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Résumé : Les malformations de l’appareil respiratoire sont pour la plupart découvertes dans les pre-
mières semaines ou les premiers mois de la vie. Toutefois, certaines ne se révéleront que dans l’enfance,
voire à l’âge adulte. Tous les éléments constituant l’appareil respiratoire peuvent être intéressés. Après
avoir replacé dans leur contexte embryologique les malformations qui se rencontrent à l’âge adulte,
nous étudierons tout d’abord celles qui concernent l’arbre trachéobronchique et les poumons, puis celles
qui touchent les artères, les veines et les vaisseaux lymphatiques pulmonaires. Le diagnostic repose sur
l’imagerie, et la prise en charge thérapeutique est spécifique à chaque anomalie, adaptée au potentiel
évolutif.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Pneumologie 1
Volume 31 > n◦ 2 > avril 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-195X(19)89842-0
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A B
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A 9 B
Diverticules trachéaux
14 UH
Les diverticules de la trachée peuvent être congénitaux ou
acquis. Les diverticules congénitaux, très rares [16] , sont volon-
tiers petits, localisés 4 à 5 cm sous les cordes vocales ou juste
au-dessus de la carène, avec une prédilection pour la région para-
trachéale droite. Ils touchent toute la paroi trachéale et sont donc
constitués de muqueuse respiratoire, de muscle lisse et de car-
tilage [16] . Souvent asymptomatiques ou à l’origine d’une gêne
cervicale ou thoracique, ils sont susceptibles de se surinfecter et de
déverser leur contenu dans l’arbre trachéobronchique. Les symp-
tômes quand ils existent consistent en dysphagie, odynophagie, B. 40s
cervicalgie, raucicité de la voix, hémoptysies, épisodes de suffoca-
tion, ou épisodes récidivants de hoquet ou d’éructation. Les gros
16 UH
diverticules isolés peuvent se présenter sous forme d’une masse
liquidienne, être barrés par un niveau liquide ou être de contenu
entièrement aérien. La communication du diverticule avec la tra-
chée est mise en évidence par les coupes axiales, coronales, et
sagittales du scanner. Elle n’est pas facile à mettre en évidence
par fibroscopie. Il est légitime d’opérer ces diverticules s’ils sont
symptomatiques [16] .
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Figure 5. Atrésie bronchique segmentaire postérobasale droite. Coupe scanographique transversale à hauteur de la pyramide basale.
A. Bronches segmentaires. 1. Antérobasale ; 2. latérobasale ; 3. paracardiaque ; 4. postérobasale.
B. En distalité, on visualise la bronche segmentaire postérobasale déconnectée du tronc des basales, avec une perfusion mosaïque dans le segment postérobasal
droit (flèche).
Bronche cardiaque accessoire À gauche, la grande scissure serait incomplète dans 24 % des
L’incidence d’une bronche segmentaire cardiaque accessoire est cas, à droite la grande scissure serait incomplète dans 35 % des
de l’ordre de 0,2 %, et les complications à son niveau ne sont pas cas et la petite scissure serait incomplète dans 74 % des cas. Des
exceptionnelles (infections et hémoptysies) [32] . Elle naît habituel- scissures accessoires seraient présentes dans 16 % des cas, aussi
lement de la bronche intermédiaire. Elle est borgne dans la moitié fréquemment à droite qu’à gauche [33] , chiffres qui pourraient être
des cas, associée à un parenchyme polykystique dans un quart des plus élevés [1] . Une scissure au niveau du segment paracardiaque
cas et à un parenchyme ventilé démarqué par une scissure propre pourrait se voir dans 33 % des cas, et au niveau du Nelson dans 8
dans un quart des cas [32] . à 20 % des cas selon les côtés.
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vent avant l’âge adulte chez des patients présentant des signes
respiratoires. Elle n’est pas en soi dommageable, seul le contexte
malformatif associé donne ces troubles.
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A B
Figure 9.
A. Séquestration pulmonaire dans le lobe inférieur droit.
B. Artère systémique naissant du tronc cœliaque (en multiplanar reconstruction).
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A B
gauche-droite ou avec hypertension artérielle pulmonaire ne par- Origines anormales des artères pulmonaires
viennent habituellement pas à l’âge adulte. La malformation
peut être latente ou découverte à l’occasion de surinfections Artère pulmonaire gauche aberrante
bronchiques, d’hémoptysies, de dyspnée d’effort [61] . La tomo- Cette anomalie anatomique (pulmonary artery sling) est carac-
densitométrie (TDM) en permet un diagnostic facile actuellement. térisée par la naissance de l’artère pulmonaire gauche à partir de
L’agénésie s’accompagne d’un poumon, de petite taille souvent, l’artère pulmonaire droite. L’artère passe ensuite sur le bord droit
de structure et de transparence normales, mais qui peut être le et en arrière de la partie basse de la trachée avant de se rendre
siège d’images interstitielles, de bulles ou de bronchectasies au au poumon gauche. Elle donne des troubles respiratoires dès la
scanner [60] . Le risque de complications, et notamment d’une petite enfance par sténose de la partie basse de la trachée. Peu de
hémoptysie qui peut être cataclysmique, peut inciter à faire une ces patients survivent jusqu’à l’âge adulte, où l’anomalie est sou-
pneumonectomie [62] . Ces hémoptysies sont à rapporter à une vent asymptomatique : un peu plus d’une vingtaine de cas a été
hypervascularisation provenant des artères systémiques (bron- rapportée dans la littérature [66] . Le scanner en permet facilement
chiques, phréniques, mammaires internes ou intercostales) qui le diagnostic devant une masse médiastinale de découverte for-
viennent remplacer la vascularisation pulmonaire absente. La vas- tuite, arrondie suprahilaire droite sur la radiographie de face et
cularisation peut également provenir des artères coronaires [60, 63] . située entre la trachée et l’œsophage sur le profil. Chez l’adulte, à
La circulation systémique naît parfois directement de l’aorte type l’inverse de ce qui s’observe chez l’enfant, l’abstention thérapeu-
séquestration et non pas d’artères « bronchiques » tortueuses. tique est de mise devant une lésion latente habituellement bien
Quand la circulation systémique est très développée, il est très tolérée. Opérée à l’âge adulte, le plus souvent à l’occasion d’une
difficile de ne pas incriminer une embolie pulmonaire unilatérale symptomatologie intercurrente, sa présence ne pose pas de pro-
ancienne qui donne la même présentation. L’aplasie d’une artère blème technique particulier mais son association à une anomalie
pulmonaire (absence partielle) est également rare mais assez sou- topographique du nerf récurrent est possible.
vent diagnostiquée à l’âge adulte [64] . Le diagnostic différentiel se
pose avec le syndrome de Mac Leod, petit poumon hyperclair par Naissance d’une des artères pulmonaires
obstruction bronchiolaire mais avec présence d’une artère pulmo-
naire.
de l’aorte ascendante
Quand la circulation systémique est très développée, il est très La naissance de l’artère pulmonaire droite à partir de l’aorte
difficile de ne pas incriminer une embolie pulmonaire unilatérale ascendante est rare chez l’adulte étant donné le pronostic réservé
ancienne qui donne la même présentation. A priori l’agénésie de de l’affection à la naissance. Le retentissement principal est une
l’artère pulmonaire s’accompagne d’une circulation systémique hypertension artérielle pulmonaire gauche, et la survie la plus
naissant directement de l’aorte type séquestration et non pas longue observée avec cette malformation exceptionnelle est de
d’artères « bronchiques » tortueuses. 43 ans [67] . La naissance de l’artère pulmonaire gauche à partir de
l’aorte ascendante est tout aussi rare [68] . La symptomatologie est
essentiellement faite d’hémoptysies. Le traitement consiste en la
Sténose de l’artère pulmonaire transposition de l’artère pulmonaire aberrante dans le tronc de
l’artère pulmonaire.
Les sténoses congénitales de l’artère pulmonaire ou de ses À côté de ces formes avec artère pulmonaire complète, une vas-
branches ne sont quasiment jamais rapportées chez l’adulte dans cularisation provenant de l’aorte peut être constituée de petites
la littérature internationale, même sous forme de cas clinique. artères. Ce type de vascularisation a été rapporté au niveau des
D’après Tonelli et al. [65] , elles pourraient être méconnues et noyées segments de la pyramide basale gauche [69] , et de la pyramide
au sein des hypertensions pulmonaires idiopathiques et throm- basale gauche avec la lingula [70] . Un cas de vascularisation du lobe
boemboliques chroniques. Les signes et symptômes en sont des inférieur gauche à partir du tronc cœliaque, ne présentant ni ano-
murmures intrathoraciques, une dyspnée progressive et des syn- malie bronchique ni aspect de séquestration, a été rapporté [71] . En
copes. L’association à un syndrome de Williams-Beuren (maladie l’absence de frontière nosologique claire, ces anomalies peuvent
génétique rare associant sténose aortique, retard mental et dys- aussi être considérées comme des formes de séquestration Pryce I.
morphie faciale) est fréquente. La sténose peut être proximale et
intéresser l’artère pulmonaire droite et/ou gauche, ou être périphé-
rique, isolée ou multiple, plus souvent lobaire que segmentaire. La Anévrismes congénitaux de l’artère
conséquence en est une hypertension artérielle pulmonaire. Les pulmonaire
traitements proposés vont de l’angioplastie au remplacement pro-
thétique ; la possibilité d’une évolution prolongée et favorable Ils sont très rares, pouvant atteindre l’artère à son origine, alors
des sténoses de l’artère pulmonaire est possible, ce qui suggère associés à une malformation cardiaque [72] , ou à sa périphérie,
que leur prévalence pourrait être non exceptionnelle au sein de la dont la nature congénitale est alors plus discutable. Les étiolo-
population adulte. gies classiques à rechercher sont la tuberculose et la syphilis, mais
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Malformations congénitales
des veines pulmonaires
Atrésie et sténoses
L’atrésie unilatérale des veines pulmonaires est exceptionnelle
chez l’adulte [86] . Les principaux éléments cliniques révélateurs
sont les infections pulmonaires à répétition, une dyspnée d’effort,
et des hémoptysies.
Les sténoses d’une ou des veines pulmonaires et/ou de leurs
branches seraient plus fréquentes à gauche et responsables d’une
hypertension artérielle pulmonaire avec une opacité discrète et
Figure 12. Malformation artérioveineuse. Pseudonodule se rehaussant systématisée sur la radiographie [87] .
de manière intense avec artère afférente de petite taille et une veine La sténose des veines pulmonaires à leur abouchement atrial,
efférente de calibre plus important (flèches). connue sous le nom de cor triatriatum, est plutôt une anomalie
cardiaque congénitale [88] .
