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Théodore DAGROU
Magistrat Hors Hiérarchie
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Mémento

Préface
KOBO Claver Pierre
---------------
Vice-président de la Cour Suprême,
Président de la Chambre Administrative
de la Cour Suprême

Publié avec la contribution de

II Plateaux, Bd Latrille face Polyclinique Saint Jacques


01 B.P. 2757 ABIDJAN 01 . 22-41-44-61/95 Fax. 22-41-45-17
Http: //www.cndj.ci
2

A toute la famille judiciaire,


A tous les praticiens du Droit
Aux étudiants
A tous ceux qui s’intéressent à la terre
3

Du même auteur
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1. Comprendre le Code foncier rural de la Côte


d’Ivoire, édité en 2002 par l’Association Ivoirienne
pour le Développement du Droit (AIDD).
2. Comprendre le Code Foncier Rural de la Côte
d’Ivoire revu et corrigé, réédité en 2007 par Frat-
Mat Editions.
3. Compatibilité du Droit foncier ivoirien et le Droit
communautaire, étude réalisée pour le compte de
l’Institut de Droit Communautaire (IDC).
4. Le Code foncier rural en 100 Questions et plus
publié par Les Editions du CERAP.
5. Non-Ivoiriens et le Code Foncier Rural de la Côte
d’Ivoire, publié en 2010 par Les Editions du
CERAP.

--------------
4

Préface
On se condamnerait à verser dans un lieu commun, si
l’on s’attachait, en préface à cet ouvrage, à en souligner
l’actualité et l’intérêt. Si la récente modification de la loi
portant domaine foncier rural intervenue le 13 septembre
2013 par la loi 2013-655, a fourni de nouveaux aliments aux
controverses passionnées qu’elle nourrit, l’actualité de la
question foncière est, en réalité, permanente dans notre pays.
Les discussions, les palabres et les conflits, avec quelques fois
des débordements sanglants dont elle est l’objet, sont
récurrents. Mais, rendre accessible et intelligible la
réglementation du domaine foncier rural, l’éclairer par la
jurisprudence, dévoiler aux citoyens et aux justiciables les
interprétations et les principes sur les fondements desquels
les juges tranchent les litiges fonciers, mettre en relief les
difficultés et les errances de ceux-ci dans l’application de la
législation foncière constituent une approche peu usitée, mais
pourtant essentielle dans la compréhension et la résolution de
la lancinante question foncière. On ne peut qu’en savoir gré
au juge DAGROU de s’y employer avec ténacité et
perspicacité.

Tous les habitants de notre pays en conviendraient


aisément, la question foncière, qui se ramène principalement
à la définition du statut des terres et à la détermination des
titulaires et des garanties qui s’y rapportent, est au cœur des
luttes et transformations sociales, si ce n’est de la
construction de l’Etat ivoirien lui-même. En effet, la terre
demeure, encore pour longtemps, une donnée principale du
développement, de la richesse économique et de la
structuration sociale.

Aujourd’hui, plus encore qu’hier, les terres sont en


partage et l’importance des enjeux fonciers en fait des espaces
disputés. Naguère perçue comme un bien collectif, inaliénable
ou une divinité génitrice, la terre est, avant tout, aujourd’hui,
un instrument de production, une source d’enrichissement ou
d’affirmation d’identité ethnique. On assiste à une course
5

farouche et effrénée à l’accès à la terre. En milieu rural,


davantage que dans les espaces urbains, les enjeux fonciers
sont considérables. Le développement de l’agriculture avec les
cultures de rentes sur les plantations extensives, alors que les
terres vierges se raréfient, rend l’accès à la terre
particulièrement conflictuel.

La volonté des uns d’accéder à la terre, la


détermination des autres de les exclure pour s’en accaparer
ou pour marquer leur identité culturelle génèrent des conflits
complexes qui voient s’affronter des droits ou des
revendications puisés à des sources ou légitimités diverses. La
recherche du tribut foncier transforme la moindre parcelle en
forteresse à prendre ou à défendre. Pour ce faire, on recourt
aux arguments historiques et juridiques si possible, à la force
sinon.

Les juridictions, dont les prétoires sont envahis par les


litiges fonciers, s’efforcent de démêler l’imbroglio créé par les
protagonistes en conflit. Les « propriétaires » se superposent
sur le même terrain du fait de l’échafaudage ou de
l’enchevêtrement des revendications et des droits obtenus de
différentes autorités ou selon des procédures en déphasage
avec la réglementation officielle. Celle-ci est mise à mal par les
pratiques populaires et la renaissance des droits coutumiers
qui aspirent à gouverner les rapports des hommes à la terre.
Pour avoir pu résister aux décrets de crucifixion et venir
hanter les droits modernes, les droits coutumiers vont être
reconnus et consacrés par la loi portant domaine foncier rural
du 23 décembre 1998 qui ambitionne d’empêcher ou de
résoudre les conflits fonciers et, ce faisant, d’établir la sécurité
foncière en milieu rural.

Mais la compréhension et l’application de cette loi,


riche d’ambigüités, par les juges ne sont pas exemptes
d’errements, d’interprétations dissonantes, ou contradictoires.
Dans ces conditions, il apparaissait impérieux que les
professionnels du droit, et singulièrement les magistrats,
puissent s’interroger et débattre de leurs pratiques et
6

interprétations, revisiter collectivement la législation foncière


afin d’adresser aux justiciables des signaux ou des messages
prévisibles, clairs et stables. Et il est heureux que c’est le
Juge-Enseignant DAGROU qui, par le présent ouvrage, prend
l’initiative de faciliter l’accès et la lisibilité des règles du droit
foncier et d’ouvrir, ainsi, le débat et les échanges de vue
constructifs.

Monsieur DAGROU, de toute évidence, appartient à la


catégorie des juristes que le droit foncier intéresse, stimule ou
même provoque. Il a déjà produit des opuscules de
vulgarisation y relatifs. Aujourd’hui, il y revient avec un
ouvrage plus approfondi, à la fois utile et nécessaire, rédigé
avec détermination et vigueur, mais aussi rigueur. Ajoutera-t-
on que l’intérêt de cet ouvrage tient aussi au fait que son
auteur appartient, indiscutablement, à la catégorie des juges
qui ne se satisfont pas des cas d’espèce, du règlement au fur
et à mesure des litiges fonciers portés devant eux ? Il est
intéressé par la systématisation des solutions particulières ; il
a le souci de retrouver, derrière les particularités sans cesse
changeantes des décisions judiciaires, les poutres maîtresses
sur lesquelles s’édifie la jurisprudence. Il ambitionne d’éclairer
les décisions de justice les unes par les autres et de les
coordonner dans un ensemble organisé et intelligible.

Monsieur DAGROU a compris que, si pour les parties,


l’enjeu du litige est le dispositif de la décision juridictionnelle
qui le réglera dans un sens favorable ou défavorable à leurs
intérêts, le juge, par contre, surtout lorsqu’il siège dans des
juridictions supérieures, doit avoir d’abord à l’esprit
l’interprétation de la règle sur laquelle doit reposer la solution
à donner à l’affaire. Cette interprétation doit être conforme à
celle qui a été retenue dans d’autres affaires semblables, sauf
revirement mûrement réfléchi. Pour le juge, le principal enjeu
d’un litige est jurisprudentiel.

Monsieur DAGROU a été aidé dans la mission qu’il


s’est assigné par sa double qualité de Juge-Enseignant. Il sait
remonter du concret à l’abstrait, du multiple à l’un, ramener
7

la pluralité des solutions données par la jurisprudence à


quelques formules qui en dégagent les aspects fondamentaux.
Ainsi, a-t-il pu dresser les étapes du traitement des affaires
foncières qui s’offre comme une méthodologie d’approche et
d’examen des litiges fonciers dont l’utilité est certaine pour
quiconque, appelé à dénouer, sur la base du droit positif, un
nœud foncier.

Sa connaissance du dedans de la jurisprudence lui


permet de dessiner, d’une main ferme, le sillage des arrêts
retenus et d’en marquer l’impact dans le droit. Sans aucun
doute, certaines des interprétations et analyses de l’auteur
susciteront des réserves, sinon des désaccords. Mais ceux-ci,
loin de remettre en cause les mérites de ce livre, en
rehaussent l’intérêt et l’urgence de le lire et de rentrer dans le
débat scientifique auquel il nous convie en vue d’améliorer le
droit foncier rural et son application. Un ouvrage scientifique,
par-delà son contenu ne vaut-il pas également par les
réflexions qu’il suscite, les questions qu’il pose, les doutes
qu’il éveille ?

Le monde du droit a besoin de contributions


doctrinales, de commentaires de textes et d’arrêts, mais aussi
de réflexion, présentant une vision d’ensemble prospective,
sous-tendue par des postulats clairement exprimés. Les
juridictions ont besoin, pour établir ou faire évoluer leur
jurisprudence, pour progresser, de puiser aux meilleures
sources, de se nourrir de constructions doctrinales critiques
et innovantes.

L’ouvrage que présente monsieur DAGROU est une


lecture obligée pour toute réflexion sérieuse sur le domaine
foncier rural et le droit qui le régit.

KOBO Pierre-Claver
--------
Professeur de Droit
Président de la Chambre Administrative
de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire
8

Remerciements
 Je suis très reconnaissant à la Coopération
Allemande, et plus précisément à la GIZ, qui a bien
voulu financer la publication de ce livre.

 J’exprime aussi ma gratitude à Monsieur KONE


Mamadou, Président de la Cour Suprême de
Côte d’Ivoire qui a toujours eu de l’estime pour
moi et apprécié mes initiatives en matière
d’écriture

 Je dis aussi merci à Monsieur KOBO Claver


Pierre, Vice-président de la Cour Suprême,
Président de la Chambre Administrative de la
Cour Suprême, de l’honneur qu’il me fait en
acceptant d’être de ce modeste ouvrage le préfacier.
C’est là le signe de l’intérêt qu’il porte aux œuvres
de l’esprit et, plus spécialement, aux écrits des
magistrats qu’il souhaite voir contribuer au
développement du Droit (dixit Président KOBO).

 Mes remerciements vont aussi à l’endroit de tous


ceux dont le concours a rendu possible la parution
de cet ouvrage. Il me plait, particulièrement, de
souligner de saluer l’apport de :

 Je n’oublie pas Docteur COFFI Jean Paul 1 qui a


bien voulu être de cet ouvrage le premier censeur
même si le temps ne lui a pas permis de s’en
approprier totalement. Ses observations m’ont été
d’une grande utilité dans l’appréhension des
questions soulevées et l’approche des solutions.

1
COFFI Jean Paul est Enseignant-chercheur au CIREJ, UFR/SJAP de l’Université
Félix HOUPHOUET BOIGNY de Cocody/Abidjan.
9

 J’exprime ma gratitude à l’Université des


Lagunes d’Abidjan. Le cours de droit foncier rural
et de crédit agricole, qui m’a été confié par cet
établissement, a fait germer en moi, l’idée d’écrire
ce manuel. J’espère qu’il sera utile aussi bien aux
étudiants de droit qu’à tous ceux qui s’intéressent
à la matière, et qui voudraient avoir un aperçu de
la façon dont les litiges fonciers sont réglés par les
juges après l’adoption de la loi n° 98-750 du 23
décembre 1998 relative au Domaine foncier rural.

 Je voudrais aussi dire merci à l’Institut


National de Formation aux Professions
Judiciaires(INFJ) qui, en me demandant d’animer
le séminaire de droit foncier rural à l’attention des
auditeurs de justice, m’a, sans aucun doute,
définitivement décidé à entreprendre l’écriture de
cet ouvrage qu’il me plait de mettre à la disposition
de nos magistrats en formation et de tous les
praticiens du Droit.

Théodore DAGROU
10

Avant-propos
Cet ouvrage aurait pu s’intituler « Le règlement
judiciaire des litiges en matière de foncier rural » ou
«L’appréciation des litiges relatifs au foncier rural » ou
encore « Le Juge et les questions de terre ». En retenant
« Les juges et les problèmes de terre », j’ai voulu plutôt
susciter à vue d’œil l’intérêt de tous pour ces écrits qui ne
concernent pas que les initiés. Car, ce n’est pas une affaire de
praticiens et autres habitués du droit. On le sait, le langage et
les expressions juridiques ne constituent pas toujours la porte
d’entrée la plus évidente pour saisir les questions juridiques.
Cette formulation m’apparait à la fois attrayante, parce
qu’explicite par elle-même, et expressive du contenu qui n’est
autre que l’examen de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998
relative au Domaine foncier rural à la lumière de la
jurisprudence à laquelle ce texte a donné naissance.

L’idée de publier ce mémento fait suite aux échanges


que j’ai eus avec mes collègues magistrats dans le cadre de
divers séminaires que j’ai eu l’avantage d’animer. Les
discussions ont permis de mettre en évidence les difficultés
des uns et des autres à cerner et à appliquer ce texte; toutes
choses qui montrent la nécessité et l’urgence d’un partage de
nos expériences en la matière. Ayant eu la chance de
pratiquer très souvent cette loi en raison de mon intérêt, qui
est allé croissant de la connaitre davantage, je me suis résolu
à faire une esquisse de l’interprétation que les juges ont ou
devraient faire de ses dispositions.

Pour cela, j’ai visité les décisions rendues, à ce jour,


par la Cour Suprême, les Cours d’Appel d’Abidjan et de Daloa 2

2
Du fait de la fermeture de la Cour d’Appel de Bouaké, suite au conflit armé de
2002, cette juridiction n’a pu connaitre du contentieux sur le foncier rural (tout
comme dans toutes les autres matières d’ailleurs) parce qu’elle n’a pas tout
simplement fonctionné. Toutefois la position des cours d’appel d’Abidjan et de
11

ainsi que la plupart des juridictions de première instance. Le


risque est grand d’essuyer de nombreuses critiques – Et Dieu
seul sait si elles ne seront pas très acerbes. L’initiative est,
sans aucun doute, prétentieuse, d’autant qu’elle s’inscrit dans
une approche à la fois de synthétisation et de critique de ce
qui devrait être plutôt considéré comme des acquis. Comment
(oser) remettre en cause la jurisprudence, y comprise celle du
juge suprême, lui-même, sans courir le risque de se faire
remonter les bretelles (!).

Celui-ci ne se montre-t-il pas catégorique quant au


caractère définitif de sa décision qui épuise le débat
judiciaire ? A cet égard, comme pour rappeler tout le monde à
l’ordre, il écrit, dans l’arrêt Kamagnini Tio contre Ministère de
l’Economie et des Finances, ce qui suit : « Il est de principe
que la chose jugée doit être tenue pour la vérité ; que ce qui a
été jugé ne peut l’être de nouveau ; que ce qui a été jugé ne
peut être contredit ; que ce qui a été jugé doit être exécuté;
que l’autorité de chose jugée est opposable aux juges comme
aux personnes publiques et privées»3?

Au surplus, on peut légitimement douter que l’on


puisse traiter dans un mémento des questions aussi délicates
et cruciales que celles intéressent le foncier rural. Mais peut-
on ou doit-on rester sans réaction quand notre raison ainsi
que notre passion pour la justice et pour les questions portant
sur la terre, nous portent irrésistiblement vers cette
contribution pour l’amélioration de l’acquis ? Et puis, n’est-ce
pas qu’une jurisprudence est toujours celle de son temps ?
N’est-elle pas amenée, naturellement, à évoluer à l’image de la

Daloa reflètent suffisamment celle de la jurisprudence des juges du fond quant à


l’application de la loi foncière de 1998.
3
Cour Suprême, chambre administrative, n° 37/12 du 21 mars 2012, Kamagnini Tio
contre Ministère de l’Economie et des Finance, disponible sur le site internet de la
Cour Suprême.
12

société qui génère, pour ses besoins, les règles de droit que les
juges ont vocation à s’appliquer ?

Je reste cependant convaincu d’une chose. Il faut oser,


et ce, quels que soient la forme de l’écrit et le sujet que l’on
traite. Alors, je ne résiste pas à la tentation (presqu’enivrante
parce que me rappelant les souvenirs d’étudiant à la Fac de
Droit) de paraphraser Professeur de Droit, le Doyen Francis
WODIE. Tentante, l’entreprise ne laisse moins d’être
compromettante. L’hésitation délicatement vaincue, je
m’engage, en même temps que je m’expose inévitablement à
faire ici mieux que n’eussent fait plusieurs, voire tous4.

Je me sens d’autant plus libéré de cette anxiété qu’en


décidant de publier cet ouvrage, mon souci est plutôt de
planter le décor sur la problématique de l’appropriation de la
loi foncière de 1998 par les juges. Susciter le débat pour des
discussions enrichissantes, tel est, en effet, mon objectif. Et
cette détermination se décuple à l’idée que ces écrits pourront
bénéficier de la contribution des uns et des autres. C’est dire
que ma satisfaction sera encore plus grande si ces lignes
suscitent des critiques constructives.

C’est une évidence. C’est ensemble que nous pourrons


améliorer la compréhension, voire le contenu, de la loi n° 98-
70 du 23 décembre 1998 relative au Domaine foncier rural.
Créer les conditions d’une meilleure interprétation et, partant,
d’un règlement judiciaire satisfaisant des problèmes en
matière de foncier rural, voilà donc la voie sur laquelle je
voudrais me permettre, humblement, d’engager les plumes et
les voix.

Théodore DAGROU

4
Wodié et Bléou, La Chambre Administrative de la Cour Suprême et sa
jurisprudence, Anales de l’Université d’Abidjan, 1981, Série A (Droit)- Volume 6.
13

Section I :
-------
La jurisprudence relative à la loi de 1998

1. Sur l’applicabilité de la loi de 1998

a) Observations

(1) Contrairement à la position qui a été souvent celle de


certaines juridictions, le code foncier rural 5 institué par la loi
n° 98-70 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier
rural est applicable depuis sa promulgation. La raison est
simple. Il ne faut pas confondre l’application d’un texte avec
son applicabilité6. Tandis que l’application est de l’ordre de la
pratique, et se traduit essentiellement par la mise en œuvre
du texte qui révèle éventuellement des difficultés pouvant
contrarier son effectivité, l’applicabilité renvoie à son
caractère contraignant, lequel résulte de sa promulgation par

5
Certains estiment que l’on ne devrait pas parler de code foncier rural mais plutôt
s’en tenir à l’appellation retenue par le législateur. Si cette position peut se justifier
(dans la mesure où la plupart des codes sont constitués de plusieurs textes
législatifs et/ou réglementaires), il reste qu’elle pèche par un rigorisme juridique.
En effet, non seulement la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998, relative au domaine
foncier rural comporte de nombreux articles, qui sont autant de textes, mais elle a
fait également l’objet de plusieurs modifications. A cet égard, on peut relever les
textes de lois portant révision des articles 26 et 6. A cela s’ajoutent de nombreux
décrets et arrêtés d’application. Par ailleurs, si l’on part de l’idée qu’un code est
appelé à régir une seule et même matière, on peut dire qu’à partir du moment où la
loi foncière de 1998 est consacrée aux terres rurales dont elle cerne et régit tous les
aspects, elle peut être considérée comme un code. D’ailleurs, le législateur lui-
même a intitulé la loi modifiant l’article 26 comme suit : « Loi n° 204-412 du 14
août 2004, portant amendement de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998, portant
Code foncier rural »
6
Sur le sens et la portée de la promulgation et l’applicabilité, voir Gérard Cornu,
Vocabulaire juridique, éd. puf, 8e édition, 2008, p.732 (promulgation) et p.64
(applicabilité).
14

l’autorité compétente pour ce faire, à savoir le Président de la


République7. Pour mieux le comprendre, il faut sen référer à
la loi du 20 mars 1963 portant code foncier rural. Ce texte,
qui a été régulièrement voté par les députés, n’a pas pu
s’appliquer faute d’avoir été promulgué 8.

(2) Certes, certaines de ses dispositions n’ont pu être mises en


œuvre aussitôt, ou continuent de ne pas l’être, en l’absence
des textes d’application ou du fait de l’intervention tardive de
ceux-ci9. Il reste cependant que les droits coutumiers

7
Aux termes de l’article 41 alinéa 2 de la Constitution ivoirienne, le Président de la
République « assure la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la
transmission qui lui en est faite par le Président de l'Assemblée nationale.»

8
Dans la pratique, l’on a constaté que les principes que véhiculait la loi non
promulguée du 20 mars 1963 ont été mis en application et ont servi de base au
règlement des litiges fonciers par les juridictions. En témoignent les nombreuses
décisions qui reconnaissent des droits coutumiers aux occupants de terres rurales
du seul fait de la mise en valeur. Cour d’appel de Daloa, n° 11/11 du 12 janvier
2011, Gnebehi Blehiri François contre Dubro Gobro : « Considérant qu’il ressort
des rapports d’enquêtes agricoles (…) et des témoignages constants que Dubro
Goro, l’intimé, occupe la parcelle litigieuse conformément aux us et coutumes et l’a
mise en valeur, antérieurement à l’arrivée de l’appelant sur les lieux ; que
l’occupation antérieure et la mise en valeur de la parcelle querellée, ont conféré à
l’intimé un droit d’usage justifiant son action en expulsion sur ladite parcelle. Dans
le même sens et mêmes termes, Cour d’Appel de Daloa, arrêt n° 173/11 du 27 juillet
2011 : « Considérant qu’il résulte des réclamations des appelants, des témoignages
ainsi que du rapport de mise en état produit au dossier que l’intimé et les siens
occupent la parcelle litigieuse puis de nombreuses années et l’ont mise en valeur en
y pratiquant diverses cultures au contraire des appelants qui n’y ont aucune
réalisation ; Considérant que cette mise e valeur leur confère sur ladite parcelle, un
droit d’usage coutumier ; que c’est en bon droit par conséquent que le premier juge
a ordonné la cessation des troubles causés à l’intimé. »

9
On observera, par exemple, que les comités villageois de gestion foncière rurale,
chargés pourtant de conduire les opérations d’identification des parcelles de terre
du domaine foncier rural en vue de la sécurisation des droits fonciers n’ont pas été
tous installés, quand ceux qui l’ont été ne sont pas toujours fonctionnels.
15

constituent des aspects de la loi. Ils peuvent et ont pu


valablement fonder des actions en justice. En témoignent les
décisions rendues par les juridictions du fond, du reste très
abondantes, qui sont basées sur l’existence et la
reconnaissance des droits coutumiers.

b) Quelques décisions illustratives.

(1) La Cour Suprême a tenu à affirmer l’applicabilité de la loi


foncière de 1998 dans l’arrêt Valentin André contre Lobognon
Yorokoé Norbert. Elle relève en effet ce qui suit :

« Considérant qu’en confirmant la décision du Tribunal


qui a constaté que Lobognon Yorokoe tient ses droits
coutumiers sur la parcelle, de ses ancêtres par voie de
succession, comme le consacre la loi n 98-750 du 23
décembre 1998 relative aux droits coutumiers sur les terres
du domaine foncier rural dont les dispositions ne sont pas
contraires à l’article 83 du décret du 26 juillet 1932, la Cour
d’appel n’a point violé les textes susvisés »10

(2) Cette jurisprudence a été suivie par la plupart des


juridictions du fond dans de nombreuses décisions. En effet,
celles-ci ont consacré la propriété coutumière des parties et
reconnu des droits coutumiers aux occupants. A cet égard, on
peut citer l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Daloa, n°50/12
du 8 février 2012, dans l’affaire Feyaka Bogou Augustin
contre Fuyt Gunther :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et


notamment du procès-verbal d’enquête agricole que la
parcelle de terre litigieuse d’une superficie de 85 hectares a
été cédée par feu Dakpa Feyaka à Fuyt Gunther ;

10
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 p.26.
16

Considérant que cette cession, qui du reste est


conforme aux dispositions de l’article 3 de la loi n°98-750 du
23 décembre 1998 portant code foncier rural opère, transfert
des droits coutumiers détenus sur cette parcelle de terre au
profit du cessionnaire» 11.

Dans la logique de cette jurisprudence, la même


juridiction a reconnu les droits coutumiers tels que consacrés
par la loi foncière de 1998. C’est ce qui ressort de l’arrêt rendu
dans la cause Dago Gbogbo contre Nebi Dibo Dominique et
autres du 9 mai 201212:

« Considérant qu’il est constant ainsi que cela ressort


des pièces du dossier et notamment des divers témoignages
recueillis au cours de l’enquête agricole ordonnée par le
premier juge, que la famille de Bodoua dont fait partie Nébi
Dido Dominique, est détentrice de droits coutumiers sur la
parcelle de terre litigieuse; que c’est à tort, par conséquent,
que les appelants qui ne justifient d’aucun titre ni droit
tentent de s’opposer à la demande en expulsion formulée
contre eux. »

2) Sur la rétroactivité de la loi foncière de


1998.

(1) Le problème de la rétroactivité de la loi de 1998 doit être


mise en relation avec les dispositions de l’article 3 du code
foncier rural qui dispose que « Le Domaine foncier rural
coutumier est constitué par l’ensemble des terres sur lesquels
s’exercent : des droits coutumiers conformes aux traditions ;
des droits coutumiers cédés à des tiers ». La question est de
savoir si ce texte consacre la reconnaissance des cessions de
terres coutumières faites antérieurement à l’adoption de la loi
de 1998, et ce, malgré les dispositions de l’article 2 du décret

11
Cour d’Appel, n°50/12 du 8 février 2012, Feyaka Bogou Augustin contre Fuyt
Gunther (inédit).
12
Cour Suprême, Chambre Judiciaire, 9 mai 2012, Dago Gbogbo contre Nebi Dibo
Dominique et autres (inédit).
17

de 1971 n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux procédures


domaniales et foncières, qui interdisent les cessions, sous
quelque forme que ce soit, des droits coutumiers exercés sur
une parcelle de terre du domaine foncier rural coutumier. Au
contraire, doit-on dire que le terme « droits coutumiers cédés à
des tiers » ne s’applique qu’aux cessions de terres conclues
depuis l’entrée en vigueur de ladite loi ?

La question a son importance. En effet, le texte ne


parle pas de droits coutumiers qui seront cédés à des tiers »,
auquel cas cette disposition ne devrait pas être comprise
comme se limitant aux seules cessions intervenues depuis le
14 janvier 1999 (date d’entrée en vigueur de la loi foncière de
1998). L’usage du participe passé (cédé) donne à penser que
le législateur, prenant acte de ce qu’il ne pouvait ignorer plus
longtemps encore les droits coutumiers, a tout simplement
décidé de les reconnaitre13.

(2) La position de la Cour suprême est loin cependant d’être


arrêtée au regard des hésitations observées dans sa
jurisprudence. En effet, tantôt elle affirme que les cessions de
terres coutumières ne sont pas valables, tantôt elle se fonde
sur les droits coutumiers résultant pourtant de ces cessions.

Ainsi, dans l’arrêt n° 203/07 du 12 avril 2007, rendu


dans la cause Sawadogo Mamadou contre Yeye Kouadio
Boniface, la haute cour précise-t-elle que la loi de 1998 n’est
pas rétroactive en tirant toutes les conséquences:

« La loi ne disposant que pour l’avenir aux termes de


l’article 2 du code civil, la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998
portant Domaine foncier rural ne régit pas les transactions

13
Sur la reconnaissance et la consolidation ou la consécration des droits
coutumiers, voir Kobo Pierre Claver, La loi n 98-750 du 23décembre 1998 sur le
domaine foncier rural, une lecture critique d’une loi ambiguë, Regards sur…Le
Foncier Rural en Côte d’Ivoire, Institut Africain pour le Développement
Economique et Social (INADES), Les Editions du CERAP, p.21 et suivantes.
18

passées antérieurement à cette loi ; qu’il s’ensuit que le décret


n° 71-74 du 16 février 1971 sous l’empire duquel ces
transactions ont été conclues est applicable en la cause
quoiqu’abrogé par la loi précitée. »

(3) Seulement, on observe que dans certaines de ses


décisions, le juge suprême raisonne par rapport aux droits
cédés avant la loi de 1998 et tire toutes les conséquences de
droit à l’occasion des demandes en expulsion ou en cessation
de troubles introduites par des bénéficiaires de tels droits par
l’effet de cessions de terres intervenues avant 1998.

A cet égard, on peut relever l’arrêt rendu par la


Chambre judiciaire de la Cour Suprême, le 3 février 2011
dans l’affaire Kouassi N’Zué contre les A.D. de feu Kouassi
Michel. Après avoir rappelé les termes du litige né de la
revendication d’une parcelle de terre qui avait fait l’objet de
cession courant février 1980, par acte sous seing privé (donc
en violation des dispositions du décret de 1971 suscité), au
profit de feu Kouassi N’Zué qui y avait créé une plantation,
elle a jugé que l’occupant devait être maintenu sur les lieux
parce qu’il avait acquis des droits d’usage coutumiers 14:

« Attendu que pour solliciter l’expulsion de Kouassi


N’Zué de l’exploitation agricole en litige, les héritiers de feu
Kouassi N’Guessan Michel soutiennent que leur auteur en
était le propriétaire ;

Mais attendu qu’il résulte du procès verbal d’enquête


agricole que Kouassi N’Zué est bénéficiaire du droit d’usage
sur la parcelle litigieuse; qu’ainsi, les AD de Kouassi
N’Guessan étant mal venus à solliciter son expulsion, il
convient de les débouter de leur demande. »15

14
Cour Suprême, Chambre judicaire, n° 50/11 du 3 février 2011, Kouassi N’Zué
contre les A.D. de feu Kouassi Michel (inédit).
15
Cour d’Appel de Daloa, n° 203/07 du 12 avril 2007, Sawadogo Mamadou contre
Yeye Kouadio Boniface (inédit).
19

De même, dans l’arrêt intervenu dans la cause ABOLI


Akisi et autres contre AMANI Owehi Gérad, la même
juridiction avait reconnu implicitement la validité de la
cession de terre nonobstant le décret suscité. Elle a, en effet,
reconnu les droits coutumiers de l’une des parties consécutifs
à une donation16.

(4) La même hésitation a été observée dans la jurisprudence


de la Cour d’Appel de Daloa. Ainsi, dans l’affaire Dame Guédé
Migui Juhe et autres contre AD de feu Yameogo 17, cette
juridiction a-t-elle estimé que les cessions de terres faites
antérieurement à l’avènement de la loi foncière de 1998
étaient inopérantes parce que contraires au décret 71-74 du
16 février 1971 interdisant tout transfert de droits
coutumiers18 :

« Considérant que Dame Guédé Migui et ses frères, qui


revendiquent la parcelle de terre litigieuse comme un bien
successoral de leur défunt père, n’ont étayé leurs allégations
par aucun élément de preuve ; qu’il est en revanche constant
comme résultant des éléments du dossier que feu Yaméogo
Ouanga, père des intimés, a acquis cette parcelle d’une
contenance de 5 ha 32 ares, de feu Lida Nicolas et l’a mise en
valeur en y créant une hévéaculture ; qu’il ressort de ce qui
précède, qu’au contraire des appelants, le droit coutumier et

16
Cour Suprême, Chambre Judiciaire, n° 337/2010 du 10 mai 2010, ABOLI Akisi et
autres contre AMANI Owehi Gérad (inédit).
17
Cour d’Appel de Daloa, 22 janvier 2011, Dame Guédé Migui Juhe et autres
contre AD de feu Yameogo (inédit).

18
Aux termes de l’article 2 décret n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux procédures
domaniales et foncières, « Les droits portant sur l’usage du sol, dits droits d’usage
coutumiers, sont personnels à ceux qui les exercent et ne peuvent être cédés à
quelque titre que ce soit. Nul ne peut se porter cessionnaire desdits droits sur
l’ensemble du Territoire de la République. »
.
20

le droit d’usage de feu Yaméogo Ouanga, l’auteur des intimés


est suffisamment attesté sur la parcelle querellée ; que c’est à
bon droit que les premiers juges ont débouté Dame Guédé
Migui Juhe et ses frères de leur action quant à ce chef de
demande. »

On observera ici que le juge de l’appel dit une chose et


son contraire. En effet, en relevant que « le père des intimés a
acquis cette parcelle de terre », il se base, en réalité, sur le
transfert des droits exercés sur le terrain dont s’agit. Mais
dans le même temps, il fait référence à la mise en valeur du
terrain pour reconnaitre plus de droits à l’une des parties. Ce
faisant, il en fait une condition d’accès à la terre.

(5) Fort heureusement cette jurisprudence a été abandonnée


depuis lors. Désormais, la même juridiction n’hésite plus à
reconnaitre les transferts de droits coutumiers au profit des
cessionnaires. C’est ainsi que l’on peut lire ce qui suit dans
l’arrêt Ayants-droit de feu Amessan Odibo Josué contre
BAGOUEHI Gatte Josue Grégoire, rendu le 24 avril 2013 :

« Considérant que pour s’opposer à la demande en


expulsion des intimés, les ayants-droit de feu Amessan Odibo
Josué font valoir que le domaine forestier était la propriété
coutumière de leur défunt père ;

Mais considérant que dans ses conclusions en date du


07 Mai 2003 produites au dossier, ce dernier avait lui-même
reconnu avoir cédé ce site à feu Téty Ba Gohi, père des
intimés ; Que cette cession opère transfert des droits
coutumiers détenus par le cédant sur ledit terrain, au profit
du cessionnaire et au décès de ce dernier, à ses ayants-droit ;
Que les héritiers du cédant sont donc mal venus, à
revendiquer ces droits dont leur géniteur a cessé d’être
titulaire, du fait justement de la cession opérée ; Qu’il s’ensuit
que c’est à bon droit, que le premier juge a ordonné leur
expulsion ; Que la décision querellée doit donc être confirmée
en toutes ses dispositions. »
21

(6) Au regard de ces contradictions, avec l’affirmation d’une


position et son contraire par le juge du fond et par la Cour
Suprême, quelques observations s’imposent : De deux choses
l’une, ou bien les juges ne reconnaissent pas les droits cédés
antérieurement à la loi de 1998 et alors rejettent toutes les
actions qui s’y fondent, ou bien ils acceptent que la volonté du
législateur a été de faire rétroagir la loi, auquel cas ils avisent
et apprécient conséquemment les litiges qui leur sont soumis.

Que retenir ? Pour répondre à cette préoccupation, il


faut partir de l’idée que le principe de la non-rétroactivité est
posé par l’article 2 du code civil qui dispose : «La loi ne
dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif». Il en
résulte que cette règle repose sur deux idées essentielles : la
sécurité juridique et la protection individuelle.

D’abord, il ne faut pas permettre que l’on remette en


cause les droits acquis du fait de l’adoption de règles
nouvelles. Ensuite, il faut protéger les individus tant dans
leurs personnes que dans leurs biens en les mettant à l’abri
des désagréments que pourrait engendrer l’adoption de
dispositions prenant en compte des situations et des
comportements passés. Il en résulte qu’un texte peut recevoir
application dès lors qu’il ne transgresse pas les deux principes
susmentionnés.

Si la donc disposition nouvelle a pour objet ou


conséquence de protéger des droits acquis, rien ne s’oppose à
ce qu’elle reçoive application. On estime, effet, et à juste titre
d’ailleurs, que la loi nouvelle étant, par définition, meilleure à
loi ancienne, l’appliquer en la faisant rétroagir relève plutôt du
bon sens. Il en va notamment ainsi lorsque son application ne
crée pas l’insécurité juridique mais, au contraire, renforce les
droits des uns et des autres19.

19
Sur le fondement du principe de la non-rétroactivité, voir Vocabulaire juridique,
Gérard Cornu, PUF, 1987, p.616.
22

(7) Or justement, dans le cas d’espèce la reconnaissance des


cessions opérées avant l’entrée en vigueur de la loi susdite ne
vise qu’à à consolider et à protéger les droits des
cessionnaires. En aucun cas donc ce texte ne remet en cause
les droits acquis par ces derniers. Au contraire, il est salutaire
pour les bénéficiaires desdits droits en ce qu’il met fin à la
précarité des avantages résultant des conventions que ces
derniers ont passées avec les propriétaires coutumiers.

Au surplus, les dispositions de l’article 2 du code civil,


quoique d’ordre public, n’ont ni une valeur constitutionnelle 20
ni une portée absolue. C’est ce que le Conseil Constitutionnel
français a reconnu dans son arrêt rendu le 7 juin 1901 : « Une
loi ne sera considérée comme dérogeant à la règle ordinaire
que si le législateur a manifesté nettement sa volonté en ce
sens dans la loi nouvelle. »21 C’est dire qu’une autre loi peut
bien remettre en cause cette disposition.

Cette jurisprudence, qui est parfaitement applicable en


Côte d’Ivoire en vertu du principe de la reconduction
législative22. C’est dire que le législateur ivoirien peut de façon
souveraine et tout à fait légale décider d’aller dans ce sens. Tel
nous semble le cas de la loi de 1998 sur le foncier rural.

(8) On pourrait objecter que cette volonté n’est pas


expressément exprimée dans ladite loi. Il reste cependant
qu’elle s’induit suffisamment de la philosophie qui sous-tend
l’élaboration et le vote de ce texte23. Il s’agit de prendre en

20
Conseil Constitutionnel (français), 9 janvier 1980, 22 juillet 1980, 30 décembre
1980, Rec. p. 29, 46, 53, D, 1981, 359.

21
Cour de Cassation, civ., 7 juin 1901, DP. 1902, 1, 105.
22
Aux termes de l’article 133 de la Constitution, « La législation actuellement en
vigueur en Côte d'Ivoire reste applicable, sauf l'intervention de textes nouveaux, en
ce qu'elle n'a rien de contraire à la présente Constitution.
23
Sur ce point, voir Kobo Pierre Claver, La loi n 98-750 du 23décembre 1998 sur le
domaine foncier rural, une lecture critique d’une loi ambiguë, Regards sur…Le
Foncier Rural en Côte d’Ivoire, Institut Africain pour le Développement
23

compte les droits coutumiers et de les reconnaitre24. Mais elle


résulte également de la lettre même de ce texte. En effet,
l’usage du participe passé «cédé» à l’article 3 (droits
coutumiers cédés à des tiers), ne s’applique qu’aux situations
passées25. Cette disposition renvoie donc nécessairement aux
droits conférés à des tiers suite à des cessions intervenues
entre ceux-ci et les propriétaires.

Enfin, on peut noter que la position, selon laquelle les


transferts de droits coutumiers opérés antérieurement à la loi
de 1998 sont valables, s’appuie sur la notion d’« exercice
paisible continue des droits coutumiers », consacrée par le
législateur à l’article 17 de ladite loi suscitée26. Il s’agit là
encore de la preuve de la reconnaissance, par le législateur,
des transferts des droits malgré l’interdiction du décret de
1971. Car, ce sont justement lesdits droits qui doivent faire
l’objet de constatation en vue de délivrance du certificat
foncier ?

A cet égard, on peut citer l’arrêt rendu par la Cour


Suprême, le 16 novembre 2007, dans la cause Doubahi Atsé

Economique et Social (INADES), Les Editions du CERAP, p.21 et suivantes ;


également Léon Zalo : « La loi ne donne pas une nouvelle définition des droits
coutumiers. Elle les reconnaît et reconnaît les cessions qui ont été faites sur la base
des droits coutumiers ». Regards sur…Le Foncier Rural en Côte d’Ivoire, Institut
Africain pour le Développement Economique et Social (INADES), Les Editions du
CERAP, p.17 et suivantes.
23
Aux termes de l’article 2 du code civil selon lesquelles «La loi ne dispose que
pour l’avenir ; elle n’à point d’effet rétroactif ».

25
Sur la recherche par le juge de la volonté du législateur de voir rétroagir la loi nouvelle,
voir J.L. AUBERT et E. SAVAUX, Introduction au droit, Sirew, 12e édition, 2008, p. 98.

26
Aux termes de l’article 7, « Les droits coutumiers sont constatés au terme d’une
enquête officielle réalisée par les Autorités administratives ou leurs délégués et les
conseils des villages concernés soit en exécution d’un programme d’intervention,
soit à la demande des personnes intéressées. »
24

Paul-Debagah Louis et autres contre N’Da Becho 27 . Ici, elle


reconnait implicitement le transfert de droits coutumiers fait
antérieurement à la loi de 1998 dans la mesure où il consacre
le droit de l’occupant qui a acheté la parcelle de terre
litigieuse, de demander le déguerpissement de toute personne
qui lui dispute le terrain ainsi acquis.

« Attendu qu’il résulte du procès-verbal n°


130/DDARA-ADZ de litige foncier établi par le bureau des
Affaires Domaniales et Rurales d’Adzopé le 17 juillet 1998
suite à l’expertise agricole ordonnée par le Tribunal d’Adzopé
et du procès-verbal de mise en état daté du 28 Avril 2003
ordonnée par la Cour d’Appel d’Abidjan, que les demandeurs
au pourvoi ainsi que leurs parents et grands-parents ont
toujours cultivé les parcelles litigieuses depuis plusieurs
générations ; que le défendeur au pourvoi N’DA Becho a
racheté à 125 000 F la parcelle de colatiers de SEKA Ohoueu
représentée sur le plan du service agricole d’Adzopé par le
numéro SP6 d’une superficie de 2,16 ha ; que dès lors, la
demande en expulsion de N’DA Becho n’est fondée qu’à l’égard
de ce dernier à l’exclusion de DOUBAHI Atsé Paul, KOFFI
Yapo Bernard, BEDAGA Louis, MOBIO Agnan Alain et AGNIE
Assamoi.»

(9) Au regard de tout ce qui précède, on peut dire que la loi


foncière de 1998 est venue, en quelque sorte, rétablir le
propriétaire coutumier dans ses droits et le cessionnaire dans
les siens. Ce dernier pourra donc exploiter la parcelle de terre
qu’il occupe en étant juridiquement protégé. Pour toutes ces
raisons, l’on devrait admettre que la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 est rétroactive.

27
Cour Suprême, Ch. Judiciaire, n°66/07, 16 novembre 2007, Doubahi Atsé Paul-
Debagah Louis et autres contre N’Da Becho (inédit).
25

3) Sur la définition du domaine foncier


rural

Le champ d’application de la loi de 1998 a été


suffisamment précisé par le législateur. En faisant du
domaine foncier rural « une catégorie résiduelle », il permet de
bien identifier les terres rurales puisqu’il suffit tout
simplement d’exclure les terres déjà connues, comme
appartenant à d’autres catégories, pour déterminer celles qui
en font partie.

L’intérêt pratique et juridique pour les juridictions,


c’est que lorsqu’une action en justice s’appuie sur cette loi
alors que le litige concerne l’une des catégories exclusives, tel
que le domaine forestier rural de l’Etat, elle ne pourra pas
prospérer. Par exemple, les demandes en expulsion formulées
contre des personnes occupant une partie des plages ou des
terres en forêt classée, doivent être déclarées irrecevables ou,
à tout le moins, rejetées car mal fondées. Car, dans une telle
hypothèse, les requérants n’ont pas un intérêt à agir ou la
qualité pour agir contrairement à ce que prévoient les
dispositions de l’article 3 du code de procédure civile,
commerciale et administrative.

4) Sur la définition des droits coutumiers

(1) A priori la définition de la coutume n’est pas aisée dès lors


qu’il n’est pas possible de dire avec précision à quand remonte
sa constitution. On ne peut alors que se référer aux
témoignages et se fier aux déclarations des sachants. Pour ce
faire, l’on recourra utilement aux dépositions des chefs de
villages, des chefs de terre qui sont souvent des témoins
privilégiés de l’histoire.

D’ailleurs, les juridictions ne s’en privent pas lors du


règlement des litiges fonciers. Aussi bien le juge du fond (juge
d’instance et le juge de l’appel) que le juge de la forme (Cour
Suprême), appréhendent les droits coutumiers en ayant
recours à ces sources d’information. A cette occasion, ils
26

s’appuient sur les procès verbaux de transport sur les lieux,


sur les résultats des enquêtes ainsi que sur les témoignages
faits par les dépositaires des informations portant sur les
parcelles de terre coutumières.

(2) Dans la cause Madame Nemlin Houandé Henriette, épouse


Diahi Nessero contre Ouyou Tougbaté et autres, la Cour
Suprême a rendu le 12 juillet 2012 un arrêt suffisamment
illustratif de la volonté du juge de prendre en considération la
coutume, et plus précisément la coutume locale, pour
apprécier les litiges fonciers en application des dispositions
des articles 2 et 3 de la loi foncière de 1998.

« Considérant que (…) selon les coutumes kroumens,


en usage, la succession des terres dans cette région ne se
faisait pas par la mère mais, par le père, lequel est, en
l’espèce, du village de Nané ; que dès lors, Madame Nemlin
Henriette, épouse Diahi Nessero, qui est reconnue par
l’enquête comme étant descendante de Ablo Djirobo et
propriétaire coutumière des terres litigieuse, est fondée à
demander le déguerpissement de ces lieux, d’Ouyou Tougbaté
Bernard, Soumahoro Bouaké, Koffi Joseph et, de tous
occupants de leur chef. »28

(3) C’est dans ce sens que s’est également orientée la Cour


d’Appel de Daloa qui a recherché les éléments de la coutume
qui permettaient de s’assurer de l’existence de droits
coutumiers et de la propriété coutumière, pour solutionner le
litige à elle soumis.

« Considérant que Goré Bi Bli Roméo fait grief au


premier juge d’avoir ordonné son expulsion alors qu’il est le
véritable propriétaire coutumier de la parcelle de terre
litigieuse ;

28
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 525/12 du 12 juillet 2012, Madame Nemlin
Houandé Henriette, épouse Diahi Nessero contre Ouyou Tougbaté et autres (inédit).
27

Mais considérant qu’il appartient à celui qui


revendique un droit d’en faire la preuve ; Qu’en l’espèce, non
seulement l’appelant ne rapporte pas la preuve de ses
allégations, mais aucun indice ne confirme que sa famille a
toujours adoré la rivière « Vroh », comme il le prétend,
consacrant ainsi selon la coutume, à supposer celle-ci établie,
la qualité de propriétaire du site litigieux de ladite famille ;
Que c’est donc à bon droit que le premier juge a ordonné son
expulsion.»29

5) Sur les conséquences juridiques liées à


la notion de « droits coutumiers
conformes aux traditions »

Dans la cause Madame Nemlin Houandé Henriette,


épouse Diahi Nessero contre Ouyou Tougbaté et autres, la
Cour Suprême s’est appuyée sur la coutume locale pour
apprécier les droits fonciers exercés par les parties30:

« Considérant que, du rapport de l’enquête agricole il


ressort que la parcelle litigieuse relève du territoire du village
de Hinklo et non de Nané, ainsi que l’ont déclaré les douze
villages de la tribu Oulepo, et, que, là où réside Oyou
Tougbaté Bernard se trouvait à l’époque le campement de
Gnaoue Hié Gnepa de Hinklo ; que s’il est vrai que le père de
Ouyou Tougbaté avait son campement sur ces terres, c’était

29
Cour d’Appel de Daloa, n° n°181/12 du 30 mai 2012, Goré Bi Bli Roméo contre
Zou Bi Golai (inédit).

30
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 525/12 du 12 juillet 2012, Madame Nemlin
Houandé Henriette, épouse Diahi Nessero contre Ouyou Tougbaté et autres
(inédite). Cette décision montre bien que certaines dispositions sont de nature à
mettre à mal la mise en œuvre de la loi de 1998 sur le foncier rural. En effet, se
déterminant par rapport aux « coutumes kroumens (selon lesquelles), la succession
des terres dans cette région ne se faisait pas la mère mais, par le père », le juge
suprême ne fait que confirmer les risques d’interprétations divergentes de la loi
susdite selon les régions et de discrimination entre les ivoiriens pour l’accès aux
droits coutumiers.
28

par la seule volonté de ses parents maternels pour y faire


uniquement, des cultures vivrières et nourrir sa famille ; qu’il
n’aurait jamais pu hériter de ces terres puisque, selon les
coutumes kroumens, en usage, la succession des terres dans
cette région ne se faisait pas par la mère mais, par le père,
lequel est, en l’espèce, du village de Nané ; que dès lors,
Madame Nemlin Henriette, épouse Diahi Nessero, qui est
reconnue par l’enquête comme étant descendante de Ablo
Djirobo et propriétaire coutumière des terres litigieuse, est
fondée à demander le déguerpissement de ces lieux, de Ouyou
Tougbaté Bernard, Soumahoro Bouaké, Koffi Joseph et, de
tous occupants de leur chef. »

6) De la terminologie applicable aux droits


coutumiers

(1) On retrouve indifféremment les termes « droits d’usage


coutumiers » et « droits coutumiers » dans les décisions de
justice intéressant le foncier rural. A priori, cela ne devrait
pas préoccuper outre mesure dès lors que ces éléments ne
peuvent servir de fondement à un recours contre le jugement.
Toutefois pour être plus précis (caractéristique première du
juriste et, plus encore du magistrat), il est bon de faire la part
des choses avec l’avènement de la loi de 1998. En effet, tandis
que l’article 2 du décret n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux
procédures domaniales et foncières consacre le terme « droits
d’usage coutumier »31, la loi de 1998 parle tout simplement de
« droits coutumiers. »

(2) Ainsi peut-on lire à l’article 3 que «Le Domaine foncier rural
coutumier est constitué par l’ensemble des terres sur lesquels
s’exercent : des droits coutumiers conformes aux traditions ;
des droits coutumiers cédés à des tiers. » Aussi, pour être en
phase avec le législateur, il faudrait plutôt écrire désormais
« droits coutumiers ». D’ailleurs, ce terme parait plus indiqué

31
Pour rappel, ce texte est ainsi libellé : « Les droits portant sur l’usage du sol, dits
droits d’usage coutumiers, sont personnels à ceux qui les exercent et ne peuvent être
cédés à quelque titre que ce soit. Nul ne peut se porter cessionnaire desdits droits
sur l’ensemble du Territoire de la République. »
29

s’agissant des droits exercés. Car le texte suscité ne limite pas


l’occupation de la terre coutumière au seul usage mais l’étend
également à la propriété de celle-ci.

7) De la gestion des biens fonciers


lignagers

(1) Plusieurs questions se posent ici. D’abord, on peut se


demander si les actes accomplis par un seul membre de la
famille sont opposables aux autres ? La réponse n’est pas
uniforme. « Certaines juridictions ont estimé que les actes de
disposition ou d’aliénation posés dans ces conditions sont
opposables à tous. D’autres, par contre, ont jugé que les actes
du gestionnaire des terres rurales ne lient pas ses autres
cohéritiers »32.

Pour répondre à cette interrogation, il faut s’en référer


aux règles de droit applicables en matière de biens indivis. En
principe, le gestionnaire d’un tel bien n’a que des pouvoirs
d’administration. En conséquence, s’il lui est loisible
d’entreprendre, soit à la demande de tous, soit de son propre
chef, tous actes de restauration ou de conservation, il ne
peut, par contre aliéner ce patrimoine commun sans l’accord
express de ses co-indivisaires. Sinon, il aura vendu un bien
qui ne lui appartient pas (seul). Et l’acte accompli pourra être
annulé à la demande des autres héritiers33.

(2) Ensuite, Qui peut représenter les propriétaires d’un bien


lignager ? A priori, la question ne devrait pas se poser dans la
mesure où les dispositions de la loi de 1998, qui
reconnaissent le droit coutumier, renvoient à la coutume. En
effet, définissant le domaine foncier coutumier, en tant que
composante du domaine foncier rural, l’article 3 dispose : « Le
Domaine foncier rural coutumier est constitué par l’ensemble
des terres sur lesquels s’exercent : des droits coutumiers

32
Sur ce point, voir Cour Suprême, Ch. Judiciaire, 125/13 du 7 mars 2013.
33
Sur les conséquences juridiques de la vente des biens d’autrui, voir point 20.
30

conformes aux traditions (et) des droits coutumiers cédés à


des tiers ».

Or, la coutume règle cette question en désignant celui


qui doit gérer, pour le compte de tous, le patrimoine foncier
familial ou communautaire. Il suffira donc d’interroger les us
et coutumes pour identifier cette personne. C’est aussi de
cette façon qu’il faudra procéder pour apprécier les pouvoirs
de celui-ci dans la mesure où ceux-ci sont également précisés
par la tradition.

Mais cela signifie aussi qu’il faut distinguer les biens


lignagers, qui sont soumis à la coutume, et les biens
appartenant en propre au gestionnaire. Pour la dernière
catégorie des biens fonciers, la gestion échappe à la coutume,
du moins quant à la dévolution successorale. Ici, les enfants
du défunt viennent en premier à la succession selon l’ordre de
succession établi par la loi n° 64-379 du 07 0ctobre 1964
relative aux successions. C’est ce que rappelle la Cour
Suprême dans son arrêt intervenu l’affaire AMAN Louis et
autres contre SOMIAN Messou34. Ici, la haute cour a
implicitement reconnu le droit de représentation de l’héritier
coutumier par rapport aux biens fonciers lignagers :

« Attendu que pour statuer comme elle l’a fait, la Cour


d’Appel a estimé que AMAN Louis avait la qualité de chef de la
famille MESSOU dont les terres sont les biens lignagers
soumis au droit coutumier et qu’il est fondé à solliciter le
déguerpissement de SOMIAN Messou ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi sans établir la


qualité d’héritiers de AMAN Louis et autres de MESSOU
Menlin, créateur du patrimoine litigieux, la Cour d’Appel a,
par insuffisance de motifs, privé sa décision de base légale ;

34
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 123/13 du 23 mars 2013, AMAN Louis et
autres contre SOMIAN Messou (inédit).
31

que le moyen est fondé ; qu’il y a lieu de casser et annuler


l’arrêt attaqué et d'évoquer… »

(3) Comme on peut le constater, la haute Cour et le juge de


l’appel sont en phase dans une certaine mesure. Les deux
juridictions reconnaissent et consacrent les biens lignagers en
même temps qu’elles admettent leur mode de transmission. Le
reproche qui est fait à la juridiction de second degré concerne
moins le mode de gestion des biens lignagers que la
détermination de l’héritier coutumier qui doit les administrer
selon la coutume.

Cette position parait justifiée au regard des


dispositions mêmes de la loi. En effet, si l’on admet que le
droit coutumier, ainsi reconnu par le législateur, fixe à la fois
les règles d’acquisition et de dévolution des terres
coutumières, et donc le mode de gestion de celles-ci, on doit
conséquemment se convaincre que le droit de défendre les
intérêts sur ces biens, existe au profit des personnes
désignées pour les administrer au nom et pour le compte de la
communauté.

En tout cas, il doit en être ainsi jusqu'à ce que les


parcelles de terre concernées fassent l’objet d’un titre de
propriété au sens moderne du terme (avec l’établissement du
certificat de propriété ou du certificat foncier). C’est à ce
moment, et à ce moment seulement, que l’appréciation de la
notion de « gestionnaire » devrait être saisie sur la base du
droit moderne35.

(4) Dans cette même affaire, la Cour d’Appel d’Abidjan s’était


montrée plus précis. En effet, elle a interrogé la coutume
locale (agni), pour connaitre le mode de dévolution
successorale en vigueur dans la localité conformément aux

35
C’est même le terme que la loi de 1998 emploie à l’égard de la personne désignée
pour administrer les biens objet d’un certificat foncier collectif (cf. article 10 de la
loi de 1998).
32

dispositions de la loi foncière de 1998. Puis elle a admis le


droit d’AMAN Louis de gérer les biens lignagers en tant
qu’héritier coutumier.

« Considérant qu’il est constant que des us et


coutumes en Côte d’Ivoire, qu’en général, en pays Akan dont
font partie les Agni, la succession est dévolue de façon
matrilinéaire ; qu’ainsi la dévolution n’a pas lieu de père en
fils (…) ;

Considérant, au total, que les portions de brousse


litigieuses constituent un patrimoine lignager de la famille
MESSOU Nemlin dont la dévolution successorale acquise de
façon matrilinéaire conformément à la coutume Agni Sanwi et
gérant lignager, et autres, en déguerpissement et en paiement
de dommages-intérêts est parfaitement recevable. »36

(5) De la même façon qu’il est reconnu au propriétaire


coutumier le droit d’ester en justice pour faire valoir ses
intérêts, de la même manière le représentant du lignage
devrait pouvoir agir au nom et pour le compte de ce
groupement, pour autant qu’il agit avec l’accord de tous et
dans l’intérêt dudit groupement. C’est dire que tant qu’il ne
s’agit pas d’actes de disposition, et ce conformément à la
conception de la terre au plan coutumier37, la question ne
devrait pas se poser 38.

36
Cour d’Appel d’Abidjan, 4e Chambre Civile et commerciale, n° 941/12 du 17
juillet 2012, Aman Louis et autres contre SOMIAN Messou (inédit).
37
Sur la conception de la terre, voir KEBA MBAYE, Le régime des terres au
Sénégal (communication faite à l’occasion des études réalisées à la requête de
l’UNESCO sur le régime des terres en Afrique subsaharienne), p. 137, Ed.
Maisonneuve et LAROSE, 1971. « La terre est une création divine, comme le ciel,
comme l’air, comme les mers. Elle est à Dieu, aux dieux et aux ancêtres morts (…)
Elle est mise au service des hommes pour assurer leur subsistance et permettre la
survie de l’Espèce. Elle abrite les morts. La terre est insusceptible d’appropriation.
Les lois de la cosmogonie africaine n’admettent cette appropriation pour aucun des
éléments (ciel, air et mers) qui ont servi à la création de l’univers et le soutiennent.
La terre étant à Dieu, aux dieux ou aux ancêtres, aucun être humain ne peut s’en
33

(6) L’arrêt LOBOGNON Yorokoe confirme cette position. En


effet, dans cette affaire, le juge suprême a reconnu
expressément non seulement le droit de la communauté
villageoise de défendre ses intérêts mais également celui de
l’une des parties, en tant qu’individu, de veiller sur les biens
fonciers coutumiers qu’il tient de ses ancêtres selon la
coutume :

« Attendu qu’il est également fait grief à la Cour


d’Appel d’avoir déclaré recevable l’action de LOBOGNON
Yoorokoe au motif qu’il tient ses droits coutumiers de ses
ancêtres par voie de succession et qu’il a de ce fait un droit
légitime d’ester en justice pour la préservation dudit
patrimoine alors que selon cette branche du moyen,
LOBOGNON ne justifie pas son action par la défense des
intérêts de ladite communauté, son action étant personnelle ;
qu’elle a ainsi violé l’article visé au moyen ;

approprier, car ce serait commettre un acte réservé à la seule divinité. Ce serait


donc commettre « le crime » de sacrilège.»
38
On peut d’autant plus le dire que dans l’arrêt rendu le 12 juillet 2012, dans la
cause Dame NEMLIN Houande Henriette contre OUYOU Tougbate Bernard et
autres, la Cour Suprême, elle-même, n’a-pas hésité à rechercher le véritable
titulaire des droits coutumiers dans les règles coutumières de dévolution
successorale de la localité concerné :
« Attendu que, du rapport de l’enquête agricole que la parcelle litigieuse relève du
territoire de Hinklo et non de celui de Nane, ainsi que l’ont déclaré les douze
villages de la tribu de Oulopo, et, que, là où réside Gbaté Bernard se trouvait à
l’époque le campement de GNAHOUE Gnekpa de Hinklo ; que s’il est vrai que le
père de OUYOU Gbaté avait son campement sur ces terres, c’était par la seule
volonté de ses parents maternels de Hinklo pour y faire, uniquement, des cultures
vivrières et nourrir sa famille ; qu’il n’aurait jamais pu héritier de ses terres
puisque, selon les coutumes kroumen, en usage, la succession des terres dans cette
région ne se faisait pas par la mère mais, par le père, lequel est, en l’espèce, du
village de Nané ; que dès lors Madame Nemlin Henriette épouse DIAHE, qui est
reconnu par l’enquête comme étant descente de ABLO Guiro et propriétaire
coutumière des terres litigieuses et fondée à demander le déguerpissement de ces
lieux de OYOU Gbaté Bernard et autres et de tous occupants de leurs chef, qu’il y a
lieu de faire droit à sa demande.»
34

Mais attendu que le fait pour LOBOGNON Yorokoe de


tenir ses droits coutumiers de ses ancêtres sur le patrimoine
forestier commun au village de MISSEHI, ne saurait le priver
du droit personnel qu’il a, en dehors de la défense des
intérêts de la communauté villageoise, d’ester en justice pour
la préservation de son bien en l’occurrence la parcelle
litigieuse qui fait partie dudit patrimoine ; qu’en déclarant
recevable son action, la Cour d’Appel n’a point violé l’article 3
du code civil ; d’où il suit que cette dernière branche du
premier moyen n’est pas non plus fondée.» 39

(7) D’ailleurs, le législateur de 1998 a lui-même tracé la voie


dans ce sens en qualifiant de « groupement informel » la
masse des copropriétaires de droits coutumiers sur une
parcelle de terre objet d’un certificat foncier collectif. Mieux, il
lui reconnait la personnalité juridique afin de lui permettre, à
travers son représentant appelé « gestionnaire », d’ester en
justice pour veiller sur les intérêts de tous 40.

8) Du fondement juridique des décisions


annulant les cessions de terres
coutumières ?

