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ISSN 1662 – 4599 31 mai 2010

Horizons et débats
Horizons et débats
10e année
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Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité


pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
Edition française du journal Zeit-Fragen

«Le triomphe de la cupidité»


De l’echec des marchés au nouvel ordre économique mondial
par Joseph E. Stiglitz
hd. La crise économique qui sévit depuis Au lieu de proposer des mesures hâtives, cière – devait nous permettre de mieux gérer
l’automne 2008 a des conséquences dans le Stiglitz invite à une réflexion commune appro- le risque et mettre un point final au cycle des
monde entier. La menace d’insolvabilité de fondie. Désireux d’éviter les crises futures, il affaires. Et si, à elles deux, la nouvelle éco-
différents Etats en constitue actuellement le expose dans toute leur complexité les tâches nomie et la théorie économique moderne
point culminant. Un redressement durable de que nous impose l’avenir et il nous invite à n’avaient pas totalement anéanti les fluctua-
l’économie n’est pas pour demain. trouver des solutions humaines. Après l’échec tions économiques, elles les avaient domp-
Alarmés par les effets dévastateurs de la de toutes les solutions envisagées jusqu’ici, tées. Du moins le disait-on.
crise, avant tout pour les pays en dévelop- nous devons rassembler toutes les forces de La Grande Récession a pulvérisé ces il-
pement et parce qu’ils n’étaient pas d’ac- la réflexion et le lecteur lui-même est appe- lusions. C’est à l’évidence le pire effondre-
cord avec les tentatives de solution rapides de lé à prendre ses responsabilités. Sans accuser ment économique depuis la Grande Dépres-
quelques pays du G 20, l’ex-président de l’As- personne individuellement et avec une grande sion d’il y a soixante-quinze ans. Il nous
semblée générale des Nations Unies Miguel franchise, Stiglitz évoque les négligences et les contraint à repenser ce que nous avons si
d’Escoto Brockmann et Joseph Stiglitz ont mauvaises décisions qui ont conduit au désas- longtemps adoré. Cela fait un quart de siè-
convoqué l’été dernier un sommet de crise de tre actuel. La question est de savoir si les pays cle que règnent certaines idées: les mar-
l’ONU qui partait de l’idée que la crise con- pourront être assez indépendants et consen- chés libres et sans entraves sont efficaces;
cernait la totalité de la communauté interna- suels pour s’atteler ensemble à cette tâche. s’ils font des erreurs, ils les corrigent vite; le
tionale et que tous les peuples devaient avoir Nous reproduisons ci-dessous la préface meilleur Etat est le plus discret; la réglemen-
leur mot à dire dans la recherche de solutions. du livre de Stiglitz auquel nous souhaitons tation n’est qu’un obstacle à l’innovation; les
Beaucoup d’idées du rapport que Stiglitz avait un large public. Il est à la portée de tout lec- banques centrales doivent être indépendantes
élaboré avec d’autres personnes au sein d’une teur attentif.* et avoir pour seul souci de contenir l’infla-
commission préparatoire ont été discutées et tion. Aujourd’hui, même le grand-prêtre de
présentées dans une déclaration fi nale. Le *** cette idéologie, Alan Greenspan, président
rapport demandait des réformes profondes du Federal Reserve Board à l’époque où pré-
A mes étudiants
des marchés financiers internationaux, no- valaient ces principes, reconnaît que quelque
dont j’ai tant appris,
tamment un Conseil économique mondial re- chose clochait dans ce raisonnement. Mais
dans l’espoir qu’ils apprendront
présentatif et des contrôles étatiques de la cir- cet aveu arrive trop tard pour les très nom-
de nos erreurs. ISBN: 978-2-918597-05-6
culation des capitaux. Ce rapport a été rejeté breuses victimes.
par les pays industrialisés. Dans la Grande Récession qui a commencé
Il est d’autant plus salutaire que Joseph en 2008, plusieurs millions de personnes, en «Je suis persuadé que les marchés mais ne fonctionnent pas bien tout seuls. Je
Stiglitz publie maintenant un ouvrage inti- Amérique et dans le monde entier, ont perdu sont au cœur de toute économie m’inscris à cet égard dans la tradition inau-
tulé «Le triomphe de la cupidité» dans le- maison et emploi. Beaucoup plus ont été te- dynamique mais ne fonctionnent gurée par l’illustre économiste britannique
quel, inspiré par le respect de la souverai- naillés par l’angoisse de les perdre aussi, et John Maynard Keynes, dont la haute stature
neté des Etat nations, il expose de manière pratiquement tous ceux qui avaient fait quel- pas bien tout seuls.» domine la recherche économique de notre
claire ses vues sur la crise et ses causes: Les ques économies pour leur retraite ou les étu- Ce livre parle d’un combat d’idées: il porte temps. L’Etat a un rôle, qui ne se réduit pas
guerres qui, depuis le début des années 1990, des de leurs enfants ont vu ces investisse- sur les idées à l’origine des politiques désas- à venir sauver l’économie quand les mar-
ont coûté des sommes colossales et ont néces- ments se réduire à peau de chagrin. Née en treuses qui ont provoqué la crise, et sur les le- chés chancellent et à réglementer pour évi-
sité un gonflement artificiel de l’argent (cf. Amérique, la crise a vite gagné toute la pla- çons que nous en tirons. Avec le temps, toute ter le type d’effondrement que nous venons
«Une guerre à 3000 milliards de dollars»), nète: des dizaines de millions de personnes crise a une fin. Mais aucune, surtout lorsqu’el- de vivre. Les économies ont besoin d’équi-
les effets dévastateurs des contraintes pour dans le monde ont perdu leur travail – 20 mil- le est d’une telle gravité, ne disparait sans librer le rôle du marché et celui de l’Etat –
le tiers monde (cf. «La grande désillusion»), lions pour la seule République populaire de laisser d’héritage. Celle de 2008 nous légue- tout en recevant d’importantes contributions
la déréglementation et le déchaînement des Chine –, des dizaines de millions de vies ont ra, entre autres, de nouveaux éclairages sur d’institutions qui ne relèvent ni du marché ni
marchés qu’elle a entraîné, les mauvais sti- sombré dans la pauvreté.1 une vieille controverse: quel est le système de l’Etat. Depuis vingt-cinq ans, l’Amérique
mulants et la répartition injuste des richesses Ce n’est pas ce qui était prévu. La théorie économique le plus bénéfique? Le duel entre a perdu cet équilibre, et elle a imposé sa vi-
ont mené le monde au bord de l’abîme. économique en vigueur, avec sa foi dans le capitalisme et communisme est peut-être sion déséquilibrée au monde entier.
libre marché et la mondialisation, avait pro- fini, mais les économies de marché sont très Des idées fausses ont conduit à la crise, et
mis la prospérité à tous. La «nouvelle éco- diverses, et le débat fait rage à propos de leurs c’est aussi à cause d’elles que les décideurs du
* Reproduit avec l’aimable permission
des Editions «Les Liens qui libèrent». nomie» tant vantée – les innovations stupé- mérites respectifs. secteur privé et les responsables de l’action pu-
Joseph E. Stiglitz. Le triomphe de la cupidité. fiantes des dernières décennies du XXe siècle, Je suis persuadé que les marchés sont blique ont eu du mal à voir que les problèmes
www.editionslesliensquiliberent.fr dont la déréglementation et l’ingénierie finan- au cœur de toute économie dynamique s’envenimaient, puis ont été incapables de
gérer efficacement les retombées. C’est ce
que ce livre va expliquer. La durée de la ré-
Joseph E. Stiglitz cession dépendra des politiques que nous
suivrons. Les erreurs déjà commises vont la
théon de la profession. Il enseigne, en- de la réappropriation des matières pre- prolonger et l’aggraver. Mais la gestion de la
suite, dans de prestigieuses universités mières par les Etats des pays les plus crise n’est que l’une de mes préoccupations:
(MIT, Yale, Stanford, Princeton, Oxford). défavorisés. Joseph E. Stiglitz a chiffré je me soucie également de ce qui en sortira.
