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U.F.R.

 Arts ­ Département Musique Année 1996
Mémoire de Maîtrise

Elsässischer
Orgelreform
et
Orgues
d’Alsace
Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Emmanuel FABRE Sous la direction
de Mme M.­D. Popin

de M. M. Schaefer

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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SOMMAIRE
Avant­propos p. 4
Introduction p. 6

PREMIÈRE PARTIE : L’ORGELREFORM p. 8
è
Chapitre 1. L’Alsace des orgues au tournant du XX  siècle p. 9
1) Extinction des dynasties d’artisans [ manque ] p. 10
2) Les forces nouvelles p. 11

Chapitre 2. Les raisons d’une réaction : 
les précurseurs et leurs critiques  p. 14

Chapitre 3. Les précurseurs et leurs revendications p. 20
1) Les références p. 20
2) Les idées de Schweitzer p. 22
3) Les idées de Rupp p. 25
4) Le Congrès de Vienne p. 27

Chapitre 4. Les oppositions p. 31

Chapitre 5. Les évolutions p. 33

DEUXIÈME PARTIE : 
LES ORGUES ALSACIENS ISSUS DE L’ORGELREFORM p. 38

Chapitre 1. Les premiers pas p. 39
1) Dalstein­Hærpfer : les pionniers p. 39
Les essais à l’orgue de Saint Nicolas
Le premier orgue de l’Orgelreform : Saint Sauveur
La première restauration : L’orgue de Saint Thomas
L’accomplissement : l’orgue du Palais des Fêtes 
2) La conversion de Walcker p. 49
La recherche par Rupp de l’orgue synthétique : Saint Paul
L’orgue de Saint Paul de Koenigshoffen [ incomplet ]
3) Rinckenbach et Rœthinger : les nuances p. 55
Une console de Rupp dans un orgue de transition : Saint Pierre­le­Jeune
Le grand orgue selon Rinckenbach : Sainte­Marie de Mulhouse [ manque ]
Haute­pression et Orgelreform : l’orgue de Saint Martin d’Erstein

Chapitre 2. Les grands instruments de l’entre­deux­guerres p. 62
1) Les constructions de Rinckenbach p. 62
L’orgue de Saint Thiébaut à Thann [ manque ]

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L’orgue de Notre Dame de l’Assomption à Ammerschwihr [ manque ]
2) Les grandes transformations de Rœthinger p. 63
L’orgue de Sainte Geneviève à Mulhouse [ manque ]
L’orgue de la Synagogue consistoriale à Strasbourg
3) Les débuts de Schwenkedel p. 67
La restauration de l’orgue de Saint­Thomas à Strasbourg [ manque ]

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Chapitre 3. L’orgue idéal de village selon Schweitzer p. 68
Muhlbach
Gunsbach

Chapitre 4. La maturité et les reconstructions p. 76
1) Les grandes constructions de Rœthinger p. 76
Saint Barthélemy de Mulhouse [ manque ]
Saint Laurent de Bischheim [ manque ]
2) Du neuf dans l’ancien p. 77
La reconstruction Hærpfer à Sainte Aurélie [ manque ]
Le reconstruction Rœthinger à la Cathédrale
3) Un orgue de guerre p. 83
Saint Pierre­le­Jeune catholique

TROISIÈME PARTIE : POSTÉRITÉ DE L’ORGELREFORM p.

Chapitre 1. En Alsace p.
1) Muhleisen p.
2) Max Rœthinger et Curt Schwenkedel p.
3) Avénement de Kern et Kœnig p.
Chapitre 2. À l’étranger p.
1) En Allemagne : l’Orgelbewegung p.
2) La Suisse et l’Autriche p.
3) Les mouvements de réforme au Danemark p.
4) Les pays scandinaves p.

CONCLUSION p.

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AVANT PROPOS

Parmi   la  multitude  des   instruments   de   musique,   l’orgue   est   certainement   celui   qui  
présente au plus haut point une personnalité polymorphe et exclusive. À l’exception  
de quelques essais de production en semi­série, destinés essentiellement à l’exercice,  
chaque   instrument   est   unique,   se   singularisant   toujours   un   tant   soit   peu   de   ses  
homologues  en  facture,  époque  ou localisation.  Mais  cette  originalité  se  rattache  le  
plus souvent à une base de conception commune, à une période, un style musical, un  
pays, une région … Ainsi parle­t­on communément d’”orgue baroque d’Allemagne du  
Nord”,   d’”orgue   classique   français,”,   d’”orgue   espagnol”   ou   encore   d’”orgue  
orchestral­romantique”.   Il   en   va   de   même   pour   la   facture   contemporaine   qui,   bien  
souvent   en   panne   d’originalité,   s’applique   à   redécouvrir   les   trésors   du   passé   au  
travers   de   productions   “néo­baroques”,   “néo­classiques”   ou,   plus   récemment   et   de  
façon encore timide, “néo­romantique”.
Depuis quelques années, j’ai la chance d’être titulaire de l’orgue de l’église catholique  
Saint­Pierre­le­Jeune  à   Strasbourg,   construit   en   1945   par   E.­A.   RŒTHINGER.   Il  
s’agit d’un orgue de 42 registres, sur 3 claviers et pédale, à traction électrique. Notre  
époque souffrant d’un besoin permanent de classification, je suis toujours frappé du  
nombre et de la diversité des qualificatifs dont cet instrument se voit affublé au gré  
des   experts,   facteurs   et   organistes   qui   l’approchent   :   romantique,   orchestral­
romantique,   néo­classique,   post­symphonique.   Bien   souvent,   par   mépris   ou  
commodité, on le range dans la catégorie prolifique des “orgues à tout jouer”. Au­delà  
du côté facilement avilissant de l’expression, c’est faire bien peu de cas du nécessaire  
projet esthétique du concepteur et constructeur d’un tel instrument. D’autant plus que,  
toujours par facilité, on a tendance à placer sous ce vocable la plupart des orgues  
construits entre 1920 et 1960, quelle qu’en soit la région d’origine. Or, en se limitant à  
l’Alsace, et même à une dynastie  de  facteurs  d’orgues,  comment peut­on assimiler  
purement   et   simplement   des   instruments   aussi   différents   que   l’orgue   de  Saint­
Barthélémy à Mulhouse, construit en 1935 par E.­A. RŒTHINGER, et celui de Saint­
Pierre­le­Vieux catholique, conçu en 1960 par son fils Max ?
Dans mon ignorance et ma naïveté de jeune organiste de paroisse, j’ai cherché les  
points   communs   que   pouvait   avoir   l’orgue   de  Saint­Pierre­le­Jeune  avec   d’autres  

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instruments de la même époque et de la même importance. Ils sont nombreux dans  
notre province à participer d’un même projet esthétique, datant de la première moitié  
de notre siècle, sans véritable rupture avec le précédent. Retrouvant fréquemment les  
noms   de   DALSTEIN­HÆRPFER,   RINCKENBACH,   WALCKER,   RŒTHINGER,  
SCHWENKEDEL, j’ai voulu savoir ce qui pouvait réunir des facteurs d’horizons aussi  
différents.   C’est   presque   par   hasard   que   j’ai   rencontré   le   terme   d’Elsässischer 
Orgelreform dont, en plus de quinze ans de pratique de l’orgue en Alsace, je n’avais  
jamais entendu parler.
Or, il semble que ces derniers temps,  depuis la restauration de l’orgue DALSTEIN­
HÆRPFER de Saint­Sauveur à Cronenbourg, une amorce timide de reconnaissance  
de   ce   mouvement   se   produise   en   Alsace,   notamment   sous   l’impulsion   de   Georges  
WALTHER, dirigeant de la manufacture d’orgues MUHLEISEN.
Il m’a donc paru intéressant et utile de faire le point sur une période non négligeable  
de la facture d’orgues alsacienne qui a sa part de responsabilité dans l’évolution de  
è
la facture d’orgues européenne du XX  siècle.

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INTRODUCTION

Il aura fallu près de 80 ans pour que le premier orgue alsacien directement issu des idées 
d’Albert SCHWEITZER soit enfin jugé digne d’intérêt et restauré selon sa conception 
d’origine. C’est en effet en 1985­86 qu’eut lieu la réfection de l’orgue DALSTEIN­HÆRPFER 
de l’église protestante Saint­Sauveur de Cronenbourg par la manufacture d’orgues 
MUHLEISEN. Construit en 1907, un an après la parution à Leipzig de l’opuscule de 
SCHWEITZER Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst, il était, selon 
Emile RUPP 1
 , le premier orgue de la Réforme alsacienne. De fait, un très petit nombre 
d’instruments alsaciens sont explicitement affiliés à l’Orgelreform par les initiateurs de ce 
mouvement. quant aux rares organologues français qui se sont penchés sur la question, ils 
ne citent pratiquement aucun orgue s’en inspirant, en­dehors de ceux avec lesquels 
SCHWEITZER, RUPP ou MATHIAS ont été en contact. En revanche, à l’étranger, en 
Allemagne, en Autriche, en Suisse, au Danemark et même aux États­Unis, de nombreux 
musicologues reconnaissent le rôle indéniable joué par la Réforme alsacienne d’une part 
è
dans l’élaboration de quantité d’instruments de la première moitié du XX  siècle, d’autre 
part dans l’évolution de la facture d’orgue.
Si en France la domination de CAVAILLÉ­COLL et l’excellence de sa 
production ­ qui était d’ailleurs une des revendications des Réformateurs ­ n’ont pas justifié 
l’épanouissement   de   l’Orgelreform,  l’Alsace   était   un   terrain   d’expérimentation   rêvé.   Le 
manque de références auquel nous faisions allusion auparavant signifie­t­il que la Réforme 
n’y   a   trouvé   que   peu   d’écho   auprès   des   organiers   ?   Le   projet   manquait­il   de   valeur   ou
d’achèvement ?   Ou bien encore, pour des raisons qui restent à déterminer, n’a­t­on pas 
voulu s’en réclamer ?

Ce mémoire va modestement tenter de répondre à ces questions. La première d’entre elles 
concerne les bases de l’Orgelreform, ses raisons, son environnement, sa cohérence en tant 
que concept artistique. Ensuite, si la Réforme est dite “alsacienne”, quel contexte trouve­t­
elle en Alsace, quels facteurs d’orgues sera­t­elle susceptible de toucher ? Au travers d’un 
inventaire   des   orgues   alsaciens   présentant   des   caractères   proches   des   idées   des 
Réformateurs, nous chercherons à déterminer si l’impact du mouvement fut si faible dans la 

1 Emile RUPP : Die Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, 1929, Verlaganstalt Benziger & Co A.­G.

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province qu’il y parait au premier abord. Enfin, par l’évolution même de ces instruments, 
par  leur  sort  actuel,  par  les conceptions  de la facture  et des  facteurs  d’orgues  alsaciens 
d’aujourd’hui,   nous   observerons   la   postérité   réservée   à   l’Orgelreform  en   Alsace,   en   la 
comparant à celle constatée sans d’autres pays qui s’y rattachent plus ouvertement.
Toutefois, le but de ce travail n’est en aucun cas de porter un jugement de valeur sur une 
doctrine  prônée  à une  certaine   époque,  dans  un contexte  organologique  donné,  articulée 
autour d’un ensemble de connaissances musicologiques comportant d’inévitables lacunes. 
Comme dans tout milieu artistique, le monde de l’orgue a souvent tendance à dénigrer les 
mouvements   passés.   L’Elsässischer   Orgelreform,  quelle   que   fut   sa   valeur,   a   eu   le   mérite 
d’exister, de faire réagir et évoluer la facture d’orgue. Ce simple fait mérite au moins que l’on 
s’y attarde et que ses actifs lui soient crédités.

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PREMIÈRE PARTIE :
L’ELSÄSSISCHER ORGELREFORM

Quelques mois avant sa mort, le 25 juillet 1947, Emile RUPP écrivait à Pierre VALLOTTON 2

un de ses plus fervents disciples, à propos d‘un orgue suisse récent à traction mécanique : 
“Voici la réalisation intégrale des principes de notre École : la synthèse absolue 
et parfaitement équilibrée du Plein­Jeu et du Grand­Jeu, problème ardu où 
avaient échoué nos devanciers, s’ils n’ont pas éludé les difficultés par le 
refoulement d’un ou de l’autre de ces éléments constitutifs dans le plan 
sonore.” Le long cheminement qui allait mener à cette dernière réflexion de l’organiste de 

Saint­Paul prend sa source en 1898, avec sa violente réaction exprimée dans l’article 
Hochdruck !, à l’occasion de l’installation de jeux à haute­pression dans l’orgue WEIGLE de 

Saint­Maurice. Le hasard a voulu qu’à deux années de distance, en 1896 et 1898, deux 
jeunes organistes alsaciens pleins de talent, Emile RUPP et Albert SCHWEITZER aillent à 
Paris approfondir leur art auprès de WIDOR. Ils côtoyèrent de ce fait CAVAILLÉ­COLL et ses 
réalisations à Saint­Sulpice ou Notre­Dame. Ils s’aperçurent alors que ces orgues 

mécaniques, riches en fournitures et en anches, favorisaient davantage l’expression de la 
polyphonie, notamment celle de BACH, que l’orgue romantique germanique. De retour en 
Alsace, ils allèrent à la découverte des SILBERMANN ­ ou des supposés tels ­ qui, eux aussi, 
permettaient une délicatesse et une clarté de jeu oubliées.
Dès lors, le mot d’ordre de ce qui allait devenir l’Elsässischer Orgelreform  fut :  “Retour   à 
Silbermann”,   ce   qui   signifiait   :   retour   à   l’orgue   polyphonique,   non­orchestral.   De   là 
naquirent   les   nombreuses   publications   vindicatives   de   RUPP   qui   aboutirent   à   sa 
monumentale  Entwicklungsgeschichte   der   Orgelbaukunst.   Plus   modéré   et,   partant,   plus 
influent,  SCHWEITZER  fit  éditer  en 1906  son  Deutsche  und  französische  Orgelbaukunst 
und Orgelkunst, suivi en 1914 de  Zur Diskussion über Orgelbau. Entre­temps, en 1909, 
l’International Regulativ für Orgelbau, fruit des réflexions de la section facture d’orgue du 
Congrès de Vienne, dirigée par SCHWEITZER et MATHIAS, vint ériger en système les idées 
des Réformateurs. 

Il ne s’agit donc pas d’élucubrations de vagues organistes en mal de notoriété, comme 

d’aucuns ont pu le laisser accroire. Dans la première partie de notre travail, nous verrons 

2  Pierre VALLOTTON : Le Testament d’Emile RUPP, in L’Orgue, 1969, n° 47­50.

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d’abord dans quel contexte organologique alsacien la Réforme plonge ses racines. Puis nous 

étudierons les fondements mêmes de l’Orgelreform, tant au plan de l’esthétique sonore que 

des revendications techniques. Enfin, nous nous arrêterons sur les inévitables critiques et 

oppositions rencontrées par les Réformateurs.

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Chapitre Premier
L’Alsace des Orgues au tournant du XXè siècle.

Sans   nous   étendre   sur   la   désormais   traditionnelle   expression   du   chanoine   BARTH   : 


“L’Alsace,   terre   des   orgues”,   il   est   utile   de   revenir   brièvement   sur   le   patrimoine 
organistique de la province à l’orée du XX  siècle. En matière d’orgue, l’Alsace ne faillit pas à 
è

sa   condition   habituelle   de   carrefour   des   nationalités.   Outre   la   production   largement 


majoritaire   issue   de   la   facture   régionale,   on   y   trouve   des   témoins   de   facture   classique 
française   (orgue   DUBOIS   de  Saints­Pierre­et­Paul  à   Wissembourg,   1766),   côtoyant   des 
instruments baroques allemands (...), des orgues symphoniques français (orgue CAVAILLÉ­
COLL de Saint­Etienne de Mulhouse, 1863) à quelques mètres d’exemples du romantisme 
allemand (orgue WALCKER du Temple Saint­Etienne de Mulhouse, 1866). 
Il est intéressant de noter le regard que portent les Réformateurs sue la facture d’orgue 
alsacienne. Si Emile RUPP a une connaissance assez étendue de la dynastie SILBERMANN 
et de son apport, il n’en va pas de même d’Albert SCHWEITZER qui ne fait apparemment 
pas la différence entre le saxon Gottfried SILBERMANN et son frère André SILBERMANN, 
Alsacien d’adoption. Toutefois, tous deux s’accordent à louer l’excellence de la production 
du XVIIIè siècle. Curieusement, ils ne font pas grand cas de l’extraordinaire richesse de la 
facture STIEHR­MOCKERS, et encore moins de celle des CALLINET. Il est vrai que, comme 
le fait remarquer Pie MEYER­SIAT 3 avec une acuité un peu mordante, on a facilement 
tendance à négliger depuis Strasbourg ce qui se fait dans le Haut­Rhin.
è
En fait, ce que les Réformateurs retiennent du XIX   siècle se situe bien davantage dans le 
domaine des importations, c’est­à­dire l’entrée progressive de facteurs français et allemands 
dans  ce territoire  réservé  que semble  former l’Alsace. Outre l’unique exemple CAVAILLÉ­
COLL à Mulhouse, ils notent les travaux de MERKLIN au Temple­Neuf ou encore à Obernai, 
ceux de WEIGLE à Saint­Maurice, de WALCKER à Saint­Paul.

3  Pie MEYER­SIAT : La Réforme alsacienne de l’Orgue, in Bulletin des professeurs du lycée d’état de
  garçons de Mulhouse, 1965, n° 3, 13­20

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1) Extinction des dynasties d’artisans.

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2) Les forces nouvelles
è
À l’aube du XX  siècle, une autre famille alsacienne fait en quelque sorte la transition entre 
les artisans classiques et les nouveaux acteurs qui entreront à pieds joints dans l’ère du 
progrès technique. Il s’agit de la famille RINCKENBACH.
Petit­neveu   de   Martin   BERGÄNTZEL,   lui­même   ébéniste   de   DUBOIS,   Valentin 
RINCKENBACH   (1795­1862)   reprit   à   son   compte   la   manufacture   de   son   grand   oncle   à 
Ammerschwihr. Il nous reste de lui quelques orgues fameux, témoins de la facture de cette 
époque   :   Ohnenheim,   Kœstlach,   Westhalten   …   Hélas,   une   trop   grande   partie   de   sa 
production est actuellement en mauvais état ou injouable. À la mort de Valentin, son neveu 
Martin   (1834­1917)   prit   la   succession.   D’un   stage   de   4   ans   chez   HAAS   à   Lucerne,   puis 
surtout chez CAVAILLÉ­COLL, il rapporta une manière de faire originale en Alsace en cette 
è
fin   de   XIX   siècle.   Ainsi   la   plupart   des   instruments   de   Martin   RINCKENBACH   sont­ils 
caractérisés   par   leur   batterie   d’anches   à   la   CAVAILLÉ,   leur   fidélité   à   la   transmission 
mécanique,   parfois   épaulée   de   la   machine   Barcker,   l’adoption   de   la   console   en   gradins, 
héritage de Saint­Sulpice, dont SCHWEITZER fera bientôt les louanges. En 1900, le dernier 
orgue à traction mécanique conçu par Martin RINCKENBACH fut inauguré à Geispolsheim. 
Le   fils   de   Martin,   Joseph   (1875­1949),   prend   peu   à   peu   de   l’importance   au   sein   de 
l’entreprise   familiale.   Il   ne   résiste   pas   à   l’attrait   du   système   pneumatique   tubulaire   qui 
devient bientôt la transmission exclusive de la maison. La démarche a quelque chose de 
paradoxal : au moment où vont s’élever les voix de l’Orgelreform, prônant un retour à la 
traction   mécanique,   louant   les   machines   Barcker   de   CAVAILLÉ­COLL,   la   manufacture 
d’orgues RINCKENBACH adopte la démarche inverse en abandonnant le système français 
pour le système allemand dont la fiabilité ne cesse déjà d’être mise en cause. En dehors des 
problèmes   de   transmission,   nous   verrons   plus   loin   dans   quelle   mesure   Joseph 
RINCKENBACH   embrassera   néanmoins   les   idées   de   la   Réforme   au   travers   de   ses 
réalisations   de  Saint­Thiébaut   de   Thann  ou   de  Notre­Dame   de   l’Assomption  à 
Ammerschwihr, berceau de l’entreprise familiale.

*
*     *

En 1873 s’installe à Strasbourg un facteur d’orgues de Rhénanie dont la contribution dans 
l’évolution ­ positive ou négative ­ de la facture alsacienne n’est pas négligeable. Il ne nous 
reste que peu d’instruments d’Heinrich KOULEN. Mais il fut, semble­t­il, un excellent 
intonateur, formé chez MERKLIN. son défaut fut sans doute de n’avoir pas su approfondir et 
fiabiliser tous les systèmes de transmissions et de sommiers auxquels il toucha. Rongé par 
un appétit vorace d’inventions, il multiplia les essais et les combinaisons : traction 
mécanique à équerre avec machine Barcker et sommiers à gravures à Saints­Pierre­et­Paul 
d’Andlau (1890), mécanique à balanciers et équerres avec sommiers à cônes à l’église 
protestante de Printzheim (1891), transmission pneumatique avec sommiers à 
membranes à l’église de la Décollation de Saint­Jean­Baptiste à Buhl (1893), pour ne citer 
que des instruments encore en service actuellement. Mais la plus grande contribution, en 
même temps que la plus grande déconvenue, de KOULEN concerne l’électricité. Même si, 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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d’après RUPP 4
, on doit lui reconnaître “le mérite d’avoir introduit l’orgue électro­
pneumatique en Alsace”, ses tentatives dans le domaine n’amenèrent que pannes et 
dysfonctionnements. Ils jetèrent surtout le discrédit sur un facteur d’orgues par ailleurs 

méritant. De fait, après les expériences au Conservatoire (1890) et à Munster (1894), 

KOULEN s’attaqua ­ c’est le terme ­ au grand orgue de la Cathédrale en 1897. Outre la 

transformation de ce qui restait de l’orgue SILBERMANN en orgue orchestral­romantique, il 
5

installa, sur les conseils de son maître MERKLIN  , une transmission électro­pneumatique 
Schmoele­Mols dont les dérangements furent bientôt innombrables. 
Jusqu’à   KOULEN,   la   facture   d’orgue   alsacienne   était   restée   plutôt   traditionaliste.   La 
démarche de ce facteur­inventeur qui, en l’espace de 20 ans, passa de la traction mécanique 
avec sommiers à gravures au balbutiant système électro­pneumatique, précipita sans doute 
l’engouement  pour   le progrès   des  facteurs,  experts   et organistes,  avides  d’une  apparente 
facilité à la fois technique et financière.

*
*     *

Cette voie ouverte par KOULEN, un de ses élèves allait s’y engager avec, heureusement, plus 
de   circonspection.   Edmond­Alexandre  RŒTHINGER  (1866­19..)   entre   chez   KOULEN   en 
1881 et s’initie à la facture française de MERKLIN. En 1889, il part pour Munich et s’engage 
chez MÆRZ. Profitant de ses congés, il parcourt l’Europe pour rencontrer un grand nombre 
de facteurs et se familiariser avec leurs techniques. On le voit ainsi à Freising, Landshut, 
Augsburg,   Passau,   Rosenheim,   chez   MAURACHER   à   Salzbourg,   chez   RIEGER   à   Vienne, 
chez WALCKER à Ludwigsburg, mais aussi à Paris chez CAVAILLÉ­COLL, à Lucerne chez 
GOLL, à Bâle chez ZIMMERMANN ou encore chez DIDIER à Epinal. 
De   retour   à   Strasbourg,   il   fonde   sa   propre   manufacture   en   1893.   La   même   année,   il 
construit son premier orgue à Saint­Arbogast d’Oberhaslach, un instrument de 16 jeux à 
traction mécanique. Déjà il cherche à innover et imagine en 1895, pour l’orgue de  Saints­
Pierre­et­Paul  de Stutzheim, un système  de pédale  de tutti mécanique. En 1896, il est 
chargé de la restauration de l’orgue JEANPIERRE de Russ, qu’il pneumatise. C’est le début 
d’une   exploration   systématique   des   nouvelles   techniques   de   la   facture   d’orgues. 
RŒTHINGER   s’y  adonne  avec  un  bonheur  inégal.   Aux   côtés  d’instruments   neufs  qui  ne 
fonctionnèrent que quelques années, on trouve aussi des “restaurations” qui, avec les yeux 
d’aujourd’hui, dans un contexte totalement différent de celui de l’époque, peuvent paraître 

4 Emile RUPP, op. cit., p. 

5 cf François­Xavier MATHIAS : Les Orgues de la Cathédrale de Strasbourg, 1936.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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criminelles. Citons par exemple la pneumatisation de l’orgue SILBERMANN de Saint­Jean­
les­Saverne. 
KOULEN s’étant vu attribuer en 1893 la réfection du grand orgue de 
la Cathédrale, il rappelle auprès de lui RŒTHINGER et lui en confie la partie sonore. Au­
delà du choix certes discutable ­ mais dont la responsabilité n’incombe pas à RŒTHINGER 
­   d’une
esthétique   orchestrale,   les   experts   de   l’époque   et   les   organistes   qui   se   succédèrent   aux 
nouveaux   claviers   (Widor,   Saint­Saëns,   Gigout   …)   s’accordèrent   tous   à   reconnaître   les 
mérites d’harmonisateur du jeune facteur. Sa renommée faite, ce dernier pouvait donc voler 
de ses propres ailes et se confronter bientôt aux idées des pères de la Réforme.

*
*     *

Ce  tableau  des   principaux   facteurs  d’orgues  alsaciens  qui  seront  directement  en  rapport 
avec l’Orgelreform  ne serait pas complet sans l’évocation d’une firme lorraine dont le rôle 
dans   la   réalisation   des   nouvelles   idées   sera   prépondérant   :   la   manufacture  DALSTEIN­
HÆRPFER  de Boulay, future protégée d’Albert SCHWEITZER. Elle fut fondée en 1863 par 
DALSTEIN,   élève   de   CAVAILLÉ­COLL,   et   HÆRPFER,   produit   de   la   facture   d’orgues 
è
allemande  et   suisse.   Comme  la  plupart   des   entreprises   de   la   fin   du  XIX   siècle,  elle   fut 
obligée   par   la   conjoncture   d’abandonner   peu   à   peu   la   traction   mécanique   et   le   levier 
Barcker, et d’adopter un système pneumatique utilisable. Néanmoins, les origines des deux 
fondateurs   les   prédisposèrent   à   pousser   leurs   recherches   dans   la   voie   d’un   instrument 
réunissant les qualités respectives des factures française et allemande. La firme DALSTEIN­
HÆRPFER   devenait   du   même   coup   l’interlocuteur   rêvé   pour   la   mise   en   pratique   des 
conceptions réformatrices. Le fils de Charles HÆRPFER, Frédéric, ou Fritz (1879­1956), se 
lia   avec   le   jeune   SCHWEITZER   lors   de   la   construction   en   1904   de   l’orgue   de   chœur   de 
Saint­Thomas, à Strasbourg. De cette relation, qui devint rapidement amicale, naquit une 
collaboration étroite de près d’un demi­siècle, durant laquelle HÆRPFER fut chargé de la 
réalisation des idées de SCHWEITZER.

*
*     *

Tels   sont   donc   les   principaux   acteurs,   la   “force   de   frappe”   dont   disposeront   les 
Réformateurs alsaciens pour mener à bien leurs projets. En résumé, trois jeunes artisans, 
Joseph RINCKENBACH, Edmond­Alexandre RŒTHINGER et Frédéric HÆRPFER, arrivant 
sur   le   marché   à   un   moment   des   plus   délicats.   De   nombreux   instruments   anciens   sont 
fatigués et doivent être restaurés ou remplacés. La concurrence fait rage, surtout avec les 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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facteurs d’Outre­Rhin, les matières premières ne cessent d’augmenter, tandis que les devis 
doivent   perpétuellement   être   revus   à  la   baisse.   Les   diverses   solutions  qu’offre   le  progrès 
technique ­ pneumatisation, électrification, sommiers à cônes, à membranes, à soufflets ­ 
permettent d’importantes économies. Mais ces remèdes vont à l’encontre des conceptions 
qui, peu à peu, commencent à s’affirmer. Dès lors, quelle sera la ligne de conduite adoptée 
par les jeunes facteurs alsaciens ?

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Chapitre 2

Les Origines d’une Réaction :
Les Précurseurs et leurs Critiques.

Depuis 1870, l’Alsace est une province allemande. Outre les évidentes passions patriotiques 
que cette conjoncture génère ­ notamment chez Emile RUPP ­ une cassure va se produire 
dans certains milieux alsaciens qui, jusque là, synthétisaient souvent avec bonheur l’esprit 
français et l’esprit allemand. Ainsi, à la fin du siècle, le jeune RUPP se met à fréquenter des 
cercles d’artistes alsaciens. Il rencontre, des peintres, des musiciens, des gens de lettres qui 
se réunissent à la “Tavern”, au café “Bauzin” ou “Zum Ritter”. À la même époque, un jeune 
facteur d’orgues allemand, Oscar WALCKER, héritier de la fameuse firme de Ludwigsburg, 
est   introduit   dans   le   même   milieu   à   l’occasion   de   son   passage   à   Strasbourg   pour 
l’installation de l’orgue de Saint­Paul. RUPP et lui s’y rencontreront; il en naîtra une solide 
amitié.
è
Dans les deux premiers tiers du XIX  siècle, l’Alsace a été en grande partie préservée de 
toute ingérence étrangère en matière de facture d’orgue. Comme nous l’avons vu plus haut, 
l’excellence des grands artisans tels que STIEHR­MOCKERS, CALLINET ou WETZEL 
suffisait amplement à satisfaire la demande locale. Il n’en va plus de même à partir de 1860. 
Certaines communes, certaines paroisses, en mal de prestige, font appel aux grandes firmes 
allemandes et françaises et s’offrent, à des prix généralement exorbitants, un CAVAILLÉ­
COLL, un MERKLIN, un WALCKER. Citons par exemple le CAVAILLÉ acquis par la nouvelle 
paroisse Saint­Etienne de Mulhouse en 1863, tandis que, trois ans plus tard, l’église 
réformée Saint­Etienne se fait installer un WALCKER de 62 jeux sur 3 claviers, en traction 
mécanique. MERKLIN n’est pas en reste avec ses grands instruments d’Obernai ou du 
Temple Neuf. mais revenons un instant à CAVAILLÉ­COLL et à WALCKER. Un parallèle 
pourrait être esquissé entre ces deux hommes qualifiés l’un comme l’autre à l’époque de 
“meilleur facteur d’orgue du monde”. Leurs règnes sur leurs pays respectifs est quasiment 
sans partage. Tous deux ont une même responsabilité envers l’héritage qu’ils ont à gérer. 
Ainsi, selon MEYER­SIAT 6
, “CAVAILLÉ­COLL […], créant l’orgue symphonique, 
répondant ainsi au goût du temps […], a contribué activement à la 
è è
méconnaissance de l’orgue classique français des XVII  et XVIII  siècles, de même 
que WALCKER, en Allemagne, a relégué SCHNITGER, en 1833, dans un oubli total.” On ne 
peut rien reprocher à ces deux génies qui, ce faisant, répondaient à une demande et le 

6 Pie MEYER­SIAT : L’orgue Cavaillé­Coll de Mulhouse, in Archives de l’Église d’Alsace, 1988.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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faisaient avec art et qualité. D’ailleurs, les revendications des Réformateurs ne concerneront 
pas ce type de facture, ni française, ni allemande. Pour SCHWEITZER, qui étudia sur le 
WALCKER de Mulhouse, une certaine apogée fut atteinte dans la facture d’orgue des deux 
pays aux environs de 1860.
C’est par la suite que les choses vont se détériorer. Tandis que CAVAILLÉ n’a jamais réussi 
à placer un deuxième orgue en Alsace, WALCKER en construit 28. Le rejet progressif des 
mutations, l’accumulation de fonds, la pneumatisation systématique, l’utilisation de 
matériaux de moindre qualité vont peu à peu conduire à la production en série d’”orgues 
d’usine” (Fabrikorgel), élément déclenchant de l’Orgelreform 7
.
Le contexte politico­religieux revêt lui aussi une grande importance. D’après RUPP 8
, les 
organistes catholiques alsaciens sont, durant la période 1870­1918, musicalement très 
épris de la littérature de Paris, tandis que les protestants “dorment d’un sommeil de 
Belle au Bois dormant”. Alors que le cercle d’influence de firmes telles que 
RINCKENBACH ou DALSTEIN­HÆRPFER est délimité par des aspects confessionnels, la 
disparition en 1892 de WETZEL, “héritière de SILBERMANN”, laisse la porte ouverte aux 
facteurs allemands. Ainsi, toujours selon RUPP, on ne peut pardonner au “tout­puissant 
parti musical d’Alsace […] d’avoir paralysé la facture d’orgue alsacienne par la 
préférence exclusive de l’orgue bon­marché d’Outre­Rhin” (exception faite de 
WALCKER et WEIGLE). Le titulaire de Saint­Paul accorde l’absolution aux organistes et aux 
autorités ecclésiastiques catholiques pour avoir toujours privilégié et soutenu la facture du 
pays.
Afin   d’illustrer   son   propos,   RUPP   cite   l’orgue   que   se   fait   construire   en   1899   Jean­Marie 
ERB, à Saint­Jean de Strasbourg, par RINCKENBACH :

Grand­Orgue               Positif expressif                      Récit expressif             Pédale
Principal 16’ Quintaton 16’ Lieblichgedeckt 8’ Principal 16’
Montre 8’ Geigenprincipal 8’ Salicional 8’ Soubasse 16’
Bourdon 8’ Viole de Gambe 8’ Voix céleste 8’ Violon 16’
Flûte majeure 8’ Flûte harmonique 8’ Gemshorn 4’ Octavebasse 8’
Gambe 8’ Aeoline 8’ Orchesterflöte 4’ Violoncelle 8’
Dolce 8’ Unda Maris 8’ Clarinette 8’ Bombarde 16’
Octave 4’ Fugara 4’ Voix humaine 8’
Doublette 2’ Flautino 2’
Cornet V rgs Trompette 8’
Fourniture IV rgs Basson­hautbois 8’
Basson 16’

7  Il   faut   toutefois   nuancer.   Ni   RUPP,   ni   SCHWEITZER   n’attribueront   la   construction   de


  Fabrikorgeln  à   WALCKER.   Tous   deux   s’accordent   à   reconnaître   la   qualité   de   son   travail
comme de celui de WEIGLE. 

8  Emile RUPP, op. cit., p.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Trompette 8’

Accouplements :  II/I, III/I, III/II, I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Octaviant grave III/I, octaviant aigu III/I.
Combinaisons : pp, p, mƒ, ƒ général, ƒ, dégagement.
Divers : Crescendo, Expression positif, Expression récit.
(tous ces accessoires commandés par pédales.)