(1) Avant l’adoption de la loi foncière de 1998, les juges


invoquaient, dans la plupart des cas, comme fondement
juridique des décisions annulant les cessions de terre du
domaine foncier rural, la loi de finances de 1970. Pour rappel,
ce texte prescrit, à peine de nullité absolue, que toutes les

39
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 p.26.
40
Aux termes de l’article 10 de la loi de 1998, « Les groupements prévus ci-dessus
sont représentés par un gestionnaire désigné par les membres mentionnés par le
certificat foncier. Ils constituent des entités exerçant des droits collectifs sur des
terres communautaires. L’obtention d’un certificat foncier confère au groupement la
capacité juridique d’ester en justice et d’entreprendre tous les actes de gestion
foncière dès lors que le certificat est publié au Journal Officiel de la République ».
35

transactions immobilières doivent être passées par devant


notaire41.

Si les décisions étaient justes dans le fond, il reste que


cette base juridique était fausse. En effet, ce texte ne
s’applique pas aux terres qui ne sont pas l’objet d’un titre de
sorte qu’il ne pouvait pas être invoqué utilement au soutien
d’actions en nullité des conventions sous-seing privé. Seul le
décret de 1971 aurait pu appuyer les requêtes à cette fin 42. Et
la Cour Suprême l’avait très tôt rappelé dans un arrêt
intervenu en 1971 :

« La donation en jouissance de deux portions de forêt


en friche ne peut s’analyser en une mutation immobilière ; il
n’est donc pas nécessaire que cette convention revête une
forme notariée »43

Malheureusement elle n’a pas toujours été suivie44.


N’empêche, elle est restée constante sur ce point, même après
l’adoption et l’entrée en vigueur de la loi de 1998. C’est ainsi
qu’elle déclare ce qui suit dans l’arrêt rendu le 11 décembre
2003, dans l’affaire KOUASSI Kouassi Paul contre KOFFI
Kadja Victor et autres :

« Il ne résulte pas du dossier ces règles d’acquisition de


la propriété foncière ou coutumière aient été mises en œuvre

41
Aux termes de l’article 8 de l’annexe fiscale de la loi n° 70-209 du 10 mars 1970,
portant loi de finances pour la gestion 1970, voir Journal officiel de Côte d’Ivoire
(J.O.R.C.I.), n°20, p. 597.
42
Avec le vote de la loi foncière de 1998, les choses se présentent désormais
différemment. En effet, les juges n’aboutiront plus dans la mesure où ce texte valide
les transactions portant sur les terres coutumières, quelque soit la forme dans
laquelle celles-ci ont été passées.

43
Cour Suprême, Chambre civile, n°21 du 09 juillet 1971, Chapelier, TI, P 571
44
Sur ce point, voir nos développements au point 8. Nous avons relevé en substance
que la loi de 1970 n’est pas applicable aux transactions portant sur les terres
coutumières parce qu’elles ne sont pas immatriculées.
36

au profit de Kouassi Yobouet, faisant incontestablement de lui


le propriétaire de la parcelle litigieuse ; qu’il ne détenait sur
celle-ci, tout au plus, qu’un droit d’usage qu’il n’avait pas le
droit de transférer à Kouassi Kouamé Paul, même par acte
notarié »45. Il en résulte que le fondement juridique était plutôt
le décret de 1971 et non la loi de finances de 1970.

(2) Evidement lorsque le juge se trompe de base juridique, sa


décision encourt la nullité ou la cassation. Ainsi, dans un
arrêt rendu le 1er février 2012, dans l’affaire Ouédraogo
Alphonse contre Yao Bi Gala Denis, la Cour d’Appel de Daloa
a-t-elle estimé que c’est à tort que le premier juge s’était-il
fondé sur ce texte pour annuler une convention portant sur
un terrain rural non immatriculé :

« Considérant que pour annuler la convention entre les


parties, le Tribunal de Première Instance de Bouaflé, s’est
fondé sur les dispositions de l’article 8 de la loi de finances
pour la gestion 1970 qui impose la forme notariée pour toutes
les transactions immobilières ;

Considérant cependant que le texte sus indiqué n’est


pas applicable aux transactions portant sur les terrains non
immatriculés, comme c’est le cas dans la présente espèce ;
Que c’est donc à tort que le premier juge a cru devoir invoquer
cette disposition pour prononcer l’annulation de la convention
entre les deux parties »46.

(3) De même, cette juridiction a, dans la logique de sa


jurisprudence, et reprenant en cela presque mot pour mot, les
termes de la décision de 1971 suscitée, conclu à
l’inapplicabilité de la loi de 1970 ci-dessus référencée, dans

45
Suprême, Chambre judiciaire, n°683 du 11 déc. 2003, KOUASSI Kouassi Paul
contre KOFFI Kadja Victor et autres, Actualités juridiques, n°50/2005, p. 272.
46
Cour d’Appel de Daloa, n°40/12 du 1er février 2012, Ouédraogo Alphonse contre
Yao Bi Gala Denis (inédit).
37

son arrêt n°63/12 du 15 février 2012, intervenu dans la cause


Kouamé Bi Zan Séraphin contre Issa Diarra 47 :

« Considérant que l’appelant demande l’infirmation du


jugement querellé aux motifs, d’une part, que l’acte sous seing
privé dont se prévaut son adversaire est nul en ce qu’il n’a pas
été passé par devant un notaire et, d’autre part, que ce
dernier n’est pas l’héritier de son cocontractant ;

Considérant qu’il reproche également au premier juge


non seulement de ne pas avoir tenu compte des dépenses qu’il
a effectuées pour l’entretien de la plantation litigieuse mais
également d’avoir sous estimé son préjudice ;

Mais considérant, d’une part, que la cession en


jouissance d’une terre du domaine foncier rural coutumier ne
peut s’analyser en une mutation immobilière au sens de
l’article 8 de l’annexe fiscale de la loi n°70-209 du 20 Mars
1970 portant loi de finance pour la gestion de l’année 1970 ;
qu’il n’est donc pas nécessaire que la convention constatant
cette transaction revête une forme notariée ; qu’ainsi ce
moyen ne peut prospérer ».

9) De la mise en valeur comme condition


d’accès aux droits fonciers

(1) Pour rappel, la notion de mise en valeur a constitué


pendant longtemps une condition d’accès à la terre. Elle a
servi de fondement aux juridictions pour reconnaitre des
droits aux occupants d’une parcelle de terre coutumière. Dans
la logique de cette jurisprudence, il suffisait tout simplement
de mettre en valeur un terrain pour acquérir des droits

47
Cour Suprême, Chambre civile, n°21 du 09 juillet 1971, Chapelier, TI, P 571
38

fonciers sur celui-ci. C’est dire que c’est la primauté de la


mise en valeur qui prévalait48.

L’arrêt rendu en 2007 par la Cour Suprême, dans


l’affaire ALLA Anvo contre KASSI Brou Amichia va dans ce
sens. En effet, la haute cour, constatant que le juge du fond,
se fondant sur l’expertise agricole qui avait précisé que les
deux parties avaient mis en valeur un terrain rural et
qu’aucune d’elles n’y détenait de titre de propriété, a admis
qu’en raison de ladite mise en valeur, les deux antagonistes
avaient acquis des droits d’usage coutumier :

« Attendu qu’il résulte des productions au dossier que


les deux parties revendiquent réciproquement la propriété
d’une parcelle de terrain d’une superficie de 63 ares 08 située
à Assinie-Mafia ;

Mais attendu qu’aucune des parties ne détient de titre


de propriété ni de titre d’occupation sur ladite parcelle ; que
des témoignages recueillis lors de l’enquête ordonnée par le

48
Sur la jurisprudence reconnaissant les droits des occupants du fait de la mise en
valeur, Cour d’appel de Daloa, n° 11/11 du 12 janvier 2011, Gnebehi Blehiri
François contre Dubro Gobro. Ici le juge du second degré indique ceci :
« Considérant qu’il ressort des rapports d’enquêtes agricoles (…) et des
témoignages constants que Dubro Goro, l’intimé, occupe la parcelle litigieuse
conformément aux us et coutumes et l’a mise en valeur, antérieurement à l’arrivée
de l’appelant sur les lieux ; que l’occupation antérieure et la mise en valeur de la
parcelle querellée, ont conféré à l’intimé un droit d’usage justifiant son action en
expulsion sur ladite parcelle. Dans le même sens et mêmes termes, voir une autre
décision, arrêt n° 173/11 du 27 juillet 2011 ( « Considérant qu’il résulte des
réclamations des appelants, des témoignages ainsi que du rapport de mise en état
produit au dossier que l’intimé et les siens occupent la parcelle litigieuse puis de
nombreuses années et l’ont mise en valeur en y pratiquant diverses cultures au
contraire des appelants qui n’y ont aucune réalisation ; Considérant que cette mise
e valeur leur confère sur ladite parcelle, un droit d’usage coutumier ; que c’est en
bon droit par conséquent que le premier juge a ordonné la cessation des troubles
causés à l’intimé. »
39

juge de Section, il résulte que ALLA Anvo et KASSI Brou


Amichia ont chacun mis en valeur le terrain litigieux ; que dès
lors, les deux parties disposent d’un droit d’usage sur la
parcelle de terre simultanément revendiquée, en raison de
cette mise en valeur ; qu’il y a lieu d’ordonner un partage en
parts égales du terrain litigieux. »49

Dans sa décision rendue le 14 juillet 2011 dans


l’affaire A.D. d’ADOPO Atsé François contre BONI Yapo
Bernabé, la Cour Suprême a suivi sa jurisprudence
précédente. Ainsi, pour confirmer les droits des héritiers,
raisonne-t-elle comme suit : « Feu ACHI Boni (leur père) a, de
son vivant, longtemps exploité la parcelle litigieuse ; qu’il y a
lieu de dire que les héritiers sont devenus détenteurs de droits
coutumiers et d’occupation de leur défunt père sur ladite
parcelle. »50

Cette position devrait être désormais abandonnée dans


la mesure où la loi de 1998 ne fait pas de la mise en valeur
une condition d’accès à la terre et d’acquisition de droits
fonciers. D’ailleurs, dans un arrêt rendu le 14 juin 2007, à
l’occasion d’un litige relatif à un terrain urbain opposant Bello
Mamadou Ayouba contre Ganou Hoblé Célestin, la Cour
Suprême a tenu à préciser que : « L’expression selon laquelle
« la terre appartient à celui qui la met en valeur », n’est pas un
principe de droit ».51

(2) Cette jurisprudence, bien qu’intervenue en matière de


foncier urbain, reste parfaitement applicable pour les litiges
portant sur des terrains ruraux et, plus précisément, pour le

49
Cour Suprême, chambre Judiciaire, n° 360/10 du 12 mai 2010, ALLA Anvo et
KASSI Brou Amichia (inédit).
50
Cour Suprême, n° 273/2011 du 14 juillet 2011, AD de Atsé François et autres
contre BONI Yapo Bernabé (inédit).
51
Cour Suprême, chambre Judiciaire, n° 347 du 14 juin 2007, Bello Mamadou
Ayouba contre Ganou Hoblé Célestin, Actualités Juridiques, n° 62/2009, p. 60.
40

droit foncier rural coutumier, surtout après l’avènement de la


loi foncière de 1998.

Dans son arrêt n°121 bis/04 du 02 juin 2004, rendu


dans la cause BUTON Biloa contre SETI Bi Foua, la Cour
d’Appel de Daloa l’a expressément relevé :

« Considérant que les droits d’usage dits droits


coutumiers portant sur les domaines fonciers ruraux sont
ceux qu’acquièrent les riverains desdits domaines suivant la
coutume de leurs lieux de situation ; que lesdits droits ne
procèdent nullement de la mise en valeur ainsi qu’il résulte à
tort du jugement en cause… » 52

10) De l’exigence de l’acte notarié pour les


transactions relatives aux terres
coutumières

Aux termes de l’article 8 de l’annexe fiscale de la loi de


finances pour la gestion 1970, « Tous faits, conventions ou
sentences ayant pour objet de constater, constituer,
transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel
immobilier, d’en changer le titulaire ou les conditions
d’existence (…) doivent, en vue de leur inscription, être
constatés par actes authentiques sous peine de nullité
absolue »

Le champ d’application de ce texte est précisé par les


termes mêmes de sa rédaction :

 Il vise toutes les transactions dès lors


qu’elles ont pour objet de « constater,
constituer, transmettre, déclarer, modifier
ou éteindre un droit réel immobilier, d’en

52
Cour d’appel de Daloa, n°121 bis/04 du 02 juin 2004, Buton Biloa contre Seti Bi
Foua (inédit).
41

changer le titulaire ou les conditions


d’existence »

 Ces actes doivent intervenir en vue de leur


l’inscription des droits immobiliers au livre
foncier.

Il en résulte que s’agissant d’une transaction portant


sur terrain coutumier, il faut distinguer selon qu’il y existe ou
non un certificat foncier.

10.1. S’il n’existe pas de titre de propriété

(1) Il s’impose, au regard de la finalité même du texte 53


d’exclure du champ d’application de la loi de finances 1970
les conventions portant sur des terres rurales non encore
immatriculées54 ou ne faisant pas l’objet d’un certificat
foncier. A cet égard, on peut utilement rappeler les termes de
l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Daloa le 15 février 2012,
dans la cause Kouamé Bi Zan Séraphin contre Issa Diarra :

« Considérant, d’une part, que la cession en jouissance


d’une terre du domaine foncier rural coutumier ne peut
s’analyser en une mutation immobilière au sens de l’article 8
de la loi n°70-209 du 20 Mars 1970 portant loi de finance
pour la gestion de l’année 1970 ; qu’il n’est donc pas
nécessaire que la convention constatant cette transaction
revête une forme notariée ; qu’ainsi ce moyen ne peut
prospérer »55.

53
Ces actes doivent intervenir en vue de l’inscription des droits immobiliers au
livre foncier ; ce qui suppose l’existence d’un titre auquel il sera fait référence.
54
Cour Suprême, Chambre civile, n°21 du 09 juillet 1971, Chapelier, TI, P
571 Pour rappel, la Cour suprême a indiqué, dans sa décision de référence de
1971 : « La donation en jouissance de deux portions de forêt en friche ne peut
s’analyser en une mutation immobilière ; il n’est donc pas nécessaire que cette
convention revête une forme notariée ».
55
Cour d’Appel Daloa, n°°63/12 du 15 février 2012, Kouamé Bi Zan Séraphin
contre Isssa Diarra (inédit).
42

De même, dans un arrêt rendu le 30 mai 2012,


intervenu dans l’affaire Djédjé Tapé Stéphane contre Traoré
Noumoutié dit Dramane Klanou, la même cour d’appel a
rappelé cette position en affirmant expressément la validité de
l’acte sous-seing privé:

«Considérant que l’appelant fait grief au jugement


d’avoir conclu que l’intimé était le propriétaire de la parcelle
de terre litigieuses alors même selon lui qu’il a acquis des
droits coutumiers sur ladite parcelle de terre en remboursant
la somme d’argent qui avait été initialement versée à ce
dernier par son adversaire ;

Mais considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ses


allégations ; Qu’au contraire, son adversaire a produit au
dossier un acte sous-seing privé, en date du 18 Avril 1998 par
lequel il a acquis le terrain litigieux avec le propriétaire
coutumier ; Que d’ailleurs, les témoignages sont concordants
en ce sens ; Qu’il en résulte que c’est à bon droit que le
premier juge a ordonné son expulsion et, se fondant sur les
différents constats et éléments du dossier, l’a condamné à
payer à l’intimé la somme de 2.000.000 de francs à titre de
dommages et intérêts ; Qu’il y a lieu de rejeter ce moyen
comme non fondé.56

(2) Au regard de ce qui précède, on ne peut que regretter la


position de certaines juridictions qui continuent de statuer
dans un sens contraire. Elles devraient rapidement se
remettre en cause sous peine d’être taxées de faire de la
résistance judiciaire, au mépris de la logique judiciaire qui
veut que les juridictions inférieures s’inclinent face aux
jugements des juridictions supérieures57.

56
Cour d’Appel, n°183/12 du 30 mai 2012, Djédjé Tapé Stéphane contre Traoré
Noumoutié dit Dramane Klanou (inédit).
57
Cour Suprême, chambre administrative, n° 37/12 du 21 mars 2012, Kamagnini
Tio contre Ministère de l’Economie et des Finance, disponible sur le site internet de
la Cour Suprême :« Il est de principe que la chose jugée doit être tenue pour la
43

10-2. S’il existe un titre de propriété coutumière

L’article 4 du code foncier rural consacre deux titres de


propriété, à savoir le certificat de propriété qui procède de la
procédure d’immatriculation et de celle du certificat foncier
pour les terres coutumières58. Dans la première hypothèse,
l’exigence de l’acte notarié est systématique (voir les
développements ci-dessus). Dans la seconde, il faut distinguer
selon que la transaction porte sur le terrain ou sur le titre lui-
même, c'est-à-dire sur le certificat foncier.

a) Si la transaction porte sur le certificat foncier.

Aux termes de l’article 17 du Code foncier rural, « Le


certificat foncier peut être cédé, en tout ou en partie, par acte
authentifié par l’autorité administrative, à un tiers ou,
lorsqu’il est collectif, à un membre de la collectivité ou du
groupement dans les limites de l’article 1 ci-dessus. » Il en
résulte que le législateur a clairement circonscrit cette
formalité à la cession de ce titre de propriété lui-même. Il
n’apparait donc pas nécessaire de l’étendre aux autres
transactions, sinon l’on ajoutera au texte.

vérité ; que ce qui a été jugé ne peut l’être de nouveau ; que ce qui a été jugé ne peut
être contredit ; que ce qui a été jugé doit être exécuté; que l’autorité de chose jugée
est opposable aux juges comme aux personnes publiques et privées.

58
Certains estiment qu’il s’agit d’une seule procédure et non de deux dans la
mesure où, selon eux, l’obtention du certificat foncier il suffira simplement au
bénéficiaire de ce document de présenter une requête aux autorités compétentes
pour obtenir l’immatriculation de son terrain au livre foncier. Il reste cependant
que ce texte a entendu distinguer les deux étapes. Il suffit pour s’en convaincre de
rappeler que la procédure du certificat foncier ne s’applique pas aux terres
concédées. Les concessionnaires devront aller directement, dans les mêmes
conditions que le titulaire d’un certificat foncier à l’immatriculation. Cette étape
n’est ni moins ni plus qu’une procédure, même si elle n’est pas longue.
44

C’est dire que l’exigence d’un acte administratif


(l’authentification) n’est de mise dans les autres hypothèses,
notamment lorsqu’il ne s’agit pas de transférer la propriété du
terrain lui-même.

b) Si la transaction porte sur des droits réels


immobiliers.

L’authentification prévue par l’article 17 suscité ne


concerne que les cessions du certificat foncier. Si donc la
transaction ne porte que sur de simples droits d’usage ou
d’exploitation, telles que les locations de terres, il ne sera pas
nécessaire de recourir à cette formalité administrative.

Au contraire, l’on devrait sacrifier à la formalité de


l’acte notarié59. En effet, au sens de l’article 8 de la l’annexe
fiscale de la loi de finances pour la gestion 1970, toutes les
transactions immobilières portant sur des terrains objet d’un
titre foncier (certificat foncier ou certificat de propriété) ou
encore d’un document administratif justifiant des droits sur
un terrain60.

59
Aux termes de l’article 8 de l’annexe fiscale de la loi de finances 1970, il s’agit
de : Tous actes à publier au Livre foncier y compris ceux portant sur les
transactions relatives à des plantations doivent être dressés par-devant notaire. Sont
assimilés aux actes notariés, les actes émanant des tribunaux et de l'Administration
des Domaines. Tous faits, conventions ou sentences ayant pour objet de constituer,
transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel immobilier, d'en changer le
titulaire ou les conditions d'existence, tous baux d'immeubles excédant trois années,
toutes quittances ou cessions d’une somme équivalant à plus d’une année de loyers
ou fermage non échu, doivent, en vue de leur inscription, être constatés par actes
authentiques sous peine de nullité absolue. Ils ne peuvent être authentifiés par le
dépôt au rang des minutes d’un notaire. Il en est de même des actes de constitution
ou de mainlevée d'hypothèques maritimes. »

60
Il a été traité plus haut de l’hypothèse où il n’existe pas de titre de propriété.
Dans un tel cas de figure, les transactions sont valables quelle que soit la forme de
l’accord portant sur les droits coutumiers.
45

11) De l’inapplicabilité du décret de


1971 après 1998

Aux termes de l’article 27 que « La loi n° 71-338 du 12


juillet 1971 relative à l’exploitation rationnelle des terrains
ruraux détenus en pleine propriété et toutes dispositions
contraires à la présente loi sont abrogées. » A cela s’ajoute le
décret de 197161. En prenant en compte, en son article 3 « les
droits coutumiers cédés à des tiers », la loi suscitée a
implicitement mais nécessairement reconnu la validité des
cessions de terres coutumières intervenues nonobstant les
dispositions du décret suscité62. Il en résulte que les
transferts de droits coutumiers peuvent continuer à avoir
cours, et ce, quelle qu’en soit la forme63.

C’est dire également que les juridictions qui continuent


d’appliquer ce texte devraient revoir leur position en tirant
toutes les conséquences à la fois de l’abrogation tacite
(implications de l’article 3) et expresse (ainsi que le mentionne
l’article 27) de la loi foncière de 1998.

12) De la protection des occupants.

(1) La protection des occupants est liée à la bonne ou


mauvaise foi de ceux-ci. En effet, comme dans toutes les
procédures, lorsque la mauvaise foi de l’occupant d’une
parcelle de terre du domaine foncier rural est rapportée, le
droit supposé acquis ne peut être consolidé.

Les juges se fondent sur ce principe pour apprécier les


droits exercés par les cessionnaires de droits coutumiers.
D’ailleurs l’article 14 in fine du décret pris pour l’application

61
Cour Suprême, chambre judiciaire, n° 203/07 du 12 avril 2007, Sawadogo
Mamadou contre Yeye Kouadio Boniface (inédit).
62
Voir nos développements sur la question de la rétroactivité de la loi foncière de
1998.
63
Voir les développements relatifs à l’exigence de l’acte notarié.
46

de la loi de 1998 au domaine foncier rural coutumier, qui


indique, en substance, que seuls les occupants de bonne foi
seront protégés lors de l’établissement du certificat foncier 64.

(2) Dans un arrêt en date du 25 juillet 2012, rendu dans


l’affaire FOFANA Kouassi Joseph et BOUAZO Gozé Antoine
contre KOUAKOU Kouadio, la Cour d’Appel de Daloa, prenant
acte de la régularité de l’acquisition des droits coutumiers par
le cessionnaire, a ordonné l’expulsion du cédant qui entendait
se maintenir sur le terrain. Ce faisant, elle confirme le droit à
la protection de l’occupant de bonne foi.

« Considérant qu’il est constant ainsi que cela ressort


des pièces du dossier et notamment de la mise en état
ordonnée par le premier juge, que le terrain litigieux a été
cédé, courant année 1976, à feu Koffi Kouakou par Bouazo
Gozé Antoine, propriétaire coutumier dudit terrain ;

Considérant que cette cession opère transfert des


droits coutumiers initialement détenus par le cédant au profit
du cessionnaire et par la suite à ses ayants-droit ; Que dès
lors, Bouazo Gozé Antoine est mal venu à revendiquer lesdits
droits dont il n’est plus le titulaire du fait justement de la
cession effectuée et a fortiori à les céder à des tiers ; Que c’est
donc à bon droit que le premier juge a ordonné son
déguerpissement et celui de Fofana Kouassi Joseph, installé
de son fait. »65

64
L’article 14 du décret n°99-594 du 13 octobre 1999 fixant les modalités
d’application au Domaine foncier rural coutumier de la n°98-750 du 23 décembre
1998 indique qu’« Au Certificat est annexé un cahier des charges signé par le Préfet
de Département et le titulaire, précisant (…)Le cas échéant, la liste des occupants
de bonne foi (…) dont les droits seront confirmés par le titulaire du Certificat de
façon juste et équitable pour les deux parties, aux clauses et conditions du bail
emphytéotique et conformément aux loyers en vigueur fixés par les textes
réglementaires ».
65
Cour d’Appel de Daloa, n°226/12 du 26 juillet 2012, Fofana Kouassi Joseph et
BOUAZO Gozé Antoine contre Kouakou Kouadio (inédit).
47

(3) A contrario, lorsque l’occupant est de mauvaise foi, il ne


pourra valablement se maintenir sur les lieux occupés. Il en
va également ainsi pour toutes les personnes qu’il a installées.
Celles-ci pourront, en même temps que lui, être expulsés des
lieux. La Cour Suprême a tenu à le relever en confirmant une
décision de la Cour d’Appel d’Abidjan qui avait ordonné le
déguerpissement des occupants.

C’est ainsi qu’elle indique ce qui suit, dans son arrêt du


12 juillet 2012, rendu dans l’affaire Sawadogo Amadé contre
Allo Bousso Jacques :

« Attendu que pour infirmer le jugement entrepris (le juge


avait ordonné l’expulsion des occupants des lieux), la Cour
d’Appel a énoncé qu’il résulte des procès verbaux des
réunions tenues par le Sous-préfet d’Agboville au cours
desquelles les parties en conflit ont été entendues, que la
parcelle de forêt litigieuse appartient à la famille Niangoran
Bosso représentée par Allo Bousse Jacques et que Sawadogo
Amandé et la communauté Burkinabé résidant dans le village
d’Anno se sont installés de manière anarchique sur ladite
parcelle croyant qu’elle constituait une forêt déclassée et non
attribuée à personne ; qu’en se déterminant par de tels motifs
suffisants, non obscurs ni contradictoires, la Cour d’Appel a
justifié sa décision. »66

De même, dans l’arrêt KPATCHI Godji Nestor contre


MAKAGNON Gabia Richard et autres, intervenu le 16 juillet
2009, la Cour Suprême a admis que l’occupant d’une parcelle
de terre rurale pouvait être expulsé dès lors que celui-ci s’est
octroyé un surplus de terrain par malice en profitant de sa
présence sur une portion de terre qui lui a été cédée pour
l’agrandir à l’insu des propriétaires coutumiers 67.

66
Cour Suprême, Ch. Jud., n°518/12, 12 juillet 2012, Sawadogo Amadé contre Allo
Bousso Jacques (inédit).
67
Cour Suprême, n° 503/09 du16 juillet 2009, KPATCHI Godji Nestor contre
MAKAGNON Gabia Richard et autres, Actualités Juridiques, n° 68/69/2010, p. 41.
48

(4) On peut aussi noter l’arrêt de la Cour d’Appel de Daloa,


intervenu le 15 février 2012 dans la cause Koudou Dogoré
contre Krayé Gnabely Victor et Ounyou Gbaka. Ici, le juge a
également tenu compte de la mauvaise foi de l’occupant pour
confirmer son expulsion du terrain litigieux.

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et


notamment de la mise en état prescrite par le premier juge,
que Krayé Gnabely Victor et Ouanyou Gbaka sont titulaires
de droits coutumiers sur la parcelle de terre litigieuse d’une
superficie de 70 hectares 27 centiares ; qu’il est également
établi que Koudou Dogoré Augustin a outrepassé ses limites
pour empiéter sur le domaine forestier de ses adversaires ;
que c’est donc à bon droit que le premier juge a ordonné le
déguerpissement de ce dernier de la parcelle de terre
litigieuse ; que sa décision doit être confirmée. »68

Dans une autre décision rendue le 22 décembre 2010,


dans la cause ADD de feu Gozé David contre Odegué Cyprien,
cette juridiction a aussi ordonné l’expulsion de l’occupant aux
motifs qu’il avait empiété sur le domaine forestier de ses
adversaires, et fait ainsi preuve de mauvaise foi :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier,


notamment de l’enquête agricole, que Gozé David a franchi la
rivière Goublidi, limite naturelle de son village pour
s’introduire sur les terres du village voisin ;

Considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ce qu’il


a acquis conformément à la tradition des droits sur des terres
relevant d’un village qui n’est pas le sien ; qu’il en résulte
qu’en ordonnant son expulsion desdites terres ainsi que de

68
Cour d’Appel de Daloa, n°55/12 du 15 février 2012, Koudou Dogoré contre
Krayé Gnabely Victor et Ounyou Gbaka (inédit).
49

celles de tous occupants de son chef, le premier juge a fait


une bonne application de la loi69.

13) De l’indemnisation de l’occupant évincé.

En principe, l’indemnisation de l’occupant évincé tient


aussi compte de la bonne ou mauvaise foi de ce dernier.

13.1. S’agissant de l’occupant de bonne foi

(1) Le droit à indemnisation de l’occupant de bonne foi est


consacré par les dispositions de l’article 555 alinéa 4 du code
civil. Il en résulte que « Si les plantations, constructions et
ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été
condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits,
le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits
ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de
rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à
l'alinéa précédent.» L’alinéa 3 précise que « Si le propriétaire du
fonds préfère conserver la propriété des constructions,
plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au
tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de
valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre
estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état
dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et
ouvrages. »

La Cour Suprême, dans un arrêt en date du 4 juin


2009, ZEZE Gbou André et autres contre KAZA Zaouli Blaise
et autres, a tenu à réaffirmer le principe de l’indemnisation de
l’occupant de bonne foi :

« Attendu qu’il est constant comme résultant des


écritures des parties, que ZOMA Tambi et autres ont acquis
entre les mains de ZEZE Gbou André, des parcelles

69
Cour d’Appel de Daloa, n° 249/10 du 22 déc. 2010, A.D.D. de feu Gozé David
contre Odegué Cyprien (inédit).
50

appartenant à KAZA Zadi et autres ; que les acheteurs de


bonne foi ayant été expulsés desdites parcelles par eux mises
en valeur et qui profitent désormais aux véritables
propriétaires des terres, ZOMA Tambi et autres sont fondés à
solliciter la réparation de leur préjudice à concurrence des
sommes fixées par l’expertise agricole… »70.

(2) De même, dans l’arrêt n° 137/12 du 18 avril 2012, rendu


dans la cause Mehoua Soro et 7 autres contre Kouakou
N’Guessan et Agnies Essoh Jacques, la Cour d’Appel de
Daloa, faisant application de l’article 555 du code civil, a
accédé à la demande en indemnisation présentée par les
appelants qui ont été expulsés de la parcelle de terre qu’ils ont
mise en valeur :

« Considérant que les appelants sollicitent le


remboursement des impenses réalisées sur la parcelle de terre
litigieuse à hauteur de 13.400.000 francs, sur la base de
l’article 555 du code civil ;

Considérant, aux termes du texte suscité que « …si les


plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un
tiers évincé, qui n’aurait pas été condamné à la restitution des
faits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra
demander la suppression desdits ouvrages, plantations et
constructions ; mais il aura le choix, ou de rembourser la
valeur des matériaux et du prix de la main d’œuvre, ou de
rembourser une somme égale à celle dont le fond a augmenté
de valeur ;

Considérant, d’une part, qu’il est établi que ceux-ci ont


apporté une plus-value à la parcelle de terre dont s’agit, en
réalisant des champs d’hévéa ;

70
Cour Suprême, Chambre Judiciaire, n° 503/09 du 16 juillet 2009, Actualités
juridiques, n° 68/69/2010, p. 43.
51

Considérant, d’autre part, qu’il est constant que ces


derniers ont agi de bonne foi (…) Qu’il convient par
application du texte susmentionné de faire droit à la demande
qui tient compte justement de ladite plus-value. »

L’arrêt rendu par la même juridiction le 15 février 2012


dans l’affaire Bleyo Kla contre Kouamé Kouassi est une autre
illustration de l’application des dispositions de l’article 555 du
code civil :

« Considérant qu’il est constant, ainsi qu’il ressort des


pièces du dossier et notamment du procès-verbal de l’enquête
agricole en date du 09 Novembre 2009, que Bleyo Kla exploite
une partie (4,25 hectares) de la plantation créée par Kouamé
Kouassi depuis son éviction ;

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article


555 du code civil que si le propriétaire du fonds qui opte pour
la conservation des plantations et constructions qui ont été
faites par un tiers évincé de bonne foi, doit rembourser la
valeur des matériaux et payer le prix de la main d’œuvre ou
une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ;

Considérant que c’est sur la base du procès-verbal de


l’expertise agricole susdite que le premier juge a condamné
Bleyo Kla à payer à son adversaire, la somme de 10.905.000
en réparation du jugement subi par ce dernier ; Que sa
décision procédant d’une saine appréciation des faits de la
cause et d’une juste application de la loi, doit être confirmée
en toutes ses dispositions 71 ».

Il en résulte que le propriétaire du terrain est tenu de


dédommager l’occupant évincé dès lors qu’il opte de conserver
les réalisations et installations, et ce, à hauteur de la plus-
value apportée à la parcelle de terre.

71
Cour d’Appel de Daloa, n°58/12 du 15 février 2012, Bleyo Kla contre Kouamé
Kouassi (inédit).
52

(3) Il reste cependant que l’option en faveur de la conservation


des installations et réalisations faites par l’occupant doit être
expresse. Toutefois ce choix peut s’induire de ses écrits ou de
ses déclarations, notamment lorsque cette volonté y apparait
de façon évidente, ou de son attitude non équivoque.

A cet égard, on peut utilement rappeler les termes de


l’arrêt précité de la Cour d’Appel de Daloa.

« Considérant, d’une part, qu’il est établi que ceux-ci


(les occupants évincés) ont apporté une plus-value à la
parcelle de terre dont s’agit, en réalisant des champs d’hévéa ;

Considérant, d’autre part, qu’il est constant que ces


derniers ont agi de bonne foi ;

Considérant, par ailleurs, que l’intimé, dûment


interpellé sur le point de savoir s’il entendait conserver ou non
les réalisations faites, n’a pas déclaré vouloir y renoncer,
confirmant ainsi implicitement mais nécessairement, sa
volonté de profiter de la plus-value apportée au terrain ; Qu’il
convient par application du texte susmentionné de faire droit
à la demande qui tient compte justement de ladite plus-value»

13.2. S’agissant de l’occupant de mauvaise foi.

(1) Dans certains cas cependant, il n’est pas nécessaire que


l’occupant soit de bonne foi pour obtenir indemnisation. Il en
va notamment ainsi lorsque le propriétaire entend conserver
les réalisations et installations dont a bénéficié son fonds72. Ici
également, l’option du propriétaire en faveur de la
conservation des réalisations doit être expresse ou s’induire
suffisamment de son attitude non équivoque.

Le fondement juridique de l’indemnisation de


l’occupant de mauvaise foi n’est pas l’article 555 du code civil

72
Sur ce point, voir Pierre Voirin, Droit civil, T.1, 22 e édition, LGDJ, p. 269.
53

mais plutôt l’enrichissement sans cause. Il s’agit de faire en


sorte que le propriétaire du fonds ne profite indument des
efforts de l’occupant.

(2) Cette règle, quoique non consacrée par les textes, résulte
de la combinaison de diverses dispositions juridiques mais
aussi du bon sens et de l’équité. En effet, tout acte non illégal
qui a pour conséquence d’enrichir un tiers oblige celui-ci à
désintéresser le créateur de la richesse 73.

Le remboursement tiendra compte des frais exposés et


de la plus value apportée au terrain d’autrui 74.

14) De l’appréciation de la demande


nouvelle en cause d’appel

Il importe de faire quelques précisons sur la


recevabilité de la demande incidente d’indemnisation. Il s’agit
de savoir si l’occupant évincé peut formuler en cause d’appel
une demande d’indemnisation alors même qu’il n’avait pas
état d’une telle requête devant le premier juge.

(1) Certaines juridictions ont souvent rejeté une telle requête


aux motifs qu’elle est nouvelle et qu’elle ne peut être reçue en
application des dispositions de l’article 175 du code de
procédure civile commerciale et administrative75. D’autres

73
Sur ce point, voir les observations sous l’article 1179 du code civil, code civil
annoté, Dalloz, édition 2009.

74
Sur les éléments de l’évaluation du préjudice, voir Cour d’Appel de Daloa, n°
37/2012 du 18 avril 2012, Mehoua Soro et 7 autres contre Kouakou N’Guessan et
Agnies Essoh Jacques.

75
Aux termes de l’article 175 alinéa 1 du code de procédure civile, commerciale et
administrative, « Il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à
moins qu'il ne s’agisse de compensation, ou que la demande nouvelle ne soit une
défense à l’action principale.»
54

l’ont plutôt accueillie favorablement, toujours sur la base du


même texte. C’est dire combien est une réalité. Même la cour
Suprême, elle-même, n’a pas eu toujours une position
uniforme. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’arrêt rendu par la
Chambre judiciaire de cette juridiction le 07 avril 2005, dans
l’affaire Valentin André contre Lobognon Yorokoé Norbert :

« Attendu qu’il est enfin reproché à la Cour d’Appel


d’avoir considéré la demande relative à l’application de l’article
555 alinéa 4 du Code Civil comme une demande nouvelle
n’ayant pas été présentée devant le Tribunal et d’avoir ainsi
par insuffisance de motifs manqué de donner une base légale
à sa décision ;

Mais attendu qu’en relevant, contrairement à cette


branche du pourvoi, pour rejeter cette demande, que celle-ci
n’avait pas été soulevée devant le premier juge et constituait
donc une demande nouvelle, ladite Cour a suffisamment
motivé son rejet ; d’où il suit que cette seconde branche du
second moyen de cassation n’est pas fondée. »76

(2) Il reste cependant que la décision dans ce sens ne doit pas


être systématique. En effet, il faut distinguer selon qu’il s’agit,
pour le requérant, de répondre ou non aux arguments de son
adversaire. Par exemple, lorsque la partie dont l’expulsion des
lieux est sollicitée, réclame des dommages intérêts au cas où
il est fait droit à la requête en déguerpissement, il s’agit là
manifestement d’une indemnité d’éviction qui, même
incidemment formulée en cause d’appel constitue plutôt un
moyen de défense. Comme telle, elle devrait être reçue. C’est
ce qui ressort de l’arrêt ZEZE Grou André et autres contre
KAZA Zadi Antoine, rendu le 4 juin 2009 par la Cour
Suprême. Cette décision aux antipodes de la jurisprudence
Lobognon Yorokoe se présente ainsi qu’il suit :

76
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53, p.26.
55

« Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en


paiement de dommages-intérêts formulée par les occupants
expulsés des parcelles de terre, la Cour d’Appel a considéré
ladite demande comme nouvelle, en application du texte
susvisé (article 175 du code de procédure civile, commerciale
et administrative) ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi, alors que


cette réclamation s’analyse en une demande d’éviction et
constitue une défense à l’action principale, à savoir la
demande d’expulsion, la Cour d’Appel a violé l’article 175
précité. »77

15) Sur la reconnaissance des droits


coutumiers

(1) Au contraire de la loi du 20 mars 1963, celle de 1998


reconnait les droits coutumiers. C’est ainsi qu’elle intègre
dans la définition du domaine foncier rural le domaine foncier
rural coutumier78. En effet, aux termes de l’article 3 de la loi
foncière de 1998, « Le Domaine foncier rural coutumier est
constitué par l’ensemble des terres sur lesquels s’exercent : des
droits coutumiers conformes aux traditions, des droits
coutumiers cédés à des tiers ».

Sur la base de cette disposition mais aussi des articles


2 et 7 de ladite loi, les juges reconnaissent des droits
coutumiers pour apprécier les actions en justice qui leur sont
soumises. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux
nombreuses décisions intervenues depuis l’adoption de la loi

77
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 393.09 du 4 juin 2009, ZEZE Gbou André
et autres c/ KAZA Zadi Antoine, Actualités juridiques, n° 68-69/2010, p. 42 et 43.
78
Sur la reconnaissance et la consolidation ou la consécration des droits d’usage
coutumiers, voir Kobo Pierre Claver, La loi n 98-750 du 23décembre 1998 sur le
domaine foncier rural, une lecture critique d’une loi ambiguë, Regards sur…Le
Foncier Rural en Côte d’Ivoire, Institut Africain pour le Développement
Economique et Social (INADES), Les Editions du CERAP, p.21 et suivantes.
56

de 1998. Celles-ci évoquent les droits coutumiers comme


fondement des jugements admettant le droit des propriétaires
coutumiers ou consacrant le droit au maintien des occupants.

(2) A cet égard, on peut utilement rappeler les termes de


l’arrêt rendu le 12 juillet 2011, par la Cour Suprême, dans
l’affaire Nemli Houandé Henriette contre Oyou Tougbaté
Bernard et autres :

« Attendu que, du rapport de l’enquête agricole il


ressort que la parcelle litigieuse relève du territoire de Hinklo
et non de celui de Nane, ainsi que l’ont déclaré les douze
villages de la tribu de Oulopo, et, que, là où réside Gbaté
Bernard se trouvait à l’époque le campement de GNAHOUE
Gnekpa de Hinklo ; que s’il est vrai que le père de OUYOU
Gbaté avait son campement sur ces terres, c’était par la seule
volonté de ses parents maternels de Hinklo pour y faire,
uniquement, des culture vivrières et nourrir sa famille ; qu’il
n’aurait jamais pu héritier de ses terres puisque, selon les
coutumes kroumen, en usage, la succession des terres dans
cette région ne se faisait pas par la mère mais, par le père,
lequel est, en l’espèce, du village de Nané ; que dès lors
Madame Nemlin Henriette épouse DIAHE, qui est reconnue
par l’enquête comme étant descendante de ABLO Guiro et
propriétaire coutumière des terres litigieuses est fondée à
demander le déguerpissement de ces lieux de OYOU Degbate
Bernard et autres et de tous occupants de leurs chef»79.

16) De l’établissement des droits coutumiers

(1) La preuve de la propriété coutumière peut être faite par


tout moyen, y compris par les témoignages. C’est le sens de
l’arrêt DAGO Kouadio Jacob contre AKA Kakou Mathias rendu
par la Cour Suprême le 10 février 201180.

79
Voir, en annexe, Recueil des décisions relatives à la loi foncière de 1998.
80
Cour Suprême Chambre Judiciaire, n° 105/11 du 10 février 2011, DAGO Kouadio
Jacob contre AKA Kakou Mathias (inédit).
57

« Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir


confirmé le jugement entrepris, alors que, selon le moyen,
ladite cour aurait pu ordonner une nouvelle expertise agricole
ou une mise en état à l’effet de déterminer le propriétaire des
parcelles litigieuses, et, d’avoir ainsi par insuffisance,
obscurité ou contrariété de motifs, manqué de donner une
base légale à sa décision ;

Mais attendu que, pour statuer comme elle l’a fait, la


Cour d’Appel a énoncé que la mise en état ordonnée et
exécutée par le Tribunal a révélé des témoignages concordants
et non équivoques attribuant la propriété des parcelles
querellées au père de l’intimé; qu’en se déterminant par de
tels motifs, la Cour d’Appel, qui s’est estimée suffisamment
éclairée, a légalement justifié sa décision».

(2) Des documents divers produits par les parties peuvent


servir de commencement de preuve et conforter leur propriété
coutumière. C’est ce qui ressort de l’arrêt de la Cour Suprême
intervenu dans la cause KPATCHI Godji Nestor contre
MAKAGNON Gabia :

« Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel de s’être,


pour statuer comme elle l’a fait, basée sur le témoignage de
ABIRO Gbota Emile et sur la possession par MAKAGNON
Gabia Richard d’un plan cadastral du domaine forestier au
nom de son grand père GNAKPA Laba Augustin, alors que, dit
le moyen, le témoignage de ABIRO Gbota renferme des
contrevérités, que la Cour d’Appel a, de cette manière erronée,
apprécié le plan cadastral produit par MAKAGNON Gabia
Richard , car, en plus de la cacaoyère de 02 hectares créée
par en 1962 et cédée à KPATCHI Godji Nestor par son père en
1985, il a créé à partir de cette année jusqu’en 1989 une
cacaoyère de 2 hectares et c’est en cette dernière année que
profitant de l’absence de KPATCHI Godji Nestor, GNAKPA
Laba Augustin, grand père de maternel de MAKAGNON Gabia
Richard, s’est fait établir le plan cadastral en son nom
englobant cette cacaoyère ; qu’enfin, c’est à tort que la Cour
d’Appel n’a pas tenu compte de l’enquête agricole ordonnée
58

par le premier juge ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la


Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu que la Cour d’Appel ci a estimé qu’en


dehors de deux hectares qui lui ont été dévolus par étapes
successives et par succession, KPATCHI Godji Nestor n’a
régulièrement acquis aucune autre parcelle ; qu’il s’infère du
dossier que c’est en profitant de l’exploitation de ces deux
hectares qu’il s’est octroyé un surplus de parcelles ; que les
éléments ci-dessus indiqués sont confortés par le plan
cadastral délivré au nom de GNAKPA Laba Augustin et versé
au dossier ; que si ce document ne constitue pas à
proprement parler un titre foncier, il doit être considéré
comme un commencement de preuve de la propriété ; qu’au
regard de ce qui précède, KPATCHI Godji ne peut prétendre
avoir des droits que sur les deux seuls hectares qui
appartenaient initialement à ABIRO Gbota Emile et GBOTA
Balo Jean Pierre son grand-père, lesquels les ont légués à
GNAKPA Laba Augustin qui les a donnés à son tour à
KPATCHI Gdji Nestor ; qu’en se déterminant par de tels
motifs, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision. » 81

17) Sur validité des cessions de droits


coutumiers.

Le contrat portant cession des droits coutumiers se


forme dans les mêmes conditions que toute convention. Bien
sûr, l’on devra tenir compte de sa particularité en tant qu’elle
porte sur une matière plutôt spécifique (la terre rurale). Dès
lors, toutes les exigences légales relatives aux obligations,
telles que prescrites par l’article 108 du code civil, doivent être
respectées82. De même, la volonté des parties doit être

81
Cour Suprême, n° 503/09 du16 juillet 2009, KPATCHI Godji Nestor contre
MAKAGNON Gabia Richard et autres, Actualités Juridiques, n° 68/69/2010, p. 41.
82
C’est l’article 108 du Code civil qui énumère les quatre conditions de validité des
conventions, à savoir : l’objet, la cause, le consentement et la capacité à contracter.
59

respectée. Et le juge a l’obligation soit de la constater soit de


la déceler en vertu de son pouvoir d’interprétation des
contrats, en s’abstenant toutefois d’en dénaturer les clauses 83.

Cela a été confirmé par la Cour d’Appel de Daloa dans


l’arrêt Belia Seadé Pierre contre N’Zué Amani Séraphin 84 :

« Considérant que Bélia Séadé Pierre, demande


l’infirmation du jugement au motif que la plantation litigieuse
lui a été cédée à titre gracieux par dame Soré Salimata, veuve
de Soré Kaboré, après le décès de ce dernier ;

Mais considérant qu’il est constant, comme s’évinçant


du dossier et notamment des déclarations de veuve Soré
Salimata, que la plantation litigieuse avait été vendue par
Soré Kaboré à N’Zué Amani, qui a d’ailleurs versé un acompte
du prix de vente ; Qu’il en résulte que ce dernier est devenu
depuis lors le nouveau propriétaire de la plantation dont
s’agit, la vente étant parfaite dès lors que la chose vendue et le
prix sont déterminés, conformément aux dispositions de
l’article 1583 du code civil ; Qu’ainsi Soré Salimata, ne
pouvait plus disposer, à quelque titre et de quelque façon, de
ladite plantation sauf à rapporter la preuve qu’il s’agit d’une
vente conditionnelle suspendant la remise de la chose vendue
au paiement intégral du prix de vente ; Que par suite Bélia
Séadé Pierre est mal venu à prétexter d’une donation portant
sur la plantation litigieuse de la part de cette dernière, dont il
ne rapporte d’ailleurs pas la preuve, pour s’estimer le nouveau
propriétaire. »

83
Sur l’étendue du pouvoir d’interprétation des conventions, voir Grands arrêts de
la jurisprudence civile, 10e édition, p. 396 à 401 ; Anne LAUDE, La reconnaissance
par le juge de l’existence d’un contrat, Presses universitaires d’Aix-Marseille,
Faculté de Droit et de Sciences politique, 1992, p. 156 et suivantes.
84
Cour d’Appel Daloa, n°38/12 rendu le 25 janvier 2012, Belia Seadé Pierre contre
N’Zué Amani Séraphin (inédit).
60

18) Sur les conséquences juridiques des


cessions de terres coutumières

(1) Lorsque le propriétaire coutumier a cédé sa parcelle de


terre à une tierce personne, il s’est, par cet acte, dessaisi des
droits coutumiers qu’il y exerce. Dès lors, il n’est plus fondé à
les revendiquer d’entre les mains du cessionnaire. Les juges
pourront, s’ils sont saisis d’une action en cessation de
troubles ou en expulsion dirigée contre ce dernier, faire droit à
la demande. Ils pourront également accorder des dommages-
intérêts au bénéficiaire de ladite cession s’il est résulté de
l’attitude du cédant ou de toute personne installée de son
chef, un préjudice pour eux85.

Dans l’arrêt rendu le 16 novembre 2007, dans l’affaire


Doubahi Atsé Paul-Debagah Louis et autres contre N’Da
Becho, la Cour Suprême a reconnu des droits coutumiers au
défendeur à la suite de l’achat par celui-ci d’un terrain
coutumier. Il a estimé qu’en conséquence dudit achat, celui-ci
est fondé à demander l’expulsion de toute personne qui le
trouble dans la jouissance de la parcelle de terre 86.

« Attendu qu’il résulte du procès-verbal n°


130/DDARA-ADZ de litige foncier établi par le bureau des
Affaires Domaniales et Rurales d’Adzopé le 17 juillet 1998
suite à l’expertise agricole ordonnée par le Tribunal d’Adzopé
et du procès-verbal de mise en état daté du 28 Avril 2003
ordonnée par la Cour d’Appel d’Abidjan, que les demandeurs
au pourvoi ainsi que leurs parents et grands-parents ont
toujours cultivé les parcelles litigieuses depuis plusieurs
générations ; que le défendeur au pourvoi N’Da Becho a
racheté à 125 000 F la parcelle de colatiers de SEKA Ohoueu,

85
Il importe de noter que la base juridique de l’indemnisation est contractuelle en ce
qui concerne le cédant. Par contre, s’agissant des occupants du chef de ce dernier,
c’est plutôt l’article 1382 qui fonde le droit à réparation étant donné qu’il n’existe
pas de contrat entre ces derniers et le cessionnaire.
86
Cour Suprême, Chambre Judiciaire, n°566/07 du 16 novembre 2007, Doubahi
Atsé Paul et autres contre N’Da Becho (inédit).
61

représentée sur le plan du service agricole d’Adzopé par le


numéro SP6 d’une superficie de 2,16 ha ; que dès lors, la
demande en expulsion n’est fondée qu’à l’égard de ce dernier à
l’exclusion de Doubahi Atsé, Koffi Yapo Bernard, Bedaga
Louis, Mobio Agnan Alain et Agnié Assamoi »87.

(2) Tel est également le sens de l’arrêt rendu le 25 juillet 2012


par la Cour d’Appel de Daloa, dans la cause Fofana Kouassi
Joseph contre Bouazo Gozé Antoine. En effet, cette juridiction,
répondant à une demande en expulsion dirigée contre le
cédant d’une parcelle de terre coutumière, relève ceci :

« Considérant qu’il est constant ainsi que cela ressort


du dossier, et notamment de la mise en état ordonnée par le
premier juge, que le terrain litigieux a été cédé, courant année
1976, à feu Koffi Kouakou par Bouazo Gozé Antoine,
propriétaire coutumier dudit terrain ;

Considérant que cette cession opère transfert des


droits coutumiers initialement détenus par le cédant au profit
du cessionnaire et par suite à ses ayants-droits ; que dès lors,
Bouazo Gozé Antoine est mal venu à revendiquer lesdits droits
dont ils n’est plus désormais le titulaire du fait justement de
la cession et, a fortiori, à les céder à de tierces personnes ;
que c’est donc à juste titre que le premier juste à ordonné son
déguerpissement et celui de Fofana Kouassi Joseph, installé
de son fait; qu’il convient de confirmer le jugement
entrepris. » 88

19) Sur la nature juridique du certificat


foncier

Le débat sur la nature du certificat foncier n’a pas


encore été posé devant les juridictions. Il n’a donc pour

87
Cour Suprême, 16 novembre 2007, Doubahi Atsé Paul-Debagah Louis et autres
contre N’Da Becho (inédit).
88
Cour d’Appel de Daloa, n°226/12 du 25 juillet octobre 2012, Fofana Kouassi
Joseph contre Bouazo Gozé Antoine (inédit).
62

l’instant qu’un intérêt théorique ou doctrinal. On peut


simplement rappeler que ce document a, au même titre que le
certificat de propriété, une identique valeur juridique en ce
qui concerne les terres coutumières.

C’est ce qui se donner à constater à la lecture de


l’article 4 du code foncier rural : « La propriété d’une terre du
Domaine foncier rural est établie à partir de l’immatriculation
de cette terre au registre foncier ouvert à cet effet par
l’Administration et en ce qui concerne les terres du Domaine
coutumier par le certificat foncier. Le détenteur du certificat
foncier doit requérir l’immatriculation de la terre correspondante
dans un délai de trois ans à compter de la date d’acquisition
du certificat foncier. »

Il en résulte, en effet, que la propriété foncière


coutumière est prouvée à travers le certificat foncier. Dès lors
peu importe qu’il soit un titre transitoire (il a vocation à être
transformé à terme en certificat de propriété).

C’est ce que rappelle implicitement mais


nécessairement la Cour Suprême dans l’arrêt Yaley Doukouré
Jules contre Dogo Tayoro cité plus haut :

« Considérant qu’il est fait grief aux juges d’appel


d’avoir fait droit à la demande d’expulsion Dogo Tayoro sans
avoir exigé la production d’un certificat foncier pour prouver
son droit de propriété (sic) sur les lieux litigieux et d’avoir
ainsi violé l’article 4 de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998
qui indique que dans le domaine coutumier la propriété est
établie par ce certificat et manqué, par insuffisance de motifs,
de donner une base légale à leur décision ;

Mais attendu que l’article 4 de la loi précitée n’étant


pas d’application, la Cour d’Appel n’a pu ni violer ledit texte ni
priver sa décision de base légale. » 89

89
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 08/07 du 1er février 2007, Yaley Doukouré
Jules contre Dogo Tayoro (inédit) ; voir également nos développements au point 14
consacrés au certificat foncier comme preuve de la propriété foncière coutumière.
63

Dans l’arrêt Kouassi Apetey et Deki Moise contre Bitty


N’Guessan Blaise90, le juge suprême s’est montré encore plus
précis. Il a, en effet, évoqué les titres de propriété prévus par
la loi foncière de 1998 pour l’établissement de la propriété des
terres rurales. Le disant, il se réfère sans aucun doute au
certificat de propriété (procédant de l’immatriculation) et au
certificat foncier (obtenu au terme de la procédure prévue à
cet effet) qui sont tous les deux titres destinés à établir la
propriété foncière sur les terres du domaine foncier rural :

« Attendu que pour fonder son action en revendication,


M. BITTY Blaise fait valoir que les terres visées ont été
données aux agnis ″Amantians″ par les princes et rois
″Elomoins″ de la dynastie des Kpacobo, propriétaires terriens
de la contrée de Tiassalé et que c’est de ce fait que ces terres
sont, depuis plus d’un demi-siècle, cultivées et exploitées par
les trois grandes familles agnis BITTY Kokora, Amandjou
TANO et N’GUESSAN Komenan ;

Attendu cependant que les documents produits, s’ils


attestent que les terres formant le domaine d’Akaidegbessi
sont à certains endroits, exploitées par la famille du
demandeur, ils ne sont, en revanche, pas de nature à établir
la propriété (sic) de la famille BITTY à l’égard desdites terres,
faute de satisfaire aux exigences de la loi n° 98-750 du 23
décembre 1998 relative au domaine foncier rural ; qu’il
s’ensuit que l’action en revendication initiée par M. BITTY
N’guessan Blaise n’est pas fondée. »

90
Cour Suprême, chambre judiciaire, n° 251/10, 1er avril 2010, Kouassi Apetey et
Deki Moïse contre Bitty N’Guessan Blaise (inédit).
64

20) De l’exigence du certificat foncier


comme preuve de l’existence des droits
coutumiers

(1) Tantôt, les juges estiment que la demande est irrecevable


pour défaut d’intérêt ou de qualité à agir 91. Tantôt encore, ils
déclarent l’action n’est pas fondée faute, pour le requérant de
justifier son droit sur le terrain litigieux. C’est dire que la
position des juridictions n’est pas uniforme. La question est
alors de savoir si les personnes qui revendiquent des parcelles
de terres coutumières sont obligées de produire un certificat
foncier pour prouver leurs droits.

Le débat devrait être pourtant être considérée comme clos


suite à l’arrêt VALENTIN André contre OBOGNON Yorokoé. En
effet, dans cette décision, la Cour Suprême à tenu
expressément à affirmer que cette exigence n’avait pas lieu
d’être en l’état de l’application de la loi de 1998 92 :

« Attendu qu’il est établi au vu des productions,


notamment de l’enquête agricole que Lobognon Yokorokoe est
détenteur sur la parcelle litigieuse, de droits coutumiers
conformes aux traditions et ce, conformément à l’article 3 de
la loi n 98-750 du 23 décembre 1998 ; que se trouvant encore
dans les délais pour faire constater ses droits par une
éventuelle immatriculation, il ne peut lui être reproché de ne
s’être pas conformé à cette loi pour affirmer sa propriété
coutumière sur ladite parcelle. »

91
Sur ce point, voir notre ouvrage, Comprendre le Code foncier rural de la Côte
d’Ivoire, Frat-Mat Editions, 2e éditions, p. 106 et suivantes.
92
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 p.26
65

Dans l’arrêt intervenu dans la cause Yaley Doukouré


Jules contre Dogo Tayoro, le 1er février 2007, la haute cour est
allée dans le même sens93 :

« Considérant qu’il est fait grief aux juges d’appel


d’avoir fait droit à la demande d’expulsion Dogo Tayoro sans
avoir exigé la production d’un certificat foncier pour prouver
son droit de propriété sur les lieux litigieux et d’avoir ainsi
violé l’article 4 de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 qui
indique que dans le domaine coutumier la propriété est
établie par ce certificat et manqué, par insuffisance de motifs,
de donner une base légale à leur décision ;

Mais attendu que l’article 4 de la loi précitée n’étant


pas d’application, la Cour d’Appel n’a pu ni violer ledit texte ni
priver sa décision de base légale. »

(2) C’est dans cette logique que la Cour d’Appel de Daloa a


tenu à rappeler expressément ce qui suit dans une décision
en date du 17 octobre 2012, intervenue dans la cause
Ouattara Karim et autres contre Seri Dakouri :

Considérant que les appelants font grief au premier


juge d’avoir déclaré bien fondée, la demande en
déguerpissement de Séri Dakouri alors qu’il ne détient aucun
certificat foncier comme le prescrit la loi n°98-750 du 23
Décembre 1998 portant code foncier rural ;

Mais considérant que l’absence d’un certificat foncier


ne peut constituer pour les propriétaires un obstacle pour
revendiquer les droits coutumiers sur une parcelle de terre du
domaine foncier rural dès lors que ceux-ci se trouvent encore
dans le délai imparti par la loi pour sacrifier aux procédures
conduisant à l’obtention de ce titre ; Que c’est à tort que les
appelants ont cru devoir utiliser cet argument pour dénier

93
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 08/07 du 1 er février 2007, Yaley Doukouré
Jules contre Dogo Tayoro (inédit).
66

tout droit à Séri Dakouri qui allègue l’existence de droits


coutumiers au profit de sa famille 94. »

(3) On ne peut donc que regretter que certaines juridictions


continuent toujours à d’exiger ce document. Cette attitude
devrait donc être rapidement reconsidérée dans la mesure où
l’on ne peut exiger d’une personne le respect d’un délai de
prescription lorsqu’il existe des obstacles juridiques et
matériels à son observance95. C’est dire que les juges seraient
mal inspirés en continuant d’exiger un certificat foncier
comme la seule preuve des droits coutumiers.

21) De la sanction de la vente du terrain


coutumier d’autrui

(1) Aux termes de l’article 1599 du code civil, « La vente de la


chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des
dommages-intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose
fût à lui ». Cette disposition s’applique également en matière
de foncier rural. La cession d’une parcelle de terre coutumière
par une personne qui n’en est pas le propriétaire et qui n’a
pas non plus reçu procuration pour ce faire, est sanctionnée
par la nullité.