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Figure 13. Retour veineux de la veine pulmonaire supérieure droite
dans la veine cave supérieure.
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A B
Figure 16. Lymphangiome kystique. Formation de densité liquidienne polylobée du médiastin antérieur moulant les structures vasculaires, sans sténose,
sur ces coupes scanographiques frontale (A) et axiale (B).
Lymphangiomes
Références
Ils peuvent être considérés comme de vraies tumeurs, des [1] Mordant P, Riquet M. Malformations de l’appareil respiratoire obser-
hamartomes ou des malformations. Les lymphangiomes intrapul- vées chez l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Pneumologie,
monaires n’existent pour ainsi dire pas et seul un cas semble avoir 6-000-A-05, 2012.
été rapporté à ce jour [101] chez un homme de 66 ans, mais sa [2] Morrisey EE, Hogan BL. Preparing for the first breath: genetic and
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plutôt une origine acquise ; les seuls, à l’évidence, d’origine congé- [4] Swarr DT, Peranteau WH, Pogoriler J, Frank DB, Adzick NS, Hedrick
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Legras A, Bennani S, Le Pimpec Barthes F, Riquet M. Malformations de l’appareil respiratoire observées
chez l’adulte. EMC - Pneumologie 2020;31(2):1-13 [Article 6-000-A-05].
EMC - Pneumologie 13
6-003-J-10
Résumé : Le spectre des mycoses bronchopulmonaires non invasives aujourd’hui est dominé par
l’aspergillose pulmonaire chronique, alors que Candida sp. est un agent de colonisation très fréquent
de l’arbre bronchique. Les autres infections fongiques sont beaucoup plus rares (cryptococcose) ou
surviennent chez des malades ayant séjourné en pays d’endémie (histoplasmose). Les mycoses bron-
chopulmonaires non invasives, en particulier l’aspergillose pulmonaire chronique, surviennent chez des
patients immunocompétents ou recevant de faibles doses de corticostéroïdes ou d’autres immunodé-
presseurs, mais présentant surtout un terrain respiratoire fragilisé par une maladie bronchopulmonaire
préexistante et des comorbidités telles qu’une dénutrition ou un diabète. En l’absence de symptôme
ou d’anomalie radiologique, l’identification d’une espèce fongique dans la culture d’un prélèvement
respiratoire doit être interprétée avec prudence. En effet, le terrain respiratoire fragilisé est propice au
polymicrobisme. Dans la plupart des cas, la symptomatologie respiratoire des mycoses bronchopulmo-
naires non invasives est peu spécifique et d’évolution subaiguë. Une hémoptysie doit être recherchée
du fait de son impact pronostique et thérapeutique spécifique. Le diagnostic radiologique repose sur la
réalisation d’une tomodensitométrie avec injection iodée. Les aspects radiologiques sont dominés par la
modification des lésions pulmonaires préalables associée à l’apparition de matériel intracavitaire hypo-
dense et/ou de nodules ou de masses éventuellement excavées. Le diagnostic repose sur la vigilance du
clinicien et l’implication du mycologue afin de réaliser un examen mycologique des sécrétions respira-
toires associé à un ou des tests de diagnostic indirect adaptés. De nouvelles techniques, encore aujourd’hui
en évaluation, viendront prochainement apporter une aide au diagnostic microbiologique des mycoses
bronchopulmonaires non invasives.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Pneumologie 1
Volume 31 > n◦ 2 > avril 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-195X(19)85683-9
6-003-J-10 Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus)
Tableau 1.
Comorbidités respiratoires favorisant la survenue des mycoses bronchopulmonaires (MBP) (adapté de [3] ).
Terrain Aspergillose Cryptococcose Histoplasmose Scédosporiose Blastomycose Coccidio- Paracocci-
ïdomycose dioïdomycose
Mucoviscidose ABPA Scédosporiose
bronchopul-
monaire
allergique
Poumon sain Bronchite Pulmonaire Pulmonaire Pulmonaire Pulmonaire Pulmonaire -
aiguë aiguë aiguë aiguë aiguë
BPCO Aspergillome Nodule(s) Nodule(s) Nodule(s) - Cavitaire Cavitaire
Tuberculose APCC Masse(s) Masse(s) Masse(s) chronique chronique
Mycobactériose non APCF Cavitaire Nodule(s)
tuberculeuse Nodule(s) chronique
Pneumothorax ASI
Sarcoïdose
Autres...
Dysfonction Aspergillose Disséminée Disséminée Disséminée Disséminée Miliaire Disséminée
lymphocytaire T invasive Disséminée
Corticothérapie
systémique
Transplantation
d’organe
Neutropénie Aspergillose Disséminée - Disséminée - - -
Greffe de cellules invasive
hématopoïétiques
Tumeur solide
ABPA : aspergillose bronchopulmonaire allergique ; APCC : aspergillose pulmonaire chronique cavitaire ; APCF : aspergillose pulmonaire chronique fibrosante ; ASI :
aspergillose semi-invasive ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive.
(Tableau 1). L’APC, une infection longtemps négligée, est récem- Outils du diagnostic mycologique
ment apparue comme une pathologie fréquente et engageant le
pronostic vital à moyen terme. Les autres mycoses sont beaucoup Le diagnostic mycologique repose sur une confrontation des
plus rares (cryptococcose, scédosporiose) ou ne sont endémiques données du diagnostic direct (examen direct du prélèvement et
que dans certaines régions du globe (histoplasmose). Les MBPNI, culture) et de la détection de substances biologiques (polysaccha-
et en particulier l’APC, surviennent chez des patients immuno- rides antigéniques, acide désoxyribonucléique [ADN]) spécifiques
compétents ou recevant de faibles doses de corticostéroïdes ou du champignon dans les sécrétions bronchopulmonaires et le
d’autres immunodépresseurs [4] , mais présentant surtout un ter- sérum, et d’anticorps spécifiques dans le sérum (sérologie).
rain respiratoire fragilisé par une maladie bronchopulmonaire
préexistante et des comorbidités telles qu’une dénutrition ou
un diabète. Parfois la MBPNI survient chez une personne sans
aucune comorbidité si l’inoculum est important, comme par
Antifongiques systémiques
exemple au cours d’une histoplasmose aiguë [5] . Rappelons que Les traitements antifongiques systémiques appartiennent à
si Candida est le principal agent fongique isolé à partir des prélè- trois principales familles : les polyènes, les azolés et les échi-
vements bronchopulmonaires, sa présence n’est le plus souvent nocandines, chacune caractérisée par un mécanisme d’action
que le témoin d’une colonisation de l’arbre bronchique, souvent spécifique. La diffusion pulmonaire est satisfaisante pour les azo-
favorisée par une antibiothérapie large et prolongée. L’impact lés et les échinocandines, et légèrement moins pour les polyènes, a
clinique de cette colonisation n’a pas été à ce jour clairement fortiori dans un parenchyme pulmonaire pathologique [6] . La tolé-
défini. Dans cet article, nous nous focalisons sur les aspects phy- rance, le spectre antifongique et les interactions médicamenteuses
siopathologiques, diagnostiques et thérapeutiques des MBPNI, divergent d’une classe, voire d’une molécule à l’autre (Fig. 1)
écartant de fait l’analyse des infections fongiques invasives telles (Tableau 2).
que l’aspergillose pulmonaire invasive, les mucormycoses pulmo-
naires, ainsi que la pneumocystose qui sont traitées par ailleurs
(Tableau 1). Polyènes
L’amphotéricine B est la seule molécule disponible pour un trai-
tement systémique. Elle est proposée sous forme de désoxycholate
Physiopathologie (Fungizone® ) ou complexée à des liposomes (AmBisome® ). Initia-
lement, elle s’était positionnée comme le traitement de référence
Les champignons sont des micro-organismes eucaryotes dont de la plupart des mycoses bronchopulmonaires par son large
seule une minorité est intrinsèquement pathogène pour l’espèce spectre antifongique, son faible coût et sa disponibilité dans les
humaine. La paroi polysaccharidique (glucane, chitine, etc.) est pays en voie de développement. Les polyènes agissent en formant
une caractéristique importante de ces micro-organismes, aussi des canaux au sein de la membrane fongique constituée prin-
bien sur un plan fondamental qu’appliqué (diagnostic, trai- cipalement d’ergostérol. Ces canaux provoquent d’importantes
tement). Les champignons pathogènes pour l’espèce humaine fuites ioniques et induisent, au moins in vitro, une fongicidie
appartiennent à trois groupes phylogénétiques, que sont les asco- concentration-dépendante.
mycètes, les zygomycètes et les basidiomycètes. Il est également Les perfusions de la forme désoxycholate sont fréquem-
classique de différencier sur un plan purement morphologique ment compliquées d’effets secondaires. On distingue une
les levures comme Candida ou Cryptococcus neoformans, des toxicité immédiate (fièvre, frissons, céphalées, nausées, diarrhée,
champignons filamenteux (moisissures) comme Aspergillus, ou phénomènes de type allergique) survenant rapidement après
les mucormycètes. Ces aspects et quelques tests phénotypiques l’administration, et une toxicité rénale, cumulative et retardée.
simples permettent d’orienter l’identification de ces micro- Cette dernière, marquée par une augmentation de la créatini-
organismes isolés en culture. némie et la perte ionique (potassium), limite son utilisation en
2 EMC - Pneumologie
Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus) 6-003-J-10
Cryptococcus
S S S S S S R
spp.
Aspergillus
S R S S S S S
fumigatus
Aspergillus
R R S S S S S
terreus
Scedosporium
R R ±S S S S ±S
spp.
Histoplasma
S S S S S S R
spp.
Figure 1. Spectre antifongique des principales molécules antifongiques utilisées dans le traitement des mycoses bronchopulmonaires non invasives. S :
espèce sensible ; ± S : espèce inconstamment sensible ; R : espèce résistante.
Tableau 2.
Paramètres pharmacocinétiques des différents antifongiques azolés.