Il   représente   un   exemple   typique   du   style   de   transition   qui 


conditionne   la   facture   alsacienne   à   travers   les   deux   influences   allemande   et   française, 
particulièrement dans les églises catholiques, avant l’avènement de la Réforme. À l’opposé 
de   cette   esthétique   de   compromis,   on   voit   l’apparition   d’une   conception   accueillie   plus 
favorablement   par   les   milieux   protestants.   Par   nature,   en   fonction   des   impératifs   de 
l’accompagnement du culte, les 
autorités protestantes de l’époque sont davantage orientées vers l’école sud­germanique qui 
prêche l’empilage des fonds poussé à l’extrême. On a coutume de dire alors qu’”un   bon 
Principal 8’ protestant doit souffler l’organiste de son banc”.

Surviennent alors les fameux jeux à haute­pression qui vont faire couler des flots d’encre. 
En fait, ils ne sont que le catalyseur, le signe le plus visible du fossé qui ne cesse de se 
è
creuser, à la fin du XIX   siècle, entre facture allemande et facture française. Brièvement, 
l’orgue romantique allemand, à la différence de l’orgue symphonique français, refuse aux 
mutations, mixtures et anches la faculté de conférer brillance et éclat au  forte  de l’orgue. 
Avec l’abandon pur et simple du Werkprinzip, ses claviers sont désormais échelonnés selon 
leur degré de puissance (I=ƒƒƒ, II=ƒƒ, III=ƒ, IV=mƒ), chacun articulé autour d’un Principal 
8’   et   de   ses   variantes.   L’aspiration   vers   un   maximum   de   force   et   de   masse   se   heurte 
logiquement   à   la   conception   des   jeux   de   fonds   traditionnels.   Il   faut   donc   les   multiplier, 
augmenter leur taille, mais aussi la pression de l’air qui les fait parler. Ainsi, de 100 mm, 
pression   moyenne   des   jeux   de   fonds   de   l’époque,   on   va   désormais   construire   des   jeux 
spéciaux   admettant   250   mm,   voire   300   mm.   De   tels   jeux   sont   incompatibles   avec   la 
redécouverte des polyphonies de BACH ­ notamment par SCHWEITZER ­ qui, d’après les 
futurs Réformateurs de retour de Paris, sont bien plus perceptibles sur les instruments de 
CAVAILLÉ­COLL.

Symboles  de  l’exaspérante  toute­puissance  des  autorités  allemandes   et de  leur  parti­pris 
logique pour la facture germanique, deux orgues importants sont inaugurés coup sur coup 
en   1897   et   1898   dans   les   églises   de   garnison   protestante   et   catholique   de   Strasbourg, 
Saint­Paul et Saint­Maurice. Construits respectivement par WALCKER et WEIGLE, ils vont 
incarner les griefs de tenants d’une facture alsacienne davantage orientée vers la France, en 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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ces temps d’annexion, et provoquer les débuts du mouvement de Réforme.
Emile RUPP, nommé organiste de Saint­Paul en 1897, prend peu après livraison d’un orgue 
WALCKER de 58 jeux sur trois claviers et pédale, diligenté par deux experts de 
l’administration de la garnison, “un prussien et un directeur de musique alsacien”  9

en l’occurence Ernest MÜNCH et Wilhelm SERING.
L’instrument, pourvu de trois jeux à haute­pression, est composé comme suit :

1er clavier. Hauptwerk (56 notes)                              2ème clavier. (56 notes)
            Principal 16’ Salicional 16’
Flauto major 16’ Principal 8’
Principal 8’
Bourdon 8’ Quintatön 8’
Doppelflöte 8’ Doppelgedackt 8’
Viola di Gamba 8’ Konzertflöte 8’
Gemshorn 8’ Viola d’Amour 8’
Salicional 8’ Dolce 8’
Octav 4’ Principal 4’
Rohrflöte 4’ Traversflöte 4’
Gemshorn 4’ Vox angelica 4’
2
Quinte 2’ /3 Piccolo 2’ (à double bouche)
Octav 2’ Kornett IV­V fach
Mixtur 4’ VI fach Trompette 8’
Fagott 16’ Klarinette 8’
Posaune 8’ Stentorflöte (haute­pression)
Stentorgamba 8’ (haute­pression)
3ème clavier. Schwellwerk (56 notes)                         Pedal (27 notes)
            Gedeckt 16’ Principalbaß 32’
Principal 8’ Principalbaß 16’
Gedeckt 8’ Subbaß 16’
Spitzflöte 8’ Violonbaß 16’
Fugara 8’ Majorbaß 16’
Aeoline 8’ Octavbaß 8’
Voix céleste 8’ Flötenbaß 8’
Principal 4’ Octave 4’
Flauto dolce 4’ Posaunenbaß 16’
Fugara 4’ Trompete 8’
Harmonia aethera III fach (dans la boite du Récit :)
Trompette harmonique 8’ Stentorbaß 16’ (haute­pression)
Oboe 8’ (anches libres) Bourdon doux 16’
Violoncell 8’

Accouplements : II/I, III/I, III/II, I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Combinaisons : mƒ, ƒ, ƒƒ, combinaisons libres à chaque clavier, 

9 cf. Emile RUPP, op. cit., p. 335.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Labialtutti, Zungen­Tutti.
(tous ces accessoires commandés par boutons­poussoirs)
Divers : Automat. Walze, Schwelltritt III., Registercrescendo.

L’orgue est de très bonne facture, tant au plan du matériel sonore qu’à 
celui de la transmission pneumatique. Mais au premier coup d’œil, on remarque l’absence 
quasi­totale de mutations simples, l’extrême pauvreté en mixtures ­ qui sont d’ailleurs le 
plus souvent des mixtures­cornets ­ le manque d’anches de 4’. La puissance de l’orgue n’est 
fondée que sur l’accumulation de 8’ et 4’ à bouches. Il faudra moins d’un an à RUPP pour 
réaliser   l’incapacité   d’un   tel   instrument   à   accompagner   une   masse   importante   de   voix 
3
d’hommes, dans une acoustique très difficile (46 000 m ), pour laquelle le titulaire aurait 
préconisé de 40 à 50% de mutations et environ 25% d’anches.

Pour   parer   au   plus   pressé,   RUPP   demande   dès   1898   quelques 


modifications à WALCKER. Le G.O. voit sa Mixtur VI rgs transformée en Plein­Jeu VI rgs, 
reçoit un Clairon 4’ à la place de sa Stentorgamba 8’ et le Cornet du Positif; celui­ci est 
remplacé par une Mixtur V rgs et la Stentorflöte cède sa place à un Basson 8’. Le Récit est 
augmenté   d’un   Clairon   4’   et   d’un   Piccolo   1’.   À   la   Pédale,   un   Clairon   4’   remplace   la 
Stentorbaß   16’.   Par   ces   changements,   quelques   principes   balbutiants   de   la   future 
Orgelreform sont déjà visibles : rejet des jeux à haute­pression, mixtures claires à tous les 
claviers, orientation vers une batterie d’anches à la CAVAILLÉ­COLL et importance accordée 
aux anches de 4’, destinées à mettre en évidence des thèmes de choral ou à briller dans le 
tutti. 

Bien   évidemment,   ces   modifications   ne   sont   qu’un   pis­aller.   Nous 


verrons plus loin quelles transformations profondes RUPP fera subir à son orgue, une fois 
posés les principes  de la Réforme. Dans l’immédiat, son énergie est entièrement mobilisée 
par   sa   violente   réaction   à   la   construction   en   1898   de   l’orgue   de   l’église   catholique   de 
garnison, Saint­Maurice, par WEIGLE :

           1er clavier. Hauptwerk.                                  3ème clavier. Schwellwerk.
            Prinzipal 16’ Quintatön 16’
Prinzipal 8’ Lieblich Gedeckt 8’ (en bois à 2 bouches)
Gedeckt 8’ (en bois) Gemshorn 8’
Wiener flöte 8’ (en bois) Quintatön 8’
Viola di Gamba 8’ Viola 8’
Oktav 4’ Aeoline 8’
Rohrflöte 4’ Voix céleste 8’
Oktav 2’ Traversflöte 4’
Cornet V fach (en fait III­V) Flageolette 2’
Mixtur VI fach (avec 3ce et 7ème) Oboe 8’ (à bouche)
Stentorphon 8’ (haute­pression) Vox humana 8’
Großgedeckt 8’ (haute­pression)
Tuba mirabilis 8’ (haute pression)

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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2ème clavier.                                                   Pédale.
2
Bourdon 16’ Prinzipalbaß 32’ (bois, 3 rgs, 16’, 10’  /3, 8’)
Prinzipal minor 8’ Prinzipalbaß 16’ (en bois)
Hohlflöte 8’ (en bois) Violonbaß 16’ (en bois)
Salicional 8’ Subbaß 16’ (en bois)
Dolce 8’ Oktavbaß 8’ (en bois)
Soloflöte 4’ Cello 8’
Quintatön 4’ Harmonicabaß 16’
2
Cornettino 4’ III fach (4’, 2 /3’, 2’) Posaune 16’
Clarinette 8’ (à bouche)
Solo Gamba 8’ (haute­pression)

Accouplements :  I/II, I/III, II/III, I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Suboct. II/I.
Combinaisons : Sperrventil I, II, III
Divers : Pédale de Crescendo à 17 positions.

Les sommiers sont à membranes, de type WEIGLE. La transmission 
est   pneumatique   à   échappement   (système   WEIGLE).   La   tuyauterie,   même   si   elle   est   de 
bonne qualité, est de facture industrielle. À l’origine, la production de vent était assurée par 
8 pompes cunéiformes mues par moteur à gaz, par l’intermédiaire de deux vilebrequins avec 
des bielles.

Plus encore que dans le WALCKER originel de  Saint­Paul, on trouve 
è
ici   réunies   toutes   les   caractéristiques   de   l’orgue   allemand   de   la   fin   du   XIX   siècle,   et, 
partant, bon nombre des critiques des instigateurs de l’Orgelreform : accumulation de fonds, 
profusion   de   jeux   en   bois,   jeux   à   double   bouches,   “anches   à   bouches”,   jeux   à   haute­
pression, absence d’anches et mutations simples, très peu de mixtures et aucune mixture 
claire,   sommiers   à   membranes,   les   pires   d’après   les   Réformateurs.   L’instrument   est 
l’archétype de ce que SCHWEITZER appellera le Fabrikorgel, l’orgue d’usine.

Avant   même   son   inauguration,  l’orgue   déclenche  la   colère   de   RUPP 


dans   un   article   que   l’on   s’accorde   à   citer   comme   le   point   de   départ   de   l’Elsässischer  
Orgelreform. C’est un cri d’alarme intitulé Hochdruck !. RUPP voit dans le style “americano­
wurtembourgeois”   une   énorme   faute   de   goût   et   dénonce   cette   course   à   la   puissance   au 
moyen de pressions toujours plus élevées, sur des machines qui n’ont plus d’orgue que le 
nom.

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Chapitre 3
Les Précurseurs et leurs Revendications

Un des principaux obstacles à la postérité de l’Orgelreform se situera sur un plan formel. En 
effet, les revendications des Réformateurs vont porter à la fois sur l’esthétique sonore de 
l’orgue et sur sa partie technique. L’imbrication trop fréquente des deux plans, alliée aux 
différences   de   conceptions   des   protagonistes,   parfois   même   au   manque   de   clarté   du 
message de chacun d’eux, nuira à l’extension d’idées au demeurant très légitimes.

1) Les Références
Nous retrouvons donc nos deux jeunes organistes, RUPP et SCHWEITZER, de retour de chez 
WIDOR, enthousiasmés par la facture de CAVAILLÉ­COLL. Le hasard veut que, à quelques 
années   de   distance,   tous   deux   fassent   ensuite   l’expérience   de   la   facture   SILBERMANN. 
RUPP découvre les orgues de  Marmoutier    et  Ebersmunster, instruments qui, grâce à la 
pauvreté de leurs paroisses, sont restés très authentiques. De son côté, SCHWEITZER est 
depuis longtemps un connaisseur et un fervent admirateur de BACH. À partir de 1893, il 
accompagne   à   l’orgue   les   cantates   et   passions   du   cantor   de   Leipzig   qu’Ernest   MÜNCH 
donne à Saint­Guillaume avec son fameux chœur. Il approfondit son expérience de BACH, 
la communique à WIDOR, et tous deux produisent l’édition monumentale qui, malgré ses 
lacunes   et   ses   erreurs,   fera   longtemps   autorité.   La   rencontre   de   SCHWEITZER   avec 
SILBERMANN   est   moins   directe   que   celle   de   RUPP.   À  Saint­Guillaume,   il   ne   reste   plus 
grand   chose   de   l’orgue   André   SILBERMANN,   transformé   successivement   par   WETZEL   et 
KOULEN,   avant  sa  reconstruction   complète  en 1898  par  WALCKER  (les  années   1897­99 
sont   décidément   à   la   fois   prolifiques   et   funestes   pour   le   patrimoine   organistique 
strasbourgeois). Il en va de même à Saint­Nicolas où, en 1900, il touche un orgue qui n’a 
plus qu’un lointain rapport avec le seul exemple alsacien de collaboration entre André et 
Gottfried SILBERMANN. Là encore, les remaniements successifs de GEIB, SAUER, WETZEL 
et KOULEN ne laissent que peu de place aux plus anciens tuyaux SILBERMANN du monde. 
C’est finalement son poste à Saint­Thomas qui rapprochera le plus SCHWEITZER de la 
tradition SILBERMANN. L’orgue a bien sûr beaucoup évolué depuis sa construction en 1741 
par Jean­André SILBERMANN. L’instrument que SCHWEITZER trouve à son arrivée 10 va 

10 Composition de l’orgue de Saint Thomas en 1905 :
Positif : Grand­Orgue : Récit W1836 : Pédale :
Bourdon 8’ S Bourdon 16’ S Montre 8’ Soubasse 16’ S

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déterminer une bonne partie des conceptions de SCHWEITZER. Tout d’abord, il y retrouve 
une traction mécanique, chose à peu près unique parmi les grands instruments qu’il à 
l’occasion de toucher. Il en reconnaît tout de suite les immenses avantages 11
 : “Ce n’est 
qu’à travers une traction mécanique qu’on entretient avec son orgue une 

véritable relation vivante.” De la traction de Saint­Thomas, bien qu’elle soit sans doute 
12

extrêmement bruyante, fatiguée et empoussiérée  , il précise qu’elle a “bien plus de cent 
ans. Mais c’est un délice d’y jouer une fugue de Bach. Je ne connais aucun 
autre orgue sur lequel tout est traduit si clairement, si précisément.” D’un autre 
côté, l’état des recherches musicologiques et organologiques en 1900 ne permettait 
manifestement pas de départager les différentes origines du matériel sonore. De là viendront 

les confusions qui, un peu plus tard, présideront à l’érection de l’orgue du Palais des Fêtes. 

Celui­ci comprendra par exemple un Salicional­Silbermann. Il sera facile aux opposants à la 
13

Réforme de démontrer que SILBERMANN n’avait jamais construit de Salicional  . De même, 
SCHWEITZER et l’Orgelreform, qui considéreront l’orgue de Saint­Thomas comme “l’orgue 

idéal de BACH”, se verront­ils opposer l’argument irréfutable : “Comment la Réforme 
peut­elle parler des «mixtures Silbermann de Bach», alors que Bach n’a pu être 
lié qu’aux Silbermann de Saxe et pas avec la famille des facteurs d’orgues de 
Strasbourg, c’est­à­dire au constructeur de l’orgue de Saint­Thomas, qui était 
14

le neveu de Gottfried Silbermann de Saxe.”   Il semble en fait que jamais 
SCHWEITZER n’ait fait la différence entre les deux branches de la dynastie de facteurs 
d’orgues.

Quintaton 8’ W1836 Montre 8’ S Bourdon 8’ Octavebasse 8’ S


  (remplace Fourniture) Bourdon 8’ S Cor de daim 8’ Violoncelle 8’W1860
Prestant 4’ S Salicional 8’ W1836 Gambe 8’      (remplace Quinte)
Cor de daim 4’ W1836    (remplace Cymbale) Flûte 4’ Prestant 4’ S
  (remplace Tierce) Flûte traversière 8’ W1860 Salicional 4’ Bombarde 16’ S
Flûte harmonique 4’ W1860    (remplace Nasard) Basson­Trompette 8’ Trompette 8’ S
  (remplace Nasard) Prestant 4’ S   (remplace Écho) Clairon 4’ S
Doublette 2’ S Flûte 4’ W1836   (probablement :
Cromorne 8’ S   (remplace Tierce)   Bourdon 8’
Doublette 2’ S   Prestant 4’
Cornet V rgs S   Cornet III rgs)
Fourniture IV rgs S
Trompette 8’ S
Clairon 4’ S
Voix humaine 8’ S
(S=jeux Silbermann, W1836=transformation Wetzel 1836, 1860=transformation Wetzel 1860.)

11 cf. Albert SCHWEITZER : Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst, Leipzig, 1906.

12  cf.   Simon   CNOCKAERT   :  Patrimoine   et   politique   de   sauvegarde   des   orgues   en   Alsace,   Mémoire   de
fin d’études, I.E.P.S., 1993­94.

13 cf. August GESSNER : Zur elsässich­neudeutschen Orgelreform, Strasbourg, 1912.

14 cf. supra, p. 

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Cette confusion est pour nous l’occasion de faire une première mise au point, vitale pour la 
compréhension du projet esthétique de l’Orgelreform. Certains historiens, et notamment 
d’éminents organologues alsaciens, ont mal compris le mot d’ordre “Retour au bel orgue” 
lancé par SCHWEITZER et repris comme principe fondamental par les Réformateurs. Selon 
Rudolf QUOIKA 15
, “ce cri ne signifie pas retour à l’orgue ancien, mais retour à 
l’orgue de maître, par opposition à l’orgue d’usine. Par orgue idéal, Albert 
SCHWEITZER entend avant tout les chefs­d’œuvre construits dans les sept 
è
premières décennies du XIX  siècle.” Dans tout ce qui va suivre, dans l’analyse des 
manifestes de SCHWEITZER comme de RUPP, on ne doit jamais perdre de vue ce postulat. Il 
ne s’agissait donc pas d’un retour à SILBERMANN par CAVAILLÉ­COLL, comme on a pu 
l’écrire depuis. Même le “Retour à Silbermann” de RUPP ne constituait pas une fin en 
soi. Le but était surtout de retrouver la qualité de construction que symbolisaient 
SILBERMANN ou CAVAILLÉ­COLL. Bien plus qu’une simple copie d’anciens idéaux 
è
artistiques ­ ce à quoi se cantonnera souvent la facture de la deuxième moitié du XX  siècle 
­ l’Orgelreform propose avant tout un projet original, basé sur des références de qualité qui 
ont fait leurs preuves. 

2) Les idées de SCHWEITZER
Le Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst de SCHWEITZER constitue le 
premier programme structuré des revendications de l’Orgelreform. Écrit en 1905, il regroupe 
les réflexions les plus diverses que le jeune organiste a amassées au long de ses voyages.
L’idée   directrice   est   contenue   dans   l’introduction   :  “Je   vis   avec   la   conviction   qu’un 
compromis   entre   les   deux   orgues   et   leurs   conceptions   peut   être   trouvé   et 
qu’avec   ce   compromis,   cette   interpénétration   des   techniques   organistiques 
françaises   et   allemandes,   une   période   nouvelle,   fertile   en   idées   […], 
commencera   dans   l’histoire   du   jeu   d’orgue.”  Les   référents   de   SCHWEITZER   sont, 
pour l’orgue français, CAVAILLÉ­COLL, et pour l’orgue allemand, d’une part ce qu’il connait 
de   SILBERMANN,   d’autre   part   les   bons   facteurs   de   la   période   1830­60,   essentiellement 
WALCKER et SAUER. En l’occurence, on retrouve là les instruments sur lesquels il a passé 
le plus de temps : CAVAILLÉ­COLL à Saint­Etienne de Mulhouse puis à Paris, WALCKER 
au temple Saint­Etienne, SILBERMANN sur les vestiges strasbourgeois de Saint­Nicolas et 
Saint­Thomas.
L’essai de SCHWEITZER s’articule en cinq grands thèmes. Le premier est une comparaison 
des  techniques  de  crescendo,  et donc  des  consoles  françaises  et  allemandes. Tandis  que 
l’usage   du   ventilateur   électrique   a   mené   l’orgue   allemand   vers   la   pneumatisation   et   les 

15 Rudolf  QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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boutons­poussoirs, l’orgue français est resté plus traditionnel, conservant des accessoires 
mécaniques   maniés   par   les   pieds.  La   conception   allemande  a   conduit  à   l’adoption   de  la 
Registerrad  (rouleau de crescendo), des combinaisons fixes et libres, en bref, de systèmes 
remplaçant un agrégat de registres par un autre lors de tout changement dynamique. Par 
là, l’organiste  allemand,  “éternel   esclave”  des  combinaisons  déterminées  par  le facteur 
d’orgues,   renonce  “dans   le   crescendo   à   l’intérêt   de   l’individualité   de   chaque 
clavier” et perd peu à peu la faculté de construire de lui­même une registration originale. 
Par   opposition,   le   système   français,   basé   sur   les   accouplements   et   les   pédales   de 
combinaisons, laisse à l’interprête toute latitude quant à la conduite dynamique de son jeu. 
Le   Récit   expressif   à   la   CAVAILLÉ­COLL,   fourni   en   fonds,   mixtures   et   anches,   vient 
compléter le crescendo. Pour SCHWEITZER, le système a un autre avantage : il permet la 
construction en France de consoles essentiellement identiques sur lesquelles tout organiste, 
même de passage, peut aisément s’orienter. Ce sont là les prémices de la console standard 
uniformisée   chère   à   RUPP.   La   première   revendication   de   SCHWEITZER   est   donc   de 
“combiner   les   dispositions   françaises   et   allemandes   […]   et   de   placer   les 
commandes   d’accouplements   et   de   combinaisons   aussi   bien   en   boutons­
poussoirs   qu’en   pédales,   de   telle   manière   que   correspondent   boutons   et 
pédales.”  En   plus   des   accessoires   français,   on   doit   conserver   la   pédale   de   crescendo. 
Quant   à   la   combinaison   libre,   SCHWEITZER   suggère   qu’elle   soit   doublement   utilisable, 
c’est­à­dire qu’elle puisse soit remplacer la totalité de la registration manuelle, soit venir s’y 
rajouter. Il entérine par là le perfectionnement introduit par DALSTEIN­HÆRPFER à Saint­
Nicolas.   SCHWEITZER   y   a   fait   installer   ­   sur   un   orgue   pneumatique   ­   la   totalité   des 
accessoires   qu’il   prône   :  “tirasses,   accouplements,   octaves   aiguës   et   graves, 
combinaison libre doublement utilisable […] pour chaque clavier et la pédale, et 
encore   la   pédale   de   crescendo.   Du   côté   des   accouplements,   un   appel   des   jeux 
du 1er clavier, d’après la technique du Grand Orgue français.”
Le deuxième thème abordé concerne les modes de transmission. Tout en reconnaissant les 
qualités de légèreté et les côtés pratiques du système tubulaire, SCHWEITZER lui reproche 
“une   précision   sans   vie” .   Il   accorde   à   la   traction   mécanique   une   supériorité 
incontestable, tout au moins pour les petits instruments. Pour les plus grands, il conseille 
la machine Barcker utilisée dans l’orgue français. Il retient aussi de ce dernier des touches 
plus courtes et un pédalier concave, conduit jusqu’au g’.
Le   problème   des  pressions  constitue   le   troisième   thème.   Les   ressources   inépuisables   du 
ventilateur   électrique,   ainsi   que   la   nécessité   d’une   pression   élevée   pour   les   besoins   du 
système pneumatique, ont conduit l’orgue allemand  “à   confondre   puissance   sonore   et 
richesse   sonore”.  “Nous   nous   sommes   réjouis   de   l’orgue   grondant   et 
mugissant.” SCHWEITZER fustige évidemment les jeux à haute­pression, mais pas avec la 
même intransigeance que RUPP. De fait, il conçoit que  “dans   de   très   grandes   églises, 
deux   ou   trois   jeux   à   haute­pression   artistiquement   conçus   [puissent]   produire 
un   effet   grandiose   et   participer   ainsi   à   la   perfection   de   l’instrument.”   Il   faut 
retenir   cette   concession   qui   permettra   de   mieux   comprendre   la   perspective   de   l’orgue 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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RŒTHINGER de Saint­Martin d’Erstein, quelques années plus tard.
Le   quatrième   thème   traite   de   l’aspect   pécuniaire   en   tant   qu’il   conditionne   celui   de   la 
composition des orgues. Dans une conjoncture de concurrence sauvage, de prix écrasés, où 
le   choix   entre   deux   facteurs   se   fait   selon   le   nombre   de   registres   ou   d’accessoires, 
SCHWEITZER assène une vérité qui est le véritable fondement de la Réforme : “un   facteur 
d’orgue   ne   peut   être   un   artisan   que   s’il   est   considéré   comme   artiste   par   un 
autre artiste. Si cette considération lui fait défaut, il deviendra, par la force des 
choses,   un  vendeur.” Les mandants doivent fournir aux facteurs d’orgues les moyens de 
leur art. Ceux­ci doivent cheminer dans les pas de CAVAILLÉ­COLL : “ses   inventions   et 
ses   efforts   étaient   axés   sur   le   perfectionnement   de   l’intonation   et   du   timbre, 
donc   exactement   ce   vers   quoi   doit   retourner   la   facture   d’orgues   allemande.” 
SCHWEITZER   reproche   à   l’orgue   allemand   une   mauvaise   intonation   des   différents   jeux, 
non­axée sur la sonorité globale. Il faut tendre vers une  Klangverschmelzung, une fusion 
sonore des fonds, mixtures et anches, variante de l’orgue synthétique de RUPP. Partant du 
principe que  “la   mesure   de   tout   orgue   est   la   musique   de   Bach”, il faut opérer un 
“retour  à   l’orgue   de   la  polyphonie   demandé   par   Bach,   pas   à  l’orgue  orchestral.” 
Il ne s’agit pas là d’un retour à SILBERMANN dont SCHWEITZER sait parfaitement que les 
organiers   n’ont   ni   les   moyens   cognitifs,   ni   les   moyens   financiers,   ni   même   le   goût   de 
l’effectuer. Il s’agit plutôt de retrouver formellement les ingrédients qui peuvent rendre sa 
clarté   et   son   sens   à   une   polyphonie.   C’est­à­dire   :  “Des   fonds   plus   fins   !   Unité 
harmonique   des   fonds   !   Des   mixtures   suaves   et   en   quantité   !” Il faut que tous les 
claviers   soient   pourvus   de   mixtures,   y   compris   la   pédale,   trop   souvent   dépendant   de   la 
tirasse. 
À propos des fonds, SCHWEITZER touche du doigt le problème des entraînements 
harmoniques, mis en évidence par CAVAILLÉ­COLL. Le remède : concevoir des fonds de 
tailles très peu différentes. Le jeune organiste, élève de RHEINBERGER, féru de WAGNER, 
ne pourra jamais se passer d’une large palette de fonds. “Je n’ai jamais pu concevoir 
l’abandon des jeux gambés.” 16 
Rudolf QUOIKA en donne une explication : ayant fait 
tout son apprentissage sur des instruments majoritairement dépourvus de mutations, 
“SCHWEITZER utilisait comme remède l’«éclairage des jeux» 
[Stimmenbelichtung], qu’il réalisait au moyen de jeux gambés. De là vient son 
amour des gambes, violes et violoncelles à la pédale. Aujourd’hui, on ne sait 
trop que faire de ces jeux parce qu’on ne connait déjà plus le principe de 
l’éclairage des jeux”.
Le problème des anches hantera toute la vie de SCHWEITZER. Trop puissantes dans l’orgue 
è
de   CAVAILLÉ­COLL,   trop   inexistantes   dans   l’orgue   allemand   de   la   fin   du   XIX   siècle   (à 
l’exception   des   tonitruants   Tuba   mirabilis   à   haute­pression),   il   voit   leur   idéal   dans   les 
instruments   WALCKER   ou   HÆRPFER   des   environs   de   1860.   Il   recommande   aussi   les 
anches de 4’, notamment à la pédale. Pour atteindre la parfaite fusion des trois éléments ­ 

16 cf. lettre à Rudolf QUOIKA, in Ein Orgelkollek mit Albert Schweitzer, 1970.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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fonds, mixtures et anches ­ SCHWEITZER se prononce pour la différenciation des pressions 
pratiquée par CAVAILLÉ. Nous verrons que, plus tard, il reviendra sur ce dispositif, jugé 
peu efficace.
Enfin, la cinquième partie de l’opuscule est consacrée à l’École d’orgue française. Outre les 
louanges   des   différents   compositeurs   pour   lesquels   il   trouve   une   filiation   avec   BACH, 
SCHWEITZER   retient   l’utilisation   de   la   boite   expressive   en   France   qui,   contrairement   à 
l’expression allemande des sentiments, sert la ligne architectonique.
Telles sont, dans les grandes lignes, les idées de l’organiste SCHWEITZER sur la facture 
d’orgues en 1905. Il ne s’agit pas encore dans son esprit d’une “réforme”, mais simplement 
d’observations faites dans le but de mettre en commun les caractéristiques positives de 
deux factures d’orgues qui semblent, hélas, s’éloigner de plus en plus l’une de l’autre 17
.

17 cf. Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, Berlin, 1914, p. 8.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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3) Les idées de RUPP
“Rupp était un tireur d’avant­poste” 18
. Cette opinion est très largement répandue, 
aussi bien auprès de ses contemporains que des organologues des décennies suivantes. En 
fait, celui que MOSER cite comme “l’Adjudant de Schweitzer” (1961), s’affirme par des 
19

positions originales. Walter KWASNIK   insiste sur la nécessité de montrer jusqu’à quel 
point les conceptions de RUPP diffèrent de celles de SCHWEITZER et MATHIAS. Le problème 

est que la nature de l’organiste de Saint­Paul, son caractère enflammé, son patriotisme 

ardent, son instinct de bretteur le poussent à de stériles polémiques qui spolient son 
message et en aliènent parfois le sens.
Ce message, jusqu’en 1929 (année de la parution de son 
Entwicklungsgeschichte) est, de plus, morcelé dans de nombreux articles et opuscules. 
Après le fameux Hochdruck ! de 1899, parait une étude sur la facture de CAVAILLÉ­COLL 20

suivie entre 1906 et 1909 d’une série d’articles consacrée aux perspectives organologiques 
de
21

RUPP  . Puis sortent en 1910 deux ouvrages très importants, l’un consacré à l’Orgelreform , 
22

l’autre à la standardisation de la console, idée chère à RUPP  .

Le mot d’ordre de RUPP est un retour à l’orgue ad fontes, c’est­à­dire aux particularités 
sonores et à la technique de jeu spécifiques à l’instrument. Il ne réfute pas l’orgue 
orchestral, trop enraciné qu’il est ­ lui aussi ­ dans une esthétique romantico­wagnérienne, 
mais son tutti doit reposer sur la synthèse sonore, par opposition au mélange des couleurs 
sonores de l’orgue du romantisme tardif. Ses référents sont les mêmes que ceux de 
SCHWEITZER mais, contrairement à ce dernier, il place en première position l’orgue 
SILBERMANN dont il a une meilleure connaissance. Fervent lecteur des théories de DOM 
BEDOS et de l’Abbé VOGLER, il définit son idéal organologique comme territorialement 
franco­alsacien et historiquement post­Bachien. À la différence de SCHWEITZER, il connait 
l’orgue français de CLIQUOT, basé sur le 16’, mais lui préfère celui d’André SILBERMANN 

18 Pie MEYER­SIAT : La Réforme alsacienne de l’Orgue, in Bulletin des professeurs du lycée d’état de
  garçons de Mulhouse, 1965, n° 3, 13­20.

19 Walter KWASNIK : Emile Rupp als Orgelreformer, Kirchmusiker und Mensch, Frankfurt/Main, 1966.

20 Emile RUPP : Cavaillé­Coll und der deutsche Orgelbau, in Zeitschrifts für Instrumentenbau, Leipzig, 21, 1900.

21 Emile RUPP : Die Orgel der Zukunft, in Zeitschrifts für Instrumentenbau, Leipzig, 26, 1906, cahiers 4  à  20, 
1909, cahier 6.

