partie de notre travail, nous verrons
2 Pierre VALLOTTON : Le Testament d’Emile RUPP, in L’Orgue, 1969, n° 4750.
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d’abord dans quel contexte organologique alsacien la Réforme plonge ses racines. Puis nous
étudierons les fondements mêmes de l’Orgelreform, tant au plan de l’esthétique sonore que
des revendications techniques. Enfin, nous nous arrêterons sur les inévitables critiques et
oppositions rencontrées par les Réformateurs.
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Chapitre Premier
L’Alsace des Orgues au tournant du XXè siècle.
3 Pie MEYERSIAT : La Réforme alsacienne de l’Orgue, in Bulletin des professeurs du lycée d’état de
garçons de Mulhouse, 1965, n° 3, 1320
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1) Extinction des dynasties d’artisans.
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2) Les forces nouvelles
è
À l’aube du XX siècle, une autre famille alsacienne fait en quelque sorte la transition entre
les artisans classiques et les nouveaux acteurs qui entreront à pieds joints dans l’ère du
progrès technique. Il s’agit de la famille RINCKENBACH.
Petitneveu de Martin BERGÄNTZEL, luimême ébéniste de DUBOIS, Valentin
RINCKENBACH (17951862) reprit à son compte la manufacture de son grand oncle à
Ammerschwihr. Il nous reste de lui quelques orgues fameux, témoins de la facture de cette
époque : Ohnenheim, Kœstlach, Westhalten … Hélas, une trop grande partie de sa
production est actuellement en mauvais état ou injouable. À la mort de Valentin, son neveu
Martin (18341917) prit la succession. D’un stage de 4 ans chez HAAS à Lucerne, puis
surtout chez CAVAILLÉCOLL, il rapporta une manière de faire originale en Alsace en cette
è
fin de XIX siècle. Ainsi la plupart des instruments de Martin RINCKENBACH sontils
caractérisés par leur batterie d’anches à la CAVAILLÉ, leur fidélité à la transmission
mécanique, parfois épaulée de la machine Barcker, l’adoption de la console en gradins,
héritage de SaintSulpice, dont SCHWEITZER fera bientôt les louanges. En 1900, le dernier
orgue à traction mécanique conçu par Martin RINCKENBACH fut inauguré à Geispolsheim.
Le fils de Martin, Joseph (18751949), prend peu à peu de l’importance au sein de
l’entreprise familiale. Il ne résiste pas à l’attrait du système pneumatique tubulaire qui
devient bientôt la transmission exclusive de la maison. La démarche a quelque chose de
paradoxal : au moment où vont s’élever les voix de l’Orgelreform, prônant un retour à la
traction mécanique, louant les machines Barcker de CAVAILLÉCOLL, la manufacture
d’orgues RINCKENBACH adopte la démarche inverse en abandonnant le système français
pour le système allemand dont la fiabilité ne cesse déjà d’être mise en cause. En dehors des
problèmes de transmission, nous verrons plus loin dans quelle mesure Joseph
RINCKENBACH embrassera néanmoins les idées de la Réforme au travers de ses
réalisations de SaintThiébaut de Thann ou de NotreDame de l’Assomption à
Ammerschwihr, berceau de l’entreprise familiale.
*
* *
En 1873 s’installe à Strasbourg un facteur d’orgues de Rhénanie dont la contribution dans
l’évolution positive ou négative de la facture alsacienne n’est pas négligeable. Il ne nous
reste que peu d’instruments d’Heinrich KOULEN. Mais il fut, sembletil, un excellent
intonateur, formé chez MERKLIN. son défaut fut sans doute de n’avoir pas su approfondir et
fiabiliser tous les systèmes de transmissions et de sommiers auxquels il toucha. Rongé par
un appétit vorace d’inventions, il multiplia les essais et les combinaisons : traction
mécanique à équerre avec machine Barcker et sommiers à gravures à SaintsPierreetPaul
d’Andlau (1890), mécanique à balanciers et équerres avec sommiers à cônes à l’église
protestante de Printzheim (1891), transmission pneumatique avec sommiers à
membranes à l’église de la Décollation de SaintJeanBaptiste à Buhl (1893), pour ne citer
que des instruments encore en service actuellement. Mais la plus grande contribution, en
même temps que la plus grande déconvenue, de KOULEN concerne l’électricité. Même si,
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d’après RUPP 4
, on doit lui reconnaître “le mérite d’avoir introduit l’orgue électro
pneumatique en Alsace”, ses tentatives dans le domaine n’amenèrent que pannes et
dysfonctionnements. Ils jetèrent surtout le discrédit sur un facteur d’orgues par ailleurs
méritant. De fait, après les expériences au Conservatoire (1890) et à Munster (1894),
KOULEN s’attaqua c’est le terme au grand orgue de la Cathédrale en 1897. Outre la
transformation de ce qui restait de l’orgue SILBERMANN en orgue orchestralromantique, il
5
installa, sur les conseils de son maître MERKLIN , une transmission électropneumatique
SchmoeleMols dont les dérangements furent bientôt innombrables.
Jusqu’à KOULEN, la facture d’orgue alsacienne était restée plutôt traditionaliste. La
démarche de ce facteurinventeur qui, en l’espace de 20 ans, passa de la traction mécanique
avec sommiers à gravures au balbutiant système électropneumatique, précipita sans doute
l’engouement pour le progrès des facteurs, experts et organistes, avides d’une apparente
facilité à la fois technique et financière.
*
* *
Cette voie ouverte par KOULEN, un de ses élèves allait s’y engager avec, heureusement, plus
de circonspection. EdmondAlexandre RŒTHINGER (186619..) entre chez KOULEN en
1881 et s’initie à la facture française de MERKLIN. En 1889, il part pour Munich et s’engage
chez MÆRZ. Profitant de ses congés, il parcourt l’Europe pour rencontrer un grand nombre
de facteurs et se familiariser avec leurs techniques. On le voit ainsi à Freising, Landshut,
Augsburg, Passau, Rosenheim, chez MAURACHER à Salzbourg, chez RIEGER à Vienne,
chez WALCKER à Ludwigsburg, mais aussi à Paris chez CAVAILLÉCOLL, à Lucerne chez
GOLL, à Bâle chez ZIMMERMANN ou encore chez DIDIER à Epinal.
De retour à Strasbourg, il fonde sa propre manufacture en 1893. La même année, il
construit son premier orgue à SaintArbogast d’Oberhaslach, un instrument de 16 jeux à
traction mécanique. Déjà il cherche à innover et imagine en 1895, pour l’orgue de Saints
PierreetPaul de Stutzheim, un système de pédale de tutti mécanique. En 1896, il est
chargé de la restauration de l’orgue JEANPIERRE de Russ, qu’il pneumatise. C’est le début
d’une exploration systématique des nouvelles techniques de la facture d’orgues.
RŒTHINGER s’y adonne avec un bonheur inégal. Aux côtés d’instruments neufs qui ne
fonctionnèrent que quelques années, on trouve aussi des “restaurations” qui, avec les yeux
d’aujourd’hui, dans un contexte totalement différent de celui de l’époque, peuvent paraître
4 Emile RUPP, op. cit., p.
5 cf FrançoisXavier MATHIAS : Les Orgues de la Cathédrale de Strasbourg, 1936.
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criminelles. Citons par exemple la pneumatisation de l’orgue SILBERMANN de SaintJean
lesSaverne.
KOULEN s’étant vu attribuer en 1893 la réfection du grand orgue de
la Cathédrale, il rappelle auprès de lui RŒTHINGER et lui en confie la partie sonore. Au
delà du choix certes discutable mais dont la responsabilité n’incombe pas à RŒTHINGER
d’une
esthétique orchestrale, les experts de l’époque et les organistes qui se succédèrent aux
nouveaux claviers (Widor, SaintSaëns, Gigout …) s’accordèrent tous à reconnaître les
mérites d’harmonisateur du jeune facteur. Sa renommée faite, ce dernier pouvait donc voler
de ses propres ailes et se confronter bientôt aux idées des pères de la Réforme.
*
* *
Ce tableau des principaux facteurs d’orgues alsaciens qui seront directement en rapport
avec l’Orgelreform ne serait pas complet sans l’évocation d’une firme lorraine dont le rôle
dans la réalisation des nouvelles idées sera prépondérant : la manufacture DALSTEIN
HÆRPFER de Boulay, future protégée d’Albert SCHWEITZER. Elle fut fondée en 1863 par
DALSTEIN, élève de CAVAILLÉCOLL, et HÆRPFER, produit de la facture d’orgues
è
allemande et suisse. Comme la plupart des entreprises de la fin du XIX siècle, elle fut
obligée par la conjoncture d’abandonner peu à peu la traction mécanique et le levier
Barcker, et d’adopter un système pneumatique utilisable. Néanmoins, les origines des deux
fondateurs les prédisposèrent à pousser leurs recherches dans la voie d’un instrument
réunissant les qualités respectives des factures française et allemande. La firme DALSTEIN
HÆRPFER devenait du même coup l’interlocuteur rêvé pour la mise en pratique des
conceptions réformatrices. Le fils de Charles HÆRPFER, Frédéric, ou Fritz (18791956), se
lia avec le jeune SCHWEITZER lors de la construction en 1904 de l’orgue de chœur de
SaintThomas, à Strasbourg. De cette relation, qui devint rapidement amicale, naquit une
collaboration étroite de près d’un demisiècle, durant laquelle HÆRPFER fut chargé de la
réalisation des idées de SCHWEITZER.
*
* *
Tels sont donc les principaux acteurs, la “force de frappe” dont disposeront les
Réformateurs alsaciens pour mener à bien leurs projets. En résumé, trois jeunes artisans,
Joseph RINCKENBACH, EdmondAlexandre RŒTHINGER et Frédéric HÆRPFER, arrivant
sur le marché à un moment des plus délicats. De nombreux instruments anciens sont
fatigués et doivent être restaurés ou remplacés. La concurrence fait rage, surtout avec les
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facteurs d’OutreRhin, les matières premières ne cessent d’augmenter, tandis que les devis
doivent perpétuellement être revus à la baisse. Les diverses solutions qu’offre le progrès
technique pneumatisation, électrification, sommiers à cônes, à membranes, à soufflets
permettent d’importantes économies. Mais ces remèdes vont à l’encontre des conceptions
qui, peu à peu, commencent à s’affirmer. Dès lors, quelle sera la ligne de conduite adoptée
par les jeunes facteurs alsaciens ?
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Chapitre 2
Les Origines d’une Réaction :
Les Précurseurs et leurs Critiques.
Depuis 1870, l’Alsace est une province allemande. Outre les évidentes passions patriotiques
que cette conjoncture génère notamment chez Emile RUPP une cassure va se produire
dans certains milieux alsaciens qui, jusque là, synthétisaient souvent avec bonheur l’esprit
français et l’esprit allemand. Ainsi, à la fin du siècle, le jeune RUPP se met à fréquenter des
cercles d’artistes alsaciens. Il rencontre, des peintres, des musiciens, des gens de lettres qui
se réunissent à la “Tavern”, au café “Bauzin” ou “Zum Ritter”. À la même époque, un jeune
facteur d’orgues allemand, Oscar WALCKER, héritier de la fameuse firme de Ludwigsburg,
est introduit dans le même milieu à l’occasion de son passage à Strasbourg pour
l’installation de l’orgue de SaintPaul. RUPP et lui s’y rencontreront; il en naîtra une solide
amitié.
è
Dans les deux premiers tiers du XIX siècle, l’Alsace a été en grande partie préservée de
toute ingérence étrangère en matière de facture d’orgue. Comme nous l’avons vu plus haut,
l’excellence des grands artisans tels que STIEHRMOCKERS, CALLINET ou WETZEL
suffisait amplement à satisfaire la demande locale. Il n’en va plus de même à partir de 1860.
Certaines communes, certaines paroisses, en mal de prestige, font appel aux grandes firmes
allemandes et françaises et s’offrent, à des prix généralement exorbitants, un CAVAILLÉ
COLL, un MERKLIN, un WALCKER. Citons par exemple le CAVAILLÉ acquis par la nouvelle
paroisse SaintEtienne de Mulhouse en 1863, tandis que, trois ans plus tard, l’église
réformée SaintEtienne se fait installer un WALCKER de 62 jeux sur 3 claviers, en traction
mécanique. MERKLIN n’est pas en reste avec ses grands instruments d’Obernai ou du
Temple Neuf. mais revenons un instant à CAVAILLÉCOLL et à WALCKER. Un parallèle
pourrait être esquissé entre ces deux hommes qualifiés l’un comme l’autre à l’époque de
“meilleur facteur d’orgue du monde”. Leurs règnes sur leurs pays respectifs est quasiment
sans partage. Tous deux ont une même responsabilité envers l’héritage qu’ils ont à gérer.
Ainsi, selon MEYERSIAT 6
, “CAVAILLÉCOLL […], créant l’orgue symphonique,
répondant ainsi au goût du temps […], a contribué activement à la
è è
méconnaissance de l’orgue classique français des XVII et XVIII siècles, de même
que WALCKER, en Allemagne, a relégué SCHNITGER, en 1833, dans un oubli total.” On ne
peut rien reprocher à ces deux génies qui, ce faisant, répondaient à une demande et le
6 Pie MEYERSIAT : L’orgue CavailléColl de Mulhouse, in Archives de l’Église d’Alsace, 1988.
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faisaient avec art et qualité. D’ailleurs, les revendications des Réformateurs ne concerneront
pas ce type de facture, ni française, ni allemande. Pour SCHWEITZER, qui étudia sur le
WALCKER de Mulhouse, une certaine apogée fut atteinte dans la facture d’orgue des deux
pays aux environs de 1860.
C’est par la suite que les choses vont se détériorer. Tandis que CAVAILLÉ n’a jamais réussi
à placer un deuxième orgue en Alsace, WALCKER en construit 28. Le rejet progressif des
mutations, l’accumulation de fonds, la pneumatisation systématique, l’utilisation de
matériaux de moindre qualité vont peu à peu conduire à la production en série d’”orgues
d’usine” (Fabrikorgel), élément déclenchant de l’Orgelreform 7
.
Le contexte politicoreligieux revêt lui aussi une grande importance. D’après RUPP 8
, les
organistes catholiques alsaciens sont, durant la période 18701918, musicalement très
épris de la littérature de Paris, tandis que les protestants “dorment d’un sommeil de
Belle au Bois dormant”. Alors que le cercle d’influence de firmes telles que
RINCKENBACH ou DALSTEINHÆRPFER est délimité par des aspects confessionnels, la
disparition en 1892 de WETZEL, “héritière de SILBERMANN”, laisse la porte ouverte aux
facteurs allemands. Ainsi, toujours selon RUPP, on ne peut pardonner au “toutpuissant
parti musical d’Alsace […] d’avoir paralysé la facture d’orgue alsacienne par la
préférence exclusive de l’orgue bonmarché d’OutreRhin” (exception faite de
WALCKER et WEIGLE). Le titulaire de SaintPaul accorde l’absolution aux organistes et aux
autorités ecclésiastiques catholiques pour avoir toujours privilégié et soutenu la facture du
pays.
Afin d’illustrer son propos, RUPP cite l’orgue que se fait construire en 1899 JeanMarie
ERB, à SaintJean de Strasbourg, par RINCKENBACH :
GrandOrgue Positif expressif Récit expressif Pédale
Principal 16’ Quintaton 16’ Lieblichgedeckt 8’ Principal 16’
Montre 8’ Geigenprincipal 8’ Salicional 8’ Soubasse 16’
Bourdon 8’ Viole de Gambe 8’ Voix céleste 8’ Violon 16’
Flûte majeure 8’ Flûte harmonique 8’ Gemshorn 4’ Octavebasse 8’
Gambe 8’ Aeoline 8’ Orchesterflöte 4’ Violoncelle 8’
Dolce 8’ Unda Maris 8’ Clarinette 8’ Bombarde 16’
Octave 4’ Fugara 4’ Voix humaine 8’
Doublette 2’ Flautino 2’
Cornet V rgs Trompette 8’
Fourniture IV rgs Bassonhautbois 8’
Basson 16’
8 Emile RUPP, op. cit., p.
19
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Trompette 8’
Accouplements : II/I, III/I, III/II, I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Octaviant grave III/I, octaviant aigu III/I.
Combinaisons : pp, p, mƒ, ƒ général, ƒ, dégagement.
Divers : Crescendo, Expression positif, Expression récit.
(tous ces accessoires commandés par pédales.)
Surviennent alors les fameux jeux à hautepression qui vont faire couler des flots d’encre.
En fait, ils ne sont que le catalyseur, le signe le plus visible du fossé qui ne cesse de se
è
creuser, à la fin du XIX siècle, entre facture allemande et facture française. Brièvement,
l’orgue romantique allemand, à la différence de l’orgue symphonique français, refuse aux
mutations, mixtures et anches la faculté de conférer brillance et éclat au forte de l’orgue.
Avec l’abandon pur et simple du Werkprinzip, ses claviers sont désormais échelonnés selon
leur degré de puissance (I=ƒƒƒ, II=ƒƒ, III=ƒ, IV=mƒ), chacun articulé autour d’un Principal
8’ et de ses variantes. L’aspiration vers un maximum de force et de masse se heurte
logiquement à la conception des jeux de fonds traditionnels. Il faut donc les multiplier,
augmenter leur taille, mais aussi la pression de l’air qui les fait parler. Ainsi, de 100 mm,
pression moyenne des jeux de fonds de l’époque, on va désormais construire des jeux
spéciaux admettant 250 mm, voire 300 mm. De tels jeux sont incompatibles avec la
redécouverte des polyphonies de BACH notamment par SCHWEITZER qui, d’après les
futurs Réformateurs de retour de Paris, sont bien plus perceptibles sur les instruments de
CAVAILLÉCOLL.
Symboles de l’exaspérante toutepuissance des autorités allemandes et de leur partipris
logique pour la facture germanique, deux orgues importants sont inaugurés coup sur coup
en 1897 et 1898 dans les églises de garnison protestante et catholique de Strasbourg,
SaintPaul et SaintMaurice. Construits respectivement par WALCKER et WEIGLE, ils vont
incarner les griefs de tenants d’une facture alsacienne davantage orientée vers la France, en
20
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ces temps d’annexion, et provoquer les débuts du mouvement de Réforme.
Emile RUPP, nommé organiste de SaintPaul en 1897, prend peu après livraison d’un orgue
WALCKER de 58 jeux sur trois claviers et pédale, diligenté par deux experts de
l’administration de la garnison, “un prussien et un directeur de musique alsacien” 9
,
en l’occurence Ernest MÜNCH et Wilhelm SERING.
L’instrument, pourvu de trois jeux à hautepression, est composé comme suit :
1er clavier. Hauptwerk (56 notes) 2ème clavier. (56 notes)
Principal 16’ Salicional 16’
Flauto major 16’ Principal 8’
Principal 8’
Bourdon 8’ Quintatön 8’
Doppelflöte 8’ Doppelgedackt 8’
Viola di Gamba 8’ Konzertflöte 8’
Gemshorn 8’ Viola d’Amour 8’
Salicional 8’ Dolce 8’
Octav 4’ Principal 4’
Rohrflöte 4’ Traversflöte 4’
Gemshorn 4’ Vox angelica 4’
2
Quinte 2’ /3 Piccolo 2’ (à double bouche)
Octav 2’ Kornett IVV fach
Mixtur 4’ VI fach Trompette 8’
Fagott 16’ Klarinette 8’
Posaune 8’ Stentorflöte (hautepression)
Stentorgamba 8’ (hautepression)
3ème clavier. Schwellwerk (56 notes) Pedal (27 notes)
Gedeckt 16’ Principalbaß 32’
Principal 8’ Principalbaß 16’
Gedeckt 8’ Subbaß 16’
Spitzflöte 8’ Violonbaß 16’
Fugara 8’ Majorbaß 16’
Aeoline 8’ Octavbaß 8’
Voix céleste 8’ Flötenbaß 8’
Principal 4’ Octave 4’
Flauto dolce 4’ Posaunenbaß 16’
Fugara 4’ Trompete 8’
Harmonia aethera III fach (dans la boite du Récit :)
Trompette harmonique 8’ Stentorbaß 16’ (hautepression)
Oboe 8’ (anches libres) Bourdon doux 16’
Violoncell 8’
Accouplements : II/I, III/I, III/II, I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Combinaisons : mƒ, ƒ, ƒƒ, combinaisons libres à chaque clavier,
9 cf. Emile RUPP, op. cit., p. 335.
21
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Labialtutti, ZungenTutti.
(tous ces accessoires commandés par boutonspoussoirs)
Divers : Automat. Walze, Schwelltritt III., Registercrescendo.
L’orgue est de très bonne facture, tant au plan du matériel sonore qu’à
celui de la transmission pneumatique. Mais au premier coup d’œil, on remarque l’absence
quasitotale de mutations simples, l’extrême pauvreté en mixtures qui sont d’ailleurs le
plus souvent des mixturescornets le manque d’anches de 4’. La puissance de l’orgue n’est
fondée que sur l’accumulation de 8’ et 4’ à bouches. Il faudra moins d’un an à RUPP pour
réaliser l’incapacité d’un tel instrument à accompagner une masse importante de voix
3
d’hommes, dans une acoustique très difficile (46 000 m ), pour laquelle le titulaire aurait
préconisé de 40 à 50% de mutations et environ 25% d’anches.
1er clavier. Hauptwerk. 3ème clavier. Schwellwerk.
Prinzipal 16’ Quintatön 16’
Prinzipal 8’ Lieblich Gedeckt 8’ (en bois à 2 bouches)
Gedeckt 8’ (en bois) Gemshorn 8’
Wiener flöte 8’ (en bois) Quintatön 8’
Viola di Gamba 8’ Viola 8’
Oktav 4’ Aeoline 8’
Rohrflöte 4’ Voix céleste 8’
Oktav 2’ Traversflöte 4’
Cornet V fach (en fait IIIV) Flageolette 2’
Mixtur VI fach (avec 3ce et 7ème) Oboe 8’ (à bouche)
Stentorphon 8’ (hautepression) Vox humana 8’
Großgedeckt 8’ (hautepression)
Tuba mirabilis 8’ (haute pression)
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2ème clavier. Pédale.
2
Bourdon 16’ Prinzipalbaß 32’ (bois, 3 rgs, 16’, 10’ /3, 8’)
Prinzipal minor 8’ Prinzipalbaß 16’ (en bois)
Hohlflöte 8’ (en bois) Violonbaß 16’ (en bois)
Salicional 8’ Subbaß 16’ (en bois)
Dolce 8’ Oktavbaß 8’ (en bois)
Soloflöte 4’ Cello 8’
Quintatön 4’ Harmonicabaß 16’
2
Cornettino 4’ III fach (4’, 2 /3’, 2’) Posaune 16’
Clarinette 8’ (à bouche)
Solo Gamba 8’ (hautepression)
Accouplements : I/II, I/III, II/III, I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Suboct. II/I.
Combinaisons : Sperrventil I, II, III
Divers : Pédale de Crescendo à 17 positions.
Les sommiers sont à membranes, de type WEIGLE. La transmission
est pneumatique à échappement (système WEIGLE). La tuyauterie, même si elle est de
bonne qualité, est de facture industrielle. À l’origine, la production de vent était assurée par
8 pompes cunéiformes mues par moteur à gaz, par l’intermédiaire de deux vilebrequins avec
des bielles.
Plus encore que dans le WALCKER originel de SaintPaul, on trouve
è
ici réunies toutes les caractéristiques de l’orgue allemand de la fin du XIX siècle, et,
partant, bon nombre des critiques des instigateurs de l’Orgelreform : accumulation de fonds,
profusion de jeux en bois, jeux à double bouches, “anches à bouches”, jeux à haute
pression, absence d’anches et mutations simples, très peu de mixtures et aucune mixture
claire, sommiers à membranes, les pires d’après les Réformateurs. L’instrument est
l’archétype de ce que SCHWEITZER appellera le Fabrikorgel, l’orgue d’usine.
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Chapitre 3
Les Précurseurs et leurs Revendications
Un des principaux obstacles à la postérité de l’Orgelreform se situera sur un plan formel. En
effet, les revendications des Réformateurs vont porter à la fois sur l’esthétique sonore de
l’orgue et sur sa partie technique. L’imbrication trop fréquente des deux plans, alliée aux
différences de conceptions des protagonistes, parfois même au manque de clarté du
message de chacun d’eux, nuira à l’extension d’idées au demeurant très légitimes.
1) Les Références
Nous retrouvons donc nos deux jeunes organistes, RUPP et SCHWEITZER, de retour de chez
WIDOR, enthousiasmés par la facture de CAVAILLÉCOLL. Le hasard veut que, à quelques
années de distance, tous deux fassent ensuite l’expérience de la facture SILBERMANN.
RUPP découvre les orgues de Marmoutier et Ebersmunster, instruments qui, grâce à la
pauvreté de leurs paroisses, sont restés très authentiques. De son côté, SCHWEITZER est
depuis longtemps un connaisseur et un fervent admirateur de BACH. À partir de 1893, il
accompagne à l’orgue les cantates et passions du cantor de Leipzig qu’Ernest MÜNCH
donne à SaintGuillaume avec son fameux chœur. Il approfondit son expérience de BACH,
la communique à WIDOR, et tous deux produisent l’édition monumentale qui, malgré ses
lacunes et ses erreurs, fera longtemps autorité. La rencontre de SCHWEITZER avec
SILBERMANN est moins directe que celle de RUPP. À SaintGuillaume, il ne reste plus
grand chose de l’orgue André SILBERMANN, transformé successivement par WETZEL et
KOULEN, avant sa reconstruction complète en 1898 par WALCKER (les années 189799
sont décidément à la fois prolifiques et funestes pour le patrimoine organistique
strasbourgeois). Il en va de même à SaintNicolas où, en 1900, il touche un orgue qui n’a
plus qu’un lointain rapport avec le seul exemple alsacien de collaboration entre André et
Gottfried SILBERMANN. Là encore, les remaniements successifs de GEIB, SAUER, WETZEL
et KOULEN ne laissent que peu de place aux plus anciens tuyaux SILBERMANN du monde.
C’est finalement son poste à SaintThomas qui rapprochera le plus SCHWEITZER de la
tradition SILBERMANN. L’orgue a bien sûr beaucoup évolué depuis sa construction en 1741
par JeanAndré SILBERMANN. L’instrument que SCHWEITZER trouve à son arrivée 10 va
10 Composition de l’orgue de Saint Thomas en 1905 :
Positif : GrandOrgue : Récit W1836 : Pédale :
Bourdon 8’ S Bourdon 16’ S Montre 8’ Soubasse 16’ S
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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déterminer une bonne partie des conceptions de SCHWEITZER. Tout d’abord, il y retrouve
une traction mécanique, chose à peu près unique parmi les grands instruments qu’il à
l’occasion de toucher. Il en reconnaît tout de suite les immenses avantages 11
: “Ce n’est
qu’à travers une traction mécanique qu’on entretient avec son orgue une
véritable relation vivante.” De la traction de SaintThomas, bien qu’elle soit sans doute
12
extrêmement bruyante, fatiguée et empoussiérée , il précise qu’elle a “bien plus de cent
ans. Mais c’est un délice d’y jouer une fugue de Bach. Je ne connais aucun
autre orgue sur lequel tout est traduit si clairement, si précisément.” D’un autre
côté, l’état des recherches musicologiques et organologiques en 1900 ne permettait
manifestement pas de départager les différentes origines du matériel sonore. De là viendront
les confusions qui, un peu plus tard, présideront à l’érection de l’orgue du Palais des Fêtes.
