2,90 € mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO - N° 23 575 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

COVID-19 LE FIGARO
CE QUE RÉVÈLE LE BILAN ENTREPRENEURS
DE LA MORTALITÉ DE SOCIAL, ENVIRONNEMENT : CES PME
L’ÉPIDÉMIE EN FRANCE PAGE 11 QUI S’INVESTISSENT NOTRE SUPPLÉMENT

Ville par ville, les clefs de

LE FIGARO la bataille du second tour
AVEC VOUS
PAGES 29 À 36
Qui sont les favoris du scrutin du 28 juin ? Au lendemain du dépôt officiel
des listes, « Le Figaro » étudie les rapports de force dans les 240 villes de
Favoris et matchs incertains

Le Havre
Lille
Metz
plus de 20 000 habitants. Et décrypte les enjeux pour les principaux partis.
MODE Brest Rouen Paris
Argenteuil
genteuil

Mulhouse

Les listes pour le second perspectives de victoire Gérard Collomb, ex-ténor déjà anticipé une lourde dé-
LE « MONDE D’APRÈS »
Dijon

Tours
Besançon

tour des municipales, prévu
EN CINQ QUESTIONS le 28 juin, sont désormais
PAGES 30 ET 31 bouclées. À la lumière des
alliances nouées sur la base
Nantes
dans les 240 plus grandes de la macronie, s’est allié à faite, LR espère se relancer Lyon
Limoges
communes de France. Les la droite de Laurent Wau- en vue de 2022. Les écolo-
négociations ont parfois quiez. De quoi agacer les gistes, pour leur part, pour- Bordeaux St-Étienne
donné lieu à des rapproche- états-majors nationaux, qui raient voir leurs ambitions Grenoble

FESTIVAL des résultats du premier

tour, Le Figaro dresse les
ments inédits, comme à
Lyon, où le maire sortant,
misent gros sur ce scrutin
de mi-mandat. Si LREM a
contrariées
PAGES 6 À 9 ET L’ÉDITORIAL
Marseille
LA ROQUE-D’ANTHÉRON, Perpignan

RESCAPÉ DE L’ÉTÉ
PAGE 32 Donald Trump fait le pari de la force, Commerce :
la contestation se radicalise les bonnes
TRAVAIL
Ce retour au bureau surprises
entre allant
et regrets PAGE 10 de la
STOPCOVID réouverture
L’application de Autorisés à rouvrir leurs
traçage disponible portes depuis le 11 mai
pour la phase 2 dernier, les magasins com-
mencent à retrouver leurs
du déconfinement clients. En trois semaines,
PAGE 11 leur fréquentation n’a cessé
d’augmenter, stimulée par
PATRICK SEMANSKY/AP/SIPA

MOYEN-ORIENT une météo très favorable et

un plaisir de consommer en
La France propose partie retrouvé chez les
son service militaire Français après deux mois de
adapté aux milices confinement. La mode en-
fant, le jouet, l’équipement
irakiennes PAGE 15 de la maison et le sport sont
nettement repartis, tandis
Huit jours après la mort de George Floyd, un homme noir asphyxié par un policier blanc, la vague de colère contre que l’habillement reste à la
La chronique
CHAMPS LIBRES

n
le racisme et les brutalités policières ne cesse de s’amplifier malgré le ton martial du président américain. PAGES 2 ET 4 peine. PAGES 22 ET 23
de Chantal
Delsol
n
La tribune de ÉDITORIAL par Vincent Trémolet de Villers vtremolet@lefigaro.fr
Philippe Nemo
n
La chronique Macron face à lui-même

D
de Bertille
Bayart ispersés façon puzzle… Emma- vainqueur de 2017, façonné par l’expérience
n
L’analyse nuel Macron, en regardant la et une succession historique de crises, se
carte du second tour des élec- présentera en 2022 comme l’homme de la
d’Yves Thréard tions municipales, songera sans France unie. Avec quels points d’appui ? Son
PAGES 17 ET 18 doute à la célèbre formule des mouvement politique est de plus en plus ga-
Tontons flingueurs. Fin connaisseur zeux et laisse le clivage gauche-droite re-
d’Audiard, il constatera que les deuxièmes prendre forme. Son programme est soit réa-

@
gâchettes de la macronie ne sont pas parve- lisé, soit caduc. Sa doctrine a été victime,
FIGARO OUI nues à remplir le contrat, que Les Républi- elle aussi, du virus. Désormais, les stocks
FIGARO NON cains ne se contentent plus de « beurrer les
Le clivage remplacent les flux, le
tartines ». Le panorama politique, en effet, local prime le mondial,
Réponses à la question
de lundi :
risque fort de ressembler à ce qu’il fut avant gauche- la souveraineté entrave
que ne pousse, comme un champignon, le le doux commerce : à la
Êtes-vous pressé mouvement En marche !. Certes, l’écologie droite Bourse des idées, la
de retourner sur votre lieu
de travail ?
y remplace largement un PS amoindri, reprend frontière est en forte
mais, prise en étau entre gauche et droite, la hausse. En vérité, Em-
OUI NON majorité doit se contenter du niveau habi- forme manuel Macron ne peut
52 % 48 % tuel du centre en France : autour de 15 % compter que sur lui-même. Deux stratégies,
selon les candidats et les circonstances. dès lors. Celle de Jean-Claude Dusse, le per-
TOTAL DE VOTANTS : 103 769 Un mois avant le rendez-vous des urnes, sonnage des Bronzés : « Sur un malentendu,
3’:HIKKLA=]UW^U[:?k@g@k@d@a";

Emmanuel Macron a déjà digéré cette mau- ça peut marcher. » François Hollande, lors
Votez aujourd’hui vaise soirée électorale. La crise que nous ve- du précédent mandat, en a fait les frais…
sur lefigaro.fr
nons de vivre s’est ouverte le 15 mars et se À l’opposé, celle du général Foch durant la
Allez-vous utiliser
M 00108 - 603 - F: 2,90 E

fermera, espère-t-il, par une élection le
l’application StopCovid ? 28 juin. Ensuite, sa deuxième partie de
mandat lui permettra, veut-il croire, de
poursuivre sa métamorphose. L’insolent
bataille de la Marne conserve tout son éclat :
« Pressé fortement sur ma droite, mon centre
cède, impossible de me mouvoir, situation ex-
cellente, j’attaque ! »
1

SEBASTIEN BOZON/AFP

AND : 3,20 € - BEL : 2,90 € - CH : 4,20 FS - CAN : 5,70 $C - D : 3,60 € - A : 3,60 € - ESP : 3,20 € - Canaries : 3,20 € - GB : 2,90 £ - GR : 3,40 € - DOM : 3,20 € - ITA : 3,30 €
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LUX : 2,90 € - NL : 3,40 € - PORT.CONT : 3,30 € - MAR : 23 DH - TUN : 4,40 DT - ZONE CFA : 2.400 CFA ISSN 0182.5852
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

2 L'ÉVÉNEMENT
LE MONDE
« CHOQUÉ »
Selon Michelle Bachelet,
haut-commissaire
de l’ONU aux droits
de l’homme, « aux États-
Unis, les manifestations
provoquées par la mort
de George Floyd
mettent en évidence non
seulement les violences
policières contre
les personnes de couleur,
mais aussi les inégalités
dans la santé,
l’éducation, l’emploi
et la discrimination
raciale endémique ».
Pour le ministre allemand
des Affaires étrangères,
« la règle est que
la protestation pacifique
doit toujours être
possible, mais elle doit
être pacifique.
La mobilisation pacifique
à laquelle nous assistons
aux États-Unis
est compréhensible
et plus que légitime ».
Au nom de l’UE,
le porte-parole de
la diplomatie européenne,
Josep Borrell, a déclaré
que, « comme le peuple
américain, nous sommes
choqués et consternés
par la mort
de George Floyd (…)
Toutes les sociétés
doivent rester vigilantes
face au recours excessif
à la force. »
Un manifestant fait face
à un cordon des forces
de la Garde nationale,
dimanche, lors
d’un rassemblement
à Minneapolis (Minnesota).
CHANDAN KHANNA/AFP
À Minneapolis,
la contestation se politise
Les manifestants, qui dénoncent les violences policières, reprennent les symboles
et les slogans révolutionnaires du mouvement des droits civiques.
ADRIEN JAULMES £@AdrienJaulmes
ENVOYÉ SPÉCIAL À MINNEAPOLIS
UNE RANGÉE d’engins blindés cou-
leur sable de la Garde nationale est
garée de façon à former un rempart
devant l’entrée du Capitole du Min-
nesota. Le monumental édifice,
avec son dôme de marbre de style
Renaissance, est entouré d’un cor-
don de soldats en treillis camouflés,
équipés de boucliers transparents,
alignés comme des Playmobils de-
vant leurs véhicules. En première li-
gne, une rangée de policiers anti-
émeutes, vêtus de noir, jambières et
coudières renforcés, tiennent de
grands bâtons de bois vernis. Le re-
gard lointain, ils restent impassibles
devant les milliers de manifestants
rassemblés sur la pelouse, à Saint-
Paul, la ville jumelle de Minneapolis.
Juste sous leur nez, un orateur
noir harangue la foule. « Regardez
autour de vous ? Pourquoi voyons-
nous des soldats, des chars, des héli-
coptères alors que nous ne faisons que
demander d’être traités avec dignité ?
Voici quatre cents ans que ce pays
nous oppresse. Ce pays a été fondé sur
la violence, le génocide et l’esclava-
ge », crie-t-il dans son micro.
Devant lui, la foule reprend les slo-
gans des manifestations qui se dérou-
lent depuis lundi dernier à Minnea-
polis : « Les vies noires comptent »,
« Arrêtez les policiers ». Mais le ton est
devenu plus politique. L’assistance
tend le poing en l’air, symbole du
mouvement des Black Panthers,
mouvement révolutionnaire qui
prônait la lutte armée à la place du
pacifisme du mouvement des droits
civiques dans les années 1960. « J’ai
l’impression d’être de retour à 1968. Je
n’arrive pas à croire que si peu de cho-
ses ont changé », dit Andrew Dikins.
Cet homme noir, qui à l’air d’avoir
moins que ses 71 ans, porte un maillot
à l’effigie de Martin Luther King et
Malcolm X, les deux figures du mou-
vement noir américain, tous deux
assassinés dans les années 1960. « Je
suis né à Atlanta, en Géorgie. J’étais
jeune à l’époque mais ma mère a parti-
cipé à toutes les marches pour que les
droits des Noirs soient reconnus. Je me
suis ensuite battu pour ce pays dans les
Marines au Vietnam. Et voir que cin-
quante ans plus tard, rien n’a changé,
que la ségrégation n’a jamais dispa-
ru, me désole. »
Dikins déplore les violences et les
pillages qui ont succédé aux mani-
festations des premiers jours.
« Martin Luther King était un homme
pacifique, dit-il, et que lui est-il arri-
vé ? Il a été tué. Pour que les choses
changent, il faut que le mouvement
devienne politique. La mort de George
Floyd doit au moins servir à ça. »
« La police devrait marcher avec
nous, pas nous faire face avec des ar-
mes. En tant qu’ancien combattant,
ça me fait de la peine de voir les sol-
dats face à leur propre population »,
dit aussi Dikins. « Il n’y a pas de fata-
lité », continue l’ancien combattant.
« Mon fils est policier à Saint-Paul ;
c’est une unité radicalement différen-
te de celle de Minneapolis. Il y a deux
Noirs parmi les chefs, et un certain
nombre d’agents noirs, qui connais-
sent et vivent avec les communautés
où ils opèrent. Il faut se débarrasser de
certains policiers et certains gradés,
comme Bob Kroll, le chef du syndicat,
et tout sera différent. »
La police de Minneapolis ne s’est
pas agenouillée en hommage aux
manifestants comme dans d’autres
villes américaines. Dans les rues du
centre, les slogans sont d’ailleurs di-
rigés contre les policiers : « Fuck the
police », abrégé en « FTP », « Tous les
flics sont des bâtards » ou « ACAB »,
ou bien « fuck12 », en référence à une
unité de police anti-drogue. Le pré-
sident du syndicat du Minneapolis
Police Department (MPD), a de son
côté rendu publique une lettre à ses
membres où il critique le manque de
soutien manifesté par le maire et le
gouverneur aux policiers. Qualifiant
les émeutes de « mouvement terro-
riste », il s’est aussi élevé contre le
Si une ville fait que le « passé de criminel violent »
de George Floyd ait été passé sous si-
ou un État lence par les médias, et que les
refuse contrats des quatre policiers impli-
de prendre qués dans sa mort aient été suspen-
dus sans que la procédure ait été res-
les mesures pectée. Le chef du MPD, Medaria
nécessaires Arradondo, qui a décidé de licencier
pour défendre sur-le-champ Derek Chauvin, est
un Noir. Il est entré en fonction en
la vie et les 2017 après que son prédécesseur a dû
biens de leurs démissionner après la mort d’une
résidents, femme d’origine australienne, tuée
par erreur par un policier.
je déploierai
l’armée Blocs de béton et blindés
américaine Mobilisée depuis jeudi dernier, la
Garde nationale du Minnesota a été
et je réglerai déployée en force à Minneapolis et à
rapidement Saint-Paul. En tout, près de
le problème 4 000 réservistes sont répartis dans
pour eux
DONALD TRUMP DANS
» les deux villes. Ils ne participent pas
directement au maintien de l’ordre
mais assurent la protection des édi-
UN DISCOURS PRONONCÉ fices publics, des casernes de pom-
LUNDI DANS LA ROSERAIE piers ou des postes de police. Au
DE LA MAISON- centre de Minneapolis, entre les
BLANCHE REUTERS
immeubles de bureaux aux rez-de-
chaussée couverts de contre-pla-
qué contre les pillards, le commis-
sariat central de la police ressemble
à un camp militaire retranché en
Irak, avec blocs de béton et blindés
bloquant les accès. Les soldats sont
aussi déployés devant la mairie, et
dans les rues voisines.
Donald Trump a annoncé lundi
vouloir une action plus vigoureuse
de la Garde nationale pour reprendre
le contrôle des villes aux émeutiers.
Dans une vidéoconférence, le prési-
dent américain a admonesté certains
gouverneurs en leur reprochant leur
mollesse. « La plupart d’entre vous
sont faibles », leur a-t-il dit, d’après
un enregistrement obtenu par le
Washington Post. « Vous devez domi-
ner » et « si vous ne dominez pas, vous
perdez votre temps », leur a dit le pré-
sident en exigeant que les protesta-
tions soient rapidement jugulées. Un
peu effarés, certains gouverneurs
auraient averti le président qu’une
attitude trop agressive des forces de
l’ordre pourrait conduire à une esca-
lade de la violence.
Un peu après cette vidéoconfé-
rence, dans un discours prononcé
dans la roseraie de la Maison-Blan-
che, Trump a annoncé son inten-
tion d’augmenter le rôle des réser-
vistes de l’armée. « J’ai instamment
recommandé aujourd’hui à chaque
gouverneur de déployer la Garde na-
tionale en nombre suffisant pour re-
prendre le contrôle des rues. Les
maires et les gouverneurs doivent
établir une présence écrasante des
forces de l’ordre jusqu’à ce que la
violence soit réprimée », a dit
Trump. « Si une ville ou un État refu-
se de prendre les mesures nécessaires
pour défendre la vie et les biens de
leurs résidents, je déploierai l’armée
américaine et je réglerai rapidement
le problème pour eux. »
Mais les risques liés à l’usage de
l’armée dans des missions de main-
tien de l’ordre ne peuvent jamais être
entièrement éliminés. Les armes à
feu ne servent pas à grand-chose
contre des manifestants, et un acci-
dent est vite arrivé. À Minneapolis,
dans la nuit de dimanche à lundi, un
soldat a ouvert le feu sur un véhicule
qui arrivait à vive allure et refusait de
s’arrêter. La voiture a pris la fuite et
n’a pas pu être identifiée. La pers-
pective de voir l’armée déployée face
à une vague de contestation à l’échel-
le nationale a ravivé aux États-Unis le
souvenir des émeutes raciales qui
avaient éclaté au printemps 1968,
après l’assassinat de Martin Luther
King. Les militaires avaient été dé-
ployés dans plusieurs villes, dont
New York et Washington. Treize
personnes avaient été tuées.
En bas des jardins du Capitole de
Saint-Paul, on tombe sur la statue
d’un personnage un peu oublié de-
puis : Hubert Humphrey, vice-pré-
sident de Lyndon Johnson et l’un des
politiciens les plus progressistes de
l’histoire récente du pays. Défenseur
des droits civiques, il avait été battu
par Richard Nixon. Le candidat ré-
publicain qui avait fait campagne sur
le thème de la loi et l’ordre. Les ter-
mes ont été repris lundi par Trump.
« J’ai fait le serment de défendre les
lois de notre nation et c’est exacte-
ment ce que j’ai l’intention de faire », a
annoncé Trump. « Je suis votre prési-
dent de la loi et l’ordre. » ■

Donald Trump accusé de souffler sur les braises de la contestation

JULIE CONNAN £@JulieConnan
LA SCÈNE, orchestrée par ses conseillers,
n’a duré que dix-sept minutes. Juste après
avoir menacé de déployer l’armée si les
violences continuaient dans le pays, Do-
nald Trump s’est rendu à pied lundi soir à
l’église épiscopale St John, située près de
la Maison-Blanche et endommagée la
veille. Accompagné de sa fille, de son gen-
dre et du ministre de la Justice, le chef
d’État a ensuite posé devant l’« église des
présidents » pansée de plaques de bois, en
brandissant une bible face aux objectifs, la
A
me un message d’apaisement, alors que
plusieurs grandes villes américaines
s’étaient embrasées pour la septième nuit
après la mort de George Floyd, un hom-
me noir asphyxié par un policier blanc
lors de son arrestation à Minneapolis, le
27 mai ? Elle a eu l’exact effet inverse.
D’une part, la police avait en amont
tiré des gaz lacrymogènes et des balles en
caoutchouc sur les manifestants pacifis-
tes devant la Maison-Blanche, afin de dé-
gager la voie pour le convoi pédestre. Une
dispersion jugée « honteuse » par la maire
démocrate de Washington, Muriel Bow-
ser, qui n’a servi qu’à offrir au président
D’autre part, Donald Trump a été ac-
cusé de récupération religieuse et d’in-
différence. L’archevêque de l’Église épis-
copale de Washington, Michael Curry, l’a
ainsi accusé d’avoir utilisé le lieu de culte
à des fins politiques. « Il n’a pas prié. Il n’a
pas mentionné George Floyd, il n’a pas
parlé de l’agonie des gens qui sont victimes
de cette expression terrible du racisme et
de la suprématie blanche depuis des cen-
taines d’années », s’est aussi insurgée Ma-
riann Budde, évêque à Washington, dans
le New York Times.
Avec un contraste évident, Barack
Obama s’était exprimé plus tôt sur le site
et condamner « la petite minorité de per-
sonnes » ayant recours à la violence. À
cinq mois de la présidentielle, briguée par
son ancien vice-président, Joe Biden, il a
appelé à « se battre» pour avoir « un pré-
sident, un Congrès, un ministère de la Jus-
tice et un système judiciaire fédéral qui re-
connaissent réellement le rôle corrosif et
permanent que le racisme joue dans notre
société et veulent agir pour y remédier ».
À travers le pays, les manifestations se
poursuivaient mardi dans plus de
140 villes. New York, Los Angeles et des
dizaines d’autres cités ont décrété ou
étendu un couvre-feu nocturne. À
violé. Dans le Missouri, quatre policiers
ont été blessés, dont un grièvement.
Ces tensions ont peu de chances de re-
tomber avant la comparution de l’agent
de police Derek Chauvin, inculpé d’homi-
cide involontaire, le 8 juin. Ou même
avant les obsèques de George Floyd, aussi
prévues la semaine prochaine. L’autopsie
indépendante demandée par sa famille et
dévoilée lundi conclut qu’il a succombé à
une « asphyxie mécanique » et qu’il s’agit
d’un homicide. L’autopsie officielle arrive
à la même conclusion, mais note la pré-
sence de fentanyl, qui, ajouté à une hy-
pertension et à une maladie artérielle,

mâchoire serrée et sans déclaration. « une séance photo », selon le gouverneur Medium, pour souhaiter « faire de ce mo- Washington, des dizaines de manifes- pourrait selon le légiste avoir contribué à
Cette initiative était-elle conçue com- de l’État de New York, Andrew Cuomo. ment le tournant d’un vrai changement », tants ont été arrêtés lundi pour l’avoir son décès. ■
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO
4 L'ÉVÉNEMENT
En proie à des pillages ciblés,
New York se claquemure
Manhattan, le Bronx et le Queens ont
été les théâtres de vols et de violences
lundi soir à l’issue de manifestations.
MAURIN PICARD £@MaurinPicard
NEW YORK
IL ÉTAIT 20 h 28 exactement, lun-
di soir, sur la Ve Avenue, à Man-
hattan, lorsque de petits groupes
de jeunes adultes se sont détachés
du corps de la manifestation
principale. Jusque-là pacifique et
déterminée, la foule scandait des
slogans entendus partout à tra-
vers l’Amérique : «Pas de justice,
pas de paix », « Dites son nom :
George Floyd », « Les vies des
Noirs comptent ».
Mais tandis que le soir tombe
sur Big Apple, l’ambiance change
brutalement : les petits groupes
isolés ne parlent plus, ne chantent
plus. Ils n’ont rien à faire des pro-
testations, de George Floyd, de la
colère des minorités de couleur ou
du mouvement BLM (Black Lives
Matter), né en 2014 à Ferguson,
dans le Missouri. Ils ciblent des
magasins précis, dans le cœur de
Manhattan : électronique, sport,
téléphonie mobile. Ne s’attardent
même pas sur les succursales ban-
caires. L’organisation, la prémé-
ditation sont évidentes : des
« casseurs » se chargent exclusi-
vement de briser les devantures,
tandis que des « guetteurs » font
le guet alentour sur des scooters,
puis des « maraudeurs » munis de
sacs à dos ou tout bonnement de
grands sacs-poubelles se réser-
vent pour la grande razzia de
smartphones, baskets, consoles
de jeux et autres produits faciles à
revendre sous le manteau.
Profiter du chaos
Et la soirée dégénère : alors que le
maire de New York, Bill de Blasio,
et le gouverneur, Andrew Cuo-
mo, viennent de décréter un cou-
vre-feu de 23 heures à 5 heures
du matin, les éléments « opportu-
nistes », ainsi que les désigne le
New York Post, entrent en action
trois heures à l’avance. Les forces
de police du NYPD, pas encore
déployées en force sur les artères
stratégiques telles que Broadway,
Times Square, la 34e et la 42e Rues,
sont prises de court.
Le contexte n’a plus rien à voir
avec les émeutes simultanées à
Washington, qui visaient le cœur
du pouvoir à la Maison-Blanche,
et poursuivent le chef du Bureau
ovale de leur ire. Il ne s’agit
même pas de casser, mais de pro-
fiter du chaos ambiant pour vider
les commerces les plus convoités.
Sur Herald Square, au croise-
ment de la 34e Rue, le grand ma-
Au Canada, la mort d’une jeune Noire met les autorités sur la sellette
LUDOVIC HIRTZMANN
MONTRÉAL
UNE JEUNE torontoise noire de
29 ans, Regis Korchinski-Paquet,
est devenue le symbole des victi-
mes des violences policières au
Canada. En milieu de semaine der-
nière à Toronto, des policiers de la
Ville-Reine se sont présentés au
domicile de la famille Korchinski-
Paquet, à la suite d’une dispute fa-
miliale. Quelques instants après
leur intervention, Regis est tom-
bée du 24e étage de son immeuble.
Selon l’avocat de la famille de la
victime, les policiers se seraient
trouvés seuls avec la jeune femme
dans l’appartement familial, em-
pêchant les proches d’y entrer.
Selon Radio-Canada, les servi-
ces d’enquêtes des forces de l’or-
dre ont indiqué que « les policiers
(…) ont vu une femme sur un balcon.
Peu de temps après, la femme est
A
tombée du balcon au sol. Sa mort a
été constatée sur les lieux ». La
gasin Macy’s, aux devantures
pourtant matelassées de pan-
neaux de balsa, est pris d’assaut
par des centaines d’individus, qui
parviennent à arracher la partie
inférieure du panneau barrant la
porte principale et s’engouffrent
à l’intérieur, se livrant à une orgie
de pillages. Sous les yeux de ba-
dauds impuissants, les premières
patrouilles de police n’arrêteront
qu’une poignée de délinquants,
tandis que l’essentiel parvient à
s’égailler les mains pleines.
Dans Midtown, une enseigne
Microsoft est cambriolée, mais
trois policiers en civil surgissent
de nulle part et maîtrisent un des
pilleurs. Au Rockefeller Center, le
magasin Nintendo est littérale-
ment dévalisé, sans qu’un agent
de sécurité n’ose s’interposer aux
hordes d’agresseurs.
Rapidement, le pire survient.
Dans le Queens, un policier qui
venait enquêter sur un cambrio-
lage est fauché en pleine rue par
un véhicule, intentionnellement.
L’agent est projeté dans les airs,
avec une violence inouïe, avant
de retomber contre une autre
voiture. Les passants, dont cer-
tains filmaient, hurlent d’effroi.
La victime est hospitalisée dans
un état grave, mais sans pronostic
vital engagé.
Dans le Bronx, vers minuit,
plusieurs inconnus agressent un
sergent du NYPD, qui participait
à une interpellation sur le maca-
dam, le projettent à terre et le
frappent avec ce qui semble être
un panonceau de signalisation en
métal, sous les encouragements
d’automobilistes passifs. Dans ce
district, le plus pauvre de New
York, ce sont cette fois les petits
commerces de quartier qui sont
ciblés et l’alcool, les cigarettes,
visés. « Fordham Road brûle, se
lamente le blog communautaire
Uptown Collective, à propos des
poubelles volontairement allu-
mées sur cette artère passante.
Les protestations étaient justifiées,
mais il n’avait jamais été question
de détruire notre quartier. »
Un engrenage infernal de ba-
vures et de représailles s’enclen-
che dans les rues new-yorkaises,
depuis qu’un policier paniqué par
la foule qui l’encerclait et qui ve-
nait de placer une barricade juste
devant sa voiture de patrouille a
écrasé la pédale d’accélération et
foncé dans la foule. Un miracle
que personne n’ait été tué, ni
même grièvement blessé.
Petit matin blême et gris, mar-
di, sur Manhattan. La ville, qui se
mère et le frère de la victime
auraient, eux, entendu une violen-
te bousculade dans l’appartement,
suivi d’un appel à l’aide de Regis
Korchinski-Paquet. La famille de
la victime est persuadée que les six
policiers présents ont poussé Regis
du balcon de l’appartement. Le
chef de la police de Toronto, Mark
Saunders, a qualifié la mise en cau-
se de ses hommes de « désinforma-
tion » et de « mensonges ». Se suc-
cèdent depuis les manifestations,
tant à Toronto, Ottawa ou Van-
couver. Si ces rassemblements se
sont déroulés dans le calme, une
manifestation de plus de
10 000 personnes à Montréal - un
record pour un défilé contre le ra-
cisme -, a dégénéré dimanche soir
en affrontements avec la police et
en actes de vandalisme.
Les incidents demeurent isolés.
Mais à Toronto la situation est
préoccupante, la violence y étant
endémique. En 2018 (derniers
chiffres officiels disponibles), le
nombre d’homicides à Toronto a
Lundi, à la nuit tombée,
au cœur de Manhattan,
réjouissait prudemment d’amor-
cer un déconfinement tant espéré
tant contre les violences policiè-
res qui ont causé la mort de plu-
des pilleurs ont dévalisé
des magasins ciblés
le 8 juin, est KO debout. Avec la
levée du couvre-feu, les com-
sieurs Afro-Américains, les
marches prévues ces prochains
(électronique, sport...),
faisant le plein
merçants découvrent, effarés,
l’ampleur des dégâts de la veille.
jours pâtiront-elles de ces dé-
bordements urbains ?
de produits faciles
à revendre Des monceaux de sac à ordures « La violence et les pillages qui
sous le manteau. s’entassent le long des rues, les se sont produits dans la ville de
WONG MAYE-E/AP éboueurs ayant préféré passer New York ont fait beaucoup de
leur tour durant la nuit. Des graf- mal à notre cité, à notre État et à
fitis épars, peints dans la pré- l’ensemble du mouvement natio-
cipitation, dénoncent une nal, grevant cette cause honorable
« Amerikkka » sous la coupe des et créant une diversion malve-
mouvements suprémacistes nue », commente le gouverneur
blancs (KKK, Ku Klux Klan, Cuomo, qui dresse un bilan lugu-
NDLR) et insultent la police. bre de la veille : 700 personnes
arrêtées en une nuit, 1 700 au to-
Couvre-feu reconduit tal depuis les premières manifes-
A contrario, le nom de George tations jeudi 28 mai, six policiers
Floyd, si visible sur les pancartes blessés, dont un grave (celui du
des manifestants dans la journée, Bronx), une dizaine de voitures
n’a été que peu tagué. Sur la incendiées. Les magasins en-
700
25e Rue, près de la VIe Avenue, un dommagés ou détruits se comp-
restaurateur coréen contemple, tent, eux, par centaines.
hébété, sa vitrine brisée, fracas- La leçon est retenue : ce mardi
sée. Aucun pillage apparent : son soir, le couvre-feu reconduit jus-
estaminet a sûrement fait les frais qu’à la fin de la semaine entre en
personnes de la frustration des pillards, qui vigueur à 20 heures dans les cinq
ont été arrêtées ont tenté en vain d’entrer par ef- boroughs de New York. En sont
en une nuit fraction dans un magasin d’alcool exemptés les personnels médi-
et 1 700 au total adjacent. Ici, le balsa a tenu. caux, les épiciers et employés de
Pour les restaurateurs, ces supermarché, les pharmaciens,
depuis les premières
manifestations, pillages s’ajoutent à la fermeture les journalistes, les patients mé-
jeudi 28 mai totale imposée mi-mars par les dicaux et les sans-domicile-fixe.
autorités. Les 8 000 officiers de Et les gérants de magasins, les
police mobilisés par le NYPD suf- imprudents qui avaient oublié de
firont-ils à protéger leur pro- tout calfeutrer dimanche soir,
priété, si les troubles se prolon- ont cette fois cloué suffisamment
gent ? La réouverture tant de panneaux de renfort en balsa.
attendue des 25 000 bars et res- En priant pour que les pillards
taurants de Big Apple sera-t-elle s’arrachent les ongles dessus ou,
repoussée du fait des pillages ? à tout prendre, jettent leur dévo-
Quant aux manifestants protes- lu sur une autre échoppe. ■
augmenté de plus de 50 % par
rapport à l’année précédente. Les
règlements de comptes entre les
gangs rivaux se produisent jusque
dans le centre d’une ville, qui,
avec sa banlieue, est devenue une
mégalopole de plus de six millions
d’habitants.
Risque d’embrasement
Le nombre de fusillades a doublé
au cours de la dernière décennie,
CHRIS YOUNG/THE CANADIAN PRESS VIA AP
principalement parce que des
bandes armées s’affrontent pour
le contrôle de la drogue et de la
prostitution. La situation ne fait
qu’empirer, au point que le maire
de Toronto, John Tory, et son chef
de la police, Mark Saunders, sem-
blent dépassés par ces événe-
ments dramatiques.
Les violences et les discrimina-
tions policières envers les Noirs,
elles, n’ont jamais baissé au Cana-
da. Un rapport du criminologue
Lors d’un rassemblement, samedi, devant le siège de la police Scot Wortley, cité par Radio-Ca-
de Toronto, une manifestante brandit le portrait de Regis nada, note que les Noirs font l’ob-
Korchinski-Paquet, décédée en milieu de semaine dernière. jet de six fois plus de contrôles
EN FRANCE,
L’INTÉRIEUR
VIGILANT
Les émeutes raciales aux
États-Unis peuvent-elles
réveiller les banlieues
en France ? Le tandem
Castaner-Nuñez
a été bien inspiré, en tout
cas, d’appeler ses troupes
à la modération lors
des épisodes de violence
urbaine qui ont émaillé
le confinement.
Ce dimanche, la police
a interpellé dans
le 15e arrondissement
de Paris, une équipe
de tournage qui mettait
en scène une interpellation
à caractère raciste, sans
autorisation, avec de vrais
uniformes. Les images
devaient être diffusées
sur internet. Par ailleurs,
la préfecture de police
de Paris a interdit
une manifestation non
déclarée qui devait se tenir,
ce mardi, devant le Palais
de justice, en mémoire
d’Adama Traoré, mort
en 2016, à 24 ans, durant un
contrôle de la gendarmerie.
J.-M. L.
d’identité à Halifax, en Nouvelle-
Écosse, que les Blancs. Selon la
chaîne CBC, l’Unité des enquêtes
spéciales (UES), chargée des en-
quêtes mettant en cause les forces
de l’ordre, a examiné 416 plaintes
impliquant des policiers en 2018.
Seules 3,6 % des affaires exami-
nées par l’UES ont conclu à une
responsabilité des policiers.
Tant le maire de Toronto, John
Tory, que le premier ministre, Jus-
tin Trudeau, ont compris le risque
d’un embrasement de la commu-
nauté noire du Canada. Dès lundi,
le chef du gouvernement a ainsi
tenu à déclarer : « Pour beaucoup
trop de Canadiens, ce qui se passe
de l’autre côté de la frontière (les
États-Unis, NDLR) en ce moment
ce sont des scènes familières. Le ra-
cisme envers les Noirs, la discrimi-
nation systémique, l’injustice, ça
existe aussi chez nous », avant de
conclure : « Je veux m’adresser
aux jeunes Canadiens noirs : je vous
entends, j’entends l’inquiétude, vo-
tre colère, votre peine. » ■
VOUS RÉVÈLE LES DESSOUS DE LA CULTURE

JEANNE, AU-DELÀ DU MYTHE

Elle était passée dans l’Histoire de France comme
une bourrasque de jeunesse, d’ardeur et de foi, qui
en avait changé le cours. Grâce à elle, le « petit roi
de Bourges », isolé au sud de la Loire, méprisé des
Anglais et de tous ceux qui, en France, avaient choisi
leur parti, était devenu le roi Charles VII. Elle avait
libéré Orléans, rendu possible le sacre de Reims… Sa
chevauchée avait pris fi n sur un bûcher à Rouen, au
fin
terme d’un procès inique, le 30 mai 1431. Il y a tout
juste un siècle, en 1920, l’Eglise faisait de la Pucelle
de Domrémy une sainte universelle en la canonisant,
tandis que la République française instaurait une
deuxième fête nationale consacrée à Jeanne d’Arc, le
deuxième dimanche de mai. Pour fêter ce centenaire,
Le Figaro Hors-Série publie un numéro spécial sur
Jeanne d’Arc, sa légende, son histoire. Récit de la
geste johannique, de Vaucouleurs à Rouen, analyse
de son procès, décryptage des neuf mystères de
sa vie qui nourrissent encore les légendes, portrait
des forces en présence, promenade sur les lieux
de mémoire qui évoquent la Pucelle… Tout ce que
vous devez savoir sur la femme la mieux connue du
Moyen Âge, et sur son extraordinaire épopée.
Le Figaro Hors-Série
Hors-Série, « Jeanne d’Arc, un miracle français »,
114 pages

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 mercredi 3er juin 2020 LE FIGARO
6 POLITIQUE
Municipales : qui sont les favoris dans
Les listes pour le second tour ont été déposées mardi. Sur la base de ces configurations définitives,
« Le Figaro » a étudié les perspectives dans les 240 villes de plus de 20 000 habitants.
ANALYSE
Guillaume Tabard
£@GTabard
ÉLECTIONS Sur 466 villes de plus
de 20 000 habitants, 226 ont élu
leur maire dès le premier tour.
240 compétitions auront donc lieu
le 28 juin. Alors que le dépôt des lis-
tes pour le second tour est clos de-
puis ce mardi 18 heures, quel est le
nouveau rapport de force dans ces
communes ?
❙60NICE, RENNES,
GRENOBLE, LES
« TRANQUILLES »
Dans un quart de ces villes, les mai-
res sortants ont obtenu plus de
40 % au premier tour avec un ad-
versaire à la fois largement distancé
et ne bénéficiant ni de désistements
ni de réserves suffisantes.
● 36 maires sont de droite : Chris-
tian Estrosi à Nice (47,62 %) battra
le RN Philippe Vardon (16,69 %) et
l’EELV Jean-Marc Governatori
(11,3 %) ; à Saint-Étienne, Gaël
Perdriau (46,88 %), a plus du dou-
ble de son adversaire de gauche
Pierrick Corbon (21,31 %) ; Émile-
Roger Lombertie (LR) qui avait fait
tomber en 2014 le bastion socialiste
historique de Limoges, est cette fois
à l’abri de toute surprise (46,1 %). À
ces trois maires de villes de plus de
100 000 habitants s’ajoutent Pa-
trick Ollier à Rueil-Malmaison,
Guy Lefranc à Évreux, Benoist Ap-
paru à Châlons-en-Champagne,
Gilles Bourdouleix à Cholet, Jean-
Didier Berger à Clamart, Brigitte
Barrèges à Montauban, Franck
Marlin à Étampes, Damien Meslot à
Belfort, Marie-Hélène Thoraval à
Romans-sur-Isère, Alain Suguenot
à Beaune…
● 25 de ces maires sont de gauche.
Nettement en tête à Rennes
(32,78 %), Nathalie Appéré (PS) a
fusionné avec l’EELV Matthieu
Theurier (25,37 %), ne laissant
aucune chance à la LREM Carole
Gandon (14,29 %) et au DVD Char-
les Campagnon. Même cas de figure
à Nantes où Johanna Rolland (PS)
(31,36 %) a fusionné avec EELV
(19,58 %), reléguant LR (19,94 %)
et LREM (13 %). Au Mans, l’ancien
ministre socialiste Stéphane Le Foll
(42 %) se retrouve en face-à-face
avec la députée… PS Marietta Kara-
manli (13,25 %). Laurent Cathala
(45,45 %) va entamer un huitième
mandat à Créteil. Benoit Arrivé à
Cherbourg, Pierre Mathonnier à
Aurillac, Philippe Bouyssou à Ivry-
sur-Seine, Jean-Claude Kennedy à
Vitry-sur-Seine, Gérard Caudron à
Villeneuve-d’Ascq… seront facile-
ment réélus.
● 2 sont EELV : Éric Piolle à Greno-
ble (46,68 %) qui a une telle avance
sur l’ancien maire Alain Carignon
(19,81 %) que le maintien d’Émilie
Chalais (LREM, 13,75 %) et Olivier
Noblecourt (PS, 13,31 %) ne chan-
gera rien ; et Christian Métairie à
Arcueil (45,48 %).
❙ PARIS, NANTES, PAU :
LES 65 « FAVORIS »
Dans un second quart de ces villes,
le sortant ou la sortante ont une for-
te avance sur leur premier concur-
rent, et la physionomie du second
tour leur permet d’être confiants.
À Paris, Anne Hidalgo bénéficie de
son score du 15 mars (29,33 %, près
de sept points de plus que Rachida
Dati, douze points de plus qu’Agnès
Buzyn), de la fusion avec les écolo-
gistes (10,79 %) et d’une absence
d’accord entre les candidates LR et
LREM. Dans le 14e, le maintien de
Cédric Villani ne met pas en péril la
PS Carine Petit. Rachida Dati per-
mettra à la droite de conserver faci-
lement les 6e, 8e, 15e, 16e et 17e ; ainsi
que le 5e grâce au soutien de la mai-
A
re Florence Berthout, qui soutenait
Agnès Buzyn au premier tour. Anne
Hidalgo devrait l’emporter aisé-
ment dans le centre et les 10e, 11e,
12e, 13e, 14e, 18e, 19e et 20e.
Favoris à gauche également, Fran-
çois Rebsamen à Dijon (38,25 %),
Olivier Bianchi à Clermont-
Ferrand (38,10 %), François
Cuillandre à Brest (26,54 %). À Avi-
gnon, Cécile Helle (PS, 34,47 %)
devrait l’emporter sur la RN Anne-
Sophie Rigault (21,53 %), malgré le
maintien de EELV (15,56 %). À
Auxerre, Guy Ferez (soutenu par
LREM et le PS) devrait conserver
son poste grâce à la fusion avec les
Verts (10,9 %), même s’il a été de-
vancé par le LR Crescent Marault
(37,25 % contre 33,09 %).
Trois villes de plus de 100 000 habi-
tants devraient rester à gauche tout
en changeant de maire : à Rouen,
l’ancien président PS de la région
Haute-Normandie Nicolas Mayer-
Rossignol (29,52 %) a fusionné avec
la liste EELV de Jean-Michel Bere-
govoy (23,16 %) tandis que le chef
d’entreprise Jean-Louis Louvel,
soutenu par LREM et LR (16,79 %)
s’est retiré en faveur du DVD Jean-
François Bures, qui n’a obtenu que
10,16 % le 15 mars. À Villeurbanne,
Cédric Van Styvendael (33,3 %), est
certain d’être élu grâce à sa fusion
avec l’écologiste Béatrice Vessiler
(27,48 %). À Saint-Denis-de-la-
Réunion, l’ancienne ministre de
François Hollande Ericka Bareigts
est bien placée pour prendre la suite
de Gilbert Annette.
Pour la droite, le LR Jean-Paul
Fournier est favori à Nîmes :
34,35 % contre 15,74 % à son rival
LREM Yvan Lachaud, bien que ce-
lui-ci a fusionné avec une liste de
gauche ayant obtenu 15,68 %. À
Courbevoie, Jacques Kossowski a
une solide avance (45,42 %), mais
la LREM Aurélie Taquilain (32,17 %)
pourra-t-elle attirer les voix écolo-
gistes et socialistes ? Devraient éga-
lement être reconduits : Guillaume
Delbar à Roubaix, Jean-Pierre Gi-
ran à Hyères, François Le Bohellec à
Villejuif, Luc Bouard à La Roche-
sur-Yon, Pierre-André Périssol à
Moulins, Marie-Louise Fort à Sens,
Jean-Jacques Guillet (également
soutenu par LREM) à Chaville… À
Suresnes, Guillaume Boudy devrait
succéder à Christian Dupuy.
À Pau, François Bayrou (45,83 %)
devrait logiquement l’emporter.
Mais trois listes de gauche, ayant
totalisé 41,98 % le 15 mars, ont fu-
sionné derrière le DVG Jérôme
Marbot. Réélection probable égale-
ment du LREM Jean-François Dar-
denne à Nogent-sur-Oise.
❙ ANNECY,
BOBIGNY…
LES 15 « BASCULES »
Six sortants macronistes sont en
grande difficulté.
À Annecy, Jean-Luc Rigault (UDI
soutenu par LREM), par ailleurs
président de l’Assemblée des com-
munautés de France, est arrivé en
tête (28,4 %). Mais la fusion de la
liste EELV-PS-PC de François As-
torg (27,87 %) et d’une macroniste
dissidente Frédérique Lardet
(21,5 %) lui laisse peu de chances.
Annecy était à droite depuis
soixante-sept ans (avec Charles
puis Bernard Bosson). À Orléans,
Olivier Carré (24,11 %) ex-LR passé
chez les Marcheurs, a plus de dix
points de retard sur son prédéces-
seur LR Serge Grouard (35,62 %)
qui lui avait passé la main il y a qua-
tre ans. Carré est d’autant plus mal
placé que EELV (19,21 %) et la gau-
che (12,93 %) ont fusionné leurs lis-
tes. À Bourges, le sortant Pascal
Blanc (24,25 %) a été largement
distancé par l’ancien député PS
Yann Galut (32,42 %). Son sort dé-
pendait d’une alliance avec Philip-
pe Mousny qui a fait jeu égal avec
lui. À Montélimar, Franck Reynier a
dix points de retard sur Julien Cor-
nillet (DVD), fils de l’ancien maire
Thierry Cornillet. À Alençon, l’an-
cien maire PS Joaquim Pueyo pour-
rait prendre sa revanche sur le sor-
tant Emmanuel Darcissac. À Laval,
bien qu’arrivé en tête, Didier Pillon,
soutenu par la droite et par LREM
(40,82 %) est très menacé par la fu-
sion de la liste de gauche de Florian
Bercault (33,81 %) et celle d’Isabelle
Eymon (EELV-PC 17,58 %).
Plusieurs bascules sont attendues en
Île-de-France. Le Parti communiste
devrait perdre Villeneuve-Saint-
Georges, où la maire, Sylvie Altman
(19,69 %) est distancée par le candi-
dat de droite Philippe Gaudin
(33,46 %). Le PC devrait à l’inverse
reprendre Bobigny à l’UDI, le parti
centriste risquant également de
perdre Villepinte au profit de la gau-
che. À Saint-Ouen, la fusion de trois
listes derrière le PS Karim
Bouamrane devrait permettre à ce-
lui-ci de reprendre cet ancien bas-
tion PC conquis en 2014 par l’UDI
William Delannoy, pourtant arrivé
en tête (25,65 %). Victoire probable
pour LREM : avec 40,48 % au pre-
mier tour, Pascal Pelain qu’elle sou-
tenait est bien placé pour ravir Vil-
leneuve-la-Garenne à LR.
❙LESMARSEILLE,
LYON,
BORDEAUX… :
100 « SUSPENSES »
L’attention va se concentrer sur la
centaine de villes où le jeu est
ouvert, dont 18 des 36 villes de plus
de 100 000 habitants en lice.
● La droite défiée
Marseille. La surprise est venue de la
première place du Printemps mar-
seillais de Michèle Rubirola
(23,44 %) devant la présidente LR de
la métropole Martine Vassal
(22,32 %). L’alliance avec les Verts
(9 %) renforce les chances de la gau-
che. À droite, la réconciliation entre
Vassal et Bruno Gilles a échoué dans
le 2e secteur (2e et 3e arr.), offrant un
boulevard au Printemps marseillais.
Dans le 4e secteur (6e et 8e arr.), le
maintien du LREM Yvon Berland
met en danger la dauphine de Jean-
Claude Gaudin dans le secteur histo-
rique du maire sortant. La sénatrice
PS Sonia Ghali devrait conserver le
8e secteur (15e et 16e arr.) et le RN
Stéphane Ravier (troisième avec
19,45 sur l’ensemble de la ville) le 7e
(13e et 14e arrondissements).
Toulouse. Jean-Luc Moudenc
(36,19 %) est arrivé en tête au pre-
mier tour. Mais trois listes de gau-
che ont totalisé 50 % des voix. Et la
socialiste Nadia Pellefigue (18,53 %)
s’est retirée, laissant des chances de
victoire à l’écologiste Antoine Mau-
rice (25,57 %).
Bordeaux. Nicolas Florian succes-
seur LR d’Alain Juppé (34,56 %) a
fait jeu égal avec l’écologiste Pierre
Hurmic soutenu dès le premier tour
par la gauche (34,38 %). 96 voix les
séparent. L’accord finalement
conclu avec le macroniste Thomas
Cazeneuve (12,69 %) aidera Florian
à garder Bordeaux qui, avec Jacques
Chaban-Delmas et Alain Juppé, est à
droite depuis 1947. À condition que
les reports de la liste LREM soient
suffisants et qu’une partie des élec-
teurs de Philippe Poutou (11,77 %),
qui se maintient, ne fassent pas un
« vote utile » en faveur de Hurmic.
Aix-en-Provence. Marc Piena (PS-
PC-LFI, 15,88 %) ayant refusé de
fusionner avec la députée LREM
Anne-Laure Petel (20,46 %), la
triangulaire donne un espoir à la
LR sortante Maryse Joissains
(30,28 %).
Argenteuil. Le match continue. En
2001, Georges Monthron avait ravi la
ville aux communistes. En 2008, il
avait été battu par le socialiste Phi-
lippe Doucet. En 2014, Monthron
avait battu Doucet. Cette fois, le
maire LR devance l’ex-maire PS
(35,17 % contre 29,79 %). Le candi-
dat LFI (11,52 %) peut se maintenir.
Les voix LREM du premier tour fe-
ront la différence.
Tours. Le maire sortant UDI Chris-
tophe Bouchet est arrivé dix points
derrière le candidat de la gauche et
des écologistes Emmanuel Denis
(25,62 % contre 35,46 %). L’accord
entre le maire et le candidat LREM
Benoist Pierre (12,67 %) recrée les
conditions d’un duel serré.
Amiens. La maire UDI Brigitte Fou-
ré (29,89 %) a moins de quatre
points d’avance sur Julien Pradat
(DVG).
Mulhouse. La maire LR Michèle
Lutz est en tête (33,66 %) et devrait
l’emporter si les listes écologiste de
Loïc Minery (21,96 %) et macronis-
te de Lara Million (20,14 %) se
maintiennent toutes deux. Le RN
(12,08 %) sera présent.
Nancy. La ville de l’ancien roi Sta-
nislas a toujours été à droite. Bascu-
lera-t-elle ? Le président PS du dé-
partement de la Meurthe-et-
Moselle Mathieu Klein (37,89 %) a
devancé le maire radical Laurent
Hénart (34,71 %). Et profite de la fu-
sion avec l’écologiste Laurent Wa-
trin (10,24 %).
Saint-Paul de La Réunion. Distancé
au premier par la candidate de la
gauche Huguette Bello (36,59 %), le
maire sortant Joseph Sinimalé
(19,89 %) a fait alliance avec le DVD
Alain Bernard (14,60 %) et Jean-
François Nativel (5,9 %). Mais c’est
Bernard qui conduira la liste .
Le maire sortant de Périgueux An-
toine Audi (19,16 %) est menacé par
les rassemblements autour de Pa-
trick Palem (LREM) d’un côté et de
Delphine Labails (PS) de l’autre.
À Montrouge, le maire UDI (soutenu
par LREM) Étienne Lengereau
(37,26 %) a onze points d’avance sur
l’ancienne secrétaire d’État à l’Aide
aux victimes Juliette Méadel
(26,22 %). Mais celle-ci a fusionné
avec le PS Joaquim Timoteo (14 %).
À Chambéry, bien qu’en tête, Michel
Dantin (37,39 %) est menacé par
l’accord conclu entre l’ancien mi-
nistre PS Thierry Repentin
(22,64 %) et la LREM Aurélie Le
Meur (22,46 %).
Batailles serrées à Colombes où face
au EELV Patrick Chaimovitch
(30,13 %), Nicole Gouetta (34,20 %)
s’est réconciliée avec son ancien
adjoint Sébastien Perotel (21,59 %),
lequel a été désavoué par LREM qui
l’avait investi; ainsi qu’à Corbeil-
Essonnes entre le sortant LR Jean-
Pierre Bechter (30,41 %) et le PC
Bruno Piriou (34,07 %).
● La macronie menacée
Lyon. LREM avait investi Gérard
Collomb sur la métropole et Yann
Cucherat sur la ville. Après leurs ré-
sultats décevants, ils ont conclu un
accord avec LR, désavoué par
LREM. Dans l’hypothèse d’une ad-
dition parfaite des scores, l’alliance
parrainée par le maire sortant
pourrait devancer les Verts de Gré-
gory Doucet, largement en tête sur
l’ensemble de la ville (29 %), dans
les 2e, 5e, 6e, et 8e. Le match pourrait
se jouer dans les 3e et 9e .
Sur la métropole, l’accord avec la
gauche permet aux Verts de Bruno
Bernard d’être potentiellement en
tête dans neuf secteurs sur quator-
ze. David Kimelfeld à la métropole
et Georges Képénékian sur la ville
espèrent récupérer des voix « col-
lombistes » hostiles à l’accord.
Le Havre. Avec 43,6 %, Édouard
Philippe a huit points d’avance sur
le député communiste Jean-Paul
Lecoq (35,89 %), mais il n’a pas de
réserves de voix. Il doit éviter que
les électeurs écologistes (8,28 %) et
RN (7,31 %) se retrouvent dans un
front « tout sauf Philippe ».
Strasbourg. Arrivée en tête, la can-
didate EELV Jeanne Barghesian
(27,88 %) n’a pas conclu d’alliance
avec l’ancienne maire PS Catherine
Trautmann (19,78 %) qui se main-
tient donc. Mais la surprise est venue
de l’accord annoncé in extremis en-
tre le candidat LREM Alain Fontanel
(19,86 %) et celui de la droite Jean-
Philippe Vetter (18,27 %). Le macro-
niste devient ainsi le nouveau favori
Besançon. Le sortant Jean-Louis
Fouseret, passé du PS à LREM, ne se
représentait pas. La liste LREM du
député Éric Alauzet n’est arrivée
qu’en troisième position (18 %). Il
se maintient, mais le match se joue-
ra entre l’écologiste Anne Vignot, à
la tête d’une liste d’union de la gau-
che (31,21 %), et le LR Ludovic Fa-
gaut (23,59 %).
À Quimper, le maire Agir Ludovic
Jolivet (30,26 %) a négocié avec la
députée LREM Annaïg Le Meur
(13,75 %) pour éviter une victoire
de la DVG Isabelle Assih (32,06 %).
● Le PS en danger
Les discussions entre Martine Aubry
et les écologistes ayant échoué, la
maire de Lille se retrouve en trian-
gulaire. Avec 29,8 %, elle n’a que
cinq points d’avance sur Stéphane
Bally (EELV). Son ancienne directri-
ce de cabinet, Violette Spillebout
(LREM, 17,53 %) se maintient. Les
8,85 % de LFI et les 8,25 % de Marc-
Phlippe Daubresse (8,25 %) les dé-
partageront.
Le match sera serré à Metz pour
succéder au PS Dominique Gros,
entre le sénateur LR François Grosi-
dier (29,76 %) et l’écologiste Xavier
Bouvet (24,98 %). Tout dépendra
du report des voix macronistes
(7,16 %) et Insoumises (6,14 %).
Pour le PC, le plus grand danger est à
Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) où
le député PS Mathieu Hanotin
(35,32 %) a devancé le sortant Lau-
rent Russier (24 %). L’alliance avec
le LFI Bally Bakayoko (18 %) suffira-
t-elle au PC pour garder une ville
qu’il contrôle depuis 1920 ?
● Les paris du RN
À Perpignan, Agnès Langevine
(EELV) et Romain Grau (LREM) se
sont retirés pour faire barrage à
Louis Aliot, candidat du RN arrivé
largement en tête (35,66 %). Leurs
électeurs voteront-ils pour autant
pour le controversé sortant Jean-
Marc Pujol (LR, 18,44 %) ?
Le RN aimerait conserver Mantes-
la-Ville, gagnée en 2014 en quadran-
gulaire. Cyril Nauth est en tête
(33,72 %), devant le candidat soute-
nu par LREM (27,22 %). Tout dépen-
dait du maintien de la candidate
EELV-PS Amitis Messdaghi. Duel
plus difficile pour le RN à Carpentras
(Bertrand de la Chesnais, 30,89 %,
est devancé par le maire sortant Ser-
ge Andrieu) et à Frontignan.
● Duels à gauche
À Montpellier, le DGV Philippe Sau-
rel a réalisé un des plus mauvais sco-
res pour un sortant de grande ville
(19,11 %). Le PS Michaël Delafosse
(16,66 %) a conclu un accord avec
les Verts (7,43 %) et l’humoriste
Rémi Gaillard (9,59 %). À Auber-
villers, la maire PC sortante Meriem
Derkaoui n’étant arrivée que troi-
sième (17,67 %). Mais trois listes de
gauche ayant totalisé 47 % se sont
regroupées derrière Sofienne Kar-
rouni, adjoint de Derkaoui qui l’a
devancée. La Rochelle va revivre le
duel entre le sortant PS Jean-Fran-
çois Fountaine (32,62 %) et le député
DVG Olivier Falorni – tombeur de
Ségolène Royal en 2012 – qui le de-
vance d’une tête (33,26 %). Mais
Fountaine bénéficie du soutien des
écologistes (16,70 %). Confrontation
incertaine également à Sarcelles en-
tre le sortant PS Patrick Haddad
(39 %) et François-Xavier Valentin
(36,73 %) soutenu par le député et
ancien maire François Pupponi. Au
Kremlin-Bicêtre, combat âpre entre
le sortant Jean-Marc Nicolle et le dé-
puté Jean-Luc Laurent qui lui avait
cédé son fauteuil de maire. À Garda-
ne, pour succéder au communiste
Roger Meï, le match est serré entre le
PC (23,78 %) et le PS (22,84 %).
● Duels à droite
À Levallois-Perret, le couple Balka-
ny ayant « répudié » sa candidate
Agnès Pottier-Dumas pourtant arri-
vée en tête (34,6 %) leur éternel ad-
versaire DVD Arnaud de Courson
(20,76 %) fait désormais figure de
favori. D’autant qu’il a été rejoint
par la LREM Maud Bregeon
(15,04 %) avec la bénédiction
d’Édouard Philippe. À Montereau-
Fault-Yonne, guerre frontale entre
l’ancien maire Yves Jégo (41,22 %)
et le successeur qu’il avait désigné
James Chéron (48,49 %). À Colmar,
Éric Straumann (37,46 %) pourrait
profiter des querelles internes à la
liste du sortant Gilbert Meyer
(32,46 %). À Saint-Lo, la DVD Em-
manuelle Lejeune (33,93 %) a de-
vancé le sortant François Brière
(31,83 %). ■
 LE FIGARO mercredi 3er juin 2020

POLITIQUE 7

les plus grandes villes de France ? Wasquehal

Armentières Halluin

Favoris et matchs incertains Hazebrouck

Lille
Croix
Roubaix
Villeneuve-d’Ascq
dans les 240 villes de plus
Bruay-la-Buissière
Lambersart Maubeuge

de 20 000 habitants Abbeville

Douai
Cherbourg-
en-Cotentin Amiens
Le Havre
Sotteville-lès-Rouen
Rouen Nogent-sur-Oise Thionville

Lisieux Creil Châlons- Metz Forbach

St-Lô en-Champagne
Évreux
Bar-le-Duc Nancy
St-Malo Strasbourg
Dreux
Brest Alençon Illkirch-Graffenstaden
St-Brieuc Saint-Dizier

Quimper Rennes Épinal

Colmar
Laval Fleury-les-Aubrais
Lorient
Orléans Auxerre
Vannes Le Mans Mulhouse
NOMBRE D’HABITANTS Belfort
Coueron Tours
Plus de 100 000 Dijon
Orvault
50 000 à 100 000 St-Nazaire Nantes Besançon
Saumur Bourges
30 000 à 50 000 Rezé Cholet
St-Herblain Beaune
20 000 à 30 000 Challans
La Roche-sur-Yon Lons-le-Saunier
VICTOIRES ASSURÉES Poitiers
Les Sables-d’Olonne Montluçon
Candidat en tête avec plus de 40 % Moulins Thonon-lès-Bains
et une très large avance sur le second, Guéret
celui-ci n’ayant pas suffisamment de La Rochelle Vaulx-en-Velin
réserves pour remonter
Rochefort Limoges Villeurbanne Annecy
Clermont-Ferrand
Saintes Lyon Meyzieu
VICTOIRES PROBABLES Oullins Bron
Chambéry
Sortant ou candidat de la même famille
politique que le sortant (candidat nettement
St-Étienne Bourgoin-Jallieu
Vénissieux
en tête et perspective a priori impossible pour Périgueux St-Genis-Laval Grenoble
Fontaine
le second de former des alliances majoritaires)
Mérignac Bergerac
Aurillac
COULEUR POLITIQUE DES LISTES Échirolles
St-Médard-en-Jalles Bordeaux Romans-sur-Isère
PCF Pessac Bègle