Fluconazole Itraconazole Voriconazole Posaconazole Isavuconazole
Mode d’administration i.v. ou comprimés (pas i.v., solution à boire (à i.v. ou comprimés (à i.v., solution buvable ou i.v. ou gélules (pas
d’horaire par rapport au prendre à jeun) ou gélules prendre à jeun) comprimés (pas d’horaire par rapport au
repas) (à prendre avec un repas d’horaire par rapport au repas)
gras) repas avec les
comprimés)
Inhibition du 2C9 3A4 2C9, 2C19 et 3A4 3A4 3A4 (faible)
cytochrome P450
Interactions Interactions modérées Contre-indiqué en cas Interactions moindres Diminue la
médicamenteuses de prescription de Surveillance du dosage concentration de
sirolimus, inducteurs des tacrolimus et sirolimus
enzymatiques immunosuppresseurs et
(rifampicine, surveillance du QT
anti-épileptiques,
inhibiteurs de protéase)
et médicaments
allongeant le QT
Surveillance en cas de
prescription de
ciclosporine et
tacrolimus (taux
sériques à adapter)
Risque d’insuffisance
surrénalienne par
potentialisation des
corticostéroïdes inhalés
et de la
méthylprednisolone
Effets secondaires Troubles digestifs,
cytolyse hépatique,
cholestase et réactions
allergiques cutanées
Toxicité hépatique Insuffisance cardiaque Troubles visuels Allongement du QT Toxicité hépatique
moins importante congestive, HTA et réversibles Raccourcissement du
hypokaliémie (dyschromatopsie, QT
hallucination),
photosensibilité,
toxicité osseuse,
neuropathie et
allongement du QT
Ajustements de Insuffisance rénale Insuffisance hépatique Insuffisance hépatique Aucun Aucun
posologie (½ dose si clairance de
la créatinine < 50)
Concentrations Résiduelles : 6-12 mg/l Pic (3-4 h) > 5 mg/l Résiduelles 1-5,5 mg/l Résiduelles > 1 mg/l Pic < 8 mg/l
sériques cibles (aspergillose) À partir de j5 À partir de j5 Résiduelles > 2 mg/l
Résiduelles : 1-4 mg/l À partir de j13
À partir de j14
EMC - Pneumologie 3
6-003-J-10 Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus)
particulier lorsque la fonction rénale est déjà altérée [7] . Pour l’aspergillose invasive chez les patients atteints d’hémopathie.
prévenir ces effets secondaires, il est recommandé d’administrer Il est également indiqué dans le traitement des aspergilloses
l’amphotéricine B en perfusion lente d’au moins quatre heures invasives réfractaires aux premières lignes de traitement, en
avec une bonne hydratation et une supplémentation ionique sys- cas d’intolérance médicamenteuse. Il est moins pourvoyeur
tématique (NaCl, KCl et mgCl). La forme liposomale permet de d’interactions médicamenteuses que le voriconazole. L’absorption
réduire ces effets secondaires principalement au niveau rénal [8] , est bien meilleure en cas d’utilisation des comprimés, mais une
mais avec un coût du traitement beaucoup plus élevé. surveillance des taux sériques devrait néanmoins être systémati-
L’amphotéricine B a été utilisée en instillation endobron- quement instaurée en cas d’infection sévère. Son spectre est large,
chique [9] ou percutanée [10] dans certaines aspergilloses ou comme celui du voriconazole, avec en outre une activité diri-
mucormycoses en échec de traitement. gée contre certaines espèces de mucormycètes. Sa tolérance est
globalement bonne.
L’isavuconazole est le dernier dérivé azolé commercialisé dis-
Azolés ponible par voie orale et intraveineuse. Il n’a pas été montré
Les azolés sont des inhibiteurs de la synthèse de l’ergostérol, moins efficace que le voriconazole dans le traitement des asper-
constituant essentiel de la membrane fongique. L’action, princi- gilloses invasives [14] . Il possède également une activité sur les
palement temps-dépendante, peut être fongistatique ou fongicide mucormycètes [15] . Ses interactions médicamenteuses sont moins
selon les molécules et les agents fongiques. La tolérance de ces fréquentes que celles associées au voriconazole. Par ailleurs, la
molécules est variable, mais l’hépatite est une toxicité commune néphrotoxicité est réduite lorsque le traitement est administré par
à l’ensemble de la classe qui justifie une surveillance biologique de voie intraveineuse. Aucun ajustement n’est nécessaire en cas de
la fonction hépatique. Les antifongiques azolés sont à la fois sub- défaillance hépatique ou rénale. Contrairement au voriconazole,
strats et inhibiteurs des enzymes du cytochrome P450 [11] ce qui l’isavuconazole peut être associé à d’autres molécules allongeant
explique les interactions médicamenteuses avec d’autres molé- le segment QT [16] .
cules interagissant avec le cytochrome P450 [11] (Tableau 2). Les
antifongiques azolés systémiques actuellement disponibles sont Échinochandines
le fluconazole, l’itraconazole, le voriconazole, le posaconazole
et l’isavuconazole. Chacune de ces molécules a ses particularités Les échinochandines sont des inhibiteurs de la synthèse du
pharmacodynamiques et pharmacocinétiques qui impliquent des -D glucane, constituant essentiel de la paroi fongique. Cette
indications différentes. famille est constituée de la capsofungine, la micafungine et
Dans le cadre des MBPNI, le fluconazole a ses indications l’anidulafungine qui possèdent des caractéristiques de pharma-
réduites au traitement de la cryptococcose. Sa tolérance est bonne cocinétique et pharmacodynamie relativement proches. Il est
avec peu d’interactions médicamenteuses et sa bonne biodisponi- néanmoins conseillé d’adapter la posologie de la caspofungine en
bilité permet une administration per os et intraveineuse. cas d’insuffisance hépatique. Les échinochandines se sont impo-
L’itraconazole a été proposé comme une alternative thérapeu- sées comme d’excellents anticandidosiques, fongicides avec une
tique à l’amphotéricine B dans le cadre des APC. Il présente une activité maintenue y compris lorsque les levures constituent des
forte affinité pour le cytochrome P450 induisant d’importantes biofilms. En revanche, leur activité sur les Aspergillus n’est que
interactions médicamenteuses [11] . L’itraconazole augmente la fongistatique. Leur tolérance est généralement excellente et leurs
concentration des molécules à métabolisme hépatique et sa interactions médicamenteuses sont réduites, mais peuvent surve-
propre concentration augmente ou diminue lorsqu’une molécule nir avec certains immunosuppresseurs (tacrolimus et ciclosporine
inhibitrice ou inductrice du cytochrome P450 est administrée. Son dont on surveille les concentrations sériques) et les inducteurs
spectre est plus large que celui du fluconazole [12] , ce qui permet enzymatiques (rifampicine).
notamment son utilisation dans le traitement des aspergilloses et
des histoplasmoses. L’itraconazole est aujourd’hui disponible sous
forme de gélules (100 mg) et de solution buvable (10 mg/ml),
Aspergilloses non invasives
mais cette dernière n’est indiquée que dans le traitement des L’intégrité anatomique et fonctionnelle du poumon et
candidoses oropharyngées ou œsophagiennes. L’absorption de l’intégrité du système immunitaire (polynucléaires neutrophiles,
l’itraconazole gélules présente une variabilité interindividuelle monocytes/macrophages et lymphocytes T) sont les princi-
importante qui fait recommander un suivi des dosages sériques paux déterminants de l’évolution qui fait suite à l’interaction
en cas de traitement d’infections sévères comme les MBPNI. entre l’épithélium respiratoire et les spores aspergillaires inha-
L’absorption est favorisée en cas de prise lors d’un repas riche lées (Fig. 2). En effet, le spectre clinique des aspergilloses est
en graisses, ou accompagnée de boissons acides (Coca-Cola® ). large allant des affections immunes et inflammatoires (asthme
Par ailleurs, l’itraconazole ayant un métabolisme essentiellement aspergillaire, aspergillose bronchopulmonaire allergique [ABPA],
hépatique, les doses administrées doivent être adaptées à la fonc- pneumopathie d’hypersensibilité), à la simple colonisation bron-
tion hépatique du patient [12] . chique et aux infections chroniques ou invasives, rapidement
Le voriconazole possède un spectre encore élargi par rapport évolutives. Parmi les aspergilloses non invasives (et non aller-
à l’itraconazole. En effet, en dehors des Aspergillus sur lesquels il giques) on regroupe la colonisation aspergillaire et les APC. Ces
exerce une action fongicide, le voriconazole est actif sur Scedo- dernières, longtemps négligées, font l’objet aujourd’hui de nom-
sporium apiospermum et Fusarium spp. Il est disponible à la fois breuses études. Une récente revue par un groupe d’experts en a
sous forme de poudre pour perfusion (200 mg) et de compri- précisé les différentes entités clinicoradiologiques [17] . Leur préva-
més pour administration orale (200 mg). De même, l’absorption lence en France est estimée à 5,24/100 000 habitants en 2012 [18] .
est variable et une surveillance des concentrations sériques doit Cette prévalence peut être bien supérieure dans les pays où
être proposée. Le voriconazole présente un spectre de tolérance l’incidence de la tuberculose pulmonaire est plus importante, les
moins favorable. Outre une toxicité hépatique toujours possible, séquelles tuberculeuses constituant un des principaux facteurs
il est caractérisé par une toxicité cutanée (photosensibilité) qui prédisposant à la constitution d’une APC. En France, l’incidence
impose une photoprotection stricte. Durant les premiers jours ou des APC survenant dans les 5 ans après une tuberculose et après
semaines du traitement, une dyschromatopsie ou des hallucina- une sarcoïdose a été estimée à 9,5 % et 5,1 %, respectivement [19, 20] .
tions visuelles sont fréquemment rapportées par les patients ; elles Sur un plan évolutif, il est possible de distinguer deux entités
sont en général spontanément réversibles. Des neuropathies sen- principales : l’aspergillome (simple) et les autres formes d’APC
sitivomotrices sévères ont été rapportées, elles ne sont parfois que qui peuvent constituer un continuum évolutif et dont la prise
partiellement réversibles [13] . Enfin, le voriconazole pourrait être à en charge diffère.
l’origine de fluorose avec douleurs osseuses qui régressent à l’arrêt
du traitement.