C’est dans cette logique qu’il faut également


comprendre la décision rendue le 13 mars 2008, la Cour
Suprême dans l’affaire Ayants-droit de feu Souassou Daplé
contre Gourou Mahama96. En effet, elle sanctionne l’héritier

94
Cour d’Appel de Daloa, n°237/12 du 17 octobre 2012, Ouattara Karim et autres
contre Seri Dakouri (inédit).

95
Tel est le sens de l’article de l’article 2234 du code civil qui dispose : « La
prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité
d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la
force majeure. »
96
Cour Suprême, chambre administrative, n°63/08, 13 mars 2008, AD de feu
Souassou Daplé contre Gourou Mahama, (inédit).
67

qui s’est fait passer pour le seul ayants-droit pour vendre un


bien de la succession :

« Attendu, selon les énonciations de l’arrêt réformif


attaqué (Abidjan, 7 décembre 2001), que SOUASSOU Daplé
laissait à son décès un lot bâti et Sept enfants dont l’aîné,
SOUASSOU Bléhiry Francis, se faisant passer pour être le
seul et unique héritier, obtenait frauduleusement du
Président du Tribunal d’Abidjan l’acte de notoriété n° 3344 du
22 Juillet 1996 ; que muni de cette pièce, il vendait par acte
notarié des 24 mars et 2 Mai 1997 ledit bien indivis à
GOUROU Mahama, moyennant le prix de 8 000 000 F ; que
saisi, le Tribunal d’Abidjan, par jugement du 6 décembre
1999, annulait la vente intervenue en fraude droits des
cohéritiers et déboutait l’acquéreur de sa demande
reconventionnelle tendant au remboursement du prix de la
cession ;

Attendu que, pour réformer ce jugement et condamner


tous les ayants-droit de feu SOUASSOU Daplé à payer à
GOUROU Mahama la somme de 8 000 000 F, à titre de
remboursement du prix de la vente annulée, la Cour d’Appel a
estimé que SOUASSOU Bléhiry Francis reconnaît avoir reçu
cette somme ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi, alors que ladite


somme représente une dette personnelle de SOUASOU
BLEHIRY Francis et non celle de la succession, la Cour
d’Appel a violé les dispositions de l’article visé au moyen ; qu’il
y a lieu de casser et annuler partiellement l’arrêt attaqué, et
d’évoquer conformément à la loi ».

(2) C’est cette position que la Cour d’appel de Daloa a


également adoptée dans son arrêt rendu le 13 janvier 2011
dans l’affaire Dame Nemlin Hélène contre Kouadio Kouakou et
autres :

« Considérant qu’il résulte de l’enquête agricole


ordonnée par le Tribunal que Nemlin Helène a été installée
68

par Keh Krah Félix alors chef du village de Taki 1 sur la


parcelle de terre litigieuse conformément aux us ; que dès
lors, elle exerce sur celle-ci des droits coutumiers conformes à
la tradition ;

Considérant qu’en cédant ladite parcelle à Aboukadry


Thomas, Kouadio Kouakou Thomas qui ne justifie pas qu’il a
obtenu une procuration ou une autorisation à cette fin, a
vendu la chose d’autrui ; qu’en application des dispositions de
l’article 1599 du code civil ladite vente est nulle ;

Considérant dans ces conditions que Kouadio


Kouakou, Aboukadry Thomas et Ouédraogo Oumarou
occupent sans titre ni droit la parcelle de Nemlin Helène, qu’il
convient d’ordonner leur expulsion des lieux.» 97

(3) Cette juridiction est d’ailleurs restée constante sur ce


point, comme en témoigne cet autre arrêt rendu en 2012 dans
la cause Dame Kazango Egnamboe contre Batou
Assiehoussou :

« Considérant que l’article 1599 du Code civil dispose


que « La vente de la chose d’autrui est nulle » ;

Considérant qu’il est constant ainsi que cela ressort


des pièces du dossier et notamment de la mise en état
ordonnée par le premier juge, que la parcelle de terre litigieuse
est la propriété coutumière de Batou Assiéhoussou et que
Niangoran (qui l’a vendue) n’en avait que la gestion ; qu’il en
résulte qu’en cédant ce terrain à Kazongo Egnamboe sans le
consentement ni le mandant de la part du véritable
propriétaire, ce dernier a vendu la chose d’autrui ; que c’est à
bon droit, par conséquent, que le premier juge a annulé cette
vente en application du texte précité.»98

97
Cour d’Appel de Daloa, n° 125/2011 du 13 janvier 2011, Dame Nemlin Hélène
contre Kouadio Kouakou et autres (inédit).
98
Cour d’Appel de Daloa, n° 138/12 du 18 avril 2012, 2012, Dame Kazango
Egnamboe cotre Batou Assiehoussou (inédit).
69

22) De la libre disposition des droits


coutumiers cédés

(1) En principe, le titulaire des droits coutumiers est libre d’en


disposer. Et le cédant ne peut s’y opposer. Il faut observer, en
effet, que la loi ne pose aucune condition pour la cession des
droits coutumiers, sauf à se conformer aux us et coutumes en
vigueur dans la localité concernée.»99

Il en résulte que la cession qui porte sur de tels droits


devrait aussi obéir à cette exigence essentielle (conformité
aux us et coutumes de la localité). Car de la même manière
que l’acquisition de droits coutumiers doit obéir à la tradition,
de cette même façon, la disposition par le cessionnaire doit s’y
conformer100. C’est donc sous cette réserve, le bénéficiaire des
droits coutumiers peut en disposer librement.

(2) Cela signifie également que le cédant ne pourra plus se


prévaloir des droits coutumiers cédés, puisqu’il a cessé d’en
être le titulaire. Cette position a été précisée par le juge de
l’appel de Daloa dans la décision rendue le 17 octobre 2012
dans l’affaire Fofana Kouassi Joseph et Bouazzo Gozé Antoine
contre Kouakou Kouadio :

« Considérant qu’il est constant ainsi que cela ressort


des pièces du dossier, notamment du rapport de la mise en
état ordonnée par le premier juge, que le terrain litigieux a été
cédé, courant année 1976, à feu Koffi Kouakou par Bouazo
Gozé Antoine, propriétaire coutumier du site ;

Considérant que cette cession opère transfert des


droits coutumiers initialement détenus par le cédant au profit

99
Cela s’induit des termes mêmes de l’article 3 de la loi foncière de 1998, « Le
Domaine foncier rural coutumier est constitué par l’ensemble des terres sur
lesquels s’exercent : des droits coutumiers conformes aux traditions et des droits
coutumiers cédés à des tiers ».
100
Il faut, en effet, garder à l’esprit l’article 3 du code foncier rural qui dispose, en
substance, que les droits coutumiers doivent être conformes aux traditions.
70

du cessionnaire… ; que dès lors Bouazo Gozé est mal venu à


revendiquer des droits coutumiers dont il n’est plus désormais
titulaire du fait justement de ladite cession et, a fortiori à les
céder à des tiers… »101

C’est également le sens de l’arrêt intervenu dans


l’affaire Loueba Otté Michel contre Bonkoungou Kouilga dit
Yacouba contre N’Goran N’Goran Victorien intervenu le 25
janvier 2012 :

« Considérant, d’autre part, qu’il s’évince du rapport de


mise en état ordonnée par le Premier juge que la parcelle de
terre dont s’agit, a été cédée par feu Guéhi Gustave à feu
Kouakou N’Goran, père de N’Goran Koffi ;

Considérant qu’il résulte de ces deux circonstances


que la parcelle de terre querellée a été mise en valeur par feu
N’Goran Koffi en conséquence de la cession de ce terrain par
feu Guéhi Gustave ;

Considérant que ladite cession opère un transfert des


droits coutumiers détenus sur ladite parcelle de terre par le
cédant au profit du susnommé ; Que dès-lors, Louéba Otté
Michel, ayant-droit de feu Guéhi Gustave, est mal fondé à
revendiquer des droits coutumiers dont son père n’était plus
titulaire du fait justement de cette cession ; Que c’est donc à
bon droit que le premier juge a ordonné la cessation de
troubles orchestrés par ce dernier et son déguerpissement ;
Que la décision doit par suite être confirmée 102 ».

(3) Ce raisonnement reste également valable même si la


cession résulte d’une donation. C’est ce qui ressort de l’arrêt

101
Cour d’Appel, 17 octobre 2012, Fofana Kouassi Joseph et Bouazzo Gozé Antoine
contre Kouakou Kouadio (inédit).
102
Cour d’Appel de Daloa, n°36/12 du 25 janvier 2012, Loueba Otté Michel contre
Bonkoungou Kouilga dit Yacouba contre N’Goran N’Goran Victorien (inédit).
71

du juge de l’appel de Daloa rendu dans la cause Goba Solo


contre Diarra Gaoussou, le 14 mars 2012 :

« Considérant que Diarra Gaoussou sollicite le


déguerpissement de Goba Solo ;

Considérant que pour résister à cette demande, ce


dernier fait valoir que conformément à l’accord conclu avec
feu Diarra Siaka, la parcelle de terre litigieuse devait lui
revenir en cas de décès du cessionnaire ;

Mais considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ses


allégations ; Qu’au contraire, il ressort de ses propres
déclarations qu’il a gracieusement cédé la parcelle de terre
litigieuse à feu Diarra Siaka, père de l’intimé ;

Considérant que du fait de cette cession, Goba Solo a


cessé d’être titulaire des droits coutumiers détenus sur la
parcelle de terre litigieuse au profit du cessionnaire ; Que c’est
donc à bon droit que le premier juge a ordonné son
déguerpissement de la parcelle de terre litigieuse ; Que cette
décision doit par conséquent être confirmée en tous ses
points. 103»

(4) La question est alors de savoir comment détecter cette


coutume pour connaitre les modalités de cession des droits
coutumiers exercés dans chaque localité104. On le sait, les
coutumes sont nombreuses et ne font pas l’objet de
codification. Sans doute faudrait-il penser à aller dans ce sens
pour éviter les méprises et se mettre à l’abri de toute surprise.
En attendant, pour résoudre cette équation, les juges
devraient recourir à une mise en état dans les procédures

103
Cour d’Appel de Daloa, 14 mars 2012, Goba Solo c/ Diarra Gaoussou (inédit).
104
On peut le dire, par cette disposition, dont on imagine aussitôt les implications,
quant à la portée des droits coutumiers cédés, le législateur introduit, un critère
d’appréciation plutôt polémique, voire confligène.
72

soumises à leurs juridictions ou à tout autre moyen en vertu


du pouvoir d’investigation que leur reconnait la loi pour la
manifestation de la vérité et trancher en connaissance de
cause les litiges qui leur sont soumis.

(5) On peut ensuite se demander quelle est l’étendue des


droits exercés par les parties prenantes (cédant et
cessionnaire) sur la parcelle de terre rurale. Cette question est
importante en ce qu’elle révèle l’ambigüité des droits exercés
sur le terrain coutumier. D’ailleurs, les mésententes et
disputes entres les populations relativement aux terres cédées
trouvent là, pour l’essentiel, leur cause. En effet, alors que
l’occupant de la parcelle de terre l’exploite, le cédant continue
encore de penser qu’il est le propriétaire des lieux.

Dans ces conditions où s’arrêtent les droits des uns et


des autres ? Les juges tirent plutôt toutes les conséquences de
la cession pour considérer que désormais seul le cessionnaire
a plus de droits que le cédant105. Mais si les tensions
continuent de persister c’est que cette approche ne satisfait
pas toujours toutes les parties. Il faut donc souhaiter que le
législateur intervienne rapidement pour situer tout le
monde106.

(6) Par ailleurs, on peut s’interroger sur la durée des cessions


de droits coutumiers opérées par les propriétaires coutumiers.
Il s’agit de savoir si les cessionnaires peuvent occuper les
lieux ad vitam. Pour répondre à cette question il faut recourir
également aux principes de droit qui s’appliquent aux

105
Voir nos développements sur cette question.

106
C’est l’article 14 in fine du Décret n° 99-594 du 13 octobre 1999 fixant les
modalités d’application au Domaine foncier rural coutumier de la loi n° 98-750 du
23 décembre 1998,qui prévoit cette éventualité, en précisant les droits des
« occupants de bonne foi (…) seront confirmés par le titulaire du certificat de façon
juste et équitable pour les deux parties, aux clauses et conditions du bail
emphytéotique et conformément aux loyers en vigueur fixés par textes
réglementaires »
73

contrats. En l’absence de toute indication par les parties dans


les conventions qui les lient, celles-ci sont réputées conclues
pour une durée maximum de 99 ans107. Il en sera ainsi en
matière de foncier rural jusqu’à ce qu’un texte intervienne
pour régir et encadrer ces transactions108.

23) De la transmissibilité des droits


coutumiers à cause de mort

(1) En conséquence du principe de la libre transmissibilité des


droits acquis109, les droits coutumiers échoient aux héritiers
après le décès de leurs titulaires110. C’est d’’ailleurs pour s’y

107
Il s’agit là d’un principe qui a été dégagé à partir de plusieurs dispositions
légales qui prescrivent comme durée maximale des conventions 99 ans. C’est le cas
de la loi du 25 juin 1905 sur le bail emphytéotique qui est conclu pour une durée
allant de 18 ans à 99 ans. On peut aussi citer les articles 1944 et 2003 du Code civil
qui proscrivent respectivement le dépôt et le mandat illimités. Telle est la position de
certains auteurs dont J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, qui estiment que
« ces textes constituent des expressions particulières d'une règle générale, dont il
doit être fait application là même où la loi ne l'a pas formellement édictée » (J.
FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, tome 1, L'acte juridique,
Colin 2000, 9ème édition, n°380, p.280. On en tire donc la conséquence que les
contrats peuvent être librement rompus même si les parties n’ont pas fixé de limite à
leurs engagements. Ainsi, A. BENNABENT, précise-t-il que « si les parties n'ont pas
fixé la limite de leur contrat (...), ils ne sont pas nuls, mais chaque partie peut y
mettre fin à tout moment par une résiliation unilatérale » (Droit civil, Les
obligations (7ème édition 1999), n°312, p.212).
108
C’est dans ce sens qu’est allé l’important séminaire sur les difficultés de mise en
œuvre de la loi foncière de 1998 organisé par l’ONG « Le Conseil Norvégien de
Réfugiés (NRC) les 10 et 13 juillet 2013 à Abidjan, et dont les conclusions sont
disponibles au siège de ladite organisation, en Côte d’Ivoire.
109
Sur la notion de droits acquis et ses implications, voir François Terré,
Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 8e édition, 2009, p. 445 et suivantes.
110
Sur ce point, voir notre ouvrage Comprendre le Code foncier rural de la Côte
d’Ivoire, 2e édition revue et corrigée, Frat-Mat Editions, 2005, p. 60 et suivantes,
Pour rappel, la première mouture de l’article 26 de la loi de 1998 indiquait que les
biens acquis par des non-ivoiriens leur étaient personnels et ne pouvaient, par
conséquent, être transmis à leurs héritiers.
74

conformer que les députés ont été amenés à procéder en 2004


à la révision de l’article 26 de la loi de 1998111.

La Cour Suprême a confirmé la transmissibilité des


droits coutumiers aux héritiers dans l’arrêt Valentin André
contre LOBOGNON Yorokoé Norbert. C’est ce qui ressort de
l’extrait ci-après :

« En confirmant la décision du Tribunal qui a constaté


que LOBOGNON Yorokoe tient ses droits coutumiers sur la
parcelle, de ses ancêtres par voie de succession, comme le
consacre la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative aux
droits coutumiers sur les terres du domaine foncier rural dont
les dispositions ne sont pas contraires à l’article 83 du décret
du 26 juillet 1932, la Cour d’Appel n’a point violé les textes
susvisés» 112.

(2) Cette position a été réaffirmée dans son arrêt intervenu le


14 juillet 2011, dans l’affaire Yandji Yapo contre Danho Kouao
Jacob 113:

«Attendu que par arrêt n° 691/01 rendu le 13


décembre 2001 la Chambre judicaire de la Cour Suprême
annulait et cassait l’arrêt n°482 rendu le 14 avril 200 par la
Cour d’Appel d’Abidjan, ordonnait une enquête agricole à
l’effet de procéder à l’audition de tout sachant, déterminer
l’origine de la parcelle litigieuse sise dans la localité de
Ebimpé et de sa mise en valeur et commettait, pour y

111
Il s’agissait aussi de répondre aux préoccupations de la Table ronde de Linas-
Marcoussis (en France) tenue du 15 au 24 janvier 2002, soit quelques jours après
l’éclatement de la crise militaro-politique que la Côte d’Ivoire a connue.
112
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 P.26
113
Cour Suprême, chambre judiciaire, n° 266/11 du 14 juillet 2011, Yandji Yapo
contre Danho Kouao Jacob (inédit).
75

procéder, les services du ministère de l’Agriculture de la Sous-


préfecture d’Anyama ;

Attendu qu’il résulte de l’enquête agricole qu’après la


mort de N’TABIE Yapi, ses différents neveux ont
successivement hérité de ses parcelles de terre en vertu de la
coutume ; qu’ainsi, AGBEKE Yangui Ambroise, père de
YANGUI Yapo Athanse demandeur au pourvoi, sans être
héritier coutumier de feu N’TABIE Yapi a reçu une partie des
dites parcelles de terre que lui a cédé son frère AGBEKE Affa
Michel, neveu de N’TABIE Yapi, devenu héritier coutumier. »

(3) Le juge de l’appel de Daloa est allé dans ce sens dans


l’arrêt rendu 17 octobre 2002 dans la cause Fofana Kouassi
Joseph et Bouazzo Gozé Antoine contre Kouakou Kouadio :

« Considérant que le terrain litigieux a été cédé,


courant année 1976, à feu Koffi Kouakou par Bouazo Gozé
Antoine, propriétaire coutumier du site ; que cette cession
opère transfert des droits coutumiers initialement détenus par
le cédant au profit du cessionnaire et par suite à ses ayants-
droit. »114

Dans sa décision rendue le 13 avril 2013 dans l’affaire


Ayants-droit de AMESSAN Odibo Josue contre BAGOUEHI
Gatte Grégoire, cette juridiction a repris le même
raisonnement :

« Considérant que pour s’opposer à la demande en


expulsion des intimés, les ayants-droit de feu Amessan Odibo
Josué font valoir que le domaine forestier était la propriété
coutumière de leur défunt père ;

Mais considérant que dans ses conclusions en date du


07 Mai 2003 produites au dossier, ce dernier avait lui-même

114
Cour d’Appel de Daloa, 17 octobre 2012, Fofana Kouassi Joseph et Bouazzo
Gozé Antoine contre Kouakou Kouadio (inédit).
76

reconnu avoir cédé ce site à feu Téty Ba Gohi père des


intimés ; Que cette cession opère transfert des droits
coutumiers détenus par le cédant sur ledit terrain, au profit
du cessionnaire et à son décès, à ses ayants-droit ; Que ses
héritiers sont donc mal venus, à revendiquer ces droits dont
leur géniteur a cessé d’être le titulaire ; Qu’il s’ensuit que c’est
à bon droit, que le premier juge a ordonné leur expulsion 115.

De même, dans l’arrêt rendu le 17 octobre 2012 dans


la procédure Origou Yohou Prosper contre Bobo Kouété
Sylvain, cette juridiction, tout en réaffirmant la
transmissibilité des droits coutumiers cédés en ces termes:

« Considérant que les parents de l’intimé ont transféré


les droits qu’ils détenaient sur la parcelle de terre litigieuse à
ceux de l’appelant qui en est désormais le nouveau
propriétaire par dévolution successorale ; que dès lors l’intimé
n’est pas fondé à se prévaloir desdits droits qui ne lui
appartiennent pas.»116

24) De la constatation des droits fonciers


coutumiers

(1) Il ressort des dispositions de l’article 7 de la loi de 1998


que : « Les droits coutumiers sont constatés au terme d'une
enquête officielle réalisée par les autorités administratives ou
leurs délégués et les conseils des villages concernés soit en
exécution d'un programme d'intervention, soit à la demande des
personnes intéressées. Un décret pris en Conseil des Ministres
détermine les modalités de l'enquête. » Par ailleurs, l’article 8
de la loi suscitée dispose : « Le constat d’existence continue et
paisible de droits coutumiers donne lieu à délivrance par

115
Cour d’Appel de Daloa, n° 67/13 du 13 avril 2013, A.D de AMESSAN Odibo
Josue contre BAGOUEHI Gatte Grégoire (inédit).
116
Cour d’Appel de Daloa, 17 octobre 2012, Origou Yohou Prosper contre Bobo
Kouété Sylvain (inédit).
77

l’Autorité administrative d’un certificat foncier collectif ou


individuel permettant d’ouvrir la procédure d’immatriculation
aux clauses et conditions fixées par décret. »

Il ressort de la combinaison de ces deux textes, que les


droits coutumiers sont constatés dans un objectif précis. En
effet, cette constatation s’inscrit dans le cadre de la
sécurisation foncière. C’est dire que la procédure
administrative n’est qu’une étape qui permet d’enclencher
celle du certificat foncier117.

Il en résulte que les juges pourront, en vertu de leur


pouvoir d’investigation, continuer de constater l’existence des
droits coutumiers et s’assurer de leur conformité aux
traditions mais aussi de leur exercice continue et paisible 118.
Tant qu’il ne s’agit pas d’investiguer pour la délivrance d’un
certificat foncier ou aux fins spécifiées par le texte suscité ils
pourront rechercher par tous les moyens la preuve de
l’existence des droits coutumiers, y compris en recourant à
enquêtes.

(2) Il n’en demeure pas moins cependant que les juges


pourront utilement se référer aux résultats de l’enquête
administrative faite à l’occasion de la procédure du certificat
foncier. Tel est le sens de l’arrêt rendu le 4 mars 2010, dans
l’affaire YED Gnagne Samuel contre AWAI Kotchi Edmond 119
par la Cour Suprême. Celle-ci reconnait aussi bien à

117
Voir les termes des articles 7 et 8 de la loi n° 98-750 du 23décembre 1998
relative au domaine foncier rural

118
Aux termes de l’article 48 du code de procédure civile, commerciale et
administrative, « Le juge chargé de la mise en état (…) doit prendre toutes les
mesures qui lui paraissent nécessaires pour parvenir à une instruction complète de
l’affaire. »
119
Cour Suprême, Chambre Judiciaire., 4 mars 2010, YED Gnagne Samuel contre
AWAI Kotchi Edmond (inédit).
78

l’Administration qu’aux juges le pouvoir de constatation des


droits coutumiers :

« Attendu qu’aux termes de l’article 7 de la loi n° 98-


750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural ;
« Les droits coutumiers sont constatés au terme d’une enquête
officielle réalisée par les Autorités administratives ou leurs
délégués et les conseils des villages concernés soit en
exécution d’un programme d’intervention, soit à la demande
des personnes intéressées » ; qu’en retenant les déclarations
consignées dans le procès verbal de l’enquête agricole officielle
réalisée par le Ministère de l’Agriculture et confirmées par
d’autres témoignages contenus dans le procès verbal de
descente sur les lieux (réalisée par le juge) selon lesquelles
WAI Kotchi est le détenteur des droits coutumiers sur la
parcelle en litige, la Cour d’Appel (…) a légalement justifié sa
décision. »

De même, dans l’arrêt DAGGO Kouadio Jacob contre


AKA Kakou Mathias, intervenu le 10 février 2011, la haute
cour a estimé que la preuve des droits coutumiers peut
résulter des témoignages recueillis par le juge auprès des
sachants :

« Attendu que, pour statuer comme elle l’a fait, la Cour


d’Appel a énoncé que la mise en état ordonnée et exécuté par
le tribunal a révélé des témoignages concordant et non
équivoques attribuant la propriété des parcelles querellée au
père de l’intimé ; qu’en se déterminant par de tels motifs, la
Cour d’Appel, qui s’est estimée suffisamment éclairée, a
légalement justifiée sa décision ».120

(3) La Cour d’Appel de Daloa s’est montrée encore plus


précise. Ainsi, face au moyen de l’une des parties selon lequel
les résultats de l’enquête ayant servi à l’appréciation de
l’existence des droits coutumiers devraient être rejetés parce

120
Cf. Cour suprême, Ch. Judiciaire, n° 105/11 du 10 février 2011, DAGGO
Kouadio Jacob contre AKA Kakou Mathias(inédit).
79

qu’elle ne constitue pas l’enquête administrative prévue par


la loi foncière de 1998121, répond-t-elle comme suit :

« Considérant, par ailleurs, qu’il est reproché au


premier juge d’avoir reconnu à Séri Dakouri, des droits
d’usage coutumier alors même qu’aucune enquête officielle
n’a été réalisée comme le prescrit la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 précitée ;

Mais considérant, d’une part, que la mise en état


ordonnée par le premier juge a permis d’établir l’existence des
droits coutumiers au profit de la famille Djigbolilié dont est
issu Séri Dakouri ; Que d’autre part, lesdits droits peuvent
être constatés en dehors de l’enquête administrative prescrite
par la loi dès-lors qu’ils existent naturellement, l’enquête ne
faisant qu’attester de leur existence ; Qu’il s’ensuit que ce
moyen doit également être rejeté comme mal fondé. »

(4) Comme on peut le constater, le juge suprême et le juge de


l’appel sont en phase. Il peut être recouru aux deux types
d’investigation (l’enquête administrative et l’enquête
judiciaire), soit séparément, soit concomitamment pour établir
les droits coutumiers.

25) Sur la notion d’ « exercice continu et


paisible » des droits coutumiers

(1) L’appréciation des droits coutumiers doit se faire dans la


logique des dispositions de l’article 8 de la loi foncière de 1998
qui précisent la condition de la prise en compte des droits
coutumiers122. C’est ainsi que dans l’arrêt AD de feu Adopo

121
Aux termes de l’article 17 de la loi 98-750 du 23 décembre 1998, relative au
Domaine foncier rural, « Le certificat foncier peut être cédé, en tout ou en partie,
par acte authentique par l’Autorité administrative, à un tiers ou, lorsqu’il est
collectif, à un membre de la collectivité ou du groupement dans les limites de
l’article 1 ci-dessus. »
122
Pour rappel, aux termes de l’article 8 de la loi de 1998, « Le constat de
l’existence continue et paisible de droits coutumiers donne lieu à délivrance par
l’Autorité administrative d’un certificat foncier collectif ou individuel permettant
80

Atsé François contre Boni Yapo Bernabé, du 06 juin 2012, la


Cour Suprême précise-t-elle ce qui suit :

« Attendu que pour infirmer le jugement attaqué la


Cour d’Appel a estimé qu’il résulte des productions qu’une des
parties ne peut se prévaloir d’un titre de propriété ; qu’à
l’examen des mêmes productions, il apparait que les ayants
droit de Achi Boni ont occupé, eux et leur père, de façon
continue, la parcelle litigieuse et l’ont mise en valeur ; que
l’enquête ordonnée par le Tribunal a confirmé cette
occupation et a précisé que selon les témoins, ladite parcelle
appartient à feu Achi Boni »123.

(2) Dans un arrêt rendu le 27 juillet 2011 dans la cause


Voukrou Salomen et Grehoua Fulgence contre Mamadou
Cissé, la Cour d’Appel de Daloa prenant acte de cette donne a
ordonné l’expulsion des occupants :

« Considérant qu’il résulte des témoignages recueillis


lors de l’expertise agricole, notamment celui du chef du village
que la parcelle litigieuse, d’une contenance de 7 ha a été
cédée à Ouma Cissé, ascendant de Mamadou Cissé qui l’a
exploité paisiblement pendant plus de 40 ans et y possède des
réalisations et restes mortels de ses ascendants (…) qu’il
convient d’ordonner l’expulsion de ses adversaires qui sont
des occupants sans titre ni droits. »124

De même, dans une autre décision, intervenue le 09


mai 2012, dans la cause Guedé Tapé Sévérin contre Ahoko
Sahouri Kouassi, cette juridiction a rappelé cette exigence

d’ouvrir la procédure d’immatriculation aux clauses et conditions fixées par


décret. »
123
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 273/11, AD de feu Adopo Atsé François
contre Boni Yapo Bernabé (inédit)
124
Cour d’appel de Daloa, n° 178/2011 du 27 juillet 2011, Voukrou Salomen et
Grehoua Fulgence contre Mamadou Cissé (inédit).
81

avant de confirmer les droits du cessionnaire à occuper une


parcelle de terre du Domaine foncier rural :

« Considérant que l’appelant sollicite l’expulsion de


l’intimé au motif que le cessionnaire n’a pas respecté tous ses
engagements ;

Mais considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ses


déclarations ; Que d’ailleurs, l’occupation du terrain n’a
jamais été remise en cause par le cédant puisque feu Diby
Kouamé a exploité sa plantation de manière paisible et
continue jusqu’à son décès ; Que c’est donc à tort qu’il entend
remettre en cause la convention ;

Considérant que la convention entre Zézé Guédé


Lambert et Diby Kouamé a eu pour conséquences de
transmettre à Ahoko Sanhouri Kouassi, les droits coutumiers
que le propriétaire terrien détenait sur le terrain ; Que c’est
donc vainement que ses ayants-droit, qui ne peuvent plus se
prévaloir desdits droits, ont cru devoir exiger des sommes
d’argent pour les consolider. »125

26) Sur le respect des délais de


sécurisation des droits des droits
coutumiers

1) Aux termes de l’article 2234 du code civil, « La prescription


ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans
l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de
la loi, de la convention ou de la force majeure. » Ce principe
est également applicable en matière de foncier rural.

Cela a été confirmé par la Cour Suprême dans l’arrêt


Lobognon Yorokoe précité. La haute cour a, en effet, estimé
que les parties peuvent utilement invoquer les droits qu’elles

125
Cour d’Appel, n°165/12 du 09 mai 2012, Guedé Tapé Sévérin contre Ahoko
Sahouri Kouassi (inédit).
82

tiennent de leurs ancêtres alors même qu’elles ne détiennent


pas un certificat foncier, dès lors qu’elles se trouvent encore
dans le délai pour sacrifier aux formalités de constatation de
leurs droits coutumiers126.

(2) La question des délais de sécurisation est essentielle en ce


que du respect ou non de ceux-ci s’attachent certaines
conséquences. On retiendra surtout que si les détenteurs de
droits coutumiers n’ont pas sacrifié à la procédure du
certificat foncier dans les délais prescrits pour ce faire, leurs
terres seront considérées comme vacantes et sans maitres
conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi de 1998
et deviendront la propriété de l’Etat127.

126
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53, p..26 : « Attendu
qu’il est établi au vu des productions, notamment de l’enquête agricole que
Lobognon Yokorokoe est détenteur sur la parcelle litigieuse, de droits coutumiers
aux traditions et ce, conformément à l’article 3 de la loi n 98-750 du 23 décembre
1998 ; que se trouvant encore dans les délais pour faire constater ses droits par une
éventuelle immatriculation, il ne peut lui être reproché de ne s’être pas conformé à
cette loi pour affirmer sa propriété coutumière sur ladite parcelle ; qu’en
confirmant la décision du Tribunal qui a constaté que Lobognon Yorokoe tient ses
droits coutumiers de sur la parcelle, de ses ancêtres par voie de succession, comme
le consacre la loi n 98-750 du 23 décembre 1998 relative aux droits coutumiers sur
les terres du domaine foncier rural dont les dispositions ne sont pas contraires à
l’article 83 du décret du 26 juillet 1932, la Cour d’appel n’a point violé les textes
susvisés».
127
Bien sûr, au contraire de la loi du 20 mars 1963, celle de 1998 prévoit une
procédure administrative de constatation de la vacance. De même, elle fournit la
liste des terres coutumières. Il s’agit: des terres objets d’une succession ouverte
depuis plus de trois ans non réclamées, des terres du domaine coutumier sur
lesquelles des droits coutumiers exercés de façon paisible et constitue n’ont pas été
constatés dix ans après la publication de la présente loi et enfin, des terres
concédées sur lesquelles les droits du concessionnaire n’ont pu être consolidés trois
ans après le délai imparti pour réaliser la mise en valeur imposée par l’acte de
concession.
83

L’intervention du législateur pour proroger les délais de


sécurisation des droits coutumiers tient compte justement des
difficultés de mise en œuvre de la loi foncière de 1998 128.

27) De la valeur juridique des documents


établis par les services de l’Agriculture

Les services de l’Agriculture compétents sont souvent


sollicités soit par les juridictions ou directement soit par les
populations, dans le cadre ou non d’une procédure judiciaire.
Deux documents sont produits à cette occasion par lesdits
services, à savoir : une attestation de plantation et un procès
verbal d’enquête. On peut alors se demander quelle valeur
leur accorder.

a) S’agissant des attestations de


plantations.

Les attestations de plantation permettent de donner


des informations sur la contenance du terrain et sur la nature
des plants qui s’y trouvent. Dans certains cas, elles précisent
les voisins limitrophes et indiquent la situation géographique
de la parcelle de terre litigieuse. En cela elles sont très utiles.

Cependant ces documents ne devront pas s’imposer au


juge. Celui-ci pourra les écarter dès lors que l’une des parties
met gravement en cause leur fiabilité, preuves à l’appui.

b) S’agissant des procès verbaux


d’enquêtes agricoles

(1) Les procès verbaux d’enquête agricole devraient s’imposer


aux parties jusqu’à preuve du contraire dès lors qu’ils sont

128
L’article 6 de la loi foncière de 1998 a été révisé en août 2013 par les députés
qui ont reconduit les délais initialement prévus pour la sécurisation. Ceux-ci
étaient venus à expiration depuis le 14 janvier 2000 (la promulgation étant
intervenu le 14 janvier 1999).
84

établis par des agents assermentés. C’est ce qui ressort de


l’arrêt Yed Gnagne Samuel contre Awai Kotchi Edmond. En
effet, la Cour suprême a estimé que l’enquête agricole
effectuée par les services du ministère de l’Agriculture lors de
la mise en état correspond bien à l’enquête administrative
prescrite par l’article 7 de la loi foncière de 1998 129.

La Cour d’Appel de Daloa a tenu à rappeler la force


probante du procès verbal d’enquête établi par les agents du
Ministère de l’Agriculture dans l’arrêt qu’elle a rendu le 17
octobre 2012, dans l’affaire Dakpa Jean Olivier contre Aka
Konan Florentin130, :

«Considérant que pour demander l’infirmation du


jugement, Dakpa Jean Olivier et Brou N’Guessan Mathias font
valoir que les agents de l’Agriculture ont fait preuve de
partialité lors de l’enquête agricole et qu’il aurait plutôt fallu
s’en tenir au procès-verbal d’audition dressé le 04 Février
2012, de Maître Kouadio Kouassi, huissier de justice ;

Mais considérant que le rapport de l’expertise agricole


querellé a été dressé par des agents assermentés du Ministère
de l’Agriculture et vaut, en conséquence jusqu’à preuve du
contraire. » 131

(2) Toutefois, comme dans le cas de l’attestation de


plantation, si le juge constate des contradictions de nature à
entacher gravement la crédibilité des procès verbaux, ou s’il
se rend compte de la pertinence des réserves de l’une des
parties, il devra les écarter et décider éventuellement d’une
nouvelle enquête.

129
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 132/200 du 14 juillet 2005, Yed Gnagne
Samuel contre Awai Kotchi Edmond (inédit).
130
Cour d’Appel de Daloa, n°223 du 17 octobre 2012,Dakpa Jean Olivier contre
Aka Konan Florentin (inédit).
131
C’est dire qu’il appartient à la partie qui conteste la régularité du document d’en
rapporter la preuve.
85

L’arrêt qu’elle rendu le 11 du 10 février 2011 par la


Cour Suprême dans l’affaire DAGO Kouadio Jacob contre AKA
Kakou Mathias constitue une illustration parfaite de cette
position. Ainsi, lorsqu’il est allégué le caractère non
contradictoire de l’enquête ou de la partialité manifeste des
verbalisateurs, la juridiction doit-elle accéder à la requête des
parties et se convaincre autrement :

« Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir


confirmé le jugement entrepris, alors que, selon le moyen,
ladite aurait pu ordonner une nouvelle expertise agricole ou
une mise en état à l’effet de déterminer le propriétaire des
parcelles litigieuses, et, d’avoir ainsi, par insuffisance,
obscurité ou contrariété de motifs, manqué de donner une
base légale à sa décision ;

Mais attendu que, pour statuer comme elle l’a fait, la


Cour d’Appel a énoncé que la mise état ordonnée et exécutée
par le tribunal a révélé des témoignages concordants et non
équivoques attribuant la propriété des parcelles querellées au
père de l’intimé ; qu’en se déterminant par de tels motifs, la
Cour d’Appel, qui s’est estimée suffisamment éclairée, a
légalement justifiée sa décision »132.

28) Sur la portée de l’acte notarié

(1) L’article 8 de l’annexe fiscale de la loi de finances pour la


gestion 1970, impose, à peine de nullité absolue, la forme
notariée pour toutes les transactions immobilières133. Certains

132
Cour Suprême, Chambre Judiciaire, n° 105/11, du 10 février 2011, DAGO
Kouadio Jacob contre AKA Kakou Mathias (inédit).

133
Il ressort de l’annexe fiscale de la loi de finances 1970 que « Tous actes à
publier au Livre foncier y compris ceux portant sur les transactions relatives à des
plantations doivent être dressés par-devant notaire. Sont assimilés aux actes
notariés, les actes émanant des tribunaux et de l'Administration des Domaines. Tous
faits, conventions ou sentences ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer,
modifier ou éteindre un droit réel immobilier, d'en changer le titulaire ou les
conditions d'existence, tous baux d'immeubles excédant trois années, toutes
86

ont cru trouver là un acte fondateur de droits fonciers. Une


Cela ne parait pas juste. En effet, cette formalité est destinée
uniquement à donner une solennité à ladite transaction dans
le souci de la rendre plus crédible. Il ne faut pas oublier, en
effet, que la terre constitue un domaine délicat. Aussi, il
importe de s’entourer de suffisamment de précautions afin
d’éviter, autant que faire se peut, des contestations.

L’acte notarié ne créé pas le titre foncier qui préexister.


Il ne saurait donc le remplacer. D’ailleurs, ce texte précise
expressément, que les actes (notariés) dont s’agit, « ne
peuvent être authentifiés par le dépôt au rang des minutes
d’un notaire. »

(2) C’est ce que rappelle la Cour d’Appel de Daloa dans


l’affaire BOH Bi Tra Eugène contre la société CTOP SA :

« Considérant que pour s’opposer à la demande en


cessation de troubles, BOH Bi Tra Eugène fait valoir qu’il est
le propriétaire du terrain litigieux et produit, pour appuyer ses
dires, un acte notarié;

Mais considérant que l’acte notarié n’est pas un titre


de propriété et ne saurait en aucune manière s’y substituer;
Qu’en effet, ce document ne fait que donner à la transaction
immobilière une solennité du fait de son établissement par
devant un officier ministériel en application des dispositions
d’ordre public de l’article 8 de l’annexe fiscale de la loi de
finances pour la gestion 1970. »134

quittances ou cessions d’une somme équivalant à plus d’une année de loyers ou


fermage non échu, doivent, en vue de leur inscription, être constatés par actes
authentiques sous peine de nullité absolue. Ils ne peuvent être authentifiés par le
dépôt au rang des minutes d’un notaire. Il en est de même des actes de constitution
ou de mainlevée d'hypothèques maritimes. »

134
Cour d’Appel de Daloa, n°189/12 du 06 juin 2012, BOH BI TRA Eugène contre
la société (inédit).
87

29) De la valeur juridique des attestations


villageoises

(1) Pour mieux apprécier la valeur juridique des attestations


villageoises, il importe préalablement de préciser la nature
juridique de ces documents. Dans la pratique, et dans plupart
des cas, lorsqu’une personne désire obtenir une parcelle de
terre rurale, elle s’adresse aux autorités villageoises et
coutumières qui lui délivrent alors un document, appelé
attestation villageoise. A travers ledit document, celles-ci lui
marquent leur accord pour occuper les lieux. Il lui revient par
la suite, de s’adresser aux autorités administratives
compétentes pour obtenir une lettre d’attribution portant sur
le terrain ; ce qui suppose que la parcelle de terre concernée
soit déjà l’objet d’un lotissement.

Au total, l’attestation villageoise ne doit pas être


confondue avec la lettre d’attribution d’un terrain urbain. Elle
fait simplement partie des éléments qui fonderont la décision
de l’Administration pour la délivrance de ce document.

(2) Il en résulte que du point de vue juridique l’attestation


villageoise n’a pas une valeur probante en soi. Tout au plus,
pourra-telle servir à titre de simple renseignement. Il n’en
demeure pas moins que ce document s’analyse en une cession
de droits coutumiers au profit de l’occupant au sens des
dispositions de l’article 3 du code foncier rural. Il en sera ainsi
jusqu’à ce que le lotissement soit approuvé par
l’Administration. Car, en ce moment, le terrain cesse
d’appartenir au Domaine foncier rural.

Dans une décision rendue le 15 février 2012, dans la


cause Dayoro Yoroba et autres contre Ouandé Monsiaud
Mathias et autres, la Cour d’Appel de Daloa s’est montrée
catégorique à ce sujet :

« Considérant que pour s’opposer à la demande en


expulsion, les appelants font valoir, d’une part, que les
intimés ont perdu tout droit sur les terrains litigieux, pour
88

n’avoir pas payé la totalité du prix de vente des lots et d’autre


part, que la procédure d’obtention des attestations villageoises
a été viciée par la contrainte exercée par le nommé SANDO
sur le propriétaire terrien ;

Mais considérant que les appelants n’ont produit


aucun titre justifiant leurs droits sur lesdits lots
contrairement aux intimés qui ont versé au dossier les lettres
d’attribution (…) délivrées par le Préfet de Divo ; Que
s’agissant d’un terrain urbain, seule la détention d’un titre de
propriété ou à tout le moins d’une lettre d’attribution peuvent
permettre à celui qui s’en réclame, de justifier ses droits ;
Qu’ainsi, faute pour les appelants de rapporter une telle
preuve, ils ne sont pas fondés à revendiquer les terrains dont
s’agit et à s’y maintenir ; Que dès lors, occupant les terrains
litigieux sans titre ni droit ; C’est à bon droit que le premier
juge a ordonné leur expulsion »135.

135
Cour d’Appel de Daloa, n° °52/12 du 15 février 2012, Dayoro Yoroba et autres
contre Ouandé Monsiaud Mathias et autres (inédit).
89

Section II :
-----
Un exemple de conduite d’une procédure en
matière de foncier rural

Ce schéma de conduite d’une procédure en matière de


foncier rural n’est qu’indicatif. Il s’agit tout simplement au
regard de la spécificité de la matière d’essayer de donner des
éléments sur lesquels les juges devraient insister.

A. Quelques indications sur la conduite


d’une procédure

1) Eléments à vérifier

(1) Les éléments ci-après pourront constituer les points à


prendre en compte pour solutionner un litige foncier :

1. S’assurer de la compétence de la juridiction en


prenant en compte le lieu de situation du terrain. Il
s’agit de voir si les règles de compétence, telles que
prescrites par les dispositions de l’article 12 du code
de procédure civile commerciale et administrative, sont
respectées.

2. Vérifier que les droits coutumiers sont bien identifiés.


Pour cela le juge devra se montrer très regardant sur
les éléments d’identification de la parcelle de terre
litigieuse. Il se basera, pour ce faire sur le procès
verbal dressé par les services compétents du ministère
de l’Agriculture ou sur le résultat de ses propres
investigations.

3. Vérifier les conditions dans lesquelles l’occupation du


terrain est intervenue. Il s’agit notamment de s’assurer
que les droits coutumiers sont conformes aux
traditions.
90

4. Voir également si les parties n’ont pas inséré dans leur


contrat des clauses sur le sort des terrains ou des
plantations et réalisations qui pourront être faites.

5. S’assurer que le cédant est bel et bien le propriétaire


coutumier ou s’il a été dûment autorisé par ce dernier.

6. Vérifier l’âge des plans, la contenance du terrain et de


faire préciser la situation géographique du terrain.
Car, si le terrain n’est pas suffisamment identifié et
localisé, cela rendra l’exécution du jugement à
intervenir difficile voire impossible.

7. Prescrire systématiquement une mise en état du


dossier au lieu de solliciter directement une enquête
agricole auprès des services du Ministère de
l’Agriculture. Cela présente l’avantage de permettre au
juge chargé de mener les investigations d’avoir la
maitrise de la procédure et de prendre les mesures
correctives si nécessaire.

8. Avoir à l’esprit que la loi de 1998 est applicable depuis


son entrée en vigueur le 14 janvier 1999.

9. Partir également de l’idée que la loi de 1998 abroge les


dispositions du décret de 1971, notamment l’article 2
qui interdit tout transfert de droits coutumiers136.
Autrement dit, le juge devra avoir à l’esprit que les
cessions de droits coutumiers, quelle qu’en soit la
forme, sont désormais valables.

10. Ne pas oublier que la loi de finances de 1970 n’est pas


applicable aux parcelles de terres non immatriculées et
sur lesquelles il n’existe pas un titre foncier (qu’il

136
Aux termes de l’article 2 du décret n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux
procédures domaniales et foncières «Les droits portant sur l’usage du sol, dits
droits d’usage coutumiers, sont personnels à ceux qui les exercent et ne peuvent être
cédés à quelque titre que ce soit. Nul ne peut se porter cessionnaire desdits droits
sur l’ensemble du Territoire de la République. »
91

s’agisse d’un certificat foncier ou d’un certificat de


propriété).

11. Vérifier que le litige concerne bel et bien le domaine


foncier rural qui est une catégorie résiduelle. A défaut,
la loi de 1998 ne trouvera pas application 137.

12. Vérifier le caractère paisible et continu des parcelles de


terre par les occupants. Il importe de préciser que cet
élément concourt en même tant que d’autres
(conformité aux traditions…) à l’appréhension des
droits coutumiers.

13. S’assurer du contenu de la coutume locale dans la


mesure où l’exercice des droits coutumiers et les
cessions de terre, tout comme la propriété coutumière
des terres rurales doivent s’y conformer.

14. S’imprégner, dans la mesure du possible des


coutumes locales pour mieux apprécier la propriété
coutumière, notamment en ce qui concerne le mode de
transmission des droits fonciers coutumiers. A défaut,
ne pas hésiter à faire appel à tout sachant (digne de
foi) pour assoir la conviction de la juridiction sur
l’existence ou non des droits coutumiers.

15. S’interroger sur la bonne foi de l’occupant.

16. Ne pas oublier, dans tous les cas, qu’il revient aux
parties de produire les moyens de preuve au soutien
de leurs allégations. Car, le procès civil demeure
d’abord et avant tout leur affaire.

137
Il en va ainsi, par exemple, en cas d’occupation du domaine public de l’Etat,
d’une forêt classée. Dans cette hypothèse, la loi de 1998 n’est pas applicable car la
parcelle de terre ne fait pas partie du domaine foncier rural.
92

17. S’interroger sur la bonne foi de l’occupant. Plus


particulièrement, on pourra se demander si ce dernier
a exercé les droits coutumiers dans le respect de la
convention conclue entre lui et le cédant ? Sinon, son
attitude doit être interprétée comme la manifestation
de sa mauvaise foi. Dès lors il ne sera plus protégé
face aux revendications du propriétaire coutumier,
notamment en cas de demande en expulsion.

(2) Dans tous les cas, le règlement du litige foncier devrait


graviter autour de trois questions ci-après :
 Existe-t-il, dans le cas d’espèce, des droits
coutumiers ?

 La transmission ou cession des droits


coutumiers est-elle le fait du propriétaire
coutumier ou de son mandataire ?
 La transmission des droits coutumiers
s’est-elle faite régulièrement ? c'est-à-dire
conformément aux traditions ainsi que le
prescrit l’article 3 de la loi de 1998?

2) De l’établissement des droits


coutumiers.

(1) Le juge a l’obligation de rechercher si dans la cause les


droits coutumiers allégués existent bel et bien. Pour cela, il
peut utilement prescrire la mise en état de la procédure ou
recourir à toute mesure d’instruction. Il reste cependant, et on
ne le dira jamais assez, que le procès civil est l’affaire des
partie. Dès lors, il revient à celles-ci de faire la preuve, par
tous les moyens légaux, de l’existence de leurs droits.

S’agissant plus particulièrement des droits


coutumiers, les parties doivent démontrer qu’elles les exercent
régulièrement. A défaut, la demande en expulsion ou en
expulsion d’une parcelle de terre coutumière devra être
rejetée.
93

(2) Cette preuve peut résulter de tout moyen, y compris des


témoignages produits par les parties. C’est ce qui ressort de
l’arrêt de la Cour Suprême rendu le 07 du juillet 2007 dans
la cause Gnahoua Akenon Pierre et autres contre Koffi
Koudou Antoine :

« Attendu qu’il est encore fait grief à la Cour d’Appel de


s’être fondée sur un procès-verbal n° 853 du 29 décembre
1951, alors que ce document n’a aucun rapport avec le litige
ayant conduit à l’arrêt attaqué et, de n’avoir pas ainsi
légalement justifié sa décision ;

Mais attendu que pour reconnaître le droit d’usage


coutumier à KOFFI Koudou Antoine, la Cour d’Appel a relevé
« qu’il ressort des différents témoignages ainsi que des
déclarations des parties que la parcelle litigieuse a été donnée
par SAHUE Gaston à ZORO Gnandou ascendant de l’intimé ;
qu’il ne résulte pas du dossier que cette donation a été
révoquée et que par ailleurs la famille de KOFFI Koudou
Antoine exploite ladite parcelle depuis 1950 sans la moindre
contestation » ; que par de tels motifs, dont il résulte que la
Cour d’Appel ne s’est pas fondée sur le procès-verbal du 23
décembre 1951, ladite Cour a donné une base légale à sa
décision. »

(3) Toutefois lorsque l’expulsion d’une personne déjà installée


sur une parcelle de terre, est demandée, il incombera au
requérant de faire la preuve qu’il a plus de droit que ce
dernier. Il devra démontrer soit qu’il est le propriétaire
coutumier et qu’il n’a jamais transféré ses droits, soit qu’il est
le seul titulaire de tels droits coutumiers pour les avoir reçus
du véritable détenteur ou du mandataire de ce dernier.

3) De la légalité de certains frais de


mise en état.

Certaines juridictions croient devoir demander aux


parties de prendre en charges les frais de déplacement
occasionnés par le transport sur les lieux à l’occasion de
94

l’exécution de la mise en état. Si l’utilité pratique d’une telle


mesure est évidente, en ce qu’elle permet d’accomplir
rapidement la mission.

On pourrait être tenté de justifier ces frais par l’intérêt


que les parties ont à s’en acquitter dans la mesure où cela
assure très souvent le règlement rapide de la procédure. Il
reste cependant que le déplacement d’un fonctionnaire,
comme le juge, aux fins d’exécution d’une mission de service
public doit être pris en charge par l’Etat et non par les parties
au procès. Et il appartient au Trésor public de faire l’avance
des frais sur la base des dispositions du décret de 1976 qui
consacrent les frais de justice criminelle138.

C’est dire que cette pratique est illégale parce qu’elle


ne repose sur aucune base juridique. Elle pourrait
s’apparenter à une infraction à la loi pénale et donner lieu à
des poursuites judiciaires139. Dès lors, il faut carrément
proscrire de telles pratiques et demander à l’Etat d’assumer
son rôle régalien en facilitant le déroulement des procédures
judiciaires, quitte à poursuivre, par l’exercice d’une action
récursoire, le remboursement desdits frais auprès des parties,
notamment celle qui aura perdu le procès.

138
Décret n° 76-315du 04 juin 1976, portant fixation du tarif des frais de justice
criminelle, correctionnelle et de simple police. Il faut préciser que ce texte assimile
les frais liés au déplacement du juge pour les besoins d’une instruction ou d’une
mise en état dans le cadre d’une procédure civile à des frais de justice criminelle.
139
Ces faits pourraient rentrer dans la définition de l’infraction de concussion telle
prévue par l’article 229 du Code pénal.
95

4) Un exemple d’une décision avant-dire


droit ordonnant une mise en état
pour l’établissement des droits
coutumiers

Cour d’Appel, ADD n°188/12 du 06 juin


2012, Sidibé Hamadi contre Gohi Yoffo

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties, et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

GOHI Yoffo est propriétaire coutumier d’une parcelle


de terre d’une superficie de deux(02) hectares sise à Logboayo,
dans la sous préfecture de Soubré ; Courant année 1998,
Sidibé Hamadi lui a proposé de mettre en valeur cette parcelle
de terre en vue d’un partage de plantation qui sera réalisée à
raison d’un(O1) hectare pour chacun ; Ce qu’il accepté ;
Toutefois, pour des raisons personnelles, le susnommé n’a
pas respecté les termes de l’accord en ce sens qu’il n’a mis
finalement en valeur que la portion de forêt devant lui
revenir ; C’est ainsi qu’il l’a, par exploit en date du 06 Octobre
2006, assigné devant le a Section détachée de Soubré, en
annulation de la convention et en déguerpissement.

Après avoir ordonné une mise en état, la juridiction


saisie a, aux termes du jugement civil contradictoire n°65 du
18 mars 2009, fait droit à la demande en prononçant, sur la
base de l’article 1184 du code civil, la résolution de la
convention susdite, et en décidant du déguerpissement du
défendeur de la parcelle litigieuse ;

Par exploit, en date du 04 août 2009, Sidibé Hamadi a


relevé appel de ce jugement ;
Par arrêt avant-dire-droit n°59 du 04 août 2010, la
Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;
96

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement querellé


au motif qu’il a exécuté sa part d’obligation en mettant en
valeur la parcelle de terre devant revenir à son adversaire qui
d’ailleurs l’exploite depuis 2003 ; Pour étayer ses dires, il
sollicite que la Cour ordonne une expertise agricole, laquelle
permettra de constater l’existence effective de la plantation de
cacaoyers d’un(01) hectare en production pour Gohi Yoffo et
de deux(02) hectares en production pour lui-même ;

Pour sa part, l’intimé n’a pas conclu ;


Enfin le Ministère Public abonde dans le même sens
que l’appelant, en sollicitant une expertise agricole à l’effet de
vérifier les allégations de chaque partie ;

DES MOTIFS

EN LA FORME

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°59 du 04


août 2010, la Cour d’Appel a déjà déclaré recevable l’appel
interjeté par Sidibé Hamadi ; Qu’il échet de s’en rapporter ;

AU FOND

Considérant que les déclarations des parties sont


contradictoires et ne permettent pas à la Cour d’être
suffisamment éclairée pour solutionner le litige ; Qu’une mise
en état s’impose donc aux fins de :
- Identifier la parcelle de terre litigieuse et
de préciser sa contenance ;
- Vérifier si le terrain a fait l’objet d’une
mise en valeur et dire qui en est l’auteur ;
- Déterminer l’âge et la nature des plants ;
- Localiser la partie de la plantation devant
initialement revenir à chaque partie ;
- Entendre tous sachants ;
97

- Recueillir toute preuve à même d’éclairer


la Cour ;

Considérant que la procédure suit son cours ; Qu’il


convient de réserver les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

EN LA FORME

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°59 du 04 août


2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré recevable,
l’appel interjeté par SIDIBE Hamadi ;

AU FOND

Sursoit à statuer ;
AVANT-DIRE-DROIT
Ordonne une mise en état aux fins spécifiées dans la
présente décision ;
Désigne pour y procéder, le conseiller N. ;
Lui impartit un délai de deux(02) mois à compter de la
présente décision pour déposer son rapport ;
Renvoie la cause et les parties au 25 Juillet 2012 ;
Réserve les dépens. /.
98

B. Des dispositions applicables en matière


de foncier rural.

1) Données communes à toutes les


procédures

a) Sur les règles de compétence.

Il ressort des dispositions de l’article 12 du code de


procédure civile, commerciale et administrative, in fine, que
« Le Tribunal compétent est celui de la situation de l’immeuble
litigieux en matière réelle immobilière ou en matière mixte
immobilière… ». Il en résulte que lorsque les juges sont saisis
d’une question qui touche au foncier, ils doivent d’abord
vérifier leur compétence à en connaitre. Plus particulièrement,
s’agissant des litiges en matière foncière rurale, ils doivent
s’assurer que le terrain ou la plantation se situe bel et bien
dans le ressort territorial de leur juridiction.

Cette compétence est d’ordre public de sorte que sa


méconnaissance entache d’illégalité la décision à intervenir140.

b) Sur la recevabilité des actions en


justice.

Les règles de procédure civile ordinaires, relatives à la


recevabilité des actions en justice s’appliquent également pour
le règlement des litiges fonciers. Ainsi, le juge devra-t-il
vérifier si l’action obéit aux prescriptions relatives à la
recevabilité telles que prévues par l’article 3 du code de
procédure civile, commerciale et administrative141.

140
Selon l’article 9 du code de procédure civile, commerciale et administrative,
« Les règles de compétence d’attribution sont d’ordre public. Est nulle toute
convention y dérogeant ».
141
En effet, aux termes de ce texte : « L’'action n'est recevable que si le demandeur :
1) justifie d'un intérêt légitime juridiquement protégé direct et personnel, 2°) a la
qualité pour agir en justice ; 3°) possède la capacité d'agir en justice. » De même,
les dispositions des articles 46 et 47 du code de procédure civile commerciale et
99

De même, il devra se conformer aux dispositions de


l’article 47 du code de procédure civile, commerciale et
administrative (Loi n° 97-516 du 04 septembre 1997), qui
indique le sort à réserver aux demandes lors de leur première
évocation142. Ainsi, en matière de foncier rural, la juridiction
saisie pourra-t-elle prescrire une mise en état à l’effet de
s’assurer de l’existence des droits coutumiers. D’ailleurs dans
la plus part des cas, cette mesure est presque toujours
ordonnée par les juges.

administrative sont applicables. D’abord, l’article 46 est ainsi libellé : « Au jour


fixé pour l'audience l’affaire est obligatoirement appelée. Si le demandeur ne
comparaît pas, ni personne pour lui, l’affaire est rayée d’office, à moins que le
défendeur ne sollicite jugement au fond. Si l’affaire n'est pas inscrite au rôle, faute
par le demandeur d’avoir consignée, elle sera renvoyée à cette fin, sur la demande
du défendeur et après consignation par ce dernier. Dans les deux cas, il sera statué
par jugement contradictoire. Si le demandeur se trouve dans l'impossibilité de se
déplacer il peut demander à être entendu sur commission rogatoire ou solliciter que
le Tribunal statue sur pièces. Si le défendeur ne comparaît pas, ni personne pour lui,
il sera statué conformément à l'article 144. »

142
Aux termes de l’article 47 du Code de procédure civile, commerciale et
administrative, « Si, au jour fixé pour l'audience, les parties comparaissent ou sont
régulièrement représentées, le Tribunal peut : 1°) soit retenir l’affaire, s'il estime
qu'elle est en état d'être jugée le jour même ; 2°) soit fixer la date à laquelle
l'affaire sera plaidée et impartir les délais utiles à la communication de pièces ou au
dépôt de conclusions, ces délais devant être observés à peine d'irrecevabilité
desdites pièces et conclusions. Cette irrecevabilité sera prononcée d'office par le
tribunal à moins que l'inobservation des délais résulte d'un cas fortuit ou de force
majeure. Toutefois, les parties peuvent, par requête adressée au Président de la
juridiction, obtenir l'évocation de l'affaire avant le terme des délais fixés. La partie
qui bénéficie de cette abréviation de délais doit en aviser l'autre dans les quarante-
huit heures par exploit d'huissier, faute de quoi, la date initiale est maintenue ; 3°)
soit renvoyer l'affaire devant le Président d'audience ou devant le juge qu'il désigne
parmi les juges de la formation de jugement, pour être mise en état par ses soins.
Les décisions du Tribunal visées au présent article sont des décisions de pure
administration judiciaire contre lesquelles aucun recours n'est possible. Elles seront
mentionnées au registre d'audience.»
100

En raison de son utilité indéniable pour l’établissement


des droits coutumiers, cette pratique devrait se généraliser, à
défaut d’être systématique. Au demeurant, elle permettra au
juge de prescrire tous les actes nécessaires à la manifestation
de la vérité et de superviser leur accomplissement par les
experts qu’il a désignés. En outre, il pourra, à l’occasion de
la mise en état, commettre toute expertise qu’il estimera
nécessaire et s’assurer de la disponibilité des rapports.

2) Données propres aux procédures en


matière de foncier rural

a) La loi foncière de 1998,


principal texte applicable.

C’est la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au


Domaine foncier rural qui s’applique principalement en
matière de litiges fonciers ruraux. Ainsi que cela a été relevé
plus haut, ce texte est applicable et appliquée. Le fait que
certaines de ces dispositions, dont l’article 4, qui indique que
la preuve de la propriété foncière coutumière se fait par le
certificat foncier, ne puissent pas encore s’appliquer, ne suffit
pas à conclure à son inapplicabilité143.

En dehors de la loi de 1998, d’autres textes peuvent


servir au solutionnement des litiges fonciers ruraux. Il en va
ainsi des principes de droit qui pourront servir de fondement
aux décisions de justice.

b) Recours aux dispositions


diverses et principes de droit.

(1) En raison de la mission impérative de règlement des litiges


imposée au juge par la loi, celui-ci peut se référer à toute
disposition juridique et à tout principe de droit utile au

143
Voir nos développements au point 1 consacrés à la question de l’applicabilité
de la loi foncière de 1998.
101

solutionnement des différends à lui soumis144. C’est ainsi


qu’il pourra utilement recourir aux dispositions du code civil,
du code de procédure civile commerciale et administrative, du
code pénal et à tous autres textes légaux.

