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195-214
Résumé : L’activité d’offre des crédits jadis réservée aux banques est sans cesse exercée par
d’autres intermédiaires financiers. La compétition sur ce métier semble pourvoir aux Petites et
Moyennes Entreprises (PME) un véritable pouvoir de négociation dans leur relation bancaire.
Les implications de l’évolution du rapport de forces sont loin d’être tirées sur le management
bancaire. L’article cherche à déterminer le comportement des PME à l’égard des crédits
bancaires. Le Cameroun est l’aire d’expérimentation. L’échantillon est composé de 60
entreprises et les données sont celles de la période 2001-2005. Nous trouvons que le type de
crédits étudié est évité avant de souligner l’intérêt qu’ont les banques à intégrer les aspirations
des PME dans leur politique d’offre aux fins de compétitivité.
Mots clés : banques ; intermédiaires financiers ; crédits bancaires ; PME.
Abstract: The activity of credits offer formerly exerted only by banks is actually practices
also by others financial intermediaries. The diversity of creditors that has the small and
medium firms (SMF) searching the funds seem to increase their negotiation power in the bank
relationship. The consequences of this evolution of forces on the bank management are not
yet knowed. This paper aims to determine de behavior of SMF vis-à-vis the bank credits. The
sample is composed of 60 firms and the data are those of 2001-2005 period. Cameroon is the
context of study. We found that the banks credits are avoided after outline the banks interest
to take into account the desires of SMF when they conceive their credit offer policy.
Key words: banks; banks credits; financial institutions; SMF.
____________________________
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Revue Marchés et organisations, 2011, n°14, p.195-214
1. Introduction
Les séquelles de la crise qui a frappé le système bancaire des pays de l’Afrique
Centrale1 à partir de 1985-1986 sont encore d’actualité. Elles portent particulièrement sur
l’attitude des banques dans ce contexte en matière d’offre des crédits. Ainsi, par souci d’éviter
des erreurs du passé à l’origine de la crise (laxisme dans l’évaluation du risque de crédit etc.),
ces banques sont en effet devenues tellement prudentes à l’égard des entreprises au fil du
temps qu’il n’est pas exagéré aujourd’hui de qualifier leur comportement de transactionnel2
(Wamba, 2001a). Elles s’abstiennent à avoir une approche relationnelle à l’égard des
entreprises (Ndjanyou, 2001) en s’appuyant notamment sur les seuls facteurs quantitatifs
(données comptables) pour évaluer le risque de crédit, exigeant des garanties tangibles comme
condition de prêt et en n’accordant à la rigueur que les crédits de court terme (court-
termisme). Leur de surliquidité semble présentement s’expliquer par cette démarche qui
aboutit à refuser effectivement les prêts à la plupart des entreprises (Wanda, 2007).
Nombreux sont les auteurs qui fustigent cette logique de rationnement qui sous-tend
le fonctionnement des banques locales en posant particulièrement qu’elle est totalement
inadaptée pour l’objectif de développement économique (Andely, 1997). Le problème qu’ils
posent précisément est que ce rationnement frappe les principaux vecteurs de développement
que sont les petites et moyennes entreprises (PME) (Wamba et Tchamambé, 2002).
Cependant, de notre point de vue, la stigmatisation s’est souvent conçue sans qu’au
préalable des véritables études empiriques aient été menées pour comprendre les aspirations
réelles des entreprises : les attentes des entreprises dans leur relation bancaire sont très
préoccupantes dans le domaine du marketing bancaire dans les pays développés (Maque et
Godowski, 2009) et s’analysent surtout par rapport au type comportement bancaire souhaité
(relationnel ou transactionnel)3. En plus, les analyses se focalisent généralement du côté de
l’offre (des banques) pour conclure au phénomène de rationnement sus évoqué au regard des
données macroéconomiques sur la quantité de crédits offerts [Dinamona (1996), (Andely,
1997) etc.]. Du côté de la demande ou des entreprises donc, la littérature locale s’est rarement
posé la question de savoir si la quantité des dettes bancaires présentes dans leur structure
financière résulte ou non du rationnement des banques4.
1
Ces pays sont au nombre de six à savoir, le Congo, le Tchad, la Guinée équatoriale, la Centrafrique, le Gabon
et le Cameroun et disposent un même organe de régulation du secteur bancaire qui est la COBAC.