Le posaconazole est disponible sous forme orale (compri- Aspergillome simple
més, solution buvable) et solution pour perfusion intraveineuse L’aspergillome simple est défini par la formation d’une
(300 mg). Il est principalement utilisé dans la prévention de balle fongique constituée d’hyphes aspergillaires et de matrice
4 EMC - Pneumologie
Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus) 6-003-J-10
Inhalation de spores
Réponse inflammatoire
ABPA
Bronchite Aspergillome Aspergillose
Asthme APCC ASI
aspergillaire simple invasive
PHS
Sérologie lgE + Sérologie IgG ± Sérologie IgG + Sérologie IgG ±
Antigénémie - Antigénémie + Antigénémie - Antigénémie +
APCF
Figure 2. Représentation schématique des différentes formes d’aspergilloses bronchopulmonaires. ABPA : aspergillose bronchopulmonaire allergique ;
APCC : aspergillose pulmonaire chronique cavitaire ; APCF : aspergillose pulmonaire chronique fibrosante ; ASI : aspergillose semi-invasive ; PHS : pneumo-
pathies d’hypersensibilité ; Ig : immunoglobulines.
A B C
Figure 3. Aspergillose pulmonaire chronique cavitaire révélée par une hémoptysie de grande abondance chez une femme de 60 ans alcoolotabagique
avec un antécédent de mycobactériose pulmonaire à Mycobacterium kansasii (A à C). On note, au sein des cavernes séquellaires de la mycobactériose, des
grelots aspergillaires et une infiltration du parenchyme contigu.
EMC - Pneumologie 5
6-003-J-10 Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus)
D Debout
A B
Figure 5. Aspergillose pulmonaire chronique fibrosante chez un patient
de 70 ans avec des séquelles bilatérales de tuberculose pulmonaire. La
comparaison des clichés thoraciques de 2009 (A) et 2017 (B) met en évi- Figure 6. Nodule lobaire supérieur droit partiellement excavé de
dence une majoration des lésions fibrosantes du poumon droit en relation découverte fortuite chez un patient de 70 ans. L’analyse histologique
avec l’infection aspergillaire. permet de faire le diagnostic de nodule aspergillaire isolé.
Nodule(s) aspergillaire(s)
La forme nodulaire d’APC est de description récente [29] . Elle
peut se présenter sous forme d’un nodule pulmonaire unique ou
de nodules multiples. Les nodules aspergillaires ont une sémiolo- Figure 7. Opacité rétractile et nodules adjacents du lobe supérieur droit
gie radiologique proche de celle des maladies néoplasiques, d’une chez un patient de 53 ans tabagique. L’analyse histologique de l’opacité
mycobactériose non tuberculeuse [30] , d’une actinomycose pulmo- rétractile et des nodules retrouve respectivement un adénocarcinome et
naire ou des nodules rhumatoïdes [31] . Ils peuvent augmenter de des nodules aspergillaires.
taille, devenir des masses et s’excaver (Fig. 6, 7).
6 EMC - Pneumologie
Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus) 6-003-J-10
A B
A B C
Figure 9. Aspergillose chronique pulmonaire semi-invasive chez un patient diabétique.
A. Cette coloration hématéine-éosine-safran en grossissement × 10 met en évidence une nécrose tissulaire en bordure de bronche.
B. En grossissement × 20, on observe la nécrose associée à des filaments.
C. En grossissement × 40, des filaments septés et ramifiés sont visualisés.
EMC - Pneumologie 7
6-003-J-10 Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus)
Tableau 3.
Indications thérapeutiques des aspergilloses pulmonaires chroniques (APC), selon [17] .
Type de traitement Situations Niveau de recommandation
Résection chirurgicale Aspergillome simple A
APCC réfractaire aux A
antifongiques
Traitement APC Itraconazole A
antifongique per os 200 mg × 2/j
(pour une durée d’au Voriconazole A
moins 6 mois) 150-200 mg × 2/j
Posaconazole B
400 mg × 2/j (solution liquide)
300 mg × 1/j (comprimé)
Traitement APC avec échec, Micafungine B
antifongique intolérance ou 150 mg/j
intraveineux résistance au traitement Caspofungine C
par azolés 50-70 mg/j
Amphotéricine B liposomale B
3 mg/kg/j
Amphotéricine B désoxycholate C
0,7-1,0 mg/kg/j
8 EMC - Pneumologie
Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus) 6-003-J-10
EMC - Pneumologie 9
6-003-J-10 Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus)
A B C
D E F
Figure 11. Cryptococcose pulmonaire associée à un adénocarcinome lobaire supérieur droit.
A. Condensation alvéolaire du segment ventral du lobe supérieur droit chez un patient tabagique de 54 ans.
B. Aspect macroscopique sur pièce de lobectomie, on distingue la cavité nécrotique (flèche) au contact de la plèvre.
C. En coloration hématéine-éosine-safran (HES) au grossissement × 10, des spores sont distinguées au sein de la nécrose.
D à F. Au grossissement × 40, les spores en bourgeonnement à base étroite sont visualisées en coloration HES (D), bleu alcian (E) et Gomoro-Grocott (F).
Cryptococcose
La cryptococcose est une infection due à une levure du
complexe d’espèce Cryptococcus gattii/Cryptococcus neoformans.
Cryptococcus neoformans var. grubbii (ex serotype A) et Cryptococ-
cus neoformans var. neoformans (ex serotype D) sont cosmopolites
et de loin les espèces les plus souvent impliquées en patholo- Figure 12. Nodule excavé de 10 mm localisé au niveau du lobe supé-
gie humaine. La prévalence des cryptococcoses a été estimée en rieur gauche de découverte fortuite chez un patient transplanté rénal
France à 0,2/100 000 habitants en 2012 [18] . depuis 15 ans. L’étude histologique de la pièce d’exérèse chirurgicale
Les colonies de Cryptococcus spp. poussent en 3 à 5 jours sur permet de poser le diagnostic de cryptococcome.
un milieu Sabouraud sans cycloheximide à 37 ◦ C. Les colonies
prennent un aspect muqueux beige. Les sérologies sont peu utiles
et non disponibles en routine, mais la détection de l’antigène cap- respiratoire est au premier plan [70] . Les formes pulmonaires
sulaire de C. neoformans dans le liquide cérébrospinal (LCS) ou symptomatiques ont une présentation radiologique aspécifique
le sérum est d’une aide précieuse au diagnostic et au suivi sous avec des nodules « cryptococcome » chez les patients immuno-
traitement. compétents, des masses, des opacités alvéolaires (Fig. 11) ou une
Cryptococcus est le plus souvent responsable d’infection pneumopathie interstitielle diffuse chez les patients immuno-
opportuniste à tropisme neuroméningé chez des malades déprimés [71] . Parfois, c’est la chirurgie d’un nodule excavé non
immunodéprimés. Cependant des épidémies d’infections évolutif qui permet le diagnostic rétrospectif d’un cryptococcome
communautaires dues à C. gattii ont été rapportées à partir des (Fig. 12). Lorsque l’inoculation pulmonaire est massive, des
années 2000 sur la côte nord-ouest des États-Unis [68, 69] . Seule- tableaux de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), de
ment 30 à 50 % des patients concernés étaient immunodéprimés. pleurésies et d’adénopathies médiastinales ont été décrits [71] . La
Dans les deux cas, la contamination se fait par inhalation de mortalité des patients infectés par C. gatti varie de 9 à 33 % en
spores présentes dans l’environnement, notamment dans les fonction des études [68, 69] .
fientes d’oiseaux pour C. neoformans ou dans certaines essences En cas d’atteinte pulmonaire symptomatique isolée (sans
d’arbres pour C. gattii. La particularité de C. gattii est d’induire atteinte neuroméningée) chez les malades non ou peu immu-
des infections chez des patients immunocompétents où l’atteinte nodéprimés, un traitement par fluconazole (à 400 mg/24 h) est
10 EMC - Pneumologie
Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus) 6-003-J-10
recommandé pendant au moins 6 mois [71] . Un suivi clinique, actuelles de la littérature sont trop limitées pour recommander
radiologique et biologique (antigénémie cryptocoque) est proposé une molécule antifongique particulière pour traiter les infections
pendant une durée de 1 an. Les patients conservant des lésions à S. prolificans [76] .
pulmonaires à type de masse à l’issu du traitement antifongique
peuvent bénéficier d’une exérèse chirurgicale.
À côté de ces infections invasives, il est possible d’isoler C. neo-
Histoplasmose
formans et C. gattii à partir de prélèvements bronchopulmonaires L’histoplasmose est une infection à Histoplasma capsulatum,
chez des patients ne présentant pas de tableau clinique d’infection un champignon dimorphique qui colonise les sols à partir des
évolutive, mais plutôt atteints d’une pathologie pulmonaire sous- fientes d’oiseaux (pigeons, étourneaux, volailles, etc.) et des gua-
jacente qui aurait alors joué le rôle de facteur prédisposant à nos de chauves-souris. Il est endémique en Amérique du Nord
la colonisation [71] . La conduite à tenir devant ce tableau sur le (Ohio, Missouri et vallées du Mississippi), en Amérique centrale,
plan thérapeutique n’est pas clairement définie. Certains pro- aux Caraïbes, en Afrique intertropicale, en Inde et en Asie du
posent une surveillance avec réévaluation à distance de l’imagerie Sud-Est (Fig. 13). On distingue deux formes d’histoplasmose :
thoracique et des prélèvements mycologiques, d’autres un traite- l’histoplasmose à petite forme à Histoplasma capsulatum var.
ment antifongique dont la durée reste à préciser [72] . La recherche capsulatum, et l’histoplasmose à grande forme à Histoplasma cap-
d’antigène sérique et la ponction lombaire pour juger de la dis- sulatum var. duboisii. L’atteinte pulmonaire est primaire dans
sémination, ainsi que la recherche d’antigène dans le LBA sont l’histoplasmose à petite forme, c’est-à-dire qu’elle survient direc-
inutiles [73] . tement après l’inhalation du champignon. En revanche, l’atteinte
pulmonaire est secondaire à une fongémie dans l’histoplasmose
à grande forme où la porte d’entrée est cutanée. L’infection
Scédosporiose par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les traite-
Les scédosporioses sont des infections à plusieurs espèces ments immunosuppresseurs (anti-tumor necrosis factor [TNF]-␣)
fongiques : Scedosporium prolificans, Scedosporium aurantiacum, et la greffe de cellules souches hématopoïétiques sont des fac-
S. apiospermum et Scedosporium boydii. La porte d’entrée est clas- teurs de risque bien identifiés. Par exemple, on estime que
siquement pulmonaire. Scedosporium spp. est un saprophyte des l’incidence annuelle des histoplasmoses chez les patients trans-
eaux polluées, il peut coloniser l’arbre bronchique en particu- plantés d’organes peut atteindre 0,5 % aux États-Unis [77] .