22 Emile RUPP : Die Normal­ und Einheitsspieltisch, Bremen, 1910.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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qui, selon lui, avait opéré une synthèse des deux systèmes 23
. Il lui trouve du génie dans le 
fait de baser les claviers de ses instruments su le 8’ et la pédale sur le 16’. “Les 
principaux, bourdons et mixtures de l’orgue SILBERMANN produisaient une 
image sonore unitaire et accomplie.”
À  partir  de là, l’idéal  personnel  de RUPP peut  être  défini  comme suit.  Il revendique tout 
d’abord le Werkprinzip, avec un Grand­Orgue suave et pas trop surchargé, un Positif coloré 
par sa richesse en mutations, et un Récit puissant, chargé et riche en anches. La Pédale fait 
exclusivement fonction de basse, d’autres rôles pouvant lui être confiés grâce aux tirasses 
(SCHWEITZER  insiste  davantage  sur   une  pédale  indépendante).  Remarquons  au   passage 
qu’on ne peut voir là une volonté de retour à SILBERMANN, mais seulement un désir de s’y 
référer. Le  Werkprinzip  chez RUPP n’est en aucun cas sclérosé et stéréotypé : une grande 
importance est donnée dans la registration aux accouplements de plans sonores, toujours 
dans   le   but   d’une   bonne   synthèse   sonore.   Ces   plans   sonores   doivent   être   construits   en 
étages, dans un buffet qui n’est ouvert qu’en façade.
Les fonds de RUPP ne sont ni bruyants, ni trop gras, ni trop riches en harmoniques. Il est 
l’ennemi des doubles­flûtes, tibias, doubles­bourdons, jeux en bois et, évidemment, des jeux 
à haute­pression, en tant qu’aucun de ces registres ne permet une bonne synthèse sonore 
avec les autres. Les jeux d’anches doivent avoir des languettes longues. Ils sont tous plus ou 
moins basés sur la technique des trompettes ou des hautbois. Les mutations simples ont un 
caractère flûté. Rupp demande la suite complète des harmoniques de 16’ à la Pédale, celle 
de 8’ au Grand­Orgue, de 4’ au Positif. Les mixtures éclairent le tutti mais ne le renforcent 
pas.   RUPP   refuse   les   mixtures   haut­perchées   et   avec   beaucoup   de   reprises   de   l’orgue 
d’Allemagne du Nord. Pour les mixtures à reprises, qui doivent avoir un caractère de cornet, 
il prône l’usage de la tierce et, parfois, de la septième. Ailleurs, la tierce doit être dans le 
groupe des mutations flûtées et jamais dans les mixtures à reprises. Comme exemple, en 
1906, RUPP cite le Plein­Jeu harmonique VI rgs de Saint­Paul, disposé à côté d’un Cornet V 
rgs et d’une Cymbale III rgs :
2 3 1 1
C 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
2 3 1 1
c 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
2 3 1 1
c1 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
2 3 1 1
c2 2 /3 2 1 /5 1 /3 1 /7 1
1 2 2 2
c3 3 /5 2 /3 2 /3 2 /7 2 2
2 1 4
c4 6 /5 5 /3 4 /7 4 4 4
Il en dit : “Cette mixture, qui contient la suite ininterrompue des harmoniques de 
8’,   est   incontestablement   le   plus   beau   de   tous   les   jeux   composés.   Il   confère   au 
Grand­Orgue,   comme   au   tutti   de   mon   orgue,   une   brillance   de   perle   et   une 

23 cf. Emile RUPP : Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, 1929, p. 331.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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clarté   argentée.   La   septième   doit   avoir   la   taille   d’un   salicional   est   être   intonée 
très doucement.” Comme deuxième exemple, il donne la disposition d’une Mixture IV rgs :
1 2 1
C 1 /3 1 /3 /2
1 2 1
c 1 /3 1 /3 /2
1 2
g 2 1 /3 1 /3
1 2
c1 2 1 /3 1 /3
2 1
c2 2 /3 2 1 /3 1
2 2
c3 2 /3 2 /3 2 2
“Très   claire,   tranchante,   façon   cymbale.   À   recommander   pour   le   Grand­Orgue 
de   gros   instruments   ou   aucune   cymbale   n’est   prévue,   ou   pour   le   2ème   ou   le 
3ème   clavier   d’un   orgue   plus   grand.   La   quinte   supérieure   est   naturellement   à 
tailler étroite et à intoner comme une flûte.”
Sur  le  plan  technique,  RUPP  attache   une  importance  bien  plus  grande  au  problème  des 
sommiers qu’à celui de la transmission. Seul le sommier à gravures trouve grâce à ses yeux. 
Comme SCHWEITZER, il pense que la transmission a plus d’influence sur l’organiste que 
sur l’auditeur. Il revendique la traction mécanique pour les petits instruments et l’électricité 
pour  ceux  de plus de 30 jeux.  Encore  un point par  lequel il se démarque totalement  de 
SCHWEITZER pour qui  “un   facteur   d’orgues   qui   construit   des   orgues   électriques 
mérite   la   chaise   électrique.” MATHIAS, quant à lui, voit dans le système pneumatique 
la technique la plus prometteuse.
Mais le problème technique qui requiert le plus d’énergie de la part de RUPP est celui de la 
console.   SCHWEITZER   loue   les   consoles   françaises   pour   leur   uniformité   et   revendique 
d’autre part l’adoption des accessoires les plus utiles des deux factures. RUPP a les mêmes 
exigences et cherche dès lors à concevoir une console apte à recevoir rationnellement ces 
aides   au   jeu,   en   intégrant   des   considérations   physiologiques   et   psychologiques.   En   voici 
brièvement   les   grands   principes   :   les   tirants   de   registres   sont   plus   maniables   que   les 
boutons; on les dispose à main gauche pour les jeux à bouche de 32’, 16’, 8’ et 4’ et à main  
droite pour les mutations, jeux aiguës, mixtures et anches, toujours sur la même hauteur 
que   les   claviers   correspondants.   Les   accessoires   les   plus   importants   sont   disposés   aux 
pieds.   Les   pédales   d’introduction,   selon   le   modèle   français,   sont   à   droite,   au­dessus   du 
pédalier;   les   accouplements   sont   à   gauche,   doublés   par   des   boutons­poussoirs   sous   le 
clavier inférieur. RUPP conserve la pédale de crescendo et, suite aux rituels compliqués des 
services catholiques et israélites (il est titulaire de l’orgue de la Synagogue consistoriale), il 
prône   la   pédale   automatique.   Nous   verrons   plus   loin   dans   quelle   mesure   cette   “console 
standard uniformisée” fut réalisée. 
Souvent raillé comme visionnaire fou, RUPP avait fait la proposition d’une console à double 
commande, mécanique et électrique. Il fallut attendre plus de 50 ans (orgue d’Ottobeuren, 
1957) pour qu’elle soit concrétisée. De nos jours, on assiste à des essais de plus en plus 
prometteurs d’orgues mécaniques électroniquement assistés (Saint­Eustache, par exemple). 
Gageons que RUPP en eût été comblé.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Dernier point de divergence : plus que SCHWEITZER qui, dans sa hantise du  Fabrikorgel 
avait une nette préférence pour les petits artisans, RUPP appréciait les grandes firmes, plus 
aptes à fournir en particulier des intonateurs de métier.

4) Le Congrès de Vienne
À   l’étude   des   revendications   esthétiques   de   SCHWEITZER   et   RUPP,   on   s’aperçoit   qu’un 
certain   nombre   d’appréciations   des   deux   hommes   ne   coïncident   pas.   Certes,   tous   deux 
restent   profondément   attachés   à   un   orgue   d’essence   orchestrale­symphonique,   mais 
empreint de sa personnalité propre, sans velléité d’imitation de l’orchestre. Leur mot d’ordre 
commun,   fondamentalement,   est   le   retour   à   un   bel   orgue,   conçu   avec   goût,   construit 
artisanalement,  avec  des  préoccupations  de  qualité  plus  que  de  quantité.  La  référence  à 
SILBERMANN  est commune, mais plus fondée chez RUPP,  tandis  que celle à CAVAILLÉ­
COLL est plus forte chez SCHWEITZER. Le rôle vital des mutations est reconnu de la même 
manière, même si RUPP met davantage l’accent sur les suites harmoniques décomposées. 
La   question   des   anches   les   rassemble,   pour   l’instant.   Globalement,   les   deux   hommes 
militent   pour   une   intonation   interactive   des   différents   jeux,   individuellement   ou   par 
familles. Fusion ou synthèse sonore sont sensiblement la même chose, bien que celles­ci 
soient   atteintes   chez   RUPP   en   passant   par­dessus   le  Werkprinzip,   fondamental   pour 
SCHWEITZER.
Les   questions   techniques   présentent   un   consensus   encore   un   peu   moins   parfait. 
Reconnaissant tous deux la supériorité de la traction mécanique, RUPP prévoit un immense 
avenir   à   la   transmission   électrique,   alors   que   SCHWEITZER   tolère   souvent   le   système 
pneumatique. Les sommiers sont parfois à cônes chez SCHWEITZER, toujours à gravures 
pour RUPP.
En creusant davantage, on trouverait d’autres points de divergences. En fait, bien que 
collaborant fréquemment, les deux organistes travaillent essentiellement “à l’instinct”. Tout 
le contenu subjectif de leurs conception nuit à la cohérence de leur message qui, du moins 
dans l’esprit de RUPP, doit s’ériger en Réforme. SCHWEITZER cherche plus simplement 
l’épanouissement d’idées qui lui semblent justes. Comprenant tout le mal qu’un excès de 
polémique peut faire à ces idées (“Les pointes polémiques qui ne sont pas rares dans 
ses exposés [ceux de RUPP], je ne les approuve pas plus que celles de ses 
opposants.”  24
), il essaye d’élargir le débat : “Moi­même, j’ai toujours évité de parler 
d’une réforme de la facture d’orgue, bien que je puisse comprendre comment on 
en arriva à cette expression […]. Je ne peux pas non plus me réjouir du fait que 
cette appellation soit encore augmentée et que des mots comme «alsacienne», 
«néo­germanique», «franco­allemande» lui soient accolés.” Et plus loin, l’idée “doit 
se mouvoir universellement et librement et ne doit pas être gênée par des 

24 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, Berlin, 1914, p. 7.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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appellations d’origine qui lui sont trop étroites.”  
Bien que SCHWEITZER ne puisse plus revenir sur le fait que, désormais, ses conceptions et 
celles   de   RUPP   porteront   l’estampille   d’Elsässischer   Orgelreform,   il   va   essayer   de   les 
objectiviser, de les universaliser. C’est dans ce but qu’il accepte la direction de la nouvelle 
section pour la facture d’orgue, qui lui est proposée par Guido ADLER, dans le cadre du 
è
IX  Congrès de la International Musikgesellschaft se réunissant à Vienne en 1909.
Comme travail préalable, SCHWEITZER envoie une sorte de sondage sur la facture d’orgue 
et son avenir à un panel très complets de facteurs d’orgues, experts et organistes, à travers 
toute l’Europe. Puis, la section se réunit à Vienne. Outre ses animateurs, SCHWEITZER et 
MATHIAS, elle comprend des facteurs d’orgues : Fritz HÆRPFER, représentant de l’école 
alsacienne, RIEGER de Jägerndorf pour les grandes firmes, SCHIFFNER de Prague comme 
apôtre de SILBERMANN, BRAUNER d’Altstadt qui prône la traction mécanique, ULLMANN 
de   Vienne,   personnifiant   la   tradition   autrichienne   baroque;   l’expert   autrichien 
EHRENHOFFER;   l’ingénieur   DREXLER,   concepteur   de   transmissions   électriques;   les 
théologiens catholiques BEWERUNGS et MAYNOOTH.
Les trois premières interventions engendrèrent le  Règlement international pour la Facture 
d’Orgues. Elles avaient pour thèmes : “La réforme de notre facture d’orgue, sur la base d’un 
questionnaire   aux   organistes   et   facteurs   d’orgues   des   pays   latins   et   germaniques” 
(SCHWEITZER), “Structure unifiée de la console vue sous l’angle particulier de la pédale” 
(EHRENHOFFER),   “Expérience   sur   l’installation   et   l’harmonisation   des   orgues   modernes” 
(HÆRPFER). Rédigé par SCHWEITZER, MATHIAS et EHRENHOFFER, le Règlement contient 
20 chapitres indépendants :

• Section 1 : Place de l’orgue et rapports avec les architectes.
Accent   sur   l’amélioration   des   caractéristiques   acoustiques   des   églises   et
des salles de concert.
• Section 2 : Façade
Importance   de   la   façade   de   l’orgue.   Plus   un   orgue   est   beau,   plus   il   a   de
chances de bien sonner.
• Sections 3 à 5 : Banc ­ Construction ­ Soufflet
• Section 6 : Boite expressive du 3ème clavier
Considérée   comme   une   partie   vitale   de   l’orgue   moderne,   elle   doit   assurer
une   variation   d’intensité   allant   du   simple   au   double.   (Sur   ce   sujet,   les
réponses au questionnaire étaient très partagées.)
• Section 7 : Sommiers
Excellence   du   sommier   à   gravures.   Le   sommier   à   cônes,   bien   que   rendu
responsable du son d’harmonica de l’orgue moderne, est autorisé pour son
côté pratique.

25 cf. supra, p. 8.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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• Section 8 : Transmission
La traction  mécanique  est recommandée  pour les orgues  petits  et moyens.
(Notons   que   l’Allemagne   se   prononce   résolument   en   faveur   du   système
pneumatique.   En   1909,   la   transmission   électrique   ne   trouve   pratiquement
pas d’écho.)
• Section 9 : Console
Le   Règlement   recommande   simplicité   et   normes,   d’après   les   principes   de
SCHWEITZER. Les claviers doivent être plus proches les uns des autres.
Les touches seront plus étroites que celles d’un piano de concert.
• Section 10 : Pédalier
Il est étendu à 30 notes. On adopte la mesure de Mecheln.
• Section 11 : Tailles ­ Pressions ­ Harmonisation
Adoption des tailles larges et de pressions basses. 
Pressions   différenciées   :   fonds   =   80­85   mm,   mixtures   =   70­75   mm,
anches   =   100­120   mm.   L’entaille   d’accord   est   abandonnée.   On   insiste   sur
l’intonation   individuelle   des   jeux   dans   le   sens   d’une   meilleure   fusion
sonore. Importance des jeux de caractère.
• Section 12 : Composition
Tout   orgue   doit   posséder   2   claviers.   La   valeur   des   jeux   est   déterminante,
pas leur nombre. On détermine l’ordre des registres à la console.
• Sections 13 à 16 : Accessoires
Unifications   des   principes   français   et   allemands   d’après   les   idées   de
SCHWEITZER.   Refus   des   combinaisons   fixes.   Reconnaissance   des
combinaisons   libres,   à   chaque   clavier,   à   double   commande   et   doublement
utilisables.   reconnaissance   de   la   pédale   de   crescendo,   lequel   doit   être
modifiable.   Les   accouplements   octaviants   ne   doivent   être   installés   que   si
l’étendue du sommier est réelle.
• Section 17 : Prix
• Sections 18 à 20 : Réception ­ Transformations ­ Expertise ­ Paiement
La   conservation   des   orgues   anciens   et   leur   surveillance   comme   héritage
culturel sont favorisées.

Il était important de résumer les principes adoptés dans le 
International Regulativ für Orgelbau. Il constitue en fait la “reconnaissance officielle des 
travaux de SCHWEITZER” 26
. Véritable condensé des idées les plus importantes de RUPP, 
SCHWEITZER et MATHIAS, il constitue en quelque sorte le seul “manifeste” de 
l’Elsässischer Orgelreform qui, jusqu’alors, n’était qu’un terme générique issu de divers 

26 cf Rudolf QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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opuscules, articles
 ou expériences plus ou moins concrètes. Certes, les véritables acteurs alsaciens de la 
Réforme peuvent, et surtout pourront, s’en démarquer sur tel ou tel point. Nous verrons 
justement dans la deuxième partie de notre étude dans quelle mesure a pu véritablement se 
développer une facture spécifiquement alsacienne, respectant des théories émises par des 
Alsaciens. Mais dans l’immédiat, le Règlement est le texte de référence contre lequel les 
polémiques vont pouvoir se développer.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Chapitre 4
Les Oppositions

Si, comme  nous l’avons vu, SCHWEITZER refuse la polémique, il ne peut l’empêcher. La 
réaction   la   plus   violente   aux   idées   développées   par   la   Réforme  vient   du   grand   rival   et 
néanmoins  collègue  d’Emile  RUPP,  August  GESSNER,  organiste  de  Saint­Maurice, église 
catholique   de   garnison.   Ardent   défenseur   de   la   facture   d’orgue   allemande   industrielle,   il 
publie en 1912 un petit livret intitulé : Zur elsässich­neudeutschen Orgelreform et sous­titré 
:  Ein Wort der Kritik und Abwehr. En rappeler les principaux   arguments n’est pas inutile, 
d’une part pour cerner les styles contre lesquels la Réforme aura à se battre, d’autre part 
pour   souligner   les   éventuelles   contradictions   de   cette   dernière.   Il   faut   reconnaître   que 
l’ouvrage   de   GESSNER   est   fort   bien   structuré,   correctement   argumenté   et   que   les 
connaissances de son auteur sont étendues.
L’organiste   de  Saint­Maurice  commence   par   tourner   en   dérision   le   retour   à   BACH   par 
l’orgue SILBERMANN ­ “orgue­idéal  de  BACH” ­ vicié dès le départ par la confusion dans 
l’esprit de SCHWEITZER entre les différents SILBERMANN. Il démonte ensuite la filiation 
que SCHWEITZER avait monté, un peu artificiellement, entre WIDOR et BACH, passant par 
LEMMENS et HESSE. Après ces quelques préliminaires acides, l’ouvrage s’articule en trois 
points : l’orgue SILBERMANN, le système tubulaire, les jeux à bouches à haute­pression. Ne 
revenons pas sur la première partie qui s’applique, prenant le contre­pied de SCHWEITZER, 
à   trouver   le   plus   de   correspondances   possibles   entre   l’orgue   SILBERMANN   et   l’orgue 
è
allemand de la fin du XIX  siècle. GESSNER va même jusqu’à remettre en cause l’excellence 
de SILBERMANN, lui préférant GABLER ou ALFTERMANN.
è 
La défense du système pneumatique tubulaire occupe le deuxième chapitre. La fin du XIX
siècle voit arriver un certain nombre d’orgues construits en traction mécanique à bout de 
souffle.   Comme   le   fait   remarquer   GESSNER,  “il   y   a   des   systèmes   pneumatiques 
défectueux,   des   mécaniques   défectueuses   et   des   dispositions   électro­
pneumatiques  douteuses.” Évidemment, l’auteur ne ménage pas ses critiques envers un 
SCHWEITZER   refusant  le   système   pneumatique   qui   brise   le   lien  entre   l’organiste   et   son 
instrument,   et   recommandant   le   levier   Barcker   qui   produit   le   même   inconvénient.   Quel 
triomphe   pour   lui   s’il   savait   qu’à   l’avenir,   une   bonne   part   des   orgues   installés   par   les 
Réformateurs ­ et notamment par HÆRPFER, le facteur fétiche de SCHWEITZER ­ le seront 
en   transmission   pneumatique   !   Les   balbutiements   peu   prometteurs   de   la   transmission 
électro­pneumatique, préférée par RUPP, lui facilitent sa critique. À peine a­t­il besoin de 
faire appel à la sentence de l’Abbé BRUGGER, cité comme spécialiste de la facture d’orgue et 
électrotechnicien : “L’avenir appartient au système tubulaire.”
La troisième partie du livret concerne les jeux à bouches à haute­pression. Il s’agit là du 
traditionnel combat esthétique entre les tenants de la puissance “mugissante” de l’orgue des 
fonds   et   les   Réformateurs,   qui   croient   davantage   dans   la   capacité   des   mutation   et   des 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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anches   à   assurer   un   tutti   artistique.   Point   n’est   besoin   d’y   revenir   ici,   la   question   est 
largement développée plus haut.
L’opuscule   de   GESSNER  ne   manque   pas   d’intérêt.  La   balance   aurait   tout  aussi   bien   pu 
pencher de son côté, tant il est vrai que ses arguments ne manquent pas de poids vis­à­vis 
de conceptions de la Réforme parfois mal étayées, voire contradictoires. Mais GESSNER, en 
1912,   est   pratiquement   seul.   Un   de   ses   principaux   soutiens   dans   son   combat,   Gustav 
ALLIHN, après de violentes attaques contre l’Orgelreform, s’est détourné dès 1909 de l’orgue 
des fonds. Il s’est finalement  reconnu dans beaucoup de points de la Réforme alsacienne et 
est allé jusqu’à caractériser le romantisme comme le temps de la déchéance pour la facture 
d’orgue.

En fait, les quelques oppositions virulentes à la Réforme s’étouffèrent rapidement d’elles­

mêmes. Sans doute SCHWEITZER avait­il raison en pensant que l’évolution se serait faite 

de toute manière. Le mérite des Réformateurs est au moins d’avoir précipité et encadré le 

mouvement.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Chapitre 5
Les Évolutions

Les  orgues  alsaciens  que  nous   étudierons  ont été  construits  entre  1907  et 1950­60. Or, 
nous   n’avons   examiné   jusqu’ici   que   la   mouture   primitive   de   l’Orgelreform,   sa   gestation 
n’occupant que les dix premières années du siècle. Il est bien évident que les idées de ses 
inspirateurs vont évoluer. À partir de là, il semble primordial d’intégrer ces évolutions même 
si, globalement, les bases du mouvement n’en seront pas affectées.

*
*     *

Dès   1914,   Albert   SCHWEITZER   publie   un   deuxième   ouvrage   :  Zur   Diskussion   über 
Orgelbau, qui constitue une sorte d’additif à Deutsche und französische Orgelbaukunst und 
Orgelkunst. Même depuis Lambaréné, il continue à prendre part au combat pour le “bon 
orgue”. L’opuscule comporte quelques précisions et un certain nombre de nouvelles idées. 
En premier lieu, on assiste à un partage des tâches entre RUPP, dont la passion ira toujours 
aux   orgues   monumentaux,   et   SCHWEITZER,   qui   dit   ne   s’intéresser   qu’  “aux   ouvrages 
entre   50   et   15   jeux   en   tant   qu’ils   constituent   la   moyenne   du   service   divin.” 
Outre   le   fait   que   seul   un   très   petit   nombre   d’instruments   alsaciens   sortira   de   cette 
fourchette   (Erstein,   68   jeux;  Synagogue,   64   jeux;  Saint­Paul,   74   jeux),   SCHWEITZER 
manifeste par là son intérêt pour l’ “orgue  de   village”, en faveur duquel il mènera bientôt 
une action concrète à Muhlbach et  Gunsbach. 
Plus loin, l’auteur précise sa position quant au problème de la  transmission. Fidèle à la 
traction mécanique pour les orgues petits et moyens, le réalisme le pousse à y combiner le 
système   pneumatique   ou   l’électricité,   seuls   capables   dans   l’immédiat   d’assurer   le 
fonctionnement des différents accessoires prônés par la Réforme. Il admet par ailleurs que, 
même pour la traction, les facteurs d’orgues ne sont pas encore prêts à y revenir, soit pour 
des questions de coût, soit parce qu’ “ils ne sont plus organisés pour sa construction 
et   qu’ils   n’emploient   plus   de   personnel   qualifié.”  Jusqu’à   ce   que   les   bonnes 
conditions   soient   réunies,   on   s’emploiera   donc   à   améliorer   le   système   pneumatique, 
notamment   son   toucher.   Cette   concession   permet   de   mieux   comprendre   certaines 
réalisations   de   l’Orgelreform.   Mieux,   elle   pousse   à   l’indulgence   envers   bon   nombre   de 
restaurations   initiées   par   les   Réformateurs   et   incluant   la   plupart   du   temps   une 
pneumatisation. Il est facile, de nos jours, de crier au scandale et de railler la dichotomie 
entre les principes et la réalité. Le pragmatisme de SCHWEITZER a néanmoins permis, en 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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certains cas, d’éviter la destruction pure et simple de monuments historiques.
L’apport le plus important de Zur Diskussion über Orgelbau concerne sans doute le positif 
de dos. Approfondissant son goût pour le  Werkprinzip, SCHWEITZER note que  “le   2ème 
clavier  moderne  est  une  ombre du premier”  et souhaite donc revenir au positif de dos 
ancien,  seul  capable  d’assurer  un  réel  contraste  avec  le  Grand­Orgue.   Il affine  ainsi  ses 
positions concernant la personnalisation des plans sonores :  “Le   saint   instrument   est 
une   trinité.   Chaque   clavier   est   une   personnalité   importante.   À   côté   du   Grand­
Orgue,   avec   ses   sons   pleins   et   ronds,   se   place   le   Positif   de   dos   avec   ses   jeux 
clairs   et   pénétrants.   Aux   deux   se   joint   le   Récit   expressif,   avec   ses   sons 
intenses, modulables par les jalousies.” (Notons au passage qu’il ne reste pas de place 
dans   cette   trinité   pour   la   Pédale,   preuve   que   son   indépendance   n’est   encore   qu’un   vœu 
pieux.) Mais là encore ­ et SCHWEITZER en est conscient ­ il y a loin de la coupe aux lèvres. 
Les questions  financières  et de mentalités  s’opposeront  bien  longtemps  à cette  idée  et le 
temps de l’Orgelreform videra de leurs tuyaux quantité de positifs anciens, tandis que bien 
peu de nouveaux instruments en seront équipés.
Par la suite, SCHWEITZER reconnaîtra encore le peu d’intérêt de la division des sommiers et 
de la différenciation des pressions pratiquée par CAVAILLÉ­COLL.  Pour un coût trop élevé, 
le principe n’est pas aussi prometteur que prévu.

*
*     *

De son côté, Emile RUPP publie en 1929 sa monumentale Entwicklungsgeschichte der 
Orgelbaukunst, fruit de 10 ans de travail acharné. “Œuvre passionnée mais peu 
scientifique” 27
, l’ouvrage est une somme des connaissances acquises par l’organiste de 

Saint­Paul et veut raconter toute l’histoire de la facture d’orgues. Le chapitre sur les 
SILBERMANN est étayé par les “cahiers SILBERMANN” auxquels MATHIAS et RUPP ont eu 
accès en 1920. On notera aussi qu’une place significative est faite aux théories de l’Abbé 
VOGLER et à son système de simplification. RUPP voit dans CAVAILLÉ­COLL et dans le 
WALCKER primitif des successeurs à VOGLER. Il énumère ensuite les principes de ce 
dernier devenus idées directrices de la facture d’orgues modernes, sous­entendu par le 
truchement de la Réforme alsacienne :
• Le principe de la boite expressive.
• La caractérisation des claviers d’après les familles de couleurs sonores. Le Grand­
Orgue   est   déterminé   par   la   couleur   des   principaux,   le   Positif   se   voit   confier   flûtes   et 
mutations, le Récit reçoit cordes orchestrales et anches. La répartition des mutations est 

27 Pie MEYER­SIAT : La Réforme alsacienne de l’Orgue, in Bulletin des professeurs du lycée d’état de garçons de 
Mulhouse, 1965, n° 3, 13­20

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codifiée : celles de 8’ ou 4’ au Positif, celles de 16’ au Grand­Orgue et parfois au Solo (notons 
que SCHWEITZER ne dépasse jamais trois claviers). Le Solo a les tailles les plus puissantes 
et les plus abondantes, comme un “orgue dans l’orgue”.
• La conception de l’effet total d’un orgue, non d’après le compte de ses jeux, mais 
d’après la taille et la technique de construction de ceux­ci.
• L’extension du pédalier à 32 notes et l’enrichissement de la pédale par les tirasses.

Nous avons déjà cité la lettre envoyée par RUPP à VALLOTTON 28
. Elle permet de faire le 
point sur les ultimes évolutions de son esthétique personnelle. Il y prône une augmentation 
du nombre de rangs de mixtures en fonction de la puissance des anches, appelant même de 
ses vœux une subordination des “rangs de Fournitures et Cymbales au régime de la 
Pédale «Suppression 16’ et 32’».”

*
*     *

On   le   voit,   les   principes   fondamentaux   de   l’Elsässischer   Orgelreform   étaient   définis   dès 


avant   1910.   L’ajout   le   plus   important,   formulé   très   peu   de   temps   après,   émane   de 
SCHWEITZER et concerne le positif de dos. Le reste te résulte davantage d’une évolution 
normale, conditionnée par l’expérience.

28 Pierre VALLOTTON : Le Testament d’Emile RUPP, in L’Orgue, 1969, n° 47­50. 

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Telles sont, dans les grandes lignes, les principales caractéristiques de l’Orgelreform. Elles 
dénotent, selon leurs instigateurs, un polymorphisme qui peut sembler nuire au premier 
abord à la cohérence d’un mouvement qui se veut efficace. Mais l’essentiel réside dans le 
mot   d’ordre   primitif   et   unanime   :  “Retour   au   bel   orgue,   à   l’orgue   de   maître.”   Les 
particularismes   des   différents   Réformateurs,   l’immobilisme   d’un   milieu   instinctivement 
traditionaliste,   une   conjoncture   politico­historique   difficile   et,   surtout,   l’avènement   de   la 
1ère Guerre mondiale, disperseront parfois les effets de la Réforme, notamment en Alsace 
même. Pourtant, il existe un lien entre de nombreux instruments alsaciens, construits entre 
1906 et 1950, et la volonté réformatrice de RUPP et SCHWEITZER.

Pour clore cette première partie et fixer un cadre à l’Elsässischer Orgelreform, référons­nous 
au résumé que FRUTH 29
 fait de ses principales revendications :

a) La facture d’o. française est restée très conservatrice (sommiers à gravures, traction
  mécanique),   pendant   que   l’allemande   cherchait   à   exploiter   tous   les   avantages   des
  inventions techniques (sommiers à membranes, pneumatisation, orgue industriel).

b)  Refus   des   aides   au   jeu   inutiles   qui   rendent   la   console   peu   claire   et   n’apportent
  aucun   avantage   musical.   La   roue   de   crescendo   sera   décrite   comme   “transformant   la
  liberté en esclavage” et refusée d’après des principes artistiques.

c) Schweitzer loue les moyens de crescendo de l’orgue français.
• Les claviers peuvent être accouplés entre eux à volonté de telle sorte qu’on peut procéder  
à partir de n’importe quel clavier
• Les pédales d’appel des anches et des mixtures sont disponibles pour chaque clavier.
• Puissante composition du 3 è clavier (clavier expressif), par lequel le tutti peut encore être  
influencé. Un changement de couleur sonore par l’ouverture de la boite est exclus.

d) Les boutons­poussoirs devront être construits en interaction avec les pédales.

e) L’organiste   doit   pouvoir   introduire   sur   une   registration   existante   une   autre
  registration d’après son libre choix.

f) Introduction manuelle des combinaisons libres.

g) Refus de l’Echowerk et du Fernwerk comme étant de mauvais goût.

29  Klaus Michael FRUTH :  Die deutsche Orgelbewegung und ihre Einflüße auf die heutige Orgelklangwelt, 1962,  


Ludwigsburg

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h) Toutes les combinaisons fixes ­ excepté tutti et plenum ­ sont rejetées.

i) La pneumatisation a des avantages pratiques mais pas esthétiques. Elle ne doit  plus
  être construite.

k) L’intonation doit revenir à pression moyenne. On prône “une différence minimale de
taille”,   car   une   trop   grande   différence   ou   une   trop   grande   similitude   provoque   des
  entraînements harmoniques. On recommande donc un beau son, mais pas éclatant.

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DEUXIÈME PARTIE :
LES ORGUES ALSACIENS
ISSUS DE L’ORGELREFORM

Si   l’on   devait   se   cantonner   aux   instruments   cités   par   les   Réformateurs   comme   étant 
directement issus de leurs idées, on arriverait rapidement à la conclusion que la Réforme 
alsacienne   n’a   guère   eu   d’influence   en   Alsace   même.   En   regard,   le   nombre   d’orgues 
étrangers reconnus par SCHWEITZER et RUPP semble impressionnant, tant en Allemagne, 
en Suisse, en Autriche, qu’aux Pays­Bas ou dans les Pays scandinaves. Certes, la Réforme 
visait surtout les instruments issus de la facture allemande romantique qui, hormis dans la 
période 1865­1900, n’avait pas vraiment pénétré l’Alsace. De plus, RUPP déplorait que la 
facture  alsacienne  soit  toujours, comme  fidèle gardienne de la tradition,  en retard de 30 
ans.
Pourtant, à l’étude, un déclic semble s’être produit, même si ses effets ne se feront ressentir 
qu’après l’achèvement de la 1ère Guerre mondiale. En tout état de cause, la relation étroite 
qui   existait   entre   SCHWEITZER   et   HÆRPFER,   entre   RUPP   et   WALCKER,   semble   plus 
subtile et ténue par rapport à RŒTHINGER, RINCKENBACH ou au jeune SCHWENKEDEL.
Dans l’étude qui va suivre, nous nous intéresserons presque exclusivement à des 
instruments “monumentaux”. Deux raisons à cela : l’orgue idéal de la Réforme a trois 
claviers; seules des compositions assez généreuses permettent un réel affrontement des 
trois familles de jeux et donc une recherche de fusion sonore. Toutefois; le terme 
“monumentaux” est à tempérer, à prendre à l’échelle alsacienne. Aucun des instruments 
sur lesquels nous nous pencherons ne dépasse 74 jeux (Saint­Paul), la moyenne se situant 
davantage aux alentours de 45 jeux. Ainsi l’Alsace se place­t­elle dans le moule défini par 
SCHWEITZER qui disait ne pas s’intéresser aux orgues de plus de 50 jeux : “Le souci de 
construire des orgues gigantesques, je le laisse à d’autres.” 30
  Comme corollaire à 
cette assertion et comme seule exception à notre règle, nous nous arrêterons aussi aux deux 
orgues de villages, Muhlbach et Gunsbach, qui sont le reflet d’une part trop importante de 

l’esthétique de SCHWEITZER pour qu’on les passe sous silence.

30 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin. 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Chapitre Premier
Les Premiers Pas

La première décennie de l’Orgelreform, soit la période allant de 1905 à 1914, est les reflet 
d’une inévitable phase de transition. Tandis que les firmes acquises ou converties à la cause 
de la Réforme ­ DALSTEIN HÆRPFER et WALCKER principalement ­ testent ses idées, les 
facteurs   plus   spécifiquement   alsaciens   ­   Joseph   RINCKENBACH   et   Edmond­Alexandre 
RŒTHINGER ­ adoptent une position plus nuancée. Leur originalité, qui ne se démentira 
jamais, ne leur permet pas une aliénation complète et immédiate au projet de la Réforme.

