Beruflich Dokumente
Kultur Dokumente
Gustavo Giovannoni.
Luc VERQUIN.
Sommaire.
I. Présentation de l’auteur.
V. Avis personnel
Gustavo Giovannoni (Rome 1873 – 1947), est l’un des grands instigateurs
de la vision urbanistique moderne. Il a exercé les professions d’architecte
et ingénieur, se rapprochant des professions contemporaines d’« archi-
tecte urbaniste » et « ingénieur en génie civil ». Il a étudié à l’Ecole d’application des
ingénieurs de Rome, obtenant son diplôme en architecture et sciences de la
construction en 1895.
Il a travaillé sur la question de l’hygiène, à la recherche antisismique et à l’hydraulique
qui sont ses principaux domaines, avec une spécialisation au sein de l’Ecole supérieure
d’hygiène publique, puis dans le domaine de l’histoire de l’art, voyant de plus en plus la
ville comme un ensemble, surtout d’un point de vue artistique. Dans cette continuité, il
étudie l’histoire de l’art médiévale et moderne à la faculté de lettres de Rome, et
diversifie sa compétence linguistique (français et allemand) dans le but de limiter toute
contrainte à sa vision qui s’étend à l’international. De 1927 à 1935, Giovannoni dirige
l’Ecole d’architecture de Rome et devient de fait l'un des principaux promoteurs de la
première faculté d'architecture italienne. Au sein du cursus d’enseignement, les
disciplines d’études diverses sont regroupées, telles que les sciences de l’ingénieur, de
l’urbanisme, l’enseignement artistique, l’histoire de l’art et de l’architecture, la
conservation et restauration patrimoniale, témoignant d’une approche pluridisciplinaire,
et devient le pionnier d’une véritable conscience ancrée dans la durabilité et les
perspectives à long terme, encore présente aujourd’hui dans les esprits des urbanistes.
Retour au sommaire
Giovannoni considère donc que l’architecture et l’histoire des arts, sont étroitement
liés et indissociables dans l’analyse. Il devient enseignant en architecture en 1905,
par sa volonté de faire partager son point de vue, et rejoint et anime l’association
d’amateurs de l’art et de l’architecture en 1906.
Toujours dans l’optique d’informer et d’éduquer, Giovannoni est l’instigateur des
premières revues en matière d’architecture. Il fonde avec Marcello Piacentini
« Architecture et arts décoratifs » (Architettura e Arti decorative) en 1921, et crée la
première revue d’histoire de l’architecture « Palladio », en 1937. Il est l’une des
figures emblématique de la première Conférence internationale sur la conservation
et la restauration des monuments historiques d’Athènes de 1931, à tel point qu’il
influe sur le système italien (la loi de 1939 sur la défense des beautés naturelles est
inspirée par sa réflexion et est à l’origine de la loi italienne sur l’urbanisme du 2
juillet 1942.
Il rejoint le conseil supérieur d'antiquité et beaux-arts (Consiglio superiore di
antichità e belle arti) où il joue un rôle de juge-conseiller en mettant ses idées en
pratique pour la direction des beaux-arts, et le Conseil exécutif de la Société
Romaine philologique (Société Romana philologique). Membre de nombreuses
institutions, Giovannoni a fortement marqué son époque sa volonté ferme de servir
ses principes l’a parfois associé aux idéaux fascistes, bien que n’ayant jamais prôné
les intérêts fascistes face à ses principes en période de guerre, ce qui explique la
réédition tardive de ses écrits en 1998, jusqu’alors éclipsés avec la guerre.
Retour au sommaire
II. Contexte de l’œuvre.
L’urbanisme face aux villes anciennes, traduction de « Vecchie città ed edilizia nuova »
est publié en 1931, durant « l’entre-deux guerres ». Sa réédition en 1998 comporte une
introduction rédigée par François Choay (historienne des théories et des formes
urbaines et architecturales, auteure de « L’urbanisme, utopies et réalités »), présentant
le livre comme un véritable tournant à la fois dans la carrière et dans la pensée de
GIovannoni, et omme la synthèse de tous sa travaux antérieurs. Le contexte d’après-
guerre dans lequel se trouve l’Europe, après un bilan de dégâts matériels importants, à
l’époque de la publication de ce livre (1931), interroge sur le développement des notions
d’urbanisme : nécessité de reconstruire les villes, de relancer. L’ouvrage est donc un
élément de réponse aux problématiques de l’époque et aux besoins démographiques.