lier celui des patients atteints de bronchopathies chroniques et Il est essentiel d’informer le laboratoire de mycologie de la
d’excavations pulmonaires. On distingue schématiquement le suspicion d’histoplasmose. L’examen microscopique peut révé-
scédosporiome, des scédosporioses pulmonaires aiguës invasives ler des levures intramacrophagiques à la coloration de Giemsa.
du patient immunodéprimé et de l’immunocompétent brutale- Les cultures sont réalisées en milieu de Sabouraud, les repiquages
ment exposé à un fort inoculum de spores à l’occasion d’une des colonies doivent être réalisés dans un environnement sécu-
noyade. Dans les deux dernières situations, la présentation cli- risé (laboratoire P3) compte tenu du risque de contamination
nique est proche de celle de l’aspergillose invasive aiguë. Ce du personnel de laboratoire par l’inhalation des spores. Le délai
sont les cultures fongiques de prélèvements respiratoires qui per- de positivité des cultures est de quatre semaines, voire plusieurs
mettent l’indentification du Scedosporium. La mortalité des formes mois [78] . Ce délai prolongé n’étant pas compatible avec des situa-
invasives est estimée à 35 % dans une étude australienne [74] . tions d’urgence, des techniques alternatives ont été mises au point
Le scédosporiome est à évoquer devant une lésion à type pour raccourcir le délai du diagnostic mycologique. Il s’agit des
d’aspergillome avec une sérologie aspergillaire négative. La séro- techniques de PCR, d’antigénémie et de sérologie pour Histo-
logie et les cultures fongiques permettent l’indentification du plasma spp. dont la performance diagnostique reste à évaluer.
Scedosporium. S. apiospermum est plus sensible aux antifongiques L’intensité de l’exposition aux spores et l’état immunitaire du
que S. prolificans. Le voriconazole intraveineux à 200 mg par patient vont déterminer la sévérité de la maladie et l’attitude
24 heures (ou per os à 200 mg deux fois par 24 h) et le posa- thérapeutique. Une exposition aérienne chronique et répétée à
conazole à 200 mg quatre fois par jour sont les traitements de H. capsulatum peut être responsable d’une histoplasmose nodu-
référence des scédosporioses à S. apiospermum [75] . Les données laire unique ou multiple. La découverte est le plus souvent
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6-003-J-10 Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus)
20 µm
1,4
3µ
m
A B C
Figure 14. Histoplasmose chronique chez un patient de 65 ans sénégalais hospitalisé pour l’exploration d’une toux chronique.
A, B. Le scanner thoracique met en évidence une condensation alvéolaire contenant des bulles d’air, évocatrice d’abcès situé au niveau du lobe inférieur
droit en contact avec la plèvre.
C. L’examen histologique en coloration de Grocott montre des éléments levuriformes extracellulaires regroupés en amas au sein de la nécrose en faveur d’une
histoplasmose.
Blastomyces dermatitidis
fortuite et la présence d’adénopathies médiastinales associées fait particulier chez les patients atteints de BPCO [80] (Fig. 14). Chez
évoquer en premier lieu une maladie néoplasique ou une tuber- les patients les moins symptomatiques, une abstention théra-
culose, en fonction de l’âge. En quelques années apparaissent une peutique avec surveillance pendant trois semaines est proposée.
calcification typiquement décrite comme centrale et concentri- Les patients conservant des symptômes après trois semaines de
que, des nodules et des adénopathies. Il n’est pas recommandé surveillance peuvent être traités par 12 semaines d’itraconazole
d’initier un traitement antifongique devant ces atteintes limitées (200 mg deux fois/j) [76] .
car leur guérison survient spontanément [76] . Les ganglions péri- Certains patients développent d’emblée une infection sévère
bronchiques calcifiés peuvent se compliquer de broncholithiases, marquée par une hypoxie et des infiltrats pulmonaires avec une
comme dans la tuberculose. Leur extraction endoscopique doit évolution dans les formes les plus sévères vers un SDRA. Le
être prudente compte tenu du risque d’hémoptysie. Les atteintes traitement de ces formes aiguës symptomatiques repose sur un
médiastinales peuvent se compliquer tardivement d’une fibrose traitement d’attaque par amphotéricine B pendant 1 à 2 semaines
médiastinale évoluant progressivement vers l’insuffisance res- suivi par 12 semaines d’itraconazole. L’intérêt des corticoïdes dans
piratoire. Certaines équipes recommandent alors de traiter ces la phase d’attaque est débattu [76] . Dans les histoplasmoses des
atteintes fibrosantes par itraconazole à 200 mg deux fois par sujets immunodéprimés, en particulier dans le cadre du Sida,
jour pour une durée de 12 semaines à 12 mois [76] . Les corti- l’atteinte est disséminée (pulmonaire, cutanée, neurologique). Les
coïdes ne semblent pas efficaces [76] . Un traitement endoscopique atteintes pulmonaires sont des miliaires. Le traitement repose sur
par dilatation au ballon ou pose de prothèse endobronchique l’amphotéricine B initialement, puis sur l’itraconazole pendant
a été proposé en cas de compression bronchique extrinsè- 12 mois.
que [79] . La guérison d’une histoplamose pulmonaire aiguë peut laisser
Bien que les tableaux d’infection aiguë soient plus fréquem- comme séquelles un ou des nodules qui peuvent se calcifier secon-
ment observés chez des patients immunodéprimés, ils restent dairement. Ces lésions sont appelées « histoplasmomes » et ne
néanmoins possibles chez des patients immunocompétents, en justifient pas d’un traitement antifongique.
12 EMC - Pneumologie
Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus) 6-003-J-10
Talaromyces marneffei
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6-003-J-10 Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus)
Paracoccidioides brasiliensis
disponibles en France. Par ailleurs, les réactions croisées avec les l’épidémie du VIH [87] . La présentation clinique est différente chez
antigènes d’Histoplasma compliquent son interprétation [83] . ces patients immunodéprimés. On constate des atteintes dissémi-
L’itraconazole est le seul azolé dont l’activité anti-Blastomyces nées où une atteinte pulmonaire est possible. Contrairement à la
a été validée par des études cliniques [76] . Le traitement des cryptococcose, qui est le principal diagnostic différentiel, il n’y a
atteintes pulmonaires modérées, isolées ou disséminées, repose pas d’atteinte cérébrale dans l’infection à T. marneffei.
sur l’itraconazole 200 mg deux fois par jour pendant six mois [76] . Les cultures sont réalisées en milieu de Sabouraud, les repi-
Lorsqu’une atteinte osseuse est associée, ce traitement doit être quages des colonies doivent être réalisés dans un environnement
prolongé de six mois (12 mois au total). sécurisé (laboratoire P3) compte tenu du risque de contamination
Les patients atteints de formes sévères (SDRA, atteintes neu- du personnel de laboratoire par l’inhalation des spores. Le délai
rologiques) ont systématiquement été exclus des essais cliniques de positivité des cultures est d’une semaine à 30 ◦ C. Comme les
ayant validé l’itraconazole dans le traitement des blastomycoses. autres champignons dimorphiques, T. marneffei prend des aspects
Il est alors difficile aujourd’hui de recommander l’itraconazole, différents en fonction de la température du milieu de culture. À
puisque seuls quelques cas cliniques suggèrent son efficacité dans 27 ◦ C, les colonies sont blanches en périphérie et bleues ou vertes
les formes sévères de blastomycose [84] . Le traitement de référence au centre et un pigment rouge diffusible. Des filaments mycé-
des formes pulmonaires graves reste alors l’amphotéricine B. Le liens sont visualisés en microscopie. À 37 ◦ C, T. marneffei prend un
plus fort niveau de preuve repose sur l’amphotéricine désoxy- aspect de levures avec des colonies non pigmentées. Les sérologies
cholate à 0,7–1 mg/kg par 24 heures [85] . La forme liposomale sont peu utiles contrairement aux tests de détection d’antigène
à 5 mg/kg par 24 heures est à réserver aux patients insuffisants urinaire qui ont des performances intéressantes chez les patients
rénaux, sachant qu’aucune étude clinique n’a comparé l’efficacité immunodéprimés [88] . Ces tests ne sont malheureusement pas dis-
des deux formes d’amphotéricine dans le traitement des blastomy- ponibles en France. Il est à noter que l’infection à T. marneffei est
coses. L’adjonction d’une corticothérapie initiale peut se discuter une cause de faux positif du test de détection d’antigène asper-
dans les atteintes pulmonaires les plus hypoxémiantes [76] . Un gillaire. Le test de détection antigénique non spécifique, le -D
relais de l’amphotéricine par itraconazole à 200 mg deux fois par glucane, est fréquemment positif lors des infections à T. marneffei.
jour pendant six mois est possible après une dose cumulée de 500 Le traitement des formes pulmonaires est identique à celui des
à 1000 mg d’amphotéricine B désoxycholate ou 1 à 3 semaines pénicillioses disséminées des patients immunodéprimés puisque
d’amphotéricine liposomale [85] . Les échinochandines ne sont pas c’est dans ce contexte qu’elles surviennent. Il repose sur une phase
recommandées dans le traitement des blastomycoses. d’attaque de deux semaines d’amphotéricine B à 0,6 mg/kg par
jour suivi d’un traitement de dix semaines d’itraconazole à 400 mg
Infection à Talaromyces marneffei par jour. En l’absence de restauration immunitaire, il est parfois
nécessaire de poursuivre ce traitement par une dose d’entretien
T. marneffei sont des champignons largement répandus dans d’itraconazole à 200 mg par jour. Le fluconazole n’a pas d’activité
l’environnement. La majorité d’entre eux a une croissance inhibée sur Talaromyces spp.