Par exemple, le juge pourra faire application des


articles 554 et suivants ainsi que de l’article 1599 du code
civil, des dispositions de loi sur les successions(…). A titre
illustratif, on peut citer l’arrêt rendu le 14 juillet 2013 par la
Cour Suprême dans l’affaire Yandji Yapo Athanase contre
Danho Kouao Jacob. Ici, la haute Cour n’a pas hésité à
recourir à la loi de 1964 sur les successions pour apprécier le
bien fondé du pourvoi en cassation :

« Attendu qu’il résulte de l’enquête agricole qu’après la


mort de N’TABIE Yapi, ses différents neveux ont
successivement hérité de ses parcelles de terre en vertu de la
coutume ; qu’ainsi, AGBEKE Yandji Ambroise, père de
YANDJI Yapo Athanase, demandeur au pourvoi, sans être
héritier coutumier de feu N’TABIE Yapi, a reçu une partie
desdites parcelles de terre que lui a cédées son frère AGBEKE
Affa Michel, neveu de feu N’TABIE Yapi, devenu héritier
coutumier ; que YANDJI Yapo Athanase a reçu la parcelle
litigieuse de son père AGBEKE Yandji Ambroise dont la
succession n’est pas ouverte ; que dès lors, YANDJI Yapo ne
peut être expulsé de ladite parcelle, puisque celle-ci ne fait
pas partie de la masse successorale de feu AGBEKE Affa
Michel, en application des dispositions de la loi n° 64-379 du
07 0ctobre 1964 relative aux successions ; qu’il y a lieu de
débouter DANHO Kouao Jacob de sa demande en expulsion
dirigée contre YANDJI Yapo Athanase ».145

144
Aux termes de l’article 4 du code civil, « Le juge qui refusera de juger, sous
prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être
poursuivi comme coupable de déni de justice. »
145
Cour Suprême, Ch. Jud., n° 266/11 du 14 juillet 2011, Yandji Yapo Athanase c/
Danho Kouao Jacob (inédit).
102

(2) De même, la haute cour s’est souvent basée sur les articles
554 et suivants du code civil pour apprécier les demandes en
paiement de dommages intérêts du fait des constructions
édifiés sur le terrain d’autrui et de la plus-value apportée à la
parcelle de terre rurale d’autrui146. Dans la même logique, les
juges ont pu valablement se fonder sur l’article 1599 du code
civil relatif à la vente de la chose d’autrui et des conséquences
en résultant147.

(3) Les principes généraux du droit peuvent aussi trouver


application en matière de foncier rural. A cet égard, on peut
relever le principe de l’enrichissement sans cause.

3) Abrogation de certaines dispositions

(1) Aux termes de l’article 27 de la loi foncière de 1998, « La


loi n° 71-338 du 12 juillet 1971 relative à l’exploitation
rationnelle des terrains ruraux détenus en pleine propriété et
toutes dispositions contraires à la présente loi sont abrogées.»

A ce texte s’ajoute le décret n°71-74 du 16 février 1971


relatif aux procédures domaniales et foncières, en ces
dispositions relatives aux terres rurales. Il en va ainsi
notamment de l’article 2, qui interdit les transferts de droits
coutumiers. » 148

La Cour Suprême, a tenu à le rappeler dans son arrêt


du 16 juillet 2009, rendu le dans l’affaire Sawadogo Mamadou
contre Yeye Kouadio Boniface :

146
Sur ce point, voir Cour Suprême, Chambre Judiciaire, n° 503/09 du 16 juillet
2009, Actualités juridiques, n° 68/69/2010, p.43 ; également Cour d’Appel de
Daloa, n°58/12 du 15 février 2012, Bleyo Kla contre Kouamé Kouassi.
147
Ce texte dispose, en effet, que : « La vente de la chose d'autrui est nulle : elle
peut donner lieu à réparation lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui
148
Pour rappel, aux termes de l’article 2 de ce décret, « Les droits portant sur
l’usage du sol, dits droits d’usage coutumiers, sont personnels à ceux qui les
exercent et ne peuvent être cédés à quelque titre que ce soit. Nul ne peut se porter
cessionnaire desdits droits sur l’ensemble du Territoire de la République.»
103

« Attendu que la loi ne disposant que pour l’avenir aux


termes de l’article 2 du Code Civil, la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 portant Domaine Foncier Rural ne régit pas
les transactions passées antérieurement à cette loi ; qu’il
s’ensuit que le décret n°71-74 du 16 février 1971 sous
l’empire duquel ces transactions ont été conclues est
applicable en la cause quoi qu’abrogé par la loi précitée ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a fait une
exacte application de la loi ; que le moyen n’est donc pas
fondé ».

Au total, les cessions de terres coutumières, et partant


les transferts de droits coutumiers sont autorisés. Mieux, elles
sont valables quelle que soit leur forme. C’est dire qu’avec
l’adoption de la loi de 1998, ce texte n’est plus d’actualité149

149
Cf. nos développements sur l’inapplicabilité du décret de 1971.
104

Section III :
------
Recueil d’arrêts relatifs au foncier rural

1) Sur l’applicabilité de la loi de 1998

1. Cour Suprême, Ch. Jud. n° 195/05 du 7 avril 2005,


VALENTIN André c/LOBOGNON Yorokoe Norbert150

Note: Cet arrêt a posé le principe de l’applicabilité de la loi de


1998 et mis fin au débat y relatif.

LA COUR ;

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date
du 10 décembre 2004 ;

Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation


de la loi en ses première et deuxième branches prises de la
violation de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au
domaine foncier rural en son article 7 et du décret n° 99-594
du 13 Octobre 1999 fixant les modalités d’application de cette
loi et de l’article 83 du décret foncier du 26 juillet 1932 ;

Attendu selon l’arrêt attaqué (Daloa, 26 Mars 2003),


que par acte en date du 23 juin 1989, MERHY Fréderic
GOUDA vendait à VALENTIN André un terrain rural sis à
MISSEHI (Sassandra), d’une superficie d’environ 12 ha, objet
du titre foncier n° 228 du livre cadastral du bas-sassandra ;
que voulant étendre son exploitation, VALENTIN André
mettait en valeur une partie de la parcelle de forêt qui jouxtait
son terrain ; que se disant propriétaire de cette parcelle,
LOBOGNON Yorokoe Norbert obtenait du Tribunal de
Sassandra, l’expulsion de VALENTIN André des lieux et sa

150
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 p.26 :
105

condamnation à lui payer la somme de 10 000 000 FCFA à


titre de réparation aux termes du jugement n° 67/02 du 3
Avril 2002, confirmé par l’arrêt querellé ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’une part,


de ne s’être pas préoccupée de ce que la loi précitée à laquelle
fait référence le Tribunal n’a pas été appliquée alors que les
droits relatifs au domaine foncier rural coutumier sont
désormais régis par ladite loi ; d’avoir d’autre part en
confirmant le jugement, fait siennes les affirmations du
Tribunal aux termes desquelles LOBOGNON Yorokoe détient
des droits coutumiers sur la parcelle litigieuse en sa qualité
de propriétaire terrien alors que ce dernier ne détient aucun
droit de propriété sur ce terrain mais un droit d’usage ; pour
LOBOGNON ; qu’en statuant ainsi, la Cour d’Appel a violé les
textes susvisés ;

Mais Attendu qu’il est établi au vu des productions,


notamment de l’enquête agricole que LOBOGNON Yorokoe est
détenteur sur la parcelle litigieuse, de droits coutumiers
conformes aux traditions et ce, conformément à l’article 3 de
la loi 98-750 du 23 décembre 1998 ; que se trouvant encore
dans les délais pour faire constater ses droits par une
éventuelle immatriculation, il ne peut lui être reproché de ne
s’être pas conformé à cette loi pour affirmer sa propriété
coutumière sur ladite parcelle ; qu’en confirmant la décision
du Tribunal qui a constaté que LOBOGNON Yorokoe tient ses
droits coutumiers sur la parcelle, de ses ancêtres par voie de
succession, comme le consacre la loi foncière de 1998 les
dispositions ne sont pas contraires à l’article 83 du décret du
26 juillet 1932, la Cour d’Appel n’a point violé les textes
susvisés ; d’où il suit que ces deux premières branches du
premier moyen de cassation ne sont pas fondées ;

Sur le moyen de cassation tiré de la violation de


l’article 555 alinéa 4 du Code Civil

Attendu qu’il est encore fait grief à la Cour d’Appel


d’avoir confirmé le jugement en ce qu’il a condamné
106

VALENTIN André à payer à LOBOGNON Yorokoe la somme de


10 0000 000 F, alors que VALENTIN André était de bonne foi
et qu’il n’y avait pas intention de nuire de sa part ; que la
Cour d’Appel aurait dû plutôt, se fondant ce texte, ordonner
le remboursement du coût des matériaux et le prix de la
main-d’œuvre utilisés pour la réalisation de la plantation ;

Mais attendu que la bonne foi dont se prévaut


VALENTIN André ne vise au sens de l’article 555 que celui qui
possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de
propriété dont il ignore les vices ; qu’en l’espèce non
seulement VALENTIN André ne détient aucun titre de cette
nature sur la parcelle sur laquelle il a planté ses agrumes
mais encore MERHY Gouda dont il prétend détenir
l’autorisation d’occuper ladite parcelle lui a signifié
explicitement qu’il n’était pas propriétaire de ces lieux ainsi
qu’il ressort de sa déposition consignée aux débats ; qu’ayant
sciemment mis en valeur un terrain qui ne lui appartient pas,
sa mauvaise foi est établie ; qu’en statuant comme elle l’a fait,
la Cour d’Appel n’a pas violé le texte susvisé ; d’où il suit que
cette branche du premier moyen n’est pas davantage fondée ;

Sur le moyen de cassation tirée de la violation de


l’article 3 du Code de Procédure Civile ;

Attendu qu’il est également fait grief à la Cour d’Appel


d’avoir déclaré recevable l’action de LOBOGNON Yorokoe au
motif qu’il tient ses droits coutumiers de ses ancêtres par voie
de succession et qu’il a de ce fait un droit légitime d’ester en
justice pour la préservation dudit patrimoine alors que selon
ce moyen, LOBOGNON ne justifie pas son action par la
défense des intérêts de ladite communauté, son action étant
personnelle ; qu’elle a ainsi violé l’article visé au moyen ;

Mais attendu que le fait pour LOBOGNON Yorokoe de


tenir ses droits coutumiers de ses ancêtres sur le patrimoine
forestier commun au village de MISSEHI, ne saurait le priver
du droit personnel qu’il a, en dehors de la défense des intérêts
de la communauté villageoise, d’ester en justice pour la
107

préservation de son bien en l’occurrence la parcelle litigieuse


qui fait partie dudit patrimoine ; qu’en déclarant recevable son
action, la Cour d’Appel n’a point violé l’article 3 du Code Civil ;
d’où il suit que cette dernière branche du premier moyen n’est
pas non plus fondée ;

Sur le défaut de base légale résultant de l’absence,


de l’insuffisance, de l’obscurité et de la contrariété
des motifs ;

Attendu qu’il est toujours reproché à la Cour d’Appel


d’avoir affirmé que VALENTIN André reconnaît avoir étendu sa
propriété initiale sur une autre parcelle pour y édifier sept
hectares d’agrumes, mais a ordonné son expulsion d’une
parcelle beaucoup plus grande de 12,04 ha ; Mais attendu
qu’il résulte des travaux du cadastre et de l’expertise agricole
qui ont justifié la décision d’expulsion du Tribunal de
Sassandra que VALENTIN André a bien occupé indûment une
parcelle d’une contenance de 12, 04 ha dont il a mis en valeur
7 ha en plantant des agrumes ; qu’en confirmant cette
décision du premier juge qui relève d’une appréciation
souveraine des éléments du dossier, la Cour d’Appel a par des
motifs clairs et suffisants légalement justifié sa décision ; d’où
il suit que ce second moyen n’est pas aussi fondée ;

Sur le moyen de cassation tiré de l’insuffisance des


motifs ;

Attendu qu’il est enfin reproché à la Cour d’Appel


d’avoir considéré la demande relative à l’application de l’article
555 alinéa 4 du Code Civil comme une demande nouvelle
n’ayant pas été présentée devant le Tribunal et d’avoir ainsi
par insuffisance de motifs manqué de donner une base légale
à sa décision ; Mais attendu qu’en relevant, contrairement à
cette branche du pourvoi, pour rejeter cette demande, que
celle-ci n’avait pas été soulevée devant le premier juge et
constituait donc une demande nouvelle, ladite Cour a
suffisamment motivé son rejet ; d’où il suit que cette seconde
branche du second moyen de cassation n’est pas fondée ;
108

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi formé par VALENTIN André contre


l’arrêt 72 en du 26 mars 2003 de la Cour d’Appel de Daloa ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public

2. Cour Suprême, Chambre Judiciaire, n° 251/2010


du 1er avril 2010. Kouassi Aetey et Deki Moise
contre Bitty N’Guessan Blaise PETEY,

Note : La Cour Suprême revient une fois encore, et ce, dans la


continuité de l’arrêt Valentin André contre Lobognon Yorokoé c-
dessus rapportée151, sur le problème de l’applicabilité de la loi
de 1998. C’est ainsi qu’elle exige que le juge du fond recherche
les preuves de la propriété conformément aux dispositions de ce
texte, en ce qu’il est tout simplement applicable.

LA COUR ;

Vu l’exploit de pourvoi du 16 novembre 2007 ;

Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date


du 23 décembre 2008 ;

Sur le défaut de base légale résultant de l’absence,


de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété
des motifs ;

Vu l’article 206.6 du Code de Procédure Civile,


Commerciale et Administrative ;

Attendu que M. BITTY N’guessan Blaise, déclarant agir


en sa qualité de « descendant authentique et légitime » des
rois agni Amantians, assignait MM. DEKI Moïse et KOUASSI
Apetey, en revendication de la propriété des terres formant le

151
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 p.26
109

domaine dit ″ d’Akaidegbessi ″ avec pour limites, au nord la


rivière Tchatchapou, au sud la voie expresse ″Tiassalé-
N’douci″, à l’est la campagne de N’douci et à l’ouest, le fleuve
″Bandama ″ ; que la juridiction saisie a débouté BITTY
N’Guessan Blaise de cette demande au motif qu’il ne
démontre ni son titre de propriété, ni ses droits d’usage
coutumier sur la parcelle litigieuse ;

Attendu que pour décider que ladite parcelle est la


propriété de la famille BITTY représentée par M. BITTY
N’guessan Blaise, l’arrêt infirmatif attaqué (Abidjan, 02 février
2007) retient que des auditions effectuées par le juge chargé
de l’exécution de la commission rogatoire il est « clairement »
ressorti que la parcelle revendiquée a été séculairement
occupée par les plantations de feu BITTY Kokora ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi, alors qu’il


s’agissait de terres non délimitées relevant du domaine foncier
rural, la cour d’appel qui a fondé sa décision uniquement sur
de simples témoignages, sans rechercher, en application de la
loi n° 98-750 du 23 décembre 1998, si le revendiquant
disposait de titres de propriété, n’a pas donné de base légale à
sa décision ; qu’il s’ensuit que le moyen est fondé ; qu’il y a
lieu de casser et annuler l’arrêt en ce qu’il a déclaré la famille
BITTY propriétaire des terres litigieuses et d’évoquer
conformément aux dispositions de l’article 28 nouveau de la
loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;

Attendu que pour fonder son action en revendication,


M. BITTY Blaise fait valoir que les terres visées ont été
données aux agnis ″Amantians″ par les princes et rois
″Elomoins″ de la dynastie des Kpacobo, propriétaires terriens
de la contrée de Tiassalé et que c’est de ce fait que ces terres
sont, depuis plus d’un demi-siècle, cultivées et exploitées par
les trois grandes familles agnis Kokora BITTY, Amandjou
TANO et N’GUESSAN Komenan ;
110

PAR CES MOTIFS

Attendu cependant que les documents produits, s’ils


attestent que les terres formant le domaine d’Akaidegbessi
sont à certains endroits, exploitées par la famille du
demandeur, ils ne sont, en revanche, pas de nature à établir
la propriété de la famille BITTY à l’égard desdites terres, faute
de satisfaire aux exigences de la loi n° 98-750 du 23 décembre
1998 relative au domaine foncier rural ; qu’il s’ensuit que
l’action en revendication initiée par M. BITTY N’guessan
Blaise n’est pas fondée.

2) Sur la rétroactivité de loi de 1998

A. Une loi non rétroactive, selon la Cour Suprême.

Telle est la position de la Cour Suprême, comme en


témoignent les décisions ci-après. Celles-ci sont critiquables en
ce qu’elles affirment la non rétroactivité de la loi foncière de
1998 sans tenir compte ni de l’esprit ni de la lette du texte.
Cette position devrait être reconsidérée.

On peut d’autant plus espérer ce revirement


jurisprudentiel que les prémices sont lisibles dans l’attitude
plutôt hésitante, voire ambiguë de la Cour Suprême. En effet,
tout en refusant de prendre en compte ces droits aux motifs
que le décret de 1971 interdit tout transfert de droits d’usage
dits droits coutumiers exercés sur les terres rurales. La haute
cour admet le transfert des droits coutumiers consécutifs à une
donation ou de d’achat.

1. Cour Suprême, Ch. Judiciaire, n° 203/07,


Sawadogo Mamadou contre Yeye Kouadio
Boniface (inédit).

Note : Dans cet arrêt, la Cour affirme que la loi de foncière


1998 n’est pas rétroactive et censure. En conséquence, elle
censure les transactions ayant pour objet de transférer les
droits exercés sur les terres coutumières.
111

LA COUR :

Vu l’exploit de pourvoi en cassation du 23/01/2004 ;

Vu les conclusions écrites du Ministère Public ;

Vu les pièces du dossier ;

Sur le moyen de cassation pris de la mauvaise


appréciation des faits.

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt


attaqué (Daloa, 17 mars 1999) qu’estimant que SAWADOGO
Mamadou occupait sans droit la parcelle de forêt que son père
avait, de son vivant, vendue à 90.000 F à SEYDOU Sawadogo
qui n’avait payé que la moitié du prix de vente, YEYE Kouadio
l’assignait en expulsion de ladite parcelle ; que la Section de
Tribunal de Divo, par jugement n° 321 du 25 novembre 1997
le déboutait de son action ; que la Cour d’Appel infirmait en
toutes ses dispositions le jugement entrepris et, évoquant et
statuant à nouveau, ordonnait l’expulsion de SAWADOGO
Mamadou de la parcelle litigieuse ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir,


pour ordonner l’expulsion de SAWADOGO Mamadou de la
parcelle litigieuse, attribué la propriété de ladite parcelle aux
ayants droit du père de YEYE Kouadio, alors que selon le
moyen, la demande porte sur une parcelle de forêt
appartenant au père de YEYE Kouadio située à SAFI-
GUIRIZON, tandis que SAWADOGO Mamadou revendique une
parcelle de forêt située à TIEGBA et appartenant à un certain
ADIGRI Michel ; qu’il résulte tant des documents de propriété
à lui délaissés par son vendeur de parcelle de forêt que de
l’enquête agricole ordonnée par la Section de Tribunal de Divo
que YEYE Kouadio n’a pas qualité pour demander la nullité
d’une vente passée entre des tiers ; que les faits de la cause
ayant été mal appréciés par la Cour d’Appel, l’arrêt attaqué
encourt cassation ;
112

Mais attendu que la « mauvaise appréciation des faits »


ne figure pas au nombre des cas d’ouverture à cassation
limitativement énumérés par l’article 206 du Code de
Procédure Civile ; qu’il y a donc lieu de déclarer ce moyen
irrecevable ;

Sur le moyen de cassation tiré de la mauvaise


interprétation de la loi

Attendu qu’il est reproché à la Cour d’Appel d’avoir à


tort fait application des dispositions de l’article 2 du décret
n°71-74 du 16 février 1971 portant sur « l’usage du sol dit
coutumier », alors que selon le moyen, ledit décret est abrogé ;
que la Cour d’Appel aurait dû appliquer la loi n° 98-750 du 23
décembre 1998 portant Domaine Foncier Rural dont l’article 5
dispose que « La propriété d’une terre du domaine foncier
rural se transmet par achat, succession, donation entre vifs
ou testamentaire ou par l’effet d’une obligation » ; qu’il ressort
de ce texte que la propriété d’une terre rurale peut faire l’objet
d’une transaction ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour
d’Appel a violé le texte normalement applicable ;

Mais attendu que la loi ne disposant que pour l’avenir


aux termes de l’article 2 du Code Civil, la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 portant Domaine Foncier Rural ne régit pas
les transactions passées antérieurement à cette loi ; qu’il
s’ensuit que le décret n°71-74 du 16 février 1971 sous
l’empire duquel ces transactions ont été conclues est
applicable en la cause quoi qu’abrogé par la loi précitée ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a fait une
exacte application de la loi ; que le moyen n’est donc pas
fondé ;

Rejette le pourvoi formé par SAWADOGO Mamadou


contre l’arrêt n° 83 en date du 17 mars 1999 de la Cour
d’Appel de Daloa ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.


113

2. Cour Suprême, chambre judiciaire, n° 203/07


du 12 avril 2007, Sawadogo Mamadou contre
Yeye Kouadio Boniface.

Note : « La loi ne disposant que pour l’avenir aux termes de


l’article 2 du Code Civil, la loi n°98-750 du 23 décembre 1998
portant Domaine Foncier Rural ne régit pas les transactions
passées antérieurement à cette loi».

LA COUR,

Vu l’exploit de pourvoi en cassation du 23 janvier


2004 ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public du 11
décembre 2004 ;
Vu les pièces du dossier ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la


mauvaise appréciation des faits.

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt


attaqué (Daloa, 17 mars 1999) qu’estimant que SAWADOGO
Mamadou occupait sans droit la parcelle de forêt que son père
avait, de son vivant, vendue à 90.000 F à SEYDOU Sawadogo
qui n’avait payé que la moitié du prix de vente, YEYE Kouadio
l’assignait en expulsion de ladite parcelle ; que la Section de
Tribunal de Divo, par jugement n° 321 du 25 novembre 1997
le déboutait de son action ; que la Cour d’Appel infirmait en
toutes ses dispositions le jugement entrepris et, évoquant et
statuant à nouveau, ordonnait l’expulsion de SAWADOGO
Mamadou de la parcelle litigieuse ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir,


pour ordonner l’expulsion de SAWADOGO Mamadou de la
parcelle litigieuse, attribué la propriété de ladite parcelle aux
ayants droit du père de YEYE Kouadio, alors que selon le
moyen, la demande porte sur une parcelle de forêt
appartenant au père de YEYE Kouadio située à SAFI-
GUIRIZON, tandis que SAWADOGO Mamadou revendique une
114

parcelle de forêt située à TIEGBA et appartenant à un certain


ADIGRI Michel ; qu’il résulte tant des documents de propriété
à lui délaissés par son vendeur de parcelle de forêt que de
l’enquête agricole ordonnée par la Section de Tribunal de Divo
que YEYE Kouadio n’a pas qualité pour demander la nullité
d’une vente passée entre des tiers ; que les faits de la cause
ayant été mal appréciés par la Cour d’Appel, l’arrêt attaqué
encourt cassation ;

Mais attendu que la « mauvaise appréciation des faits »


ne figure pas au nombre des cas d’ouverture à cassation
limitativement énumérés par l’article 206 du Code de
Procédure Civile ; qu’il y a donc lieu de déclarer ce moyen
irrecevable ;

Sur le moyen de cassation tiré de la


mauvaise interprétation de la loi

Attendu qu’il est reproché à la Cour d’Appel d’avoir à


tort fait application des dispositions de l’article 2 du décret
n°71-74 du 16 février 1971 portant sur « l’usage du sol dit
coutumier », alors que selon le moyen, ledit décret est abrogé ;
que la Cour d’Appel aurait dû appliquer la loi n° 98-750 du 23
décembre 1998 portant Domaine Foncier Rural dont l’article 5
dispose que « La propriété d’une terre du domaine foncier
rural se transmet par achat, succession, donation entre vifs
ou testamentaire ou par l’effet d’une obligation » ; qu’il ressort
de ce texte que la propriété d’une terre rurale peut faire l’objet
d’une transaction ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour
d’Appel a violé le texte normalement applicable ;

Mais attendu que la loi ne disposant que pour l’avenir


aux termes de l’article 2 du Code Civil, la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 portant Domaine Foncier Rural ne régit pas
les transactions passées antérieurement à cette loi ; qu’il
s’ensuit que le décret n°71-74 du 16 février 1971 sous
l’empire duquel ces transactions ont été conclues est
applicable en la cause quoi qu’abrogé par la loi précitée ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a fait une
115

exacte application de la loi ; que le moyen n’est donc pas


fondé ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi formé par SAWADOGO MAMADOU


contre l’arrêt n° 83 en date du 17 mars 1999 de la Cour
d’Appel de Daloa ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public

B. Une position critiquable

Nous l’avons relevé plus haut, la loi de 1998 est


rétroactive152. C’est d’ailleurs dans ce sens que s’est orientée
la Cour d’Appel de Daloa. Elle consacre les droits coutumiers
au profit de l’occupant suite à la cession de la parcelle de terre
entre ce dernier et le propriétaire coutumier.

3. Cour d’Appel de Daloa, n°36/12 du 25 janvier


2012, Loueba Otté Michel contre Bonkoungou
Kouilga dit Yacouba contre N’Goran N’Goran
Victorien.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Kouakou N’Goran a acquis, de son vivant, une parcelle


de terre d’une superficie de 04 hectares, courant année 1985
avec Guéhi Gustave, moyennant un prix de 260.000 francs ; A
son décès, son fils N’Goran Koffi a entièrement mis en valeur

152
Sur la rétroactivité de la loi de 1998, voir nos développements au point 2.
116

ce terrain en réalisant une plantation de cacaoyers ; Ce


dernier est décédé à son tour en laissant en héritage, ladite
plantation à son frère cadet N’Goran N’Gorant Victorien ;
Contre toute attente, courant année 2008, Loueba Otté
Michel, se prétendant héritier de feu Guéhi Gustave, a
revendu la plantation querellée d’abord à Soro Bakary puis à
Bonkoungou Kouilga ; Estimant que cet acte lui cause un
énorme préjudice, N’Goran N’Goran victorien a, par exploit
d’huissier en date du 09 Octobre 2006, assigné Louéba Otté
Michel, Bonkounga Kouilga et Soro Bakary en cessation de
troubles et en déguerpissement devant le Tribunal de
Première Instance de Gagnoa ;

Louéba Otté Michel, pour sa part, a sollicité


reconventionnellement le déguerpissement du demandeur ;

Quant à Bonkoungou Kouilga, il sollicite la cessation


de troubles ;

Après avoir ordonné une mise en état et une expertise


agricole, dont les rapports figurent au dossier, la juridiction
saisie a, aux termes du jugement civil contradictoire n°135 du
02 Juin 2010, fait droit à la demande de N’Goran N’Goran
Victorien en ordonnant la cessation de troubles causée par
Louéba Otté Michel et le déguerpissement de Bonkoungou
Kouilga et Soro Bakary ; En revanche, elle a déclaré mal
fondée la demande reconventionnelle de Louéba Otté Michel ;

Par exploit d’huissier du 18 Juin 2010, Louéba Otté M.


et Bonkoungou Kouilga ont relevé appel de ce jugement ;
Par arrêt avant-dire-droit n°19 du 28 Juillet 2010, la
Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Bonkoungou Kouilga et Louéba Otté Michel sollicitent


l’infirmation du jugement querellé ; Le premier cité déclare
avoir acquis la parcelle de terre avec Louéba Otté Michel et
demande que la Cour ordonne son maintien sur les lieux au
117

motif qu’en droit, la possession vaut titre ; Quant au second


cité, il soutient qu’en 1985, Kouakou N’Goran et N’Goran Koffi
ont occupé la parcelle de terre dont s’agit sans pour autant
payer le prix de sorte qu’il en est demeuré le propriétaire ; Il
soutient en ce qui concerne N’Goran N’Goran Victorien que ce
dernier n’a aucun intérêt pour agir et conclut en conséquence
à son déguerpissement ;

N’Goran Victorien n’a ni conclu, ni déposé de pièces ;

Quant au ministère public, il sollicite la confirmation


du jugement entrepris ;
SUR CE

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°19 DU 28


Juillet 2010, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré recevable,
l’appel interjeté par Louéba Otté Michel et Bonkoungou
Kouilga ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du


dossier, et notamment du compte rendu de l’enquête agricole
effectuée par la Direction Départementale de l’Agriculture de
Gagnoa, que les plants les plus anciens réalisée sur la
parcelle de terre querellée, sont l’œuvre de feu N’Goran Koffi ;

Considérant, d’autre part, qu’il s’évince du rapport de


mise en état ordonnée par le Premier juge que la parcelle de
terre dont s’agit, a été cédée par feu Guéhi Gustave à feu
Kouakou N’Goran, père de N’Goran Koffi ;

Considérant qu’il résulte de ces deux circonstances


que la parcelle de terre querellée a été mise en valeur par feu
N’Goran Koffi en conséquence de la cession de ce terrain par
feu Guéhi Gustave ;
118

Considérant que ladite cession opère un transfert des


droits coutumiers détenus sur ladite parcelle de terre par le
cédant au profit du susnommé ; Que dès-lors, Louéba Otté
Michel, ayant-droit de feu Guéhi Gustave, est mal fondé à
revendiquer des droits coutumiers dont son père n’était plus
titulaire du fait justement de cette cession ; Que c’est donc à
bon droit que le premier juge a ordonné la cessation de
troubles orchestrés par ce dernier et son déguerpissement ;
Que la décision doit par suite être confirmée ;

Considérant que Louéba Otté Michel et Bonkoungou


Kouilga succombent ; Qu’il échet de les condamner aux
dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt ADD n°19 du 28 Juillet 2010 de


la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré recevable, l’appel
interjeté par Louéba Otté Michel et Bonkoungou Kouilga ;

Au fond

Les y dit mal fondés ;


Les en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°135 du 02 Juin 2010 rendu par le Tribunal
de Première Instance de Gagnoa ;
Condamne LOUEBA Otte Michel et BONKOUNGOU
Kouilga aux dépens.
119

4. Cour d’Appel de Daloa, 14 mars 2012, Goba


Solo contre Diarra Gaoussou.

Note : Même faite à titre gracieux, la cession d’une terre


coutumière opère transfert des droits coutumiers au profit du
cessionnaire.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Goba Solo a cédé à Diarra Siaka, courant année 1981,


une parcelle de terre de 06 hectares que ce dernier a mis en
valeur en réalisant une plantation de cacaoyers ; Au décès de
cessionnaire, le 20 Décembre 2008, et alors même que son
unique héritier Diarra Gaoussou exploitait paisiblement cette
parcelle de terre, Goba Solo a décidé contre toute attente, de
reprendre le terrain au motif qu’il avait été convenu que la
plantation qui devait être réalisée doit lui revenir au décès du
cessionnaire ; C’est ainsi que, Diarra Gaoussou a, par exploit
d’huissier en date du 09 juillet 2009, assigné ce dernier
devant la Section détachée du Tribunal de Soubré en
déguerpissement ;

La juridiction saisie a, aux termes du jugement civil


contradictoire n°92 du 12 Mai 2010, fait droit à cette
demande au motif que feu Diarra Siaka était détenteur de
droits coutumiers sur la parcelle de terre litigieuse et que
lesdits droit ont été transmis à son héritier après son décès ;

Par exploit d’huissier, en date du 11 Janvier 2011,


Gobo Solo a relevé appel de ce jugement ;
120

Par arrêt avant-dire-droit n°78 du 16 Mars 2011, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite la réformation du jugement


querellé ; Il estime que l’acte de notoriété n°69 du 30 Juillet
2009 produit au dossier par Diarra Gaoussou est un faux en
ce que moins de douze ans sépare feu Diarra Siaka né vers
1954 et son prétendu fils, né en 1966 ; En outre, il relève que
selon la loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 portant code
foncier rural, les droits coutumiers cédés aux tiers n’en font
pas d’eux des propriétaires et que les personnes ayant cédé
lesdits droits continuent d’en être les seuls titulaires et
propriétaires des terres cédées ; Il conclut par conséquent que
Diarra Gaoussou n’a aucun droit successoral sur la
plantation litigieuse et sollicite par la suite que la Cour le
déboute de sa demande en déguerpissement ;

L’intimé sollicite la confirmation du jugement ;


Le ministère public, il conclut dans le même sens ;

SUR CE

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°78 du 16


Mars 2011, la Cour a déclaré recevable, l’appel interjeté par
Goba Solo ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Sur le moyen tiré de la fausseté de l’acte de


notoriété

Considérant qu’il n’est produit au dossier aucun


certificat de non opposition, ni appel ; Qu’il y a lieu de passer
outre ce moyen ;
121

Sur le déguerpissement

Considérant que Diarra Gaoussou sollicite le


déguerpissement de Goba Solo ;
Considérant que pour résister à cette demande, ce
dernier fait valoir que conformément à l’accord conclu avec
feu Diarra Siaka, la parcelle de terre litigieuse devait lui
revenir en cas de décès du cessionnaire ;

Mais considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ses


allégations ; Qu’au contraire, il ressort de ses propres
déclarations qu’il a gracieusement cédé la parcelle de terre
litigieuse à feu Diarra Siaka, père de l’intimé ;

Considérant que du fait de cette cession, Goba Solo a


cessé d’être titulaire des droits coutumiers détenus sur la
parcelle de terre litigieuse au profit du cessionnaire ; Que c’est
donc à bon droit que le premier juge a ordonné son
déguerpissement de la parcelle de terre litigieuse ; Que cette
décision doit par conséquent être confirmée ;

Sur les dépens

Considérant que Goba Solo succombe ; Qu’il ya lieu de


le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;
En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°78 du 16


Mars 2011 rendu par la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel interjeté par Goba Solo ;
122

Au fond

L’y dit mal fondé ;


L’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°92 rendu, le 12 Mai 2010, par la Section
détachée du Tribunal de Soubré ;

Condamne GOBA Solo aux dépens.

3) Sur la définition des droits


coutumiers

1. Cour Suprême, Chambre judiciaire,


Madame NEMNIN Henriette, épouse
DIAHI contre OUYOU Tougbaté Bernard
et autres.

Note : Dans cette décision, la Cour Suprême apprécie les droits


coutumiers en référence à la coutume locale.

LA COUR ;

Vu l’arrêt n° 83/09 du 12 février 2009 de la Chambre


judiciaire de la Cour Suprême ;
Vu le rapport de l’enquête agricole ;

Sur l’évocation

Attendu que par l’arrêt susvisé, la Chambre judiciaire


de la Cour Suprême a cassé et annulé l’arrêt civil n° 62 du 20
février 2002de la Cour d’Appel de Daloa, en ce qu’il a rejeté la
demande représentée par madame NEMLI Houandé
Henriette, épouse DIAHI en déguerpissement de OUYOU
Gbaté Bernard et autres de la parcelle de foret litigieuse et,
ordonné, avant dire droit, une enquête agricole aux soins du
Directeur régional de l’agriculture de San6Pedro à l’effet de
dresser un plan des lieux, d’entendre tout sachant, de dire
qui de ABLO Guibo, ascendant de NEMNIN Henriette ou de
123

NEMLIN Dougbo, ascendant de OUYOU Gbaté Bernard a té le


premier occupant des lieux , de dire si ce domaine relève du
territoire du village de Hinklo ou de celui de Nané ;

que, du rapport de l’enquête agricole que la parcelle


litigieuse relève du territoire de Hinklo et non d de celui de
Nane, ainsi que l’ont déclaré les douze villages de la tribu de
Oulopo, et, que, là où réside Gbaté Bernard se trouvait à
l’époque le campement de GNAHOUE Gnekpa de Hinklo ; que
s’il est frai que le père de OUYOU Gbaté avait son campement
sur ces terres, c’était par la seule volonté de ses parents
maternels de Hinklo pour y faire, uniquement, des culture
vivrières et nourrir sa famille ; qu’il n’aurait jamais pu
héritier de ses terres puisque, selon les coutumes kroumen ,
en usage, la succession des terres dans cette région ne se
faisait pas par la mère mais, par le père, lequel est, en
l’espèce, du village de Nané ; que dès lors Madame Nemlin
Henriette épouse DIAHE, qui est reconnu par l’enquête
comme étant descente de ABLO Guiro et propriétaire
coutumière des terres litigieuses et fondée à demander le
déguerpissement de ces lieux de OYOU Degbate Bernard et
autres et de tous occupants de leurs chef ; qu’il y a lieu de
faire droit à sa demande ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne le déguerpissement des lieux litigieux de


OUYOU Gbaté Bernard et autres et tous occupants de leur
chef au profit de NEMLIN Henriette épouse DIAHE ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public

2. Cour d’Appel de Daloa, n°181/12, GORE


Bli Roméo contre ZOU Bi Golai

Note : Les droits coutumiers sont appréciés sur la base de la


coutume locale. Cependant celui qui invoque ladite coutume doit
en rapporter la preuve qui fait de lui le bénéficiaire.
124

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties, et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

ZOU Bi Golai est propriétaire coutumier d’une parcelle


de terre qu’il exploite depuis de longues années ; Toutefois,
courant année 2005, le nommé Goré Bi Roméo qui prétend
avoir également des droits coutumiers sur ce même terrain a
décidé de l’empêcher de la mettre en valeur en détruisant des
plants de cacaoyers et faisant abattre des arbres se trouvant
dans son champ ; Estimant que cette situation lui cause
préjudice, Zou Bi Golai a, par exploit daté du 28 avril 2008,
assigné Goré Bi Bli Roméo, devant le tribunal de première
instance de Bouaflé, en expulsion et en paiement de la somme
de 600.000 f à titre de dommages-intérêts;

Le défendeur a sollicité, reconventionnellement,


l’expulsion de son adversaire de la parcelle de terre litigieuse ;
Après avoir ordonné une mise en état, la juridiction
saisie a fait droit à la demande en expulsion de Zou Bi Golai ;
Toutefois, elle a rejeté la demande en paiement de la demande
de 600.000 francs à titre de dommages-intérêts au motif que
celle-ci n’est pas justifiée; Elle a également rejeté la demande
reconventionnelle de Goré Bi Bli Roméo comme mal fondée ;

Par exploit en date du 13 mai 2009, Goré Bi Bli Roméo


a relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°250 du 22 décembre 2010,


la Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel recevable ;
125

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans son acte d’appel valant premières conclusions,


Goré Bi Bli Roméo soutient être le véritable propriétaire de la
parcelle de terre litigieuse ; Il explique, en effet, que celle-ci
est traversée par la rivière appelée « Vroh » que ses ancêtres
ont toujours adorée ; or, indique t-il, selon les usages en pays
Gouro, une rivière n’est adorée que par les propriétaires de la
forêt dans laquelle elle est située ; que partant, le premier juge
aurait dû tenir compte de cette réalité sociologique pour lui
reconnaître des droits coutumiers sur le terrain dont s’agit ;
En outre, il conteste le rapport de la mise en état qui, selon
lui, présente des insuffisances en ce que le juge n’a pas pris
en compte les témoignages en sa faveur , ni visiter les lieux ; Il
sollicite donc, au regard de tout ce qui précède, l’infirmation
du jugement querellé et une nouvelle mise en état ;

Zou Bi Golai n’a pas conclu ni déposé de pièces ;

Par arrêt avant-dire-droit n°250 du 22 décembre 2010,


la Cour d’Appel de céans, a ordonné une enquête agricole
dont les résultats figurent au dossier ;

Enfin, le Ministère Public, conclut que Zou Bi Golai est


titulaire de droits coutumiers sur la parcelle de terre litigieuse
aux motifs que lesdits droits lui ont été transmis à cause de
mort; Il sollicite donc la confirmation du jugement querellé en
toutes ses dispositions ;

DES MOTIFS

EN LA FORME

Sur la recevabilité de l’appel

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°250 du


22 décembre 2010, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré
recevable, l’appel interjeté par Goré Bi Bli Roméo ; Qu’il échet
de s’en rapporter ;
126

AU FOND

Considérant que Goré Bi Bli Roméo fait grief au


premier juge d’avoir ordonné son expulsion alors qu’il est le
véritable propriétaire coutumier du terrain litigieux;

Mais considérant qu’il appartient à celui qui


revendique un droit d’en faire la preuve ; Qu’en l’espèce, non
seulement l’appelant ne rapporte pas la preuve de ses
allégations, mais aucun indice ne confirme que sa famille a
toujours adoré la rivière « Vroh », comme il le prétend,
consacrant ainsi selon la coutume, à supposer celle-ci établie,
la qualité de propriétaire du site litigieux de ladite famille ;
Que c’est donc à bon droit, par conséquent, que le premier
juge a ordonné son expulsion ;

Considérant que Goré Bi Bli Roméo succombe ; Qu’il


échet de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

EN LA FORME

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°250 du 22


décembre 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Goré Bi Bli Roméo ;

AU FOND

L’ y dit mal fondé ;


L’en déboute
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°20, rendu le 29 janvier 2009, par le tribunal
de première instance de Bouaflé ;
Condamne GORE Bi Bli Roméo aux dépens./.
127

4) De l’inapplicabilité de la loi de finances


de 1970 aux transactions portant sur
les terres coutumières

1. Extrait de l’arrêt de la Cour Suprême,


Chambre civile, 09 juillet 1971153

« La donation en jouissance de deux portions de forêt en


friche ne peut s’analyser en une mutation immobilière; il
n’est donc pas nécessaire que cette convention revête
une forme notariée »

Note : Les décisions qui suivent ont été rendues dans le sens
de cette jurisprudence de 1971 de la Cour Suprême qui reste
d’actualité

2. Cour d’Appel, n° 40/12 1er février 2012,


Ouédraogo Alphonse c/ Yao Bi Gala Denis ;

LA COUR,

Vu les conclusions du Ministère Public ;


Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Courant année 1960, Yao Bi Gala Denis a cédé à feu


Ouédraogo Célestin une parcelle de terre d’environ vingt trois
(23) hectares, en contrepartie d’une assistance financière et
matérielle en cas de besoin, après la mise en valeur ; En
2000, suite à la plainte du cédant pour non respect de leur
convention, l’héritier du cessionnaire a versé à ce dernier la
somme de 200.000 Francs pour s’exécuter ; Après le décès le
décès du cessionnaire en 2006, Ouédraogo Alphonse, en sa

153
Cour Suprême, Chambre civile, n°21 du 09 juillet 1971, Chapelier, TI, P 571
128

qualité d’héritier de Ouédraogo Célestin, s’est installé à son


tour sur la parcelle de terre pour continuer l’exploitation de la
plantation qui y a été réalisée par son défunt père ; Toutefois,
comme ce dernier, il n’a pas cru devoir exécuter l’obligation
d’assistance financière et matérielle souscrite par le de cujus ;
C’est ainsi que le propriétaire terrien, Yao Bi Gala Denis, l’a
assigné en déguerpissement devant le Tribunal de Première
Instance de Daloa ;

Par jugement civil contradictoire n°80/10 du 27 Mai


2010, cette juridiction a partiellement fait droit à sa demande,
en ordonnant l’expulsion de Ouédraogo Alphonse tant de sa
personne, de ses biens que de tout occupant de son chef de la
parcelle de terre litigieuse à l’exception de la partie mise en
valeur par son père ;

Par acte d’huissier, en date du 18 Novembre 2010,


Ouédraogo Alphonse a relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°23 bis/11 du 26 Janvier


2011, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré recevable l’appel
interjeté par Ouédraogo Alphonse ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement attaqué


au motif qu’en 1960, l’intimé a définitivement cédé la parcelle
de terre litigieuse à son père et que cette cession n’a pas été
conditionnée par une quelconque obligation ; Pour lui, le fait,
pour son père, de se montrer bienveillant envers ce dernier,
en reconnaissance de l’acte posé, en tant que propriétaire
coutumier, en lui apportant des aides spontanées de toute
nature, soit à l’occasion d’évènements malheureux ou
heureux, ne doit pas s’analyser comme telle ;

L’intimé, demande plutôt que l’appelant soit déguerpi


de l’ensemble du terrain et non seulement de la partie non
mise en valeur ;
129

Le Ministère Public demande que la Cour ordonne une


mise en état du dossier ;

DES MOTIFS

En la forme

Sur l’appel principal

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°23 bis/11


du 26 Janvier 2011, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré
recevable l’appel interjeté par Ouédraogo Alphonse ; Qu’il
convient de s’en référer ;

Sur l’appel incident

Considérant que Yao Bi Gala Denis demande, dans ses


écritures en appel, l’infirmation partielle de la décision en ce
que le juge n’a ordonné le déguerpissement de l’appelant que
d’une partie de la parcelle de terre litigieuse, notamment celle
qui n’a pas été mise en valeur par ce dernier ;

Considérant que ces écritures valent appel incident ;


Que celui-ci répondant aux exigences de l’article 175 alinéa 2
du code de procédure civile, commerciale et administrative,
doit être déclaré recevable ;

Au fond

Sur l’appel principal

Considérant que pour annuler la convention entre les


parties, le Tribunal de Première Instance de Bouaflé, s’est
fondé sur les dispositions de l’article 8 de la loi de finances
pour la gestion 1970 qui impose la forme notariée pour toutes
les transactions immobilières ;

Considérant cependant que le texte sus indiqué n’est


pas applicable aux transactions portant sur les terrains non
130

immatriculés, comme c’est le cas dans la présente espèce ;


Que c’est donc à tort que le premier juge a cru devoir invoquer
cette disposition pour prononcer l’annulation de la convention
entre les deux parties ;

Considérant, toutefois qu’il ressort des pièces de la


procédure que Yao Bi Gala Denis a cédé sa parcelle de terre
après que Ouédraogo Célestin se soit engagé à l’assister
financièrement et matériellement en cas d’évènements
malheureux et heureux ; Qu’il en résulte que les deux parties
étaient liées par un contrat synallagmatique de sorte que le
respect des engagements de l’une constitue la condition de
l’exécution par l’autre de ses obligations ;

Considérant qu’il s’évince des déclarations des parties


et des éléments concordants du dossier que l’intimé a, en
exécution de la convention, mis effectivement à la disposition
du père de l’appelant sa parcelle de terre que ce dernier à
partiellement mise en valeur ; Qu’au contraire, son
cocontractant, Ouédraogo Célestin n’a pas respecté ses
engagements en apportant comme convenu l’aide financière et
matérielle promise lorsque son cocontractant s’est trouvé
dans le besoin ; Que cela a d’ailleurs été reconnu par
l’appelant qui a notamment déclaré que suite aux complaintes
de l’intimé qui déplorait l’inertie de son défunt père 20 ans
après la conclusion de la convention, il a dû payer lui-même
la somme de deux cent mille franc ; Qu’ainsi la preuve est
faite que Ouédraogo Célestin a failli à son obligation, justifiant
par conséquent la résolution du contrat synallagmatique ;
Qu’il échet de dire que le moyen n’est pas fondé ;

Sur l’appel incident

Considérant que l’intimé demande incidemment le


déguerpissement de Ouédraogo Alphonse de la totalité de la
parcelle de terre et non seulement de la partie non mise en
valeur, ainsi que l’avait décidé le premier juge ;
131

Considérant que la résolution du contrat liant Yao Bi


Gala au défunt père de l’appelant a été prononcé ; Que les
parties retrouvent de ce fait le statut quo et doivent être
remises dans la situation initiale ; Qu’ainsi le vendeur doit
reprendre sa parcelle de terre dans son entièreté, quitte à son
cocontractant ou à ses ayants-droit de tirer éventuellement
toutes les conséquences de la plus value qui aurait été
apportée au terrain ; Que ce moyen n’est donc pas fondé ;

Sur les dépens

Considérant que Ouédraogo Alphonse succombe ; qu’il


y a lieu de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°23 bis/11 du 26


Janvier 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel de Ouédraogo Alphonse ;
Reçoit l’appel incident formulé par Yao Bi Gala Denis ;

Au fond

Dit mal fondé l’appel de Ouédraogo Alphonse ;


Dit par bien fondé l’appel incident de Yao Bi Gala D. ;
Infirme le jugement n°80/10 du 27 Mars 2010 rendu
par le Tribunal de Première Instance de Bouaflé ;

Statuant à nouveau

Prononce la résolution de la convention conclue par


Yao Bi Gala Denis et Ouédraogo Célestin, le défunt père de
Ouédraogo Alphonse ;
132

Condamne Ouédraogo Alphonse aux dépens.

5) Sur la gestion des biens lignagers

Note: Pour mieux percevoir les termes de la question de la


gestion des biens lignagers il importe de présenter
successivement l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Abidjan et
celui de la Cour Suprême intervenu dans la même affaire.

1. Cour d’Appel d’Abidjan, 4e Ch. Civ.,


n°941/12 du 17 juillet 2012, AMAN Louis
et autres contre SOMIAN Messou (inédit).

Note : La Cour d’Appel d’Abidjan invoque la coutume agni pour


déterminer les droits fonciers des parties relativement à des
terres du domaine foncier rural.

LA COUR

Vu les pièces du dossier de la procédure ;


Vu les conclusions écrites du Ministère public ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire n°28/12 du 22 Février
2012, la Section détachée du Tribunal d’Aboisso a déclaré les
nommés AMAN Louis et autres irrecevables, en leur action ;

Par exploit d’huissier en date du 18 mars 2012, AMAN


Louis et autres ont fait appel de ce jugement ;

Au soutien de leur appel, ils exposent que la famille


MESSOU Minlin, est titulaire de droits coutumiers sur des
parcelles de brousse situées à Adjouan (Aboisso); que ce
patrimoine lignager constitué par MESSOU Menlin depuis des
temps est géré selon les us et coutumes du pays Agni par un
chef de famille désigné par les membres de celles-ci ; qu’ainsi
se sont succédé à la gestion de celui-ci : MESSOU Somian,
KOFFI Ekpalé et AMAN Louis (…) ; Qu’alors que cette gestion
a permis de prélever jalousement ce patrimoine depuis,
SOMIAN Messou, fils de MESOU Somian, ex chef de famille et
133

gestionnaire comme sus précisé, va (…) abattre près de 560


pieds de palmiers en production sur environs 4 hectares
plantés pour le compte de la famille par KOFFI Ekpalé ; qu’en
2010, il va, sans autorisation, défricher la forêt vierge du
patrimoine lignager (…)

Sur la recevabilité de leur action, les appelants font


grief au jugement querellé qui s’est fondé sur les dires de
SOMIAN Messou, et surtout sur le témoignage de dame
NOGBOU Affala pour leur dénier la qualité d’héritiers
coutumiers les fondant à agir, d’avoir donné un sens contraire
audit témoignage ; Rétablissant les dires de dame NOGBOU
Affala, ils précisent que cette dernière a tout simplement
rapporté que la dévolution successorale se fait selon la lignée
maternelle ; qu’elle les a tous désignés comme les héritiers
coutumiers de dans le cas d’espèce, outre NOGBOU N’Da et
KOFFI Ekpalé, ce dernier étant décédé ; qu’elle a indiqué que
AMAN Louis est le chef de famille depuis l’année 2000 où il a
succédé à feu KOFFI Ekpalé, tout en soulignant que la lignée
maternelle trouve son origine à Affienou, village natal de
d’AFFALA, mère de MESSOU Minlin, constituant du
patrimoine lignager discuté ; qu’il a été formelle pour dire que
SOMIAN Messou ne fait pas partie des héritiers parce que ne
faisant pas partie de la lignée maternelle, contrairement à son
défunt père MESSOU Somian, fils d’AFFALA d’Affienou dont,
ETCHIEN Abba, grand-mère de feu KOFFI Ekpalé et AMAN
Louis, est la nièce ;

Toujours pour attester de leur qualité à agir, les


appelants produisent le témoignage du Président du Tribunal
coutumier du Sanwi qui est forme pour dire qu’en pays Agni ,
c’est le matriarcat qui est appliqué, cela veut dire que pour
être héritier en pays Agni, il faut être neveu ou petit-fils de la
lignée maternelle… je persiste pour vous dire qu’en pays Agni,
le fils n’a pas droit à l’héritage. » Ils en déduisent de tout ce
qui précède que SOMIAN Messou, fils de MESSOU Somian,
qui a été chef de famille et gestionnaire des biens lignagers de
l’espèce comme sus-indiqué, ne peut être héritiers desdits
biens ; Ils ajoutent que le jugement querellé est d’ailleurs
134

incongru lorsqu’il apert que dans une instance précédente


entre les mêmes parties en référé pour arrêt des travaux sur
les lieux querellés, ils ont été déclarés recevables en leur
action, sans que SOMIAN Messou n’excipe de leur défaut de
qualité pour agir ;

Les appelants invitent la Cour, après infirmation du


jugement attaqué, à statuer à nouveau pour faire droit à leurs
prétentions en déguerpissement et aux dommages-intérêts ;
Ils argumentent que la brousse querellée fait partie du
patrimoine lignager de la famille MESSOU Minlin ; que
s’agissant d’un bien lignager, il est une copropriété indivise ;
que seul le chef de famille désigné par les siens en assure la
gestion, assisté du conseil de famille ; que nulle personne ne
peut exiger le partage ou même l’exploiter à ses fins propres
sans l’accord de tous ; que jamais feux MESSOU Somian, père
de l’intimé, et KOFFI Ekpalé ne se sont prévalus de la qualité
de propriétaires de ce patrimoine et leurs héritiers ne le
devraient pas ; qu’au total, SOMIAN Messou est sans droit, ni
titre et il convient de prononcer son déguerpissement et de lui
ordonner toute cessation de trouble de jouissance (…) ;

SOMIAN Messou, l’intimé, réplique (…) qu’au contraire


des dires des appelants, les parcelles litigieuses sont la
propriété exclusive de la famille MESSOU ; que MESSOU
Somian, son père, les a reçues en héritage de son frère
MESSOU Minlin qui les a gérées jusqu’à sa mort ; qu’à la mort
de MESSOU Somian, elles ont été reçues en gestion
coutumière par feu ENUMI Tahi et au décès de ce dernier,
c’est à lui, en tant que fils aîné de MESSOU Somian que la
propriété desdites terres a été remise ; que feu KOFFI Ekpalé
n’avait reçu de son défunt père que les terres pour les
ménager et exploiter une palmeraie ; qu’il n’avait jamais été
question de cession de propriété et c’est en toute logique qu’il
a enlevé les plants vieillies et replanté la parcelle ; Il plaide, in
limine litis, l’irrecevabilité de l’action d’AMAN Louis et autres ;
Il fait valoir qu’en l’espèce, la question ne se pose pas du
mode de succession en pays Agni Sanwi mais de la
détermination, à partir des témoignages recueillis, du lien
135

biologique entre ETTIEN Abba et l’aïeule des MESSOU, dame


AFFAL, qu’or l’allégation de ce lien est une chimère (…) ;

Le Ministère public a conclu… ;

Des motifs

En la forme

Considérant que l’appel d’AMAN Louis et autres est


régulier ; qu’il y a lieu de le recevoir ;

Au fond

Sur la recevabilité

Considérant qu’en l’espèce, il n’est point contesté que


le litige porte sur des parcelles de brousse situées à Adjoua
(Aboisso) ; qu’il s’git de terres non immatriculées sur
lesquelles s’exercent des droits coutumiers ;

Considérant qu’il est constant que des us et coutumes


en Côte d’Ivoire qu’en général, en pays Akan dont font partie
les Agni, la succession est dévolue de façon matrilinéaire ;
qu’ainsi la dévolution n’a pas lieu de père en fils (…) ;

Considérant que cette tradition n’est point remise en


cause par les faits de la procédure ; qu’il en résulte que le
patrimoine coutumier disputé a été constitué par feu
MESSOU Minlin ; qu’à son décès en 1981, la gestion en est
revenue à son frère MESSOU Somian qui est décédé en 1991 ;
qu’alors que l’intimé ne dit pas par qui et comment la gestion
de ce patrimoine a tété conduite après le décès de feu
MESSOU Somian, au demeurant son père, jusqu’au présent
procès qui lui impute une volonté d’appropriation indue d’un
bien lignager, la majorité des témoignages recueillis et
notamment celui de la doyenne d’âge NOGBOU Affala sur
lequel s’est fondée la décision pour déclarer irrecevable
l’action de AMAN Louis et autres révèle, qu’au décès de
136

MESSOU Somian, c’est son neveu, dont il affirme sans


convaincre qu’il ne lui avait été prêté une portion des
parcelles litigieuses, KOFFI Ekpalé, qui lui a succédé ; que par
ailleurs, depuis le decès en 1999 de KOFFI Ekpalé, il est
constant que c’est AMAN Louis qui lui a succédé en qualité de
chef de famille ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la


dévolution successorale de MESSOU Minlin ne s’est pas
déroulée de façon patrilinéaire ; que dès lors, c’est à tort que
la décision querellée et partant l’intimé, conteste aux
appelants leur appartenance au lignage de feu MESSOU
Minlin, en invoquant une succession par dévolution
patrilinéaire ;

Considérant, au total, que les portions de brousse


litigieuses constituent un patrimoine lignager de la famille
MESSOU Nemlin dont la dévolution successorale acquise de
façon matrilinéaire conformément à la coutume Agni Sanwi ;
que dès lors, l’action de AMAN Louis, chef de famille et gérant
lignager, et autres, en déguerpissement et en paiement de
dommages-intérêts est parfaitement recevable ;

Sur le déguerpissement

Considérant qu’il a été suffisamment démontré ci-haut


que c’est en usurpant de la qualité de gérant lignager des
parcelles de brousse situées à Adjouan, patrimoine lignager
constitué par MESSOU Minlin que SOMIAN Messou s’y est
installé et conduit des activités agricoles ;
Qu’à bon droit, en conséquence, les appelants sollicitent son
déguerpissement et il convient d’y faire droit ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et commerciale et en dernier ressort ;

Déclare recevable l’appel d’AMAN Louis et autres ;


137

Dit cet appel bien fondé ;


Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau

Déclare recevable l’action de AMAN Louis et autres ;


Dit cette action bien fondée ;
Ordonne le déguerpissement de SOMIAN Messou des
portions de brousse situées a Adjouan (Aboisso), patrimoine
lignager constitué par MESSOU Minlin (…) ;
Met les dépens à sa charge.

2. Cour Suprême, Chambre Judiciaire,


125/13 du 7 mars 2013, SOMIAN Messou
contre AMAN Louis et autres.

Note : La haute cour reconnait implicitement que les droits


fonciers exercés des parties puissent être appréciés sur la base
de la coutume locale.

LA COUR

Vu le pourvoi en cassation en date du 8 mars 2012 ;


Vu les pièces du dossier
Vu les conclusions écrites du Ministère public en date
du 14 janvier 2013 ;

Sur le défaut de base légale résultant de


l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété
des motifs.

Vu l’article 206-6 du Code de procédure civile,


commerciale et administrative ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’excipant de sa


qualité de chef de la famille MESSOU Minlin et gestionnaire
du patrimoine de celle-ci, AMAN Louis, KOFFI et autres
saisissaient le Tribunal d’Aboisso d’une action en
déguerpissement et en dommages intérêts contre SOMIAN
138

Messou pour occupation des parcelles et destruction de plants


de palmier ; que par jugement du 22 février 2012, le Tribunal
déclarait l’action irrecevable ; que la Cour d’Appel, infirmant
ledit jugement, faisait droit à leur demande (…) de dommages-
intérêts pour destruction de plants et procédure vexatoire ;

Attendu que pour statuer comme elle l’a fait, la Cour


d’appel a estimé que AMAN Louis avait la qualité de chef de la
famille MESSOU dont les terres sont les biens lignagers
soumis au droit coutumier et qu’il est fondé à solliciter le
déguerpissement de SOMAN Messou ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi sans établir la


qualité de d’héritiers d’AMAN Louis et autres de MESSOU
Minlin, créateur du patrimoine litigieux, la Cour d’Appel a,
par insuffisance de motifs, privé sa décision de base légale ;
que le moyen est fondé ; qu’il y a lieu de casser et annuler
l’arrêt attaqué et d’évoquer conformément à l’article 28 de la
loi 97-243 du 23 avril 1997 sur la Cour Suprême ;

Sur l’évocation

Attendu qu’il résulte des productions non contestées


par les parties, que le patrimoine a été constitué par MESSOU
Minlin ; que par ailleurs, la succession du susnommé s’est
ouverte en 1981 sous l’empire de la loi n° 64-379 du 7 octobre
1964 sur la succession ; que AMAN Louis et autres ne
rapportent pas la preuve de leur qualité d’héritiers de
MESSOU Minlin, leur action st irrecevable ;

PAR CES MOTIFS

Et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur 2e moyen ;


Casse et annule l’arrêt n° 941 rendu le 17 juillet 2012
par la Cour d’Appel d’Abidjan ;

Evoquant

Déclare irrecevable l’action d’AMAN Louis et autres.


139

6) Sur la valeur juridique des expertises


agricoles.