PS, gauche et DVG Montélimar

Villeneuve-sur-Lot Rodez
EELV La Teste-de-Buch Villenave-d'Ornon
Orange
MoDem Montauban Carpentras Menton
LREM Albi Millau Nîmes
Cavaillon Cagnes-sur-Mer
LR, droite, DVC Avignon
Montpellier Aix-en-Provence
RN Biarritz
Colomiers Toulouse Nice
Lunel Arles Gardanne
Divers Sète Les Pennes Mirabeau Allauch
Pau Tournefeuille
Narbonne Aubagne
BASCULES PROBABLES Frontignan Marseille La Garde
Sortant nettement devancé ou très menacé Carcassonne Agde
Tarbes La Ciotat
Hyères
par des alliances de second tour
La Seyne-sur-Mer
LREM - droite Six-Fours-les-Plages
LREM - gauche Perpignan Bastia

Droite - gauche
LA RÉUNION (Régionalistes)

La Possession
PC - PS St-Denis
Gauche - droite
St-Paul
Divers - divers
St-Leu
BATAILLES INCERTAINES St-Louis
Les plus intéressantes, d’autant qu’elles touchent
des villes comme Marseille, Lyon, Toulouse,
Bordeaux, Lille, Strasbourg, Le Havre L’Île-de-France
Pierrefitte-sur-Seine
Gauche - droite

EELV - LREM - droite

Villepinte
Pontoise St-Denis
Gauche - gauche Les Mureaux Sarcelles Villeneuve-la-Garenne Sevran
Cergy Eaubonne Aubervilliers
3. 7. Goussainville Colombes
EELV - LREM St-Ouen-sur-S.
2.
Mantes-la-Ville Bobigny
Gauche - EELV Gonesse Courbevoie
Achères Bondy
Villeparisis Noisy-le-Sec
PC - LREM Maisons-Laffitte G.-les-Gonesse Levallois-Perret Les Lilas
Villemomble
Plaisir Rueil-Malmaison 5. Rosny-sous-Bois
Houilles 1. Deuil-la-Barre 6. Bagnolet
RN - droite Argenteuil Bussy-st-Georges Suresnes Paris Neuilly-sur-Marne
9. Saint-Mandé
EELV - droite Trappes Savigny- Orly Ozoir-la-Ferrière Montrouge Nogent-sur-Marne Noisy-le-Grand
Sur-Orge Arcueil
Droite - droite Guyancourt Athis-Mons Chaville Châtillon 4.
Gauche - LREM - droite Rambouillet Ivry-sur-Seine Champigny-sur-Marne
Morsang-sur-Orge
Les Ulis Clamart Fresnes
Gauche - LREM Melun 1. Bezons
St-Maur-des-Fossés
LREM - droite Brétigny-sur-Orge 2. Sannois Fontenay-aux-Roses 8.
Créteil
Corbeil-Essonnes 3. Montmorency
Villejuif
Gauche - gauche - droite Choisy-le-Roi
Étampes 4. Le Kremlin-Bicêtre Vitry-sur-Seine
5. Romainville
Montereau-Fault-Yonne 6. Champs-sur-Marne Villeneuve-St-Georges
7. Villiers-le-Bel
A

8. Bourg-la-Reine
Grande couronne 9. Villiers-sur-Marne
(SEINE-ET-MARNE, YVELINES, ESSONNE ET VAL-D’OISE) Source : ministère de l’Intérieur Infographie
 mercredi 3er juin 2020 LE FIGARO
8 POLITIQUE
De Macron à Wauquiez,
le dernier pari de Gérard Collomb
TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@ TristanQM
ET MARCELO WESFREID
£ @mwesfreid
LYON C’est un buste qu’il a trouvé
dans une armoire. La sculpture au
matériau sombre gisait là, comme
une âme en peine. À son arrivée à
l’hôtel de ville, voilà presque vingt
ans, Gérard Collomb s’en est em-
paré. Il l’a installée devant l’âtre de
la cheminée qui fait face à son bu-
reau. On y reconnaît Édouard Her-
riot, le maire de Lyon pendant qua-
rante-six ans et ministre d’État,
comme lui. Une figure du radicalis-
me de la IIIe et de la IVe République,
qui fut le maître de sa ville jusqu’à
son dernier soupir. Quand Gérard
Collomb sort la tête de ses dossiers,
il peut contempler son impertur-
bable prédécesseur, son modèle.
Comme on caresse une destinée.
Pour l’ancien socialiste,
conseiller municipal depuis 1977,
ce rêve de longévité est pourtant
sur le point de s’effondrer. Le
28 juin, jour du second tour des
municipales, l’édile aura fort à faire
pour sauver son héritage. Au pre-
mier tour, sa liste est arrivée troi-
sième. « C’est un score totalement
décevant, reconnaît-il, auprès du
Figaro. Les gens ont voté sur fond de
réforme des retraites. Les gens ne
me parlaient que du 49-3 ! J’ai sans
doute été vu comme celui qui a per-
mis l’élection de Macron et en même
temps comme celui qui est parti du
gouvernement, j’ai cumulé les désa-
vantages. » Affaibli, l’ancien mi-
nistre de l’Intérieur a déjà renoncé
à reconquérir la métropole, où se
trouvent les leviers économiques et
l’essentiel du budget. À 72 ans,
pourra-t-il au moins conserver la
mairie avec son poulain Yann Cu-
cherat dans le cadre d’une élection
qui se jouera au troisième tour,
quand les conseillers éliront leur
maire ? La situation paraît mal en-
gagée. « Tout est gagnable, mais
avant de penser au troisième tour, il
faut gagner le deuxième », insiste
toutefois Collomb, qui s’est occupé
personnellement de bâtir la liste de
second tour, déposée ce mardi en
préfecture.
Acculé, « Gégé », comme on le
surnomme localement, mise sur un
ultime coup de poker. Tournant le
dos à ses anciens amis, il s’est allié
fin mai avec ses adversaires de
droite, en nouant un accord surpri-
se avec Laurent Wauquiez, l’ex-
patron de la droite, avec lequel il
s’est encore entretenu par télépho-
ne ce lundi. Ce rapprochement a
ulcéré la macronie. « J’éprouve
énormément de déception », a réagi
la porte-parole du gouvernement,
Sibeth Ndiaye. « Ce rassemblement
large peut paraître étonnant. Mais je
le fais dans l’intérêt de notre agglo-
mération, rétorque le maire sor-
tant, mettant en avant l’urgence
économique. Nous allons connaître
une crise rude, il faut des gens qui
connaissent l’entreprise. » Ce sera
l’argument des prochains jours : les
écologistes, alliés à la gauche, ne
sauront pas relancer l’activité.
Si les critiques ont déferlé, cer-
taines personnalités lui ont toute-
fois apporté leur soutien, comme
François Bayrou ou l’ancien pre-
mier ministre Manuel Valls. Le re-
trait de son investiture LREM par la
direction du parti ? Elle ne semble
guère émouvoir cet ancien trublion
du Parti socialiste. « Je ne me laisse
pas caporaliser. Même le PS ne
m’avait pas retiré son investiture »,
grince-t-il…
Ironie de l’histoire, parmi ses
nouveaux alliés se trouvent des élus
qui ont porté plainte, il y a quelques
mois, contre Gérard Collomb, lui
reprochant d’avoir mis les moyens
de la mairie à la disposition d’un
certain Emmanuel Macron, pen-
dant la présidentielle - plainte clas-
sée depuis. « Je n’ai pas de rancune,
répond simplement Collomb. Il faut
être pragmatique. J’ai mis vingt ans
à conquérir cette ville, vingt ans à la
transformer ensuite, alors je place
A
Lyon au-dessus de tout. » Après
tout, en 2001, son prédécesseur
Raymond Barre avait déjà trans-
gressé en confiant la ville à son op-
posant socialiste.
Quel retournement de situation !
Le 14 mai 2017, « Gégé » est en
pleurs dans la salle des fêtes de
l’Élysée. Gérard Collomb fut le pre-
mier poids lourd à croire en les
chances d’un jeune ministre de
l’Économie. Il tombe sous le char-
me dès 2015. Pendant la présiden-
tielle, c’est le Lyonnais qui scelle le
rapprochement avec le MoDem,
lors de discussions secrètes au Sé-
nat en présence de François Bay-
rou, dans le bureau de l’actuelle
ministre de la Cohésion des terri-
toires, Jacqueline Gourault. Un ac-
cord se dessine : le maire de Pau se
retire contre l’assurance de dispo-
ser d’un grand nombre de places
aux législatives. La manœuvre sera
déterminante.
Sans Gérard Collomb, la fusée
Macron n’aurait peut-être jamais
décollé. Il lui apporte son réseau, sa
crédibilité, ses conseils de vieux
routier, son carnet d’adresses, ses
talents - son collaborateur Jean-
Marie Girier deviendra le directeur
de campagne. « Je n’ai pas de re-
grets, j’ai vécu de beaux moments »,
raconte Gérard Collomb. Emma-
nuel Macron propulse son fidèle
soutien à la tête d’un ministère clé :
l’Intérieur. « J’y suis allé pour rendre
un service, c’est faux de dire que cela
était mon rêve », assure l’intéressé.
“ J’ai mis vingt ans
à conquérir cette ville,
vingt ans à la
transformer ensuite,
alors je place Lyon
au-dessus de tout
GÉRARD COLLOMB
” net à la métropole et veille au grain.
Le baron hésite, effet. Il demande
un temps de réflexion. Son ambi-
tion est de présider la métropole de
Lyon. Cette collectivité est un cas
unique en France : son président y
est élu au suffrage universel direct.
C’est une grosse cylindrée concen-
trant tous les pouvoirs, imaginée
sur mesure pour Gérard Collomb.
Aller à Paris, c’est prendre le risque
de rater la précampagne. Rester à
Lyon, c’est rester cantonné au rang
de baron local, alors que moult fi-
gures lyonnaises ont eu une expé-
rience nationale (Najat Vallaud-
Belkacem, Michel Mercier, Thierry
Braillard…). Il cède aux sirènes pa-
risiennes. « C’est un grand fauve
qui aurait aimé tout avoir et cumu-
ler », peste le député LREM Thomas
Rudigoz, un ex-ami du couple Col-
lomb qui a pris ses distances.
Place Beauvau, il lance plusieurs
réformes : sur le renseignement, la
police de proximité, et surtout la loi
asile et immigration, qui crispe
l’aile gauche de la majorité. Les re-
lations avec le couple Macron sont
au beau fixe - chaque jour, il fait
envoyer aux cuisines de l’Élysée les
œufs de ses quatre poules qui
s’égaient dans le jardin de Beauvau.
En revanche, ses relations avec
Édouard Philippe, qu’il court-cir-
cuite en permanence, sont exécra-
bles. Le premier ministre impose
les 80 km/h contre son avis de mi-
nistre de l’Intérieur, chargé de la
Sécurité routière. « Il n’avait jamais
eu de patron à Lyon, alors cela a été
difficile pour lui de s’habituer au tra-
vail collectif », résume un membre
du gouvernement. « Il était mal-
heureux. Dès le début, avec la baisse
de 5 euros des APL, il m’a dit : “C’est
quoi, cette connerie ?” », narre Ro-
land Bernard, son confident depuis
quarante ans et propriétaire de
l’hôtel ou a été scellé le pacte avec
la droite lyonnaise.
Pour garder la place lyonnaise
sous bonne surveillance, il laisse les
manettes à deux de ses plus pro-
ches fidèles : Georges Képénékian,
son ancien premier adjoint, à la
mairie, et David Kimelfeld, son ex-
dauphin, à la métropole. Sa très
proche conseillère Arabelle Cham-
bre Foa devient directrice de cabi-
Il multiplie les allers-retours, par-
fois en hélicoptère, pour rejoindre
les berges du Rhône dès le début du
week-end.
La première secousse intervient
à l’été 2018. L’affaire Benalla éclate.
Le voilà convoqué devant le Parle-
ment. Il doit répondre des prati-
ques d’un collaborateur du chef de
l’État. « Gérard peut être une brute
avec ses collaborateurs. Alors, il ne
comprend pas que Macron s’accro-
che et ne vire pas ce type », résume
un ami. Il a par moments le senti-
Il fut longtemps
le premier
des macronistes.
Acculé après
les résultats du
premier tour,
le maire sortant
de Lyon a choisi
de s’allier à ses
adversaires de
droite. Récit d’une
ultime manœuvre
politique.
Gérard Collomb, ment qu’on veut lui faire porter le rant au sommet de l’exécutif.
le 28 mai, à Lyon, chapeau. « Il paniquait » observe Édouard Philippe doit répondre
lors de la conférence Thomas Rudigoz, présent lors de aux questions au gouvernement,
de presse où il a son audition devant la commission quand l’information fuite. Quand
annoncé une alliance d’enquête de l’Assemblée. elle apprend la démission de son
avec la droite. Mais c’est la situation lyonnaise mari, Caroline Collomb envoie im-
JEFF PACHOUD/AFP
qui le mine : Gérard Collomb note médiatement un SMS à son mari :
que le système pourtant bien ver- « Bravo, tu l’as enfin fait ! » Le texto
rouillé qu’il a mis en place vacille. Il est accompagné d’images de bou-
craint des putschs. « David Kimel- teilles de champagne. « Auprès du
feld n’avait pas vocation à endosser président, il s’est justifié en s’ap-
le rôle du traître mais il avait des puyant sur la menace de la conquête
convictions et n’était pas taillé pour de la métropole par Wauquiez. Il lui
jouer au petit script », glisse un
Marcheur.
Son épouse, Caroline, qui dirige
la fédération du Rhône de LREM,
suscite l’ire de nombreux militants
“ J’y suis allé pour
rendre un service,
- elle démissionnera bientôt. « On
c’est faux de dire que
cela était mon rêve
a dit qu’elle avait mauvais caractère.
Puis, on l’a dit de moi. C’est sans
doute un trait de famille, c’est peut-
GÉRARD COLLOMB, AU SUJET
DE SA NOMINATION À L’INTÉRIEUR
”
être le cas alors de mes cousins et
cousines, qui sait ? », ironise-t-il. Il a dit : “Le seul qui peut faire barra-
n’empêche : son épouse fait pres- ge, c’est moi” », s’étouffe a poste-
sion pour qu’il rentre rapidement à riori Georges Képénékian, qui avait
Lyon. alerté le chef de l’État d’une ruptu-
« malheureux.
Le 1er octobre 2018, tout s’accé- re politique annoncée lors d’un
Il était lère. Gérard Collomb est censé aparté dans l’avion présidentiel, au
prendre l’avion pour représenter la retour d’un voyage en Arménie.
France aux commémorations des Il s’en est fallu de peu que Col-
Dès le début 60 ans de la Guinée. Mais il rate le lomb ait à gérer la crise des « gilets
avec vol de 18 h 50 car il est enfermé jaunes », qui débute un mois et
la baisse dans son bureau de Beauvau à rédi- demi après son départ. « Peut-être
ger sa lettre de démission. Quand il aurais-je pu m’y prendre différem-
de 5 euros vient l’apporter en mains propres à ment, grince-t-il aujourd’hui en
des APL, il Emmanuel Macron, ce dernier dé- pointant implicitement l’attitude
m’a dit « c’est ploie des trésors de cajolerie pour le de Christophe Castaner. Je serais
faire changer d’avis. Il est alors allé sur les ronds-points, moi.
quoi cette persuadé d’avoir réussi et d’avoir J’avais conscience de la coupure en-
connerie ?»
ROLAND BERNARD,
» « acheté du temps ». Le chef de
l’État veut à tout prix éviter une
tre les territoires et le pouvoir cen-
tral. »
CONFIDENT deuxième catastrophe après le dé- Gérard Collomb sait in petto que
DE GÉRARD COLLOMB part tonitruant de Nicolas Hulot. son ultime bataille électorale sera la
DEPUIS 40 ANS
Le 3 octobre, Gérard Collomb fait plus dure. Alors, il regarde, encore
venir Georges Képénékian à Beau- et toujours, le buste d’Édouard
vau, « en principe pour parler d’un Herriot. « Quand les socialistes ont
dossier ». Au déjeuner, on boit co-
pieusement et on discute pendant
deux heures. Le premier flic de
adhéré à la SFIO, il a démissionné de
son poste pour se faire réélire avec le
centre droit. Il a été obligé de faire
France exige de son lieutenant qu’il des alliances pour sauver sa ville. »
lui rende les clés de la mairie. Mais il ajoute, comme une confi-
« C’était un contrat moral entre dence : « Je vais le regretter, ce bu-
nous, je l’ai fait très librement », ra- reau… » L’avenir ? Certains imagi-
conte l’élu. À la sortie, Gérard Col- nent le septuagénaire tenir les
lomb reçoit Le Figaro dans son bu- rênes de la ville en coulisses.
reau. Il a promis à ses équipes de D’autres l’imaginent candidat aux
consacrer l’interview au rabibo- sénatoriales. Lui ferme cette porte.
chage avec le chef de l’État. Mais le « Je ferai des conférences, j’animerai
déjeuner a changé la donne. Il an- un think-tank, j’écrirai des livres.
nonce sa démission et son retour à Quand on tourne une page, on la
la mairie. Personne n’est au cou- tourne. » ■

La République
en marche anticipe
une lourde défaite
Après un premier tour décevant et des stratégies d’alliances
contestées, les Marcheurs veulent tourner la page.
MATHILDE SIRAUD £@Mathilde_Sd
MUNICIPALES De l’aveu d’un minis-
tre, ces élections municipales seront
un « fiasco » pour La République en
marche. « Qu’on en finisse ! Il faut
qu’on prenne notre perte sur ce scrutin
pour passer à autre chose », presse
une responsable du parti présiden-
tiel, qui parle, elle, de « Berezina ».
Un cadre macroniste du sud de la
France se désole d’avance : « Ça va
être un carnage ». Après les mauvais
résultats du premier tour, et alors
que les stratégies d’alliance sèment la
discorde, le mois de juin s’annonce
pénible pour les Marcheurs.
Le soir du 15 mars, les candidats
estampillés LREM ou majorité prési-
dentielle se sont retrouvés relégués
dans de nombreuses villes en troisiè-
me, voire quatrième position. Alors
que le parti présidentiel misait sur
des victoires à Lyon, Strasbourg et
espérait - sur un malentendu - pou-
voir l’emporter à Paris, les chances
de conquête semblent aujourd’hui
bien minces. La direction de LREM
ne cite plus que Strasbourg, Besan-
çon et Aix-en-Provence comme
d’hypothétiques réussites. « La dé-
putée Anne-Laurence Petel a de réel-
les chances de victoire à Aix. L’accord
avec le candidat divers droite peut
marcher car il y a un vrai rejet du clan
de la maire Maryse Joissains », veut
croire un cadre macroniste.
À défaut de remporter des villes, le
parti d’Emmanuel Macron a bon es-
poir de s’imposer comme un groupe
d’opposition dans des métropoles
comme Lille ou Grenoble. Le délégué
Les Républicains veulent croire
à leur « dynamique » du premier tour
EMMANUEL GALIERO egaliero@lefigaro.fr
MARION MOURGUE£@MarionMourgue
À QUELQUES semaines du second
tour des municipales, Les Républi-
cains se veulent confiants. « Nous
avons eu de très bons résultats au pre-
mier tour. La droite et ses alliés ont
remporté 56 % des communes de plus
de 9 000 habitants », détaille Chris-
tian Jacob. « On maintient nos posi-
tions et on fait plus que tous les autres
partis réunis au premier tour ! C’est
notre première victoire depuis 2017 »,
se réjouit le président des Républi-
cains, convaincu de pouvoir faire
aussi bien le 28 juin.
Un résultat qui s’explique en par-
tie par le nombre de maires LR sor-
tants, mais aussi par le contexte po-
litique national. « Alors que nous
vivons le premier grand moment de la
désillusion LREM et de son échec mas-
sif, des électeurs qui nous avaient
quittés sont revenus », se réjouit le
député des Alpes-Maritimes Éric
Ciotti, convaincu d’un retour de la
« crédibilité LR » et du « bon bilan »
des maires sortants en capacité de
l’emporter le 28 juin. « À l’exception
de quelques maires venus de la droite
qui avaient rejoint le parti présiden-
tiel, LREM subit une Berezina partout
dans les grandes villes », poursuit le
député.
Alors que Les Républicains crai-
gnaient le ralliement d’élus locaux à
la majorité présidentielle, ils ont été
satisfaits de les voir conserver l’éti-
quette LR. « Les difficultés annoncées
par les adversaires de la droite ne sont
pas confirmées », juge ainsi Renaud
Muselier. Le président de la région
Paca estime aussi que, dans sa ré-
gion, « il n’y a pas eu de percée » du
RN. « Notre famille politique est vi-
vante grâce à Christian Jacob et ses
équipes », affirme-t-il. « Les Répu-
général, Stanislas Guerini, souligne
que sur 574 candidats investis, 74 ont
gagné dès le premier tour. Il s’agit
d’une majorité de maires sortants. Le
patron du parti continue de se mon-
trer confiant sur l’issue du scrutin.
Guerini a assuré au premier ministre,
mardi matin, lors du petit-déjeuner
de la majorité, qu’il parviendrait à
remplir l’objectif fixé de 10 000 élus
locaux. Les macronistes vont cher-
cher à mobiliser leur électorat. « On
risque de payer la stabilité des maires
en place, la crise, mais aussi la divi-
sion », s’inquiète le patron des séna-
teurs macronistes, François Patriat,
qui avait plaidé pour un report d’un
an du scrutin.
“ On risque de payer
la stabilité des maires
en place, la crise,
mais aussi la division
”
FRANÇOIS PATRIAT, PATRON
DES SÉNATEURS MACRONISTES
En plus du spectre d’une lourde
défaite, l’organisation du second
tour met en lumière, une nouvelle
fois, les failles du parti, qui pâtit d’un
manque d’expérience et d’implanta-
tion locale. À Rouen, le candidat
LREM, arrivé en troisième position
au premier tour, a jeté l’éponge. À
Perpignan, où le candidat Romain
Grau s’est désisté pour éviter une
victoire du Rassemblement national,
l’une de ses colistières a appelé à
voter pour Louis Alliot… Les straté-
gies d’alliance menacent aussi de fai-
re imploser le parti. Des rapproche-
blicains sont en ordre de marche pour
faire vivre des idées efficaces au ni-
veau local, mais pas encore reconnues
au niveau national », constate néan-
moins Muselier.
« Ligne de crête »
En coulisses, les ténors de la droite
croisent les doigts pour quelques
grandes villes où la partie est encore
incertaine, comme à Marseille, Tou-
louse et même Bordeaux. « Si on veut
gagner les municipales, il faut gagner
ou conserver une des trois grandes
villes Paris-Lyon-Marseille », dé-
crypte un élu LR. « Nous sommes sur
une ligne de crête dans certaines
zones », glisse un cadre du parti LR,
inquiet face la stratégie dissidente de
Bruno Gilles dans la Cité phocéenne
où Martine Vassal a été investie par
Les Républicains. « Il est devenu din-
gue. C’est une forme de suicide politi-
que », lâchait un élu mardi, quelques
heures avant de connaître la position
ments locaux avec des candidats
Les Républicains proches de Laurent
Wauquiez à Lyon ou de Rachida Dati
dans le 5e à Paris passent mal.
« Des électeurs de droite nous ont re-
joints il y a deux ans justement parce
que Laurent Wauquiez et Rachida
Dati représentaient une droite rétro-
grade, à l’opposé de nos valeurs. S’il
n’y a pas d’autres solutions d’ententes
locales, alors je préfère perdre une
élection ! », a réagi l’eurodéputé
Stéphane Séjourné, macroniste his-
torique et proche du président, jeudi,
sur Twitter.
Stanislas Guerini a assuré dans Le
Parisien samedi qu’il n’y aurait pas
« d’alliances à tout prix », ce qui n’a
pas suffi à apaiser les esprits. « Ça va
commencer à se voir que le “en même
temps” penche clairement à droite »,
fulmine un responsable local. « Les
résultats du second tour et la stratégie
illisible peuvent laisser des traces. La
gestion des municipales par le mouve-
ment est un accident industriel. Quand
il n’y a aucune colonne vertébrale, il ne
reste que la méthode électorale. Et
quand celle-ci ne fonctionne plus, cela
crée l’effondrement du système. On
perd sur tous les tableaux : la défaite,
et les honneurs », s’alarme un haut
gradé de la majorité.
À Marseille, « il n’y a aucune ligne
politique », se désole un observateur,
et les Marcheurs se déchirent sur les
choix d’alliances. Stanislas Guerini
voyait aussi ce second tour comme
une opportunité pour LREM de se ra-
bibocher, localement, avec des par-
tenaires de la majorité comme le Mo-
Dem. Or, là encore, des divergences
se font jour entre les états-majors des
définitive du sénateur LR à l’heure
du dépôt des listes.
Reste aussi l’épineuse question
lyonnaise et ses conséquences sur le
parti. Annie Genevard met en garde
Les Républicains face aux alliances
locales avec le parti du président de
la République. « Attention à ne pas
relégitimer LREM, alors que toutes les
crises récentes ont montré leurs limi-
tes et que nous constatons la réappa-
rition du clivage gauche-droite. Nous
devons la clarté aux Français », affir-
me la présidente du conseil national
de LR. Et Annie Genevard de s’in-
quiéter que ces jeux d’alliances ne
perturbent les résultats escomptés
au second tour. En visant des villes
comme Lyon et Bordeaux, la parle-
mentaire invite son parti à « circons-
crire les accords conclus aux stricts
périmètres locaux » et à assumer sa
position d’opposant aux Marcheurs.
« LR n’a rien à gagner à une telle
confusion », prévient l’élue. ■
POLITIQUE
Stanislas Guerini, deux partis alliés. Mardi matin,
délégué général François Bayrou s’est indigné sur LCI
de LREM (ici, le 20 mai du sort réservé à Gérard Collomb par
à Paris), a assuré LREM. Le bureau exécutif des deux
au premier ministre, partis, qui devait se réunir mardi
mardi, qu’il parviendrait
soir, a finalement été reporté.
à remplir l’objectif fixé
de 10 000 conseillers Perdu pour perdu, de nombreux
municipaux issus de ses cadres macronistes commencent
troupes. MARC CHAUMEIL déjà à tirer des leçons de ce premier
scrutin local qui devrait, selon eux,
Les écologistes tentent
de sauver les meubles
SOPHIE DE RAVINEL £@S2RVNL
LES TROIS semaines qui viennent
s’annoncent rudes pour les écolo-
gistes. À la sortie du premier tour,
le 15 mars dernier, EELV était en
mesure de se maintenir dans
122 villes, soit 6 fois plus qu’en
2014. Après les Européennes où ils
sont arrivés en tête de la gauche
avec 13,5 % des voix, leurs scores
ont particulièrement percuté dans
les grandes villes comme Besan-
çon, Bordeaux, Grenoble, Lille,
Lyon, Nantes, Poitiers, Rennes,
Strasbourg, Toulouse… Parfois
Christian Jacob seuls, parfois en coalition.
à Matignon, le 20 mai. Cette réussite, particulièrement
Fort des résultats
du premier tour des vraie dans les grandes zones urbai-
municipales, le président nes, a cependant provoqué la créa-
des Républicains est tion d’un front de réactions anti-
convaincu de pouvoir écologie assez puissant, et qui
faire aussi bien le compte bien appuyer son argu-
28 juin. THOMAS COEX/AFP mentaire sur la crise économique à
venir. Les cadres d’Europe Écolo-
gie-Les Verts craignent d’en faire
les frais. C’est particulièrement le
cas à Bordeaux et à Lyon où Les Ré-
publicains et les Marcheurs, après
s’être copieusement arrosés avant
le premier tour, sont désormais as-
sociés. « Je ne comprends pas cette
dérive, cette crainte irrationnel-
le ! », a indiqué mardi Julien Bayou
sur plusieurs médias, dénonçant
« une coalition anti-climat ». Il juge
que « dans cette macronie qui disait
être écolo, tout est bon pour sauver
des postes, y compris s’allier avec
une droite conservatrice voire réac-
tionnaire ». À entendre le secrétai-
re national d’EELV, « face aux éco-
logistes qui regardent le monde tel
qu’il est (…) on n’a rien ou presque
en dehors de : ‘“Au secours, les éco-
logistes arrivent !” »
Cette hostilité cependant - « le
signe de notre influence grandis-
LE FIGARO mercredi 3er juin 2020
9
déclencher des changements à tous
les étages du pouvoir. « La défaite
doit servir d’électrochoc, plaide un
ami du président. Les municipales ont
été pensées avec LREM comme parti
majoritaire. Or, nous sommes deve-
nus, en trois ans, un parti d’appoint.
Au lieu de faire 30 % et d’aller cher-
cher des gens, on se retrouver à jouer
les supplétifs de Dati à Paris. » ■
sante », indique-t-on en interne
chez EELV, ne se manifeste cepen-
dant pas que dans des coalitions
avec la droite. C’est aussi le cas à
Lille et à Strasbourg ou la maire
sortante PS Martine Aubry et l’ex-
maire PS Catherine Trautmann ont
refusé toute alliance avec EELV.
Alors même qu’à Strasbourg,
l’écologiste Jeanne Barseghian est
arrivée très largement en tête avec
huit points d’avance. À Lille, avec
24,5 % des voix, l’écologiste
Stéphane Baly n’est arrivé que
5 points derrière Martine Aubry…
Une attente forte
« Martine Aubry n’est pas à la hau-
teur d’elle-même et de l’histoire de
la gauche qu’elle représente », re-
grette Stéphane Pocrain, un des
conseillers d’EELV et vieux com-
pagnon de route du parti. « Per-
sonne ne peut nier qu’elle soit de
gauche, mais elle ne s’est pas
convertie à la question écologique et
reste prisonnière d’une vision obso-
lète du développement urbain ! »
Sur le maintien de Catherine
Trautmann à Strasbourg, son juge-
ment n’est pas très éloigné et il
pointe « une incapacité à penser
que les écologistes puissent être lea-
ders ». Pocrain en est convaincu :
« C’est le vieux monde qui s’accro-
che pour ne pas mourir. »
Ces deux exemples ne doivent
pas masquer la réalité d’accords
municipaux fructueux à gauche. Ils
expriment cependant la difficulté
des écologistes à s’imposer malgré
leurs scores et une attente forte.
Des difficultés liées à la fois à la fai-
blesse de leur petit parti de quel-
ques milliers d’adhérents et à des
tensions politiques internes qui
devront être résolues d’ici les ré-
A
gionales de l’an prochain. Sans
même parler de 2022. ■
 mercredi 3er juin 2020 LE FIGARO
10 SOCIÉTÉ
Retour
au bureau :
de l’allant
et des regrets
Alors que le soulagement gagnait
certains, d’autres se seraient
bien vus continuer à télétravailler.
CORINNE CAILLAUD £@corinnecaillaud
ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne
ET WILLIAM PLUMMER
£@PlummerWilliam
TRAVAIL Ce mardi matin, il y avait
comme une ambiance de rentrée
des classes pour des centaines de
milliers de salariés, entre ceux qui
y retournaient en traînant des
pieds et ceux qui comptaient les
heures avant cette deuxième étape
du déconfinement.
Vanessa, directrice de la com-
munication de BNP Paribas Factor,
à Rueil-Malmaison, n’a pas vu son
enthousiasme entaché par les em-
bouteillages. « Même si le télétravail
s’est bien déroulé, dit-elle, j’avais
hâte de revenir sur site. C’est un
premier pas vers un retour à la vie
normale », alors que la totalité des
450 collaborateurs œuvraient à
distance depuis le 17 mars. Des
panneaux rappelant les gestes bar-
rières, un bureau sur deux
condamné, des sièges retirés, des
amplitudes d’ouverture et de fer-
meture de l’immeuble élargies ou
À Paris, le lycée professionnel Albert-de-Mun reprend vie petit à petit
CAROLINE BEYER £@BeyerCaroline
ALORS que, ce mardi 2 juin, sonne le
retour des élèves de lycées profes-
sionnels partout en France - et des ly-
cées généraux et technologiques des
zones vertes -, l’établissement Al-
bert-de-Mun, dans le quartier huppé
des Invalides, à Paris, n’a pas vrai-
ment fermé, lui, pendant le confine-
ment. Patrice Hauchard, directeur de
ce lycée professionnel de 1 500 élèves,
a très tôt lancé l’idée d’un atelier soli-
daire volontaire de confection de
masques, pour que les lycéens de la
section « métiers de la mode » ne
perdent pas « les gestes profession-
nels ». Un atelier cuisine a aussi con-
cocté des repas pour les soignants et
les SDF. Les personnels administratifs
et quelques enseignants volontaires
sont, eux, présents depuis le 11 mai.
À l’accueil de l’établissement ca-
tholique sous contrat, Micheline as-
semble des morceaux de tissus et
des élastiques. Ils vont rejoindre
l’atelier masques, chapeauté depuis
sa création, le 6 avril, par Valentin,
16 ans, en seconde professionnelle.
Quelque 10 000 masques ont ainsi
été distribués à la mairie du 7e et
dans les Ehpad.
Premier service en terrasse pour un restaurant rural de la Mayenne
ÉRIC DE LA CHESNAIS
£@plumedeschamps
C’EST un grand jour pour l’hôtel-
bar-restaurant La Croix verte, à
Neau, en Mayenne. Après deux
mois et demi de fermeture, cet éta-
blissement Logis de France, situé en
zone verte, au cœur d’une bourga-
de de près de 800 âmes, rouvre ses
portes. Son chef et propriétaire, le
charismatique Bertrand Boullier est
connu pour ses talents culinaires
par une clientèle d’habitués, bien
au-delà du département.
Des bouteilles de gel hydroalcoo-
lique sont disposées sur le comptoir
près de la caisse, tout comme sur un
A
présentoir placé sur le trottoir de-
vant de grandes tentes blanches où
encore le kit sanitaire qu’elle s’est
vu remettre étaient quand même là
pour lui rappeler que la normalité
n’est pas pour tout de suite…
Pour le déjeuner, les collabora-
teurs ont pu réserver leur repas par
mail la veille de leur retour et des-
cendre à la cantine étage par étage
à heure fixe, pour y récupérer leur
« lunch box ». « Il faut être prudent
et bien respecter toutes les règles,
ajoute la jeune femme en souriant.
Même si ces mesures sont contrai-
gnantes, la joie de retrouver ses col-
lègues l’emporte sur tout le reste. Et
puis je suis contente de ne pas avoir
mes enfants toute la journée. Ainsi je
ne serai que plus heureuse de les re-
trouver le soir. »
Thomas, notaire à Paris est lui
aussi « heureux de retrouver l’équi-
pe, l’étude et surtout de pouvoir peu
à peu revoir les clients ». Mais,
contrairement à Vanessa, aucun de
ses enfants n’a pu reprendre l’école
et l’organisation à la maison reste
compliquée. « On jongle avec des
baby-sitters et en restant à tour de
rôle chez nous », souligne-t-il.
Ce mardi matin, une dizaine
d’élèves sur 70 participent à ces ate-
liers. « Tu étais où Zoé ? », interroge
Valentin, ciseaux et tissu à carreaux
en main, devant les machines à cou-
ture. « À Avignon », répond la jeune
fille, qui remet les pieds dans son ly-
cée pour la première fois depuis le
16 mars. « Il faut aussi porter un
masque dans la salle ? » « Bien sûr »,
lui répondent en chœur les habitués.
Ici, les gestes barrières et de dis-
sont dressées des tables. Les ser-
veurs sont masqués ou portent une
visière, tout comme le personnel en
cuisine. « La commune a prêté ses
« pasJe nefermer
chapiteaux à cet emblème culinaire
mayennais, souligne José Dard,
maire nouvellement élu de Neau.
Cela fait plaisir que le commerce re-
parte un petit peu, c’est un jour de
fête, quelque part. La renommée de
la Croix verte, traiteur dans l’événe-
mentiel et organisateur de banquets,
va nettement au-delà de la commu-
ne. » Midi sonne au clocher du vil-
lage, les premiers clients viennent
prendre un apéritif en terrasse.
« On a trois mois d’absence et 380
rosés pamplemousse de retard, iro-
nise Joseph Angot, exploitant agri-
cole, en présence de son acolyte Sé-
bastien Tionnière, de l’épicerie La
Depuis Frédéric, commercial dans une
le déconfinement, régie publicitaire, n’a pas d’enfant
le parvis du quartier mais il est lui aussi très heureux de
d’affaires de la Défense faire partie du premier tiers à re-
se repeuple peu à peu. mettre les pieds dans son entrepri-
J.-C. MARMARA/LE FIGARO
se, à raison de deux jours par se-
maine. S’il avait, malgré tout, une
appréhension à l’idée de reprendre
les transports en commun, son tra-
jet en bus et métro à Paris ne l’a pas
traumatisé. Il a été agréablement
surpris de pouvoir s’asseoir dans sa
rame de la ligne 9 et de constater
que « tous les voyageurs étaient
masqués même si, pour les gens qui
voyagent debout, il n’y a pas de dis-
tanciation sociale ». Pour ses collè-
gues qui viennent à vélo, l’entre-
prise a mis de nouveaux rails. Au
bureau, Frédéric a aussi trouvé un
nouveau sens de parcours et des
ascenseurs réservés pour la mon-
tée. Lui aussi a eu droit à son kit sa-
nitaire et a pu retrouver son espace
de travail avec ses deux écrans.
« Ça n’a pas toujours été simple de
travailler sur mon ordinateur porta-
ble, en plus j’ai souvent besoin d’im-
primer des documents, donc c’est
tanciation sociale sont ancrés dans
les esprits. Le proviseur a établi qua-
tre règles : port du masque toute la
journée, usage du gel, distanciation,
nettoyage des locaux. « Ni plus, ni
Le 2 juin, à Paris (7e),
moins. J’ai refusé les fléchages au sol et
dûment protégés,
des lycéens en cours autres règles exigées par les syndicats.
de cuisine préparent Elles n’auraient pas tenu cinq minu-
des repas, au lycée tes », explique Patrice Hauchard, qui
professionnel a fait le choix de ne pas interrompre
Albert-de-Mun. l’activité de son lycée, qui compte
J.-C. MARMARA/LE FIGARO des filières mode, restauration et
Mine aux Gourmands. On vient sou-
vais tenir le commerce local. »
Avec sa tenue blanche de chef
cuisinier, Bertrand Boullier veille à
au mois d’août ce que tout se passe bien. « C’est un
cette année, gros stress pour moi parce qu’il faut
aussi bien protéger nos clients que
car de nos personnels, 11 salariés au total.
nombreuses C’est pour cela que j’apprécie le geste
entreprises du maire, qui a pris un arrêté muni-
cipal pour nous permettre d’installer
du coin vont des tentes sur la voie publique devant
rester ouvertes le restaurant. Il faut que chacun soit
et cela va bien installé pour respecter les règles
de distanciation physique. Je perds
compenser 25 couverts en salle, sur 60, que j’ai
un peu cet récupérées sous les tentes. Cela va
arrêt forcé » reprendre progressivement. »
Une tablée de trois hommes dé-
BERTRAND BOULLIER,
LA CROIX VERTE jeune sous la tente par une brise lé-
gère qui rafraîchit la température
plus pratique d’être sur site », assu-
re-t-il. Les rendez-vous avec ses
clients repartent tout doucement :
« Les agences média pratiquent en-
core le chômage partiel jusqu’à la fin
du mois, et nous n’avons pas beau-
coup de visibilité. » Il n’empêche,
« ça fait du bien de repartir, de
constater que les cafés sont ouverts,
ça met du baume au cœur ! ».
« Plus productif »
Alexandra a elle aussi rejoint ses
bureaux ce matin, à l’AMF dans le
2e arrondissement de Paris, où seu-
les 10 % des équipes sont de retour.
Elle y est revenue volontairement,
estimant « travailler beaucoup trop
en télétravail » et avoir « besoin de
mettre des limites », chose qu’elle
avait du mal à faire à domicile.
Mais il y en a d’autres qui se-
raient bien restés travailler chez
eux. Renan est ingénieur informa-
tique en banlieue parisienne pour
un grand groupe français de
construction. Il retourne sur son
lieu de travail une fois par semaine.
« Après deux mois de confinement,
commerce. Au grand dam, parfois,
des partenaires sociaux, qui ont
brandi les dates de reprise énoncées
par le ministre de l’Éducation. « En
tant que chef d’un établissement privé
sous contrat, je prends mes responsa-
bilités, dans le respect des règles sani-
taires. La loi Debré me le permet »,
explique-t-il.
50 % de décrocheurs
Depuis le 11 mai, une soixantaine
d’élèves sont revenus, sporadique-
ment, pour suivre des « ateliers »
en économie, en anglais ou en
maths. Priorité a été donnée à ceux
qui passent une habilitation profes-
sionnelle. Le nombre de décro-
cheurs ? « Colossal. Même en BTS. »
Ce mardi, ce n’est donc pas le grand
retour. La semaine va servir de pré-
paration pour accueillir davantage
d’élèves. Pour le directeur, pas
question d’organiser « un retour
brutal ». Il faut « rassurer, donner
envie, créer une ambiance ».
Dans ce vaste établissement, ce
sont les « habitués » qui sont pré-
sents. Ceux qui, depuis le 6 avril, fa-
briquent des masques, et les lycéens
du bac pro cuisine, qui ont concocté
300 à 500 repas par semaine pour les
personnels de l’hôpital Necker et les
estivale de 31 °C. « C’est la première
fois que l’on prend une pause au res-
taurant, avant on mangeait dans nos
engins de chantier, la plupart du
temps des aliments froids », confie
Jean-Yves Gandon, employé mu-
nicipal, conducteur de travaux
dans la commune voisine de
Montsûrs.
400 000 euros de pertes
Aujourd’hui, au menu ouvrier, c’est
crudités, poulet rôti accompagné de
cocos bancs, clafoutis, café et bois-
son pour 14,50 euros. La crise du
Covid-19 est toujours présente dans
les esprits. « On est content d’être là,
on a la santé. J’ai une nièce qui a eu le
Covid à 36 ans, elle a eu quarante de
fièvre pendant plus d’une semaine »,
poursuit Jean-Yves.
je ne ressens pas une grande excita-
tion à retourner au bureau, racon-
te-t-il. Je n’ai aucune inquiétude
concernant le virus, mais le télétra-
vail m’allait bien. Il y avait un cer-
tain calme et un confort de travail
qui faisaient que je réussissais à être
plus productif ou du moins plus effi-
cace. Même s’il n’y avait pas d’obli-
gation à revenir, on sent bien que les
chefs insistent pour nous revoir au
moins une fois par semaine au bu-
reau. Quand on nous dit trois fois
d’affilée “ce serait bien que tu re-
viennes un peu”, on comprend vite le
message. » Il est d’autant moins
enchanté de ce retour au bureau
que « l’atmosphère d’entreprise »
n’y est pas. « Le bâtiment est assez
désert et les couloirs sont bien vides,
poursuit Renan. Avec les roule-
ments imposés, chacun est contraint
d’être seul dans son bureau. Les sal-
les de pause sont fermées, le restau-
rant d’entreprise ne marche que par
commande ; donc on ne peut pas se
voir entre collègues pour discuter un
peu. Même les machines à café sont
condamnées… » ■
SDF. En cuisine, les élèves s’agitent,
masqués et gantés, sous les ordres de
Magdalena de Baulieu, professeur et
chef. Sur les 350 élèves de la filière,
une cinquantaine ont répondu pré-
sent depuis le 6 avril. « Les plus moti-
vés. Ceux qui étaient revenus pour voir
leurs copains ou passer le temps, je les
ai virés au bout d’une semaine », ex-
plique la chef.
À petits pas, sans injonction, le ly-
cée Albert-de-Mun poursuit sa re-
prise. Une démarche pragmatique à
l’heure où très peu de lycéens pro ont
repris le chemin de l’école ce 2 juin.
« En zone verte, 30 à 40 % décla-
raient, la semaine dernière, qu’ils re-
viendraient. En réalité, ils ne sont que
10 à 20 % », constate Sigrid Gérar-
din, au syndicat de l’enseignement
professionnel public (Snuep-FSU),
sur la base de remontées syndicales.
Si le ministre estime à 20 % le taux de
décrocheurs dans cette voie profes-
sionnelle, Sigrid Gérardin avance
plutôt le chiffre de 50 %. Du côté des
lycéens généraux et technologiques,
très peu ont fait leur retour ce 2 juin.
« Pas sûr qu’il y ait beaucoup de mon-
de. Dans la tête des lycéens, l’année est
finie », résume Philippe Vincent, au
syndicat des personnels de direction
(SNPDEN-Unsa). ■
Pour Bertrand Boullier, cela res-
tera un très mauvais souvenir. « Le
jour de la fermeture a été soudain et
brutal, les frigos étaient pleins, on
avait 120 réservations le lendemain
midi, se souvient le chef. On a pro-
fité des élections municipales pour
donner la nourriture aux gens qui
venaient voter. On pensait redémar-
rer après Pâques. Cela fait une gros-
se perte de chiffre d’affaires,
400 000 euros, soit environ un tiers
de mes ventes de l’année. Je ne vais
pas fermer au mois d’août cette an-
née, car de nombreuses entreprises
du coin vont rester ouvertes et cela
va compenser un peu cet arrêt for-
cé. » L’horizon s’éclaircit. « Di-
manche prochain c’est la fête des
mères et je suis plein », sourit Ber-
trand Boullier. ■

SCIENCES
StopCovid, l’appli de traçage enfin disponible
pour la phase 2 du déconfinement
Les premières heures de l’application ont été complexes, entre rumeurs et petits problèmes techniques.
ELSA BEMBARON £@elsabembaron
COVID-19 Le suspens aura duré une
partie de l’après-midi. L’applica-
tion StopCovid, destinée à alerter
ses utilisateurs en cas de contact
avec un porteur du coronavirus, est
finalement arrivée sur les magasins
d’application d’Apple et Google
avec quelques heures de retard. Ce
délai, dû à « d’ultimes réglages »
selon nos informations, a engendré
quelques confusions, et les télé-
chargements de l’application cata-
lane (Stop Covid19 Cat) ont brus-
quement flambé !
Les choses sont, depuis, rentrées
dans l’ordre. Le retard a été expli-
qué par des ajustements de derniè-
re minute pour garantir un accès à
tous en cas de demande massive. Il
a néanmoins suscité une vague
supplémentaire de fausses nouvel-
les, certains n’ayant pas hésité à
affirmer sur les réseaux sociaux que
l’application n’avait pas été validée
par Apple, en raison de problèmes
liés à l’utilisation du Bluetooth.
Hydroxychloroquine : le débat continue
La question de son intérêt dans le Covid-19 est toujours en butte au manque de données de qualité.
CÉCILE THIBERT £@CecileThibss
MÉDICAMENT Le débat sur l’hy-
droxychloroquine est décidément
loin d’être tranché… Alors que cer-
tains pays continuent de promou-
voir la molécule (Brésil, Algérie,
Maroc…), deux études publiées le
14 mai dans le British Medical Jour-
nal, l’une réalisée par une équipe
française, l’autre chinoise, viennent
de lui porter un nouveau coup.
Leurs conclusions rejoignent celles
de plusieurs études antérieures :
l’hydroxychloroquine n’est pas ef-
ficace chez les personnes infectées
par le Sars-CoV-2, qu’il s’agisse de
faire disparaître le virus de l’orga-
nisme, d’éviter un passage en réani-
mation ou le décès, même si elle est
donnée dans les 48 heures suivant
l’admission à l’hôpital.
Dans le même temps, une étude
publiée dans la revue The Lancet a
récemment mis en évidence une
importante surmortalité chez les
patients traités. L’étude, bien que
très critiquée en raison d’incohé-
rences dans les données et de l’ab-
sence de transparence concernant
leur origine, a tout de même conduit
l’Organisation mondiale de la santé
à suspendre temporairement son
grand essai clinique Solidarity, par
principe de précaution. D’autres
pays, comme la France, la Hongrie,
Ces nouvelles infox sont venues
s’ajouter à celles du week-end der-
nier. Les dernières mises à jour des
systèmes d’exploitation d’Apple
(iOS) et Google (Android) ont en-
gendré une certaine confusion,
laissant imaginer à certains que
l’application du gouvernement
français était installée par défaut
dans les smartphones ! Alain Hou-
pert, sénateur LR de la Côte-d’Or a
même relayé la rumeur dans un
tweet… Il n’en est rien. L’installa-
tion de StopCovid est un acte vo-
lontaire, nécessitant l’intervention
du possesseur du smartphone. La
mise à jour effectuée par Apple et
Google concerne les services qui
vont utiliser leur interface de pro-
grammation d’application (API), ce
qui n’est pas le cas de StopCovid.
Autre sujet de confusion sur les
réseaux sociaux, la géolocalisation.
Lors de l’installation de StopCovid
sur un smartphone Android (toutes
les marques du marché, sauf Ap-
ple), l’accès à la position du télé-
phone est demandé : il s’agit là
d’une requête faite par Android. Il
l’Italie, l’Égypte ou encore le Chili,
lui ont emboîté le pas. « Aujourd’hui,
toutes les critiques se focalisent sur
l’étude du Lancet, mais il ne faut pas
oublier que nous avions déjà un fais-
ceau de preuves suggérant une ab-
sence d’efficacité de l’hydroxychlo-
roquine », défend le Dr Matthieu
Roustit, pharmacologue au CHU de
Grenoble, pour qui le principe de
précaution est ici entièrement justi-
fié en attendant les résultats des
analyses intermédiaires : « Le béné-
fice n’a jamais été démontré, en re-
vanche des patients ont été exposés
aux effets indésirables déjà connus de
ce médicament. » En France, 153 cas
d’effets indésirables liés à l’hy-
droxychloroquine (arrêts cardia-
ques, troubles du rythme cardia-
que…) ont en effet été signalés
depuis la fin du mois de mars.
Les 16 essais cliniques visant à
évaluer l’hydroxychloroquine en
France sont donc temporairement
figés, en attendant de voir si les
données intermédiaires révèlent
une dangerosité de la molécule. Les
patients déjà inclus continuent tou-
tefois d’être traités. De toute façon,
la plupart des études patinaient,
faute de malades. Ainsi, le CHU de
Montpellier n’est parvenu qu’à re-
cruter 7 patients, contre 120 prévus.
L’essai clinique Discovery, qui de-
vait inclure 3 000 patients dans tou-
te l’Europe, ne concerne finalement
faut répondre « non », comme
mentionné dans un message appa-
raissant à l’écran, puisque StopCo-
vid fonctionne sans géolocalisation.
Un geste barrière
De même, StopCovid n’a pas accès
au carnet d’adresses contenu dans
les smartphones de ses utilisateurs,
contrairement à ce qu’a affirmé
Jean-Luc Mélenchon lors du débat
parlementaire, la semaine derniè-
re. L’application trace les contacts
« physiques » de son utilisateur :
il s’agit d’identifiants Bluetooth
anonymisés et chiffrés, conçus
pour empêcher que ces pseudony-
mes puissent être réaffectés à des
personnes. Certes, aucun pro-
gramme informatique n’est infailli-
ble, mais une attention particulière
a été apportée à la conception de
celui-ci, mobilisant des experts de
StopCovid fonctionne
sans géolocalisation et l’Agence nationale de la sécurité
n’a pas accès au carnet des systèmes d’information (Ansii)
d’adresses contenu de l’Inria ou encore d’Orange et de
dans les smartphones Cap Gemini.
de ses utilisateurs. Très critiquée avant même son
ELSA BEMBARON lancement, StopCovid a fait l’objet
Fonctionnement de l’application StopCovid voulue par le gouvernement
1 TÉLÉCHARGEMENT ET ACTIVATI
ACTIVATION
Blu
eto
oth
TÉLE
CH
AR
GE
MEN
T
Le ttéléchargement
éléchargement et l’act
éléchar l’activation
ivat se font sur la base du volontariat.
2 CONTACTS
Grâce à la connexion Bluetooth, mon smartphone détecte
les autres utilisateurs de l’application dans un rayon
de quelques mètres. Il enregistre leurs identifiants ainsi
que la distance et la durée du contact, de manière anonyme
(les données sont pseudonymisées).
+15 mn
ID : Y5S23V21VJ
- 1 mètre
Il y a un « CONTACT
STOPCOVID »
si deux smartphones
sont restés à moins de 1 mètre
pendant plus de 15 minutes
que 800 patients en France seule-
ment. Au CHU d’Angers, l’essai Hy-
covid, visant à établir l’efficacité de
l’hydroxychloroquine chez les per-
sonnes ayant un risque d’aggrava-
tion important, plafonne à 300 pa-
COLLECTION PARTICULIÈRE
tients, contre 1 300 prévus. Seul
l’essai clinique britannique Recove-
ry, qui a déjà inclus 10 755 patients,
poursuit sa route. « À la lumière des
données déjà disponibles, nous
n’avons pas identifié de raison de mo-
difier le protocole ou les critères d’in-
clusion », ont déclaré les deux mé-
Le bénéfice decins en charge de l’étude.
n’a jamais été L’absence de réponse claire
démontré, en La situation est cocasse : alors qu’un
revanche des très grand nombre d’études ont été
lancées partout dans le monde, on
patients ont ne sait toujours pas si l’hydroxy-
été exposés chloroquine a un intérêt. « Il y a un
aux effets paradoxe entre le nombre d’essais cli-
niques - 150 fin avril - et l’absence de
indésirables réponse claire sur son efficacité »,
déjà connus concède avec amertume le Dr Rous-
de ce tit, coauteur d’un article retraçant la
médicament »
DR MATTHIEU ROUSTIT,
regrettable saga. « Nous aurions pu
avoir la réponse il y a plusieurs semai-
nes si un essai clinique randomisé et
DE CHU DE GRENOBLE contrôlé avait été réalisé d’emblée. »
La mise à l’arrêt des gros essais clini-
ques n’aidera pas. « Arrêter la pres-
cription d’hydroxychloroquine tous
azimuts est une excellente chose car
nous n’avons aucun argument pour
dire qu’il faudrait en donner à tout le
d’un « bug bounty », un processus
dans lequel des hackers sont appe-
lés à trouver des failles. Cinq jours
ont été laissés à ces spécialistes de la
cybersécurité. Ils en ont trouvé,
mais rien qui ne puisse être résolu,
de l’aveu même des plus virulents.
« Le code est plutôt propre, ils ont
fait du bon travail », saluait ainsi
Baptiste Robert, spécialiste de la
cybersécurité, connu sous le pseu-
donyme d’Elliot Alderson. Il note
« des erreurs plus ou moins graves,
mais rien de catastrophique ».
Mais comme beaucoup, il reste
convaincu que StopCovid « est un
pas vers une mauvaise direction ».
Amnesty International estime pour
sa part que « toute application per-
mettant de retracer les actions et in-
teractions des personnes s’apparen-
te à de la surveillance et constitue de
fait une menace pour le droit à la vie
privée ». La question sous-jacente
est bel est bien de savoir s’il est
possible de faire confiance à l’État
français pour la gestion de données
personnelles. Ou si, comme cer-
tains l’affirment, il est plus judi-
J’active la fonction Bluetooth,
qui sert habituellement
à communiquer avec d’autres
appareils (écouteurs, etc.).
ID : A9S62Z31D
ID: Z5U25M21YS
monde », estime le Pr Christian
Funck-Brentano, directeur du cen-
tre d’investigation clinique à l’hôpi-
tal de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) à
Paris. « En revanche, il est fondamen-
tal de poursuivre les essais cliniques. »
Faute de données robustes, il faut
donc s’en tenir à la vingtaine d’étu-
des publiées, dont peu répondent
aux exigences scientifiques. Soit
parce qu’elles n’ont pas de groupe
contrôle (et n’offrent donc pas de
point de comparaison), soit parce
qu’elles ne portent que sur un nom-
bre restreint de malades, soit parce
qu’elles ne sont pas randomisées et
en double aveugle. Tous ces résul-
tats, qui tirent plutôt vers le négatif,
sont fragiles et n’offrent aucune
certitude. En revanche, ils ont
ouvert la porte aux opinions. « Tous
les débats sur l’hdroxychloroquine
sont navrants car ils reposent sur des
croyances. La question n’est pas de
savoir si on est pro ou anti Raoult, on
s’en fiche complètement », fustige le
Pr Funck-Brentano, qui déplore que
le scientifique marseillais n’ait pas
réalisé d’essai clinique pour appuyer
ses affirmations. « Si l’hydroxychlo-
roquine avait un effet majeur, nous
aurions tout de même dû l’observer
avec les études déjà publiées et por-
tant sur de petits effectifs. Plus l’effet
est faible, plus il faut un nombre im-
portant de malades pour le mettre en
évidence. » ■
LE FIGARO mercredi 3 juin 2020
11
cieux de les confier à Apple et Goo-
gle. Le débat est complexe.
De son côté, le gouvernement
français se défend de vouloir ouvrir
une brèche et de profiter de l’occa-
sion pour instiller l’idée qu’une ap-
plication de suivi des populations
est une solution efficace pour lutter
contre une pandémie ou tout autre
chose. En signe d’apaisement, il a
fait inscrire dans le décret d’appli-
cation du 29 mai qu’il s’arrêtera
dans les six mois maximum « après
la cessation de l’état d’urgence sani-
taire ».
Pour d’autres, cette application
est un des outils indispensables au
déconfinement. Dès la fin avril,
l’Académie de médecine expliquait
que l’identification des patients
contagieux « pouvait être aidée par
une application ». Cédric O, secré-
taire d’État au Numérique a ainsi
expliqué au Figaro que StopCovid
faisait partie des « gestes barriè-
res » à adopter pour faire barrage
au coronavirus, au même titre que
le port du masque ou le lavage des
mains. À chacun de choisir. ■
3 EN CAS D’INFECTION
Si je suis testé
positif au Covid-19,
+
je déclare volontairement
mon état de santé sur l’application
grâce à un code fourni avec le test.
ID : Y5S23V21VJ
Toutes les personnes qui ont été en CONTACT
STOPCOVID avec moi reçoivent alors
un message sur leur téléphone, leur indiquant
qu’elles ont rencontré une personne infectée
et qu’elles sont donc à risque.
Ces personnes sont invitées
ées à consulter
leur médecin au plus vite ou
à contacter
er le numéro
0800 130 000 STO
PCO
! ID
V
pour être testées
ées CO
0800NTACT
130 ER LE
000
Les données
sont conservées
sur un serveur et détruites
au bout de quatorze jours.
Source : Gouvernement
ZOOM
Pollution en Arctique
Au moins 20 000 litres
de carburant se sont déversés
par accident dans un cours
d’eau du Grand Nord russe,
après la fuite signalée
vendredi d’un réservoir
de diesel « à cause
de l’affaissement soudain
de piliers », a indiqué dans un
communiqué le géant minier
Nornickel. Les autorités
ont décrété une « situation
d’urgence » naturelle, mais
n’ont pas relevé de pollution
des nappes phréatiques.
Dans un communiqué,
l’association écologiste WWF
s’est réjouie mardi que la
pollution ait pu être contenue
par un barrage flottant,
mis en place par les autorités,
avant d’atteindre un grand
lac au nord de la ville arctique
de Norilsk (Sibérie orientale).
Retour d’Ebola en RDC
La République démocratique
du Congo a officiellement
déclaré lundi une onzième
épidémie de fièvre
hémorragique Ebola sur son
sol, avec la résurgence d’un
foyer dans le nord-ouest
du pays, qui vient s’ajouter
à la dixième toujours en cours
dans l’est, et à une envolée
des cas de Covid-19. Huit cas
ont été enregistrés depuis le
30 mai, dont quatre décès, a
A
indiqué le ministre congolais
de la Santé, Eteni Longondo.
 mercredi 3er juin 2020 LE FIGARO