Il a notamment contribué à créer une le coût de la guerre en Irak à quelque Nous ne pouvons pas revenir et nous ne re-
nouvelle discipline, l’économie de l’infor- 3000 milliards de dollars. En 2008 il pu- viendrons pas à ce qui existait «avant».
mation. blia Une guerre à 3000 milliards de dol-
De 1993 à 1997, Joseph E. Stiglitz est le lars (Fayard) (The Three Trillion Dollar
«Les économies ont besoin d’équi-
principal conseiller économique du prési- War: The True Cost of the Iraq Conflict). librer le rôle du marché et celui
dent Clinton. En 1997, il intègre la Banque En 2003, dans Quand le capitalisme de l’Etat – tout en recevant d’im-
mondiale en tant qu’économiste en chef perd la tête (Roaring Nineties), c’est en
et vice-président. Il démissionne avec fra- tant qu’ancien membre et président du
portantes contributions d’institu-
cas de cette institution en 2000 dont il Conseil économique du président Bill tions qui ne relèvent ni du marché
Joseph E. Stiglitz (photo mad) critique le rôle auprès des pays les plus Clinton qu’il revient sur le rôle des déci- ni de l’Etat.»
pauvres. En 2001, Joseph Stiglitz reçoit sions d’Alan Greenspan alors à la tête de
Economiste américain, l’un des princi- le prix Nobel d’économie. En 2002, il pu- la Réserve fédérale dans la récession éco- Avant la crise, les Etats-Unis, et le monde en-
paux représentants du courant néokey- blie la La Grande Désillusion (Globaliza- nomique de 2000 aux Etats-Unis. tier, étaient confrontés à de nombreux pro-
nésien, dont les théories et prises de po- tion and Its Discontents), un ouvrage très En 2005, il publia Pour un commerce blèmes; la nécessité de s’adapter au réchauf-
sitions font le héros des mouvements critique à l’égard de la Banque mondiale mondial plus juste (Fair Trade for All) et fement de la planète n’était pas le moindre;
altermondialistes. et du Fond monétaire international (FMI) en 2006, Un autre monde: Contre le fa- le rythme de la mondialisation imposait aux
Né en 1943 à Gary, Indiana (Etats-Unis) qui devient vite un best-seller mondial. natisme du marché (Making Globaliza- économies des changements structurels ra-
Joseph Eugene Stiglitz fait ses études à Joe Stiglitz enseigne depuis 2000 dans la tion Work). pides qui mettaient nombre d’entre elles à
Amherst College puis au Massachusetts Graduate School of Business de l’Univer- Son dernier ouvrage Le triomphe de la rude épreuve. Après la crise, ces défis seront
Institute of Technology (MIT) de Boston, sité de Columbia (New York). cupidité (Freefall: America, Free Markets, toujours là, encore plus importants, mais les
où il obtint son doctorat en 1966. Très tôt Joseph Stiglitz collabore avec les fo- and the Sinking of the World Economy) a ressources dont nous disposerons pour y faire
reconnu par ses pairs, il est nommé pro- rums sociaux et partage certaines analy- paru au début de cette année. face auront considérablement diminué.
fesseur à 27 ans et entre, deux ans plus ses des mouvements altermondialistes: il Sources: www.bibliomonde.com
tard, à la Société d’économétrie, le pan- est partisan d’une taxe de «type Tobin», et http://fr.wikipedia.org
Suite page 2
page 2 Horizons et débats No 21, 31 mai 2010

«Le triomphe de la cupidité»


suite de la page 1

La crise conduira, je l’espère, à un chan-


gement dans l’action publique et dans les
idées. Si nous prenons les bonnes décisions,
pas les plus commodes politiquement ou so-
cialement, nous allons réduire les risques de
nouvelles crises et peut-être même accélérer
le type d’innovations réelles qui améliorent
la vie dans le monde entier. Si nous prenons
les mauvaises, nous sortirons de la récession
avec une société plus divisée et une écono-
mie plus vulnérable aux crises, moins bien
armée pour affronter les défis du XXIe siècle.
L’un des objectifs de ce livre est d’aider à
se faire une meilleure idée de l’ordre mon-
dial d’après crise qui finira par apparaître, et
à mieux comprendre comment ce que nous
faisons aujourd’hui contribue à le modeler,
pour le meilleur ou pour le pire.
On aurait pu croire que la crise de 2008
mettrait fin au débat sur le fanatisme du mar-
ché – la doctrine «fondamentaliste» qui sou-
tient que, si on ne lui impose aucune entrave,
L’ex-président de l’Assemblée générale des Nations Unies Miguel d’Escoto Brockmann et Joseph Stiglitz ont convoqué l’été dernier un
le libre jeu des marchés peut assurer la pros- sommet de crise de l’ONU qui partait de l’idée que la crise concernait la totalité de la communauté internationale et que tous les peu-
périté et la croissance économiques. On aurait ples devaient avoir leur mot à dire dans la recherche de solutions. (photo ef)
pu croire que personne ne soutiendrait plus
jamais – ou du moins pas avant que le sou- par l’Etat. De sa survie, nous avons tiré une comme des chauffeurs ivres: ils sauvaient Trésor sur ordre du «Comité pour sauver le
venir de cette crise se soit estompé dans le fausse leçon: qu’il fonctionnait tout seul. En certaines banques et en laissaient d’autres monde» avaient considérablement aggravé
lointain passé – que les marchés se corrigent réalité, pour la plupart des Américains, notre couler. Impossible de comprendre en vertu de les crises. Elles révélaient une incompréhen-
d’eux-mêmes et que nous pouvons faire con- économie d’avant la crise n’était pas si ef- quels principes ils prenaient leurs décisions. sion des fondamentaux de la macroéconomie
fiance au comportement intéressé de leurs ac- ficace. Certains prospéraient, oui, mais pas Les responsables de l’administration Bush di- moderne, qui, lorsque la situation d’une éco-
teurs pour que tout se passe bien. l’Américain moyen. saient agir de façon pragmatique, et – soyons nomie se dégrade, exigent des politiques bud-
L’économiste regarde une crise comme le justes – ils étaient en terra incognita. gétaire et monétaire expansionnistes.6
«En 1997, j’ai vu avec horreur le médecin examine une pathologie: en obser- Tandis que les nuages commençaient à
département américain du Tré- vant ce qui se passe en situation anormale, s’accumuler sur l’économie américaine, en «En tant que société, nous avons
sor et le Fonds monétaire inter- l’un et l’autre apprennent bien des choses 2007 et au début de 2008, une question était à présent perdu tout respect pour
sur l’état normal. Face à la crise de 2008, je souvent posée aux économistes: une nouvel- nos anciens gourous économi-
national (FMI) proposer, face à me sentais mieux armé que d’autres obser- le dépression, ou même une récession grave,
la crise asiatique, un ensemble vateurs: j’étais, en un sens, un «vétéran des était-elle possible? NON! répondaient d’ins- ques.»
de mesures qui faisaient retour crises», un «crisologue». Ce n’était évidem- tinct la plupart d’entre eux. Avec les progrès En tant que société, nous avons à présent
ment pas la première crise majeure de ces de la science économique, y compris le sa- perdu tout respect pour nos anciens gourous
aux politiques malavisées du pré- dernières années. Dans les pays en dévelop- voir sur la façon de gérer l’économie mon- économiques. Ces dernières années, pour de-
sident Herbert Hoover pendant pement, les crises éclatent avec une régula- diale, de nombreux experts jugeaient une cata- mander conseil sur la gestion de ce système
la Grande Dépression et ne pou- rité alarmante – de 1970 à 2007, une étude strophe inconcevable. Pourtant, dix ans plus complexe qu’est notre économie, nous nous
en a dénombré 124.3 J’étais économiste en tôt, quand avait éclaté la crise asiatique, nous tournions vers Wall Street globalement – pas
vaient qu’échouer.» chef à la Banque mondiale pendant la der- avions échoué, et lamentablement. seulement vers les demi-dieux comme Rubin
Mais ceux à qui le fanatisme du marché a si nière crise financière internationale, en 1997– et Greenspan. Aujourd’hui, vers qui nous
bien réussi interprètent la situation tout autre- 1998. Je l’ai vue naître en Thaïlande, s’éten- «Les théories économiques incor- tourner? Pour l’essentiel, les économistes non
ment. Selon certains, notre économie a eu un dre à d’autres pays asiatiques, puis gagner rectes avaient inspiré des mesures plus n’ont pas été d’un grand secours. Beau-
«accident», et les accidents, ça arrive. Nul ne l’Amérique latine et la Russie. C’était un cas incorrectes […].» coup ont fourni l’armure intellectuelle qu’ont
suggère que nous cessions de conduire parce classique de contagion: la défaillance d’une revêtue les politiques dans la marche à la dé-
que, de temps en temps, il y a une collision. région du système économique mondial fai- Les théories économiques incorrectes avaient réglementation.
Pour les tenants de cette position, nous de- sait tache d’huile dans d’autres. Les consé- inspiré des mesures incorrectes, mais ceux On détourne souvent notre attention du
vons revenir au monde d’avant 2008 le plus quences complètes d’une crise économique qui les avaient préconisées pensaient, bien combat d’idées en l’attirant sur le rôle des in-
vite possible. Les banquiers n’ont rien fait de peuvent mettre des années à se manifester. La sûr, qu’elles allaient fonctionner. Ils ont eu dividus: les voyous qui ont créé la crise, les
mal, assurent-ils.2 crise argentine a commencé en 1995 dans le tort. Ces mauvaises politiques ont non seule- héros qui nous ont sauvés. C’est regrettable.