Celuici comprendra par exemple un SalicionalSilbermann. Il sera facile aux opposants à la
13
Réforme de démontrer que SILBERMANN n’avait jamais construit de Salicional . De même,
SCHWEITZER et l’Orgelreform, qui considéreront l’orgue de SaintThomas comme “l’orgue
idéal de BACH”, se verrontils opposer l’argument irréfutable : “Comment la Réforme
peutelle parler des «mixtures Silbermann de Bach», alors que Bach n’a pu être
lié qu’aux Silbermann de Saxe et pas avec la famille des facteurs d’orgues de
Strasbourg, c’estàdire au constructeur de l’orgue de SaintThomas, qui était
14
le neveu de Gottfried Silbermann de Saxe.” Il semble en fait que jamais
SCHWEITZER n’ait fait la différence entre les deux branches de la dynastie de facteurs
d’orgues.
11 cf. Albert SCHWEITZER : Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst, Leipzig, 1906.
12 cf. Simon CNOCKAERT : Patrimoine et politique de sauvegarde des orgues en Alsace, Mémoire de
fin d’études, I.E.P.S., 199394.
13 cf. August GESSNER : Zur elsässichneudeutschen Orgelreform, Strasbourg, 1912.
14 cf. supra, p.
26
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Cette confusion est pour nous l’occasion de faire une première mise au point, vitale pour la
compréhension du projet esthétique de l’Orgelreform. Certains historiens, et notamment
d’éminents organologues alsaciens, ont mal compris le mot d’ordre “Retour au bel orgue”
lancé par SCHWEITZER et repris comme principe fondamental par les Réformateurs. Selon
Rudolf QUOIKA 15
, “ce cri ne signifie pas retour à l’orgue ancien, mais retour à
l’orgue de maître, par opposition à l’orgue d’usine. Par orgue idéal, Albert
SCHWEITZER entend avant tout les chefsd’œuvre construits dans les sept
è
premières décennies du XIX siècle.” Dans tout ce qui va suivre, dans l’analyse des
manifestes de SCHWEITZER comme de RUPP, on ne doit jamais perdre de vue ce postulat. Il
ne s’agissait donc pas d’un retour à SILBERMANN par CAVAILLÉCOLL, comme on a pu
l’écrire depuis. Même le “Retour à Silbermann” de RUPP ne constituait pas une fin en
soi. Le but était surtout de retrouver la qualité de construction que symbolisaient
SILBERMANN ou CAVAILLÉCOLL. Bien plus qu’une simple copie d’anciens idéaux
è
artistiques ce à quoi se cantonnera souvent la facture de la deuxième moitié du XX siècle
l’Orgelreform propose avant tout un projet original, basé sur des références de qualité qui
ont fait leurs preuves.
2) Les idées de SCHWEITZER
Le Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst de SCHWEITZER constitue le
premier programme structuré des revendications de l’Orgelreform. Écrit en 1905, il regroupe
les réflexions les plus diverses que le jeune organiste a amassées au long de ses voyages.
L’idée directrice est contenue dans l’introduction : “Je vis avec la conviction qu’un
compromis entre les deux orgues et leurs conceptions peut être trouvé et
qu’avec ce compromis, cette interpénétration des techniques organistiques
françaises et allemandes, une période nouvelle, fertile en idées […],
commencera dans l’histoire du jeu d’orgue.” Les référents de SCHWEITZER sont,
pour l’orgue français, CAVAILLÉCOLL, et pour l’orgue allemand, d’une part ce qu’il connait
de SILBERMANN, d’autre part les bons facteurs de la période 183060, essentiellement
WALCKER et SAUER. En l’occurence, on retrouve là les instruments sur lesquels il a passé
le plus de temps : CAVAILLÉCOLL à SaintEtienne de Mulhouse puis à Paris, WALCKER
au temple SaintEtienne, SILBERMANN sur les vestiges strasbourgeois de SaintNicolas et
SaintThomas.
L’essai de SCHWEITZER s’articule en cinq grands thèmes. Le premier est une comparaison
des techniques de crescendo, et donc des consoles françaises et allemandes. Tandis que
l’usage du ventilateur électrique a mené l’orgue allemand vers la pneumatisation et les
15 Rudolf QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954.
27
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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boutonspoussoirs, l’orgue français est resté plus traditionnel, conservant des accessoires
mécaniques maniés par les pieds. La conception allemande a conduit à l’adoption de la
Registerrad (rouleau de crescendo), des combinaisons fixes et libres, en bref, de systèmes
remplaçant un agrégat de registres par un autre lors de tout changement dynamique. Par
là, l’organiste allemand, “éternel esclave” des combinaisons déterminées par le facteur
d’orgues, renonce “dans le crescendo à l’intérêt de l’individualité de chaque
clavier” et perd peu à peu la faculté de construire de luimême une registration originale.
Par opposition, le système français, basé sur les accouplements et les pédales de
combinaisons, laisse à l’interprête toute latitude quant à la conduite dynamique de son jeu.
Le Récit expressif à la CAVAILLÉCOLL, fourni en fonds, mixtures et anches, vient
compléter le crescendo. Pour SCHWEITZER, le système a un autre avantage : il permet la
construction en France de consoles essentiellement identiques sur lesquelles tout organiste,
même de passage, peut aisément s’orienter. Ce sont là les prémices de la console standard
uniformisée chère à RUPP. La première revendication de SCHWEITZER est donc de
“combiner les dispositions françaises et allemandes […] et de placer les
commandes d’accouplements et de combinaisons aussi bien en boutons
poussoirs qu’en pédales, de telle manière que correspondent boutons et
pédales.” En plus des accessoires français, on doit conserver la pédale de crescendo.
Quant à la combinaison libre, SCHWEITZER suggère qu’elle soit doublement utilisable,
c’estàdire qu’elle puisse soit remplacer la totalité de la registration manuelle, soit venir s’y
rajouter. Il entérine par là le perfectionnement introduit par DALSTEINHÆRPFER à Saint
Nicolas. SCHWEITZER y a fait installer sur un orgue pneumatique la totalité des
accessoires qu’il prône : “tirasses, accouplements, octaves aiguës et graves,
combinaison libre doublement utilisable […] pour chaque clavier et la pédale, et
encore la pédale de crescendo. Du côté des accouplements, un appel des jeux
du 1er clavier, d’après la technique du Grand Orgue français.”
Le deuxième thème abordé concerne les modes de transmission. Tout en reconnaissant les
qualités de légèreté et les côtés pratiques du système tubulaire, SCHWEITZER lui reproche
“une précision sans vie” . Il accorde à la traction mécanique une supériorité
incontestable, tout au moins pour les petits instruments. Pour les plus grands, il conseille
la machine Barcker utilisée dans l’orgue français. Il retient aussi de ce dernier des touches
plus courtes et un pédalier concave, conduit jusqu’au g’.
Le problème des pressions constitue le troisième thème. Les ressources inépuisables du
ventilateur électrique, ainsi que la nécessité d’une pression élevée pour les besoins du
système pneumatique, ont conduit l’orgue allemand “à confondre puissance sonore et
richesse sonore”. “Nous nous sommes réjouis de l’orgue grondant et
mugissant.” SCHWEITZER fustige évidemment les jeux à hautepression, mais pas avec la
même intransigeance que RUPP. De fait, il conçoit que “dans de très grandes églises,
deux ou trois jeux à hautepression artistiquement conçus [puissent] produire
un effet grandiose et participer ainsi à la perfection de l’instrument.” Il faut
retenir cette concession qui permettra de mieux comprendre la perspective de l’orgue
28
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RŒTHINGER de SaintMartin d’Erstein, quelques années plus tard.
Le quatrième thème traite de l’aspect pécuniaire en tant qu’il conditionne celui de la
composition des orgues. Dans une conjoncture de concurrence sauvage, de prix écrasés, où
le choix entre deux facteurs se fait selon le nombre de registres ou d’accessoires,
SCHWEITZER assène une vérité qui est le véritable fondement de la Réforme : “un facteur
d’orgue ne peut être un artisan que s’il est considéré comme artiste par un
autre artiste. Si cette considération lui fait défaut, il deviendra, par la force des
choses, un vendeur.” Les mandants doivent fournir aux facteurs d’orgues les moyens de
leur art. Ceuxci doivent cheminer dans les pas de CAVAILLÉCOLL : “ses inventions et
ses efforts étaient axés sur le perfectionnement de l’intonation et du timbre,
donc exactement ce vers quoi doit retourner la facture d’orgues allemande.”
SCHWEITZER reproche à l’orgue allemand une mauvaise intonation des différents jeux,
nonaxée sur la sonorité globale. Il faut tendre vers une Klangverschmelzung, une fusion
sonore des fonds, mixtures et anches, variante de l’orgue synthétique de RUPP. Partant du
principe que “la mesure de tout orgue est la musique de Bach”, il faut opérer un
“retour à l’orgue de la polyphonie demandé par Bach, pas à l’orgue orchestral.”
Il ne s’agit pas là d’un retour à SILBERMANN dont SCHWEITZER sait parfaitement que les
organiers n’ont ni les moyens cognitifs, ni les moyens financiers, ni même le goût de
l’effectuer. Il s’agit plutôt de retrouver formellement les ingrédients qui peuvent rendre sa
clarté et son sens à une polyphonie. C’estàdire : “Des fonds plus fins ! Unité
harmonique des fonds ! Des mixtures suaves et en quantité !” Il faut que tous les
claviers soient pourvus de mixtures, y compris la pédale, trop souvent dépendant de la
tirasse.
À propos des fonds, SCHWEITZER touche du doigt le problème des entraînements
harmoniques, mis en évidence par CAVAILLÉCOLL. Le remède : concevoir des fonds de
tailles très peu différentes. Le jeune organiste, élève de RHEINBERGER, féru de WAGNER,
ne pourra jamais se passer d’une large palette de fonds. “Je n’ai jamais pu concevoir
l’abandon des jeux gambés.” 16
Rudolf QUOIKA en donne une explication : ayant fait
tout son apprentissage sur des instruments majoritairement dépourvus de mutations,
“SCHWEITZER utilisait comme remède l’«éclairage des jeux»
[Stimmenbelichtung], qu’il réalisait au moyen de jeux gambés. De là vient son
amour des gambes, violes et violoncelles à la pédale. Aujourd’hui, on ne sait
trop que faire de ces jeux parce qu’on ne connait déjà plus le principe de
l’éclairage des jeux”.
Le problème des anches hantera toute la vie de SCHWEITZER. Trop puissantes dans l’orgue
è
de CAVAILLÉCOLL, trop inexistantes dans l’orgue allemand de la fin du XIX siècle (à
l’exception des tonitruants Tuba mirabilis à hautepression), il voit leur idéal dans les
instruments WALCKER ou HÆRPFER des environs de 1860. Il recommande aussi les
anches de 4’, notamment à la pédale. Pour atteindre la parfaite fusion des trois éléments
16 cf. lettre à Rudolf QUOIKA, in Ein Orgelkollek mit Albert Schweitzer, 1970.
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fonds, mixtures et anches SCHWEITZER se prononce pour la différenciation des pressions
pratiquée par CAVAILLÉ. Nous verrons que, plus tard, il reviendra sur ce dispositif, jugé
peu efficace.
Enfin, la cinquième partie de l’opuscule est consacrée à l’École d’orgue française. Outre les
louanges des différents compositeurs pour lesquels il trouve une filiation avec BACH,
SCHWEITZER retient l’utilisation de la boite expressive en France qui, contrairement à
l’expression allemande des sentiments, sert la ligne architectonique.
Telles sont, dans les grandes lignes, les idées de l’organiste SCHWEITZER sur la facture
d’orgues en 1905. Il ne s’agit pas encore dans son esprit d’une “réforme”, mais simplement
d’observations faites dans le but de mettre en commun les caractéristiques positives de
deux factures d’orgues qui semblent, hélas, s’éloigner de plus en plus l’une de l’autre 17
.
17 cf. Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, Berlin, 1914, p. 8.
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3) Les idées de RUPP
“Rupp était un tireur d’avantposte” 18
. Cette opinion est très largement répandue,
aussi bien auprès de ses contemporains que des organologues des décennies suivantes. En
fait, celui que MOSER cite comme “l’Adjudant de Schweitzer” (1961), s’affirme par des
19
positions originales. Walter KWASNIK insiste sur la nécessité de montrer jusqu’à quel
point les conceptions de RUPP diffèrent de celles de SCHWEITZER et MATHIAS. Le problème
est que la nature de l’organiste de SaintPaul, son caractère enflammé, son patriotisme
ardent, son instinct de bretteur le poussent à de stériles polémiques qui spolient son
message et en aliènent parfois le sens.
Ce message, jusqu’en 1929 (année de la parution de son
Entwicklungsgeschichte) est, de plus, morcelé dans de nombreux articles et opuscules.
Après le fameux Hochdruck ! de 1899, parait une étude sur la facture de CAVAILLÉCOLL 20
,
suivie entre 1906 et 1909 d’une série d’articles consacrée aux perspectives organologiques
de
21
RUPP . Puis sortent en 1910 deux ouvrages très importants, l’un consacré à l’Orgelreform ,
22
l’autre à la standardisation de la console, idée chère à RUPP .
Le mot d’ordre de RUPP est un retour à l’orgue ad fontes, c’estàdire aux particularités
sonores et à la technique de jeu spécifiques à l’instrument. Il ne réfute pas l’orgue
orchestral, trop enraciné qu’il est lui aussi dans une esthétique romanticowagnérienne,
mais son tutti doit reposer sur la synthèse sonore, par opposition au mélange des couleurs
sonores de l’orgue du romantisme tardif. Ses référents sont les mêmes que ceux de
SCHWEITZER mais, contrairement à ce dernier, il place en première position l’orgue
SILBERMANN dont il a une meilleure connaissance. Fervent lecteur des théories de DOM
BEDOS et de l’Abbé VOGLER, il définit son idéal organologique comme territorialement
francoalsacien et historiquement postBachien. À la différence de SCHWEITZER, il connait
l’orgue français de CLIQUOT, basé sur le 16’, mais lui préfère celui d’André SILBERMANN
18 Pie MEYERSIAT : La Réforme alsacienne de l’Orgue, in Bulletin des professeurs du lycée d’état de
garçons de Mulhouse, 1965, n° 3, 1320.
19 Walter KWASNIK : Emile Rupp als Orgelreformer, Kirchmusiker und Mensch, Frankfurt/Main, 1966.
20 Emile RUPP : CavailléColl und der deutsche Orgelbau, in Zeitschrifts für Instrumentenbau, Leipzig, 21, 1900.
21 Emile RUPP : Die Orgel der Zukunft, in Zeitschrifts für Instrumentenbau, Leipzig, 26, 1906, cahiers 4 à 20,
1909, cahier 6.
22 Emile RUPP : Die Normal und Einheitsspieltisch, Bremen, 1910.
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qui, selon lui, avait opéré une synthèse des deux systèmes 23
. Il lui trouve du génie dans le
fait de baser les claviers de ses instruments su le 8’ et la pédale sur le 16’. “Les
principaux, bourdons et mixtures de l’orgue SILBERMANN produisaient une
image sonore unitaire et accomplie.”
À partir de là, l’idéal personnel de RUPP peut être défini comme suit. Il revendique tout
d’abord le Werkprinzip, avec un GrandOrgue suave et pas trop surchargé, un Positif coloré
par sa richesse en mutations, et un Récit puissant, chargé et riche en anches. La Pédale fait
exclusivement fonction de basse, d’autres rôles pouvant lui être confiés grâce aux tirasses
(SCHWEITZER insiste davantage sur une pédale indépendante). Remarquons au passage
qu’on ne peut voir là une volonté de retour à SILBERMANN, mais seulement un désir de s’y
référer. Le Werkprinzip chez RUPP n’est en aucun cas sclérosé et stéréotypé : une grande
importance est donnée dans la registration aux accouplements de plans sonores, toujours
dans le but d’une bonne synthèse sonore. Ces plans sonores doivent être construits en
étages, dans un buffet qui n’est ouvert qu’en façade.
Les fonds de RUPP ne sont ni bruyants, ni trop gras, ni trop riches en harmoniques. Il est
l’ennemi des doublesflûtes, tibias, doublesbourdons, jeux en bois et, évidemment, des jeux
à hautepression, en tant qu’aucun de ces registres ne permet une bonne synthèse sonore
avec les autres. Les jeux d’anches doivent avoir des languettes longues. Ils sont tous plus ou
moins basés sur la technique des trompettes ou des hautbois. Les mutations simples ont un
caractère flûté. Rupp demande la suite complète des harmoniques de 16’ à la Pédale, celle
de 8’ au GrandOrgue, de 4’ au Positif. Les mixtures éclairent le tutti mais ne le renforcent
pas. RUPP refuse les mixtures hautperchées et avec beaucoup de reprises de l’orgue
d’Allemagne du Nord. Pour les mixtures à reprises, qui doivent avoir un caractère de cornet,
il prône l’usage de la tierce et, parfois, de la septième. Ailleurs, la tierce doit être dans le
groupe des mutations flûtées et jamais dans les mixtures à reprises. Comme exemple, en
1906, RUPP cite le PleinJeu harmonique VI rgs de SaintPaul, disposé à côté d’un Cornet V
rgs et d’une Cymbale III rgs :
2 3 1 1
C 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
2 3 1 1
c 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
2 3 1 1
c1 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
2 3 1 1
c2 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
1 2 2 2
c3 3 /5 2 /3 2 /3 2 /7 2 2
2 1 4
c4 6 /5 5 /3 4 /7 4 4 4
Il en dit : “Cette mixture, qui contient la suite ininterrompue des harmoniques de
8’, est incontestablement le plus beau de tous les jeux composés. Il confère au
GrandOrgue, comme au tutti de mon orgue, une brillance de perle et une
23 cf. Emile RUPP : Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, 1929, p. 331.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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clarté argentée. La septième doit avoir la taille d’un salicional est être intonée
très doucement.” Comme deuxième exemple, il donne la disposition d’une Mixture IV rgs :
1 2 1
C 1 /3 1 /3 /2
1 2 1
c 1 /3 1 /3 /2
1 2
g 2 1 /3 1 /3
1 2
c1 2 1 /3 1 /3
2 1
c2 2 /3 2 1 /3 1
2 2
c3 2 /3 2 /3 2 2
“Très claire, tranchante, façon cymbale. À recommander pour le GrandOrgue
de gros instruments ou aucune cymbale n’est prévue, ou pour le 2ème ou le
3ème clavier d’un orgue plus grand. La quinte supérieure est naturellement à
tailler étroite et à intoner comme une flûte.”
Sur le plan technique, RUPP attache une importance bien plus grande au problème des
sommiers qu’à celui de la transmission. Seul le sommier à gravures trouve grâce à ses yeux.
Comme SCHWEITZER, il pense que la transmission a plus d’influence sur l’organiste que
sur l’auditeur. Il revendique la traction mécanique pour les petits instruments et l’électricité
pour ceux de plus de 30 jeux. Encore un point par lequel il se démarque totalement de
SCHWEITZER pour qui “un facteur d’orgues qui construit des orgues électriques
mérite la chaise électrique.” MATHIAS, quant à lui, voit dans le système pneumatique
la technique la plus prometteuse.
Mais le problème technique qui requiert le plus d’énergie de la part de RUPP est celui de la
console. SCHWEITZER loue les consoles françaises pour leur uniformité et revendique
d’autre part l’adoption des accessoires les plus utiles des deux factures. RUPP a les mêmes
exigences et cherche dès lors à concevoir une console apte à recevoir rationnellement ces
aides au jeu, en intégrant des considérations physiologiques et psychologiques. En voici
brièvement les grands principes : les tirants de registres sont plus maniables que les
boutons; on les dispose à main gauche pour les jeux à bouche de 32’, 16’, 8’ et 4’ et à main
droite pour les mutations, jeux aiguës, mixtures et anches, toujours sur la même hauteur
que les claviers correspondants. Les accessoires les plus importants sont disposés aux
pieds. Les pédales d’introduction, selon le modèle français, sont à droite, audessus du
pédalier; les accouplements sont à gauche, doublés par des boutonspoussoirs sous le
clavier inférieur. RUPP conserve la pédale de crescendo et, suite aux rituels compliqués des
services catholiques et israélites (il est titulaire de l’orgue de la Synagogue consistoriale), il
prône la pédale automatique. Nous verrons plus loin dans quelle mesure cette “console
standard uniformisée” fut réalisée.
Souvent raillé comme visionnaire fou, RUPP avait fait la proposition d’une console à double
commande, mécanique et électrique. Il fallut attendre plus de 50 ans (orgue d’Ottobeuren,
1957) pour qu’elle soit concrétisée. De nos jours, on assiste à des essais de plus en plus
prometteurs d’orgues mécaniques électroniquement assistés (SaintEustache, par exemple).
Gageons que RUPP en eût été comblé.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Dernier point de divergence : plus que SCHWEITZER qui, dans sa hantise du Fabrikorgel
avait une nette préférence pour les petits artisans, RUPP appréciait les grandes firmes, plus
aptes à fournir en particulier des intonateurs de métier.
4) Le Congrès de Vienne
À l’étude des revendications esthétiques de SCHWEITZER et RUPP, on s’aperçoit qu’un
certain nombre d’appréciations des deux hommes ne coïncident pas. Certes, tous deux
restent profondément attachés à un orgue d’essence orchestralesymphonique, mais
empreint de sa personnalité propre, sans velléité d’imitation de l’orchestre. Leur mot d’ordre
commun, fondamentalement, est le retour à un bel orgue, conçu avec goût, construit
artisanalement, avec des préoccupations de qualité plus que de quantité. La référence à
SILBERMANN est commune, mais plus fondée chez RUPP, tandis que celle à CAVAILLÉ
COLL est plus forte chez SCHWEITZER. Le rôle vital des mutations est reconnu de la même
manière, même si RUPP met davantage l’accent sur les suites harmoniques décomposées.
La question des anches les rassemble, pour l’instant. Globalement, les deux hommes
militent pour une intonation interactive des différents jeux, individuellement ou par
familles. Fusion ou synthèse sonore sont sensiblement la même chose, bien que cellesci
soient atteintes chez RUPP en passant pardessus le Werkprinzip, fondamental pour
SCHWEITZER.
Les questions techniques présentent un consensus encore un peu moins parfait.
Reconnaissant tous deux la supériorité de la traction mécanique, RUPP prévoit un immense
avenir à la transmission électrique, alors que SCHWEITZER tolère souvent le système
pneumatique. Les sommiers sont parfois à cônes chez SCHWEITZER, toujours à gravures
pour RUPP.
En creusant davantage, on trouverait d’autres points de divergences. En fait, bien que
collaborant fréquemment, les deux organistes travaillent essentiellement “à l’instinct”. Tout
le contenu subjectif de leurs conception nuit à la cohérence de leur message qui, du moins
dans l’esprit de RUPP, doit s’ériger en Réforme. SCHWEITZER cherche plus simplement
l’épanouissement d’idées qui lui semblent justes. Comprenant tout le mal qu’un excès de
polémique peut faire à ces idées (“Les pointes polémiques qui ne sont pas rares dans
ses exposés [ceux de RUPP], je ne les approuve pas plus que celles de ses
opposants.” 24
), il essaye d’élargir le débat : “Moimême, j’ai toujours évité de parler
d’une réforme de la facture d’orgue, bien que je puisse comprendre comment on
en arriva à cette expression […]. Je ne peux pas non plus me réjouir du fait que
cette appellation soit encore augmentée et que des mots comme «alsacienne»,
«néogermanique», «francoallemande» lui soient accolés.” Et plus loin, l’idée “doit
se mouvoir universellement et librement et ne doit pas être gênée par des
24 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, Berlin, 1914, p. 7.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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appellations d’origine qui lui sont trop étroites.”
Bien que SCHWEITZER ne puisse plus revenir sur le fait que, désormais, ses conceptions et
celles de RUPP porteront l’estampille d’Elsässischer Orgelreform, il va essayer de les
objectiviser, de les universaliser. C’est dans ce but qu’il accepte la direction de la nouvelle
section pour la facture d’orgue, qui lui est proposée par Guido ADLER, dans le cadre du
è
IX Congrès de la International Musikgesellschaft se réunissant à Vienne en 1909.
Comme travail préalable, SCHWEITZER envoie une sorte de sondage sur la facture d’orgue
et son avenir à un panel très complets de facteurs d’orgues, experts et organistes, à travers
toute l’Europe. Puis, la section se réunit à Vienne. Outre ses animateurs, SCHWEITZER et
MATHIAS, elle comprend des facteurs d’orgues : Fritz HÆRPFER, représentant de l’école
alsacienne, RIEGER de Jägerndorf pour les grandes firmes, SCHIFFNER de Prague comme
apôtre de SILBERMANN, BRAUNER d’Altstadt qui prône la traction mécanique, ULLMANN
de Vienne, personnifiant la tradition autrichienne baroque; l’expert autrichien
EHRENHOFFER; l’ingénieur DREXLER, concepteur de transmissions électriques; les
théologiens catholiques BEWERUNGS et MAYNOOTH.
Les trois premières interventions engendrèrent le Règlement international pour la Facture
d’Orgues. Elles avaient pour thèmes : “La réforme de notre facture d’orgue, sur la base d’un
questionnaire aux organistes et facteurs d’orgues des pays latins et germaniques”
(SCHWEITZER), “Structure unifiée de la console vue sous l’angle particulier de la pédale”
(EHRENHOFFER), “Expérience sur l’installation et l’harmonisation des orgues modernes”
(HÆRPFER). Rédigé par SCHWEITZER, MATHIAS et EHRENHOFFER, le Règlement contient
20 chapitres indépendants :
• Section 1 : Place de l’orgue et rapports avec les architectes.
Accent sur l’amélioration des caractéristiques acoustiques des églises et
des salles de concert.
• Section 2 : Façade
Importance de la façade de l’orgue. Plus un orgue est beau, plus il a de
chances de bien sonner.
• Sections 3 à 5 : Banc Construction Soufflet
• Section 6 : Boite expressive du 3ème clavier
Considérée comme une partie vitale de l’orgue moderne, elle doit assurer
une variation d’intensité allant du simple au double. (Sur ce sujet, les
réponses au questionnaire étaient très partagées.)
• Section 7 : Sommiers
Excellence du sommier à gravures. Le sommier à cônes, bien que rendu
responsable du son d’harmonica de l’orgue moderne, est autorisé pour son
côté pratique.
25 cf. supra, p. 8.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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• Section 8 : Transmission
La traction mécanique est recommandée pour les orgues petits et moyens.