2
Ce terme n’apparaît pas explicitement, au contraire de certaines de ses caractéristiques citées ici, dans les
travaux locaux portant sur la relation banques/entreprise.
3
Sur le sujet, Perien et Ricard (1995) et Lamarque (2002) notamment sont des références utiles.
4
Certaines analyses faites, sur la base de la faible quantité des dettes bancaires dans la structure financière des
entreprises, concluent à la thèse de rationnement.
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Cet article s’intéresse à cette interrogation, déjà posée dans d’autres contextes5, et
relativise la thèse de rationnement qui a longtemps servi à expliquer la structure financière des
entreprises et des PME en particulier. En effet, au regard de l’évolution de l’environnement
financier en Afrique centrale, les banques semblent avoir perdu du pouvoir6 à l’égard des
entreprises dans la relation de crédit. Elles ne sont plus les seuls à exercer le métier d’offre
des crédits. Des intermédiaires financiers tels que les institutions de microfinance (IMF),
encore appelées coopératives d’épargne et de crédit, sont devenues des véritables concurrents
en la matière. La compétition est d’autant plus rude que ceux-ci progressent7 en nombre et
ont des conditions d’offre des crédits moins contraignantes que celles des banques (Wamba,
2001a). Certes, ils n’accordent que des microcrédits. Mais, comme le note la COBAC (2006),
le secteur de la microfinance devient de plus en plus attractif pour certaines banques
commerciales8. Cet attrait peut expliquer pourquoi, par moment, prés de 80% des crédits
offerts par ces banques s’adressent aux PME (Wamba et Tchamambé, 2002).
Le moins qu’on puisse dire c’est qu’en raison de la présence des IMF particulièrement,
les PME disposent désormais de plusieurs interlocuteurs (en plus des banques) lorsqu’elles
sont en quête des crédits. Elles acquièrent implicitement, de notre point de vue, un pouvoir de
négociation à l’égard des banques qui est rarement considéré dans les travaux sur le
financement bancaire des PME en Afrique centrale. Il se peut qu’en raison de ce pouvoir, la
structure financière de ces entreprises soit plutôt dépendante des facteurs endogènes que des
facteurs environnementaux comme le comportement opportuniste des banques. Dans d’autres
contextes, ce raisonnement sous-tend l’idée que les entreprises sont capables d’anticiper les
comportements des banques, éviter en conséquence les crédits correspondants (Houston et
James, 1996) ou alors rompre des liens de crédits existants (Perien et Ricard, 1995). Il guide
la conception de cet article.
5
Dans d’autres contextes, ce questionnement est déjà préoccupant. Hains (2003) notamment s’interroge de
savoir si le faible degré d’intermédiation bancaire s’explique par la réponse défavorable de la demande (des
entreprises) au contrat de crédit ou s’il est causé par le rationnement du crédit. Pour le cas de la France
notamment, Cordier et Sicsic(1996) privilégient l’explication par la réponse défavorable des entreprises qui
signifie que celles-ci refusent de s’endetter auprès des banques.
6
Le concept n’est pas fréquent dans la théorie bancaire. Ici, « le pouvoir est défini comme la capacité d’influer
sur le comportement d’autrui…A a du pouvoir sur B dans la mesure où il peut obtenir de B que celui-ci fasse des
choses qu’il ne ferait pas autrement » (Maati, 1999).
7
Suivant la COBAC (2006, p.75), le nombre d’IMF de deuxième catégorie a augmenté entre 2000 et 2006 au
Cameroun passant de 490 à 652.
8
Ces banques dites de proximité sont pour l’essentiel des banques à capitaux camerounais ou africains (CBC,
Afriland First bank etc. pour le cas du Cameroun) : celles à capitaux étrangers (SGBC, Standard chartered Bank,
etc. sont davantage orientées vers le financement des filiales des grands groupes étrangers et très rarement des
PME locales. Elles gèrent l’activité d’offre de microcrédits à travers des filiales spécialisées dont les organismes
de capital-risque (l’organisme CENAINVEST ou « Central Africa Investment » détenu à prés de 37% par
Afriland First Bank, l’une des 12 banques que compte le secteur bancaire camerounais) et les établissements de
microfinance (la banque BICEC par exemple a acquis récemment l’entreprise de microfinance dénommée CEP).
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L’objet est de déterminer l’attitude des PME à l’égard des crédits bancaires.
