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coercitif au mois de mars, avec un couvre-feu et


la déclaration de l’état de catastrophe, permettant le
Au Chili, le groupe féministe Las Tesis est
déploiement de l’armée.
poursuivi par la justice
PAR CAMILLE AUDIBERT
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 31 AOÛT 2020

La vidéo d'intervention devant le commissariat. © Capture d'écran/YouTube

C’est cette vidéo diffusée au mois de mai qui vaut aux


La vidéo d'intervention devant le commissariat. © Capture d'écran/YouTube quatre femmes d’être poursuivies pour incitation à la
Le groupe Las Tesis, originaire de Valparaíso, violence, en raison de la phrase « feu aux flics, feu à la
avait fait sensation en pleine révolte sociale fin 2019 police », qui a entre-temps été coupée au montage.
avec la performance « Un violeur sur ton chemin ». Trois mois plus tard, un groupe d’expert·e·s en
Mais c’est une autre intervention artistique dénonçant droits humains de l’ONUréclame officiellement au
les violences policières qui lui vaut des ennuis. Chilil’abandon des accusations. « Il s’agit d’un
Buenos Aires (Argentine).– Sous le ciel plus que poème, d’un langage métaphorique, elles ne parlent
jamais gris de Valparaíso (centre), les militantes de pas de mettre le feu aux commissariats mais d’en
du groupe féministe chilien Las Tesis apparaissent, finir avec l’institution, observe Alda Facio, experte du
masquées, devant le siège de la police ou sur la place groupe de travail onusien sur la discrimination contre
principale de la ville portuaire vidée par l’isolement les femmes et les filles. Dans ce cas, mettrait-on en
social et la pandémie de coronavirus. prison toutes les personnes qui écrivent des poèmes ? »
L’une d’elles agite le drapeau national asséché de ses Selon l’experte, il s’agit d’une stratégie d’intimidation
couleurs : une étoile blanche sur un fond noir dont le visant à parachever la désertion de l’espace public
mouvement cadence un long « Manifeste contre la démocratique induite par la pandémie de coronavirus.
violence policière ». Alors que le déconfinement très graduelpourrait
« Les flics nous persécutent. Ils bloquent la porte de laisser de nouveau la place aux manifestations, la
nos maisons, ils provoquent, ils s’infiltrent comme « judiciarisation » du groupe féministe chercherait à
manifestants et se mettent à tout brûler, ils défilent torpiller leur énergie en la déviant de la rue vers les
armés dans nos rues, ils volent au-dessus de nos démarches juridiques.
têtes », énumère la voix off alors que les toutes « Cela nous alarme de voir qu’une expression
premières mesures sanitaires ont relevé du pur registre artistique et culturelle de la part de jeunes femmes est
perçue comme une attaque contre une institution aussi
puissante que celle de la police chilienne », poursuit
Alda Facio.
« Ce communiqué des experts de l’ONU prouve
qu’à l’international les yeux sont sur le Chili, ce
qui représente une pression positive », observe Lucía
Miranda, politologue à la faculté latino-américaine
des sciences sociales (FLACSO) et membre du réseau

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« Red de politólogas ». C’est que le groupe Las Tesis, « On allait manifester avec l’angoisse d’être
originaire de Valparaíso, avait déjà capté l’attention persécutées, retrace Midora Sovino, étudiante et
bien au-delà du Chili. membre du groupe féministe Autoconvocadas Uach
En pleine révolte sociale, fin 2019 ses membres (université australe du Chili) à Valdivia (Sud). Avec
surprennent avec leur intervention artistique les accusations contre Las Tesis, le message est clair :
puissante « Un violeur sur ton chemin », un slam qui toute femme qui élève la voix sera réprimée et celles
dénonce la violence patriarcale. Leur chant est repris qui manifestent contre les institutions, on les fera
lors des manifestations, imbriquant de façon visible taire. »
le mouvement féministe dans la révolte sociale. En La jeune militante a multiplié les réunions virtuelles,
parallèle, leur intervention est reproduite et traduite tandis qu’une partie du pays a traversé un confinement
aux quatre coins du monde : en France, en Turquie, de plusieurs mois. « On continue nos actions, on reste
à New York devant le tribunal où se tient le procès debout, d’autant qu’avec le confinement les violences
Weinstein en début d’année. de genre ont augmenté. » Durant le premier week-end
« Le violeur, c’est toi, ce sont les flics », scandent-elles. d’isolement obligatoire, les appels à la ligne d’urgence
« Au Chili, la police est le grand ennemi du féminisme, dédiée ont bondi de 70 %.
souligne Lucía Miranda. Le niveau de répression y est Les organisations féministes et sociales portent un
bien plus important que dans d’autres démocraties. » agenda précis : celui du référendum pour l’écriture
Le rejet de l’institution a recouvert les murs des d’une nouvelle Constitution, repoussé au 25 octobre
villes pendant la révolte sociale avec le graffiti en raison de la pandémie. Elles militent pour l’écriture
omniprésent « ACAB », abréviation de l’anglais « d’un nouveau texte par une assemblée « constituante
All cops are bastards », c’est-à-dire « Tous les flics », totalement composée de citoyen·ne·s élu·e·s. C’est
sont des salauds ». Alors que le soulèvement vient la rédaction d’une nouvelle Constitution qui pourrait
d’éclater, dès le mois de décembre une délégation notamment inscrire le droit à l’éducation ou à la santé
de l’ONU dépêchée au Chili dénonce un usage pour tou·te·s.
disproportionné de la force contre les manifestant·e·s. Car la crise sanitaire a de nouveau mis en évidence
Une trentaine de personnes sont mortes et au moins le besoin d’un système de santé public de qualité :
445 personnes ont été blessées aux yeux ou ont perdu les services hospitaliers de Santiago ont frôlé
la vue après avoir reçu des balles tirées par la police, l’effondrement. Le gouvernement libéral de Sebastián
selon l’Institut des droits humains chilien. Piñera sort encore davantage affaibli de la vague
« Ils tirent des gaz [lacrymogènes], ils frappent, pandémique.
torturent, violent, détruisent, nous rendent aveugles », Avec plus de 400 000 cas et 11 000 morts pour
énumère ainsi la vidéo de Las Tesis mise en ligne 18 millions d’habitant·e·s, le Chili a payé un lourd
au mois de mai. Les manifestations ont été marquées tribut à la maladie. Il figure parmi les pays du monde
par les violences à l’égard des femmes et des déplorant le plus grand nombre de décès en proportion
minorités, avec de nombreuses plaintes déposées pour de sa population. Dans sa vidéo, le groupe Las Tesis
agression sexuelle. déclame : « Qui sommes-nous ? Les malades sans lit,
tout le personnel soignant sans moyens. »

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