(Notons que l’Allemagne se prononce résolument en faveur du système
pneumatique. En 1909, la transmission électrique ne trouve pratiquement
pas d’écho.)
• Section 9 : Console
Le Règlement recommande simplicité et normes, d’après les principes de
SCHWEITZER. Les claviers doivent être plus proches les uns des autres.
Les touches seront plus étroites que celles d’un piano de concert.
• Section 10 : Pédalier
Il est étendu à 30 notes. On adopte la mesure de Mecheln.
• Section 11 : Tailles Pressions Harmonisation
Adoption des tailles larges et de pressions basses.
Pressions différenciées : fonds = 8085 mm, mixtures = 7075 mm,
anches = 100120 mm. L’entaille d’accord est abandonnée. On insiste sur
l’intonation individuelle des jeux dans le sens d’une meilleure fusion
sonore. Importance des jeux de caractère.
• Section 12 : Composition
Tout orgue doit posséder 2 claviers. La valeur des jeux est déterminante,
pas leur nombre. On détermine l’ordre des registres à la console.
• Sections 13 à 16 : Accessoires
Unifications des principes français et allemands d’après les idées de
SCHWEITZER. Refus des combinaisons fixes. Reconnaissance des
combinaisons libres, à chaque clavier, à double commande et doublement
utilisables. reconnaissance de la pédale de crescendo, lequel doit être
modifiable. Les accouplements octaviants ne doivent être installés que si
l’étendue du sommier est réelle.
• Section 17 : Prix
• Sections 18 à 20 : Réception Transformations Expertise Paiement
La conservation des orgues anciens et leur surveillance comme héritage
culturel sont favorisées.
Il était important de résumer les principes adoptés dans le
International Regulativ für Orgelbau. Il constitue en fait la “reconnaissance officielle des
travaux de SCHWEITZER” 26
. Véritable condensé des idées les plus importantes de RUPP,
SCHWEITZER et MATHIAS, il constitue en quelque sorte le seul “manifeste” de
l’Elsässischer Orgelreform qui, jusqu’alors, n’était qu’un terme générique issu de divers
26 cf Rudolf QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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opuscules, articles
ou expériences plus ou moins concrètes. Certes, les véritables acteurs alsaciens de la
Réforme peuvent, et surtout pourront, s’en démarquer sur tel ou tel point. Nous verrons
justement dans la deuxième partie de notre étude dans quelle mesure a pu véritablement se
développer une facture spécifiquement alsacienne, respectant des théories émises par des
Alsaciens. Mais dans l’immédiat, le Règlement est le texte de référence contre lequel les
polémiques vont pouvoir se développer.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Chapitre 4
Les Oppositions
Si, comme nous l’avons vu, SCHWEITZER refuse la polémique, il ne peut l’empêcher. La
réaction la plus violente aux idées développées par la Réforme vient du grand rival et
néanmoins collègue d’Emile RUPP, August GESSNER, organiste de SaintMaurice, église
catholique de garnison. Ardent défenseur de la facture d’orgue allemande industrielle, il
publie en 1912 un petit livret intitulé : Zur elsässichneudeutschen Orgelreform et soustitré
: Ein Wort der Kritik und Abwehr. En rappeler les principaux arguments n’est pas inutile,
d’une part pour cerner les styles contre lesquels la Réforme aura à se battre, d’autre part
pour souligner les éventuelles contradictions de cette dernière. Il faut reconnaître que
l’ouvrage de GESSNER est fort bien structuré, correctement argumenté et que les
connaissances de son auteur sont étendues.
L’organiste de SaintMaurice commence par tourner en dérision le retour à BACH par
l’orgue SILBERMANN “orgueidéal de BACH” vicié dès le départ par la confusion dans
l’esprit de SCHWEITZER entre les différents SILBERMANN. Il démonte ensuite la filiation
que SCHWEITZER avait monté, un peu artificiellement, entre WIDOR et BACH, passant par
LEMMENS et HESSE. Après ces quelques préliminaires acides, l’ouvrage s’articule en trois
points : l’orgue SILBERMANN, le système tubulaire, les jeux à bouches à hautepression. Ne
revenons pas sur la première partie qui s’applique, prenant le contrepied de SCHWEITZER,
à trouver le plus de correspondances possibles entre l’orgue SILBERMANN et l’orgue
è
allemand de la fin du XIX siècle. GESSNER va même jusqu’à remettre en cause l’excellence
de SILBERMANN, lui préférant GABLER ou ALFTERMANN.
è
La défense du système pneumatique tubulaire occupe le deuxième chapitre. La fin du XIX
siècle voit arriver un certain nombre d’orgues construits en traction mécanique à bout de
souffle. Comme le fait remarquer GESSNER, “il y a des systèmes pneumatiques
défectueux, des mécaniques défectueuses et des dispositions électro
pneumatiques douteuses.” Évidemment, l’auteur ne ménage pas ses critiques envers un
SCHWEITZER refusant le système pneumatique qui brise le lien entre l’organiste et son
instrument, et recommandant le levier Barcker qui produit le même inconvénient. Quel
triomphe pour lui s’il savait qu’à l’avenir, une bonne part des orgues installés par les
Réformateurs et notamment par HÆRPFER, le facteur fétiche de SCHWEITZER le seront
en transmission pneumatique ! Les balbutiements peu prometteurs de la transmission
électropneumatique, préférée par RUPP, lui facilitent sa critique. À peine atil besoin de
faire appel à la sentence de l’Abbé BRUGGER, cité comme spécialiste de la facture d’orgue et
électrotechnicien : “L’avenir appartient au système tubulaire.”
La troisième partie du livret concerne les jeux à bouches à hautepression. Il s’agit là du
traditionnel combat esthétique entre les tenants de la puissance “mugissante” de l’orgue des
fonds et les Réformateurs, qui croient davantage dans la capacité des mutation et des
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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anches à assurer un tutti artistique. Point n’est besoin d’y revenir ici, la question est
largement développée plus haut.
L’opuscule de GESSNER ne manque pas d’intérêt. La balance aurait tout aussi bien pu
pencher de son côté, tant il est vrai que ses arguments ne manquent pas de poids visàvis
de conceptions de la Réforme parfois mal étayées, voire contradictoires. Mais GESSNER, en
1912, est pratiquement seul. Un de ses principaux soutiens dans son combat, Gustav
ALLIHN, après de violentes attaques contre l’Orgelreform, s’est détourné dès 1909 de l’orgue
des fonds. Il s’est finalement reconnu dans beaucoup de points de la Réforme alsacienne et
est allé jusqu’à caractériser le romantisme comme le temps de la déchéance pour la facture
d’orgue.
En fait, les quelques oppositions virulentes à la Réforme s’étouffèrent rapidement d’elles
mêmes. Sans doute SCHWEITZER avaitil raison en pensant que l’évolution se serait faite
de toute manière. Le mérite des Réformateurs est au moins d’avoir précipité et encadré le
mouvement.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Chapitre 5
Les Évolutions
Les orgues alsaciens que nous étudierons ont été construits entre 1907 et 195060. Or,
nous n’avons examiné jusqu’ici que la mouture primitive de l’Orgelreform, sa gestation
n’occupant que les dix premières années du siècle. Il est bien évident que les idées de ses
inspirateurs vont évoluer. À partir de là, il semble primordial d’intégrer ces évolutions même
si, globalement, les bases du mouvement n’en seront pas affectées.
*
* *
Dès 1914, Albert SCHWEITZER publie un deuxième ouvrage : Zur Diskussion über
Orgelbau, qui constitue une sorte d’additif à Deutsche und französische Orgelbaukunst und
Orgelkunst. Même depuis Lambaréné, il continue à prendre part au combat pour le “bon
orgue”. L’opuscule comporte quelques précisions et un certain nombre de nouvelles idées.
En premier lieu, on assiste à un partage des tâches entre RUPP, dont la passion ira toujours
aux orgues monumentaux, et SCHWEITZER, qui dit ne s’intéresser qu’ “aux ouvrages
entre 50 et 15 jeux en tant qu’ils constituent la moyenne du service divin.”
Outre le fait que seul un très petit nombre d’instruments alsaciens sortira de cette
fourchette (Erstein, 68 jeux; Synagogue, 64 jeux; SaintPaul, 74 jeux), SCHWEITZER
manifeste par là son intérêt pour l’ “orgue de village”, en faveur duquel il mènera bientôt
une action concrète à Muhlbach et Gunsbach.
Plus loin, l’auteur précise sa position quant au problème de la transmission. Fidèle à la
traction mécanique pour les orgues petits et moyens, le réalisme le pousse à y combiner le
système pneumatique ou l’électricité, seuls capables dans l’immédiat d’assurer le
fonctionnement des différents accessoires prônés par la Réforme. Il admet par ailleurs que,
même pour la traction, les facteurs d’orgues ne sont pas encore prêts à y revenir, soit pour
des questions de coût, soit parce qu’ “ils ne sont plus organisés pour sa construction
et qu’ils n’emploient plus de personnel qualifié.” Jusqu’à ce que les bonnes
conditions soient réunies, on s’emploiera donc à améliorer le système pneumatique,
notamment son toucher. Cette concession permet de mieux comprendre certaines
réalisations de l’Orgelreform. Mieux, elle pousse à l’indulgence envers bon nombre de
restaurations initiées par les Réformateurs et incluant la plupart du temps une
pneumatisation. Il est facile, de nos jours, de crier au scandale et de railler la dichotomie
entre les principes et la réalité. Le pragmatisme de SCHWEITZER a néanmoins permis, en
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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certains cas, d’éviter la destruction pure et simple de monuments historiques.
L’apport le plus important de Zur Diskussion über Orgelbau concerne sans doute le positif
de dos. Approfondissant son goût pour le Werkprinzip, SCHWEITZER note que “le 2ème
clavier moderne est une ombre du premier” et souhaite donc revenir au positif de dos
ancien, seul capable d’assurer un réel contraste avec le GrandOrgue. Il affine ainsi ses
positions concernant la personnalisation des plans sonores : “Le saint instrument est
une trinité. Chaque clavier est une personnalité importante. À côté du Grand
Orgue, avec ses sons pleins et ronds, se place le Positif de dos avec ses jeux
clairs et pénétrants. Aux deux se joint le Récit expressif, avec ses sons
intenses, modulables par les jalousies.” (Notons au passage qu’il ne reste pas de place
dans cette trinité pour la Pédale, preuve que son indépendance n’est encore qu’un vœu
pieux.) Mais là encore et SCHWEITZER en est conscient il y a loin de la coupe aux lèvres.
Les questions financières et de mentalités s’opposeront bien longtemps à cette idée et le
temps de l’Orgelreform videra de leurs tuyaux quantité de positifs anciens, tandis que bien
peu de nouveaux instruments en seront équipés.
Par la suite, SCHWEITZER reconnaîtra encore le peu d’intérêt de la division des sommiers et
de la différenciation des pressions pratiquée par CAVAILLÉCOLL. Pour un coût trop élevé,
le principe n’est pas aussi prometteur que prévu.
*
* *
De son côté, Emile RUPP publie en 1929 sa monumentale Entwicklungsgeschichte der
Orgelbaukunst, fruit de 10 ans de travail acharné. “Œuvre passionnée mais peu
scientifique” 27
, l’ouvrage est une somme des connaissances acquises par l’organiste de
SaintPaul et veut raconter toute l’histoire de la facture d’orgues. Le chapitre sur les
SILBERMANN est étayé par les “cahiers SILBERMANN” auxquels MATHIAS et RUPP ont eu
accès en 1920. On notera aussi qu’une place significative est faite aux théories de l’Abbé
VOGLER et à son système de simplification. RUPP voit dans CAVAILLÉCOLL et dans le
WALCKER primitif des successeurs à VOGLER. Il énumère ensuite les principes de ce
dernier devenus idées directrices de la facture d’orgues modernes, sousentendu par le
truchement de la Réforme alsacienne :
• Le principe de la boite expressive.
• La caractérisation des claviers d’après les familles de couleurs sonores. Le Grand
Orgue est déterminé par la couleur des principaux, le Positif se voit confier flûtes et
mutations, le Récit reçoit cordes orchestrales et anches. La répartition des mutations est
27 Pie MEYERSIAT : La Réforme alsacienne de l’Orgue, in Bulletin des professeurs du lycée d’état de garçons de
Mulhouse, 1965, n° 3, 1320
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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codifiée : celles de 8’ ou 4’ au Positif, celles de 16’ au GrandOrgue et parfois au Solo (notons
que SCHWEITZER ne dépasse jamais trois claviers). Le Solo a les tailles les plus puissantes
et les plus abondantes, comme un “orgue dans l’orgue”.
• La conception de l’effet total d’un orgue, non d’après le compte de ses jeux, mais
d’après la taille et la technique de construction de ceuxci.
• L’extension du pédalier à 32 notes et l’enrichissement de la pédale par les tirasses.
Nous avons déjà cité la lettre envoyée par RUPP à VALLOTTON 28
. Elle permet de faire le
point sur les ultimes évolutions de son esthétique personnelle. Il y prône une augmentation
du nombre de rangs de mixtures en fonction de la puissance des anches, appelant même de
ses vœux une subordination des “rangs de Fournitures et Cymbales au régime de la
Pédale «Suppression 16’ et 32’».”
*
* *
28 Pierre VALLOTTON : Le Testament d’Emile RUPP, in L’Orgue, 1969, n° 4750.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Telles sont, dans les grandes lignes, les principales caractéristiques de l’Orgelreform. Elles
dénotent, selon leurs instigateurs, un polymorphisme qui peut sembler nuire au premier
abord à la cohérence d’un mouvement qui se veut efficace. Mais l’essentiel réside dans le
mot d’ordre primitif et unanime : “Retour au bel orgue, à l’orgue de maître.” Les
particularismes des différents Réformateurs, l’immobilisme d’un milieu instinctivement
traditionaliste, une conjoncture politicohistorique difficile et, surtout, l’avènement de la
1ère Guerre mondiale, disperseront parfois les effets de la Réforme, notamment en Alsace
même. Pourtant, il existe un lien entre de nombreux instruments alsaciens, construits entre
1906 et 1950, et la volonté réformatrice de RUPP et SCHWEITZER.
Pour clore cette première partie et fixer un cadre à l’Elsässischer Orgelreform, référonsnous
au résumé que FRUTH 29
fait de ses principales revendications :
a) La facture d’o. française est restée très conservatrice (sommiers à gravures, traction
mécanique), pendant que l’allemande cherchait à exploiter tous les avantages des
inventions techniques (sommiers à membranes, pneumatisation, orgue industriel).
b) Refus des aides au jeu inutiles qui rendent la console peu claire et n’apportent
aucun avantage musical. La roue de crescendo sera décrite comme “transformant la
liberté en esclavage” et refusée d’après des principes artistiques.
c) Schweitzer loue les moyens de crescendo de l’orgue français.
• Les claviers peuvent être accouplés entre eux à volonté de telle sorte qu’on peut procéder
à partir de n’importe quel clavier
• Les pédales d’appel des anches et des mixtures sont disponibles pour chaque clavier.
• Puissante composition du 3 è clavier (clavier expressif), par lequel le tutti peut encore être
influencé. Un changement de couleur sonore par l’ouverture de la boite est exclus.
d) Les boutonspoussoirs devront être construits en interaction avec les pédales.
e) L’organiste doit pouvoir introduire sur une registration existante une autre
registration d’après son libre choix.
f) Introduction manuelle des combinaisons libres.
g) Refus de l’Echowerk et du Fernwerk comme étant de mauvais goût.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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h) Toutes les combinaisons fixes excepté tutti et plenum sont rejetées.
i) La pneumatisation a des avantages pratiques mais pas esthétiques. Elle ne doit plus
être construite.
k) L’intonation doit revenir à pression moyenne. On prône “une différence minimale de
taille”, car une trop grande différence ou une trop grande similitude provoque des
entraînements harmoniques. On recommande donc un beau son, mais pas éclatant.
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DEUXIÈME PARTIE :
LES ORGUES ALSACIENS
ISSUS DE L’ORGELREFORM
Si l’on devait se cantonner aux instruments cités par les Réformateurs comme étant
directement issus de leurs idées, on arriverait rapidement à la conclusion que la Réforme
alsacienne n’a guère eu d’influence en Alsace même. En regard, le nombre d’orgues
étrangers reconnus par SCHWEITZER et RUPP semble impressionnant, tant en Allemagne,
en Suisse, en Autriche, qu’aux PaysBas ou dans les Pays scandinaves. Certes, la Réforme
visait surtout les instruments issus de la facture allemande romantique qui, hormis dans la
période 18651900, n’avait pas vraiment pénétré l’Alsace. De plus, RUPP déplorait que la
facture alsacienne soit toujours, comme fidèle gardienne de la tradition, en retard de 30
ans.
Pourtant, à l’étude, un déclic semble s’être produit, même si ses effets ne se feront ressentir
qu’après l’achèvement de la 1ère Guerre mondiale. En tout état de cause, la relation étroite
qui existait entre SCHWEITZER et HÆRPFER, entre RUPP et WALCKER, semble plus
subtile et ténue par rapport à RŒTHINGER, RINCKENBACH ou au jeune SCHWENKEDEL.
Dans l’étude qui va suivre, nous nous intéresserons presque exclusivement à des
instruments “monumentaux”. Deux raisons à cela : l’orgue idéal de la Réforme a trois
claviers; seules des compositions assez généreuses permettent un réel affrontement des
trois familles de jeux et donc une recherche de fusion sonore. Toutefois; le terme
“monumentaux” est à tempérer, à prendre à l’échelle alsacienne. Aucun des instruments
sur lesquels nous nous pencherons ne dépasse 74 jeux (SaintPaul), la moyenne se situant
davantage aux alentours de 45 jeux. Ainsi l’Alsace se placetelle dans le moule défini par
SCHWEITZER qui disait ne pas s’intéresser aux orgues de plus de 50 jeux : “Le souci de
construire des orgues gigantesques, je le laisse à d’autres.” 30
Comme corollaire à
cette assertion et comme seule exception à notre règle, nous nous arrêterons aussi aux deux
orgues de villages, Muhlbach et Gunsbach, qui sont le reflet d’une part trop importante de
l’esthétique de SCHWEITZER pour qu’on les passe sous silence.
30 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin.
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Chapitre Premier
Les Premiers Pas
La première décennie de l’Orgelreform, soit la période allant de 1905 à 1914, est les reflet
d’une inévitable phase de transition. Tandis que les firmes acquises ou converties à la cause
de la Réforme DALSTEIN HÆRPFER et WALCKER principalement testent ses idées, les
facteurs plus spécifiquement alsaciens Joseph RINCKENBACH et EdmondAlexandre
RŒTHINGER adoptent une position plus nuancée. Leur originalité, qui ne se démentira
jamais, ne leur permet pas une aliénation complète et immédiate au projet de la Réforme.
1) DalsteinHærpfer : les pionniers
SCHWEITZER avait joui ou pâti ? d’une sorte de conditionnement à la facture de la firme
de Boulay. Enfant, il séjournait fréquemment chez ses grandsparents à Pfaffenhoffen, où
DALSTEINHÆRPFER avait construit un orgue en 1887. De facture classique, à traction
mécanique, l’instrument avait séduit le jeune garçon, notamment pour ses anches dont il
gardera toute sa vie un souvenir ému 31 . À preuve, une lettre de février 1935 à Frédéric
HÆRPFER dans laquelle il lui demande pour la nième fois de lui construire pour Gunsbach
un “hautbois bien rond, corné, comme celui de votre père, à Pfaffenhoffen”.
L’amitié entre les deux hommes daterait de la construction de l’orgue de chœur de Saint
Thomas en 1904. Conçu d’après les plans de SCHWEITZER, cet instrument était le reflet de
l’idée que se faisait à l’époque le jeune organiste du petit orgue idéal. 32
*
* *
31 Composition de l’orgue DALSTEINHAERPFER de Pfaffenhoffen :
GrandOrgue
Récit expressif
Pédale
Bourdon 16’ GeigenPrincipal 8’ Subbaß 16’
Principal 8’ LieblichGedeckt 8’ Violonbaß 16’
Gedeckt 8’ Salicional 8’ Violoncello 8’
Flöte 8’ Traversflöte 4’
Viola di Gamba 8’ FagottHautbois 8’
Octav 4’ II/I
Octav 2’ I/Péd.
Mixtur Cornett II/Péd.
Trompete 8’ Pédales piano et forte
46
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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LES ESSAIS À L’ORGUE DE SAINTNICOLAS.
L’histoire de l’orgue de SaintNicolas n’a pas sa place ici. Rappelons néanmoins que, de
1707 à 1967, l’œuvre des deux frères SILBERMANN a subi une série d’avatars des plus
impressionnante, le plaçant sans doute au premier plan des ratages de la facture
alsacienne. Après les profondes transformations de SAUER, WETZEL et KOULEN, c’est au
tour de DALSTEINHÆRPFER, en 1905, de se voir confier des travaux sur l’orgue. Là
encore, Albert SCHWEITZER supervise les réparations. Outre quelques interventions sur la
partie sonore (ajout d’un Gemshorn 8’ au G.O., d’une Dulciana 8’ et, sembletil, d’une Flûte
4’ au Récit), il s’agit essentiellement d’un changement complet de transmission. On ne sait
si la pneumatisation entreprise par la firme de Boulay résulte d’une nécessité découlant
d’un éventuel mauvais état de la traction ou d’une incompatibilité de cette dernière avec les
accessoires que SCHWEITZER demande à HÆRPFER d’installer. Une lettre du jeune vicaire
au facteur d’orgue 33
nous donne quelques indications quant aux travaux qu’il préconise.Ils
concernent l’extension vers le grave du Cornet du G.O., l’intonation de la Voix céleste et de
la Fourniture du Récit, l’emplacement du Quintaton de KOULEN, complété par HÆRPFER.
Mais l’essentiel porte sur l’agencement de la nouvelle console imaginée par SCHWEITZER.
Pour son installation, à fleur de tribune, HÆRPFER doit déplacer sommiers et tuyaux du
positif de dos à l’intérieur du buffet principal et démonter le petit buffet (!). La console est à
organiser selon un plan de SCHWEITZER hélas perdu. On sait néanmoins que tous les
accouplements et tirasses sont construits en doubles commandes, avec pédales et boutons
poussoirs interactifs. On y trouve aussi une pédale d’appel G.O. permettant d’utiliser le 1er
clavier comme clavier d’accouplement. Pour la première fois, le système de combinaison
34
libre à double utilisation, si cher à SCHWEITZER, est installé . L’organiste recommande
encore à HÆRPFER l’implantation d’une commande de tutti (sans accouplements
octaviants) à la fois pédestre et manuelle.
L’affiliation de la transformation de 1905 à la Réforme concerne donc surtout la console.
D’emblée, elle présente cette fusion d’accessoires français et allemands que SCHWEITZER
revendique simultanément dans son opuscule. Remarquons tout de même que, conscients
de la valeur du matériel sonore, SCHWEITZER et HÆRPFER le préservent dans son
intégralité, à l’exception de taille du déplacement du positif. En tout état de cause, les
premiers essais techniques sont réalisés. On peut maintenant penser à la exécution d’un
orgue neuf mettant en jeu l’intégralité des principes énoncés par SCHWEITZER.
*
* *
33 Lettre du 20/11/1905, in BILLETER, op. cit.
34 cf Albert SCHWEITZER : Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst, 1906, Berlin, pp. 1415.
47
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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LE “PREMIER ORGUE DE L’ORGELREFORM” : SAINTSAUVEUR
Dans son Entwicklungsgeschichte, RUPP cite l’orgue de SaintSauveur comme le “premier
orgue de la Réforme d’Alsace”. Mais il ne s’étend pas davantage sur le sujet, se
contentant de louer sa console exécutée selon les règles de la Réforme et omettant même
d’en donner la composition. Il semble qu’en 1907, lors de la construction de cet orgue, la
collaboration entre SCHWEITZER et RUPP ne soit pas véritablement effective. Nous en
avons d’ailleurs confirmation par deux lettres de SCHWEITZER à Gustav von LÜPKE,
directeur de la musique à Cattowiçe. Le 1er Novembre 1907, il lui explique que l’orgue de
SaintSauveur a été conçu d’après ses indications et, en Juillet 1908, il s’exprime de la
manière suivante : “Un orgue selon BACH, de 32 jeux, conçu par moi 35
, avec une
intonation à la SILBERMANN (mixtures douces, anches douces, tous les jeux
avec une pression minimale) […]. Le résultat est grandiose. Un splendide et
souple fortissimo ! Dans les fugues, les voix intermédiaires sont exécutées de
façon claire et remarquable.”
36
Voici justement la composition primitive de l’instrument :
GrandOrgue Récit expressif Pédale
Accouplements : I/Péd., II/péd., II/I, Sup.II/I, Sub.II/I
GeneralKoppel, Leerlauf Coppel I
Combinaisons : Freie Combination I, Freie Combination II, Freie Combination Pedal
General Freie Combination, Handregister ab
35 C’est nous qui soulignons.
36 cf BILLETER, op. cit.
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Tutti
Divers : Crescendo, Expression II.
Sommiers à membranes à “petits soufflets” (Hängebälgladen), transmission pneumatique.
Soufflerie par deux réservoirs à plis dans le soubassement.
En 1991, Christian LUTZ écrit : “Cet instrument est aux antipodes tant de
SILBERMANN que de BACH, avec son accumulation de jeux de 8’ de caractère
orchestral, aux timbres très amples. Les basses pressions [que SCHWEITZER]
évoque laissent rêveur lorsqu’on sait qu’elles vont de 97mm à 127mm. Et
l’emploi massif de zinc ne correspond pas vraiment à son souci de n’utiliser que
des matériaux de premier choix…” 37 Ce contrepied intégral des propos de
SCHWEITZER cités plus haut laissent légitimement croire que le premier essai de
l’Orgelreform est globalement très éloigné de celleci. Qu’en estil réellement ?
La composition de l’instrument sent évidemment la patte d’Albert
SCHWEITZER. On y retrouve son goût plus que prononcé pour les fonds. Nous en avons vu
les raisons plus haut (composition du “SILBERMANN” de SaintThomas, pratique de
l’ “éclairage des jeux”, enracinement profond et revendiqué dans une esthétique orchestrale
romantique). Mais malgré les éventuelles inexactitudes concernant SILBERMANN qui
peuvent régner dans son esprit, il n’est pas niais au point de penser faire à SaintSauveur
une copie de SILBERMANN. SCHWEITZER ne fait pas de “copie”. Pour lui, la facture d’orgue
se place dans un continuum historique et le placage d’une esthétique remontant à deux
siècles sur un répertoire qui, lui, continuerait à évoluer, est un nonsens. “En art, tout
historicisme exagéré est un mal.” 38 L’ambition de SCHWEITZER est de faire évoluer la
facture d’orgue dans son siècle et non de la faire revenir en arrière. Ici, la référence à
SILBERMANN concerne davantage l’intonation de l’instrument. L’axiome serait le suivant :
le goût actuel favorise les fonds; mais ceuxci, gras, pâteux et surpuissants, dénaturent la
musique de BACH et rendent son message polyphonique inintelligible; arrangeonsnous
donc pour que nos fonds romantiques restituent la musique de BACH. Cela passe donc par
une excellente intonation individuelle et collective des jeux, domaine de prédilection de
DALSTEINHÆRPFER, et par l’adoption d’une pression aussi basse que possible.