Autrement dit, il s’agit de savoir si les PME sont favorables à l’offre bancaire en termes de
crédits. Le problème est qu’avec la recrudescence des interlocuteurs financiers autres que les
banques, il se peut que les PME pèsent désormais les avantages et les risques de ce type de
crédit préalablement à la prise de décision de choix. Il résulte principalement de la
méthodologie adoptée que les entreprises étudiées évitent de s’endetter auprès des banques.
2. Problématique des enjeux des crédits bancaires
En suivant la thèse de la neutralité de la structure financière telle que défendue par
Modigliani et Miller (1958), l’endettement préoccupe peu l’entreprise puisqu’il ne peut lui
servir à influencer sa valeur. L’intérêt dont il fait l’objet commence lorsque se défendent les
thèses de non neutralité (Modigliani et Miller, 1963) et de compromis (Jensen et Meckling,
1976). Autrement dit, l’endettement s’analyse comme un risque et une opportunité à la fois
pour l’entreprise concernée. Dans ce contexte cependant, il est déterminé par les seules forces
environnementales (taux d’intérêt sur le marché monétaire etc.) dont le pouvoir ou le
comportement des créanciers comme les banques suivant la théorie du rationnement de
Stiglitz et Weis (1981).
L’importance accordée à ces forces s’affaiblit avec la vision de la structure financière
comme une arme stratégique au service des dirigeants d’entreprise (Barton et Gordon, 1987).
Le comportement managérial apparaît dés lors comme l’un des facteurs endogènes
déterminant l’endettement des entreprises9 et définissant le pouvoir de négociation de celles-
ci vis-à vis des créanciers. Dans ce cadre d’analyse, les dirigeants peuvent ainsi éviter
l’endettement bancaire aux fins par exemple de s’affranchir du contrôle externe qu’opèrent les
banques à travers l’activité de prêt (Alonzo, Lopez et Sanz, 2005). La passivité des
entreprises à l’égard des banques sur le marché du crédit telle que supposée par la théorie
financière classique apparaît ainsi remise en cause, tout au moins implicitement.
Dans l’économie bancaire proprement dit, les explications du rôle controversé de
l’endettement bancaire sont davantage conçues en évoquant le fait que les banques peuvent
avoir, à l’égard des entreprises partenaires, deux types de comportement aux caractéristiques
conflictuelles : le comportement relationnel10 fondant l’opportunité des dettes bancaires ; le
9
La discrétion managériale en tant que facteur déterminant de la structure des entreprises est bien posée par la
théorie des signaux. Parmi les autres facteurs endogènes on peut citer le degré de spécificité des actifs, suivant la
théorie des coûts de transaction.
10
C’est surtout dans le cadre de la littérature sur le marketing bancaire que les caractéristiques de ce
comportement ou de son alternatif (transactionnel) sont plus développées. Les principales sont les suivantes :
relation chaleureuse entre la banque et l’entreprise, étroite, durable ou de long terme et caractérisée par des
interactions fréquentes ; considération des facteurs qualitatifs dans l’évaluation du risque de crédit ; confiance ;
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l’absence d’opportunisme entre les partenaires ; la disponibilité de la banque à renégocier la dette en cas de
difficulté de paiement de l’emprunteur.
11
Dans l’analyse de ces auteurs, la banque est actionnaire, ce qui lui permet de contrôler ses décisions
stratégiques de l’entreprise en matière de choix des investissements et des modes ou sources de financement.
Avec le seul statut d’obligataire, ce contrôle est en principe exclu à la banque.
12
Dans la théorie banque/entreprise, le rationnement des crédits bancaires auquel font face les entreprises en
contexte d’asymétries informationnelles (caractéristiques des AI) est une manifestation patente de
l’opportunisme des banques poursuivant leurs seuls intérêts (le profit lié au remboursement éventuel des intérêts
et du capital prêté).
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filigrane de ces travaux le fait que les entreprises en quête de fonds disposent d’un pouvoir
qui leur permet de solliciter ou éviter les banques en fonction de certains objectifs qu’elles se
fixent (flexibilité, efficience, maintient des secrets etc.)
Si la littérature bancaire s’accorde donc sur le fait que les crédits bancaires ne
constituent pas une panacée de financement pour les entreprises, il reste que l’essentiel des
travaux porte sur des grandes entreprises et rarement sur des PME qui composent en
conséquence l’échantillon de ce travail.