à 37 ◦ C et est de fait non pathogène pour l’homme. Il existe néan-
moins quelques cas rapportés dans la littérature avec notamment
une atteinte pulmonaire. T. marneffei, anciennement nommé Peni- Coccidioïdomycose
cillium marneffei, est un champignon dimorphique endémique
des régions d’Asie du Sud-Est et du sud de la Chine (Fig. 16). La coccidioïdomycose est une infection due à l’inhalation de
L’incidence annuelle est estimée à 0,3/100 000 habitants en Thaï- Coccidioides immitis et Coccidioides posadasii qui sont des champi-
lande [86] . gnons endémiques des régions du sud-ouest des États-Unis et du
Ce champignon est rarement pathogène chez les patients nord-ouest du Mexique [2] (Fig. 17).
immunocompétents. Lorsqu’il l’est, les atteintes se résument à L’incidence annuelle des coccidioïdomycoses est estimée à
une maladie cutanée marquée par des papules ombiliquées qui 150 000 cas aux États-Unis [89] . Cette infection est asymptoma-
évoluent vers la nécrose. Le nombre d’infections à T. marneffei a tique chez 60 % des patients [90] . Lorsqu’elle est symptomatique,
augmenté depuis les années 1990 parallèlement à la diffusion de la coccidioïdomycose est responsable de tableaux cliniques très
14 EMC - Pneumologie
Aspergilloses pulmonaires chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus) 6-003-J-10
différents. Il peut s’agir d’un tableau général associant asthénie, la survenue d’une MBPNI, sont aussi propices au polymicro-
sueurs nocturnes ou érythème noueux et une hyperéosinophi- bisme. Dans la plupart des cas, la symptomatologie respiratoire
lie sanguine, soit d’un tableau de pneumonie aiguë (parfois avec des MBPNI est peu spécifique et d’évolution subaiguë. Elle sur-
adénopathie hilaire) résistante aux antibiotiques. La sérologie et vient chez un malade souvent fumeur et dénutri ayant une
l’examen mycologique des prélèvements permettent de poser le affection respiratoire chronique préalable, mais de nature extrê-
diagnostic. mement variée. Une hémoptysie doit être recherchée du fait
Les cultures sont réalisées en milieu de Sabouraud, les repi- de son impact pronostique et thérapeutique spécifique. Le diag-
quages des colonies doivent être réalisés dans un environnement nostic radiologique repose sur la réalisation d’une TDM avec
sécurisé (laboratoire P3) compte tenu du risque de contamination injection iodée. Les aspects radiologiques sont dominés par la
du personnel de laboratoire par l’inhalation des spores. Le délai de modification des lésions pulmonaires préalables (séquelles de
positivité des cultures est de quatre semaines. Comme les autres mycobactériose, zones d’emphysème, lésions fibrocavitaires de
champignons dimorphiques, Coccidioides spp. prend des aspects sarcoïdose, etc.) associée à l’apparition de matériel intracavitaire
différents en fonction de la température du milieu de culture. À (mycétome) hypodense et/ou de nodules ou de masses éven-
27 ◦ C, les colonies sont beiges ou blanches, laineuses et des fila- tuellement excavées. Le diagnostic repose sur la vigilance du
ments mycéliens sont visualisés en microscopie. La sérologie est clinicien et l’implication du mycologue afin de réaliser un examen
utile pour surveiller la réponse au traitement, mais peu sensible mycologique des sécrétions respiratoires associé à un ou des tests
dans les infections aiguës et chez les patients immunodéprimés, de diagnostic indirect adaptés. De nouvelles techniques encore
et non disponible en France. aujourd’hui en évaluation, viendront prochainement apporter
La majorité des patients immunocompétents va guérir sponta- une aide au diagnostic microbiologique des MBPNI.
nément et ne requiert donc pas un traitement antifongique [90] . Lorsque la chirurgie est possible, elle doit être privilégiée car
Néanmoins un traitement doit être proposé d’emblée lorsque elle permet un diagnostic de certitude et la guérison. Malheureu-
l’infection respiratoire est sévère ou disséminée. Ce traitement sement, le terrain du patient contre-indique souvent la chirurgie
repose sur l’amphotéricine B jusqu’à l’amélioration clinique suivi et un traitement antifongique oral (azolé) prolongé est le plus
d’un traitement d’entretien par fluconazole ou itraconazole à souvent proposé. Le niveau de preuve de ces différentes approches
400 mg par jour pendant au moins un an [76] . Le traitement anti- thérapeutiques est faible et la résistance des champignons aux trai-
fongique peut aussi être proposé à l’issue d’une simple surveillance tements antifongiques est une problématique récente qui doit de
de six semaines, s’il persiste des symptômes d’infection [90] . Il plus en plus être considérée.
est alors recommandé d’utiliser le fluconazole ou l’itraconazole
à 400 mg par jour pendant 3 à 6 mois.
Déclaration de liens d’intérêts : J. Cadranel : lien d’intérêt avec MSD ; parti-
cipation à des groupes d’experts pour le développement d’antifongique.
Paracoccidioïdomycose C. Godet : au cours des cinq dernières années, a reçu des honoraires ou finan-
cements pour participation à des congrès, participation à des groupes d’experts,
La paracoccidioïdomycose est une infection due à l’inhalation travaux de recherche de la part des laboratoires Pfizer, Astellas, Gilead, MSD,
d’un champignon dimorphique, Paracoccidioides brasiliensis, Basilea, Astra Zeneca, SOS Oxygene et Isis Médical.
endémique en Amérique centrale et Amérique du Sud [91]
(Fig. 18). Cette infection concerne habituellement les hommes
travaillant en extérieur. L’incidence annuelle est estimée de 1 à
3,7/100 000 habitants au Brésil [91] . La porte d’entrée du champi- Références
gnon est pulmonaire, l’atteinte cutanée et ganglionnaire survient
[1] Brandt ME, Park BJ. Think fungus-prevention and control of fungal
secondairement après dissémination.
infections. Emerg Infect Dis 2013;19:1688–9.
Les cultures sont réalisées en milieu de Sabouraud dans un
[2] Vallabhaneni S, Mody RK, Walker T, Chiller T. The global burden of
environnement sécurisé (laboratoire P3) compte tenu du risque fungal diseases. Infect Dis Clin North Am 2016;30:1–11.
de contamination du personnel de laboratoire par l’inhalation [3] Denning DW, Chakrabarti A. Pulmonary and sinus fungal diseases
des spores. Le délai de positivité des cultures peut aller jusqu’à in non-immunocompromised patients. Lancet Infect Dis 2017;17:
4 semaines. Comme les autres champignons dimorphiques, e357–66.
Paracoccidioides prend des aspects différents en fonction de la tem- [4] Egbuta MA, Mwanza M, Babalola OO. Health risks associated with expo-
pérature du milieu de culture. À 27 ◦ C, les colonies sont beiges, sure to filamentous fungi. Int J Environ Res Public Health 2017;14(7).
roses ou blanches, et des filaments mycéliens sont visualisés en [5] Raselli C, Reinhart WH, Fleisch F. Histoplasmosis - an unusual African
microscopie. À 37 ◦ C, Paracoccidioides spp. prend un aspect de souvenir. Dtsch Med Wochenschr 2013;138:313–6.
levures à bourgeonnement multiple. Les sérologies sont utiles au [6] Weiler S, Falkensammer G, Hammerer-Lercher A, Anliker M, Vogelsin-
diagnostic et à la surveillance sous traitement. En particulier, la ger H, Joannidis M, et al. Pulmonary epithelial lining fluid concentrations
recherche d’antigène gp43 et gp70 dans le LBA est une aide au after use of systemic amphotericin B lipid formulations. Antimicrob
Agents Chemother 2009;53:4934–7.
diagnostic des formes pulmonaires qui n’est malheureusement
[7] Wingard JR, Kubilis P, Lee L, Yee G, White M, Walshe L, et al.
pas disponible en France. Clinical significance of nephrotoxicity in patients treated with ampho-
Le traitement des paracoccidioïdomycoses est fondé sur une tericin B for suspected or proven aspergillosis. Clin Infect Dis 1999;29:
seule étude randomisée. Les différentes possibilités sont le kétoco- 1402–7.
nazole (200 à 400 mg/24 h), l’itraconazole (100 à 400 mg/24 h), ou [8] Walsh TJ, Goodman JL, Pappas P, Bekersky I, Buell DN, Roden M, et al.
la sulfadiazine (4 à 6 g/24 h) jusqu’à la guérison nécessitant géné- Safety, tolerance, and pharmacokinetics of high-dose liposomal ampho-
ralement 6 à 12 mois de traitement dans les formes chroniques. ®
tericin B (AmBisome ) in patients infected with Aspergillus species
Les atteintes disséminées graves justifient d’un traitement initial and other filamentous fungi: maximum tolerated dose study. Antimicrob
par amphotéricine B [76] . Agents Chemother 2001;45:3487–96.
[9] Nattusamy L, Kalai U, Hadda V, Mohan A, Guleria R, Madan K.
Bronchoscopic instillation of liposomal amphotericin B in mana-
Conclusion gement of nonresponding endobronchial mucormycosis. Lung India
2017;34:208–9.
[10] Kravitz JN, Berry MW, Schabel SI, Judson MA. A modern series
Le spectre des MBPNI est dominé par l’APC, alors que Candida
of percutaneous intracavitary instillation of amphotericin B for the
sp. est un agent de colonisation très fréquent de l’arbre bron- treatment of severe hemoptysis from pulmonary aspergilloma. Chest
chique. Les autres infections fongiques sont beaucoup plus rares 2013;143:1414–21.
(cryptococcose) ou surviennent chez des malades ayant séjourné [11] Willems L, van der Geest R, de Beule K. Itraconazole oral solution and
en pays d’endémie (histoplasmose). En l’absence de symptôme ou intravenous formulations: a review of pharmacokinetics and pharmaco-
d’anomalie radiologique, l’identification d’une espèce fongique dynamics. J Clin Pharm Ther 2001;26:159–69.
dans la culture d’un prélèvement respiratoire doit être interpré- [12] Zonios DI, Bennett JE. Update on azole antifungals. Semin Respir Crit
tée avec prudence. Les comorbidités respiratoires, qui favorisent Care Med 2008;29:198–210.
EMC - Pneumologie 15
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T. Maitre.
Service de maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Tenon, AP–HP, Sorbonne Université, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France.
C. Hennequin.
Laboratoire de parasitologie et mycologie médicale, Hôpital Saint-Antoine, AP–HP, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.
Centre de recherche Saint-Antoine, Inserm-UMR S 938, Faculté de médecine Pierre et Marie Curie, Sorbonne Université, site Saint-Antoine, 27, rue Chaligny,
75571 Paris cedex 12, France.
S. Tavolaro.
Service de radiologie, AP–HP, Sorbonne Université, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France.
M. Antoine.
Laboratoire d’anatomopathologie, AP–HP, Sorbonne Université, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France.
M.-F. Carette.
Service de radiologie, AP–HP, Sorbonne Université, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France.
C. Godet.
Service de maladies infectieuses et tropicales, 2, rue de la Milétrie, 86021 Poitiers, France.