Les pression choisies en 1907 sont de 97mm pour tout le GrandOrgue, pour les jeux à
bouches et le Hautboisbasson du Récit; de 122mm pour les Basson 16’, Trompette 8’ et
Clairon 4’, pour la pédale expressive et les dessus de la pédale; de 127mm pour la première
sixte (CA) de la pédale 39. Certes, on est encore loin des mesures préconisées deux ans plus
tard dans le Règlement de Vienne. mais le projet est déjà considérable en comparaison des
pressions énormes employées alors par la facture industrielle allemande. Songeons aux
300mm nécessités par les Tuba mirabilis et autres Stentorphon de WEIGLE !
L’exigence d’une intonation correcte passe obligatoirement par des matériaux de qualité.
Contrairement à ce qui a pu être dit, le zinc n’a pas une place prépondérante dans
37 in ARDAM : Actes des 4èmes journées nationales de l’orgue, 1991, Strasbourg, p. 412.
38 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin, p. 13.
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l’instrument. Seul le Violoncelle 8’ en est intégralement constitué. Pour le reste, 12 jeux sur
32 comportent de 12 à 20 tuyaux de basse en zinc. La plupart des autres tuyaux sont soit
en excellent bois, soit en étain de 50% à 75%. Une partie des jeux a été fabriquée par
WALCKER dont les réformateurs, s’ils ne sont pas toujours d’accord avec ses conceptions
esthétiques, reconnaissent sans conteste la qualité du travail. À propos du Violoncelle 8’ de
la Pédale, signalons déjà qu’il équipera la totalité des orgues sue lesquels SCHWEITZER
aura à intervenir, jusqu’au KERN du temple protestant de Neudorf (1965).
L’influence la plus évidente de la Réforme se situe encore à la console. Comme à Saint
Nicolas, elle reflète l’intégralité de SCHWEITZER, concrétisant son idéal de fusion entre les
accessoires français et allemands. Toutes les commandes d’accouplements et de
combinaisons sont à la fois pédestres et manuelles, avec dispositif de vaetvient mécanique.
Le “Leerlauf Coppel I” permet l’utilisation du 1er clavier comme clavier d’accouplement, à
l’image de l’ “appel G.O. de la facture française, même si, sur un instrument de deux
claviers, l’intérêt en est quelque peu limité. On remarque enfin l’absence de combinaisons
fixes.
D’autres caractéristiques de l’instrument vont à l’encontre des recommandations de la
Réforme, tant il est vrai que tout ne peut se réaliser d’emblée. Ainsi, au niveau sonore, les
“fines mixtures” réclamées par SCHWEITZER sont encore peu nombreuses et restent bien
lourdes. La MixturCornett du G.O. est caractéristique de l’époque; elle ne peut en aucun
3
cas produire un effet lumineux avec sa Tierce 1’ /5 à partir du c1. De même, la Mixture III
IV rgs du Récit est bien loin d’une Cymbale 40
. Quant à la Pédale, elle en est tout
simplement dépourvue et ne peut tenir sa place dans la polyphonie que par la tirasse. La
transmission pneumatique est autorisée par SCHWEITZER, conscient du prix et des
exigences technique d’une traction mécanique. Par contre, même s’il vante les mérites d’un
brevet de sommier pneumatique déposé par DALSTEINHÆRPFER , on comprend moins
41
bien les sommiers à petits soufflets. Si le pédalier est étendu à 30 notes, le sommier du
Récit n’a que 56 notes, rendant ainsi inopérants les accouplements octaviants dans l’aigu.
En 1935, SCHWEITZER et HÆRPFER apportent l’une ou l’autre correction dans le sens de
2
la Réforme : ajout d’une Flûte harmonique 8’ et d’un Nasard 2’ /3 au G.O.; au Récit,
remplacement du Salicetbaß 16’ par une Hohlflöte 8’ et du Fugara 4’ par une Spitzflöte 4’;
ajout d’un Cornet V rgs à la Pédale. Ces modifications vont dans le sens d’un adoucissement
de la sonorité générale. D’après WALTER 42, la pression aurait même été diminuée, de
manière à rendre l’harmonie plus flûtée.
En 1961 et 1963, Ernest MUHLEISEN, paroissien de SaintSauveur, poursuivra ce
40 Composition de la Mixture IIIIV rgs du Récit :
2 1
C 2’ /3 2’ 1’ /3
2 1
c0 4’ 2’ /3 2’ 1’ /3
1 2
c#3 5’ /3 4’ 2’ /3 2’
41 cf “Historique de la maison DalsteinHærpfer” in BILLETER, op. cit., p.
42 op. cit.
50
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programme d’éclaircissement en remplaçant la Gambe 8’ par une Cymbale au G.O. et la
3
Voix céleste 8’ par une Tierce 1’ /5 au Récit.
Enfin, en 198586, la manufacture d’orgues MUHLEISEN procède à la restauration
complète de l’instrument, avec retour à la composition d’origine et préservation du système
pneumatique tubulaire, ce qui est une première en Europe dans l’histoire de la protection
du patrimoine organistique. Il s’agit aussi de la première restitution d’un instrument de
l’Orgelreform, reconnaissance encore timide de l’importance du mouvement dans l’évolution
historique de la facture d’orgue.
*
* *
LA PREMIÈRE RESTAURATION : L’ORGUE DE SAINTTHOMAS
1908 est une année importante dans l’histoire de la Réforme
alsacienne. C’est l’année de la première restauration d’un orgue historique dans l’esprit de
l’Orgelreform. L’orgue de SaintThomas (J.A. SILBERMANN 1740/41) avait, comme la
è
plupart des SILBERMANN de Strasbourg, subit quelques transformations au cours du XIX
siècle, essentiellement menées par les familles SAUER et WETZEL. Nous avons vu plus
haut, au sujet de l’idée que SCHWEITZER pouvait se faire d’un SILBERMANN, quelle était la
composition de l’instrument à l’arrivée du vicaire de SaintNicolas au début du siècle.
À la même époque, germe l’idée de déposer totalement le SILBERMANN et de le remplacer
par un orgue neuf.. L’instrument semble poser d’énormes problèmes d’alimentation dont il
reste d’ailleurs quelque trace aujourd’hui encore. “Sans mon intervention, l’orgue
SILBERMANN de SaintThomas à Strasbourg aurait, en son temps, été
remplacé par un neuf. L’attention se portait uniquement sur les importantes
difficultés que posait la question su soufflet. Sans le professeur ERB, avec qui
je partageais le travail, et le facteur d’orgues Fritz HÆRPFER de Boulay, qui
s’occupa de la restauration avec savoirfaire et enthousiasme, je serais resté
seul en ce tempslà.” 43
C’est donc à HÆRPFER, après la construction de l’orgue de chœur, que revient la
responsabilité de rendre vie à l’instrument. D’après les pratiques de l’époque, il aurait pu
pneumatiser, installer une console indépendant riche en accessoires francoallemands,
vider le Positif, concevoir un grand Récit expressif, augmenter la pression… Au lieu de tout
cela, , sue les conseils de SCHWEITZER, il entreprend de restaurer la traction mécanique,
d’étendre le pédalier à 27 marches (contre 25) et d’y installer une tirasse. Mais le plus
important, le plus étonnant eu égard à l’esthétique sonore de l’époque, est le remplacement
au Positif du Quintaton de WETZEL (1836) par une Cymbale. Certes, la pédale reste
dépourvue de mixture comme à l’origine, du reste mais l’installation de la tirasse que
l’on peut considérer comme un progrès puisqu’elle fut reprise lors de la reconstruction
43 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin, pp. 1213.
51
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KERN en 1979 y pallie partiellement.
La seule concession à l’ “ère du temps” concerne la hausse du diapason à 435 Hz pratiquée
par entailles. On peut certainement s’en émouvoir, surtout face à la modification du rapport
taille / hauteur qui en résulte, mais il s’agissait de permettre un dialogue avec le nouvel
orgue de chœur. N’oublions pas les positions de SCHWEITZER à propos de ce qu’il appelle
les “historicismes exagérés”. Plus tard, il regrettera, à l’occasion de l’expertise du
SCHNITGER de SanktJakobi de Hambourg, de ne pas avoir conservé le ton ancien. 44
Globalement, cette restauration peut être qualifiée d’exemplaire pour l’époque. Elle montre
bien, en tout cas, que SCHWEITZER sait ce qu’est un orgue ancien, même s’il ne maîtrise
pas pleinement les spécificités esthétiques des anciens facteurs d’orgues. Elle prouve aussi
qu’il aurait eu les moyens et HÆRPFER le savoirfaire d’un “retour à SILBERMANN”,
dans le sens littéral du terme. Mais tel n’était pas son but. On le verra encore mieux avec la
construction, l’année suivante, du Sängerhaus Orgel, l’orgue du Palais des Fêtes.
L’ACCOMPLISSEMENT : L’ORGUE DU PALAIS DES FÊTES
Le sort actuel du Palais des Fêtes de Strasbourg et de son orgue est un mauvais exemple
de la politique de sauvegarde du patrimoine culturel municipal. depuis 1902, date de sa
construction, et jusqu’à celle de l’actuel Palais de la Musique et des Congrès, ce hautlieu a
pourtant vu se succéder bien des célébrités et des talents. L’orgue luimême a été joué par
des WIDOR, BONNET, GIGOUT et beaucoup d’autres encore. Actuellement, on y joue plus
guère que des accompagnements.
L’instrument a pourtant été pensé comme le portedrapeau de l’Elsässischer Orgelreform. Il
est le premier exemple de collaboration entre SCHWEITZER et RUPP en vue de la
construction d’un orgue neuf. En 1908, une commission provisoire d’experts décide
d’installer un orgue avec transmission pneumatique après une consultation auprès des
organistes GUILMANT, GIGOUT, REGER, STRAUBE, VIERNE et WIDOR. Le fait est à
souligner dans une Alsace sous administration allemande. La commission définitive, dirigée
par SCHWEITZER, comprend entre autres RUPP et ERB. Suite à la visite de l’orgue de
SaintSauveur, SCHWEITZER obtient que le marché soit attribué à DALSTEINHÆRPFER.
Rappelons tout de suite que SCHWEITZER ne faisait pas la différence entre orgue de concert
et orgue d’église. Cette précision a son importance, concernant le seul instrument équipant
une salle de spectacles en Alsace. Un ensemble de lettres échangées entre SCHWEITZER et
HÆRPFER, datée de 1908 à 1912, fournit d’intéressantes précisions quant à la gestation, à
la construction et à l’évolution de l’instrument. Il en ressort notamment que la manufacture
d’orgues de Boulay travaillait déjà activement , sous les ordres de SCHWEITZER, à
l’élaboration des plans et de la composition de l’instrument, au moins trois mois avant
l’attribution du marché.
Il n’est pas inutile de comparer la composition proposée par HÆRPFER, dans une lettre du
6 Août 1908, à celle qui sera finalement adoptée.
44 cf. E; PETERSCHMITT, M. SCHAEFER, G. WILD : Le Silbermann retrouvé de SaintThomas, 1917, Strasbourg.
52
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I. Manual II. Manual III. Manual Pedal
Grâce à la traditionnelle subvention du gouverneur (StatthalterConto), HÆRPFER propose
d’y ajouter une Dulciana 8’ au G.O.; une Traversflöte 4’ et un Octavin 2’ au Positif; un
Fagott 16’ (barré par SCHWEITZER) transmis à la Pédale et un Piccolo 1’ au Récit; un
Violonbaß 16’ à la Pédale. Il y ajoute une extension de certains jeux des 2ème et 3ème
claviers, en vue de rendre effectifs les accouplements octaviants. Toujours sur la
subvention, SCHWEITZER propose encore un Gemshorn 4’ et une Fourniture au Positif,
une Flauto 8’ au Récit.
Sur la même lettre, SCHWEITZER a consigné tous les accessoires qu’il souhaite trouver à la
console :
Supoct II Supoct III Supoct II Supoct III Suboct III
Leerlauf Cop.
Au vu de la présence d’un jeu de Septième au Récit, on peut légitimement penser que RUPP
a également contribué à ce projet. L’implantation des mutations simples au Récit et non au
Positif et révélatrice d’un style qui se cherche encore. La Pédale paraît très faible. Dans une
lettre de Novembre 1908, HÆRPFER trouve justement “une lacune à la Pédale” , par
l’absence d’un Bourdon 8’. De plus, il suggère, pour combler le trou entre Fagott 16’ et
53
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Clairon 4’, que la Trompette 8’ du Récit y figure en emprunt. Mais pour placer son Bourdon
à la Pédale, HÆRPFER y supprimerait une Fourniture. Il y aurait donc eu, dans un plan
intermédiaire, une mixture à la Pédale qui n’a finalement pas été retenue. Ainsi, même si
SCHWEITZER appelle de ses vœux “la saturation de la Pédale avec de belles
mixtures”, cellesci semblent encore figurer dans son esprit au rang d’options. Par contre,
HÆRPFER propose de rajouter un Piccolo 1’ au 3ème clavier; lui non plus ne sera pas
retenu.
En dernier recours, voici quelle sera la disposition de 1909, celle de la construction :
54
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I. Klavier (Hauptwerk) II. Klavier (Schwell.) III. Klavier (Schwell.) Pedal
Par rapport à la proposition de 1908, le positif a été légèrement éclairci (Flöte 4’, Octavin 2’,
2
Quintflöte 2’ /3), mais surtout par des jeux flûtés. Le G.O. est désormais basé sur un
Principal 16’. On remarque une différenciation accrue des jeux composés entre cornets et
mixtures. La chose est importante : l’orgue romantique était caractérisé par de grosses
mixtures, ressemblant davantage à des cornets. Ici, on a départagé cornet d’une part, et
d’autre part un ensemble de mixtures aiguës à reprises qui, comme nous le verrons,
poseront bien des problèmes. Toutes les anches CAVAILLÉCOLL sont là, à côté d’une
Trompette dont la taille a été copiée sur celle de SaintThomas.
Les matériaux utilisés (étain, spotted, zinc) sont de bonne qualité. Il y a encore moins de
zinc qu’à SaintSauveur (par exemple, les trompettes sont en étain dès C).
Le grand progrès que l’orgue se propose de réaliser concerne les pressions utilisées. Elles
sont de 80mm pour les jeux à bouches, 70mm pour les mixtures et 120mm pour les
anches. La pression importante de 140mm est réservée au seul système pneumatique.
L’évolution par rapport à SaintSauveur est considérable. SCHWEITZER tenait tout
particulièrement aux 70mm des mixtures, ce qui n’alla pas sans poser des problèmes à
HÆRPFER. Les nouvelles mixtures à reprises sont donc destinées à être brillantes, mais en
aucun cas criardes. On comprend mieux le terme de “mixtures suaves” que
SCHWEITZER utilise si souvent.
La console, dont nous n’avons pas retrouvé la disposition définitive, était conçue à l’image
de celle de SaintSulpice, avec des tirants de registres placés en amphithéâtre. Il semble
55
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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qu’elle ait été mobile dès l’origine. 45
Dans une plaquette éditée anonymement par SCHWEITZER à l’occasion du concert
inaugural 46 , il est dit : “Par la pression moyenne, on évite le ton menaçant, la
sécheresse et la stridence qui restent l’apanage de la plupart des orgues les
plus récents.” Seulement, par manque d’étude des conditions acoustiques, ou à cause
d’une mauvaise maîtrise des techniques liées à la basse pression, l’instrument est
rapidement jugé trop faible. Les polémiqueurs montent au créneau et on va même jusqu’à
accuser SCHWEITZER, à la suite d’un concert de Mars 1911, de faire doubler la partie de
Pédale par des contrebasses . Si la chose semble peu probable et SCHWEITZER la réfute
47
avec la dernière énergie les travaux effectués par HÆRPFER en 1912, sur les conseils de
48
SCHWEITZER, prouvent bien que la sonorité d’ensemble ne donne pas satisfaction. La
transformation la plus souvent citée concerne le remplacement du Gemshorn 8’ du G.O. par
3 1
une Montre 8’ et celui de la Tierce 1’ /5 et de la Septième 1’ /7 par un Hornprinzipal 8’ au
Récit. Évidemment, les militants du Hochdruckpartei ont beau jeu de se gausser de cette
modification qui sacrifie une fois de plus des jeux comptant parmi les plus caractéristiques
de l’Orgelreform. Cela prouve aussi les différences de conception entre RUPP et
SCHWEITZER. Notons d’ailleurs que, dans son Entwicklungsgeschichte, lorsqu’il donne la
composition de l’orgue du Palais des Fêtes , RUPP ne peut s’empêcher d’y inclure sa Tierce
49
et sa Septième, simplement annotées comme étant, “hélas”, remplacées par le
Hornprinzipal 8’.
Mais des transformations plus profondes semblent avoir été menées. la composition
définitive que nous avons donnée plus haut est fournie par BILLETER 50 . Or, dans le livre de
RUPP de 1929, les mesures des mixtures ne correspondent absolument pas. Dans son
opuscule de 1912 , GESSNER annonce un “remaniement supplémentaire, par lequel
51
les mixtures à la SILBERMANN seraient retravaillées dans le goût actuel et par
lequel la verdeur historique à la SILBERMANN, tant prisée, serait complètement
1
abandonnée.” De fait, au G.O., la Mixtur 1’ /3 IV rgs devient une Mixtur 2’ IV rgs, la
Cymbel 1’ IV rgs une Cymbel 1’ III rgs; la Fourniture 1’ III rgs du Positif se transforme en
Fourniture 2’ III rgs; même la Mixture V rgs du Récit est réharmonisée en PleinJeu V rgs.
Donc toutes les mixtures perdent un peu de leur brillance, cette spécificité qui constituait
leur originalité pour l’époque. Pour couronner le tout, les pressions sont augmentées dès
1909, puis en 1912.
45 cf lettre de HÆRPFER du 6 Août : “La console, incluant le pédalier et les tubulures jusqu’au buffet, est en
morceau et s’abaisse ensemble.”
46 Albert SCHWEITZER : Sängerhaus Orgel, 1909, Strasbourg
47 Article anonyme in Die Orgel, 1913.
48 cf. Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin, pp. 12.
49 op. cit., p. 340.
50 op. cit., p. 189
51 August GESSNER, op. cit., pp. 23.
56
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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2) La conversion de WALCKER
Dans la première partie de cette étude, nous avons vu les caractéristiques de la facture
è
d’orgue WALCKER dans les toutes dernières années du XIX siècle. Le meilleur exemple en
était la construction de l’orgue de l’église protestante de garnison, SaintPaul, en 1897. Si,
à cette époque, WALCKER incarne avec WEIGLE la facture d’orgue romantique allemande,
rappelons que la qualité de ses instruments n’est jamais prise en défaut. L’amitié qui va peu
à peu naître de la collaboration entre RUPP et WALCKER à l’occasion des premières
modifications effectuées à SaintPaul est à la base du ralliement du facteur d’orgue
allemand aux conceptions de l’organiste alsacien.
LA RECHERCHE PAR RUPP DE L’ “ORGUE SYNTHÉTIQUE” :
LES TRANSFORMATIONS À L’ORGUE DE SAINTPAUL.
Une des préoccupations principales de l’Orgelreform est de réussir une fusion sonore
efficace entre mixtures et anches. Audelà du thème général, chacun à ses particularités.
SCHWEITZER veut allier les mixtures aux anches douces de la facture allemande des
années 1860. RUPP va plus loin et demande la synthèse sonore “entre le pleinjeu
vieuxclassique et la puissance dramatique des anches de CAVAILLÉ.” 52
Pour ce
faire, il énonce le postulat suivant : plus les anches sont puissantes, plus il faut augmenter
le nombre de rangs de mixtures. Mais la chose reste délicate en raison de l’opposition entre
les harmoniques artificielles des mixtures et les harmoniques naturelles des anches.
52 cf Richard DOTT : Les grandes orgues de l’église réformée SaintPaul à Strasbourg, 1988, Strasbourg.
57
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Nous avons vu dans quelle mesure l’orgue de SaintPaul de 1897 avait été modifié en 1899
dans le sens des idées de RUPP. Mais il ne s’agissait que d’un “remède de transition.” 53
Entre 1907 et 1912, les firmes DALSTEINHÆRPFER, MUTIN (successeur de CAVAILLÉ
COLL) et WALCKER vont unir leurs efforts afin de se rapprocher des vues de l’organiste
titulaire.
La première tranche de travaux concerne la console de l’instrument. Pneumatique à
l’origine, elle est doublée d’une seconde console électropneumatique, installée par
DALSTEINHÆRPFER. C’est la première fois que RUPP a l’occasion de mettre en pratique
ses conceptions de console standard uniformisée. La console précédente était purement
allemande, sans aucune commande pédestre. Celle de 1907 présente les accessoires
suivants :
• audessus du 3ème clavier, 20 boutonspoussoirs commandent les combinaisons
fixes, les combinaisons libres et les différentes nuances de la pédale automatique;
• sous le 1er clavier, des boutonspoussoirs pour les combinaisons fixes générales, les
accouplements normaux et octaviants, les deux combinaisons libres générales, l’annulateur
et la registration manuelle.
Les six accouplements normaux sont en relation interactive avec les pédales, au nombre
total de 22 (!) :
1 Suppression 32 16’ 12 Pédale dynamique
2 PleinJeu 13 Appel GrandOrgue
3 Anches 14 Appel Pédale (Fonds)
4 Octaves aiguës Réc./Péd. 15 Expression Récit
5 Tirasse Réc./Péd. 16 1ère Combinaison enregistrable
6 Tirasse Pos./Péd. 17 2ème Combinaison enregistrable
7 Tirasse G.O./Péd. 18 Appel des jeux de combinaison G.O.
8 Accouplement Réc./Pos. 19 Combinaison au Positif
9 Accouplement Réc./G.O. 20 Combinaison à tous les claviers
10 Accouplement Pos./G.O. 21 Combinaison au Récit
11 Accouplements 22 Combinaison à la Pédale
Soit un ensemble de plus de 60 commandes d’accessoires ! Cet exemple est l’occasion de
s’arrêter quelque peu aux différentes conceptions de la console de l’Orgelreform. On a vu que
SCHWEITZER prône la fusion des accessoires francoallemands, mais dans une optique
simplificatrice. On la retrouve dans le plan de console fourni par le Wiener Regulativ (voir
plan 1 cicontre). En 1907, RUPP conçoit sa première console standard, sensiblement plus
compliquée (voir plan 2 cicontre). Celle de SaintPaul pousse la complexité à l’extrême, se
voulant exhaustive dans la représentation des accessoires des deux factures. En plus des
commandes demandés par SCHWEITZER ceux de SaintSauveur, par exemple on y
trouve toutes les possibilités de combinaisons pour chaque clavier : les Françaises,
53 cf. RUPP, op. cit., p. 336.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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actionnant spécifiquement les “jeux de combinaisons”, les combinaisons fixes allemandes
(qui n’ont aucun intérêt pour SCHWEITZER) et les combinaisons libres doublement
utilisables (les seules demandées par SCHWEITZER). On touche ici du doigt un des défauts
majeurs de RUPP. Pour être efficace, une réforme esthétique doit se fixer un cadre limitatif,
SCHWEITZER l’avait bien compris. RUPP a une tendance boulimique. Il veut tout avoir,
dans des orgues monumentaux, ce qui nuit à la cohérence de son message. Sa
Normalspieltisch, idée louable à la base, devenant une accumulation pléthorique de
commandes, est d’ores et déjà vouée à l’échec, entraînant avec elle dans sa chute la console
du Règlement international qui, elle, était pourtant réalisable et utile.
Le travail effectué sur le matériau sonore en 1912 a une grande
importance pour comprendre dans quelle direction RUPP pousse ses recherches. Il
commence par une différenciation des pressions, désormais de 7 natures. Puis, il rajoute
encore des anches, des mutations et des mixtures. La composition de 1912 est alors la
suivante
(à noter : le nom des registres en Français) :
GrandOrgue Positif Récit expressif Pédale
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Clairon 4’
Avec sa nouvelle transmission, sa nouvelle console, sa composition entièrement remaniée,
l’orgue de RUPP est désormais à constituer l’exemple, le mannequin de l’Elsässischer
Orgelreform. Plus encore que les essais menés par SCHWEITZER, l’instrument est la
concrétisation des idées de son titulaire. D’après QUOIKA 54 , “il se place sur le principe
de la fusion absolue des sonorités et dans sa technique, il se pose en gardien
de la tradition des deux manières.”
Loin de renoncer aux fonds, RUPP en conserve un grand nombre.
Mais il les transfigure par l’adjonction de nombreuses mutations. Ainsi, le G.O. est pourvu
de la suite complète des harmoniques de 16’, le Positif contient celles de 8’ et la Pédale celles
de 32’. Le Récit reste un grand clavier orchestral, construit autour d’une riche palette de
fonds et de la batterie d’anches françaises. En cela, RUPP adhère totalement au programme
de Werkprinzip de SCHWEITZER. Mais ce dernier n’a jamais réalisé une aussi complète
représentation des mutations simples. On peut y voir une raison. SCHWEITZER n’aime pas
les instruments de plus de 50 jeux. L’organiste de SaintPaul, personnalité excessive, se
délecte d’orgues monstrueux (1907 est aussi l’année de la construction de StRheinoldi de
Dortmund, par WALCKER, premier orgue allemand construit d’après les principes de la
Réforme : 5 claviers, 105 jeux. En 192428, STEINMEYER construit à Passau le plus gros
instrument d’Europe, toujours issu des idées de RUPP : 5 claviers, 208 jeux répartis en 4
buffets commandés par la même console électrique). Évidemment, il est d’autant plus facile
de placer des mutations simples que l’instrument a un grand nombre de registres. Dans un
orgue de dimensions plus restreintes, il faut opérer un choix : sauvegarde des fonds ou
abandon au profit des mutations. SCHWEITZER fait principalement le premier choix. RUPP
contourne la question en augmentant le nombre de jeux. Quand la chose n’est pas
possible 55 , il préserve aussi, fidèle à son conditionnement orchestralromantique, un large
éventail de fonds au détriment des mutations.
Le traitement des mixtures révèle une plus grande différence entre les deux hommes. On a
vu la reculade de SCHWEITZER en 1912 au Palais des Fêtes, enlevant aux pleinsjeux une
bonne partie de leur brillance. RUPP semble tenir davantage au côté lumineux des jeux
composés. Même s’il garde logiquement les grosses mixtures, comme le PleinJeu
harmonique VI rgs (voir composition p.), il n’hésite pas à lui adjoindre de “fines mixtures”,
comme dirait SCHWEITZER, telles la Cymbale III rgs ou la Fourniture IV rgs, celleslà même
qui sont simultanément retravaillées sur le Sängerhaus Orgel. A l’évidence, l’accumulation
de jeux composés et de mutations simples permet de mieux intégrer l’extraordinaire batterie
d’anches.