3. Déroulement de la recherche
L’hypothèse, l’échantillon, la période d’étude et les données, la mesure des variables,
le modèle empirique conçu et la méthode économétrique d’estimation sont les différents
points à clarifier.
L’étude porte sur 60 PME et le Cameroun est l’aire d’expérimentation. Elle prend en
compte le type d’investissement pour lequel ces entreprises sont en quête de crédits. Nous
considérons qu’il s’agit des investissements en AI dont l’allocation optimale nécessite que
l’entreprise concernée sollicite des créanciers dotés à priori de comportement relationnel
(Parthiban, O’Brien et Toru, 2008). Dans ce cas, si l’on admet que les banques ont un
comportement plutôt transactionnel au Cameroun [Wanda(2007), Ndjanyou (2001)]13, on peut
conjecturer que les PME en quête de crédits pour leur investissement en AI éviteront les
crédits bancaires. L’hypothèse suivante est formulée en conséquence : les dettes bancaires
de l’entreprise influencent négativement ses investissements en AI.
Les données sont quantitatives et qualitatives. Celles de nature quantitatives sont
issues des déclarations statistiques et fiscales (DSF) consultées à l’Institut National de la
Statistique (INS). La période d’étude est de cinq ans allant de 2001à 2005. L’étude considère
comme PME toute entreprise dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à un milliard de
francs CFA14. Pour le reste, les données qualitatives résultent de l’administration des
questionnaires dont la procédure est présentée par Tioumagneng (2009).
Trois catégories de variables sont principalement considérées. La première est
constituée de la variable dépendante, la seconde est composée des variables explicatives et la
troisième catégorie concerne les variables instrumentales.
La variable dépendante est celle des dépenses d’investissement de l’entreprise en AI
notée Y1. Ces actifs sont inscrits en tant qu’immobilisation incorporelle à l’actif du bilan
13
Les caractéristiques du comportement transactionnel des banques au Cameroun telles que relevées par ces
auteurs , entre autres, sont notamment le court termisme, la focalisation sur les informations quantitatives issues
des états financiers pour évaluer le risque de crédit, la forte exigence des garanties tangibles comme condition de
prêts et le niveau très élevé des taux d’intérêts appliqués.
14
Ce critère est celui de la Direction des Grandes Entreprises du ministère des finances au Cameroun et qui
considère comme grande entreprise celle qui a un chiffre d’affaires annuel supérieur au montant indiqué.
200
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Mouhoub, Plihon (2007, p.34). Y1 a été en conséquence mesurée par le montant du ratio
Immobilisations Incorporelles/Actif Total.
Les variables explicatives sont : la variable des dettes bancaires de l’entreprise (X 1 )
qui est la variable explicative d’intérêt ; la variable des dettes fournisseurs et la variable des
dettes d’entreprises de capital-risque qui sont des variables de contrôle.
X1 est appréciée par le ratio concours bancaires courants /Actif total. La présente
étude se focalise sur la composante des dettes bancaire de court terme. En effet, au Cameroun
qui l’aire d’expérimentation, la concurrence en matière d’offre des crédits aux PME n’est
pertinente qu’en ce qui concerne les microcrédits qui sont fondamentalement de maturité
courte. Cette mesure se fonde sur l’hypothèse que les dettes contractées par les entreprises
auprès des banques sont à la fois de court et de long terme et qu’au Cameroun où le marché
financier n’est véritablement pas actif les Dettes financières (qui sont des dettes de long
terme) ne peuvent provenir en grande partie que des banques.
La variable des dettes fournisseurs, X2 , a été appréhendée par le montant du ratio
Dettes fournisseurs / actif total.
En ce qui concerne la variable des dettes d’organisme de capital-risque15 (X 3 ), il a été
impossible d’obtenir des informations précises sur ce type de dettes dans les DSF ou bilan des
entreprises étudiées. Par conséquent, c’est à travers le questionnaire qu’elles ont été
collectées. X 3 est de ce fait une variable qualitative et précisément dichotomique (0,1) 16 : sa
modalité 1 traduit la présence d’un organisme au capital de l’entreprise ; et sa modalité 0
traduit l’alternative.