J. Cadranel (jacques.cadranel@aphp.fr).
Service de pneumologie, Hôpital Tenon, AP–HP, Sorbonne Université, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Maitre T, Hennequin C, Tavolaro S, Antoine M, Carette MF, Godet C, et al. Aspergilloses pulmonaires
chroniques et autres mycoses bronchopulmonaires non invasives (aspects immunoallergiques exclus). EMC - Pneumologie 2020;31(2):1-17 [Article
6-003-J-10].
EMC - Pneumologie 17
6-003-L-10
Résumé : La prévalence des maladies parasitaires est toujours importante. Malgré le développement
de l’hygiène dans certains pays, les conditions sanitaires restent encore précaires dans de nombreuses
régions tropicales. En outre, avec l’augmentation des déplacements intercontinentaux et des progrès
médicaux (transplantations d’organes, traitements immunosuppresseurs), les parasitoses sont fréquem-
ment rencontrées, qu’il s’agisse de parasites cosmopolites ou tropicaux. La plupart ont une localisation
sanguine ou digestive. Néanmoins, l’atteinte pulmonaire par une parasitose n’est pas rare. Il peut s’agir
d’une cible privilégiée d’un parasite (Pneumocystis, Paragonimus) ou d’une diffusion dans le poumon
d’un parasite habituellement situé dans un autre viscère (échinocoques, amibes). Le diagnostic est basé
sur les données épidémiologiques, les analyses de l’expectoration et des selles, et les sérologies concer-
nées. Les traitements antiparasitaires, efficaces et bien tolérés, doivent être adaptés à chaque parasite
trouvé. La prophylaxie est souvent difficile à appliquer en raison de la nécessité de perturber des habitudes
alimentaires parfois ancestrales.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Pneumologie 1
Volume 31 > n◦ 2 > avril 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-195X(19)81142-8
6-003-L-10 Parasitoses pulmonaires et pneumocystose
Tableau 1.
Manifestations pulmonaires des parasitoses.
Parasitoses Nodule Miliaire Opacité Infiltrat Infiltrat Pleurésie Œdème Condensations Calcifications
excavée labile durable pulmonaire
Amoebose X X X X
Anguillulose X
Babésiose X
Bilharzioses X X X X
Clonorchiose X X
Dirofilariose X X
Filarioses X X
Gnathostomose X X
Hydatidose X X X X
Leishmaniose X X X
Linguatulose X
Paludisme X X
Paragonimose X X X X
Porocéphalose X X X
Trypanosomose X
2 EMC - Pneumologie
Parasitoses pulmonaires et pneumocystose 6-003-L-10
Tableau 2.
Répartition géographique des Paragonimus (P.).
Continent Parasite
Asie
Chine, Japon, Inde, Asie du Sud-Est, Malaisie P. westermanii
Thaïlande, Chine, Laos P. heterotremus
P. skrjabini
Thaïlande P. harinasutai
P. bangkokensis
Japon P. pulmonalis
Afrique
Afrique centrale P. africanus
P. uterobilateralis
Amérique
États-Unis, Canada P. kellicotti
Amérique du Sud P. mexicanus
Pérou, Équateur P. caliensis
atteignant environ 20 millions de sujets. Aux États-Unis, Para- Figure 5. Coupe de Paragonimus dans un poumon.
gonimus kellicotti est fréquent chez les mammifères de la vallée
du Mississipi [15, 16] où l’infestation s’effectue par ingestion de l’expectoration, dans le liquide de ponction pleurale [20] et sur-
crustacés d’eau douce (crabes et écrevisses) [17] (Fig. 3). Le ver tout dans les selles (par régurgitation) [21] . Au maximum, une
adulte mesure de 8 à 15 mm, avec un aspect général en « grain biopsie pulmonaire d’une lésion nodulaire retrouve les parasites
de café ». L’état général est bien conservé et les symptômes, adultes [22] (Fig. 5). Le praziquantel (75 mg/kg en trois prises par
d’installation progressive, n’ont rien de spécifique : toux avec jour pendant 3 jours) est le traitement de choix, mais des séquelles
expectoration rouillée, dyspnée, hémoptysie, avec des images sont possibles, à type de lésions pleurales, de sténose bronchique
pulmonaires variées (opacités, nodules, pleurésie) [18] , voire un ou d’atélectasie. La prophylaxie consiste à sensibiliser les popu-
pneumothorax. L’atteinte pleurale est constatée dans 20 à 70 % lations au danger de consommer crus des crustacés d’eau douce,
des cas. Une évolution est possible vers une insuffisance respi- mais est difficile car contraire aux habitudes alimentaires ances-
ratoire et une insuffisance cardiaque droite, avec un retard de trales.
croissance chez l’enfant. Des localisations erratiques sont pos-
sibles dans différents organes (peau, muscles, foie, cerveau).
Souvent confondu avec une tuberculose, dont les recherches de
bacilles de Koch sont négatives, ou un cancer du poumon [19] , le Parasitoses ayant
diagnostic est évoqué devant le contexte épidémiologique, une une localisation pulmonaire
hyperéosinophilie sanguine et confirmé par le sérodiagnostic.
Mais la plupart des laboratoires européens n’ont que des réactifs accessoire
concernant la douve du foie Fasciola hepatica et de ce fait le séro-
diagnostic risque d’être négatif ; aussi faut-il envoyer l’échantillon Échinococcoses
à tester dans un laboratoire ayant les réactifs correspondant à
Paragonimus, comme par exemple à Mahidol University en Thaï-
Hydatidose pulmonaire
lande. En outre, les œufs ovoïdes et operculés caractéristiques Echinococcus granulosus (Fig. 6) est le tænia du chien. Il mesure
(100 × 60 m, de couleur brun clair) (Fig. 4) sont retrouvés dans 3,5 mm et est composé de quatre anneaux, dont le dernier
EMC - Pneumologie 3
6-003-L-10 Parasitoses pulmonaires et pneumocystose
Échinococcose alvéolaire
E. multilocularis est le tænia du renard. L’échinococcose alvéo-
laire est la conséquence de l’infestation de l’homme par ce tænia,
dans l’Est de la France, en Europe centrale, dans les pays du
Figure 7. Kyste hydatique du poumon. grand Nord [30] et en Chine. L’homme s’infeste par ingestion de
baies sauvages contaminées par les excréments des renards et
par manipulation des renards (chasseurs, taxidermistes). Le chien
peut aussi être porteur de ce parasite. Le foie est la localisation
contient de très nombreux embryophores. Avec ses excréments, le
essentielle de cette parasitose avec des métastases pulmonaires [31]
chien émet des œufs qui sont ingérés habituellement par le mou-
faisant évoquer une tumeur maligne [32] . La localisation pulmo-
ton et accidentellement par l’homme. Ces embryophores sont très
naire révèle 5 % des cas d’échinococcose alvéolaire. La sérologie
résistants dans la nature. Après ingestion, l’embryophore éclate,
spécifique par le western blot apporte un argument diagnostique
libérant un embryon hexacanthe qui traverse l’estomac et migre
supplémentaire. La radiographie montre des images cotonneuses
vers différents organes dont le foie dans 70 % des cas, puis dans
disséminées [33] ou des nodules de taille variable [34] parfois cal-
le poumon (20 % des cas) et dans les autres organes (os, rein, rate,
cifiés. Le diagnostic est établi par la biopsie et l’évolution est
cœur, etc.). En raison du cycle chien–mouton, cette affection est
de mauvais pronostic. Le traitement était classiquement basé
particulièrement fréquente dans les pays d’élevage (Maghreb, Aus-
d’emblée sur l’ablation de l’organe atteint. Actuellement, on pré-
tralie, Nouvelle-Zélande, Amérique du Sud) [23] . Les enfants des
fère tenter un traitement médical par l’albendazole au long cours
zones rurales [24, 25] et les bergers sont particulièrement exposés.
et, en cas d’échec du traitement médical [35] , la transplantation
L’affection reste longtemps asymptomatique. Le kyste grossit
de l’organe atteint, suivi par une cure d’albendazole de plusieurs
lentement. Quand il prend un certain volume, le patient ressent
mois ou années.
une sensation de gêne thoracique, avec toux et parfois hémopty-
sie. Si le kyste se rompt dans les voies aériennes peut survenir une
vomique claire, « eau de roche », contenant des vésicules filles Amœbose pulmonaire
évoquant des grains de raisin sucés. Une rupture dans la plèvre
est possible. Entamoeba histolytica est une amibe provoquant principalement
Le diagnostic est évoqué sur le contexte épidémiologique et des un syndrome dysentérique (douleurs abdominales, diarrhées
critères morphologiques devant les images arrondies d’un ou plu- glairosanglantes). Ella a une répartition cosmopolite, mais sa
sieurs kystes sur la radiographie thoracique (Fig. 7), qui peuvent prévalence est nettement plus élevée dans les pays tropicaux.
4 EMC - Pneumologie
Parasitoses pulmonaires et pneumocystose 6-003-L-10
L’homme se contamine par ingestion d’eau ou d’aliments souillés. pulmonaires (mais cette dernière n’est pas encore « validée » par
Sans traitement, les amibes peuvent envahir le foie, pour pro- les autorités sanitaires). Un examen parasitologique des selles peut
voquer la formation d’un abcès amibien du foie. Puis elles apporter un argument supplémentaire en retrouvant des amibes,
migrent vers le poumon, soit par contiguïté, atteignant le poumon mais la négativité de cet examen n’élimine pas le diagnostic
droit [36, 37] , soit par voie sanguine pouvant atteindre le poumon d’amibiase pulmonaire. En cas de pleurésie (Fig. 10), les amibes
gauche. Une localisation pulmonaire complique de 7 à 20 % des peuvent être retrouvées dans le liquide pleural [42] . Le traitement
abcès hépatiques amibiens [38] . Un hydropneumothorax est pos- par les dérivés imidazolés (tinidazole, métronidazole) per os ou
sible par fistule bronchopleurale [39] . Le délai entre le retour d’une par voie intraveineuse si le patient a des vomissements est rapi-
zone d’endémie et l’apparition des symptômes peut être de plu- dement efficace. Aussi l’intervention chirurgicale d’évacuation de
sieurs mois ou années. En cas de rupture dans les voies aériennes, l’abcès est-elle rarement nécessaire et réservée aux gros abcès ris-
dans la plèvre ou dans le péricarde, une évolution fatale est pos- quant de se rompre dans la plèvre, nécessitant alors une ponction
sible dans 11 % des cas par choc septique, insuffisance respiratoire pleurale évacuatrice, voire un drainage pleural.
aiguë ou tamponnade.