1. Cour Suprême, chambre Judiciaire, n° 347 du 7


juin 2001

LA COUR,
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public ;
Sur le défaut de base légale résultant de
l'absence, de l'insuffisance, de l'obscurité ou
de la contrariété des motifs ;

Vu l'article 206-6è du Code de Procédure Civile,


Commerciale et Administrative ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt


confirmatif attaqué (Abidjan, 24 juillet 1999) que K.N. titulaire
de droits d'usage sur un terrain agricole d'une superficie de
115 ha 75 a objet d'un plan cadastral du 1er août 1994,
assignait en déguerpissement d'une parcelle de son terrain,
qu'elle occupait, en dommages-intérêts, dame D. née K.
devant le Tribunal de Dabou, qui le déboutait de ses
demandes; que la Cour d'Appel d'Abidjan confirmait la
décision du premier juge ;

Attendu que pour statuer comme elle l'a fait, la Cour


d'Appel, retient d'une part qu'il est constant que dame D.
exploite des parcelles de terre en dehors de son titre foncier,
mais qu'il n'est pas établi que ces terres empiétées sont la
propriété de K.N.; que d'autre part, il résulte de l'enquête
agricole que la parcelle de K.N est de 56 ha et non 115 ha, et
qu'elle est entièrement à cheval sur le titre foncier et la
parcelle exploitée par dame D. à l'extérieur ; que K.N. n'est
pas le propriétaire des terres dont il sollicite l'expulsion ;

Attendu cependant que l'expertise ne lie pas le juge;


qu'il résulte des productions, que d'une part K.N. est
140

bénéficiaire de droits d'usage sur un terrain agricole d'une


superficie de 115 ha 75 a sis à KROUFFIAN, suivant une
attestation de plantation et un plan cadastral établis le 1 er
août 1994 par le secteur du développement agricole de
Dabou; que d'autre part dame D. est titulaire d'un titre foncier
portant sur un terrain agricole de 145 ha 40 a, dans la même
zone; que ces documents officiels déterminant avec précision,
les contours de chacun des terrains concernés, excluent toute
possibilité d'enchevêtrement desdits terrains ; qu'en se
fondant sur les conclusions obscures et contradictoires d'une
expertise agricole contestée, réalisée en l'absence des parties,
et sans prendre en compte les pièces produites, la Cour
d'Appel a manqué de donner une base légale à sa décision ;
d'où il suit que le moyen est fondé ; qu'il y a lieu de casser et
annuler l'arrêt et de statuer à nouveau, par application de
l'article 28 nouveau de la loi du 25 septembre 1997 ;

Sur évocation

Attendu qu'il est constant que dame D. née K. a


étendu son exploitation au delà des limites de son titre foncier
sur plusieurs hectares; que l'action en déguerpissement
entreprise par KN sur la base de son droit d'usage consacré
par une attestation de plantation et un plan cadastral en date
du 1er août 1994, est fondée dès lors que dame D., qui ne
conteste pas être sortie des limites de son titre foncier, ne fait
pas la preuve d'un droit plus fort, antérieur à celui de KN
pour justifier l'extension de son domaine ; qu'il y donc lieu
d'accueillir cette action et d'ordonner le déguerpissement de
dame D. de la parcelle qu'elle occupe sur le terrain de K.N. ;

Attendu, sur la réparation sollicitée de K.N. n'apporte


pas la preuve de son préjudice, qu'il y a lieu de rejeter sa
demande.

PAR CES MOTIFS

Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et


troisième moyen;
141

Ordonne le déguerpissement de dame D. née K. de la


parcelle qu'elle occupe sur le terrain de celui-ci, tant de sa
personne, de ses biens que de tout occupant de son chef,

Déboute K.N. de sa demande en dommages-intérêts;

2. Cour Suprême, Ch. Judiciaire, n° 273/11, AD de


feu Adopo Atsé François c/ Boni Yapo Bernabé.

Note : Le juge peut se fonder sur le rapport d’expertise agricole


pour s’assurer de l’existence de droits coutumiers.

LA COUR,

Vu le pourvoi en cassation daté du 13 Octobre 2008 ;


Vu les conclusions du Ministère Public du 31/04/2010 ;
Vu les pièces produites ;
Sur le moyen de cassation pris du défaut de base
légale résultant de l’insuffisance des motifs

Vu l’article 206-6 du Code de Procédure Civile ;


Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué
(Abidjan, 25 Avril 2008), que se disant propriétaires d’une
parcelle de terre sise à Adzopé pour l’avoir reçue en héritage
de leur père ACHI Boni Nicolas, BONI Yapo Bernabé, BONI
YAPO Roger, BONI N’cho Emile, BONI Assi Robert et BONI
Sophie Pauline assignaient en revendication de propriété de
cette parcelle, devant la Section de Tribunal d’Adzopé, ADOPO
ATSE Francis qui se disait lui aussi propriétaire de ladite
parcelle ; que par jugement n° 71 du 05 juillet 2006, la
Section de Tribunal d’Adzopé déboutait BONI Yapo Bernabé et
autres de leur action ; que la Cour d’Appel infirmait le
jugement entrepris et, statuant à nouveau, disait que BONI
Yapo Bernabé et autres sont propriétaires du terrain litigieux
et ordonnait en conséquence l’expulsion des héritiers de
ADOPO Atsé Francis dudit terrain ;
142

Attendu que pour infirmer le jugement attaqué, la


Cour d’Appel a estimé qu’il résulte des productions qu’aucune
des parties ne peut se prévaloir d’un titre de propriété ; qu’à
l’examen des mêmes productions, il apparaît que les ayants
droit de ACHI Boni ont occupé, eux et leur père, de façon
continue, la parcelle litigieuse et l’ont mise en valeur ; que
l’enquête ordonnée par le Tribunal a confirmé cette
occupation et a précisé que selon les témoins, ladite parcelle
appartient à feu ACHI Boni ;

Attendu cependant qu’en déclarant les ayants droit de


feu ACHI BONI propriétaires du terrain litigieux non
immatriculé, alors que la Cour d’Appel a elle-même relevé
qu’aucune des parties ne peut se prévaloir d’un titre de
propriété, ladite Cour a, par insuffisance des motifs, manqué
de donner une base légale à sa décision ; qu’il y a lieu de
casser et annuler l’arrêt et d’évoquer conformément à la loi ;

Sur l’évocation

Attendu qu’il résulte des productions notamment du


rapport d’expertise agricole que feu ACHI Boni, père de BONI
Yapo Bernabé et autres, a de son vivant, longtemps exploité la
parcelle litigieuse ; qu’il y a lieu de dire que ses héritiers sont
devenus détenteurs des droits d’usage coutumiers et
d’occupation de leur défunt père sur ladite parcelle ;

PAR CES MOTIFS


Casse et annule l’arrêt n° 329 du 25 avril 2008 rendu
par la Cour d’Appel d’Abidjan ;

Evoquant

Dit que les ayants droit de feu ACHI BONI sont


détenteurs d’un droit d’usage coutumier et d’occupation du
terrain litigieux ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public


143

7) Sur la validité des cessions de droits


coutumiers

1. Cour Suprême, ch. judiciaire, n° 416


du 16 mai 2002

Note : Cet arrêt présente une particularité. La cession porte sur


une portion de terre appartenant à l’Etat. Le juge reconnait des
droits coutumiers à l’occupant, mais il estime que cette
transaction ne doit pas être appréciée sur la base de l’article 2
du décret de 1971.

LA COUR,
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public du 13/3/2002;

Sur la violation de l’article 144-1° du Code


de Procédure Civile et Commerciale ;

Vu ledit texte;
Attendu que ce texte dispose que "sont contradictoires
les décisions rendues contre les parties qui ont eu
connaissance de la procédure, soit parce que l'acte introductif
d'instance leur a été signifié ou notifié à personne, soit parce
qu'elles ont comparu en cours de procédure, soit elles-mêmes,
soit par leurs représentants ou mandataires, soit parce
qu'elles ont fait valoir à un moment quelconque de la
procédure leurs moyens" ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt


attaqué (Cour d’Appel de Daloa 15 décembre 1999) qu'en
1977 S. a créé une plantation de cacaoyers de deux hectares
sur une parcelle de forêt sur laquelle la famille T. exerçait des
droits coutumiers ; que menacé de déguerpissement, il a alors
conclu en 1980 un accord avec ladite famille aux termes
duquel il était maintenu sur les lieux moyennant la somme de
50.000 F qu'il a versée à T. A. , le chef de famille T. ; que B, le
frère cadet de T. A. s'opposait à cet accord et occupait la
144

plantation de S. où il s'est maintenu malgré l'intervention de


l'autorité administrative ; que sur saisine de S., le Tribunal de
Première Instance de Gagnoa ordonnait le déguerpissement de
B. par jugement n° 26 du 5 mars 1999 ; que sur appel de
celui-ci, la Cour d'Appel de Daloa par arrêt n° 368 du 15
décembre 1999 infirmait le jugement et statuant à nouveau
déclarait nul et de nul effet l'accord conclu par la famille T. et
S. et ordonnait le maintien de B. sur les lieux ; que S. formait
un pourvoi contre cet arrêt ;

Attendu qu'il est reproché à la Cour d'Appel d'avoir


violé l'article 144-1°du Code de procédure civile et
commerciale, en déclarant contradictoire son arrêt alors que
selon le pourvoi, le demandeur au pourvoi n’ayant pas eu
connaissance de l'avenir d'audience, ignorait la vraie date de
l'audience, si bien qu'il n'a ni comparu ni déposé de mémoire,
en sorte que la décision de la Cour d'Appel est plutôt un arrêt
de défaut ;

Attendu que l'avenir d'audience ayant fixé la date


d'audience au 27 juillet 1999, n'a pas été signifié à la
personne de S., si bien qu'il ignorait la vraie date d'audience ;
qu'il n'a ni comparu en cours de procédure aux différentes
dates de renvoi, ni déposé un mémoire pour faire valoir ses
moyens de défense à un moment quelconque de la procédure ;
que dès lors l'arrêt de la Cour d'Appel est une décision de
défaut à l'égard du demandeur au pourvoi ;

Qu'en déclarant contradictoire l'arrêt attaqué, la Cour


d'Appel a violé l'article 144 précité ; qu'il suit que le moyen est
fondé et qu'il y a lieu de casser et annuler l'arrêt de la Cour
d'Appel et d'évoquer ;
Sur l’évocation ;
Attendu que S. sollicite le déguerpissement de B. de sa
plantation de cacaoyers qu'il occupe sans titre ni droit ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la plantation


litigieuse a été créée par S. sur une parcelle de forêt, propriété
de l'Etat, sur laquelle la famille T. exerçait des droits
145

coutumiers ; que l’accord conclu avec la famille T. qui ne peut


pas être considéré comme une cession au sens de l'article 2
du décret n° 71-74 du 16 février 1971 relatif aux procédures
domaniales et foncières, est valable malgré l'opposition de B. ;
que dès lors, c'est sans droit ni titre que celui-ci s'est installé
dans la plantation litigieuse ; qu'il y a lieu de déclarer la
demande de S. fondée et d’ordonner l'expulsion de B. ;

Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième


branche du moyen unique ;

Casse et annule l'arrêt n° 368 rendu le 25 décembre


1999 par la Cour d'Appel de Daloa ;

Statuant à nouveau, ordonne le déguerpissement de B.


de la cacaoyère de deux hectares appartenant à S. ;

2. Cour d’Appel, n°63/12 du 15 février


2012, Kouamé Bi Zan Seraphin
contre Issa Diarra

Note : Cette décision, quoique rendue par une Cour d’Appel,


n’est pas moins intéressante en ce qu’elle se situe dans la
logique de la rétroactivité de la loi de 1998 154.

LA COUR,

Vu les conclusions du Ministère Public ;


Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, moyens
des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé, en date du 15 Février 1998,


KOUAME Bi Zan Zéphirin a cédé sa parcelle de terre, d’une

154
Sur la rétroactivité de la loi de 1998, voir nos développements au point 2.
146

contenance de trois (03) hectares, contre la somme de cent dix


mille francs (110000F) à SIDIBE Mathieu qui l’a mise en
valeur en y créant une plantation de cacaoyer ; En 2008, suite
a des difficultés de santé, ce dernier est rentré au Mali pour
des soins, tout en prenant soin de confier la gestion de ladite
plantation au nommé ABOU Diarra qui, au demeurant, a été
témoin lors de l’acquisition du terrain ; Non content de cette
façon de faire, KOUAME Bi Zan Zéphirin a décidé d’occuper la
plantation litigieuse d’autant plus que, selon lui, il a payé sa
dette envers SIDIBE Mathieu et que ce dernier n’a laissé ni
femme ni enfant ;

Estimant que cette occupation leur cause un préjudice


énorme, ISSA Diarra, fils du mandataire, ABOU Diarra, a saisi
les autorités administratives qui ont décidé qu’il continue
l’exploitation de la plantation litigieuse; C’est alors que
KOUAME Bi Zan Zéphirin a saisi le Tribunal de Première
Instance de Daloa pour obtenir le déguerpissement du nouvel
occupant de la parcelle litigieuse ; L’annulation de l’acte sous
seing privé par lequel il a cédé le terrain à SIDIBE Mathieu
ainsi que la condamnation de ISSA Diarra à lui verser
respectivement les sommes de un million deux cent quatre
vingt dix huit mille francs (1298000F), représentant la plus
value apportée à la plantation et un million cinq cent mille
francs (1500000F) à titre de dommages-intérêts ;

Par jugement civil contradictoire n°226 du 20


Novembre 2009, cette juridiction a rejeté la demande de
KOUAME Bi Zan Zéphirin qui en a relevé appel par acte
d’huissier en date du 31 Juillet 2010 avec ajournement au 03
Novembre 2010 ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement attaqué


aux motifs, d’une part, qu’il n’a reçu que la somme de quatre
cent cinquante mille francs (450000F) alors qu’il a dépensé
plus de un million deux cent quatre vingt dix huit mille francs
(1298000F) pour entretenir la plantation litigieuse laissée par
147

SIDIBE Mathieu et, d’autre part qu’il a remboursé les dettes


envers le susnommé, estimées à la somme totale de un million
cinq cent mille francs (1500000F) ;

Par ailleurs, se fondant sur les dispositions de l’article


8 alinéa2 de la loi n°70-209 du 10 Mars 1970 portant loi de
finance, il demande l’annulation de la vente et par suite
l’expulsion de ISSA Diarra de la plantation litigieuse ;

L’intimé n’a ni conclu, ni déposé de pièce en cause


d’appel ;

Le Ministère Public a conclu au débouté de l’appelant


et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°230 du


24 Novembre 2010, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré
recevable l’appel interjeté par KOUAME Bi Zan Zéphirin; Qu’il
convient de s’en rapporter ;

AU FOND

Considérant que l’appelant demande l’infirmation du


jugement querellé aux motifs, d’une part, que l’acte sous seing
privé dont se prévaut son adversaire est nul en ce qu’il n’a pas
été passé devant un notaire et, d’autre part, que ce dernier
n’est pas l’héritier de son cocontractant ; ;
Considérant qu’il reproche également au premier juge non
seulement de ne pas avoir tenu compte des dépenses qu’il a
effectuées pour l’entretien de la plantation litigieuse mais
également d’avoir sous estimé son préjudice ;

Mais considérant, d’une part, que la cession en


jouissance d’une terre du domaine foncier rural coutumier ne
peut s’analyser en une mutation immobilière au sens de
148

l’article 8 de la loi n°70-209 du 20 Mars 1970 portant loi de


finance pour la gestion de l’année 1970 ; qu’il n’est donc pas
nécessaire que la convention constatant cette transaction
revête une forme notariée ; qu’ainsi ce moyen ne peut
prospérer ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte du dossier de


la procédure, notamment de l’acte de cession du 15 Février
1998 que l’appelant a effectivement cédé sa plantation à
SIDIBE Mathieu et partant, les droits coutumiers qui y
exerçaient ; Qu’il est donc mal venu à solliciter l’expulsion de
l’occupant alors surtout qu’il ne rapporte pas la preuve que
cette occupation n’est pas le fait du cessionnaire ou même
que ce dernier est décédé ainsi qu’il le prétend ; Qu’il ya lieu
de rejeter également cet autre moyen comme non fondé ;

Considérant, d’autre part, que l’appelant ne rapporte


pas la preuve des frais exposés, et ne démontre pas qu’il a
entretenu la plantation litigieuse, ainsi qu’il le prétend ; que
de même il ru justifie les avoir subi un quelconque préjudice
du fait de l’intimé ; Que ce moyen n’est donc pas fondé;

Sur les dépens

Considérant que l’appelant succombe; Qu’il ya lieu de


le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

-S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°230 du 24


Novembre 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel de KOUAME BI Zan Srapin ;
149

AU FOND

Déclare ledit appel mal fondé ;


Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°226 du 20 Novembre 2009 rendu par le
Tribunal de Première Instance de Daloa ;
Condamne KOUAME Bi Zan Zéphirin aux dépens.
8) Sur la reconnaissance des droits
coutumiers sur la base de la tradition
locale

1. Cour Suprême, Chambre judiciaire, n°


525/12 du 12 juillet 2012, Madame
NEMNIN Henriette, épouse DIAHI contre
OUYOU Tougbaté Bernard et autres 155.

Note : Dans cet arrêt, la Cour apprécie les droits coutumiers et


leur exercice sur la base de la coutume locale.

LA COUR ;

Vu l’arrêt n° 83/09 du 12 février 2009 de la Chambre


judiciaire de la Cour Suprême ;
Vu le rapport de l’enquête agricole ;

Sur l’évocation

Attendu que par l’arrêt susvisé, la Chambre judiciaire


de la Cour Suprême a cassé et annulé l’arrêt civil n° 62 du 20
février 2002de la Cour d’Appel de Daloa, en ce qu’il a rejeté la
demande représentée par madame NEMLI Houandé Henriette,
épouse DIAHI en déguerpissement de OUYOU Gbaté Bernard
et autres de la parcelle de foret litigieuse et, ordonné, avant

155
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 525/12 du 12 juillet 2012, Madame
Nemlin Houandé Henriette, épouse Diahi contre Ouyou Tougbaté et autres
150

dire droit, une enquête agricole aux soins du Directeur


régional de l’agriculture de San6Pedro à l’effet de dresser un
plan des lieux, d’entendre tout sachant, de dire qui de ABLO
Guibo, ascendant de madame NEMNIN Henriette ou de
NEMLIN Dougbo, ascendant de OUYOU Gbaté Bernard a té le
premier occupant des lieux , de dire si ce domaine relève du
territoire du village de Hinklo ou de celui de Nané ;

Attendu que, du rapport de l’enquête agricole que la


parcelle litigieuse relève du territoire de Hinklo et non d de
celui de Nane, ainsi que l’ont déclaré les douze villages de la
tribu de Oulopo, et, que, là où réside Gbaté Bernard se
trouvait à l’époque le campement de GNAHOUE Gnekpa de
Hinklo ; que s’il est frai que le père de OUYOU Gbaté avait son
campement sur ces terres, c’était par la seule volonté de ses
parents maternels de Hinklo pour y faire, uniquement, des
culture vivrières et nourrir sa famille ; qu’il n’aurait jamais pu
héritier de ses terres puisque, selon les coutumes kroumen ,
en usage, la succession des terres dans cette région ne se
faisait pas par la mère mais, par le père, lequel est, en
l’espèce, du village de Nané ; que dès lors Madame Nemlin
Henriette épouse DIAHE, qui est reconnu par l’enquête
comme étant descente de ABLO Guiro et propriétaire
coutumière des terres litigieuses et fondée à demander le
déguerpissement de ces lieux de OYOU Degbate Bernard et
autres et de tous occupants de leurs chef, qu’il y a lieu de
faire droit à sa demande ;

Par ces motifs

Ordonne le déguerpissement des lieux litigieux de


OUYOU Gbaté Bernard et autres et tous occupants de leur
chef au profit de NEMLIN Henriette epouse DIAHE ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public


151

2. Cour d’Appel de Daloa, n°181/12 du 30


mai 2012, Goré Bi Roméo c/ ou Bi Golai

Note : Si la coutume locale peut servir de fondement aux droits


coutumiers allégués, c’est à la condition que la partie qui
l’allègue rapporte la preuve de son existence.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties, et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

ZOU Bi Golai est propriétaire coutumier d’une parcelle


de terre qu’il exploite depuis de longues années ; Toutefois,
courant année 2005, le nommé Goré Bi Roméo qui prétend
avoir également des droits coutumiers sur cette même parcelle
de terre a décidé de l’empêcher de la mettre en valeur en
détruisant des plants de cacaoyers et faisant abattre des
arbres se trouvant dans son champ ; Estimant que cette
situation lui cause un énorme préjudice, Zou Bi Golai a, par
exploit en date du 28 avril 2008, assigné Goré Bi Bli Roméo,
devant le tribunal de première instance de Bouaflé, en
expulsion et en paiement de la somme de 600.000 francs à
titre de dommages-intérêts;

Le défendeur, pour sa part, a également sollicité,


reconventionnellement, l’expulsion de son adversaire de la
parcelle de terre litigieuse ;

Après avoir ordonné une mise en état, le juge a fait


droit à la demande en expulsion de Zou Bi Golai ; Toutefois, il
a rejeté la demande de dommages-intérêts au motif que celle-
ci n’est pas justifiée; Elle a aussi rejeté la demande
reconventionnelle de Goré Bi Bli Roméo comme mal fondée ;
152

Par exploit du 13 mai 2009, Goré Bi Bli Roméo en a


relevé appel;

Par arrêt avant-dire-droit n°250 du 22 décembre 2010, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans son acte d’appel valant premières conclusions,


Goré Bi Bli Roméo soutient être le véritable propriétaire de la
parcelle de terre litigieuse ; Il explique, en effet, que celle-ci
est traversée par la rivière appelée « Vroh » que ses ancêtres
ont toujours adorée ; or, indique t-il, selon les usages en pays
Gouro, une rivière n’est adorée que par les propriétaires de la
forêt dans laquelle elle est située ; que partant, le premier juge
aurait dû tenir compte de cette réalité sociologique pour lui
reconnaître des droits coutumiers sur le terrain dont s’agit ;

En outre, il conteste le rapport de la mise en état qui,


selon lui, présente des insuffisances en ce que le juge n’a pas
pris en compte les témoignages faits en sa faveur, ni visiter les
lieux ; Il sollicite donc, au regard de tout ce qui précède,
l’infirmation du jugement querellé et demande une nouvelle
mise en état ;

Zou Bi Golai n’a pas conclu ni déposé de pièces ;


Par arrêt ADD n°250 du 22 décembre 2010, la Cour
d’Appel, a ordonné une enquête agricole dont les résultats
figurent au dossier ;

Enfin, le Ministère Public, conclut que Zou Bi Golai est


titulaire de droits coutumiers sur la parcelle de terre litigieuse
aux motifs que lesdits droits lui ont été transmis à cause de
mort; Il sollicite donc la confirmation du jugement querellé en
toutes ses dispositions ;
153

DES MOTIFS

EN LA FORME

Sur la recevabilité de l’appel

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°250 du


22 décembre 2010, la Cour a déjà déclaré recevable, l’appel
de Goré Bi Bli Roméo ; Qu’il échet de s’en rapporter ;

AU FOND

Considérant que Goré Bi Bli Roméo fait grief au


premier juge d’avoir ordonné son expulsion alors qu’il est le
véritable propriétaire coutumier de la parcelle de terre
litigieuse ; Mais considérant qu’il appartient à celui qui
revendique un droit d’en faire la preuve ; Qu’en l’espèce, non
seulement l’appelant ne rapporte pas la preuve de ses
allégations, mais aucun indice ne confirme que sa famille a
toujours adoré la rivière « Vroh », comme il le prétend,
consacrant ainsi selon la coutume, à supposer celle-ci établie,
la qualité de propriétaire du site litigieux de ladite famille ;
Que c’est donc à bon droit, par conséquent, que le premier
juge a ordonné son expulsion ; Qu’il convient dès lors de
confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

Considérant que Goré Bi Bli Roméo succombe ; Qu’il


échet de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

EN LA FORME

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°250 du 22


décembre 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Goré Bi Bli Roméo ;
154

AU FOND

L’ y dit mal fondé ;


L’en déboute
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°20, rendu le 29 janvier 2009, par le tribunal
de première instance de Bouaflé ;
Condamne GORE Bi Bli Roméo aux dépens./.

9) De l’établissement des droits coutumiers


et de la propriété coutumière

Note : La preuve des droits coutumiers peut être rapportée par


tout moyen. Ainsi, les enquêtes et auditions faites par les
autorités administratives lors de réunions avec les sachants
peuvent être utiles à cet effet.

1. La Cour Suprême Ch. Jud., 518/12 du 12 juillet


2012, Sawadogo Amandé c/Allo Boussé Jacques

Sur la recevabilité du mémoire ampliatif du


04 février 2011 de SAWADOGO Amadé

Attendu qu’aux termes de l’article 212 nouveau du


Code de Procédure Civile, dans les deux mois à compter de
l’expiration du délai prévu pour se pourvoir en cassation, le
demandeur doit faire parvenir au Secrétariat Général de la
Cour Suprême, un mémoire écrit contenant l’exposé de faits et
celui des moyens de cassation qu’il invoque ; qu’en l’espèce,
l’arrêt attaqué ayant été signifié le 18 Août 2010, le mémoire
ampliatif du 04 février 2011 intervenu plus de deux mois
après l’expiration du délai de pourvoi fixé au 18 novembre
2010 est irrecevable, en application du texte précité ;
155

Sur le défaut de base légale résultant de l’absence,


de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété
des motifs

Attendu, selon les énonciations de l’arrêt infirmatif


attaqué (Abidjan, 23 juillet 2010), qu’estimant que la parcelle
de forêt occupée par SAWADOGO Amadé est différente de
celle attribuée aux ressortissants Burkinabés du village
d’Anno, dans la Sous-Préfecture d’Agboville, et est la propriété
de sa famille, ALLO Bousse Jacques assignait le susnommé
en expulsion de ladite parcelle ; que par jugement n° 78 du 17
décembre 2008, le Tribunal d’Agboville le déboutait de son
action mal fondée ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir,


pour infirmer le jugement entrepris et ordonner l’expulsion de
SAWADOGO Amadé, énoncé que celui-ci et ses compatriotes
se sont installés de manière anarchique sur la parcelle
litigieuse, alors que, selon le moyen, SAWADOGO Amadé et
ses compatriotes ne se sont jamais installés de manière
anarchique sur les lieux qu’ils occupent depuis 1975 ; que
c’est pour éviter une telle interprétation qu’il a sollicité et
obtenu, en sa qualité de Chef des Burkinabés résidant à
Anno, l’autorisation des autorités administratives d’occuper et
de mettre en valeur la parcelle de forêt dont ALLO Bousse
Jacques, non titulaire d’un titre foncier ou d’un Certificat de
propriété, se dit aujourd’hui propriétaire ; qu’en se
déterminant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a, par
absence, insuffisance, obscurité ou contrariété des motifs,
manqué de donner une base légale à sa décision ;

Mais attendu que pour infirmer le jugement entrepris, la


Cour d’Appel a énoncé qu’il résulte des procès-verbaux des
réunions tenues tant par le Préfet que par le Sous-Préfet
d’Agboville au cours desquelles les parties en conflit ont été
entendues, que la parcelle de forêt litigieuse appartient à la
famille NIANGORAN Bosso représentée par ALLO Bousse
Jacques et que SAWADOGO Amadé et la communauté
Burkinabé résidant dans le village d’Anno se sont installés de
156

manière anarchique sur ladite parcelle croyant qu’elle


constituait une forêt déclassée et non attribuée à personne ;
qu’en se déterminant par de tels motifs suffisants, non
obscurs ni contradictoires, la Cour d’Appel a justifié sa
décision ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi formé par SAWADOGO AMADE contre


l’arrêt n° 517 du 23 juillet 2010 de la Cour d’Appel d’Abidjan ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

2. Cuprême, Ch. judiciaire, n°105/11 du 10 février


2011, Dago Kouadio contre Aka Kakou Mathias

Note : Les témoignages peuvent valablement servir à établir les


droits coutumiers.

LA COUR,

Vu l’exploit à fin de pourvoi en cassation du 13


décembre 2008 ;
Vu les mémoires produits ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;

Sur la recevabilité du mémoire ampliatif ;


Attendu que le mémoire ampliatif enregistré au
Secrétariat Général de la Cour Suprême le 30 Septembre
2010, doit être écarté conformément aux dispositions de
l’article 212 nouveau alinéa 1er du Code de Procédure Civile
comme intervenu hors délai ;
157

Sur le défaut de base légale résultant de l’absence,


de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété
des motifs

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué


(Daloa, 16 Avril 2008), qu’AKA Kakou Mathias a assigné
DAGO Kouadio Jacob en expulsion de deux parcelles de forêt
appartenant à son défunt père devant le Tribunal de Divo qui
a fait droit à sa demande ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir


confirmé le jugement entrepris, alors que, selon le moyen,
ladite cour aurait pu ordonner une nouvelle expertise agricole
ou une mise en état à l’effet de déterminer le propriétaire des
parcelles litigieuses, et, d’avoir ainsi par insuffisance,
obscurité ou contrariété de motifs, manqué de donner une
base légale à sa décision ;

Mais attendu que, pour statuer comme elle l’a fait, la


Cour d’Appel a énoncé que la mise en état ordonnée et
exécutée par le Tribunal a révélé des témoignages concordants
et non équivoques attribuant la propriété des parcelles
querellées au père de l’intimé ; qu’en se déterminant par de
tels motifs, la Cour d’Appel, qui s’est estimée suffisamment
éclairée, a légalement justifié sa décision ; d’où il suit que le
moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi de DAGO Kouadio Jacob contre l’arrêt


n° 95 en date du 16 Avril 2008 de la Cour d’Appel de Daloa ;

3. Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 503/09 du


16 juillet 2009, KPATCHI Godji Nestor contre
MAKAGNON Gabia Richard

Note : La propriété coutumière peut être prouvée par tout


moyen. Et le plan cadastre constitue un commencement de
preuve de la propriété.
158

LA COUR

Vu l’exploit du pourvoi en cassation du 20 juin 2008.


Vu les pièces produites ;
Vu les conclusions du Ministère public ;

Sur le moyen de cassation unique pris du défaut


de base légale résultant de l’absence, de
l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété
des motifs

Attendu selon les énonciations de l’arrêt attaqué


(Daloa, 0 juin 2008) que se disant propriétaire d’un domaine
forestier qu’il a partiellement mis en valeur en y créant une
cacaoyère de 2 hectares, KPATCHI Godji Nestor assignait
devant la Section de Tribunal de Lakota MAKAGNON Gabia
Richard qui y avait installé des allogenes pendant son absence
pour cause de maladie ; que ladite Secton de Tribunal, après
une enquête agricole, par jugement n° 21 du 22 juin 2006,
ordonnait l’expulsion de MAKAGNON Gabia Richard,
COULIBALY Sidiki, COULIBALY Bile et Nicolas OUATTARA
des parcelles de forêt de 14 ha 41 a et 66 ca, telles que
délimitées par le procès verbal d’enquête agricole, qu’ils
occupaient tant de leurs personnes, de leurs biens que de
tous occupants de leur chef, déboutait MAKAGNON Gabia
Richard de sa demande reconventionnelle en de KPATCHI
Godji Nestor du surplus du domaine forestier hormis ses deux
hectares de cacaoyère ; que la Cour d’Appel de Daloa, après
mise en état, infirmait en toutes ses dispositions le jugement
entrepris et, statuant à nouveau, ordonnait le maintien de
KPATCHI Godji Nestor sur les deux hectares à lui attribués
initialement, ordonnait en revanche son expulsion du surplus
des terres par lui occupées personnellement et par les
personnes installées de son chef ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel de s’être,


pour statuer comme elle l’a fait, basée sur le témoignage de
ABIRO Gbota Emile et sur la possession par MAKAGNON
Gabia Richard d’un plan cadastral du domaine forestier au
159

nom de son grand père GNAKPA Laba Augustin, alors que, dit
le moyen, le témoignage de ABIRO Gbota renferme des
contrevérités, que la Cour d’Appel a, de cette manière erronée,
apprécié le plan cadastral produit par MAKAGNON Gabia
Richard , car, en plus de la cacaoyère de 02 hectares créée
par en 1962 et cédée à KPATCHI Godji Nestor par son père en
1985, il a créé à partir de cette année jusqu’en 1989 une
cacaoyère de 2 hectares et c’est en cette dernière année que
profitant de l’absence de KPATCHI Godji Nestor, GNAKPA
Laba Augustin, grand père de maternel de MAKAGNON Gabia
Richard, s’est fait établir le plan cadastral en son nom
englobant cette cacaoyère ; qu’enfin, c’est à tort que la Cour
d’Appel n’a pas tenu compte de l’enquête agricole ordonnée
par le premier juge ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la
Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu que la Cour d’Appel ci a estimé qu’en


dehors de deux hectares qui lui ont été dévolus par étapes
successives et par succession, KPATCHI Godji Nestor n’a
régulièrement acquis aucune autre parcelle ; qu’il s’infère du
dossier que c’est en profitant de l’exploitation de ces deux
hectares qu’il s’est octroyé un surplus de parcelles ; que les
éléments ci-dessus indiqués sont confortés par le plan
cadastral délivré au nom de GNAKPA Laba Augustin et versé
au dossier ; que si ce document ne constitue pas à
proprement parler un titre foncier, il doit être considéré
comme un commencement de preuve de la propriété ; qu’au
regard de ce qui précède, KPATCHI Godji ne peut prétendre
avoir des droits que sur les deux seuls hectares qui
appartenaient initialement à ABIRO Gbota Emile et GBOTA
Balo Jean Pierre son grand-père, lesquels les ont légués à
GNAKPA Laba Augustin qui les a donnés à son tour à
KPATCHI Gdji Nestor ; qu’en se déterminant par de tels
motifs, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision ;
160

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi formé par KPATCHI Godji Nestor


contre l’arrêt n° 29 en date du 30 janvier 2008 de la
Cour d’Appel de Daloa ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

4. Cour d’appel Daloa, n° 164/12 du 09 mai 2012,


Dago Gbogbo et autres c/Nebi Dibo Dominique et
2 autres

Note : La preuve des droits coutumiers peut résulter des


témoignages concordants recueillis au cours de l’enquête
agricole.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et celles du Ministère
public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

La famille Brodoua prétend être propriétaire coutumier


d’un domaine forestier de quatre (04) hectares, sis à Briboré,
dans la Commune de Divo ; Pour des raisons personnelles,
DAGO Gbogbo, Dago Adaye David et Dago Simon ont fait lotir
une partie de ce domaine et vendu quelques lots ; Estimant
que ces derniers ont agi sans titre ni droit, Nébi Dido
Dominique, Béhiza Nobi Fidel, Béhiza Louké Aimé Et Azodji
Aneka Etienne, tous membres de la famille Brodoua, les ont,
par exploit en date du 13 janvier 2010, assignés devant la
section détachée du tribunal de Divo, en expulsion ;
La juridiction saisie a fait droit à la demande, aux
termes du jugement n°212 du 22 Octobre 2010 ;
161

Par exploit daté du 28 Juin 2011, Dago Gbogbo, Dago


Adaye David et Dago Simon ont relevé appel du jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°79 du 16 Mars 2011, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les appelants sollicitent l’infirmation du jugement


querellé en toutes ses dispositions au motif qu’ils sont
cofondateurs, avec la famille Brodoua, du village de Briboré; A
ce titre, ajoutent-ils, ils sont également copropriétaires des
terrains dudit village; C’est donc, selon eux, avec surprise
qu’ils ont constaté que leurs adversaires ont fait morceler, à
leur seul profit, ces terres appartenant à toute la communauté
villageoise; C’est ainsi, qu’ils ont, à leur tour, procédé au
morcellement du reste de ce domaine commun; En tout état
de cause, ils sollicitent que la Cour d’Appel de céans ordonne
une enquête agricole et une mise en état afin d’établir leur
propriété coutumière sur les parcelles de terre litigieuses;

Les intimés n’ont pas déposé d’écritures ;


Le ministère public a conclu à la confirmation du
jugement ;

DES MOTIFS

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°79 du 16


Mars 2011, la Cour d’Appel de céans a déclaré recevable,
l’appel interjeté par Dago Gbogbo, Dago Adaye David et Dago
Simon ; Qu’il échet de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant qu’il est constant ainsi que cela ressort


des pièces du dossier et notamment des divers témoignages
recueillis au cours de l’enquête agricole ordonnée par le
premier juge, que la famille Brodoua, dont fait partie Nébi
Dido Dominique et autres, est détentrice de droits coutumiers
162

sur la parcelle de terre litigieuses ; Que c’est à tort, par


conséquent, que les appelants qui ne justifient d’aucun titre
ni droit tentent de s’opposer à la demande en expulsion
formulée contre eux, par les susnommés ; Qu’il convient dès
lors de confirmer le jugement querellé en toutes ses
dispositions ;
Considérant que les appelants succombent ; Qu’il sied
de les condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°79 du 16


Mars 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Dago Gbogbo, Dago Adaye
David, Dago Simon ;

Au fond

Les y dit mal fondés ;


Les en déboute ;
Confirme en toutes le jugement civil contradictoire
n°212 rendu le 22 Octobre 2010, par la Section détachée du
Tribunal de Divo ;
Condamne les appelants aux dépens.

5. Cour d’Appel de Daloa, n°146/12 du 18 avril


2012, Gnepa Guy Patrice et autres contre
Yohoukehi Denis et autres

Note : Le juge peut se convaincre de l’existence des droits


coutumiers en se fondant sur le rapport de mise en état
ordonné à cet effet.
163

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;
Après avoir délibéré conformément à la loi ;

FAITS ET PROCEDURE

Ayant constaté que des personnes inconnues d’elle se


sont installées sur une partie de ses terres et y ont créée des
plantations, la famille Diabla, représentée par les nommés
Blédi Diabla et Diabla Gnahoué Bertrand a mené des
investigations qui ont révélé que l’installation de ces derniers
est le fait des familles Gnépa et Youhoun qui s’estiment
également propriétaires desdites terres ; Les susnommés ont
alors saisi le Tribunal coutumier, qui a confirmé la propriété
de leur famille sur les terres et demandé le départ des
occupants ; Ces derniers, n’ayant pas obtempéré à la sentence
coutumière, ils ont cru devoir saisir la Section détachée du
Tribunal de Tabou aux fins d’obtenir leur expulsion et le
paiement de la somme de 360.000 francs à titre de dommages
et intérêts ;

Cette juridiction, avant-dire-droit a ordonné une mise


en état dont le rapport est versé au dossier ;

Par jugement civil n°37/10 du 02 Juin 2010, le


premier juge a ordonné le déguerpissement de Yohoun Keh
Denis, Gnepa Guy Patrice et Soumou Gnépa Etienne des lieux
qu’ils occupent tant de leurs personnes que de tous
occupants de leurs chefs ; Il a cependant débouté Blédi Diabla
et Diabla Gnaoué Bertrand de leur demande en paiement de
dommages et intérêts ;

Par acte d’huissier, daté du 26 Juillet 2010, Gnépa


Guy Patrice, Yohou Keh Denis, Soumou Gnépa Etienne et
164

Kouakou Dapa marc ont interjeté appel ; Ce recours a été


déclaré recevable par la Cour d’Appel de céans par arrêt
avant-dire-droit n°210/10 du 27 Octobre 2010 ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les appelants sollicitent l’infirmation du jugement


attaqué au motif que la parcelle de terre litigieuse est la
propriété de leur défunt père et que cela n’a jamais été remis
en cause ; Que d’ailleurs, les intimés n’ont pas émis de
réserve lors de l’enquête agricole ; Qu’il s’agit là de la preuve
qu’ils ne sont pas les propriétaires terriens ;

Pour leur part, les intimés, s’en tenant pour l’essentiel


à leurs déclarations antérieures, sollicitent la confirmation
pure et simple du jugement attaqué ;

Le Ministère Public, par ses conclusions du 23 Février


2011 aborde dans le même sens ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que la Cour d’Appel de ce siège a, par


arrêt avant-dire-droit n°210/10 du 27 Octobre 2010 déclaré
l’appel interjeté par Gnépa Guy Patrice, Yohoun Keh Denis,
Soumou Gnépa Etienne et Kouakou Dapa Marc, recevable ;
Qu’il échet de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant que pour résister à la demande en


expulsion, les appelants font valoir que du vivant de leur père,
la propriété du terrain litigieux ne lui a jamais été contestée et
qu’ils en sont, par conséquent, les seuls propriétaires ;

Mais considérant qu’il est constant, comme résultant


du rapport de mise en état, que les intimés exercent sur le
165

terrain litigieux des coutumiers transmis de génération en


génération ; Que d’ailleurs, Kouakou Dapa Marc, l’un des
appelants, à lui-même reconnu que la parcelle dont s’agit
n’est pas la propriété de la famille Guyou Gnepa ; Que c’est
donc à bon droit que le premier juge, se fondant sur la qualité
de propriétaire terrien de Blédi Diabla et de Diabla Gnahoué
Bertrand, a ordonné l’expulsion des appelants qui occupent
les lieux sans titre ni droit ;

Sur les dépens

Considérant que les appelants succombent ; Qu’il y a


lieu de les condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°210/10 du 27


Octobre 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel interjeté par Gnepa Guy Patrice, Yohou Keh
Denis, Soumou Gnepa Etienne et Kouakou Dapa Marc ;

Au fond

Déclare ledit appel mal fondé ;


Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°37/10 du 02 Juin 2010 rendu par la Section
détachée du Tribunal de Tabou ;
Condamne les appelants aux dépens.
166

12) De la charge de la preuve des droits


coutumiers

Cour d’Appel Daloa n° 56/12 du 5


février 2012, Dango Djawala contre
Kapet Maxime et autres ;

Note : C’est à celui qui revendique des droits coutumiers sur un


terrain rural qu’il revient d’en rapporter la preuve. A défaut,
l’occupant ne peut être expulsé, faute pour le requérant d’avoir
démontré qu’il a plus de droit que ce dernier.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions écrites des parties et celles du
Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Dango Djawla est installé, depuis l’année 1975, sur un


domaine forestier d’une superficie de 165 hectares sis à
quelques kilomètres de Kako dans la Sous-préfecture de
Grand-Béréby, qu’il a commencé à mettre en valeur en 1978 ;
Ce terrain a été borné en 1987 par les services de l’agriculture
de la localité et délimité le 24 Avril 1996 par la commission
d’attribution de terrains ruraux de Kako ; C’est une partie de
cette forêt que KAPET Maxime et Gnahoué Guy Roméo ont
revendue à des tiers, au motif pris de ce qu’ils en seraient les
propriétaires coutumiers ; C’est ainsi que DANGO Djawla a,
par exploits en date des 12 Août 2004 et 09 Mars 2005,
assigné les susnommés et tous ceux installés de leur chef,
ainsi que Nemlin Djirobo Etienne et Nemlin Gnessoa, d’autres
occupants du site litigieux, devant la Section détachée du
Tribunal de Tabou, en expulsion et en paiement à titre de
dommages et intérêts, de la somme de 3.100.000 francs pour
Kapet Maxime et Gnahoué Guy Roméo, 1.000.000 de francs
167

pour Hien Kouassi Laurent, Loa Yiri Emmanuel et Hien


Gborononté Modeste et enfin, 360.000 francs pour Nemlin
Djirobo Et Nemlin Gnessoa ;

Pour leur part, Kapet Maxime et Gnahoué Guy Roméo


ont sollicité, reconventionnellement, la reconnaissance de leur
propriété coutumière sur la partie du terrain qu’ils occupent ;

Après avoir ordonné une enquête agricole, dont le


rapport figure au dossier, la juridiction saisie a, aux termes
du jugement civil contradictoire n°67 du 12 Novembre 2008,
débouté Dango Djawla de son action comme mal fondée,
avant de reconnaître aux défendeurs des droits d’usage
coutumiers sur la partie du domaine qu’ils occupent ;

Par exploit en date du 23 Décembre 2008, Dango


Djawla a relevé appel de ce jugement ;
Par arrêt avant-dire-droit n°234 du 24 Juin 2009, la
Cour d’appel de céans a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant fait grief au premier juge d’avoir méconnu


son droit de propriété coutumière sur l’intégralité du terrain
litigieux, s’appuyant en cela sur le rapport d’enquête agricole
établi par la direction régionale de l’agriculture du Bas-
Sassandra d’où il ressort que le site dont s’agit est composé de
deux (02) blocs : l’un de 180 hectares, non litigieux qui lui a
été attribué par la commission d’attribution de terrain de
Kako, et l’autre de 601 hectares réclamé par Kapet Maxime et
autres, qui le présentent comme un patrimoine familial ; Il
précise que c’est sur ce dernier site, sur lequel il estime avoir
également des droits coutumiers, qui a été attribué à tort à
ses adversaires ; Aussi, il sollicite l’infirmation du jugement
déféré ;

Par ailleurs, il demande à la Cour d’Appel d’ordonner


une nouvelle enquête agricole pour mieux éclairer sa religion ;
168

Les intimés n’ont pas conclu ;

Le Ministère public sollicite que la Cour ordonne une


mise en état afin d’identifier les parcelles de terre occupées
par les intimés, et de déterminer le véritable propriétaire ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°234 du


24 Juin 2009, la Cour d’appel de ce siège a déclaré recevable,
l’appel interjeté par Dango Djawla ; Qu’il échet de s’en
rapporter ;

Au fond

Considérant que Dango Djawla revendique la totalité


du domaine litigieux aux motifs que celui-ci serait sa
propriété ;

Mais considérant qu’il revient à celui qui excipe d’un


droit en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce si le droit de
propriété coutumière de l’appelant ne souffre d’aucune
contestation sur le bloc de 180 hectares, il n’en va pas de
même sur celui de 601 hectares ; Qu’en effet, il ne rapporte
pas la preuve qu’il est également propriétaire coutumier de
cette autre partie du terrain ; Qu’il y a lieu dans ces
conditions de dire que c’est à bon droit que le premier juge l’a
débouté de sa demande en expulsion formulée contre ses
adversaires ainsi que de toutes ses demandes et de confirmer
le jugement querellé ;

Considérant que Dango Djawla succombe ; Qu’il échet


de le condamner aux dépens ;
169

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°28 du 28


Janvier 2009 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel relevé par Dango Djawla ;

Au fond

L’y dit mal fondé ;


L’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement ;

10) Sur l’indemnisation de l’occupant


évincé

1. Cour d’Appel de Daloa, n°53/12 du 15


février 2012 Okou Zézé Boniface et
autres c/Okou Kipré et autres

Note : Les occupants évincés sont en droit de demander une


indemnisation dès lors que les plantations et autres
réalisations profiteront au propriétaire.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

A son décès survenue le 24 avril 2002, feu ZEZE Okou


Victor a laissé comme bien à ses onze (11) enfants, une
170

parcelle de terre, sise à Belem S/P de Guibéroua ; Sans


l’accord de ses autres frères, Okou Kipré David, l’un des
ayants-droit du défunt a cédé à titre onéreux sur le
patrimoine commun des terrains aux nommés Sawadogo
Abdoulaye et Sawadogo Adama, qui les ont mis en valeur en
créant une cacaoyère de trois (03) hectares ;

Estimant que cette occupation leur cause un


préjudice, les autres ayants-droit de feu ZEZE Okou Victor
ont assigné devant le Tribunal de Première Instance de
Gagnoa leur frère Okou David ainsi Sawadogo Abdoulaye et
Sawadogo Adama, en nullité d’une vente et en
déguerpissement ; En réaction, les cessionnaires ont formulé
une demande reconventionnelle dans laquelle ils sollicitent
pour la plus value apportée de bonne foi aux terrains litigieux
des dommages et intérêts estimés à 10.000.000 de francs
pour Abdoulaye et 5.000.000 de francs pour Adama, et ce, au
cas où leur déguerpissement serait prononcé ;

La juridiction saisie a ordonné une mise en état dont le


rapport, en date du 16 Octobre 2009 a été versé au dossier ;

Par jugement civil contradictoire n°321/09 rendu le 11


novembre 2009, le Tribunal de Première Instance de Gagnoa a
annulé la vente conclue entre les parties avec pour
conséquence le retour des parcelles de terres rurales
litigieuses dans la succession de feu Zézé Okou Zézé Okou
Victor et ordonné le déguerpissement des défendeurs, tant de
leurs personnes, les biens que de tous occupants, de leur
chef ; Il a en outre condamné les ayants-droit de feu Zézé
Okou Victor à payer aux frères Sawadogo Abdoulaye et
Sawadogo Adama, respectivement 3.000.000 de francs et
1.500.000 francs ;

Par acte d’huissier, en date du 07 octobre 2010, les


ayants-droit de feu Zézé Okou Victor en ont relevé appel ;

Par arrêt avant-dire n°209/10 du 27 octobre 2010, la


Cour d’appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;
171

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les appelants sollicitent l’infirmation partielle du


jugement attaqué ; Ils estiment qu’en les condamnant à payer
des dommages et intérêts, le premier juge a mis à leur charge
des préjudices dont le seul responsable est pourtant Okou
kipré David pour avoir vendu de façon illégale un bien
successoral sans leur accord ; C’est donc, toujours selon eux,
ce dernier qui devrait répondre des préjudices allégués ; Par
ailleurs, ils demandent à la Cour d’Appel d’ordonner, en plus
du déguerpissement des occupants, la destruction des
cacaoyers plantés ou à défaut, de réduire les montants des
dommages-intérêts alloués à Abdoulaye et à Adama ;

Pour leur part, les intimés qui ont relevé appel


incident, soulevant l’irrecevabilité de la demande aux fins de
destruction de la plantation litigieuse formulée par les
appelants comme étant nouvelle ; Par ailleurs, ils estiment
que c’est à tort que le Tribunal a ordonné leur
déguerpissement étant donné que la preuve n’a pas été faite
que le cédant n’était pas le propriétaire terrien ; Enfin, ils
demandent à la Cour d’examiner leur demande
reconventionnelle faite en première instance, aux fins de
dommages-intérêts ;

Le Ministère Public conclut à la confirmation du


jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

DES MOTIFS

En la forme

Sur la recevabilité de l’appel principal

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°209/10


du 27 octobre 2010, la Cour d’Appel de céans a déclaré
recevable l’appel interjeté par les ayants-droit de feu Zézé
Okou Victor ; Qu’il y a lieu de s’en rapporter ;
172

Sur la recevabilité de l’appel incident

Considérant que cet appel a été entrepris dans le


respect des forme et délai légaux ; Qu’il est donc recevable

Au fond

Sur la demande en nullité du contrat et en


restitution de la plantation litigieuse

Considérant que les ayants-droit de feu Zézé Okou


Victor demandent d’une part la nullité du contrat conclu par
feu frère aîné, Okou Kipré David, avec les nommés Sawadogo
Abdoulaye et Sawadogo Adama et, d’autre part, la restitution
de la plantation litigieuse ;

Mais considérant que la nullité d’un contrat ne peut


être demandée par une personne qui n’y est pas partie ; Que
cette demande s’analyse en une action en revendication ;

Considérant que la parcelle de terre vendue est un


bien indivis ; Qu’il en résulte que Okou Kipré David a vendu
un bien dont il n’est pas propriétaire ; Qu’il convient dès lors
d’ordonner le retour du terrain dont s’agit dans la succession
de feu Zézé Okou Victor ;

Sur les dommages et intérêts

Considérant que le s appelants sollicitent l’infirmation


partielle du jugement attaqué au motif au les dommages et
intérêts ne sont pas dûs et que seul l’auteur de la vente
illégale doit répondre des préjudices causés à ses
cocontractants ;

Mais considérant qu’il est constant que les intimés ont


apporté une plus value à la parcelle querellée par la création
de la cacaoyère actuellement en production qui profitera à
tous les ayants-droit de feu Zézé Okou Victor ; Que c’est donc
à bon droit que le premier juge en tirant les conséquences de
173

cette nouvelle donne a condamné solidairement les appelants


à payer à Sawadogo Abdoulaye et Sawadogo Adama, les
auteurs de ladite plus value, des dommages et intérêts dont
les montants procèdent d’une juste appréciation ;

Sur la destruction de la plantation de cacaoyers

Considérant que les appelants demandent la


destruction des cacaoyers plantés par les intimés ;

Mais considérant que ceux-ci n’ont pas fait valoir ce


moyen de défense devant le premier juge ; Que dès lors celui-
ci s’analyse en une demande nouvelle qui ne peut être
examiné pour la première fois par la Cour ; Qu’il y a lieu de le
déclarer irrecevable ;

Sur l’appel incident

Considérant qu’il a été déjà relevé plus haut que les


sommes fixées par le premier juge procédaient d’une juste
appréciation ; Que cette demande est donc sans objet ;

Sur les dépens

Considérant que les appelants succombent ; Qu’il y a


lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;
Prononcé publiquement par le Président de la chambre
les jour, mois et an que dessus ;
Lequel Président a signé la minute avec le Greffier.
174

2. Cour d’Appel, n°137/12 du 18 avril 2012,


Mehoua Soro et autres contre Kouakou
N’Guessan et autres

Note : En application des dispositions de l’article 555 du code


civil, l’occupant évincé doit être indemnisé dès lors que le
propriétaire coutumier opte pour la conservation des plantations
et autres réalisations. L’indemnisation de l’occupant de bonne
foi évincé tient de la plus value apportée au terrain.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties, et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

AGNIES Essoh Jacques a acquis, courant année 1991,


et pour un prix de 1.205.000 francs, une parcelle de forêt
ainsi qu’une plantation d’une superficie totale de 18 hectares
et 45 ares, avec les nommés Oura kakou et Djéli Kouakou;
Pour consolider ses droits sur ce domaine foncier, il s’est fait
délivrer une autorisation d’occupation provisoire, par les
services de la sous-préfecture de Sassandra ; C’est ce terrain
que le nommé Popo Tosso est venu occuper au motif que l’un
des vendeurs de la parcelle de terre, en l’occurrence Djéli
Kouakou, à qui son père avait initialement cédé ladite parcelle
de terre, n’aurait pas payé intégralement le prix convenu ;
c’est ainsi que Agniès Essoh Jacques a, par exploit en date du
23 mars 2010, assigné Popo Tosso et sept(07) autres, devant
la section détachée du tribunal de Sassandra, en
déguerpissement et en paiement de dommages-intérêts ;

Pour leur part, les défendeurs ont sollicité


reconventionnellement du tribunal que le demandeur les
indemnise, au cas où il ferait droit à la demande ;
175

Par jugement civil contradictoire n°58 du 23 mars


2011, la juridiction saisie, après avoir ordonné une enquête
agricole, a fait partiellement droit à la demande d’Agniès
Essoh Jacques en ordonnant le déguerpissement des
défendeurs et en condamnant chacun d’eux à lui payer la
somme de 2.000.000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Elle a par contre déclaré mal fondée, la demande
reconventionnelle du défendeur ;

Par exploit en date du 14 octobre 2011, MEHOUA Soro


et sept (07) autres ont relevé appel de ce jugement;

Par arrêt avant-dire-droit n°230 du 21 décembre 2011,


la Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

MEHOUA Soro et autres sollicitent l’infirmation du


jugement querellé ; Ils expliquent, en effet, qu’ils n’occupent
pas la parcelle de terre litigieuse, mais plutôt une autre,
située à « Mathienkro » dans la sous-préfecture de Gabiadji,
qui leur a été cédée par la famille Popo ; Ils concluent, dès
lors, à l’irrecevabilité de l’action de leur adversaire pour défaut
de qualité pour agir ;

Au fond, ils indiquent d’une part, qu’Agniès Essoh


Jacques ne rapporte pas la preuve de sa propriété sur le
bien litigieux et, d’autre part, qu’ils n’ont détruit aucun plant
comme le soutient leur adversaire ; Aussi, ils estiment que
c’est à tort que le premier juge les a condamnés à payer des
dommages-intérêts à ce dernier; Pour attester de la véracité de
leurs propos, ils sollicitent une nouvelle enquête agricole ; par
ailleurs, ils réclament le remboursement des impenses
réalisées sur la parcelle de terre litigieuse à hauteur de
13.400.000 francs et ce, en application des dispositions de
l’article 555 du code civil étant donné que leur adversaire
souhaite conserver lesdites impenses ;
176

Pour sa part, Agniès Essoh Jacques sollicite la


confirmation du jugement querellé ;

Quant au Ministère Public, il conclut également à la


confirmation du jugement ; par ailleurs, il demande à la Cour
de faire droit à la demande reconventionnelle des appelants ;

DES MOTIFS

EN LA FORME

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°230 du


21 décembre 2011, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré
recevable, l’appel de Mehoua Soro et sept(07) autres ; qu’il
échet de s’en rapporter ;

AU FOND

Sur le moyen tiré de l’irrecevabilité

Considérant que les appelants font grief au premier


juge d’avoir déclaré l’action d’Agniès Essoh Jacques recevable,
alors que celui-ci n’a pas la qualité pour agir, motif pris de ce
que le terrain qu’il revendique est différent du leur ;

Mais considérant que l’enquête agricole, ordonnée par


le premier juge, a permis d’établir l’identité des parcelles de
terre litigieuses ; que c’est à bon droit par conséquent qu’il a
déclaré l’action de l’intimé recevable ; qu’il convient de
confirmer le jugement querellé sur ce point ;

Sur le déguerpissement

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et


notamment de l’enquête agricole ordonnée par le premier juge,
que la parcelle de terre litigieuse a été cédée par feu Tosso
Popo Mathieu, père de Popo Tosso, à Oura Kakou et Djélé
Kouakou qui l’ont ensuite revendue à Agniès Essoh Jacques
par acte sous seing privé ;
177

Considérant que ces cessions opèrent transfert des


droits coutumiers, initialement détenus par feu Tosso Popo
Mathieu sur la parcelle de terre dont s’agit, au profit d’Agniès
Essoh Jacques ; que par conséquent, c’est à bon droit que le
premier juge a fait droit à la demande en déguerpissement
formulée contre Popo Tosso fils et sept(07) autres installés de
leur chef ; Que le jugement querellé doit être confirmé sur cet
autre point ;

Sur la demande en réparation des intimés

Considérant que l’enquête agricole a également établi


que la parcelle de terre litigieuse contenait, avant d’être
occupée par les appelants, des plants faits de main d’homme
qui ont été détruit par ces derniers et remplacés par des
plants d’hévéa ; Qu’il s’ensuit que leur condamnation au
paiement de dommages-intérêts au profit de l’intimé est
justifiée ; que le jugement doit être également confirmé sur cet
autre point

Sur la demande reconventionnelle des appelants

Considérant que les appelants sollicitent le


remboursement des impenses réalisées sur la parcelle de terre
litigieuse à hauteur de 13.400.000 francs, sur la base de
l’article 555 du code civil ;

Considérant, aux termes du texte suscité que « …si les


plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un
tiers évincé, qui n’aurait pas été condamné à la restitution des
faits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra
demander la suppression desdits ouvrages, plantations et
constructions ; mais il aura le choix, ou de rembourser la
valeur des matériaux et du prix de la main d’œuvre, ou de
rembourser une somme égale à celle dont le fond a augmenté
de valeur » ;
178

Considérant, d’une part, qu’il est établi que ceux-ci ont


apporté une plus-value à la parcelle de terre dont s’agit, en
réalisant des champs d’hévéa ;

Considérant, d’autre part, qu’il est constant que ces


derniers ont agi de bonne foi ;

Considérant, par ailleurs, que l’intimé, dûment


interpellé sur le point de savoir s’il entendait conserver ou non
les réalisations faites, n’a déclaré vouloir y renoncer,
confirmant ainsi implicitement mais nécessairement, sa
volonté de profiter de la plus-value apportée au terrain ; Qu’il
convient par application du texte susmentionné de faire droit
à la demande qui tient compte justement de ladite plus-value,
en allouant la somme de 13.400.000 francs aux susnommés ;

Sur les dépens

Considérant que les deux parties succombent ; Qu’il


échet de les condamner aux dépens, chacune pour moitié, en
application de l’article 149 du code de procédure civile,
commerciale et administrative ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

EN LA FORME

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°230 du 21


décembre 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par MEHOUA Soro et 7 autres ;

AU FOND

Les y dit partiellement fondés;


Infirme le jugement querellé en ce qu’il a déclaré mal
fondé, la demande en indemnisation des appelants ;
179

STATUANT A NOUVEAU

Condamne AGNIES Essoh Jacques à leur payer la


somme de 13.400.000f au titre des impenses ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Fait masse des dépens ;
Dit qu’ils seront supportés pour moitié par chacun ;

3. Cour d’Appel de Daloa n° 58/12 du 15 février


2012, Bleyo Kla contre Kouamé Kouassi

L’occupant évincé a droit à juste réparation qui tient


compte de la plus value apportée au terrain.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Kouamé Kouassi a acheté courant année 1989, une


parcelle de terre non délimitée avec Bleyo Kla, moyennant un
prix de 610.000 francs, qu’il a partiellement mise en valeur,
par la réalisation d’une plantation de cacaoyers d’une
superficie de 9,25 hectares ; Contre toute attente, Bleyo Kla,
suite à une décision de justice qui a ordonné l’expulsion de
Kouamé Kouassi d’une partie de la plantation, a occupé 4,25
hectares de celle-ci qu’il exploite à son seul profit depuis
l’année 2008 ; Estimant que cette situation lui cause un
énorme préjudice, Kouamé Kouassi a, par exploit du 18
Décembre 2008, assigné Bleyo Kla en paiement de la somme
de 25.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts ;

La Section détachée du Tribunal de Sassandra saisie


a, aux termes du jugement civil contradictoire n°44 du 24
Février 2010, fait partiellement droit à la demande, en
180

condamnant le susnommé à payer au demandeur, la somme


de 10.905.000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Par exploit en date du 10 Janvier 2011, Bleyo Kla a


relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°60 du 23 février 2011, la


Cour d’Appel de céans a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement querellé


en toutes ses dispositions ; A cet effet, il explique qu’il n’a
cédé à son adversaire que 05 hectares de forêt et non 9,25
hectares comme cela ressort du constat fait par les services de
l’agriculture de Sassandra ; Il estime donc que c’est à tort que
le premier juge l’a condamné à payer des dommages-intérêts
à Kouamé Kouassi ; En tout état de cause, il sollicite que la
Cour ordonne une enquête agricole pour étayer ses dires ;

L’’intimé sollicite la confirmation du jugement;

Le Ministère public demande l’infirmation partielle du


jugement et la condamnation de Bleyo Kla à payer à son
adversaire, la somme de 5.000.000f à titre de dommages-
intérêts sur la base de l’article 555 du code civil ;
DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°60 du 23


Février 2011, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré
recevable, l’appel de Bleyo Kla ; Qu’il échet de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant qu’il est constant, ainsi qu’il ressort des


pièces du dossier et notamment du procès-verbal de l’enquête
agricole en date du 09 Novembre 2009, que Bleyo Kla exploite
181

une partie (4,25 hectares) de la plantation créée par Kouamé


Kouassi depuis son éviction ;

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article


555 du code civil que le propriétaire du fonds qui opte pour la
conservation des plantations et constructions qui ont été
faites par un tiers évincé de bonne foi, doit rembourser la
valeur des matériaux et payer le prix de la main d’œuvre ou
une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ;

Considérant que c’est sur la base du procès-verbal de


l’expertise agricole susdite que le premier juge a condamné
Bleyo Kla à payer à son adversaire, la somme de 10.905.000f
en réparation du jugement subi par ce dernier ; Que sa
décision procédant d’une saine appréciation des faits de la
cause et d’une juste application de la loi, doit être confirmée;

Considérant que Bleyo Kla succombe ; Qu’il sied de le


condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°60 du 23


Février 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Bleyo Kla ;

Au fond

L’y dit mal fondé ;


L’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°044 rendu le 24 février 2010, par la Section
détachée du Tribunal de Sassandra ;
Condamne Bleyo Kla aux dépens.
182

11) De l’expulsion de l’occupant de


mauvaise foi.