12 SOCIÉTÉ

Covid-19 : près de 30 000 morts en

Le bilan de la première vague
de l’épidémie fait de la France
le cinquième pays le plus touché
dans le monde.
CYRILLE VANLERBERGHE
£@cyrillevan
ÉPIDÉMIOLOGIE Trois semaines
après la fin du confinement en
France, le nombre de nouveaux dé-
cès dus au Covid-19 continue de
lentement baisser, et est désormais
inférieur à 50 par jour.
Le bilan de cette première vague
de l’épidémie dans notre pays ne
devrait donc pas trop s’éloigner du
bilan actuel, qui était lundi soir de
28 833 décès. Un chiffre qui fait de la
France le cinquième pays le plus
touché par l’épidémie dans le mon-
de, derrière les États-Unis, le
Royaume-Uni, l’Italie et le Brésil.
Dans notre pays, deux tiers des dé-
cès, soit 18 000, ont été rapportés
dans les hôpitaux, le reste dans les
Ehpad (10 300).
Mais ces chiffres cumulés cachent
en fait une très grande disparité, tant
dans la répartition des cas sur le ter-
ritoire qu’au sein de la population.
Les deux tiers des décès sont en effet
concentrés dans les trois régions les
plus touchées, l’Ile-de-France, le
Grand Est et les Hauts de France.
Les statistiques rappellent égale-
ment un fait désormais bien connu :
le risque de mortalité est très forte-
ment lié à l’âge, et au sexe. Dans les
bilans dressés par les hôpitaux, les
hommes représentent 58 % du to-
tal. Cette inégalité face à la maladie
est encore plus forte en amont, à
l’hôpital, où 73 % des personnes ad-
mises en réanimation sont des
hommes, d’après les statistiques de
l’agence Santé publique France.
Par ailleurs, depuis le début de
l’épidémie en France, 77 % des per-
sonnes admises en réanimation ont
fini par guérir. Un résultat logique-
ment meilleur que ce qui a été enre-
gistré au tout début de l’épidémie à
Wuhan, en Chine, où seulement la
moitié des personnes admises en
soins intensifs survivaient. En l’ab-
sence de traitement médicamen-
teux réellement efficace contre les
cas graves de Covid-19, l’améliora-
tion des chances de survie à l’hôpi-
tal reflète surtout les progrès de la
prise en charge des malades, et no-
tamment ce qui concerne les tech-
niques d’oxygénation.
L’âge, premier facteur
de risque
Au niveau individuel, le facteur
augmentant le plus fortement les
risques de décès est clairement
l’âge. Bien avant tous les autres fac-
teurs que sont les comorbidités, les
maladies ou troubles chroniques
qui s’ajoutent au Covid. Une carac-
téristique qui se retrouve logique-
ment dans les statistiques françai-
ses. À l’hôpital, les moins de 50 ans
ne représentent ainsi que 9 % des
personnes décédées. À l’inverse,
58 % des morts avaient plus de
80 ans. Cette répartition n’est pas
particulière à la France, et se re-
trouve dans l’ensemble du conti-
nent européen.
Chez les plus jeunes, malgré des
dizaines de cas de syndromes de
réactions immunitaires ressem-
blant à des maladies de Kawasaki
recensés dans le pays, les décès res-
tent heureusement exceptionnels.
On ne recense ainsi que 6 décès
chez des moins de 19 ans, dans tout
le pays. Et parmi ces cas rarissimes,
deux enfants « présentaient des co-
morbidités sous-jacentes », rappor-
te le dernier point épidémiologique
dressé par Santé publique France, et
un troisième « présentait un tableau
clinique complexe avec de multiples Des employés
surinfections bactériennes ». des pompes funèbres
Chez l’adulte, l’obésité, le diabète évacuent le corps
et les pathologies cardiaques sont les d’une personne
comorbidités les plus courantes chez décédée dans un Ehpad,
les personnes décédées à l’hôpital, le 8 avril à Pantin.
H. LEQUEUX/HANSLUCAS
les pathologies pulmonaires n’arri-
vant qu’en quatrième position. ■

Le calcul de la surmortalité, un challenge pour les démographes

AGNÈS LECLAIR £@AgnesLeclair
LE NOMBRE de morts emportés
par le Covid-19 a beau être égrené
chaque soir, le calcul de nombre de
décès liés au virus tient à la fois du
puzzle, de l’équation à plusieurs
inconnues et de l’enquête au long
cours. « L’information sur les décès
liés au Covid est très floue. Cela a
créé des scandales dans pratique-
ment tous les pays. En Belgique, en
Suède ou en Angleterre par exemple,
les gouvernements ont été accusés
de vouloir cacher ces chiffres. Il faut
se battre pour les obtenir. Sans par-
ler de dissimulation, rien n’est fait
pour rendre cette information faci-
lement accessible », avertit d’em-
blée le démographe Jean-Marie
Robine, directeur de recherche à
l’Institut national de la santé et de
la recherche médicale (Inserm) et
conseiller auprès de la direction de
l’Ined (Institut national d’études
démographiques).
Déterminant pour cerner l’am-
pleur et les contours de la pandé-
mie, le délicat travail effectué par
les démographes pour donner la
vision la plus détaillée possible de
la mortalité liée au Covid-19 est
aussi ultra-sensible sur le plan po-
litique. Car cette estimation, in
fine, servira aussi à jauger l’effica-
cité de la stratégie gouvernemen-
tale pour faire face à la crise sani-
taire. Le bilan quotidien de la
Direction générale de la santé
(DGS) ne s’appuie que sur des don-
nées transmises par les hôpitaux et,
depuis début avril, par les Ehpad. Il
ne prend toujours pas en compte le
nombre de décès Covid à domicile
et reste dénué d’indications sur
A
de retraite. Autant d’informations
incontournables pour comprendre
si le Covid-19 a touché plus
d’hommes que de femmes, pour
analyser les risques par tranches
d’âges ou encore pour déterminer
l’importance des comorbidités,
comme le diabète, dans ces décès.
« Usine à gaz »
Faute de données centralisées, les
démographes doivent donc s’ap-
puyer sur plusieurs sources pour
dresser le tableau le plus précis pos-
sible de la mortalité de la pandémie.
« Une usine à gaz », déplore le dé-
mographe Jean-Marie Robine. Ce
spécialiste des centenaires travaille
depuis mars avec un groupe de
chercheurs réuni sous la houlette de
l’Ined. Des experts qui regroupent,
analysent et publient sur un site ces
précieux indicateurs pour la France
mais aussi d’autres pays - treize ac-
tuellement - après un travail de vé-
rification. La sensibilité de ces don-
nées est telle que, pour la Belgique
par exemple, le site de l’Ined a fini
par retirer une série « trop polémi-
que » sur les lieux des décès alors
que la collecte de ces renseigne-
ments n’a pas été effectuée de ma-
nière uniforme sur tout le territoire.
Pour la France, les chercheurs
croisent les chiffres de Santé publi-
que France, ceux de l’Insee et ceux
de l’Inserm qui centralise les certifi-
cats médicaux de décès indiquant les
causes de la mort. Une information
protégée par le secret médical. Les
chiffres de l’Insee permettent pour
leur part d’évaluer la surmortalité
pendant la pandémie. Ces deniers
sont fondés sur les bulletins de décès
enregistrés à l’état civil des mairies
et indiquent l’âge, le sexe et le lieu de
Les chercheurs relèvent décès du défunt. Ces chiffres ont
notamment le problème
d’ores et déjà permis de repérer une
de la sous-évaluation
du nombre surmortalité au pic de l’épidémie et
de personnes âgées des décès plus nombreux dans la
décédées du Covid tranche des 65-74 ans, surtout chez
en Ehpad (ci-dessous : les hommes. « Pour avoir une vision
un Ehpad à Mougins). globale, il faut aussi tenir compte de la
YANN COATSALIOU/AFP diminution d’autres types de décès en
raison du confinement, comme les ac-
cidents de la route », précise Gilles
Pison, professeur au Muséum natio-
nal d’histoire naturelle et chercheur
associé à l’Ined.
À la lumière de leurs premières
recherches, les démographes soulè-
vent plusieurs problèmes dans le dé-
compte de la mortalité Covid. Le
premier concerne la sous-évalua-
tion du nombre de personnes âgées
en Ehpad dans la balance du nombre
de décès. « La Direction générale de
la santé évoque 18 000 décès à l’hôpi-
tal et 10 000 décès dans les Ehpad. Elle
omet de préciser que près de
4 000 morts à l’hôpital sont en fait des
résidents d’Ehpad qui ont quitté leur
maison de retraite pour se faire soi-
gner, regrette Jean-Marie Robine.
Cela laisse penser que seuls 35 % des
décès concernent cette population
alors qu’en réalité, les personnes
âgées en maison de retraite représen-
tent plutôt la moitié des victimes du
Covid. Ce chiffre est sans doute diffi-
cile à donner car il souligne en creux le
manque de moyens donnés aux Ehpad
pour se protéger du virus durant cette
crise. Il remet en cause le choix des
priorités effectué par le gouverne-
ment. » De plus, le démographe rap-
pelle que les nonagénaires, les cen-
tenaires et les femmes sont
surreprésentés dans les maisons de
retraite. « La prise en compte de ces
caractéristiques pourrait faire bouger
les statistiques de la mortalité Covid :
élever la moyenne d’âge des victimes
du virus et rééquilibrer leur réparti-
tion par sexe », décrit-il.
La zone d’ombre sur le nombre
de morts du Covid à domicile - un
chiffre aujourd’hui inconnu - laisse
également de la place au doute et à
la méfiance. Sont-ils nombreux ?
virus ? Début mai, le Dr Jean-Paul
Zerbib, responsable du secteur à la
CFE-CGC, a avancé le chiffre de
8 000 à 10 000 décès dus au corona-
virus à domicile, pour la plupart des
personnes âgées. Mais cette estima-
tion est considérée comme peu réa-
liste par les démographes. « Les
chiffres des décès Covid dont nous
disposons correspondent grosso
modo à la surmortalité toutes causes
de décès confondues calculée par
l’Insee. Cela nous laisse supposer
qu’il y a peu de morts à domicile, juge
Jean-Marie Robine. À l’étranger, ils
ne représentent qu’un faible pour-
centage des décès : 1 % en Belgique,
5 % en Angleterre et 6 % aux États-
Unis. » Les causes du décès ne se-
raient en outre « pas toujours bien
indiquées sur les certificats établis à
domicile par les médecins », avertit
pour sa part Laurent Charlard, géo-
graphe de la population et membre
du think-tank European Centre for
International Affairs. « Il existe une
marge d’erreur importante sur l’ins-
cription des causes de décès pour des
personnes âgées qui souffrent sou-
vent de plusieurs pathologies. »
Reste enfin à savoir comment le
chiffre de la surmortalité de la crise
du Covid-19 va s’inscrire dans le
bilan démographique de l’ensemble
de l’année 2020. « Après un pic de
mortalité élevé, on constate souvent
une sous-mortalité car le virus a
accéléré de quelques mois le décès de
personnes fragiles. C’est d’ailleurs ce
qui ressort des derniers chiffres de
l’Insee… À la fin de l’année, il faudra
donc comparer la surmortalité de
2020 par rapport aux deux années
précédentes afin de se rendre compte
si le Covid-19 a emporté un grand
nombre de personnes qui étaient

l’âge, le sexe ou l’état de santé des Sont-ils âgés ? Comment relier avec proches de la fin de vie », conclut
victimes de la pandémie en maison certitude des décès à domicile au Laurent Chalard. ■

trois mois en France
En Espagne,
le comptage
erratique des décès
Le gouvernement espagnol insiste
sur son effort de transparence.
Depuis le départ, le pays dit
comptabiliser tous les décès dûs
au coronavirus, qu’ils aient eu lieu
en milieu hospitalier, en maison
de retraite ou au domicile des
victimes. Toutefois, une différence
considérable apparaît entre les
décès officiels du Covid-19 et la
mortalité notée au registre civil.
Selon le quotidien El País, il faudrait
ajouter aux quelque 27 000 morts
comptabilisés dans les statistiques
officielles, entre le 1er mars
et le 12 mai, près de 16 000 autres,
non détectés par les autorités. Sur
cette période, il existe en effet une
surmortalité de 43 000 personnes.
Deux caractéristiques du comptage
espagnol expliquent en partie
ce décalage. La première, c’est
que seules les personnes dépistées
positives sont prises en compte. Or,
les tests ont manqué. La seconde
tient à la décentralisation des
compétences de santé, aux mains
des communautés autonomes.
Chaque région doit rapporter
chaque jour au gouvernement
central le total des décès du Covid.
Deux fois par semaine, elles doivent
aussi spécifier le détail des morts
en maisons de retraite. Mais deux
régions, Madrid et la Castille-
et-León, excluent ces derniers
décès de leurs comptages.
À l’inverse, certaines régions
spécifient le nombre de personnes
décédées non testés, mais qui
présentaient des symptômes
compatibles ; un chiffre qui n’est
pas repris par le gouvernement
central. MATHIEU DE TAILLAC
Un excès de mortalité...
NOMBRE DE DÉCÈS QUOTIDIENS EN FRANCE
2020 2019
3 000
2 400
1 800
1 200
1er mars 11 mars
...qui a surtout frappé les plus âgés
VARIATION DU NOMBRE DE DÉCÈS CUMULÉS SELON LA CLASSE D’ÂGE
ET LE SEXE, DU 1er MARS AU 30 AVRIL 2020, PAR RAPPORT
À LA MÊME PÉRIODE DE 2019
Femmes Hommes
Les hommes de 85 ans et
30 % plus ont subi la plus forte
hausse de mortalité
20 %
10 %
0%
- 10 %
- 20 %
0à 25 à
24 ans 49 ans
Source : Insee, état civil
Hirsch : « Nos autorités ont choisi d’être au service de la vie »
LE PHILOSOPHE Emmanuel
Hirsch dirige l’Espace éthique
préhensions, des plaintes de
certaines familles, d’autant
d’Île-de-France. Il enseigne éga- qu’elles n’ont pas pu accompa-
lement l’éthique médicale à gner leur proche en fin de vie ou
l’université Paris-Saclay. même voir son corps. Mais sur le
terrain, il faut aussi saluer la mise
LE FIGARO. - Sur le plan en place de cellules éthi-
de l’éthique, cette crise a soulevé ques qui ont aidé les mé-
des questions très concrètes,
comme celle du « tri » entre
les patients en réanimation au pic
decins à prendre les
moins mauvaises déci-
sions possibles. Cette pé-
de l’épidémie. Qu’avez-vous riode a aussi été caracté-
observé sur le terrain ? risée par une éthique
Emmanuel HIRSCH. - Dès le dé- incarnée au quotidien
but de l’épidémie, les sociétés sa- dont il faudra tenir
vantes se sont mobilisées pour compte pour inspirer les
édicter des recommandations sur pratiques de demain.
des critères d’aide à la décision.
Mais, sur le terrain, celles-ci se Cette crise va-t-elle
sont parfois avérées inutiles ou remettre en question
inadéquates face à des situations notre approche
évaluées « au cas par cas ». Cette de la fin de vie ?
question du « tri » s’est aussi po- Les soignants ont été
sée dans les équipes de Samu confrontés à des fins de
chargées de la régulation des pa- vie redoutables, notam-
tients et dans les Ehpad. Certains ment du fait des détresses
ont d’ailleurs renoncé à envoyer respiratoires. Ces situa-
des personnes âgées dans des hô- tions poussent à envisa-
pitaux où elles n’auraient pas pu ger la délicate question
être prises en charge dignement.
Habituellement, les services de
des sédations terminales
qui s’imposent à titre ex-
réanimation peuvent se permet- ceptionnel pour éviter les
tre de faire des réanimations souffrances. Certains redoutent
« d’attente » qui laissent le temps que cette pratique puisse être as-
à la concertation avant une déci- similée à une forme d’euthanasie
sion difficile à prendre. Malheu- compassionnelle. Au sortir de
reusement, cela n’a pas été possi- cette crise, nous ne pourrons pas
ble durant cette crise. Ce faire l’économie d’une réflexion
contexte dégradé a imposé de sur les règles qui pourraient en-
prendre des décisions dans des cadrer cette sédation d’exception
logiques de relégation et de en situation de crise sanitaire.
triage. Certaines personnes qui
auraient pu être réanimées en Certains considèrent
temps normal ne l’ont pas été que le risque a été surévalué
faute de lits disponibles ou et que les pouvoirs publics
d’équipements et ont été dirigées ont pris des décisions
vers des services de soins pallia- dont les conséquences seront
tifs. Cela a entraîné des incom- préjudiciables à notre société,
Le recensement encore
incomplet des soignants
ayant contracté le virus
2018
ANNE-LAURE FRÉMONT
Le nombre de décès £@alaurefremont
atteint un pic le 1er avril
2020 avec 2 795 décès
CHEZ les professionnels de santé,
enregistrés ce jour-là. combien ont contracté le corona-
virus ? Il aura fallu attendre un
mois après l’annonce, le 22 mars,
de la mort du premier soignant en
France, Jean-Jacques Razafindra-
nazy, urgentiste dans l’Oise, pour
qu’un suivi se mette en place au ni-
veau national.
Depuis le 22 avril en effet, les
autorités sanitaires recensent les
1 595 salariés des établissements de santé
publics ou privés ayant contracté le
virus Sars-Cov-2. Selon Santé pu-
blique France (SPF), du 1er mars au
26 mai, 30 230 cas diagnostiqués ou
1 558 probables ont ainsi été rapportés
par 1 156 établissements. Sans gran-
de surprise, l’île-de-
France, les Hauts-de-
21 mars 31 mars 10 avril 20 avril 30 avril France et le Grand Est
sont les régions les plus
touchées, et le nombre
30 230
de nouveaux cas chute cas
au fil des semaines avec
diagnostiqués ou
seulement 93 signale- probables de Covid-19 n’est pas réalisé spéci-
ments entre le 18 et le
chez les salariés
24 mai, même si ces des établissements
données sont « en cours de santé publics
de consolidation ». ou privés entre
Parmi tous ces cas, le 1er mars et le 26 mai de France (CARMF)
25 327 (84 %) étaient
des professionnels de
santé : principalement des infir-
miers (28 %), des aides-soignants
(24 %) et des médecins (10 %).
Seize décès ont été rapportés dont
5 médecins et 4 aides-soignants.
Dans les établissements médico-
sociaux (EMS) comme les Ehpad,
41 238 cas ont été rapportés parmi
les membres du personnel. Le
nombre de décès n’est en revanche
pas connu.
Toutes ces données, compilées
dans le point épidémiologique
hebdomadaire de SPF, sont toute-
fois loin d’être exhaustives : l’en-
quête n’a démarré que le 22 avril,
elle ne prend pas en compte tous
50 à 65 à 75 à 85 ans les établissements de santé
64 ans 74 ans 84 ans et plus Total (26 CHR-CHU sur 29 par exemple),
le taux de participation varie de
Infographie 19 % à 63 % selon les régions… Et,
notamment en termes d’impact
dans la vie économique.
Il aurait été préférable que l’on se
détermine dans le cadre d’une
concertation publique sur les
critères d’arbitrage qui doivent
prévaloir en situation de crise
majeure. Cela n’a pas été le cas,
«
Nous avons été
surpris et fascinés
ce qui permet aujourd’hui à des
commentateurs d’estimer que,
selon des critères d’âge ou de
fragilité, il aurait été acceptable
par l’irruption, dès de considérer que l’intérêt des
les premiers moments jeunes générations justifiait cer-
de la lutte contre tains renoncements moraux. Nos
autorités politiques ont fait le
le Covid-19, choix de tout mettre en œuvre
d’une intelligence au service de la vie, et cela sans
collective, d’un esprit discriminer a priori entre ceux
qui seraient dignes de nos soli-
d’engagement darités et les autres,
qui a imposé, exclus de nos pré-
au cœur occupations. Au
moment où les
de la société, conséquences
le modèle et
l’exemplarité
d’une
mobilisation
EMMANUEL HIRSCH
» concéder à l’intelligence artifi-
LE FIGARO mercredi 3er juin 2020
SOCIÉTÉ 13
surtout, les professionnels de santé
libéraux en sont absents de ces ré-
sultats.
Ces derniers peuvent certes par-
ticiper à l’enquête menée par le
Groupe d’étude sur le risque d’ex-
position des soignants aux agents
infectieux (Geres), l’autre volet du
dispositif chapeauté par SPF. Cette
enquête individuelle, dont les ré-
sultats ne sont pas encore disponi-
bles, n’a toutefois pas vocation à
recenser les malades mais plutôt à
en savoir davantage sur les cir-
constances de contamination du
personnel de santé afin d’amélio-
rer la prévention. Et « sur plus de
2 000 questionnaires remplis, envi-
ron 70 % l’ont été par des personnes
travaillant en établissement de san-
té, car l’information y circule beau-
coup mieux. On a plus de mal à in-
former les EMS et le
libéral que cette enquête
existe », explique Cyril
Olivier, chef de projet
investigations au sein
du Geres.
Si un recensement
fiquement pour les
médecins libéraux, la
Caisse autonome de
retraite des médecins
indique avoir enregis-
tré 6 000 demandes
d’indemnisations d’arrêts de tra-
vail en rapport avec le Covid-19,
et 44 décès, dont 24 actifs et
20 retraités. Impossible toutefois
de savoir s’ils ont contracté le vi-
rus sur leur lieu de travail. L’ab-
sence de données est encore plus
flagrante pour d’autres profes-
sions libérales. Catherine Kirnidis,
présidente du Syndicat national
des infirmières et infirmiers libé-
raux (Sniil), indique ainsi n’avoir
aucune information à ce sujet :
« On a demandé une enquête. En
tout cas, il ne semble pas y avoir eu
beaucoup de cas chez les libéraux,
et le seul décès confirmé est celui
d’un infirmier en Île-de-France qui
était aussi sapeur-pompier. Nous
ne savons pas dans quelles circons-
tances il a contracté le virus. » ■
d’une pandémie étaient éviden-
tes sur la vie démocratique, il
s’avérait important d’affirmer
des principes inconditionnels.
Ainsi le devoir de sauvegarder
les droits des personnes vulnéra-
bles, de tout mettre en œuvre
pour sauver ceux qui risquaient
de mourir du Covid-19, de pré-
server la continuité de la vie pu-
blique et de soutenir économi-
quement ceux qui en avaient
besoin a été compris comme
l’exercice d’une responsabilité
politique dont nous pouvons être
fiers.
Cette période a aussi été
marquée par une
grande solidarité…
Nous avons été surpris et fasci-
nés par l’irruption, dès les pre-
miers moments de la lutte contre
le Covid-19, d’une intelligence
collective, d’un esprit d’engage-
ment qui a imposé, au cœur de la
société, le modèle et l’exempla-
rité d’une mobilisation. À une
époque où l’on s’habituait à
cielle un pouvoir sur nos vies et
nos sociétés, voilà que des intel-
ligences simplement et humble-
ment humaines permettaient de
contrer une pandémie ! Dans un
contexte de peur, la force et la
capacité d’agir se sont incarnées
à travers les figures de soignants,
d’intervenants indispensables à
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
la vie sociale, de militants asso-
ciatifs et de tant d’anonymes
indispensables à notre deve-
nir. Le risque serait de ne pas
reconnaître demain ces com-
pétences trop négligées lors-
que viendra le temps des re-
A
tours d’expériences. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR A. L.
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO
14 INTERNATIONAL
Le pouvoir
de Poutine
à l’épreuve
du Covid-19
À l’issue du référendum fixé
au 1er juillet, le président russe pourrait
se maintenir au pouvoir jusqu’en 2036.
ALAIN BARLUET £@abarluet
RUSSIE À l’heure où la Russie se
déconfine prudemment, le Kremlin
vient de reprogrammer deux évé-
nements majeurs sur lesquels Vla-
dimir Poutine mise à fond pour se
refaire une santé politique. Après
l’annonce que la grande parade de
la victoire de 1945, initialement
prévue le 9 mai et reportée au
24 juin, le président russe a indiqué
lundi que le référendum sur la
Constitution, fixé au 22 avril, aura
finalement lieu le 1er juillet, instauré
pour l’occasion jour férié. Cette
date a été annoncée lors d’une réu-
nion en visioconférence, selon un
scénario médiatique bien rodé de-
puis le début de la crise où Vladimir
Poutine s’adresse aux ministres,
aux gouverneurs et aux responsa-
bles sanitaires, pour faire valoir, par
écrans interposés, que la situation
est bien « sous contrôle ». Le pays,
et particulièrement Moscou, de loin
la ville la plus touchée, amorce len-
tement un retour à la normale, en
dépit d’un niveau d’infection qui
restant élevé - 8 000 à 9 000 nou-
veaux cas quotidiens et plus de
5 000 morts au total.
Pour Vladimir Poutine, il s’agis-
sait lundi d’afficher que le scrutin
se déroulerait dans des conditions
sanitaires et juridiques satisfaisan-
tes, et sans interférer sur la date du
baccalauréat, programmé le
29 juin. « Se rendre dans un bureau
de vote sera plus sûr que d’aller au
magasin », a assuré la présidente
Exportations d’armes : la France se tourne vers l’Europe
Les commandes d’armement se sont élevées à 8,3 milliards d’euros en 2019, en recul de 8,6 % par rapport à l’année précédente.
NICOLAS BAROTTE £@NicolasBarotte
DÉFENSE L’industrie d’armement
se replie sur l’Europe. Bien avant que
la crise du coronavirus ne boulever-
se les équilibres stratégiques inter-
nationaux et mette au défi les éco-
nomies, le secteur de la défense avait
commencé à se transformer. En
2019, 45 % des commandes d’ex-
portations françaises d’armement,
soit 3,47 milliards d’euros, ont été
réalisées avec des partenaires euro-
péens (42 % avec un pays membre
de l’Union) contre 25 % en 2018 et de
10 % à 15 % les années précédentes.
« Nous avons fait le choix de l’Europe,
écrit la ministre des Armées, Flo-
rence Parly, dans le rapport au Par-
lement sur les exportations d’arme-
ment rendu public mardi. Il s’agit de
créer des partenariats, de favoriser
les coopérations et l’interopérabilité
de nos armées avec en ligne de mire la
volonté d’agir ensemble. C’est cela
l’Europe de la défense. »
La tendance est « structurelle »,
insiste-t-on dans son entourage.
« Il y a une prise de conscience gra-
duelle en Europe » des enjeux de dé-
fense que « la crise du Covid-19 va
peut-être accélérer ». La logique de
souveraineté européenne peut in-
duire « une préférence européen-
ne », estime-t-on.
Avec des prises de commandes
s’élevant en 2019 à 8,3 milliards
d’euros, les exportations d’arme-
ment enregistrent cependant un re-
cul net de 8,6 % par rapport à l’an-
A
née précédente. Au ministère des
Armées, on se satisfait néanmoins
de la commission électorale cen-
trale. Le vote électronique devrait
être mis en place dans plusieurs
régions. Si dans la capitale les
commerces non alimentaires ont
rouvert depuis lundi (mais pas les
restaurants, les bars, les cinémas,
les terrains de sport…), les Mosco-
vites ne sont toujours autorisés à se
promener que trois fois par semai-
ne, et pendant certains créneaux
horaires, selon un système com-
plexe fondé sur la domiciliation.
Mandats supplémentaires
Lancée en janvier dernier, la ré-
forme constitutionnelle concerne
une série de droits économiques
(salaire minimum garanti, in-
dexation des retraites…) et de me-
sures sociétales (mention de la
« foi en Dieu », exclusion du ma-
riage homosexuel…). Surtout,
grâce à un amendement introduit
à la surprise générale, le président
en exercice, Vladimir Poutine, se-
rait autorisé à effectuer deux
mandats supplémentaires après
celui qu’il effectue actuellement,
le quatrième, qui s’achèvera en
2024. S’il le souhaite, le maître du
Kremlin, 67 ans, pourrait ainsi
théoriquement rester à son poste
jusqu’en 2036.
La réforme ayant déjà été ap-
prouvée en mars par les deux
Chambres du Parlement, un vote
n’était pas nécessaire. Vladimir
Poutine a néanmoins prévu de fai-
re passer la réforme par les urnes
pour bénéficier d’une relégitima-
tion politique. Un pari au risque
de ce résultat : la moyenne des an-
nées hors contrat « Rafale », l’avion
de combat du groupe Dassault*, se
situe entre 6 et 7 milliards d’euros.
En 2019, la Belgique s’est hissée
au rang de premier partenaire
commercial de défense, avec
1,9 milliard d‘euros de contrats
portés par Naval Group pour ses
chasseurs de mines marines ou par
le partenariat « Camo » conclu avec
l’armée de terre belge. La Hongrie,
qui a commandé à Airbus des héli-
coptères H225M et H145M pour
631 millions d’euros, et l’Espagne,
pour des satellites de télécommuni-
cations pour 434 millions d’euros,
Vladimir Poutine dirige
une téléconférence
avec son ministre
de la Défense,
la semaine dernière,
depuis son bureau
de la résidence officielle
de Novo-Ogariovo,
près de Moscou.
ALEXEY NIKOLSKY/
SPUTNIK/AFP
La ministre de la Défense,
Florence Parly, la semaine
dernière, à la base navale
de Brest. Au cours
de sa visite, elle a assisté
à des demonstrations
de drones sous-marins
à bord du chasseur
de mines, Le Sagittaire.
LIONEL LE SAUX/PHOTOPQR/
LE TELEGRAMME/MAXPPP
limité tant il semble improbable
que les amendements ne soient
pas validés. Selon plusieurs son-
dages effectués ces jours derniers,
les Russes seraient entre 44 %
(Institut Levada) et 61 % à se pro-
noncer en faveur des amende-
ments constitutionnels.
Il n’en demeure pas moins que,
comme ailleurs dans le monde, la
pandémie a affecté en Russie les
relations entre la population et le
pouvoir, révélant ou accentuant
des tendances plus ou moins an-
ciennes. Même si Vladimir Pouti-
ne conserve une popularité que lui
sont les deux autres principaux
clients européens de la France.
Le Moyen-Orient n’était plus en
2019 le premier débouché des ex-
portations françaises, même si la
zone représente toujours 30 % des
contrats avec 2,1 milliards de com-
mandes (contre 4 milliards en
2018). Les Émirats arabes unis, avec
leurs contrats pour les corvettes
Gowind de Naval Group pour
1,5 milliard d’euros, demeurent le
deuxième partenaire de la France.
Durant la dernière décennie, l’Inde,
le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Égypte
et les Émirats arabes unis ont été les
cinq principaux clients de la France.
envieraient bien des dirigeants
occidentaux, son étoile a pâli du-
rant la crise. Sa cote de popularité
a chuté de dix points entre mars et
avril, à 59 %. « Même si la courbe
recommence à croître, l’ancien pla-
teau où il se situait, autour de
70 %, semble désormais inaccessi-
ble », estime Andreï Kolesnikov,
de l’Institut Carnegie à Moscou.
« Depuis 2017, l’ “effet Crimée” a
perdu de son potentiel de mobilisa-
tion » estime cet expert, en réfé-
rence à l’annexion de ce territoire,
en 2014, et aux événements sym-
boliques susceptibles de tirer,
L’Australie, avec qui Naval Group
a signé un contrat décisif à 433 mil- été franchi l’année dernière avec
lions d’euros pour la conception de
sous-marins, s’est installée comme
un partenaire de premier plan. Le
secteur naval a représenté en 2019
la moitié des prises de commande
contre 10 % l’année précédente.
L’Asie est un secteur de prospection
majeur pour le ministère.
La France doit
4%
s’adapter à un marché
en pleine évolution.
Certes les dépenses mi-
litaires dans le monde
ont augmenté de 4 % en
2019, rythmées par
Hausse
l’affirmation des puis- du montant des
sances chinoise ou rus- dépenses militaires
se. Certes, la France dans le monde en 2019 et MGCS ont progressé.
demeure toujours un
acteur important, en tant que troi-
sième exportateur loin derrière les
États-Unis et la Russie. Mais le nom-
bre de pays producteurs d’arme-
ment a vu « son périmètre s’élargir » dustrie de défense française. « Nous
et « la concurrence gagne en intensi- nous attendons mécaniquement à
té », souligne le rapport. En outre,
un certain nombre d’États réorien-
tent leurs politiques pour obtenir des nistère. Le secteur cherche d’ores
transferts de technologie ou déve-
lopper leur propre tissu industriel,
que ce soient l’Inde ou l’Arabie
Saoudite. Et les tensions diplomati-
ques, par exemple avec l’Égypte ou
le Brésil, rendent les discussions de devrait ainsi être décalée à octobre
contrats plus compliquées.
Politiquement sensée, l’orienta-
tion européenne des exportations
françaises n’est pas sans défi. Le
marché européen ne suffit pas pour
faire vivre les industriels qui doi-
vent pouvoir exporter à des pays
avant toute autre considération,
l’approbation présidentielle vers le
haut. « Personne n’est contre la
grandeur symbolique mais on ne
peut pas l’étaler sur du pain », ré-
sume Andreï Kolesnikov pour si-
gnifier que les facteurs socio-éco-
nomiques sont plus jamais
prioritaires aux yeux des salariés
russes gravement malmenés par la
crise du Covid-19. Selon certaines
estimations, un tiers des entrepri-
ses russes pourraient disparaître.
D’après le chercheur de la Carne-
gie, si Poutine s’est à dessein mis en
retrait durant la crise, poussant les
pouvoirs régionaux et locaux sur le
devant de la scène, cela ne l’a pas
prémuni de concentrer aujour-
d’hui sur sa personne le mécon-
tentement populaire associé à la
pandémie et à la crise économique.
« Il est apparu non pas comme un
chef d’orchestre politique mais com-
me le modérateur d’une conférence
médicale, comptable également
d’une redistribution de fonds qui se
sont avérés au total assez modes-
tes », ajoute M. Kolesnikov.
“ Personne n’est contre
la grandeur symbolique,
mais on ne peut pas
l’étaler sur du pain
ANDREÏ KOLESNIKOV,
INSTITUT CARNEGIE À MOSCOU
”
La « verticale du pouvoir »,
épine dorsale de l’autorité pouti-
nienne depuis deux décennies, a
été touchée, avec des conséquen-
ces qui seront à évaluer. De même
s’agissant de la relation entre le
centre et les régions. En Russie,
« il y a toujours eu cette perception
selon laquelle le tsar est bon et les
boyards mauvais. Ce n’est plus le
cas », souligne la psychologue
Anastasia Nikolskaya. Selon une
enquête qu’elle a réalisée avec
l’économiste Mikhaïl Dmitriev,
seuls 3 % des Russes se disent
« absolument sûrs » ou « plutôt
sûrs » que le président est capable
de faire face à la situation. Leurs
travaux, insistent ces chercheurs,
montrent que « la conscience de
masse des Russes connaît des chan-
gements majeurs ». Ceux-ci se
manifestent notamment, disent-
ils, par une hausse de l’agressivité
contre des autorités, la « quasi-
disparition » d’une demande de
« pouvoir fort » et l’exigence ac-
crue des citoyens pour le respect
de leurs droits. ■
tiers. Au sein de l’Union, un pas a
l’accord entre la France et l’Alle-
magne pour une politique d’expor-
tation commune. Les deux capitales
avaient adopté des attitudes radica-
lement opposées envers l’Arabie
Saoudite après l’assassinat du jour-
naliste Jamal Khashoggi. Berlin
avait suspendu toutes ses exporta-
tions. Cette politique
volontairement restric-
tive avait jeté un doute
sur les projets indus-
triels communs, l’avion
et le char du futur, qui
ne sont pas viables sans
possibilité d’export.
Depuis, les projets Scaf
Les deux pays divergent
toujours sur le projet de drone
européen.
La crise du coronavirus sera
lourde de conséquences pour l’in-
une baisse assez conséquente des
commandes », reconnaît-on au mi-
et déjà à rebondir après l’annula-
tion des salons d’armement qui lui
servent de vitrine. La traditionnelle
« université d’été de la défense », qui
se tient chaque année à la rentrée,
ou novembre. Elle entend s’ouvrir à
davantage d’acteurs et contribuer à
la réflexion sur la relance de l’in-
dustrie de défense dans un univers
en mutation. ■
* Le groupe Dassault est propriétaire
du « Figaro ».
 LE FIGARO mercredi 3 juin 2020

INTERNATIONAL 15

La France propose son service militaire

adapté aux milices irakiennes
Ce dispositif
de retour à la vie
civile pourrait
séduire des
miliciens ayant
combattu Daech.

GEORGES MALBRUNOT £@Malbrunot

MOYEN-ORIENT Transposer en
Irak le modèle français du service
militaire adapté (SMA), pour faire
revenir à la vie civile des dizaines
de milliers de miliciens désœuvrés
depuis leur victoire contre les
djihadistes de Daech. L’idée a ger-
mé dans la tête du général de divi-
sion aérienne Frédéric Parisot, qui
commandait les actions civilo-mi-
litaires de la coalition occidentale
anti-Daech en Irak.
C’était en 2018, plus de cin-
quante ans après la création du
SMA, ce dispositif militaire d’in-
sertion professionnelle, destiné
aux jeunes d’outre-mer. « Le pou-
voir irakien l’a accueilli favorable-
ment », se félicite-t-on à l’état-
major des Armées à Paris.
Quatre ans après avoir été pro- « L’idée n’est pas de copier le La transposition en Irak sur quels secteurs nous devons axer avec l’Irak, à l’appuyer dans la garder une influence et se faire
clamé à Mossoul, le « cafifat » ter- modèle français, confie depuis du service militaire nos efforts, celui de l’Éducation maîtrise d’ouvrage, le déploiement aimer de la population. »
ritorial de Daech venait d’être Bagdad un diplomate irakien, mais adapté (SMA) va fournira une aide logistique pour la de ce projet relève bien de l’autorité Fin mars, en arguant du danger
défait par l’Irak et la coalition in- plutôt de l’adapter à notre environ- permettre aux jeunes formation professionnelle, décrypte souveraine de l’État irakien ». En que faisait courir la pandémie de
ternationale. À sa création, en juin nement. De nombreux jeunes issus miliciens qui avaient le diplomate irakien. Lorsque les clair, il ne s’agit pas de se substi- Covid-19, Paris a retiré 200 mili-
rejoint les unités de la jeunes sortiront du SMA, ils reste- tuer à Bagdad, où toutes les fac-
2014, des dizaines de milliers de de la Mobilisation populaire ont be- taires d’Irak, qui participaient à
Mobilisation populaire,
jeunes va-nu-pieds répondirent à soin d’apprendre un métier pour se en 2014 (ci-dessus ront militaires, mais leurs tâches tions politiques ne sont pas à des missions de formation auprès
l’appel de l’ayatollah Ali Sistani, sentir utiles. Actuellement, c’est lors de combats contre seront civiles, au service de la socié- l’unisson sur cette coopération, les de l’armée. Les États-Unis, de
plus haute autorité spirituelle notre drame, ils ne trouvent pas de Daech à Tal Afar, té, dans des hôpitaux et des munici- puissantes milices chiites pro-ira- leur côté, ont commencé le redé-
chiite d’Irak, pour s’enrôler dans travail. Ils constituent des proies fa- à l’ouest de Mossoul, palités, par exemple. » niennes pouvant la voir d’un mau- ploiement d’une partie de leurs
les unités de la Mobilisation popu- ciles pour le recrutement des grou- en août 2017), À travers ce nouvel outil, l’Irak vais œil. troupes, en attendant les résultats
laire, sorte d’armée parallèle, de- pes terroristes, ou pour commettre de se réinsérer dans cherche aussi à désengorger un du dialogue stratégique qui
venue encombrante. Que faire de des actes en dehors de la loi. Ce ser- la vie professionnelle. secteur public pléthorique. Une « Bénéfice partagé » s’ouvre ce mois-ci à Bagdad avec
cette réserve de bras, estimée à vice militaire adapté doit les former AHMAD AL-RUBAYE/AFP priorité au moment où la chute des En raison de la pandémie du des responsables irakiens, bien
plus de 100 000 personnes ? à retourner à une vie saine », esti- cours du pétrole a asséché les re- Covid-19 qui touche aussi l’Irak, que le Parlement de ce pays ait
me ce diplomate. venus de l’État. « Trop de jeunes le projet a été gelé. « Mais pour appelé en janvier au départ des
« Se sentir utile » En octobre dernier, une déléga- diplômés préféreraient rejoindre nous, cela reste un projet très im- forces étrangères.
À l’automne 2016, le Parlement tion interministérielle irakienne l’administration alors que le secteur portant », assure le diplomate à Mustapha Kazhemi, le nouveau
irakien vota une loi les intégrant s’est rendue sur l’île de La Réunion privé est à reconstruire. Nous de- Bagdad. premier ministre irakien, apprécié

aux forces de sécurité, sous l’auto-
rité du premier ministre. Mais
nombre de miliciens restèrent sur
le bas-côté de la route, tandis que
d’autres furent recrutés par l’Iran
et ses satellites. Un sujet d’inquié-
tude pour de nombreux Irakiens
- tous ceux notamment qui mani-
festent depuis huit mois à Bagdad
et dans le sud du pays contre des
paramilitaires accusés par Amnes-
ty International de crimes de
guerre -, mais aussi pour les par-
tenaires occidentaux de Bagdad
dans la guerre contre Daech.
100 000
ainsi qu’au Centre militaire de for-
mation professionnelle de Fonte-
nay-le-Comte, en Vendée. « Notre
partenaire irakien a confirmé en-
suite son intérêt pour le modèle
français », précise-t-on à l’état-
major parisien.
Le projet rassemble plusieurs
ministères irakiens (Défense, Édu-
cation, Travail), ainsi que le Natio-
spirituelle chiite d’Irak,
nal Operation Center du premier
ministre – l’équivalent de notre
SGDSN, le secrétariat général à la
Défense et à la Sécurité nationale.
« Le ministère du Travail indiquera
vons infléchir cette tendance »,
souligne Hassan, un universitaire à
Bagdad.
Estimation Auprès de la France, Bagdad est
demandeur d’instructeurs civils
du nombre de pour former tous ces jeunes. « Dès
personnes ayant que les autorités irakiennes en
répondu à l’appel de auront fait la demande, une mission
l’ayatollah Ali Sistani, de conseil d’experts français est en
plus haute autorité mesure de les appuyer dans la ré-
daction de leur propre SMA », fait-
pour s’enrôler dans
on remarquer à l’état-major des
les unités
armées à Paris, où l’on rappelle
de la Mobilisation
que « si la France s’est engagée, au
populaire en 2014
titre de sa coopération bilatérale
Aux yeux des responsables ira-
kiens, la France présente un
avantage par rapport à ses alliés
américains et britanniques. « Elle
n’a pas d’agenda caché derrière la
tête, poursuit le diplomate, alors
que les États-Unis, qui nous ont
aidés à nous débarrasser de Sad-
dam Hussein, voient aujourd’hui
l’Irak à travers leur guerre contre
l’Iran. Ce projet a un bénéfice par-
tagé pour nos deux pays. Les
Français ne veulent plus que leurs
troupes restent sur le terrain, mais
avec cette coopération ils pourront
à Paris, s’est rendu il y a quin-
ze jours au siège des miliciens de la
Mobilisation populaire. L’ancien
chef des services de renseigne-
ments souhaite, lui aussi, leur
trouver une alternative sociale.
Mais il doit composer avec l’oppo-
sition des plus radicaux parmi ces
miliciens. « Alors que les entrepri-
ses françaises sont encore réticen-
tes à revenir en Irak, avec ce projet
de service militaire adapté, la Fran-
ce dispose d’une vraie carte à jouer
à Bagdad », fait valoir un député
irakien. ■

Deux attaques djihadistes ensanglantent le Burkina

Une caravane et un marché ont été la cible d’hommes armés, au nord et à l’est du pays, dans une zone où sévissent les terroristes.
TANGUY BERTHEMET £@Tanguyber
AFRIQUE L’attaque a été rapide. Un raid
sur un convoi humanitaire qui ravi-
taillait Barsalogho, une petite ville du
nord du Burkina Faso devenue en quel-
ques mois un immense camp où s’entas-
sent quelque 300 000 réfugiés. En pleine
après-midi de samedi, les djihadistes
ont ouvert le feu sur la caravane, tuant
sept gendarmes de l’escorte et six civils.
Certains de ces derniers étaient armés et
membres des Volontaires pour la patrie.
Un bilan sans doute provisoire,
six autres militaires étant portés dispa-
rus, selon le gouverneur de la province.
La même matinée, cette fois dans
l’est du pays, une autre tuerie avait été
également attribuée aux groupes isla-
mistes qui opèrent dans le pays. Les
clients du marché au bétail de Kom-
peinbiga sont tombés dans une fusilla-
de. Des hommes armés « ont fait irrup-
tion sur des motos et ont commencé à
tirer, surtout sur les gens qui tentaient de
fuir », a raconté un témoin à l’AFP.
D’autres assaillants auraient, pendant
ce temps, rançonné les marchands. Le
longtemps, comme souvent au Burkina
Faso. « Ils se montent sans doute à plu-
sieurs dizaines », estime un élu local.
Ce regain de violence, que la presse
burkinabée a appelé un « week-end
noir », a suscité un choc. « Cela ne de-
vrait pas. En réalité les djihadistes opè-
rent dans ces deux zones depuis des an-
nées. Ce qui a étonné, c’est qu’il y a eu des
morts civils, ce qui n’était plus le cas ces
derniers mois », souligne Mahamoudou
Savadogo, spécialiste des groupes armés
dans le Sahel. Une sorte de retour « à la
normale », 2019 ayant été l’année la plus
sanglante pour le pays. D’après l’Armed
Conflit location and Event data project
(Acled), près de 1 300 civils avaient
alors trouvé la mort. Le pays compte
également près de 900 000 déplacés.
« Nous soumettre ou mourir »
Pour un analyste militaire, ces deux at-
taques montrent surtout l’étendue de
l’emprise djihadiste sur le Burkina, qui
n’a fait que s’accroître depuis le début
de l’année. « Le contexte est assez parti-
culier car les premiers mois de 2020 ont
été marqués par l’affrontement entre les
factions islamistes », souligne-t-il. Le
ment chassé du nord du pays son rival,
l’État islamique au Grand Sahara (EIGS).
Le GSIM, via sa filiale locale Ansarul is-
lam, est désormais seul maître de la
province du Soum. Les forces de défense
et de sécurité (FDS), comme l’armée
burkinabée, ne s’y rendent quasiment
plus, tous les camps militaires ou pres-
que ayant été désertés. « Nous n’avons
pas le choix. Il fallait nous soumettre aux
islamistes, qui ont posé des barrages sur
les routes, ou mourir. Et si vous vous sou-
mettez, vous risquez d’être tués plus tard
par les soldats qui vous considèrent com-
me un complice », explique un villageois
désespéré, qui a finalement choisi de
fuir la province à l’automne dernier. La
zone nord du Soum serait d’ailleurs
aujourd’hui pratiquement totalement
désertée par ses habitants. Djibo, le
chef-lieu, est littéralement assiégé. La
route, qui relie la ville à Ouagadougou,
la capitale, est régulièrement piégée, et
les voitures y sont attaquées. « Sans le
soutien de Barkhane, Djibo serait déjà
tombé », assure l’analyste.
À l’est, les mouvements djihadistes
contrôlent aussi largement le terrain. La
vaste opération militaire, lancée en
qu’un souvenir. « Les miliciens se sont
200 km
cachés et sont revenus dès que les soldats
sont partis », assure une source sécuri-
taire locale. Dans cette partie du pays
aussi, la lutte entre l’EIGS, encore près
présent à l’est, et le GSIM, contribue à
Gao dégrader un peu plus la situation. Le
MALI GSIM, qui y dispose de quatre implanta-
tions serait en train de se renforcer. « Il
r Titao Barsalogho
Nige est très possible que les dernières tueries
NIGER soient liées à la volonté des groupes de
s’approprier des sites miniers ou des
Ouagadougou Niamey marchés lucratifs aux dépens de
l’autre », continue la source sécuritaire.
BURKINA FASO Pour Mahamoudou Savadogo, les
pertes civiles tiennent aussi à la confu-
BÉNIN sion grandissante entre miliciens et
Kompienga simples citoyens. La décision, votée par
l’Assemblée nationale en janvier 2020,
TOGO de créer le corps des Volontaires pour la
défense de la patrie, des civils armés, a
CÔTE
D’IVOIRE GHANA augmenté le phénomène. Ces derniers,
souvent mal formés, seraient à l’origine
de nombreuses exactions. « Ils sont aus-
si principalement recrutés parmi l’ethnie
mossi et cela exacerbe aussi les rivalités
claniques », déplore le chercheur, pour
qui il est urgent de « dissoudre ce
Golfe de Guinée corps ». « Ce n’est qu’en renforçant l’ar-
A