Donnons aux banques l’argent qu’elles sillage de la crise mexicaine, elle a été exa- ment déclenché, mais aggravé et prolongé la D’autres écriront (et ont d’ailleurs déjà écrit)
demandent, ajustons un peu les réglementa- cerbée par les crises asiatiques de 1997, puis crise asiatique, et laissé des économies affai- des livres à charge contre tel ou tel politique,
tions, signifions sans ménagement aux autori- par la crise brésilienne de 1998, mais l’effon- blies et des montagnes de dettes. tel ou tel financier qui ont contribué à nous
tés de contrôle qu’elles ne doivent plus laisser drement total n’a eu lieu que fin 2001. L’échec d’il y a dix ans a été aussi, en par- orienter vers la crise en cours. Cet ouvrage a
les Bernie Madoff frauder impunément, ajou- Les économistes sont peut-être fiers des tie, un échec de la politique mondiale. La un autre objectif. Il considère que la quasi-to-
tons quelques cours d’éthique au programme progrès qu’a faits leur science dans les sept crise avait frappé des pays en développement talité des mesures cruciales, comme celles qui
des écoles d’affaires, et nous sortirons de la décennies qui nous séparent de la Grande Dé- – la «périphérie» du système économique concernent la déréglementation, ont été dues
crise en pleine forme. pression, mais ils ne sont pas pour autant una- mondial, comme on dit parfois. Ceux qui gé- à des «forces» politiques et économiques –
Je vais montrer dans ce livre que les pro- nimes sur la bonne façon de gérer les crises. raient ce système pensaient moins à proté- des intérêts, des idées et des idéologies – qui
blèmes sont plus profonds. Dans les vingt- En 1997, j’ai vu avec horreur le départe- ger la vie et les moyens d’existence des ha- transcendent tout individu.
cinq dernières années, notre système finan- ment américain du Trésor et le Fonds moné- bitants de ces pays qu’à sauver les banques En 1987, quand le président Ronald Rea-
cier, ce mécanisme prétendument capable de taire international (FMI) proposer, face à la occidentales qui leur avaient prêté de l’ar- gan a nommé Greenspan à la tête de la Fe-
s’autoréguler, a été sauvé de multiples fois crise asiatique, un ensemble de mesures qui gent. Aujourd’hui, alors que l’Amérique et le deral Reserve, il cherchait un partisan con-
faisaient retour aux politiques malavisées du reste du monde ne parviennent pas à rendre à vaincu de la déréglementation. Paul Volcker,
président Herbert Hoover pendant la Grande leurs économies une croissance vigoureuse, son prédécesseur, avait très brillamment réus-
Dépression et ne pouvaient qu’échouer. l’échec est à nouveau technique et politique. si à la banque centrale en ramenant le taux
C’est donc avec un sentiment de déjà-vu d’inflation des Etats-Unis de 11,3% en 1979
que j’ai regardé, une fois de plus, le monde Chute libre à 3,6% en 1987.7 Normalement, après cet ex-
glisser vers la crise en 2007. Entre ce que j’ai En 2008, quand l’économie mondiale a bas- ploit, il aurait dû être automatiquement recon-
observé alors et une décennie plus tôt, les si- culé dans le vide, nos convictions l’ont fait duit dans ses fonctions. Mais Volcker com-
militudes étaient troublantes. Je n’en citerai aussi. Des idées bien établies sur la théorie prenait l’importance des réglementations, et
qu’une: la négation initiale de la crise dans le économique, sur l’Amérique, sur nos héros, Reagan voulait quelqu’un qui travaillerait à
discours public. Il y a dix ans, le Trésor et le sont tombées dans l’abîme. Au lendemain de les démanteler. Si Greenspan n’avait pas été
Fonds monétaire avaient d’abord nié qu’il y la précédente crise financière d’envergure, le là, beaucoup d’autres auraient pu et voulu le
eût une récession/dépression en Asie. Larry 15 février 1999, l’hebdomadaire Time avait faire. Le problème n’était pas tant Greenspan
Summers, alors sous-secrétaire au Trésor et représenté en couverture le président de la que l’idéologie de la déréglementation, qui
aujourd’hui premier conseiller économique Federal Reserve, Alan Greenspan, et le se- avait établi son emprise.
du président Obama, est sorti de ses gonds crétaire au Trésor, Robert Rubin (auxquels on
quand Jean-Michel Severino, à l’époque avait longtemps attribué le mérite du boom «Trouver la racine du mal, c’est
vice-président de la Banque mondiale pour des années 1990), en compagnie de leur pro- comme peler un oignon. Chaque
l’Asie orientale, a utilisé le mot en R (Réces- tégé, Larry Summers, avec cette légende: «Le explication soulève de nouvelles
sion) et le mot en D (Dépression) pour décri- Comité pour sauver le monde.» Et la menta-
re ce qui se passait. Mais comment qualifier lité populaire les regardait bel et bien comme questions à un niveau inférieur.»
autrement un effondrement économique qui des dieux. En 2000, le journaliste d’investiga- Il va être essentiellement question ici des
avait privé de leur emploi 40% des habitants tion et auteur à succès Bob Woodward a pu- croyances économiques et de la façon dont
de Java, l’île centrale de l’Indonésie? blié une hagiographie de Greenspan intitulée elles influencent l’action publique. Cela dit,
Même tableau en 2008: l’administration «Maestro».5 pour voir le lien entre la crise et les croyances,
Bush a commencé par nier tout problème Témoin direct de la gestion de la crise il faut d’abord démêler l’écheveau des événe-
sérieux. Nous avions simplement construit asiatique, j’étais moins admiratif que Time ments. Ce livre n’est pas un polar, mais d’im-
quelques maisons de trop, a suggéré le pré- ou que Bob Woodward. Pour moi, et pour la portants éléments de ce qu’il raconte pour-
sident.4 Dans les premiers mois de la crise, plupart des habitants des pays d’Asie orien- raient faire un bon roman policier. Comment
ISBN: 978-2-253155-38-6 le Trésor et la Federal Reserve zigzaguaient tale, les politiques imposées par le FMI et le la plus grande économie du monde a-t-elle
No 21, 31 mai 2010 Horizons et débats page 3

coulé à pic? Quelles politiques et quels événe-


ments ont déclenché l’effondrement de 2008?
Si nous ne pouvons nous entendre sur les ré-
ponses à ces questions, nous ne pourrons pas
non plus nous mettre d’accord sur ce qu’il faut
faire, tant pour sortir de cette crise que pour
prévenir la prochaine. Mesurer le poids rela-
tif de la mauvaise conduite des banques, de
l’impéritie des autorités de contrôle et du lax-
isme de la politique monétaire de la Federal
Reserve n’est pas facile, mais j’expliquerai
pourquoi les principaux responsables à mes
yeux sont les institutions financières et les
marchés financiers.
Trouver la racine du mal, c’est comme
peler un oignon. Chaque explication soulève
de nouvelles questions à un niveau inférieur.
Des incitations perverses ont encouragé chez
les banquiers un comportement risqué, à
courte vue. Mais pourquoi y avait-il des inci-
tations perverses? Une réponse s’impose aus-
sitôt: les problèmes de gouvernance d’entre-
prise, la façon dont étaient déterminées les
incitations et les rémunérations. Mais pour-
quoi la discipline du marché ne s’est-elle pas
exercée contre cette mauvaise gouvernance «A mes yeux, la Grande Récession de 2008 était l’inévitable conséquence des politiques suivies les années ISBN: 978-2-213636-43-6
d’entreprise, contre ces incitations mal struc- précédentes.» Photo d’un porte-avion, élément de la très coûteuse machinerie de guerre des Etats-Unis.
turées? La sélection naturelle est censée opé- (photo reuters)
rer par la survie du plus apte: les entreprises
dont la gouvernance et les structures d’inci- vent, nous verrons pourquoi ces arguments ne à eux-mêmes fonctionnaient bien – que la dé- dire les dates avec précision. Au forum de
tation étaient les plus aptes au succès durable sont pas convaincants. réglementation avait permis cette croissance 2007 à Davos, je me suis trouvé en position
auraient dû prospérer. Ce principe est l’une Les fidèles du système avancent aussi une forte, qui serait durable. La réalité était tout à inconfortable. J’avais prédit de plus en plus
des victimes de cette crise. Quand on réflé- troisième ligne de défense, la même qu’il y fait différente. La croissance reposait sur une vigoureusement, au cours des réunions an-
chit aux problèmes qu’elle a révélés dans le a quelques années, au temps des scandales montagne de dettes; ses fondements étaient nuelles précédentes, l’imminence de graves
monde financier, on voit clairement qu’ils Enron et Worldcom: tout système a ses bre- fragiles, pour ne pas dire plus. Combien de problèmes. Or l’expansion économique mon-
sont d’ordre plus général, et qu’il y en a de bis galeuses, et le nôtre – autorités de con- fois les banques occidentales ont-elles été diale s’était poursuivie à bon rythme. Son
comparables dans d’autres secteurs d’activité. trôle et investisseurs compris – n’a pas réus- sauvées des extravagances de leurs pratiques taux de croissance, 7%, était quasiment sans
Et il y a aussi cette vérité frappante, à savoir à si à s’en protéger suffisamment; aux Ken Lay de prêt par des renflouements? En Thaïlan- précédent, et apportait même de bonnes nou-
quel point, lorsqu’on ne s’arrête pas à la sur- (PDG d’Enron) et Bernie Ebbers (PDG de de, en Corée du Sud et en Indonésie, certes, velles à l’Afrique et à l’Amérique latine. J’ai
face des choses, lorsqu’on regarde au-delà des Worldcom) des premières années de la dé- mais aussi au Mexique, au Brésil, en Argen- dit à l’assistance qu’il y avait deux interpréta-
nouveaux produits financiers, des prêts hypo- cennie, nous devons ajouter aujourd’hui Ber- tine, en Russie … – la liste serait sans fin ou tions possibles: soit mes principes théoriques
thécaires subprime ou des collateralized debt nie Madoff et beaucoup d’autres (dont Allen presque.11 près chaque épisode, le monde étaient faux, soit la crise, quand elle frappe-
instruments – les titres de créance adossés à Stanford et Raj Rajaratnam), qui vont être continuait plus ou moins comme avant, et rait, serait encore plus dure et plus longue.