Cour d’Appel 55/12, du 15 février


2012, Koudou Dogoré contre Krayé
Gnabely Valentin et Ouanyou Gbaka

Note : L’occupant qui outrepasse les limites initiales du terrain


qui lui a été cédé, est de mauvaise foi. Dès lors son expulsion
peut être demandée par le propriétaire.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier de la procédure ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public
en date du 10 Novembre 2010 ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

KOUDOU Dogore Augustin a fait délimiter une parcelle


de terre qui serait sa propriété située à Olibribouo dans la
Sous Préfecture de Gagnoa; Estimant que ladite parcelle de
terre fait partie intégrante du patrimoine forestier de la famille
Djakélépalégnoa dont ils sont issus, KRAHE Gnabely Victor et
OUANYOU Gbaka ont, par exploit d’huissier en date du 05
Juillet 2006, assignés KOUDOU Dogore Augustin en
déguerpissement ;

Le Tribunal de Première instance de Gagnoa saisi,


après avoir ordonné une mise en état dont les procès-verbaux
figurent au dossier, a aux termes de son jugement civil
contradictoire n°33/08 du 20 Février 2008, fait droit à la
demande des susnommés en ordonnant le déguerpissement
de KOUDOU Dogore Augustin;

Par exploit d’huissier en date du 22 Février 2010, ce


dernier a relevé appel de ce jugement ;
183

Par arrêt avant-dire-droit n°135/11 du 25 Août 2010,


la Cour d’Appel de siège a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement querellé


en toutes ses dispositions ; Il réaffirme, en effet, être le
propriétaire coutumier de la parcelle de terre litigieuse ; Aussi,
selon lui, en la délimitant, il n’a point empiété sur le domaine
forestier des intimés ;

En réplique, KRAHE Gnabely Victor et OUANYOU Gbaka


relèvent que le premier juge a reconnu leur droit de propriété
coutumière sur le terrain qui porte sur une superficie de 70
hectares 42 ares 27 centiares que revendique leur adversaire;
Ils sollicitent donc la confirmation du jugement ;

Le Ministère Public conclut à la confirmation du


jugement ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°135 du


25 août 2010, la Cour a déclaré recevable l’appel de KOUDOU
Dogore Augustin ; qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et


notamment de la mise en état prescrite par le premier juge,
que KRAHE GNABELY Victor et OUANYOU Gbaka sont
titulaires de droits coutumiers sur la parcelle de terre
litigieuse d’une superficie de 70 hectares 27 centiares ; qu’il
est également établi que KOUDOU Dogore Augustin a
outrepassé ses limites pour empiéter sur le domaine forestier
de ses adversaires ; que c’est donc à bon droit que le premier
184

juge a ordonné le déguerpissement de ce dernier de la parcelle


de terre litigieuse ; que sa décision doit être confirmée ;

Considérant que KOUDOU Dogore Augustin


succombe ; qu’il y a lieu de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°135 du 25


Août 2010 de ce siège qui a déclaré recevable l’appel interjeté
par KOUDOU Dogore Augustin

Au fond

L’y dit mal fondé ;


L’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°33, rendu le 20 Février 2008 par le Tribunal
de Première Instance de Gagnoa ;

Condamne KOUDOU Dogre Augustin aux dépens./.

12) De l’appréciation de la demande


d’indemnisation formulée en cause
d’appel (demande nouvelle).

1. Cour Suprême, Ch. Jud., n° 393/09 du 4


juin 2009, ZEZE Brou André et autres
contre KAZA Zadu Antoine,

Note : Lorsqu’une demande, présentée pour la première fois en


cause d’appel, constitue en réalité un moyen de défense, elle
doit être reçue car elle conforme aux dispositions de l’article
175 du code de procédure civile, commerciale et administrative.
185

LA COUR ;

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions du Ministère public ;

Sur la violation de loi ou l’erreur dans l’application


ou l’interprétation de la loi, notamment l’article 2
du décret n° 71-74 du 16 février 1971

Attendu qu’il est encore reproché à la Cour d’avoir


statué ainsi, alors que selon le pourvoi, les terres cédées sont
des forêts vierges non immatriculées sur lesquelles ZEZE
Gbou André n’exerce aucun droit d’usage et d’avoir ainsi violé
le texte susvisé au selon lequel « Les droits coutumiers
portant sur l’usage du sol sont personnels à ceux qui les
exercent et ne peuvent être cédés à quelque titre que ce soit » ;

Mais attendu que la Cour d’Appel, après une


appréciation souveraine des éléments de preuve à elle soumis,
notamment l’enquête agricole et la mise en état de la
procédure, a relevé que les terres litigieuses sont des jachères
appartenant à KAZA Zadi Antoine et autres lesquels ont cédé
une partie à ZEZE Gbou André ; qu’exerçant ainsi un droit
d’usage coutumier sur les parcelles concernées, celui-ci ne
pouvait les céder sans violer le texte précité dont la Cour
d’Appel a en fait une saine appréciation ; qu’il suit que le
moyen n’est pas fondé ;

Sur le moyen de cassation tiré de la


violation de l’article 52 du code de
procédure civile, commerciale et
administrative.

Attendu qu’il est encore reproché à la Cour d’Appel


d’avoir déclaré irrecevable comme nouvelle, la demande
d’indemnisation formulée par les occupants expulsés des
parcelles, sans avoir provoqué les observations des parties et
d’avoir ainsi, selon le pourvoi, violé le texte susvisé ;
186

Mais attendu que les conséquences tirées de


l’appréciation des circonstances de la cause relèvent de l’office
même du juge, de sorte que les observations des parties
n’apparaissent nécessaires ; d’où il suit que cette branche du
moyen n’est pas fondée ;

Sur le moyen de cassation tiré de l’erreur


dans l’application ou l’interprétation de
l’article 175 du Code de procédure civile,
commerciale et administrative

« Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en


paiement de dommages-intérêts formulée par les occupants
expulsés des parcelles, la Cour d’Appel a considéré ladite
demande comme nouvelle, en application du texte susvisé
(article 175 du code de procédure civile, commerciale et
administrative) ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi, alors que


cette réclamation s’analyse en une demande d’éviction et
constitue une défense à l’action principale, à savoir la
demande d’expulsion, la Cour d’Appel a violé l’article 175
précité. »156

2. Cour d’Appel de Daloa, 112/12 du 14


mars 2012, Yahou Kessé contre Capet
Mathieu

Note : Cette décision est une juste application de l’article 175


du code de procédure civile, commerciale et administrative en
ce que la demande présentée pour la première fois en cause
d’appel constitue un moyen de défense.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;

156
Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 393.09 du 4 juin 2009, ZEZE Gbou André
et autres contre KAZA Zadi Antoine, Actualités juridiques, n° 68-69/2010, p. 42 et
43.
187

Vu les conclusions des parties et celles du Ministère


Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Capet Yato Mathieu a acquis, le 19 Septembre 1994


avec le nommé Compaoré Idrissa contre la somme de
4.200.000 francs une parcelle de terre de 21,87 hectares
située sur l’axe Gabiadji-Méagui, sous-préfecture de Gabiadji,
et qu’il a partiellement mise en valeur ; Estimant que ce
terrain est un bien familial et qu’il a été vendu sans son
consentement, Yahou Kessié en a occupé une partie ; Pour
remédier à cette situation qui lui cause un énorme préjudice,
Capet Yato Mathieu a, par exploit d’huissier du 1er Juillet
2008, assigné Yahou Kessié devant la Section détachée du
Tribunal de Sassandra, en déguerpissement et en paiement de
la somme de 5.000.000f à titre de dommages-intérêts ;
Après avoir ordonné une expertise agricole, dont le
rapport figure au dossier de la procédure, la juridiction saisie
a, par jugement civil contradictoire n°029 du 03 Février 2010,
ordonné le déguerpissement de Yahou Kessié et condamné ce
dernier à payer la somme de 2.500.000 francs à titre de
dommages-intérêts à Capet Yato Mathieu ;

Par exploit d’huissier en date du 07 Septembre 2010,


Yahou Kessié a relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°189 du 13 Octobre 2010,


la Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Yahou Kessié sollicite l’infirmation du jugement


querellé en toutes ses dispositions ; Il explique pour cela qu’il
a hérité, en 1975, de feu Djiré Lolo, son oncle, d’une parcelle
de terre de 38 hectares ; Que s’étant éloigné du village pour
des raisons professionnelles, il en a confié la gestion à Yaba
188

Kokora, un membre de la famille ; Que cependant à sa grande


surprise, il a constaté que ce dernier avait cédé son domaine
forestier à Compaoré Idrissa qui a son tour l’a revendue à
Capet Yato Mathieu par acte sous-seing privé ; Qu’il soutient
qu’une telle cession est nulle parce que, d’une part, elle n’est
pas conforme aux dispositions du décret n°71-74 du 16
Février 1971 relatif aux procédures domaniales et foncières,
qui exigent un acte notarié pour toutes transactions
immobilières, et, d’autre part, en ce que l’article 1599 du code
civil interdit la vente de la chose d’autrui; Il dénonce par
ailleurs le protocole d’accord, conclu le 08 Janvier 2008, entre
les ayants-droit de feu Yaba Kokora et Capet Yato Mathieu,
qui prévoyait que pour prévenir tout différend relatif au
terrain litigieux, il devait être rétrocédé aux premiers cités, 10
hectares de la parcelle de terre, car, explique t-il, il n’a pas été
pris en compte par ledit accord ; C’est pourquoi, il sollicite
qu’il lui soit également octroyé la même superficie de terrain,
ou à défaut, le paiement à son profit de la somme de 23
millions de francs à titre de dommages-intérêts ;

En réplique, Capet Yato Mathieu conclut in limine litis à


l’irrecevabilité de l’appel de Yahou Kessié au motif qu’il est
intervenu hors délai ; En effet, relève t-il, le jugement querellé
a été signifié le 04 Août 2010 alors qu’appel n’en a été relevé
que le 07 Septembre 2010, soit plus d’un mois après la date
de la signification ; Il indique, par ailleurs, que l’acte d’appel
n’a pas été suivi de dépôt au greffe de la Cour d’Appel de
céans de sorte que la déchéance de plein droit doit être
constatée conformément aux dispositions de l’article 172
nouveau du code de procédure civile, commerciale et
administrative ;

Au fond, il relève que le contrat de vente conclu avec


Compaoré Idrissa n’a jamais été remis en cause, ni par le
cédant initial Yaba Kokora, ni par ses ayants-droit ; Il conclut
donc à la mauvaise foi de Yahou Kessié qui revendique la
propriété du domaine litigieux vingt ans après la première
cession ; Il sollicite enfin la confirmation du jugement ;
189

Pour sa part, le ministère public conclut également à


la confirmation du jugement querellé ;

SUR CE

En la forme

Sur la recevabilité de l’appel

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°189 du


13 Octobre 2010, la Cour a déclaré recevable l’appel interjeté
par Yahou Kessié ; Qu’il échet de s’en rapporter ;

Sur la demande de dommages-intérêts de l’appelant

Considérant qu’aux termes de l’article 175 du code de


procédure civile, commerciale et administrative, « il ne peut
être formé en cause d’appel aucune demande nouvelle » ;

Considérant que la demande susdite apparaît come


nouvelle, parce que présentée pour la première fois en cause
d’appel ; Qu’il convient dès lors de la rejeter en application du
texte sus-indiqué ;

Au fond

Sur la déchéance du droit d’appel

Considérant qu’il n’a été produit au dossier aucune


ordonnance de constat de déchéance délivrée par le Premier
Président de la Cour d’Appel de ce siège comme le prescrit
l’article 172 nouveau du code de procédure civile,
commerciale et administrative ; Que ce moyen doit par
conséquent être rejeté ;

Sur le déguerpissement

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et


notamment du rapport d’enquête agricole, que le domaine
190

litigieux était à l’origine, la propriété coutumière de feu Yaba


Kokora et non de Djiré Lolo comme le soutient Yahou Kessié ;

Considérant par ailleurs que celui-ci ne justifie pas de


sa qualité d’héritier de feu Yaba Kokora ; Qu’il est donc mal
venu à remettre en cause la validité d’une cession à laquelle il
n’est pas partie ; Que c’est à bon droit que le premier juge a
ordonné son déguerpissement ; Que sa décision doit être
confirmée sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts

Considérant que Yahou Kessié continue d’exploiter


illégalement la plantation de Capet Yato Mathieu, lui causant
ainsi un énorme préjudice financier ; Que c’est donc à bon
droit que le premier juge l’a condamné à payer la somme de
2.500.00 francs à son adversaire à titre de dommages-
intérêts ; Que sa décision doit également être confirmée sur
cet autre point ;
Sur les dépens

Considérant que Yahou Kessié succombe ; Qu’il échet


de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°189 du 13


Octobre 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Yahou Kessié ;
Déclare par contre irrecevable, comme nouvelle, la
demande de l’appelant en paiement de la somme de
23.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts ;
191

Au fond

Déclare Yahou Kessié mal fondé en son appel ;


L’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°029 rendu, le 03 Février 2010, par la Section
détachée du Tribunal de Sassandra
Condamne l’appelant aux dépens.

13) Sur l’exigence du certificat foncier


comme preuve des droits coutumiers

1. Cour Suprême Ch. Ju., n° 251/10 du1er


avril 2010, Kouassi Apetey et Deki Moise
contre Bitty N’Guessan Blaise

Note : La preuve de la propriété coutumière doit se faire selon


les moyens prévus par la loi de 1998. Si cette décision tranche
la question de l’applicabilité de la loi de 1998, elle pèche par
contre en exigeant que la preuve de la propriété coutumière se
fasse par la production d’un titre tel que prévu par ce texte. Ce
faisant, le juge suprême remet en cause sa propre
jurisprudence (VALANTIN André contre LOBOGNON Yorokoe)
par laquelle il avait affirmé que la preuve de la propriété d’un
terrain rural ne devait pas se faire uniquement de cette façon
dès lors que les parties sont encore dans le délais impartis pour
l’établissement du titre de propriété tel que prévu par ledit
texte157.

LA COUR

Vu l’exploit de pourvoi du 16 novembre 2007 ;


Vu les conclusions du Ministère Public du 23
décembre 2008 ;

157
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 P.26
192

Sur le défaut de base légale résultant de l’absence,


de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété
des motifs ;

Vu l’article 206.6 du Code de Procédure Civile,


Commerciale et Administrative ;
Attendu que M. BITTY N’guessan Blaise, déclarant agir
en sa qualité de « descendant authentique et légitime » des
rois agni Amantians, assignait MM. DEKI Moïse et KOUASSI
Apetey , en revendication de la propriété des terres formant le
domaine dit ″ d’Akaidegbessi ″ avec pour limites, au nord la
rivière Tchatchapou, au sud la voie expresse ″Tiassalé-
N’douci″, à l’est la campagne de N’douci et à l’ouest, le fleuve
″Bandama ″ ; que la juridiction saisie a débouté BITTY
N’Guessan Blaise de cette demande au motif qu’il ne
démontre ni son titre de propriété, ni ses droits d’usage
coutumier sur la parcelle litigieuse ;

Attendu que pour décider que ladite parcelle est la


propriété de la famille BITTY représentée par M. BITTY
N’guessan Blaise, l’arrêt infirmatif attaqué (Abidjan, 02 février
2007) retient que des auditions effectuées par le juge chargé
de l’exécution de la commission rogatoire il est « clairement »
ressorti que la parcelle revendiquée a été séculairement
occupée par les plantations de feu BITTY Kokora ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi, alors qu’il


s’agissait de terres non délimitées relevant du domaine foncier
rural, la cour d’appel qui a fondé sa décision uniquement sur
de simples témoignages, sans rechercher, en application de la
loi de 1998, si le revendiquant disposait de titres de propriété,
n’a pas donné de base légale à sa décision ; qu’il s’ensuit
que le moyen est fondé ; qu’il y a lieu de casser et annuler
l’arrêt en ce qu’il a déclaré la famille BITTY propriétaire des
terres litigieuses et d’évoquer conformément à l’article 28
nouveau de la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;
193

Sur l’évocation
Attendu que pour fonder son action en revendication,
M. BITTY Blaise fait valoir que les terres visées ont été
données aux agnis ″Amantians″ par les princes et rois
″Elomoins″ de la dynastie des Kpacobo, propriétaires terriens
de la contrée de Tiassalé et que c’est de ce fait que ces terres
sont, depuis plus d’un demi-siècle, cultivées et exploitées par
les trois grandes familles agnis Kokora BITTY, Amandjou
TANO et N’GUESSAN Komenan ;

Attendu cependant que les documents produits, s’ils


attestent que les terres formant le domaine d’Akaidegbessi
sont à certains endroits, exploitées par la famille du
demandeur, ils ne sont, en revanche, pas de nature à établir
la propriété de la famille BITTY à l’égard desdites terres, faute
de satisfaire aux exigences de la loi n° 98-750 du 23 décembre
1998 relative au domaine foncier rural ; qu’il s’ensuit que
l’action en revendication initiée par M. BITTY N’guessan
Blaise n’est pas fondée ;

PAR CES MOTIFS

Casse et annule partiellement l’arrêt rendu le 2 janvier


2007 par la cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant,

Déboute BITTY N’Guessan Blaise de son action en


revendication ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;

2. Cour Suprême Chambre Judiciaire, n°


105/11 du 10 février 2011, DAGO Kouadio
Jacob, contre AKA Kakou Mathias

Note : Dans cet arrêt, la Cour admet que la preuve de la


propriété peut être faite par tout moyen. Ce faisant elle revient
sur la décision ci-dessus rapportée.
194

LA COUR,

Vu l’exploit à fin de pourvoi en cassation du 13


décembre 2008 ; Vu les mémoires produits Vu les
conclusions écrites du Ministère Public en date du 19 juillet
2010 ;
Sur la recevabilité du mémoire ampliatif

Attendu que le mémoire ampliatif enregistré au


Secrétariat Général de la Cour Suprême le 30 Septembre
2010, doit être écarté conformément aux dispositions de
l’article 212 nouveau (alinéa 1er) du Code de Procédure Civile
comme intervenu hors délai ;

Sur le défaut de base légale résultant de l’absence,


de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété
des motifs ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt


attaqué (Daloa, 16 Avril 2008), qu’AKA Kakou Mathias a
assigné DAGO Kouadio Jacob en expulsion de deux parcelles
de forêt appartenant à son défunt père devant le Tribunal de
Divo qui a fait droit à sa demande ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir


confirmé le jugement entrepris, alors que, selon le moyen,
ladite cour aurait pu ordonner une nouvelle expertise agricole
ou une mise en état à l’effet de déterminer le propriétaire des
parcelles litigieuses, et, d’avoir ainsi par insuffisance,
obscurité ou contrariété de motifs, manqué de donner une
base légale à sa décision ;

Mais attendu que, pour statuer comme elle l’a fait, la


Cour d’Appel a énoncé que la mise en état ordonnée et
exécutée par le Tribunal a révélé des témoignages concordants
et non équivoques attribuant la propriété des parcelles
querellées au père de l’intimé ; qu’en se déterminant par de
tels motifs, la Cour d’Appel, qui s’est estimée suffisamment
195

éclairée, a légalement justifié sa décision ; d’où il suit que le


moyen n’est pas fondé

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi de DAGO Kouadio Jacob contre l’arrêt


n° 95 en date du 16 Avril 2008 de la Cour d’Appel de Daloa ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
3. Cour Suprême, Chambre judiciaire, n°
08/07 du 1er février 2007, Yaley Doukouré
Jules contre Dogo Tayoro (extrait)

« Considérant qu’il est fait grief aux juges d’appel


d’avoir fait droit à la demande d’expulsion Dogo Tayoro sans
avoir exigé la production d’un certificat foncier pour prouver
son droit de propriété sur les lieux litigieux et d’avoir ainsi
violé l’article 4 de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 qui
indique que dans le domaine coutumier la propriété est
établie par ce certificat et manqué, par insuffisance de motifs,
de donner une base légale à leur décision ;

Mais attendu que l’article 4 de la loi précitée n’étant


pas d’application, la Cour d’Appel n’a pu ni violer ledit texte ni
priver sa décision de base légale. »

14) Sur la formation des contrats de


cessions de droits coutumiers

Cour d’Appel de Daloa, n°38/12 du 25


janvier 2012, Belia Seade Pierre contre
N’Zué Amani Seraphin

Note : La vente portant sur en parcelle de terre coutumière est


parfaite dès lors que les parties sont accord sur le prix (la chose
étant déterminée.
196

LA COUR,

Vu les conclusions du Ministère Public ;


Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Belia Séadé Pierre a cédé, le 03 février 1978, à Soré


Kaboré, une parcelle de forêt vierge de deux hectares contre la
somme de 50.000 francs ; Ce dernier a mis ce terrain en
valeur en y créant une plantation de café et de cacao ; Par
acte sous-seing privé, en date du 23 avril 2004, Soré Rabré dit
Moussa a rétrocédé ladite plantation à N’ZUE Amani Séraphin
contre la somme de 600.000 francs ; Ce dernier a versé un
acompte de 350.000 francs ; Courant année 2007, Soré Rabré
est décédé ; C’est alors que sa concubine Soré Salimata, en
raison des difficultés rencontrées pour entrer en possession
du reliquat du prix de cession, a autorisé verbalement Bélia
Séadé Pierre, le propriétaire terrien, à exploiter ladite
plantation, le temps que l’acheteur s’acquitte intégralement de
sa dette ; Cependant, le 09 juillet 2008, lorsque N’Zué Amani
a apuré sa dette en versant à dame Soré Salimata la somme
de 250.000 francs, il s’est heurté au refus de Bélia Séadé
Pierre, qui n’entend plus libérer la plantation litigieuse au
motif qu’elle lui a été cédée plutôt à titre gracieux; C’est ainsi
qu’il l’ a assigné en expulsion et en paiement de dommages-
intérêts devant le Tribunal de Première Instance de Daloa ;

Par jugement civil contradictoire n°102 du 18 juin


2010, cette juridiction a fait droit à sa demande ;

Par acte d’huissier, en date du 27 juillet 2010, Bélia


Séadé Pierre a relevé appel de cette décision ;
Par arrêt avant-dire-droit n°164 du 08 Septembre
2010, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré recevable l’appel
de Séadé Pierre Bélia ;
197

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement attaqué


au motif que dame Soré Salimata, la veuve de Soré Kaboré, lui
a cédé la plantation litigieuse, à titre gracieux ;

L’intimé, demande la confirmation du jugement ;

Le Ministère Public a conclu au débouté de l’appelant


et à la confirmation du jugement attaqué ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt ADD n°164 du 08


septembre 2010, la Cour a déclaré recevable l’appel interjeté
par Bélia Séadé Pierre ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant que Bélia Séadé Pierre, demande


l’infirmation du jugement au motif que la plantation litigieuse
lui a été cédée à titre gracieux par dame Soré Salimata, veuve
de Soré Kaboré, après le décès de ce dernier ;

Mais considérant qu’il est constant, comme résultant


du dossier et notamment des déclarations de veuve Soré
Salimata, que la plantation litigieuse avait été vendue par
Soré Kaboré à N’Zué Amani, qui a d’ailleurs versé un acompte
au prix de vente ; Qu’il en résulte que ce dernier est devenu
depuis lors le nouveau propriétaire de la plantation dont
s’agit, la vente étant parfaite dès lors que la chose vendue et le
prix sont déterminés, conformément aux dispositions de
l’article 1583 du code civil ; Qu’ainsi Soré Salimata, ne
pouvait plus disposer, à quelque titre et de quelque façon, de
ladite plantation sauf à rapporter la preuve qu’il s’agit d’une
vente conditionnelle suspendant la remise de la chose vendue
au paiement intégral du prix de vente ; Que par suite Bélia
198

Séadé P. est mal venu à prétexter d’une donation portant sur


la plantation de la part de cette dernière, dont il ne rapporte
pas la preuve, pour s’estimer le nouveau propriétaire ;

Sur les dépens

Considérant que l’appelant succombe ; Qu’il y a lieu de


le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt ADD n°164 du 08 septembre 2010


de ce siège qui a reçu l’appel de Bélia Séadé Pierre ;
Au fond

Déclare ledit appel mal fondé ;


Confirme en toutes le jugement n°102 du 18 juin 2010
rendu par le Tribunal de Première Instance de Daloa ;
Condamne l’appelant aux dépens.

15) Sur les conséquences juridiques de la


cession de droits coutumiers

1. Cour d’Appel, n°36/12 du 25 janvier


2012, Loueba Otte Michel et Bonkoungou
Kouilga dit Yacouba contre N’Goran N’Goran
Victorien.

Note : Les ayants-droit du propriétaire d’une terre du domaine


foncier rural coutumier ne sont pas fondés à demander
l’expulsion du cessionnaire ni de ses ayants-droits car la
cession opère un transfert des droits coutumiers qu’il y détenait
au profit de son cocontractant.
199

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Kouakou N’Goran a acquis, de son vivant, une parcelle


de terre d’une superficie de 04 hectares, courant année 1985
avec Guéhi Gustave, moyennant un prix de 260.000 francs; A
son décès, son fils N’Goran Koffi a entièrement mis en valeur
ce terrain en réalisant une plantation de cacaoyers; Ce dernier
est décédé à son tour en laissant en héritage, ladite plantation
à son frère cadet N’Goran N’Gorant Victorien ; Contre toute
attente, courant année 2008, Loueba Otté Michel, se
prétendant héritier de feu Guéhi Gustave, a revendu la
plantation querellée d’abord à Soro Bakary puis à
Bonkoungou Kouilga; Estimant que cet acte lui cause un
énorme préjudice, N’Goran N’Goran victorien a, par exploit
d’huissier en date du 09 Octobre 2006, assigné Louéba Otté
Michel, Bonkounga Kouilga et Soro Bakary en cessation de
troubles et en déguerpissement devant le Tribunal de
Première Instance de Gagnoa;

Louéba Otté Michel, pour sa part, a sollicité


reconventionnellement le déguerpissement du demandeur ;

Bonkoungou Kouilga ollicite la cessation de troubles ;

Après avoir ordonné une mise en état et une expertise


agricole, dont les rapports figurent au dossier, la juridiction
saisie a, aux termes du jugement civil contradictoire n°135 du
02 Juin 2010, fait droit à la demande de N’Goran N’Goran
Victorien en ordonnant la cessation de troubles causée par
Louéba Otté Michel et le déguerpissement de Bonkoungou
Kouilga et Soro Bakary ; En revanche, elle a déclaré mal
fondée la demande reconventionnelle de Louéba Otté Michel ;
200

Par exploit d’huissier, du 18 Juin 2010, Louéba Otté


Michel et Bonkoungou Kouilga en ont relevé appel ;

Par arrêt avant-dire-droit n°19 du 28 Juillet 2010, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Bonkoungou Kouilga et Louéba Otté Michel sollicitent


l’infirmation du jugement querellé ; Le premier cité déclare
avoir acquis la parcelle de terre avec Louéba Otté Michel et
demande que la Cour ordonne son maintien sur les lieux au
motif qu’en droit, la possession vaut titre ; Quant au second
cité, il soutient qu’en 1985, Kouakou N’Goran et N’Goran Koffi
ont occupé la parcelle de terre dont s’agit sans pour autant
payer le prix de sorte qu’il en est demeuré le propriétaire ; Il
soutient en ce qui concerne N’Goran N’Goran Victorien que ce
dernier n’a aucun intérêt pour agir et conclut en conséquence
à son déguerpissement ;

N’Goran N’Goran Victorien n’a ni conclu, ni déposé de


pièces ;
Quant au ministère public, il sollicite la confirmation
du jugement entrepris ;

SUR CE

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°19 DU 28


Juillet 2010, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré a reçu
l’appel de Louéba Otté Michel et Bonkoungou Kouilga ; Qu’il
convient de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du


dossier, et notamment du compte rendu de l’enquête agricole
effectuée par la Direction Départementale de l’Agriculture de
201

Gagnoa, que les plants les plus anciens réalisée sur la


parcelle de terre querellée, sont l’œuvre de feu N’Goran Koffi ;

Considérant, d’autre part, qu’il s’évince du rapport de


mise en état ordonnée par le Premier juge que la parcelle de
terre dont s’agit, a été cédée par feu Guéhi Gustave à feu
Kouakou N’Goran, père de N’Goran Koffi ;

Considérant qu’il résulte de ces deux circonstances


que la parcelle de terre querellée a été mise en valeur par feu
N’Goran Koffi en conséquence de la cession de ce terrain par
feu Guéhi Gustave ;

Considérant que ladite cession opère un transfert des


droits coutumiers détenus sur ladite parcelle de terre par le
cédant au profit du susnommé ; Que dès-lors, Louéba Otté
Michel, ayant-droit de feu Guéhi Gustave, est mal fondé à
revendiquer des droits coutumiers dont son père n’était plus
titulaire du fait justement de cette cession ; Que c’est donc à
bon droit que le premier juge a ordonné la cessation de
troubles orchestrés par ce dernier et son déguerpissement ;
Que la décision doit par suite être confirmée ;

Considérant que Louéba Otté Michel et Bonkoungou


Kouilga succombent ; Qu’il échet de les condamner aux
dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°19 du 28


Juillet 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Louéba Otté Michel et
Bonkoungou Kouilga ;
202

Au fond

Les y dit mal fondés ;


Les en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°135 du 02 Juin 2010 rendu par le Tribunal
de Première Instance de Gagnoa ;

Condamne LOUEBA Otte Michel et BONKOUNGOU


Kouilga aux dépens.

2. Cour d’Appel, n° 59/12 du 1 février 2012,


Ayants-droit de feu Gnazoa contre Son
Brahima

Note : La cession d’une terre coutumière opère au profit du


cessionnaire un transfert des droits coutumiers de sorte que le
cédant n’est plus fondé à s’en réclamer.

LA COUR,

Vu les conclusions du Ministère Public ;


Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé, en date du 21 novembre


1982, Gbalou Gnazoa Raymond a cédé sa plantation de café
contre la somme de 200.000 francs, à Komenan Neya ; En
1997, ce dernier a cédé à son tour cette caféière à SON
Brahima pour la somme de un million de francs ; Cependant
courant année 2007, après le décès de Gbalou Raymond, ses
ayants-droit, à savoir Gnazoa Beugré et Gnazoa Bohui
Joachiom, estimant que ce dernier occupe ladite plantation de
leur défunt père sans titre ni droit, l’ont assigné devant la
Section détachée du Tribunal de Lakota, en annulation de la
203

convention passée entre celui-ci et Komenan Neya dit Traoré


et en déguerpissement de la plantation ;

Par jugement civil contradictoire n°20 du 25 Mars


2010, cette juridiction les a débouté de leurs demandes ;
Par acte de Maître Bruno Ozé, Huissier de justice à
Lakota, en date du 23 Septembre 2010, ceux-ci ont relevé
appel de ce jugement ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les appelants sollicitent l’infirmation du jugement


attaqué ; Ils estiment que c’est à tort que le Tribunal a déclaré
qu’ils n’avaient pas prouvé leur qualité de propriétaire de la
plantation litigieuse alors qu’il ressort de l’enquête agricole,
dont le rapport déversé au dossier, que celle-ci appartient
effectivement à leur défunt père Gbalou Gnazoa ; Ils précisent
que ce dernier leur défunt père n’a jamais vendu la parcelle
querellée mais l’a seulement hypothéquée sous forme de
garantie pour deux années à Komenan Neya dit Traoré pour
obtenir de ce dernier un prêt de 200.000 francs ;

L’intimé sollicite la confirmation du jugement attaqué;


Il indique que la parcelle de terre litigieuse a été vendue par le
défunt père des appelants Gbalou Gnazoa à Komenan Neya
qui, après avoir mis une partie en valeur la lui a cédée; qu’il
n’a fait que parachever les réalisations ainsi entreprises ;

Le ministère public conclut au débouté des appelants


de leur action et à la confirmation du jugement attaqué en
toutes ses dispositions ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°198 du


20 Octobre 2010, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré l’appel
recevable ; Qu’il y a lieu de s’en rapporter ;
204

Au fond

Considérant que les appelants demandent l’infirmation


du jugement querellé aux motifs, d’une part, qu’ils sont
propriétaires de la plantation litigieuse pour avoir appartenue
à leur défunt père ainsi que cela ressort du rapport d’enquête
agricole produit par eux et, d‘autre part, que ce dernier n’a
jamais vendu ladite plantation mais a seulement permis à
Komenan Neya dit Traoré de l’exploiter pendant deux ans, en
conséquence d’un prêt à lui consenti par celui-ci ;

Mais considérant que s’il est constant, comme cela


ressort des témoignages recueillis au cours de l’enquête
agricole effectuée par les services de l’Agriculture de Lakota, à
la demande du premier juge, ainsi que des pièces produites
par SON Brahima et Neya Abdoulaye à l’appui de leur
mémoire conjoint daté du 10 octobre 2010, que la plantation
litigieuse appartenait à Balou Gnazoa Raymond, qui l’a créée,
il reste que ce dernier l’a effectivement cédée au premier
nommé qui, à son tour, l’a vendue au second ; Qu’ainsi, ayant
transféré les droits coutumiers que celui-ci détenait sur la
parcelle de terre abritant la plantation querellée, les ayants-
droit de Balou Gnazoa ne peuvent plus s’en prévaloir pour
demander le déguerpissement des personnes qui s’y sont
installées en conséquence de cette transaction ; Qu’il en
résulte que ce moyen ne peut prospérer ;

Sur les dépens

Considérant que les appelants succombent ; Qu’il y a


lieu de les condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;
205

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°189 du 20


octobre 2010 de la Cour qui a déclaré recevable l’appel de
Gnazoa Beugré et Gnazoa Bohui Joachim ;

Au fond

Déclare ledit appel mal fondé ;


Confirme en toutes ses dispositions le jugement
contradictoire rendu le 25 Mars 2010 par la Section détachée
du Tribunal de Lakota ;
Condamne les appelants aux dépens.

4. Cour d’Appel, n°50/12 du O8 février


2012, Feyaka Bogou Augustin contre Fuyt
Gunther

Note : La cession d’une terre coutumière opère un transfert des


droits coutumiers au profit du cessionnaire de sorte que les
ayants-droit du cédant ne sont plus fondés à revendiquer
lesdits droits.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Dakpa Feyaka, de son vivant, a cédé à Fuyt Gunher


courant année 1960 une parcelle de terre d’une superficie de
85 hectares que celui-ci a partiellement mise en valeur par la
création d’une cacaoyère et une palmeraie ;Estimant, d’une
part, que cette cession n’avait été faite qu’à titre gratuit et
temporaire et d’autre part, que le cessionnaire ne devait
réaliser qu’une bananeraie et non des cultures pérennes,
206

Feyaka Bogou Augustin, fils de feu Dakpa Feyaka, a, par


exploit d’huissier en date du 23 Février 2004, assigné Fuyt
Gunther, devant la Section détachée du Tribunal de
Sassandra, en expulsion et en paiement de la somme de
37.500.000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Après avoir ordonné une enquête agricole, dont le


procès-verbal figure au dossier, la juridiction saisie, a, aux
termes du jugement civil contradictoire n°173 du 12
Novembre 2008, débouté Feyaka Bogou Augustin de toutes
ses demandes au motif que celui-ci ne rapporte pas la preuve
de sa propriété au contraire du défendeur, qui a produit des
écrits attestant de ce que l’acquisition de la parcelle de terre
s’est faite de façon régulière ;

Par exploit d’huissier de justice, du 10 Novembre


2009, Feyaka Bogou Augustin a relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°160 du 08 septembre


20101, la Cour a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Feyaka Bogou Augustin sollicite l’infirmation du


jugement querellé en toutes ses dispositions ; Il explique pour
cela que son défunt père avait octroyé courant année 1966, 25
hectares de forêt à Fuyt Gunther pour y réaliser une
bananeraie ; Que cependant, celui-ci a étendu la plantation
jusqu’à 85 hectares et a réalisé plutôt une palmeraie de 50
hectares ; Qu’il demande donc la restitution des 60 hectares
de forêt, illicitement mis en valeur par l’intimé ;
Il sollicite par ailleurs une nouvelle enquête agricole afin de
permettre à la Cour d’être mieux éclairée ;

En réplique, Fuyt Gunther fait savoir que c’est de


façon régulière qu’il occupe la parcelle de terre litigieuse ; En
effet, explique t-il, il a reçu en 1964 de feu Dakpa Feyaka, 60
hectares de forêt, à charge de réaliser en contre partie, une
bananeraie au profit de celui-ci ; Par la suite ajoute t-il, il a
207

encore acquis pour le compte de sa femme 25 hectares de


forêt avec ce dernier comme en témoigne l’acte de vent en date
du 08 Janvier 1966 produit au dossier ; Il ne comprend donc
pas l’attitude de son adversaire qui s’obstine à lui contester la
propriété des parcelles de terre dont s’agit ; Il conclut donc à
la confirmation de la décision rendue en première instance ;

Le Ministère Public, il sollicite que la Cour ordonne


une mise en état aux fins de spécifier le mode d’acquisition
par Fuyt Gunther du surplus de terre par lui occupée ;

SUR CE

En la forme

Considérant que par arrêt ADD n°160 du 08


Septembre 2000, la Cour a déclaré recevable, l’appel interjeté
par Feyaka Bogou Augustin ; Qu’il convient de s’y rapporter ;

AU FOND

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et


notamment du procès-verbal d’enquête agricole que la
parcelle de terre litigieuse d’une superficie de 85 hectares a
été cédée par feu Dakpa Feyaka à Fuyt Gunther ;

Considérant que cette cession, qui du reste est


conforme aux dispositions de l’article 3 de la loi n°98-750 du
23 Décembre 1998 portant code foncier rural, opère transfert
des droits coutumiers détenus sur cette parcelle de terre au
profit du cessionnaire ; Que ce faisant, Feyaka Bogou
Augustin ayant-droit de feu Dakpa Feyaka est mal fondé à
revendiquer des droits dont son défunt père avait cessé d’être
titulaire du fait justement de la cession réalisée ; Que c’est
donc à bon droit que le premier juge l’a débouté de sa
demande en expulsion ; Qu’il échet de confirmer sa décision ;

Considérant que Feyaka Bogou Augustin succombe ;


Qu’il y a lieu de le condamner aux dépens ;
208

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°160 du 08


Septembre 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Feyaka Bogou Augustin ;

Au fond

L’y dit mal fondé ;


L’en déboute ;
Confirme le jugement n°173 du 12 novembre 2008,
rendu par la Section détachée du Tribunal de Sassandra ;
Condamne FEYAKA Bogou Augustin aux dépens.

5. Cour d’Appel de Daloa, n°165/12 du 09 mai


2012, Guedé Tapé Sévérin contre Ahoko
Sahouri Kouassi

Note : Les ayants-droit d’un propriétaire coutumier ne peuvent


plus revendiquer le terrain dès lors que la cession opère au
profit du cessionnaire les droits coutumiers initialement
détenus par le cédant.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties ;
Vu l es conclusions écrites du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
209

FAITS ET PROCEDURE

Courant année 1967, Bogoua Gaston Zézé Guédé


Lambert ont cédé à Diby Kouamé une parcelle de terre d’une
superficie de 33 hectares que ce dernier a mise en valeur en y
plantant du cacao ; Après le décès de Diby Kouamé, Bogoua
Gaston et le fils aîné de feu Zézé Guédé Lambert, le nommé
Guédé Zézé Jules ont exigé que le représentant des ayants-
droit de feu Diby, répondant au nom de AHOKO Sanhouri
Kouassi, leur verse respectivement la somme de 180.000
francs et 700.000 francs, pour continuer l’exploitation de
ladite plantation ;

Pour sa part, Guédé Tapé Séverin, un autre ayant-


droit de feu Zézé Guédé Lambert, qui estime que les
conditions d’acquisition de la parcelle de terre litigieuse n’ont
pas été respectées par feu Diby Kouamé et ses ayants-droit, a
saisi le Tribunal de Première Instance de Daloa, aux fins
d’ordonner l’expulsion d’Ahoko Sanhouri Kouassi de ladite
plantation ; Cette juridiction a ordonné une mise en état dont
le rapport est produit au dossier ;

Par jugement civil contradictoire n°29 du 11 Février 2011,


ladite juridiction l’a débouté de sa demande ;

Par acte d’huissier, en date du 06 Octobre 2011,


Guédé Tapé Séverin a relevé appel de ce jugement ;

Par décision avant-dire-droit n°212 du 19 Octobre


2011, la Cour d’Appel de céans a déclaré recevable l’appel
interjeté par le susnommé ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement attaqué ;


Il estime que la convention conclue entre leurs défunts
parents n’a pas été exécutée par ce dernier ; Qu’en effet,
explique t-il, le cessionnaire s’était engagé à couvrir la toiture
des maisons de son père et lui procurer un fusil ; Que ces
210

obligations n’ont pas été respectées ; Il estime par ailleurs que


la régularisation de la convention de vente a été faite par
Guédé Zézé Jules en fraude des droits des autres membres de
la famille et qu’elle ne lui est donc pas opposable ; Par
ailleurs, il fait observer que la vente est nulle pour violation
des dispositions des articles 2 et 5 du décret 71-74 du 16
Février 1971 relatif aux procédures domaniales et foncières ;
De même, il relève que la convention est intervenue au mépris
des dispositions de l’article 8 de la loi 70-29 du 10 Mars 1970
portant loi de finance qui prescrit la forme notariée pour toute
transaction immobilière ; En tout état de cause, il sollicite une
expertise agricole pour la manifestation de la vérité ;

Pour sa part, l’intimé demande purement et


simplement la confirmation du jugement attaqué ;

Le Ministère Public conclut qu’il plaise à la Cour


d’ordonner une expertise agricole ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°212 du


19 Octobre 2011, la Cour a déclaré recevable l’appel interjeté
Par Guédé Tapé Séverin ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant que l’appelant sollicite l’expulsion de


l’intimé au motif que le cessionnaire n’a pas respecté tous ses
engagements ;
Mais considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ses
déclarations ; Que d’ailleurs, l’occupation du terrain n’a
jamais été remise en cause par le cédant puisque feu Diby
Kouamé a exploité sa plantation de manière paisible et
continue jusqu’à son décès ; Que c’est donc à tort qu’il entend
remettre en cause la convention ;
211

Considérant que la convention entre Zézé Guédé


Lambert et Diby Kouamé a eu pour conséquences de
transmettre à Ahoko Sanhouri Kouassi, les droits coutumiers
que le propriétaire terrien détenait sur le terrain ; Que c’est
donc vainement que ses ayants-droit, qui ne peuvent plus se
prévaloir desdits droits, ont cru devoir exiger des sommes
d’argent pour consolider ces droits ; Qu’il y a lieu de dire que
c’est à bon droit que le premier juge a rejeté l’action ;

Sur les dépens

Considérant que l’appelant succombe ; Qu’il sied de le


condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt ADD n°212 du 19 octobre 2011 de


la Cour qui a reçu l’appel interjeté par Guédé Tapé Séverin ;

Au fond

Déclare ledit appel mal fondé ;


Confirme le jugement contradictoire n°29 du 11 Février
2011 rendu par le Tribunal de Première Instance de Daloa ;
Condamne l’appelant aux dépens.

6. Cour d’Appel de Daloa, n° 227/12 du


25 juillet 2012, Amani Kouassi Maurice
c/ Baila Biyouet

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère public ;
212

Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et


moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Amani Kouassi Maurice et Amani Kouadio François


ont acquis le 21 Mars 2007, une parcelle de forêt vierge de 4,5
hectares, des mains de Gnaoré Mambo Mathurin moyennant
un prix de 360.000 francs ; Après la mise en valeur, ils ont
encore acquis un autre terrain d’une superficie de 4,25
hectares qui jouxte la première, des mains de Gnaoré Guédé
Marcel, frère de Gnaoré Mambo Mathurin ; C’est sur ce
dernier terrain, que s’est installé Daila Biyouet, motif pris de
ce que ce site lui aurait déjà été cédé en 2001 par le nommé
Gnogbo Ounayoro Paul ; Face à cette situation, ils ont, par
exploit en date du 22 Mai 2009, assigné le susnommé devant
le Tribunal de Première Instance de Daloa, en cessation de
troubles, en expulsion et en paiement de dommages-intérêts ;

Par jugement civil contradictoire n°162 du 05


Novembre 2010, la juridiction saisie les a déboutés de toutes
leurs demandes ; Contre ce jugement, ils ont relevé appel ;

Par arrêt avant-dire-droit n°74 du 16 Mars 2011, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les appelants sollicitent l’infirmation du jugement


querellé au motif que le terrain litigieux fait partie d’un
massif forestier d’une superficie de 150 hectares acquis en
1965 par leur père N’Da Amani entre les mains de Mabo
Gnobo alors propriétaire coutumier du site et que c’est au
décès de ce dernier que Gnogbo Ounayoro Paul, prétextant de
sa qualité d’héritier en a profité pour revendre en 2001, une
partie de cette parcelle de terre à Daila Biyouet ; Ils sollicitent
donc l’expulsion de ce dernier des lieux ;

Daila Biyouet, pour sa part, n’a pas conclu ;


213

Quant au ministère public, il conclut à la confirmation


de la décision au motif que Daila Biyouet a un droit d’usage
coutumier, pour avoir mis en valeur le terrain litigieux ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°74 du 16


Mars 2011, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré
recevable l’appel interjeté par Amani Kouassi Maurice et
Amani Kouadio François ; Qu’il échet de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant qu’il ressort des témoignages recueillis au


cours de la mise en état ordonnée par le premier juge, que le
domaine litigieux a été cédé, en 2001 par Gnogbo Ounayoro
Paul, propriétaire coutumier originaire, à Daila Biyouet ;

Considérant que cette cession opère, transfert des


droits coutumiers initialement détenus par le cédant sur cette
parcelle de terre, au profit du cessionnaire ; Que dès lors,
c’est à tort que Amani Kouassi Maurice et Amani Kouadio
François, qui ne justifient d’aucun titre, ni droit, sollicitent
l’expulsion de ce dernier ; Que le premier juge ayant statué
dans ce sens, il convient de confirmer sa décision ;

Considérant que les appelants succombent ; Qu’il


échet de les condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;
214

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°74 du 16


Mars 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Amani Kouassi Maurice et
Amani Kouadio François ;

Au fond

Les y dit mal fondés ;


Les en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions, le jugement civil
contradictoire n°162, rendu le 05 Novembre 2010 par le
Tribunal de Première Instance de Daloa ;

16) Sur les conséquences des cessions de


droits coutumiers à titre gratuit

Cour d’Appel de Daloa, 110/12 du 14 mars


2012, Goba Solo contre Diarra Gaoussou

Note : La cession, même à titre gratuit, d’une terre coutumière


opère au profit du bénéficiaire un transfert de droits coutumiers
de sorte que le cédant ne peut plus se prévaloir desdits droits.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et celles du Ministère
Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Goba Solo a cédé à Diarra Siaka, courant année 1981,


une parcelle de terre de 06 hectares que ce dernier a mis en
valeur en réalisant une plantation de cacaoyers ;
215

Au décès de cessionnaire, le 20 Décembre 2008, et


alors même que son unique héritier Diarra Gaoussou
exploitait paisiblement cette parcelle de terre, Goba Solo a
décidé contre toute attente, de reprendre le terrain au motif
qu’il avait été convenu que la plantation qui devait être
réalisée doit lui revenir au décès du cessionnaire ; C’est ainsi
que, Diarra Gaoussou a, par exploit d’huissier en date du 09
juillet 2009, assigné ce dernier devant la Section détachée du
Tribunal de Soubré en déguerpissement ;

La juridiction saisie a, aux termes du jugement civil


contradictoire n°92 du 12 Mai 2010, fait droit à cette
demande au motif que feu Diarra Siaka était détenteur de
droits coutumiers sur la parcelle de terre litigieuse et que
lesdits droit ont été transmis à son héritier après son décès ;

Par exploit d’huissier, en date du 11 Janvier 2011,


Gobo Solo a relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°78 du 16 Mars 2011, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré cet appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite la réformation du jugement


querellé ; Il estime que l’acte de notoriété n°69 du 30 Juillet
2009 produit au dossier par Diarra Gaoussou est un faux en
ce que moins de douze ans sépare feu Diarra Siaka né vers
1954 et son prétendu fils, né en 1966 ;

En outre, il relève que selon la loi n°98-750 du 23


Décembre 1998 portant code foncier rural, les droits
coutumiers cédés aux tiers n’en font pas d’eux des
propriétaires et que les personnes ayant cédé lesdits droits
continuent d’en être les seuls titulaires et propriétaires des
terres cédées ; Il conclut par conséquent que Diarra Gaoussou
n’a aucun droit successoral sur la plantation litigieuse et
sollicite par la suite que la Cour le déboute de sa demande en
déguerpissement ;
216

L’intimé sollicite la confirmation du jugement ;

Le Ministère public, il conclut dans le même sens ;

SUR CE

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°78 du 16


Mars 2011, la Cour a déclaré recevable, l’appel interjeté par
Goba Solo ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Sur la fausseté de l’acte de notoriété

Considérant qu’il n’est produit au dossier aucun


certificat de non opposition, ni appel ; Qu’il y a lieu de passer
outre ce moyen ;

Sur le déguerpissement

Considérant que Diarra Gaoussou sollicite le


déguerpissement de Goba Solo ;

Considérant que pour résister à cette demande, ce


dernier fait valoir que conformément à l’accord conclu avec
feu Diarra Siaka, la parcelle de terre litigieuse devait lui
revenir en cas de décès du cessionnaire ;

Mais considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ses


allégations ; Qu’au contraire, il ressort de ses propres
déclarations qu’il a gracieusement cédé la parcelle de terre
litigieuse à feu Diarra Siaka, père de l’intimé ;

Considérant que du fait de cette cession, Goba Solo a


cessé d’être titulaire des droits coutumiers détenus sur la
parcelle de terre litigieuse au profit du cessionnaire ; Que c’est
donc à bon droit que le premier juge a ordonné son
217

déguerpissement de la parcelle de terre litigieuse ; Que cette


décision doit par conséquent être confirmée ;

Sur les dépens

Considérant que Goba Solo succombe ; Qu’il ya lieu de


le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°78 du 16


Mars 2011 rendu par la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel interjeté par Goba Solo ;

Au fond

L’y dit mal fondé ;


L’en déboute ;
Confirme le jugement civil n°92 rendu, le 12 Mai
2010, par la Section détachée du Tribunal de Soubré ;
Condamne GOBA SOLO aux dépens.

17) Sur l’enquête en matière de foncier


rural

Cour d’Appel de Daloa, n°105/12 du 14 mars


2012, Kadji Yohou Evariste c/Agoulé Yoro
Jean

Note : Les constatations contenues dans le rapport de l’enquête


agricole dûment commise par le juge foi jusqu’à preuve du
contraire.
218

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Kadji Yohou Evariste, voisin terrien de Agoulé Yoro


Jean, a installé des personnes travaillant pour son compte sur
sa parcelle de terre ; Ayant constaté que ceux-ci ont déboutés
des limites du terrain pour empiéter sur le siens, Agoulé Yoro
Jean va interpeller son voisin sur cette situation ; Face à son
silence, celui-ci, estimant que cette occupation lui cause
préjudice va saisir le Tribunal de Première Instance de
Gagnoa aux fins de déguerpissement ;

Cette juridiction a ordonné une mise en état dont le r


apport figure au dossier ;

Par jugement n°34/10 du 10 Février 2010, cette


juridiction a fait droit à sa demande ;

Par acte d’huissier, en date du 12 Octobre 2010, Kadji


Yohou Evariste a relevé appel de ce jugement, avec
ajournement au 14 Décembre 2011 ;

Par arrêt avant-dire-droit n°80/11 du 16 Mars 2011, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement querellé


au motif que sa famille a toujours occupé paisiblement la
parcelle de terre litigieuse du vivant de son père défunt et de
celui de l’intimé ; Il estime que le premier juge aurait dû
statuer en équité étant donné qu’aucune des parties au
procès n’a de titre de propriété ;
219

L’intimé demande la confirmation du jugement;

Le Ministère Public a conclu au débouté de l’appelant


et à la confirmation du jugement attaqué ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°80/11 du


16 Mars 2011, la Cour a déclaré recevable l’appel interjeté par
Kadji Yohou Evariste ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Mais considérant qu’en l’absence de titre de propriété,


les résultats de la mise en état et de l’enquête agricole font foi
jusqu’à preuve du contraire ; En l’espèce, il résulte du rapport
d’enquête agricole, notamment du témoignage de Kadji Eric,
homme de main du père de l’appelant, témoignage confirmé
par Légré Ernest, voisin limitrophe, que le site est la propriété
du défunt père de l’intimé ; Il en résulte que Kadji Yohou
Evariste a outrepassé la limite pour se retrouver sur les terres
de l’intimé qu’il occupe sans droit ni titre ; C’est donc à bon
droit que le premier juge a ordonné son expulsion ;

Sur les dépens

Considérant que l’appelant succombe ; Qu’il y a lieu de


le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;
220

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°80/11 du 16


Mars 2011 de la Cour d’Appel de céans qui a déclaré recevable
l’appel interjeté par Kadji Yohou Evariste ;

Au fond

Déclare le ledit appel mal fondé ;


Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil
contradictoire n°34/10 du 10 Février 2010 rendu par le
Tribunal de Première Instance de Gagnoa ;
Condamne l’appelant aux dépens.

18) Sur l’exigence de l’acte notarié pour les


cessions de droits coutumiers

1. Extrait de l’arrêt de la Cour Suprême,


Chambre civile, 09 juillet 1971158

« La donation en jouissance de deux portions de forêt


en friche ne peut s’analyser en une mutation
immobilière; il n’est donc pas nécessaire que cette
convention revête une forme notariée »

2. Cour d’appel de Daloa, n°40/1 du 1er


février 2012 OUEDRAOGO Alphonse c/
YAO BI Gala

Note : Dans cette espèce, la Cour s’approprie la jurisprudence


de la Cour Suprême de 1971 (voir extrait ci-dessus) dont elle
reprend presque mot pour mot, le considérant principal qui pose
le principe de l’inapplicabilité de la loi de finances de 1970 qui
impose la forme notariée en matière de transaction immobilière.

158
Cour Suprême, Chambre civile, n°21 du 09 juillet 1971, Chapelier, TI, p 571
221

LA COUR,

Vu les conclusions du Ministère Public ;


Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Courant année 1960, Yao Bi Gala Denis a cédé à feu


Ouédraogo Célestin une parcelle de terre d’environ vingt trois
(23) hectares, en contrepartie d’une assistance financière et
matérielle en cas de besoin, après la mise en valeur ; En
2000, suite à la plainte du cédant pour non respect de leur
convention, l’héritier du cessionnaire a versé à ce dernier la
somme de 200.000 Francs pour s’exécuter ; Après le décès le
décès du cessionnaire en 2006, Ouédraogo Alphonse, en sa
qualité d’héritier de Ouédraogo Célestin, s’est installé à son
tour sur la parcelle de terre pour continuer l’exploitation de la
plantation qui y a été réalisée par son défunt père ; Toutefois,
comme ce dernier, il n’a pas cru devoir exécuter l’obligation
d’assistance financière et matérielle souscrite par le de cujus ;
C’est ainsi que le propriétaire terrien, Yao Bi Gala Denis, l’a
assigné en déguerpissement devant le Tribunal de Première
Instance de Daloa ;

Par jugement civil contradictoire n°80/10 du 27 Mai


2010, cette juridiction a partiellement fait droit à sa demande,
en ordonnant l’expulsion de Ouédraogo Alphonse tant de sa
personne, de ses biens que de tout occupant de son chef de la
parcelle de terre litigieuse à l’exception de la partie mise en
valeur par son père ;

Par acte d’huissier, en date du 18 Novembre 2010,


Ouédraogo Alphonse a relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°23 bis/11 du 26 Janvier


2011, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré recevable l’appel
interjeté par Ouédraogo Alphonse ;
222

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement attaqué


au motif qu’en 1960, l’intimé a définitivement cédé la parcelle
de terre litigieuse à son père et que cette cession n’a pas été
conditionnée par une quelconque obligation ; Pour lui, le fait,
pour son père, de se montrer bienveillant envers ce dernier,
en reconnaissance de l’acte posé, en tant que propriétaire
coutumier, en lui apportant des aides spontanées de toute
nature, soit à l’occasion d’évènements malheureux ou
heureux, ne doit pas s’analyser comme telle ;

L’intimé, demande plutôt que l’appelant soit déguerpi


de l’ensemble du terrain et non seulement de la partie non
mise en valeur ;

Le Ministère Public sollicite la mise en état du dossier ;

DES MOTIFS

En la forme

Sur l’appel principal

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°23 bis/11


du 26 Janvier 2011, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré
recevable l’appel interjeté par Ouédraogo Alphonse ; Qu’il
convient de s’en référer ;

Sur l’appel incident

Considérant que Yao Bi Gala Denis demande, dans ses


écritures en appel, l’infirmation partielle de la décision en ce
que le juge n’a ordonné le déguerpissement de l’appelant que
d’une partie de la parcelle de terre litigieuse, notamment celle
qui n’a pas été mise en valeur par ce dernier ;

Considérant que ces écritures valent appel incident ;


Que celui-ci répondant aux exigences de l’article 175 alinéa 2
223

du code de procédure civile, commerciale et administrative,


doit être déclaré recevable ;

Au fond

Sur l’appel principal

Considérant que pour annuler la convention entre les


parties, le Tribunal de Première Instance de Bouaflé, s’est
fondé sur les dispositions de l’article 8 de la loi de finances
pour la gestion 1970 qui impose la forme notariée pour toutes
les transactions immobilières ;

Considérant cependant que le texte sus indiqué n’est


pas applicable aux transactions portant sur les terrains non
immatriculés, comme c’est le cas dans la présente espèce ;
Que c’est donc à tort que le premier juge a cru devoir invoquer
cette disposition pour prononcer l’annulation de la convention
entre les deux parties ;

Considérant, toutefois qu’il ressort des pièces de la


procédure que Yao Bi Gala Denis a cédé sa parcelle de terre
après que Ouédraogo Célestin se soit engagé à l’assister
financièrement et matériellement en cas d’évènements
malheureux et heureux ; Qu’il en résulte que les deux parties
étaient liées par un contrat synallagmatique de sorte que le
respect des engagements de l’une constitue la condition de
l’exécution par l’autre de ses obligations ;

Considérant qu’il s’évince des déclarations des parties


et des éléments concordants du dossier que l’intimé a, en
exécution de la convention, mis effectivement à la disposition
du père de l’appelant sa parcelle de terre que ce dernier à
partiellement mise en valeur ; Qu’au contraire, son
cocontractant, Ouédraogo Célestin n’a pas respecté ses
engagements en apportant comme convenu l’aide financière et
matérielle promise lorsque son cocontractant s’est trouvé
dans le besoin ; Que cela a d’ailleurs été reconnu par
l’appelant qui a notamment déclaré que suite aux complaintes
224

de l’intimé qui déplorait l’inertie de son défunt père 20 ans


après la conclusion de la convention, il a dû payer lui-même
la somme de deux cent mille francs (200.000 F) ; Qu’ainsi la
preuve est faite que Ouédraogo Célestin a failli à son
obligation, justifiant par conséquent la résolution du contrat
synallagmatique ; Que le moyen n’est donc pas fondé ;

Sur l’appel incident

Considérant que l’intimé demande incidemment le


déguerpissement de Ouédraogo Alphonse de la totalité de la
parcelle de terre et non seulement de la partie non mise en
valeur, ainsi que l’avait décidé le premier juge ;

Considérant que la résolution du contrat liant Yao Bi


Gala au défunt père de l’appelant a été prononcé ; Que les
parties retrouvent de ce fait le statut quo et doivent être
remises dans la situation initiale ; Qu’ainsi le vendeur doit
reprendre sa parcelle de terre dans son entièreté, quitte à son
cocontractant ou à ses ayants-droit de tirer éventuellement
toutes les conséquences de la plus value qui aurait été
apportée au terrain ;Que le moyen est par conséquent fondé ;

Sur les dépens

Considérant que Ouédraogo Alphonse succombe ; qu’il


y a lieu de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°23 bis/11 du 26


Janvier 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel de Ouédraogo Alphonse ;
225

Reçoit l’appel incident formulé par Yao Bi Gala Denis ;

Au fond

Dit mal fondé l’appel de Ouédraogo Alphonse ;

Rejette par contre l’appel incident de Yao Bi Gala D. ;


Infirme le jugement contradictoire n°80/10 du 27 Mars 2010
rendu par le Tribunal de Première Instance de Bouaflé ;

Statuant à nouveau

Prononce la résolution de la convention conclue par


Yao Bi Gala Denis et Ouédraogo Célestin, le défunt père de
Ouédraogo Alphonse ;
Condamne Ouédraogo Alphonse aux dépens.