nombre de morts reste pour l’instant Groupe de soutien à l’islam et aux mu- mars 2019 par les FDS pour chasser les mée régulière que l’on aura une chance de
difficile à établir, et le restera sans doute sulmans (GSIM), lié à al-Qaida, a large- djihadistes de cette région, n’est plus Infographie gagner cette guerre », assure-t-il. ■
mercredi 3 juin 2020
16 LE CARNET DU JOUR
Marie-Astrid,
Les annonces sont reçues
Pascal et Kevin,
Isabelle et Christophe,
Yves,
Timothée, Clara, Maud
avec justification d’identité
et Tiphaine,
sa famille et ses amis
du lundi au vendredi ont la tristesse
de faire part du décès de
de 9h à 13h et de 14h à 18h
Philippe BIED-CHARRETON
(excepté les jours fériés)
survenu le 29 mai 2020,
à l'âge de 77 ans.
et tous les dimanches
Nous allons regretter
sa culture, son savoir
et son humour, qu'il partageait
de 9h à 13h. avec intelligence
et bienveillance
auprès de chacun.
Ni fleurs ni couronnes,
par courriel des dons à l'organisation
de votre choix.
carnetdujour@media.figaro.fr
par téléphone Gérard Cayré,
son époux,
01 56 52 27 27 sa fille,
Sylvia Deutsch,
sa petite-fille,
sur notre site
Maëva, et son époux,
Louis de Fels,
www.carnetdujour.lefigaro.fr ses arrière-petites-filles,
Victoria et Athéna de Fels,
ont la grande tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Reprise des annonces sur :
Mme Gérard CAYRÉ
www.carnetdujour.lefigaro.fr née Elyane Lhermitte,
Le 29 mai 2020.
www.dansnoscoeurs.fr
La cérémonie religieuse
sera célébrée le vendredi 5 juin,
à 14 h 30, en l'église
Saint-Pierre-de-Chaillot,
31, avenue Marceau,
deuils à Paris (16e).
Une messe de souvenir
sera dite ultérieurement.
Mme Arnaud
Adam de Beaulieu, La famille remercie tout
née Sabine de Kermoysan, particulièrement les personnes
son épouse, qui l'ont entourée
Laurent, Maÿlis et Priscilla,
ses enfants,
de leur affection jusque
dans les derniers instants.
la baronne d'Ussel,
sa cousine, Cet avis tient lieu de faire-part.
en union de prière avec
leurs familles respectives
ont la grande tristesse
de vous faire part Edwina Cormier,
du rappel à Dieu son épouse,
dans la Paix, de Dominique Cormier-Pons,
Henry Cormier,
Arnaud ADAM de BEAULIEU Jean-Yves Cormier,
Emmanuelle Cormier,
le 29 mai 2020, ses enfants,
Léo, Lucile, Eyquem, Maxime,
dans sa 69e année, muni
des sacrements de l'Église. Alicia,
ses cinq petits-enfants,
Les cérémonies religieuses
à son intention auront lieu ont la tristesse
- le jeudi 4 juin, à 10 h 30, de vous faire part
en l'église du rappel à Dieu de
Saint-Pierre-du-Gros-Caillou,
à Paris (7e), M. Jacques CORMIER
- le vendredi 5 juin, à 14 heures, Saint-Cyr,
à la salle paroissiale de l'église promotion Nouveau Bahut,
Saint-Pierre-ès-Liens chef de bataillon honoraire,
de Panazol (Haute-Vienne), officier parachutiste,
suivie de l'inhumation. officier de la Légion d'honneur,
croix de guerre des TOE,
le 30 mai 2020,
La Môle (Var). Londres.
à Cosne-Cours-sur-Loire.
La cérémonie religieuse
Mme Nicholas Beuttler,
aura lieu
le lundi 8 juin 2020, à 15 h 30,
née Martine Andriveau,
en l'église Saint-Jacques,
son épouse,
à Cosne-Cours-sur-Loire
Grégory et Annabelle Fowlkes
et leurs enfants,
(Nièvre), suivie de l'inhumation
au cimetière de Saint-Père.
Stéphane Fowlkes,
ses beaux-enfants,
Mme Alan Clark,
sa sœur,
ainsi que ses enfants Marie-Hélène Corne,
et petits-enfants
sa sœur,
les familles Corne, Martin,
ont la tristesse Trouble, Favre, Colin
d'annoncer le décès de
ont la tristesse
M. Nicholas BEUTTLER
de vous fait part du décès de
survenu le 28 mai 2020,
Marie-France CORNE
à l'âge de 76 ans.
à l'âge de 85 ans, le 30 mai 2020,
Une bénédiction aura lieu à Boulogne-Billancourt.
dans la plus stricte intimité,
le vendredi 5 juin 2020. La messe d'à-Dieu
Une messe en sa mémoire sera sera célébrée
célébrée au mois de septembre.
le vendredi 5 juin, à 14 h 30,
Cet avis tient lieu de faire-part.
en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption-
de-Passy, 90, rue
de l'Assomption, à Paris (16e).
L'inhumation aura lieu
le samedi 6 juin, à 11 heures,
au cimetière de Buxy
Souvenirs, Messes... (Saône-et-Loire).
Partagez le souvenir Marie-Hélène Corne,
d’un être cher 17, rue Thiers, 92100 Boulogne.
marie-helene.corne@orange.fr
dans le carnet du jour
Marseille (8e).
Sabine Delanglade,
Marie-Emmanuelle Chalié,
Anne-Monique Latimier,
Pierre-Cyril Delanglade,
Xavier Delanglade,
ses enfants,
ses petits-enfants
et ses arrière-petites-filles
© Gettyimages
font part du rappel à Dieu de
Stéphanette DELANGLADE
Tél. 01 56 52 27 27 née Liagre,
carnetdujour@media.figaro.fr
www.carnetdujour.lefigaro.fr le 5 mai 2020,
à l'âge de 95 ans, à Marseille.
Alger. Paris.
Jacqueline Briend,
sa compagne,
Arlette Sandler,
Michèle Samuel,
ses sœurs,
ses neveux et nièces,
ses petits-neveux
et petites-nièces
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
M. André FREDJ
survenu brutalement,
le vendredi 29 mai 2020,
dans sa 87e année.
Les obsèques ont eu lieu
dans l'intimité familiale.
30, rue de la Mare-aux-Biches,
28410 Boutigny-Prouais.
Machecoul-Saint-Même
(Loire-Atlantique).
Françoise de Grandmaison,
son épouse,
Valérie et Geoffroy,
ses enfants,
ses petits-enfants
et toute la famille
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Henri de GRANDMAISON
La célébration religieuse
aura lieu en l'église
de la Trinité de Machecoul,
dans l'intimité familiale,
le jeudi 4 juin 2020,
à 15 heures.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Écouché-les-Vallées, Batilly
(Orne).
Philippe Lanlo et Virginie,
son fils et sa belle-fille,
Edwin, Justin, Cyprien,
ses petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
M. Henri-Claude GUENOUN
médecin général,
officier de la Légion d'honneur,
commandeur
de l'ordre national du Mérite,
croix de la Valeur militaire
étoile d'argent,
survenu le 29 mai 2020,
à l'âge de 89 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le jeudi 4 juin, à 14 h 30,
en l'église de Batilly
d'Écouché-les-Vallées,
suivie de l'inhumation
au cimetière.
Condoléances sur registre.
Nogent-sur-Marne.
Mme Dany Jais,
son épouse,
son fils Jean-Philippe,
et son épouse,
sa fille Linda, et son époux,
Laura, Vanessa, Alexandre,
Michaël,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants,
les familles Albou et Jais
ont la douleur
de faire part du décès de
M. Léon JAIS
ancien expert-comptable
et commissaire aux comptes,
survenu le 31 mai 2020,
à l'âge de 96 ans.
Les obsèques auront lieu
au cimetière parisien de Pantin
(Seine-Saint-Denis),
dans l'intimité familiale,
ce mercredi 3 juin 2020.
On nous prie d'annoncer
le décès, dans sa 92e année, de
Yves KERGALL
De la part de
Marie-Armelle
Kergall-Aït Mehdi,
sa fille, et son mari Mokrane,
Eliphas Leme Almeida,
son gendre,
Sophie, Virginie, Stéphanie
et Ilyes,
ses petits-enfants,
et toute sa famille.
Les obsèques ont été célébrées
à Viroflay, le 29 mai 2020,
dans le souvenir de sa femme,
Janine Kergall
née Labordère de Cunha,
et de sa fille,
Dominique Leme Almeida
24, rue du Coteau,
92370 Chaville.
M. Bertrand Journel,
son époux,
Romain et Hugo,
ses fils,
Audrey et Aurélie,
ses belles-filles,
Flora, Arthur, Lucas et Virgile,
ses petits-enfants,
ont la tristesse
de faire part du décès de
Mme Agnès JOURNEL
née Jeantet.
La messe d'obsèques
sera célébrée en l'église
Saint-Pierre-d'Arène,
le vendredi 5 juin 2020,
à 10 h 30.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Neuilly-sur-Seine. Paris.
Grégoire et Maguelone LIBERT
ses parents,
Fleur, Clémentine, Charlotte,
Timothée, Arthur, Pierre
et Hortense,
ses frères et sœurs,
Mme Pierre Mager,
son arrière-grand-mère,
M. et Mme Baudouin Libert,
M. et Mme Claude Arnaud,
ses grands-parents,
M. et Mme Thibault Louvet,
M. et Mme
Florian de Pontcharra,
M. et Mme Louis Blohorn,
M. et Mme Frédéric Pigneur,
M. et Mme Olivier Cuni,
M. et Mme Teddy Leguillier,
ses oncles et tantes,
ses cousins et cousines
et toute sa famille
ont l'immense tristesse
de vous faire part
de l'entrée au Ciel de
Félicie
le 28 mai 2020,
à l'âge de deux ans.
La messe d'À Dieu sera
célébrée en l'église Saint-Pierre
de Neuilly-sur-Seine,
le vendredi 5 juin, à 11 heures,
suivie de l'inhumation
dans l'intimité familiale.
Mme Marguerite Carion,
Mme Françoise Blaquière,
Mme Sabine Abafour,
la famille Dehaut,
ses cousines germaines,
et leurs conjoints,
leurs enfants et petits-enfants
ont la tristesse
de faire part du décès de
Mme Dominique MALESSET
née Pector,
rappelée à Dieu
le samedi 30 mai 2020,
à l'âge de 92 ans.
La messe d'obsèques
aura lieu le vendredi 5 juin,
à 14 h 30, en l'église
Notre-Dame-de-Grâce-
de-Passy, Paris (16e).
Que ceux qui l'ont connue
et aimée lui soient proches
dans la pensée et la prière.
Ni fleurs ni couronnes.
Laval (Mayenne).
Le Mans (Sarthe).
M. et Mme Yves de Berranger,
son frère et sa belle-sœur,
M. Jean Rivière,
son beau-frère,
ses dix-huit neveux
et ses nombreux petits-neveux
font part du rappel à Dieu de
Mme MESROBIAN
née
Marie-Françoise de Berranger,
le 1er juin 2020,
à l'âge de 88 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
de Berric (Morbihan),
dans l'intimité familiale,
le jeudi 4 juin 2020, à 10 h 30,
suivie de l'inhumation
au cimetière de Berric.
Ni fleurs ni couronnes.
Des prières, des messes.
Patricia,
sa femme,
Roch et Noemi,
Orlando et Alice,
ses enfants,
Pablo, Alice et Alma,
ses petits-enfants,
Patrick,
son frère,
Olivia et Paul,
ses neveux,
ont la douleur
de faire part du décès de
Jean-Pierre OSENDA
dernier des zazous
de Saint-Germain-des-Prés,
survenu le 28 mai 2020,
à l'âge de 80 ans,
à son domicile.
Les obsèques ont eu lieu
à Saorge (Alpes-Maritimes).
patricia.osenda@sfr.fr
Florence et Gérard Douin,
Christine (†) et Benoît Dondain,
Isabelle et Yani Malliarakis,
Anne et Richard
de Lassus Saint-Geniès,
ses enfants,
ses 14 petits-enfants
et ses 24 arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Mme Roger
PELNARD-CONSIDÈRE
née Françoise Clavel,
le 30 mai 2020,
à l'âge de 97 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le jeudi 4 juin,
à 14 h 30, en l'église
Notre-Dame-de-Grâce-
de-Passy, à Paris (16e).
Mme Josette Ponsard,
son épouse,
Sylvie et Michel,
ses enfants,
Vincent, Antoine, Marie,
Emmanuelle, Julien,
Florent et Emma,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants,
sa sœur
et toute la famille
ont la douleur
de faire part du décès de
M. Pierre PONSARD
École Supérieure
de Commerce de Paris 52,
survenu le 27 mai 2020,
à l'âge de 92 ans, à Vanves.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église d'Argelès-Gazost,
(Hautes-Pyrénées),
ce mercredi 3 juin, à 15 heures,
suivie de l'inhumation
au cimetière
de Pierrefitte-Nestalas.
Mme Ronald Oliver,
M. et Mme Philip Oliver
et leur fils Haydn,
les familles Fiere,
d'Espalungue d'Arros
et Pozzo di Borgo
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Patrick POZZO di BORGO-
LEVAVASSEUR
leur fils, frère, oncle,
neveu et cousin,
endormi
dans la Paix du Seigneur,
le 28 mai 2020, à l'âge de 56 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le jeudi 4 juin,
à 14 h 30,
en l'église Notre-Dame
de Belleville-sur-Saône.
Marie-Madeleine
et François-Xavier (†) Rogez,
Colette (†) et Michel Deyglun,
Georges et Denise Roudié,
Vincent et Isabelle Roudié,
leurs enfants et petits-enfants,
ont la grande tristesse
de vous faire part du décès de
leur sœur, belle-sœur et tante,
Elisabeth ROUDIÉ
le 1er juin 2020,
à l'âge de 77 ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 4 juin,
à 14 h 30, en l'église
Sainte-Jeanne-de-Chantal,
Paris (16e).
L'inhumation se fera
le samedi 6 juin, à 9 h 30,
au cimetière de Figeac (Lot).
Mme Elisabeth Simonnet,
sa fille,
M. et Mme Philippe Simonnet,
son fils et sa belle-fille,
Christophe, Laurence, Claire,
ses petits-enfants,
et leurs conjoints,
Annabelle, Cléa, Adrien,
Matéo et Lucas,
ses arrière-petits-enfants,
ont le regret
de vous faire part du décès de
M. Jean SIMONNET
ancien
président-directeur général des
Sociétés EA Kimpton, Etex,
Société nouvelle unic
transports,
survenu le 29 mai 2020.
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 4 juin,
à 14 h 30, en l'église
Saint-François-de-Sales,
3, rue Brémontier, Paris (17e),
suivie de l'inhumation
dans le caveau de famille,
au cimetière parisien
de La Chapelle,
38, avenue du Président-Wilson
de La Plaine-Saint-Denis.
Cet avis tient lieu de faire-part.
disparitions
Mady Mesplé,
le rossignol français
CHRISTIAN MERLIN
£cmerlin@lefigaro.fr
DIX-SEPT jours après Ga-
briel Bacquier, c’est une
autre figure majeure de
l’art lyrique français qui
vient de disparaître en la
personne de Mady Mesplé.
Mais aussi une artiste rare,
aussi populaire qu’inclas-
sable, et que l’on trouvait
souvent là où on ne l’atten-
dait pas. Ce que l’on retien-
dra, c’est d’abord une agili-
té vocale peu commune :
elle incarne le soprano lé-
ger colorature à la françai-
se, à qui aucun suraigu ni
aucune vocalise ne fait La soprano colorature
peur. C’est ainsi que, née à Mady Mesplé avait été
Toulouse en 1931, elle s’im- élevée à la dignité
de grand officier dans
posa très tôt dans le rôle-ti-
tre de Lakmé, à Liège, en l’Ordre national du mérite,
en mars 2009.
1953 : elle avait 22 ans.
REMY GABALDA/AFP
Olympia, la Reine de la nuit
semblaient écrits pour elle,
tout comme la Zerbinette nération, elle est une des
d’Ariane à Naxos, où elle premières chanteuses à
triompha à Aix-en-Pro- avoir eu un bagage musical
vence en 1966. Mais ceux complet, ayant commencé
qui l’ont vue en Lucia di par le piano au conserva-
Lammermoor gardent en toire de Toulouse. Dotée de
mémoire sa présence, son l’oreille absolue et d’un sol-
jeu d’actrice et sa beauté fège extrêmement solide,
dans la scène de la folie, elle était une déchiffreuse
même si l’on a pris l’habi- hors pair, à une époque où
tude, depuis, d’y entendre nombre de chanteurs lyri-
des voix plus corsées. ques savaient à peine lire
les notes.
Déchiffreuse Une grande partie de sa
hors pair discographie fut réunie
Mais elle était loin de se ré- chez EMI en un généreux
duire à ces étiquettes trop coffret paru en 2011, pour
prévisibles. Très à l’aise ses 80 ans. En proie à une
dans l’opérette (qu’elle grande fatigue au milieu
chanta du reste plus au des années 1970, elle ralen-
disque qu’à la scène), elle tit progressivement son
était aussi imbattable et très activité : sans doute les pre-
engagée dans la musique miers signes de la maladie
contemporaine la plus de Parkinson qui allait la
avant-gardiste, créant le faire cruellement souffrir et
Quatuor pour trio à cordes dont elle parlait sans fausse
et soprano de Betsy Jolas et pudeur, y compris dans son
chantant sous la direction autobiographie, La Voix du
de Pierre Boulez, qui avait corps (Michel Lafon). Une
pour elle la plus grande es- personnalité solaire, cou-
time. C’est que, dans sa gé- rageuse et attachante. ■
Janine Reiss, la « maîtresse
de chant » des divas, s’est tue
UNE MAUVAISE nouvelle
n’arrivant jamais seule, à
peine s’était-on résigné à
dire au revoir à Mady Mes-
plé (voir ci-dessus), que l’on
apprenait le décès de Janine
Reiss, qui fut son accompa-
gnatrice, répétitrice et amie
pour tant d’aventures lyri-
ques. Celle qui aurait eu
100 ans en 2021 restera à ja-
mais associée aux plus
grands triomphes de l’art
lyrique de la deuxième
moitié du XXe siècle.
Femme de l’ombre qui a
su se rendre indispensable,
elle était ce que l’on appelle
en France « chef de chant »,
expression qu’elle détes-
tait : « Un chef, c’est quel-
qu’un qui dirige. On peut di-
riger un orchestre mais on ne
dirige pas une voix ». Elle Janine Reiss, en 2008.
préférait l’expression ita- CHARLOTTE SCHOUSBOE/
lienne « maestro di canto ». SAIF IMAGES
Dieux du lyrique lyrique. Il suffira de rappe-
Mais à l’Opéra de Paris, Rolf ler que Maria Callas ne
Liebermann la nomma voulait travailler qu’avec
« directrice des études mu- elle, qu’Herbert von Kara-
sicales ». Cette pianiste et jan lui confia les chanteurs
claveciniste avait la passion de son enregistrement de
de la voix chevillée au Pelléas et Mélisande avant
corps, et son rôle consista de passer en studio, qu’elle
toute sa vie à aider les plus conseilla musicalement Jo-
grands chanteurs à prépa- seph Losey pour son Don
rer leurs rôles, attachant Giovanni filmé, et qu’Alain
autant d’importance au Lanceron, directeur des
texte (quelle que soit la lan- disques EMI et par ailleurs
gue), au style, à la psycho- ami intime de Mady Mes-
logie qu’à la technique de plé, n’enregistrait pas une
chant proprement dite. intégrale d’opéra sans
Énumérer les artistes qui s’être assuré que les chan-
s’en remettaient à ses teurs avaient été préparés
conseils reviendrait à faire par elle. ■
la liste de tous les dieux du C. M.

Une leçon de la crise sanitaire :
réhabilitons les activités de l’attention
L’
aventure présente
bouscule nos habitudes
et nos priorités,
vient interroger
nos certitudes
les plus ancrées.
Principalement, elle se heurte
à la distinction entre les activités de la
production et les activités de l’attention.
Jusque-là, nous n’avons pas attaché
d’importance à cette distinction, par
notre incapacité foncière à comprendre la
réalité même des activités de l’attention.
Alors que nous sommes entre les griffes
d’une crise sanitaire qui confisque
nos ressources à court terme,
et d’une crise environnementale qui
confisque nos ressources à long terme,
un certain nombre de concepts, dont
celui-ci, nous deviennent familiers.
Les activités de l’attention concernent
le soin porté aux êtres, et au vivant
en général, en vue de leur préservation
et de leur réparation. Il peut s’agir
du soin prodigué aux enfants, aux
malades ou aux vieillards, et en général
de l’entretien de la vie - ce peut être
l’activité d’un jardinier. Les activités
de la production concernent la fabrication
ou la création, elles augmentent
le monde et instaurent du nouveau.
Les deux activités sont nécessaires.
L’importance et la valorisation des
activités de la production varie selon les
cultures, mais les activités de l’attention
sont essentielles partout – une société
peut refuser l’innovation ou la juger
sans intérêt, mais si elle cessait de
maintenir son monde, elle mourrait.
Les Occidentaux par tradition accordent
un prestige immense à la transformation,
à l’édification, bref à l’action en général
(« Au commencement était l’action »,
dit Goethe). Ils ne se contentent jamais du
monde tel qu’il est, et passent leur histoire
à l’augmenter et à le perfectionner.
Nous sommes
des productivistes
CHANTAL DELSOL forcenés, des fils
de Prométhée
POUR « LE FIGARO » et de Faust.
Classiquement
L’épreuve qu’affronte la France le vérifie :
et depuis toujours,
les activités de l’attention ont été mésestimées au chez nous
profit des activités de la production et de la création, les activités
explique la professeur de philosophie politique*. de l’attention sont
L’écran ne remplacera jamais la rencontre
du professeur et des élèves en classe
L’
adoption contrainte
du téléenseignement
depuis deux mois
a démontré que les
médias électroniques
peuvent relayer
jusqu’à un certain point l’enseignement
traditionnel où l’enseignant fait face
à une classe ou à un amphithéâtre.
Est-ce la formule de l’avenir, comme
certains le prétendent ? Les nouveaux
médias électroniques et internet peuvent-
ils, au nom de la modernité, remplacer
l’École et le Professeur ?
Si l’on se fie à la définition
de l’enseignement donnée par saint
Augustin dans son De magistro,
qui n’a pas pris une ride depuis mille
six cents ans, l’œuvre d’enseignement
consiste pour un maître à orienter
les regards de l’élève vers la vérité,
ce qui demande seulement parole et
temps. On ne voit pas a priori pourquoi
cette œuvre ne pourrait s’accomplir
avec des technologies qui ne transportent
pas seulement la voix, mais aussi
l’image et le mouvement, donc
permettent la « communication
non verbale », soit bien plus, en somme,
DESSINS FABIEN CLAIREFOND
que n’en demande saint Augustin.
En faveur du téléenseignement,
on peut observer également qu’il
se crée ainsi une forme paradoxale
d’intimité et de concentration.
Le professeur voit les élèves comme il en
est vu, il peut facilement dialoguer avec
eux. Le contact peut
même être plus net,
mieux exempt
PHILIPPE NEMO de bruits que dans
une classe, pour
Une éducation fondée sur le téléenseignement, ne pas parler d’un
promis à un rôle central et non plus accessoire, grand amphithéâtre
serait une catastrophe, argumente le philosophe*. universitaire.
CHAMPS LIBRES
DÉBATS
peu qualifiées et peu gratifiantes.
Dans notre histoire elles sont réservées
aux femmes et aux clercs. Tandis que
les activités de la production (entreprises la crise environnementale instigatrice
économiques et artistiques) sont cotées,
gratifiantes et réservées aux hommes.
Les êtres voués à la tâche de l’attention servirait à rien de produire et d’inventer
étaient bien souvent, dans le monde
d’avant qui n’est pas si vieux, dotés d’une en vient à se défaire.
âme de géant parce que capables d’une
œuvre substantielle sans rémunération
ni reconnaissance – la mère de famille
silencieuse, ou bien la sœur-infirmière
de l’Hôtel-Dieu, indispensables à la survie environnementale. L’une et l’autre
du monde, mais toujours considérées
comme ces hommes superflus de
Tourgueniev. Aujourd’hui encore,
« Lorsque le monde commun
est en danger, on se rend compte
de l’importance insigne de sa sauvegarde. de
On se rend compte que peut-être
on a dramatiquement sous-évalué
sa sauvegarde » si nous pouvons
ceux dont le travail consiste en attention
aux êtres, sont les plus mal payés,
les plus disqualifiés de l’échelle sociale. qu’une activité. À quoi cela peut-il
La mère-éducatrice, dont la première
vertu était l’invisibilité, est rejointe
par l’aide-soignante ou l’enseignant,
aussi invisibles qu’elle.
Dans une situation tragique, comme
celle présente, toute l’actualité
nous rappelle à quel point importent
les activités de l’attention. Les soignants, leurs appels et y répondre. Il s’agit même,
et jusqu’au plus simple d’entre eux,
deviennent les chevilles ouvrières
héroïques de la sauvegarde commune.
De même ceux qui entretiennent le simple
quotidien, depuis la nourriture jusqu’aux
ordures ménagères. Et ceux qui
poursuivent dans des conditions
modestes et familières l’instruction
des enfants.
Non pas que les activités de production
perdent leur authentique valeur : mais
lorsque le monde commun est en danger,
on se rend compte de l’importance
insigne de sa sauvegarde. On se rend
compte que peut-être on a
dramatiquement sous-évalué sa
sauvegarde, par rapport aux impératifs de
Cependant, les arguments contraires
emportent la mise. L’école traditionnelle
reste indispensable, d’abord, en ce qu’elle
seule permet que se forment des groupes
d’élèves qui se fréquenteront souvent
pendant plusieurs années. Cela joue
un grand rôle dans les motivations
à apprendre, étant donné les phénomènes
d’imitation et d’émulation – pourvu
toutefois que l’institution scolaire veille
à ce que ce soient les bons élèves
qui donnent le la, non les cancres ou les
voyous. D’autre part, si l’école doit avoir
un rôle d’éducation et pas seulement
d’instruction, elle ne peut s’en acquitter
que dans le cadre d’une vie collective où
les personnalités se confrontent. Avec
des jeunes qui seraient laissés seuls devant
des écrans et ne rencontreraient ensuite
leurs semblables que dans des « groupes
de pairs » qui se font et se défont de
manière aléatoire, ces aventures
collectives formatrices deviendraient
impossibles.
Mais le plus grand danger d’un
enseignement faisant l’économie de
l’école physique est qu’il ne pourra jamais
être correctement structuré. Sur les
écrans, surgissent à tout moment des
images, des vidéos, des sons, des
informations de toute nature et de toutes
provenances. Dès que quelqu’un prononce
les mots « Pékin », ou « Acropole », ou
« acide désoxyribonucléique », aussitôt
une carte, une représentation en 3D, une
formule surgissent sur un coin de l’écran,
avec de nouveaux liens qui feront surgir de
nouvelles fenêtres, dans une logique
kaléidoscopique qui rend impossible une
transmission effective et une
compréhension véritable des savoirs. Le
processus d’enseignement ne peut
s’effectuer normalement que s’il est guidé
par un maître qui connaît l’ensemble et le
la production et de la création.
En situation tragique, l’essentiel saute
aux yeux, et la crise sanitaire rappelle
des mêmes exigences. Dans
la catastrophe on aperçoit qu’il ne
si le socle fondamental de l’existence
Et ce socle, ce sont aussi bien
les vivants humains et la nature entière.
La crise sanitaire, dans les interrogations
qu’elle suscite, rejoint la crise
ne peuvent trouver de réponse qu’en
brisant le monopole arrogant des activités
de production. L’une et l’autre rappellent
la priorité de cette
époque : nous
avons bien compris
à présent la vanité
prétendre,
comme disait
Marx, transformer
le monde – et
le cultiver, ce sera
déjà bien assez.
L’attention semble bien peu active
– c’est presque davantage une vertu
donc bien servir ? À dire vrai, c’est une
activité presque spirituelle. Simone Weil
en a fait l’attitude par excellence
de la prière (dans Attente de Dieu). Il s’agit
de se pencher vers les êtres, afin
de se solidariser avec leurs épreuves et
éventuellement de les adoucir, pour saisir
parfois, de ne pas répondre, parce qu’il
n’y aurait rien à dire ni à proposer,
mais de vivre silencieusement, ensemble,
le destin qui passe. Toute activité
d’éducation ou de soin aux personnes
requiert l’attention en ce sens, ce que
Jan Patocka appelait la solidarité
des ébranlés, ce mouvement vers l’autre
comme partage de la même condition.
La pensée contemporaine appelle cela
le « Care » : élan inscrit dans la morale
humanitaire (et non plus humaniste,
parce que l’humain n’est plus au centre
du monde) de ce temps, qui apparaît dans
une sorte de redécouverte, alors qu’il a
bel et bien toujours existé mais toujours
dans le silence et la disqualification.
détail des savoirs à enseigner et est donc
en mesure d’assurer la cohérence
du cheminement.
Sans doute des cours en ligne peuvent-
ils être organisés avec des étudiants
avancés qui, ayant déjà acquis les cadres
intellectuels d’une discipline, peuvent y
intégrer les contenus nouveaux que les
écrans leur apportent. Mais on ne saurait
envisager cette automatisation de
l’apprentissage avec collégiens ou lycéens
pour lesquels ces cadres mêmes restent
à construire. Or cette construction
demande de très nombreuses années. Elle
« Si l’École et le Professeur passent
au second plan ou disparaissent,
la structuration des esprits des élèves
deviendra impossible » maison ne s’élèvera
doit être pensée dans sa globalité,
planifiée, et ne peut être mise en œuvre
que par des professeurs au sein
d’une institution scolaire qui en assure
la continuité.
L’invention des sciences modernes en
Occident est due à des esprits brillants qui publique française que stérilité
avaient été formés selon une tradition
pédagogique éprouvée qui s’est prolongée
sans solution de continuité depuis les
collèges de Jésuites et Rabelais jusqu’à nos les « nouvelles technologies », qui leur
jours. Le principe en était qu’il ne faut pas rendent bien ce fol amour. Ces forces
seulement apporter aux élèves
des connaissances, ce qu’assurément
peut faire internet, mais structurer leur
esprit – c’est-à-dire aboutir à ce que
les têtes soient « bien faites » plutôt que
« bien pleines ». Ce processus implique
des programmes soigneusement gradués
et des espaces pédagogiques situés
à une distance suffisante de la vie sociale
et de ses actualités.
mercredi 3 juin 2020
LE FIGARO
17
Que serait devenu le monde humain
sans l’attention prodiguée à chacun
d’entre nous pendant notre enfance
et aux jours de nos faiblesses ? Pourtant,
le monde de la production vit et parle
comme si le monde de l’attention
n’existait pas, ou comme s’il était
superfétatoire.
Il est probable que l’Occident
s’est fourvoyé dans sa fascination
monopolistique pour les activités de
la production. La crise sanitaire nous le
rappelle dans l’angoisse, mais elle n’est à
cet égard qu’une toile de fond de la crise
environnementale, elle-même beaucoup
plus profonde et durable. La folie de la
production et de l’action ne traduit pas
seulement l’orgueil démesuré du « mâle
blanc » comme voudrait le suggérer
une vulgate postmoderne. Elle raconte le
matérialisme de ce temps et le vertige de
l’avoir. L’Occident depuis deux mille ans
a coutume d’adhérer au spirituel à travers
la transcendance (les cultures asiatiques
ont un spiritualisme d’immanence,
consacrée à ce monde-ci). Aussi la faillite
de nos religions fondatrices, depuis
un siècle, nous livre-t-elle pieds et poings
liés à l’ivresse de la matière, de la
consommation et de l’accumulation.
Il nous faut courir le monde, édifier
des empires économiques et instaurer
la dépense en mode de vie, pour nous
sentir vraiment vivants.
Pourtant, la production
transformatrice, invention si occidentale,
ne représente jamais que la partie
émergée, fière à juste titre mais
inutilement vaniteuse, du monde
humain. Quant à la partie immergée
et invisible, la plus vaste, la plus profonde
et la seule substantielle, c’est elle qui
contient clandestinement les activités de
l’attention – sans lesquelles tout se tarit.
Elles sont facilement reconnaissables :
elles ignorent l’angoissante question
du sens. De la tâche qui consiste à élever
un enfant, on ne pourra jamais dire
« à quoi bon ? ». Et pas non plus d’aucune
de ces tâches qui consistent à veiller les
êtres ou à veiller le monde. Elles portent
leur sens en elles-mêmes. C’est là leur
caractère spirituel.
* De l’Institut. Dernier ouvrage paru :
« Le Crépuscule de l’universel »
(Éditions du Cerf, 2020, 376 p., 14,99 €).
Dans le secondaire, en particulier, pour
chaque discipline des lettres et des
sciences, il faut présenter dans les petites
classes les connaissances élémentaires,
puis construire méthodiquement les
savoirs d’étape en étape jusqu’à ce que
l’édifice soit entièrement bâti – même s’il
faut aussi quelques éléments transversaux
et quelques plages de spontanéité pour que
la personnalité de chaque élève trouve
sa nourriture. Ce processus peut certes
être enrichi par les nouveaux moyens
électroniques. Mais l’École et le Professeur
doivent en rester maîtres. S’ils passent
au second plan
ou disparaissent,
la structuration des
esprits deviendra
impossible et donc la
jamais au-dessus des
tout premiers étages.
On dira que la vision classique d’une
initiation méthodique aux sciences dans
l’enseignement secondaire a été depuis
longtemps mise à mal par les nouvelles
pédagogies, dont on sait maintenant
qu’elles n’ont apporté dans l’école
intellectuelle et baisse inquiétante du
niveau scolaire. Certes, et c’est pourquoi
les « nouvelles pédagogies » adorent
destructrices sont faites pour s’entendre.
Raison de plus pour en protéger nos écoles.
* Normalien, ancien professeur à l’ESCP
Europe et directeur de l’École professorale
1
de Paris, Philippe Nemo est notamment
l’auteur d’« Histoire des idées politiques
dans l’Antiquité et au Moyen Âge » (PUF,
1998) et d’« Histoire des idées politiques
A
aux Temps modernes et contemporains »
(PUF, 2004).
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

18 CHAMPS LIBRES
OPINIONS
CHRONIQUE
Bertille Bayart
£@BertilleBayart
L’irrésistible tentation de l’interventionnisme

D
ans Lucky Luke
et la guérison des Dalton,
un psychanalyste plonge
les quatre frères malfrats
dans le noir pour les mettre
à l’épreuve. Quand
la lumière revient, il apparaît que Joe
n’a pas pu s’empêcher de s’emparer
du magot, et qu’Averell a sauté sur
un gâteau. « J’ai craqué, Joe ! »,
s’excuse-t-il. Les Dalton sont
incurables…
Plongé dans la crise, notre État craque,
lui aussi. La pression est trop forte et ses
penchants interventionnistes prennent
le dessus. Bruno Le Maire est sincère
quand il affirme que le ministre de
l’Économie n’est pas là pour « faire
la stratégie des entreprises à la place
des entreprises », ou pour faire
« de l’industrie à la place des industriels ».
La détermination qu’il a mise à voir
nommés des professionnels de leur
secteur à la direction d’Air France KLM
(Ben Smith) ou de Renault (Luca de Meo)
est un gage de cette conviction.
Mais à l’usage et face une opinion que
l’inquiétude rend encore plus exigeante,
l’exécutif flanche. Par paliers successifs,
l’État plonge de plus en plus
profondément dans les dossiers
industriels. Dimanche, au moment
où Jean-Dominique Senard, le président
de Renault, expliquait au « Grand Jury
RTL-Le Figaro-LCI » les raisons et les
conséquences de la restructuration
qu’il engage, Bruno Le Maire en faisait un
exposé similaire sur France 3. Le ministre
est incollable sur la production des
véhicules utilitaires légers et sur le moteur
électrique 100 kW. Mardi, c’est à Bercy,
autour du ministre de l’Économie, que
la direction de Renault, les représentants
de ses personnels et les élus de la région
ont engagé le dialogue sur l’avenir
de l’usine de Maubeuge du Losange. Une
réunion demandée par le président de la
République. Renault semble de nouveau
être un véhicule à double commande.
Les prêts garantis par l’État ont suivi
la même pente. Initialement, il n’y avait
qu’une condition posée à leur octroi à une
grande entreprise : respecter les délais
de paiement afin de ne pas créer chez des
fournisseurs des problèmes de trésorerie
que l’on demandait à l’État de prendre
en charge pour soi-même. Puis, il a été
demandé de ne pas verser de dividendes.
Puis, dans le cas d’Air France, de prendre
d’être actionnaire pour exercer
un contrôle sur une entreprise à laquelle
s’impose sa régulation.
Il faudrait que nos gouvernants
s’attachent comme Ulysse à un mât pour
résister au chant interventionniste des
sirènes de la crise. Et que les Français se
bouchent les oreilles avec de la cire pour
ne pas céder à ce réflexe si puissant dans
notre pays qui nous fait nous tourner vers
l’État dès que le vent se lève. Nul besoin
des avertissements de Circé pour
anticiper le résultat : il suffit de regarder
en arrière. Chez Air France, la confusion
des rôles et des casquettes a mis tant de
désordre dans le dialogue social, dont on
ne savait plus s’il avait lieu dans le bureau
du DRH ou dans celui du ministre,
que cela a fini par une certaine chemise
arrachée. Chez Renault, l’impératif
politique subliminal créé par la présence

@
des engagements environnementaux. de l’État actionnaire était de ne pas fermer
Puis, Renault a dû promettre d’investir de sites en France. On fait mine
100 000 citations
et proverbes sur evene.fr ENTRE GUILLEMETS dans l’Alliance des batteries. Puis, encore, aujourd’hui de découvrir un outil
d’engager un dialogue social industriel Potemkine, dont les usines sont
3 juin 1906 : naissance, à Saint-Louis (Missouri), « exemplaire » et enfin de garantir debout mais à moitié vides d’activité.
de la chanteuse et danseuse Joséphine Baker. le niveau d’activité et d’emploi «C’est nous, Renault, qui allons traiter
à Maubeuge… avec les salariés et leurs représentants
Peu à peu, la confusion gagne de ce que nous allons faire », a dit
du terrain. Exemple avec Air France. dimanche Jean-Dominique Senard, dont
« J’ai deux amours », chanson L’État lui demande, en tant que prêteur il faut savoir guetter le timbre métallique
composée par Vincent Scotto en dernier ressort et en tant
qu’actionnaire pour 7 milliards d’euros
que prend sa voix, souvent exagérément
suave, quand il a un message à faire passer

J’ai deux amours, en tout, de prendre un engagement

de fermeture de lignes domestiques
et ses prérogatives de patron à affirmer.
Il faut espérer pour le Losange que cela

Mon pays et Paris. qu’il pourrait en réalité obtenir par se passe ainsi désormais. Il faut quitter l’île
STUDIOS HARCOURT/AFP

la régulation et l’attribution de créneaux aux sirènes pour affronter, et dépasser,

horaires. Il se trompe donc de casquette Charybde et Scylla, la dépression
Par eux toujours, pour faire valoir ses exigences politiques
(et ménager l’aile verte de la majorité).
économique et le choc social.
Dans son bureau de Bercy, Bruno

Mon cœur est ravi » L’exécutif torpille ainsi son propre

argumentaire, vieux de quelques mois
seulement, quand il défendait la
privatisation d’Aéroports de Paris. L’État
plaidait alors, à raison, n’avoir nul besoin
Le Maire cite volontiers Blaise Pascal - « il
a quatre laquais » - dont il s’émerveille
de l’économie de mots. La gestion de crise
réclame une économie de locuteurs. Les
objectifs de chacun y gagnent en clarté.

ANALYSE
Yves Thréard
ythreard@lefigaro.fr
Le football français ne tourne
vraiment pas rond

M
ais quelle mouche
a piqué Édouard
Philippe le 28 avril
dernier ? En quelques
mots ce jour-là, devant
l’Assemblée nationale,
il a décrété la mise aux arrêts du football
professionnel français. Hors quelques
pays comme l’Écosse, la Belgique
et les Pays-Bas, la compétition a repris
ou s’apprête à reprendre partout dans
le monde. En Suisse comme au Japon.
Certes, le plus souvent à huis clos, mais
sous l’œil des caméras de télévision. Les
quatre géants du ballon rond européen
ont, eux aussi, rechaussé les crampons.
L’Allemagne depuis deux semaines,
l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie dans
les prochains jours. Certes, le Covid-19
a causé moins de morts outre-Rhin,
où le système sanitaire est mieux
organisé, mais les trois autres nations
ont encaissé une sévère mortalité,
comparable à la nôtre.
Que s’est-il passé pour que la France
se mette ainsi sur la touche ?
Les rumeurs les plus folles ont couru.
Il a été dit qu’un jeune économiste
proche de l’Élysée aurait influencé
le président de la République.
Marc Ferracci, dont Emmanuel Macron
a été le témoin de mariage, est le fils
du président du Paris FC, club de Ligue 2
menacé de relégation au niveau
inférieur quand il a été décidé de siffler
la fin de la saison. Restait alors une
dizaine de rencontres à jouer. La ficelle
paraît un peu grosse. Plus probable est
le manque de poids et de volonté
des responsables du football national
qui n’ont pas su se faire entendre
du pouvoir exécutif. Faute d’afficher
un front uni, ils ont perdu la partie
sans même l’engager.
Si Jean-Michel Aulas, le patron
de l’Olympique lyonnais, a mené rendre sa décision peu après. « On est villes sont pourtant loin d’être
l’offensive pour la reprise avec quelques en train de se pendre, on est vraiment trop négligeables. Les classements finaux
autres, Noël Le Graët, le président cons », a déclaré, sans ambages, ont été établis sur tapis vert. Amiens,
de la Fédération française, a évolué en Jean-Michel Aulas récemment dans par exemple, est condamné à descendre
contre. Tout comme Didier Deschamps, L’Équipe. Si les magistrats lui donnaient en ligue 2. La capitale picarde aurait
l’entraîneur des Bleus, qui a salué raison - ce qui est toutefois pourtant très bien pu échapper à cette
une attitude « cohérente et sage ». Selon improbable -, la planète foot se humiliation si le championnat avait
une version communément admise, retrouverait sens dessus dessous. redémarré. Par ailleurs, nos clubs
les seconds (Le Graët et Deschamps) ont D’autant qu’on imagine mal la ont la réputation d’être d’excellents
donné la priorité à la santé des joueurs compétition reprendre au milieu de formateurs de joueurs qui s’exportent
et du public quand les premiers (Aulas, cette guerre de tranchées. Si Noël dans toute l’Europe et dont la vente
Caïazzo, Lopez…) ont eu davantage Le Graët, un Breton à la tête dure, était leur assure de substantiels revenus
en tête le souci de préserver leur désavoué, le désordre serait complet. Et au mercato. Privées de visibilité pendant
portefeuille. Un match entre arguments que dire du gouvernement qui prendrait plusieurs mois, ces pépites pourraient
sanitaires, forcément nobles, une nouvelle gifle, lui qui a déjà été perdre de leur valeur sur le marché des
rappelé transferts, sans retour sur investissement
« Champion du monde en titre, le football à l’ordre sur
français montre un curieux visage en
cette période inédite. Il ne tient pas son celle-là - de
la liberté
– fondamentale
pour ceux qui ont cru en elles.
Champion du monde en titre,
le football français montre un curieux
visage en cette période inédite.
rang. Il a marqué un but contre son camp… l’exercice Il ne tient pas son rang. Il est à la traîne.
des cultes. Il a marqué un but contre son camp.
En toutes circonstances, l’Allemagne La crise Nombre d’observateurs dénoncent
est pragmatique quand la France s’égare du coronavirus l’exception tricolore, accusent
dans ses rigidités et ses dogmes. Résultat, de pouvoir a révélé les luttes ses dirigeants de faiblesse et tonnent
contre une « soviétisation»
en football comme ailleurs, c’est toujours qui divisent du ballon rond.
l’Allemagne qui gagne
et considérations financières,
» les instances
nationales
du ballon rond. Chez nos voisins
En France, l’État a « plus
particulièrement un rôle de garant
de l’égalité », remarque Albrecht
nécessairement suspectes. En résumé, européens, elles ont su, non sans mal, Sonntag, auteur des Identités
le bien contre le mal. Avec, dans le rôle faire preuve d’esprit d’équipe pour du football européen. « C’est pourquoi,
de l’arbitre, une ministre des Sports, dialoguer avec leur gouvernement ajoute-t-il, il ne peut y avoir
Roxana Maracineanu, qui a vite fait son respectif afin de les persuader de relancer de traitement spécial pour le football.
choix. « Le sport ne sera pas la saison. Rien de tel en France où le Quand l’État français dit : « “Le football
prioritaire », a-t-elle affirmé d’emblée. pouvoir exécutif a pris la main sans ne reprend pas”, ça ne se discute plus. »
La perte serait évaluée au total, si l’on grande résistance. Les oppositions C’est regrettable car l’expérience
en croit certains, à quelque 500 ou politiques n’ont pas bronché. Pas plus prouve que l’État français est
600 millions d’euros, composés que les élus locaux, pris dans la pagaille un piètre entrepreneur.
pour près de la moitié par des droits du second tour des municipales. Face En toutes circonstances, l’Allemagne
de retransmission télévisuelle. à une opinion publique traumatisée est pragmatique quand la France
Le bras de fer tourne aujourd’hui par la pandémie, ils ne savaient pas trop s’égare dans ses rigidités
au vinaigre puisque le bouillonnant sur quel pied danser. Les conséquences et ses dogmes. Résultat, en football
dirigeant lyonnais a saisi le Conseil sportives et économiques d’un arrêt comme ailleurs, c’est toujours
d’État, qui doit siéger ce jeudi pour définitif des compétitions pour leurs l’Allemagne qui gagne…

“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais

Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Philippe Gélie (International), Directeur artistique FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy
(actionnaire à plus de 95 %) (société éditrice) Alexis Brézet Pierre Bayle 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France Ce journal
14, boulevard Haussmann Étienne de Montety se compose de :
14, boulevard Haussmann Rédacteur en chef Tél. : 01 56 52 20 00 Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux Édition nationale
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Directeurs adjoints de la rédaction Bertrand de Saint-Vincent Fax : 01 56 52 23 07 Commission paritaire n° 0421 C 83022 Cahier 2 Économie
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Olivier Dassault, Thierry Opérations spéciales, Sports, Éditeurs Formules d’abonnement pour 1 an - France métropolitaine 8 pages
Direction, administration, rédaction
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de Beauregard, Benoît Directeur général, Anne Pican 14, boulevard Haussmann
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A

Habert, Bernard Monassier, Directeur de la Origine du papier : France. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journal
Marc Feuillée Anne Huet-Wuillème (Édition, (Politique, Société, Débats Opinions) diversification éditoriale Tél. : 01 57 08 50 00
Rudi Roussillon est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen
Photo, Révision), Pierre Doncieux direction.redaction@lefigaro.fr sous le numéro FI/37/01. Eutrophisation : Ptot 0.009 kg/tonne de papier.

REBOND Ce grand
arpenteur des milieux
internationaux de l’art
a repris l’entreprise
Le Minor, marque bretonne
emblématique. En marge
de la crise du coronavirus,
il s’est lancé dans
la fabrication de masques.
Arnaud de La Grange
adelagrange@lefigaro.fr
C
ertaines vies semblent écartelées
quand elles ne sont que cohéren-
ce. Des femmes et des hommes
vivent entre deux réalités que
tout semble éloigner. Le fossé
pourtant n’est qu’apparent et des
ponts invisibles les relient. Telles
sont les deux existences de
Thierry Morel, entre les grandes collections de
Londres ou Saint-Pétersbourg et les broderies du
pays bigouden. Entre l’univers de Catherine II et
celui de Pierre-Jakez Hélias.
Grand arpenteur des milieux de l’art internatio-
naux, ce Londonien a repris depuis un an l’entre-
prise Le Minor, une marque bretonne emblémati-
que. Et cette aventure doit autant à l’ancrage qu’au
hasard. La famille maternelle de Thierry Morel est
originaire de ce bout du monde posté face aux vents
atlantiques. Enfant, il passe ses vacances dans la
maison de Loctudy. « Nous faisions tous les ans le
pèlerinage dans la boutique Le Minor de Pont-l’Abbé,
pour acheter des vêtements ou des cadeaux de maria-
ge, se souvient-il. J’ai toujours aimé son atmosphère,
son odeur. » Il y a deux ans, il y croise Gildas Le Mi-
nor, petit-fils de la fondatrice. L’homme lui confie
vouloir prendre sa retraite, lui fait visiter l’atelier,
rencontrer les brodeuses. « J’étais subjugué et affli-
gé à l’idée que ce patrimoine puisse disparaître. Au
bout de deux heures, j’ai dit que cela m’intéressait. »
Les banques suivent, le voici à la tête d’une maison
vieille d’un siècle.
La rénovation de la marque commence par le bâ-
timent, l’un des rares ponts habités de France qui
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Thierry Morel,
un Londonien
en pays
bigouden
« J’étais subjugué et
affligé à l’idée que ce
patrimoine puisse
disparaître. Au bout de
deux heures, j’ai dit que
cela m’intéressait »,
explique Thierry Morel.
enjambe la rivière de Pont-l’Abbé, poétiquement
soumise au rythme des marées. À l’origine, il abri-
tait des moulins et les Le Minor étaient minotiers.
Leur histoire n’est pas étrangère au coup de cœur
de Thierry Morel. Il parle avec passion de la fonda-
trice, femme forte et libre dans la France des an-
nées 1930. À l’époque, la désaffection pour les cos-
tumes traditionnels se traduit par un déclin de la
broderie. Pour lui donner un second souffle, Marie-
Anne Le Minor se lance dans le linge de maison,
brodé ou imprimé, et les costumes de poupées. Le
succès est là. Les Pompidou viennent s’y fournir, les
Grimaldi ou les Kennedy passent commande et la
marque est distribuée jusqu’au Japon. Il y a une
boutique Le Minor à Orly et Air France offre les
poupées bretonnes à ses clients de première classe.
Un grand modèle est même offert au général Eisen-
hower en 1945…
Marie-Anne Le Minor commence une longue
collaboration avec des artistes, comme Mathurin
Méheut ou le bénédictin Dom Robert. Elle fait la
connaissance de Colette, qui devient une amie et lui
écrit un texte. L’écrivaine chante le « bleu Le Minor
paradisiaque, que l’on aimerait avoir après la vie ».
Bio
EXPRESS
1970
Naissance à Aix-en-
Provence (Bouches-
du-Rhône).
1994
Élu Rhodes Scholar
à l’université d’Oxford,
en Grande-Bretagne.
2011
Directeur de la Fondation
du Musée de l’Ermitage,
à Londres.
2014
Exposition Francis Bacon
au Musée de l’Ermitage
à Saint-Pétersbourg,
en Russie.
2019
Rachète l’entreprise
Le Minor.
LE FIGARO mercredi 3 juin 2020
19
COLLECTION PERSONNELLE
La patronne a aussi la fibre sociale, s’attachant à
employer des femmes en mal de ressources. Au faîte
de sa gloire, la maison fait vivre 500 employés. Ses
fils lui succèdent mais les années 1980 et le déclin
du textile mènent la maison au bord de la faillite
avant que Gildas Le Minor ne la relance. Aujour-
d’hui, Thierry Morel se concentre sur la broderie et
le linge de maison. Il rénove, dépoussière, met au
goût contemporain sans dénaturer l’héritage.
La crise du coronavirus a d’abord mis la maison
renaissante à l’arrêt. Puis, pour « dépanner la clien-
tèle locale », Thierry Morel s’est lancé dans la fabri-
cation de masques. Les employés ont été rappelés,
les commandes ont fait boule de neige et les effectifs
ont doublé. Taillés dans de jolis tissus, ces masques
« bigoudens » prennent vingt minutes à être
confectionnés. « C’est intéressant de transformer un
produit sinistre en bel objet », commente-t-il. Et la
marque voit son rayonnement accru en cette drôle
de période.
« Ce qui est beau dure »
Cet homme de 50 ans à l’indéfectible élégance vit
encore une grande partie du temps au Royaume-
Uni où sa passion pour l’art est née. Arrivé à Oxford
en 1994, il passe six ans à l’Oriel College, effectuant
un master puis un doctorat en histoire de l’art. Sa
thèse porte sur l’art italien, plus précisément la
peinture de paysage et le collectionnisme à la fin du
XVIe siècle. Il a la chance d’être le dernier élève du
grand historien de l’art Francis Haskell. Puis, il
s’aventure un temps dans le monde audiovisuel, en
réalisant des documentaires historiques et sur les
collectionneurs. Il travaille même à un projet
d’adaptation de Nostromo de Joseph Conrad avec le
grand Scorsese. Il rejoint l’association Venise en
péril, avant de revenir à Cambridge pour réaliser
un post-doctorat au St John’s College.
Puis Thierry Morel devient le directeur londonien
de la Hermitage Foundation, une structure qui aide
le grand musée de Saint-Pétersbourg à lever des
fonds et organiser des échanges. Il se souvient de
l’un de ses premiers faits d’armes, l’exposition de la
fabuleuse collection de l’ancien premier ministre
britannique Robert Walpole, passée en Russie après
avoir été rachetée par Catherine La Grande. « Nous
avons fait le pari de présenter ces pièces dans le châ-
teau du Norfolk où elles étaient deux siècles plus tôt, si
loin de Londres. Et finalement, les gens sont venus »,
se souvient-il. À commencer par la reine Eliza-
beth II, qui y fait une visite privée. Aujourd’hui,
Thierry Morel est conservateur pour une fondation
privée, la Collection Palatine, et travaille toujours
avec l’Ermitage. Et il planche sur une exposition
pour la biennale d’architecture de Venise.
L’aventure Le Minor lui permet d’assouvir sa
passion pour l’artisanat d’art et la manufacture.
« La création du beau est dans l’ADN français, dit-
il, et ce qui est beau dure. Les motifs des années 1930
plaisent encore aujourd’hui et plairont en 2050. » Il
espère que la crise du coronavirus va modifier les
comportements, en redonnant ses lettres de no-
blesse au savoir-faire local et artisanal. Il se sent
investi d’une mission, pour sauvegarder un patri-
moine qui ne doit pas disparaître. « Mais il faut être
humble quand on reprend une telle entreprise,
confie-t-il. On n’est qu’un jalon de l’histoire. Il faut
du temps, écouter, s’imprégner. » Ce rapport au
temps est essentiel, « la rapidité étant l’ennemie du
beau ». Finalement, Thierry Morel est un conteur.
Qu’il s’agisse de concevoir une exposition ou de
A
promouvoir l’artisanat, il aime les histoires que
l’art raconte aux hommes. ■
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 mercredi 3er juin 2020 LE FIGARO - N° 23 575 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> FOCUS
lefigaro.fr/economie LES COTISATIONS
SOCIALES DE JUIN
PEUVENT ÊTRE
CONJONCTURE TÉLÉVISION REPORTÉES
LE GOUVERNEMENT MEDIAPRO S’ALLIE Le déconfinement a beau être ef-
PRÉVOIT UNE RÉCESSION AVEC TF1 POUR SÉDUIRE fectif dans toute la France depuis le
DE 11 % EN 2020 PAGE 24 LES FRANÇAIS PAGE 28 11 mai, les entreprises continuent
de souffrir. D’où l’annonce, mardi,
de Gérald Darmanin, le ministre des

économie
Comptes publics, du prolongement

Commerce : les bonnes

en juin de la possibilité de reporter
ses versements de cotisations so-
ciales. « Les entreprises du régime
général et du régime agricole qui

surprises du déconfinement
La fréquentation dans les magasins a moins reculé que prévu depuis le 11 mai.
Et certains voient leur chiffre d’affaires progresser sur un an.
Après huit semaines de fermeture
obligatoire pour cause de pandémie,
la quasi-totalité des commerces
non-alimentaires ont le droit de re-
cevoir les clients depuis le 11 mai. Le
bilan des trois semaines de la phase 1
du déconfinement est plutôt encou-
rageant. Si la fréquentation des ma-
gasins est certes inférieure à celle
BERTRAND GUAY/AFP, ARNAUD JOURNOIS/MAXPPP, CHANTIERS DE L’ATLANTIQUE, FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
de la même période de 2019, ce re-
cul est bien moindre que ce que
craignaient les professionnels de la
distribution.
Dans la plupart des points de vente,
la proportion de visiteurs qui achè-
tent effectivement est largement su-
périeure à la moyenne observée
avant le confinement, et ceux qui
achètent dépensent plus. Résultat,
certains magasins enregistrent de-
puis trois semaines une hausse de
leur chiffre d’affaires par rapport à la
même période de l’an passé. Et ce,
sans avoir à multiplier les promo-
tions.
Stimulés par le beau temps et les
bonnes nouvelles sur le front sani-
taire, les consommateurs français
semblent de plus en plus enthousias-
tes de semaine en semaine. Le sec-
teur de l’habillement, déjà en crise
avant le confinement, profite moins
de la reprise que les autres secteurs.
Malgré ces bonnes nouvelles, la si-
tuation financière de nombreux
commerces reste précaire.
ont besoin de recourir à nouveau à
ce dispositif devront réaliser une
demande préalablement à
l’échéance de paiement », a ainsi
précisé Bercy par communiqué. Le
formulaire de demande - motivée -
de report partiel ou total est à rem-
plir en ligne, sur le site de l’Urssaf,
pour les échéances des 5 et 15 juin.
« Sauf réponse négative de
l’Urssaf dans un délai de 48 heures,
la demande sera réputée acceptée,
précise le ministère. En tout état de
cause, la déclaration sociale nomi-
native (DSN) doit être transmise à
l’échéance habituelle. »
Comme pour l’échéance de mai, les
demandes de report des échéan-
ces fiscales et sociales sont sou-
mises au non-versement de divi-

èLES ENSEIGNES VEULENT CONTINUER À GAGNER DES PARTS DE MARCHÉ EN LIGNE è CERTAINS COMMERÇANTS LIMITENT LES PROMOTIONS À LEUR NIVEAU dendes et au non-rachat d’actions
HABITUEL è UN SUCCÈS INDISPENSABLE À CONFIRMER DANS LA DURÉE PAGES 22 ET 23 entre le 27 mars et le 31 décembre
2020. L’entreprise ne doit pas non
plus - et c’est nouveau - avoir son

Un champ
siège ou l’une de ses filiales dans
un État ou territoire non-coopéra-
tif en matière fiscale. Les tra-
d’éoliennes vailleurs indépendants mensuali-
sés bénéficient toujours d’un

au large dispositif à part.

Depuis le 15 mars, les reports de
cotisations et contributions totali-
de Fécamp sent près de 23 milliards d’euros,
« ce qui représente un volume
Un consortium massif de soutien à la trésorerie
des entreprises et des travailleurs
emmené par EDF indépendants », note Bercy. Les
va investir 2 milliards modalités de règlement des cotisa-
d’euros pour tions et contributions reportées
- et restant dues, après application
construire des dispositifs spécifiques dans
71 éoliennes certains cas particuliers d’exonéra-
tion, d’annulation et de reports
de 100 mètres de haut longs annoncés - seront précisées
à 13 km des côtes. dans le cadre du projet de loi de fi-
nances rectificative qui doit être
Leur mise en service présenté mercredi 10 juin en
est prévue en 2023. Conseil des ministres. M. L.

PAGE 26

le PLUS du L'HISTOIRE Le français Ardian

FIGARO ÉCO
PÉTROLE Plus question de couper en 2021 dans lève un fonds de
Les stocks restent les effectifs du ministère de la Santé 19 milliards de dollars

L
pleins mais les prix
remontent a crise du coronavirus qui frappe chaque année, le sujet des suppressions La crise sanitaire liée au Covid- fonds souverains, des compa-
PAGE 25 de plein fouet l’économie de postes fait partie des discussions que 19 ne dissuade pas tous les in- gnies d’assurances et des insti-
et plonge les finances publiques mène le ministre avec ses homologues afin de vestisseurs. Ardian, la société tutions financières. Ce fonds
dans le rouge ne mènera pas préparer le projet de loi de finances 2021. Un d’investissement française fon- d’Ardian est un fonds secon-
obligatoirement à davantage de texte qui sera présenté à la rentrée en vue de dée dans le giron d’Axa, a fina- daire, qui rachète des parts de
LA SÉANCE suppressions d’emplois dans la fonction son adoption au Parlement à la fin de l’année… lisé pendant la période de confi- fonds à des investisseurs insti-
DU MARDI 02 JUIN 2020 publique. Selon nos Et l’équation s’annonce à nement la levée de 19 milliards tutionnels. À peine né, il a été
CAC 40 informations, Gérald nouveau difficile pour le de dollars qui seront investis déjà été sollicité par certains
4858,97 +2,02% Darmanin, le ministre de gouvernement confronté dans des fonds de capital-in- acteurs, soucieux de vendre
l’Action et des Comptes à une baisse des recettes vestissement. Ce qui lui permet leurs parts pour faire tourner
DOW JONES publics, va annuler la et une hausse des dépenses de passer le cap symbolique des leur portefeuille.
25592,84 +0,46% baisse de 2,5 % des en cette période de crise. 100 milliards de dollars d’actifs Est-ce le bon moment pour in-
effectifs administratifs du L’an dernier déjà, il avait gérés, de conforter sa première vestir ? « Au 31 mars, les valori-
ONCE D’OR ministère des Solidarités abandonné l’objectif fixé par place en Europe et de compter sations des fonds mondiaux
parmi les leaders mondiaux, en avaient baissé de 12 % par rap-
1694,60 (1720,25) et de la Santé en 2021, Emmanuel Macron durant sa
concurrence avec Blackstone port au mois de décembre 2019,
ce qui correspond à plus campagne présidentielle de
PÉTROLE (lond) ou Lexington Partners. explique Vincent Gombault,
de 300 postes. Cette supprimer 120 000 postes Lancée il y a dix-huit mois, cet- responsable des activités fonds
39,320 (38,510) mesure, initialement de fonctionnaires durant te levée de fonds est l’une des de fonds et membre du comité
EUROSTOXX 50 prévue dans le budget le quinquennat. Sur les plus importantes au monde. exécutif. Cette tendance s’est
3151,34 +2,39% 2020, prévoyait une 50 000 initialement prévus Elle est supérieure aux 14 mil- poursuivie et en juin on peut esti-
baisse totale d’environ dans la fonction publique liards de dollars obtenus en mer que les prix auront baissé au
FOOTSIE 6 % du personnel sur d’État, l’exécutif avait alors 2016 par Ardian, et comprend maximum de 20 % par rapport
6220,14 +0,87% les années 2020 à 2022 décidé de ramener la barre notamment 5 milliards de dol- au haut du marché. »
dans un ministère qui à 15 000 d’ici 2022. Il reste lars d’engagements de co-in- Le marché du capital investis-
NASDAQ se retrouve en première à voir si cet objectif, révisé vestissements avec d’autres sement est encore atone en ce
9542,39 -0,59% ligne pour gérer après l’épisode des « gilets fonds. L’opération a attiré moment. « À sa réouverture,
la pandémie. jaunes », sera lui aussi 275 investisseurs dans près de nous devrions disposer de marges
NIKKEI Plus largement, comme effacé… ■ MANON MALHÈRE 40 pays, parmi lesquels d’im- de manœuvre raisonnables »,
A

22325,61 +1,19% portants fonds de pension, des conclut Vincent Gombault. D. G.