L’année de publication de l’ouvrage correspond à la tenue de la Conférence d’Athènes de
1931, où sa participation n’a pas permis la prise en compte de ses idéaux urbanistiques.
Jusqu’en 1998, ses travaux n’auront jamais été pris en considération, mais l’émergence
de son apport à une époque où les questionnements sur l’aménagement du territoire,
dans un contexte de transition urbaine effectuée, prouve le caractère avant-gardiste de
ses idées. À ses dernières avaient jusqu’alors été préféré le renouvellement urbain que
l’on connaît dans un contexte d’après-guerre, où la patrimonialisation est devenu un
processus omniprésent au sein des pays développés. La pluridisciplinarité n’était alors
pas de rigueur, et la ville avait tendance à être pensée de manière sectorielle.
Retour au sommaire
III. Le contenu et les idées de l’ouvrage.
Retour au sommaire
Dans le deuxième chapitre, Giovannoni parle des caractéristiques des villes anciennes,
toutes nées d’un noyau : les villes européennes correspondent à un schéma
s’articulant autour d’un centre historique, mais ce dernier a quand-même un
caractère évolutif, du fait de son renouvellement constant et des transformations
uniformes d’une ville à l’autre, causées par divers phénomènes comme l’évolution
démographique et l’émergence de nouveaux besoins.
Les monuments, l’organisation des rues, sont à analyser, dans la perspective d’un
diagnostic, comme une dimension temporelle de la ville. L’archétype de la ville
européenne née de l’antiquité, présente un plan en damier plus ou moins régulier et
symétrique selon la topologie, quadrillant ainsi les différents quartiers et définissant
les plus grandes voies de circulation comme les points cardinaux, et possède un centre
administratif. L’orientation des monuments dépend d’ailleurs du contexte religieux.
Retour au sommaire
Par la suite, Giovannoni analyse la « ville moderne » et ses caractéristiques, comme
ayant acquis des spécificités à partir du XIXème siècle, début de transition
démographique dans les grandes villes. Cet accroissement a été à l’origine de nombreux
problèmes posés par l’agglomération et les moyens de communication. L’auteur
dénonce le technicisme et les finances publiques et privées comme moteurs principaux
du développement, urbain, faisant l’impasse sur la vision traditionnelle de l’urbaniste et
de l’architecte, bien que reconnaissant l’esthétisme de certaines réalisations isolées (La
Bavaria de Munich, les travaux d’Haussmann). Les principales caractéristiques
demeurent de grands réseaux de commerce et d’approvisionnement (gares ferroviaires,
entrepôts…), développement des infrastructures de transport en fonction des véhicules
et de leur vitesse, forte sectorisation du bâti notamment à travers l’établissement de
villes satellites, implantation de réseaux techniques et organisation des services publics,
développement de jardins à l’intérieur de la ville et parcs en périphérie, ampleur des
espaces et vitesse de déplacement, zonage des activités. Le coût de ces transformations
est élevé, et l’auteur déplore la faible plus-value apportée, profitant moins à la
municipalité qu’aux acteurs du privé. Au-delà, de fortes nuisances sont pointées du
doigt (congestion urbaine, pollution sonore etc.), et l’utilisation des transports en
commun est prônée pour désengorger les voies ayant atteint leur « seuil de
saturation ». Concernant la place de l’esthétisme, Giovannoni critique l’émergence des
théories matérialistes, dont la construction verticale uniformisée, et appelle à imaginer
l’art dans l’urbanisme et l’architecture comme un schéma permettant d’envisager des
possibilités spatiales à travers symbolisme, couleurs, et formes.