La concurrence en matière d’offre de micro crédit aux PME dans l’aire
d’expérimentation considérée nous semble s’exercer entre trois institutions : les fournisseurs ;
les banques ; les organismes de captal-risque. Dans le modèle empirique conçu, l’hypothèse
d’une complémentarité entre les trois formes d’endettement en contexte de financement des
AI par l’entreprise est en conséquence posée. Ainsi, pour chaque entreprise i (i =1…60) à une
année t (t=1…5), ce modèle est formalisé comme suit.
15
Le financement par capital-risque (et donc les dettes d’organisme de capital-risque) est un mode de
financement très peu développé au Cameroun. On y retrouve à peu prés six entreprises de capital-risque
(CENAINVEST, FE Samuel, KAFINVEST, SNI, SAPA).
16
L’administration du questionnaire pour obtenir les données qualitatives a été précédée par un stage de
recherche fait par l’auteur, pendant la conception de sa thèse de doctorat, dans un organisme de capital-risque
(Central Africa Investment, CENAINVEST) entre les mois d’avril et mai 2007 au Cameroun (Yaoundé). Le but
visé dans ce stage consistait à comprendre comment se conçoit la relation de financement entre les organismes
de capital-risque et les entreprises non financières. L’une des leçons tirées a été que les crédits accordés par ces
organismes se conçoivent en termes de « prêts de participation ». Ils sont mis à la disposition de l’entreprise où
l’organisme est actionnaire. Ces prêts sont divisés en plusieurs montants égaux et repartis sur le nombre d’années
correspondant à la durée de la présence de l’organisme au capital de l’entreprise.
201
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modèle.
Ce modèle est un panel, ce qui fait que l’étude porte sur 300 observations (60
entreprises x 5 ans). Le recours à cette méthodologie contraint de choisir le type de
modélisation des effets individuels à retenir pour l’estimation. La modélisation à effets fixés
et celle à effets aléatoires sont les deux principaux modèles concurrents. Les résultats de la
mise en œuvre du test de Hausman guident le choix à opérer. Ce test est basé sur la
comparaison de deux estimateurs, l’estimateur obtenu par la méthode de MCO sous
l’hypothèse d’éxogénéité (modélisation à effets fixés) et l’estimateur obtenu en supposant
l’existence d’un régresseur endogène (modélisation à effets aléatoires). Les résultats de sa
mise en œuvre indiquent une différence non significative au seuil de 5% des deux estimateurs,
puisque la probabilité du test (soit 0.265) est supérieure à 5% comme l’indique l’Annexe 1.
La modélisation à effets aléatoires s’est donc avérée adaptée à la régression (1) ci-dessus.
Le modèle à effets aléatoires est basé sur l’hypothèse fondamentale qu’il existe au
moins une variable explicative du modèle étudié qui est endogène ou corrélée avec le terme
d’erreur. Il se peut donc que dans le modèle empirique, tel qu’il est formalisé, ce soit plutôt
les investissements en AI (Y 1 ) déjà entrepris par l’entreprise qui influencent ou déterminent
ses dettes bancaires et non bancaires17. Suivant les résultats de la mise en œuvre du test
d’endogénéité d’Hausman18 sur le modèle (1), X 1 et X 3 sont endogènes. En effet, les
probabilités du test d’Hausman pour ces deux variables sont respectivement 0.035 (voir
Annexe 2.1.) et 0.015 (voir Annexe 2.3.) toutes inferieures au seuil de 5%.
La méthode d’estimation par les variables instrumentales a été retenue pour
l’obtention des coefficients convergents compte tenu de la présence des variables endogènes.
Des instruments potentiels de X 1 et X 3 on été identifié dans la théorie financière. Pour
17
Une explication de cette situation, pour le cas des dettes bancaires et des dettes d’entreprises de capital-risque
notamment, serait que les banques et les entreprises de capital-risque financent les entreprises déjà fortement
innovantes ou à forte opportunité de croissance.
18
Ce second test porte précisément sur chacune des variables explicatives conçues et permet de détecter celles
(ou celle) qui sont effectivement endogènes c'est-à-dire corrélées avec le terme d’erreur du modèle. Lorsque la
probabilité du test est inferieure au seuil d’erreur retenu alors on accepte l’hypothèse d’endogeneité de la
variable concernée.
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Le tableau suggère que la marge d’erreur à laquelle les résultats sont à considérer est
d’environ 69%, puisque la p value du modèle est de 0,6922.