1) Dalstein­Hærpfer : les pionniers

SCHWEITZER avait joui ­ ou pâti ? ­ d’une sorte de conditionnement à la facture de la firme 
de Boulay. Enfant, il séjournait fréquemment chez ses grands­parents à Pfaffenhoffen, où 
DALSTEIN­HÆRPFER avait construit un orgue en 1887. De facture classique, à traction 
mécanique, l’instrument avait séduit le jeune garçon, notamment pour ses anches dont il 
gardera toute sa vie un souvenir ému 31 . À preuve, une lettre de février 1935 à Frédéric 

HÆRPFER dans laquelle il lui demande pour la nième fois de lui construire pour Gunsbach 
un “hautbois bien rond, corné, comme celui de votre père, à Pfaffenhoffen”.
L’amitié entre les deux hommes daterait de la construction de l’orgue de chœur de Saint­
Thomas en 1904. Conçu d’après les plans de SCHWEITZER, cet instrument était le reflet de 
l’idée que se faisait à l’époque le jeune organiste du petit orgue idéal. 32
  

*
*     *

31 Composition de l’orgue DALSTEIN­HAERPFER de Pfaffenhoffen :
 Grand­Orgue           
                  
                  
   Récit expressif
          
                  
                  
   Pédale
   
Bourdon 16’ Geigen­Principal 8’ Subbaß 16’
Principal 8’ Lieblich­Gedeckt 8’ Violonbaß 16’
Gedeckt 8’ Salicional 8’ Violoncello 8’
Flöte 8’ Traversflöte 4’
Viola di Gamba 8’ Fagott­Hautbois 8’
Octav 4’ II/I
Octav 2’ I/Péd.
Mixtur Cornett II/Péd.
Trompete 8’ Pédales piano et forte

32  cf. lettre de SCHWEITZER au Professeur Johannes FRICK du 17/02/1908, in Bernhard BILLETER :  Albert  


             Schweitzer und sein Orgelbauer, 1977, Berlin.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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LES ESSAIS À L’ORGUE DE SAINT­NICOLAS.
L’histoire de l’orgue de Saint­Nicolas n’a pas sa place ici. Rappelons néanmoins que, de 
1707 à 1967, l’œuvre des deux frères SILBERMANN a subi une série d’avatars des plus 
impressionnante, le plaçant sans doute au premier plan des ratages de la facture 
alsacienne. Après les profondes transformations de SAUER, WETZEL et KOULEN, c’est au 
tour de DALSTEIN­HÆRPFER, en 1905, de se voir confier des travaux sur l’orgue. Là 
encore, Albert SCHWEITZER supervise les réparations. Outre quelques interventions sur la 
partie sonore (ajout d’un Gemshorn 8’ au G.O., d’une Dulciana 8’ et, semble­t­il, d’une Flûte 
4’ au Récit), il s’agit essentiellement d’un changement complet de transmission. On ne sait 
si la pneumatisation entreprise par la firme de Boulay résulte d’une nécessité découlant 
d’un éventuel mauvais état de la traction ou d’une incompatibilité de cette dernière avec les 
accessoires que SCHWEITZER demande à HÆRPFER d’installer. Une lettre du jeune vicaire 
au facteur d’orgue 33
 nous donne quelques indications quant aux travaux qu’il préconise.Ils 
concernent l’extension vers le grave du Cornet du G.O., l’intonation de la Voix céleste et de 
la Fourniture du Récit, l’emplacement du Quintaton de KOULEN, complété par HÆRPFER. 
Mais l’essentiel porte sur l’agencement de la nouvelle console imaginée par SCHWEITZER. 
Pour son installation, à fleur de tribune, HÆRPFER doit déplacer sommiers et tuyaux du 
positif de dos à l’intérieur du buffet principal et démonter le petit buffet (!). La console est à 
organiser selon un plan de SCHWEITZER hélas perdu. On sait néanmoins que tous les 
accouplements et tirasses sont construits en doubles commandes, avec pédales et boutons­
poussoirs interactifs. On y trouve aussi une pédale d’appel G.O. permettant d’utiliser le 1er 
clavier comme clavier d’accouplement. Pour la première fois, le système de combinaison 
34

libre à double utilisation, si cher à SCHWEITZER, est installé   . L’organiste recommande 
encore à HÆRPFER l’implantation d’une commande de tutti (sans accouplements 
octaviants) à la fois pédestre et manuelle. 
L’affiliation de la transformation de 1905 à la Réforme concerne donc surtout la console. 
D’emblée, elle présente cette fusion d’accessoires français et allemands que SCHWEITZER 
revendique simultanément dans son opuscule. Remarquons tout de même que, conscients 
de   la   valeur   du   matériel   sonore,   SCHWEITZER   et   HÆRPFER   le   préservent   dans   son 
intégralité, à l’exception ­ de taille ­ du déplacement du positif. En tout état de cause, les 
premiers essais techniques sont réalisés. On peut maintenant penser à la exécution d’un 
orgue neuf mettant en jeu l’intégralité des principes énoncés par SCHWEITZER.

*
*     *

33 Lettre du 20/11/1905, in BILLETER, op. cit. 

34 cf Albert SCHWEITZER : Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst, 1906, Berlin, pp. 14­15. 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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LE “PREMIER ORGUE DE L’ORGELREFORM” : SAINT­SAUVEUR
Dans son Entwicklungsgeschichte, RUPP cite l’orgue de Saint­Sauveur comme le “premier 
orgue de la Réforme d’Alsace”. Mais il ne s’étend pas davantage sur le sujet, se 
contentant de louer sa console exécutée selon les règles de la Réforme et omettant même 
d’en donner la composition. Il semble qu’en 1907, lors de la construction de cet orgue, la 
collaboration entre SCHWEITZER et RUPP ne soit pas véritablement effective. Nous en 
avons d’ailleurs confirmation par deux lettres de SCHWEITZER à Gustav von LÜPKE, 
directeur de la musique à Cattowiçe. Le 1er Novembre 1907, il lui explique que l’orgue de 
Saint­Sauveur a été conçu d’après ses indications et, en Juillet 1908, il s’exprime de la 
manière suivante : “Un orgue selon BACH, de 32 jeux, conçu par moi   35
 , avec une 
intonation à la SILBERMANN (mixtures douces, anches douces, tous les jeux 
avec une pression minimale) […]. Le résultat est grandiose. Un splendide et 
souple fortissimo ! Dans les fugues, les voix intermédiaires sont exécutées de 
façon claire et remarquable.”   
36

Voici justement la composition primitive de l’instrument : 
Grand­Orgue                           Récit expressif                         Pédale

            Bourdon 16’ Salicetbaß 16’ Principal 16’


Principal 8’ Geigenprincipal 8’ Contrabaß 16’
Bourdon 8’ Bourdon 8’ Octavbaß 8’
Flûte 8’ Gamba 8’ Prestant 4’
Gambe 8’ Aeoline 8’ Posaune 16’
Octave 4’ Voix céleste 8’
Hohlflöte 4’ Fugara 4’ Pédale expressive
Doublette 2’ Traversflöte 4’
Mixture­Cornett III­V rgs Waldflöte 2’ Soubasse 16’
Trompette harmonique 8’ Mixture III­IV rgs Violoncelle 8’
Basson 16’
Basson­hautbois 8’
Trompette 8’
Clairon 4’

Accouplements : I/Péd., II/péd., II/I, Sup.II/I, Sub.II/I
General­Koppel, Leerlauf Coppel I
Combinaisons : Freie Combination I, Freie Combination II, Freie Combination Pedal
General Freie Combination, Handregister ab

35 C’est nous qui soulignons.

36 cf BILLETER, op. cit.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Tutti
Divers : Crescendo, Expression II.
Sommiers à membranes à “petits soufflets” (Hängebälgladen), transmission pneumatique.
Soufflerie par deux réservoirs à plis dans le soubassement.
En 1991, Christian LUTZ écrit : “Cet instrument est aux antipodes tant de 
SILBERMANN que de BACH, avec son accumulation de jeux de 8’ de caractère 
orchestral, aux timbres très amples. Les basses pressions [que SCHWEITZER] 
évoque laissent rêveur lorsqu’on sait qu’elles vont de 97mm à 127mm. Et 
l’emploi massif de zinc ne correspond pas vraiment à son souci de n’utiliser que 
des matériaux de premier choix…” 37 Ce contre­pied intégral des propos de 
SCHWEITZER cités plus haut laissent légitimement croire que le premier essai de 
l’Orgelreform est globalement très éloigné de celle­ci. Qu’en est­il réellement ?

La composition de l’instrument sent évidemment la patte d’Albert 
SCHWEITZER. On y retrouve son goût plus que prononcé pour les fonds. Nous en avons vu 
les raisons plus haut (composition du “SILBERMANN” de Saint­Thomas, pratique de
l’ “éclairage des jeux”, enracinement profond et revendiqué dans une esthétique orchestrale­
romantique). Mais malgré les éventuelles inexactitudes concernant SILBERMANN qui 
peuvent régner dans son esprit, il n’est pas niais au point de penser faire à Saint­Sauveur 
une copie de SILBERMANN. SCHWEITZER ne fait pas de “copie”. Pour lui, la facture d’orgue 
se place dans un continuum historique et le placage d’une esthétique remontant à deux 
siècles sur un répertoire qui, lui, continuerait à évoluer, est un non­sens. “En art, tout 
historicisme exagéré est un mal.” 38  L’ambition de SCHWEITZER est de faire évoluer la 
facture d’orgue dans son siècle et non de la faire revenir en arrière. Ici, la référence à 
SILBERMANN concerne davantage l’intonation de l’instrument. L’axiome serait le suivant : 
le goût actuel favorise les fonds; mais ceux­ci, gras, pâteux et surpuissants, dénaturent la 
musique de BACH et rendent son message polyphonique inintelligible; arrangeons­nous 
donc pour que nos fonds romantiques restituent la musique de BACH. Cela passe donc par 
une excellente intonation individuelle et collective des jeux, domaine de prédilection de 
DALSTEIN­HÆRPFER, et par l’adoption d’une pression aussi basse que possible. 

Les pression choisies en 1907 sont de 97mm pour tout le Grand­Orgue, pour les jeux à 
bouches et le Hautbois­basson du Récit; de 122mm pour les Basson 16’, Trompette 8’ et 
Clairon 4’, pour la pédale expressive et les dessus de la pédale; de 127mm pour la première 
sixte (C­A) de la pédale 39. Certes, on est encore loin des mesures préconisées deux ans plus 
tard dans le Règlement de Vienne. mais le projet est déjà considérable en comparaison des 
pressions énormes employées alors par la facture industrielle allemande. Songeons aux 
300mm nécessités par les Tuba mirabilis et autres Stentorphon de WEIGLE ! 
L’exigence   d’une   intonation   correcte  passe   obligatoirement   par   des  matériaux  de   qualité. 
Contrairement   à   ce   qui   a   pu   être   dit,   le   zinc   n’a   pas   une   place   prépondérante   dans 

37 in ARDAM : Actes des 4èmes journées nationales de l’orgue, 1991, Strasbourg, p. 412.

38 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin, p. 13.

39 cf.   Georges   WALTHER   :  Restauration   de   l’orgue   Hærpfer­Dalstein   de   Saint­Sauveur,   in   Facteurs   d’orgues


  français n°11, 1987, pp. 37­40.

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l’instrument. Seul le Violoncelle 8’ en est intégralement constitué. Pour le reste, 12 jeux sur 
32 comportent de 12 à 20 tuyaux de basse en zinc. La plupart des autres tuyaux sont soit 
en   excellent   bois,   soit   en   étain   de   50%   à   75%.   Une   partie   des   jeux   a   été   fabriquée   par 
WALCKER dont les réformateurs, s’ils ne sont pas toujours d’accord avec ses conceptions 
esthétiques, reconnaissent sans conteste la qualité du travail. À propos du Violoncelle 8’ de 
la  Pédale,  signalons  déjà  qu’il   équipera  la  totalité  des  orgues  sue  lesquels  SCHWEITZER 
aura à intervenir, jusqu’au KERN du temple protestant de Neudorf (1965).
L’influence la plus évidente  de la Réforme se situe  encore  à la console. Comme  à  Saint­
Nicolas, elle reflète l’intégralité de SCHWEITZER, concrétisant son idéal de fusion entre les 
accessoires   français   et   allemands.   Toutes   les   commandes   d’accouplements   et   de 
combinaisons sont à la fois pédestres et manuelles, avec dispositif de va­et­vient mécanique. 
Le “Leerlauf Coppel I” permet l’utilisation du 1er clavier comme clavier d’accouplement, à 
l’image   de   l’   “appel   G.O.   de   la   facture   française,   même   si,   sur   un   instrument   de   deux 
claviers, l’intérêt en est quelque peu limité. On remarque enfin l’absence de combinaisons 
fixes.
D’autres caractéristiques de l’instrument vont à l’encontre des recommandations de la 
Réforme, tant il est vrai que tout ne peut se réaliser d’emblée. Ainsi, au niveau sonore, les 
“fines mixtures” réclamées par SCHWEITZER sont encore peu nombreuses et restent bien 
lourdes. La Mixtur­Cornett du G.O. est caractéristique de l’époque; elle ne peut en aucun 
3
cas produire un effet lumineux avec sa Tierce 1’ /5 à partir du c1. De même, la Mixture III­
IV rgs du Récit est bien loin d’une Cymbale 40
 . Quant à la Pédale, elle en est tout 
simplement dépourvue et ne peut tenir sa place dans la polyphonie que par la tirasse. La 
transmission pneumatique est autorisée par SCHWEITZER, conscient du prix et des 
exigences technique d’une traction mécanique. Par contre, même s’il vante les mérites d’un 
brevet de sommier pneumatique déposé par DALSTEIN­HÆRPFER   , on comprend moins 
41

bien les sommiers à petits soufflets. Si le pédalier est étendu à 30 notes, le sommier du 
Récit n’a que 56 notes, rendant ainsi inopérants les accouplements octaviants dans l’aigu.
En 1935, SCHWEITZER et HÆRPFER apportent l’une ou l’autre correction dans le sens de 
2
la Réforme : ajout d’une Flûte harmonique 8’ et d’un Nasard 2’ /3 au G.O.; au Récit, 
remplacement du Salicetbaß 16’ par une Hohlflöte 8’ et du Fugara 4’ par une Spitzflöte 4’; 
ajout d’un Cornet V rgs à la Pédale. Ces modifications vont dans le sens d’un adoucissement 
de la sonorité générale. D’après WALTER 42, la pression aurait même été diminuée, de 
manière à rendre l’harmonie plus flûtée.
En   1961   et   1963,   Ernest   MUHLEISEN,   paroissien   de  Saint­Sauveur,   poursuivra   ce 

40 Composition de la Mixture III­IV rgs du Récit :
2 1
C 2’ /3 2’ 1’ /3
2 1
c0 4’ 2’ /3 2’ 1’ /3
1 2
c#3 5’ /3 4’ 2’ /3 2’

41 cf “Historique de la maison Dalstein­Hærpfer” in BILLETER, op. cit., p. 

42 op. cit.

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programme d’éclaircissement en remplaçant la Gambe 8’ par une Cymbale au G.O. et la 
3
Voix céleste 8’ par une Tierce 1’ /5  au Récit.
Enfin,   en   1985­86,   la   manufacture   d’orgues   MUHLEISEN   procède   à   la   restauration 
complète de l’instrument, avec retour à la composition d’origine et préservation du système 
pneumatique tubulaire, ce qui est une première en Europe dans l’histoire de la protection 
du  patrimoine   organistique.   Il   s’agit   aussi   de   la   première  restitution   d’un   instrument  de 
l’Orgelreform, reconnaissance encore timide de l’importance du mouvement dans l’évolution 
historique de la facture d’orgue.

*
*     *

LA PREMIÈRE RESTAURATION : L’ORGUE DE SAINT­THOMAS
1908   est   une   année   importante   dans   l’histoire   de   la   Réforme 
alsacienne. C’est l’année de la première restauration d’un orgue historique dans l’esprit de 
l’Orgelreform.   L’orgue   de  Saint­Thomas  (J.­A.   SILBERMANN   1740/41)   avait,   comme   la
è 
plupart des SILBERMANN de Strasbourg, subit quelques transformations au cours du XIX
siècle,   essentiellement   menées   par   les   familles   SAUER   et   WETZEL.   Nous   avons   vu   plus 
haut, au sujet de l’idée que SCHWEITZER pouvait se faire d’un SILBERMANN, quelle était la 
composition de l’instrument à l’arrivée du vicaire de Saint­Nicolas au début du siècle.

À la même époque, germe l’idée de déposer totalement le SILBERMANN et de le remplacer 
par un orgue neuf.. L’instrument semble poser d’énormes problèmes d’alimentation ­ dont il 
reste d’ailleurs quelque trace aujourd’hui encore. “Sans mon intervention, l’orgue 
SILBERMANN de Saint­Thomas à Strasbourg aurait, en son temps, été 
remplacé  par un neuf. L’attention se portait uniquement sur les importantes 
difficultés que posait la question su soufflet. Sans le professeur ERB, avec qui 
je partageais le travail, et le facteur d’orgues Fritz HÆRPFER de Boulay, qui 
s’occupa de la restauration avec savoir­faire et enthousiasme, je serais resté 
seul en ce temps­là.” 43 
C’est   donc   à   HÆRPFER,   après   la   construction   de   l’orgue   de   chœur,   que   revient   la 
responsabilité de rendre vie à l’instrument. D’après les pratiques de l’époque, il aurait pu 
pneumatiser,   installer   une   console   indépendant   riche   en   accessoires   franco­allemands, 
vider le Positif, concevoir un grand Récit expressif, augmenter la pression… Au lieu de tout 
cela, , sue les conseils de SCHWEITZER, il entreprend de restaurer la traction mécanique, 
d’étendre   le   pédalier   à   27   marches   (contre   25)   et   d’y   installer   une   tirasse.   Mais   le   plus 
important, le plus étonnant eu égard à l’esthétique sonore de l’époque, est le remplacement 
au   Positif   du   Quintaton   de   WETZEL   (1836)   par   une   Cymbale.   Certes,   la   pédale   reste 
dépourvue de mixture ­ comme à l’origine, du reste ­ mais l’installation de la tirasse ­ que 
l’on   peut   considérer   comme   un   progrès   puisqu’elle   fut   reprise   lors   de   la   reconstruction 

43 Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin, pp. 12­13.

­ 51 ­
Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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KERN en 1979 ­ y pallie partiellement.
La seule concession à l’ “ère du temps” concerne la hausse du diapason à 435 Hz pratiquée 
par entailles. On peut certainement s’en émouvoir, surtout face à la modification du rapport 
taille / hauteur qui en résulte, mais il s’agissait de permettre un dialogue avec le nouvel 
orgue de chœur. N’oublions pas les positions de SCHWEITZER à propos de ce qu’il appelle 
les “historicismes exagérés”. Plus tard, il regrettera, à l’occasion de l’expertise du 
SCHNITGER de Sankt­Jakobi de Hambourg, de ne pas avoir conservé le ton ancien. 44 
Globalement, cette restauration peut être qualifiée d’exemplaire pour l’époque. Elle montre 
bien, en tout cas, que SCHWEITZER sait ce qu’est un orgue ancien, même s’il ne maîtrise 
pas pleinement les spécificités esthétiques des anciens facteurs d’orgues. Elle prouve aussi 
qu’il aurait eu les moyens ­ et HÆRPFER le savoir­faire ­ d’un “retour à SILBERMANN”, 
dans le sens littéral du terme. Mais tel n’était pas son but. On le verra encore mieux avec la 
construction, l’année suivante, du Sängerhaus Orgel, l’orgue du Palais des Fêtes.

L’ACCOMPLISSEMENT : L’ORGUE DU PALAIS DES FÊTES
Le sort actuel du Palais des Fêtes de Strasbourg et de son orgue est un mauvais exemple 

de la politique de sauvegarde du patrimoine culturel municipal. depuis 1902, date de sa 

construction, et jusqu’à celle de l’actuel Palais de la Musique et des Congrès, ce haut­lieu a 

pourtant vu se succéder bien des célébrités et des talents. L’orgue lui­même a été joué par 

des WIDOR, BONNET, GIGOUT et beaucoup d’autres encore. Actuellement, on y joue plus 

guère que des accompagnements.

L’instrument a pourtant été pensé comme le porte­drapeau de l’Elsässischer Orgelreform. Il 
est   le   premier   exemple   de   collaboration   entre   SCHWEITZER   et   RUPP   en   vue   de   la 
construction   d’un   orgue   neuf.   En   1908,   une   commission   provisoire   d’experts   décide 
d’installer   un   orgue   avec   transmission   pneumatique   après   une   consultation   auprès   des 
organistes   GUILMANT,   GIGOUT,   REGER,   STRAUBE,   VIERNE   et   WIDOR.   Le   fait   est   à 
souligner dans une Alsace sous administration allemande. La commission définitive, dirigée 
par   SCHWEITZER,   comprend   entre   autres   RUPP   et   ERB.   Suite   à   la   visite   de   l’orgue   de 
Saint­Sauveur, SCHWEITZER obtient que le marché soit attribué à DALSTEIN­HÆRPFER. 
Rappelons tout de suite que SCHWEITZER ne faisait pas la différence entre orgue de concert 
et orgue d’église. Cette précision a son importance, concernant le seul instrument équipant 
une salle de spectacles en Alsace. Un ensemble de lettres échangées entre SCHWEITZER et 
HÆRPFER, datée de 1908 à 1912, fournit d’intéressantes précisions quant à la gestation, à 
la construction et à l’évolution de l’instrument. Il en ressort notamment que la manufacture 
d’orgues   de   Boulay   travaillait   déjà   activement   ,   sous   les   ordres   de   SCHWEITZER,   à 
l’élaboration   des   plans   et   de   la   composition   de   l’instrument,   au   moins   trois   mois   avant 
l’attribution du marché.
Il n’est pas inutile de comparer la composition proposée par HÆRPFER, dans une lettre du 
6 Août 1908, à celle qui sera finalement adoptée.

44 cf. E; PETERSCHMITT, M. SCHAEFER, G. WILD : Le Silbermann retrouvé de Saint­Thomas, 1917, Strasbourg.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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I. Manual                    II. Manual                               III. Manual                  Pedal

Principal 8’ Bourdon 16’ Quintaton 16’ Principalbaß 16’  


Cello 8’ Geigenprincipal 8’ Diapason 8’ Octavbaß 8’
Gemshorn 8’ Salicional 8’ Viola di Gamba 8’ Prestant 4’
Flöte 8’ Flûte harmonique 8’ Salicional 8’ Clairon 4’
Bourdon 8’ Quintatön 8’ Lieblich Gedeckt 8’ Fagott 16’
Rohrflöte 4’ Fugara 4’ Flûte octaviante 4’
Octav 4’ Fourniture IV fach (barrée) Prestant 4’ Piano Pedal
2
Doublette 2’ Cymbel (ajout de Schweitzer) Nazard 2’ /3
Mixtur­Cornett III­V f. Clarinet 8’ Flageolet 2’ Sousbaß 16’
3
Cymbel III f. (barrée) Terz 1’ /5 Violoncelle 8’
1
Trompete 8’ Septime 1’ /7
Clairon 4’ Trompete 8’
Clairon 4’
Fagott Oboe 8’

Grâce à la traditionnelle subvention du gouverneur (Statthalter­Conto), HÆRPFER propose 
d’y   ajouter  une   Dulciana   8’  au   G.O.;   une   Traversflöte  4’   et  un   Octavin   2’  au   Positif;   un 
Fagott   16’   (barré   par   SCHWEITZER)   transmis   à   la   Pédale   et   un   Piccolo   1’   au   Récit;   un 
Violonbaß   16’   à  la  Pédale.   Il  y  ajoute  une   extension   de   certains   jeux   des  2ème   et   3ème 
claviers,   en   vue   de   rendre   effectifs   les   accouplements   octaviants.   Toujours   sur   la 
subvention,  SCHWEITZER   propose  encore  un  Gemshorn  4’  et  une  Fourniture   au  Positif, 
une Flauto 8’ au Récit.
Sur la même lettre, SCHWEITZER a consigné tous les accessoires qu’il souhaite trouver à la 
console :
Supoct II Supoct III Supoct II Supoct III Suboct III
Leerlauf Cop.

Tritte : Cop Ped I Ped II Ped III Cop I+II Cop I+III Cop II+III


H.A.
Freie Comb I Freie Comb II Freie Comb III Freie Comb Ped

Knöpfe : Cop Ped I Ped II Ped III I+II I+III II+III General Coppel


Walze ab H.A.
Freie Comb I Freie Comb II Freie Comb III Freie Comb Ped
G.O. Tutti

Au vu de la présence d’un jeu de Septième au Récit, on peut légitimement penser que RUPP 
a également contribué à ce projet. L’implantation des mutations simples au Récit et non au 
Positif et révélatrice d’un style qui se cherche encore. La Pédale paraît très faible. Dans une 
lettre  de  Novembre  1908,  HÆRPFER  trouve  justement  “une   lacune   à   la   Pédale” , par 
l’absence  d’un  Bourdon  8’.   De  plus,  il  suggère,  pour   combler  le  trou   entre  Fagott   16’  et 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Clairon 4’, que la Trompette 8’ du Récit y figure en emprunt. Mais pour placer son Bourdon 
à la Pédale, HÆRPFER y supprimerait une Fourniture. Il y aurait donc eu, dans un plan 
intermédiaire, une mixture à la Pédale qui n’a finalement pas été retenue. Ainsi, même si 
SCHWEITZER   appelle   de   ses   vœux  “la   saturation   de   la   Pédale   avec   de   belles 
mixtures”, celles­ci semblent encore figurer dans son esprit au rang d’options. Par contre, 
HÆRPFER   propose  de  rajouter   un  Piccolo  1’  au  3ème  clavier;  lui   non  plus  ne   sera  pas 
retenu. 
En dernier recours, voici quelle sera la disposition de 1909, celle de la construction :

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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I. Klavier (Hauptwerk)             II. Klavier (Schwell.)    III. Klavier (Schwell.)   Pedal

Principal 16’ Bordun 16’ Quintatön 16’ Prinzipalbaß 16’


Principal 8’ Geigenprincipal 8’ Diapason 8’ Salicetbaß 16’
Cello 8’ Salicional­Silbermann 8’ Gamba 8’ Oktavbaß 8’
Gemshorn 8’ Traversflöte 8’ Voix céleste 8’   Bourdon 8’
Hohlflöte 8’ Quintatön 8’ Salicional 8’ Bombarde 16’
Bourdon 8’ Geigenprincipal 4’ Lieblich Gedackt 8’
Octav 4’ Fugara 4’ Flûte harmonique 8’ Pedal Schwell.
Rohrflöte 4’ Flöte 4’ Prestant 4’
Octav 2’ Octavin 2’ Gemshorn 4’ Prestant 4’
2
Cornet 8’ I­V fach Quintflöte 2’ /3 Flûte octaviante 4’ Cello 8’
1
Mixtur 1’ /3  IV fach Fourniture 1’ III fach Flageolett 2’ Subbaß 16’
2
Cymbel 1’ IV fach Clarinette 8’ Nazard 2’ /3 Trompette 8’
3
Trompete 8’ Trompete­Silbermann 8’ Terz 1’ /5 Clairon 4’
1
Clairon 4’ Septime 1’ /7
2
Mixtur 2’ /3  V fach
Fagott 16’
Fagott Oboe 8’
Trompette 8’
Clairon 4’

Par rapport à la proposition de 1908, le positif a été légèrement éclairci (Flöte 4’, Octavin 2’, 
2
Quintflöte   2’ /3),   mais   surtout   par   des   jeux   flûtés.   Le   G.O.   est   désormais   basé   sur   un 
Principal 16’. On remarque une différenciation accrue des jeux composés entre cornets et 
mixtures.   La   chose   est   importante   :   l’orgue   romantique   était   caractérisé   par   de   grosses 
mixtures, ressemblant davantage à des cornets. Ici, on a départagé cornet d’une part, et 
d’autre   part   un   ensemble   de   mixtures   aiguës   à   reprises   qui,   comme   nous   le   verrons, 
poseront   bien   des   problèmes.   Toutes   les   anches   CAVAILLÉ­COLL   sont   là,   à   côté   d’une 
Trompette dont la taille a été copiée sur celle de Saint­Thomas.
Les matériaux utilisés (étain, spotted, zinc) sont de bonne qualité. Il y a encore moins de 
zinc qu’à Saint­Sauveur (par exemple, les trompettes sont en étain dès C).
Le grand progrès que l’orgue se propose de réaliser concerne les pressions utilisées. Elles 
sont   de   80mm   pour   les   jeux   à   bouches,   70mm   pour   les   mixtures   et   120mm   pour   les 
anches.   La   pression   importante   de   140mm   est   réservée   au   seul   système   pneumatique. 
L’évolution   par   rapport   à  Saint­Sauveur  est   considérable.   SCHWEITZER   tenait   tout 
particulièrement   aux  70mm   des   mixtures,  ce   qui   n’alla   pas   sans  poser  des  problèmes   à 
HÆRPFER. Les nouvelles mixtures à reprises sont donc destinées à être brillantes, mais en 
aucun   cas   criardes.   On   comprend   mieux   le   terme   de  “mixtures   suaves”  que 
SCHWEITZER utilise si souvent.
La console, dont nous n’avons pas retrouvé la disposition définitive, était conçue à l’image 
de celle de Saint­Sulpice, avec des tirants de registres placés en amphithéâtre. Il semble 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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qu’elle ait été mobile dès l’origine. 45 
Dans une plaquette éditée ­ anonymement ­ par SCHWEITZER à l’occasion du concert 
inaugural 46 , il est dit : “Par la pression moyenne, on évite le ton menaçant, la 
sécheresse et la stridence qui restent l’apanage de la plupart des orgues les 
plus récents.” Seulement, par manque d’étude des conditions acoustiques, ou à cause 
d’une mauvaise maîtrise des techniques liées à la basse pression, l’instrument est 
rapidement jugé trop faible. Les polémiqueurs montent au créneau et on va même jusqu’à 
accuser SCHWEITZER, à la suite d’un concert de Mars 1911, de faire doubler la partie de 
Pédale par des contrebasses   . Si la chose semble peu probable ­ et SCHWEITZER la réfute 
47

avec la dernière énergie   ­ les travaux effectués par HÆRPFER en 1912, sur les conseils de 
48

SCHWEITZER, prouvent bien que la sonorité d’ensemble ne donne pas satisfaction. La 
transformation la plus souvent citée concerne le remplacement du Gemshorn 8’ du G.O. par 
3 1
une Montre 8’ et celui de la Tierce 1’ /5  et de la Septième 1’ /7 par un Hornprinzipal 8’ au 
Récit. Évidemment, les militants du Hochdruckpartei ont beau jeu de se gausser de cette 
modification qui sacrifie une fois de plus des jeux comptant parmi les plus caractéristiques 
de l’Orgelreform. Cela prouve aussi les différences de conception entre RUPP et 
SCHWEITZER. Notons d’ailleurs que, dans son Entwicklungsgeschichte, lorsqu’il donne la 
composition de l’orgue du Palais des Fêtes   , RUPP ne peut s’empêcher d’y inclure sa Tierce 
49

et sa Septième, simplement annotées comme étant, “hélas”, remplacées par le 
Hornprinzipal 8’. 
Mais des transformations plus profondes semblent avoir été menées. la composition 
définitive que nous avons donnée plus haut est fournie par BILLETER 50 . Or, dans le livre de 
RUPP de 1929, les mesures des mixtures ne correspondent absolument pas. Dans son 
opuscule de 1912   , GESSNER annonce un “remaniement supplémentaire, par lequel 
51

les mixtures à la SILBERMANN seraient retravaillées dans le goût actuel et par 
lequel la verdeur historique à la SILBERMANN, tant prisée, serait complètement 
1
abandonnée.” De fait, au G.O., la Mixtur 1’ /3  IV rgs devient une Mixtur 2’  IV rgs, la 
Cymbel 1’ IV rgs une Cymbel 1’ III rgs; la Fourniture 1’ III rgs du Positif se transforme en 
Fourniture 2’ III rgs; même la Mixture V rgs du Récit est réharmonisée en Plein­Jeu V rgs. 
Donc toutes les mixtures perdent un peu de leur brillance, cette spécificité qui constituait 
leur originalité pour l’époque. Pour couronner le tout, les pressions sont augmentées dès 
1909, puis en 1912.

45 cf lettre de HÆRPFER du 6 Août : “La console, incluant le pédalier et les tubulures jusqu’au buffet, est en
  morceau et s’abaisse ensemble.”

46 Albert SCHWEITZER : Sängerhaus Orgel, 1909, Strasbourg

47 Article anonyme in Die Orgel, 1913.

48 cf. Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, 1914, Berlin, pp. 1­2.

49 op. cit., p. 340.

50 op. cit., p. 189

51 August GESSNER, op. cit., pp. 2­3.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Alors, demi­échec ou demi­succès ? Le mérite de l’orgue du  Palais des Fêtes  est d’avoir 


rouvert une voix qui mènera, à terme, vers la technique du plein­vent. Il apprend aussi à 
SCHWEITZER et HÆRPFER qu’il ne suffit pas de plaquer des formules emprunter ailleurs 
pour obtenir un instrument accompli. Mais à l’évidence, l’instrument a énormément pâti du 
goût immodéré de SCHWEITZER pour les fonds de 8’. Le  Sängerhaus­Orgel  s’inspire bien 
davantage   d’une   esthétique   CAVAILLÉ­COLL   ­   et   c’est   un   des   principaux   reproches   de 
GESSNER ­ que du programme prôné par l’Elsässischer Orgelreform.
L’ultime lettre de Fritz HÆRPFER à son ami Albert SCHWEITZER, en 1956, contient une 
des dernières volontés du facteur d’orgues : que l’orgue du Palais des Fêtes soit conservé. 
Ce vœu sera respecté et, lors de l’électrification de l’instrument en 1958 par MUHLEISEN, la 
composition sera intégralement préservée, sur ordre express de SCHWEITZER.

2) La conversion de WALCKER

Dans  la première  partie  de  cette   étude,  nous   avons   vu les  caractéristiques  de  la facture 
è 
d’orgue WALCKER dans les toutes dernières années du XIX siècle. Le meilleur exemple en 
était la construction  de l’orgue de l’église protestante de garnison, Saint­Paul, en 1897. Si, 
à cette époque, WALCKER incarne avec WEIGLE la facture d’orgue romantique allemande, 
rappelons que la qualité de ses instruments n’est jamais prise en défaut. L’amitié qui va peu 
à   peu   naître   de   la   collaboration   entre   RUPP   et   WALCKER   à   l’occasion   des   premières 
modifications   effectuées   à  Saint­Paul  est   à   la   base   du   ralliement   du   facteur   d’orgue 
allemand aux conceptions de l’organiste alsacien.

LA RECHERCHE PAR RUPP DE L’ “ORGUE SYNTHÉTIQUE” :
LES TRANSFORMATIONS À L’ORGUE DE SAINT­PAUL.
Une des préoccupations principales de l’Orgelreform est de réussir une fusion sonore 
efficace entre mixtures et anches. Au­delà du thème général, chacun à ses particularités. 
SCHWEITZER veut allier les mixtures aux anches douces de la facture allemande des 
années 1860. RUPP va plus loin et demande la synthèse sonore “entre le plein­jeu 
vieux­classique et la puissance dramatique des anches de CAVAILLÉ.”  52
  Pour ce 
faire, il énonce le postulat suivant : plus les anches sont puissantes, plus il faut augmenter 
le nombre de rangs de mixtures. Mais la chose reste délicate en raison  de l’opposition entre 
les harmoniques artificielles des mixtures et les harmoniques naturelles des anches.