Dans le cadre de l’orgue de SaintPaul, RUPP effectue son “retour à SILBERMANN” . Mais
pas “copie de SILBERMANN”. Il “veut perpétuer l’école SILBERMANN dans de
nouveaux atours 56 , pour apporter aux autres la preuve que la technique de la
54 Rudolf QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954, p. 49.
55 cf. infra, l’orgue de SaintPaul de Koenigshoffen.
56 C’est nous qui soulignons.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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synthèse sonore a aussi, dans un sens moderne, les perspectives les plus
intéressantes.” Même le plus farouche opposant de RUPP, GESSNER, reconnaît que “les
57
mixtures modifiées […] enrichissent l’orgue avantageusement.”
58
SCHWEITZER et HÆRPFER ont réalisé, au Palais des Fêtes, qu’il était difficile de plaquer
une solution artistique dans un environnement acoustique inadapté. La même année, RUPP
et son consortium de facteurs d’orgues font l’expérience qu’il est hasardeux de plaquer une
esthétique sonore sur un matériel conçu pour une esthétique radicalement différente. La
taille des tuyaux WALCKER de l’orgue primitif est excessivement étroite. De ce fait, les fonds
ne peuvent fournir l’assise nécessaire aux 45 rangs de mixtures et aux anches. En 1934, un
remaniement complet de l’instrument est effectué par la maison CONVERSCAVAILLÉ
COLL. Les modifications de la composition sont les suivantes :
2
• au G.O. : remplacement de la Grosse Septième 2’ /7 par un ensemble de deux
3 1
registres Tierce 1’ /5 et Septième 1’ /7, transformation du PleinJeu harmonique VI rgs
en Mixture IV rgs;
1
• au Positif : ajout d’un Bourdon 8’ et d’un Larigot 1’ /3;
2 3
• au Récit : ajout d’une Quinte 2’ /3 , d’une Tierce 1’ /5 et d’une Voix humaine; le
Plein Jeu IV rgs est transformé en Harmonia Aetheria III rgs.
• à la Pédale : RUPP aurait aimé l’adjonction d’une ContreBombarde 32’ 59 , mais ne
l’obtient finalement pas.
Ce qui va compter en 1934 n’est pas tant l’extension de la composition à 74 jeux que la
réharmonisation totale de l’instrument. Outre le remplacement des tuyaux en zinc par de
l’étain, certains jeux de WALCKER sont décalés jusqu’à 4 demitons, afin d’élargir les tailles.
HURBAIN, harmoniste de l’école CAVAILLÉ travaille pendant 9 mois sur l’ensemble et
transforme l’orgue de la Réforme en orgue CAVAILLÉCOLL. En effet, peu soucieux des
recommandations de RUPP, HURBAIN néglige les mixtures et les mutations qui perdent leur
brillance à la SILBERMANN, sensée leur assurer une bonne synthèse avec les anches. De ce
fait, la dernière occasion pour RUPP de voir se réaliser son idéal d’orgue de la synthèse
sonore s’envole.
Cette évolution de 1934 fait sortir l’orgue de SaintPaul du cadre de l’Orgelreform. C’est
donc l’orgue de 1912 que nous retiendrons comme instrument de la Réforme, malgré un
matériel de base inadapté. Il reste le modèle de l’orgue alsacien qu’un nombre d’experts et
d’organistes venaient étudier en tant que tel. Il apporte aussi “la preuve qu’une
génération d’orgues doit défricher de nouvelles sources en dehors de
considérations techniques, de telle manière que les orgues de la Réforme, peu
considérés aujourd’hui, sont des maillons importants de l’histoire de l’orgue.” 60
57 Rudolf QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954, p. 49.
58 August GESSNER, op. cit., p. 3.
59 cf Entwicklungsgeschichte, jeux placés entre parenthèses dans la composition que donne RUPP aux pp.
336337.
60 cf QUOIKA, op. cit., p. 49.
61
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*
* *
L’ORGUE DE SAINTPAUL À KOENIGSHOFFEN
Dans son ouvrage de 1929, RUPP fait état d’un orgue construit en
1913 par WALCKER pour le compte de l’église protestante SaintPaul de Koenigshoffen,
selon les principes de l’Orgelreform. De fait, l’administration allemande, après consultation
de MÜNCH, GESSNER et PFITZNER, fait appel à WALCKER au détriment de DALSTEIN
HÆRPFER, 20% plus cher. Il semble bien que l’instrument ait été conçu d’après les conseils
de RUPP. Toutefois, un regard sur la composition et les accessoires ne laisse que peut
transparaître les idées de ce dernier :
62
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GrandOrgue Positif expressif Récit expressif Pédale
Accouplements : II/I, III/II, III/I en 16’, 8’ et 4’. I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Generalkoppel
le tout par dominos et boutonspoussoirs sous le 1er clavier.
Combinaisons : 2 combinaisons libres, Tutti
Annulation G.O., anches, 16’ et jeux à main.
Divers : Crescendo, Expressions Récit et Positif, Tremolo Récit.
63
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Dans ce contexte, le comportement des facteurs purement alsaciens,
moins directement impliqués dans les essais préliminaires, peut s’orienter vers une voie
moyenne, plus posée, moins excessive.
3) Rinckenbach et Rœthinger : les nuances
Les deux firmes alsaciennes les plus prometteuses de ce début de siècle sont aux mains de
deux jeunes facteurs d’orgues pleins de talents. Joseph RINCKENBACH est l’héritier d’une
longue lignée d’artisans attachés à la facture traditionnelle française de CAVAILLÉ et
alsacienne de STIEHR. De son côté, EdmondAlexandre RŒTHINGER vient de fonder sa
propre entreprise. Il connaît bien la facture française mais est plus directement issu de
l’école allemande. Contrairement à RINCKENBACH, il a été placé aux premières loges,
notamment chez KOULEN, pour assister aux fulgurants progrès techniques et pour en
apprécier la pertinence et l’opportunité.
Entre 1900 et 1910, la facture alsacienne est dans ce que RUPP appelle une “période de
transition”. Un des exemples les plus caractéristiques de cette époque est le
RINCKENBACH de SaintJean, construit en 1899 sur les conseils de son titulaire Jean
Marie ERB et dont nous avons déjà parlé plus haut.
*
* *
64
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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UNE CONSOLE DE RUPP DANS UN ORGUE DE TRANSITION :
SAINTPIERRELEJEUNE CATHOLIQUE.
Lors de la construction en 1894 de la nouvelle église SaintPierreleJeune catholique à
Strasbourg, le marché d’un orgue neuf fut attribué à KOULEN. Celuici installa un orgue
pneumatique de 28 registres sur deux claviers et pédale, dans un buffet KLEM merveilleux,
d’après les témoignages 61 . Très vite, les traditionnels défauts des orgues KOULEN
apparurent sous forme de pannes fréquentes et répétées, tant à la console qu’aux sommiers.
RŒTHINGER fut chargé , dès 1911, de la transformation et de
l’agrandissement de l’instrument. D’après THOMAS 62 , titulaire de l’époque, RŒTHINGER et
luimême collaborèrent étroitement autour de “ce que l’art de la facture d’orgues a
fait comme progrès ces dernières années, ce que réclame Herr Musikdirektor
E. RUPP dans sa brochure Der Normal und Einheitsspieltisch , qui a fait date,
et ce que, enfin, recommande le Règlement issu du Congrès de la Société
Internationale de Musique en Mai 1909 à Vienne, par la section pour la facture
d’orgues, sous la présidence des maîtres de conférence de notre université, les
docteurs MATHIAS et SCHWEITZER.”
On ne peut être plus clair quant à la volonté de rattachement aux idées de l’Orgelreform. En
une phrase sont cités ses trois principaux instigateurs, ainsi que deux textes de référence. A
priori, nous devrions donc être en présence du premier orgue de la Réforme construit par
une firme “indépendante”.
Le cahier des charges de RŒTHINGER comprenait une nouvelle console, l’amélioration des
sommiers de KOULEN, l’agrandissement de l’instrument de deux à trois claviers et
l’adjonction aux 28 registres existants de 12 nouveaux jeux “parmi lesquelles les trois
nouvelles anches parisiennes, la Trompette harmonique, le HautboisBasson et
la Vox Humana, de même que la mixture composée sur le 3ème clavier, d’après
la technique CAVAILLÉCOLL.” 63
Il s’ensuivit donc la composition cidessous :
61 cf Ch. Médard BARTH : Elsaß, Land der Orgeln, 1966, Archives de l’Église d’Alsace.
62 Louis THOMAS : Die Orgel von JungStPeter in Straßburg, 1911, Cæcilia.
63 idem
65
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I. Manual II. Manual (Schwell.) III. Manual (Schwell.) Pedal
Arrêtonsnous un instant sur cette composition. Au pied de la lettre,
elle réalise l’union entre l’orgue français et l’orgue allemand, en ce sens qu’on y retrouve les
anciens jeux de KOULEN, principalement les fonds, auxquels RŒTHINGER a rajouté les
jeux français que THOMAS décrit plus haut, ainsi que, vraisemblablement, la Flûte
harmonique, le Cor de Nuit ou encore le Flageolet. Mais on est bien loin de certaines
recommandations de la Réforme. La disproportion de 16’, 8’ et 4’ ne laisse de place qu’à un
seul 2’, et encore, au positif. On ne trouve aucune mutation simple. Même si l’on ne connait
pas la composition des rares mixtures (2 jeux), on peut imaginer qu’il ne s’agit pas de “fines
mixtures” et que la Mixtur V rgs du 1er clavier contient une tierce. Il n’y a évidemment pas
de mixtures à la Pédale, ni de 4’. Pas non plus d’anches de 4’ dans tout l’instrument. Dans
l’impossibilité d’entendre cet instrument, on peut avancer avec une quasicertitude que la
différenciation des personnalités de chaque clavier reste également lettre morte, chacun
étant basé sur un même plan de fonds. De fait, il semblerait plutôt que, à l’image de ce que
SCHWEITZER reproche à l’orgue allemand, l’étagement des plans sonores soit réalisé selon
le schéma :
1er clavier = ƒƒ, 2ème clavier = ƒ, 3ème clavier = mƒ. Hypothèse encore renforcée par
l’implantation de la Trompette harmonique au Positif et non au Récit, avec les autres anches
françaises, comme si on avait eu peur de trop intensifier ce dernier. Donc, au plan de la
composition, la seule influence de l’Orgelreform, parait être l’introduction de jeux émanant
de la facture CAVAILLÉCOLL. Toutefois, on sait, toujours par THOMAS, que RŒTHINGER
apporta un soin tout particulier à l’intonation de chaque jeu, individuellement et en fonction
de son rôle dans le tutti. Certains critiques de l’époque allèrent jusqu’à comparer la sonorité
du pleinjeu avec ceux de SaintSulpice ou de NotreDame (!).
C’est en fait par sa console que l’orgue RŒTHINGER de SaintPierre
66
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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leJeune s’affilie le plus à la Réforme. Moins complexe heureusement que celle de Saint
Paul, mais sans doute plus complète qu’au Palais des Fêtes, elle a de quoi contenter à la
fois RUPP et SCHWEITZER. On y trouve les accessoires suivants :
Accouplements : I/Péd., II/Péd., III/Péd., II/I, III/I, III/II.
(tous ces accouplements sont commandés à la fois par pédales et par
tirants sous le 1er clavier, mécaniquement interactifs.)
Hauptwerk ab (par pédale)
Annulation des accouplements (par pédale)
Supokt II/Péd., supokt II/I, Subokt III/II, subokt II/I, subokt III/I,
Generalkoppel (par pédale).
Combinaisons : Fixes : p, mƒ, ƒ, ƒƒ sans anches, ƒƒ avec anches, tutti pour chaque
clavier et annulateur (par boutonspoussoirs sous le 1er clavier).
Libre : par pédale et boutonpoussoir audessus du 3ème clavier (liés).
Handregister ab (par pédales et tirants pour chaque clavier audessus
du 3ème clavier.
Divers : Expression Récit, expression Positif, Crescendo,
Pédale automatique.
Les tirants de registres sont disposés en gradins sur 4 étages, orientés
à 45°, de telle sorte que les registres les plus utilisés soient à gauche. Il s’agit donc
typiquement d’une console réunissant tous les accessoires demandés par SCHWEITZER
(combinaisons fixes en sus), et disposés comme le conseille RUPP. La console de Saint
PierreleJeune représente sans doute l’exemple le plus achevé dans le sens de
l’Orgelreform.
Qu’il nous soit permis de regretter que RŒTHINGER n’ait pas jugé
utile de reconstruire une telle console lors de la transformation de l’orgue en 1945. Celuici,
comme nous le verrons ultérieurement, présente une composition beaucoup plus proche
des principes de la Réforme alsacienne, mais sa console s’en éloigne sensiblement.
L’orgue de SaintPierreleJeune, encore fortement enraciné dans une
esthétique sonore de transition, louvoie entre influences allemande et française, au
détriment d’une véritable cohérence, de cette fusion sonore que les Réformateurs continuent
d’appeler de leurs vœux.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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HAUTEPRESSION ET ORGELREFORM :
L’ORGUE DE SAINTMARTIN D’ERSTEIN.
“L’orgue d’Erstein constitue le sommet de la première période de RŒTHINGER,
avant la «réforme alsacienne» qui, commencée par Emile RUPP en 1898, n’a
porté ses fruits qu’après 1920.” 64 Si cette assertion se vérifie, alors l’orgue de Saint
Martin n’a pas à figurer dans notre étude. Pas plus, d’ailleurs, que l’orgue de SaintPierre
leJeune de 1911. Pourtant, nous avons vu la profonde influence que celuici avait subie
des idées de l’Orgelreform, ne seraitce qu’au niveau de sa console, influence clairement
revendiquée par son titulaire. Un facteur d’orgue tel que RŒTHINGER, qui est au fait des
principes des Réformateurs et du Règlement de Vienne, peutil, en l’espace de trois ans, en
faire totalement abstraction ? Dans sa plaquette de 1978, MEYERSIAT fait reposer l’entière
responsabilité de la conception de l’orgue sur Victor DUSCH, éminent titulaire de l’époque.
Mais on ne peut objectivement exclure un facteur d’orgues de la pérénité de son œuvre. Un
orgue neuf naît généralement de la collaboration entre les organistes, les experts et le
facteur d’orgues. En aucun cas ce dernier ne peut être ravalé au simple rang d’exécutant.
Gageons d’ailleurs que RŒTHINGER n’aurait jamais accepté ce rôle pour la construction
d’un des plus grands ouvrages de sa firme. Et quand bien même l’influence de DUSCH eût
été prépondérante, il ressort des témoignages et programmes de l’époque qu’il était féru de
l’école d’orgue française, au moins autant que de l’allemande ou des polyphonies de BACH.
Il ne pouvait donc pas ne pas vouloir, à l’image de SCHWEITZER un orgue apte à exprimer
cette musique. Enfin, le fait que le rapport d’expertise ait été signé, le 9 Juillet 1914, par F.
X. MATHIAS, Martin MATHIAS et Louis THOMAS, tous trois acquis à la cause de la
Réforme, ne peut qu’inciter à examiner cet orgue dans l’optique de l’Orgelreform.
Évidemment, la présence de quatre jeux à hautepression vient
d’emblée jeter le trouble. Mais il ne faut perdre de vue que SCHWEITZER tolère l’installation
de tels jeux dans de grands édifices où, correctement intonés, ils peuvent avoir un résultat
artistiquement satisfaisant. En outre, se braquer sur ces quatre jeux risque d’occulter le
reste de la composition qui inclut des particularités inhabituelles pour cette époque dite de
transition. Voici donc la composition de 1914 qui, à l’exception d’une permutation de la
Trompette harmonique du Récit et du BassonHautbois du Positif, n’a subi aucun
changement. Notons encore l’extension du sommier du Positif à 70 notes, destinée à rendre
effectif l’accouplement à l’octave aiguë, respectant ainsi une des recommandations de
SCHWEITZER et du Wiener Regulativ.
64 Pie MEYERSIAT : Les 4 Orgues d’Erstein, Plaquette éditée à l’occasion de la réinauguration de 1978.
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GrandOrgue Positif expressif Récit expressif Pédale
Cette composition est exceptionnelle à plus d’un titre. Il est important,
pour en prendre pleinement conscience, de replacer l’instrument dans son contexte
géographique et historique. Tous les exemples étudiés jusqu’ici sont l’apanage d’églises de
ville. Nous sommes à présent dans un village, pas le petit ni le moins aisé, certes, mais un
village quand même. D’autre part, au sein de l’évolution esthétique de RŒTHINGER,
l’élaboration d’Erstein ne se situe que deux ans après l’achèvement de Saint Pierrele
Jeune. Il n’est que de comparer les dispositions des deux instruments pour saisir d’emblée
l’immense progression. Bien sûr, comme nous l’avions noté à propos de la démarche
adoptée par RUPP à Saint Paul en comparaison à celle de Koenigshoffen, un nombre
important de jeux permet quelques audaces. Il n’en reste pas moins que l’orgue d’Erstein
avance dans le sens de la Réforme. C’est avant tout un instrument d’excellente facture. Il ne
contient aucune trace de zinc, indice d’un grand souci de qualité. En concurrence avec
WEIGLE et WALCKER, RŒTHINGER se devait de présenter un projet des plus solides. Il est
symptomatique que, favorisé par MATHIAS, l’artisan alsacien ait été préféré aux grandes
firmes industrielles allemandes, toutes moins chères que lui. Et de fait, RŒTHINGER a
réalisé un chef d’œuvre d’artisan. En 80 ans de service, les interventions sur l’orgue ont été
très rares, preuve d’une fiabilité peu fréquente dans la facture de l’époque.
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Jeune. On y retrouve une pédale nonindépendante mais pourvue d’un 32’ et de ses
2
harmoniques (Quintbaß 10’ /3). Le G.O. est basé sur une Montre 16’ et comprend, là aussi,
1
une Quinte 5’ /3. Le clavier le plus étonnant est sans doute Positif. La présence d’un cornet
décomposé préfigure le retour progressif au Positif classique, basé sur la série des
harmoniques de 8’, selon les vœux de RUPP et, bien plus tard, à la désolidarisation de ce
plan sonore comme Positif de dos, revendication de SCHWEITZER. L’on touche ici du doigt
une incohérence dans les idées de ce dernier. Si la Réforme n’a jamais construit de Positif de
dos, c’est qu’elle n’a pas su se déterminer clairement et fermement pour un type précis de
2è clavier. Elle avait le choix entre trois influences : soit le “Positif” à la CAVAILLÉ, sorte de
G.O. en réduction, muni de jeux clairs et d’anches solistes, et pièce maîtresse de la conduite
du crescendo; soit le 2è clavier allemand, véritable ombre du 1er en moins puissant; soit
enfin le véritable Positif de dos que SCHWEITZER apprécie tant depuis Saint Thomas. Mais
ce dernier choix, exacerbant le Werkprinzip, élimine d’emblée le Positif de l’ensemble de
l’instrument et de ses moyens dynamiques. Si bien que, pour obtenir un orgue dont
l’expressivité soit à la mesure d’un CAVAILLÉ mais comportant tout de même un Positif de
dos, on en est parfois arrivé à adopter un 4è clavier : Positif de dos, G.O., Positif intérieur et
Récit. C’est sans doute ce raisonnement qui a présidé à l’adjonction par Max RŒTHINGER
d’un Positif de dos sur le CAVAILLÉ de Saint Etienne de Mulhouse, produisant ainsi une
sorte de greffon inconciliable avec le reste de l’instrument. On touche ici aux limites de la
compatibilité entre Klangverschmelzung (surtout RUPP, moins SCHWEITZER) et
Werkprinzip (surtout SCHWEITZER, moins RUPP). Quoiqu’il en soit, le 2è clavier est celui
qui évoluera le plus avec la Réforme. Aux nombreux fonds de l’état initial s’ajouteront peu à
peu mixtures et mutations comme ici à Erstein puis les fonds se feront plus pauvres,
avant que le Positif ne retrouve sa place classique (Temple de Neudorf).
À propos du Récit d’Erstein, MEYERSIAT affirme qu’il “s’essaie
instinctivement au Récit “CavailléColl” alors que V. Dusch n’en a sans doute
jamais eu d’expérience concrète” 65. L’assertion parait difficilement défendable. DUSCH
n’a pas pu rester à l’écart des essais effectués à Saint PierreleJeune en 1911 ni des
travaux de Saint Paul en 1912. D’autre part, nous savons que RŒTHINGER, lui, “a eu des
échanges de vue avec la maison CavailléColl” lors de voyages à Paris , ainsi
66
qu’avec MERKLIN ou DIDIER d’Épinal. Le Récit d’Erstein n’est donc le fruit ni du hasard ni
de l’instinct de DUSCH, mais plus simplement de l’expérience au moins sonore de ce dernier
et des connaissances théoriques et pratiques de son facteur d’orgue.
Enfin, revenons sur cette sorte de tache que constituent les jeux à hautepression. À
l’audition, il faut bien reconnaître que, correctement et parcimonieusement utilisés, ils
65 op. cit.
66 André GLORY E.A. Rœthinger, facteur d’orgues en Alsace, in La vie en Alsace, 1936
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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produisent un effet des plus saisissants dans la grande nef de l’église Saint Martin. On
comprend mieux la tolérance de SCHWEITZER pour ces registres.
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Chapitre 2
Les Grands Instruments
de l’EntreDeuxGuerres
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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2) Les grandes transformations de Rœthinger
L’ORGUE DE SAINTEGENEVIÈVE À MULHOUSE
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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L’ORGUE DE LA SYNAGOGUE CONSISTORIALE À STRASBOURG
Le destin d’Émile RUPP devait s’être inscrit autour des orgues WALCKER construits en
1898. Après celui de Saint Paul, le Musikdirektor strasbourgeois héritait de l’instrument de
la Synagogue consistoriale. Bien entendu, l’orgue WALCKER ne satisfait pas RUPP qui lui
reproche, malgré une bonne qualité de fabrication, de ne pas satisfaire aux impératifs du
culte israélite. De fait, l’instrument est un parfait exemple des conceptions protestantes de
la fin du 19è siècle 67 . Qui plus est, il fait preuve d’un indéniable archaïsme : claviers de 54
touches, pédalier de 27 marches, accessoires très pauvres… Enfin, il n’est pas adapté à un
environnement acoustique très particulier : l’orgue est placé dans une sorte de niche
parabolique, de part et d’autre de la [ ? ], sous la coupole centrale.
La composition du WALCKER ne pouvait qu’hérisser RUPP avec ses jeux à hautepression,
ses doubleflûtes, son absence totale de mutations simples. De même, le dépouillement de
la console l’empêchait d’effectuer les “changements brutaux de pp à mf et de f à ff
qui caractérisent si souvent la littérature de Naumbourg, Lewandowsky,
Kirschner, Sulzer, etc…” 68 .
En mars 1923, une transformation est donc décidé, le marché étant attribué à
RŒTHINGER. Il s’ensuit une série de conférences entre les dirigeants de la Synagogue, les
organistes et le facteur d’orgue. Ce point a son importance. Il prouve bien, s’il en était
encore besoin, que RŒTHINGER a été très tôt en contact direct avec la Réforme et ses
théoriciens. D’autre part, même si, du fait de la barbarie nazie, il ne nous reste aucune
trace concrète du RŒTHINGER de la Synagogue, l’évolution qui se dessine entre la
composition de 1898 et celle de 1925 est pour nous un témoin de valeur des idées de RUPP.
À Saint Paul, ces dernières avaient dû passer par de nombreuses étapes pour ne jamais
pleinement aboutir. Ici, la transformation est si radicale qu’elle ne peut plus guère invoquer
de mauvaises bases. Le nouvel orgue est donc le reflet direct des conceptions de RUPP, tant
au plan de la console que dans le domaine sonore.
67 Composition du WALCKER de la Synagogue (1898) :
Hauptwerk Schwellwerk Pedal
Principal 16’ Gedeckt 16’ Principalbaß 16’
Bourdon 16’ Geigenprincipal 8’ Subbaß 16’
Principal 8’ Lieblichgedackt 8’ Violon 16’
Bourdon 8’ Concertflöte 8’ Bourdon 16’
Doppelflöte 8’ Quintatön 8’ Octavbaß 8’
Viola di Gamba 8’ Salicional 8’ Violon 8’
Gemshorn 8’ Aeoline 8’ Octave 4’
Bifra 8’ et 4’ Voix céleste 8’ Posaune 16’
Dolce 8’ Fugara 4’
Prestant 4’ Flauto dolce 4’
Rohrflöte 4’ Doublette 2’ II fach
Piccolo 2’ Cornett IVV fach II/I, I/Péd., II/Péd.
Mixtur 4’ V fach Clarinette 8’ (anches libres) p, mƒ, ƒ, tutti
Trompete 8’ Stentorflöte 8’ Crescendo, expression
Clairon 4’
Stentorgamba 8’
68 Emile RUPP : Die Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, 1929, Verlaganstalt Benziger & Co A.G, p. 346.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Voici justement la disposition adoptée, sur trois claviers de 56 touches et pédale de 32
marches :
GrandOrgue Positif expressif Récit expressif Pédale
La console est sans doute l’une des plus délirantes jamais construite par RŒTHINGER (voir
cicontre). Grâce à la transmission évidemment électrique, elle comporte tous les accessoires
dont RUPP put rêver, par le truchement de 39 (!) pédales et champignons et 17 boutons
poussoirs. 69 Les systèmes électriques se fiabilisant et se perfectionnant toujours davantage,
69 Liste des accessoires de la console de la Synagogue :
Pédales :
III/I III/Péd Pos en 4’ 4 combinaisons libres p, mf, fI, fII Anches et mutations
II/I II/Péd Pos en 16’ à deux positions PleinJeu, Anches, Appel général
III/II I/Péd III/I en 4’ (avec ou sans GrandJeu I
Dégagement III/I en 16’ accouplements) Dégagement II
G.O. en 16’ Dégagement Appel Péd III
III/Péd en 4’ Appel G.O. Péd
Dégagement Suppr. 16’ et 32’ Dégagement
Accouplements
Trémolo III, II
Boutonspoussoirs interactifs :
p, mf, fI, fII Combinaisons libres 1, 2, 3, 4, Dégagement
PleinJeu, Anches, GrandJeu Suppression registres à main, Dégagement
Dégagement Suppression pédale expressive, Dégagement
Piano Pédale automatique, Dégagement
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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on comprend qu’ils aient produit chez RUPP une véritable boulimie d’accessoires. Mais ce
faisant, l’organologue spoliait ses idées sur la console standard qui avait bien des mérites.
La console de la Synagogue, par ses excès, sort du cadre de l’Orgelreform pour devenir un
poste de commande d’ingénieur, au lieu de faciliter la tâche de l’organiste, comme
SCHWEITZER le souhaitait.