 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

22 L'ÉVÉNEMENT
Commerce : les bonnes surprises du
Malgré une fréquentation en recul depuis le 11 mai par rapport à 2019, certains magasins affichent des chiffres
ventes en baisse de 50 % par rap- s’améliore semaine après semaine. Procos, la Fédération de la poursuit. « La tendance est toujours
MARIE BARTNIK port à l’an passé, ne s’est pas pro- Elle était en recul de 29 % la semai- distribution spécialisée. Certains sec- très encourageante dans les maga-
£@mariebartnik
ET OLIVIA DETROYAT duite. Selon l’Insee, la consomma- ne dernière par rapport à 2019, se- teurs sont dynamiques depuis qu’ils sins, même si le trafic reste encore
£@Oliviader tion des Français n’a reculé que de lon le CNCC, contre une baisse de ont rouvert et le restent. D’autres, inférieur à son niveau habituel,
6 % au cours de la première semai- 33 % une semaine avant. C’est aussi comme l’habillement de la femme et de explique le groupe, qui se refuse à
DISTRIBUTION Ce samedi, la ne de déconfinement, par rapport à ce que constate l’Alliance du com- l’homme, continuent de souffrir. » donner une évolution du chiffre
Grand’Place de Lille et les rues l’année dernière. Cette tendance merce, qui représente surtout des La mode enfant, le jouet, le sport d’affaires. Les taux d’achat sont très
commerçantes alentours avaient semble se poursuivre. « Le beau enseignes de l’habillement (- 30 % et l’équipement de la maison se supérieurs à d’habitude, car une
presque retrouvé leur physionomie temps incite les Français à sortir, la semaine dernière, contre - 40 % portent globalement bien, avec des grande partie des clients vient pour
habituelle. La foule se pressait aux constate Gontran Thuring, délégué précédemment). ventes parfois plus élevées que acheter. Mais nous avons aussi
abords des vitrines, décidée à faire général du centre national des cen- l’année dernière à la même époque. constaté que certains déambulent
son shopping presque comme au tres commerciaux (CNCC). Ils ont L’équipement de la maison À La Halle, le chiffre d’affaires était à nouveau, à la Fnac notamment,
temps des beaux jours d’avant le constitué pendant le confinement une se porte bien en hausse de 30 % la première se- ce à quoi nous ne nous attendions
Covid-19. Les masques et les files importante épargne de précau- S’il y a toujours moins de clients que maine, porté par la mode enfant. pas tout de suite. » Chez Darty com-
d’attente rappellent pourtant que le tion, qu’ils vont en partie dé- l’an passé dans les magasins, ils sont Les ventes ont continué de pro- me chez Boulanger, les Français
déconfinement n’est pas loin. Et penser. Les commerces, en- HABILLEMENT en proportion plus nombreux à gresser. Chez JouéClub aussi, se sont équipés en gros et en pe-
que le commerce français est, en- fin, font des promotions de Les enseignes et les magasins acheter et ils dépensent plus à l’activité est meilleure que l’année tit électroménager - lave-vaisselle,
core, un patient en convalescence. nature à pousser les clients indépendants, déjà fragilisés chaque fois. Le chiffre d’affaires dernière, sans compenser toutefois télévision ou imprimante facilitant
À Lille comme dans de nombreu- à l’achat. » par une baisse du marché entamée est donc bien meilleur que les deux mois d’interruption d’acti- le télétravail.
ses autres villes de France, l’héca- Signe que les Français il y a plus de dix ans, ont souvent ce que les données de fréquen- vité. « Nos ventes correspondent Dans les enseignes de sport, les
tombe redoutée par les distribu- osent davantage sortir de été contraints de proposer tation semblent indiquer. à une période de vacances, car clients se pressent aux rayons vélos
teurs, qui anticipaient parfois des chez eux, la fréquentation des rabais importants dès le 11 mai. Certains magasins voient beaucoup d’enfants ne sont pas en- et fitness. « Nos clients ne sont pas
même leurs ventes progresser core scolarisés, explique l’enseigne.
sur un an. Et le beau temps favorise les achats
« Attention, la bonne surprise de jouets de plein air. »
n’est pas générale, nuance Emma- Chez Fnac Darty, la relative bon-
nuel Le Roch, délégué général de ne surprise du déconfinement se
FRANÇOIS BOUCHON / LE FIGARO ; JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO ; ADRIEN NOWAK

GRANDS MAGASINS
Les Galeries Lafayette
et le Printemps n’ont été autorisés

Les enseignes veulent continuer que très tardivement à rouvrir

leur vaisseau amiral du boulevard
Haussmann, à Paris. Malgré l’absence
Certains commerçants limitent
à gagner des parts de marché en ligne de la clientèle touristique
internationale, qui contribue
pour moitié à leur activité,
à leur niveau habituel
les premiers jours d’ouverture
ont été satisfaisants.
OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviader
acheter sur internet malgré la réenclencher le « click Quoi de plus efficace, pour attirer sport ou des raquettes. Ils dépas-
réouverture des magasins, no- and collect ». Ces retraits les clients, que les promos dont le sent rarement les 30 %, ne sont
tamment des produits culturels et en magasin d’une commande secteur de l’habillement est cou- pas plus importants que l’année
Ce sont les gagnants du confine- technologiques encore en hausse en ligne ont le double avantage de tumier ? Sur les vitrines des ma- dernière à la même période.
ment. Bien plus qu’Amazon, ar- sur la Toile après le 11 mai. ramener les gens sur le point de gasins ouverts depuis le 11 mai, les Même tendance à la modéra-
chi-leader de l’e-commerce, les vente et de redorer la faible marge ristournes de 30, 40 ou 50 % cô- tion dans le secteur du bricolage :
enseignes historiques ont été mo- « Click and collect » des activités digitales. Celles-ci toient les messages de bienvenue. une réduction de 10 à 15 % est
teurs du marché non alimentaire Une bonne surprise que confir- ont été mises à mal par le choix Si nombre d’acteurs du prêt-à- applicable sur de nombreux pro-
du 16 mars au 10 mai. Avec une ment les enseignes. Chez Go des Français de se faire livrer chez porter ont augmenté l’intensité duits en déstockage chez Casto-
hausse moyenne de 100 % de leurs Sport, où les ventes ont plus que eux. Alors qu’ils étaient moins de de leurs promos pour favoriser la rama… Comme l’année dernière.
ventes en ligne sur mars-avril, doublé pendant le confinement, 15 % à préférer ce mode de livrai- reprise, ce n’est pas la tendance Dans le secteur du jouet aussi,
contre + 15 % pour les pure le phénomène n’a pas faibli mal- son, 85 % des cyberacheteurs ont générale. les enseignes ont pu se permettre
players, Fnac, Darty, Boulanger, gré des magasins dynamiques. Le depuis mi-mars préféré recevoir Bien des commerces, parmi de faire peu de ristournes, les
Decathlon et Castorama ont tiré la trafic sur le web est resté très fort. leur colis en boîte aux lettres. Une ceux qui ne vendent ni vêtements clients étant au rendez-vous sans
croissance de l’e-commerce Seule évolution : les produits les équation logistique et financière ni chaussures, ne font pas plus de cela. «Nous proposons 15% de ré-
(+ 21 %). plus recherchés sont passés du délicate pour les enseignes, plus promos que l’an passé à la même duction sur notre catalogue de
« Elles ont tiré profit du transfert fitness aux vélos, trampolines et habituées à faire porter la charge période. Chez Décathlon, les ra- printemps, mais nous misons sur-
réussi d’une partie de leur clientèle articles de running. du dernier kilomètre au client, via bais offerts le sont sur des articles tout sur l’offre, riche en jouets de
magasin sur internet », selon la Chez Boulanger, la réouverture le retrait en magasin ou en point de fin de série, tels des matelas plein air», explique un porte-pa-
Fevad. Un réservoir dont ne peu- progressive des 170 magasins n’a relais. ■ gonflables, des chaussures de role de JouéClub.
vent profiter les pure players. pas entamé le dynamisme des
Leur notoriété s’est révélée rassu- commandes en ligne, restées au- Rabais à gogo
rante pour les clients qui achètent delà des 20 % de l’activité atteints dans l’habillement
pour la première fois en ligne.
Ce phénomène est loin d’être
pendant le confinement. « Le suc-
cès de la formule “retrait au drive”
Le début des soldes d’été repoussé au 15 juillet Dans d’autres secteurs plus en dif-
ficulté, comme celui de l’habille-
retombé. Selon la Fevad, la crois- après commande en ligne ne se ment (un marché en décroissance
sance de l’e-commerce non ali- dément pas et représente 2 clients Après des semaines de conflit calibré pour donner le temps L’Alliance du commerce, elle, depuis près de quinze ans), la pro-
mentaire a ralenti depuis la réou- sur 3 », précise Grégoire Rous- entre les diverses fédérations aux commerces fragilisés aurait préféré un report motion reste l’outil incontour-
verture des magasins. Mais avec seau, directeur opérationnel de de commerçant et d’allers- par deux mois sans activité des soldes de seulement nable pour faire revenir les clients
25 % et 14 % de hausse sur les deux l’enseigne d’électroménager et de retours entre Bercy de reconstituer leur trésorerie. une semaine, afin de doper et reconstituer la trésorerie. Les
semaines post-11 mai, la dynami- multimédia. et les professionnels du textile, Objectif : permettre aux petits un lèche-vitrine encore trop Galeries Lafayette proposent par
que reste présente. Médiamétrie Chez Fnac Darty, les ventes en le gouvernement a tranché. commerçants d’écouler timoré. Procos de son côté, exemple des réductions de 30 à
confirme que ces habitudes se ligne ont doublé pendant la crise Les soldes d’été démarreront leurs stocks (importants) estime que cette date tardive 50 %. L’enseigne Caroll organise,
sont ancrées chez les Français, pour s’équiper en télétravail ou finalement le 15 juillet, à des prix décents avant n’a que peu d’intérêt pour elle, ses « Carolldays », avec, à la
75 % des cyberacheteurs souhai- occuper les enfants ; elles « restent pour 4 semaines, soit jusqu’au la grande braderie estivale. des grandes villes comme clé, des vêtements à moins 40 %.
tant que tous les commerces de sur la lancée du confinement ». Si 11 août. Ce report d’un mois Si les commerçants se félicitent Paris, où les Franciliens seront Chez Tara Jarmon, certains arti-
proximité disposent d’une solu- la fréquentation des 570 magasins - la date initiale courant à l’unisson d’un report, certains en vacances… et les touristes cles sont vendus à - 50 %...
A

tion d’achat en ligne. Près de 90 % n’est pas revenue à la normale, du 24 juin au 21 juillet - a été déplorent un « go » trop tardif. aux abonnés absents. O. D. « Le niveau de promotion dépend
des cyberacheteurs continuent à la réouverture a eu une vertu : à la fois du secteur et de la santé fi-
 LE FIGARO mercredi 3 juin 2020

L'ÉVÉNEMENT 23

déconfinement Un succès indispensable

d’affaires en hausse.
moins nombreux, se félicite-t-on
chez Décathlon. Les chiffres don-
nent l’impression d’une reprise, mais
il convient d’être prudent car il s’agit
peut-être d’un effet de rattrapage
après deux mois de confinement. »
Impossible de tester
du maquillage
L’habillement et la parfumerie sont
plus à la peine. L’activité de ces
commerces est particulièrement
pénalisée par les consignes de sécu-
rité sanitaire, qui empêchent les
clients de tester les parfums ou le
maquillage, ou encore d’essayer les
vêtements. « Ces mesures entraînent
de profonds changements, constate
Emmanuel Le Roch. Une partie des
consommateurs préfèrent récupérer
leur colis en click and collect ou
repoussent leur achat à plus tard. »
ÉLECTROMÉNAGER
Grâce à leurs ventes en ligne
et aux besoins des Français
de s’équiper afin de télétravailler,
les enseignes d’électroménager
ont pu maintenir un niveau minimal
d’activité pendant le confinement,
malgré la fermeture
de leurs magasins.
Depuis le 11 mai, elles voient
Mais là encore, les gagnants
côtoient les perdants. « Globale-
ment, le chiffre d’affaires était en
recul de 5 % la semaine dernière dans
le secteur de l’habillement. Mais les
chiffres sont meilleurs pour l’enfant,
et moins bons pour les enseignes
ciblant une clientèle âgée, appelée à
rester chez elle pour se protéger du
Covid », constate Yohann Petiot,
délégué général de l’Alliance du
commerce. Certaines d’entre elles
déplorent une baisse de leurs ven-
tes de l’ordre de 70 %.
La crise tend à creuser les écarts
préexistants entre les enseignes.
Alors que les marques de moyenne
gamme à l’identité peu spécifique
souffrent (Naf-Naf ou CamaÎeu sont
même en redressement judiciaire),
celles qui étaient performantes
avant la crise continuent sur leur
lancée. Zadig & Voltaire se félicite
par exemple d’une pro-
gression de ses ventes de
14 % en Europe. « Nous
réalisons 10 % de crois-
sance annuelle depuis
deux ou trois ans. Notre
marque est bien ancrée
Les enseignes d’équipements
et bien comprise », se
félicite Rémy Baume,
président de l’ensei-
gne. ■
le déconfinement par l’engouement
des Français pour le vélo. Décathlon
a même lancé un service de location.
à confirmer dans la durée
LES 4 TEMPS
ET LE FORUM
DES HALLES
SUR LE PONT
DÉCRYPTAGE
Pour autant, si le commerce a
amorcé une reprise en « V », celle-
POUR
Ivan Letessier ci est fragile : rien ne garantit qu’elle
sera durable, et encore moins
ROUVRIR
£@IvanLetessier
qu’elle permettra de sauver un éco- Avec la flexibilité accrue
système durement endommagé. de la deuxième partie
Ces trois semaines encourageantes du déconfinement,
La catastrophe tant redoutée d’une ne sont pas le signe, pour les com- la grande majorité
reprise en « L » dans le commerce merçants, que le bout du tunnel des quelque 40 grands
n’a pas eu lieu. Après huit semaines est proche, ni que tous pourront
centres commerciaux
de confinement, les Français com- l’atteindre.
mencent à retrouver le goût du Pour certains, le plus dur com- fermés en Île-de-France
shopping. La quasi-totalité des mence. Tous auront, en effet, trois et à Lyon ont rouvert
commerces non-alimentaires, qui types de factures à régler : les plus peu à peu le week-end
avaient dû rester portes closes légères sont liées à la mise en place dernier. Sauf ceux
depuis le samedi 14 mars au soir (le de mesures sanitaires en magasin ; du Forum des Halles,
premier ministre l’avait annoncé les plus lourdes concernent les à Paris, et des 4 Temps
précipitamment ce jour-là à commandes de produits qui garni- à la Défense, gérés
19 heures) ont effectivement rou- ront les rayons à la rentrée et jus-
tous deux par Unibail-
vert dès le 11 mai. qu’à la fin d’année. Si certains dis-
Les Français déconfinés ne se tributeurs ont obtenu des prêts Rodamco-Westfield
sont pas fait prier. Stimulés par le garantis par l’État, d’autres pour- (UWR). Étalés sur plus
beau temps et les bonnes nouvelles raient avoir du mal à trouver les de 70 000 m2 et situés
sur le front sanitaire (il n’y a pas de fonds pour renouveler leurs stocks, sur de grands nœuds
seconde vague, même si le Covid- et risquent la faillite en septembre de transports
19 n’a pas disparu), ils ont été ou début 2021. dans une zone orange,
chaque semaine plus nombreux à ils n’ont toujours pas
fréquenter les magasins, acceptant
SPORTS
de faire la queue. Ils dépensent une
partie des 55 milliards d’euros
épargnés pendant le confine-
“ Rien ne garantit
que la reprise en «V»
le droit de lever
de rideau. « Il y a
de vraies interrogations
ment. Et ce sans aucune
sera durable sur le périmètre
sportifs ont vu leur chiffre incitation financière. De et encore moins qu’elle de cette fermeture,
d’affaires dopé depuis quoi valider l’analyse permettra de sauver un déplore un porte-parole
qu’il n’y a pas, pour le
moment, de crise de la
écosystème durement de la foncière. Surtout
endommagé quand on s’aperçoit
demande.
”
Le plus dur des casse-tête finan-
que plus les centres
sont gros et proches
de nœuds de transports,
ciers est lié aux loyers. Paradoxale-
ment, le bon redémarrage risque de plus le retour des clients
compliquer la négociation de ceux est progressif.
d’avril, mai et juin, qui n’ont souvent Nous sommes
pas été versés. Les propriétaires des en contact étroit
murs (foncières, compagnies d’assu- avec les préfectures
rances, fonds d’investissement, par-
ticuliers…) pourraient tirer parti
et l’État pour essayer
d’une reprise plus forte que prévu de faire avancer
pour exiger de récupérer leur dû vite les choses. D’autant
et en totalité. Et ce, au risque de fra- que nos récentes
giliser la santé de leurs locataires. réouvertures
L’équation pour les magasins en Île-de-France
partout en France s’annonce donc ont prouvé
complexe à résoudre. D’autant
que nous savions
qu’ils ne pourront pas compter, cet
été, sur les achats des touristes très bien gérer les flux
sur de très grands
étrangers.
Pour que le plus possible se réta- centres. » O. D.
blissent, il est impératif que le moral
des consommateurs tienne dans la
seconde partie de l’année. Le plaisir
de consommer est indispensable à
la reprise. Or, le spectre des plans

-6%
sociaux et faillites, dont le gouver-
les clients revenir. nement et nombre d’économistes
craignent une flambée dans les mois
à venir, pourrait freiner les ardeurs
des clients. Par prudence, certains

les promotions préféreront garder leurs écono-

mies. Le cercle vertueux d’un dé-
confinement enthousiaste, où la
Le recul de la consommation
des Français au cours
de la première semaine
consommation contribue à la re- de déconfinement
lance, pourrait se transformer en (Source : Insee)
un cercle vicieux, où la crainte du
chômage accélère la crise. ■
nancière de l’entreprise, explique
Grégoire Baudry, associé en char-
ge de la distribution chez Bain &
Company. Dans le bricolage par
exemple, une grande partie des ca-
tégories sont peu saisonnières, et
peuvent être proposés à la vente
toute l’année. Mais quel que soit le
secteur d’activité, des problèmes
de trésorerie et de surstocks peu-
vent contraindre les distributeurs à Assemblée générale mixte 2020 (à huis-clos)
faire des promos agressives.»
Pendant deux mois d’arrêt Actionnaires de la société Interparfums,nous vous rappelons que,compte tenu du contexte actuel et des Prochain rendez-vous
d’activité, les enseignes n’ont mesures administratives prises pour interdire les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires et Publication du chiffre d’affaires
réalisé aucun chiffre d’affaires ou conformément aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020, l’Assemblée du 1er semestre 2020
presque. Et pourtant, « il faut générale mixte se tiendra le mercredi 24 juin 2020 à huis-clos à 14 heures au siège social de la société, 22 juillet 2020
(avant ouverture de
aujourd’hui payer les fournisseurs hors la présence physique des actionnaires. la Bourse de Paris)
et les salariés, et aussi déstocker,
• Diffusion Informations
car le stockage de la marchandise aux actionnaires
coûte cher », explique Emmanuel L’Assemblée générale sera diffusée en direct sur le site www.interparfums-finance.fr.
Le Roch, délégué général de Pro-
cos, la fédération du commerce • Documentation
spécialisé. Ces difficultés sont L’avis préalable à cette Assemblée générale comportant l’ordre du jour, le texte des projets de résolutions
particulièrement aiguës dans et les principales modalités de participation et de vote a été publié au Bulletin des Annonces Légales
l’habillement. Obligatoires (BALO) n°55 du 6 mai 2020, sous le numéro d’annonce 2001333.
Le recul du début des soldes au
Ces documents sont disponibles auprès du CIC – Service Assemblées Générales – 6 avenue de Provence
15 juillet (lire ci-contre) va renfor-
75452 Paris Cedex 09 ainsi que sur le site www.interparfums-finance.fr.
cer ce phénomène. « De nom-
breuses enseignes ne pourront pas
• Vote
attendre le 15 juillet pour écouler
Compte-tenu de l’absence de faculté pour les actionnaires d’assister physiquement à l’assemblée, ni
leur stock, poursuit Emmanuel ISIN : FR0004024222-ITP
de s’y faire représenter physiquement, ces derniers pourront uniquement voter ou donner pouvoir au Reuters : IPAR.PA
Le Roch. Et comme l’affluence
Président par correspondance ou via la plateforme sécurisée VotAccess. Bloomberg : ITP
pendant les soldes est attendue en Euronext compartiment A
forte baisse en raison de la distan- Eligible au SRD
Paris, le 3 juin 2020 Eligible au PEA PME
ciation sociale, les commerces
auront intérêt à lisser le flux des Ce communiqué est disponible en français sur le site www.interparfums-finance.fr
clients en pratiquant des promo-
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tions bien avant. » ■
M. B.
 mercredi 3er juin 2020 LE FIGARO
24 ENTREPRISES
L’économie va se rétracter de 11 % en 2020
L’exécutif abaisse à nouveau sa prévision de croissance dans le prochain projet de loi de finances rectificative.
ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne
CONJONCTURE Alors que l’acti-
vité redémarre doucement en
France, l’impact du choc infligé
par le confinement sur l’économie
se précise. Il est désormais clair
que de nombreux secteurs ne se
remettront pas de cette crise avant
des années, voire jamais. À la suite
des économistes, le gouvernement
a donc revu à la baisse sa prévision
de croissance. Dans le troisième
projet de loi de finances rectificatif
pour 2020, qui sera présenté par
Bruno Le Maire et Gérald Darma-
nin en Conseil des ministres mer-
credi 10 juin, l’hypothèse d’évolu-
tion du PIB a été fixée à - 11 %, du
jamais vu en temps de paix.
« Cela veut dire tout simplement
que le choc économique est extrê-
mement brutal, a expliqué le mi-
nistre de l’Économie ce mardi
matin sur RTL. Cela veut dire éga-
lement qu’il faut nous donner tou-
Daniel Labaronne, nouveau
« whip » consensuel de
la commission des finances
MANON MALHÈRE £@ManonMalhere
Économiste, pragmatique et porté
sur le consensus. Ce n’est pas un
hasard si le député d’Indre-et-Loi-
re Daniel Labaronne, 64 ans, a été
désigné la semaine dernière nou-
veau « whip » du groupe LREM de
la commission des finances. Déjà
fastidieux en période normale (c’est
le quatrième titulaire du poste de-
puis le début de la législature, en
juin 2017), ce rôle de coordinateur
sera crucial dans les semaines qui
viennent pour maintenir la discipli-
ne de parti au sein d’un groupe qui
vient de se scinder, à l’heure où la
France connaît la pire récession.
« Daniel Labaronne sera quel-
qu’un qui posera moins de problèmes
que moi. Il est plus rond », confie
d’ailleurs son prédécesseur, la dé-
putée de la Meuse Émilie Cariou, qui
a démissionné début avril, en plein
confinement, suite à des différends
répétés avec les autres membres de
la commission. Et ce pour rejoin-
dre, dans la foulée, le nouveau
groupe Écologie Démocratie Soli-
darité formé par d’anciens macro-
nistes qui s’inscrivent plus à gau-
che. « Je ne souhaitais plus assumer
des lignes du groupe que je trouvais
incohérentes », explique Émilie Ca-
riou, qui a notamment eu de
« gros » désaccords sur la réforme
des retraites.
« Daniel Labaronne est un macro-
niste sincère qui se situe au-dessus
des clivages. C’est un homme de dos-
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tes les mesures pour relancer la
croissance en 2021. » Parmi ces so-
lutions figurent les plans secto-
riels dédiés au tourisme, à la
culture et à l’événementiel au
sens large, mais aussi à l’automo-
bile, l’aéronautique, le bâtiment
et la tech, qui seront débattus
dans le cadre de cette nouvelle loi
de finances rectificative. Entre in-
citations à la consommation et
aides aux entreprises, ces plans
espèrent limiter l’hécatombe qui
menace ces secteurs.
Bercy prépare aussi un plan de
relance centré sur le soutien à
l’investissement des entreprises,
dont les modalités sont attendues
pour fin août. « Cette relance de-
vra refaire le lien avec notre politi-
que économique pour l’offre, la
compétitivité, l’innovation. Elle
devra être coordonnée avec tous
nos partenaires européens et elle
devra être verte, a une nouvelle
fois rappelé Bruno Le Maire, à
l’Assemblée, ce mardi après-mi-
siers », estime Jean-Noël Barrot,
député des Yvelines et secrétaire
général du MoDem, un allié de la
majorité LREM qui pèse d’autant
plus que le groupe s’est une nouvel-
le fois scindé. « Il est bosseur, prag-
matique et ne répond pas à un dog-
me », décrit de son côté la députée
LREM de l’Isère, Cendra Motin. Et le
sexagénaire a établi de bonnes rela-
tions avec le tout nouveau rappor-
teur général de la commission.
« C’est important pour moi d’avoir
une confiance totale dans un whip et
c’est le cas avec Daniel », insiste
Laurent Saint-Martin (Val-de-
Marne).
Après Émilie Cariou, Bénédicte
Peyrol et Amélie de Montchalin,
Daniel Labaronne est ainsi le pre-
mier homme à enfiler le costume de
« whip » de la commission des fi-
nances sous cette mandature, dans
un contexte explosif… Il sera mis à
l’épreuve dès la rentrée prochaine,
lorsqu’il devra gérer les différentes
sensibilités au sein de la majorité
lors de débats sur le plan de relance
et surtout le projet de loi de finances
2021 qui doivent tous deux être pré-
sentés en septembre. Un budget de
crise sous pression à l’heure où les
finances publiques sombrent dans le
rouge avec des dépenses qui explo-
sent et de recettes qui chutent. « Il
va falloir rappeler qu’on ne va pas
pouvoir continuer à dépenser des mil-
liards et des milliards d’euros », glis-
se déjà Cendra Motin… La semaine
prochaine, il devra également
œuvrer sur le troisième budget rec-
: France entière
: 254 M€ au 31/12/2019 (provisoire)
: Commerce de mobilier et objets de décoration
: 1.967 salariés (au 13 mai 2020)
: 26 magasins répartis dans toute la France
2 entrepôts logistique, l’un dans l’OISE (60) et
le second dans les BOUCHES DU RHONE (13)
Siège et services centraux à AUBAGNE (13)
: www.alinea.com...
52,2
di. Nous voulons transformer notre
modèle économique. Faisons de
cette crise la chance d’un rebond
vert pour notre économie ! »
Tous ces plans coûtent cher.
milliards Bercy ne communique pas encore
les dernières estimations d’aug-
d’euros mentation de déficit et de dette
Nouvelle estimation publics pour l’année. En avril, ils
du déficit 2020 étaient fixés respectivement à 9 %
de la Sécu et 115 % du PIB. Dans le sillage de
la croissance, ces indicateurs se-
ront eux aussi dégradés, la dette
« Faisons de cette crise
la chance d’un rebond étant attendue autour de 120 %.
vert pour notre Dans la loi de finances initiale vo-
économie ! », a exhorté tée en décembre dernier, l’exécu-
Bruno Le Maire tif tablait sur une croissance mo-
(ici, mardi, à Paris). deste de 1 %, après 1,5 % en 2019.
tificatif pour 2020 qui va être pré-
senté depuis le début de la crise…
THOMAS SAMSON/AFP
Nul doute que son profil d’écono-
miste - il est maître de conférences
en sciences économiques à Bor-
deaux - explique sa nomination.
« C’est quelqu’un qui a toujours été
précis dans ses observations avec un
petit côté professeur. Mais là,
Ma fonction contrairement à l’enseignement, il va
d’universitaire
m’a amené à
falloir écouter les députés puis tran-
cher et faire voter », insiste Laurent
Saint-Martin.
être un passeur Pour ce faire, Daniel Labaronne
n’a pas l’intention de jouer la carte
d’informations du dirigisme. Du moins pour l’heu-
et à mobiliser re. « Ma fonction d’universitaire m’a
les amené à être un passeur d’informa-
compétences
DANIEL LABARONNE
» tions et à mobiliser les compétences
pour avoir un collectif qui soit à la
hauteur. L’objectif du whip est d’ani-
mer un collectif et de tirer le meilleur
de ses collègues », explique le dépu-
L’État vigilant sur l’emploi chez Renault
Bruno Le Maire donne son feu vert au prêt de 5 milliards d’euros.
AUTOMOBILE Le faux suspense du
prêt de 5 milliards d’euros garanti
par l’État (PGE) destiné à Renault
s’est achevé mardi : Bruno Le Mai-
re, le ministre de l’Économie, a dé-
cidé de le signer (BNP Paribas, Cré-
4emplois
600
dit agricole, HSBC, Natixis et
Société générale étant les banques
prêteuses). Et ce à l’issue de la table
ronde réunissant le président du
conseil d’administration de Re-
nault, Jean-Dominique Senard, les
supprimés en France
syndicats du Losange et les élus lo-
par Renault selon
le plan d’économies caux du Nord inquiets pour l’avenir
de l’usine de Maubeuge (2 100 sala-
riés), où la tension sociale était for-
te samedi dernier.
Le feu vert ne faisait pas de doute.
Cet octroi de garantie publique ne
s’accompagne pas de «contraintes
très difficiles», a d’ailleurs déclaré
lundi soir sur France Info, Jean-
Dominique Senard. Mais l’État ac-
tionnaire de Renault voulait mon-
trer clairement ces derniers jours
qu’il serait vigilant sur la qualité du
En 2020, la croissance économi-
que était en effet dès le départ
handicapée par le mauvais dernier
trimestre 2019, qui influe sur l’in-
clinaison de la « rampe de lance-
ment », ou l’« acquis de croissan-
ce », de l’année suivante.
Prudence des ménages
L’estimation a ensuite été révisée,
lors de la première loi de finances
rectificative votée au début du
confinement, fin mars, à - 1 %. À
l’époque, le gouvernement espé-
rait encore que l’activité se re-
dresse nettement au second se-
mestre. Puis, en avril, l’extrême
violence de la crise est apparue
té qui entend également s’appuyer
sur son expérience de terrain. Guè-
re connu sur la scène nationale,
l’universitaire est depuis longtemps
“ C’est un macroniste
sincère qui se situe
au-dessus
des clivages
”
JEAN-NOËL BARROT (MODEM)
actif dans la vie politique de son ter-
ritoire, la Touraine, où il a passé
toute son enfance : son père y était
exploitant agricole et sa mère tra-
vaillait dans un organisme de crédit
à la consommation.
Ancien membre du Mouvement
radical de gauche, il a notamment
été élu maire de la commune de Blé-
ré de 2014 à 2017 sous l’étiquette di-
dialogue social dans l’entreprise.
Avant ce rendez-vous, demandé
par le président de la République
lui-même, le ministre de l’Écono-
mie donnait le sentiment que rien
n’était joué, sur RTL : « Si Renault
engage ce dialogue social exemplai-
re que nous souhaitons, sur la créa-
tion d’un pôle d’excellence dans le
département du Nord, si ce proces-
sus est engagé (...), je signerai le
prêt garanti par l’État de 5 milliards
d’euros. Si ça n’est pas le cas et
qu’on voit qu’on aboutit à une situa-
tion de blocage, il faudra poursuivre
les discussions. »
Avenir de Maubeuge
Le gouvernement était monté au
créneau la semaine dernière lors
de l’annonce par Renault de la
suppression de 15 000 emplois
dans le monde, dont 4 600 en
France et du transfert à Douai de
toute l’activité d’assemblage des
véhicules électriques. Un transfert
inéluctable et l’hypothèse du re-
bond rapide, improbable. Le
deuxième projet de loi rectificatif
des finances tablait alors sur une
contraction de l’activité de 8 %. La
nouvelle estimation de - 11 % est
plus conforme aux prévisions des
économistes, qui s’inquiètent de la
difficulté de la consommation à
rebondir. « L’économie française a
passé son point bas. Le déconfine-
ment a engendré un regain de l’ac-
tivité et de l’emploi, note Philippe
Waechter, de Natixis Ostrum. Ce-
pendant, les niveaux constatés
montrent encore une contraction de
l’activité et une grande prudence
des ménages. » ■
CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS
vers gauche avant de soutenir le
mouvement En marche ! dès 2016.
« Je suis fier de mon ancrage territo-
rial », confie ce père de famille de
trois enfants et grand-père de huit
petits-enfants, toujours conseiller
municipal, qui s’est confiné au prin-
temps dans sa maison à Amboise, un
ancien convent des Cordeliers.
Aujourd’hui, en pleine débâcle
économique, cet optimiste veut
croire au changement. « Nous som-
mes peut-être dans une séquence de
destruction créatrice schumpété-
rienne durant laquelle nous allons
accélérer des transformations. Par
exemple, dans ma commune, des
commerçants qui étaient rétifs à ven-
dre en ligne ont finalement compris
qu’il fallait le faire. Et nous avons des
résultats très satisfaisants », pour-
suit Daniel Labaronne, enthousiaste
à l’idée d’œuvrer à ces évolutions. ■
privant le site de Maubeuge de
l’essentiel de la sienne - la Kangoo
électrique y est actuellement fa-
briquée.
Le ministre de l’Économie a pro-
mis, à l’issue de la table ronde,
que Renault allait « mettre au point
un projet industriel d’avenir pour
Maubeuge qui devra garantir à long
terme, au-delà de 2023, l’emploi et
le niveau d’activité industrielle sur le
site de Maubeuge et son territoire ».
Un nouveau rendez-vous a été
fixé en septembre.
De son côté, Xavier Bertrand, le
président de la région Hauts-de-
France, présent à Bercy mardi, a
dit sa détermination : « Cela ne
nous suffit pas encore : il faut main-
tenant rentrer dans le détail de
comment on maintient l’emploi au-
delà de 2023 (ndlr à Maubeuge). Il
faut qu’on ait un maximum de visi-
bilité, au moins sur les années
2020-2030. » ■
V. C.
 LE FIGARO mercredi 3er juin 2020

ENTREPRISES 25

Le déconfinement
général profite
au prix du pétrole

CHINA STRINGER NETWORK/REUTERS

La production recule. Les stocks restent élevés
mais n’affolent plus le marché comme en avril.
ARMELLE BOHINEUST £@armelella
Rebond
COURS DU BARIL DE BRENT
en dollars ÉNERGIE Mardi, le pétrole était re-
monté à son niveau de début mars.
70 Le baril de brent flirtait avec les
66,25 40 dollars et la référence américai-
60 ne WTI approchait les 36 dollars.
Des prix à des années-lumière de ce
21 avril fou, lorsque le WTI s’est re-
50 trouvé en territoire négatif, proche
de - 40 dollars le baril.
39,16 Si le renouveau des tensions en-
40
tre la Chine et les États-Unis in-
quiète les marchés, la reprise de la
30 demande et la réduction de la pro-
duction de pétrole font monter les
20 prix. La demande, stoppée par
19,33 l’épidémie de Covid-19 qui a para-
21 avril lysé l’activité mondiale pendant
10
2 janvier 2020 2 juin 2020 près de deux mois, reprend de ma-
nière assez forte, en particulier en
Source : Bloomberg Chine, note Antoine Halff, analyste
Infographie
en chef de Kayrros, une société qui
utilise les images satellites pour
surveiller les flux mondiaux de pé-
trole. Les problèmes de stockage
s’éloignent. La quantité d’or noir
immobilisée un peu partout sur la
planète a reculé pendant deux à
trois semaines avant de revenir fin
mai à son niveau d’avril. Un peu
plus de 3,1 milliards de barils de pé-
trole sont stockés aujourd’hui en
mer et à terre, soit à peine moins
que fin avril, détaille Antoine Halff.
Mais le jeu est différent. Le réé-
quilibrage du marché élimine les
inquiétudes et les spéculations liées
aux éventuels problèmes de stocka-
ge de l’or noir.
Les centaines de navires pétro-
liers, transformés en réservoirs
flottants à l’ancre au large des côtes
californiennes et des ports asiati-
ques, ont en partie retrouvé leur
vocation première, transporter du
pétrole. Et leurs tarifs, qui ont pu
Dans certains ports asiatiques ou américains, au plus fort de la crise, des centaines de tankers chargés de pétrole
ont joué les réservoirs flottants faute de demande. Ici, le terminal pétrolier de Ningbo Zhoushan en Chine en 2017.
tripler et même atteindre
200 000 dollars par jour il y a quel-
ques semaines, ont retrouvé leurs
niveaux habituels, plus proches de
60 000 ou 30 000 dollars. En avril,
certains spéculateurs avaient com-
pensé leurs pertes sur le pétrole
grâce aux gains réalisés sur la loca-
tion de bateaux pétroliers, explique
Paul Tourret, directeur de l’Institut
supérieur d’économie maritime
(Isemar).
Cushing, dans l’Oklahoma, peti-
te cité placée au cœur des réseaux
de pipelines américains, ne devrait
pas revivre de si tôt la pression in-
croyable connue fin avril quand le
marché du pétrole perdait la tête.
La fébrilité et l’inquiétude liées à la
surabondance de brut sont calmées.
Les détenteurs de contrats WTI ne
devraient donc pas, lors des pro-
chaines échéances, avoir du mal à
stocker leur pétrole dans l’une des
quelque 400 cuves de la petite ville,
assure l’expert de Kayrros.
Réunion de l’Opep
Entre la reprise de la consommation
et la mise en œuvre le 1er mai des ré-
ductions de production décidées
par l’Organisation des pays expor-
tateurs de pétrole (Opep) et ses al-
liés, les stocks devraient diminuer.
Mais plutôt lentement. Il faudra at-
tendre le troisième trimestre 2020
pour que tous les tankers soient vi-
dés, prévoient des observateurs.
Même si la reprise économique
n’est pas bridée, par une nouvelle
vague de Covid-19 par exemple, et
si les producteurs de pétrole conti-
nuent de serrer les robinets, les
stocks ne fondront qu’à partir de
l’an prochain, pronostiquent
d’autres experts.
L’Opep, dont la prochaine réu-
nion est programmée le 9 juin,
pourrait se réunir plus tôt pour se
pencher sur la question. Son plan de
réduction du 12 avril prévoit une
coupe de 10 millions de barils par
jour (Mbj) en mai et juin puis de
7,7 Mbj de juillet à décembre. ■

La pandémie va accélérer la diversification des compagnies pétrolières

L’industrie pétrolière ne sortira pas ple. Elles sont prises dans une vague assurent les experts de Kearney. s’est jamais vraiment remis de la cri- rils de brut est « économiquement

« compagnies
Les grandes indemne de la tourmente traversée
pendant la pandémie de Covid-19.
Le secteur, qui a déjà annoncé
pourront 120 milliards de dollars de coupes
générer dans ses investissements, en ressor-
tira « profondément affecté », prévoit
des factures le cabinet de conseil Kearney dans
d’électricité une étude dévoilée par Le Figaro. Le
ou gérer secteur va se reconfigurer, se conso-
lider et accélérer des tendances.
des stations Pour les petites compagnies
d’hydrogène
JÉRÔME SEVIN, KEARNEY
» nord-américaines de pétrole de
schiste, qui ne peuvent survivre à
un pétrole inférieur à 30 ou 35 dol-
lars le baril et n’ont plus de capacité
d’endettement, le constat est sim-
de faillites qui contribuera au mou-
vement de consolidation.
Les grands groupes, en revanche,
« sont assez robustes pour faire face à
des aléas conjoncturels », détaillent
Jérôme Sevin, associé chez Kearney,
et Olivier Soupa, vice-président.
Leur niveau d’endettement est plu-
tôt bas, et ils peuvent compter sur
des revenus variés entre production
de brut, raffinage, distribution ou
encore pétrochimie. Ce modèle in-
tégré limite d’autant plus le risque
que « les activités aval reprendront
plus rapidement que les activités
amont (exploration production) »,
Pour autant, après les cinq an-
nées de contrôle des coûts qui ont
suivi la crise de 2014, leur marge de
manœuvre budgétaire « est min-
ce ». Les compagnies pétrolières
devront donc revoir leur porte-
feuille et trouver des pistes d’effica-
cité. Cela passe par une numérisa-
tion accélérée, notamment dans le
contrôle des opérations à distance.
Les grandes compagnies devraient
aussi soutenir leurs fournisseurs de
services qui les alimentent en
« technologies innovantes ». Ce sec-
teur, en particulier les spécialistes
de l’exploration et du forage, « ne
se de 2014 », malgré des vagues de
licenciements successives, et il est
aujourd’hui fragile.
Vers un modèle intégré
La plupart des compagnies pétro-
lières vont aussi rationaliser leurs
activités. « Elles vont poursuivre le
mouvement de nettoyage de leurs
actifs et l’élimination de champs pé-
troliers qui ont peu de chances d’être
rentables à long terme », détaille
Olivier Soupa.
Les grands acteurs du secteur,
poursuivront leur diversification,
car compter uniquement sur les ba-
compromis », ajoute Kearney. Les
compagnies européennes, en parti-
culier - à l’image de BP, qui affiche
de grandes ambitions dans cette fi-
lière - vont s’orienter davantage
vers les énergies vertes, de l’éolien
au solaire en passant par le stockage
de l’électricité.
« À terme, ces grandes compa-
gnies vont développer un modèle de
plus en plus intégré vers des énergies
décarbonées et pourront offrir à leurs
clients des services et des produits
diversifiés sur tous types d’éner-
gies », pronostique Jérôme Sevin. ■
A. BOH.

Émergents : une crise durable

La Banque mondiale redoute l’impact de long terme.
FABRICE NODÉ-LANGLOIS
£@Fnodelanglois
DÉVELOPPEMENT La pandémie
de Covid-19 semble nettement
moins dévastatrice sur le plan sani-
taire dans la plupart des pays
émergents qu’en Europe ou aux
États-Unis. Et pourtant, souligne la
Banque mondiale dans un nouveau
rapport publié mardi, parce qu’ils
pandémie ne fera qu’« accentuer
les faiblesses de la productivité et de
l’investissement privé » déjà ancrés
depuis une décennie.
Avec une conséquence : « 60 mil-
lions de personnes pourraient être
précipitées dans la très grande pau-
vreté », affirme David Malpass, le
président de la Banque mondiale. Désorientés ? Nos experts répondent à toutes
Autrement dit, « les efforts récents vos questions en vidéo live durant 4 journées
de réduction de la pauvreté et des exceptionnelles. Rdv sur etudiant.lefigaro.fr
inégalités seront probablement per-

30
milliards
de dollars
La baisse des afflux
nets de capitaux vers
les pays émergents
pendant la seule
semaine du 20 mars.
Un record depuis 2005
selon la Banque
sont intégrés aux chaînes de valeur
internationales, parce qu’ils dé-
pendent pour certains des exporta-
tions d’hydrocarbures, du touris-
me et des capitaux envoyés par leur
diaspora, les pays en développe-
ment vont être durement touchés
par la crise économique. Surtout,
insiste un chapitre du rapport, « la
pandémie risque d’avoir des effets
significatifs à long terme ».
En s’appuyant sur les crises pas-
sées, liées ou non à des épidémies,
tout en soulignant le caractère iné-
dit de cette déflagration mondiale,
du 9 au 12 juin de 10h à 18h.
dus », avertit le rapport. Toute la
difficulté consiste à parer au plus
pressé tout en soutenant la crois-
sance de long terme.
MARDI 9 JUIN 2020
Filets de sécurité SPÉCIAL ARTS, CRÉATION & COMMUNICATION
À cet effet, le patron américain de la
Banque mondiale préconise « une
plus grande transparence sur la dette MERCREDI 10 JUIN 2020
afin d’attirer l’investissement »,
«une accélération dans l’accès au
SPÉCIAL POST BAC
numérique », «et un renforcement
important des filets financiers de sé-
curité pour les pauvres ». L’accès au JEUDI 11 JUIN 2020
crédit des entreprises et des ména- SPÉCIAL BAC+2 | +3 | +4 ADMISSIONS PARALLÈLES

E
mondiale
les économistes de la Banque mon- ges devra être soutenu même si la

diale identifient une série d’en-
chaînements aux effets délétères.
La faible utilisation des capacités de
production, en raison de l’arrêt de
l’économie mondiale, par exemple,
décourage l’investissement dont
ces pays ont tant besoin. Les
auteurs pointent aussi les effets de
la hausse du chômage. Au-delà de
l’amputation immédiate du pou-
voir d’achat (dans les pays à faible
revenu, 20 % des chômeurs seule-
ment sont indemnisés), les pertes
LIV
hausse de l’endettement privé des
pays émergents depuis dix ans est VENDREDI 12 JUIN 2020
ES
OL
par ailleurs une source de préoccu- SPÉCIAL ALTERNANCE DU SUPÉRIEUR
ÉC
pation. La Banque mondiale préco-
nise aussi des réformes pour accé- S
lérer la résolution des faillites, DE
éliminer de coûteuses subventions
et les monopoles publics « qui ont
freiné le développement ». Autant de etudiant.lefigaro.fr
mesures pour lesquelles l’aide de la
communauté internationale, jugée
insuffisante par David Malpass, est CONFÉRENCES - PAROLES D’EXPERTS
nécessaire si l’on veut limiter ce que
A

de compétence risquent de prolon- le rapport appelle des « cicatrices

ger le retard des pays. En fait, la profondes ». ■
 mercredi 3er juin 2020 LE FIGARO

26 ENTREPRISES

À Fécamp, EDF mise sur l’éolien marin

L’investissement est de 2 milliards d’euros. La construction des 71 éoliennes se fera au Havre.
EMMANUEL EGLOFF £@eegloff
ÉNERGIE Elles s’élèveront à plus de
100 mètres au-dessus de la mer,
leurs pales de plus de 75 mètres de
long tournant doucement au-des-
sus des flots de la côte d’Albâtre.
71 éoliennes, disposées sur une sur-
face de 60 km à 13 kilomètres des
côtes de Fécamp, en Seine-Mariti-
me. Un consortium réunissant le
français EDF Renouvelables (35 %),
le canadien Enbridge (35 %) et l’al-
lemand Wpd (30 %) vient d’annon-
cer le lancement officiel de la
construction de ce champ offshore.
« D’une puissance de près de
500 mégawatts, il permettra d’assu-
rer la consommation électrique de
plus de 770 000 personnes », se féli-
cite Bruno Bensasson, le PDG d’EDF
Renouvelables.
La phase de construction va durer
deux ans et demi, pour une mise en
service en 2023. Mais le lancement
effectif du chantier représente un
point d’étape très important dans la
véritable odyssée que constitue un
tel projet en France. C’est en effet en
2012 qu’EDF a gagné l’appel d’offres
lié à ce parc de Fécamp. Il a fallu at-
tendre 2019 pour que tous les re-
cours juridiques soient purgés. Et le
financement a été bouclé ces der-
niers jours, avec un pool bancaire et
la BEI (Banque européenne d’inves-
tissement). « C’est un très gros pro-
jet, puisque l’investissement total at-
teint 2 milliards d’euros », précise
Cédric Le Bousse, directeur énergies
marines d’EDF Renouvelables.
L’électricien pointe l’importance de
ce projet pour l’économie du pays.
Plus de 1 400 emplois seront créés
durant cette phase de construction.
Et une centaine pendant la durée de
vie du parc, prévue pour au moins
vingt ans.
“ 60 % de la valeur
ajoutée est européenne
dans l’éolien
BRUNO BENSASSON,
”
PDG D’EDF RENOUVELABLES
L’ancrage local représente un
point fort de ce type d’énergie, selon
les dirigeants d’EDF Renouvelables.
« 60 % de la valeur ajoutée est euro-
péenne dans l’éolien », se félicite
Bruno Bensasson. À Fécamp, c’est
bien plus. Les fondations des éolien-
nes seront réalisées en Normandie.
Surtout, pales et nacelles sortiront
d’une toute nouvelle usine située
au Havre. C’est le géant hispano-al-
lemand Siemens Gamesa qui fabri-
quera ces 71 machines. « L’usine
du Havre est en cours de construction
et les premières éoliennes doivent en
sortir fin 2021-début 2022 », précise
un porte-parole de Siemens Game-
sa. Cette usine, la seule en Europe fa-
Projet de la future usine briquant les pales, les nacelles et les
du Havre en cours génératrices et se chargeant de
de construction l’installation, ne servira pas seule-
et d’où les premières ment le champ de Fécamp. Elle va
éoliennes du parc équiper cinq des six champs français
en mer de Fécamp
actuellement en phase avancée de
devraient sortir
fin 2021-début 2022. développement, à Courseulles-sur-
SIEMENS GAMESA Mer (avec EDF Renouvelables enco-
RENEWABLE ENERGY re), Saint-Brieuc (avec Iberdrola),
Dieppe-Le Tréport et Yeu-Noir-
moutier (avec Engie pour ces deux
derniers). « L’ensemble de ces
champs donne une visibilité de 3,5 à
5,5 années à l’usine du Havre », pré-
cise le porte-parole.
Siemens Gamesa ne s’interdit pas
de viser l’export, mais le site du Ha-
vre a pour vocation principale de
servir le marché hexagonal. La pro-
grammation pluriannuelle de l’éner-
gie, récemment revue en hausse par
le gouvernement, a rassuré les opé-
rateurs. D’ici à 2023, ce plan prévoit
des appels d’offres représentant un
volume compris entre 2,5 et 3 GW
pour les éoliennes en mer, équivalent
aux six premiers champs en gesta-
tion. « Cela procure une visibilité sa-
tisfaisante, admet-on chez Siemens
Gamesa, même si le potentiel français
permettrait d’aller bien plus loin. »
Une baisse du coût de 8 %
L’état d’esprit est également offen-
sif chez EDF Renouvelables. Le
groupe français a été lauréat de
l’appel d’offres du champ de Dun-
kerque, soit 600 MW, encore à un
stade préliminaire de développe-
ment. Bloomberg New Energy Fi-
nance s’attend à une croissance de
18 % par an de la puissance installée
dans le monde pour les éoliennes
offshore entre 2019 et 2030. Une
dynamique rendue possible par la
baisse du coût de ces technologies.
Entre 2010 et 2020, le coût moyen
d’installation dans le monde de
l’éolien en mer a ainsi baissé de 8 %
par an, toujours selon Bloomberg
New Energy Finance. Et ce n’est
sans doute pas fini.
En 2018, le gouvernement fran-
çais avait forcé les opérateurs des
six parcs en projet à renégocier les
tarifs négociés à l’origine, se félici-
tant d’une baisse des tarifs de 30 %
en moyenne. Pour Fécamp, un do-
cument de la Commission euro-
péenne publié en juillet 2019 évoque
un tarif de 135,20 euros le MWh,
quand EDF Renouvelables se
contente d’avancer une fourchette
de 130 à 140 euros. ■

Le patron de Keolis, ancien numéro deux de la SNCF, est limogé

Patrick Jeantet avait pris ses fonctions il y a quatre mois. Ses administrateurs pointent son pilotage solitaire.

Patrick Jeantet aurait,
entre autres, agacé
en nommant, sans
consulter, des proches
issus de la SNCF.
ERIC PIERMONT/AFP
VALÉRIE COLLET £@V_Collet
TRANSPORTS Discrète et peu
connue du grand public, Keolis
- filiale de la SNCF à 70 % et de la
Caisse de dépôt et placement du
Québec (CDPQ) à 30 % - est le
théâtre d’un mauvais vaudeville.
Moins de quatre mois après sa prise
de fonction à la tête de cet opéra-
teur de transport public, Patrick
Jeantet, ancien patron de SNCF
Réseau (gestionnaire du réseau
ferroviaire) et candidat malheu-
reux à la succession de Guillaume
Pepy à la SNCF, vient d’être re-
mercié par son conseil de
surveillance.
Cette éviction prend un tour
particulier puisque Jean-Pierre
Farandou, choisi pour succéder à
Guillaume Pepy, était l’ancien pa-
tron de Keolis. C’est même lui qui a
nommé Patrick Jeantet à ce poste.
Le scénario d’une querelle de
personnes ne semble pourtant pas
correspondre à la réalité. L’en-
semble des administrateurs, re-
présentant la SNCF et la CDPQ
mais aussi les cinq indépendants,
se sont accordés sur la décision de
mettre fin aux fonctions de Patrick
Jeantet. Dans un communiqué pu-
blié mardi, le conseil de surveillan-
ce de Keolis a évoqué des « diver-
gences stratégiques importantes ».
Comment expliquer cela ? Selon
nos informations, Patrick Jeantet
défendait en cavalier seul une stra-
tégie d’acquisitions, alors que le
conseil de surveillance plaidait au
contraire en faveur d’un recentra-
ge sur les performances économi-
ques. Un plan baptisé PerfEco avait
d’ailleurs été lancé il y a deux ans
pour consolider l’entreprise. Keo-
lis représente l’un des bras armés
de la France lors des grands appels
d’offres à l’export dans les trains,
trams, métro, bus… Et l’entreprise
pilote les transports publics de
nombreuses collectivités (Lille,
Lyon, Bordeaux…).
Patrick Jeantet, qui connaissait
bien Keolis pour y avoir travaillé
de 2005 à 2013, aurait aussi agacé
en nommant, sans consulter, des
proches issus de la SNCF. Il aurait
aussi exercé un droit d’inventaire
avec maladresse, pointant les
mauvais choix dans les investisse-
ments en faveur des nouvelles
mobilités.
Des pertes en 2019
En 2019, Keolis (6,6 milliards
d’euros de chiffre d’affaires dont
53 % à l’international) est tombé
ans le rouge, avec une perte nette
de 72 millions d’euros, en raison
notamment de son échec à relan-
cer l’opérateur de VTC LeCab, ra-
cheté par l’entreprise, et qui a subi
de lourdes pertes. La restructura-
tion des activités aux États-Unis,
en particulier à Boston, a aussi
coûté cher à la filiale de la SNCF.
De son côté, Patrick Jeantet se
serait plaint de l’ingérence du
conseil de surveillance dans le pi-
lotage de l’entreprise. « Il y a eu
maldonne en le nommant », résume
un cadre de Keolis qui juge ce dé-
part regrettable, tant pour la di-
rection du groupe SNCF que pour
sa filiale.
Une chasse de tête est lancée
pour trouver un successeur à l’ex-
térieur de l’entreprise. En atten-
dant, c’est la directrice financière,
Kathleen Wantz-O’Rourke, qui va
assurer l’intérim, entourée de trois
membres du comité exécutif.
Après la grève liée à la réforme des
retraites et la crise du coronavirus,
Jean-Pierre Farandou doit main-
tenant gérer avec la CDPQ un nou-
veau dossier, celui du casting chez
Keolis. ■

LES DÉCIDEURS PAR Carole Bellemare www.lefigaro.fr/decideurs

â PATRICIA DELON Le Limougeaud François Gay-Bellile â PAUL HUDSON

RATP Travel Retail
Une première casquette de PDG pour cette
ESCP arrivée en 2009 à la RATP comme
directrice du département marketing et com-
mercial. Catherine Guillouard, au volant
depuis deux ans, lui confie les commandes de
la filiale RATP Travel Retail en charge de la
valorisation des espaces de transport par
l’intégration de commerces et de services
innovants en gare et en station. Concrète-
ment, l’ancienne de Henkel, Dior, La Fran-
çaise des jeux et Club Internet a désormais à
gérer 550 locaux commerciaux, 30 000 m² de
surfaces commerciales et 2 100 distributeurs
automatiques.
â PIERRE-FRANCK CHEVET
IFP Énergies nouvelles
Par décret pris en Conseil des
ministres du 27 mai 2020, cet X-En-
sae-Mines devient président de
l’Ifpen, établissement public en
charge de la recherche, du développement
des technologies et de la formation dans les
secteurs de l’énergie, du transport et de
l’environnement. L’ancien haut fonctionnai-
re et homme du sérail, qui présida l’Autorité
de sûreté nucléaire de 2012 à 2018, remplace
A
en pointe dans la galaxie Coca-Cola
Son quart de siècle dans
l’écosystème Coca aura
profité au Limougeaud. Et
notamment ces trois années
comme président de Coca-
Cola France. François Gay-Bellile décroche un
poste très en vue chez le géant américain, celui
de PDG de Coca-Cola European Partners
(CCEP) France, filiale clé du premier embou-
teilleur Coca-Cola indépendant au monde.
L’entreprise assure la production, la distribu-
tion et la commercialisation de toute la gamme
Coca, Sprite, Fanta, Fuze Tea, Honest, Minute
Maid, Powerade et autre Smartwater, et distri-
bue aussi Ocean Spray, Capri-Sun ou Monster.
De quoi en faire le numéro un des boissons
rafraîchissantes en France.
Un investissement d’un milliard d’euros
Le groupe a réalisé en 2019, année des 100 ans
de la présence de la marque Coca-Cola, un
chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros avec
2 600 salariés et cinq usines, produisant 90 %
des boissons de CCEP commercialisées en
France. C’est un ancien officier de l’infanterie
française, Georges Delcroix, qui eut dans les
années 1920 l’idée de transformer un garage
en usine d’embouteillage pour la mythique
boisson. Aujourd’hui, CCEP peut se prévaloir
d’un fort ancrage industriel sur le territoire. À
janvier dernier, l’embouteilleur et le géant
américain ont annoncé un investissement
d’un milliard d’euros sur cinq ans, dont la
moitié dans les capacités de production et la
distribution. Un plan que James Quincey, le
CEO de The Coca-Cola Company, a présenté
directement à Emmanuel Macron.
C’est donc un enjeu important qui attend le
nouveau PDG, alors que Coca entend « appor-
ter une contribution durable à l’économie et à la
société pour les années à venir », comme l’a
souligné le big boss d’Atlanta.
François Gay-Bellile succède à Ben Lam-
brecht, qui retourne en Belgique après trente
ans de maison. Formé à Dauphine, Neoma
Reims et l’Insead, il va ainsi poser aussi dura-
blement ses valises dans l’Hexagone. Après
avoir débuté en 1996 chez Coca-Cola France et
avant d’y revenir en 2017 comme président,
l’ancien chef de produit de Pernod-Ricard a
roulé sa bosse à l’international, à commencer
par le siège à Atlanta comme « M. Foot » pour
le monde. Celui qui ouvrit aussi Coca-Cola à la
communication digitale a œuvré au Japon, à
Shanghaï et à la tête de la direction commer-
ciale pour l’Asie-Pacifique avant de décrocher
en Europe, en 2013, sa première présidence :
celle de Beverage Partners Worldwide, une
coentreprise entre Coca-Cola et Nestlé basée à
Sanofi
Alors que David Loew, qui dirigeait Sa-
nofi Pasteur Vaccins, devient DG du la-
boratoire Ipsen, le patron de Sanofi réa-
ménage son état-major. Thomas Triomphe,
responsable franchises et stratégie produits de Sa-
nofi Pasteur, remplace le 15 juin David Loew com-
me vice-président exécutif. Natalie Bickford (chief
people officer), Arnaud Robert (chief digital officer)
et Julie Van Ongevall (vice-présidente exécutive
santé grand public) entrent au comité exécutif.
â HÉLÈNE TAVIER
Renault
Jusqu’ici DRH et communication de RCI Bank
and Services, cette Essec de 54 ans succède à
Philippe Brismonti au volant des établissements
Renault d’Île-de-France, ainsi que du centre de
recherche et développement du constructeur.
â LISE ALTER
Haute Autorité de santé
Le médecin de l’Association interprofessionnel-
le des centres médicaux et sociaux de santé au
travail de la région Île-de-France prend en

Didier Houssin, dont le mandat de cinq ans l’occasion du sommet « Choose France » en Zurich. C. B. main l’évaluation médicale, économique et de
arrivait à échéance. santé publique de l’HAS.
 LE FIGARO mercredi 3er juin 2020

TECH 27

La colère gronde profit des associations se battant

pour les droits des minorités. Mais
ces dernières attendent bien plus
du réseau social. « Nous sommes

chez Facebook
abasourdis et déçus par les explica-
tions incompréhensibles de Mark
Zuckerberg sur la non-suppression
du message de Donald Trump », ont
déclaré lundi les associations invi-
Pour la première fois, des salariés ont débrayé tées à une réunion avec Mark Zuc-
kerberg et son numéro 2, Sheryl

et dénoncent publiquement l’inaction de leur PDG Sandberg. « Mark Zuckerberg ne

comprend pas les questions du racis-
me et des discriminations. Il vit dans
face aux messages polémiques de Donald Trump. sa bulle et défend pied à pied toutes
ses décisions », a asséné au
Washington Post le président de
La tension est montée d’un cran « Nous avons l’association Color of Change.
CHLOÉ WOITIER £@W_Chloe lundi. Des dizaines de personnes interprété Le patron de Facebook est pris
ont refusé de travailler pour expri- (le message entre deux feux. Ne pas rassurer ses
ÉTATS-UNIS C’est une fronde iné- mer leur mécontentement, quand de Donald Trump) salariés risque de mener à une fuite
dite à laquelle doit faire face Mark d’autres ont menacé de démission- comme une menace des talents, des rébellions internes
(…) qui invite et une bien mauvaise publicité pour
Zuckerberg. Des centaines de sala- ner. Mark Zuckerberg a exception-
explicitement l’entreprise. Mais s’opposer à Do-
riés de Facebook protestent contre nellement décidé d’avancer à mardi (les manifestants)
sa décision de ne pas toucher à un la session hebdomadaire de ques- nald Trump, comme l’a fait le PDG
à ne pas recourir
message polémique de Donald tions-réponses avec les salariés du à la violence », de Twitter, Jack Dorsey, la semaine
Trump. Publié vendredi, le tweet groupe, qui s’annonçait explosive. se justifie dernière, peut ruiner des mois
présidentiel indique que « quand les Mark Zuckerberg, d’efforts entrepris pour calmer les
pillages commencent, les balles sui- « Liberté d’expression » PDG de Facebook. ardeurs du camp républicain, qui
vent ». Si la gronde s’est exprimée Les employés en colère estiment ERIN SCOTT/REUTERS accuse les réseaux sociaux de biais
dans les messageries internes de la que les règles de modération de politique. En un an, le PDG de Fa-
société, elle a aussi pris la forme de Facebook sont trop binaires : soit cebook a multiplié les dîners avec
dizaines de messages publics, une un message est supprimé, soit il des élus républicains, et le prési-
première pour Facebook. reste en ligne. « Nous nous sommes dent en personne, afin de les assu-
« Mark a tort et je vais m’efforcer auto-imposés cette contrainte », a rer que sa plateforme était neutre.
de le faire changer d’avis en faisant publié un groupe d’ingénieurs Objectif : éteindre toute volonté de
beaucoup de bruit », a publié diman- haut gradés. « Facebook ignore régulation du secteur.
che sur Twitter Ryan Freitas, direc- d’autres options qui pourraient pro- Ce dialogue se poursuit. Quand,
teur du design du fil d’actualité de téger nos utilisateurs. » Beaucoup jeudi, Mark Zuckerberg a critiqué
Facebook. « Je travaille chez Face- applaudissent la décision de Twit- même s’il provient d’une personna- il. Mark Zuckerberg a souligné ne la politique de Twitter et assuré que
book et je ne suis pas fier de l’image ter, qui a laissé en ligne le message lité politique », a-t-il écrit samedi pas supporter à titre personnel Facebook n’est pas « un arbitre de la
que nous renvoyons en ce moment. La de Donald Trump tout en lui appo- sur son compte Facebook. Les « ces propos incendiaires et cli- vérité », il l’a fait chez Fox News, le
majorité de mes collègues pensent pa- sant un avertissement pour « glo- propos du président américain ne vants ». Mais il « doit agir comme le meilleur canal pour être entendu
reil. Nous allons nous faire enten- rification de la violence ». Une op- répondaient pas à ce critère. chef d’une institution qui croit en la par Donald Trump et ses partisans.
dre », a tweeté de son côté Jason tion balayée par Mark Zuckerberg. « Nous l’avons interprété comme liberté d’expression ». Vendredi, les deux hommes se sont
Toff, directeur produit. Plusieurs « Contrairement à Twitter, nous une menace (…) qui invite explicite- En gage de bonne foi, le PDG de parlé au téléphone. Un « dialogue
autres salariés ont appelé leur direc- pensons que si un message appelle à ment [les manifestants] à ne pas Facebook a annoncé lundi une do- constructif », selon les sources du
tion à revenir sur sa décision. la violence, il doit être supprimé, recourir à la violence », poursuit- nation de 10 millions de dollars au site Axios. ■

EN BREF
Pascal Cagni lève de l’argent frais pour son fonds PICWICTOYS FERME UN
TIERS DE SES MAGASINS
En plein confinement, C4 Ventures a bouclé un tour de table de 80 millions d’euros. £ L’enseigne de jouets issue
de la fusion en 2019 de Picwic et
de la filiale française de Toys’R’Us
prévoit un plan social
litante. Au moment où beaucoup Centricall. « Il faut s’assurer que processus est donc clef. Pour les de 447 emplois sur les 1 237
ELSA BEMBARON £@elsabembaron expliquent que tout va s’écrouler, les entreprises disposent bien de 12 start-up qui distribuent leurs qu’elle compte en France. Une
il faut savoir se montrer optimis- à 18 mois de trésorerie. C’est aussi services en mode SaaS (logiciel restructuration imposée par la
START-UP Les fonds ont aussi te. » Il se veut « optimiste, sans le moment de revoir leur niveau de par abonnement), ce peut être crise du Covid-19 selon le groupe
besoin d’argent frais pour conti- être naïf ». Ce n’est pas un hasard consommation de liquidités (burn l’occasion de fidéliser leurs alors que les ventes en ligne n’ont
nuer à investir. Pascal Cagni, le si pour trouver des financements rate). C’est maintenant que vont se clients existants et de chercher à pas compensé la chute des ventes
fondateur de C4 Ventures, et an- il se tourne vers des family Office faire les choses importantes », augmenter le nombre d’utilisa- en magasins. Outre la fermeture
cien patron d’Apple Europe, a fait plutôt que des fonds d’entreprise ajoute Pascal Cagni. Il salue les teurs par entreprise. d’un entrepôt, l’enseigne prévoit
le pari de lancer un tour de table (Corporate Venture), il préfère mesures mises en place par le C’est aussi l’occasion de renfor- de fermer 23 de ses 63 magasins.
en plein confinement. jouer la carte des entrepreneurs. gouvernement français pour sou- cer des positions, alors que Pascal
Le 24 mars, il recevait les der- Il mise aussi sur son réseau pour tenir les entreprises. Ces disposi- Cagni prédit l’émergence de deux
niers agréments nécessaires pour apporter soutien et conseils à tifs vont permettre d’amortir le phénomènes opposés. Les grands CARREFOUR ACQUIERT
chercher de nouveaux capitaux. « ses » start-up. choc de la crise, tandis que dans groupes vont sans doute se recen- 224 MAGASINS
« C’est une démarche Six semaines, de nombreuses vi- Dans cette période de crise, C4 la Silicon Valley il risque d’être trer sur leur cœur de métier et
militante. Au moment sioconférences et quelques signa- Ventures veut « jouer son rôle beaucoup plus important, avec vont avoir la volonté d’acheter
À TAÏWAN
où beaucoup expliquent tures en ligne plus tard auront d’investisseur » avec, entre davantage de casse sociale. des compétences. « Nous avons £ Le distributeur étend son
que tout va s’écrouler, suffi à C4 Ventures pour boucler autres, des opérations de « brid- gagné trois années de maturité du réseau à Taïwan. Il a conclu
il faut savoir se montrer un tour de table de 80 millions ge », c’est-à-dire de financement Pas de retour en arrière marché de la numérisation des en- un accord avec Dairy Farm
optimiste », explique d’euros, deux fois l’objectif ini- pour aider des start-up à pour- « Dans ce contexte, il peut être treprises, de l’e-commerce, du té- pour acquérir Wellcome Taiwan,
Pascal Cagni, fondateur tial. Cela peut sembler faible au suivre leur activité alors qu’elles important de réallouer le capital, létravail… Il n’y aura pas de retour soit 224 magasins de proximité
de C4 Ventures. et un entrepôt. La valeur
THIERRY STEFANOPOULOS/
vu des montants atteints par cer- rencontrent des difficultés de il ne faut pas se contenter de cou- en arrière », estime-t-il. Ce qui
KCS PRESSE taines opérations. Pas pour Pascal trésorerie. Le fonds a ainsi soute- per les dépenses », ajoute le pa- risque de poser rapidement des de l’opération est de 97 millions
Cagni, qui explique croire aux nu le français Zoov, un système tron de C4 Ventures. L’heure est difficultés en termes de recrute- d’euros, précise Carrefour.
« petits fonds qui tournent très de vélos électriques en libre-ser- à la numérisation des entrepri- ments, tant les talents du numéri- Le distributeur possède déjà
vite. C’est aussi une démarche mi- vice, et la start-up israélienne ses, la mise en place de nouveaux que seront recherchés. ■ 137 magasins à Taïwan.