52 cf Richard DOTT : Les grandes orgues de l’église réformée Saint­Paul à Strasbourg, 1988, Strasbourg.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Nous avons vu dans quelle mesure l’orgue de Saint­Paul de 1897 avait été modifié en 1899 
 
dans le sens des idées de RUPP. Mais il ne s’agissait que d’un “remède de transition.”  53
Entre 1907 et 1912, les firmes DALSTEIN­HÆRPFER, MUTIN (successeur de CAVAILLÉ­
COLL) et WALCKER vont unir leurs efforts afin de se rapprocher des vues de l’organiste 
titulaire.
La   première   tranche   de   travaux   concerne   la   console   de   l’instrument.   Pneumatique   à 
l’origine,   elle   est   doublée   d’une   seconde   console   électro­pneumatique,   installée   par 
DALSTEIN­HÆRPFER. C’est la première fois que RUPP a l’occasion de mettre en pratique 
ses   conceptions   de   console   standard   uniformisée.   La   console   précédente   était   purement 
allemande,   sans   aucune   commande   pédestre.   Celle   de   1907   présente   les   accessoires 
suivants :
• au­dessus   du   3ème   clavier,   20   boutons­poussoirs   commandent   les   combinaisons 
fixes, les combinaisons libres et les différentes nuances de la pédale automatique;
• sous le 1er clavier, des boutons­poussoirs pour les combinaisons fixes générales, les 
accouplements normaux et octaviants, les deux combinaisons libres générales, l’annulateur 
et la registration manuelle. 
Les six accouplements normaux sont en relation interactive avec les pédales, au nombre 
total de 22 (!) :
1­ Suppression 32 ­ 16’ 12­ Pédale dynamique
2­ Plein­Jeu 13­ Appel Grand­Orgue
3­ Anches 14­ Appel Pédale (Fonds)
4­ Octaves aiguës Réc./Péd. 15­ Expression Récit
5­ Tirasse Réc./Péd. 16­ 1ère Combinaison enregistrable
6­ Tirasse Pos./Péd. 17­ 2ème Combinaison enregistrable
7­ Tirasse G.O./Péd. 18­ Appel des jeux de combinaison G.O.
8­ Accouplement Réc./Pos. 19­ Combinaison au Positif
9­ Accouplement Réc./G.O. 20­ Combinaison à tous les claviers
10­ Accouplement Pos./G.O. 21­ Combinaison au Récit
11­ Accouplements 22­ Combinaison à la Pédale

Soit un ensemble de plus de 60 commandes d’accessoires ! Cet exemple est l’occasion de 
s’arrêter quelque peu aux différentes conceptions de la console de l’Orgelreform. On a vu que 
SCHWEITZER   prône   la   fusion   des   accessoires   franco­allemands,   mais   dans   une   optique 
simplificatrice. On la retrouve dans le plan de console fourni par le  Wiener Regulativ  (voir 
plan 1 ci­contre). En 1907, RUPP conçoit sa première console standard, sensiblement plus 
compliquée (voir plan 2 ci­contre). Celle de Saint­Paul pousse la complexité à l’extrême, se 
voulant exhaustive dans la représentation des accessoires des deux factures. En plus des 
commandes   demandés   par   SCHWEITZER   ­   ceux   de  Saint­Sauveur,   par   exemple   ­   on   y 
trouve   toutes   les   possibilités   de   combinaisons   pour   chaque   clavier   :   les   Françaises, 

53 cf. RUPP, op. cit., p. 336.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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actionnant spécifiquement les “jeux de combinaisons”, les combinaisons fixes allemandes 
(qui   n’ont   aucun   intérêt   pour   SCHWEITZER)   et   les   combinaisons   libres   doublement 
utilisables (les seules demandées par SCHWEITZER). On touche ici du doigt un des défauts 
majeurs de RUPP. Pour être efficace, une réforme esthétique doit se fixer un cadre limitatif, 
SCHWEITZER  l’avait  bien   compris.   RUPP   a  une  tendance   boulimique.   Il  veut   tout   avoir, 
dans   des   orgues   monumentaux,   ce   qui   nuit   à   la   cohérence   de   son   message.   Sa 
Normalspieltisch,   idée   louable   à   la   base,   devenant   une   accumulation   pléthorique   de 
commandes, est d’ores et déjà vouée à l’échec, entraînant avec elle dans sa chute la console 
du Règlement international qui, elle, était pourtant réalisable et utile.
Le   travail   effectué   sur   le   matériau   sonore   en   1912   a   une   grande 
importance   pour   comprendre   dans   quelle   direction   RUPP   pousse   ses   recherches.   Il 
commence par une différenciation des pressions, désormais de 7 natures. Puis, il rajoute 
encore  des  anches,   des  mutations   et   des   mixtures.   La   composition  de   1912   est   alors   la 
suivante
(à noter : le nom des registres en Français) :

 Grand­Orgue                          Positif                          Récit expressif             Pédale

 Montre 16’ Quintaton 16’ Bourdon 16’ Grosse Flûte 32’


 Grosse Flûte 16’ Salicional 16’ Diapason 8’ Grosse Flûte 16’
 Montre 8’ Principal 8’ Cor de Nuit 8’ Soubasse 16’
 Bourdon à cheminées 8’ Quintaton 8’ Flûte harmonique 8’ Violonbasse 16’
 Flûte creuse 8’ Flûte harmonique 8’ Viole de Gambe 8’ Grosse  
Flûte 8’
 Flûte harmonique 8’ Salicional 8’ Éolienne 8’ Bourdon 8’
 Violoncelle 8’ Unda Maris 8’ Voix céleste 8’ Grosse Flûte 4’

 Cor de chamois 8’ Fugara 4’ Prestant 4’ Grosse   Quinte  


2
10’ /3
1
 Prestant 4’ Flûte traversière 4’ Flûte octaviante 4’ Quinte 5’ /3
 Flûte à cheminées 4’ Cor de daim 4’ Flageolet 2’ Bombarde 16’
1 2
 Grosse Quinte 5’ /3 Quinte­Flûte 2’ /3 Piccolo 1’ Trompette 8’
1
 Grosse Tierce 3’ /5 Doublette 2’ Plein­Jeu V rgs Clairon 4’
2 3
 Nazard 2’ /3 Tierce 1’ /5 Basson 16’
2 1
 Grosse Septième 2’ /7 Fourniture 1’ /3 IV rgs Trompette   harm.   8’
Pédale expressive
 Doublette 2’ Basson 8’ Clairon harm. 4’ Bourdon 16’
 Cornet V rgs Trompette 8’ Basson­hautbois 8’ Violoncelle 8’
 Plein­Jeu harmonique VI rgs Clarinette 8’ Carillon 37 notes
Cymbale III rgs
Bombarde 16’
Trompette harmonique 8’

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Clairon 4’

Avec sa nouvelle transmission, sa nouvelle console, sa composition entièrement remaniée, 
l’orgue de RUPP est désormais à constituer l’exemple, le mannequin de l’Elsässischer  
Orgelreform. Plus encore que les essais menés par SCHWEITZER, l’instrument est la 
concrétisation des idées de son titulaire. D’après QUOIKA 54 , “il se place sur le principe 
de la fusion absolue des sonorités et dans sa technique, il se pose en gardien 
de la tradition des deux manières.”
Loin de renoncer aux fonds, RUPP en conserve un grand nombre. 
Mais il les transfigure par l’adjonction de nombreuses mutations. Ainsi, le G.O. est pourvu 
de la suite complète des harmoniques de 16’, le Positif contient celles de 8’ et la Pédale celles 
de 32’. Le Récit reste un grand clavier orchestral, construit autour d’une riche palette de 
fonds et de la batterie d’anches françaises. En cela, RUPP adhère totalement au programme 
de Werkprinzip de SCHWEITZER. Mais ce dernier n’a jamais réalisé une aussi complète 
représentation des mutations simples. On peut y voir une raison. SCHWEITZER n’aime pas 
les instruments de plus de 50 jeux. L’organiste de Saint­Paul, personnalité excessive, se 
délecte d’orgues monstrueux (1907 est aussi l’année de la construction de St­Rheinoldi de 
Dortmund, par WALCKER, premier orgue allemand construit d’après les principes de la 
Réforme : 5 claviers, 105 jeux. En 1924­28, STEINMEYER construit à Passau le plus gros 
instrument d’Europe, toujours issu des idées de RUPP : 5 claviers, 208 jeux répartis en 4 
buffets commandés par la même console électrique). Évidemment, il est d’autant plus facile 
de placer des mutations simples que l’instrument a un grand nombre de registres. Dans un 
orgue de dimensions plus restreintes, il faut opérer un choix : sauvegarde des fonds ou 
abandon au profit des mutations. SCHWEITZER fait principalement le premier choix. RUPP 
contourne la question en augmentant le nombre de jeux. Quand la chose n’est pas
possible 55 , il préserve aussi, fidèle à son conditionnement orchestral­romantique, un large 
éventail de fonds au détriment des mutations.

Le traitement des mixtures révèle une plus grande différence entre les deux hommes. On a 
vu la reculade de SCHWEITZER en 1912 au Palais des Fêtes, enlevant aux pleins­jeux une 
bonne   partie   de   leur   brillance.   RUPP   semble   tenir   davantage  au   côté  lumineux   des   jeux 
composés.   Même   s’il   garde   logiquement   les   grosses   mixtures,   comme   le   Plein­Jeu 
harmonique VI rgs (voir composition p.), il n’hésite pas à lui adjoindre de “fines mixtures”, 
comme dirait SCHWEITZER, telles la Cymbale III rgs ou la Fourniture IV rgs, celles­là même 
qui sont simultanément retravaillées sur le  Sängerhaus Orgel. A l’évidence, l’accumulation 
de jeux composés et de mutations simples permet de mieux intégrer l’extraordinaire batterie 
d’anches. 
Dans le cadre de l’orgue de Saint­Paul, RUPP effectue son “retour à SILBERMANN” . Mais 
pas “copie de SILBERMANN”. Il “veut perpétuer l’école SILBERMANN dans de 
nouveaux atours   56 , pour apporter aux autres la preuve que la technique de la 

54 Rudolf QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954, p. 49.

55 cf. infra, l’orgue de Saint­Paul de Koenigshoffen.

56 C’est nous qui soulignons.

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synthèse sonore a aussi, dans un sens moderne, les perspectives les plus 
intéressantes.”  Même le plus farouche opposant de RUPP, GESSNER, reconnaît que “les 
57

mixtures modifiées […] enrichissent l’orgue avantageusement.”  
58

SCHWEITZER et HÆRPFER ont réalisé, au Palais des Fêtes, qu’il était difficile de plaquer 
une solution artistique dans un environnement acoustique inadapté. La même année, RUPP 
et son consortium de facteurs d’orgues font l’expérience qu’il est hasardeux de plaquer une 
esthétique sonore sur un matériel conçu pour une esthétique radicalement différente. La 
taille des tuyaux WALCKER de l’orgue primitif est excessivement étroite. De ce fait, les fonds 
ne peuvent fournir l’assise nécessaire aux 45 rangs de mixtures et aux anches. En 1934, un 
remaniement   complet   de   l’instrument   est   effectué   par   la   maison   CONVERS­CAVAILLÉ­
COLL. Les modifications de la composition sont les suivantes :
2
• au   G.O.   :   remplacement   de   la   Grosse   Septième   2’ /7  par   un   ensemble   de   deux 
3 1
registres  Tierce 1’ /5 et Septième 1’ /7, transformation du Plein­Jeu harmonique VI rgs 
en Mixture IV rgs;
1
• au Positif : ajout d’un Bourdon 8’ et d’un Larigot 1’ /3;
2 3
• au Récit : ajout d’une Quinte 2’ /3  , d’une Tierce 1’ /5    et d’une Voix humaine; le 
Plein­ Jeu IV rgs est transformé en Harmonia Aetheria III rgs.
• à la Pédale : RUPP aurait aimé l’adjonction d’une Contre­Bombarde 32’ 59 , mais ne 
l’obtient finalement pas.
Ce qui va compter en 1934 n’est pas tant l’extension de la composition à 74 jeux que la 
réharmonisation totale de l’instrument. Outre le remplacement des tuyaux en zinc par de 
l’étain, certains jeux de WALCKER sont décalés jusqu’à 4 demi­tons, afin d’élargir les tailles. 
HURBAIN,   harmoniste   de   l’école   CAVAILLÉ   travaille   pendant   9   mois   sur   l’ensemble   et 
transforme   l’orgue   de   la   Réforme   en   orgue   CAVAILLÉ­COLL.   En   effet,   peu   soucieux   des 
recommandations de RUPP, HURBAIN néglige les mixtures et les mutations qui perdent leur 
brillance à la SILBERMANN, sensée leur assurer une bonne synthèse avec les anches. De ce 
fait,  la dernière  occasion  pour  RUPP  de  voir  se  réaliser  son idéal  d’orgue  de  la synthèse 
sonore s’envole.
Cette évolution de 1934 fait sortir l’orgue de Saint­Paul du cadre de l’Orgelreform. C’est 
donc l’orgue de 1912 que nous retiendrons comme instrument de la Réforme, malgré un 
matériel de base inadapté. Il reste le modèle de l’orgue alsacien qu’un nombre d’experts et 
d’organistes venaient étudier en tant que tel. Il apporte aussi “la preuve qu’une 
génération d’orgues doit défricher de nouvelles sources en dehors de 
considérations techniques, de telle manière que les orgues de la Réforme, peu 
considérés aujourd’hui, sont des maillons importants de l’histoire de l’orgue.” 60 

57 Rudolf QUOIKA : Albert Schweitzer Begegnung mit der Orgel, Berlin, 1954, p. 49.

58 August GESSNER, op. cit., p. 3.

59 cf Entwicklungsgeschichte, jeux placés entre parenthèses dans la composition que donne  RUPP aux pp. 
336­337.

60 cf QUOIKA, op. cit., p. 49.

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*
*     *

L’ORGUE DE SAINT­PAUL À KOENIGSHOFFEN
Dans  son   ouvrage  de  1929,   RUPP  fait   état   d’un   orgue   construit   en 
1913 par WALCKER pour le compte de l’église protestante  Saint­Paul de Koenigshoffen, 
selon les principes de l’Orgelreform. De fait, l’administration allemande, après consultation 
de MÜNCH, GESSNER et PFITZNER, fait appel à WALCKER au détriment de DALSTEIN­
HÆRPFER, 20% plus cher. Il semble bien que l’instrument ait été conçu d’après les conseils 
de   RUPP.   Toutefois,   un   regard   sur   la   composition   et   les   accessoires   ne   laisse   que   peut 
transparaître les idées de ce dernier :

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Grand­Orgue               Positif expressif                      Récit expressif             Pédale

Prinzipal 16’ Bourdon 16’ Quintatön 16’ Prinzipalbaß 16’


Prinzipal 8’ Geigenprinzipal 8’ Prinzipal 8’ Violonbaß 16’
Bourdon 8’ Quintatön 8’ Lieblich Gedeckt 8’ Subbaß 16’
Gemshorn 8’ Konzertflöte 8’ Flûte harmonique 8’ Gedecktbaß 16’
Flöte 8’ Salicional 8’ Viola di Gamba 8’      (emprunt Pos.)
Oktav 4’ Fugara 4’ Aeoline 8’ Oktavbaß 8’
Rohrflöte 4’ Flauto Dolce 4’ Voix céleste 8’ Cello 8’
2
Quintet 2’ /3 Flautino 2’ Prinzipal 4’          (emprunt Gamba 
Réc.)
Doublette 2’ Mixtur III­IV fach Traversflöte 4’ Bourdonbaß 16’
2 3 2
Cornett III­V fach      (2’ /3, 2’, 1’ /5) Nasard 2’ /3 Octave 4’
1
Mixtur IV fach 1’ /3 Clarinette 8’ Flageolet 2’ Posaune 16’
     (sans tierce)      (à anches libres) Plein­Jeu V­VII fach      (emprunt Récit)
2 3 1
Trompette 8’      (2’ /3, 2’, 1’ /5, 1’ /3, 1’)   Trompette  
8’
Basson 16’       (emprunt Récit) 
Trompette harm. 8’    Clairon 4’
Clairon 4’
Oboe 8’

Accouplements :  II/I, III/II, III/I en 16’, 8’ et 4’. ­ I/Péd., II/Péd., III/Péd.
Generalkoppel
le tout par dominos et boutons­poussoirs sous le 1er clavier.
Combinaisons : 2 combinaisons libres, Tutti
Annulation G.O., anches, 16’ et jeux à main.
Divers : Crescendo, Expressions Récit et Positif, Tremolo Récit.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Les instruments que nous venons d’étudier ­  Saint­Sauveur,  Saint­


Thomas,  Palais des Fêtes  et  Saint­Paul  ­ constituent une sorte d’essai grandeur nature 
des   différentes   options   proposées   par   les   Réformateurs.   Nous   en   avons   suivi   les 
tâtonnements, les revirements, les échecs, et ce sont finalement deux firmes, DALSTEIN­
HÆRPFER et WALCKER, l’une “française” et l’autre allemande, qui assumèrent le rôle de 
laboratoire.   Aucun   des   orgues   cités   n’a  pleinement   accompli   l’idéal   de   la  Réforme   ni  n’a 
donné   entièrement   satisfaction.   Considérés   globalement   et   superficiellement,   ils   peuvent 
même   engendrer   l’image   d’un   grand   désordre.   Il   suffit   de   prendre   pour   exemple   les 
transformations   subies   la   même   année   par   l’orgue   du  Palais   des   Fêtes  et   par   celui   de 
Saint­Paul. Dans le premier, SCHWEITZER fait retirer les mutations simples et assombrir 
les mixtures, alors que dans les second, RUPP adopte la démarche exactement inverse.

Dans ce contexte,  le comportement des facteurs purement alsaciens, 
moins   directement   impliqués   dans   les   essais   préliminaires,  peut  s’orienter  vers   une   voie 
moyenne, plus posée, moins excessive.

3) Rinckenbach et Rœthinger : les nuances

Les deux firmes alsaciennes les plus prometteuses de ce début de siècle sont aux mains de 
deux jeunes facteurs d’orgues pleins de talents. Joseph RINCKENBACH est l’héritier d’une 
longue   lignée   d’artisans   attachés   à   la   facture   traditionnelle   française   de   CAVAILLÉ   et 
alsacienne  de  STIEHR.   De son   côté,  Edmond­Alexandre  RŒTHINGER   vient  de  fonder  sa 
propre   entreprise.  Il   connaît   bien   la   facture   française   mais   est  plus  directement  issu   de 
l’école   allemande.   Contrairement   à   RINCKENBACH,   il   a   été   placé   aux   premières   loges, 
notamment   chez   KOULEN,   pour   assister   aux   fulgurants   progrès   techniques   et   pour   en 
apprécier la pertinence et l’opportunité.
Entre 1900 et 1910, la facture alsacienne est dans ce que RUPP appelle une  “période   de 
transition”.   Un   des   exemples   les   plus   caractéristiques   de   cette   époque   est   le 
RINCKENBACH  de  Saint­Jean, construit  en  1899  sur  les  conseils  de son  titulaire  Jean­
Marie ERB et dont nous avons déjà parlé plus haut.

*
*     *

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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UNE CONSOLE DE RUPP DANS UN ORGUE DE TRANSITION :
SAINT­PIERRE­LE­JEUNE CATHOLIQUE.

Lors de la construction en 1894 de la nouvelle église Saint­Pierre­le­Jeune catholique à 
Strasbourg, le marché d’un orgue neuf fut attribué à KOULEN. Celui­ci installa un orgue 
pneumatique de 28 registres sur deux claviers et pédale, dans un buffet KLEM merveilleux, 
d’après les témoignages 61 . Très vite, les traditionnels défauts des orgues KOULEN 
apparurent sous forme de pannes fréquentes et répétées, tant à la console qu’aux sommiers.
RŒTHINGER fut chargé , dès 1911, de la transformation et de 
l’agrandissement de l’instrument. D’après THOMAS 62 , titulaire de l’époque, RŒTHINGER et 
lui­même collaborèrent étroitement autour de “ce que l’art de la facture d’orgues a 
fait comme progrès ces dernières années, ce que réclame Herr Musikdirektor
E. RUPP dans sa brochure Der Normal­ und Einheitsspieltisch  ,  qui a fait date, 
et ce que, enfin, recommande le Règlement issu du Congrès de la Société 
Internationale de Musique en Mai 1909 à Vienne, par la section pour la facture 
d’orgues, sous la présidence des maîtres de conférence de notre université, les 
docteurs MATHIAS et SCHWEITZER.”

On ne peut être plus clair quant à la volonté de rattachement aux idées de l’Orgelreform. En 
une phrase sont cités ses trois principaux instigateurs, ainsi que deux textes de référence. A 
priori, nous devrions donc être en présence du premier orgue de la Réforme construit par 
une firme “indépendante”.
Le cahier des charges de RŒTHINGER comprenait une nouvelle console, l’amélioration des 
sommiers de KOULEN, l’agrandissement de l’instrument de deux à trois claviers et 
l’adjonction aux 28 registres existants de 12 nouveaux jeux “parmi lesquelles les trois 
nouvelles anches parisiennes, la Trompette harmonique, le Hautbois­Basson et 
la Vox Humana, de même que la mixture composée sur le 3ème clavier, d’après 
la technique CAVAILLÉ­COLL.” 63 
Il s’ensuivit donc la composition ci­dessous :

61 cf Ch. Médard BARTH : Elsaß, Land der Orgeln, 1966, Archives de l’Église d’Alsace.

62 Louis THOMAS : Die Orgel von Jung­St­Peter in Straßburg, 1911, Cæcilia.

63 idem

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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I. Manual                    II. Manual (Schwell.)               III. Manual (Schwell.)  Pedal

Principal 16’ Lieblichgedeckt 16’ Quintatön 16’ Principalbaß 16’


Bourdon 16’ Geigenprincipal 8’ Rohrflöte 8’ Subbaß 16’
Principal 8’ Flauto amabile 8’ Viola 8’ Stillgedeckt 16’
Bourdon 8’ Salicional 8’ Aeoline 8’ Octavbaß 8’
Dolce 8’ Unda Maris 8’ Vox Cœlestis 8’ Cello 8’
Gambe 8’ Cor de Nuit 8’ Gemshorn 4’ Bombarde 16’
Flûte harmonique 8’ Traversflöte 4’ Plein­Jeu IV fach
Octavflöte 4’ Violine 4’ Hautbois­Basson 8’
Prestant 4’ Flageolet 2’ Vox humana 8’
Mixtur V fach Trompette harmonique 8’ Tremolo
Cornet V fach Clarinette 8’
Trompete 8’ Tremolo

Arrêtons­nous un instant sur cette composition. Au pied de la lettre, 
elle réalise l’union entre l’orgue français et l’orgue allemand, en ce sens qu’on y retrouve les 
anciens jeux  de KOULEN, principalement les  fonds, auxquels RŒTHINGER  a rajouté les 
jeux   français   que   THOMAS   décrit   plus   haut,   ainsi   que,   vraisemblablement,   la   Flûte 
harmonique,   le   Cor   de   Nuit   ou   encore   le   Flageolet.   Mais   on   est   bien   loin   de   certaines 
recommandations de la Réforme. La disproportion de 16’, 8’ et 4’ ne laisse de place qu’à un 
seul 2’, et encore, au positif. On ne trouve aucune mutation simple. Même si l’on ne connait 
pas la composition des rares mixtures (2 jeux), on peut imaginer qu’il ne s’agit pas de “fines 
mixtures” et que la Mixtur V rgs du 1er clavier contient une tierce. Il n’y a évidemment pas 
de mixtures à la Pédale, ni de 4’. Pas non plus d’anches de 4’ dans tout l’instrument. Dans 
l’impossibilité d’entendre cet instrument, on peut avancer avec une quasi­certitude que la 
différenciation   des   personnalités   de   chaque   clavier   reste   également   lettre   morte,   chacun 
étant basé sur un même plan de fonds. De fait, il semblerait plutôt que, à l’image de ce que 
SCHWEITZER reproche à l’orgue allemand, l’étagement des plans sonores soit réalisé selon 
le   schéma   :
1er   clavier   =   ƒƒ,   2ème   clavier   =   ƒ,   3ème   clavier   =  mƒ.   Hypothèse   encore   renforcée   par 
l’implantation de la Trompette harmonique au Positif et non au Récit, avec les autres anches 
françaises, comme si on avait eu peur de trop intensifier ce dernier. Donc, au plan de la 
composition, la seule influence de l’Orgelreform, parait être l’introduction de jeux émanant 
de la facture CAVAILLÉ­COLL. Toutefois, on sait, toujours par THOMAS, que RŒTHINGER 
apporta un soin tout particulier à l’intonation de chaque jeu, individuellement et en fonction 
de son rôle dans le tutti. Certains critiques de l’époque allèrent jusqu’à comparer la sonorité 
du plein­jeu avec ceux de Saint­Sulpice ou de Notre­Dame (!).

C’est en fait par sa console que l’orgue RŒTHINGER de Saint­Pierre­

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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le­Jeune s’affilie le plus à la Réforme. Moins complexe ­ heureusement ­ que celle de Saint­
Paul, mais sans doute plus complète qu’au  Palais des Fêtes, elle a de quoi contenter à la 
fois RUPP et SCHWEITZER. On y trouve les accessoires suivants : 

Accouplements : I/Péd., II/Péd., III/Péd., II/I, III/I, III/II.
(tous ces accouplements sont commandés à la fois par pédales et par
tirants sous le 1er clavier, mécaniquement interactifs.)
Hauptwerk ab (par pédale)
Annulation des accouplements (par pédale)
Supokt II/Péd., supokt II/I, Subokt III/II, subokt II/I, subokt III/I,
Generalkoppel (par pédale).
Combinaisons : Fixes  :  p,  mƒ, ƒ, ƒƒ sans anches, ƒƒ avec anches, tutti pour chaque
clavier et annulateur (par boutons­poussoirs sous le 1er clavier).
Libre : par pédale et bouton­poussoir au­dessus du 3ème clavier (liés).
Handregister ab (par pédales et tirants pour chaque clavier au­dessus
du 3ème clavier.
Divers : Expression Récit, expression Positif, Crescendo,
Pédale automatique.

Les tirants de registres sont disposés en gradins sur 4 étages, orientés 
à   45°,   de   telle   sorte   que   les   registres   les   plus   utilisés   soient   à   gauche.   Il   s’agit   donc 
typiquement   d’une   console   réunissant   tous   les   accessoires   demandés   par   SCHWEITZER 
(combinaisons   fixes   en   sus),   et   disposés   comme   le   conseille  RUPP.   La  console  de  Saint­
Pierre­le­Jeune  représente   sans   doute   l’exemple   le   plus   achevé   dans   le   sens   de 
l’Orgelreform.

Qu’il  nous  soit  permis  de regretter  que  RŒTHINGER  n’ait  pas  jugé 
utile de reconstruire une telle console lors de la transformation de l’orgue en 1945. Celui­ci, 
comme  nous  le  verrons  ultérieurement,   présente  une  composition  beaucoup  plus  proche 
des principes de la Réforme alsacienne, mais sa console s’en éloigne sensiblement.

L’orgue de Saint­Pierre­le­Jeune, encore fortement enraciné dans une 
esthétique   sonore   de   transition,   louvoie   entre   influences   allemande   et   française,   au 
détriment d’une véritable cohérence, de cette fusion sonore que les Réformateurs continuent 
d’appeler de leurs vœux.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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HAUTE­PRESSION ET ORGELREFORM : 
L’ORGUE DE SAINT­MARTIN D’ERSTEIN.

“L’orgue d’Erstein constitue le sommet de la première période de RŒTHINGER, 
avant la «réforme alsacienne» qui, commencée par Emile RUPP en 1898, n’a 
porté ses fruits qu’après 1920.” 64 Si cette assertion se vérifie, alors l’orgue de Saint­
Martin n’a pas à figurer dans notre étude. Pas plus, d’ailleurs, que l’orgue de Saint­Pierre­
le­Jeune de 1911. Pourtant, nous avons vu la profonde influence que celui­ci avait subie 
des idées de l’Orgelreform, ne serait­ce qu’au niveau de sa console, influence clairement 
revendiquée par son titulaire. Un facteur d’orgue tel que RŒTHINGER, qui est au fait des 
principes des Réformateurs et du Règlement de Vienne, peut­il, en l’espace de trois ans, en 
faire totalement abstraction ? Dans sa plaquette de 1978, MEYER­SIAT fait reposer l’entière 
responsabilité de la conception de l’orgue sur Victor DUSCH, éminent titulaire de l’époque. 
Mais on ne peut objectivement exclure un facteur d’orgues de la pérénité de son œuvre. Un 
orgue neuf naît généralement de la collaboration entre les organistes, les experts et le 
facteur d’orgues. En aucun cas ce dernier ne peut être ravalé au simple rang d’exécutant. 
Gageons d’ailleurs que RŒTHINGER n’aurait jamais accepté ce rôle pour la construction 
d’un des plus grands ouvrages de sa firme. Et quand bien même l’influence de DUSCH eût 
été prépondérante, il ressort des témoignages et programmes de l’époque qu’il était féru de 
l’école d’orgue française, au moins autant que de l’allemande ou des polyphonies de BACH. 
Il ne pouvait donc pas ne pas vouloir, à l’image de SCHWEITZER un orgue apte à exprimer 
cette musique. Enfin, le fait que le rapport d’expertise ait été signé, le 9 Juillet 1914, par F.­
X. MATHIAS, Martin MATHIAS et Louis THOMAS, tous trois acquis à la cause de la 
Réforme, ne peut qu’inciter à examiner cet orgue dans l’optique de l’Orgelreform.
Évidemment,   la   présence   de   quatre   jeux   à   haute­pression   vient 
d’emblée jeter le trouble. Mais il ne faut perdre de vue que SCHWEITZER tolère l’installation 
de tels jeux dans de grands édifices où, correctement intonés, ils peuvent avoir un résultat 
artistiquement satisfaisant. En outre, se braquer sur ces quatre jeux risque d’occulter le 
reste de la composition qui inclut des particularités inhabituelles pour cette époque dite de 
transition.  Voici  donc  la  composition  de  1914   qui,   à l’exception  d’une  permutation  de  la 
Trompette   harmonique   du   Récit   et   du   Basson­Hautbois   du   Positif,   n’a   subi   aucun 
changement. Notons encore l’extension du sommier du Positif à 70 notes, destinée à rendre 
effectif   l’accouplement   à   l’octave   aiguë,   respectant   ainsi   une   des   recommandations   de 
SCHWEITZER et du Wiener Regulativ.

64 Pie MEYER­SIAT : Les 4 Orgues d’Erstein, Plaquette éditée à l’occasion de la réinauguration de 1978.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Grand­Orgue               Positif expressif                      Récit expressif             Pédale

Montre 16’ Bourdon 16’ Lieblich Gedeckt 16’ Grand Bourdon 32’


Bourdon 16’ Starkton­Geigenprinzipal 8’ Starkton­Prinzipal 8’ Contrebaß 16’
Starkton­Flöte 8’ Rohrflöte 8’ Geigenprinzipal 8’ Violonbaß 16’
Viola di Gamba 8’ Cor de Nuit 8’ Salicional 8’ Subbaß 16’
Flûte harmonique 8’ Bourdon 8’ Lieblich Gedeckt 8’ Gedecktbaß 16’
2
Gemshorn 8’ Violoncelle 8’ Quintatön 8’ Quintbaß 10’ /3
Dulciana 8’ Unda Maris 8’ Flûte traversière 8’ Octavbaß 8’
Bourdon 8’ Dolce 8’ Aeoline 8’ Lieblich­Gedeckt 8’
1
Quinte 5’ /3 Flûte traversière 4’ Voix céleste 8’ Cello 8’
Prestant 4’ Cremona 4’ Gemshorn 4’ Starkton­Gamba 8’
2
Flûte à cheminée 4’ Quintflöte 2’ /3 Octavflöte 4’ Choralbaß  
4’
Doublette 2’ Flageolet 2’ Flautino 2’ Posaune 16’
3
Plein­Jeu IV rgs Terz 1’ /5 Harmonia Aethera III rgsBasson 16’
Cornet V rgs Plein­Jeu V rgs Basson 16’
Bombarde 16’ Basson­Hautbois 8’ Trompette harmonique 8’
Trompette 8’ Clarinette 8’ Voix humaine 8’
Clairon 4’ Tremolo Clairon harmonique 4’
Tremolo

Cette composition est exceptionnelle à plus d’un titre. Il est important, 
pour   en   prendre   pleinement   conscience,   de   replacer   l’instrument   dans   son   contexte 
géographique et historique. Tous les exemples étudiés jusqu’ici sont l’apanage d’églises de 
ville. Nous sommes à présent dans un village, pas le petit ni le moins aisé, certes, mais un 
village   quand   même.   D’autre   part,   au   sein   de   l’évolution   esthétique   de   RŒTHINGER, 
l’élaboration   d’Erstein  ne   se   situe   que   deux   ans   après   l’achèvement   de  Saint   Pierre­le­
Jeune. Il n’est que de comparer les dispositions des deux instruments pour saisir d’emblée 
l’immense   progression.   Bien   sûr,   comme   nous   l’avions   noté   à   propos   de   la   démarche 
adoptée   par   RUPP   à  Saint   Paul  en   comparaison   à   celle   de  Koenigshoffen,   un   nombre 
important de jeux permet quelques audaces. Il n’en reste pas moins que l’orgue d’Erstein 
avance dans le sens de la Réforme. C’est avant tout un instrument d’excellente facture. Il ne 
contient   aucune   trace   de   zinc,   indice   d’un   grand   souci   de   qualité.   En   concurrence   avec 
WEIGLE et WALCKER, RŒTHINGER se devait de présenter un projet des plus solides. Il est 
symptomatique que, favorisé par MATHIAS, l’artisan  alsacien  ait été  préféré aux grandes 
firmes   industrielles   allemandes,   toutes  moins   chères   que   lui.   Et   de  fait,   RŒTHINGER   a 
réalisé un chef d’œuvre d’artisan. En 80 ans de service, les interventions sur l’orgue ont été 
très rares, preuve d’une fiabilité peu fréquente dans la facture de l’époque.

La   disposition   rappelle   davantage  Saint   Paul  que  Saint   Pierre­le­

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Jeune.   On   y   retrouve   une   pédale   non­indépendante   mais   pourvue   d’un   32’   et   de   ses 
2
harmoniques (Quintbaß 10’ /3). Le G.O. est basé sur une Montre 16’ et comprend, là aussi, 
1
une Quinte 5’ /3. Le clavier le plus étonnant est sans doute Positif. La présence d’un cornet 
décomposé   préfigure   le   retour   progressif   au   Positif   classique,   basé   sur   la   série   des 
harmoniques de 8’, selon les vœux de RUPP et, bien plus tard, à la désolidarisation de ce 
plan sonore comme Positif de dos, revendication de SCHWEITZER. L’on touche ici du doigt 
une incohérence dans les idées de ce dernier. Si la Réforme n’a jamais construit de Positif de 
dos, c’est qu’elle n’a pas su se déterminer clairement et fermement pour un type précis de 
2è clavier. Elle avait le choix entre trois influences : soit le “Positif” à la CAVAILLÉ, sorte de 
G.O. en réduction, muni de jeux clairs et d’anches solistes, et pièce maîtresse de la conduite 
du crescendo; soit le 2è clavier allemand, véritable ombre du 1er en moins puissant; soit 
enfin le véritable Positif de dos que SCHWEITZER apprécie tant depuis Saint Thomas. Mais 
ce   dernier   choix,   exacerbant   le  Werkprinzip,   élimine   d’emblée   le   Positif   de   l’ensemble   de 
l’instrument   et   de   ses   moyens   dynamiques.   Si   bien   que,   pour   obtenir   un   orgue   dont 
l’expressivité soit à la mesure d’un CAVAILLÉ mais comportant tout de même un Positif de 
dos, on en est parfois arrivé à adopter un 4è clavier : Positif de dos, G.O., Positif intérieur et 
Récit. C’est sans doute ce raisonnement qui a présidé à l’adjonction par Max RŒTHINGER 
d’un Positif de dos sur le CAVAILLÉ de  Saint Etienne  de Mulhouse, produisant ainsi une 
sorte de greffon inconciliable avec le reste de l’instrument. On touche ici aux limites de la 
compatibilité   entre  Klangverschmelzung  (surtout   RUPP,   moins   SCHWEITZER)   et 
Werkprinzip  (surtout SCHWEITZER, moins RUPP). Quoiqu’il en soit, le 2è clavier est celui 
qui évoluera le plus avec la Réforme. Aux nombreux fonds de l’état initial s’ajouteront peu à 
peu mixtures et mutations ­ comme ici à  Erstein  ­ puis les fonds se feront plus pauvres, 
avant que le Positif ne retrouve sa place classique (Temple de Neudorf). 