Au plan sonore, les évolutions sont plus intéressantes si l’on fait abstractions, là encore, de
certaines exagérations. Selon RUPP, des principes de facture issus de SILBERMANN et de
CAVAILLÉCOLL 70 ont aidé RŒTHINGER dans la conception de l’instrument. Ainsi, il a été
décidé de conférer un son particulièrement brillant à toutes les flûtes et de construire des
cheminées à tous les bourdons, idées originales pour l’époque. Le bois n’est utilisé qu’à la
Pédale et pour les octaves graves des bourdons. À côté des mixtures, chaque clavier est
pourvu des rangs complets de mutations. On doit plus ce dernier concept à RUPP qu’à
CAVAILLÉCOLL. Car, ce faisant, la différenciation des plans sonores est loin d’être acquise,
nouvelle preuve que, chez RUPP, la fusion sonore est bien plus importante que le
Werkprinzip. Ce dernier semble pourtant s’imposer par le biais des anches dont les claviers
contiennent tous les représentants prônés par CAVAILLÉCOLL. En fait, une fois de plus, la
multiplication des registres permet à RUPP de faire figurer à chaque clavier autant de fonds,
de mutations ou d’anches, au détriment de la Pédale, toujours dépendante des tirasses.
Dans ces conditions, c’est à nouveau le Positif qui retient l’attention. On pourrait facilement
et curieusement le comparer à celui d’Erstein. Il reste très orchestral mais ses fonds ont
de plus en plus tendance à s’alléger, grâce notamment aux cheminées. Autre innovation
importante, l’adoption du Larigot à la SILBERMANN, chose encore rare en 1925. Ainsi,
comme nous l’avions entrevu à Erstein, le Positif poursuit sa lente évolution. Il se dégage
peu à peu de son rôle de G.O. en réduction, restreignant ses fonds notamment les
principaux de 8’ et adoptant de façon désormais constante en Cornet décomposé et une
Clarinette. Il aurait été intéressant de savoir si RUPP, contraint de réduire ses ambitions de
64 à 50 jeux, aurait gardé tant de fonds au 2è clavier et de mutations au 3è. Une fois de
plus, et SCHWEITZER l’avait bien compris, le piège tendu à un instrument trop important et
celui d’un manque personnalité et d’unité esthétique.
Objectivement, RUPP semble l’éviter de justesse. Il est navrant que nous soyons privés de
tout renseignement concernant la qualité des matériaux utilisés, les tailles et les pressions
adoptées. Mais on peut néanmoins placer l’orgue de la Synagogue dans le courant de la
Réforme, comme représentant parfait des idées de RUPP. Son inauguration par Félix
RAUGEL, FrançoisXavier MATHIAS et Charles MULLER, professeur de pratique protestante
au conservatoire de Strasbourg, “complètement acquis aux idées de la Réforme” 71
70 op. cit., p. 347
71 op. cit., p. 350
76
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provinciale.”
72
72 op. cit., p. 350
77
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3) Les débuts de Schwenkedel
LA RESTAURATION DE L’ORGUE DE SAINT THOMAS À STRASBOURG
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Chapitre 3
L’orgue idéal de village
selon Schweitzer
En introduction, nous avions expliqué les raisons nous poussant à n’étudier que des
instruments d’une certaine taille : les effets de la Réforme sont plus visibles sur un orgue de
40 à 50 jeux, les réformateurs euxmême ont une prédilection pour ces instruments, sans
même parler de RUPP et de ses regrettables fringales de registres. Nous avons vu, avec des
exemples comme Saint Paul, le Palais des Fêtes, Erstein ou encore la Synagogue
consistoriale, que cette abondance de jeux permettait aussi aux concepteurs et aux
facteurs de ne pas avoir à effectuer certains choix aussi douloureux que révélateurs :
abandon de fonds au profit de mutations, détermination des types de mixtures, choix des
anches, etc… Dans ces conditions, il était intéressant de voir l’attitude des réformateurs
face à la conception d’un orgue “minimal”, de 15 à 20 jeux sur deux claviers.
Albert SCHWEITZER, dont nous savons que les ambitions étaient bien plus mesurées que
celles RUPP, s’est vu confronté à de tels instruments, préoccupés qu’il était par la survie des
orgues de deux villages chers à son cœur : Muhlbach, où son grandpère JeanJacques
SCHILLINGER avait été pasteur de 1829 à sa mort en 1872, et Gunsbach, lieu de son
enfances, de ses premiers pas organistiques et de son domicile. SCHWEITZER profite ainsi
des réfections que réclament ces deux instruments pour mettre au point un chapitre encore
vierge de l’Elsässischer Orgelreform : l’orgue idéal de village. Ce combat est solitaire (il ne le
mène qu’avec la collaboration de HÆRPFER et plus tard de KERN RUPP et MATHIAS ne
s’intéressant que peu à ce genre de miniature) et il se fait à distance, SCHWEITZER passant
le plus clair de son temps à Lambaréné. De ce fait, une très abondante correspondance
s’établit entre l’organologue et son facteur d’orgue, réunie par BILLETER dans un ouvrage 73
qui nous permet de suivre pas à pas la gestation des deux instruments. D’emblée, signalons
que SCHWEITZER n’a pas renié a posteriori le résultat obtenu. Dans une lettre à son ami
l’ingénieur suisse Fritz STUDER, datée de décembre 1959, il s’accorde un satisfecit, se
vantant d’avoir construit à Gunsbach “l’orgue idéal de village […]. Deux claviers, 22
registres : Bach et les modernes (Widor, Franck, Reger) y sont exécutables de la
même manière”. Il voit aussi une confirmation de cette réussite dans le fait que la firme
Columbia ait choisi Gunsbach pour l’enregistrement de ses interprétations.
73 Bernhard BILLETER : Albert Schweitzer und sein Orgelbauer, Acta Organologica, Band 11, 1977, Berlin.
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MUHLBACH
À Muhlbach se trouvait, du temps du grandpère SCHILLINGER, un orgue SILBERMANN de
1736, commencé par André, achevé par son fils après sa mort et transformé en 1841 par
CALLINET. En 1915, l’église est entièrement détruite dans un bombardement.
SCHWEITZER se lance alors dans une collecte à travers toute l’Europe et réunit près de 24
000 francs, soit le tiers du coût total d’un nouvel instrument. L’élaboration et la
construction occupent Fritz HÆRPFER durant toute l’année 1929. Il en résulte, lors de la
réception par SCHWEITZER le 28 novembre 1929, la composition suivante :
GrandOrgue (56 notes) Récit expressif (56 notes) Pédale (30 notes)
Bourdon 16’ Flûte harmonique 8’ Soubasse 16’
Principal 8’ Salicional 8’ Bourdon 16’ [Tr.]
Flûte creuse 8’ Gambe 8’
Gambe 8’ [Tr.] Voix céleste 8’ G.O./Péd.
Bourdon 8’ Flûte octaviante 4’ Réc./Péd.
Octave 4’ Waldflöte 2’ Réc./G.O.
2
Quinte 2’ /3 Mixture III rgs Réc./G.O. en 16’
BassonHautbois 8’ Réc./G.O. en 4’
Combinaison libre Récit Crescendo
Combinaison libre G.O.Péd. Pédale expressive
Tutti
Appel Jeux à mains
Soit un total de 9 fonds de 8’ et 16’ sur 15 jeux réels ! On réalise facilement, par
comparaison avec de plus amples dispositions des mêmes concepteurs (Palais des Fêtes
par exemple) quels registres sont les plus importants pour SCHWEITZER. Les principes
incontournables restent la différenciation maximale des fonds, la couronne sonore du G.O.
et l’organisation des principaux du Récit. SCHWEITZER reste indéfectiblement enraciné
dans l’esthétique sonore du 19è siècle. Tandis que, comme nous l’avons précédemment
souligné, certaines dispositions ont tendance à s’alléger, à s’éclaircir de plus en plus en ce
dé but des années 30, il n’évolue pas fondamentalement par rapport à son idéal de 1906.
Les quelques remaniements adoptés par SCHWEITZER et HÆRPFER au cours de la
gestation de Muhlbach sont à ce titre significatifs. Par exemple, on apprend par une lettre
d’août 1928 que SCHWEITZER aurait souhaité la transmission du Salicional du Récit au
G.O. La même lettre entérine le passage du Bourdon 16’ du 2è eu 1er clavier. Le G.O., sans
les jeux transmis, était ainsi purement un clavier d’accouplement, essentiellement pourvu
de principaux. À ce propos, on sent chez SCHWEITZER une certaine réticence puisque,
quelques semaines plus tard74 , il suggère à HÆRPFER le remplacement au G.O. de l’Octave
4’ par une Grande flûte 4’. Les sonorités rondes, larges et flûtées restent les préférées.
74 Lettre du 8/10/1928
81
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Répondant à une requête du docteur organiste, HÆRPFER propose aussi l’adjonction d’une
Flûte harmonique au Récit, “comme vous les connaissiez des orgues de Cavaillé
Coll” . Cet ajout permet aussi le transfert du Bourdon du Récit au G.O. Dans la même
75
optique, on remarque la présence, telle une signature schweitzerienne, de la Waldflöte 2’,
louée comme apport prédominant de la facture scandinave.
Une querelle éclate entre l’organiste et son facteur après réception de l’orgue à propos du
Hautbois du Récit. Elle est révélatrice des goûts de SCHWEITZER en matière d’anches.
Dans une lettre du 17 juillet 1930, il demande à HÆRPFER de remplacer le “Drecks
WelscheHautbois”, celuici se rapprochant trop des hautbois de CAVAILLÉCOLL.
SCHWEITZER exige des anches “d’une belle plénitude cornée” 76 , ses référents étant
issus des orgues WALCKER 1860/70 ou encore des instruments construits par le père de
Fritz HÆRPFER, tel celui de Pfaffenhoffen, si cher à sa mémoire.
Évidemment, la transmission de Muhlbach est pneumatique. Nous savons que
SCHWEITZER aurait préféré une traction mécanique, mais le simple pragmatisme lié aux
impératifs financiers et au savoirfaire du facteur le détourne de cette possibilité. Par contre,
une lettre du 17 janvier 1929 révèle le désir passager de HÆRPFER d’adopter l’électricité à
Muhlbach. La réaction de l’organiste est immédiate et sans appel : “Tout cela n’est que
pure plaisanterie à la Rupp ! “ Le manque de fiabilité de l’électricité révulse
SCHWEITZER. Il y voit un progrès technique purement récurent. Alors que, dans son esprit,
le pneumatique semble n’être qu’un pisaller en attendant une conjoncture meilleure,
permettant de le remplacer par la traction. En fait, la véritable révolution est la construction
d’une console en fenêtre. À une époque où toutes les nouvelles consoles étaient
indépendantes, où lors des restaurations, on supprimait encore les consoles d’origine pour
les détacher du grand buffet, il s’agit là d’une audace confondante !
Un dernier point est évoqué dans cette correspondance : le buffet. En un premier temps, et
pour des raisons de coût, HÆRPFER avait proposé un buffet “moderne”. Or, on sait qu’une
des recommandations do Congrès de Vienne concerne l’importance de la façade, sa beauté
conditionnant déjà une partie de la réussite de l’instrument. SCHWEITZER demande donc
un buffet fermé, “avec des tuyaux grands et petits […], de petites tours, imitation
d’un simple buffet ancien” 77 . Ce à quoi le facteur d’orgue répond par l’envoi du croquis
cicontre, réalisé selon la “technique Silbermann” .
78
En 1972, KERN transformera légèrement l’instrument, sous la direction d’Édouard NIES
BERGER, collaborateur de SCHWEITZER. Les modifications vont dans le sens d’un
éclaircissement général 79 , notamment avec l’adjonction d’une Cymbale au G.O.
75 Lettre du 17/01/1929
76 Lettre du 30/11/1930
77 Lettre du 1er/12/1928
78 Lettre du 17/01/1929
79 Composition de Muhlbach après la modification KERN de 1972 :
G.O.
Récit
Pédale
Principal 8’ Flûte harmonique 8’ Soubasse 16’
Bourdon 8’ Gamba 8’ Bourdon 8’ [Tr.]
Octav 4’ Voix céleste 8’
82
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GUNSBACH
La genèse de Gunsbach est encore plus mouvementée. Dès le mois d’avril 1928 80 ,
SCHWEITZER confirme à HÆRPFER l’éventualité d’une transformation de l’orgue, à plus ou
moins long terme. Mais, contrairement à Muhlbach, il ne s’agit là que d’une transformation.
Par une lettre datée du 1er février 1929, l’organiste indique la composition souhaitée en
précisant les jeux neufs. On peut donc se hasarder à imaginer sur quelle base ancienne
(Valentin puis Martin RINCKENBACH en 1828 et 1889, LOCKERT en 1895) HÆRPFER doit
travailler :
1er clavier 2è clavier Pédale
Montre 8’ Bourdon 8’ Subbaß 16’
Salicional 8’ Gemshorn 8’ Flöte 8’
Flûte 8’ Dulcian 8’
Octav 4’ Rohrflöte 4’
Octav 2’ Mixture
Hautbois 8’
SCHWEITZER propose d’y ajouter : une Gambe 8’ jouable sur les deux claviers, un Bourdon
8’ au G.O., une Voix céleste au Récit et un Violoncelle 8’ à la Pédale. Il semble qu’il ait
réclamé aussi une Flûte 16’ à la Pédale puisque le facteur d’orgue lui explique l’impossibilité
de son installation en raison de la trop faible hauteur disponible 81 . Un an plus tard, ordre
est donné à HÆRPFER de construire en plus un “Cornet 8’ doux et une merveilleuse
Trompette 8’” au G.O. SCHWEITZER demande des tailles larges, y compris pour la
82
Gambe, la Trompette doit être douce, ronde et pleine, le Cornet doux mais pas trop frêle, et
le Hautbois corné. L’orgue doit atteindre sa plénitude grâce au Cornet, conception
intéressante qui montre que les mixtures n’ont pas encore un rôle prépondérant. Cellesci
ne doivent d’ailleurs pas être “trop tranchantes” . En juin 1932, SCHWEITZER donne
83
ses instructions pour fignoler Gunsbach : “plus de volume à toutes les flûtes,
échanger le Hautbois de cochon roman contre un vrai Hautbois Hærpfer” . La
84
composition de 1932 est donc la suivante :
Flûte 4’ (ex Flûte creuse) Flûte octaviante 4’
Quinte 2’2/3 [Tr.] Quinte 2’2/3 Les accouplements octaviants
Cymbale III rgs Waldflöte 2’ sont supprimés.
(Copie du Silbermann Mixtur III rgs
de Gries) BassonHautbois 8’
Trompette 8’
(Copie de Lagny/Marne)
80 Lettre du 3/04/1928
81 Lettre du 5/02/1929
82 Lettre du 5/02/1929
83 Lettre du 17/07/1930
84 Lettre du 27/06/1932
83
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1er clavier 2è clavier Pédale Tirasse I
Bourdon 16’ Bourdon 8’ Subbaß 16’ Tirasse II
Montre 8’ Salicional 8’ Gedeckt 16’ II/I en 16’, 8’, 4’
Gamba 8’ [Tr.] Voix céleste 8’ Cello 8’
Flöte 8’ Gamba 8’ Flûte 8’ Crescendo
Salicional 8’ Gemshorn 8’ Tutti
Bourdon 8’ Rohrflöte 4’ Comb. libre I et
Péd.
Octav 4’ Mixtur Comb. libre II
Octav 2’ BassonHautbois 8’ Appel Bourdon 16’
Cornet Appel anches
Trompete 8’ Registres à mains
On retrouve la même pléthore de 8’ qu’à Muhlbach et l’absence totale cette foisci de
mutations simples. Point n’est besoin, donc, de s’arrêter outre mesure à cette disposition.
Elle procède de la même inspiration que dans le village voisin. La mauvaise conjoncture
économique et le manque d’argent de la commune obligent SCHWEITZER et HÆRPFER à
rogner sur tous les postes. Il s’ensuit diverses conséquences qui éloignent Gunsbach du
projet d’”orgue idéal de village” de la Réforme : utilisation massive de bois, de tuyaux de
l’ancien orgue en mauvais état, de zinc pour les nouveaux jeux. Et il ne s’agit là que de la
partie sonore. SCHWEITZER le déplore dans ses relations épistolaires à Fritz STUDER 85 et
au révérend WEINLAND , en même temps qu’il avoue : “nous ne pouvions le
86
construire comme nous le voulions. Nous ne pouvions le construire avec une
traction mécanique parce qu’à l’époque les facteurs d’orgue n’avaient pas
encore réappris à construire avec sommiers à gravure anciens et traction
mécanique. Nous avions dû opter pour des sommiers modernes et un système
tubulaire.” Une fois de plus, la Réforme se heurte à une époque peu favorable. Ses
principes les plus fondamentaux doivent être abandonnés ou revus à la baisse à cause d’un
pragmatisme qui sera si souvent mal compris par la suite. Mais SCHWEITZER voit loin. Il
sait que ces accommodements sont transitoires et ne désespère pas d’arriver plus
totalement à ses fins ultérieurement. L’avenir lui donnera partiellement en raison, comme
nous le verrons plus loin.
À nouveau, sans doute en raison de la complexité des accessoires et emprunts demandés
par l’organiste, HÆRPFER revient à la charge pour une transmission électrique 87 . La
réponse fuse , symptomatique de la tyrannie qu’exerçait souvent SCHWEITZER à
88
l’encontre de son facteur d’orgue fétiche : “vous êtes complètement dérangé de vouloir
me construire Gunsbach électriquement !”
85 Lettre du 19/12/1959
86 Lettre non datée mais remontant certainement à 1959.
87 N’oublions pas qu’à la même époque RŒTHINGER construit électriquement et avec succès l’orgue de Saint
Laurent de Bischheim.
88 Lettre du 17/07/1930
84
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Finalement, le domaine dans lequel SCHWEITZER obtient le plus de satisfaction est celui de
la console, preuves de la cohérence et de l’homogénéité de ses conceptions sur ce point
précis. Même s’il doit composer avec une console indépendante, il exige d’abord des tirants
de registres dont le placement sera ergonomiquement déterminé : ceux du G.O. et de la
Pédale à gauche des claviers, ceux du Récit audessus de celuici. Tous les accessoires sont
doublés, à la fois comme pédales et comme petits tirants. Ceux des accouplements sont
sous les registres de Pédale, ceux des combinaisons sous le 1er clavier. On retrouvera une
bonne partie de ce schéma dans les consoles MUHLEISEN de Sainte Aurélie et Saint
PierreleJeune protestant, près de 30 ans plus tard. Les accessoires reposent évidemment
sur la combinaison libre doublement utilisable. Rappelons que celleci autorise soit l’ajout
de la registration préparée à celle préalablement tirée, soit, par l’enfoncement de la pédale
Handregister ab, la substitution de la combinaison à la registration manuelle. Mais,
parallèlement aux traditionnels appels d’anches de la facture française, SCHWEITZER ne
renonce pas à la pédale de crescendo germanique. Son attitude face à cet accessoire et des
plus contradictoire. D’un côté il demande à HÆRPFER de le rajouter 89 , de l’autre, il lui
enjoint de poser le “si inutile indicateur de crescendo complètement à droite, là où
il ne dérange pas”. Et il ajoute : “À Neudorf, posezle au milieu ! Cela me fera
justement plaisir de le briser comme un avertisseur d’incendie.” Enfin, lors des
plans de la transformation KERN, en 1959, il propose l’abandon pur et simple du crescendo.
90
La version 1932 de Gunsbach s’éloigne donc par bien des aspects de l’Orgelreform. S’y
rattachent seulement le souci de bien faire, artisanalement, malgré des matériaux
médiocres, et la console. La composition reste très enracinée dans une esthétique
romantique en dépit de l’adoption, chère à SCHWEITZER, d’un Récit très fourni, capable,
grâce à la boite expressive, du crescendo à la française qu’il affectionne tant.
En 1945, suite à des dommages causés par un éclat d’obus, MUHLEISEN charge un de ses
ouvriers, Alfred KERN, de réparer l’instrument. Comme souvent, SCHWEITZER donne à ce
petit remaniement une portée médiatique démesurée. Il s’ensuit notamment un article
attribuant la pérénité de l’orgue à MUHLEISEN 91 . Mais celuici, outre l’harmonisation et la
francisation des noms de registres, n’a fait que modifier le Salicional du Récit en Dulcian 8’.
C’est en 1961, et grâce aux bons conseils de KERN, que SCHWEITZER obtiendra
l’instrument idéal qu’il appelait de ses vœux, fidèle aux principes de la Réforme, 52 ans
après les avoir énoncés. Au début de 1959, après expertise, on constate que l’orge de
Gunsbach nécessite une refonte complète, pour ne pas dire un remplacement pur et simple.
Mais cette foisci, le mot d’ordre de l’organiste à son nouveau facteur d’orgue est : “Ne
cherchez à économiser nulle part.” 92 La correspondance entre SCHWEITZER et KERN
à l’occasion de cette reconstruction est très édifiante. Elle nous permet de cerner mieux
encore les contradictions, les timidités ou les retenues du docteur.
Un premier point fait l’unanimité : l’orgue aura une traction mécanique et des sommiers à
gravures. Le consensus est déjà moins évident pour le tirage des registres. SCHWEITZER
89 Lettre du 26/06/1929
90 Lettre du 6/06/1959
91 Dernières Nouvelles du HautRhin, 1er/10/1959, repris dans l’Orgue, 1953, pp. 1722.
92 Lettre du 6/06/1959
85
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reste fermement attaché à ses combinaisons libres en particulier, aux diverses accessoires
du Congrès de Vienne en général. Toutefois, il est tout disposé à quelques concessions.
Nous avons déjà parlé de l’abandon du crescendo. Pour les combinaisons libres doublement
utilisables, bien qu’il estime “important que l’on fasse la preuve que ces accessoires
simples et idéaux, qui sont une association des français et des allemands, sont
réalisables sur un orgue mécanique”, il est prêt à en abandonner le côté germanique
soit le remplacement complet de la registration manuelle par la préparation pour un
système mécanique permettant de conserver l’autre facette. Il semble en effet que le Docteur
Bengt ANDREAS, de Malmö en Suède, ait parlé à SCHWEITZER de l’existence d’une
commande mécanique directe permettant “par une simple pédale [d’]ajouter ou
[d’]enlever les registres préparés à la registration tirée” 93 . Mais, soit que KERN ne
maîtrise pas encore ce dispositif installé peu de temps après à Neudorf soit que
SCHWEITZER ait finalement tenu à la totalité de ses accessoires, le devis final retient
l’option du tirage pneumatique des jeux.
Comme on pouvait s’y attendre, c’est sur le plan sonore que SCHWEITZER et KERN auront
le plus de mal à s’entendre. De même que le crescendo, les accouplements octaviants sont
2
abandonnés. En premier lieu, l’organiste propose l’ajout d’une Quinte 2’ /3 au G.O., “celle
ci manquait à l’orgue pour la juste plénitude du son” 94 . Il recommande aussi de
conserver, même en cas de remplacement, le même son au Violoncelle 8’ de la Pédale, “que
Pablo Casals a tant admiré”. Six mois plus tard, une discussion s’engage autour des
fonds. En ce début des années 1960, avec l’avènement des conceptions néoclassiques,
l’empilage des 8’ commence à devenir singulièrement suspect et fort mal vu. KERN, qui
participe naturellement à cette “renaissance”, ne peut qu’être découragé par la présence des
quatre 8’ du G.O. de Gunsbach. Il lance donc SCHWEITZER sur le sujet des entraînements
harmoniques, que celuici connait bien. Loin de s’irriter comme il avait l’habitude de le faire
avec HÆRPFER, l’organiste demande des explications claires à son facteur d’orgue. Celuici
s’en acquitte, invoquant aussi des problèmes d’alimentation, et il s’ensuit un compromis
conservant la Montre, le Bourdon et une Flûte, en l’occurence une Flûte conique offerte par
le facteur d’orgue Paul OTT, de Göttingen. Le don par le facteur hollandais FLENTROP d’une
Flûte 4’ permet également à SCHWEITZER de demander une harmonisation plus tranchante
du Prestant, chose dont il n’était pas coutumier jusqu’ici. Le Cornet cède sa place (enfin !) à
une Fourniture IV rangs.
Il est amusant de constater, dans la si importante lettre du 20 mai 1960, que le 2è clavier
prend le nom de “Positif expressif”. D’où vient ce changement qui, au vu de la composition
du dit clavier, est purement scriptural ? Sans doute l’influence de KERN… À l’exception du
Salicional, les fonds sont conservés. Comme au G.O., la Flûte à cheminée 4’ est complétée
par un Prestant. L’idée de la Waldflöte schweitzerienne est évidemment préservée mais celle
ci est neuve, offerte par la manufacture d’orgue suédoise ÅKERMAN & LUNDS.
SCHWEITZER redoute d’ailleurs l’envoi par cette firme d’une nouvelle version du jeu, moins
riche en harmonique que “l’ancienne manière […] qui [l’avait] tant impressionné
sur les orgues anciens suédois” . Plénitude et rondeur restent les impératifs sonores de
l’organologue. Soulignons enfin l’implantation de la très nouvelle Sesquialtera.
93 Lettre du 20/05/1960
94 Lettre du 6/06/1959
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Le projet initial de Pédale 95 prévoit 3 jeux : Soubasse 16’, Flûte 8’, Cello 8’. Mais
SCHWEITZER a la hantise d’un manque de dynamique dans l’intensité des basses entre le p
et le f de l’orgue. Il demande donc à KERN la transmission du Bourdon 16’ du G.O. Le Dr
ANDREAS offre en plus une Flûte 4’. L’organiste lui demande de la remplacer par un
Prestant 4’ qu’il utilise “comme jeu solo dans les préludes de chorals de Bach” .
KERN prévoit encore deux chapes vides. L’une est prévue, à terme, pour recevoir une
Dulcian 16’ de taille suédoise ancienne, offerte par le facteur FLENTROP. Mais
SCHWEITZER avoue : “si je devais renoncer à quelque chose sur un orgue
relativement petit, ce serait à l’indépendance de la Pédale ! Il y a donc les
tirasses !” Cette assertion peut paraître bien légère lorsqu’on songe que, 50 ans plus tôt, le
Congrès de Vienne érigeait l’indépendance de la Pédale en principe absolu. Et l’affaire va
plus loin. Quand, deux ans plus tard, on décide de compléter la Pédale de Gunsbach,
SCHWEITZER demande l’installation d’un Principal 16’ car “l’orgue est devenu si
puissant que les deux 16’ doux ne suffisent pas dans le forte” . Donc, au plus
96
profond de luimême et malgré toutes les déclarations d’intention du début du siècle
pensons aux “belles et fines mixtures” du Deutsche und französische Orgelbaukunst und
Orgelkunst SCHWEITZER ne conçoit toujours pas clairement le renforcement d’un plan
sonore par les mutations et les anches plutôt que par l’empilage des fonds. De telles
hésitations, de telles timidités n’ont pu, au cours de la première moitié du siècle, que
ralentir ou même dénaturer l’Orgelreform. Heureusement, un mois plus tard, l’organiste
demande à KERN “d’entreprendre le plus tôt possible l’installation des deux
registres de Pédale de l’orgue de Gunsbach” . Et il s’agit bien de la Dulcian 16’ et
97
d’une Fourniture III rangs. Finalement, la disposition de l’orgue d’après les indications mi
françaises miallemandes de SCHWEITZER est la suivante :
1er clavier 2è clavier Pédale Tirasse I
Bourdon 16’ Gemshorn 8’ Bourdon 16’ Tirasse II
Montre 8’ Bourdon 8’ Flûte basse 16’ II/I
Flûte conique 8’ Gambe 8’ Flûte 8’
Bourdon 8’ Voix céleste 8’ Violoncelle 8’
Prestant 4’ Prestant 4’ Prestant 4’ Tutti
Flûte 4’ Flûte 4’ Fourniture III rgs
Comb. libre I et Péd.