Après un séjour tropical, le patient se plaint de douleurs
thoraciques et de fièvre, avec parfois une vomique de couleur
« chocolat » [40] . Une surinfection bactérienne est possible. Excep-
Bilharziose pulmonaire
tionnellement, l’amibiase pulmonaire peut se manifester par un Les bilharzies, dont il existe cinq espèces infestant environ
syndrome de la veine cave supérieure, par obstruction de cette 300 millions de personnes, provoquent des troubles intesti-
veine, en provoquant une dyspnée, des céphalées, des vertiges naux ou urinaires, selon l’espèce en cause (Tableau 3). L’homme
et un œdème de la face. La radiographie pulmonaire montre s’infeste par contamination transcutanée, les parasites migrant
une pneumopathie aiguë de la base droite ou une opacité avec ensuite vers le foie, puis, selon l’espèce, vers les vaisseaux de
un niveau liquide (Fig. 9). L’amœbose pulmonaire peut coexister l’intestin ou de la vessie. Quelle que soit l’espèce, les parasites
avec d’autres infections pulmonaires, comme un adénocarci- adultes peuvent avoir une localisation erratique dans le pou-
nome [41] . Le diagnostic est suspecté sur l’hémogramme montrant mon. La présence d’œufs dans le poumon est plus fréquente,
une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et confirmé en particulier avec Schistosoma haematobium, les œufs étant pon-
par la positivité du sérodiagnostic, ainsi que par la mise en évi- dus dans les plexus périvésicaux qui sont drainés par la veine
dence d’amibes dans le liquide d’aspiration bronchioloalvéolaire. cave inférieure, contrairement aux espèces intestinales qui sont
La recherche d’antigène par PCR est très sensible dans un liquide dans les vaisseaux intestinaux, drainés par le système porte. Les
de ponction d’abcès amibien du foie et aussi dans les sécrétions œufs s’entourent d’une réaction inflammatoire formant un gra-
nulome, avec l’intervention des cytokines de l’inflammation [43]
et une activation du complément [44] . Le plus souvent associée
à une fibrose portale, la multiplication de ces granulations pro-
voque une hypertension artérielle pulmonaire [45] (pression de
l’artère pulmonaire ≥ 25 mmHg et pression des capillaires pulmo-
naires ≤ 15 mmHg), avec une évolution possible vers l’insuffisance
cardiaque droite. La bilharziose semble être la principale étio-
logie infectieuse d’hypertension artérielle pulmonaire dans le
monde [46, 47] . Le patient se présente avec une fièvre, une toux,
des douleurs thoraciques et parfois une hémoptysie [48] , égarant
vers une tuberculose. En outre, des céphalées importantes et des
douleurs abdominales évoquent une phase aiguë d’invasion de la
bilharziose ou syndrome de Katayama [49] . Le scanner thoracique
peut révéler une dilatation des artères pulmonaires et des images
nodulaires [50] (Fig. 11), ou encore une pleurésie [51] .
Le diagnostic est évoqué par l’épidémiologie (origine ou voyage
dans des zones d’endémie), l’hémogramme (hyperéosinophilie),
le sérodiagnostic (pas toujours contributif dans cette localisation,
car les réactifs disponibles sont réalisés à base de Schistosoma
mansoni) et confirmé par la mise en évidence des œufs de
Figure 9. Abcès amibien du poumon.
S. haematobium, de S. mansoni ou de Schistosoma japonicum dans
A B
Figure 10. Pleurésie amibienne, compliquant un abcès du foie (A, B).
EMC - Pneumologie 5
6-003-L-10 Parasitoses pulmonaires et pneumocystose
Tableau 3.
Épidémiologie des différentes bilharzioses.
Espèce Répartition géographique Hôte intermédiaire Hôtes définitifs Localisations Pathogénicité
Schistosoma haematobium Afrique Bulin Hommes Veine mésentérique Génito-urinaire :
Moyen-Orient inférieure - dilatations et
Plexus hypogastrique sténoses urinaires
- cancer de la vessie
Schistosoma mansoni Afrique, Antilles, Planorbe Hommes Veine Digestive :
Amérique centrale et du Primates mésentérique - hypertension portale
Sud Rongeurs inférieure
Plexus péricolique
Schistosoma intercalatum/ Afrique centrale Bulin Hommes, Veine mésentérique Rectale :
S. guineensis primates inférieure - diarrhées
Plexus rectal glairosanglantes
Schistosoma japonicum Extrême-Orient Oncomelania Hommes Veine mésentérique Artérioveineuse :
Primates supérieure - hypertension portale
Rongeurs précoce
Carnivores
Schistosoma mekongi Asie du Sud-Est Tricula Hommes Veine mésentérique Artérioveineuse :
Primates supérieure - hypertension portale
Rongeurs précoce
Carnivores
Figure 11. Poumons avec nodules bilharziens. radiographie pulmonaire et le scanner peuvent montrer des infil-
trats réticulonodulaires bilatéraux [57] . Le diagnostic est évoqué
sur l’épidémiologie (séjour en pays tropical, même remontant
l’expectoration, dans les selles ou les urines, ainsi que dans la à plusieurs dizaines d’années), l’hémogramme (hyperéosino-
biopsie pulmonaire. L’échographie cardiaque permet d’apprécier philie) et confirmé par le sérodiagnostic positif et surtout la
le degré d’hypertension artérielle pulmonaire. Le praziquantel mise en évidence des larves dans l’expectoration ou le liquide
(40 mg/kg en prise unique) en est le traitement habituel, avec bronchioloalvéolaire (Fig. 12), parfois associé à d’autres agents
une prise en charge de l’insuffisance cardiaque droite. pathogènes [58] et dans les selles (avec la méthode d’extraction
de Baermann). L’ivermectine en est le traitement de choix per os,
et par injection dans les infestations massives.
Anguillulose pulmonaire
Strongyloides stercoralis est un nématode intestinal des zones
tropicales. L’homme s’infeste en marchant pieds nus en ter-
Parasitoses n’effectuant
rain boueux. Les larves traversent la peau et suivent un circuit qu’un passage dans le poumon
complexe dans l’organisme en passant par le cœur et le pou-
mon, pour gagner le duodénum. En cas d’immunodépression Syndrome de Löffler
(greffe, infection par le VIH, ou par le human T-cell lymphoma
virus 1, corticothérapie), les parasites se multiplient et envahissent Certains nématodes, comme l’Ascaris, l’ankylostome [59] et
tout l’organisme, y compris le système nerveux, avec une évo- l’anguillule, effectuent un cycle dans l’organisme où ils arrivent
lution parfois fatale. Dans le poumon, les larves provoquent dans le poumon, en quittant la circulation capillaire pour passer
une pneumopathie interstitielle, un asthme sévère, une bron- dans les alvéoles (Fig. 13) et remonter l’arbre bronchique jusqu’au
chopneumopathie obstructive [52] , une hémoptysie [53] , voire un pharynx. Cette traversée pulmonaire, surtout marquée avec les
pneumothorax [54] . En Iran, sur 70 patients 15,7 % avaient une larves d’Ascaris, se manifeste par de la toux sèche, une dyspnée,
atteinte pulmonaire [55] . une insuffisance respiratoire [60] , voire une hémoptysie. La radio-
Dans une série de 16 cas au Japon, la localisation pulmonaire graphie pulmonaire révèle une opacité labile et s’accompagne
des anguillules s’est manifestée par une insuffisance respira- d’une hyperéosinophilie sanguine et d’un sérodiagnostic posi-
toire (87 %), un syndrome de détresse respiratoire aigu (53 %), tif. Les symptômes sont rassemblés sous le nom de syndrome de
une pneumonie (46 %) ou une hémoptysie (33 %) [56] . La Löffler, qui va régresser spontanément en quelques jours.
6 EMC - Pneumologie
Parasitoses pulmonaires et pneumocystose 6-003-L-10
Poumon éosinophile
Les étiologies du poumon éosinophile sont variées (allergiques,
iatrogènes, toxiques ou parasitaires). Le poumon éosinophile tro-
pical ou filarien, ou syndrome de Weingarten, constaté surtout
en Inde, en Asie du Sud-Est et aux Comores, est dû au passage
de filaires lymphatiques dans le poumon (Wuchereria bancrofti)
(Fig. 14), responsable habituel des filarioses lymphatiques, ou Bru-
gia malayi, responsable de la filariose de Malaisie. Des similitudes
ont été décelées entre les enzymes constatées chez les microfilaires
de B. malayi et les cellules de l’épithélium pulmonaire, expliquant
le tropisme de ces filaires pour le poumon. Les patients présentent
une toux parfois productive, une bronchite asthmatiforme, une
hyperéosinophilie sanguine et une sérologie de filariose positive.
La radiographie pulmonaire peut montrer des infiltrats nodulaires
surtout aux bases. En cas de biopsie, on retrouve des infiltrats
histiocytaires péribronchiques et périvasculaires renfermant des
parasites qui évoluent en granulomes centrés par des parasites puis
en fibrose. Les microfilaires sont mises en évidence dans le sang.
Ces symptômes vont rapidement régresser avec un traitement par
ivermectine, mais qui souvent nécessite le recours à la diéthylcar-
bamazine, à doses progressivement croissantes. En cas de poumon
éosinophilique primitif idiopathique, le traitement par corticoïde
apporte une amélioration rapide [61] .
EMC - Pneumologie 7
6-003-L-10 Parasitoses pulmonaires et pneumocystose
8 EMC - Pneumologie
Parasitoses pulmonaires et pneumocystose 6-003-L-10
Conclusion
En dehors du Peumocystis et des Paragonimus, le poumon n’est
pas l’organe-cible principal des parasites. Néanmoins, ils peuvent
provoquer une pathologie pulmonaire non spécifique sur le plan
clinique. Le contexte épidémiologique (séjour tropical, habitudes
alimentaires) et biologique (hyperéosinophilie sanguine dans le
cas des helminthoses) permet d’orienter le diagnostic. La confir-
mation est apportée par la mise en évidence directe du parasite ou
par des arguments indirects sérologiques, ce qui permet d’obtenir
une guérison par un traitement adapté au parasite en cause. La
prévention est difficile.
EMC - Pneumologie 9
6-003-L-10 Parasitoses pulmonaires et pneumocystose
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourée P. Parasitoses pulmonaires et pneumocystose. EMC - Pneumologie 2020;31(2):1-11 [Article
6-003-L-10].
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