LA SÉANCE DU MARDI 2 JUIN

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
L’OR JOUR VEILLE 31/12
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,631 AUD
ACCOR .............................................. 26,65 +1,95 27,22 26,28 0,672 -36,17 ♣
MICHELIN .............................................. 94,32 +1,42 96,08 93,38 0,411 -13,55 CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,5106 CAD
COTATION QUOTIDIENNE ASSURÉE PAR LOOMIS-CPOR
♣
AIR LIQUIDE .................................. 123,3 +0,78 123,5 121,85 0,293 -2,3 ORANGE ..............................................10,98 +1,29 11,035 10,815 0,364 -16,31
www.cpordevises.com
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8908 GBP
AIRBUS .............................................. 63,7 +7,17 63,88 59,59 0,51 -51,18 PERNOD RICARD .................................. 142,55 +0,56 144,75 142,2 0,131 -10,57 HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,6609 HKD
LINGOT DE 1KG ENV .....................................................
50000 50000 +14,23
JAPON ................................................................................
YEN 120,83 JPY
NAPOLEON ..................................................... 314,9 322,4 +21,63
ARCELORMITTAL SA .................................. 9,413 +4,32 9,462 9,05 0,311 -39,82 PEUGEOT .............................................. 13,605 +1,57 14,06 13,47 0,647 -36,13 PIECE 10 DOL USA .....................................................
890 890 +14,1
ATOS .............................................. 67,18 +0,24 68,4 66,96 0,326 -9,61 ♣ 28,49 +3,22
PUBLICIS GROUPE SA ............................. 28,79 27,42 0,666 -29,41 SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 1,0741 CHF PIECE 10 FLORINS .....................................................
314,9 314,9 +17,54
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,1174 USD PIECE 20 DOLLARS .....................................................
1655 1780 +10,41
AXA .............................................. 17,256 +4,58 17,532 16,654 0,501 -31,28 RENAULT .............................................. 21,69 +1,1 22,525 21,54 1,027 -48,58
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,167 TND PIECE 20F TUNISIE .....................................................
330 330 +26,97
BNP PARIBAS ACT.A .................................. 34,48 +2,97 35,08 33,425 0,624 -34,73 SAFRAN ..............................................93,52 +5,91 93,96 88,32 0,35 -32,06 MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD PIECE 5 DOL US (H) .....................................................
458 458 +15,95
BOUYGUES ..............................................28,5 +2,04 28,92 28,04 0,433 -24,76 SAINT-GOBAIN .................................. 30,69 +4,99 30,69 29,63 0,629 -15,92 TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 7,5698 TRY PIECE 50 PESOS MEX .....................................................
1979,75 2009,75 +19,41
CAPGEMINI ..............................................
93,54 +1,04 94,2 92,1 0,429 -14,1 SANOFI ..............................................88,82 +0,15 89,48 87,69 0,198 -0,89 EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 17,73 EGP PIECE FR 10 FR (H) .....................................................
174,9 174,9 +18,42
CARREFOUR ..............................................
13,915 -0,04 14,015 13,8 0,386 -6,92 SCHNEIDER ELECTRIC ............................. 90,9 +1,34 91,78 89,76 0,218 -0,66 CHINE ................................................................................
YUAN 7,9413 CNY PIECE SUISSE 20F .....................................................
312,9 314,9 +22,23
PIECE LATINE 20F .....................................................
325 325 +28,05
CREDIT AGRICOLE .................................. 8,2 +2,3 8,332 8 0,357 -36,56 SOCIETE GENERALE ♣ ..................................
14,268 +3,24 14,624 13,794 1,055 -53,1 INDE ................................................................................
ROUPIE 84,039 INR SOUVERAIN ..................................................... 379,8 379,8 +15,44
DANONE ..............................................62,12 +0,36 62,8 61,9 0,211 -15,94 SODEXO ..............................................65,94 +4,5 67,26 63,9 0,407 -37,59 ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 142,81 DZD KRUGERRAND .....................................................
1650 1699,75 +13,01
DASSAULT SYSTEMES .................................. 149,6
ENGIE .............................................. 10,905
-0,43
+2,39
152,4
10,925
149,5
10,69
0,111
0,284
+2,08
-24,27
STMICROELECTRONICS ............................. 22,74 +1,74
THALES ..............................................71,24 +2,44
23,35
71,96
22,35
69,04
0,329
0,196
-5,13
-23
SICAV ET FCP
VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS (OU EN DEVISES), HORS FRAIS
ESSILORLUXOTTICA .................................. 119,9 +1,78 120,9 117,95 0,295 -11,71 TOTAL .............................................. 35,545 +2,89 35,95 34,64 0,408 -27,75 VALEUR DATE DE
Cybèle Asset Management
HERMES INTL ..................................754,6 +1,15 765,6 742,8 0,09 +13,27 UNIBAIL-RODAMCO-WE ............................. 58,02 +9,35 59,82 54,7 3,114 -58,75
RETROUVEZ
LIQUID. VALORISAT.
37 av. des Champs-Elysées
42 rue d’Anjou, 75008 Paris
KERING ..............................................487,75 +2,38 489,15 480,3 0,172 -16,65 VEOLIA ENVIRON. .................................. 20,78 +4,5 20,81 19,985 0,415 -12,36 75008 Paris
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Tel. : 01 56 43 62 50

VINCI♣.............................................. 85,98 +2,41

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L'OREAL ..............................................261,2 +0,93 263,8 259,1 0,099 -1,06 86,26 84,44 0,228 -13,15 BETELGEUSE ................................................
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LEGRAND ..............................................61,3 +0,56 61,7 60,68 0,235 -15,61 VIVENDI ..............................................21,7 +4,53 21,8 20,83 0,268 -15,96 SICAV BELLATRIX C ................................................
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LA BOURSE DE PARIS STIMULÉE PAR LE DÉCONFINEMENT hrousseau@lefigaro.fr

La Bourse de Paris a enchaîné une gé 3,75 % et Londres a avancé de les États-Unis et la Chine », relèvent cartes Visa a grimpé de 13 % par rapport levée des mesures de confinement. Le
deuxième journée en forte hausse mar- 0,87 %. les analystes de Charles Schwab. Les à avril. groupe estime que la reprise est « très
di, toujours portée par la levée graduelle Les investisseurs saluent les signes investisseurs se concentrent sur les À Paris, les foncières spécialisées dans encourageante » avec « un niveau de
des mesures de confinement. de reprise de l’économie qui se multi- signes de plus en plus nombreux et les centres commerciaux, qui avaient fréquentation plus élevé qu’attendu ».
L’indice CAC 40 a grimpé de 2,02 % à plient avec les déconfinements, à me- tangibles d’un redémarrage de l’activi- beaucoup souffert ces derniers temps, Le titre s’est adjugé 9,35 % mardi. Son
4 858,97 points, un sommet inconnu sure que l’épidémie de Covid-19 recule. té économique dans de nombreux ont mené la danse. Unibail-Rodamco- rival Klépierre s’est envolé de 13,4 %. Ce
depuis le début du mois de mars. La Les investisseurs « laissent pour l’ins- pays. Westfield (URW) a annoncé mardi que dernier a annoncé durant le week-end
A

veille, il avait fini en hausse de 1,43 %. tant de côté les troubles civils aux En mai, aux États-Unis, le montant 65 de ses 90 centres commerciaux dans avoir rouvert l’intégralité de ses centres
Ailleurs en Europe, Francfort s’est adju- États-Unis ainsi que les tensions entre total des paiements effectués avec les le monde avaient rouvert à la suite de la commerciaux en France. ■
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

28 MÉDIAS et PUBLICITÉ
Mediapro s’allie à TF1 pour entrer en France
Le groupe catalan, détenteur de 80 % de la L1 sur les quatre prochaines saisons, baptise sa chaîne payante Téléfoot.
ENGUÉRAND RENAULT £@erenault
AUDIOVISUEL Pas facile de réussir
son entrée en jeu au milieu d’une
partie de foot qui tourne au pugilat.
Tel est pourtant le challenge du
groupe espagnol Mediapro, qui n’a
pas droit à l’erreur. Il a en effet misé
800 millions d’euros par an pour
être le principal diffuseur du cham-
pionnat de France de L1 sur les qua-
tre prochaines saisons. Mais alors
que la compétition a été stoppée en
mars 2020 à cause du Covid, la date
de reprise de la saison 2020-2021
n’est toujours pas officiellement ar-
rêtée (elle est prévue autour du 21 ou
28 août contre le 7 août initiale-
ment), les clubs professionnels s’en-
tre-déchirent et certains jouent leur
survie économique.
Dans ces conditions, Mediapro
devait trouver un allié. Après avoir
discuté des mois avec Canal+, qui
l’a laissé tomber pour s’entendre
avec beIn Sports, il a opté pour une
alliance originale. Celle avec le roi
de la télévision gratuite TF1, qui lui
apporte sa notoriété, sa force de
frappe et surtout une belle marque :
Téléfoot. Paradoxe, Mediapro va
donc donner à sa future chaîne
payante le nom d’un symbole du
football gratuit à la télé depuis 1977.
À partir du mois d’août, Téléfoot
sera à la fois une chaîne payante à
environ 25 euros par mois pour sui-
vre la L1 et le nom de deux émis-
sions : l’une, gratuite, sur TF1 le di-
manche à 11 heures et l’autre
payante, à midi. Et pour ajouter à la
confusion, les deux chaînes parta-
geront les commentateurs vedettes
de TF1, Grégoire Margotton et
Bixente Lizarazu, qui commente-
ront les vingt plus belles affiches de
la saison de L1 sur la chaîne payan-
te. « Cet accord stratégique avec TF1
est un partenariat de long terme à la
fois sur la marque, sur les moyens de
production d’émission et sur les ta-
lents », explique Jaume Roures, le
patron de Mediapro.
Pas de match de L1 sur TF1
Au final, en misant sur l’embléma-
tique Téléfoot, Mediapro économi-
sera des millions d’euros pour se
faire connaître, car la marque a un
taux de notoriété de 83 % auprès
des Français de tous les âges et de
tous les sexes. Mais ceux qui pen- res. Ce dernier n’exclut pas que la de foot ou la Coupe du monde sont Pour s’imposer en pas exclusif », précise Jaume Rou-
sent qu’ils pourront voir un match collaboration avec le groupe TF1 à l’étude. « Nous travaillons sur la France, la future chaîne res, qui discute également avec
de la L1 en clair sur TF1 seront dé- aille plus loin. Un accord sur la ré- complémentarité entre la télévision Téléfoot doit encore RMC Sports, dont le dernier droit
çus. Il n’y en aura pas. « Nous gie publicitaire ou sur une éven- payante et la télévision gratuite », trouver des partenariats important est la prochaine saison
n’avons pas acquis les droits pour la tuelle collaboration sur les pro- ajoute le patron catalan. avec les distributeurs. de Champions League.
C. PETIT TESSON/MAXPPP
télé gratuite », précise Jaume Rou- chains appels d’offres pour l’Euro « Ce partenariat stratégique n’est Pour s’imposer en France, la fu-
ture chaîne Téléfoot doit encore
trouver des partenariats avec les
distributeurs. Bouygues Telecom
(filiale, comme TF1, du groupe
Bouygues) ne devrait pas être diffi-
cile à convaincre, et des discussions
sont menées avec SFR et Orange.
« Nous allons aussi travailler le ré-
seau des bars et restaurants pour
promouvoir le foot comme nous
l’avons fait en Espagne », ajoute le
patron de Mediapro.
Ce dernier reconnaît que Media-
pro a beaucoup souffert de la crise
du Covid, avec près de 1 100 em-
ployés atteints et une victime. Il a
pâti des arrêts des championnats de
foot espagnol et italien, ainsi que de
l’interruption des productions de
films et de séries, son deuxième mé-
tier. Mais il estime que Mediapro
dispose toujours des capacités de
payer les droits du foot français.
« Nous avons trouvé un accord avec
la LFP pour payer la première
échéance des droits (un chèque de
plus de 130 millions d’euros) deux se-
maines avant la reprise officielle du
championnat », assure-t-il. ■
TF1, l’aristocrate télévisuel qui disait oui aux « nouveaux riches »
tape dans la main de Netflix pour tion de contenus, le contrat nuptial ces avec les « nouveaux riches » du
« partenariat
Ce ANALYSE
Caroline Sallé
diffuser en prime time deux épiso-
des de Marseille, la première série
française du géant américain de la
est à tiroirs. Il pourrait être élargi,
dans un futur proche, à la régie pu-
blicitaire et à l’acquisition en com-
continent américain. Elles y
voyaient l’opportunité de redorer
leur blason grâce à un apport de
peut £@carolinesalle
vidéo à la demande, avec Depar- mun des droits de compétitions capitaux. En échange, l’aristocratie
déclencher dieu au casting. Bis repetita trois sportives. « Ce partenariat peut dé- injectait dans les veines de ce nou-
ans plus tard. Les deux « frères clencher d’autres histoires avec Me- veau monde lustre, pouvoir et res-
d’autres Une fois encore, TF1 confirme ennemis » cofinancent et diffusent diapro. Ou avec d’autres. Nous pectabilité. Le décor et les person-
histoires qu’il est devenu l’un des acteurs tour à tour une ambitieuse fiction sommes dans un monde qui bouge nages changent mais l’histoire se
avec les plus pragmatiques du marché. historique, Le Bazar de la Charité. très vite. Il faut être agile et ne pas répète. TF1 vend sa puissance et sa
Mediapro »
FRANÇOIS PELLISSIER,
Là où beaucoup de groupes audio-
visuels s’évertuent souvent à dé-
rouler des barbelés pour tenter de
Pouvoir et respectabilité
Avec le groupe sino-espagnol Me-
avoir peur. Nous n’avons aucun ta-
bou », prévient le directeur des
Sports de TF1, François Pellissier.
notoriété à un nouveau monde
chinois cette fois - l’actionnaire
principal de Mediapro, Orient
DIRECTEUR
circonscrire le développement de diapro, TF1 va encore plus loin. Aujourd’hui, la filiale du groupe Hontai Capital, vient de l’empire
DES SPORTS DE TF1
nouveaux entrants, la filiale de L’alliance est annoncée pour qua- Bouygues est un peu à l’image de du Milieu. En retour, le groupe di-
Bouygues s’ingénie à jeter des tre ans, voire plus si affinités. Au- ces vieilles familles aristocrates an- rigé par Jaume Roures apporte sa
ponts. delà des annonces sur la licence de glaises de la fin du XIXe et du début puissance financière. Dans le mon-
En 2016, TF1, leader challengé, la marque Téléfoot, du prêt de ses du XXe siècles. Prestigieuses mais de d’avant comme dans celui
décide de tourner son regard en talents Grégoire Margotton et un peu désargentées, certaines d’après, l’union et la complémen-
direction du nouveau monde. Il Bixente Lizarazu et de la produc- n’ont pas hésité à sceller des allian- tarité font toujours la force. ■

EN BREF
Aurore et Jean-Étienne Amaury à la tête du groupe EN MAI, LES FRANÇAIS
ONT PASSÉ 4 HEURES
Marie-Odile Amaury laisse les rênes de L’Équipe et d’ASO à ses deux enfants. PAR JOUR DEVANT
LA TÉLÉVISION
PRESSE Place à la troisième géné- L’Équipe en 2012 et a cédé le quoti- du groupe, a dû faire face à l’annu- £ L’effet confinement a
ration. Marie-Odile Amaury, qui dien Le Parisien, au groupe Les lation de quelques compétitions et continué de profiter aux chaînes
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO ; GROUPE AMAURY

dirigeait le groupe familial de mé-
dia et de sport, a nommé ses deux
enfants, Aurore et Jean-Étienne, à
la direction générale d’un groupe
Amaury recentré sur L’Équipe et
ASO. Elle en conserve la présiden-
ce.
Aurore Amaury, qui a rejoint le
groupe en 2006, gérait jusqu’à
présent la partie média avec
L’Équipe, décliné en presse, nu-
mérique et audiovisuel.
Pour sa part Jean-Étienne, éga-
lement associé à la destinée du
groupe depuis 2006, dirigeait ASO,
organisateur d’événements spor-
tifs dont le fameux Tour de France.
Les deux enfants prennent en
main un groupe créé par leur
grand-père Émilien Amaury, fon-
dateur du Parisien libéré, puis diri-
1
A
gé par leur père, Philippe, décédé
en 2006. Ils succèdent aujourd’hui
à leur mère, Marie-Odile Amaury.
Cette dernière a soutenu ferme-
ment la création de la chaîne
Échos en 2015.
Un groupe solide
Le groupe Amaury est confronté
actuellement à une conjoncture
délicate. La crise du Covid l’a frap-
pé de plein fouet avec l’arrêt de
toutes les compétitions sportives,
matière première du quotidien
L’Équipe de son site web et de sa
chaîne de la TNT. L’année devait
être faste avec l’Euro de foot et les
JO, mais les deux compétitions ont
été reportées. Le quotidien et la
chaîne qui étaient sur le point de
retrouver un équilibre financier en
Aurore et Jean-Étienne pâtiront et des discussions sont
Amaury prennent engagées avec les représentants du
la direction générale personnel pour évaluer les consé-
du groupe de média quences de cette crise. Pour sa
et de sport. part, ASO, la véritable vache à lait
au report du Tour de France à la fin
du mois d’août.
Le passage de génération mar-
que la volonté d’accélérer la trans-
formation du groupe et d’assurer
sa pérennité.
Dans une interview au Figaro en
avril dernier, Marie-Odile Amaury
avait rassuré les salariés sur la soli-
dité du groupe. « Nous sommes un
groupe familial et nous avons une vi-
sion à long terme. Le groupe a tou-
jours été géré avec beaucoup de pru-
dence afin de faire face aux aléas qui
ne manquent jamais de survenir.
Nous avons une trésorerie qui nous
permettra de passer les obstacles.
Tout le comex est aligné sur cette po-
litique de dépenses prudentes et d’in-
vestissement dans nos actifs »,
affirmait-elle.■ E. R.
de télévision en mai, les Français
ayant passé en moyenne 4 h 03
par jour devant le petit écran,
soit 25 minutes de plus chaque
jour en moyenne qu’il y a un an.
Ils ont toutefois moins regardé la
télévision qu’en mars et en avril,
où des records d’écoute ont été
atteints avec respectivement
4 h 29 et 4 h 40.
MAJELAN CHANGE
DE MODÈLE
£ L’application de podcasts
de Mathieu Gallet, lancée en
mai 2019, s’arrête le 7 juillet et
va renaître sous la forme d’un
service payant de programmes
audios centrés sur le
développement personnel.
mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO - N° 23 575 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

avec vous
CLASSIQUE LA FRANCE À LA CARTE
RESCAPÉ DE L’ÉTÉ, LE FESTIVAL LA TOMATE DE LA BAULE
INTERNATIONAL DE PIANO PAR LE CHEF ÉTOILÉ
DE LA ROQUE-D’ANTHÉRON OFFRE JÉRÔME BANCTEL PAGE 36
UNE BELLE PROGRAMMATION PAGE 32

FESTIVAL DE LA ROQUE D’ANTHÉRON ; VALENTINE MICHEL PHOTOGRAPHIE ; ATELIER GRANDIS ; SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
ÉTAT DES
LIEUX DE LA
MODE
PRIVÉS DE DÉFILÉS, RETARDÉS DANS LEUR FABRICATION ET INQUIETS QUANT À LEUR DISTRIBUTION, LES CRÉATEURS
ET LES MARQUES S’ORGANISENT. TOUR D’HORIZON DES INITIATIVES D’UNE PUISSANTE INDUSTRIE FRANÇAISE. PAGES 30 ET 31

MESSES BASSES SUR LE PARVIS DE NOTRE-DAME

●
L’HISTOIRE DU JOUR APRÈS SA RÉOUVERTURE DIMANCHE EN PETIT COMITÉ, LA FAÇON DONT LA FLÈCHE SERA RECONSTRUITE DEVRAIT ÊTRE VITE TRANCHÉE.
●

le Covid-19, ou plus exactement le 500 tonnes, en partie fondu sous l’effet marrer le 8 juin – si tout va bien. Le été ressentie comme un « symbole » de
CLAIRE BOMMELAER confinement, est en train de mettre fin à des flammes, est toujours debout. Il doit chantier est ralenti sous l’effet des pro- l’avancée vers le renouveau.
cbommelaer@lefigaro.fr
l’idée d’un geste contemporain sur No- être démonté de manière urgente, avant tocoles sanitaires et les étapes peinent à Condamné au lendemain de l’incen-

R
econstruire la flèche de No-
tre-Dame de Paris à l’identi-
que ? Pour Mgr Aupetit, ar-
chevêque de Paris, interrogé
au micro de France Info, le
scénario est tout à fait plausible. « Une
majorité se dessine » en ce sens, a-t-il
indiqué. Et « cela va se décider très rapi-
dement ».
Si Mgr Aupetit n’est pas « partie pre-
nante » de la décision finale, comme il
l’a rappelé, son propos ne fait que
confirmer ce que tout le monde pres-
sentait : en dépit du souhait émis par
Emmanuel Macron au lendemain de
l’incendie, il n’y aura pas de concours
international d’architecture pour cette
flèche. Et il n’y aura sans doute pas non
plus de « grande consultation des Fran-
çais », annonce maintes fois répétée par
le ministre de la Culture, Franck
tre-Dame de Paris. Ni le ministère de la
Culture ni l’établissement public pour la
reconstruction pour Notre-Dame
n’étaient très favorables à une flèche en
verre ou en aluminium se dressant sur
un bâtiment multiséculaire et iconique
de Paris. Le Covid-19 ayant déplacé les
urgences gouvernementales et vidé les
caisses publiques, leur force de résistan-
ce a fini par être entendue.
Une flèche à l’identique
Selon nos informations, la commission
nationale de l’architecture et du patri-
moine doit se réunir courant juillet, afin
de donner un avis sur les différentes
parties de reconstruction. Et le prési-
dent doit ensuite trancher. Pour la ca-
thédrale, le temps presse, et pas seule-
ment parce que l’établissement public
pour la reconstruction de la cathédrale
espère toujours une restauration d’ici à
l’automne, ses vents et sa pluie. Reporté
plusieurs fois, le démontage devrait dé-
Lundi, des passants ont pu de nouveau fouler le large espace, dont le sol a été traité
être franchies. C’est dire si l’annonce de
la réouverture du parvis, dimanche, a
die, car contaminé par les tonnes de
plomb fondu venant de la toiture, ce
vaste espace a finalement obtenu le feu
vert du préfet de Paris pour sa réouver-
ture. Dans la foulée, Mgr Aupetit, Anne
Hidalgo, maire de Paris, et le général
Georgelin, président de l’établissement
public, ont fait un court déplacement
sur place, dimanche.
Anne Hidalgo a précisé que le sol du
parvis avait été traité avec une « résine
transparente » et brillante et qu’un
nettoyage serait assuré deux fois par se-
maine. Ils ont été rejoints par le ministre
de la Culture, qui, visiblement, n’avait
été prévenu qu’à la dernière minute.
Quant à Valérie Pécresse, présidente de
la région Île-de-France, « choquée » de
ne pas avoir été conviée, elle a cinglé sur
Twitter : « Esprit républicain, où es-
tu ? » Même Notre-Dame est devenue
un enjeu politique, à quelques semaines
A

Riester. Tranquillement mais sûrement, 2024. À l’intérieur, l’échafaudage de avec une résine transparente et brillante. des élections municipales. ■
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

30 LE FIGARO AVEC VOUS/MODE DE VIE

LA MODE DU
« MONDE D’APRÈS »
YUKA/OKSANAZAHRAY/STOCK.ADOBE.COM

EN 5 QUESTIONS
L’AVENIR DES FASHION
mode ? À Amazon ? En tout cas, pour En attendant, il s’agit de trouver une so- dépendantes connaissaient déjà des diffi-
ÉMILIE FAURE efaure@lefigaro.fr, l’heure, pas aux petites et moyennes lution pour les Fashion Weeks actuelles. cultés pour parvenir à la rentabilité en
HÉLÈNE GUILLAUME hguillaume@lefigaro.fr
marques qui se faisaient connaître et D’abord, les « croisières » qui devaient passant par des revendeurs, surtout les
ET MATTHIEU MORGE ZUCCONI
mmorgezucconi@lefigaro.fr WEEKS, L’ESSOR vendaient via ces réseaux. se dérouler courant mai n’ont pas été
présentées lors de défilés événementiels
grands magasins qui ne veulent plus
prendre de risques et imposent de lourdes
En commençant par toucher la puissan-
te clientèle asiatique, puis en mettant à
DU « MADE IN FRANCE », uFaut-il réformer
les Fashion Weeks ?
aux quatre coins du monde pour cause
de confinement. Hormis Chanel qui a
conditions, telle la reprise des invendus et
la prise en charge de nombreux frais.
l’arrêt les usines des fournisseurs et des
fabricants en Italie avant de contraindre LA RIVALITÉ Depuis quelques semaines, plusieurs
voix s’élèvent en faveur d’une révision
prévu de diffuser, sur internet et les ré-
seaux sociaux, cette collection sous une
Nous devrions assister à une révolution
dans les mécanismes de vente de l’indus-
à fermer les ateliers et les commerces
dans le monde entier, la crise du Covid a DES GRANDS MAGASINS du calendrier des défilés, dont les dates
ont des conséquences sur la fabrica-
forme encore inconnue dès la semaine
prochaine, les griffes concernées (Dior,
trie. Les marques qui n’ont pas encore dé-
veloppé leur présence en ligne vont devoir

ET DES E-SHOPS,
stoppé brutalement l’industrie de la tion, la livraison et la mise en place en Louis Vuitton, Gucci, Prada, etc.) n’ont le faire rapidement pour survivre, sous la
mode. Si les griffes de luxe attachées au boutique. Certains aspirent à les avan- pas révélé si elles communiqueront à ce forme de plateforme e-commerce ou sur
modèle de la boutique physique et dé- cer, à mutualiser la femme et l’homme sujet. La plupart rencontrent des retards Instagram. Quant aux e-shops Net-A-
pendantes du tourisme ont souffert, les
petits labels dont la plupart écoulent
LA REPRISE DES dans un même événement (un principe
rigoureusement impossible quand les
très importants de fabrication majori-
tairement réalisée en Italie (ne serait-ce
Porter et autres Matchesfashion, qui ont
la capacité de créer une offre spécialisée
leur marchandise en retail (grands ma-
gasins, multimarques en ville ou en li-
EXPOSITIONS DE MODE deux activités sont signées par un
directeur artistique different au sein
que pour les tissus employés par le luxe
et les marques de création, produits à
selon les marchés, ils vont prendre de plus
en plus d’ampleur. Aux dépens des grands
gne) ont vu annuler intégralement ou en
partie leurs commandes et vendre leurs ET LA PROBLÉMATIQUE d’une même griffe, ce qui est le cas par
exemple chez Dior et Louis Vuitton) ou
80 % chez nos voisins transalpins).
Prévues initialement du 23 au 28 juin, les
magasins traditionnels, qui ont pour la
plupart loupé le coche du digital et peinent
collections au rabais. Plus profondé-
ment, ce secteur, dont le moteur princi- DES SHOOTINGS… à réduire le nombre de semaines de la
mode quitte à diminuer les retombées
collections parisiennes de l’homme se-
ront ainsi diffusées en ligne, du 9 au
à retranscrire l’identité d’une marque
dans leur espace. Ces enseignes devront

PASSAGE EN REVUE
pal est le présent, « la saison » qui justifie économiques dans les villes (Paris, 13 juillet : on ignore encore combien de se réinventer en lieu de rencontres pour
son éternel recommencement, cherche Milan, Londres et New York) où elles se marques y participeront, certaines pré- attirer les créateurs qui pourront y imagi-
dans ce temps suspendu le moyen de se tiennent. Ces réformistes arguent, fèrent faire défiler leur printemps-été ner des pop-up stores, y créer l’évène-
réinventer.
Heureusement, la création possède une
D’UN SECTEUR EN ÉMOI, entre autres, d’un rythme trop effréné
et d’un coût environnemental trop éle-
2021 en même temps que la femme en
septembre, d’autres ont validé le princi-
ment, tout en gérant eux-mêmes le ryth-
me des collections. »
capacité d’adaptation hors du commun,
SI FONDAMENTAL vé (ce qui est contesté par les Français pe de cette Fashion Week numérique.
s’adaptant depuis toujours aux périodes au titre que les voyages proprement « Ces dernières maisons préparent des
u Quand la mode retournera-t-elle
les plus sombres, aux contextes les
moins propices, s’inspirant même de ce POUR L’ÉCONOMIE liés aux défilés concernent environ
5 000 professionnels).
contenus vidéos en format libre, d’une
vingtaine de minutes maximum, voués à
au musée ?
Ces dernières années, Paris a accueilli
qui lui est a priori le plus éloigné. En té-
moigne le joli succès de petites entrepri-
ses sur le sol français qui se tournent
HEXAGONALE. D’autres demandent à trouver un
consensus mondial afin d’encadrer les
dates des soldes qui, surtout aux États-
être diffusés lors des créneaux horaires
attribués dans le cadre du calendrier offi-
ciel, détaille Pascal Morand, président
bon nombre d’expositions consacrées
aux créateurs et à l’histoire du vêtement.
Certaines ont battu des records de fré-
vers la mode durable. À l’instar aussi de Unis, interviennent sous forme de jour- exécutif de la Fédération de la haute cou- quentation et se sont offert le luxe de
la créativité autour des masques de pro- nées promotionnelles très tôt dans la ture et de la mode. L’ensemble sera ac- voyager dans le monde. À l’annonce du
tection ou la montée de l’esthétique du saison comme le désormais célèbre cessible au grand public via les diffuseurs confinement, celles en cours ont fermé
« fait maison » qui a fleuri pendant le Black Friday, le vendredi qui suit du net. L’Italie suivra du 14 au 16 juillet, leurs portes. Ainsi « Betty Catroux, Yves
confinement sur les réseaux sociaux des Thanksgiving, en novembre. Ces événe- selon le même procédé. Quant à la haute Saint Laurent Féminin Singulier » inau-
marques et au fil des magazines fémi- ments commerciaux permettent aux couture, événement uniquement parisien gurée le 3 mars au Musée Yves Saint
nins, dans l’incapacité de photographier magasins de vendre au rabais des collec- programmé à l’origine du 5 au 9 juillet, elle Laurent, n’a pas encore annoncé sa
leurs séries de mode et leurs campagnes tions à peine livrées, étranglant les PME se tiendra toujours online du 6 au 8 juillet, réouverture mais sera prolongée au-de-
publicitaires. (ou les blacklistant si elles refusent de sur le même principe de films créatifs. » La là du mois d’octobre. Idem du côté du
Mais surtout, comment ces grandes brader), et tendent à gonfler artificielle- difficulté majeure restera d’aller à la ren- Palais de la Porte Dorée, toujours clos à
maisons et ces jeunes talents vont-ils ment les prix en temps normal. Les contre du millier de clientes de la coutu- ce jour, et de sa rétrospective « Christian
parvenir à s’exprimer alors qu’ils sont grandes marques et la Fédération de la re éparpillées dans le monde. Louboutin, l’exhibitionniste » prolongée
privés d’événements médiatisés ? L’im- haute couture et de la mode en France ne jusqu’au 4 janvier 2021. Quant au Palais
minente réouverture des musées devrait
permettre de braquer à nouveau les pro-
devraient pas tarder à riposter.
u Qui pour vendre les collections ?
Le 30 mai, après presque trois mois de
Galliera, qui devait rouvrir en mars
après deux ans de travaux, il décale
jecteurs sur l’histoire de la mode et celle fermeture et deux jours après le voisin l’inauguration de la première exposition
plus personnelle de créateurs. Reste la
question des Fashion Weeks qui fait dé-
3 Printemps, les Galeries Lafayette Hauss-
mann rouvraient leurs portes. Le 11 mai,
jamais consacrée à Gabrielle Chanel… à
l’automne prochain !
bat depuis, entre autres, la décision de l’antenne située sur les Champs-Élysées Last but not least, le Musée des arts déco,
Gucci et de Saint Laurent de sortir de ces du grand magasin, ainsi que Le Bon MAD, accueillera de nouveau le public
manifestations collectives pour choisir Marché et le BHV, avaient eux aussi pu le 23 juin, avec entre autres « Harper’s
leurs propres dates et rythmes (voir nos accueillir des clients dans le respect des Bazaar, premier magazine de mode »
éditions du 26 mai 2020). Elle met aussi normes de sécurité. Un soulagement, démarrée à peine trois semaines avant la
au jour des tensions « politiques » entre alors que la crise du coronavirus a plon- quarantaine et « Le dessin sans réserve »
les différentes capitales concernées. gé les revendeurs dans l’inconnu, no- et ses croquis signés Paul Poiret, Lanvin
Ainsi s’opposent les Anglo-Saxons favo- tamment aux États-Unis, où les J.Crew, et Sonia Delaunay. En revanche, la très
rables à une réforme du calendrier des J. C. Penney et l’historique Neiman Mar- attendue rétrospective de Thierry Mu-
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO

collections (aux dépens de Paris particu- cus, propriétaire de Bergdorf Goodman gler, prévue à l’automne, sera décalée.
lièrement), quand les Italiens et les et Mytheresa, se sont placés sous la pro- « Nous attendons cette exposition depuis
Français remettent en cause les dates des tection du régime américain des faillites. vingt-cinq ans, nous pouvons bien patien-
soldes qui « cassent » les saisons, impo- Sans grands magasins, qui pour vendre ter six mois de plus, précise Olivier Ga-
sées par les department stores américains la mode ? La question inquiète les mar- bet, directeur général adjoint du MAD.
depuis plusieurs décennies. Ces mêmes ques, qui dépendent grandement de ce Le Musée des Arts déco fonctionne princi-
grands magasins dans l’œil du cyclone canal afin d’écouler leurs collections. palement avec les habitants de Paris et sa
outre-Atlantique (avec la récente fer- Selon Perséphone Kessanidis, cofonda- région, les gens ne viennent pas chez nous
meture de Barneys à New York et la trice de l’agence de conseils et par hasard. Nous sommes donc moins im-
probable faillite de Neiman Marcus)… À showroom commercial M&K, la crise pactés par la désertion des touristes
A

qui va donc profiter cette crise des en- n’a fait que mettre en lumière des dé- étrangers, Cependant, il nous faut nous
seignes américaines ? Aux e-shops de faillances existantes : « Les marques in- adapter en respectant les règles sanitai-

1 2
MARGUERITE PORRACCHIA/ADAGP, PARIS, 2020
d’écran. Les équipes de Madame Figaro
ont également su composer avec ces
contraintes. « Le confinement a compli-
qué sérieusement notre mission au sein du
magazine mais nous avons trouvé de nou-
veaux fonctionnements et n’avons pas ar-
rêté notre activité, sachant que Madame
Figaro a continué de paraître chaque se-
maine, explique Carole Matray, chef de
service de la mode. Il nous a fallu choisir
les vêtements dans les bureaux de presse
par visio, envoyer les looks aux photogra-
phes par transporteur, valider le stylisme
4 par écran, etc. Depuis le 11 mai, nous
avons repris les shootings en équipe, en
studio et extérieur dans le respect des
consignes sanitaires, qui rendent la tâche
plus difficile mais rien ne nous arrête ! »
C’est également le cas de la marque
Comme des Garçons qui, pour créer les
images de sa collection en collaboration
avec Converse, a mandaté un couple de
photographes parisiens, Romain-Eugè-
ne Campens et Anne-Claire Bousquet :
« Nous étions confinés dans notre appar-
tement et avons voulu retranscrire en
photo notre vie de tous les jours. La princi-
pale contrainte, par rapport à un shooting
classique, réside dans le fait que la lumière
naturelle remplace la lumière artificielle
d’un studio. Chez nous, par exemple, la
prise de vue devait avoir lieu tôt. En tout
cas, nous espérons que cette option du
huis clos continuera à être exploitée : nous
avons envie d’images plus spontanées,
vraies, moins contrôlées. La vie de tous les
jours peut, elle aussi, émerveiller. »
5 teurs juchés de chaque côté de la
u Etausi« lamade
crise profitait
in France » ?
Selon un sondage Harris du mois d’avril,
87 % des Français se sont fixés pour ob-
jectif de soutenir l’économie nationale
ATELIER CRK ; INSTAGRAM @ANNABOUSKYWALKER
par le choix du « made in France ». Ils
sont 76 % à l’avoir privilégié pendant le
confinement. Une vague de solidarité,
amorcée par l’engouement pour les
masques en tissu lavables fabriqués lo-
calement. « Alors que le pays était à l’ar-
rêt, les artisans sont revenus spontané-
ment confectionner nos masques,
explique Pierre-François Le Louët, pré-
sident de la Fédération du prêt-à-porter
féminin. Sur le plan moral, c’est un tra-
vail satisfaisant, qui redonne des lettres
de noblesse et du sens à leur activité…
mais moins gratifiant que la confection
d’une robe de haute couture. Cependant,
cette démarche s’est avérée vertueuse : les
res. Nous incitons les visiteurs à réserver
en ligne en choisissant leur créneau, mais
Français ont à cœur d’aller vers une
consommation responsable et de proximi-
il sera possible de prendre un billet spon- té, les industriels découvrent qu’il est
tanément à l’accueil. Le parcours des ex- possible de produire dans l’Hexagone à
positions permanentes s’avère plus com- des coûts raisonnables. Les marques
pliqué, elles ne rouvriront donc que le émergentes, qui ont toujours aimé la pro-
7 juillet. De même, mi-octobre, nous pré- duction locale permettant de réduire les
senterons « Luxes », initialement pro- coûts de transport et de limiter les quanti-
grammée fin avril 2020, une exposition de tés, ont tout à y gagner. Elles ont compris
civilisation mêlant mode et design. Cela qu’il est inutile de faire venir du bout du
n’aurait pas de sens de la démarrer dans monde et par conteneurs des vêtements
les conditions actuelles. » bon marché, puis de les stocker à grands
frais dans des entrepôts… avant de les
u Comment shooter sans voyager ?
Durant le confinement, face à l’im-
brader. Pour continuer à faire baisser les
prix, ces entreprises doivent innover,
possibilité de photographier en studio automatiser davantage et se digitaliser.
ou en extérieur, les shootings de mode Les maisons de luxe restent les premiers
se sont logiquement tournés vers le digi- clients des ateliers de nos régions. Les
tal. Vogue Italia a ainsi demandé à la différentes fédérations de l’industrie
photographe new-yorkaise Brianna Ca- textile se sont alliées pour monter la pla-
pozzi d’immortaliser Bella Hadid via Fa- teforme Savoirfaireensemble.fr, qui re-
ceTime. Jacquemus, pour sa campagne cense 1 100 entreprises et encourage les
publicitaire, a mis en scène la même Ha- partenariats entre elles. Cette entraide,
did, mais aussi le chanteur Steve Lacy et qui fait la force du « made in Italy » depuis
l’actrice Barbie Ferreira, avec le photo- toujours, assure, depuis le confinement,
graphe Pierre-Ange Carlotti à la capture l’avenir du “made in France”. »
1. Différents acteurs de la mode
militent depuis un moment
pour une adaptation du rythme
effréné des Fashion Weeks.
2. Le Musée des arts déco,
à Paris, rouvrira ses portes
le 23 juin, avec notamment
l’exposition « Le dessin sans
réserve » présentant des
croquis de maîtres tels Watteau,
Degas ou Rodin, ainsi que
des illustrations pour la joaillerie
et la haute couture.
3. Les Galeries Lafayette
Haussmann à Paris ont rouvert
le 30 mai (notre photo, le 2 juin),
après trois mois
de fermeture, et alors
que plusieurs grands magasins
américains sont au bord
de la faillite. Une situation
qui inquiète les marques
de mode dont la distribution
repose sur ce réseau.
4. Le « made in France »
pourrait sortir gagnant
de la crise. Les consommateurs
comme les industriels
plébiscitent de plus en plus
une production locale
et responsable.
5. La campagne de la
collaboration entre Converse
et Comme des Garçons a été
shootée, pendant le
confinement, par un couple de
photographes, Romain-Eugène
Campens et Anne-Claire
Bousquet, chez eux.
1,2
milliard d’euros
Montant des retombées
économiques annuelles
pour Paris
des Fashion Weeks
AUTOMOBILE
AUDI A3 SPORTBACK
DE RETOUR SUR SCÈNE
PRODUITE À DÉJÀ 5 MILLIONS D’UNITÉS DEPUIS 1996,
LA COMPACTE DE LA FIRME AUX ANNEAUX PASSE LE RELAIS
À UNE QUATRIÈME GÉNÉRATION EMPREINTE DE DYNAMISME.
SYLVAIN REISSER sreisser@lefigaro.fr
D
ès le premier regard, on
perçoit que le bureau de
style Audi a été tiraillé entre
deux écoles : faire évoluer la
version actuelle qui avouait
tout de même huit ans d’âge ou changer
de logiciel. La première voie l’a empor-
té. En se conformant aux derniers codes
de la firme aux anneaux, la quatrième
génération de la mère des compactes
premium a perdu son élégance naturelle
au profit d’un dynamisme débridé. On
verra si les automobilistes adhèrent à
cette nouvelle A3 qui passe volontiers
pour une grande A1. Outre les feux à led
et les clignotants arrière à défilement,
les boucliers largement échancrés par
des prises d’air, la calandre alvéolée hy-
pertrophiée, le museau allongé trahis-
sant une longueur augmentée de
33 mm, les flancs très travaillés et les
ailes élargies sont les traits marquants
d’une carrosserie qui fait l’impasse sur
la version 3 portes mais proposera une
silhouette tricorps.
Un examen plus approfondi montre
que pour répliquer aux dernières BMW
Série 1 et Mercedes Classe A, Audi a por-
té ses efforts sur l’aménagement inté-
rieur, le comportement routier et l’ef-
ficience. Dès l’installation à bord, on
mesure le changement d’ère aux poi-
gnées de portes en lévitation et à la nou-
velle planche de bord dont la principale
originalité repose sur des deux aéra-
casquette d’instrumentation numéri-
que et personnalisable. D’une taille de
10,1 pouces dès le niveau Business au
lieu de 8 pouces de série, l’écran tactile
biseauté et orienté vers le conducteur se
fond parfaitement dans un ensemble
épuré. Selon la même logique que dans
les autres modèles de la marque, on na-
vigue très facilement dans les différents
menus à l’aide d’un doigt.
Disponible avec
trois motorisations
Pour cette A3, la modernité, c’est aussi
l’affichage tête haute qui participe au
confort de conduite (+ 980 euros), le le-
vier de vitesses de la boîte automatique
S-Tronic reposant sur un bouton à im-
pulsion évoquant celui de la dernière
Porsche 911, la batterie d’aides à la
conduite dernier cri et le tissu des sièges
réalisé à partir de bouteilles recyclées. Si
l’élargissement de la carrosserie bénéfi-
cie à la largeur aux épaules, la longueur
aux jambes n’évolue pas. Quant au vo-
lume de chargement, il gagne 20 litres
(380 litres) et l’on peut désormais ran-
ger la plage arrière sous le plancher du
coffre. Si la nouvelle A3 fait rapidement
oublier sa devancière, tout n’est pas en-
core parfait. Il faut le savoir : la voiture
ne démarre que si l’on installe la clé
électronique dans une cavité du tunnel
central. De même, on devrait pouvoir
désactiver l’agaçante alerte de fran-
chissement de ligne à partir d’une tou-
che de raccourci au lieu d’avoir à
s’aventurer dans un sous-menu à cha-
que démarrage du moteur. Quant à la
présentation, elle est toujours de qualité
mais les plastiques utilisés, surtout dans
les parties basses, témoignent d’un sou-
ci évident d’économie.
Dès maintenant, l’A3 Sportback est
disponible avec trois motorisations,
dont le 4-cylindres 1,5 litre à injection
directe d’essence. Il est doté de la cou-
LE FIGARO mercredi 3 juin 2020
31
ROMAN RAETZKE/AUDI AG
pure de deux cylindres à allure constan-
te et d’une hybridation légère avec un
alterno-démarreur de 12 ch alimenté en
48 volts par une batterie lithium-ion.
Non content d’assister le moteur ther-
mique au démarrage, il peut prendre le
relais pendant 40 secondes à faible vi-
tesse afin d’économiser 0,4 l/100 km.
Pour le même prix (29 200 €), on peut
aussi choisir de rouler avec le diesel
2 litres de 116 ch. C’est la solution la plus
économique : le 30 TDI émet 111 g/km
de CO2, soit une consommation de
4,3 l/100 km. Les adeptes de moteurs
souples et de reprises plus alertes
s’orienteront vers la version 35 TDI de
150 ch associée d’office à la boîte à dou-
ble embrayage à 7 vitesses, aussi douce
et réactive à bonne allure qu’engourdie
au démarrage. Pour sa part, le système
Stop & Start nous a parfois réservé des
réveils brutaux. Une fois lancée, l’A3 fait
preuve d’une belle vitalité qui peut vrai-
ment être exploitée par les trains rou-
lants d’une grande efficacité. Dans ce
domaine, les progrès sont manifestes
par rapport à l’ancienne génération.
Non content de mieux filtrer, le châssis
de notre modèle d’essai, qui combinait
le train arrière multibras (de série à par-
tir de 150 ch), l’amortissement piloté
(+ 1 120 €) et la suspension sport de la fi-
nition S Line surbaissant la caisse de
25 mm, pouvait se targuer d’offrir un
parfait compromis dynamisme/confort.
Les ingénieurs ont réussi à trouver le
juste réglage pour offrir un mode Sport
qui ne martyrise pas les vertèbres. Mo-
dèle d’agrément, la direction apportait
la touche finale à cette compacte vrai-
ment enthousiasmante à conduire. ■
 NOTRE AVIS
Renouveler ce best-seller est un art
dont Audi s’est parfaitement accom-
modé. La dernière A3 réussit sa mue.
Certes, le style ne pourra pas plaire à
tout le monde mais l’interface numéri-
que est un modèle du genre et le châssis
offre le dynamisme qui manquait jus-
qu’ici à la compacte aux anneaux, au
point de faire de l’ombre à la BMW Sé-
rie 1. Cependant, si elle maintient des
tarifs élitistes, au sein du groupe VW,
l’A3 n’a plus le privilège des équipe-
ments les plus raffinés, perdant un peu
de son caractère exclusif. ■
Sous le capot
Moteur
Cylindrée 1 968 cm3
Type 4-cyl. turbo diesel
Puissance 150 ch de 3 000
à 4 200 tr/min
Couple 360 Nm de 1 700
à 2 750 tr/min
Transmission
Type Traction
Boîte Auto. 7 rapports
Dimensions/poids
L/l/h 4 343 x 1 816 x 1 425 mm
Coffre 380 litres
Poids 1 485 kg
Performances
0-100
8,4 secondes
km/h
Vitesse 224 km/h
Consommation /émissions
Mixte UE 4,5 l/100 km
CO2 119 g/km
A
Prix 34 050 €
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO
32 LE FIGARO AVEC VOUS/CULTURE
Le pianiste Abdel Rahman El Bacha,
l’an dernier, au festival de La Roque-
d’Anthéron. R. ALOUCHE/FESTIVAL
DE LA ROQUE D’ANTHÉRON
THIERRY HILLÉRITEAU £@thilleriteau
S
a voix fluette trahit un immense
soulagement. Après trois mois
de doutes, de craintes, mais
aussi d’espérance, René Martin
peut souffler. Sauf deuxième
vague de l’épidémie et contre-ordre du
préfet de la région Provence-Alpes-Côte
d’Azur, son festival de piano de La
Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhô-
ne) aura bien lieu cet été. Au milieu d’un
océan d’annulations, la manifestation
fera figure de miraculée. Qui plus est,
cette édition 2020, dont la programma-
tion et les conditions d’accueil ont été
repensées pour assurer la sécurité du
public, n’a presque rien à envier à une
édition ordinaire. Vingt et un jours com-
plets. Près de 60 concerts, 75 artistes.
Dont de nombreuses têtes d’affiche
françaises : Nicholas Angelich, Bertrand
Chamayou, les Capuçon, les Moreau, Kit
Armstrong, Lucas Debargue, Alexandre
Kantorow, François-Frédéric Guy…
Mais aussi des stars de l’étranger : Nelson
Goerner, Arcadi Volodos, Luis Fernando
Pérez, Yulianna Avdeeva… Une intégra-
le marathon des sonates de Beethoven.
Une journée Chopin avec Gaspard De-
haene et Abdel Rahman El Bacha. Une
nuit Schubert par Jean-Claude Penne-
tier. Deux spectacles de Pascal Amoyel…
SPARKS, LA JEUNESSE ÉTERNELLE
LE GROUPE FAIT DES ÉTINCELLES AVEC SON NOUVEL ALBUM ET DEUX PROJETS DE CINÉMA.
PROPOS RECUEILLIS PAR
OLIVIER NUC £@oliviernuc
Constitué des frères Mael (Ron et Russell)
depuis le début des années 1970, le duo
Sparks revient avec un album pétaradant,
A Steady Drip, Drip, Drip, et plusieurs pro-
jets de films.
LE FIGARO. - Votre nouveau disque
fait du bien en cette période sombre !…
Ron MAEL. - Le seul avantage de cette pé-
riode atroce est que tout ce qu’on peut en-
treprendre sur le plan créatif a encore plus
d’impact que d’ordinaire. Voilà pourquoi
nous n’avons pas voulu retarder la mise à
disposition de l’album. Nous ne compo-
sons pas de musique pour remonter le mo-
ral des foules mais si elle aide les gens, nous
en sommes très heureux.
Quel était votre état d’esprit
en écrivant ces chansons ?
Ron MAEL. - Nous étions motivés pour re-
venir à des formats de chansons de trois ou
quatre minutes. Nous n’avions pas de
concept particulier mais nous avons été
inspirés par les réactions à notre album
Hippopotamus, qui semble avoir eu plus
d’impact que nos autres albums. Nous es-
pérons avoir été cohérents sur le plan mu-
sical et en ce qui concerne l’écriture aussi.
Hippopotamus a permis à un nouveau
public de vous découvrir.
Russell MAEL. - C’est assez inhabituel pour
A
un groupe qui a enregistré vingt-trois al-
bums d’attirer un jeune public. Il nous plaît
SOLIDE COMME LA ROQUE…
• EXCLUSIF • RARE RESCAPÉ
DE L’ÉTÉ, LE FESTIVAL
INTERNATIONAL DE PIANO
DE LA ROQUE-D’ANTHÉRON
PROPOSE, DU 1ER AU 21 AOÛT,
UN PROGRAMME FLAMBOYANT.
de penser que c’est parce que notre musi-
que a sa place dans le monde d’aujour-
d’hui. Il est très satisfaisant de toucher un
public qui ne connaît pas notre passé.
Comment évitez-vous de vous répéter ?
Ron MAEL. - Nous faisons notre possible
pour cela mais nous avons une sensibilité
qui imprègne tout ce que nous faisons. Les
groupes ou les réalisateurs que nous res-
pectons le plus ont une vision qui traverse
tout leur travail.
Russell MAEL. - Nous avons envie de son-
ner moderne sans nous appuyer sur les cli-
chés datés de l’époque. Tout ce que nous
avons fait est assez hors du temps.
Vous avez connu le succès dans plusieurs
pays, mais à des périodes différentes…
Russell MAEL. - Oui, c’est curieux. Hippo-
potamus est entré dans le top 10 au Royau-
me-Uni. Dans les années 1980, nous avons
connu le succès aux États-Unis auprès
d’un public jeune. Dans les années 1990,
l’Allemagne nous a acclamés, et la France à
différentes époques, notamment grâce au
duo Singin in the Shower, avec les Rita
Mitsouko. Notre carrière ne connaît pas
une trajectoire classique.
Où en est votre projet de documentaire
sur le parcours des Sparks ?
Russell MAEL. - Le réalisateur britanni-
que Edgar Wright est en train de le finali-
ser. Il travaille dessus depuis deux ans. Sa
sensibilité nous a encouragés à lui dire
oui. Si nous avons longtemps rechigné à
travailler sur un documentaire, c’est par-
ce que nous n’étions pas convaincus par
Ce miracle d’une programmation
luxuriante, que l’on n’attendait pas - ou
plus - dans le désert de cet été post-con-
finement, René Martin le doit d’abord à
lui-même. Là où la plupart ont préféré je-
ter l’éponge face au flou entretenu par le
gouvernement, le directeur artistique a
tenu bon. « Dès le début du confinement,
j’ai défendu l’idée qu’on devait maintenir.
Étant en plein air, je savais qu’on aurait
une chance, explique-t-il. Et le président
du festival, Jean-Pierre Onoratini, m’a
suivi. » Commence alors, dès les 17 mars,
un véritable travail de recomposition.
Les artistes en voiture
Sans faire de bruit (pour s’épargner la
pression médiatique et éviter ceux qui
l’« auraient traité de fou »), René Martin
s’attelle à rebâtir sa programmation. En-
voie un courrier à tous ses artistes français
ou étrangers vivant en France, leur expli-
quant qu’il compte maintenir un festival.
Que ce ne sera pas une édition ordinaire.
Qu’il faudra recalculer les cachets en fonc-
tion de la jauge. Les réactions ne se font pas
attendre. « La plupart étaient bouleversés et
m’ont dit que pour eux c’était miraculeux. »
nos collaborateurs potentiels. Edgar est
très enthousiaste, il pense que plus de
gens devraient connaître les Sparks. Il
trouve notre travail actuel aussi intéres-
sant que notre passé. Il a eu accès à énor-
mément de documents d’archives, il
nous a suivis en tournée mondiale et il a
parlé avec 90 intervenants au total.
Vous avez aussi entamé une collaboration
avec Leos Carax.
Ron MAEL. - Sur un film qui est terminé
à 95 %. Nous avons eu la chance que le
tournage soit achevé avant la crise du
coronavirus. C’est un tel plaisir pour
nous ! Nous avons toujours été des
amoureux de cinéma et de grands admi-
rateurs du travail de Leos. Nous avons
toujours rêvé de composer pour le ciné-
ma. C’est incroyable.
Russell MAEL. - Il s’agit de son premier
film en anglais. C’est une comédie musica-
le dont les dialogues sont chantés. Il béné-
ficie d’une distribution internationale,
avec Marion Cotillard et Adam Driver.
Adam est très impressionnant dans le film.
Quand il a accepté de participer, nous
étions enchantés.
Ron MAEL. - Il y a toujours eu beau-
coup de séquences musicales dans les
films de Carax, toutes très réussies.
Avoir un film entier constitué de cela,
c’est fantastique.
Russell MAEL. - Tout le monde espérait le
présenter à Cannes cette année. Aujour-
d’hui, on parle d’un lancement dans un
festival de cinéma après l’été même si on
n’a aucune idée précise. Le tournage a eu
lieu en Belgique, en Allemagne et aux
Pour mettre toutes les chances de
son côté, il laisse tomber l’idée des or-
chestres, optant pour des transcriptions
des concertos de Beethoven pour piano
et quintette à cordes, par exemple. « Je
savais que je ne pourrais pas faire venir
les grands pianistes russes habitués du
festival. Je me suis concentré sur l’école
française du piano. C’est l’occasion ou
jamais de souligner son extraordinaire
vitalité. Sans m’interdire d’inviter des
pianistes étrangers, dans la mesure où
ces derniers venaient en voiture, car je ne
voulais pas risquer de dépendre des
trains ou des avions. » Goerner viendra
de Suisse, Pérez de Madrid, Avdeeva de
Munich… Tous ont accepté.
Surtout, il a fallu repenser les condi-
tions d’accueil dans les moindres détails.
« On respectera toutes les recommanda-
tions sanitaires », assure-t-il. Les espaces
de concert, dans le Parc Florans, ont été
redessinés. Trois parkings au lieu d’un et
plus de points d’entrée et de sortie. Les
gradins face à la pièce d’eau n’accueille-
ront que 600 spectateurs (sur une capaci-
té de 2 000), afin de garder deux sièges
d’espacement entre chaque personne. Au
lieu de l’abbaye de Silvacane, un nouvel
espace de plein air a été aménagé au bout
d’une allée de platanes, l’Espace Florans,
« avec des vues magnifiques », pour ac-
cueillir 150 spectateurs : c’est là que se
produiront les plus jeunes pianistes.
Russell et Ron Mael forment
le duo Sparks depuis le début
des années 1970. ANNA WEBBER
Les horaires ont aussi été pensés pour
éviter que le public des différents
concerts se croise, et donnent le temps
aux équipes (dont 200 bénévoles, soit 50
de plus que d’ordinaire) de nettoyer le
site à fond. Un premier concert à 10 heu-
res (qui verra aussi des têtes d’affiche
comme le Trio Wanderer, Beatrice Rana
ou les Moreau), les récitals de l’Espace
Florans à 16 heures, puis le grand concert
de 21 heures. Le temps du concert a, lui
aussi, été étudié dans le moindre détail.
« Il n’y aura aucun entracte. Nous ferons
juste une pause de 7 à 8 minutes, où les
gens seront invités à rester à leur place.
Nous pensons distribuer une box avec une
bouteille d’eau et de quoi grignoter. »
Après avoir ravi la mairie de la
Roque-d’Anthéron (et les commerçants
et gîtes alentour), le département et la
région, René Martin espère que le sau-
vetage du festival de La Roque-d’An-
théron 2020 enverra un signal fort au
public et au monde musical. Et donnera
l’envie à des confrères de se relancer.
D’ici-là, il réfléchit déjà aux modalités
de maintien de la Folle Journée 2021,
ainsi que du festival Via Aeterna au
Mont-Saint-Michel, à la rentrée, dont il
est aussi le directeur artistique. ■
Festival international de piano de La Roque-
d’Anthéron (13), du 1er au 21 août.
Programme complet à retrouver dès demain
sur www.festival-piano.com
États-Unis l’an passé. Nous sommes tous
impatients que le film sorte.
Faites-vous une apparition dans le film ?
Ron MAEL. - Leos nous a convaincus de le
faire et nous ne le regrettons pas.
Vous deviez aussi partir en tournée…
Russell MAEL. - Oui, nous avons une
tournée programmée en octobre avec un
arrêt parisien au Casino de Paris. Mais
nous ne savons pas si les concerts auront
repris à cette date. Alors nous attendons
les consignes officielles. Dès qu’il sera
prudent d’être rassemblés, nous serons
là. Nous n’avons pas joué à Paris depuis
longtemps. ■
A Steady Drip, Drip, Drip (BMG).
En concert le 20 octobre au Casino
de Paris (9e), sous réserve.
 LE FIGARO mercredi 3 juin 2020