2
Quinte 2’ /3 Sesquialtera II rgs Dulcian 16’ Comb. libre II
Doublette 2’ Waldflöte 2’ Registres à mains
Fourniture V rgs PleinJeu III rgs
Trompette 8’ BassonHautbois 8’
95 cf Lettre du 20/06/1960
96 Lettre du 26/05/1962
97 Lettre du 1er/07/1962
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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En fait d’ “orgue idéal de village”, il s’agit là d’un instrument relativement important de 27
registres ! La Réforme s’accomode décidément mal de dimensions restreintes. SCHWEITZER
a beau déclarer ne s’intéresser qu’aux orgues entre 15 et 50 jeux, on ne l’a jamais vu
composer de petits instruments respectant clairement les préceptes de l’Orgelreform. La
chose semble d’ailleurs difficile, rien que par la volonté de préservation d’un Récit riche en
fonds, en mutations et en anches. Mais à Gunsbach, à la fin de son combat, SCHWEITZER
obtient un instrument qui respecte point par point les vœux initiaux des Réformateurs :
orgue d’artisan, comportant mixtures et anches à tous les claviers, préservant une large
palette de fonds colorés et différenciés, capable d’expressivité grâce au Récit, commandé par
une console claire et donnant à l’interprête, grâce aux combinaisons libres doublement
utilisables, toute latitude dans la conduite d’un crescendo déterminé avec goût ; un orgue
enfin apte à tous les répertoires sans grande distorsion, refusant une trop grande spécificité.
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Chapitre 4
La maturité et les reconstructions
1) Les grandes constructions de Rœthinger
Si l’orgue de Saint Martin d’Erstein marque l’apogée de ce que l’on appelle communément
la “première période RŒTHINGER”, les années 1930 représentent le point culminant de la
firme schilickoise. Nous avons vu plus haut l’expérience acquise au travers des grandes
transformations effectuées sur les instruments de la Synagogue consistoriale ou de Sainte
Geneviève de Mulhouse, notamment dans la maîtrise des différents systèmes électriques de
transmission. Le dépôt d’importants brevets dans ce domaine entrainera la production
d’une série d’instruments basés sur un schéma globalement constant. On peut ainsi citer
l’orgue de Saint Barthélémy de MulhouseDornach (1932), celui de Saint Laurent de
Bischheim (1933) ou encore l’ancien orgue de Saint PierreleVieux catholique (1934). Les
deux premiers nous sont parvenus intacts, sans subir de transformation notable et sont des
témoins intéressants du style RŒTHINGER deuxième période, libéré sembletil de toute
contrainte extérieure. Outre l’esthétique caracteristique dégagée par leur composition, ces
deux instruments sont le reflet d’un travail de qualité, d’un artisanat appliqué aux
techniques les plus modernes puisque, 60 ans après, leurs transmissions pourtant si
fragiles fonctionnent de manière très satisfaisante. Seule leurs consoles ont été remplacées.
SAINT BARTHÉLEMY DE MULHOUSE
L’orgue placé par RŒTHINGER en 1932 à Saint Barthélémy est pour nous un indicateur
de ce qu’a pu être celui de la Synagogue consistoriale, modifié 7 ans plus tôt. En effet, la
comparaison des deux dispositions (voir p. ) laisse apparaître bien des similitudes. Ainsi,
certaines idées de RUPP — notamment en ce qui concerne les mutations — semblent avoir
été non seulement assimilées, mais aussi approuvées par RŒTHINGER. Si l’instrument n’a
rien à envier à celui de la Synagogue quant à sa taille (59 jeux), sa console est plus éloignée
des exigences démesurées de l’organiste de Saint Paul. D’après sa photo, conservée au
presbytère, et par analogie avec celle construite pour Saint Laurent de Bischheim un an
plus tard, RŒTHINGER est revenu à une conception plus simple et rationnelle, préservant
les accessoires les plus utiles, parmi lesquels la combinaison libre doublement utilisable
conseillée par SCHWEITZER. Il est à noter que la console actuelle, conçue par la maison
EISENSCHMITT de Münich en 1974, a parfaitement respecté les accessoires d’origine. Le
design même semble directement inspiré des consoles ultérieures de RŒTHINGER, telle
celle construite pour Saint PierreleJeune catholique en 1945. Seuls les boutonspoussois
des combinaisons fixes ont été heureusement abandonnés.
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Voici la composition de l’instrument 98
:
GrandOrgue (61 n.) Positif expr. (61 n.) Récit expr. (73 n.) Pédale (32 n.)
C’est la période durant laquelle RŒTHINGER se laisse aller à la construction de Fernwerk.
Nous savons à quel point la Réforme considérait ces appendices comme inesthétiques. Faut
il y voir un réel goût de RŒTHINGER ou plutôt une sorte de caprice d’indépendance ? Ou,
plus simplement, une exigence des commenditaires ? Il serait en tout cas regrettable de s’y
arrêter. Mieux vaut les cantonner à un rôle anecdotique et considérer le reste de la
disposition.
Il est important de placer Saint Barthélémy, ou — comme nous le verrons plus loin —
Saint Laurent, dans une ligne esthétique qui partirait de Saint PierreleJeune (1911),
passerait par Erstein (1914), la Synagogue (1925), nos deux “sisterorgans” de 193233, et
reviendrait à Saint PierreleJeune (1945). Le chemin ainsi parcouru en une trentaine
d’années est saisissant. Il montre bien la pénétration des idées de la Réforme dans l’art d’un
facteur d’orgue de renom qui n’était pas directement et continuellement impliqué dans les
98 Accessoires actuels :
III/I en 8’ et 4’ Crescendo Annulation G.O.
III/II 1 comnbinaison libreJeux à main
II/I Anches pédale Fernwerk an
III/Péd Anches et mixtures I et III
II/Péd PPA
I/Péd Annulation crescendo
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travaux des Réformateurs, comme l’était Frédéric HÆRPFER dont la démarche semble
parfois moins convaincante. Très clairement, RŒTHINGER part d’un orgue de fonds (SPLJ,
1911). Le fait de passer par de grands instruments (Erstein, 68 jeux Synagogue, 60 jeux
Saint Barthélémy, 59 jeux) lui permet dans un premier temps d’éclaircir ces fonds et de
leur adjoindre de puissantes batteries d’anches (Erstein), puis d’embrasser pleinement la
théorie des mutations simples et composées (Synagogue, Saint Barthélémy), sans pour
autant renoncer à la panoplie complète des 8’. Enfin s’opère la caractérisation des plans
sonores, comme nous le verrons ultérieurement, à Saint PierreleJeune. Dans ce
parcours, le cas de la Cathédrale est à placer à part, comme une preuve que RŒTHINGER
est capable, d’après un cahier de charges extrêmement contraignant, de construire un
instrument dans un style qui n’est pas directement le sien.
Ici, à Saint Barthélémy, la démarche ne diffère pas de la Synagogue. Chaque clavier est
largement pourvu de fonds très colorés, mais dans une nuance surtout gambée, dispose des
harmoniques de 8’ (allant jusqu’à la Septième au Récit, comme à la Synagogue) et d’une
mixture (le positif de la Synagogue n’en avait pas). Notons que le Récit est étendu à 73
notes, sauf pour les jeux aigus, afin de permettre les accouplements octaviants. Les
matériaux utilisés sont de bonne qualité.
Marcel DUPRÉ, qui joua l’instrument, en donne un avis élogieux dans une lettre reproduite
en annexe.
SAINT LAURENT DE BISCHHEIM
Le cas de l’orgue de Saint Laurent est intéressant car, contemporain de celui de Saint
Barthélémy, il contient 11 jeux de moins et permet ainsi de voir quels choix RŒTHINGER
opère dans un instrument de taille plus raisonnable. Là encore, fait remarquable, l’orgue
nous est parvenu dans son état initial quant à sa composition. Cette dernière est pourtant
fortement teintée, avec des mixtures à tierce et une sonorité générale très gambé.
RŒTHINGER y pousse à l’extrême l’étroitesse des principaux, rendant floue, voire
inexistante, la frontière qui existerait entre une Montre et une Montreviole. Il est presque
étonnant que, dans les années 60, personne n’ait entrepris de “néoclassicisation” de
l’esthétique sonore !
GrandOrgue (56 n.) Positif expr. (56 n.) Récit expr. (56 n.) Pédale (32 n.)
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3
Doublette 2’ Clairon 4’ Tierceviole 1’ /5
3
Tierce 1’ /5 Tremolo Piccolo 1’ Fernwerk (56 n.)
Cornet IIIIV rgs Fourniture IV rgs Bourdon à cheminées 8’
(Mixture avec tierce) Trompette harm. 8’ Violon 4’
Basson 16’ Hautbois 8’ Flûte d’amour 2’
Tremolo Voix humaine 8’
Harpe céleste (Fern.) Tremolo
Accessoires :
III / I en 16’, 8’, 4’ III / P Crescendo Annulation crescendo
III / II en 16’, 8’, 4’ II / P en 8’ et 4’ 5 combinaisons fixes
II / I en 16’, 8’, 4’ I / P 2 combinaisons libres
Appels anches, mixtures
Mais c’est surtout le Positif qui retient l’attention. Ce clavier semble
décidément être l’élément le plus pertinent dans l’évolution des idées de la Réforme. Ici,
pour la première fois clairement dans les grands instruments de RŒTHINGER, le Positif
n’est plus un GrandOrgue en réduction mais acquiert son autonomie. Débarrasé des fonds
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superflus, il s’oriente résolument vers la couleur SILBERMANN, tout en veillant à ce qu’il
puisse s’intégrer au tutti. Mais Larigot et Cromorne, voilà qui est nouveau. Préparation à ce
qui l’attend à la Cathédrale ou essai d’intégration d’un Positif d’essence classique et
répondant aux exigences de la Réforme à un ensemble plus symphonique ? RŒTHINGER
prouve en tout cas qu’il connait l’histoire de la facture d’orgue. Quant à la Pédale, elle reste
définitivement dépendante des tirasses.
grands corps de part et d’autre de la rosace et reliés par une chaine ininterrompue de
tuyaux. Tous réels, ils sont les principaux des différents claviers. Ce schéma architectural
sera repris à Saint PierreleJeune puisque l’électricité l’autorise et qu’il permet de dégager
la rosace. Revers de la médaille : une telle façade, en ces temps de crise économique, doit se
contenter de zinc. Voilà d’ailleurs eu des seuls reproches que l’on puisse faire à l’instrument
dont les tuyaux sont de facture assez banale (alliages à faible pourcentage d’étain).
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2) Du neuf dans l’ancien
SAINTE AURÉLIE
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LA RECONSTRUCTION RŒTHINGER À LA CATHÉDRALE
Après les travaux de consolidation d’un des piliers porteurs de la flèche de la cathédrale,
pendant lesquels le grand orgue était resté muet près de 23 ans, la reconstruction de
l’instrument fut décidée en 1935. Il est intéressant de voir dans quelle mesure cette dernière
s’inspira des idées de l’Orgelreform. D’autant plus que le marché fut attribué à
RŒTHINGER, lequel, nous l’avons vu, venait d’achever Saint Laurent de Bischheim dans
un esprit assez proche de la Réforme. D’autre part la présence de MATHIAS au poste de
maître de chapelle de la cathédrale laisse augurer d’une complète adhésion à ses
conceptions. Qu’en estil exactement ?
Il est important au préalable de rappeler les avatars subis par l’orgue sous l’égide de
KOULEN. En 1893, le SILBERMANN déjà passablement romantisé par WEGMANN en 1833
est complètement dénaturé par l’ancien élève de MERKLIN dans une esthétique orchestrale.
Le désastre le plus regrettable est imputable à la traction électrique, système Schmoele
Mols, alors retenue par KOULEN. On apprend par MATHIAS 99 que “la disposition des
jeux [était] l’œuvre d’un de ses ouvriers, E.A. RŒTHINGER, qu’il rappela
100
dans ses ateliers pour ce travail, en lui offrant doubles gages.” Et de fait, hormis
l’esthétique discutable selon les canons actuels et le fait d’avoir encore transformé ce qu’il
restait de SILBERMANN, tous les témoignages de l’époque s’accordèrent à louer les qualités
sonores de l’instrument.
Dans ces conditions, il était normal qu’à la suite d’un concours entre les principaux facteurs
d’orgue français organisé par la Direction des Beaux Arts et sous la présidence de WIDOR,
la maison RŒTHINGER reçoive en 1934 la commande des travaux. Il ne restait de l’ancien
orgue que les tuyaux de façade du grand buffet et du positif, tous de SILBERMANN, mais
assez endommagés. Les tuyaux de bois étaient encore en partie utilisables; quant aux
autres tuyaux de métal, ils n’étaient plus bons qu’à être refondus et remplacés par des
tuyaux neufs. D’après RAUGEL, “le nouvel instrument, dont le projet avait été
établi par les membres de la Commission des orgues des Monuments
historiques, devait être reconstruit selon les tailles et les méthodes
99 F.X. MATHIAS : Les Orgues de la Cathédrale de Strasbourg, Studio Leontina, 1936
100 Disposition du KOULEN de 1893 :
GrandOrgue
Positif
Récit
Pédale
Montre 16’ Quintatön 16’ Montreflûte 8 ‘ Principal 16’
Bourdon 16’ Geigenprinzipal 8’ Viola 8’ Soubasse 16’
Montre 8’ Bourdon 8’ Flûte harmonique 8’ Contrebasse 16’
Bourdon 8’ Salicional 8’ Éolienne 8’ Quinte 10’2/3
Flaut major 8’ Flûte 4’ Voix céleste 8’ Octave 8’
Gemshorn 8’ Nazard 2’2/3 Flûte à cheminée 4’ Cello 8’
Gamba 8’ Doublette 2’ Violetta 4’ Bombarde 16’
Prestant 4’ Cromhorn 8’ Flageolet 2’ Trompette 8’
Flûte 4’ Cor anglais 8’ Basson 16’
Octave 2’ Trompette harmonique 8’
Mixture IV rgs Voix humaine 8’
Cornet V rgs
Trompette 8’
Clairon 4’
Notons que cette disposition s’inspire beaucoup plus du modèle CAVAILLÉCOLL que RŒTHINGER vient
d’étudier à fond à NotreDame, Saint Sulpice, Saint Gervais, Saint Eustache, etc… que de la facture
allemande, et ce en pleine période d’annexion. L’orgue est par ailleurs totalement dépourvu de toutes les
aberrations que WALCKER et WEIGLE placeront à Saint Paul et Saint Maurice cinq ans plus tard.
95
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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d’harmonisation de SILBERMANN” 101. En fait, la gestation du nouvel instrument de la
Cathédrale semble avoir fait l’objet d’une controverse entre MATHIAS et la direction des
BeauxArts. Depuis 1924, date de l’achèvement des travaux de consolidation du pilier,
jusqu’à 1932, année de la prise de décision définitive, “on s’est demandé dans quelles
conditions les orgues du fond de la Cathédrale devaient être refaites, s’il fallait
se limiter à sa simple reproduction [position des BeauxArts] ou s’il fallait profiter
de cette occasion pour donner au sanctuaire les orgues que réclament sa
liturgie, son acoustique, son histoire [position de MATHIAS]” .
102
MATHIAS, à la suite de RUPP, est un ardent défenseur des possibilités quasiillimitées que
permet la transmission électrique. Dans ces conditions, sans doute impressionné par les
instruments géants construits en Allemagne dans le sillage de l’Orgelreform et fort des
récents “progrès” effectués dans l’étude de l’acoustique des lieux de culte 103, MATHIAS
souhaite disposer trois orgues “interactifs” dans la Cathédrale. Des différentes formules de
calcul permettant de déterminer le nombre de jeux par rapport au cubage de l’édifice, il
résulte toujours un total variant entre 140 et 150 registres. D’autre part, le maître de
chapelle a organisé aux mois de mai 1932 et 1933 des “expériments” sur les dispositions
futures de ces orgues. Pour accompagner 800 chanteurs on a ainsi placé 50 cuivres sous
l’orgue SILBERMANN, 20 en face de la chair et 80 dans le transept, en face de l’orgue
MERKLIN. Il en résulte un projet MATHIASRŒTHINGER démesuré prévoyant : un orgue
principal de 80 jeux dans le transept, audessus de la chapelle Saint JeanBaptiste; un
orgue de 20 jeux dans la grande nef, en face de la chair, pour l’accompagnement du chant
collectif et les offices aux autels latéraux, et dans le buffet de 1489 un orgue d’écho de 20
jeux, augmenté à 50 jeux par l’adjonction de deux petits positifs (voir schémas cicontre) au
cas où l’orgue de la nef ne serait pas exécuté. Les trois instruments seraient jouables
indépendamment ou ensemble depuis une console électrique placée au chœur. MATHIAS
avait créé un organisme, l’institut Saint Léon IX, plus connu sous le nom d’ “Œuvre des
crayons”, chargé de collecter les fonds nécessaires.
Un tel projet ne pouvait que heurter les autorités artistiques de l’État qui, si elles avaient
laissé toute latitude à l’Œuvre NotreDame pour la réfection de la partie sonore, avaient
néanmoins leur mot à dire, ne seraitce que par le truchement de la Commission des
Monuments historiques. À preuve, cette communication intitulée “La Doctrine parisienne de
l’Orgue”, émanant des plus hautes personnalités du monde de l’orgue français 104 : “Nous
voulons aussi nous garder d’un péril : c’est celui de multiplier de façon
exagérée le nombre de jeux d’un instrument, comme cela se pratique souvent
aujourd’hui à l’étranger : nous croyons pouvoir affirmer qu’un orgue d’une
centaine de jeux atteint approximativement le maximum de ressources
souhaitables. Ce chiffre dépassé, les jeux, plans sonores ou buffets, multipliés
101 Félix RAUGEL : Les Orgues et les Organistes de la Cathédrale de Strasbourg, Alsatia, Colmar, 1948.
102 F.X. MATHIAS, op. cit.
103 cf compterendu de l’intervention du R.P. DILLENSEGER, OMI : La puissance organale mise en proportion avec
le cubage des sanctuaires et des salles de concerts, produite à l’occasion du Congrès d’orgue tenu à l’Université
de Strasbourg du 5 au 8 mai 1932, Sostralib, Strasbourg, 1935
104 Communication rédigée par MM le comte Bérenger de Miramon, André Marchal, Norbert Dufourcq et U.
Gonzalez et présentée à l’occasion du Congrès d’orgue de Strasbourg en 1932.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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à l’excès, et souvent disséminés dans un sanctuaire, loin d’enrichir un
ensemble, finissent par l’encombrer.”
On ne pouvait plus clairement prendre le contrepied de MATHIAS. Au reste, quels rapports
son projet avaitil encore avec l’Orgelreform ? Il est amusant de constater que celleci,
primitivement si redevable à l’école française, ait encore besoin des gardefou parisiens pour
l’empêcher, à l’apogée de son action, de sombrer dans les débordements les plus néfastes.
Le pneumatisme et l’invention du ventilateur électrique avaient entraîné les facteurs d’orgue
allemands de la fin du XIXè siècle dans des excès gabegiques. La même aventure a bien failli
arriver aux Réformateurs, RUPP et MATHIAS du moins, du fait des possibilités infinies
offertes par la transmission électrique mal utilisée.
En 1932, la décision salutaire de se borner à la reconstruction de l’orgue dans son buffet de
1489 est donc prise. La Commission des Monuments historiques impose à RŒTHINGER la
traction mécanique, hélas épaulée par des machines Barcker. Elle propose en outre la
composition suivante :
GrandOrgue (56 n.) Positif 56 n.) Récit (56 n.) Pédale 32 n.)
105 Actes des 4è Journées Nationales de l’Orgue, 812 mai 1991, ARDAM, 1991.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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mesure du possible ce plan”. Nous n’avons pu retrouver hélas sur quelles bases se
fondait cette assertion. Nous ne pouvons ainsi savoir quel rôle le facteur strasbourgeois —
alors tête de file de l’école alsacienne — a joué dans la détermination de la composition. Il
est tout de même frappant de constater que, quelques années plus tard, il reprendra une
composition très ressemblante lors de la reconstruction de Saint PierreleJeune
catholique que l’on ne peut décidément pas qualifier d’orgue néoclassique.
En l’absence de données objectives, bornonsnous à délimiter
l’adhésion du nouvel orgue aux idées de l’Elsässischer Orgelreform. Le plus évident est son
affiliation au mot d’ordre “Retour à Silbermann” : d’une part en ce qui concerne la façon
artisanale de travailler, mais aussi par les tailles adoptées et la conservation des jeux
anciens106 . Lors du démontage de 1893, le jeune RŒTHINGER a eu tout loisir d’étudier et
d’archiver, grâce à ses fantastiques talents de croquiste, toutes les caractéristiques de ce qui
restait de la tuyauterie SILBERMANN. Mais, et c’est là une des spécificité de l’Orgelreform, il
refuse de se borner à une simple copie de l’orgue du maître, copie dont il aurait les moyens.
Une fois de plus pour les Réformateurs l’art organal doit s’inscrire dans un flux historico
musical, se gardant de tout progrès stérile mais prenant en compte l’évolution du répertoire
et des techniques de facture d’orgue qui présentent un réel intérêt artistique. On assiste
donc à la préservation du Positif de dos, fait encore rare à l’époque. Et, en raison
notamment de l’exiguïté de son buffet, les concepteurs sont cette foisci contraints au choix
des registres les plus importants, abandonnant ainsi l’accumulation des fonds qui
empêchait le Positif de se démarquer des autre claviers. Grâce à l’exhumation en 1927 des
“Carnets SILBERMANN” par MATHIAS et RUPP, il a été possible de revenir à la composition
du Positif de 1714, à l’exception d’une Fourniture III rgs .
107
Lorsqu’en juillet 1935 WIDOR joua sur l’instrument, il le trouva remarquable par le fait qu’il
reprenait “la tradition de la facture classique en employant le principe du
« Positif »” 108 . Ce fameux Rückwerk que SCHWEITZER appelait de ses vœux depuis 1914
et dont il voyait les plus beaux exemples chez SILBERMANN pour servir la musique de
109
BACH. Il était donc normal de recourir au modèle du maître facteur pour reconstituer le
106 La Montre et le Prestant du Positif, le Bourdon 16’, la Montre 8’ et le Bourdon 8’ du G.O., la Flûte 4’ de la
Pédale sont de SILBERMANN.
107 Composition du SILBERMANN de 1714 :
GrandOrgue
Positif
Récit
Pédale
Bourdon 16’ Montre 8’ Bourdon 8’ Montre 16’
Principal 8’ Bourdon 8’ Prestant 4’ Soubasse 16’
Bourdon 8’ Prestant 4’ Nazard 3’ Octave basse 8’
Prestant 4’ Flûte 4’ Doublette 2’ Prestant 4’
Nazard 3’ Nazard 3’ Tierce 1’3/5 Bomparte 16’
Doublette 2’ Doublette 2’ Larigot 1’1/3 Trompette 8’
Tierce 1’3/5 Tierce 1’3/5 Fourniture III rgs Clairon 4’
Fourniture IV rgs Larigot 1’1/3 Trompette 8’
Cymba le III rgs Fourniture III rgs Voix humaine 8’
Cornet V rgs Cymbale III rgs
Trompette 8’ Cromhorn 8’
Clairon 4’
108 cf André GLORY : E.A. Rœthinger, facteur d’orgues en Alsace, La Vie en Alsace, 1936, p. 134.
109 cf Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, Verlag Merseburger, Berlin, 1914, p. 30.
98
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Positif de la Cathédrale.
À l’opposé, le Récit ne doit plus rien à SILBERMANN, mais tout à CAVAILLÉCOLL. Et c’est
en ce sens qu’il est difficile d’accepter le qualificatif de néoclassique pour cet instrument.
En effet, le fait d’allier un Positif à la SILBERMANN et un récit à la CAVAILLÉCOLL ne
constituetil pas le fondement même de l’Orgelreform ? Pour antinomique et hybride que la
chose puisse paraître, le principe était d’obtenir un orgue aussi à l’aise avec BACH qu’avec
WIDOR. Il revenait ensuite au facteur d’orgue — et c’est là le véritable travail d’artiste
harmonisateur demandé par les Réformateurs — de faire la jonction sonore des deux plans,
directement d’une part, en passant par les principaux et mixtures du G.O. d’autre part.
D’une composition hétéroclite sur le papier, favorisant un véritable Werkprinzip, l’intonateur
devait aboutir à cette fusion sonore si chère à RUPP. Le résultat semble avoir été atteint à la
Cathédrale si l’on en croit les innombrables témoignages 110 qui firent suite à l’inauguration,
le 7 juillet 1935 .
111
[ Manque renseignements sur la console ]
110 cf MATHIAS : op. cit., pp. 137 à 142.
111 L’orgue fut inauguré par Charles Tournemire, Martin Mathias, son titulaire, Louis Thomas, titulaire de Saint
PierreleJeune catholique et Ernest Rich, titulaire de Saint PierreleVieux catholique, ces trois derniers étant
parmi les plus ardents défenseurs de la Réforme.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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3) Un orgue de guerre
SAINT PIERRELEJEUNE CATHOLIQUE
La Première Guerre Mondiale avait été fatale au développement et à l’extension des idées de
la Réforme. Relayées sur le plan international par l’avènement de l’Orgelbewegung allemand
durant l’entredeux guerres, les conceptions des pères de la Réforme, dans leur acception
primitive, s’éteignent avec la guerre 193945 et les derniers travaux des facteurs d’orgues
alsaciens de la première moitié du siècle, euxmêmes sur le point de passer la main à leurs
héritiers. C’est avec un certain étonnement que l’on peut considérer la construction d’orgues
neufs au cours d’une période si troublée.
Hormis les instruments que Georges SCHWENKEDEL installe à
Huningue et Bourtzwiller, le nouvel orgue RŒTHINGER de Saint PierreleJeune
catholique est le plus important spécimen de cette facture de guerre. Nous ayant le premier
guidé vers l’Elsässischer Orgelreform, il était normal qu’il vienne aussi clore notre étude.
Non pas que cette position lui confère le statut d’aboutissement des idées réformatrices,
mais il présente l’originalité d’avoir subi une première transformation au nom de la Réforme
en
1911 112 et d’être à nouveau reconstruit à partir de 1941, à la fin de la période qui nous
intéresse. En ce sens, il est le témoin de l’évolution esthétique d’EdmondAlexandre
RŒTHINGER dont nous avons vu tout au long de cette étude à quel point il était impliqué
dans le combat de l’école alsacienne.