Il apparaît que les dettes bancaires, qu’opérationnalise X 1 , expliquent négativement les
dépenses d’investissement en AI (Y 1 ) avec un coefficient de – 0.021872. Cette explication est
non pertinente cependant, puisque la valeur de (P>|t|) correspondant au t de student du
coefficient de X 1 est égale à 0.773. A titre de rappel, X1 est une variable quantitative et
continue. Ceci étant, le présent résultat traduit qu’une augmentation du taux d’endettement
bancaire de l’entreprise réduit ses dépenses d’investissement en AI conformément à
l’hypothèse émise qui est donc acceptée. Il en résulte implicitement que, ceci conformément
19
Le fondement théorique de cet instrument est que des auteurs montrent que le choix d’un mode d’endettement
et en particulier des dettes bancaires est fortement influencé par la préférence ou discrétion des dirigeants de
l’entreprise (Alonzo, Lopez et Sanz, 2005). Par ailleurs, et comme suggéré à l’introduction, les décisions de
gestion financière dans les PME sont l’apanage du dirigeant-actionnaire.
20
La pertinence de cet instrument s’explique par le fait que, suivant la théorie sur le financement par capital-
risque, l’offre des dettes à une entreprise donnée est un moyen permettant aux organismes de capital-risque de
contrôler leur investissement en capital (prise de participation) (Bascha et Walz, 2001). Autrement dit,
l’entreprise n’accède aux dettes d’organismes de capital-risque (X 3 ) que si ces organismes sont actionnaires
(X 25 ).
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21
La littérature spécialisée Anglo saxonne parle de « Transactionnel Debt » pour qualifier les crédits offert aux
entreprises par les banques caractérisées par un comportement (Parthiban, O’Brien et Toru,2008).
22
Les AI sont fondamentalement des investissements à rentabilité différée et incertaine (Mouhoud et Plihon,
2007).
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négociation dans leur relation bancaire puisqu’elles disposent des options de choix de la
source d’endettement plus larges. Il semble convenable dans ce contexte de relativiser leur
passivité vis-à-vis des banques et de considérer qu’elles sont actives dans la conception de
leur structure financière en évitant ou sollicitant notamment les crédits bancaires. L’objet de
l’article a consisté à déterminer l’attitude des PME à l’égard des crédits bancaires. Cet
exercice est traité en analysant la décision des entreprises concernées de financer ou non leur
investissement en AI par endettement bancaire. Les résultats montrent que le type de crédits
étudié est évité. Le comportement transactionnel des banques dans l’aire d’expérimentation
considérée a constitué la principale explication : le fait d’éviter pour les entreprises étudiées
les crédits bancaires implique qu’elles sont « relationnelles » ou préfèrent un comportement
plutôt relationnel des banques créancières. L’étude menée débouche ainsi également, comme
la plupart des travaux locaux spécialisés, à une remise en cause du modèle transactionnel qui
sous-tend la relation banque-entreprise au Cameroun ou en Afrique centrale en général. La
portée est conçue du point de vue des banques. Celles-ci sont de plus en plus préoccupées par
l’activité d’offre de microcrédits aux PME. Au Cameroun et comme il a été constaté à
l’introduction, elles n’hésitent plus à créer des structures spécialisées ou à acquérir
simplement des institutions de microcrédits qui sont des concurrents. Cette stratégie de
descente en bas de gamme (« Downscalling ») implique que les banques concernées ont
compris l’importance des PME en tant que source de revenus pour leur activité d’offre de
crédit. Les résultats de ce travail interpellent en conséquence les banques soucieuses
d’accroître leur part de marché l’importance à prendre en compte les aspirations des PME
dans leur politique d’offre. Cela suppose une identification précise de ces attentes qui devrait
préoccuper des recherches ultérieures.
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Annexe
chi2(2) = (b-B)'[(V_b-V_B)^(-1)](b-B)
= 2.60
Prob>chi2 = 0.265
chi2(2) = (b-B)'[(V_b-V_B)^(-1)](b-B)
= 0.60 chi2<0
Prob>chi2 = 0.035
chi2(2) = (b-B)'[(V_b-V_B)^(-1)](b-B)
= 2.50
Prob>chi2 = 0.265
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chi2(2) = (b-B)'[(V_b-V_B)^(-1)](b-B)
= 0.00
Prob>chi2 = 0.015
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