3. Cour d’Appel de Daloa, n°113/12 du 14


mars 2012 Konan Kouamé contre N’Guessan
Kouadio Antoine

Note : La loi de finances de 1970, qui impose la forme notariée


pour toute transaction immobilière, n’est pas applicable aux
cessions de terres coutumières faute de titre foncier.

LA COUR,

Vu les conclusions du Ministère Public ;


Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Après le décès de N’Douffou N’Guessan Lazare le 13


Janvier 1990, ses ayants-droit découvrent que sa plantation
de café et de cacao de six (06) hectares a été cédée, par acte
sous-seing privé en date du 12 Février 1998, à Konan
Kouamé, contre la somme de 1.600.000 francs ; Cependant ils
226

s’apercevront que cette cession a été plutôt le fait de leur


oncle, N’Douffou Kouassi puisque ce dernier a perçu la
somme de 1.100.000 francs, sur le prix de vente ; Estimant
que cette vente leur cause un préjudice, ils ont assigné celui-
ci ainsi que l’acquéreur devant la Section détachée du
Tribunal de Divo pour s’entendre prononcer l’annulation de la
vente et l’expulsion de l’occupant ;

Cette juridiction a ordonné une mise en état du


dossier, mais cette mesure n’a pu être exécutée, faute des
parties et des témoins ; Par jugement n°47/08 du 11 Avril
2008, elle a fait droit à la demande des ayants-droit de feu
N’Douffou N’Guessan Lazare ;

Par acte d’huissier, en date du 13 Novembre 2009,


Konan Kouamé a relevé appel de ce jugement ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement querellé


au motif que c’est bel et bien feu N’Douffou Lazare, qui lui a
vendu la plantation litigieuse et non N’Douffou Kouassi
comme le soutiennent les intimés ; Il estime que le premier
juge aurait dû ordonner la mise en état du dossier ou une
expertise agricole pour éclairer sa religion ;

L’intimé n’a pas déposé d’écritures en cause d’appel ;

Le Ministère Public a demandé que la Cour ordonne


une mise en état de la procédure ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°164 du


08 Septembre 2010, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré
recevable l’appel interjeté par Konan Kouamé ; Qu’il convient
de s’en rapporter ;
227

Au fond

Sur la validité de la vente

Considérant que pour annuler la vente de la parcelle


de terre litigieuse, le premier juge s’est basé sur l’absence
d’un acte notarié constatant ladite vente ; Considérant
cependant que la parcelle de terre litigieuse fait partie du
domaine foncier rural et n’est pas l’objet d’un titre de
propriété ; Qu’elle n’est donc pas soumise aux dispositions de
l’article 8 de l’annexe fiscale de la loi de finance pour la
gestion 1970 qui prescrit la forme notariée pour toute
transaction immobilière ; Qu’il en résulte que c’est à tort que
le premier juge a cru devoir s’y fonder pour annuler la vente
du terrain dont s’agit ;

Sur l’expulsion de N’Guessan Kouadio

Considérant, d’une part, qu’il ressort du dossier et


notamment de l’acte sous-seing privé en date du 12 Février
1989 que le terrain litigieux a été vendu effectivement par feu
N’Douffou N’Guessan et non par le frère de ce dernier,
N’Douffou Kouassi, comme le soutient l’intimé N’Guessan
Kouadio Antoine ; Qu’en effet, le fait pour N’Douffou Kouassi
de recevoir après le décès de N’Douffou N’Guessan une partie
du prix de vente, aussi importante fut-elle, n’a pas eu pour
conséquence de le substituer à son frère qui avait d’ailleurs
déjà perçu un premier acompte en conséquence justement de
la convention ;

Considérant, d’autre part, que par cette vente,


N’Douffou N’Guessan a cédé ses droits coutumiers à
N’Guessan Kouamé de sorte que ses ayants-droit ne sont plus
fondés à se prévaloir des mêmes droits coutumiers pour
solliciter et obtenir l’expulsion du cessionnaire qui en est
désormais le seul titulaire ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que
c’est à tort que la juridiction de Divo a accédé à la demande
en annulation de ladite vente et en expulsion formulée par
228

N’Guessan Kouadio Antoine en sa qualité d’ayants droit du


cédant N’Douffou N’Guessan ;

Sur les dépens

Considérant que l’intimé succombe ; Qu’il y a lieu de le


condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°164 du 08


Septembre 20101 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable l’appel de Konan Kouamé ;

Au fond

Déclare bien fondé ledit appel ;


Infirme le jugement n°47/08 du 11 Avril 2008 rendu
par la Section détachée du Tribunal de Divo ;

Statuant à nouveau

Dit que la demande en annulation de la vente et en


déguerpissement de Kouadio N’Guessan A. n’est pas fondée ;

Dit que c’est sans titre ni droit que N’Guessan Kouadio


Antoine occupe la plantation litigieuse ;
Ordonne en conséquence son expulsion, tant de sa personne,
de ses biens que de tous occupants de son chef ;
Le condamne aux dépens.
229

19) De la portée de l’acte notarié.

Cour d’Appel de Daloa, n°189/12 du 06


juin 2012, BOH Bi Tra Eugène contre
Société Centrale Trading OP (CTOP SA)

Note : L’acte notoriété n’est pas un titre de propriété et ne


saurait en aucune manière s’y substituer. Ce document ne fait
que donner à la transaction immobilière une solennité du fait de
son établissement par devant un officier ministériel en
application des dispositions d’ordre public de l’article 8 de
l’annexe fiscale de la loi de finances pour la gestion 1970.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier de la procédure ;

Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;

Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,


moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

La Société Central Trading OP dite CTOP SA a vendu à


crédit, diverses marchandises d’une valeur totale de
1.634.260 francs à ANOH Kouao Lazare ; Ce dernier étant
dans l’impossibilité d’honorer sa dette, lui a cédé en
compensation le lot n°107 îlot 13 sis à Daloa, au quartier dit
les « Oliviers » ; Alors qu’elle voulait mettre en valeur ce
terrain, la société susnommée s’est heurtée à la résistance de
BOH Bi Tra Eugène qui conteste la cession au motif, d’une
part, que le lot dont s’agit est sa propriété et, d’autre part, que
cette transaction n’a pas été faite par devant notaire ;
Trouvant cette opposition injustifiée, en ce qu’elle est
détentrice sur ledit lot d’une lettre d’attribution
n°581/MD/DOM en date du 17 juin 2008 La société CTOP SA
a, par exploit en date du 08 juin 2010, assigné ce dernier
230

ainsi que ANOH Kouao Lazare devant le Tribunal de Première


Instance de Daloa en cessation de troubles ;

BOH BI Tra Eugène sollicite reconventionnellement,


l’annulation de la cession;

Par jugement civil contradictoire n°46 du 18 mars


2011, la juridiction saisie a fait droit à la demande principale,
en ordonnant la cessation des troubles causés par BOH Bi Tra
Eugène, parce que la demanderesse a produit une lettre
d’attribution concernant le lot querellé établie en son nom ;
Elle a en revanche déclaré mal fondée, la demande
reconventionnelle du susnommé au motif, d’une part, que
l’acte de vente du lot litigieux n’a pas été produit au dossier,
et d’autre part, que le demandeur ne justifie d’aucun droit sur
le terrain litigieux ;

Par exploit en date du 1er septembre 2011, BOH Bi Tra


Eugène a relevé appel de ce jugement ;

Par arrêt avant-dire-droit n°209 du 12 octobre 2011, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement querellé;


Il explique qu’étant propriétaire de plusieurs lots, il a sollicité
ANOH Kouao Lazare en vue de lui trouver des acquéreurs,
moyennant une commission de 25% sur le prix de vente de
chaque lot ; Mais, qu’abusant de leur collaboration, ce dernier
a cédé frauduleusement un des terrains des lots à la société
CTOP SA ; C’est ainsi qu’il a saisi les services du domaine de
la mairie de Daloa, aux fins d’empêcher tous travaux sur le
terrain dont s’agit ; Pour appuyer ses dires, il produit au
dossier l’acte notarié du domaine litigieux ; Il conclut, pour
finir, à la nullité de la cession opérée au motif, d’une part, que
ANOH Kouao L. a vendu la chose d’autrui, et d’autre part, en
ce que ladite cession n’a pas été faite par acte notarié ;
231

En réplique, la société CTOP SA relève que l’acte notarié dont


se prévaut l’appelant, contrairement à ses dires, ne justifie
pas de la qualité de propriétaire de celui-ci du lot en cause ;
En effet, indique-t-elle, ce document ne fait qu’attester de ce
qu’une vente portant sur un bien immobilier et ne saurait en
aucun cas se substituer à la lettre d’attribution qui lui a été
délivrée par la commune de Daloa sur le lot litigieux ;

Le Ministère Public, pour sa part, sollicite l’infirmation


du jugement, motif pris de ce que l’acte notarié produit par
BOH BI TRA E., établit à suffisance que le terrain litigieux est
bel et bien la propriété de celui-ci et que par conséquent,
ladite cession, pour avoir porté sur la chose d’autrui, est nulle
au regard des dispositions de l’article 1599 du code civil ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°209 du


12 octobre 2011, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré
recevable l’appel interjeté par BOH BI TRA Eugène; Qu’il échet
de s’en rapporter ;

AU FOND

Considérant que pour s’opposer à la demande en


cessation de troubles, BOH BI TRA Eugène fait valoir qu’il est
le propriétaire du terrain litigieux et produit, pour appuyer ses
dires, un acte de notoriété ;

Mais considérant que l’acte notoriété n’est pas un titre


de propriété et ne saurait en aucune manière s’y substituer;
Qu’en effet, ce document ne fait que donner à la transaction
immobilière une solennité du fait de son établissement par
devant un officier ministériel en application des dispositions
d’ordre public de l’article 8 de l’annexe fiscale de la loi de
finances pour la gestion 1970 ; que s’agissant d’une terrain
qui fait l’objet d’un lotissement, et qui de ce fait, échappe
232

désormais au domaine foncier rural, seul un titre


d’immatriculation ou à tout le moins une lettre d’attribution
permet de justifier des droits sur les lots consécutifs du
morcellement dudit terrain;

Considérant, au contraire , que la société CTOP SA a


versé au dossier la lettre d’attribution du lot n°581/MD/DOM
en date du 17 juin 2008, établie en son nom, qui lui a été
délivrée par le Maire de la commune de Daloa ; Qu’il s’ensuit
que c’est à bon droit que le premier juge, constatant
justement que BOH BI TRA Eugène occupe le terrain litigieux
sans titre ni droit a ordonné la cessation des troubles qu’il
cause ainsi à la société CTOP SA; Que sa décision doit donc
être confirmée ;

Considérant que BOH BI TRA Eugène succombe ; Qu’il


échet de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°209 du 12


octobre 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par BOH BI TRA EUGENE ;

AU FOND

L’y dit mal fondé ;


L’en déboute ;
Confirme le jugement civil contradictoire n°46 rendu le
18 mars 2011, par le Tribunal de Première Instance de Daloa ;
Condamne BOH BI TRA EUGENE aux dépens. /.
233

20) Du rejet de la mise en valeur comme


condition d’accès aux droits fonciers

1. Cour Suprême, chambre judiciaire, n°


34/07 du 14 juin 2007, Bello Mamadou
Ayouba contre Ganou Hoblé Celestin.

Note : Selon la Cour, « L’expression selon laquelle « La terre


appartient à celui qui la met en valeur » n’est pas un principe
du droit ». Cette décision concerne le droit urbain. A priori, elle
n’intéresse pas le droit rural. Cependant elle porte sur une
question importante, celle des conséquences liées à ma mise
valeur souvent présenté comme une condition d’accès à la
propriété et aux droits fonciers. Elle est donc également utile en
cette matière.
LA COUR,
Vu l’exploit de pourvoi en cassation du 23 juin 2007 ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date
du 30 janvier 2007 ;
Vu les pièces produites ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de l’excès
de pouvoir
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt
confirmatif attaqué (Abidjan, 12 mai 2006), que GANOU Hoble
a assigné BELLO Mamadou Ayouba devant le Tribunal
d’Abidjan à l’effet de s’entendre déclarer unique propriétaire
du lot n°612 îlot 20 sis à Koumassi Nord-Est, objet du titre
foncier n° 105 423 de la circonscription foncière de Bingerville
et prononcer l’expulsion du défendeur du lot litigieux ; qu’à
l’appui de ses prétentions, il produit notamment une lettre
d’attribution du 24 août 1999, un arrêté de concession
provisoire du 14 octobre 2004 et un certificat de propriété
n° 105 423 du 1er mars 2005 établis à son nom ; que pour
résister à l’action du demandeur, BELLO Mamadou produit
pour sa part, un arrêté du Ministre de la Construction et de
l’Urbanisme daté du 09 juin 1990 lui transférant l’attribution
234

du lot litigieux précédemment accordée à TANOH Alfred et un


autre arrêté du même Ministre daté du 04 avril 2005
rapportant l’arrêté de concession provisoire dudit lot
initialement accordée à GANOU Hoble, annulant la lettre du
24 août 1999 qui attribuait le lot litigieux à celui-ci et
indiquant que seuls les droits de BELLO Mamadou sont
reconnus et maintenus sur le lot susvisé ; que par jugement
n°1868 du 25 juillet 2005, le Tribunal d’Abidjan déclarait
GANOU Hoble propriétaire du lot litigieux et prononçait
l’expulsion de BELLO Mamadou dudit lot tant de sa personne,
de ses biens que de tous occupants de son chef ;
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir,
pour confirmer l’arrêt attaqué, empiété sur les attributions du
pouvoir exécutif représenté en l’espèce par le Ministre de la
Construction et de l’Urbanisme, alors que selon le moyen,
ladite Cour aurait dû se conformer à l’avis et à la décision
dudit Ministre pour qui, seul BELLO Mamadou est l’unique
attributaire du lot litigieux aux motifs que lorsque plusieurs
lettres d’attribution ou plusieurs arrêtés de concession
provisoire sont en conflit, le juge judiciaire ne fait qu’entériner
ou affirmer par sa décision la réponse ou la solution donnée
par l’autorité administrative compétente ; qu’en statuant
comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a outrepassé ses pouvoirs ;

Mais attendu qu’il y a excès de pouvoir lorsque le juge


empiète sur les attributions du pouvoir exécutif ou du pouvoir
législatif ou qu’il s’arroge des pouvoirs qui ne lui sont pas
légalement dévolus ; que le certificat de propriété étant un
titre imprescriptible, définitif et inattaquable, la Cour d’Appel
qui s’est fondée sur ledit certificat pour dire que GANOU
HOBLE est l’unique propriétaire du lot litigieux n’a fait que
tirer les conséquences juridiques par rapport aux autres actes
produits. Qu’il s’ensuit que la Cour d’Appel, en statuant
comme elle l’a fait, n’a pas excédé ses pouvoirs ; que le moyen
n’est donc pas fondé ;
235

Sur le moyen tiré l’insuffisance, de


l’obscurité et de la contrariété des motifs
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’Appel d’avoir
décidé que le certificat de propriété obtenu par GANOU Hoble
l’emporte sur la lettre d’attribution du 09 juin 1990 et l’arrêté
du 04 avril 2005 indiquant que les droits de BELLO Mamadou
sont reconnus et maintenus sur le lot litigieux, alors que
selon le moyen, BELLO Mamadou a été le premier attributaire
dudit lot et a, en outre, été le premier à l’occuper et à le
mettre en valeur ; qu’il est de règle en matière foncière que
« Celui qui est le premier dans le temps, en droit l’emporte » ;
qu’en outre, la lettre d’attribution et l’arrêté de concession
provisoire dont s’est prévalu GANOU Hoble pour obtenir le
certificat de propriété foncière du 1er mars 2005, ont été pris
sur la base de fausses déclarations et de manœuvres
frauduleuses ou mensongères ; que ce certificat est donc nul
et non avenu, GANOU Hoble s’étant rendu coupable de faux
commis dans des documents administratifs ; qu’en se
déterminant ainsi, la Cour d’Appel n’a pas donné une base
légale à sa décision ;
Mais attendu que pour statuer comme elle l’a fait, la
Cour d’Appel a indiqué que « pour décider que GANOU Hoble
est propriétaire du lot n° 612 îlot 20 sis à Koumassi Nord-Est,
les premiers juges ont relevé que GANOU Hoble et BELLO
Ayouba qui se disputent la propriété du lot litigieux
produisent chacun une lettre d’attribution et un arrêté de
concession provisoire ; mais outre ces deux pièces, GANOU
Hoble, lui, produit en plus un certificat de propriété laquelle
pièce ne fait pas l’objet de remise en cause » ; qu’en se
déterminant par de tels moyens suffisants, la Cour d’Appel a
donné une base légale à sa décision ;
Sur le moyen tiré de la violation de la loi

Attendu qu’il est encore fait grief à la Cour d’Appel,


d’avoir déclaré GANOU HOBLE propriétaire du lot litigieux,
alors que selon le moyen, en statuant ainsi, ladite Cour d’une
part, s’est mise en contradiction flagrante avec les principes
généraux du droit, selon lesquels « Celui qui est le premier
236

dans le temps, en droit l’emporte » et « La terre appartient à


celui qui la met en valeur », et d’autre part, a violé l’arrêté de
transfert d’attribution du 09 juin 1990 antérieur à la lettre
d’attribution du 24 août 1999 délivrée au profit de GANOU
HOBLE ainsi que l’arrêté du 04 avril 2005 par lequel le
Ministre de la Construction et de l’Urbanisme a définitivement
tranché le présent litige en faveur de BELLO Mamadou
comme étant le véritable propriétaire du lot litigieux ;
Mais attendu que le principe selon lequel « Celui qui
est premier dans le temps, en droit l’emporte » indique que la
priorité entre des créanciers munis d’une garantie sujette à
publicité est réglée par l’ordre des publications ; que tel n’est
pas le cas en l’espèce, le litige étant relatif au foncier urbain ;
que par ailleurs, l’expression selon laquelle « La terre
appartient à celui qui la met en valeur » n’est pas un principe
du droit ; que la Cour d’Appel, en se fondant sur le certificat
de propriété pour déclarer GANOU Hoble propriétaire du lot
litigieux, n’a violé ni l’arrêté de transfert d’attribution du 19
juin 1999, ni l’arrêté du 04 avril 2005 ; qu’il s’ensuit que cet
autre moyen n’est pas davantage fondé ;

PAR CES MOTIFS


Rejette le pourvoi formé par BELLO Mamadou Ayouba
contre l’arrêt du 12 Mai 2006 de la Cour d’Appel d’Abidjan :
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;

2. Cour d’appel, n° 08/12 du 11 janvier


2012, Kouamé Koffi Emile contre Nekpo
Ossiry Mathias et autres

Note : La mise en valeur n’est pas une condition suffisante


pour acquérir des droits coutumiers sur une terre coutumière.

LA COUR,

Vu les conclusions du Ministère Public ;


Vu les pièces du dossier de la procédure ;
237

Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et


moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

En 1996, feu YORO Edouard a cédé à Kouamé Koffi


Emile, moyennant une rétribution annuelle, une parcelle de
terre d’une superficie de quatre (04) hectares à Dribouo, dans
la Sous-préfecture de Guibéroua ; Doudou Pierre, lui a cédé
trois (03) hectares à raison de 15.000 francs l’hectare en
1969 ; Il a également reçu de feu DEBY Augustin, en 1986,
deux hectares à 30.000 Francs ; Enfin feu Gohou Gbalé lui a
vendu une parcelle de terre de deux (02,5) hectares et demi à
30.000 francs ; Il a paisiblement exploité l’ensemble de ces
terrains dont la superficie totale est de onze (11,5) hectares et
demi jusqu’en 203, année ou Nekpo Ossiry Mathias, Blé Hervé
et Abé Théodore, qui s’estiment les nouveaux propriétaires, se
sont installés de force dans les plantations qu’il a réalisées ; Il
a alors décidé de les assigner en déguerpissement en 2007
devant le Tribunal de Première Instance de Gagnoa ; Cette
juridiction a jugé son action mal fondée et l’a débouté ;
Estimant que cette décision n’est pas justifiée, il en a relevé
appel et demande l’infirmation du jugement en toutes ses
dispositions ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Kouamé Koffi Emile sollicite l’infirmation du jugement


attaqué au motif que les parcelles litigieuses lui ont été cédées
à titre onéreux par les défunts Yoro Edouard, Doudou Pierre
et Deby Augustin et que c’est fort de cela qu’il y a crée des
plantations ; Pour leur part, les intimés demandent la
confirmation pure et simple de la décision du tribunal ; Ils
estiment que Kouamé Koffi Emile ne peut plus se prévaloir de
droits coutumiers d’usage sur le terrain litigieux dans la
mesure où il l’a abandonné et que celui-ci est devenue une
jachère ; C’est donc, à juste titre, qu’en leur qualité de
propriétaires coutumiers ils ont repris leurs parcelles de
238

terre ; Ils précisent par ailleurs, que les plantations réalisées


sur lesdits terrains sont plutôt leur fait, comme cela a été
prouvé à l’issue de la mise en état ordonnée par le premier
juge ; D’ailleurs, ajoutent-ils, l’appelant qui prétend avoir
acheté les parcelles de terre concernées, n’apporte pas la
preuve de ses allégations ; Encore que, ajoutent-ils, toute
vente portant sur des terrains, passée en l’absence d’un
notaire, est nulle ;

Le Ministère Public conclut au débouté de l’appelant et


à la confirmation du jugement attaqué ;

Des motifs

En la forme

Con sidérant que, par arrêt avant-dire-droit n°57 du


04 août 2010, la Cour a déclaré recevable l’appel interjeté par
Kouamé Koffi Emile ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant que Kouamé Koffi Emile demande


l’infirmation du jugement querellé au motif que c’est à tort
que le juge a ordonné son déguerpissement des parcelles de
terre litigieuses étant donné qu’elles lui ont été bel et bien
cédées par les nommés Yoro Edouard, Doudou Pierre et Deby
Augustin avant leur décès et qu’il les occupe depuis plus de
33 ans de façon paisible et continue, comme en témoigne la
création par ses soins de plantations de cacao sur lesdits
terrains ;

Considérant que pour ordonner le déguerpissement de


l’appelant des parcelles de terre querellées, le premier juge
s’est appuyé sur l’absence d’une mise en valeur de celles-ci de
la part de ce dernier ;

Mais considérant, d’une part, que la mise en valeur


n’est pas une condition suffisante pour acquérir des droits
239

coutumiers sur un terrain du domaine foncier rural ; Que


cette absence ne devrait donc pas constituer un motif valable
pour ordonner le déguerpissement de l’occupant ;

Considérant, d’autre part, qu’il est constant ainsi que


le reconnaissent les ayants-droit des susnommés eux-mêmes
que ce sont leurs défunts pères qui, en leur qualité de
propriétaires coutumiers, ont cédé les parcelles de terre
litigieuses à l’appelant, transférant ainsi à celui-ci les droits
coutumiers qu’ils y détenaient ; Que dès lors, les intimés ne
sont pas fondés à se prévaloir des droits qui ne leur
appartiennent plus, pour avoir été cédés à un tiers
conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi n°98-
750 du 23 décembre 1998, pour demander l’expulsion de
l’appelant ; Que c’est donc à tort que le premier juge a fait
droit à la demande et d’infirmer la décision querellée ;

Sur les dépens

Considérant que les intimés succombent ; Qu’il y a lieu


de les condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°57 du 04 Août


2010 de ce siège qui a déclaré recevable l’appel ;

Au fond

Déclare ledit appel bien fondé ;


Infirme le jugement n°159/09 du 13 mai 2009 rendu
par le Tribunal de Première Instance de Gagnoa ;
240

Statuant à nouveau

Dit que la demande en déguerpissement de Nekpo


Ossiry Mathias, Bley Hervé et Abé Théodore est fondée ;
Dit que c’est sans titre ni droit qu’ils occupent les
parcelles de terres litigieuses ;
Condamne en conséquence leur expulsion tant de leur
personne, que de tous occupants de leur chef ;
Condamne les intimés aux dépens.

21) Sur le respect des délais de sécurisation


des droits coutumiers

1. Cour Suprême, Chambre judiciaire


n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin
André contre Lobognon Yorokoe159

Note : Il ne peut être reproché au propriétaire coutumier de


n’avoir pas justifié ses droits en produisant un titre de propriété
dès lors qu’il se trouve encore dans les délais pour sacrifier aux
procédures prévues à cet effet.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date
du 10 décembre 2004 ;

Sur la violation de la loi du 23 décembre 1998


relative au domaine foncier rural

Attendu selon l’arrêt attaqué (Daloa, 26 Mars 2003),


que par acte en date du 23 juin 1989, MERHY FREDERIC
GOUDA vendait à VALENTIN André un terrain rural sis à
MISSEHI (Sassandra), d’une superficie d’environ 12 ha, objet

159
Cour Suprême, Chambre judiciaire n°195/05 du 07 avril 2005, Valentin André
contre Lobognon Yorokoé Norbert, Actualités juridiques, n°53 P.26
241

du titre foncier n° 228 du livre cadastral du bas-sassandra ;


que voulant étendre son exploitation, VALENTIN André
mettait en valeur une partie de la parcelle de forêt qui jouxtait
son terrain ; que se disant propriétaire de cette parcelle,
LOBOGNON Yorokoe Norbert obtenait du Tribunal de
Sassandra, l’expulsion de VALENTIN André des lieux et sa
condamnation à lui payer la somme de 10 000 000 FCFA à
titre de réparation aux termes du jugement n° 67/02 du 3
Avril 2002, confirmé par l’arrêt querellé ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’une part,


de ne s’être pas préoccupée de ce que la loi précitée à laquelle
fait référence le Tribunal n’a pas été appliquée alors que les
droits relatifs au domaine foncier rural coutumier sont
désormais régis par ladite loi ; d’avoir d’autre part en
confirmant le jugement, fait siennes les affirmations du
Tribunal aux termes desquelles LOBOGNON Yorokoe détient
des droits coutumiers sur la parcelle litigieuse en sa qualité
de propriétaire terrien alors que ce dernier ne détient aucun
droit de propriété sur ce terrain mais un droit d’usage ; pour
LOBOGNON ; qu’en statuant ainsi, la Cour d’Appel a violé les
textes susvisés ;

Mais Attendu qu’il est établi au vu des productions,


notamment de l’enquête agricole que LOBOGNON Yorokoe est
détenteur sur la parcelle litigieuse, de droits coutumiers
conformes aux traditions et ce, conformément à l’article 3 de
la loi 98-750 du 23 décembre 1998 ; que se trouvant encore
dans les délais pour faire constater ses droits par une
éventuelle immatriculation, il ne peut lui être reproché de ne
s’être pas conformé à cette loi pour affirmer sa propriété
coutumière sur ladite parcelle ; qu’en confirmant la décision
du Tribunal qui a constaté que LOBOGNON YOROKOE tient
ses droits coutumiers sur la parcelle, de ses ancêtres par voie
de succession, comme le consacre la loi n° 98-750 du 23
décembre relative aux droits coutumiers sur les terres du
domaine foncier rural dont les dispositions ne sont pas
contraires à l’article 83 du décret du 26 juillet 1932, la Cour
242

d’Appel n’a point violé les textes susvisés ; que le premier


moyen de cassation n’est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi formé par VALENTIN André contre


l’arrêt 72 du 26 MARS 2003 de la Cour d’Appel de Daloa ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;

2. Cour Suprême, Chambre judiciaire, n° 08/07 du 1er février


2007, Yaley Doukouré Jules contre Dogo Tayoro (il s’agit
d’un extrait de la décision.

Note : La loi foncière de 1998 n’est pas d’application, en


certaines de ses dispositions. Il en va ainsi de l’article 4 selon
lequel la preuve de la propriété foncière coutumière est faite à
partir du certificat foncier, les populations étant encore dans le
délai pour sacrifier à la procédure pour l’obtention de ce
document.

« Considérant qu’il est fait grief aux juges d’appel


d’avoir fait droit à la demande d’expulsion Dogo Tayoro sans
avoir exigé la production d’un certificat foncier pour prouver
son droit de propriété sur les lieux litigieux et d’avoir ainsi
violé l’article 4 de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 qui
indique que dans le domaine coutumier la propriété est
établie par ce certificat et manqué, par insuffisance de motifs,
de donner une base légale à leur décision ;

Mais attendu que l’article 4 de la loi précitée n’étant


pas d’application, la Cour d’Appel n’a pu ni violer ledit texte ni
priver sa décision de base légale. »
243

22) De la sanction de la vente du terrain


coutumier d’autrui

3. Cour Suprême, ch. Jud., n°63/08 du 25


juillet 2008, AD de feu Souassou Daplé
contre Gourou Mahama.

Note : Les actes de dispositions Portant sur un terrain


coutumier accomplis par l’un des héritiers sans l’accord des
autres ne sont pas opposables à ces derniers et la vente ainsi
intervenue doit être annulée en ce qu’il a vendu un bien qui ne
lui appartient pas.

LA COUR,

Vu l’exploit d’huissier du 25 juillet 2002, à fins de


pourvoi en cassation ;
Vu le mémoire produit ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;

SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI

Attendu que GOUROU MAHAMA soulève l’irrecevabilité


du pourvoi en cassation formé par six des Sept ayants-droit
de feu SOUASSOU Daple contre l’arrêt n° 1433 du 7 décembre
2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan, au motif que l’exploit
susvisé ne contient pas les nom, prénoms, profession,
nationalité, domicile réel ou élu, date et lieu de naissance de
SOUASSOU Blehiry Francis, en violation de l’article 246-2 du
Code de Procédure Civile ; que par ailleurs, il sollicite la
nullité de cet exploit signifié à mairie, faute par l’huissier
instrumentaire de l’avoir avisé par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception de la remise d’une copie de
l’exploit à la mairie et de l’avoir informé qu’il doit retirer ladite
copie à l’adresse indiquée, en violation de l’article 251 alinéa 2
du même code ; qu’en l’espèce, SOUASSOU Blehiry Francis
n’étant pas demandeur au pourvoi, c’est à bon droit que
l’exploit critiqué ne comporte pas les mentions de l’article
246-2 du Code de Procédure Civile en ce qui le concerne ; que
244

par ailleurs, il ressort de la lettre recommandée avec demande


d’avis de réception du 25 juillet 2002 versée au dossier que
l’huissier instrumentaire a accompli les diligences prévues par
l’article 251 alinéa 2 dudit code ; que l’exploit étant régulier, il
y a lieu de déclarer le pourvoi recevable ;

Sur la violation de l’article 111 de la loi de


1964 sur les successions

Attendu que cet article dispose que « les cohéritiers


contribuent entre eux au payement des dettes et charges de la
succession, chacun dans la proportion de ce qu’il y prend » ;

Vu ledit texte ;

Attendu, selon les énonciations de l’arrêt ;attaqué que


SOUASSOU Daple laissait à son décès un lot bâti et Sept
enfants dont l’aîné, SOUASSOU Blehiry Francis, se faisant
passer pour être le seul et unique héritier, obtenait
frauduleusement du Président du Tribunal d’Abidjan l’acte de
notoriété n° 3344 du 22 Juillet 1996 ; que muni de cette
pièce, il vendait par acte notarié des 24 mars et 2 Mai 1997
ledit bien indivis à GOUROU Mahama, moyennant le prix de
8 000 000 F ; que saisi, le Tribunal d’Abidjan, par jugement
du 6 décembre 1999, annulait la vente intervenue en fraude
droits des cohéritiers et déboutait l’acquéreur de sa demande
reconventionnelle en remboursement du prix de la cession ;

Attendu que, pour réformer ce jugement et condamner


tous les ayants-droit de feu SOUASSOU Daple à payer à
GOUROU Mahama la somme de 8 000 000 F, à titre de
remboursement du prix de la vente annulée, la Cour a estimé
que SOUASSOU Blehiry F. reconnaît avoir reçu cette somme ;

Attendu cependant qu’en statuant ainsi, alors que ladite


somme représente une dette personnelle de SOUASOU B. et
non celle de la succession, la Cour d’Appel a violé l’article visé
au moyen ; qu’il y a lieu de casser et annuler partiellement
l’arrêt attaqué, et d’évoquer conformément à la loi ;
245

SUR L’EVOCATION

Attendu que la vente litigieuse ayant été faite par


SOUASSOU BLEHIRY FRANCIS à l’insu de ses cohéritiers, il
convient de les mettre hors de cause, en application des
dispositions de l’article 111 de la loi n° 64-379 du 7 Octobre
1964, relative aux successions ;

PAR CES MOTIFS

Et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première


branche du moyen unique,
Casse et annule partiellement l’arrêt n° 1433 du 7
décembre 2001 de la Cour d’Appel d’Abidjan, en ce qu’il a
condamné tous les ayants-droit de feu SOUASSOU Daple à
payer à GOUROU Mahama la somme de 8 000 000 F ;

Evoquant ;

Met hors de cause SOUASSOU Attaby N., SOUASSOU


Djegba, SOUASSOU B., SOUASSOU Honniabayo M.,
SOUASSOU Gnaoua G. et SOUASSOU Niakale E. ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
4. Cour d’Appel de Daloa, n° 125/2011 du
13/07/2011, Dame Nemlin Hélène
contre Kouadio Kouakou et autres

Note : La nullité d’une vente portant sur un terrain coutumier


s’impose en application des dispositions de l’article 1599 du
code civil dès lors que le vendeur ne justifie pas qu’il a obtenu
du propriétaire une autorisation ou à un pouvoir cette fin, son
acte s’analysant alors comme la vente de la chose d’autrui.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier de la procédure ;


Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties et motifs ci-après ;
246

FAITS ET PROCEDURE

Nemlin Hélène exerce des droits coutumiers sur une


parcelle de forêt d’une contenance de treize(13) hectares sise à
Taki 2 dans la commune de San-Pedro dans laquelle elle a
créé un campement et réalisé des cultures vivrières avant de
la louer à Ouédraogo Oumarou moyennant la somme de
300.000francs par an avec l’aide de Kouadio Kouakou puis a
quitté le village afin de se livrer à une activité commerciale.
Quelques années plus tard, elle a découvert sur son domaine
une plantation d’hévéa en production créée par Albankoudy
Thomas qui lui a appris qu’il avait acquis les lieux de kouadio
Kouakou en présence de Ouédraogo Oumarou suivant acte
sous seing privé en date à San-Pedro du 20 Août 1992 ;

Aussi, par acte du 22 Mai 2008, a-t-elle assigné les


trois en expulsion des lieux devant la section de Tribunal de
Sassandra ;
Aux termes du jugement civil contradictoire N°183 en date du
15 Juillet 2009, la juridiction saisie a déclaré son action mal
fondée.
Cette décision a été signifiée le 07 Juillet 2010 et par
acte du 02 Août 2010 Nemlin Hélène en a relevé appel ;

Par arrêt avant-dire-droit N°192 en date du 13 Octobre


2010, la Cour a déclaré ledit appel recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Nemlin Hélène a sollicité l’infirmation du jugement


attaqué ; Elle a reproché au Tribunal de l’avoir déboutée de sa
demande en retenant que non seulement elle a consenti à la
vente de son terrain mais encore, que la parcelle litigieuse
n’étant pas immatriculée seule la mise en valeur confère à son
auteur l’exercice des droits d’usage alors que d’une part,
Kouadio Kouakou le cédant s’est vu confier la parcelle par elle
et que l’acte de vente ne porte pas sa signature et que d’autre
part la transaction n’est pas passée devant un notaire et le
247

vendeur a cédé une chose qui n’est pas sa propriété de sorte


que la vente intervenue est nulle ;

Les intimés n’ont ni conclu ni déposé de pièces ;


Le Ministère public demande la confirmation du
jugement.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel

Considérant que par arrêt avant-dire-droit N°192 en


date du 13Octobre 2010, la Cour a déjà déclaré reçu l’appel
interjeté par Nemlin Hélène ; qu’il y a lieu de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant qu’il résulte de l’enquête agricole


ordonnée par le Tribunal que Nemlin Hélène a été installée
par Keh Klah Félix alors chef du village de Taki 1 sur cette
parcelle conformément aux usagers; que dès lors elle exerce y
des droits coutumiers conformes à la tradition ;

Considérant qu’en cédant ladite parcelle à Abankoudy


Thomas, Kouadio Kouakou qui ne justifie pas qu’il a obtenu
de Nemlin Hélène une autorisation ou à un pouvoir cette fin a
vendu la chose d’autrui, et en application des dispositions de
l’article 1599 du code civil ladite vente est nulle ;

Considérant dans ces conditions que Kouadio


Kouakou, Albankoudy Thomas et Ouédraogo Oumarou
occupent sans titre ni droit la parcelle de Nemlin Hélène ; qu’il
convient de les expulser des lieux ;
Considérant que le premier juge n’a pas statué dans ce
sens ; qu’il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué ;

Considérant que Albankoudy Thomas et consorts


succombent ; Qu’il convient de les condamner aux dépens ;
248

PAR CES MOTIFS

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Statuant publiquement, contradictoirement, en
matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit N°192 en date


du 13 Octobre 2010 de la Cour d’Appel de ce siège qui a
déclaré recevable l’appel interjeté par Nemlin Hélène ;

Au fond

Déclare ledit appel bien fondé ;


Infirme le jugement civil contradictoire n°183 rendu le 15
Juillet 2009 par la section de Tribunal de Sassandra ;

Statuant à nouveau

Déclare l’action de Nemlin Hélène bien fondée ;


Ordonne l’expulsion de Kouadio K., Albankoudy T. et
Ouédraogo O. du terrain litigieux tant de leurs personnes, de
leurs biens que de tous occupants de leurs chefs ;
Les condamne aux dépens. /.

5. Cour Suprême, AD de KAGOUEHI Agui


Victor, c/ KEHIAKEHI Gbadja Florent et
autres, n°84/11 du 10/02/ 2011.

Note : La vente sans l’accord du propriétaire d’une parcelle de


terre coutumière, encourt la nullité conformément aux
dispositions de l’article 1599 du code civil.

LA COUR,

Vu les mémoires produits,


Vu les conclusions écrites du Ministère Public,
249

Sur l’absence, de l’insuffisance, de


l’obscurité ou de la contrariété des motifs ;

Attendu qu’il résulte de l’énonciation de l’arrêt


confirmatif attaqué (Daloa, 30 janvier 2008) et des
productions que, KEHIAKEHI Gbadja Florent domicilié à
Dougroupalégnoa, Sous-préfecture de Gagnoa, estimant que
DOUHOURE Dameneko Faustin et 12 autres originaires du
village de Mhibouo occupaient sans droit ni titre sa parcelle
de terre rurale en franchissant les limites traditionnelles
separant leurs deux villages voisins, saisissaient le Tribunal
de Gagnoa qui ordonnait le déguerpissement de ces derniers
de la parcelle litigieuse, par jugement n° 85 du 14 février 2001
de la Cour d’Appel de Daloa ; que le pourvoi formé contre cette
décision par DOUHOURE Dameneko Faustin fut rejeté par
arrêt n° 172 du 03 avril 2003 de la Cour Suprême ; que les
ayants droit de feu KAGOUEHI Agui Victor, représentés par
leur frère aîné AGUI Gnokomene Bruno, tous originaires de
Dougroupalégnoa, assignaient à leur tour, le 2 mai 2006,
KEHIAKEHI Gbadja Florent et 5 autres planteurs dudit
village, en annulation des ventes des terrains d’autrui et en
expulsion, au motif que ce dernier s’est érigé en propriétaire
terrien pour vendre des portions de terres à ses codéfendeurs,
alors qu’il n’est que mandataire des héritiers de KAGOUEHI
Agui ; que le Tribunal de Gagnoa saisi les déboutaient de leur
action par jugement n° 12 du 17 janvier 2007 ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir, pour


confirmer le jugement entrepris, énoncé que KEHIAKEHI
Gbadja Florent avait agi dans les procédures précédentes en
son nom personnel et non par procuration, et que l’acte du 21
juin 2000 par lequel les ayants droit de feu KAGOUEHI Agui
Victor ont investi KEHIAKEHI Gbdja mandataire pour les
représenter aux anciennes instances, est postérieur à la
saisine du Tribunal de Gagnoa par ce dernier, alors que, dit le
pourvoi, c’est sur la base de la procuration du 21 juin 2000 et
du procès-verbal de règlement de litige foncier du 29 juin
1941 remis à KEHIAKEHI par les héritiers de KAGOUEHI Agui
Victor que ce dernier a pu avoir gain de cause dans ces
250

affaires ; qu’en se fondant sur ces décisions obtenues par


KEHIAKEHI Gbadja pour décider comme elle a fait sans
vérifier les circonstances dans lesquelles ce dernier s’est
retrouvé en possession du procès verbal de règlement définitif
du litige foncier de 1949, la Cour n’a pas, par insuffisance des
motifs, selon le moyen, donné une base légale à sa décision ;

Mais attendu qu’en l’espèce, la Cour d’Appel, après


avoir analysé le contenu des jugements n°85 du 8 juillet, de
l’arrêt du 14 février 2001 de la Cour d’Appel de Daloa rendus
après enquête en faveur de KEHIAKEHI Gbadja et de l’arrêt de
rejet du 3 avril 2003 de la Cour Suprême, a relevé qu’il
n’apparait pas que celui-ci a agi en qualité de mandataire des
ayants droit de feu KAGOUEHI Agui Victor, et que par ailleurs
l’acte de procuration du 21 juin 2000 sur lequel ces derniers
se fondent pour tenter de prouver leur qualité de mandat à
l’égard de KEHIAKEHI Gbadja, a été délivré après que ce
dernier eut saisi le 10 mars 2000 le tribunal ; qu’en statuant
comme elle a fait au vu de ces constatations de fait relevant
de son pouvoir souverain d’appréciation, la Cour d’Appel,
sans insuffisance, a justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi formé par les ayants droit de feu


KAGOUEHI Agui Victor contre l’arrêt n° 27 en date du 30
janvier 2008 de la Cour d’Appel de Daloa ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

6. Cour d’Appel de Daloa, n°138/12 du


18 avril 2012, Dame Kazono Egnamboe
contre Batou Assiehoussou

Note : En cas de vente d’un terrain coutumier sans l’accord du


véritable propriétaire, il y’a vente de la chose d’autrui de sorte
que la nullité doit être prononcée.
251

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et celle du Ministère
Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et
moyens des parties, et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

BATOU Assièhoussou a acquis courant année 1987,


une parcelle de terre de quatre (04) hectares des mains de
Tapé Henri pour un prix de cent vingt mille (120.000) francs ;
Après avoir mis en valeur ce terrain par la création d’une
plantation cacaoyère, il en a confié la gestion à NIAME
N’Goran Denis qui, à son insu, l’a vendue à BADIEL Jacques
pour un prix de un million (1.000.000) de francs ; Approché,
ce dernier a accepté de lui restituer la plantation litigieuse
contre le remboursement du prix d’achat ; Mais avant la mise
en œuvre de cet accord, BADIEL Jacques est décédé ; C’est
ainsi que KAZONGO Egnamboe, sa mère s’est installée dans
la plantation, refusant de quitter les lieux, au motif que celle-
ci est désormais sa propriété ; Devant cette situation, BATOU
Assièhoussou a par exploit en date du 08 juillet 2009, assigné
cette dernière devant La Section détachée du Tribunal de
Soubré en annulation de la vente conclue entre BADIEL
Jacques et NIAME N’Goran Denis, et en déguerpissement ;

La juridiction saisie a, au terme du jugement civil


contradictoire n°153 du 21 juillet 2010, fait droit à cette
demande au motif, d’une part, que NIAME N’Goran Denis a
vendu la chose d’autrui, ce qui est contraire aux dispositions
de l’article 1599 du code civil, et d’autre part, en ce que cette
vente n’a pas été faite par acte notarié et qu’en outre,
l’acquéreur n’a pas payé l’intégralité du prix convenu ;
Par exploit en date du 12 octobre 2011, KAZONGO
Egnamboe a relevé appel de ce jugement ;
252

Par arrêt avant-dire-droit n°220 du 26 octobre 2011, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

KAZONGO Egnamboe fait grief au premier juge d’avoir


annulé la vente en application de l’article 1599 du code civil et
sollicite par conséquent la réformation du jugement querellé ;
Elle soutient, en effet, que la vente dont s’agit a été opérée
avec le consentement de BATOU Assièhoussou qui a mandaté
NIAME N’Goran Denis à cette fin ; Mieux, selon lui, ce dernier
a fait recouvrer une partie du prix de vente par le nommé YAO
Martin pour son compte ; Elle conclut, pour finir, que si la
Cour venait à passer outre ce moyen, elle devrait tirer toutes
les conséquences de la nullité en condamnant son adversaire
à lui restituer, d’une part, la somme de 885.000 francs au
titre de l’acompte du prix de vente, et d’autre part, à lui payer
12.000.000f, toutes causes de préjudices confondus ;

En réplique, BATOU Assièhoussou conclut in limine


litis à l’irrecevabilité de l’appel de KAZONGO Egnamboe pour
défaut de qualité pour agir, cette dernière n’ayant produit au
dossier aucun acte d’hérédité encore moins un acte
d’administration légale, lui donnant le droit d’agir pour le
compte des ayants droit mineurs de feu BADIEL Jacques ; Au
fond, il soutient qu’en annulant la vente litigieuse, le premier
juge a fait une saine application de l’article 1599 du code civil
précité puisque NIAME N’Goran Denis a cédé à feu BADIEL
Jacques, un bien dont il n’avait pas la propriété ; Enfin, il
conclut au rejet de la demande en paiement de dommages-
intérêts présentée par l’appelante, au motif qu’elle n’a pas
rapporté la preuve du préjudice par elle subi ; Il sollicite donc
la confirmation du jugement querellé ;

Le Ministère Public a conclu dans le même sens ;


253

DES MOTIFS

EN LA FORME

Sur la recevabilité de l’appel

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°220 du


26 octobre 2011, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré
recevable, l’appel interjeté par KAZONGO Egnamboe ; Qu’il
échet de s’en rapporter ;

Sur la recevabilité de la demande en


réparation de l’appelante

Considérant que KAZONGO Egnamboe sollicite le


paiement à son profit de la somme de 12.000.000 de francs à
titre de dommages-intérêts ;

Considérant qu’aux termes de l’article 175 du code de


procédure civile, commerciale et administrative, " Il ne peut
être formé en cause d’appel aucune demande nouvelle… ‘’

Considérant que cette demande apparaît comme


nouvelle car présentée pour la première fois en cause d’appel ;
Qu’il convient de la rejeter en application de ce texte ;

AU FOND

Sur la nullité de la vente

Considérant que l’article 1599 du code civil dispose


que : «la vente de la chose d’autrui est nulle»

Considérant qu’il est constant ainsi que cela ressort


des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de mise
en état ordonnée par le premier juge, que la parcelle de terre
litigieuse est la propriété coutumière de BATOU Assièhoussou
et que NIAME N’Goran Denis n’en avait que la gestion ;
Qu’ainsi, en cédant ce terrain à KAZONGO Egnamboe sans le
254

consentement du véritable propriétaire, ce dernier a vendu la


chose d’autrui ; Que c’est donc à bon droit que le premier juge
a annulé cette vente en application de ce texte ; Qu’il convient
de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Sur la restitution du prix de vente

Considérant que BATOU Assièhoussou n’est pas partie


à la vente et n’en a tiré aucun profit ; Qu’il ne peut donc être
condamné à restituer à KAZONGO Egnamboe, la somme de
855.000 francs, représentant l’acompte sur le prix de vente ;
Qu’il y a lieu dès lors de rejeter cette demande ;

Sur les dépens

Considérant que KAZONGO Egnamboe succombe ;


Qu’il échet de la condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

EN LA FORME

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°220 du 26


octobre 2011 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par dame KAZONGO Egnamboe ;

Déclare irrecevable comme nouvelle, la demande de la


susnommée tendant à la condamnation de BATOU
Assièhoussou à lui payer la somme de douze millions
(12.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts ;

AU FOND

Dit KAZONGO Egnamboe mal fondée en son appel ;


L’en déboute ;
255

Confirme en toutes ses dispositions le jugement civil


contradictoire n°153 du le 21 juillet 2010, rendu par la
Section détachée du Tribunal de Soubré ;
Condamne l’appelante aux dépens. /.
23) Appréciation la notion d’ « exercice
paisible et continu des droits
coutumiers »

Cour d’Appel de Daloa, n°165/12 du 09 mai


2012, Guedé Tapé Sévérin contre Ahoko
Sahouri Kouassi

Note : Il appartient à celui qui invoque des droits coutumiers


sur un terrain occupé par une tierce personne d’en rapporter la
preuve. A défaut, sa demande doit être rejetée comme non
fondée.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties ;
Vu l es conclusions écrites du Ministère Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions,
moyens des parties et motifs ci-après ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

FAITS ET PROCEDURE

Courant année 1967, Bogoua Gaston Zézé Guédé


Lambert ont cédé à Diby Kouamé une parcelle de terre d’une
superficie de 33 hectares que ce dernier a mise en valeur en y
plantant du cacao ; Après le décès de Diby Kouamé, Bogoua
Gaston et le fils aîné de feu Zézé Guédé Lambert, le nommé
Guédé Zézé Jules ont exigé que le représentant des ayants-
droit de feu Diby, répondant au nom de AHOKO Sanhouri
Kouassi, leur verse respectivement la somme de 180.000
francs et 700.000 francs, pour continuer l’exploitation de
ladite plantation ;
256

Pour sa part, Guédé Tapé Séverin, un autre ayant-


droit de feu Zézé Guédé Lambert, qui estime que les
conditions d’acquisition de la parcelle de terre litigieuse n’ont
pas été respectées par feu Diby Kouamé et ses ayants-droit, a
saisi le Tribunal de Première Instance de Daloa, aux fins
d’ordonner l’expulsion d’Ahoko Sanhouri Kouassi de ladite
plantation ; Cette juridiction a ordonné une mise en état dont
le rapport est produit au dossier ;

Par jugement civil contradictoire n°29 du 11 Février


2011, ladite juridiction l’a débouté de sa demande ;

Par acte d’huissier, en date du 06 Octobre 2011,


Guédé Tapé Séverin a relevé appel de ce jugement ;

Par décision avant-dire-droit n°212 du 19 Octobre


2011, la Cour d’Appel de céans a déclaré recevable l’appel
interjeté par le susnommé ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant sollicite l’infirmation du jugement attaqué ;


Il estime que la convention conclue entre leurs défunts
parents n’a pas été exécutée par ce dernier ; Qu’en effet,
explique t-il, le cessionnaire s’était engagé à couvrir la toiture
des maisons de son père et lui procurer un fusil ; Que ces
obligations n’ont pas été respectées ; Il estime par ailleurs que
la régularisation de la convention de vente a été faite par
Guédé Zézé Jules en fraude des droits des autres membres de
la famille et qu’elle ne lui est donc pas opposable ; Par
ailleurs, il fait observer que la vente est nulle pour violation
des dispositions des articles 2 et 5 du décret 71-74 du 16
Février 1971 relatif aux procédures domaniales et foncières ;
De même, il relève que la convention est intervenue au mépris
des dispositions de l’article 8 de la loi 70-29 du 10 Mars 1970
portant loi de finance qui prescrit la forme notariée pour toute
transaction immobilière ; En tout état de cause, il sollicite une
expertise agricole pour la manifestation de la vérité ;
257

Pour sa part, l’intimé demande purement et


simplement la confirmation du jugement attaqué ;

Le Ministère Public conclut qu’il plaise à la Cour


d’ordonner une expertise agricole ;

DES MOTIFS

En la forme

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°212 du


19 Octobre 2011, la Cour a déclaré recevable l’appel interjeté
Par Guédé Tapé Séverin ; Qu’il convient de s’en rapporter ;

Au fond

Considérant que l’appelant sollicite l’expulsion de


l’intimé au motif que le cessionnaire n’a pas respecté tous ses
engagements ;
Mais considérant qu’il ne rapporte pas la preuve de ses
déclarations ; Que d’ailleurs, l’occupation du terrain n’a
jamais été remise en cause par le cédant puisque feu Diby
Kouamé a exploité sa plantation de manière paisible et
continue jusqu’à son décès ; Que c’est donc à tort qu’il entend
remettre en cause la convention ;

Considérant que la convention entre Zézé Guédé


Lambert et Diby Kouamé a eu pour conséquences de
transmettre à Ahoko Sanhouri Kouassi, les droits coutumiers
que le propriétaire terrien détenait sur le terrain ; Que c’est
donc vainement que ses ayants-droit, qui ne peuvent plus se
prévaloir desdits droits, ont cru devoir exiger des sommes
d’argent pour consolider ces droits ; Qu’il y a lieu de dire que
c’est à bon droit que le premier juge a rejeté l’action ;

Sur les dépens

Considérant que l’appelant succombe ; Qu’il sied de le


condamner aux dépens ;
258

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en réfère à l’arrêt avant-dire-droit n°212 du 19


Octobre 2011 de la Cour qui a reçu l’appel interjeté ;

Au fond

Déclare ledit appel mal fondé ;


Confirme le jugement n°29 du 11 Février 2011 rendu
par le Tribunal de Première Instance de Daloa ;
Condamne l’appelant aux dépens.

24) Sur la transmissibilité des droits


coutumiers à cause de mort
1. Cour Suprême, Ch. Jud. AD de Adopo Atsé
Francis contre Boni Yapo Bernabé.

LA COUR,
Vu l’exploit de pourvoi en cassation du 13/10/2008;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
Vu les pièces du dossier ;

Sur l’insuffisance de motifs

Vu l’article 206 du code de procédure civile


Attendu, selon les énonciation de l’arrêt attaqué, que
disant propriétaire d’un terrain sis à Adzopé, pour l’avoir reçu
en héritage de leur père ACHI Boni Nicolas, BONI Yapo
Bernarbé et autres assignaient en revendication de propriété
de ce terrain, devant la section de tribunal d’Adopé, ADOPO
Atsé Francis, qui se disait, lui aussi propriétaire dudit terrain;
que par jugement n° 71 du 5 juillet 2006 la section de
tribunal d’Azopé déboutait BONI Yapo Bernabé et autres de
259

leurs action ; que la Cour d’Appel infirmait le jugement et,


statuant à nouveau, disait que BONI Yapo Bernabé et autres
sont propriétaires du terrain litigieux et ordonnait donc
l’expulsion des héritiers de ADOPO Atsé Francis terrain ;

Attendu que pour infirmer le jugement la Cour d’Appel


a estimé qu’il résulte des productions qu’aucune des parties
ne peut se prévaloir d’un titre de propriété ; qu’à l’examen des
mêmes productions, il apparait que les AD de AYI Boni ont
occupé, eux et leur père, de façon continue la parcelle
litigieuse et l’ont mise en valeur ; que l’enquête ordonnée par
le tribunal a confirmé cette occupation et a précisé que selon
les témoins ladite parcelle appartient à feu ACHI Boni ;

Attendu cependant qu’en déclarant les AD feu ACHI


Boni propriétaires du terrain litigieux non immatricule alors
qu’elle a elle-même relevé qu’aucune des parties ne peut se
prévaloir d’un titre de propriété, la Cour a, par insuffisances
de motifs , manqué de donner une base légale à sa décision ;
qu’il y a leu de casser et d’annuler l’arrêt attaqué et évoquer
conformément à la loi ;

Sur l’évocation

Attendu qu’il résulte des productions, notamment du


rapport d’expertise agricole que feu ACHI Boni, père de BONI
Yapo Bernabé et autres, a de son vivant, longtemps exploité la
parcelle litigieuse ; qu’il y a lieu de dire que ses héritiers sont
devenus détenteurs des droits d’usage coutumier et
d’occupation de leur défunt père sur ladite parcelle.

PAR CES MOTIFS

Casse et annule l’arrêt n° 329 du 25 avril 2008 rendu


par la Cour d’Appel d’Abidjan ;
260

Evoquant,

Dit que les AD de feu ACHI Boni sont détenteur d’un


droit d’usage coutumier et d’occipation du terrain litigieux

Laisse les dépens à la charge du Trésor public. »

2. Cour Suprême, Ch. Judiciaire, n°226/11,


14 juillet 2011, DANHO Yandji Yapo
Athanase contre DANHO Kouao Jacob 160

LA COUR,
Vu l’arrêt de cassation n° 691/01 rendu le 13
décembre 2001 par la Chambre Judiciaire de la Cour
Suprême ordonnant une enquête agricole ;
Vu les conclusions du Ministère Public;
Vu les pièces du dossier ;

Attendu que par arrêt n° 691 rendu le 13 décembre


2001, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême cassait et
annulait l’arrêt n° 482 rendu le 14 Avril 2000 par la Cour
d’Appel d’Abidjan, ordonnait une enquête agricole à l’effet de
procéder à l’audition de tous sachants, déterminer l’origine de
la parcelle litigieuse sise dans la localité de EBIMPE et de sa
mise en valeur et commettait, pour y procéder, les Services du
Ministère de l’Agriculture de la Sous-Préfecture d’Anyama ;

Attendu qu’il résulte de l’enquête agricole qu’après la


mort de N’TABIE YAPI, ses différents neveux ont
successivement hérité de ses parcelles de terre en vertu de la
coutume ; qu’ainsi, AGBEKE Yandji Ambroise, père de
YANDJI Yapo Athanase, demandeur au pourvoi, sans être
héritier coutumier de feu N’TABIE Yapi, a reçu une partie
desdites parcelles de terre que lui a cédées son frère AGBEKE
Affa Michel, neveu de feu N’TABIE YapiI, devenu héritier
coutumier ; que YANDJI Yapo Athanase a reçu la parcelle

160
Il s’agit ici d’un extrait de la décision
261

litigieuse de son père AGBEKE Yandji Ambroise dont la


succession n’est pas ouverte ; que dès lors, YANDJI Yapo ne
peut être expulsé de ladite parcelle, puisque celle-ci ne fait
pas partie de la masse successorale de feu AGBEKE Affa
Michel, en application des dispositions de la loi n° 64-379 du
07 0ctobre 1964 relative aux successions ; qu’il y a lieu de
débouter DANHO Kouao Jacob de sa demande en expulsion
dirigée contre YANDJI Yapo Athanase ;

PAR CES MOTIFS

Déboute DANHO Kouao Jacob de sa demande en


expulsion de YANDJI Yapo Athanase du terrain litigieux ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;

3. Cour d’Appel de Daloa, 17 octobre 2012,


Fofana Kouassi Joseph et Bouazzo Gozé
Antoine contre Kouakou Kouadio.

Note : Les droits coutumiers transmis au cessionnaire échoient


à ses héritiers qui ne peuvent être déguerpis ni par le cédant ni
par les ayants-droit de celui-ci.

