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souvenirs très physiques, palpables pour mieux dire ce


qu’étaient leur journal, leur petite communauté avant.
Procès des attentats de janvier 2015: les
Avant que des terroristes ne s’en mêlent.
survivants de «Charlie Hebdo» racontent
l’indicible
PAR MATTHIEU SUC
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 10 SEPTEMBRE 2020

Au procès des attentats de janvier 2015, les membres


de Charlie Hebdo ont fait revivre leur rédaction avant
qu’elle ne soit décimée par des terroristes. Selon leur
tempérament et la nature de leurs blessures, ils ont Sigolène Vinson, au sortir de l'audience, le jour de
livré des témoignages pudiques, cliniques ou à fleur de son témoignage poignant. © Thomas Samson/AFP

peau. Toujours bouleversants. À les entendre, un microcosme de bonheur. « Quand


j’ai rencontré cette rédaction, cela a été comme une
révélation de voir des gens sérieux et déconnants qui
avaient un vrai regard sur le monde. Je me suis sentie
immédiatement bien dans cette rédaction », raconte
Coco.
Le médecin urgentiste et chroniqueur à Charlie
Hebdo Patrick Pelloux se rendait aux conférences
Sigolène Vinson, au sortir de l'audience, le jour de
son témoignage poignant. © Thomas Samson/AFP de rédaction à chaque fois qu’il n’était pas de
Il y a les miettes de pain qui sortent du manteau de garde. « J’adorais ça. C’était un paradis de culture,
Cabu et celui-ci qui se régale d’avance d’un jambon de mélange d’idées, même si ça s’engueulait. Je
emballé dans un torchon. Il y a la galette des Rois découvrais des tas de choses, c’était des gens de paix.
de la dessinatrice Corinne Rey dite « Coco » et le C’était merveilleux. »
gâteau marbré de la chroniqueuse judiciaire Sigolène Angélique Le Corre, la responsable du service
Vinson. Il y a les livres de l’économiste Bernard abonnement, souffle : « Je ne me rendais pas compte je
Maris, celui sur le jazz qu’il a apporté et celui qu’il tenais à eux. » Pelloux complétera : « On ne sait jamais
conseille, Robespierre, reviens ! d’Alexis Corbière. Il quand le bonheur est là. On s’en aperçoit quand il est
y a aussi les vêtements du même Bernard Maris, un passé. »
costume en laine, pied-de-poule, que Sigolène Vinson Dans son pull bleu retroussé aux manches, Sigolène
n’aime pas parce qu’elle trouve que « la veste et le Vinson raconte ce jour où, avocate devenue serveuse
pantalon ça faisait trop de pied-de-poule pour un seul dans une paillote en Corse, elle voit débarquer Charb et
homme ». Il y a Philippe Lançon qui renâcle à faire Patrick Pelloux « venus m’extraire de ma caravane ».
une chronique littéraire qui serait, estime-t-il, « une C’était durant l’été 2012. Il faisait beau.
resucée » d’un précédent article et Charb, le directeur
Et puis, il y a eu le 7 janvier. « Il faisait froid et gris et je
de la publication, qui le charrie : « Oh, oui, Philippe,
n’aime pas quand il fait froid et gris », se souvient celle
resuce-moi encore ! »
qui était devenue entre-temps chroniqueuse judiciaire
La bouffe, les livres, les rires. La vie. À tour de rôle, pour le compte de l’hebdomadaire satirique. C’est la
mardi et mercredi, les survivants de Charlie Hebdo qui conférence de rédaction de rentrée à Charlie Hebdo.
sont venus témoigner à la barre de la cour d’assises Elle touche à sa fin. On s’apprête à se séparer. Charb
jugeant des attentats de janvier 2015, ont évoqué des