À propos du Récit d’Erstein, MEYER­SIAT affirme qu’il “s’essaie 
instinctivement au Récit “Cavaillé­Coll” alors que V. Dusch n’en a sans doute 
jamais eu d’expérience concrète” 65. L’assertion parait difficilement défendable. DUSCH 
n’a pas pu rester à l’écart des essais effectués à Saint Pierre­le­Jeune en 1911 ni des 
travaux de Saint Paul en 1912. D’autre part, nous savons que RŒTHINGER, lui, “a eu des 
échanges de vue avec la maison Cavaillé­Coll” lors de voyages à Paris   , ainsi 
66

qu’avec MERKLIN ou DIDIER d’Épinal. Le Récit d’Erstein n’est donc le fruit ni du hasard ni 
de l’instinct de DUSCH, mais plus simplement de l’expérience au moins sonore de ce dernier 
et des connaissances théoriques et pratiques de son facteur d’orgue.

Enfin, revenons sur cette sorte de tache que constituent les jeux à haute­pression. À 

l’audition, il faut bien reconnaître que, correctement et parcimonieusement utilisés, ils 

65 op. cit.

66 André GLORY ­ E.­A. Rœthinger, facteur d’orgues en Alsace, in La vie en Alsace, 1936

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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produisent un effet des plus saisissants dans la grande nef de l’église Saint Martin. On 

comprend mieux la tolérance de SCHWEITZER pour ces registres. 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Chapitre 2

Les Grands Instruments
de l’Entre­Deux­Guerres

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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2) Les grandes transformations de Rœthinger

L’ORGUE DE SAINTE­GENEVIÈVE À MULHOUSE

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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L’ORGUE DE LA SYNAGOGUE CONSISTORIALE À STRASBOURG

Le destin d’Émile RUPP devait s’être inscrit autour des orgues WALCKER construits en 
1898. Après celui de Saint Paul, le Musikdirektor strasbourgeois héritait de l’instrument de 
la Synagogue consistoriale. Bien entendu, l’orgue WALCKER ne satisfait pas RUPP qui lui 
reproche, malgré une bonne qualité de fabrication, de ne pas satisfaire aux impératifs du 
culte israélite. De fait, l’instrument est un parfait exemple des conceptions protestantes de 
la fin du 19è siècle 67 . Qui plus est, il fait preuve d’un indéniable archaïsme : claviers de 54 

touches, pédalier de 27 marches, accessoires très pauvres… Enfin, il n’est pas adapté à un 
environnement acoustique très particulier : l’orgue est placé dans une sorte de niche 
parabolique, de part et d’autre de la [   ?   ], sous la coupole centrale.
La composition du WALCKER ne pouvait qu’hérisser RUPP avec ses jeux à haute­pression, 
ses double­flûtes, son absence totale de mutations simples. De même, le dépouillement de 
la console l’empêchait d’effectuer les “changements brutaux de pp à mf et de f à ff 
qui caractérisent si souvent la littérature de Naumbourg, Lewandowsky, 
Kirschner, Sulzer, etc…” 68 .
En   mars   1923,   une   transformation   est   donc   décidé,   le   marché   étant   attribué   à 
RŒTHINGER. Il s’ensuit une série de conférences entre les dirigeants de la Synagogue, les 
organistes   et   le   facteur   d’orgue.   Ce   point   a   son   importance.   Il   prouve   bien,   s’il   en   était 
encore  besoin,   que   RŒTHINGER   a   été  très   tôt  en   contact   direct   avec   la   Réforme   et  ses 
théoriciens.  D’autre  part,  même si, du fait de la barbarie nazie,  il ne nous  reste  aucune 
trace   concrète   du   RŒTHINGER   de   la  Synagogue,   l’évolution   qui   se   dessine   entre   la 
composition de 1898 et celle de 1925 est pour nous un témoin de valeur des idées de RUPP. 
À  Saint Paul, ces dernières avaient dû passer par de nombreuses étapes pour ne jamais 
pleinement aboutir. Ici, la transformation est si radicale qu’elle ne peut plus guère invoquer 
de mauvaises bases. Le nouvel orgue est donc le reflet direct des conceptions de RUPP, tant 
au plan de la console que dans le domaine sonore.

67 Composition du WALCKER de la Synagogue (1898) :
Hauptwerk                                               Schwellwerk                                             Pedal
Principal 16’ Gedeckt 16’ Principalbaß 16’
Bourdon 16’ Geigenprincipal 8’ Subbaß 16’
Principal 8’ Lieblichgedackt 8’ Violon 16’
Bourdon 8’ Concertflöte 8’ Bourdon 16’
Doppelflöte 8’ Quintatön 8’ Octavbaß 8’
Viola di Gamba 8’ Salicional 8’ Violon 8’
Gemshorn 8’ Aeoline 8’ Octave 4’
Bifra 8’ et 4’ Voix céleste 8’ Posaune 16’
Dolce 8’ Fugara 4’
Prestant 4’ Flauto dolce 4’
Rohrflöte 4’ Doublette 2’ II fach
Piccolo 2’ Cornett IV­V fach II/I, I/Péd., II/Péd.
Mixtur 4’ V fach Clarinette 8’ (anches libres) p, mƒ, ƒ, tutti
Trompete 8’ Stentorflöte 8’ Crescendo, expression
Clairon 4’
Stentorgamba 8’

68 Emile RUPP : Die Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, 1929, Verlaganstalt Benziger & Co A.­G, p. 346.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Voici   justement   la   disposition   adoptée,   sur   trois   claviers   de   56   touches   et   pédale   de   32 
marches :
Grand­Orgue                Positif expressif            Récit expressif              Pédale

Montre Violon 16’ Bourdon à cheminée 16’ Quintaton 16’ Bourdon acoustique 32’


Bourdon 16’ Cor de chamois 8’ Diapason 8’ Grosse Flûte 16’
Montre 8’ Flûte à cheminée 8’ Cor de nuit 8’ Basse de Viole 16’
Flûte harmonique 8’ Quintaton 8’ Flûte traversière 8’ Flûte 8’
Violoncelle 8’ Salicional 8’ Viole de Gambe 8’ Flûte 4’
2
Prestant 4’ Unda Maris 8’ Harpe éolienne 8’ Grosse Quinte 10’ /3
Flûte à cheminée 4’ Fugara 4’ Voix céleste 8’ Bombarde 16’
2
Nazard 2’ /3 Flûte pastorale 4’ Prestant de viole 4’
Doublette 2’ Cor de daim 4’ Flûte octaviante 4’ Pédale expressive
3 2
Tierce 1’ /5 Quinte pastorale 2’ /3 Viole d’amour 4’ Bourdon­Basse 16’
2
Grand Cornet III­V rgs Flageolet 2’ Quinte conique 2’ /3 Soubasse 16’
3
Plein­Jeu IV rgs Tierce conique 1’ /5 Octavin 2’ Bourdon 8’
1 3
Trompette 8’ Larigot 1’ /3 Tierce 1’ /5 Violoncelle 8’
1
Clairon 4’ Piccolo 1’ Septième 1’ /7
Clarinette 8’ Plein­Jeu IV rgs
Basson 8’ Trompette harmonique 8’
Tremolo Basson­Hautbois 8’
Voix humaine 8’
Clairon harmonique 4’
Tremolo

La console est sans doute l’une des plus délirantes jamais construite par RŒTHINGER (voir 
ci­contre). Grâce à la transmission évidemment électrique, elle comporte tous les accessoires 
dont RUPP put rêver, par le truchement de 39 (!) pédales et champignons et 17 boutons 
poussoirs. 69 Les systèmes électriques se fiabilisant et se perfectionnant toujours davantage, 

69 Liste des accessoires de la console de la Synagogue :
Pédales :
III/I III/Péd Pos en 4’ 4 combinaisons libres p, mf, fI, fII     Anches et mutations
II/I II/Péd Pos en 16’ à deux positions Plein­Jeu, Anches,    Appel général
III/II I/Péd III/I en 4’ (avec ou sans Grand­Jeu I
Dégagement III/I en 16’ accouplements) Dégagement II
G.O. en 16’ Dégagement Appel Péd III
III/Péd en 4’ Appel G.O. Péd
Dégagement Suppr. 16’ et 32’     Dégagement
Accouplements
Trémolo III, II

Boutons­poussoirs interactifs :
p, mf, fI, fII Combinaisons libres 1, 2, 3, 4, Dégagement
Plein­Jeu, Anches, Grand­Jeu Suppression registres à main, Dégagement
Dégagement Suppression pédale expressive, Dégagement
Piano Pédale automatique, Dégagement

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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on comprend qu’ils aient produit chez RUPP une véritable boulimie d’accessoires. Mais ce 
faisant, l’organologue spoliait ses idées sur la console standard qui avait bien des mérites. 
La console de la Synagogue, par ses excès, sort du cadre de l’Orgelreform pour devenir un 
poste de commande d’ingénieur, au lieu de faciliter la tâche de l’organiste, comme 
SCHWEITZER le souhaitait.
Au plan sonore, les évolutions sont plus intéressantes si l’on fait abstractions, là encore, de 
certaines exagérations. Selon RUPP, des principes de facture issus de SILBERMANN et de 
CAVAILLÉ­COLL 70 ont aidé RŒTHINGER dans la conception de l’instrument. Ainsi, il a été 
décidé de conférer un son particulièrement brillant à toutes les flûtes et de construire des 
cheminées à tous les bourdons, idées originales pour l’époque. Le bois n’est utilisé qu’à la 
Pédale et pour les octaves graves des bourdons. À côté des mixtures, chaque clavier est 
pourvu des rangs complets de mutations. On doit plus ce dernier concept à RUPP qu’à 
CAVAILLÉ­COLL. Car, ce faisant, la différenciation des plans sonores est loin d’être acquise, 
nouvelle preuve que, chez RUPP, la fusion sonore est bien plus importante que le 
Werkprinzip. Ce dernier semble pourtant s’imposer par le biais des anches dont les claviers 
contiennent tous les représentants prônés par CAVAILLÉ­COLL. En fait, une fois de plus, la 
multiplication des registres permet à RUPP de faire figurer à chaque clavier autant de fonds, 
de mutations ou d’anches, au détriment de la Pédale, toujours dépendante des tirasses.
Dans ces conditions, c’est à nouveau le Positif qui retient l’attention. On pourrait facilement 
­ et curieusement ­ le comparer à celui d’Erstein. Il reste très orchestral mais ses fonds ont 
de plus en plus  tendance   à s’alléger, grâce notamment aux  cheminées.  Autre  innovation 
importante,   l’adoption   du   Larigot   à   la   SILBERMANN,   chose   encore   rare   en   1925.   Ainsi, 
comme nous l’avions entrevu à  Erstein, le Positif poursuit sa lente évolution. Il se dégage 
peu   à   peu   de   son   rôle   de   G.O.   en   réduction,   restreignant   ses   fonds   ­   notamment   les 
principaux de 8’ ­ et adoptant de façon désormais constante en Cornet décomposé et une 
Clarinette. Il aurait été intéressant de savoir si RUPP, contraint de réduire ses ambitions de 
64 à 50 jeux, aurait gardé tant de fonds au 2è clavier et de mutations au 3è. Une fois de 
plus, et SCHWEITZER l’avait bien compris, le piège tendu à un instrument trop important et 
celui d’un manque personnalité et d’unité esthétique. 

Objectivement, RUPP semble l’éviter de justesse. Il est navrant que nous soyons privés de 

tout renseignement concernant la qualité des matériaux utilisés, les tailles et les pressions 
adoptées. Mais on peut néanmoins placer l’orgue de la  Synagogue  dans le courant de la 

Réforme,   comme   représentant   parfait   des   idées   de   RUPP.   Son   inauguration   par   Félix 

RAUGEL, François­Xavier MATHIAS et Charles MULLER, professeur de pratique protestante 
 
au   conservatoire   de   Strasbourg,   “complètement   acquis   aux   idées   de   la   Réforme” 71

n’en   est   qu’une   confirmation.   Enfin,   suite   à   la   construction   du   RŒTHINGER   de   la 


Synagogue, RUPP n’hésite pas à parler d’une “école alsacienne [qui], née au temps de 

70 op. cit., p. 347

71 op. cit., p. 350

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la   détresse,   est   à   présent   revenue   dans   le   sillon   d’une   nuance   plus 

provinciale.”   
72

72 op. cit., p. 350

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3) Les débuts de Schwenkedel

LA RESTAURATION DE L’ORGUE DE SAINT THOMAS À STRASBOURG

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Chapitre 3

L’orgue idéal de village
selon Schweitzer

En   introduction,   nous   avions   expliqué   les   raisons   nous   poussant   à   n’étudier   que   des 
instruments d’une certaine taille : les effets de la Réforme sont plus visibles sur un orgue de 
40 à 50 jeux, les réformateurs eux­même ont une prédilection pour ces instruments, sans 
même parler de RUPP et de ses regrettables fringales de registres. Nous avons vu, avec des 
exemples   comme  Saint   Paul,   le  Palais   des   Fêtes,  Erstein  ou   encore   la  Synagogue 
consistoriale,   que   cette   abondance   de   jeux   permettait   aussi   aux   concepteurs   et   aux 
facteurs   de   ne   pas   avoir   à   effectuer   certains   choix   aussi   douloureux   que   révélateurs   : 
abandon de fonds au profit de mutations, détermination des types de mixtures, choix des 
anches, etc…  Dans  ces  conditions,  il  était intéressant de voir l’attitude  des  réformateurs 
face à la conception d’un orgue “minimal”, de 15 à 20 jeux sur deux claviers.
Albert SCHWEITZER, dont nous savons que les ambitions étaient bien plus mesurées que 
celles RUPP, s’est vu confronté à de tels instruments, préoccupés qu’il était par la survie des 
orgues de deux villages chers à son cœur : Muhlbach, où son grand­père Jean­Jacques 
SCHILLINGER avait été pasteur de 1829 à sa mort en 1872, et Gunsbach, lieu de son 
enfances, de ses premiers pas organistiques et de son domicile. SCHWEITZER profite ainsi 
des réfections que réclament ces deux instruments pour mettre au point un chapitre encore 
vierge de l’Elsässischer Orgelreform : l’orgue idéal de village. Ce combat est solitaire (il ne le 
mène qu’avec la collaboration de HÆRPFER ­ et plus tard de KERN ­ RUPP et MATHIAS ne 
s’intéressant que peu à ce genre de miniature) et il se fait à distance, SCHWEITZER passant 
le plus clair de son temps à Lambaréné. De ce fait, une très abondante correspondance 
 
s’établit entre l’organologue et son facteur d’orgue, réunie par BILLETER dans un ouvrage 73
qui nous permet de suivre pas à pas la gestation des deux instruments. D’emblée, signalons 
que SCHWEITZER n’a pas renié a posteriori le résultat obtenu. Dans une lettre à son ami 
l’ingénieur suisse Fritz STUDER, datée de décembre 1959, il s’accorde un satisfecit, se 
vantant d’avoir construit à Gunsbach “l’orgue idéal de village […]. Deux claviers, 22 
registres : Bach et les modernes (Widor, Franck, Reger) y sont exécutables de la 
même manière”. Il voit aussi une confirmation de cette réussite dans le fait que la firme 
Columbia ait choisi Gunsbach pour l’enregistrement de ses interprétations.

73 Bernhard BILLETER : Albert Schweitzer und sein Orgelbauer, Acta Organologica, Band 11, 1977, Berlin.

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MUHLBACH
À Muhlbach se trouvait, du temps du grand­père SCHILLINGER, un orgue SILBERMANN de 
1736, commencé par André, achevé par son fils après sa mort et transformé en 1841 par 
CALLINET.   En   1915,   l’église   est   entièrement   détruite   dans   un   bombardement. 
SCHWEITZER se lance alors dans une collecte à travers toute l’Europe et réunit près de 24 
000   francs,   soit   le   tiers   du   coût   total   d’un   nouvel   instrument.   L’élaboration   et   la 
construction occupent Fritz HÆRPFER durant toute l’année 1929. Il en résulte, lors de la 
réception par SCHWEITZER le 28 novembre 1929, la composition suivante :
Grand­Orgue (56 notes) Récit expressif (56 notes) Pédale (30 notes)
Bourdon 16’ Flûte harmonique 8’ Soubasse 16’
Principal 8’ Salicional 8’ Bourdon 16’ [Tr.]
Flûte creuse 8’ Gambe 8’
Gambe 8’ [Tr.] Voix céleste 8’ G.O./Péd.
Bourdon 8’ Flûte octaviante 4’ Réc./Péd.
Octave 4’ Waldflöte 2’ Réc./G.O.
2
Quinte 2’ /3 Mixture III rgs Réc./G.O. en 16’
Basson­Hautbois 8’ Réc./G.O. en 4’

Combinaison libre Récit Crescendo
Combinaison libre G.O.­Péd. Pédale expressive
Tutti
Appel Jeux à mains

Soit   un   total   de   9   fonds   de   8’   et   16’   sur   15   jeux   réels   !   On   réalise   facilement,   par 
comparaison avec de plus amples dispositions des mêmes concepteurs (Palais des Fêtes 
par   exemple)   quels   registres   sont   les   plus   importants   pour   SCHWEITZER.   Les   principes 
incontournables restent la différenciation maximale des fonds, la couronne sonore du G.O. 
et   l’organisation   des   principaux   du   Récit.   SCHWEITZER   reste   indéfectiblement   enraciné 
dans   l’esthétique   sonore   du   19è   siècle.   Tandis   que,   comme   nous   l’avons   précédemment 
souligné, certaines dispositions ont tendance à s’alléger, à s’éclaircir de plus en plus en ce 
dé but des années 30, il n’évolue pas fondamentalement par rapport à son idéal de 1906.
Les quelques remaniements adoptés par SCHWEITZER et HÆRPFER au cours de la 
gestation de Muhlbach sont à ce titre significatifs. Par exemple, on apprend par une lettre 
d’août 1928 que SCHWEITZER aurait souhaité la transmission du Salicional du Récit au 
G.O. La même lettre entérine le passage du Bourdon 16’ du 2è eu 1er clavier. Le G.O., sans 
les jeux transmis, était ainsi purement un clavier d’accouplement, essentiellement pourvu 
de principaux. À ce propos, on sent chez SCHWEITZER une certaine réticence puisque, 
quelques semaines plus tard74 , il suggère à HÆRPFER le remplacement au G.O. de l’Octave 
4’ par une Grande flûte 4’. Les sonorités rondes, larges et flûtées restent les préférées. 

74 Lettre du 8/10/1928

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Répondant à une requête du docteur organiste, HÆRPFER propose aussi l’adjonction d’une 
Flûte harmonique au Récit, “comme vous les connaissiez des orgues de Cavaillé­
Coll”    . Cet ajout permet aussi le transfert du Bourdon du Récit au G.O. Dans la même 
75

optique, on remarque la présence, telle une signature schweitzerienne, de la Waldflöte 2’, 
louée comme apport prédominant de la facture scandinave.
Une querelle éclate entre l’organiste et son facteur après réception de l’orgue à propos du 
Hautbois du Récit. Elle est révélatrice des goûts de SCHWEITZER en matière d’anches. 
Dans une lettre du 17 juillet 1930, il demande à HÆRPFER de remplacer le “Drecks­
Welsche­Hautbois”, celui­ci se rapprochant trop des hautbois de CAVAILLÉ­COLL. 
SCHWEITZER exige des anches “d’une belle plénitude cornée” 76 , ses référents étant 
issus des orgues WALCKER 1860/70 ou encore des instruments construits par le père de 
Fritz HÆRPFER, tel celui de Pfaffenhoffen, si cher à sa mémoire.
Évidemment,   la   transmission   de  Muhlbach  est   pneumatique.   Nous   savons   que 
SCHWEITZER aurait préféré une traction mécanique, mais le simple pragmatisme lié aux 
impératifs financiers et au savoir­faire du facteur le détourne de cette possibilité. Par contre, 
une lettre du 17 janvier 1929 révèle le désir passager de HÆRPFER d’adopter l’électricité à 
Muhlbach. La réaction de l’organiste est immédiate et sans appel : “Tout   cela   n’est   que 
pure   plaisanterie   à   la   Rupp   !   “   Le   manque   de   fiabilité   de   l’électricité   révulse 
SCHWEITZER. Il y voit un progrès technique purement récurent. Alors que, dans son esprit, 
le   pneumatique   semble   n’être   qu’un   pis­aller   en   attendant   une   conjoncture   meilleure, 
permettant de le remplacer par la traction. En fait, la véritable révolution est la construction 
d’une   console   en   fenêtre.   À   une   époque   où   toutes   les   nouvelles   consoles   étaient 
indépendantes, où lors des restaurations, on supprimait encore les consoles d’origine pour 
les détacher du grand buffet, il s’agit là d’une audace confondante !
Un dernier point est évoqué dans cette correspondance : le buffet. En un premier temps, et 
pour des raisons de coût, HÆRPFER avait proposé un buffet “moderne”. Or, on sait qu’une 
des recommandations do Congrès de Vienne concerne l’importance de la façade, sa beauté 
conditionnant déjà une partie de la réussite de l’instrument. SCHWEITZER demande donc 
un buffet fermé, “avec des tuyaux grands et petits […], de petites tours, imitation 
d’un simple buffet ancien” 77 . Ce à quoi le facteur d’orgue répond par l’envoi du croquis 
ci­contre, réalisé selon la “technique Silbermann”   .
78

En 1972, KERN transformera légèrement l’instrument, sous la direction d’Édouard NIES­
BERGER, collaborateur de SCHWEITZER. Les modifications vont dans le sens d’un 
éclaircissement général 79 , notamment avec l’adjonction d’une Cymbale au G.O.

75 Lettre du 17/01/1929

76 Lettre du 30/11/1930

77 Lettre du 1er/12/1928

78 Lettre du 17/01/1929

79 Composition de Muhlbach après la modification KERN de 1972 :
 G.O.        
                
                
   Récit
         
                
                
   Pédale
   
             Principal 8’ Flûte harmonique 8’ Soubasse 16’
Bourdon 8’ Gamba 8’ Bourdon 8’ [Tr.]
Octav 4’ Voix céleste 8’

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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GUNSBACH
La genèse de Gunsbach est encore plus mouvementée. Dès le mois d’avril 1928 80 , 
SCHWEITZER confirme à HÆRPFER l’éventualité d’une transformation de l’orgue, à plus ou 
moins long terme. Mais, contrairement à Muhlbach, il ne s’agit là que d’une transformation. 
Par une lettre datée du 1er février 1929, l’organiste indique la composition souhaitée en 
précisant les jeux neufs. On peut donc se hasarder à imaginer sur quelle base ancienne 
(Valentin puis Martin RINCKENBACH en 1828 et 1889, LOCKERT en 1895) HÆRPFER doit 
travailler :
1er clavier                               2è clavier                                Pédale
Montre 8’ Bourdon 8’ Subbaß 16’
Salicional 8’ Gemshorn 8’ Flöte 8’
Flûte 8’ Dulcian 8’
Octav 4’ Rohrflöte 4’
Octav 2’ Mixture
Hautbois 8’

SCHWEITZER propose d’y ajouter : une Gambe 8’ jouable sur les deux claviers, un Bourdon 
8’ au G.O., une Voix céleste au Récit et un Violoncelle 8’ à la Pédale. Il semble qu’il ait 
réclamé aussi une Flûte 16’ à la Pédale puisque le facteur d’orgue lui explique l’impossibilité 
de son installation en raison de la trop faible hauteur disponible 81 . Un an plus tard, ordre 
est donné à HÆRPFER  de construire en plus un “Cornet 8’ doux et une merveilleuse 
Trompette 8’” au G.O.   SCHWEITZER demande des tailles larges, y compris pour la 
82

Gambe, la Trompette doit être douce, ronde et pleine, le Cornet doux mais pas trop frêle, et 
le Hautbois corné. L’orgue doit atteindre sa plénitude grâce au Cornet, conception 
intéressante qui montre que les mixtures n’ont pas encore un rôle prépondérant. Celles­ci 
ne doivent d’ailleurs pas être “trop tranchantes”   . En juin 1932, SCHWEITZER donne 
83

ses instructions pour fignoler Gunsbach : “plus de volume à toutes les flûtes, 
échanger le Hautbois de cochon roman contre un vrai Hautbois Hærpfer”   . La 
84

composition de 1932 est donc la suivante :

Flûte 4’ (ex Flûte creuse) Flûte octaviante 4’
Quinte 2’2/3 [Tr.] Quinte 2’2/3 Les accouplements octaviants
Cymbale III rgs Waldflöte 2’ sont supprimés.
(Copie du Silbermann Mixtur III rgs
de Gries) Basson­Hautbois 8’
Trompette 8’
(Copie de Lagny/Marne)

80 Lettre du 3/04/1928

81 Lettre du 5/02/1929

82 Lettre du 5/02/1929

83 Lettre du 17/07/1930

84 Lettre du 27/06/1932

­ 83 ­
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1er clavier                   2è clavier                    Pédale                         Tirasse I
Bourdon 16’ Bourdon 8’ Subbaß 16’ Tirasse II
Montre 8’ Salicional 8’ Gedeckt 16’ II/I en 16’, 8’, 4’
Gamba 8’ [Tr.] Voix céleste 8’ Cello 8’
Flöte 8’ Gamba 8’ Flûte 8’ Crescendo
Salicional 8’ Gemshorn 8’ Tutti
Bourdon 8’ Rohrflöte 4’ Comb.   libre   I   et  
Péd.
Octav 4’ Mixtur Comb. libre II
Octav 2’ Basson­Hautbois 8’ Appel Bourdon 16’
Cornet Appel anches
Trompete 8’ Registres à mains
On retrouve la même pléthore de 8’ qu’à Muhlbach et l’absence ­ totale cette fois­ci ­ de 
mutations simples. Point n’est besoin, donc, de s’arrêter outre mesure à cette disposition. 
Elle procède de la même inspiration que dans le village voisin. La mauvaise conjoncture 
économique et le manque d’argent de la commune obligent SCHWEITZER et HÆRPFER à 
rogner sur tous les postes. Il s’ensuit diverses conséquences qui éloignent Gunsbach du 
projet  d’”orgue idéal de village” de la Réforme : utilisation massive de bois, de tuyaux de 
l’ancien orgue en mauvais état, de zinc pour les nouveaux jeux. Et il ne s’agit là que de la 
partie sonore. SCHWEITZER le déplore dans ses relations épistolaires à Fritz STUDER 85 et 
au révérend WEINLAND   , en même temps qu’il avoue : “nous ne pouvions le 
86

construire comme nous le voulions. Nous ne pouvions le construire avec une 
traction mécanique parce qu’à l’époque les facteurs d’orgue n’avaient pas 
encore réappris à construire avec sommiers à gravure anciens et traction 
mécanique. Nous avions dû opter pour des sommiers modernes et un système 
tubulaire.” Une fois de plus, la Réforme se heurte à une époque peu favorable. Ses 
principes les plus fondamentaux doivent être abandonnés ou revus à la baisse à cause d’un 
pragmatisme qui sera si souvent mal compris par la suite. Mais SCHWEITZER voit loin. Il 
sait que ces accommodements sont transitoires et ne désespère pas d’arriver plus 
totalement à ses fins ultérieurement. L’avenir lui donnera partiellement en raison, comme 
nous le verrons plus loin.
À nouveau, sans doute en raison de la complexité des accessoires et emprunts demandés 
par l’organiste, HÆRPFER revient à la charge pour une transmission électrique 87 . La 
réponse fuse   , symptomatique de la tyrannie qu’exerçait souvent SCHWEITZER à 
88

l’encontre de son facteur d’orgue fétiche : “vous êtes complètement dérangé de vouloir 
me construire Gunsbach électriquement !”

85 Lettre du 19/12/1959

86 Lettre non datée mais remontant certainement à 1959.

87 N’oublions pas qu’à la même époque RŒTHINGER construit électriquement et avec succès l’orgue de Saint 
Laurent de Bischheim.

88 Lettre du 17/07/1930

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Finalement, le domaine dans lequel SCHWEITZER obtient le plus de satisfaction est celui de 
la console, preuves de la cohérence et de l’homogénéité de ses conceptions sur ce point 
précis. Même s’il doit composer avec une console indépendante, il exige d’abord des tirants 
de registres dont le placement sera ergonomiquement déterminé : ceux du G.O. et de la 
Pédale à gauche des claviers, ceux du Récit au­dessus de celui­ci. Tous les accessoires sont 
doublés, à la fois comme pédales et comme petits tirants. Ceux des accouplements sont 
sous les registres de Pédale, ceux des combinaisons sous le 1er clavier. On retrouvera une 
bonne partie de ce schéma dans les consoles MUHLEISEN de Sainte Aurélie et Saint 
Pierre­le­Jeune protestant, près de 30 ans plus tard. Les accessoires reposent évidemment 
sur la combinaison libre doublement utilisable. Rappelons que celle­ci autorise soit l’ajout 
de la registration préparée à celle préalablement tirée, soit, par l’enfoncement de la pédale 
Handregister ab, la substitution de la combinaison à la registration manuelle. Mais, 
parallèlement aux traditionnels appels d’anches de la facture française, SCHWEITZER ne 
renonce pas à la pédale de crescendo germanique. Son attitude face à cet accessoire et des 
plus contradictoire. D’un côté il demande à HÆRPFER de le rajouter 89 , de l’autre, il lui 
enjoint de poser le “si inutile indicateur de crescendo complètement à droite, là où 
il ne dérange pas”. Et il ajoute : “À Neudorf, posez­le au milieu ! Cela me fera 
justement plaisir de le briser comme un avertisseur d’incendie.”  Enfin, lors des 
plans de la transformation KERN, en 1959, il propose l’abandon pur et simple du crescendo. 
 
90

La   version   1932   de  Gunsbach  s’éloigne   donc   par   bien   des   aspects   de   l’Orgelreform.   S’y 
rattachent   seulement   le   souci   de   bien   faire,   artisanalement,   malgré   des   matériaux 
médiocres,   et   la   console.   La   composition   reste   très   enracinée   dans   une   esthétique 
romantique en dépit de l’adoption, chère à SCHWEITZER, d’un Récit très fourni, capable, 
grâce à la boite expressive, du crescendo à la française qu’il affectionne tant.
En 1945, suite à des dommages causés par un éclat d’obus, MUHLEISEN charge un de ses 
ouvriers, Alfred KERN, de réparer l’instrument. Comme souvent, SCHWEITZER donne à ce 
petit remaniement une portée médiatique démesurée. Il s’ensuit notamment un article 
attribuant la pérénité de l’orgue à MUHLEISEN 91 . Mais celui­ci, outre l’harmonisation et la 
francisation des noms de registres, n’a fait que modifier le Salicional du Récit en Dulcian 8’.
C’est en 1961, et grâce aux bons conseils de KERN, que SCHWEITZER obtiendra 
l’instrument idéal qu’il appelait de ses vœux, fidèle aux principes de la Réforme, 52 ans 
après les avoir énoncés. Au début de 1959, après expertise, on constate que l’orge de 
Gunsbach nécessite une refonte complète, pour ne pas dire un remplacement pur et simple. 
Mais cette fois­ci, le mot d’ordre de l’organiste à son nouveau facteur d’orgue est : “Ne 
cherchez à économiser nulle part.” 92 La correspondance entre SCHWEITZER et KERN 
à l’occasion de cette reconstruction est très édifiante. Elle nous permet de cerner mieux 
encore les contradictions, les timidités ou les retenues du docteur.
Un premier point fait l’unanimité : l’orgue aura une traction mécanique et des sommiers à 
gravures. Le consensus est déjà moins évident pour le tirage des registres. SCHWEITZER 

89 Lettre du 26/06/1929

90 Lettre du 6/06/1959

91 Dernières Nouvelles du Haut­Rhin, 1er/10/1959, repris dans l’Orgue, 1953, pp. 17­22.

92 Lettre du 6/06/1959

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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reste fermement attaché à ses combinaisons libres en particulier, aux diverses accessoires 
du Congrès de Vienne en général. Toutefois, il est tout disposé à quelques concessions. 
Nous avons déjà parlé de l’abandon du crescendo. Pour les combinaisons libres doublement 
utilisables, bien qu’il estime “important que l’on fasse la preuve que ces accessoires 
simples et idéaux, qui sont une association des français et des allemands, sont 
réalisables sur un orgue mécanique”, il est prêt à en abandonner le côté germanique ­ 
soit le remplacement complet de la registration manuelle par la préparation ­ pour un 
système mécanique permettant de conserver l’autre facette. Il semble en effet que le Docteur 
Bengt ANDREAS, de Malmö en Suède, ait parlé à SCHWEITZER de l’existence d’une 
commande mécanique directe permettant “par une simple pédale [d’]ajouter ou 
[d’]enlever les registres préparés à la registration tirée” 93 . Mais, soit que KERN ne 
maîtrise pas encore ce dispositif ­ installé peu de temps après à Neudorf ­ soit que 
SCHWEITZER ait finalement tenu à la totalité de ses accessoires, le devis final retient 
l’option du tirage pneumatique des jeux. 
Comme on pouvait s’y attendre, c’est sur le plan sonore que SCHWEITZER et KERN auront 
le plus de mal à s’entendre. De même que le crescendo, les accouplements octaviants sont 
2
abandonnés. En premier lieu, l’organiste propose l’ajout d’une Quinte 2’ /3 au G.O., “celle­
ci manquait à l’orgue pour la juste plénitude du son” 94 . Il recommande aussi de 
conserver, même en cas de remplacement, le même son au Violoncelle 8’ de la Pédale, “que 
Pablo Casals a tant admiré”. Six mois plus tard, une discussion s’engage autour des 
fonds. En ce début des années 1960, avec l’avènement des conceptions néo­classiques, 
l’empilage des 8’ commence à devenir singulièrement suspect et fort mal vu. KERN, qui 
participe naturellement à cette “renaissance”, ne peut qu’être découragé par la présence des 
quatre 8’ du G.O. de Gunsbach. Il lance donc SCHWEITZER sur le sujet des entraînements 
harmoniques, que celui­ci connait bien. Loin de s’irriter comme il avait l’habitude de le faire 
avec HÆRPFER, l’organiste demande des explications claires à son facteur d’orgue. Celui­ci 
s’en acquitte, invoquant aussi des problèmes d’alimentation, et il s’ensuit un compromis 
conservant la Montre, le Bourdon et une Flûte, en l’occurence une Flûte conique offerte par 
le facteur d’orgue Paul OTT, de Göttingen. Le don par le facteur hollandais FLENTROP d’une 
Flûte 4’ permet également à SCHWEITZER de demander une harmonisation plus tranchante 
du Prestant, chose dont il n’était pas coutumier jusqu’ici. Le Cornet cède sa place (enfin !) à 
une Fourniture IV rangs.
Il est amusant de constater, dans la si importante lettre du 20 mai 1960, que le 2è clavier 
prend le nom de “Positif expressif”. D’où vient ce changement qui, au vu de la composition 
du dit clavier, est purement scriptural ? Sans doute l’influence de KERN… À l’exception du 
Salicional, les fonds sont conservés. Comme au G.O., la Flûte à cheminée 4’ est complétée 
par un Prestant. L’idée de la Waldflöte schweitzerienne est évidemment préservée mais celle­
ci   est   neuve,   offerte   par   la   manufacture   d’orgue   suédoise   ÅKERMAN   &   LUNDS. 
SCHWEITZER redoute d’ailleurs l’envoi par cette firme d’une nouvelle version du jeu, moins 
riche   en  harmonique   que  “l’ancienne   manière   […]   qui   [l’avait]   tant   impressionné 
sur   les   orgues  anciens   suédois” . Plénitude et rondeur restent les impératifs sonores de 
l’organologue. Soulignons enfin l’implantation de la très nouvelle Sesquialtera.