Retour au sommaire
Ainsi, il souhaite donner une âme, un esprit artistique, dans la bâti émergent.
Dans l’ouvrage, Giovannoni revisite les façons de concevoir le travail sur la ville par un
urbanisme moderne, à travers le patrimoine comme « catalyseur dans la création d’un
nouvel organisme urbain ». L’analyse du potentiel d’un lieu et l’intégration de la prise
en charge du patrimoine existant, jouant un rôle fondamental dans les transformations
urbaines qui font face à l’accélération de la métropolisation, permet de faire face à un
urbanisme faisant table rase sur l’existant et privilégiant le fonctionnalisme que connaît
l’urbanisme moderne. Cette forme d’interdépendance entre projet urbain et bâti
existant apporte une vision plus pragmatique de l’urbanisme.
Retour au sommaire
IV. Conclusion et préconisations.
L’ouvrage se conclut sur une liste de préconisations qui fait la synthèse de l’ensemble
des points évoqués :
Retour au sommaire
V. Avis personnel.
Il est tout d’abord à préciser que cet ouvrage, malgré son caractère technique certain,
s’est avéré très clair et relativement facile à lire. Il s’agit selon moi de l’un des ouvrages
indispensable à la culture générale de tout urbaniste, pour mener une réflexion à la
ville à la fois cohérente et respectueuse de son héritage.
L’ouvrage est très pratique, propose de nombreux exemples et différents plans qui,
malgré les grandes similitudes soulignées dans le développement des villes, soulignent
les particularités inhérentes à chacune d’entre-elles (l’ouvrage s’attarde notamment sur
les exemples de Rome, Naples, Cagliari et Pise, mais traite aussi d’exemples à
l’international, jusqu’aux schémas de villes aux Etats-Unis).
À la lecture, on se rend compte que Giovannoni était un visionnaire. Dès 1931, sa vision
de la ville sortait de l’optique très sectorielle à laquelle elle était soumise à l’époque, au
profit d’une approche pluridisciplinaire telle qu’elle est ancrée dans les projets urbains
contemporains.
Au-delà de cela, on se rend également compte que les préconisations données en fin
d’ouvrage tendent vers le système décentralisé, basé sur la concession, que l’on connaît
aujourd’hui. En outre, le retour vers le centre-ville a également été anticipé, avec les
phénomènes de gentrification que l’on a connus au cours des années 1980 et 1990.
Retour au sommaire
En revanche, l’ensemble de l’ouvrage ainsi que ses préconisations semblent être d’une
rigidité ne laissant pas place à l’incertitude quant à une charte des bonnes pratiques.
Je suis fondamentalement d’accord avec le fait d’envisager l’urbanisme dans les villes
centres en fonction de leur patrimoine, justifiant d’une mise en contexte dans le but de
le mettre en valeur. On sort ainsi de la conception de ville musée au sein de laquelle le
processus de patrimonialisation ne concerne pas uniquement un objet individuel
sacralisé, mais bien une manière de penser la ville de façon à lui procurer une identité,
et d’y intégrer à la fois un aspect fonctionnel et le volet social.
En revanche, la réflexion n’intègre pas assez la notion de durabilité. Nous sommes ici
sur une vision axée sur le beau et le fonctionnel. Seulement, le progrès en ville passera
aussi par la concession, notion à laquelle l’ouvrage ne laisse que peu de place. L’auteur
renie la notion de verticalité qui est, selon moi, l’une des réponses aux nuisances que
connaît et que constitue la ville.
De surcroît, l’art et l’architecture sont aussi à concevoir avec les mutations sociales.
Comme souligné par l’auteur, la ville, de même que l’art, évolue et est façonnée en
permanence. L’aspect fonctionnel ne doit pas, dans une certaine mesure, être éclipsé
par le « beau ». En ce sens et entre autres, la critique adressée à Le Corbusier, lorsque
l’on connaît son œuvre, me semble beaucoup trop aiguisée. L’héritage se met en valeur,
mais pas au détriment du bien-être.
Retour au sommaire