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fait sa blague à Philippe Lançon « et à ce moment-là on son arme de guerre. Coco entend un bruit sec. « Ma
a entendu les deux premiers coups de feu », poursuit première pensée, absurde, a été de me dire : ‘‘C’est nul
Sigolène Vinson. le bruit d’une arme’’ et puis j’ai vu Simon tomber... »
Depuis 2006 et la première polémique sur la Quand il s’avance à la barre de la cour d’assises
publication des caricatures du prophète Mahomet, le mercredi, Simon Fieschi, le webmaster, prévient :
personnel de Charlie Hebdo s’est habitué aux menaces « Je serai plus bref que mes camarades de la veille,
de mort. Charb, Riss et Luz ont été placés sous car pour ceux qui ont vu la vidéo [les images de la
protection policière. Charb, seul, a conservé la sienne, vidéosurveillance de Charlie Hebdo sur lesquelles on
son nom figure sur une liste de personnes à abattre le voit se faire tirer dessus avaient été diffusées au
publiée sur Internet par Al-Qaïda dans la péninsule procès deux jours auparavant – ndlr], vous savez que
Arabique (AQPA), une filiale basée au Yémen de ça été extrêmement vite pour moi. Je me souviens
l’organisation terroriste fondée par Oussama Ben de la porte qui s’ouvre, je me souviens avoir
Laden. Et une nuit de novembre 2011, alors qu’il entendu ‘‘Allahû Akbar’’, je vois passer deux hommes
s’apprête à publier un numéro spécial rebaptisé Charia cagoulés, puis je perds connaissance, ce qui m’a sans
Hebdo, le journal est incendié. Ce jour-là, Coco se rend doute sauvé la vie. »
compte « du danger qu’on pouvait encourir en faisant À l’intérieur de la salle de rédaction, Franck Brinsolaro
un dessin ». « Mais cela ne m’a pas découragée », a compris. Le gardien de la paix du service de la
précise-t-elle. Les appels malveillants sont récurrents, protection, chargé de la sécurité de Charb, se lève et
cela constitue un bruit de fond. Le 7 janvier 2015, les dégaine son pistolet Glock 26 de calibre 9 mm. « Je
frères Kouachi, dont l’un d’eux a déjà été condamné sens le torse de Franck, je ne sais pas si je l’ai gêné,
pour sa participation à une filière djihadiste, pénètrent s’excuse à l’audience Sigolène Vinson. Il a dit : ’‘Il ne
au 10, rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement faut pas bouger de façon anarchique et, au moment où
de Paris, armés jusqu’aux dents. il a dit : ‘‘Il ne faut pas bouger de façon anarchique’’,
Ils alpaguent Coco qui s’apprête à sortir de l’immeuble j’ai bougé de façon anarchique… » Elle pleure. Franck
fumer une cigarette. Coco reconnaît ce que les Brinsolaro a été abattu, le 7 janvier, de trois balles dans
terroristes encagoulés ont entre les mains. « Charb le haut du torse.
dessinait tellement bien les armes que je savais que « Il me dit qu’il ne me tue pas parce que je
c’était une kalachnikov. » Ils exigent qu’elle les suis une femme. Je trouve cela très injuste…
conduise à la rédaction. Ils montent les escaliers, »
Coco pousse une porte et réalise qu’elle s’est trompée Laurent Léger aperçoit le tueur encagoulé n° 1 surgir
d’étage. dans l’embrasure de la porte. Il proclame « Allahû
« Pensant que cela me serait fatal, je me suis mise akbar » et fait feu. Le journaliste d’investigation se
comme ça… » Joignant le geste à la parole, Corinne recroqueville sous un bureau. Caché à la vue du tueur,
Rey s’agenouille face à la cour d’assises, les bras il voit des corps tomber en silence, assistant impuissant
tremblants au-dessus de la tête en une illusoire position à la fin de Georges Wolinski. Cinq impacts ont eu
de défense. « Je leur ai dit : ‘‘Pardon, pardon, je me raison du doyen des caricaturistes, âgé de 80 ans.
suis trompée d’étage’’. Ils m’ont dit : ‘‘Pas de blague, À terre, le dessinateur et rédacteur en chef Laurent
sinon on te descend’’. » Sourisseau dit Riss comprend qu’il va mourir. « C’est
Coco pense à sa fille qu’elle a déposée à la crèche. la fin de ma vie. J’attends mon tour. » Le tueur
Elle amène les tueurs au palier de sa rédaction. « J’ai encagoulé n° 1 lui tire dans le dos. « C’est de la
avancé vers le code et je l’ai tapé. » Il est 11 heures, ferraille qui rentre dans votre corps, qui vous traverse.
33 minutes et 47 secondes. L’encagoulé n°1 pénètre Je me suis mis en apnée, j’ai arrêté de respirer pour
dans le bureau faisant office de hall d’entrée, épaule ne pas qu’il en remette une couche. »