des actifs –, cette crise apparaît identique à traduits en justice. En réalité, alors comme beaucoup en déduisaient que les marchés J’optais évidemment pour la seconde.
beaucoup de celles qui l’ont précédée, aux aujourd’hui, la question ne se réduit pas aux fonctionnaient parfaitement. Or c’était l’Etat
Etats-Unis comme à l’étranger. Il y avait une méfaits de quelques-uns. Les défenseurs du qui, par ses interventions répétées, les sau- «La crise actuelle a révélé des
bulle, et elle a éclaté, en apportant la dévasta- secteur financier ne veulent pas comprendre vait de leurs bévues. Ceux qui avaient con- vices fondamentaux du système
tion dans son sillage. Cette bulle était alimen- que c’est leur tonneau qui était pourri.8, 9 clu que tout allait bien dans l’économie de capitaliste, ou du moins de la va-
tée par des prêts douteux des banques, qui ac- marché avaient raisonné de travers, mais l’er-
ceptaient pour nantissement des actifs dont la «Les défenseurs du secteur finan- reur n’est devenue «évidente» que lorsqu’une riante du capitalisme qui a émergé
valeur était gonflée par la bulle. Des innova- cier ne veulent pas comprendre crise si gigantesque qu’on ne pouvait l’igno- aux Etats-Unis dans les dernières
tions récentes ont permis aux banques de ca- que c’est leur tonneau qui était rer s’est produite ici. décennies du XXe siècle […].»
cher une bonne partie de leurs prêts pourris, Ces débats sur les effets de certaines poli-
de les retirer de leur bilan, et d’accroître ainsi pourri.» tiques aident à comprendre pourquoi les idées La crise actuelle a révélé des vices fondamen-
leur effet de levier – ce qui a rendu la bulle Face à des problèmes aussi omniprésents et fausses peuvent se maintenir si longtemps. A taux du système capitaliste, ou du moins de
encore plus grosse et le chaos quand elle a permanents que ceux qui ont accablé le sys- mes yeux, la Grande Récession de 2008 était la variante du capitalisme qui a émergé aux
éclaté encore plus grave. De nouveaux instru- tème financier américain, on ne peut tirer l’inévitable conséquence des politiques sui- Etats-Unis dans les dernières décennies du
ments, les credit default swaps, prétendument qu’une seule conclusion: ils sont systémiques. vies les années précédentes. XXe siècle (parfois nommée capitalisme «de
conçus pour gérer le risque mais visant tout Avec ses fortes rémunérations et son obses- Que ces politiques aient été modelées par style américain» ou «à l’américaine»). Il ne
autant, en fait, à tromper les autorités régula- sion du profit, Wall Street attire peut-être plus des intérêts particuliers – les marchés finan- s’agit ni d’une question d’individus corrom-
trices, se sont révélés si complexes qu’ils ont que sa part de personnages éthiquement fai- ciers –, c’est évident. Le rôle de la théo- pus ou d’erreurs spécifiques, ni de quelques
amplifié le danger. D’où la grande question, bles, mais l’universalité du problème indique rie économique est plus complexe. Dans la petits problèmes à résoudre ou ajustements à
qui va nous occuper dans une bonne partie de qu’il y a des vices fondamentaux dans le sys- longue liste de ceux qui sont à blâmer pour opérer.
ce livre –, comment et pourquoi avons-nous tème. la crise, j’inclurai la profession des écono- Ces vices, nous, Américains, avons eu du
laissé ce mécanisme se reproduire une fois de mistes: elle a fourni aux intérêts particuliers mal à les voir. Nous voulions tant croire en
plus, et à si grande échelle? Difficultés d’interprétation des arguments sur l’efficacité et l’autorégu- notre système économique! «Notre équipe»
En matière d’action publique, il est encore lation des marchés – alors même que les pro- avait fait tellement mieux que nos ennemis
«Mais la crise n’est pas un ca- plus difficile de déterminer s’il y a succès ou grès de la recherche au cours des vingt années jurés du bloc soviétique! La force de notre sys-
taclysme qui serait «arrivé» aux échec que de dire à qui ou à quoi en attri- précédentes avaient précisé les conditions fort tème nous avait permis de triompher de la fai-
marchés financiers; elle est de fa- buer le mérite (ou la faute). Mais qu’est-ce restrictives dans lesquelles ces thèses étaient blesse du leur. Nous défendions notre équipe
que réussir ou échouer? Pour les observateurs vérifiées. Il est à peu près certain que la crise dans tous les matchs: Etats-Unis contre Eu-
brication humaine: Wall Street se américains et européens, les renflouements va changer la science économique (sa théorie rope, Etats-Unis contre Japon. Quand le se-
l’est lui-même infligée, à lui et au de 1997 en Asie ont été un succès parce que et sa pratique) autant que l’économie, et dans crétaire à la Défense Donald Rumsfeld a dé-
reste de la société.» les Etats-Unis et l’Europe n’ont pas été tou- l’avant-dernier chapitre j’analyserai certains nigré la «vieille Europe» pour son opposition
chés. Pour les habitants de la région, qui ont de ces changements. à notre guerre en Irak, le match qu’il avait
Chercher les raisons profondes est difficile, vu leurs économies ravagées, leurs rêves dé- à l’esprit était clair: la sclérose du modèle
mais quelques explications simples peuvent truits, leurs entreprises liquidées et leurs pays «Il est à peu près certain que la social européen contre le dynamisme amé-
être aisément rejetées. Les professionnels de accablés de milliards de dollars de dettes, ces crise va changer la science écono- ricain. Dans les années 1980, les succès du
Wall Street, je l’ai dit, veulent croire qu’à titre renflouements ont été un terrible échec. Selon mique (sa théorie et sa pratique) Japon nous avaient fait un peu douter de notre
personnel ils n’ont rien fait de mal, et aussi leurs adversaires, les politiques du FMI et du supériorité. Notre système était-il vraiment
que le système était fondamentalement juste. Trésor ont aggravé la situation. Selon leurs autant que l’économie […].» meilleur que «Japon SA»? Cette angoisse ex-
Ils sont persuadés d’être les malheureuses vic- partisans, elles ont empêché le désastre. Et On me demande souvent comment la profes- plique en partie pourquoi certains ont été si
times d’un ouragan comme il s’en produit une c’est là que leur raisonnement ne tient pas. sion a pu se tromper à ce point. Il y a tou- soulagés par la crise asiatique de 1997, par
fois tous les mille ans. Mais la crise n’est pas Que se serait-il passé si nous avions suivi jours eu des économistes «pessimistes», aux- l’effondrement d’une Asie orientale où tant
un cataclysme qui serait «arrivé» aux mar- d’autres politiques? Les mesures du FMI et du quels l’avenir paraît lourd de problèmes et qui de pays avaient adopté des traits du modè-
chés financiers; elle est de fabrication humai- Trésor ont-elles prolongé et exacerbé la réces- ont prédit neuf des cinq dernières récessions. le japonais.12 Nous nous sommes abstenus de
ne: Wall Street se l’est lui-même infligée, à lui sion, ou l’ont-elles abrégée et atténuée? Voilà Mais il y avait un petit groupe d’économistes tout triomphalisme ouvert à propos des dix
et au reste de la société. les vraies questions. J’estime qu’elles ont une qui n’étaient pas seulement des pessimistes: ans de stagnation du Japon dans la décennie
Pour ceux qui n’acceptent pas comme ar- réponse claire: les hausses de taux d’intérêt et ils partageaient aussi un ensemble d’idées ex- 1990, mais nous lui avons vivement conseillé
gument le «ça arrive», les défenseurs de Wall les réductions de dépenses publiques impo- pliquant pourquoi l’économie allait vers ces d’adopter notre style de capitalisme.