93 Lettre du 20/05/1960

94 Lettre du 6/06/1959

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Le projet initial de Pédale 95 prévoit 3 jeux : Soubasse 16’, Flûte 8’, Cello 8’. Mais 
SCHWEITZER a la hantise d’un manque de dynamique dans l’intensité des basses entre le p 
et le f de l’orgue. Il demande donc à KERN la transmission du Bourdon 16’ du G.O. Le Dr 
ANDREAS offre en plus une Flûte 4’. L’organiste lui demande de la remplacer par un 
Prestant 4’ qu’il utilise “comme jeu solo dans les préludes de chorals de Bach” . 
KERN prévoit encore deux chapes vides. L’une est prévue, à terme, pour recevoir une 
Dulcian 16’ de taille suédoise ancienne, offerte par le facteur FLENTROP. Mais 
SCHWEITZER avoue : “si je devais renoncer à quelque chose sur un orgue 
relativement petit, ce serait à l’indépendance de la Pédale ! Il y a donc les 
tirasses !” Cette assertion peut paraître bien légère lorsqu’on songe que, 50 ans plus tôt, le 
Congrès de Vienne érigeait l’indépendance de la Pédale en principe absolu. Et l’affaire va 
plus loin. Quand, deux ans plus tard, on décide de compléter la Pédale de Gunsbach, 
SCHWEITZER demande l’installation d’un Principal 16’ car “l’orgue  est devenu si 
puissant que les deux 16’ doux ne suffisent pas dans le forte”   . Donc, au plus 
96

profond de lui­même et malgré toutes les déclarations d’intention du début du siècle ­ 
pensons aux “belles et fines mixtures” du Deutsche und französische Orgelbaukunst und  
Orgelkunst ­ SCHWEITZER ne conçoit toujours pas clairement le renforcement d’un plan 
sonore par les mutations et les anches plutôt que par l’empilage des fonds. De telles 
hésitations, de telles timidités n’ont pu, au cours de la première moitié du siècle, que 
ralentir ou même dénaturer l’Orgelreform. Heureusement, un mois plus tard, l’organiste 
demande à KERN “d’entreprendre le plus tôt possible l’installation des deux 
registres de Pédale de l’orgue de Gunsbach”   . Et il s’agit bien de la Dulcian 16’ et 
97

d’une Fourniture III rangs. Finalement, la disposition de l’orgue d’après les indications mi­
françaises mi­allemandes de SCHWEITZER est la suivante :
1er clavier                   2è clavier                    Pédale                         Tirasse I
Bourdon 16’ Gemshorn 8’ Bourdon 16’ Tirasse II
Montre 8’ Bourdon 8’ Flûte basse 16’ II/I 
Flûte conique 8’ Gambe 8’ Flûte 8’
Bourdon 8’ Voix céleste 8’ Violoncelle 8’
Prestant 4’ Prestant 4’ Prestant 4’ Tutti
Flûte 4’ Flûte 4’ Fourniture   III   rgs
Comb. libre I et Péd.
2
Quinte 2’ /3 Sesquialtera II rgs Dulcian 16’ Comb. libre II
Doublette 2’ Waldflöte 2’ Registres à mains
Fourniture V rgs Plein­Jeu III rgs
Trompette 8’ Basson­Hautbois 8’

95 cf Lettre du 20/06/1960

96 Lettre du 26/05/1962

97 Lettre du 1er/07/1962

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En fait d’ “orgue idéal de village”, il s’agit là d’un instrument relativement important de 27 

registres ! La Réforme s’accomode décidément mal de dimensions restreintes. SCHWEITZER 

a beau déclarer ne s’intéresser qu’aux orgues entre 15 et 50 jeux, on ne l’a jamais vu 

composer de petits instruments respectant clairement les préceptes de l’Orgelreform. La 

chose semble d’ailleurs difficile, rien que par la volonté de préservation d’un Récit riche en 

fonds, en mutations et en anches. Mais à Gunsbach, à la fin de son combat, SCHWEITZER 

obtient un instrument qui respecte point par point les vœux initiaux des Réformateurs : 

orgue d’artisan, comportant mixtures et anches à tous les claviers, préservant une large 

palette de fonds colorés et différenciés, capable d’expressivité grâce au Récit, commandé par 

une console claire et donnant à l’interprête, grâce aux combinaisons libres doublement 

utilisables, toute latitude dans la conduite d’un crescendo déterminé avec goût ; un orgue 

enfin apte à tous les répertoires sans grande distorsion, refusant une trop grande spécificité.

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Chapitre 4

La maturité et les reconstructions

1) Les grandes constructions de Rœthinger
Si l’orgue de Saint Martin d’Erstein marque l’apogée de ce que l’on appelle communément 
la “première période RŒTHINGER”, les années 1930 représentent le point culminant de la 
firme   schilickoise.  Nous   avons   vu   plus   haut   l’expérience   acquise   au   travers   des   grandes 
transformations effectuées sur les instruments de la Synagogue consistoriale ou de Sainte 
Geneviève de Mulhouse, notamment dans la maîtrise des différents systèmes électriques de 
transmission.   Le   dépôt   d’importants   brevets   dans   ce   domaine     entrainera   la   production 
d’une série d’instruments basés sur un schéma globalement constant. On peut ainsi citer 
l’orgue   de  Saint   Barthélémy  de   Mulhouse­Dornach   (1932),   celui   de  Saint   Laurent  de 
Bischheim (1933) ou encore l’ancien orgue de Saint Pierre­le­Vieux catholique (1934). Les 
deux premiers nous sont parvenus intacts, sans subir de transformation notable et sont des 
témoins  intéressants  du  style  RŒTHINGER  deuxième  période,  libéré  semble­t­il de toute 
contrainte extérieure. Outre l’esthétique caracteristique dégagée par leur composition, ces 
deux   instruments   sont   le   reflet   d’un   travail   de   qualité,   d’un   artisanat   appliqué   aux 
techniques   les   plus   modernes   puisque,   60   ans   après,   leurs   transmissions   pourtant   si 
fragiles fonctionnent de manière très satisfaisante. Seule leurs consoles ont été remplacées.
SAINT BARTHÉLEMY DE MULHOUSE
L’orgue placé par RŒTHINGER en 1932 à Saint Barthélémy est pour nous un indicateur 
de ce qu’a pu être celui de la Synagogue consistoriale, modifié 7 ans plus tôt. En effet, la 
comparaison des deux dispositions (voir p. ) laisse apparaître bien des similitudes. Ainsi, 
certaines idées de RUPP — notamment en ce qui concerne les mutations — semblent avoir 
été non seulement assimilées, mais aussi approuvées par RŒTHINGER. Si l’instrument n’a 
rien à envier à celui de la Synagogue quant à sa taille (59 jeux), sa console est plus éloignée 
des   exigences   démesurées   de   l’organiste   de   Saint   Paul.   D’après   sa   photo,   conservée   au 
presbytère, et par analogie avec celle construite pour  Saint Laurent  de Bischheim un an 
plus tard, RŒTHINGER est revenu à une conception plus simple et rationnelle, préservant 
les  accessoires  les  plus  utiles,  parmi  lesquels  la combinaison  libre  doublement  utilisable 
conseillée par SCHWEITZER. Il est à noter que la console actuelle, conçue par la maison 
EISENSCHMITT de Münich en 1974, a parfaitement respecté les accessoires d’origine. Le 
design   même   semble   directement   inspiré   des   consoles   ultérieures   de   RŒTHINGER,   telle 
celle construite pour Saint Pierre­le­Jeune catholique en 1945. Seuls les boutons­poussois 
des combinaisons fixes ont été heureusement abandonnés.

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Voici la composition de l’instrument 98
 : 
Grand­Orgue (61 n.)     Positif expr. (61 n.)      Récit expr. (73 n.)       Pédale (32 n.)

Bourdon 16 ‘  Bourdon doux 16’ Quintaton 16’ Grosse   flûte   16’


Montre 8’ Diapason 8’ Montre viole 8’ Basse de viole 16’ 
Bourdon 8’ Bourdon 8’ Cor de nuit 8’ Soubasse 16’
Dolce 8’ Cor de daim 8’ Flûte harmonique 8’ Bourdon 16’
Gambe 8’ Flûte 8’ Harpe éolienne 8’ Grosse   quinte  
2
10’ /3
Octavin 4’ Prestant 4’ Flûte octaviante 4’ Flûte 8’
Flûte à cheminée 4’ Flûte pastorale 4’ Flûte à cheminées 4’ Violoncelle 8’
2 2 2
Quinte 2’ /3 Nazard 2’ /3 Quinte 2’ /3 Bourdon 8’
Doublette 2’ Flageolet 2’ Octavin 2’ Flûte 4’
3 3 3
Tierce 1’ /5 Tierce conique 1’ /5 Tierce 1’ /5 Bombarde 16’
1
Cornet V rgs Fourniture IV rgs Septième 1’ /7 Trompette 8’
Fourniture V rgs Clarinette 8’ Plein­Jeu IV rgs Basson­hautbois 8’
Trompette 8’ Tremolo Basson 16’
Trompette harm. 8’ Fernwerk (61 n.)
Basson­hautbois 8’ Bourdon à cheminées 8’
Clairon harmonique 4’Voix humaine 8’
Tremolo Harpe céleste
Tremolo

C’est la période durant laquelle RŒTHINGER se laisse aller à la construction de Fernwerk. 
Nous savons à quel point la Réforme considérait ces appendices comme inesthétiques. Faut­
il y voir un réel goût de RŒTHINGER ou plutôt une sorte de caprice d’indépendance ? Ou, 
plus simplement, une exigence des commenditaires ? Il serait en tout cas regrettable de s’y 
arrêter.   Mieux   vaut   les   cantonner   à   un   rôle   anecdotique   et   considérer   le   reste   de   la 
disposition. 
Il est important  de  placer  Saint  Barthélémy, ou  —  comme  nous  le verrons  plus  loin  — 
Saint  Laurent,  dans   une   ligne   esthétique  qui   partirait  de  Saint   Pierre­le­Jeune  (1911), 
passerait par Erstein (1914), la Synagogue (1925), nos deux “sister­organs” de 1932­33, et 
reviendrait   à  Saint   Pierre­le­Jeune  (1945).   Le   chemin   ainsi   parcouru   en   une   trentaine 
d’années est saisissant. Il montre bien la pénétration des idées de la Réforme dans l’art d’un 
facteur d’orgue de renom qui n’était pas directement et continuellement impliqué dans les 

98 Accessoires actuels :
III/I en 8’ et 4’   Crescendo Annulation G.O.
III/II 1 comnbinaison libreJeux à main
II/I Anches pédale Fernwerk an
III/Péd Anches et mixtures I et III
II/Péd PPA
I/Péd Annulation crescendo

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travaux   des   Réformateurs,   comme   l’était   Frédéric   HÆRPFER   dont   la   démarche   semble 
parfois moins convaincante. Très clairement, RŒTHINGER part d’un orgue de fonds (SPLJ, 
1911). Le fait de passer par de grands instruments (Erstein, 68 jeux ­ Synagogue, 60 jeux ­ 
Saint Barthélémy, 59 jeux) lui permet dans un premier temps d’éclaircir ces fonds et de 
leur adjoindre de puissantes batteries d’anches (Erstein), puis d’embrasser pleinement la 
théorie  des   mutations  simples   et   composées  (Synagogue,  Saint  Barthélémy),  sans   pour 
autant renoncer à la panoplie complète des 8’. Enfin s’opère la caractérisation des plans 
sonores,   comme   nous   le   verrons   ultérieurement,   à  Saint   Pierre­le­Jeune.   Dans   ce 
parcours, le cas de la Cathédrale est à placer à part, comme une preuve que RŒTHINGER 
est   capable,   d’après   un   cahier   de   charges   extrêmement   contraignant,   de   construire   un 
instrument dans un style qui n’est pas directement le sien.
Ici, à  Saint Barthélémy, la démarche ne diffère pas de la  Synagogue. Chaque clavier est 
largement pourvu de fonds très colorés, mais dans une nuance surtout gambée, dispose des 
harmoniques de 8’ (allant jusqu’à la Septième au Récit, comme à la  Synagogue) et d’une 
mixture (le positif  de la  Synagogue  n’en  avait pas). Notons que  le Récit  est  étendu à 73 
notes,   sauf   pour   les   jeux   aigus,   afin   de   permettre   les   accouplements   octaviants.   Les 
matériaux utilisés sont de bonne qualité.
Marcel DUPRÉ, qui joua l’instrument, en donne un avis élogieux dans une lettre reproduite 
en annexe.

SAINT LAURENT DE BISCHHEIM
Le   cas   de   l’orgue   de  Saint  Laurent  est   intéressant   car,   contemporain   de  celui  de  Saint 
Barthélémy, il contient 11 jeux de moins et permet ainsi de voir quels choix RŒTHINGER 
opère dans un instrument de taille plus raisonnable. Là encore, fait remarquable, l’orgue 
nous est parvenu dans son état initial quant à sa composition. Cette dernière est pourtant 
fortement   teintée,   avec   des   mixtures   à   tierce   et   une   sonorité   générale   très   gambé. 
RŒTHINGER   y   pousse   à   l’extrême   l’étroitesse   des   principaux,   rendant   floue,   voire 
inexistante, la frontière qui existerait entre une Montre et une Montre­viole. Il est presque 
étonnant   que,   dans   les   années   60,   personne   n’ait   entrepris   de   “néo­classicisation”   de 
l’esthétique sonore !
Grand­Orgue (56 n.)     Positif expr. (56 n.)      Récit expr. (56 n.)       Pédale (32 n.)

Bourdon 16 ‘  Montre­viole 8’ Quintaton 16’ Contrebasse   16’


Montre 8’ Cor de daim 8’ Flûte harmonique 8’ Salicetbasse 16’ 
Bourdon 8’ Octave 4’ Salicional 8’ Soubasse 16’
2
Flûte majeure 8’ Fugara 4’ Gambe 8’ Quinte 10’ /3
2
Dulciane 8’ Quinte 2’ /3 Voix céleste 8’ Octavin 8’
Prestant 4’ Flageolet 2’ Flûte pastorale 4’ Violon 8’
1 2
Flûte à cheminée 4’ Larigot 1’ /3 Quinte­viole 2’ /3 Flûte 4’
2
Nazard 2’ /3 Cromorne 8’ Octavin 2’ Bombarde 16’

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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3
Doublette 2’ Clairon 4’ Tierce­viole 1’ /5
3
Tierce 1’ /5 Tremolo Piccolo 1’ Fernwerk (56 n.)
Cornet III­IV rgs Fourniture IV rgs Bourdon à cheminées 8’
(Mixture avec tierce) Trompette harm. 8’ Violon 4’
Basson 16’ Hautbois 8’ Flûte d’amour 2’
Tremolo Voix humaine 8’
Harpe céleste (Fern.) Tremolo

Accessoires :
III / I en 16’, 8’, 4’ III / P Crescendo Annulation crescendo
III / II en 16’, 8’, 4’ II / P en 8’ et 4’ 5 combinaisons fixes
II / I en 16’, 8’, 4’ I / P 2 combinaisons libres
Appels anches, mixtures

Ici   se   dessine   l’évolution   ultime   d’Edmond­Alexandre   RŒTHINGER, 


qui aboutira à  Saint Pierre­le­Jeune  quelques 10 ans plus tard. Deux points principaux 
sont à souligner. En premier lieu, le facteur schilickois construit dans un style bien précis, 
dasn une couleur sonore très différente de celle de Saint Barthélémy qui est beaucoup plus 
principalisant.   Il   ne   peut   donc   être   question   d’”orgue   à   tout   jouer”.   Qui   plus   est, 
RŒTHINGER travaille parallèlement à la conception de l’orgue de la Cathédrale, nullement 
comparable.   Deuxième   fait   marquant   :   le   choix   opéré   par   RŒTHINGER     quant   à   la 
registration. Par rapport à un instrument plus grand, comme celui de Saint Barthélémy, ce 
sont bien les fonds qui sont sacrifiés. Une telle démarche est ssez novatrice. Songeons au 
mal   que   SCHWEITZER   éprouve   à   renoncer   aux   fonds   de  Gunsbach  à   la   même   époque. 
Certes, et heureusement, il reste à  Saint Laurent  un nombre confortable de 8’, mais on 
commence à éviter les doublures. Le Grand­Orgue s’articule autour d’un principal — très 
étroit —, d’un bourdon, d’une flûte et d’un jeu gambé. On trouvera exactement la même 
charpente à  Saint Pierre­le­Jeune.Outre le cornet décomposé, le 1e clavier comporte une 
sorte de Mixture­Cornet comme on en trouve fréquemment dans les petits instruments de 
l’époque et qui confère au plenum cette couleur si particulière, à la fois chaude et charnue, 
mais  manquant  singulièrement  de luminosité.  Le  Récit  semble  aussi  se stabiliser  autour 
d’une palette d fonds très colorés auxquels s’adjoignent les harmoniques de 8’, déclinés ici 
dans   une   taille   très   étroite.   On   comprend   moins   bien   pourquoi   RŒTHINGER   chisit   de 
placer la Voix humaine dans le Fernwerk, alors que ce gadget qu’est la Harpe céleste, bien 
qu’installé au même endroit, se joue au 3e clavier.

Mais c’est surtout le Positif qui retient l’attention. Ce clavier semble 
décidément   être  l’élément  le  plus  pertinent  dans  l’évolution  des  idées  de  la  Réforme.  Ici, 
pour la première fois clairement dans les grands instruments de RŒTHINGER,  le Positif 
n’est plus un Grand­Orgue en réduction mais acquiert son autonomie. Débarrasé des fonds 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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superflus, il s’oriente résolument vers la couleur SILBERMANN, tout en veillant à ce qu’il 
puisse s’intégrer au tutti. Mais Larigot et Cromorne, voilà qui est nouveau. Préparation à ce 
qui   l’attend   à   la  Cathédrale  ou   essai   d’intégration   d’un   Positif   d’essence   classique   et 
répondant aux exigences de la Réforme à un ensemble plus symphonique ? RŒTHINGER 
prouve en tout cas qu’il connait l’histoire de la facture d’orgue. Quant à la Pédale, elle reste 
définitivement dépendante des tirasses.

RŒTHINGER   s’essair   aussi   à   l’orgue   sans   buffet,   réparti   en   deux 

grands   corps   de   part   et   d’autre   de   la   rosace   et   reliés   par   une   chaine   ininterrompue   de 

tuyaux. Tous réels, ils sont les principaux des différents claviers. Ce schéma architectural 
sera repris à Saint Pierre­le­Jeune puisque l’électricité l’autorise et qu’il permet de dégager 

la rosace. Revers de la médaille : une telle façade, en ces temps de crise économique, doit se 

contenter de zinc. Voilà d’ailleurs eu des seuls reproches que l’on puisse faire à l’instrument 

dont les tuyaux sont de facture assez banale (alliages à faible pourcentage d’étain). 

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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2) Du neuf dans l’ancien

SAINTE AURÉLIE

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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LA RECONSTRUCTION RŒTHINGER À LA CATHÉDRALE
Après les travaux de consolidation d’un des piliers porteurs de la flèche de la cathédrale, 
pendant   lesquels   le   grand   orgue   était   resté   muet   près   de   23   ans,   la   reconstruction   de 
l’instrument fut décidée en 1935. Il est intéressant de voir dans quelle mesure cette dernière 
s’inspira   des   idées   de   l’Orgelreform.   D’autant   plus   que   le   marché   fut   attribué   à 
RŒTHINGER, lequel, nous l’avons vu, venait d’achever  Saint Laurent  de Bischheim dans 
un esprit assez proche de la Réforme. D’autre part la présence de MATHIAS au poste de 
maître   de   chapelle   de   la   cathédrale   laisse   augurer   d’une   complète   adhésion   à   ses 
conceptions. Qu’en est­il exactement ?
Il est important au préalable de rappeler les avatars subis par l’orgue sous l’égide de 
KOULEN. En 1893, le SILBERMANN déjà passablement romantisé par WEGMANN en 1833 
est complètement dénaturé par l’ancien élève de MERKLIN dans une esthétique orchestrale. 
Le désastre le plus regrettable est imputable à la traction électrique, système Schmoele­
Mols, alors retenue par KOULEN. On apprend par MATHIAS 99 que “la disposition des 
jeux   [était] l’œuvre d’un de ses ouvriers, E.­A. RŒTHINGER, qu’il rappela 
100

dans ses ateliers pour ce travail, en lui offrant doubles gages.” Et de fait, hormis 
l’esthétique discutable selon les canons actuels et le fait d’avoir encore transformé ce qu’il 
restait de SILBERMANN, tous les témoignages de l’époque s’accordèrent à louer les qualités 
sonores de l’instrument.
Dans ces conditions, il était normal qu’à la suite d’un concours entre les principaux facteurs 
d’orgue français organisé par la Direction des Beaux Arts et sous la présidence de WIDOR, 
la maison RŒTHINGER reçoive en 1934 la commande des travaux. Il ne restait de l’ancien 
orgue que les tuyaux de façade du grand buffet et du positif, tous de SILBERMANN, mais 
assez endommagés. Les tuyaux de bois étaient encore en partie utilisables; quant aux 
autres tuyaux de métal, ils n’étaient plus bons qu’à être refondus et remplacés par des 
tuyaux neufs. D’après RAUGEL, “le nouvel instrument, dont le projet avait été 
établi par les membres de la Commission des orgues des Monuments 
historiques, devait être reconstruit selon les tailles et les méthodes 

99 F.­X. MATHIAS : Les Orgues de la Cathédrale de Strasbourg, Studio Leontina, 1936

100 Disposition du KOULEN de 1893 :
 Grand­Orgue          
                  
   Positif
        
                  
                  
   Récit
          
                  
                  
   Pédale
   
Montre 16’ Quintatön 16’ Montre­flûte 8 ‘ Principal 16’
Bourdon 16’ Geigenprinzipal 8’ Viola 8’ Soubasse 16’
Montre 8’ Bourdon 8’ Flûte harmonique 8’ Contrebasse 16’
Bourdon 8’ Salicional 8’ Éolienne 8’ Quinte 10’2/3
Flaut major 8’ Flûte 4’ Voix céleste 8’ Octave 8’
Gemshorn 8’ Nazard 2’2/3 Flûte à cheminée 4’ Cello 8’
Gamba 8’ Doublette 2’ Violetta 4’ Bombarde 16’
Prestant 4’ Cromhorn 8’ Flageolet 2’ Trompette 8’
Flûte 4’ Cor anglais 8’ Basson 16’
Octave 2’ Trompette harmonique 8’
Mixture IV rgs Voix humaine 8’
Cornet V rgs
Trompette 8’
Clairon 4’
Notons   que   cette   disposition   s’inspire   beaucoup   plus   du   modèle   CAVAILLÉ­COLL   que   RŒTHINGER   vient 
d’étudier   à   fond   à  Notre­Dame,  Saint   Sulpice,  Saint   Gervais,  Saint   Eustache,   etc…   que   de   la   facture 
allemande,   et   ce   en   pleine   période   d’annexion.   L’orgue   est   par   ailleurs   totalement   dépourvu   de   toutes   les 
aberrations que WALCKER et WEIGLE placeront à Saint Paul et Saint Maurice cinq ans plus tard.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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d’harmonisation de SILBERMANN” 101. En fait, la gestation du nouvel instrument de la 
Cathédrale semble avoir fait l’objet d’une controverse entre MATHIAS et la direction des 
Beaux­Arts. Depuis 1924, date de l’achèvement des travaux de consolidation du pilier, 
jusqu’à 1932, année de la prise de décision définitive, “on s’est demandé dans quelles 
conditions les orgues du fond de la Cathédrale devaient être refaites, s’il fallait 
se limiter à sa simple reproduction [position des Beaux­Arts] ou s’il fallait profiter 
de cette occasion pour donner au sanctuaire les orgues que réclament sa 
liturgie, son acoustique, son histoire [position de MATHIAS]”  . 
102

MATHIAS, à la suite de RUPP, est un ardent défenseur des possibilités quasi­illimitées que 
permet la transmission électrique. Dans ces conditions, sans doute impressionné par les 
instruments géants construits en Allemagne dans le sillage de l’Orgelreform et fort des 
récents “progrès” effectués dans l’étude de l’acoustique des lieux de culte 103, MATHIAS 
souhaite disposer trois orgues “interactifs” dans la Cathédrale. Des différentes formules de 
calcul permettant de déterminer le nombre de jeux par rapport au cubage de l’édifice, il 
résulte toujours un total variant entre 140 et 150 registres. D’autre part, le maître de 
chapelle a organisé aux mois de mai 1932 et 1933 des “expériments” sur les dispositions 
futures de ces orgues. Pour accompagner 800 chanteurs on a ainsi placé 50 cuivres sous 
l’orgue SILBERMANN, 20 en face de la chair et 80 dans le transept, en face de l’orgue 
MERKLIN. Il en résulte un projet MATHIAS­RŒTHINGER démesuré prévoyant : un orgue 
principal de 80 jeux dans le transept, au­dessus de la chapelle Saint Jean­Baptiste; un 
orgue de 20 jeux dans la grande nef, en face de la chair, pour l’accompagnement du chant 
collectif et les offices aux autels latéraux, et dans le buffet de 1489 un orgue d’écho de 20 
jeux, augmenté à 50 jeux par l’adjonction de deux petits positifs (voir schémas ci­contre) au 
cas où l’orgue de la nef ne serait pas exécuté. Les trois instruments seraient jouables 
indépendamment ou ensemble depuis une console électrique placée au chœur. MATHIAS 
avait créé un organisme, l’institut Saint Léon IX, plus connu sous le nom d’ “Œuvre des 
crayons”, chargé de collecter les fonds nécessaires.
Un tel projet ne pouvait que heurter les autorités artistiques de l’État qui, si elles avaient 
laissé toute latitude à l’Œuvre Notre­Dame pour la réfection de la partie sonore, avaient 
néanmoins leur mot à dire, ne serait­ce que par le truchement de la Commission des 
Monuments historiques. À preuve, cette communication intitulée “La Doctrine parisienne de 
l’Orgue”, émanant des plus hautes personnalités du monde de l’orgue français 104 : “Nous 
voulons aussi nous garder d’un péril : c’est celui de multiplier de façon 
exagérée le nombre de jeux d’un instrument, comme cela se pratique souvent 
aujourd’hui à l’étranger : nous croyons pouvoir affirmer qu’un orgue d’une 
centaine de jeux atteint approximativement le maximum de ressources 
souhaitables. Ce chiffre dépassé, les jeux, plans sonores ou buffets, multipliés 

101 Félix RAUGEL : Les Orgues et les Organistes de la Cathédrale de Strasbourg, Alsatia, Colmar, 1948.

102 F.­X. MATHIAS, op. cit.

103 cf compte­rendu de l’intervention du R.P. DILLENSEGER, OMI : La puissance organale mise en proportion avec 
le cubage des sanctuaires et des salles de concerts, produite à l’occasion du Congrès d’orgue tenu à l’Université 
de Strasbourg du 5 au 8 mai 1932, Sostralib, Strasbourg, 1935

104 Communication   rédigée   par   MM   le   comte   Bérenger   de   Miramon,   André   Marchal,   Norbert   Dufourcq   et   U. 
Gonzalez et présentée à l’occasion du Congrès d’orgue de Strasbourg en 1932.

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à l’excès, et souvent disséminés dans un sanctuaire, loin d’enrichir un 
ensemble, finissent par l’encombrer.”
On ne pouvait plus clairement prendre le contre­pied de MATHIAS. Au reste, quels rapports 
son   projet   avait­il   encore   avec   l’Orgelreform  ?   Il   est   amusant   de   constater   que   celle­ci, 
primitivement si redevable à l’école française, ait encore besoin des garde­fou parisiens pour 
l’empêcher, à l’apogée de son action, de sombrer dans les débordements les plus néfastes. 
Le pneumatisme et l’invention du ventilateur électrique avaient entraîné les facteurs d’orgue 
allemands de la fin du XIXè siècle dans des excès gabegiques. La même aventure a bien failli 
arriver   aux   Réformateurs,   RUPP   et   MATHIAS   du   moins,   du   fait   des   possibilités   infinies 
offertes par la transmission électrique mal utilisée.
En 1932, la décision salutaire de se borner à la reconstruction de l’orgue dans son buffet de 
1489 est donc prise. La Commission des Monuments historiques impose à RŒTHINGER la 
traction   mécanique,   hélas   épaulée   par   des   machines   Barcker.   Elle   propose   en   outre   la 
composition suivante : 
Grand­Orgue (56 n.)     Positif 56 n.)                 Récit (56 n.)                Pédale 32 n.)

Bourdon 16 ‘  Montre 8’ Quintaton 16’ Montre 16’


Montre 8’ Bourdon 8’ Bourdon 8’ Soubasse 16’ [Tr.]
2
Bourdon 8’ Prestant 4’ Flûte harmonique 8’ Quinte 2’ /3
Salicional 8’ Flûte 4’ Viole de Gambe 8’ Principal 8’
2
Prestant 4’ Nazard 2’ /3 Unda Maris 8’ Flûte 8’
Flûte 4’ Doublette 2’ Flûte octaviante 4’ Flûte 4’
2 3 2
Quinte 2’ /3 Tierce 1’ /5 Nazard 2’ /3 Bombarde 16’ [Tr.]  
1
Doublette 2’ Larigot 1’ /3 Octavin 2’ Trompette 8’
Fourniture IV rgs Cymbale III rgs Plein­Jeu III rgs Clairon 4’
Cornet V rgs Cromorne 8’ Trompette harmonique 8’
Bombarde 16’ Tremolo Basson­hautbois 8’
Trompete 8’ Voix humaine 8’
Clairon 4’ Tremolo

I/P, II/P, III/P Appel anches III et I Expression Récit


III/II, III/I, II/I Appel III, II, I, Péd.
II/I en 4’ Appel général
I en 4’
D’après l’ARDAM 105, la reconstruction RŒTHINGER de 1935 fut accomplie “dans un 
esprit plutôt « néo­classique»”. Cette classification assez réductrice et peu précise, 
comme nous le signalions déjà dans notre introduction, dénie tout rôle à l’école d’orgue 
alsacienne et à sa spécificité. Dans sa présentation de l’instrument — qu’il persiste à 
appeler « Orgues universelles d’écho » — MATHIAS revient sur la disposition imposée par les 
Beaux­Arts et ajoute : “La maison RŒTHINGER a eu à cœur de compléter dans la 

105 Actes des 4è Journées Nationales de l’Orgue, 8­12 mai 1991, ARDAM, 1991.

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mesure du possible ce plan”. Nous n’avons pu retrouver hélas sur quelles bases se 
fondait cette assertion. Nous ne pouvons ainsi savoir quel rôle le facteur strasbourgeois — 
alors tête de file de l’école alsacienne — a joué dans la détermination de la composition. Il 
est tout de même frappant de constater que, quelques années plus tard, il reprendra une 
composition très ressemblante lors de la reconstruction de Saint Pierre­le­Jeune 
catholique que l’on ne peut décidément pas qualifier d’orgue néo­classique.
En   l’absence   de   données   objectives,   bornons­nous   à   délimiter 
l’adhésion du nouvel orgue aux idées de l’Elsässischer Orgelreform. Le plus évident est son

affiliation au mot d’ordre “Retour à Silbermann” : d’une part en ce qui concerne la façon 
artisanale de travailler, mais aussi par les tailles adoptées et la conservation des jeux 
anciens106 . Lors du démontage de 1893, le jeune RŒTHINGER a eu tout loisir d’étudier et 
d’archiver, grâce à ses fantastiques talents de croquiste, toutes les caractéristiques de ce qui 
restait de la tuyauterie SILBERMANN. Mais, et c’est là une des spécificité de l’Orgelreform, il 
refuse de se borner à une simple copie de l’orgue du maître, copie dont il aurait les moyens. 
Une fois de plus pour les Réformateurs l’art organal doit s’inscrire dans un flux historico­
musical, se gardant de tout progrès stérile mais prenant en compte l’évolution du répertoire 
et des techniques de facture d’orgue qui présentent un réel intérêt artistique. On assiste 
donc à la préservation du Positif de dos, fait encore rare à l’époque. Et, en raison 
notamment de l’exiguïté de son buffet, les concepteurs sont cette fois­ci contraints au choix 
des registres les plus importants, abandonnant ainsi l’accumulation des fonds qui 
empêchait le Positif de se démarquer des autre claviers. Grâce à l’exhumation en 1927 des 
“Carnets SILBERMANN” par MATHIAS et RUPP, il a été possible de revenir à la composition 
du Positif de 1714, à l’exception d’une Fourniture III rgs  . 
107

Lorsqu’en juillet 1935 WIDOR joua sur l’instrument, il le trouva remarquable par le fait qu’il 
reprenait “la tradition de la facture classique en employant le principe du 
« Positif »” 108 . Ce fameux Rückwerk que SCHWEITZER appelait de ses vœux depuis 1914 
 et dont il voyait les plus beaux exemples chez SILBERMANN pour servir la musique de 
109

BACH. Il était donc normal de recourir au modèle du maître facteur pour reconstituer le 

106 La Montre et le Prestant du Positif, le Bourdon 16’, la Montre 8’ et le Bourdon 8’ du G.O., la Flûte 4’ de la 
Pédale sont de SILBERMANN.