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Riss entend l’assassin répéter : Après avoir tiré à trente-cinq reprises au moins et
« Charb, Charb, Charb, c’est lui ! » touché quasiment à chaque fois, les tueurs repartent,
décontractés. La porte se referme. Il est 11 h 35.
Puis une salve de coups de feu. La dernière.
L’exécution de dix personnes à l’intérieur des locaux
« Je ne sais pas sur qui ils ont tiré et, franchement, je de Charlie Hebdo a duré moins de deux minutes.
ne veux pas savoir. »
Sigolène Vinson réussit à s’enfuir. Elle atteint le
dernier bureau, celui sans issue, situé à l’opposé de
l’entrée. Dans sa course, elle chute et rampe pour
atteindre un illusoire refuge, la grande table de travail
ovale dédiée aux maquettistes. L’un d’entre eux est
déjà caché dessous. Le correcteur Mustapha Ourrad,
qui suivait de près Sigolène Vinson dans sa fuite,
Devant « Charlie Hebdo », à quelques pas du
s’effondre de tout son long, « comme un fusillé ». parcours de la manifestation. © M.T. / Mediapart
Le tueur encagoulé n° 1 désigne Sigolène Vinson, Des tirs se font entendre au loin, les tueurs ont continué
qui se terre sous la table. À plusieurs reprises, son leur macabre déluge de plomb dans la rue. À l’intérieur
avant-bras fait des va-et-vient de haut en bas. Il du journal, les survivants sortent de leurs cachettes.
sermonne la chroniqueuse judiciaire. « J’ai cru qu’il « J’ai vu l’étendue du massacre dans la rédaction »,
me consolait. […] Il m’a demandé de me calmer. Je résume Coco. Sous la grande table de la salle de
suis vraiment désolé d’avoir cru qu’il était doux. Il m’a réunion sont entassés, face contre terre, les corps sans
dit que ce que je faisais était mal, je ne comprenais vie de Cabu, Charb, Honoré, Oncle Bernard, Tignous,
pas : j’écrivais des chroniques prud’homales et que je Wolinski, Elsa Cayat et Michel Renaud. Dans le
défendais des salariés. […] Et voilà qu’il me dit qu’il vestibule, celui de Franck Brinsolaro. Dans le bureau
ne me tue pas parce que je suis une femme. Je trouve des maquettistes, celui de Mustapha Ourrad.
cela très injuste… »
Les terroristes se sont acharnés sur le directeur de la
Le tueur n’a pas remarqué le maquettiste qui se publication, la cible prioritaire d’Al-Qaïda. « C’est
cache à côté d’elle. Pour l’accaparer, Sigolène Vinson comme si le sol avait absorbé le visage de Charb.
acquiesce de la tête. « Ce n’est pas altruiste de ma part, Comme le passe-muraille », décrit Sigolène Vinson.
ce n’est pas pour sauver Jean-Luc [le maquettiste – Elle s’occupe du journaliste Fabrice Nicolino, « trois
ndlr], c’est pour me sauver moi. S’il le tue et que sa balles dans la peau, une dans chaque jambe, une dans
cervelle tombe sur moi, je ne m’en remettrais pas. » l’abdomen », comme il l’expliquera lui-même. « Je
le caressais. Il m’a demandé de le tenir par la main
parce qu’il se sentait partir. J’avais une ceinture sur
moi, mais je ne voyais pas comment faire un garrot à
Fabrice parce qu’il y a les os qui sortent et je ne sais
pas où mettre ma ceinture… »
Laurent Léger, indemne, ne se souvient plus de ses
premiers gestes, seulement de « la grosse crise de
larmes » qui le secoue. Coco se précipite vers Philippe
Lançon, il a la joue déchiquetée. Elle téléphone, à sa
demande, à la mère du journaliste. « Mon urgence a