Street en ont d’autres. «C’est l’Etat qui nous a sées par le FMI et le Trésor (politiques dia- problèmes inévitables. Quand nous nous re- Les chiffres nous renforçaient dans nos
poussés à agir ainsi, en encourageant les gens métralement opposées à celles que l’on met trouvions lors de divers rassemblements an- fausses certitudes. Notre économie avait une
à devenir propriétaires et les banques à prê- en œuvre aux Etats-Unis et en Europe dans nuels, tel le Forum économique mondial de croissance tellement plus rapide que la quasi-
ter aux pauvres.» Ou encore: «L’Etat aurait la crise actuelle) ont aggravé les choses.10 Les Davos, chaque hiver, nous partagions nos dia- totalité des autres, sauf la Chine – et, avec
dû nous arrêter; c’est la faute des autorités de pays d’Asie orientale ont fini par se relever, gnostics et tentions de déterminer pourquoi les problèmes que nous pensions voir dans
contrôle.» Il y a quelque chose de particuliè- mais malgré ces mesures, pas grâce à elles. l’heure de vérité, que chacun de nous voyait si le système bancaire chinois, la Chine allait
rement déplaisant dans ces efforts du systè- Voici une autre illusion comparable. Au clairement arriver, n’avait pas encore sonné. s’écrouler aussi, ce n’était qu’une question de
me financier américain pour dévier le tir vers vu de la longue expansion de l’économie Nous, économistes, nous sommes bons temps.13 Du moins le croyions-nous.
d’autres cibles, et, dans les chapitres qui sui- mondiale à l’époque de la déréglementation, pour repérer les forces profondes qui sont à
beaucoup ont conclu que les marchés laissés l’œuvre; nous ne sommes pas bons pour pré- Suite page 4
page 4 Horizons et débats No 21, 31 mai 2010

«Le triomphe de la cupidité» vieilles firmes en faillite. D’autres aspects de 2009, en ligne à l’adresse www.un.org/esa/policy/ Preventing Currency Crisis in Emerging Markets,
suite de la page 3 la politique économique d’Obama s’orientent wess/wesp2009files/wespO9update.pdf). L’Orga- Boston, NBER, 2002.
nisation internationale du travail (OIT) estime que 11
Aux renflouements internationaux, il convient
nettement dans la bonne direction. Mais après le chômage mondial pourrait augmenter de plus de d’ajouter les renflouements «intérieurs», ceux où
Ce n’est pas la première fois que des ju- avoir reproché à Bush certaines mesures, il 50 millions de personnes à la fin de l’année 2009, un Etat a dû sauver ses propres banques sans faire
gements (dont ceux, éminemment faillibles, serait injuste de ne pas protester quand son et que 200 millions de travailleurs vont retom- appel à l’assistance des autres. Sur cette longue
de Wall Street) ont été fondés sur une mau- successeur prend les mêmes. ber dans l’extrême pauvreté. Voir le rapport du di- liste, il faut inscrire la débâcle des caisses d’épar-
vaise lecture des chiffres. Dans la décen- Ecrire ce livre a été éprouvant pour une recteur général, «Faire face à la crise mondiale de gne (les savings and loan) aux Etats-Unis dans les
l’emploi: une reprise centrée sur le travail décent», années 1980, ainsi que les faillites de banques en
nie 1990, on a exalté l’Argentine comme le autre raison. Je critique – certains diront présenté à la Conférence internationale du travail, Scandinavie à la fin des années 1980 et au début
grand succès de l’Amérique latine – le triom- que je dénigre – les banques et les ban- juin 2009, en ligne à l’adresse www.ilo.org/global/ des années 1990.
phe du «fanatisme du marché» dans le Sud. quiers, ainsi que d’autres professionnels de VVhat-we-do/Officialmeetingsfilc/ILCSessions/ 12
L’étroite coopération entre l’Etat et le secteur privé
Ses statistiques de croissance ont paru bonnes la finance. J’ai beaucoup d’amis dans ce sec- 98thSession/ReportssubmittedtotheConference/
en Malaisie avait conduit de nombreux observa-
pendant quelques années. Mais, comme aux teur: des hommes et des femmes intelligents lang--fr/docName--WCMS-106223/index.htm.
teurs à parler de la «Malaisie SA». Avec la crise, la
Etats-Unis, cette croissance reposait sur une et dévoués, de bons citoyens qui cherchent 2
Alan Schwartz, qui dirigeait Bear Stearns, la pre- coopération Etat-secteur privé a été rebaptisée «ca-
accumulation de dettes finançant une con- sérieusement comment apporter leur contri- mière des grandes banques d’affaires à avoir som- pitalisme de connivence».
bré – mais d’une façon qui coûte malgré tout aux
sommation d’une envergure insoutenable. Fi- bution à une société qui les a si amplement contribuables des milliards de dollars –, a répon-
13
Voir Nicholas Lardy, Chinas Unfinished Economic
nalement, en décembre 2001, les dettes sont rétribués. Lorsqu’ils croient à une cause, ils Revolution, Washington, DC, Brookings Institution
du en ces termes au Comité du Sénat sur la banque Press, 1998, pour l’interprétation orthodoxe.
devenues si écrasantes que l’économie s’est donnent généreusement et ils travaillent dur qui lui demandait s’il pensait avoir commis des er- [L’ironie de la suite n’a pas échappé aux observa-
effondrée.14 pour la promouvoir. Ils ne se reconnaîtront reurs: «Je peux vous garantir que c’est une ques- teurs sur les deux rives du Pacifique: ce sont les
Aujourd’hui encore, beaucoup nient l’am- pas dans les caricatures que je dessine ici, et tion à laquelle j’ai énormément réfléchi. En regar- banques américaines qui se sont effondrées et non
dant en arrière, avec le recul, je me suis dit: ‹Si
pleur des problèmes qui se posent à notre je ne reconnais pas en eux ces caricatures. j’avais connu exactement les forces qui arrivaient,
les banques chinoises.]
économie de marché. Une fois surmontées Nombre de ceux qui travaillent dans ce sec- quelles mesures aurions-nous pu prendre à l’avan-
14
La production du pays a encore chuté de 10,9% en
nos épreuves actuelles – et toute récession a teur, en fait, se sentent tout aussi victimes que ce pour éviter cette situation?› Et je n’ai pas réussi 2002 (par rapport à 2001), en plus d’une baisse cu-
mulée de 8,4% depuis son année record précédente
une fin –, ils s’attendent à la reprise d’une les autres. Ils ont perdu une grande partie des à en trouver une seule […] qui aurait changé quel-
(1998). Au total, la perte de production a été de
croissance solide. Mais un regard plus atten- économies qu’ils avaient accumulées pen- que chose à la situation où nous nous sommes trou-
vés.» (Déclaration devant le Comité du Sénat des 18,4% et le revenu par habitant a baissé de plus de
tif sur l’économie américaine suggère qu’el- dant leur vie. Au sein du monde financier, la Etats-Unis sur la banque, le logement et les affai- 23%. La crise a aussi provoqué une hausse du chô-
le souffre de maux plus profonds: c’est une plupart des économistes, qui s’efforçaient de res urbaines [U.S. Senate Committee on Banking, mage, propulsé à 26% par l’énorme contraction de
société de plus en plus inégalitaire, où même prédire l’évolution de l’économie, les spécia- Housing, and Urban Affairs], audition de témoins la consommation, de l’investissement et de la pro-
duction. Voir Hector E. Maletta, «A Catastrophe
les classes moyennes voient leurs revenus listes du montage financier de transactions, concernant «la tourmente sur les marchés du cré-
Foretold: Economic Reform, Crisis, Recovery and
stagner depuis dix ans; c’est un pays où, mal- qui tentaient d’accroître l’efficacité du sec- dit américains: examen des actions récentes des
autorités fédérales de réglementation financière» Employment in Argentina», septembre 2007, en
gré des exceptions spectaculaires, les chances teur des biens et services, et les analystes, qui [Turmoil in U.S. Credit Markets: Examining the ligne à l’adresse http://ssm.com/abstract=903124.
statistiques qu’a un Américain pauvre de par- essayaient d’utiliser les techniques les plus Recent Actions of Federal Financial Regulators], 15
Selon une étude de huit économies nord-améri-
venir au sommet sont plus faibles que dans la sophistiquées pour prédire la rentabilité et ga- Washington, DC, 3 avril 2008, cité in William D. caines et européennes (Royaume-Uni, Etats-Unis,
«vieille Europe»,15 et où les résultats moyens rantir aux investisseurs le rendement le plus Cohan, «A Tsunami of Excuses», New York Times, Allemagne occidentale, Canada, Norvège, Dane-
aux tests pédagogiques internationaux sont élevé possible, n’étaient pas engagés dans les 11 mars 2009, p. A29). mark, Suède et Finlande), les Etats-Unis ont la
mobilité intergénérationnelle du revenu la plus ré-
au mieux passables.16 Tout indique qu’aux mauvaises pratiques qui ont valu à la finance 3
Luc Laeven et Fabian Valencis, «Systemic Ban-
duite. La corrélation partielle intergénération-
Etats-Unis plusieurs secteurs économiques une si triste réputation. king Crises: A New Database», document de tra-
vail du Fonds monétaire international, MT/08/224, nelle (une mesure de l’immobilité) des Etats-Unis
cruciaux autres que la finance sont en diffi- est le double de celle des pays nordiques. Seul le
culté, notamment la santé, l’énergie et l’in- «Cette crise a été le résultat d’ac- Washington, DC, novembre 2008.