LA COUR,

Vu les pièces du dossier ;


Vu les conclusions des parties et celles du Ministère
Public ;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions, et
moyens des parties et motifs ci-après ;

FAITS ET PROCEDURE

Kouakou Kouadio a hérité de son défunt père, Koffi


Kouakou, d’un domaine forestier de 100 hectares sis à
Drekoua, dans la Sous-préfecture d’Issia; Ce dernier a acquis
de son vivant, cette parcelle de terre entre les mains de
Bouazo Gozé Antoine, le 03 Décembre 1976, contre paiement
de la somme de cent soixante mille (160.000) francs et l’a
262

régulièrement exploitée jusqu’à son décès le 10 Novembre


1993 ; Contre toute attente, le nommé Fofana Kouassi Joseph
a occupé une partie de ce terrain pour l’exploiter, aux motifs
que cette portion de terre lui a été également cédée par le
même vendeur ; Dans cette logique, il a détruit les pieds de
café et de cacao plantés par Kouakou Kouadio pour les
remplacer par des plants d’hévéa ; Devant cette situation qui
lui cause un énorme préjudice, Kouakou Kouadio a, par
exploit en date du 18 Juin 2009, assigné Fofana Kouassi
Joseph et Bouazo Gozé Antoine devant le Tribunal de
Première Instance de Daloa, en déguerpissement et en
paiement de la somme de 10.000.000f représentant la valeur
de la plantation détruite dix autres millions à titre de
dommages-intérêts ; Il a également sollicité l’exécution
provisoire de la décision à intervenir ;

Par jugement civil contradictoire n°94 du 28 Mai 2010,


la juridiction saisie a fait partiellement droit aux demandes
susdites en ordonnant le déguerpissement des défendeurs et
en condamnant Bouazo Gozé Antoine à payer à Kouakou
Kouadio, la somme de cinq cent mille (500.000) francs à titre
de dommages-intérêts pour la destruction de ses plants ;

Par exploit en date du 22 Février 2012, Fofana Kouassi


Joseph et Bouazo Gozé Antoine en ont relevé appel ;

Par arrêt avant-dire-droit n°84 du 07 Mars 2012, la


Cour d’Appel de ce siège a déclaré ce recours recevable ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les appelants sollicitent l’infirmation du jugement


querellé en toutes ses dispositions ; Fofana Kouassi Joseph a
réaffirmé qu’il est bien le propriétaire du terrain litigieux qui
lui a été cédé par Bouazo Gozé Antoine, propriétaire
coutumier originel du site ; Qu’ainsi, conclut-il, Kouakou
Kouadio est mal venu à en revendiquer la propriété, étant
donné que ce bien fait désormais partis de son patrimoine ;
Par ailleurs, les appelants estiment que l’acte de vente sous
263

seing privé, dont se prévaut leur adversaire pour justifier de


sa qualité de propriétaire, est nul d’une part, en ce qu’il viole
les dispositions de l’article 8 de la loi n°70-209 du 20 Mars
1970 qui interdit les actes sous seing privés en matière
immobilière et, d’autre part, eu égard au prix de vente
dérisoire (160.000) francs du terrain dont s’agit ;

Pour finir, Fofana Kouassi Joseph sollicite non


seulement la condamnation de l’intimé à lui payer la somme
de dix millions (10.000.000) de francs à titre de dommages-
intérêts, pour avoir exploité illicitement le terrain, mais aussi
l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir sous astreinte
comminatoire de cinq mille (5.000) francs par jour de retard ;
En réplique, Kouakou Kouadio qui a formé appel
incident de la décision entreprise, demande que soit revu à la
hausse, le montant des dommages-intérêts pour être porté à
dix millions (10.000.000) de francs ; En outre, il soulève
l’exception de communication des pièces et demande à la
Cour d’écarter des débats, le procès-verbal de constat de
destruction de biens d’autrui du 24 février 2012, produit au
Fofana Kouassi Joseph, faute d’avoir été mis à sa disposition ;

Le ministère public conclut, à la confirmation du


jugement ;

DES MOTIFS

En la forme

Sur la recevabilité de l’appel principal

Considérant que par arrêt avant-dire-droit n°84 du 07


Mars 2012, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré
recevable, l’appel interjeté par Fofana Kouassi Joseph et
Bouazo Gozé Antoine ; Qu’il échet de s’en rapporter
264

Sur la recevabilité de l’appel incident

Considérant qu’aux termes de l’article 170 du code de


procédure civile, commerciale et administrative, « jusqu’à la
clôture des débats, l’intimé qui a laissé expirer le délai d’appel
ou qui a acquiescé à la décision antérieurement à l’appel
principal, peut former appel incident par conclusions
appuyées des moyens d’appel ;

Considérant, en l’espèce, que l’appel incident de


Kouakou Kouadio, par conclusions appuyées des moyens
d’appel avant la clôture des débats, est conforme aux
dispositions de l’article 170 ; Qu’il échet de le recevoir ;

Sur la recevabilité de la demande de dommages-des


appelants
Considérant qu’aux termes de l’article 175 du code
précité, « Il ne peut être formé en cause d’appel aucune
demande nouvelle… » ;

Considérant que la demande apparaît comme nouvelle


car présentée pour la première fois en cause d’appel ; Qu’il
convient de la déclarer irrecevable;

Sur le moyen tiré de l’insuffisance des motifs ;

Attendu qu’il est enfin reproché à la Cour d’Appel


d’avoir considéré la demande relative à l’application de l’article
555 alinéa 4 du Code Civil comme une demande nouvelle
n’ayant pas été présentée devant le Tribunal et d’avoir ainsi
par insuffisance de motifs manqué de donner une base légale
à sa décision ;

Mais attendu qu’en relevant, contrairement à cette


branche du pourvoi, pour rejeter cette demande, que celle-ci
n’avait pas été soulevée devant le premier juge et constituait
donc une demande nouvelle, ladite Cour a suffisamment
motivé son rejet ; d’où il suit que cette seconde branche du
moyen de cassation n’est pas fondée ;
265

Au fond

Sur l’exception de communication de pièces

Considérant que Kouakou Kouadio prétend n’avoir pas


eu connaissance du procès-verbal d’huissier en date du 24
Février 2012, produit au dossier par son adversaire ;

Mais considérant que l’obligation de communication


de pièces n’emporte pas remise en mains propres du
document litigieux à la partie adverse ; Qu’il appartient à ce
dernier de prendre toutes les dispositions utiles pour prendre
connaissance dudit document dès lors que celui-ci est
disponible parce que produit au dossier, sauf à r apporter la
preuve que la pièce dont s’agit n’y figurait pas, ce qui n’est
pas le cas en l’espèce ; Qu’il y a lieu, par conséquent, de
rejeter ce moyen comme mal fondé ;

Sur le déguerpissement

Considérant qu’il est constant comme cela ressort des


pièces du dossier et notamment de la mise en état ordonnée
par le premier juge, que le terrain litigieux a été cédé, en
1976, à feu Koffi Kouakou par Bouazo Gozé Antoine,
propriétaire coutumier dudit terrain ;

Considérant que cette cession opère transfert des


droits coutumiers initialement détenus par le cédant au profit
du cessionnaire et par la suite à ses ayants-droit ; Que dès
lors, Bouazo Gozé Antoine est mal venu à revendiquer lesdits
droits dont il n’est plus le titulaire du fait justement de la
cession effectuée et a fortiori à les céder à des tiers ; Que c’est
donc à bon droit que le premier juge a ordonné son
déguerpissement et celui de Fofana Kouassi Joseph, installé
de son fait ; Qu’il convient de confirmer sa décision ;
266

Sur le montant des dommages-intérêts

Considérant que Kouakou Kouadio sollicite une


réévaluation du montant des dommages-intérêts et lui allouer
10.000.000 de francs ;

Mais considérant qu’il ne justifie pas cette demande,


notamment en démontrant en quoi la décision du premier
juge a sous évalué son préjudice et ne procède pas d’une
bonne appréciation alors surtout que celui-ci a expressément
relevé que sur les sept (07) hectares de café que contenait la
parcelle de terre litigieuse, un (01) seul était entretenu tandis
que la plantation de cacao ne rapportait que cent soixante
(160) kilogrammes de fèves annuellement ; Qu’il convient dès
lors de confirmer le jugement querellé en ce qu’il lui a alloué
la somme de 500.000f en réparation de son préjudice ;

Sur les dépens

Considérant que toutes les parties succombent ; Qu’il


échet de les condamner aux dépens, chacune pour moitié ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en


matière civile et en dernier ressort ;

En la forme

S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit n°84 du 07


Mars 2012 de la Cour d’Appel de ce siège qui a déclaré
recevable, l’appel interjeté par Fofana Kouassi Joseph et
Bouazo Gozé Antoine ;

Déclare recevable l’appel incident de Kouakou K. ;

Déclare en revanche irrecevable, la demande en


paiement de la somme de dix millions (10.000.000) de francs
à titre de dommages-intérêts présentée par les appelants ;
267

Au fond

Déclare l’appel principal et l’appel incident mal


fondés ;
Confirme en toutes ses dispositions, le jugement civil
contradictoire n°94 rendu le 28 Mai 2010 par le Tribunal de
Première Instance de Daloa ;
Condamne les appelants aux dépens, chacun pour
moitié.

25) De l’application d’autres dispositions


au contentieux de droit foncier rural

Cour Suprême Ch. Jud., n° 266/11 du 14


juillet 2011, Yandji Yapo Athanase c/Danho
Kouao Jacob.
Note : Dans cette espèce, le juge suprême fait appel à la loi de
1964 sur les successions pour apprécier le litige portant sur le
droit foncier rural qui lui a été soumis. C’est la preuve que le
juge peut et doit à l’occasion de tels différends rechercher le
texte applicable, notamment lorsque les règles contenues dans
la loi de 1998 ne peuvent permettre de solutionneur ledit litige.

LA COUR,

Vu l’arrêt n° 691/01 rendu le 13 décembre 2001 par la


Chambre Judiciaire de la Cour Suprême ordonnant une
enquête agricole ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public ;
Vu les pièces du dossier ;

Attendu que par arrêt n° 691 rendu le 13 décembre


2001, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême cassait et
annulait l’arrêt n° 482 rendu le 14 Avril 2000 par la Cour
d’Appel d’Abidjan, ordonnait une enquête agricole à l’effet de
procéder à l’audition de tous sachants, déterminer l’origine de
la parcelle litigieuse sise dans la localité de EBIMPE et de sa
mise en valeur et commettait, pour y procéder, les Services du
Ministère de l’Agriculture de la Sous-Préfecture d’Anyama ;
268

Attendu qu’il résulte de l’enquête agricole qu’après la


mort de N’TABIE YAPI, ses différents neveux ont
successivement hérité de ses parcelles de terre en vertu de la
coutume ; qu’ainsi, AGBEKE Yandji Ambroise, père de
YANDJI Yapo Athanase, demandeur au pourvoi, sans être
héritier coutumier de feu N’TABIE Yapi, a reçu une partie
desdites parcelles de terre que lui a cédées son frère AGBEKE
AFFA Michel, neveu de feu N’TABIE YAPI, devenu héritier
coutumier ; que YANDJI Yapo Athanase a reçu la parcelle
litigieuse de son père AGBEKE Yandji Ambroise dont la
succession n’est pas ouverte ; que dès lors, YANDJI Yapo ne
peut être expulsé de ladite parcelle, puisque celle-ci ne fait
pas partie de la masse successorale de feu AGBEKE AFFA
Michel, en application des dispositions de la loi n° 64-379 du
07 0ctobre 1964 relative aux successions ; qu’il y a lieu de
débouter DANHO Koua Jacob de sa demande en expulsion
dirigée contre YANDJI Yapo Athanase ;

PAR CES MOTIFS

Déboute DANHO Kouao Jacob de sa demande en


expulsion de YANDJI Yapo Athanase de la parcelle de terre
litigieuse ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public
269

Section IV :
-------
Quelques textes utiles en matière de foncier
rural
-----
A. La loi foncière de 1998 et quelques décrets
d’application

1. Loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative


au Domaine foncier rural

Section première : Définition

Article premier : Le Domaine foncier rural est constitué par


l’ensemble des terres mises en valeur ou non et quelle que soit
la nature de la mise en valeur.

Il constitue un patrimoine national auquel toute


personne physique ou morale peut accéder. Toutefois, seuls
l’Etat, les collectivités publiques et les personnes physiques
ivoiriennes sont admis à en être propriétaires.

Section 2 : Composition

Article 2 : Le Domaine foncier rural est à la fois :

 Hors du Domaine public,


 Hors des périmètres urbains,
 Hors des zones d’aménagement différé officiellement
constituées
 Hors du Domaine forestier classé.

Le Domaine foncier rural est composé :

A titre permanent :

- des terres propriété de l’Etat


270

- des terres propriété des collectivités publiques et


des particuliers
- des terres sans maître.

A titre transitoire :

- des terres du Domaine coutumier


- des terres du Domaine concédé par l’Etat à des
collectivités publiques et à des particuliers.

Article 3 : Le Domaine foncier rural coutumier est constitué


par l’ensemble des terres sur lesquels s’exercent :

- des droits coutumiers conformes aux traditions


- des droits coutumiers cédés à des tiers

CHAPITRE 2 :

PROPRIETE, CONCESSION ET TRANSMISSION DU


DOMAINE FONCIER RURAL

Section première : La propriété du Domaine foncier


rural

Article 4 : La propriété d’une terre du Domaine foncier rural


est établie à partir de l’immatriculation de cette terre au
registre foncier ouvert à cet effet par l’Administration et en ce
qui concerne les terres du Domaine coutumier par le certificat
foncier.

Le détenteur du certificat foncier doit requérir


l’immatriculation de la terre correspondante dans un délai de
trois ans à compter de la date d’acquisition du certificat
foncier.
Article 5 : La propriété d’une terre du Domaine Foncier Rural
se transmet par achat, succession, donation entre vifs ou
testamentaire ou par l’effet d’une obligation.
271

Article 6 : Les terres qui n’ont pas de maître appartiennent à


l’Etat et sont gérées suivant les dispositions de l’article 21 ci-
après. Ces terres sont immatriculées, aux frais du locataire.

Outre les terres objets d’une succession ouverte depuis


plus de trois ans non réclamées, sont considérés comme sans
maître :
 Les terres du domaine coutumier sur lesquelles des
droits coutumiers exercés de façon paisible et
constitue n’ont pas été constaté dix ans après la
publication de la présente loi,
 Les terres concédées sur lesquelles les droits du
concessionnaire n’ont pu être consolidés trois ans
après le délai imparti pour réaliser la mise en valeur
imposée par l’acte de concession.

Le défaut de maître est constaté par l’acte


administratif.

Article 7 : Les droits coutumiers sont constatés au terme


d’une enquête officielle réalisée par les Autorités
administratives ou leurs délégués et les conseils des villages
concernés soit en exécution d’un programme d’intervention,
soit à la demande des personnes intéressées.

Un décret pris en Conseil des Ministres détermine les


modalités de l’enquête.

Article 8 : Le constat d’existence continue et paisible de


droits coutumiers donne lieu à délivrance par l’Autorité
administrative d’un certificat foncier collectif ou individuel
permettant d’ouvrir la procédure d’immatriculation aux
clauses et conditions fixées par décret.

Article 9 : Les certificats fonciers collectifs sont établis au


nom d’entités publiques ou privées dotées de la personnalité
morale ou de groupements informels d’ayants droit dûment
identifiés.
272

Article 10 : Les groupements prévus ci-dessus sont


représentés par un gestionnaire désigné par les membres
mentionnés par le certificat foncier.
Ils constituent des entités exerçant des droits collectifs
sur des terres communautaires.

L’obtention d’un certificat foncier confère au


groupement la capacité juridique d’ester en justice et
d’entreprendre tous les actes de gestion foncière dès lors que
le certificat est publié au Journal Officiel de la République.

Section 2- La Concession du Domaine foncier rural

Article 11 :
Le Domaine foncier rural concédé est constitué des terres
concédées par l’Etat à titre provisoire antérieurement à la date
de publication de la présente loi.

Article 12 : Tout concessionnaire d’une terre non


immatriculée doit en requérir l’immatriculation à ses frais.

La requête d’immatriculation est publiée au Journal


Officiel de la République. Elle est affichée à la Préfecture, à la
Sous-préfecture, au village, à la communauté rurale, à la
Région, à la Commune et la chambre d’Agriculture, concerné
où les constatations sont reçues pendant un délai de trois
mois.

A défaut de contestations et après finalisation des


opérations cadastrales, il est procédé à l’immatriculation de la
terre qui se trouve ainsi purgée de tout droit d’usage.
En cas de contestations, celles-ci sont instruites par
l’Autorité compétente suivant les procédures définies par
décret en Conseil des Ministres.

Article 13 : Sauf à l’autorité administrative en charge de la


gestion du Domaine foncier rural d’en décider autrement,
l’immatriculation prévue à l’article 12 ci-dessus est faite au
nom de l’Etat.
273

Les terres ainsi nouvellement immatriculées au nom


de l’Etat sont louées ou vendues à l’ancien concessionnaire
ainsi qu’il est dit à l’article 21 ci-après.

Article 14 : Tout concessionnaire d’une terre immatriculée


doit solliciter, de l’Administration, l’application à son profit de
l’article 21 ci-après.

Section 3 : La cession et la transmission du Domaine


foncier rural

Article 15 : Tout contrat de location d’une terre immatriculée


au nom de l’Etat se transfère par l’Administration sur
demande expresse du cédant et sans que ce transfert puisse
constituer une violation des droits des tiers.

Les concessions provisoires ne peuvent être


transférées. La cession directe du contrat, par le locataire, et
la sous-location sont interdites.

Article 16 : Les propriétaires de terrains ruraux en disposent


librement dans les limites de l’article 1 ci-dessus.

Article 17 : Le certificat foncier peut être cédé, en tout ou en


partie, par acte authentique par l’Autorité administrative, à
un tiers ou, lorsqu’il est collectif, à un membre de la
collectivité ou du groupement dans les limites de l’article 1 ci-
dessus.

CHAPITRE 3 :

MISE EN VALEUR ET GESTION DU DOMAINE FONCIER


RURAL

Section première : Mise en valeur du Domaine foncier


rural

Article 18 : La mise en valeur d’une terre du Domaine


Foncier Rural résulte de la réalisation soit d’une opération de
274

développement agricole soit de toute autre opération réalisée


en préservant l’environnement et conformément à la
législation et à la réglementation en vigueur.

Les opérations de développement agricole concernent


notamment et sans que cette liste soit limitative :

 les cultures,
 l’élevage des animaux domestiques ou sauvages
 le maintien, l’enrichissement ou la constitution de
forêts
 l’aquaculture,
 les infrastructures et aménagements à vocation
agricole,
 les jardins botaniques zoologiques
 les établissements de stockage, de transformation et
de commercialisation des produits agricoles.

Article : 19 : L’autorité administrative, pour faciliter la


réalisation des programmes de développement ou d’intérêt
général peut, nonobstant le droit de propriété des collectivités
et des personnes physiques, interdire certaines activités
constituant des nuisances audits programmes ou à
l’environnement.

Article 20 : Les propriétaires de terres du Domaine foncier


rural autres que l’Etat ont obligation de les mettre en valeur
conformément à l’article 18 ci-dessus. Ils peuvent y être
contraints par l’Autorité dans les conditions déterminées par
décret pris en Conseil des Ministres.

Section 2 : Gestion du Domaine foncier rural de l’Etat

Article 21 : Aux conditions de la présente loi et des autres


textes en vigueur et à celles qui seront fixées par décret,
l’Administration gère librement les terres du Domaine foncier
rural immatriculée au nom de l’Etat.
275

Article 22 : Les actes de gestion prévus à l’article 21 ci-


dessus sont des contrats conclus directement entre
l’Administration et les personnes concernées.

Les contrats de location sont à durée déterminée et


comportent obligatoirement des clauses de mise en valeur. En
cas de non respect de ces dernières, le contrat est purement
et simplement résilié ou ramené à la superficie effectivement
mise en valeur.

Le non respect de toute autre clause du contrat peut


également être sanctionné par la résiliation.

Dans ce cas, les impenses faites par le locataire sont


cédées par l’Etat à un nouveau locataire sélectionné par vente
des impenses aux enchères. Le produit de la vente est remis
au locataire défaillant après déduction des frais éventuels et
apurement de son compte vis-à-vis de l’Etat.

CHAPITRE 4

DISPOSITIONS FINANCIERES ET FISCALES

Article 23 : La location des terres du Domaine foncier rural


de l’Etat est consentie moyennant paiement d’un loyer dont
les bases d’estimation sont fixées par la loi de Finances.

Article 24 : Les collectivités et les particuliers propriétaires de


terres rurales sont passibles de l’impôt foncier rural tel que
fixé par la loi.

Article 25 : En cas de non paiement du loyer ou de l’impôt


prévus aux articles 23 et 24 ci-dessus et outre les poursuites
judiciaires prévues par les textes en vigueur, les impenses
réalisées par le locataire constituent le gage de l’Etat dont les
créances sont privilégiées même en cas d’hypothèque prise
par des tiers.
276

CHAPITRE 5

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 26 : Les droits de propriété de terres du Domaine


foncier rural acquis antérieurement à la présente loi, par des
personnes physiques ou morales ne remplissant pas les
conditions d’accès à la propriété fixées par l’article 1 ci-
dessus, sont maintenues. Les propriétaires concernés par la
présente dérogation figurent sur une liste établie par décret
pris en Conseil des Ministres.

Les droits de propriété acquis par des personnes


physiques antérieurement à la présente loi, sont
transmissibles à leurs héritiers.

Les personnes morales peuvent céder librement les


droits de propriété acquis antérieurement à la présente loi.
Toutefois, si le cessionnaire ne remplit pas les conditions
d’accès à la propriété fixées par l’article 1 ci-dessus, elles
déclarent à l’autorité administrative, le retour de ces terres au
domaine de l’Etat, sous réserve de promesse de bail
emphytéotique au cessionnaire.

Les détenteurs de certificats fonciers ruraux sur les


périmètres mitoyens, individuellement e/ou collectivement,
doivent être requis d’exercer avant toute transaction sur les
terres appartenant aux personnes désignées par la présente
loi, un droit de préemption sur les parcelles dont la cession
est projetée.

Ce droit de préemption s’exerce dans un délai de six


mois à compter de l’avis de vente ou de la manifestation de la
décision de vendre.
277

CHAPITRE 6 :

DISPOSITIONS FINALES

Article 27 : La loi n° 71-338 du 12 juillet 1971 relative à


l’exploitation rationnelle des terrains ruraux détenus en pleine
propriété et toutes dispositions contraires à la présente loi
sont abrogées.

Article 28 : Des décrets fixent les modalités d’application de


la présente loi.

Article 29 : La présente loi sera publiée au Journal officiel de


la République de Côte d’Ivoire et exécutée comme loi de l’Etat.

2. Quelques décrets d’application

a) Le décret n° 99-594 du 13 octobre 1999


fixant les modalités d’application au
Domaine foncier rural coutumier de la
loi n° 98-750 du 23 décembre 1998.

TITRE 1 : DEFINITION DES PROCEDURES DE


RÉALISATION DES ENQUÊTES OFFICIELLES DE CONSTAT
DE DROITS SUR LE DOMAINE FONCIER RURAL
COUTUMIER

Article 1 : Toute personne, tout groupement informel


d'ayants droit, se disant détenteur de droits sur le Domaine
Foncier Rural coutumier, doit faire constater ces droits dans
les délais prescrits par la loi N° 98-750 susvisée. Le constat
est effectué au terme d'une enquête officielle réalisée aux frais
du demandeur selon les modalités déterminées par les articles
ci-après.

SECTION I : LA DEMANDE D'ENQUETE

Article 2 : La demande d'enquête en vue de l'établissement


d'un Certificat Foncier est adressée au Sous-préfet compétent
278

en sa qualité de Président du Comité de Gestion Foncière


Rurale .

Elle est rédigée selon le formulaire défini par arrêté du


Ministre d'État Ministre de l'Agriculture et des Ressources
Animales.

Elle comporte:

- des informations sur l'identité du demandeur,


- la désignation sommaire du bien foncier coutumier,
- le choix par le demandeur d'un opérateur technique
sur une liste d'agrément arrêtée par le Ministre d'État,
Ministre de l'Agriculture et des Ressources Animales et le
Ministre de l'Économie et des Finances.

Les modalités d'inscription et de radiation sur la liste


d'agrément, sont fixées par arrêté conjoint du Ministre d'État,
Ministre de l'Agriculture et des Ressources Animales et du
Ministre de l'Économie et des Finances.

SECTION II : LE DEROULEMENT DE L'ENQUETE

Article 3 : Dès réception de la demande, le Sous-préfet


désigne un commissaire-enquêteur sur proposition du
Directeur Départemental de l'Agriculture et des Ressources
Animales.

Si l'enquête est diligentée dans le cadre d'un


programme public d'intervention, la désignation du
commissaire-enquêteur est effectuée par le Ministre d'État,
Ministre de l'Agriculture et des Ressources Animales.

Le Sous-préfet déclare l'ouverture de l'enquête par


affichage à la Sous-préfecture, dans les services extérieurs du
Ministère d'État, Ministère de l'Agriculture et des Ressources
Animales, au village concerné, en tout lieu utile aux besoins
de l'enquête, et par communiqué radiodiffusé.
279

Article 4 : Le Commissaire-enquêteur constitue une équipe


d'enquête qui comprend un représentant du Conseil de
village, un représentant du Comité Villageois de Gestion
Foncière Rurale, le gestionnaire du bien foncier concerné. Aux
personnes précitées se joignent les voisins limitrophes, le
demandeur et toute autre personne requise pour les
nécessités de l'enquête.

Article 5 : L'enquête aboutit à :

- la constitution d'un dossier de délimitation,


- l'établissement d'un procès-verbal de recensement des droits
coutumiers.

Article 6 : Le dossier de délimitation comprend les documents


énoncés ci- dessous.

6.1.) Un plan du bien foncier faisant apparaître les parcelles


limitrophes. Ce plan est établi par l'opérateur technique agréé
conformément aux normes topo-cartographiques suivantes :

- échelle au 1/10.000ème ou échelle plus grande si


nécessaire,
- rattachement au Réseau Géodésique Ivoirien,

- indication du nord vrai,

- précision de l'ordre du mètre,

- indication d'au moins deux points d'appui géoréférencés.

Le plan ainsi établi est signé par l'Opérateur Technique


Agréé.

Il peut être réalisé par la méthode topographique


classique dite goniométrique, ou par l'utilisation de supports
280

photocartographiques géoréférencés, ou par toute autre


méthode à la condition de respecter les normes ci-dessus.

En cas de levé non conforme, la reprise du plan est


effectuée aux frais de l'opérateur technique agréé.

Un arrêté conjoint du Ministre d'État, Ministre de


l'Agriculture et des Ressources Animales et du Ministre de
l'Économie et des Finances fixe les modalités de réalisation et
de présentation de ce plan.

6.2.) Un constat des limites est établi par l'opérateur


technique agréé suivant un formulaire défini par arrêté du
Ministre d'État, Ministre de l'Agriculture et des Ressources
Animales. Ce constat est signé par les parties présentes et par
l'opérateur technique agréé. L'établissement de ce constat
nécessite une matérialisation suffisante, éventuellement
provisoire, notamment par layonnage ou piquetage, des
limites sur le terrain, aux fins de reconnaissance visuelle par
les parties présentes.

Article 7 : Au procès-verbal de recensement des droits


coutumiers sont annexés les documents suivants :

7.1.) une fiche démographique, visant à recenser les


personnes concernées par l'enquête,

7.2.) un dossier foncier comprenant un questionnaire et la


déclaration du demandeur signée par celui-ci et approuvée
par les parties concernées,

7.3.) en cas de droits coutumiers collectifs, la liste exhaustive


des détenteurs de ces droits,

7.4.) Éventuellement, un dossier des litiges fonciers identifiés


comprenant les déclarations des parties en conflit signées par
celles-ci.
281

7.5.) le cas échéant, un état des droits de propriété ou des


droits de concession ou d'occupation accordés par
l'Administration. Les documents ci-dessus, sont définis par
arrêté du Ministre d'État, Ministre de l'Agriculture et des
Ressources Animales.

SECTION III : LA VALIDATION DE L'ENQUETE

Article 8 : La validation de l'enquête est préparée par la


publicité de celle-ci dans les villages concernés. Cette
publicité est effectuée par le Commissaire enquêteur sous
l'autorité du Comité Villageois de Gestion Foncière Rurale et
comprend les étapes suivantes:

8.1.) l'annonce par affichage au village concerné, à la Sous-


préfecture et dans les services extérieurs du Ministère d'Etat,
Ministère de l'Agriculture et des Ressources Animales, du lieu
et de la date de la séance publique de présentation des
résultats de l'enquête,

8.2.) la séance publique de présentation des résultats de


l'enquête et l'ouverture d'un registre des accords et
oppositions, tenu par le Comité Villageois de Gestion Foncière
Rurale,

8.3.) la clôture de la publicité après une période de trois mois


à compter de la séance publique prévu en 8.2.) ci-dessus, par
la tenue d'une séance publique au cours de laquelle sont lues,
discutées et consignées dans un procès-verbal signé par les
parties présentes, les remarques formulées sur le registre des
accords et oppositions.

Article 9 : Après clôture de la publicité, le procès-verbal de


publicité est remis au Comité Villageois de Gestion Foncière
Rurale pour approbation et signature éventuelle d'un constat
d'existence continue et paisible de droits coutumiers.
282

Le dossier complet est adressé au Comité de Gestion


Foncière Rurale de la Sous-Préfecture pour validation,
notification au demandeur et transmission à la Direction
Départementale de l'Agriculture et des Ressources Animales
pour exploitation.

Le demandeur insatisfait peut introduire une ultime


demande d'enquête dans un délai maximal de 6 mois à
compter de la validation de l'enquête. Passé ce délai les
résultats de l'enquête peuvent être utilisés par tout ayant
droit déterminé par l'enquête, auquel cas cet ayant droit
remboursera au demandeur les frais de l'enquête au prorata
des superficies concernées.

Article 10 : Le Ministre d'Etat, Ministre de l'Agriculture et des


Ressources Animales prend toutes dispositions pour assurer
la supervision et le contrôle de la régularité des enquêtes
officielles effectuées.

TITRE II : ETABLISSEMENT, PUBLICATION ET GESTION


DU CERTIFICAT FONCIER

SECTION I : ETABLISSEMENT DU CERTIFICAT FONCIER

Article 11 : Dès réception du dossier de l'enquête officielle, le


Directeur Départemental de l'Agriculture et des Ressources
Animales contrôle ce dossier et prépare le Certificat Foncier
qu'il soumet à la signature du Préfet de Département.

Article 12 : Le Certificat est enregistré par le Directeur de


l'Agriculture et des Ressources Animales et timbré aux frais
du titulaire selon un barème établi par arrêté conjoint du
Ministre de l'Economie et des Finances et du Ministre d'Etat,
Ministre de l'Agriculture et des Ressources Animales.

Une copie conforme est remise:


283

- soit au titulaire lui-même ou à son représentant porteur


d'un mandat spécial légalisé par le Sous-préfet, dans le cas
d'un certificat individuel,
- soit au représentant légal de la personne morale titulaire,
- soit au gestionnaire du groupement informel désigné par les
membres dudit groupement dont la liste est jointe au
Certificat.

Article 13 : Le plan du bien foncier est joint au Certificat.

Article 14 : Au Certificat est annexé un cahier des charges


signé par le Préfet de Département et le titulaire, précisant :

- dans tous les cas, l'obligation de mise en valeur des terres,


celle-ci étant appréciée en tenant compte des pratiques
suivies dans la région en matière de jachère

- le cas échéant, la liste des occupants de bonne foi, mais


non admis au bénéfice du certificat foncier, dont les droits
seront confirmés par le titulaire du certificat de façon juste et
équitable pour les deux parties, aux clauses et conditions du
bail emphytéotique et conformément aux loyers en vigueur
fixés par textes réglementaires

- le cas échéant, l'existence de servitudes particulières ou


d'infrastructures réalisées par l'Etat ou par des tiers et dont
l'usage est réglementé

- les conditions d'immatriculation au Livre Foncier telles que


précisées par le Titre III ci-après.

SECTION II : PUBLICATION DU CERTIFICAT

Article 15 : Le Certificat est publié au Journal Officiel par le


Préfet de Département.
284

SECTION III : GESTION DU CERTIFICAT

Article 16 : Dès sa parution au Journal Officiel, le Certificat


Foncier confère au groupement informel qui en est titulaire la
capacité d'ester en Justice et d'entreprendre tous les actes de
gestion relatifs au bien foncier concerné.

Article 17 : cas de décès ou d'empêchement du gestionnaire


d'un groupement informel, les membres de celui-ci désignent
un nouveau gestionnaire et en informent le Comité villageois
de Gestion Foncière Rurale qui notifie la désignation au
Comité sous-préfectoral dont il dépend.

Le Comité sous-préfectoral informe le Directeur


Départemental de l'Agriculture et des Ressources Animales.
Celui-ci prend acte de la modification ainsi survenue et
l'enregistre.

Article 18 : En cas de décès de son titulaire, le Certificat


individuel tombe dans la succession du de cujus et est traité
comme tel.

Un nouveau Certificat est établi en faveur des héritiers


reconnus et publié comme il est dit à l'article 15 ci-dessus.

Article 19 : En cas de liquidation de la personne morale


titulaire du Certificat ce dernier fait partie dès actifs.

Article 20 : Les Certificats sont cessibles.

La cession est déclarée par les deux parties concernées


au Directeur Départemental de l'Agriculture et des Ressources
Animales. Celui-ci prépare un nouveau Certificat qu'il soumet
à la signature du Préfet de Département.

Le nouveau Certificat est soumis aux formalités


prévues à l'article 12 ci-dessus.
285

Il n'est remis au nouveau titulaire qu'après annulation


du premier Certificat.

Article 21 : Le bien foncier objet du Certificat peut être


morcelé.

Le bien foncier objet d'un Certificat collectif peut être


morcelé au profit des membres du groupement ou de tiers.

Dans tous les cas de morcellement, déclaration en est


faite au Directeur Départemental de l'Agriculture et des
Ressources Animales qui prépare de nouveaux Certificats.

Ceux-ci sont soumis aux formalités prévues à l'article


12 ci-dessus.

Ils ne sont remis à leurs titulaires qu'après annulation


du premier Certificat.

Article 22 : Dans les cas prévus par les articles 20 et 21 ci-


dessus l'intervention de l'Administration porte exclusivement
sur l'aspect foncier de la cession.

Article 23 : Le bien foncier objet d'un Certificat peut être


loué.

TITRE III : IMMATRICULATION D'UN BIEN DU DOMAINE


FONCIER RURAL COUTUMIER

Article 24 : Le détenteur légal d'un Certificat Foncier dispose


d'un délai de trois ans pour requérir l'immatriculation du bien
foncier concerné.

Le délai de trois ans court à compter de la signature


du Certificat par le Préfet
286

En cas de cession ou de morcellement, le délai court à


compter de la signature du Certificat initial

Article 25 : La requête d’immatriculation formulée par le


requérant est remise au Directeur Départemental de
l'Agriculture et des Ressources Animales. Elle est ensuite
adressée au Préfet de Département qui la transmet au
Ministère d'État, Ministre de l'Agriculture et des Ressources
Animales pour Contrôle et transmission au Conservateur de
la propriété foncière.

Article 26 : L'immatriculation est effectuée par le


Conservateur dans un délai maximal de trois mois à compter
de la réception de la requête.

Le barème des frais d'immatriculation à la charge du


requérant est établi par arrêté conjoint du Ministre de
l'Economie et des Finances et du Ministre d'Etat, Ministre de
l'Agriculture et des Ressources Animales.

Article 27 : Aucune cession de tout ou partie du bien foncier


n'est autorisée au cours de la procédure prévue aux articles
25 et 26 ci-dessus.

Article 28 : L'immatriculation est faite au nom du titulaire du


Certificat s'il est admis par la loi n° 98-750 susvisée à être
propriétaire du Domaine Foncier rural.

En cas de Certificat collectif ou d'indivision entre des


héritiers, l'immatriculation est faite, après morcellement, au
nom des divers membres du Groupement ou de l'indivision ou
au nom de l'Etat en cas de conflits.

Article 29 : Lorsque le titulaire du Certificat n'est pas admis


à être propriétaire du Domaine Foncier Rural,
l'immatriculation est faite au nom de l'Etat avec promesse de
contrat de location.
287

Article 30: Passé le délai de trois ans imparti par l'article 24


ci-dessus, l'immatriculation est faite au nom de l'État sur
requête du Ministre d'État, Ministre de l'Agriculture et des
Ressources Animales.

Le titulaire du Certificat Foncier est informé de cette


procédure. Il dispose alors d'un délai de trois mois non
renouvelable pour requérir le transfert de l'immatriculation à
son nom ou, s'il ne peut être admis à être propriétaire, pour
requérir un contrat de location. Dans les deux cas, il est
redevable envers l'Administration du remboursement des frais
d'immatriculation.

TITRE IV : SANCTIONS

Article 31 : Tout Certificat Foncier établi en infraction aux


dispositions du présent décret est nul de plein droit.

Ses auteurs sont passibles des sanctions


administratives et judiciaires prévues par les textes en
vigueur.

TITRE V : DISPOSITIONS FINALES

Article 32 : Des arrêtés fixent autant que de besoin, les


modalités d'application du présent décret.

Article 33 : Le présent décret abroge toutes dispositions


antérieures contraires.

Article 34 : Le Ministre d'Etat, Ministre de l'Agriculture et des


Ressources Animales, le Ministre d'Etat, Ministre de
l'Intérieur et de la Décentralisation et le Ministre de
l'Economie et des Finances sont chargés, chacun en ce qui le
concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au
Journal Officiel de la République de Côte d'Ivoire
288

b) Le décret n° 99-595 du 13 octobre 1999,


fixant la procédure de consolidation des
droits des concessionnaires provisoires
de terres du Domaine foncier rural.

Article 1 : Les concessionnaires à titre provisoire de terres du


Domaine Foncier Rural sont tenus, sauf à y renoncer, de
consolider leurs droits ainsi qu'il est précisé aux articles ci-
après.

SECTION l : CAS DES CONCESSIONS PROVISOIRES SOUS


RESERVE DES DROITS DES TIERS

Article 2 : Le concessionnaire remet au Ministère d'Etat,


Ministère de l'Agriculture et des Ressources Animales une
requête d'immatriculation au Livre Foncier, des terres dont il
est concessionnaire.

Article 3 : A la requête rédigée sur papier libre est joint un


dossier d'immatriculation comportant:

- une fiche de renseignement sur l'identité du demandeur


- un exemplaire enregistré de l'arrêté de concession provisoire
- le procès-verbal de constat de mise en valeur établi par le
Directeur Départemental de l'Agriculture et des Ressources
Animales
- le calque d'un plan du bien foncier établi à l'échelle de
1/10000ème ou à une plus grande échelle si nécessaire et
rattaché au Réseau Géodésique Ivoirien, daté et signé par un
géomètre agréé et douze tirages de ce plan.

Article 4 : Le Ministère d'Etat, Ministère de l'Agriculture et


des Ressources Animales délivre un récépissé de la requête et
du dossier après vérification.

Aucune requête n'est recevable passé le délai de mise en


valeur imparti par l'acte de concession, ce délai étant majoré
d'une durée de trois ans comme il est dit à l'article 6 de la loi
n° 98-750 du 23 décembre 1998 susvisée.
289

Si le délai fixé par l'acte de concession est atteint à la


date de publication de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998
au Journal Officiel, un délai de trois ans à compter de cette
même date est accordé au concessionnaire pour introduire
son dossier d'immatriculation.

Article 5 : La requête et le dossier d'immatriculation sont


transmis par le Directeur de la Réglementation et des Affaires
Domaniales Rurales au Conservateur de la propriété foncière
qui, après acceptation, en publie l'avis au Journal officiel.

Article 6 : L'avis prévu à l'article 5 ci-dessus est affiché à la


préfecture, à la sous-préfecture, au village, à la communauté
rurale, à la région, à la commune, à la Chambre d'Agriculture,
à la Direction Départementale de l'Agriculture et des
Ressources Animales localement concernés et au Tribunal
compétent.

Article 7 : L'affichage est maintenu pendant une période de


trois mois au cours de laquelle les contestations et
réclamations sont reçues, sous forme d'opposition, par les
autorités administratives et communales des lieux d'affichage.

Article 8 : En cas de contestation ou de réclamation, le Sous-


préfet, en sa qualité de Président du Comité de Gestion
Foncière Rurale de la Sous-préfecture, en saisit le Comité
villageois de Gestion Foncière Rurale compétent qui dispose
d'un délai d'un mois pour régler le litige à l'amiable. Il en
notifie les termes au Préfet de Département.

Article 9 : A défaut d'accord amiable au terme de la


procédure prévue à l'article 8 ci-dessus, le litige est soumis à
la décision d'une Commission spéciale présidée par le Préfet
de Département et qui comprend:
- un représentant du Ministère d'Etat, Ministère de
l'Agriculture et des Ressources Animales
- un représentant du Ministère de l'Environnement et de la
Forêt
- un représentant du Ministère du Logement et de
290

l'Urbanisme
- un représentant du Ministère des Infrastructures
Economiques
- un représentant du service du Cadastre.

La Commission peut faire appel à toutes personnes


utiles à la bonne fin de ses travaux.

Article 10 : Au cas où la mise en œuvre des articles 8 et 9 ci-


dessus lèse les intérêts financiers du concessionnaire
provisoire, réparation doit lui en être faite, de façon juste et
équitable selon les modalités précisées par le Comité de
Gestion Foncière Rurale ou la Commission spéciale selon les
cas.

Article 11 : Sur constat de non opposition ou après règlement


des litiges comme il est dit aux articles 8 et 9 ci-dessus, le
Préfet de Département transmet les certificats d'affichage, les
constats de non opposition ou les actes de règlement des
litiges au Ministre d'Etat, Ministre de l'Agriculture et des
Ressources Animales qui en saisit le Conservateur de la
propriété foncière pour immatriculation.

Lorsque l'ancien concessionnaire est une personne


physique ivoirienne, il peut, à sa demande, obtenir
l'attribution de la pleine propriété du bien foncier.

Article 12 : Les terres immatriculées au nom de l'Etat sont


louées par l'Etat à l'ancien concessionnaire, d'accord parties
et dans le respect des dispositions de la loi n° 98-750 du 23
décembre 1998 susvisée.

Article 13 : Passés les délais prévus à l'article 4 ci-dessus, les


terres concernées seront considérées comme étant sans
maître et l'Etat en disposera librement.

Article 14 : Les dispositions du présent décret s'appliquent à


tous les cas d'occupation du Domaine Foncier Rural dûment
autorisés par les autorités compétentes.
291

SECTION II : CAS DES CONCESSIONS PROVISOIRES


PURES ET SIMPLES

Article 15 : Le titulaire d'une concession provisoire pure et


simple doit, dans le délai précisé par l'article 4 ci-dessus :
- déposer au Ministère d'Etat, Ministère de l'Agriculture et des
Ressources Animales le procès-verbal de constat de mise en
valeur établi par le Directeur Départemental de l'Agriculture
et des Ressources Animales compétent
- requérir, selon les cas, l'attribution de la pleine propriété ou
l'octroi d'un contrat de location.

SECTION III : DISPOSITIONS FINALES

Article 16 : Le présent décret abroge toutes dispositions


antérieures contraires.

Article 17 : Le Ministre d'Etat, Ministre de l'Agriculture et des


Ressources Animales, le Ministre d'Etat, Ministre de
l'Intérieur et de la Décentralisation et le Ministre de
l'Economie et des Finances sont chargés, chacun en ce qui le
concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au
Journal Officiel de la République de Côte d'Ivoire.

B. Autres textes utiles à la résolution des litiges


fonciers ruraux

1. Article 15 de la Constitution du 1er août 2000

Le droit de propriété est garanti à tous. Nul ne doit être


privé de sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique
et sous la condition d'une juste et préalable indemnisation.

2. Quelques dispositions du code civil

Article 552 : La propriété du sol emporte la propriété du


dessus et du dessous.
Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les
plantations et constructions qu'il juge à propos, sauf les
292

exceptions établies au titre des servitudes ou services


fonciers.

Il peut faire au-dessous toutes les constructions et


fouilles qu'il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les
produits qu'elles peuvent fournir, sauf les modifications
résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois
et règlements de police.

Article 553 : Toutes constructions, plantations et ouvrages


sur un terrain ou dans l'intérieur, sont présumés faits par le
propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est
prouvé ; sans préjudice de la propriété qu'un tiers pourrait
avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription, soit d'un
souterrain sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie
du bâtiment.

Article 554 : Le propriétaire du sol qui a fait des


constructions, plantations et ouvrages avec des matériaux qui
ne lui appartenaient pas, doit en payer la valeur estimée à la
date du paiement ; il peut aussi être condamné à des
dommages-intérêts, s'il y a lieu : mais le propriétaire des
matériaux n'a pas le droit de les enlever.

Article 555 : Lorsque les plantations, constructions et


ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux
appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit,
sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver
la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.

Si propriétaire du fonds exige la suppression des


constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux
frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut,
en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le
préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire du fonds préfère conserver la


propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à
son choix rembourser au tiers soit une somme égale à celle
293

dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux


et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du
remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent
lesdites constructions, plantations et ouvrages.
Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par
un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa
bonne foi , à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra
exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et
plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une
ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.

3. Décret du 26 novembre 1930 sur l’expropriation pour


cause d’utilité publique et l’occupation temporaire en
Afrique occidentale Française, modifié par le décret du 16
juin 1931 et le décret du 20 décembre 1933

Article 1 : L'expropriation pour cause d'utilité publique


s'opère en Afrique-
Occidentale française par autorité de justice

Art. 2. Les tribunaux ne peuvent prononcer l'expropriation


qu'autant qu’utilité publique en a été déclarée et constatée
dans les formes prescrites par les titres 1er et II du présent
décret.

Toutefois, les terres formant la propriété collective des


indigènes ou que les chefs indigènes détiennent comme
représentants de collectivités indigènes conformément aux
règles du droit coutumier local, restent soumises aux
dispositions de la réglementation domaniale qui les concerne.

4. Extrait du décret du 26 juillet 1932 portant


réorganisation du régime de la propriété foncière en
Afrique Occidentale Française

Art. 82. (Alinéa 2 et 3, modifiés par la loi de finance du 31


décembre 1970 art. 3 v infra p. 122).
294

La prescription ne peut, en aucun cas, constituer un


mode d'acquisition de droits réels sur des immeubles
immatriculés ou de libération des charges grevant les mêmes
immeubles

Toutefois, un immeuble immatriculé abandonné


pendant trente années consécutives par ces occupants
légitimes sera considéré comme vacant et incorporé au
domaine de l'État par arrêté du lieutenant-gouverneur rendu
en conseil, sur la proposition du receveur des domaines.

L'indue occupation par un tiers ne justifiant d'aucun


titre n’interrompt pas cette prescription trentenaire

Article 121 : Le titre foncier est définitif et inattaquable ; il


constitue, devant les juridictions françaises, le point de départ
unique de tous les droits réels existant sur l'immeuble au
moment de l'immatriculation.

Article 122 : Toute action tendant à la revendication d'un


droit réel non révélé en cours de procédure et ayant pour effet
de mettre en cause le droit de propriété même d'un immeuble
immatriculé est irrecevable.

Les détenteurs de créances hypothécaires ou privilégiées


et les bénéficiaires de charges foncières tenues directement du
propriétaire qui a poursuivi l'immatriculation peuvent seuls,
en se conformant aux prescriptions du chapitre II du présent
titre, requérir, même après achèvement de la procédure,
l'inscription de leurs droits sur le titre foncier, sous la double
réserve de ne point préjudicier à d'autres droits régulièrement
inscrits et de ne prendre rang qu'à compter de leur
inscription.

Article 123 : Les personnes dont les droits auraient été lésés
par suite d'une immatriculation ne peuvent se pourvoir par
voie d'action réelle, mais seulement, en cas de dol, par voie
d'action personnelle en indemnité.
295

Le domaine public restant toutefois imprescriptible,


toute immatriculation qui aurait pu en être faite au nom d'un
particulier est nulle de plein droit.

5. Décret n° 64-164 du 16 avril 1964, portant interdiction


des actes sous seing privé en matière immobilière

Article 1er. L'article 40 du décret du 26 juillet 1932 est


abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

«L'hypothèque conventionnelle est consentie par acte


authentique. La transmission et la mainlevée de l'hypothèque
ainsi que la cession de l'hypothèque forcée de la femme
mariée ou la renonciation par cette dernière à cette même
hypothèque ont lieu dans la même forme.»

Article 2 : L'article 131 est abrogé et remplacé par les


dispositions ci-après : « Tous faits, conventions ou sentences,
ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer, modifier
ou éteindre un droit réel immobilier, d'en changer le titulaire
ou les conditions d'existence, tous baux d'immeubles
excédant trois années, toutes quittances, ou cessions d'une
somme équivalant à plus d'une année de loyers ou fermages
non déchus doivent, en vue de leur inscription, être constatés
par acte authentique.»

Toutefois, en cas d'apport de biens ou de droits


immobiliers à une société, les délibérations des assemblées
générales rendant cet apport définitif peuvent être établies en
la forme habituelle, à condition que copies en soient déposées,
sans reconnaissance d'écriture et de signature, aux minutes
d'un notaire pour pouvoir être, par les soins de ce dernier,
publiées à la Conservation foncière en même temps que l'acte
authentique constatant l'apport.

Sauf convention internationale contraire, les actes


reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers
doivent être légalisés par un fonctionnaire qualifié du
296

ministère ivoirien des Affaires étrangères et déposés au rang


des minutes d'un notaire ou greffier-notaire ivoirien.

Il est fait défense aux receveurs de l'Enregistrement


d'enregistrer les actes visés au premier alinéa du présent
article, s'ils ne sont pas dressés en la forme authentique.

Article 3 : Les alinéas 5, 6 et 7 de l'article 133 sont abrogés et


remplacés par les dispositions suivantes : «Ces actes de
notoriété sont établis par le notaire ou par le président du
tribunal du lieu d'ouverture de la succession.»

Article 4 : Sont abrogés toutes dispositions contraires au


présent décret.

Article 5 : Le ministre des Finances, des Affaires


économiques et du Plan et le garde des Sceaux, ministre de la
Justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal
officiel de la République.

Observation : Ce texte qui prescrit la forme notariée pour


toute transaction immobilière, ne prévoit pas de texte. Cette
carence a été palliée par la loi de finances pour la gestion
1970 qui prévoit la nullité absolue de tout acte violateur de
cette obligation.

6. Article 8 de l’annexe fiscale de la loi de finances n° 70-


209 du 20 mars 1970.

Art. 8 : Tous actes à publier au Livre foncier y compris ceux


portant sur les transactions relatives à des plantations
doivent être dressés par-devant notaire. Sont assimilés aux
actes notariés, les actes émanant des tribunaux et de
l'Administration des Domaines.

Tous faits, conventions ou sentences ayant pour objet


de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un
droit réel immobilier, d'en changer le titulaire ou les
297

conditions d'existence, tous baux d'immeubles excédant trois


années, toutes quittances ou cessions d’une somme
équivalant à plus d’une année de loyers ou fermage non échu,
doivent, en vue de leur inscription, être constatés par actes
authentiques sous peine de nullité absolue. Ils ne peuvent
être authentifiés par le dépôt au rang des minutes d’un
notaire.

Il en est de même des actes de constitution ou de


mainlevée d'hypothèques maritimes.

Note : Ce texte a été repris dans la plupart des lois de


finances.

7. Article 2 décret n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux


procédures domaniales et foncières

« Les droits portant sur l’usage du sol, dits droits


d’usage coutumiers, sont personnels à ceux qui les exercent
et ne peuvent être cédés à quelque titre que ce soit. Nul ne
peut se porter cessionnaire desdits droits sur l’ensemble du
Territoire de la République. »
---------------
298

Table des matières


Préface………….………………………………………………..…….…4
Remerciements………………………………………………….….…..8
Avant propos……………………………………………………….….10

Section I. La jurisprudence relative à la loi de 1998…13

1. Sur l’applicabilité de la loi de 1998…………………………...13


a) Observations………………………………13
b) Quelques décisions illustratives ……..15
2. Sur la rétroactivité de la loi de 1998……………………….…16
3. Sur la définition du Domaine foncier rural…………………25
4. Sur la définition des droits coutumiers……………………...25
5. Sur les conséquences juridiques liées à la notion de « droits
coutumiers conformes aux traditions»…………… ………….…27
6. De la terminologie applicable aux droits coutumiers…….28
7. De la gestion des biens fonciers lignagers ………………….29
8. Du fondement juridique des décisions annulant les
cessions de terres coutumières……………………………………34
9. De la mise en valeur comme condition d’accès aux droits
fonciers………………………………………………………….………37
10. De l’exigence de l’acte notarié pour les transactions
relatives aux terres coutumières………………………………….40
10.1. S’il n’existe pas de titre de propriété……… ……41
10-2. S’il existe un titre de propriété coutumière…..43
c) Si la transaction porte sur le certificat
foncier………………………………………………..43
d) Si la transaction porte sur des droits réels
immobiliers…………………………………………44
11. De l’inapplicabilité du décret de 1971 après 1998 ……...45
12. De la protection des occupants……………… ..……….…...45
13. De l’indemnisation de l’occupant évincé……….…………..49
13.1. S’agissant de l’occupant de bonne foi…………..49
13.2. S’agissant de l’occupant de mauvaise foi………52
14. De l’appréciation de la demande nouvelle en cause
d’appel……………………………………………………………….….53
15. Sur la reconnaissance des droits coutumiers………….…55
16. De l’établissement des droits coutumiers………………….56
299

17. Sur la validité des cessions de droits coutumiers ….……58


18. Sur les conséquences juridiques des cessions de terres
coutumières……………………………………………………………60
19. Sur la nature juridique du certificat foncier………………61
20. De l’exigence du certificat foncier pour prouver les droits
coutumiers ……………………………………………………………64
21. De la sanction de la vente du terrain d’autrui…………...66
22. De la libre disposition des droits coutumiers cédés……..69
23. De la transmission des droits coutumiers………………...73
24. De la constatation des droits coutumiers…………………76
25. Sur la notion d’ « exercice continu et paisible des droits
coutumiers »…………………………………………………………..79
26. Sur le respect des délais de sécurisation des droits
coutumiers ……………………………………………………………81
27. De la valeur juridique des documents établis par les
services du Ministère de l’Agriculture……………………..….…83
a) S’agissant des attestations de plantations…..83
b) S’agissant des procès verbaux d’enquêtes
agricoles……………………………………………..83
28. Sur la portée de l’acte notarié………………………………..85
29. De la valeur juridique des attestations villageoises……..87

Section II : Exemple de conduite d’une procédure en matière


de foncier rural………………………………………………….……89

A. Quelques indications sur la conduite d’une


procédure en matière de foncier rural…….…89

1) Eléments à vérifier ……………………………….89


2) De l’établissement des droits coutumiers…..92
3) De la légalité de certains frais de mise en
état……………………………………………………93
4) Un exemple d’une décision avant dire droit
ordonnant une mise en état pour
l’établissement des droits coutumiers….……95

B. Dispositions applicables en matière de foncier


rural…………………………………………………98
300

1) Données communes à toutes les procédures


civiles…………………………………………………98
a) Sur les règles de compétence……….…98
b) Sur la recevabilité des actions en justice
portant sur des terres rurales .…….…98
2) Données propres aux procédures relatives au
foncier rural……………………………………….100
a) La loi de 1998, principal texte………..…100
b) Recours aux dispositions du code civil..100
3) Abrogation de certaines dispositions………….102

Section III. Recueil d’arrêts relatifs au foncier rural..104

1. Sur l’applicabilité de la loi de 1998……………………….…104


2. Sur la rétroactivité de la loi de 1998…………………….….110
3. Sur la définition des droits coutumiers…………………….122
4. Sur l’inapplicabilité de la loi de finances 1970……………127
5. Sur la gestion des biens fonciers lignagers.…………….…132
6. Sur la valeur juridique des expertises agricoles………....139
7. Sur la validité des cessions de droits coutumiers…….….143
8. Sur la reconnaissance des droits coutumiers sur la base de
la coutume locale…………………………………………………..149
9. De l’établissement des droits coutumiers et de la propriété
coutumière………………..………………………………………….154
10. De la charge de la preuve des droits coutumiers…….…166
11. Sur l’indemnisation de l’occupant évincé ………………..169
12. De l’expulsion de l’occupant de mauvaise foi…………...182
13. De l’appréciation de la demande d’indemnisation formulée
en cause d’appel…………………………………………………….184
14. Sur l’exigence du certificat foncier comme preuve des
droits coutumiers…………………………………………….…….191
15. Sur la formation des contrats de cessions de droits
coutumiers…………………………………………………………..195
16. Sur les conséquences juridiques de la cession des droits
coutumiers…………………………………………………..………198
17. Sur les conséquences des cessions de droits coutumiers à
titre gratuit ………………………………………………………….214
18. Sur l’enquête en matière de foncier rural ……………….217
301

19. Sur l’exigence de l’acte notarié pour les cessions de droit


coutumiers…………………………………………………………..220
20. De la portée de l’acte notarié………………………………..229
21. Du rejet de la mise en valeur comme condition d’accès aux
droits fonciers ………………………………………………………233
22. Sur le respect des délais de sécurisation des droits
coutumiers…………………………………………………………..240
23. De la sanction de la vente d’une parcelle de terre
coutumière…………………………………………………………..243
24. Appréciation de la notion de d « exercice paisible et
continu des droits coutumiers…………………………………..255
25. Sur la transmissibilité des droits coutumiers à cause de
mort………………………………………………………………..….258
26. De l’application d’autres dispositions au contentieux de
droit foncier rural………………………………………………..…267

Section IV : Quelques dispositions juridiques utiles en matière


de foncier rural ……………………………………………..………269

A. La loi de 1998 et quelques décrets d’application…….…..269

1. La loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au Domaine


foncier rural ……………………………………………………..…..269
2. Quelques décrets d’application……………………………….277

a) Le décret n° 99-594 du 13 octobre 1999 fixant les


modalités d’application au domaine foncier rural
coutumier de la loi n° 98-750 du 23 décembre
1998………………………………………………………….277
b) Le décret n° 99-595 du 13 octobre 1999, fixant la
procédure de consolidation des droits des
concessionnaires provisoires de terres du Domaine
foncier rural…………………………………………….….288
B. Autres textes utiles à la résolution des litiges fonciers
ruraux……………………………………………………………….…291

1. Article 15 de la Constitution du 1er août 2000.…………..291


2. Quelques dispositions du code civil …………………….… .291
302

3. Décret du 26 novembre 1930 sur l’expropriation pour


cause d’utilité publique et l’occupation temporaire en Afrique
occidentale Française, modifié par le décret du 16 juin 1931
et le décret du 20 décembre 1933……………………………….293
4. Décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du régime
de la propriété foncière en Afrique Occidentale Française..293
5. Décret n° 64-164 du 16 avril 1964, portant interdiction des
actes sous seing privé en matière immobilière………………295
6. Article 8 de l’annexe fiscale de la loi de finances pour la
gestion 1970 (09 du 20 mars 1970)……………………………296
7. Article 2 décret n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux
procédures domaniales et foncières……………………………297

---------
303

Magistrat Hors Hiérarchie et Chevalier de l’Ordre National


du Mérite Ivoirien, Monsieur Théodore DAGROU est titulaire
d’un D.E.A. en Droit public et d’un Master II en Droits
Fondamentaux. Il a été juge et Président du Tribunal de
Travail à Bouaké, Juge de Section à Lakota, Danané,
Agboville, Procureur de la République près le Tribunal de
Première Instance d’Abengourou et Président du Tribunal de
Première Instance de Daloa.

Par ailleurs, il a été Secrétaire Général et Porte-parole


de la Conférence des Chefs de Cours et de Tribunaux (2007
à 2011), Président du jury des auditeurs de justice, 1er Vice-
président de l’Association des Visiteurs des Etats-Unis,
membre de la Commission Supérieure de Recours de
l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle.

Il est le Secrétaire Général du Conseil


d’Administration du Fonds de Prévoyance Mutuelle Thémis
(Magistrats), le 1er Vice-président de Transparency-Justice.
En en outre il est Arbitre et Médiateur à la Cour d’Arbitrage
de Côte d’Ivoire (CACI), Chargé des cours de Droit foncier
rural à l’Ecole National de Formation aux Professions
Judiciaires (INFJ) et de Droit rural et de crédit agricole à
l’Université des Lagunes d’Abidjan.

Expert en droit foncier rural, il est l’auteur de


plusieurs ouvrages portant sur la matière (foncier rural dont
Comprendre le Code Foncier Rural de la Côte d’Ivoire.

Il est actuellement Président de Chambre à la Cour


d’Appel de Daloa.

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