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moi c’était de prévenir la crèche que je ne pourrai pas de famille de confier qu’au début, elle n’avait « pas la
venir chercher ma fille, qu’il y avait eu quelque chose force de voir sa fille ». « J’avais peur qu'elle ressente
de grave à mon travail », songe la dessinatrice. les choses. J'avais peur de ramener un monstre à la
Une voisine venue à leurs secours dira aux survivants maison. »
avoir eu l’impression de voir le tableau Le Radeau Dans un témoignage très politique, Riss a justifié le
de la méduse de Géricault. Sigolène Vinson trouve fait de relancer Charlie Hebdo après la tuerie. « Ça
l’image juste même si cela la fait pleurer. s’imposait, que ça nous plaise ou non. C’était le
Premier arrivé sur place après la fusillade, l’urgentiste moment de vérité du journal, il fallait être à la hauteur
Patrick Pelloux marche sur des étuis de balle par terre. de ce qu’on a revendiqué pendant des années. »
Il s’écrie « Charb, mon frère ! » à la vue de son ami L’avocat du journal Richard Malka lui demande : « Tu
assassiné. « Charb était dans un état au-delà de toutes ne regrettes pas la publication des caricatures de
ressources thérapeutiques. J’ai procédé au comptage Mahomet ? Est-ce que ça valait la peine ?
[des blessés] pour diriger le plus vite possible les – Ce n’est pas comme ça qu’il faut raisonner, lui
secours. Avec les blessures par arme de guerre, vous répond son ami. C’est pourquoi on vit ? On vit pour
perdez 45 % d’espérance de vie par quart d’heure. » être libre ou pour être un esclave ? Moi, je veux
Simon Fieschi se réveille. À la barre, il se souvient vivre libre, pas soumis à l’arbitraire démentiel des
d’une voix atone : « Mon bureau était le passage fanatiques. Ce que je regrette, c’est de voir à quel
obligé vers la salle de rédaction, je voyais une traînée point les gens sont si peu combatifs pour défendre les
de sang qui était mon sang et, peut-être, celui du sang libertés. »
qui coulait depuis la salle de rédaction... Et les secours Mais, au milieu de son témoignage centré sur les
qui marchaient dedans. » grands principes, il lâche sa « gêne à se dire que nous
Transporté aux urgences, on le met dans le coma. « De on peut continuer notre vie et pas eux », en référence
ce point de vue là, pour moi, le 7 janvier s’arrête. J’ai à ses amis et collègues assassinés.
appris ce qui s’est passé le 7, le 8, le 9, la traque, la Dans son métier, l’urgentiste Patrick Pelloux avoue lui
manifestation, une semaine après tout le monde. » une perte de sens : « Je la vis tous les jours. Quand
« J'avais peur de ramener un monstre à la on fait médecine, c’est pour sauver des gens. S’il y en
maison » avait bien que j’avais envie de sauver, c’était bien eux.
Pour dix personnes au sein de la rédaction de Charlie Et malheureusement j’en étais incapable… » À travers
Hebdo, la vie s’est arrêtée le 7 janvier 2015. Au ses lunettes rondes, son regard fixe le vide.
sortir des deux jours d’audience, éprouvants, se dégage Leurs conditions de travail sont là pour leur rappeler
l’impression que pour les survivants aussi : « C’est ce qu’ils ont vécu. Laurent Léger a fini par quitter
toujours difficile de parler de soi, de sa vie, de sa Charlie. Il ne supportait plus les nouveaux locaux
fille quand d’autres ont perdu un père, un frère, ultra-sécurisés. « Avec de la police au rez-de-
explique Corinne Rey. Je ne suis pas blessée, je n’ai chaussée, des sas, des codes partout. Mais j’étouffais
pas été tuée. Mais cette chose qui m’a traversée est littéralement. Je n’ai pas pu continuer. »
absolument effroyable et je vivrai avec jusqu’à la fin Avec un brin de provocation qui résonne comme du
de mes jours. » désespoir, Fabrice Nicolino prévient : « C’est bourré
La dessinatrice qui a ouvert sous la menace d’une arme de flics surarmés, avis aux amateurs ! » Il évoque aussi
la porte de Charlie aux tueurs raconte s’être « sentie une « panic room, à l’épreuve des lance-roquettes »
coupable ». « Cela a été très dur de traverser cela. dans laquelle les membres de la rédaction doivent se
Un moment de solitude extrême, je crois que personne réfugier s’ils entendent un mot de passe.
ne peut se mettre à ma place. » Et cette jeune mère