Royaume-Uni s’approche d’une immobilité sem-
tes, de décisions et de raisonne-
4
George W. Bush a déclaré dans une interview: blable. «La vision des Etats-Unis comme ‹le pays
dustrie manufacturière. «L’économie va mal parce que nous avons construit où l’on peut faire fortune› persiste, et parait claire-
Mais les problèmes auxquels nous som- ments des professionnels du sec- trop de maisons» (interview avec Ann Curry dans ment déplacée», conclut l’étude. Voir Jo Blanden,
mes confrontés ne se trouvent pas seulement l’émission Today Show, NBC, 18 février 2008). Paul Gregg et Stephen Machin, «Intergenerational
au sein de nos frontières. Les déséquilibres teur financier. Le système qui a si Mobility in Europe and North America», London
5
Bob Woodward, Maestro: Greenspans Fed and the
commerciaux planétaires qui existaient avant lamentablement échoué n’est pas American Boom, New York, Simon and Schuster, School of Economics, Centre for Economic Perfor-
la crise ne vont pas s’évaporer. Il est impos- 2000. mance, avril 2005, en ligne à l’adresse www.sutton-
‹arrivé›. Il a été créé.» trust.com/reports/IntergenerationalMobility.pdf.
sible, dans une économie mondialisée, de ré- 6
Il y a une autre explication aux politiques suivies La mobilité française dépasse aussi celle des Etats-
soudre pleinement les problèmes de l’Amé- Comme on semble le dire souvent dans notre en Asie, si différentes de celles de la crise actuelle. Unis. Voir Arnaud Lefranc et Alain Trannoy,
rique sans les appréhender en contexte élargi. société moderne si complexe, il y a «des cho- Les Etats-Unis et l’Europe agissent conformément «Intergenerational Earnings Mobility in France:
aux intérêts de leurs électorats – les politiques qui
C’est la demande mondiale qui déterminera ses qui arrivent».17 Des désastres qui ne sont ont été imposées à l’Asie orientale auraient été ju-
Is France More Mobile than the US?», Annales
la croissance mondiale, et, sans une économie de la faute de personne. Mais cette crise a d’économie et de statistique, no 78, avril–juin 2005,
gées inacceptables par les Américains et les Euro- p. 57–77.
mondiale dynamique, les Etats-Unis auront été le résultat d’actes, de décisions et de rai- péens. De même, en Asie orientale, le FMI et le 16
Le PISA (Program for International Student Assess-
du mal à réaliser une reprise robuste au lieu sonnements des professionnels du secteur fi- Trésor ont, au moins en partie, agi conformément
ment) est un système d’évaluation internationale
de glisser dans une stagnation à la japonaise. nancier. Le système qui a si lamentablement aux intérêts de leurs «mandants», les créanciers
sur leurs marchés financiers, dont le seul souci qui, tous les trois ans, mesure les connaissances
Or assurer le dynamisme de l’économie mon- échoué n’est pas «arrivé». Il a été créé. Beau- était de se faire rembourser ce qu’ils avaient prêté de base des élèves de quinze ans en lecture, ma-
diale risque d’être difficile tant qu’une partie coup ont d’ailleurs fait de gros efforts – et de à ces pays – même s’il fallait, pour ce faire, socia- thématiques et sciences. Les élèves américains, en
du monde continue à produire beaucoup plus grosses dépenses – pour qu’il prenne la forme liser des dettes privées. Pour une analyse plus dé- moyenne, ont des notes inférieures à la moyenne de
l’OCDE (celle des trente pays membres de l’Orga-
qu’elle ne consomme et une autre à consom- qu’il avait. Quiconque a contribué à mettre taillée de ces événements, voir Joseph E. Stiglitz,
nisation de coopération et de développement
mer beaucoup plus qu’elle ne produit (alors en place et à gérer ce système – notamment La Grande Désillusion, trad. française de Paul
Chemla, Paris, Fayard, 2002. économiques), tant pour l’alphabétisation scienti-
qu’elle devrait épargner pour répondre aux ceux qu’il a si bien rémunérés – doit rendre fique (489 contre 500) que pour l’alphabétisation
besoins de sa population vieillissante). des comptes. 7
U.S. Department of Labor, Bureau of Labor Sta- mathématique (474 contre 498). En sciences, les
Si nous parvenons à comprendre ce qui a tistics, Indice des prix à la consommation, tous élèves américains se classent derrière 16 des
«Nombre de ceux qui travaillent provoqué la crise de 2008 et pourquoi cer-
consommateurs urbains, tous articles, en ligne à 29 autres pays de l’OCDE; en mathématiques, der-
l’adresse ftp://ftp.bls.gov/pub/special.requests/ rière 23 pays de l’OCDE. Voir S. Baldi, Y Jin, M.
dans ce secteur, en fait, se sentent taines réponses initiales des pouvoirs publics cpi/cpiai.txt. Skemer, P J. Green et D. Herget, Highlights from
tout aussi victimes que les autres. ont été des échecs si patents, nous pourrons 8
Voir Susan S. Silbey, «Rotten Apples or a Rotting PISA 2006: Performance of U.S. 15-Year-Old Stu-
réduire la probabilité des futures crises, leur Barrel: Unchallangeable Orthodoxies in Science», dents in Science and Mathematics Literacy in an
Ils ont perdu une grande partie durée et le nombre de leurs innocentes vic- contribution présentée à l’Arizona-State Universi- International Context (NCES 2008-016), U.S. De-
des économies qu’ils avaient ac- partment of Education, Washington, DC, National
times; peut-être aussi ouvrir la voie à une ty Law School, 19–20 mars 2009. Parmi ceux qui
Center for Education Statistics, décembre 2007.
croissance robuste aux bases solides, à l’op- ont contribué à la crise, seul un petit pourcentage a
cumulées pendant leur vie.» franchi la ligne rouge et a eu un comportement illé- 17
«Stuff happens.» C’est ce qu’avait répondu en avril
posé de la croissance éphémère fondée sur gal; les autres ont été bien conseillés par leurs avo- 2003 le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld
Quand j’ai commencé à écrire ce livre, l’heure les dettes de ces dernières années; et peut- cats sur la façon d’éviter la prison, et leurs lobby- quand on l’avait interrogé sur le scandaleux pillage
était à l’espoir: le nouveau président, Barack être même faire en sorte que les fruits de cette istes ont travaillé dur pour obtenir que les lois leur du musée archéologique de Bagdad et d’autres sites
Obama, allait corriger les politiques mal croissance soient partagés par l’immense ma- laissent une large liberté d’action. Néanmoins, la non protégés, aux premières heures de la présence
orientées de l’administration Bush, et nous jorité des citoyens. liste de ceux qui risquent une condamnation s’al- américaine dans la ville [ndt.].
longe. Allen Stanford encourt jusqu’à 375 ans de
allions avancer simultanément vers la reprise Nous avons la mémoire courte: dans trente prison s’il est condamné sur 21 chefs d’accusation
immédiate et le règlement de nos problèmes ans apparaîtra une nouvelle génération, sûre – fraude de plusieurs milliards de dollars, blanchi-
de fond. Le déficit budgétaire serait momen-
tanément plus élevé, mais l’argent serait bien
de ne pas tomber dans les pièges du passé.
L’ingéniosité de l’homme est sans limite:
ment d’argent et obstruction. Stanford a été aidé
par son directeur financier James Davis, qui a plai-
Horizons et débats
dé coupable sur trois chefs d’accusation: fraude Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante,
dépensé: on allait aider les familles à garder quel que soit le système que nous imagine- l’éthique et la responsabilité
postale, complot dans le but de commettre une
leur maison, faire des investissements qui rons, certains trouveront moyen de circonve- fraude et complot dans l’intention de faire obstruc- pour le respect et la promotion du droit international,
augmenteraient la productivité à long terme nir les lois et réglementations mises en place tion à une enquête. Deux courtiers du Crédit Suisse du droit humanitaire et des droits humains
et protégeraient l’environnement, et imposer pour nous protéger. Le monde aussi va chan- ont été accusés de mensonges à leurs clients ayant
Editeur
aux banques, en échange de toute aide finan- ger, et les réglementations conçues pour la si- provoqué des pertes de 900 millions de dollars;
Coopérative Zeit-Fragen
cière publique, d’indemniser la population du tuation d’aujourd’hui fonctionneront impar- l’un a été condamné par un jury et l’autre a plaidé
coupable. Rédacteur en chef
risque qu’elle assumait en lui versant une part faitement dans l’économie du milieu du XXIe Jean-Paul Vuilleumier
de leurs futurs profits. siècle. Mais, au lendemain de la Grande Dé-
9
Renversement de l’expression proverbiale qui dé- Rédaction et administration
finit les mauvais éléments comme des «pommes
La rédaction de l’ouvrage a été pénible: pression, nous avons réussi à créer une struc- pourries» risquant de contaminer tout le tonneau,
Case postale 729, CH-8044 Zurich
mes espoirs n’ont été qu’en partie satisfaits. ture de réglementation qui nous a bien servis Tél. +41 44 350 65 50
qui est sain [ndt.]. Fax +41 44 350 65 51
Certes, nous devons nous réjouir d’avoir été pendant un demi-siècle: elle nous a apporté 10
On peut évidemment rétorquer que les conditions E-Mail: hd@zeit-fragen.ch
éloignés du bord de l’abîme, du désastre la croissance et la stabilité. Ce livre est écrit sont différentes. Si ces pays avaient mené des po- Internet: www.horizons-et-debats.ch
que tant de gens sentaient imminent à l’au- dans l’espoir incertain que nous puissions en- litiques budgétaires expansionnistes, cela aurait eu
CCP 87-748485-6
tomne 2008. Mais certains cadeaux faits aux core le faire. • un effet contre-productif (tel était l’argument avan-
IBAN: CH64 0900 0000 8774 8485 6
banques ont été aussi néfastes que tout ce cé). Il est utile de noter qu’en réalité les pays d’Asie
1
Sharon LaFraniere, «China Puts Joblessness for orientale qui ont suivi la Prescription keynésienne BIC: POFICHBEXXX
qu’avait fait le président Bush, et l’aide aux Imprimerie
Migrants at 20 millions», New York Times, 2 fé- traditionnelle (la Malaisie et la Chine) ont eu de
propriétaires en difficulté inférieure à ce que vrier 2009, p. A10. Le département des Affaires bien meilleurs résultats que ceux qui ont été con- Nüssli, Mellingen
j’avais attendu. Dans le système financier en économiques et sociales du Secrétariat des traints d’obéir aux diktats du FMI. Pour avoir des Abonnement annuel 198.– frs / 108.– €
gestation, la concurrence a diminué et le pro- Nations Unies estime que, par rapport à ce qui se taux d’intérêt plus faibles, la Malaisie a dû impo-
serait passé si la croissance d’avant la crise avait ser des restrictions temporaires sur les flux de ca- ISSN 1662 – 4599
blème des banques «trop grandes pour faire
faillite» s’est encore amplifié. L’argent qu’on continué, 73 à 103 millions de personnes de plus pitaux. Mais sa récession a été plus courte et moins © 2010 Editions Zeit-Fragen pour tous les textes et les illustrations.