LE FIGARO AVEC VOUS/CULTURE 33

UN FILM, UNE RÉGION : ZOOM

LA CÔTE D’AZUR UN HOMME
À LA COLLE
« BRICE DE NICE »
Yann Dedet a passé cinquante ans
en salle de montage.
Il a commencé avec Truffaut
(des Deux Anglaises à L’Argent
de poche) et a retenu le mot
EN 2005, JEAN DUJARDIN CRÈVE organise dans sa villa des fêtes qu’il
baptise des « yellows » pour concur-
d’ordre de la Nouvelle Vague :
« Tourner contre le scénario,
L’ÉCRAN AVEC CE FILM rencer les nuits blanches de Saint-Tro-
pez. La jeunesse niçoise et dorée s’y
monter contre le tournage. »
« Ces deux “contre” signifient
DE JAMES HUTH QUI RESTERA bouscule. Les filles se tortillent en mini- “dépasser, sublimer” : c’est par
CULTE. DEPUIS, IL ATTEND jupe. Autour de la piscine, le grand jeu
consiste à défier son adversaire à coups
ce travail que le rêve du film
redevient accessible », explique
TOUJOURS LA VAGUE. de répliques cinglantes. En cas de vic-
toire, il s’agit de crier « cassé ! » et d’ef-
Dedet dans Le Spectateur zéro,
livre d’entretien passionnant.
fectuer un geste transversal du bras de- Il raconte à Julien Suaudeau

THE KOBAL COLLECTION/AURIMAGES

vant le torse. Cette méthode envahit à sa collaboration, parfois
ÉRIC NEUHOFF eneuhoff@lefigaro.fr l’époque les cours de récréation. La ré- houleuse, avec les réalisateurs

I
l attend la deuxième vague. La
première, il l’a rêvée. Le moyen de
faire autrement ? Ce dadais de
Brice habite sur la Côte d’Azur.
Chez lui, tout est jaune, ses tennis,
son tee-shirt, ses cheveux, sa planche -
sauf son rire. Il est franc, direct, bon
enfant. Ce fils d’un mafieux local regar-
de le DVD de Point Break en boucle, se
prend pour Patrick Swayze. Chaque
jour, il se rend sur la plage des Bains
militaires pour attendre le fameux rou-
leau qui l’emportera au sommet. Il pié-
tine pour rien sur les galets. Le soir, il
plique devint culte. Les parents s’y mi-
rent à leur tour. Avec sa coiffure à la
Polnareff version années 1960, Dujar-
din fut le héros d’une France qui n’avait
peut-être pas autant ri depuis les Laut-
ner d’anthologie.
À la limite de la poésie
Brice est un bon à rien. Brice est un my-
thomane. Brice (prononcer « Braïsse »,
à l’anglaise) essaie de braquer une ban-
que pour imiter les personnages de son
film préféré. Il s’affuble d’un masque de
Chirac et danse au son de Gimme the
Night, dont le refrain est transformé en
« Donne-moi du cash ». Il trouve du tra-
vail dans un restaurant, discute avec
une langouste, singe un client qui a un
bec-de-lièvre, remplit les cuisines de
mousse. Son père est arrêté par la poli-
ce. Le fiston dévale les ruelles de la
vieille ville à moto, rencontre un éner-
gumène qui s’appelle Marius de Fréjus,
Stévenin, Garrel, Poirier, Kahn
et, bien sûr, Pialat, de Loulou
à Van Gogh. « Nous faisons
confiance à chaque plan le plus
longtemps possible », se souvient
Jean Dujardin le monteur. « J’aimerais que
dans Brice de Nice ce soit un boulevard, dit Maurice,
(2005) de James Huth. comme si ni le film ni les séquences
ne pouvaient avoir de fin. »
Il revient aussi sur son travail,
craint pas de jouer les parfaits abrutis. Il sur les scènes de groupe
plonge dans son rôle avec une jubilation de Polisse, de Maïwenn,
qui finit par être communicative. « deuxième main pour abattre
James Huth fournit des images qui les kilomètres de rushes,
n’ont pas l’air de sortir d’une sitcom d’autant que tout a été filmé
pour chaîne régionale. Brice, avec sa à trois caméras ». Avec
« vraie dent de requin blanc faite en rési- les réalisatrices, l’histoire finit
ne » autour du cou, couche avec une si- mal en général. Nicole Garcia

QUAND LE CINÉMA VOUE

décide de partir pour les Landes dispu- rène incarnée par Alexandra Lamy l’éjecte du Fils préféré. Avec
ter une compétition de surf. On quitte (chez ces mammifères marins, c’est le un franc-parler rare, Yann Dedet
la Riviera pour l’océan. mâle qui tombe enceinte, comme dans nous fait entrer dans l’intimité

UN CULTE À LA JEUNESSE
Les scénaristes ne sont pas avares :
deux dépaysements pour le prix d’un.
Sur le sable, Igor d’Hossegor roule des
mécaniques sur son quad qui ne redé-
marre pas. Loïc du Croisic défie ses ri-
« PERRO BOMBA », « LES MISÉRABLES » ET « MES JOURS vaux. Élodie Bouchez s’habille façon
DE GLOIRE » SONT À VOIR OU À REVOIR EN VOD OU EN DVD. cow-boy. Brice trempe un pied dans
l’eau, redoute l’épreuve finale, louche
sur les filles en deux-pièces moulant.
nard, Alexis Manenti et Djebril Didier Jean Dujardin avait inventé quelque
NATHALIE SIMON nsimon@lefigaro.fr Zonga), le court met en scène les mê- chose, créé une figure attachante,
ET ÉTIENNE SORIN esorin@lefigaro.fr
mes personnages (les flics, le gamin qui bouffonne, à la limite de la poésie, d’un
filme avec le drone, le maire, la Pince) romantisme chaste et méditerranéen,
un film de Demy), continue à croire à du montage, qu’il compare
sa vocation de champion. Il y a aussi un à une chambre, « non pas
éloge de l’amitié grâce à un Clovis Cor- chambre des amants mais celle
nillac frisé à la Jimi Hendrix et qui pos- d’un couple dont le but n’est pas
sède des pieds comme de gros orteils de vivre ensemble mais
(« Comment tu fais pour mettre des d’enfanter… Et d’accoucher d’un
tongs ? » l’interroge aussitôt Brice en
toute innocence). Tout cela appartient
enfant qui ne soit pas un monstre,
ou alors à nul autre pareil ».
désormais à l’histoire de la comédie L’artisan de la collure n’a qu’un
populaire. Rire sans rougir, il n’y a pas regret, ne pas avoir monté un
de honte à ça. L’erreur fut de tourner film de Bergman. ÉTIENNE SORIN
une suite en 2016. Elle était navrante. « Le Spectateur zéro. Conversation
Elle se passait à Hawaï. Aïe, aïe, aïe. sur le montage », de Yann Dedet,

u«enPerro Bomba », disponible

e-cinéma depuis le 1 juiner
autour d’une même bavure. Mais Ladj
Ly réussit son passage du court au long
se nourrissant de chimères. L’acteur ne Cassé ! ■ P.O.L, 352 p., 22 €.

« Ce pays est foutu », déplore un chef en donnant de la chair à ce panier de

de chantier (Alfredo Castro, acteur
fétiche de Pablo Larrain) en parlant du
Chili qui exploite des Haïtiens à la
recherche d’un travail et d’une situa-
tion légale. Steevens (Steevens Benja-
min) est l’un d’eux. Il se démène pour
trouver un emploi à Junior (Junior
Valcin), son ami d’enfance, qui vient
de débarquer dans le pays. Mais le
jeune ouvrier voit sa situation se dé-
grader suite à des altercations de plus
en plus violentes avec son patron
xénophobe. Né à Santiago en 1990, ob-
servateur sans concession de la réalité
politique et économique, Juan Caceres
est l’auteur d’un premier film, Perro
Bomba, qui a valeur de témoignage.
Après deux courts-métrages à la fois
désireux de distraire et de susciter la
réflexion, le réalisateur dépeint un
quotidien familier propice au débat sur
les migrants. Son antihéros malmené
et par les Chiliens et par sa propre
communauté tombe dans la margina-
lité. Caméra en mouvements ou plans-
séquences, Juan Caceres ponctue l’his-
toire de Benjamin de saynètes
musicales. Autant de respirations qui
allègent le propos, car l’alliance d’ac-
teurs débutants et confirmés renforce
l’impression d’être parfois devant un
documentaire.
crabes. Policiers et habitants gagnent
en épaisseur et en nuances jusqu’à la
scène finale, violente et spectaculaire.
Dans un entretien, le jeune réalisateur
revient sur cette scène, qu’il a lui-mê-
me vécue. Il raconte aussi la scène
d’ouverture, filmée à l’arrache avec les
gamins des Bosquets débarquant à
Paris pour fêter sur les Champs-Ély-
sées la victoire de l’équipe de France au
Mondial 2018. La liesse est de courte
durée. Pour ces gavroches, le retour à
la normale signifie le confinement
dans leur cité.
u«enMes jours de gloire »,
VOD le 4 juin
Adrien, 27 ans, acteur (Vincent Lacos-
te), a connu adolescent un début de
gloire avec un film, mais n’a pas en-
chaîné les succès. Désœuvré, au chô-
mage, il retourne vivre chez ses pa-
rents. Dans son premier long-
métrage, Mes jours de gloire, Antoine
de Bary brosse avec son coauteur Elias
Belkeddar le portrait d’un perdant
magnifique mal à l’aise dans son épo-
que, entre le Tanguy d’Étienne Chati-
liez (2001) et Peter Pan en baskets. Dé-
calé, face à une réalité trop lourde pour
ses frêles épaules, Adrien ne parvient
ni ne cherche à être indépendant. Fils
d’une psy (Emmanuelle Devos) dont la

u«enLes Misérables »,
DVD et Blu-ray le 3 juin
Sans le Festival de Cannes, l’histoire
des Misérables n’aurait pas été aussi
belle. L’an dernier, Ladj Ly était en lice
pour la palme d’or et repartait avec le
prix du jury grâce à son premier long-
métrage, l’histoire d’une bavure poli-
cière dans une banlieue parisienne - la
cité des Bosquets, à Montfermeil, en
Seine-Saint-Denis, où le réalisateur a
grandi et vit toujours. Avant de triom-
pher en salle (plus de 2 millions d’en-
trées) et de remporter le César du
meilleur film. Dans l’un des bonus du
DVD, on suit l’équipe du film sur la
Croisette. Derrière les starlettes
diaphanes, les misérables en smoking
mettent une touche de noir sur le tapis
rouge. Plus intéressant que ce clip hip-
hop promotionnel (C’est que du bon-
heur, Merci Ladj), le DVD permet de
découvrir le court-métrage avant le
long. Tourné avec le même trio d’ac-
vie avec un mari fragile (Christophe
Lambert) n’est pas un long fleuve tran-
quille, il ne prend rien au sérieux. Tout
d’ailleurs semble aléatoire dans son
quotidien. Du rôle du général de Gaulle
jeune qu’il finit par décrocher à ses
amours naissantes avec une jeune fille
(Noée Abita repérée dans Ava, de Léa
Mysius, en 2017), en passant par ses
capacités sexuelles. Trop de noncha-
lance nuit à la prise de décision. Pres-
que mélancolique, Antoine de Bary fil-
me l’itinéraire d’un enfant gâté avec
tendresse. Au diapason, la mise en scè-
ne épouse les contours d’une person-
nalité qui a du mal à s’affirmer. Moue
indécise, regard impavide, dégaine ju-
vénile, Vincent Lacoste, 26 ans, s’épa-
nouit une nouvelle fois dans un rôle sur
mesure. Dans les prochains mois, l’ac-
teur caméléon sera un « sextaper »
dans Effacer l’historique, de Benoît De-
lépine et Gustave Kervern, et Comédie
humaine, de Xavier Giannoli, adapté
A

teurs dans le rôle des policiers de la des Illusions perdues de Balzac, où il re-
Brigade anticriminalité (Damien Bon- trouvera Gérard Depardieu. ■
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

34 LE FIGARO AVEC VOUS/TÉLÉVISION

BIEN VU
Anthony Palou BLANCHE GARDIN
VOIT LA VIE EN NOIR
apalou@lefigaro.fr

La France
réanimée EN ATTENDANT DE LA RETROUVER AU CINÉMA, CANAL+ CONSACRE
SA SOIRÉE À L’HUMORISTE. AVEC SON DERNIER SPECTACLE,
« Infos » ET LE PREMIER, REDESSINÉ ET ANIMÉ PAR L’ARTISTE FABCARO.
BFMTV | Dès 0 h 01 | Mardi

C’ était le jour J.
Dès minuit, les cafés NATHALIE SIMON nsimon@lefigaro.fr
en pièce radiophonique. La patte de l’hu-
moriste dirigée par Alain Degois est déjà

L
remontaient leur rideau
de fer. Sur les terrasses, on fêtait
ça. Les fûts tiraient leur bière,
les mojitos valsaient sur
les plateaux des serveurs alertes.
Le ciel était clair, ajoutant
à la joie une pluie d’étoiles.
Et Paris ouvrait enfin ses bras
engourdis, Paris applaudissait.
Ses trottoirs à l’abandon étaient
soudainement à prendre ;
les gens battaient la semelle,
couraient les rues. Paris crevait,
le cœur de la ville ne battait plus.
Paris confiné, Paris fatigué
mais Paris réanimé ! Paris à
marée haute ! Les chaînes infos
firent leurs choux gras
de ce « déconfinement phase 2 ».
« Journée spéciale », préviennent-
elles. Les chaînes infos sont une
salle de bal. Elles jouent de la valse
à côté d’un mort, elles dansent
le French cancan lorsqu’il renaît.
Un sympathique présentateur
sur BFMTV résume la situation
de la France qui se détend :
« Bars, cafés, restaurants, plages,
es fans de Blanche Gardin se
rueront sur cette « soirée évé-
nement » consacrée à l’humo-
riste qui refuse toutes les inter-
views depuis trois ans. D’autant
qu’en raison du Covid-19, Effacer l’histo-
rique, le film de Kervern et Delépine où
elle tient l’un des rôles principaux avec
Corinne Masiero et Denis Podalydès
(Ours d’argent spécial à Berlin) ne sortira
qu’en décembre.
Pour patienter, Canal+ diffuse deux
spectacles sur les trois que la comédienne
a joués, dont le dernier, Bonne nuit Blan-
che - une phrase que prononçait sa mère
avant de se coucher -, auréolé d’un se-
cond Molière de l’humour. Sujet princi-
pal de cette captation réalisée par Xavier
Maingon et Marc-Antoine Helard au
Théâtre Fémina à Bordeaux : le sexe, sur-
tout féminin, dans tous ses états. Un sujet
qu’elle aborde depuis Il faut que je vous
parle, son premier seule-en-scène, don-
né sur la péniche de la Nouvelle Seine à
Paris en 2014, que l’on redécouvre ici
dans une version inédite
imaginée par l’auteur de
unique.
Droite comme un I, mains autour du
micro, celle qui n’est pas encore une star
vide son sac, sans filtre, ni tabou, crue,
familière. Aborde la solitude, la sexualité,
donc, dont un morceau de bravoure sur
l’intérêt de la masturbation, la maternité,
la maladie ou la mort : « On sait tous qu’on
va mourir, mais personne ne le croit pour
lui, on a tous une petite voix en nous qui
nous dit : “Non, mais toi, c’est bon.” » Le
bilan est pourtant sans espoir. À « 38 ans,
célibataire, toujours pas d’enfants. Des
ovaires qui doivent ressembler à François
Hollande » et des « hémorroïdes chroni-
ques », Blanche Gardin voit la vie en noir.
Elle ne se fixe aucune limite face à des
spectateurs faussement outrés.
Vagues agitées par les rires
Épuré, le trait de Fabcaro est noir, juste-
ment, sur fond blanc. Il croque son mo-
dèle dans toutes les positions - souvent
statiques -, de près, de loin, en coulisses,
dans la salle, comme s’il s’était placé der-
rière des caméras. Il reproduit son regard
malicieux, sa petite robe
sage, ses talons hauts et che des téléspectateurs, n’atténue en rien Blanche Gardin sur la scène

piscines, collèges, lycées, musées,
transports… On va vous expliquer
tout ce qui change et comment nos
équipes se sont mobilisées partout
en France ! » Leurs reporters
masqués sont sur le terrain,
interrogent des restaurateurs
qui soufflent un peu et des clients
qui « retrouvent leur repère ».
On titre : « Retour à la vie
normale ? », « Restaurants,
le premier coup de feu ? ». La bonne
bande dessinée Fabcaro
(à 22 h 45). Ce dernier l’a
« illustré » pour en faire ○○○○
un « premier stand-up
animé ». Une curiosité visuelle pleine
d’inventivité où se marient avec maes-
tria deux univers singuliers. Blanche
Gardin avait déjà collaboré avec Fabcaro
en transposant son album Zaï zaï zaï zaï
21.05
les rares mouvements de
ses bras. Soucieux du
moindre détail, complice
et imprégné du ton
« gardien », l’artiste esquisse également
le rideau et le public qu’il représente
comme des vagues sombres agitées par
les rires. Au lieu d’instaurer une distance
avec Blanche Gardin, le dessin la rappro-
l’impact de ses diatribes. du Théâtre Fémina à Bordeaux
Lors des premières représentations, en 2018.
comme pour Gaspard Proust, des per- WHITE SPIRIT PRODUCTION/CANAL+
sonnes sortaient avant la fin du spectacle
(il était interdit aux moins de 16 ans). Les
afficionados, eux, reviennent et atten-
dent un rappel qui n’arrive jamais. Une
autre marque de fabrique de Blanche
Gardin. ■

CHENONCEAU, LE CHARME À L’ÉTAT PUR

humeur est au rendez-vous.
Une journaliste toute excitée
est au cap Ferret : « Ici, les cuisines
s’affairent, voici le propriétaire
de L’Escale qui nous y emmène. »
Il dit : « Cela fait deux mois et demi RETOUR SUR L’HISTOIRE ARCHITECTURALE DU CHÂTEAU QUI VIENT DE ROUVRIR SES PORTES AU PUBLIC.
que nous étions à l’arrêt.
Là maintenant on repart pour les lieux, que l’histoire du château que caisses de l’État avec les leurs. Après sa
BLAISE DE CHABALIER £@dechab
la première journée. On est très nous connaissons aujourd’hui com- mort en 1524, son fils est contraint de

C
inquiet car on ne sait pas si nous
allons avoir du monde et puis avec omment ce qui était à l’origi-
ce qui nous a été imposé, on perd ne une simple forteresse mé-
30 %. Nous avons réduit la carte… » diévale s’est-elle transformée
À Paris, ce retraité sort en l’un des plus beaux joyaux
de son cafard. Petit noir à la main, du Val de Loire ? Alors que le
il déclare : « C’est la vie qui château de Chenonceau vient de rouvrir
repart ! » Y’a d’la joie. ses portes au public le week-end der-
nier, le documentaire de Grégory Balga
et Thierry Fessard, diffusé ce soir sur
mence. Aves son épouse, Katherine Bri-
çonnet, qui supervise les travaux, il dé-
cide de raser la bâtisse du Moyen Âge
située au bord de l’eau et de construire,
carrément sur le Cher, ce qu’on appelle
toujours le logis Bohier.
Rivalités royales
Résolument moderne, c’est un carré
presque parfait. Encadré par quatre tou-
vendre le palais à François Ier. En 1547, le
fils de ce dernier, Henri II, offre le château
de Chenonceau à sa maîtresse Diane de
Poitiers.
Celle-ci jette sur le Cher un élégant
pont posé sur cinq arches et crée de
somptueux jardins. Mais en 1559,
Henri II meurt et la favorite tombe en
disgrâce. La veuve du roi, Catherine de
Médicis, évince sa rivale en récupérant

+ @ SUR LE WEB RMC Découverte, revient avec brio sur

» Mort de George Floyd : une équipe
de TF1 cible d’un tir de la police
et arrêtée à Minneapolis
» RMC met fin à l’émission
de Philippe Lellouche
tvmag.lefigaro.fr
En Indre-et-Loire, le château de
Chenonceau, incontestablement l’un des
plus beaux joyaux du Val de Loire.
KATED - STOCK.ADOBE.COM
Mercredi 3 juin
l’histoire architecturale du palais
construit sur le Cher. Une demeure pla-
relles, il n’a pas de cour intérieure et ses
façades, percées de nombreuses fenêtres,
laissent généreusement passer la lumière
pour elle-même Chenonceau. Bien dé-
cidée à faire de son palais une demeure
royale capable d’accueillir la Cour, elle
cée sous le signe des femmes, marquée à dans les pièces. Mais installe sur le pont la fa-
jamais par l’empreinte de Diane de Poi- Thomas Bohier fait partie meuse galerie à double
tiers et Catherine de Médicis.
C’est en 1513, quand Thomas Bohier,
un financier récemment anobli, achète
de ces financiers qui font
l’objet d’une enquête
pour avoir confondu les ○○○○
21.05 niveau qui fait le char-
me indéfinissable de
Chenonceau. ■

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé MOTS À CASER SUDOKU

1 2 3 4 5 6 7 8 Placez les mots de chaque liste dans chacune des grilles correspondantes. En partant des chiffres déjà placés, remplissez les
PROBLÈME N° 5369 grilles de manière à ce que chaque ligne, chaque
HORIZONTALEMENT 1 2 LETTRES CET ÉMEU SOCLE INERTIE colonne et chaque carré de 3 x 3 contienne une
1. Pour lui, la vie est un songe. - 2. Permanence de nuit. AÏ COR OEIL YOUPI NAUTILE seule et unique fois tous les chiffres de 1 à 9.
- 3. Fins de moi difficiles. - 4. Font montre de moins 2 ET MIL OINT TORTURÉ
GA PAL ORAL 6 LETTRES
d’exubérance. - 5. Geste désintéressé. Commune 1 9 5 8
FACILE

3 IB PAT ORÉE CAVEAU 8 LETTRES

comme Laval et Noyon. - 6. Supprimer des fluctuations RC TER CLERGÉ CERFEUIL
indésirables. - 7. Terre jaune. Elle n’est pas à un siècle TÉ 5 LETTRES EMPESÉ OLIBRIUS 3 2 7 6 8
4
près. - 8. Conséquences fâcheuses de rapports. L’un
chasse l’autre. - 9. Soutien du chef. Cours supérieur
4 LETTRES APÉRO
AVENU
GRILLE
PASCAL
RÉTICULE 3 7 4 2
3 LETTRES ACUL
de l’Oubangui. - 10. Lames en penne. - 11. Une Castro 5 AIR BÉER CIBLE RECUIT 9 LETTRES 5 3 6
qui inspira un Guevara. Prise en passant. - 12. Leurs
sirènes hurlaient sur le Mississippi. 6
BIT
BOP
CLEF
CÔTE
OTAGE
RELIÉ 7 LETTRES
ALÉATOIRE
TOPONYMIE
1 2 3 7 9
7
CAL ÉLUE SALLE ARTISTE 8 1 2
GRILLE 3284

VERTICALEMENT
1. Depuis sa Maison Blanche, il a vu passer Humphrey
1 9 5 6
8 7 1 5 3 9
Bogart puis tout aussi nocturnement les Marx Brothers.
- 2. Tendais à détendre. Enduit de chrême. - 3. À la
douzaine chez Marie de France. Feinte. - 4. Bombes
9 94 8 2
belges. Développe des lanceurs. - 5. Élevée avec 10
sérieux. Cela. - 6. Père du droit maritime français. 45
DIFFICILE

Fortement chargé en essence. - 7. Pleines d’assurance. 11

Fume à longueur de temps. - 8. A supprimé les amis 9 2
d’Al. Phases originelles. 12 1 9 6
7 4 3
SOLUTION DU PROBLÈME N° 5368 2 4 5 7
HORIZONTALEMENT 1. Aérateur. - 2. Clémente. - 3. Cédilles. - 4. Ocrée. Rt. - 5. Utes. Hué. - 6. CRS. 5 8 6
GRILLE 3285

Pèse. - 7. Hostos. - 8. Éleusis. - 9. Myes. Tac. - 10. Ès. Saale. - 11. Néronien. - 12. Terrasse.
9 7 5
VERTICALEMENT 1. Accouchement. - 2. Électrolysée. - 3. Redressée. Rr. - 4. Amies. Tussor. - 5. Télé.
1 5
A

POS. Ana. - 6. Enl. Hésitais. - 7. Utérus. Salés. - 8. Restées. Cène.

83
 LE FIGARO mercredi 3er juin 2020

Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag LE FIGARO AVEC VOUS/TÉLÉVISION/MÉTÉO 35
À LA DEMANDE ÉPHÉMÉRIDE St-Kévin
Soleil : Lever 05h49 - Coucher 21h48 - Lune croissante

21.05 21.05 21.05 MATIN

The Resident Peur sur la base Faut pas rêver L’Auberge 12
Série. Dramatique Film TV. Policier Magazine espagnole 20
14
13 14 15
11 17
16 15
13
12 16 15
14
15
14 16 15
16
EU. 2018. Saison 2. Avec Manish Fra. 2017. Réal. : Laurence Katrian. Prés. : Philippe Gougler. 1h55. Voyage Film franco-espagnol réalisé
Dayal. 2 épisodes. Inédit. 1h30. Avec Audrey Fleurot. en Périgord. Pour découvrir les en 2002 par Cédric Klapisch, 10 15
Nic et Conrad repensent à leur Une femme, adjudant-chef richesses du Périgord, ses châteaux, « L’Auberge espagnole » est 16
16
histoire alors qu’ils soignent une de la gendarmerie maritime, sa nature généreuse et sa gastrono- une comédie réjouissante et 16
jeune femme qui a bénéficié il y a est chargée de mener l’enquête mie, Philippe Gougler effectue un joyeuse sur l’identité européenne. 17 16
peu de temps d’une greffe de foie. sur l’assassinat d’un membre très beau voyage qui commence dans Xavier, 25 ans, rêve de devenir 15 17
Son état empire. de l’unité des fusiliers marins. le ciel, se poursuit sur l’eau et se ter- écrivain mais son destin l’envoie 17
mine dans les entrailles de la terre. à Barcelone achever ses études 18 16
22.45 Night Shift. Série. 3 épisodes. 22.40 Dans les yeux d’Olivier. 18 17
de sciences économiques dans le
01.05 Dr House. Série. 2 épisodes. Adoption : une aventure à risques. 23.07 Enquêtes de régions. Magazine.
cadre d’un programme Erasmus. 17 30
Pour cela, Xavier quitte sa petite
amie, Martine, et débarque en 16
Espagne où il fait la connaissance APRÈS-MIDI
d’un couple de jeunes Français.
21.05 20.50 21.05 Il va finalement emménager dans
20
21
Bonne nuit Blanche L’enfer Top Chef un appartement avec six coloca-
22
Spectacle Film. Drame Jeu taires venus de toute l’Europe :
Wendy, Alessandro, Soledad, 22 23 25
19 24
Lars, Tobias et Isabelle. Le film
25 26
rencontre un succès commercial 18
et popularise le dispositif Erasmus 21 23 25
24
en France et en Europe. 24
24 24 25
23

L’ACTUALITÉ EN DIRECT ET EN VIDÉO

1h35. Dans un monologue grinçant Fra. 1994. 1h37. Avec Marc Lavoine. 1h45. Episode 16 : demi-finale. Inédit. 24 25
et désopilant, Blanche Gardin se Un homme à qui tout réussit épouse Les trois demi-finalistes s’affrontent. Un live dès 20 23 24
livre à des confessions, celles d’une la femme qu’il aime, une beauté Chaque candidat imagine sa propre que l’actualité l’exige 25 25
quadra désenchantée obsédée incarnant la joie de vivre. Mais, épreuve et l’impose à ses adversaires. 11 h Un expert vous répond 26 21
par le sexe et les rapports humains. dévoré par la jalousie, il sombre Les deux premières épreuves sont 24
12 h La recette
dans la folie. jugées par le célèbre Philippe Conticini d’un cuisinier déconfiné 21 25
22.42 Il faut que je vous parle.
et par l’inventif Christophe Pelé. 22
Spectacle. Humour. 22.30 French Connection 2. Film. 23
23.48 Cardinal. Série. 2 épisodes?. Policier. Avec Gene Hackman. 22.50 Top chef : les grands duels. Jeu. 25 30
22

T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
20.15 A prendre ou à laisser. Jeu. 19.50 Les Marseillais aux Caraïbes. 20.10 Quotidien. Magazine. Inédit. APPLICATION
21.15 Enquête sous 21.05 Enquêtes criminelles 21.15 Burger Quiz
haute tension Magazine. Affaire Cappélaere : Jeu. Dans une déco de fast-food, ALGER 19/24 AMSTERDAM 13/20 ATHÈNES 15/22
Magazine. 1h45. 100 jours avec la l’eau avait un mauvais goût. deux équipes, Mayo et Ketchup, Verticale 8 :
BARCELONE 19/24 BELGRADE 10/20 BERLIN 13/24
police de Nice (n°1) Inédit. Nice vit En 2015, Suzanne Bailly, 85 ans, doivent répondre à diverses ques- Sa liberté est exemplaire 12/23 11/21
BERNE BRUXELLES 13/22 BUDAPEST
essentiellement de ses cinq millions et son voisin Gabriel, sont victimes tions plus ou moins loufoques et mais peut rester confiné
de touristes annuels. Mais cet d’un empoisonnement. - Affaire parfois même déstabilisantes pour dans une chambre COPENHAGUE 12/17 DUBLIN 11/14 LISBONNE 17/23
engouement pour le soleil provençal Christiane Roger : deux femmes engranger le plus possible de points. LONDRES 16/20 MADRID 17/27 PRAGUE 12/23
attire aussi les escrocs.
23.00 Enquête sous haute tension.
pour un héritage.
23.10 Enquêtes criminelles.
23.45 90’ enquêtes. Magazine.
Société. Prés. : Tatiana Silva.
I RABAT 16/27 ROME 14/26 TUNIS 17/26

JEUDI VENDREDI SAMEDI

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20.20 Passage des arts. Magazine. 20.10 Chercheurs d’opale. 19.30 Mille et une Egyptes. Doc. 12/16 15/18 12/17 10/14 12/15 12/14
20.54 La grande librairie 21.05 Les secrets 20.40 Quinze ans de terreur Michel Laclos, mots croisés du Figaro, 13/17 11/17
Magazine. Penser le monde pour du château de Chenonceau Doc. Fra. 2016. 2 épisodes. mots fléchés, mots mêlés, sept lettres… 13/16
mieux le panser : c’est ce que pro- Doc. Ce documentaire révèle les En quinze ans, des attentats et aussi Sudoku et le compte est bon.
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pose François Busnel cette semaine, secrets du château de Chenonceau de septembre 2001 contre les tours les jeux exclusifs du Figaro.
16/22
en compagnie de Bernard-Henri qui a déclenché les passions de ses du World Trade Center jusqu’à ceux
L’intégralité de Figaro jeux
Lévy, Marylin Maeso, Corine Pellu- propriétaires, pris dans le tourbillon de Paris en novembre 2015, la face
chon et Boris Cyrulnik. de l’histoire de France. du monde a changé.
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MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°2607

FAN- CHANGEA BROYER CHOISI À A UNE POISSON ADVER- AFFUBLÉ NOTICE
TAISISTE DE NIVEAU DU VERT NOUVEAU ACTION MARIN CHANSON SAIRE DE CONTRÔLE
QUI M’AP- CARA- DE TOUS
BONNE FEMME DE CHAÎNE DE PROCHE PARTIENT SOI- ÉPOUSE VANSÉRAIL L’ÉTAT SES FAISANT
SASSER ATOURS FEU AFFÛTER
COUPE TÉHÉRAN LA TNT DE L’ID DISANT D’ADAM LISIÈRE
DÉNO- MATIÈRE
MINATION PREMIÈRE
GALÈRES
BRIQUÉES ANTIQUES
ÉVITER ACTIVITÉ CON-
LE VAGUE NOCTURNE TEUSES
COURSE DÉCOMPO-
ESCALADE CYCLISTE SER
AGILITÉ ALLER ANCIENNE
ET SOU- SYMBOLE SANS BUT NOTE À CLÉ
PLESSE CHIMIQUE
DU TITANE VIT AU SOMMET
DÉNONCE RALENTI DE CRÈTE
ARCHIVES ÂPRETÉ DE PLUTÔT IL PEUT L’AQUI-
DE LA TÉLÉ LA VOIX ENTREPRE- ARGON ACCOMPA- TAINE EN
GRANDE NANTE ABRÉGÉ GNER LE DEUX
AU PIED ! RAIE CROCHETS GIGOT LETTRES
GUS BŒUF VIEILLES
DÉPASSÉ HIRON-
MIS EN DELLES
COMME DU CENT BOUE
CHOCOLAT SON DE
LITRES BÉBÉ
PONT DE ILS ÉGRAI- AVEC LUI, SUSCITE PLANTE
PARIS NENT LES DES RE-
ON LANCE CULTIVÉE
BOUTON- SECONDES DES CHERCHES POUR SON
D’OR OU
D’ARGENT CÉRIUM FLÈCHES CANTON RHIZOME
EN AVOIR MESURE SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
QUI A FAIT ASSEZ D’ANGLE
SON AP- APPELÉE
R S R V M O U O S Y A U I
PARITION PER- D E D A L E E L E V E U S E S E P U I S A N T S
SONNEL TOUR
C A L E M B R E D A I N E C A R A C T E R I E L
HAR- ELLE EST C O M A P A S T I L L A C A R E N C E M E N A
MONIES COMPTER PERDUE
UN À UN N M A L L E T T E N A R R A P A R M E S A N
DANS L’AF-
ORIENTERA FOLEMENT A D M I N I S T R A T R I C E I C A A I E N D
U I I E S E T S M E U N G N E T S E T E
DIALECTE
A

DE LA V I L L E N S I P E R S A N S L I
FINES
HAUTE LAMES R E A R M E R O S E B E T E S S O
ÉCOSSE M E R I S E S A N N U L E R E C R A N
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO
36
LA TOMATE
DE LA BAULE PAR
JÉRÔME BANCTEL
CHAQUE JOUR, GROS PLAN SUR UN PRODUIT PHARE DE NOS
TERROIRS MIS EN MAJESTÉ PAR UN AS DES FOURNEAUX.
EMMANUEL RUBIN
L
e vin et les autres ! Si l’on sait
désormais qu’une appellation,
fût-elle très contrôlée, ne
suffit pas à élaborer un bon
vin, on aurait tendance à
oublier que le beau produit n’est pas
seulement affaire de race et de variété.
Arrive l’instant où la meilleure terre, le
climat le plus opportun et l’aristocratie
même de la botanique ne suffisent pas.
Encore faut-il une main et l’intelligence
qui l’accompagne. Qu’il soit vigneron,
éleveur, horticulteur, appelons cela un
producteur de talent.
Avec la tomate, c’est un peu « arrête-
moi si tu peux». Sa planète tient du
vertige. Le latin nous la dit Solanum
lycopersicum, mais le monde nous la ra-
conte avec des anciennes et des moder-
nes, des cultivées en plein champ et
d’autres sous abri, des sincères et des
piquées, des oubliées et des génétiques,
des demoiselles de panier et des filles en
conserve, des larges comme cœur de
bœuf et des taille cerise. Le seul catalo-
gue européen affiche plus de 4 000 es-
pèces, dont plus de 480 au chapitre
français.
Cuisson quasi confite
Avec ce flegme qui n’interdit pas les
exigences, Jérôme Banctel nous le rap-
pelle du côté de sa recette. Cuisinier
très réfléchi des hautes sphères étoi-
lées, le chef de La Réserve, à Paris, a
choisi et trouvé sa tomate en la sélec-
tionnant parmi des dizaines et des di-
zaines de maraîchers. Jusqu’à en trou-
ver un aux environs de La Baule. Jardin
de famille, depuis 1927, devenu jardin
dynastique où quatre générations de
Huitric cultivent fruits et légumes avec
des précautions horlogères. La terre
LA RECETTE DE TOMATES FARCIES
AUX POIVRONS ROUGES, CRUMBLE D’OLIVE
ET POIVRONS BLANCS EN PICKLES
INGRÉDIENTS, POUR 4 PERSONNES
•Tomates : 16 tomates cocktails no 2.
•Poivrons blancs en pickles :
cumin, 1 litre d’eau, 200 g de sucre,
20 cl de vin blanc,
2 poivrons blancs, 1 citron jaune.
•Farce : 10 poivrons rouges,
huile d’olive, basilic.
•Crumble d’olive : 500 g d’olives
noires, 60 g de farine, 60 g de beurre,
1 jaune d’œuf (10 g).
•Glaçage tomate : 2 kg de tomates,
1 litre de bouillon de volaille,
50 g de beurre.
PRÉPARATION DES TOMATES
Monder les tomates cocktails.
Les sécher au four sec à 150 °C
pendant 1 h 30. Débarrasser et réserver.
PRÉPARATION DES POIVRONS
BLANCS EN PICKLES
Réaliser un sirop avec l’eau, le sucre,
le vin blanc et le cumin.
U
EA
N
O
U
V
présente
A
d’ici est celle de Congor, au cœur de ces
marais salants de Guérande, classés au
patrimoine de la nation. Orchestrés par
le couple Huitric, Catherine et Hervé,
ainsi que leur fils Jean-Baptiste, il y a là
trente hectares de surface dont onze en
culture biologique et dix-huit autres en
conversion d’agriculture bio, depuis
2019. Trente espèces de fruits et légu-
mes y poussent, dont ces tomates qui
font la réputation d’un domaine indé-
pendant, engagé, pensant l’environne-
ment en même temps que la vertu du
produit, le terroir en même temps que
sa mémoire, affinant surtout, saison
après saison, des méthodes respectueu-
ses de l’environnement et de ses res-
sources. Les engrais sont organiques,
l’eau recyclée et l’on y lâche même de
ces insectes auxiliaires pour contrer les
nuisibles.
Une éthique agricole qui vient soute-
nir la poétique autant que l’esthétique
du fruit ; celle des rondes classiques et
goûteuses, des Tentations en grappe,
sucrées, juteuses, des vertes Evergreen
qui, à maturité, s’épanouissent en
carpaccio ou en gaspacho, des grosses
Ananas, jaunes et bien mûres pour les
salades, des rares Beauté blanche, des
très fermes, très sucrées et très géantes
Supersteak, des Olivettes, ogives
épatantes à nourrir les sauces de tem-
pérament.
Histoire de rester dans la balistique,
les tomates de Banctel, plus petites, ul-
tracalibrées, sont de celles qui appellent
la farce fine et la cuisson quasi confite.
Qu’elle soit noire de Crimée, cornue des
Andes, Green Zébra ou jaune Limmon-
ny, le vrai génie de la tomate est au jar-
din et celui de la France est de ne pas en
manquer. Celui des Huitric nous le rap-
pelle. Jardin incarné dont on dit
d’ailleurs de ses tomates qu’elles sont
d’abord celles de Mme Huitric. ■
Brûler et fumer les poivrons, les tailler
en rectangles puis les rouler afin
d’obtenir un rouleau de 2 cm de large
sur 0,5 mm de diamètre. Émincer
finement les citrons, enlever les pépins.
Tailler des éclats de citrons en
prélevant la peau et une partie du ziste,
donner une forme triangulaire. Dans
un bocal, réunir les poivrons, les zistes
de citrons, verser le sirop chaud
dessus, laisser mariner deux jours.
PRÉPARATION DE LA FARCE
Laver, émincer les poivrons rouges
et les faire suer à l’huile d’olive à feu
doux. Une fois cuit, mixer l’ensemble
afin d’obtenir une purée lisse au chinois
étamine. Ajouter le basilic ciselé.
Une fois la farce prête, farcir
les tomates.
PRÉPARATION DU CRUMBLE D’OLIVE
Faire sécher les olives noires au four
à 180 °C pendant une heure. Une fois
Volume
25
Tomates farcies
aux poivrons
rouges,
crumble d’olive
et poivrons blancs
en pickles.
RICHARD HAUGHTON
bien séchées, les mixer jusqu’à
l’obtention d’une poudre. Mélanger
60 g de poudre d’olive avec la farine,
le beurre pommade et le jaune d’œuf.
Étaler l’appareil puis cuire au four
à 180 °C pendant 15 minutes.
PRÉPARATION DU GLAÇAGE TOMATE
Mixer 2 kg de tomates et les laisser
égoutter dans un torchon. Une fois
l’eau de tomate récupérée, la faire
réduire de moitié. Ajouter la même
quantité en bouillon de volaille
et refaire réduire de moitié. Une fois
le glaçage bien réduit, le monter
au beurre.
DRESSAGE
Chauffer le glaçage tomate
puis napper les tomates afin d’obtenir
une belle brillance. Parsemer
de crumble d’olive noire et surmonter
les tomates d’un rouleau de poivron
blanc en pickle. ■
La
France
à la carte
AMBROZO JEAN-REYNALD/SAFRAN PARIS
LE CHEF
EN PARLE
O
«
n aime souvent à
croire que le pro-
duit dicte la re-
cette. Pour moi,
c’est plus com-
plexe. Un peu comme le “Qui de
l’œuf ou la poule est arrivé le pre-
mier ?”. Je crois surtout qu’il y a
deux grandes façons d’élaborer un
plat. La première est très sensorielle ;
elle part du produit, de son éviden-
ce, de ses saveurs, de ses textures…
La seconde est plus mentale ; elle
commence par une technique, une
cuisson, une découpe… D’un côté, la
vertu d’un produit impose et inspire
la recette. De l’autre, c’est l’idée
LA BAULE même de recette qui commande le
produit. Ma cuisine procède souvent
de cette seconde manière. Dans le
cas précis de mes tomates farcies,
tout est parti d’un désir de travailler
une cuisson à la chaux. Pour Le Fi-
garo, j’ai bien évidemment gommé
cette partie de la recette, assez com-
plexe, mais c’est ce cheminement
qui m’a conduit vers le produit. La
chaux est très abrasive, très violen-
te, délicate à manier mais suscepti-
ble de donner des résultats éton-
nants. La tomate m’est alors apparue
comme un fruit qui supporterait
cette envie de cuisson.
Elle offre, en effet, une balance
spectaculaire dans les textures avec
LE BON ACCORD la chair, les pépins, bref, la pulpe, et
puis cette peau à nulle autre pareille.
Il y a, selon les qualités de tomate, des
sensations plus ou moins marquées
● À recette de plein air, qui varient du juteux au charnu, du
flacon solaire, avec une belle fondant au presque croquant, du fer-
et bonne occasion de prouver me à l’élastique, d’autres encore.
que certains rosés valent désormais Pour composer ces tomates farcies, il
comme d’authentiques vins d’accord. me fallait une tomate avec une peau
La tomate vient de La Baule, fine, quasi pelliculaire, et qui ne soit
l’étiquette affiche donc pas trop en chair tout en étant suffi-
bandol, Château samment dense pour qu’une fois
Sainte-Anne, composé mondée je puisse l’assécher et la dur-
à Sainte-Anne-d’Évenos cir légèrement à la chaux avant de la
par Jean-Baptiste Dutheil passer en cuisson lente au four pour
de la Rochère. parvenir à la confire sans que jamais
Un vin tout en structure elle n’explose.
(mourvèdre, cinsault, Le plus délicat n’a pas forcément
grenache) et qui sait été de régler ce petit protocole, mais
prendre son temps, bien plutôt de trouver “la” tomate
révélant sur qui satisferait à ces exigences.
certaines années Autant vous dire que j’ai rameuté
(2012, notamment) mes fournisseurs pour qu’ils dégo-
une puissance tent la perle rare, jusqu’à découvrir
CHATEAU SAINT ANNE BANDOL
sereine, un fruit cette tomate venue de La Baule, qua-
intense et une si athlétique, parfaitement calibrée,
finesse vineuse, d’environ 40 grammes, cueillie au
idoines à venir meilleur de sa forme, en mai-juin.
cueillir cette tomate Plus tard, dans la saison, certaines
des plus girondes. variétés du sud de la France rivali-
Env. 20 € sent, mais celle-ci est un modèle du
la bouteille. genre. » ■ E. R.
E. R. www.lareserve-paris.com
Édition collector
6 €
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 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO - N° 23 575 - Cahier N° 4 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
FLY THE NEST
RSE :
les PME
s’engagent
De plus en plus de dirigeants
considèrent leur responsabilité
sociétale comme un atout.
PAGES 38 ET 39
AUDREY BARDOU
LA VIE DE BUREAU
À la recherche
de la motivation perdue
Dans le monde d’après – qui est
désormais le nôtre –, dans cette
étrange et hésitante période
d’après-confinement, les entre-
prises croisent les doigts : pourvu
que la remotivation des troupes ne
soit pas une tâche herculéenne ou
- pire - ne ressemble pas au châti-
ment de Sisyphe. Tous les Français
ont vécu des expériences et éprou-
vé des sentiments
tout aussi inédits.
Qu’ils aient été au
chômage partiel ou
« L’équation
est complexe.
en télétravail, l’heu- Dieu merci,
re du retour au bu-
reau a sonné. Com-
certains
ment leur (re)donner y ont pensé
un élan de motiva- bien avant
tion et de producti- la sortie de crise re un petit livre de
vité à quelques se-
et la fin du
maines des vacances
d’été qui restent ins-
crites au program-
confinement…
me ? L’équation est complexe.
Dieu merci, certains y ont pensé
bien avant la sortie de crise et la fin miste Nicolas Bouzou, le sociologue
du confinement…
Pendant la crise, certains ont été
contraints de faire « pivoter » leur
activité. En fabriquant des mas-
ques et des gels hydroalcooliques,
évidemment, mais aussi en créant
des organismes pour subvenir aux
besoins des soignants. D’autres,
dans le cadre de « webinars » ou
d’opérations de communication
sur les réseaux sociaux, ont cher-
ché à dessiner ce monde d’après…
C’est le cas, par exemple, de
Comet Meetings : cet organisateur
de réunions et de séminaires d’en-
treprise a profité du confinement
pour écrire « Reboot », une métho-
de conçue avec des experts de la ré-
ÉDITORIAL
Conviction
R
SE… Trois lettres qui résu-
MANAGEMENT DROIT ment un vaste program-
me : la responsabilité so-
ciétale de l’entreprise. Dans ce
LA TRANSPARENCE LES BONNES RAISONS « monde d’après », dont on nous
DES SALAIRES, MODE POUR LES PME DE SE CONFORMER dit qu’il n’aura plus grand-chose
à voir avec celui d’avant, il sera
D’EMPLOI PAGES 40 ET 41 AUSSI À LA LOI SAPIN 2 beaucoup question du rôle des
L’équipe de Fly The Nest. PAGE 42 entreprises dans la société, de
leur raison d’être. Réchauffement
climatique, inclusion, bien-être
au travail, impact sur les territoi-
res… Elles auront de quoi faire en
plus de leur fonction première qui
Ludovic Aventin est - ne l’oublions pas - de servir
a doté son entreprise, des clients, rémunérer des sala-
Terra Hominis, riés et des actionnaires, payer des
d’une raison d’être. impôts…
Ce monde d’après, des PME et
des start-up tentaient déjà de
l’inventer lorsque le virus de Wu-
han a mis le nôtre sens dessus
dessous. Elles n’hésitent pas à
lancer des produits responsables
ou à tester des modes de manage-
ment hors des sentiers battus.
Grâce à leur taille, elles sont assez
réactives pour corriger le tir si
nécessaire.
Leur audace, leur goût de l’in-
novation, elles les doivent à la dé-
termination de leur patron. Ces
chefs d’entreprise sont animés par
la conviction personnelle qu’on
doit diriger autrement au
XXIe siècle. Une autre de leur
conviction est qu’il faut aller sim-
plement dans le sens de l’histoire :
on peut faire du business autre-
ment, même si ce n’est pas tou-
jours simple. Qu’on soit convain-
cu ou pas par ces entrepreneurs,
ils méritent qu’on regarde de plus
près leur manière de faire.
BRUNO JACQUOT
Le prochain numéro
➜ du « Figaro entrepreneurs »
paraîtra le 8 juillet
silience et des situations de crise
pour aider les entreprises à remobi-
liser leurs équipes après ces longues
semaines de confinement. Une mé-
thode disponible en ligne gratuite-
ment et qui peut donc servir de base
pour toute entreprise en panne
d’inspiration sur la manière de re-
donner foi et envie à ses collabora-
teurs…
Bien avant la ren-
trée littéraire, le
confinement a aussi
été propice à l’écri-
ture. Les Éditions de
l’Observatoire, par
exemple, ont de-
mandé à certains de
leurs auteurs d’écri-
réflexions sur cette
» période et sur ce fa-
meux monde
d’après. Le nom de
cette collection improvisée, en for-
mat PDF ? « Et après ? » L’écono-
Pierre-André Taguieff ou la scienti-
fique numéricienne Aurélie Jean se
sont posé la question.
Et au bureau, alors, que va-t-il
se passer après ? Après cette pé-
riode de transition entamée début
juin, pendant laquelle tous les ef-
forts sont mis en œuvre pour or-
chestrer un retour au bureau…
tout en faisant en sorte que chacun
soit le plus isolé possible à son pos-
te et que personne ne se croise
dans les couloirs !
Une ambiance qui a, finale-
ment, des allures de télétravail…
au bureau. ■
QUENTIN PÉRINEL
£@quentinperinel
A
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

38 DOSSIER
Les entrepreneurs s’investissent
QU’EST-CE
QUE LA RSE ?
■ En 2001, la Commission

dans leur responsabilité sociétale

européenne a défini
la responsabilité sociétale
des entreprises (RSE) comme
« un concept dans lequel
les entreprises intègrent
les préoccupations sociales,
environnementales
De plus en plus de dirigeants voient dans la RSE un atout pour recruter les jeunes talents,
et économiques
dans leurs activités
innover, s’adapter à leurs marchés. Mais certains la vivent encore comme une contrainte.
et dans leurs interactions
avec leurs parties prenantes conception des produits, par exemple, taux, sociaux, sociétaux, demandent
savoir - et sans s’en vanter - sont très
sur une base volontaire ». ANNE BODESCOT abodescot@lefigaro.fr cela va de soi pour eux. » nombreuses, insiste Dominique Car- des informations sur les efforts menés
Les quelque 350 entreprises de plus lac’h. De nombreux chefs d’entreprise se par leurs fournisseurs. « Les PME ont
■ En 1972, l’ONU définissait « La RSE, dans les années 1970, était une de 5 millions d’euros de chiffre d’affai- préoccupent naturellement de bien trai- donc investi pour améliorer leurs prati-
le développement durable histoire de PME, avec des pionniers com- res réunies au sein de l’association ter leurs fournisseurs, font du mécénat, ques RSE mais sans en obtenir une re-
comme « un mode de me Body Shop ou Ben & Jerry’s », rap- Croissance Plus ont même décidé de réduisent les déchets, les impacts sur connaissance pécuniaire : le donneur
développement qui répond pelle Élisabeth Laville, fondatrice du mettre au cœur des objectifs de leur as- l’environnement ou adoptent de bonnes d’ordres est plus exigeant mais ne paie
cabinet de conseil Utopies. Un demi- sociation l’impact des entreprises sur la pratiques managériales.» Et de citer pas pour autant un prix plus élevé », re-
aux besoins des générations
siècle plus tard, la responsabilité socié- société. « C’est un thème de plus en plus l’exemple de sa propre société, lève Guillaume de Bodard, président de
présentes sans tale des entreprises semble être surtout essentiel pour les entrepreneurs », souli- D&Consultants : « Il a fallu un audit la commission environnement et déve-
compromettre la capacité l’étendard de grands groupes, prompts gne Thibaut Bechetoille, président de Afnor pour m’apercevoir que mon entre- loppement durable de la CPME. Autre
des générations futures à mettre en avant leurs engagements et Croissance Plus. Les chefs d’entreprise prise était déjà une championne de la déception : « Une règle européenne in-
de répondre aux leurs. leurs résultats, à y investir des capitaux pensent avoir les moyens d’agir et le RSE ! » terdit même de prendre en compte la RSE
Au sens le plus large, importants, à se donner une raison sentiment de devoir le faire. « Ce sont dans les critères d’attribution des mar-
le développement durable d’être… Ils sont poussés dans cette voie eux qui, de plus en plus, vont traiter le chés publics », ajoute-t-il. Mais les or-
vise à favoriser un état
d’harmonie entre les êtres
par une réglementation de plus en plus
stricte à laquelle les PME, bien souvent,
échappent. Mais celles-ci n’ont pas
problème des déchets ou de la répartition
de la valeur entre salariés et actionnai-
res, par exemple », poursuit Thibaut Be-
“ S’engager dans la voie
de la RSE permet d’attirer
ganisations professionnelles sont bien
décidées à motiver ces PME encore du-
bitatives. « Les fédérations profession-
humains et entre l’homme baissé les bras. Bien au contraire. « Ce chetoille.
les jeunes talents, très nelles travaillent sur le sujet, elles écri-
et la nature. » sensibles à ces valeurs
sont encore elles qui défrichent, souligne
Élisabeth Laville. Les cosmétiques sans
eau ou zéro déchet, par exemple, sont
Mais tous ces convaincus ne repré-
sentent encore qu’une minorité des
TPE, PME ou ETI françaises. Le rapport
OLIVIER DE LA CHEVASNERIE,
PRÉSIDENT DE RÉSEAU ENTREPRENDRE
” vent des référentiels sectoriels, incitent
leurs adhérents à se faire labelliser, à
mieux communiquer sur leur démar-
imaginés par des start-up. » Leur agilité avec la RSE des autres est plus com- che », rappelle Guillaume de Bodard.