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Et quelles que soient les mesures de sécurité adoptées, lui, baissent les bras face à la menace islamiste (parmi
reste la peur. Quand elle rentre quelque part, Sigolène ceux qu’il vilipende, il y a Edwy Plenel, le président-
Vinson commence par regarder quelles sont les issues fondateur de Mediapart).
de secours. Quand elle va dans un bar, elle donne des Juste avant lui, en début de matinée mercredi, la cour
coups de pied sous la banquette pour voir si elle est d’assises avait été ébranlée par le témoignage d’un
pleine, dans l’optique de s’y cacher en cas d’urgence. webmaster s’avançant à la barre avec difficultés et
Après le 7 janvier, elle n’a pas été épargnée. Elle avec béquille. Simon Fieschi a déroulé de manière
a perdu un de ses amis au Bataclan - lors de la clinique son discours et ses blessures. « Je suis
manifestation en soutien le 11 janvier 2015, il portait venu vous raconter l’effet d’une balle de kalachnikov,
une pancarte « JeSuisCharlie, JeSuisSigolène »… Elle quand on y survit. J’ai passé une semaine dans le
était en vacances à Djibouti en décembre 2018 lorsque coma, cinq semaines en réanimation […]. Puis huit
Peter Cherif, proche des Kouachi et intermédiaire mois en hôpital aux Invalides. Depuis j’effectue un
présumé dans la chaîne de commandement ayant travail de rééducation à vie pour ne pas perdre ce que
ordonné le massacre de Charlie, y a été arrêté. Ils sont j’ai récupéré. »
rentrés en France par le même avion. Durant deux ans, Sans note, avec une précision chirurgicale, Simon
Sigolène Vinson a rêvé qu’Hayat Boumeddiene (la Fieschi est sur un fil : « Je suis tiraillé, entre l’envie
veuve d'Amedy Coulibaly, le tueur de Montrouge et de ne pas offrir ma douleur à ceux qui ont tout fait
de l’Hyper Cacher) lui tirait un carreau d'arbalète dans pour me l’infliger et en même temps l’envie de ne
le front. Aujourd’hui retirée dans le sud de la France, pas cacher les conséquences de ces actes. Je vais
elle se baigne trois fois par semaine. « J’aime bien être essayer de naviguer entre les deux. » Il raconte donc,
sous l’eau. Mieux qu’hors de l’eau. » sans émotion apparente, comment une balle a touché
Riss indique ne plus recevoir d’amis chez lui. Quant sa colonne vertébrale et comment l’effet de blast à
à l’extérieur… « Je peux faire ce que je veux, je peux comprimé sa moelle épinière, comment sa taille a
marcher dans la rue mais est-ce que c’est prudent ? diminué de sept centimètres. « Le fait de devoir lutter
Je le fais de temps en temps. Parfois je me sens contre la paralysie […] génère une fatigue abyssale
comme assigné à résidence. » Avec pudeur, il explique qui ne disparaît jamais. Tous mes mouvements, mes
qu’avant l’attentat, ils avaient un projet d’adoption actes, sont arrachés à cette fatigue. » Et malgré tout,
avec sa femme. « Après, on nous a fait comprendre son discours se veut optimiste. « Je voudrais dire que
poliment que jamais on ne confierait un enfant à des cette balle ne m’a pas raté mais elle ne m’a pas eu. Et
gens qui sont sous protection. » je dirais la même chose pour le journal. On continue
Fabrice Nicolino, ancien grand reporter, présente un à se relever… Voilà… »
profil plus baroudeur, minimise ses blessures, ses Surtout, en deux postures, non simulées, ce webmaster
traumatismes, ramène sans cesse aux autres, à Philippe de 36 ans, le plus abîmé physiquement des survivants,
Lançon qui ne vient pas témoigner, qui ne s’en sent offre le plus bel hommage qu’on ait entendu depuis
pas capable. « Je pense davantage à Simon [Fieschi], le début du procès à ceux qui ont payé de leurs vies
à Philippe Lançon, à mes amis morts, moi je m’en sors le droit de faire « des dessins rigolos », comme les
bien vraiment… » Il est alors aux bords des larmes. Et qualifiera une autre victime.
puis il explose : il s’en prend un peu aux journalistes Acte I : Au début de son audition, le président de la
qui ne s’intéresseraient pas assez aux conditions de cour d’assises propose à Simon Fieschi de s’asseoir
travail de Charlie, « journal assiégé en plein Paris ». Il plutôt que de rester à la barre.
s’en prend surtout aux intellectuels parisiens qui, selon
« Je tiens à témoigner debout, merci », répond
sèchement celui si lourdement handicapé.

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Acte II : Simon Fieschi détaille les difficultés qu’il


ressent à faire certains gestes. « Cela paraît idiot, mais
je ne peux plus faire de doigt d’honneur… Parfois cela
me démange. »

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