vont rester pauvres ou basculer dans la pauvreté grave que celle des autres pays d’Asie orientale, et Reproduction d’illustrations, de textes entiers et d’extraits impor-
aurait pu consacrer à restructurer l’écono- (Organisation des Nations Unies, «World Econo- elle en est sortie moins endettée. Voir Ethan Ka- tants uniquement avec la permission de la rédaction; reproduction
mie et à créer de nouvelles entreprises dy- mic Situation and Prospects 2009» [Situation et plan et Dani Rodrik, «Did the Malaysian Capital
d’extraits courts et de citations avec indication de la source «Hori-
zons et débats, Zurich».
namiques a été dilapidé dans le sauvetage de perspectives de l’économie mondiale 2009], mai Controls Work?», in S. Edwards et J. Frankel (éd.),
No 21, 31 mai 2010 Horizons et débats page 5

Compétences au quotidien
Bien gérer l’économie familiale en temps de crise
par Lisette Bors et Erika Vögeli
La crise financière actuelle – les nouvel-
les journalières le montrent clairement – va
nous occuper encore longtemps malgré les
prévisions diffusées sans cesse par les mé-
dias sur un «redressement du marché» qui
aura lieu bientôt. On se fie maintenant plu-
tôt à ce qu’on voit, entend et vit soi-même. Le
fait que les sciences politiques et économi-
ques pourraient présenter des solutions ra-
pides n’est pas, comme le montre Joseph Sti-
glitz (cf. page 3) une option: Les questions
actuelles sur lesquelles on doit réfléchir sont
trop complexes et la situation actuelle s’est
aggravée à cause des décisions erronées déjà
prises; on aura besoin de grands efforts afin
de réaliser pour l’ensemble du système éco-
nomique et financier un tournant fondamen-
tal vers le mieux au profit du bien commun.
On ne peut pas non plus attendre ce tour-
nant: il faut plutôt réfléchir à la manière dont
les citoyens dans les différents pays, peuvent
regagner leur capacité d’action, afin que la
«res publica», leur Etat, devienne réellement
une «res populi» et à la manière dont ils peu-
vent redevenir maîtres de l’économie de leur A une époque où parfois certains élèves n’ont toutes les compétences tournant autour de Puisque l’éducation relève de la responsabi-
pays. Cela préoccupe maintenant beaucoup pas pris de petit déjeuner mais ont passé déjà l’économie familiale, de la «conduite écono- lité des cantons, il appartient aux différentes
de gens conscients que les conséquences ac- une heure devant la télévision avant d’arriver à mique de la famille». sections cantonales d’intervenir auprès des
tuelles sont l’expression d’une politique ratée l’école, où la politique se préoccupe de la nour- parlements et gouvernements cantonaux.
pas seulement dans les excès des bourses et riture et de la santé des enfants et des adoles- L’importance pour Dans plusieurs cantons, des postulats sont
des banques – mais aussi dans d’autres sec- cents, où de jeunes adultes, quand ils quittent l’économie nationale et la santé publique en préparation ou ont déjà été déposés
teurs et dans le privé; l’euphorie de l’argent le foyer familial ou fondent une famille, se Vu l’importance qui est aujourd’hui attribuée (Bâle-Campagne, Bâle-Ville et Fribourg), ou
gagné rapidement a laissé des traces dans sentent parfois déjà dépassés par les exigences à l’économie familiale non seulement dans le transmis (Argovie, en février 2009). Dans le
les pays occidentaux et a conduit à des déci- quotidiennes relatives au ménage, où l’on doit domaine de l’économie nationale – l’Office fé- canton de Berne, la motion qui va le plus
loin a été adoptée par le Parlement le 17 no-
sons erronées. apprendre à gérer l’argent – parfois amèrement déral de la statistique estime que la valeur du vembre 2009, avec une seule voix contre.
L’une d’entre-elles est certainement le dé- – et à une époque où beaucoup se préoccupent travail ménager et familial s’élève à 70% du Dans d’autres cantons, des motions sont en
mantèlement de l’enseignement de l’écono- de savoir ce qu’on peut faire face au chômage produit intérieur brut – mais aussi dans celui suspens (Valais), des interventions ont eu
mie familiale et du travail artisanal dans les des jeunes, à la montée du chômage en géné- de la santé publique – ici on parle de 2 à 3 mil- lieu sous forme d’interpellations (Thurgovie,
écoles. La revendication de l’Union suisse ral et avec un budget de ménage toujours plus liards de coûts pour le système de santé qui Vaud), de recommandations (Uri) ou d’in-
des paysannes et des femmes rurales USPF restreint, l’initiative de l’Union suisse des pay- sont dus uniquement à une alimentation mal- tervention (Jura). Seul le canton de Genève
et de la Société d’utilité publique des femmes sannes et des femmes rurales USPF visant à saine – il est incompréhensible que ces compé- a rejeté – avec l’argument ringard qu’on
suisses SGF en faveur de «Connaissances en promouvoir les compétences au quotidien mé- tences aient été tellement négligées ces derniè- voulait ainsi «renvoyer les femmes à leurs
économie familiale dès l’enfance, d’une ma- rite un large soutien: les compétences au quo- res années. Pendant des années, des matières fourneaux» – une motion qui, selon l’Union
suisse des paysannes et des femmes rurales
nière régulière, tout au long de la vie!» va à tidien devraient être intégrées dans l’enseigne- telles que le travail artisanal et l’économie fa- (USPF), a été déposée trop rapidement.
l’encontre de cette évolution et donne à ce ment scolaire dès le cours élémentaire jusqu’au miliale ont été supprimées à de nombreux
domaine l’importance qui lui revient. secondaire et au lycée. endroits – elles étaient considérées comme
Les compétences quotidiennes – on comp- «bourgeoises» et ont été complètement déva- la pratique. Il n’y a pas de matière qui soit
«Une grande partie de l’activité économique te aujourd’hui parmi celles-ci toutes ces com- lorisées. L’ancien surveillant des prix et Con- mieux appropriée à cela que celle de l’ensei-
est faite en dehors du travail salarié, c’est-à- pétences dont on a besoin en dehors des con- seiller national, Rudolf Strahm1 écrit que «les gnement en économie familiale – ici la métho-
dire sans rétribution en espèces, soit en tant naissances professionnelles spécifiques pour conséquences de cette négligence ou même de de de Pestalozzi visant la relation entre la tête,
que travail personnel, c’est-à-dire pour soi- la maîtrise de notre vie en famille et en so- cette dévalorisation de la formation, relatives le cœur et la main peut être mise en pratique
même ou sa famille soit comme travail au ciété: Outre la cuisine, la gestion du ménage aux questions nutritionnelles et à la prépara- presque de manière idéale. Préparer un repas
service de la collectivité. Le «salaire» consiste
alors dans le résultat du travail. Ce dernier
et les compétences manuelles, il s’agit aussi tion de la nourriture et de manière générale savoureux, sain et bon marché – pour cela on
s’effectue (largement) en dehors du domaine de l’enseignement nutritionnel, du comporte- aux travaux importants dans le ménage, sont a besoin non seulement de connaissances re-
de l’argent: il échappe ainsi aux contraintes ment en tant que consommateur et de la ges- déjà prévisibles et elles vont coûter d’énormes latives à une alimention saine et équilibrée,
de croissance et résiste aux crises. C’est pour- tion de l’argent ainsi que de l’attitude cons- sommes à la société». ainsi qu’aux modes et possibilités de prépara-
quoi il faudrait redonner au travail bénévole ciente vis-à-vis de nos ressources naturelles, Comme dans d’autres domaines de la for- tion des produits saisonniers bon marché et si
une plus grande importance afin de réduire et également de notre sensibilisation à la ma- mation, on croyait également valoriser l’éco- possible régionaux, mais il faut aussi des com-
la vulnérabilité de l’économie.» nière de se comporter vis-à-vis de toutes les nomie familiale par «l’académisation» – pour pétences et expériences pratiques en cuisine.