Rappelons brièvement que l’orgue de 1911 était encore fort enraciné dans l’esthétique de
transition qui avait été l’apanage des facteurs alsaciens du début du siècle. Par contre, sa
console avait été entièrement construite selon les principes de RUPP, tout en évitant les
excès de Saint Paul ou de la Synagogue.
Au début des années 40, cet instrument était arrivé au terme de sa carrière. sa composition,
trop nettement teintée de romantisme, limitait par trop le répertoire exécutable. Surtout, sa
transmission pneumatique commençait à donner de graves signe de fatigue. Enfin, la
présence à Saint PierreleJeune d’une importante chorale dirigée par Gaston GAUER,
figure musicale strasbourgeoise, nécessitait le dégagement de la tribune et donc un
changement dans l’architecture de l’orgue.
Le marché du nouvel instrument fut tout naturellement attribué à RŒTHINGER, membre
de la paroisse. Prenant en considération les nouveaux impératifs d’espace, il décida de
sacrifier le monumental buffet de KLEM dont les deux corps latéraux n’étaient pas assez
spacieux pour accueillir la totalité de l’instrument. La nouvelle disposition comprend donc
deux grands buffets ouverts, reliés par une chaîne ininterrompue de tuyaux bordant la
rosace. la totalité des tuyaux de façade (plus de 150) fonctionne, faisant entendre le
Prinzipal 16’ et l’Oktavbaß 8’ de la Pédale ainsi que le Prinzipal 8’ du G.O. Les tuyaux
centraux sont ceux du Choralbaß 4’ de la Pédale et d’une partie du Prestant 4’ du G.O.
112 cf supra, Deuxième partie, Chapitre 1
100
Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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L’orgue est totalement ouvert, sans buffet véritable, ce qui marque la seule véritable
évolution des principes de l’Orgelreform — qui insistaient sur l’importance des buffets
fermés — vers l’orgue néoclassique, si souvent friand de dispositions ouvertes. Cette
structure, très critiquable par ailleurs, permet à RŒTHINGER une originalité : le placement
du Positif très haut audessus de la boîte expressive du Récit, lui faisant profiter de la voûte
comme résonateur, un peu à la manière d’un Kronwerk. Cet artifice autorise le dégagement
de la tribune tout en conservant au Positif sa personnalité propre, détachée de la masse des
autres plans sonores.
Une telle disposition alliée au manque évident de moyens de la période d’occupation
entraînait nécessairement le choix d’une transmission électrique. Titulaire de plusieurs
brevets, RŒTHINGER était passé maître dans l’électrotechnique appliquée à l’orgue.
L’instrument possède ainsi plus de 1500 petits contacts d’une déconcertante fragilité mais
qui fonctionnent encore très convenablement à l’heure actuelle. Les impulsions électriques
sont guidées par 117 km (!) de fils vers les sommiers. À ce stade, le tableau est moins
idyllique. Par souci d’économie, il a fallu se contenter de sommiers à cônes avec membranes
pour le G.O., le Positif et la Pédale, et petits soufflets pour le Récit. On ne s’explique pas
cette différence de traction entre les claviers mais elle entraîne hélas des disparités dans les
temps de réponse, les petits soufflets réagissant moins vite que les membranes. Par sa
nature même, ce matériel a une durée de vie limitée et il a fallu, en 1990, remplacer la
totalité des membranes et petits soufflets, excepté au Positif. Même si, par rapport aux idées
de la Réforme, la transmission électrique n’est pas condamnable — d’autant qu’elle fut
réalisée avec soin — on aurait préféré une traction mécanique. Nous savons que
RŒTHINGER en avait les moyens, même sur de grands instruments. L’option retenue pour
les sommiers est moins heureuse. Dès le Congrès de Vienne, les spécialistes avaient
fermement recommandé les sommiers à gravures, ceux à cônes étant rendus responsables
du son d’harmonica de l’orgue.
Le choix des registres — il ne s’agit pas encore de leur exécution — est plus remarquable. La
disposition retenue était la suivante :
GrandOrgue (60 n.) Positif (60 n.) Récit expressif (60 n.) Pédale (32 n.)
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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Trompete 8’ Vox humana 8’
Clairon 4’ Tremolo
Accessoires par pédales Accessoires par dominos Accessoires par boutonspoussoirs
I/P, II/P, III/P I/P, II/P, III/P pp, p, mf, f
II/I, III/I, III/II II/I, III/I, III/II tutti sans anches, tutti avec
anches
Appel anches I, II, III, P II/I en 4’ Dégagement
Appel mixtures III/I en 16’ et 4’ Combinaison libre
Appels fonds Pédale III/II en 16’ Piano Pédale automatique
III/P en 16’
Accouplement général Crescendo
Expression récit
Globalement, l’instrument se situe donc dans la lignée directe de Saint Laurent de
Bischheim ou de Saint Barthélemy de Mulhouse, hormis l’abandon de quelques excès en
porteàfaux par rapport aux recommandations de la Réforme, tels le Fernwerk ou le
manque de personnalisation du Positif. Car celuici, à Saint PierreleJeune achève enfin
sa mutation pour acquérir une spécificité cherchée pendant plus de 30 ans. il se situe entre
les deux extrêmes qui inspirèrent primitivement les Réformateurs : d’un côté le Positif
CAVAILLÉCOLL, totalement inclus dans l’instrument, très riche en fonds, sorte de G.O en
réduction; de l’autre côté, le Positif SILBERMANN, positif de dos, claviers des mutations
avec son cornet décomposé et le cromorne. Ici, RŒTHINGER refuse fort justement la copie
de ce dernier qu’on lui avait imposée et qui se justifiait à la Cathédrale. Nous avons vu le
placement en Kronwerk qu’il lui réserve, artifice permettant à la fois sa mise en relief par
rapport à la masse sonore et son intégration, sa fusion dans le tutti. À l’ossature
SILBERMANN, il rajoute un Salicional et opte pour la Clarinette, plus apte que le Cromorne
à se mêler aux anches CAVAILLÉCOLL du Récit. Ainsi, plutôt que de plaquer
artificiellement une copie d’ancien sur un ensemble moderne, RŒTHINGER exécute ce qui
semble représenter le Positif idéal de l’Orgelreform. Les choix opérés vont à l’encontre du
concept d’ “orgue à tout jouer”. Le facteur d’orgue sait fort bien que, pour la musique
ancienne, un Cromorne est préférable. Il sait parfaitement le construire puisque ce jeu
constitue une spécialité secrète de la firme 113. Mais refusant tout historicisme exagéré, il
préfère la Clarinette, plus adaptée à l’esthétique générale de l’instrument.
Le Récit ne change guère. Les Réformateurs et les facteurs d’orgue qui les ont suivis ont une
fois pour toutes reconnu l’excellence du Récit CAVAILLÉCOLL, en tant qu’il rend
l’instrument capable d’expression. Il n’est donc pas nécessaire de le modifier. Il s’articule
autour des “anches parisiennes”, en l’occurence l’immuable triade Trompette, Hautbois,
Voix humaine ; d’une riche palette de fonds très colorés dont la Voix céleste et la Dolce qui
113 cf F.X. MATHIAS : Les Orgues de la Cathédrale de Strasbourg, Studia Leontina, Strasbourg, 1936, p. 134.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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émeuvent les foules ; et d’une petite mixture très pleine. La tendance à surajouter des
mutations simples en grand nombre, sous l’impulsion de RUPP, n’a plus de raison d’être, ce
rôle étant dévolu au Positif.
Le GrandOrgue est le clavier des fonds puissants, des anches fortes et des mutations
lumineuses. Lumineuses mais pas encore étincelantes. Ce n’est qu’au cours des années 60
que, sous la houlette de CHAPUIS, les PleinJeux seront retravaillés. La Tierce sera
supprimée, le Nazard complété d’un Larigot et la Fourniture remplacée par une Cymbale III
rgs. Cette transformation modifiera très sensiblement l’esthétique générale, le plenum étant
primitivement basé sur un cornet décomposé allié à une fourniture très charnue, moins
brillante que la Cymbale actuelle. Voilà encore une des différences fondamentales qui
séparaient l’orgue de l’Orgelreform de ses descendants néoclassiques. Et très souvent
— trop souvent ? — la mouvance néoclassique s’est permise de modifier ces mixtures si
particulières, finalement plus coloristes que véritablement lumineuses. Tels n’auraient pas
été les vœux des pères de la Réforme qui n’appréciaient guère les compositions haut
perchées et reprenant trop souvent. La Gambe du G.O. est aussi une pièce maîtresse qui
vient éclairer les autres fonds (Stimmenbelichtung) selon la pratique chère à SCHWEITZER.
L’abandon progressif des jeux gambés au G.O. est aussi une des marques du passage à
l’orgue néoclassique.
“Si je devais renoncer à quelque chose sur un orgue relativement petit, ce
serait à l’indépendance de la Pédale !” 114 Cette confession de SCHWEITZER à propos
de l’orgue de Gunsbach décrit une des plus importantes — et déplorable — concession des
Réformateurs à leurs principes primitifs. Jamais un orgue à Pédale totalement
indépendante n’aura été réalisé en Alsace durant la période 190545. Saint PierreleJeune
ne fait pas exception puisque, en plus de l’usage presque permanent des tirasses, sa Pédale
se nourrit aussi des emprunts au G.O. Par contre, RŒTHINGER utilise un artifice qui
aurait certainement plu à SCHWEITZER pour l’orgue de Gunsbach, hanté qu’il était par les
problèmes d’intensité des 16’ de Pédale. Au lieu de construire, en plus de la puissante
Soubasse, un Bourdon 16’ doux, coûteux en argent et en espace, il intercale dans le
dispositif d’alimentation de celleci un système réduisant la pression d’air admise au
sommier. Il obtient, à partir d’un seul jeu, deux registres d’intensité et de couleur très
différentes : une Soubasse 16’ et un Stillgedeckt 16’. Curieusement, ce système économique,
ne nuisant en rien à la qualité générale de l’instrument, ne sera guère repris par la suite.
Sur le papier, cette disposition semble adhérer très étroitement aux conceptions des
Réformateurs, à l’exception de l’indépendance de la Pédale. Hélas, la période de construction
de l’instrument, entre 1941 et 1945, n’est guère propices aux folles dépenses. RŒTHINGER
est bien obligé d’employer un matériel très hétéroclite, voire même d’une qualité inférieure.
On récupère ainsi une partie de la tuyauterie du premier RŒTHINGER de 1911 et du
KOULEN de 1894. Certains jeux, ou parties de jeux, viennent des stocks de la firme. Par
exemple, le BassonHautbois porte la marque de STIEHR. Les tuyaux neufs, et notamment
les nombreux tuyaux de façade, sont en zinc, l’étain étant impensable en tant de guerre.
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Citons encore les bourdons, tout en bois, quand la Réforme insistait sur la modération dans
son usage. Le résultat général est malgré tout très satisfaisant. Mais il est regrettable
qu’une telle composition, l’une des dernières et des plus achevées de ce style organologique
n’ait pu bénéficier d’une meilleure conjoncture.
Il reste à examiner la console qui, elle bénéficie d’une qualité irréprochable de conception et
de réalisation. Souvenonsnous que dans l’orgue de 1911, de l’avis même de RUPP,
RŒTHINGER avait construit une console standard, une console de la Réforme 115. Ici encore,
l’évolution entre les deux moutures de l’instrument ne peut qu’être révélatrice de l’impact
des idées réformatrices sur les facteurs d’orgue. Le passage à l’électricité ne précipite pas
RŒTHINGER dans des exagérations ruppiennes, bien au contraire. Le facteur d’orgue a
retenu davantage d’accessoires allemands que français : crescendo, combinaisons fixes,
accouplements octaviants à profusion — dont l’utilité de certains ne saute pas toujours aux
yeux puisque l’étendue des sommiers les rend rapidement inopérants. Du côté français, une
combinaison libre qui, par l’absence de l’appel des jeux à main, ne reprend pas les
avantages imaginés par SCHWEITZER dès Saint Sauveur; les habituels accouplements
mais dont les doubles commandes ne sont pas interactives; et l’absence d’un appel G.O.
pourtant si utile. Ainsi, cette console paraîtrait bien éloignée de l’Orgelreform si elle ne
contenait une originalité bien utile : tout y est programmable. Chacune des combinaisons
fixes est réglable par l’organiste. Le crescendo de même. Les changements de registration de
Pédale (PianoPédale automatique) sont ajustables séparément pour le Positif et le Récit. De
ce fait l’interprête n’est plus esclave de son facteur d’orgue, comme SCHWEITZER le
dénonçait.
En 1945, Max RŒTHINGER était déjà fort actif au sein de la firme créée par son père.
Celuici atteignant les 90 ans, il aurait été normal qu’il ne s’implique plus beaucoup dans la
conception des instruments neufs. Mais il suffit de comparer les dispositions de Saint
Pierrele Jeune et de Saint PierreleVieux pour réaliser à quel point elles sont différentes.
Si Saint PierreleVieux s’engage résolument dans la voie néoclassique, Saint Pierrele
Jeune reste fortement ancré dans l’évolution esthétique d’EdmondAlexandre dont la
carrière coïncide parfaitement avec l’Elsässischer Orgelreform. Sachant qu’il exécutait l’un
de ses derniers grands instruments, il ne pouvait que le concevoir comme un aboutissement
— toutes proportions gardées — de ses 50 années d’exercice. Le facteur d’orgue alsacien qui
a le plus embrassé le combat de la Réforme en produit un dernier exemple, même si les
115 cf Emile RUPP : Die Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, Verlaganstalt Benziger & Co A.G., 1929.
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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conditions historiques, financières et les impératifs de construction empêchèrent une
adhésion totale aux critères de qualité et d’artisanat. En 1990, lors de la restauration de
l’instrument par MUHLEISEN, il fut décidé de le conserver comme un témoin d’une facture
particulière, d’un style précis.
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TROISIÈME PARTIE :
POSTÉRITÉ DE L’ORGELREFORM
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Chapitre 1
En Alsace
Comme l’étude des différents instruments construits par des facteurs d’orgue ayant été en
contact plus ou moins direct avec les Réformateurs à pu le montrer, les habitudes, les
immobilismes, les circonstances historiques et économiques n’ont pas permis l’éclosion, en
Alsace, d’un instrument important répondant strictement à toutes les recommandations de
l’Orgelreform. Il était intéressant de voir dans quelle mesure les héritiers de ces facteurs —
directs ou spirituels — ont pu s’inspirer plus ou moins directement de ces idées, dans une
période, celle de l’immédiat aprèsguerre, plus propice et novatrice. Certes la Réforme, dans
ses prémices, est vieille de quatre décennies, mais certains facteurs, comme Alfred KERN,
restent en contact avec SCHWEITZER et travaillent encore selon ses recommandations. La
nouvelle génération est principalement représentée par Ernest MUHLEISEN, ancien
apprenti cher RŒTHINGER, Max RŒTHINGER, fils d’EdmondAlexandre, Curt
SCHWENKEDEL, fils de Georges, Alfred KERN qui a travaillé chez RŒTHINGER puis chez
MUHLEISEN, et enfin KŒNIG. E.A. RŒTHINGER, dont on a pu voir le rôle qu’il a joué
dans la concrétisation des principes de la Réforme, se trouve ainsi à l’origine de toute la
nouvelle école alsacienne.
1) Ernest MUHLEISEN
Nous avions évoqué le rôle joué par MUHLEISEN dans l’harmonisation du nouvel orgue
RŒTHINGER de la Cathédrale en 1935. L’expérience acquise au sein de la manufacture
schilickoise n’est certainement étrangère à la campagne de reconstruction engagée à la veille
des années 50 et qui touchera tous les grands instruments des églises protestantes de
Strasbourg, successivement : Saint PierreleJeune, Sainte Aurélie, Saint Guillaume et
Saint Thomas. Il est impossible de séparer ces grands travaux de l’évolution esthétique
opérée entre les deux guerres à la suite de SCHWEITZER et RUPP. Certains excès n’ont
d’ailleurs rien à envier à ceux qu’on a connus dans les années 20.
SAINT PIERRELEJEUNE
On a pu parler, à propos de la reconstruction engagée par MUHLEISEN à Saint Pierrele
Jeune en 194850, de “retour au baroque”. Cette formule un peu excessive n’est pas
sans rappeler le “retour à Silbermann” de SCHWEITZER, tant raillé par les pourfendeurs
anciens et actuels de la Réforme. Il faut savoir reconnaître à ces mots d’ordres le mérites
d’engager des évolutions, souvent lentes, même si leurs effets immédiats sont le reflets de
tatonnements et d’excès.
C’est avec la collaboration d’Alfred KERN, qui en sera l’harmonisateur, que MUHLEISEN
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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conçoit la reconstruction de l’orgue 116 . Le fait le plus marquant réside dans l’adoption de la
traction mécanique, une première pour un grand instrument en Alsace depuis un demi
siècle. Mais, comme à la Cathédrale, on a recours aux machines Barker pour les
accouplements. Les sommiers de SAUER pour le Positif et de SILBERMANN pour le Grand
Orgue sont conservés. La console est en fenêtre, comme à Gunsbach, et le tirage des jeux
est électropneumatique. Ainsi, certains accessoires prônés par SCHWEITZER peuvent être
utilisés, comme les accouplements à double commande interactive (on est bien loin de
SILBERMANN !). La composition est orientée de façon évidente vers la période baroque,
même si certaines hésitations demeurent, comme l’expressivité du Récit ou la présence du
Salicional au GrandOrgue. La Pédale est enfin indépendante, et de belle manière.
SAINTE AURÉLIE
De façon quelque peu surprenante, les trois orgues suivants vont être conçus dans un style
plus hybride que Saint PierreleJeune. Il est vrai que, pour ce dernier, MUHLEISEN
travaillait dans un environnement relativement “vierge”. À Sainte Aurélie plane l’ombre de
SCHWEITZER. Ce dernier n’est, sembletil, pas intervenu dans la gestation du nouvel
instrument. Mais l’esthétique fort discutable qu’il lui avait conférée par le truchement de
HÆRPFER n’a pas été radicalement balayée. Primitivement, il fut décidé de reconstruire le
Positif de dos à la manière de SILBERMANN. D’après JeanDaniel WEBER, titulaire, “afin
d’obtrenir non pas la superposition d’un deuxclaviers «romantique» et d’un
Positif «classique», mais une unité, un troisclaviers aux plans sonores
nettements définis” 117 , il fallut nécessairement remanier l’ensemble de l’instrument. Le
résultat ressemble fort à ce que les Réformateurs appelaient de leurs vœux : un positif de
dos pourvu du cornet décomposé et d’une anche soliste ; un GrandOrgue charnu, riche en
fonds et en mixtures ; un Récit très coloré, capable d’expression ; une Pédale indépendante.
La transmission est mécanique, avec machine Barker pour les accouplements. Cette foisci,
les sommiers à gravures et registres coulissants ont été construits par MUHLEISEN. La
console, en fenêtre, conserve grâce au tirage électropneumatique des jeux les accessoires
demandés par SCHWEITZER. Les pressions retenues sont de 58 mm pour le Positif et le
sommier de 4’, 2’, mixtures de la Pédale, 70 mm pour le reste de l’instrument.
Il et intéressant de noter les circonlocutions utilisées par WEBER pour définir
l’esthétique de l’instrument. Passons sur le lapidaire “orgue baroque agrandi”, qui ne
116 Composition en 1950 :
Positif de dos
GrandOrgue
Récit expressif
Pédale
Bourdon 8’ Bourdon 16’ Bourdon 8’ Flûte 16’
Prestant 4’ Montre 8’ Principal 8’ Soubasse 16’
Nasard 2’2/3 Bourdon 8’ Prestant 4’ Bourdon 16’ (G.O.)
Doublette 2’ Salicional 8’ Flûte 4’ Montre 8’
Tierce 1’3/5 Prestant 4’ Doublette 2’ Flûte 8’
Fourniture III rgs Flûte à cheminées 4’ Larigot 1’ 1/3 Prestant 4’
Cromorne 8’ Quinte 2’ 2/3 Cymbale III rgs Quarte de nasard 2’
Quarte de nasard 2’ Trompette 8’ Fourniture IV rgs
II / I et III / I en Barker Cornet V rgs Voix humaine 8’ Cymbale III rgs
III, II, I / Péd. Fourniture IV rgs Tremblant Bombarde 16’
f, pleinjeu, tutti Cymbale III rgs Trompette 8’
3 comb. ajustables Trompette 8’ Clairon 4’
Annulateur anchesClairon 4’
Annulateur mixtures
Annulateur général
117 J.D. WEBER Les Orgues restaurées de l’église protestante Sainte Aurélie, à Strasbourg, in l’Orgue, 1953, pp
2026
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veut pas dire grandchose. Selon lui, la composition constitue “en quelque sorte une
synthèse entre l’orgue français du XVIII° siècle adopté dans ses lignes
générales par A. et J.A. SILBERMANN (opposition G.O / Pos.), l’orgue des
maîtres de l’Allemagne du Nord (Pédale traitée à l’égald es claviers manuels,
même en présence des tirasses) et celui de CAVAILLÉCOLL (Récit expressif,
amplement développé à partir du clavier initial d’Écho ou de Récit)”. Et plus
loin : “La sonorité de cet instrument est compiée avant tout sur celle des orgues
encore existantes de SILBERMANN, comptetenu de certains jeux
indispensables à l’exécution d’œuvres romantiques et contemporaines”.
Nonobstant le côté réducteur, voire imprécis, de ces justifications, on croirait lire certains
écrits des pères fondateurs de la Réforme, quelques 50 ans plus tôt. Il eut été judicieux de
s’en réclamer ouvertement, définissant ainsi un style précis et propre, plutôt que d’ouvrir de
larges portes aux pourfendeurs de l’”orgue à tout jouer” 118 .
Seulement, quelle aurait été la disposition retenue par MUHLEISEN avec 10 ou 15 jeux de
moins ? L’abondance lui permet de construire en quelque sorte 2 orgues en un, de faire
cohabiter l’esthétique “classique” et l’esthétique romantique en un même buffet. Il est
amusant de constater par exemple la place dévolue au Salicional. Traditionnellement et
logiquement au Positif dans les instruments de RŒTHINGER, il rejoint ici le GrandOrgue,
tant il est vrai qu’il détonnerait dans un “Positif SILBERMANN”. Plutôt que de s’en passer,
comme il eût été logique de le faire notamment à Saint PierreleJeune, MUHLEISEN
l’intègre à la palette de fonds du 1e clavier. Tel est le risque que présentait SCHWEITZER
lorsqu’il recommandait des instruments de 30 à 40 jeux. Les choix qui doivent alors s’opérer
permettent de cerner un style. Il semble que RŒTHINGER l’avait davantage compris en
produisant des instruments aussi différents que Saint Laurent ou la Cathédrale.
SAINT GUILLAUME
Cet écueil, MUHLEISEN ne l’évitera pas dans ses grands instruments ultérieurs. C’est ainsi
que, de 1951 à 1957, il construit à Saint Guillaume ce qui apparait alors comme “l’orgue
le plus colossal d’Alsace”. L’installation de 74 jeux permet la superposition de tous les
118 Composition de SainteAurélie :
Positif de dos (56 n.)
GrandOrgue (56n.)
Récit expr. (56 n.)
Pédale (32 n.)
Bourdon 8’ Bourdon 16’ Quintaton 16’ Bourdon 16’ (G.O.)
Montre 4’ Montre 8’ Principal 8’ Soubasse 16’
Flûte à cheminées 4’ Bourdon 8’ Bourdon 8’ Principal 16’
Nasard 2’2/3 Flûte 8’ Viole de gambe 8’ Bourdon 8’
Doublette 2’ Salicional 8’ Voix céleste 8’ Flûte 8’
Tierce 1’3/5 Prestant 4’ Prestant 4’ Principal 8’
Larigot 1’1/3 Flûte douce 4’ Flûte 4’ Flûte 4’
Cymbale III rgs Quinte 2’2/3 Doublette 2’ Principal 4’
Cromorne 8’ Doublette 2’ Sesquialtera II rgs Doublette 2’
Cornet V rgs Carillon II rgs Fourniture IV rgs
II / I, III / I, III / II Fourniture IV rgs Fourniture IV rgs Cymbale III rgs
I /P, II / P, III / P Cymbale III rgs Bombarde 16’ Bombarde 16’
4 combinaisons ajustables Trompette 8’ Trompette 8’ Trompette 8’
Appels anches G.O, Réc., Péd. Clairon 4’ Clairon 4’ Clairon 4’
Appels mixtures G.O., Réc., Péd. Voix humaine 8’ Chalumeau 4’
Grandjeu, Pleinjeu, fonds Hautbois 8’
Suppression 16’ manuels Tremblant
Suppression Pédale
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Elsässischer Orgelreform et Orgues d’Alsace
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styles dans un orgue à traction électrique, à sommiers à cônes, avec toutes sortes
d’accessoires. Seul le buffet et deux bourdons sont anciens. Il est vrai que rien, à Saint
Guillaume, n’était à préserver, mais quelle volteface par rapport aux avancées de Saint
PierreleJeune 119 !
119 Composition de Saint Guillaume en 1957 :
GrandOrgue
Récit expressif
Écho
Pédale
Montre 16’ Quintaton 16’ Bourdon 16’ Flûte 16’
Montre 8’ Principal 8’ Cor de daim 8’ Violon 16’
Bourdon 8’ Bourdon 8’ Bourdon à cheminées 8’ Soubasse 16’
Flûte 8’ Gambe 8’ Gemshorn 4’ Bourdon 8’
Salicional 8’ Dulciane 8’ Flûte 4’ Grosse quinte 10’ 2/3
Prestant 4’ Voix céleste 8’ Doublette 2’ Bourdon 8’
Flûte à cheminées 4’ Flûte 8’ Larigot 2’ 2/3 Montre 8’
Quinte 2’ 2/3 Prestant 4’ Tierce 1’ 3/5 Cello 8’
Doublette 2’ Quinte 2’ 2/3 PleinJeu III rgs Prestant 4’
Quarte de nasard 2’ Doublette 2’ — Flûte 4’
Cornet V rgs Tierce 1’ 3/5 — Bombarde 16’
Fourniture IV rgs Larigot 1’ 1/3 — Trompette 8’
Cymbale III rgs Flûte 1’ Clairon 4’
Bombarde 16’ Fourniture IV rgs Positif de dos
Trompette 8’ Cymbale III rgs vide, l’orgue n’ayant Crescendo
Clairon 4’ Voix humaine 8’ jamais été terminé p, mf, f, tutti, tuttianches
Bassonhautbois 8’ 6 comb. ajustables
Bombarde 16’ Annulateur 16’ manuels
Trompette 8’ Pos /GO, Réc / GO Annulateur
anches
Clairon 4’ Echo / GO, Echo / Réc. Annulateur mixtures
Echo / Pos, Réc / Pos Accouplement général
GO, Pos, Réc, Echo / Péd
Echo / Péd en 4’
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