50 %
ainsi que leur proximité avec les clients,
les salariés et les fournisseurs facilitent
l’innovation. Leurs bonnes pratiques
sociales et environnementales sont
aussi autant de façons de différencier
des PME et ETI leur offre. C’est même, pour certains
déclarent avoir dirigeants de PME, une évidence qui ne
une démarche RSE se discute pas.
Source : Bpifrance Le Lab « Pour une écrasante majorité des
créateurs d’entreprise, aujourd’hui, in-
tégrer la RSE à la stratégie est un réflexe
naturel. Les jeunes générations ont cela
plexe à décrypter. « En quinze ou vingt
ans, elles ont pour la plupart fait d’énor-
mes progrès », se réjouit Sylvain Lam-
bert, vice-président de l’Observatoire
de la RSE et responsable du départe-
ment RSE de la société de conseil PwC.
Mais leur engagement est inégal.
« On peut les regrouper en trois catégo-
ries : les initiées d’abord, qui ont structu-
ré leur démarche, puis celles qui font de
la RSE comme M. Jourdain de la prose et,
enfin, les non-initiées, qui peuvent mieux
À toutes ces PME qui ont engagé une
démarche sans la formaliser, Élisabeth
Laville recommande de se tester grâce
au questionnaire d’obtention du label
américain B-Corp, accessible gratuite-
ment sur internet (nos éditions du
10 juillet 2019). « Il permet de juger vos
pratiques, de les comparer à celles de vos
concurrents, c’est inspirant », souligne
la fondatrice d’Utopies.
Et les PME encore à la traîne ? Beau-
coup considèrent la RSE comme une
Le Medef a, lui, conçu un guide pour
aider les PME à se réapproprier ce sujet,
leur fournir des outils pour un diagnos-
tic rapide et pour s’améliorer. « Nous
voulons montrer que la RSE n’est pas de
la communication, mais bien un élément
de la stratégie de l’entreprise », précise
Dominique Carlac’h.
Les avantages que peuvent en tirer
les PME vont bien au-delà de la simple
réduction de certains coûts, en évitant
le gaspillage des ressources. « S’enga-

33 %
dans le sang, observe Olivier de la Che- faire », résume Dominique Carlac’h, contrainte. À mesure que leurs clients ger dans cette voie permet d’attirer les
vasnerie, président de Réseau Entre- vice-présidente du Medef. Aucune étu- (souvent de grands groupes) s’y sont jeunes talents. Très sensibles à ces va-
prendre et de la société Sygmatel. Cher- de ne quantifie ces trois catégories. convertis, ils imposent dans les appels leurs, ils peuvent préférer une PME à un
cher à minimiser les déchets dès la « Mais les PME qui font de la RSE sans le d’offres des critères environnemen- grand groupe qui peut sembler ne pas en
des consommateurs
tiennent compte
de l’impact RSE
des marques,
selon un sondage
d’Unilever en 2017

8e
rang mondial
La place de la France
dans le classement RSE
2018 de l’institut
Respeco
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

de la responsabilité des entreprises de différentes, faisant de Dixit une réussite

Libellud faire quelque chose pour le territoire sur

lequel elles sont implantées, avance-t-il.
Nous ne pouvons compter uniquement
mondiale. « Nous n’avons même pas eu
à adapter le graphisme du jeu, il convient
à toutes les cultures et à tous les pays »,
« La crise sur les institutions publiques. Elles ne
suffisent pas. D’ailleurs, la crise sanitaire
se réjouit Régis Bonnessée. L’entreprise
a continué sur sa lancée. Elle édite un

sanitaire
que nous traversons révèle plus que ja- ou deux jeux par an, avec succès.
mais un besoin de solidarité. Évidem-
ment, pour cela, il faut que les boîtes Projets en faveur de

Les gens révèle plus soient rentables, continuent à innover et

à créer de la richesse. » C’est le cas de la
sienne.
l’éducation et de la jeunesse
En 2019, une fois le rythme de croissan-
ce économique de sa PME stabilisé, le
sentent bien
que nous avons
que jamais Avec une vingtaine de salariés et un
chiffre d’affaires de 9,5 millions
dirigeant a décidé de créer, cette fois, sa
propre fondation d’entreprise. Dotée de

un besoin
d’euros, Libellud, implanté à Poitiers 1 million d’euros répartis sur trois ans
une opportunité (Vienne), voltige plutôt joliment. Créée (soit 3,3 % du chiffre d’affaires), elle fi-
en 2008, l’entreprise édite des jeux de nance des projets en faveur de l’éduca-
comme il s’en
présente une fois de solidarité » société. Elle s’est fait connaître grâce au
succès planétaire de son jeu de cartes
Dixit, inventé à l’origine par le pédop-
tion et de la jeunesse. Ce sont les sala-
riés, associés au fonctionnement de la
fondation, qui choisissent les projets.
par siècle sychiatre Jean-Louis Roubira. Alors « Nous recevons des porteurs de pro-
pour bâtir qu’aucune maison d’édition ne souhai- jets sociaux qui ont besoin de fonds pour
tait miser sur ce loisir et lui prédisait qu’ils nous présentent leurs idées, expli-
les fondations même un bide retentissant, Régis Bon- que Régis Bonnessée. Les collaborateurs
HENRI DE LESTAPIS
d’une croissance nessée a persévéré. Il a lancé Dixit seul, votent pour celles qui leur paraissent le

plus durable
PAUL POLMAN,
» Régis Bonnessée en a l’intime convic-
tion… À l’instar du maréchal Lyautey,
en créant son entreprise, à 29 ans. « J’y
croyais dur comme fer. C’est tout », dit-
il simplement.
Régis Bonnessée, dirigeant et fondateur
de l’éditeur de jeux Libellud. LIBELLUD
mieux coller à nos valeurs. » D’ores et
déjà, Libellud a financé à hauteur de
20 000 euros une association de profes-
ANCIEN PDG D’UNILEVER, qui défendait avec succès en 1891 le Un an plus tard, Dixit remportait le par les aficionados comme étant le gros seurs des écoles qui cherche à diffuser
DANS UN ENTRETIEN « rôle social de l’officier », le dirigeant prix français de l’as d’or, qui couronne pompon rouge à décrocher. par des vidéos les bonnes pratiques
AU « FIGARO », LE 26 MAI de Libellud affirme que le chef d’entre- le meilleur jeu de société de l’année. Ce coup de projecteur a eu un effet éducatives que certains d’entre eux ont
A

prise du XXIe siècle se doit d’assumer Mieux : en 2010, Dixit était consacré par immédiat : 6 millions de boîtes vendues pu développer dans leur établissement.
un rôle social dans la société. « Il en va le prix allemand Spiel des Jahres, connu dans 42 pays et en autant de langues La fondation accompagne également
 LE FIGARO mercredi 3 juin 2020

DOSSIER 39

Les PME aussi ont leur raison d’être

faire assez sur ce sujet », affirme Olivier
de la Chevasnerie. L’argument peut fai-
re mouche auprès des dirigeants de pe-
tite entreprise qui peinent souvent à re-
cruter. Mais gare à la tentation du
greenwashing. « Les jeunes attirés par
des promesses ne resteraient pas long-
temps si elles ne sont pas tenues », insiste
le président de Réseau Entreprendre. La
RSE est aussi vue, par ceux qui la prati-
quent, une source de performance,
d’innovation, d’agilité. « Elle oblige à
rester proche des clients, des fournis-
seurs ; ce qui aide à anticiper les attentes
de la société et des consommateurs et à
s’adapter », rappelle Sylvain Lambert.
L’épidémie de Covid-19, qui a mis en
difficulté tant d’entreprises, n’a pas
terni le blason de la RSE. « Dans les en-
treprises bien avancées sur la RSE, les
valeurs mises en avant ont vraiment un
sens et cela soude les salariés, donne un
esprit de corps qui les a aidées pendant
ces mois difficiles », souligne Sylvain
Lambert. Un atout pour leur longévité ?
« Sur la durée, les entreprises qui résiste-
ront le mieux aux crises sont celles qui
sont axées sur le développement durable
et la RSE, grâce notamment à cette cohé-
sion des équipes », insiste Thibaut Be-
chetoille. La RSE pourrait même sortir
grandie de la pandémie qui questionne
les rapports entre l’homme et la nature.
Avec la loi Pacte, les entreprises peuvent inscrire des objectifs de RSE dans leurs statuts.
GUILLAUME MOLLARET £@Newsdusud
Sa raison d’être est devenue sa mission.
Depuis quelques semaines, la société
Terra Hominis, à Béziers (Hérault), a
modifié ses statuts pour devenir une
« entreprise à mission », la mention dé-
sormais accolée à sa forme juridique de
SAS. Entérinée par la loi Pacte, dont les
décrets d’application ont été publiés en
janvier (lire encadré ci-dessous), cette
disposition permet aux entreprises
d’ajouter une raison d’être à leur raison
sociale, tout en affichant un autre but
que le seul jusqu’ici exigé de toute socié-
té commerciale : dégager des bénéfices
financiers. Dans le cas de Terra Hominis,
sa mission est de « préserver ce qui fait la
force des vignobles français, la diversité
des vignerons, en créant du lien entre les
amateurs de vin et les vignerons et ainsi
dynamiser les territoires ruraux ».
Par le biais du financement partici-
patif, Terra Hominis fédère des inves-
tisseurs individuels au sein de groupe-
ments fonciers. Ceux-ci se portent
acquéreurs de vignes mises en ferma-
ge, moyennant une rétribution, versée
par le vigneron et fixée à 4,5 % de l’in-
vestissement en équivalent bouteilles
de vin. La mission de Terra Hominis
peut résonner comme un vœu pieux.
Elle a cependant pris tout son sens lors
de la pandémie de Covid-19. Entre
mars et mai, des viticulteurs que Terra
Hominis a aidés à s’installer et à
s’agrandir ont rencontré, comme bien
des entreprises, des difficultés de tré-
sorerie. « Nous en avons appelé aux as-
sociés des groupements fonciers pour
Ludovic Aventin, cofondateur de Terra
Hominis. AUDREY BARDOU PHOTOGRAPHE
À ce jour, de nombreuses sociétés,
parmi lesquelles de grands groupes tels
que Danone, ont fait part de leur inten-
tion de devenir des entreprises à mis-
sion. Terra Hominis semble montrer
qu’il est également possible pour une
PME de s’inscrire dans cette démarche
pour y faire prospérer une certaine phi-
losophie d’entreprendre. « Inscrire la
qualité d’entreprise à mission nous a
coûté 56 euros au tribunal de commerce
de Béziers, explique Ludovic Aventin.
Tous les trois mois, nous allons réunir les
salariés puis rédiger un bilan annuel de
nos actions. Ce document est une obliga-
tion par la loi mais il ne faut pas le conce-
voir comme une usine à gaz. C’est un
simple document Word qui atteste de no-
tre engagement. »
La beauté de la chose
« Inscrire une raison d’être et devenir
une entreprise à mission n’a rien d’obli-
gatoire et c’est toute la beauté de la
chose, analyse pour sa part Geneviève
Férone-Creuzet, cofondatrice et diri-
geante de Prophil, cabinet spécialisé
dans l’accompagnement de la politique
RSE des entreprises. Il faut que cette vo-
lonté de devenir une entreprise à mission
naisse d’une ambition profonde. On peut
comprendre que dans le cadre d’une crise
comme celle que nous traversons la créa-
tion de ce statut ne soit pas une priorité.
En revanche, pour les entreprises déjà
convaincues, la situation actuelle peut
même jouer le rôle d’accélérateur. »
Certaines sociétés, malgré un enga-
gement sociétal reconnu, ne sont ce-
pendant pas convaincues. Jean-Pierre
Blanc, directeur général des cafés Ma-
longo, leader du café équitable en Fran-
ce et promoteur du label Max Havelaar,
ne saisit pas l’intérêt immédiat d’affu-
bler sa société du qualificatif d’entre-
prise à mission. « Pour moi, cela res-
semble à un label de plus, dit-il. Un
organisme certificateur va passer par
là… Cela va d’abord servir leur cause.
Les PME portent déjà en elles la valeur
d’enrichissement humain. Chez Malon-
go, nous rédigeons chaque année un rap-
port éthique. Cependant, nous le faisons
parce que nous avons envie de le faire,
pas par dogme. La mission d’une entre-
prise, c’est déjà d’avoir une raison de vi-
vre qui passe par la rentabilité. Et, dans
le cas d’une PME, si elle y parvient, c’est
aussi par la richesse de ses collabora-
teurs. Je ne vois pas l’intérêt de le faire
valider par un tampon de plus. »
À ce jour, le nombre d’entreprises à
mission enregistrées comme telles dans
les tribunaux de commerce n’est pas
connu. Plusieurs dizaines de sociétés,
coopératives notamment, ont toutefois
annoncé publiquement vouloir franchir
le pas. Chez Terra Hominis, Ludovic
Aventin en est persuadé, « la démarche,
dit-il, me semble simple à réaliser à par-
tir du moment où on la vit sincèrement.
Pour les collaborateurs et les partenai-
res, cet engagement donne du sens à la
vie de l’entreprise ». ■

« En Californie, par exemple, où l’on
prenait l’avion pour un oui, pour un non,
remarque le président de Croissance
Plus, il y a aujourd’hui une prise de
conscience accélérée de l’impact des en-
ET SI INVESTIR
qu’ils achètent le vin de ces propriétés »,
explique Ludovic Aventin, cofonda-
teur de Terra Hominis.
La chaîne de solidarité, y compris
auprès des investisseurs n’ayant pas in-

treprises. » ■
En 2018, Libellud fêtait ses 10 ans
C’ÉTAIT
vesti pour l’achat de parcelles exploi-
tées par Clos Rouge (AOP Terrasses du
Larzac) et Lacroix Vanel (AOC Langue-
doc-Pézenas), s’est avérée payante.

au Festival international des jeux
de Cannes avec ses salariés
et ses partenaires. LIBELLUD
ENTREPRENDRE
« Grâce au travail de Terra Hominis
auprès des associés, alors que beaucoup
de vignerons sont dans une vraie galère,
nous avons pu traverser cette épreuve

une association qui aide les étudiants de
première année à l’université à ne pas
décrocher, en leur apportant de bonnes
méthodes de travail. Dans un autre re-
gistre, Libellud soutient une association
d’hébergement de mineurs isolés.
Enfin, elle propose du mécénat de
compétences. Les salariés peuvent
consacrer un peu de leur temps de tra-
vail au service d’institutions qui défen-
dent des projets en lien avec la jeunesse
et l’éducation mais qui n’ont pas les
compétences pour les mener à bien. De
son côté, avec des graphistes, des desi-
gners et des développeurs, la PME n’en
manque pas. Elle ne manque pas non
plus de volontaires pour s’atteler à cette
tâche altruiste. Et pour cause : « Lors de
nos recrutements, nous cherchons à
trouver des personnes qui partagent nos
valeurs », précise Régis Bonnessée, en
tentant prudemment d’éviter de parler
de bienveillance. Il juge le mot un peu
trop à la mode en ce moment.
« Nous travaillons beaucoup sur la co-
responsabilité des collaborateurs, pour-
suit-il. Ils doivent être en mesure de
s’épauler les uns les autres ou même de se
reprendre entre eux dans leur travail et
de se remettre en cause de façon positive,
sans que cela soit une source de conflit.
POUR DEMAIN ?
sereinement, raconte Krystel Brot, deux
étoiles au Guide Hachette des vins pour
son Clos Rouge. En effet, toutes les com-
mandes des associés sur mars et avril
nous ont permis de payer nos factures et
même bien au-delà puisque le chiffre
d’affaires de ces deux mois de confine-
ment est supérieur aux mois classiques. »
#FINANCE DURABLE
Entreprise à mission,
mode d’emploi
Être une banque responsable, c’est accompagner
Le décret du 2 janvier 2020 précise nos clients vers un avenir durable, intégrer les enjeux
les modalités que doivent remplir environnementaux dans nos actions et soutenir
les sociétés souhaitant devenir
entreprises à mission. La démarche
la société qui nous entoure. C’est agir aujourd’hui
passe par une inscription déclarative comme si c’était déjà demain.
auprès du tribunal de commerce.
Sur le Kbis, une simple mention fait état
de ce statut en complément de la forme
juridique et du capital social
Imaginons l’avenir
de l’entreprise. « Comme préalable
à cet enregistrement, l’entreprise doit
se doter d’une raison d’être indiquant
les objectifs sociaux
et environnementaux qu’elle souhaite
poursuivre », précise Geneviève
Férone-Creuzet, dirigeante de Prophil,
cabinet de conseil en RSE.
Pour seule obligation, l’entreprise
à mission doit réunir régulièrement
un comité justifiant de ses engagements
en termes de responsabilité sociétale
et environnementale. Ces engagements
sont matérialisés par l’édition
d’un rapport vérifié, d’abord 24 mois
après l’ajout de la mention au Kbis,
puis tous les 18 mois par un organisme
tiers indépendant agréé par le Comité
français d’accréditation (Cofrac).
Ludovic Aventin, qui vient d’enregistrer
sa société Terra Hominis
comme entreprise à mission, estime que
la validation de la qualité d’entreprise
à mission devrait être « un préalable
à la validation du bilan par un expert-
comptable ou un commissaire aux
comptes ». À ce jour, aucune sanction
n’est prévue à l’encontre des sociétés
à mission qui ne respecteraient pas
leur engagement à l’issue
de la vérification par un organisme tiers.
Seul le retrait du statut d’entreprise
à mission pourrait leur être infligé.
A

Nous voulons des débats et non des com- G. M.

bats d’idées. » ■
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

40 DOSSIER
Mobil Wood
« Favoriser la
réalisation de
chacun dans
l’entreprise »

THOMAS LESTAVEL £@lestavelt

Implanté près d’Auxerre (Yonne), Mobil

Wood ressemble à bien des PME indus-
trielles. Le fabricant de mobilier en bois
pour magasins bio - 70 personnes,
12 millions d’euros de chiffre d’affaires -
est toutefois allé plus loin que d’autres
dans sa quête d’harmonie. Les salariés
viennent de suivre une formation sur le
« développement humain » et qui insiste
sur l’importance de donner à leurs collè-
gues des « signes de reconnaissance ». Le
déménagement, prévu dans un an, se
prépare en concertation avec les menui-
siers et les opérateurs. Ils donnent leur
avis sur les nouvelles machines, car « ce-
lui qui fait est celui qui sait », souligne Ma-
rie Sonnois, salariée chargée des plans de
fabrication.
Alexis Nollet et Sébastien Becker, qui
ont repris Mobil Wood en 2006, auraient
pu accepter il y a cinq ans la proposition
de rachat d’un concurrent américain. Ils
ont préféré s’engager sur une tout autre
voie : l’holacratie, du grec holos (entier)
et kratos (pouvoir), déclinaison en quel-
que sorte de la démocratie dans l’entre-
prise. Théorisée par un chef d’entreprise
américain, Brian J. Robertson, l’holacra-
tie mise sur l’intelligence collective en
supprimant les « petits chefs ». L’entre-
prise fonctionne par « cercles » plutôt
que par services et remplace les postes
par des « rôles ».
En avril 2016, les deux quadras ont si-
gné une « constitution » pour acter ce
Alexis Nollet et Sébastien Becker, dirigeants de Mobil Wood, entreprise qu’ils ont rachetée en 2006.
changement. « Notre vision était de rendre
l’entreprise plus résiliente en favorisant la
réalisation de chacun, explique Sébastien
Becker. Beaucoup de PME dépendent tota-
lement de leur dirigeant. Je voulais trans-
former Mobil Wood en entreprise libérée,
or l’holacratie offre une solution clé en
main pour cela. » Un client de Mobil
Wood, Scarabée Biocoop, lui a montré
que c’était possible, et l’entreprise a fait
appel à un cabinet de conseil, iGi Part-
ners, pour l’accompagner dans sa dé-
marche.
Une petite révolution
Pour opérer sa mue, Mobil Wood a carto-
graphié son organisation et recensé les
tâches de chacun. Le processus a pris plus
de six mois pour les différents cercles.
« Un “proposeur” rédigeait un texte qui
était soumis aux amendements du cercle.
Si quelqu’un refusait de valider un passa-
ge, il fallait intégrer son objection jusqu’à
ce que tous les membres soient satisfaits »,
raconte Matthieu Battistelli, doctorant en
sciences de gestion qui consacre sa thèse
à Mobil Wood.
Le nouveau système a renforcé l’auto-
nomie des collaborateurs. « Les cercles
ont appris à s’organiser et les salariés à
solliciter les avis de leurs pairs », souligne
Marie Sonnois. « Ce qui est revenu le plus
dans les entretiens que j’ai menés avec les
salariés dans le cadre de ma thèse, c’est la
libération de la parole, relève Matthieu
Battistelli. Certains opérateurs travaillent
chez Mobil Wood depuis les années 1980 et
ont connu des dirigeants autoritaires. Pour
SÉBASTIEN BOULARD
eux, ce nouveau fonctionnement consti-
tuait une petite révolution. » Ainsi, les RH
relevaient jusque-là de Sébastien Becker,
qui décidait des augmentations de salaire.
Il a délégué cette tâche délicate à la com-
mission mise en place après les travaux
d’un cercle de dix salariés représentatifs
des métiers de l’entreprise.
Alors que l’activité montait en cadence
pour répondre à un marché du bio en
pleine croissance, les salariés ont dû pen-
dant six mois consacrer une journée par
semaine à se former. À l’été 2016, des re-
tards dans les livraisons étaient imputa-
bles à la mise en place du nouveau systè-
me. « Il y avait trop de choses à gérer en
même temps », résume Matthieu Battis-
telli. Avec ses « prises de décisions inté-
gratives », ses « cartes d’empathie » et sa
« logique écosystémique », l’holacratie a
imposé son jargon. « Un groupe de sala-
riés diplômés s’est approprié l’organisa-
tion, mais, à toute une partie de l’entrepri-
se, ça ne parlait pas du tout », souligne
Matthieu Battistelli. Il estime que l’hola-
cratie convient mieux à des entreprises
de prestations intellectuelles, comme les
cabinets de conseil ou d’avocats.
Enfin, la disparition des managers a
montré ses limites. « Si une commande ur-
gente tombait, constate encore Matthieu
Battistelli, il manquait quelqu’un pour or-
donner de lancer telle palette avant les
autres. Personne ne voulait endosser la res-
ponsabilité d’une décision difficile à pren-
dre, comme d’interrompre les livraisons si
un client ne payait pas ses factures. »
En 2019, Mobil Wood, prenant acte des
lourdeurs de son fonctionnement, a réin-
troduit une dose de management. Le re-
tour de la hiérarchie intermédiaire a été
accueilli avec soulagement par certains
salariés, avec incompréhension par
d’autres. Mais Mobil Wood a mis en place
des garde-fous pour éviter les petits
chefs. Les cercles ont été maintenus et des
réunions assurent un contrôle entre ma-
nagers. En tout cas, cette expérience de
l’holacratie a décomplexé les salariés, qui
n’hésitent pas à critiquer les décisions. ■

Ces entreprises qui pratiquent la tran

En France, parler chiffres est tabou.
Particulièrement lorsqu’il s’agit d’évo-
quer son salaire. « C’est un sujet sensi-
ble intimement lié à la valeur et à la
reconnaissance », souligne Erwann
Rozier, cofondateur de la société Fly
The Nest, qui accompagne les entre-
preneurs et leurs équipes à franchir les
étapes de la croissance. Si, en Suède ou
en Norvège, chacun peut demander à
consulter la feuille de paie d’un autre
citoyen, en France l’expérience ne fait
pas encore beaucoup d’émules. La loi
Pacte contraint les grandes entreprises
de plus de 1 000 salariés à communi-
quer la différence entre la rémunéra-
tion de leurs dirigeants et le salaire
médian de leurs employés. Certaines
petites entreprises ont délibérément
choisi d’adopter cette pratique.
Créée en 2013, la start-up Tilkee, qui
édite des solutions de comportements
L’émission de débat de de lecture de documents numériques,
a fait le pari de la transparence. Elle
La Poste Solutions Business rend ainsi publics en interne les salai-
res de ses trente collaborateurs. Dans
une moindre mesure, Twelve Consul-
ting s’est inspirée de cette transparen-
ce pour ses 60 salariés. « Jusqu’à un
ÉPISODE 1 ÉPISODE 2
à découvrir dès demain sur lefigaro.fr
Chaque salarié doit donner son accord
La proximité : Livraisons réussies
S’il n’est pas besoin d’accord collectif
plus que jamais une et responsables : pour mettre en pratique
la transparence des salaires.
réponse aux défis de le défi de la croissance En revanche, l’entreprise doit
recueillir l’accord écrit de chaque
notre société ? du E-commerce collaborateur. « En droit français,
explique Isabelle Dauzet, avocate
en droit du travail au cabinet
De Pardieu Brocas Maffei, le salaire
est une donnée personnelle
protégée. La confidentialité est
de mise et sa divulgation suppose
une autorisation écrite individuelle
des collaborateurs. » Tilkee a inséré
A
certain point, pour respecter l’intimité
de chacun, justifie Christophe Amou-
roux, PDG de ce cabinet de conseil en
transformation numérique. On affiche
le salaire moyen pour chaque catégorie
de salariés, avec un salaire d’embauche
fixé à 41 000 euros pour tous les consul-
tants, la plupart étant recrutés à leur
sortie d’école. »
FlyTheNest va plus loin avec des sa-
lariés qui décident eux-mêmes de leur
rémunération. « Nos vingt collabora-
teurs décident eux-mêmes de leur salai-
re et de leur augmentation », explique
Erwann Rozier. Pour les encadrer,
l’entreprise définit au préalable une
formule salariale en prenant en comp-
te une multiplicité de données et une
enveloppe globale d’augmentations.
Transparence globale… C’est le
choix qu’ont fait ces start-up en par-
tageant avec leurs salariés toutes les
données clés de l’entreprise : straté-
gie, vision, enjeux, chiffres-clés, ni-
veau de trésorerie… « Cela nous oblige
à faire beaucoup de pédagogie pour
s’assurer que tout le monde est au cou-
rant de ce que l’on fait. L’histoire de
l’entreprise nous a montré qu’il valait
des salaires dans le contrat
de travail. « Comme nous savons
tous qu’elle existe, un salarié ne peut
pas nous attaquer là-dessus »,
explique son PDG, Timothée Saumet.
Les fondateurs de FlyTheNest
expliquent le modèle de l’entreprise
dès la phase de recrutement.
« C’est un contrat que l’on passe
avec nos salariés. Il faut qu’ils soient
au courant et qu’ils l’assument »,
souligne Erwann Rozier. Si certains
ne sont pas adeptes de la méthode,
ils peuvent passer leur chemin.

une clause de transparence C. D. S.


oOlution
« Huit
hectares de
forêt sauvés
à Bornéo »
nsparence des salaires
mieux être très clair avec nos collabora-
teurs. Ces derniers ont le même niveau
d’information que nos investisseurs,
justifie Timothée Saumet, PDG et co-
fondateur de Tilkee. Objectif : ne rien
cacher aux salariés et instaurer un cli-
mat de confiance. Qui plus est, être
transparent et rendre les salaires visi-
bles est un bon moyen d’engager les col-
laborateurs et de les rendre autonomes
et responsables. La transparence est la
base pour avoir une équipe motivée et
concentrée sur les mêmes objectifs.
“ La transparence exige
d’avoir une politique
salariale juste, équitable
et claire
”
ERWANN ROZIER, COFONDATEUR
DE FLY THE NEST
C’est un facteur clé pour valider l’inves-
tissement de chacun. » Cette philoso-
phie s’avère payante puisque le taux
de turnover de Tilkee est inférieur à
10 %. Cette visibilité sur les salaires fa-
vorise un bon climat social. « L’idée est
de faire en sorte que ce soit un non-sujet
et d’éviter d’alimenter les discussions de
bureau et bruits de couloir autour de la
question », ajoute Erwann Rozier.
Chez Twelve Consulting, finies les
négociations salariales. Pour ne pas
créer de frustrations, le cabinet aug-
mente chaque année de façon collecti-
ve les salaires, selon la catégorie de
collaborateurs. « C’est un modèle très
vertueux et non élitiste », explique
Christophe Amouroux, qui observe
que les salariés « superforment » et tra-
vaillent ensemble, avec plus de sens et
d’impact.
D’autres entreprises mettent en pla-
ce des grilles de salaires sur mesure,
afin que chacun puisse se situer sur
l’échelle de rémunération interne.
C’est le cas de l’auto-école en ligne En
voiture Simone. L’entreprise a réper-
CHARLOTTE DE SAINTIGNON
£@ChadeSainti
Les sept années passées dans un
grand groupe de produits de beauté
ont forgé sa conviction. Pour Anne-
Marie Gabelica, comme les autres
produits de grande consommation,
les cosmétiques doivent changer pour
répondre des enjeux sanitaires. « Il y
a dix ans, explique la jeune ingénieu-
re, un produit pouvait se targuer d’être
naturel mais être pourtant préparé à
partir de produits chimiques. Le terme
de “produit naturel ” n’est pas régle-
menté et ne veut rien dire. »
Avec oOlution (13 salariés,
800 000 euros de chiffre d’affaires et
une trentaine de produits), Anne-Ma-
rie Gabelica s’est attachée à créer des
soins à partir d’ingrédients naturels et
bio. Pour s’assurer de la traçabilité de
ses produits et analyser leur cycle de
vie, elle s’est appuyé sur l’Agence de
torié les compétences nécessaires pour
chaque métier, depuis un salarié junior
jusqu’au senior, et créé une grille de
salaires basée sur cet arbre de compé-
tences. La grille, accessible aux 25 sa-
lariés en interne, donne une visibilité
sur les métiers et la possibilité d’asso-
cier des rémunérations à des compé-
tences. L’objectif ? « Rationaliser le
discours sur la rémunération. Peu im-
porte l’historique ou l’âge du salarié. La
grille des salaires permet à chacun de
connaître son évolution », justifie
Édouard Polese, cofondateur d’En
voiture Simone. « Cela limite les injus-
tices, qu’elles soient réelles ou imagi-
nées, et permet de casser les éventuels
fantasmes. La transparence entraîne
des discussions saines et franches »,
ajoute Timothée Saumet.
Mais pour que cela fonctionne, les
fondateurs doivent, eux aussi, jouer le
jeu. Forcément, avec ce système, les
écarts de rémunération sont plus faibles.
« Managers et fondateurs doivent être
capables d’expliquer leur salaire. La
transparence exige d’avoir une politique
salariale juste, équitable et claire », relè-
ve Erwann Rozier. Ainsi, si les fonda-
teurs confient gagner 4 500 euros net par
mois, un nouvel arrivé au sein de l’en-
treprise fraîchement sorti de l’école sera
rémunéré 1 500 euros puis 2 000 euros
après six mois dans la société.
La transparence a cependant ses li-
mites : elle n’est possible que pour un
effectif limité. C’est en tout cas ce que
constate Thermador, société pionnière
qui a instauré la publication des rému-
nérations dès sa création en 1968.
« L’exercice me semble praticable à
l’échelle d’entités économiques infé-
rieures à 100 personnes », confiait son
PDG, Guillaume Robin, au Figaro (nos
éditions du 17 juin 2019). Au sein de
Thermador, la publicité des salaires est
donc de mise dans chaque filiale - la
plus importante employant une
soixantaine de personnes - mais pas à
l’échelle du groupe. ■ C. D. S.
la transition écologique (Ademe)
avant même de déposer les statuts de
son entreprise. Cela n’a pas été une
mince affaire : « Il m’a fallu trois ans
de recherche et développement en col-
laboration avec l’Ademe pour faire les
choix environnementaux les plus éclai-
rés », raconte-t-elle. Elle s’est imposé
un cahier des charges plus exigeant
que celui du label Cosmebio.
En 2013, c’est la consécration : An-
ne-Marie Gabelica reçoit un prix des
mains du ministre de l’Écologie pour
les formules innovantes d’oOlution
en faveur de la biodiversité et contre
les dérivés d’huile de palme. Elle re-
met aussi en cause « le côté secret et
glamour des cosmétiques ». « Ils sont
très peu compris du grand public avec
des listes d’ingrédients qui restent très
« Je travaille à créer des synergies
entre tous les acteurs de l’écosystème »
Sur tout le territoire, dans le
réseau des CCI locales et régio-
nales, des experts mettent leurs
compétences et leur énergie au
service des entreprises et no-
tamment de leurs démarches
liées au développement durable
et à la RSE. En Ille-et-Vilaine
par exemple, Magalie Chesnel,
conseillère entreprise à la CCI,
travaille avec les entrepreneurs
de son territoire sur l’écono-
mie circulaire et les synergies
interentreprises.
En quoi consiste votre métier à la
CCI Ille-et-Vilaine ?
J’accompagne les entreprises du
département sur la thématique des
achats, avec une dimension respon-
sable et, depuis quelques années,
sur tout ce qui touche à l’économie
circulaire. Nous constatons que les
entreprises ont besoin d’aide pour
absorber la transition que nous
sommes en train de vivre, d’un point
de vue social, environnemental et
économique. Ma mission principale
consiste à développer les synergies
interentreprises.
Comment se concrétisent
ces synergies ?
Nous favorisons, par exemple, les
synergies sur les zones d’activi-
DOSSIER
obscures », dit-elle. Dans un souci de
vulgarisation, elle rédige des articles
sur le blog d’oOlution pour décrypter
les ingrédients utilisés et donner des
conseils. Résultat, le blog est très
consulté, avec près de 100 000 visi-
teurs chaque mois.
Un système de consigne
Anne-Marie Gabelica prône le
«made in France» : pour favoriser
l’insertion professionnelle de tra-
vailleurs handicapés, les flacons sé-
rigraphiés sortent d’un Esat. « Ce
n’est pas simple mais cela fait partie
de notre démarche globale d’inclu-
sion », explique la chef d’entreprise.
Et, pour la communication, pas
d’égérie : Anne-Marie Gabelica pré-
fère mettre en avant ses clientes.
En partenariat
avec le réseau
Des entreprises de la ZI Sud-Ouest en Ille-et-Vilaine envisagent
un service commun de gardiennage et de surveillance de leurs
locaux, à l’initiative de la CCI.
té, en étroite collaboration avec les
établissements publics de coopé-
ration intercommunale (EPCI) et les
collectivités. Nous rencontrons les
entreprises qui y sont implantées
pour connaître leurs besoins et voir
ce qu’elles peuvent proposer à leurs
voisins. Ensuite, nous organisons
des ateliers d’affaires pour encoura-
ger les synergies. En parallèle, nous
travaillons sur le réemploi afin d’évi-
ter que les ressources des entre-
prises ne deviennent des déchets.
Quel est l’intérêt de ces synergies
pour les entreprises et le territoire ?
L’objectif est de favoriser l’économie
circulaire, en faisant faire des éco-
nomies aux entreprises et en leur
permettant d’optimiser leurs res-
LE FIGARO mercredi 3 juin 2020
41
Anne-Marie Gabelica,
fondatrice et dirigeante
des produits
cosmétiques oOLution.
CLAIRE-EMMANUELLE GRAUX
Enfin, oOlution se veut respec-
tueux de la planète. En Malaisie, où
elle a voyagé sac au dos, l’entrepre-
neuse a découvert les ravages de la
culture du palmier à huile. « J’ai vu la
plus ancienne forêt primaire du monde
partir en fumée pour des chips, de la
pâte à tartiner et des cosmétiques »,
raconte-t-elle. Depuis la création
d’oOlution, elle consacre une partie
de ses recettes à la préservation de la
biodiversité. « À Bornéo, oOlution a
déjà sauvé 8 hectares de forêts mena-
cés d’être brûlés pour faire place à des
plantations de palmiers à huile », sou-
ligne Anne-Marie Gabelica.
Dernière innovation en date, un
système de consigne. Dans chaque
commande, est glissée une envelop-
pe réponse T pré-affranchie pour le
retour des flacons usagés. oOlution
se charge ensuite de les faire laver
par des personnes en situation de
handicap. « Ce process de réutilisa-
tion des pots nous coûte plus cher que
d’acheter un packacing vierge, mais
peu importe », explique Anne-Marie
Gabelica. Son obsession ? Apporter
de la valeur partagée à la société.
« C’est un choix pragmatique, un
choix d’avenir, dit-elle. Au-delà
d’être de simples acteurs économiques
et financiers, nous devons être des ac-
teurs citoyens, des acteurs de change-
ment, au risque de ne pas pouvoir ré-
sister aux décennies à venir. La crise
sanitaire va d’ailleurs accélérer l’en-
gagement des entreprises et l’intérêt
des consommateurs pour les entités
qui auront une proposition de valeur
sociétale. »
L’impact économique de la crise
sanitaire n’inquiète pas l’entrepre-
neuse. « Nous allons sans doute ré-
gresser cette année sur la partie B to B
qui représente la moitié de notre chif-
fre d’affaires. Heureusement, l’activi-
té en ligne s’est bien maintenue. » ■
sources. Ces synergies
participent également
à la création d’une dy-
namique territoriale
forte et encouragent un
mélange des cultures :
elles permettent à des
acteurs de l’économie
©Martin Boudier
sociale et solidaire (ESS)
de travailler avec de
nouvelles entreprises, et
à des grands groupes de
collaborer avec de plus
petites structures.
Pourquoi la CCI s’empare-t-elle de
ces sujets ?
La CCI est un acteur incontour-
nable au service des entreprises.
Elle a une vocation sociétale et
vise à aider l’entreprise à gagner
en maturité. Elle est donc tout à
fait légitime pour se saisir des pro-
blématiques d’économie circulaire
Publi-communiqué réalisé par 14HAUSSMANN
et elle joue le rôle de facilitateur
dans les synergies interentre-
prises. Elle est également l’inter-
locuteur privilégié des collectivités
et de l’État et dispose d’un ancrage
territorial et d’une expérience qui
sont très utiles. Personnellement,
cela fait plus de 20 ans que je
suis sur le territoire, donc j’ai une
bonne connaissance du « terroir »
économique.
 mercredi 3 juin 2020 LE FIGARO

42 DOSSIER
Conformité Recommerce
à passer de la théorie à la pratique.
Benoît Varin ne se l’est pas fait dire deux
L’EXPERTISE

et éthique : fois. « Il avait raison. J’avais bien étudié

« Je me
le sujet, constate-t-il. J’étais donc le

prendre mieux placé pour me lancer. » Mais, aux

micro-ordinateurs, il a préféré les télé-

un coup demandais phones portables. C’est ainsi qu’est né

Recommerce.
Installée à Gentilly (Val-de-Marne),
d’avance comment l’entreprise emploie 87 salariés et réalise
70 millions d’euros de chiffre d’affaires.

être utile
L’ambiance à bord est à l’image de ce
que souhaitaient les fondateurs. Tout le
monde déjeune ensemble dans la cuisi-

à la planète » ne commune et, parfois même, on

pousse la chansonnette, avec le direc-
teur des opérations au piano, et une in-
génieur informatique soprano.
Côté marchandise, Recommerce a
D’HALLOY/I&CO

collecté et reconditionné plus de 3 mil-

lions de téléphones portables. L’entre-
prise exporte dans 24 pays et a ouvert un
HENRI DE LESTAPIS bureau aux États-Unis. « Pour fabriquer
un téléphone portable, il faut 100 kg de
FLEUR JOURDAN Est-ce un signe des temps ? En 2009, à matière première et l’émission de 56 kg de
AVOCATE ASSOCIÉE, sa création, Recommerce vendait une CO2 , mitraille Benoît Varin. L’avantage
AYACHESALAMA grande partie de ses téléphones porta- écologique du réemploi est vite calculé ! »
bles reconditionnés en Afrique, en Eu-
En 2016, la loi Sapin 2 rope de l’Est ou en Asie. Onze ans plus Un circuit bien rodé
a créé la compliance tard, l’export est en baisse et les ventes Recommerce travaille avec une dizaine
(ou conformité) à la française. en France en hausse. Depuis l’origine du de partenaires techniques pour le re-
Organisée autour projet, Benoît Varin et ses trois associés conditionnement, en France et en Euro-
de huit piliers, elle prévoit - Pierre-Étienne Roinat, Cédric Mau- pe de l’Est. Son circuit commercial est
que les entreprises élaborent court et Antoine Jeanjean - ont fait le maintenant bien rodé. Mais l’entreprise
notamment une cartographie vœu de réorienter les voies du commer- s’efforce toujours de convaincre des
des risques, un dispositif ce vers l’économie circulaire. Aujour- vendeurs grand public de se convertir à
d’alertes, une charte d’hui, ils se plaisent à croire que leur la vente de smartphones recondition-
de bonne conduite ou rêve commence à se concrétiser. nés. Elle y est déjà bien parvenue avec
des formations sur ces sujets. « Tous les ans, explique Benoît Varin, de grands opérateurs téléphoniques et
L’Agence française nous faisons une étude avec le cabinet quelques grandes enseignes telles
anticorruption, créée Kantar pour évaluer les attentes des qu’Auchan ou Boulanger. « Tout com-
pour l’occasion, est chargée consommateurs de téléphones portables. merçant doit devenir un recommerçant !
de vérifier que les entreprises Jusqu’à l’année dernière, la première at- clame Benoît Varin. Et il faut sortir les
concernées ont satisfait tente était le juste prix, la seconde était la téléphones usagés de l’ombre. Nous esti-
à ces obligations. qualité. Depuis cette année, la première mons qu’il y en a environ 113 millions,
Si tel n’est pas le cas, elles préoccupation reste le juste prix, mais la stockés dans les tiroirs en France. »
s’exposent à des sanctions. seconde est l’engagement écologique. Un Parallèlement à son activité entrepre-
pas est franchi. Les consommateurs sou- neuriale, Benoît Varin a pris la prési-
■ En principe, seules haitent désormais acheter des produits dence de RCube, fédération du réemploi
les entreprises de plus plus respectueux de l’environnement. » et de la réparation, créée en 2014. C’est à
de 500 salariés et réalisant Benoît Varin, 39 ans, entend bien lais- ce titre, et dans le cadre de la loi sur
un chiffre d’affaires supérieur ser à ses deux enfants une société plus l’économie circulaire, qu’il lutte bec et
à 100 millions d’euros responsable que celle où il a vu le jour. ongles pour que la filière de la réparation
doivent mettre en place ces Étudiant à l’Institut Mines-Télécom, il puisse bénéficier d’une TVA à 5,5 %, et
programmes de conformité se passionnait déjà pour le commerce pour que la destruction à perte totale des
et de lutte contre équitable. En 2001, il a lancé Équiterre, produits numériques soit interdite. Il
la corruption. Si les PME site internet de vente de produits équi- défend aussi l’émergence d’un label de
ne sont pas encore soumises tables : café, tee-shirts, savons dûment qualité « produit reconditionné ».
à trop d’obligations en estampillés Max Havelaar. « Je me de- Quant à la filière des téléphones por-
la matière, elles ont intérêt mandais toujours comment être utile aux tables, il estime que nous ne sommes
à se lancer spontanément, autres et à la planète », dit-il. qu’au début d’une transformation en
volontairement Six ans plus tard, le hasard de sa car- profondeur. « Il faut désormais créer des
et dès à présent dans la mise rière l’a poussé à une tribune du Pro- centrales de pièces détachées, exacte-
en place de règles internes gramme des Nations unies pour l’envi- ment comme l’automobile le fait depuis
de compliance, ronnement (PNUE). Devant un parterre des années avec ce que l’on appelait
et ce pour trois raisons. d’officiels cravatés, il a présenté le PC auparavant les casses auto, et sont deve-
Recycling Program, un dossier bien nues les recycleurs, soutient l’entrepre-
■ D’abord, parce qu’il s’agit ficelé par ses soins sur le développement neur. Simultanément, il faudra dévelop-
de règles d’éthique des filières de réemploi des ordinateurs per des formations techniques. Dans de
et de gestion vertueuse dans le monde. Le prenant à son propre nombreux secteurs, il y a de nouvelles fi-
censées prévenir les risques et piège, l’un des participants l’a invité lières à développer. » ■
donc protéger les entreprises.
Les sociétés qui s’inspirent
de ces règles pourront alors
se prévaloir d’une démarche
exemplaire et bénéficier
d’un effet d’image attractif.
Cosmétiques, baskets, smartphones : des entrepreneurs dévoilent les
Dans le monde d’après
la crise sanitaire, la protection que Nil Parra. Il se verse 3 000 euros net Cette volonté de transparence sur les de coton bio au Brésil. La PME créée en
de valeurs sociétales THOMAS LESTAVEL £ @lestavelt par mois : « Cela me suffit pour vivre à prix découle de l’expérience personnelle 2004 achète les matières premières
telles que l’éthique Marseille. » Comme Avant ne va pas jus- des dirigeants. « Nous ne venions pas du auprès des fournisseurs, à des prix décor-
et la probité dans les relations Un savon, un shampoing, une crème, un qu’à lever le voile sur le coût de revient de monde de la mode et nous voulions com- rélés des marchés. « Nike ou Adidas se
commerciales dentifrice, un déodorant et un déma- ses produits, dont les prix de détail prendre ce qui coûtait cher dans un sac », contentent de fournir un cahier des charges
seront valorisées. quillant. Six produits, en tout et pour tout. s’échelonnent entre 5,90 à 12,90 euros. relate Violette Polchi, ancienne chanteu- à leurs usines, sans se soucier de la prove-
Le fabricant marseillais de cosmétiques « Certains clients ne comprendraient pas se lyrique. La PME de 5 personnes pour nance des composants, explique le cofon-
■ Ensuite, parce que cela bio Comme Avant a fait le choix de la sim- pourquoi nos emballages recyclables faits 2 millions d’euros de ventes annuelles dateur Sébastien Kopp. La mode ferme les
permet d’anticiper sur plicité. La petite entreprise de 40 salariés, main coûtent si cher », glisse Nil Parra. diffuse sur son compte Instagram des vi- yeux sur l’amont, elle cultive une opacité
les évolutions réglementaires qui rassemble une communauté de déos décrivant la fabrication de ses sacs. qui l’arrange bien financièrement. »
à venir. Le sens de l’histoire 458 000 fans sur Facebook, dégage une Volonté de transparence « Les gens veulent voir les visages des La marque tendance a écoulé 2,3 mil-
est que ces règles ont vocation marge nette de 22 % pour un chiffre d’af- Un autre couple d’entrepreneurs, Violet- sous-traitants qui ont fabriqué leur sac. lions de paires de baskets l’an dernier,
à s’étendre progressivement faires de 4 millions d’euros. Elle a conquis te Polchi et Léo Dominguez, a sauté le Tout est fait à Naples, sauf la petite maro- pour un chiffre d’affaires de 65 millions
à toutes les entreprises. C’est son public en jouant la carte de la transpa- pas. Leur marque de maroquinerie Léo et quinerie, en Espagne, et les baskets, à d’euros. « Veja » signifie « regarde », au
déjà le cas pour les dispositifs rence sur ses ingrédients et sa fabrication. Violette détaille sur son site et sur Face- Brindisi, dans les Pouilles », précise Vio- Brésil. Le caoutchouc est récolté près de
d’alertes qui, depuis 2018, Tout est parti d’une histoire familiale. book le coût de ses best-sellers. Le sac lette Polchi. la frontière péruvienne ; le coton, planté
ont été rendus obligatoires Comme leur fils Naël développait des pla- Violette, du nom de la fondatrice, est Dans l’univers des baskets, justement, et récolté dans le Nordeste, transformé
pour toutes les entreprises ques cutanées rouges, Sophie Lauret et vendu 350 euros pour un prix de revient Veja fait figure de modèle. L’entreprise en fil, puis en toile, près de Sao Paulo.
de plus de 50 salariés. Nil Parra, tous deux trentenaires, ont de 173 euros, dont 79 euros de cuir et parisienne divulgue sur son site internet L’usine d’assemblage est dans l’État du
cherché des solutions naturelles sans 64 euros de fabrication. les contrats signés avec ses producteurs Rio Grande do Sul, près de Porto Alegre.
■ Enfin, parce que, perturbateurs endocriniens. Ils ont fini
dans le cadre des opérations par formuler leur propre savon à base
de fusion et d’acquisition, les d’huile d’olive bio. Puis décidé d’en faire
due diligences comporteront un commerce. « Si ça marchait pour nous,
désormais un volet ça pouvait être utile pour les autres. J’ai
compliance de plus en plus tout expliqué sur le site internet de l’entre-
important. Ainsi, une PME prise : les matières premières utilisées, la
sur le point d’être vendue fabrication, le séchage et l’emballage »,
pourrait être auditée raconte Nil Parra. Leur dentifrice ne
sur ces points, pour savoir, contient que quatre ingrédients : argile
par exemple, si elle sera blanche, carbonate de calcium, poudre
en mesure de s’intégrer de siwak et cristaux de menthe. Là enco-
facilement dans re, tout est écrit sur le site. « Nos produits
le programme de conformité n’ont rien d’extraordinaire. Si des gens
de son acquéreur. s’en inspirent pour fabriquer leur propre
De la même manière, dentifrice, tant mieux ! Je préfère ça plutôt
une opération de croissance qu’ils achètent un produit industriel »,
externe pourrait la faire poursuit le cofondateur.
basculer dans le champ La société pratique même la transpa-
d’application de la loi Sapin. rence des rémunérations. « Une affiche
Ainsi, autant se préparer dans nos locaux présente les salaires des
A

pour faire de la compliance collaborateurs. Quand j’augmente quel- L’équipe de Comme Avant, l’entreprise familiale marseillaise de cosmétiques bio créée Le sac Violette, créé par Violette
un outil de croissance. qu’un, j’augmente tout le monde », expli- par Sophie Lauret et Nil Parra. COMME AVANT la marque de maroquinerie Léo
 LE FIGARO mercredi 3 juin 2020

DOSSIER 43

Benoît Varin,
cofondateur
Un manuel pour être écolo au bureau
de Recommerce.
RECOMMERCE
FRÉDÉRIC DE MONICAULT
fdemonicault@lefigaro.fr
La responsabilité sociétale des entrepri-
ses (RSE), c’est tout simplement un no
man’s land pour les petites entreprises :
pas d’obligations réglementaires, peu
d’instructions pratiques et rarement des
échanges informels. Face à ce désert,
Pascale Baussant, qui dirige un cabinet
de conseil en gestion de patrimoine, a
voulu réagir. Son ouvrage Petit manuel
pour l’entreprise. Comment agir pour le
climat est une boîte à outils à destination
des entrepreneurs. Avec aussi bien des
mesures faciles à appliquer – comme une
moindre consommation d’encre, en ré-
duisant le corps de la police de caractères
des documents commerciaux – que des
actions très engageantes, comme l’ap-
partenance au club 1 % pour la planète,
qui réunit déjà 500 entreprises ayant fait
le choix de consacrer 1 % de leur chiffre
d’affaires au mécénat environnemental.
À titre indicatif, les dépenses pour ce
volet ne couvrent que 7 % du mécénat
global français.
Petit manuel pour l’entreprise. Comment
agir pour le climat ?, de Pascale Baussant,
est une boîte à outils à destination
des entrepreneurs. EMS
de l’entreprise un calendrier sur les fruits
et les légumes disponibles selon les sai-
sons, à commander un taxi électrique
roulant à l’hydrogène ou encore à offrir
faisons une réunion d’équipe sur le sujet et
nous nous répartissons les initiatives :
l’effort vaut encore plus s’il est collectif,
avec un effet d’entraînement infiniment
positif. » La dernière séance en date s’est
polarisée autour de la pollution numéri-
que. Entre engagement et activisme, la
marge est parfois ténue, voilà pourquoi
Pascale Baussant ne veut pas encourager
au militantisme au sein de l’entreprise :
« On entre là dans le domaine des convic-
tions, qui sont propres à chacun », souli-
gne-t-elle.
Au-delà de son aspect très pratique,
ce Petit manuel pour l’entreprise rappelle
utilement les grands principes d’une
politique environnementale. Cela re-
couvre une série de chiffres qui fixent
l’urgence climatique. Cela permet aussi
de noter que les objectifs affichés de lut-
te contre le réchauffement seront
d’abord atteignables grâce aux entre-
prises. Les particuliers aussi jouent un
rôle, mais ils seront encore plus motivés
si leur environnement professionnel
trace des perspectives environnemen-
tales. Pour son dernier mot, et pas le
moindre, Pascale Baussant précise que
ses droits d’auteur seront reversés à
GoodPlanet, fondation créée en 2005
5 GESTES
SIMPLES
■ Recycler les cartouches
d’encre et toners. Aujourd’hui
seulement une cartouche
sur trois est collectée pour être
traitée. Or ces outils contiennent
des éléments très polluants
■ Optimiser l’éclairage. Selon
une enquête réalisée par l’Agence
de la transition écologique (Ademe)
et Enedis, plus de 50 % des espaces
professionnels étudiés utilisent
encore d’anciennes technologies,
gourmandes en énergie
et agressives pour les yeux.
■ S’équiper d’un mug.
Chaque année, les Français utilisent
deux milliards de gobelets jetables.
■ Choisir des cadeaux d’entreprise
écoresponsables. Trop de gadgets
sont fabriqués à l’autre bout

“ On ne peut accuser les

PME de greenwashing
PASCALE BAUSSANT
” ont souvent de la peine à missionner
« Une idée reçue veut que la jeune géné-
ration soit beaucoup plus sensible aux ini-
tiatives en matière de développement du-
rable, expose Pascale Baussant. En
réalité, l’expérience montre que les quin-
quas sont eux aussi partie prenante, sur-
tout s’ils sont sensibilisés en amont. »
L’ouvrage comporte ainsi une grande
variété de témoignages, qui montre que
des cartes cadeaux « made in France » ?
Face à un tel foisonnement, les PME
quelqu’un en particulier pour s’occuper
de ce dossier climatique. Le dirigeant
aurait naturellement vocation à le pilo-
ter, mais il est déjà surchargé. Pascale
Baussant prend l’exemple de son cabi-
net. « Tous les trimestres, dit-elle, nous
par le photographe et réalisateur Yann
Arthus-Bertrand. « Il est trop tard pour
être pessimiste, écrit-il dans la préface
de l’ouvrage. Ce qui compte, maintenant,
c’est la responsabilité personnelle que
nous voulons embrasser. » ■
Pascale Baussant, « Petit manuel
pour l’entreprise. Comment agir pour
le climat ? », Éditions EMS, 136 p., 12 €.
de la planète. Or leur nombre
croît de manière exponentielle.
■ Trier ses courriels. Chacun
reçoit des lettres d’information
ou des messages récurrents
qu’il ne lit pas. Le bon réflexe
est de se désabonner pour limiter
la pollution numérique.

Des offres LLD hybrides

l’action en faveur du climat n’est pas une
affaire de profils, et encore moins de sec-
teurs d’activité. En revanche, l’auteur
témoigne que tous ceux qui s’engagent
ont pour dénominateur commun un sen-
timent de fierté. « Les couleurs de l’entre-
prise sont affichées en quelque sorte, et on
les porte avec une satisfaction légitime. »
très spéciales
Dans cette étude, il n’est pas caché que
les PME et TPE tirent peu de rendement
1 mois
économique de leurs gestes écologiques.
À l’exception toutefois des mesures d’ef- de loyer
ficacité énergétique. « Contrairement aux
grands groupes, on ne peut pas nous ac-
cuser de greenwashing ni d’exploitation
offert (1)
commerciale de nos initiatives, poursuit
Pascale Baussant. Tant mieux, au demeu-
rant, car cela prodigue une grande liberté
d’action. »
Il faut un livre comme celui-là pour
mesurer à quel point la lutte contre le
carbone se niche absolument partout.
Qui pense à afficher sur le réfrigérateur

coulisses de leur production

Ford Mondeo SW Toyota C-HR BMW X3
Vendue autour de 100 euros, la paire de
baskets Esplar coûte 18,21 euros à pro-
per davantage des conditions de fabrica-
tion chez ses fournisseurs. Les consom- Titanium Hybride Hybride Hybride

176€ 200€ 469€

duire, selon Veja.
L’entreprise a consulté une usine
chinoise pour un modèle équivalent. Le
devis, consultable sur le site de Veja,
s’élève à 5,30 euros l’unité sur la base
d’une commande de 45 000 paires ! Trois
fois moins cher, mais les baskets seraient
fabriquées dans des conditions beaucoup
moins acceptables et « avec des maté-
riaux et des procédés non équitables et non
écologiques », précise Veja. La marque af-
firme ainsi payer son coton deux fois plus
cher et son caoutchouc naturel, trois fois
plus cher que ses rivales.
L’effondrement en 2013 du bâtiment
du Rana Plaza au Bangladesh, qui avait
provoqué la mort de 1 127 personnes, a
obligé l’industrie du textile à se préoccu-
mateurs ont également été sensibilisés
par divers documentaires, comme celui
du journaliste Guillaume Pitron, sur les
pratiques du secteur minier, fournisseur
majeur de l’industrie électronique : pol-
lution, accidents de travail, travail des
enfants…
« Changer l’industrie
de l’intérieur »
Dans les produits électroniques, l’exerci-
ce et autrement plus complexe. La PME
néerlandaise Fairphone, membre du col-
lectif Clean Electronics Production
Network (CEPN), tente de se distinguer
des géants comme Apple et Samsung en
communiquant l’origine des métaux qu’il
achète. La société, fondée par un ingé-
nieur, Bas van Abel, veut « changer l’in-
dustrie de l’intérieur ». Elle livre sur son
site la liste complète de ses fournisseurs
ainsi qu’une carte interactive avec les
flux, les noms, adresses et photos aérien-
nes de ses sous-traitants.
« Nous sommes la seule entreprise
d’électronique grand public à nous appro-
visionner en or issu du commerce équita-
ble, dans des mines au Pérou. Le tungstène
du Fairphone 3 provient d’une mine semi-
industrielle du Rwanda qui ne finance pas
de groupes rebelles », illustre Monique
Lempers, responsable de l’innovation
d’impact chez Fairphone. La société, qui
a réalisé 19,2 millions d’euros de chiffre
d’affaires en 2019, a aussi mis en place des
« chaînes d’approvisionnement plus res-
ponsables » pour le cobalt, le cuivre, le
nickel, le tantale et l’étain. Mais le che-
min est encore long. Il y a une cinquan-
TTC/MOIS* TTC/MOIS* TTC/MOIS*
en Location Longue Durée en Location Longue Durée en Location Longue Durée
LLD 36 mois et 10 000 km/an Plus d’informations ?
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d’intermédiaire d’assurance) dont le siège social est sis 274 avenue Napoléon Bonaparte à 92562 Rueil-Malmaison Cedex,
enregistré au RCS Nanterre sous le numéro 313 606 477. Visuels non contractuels. Crédit photo : Adobe Stock.
A

Polchi, qui a lancé avec Léo Dominguez taine de métaux dans un smartphone, et
et Violette. LEO ET VIOLETTE le « made in China » reste inévitable. ■
 ON A TOUS ENVIE
DE RETROUVER
NOTRE VIE D’AVANT.
MAIS ON A TOUS AIMÉ
VOIR BAISSER LES
ÉMISSIONS DE CO2.
La vie doit redémarrer mais pas le CO2φ �ùĩùſùŗ ìù òú�ρ ì�ùŜŦ ĩÒ ŗÒĕŜĺı ò�ýŦŗù ò�-$?φ
Z�ĺëģùìŦĕċ π ìĺıŜŦŗŬĕŗù ùıŜùİëĩù Ŭı Òſùıĕŗ úıùŗČúŦĕŖŬù ıùŬŦŗù ùı �l2ρ ìĺıìĕĩĕÒıŦ Ŭıù
İùĕĩĩùŬŗù ŔŗúŜùŗſÒŦĕĺı òù ĩÒ ŔĩÒıĆŦùρ ëĕùı�ýŦŗù ùŦ òúſùĩĺŔŔùİùıŦρ ČŗÚìù â ĩ�úĩùìŦŗĕìĕŦú
ùŦ â òùŜ ŜĺĩŬŦĕĺıŜ ùŦ ŜùŗſĕìùŜ ĕııĺſÒıŦŜφ cĺŦŗù ŔŗĺòŬìŦĕĺı ò�úĩùìŦŗĕìĕŦú úİùŦ òúģâ
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