107 Composition du SILBERMANN de 1714 :
 
               
 Grand­Orgue
            
                  
   Positif
        
                  
                  
   Récit
          
                  
                  
   Pédale
   
Bourdon 16’ Montre 8’ Bourdon 8’ Montre 16’
Principal 8’ Bourdon 8’ Prestant 4’ Soubasse 16’
Bourdon 8’ Prestant 4’ Nazard 3’ Octave basse 8’
Prestant 4’ Flûte 4’ Doublette 2’ Prestant 4’
Nazard 3’ Nazard 3’ Tierce 1’3/5 Bomparte 16’
Doublette 2’ Doublette 2’ Larigot 1’1/3 Trompette 8’
Tierce 1’3/5 Tierce 1’3/5 Fourniture III rgs Clairon 4’
Fourniture IV rgs Larigot 1’1/3 Trompette 8’
Cymba le III rgs Fourniture III rgs Voix humaine 8’
Cornet V rgs Cymbale III rgs
Trompette 8’ Cromhorn 8’
Clairon 4’

108 cf André GLORY : E.­A. Rœthinger, facteur d’orgues en Alsace, La Vie en Alsace, 1936, p. 134.

109 cf Albert SCHWEITZER : Zur Diskussion über Orgelbau, Verlag Merseburger, Berlin, 1914, p. 30.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Positif de la Cathédrale.
À l’opposé, le Récit ne doit plus rien à SILBERMANN, mais tout à CAVAILLÉ­COLL. Et c’est 
en ce sens qu’il est difficile d’accepter le qualificatif de néo­classique pour cet instrument. 
En effet, le fait d’allier un Positif à la SILBERMANN et un récit à la CAVAILLÉ­COLL ne 
constitue­t­il pas le fondement même de l’Orgelreform ? Pour antinomique et hybride que la 
chose puisse paraître, le principe était d’obtenir un orgue aussi à l’aise avec BACH qu’avec 
WIDOR. Il revenait ensuite au facteur d’orgue — et c’est là le véritable travail d’artiste 
harmonisateur demandé par les Réformateurs — de faire la jonction sonore des deux plans, 
directement d’une part, en passant par les principaux et mixtures du G.O. d’autre part. 
D’une composition hétéroclite sur le papier, favorisant un véritable Werkprinzip, l’intonateur 
devait aboutir à cette fusion sonore si chère à RUPP. Le résultat semble avoir été atteint à la 
Cathédrale si l’on en croit les innombrables témoignages 110 qui firent suite à l’inauguration, 
le 7 juillet 1935   .
111

[ Manque renseignements sur la console ]

110 cf MATHIAS : op. cit., pp. 137 à 142.

111 L’orgue fut inauguré par Charles Tournemire, Martin Mathias, son titulaire, Louis Thomas, titulaire de Saint 
Pierre­le­Jeune catholique et Ernest Rich, titulaire de Saint Pierre­le­Vieux catholique, ces trois derniers étant 
parmi les plus ardents défenseurs de la Réforme.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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3) Un orgue de guerre
SAINT PIERRE­LE­JEUNE CATHOLIQUE
La Première Guerre Mondiale avait été fatale au développement et à l’extension des idées de 
la Réforme. Relayées sur le plan international par l’avènement de l’Orgelbewegung allemand 
durant l’entre­deux guerres, les conceptions des pères de la Réforme, dans leur acception 
primitive, s’éteignent avec la guerre 1939­45 et les derniers travaux des facteurs d’orgues 
alsaciens de la première moitié du siècle, eux­mêmes sur le point de passer la main à leurs 
héritiers. C’est avec un certain étonnement que l’on peut considérer la construction d’orgues 
neufs au cours d’une période si troublée.
Hormis les instruments que Georges SCHWENKEDEL installe à 
Huningue et Bourtzwiller, le nouvel orgue RŒTHINGER de Saint Pierre­le­Jeune 
catholique est le plus important spécimen de cette facture de guerre. Nous ayant le premier 
guidé vers l’Elsässischer Orgelreform, il était normal qu’il vienne aussi clore notre étude. 
Non pas que cette position lui confère le statut d’aboutissement des idées réformatrices, 
mais il présente l’originalité d’avoir subi une première transformation au nom de la Réforme 
en
1911 112 et d’être à nouveau reconstruit à partir de 1941, à la fin de la période qui nous 
intéresse. En ce sens, il est le témoin de l’évolution esthétique d’Edmond­Alexandre 
RŒTHINGER dont nous avons vu tout au long de cette étude à quel point il était impliqué 
dans le combat de l’école alsacienne. 

Rappelons brièvement que l’orgue de 1911 était encore fort enraciné dans l’esthétique de 
transition qui avait été l’apanage des facteurs alsaciens du début du siècle. Par contre, sa 
console  avait  été  entièrement  construite  selon  les  principes  de  RUPP,  tout  en  évitant  les 
excès de Saint Paul ou de la Synagogue.
Au début des années 40, cet instrument était arrivé au terme de sa carrière. sa composition, 
trop nettement teintée de romantisme, limitait par trop le répertoire exécutable. Surtout, sa 
transmission   pneumatique   commençait   à   donner   de   graves   signe   de   fatigue.   Enfin,   la 
présence   à  Saint   Pierre­le­Jeune  d’une   importante   chorale   dirigée   par   Gaston   GAUER, 
figure   musicale   strasbourgeoise,   nécessitait   le   dégagement   de   la   tribune   et   donc   un 
changement dans l’architecture de l’orgue.
Le marché du nouvel instrument fut tout naturellement attribué à RŒTHINGER, membre 
de   la   paroisse.   Prenant   en   considération   les   nouveaux   impératifs   d’espace,   il   décida   de 
sacrifier le monumental buffet de KLEM dont les deux corps latéraux n’étaient pas assez 
spacieux pour accueillir la totalité de l’instrument. La nouvelle disposition comprend donc 
deux   grands   buffets   ouverts,   reliés   par   une   chaîne   ininterrompue   de   tuyaux   bordant   la 
rosace.   la   totalité   des   tuyaux   de   façade   (plus   de   150)   fonctionne,   faisant   entendre   le 
Prinzipal   16’   et   l’Oktavbaß   8’   de   la   Pédale   ainsi   que   le   Prinzipal   8’   du   G.O.   Les   tuyaux 
centraux sont ceux du Choralbaß 4’ de la Pédale et d’une partie du Prestant 4’ du G.O. 

112 cf supra, Deuxième partie, Chapitre 1

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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L’orgue   est   totalement   ouvert,   sans   buffet   véritable,   ce   qui   marque   la   seule   véritable 
évolution   des   principes   de   l’Orgelreform  —   qui   insistaient   sur   l’importance   des   buffets 
fermés   —   vers   l’orgue   néo­classique,   si   souvent   friand   de   dispositions   ouvertes.   Cette 
structure, très critiquable par ailleurs, permet à RŒTHINGER une originalité : le placement 
du Positif très haut au­dessus de la boîte expressive du Récit, lui faisant profiter de la voûte 
comme résonateur, un peu à la manière d’un Kronwerk. Cet artifice autorise le dégagement 
de la tribune tout en conservant au Positif sa personnalité propre, détachée de la masse des 
autres plans sonores.
Une   telle   disposition   alliée   au   manque   évident   de   moyens   de   la   période   d’occupation 
entraînait   nécessairement   le   choix   d’une   transmission   électrique.   Titulaire   de   plusieurs 
brevets,   RŒTHINGER   était   passé   maître   dans   l’électro­technique   appliquée   à   l’orgue. 
L’instrument possède ainsi plus de 1500 petits contacts d’une déconcertante fragilité mais 
qui fonctionnent encore très convenablement à l’heure actuelle. Les impulsions électriques 
sont   guidées   par   117  km   (!)   de   fils   vers  les   sommiers.   À   ce   stade,   le  tableau   est   moins 
idyllique. Par souci d’économie, il a fallu se contenter de sommiers à cônes avec membranes 
pour le G.O., le Positif et la Pédale, et petits soufflets pour le Récit. On ne s’explique pas 
cette différence de traction entre les claviers mais elle entraîne hélas des disparités dans les 
temps   de   réponse,   les   petits   soufflets   réagissant   moins   vite   que   les   membranes.   Par   sa 
nature  même, ce matériel  a une durée  de vie limitée et il a fallu,  en 1990,  remplacer  la 
totalité des membranes et petits soufflets, excepté au Positif. Même si, par rapport aux idées 
de   la   Réforme,   la   transmission   électrique   n’est   pas   condamnable   — d’autant   qu’elle   fut 
réalisée   avec   soin   — on   aurait   préféré   une   traction   mécanique.   Nous   savons   que 
RŒTHINGER en avait les moyens, même sur de grands instruments. L’option retenue pour 
les   sommiers   est   moins   heureuse.   Dès   le   Congrès   de   Vienne,   les   spécialistes   avaient 
fermement recommandé les sommiers à gravures, ceux à cônes étant rendus responsables 
du son d’harmonica de l’orgue.
Le choix des registres — il ne s’agit pas encore de leur exécution — est plus remarquable. La 
disposition retenue était la suivante :
Grand­Orgue (60 n.)     Positif (60 n.)                           Récit expressif (60 n.)  Pédale (32 n.)

Bourdon 16 ‘ Bourdon 8’ Quintatön 16’ Principalbaß 16’


Prinzipal 8’ Salicional 8’ Prinzipal 8’ Subbaß 16’
Bourdon 8’ Prestant 4’ Flöte 8’ Stillgedeckt 16’
2
Flöte 8’ Nasard 2’ /3 Dolce 8’ Octavbaß 8’
Gamba 8’ Doublette 2’ Vox Cœlestis 8’ Choralbaß 4’
3
Prestant 4’ Terz 1’ /5 Prestant 4’ Posaune 16’
2 2
Nasard 2’ /3 Piccolo 1’ Quint 2’ /3 Trompete 8’ [Tr.]
Oktav 2’ Cymbale III fach Flageolet 2’ Clairon 4’ [Tr.]
3
Terz 1’ /5 Clarinette 8’ Mixtur IV fach
Fourniture V rgs Tremolo Trompette harmonique 8’
Kornett V fach Basson­Hautbois 8’

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Trompete 8’ Vox humana 8’
Clairon 4’ Tremolo

Accessoires par pédales         Accessoires par dominos        Accessoires par boutons­poussoirs
I/P, II/P, III/P I/P, II/P, III/P pp, p, mf, f
II/I, III/I, III/II II/I, III/I, III/II tutti   sans   anches,   tutti   avec  
anches
Appel anches I, II, III, P II/I en 4’ Dégagement
Appel mixtures III/I en 16’ et 4’ Combinaison libre
Appels fonds Pédale III/II en 16’ Piano Pédale automatique
III/P en 16’
Accouplement général Crescendo
Expression récit

Globalement, l’instrument se situe donc dans la lignée directe de Saint Laurent de 
Bischheim ou de Saint Barthélemy de Mulhouse, hormis l’abandon de quelques excès en 
porte­à­faux par rapport aux recommandations de la Réforme, tels le Fernwerk ou le 
manque de personnalisation du Positif. Car celui­ci, à Saint Pierre­le­Jeune achève enfin 
sa mutation pour acquérir une spécificité cherchée pendant plus de 30 ans. il se situe entre 
les deux extrêmes qui inspirèrent primitivement les Réformateurs : d’un côté le Positif 
CAVAILLÉ­COLL, totalement inclus dans l’instrument, très riche en fonds, sorte de G.O en 
réduction; de l’autre côté, le Positif SILBERMANN, positif de dos, claviers des mutations 
avec son cornet décomposé et le cromorne. Ici, RŒTHINGER refuse fort justement la copie 
de ce dernier qu’on lui avait imposée et qui se justifiait à la Cathédrale. Nous avons vu le 
placement en Kronwerk qu’il lui réserve, artifice permettant à la fois sa mise en relief par 
rapport à la masse sonore et son intégration, sa fusion dans le tutti. À l’ossature 
SILBERMANN, il rajoute un Salicional et opte pour la Clarinette, plus apte que le Cromorne 
à se mêler aux anches CAVAILLÉ­COLL du Récit. Ainsi, plutôt que de plaquer 
artificiellement une copie d’ancien sur un ensemble moderne, RŒTHINGER exécute ce qui 
semble représenter le Positif idéal de l’Orgelreform. Les choix opérés vont à l’encontre du 
concept d’ “orgue à tout jouer”. Le facteur d’orgue sait fort bien que, pour la musique 
ancienne, un Cromorne est préférable. Il sait parfaitement le construire puisque ce jeu 
constitue une spécialité secrète de la firme 113. Mais refusant tout historicisme exagéré, il 
préfère la Clarinette, plus adaptée à l’esthétique générale de l’instrument. 
Le Récit ne change guère. Les Réformateurs et les facteurs d’orgue qui les ont suivis ont une 
fois   pour   toutes   reconnu   l’excellence   du   Récit   CAVAILLÉ­COLL,   en   tant   qu’il   rend 
l’instrument capable d’expression. Il n’est donc pas nécessaire de le modifier. Il s’articule 
autour   des   “anches   parisiennes”,   en   l’occurence   l’immuable   triade   Trompette,   Hautbois, 
Voix humaine ; d’une riche palette de fonds très colorés dont la Voix céleste et la Dolce qui 

113 cf F.­X. MATHIAS : Les Orgues de la Cathédrale de Strasbourg, Studia Leontina, Strasbourg, 1936, p. 134.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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émeuvent  les  foules  ; et  d’une  petite  mixture   très  pleine.  La  tendance  à  surajouter     des 
mutations simples en grand nombre, sous l’impulsion de RUPP, n’a plus de raison d’être, ce 
rôle étant dévolu au Positif.
Le   Grand­Orgue   est   le   clavier   des   fonds   puissants,   des   anches   fortes   et   des   mutations 
lumineuses. Lumineuses mais pas encore étincelantes. Ce n’est qu’au cours des années 60 
que,   sous   la   houlette   de   CHAPUIS,   les   Plein­Jeux   seront   retravaillés.   La   Tierce   sera 
supprimée, le Nazard complété d’un Larigot et la Fourniture remplacée par une Cymbale III 
rgs. Cette transformation modifiera très sensiblement l’esthétique générale, le plenum étant 
primitivement  basé  sur  un  cornet  décomposé  allié   à  une  fourniture  très   charnue,  moins 
brillante   que   la   Cymbale   actuelle.   Voilà   encore   une   des   différences   fondamentales   qui 
séparaient   l’orgue   de   l’Orgelreform  de   ses   descendants   néo­classiques.   Et   très   souvent 
— trop souvent ? — la mouvance néo­classique s’est permise de modifier ces mixtures si 
particulières, finalement plus coloristes que véritablement lumineuses. Tels n’auraient pas 
été   les   vœux   des   pères   de   la   Réforme   qui   n’appréciaient   guère   les   compositions   haut­
perchées et reprenant trop souvent. La Gambe du G.O. est aussi une pièce maîtresse qui 
vient éclairer les autres fonds (Stimmenbelichtung) selon la pratique chère à SCHWEITZER. 
L’abandon progressif des jeux gambés au G.O. est aussi une des marques du passage à 
l’orgue néo­classique.
“Si je devais renoncer à quelque chose sur un orgue relativement petit, ce 
serait à l’indépendance de la Pédale !” 114 Cette confession de SCHWEITZER à propos 
de l’orgue de Gunsbach décrit une des plus importantes — et déplorable — concession des 
Réformateurs à leurs principes primitifs. Jamais un orgue à Pédale totalement 
indépendante n’aura été réalisé en Alsace durant la période 1905­45. Saint Pierre­le­Jeune 
ne fait pas exception puisque, en plus de l’usage presque permanent des tirasses, sa Pédale 
se nourrit aussi des emprunts au G.O. Par contre, RŒTHINGER utilise un artifice qui 
aurait certainement plu à SCHWEITZER pour l’orgue de Gunsbach, hanté qu’il était par les 
problèmes d’intensité des 16’ de Pédale. Au lieu de construire, en plus de la puissante 
Soubasse, un Bourdon 16’ doux, coûteux en argent et en espace, il intercale dans le 
dispositif d’alimentation de celle­ci un système réduisant la pression d’air admise au 
sommier. Il obtient, à partir d’un seul jeu, deux registres d’intensité et de couleur très 
différentes : une Soubasse 16’ et un Stillgedeckt 16’. Curieusement, ce système économique, 
ne nuisant en rien à la qualité générale de l’instrument, ne sera guère repris par la suite.
Sur   le   papier,   cette   disposition   semble   adhérer   très   étroitement   aux   conceptions   des 
Réformateurs, à l’exception de l’indépendance de la Pédale. Hélas, la période de construction 
de l’instrument, entre 1941 et 1945, n’est guère propices aux folles dépenses. RŒTHINGER 
est bien obligé d’employer un matériel très hétéroclite, voire même d’une qualité inférieure. 
On   récupère   ainsi   une   partie   de   la   tuyauterie   du   premier   RŒTHINGER   de   1911   et   du 
KOULEN de 1894. Certains jeux, ou parties de jeux, viennent des stocks de la firme. Par 
exemple, le Basson­Hautbois porte la marque de STIEHR. Les tuyaux neufs, et notamment 
les nombreux tuyaux de façade, sont en zinc, l’étain étant impensable en tant de guerre. 

114 cf Bernhard BILLETER :  Albert Schweitzer und sein Orgelbauer, Lettre à Alfred Kern du 20 mai 1960, Acta 


Organologica, Band 11, Verlag Merseburger, Berlin, 1977.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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Citons encore les bourdons, tout en bois, quand la Réforme insistait sur la modération dans 
son   usage.   Le   résultat   général   est   malgré   tout   très   satisfaisant.   Mais   il   est   regrettable 
qu’une telle composition, l’une des dernières et des plus achevées de ce style organologique 
n’ait pu bénéficier d’une meilleure conjoncture.
Il reste à examiner la console qui, elle bénéficie d’une qualité irréprochable de conception et 
de réalisation. Souvenons­nous que dans l’orgue de 1911, de l’avis même de RUPP, 
RŒTHINGER avait construit une console standard, une console de la Réforme 115. Ici encore, 
l’évolution entre les deux moutures de l’instrument ne peut qu’être révélatrice de l’impact 
des idées réformatrices sur les facteurs d’orgue. Le passage à l’électricité ne précipite pas 
RŒTHINGER dans des exagérations ruppiennes, bien au contraire. Le facteur d’orgue a 
retenu davantage d’accessoires allemands que français : crescendo, combinaisons fixes, 
accouplements octaviants à profusion — dont l’utilité de certains ne saute pas toujours aux 
yeux puisque l’étendue des sommiers les rend rapidement inopérants. Du côté français, une 
combinaison libre qui, par l’absence de l’appel des jeux à main, ne reprend pas les 
avantages imaginés par SCHWEITZER dès Saint Sauveur; les habituels accouplements 
mais dont les doubles commandes ne sont pas interactives; et l’absence d’un appel G.O. 
pourtant si utile. Ainsi, cette console paraîtrait bien éloignée de l’Orgelreform si elle ne 
contenait une originalité bien utile  : tout y est programmable. Chacune des combinaisons 
fixes est réglable par l’organiste. Le crescendo de même. Les changements de registration de 
Pédale (Piano­Pédale automatique) sont ajustables séparément pour le Positif et le Récit. De 
ce fait l’interprête n’est plus esclave de son facteur d’orgue, comme SCHWEITZER le 
dénonçait. 

En 1945, Max RŒTHINGER était déjà fort actif au sein de la firme créée par son père. 

Celui­ci atteignant les 90 ans, il aurait été normal qu’il ne s’implique plus beaucoup dans la 

conception des instruments neufs. Mais il suffit de comparer les dispositions de Saint 

Pierre­le Jeune et de Saint Pierre­le­Vieux pour réaliser à quel point elles sont différentes. 

Si Saint Pierre­le­Vieux s’engage résolument dans la voie néo­classique, Saint Pierre­le­

Jeune reste fortement ancré dans l’évolution esthétique d’Edmond­Alexandre dont la 

carrière coïncide parfaitement avec l’Elsässischer Orgelreform. Sachant qu’il exécutait l’un 

de ses derniers grands instruments, il ne pouvait que le concevoir comme un aboutissement 

— toutes proportions gardées — de ses 50 années d’exercice. Le facteur d’orgue alsacien qui 

a le plus embrassé le combat de la Réforme en produit un dernier exemple, même si les 

115 cf Emile RUPP : Die Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst, Verlaganstalt Benziger & Co A.­G., 1929.

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Elsässischer Orgelreform  et Orgues d’Alsace
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conditions historiques, financières et les impératifs de construction empêchèrent une 

adhésion totale aux critères de qualité et d’artisanat. En 1990, lors de la restauration de 

l’instrument par MUHLEISEN, il fut décidé de le conserver comme un témoin d’une facture 

particulière, d’un style précis. 

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TROISIÈME PARTIE :
POSTÉRITÉ DE L’ORGELREFORM

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Chapitre 1

En Alsace

Comme l’étude des différents instruments construits par des facteurs d’orgue ayant été en 
contact   plus   ou   moins   direct   avec   les   Réformateurs   à   pu   le   montrer,   les   habitudes,   les 
immobilismes, les circonstances historiques et économiques n’ont pas permis l’éclosion, en 
Alsace, d’un instrument important répondant strictement à toutes les recommandations de 
l’Orgelreform. Il était intéressant de voir dans quelle mesure les héritiers de ces facteurs — 
directs ou spirituels — ont pu s’inspirer plus ou moins directement de ces idées, dans une 
période, celle de l’immédiat après­guerre, plus propice et novatrice. Certes la Réforme, dans 
ses prémices, est vieille de quatre décennies, mais certains facteurs, comme Alfred KERN, 
restent en contact avec SCHWEITZER et travaillent encore selon ses recommandations. La 
nouvelle   génération   est   principalement   représentée   par   Ernest   MUHLEISEN,   ancien 
apprenti   cher   RŒTHINGER,   Max   RŒTHINGER,   fils   d’Edmond­Alexandre,   Curt 
SCHWENKEDEL, fils de Georges, Alfred KERN qui a travaillé chez RŒTHINGER puis chez 
MUHLEISEN, et enfin KŒNIG. E.­A. RŒTHINGER, dont on a pu voir le rôle qu’il a joué 
dans la concrétisation des principes de la Réforme, se trouve ainsi à l’origine de toute la 
nouvelle école alsacienne.

1) Ernest MUHLEISEN
Nous  avions   évoqué   le   rôle   joué   par   MUHLEISEN  dans   l’harmonisation   du   nouvel   orgue 
RŒTHINGER de la  Cathédrale  en 1935. L’expérience acquise au sein de la manufacture 
schilickoise n’est certainement étrangère à la campagne de reconstruction engagée à la veille 
des   années   50   et   qui   touchera   tous   les   grands   instruments   des   églises   protestantes   de 
Strasbourg, successivement :  Saint Pierre­le­Jeune,  Sainte Aurélie,  Saint Guillaume  et 
Saint  Thomas. Il  est  impossible   de  séparer  ces  grands  travaux   de  l’évolution  esthétique 
opérée  entre  les  deux  guerres   à la  suite  de SCHWEITZER  et RUPP.  Certains  excès  n’ont 
d’ailleurs rien à envier à ceux qu’on a connus dans les années 20.
SAINT PIERRE­LE­JEUNE
On a pu parler, à propos de la reconstruction engagée par MUHLEISEN à Saint Pierre­le­
Jeune  en  1948­50,  de  “retour   au   baroque”.  Cette  formule  un   peu  excessive  n’est  pas 
sans rappeler le “retour  à Silbermann” de SCHWEITZER, tant raillé par les pourfendeurs 
anciens et actuels de la Réforme. Il faut savoir reconnaître à ces mots d’ordres le mérites 
d’engager des évolutions, souvent lentes, même si leurs effets immédiats sont le reflets de 
tatonnements et d’excès.
C’est avec la collaboration d’Alfred KERN, qui en sera l’harmonisateur, que MUHLEISEN 

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conçoit la reconstruction de l’orgue 116 . Le fait le plus marquant réside dans l’adoption de la 

traction mécanique, une première pour un grand instrument en Alsace depuis un demi­
siècle. Mais, comme à la Cathédrale, on a recours aux machines Barker pour les 
accouplements. Les sommiers de SAUER pour le Positif et de SILBERMANN pour le Grand­
Orgue sont conservés. La console est en fenêtre, comme à Gunsbach, et le tirage des jeux 
est électro­pneumatique. Ainsi, certains accessoires prônés par SCHWEITZER peuvent être 
utilisés, comme les accouplements à double commande interactive (on est bien loin de 
SILBERMANN !). La composition est orientée de façon évidente vers la période baroque, 
même si certaines hésitations demeurent, comme l’expressivité du Récit ou la présence du 
Salicional au Grand­Orgue. La Pédale est enfin indépendante, et de belle manière.
SAINTE AURÉLIE
De façon quelque peu surprenante, les trois orgues suivants vont être conçus dans un style 
plus hybride que Saint Pierre­le­Jeune. Il est vrai que, pour ce dernier, MUHLEISEN 
travaillait dans un environnement relativement “vierge”. À Sainte Aurélie plane l’ombre de 
SCHWEITZER. Ce dernier n’est, semble­t­il, pas intervenu dans la gestation du nouvel 
instrument. Mais l’esthétique fort discutable qu’il lui avait conférée par le truchement de 
HÆRPFER n’a pas été radicalement balayée. Primitivement, il fut décidé de reconstruire le 
Positif de dos à la manière de SILBERMANN. D’après Jean­Daniel WEBER, titulaire, “afin 
d’obtrenir non pas la superposition d’un deux­claviers «romantique» et d’un 
Positif «classique», mais une unité, un trois­claviers aux plans sonores 
nettements définis” 117 , il fallut nécessairement remanier l’ensemble de l’instrument. Le 
résultat ressemble fort à ce que les Réformateurs appelaient de leurs vœux : un positif de 
dos pourvu du cornet décomposé et d’une anche soliste ; un Grand­Orgue charnu, riche en 
fonds et en mixtures ; un Récit très coloré, capable d’expression ; une Pédale indépendante. 
La transmission est mécanique, avec machine Barker pour les accouplements. Cette fois­ci, 
les sommiers à gravures et registres coulissants ont été construits par MUHLEISEN. La 
console, en fenêtre, conserve grâce au tirage électro­pneumatique des jeux les accessoires 
demandés par SCHWEITZER. Les pressions retenues sont de 58 mm pour le Positif et le 
sommier de 4’, 2’, mixtures de la Pédale, 70 mm pour le reste de l’instrument.
Il et intéressant de noter les circonlocutions utilisées par WEBER pour définir 
l’esthétique de l’instrument. Passons sur le lapidaire “orgue baroque agrandi”, qui ne 

116 Composition en 1950 :
 
               
 Positif de dos
           
                  
   Grand­Orgue
            
                  
   Récit expressif
          
                  
   Pédale
   
Bourdon 8’ Bourdon 16’ Bourdon 8’ Flûte 16’
Prestant 4’ Montre 8’ Principal 8’ Soubasse 16’
Nasard 2’2/3 Bourdon 8’ Prestant 4’ Bourdon 16’ (G.O.)
Doublette 2’ Salicional 8’ Flûte 4’ Montre 8’
Tierce 1’3/5 Prestant 4’ Doublette 2’ Flûte 8’
Fourniture III rgs Flûte à cheminées 4’ Larigot 1’ 1/3 Prestant 4’
Cromorne 8’ Quinte 2’ 2/3 Cymbale III rgs Quarte de nasard 2’
Quarte de nasard 2’ Trompette 8’ Fourniture IV rgs
II / I et III / I en Barker Cornet V rgs Voix humaine 8’ Cymbale III rgs
III, II, I / Péd. Fourniture IV rgs Tremblant Bombarde 16’
f, plein­jeu, tutti Cymbale III rgs Trompette 8’
3 comb. ajustables Trompette 8’ Clairon 4’
Annulateur anchesClairon 4’
Annulateur mixtures
Annulateur général

117 J.­D. WEBER ­ Les Orgues restaurées de l’église protestante Sainte Aurélie, à Strasbourg, in l’Orgue, 1953, pp 
20­26

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veut pas dire grand­chose. Selon lui, la composition constitue “en quelque sorte une 
synthèse entre l’orgue français du XVIII° siècle adopté dans ses lignes 
générales par A. et J.A. SILBERMANN (opposition G.O / Pos.), l’orgue des 
maîtres de l’Allemagne du Nord (Pédale traitée à l’égald es claviers manuels, 
même en présence des tirasses) et celui de CAVAILLÉ­COLL (Récit expressif, 
amplement développé à partir du clavier initial d’Écho ou de Récit)”. Et plus
loin : “La sonorité de cet instrument est compiée avant tout sur celle des orgues 
encore existantes de SILBERMANN, compte­tenu de certains jeux 
indispensables à l’exécution d’œuvres romantiques et contemporaines”. 
Nonobstant le côté réducteur, voire imprécis, de ces justifications, on croirait lire certains 
écrits des pères fondateurs de la Réforme, quelques 50 ans plus tôt. Il eut été judicieux de 
s’en réclamer ouvertement, définissant ainsi un style précis et propre, plutôt que d’ouvrir de 
larges portes aux pourfendeurs de l’”orgue à tout jouer” 118 .

Seulement, quelle aurait été la disposition retenue par MUHLEISEN avec 10 ou 15 jeux de 
moins ? L’abondance lui permet de construire en quelque sorte 2 orgues en un, de faire 
cohabiter   l’esthétique   “classique”   et   l’esthétique   romantique   en   un   même   buffet.   Il   est 
amusant   de   constater   par   exemple   la   place   dévolue   au   Salicional.   Traditionnellement   et 
logiquement au Positif dans les instruments de RŒTHINGER, il rejoint ici le Grand­Orgue, 
tant il est vrai qu’il détonnerait dans un “Positif SILBERMANN”. Plutôt que de s’en passer, 
comme   il   eût   été   logique   de   le   faire   notamment   à  Saint   Pierre­le­Jeune,   MUHLEISEN 
l’intègre  à la palette de fonds du 1e clavier. Tel est le risque que présentait SCHWEITZER 
lorsqu’il recommandait des instruments de 30 à 40 jeux. Les choix qui doivent alors s’opérer 
permettent   de   cerner  un   style.   Il   semble   que   RŒTHINGER   l’avait   davantage   compris  en 
produisant des instruments aussi différents que Saint Laurent ou la Cathédrale.

SAINT GUILLAUME
Cet écueil, MUHLEISEN ne l’évitera pas dans ses grands instruments ultérieurs. C’est ainsi 
que, de 1951 à 1957, il construit à Saint Guillaume ce qui apparait alors comme “l’orgue 
le plus colossal d’Alsace”. L’installation de 74 jeux permet la superposition de tous les 

118 Composition de Sainte­Aurélie :
               Positif de dos (56 n.)             
    Grand­Orgue (56n.)               
    Récit expr. (56 n.)                    
    Pédale (32 n.)         
   
Bourdon 8’ Bourdon 16’ Quintaton 16’ Bourdon 16’ (G.O.)
Montre 4’ Montre 8’ Principal 8’ Soubasse 16’
Flûte à cheminées 4’ Bourdon 8’ Bourdon 8’ Principal 16’
Nasard 2’2/3 Flûte 8’ Viole de gambe 8’ Bourdon 8’
Doublette 2’ Salicional 8’ Voix céleste 8’ Flûte 8’
Tierce 1’3/5 Prestant 4’ Prestant 4’ Principal 8’
Larigot 1’1/3 Flûte douce 4’ Flûte 4’ Flûte 4’
Cymbale III rgs Quinte 2’2/3 Doublette 2’ Principal 4’
Cromorne 8’ Doublette 2’ Sesquialtera II rgs Doublette 2’
Cornet V rgs Carillon II rgs Fourniture IV rgs
II / I, III / I, III / II Fourniture IV rgs Fourniture IV rgs Cymbale III rgs
I /P, II / P, III / P Cymbale III rgs Bombarde 16’ Bombarde 16’
4 combinaisons ajustables Trompette 8’ Trompette 8’ Trompette 8’
Appels anches G.O, Réc., Péd. Clairon 4’ Clairon 4’ Clairon 4’
Appels mixtures G.O., Réc., Péd. Voix humaine 8’ Chalumeau 4’
Grand­jeu, Plein­jeu, fonds Hautbois 8’
Suppression 16’ manuels Tremblant
Suppression Pédale

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styles dans un orgue à traction électrique, à sommiers à cônes, avec toutes sortes 
d’accessoires. Seul le buffet et deux bourdons sont anciens. Il est vrai que rien, à Saint 
Guillaume, n’était à préserver, mais quelle volte­face par rapport aux avancées de Saint 
Pierre­le­Jeune 119 !

119 Composition de Saint Guillaume en 1957 :
                 Grand­Orgue
            
                  
   Récit expressif
          
                  
   Écho
          
                  
                  
   Pédale
   
               Montre 16’ Quintaton 16’ Bourdon 16’ Flûte 16’
Montre 8’ Principal 8’ Cor de daim 8’ Violon 16’
Bourdon 8’ Bourdon 8’ Bourdon à cheminées 8’ Soubasse 16’
Flûte 8’ Gambe 8’ Gemshorn 4’ Bourdon 8’
Salicional 8’ Dulciane 8’ Flûte 4’ Grosse quinte 10’ 2/3
Prestant 4’ Voix céleste 8’ Doublette 2’ Bourdon 8’
Flûte à cheminées 4’ Flûte 8’ Larigot 2’ 2/3 Montre 8’
Quinte 2’ 2/3 Prestant 4’ Tierce 1’ 3/5 Cello 8’
Doublette 2’ Quinte 2’ 2/3 Plein­Jeu III rgs Prestant 4’
Quarte de nasard 2’ Doublette 2’ — Flûte 4’
Cornet V rgs Tierce 1’ 3/5 — Bombarde 16’
Fourniture IV rgs Larigot 1’ 1/3 — Trompette 8’
Cymbale III rgs Flûte 1’ Clairon 4’
Bombarde 16’ Fourniture IV rgs Positif de dos
Trompette 8’ Cymbale III rgs vide, l’orgue n’ayant  Crescendo
Clairon 4’ Voix humaine 8’ jamais été terminé p, mf, f, tutti, tutti­anches
Basson­hautbois 8’ 6 comb. ajustables
Bombarde 16’ Annulateur 16’ manuels
Trompette 8’ Pos /GO, Réc / GO Annulateur 
anches
Clairon 4’ Echo / GO, Echo / Réc. Annulateur mixtures
Echo / Pos, Réc / Pos Accouplement général
GO, Pos, Réc, Echo / Péd
Echo / Péd en 4’

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