Hans Christoph Binswanger et Yolanda Kappeler choses et les matériaux avec lesquels nous constater qu’on ne pouvait pas apprendre les Car «sans aptitude manuelle, le travail ména-
dans l’ouvrage «Vorwärts zur Mässigung», travaillons et dans l’environnement desquels compétences au quotidien seulement en théo-
Hambourg 2009, p. 196.
nous vivons. En d’autres termes, il s’agit de rie, mais qu’elles s’acquièrent le mieux dans Suite page 6
page 6 Horizons et débats No 21, 31 mai 2010

«Compétences au quotidien» d’augmenter, nous nous sommes dit: Cela ne L’enseignement des compétences au quo- Nous exigeons
suite de la page 5 suffit pas de souligner l’importance de tout tidien favorise le savoir-faire artisanal des • Les compétences au quotidien doivent
ceci. Maintenant, il faut qu’il se passe quelque jeunes. Ce qui à son tour renforce la con- être enseignées depuis les classes enfan-
ger reste une obligation pénible».2 Ici, on peut chose. Nous devons rassembler des arguments fiance en soi. L’économie profite d’un en- tines jusqu’au gymnase par des ensei-
aussi développer un sentiment de responsabi- et ensuite commencer simplement à chercher seignement approfondi des compétences gnants formés pour cela.
lité envers les membres de la famille et l’envi- le contact de partout.» au quotidien si les jeunes pénètrent dans le • Les compétences au quotidien doivent
ronnement. Et finalement l’expérience de pou- Aussitôt dit, aussitôt fait. A l’occasion du monde professionnel, ayant appris à gérer avoir une place importante dans le nou-
voir contribuer soi-même au bien de la famille 70e anniversaire de la fondation de l’USPF en leur vie quotidienne dans tous les domaines veau plan d’études dans toute la Suisse.
est l’une des sources durables d’une saine es- 2002, le projet «Connaissances en économie et vivant les deux pieds sur terre. L’ensei- • La formation des enseignants et des pro-
gnement en économie familiale apporte un fesseurs (Ecoles professionnelles et Hautes
time de soi et d’attachement social. familiale dès l’enfance, d’une manière régu- avantage significatif pour la société, car cela écoles spécialisées) doit aussi comprendre
Les aptitudes et compétences que les ado- lière, tout au long de la vie!» a été lancé. En représente de la prévention au lieu d’une un enseignement pratique adéquat.
lescents développent ici et avant tout le fait de coopération avec trois autres organisations – simple réaction. • L’enseignement en économie familiale est
réfléchir activement au bien de la communauté la Confédération de la Société d’utilité publi- Compétences au quotidien – compétent dans profitable à tous les secteurs profession-
familiale, est une qualité qui forme un fonde- que des femmes suisses (SGF), la Fondation la vie quotidienne. Maja Werner-Bachmann, nels. Avoir de bonnes connaissances dans
ment du sens civique comme de la réflexion et rurale interjurassienne (fri) et l’Association Présidente de l’Union des femmes rurales de le domaine des compétences au quoti-
Schaffhouse (VSL) dien permet d’agir préventivement.
de l’œuvre au profit du bien commun. professionnelle suisse des gouvernantes de
maison (APGM), l’USPF a élaboré un excel- Extrait du dépliant: «Compétent au quotidien –
Prévenir au lieu de réagir – lent répertoire d’arguments. La directrice du prendre au moyen de modèles dans le domai- Compétent dans le domaine de la formation –
l’offensive de l’USPF projet, qui fait également partie de la direc- ne de l’économie, que tout n’est pas faisable Compétent dans le monde professionnel.
Connaissances en économie familiale dès l’enfance,
Ruth Streit, Présidente de l’USPF déclare dans tion de l’USPF, est Marianne Jungo. Cet ar- et qu’on ne peut pas tout obtenir. L’écolier ap-
d’une manière régulière, tout au long de la vie!»
l’entretien que «le domaine de l’économie fa- gumentaire est divisé en six groupes qui se prend où sont les limites relatives à la force,
miliale a toujours été une préoccupation cen- réfèrent aux six domaines de la formation en au temps et à l’argent. Il apprend, à l’aide de La formation en économie familiale est
trale de l’Union suisse des paysannes et des économie familiale. modèles et de problèmes posés, à agir avec les d’une actualité brûlante – celui qui associe
femmes rurales». Elle poursuit en soulignant moyens disponibles. L’adolescent apprend à cela à une répartition des rôles d’antan, fe-
que «déjà lorsque Augusta Gillabert a fondé Société, santé, planifier de manière circonspecte et de façon rait bien de remettre en question son point de
la première Union des femmes rurales à Mou- artisanat, culture, écologie et économie ciblée et conscient de sa responsabilité, il ap- vue et de se brancher sur la réalité. Le projet
don dans le canton de Vaud, elle a accordé L’argumentaire présente l’importance de cha- prend à faire avec les moyens financiers à sa «Connaissances en économie familiale dès
une grande importance aux connaissances des que domaine dès la petite enfance, pour l’en- disposition (voir argumentaire). Le répertoi- l’enfance, d’une manière régulière, tout au
femmes en matière de gestion. Ce sujet nous fant de l’école élémentaire, pour les adoles- re d’arguments est bien adapté aux différents long de la vie!» mérite un large soutien de la
a donc toujours préoccupés. Alors que d’une cents dans leur vie professionnelle et pour les groupes d’âge, bien structuré, il se réfère à la part des parents, de l’école, de la politique et
part, ce secteur a été de plus en plus démante- parents et la société en général, et l’on y ré- réalité et indique une approche fondée pour à de l’économie. •
lé, et que d’autre part les problèmes dans les fa- sume brièvement ce qu’il faut apprendre et aller à l’encontre des problèmes de notre épo- D’autres informations à l’adresse suivante:
milles – le surmenage, la discussion sur l’obé- développer selon l’âge dans les differentes que ou plutôt pour ne pas les laisser naître. www.landfrauen.ch
sité des enfants et des adolescents – n’ont cessé parties de la vie. Ainsi, le petit enfant doit ap- On pense ici par exemple à l’endettement de 1
Préface 1 du rapport de recherche de 2005
nombreux adolescents! «Hauswirtschaftliche Bildung für eine Gesell-
Les domaines énumérés forment la base schaft im Wandel» (Formation en économie fami-
Compétences au quotidien des compétences au quotidien, qui rendront liale pour une société en transformation), groupe
nos enfants et adolescents capables «de se de projet économie familiale, canton et université
L’Union suisse des paysannes et des femmes rurales (USPF) s’engage pour l’enseigne- de Berne, enseignantes et formation d’enseignants.
nourrir correctement et d’être des consom-
ment des compétences au quotidien depuis les classes enfantines jusqu’au gymnase. mateurs attentifs à l’environnement. Il se-
2
Elisabeth Scholl, Directrice de l’école paysanne
Strickhof Wülflingen ZH dans un entretien avec
Elle demande un enseignement pratique adéquat pour les enseignants et professeurs ront capables de fonctionner en réseau et de le journal des paysans «BauernZeitung», 20/6/08,
dans les domaines de l’économie familiale, dans les travaux textiles et manuels. gérer leur budget.» (cf. dépliant). Il en résulte p. 11.
• Des membres de l’association participent à la formation d’adolescents en écono- des revendications (cf. l’encadré «Nous exi-
mie familiale. Elles connaissent l’importance d’un enseignement structuré. geons …»), qui sont à discuter et à réaliser
de manière urgente. En particulier, le fait que
• Des membres de l’association accompagnent des adolescents pendant leurs stages
la formation en économie familiale apporte à Les écoles –
chez des paysans. Elles observent comment les jeunes travaillent pendant une jour-
née ordinaire et comment ils abordent les problèmes.
tous les secteurs professionnels un profit dé- une contribution
cisif – car il s’agit bien de prévention et non
• L’USPF propose un examen professionnel de paysanne/responsable de ménage pas de réaction. à la paix en Somalie
agricole et de gouvernante/gouvernant de maison pour l’obtention d’un brevet «En formant les jeunes filles, on forme toute
fédéral. Beaucoup de jeunes s’étonnent de voir qu’il une nation», a-t-on déclaré lors de l’assemblée
puisse «rester encore autant d’argent à la générale du «Förderverein Neue Wege in So-
Visions pour l’avenir fin du mois»! Le centre d’assistance pour malia» le 8 mai 2010 à Zurich Aussersihl.
les questions d’endettement déclare que de Cela fait plus de neuf ans que Vre Karrer
• On enseigne les connaissances en économie familiale en théorie et en pratique à plus en plus de jeunes s’endettent. Souvent, avait fait un rapport sur son travail en Somalie
tous les niveaux scolaires. ils n’ont pas appris à gérer leur argent et dans la maison de paroisse d’Aussersihl. C’est
• Les compétences au quotidien sont intégrées dans le nouveau plan d’études suisse ils glissent insensiblement dans le piège des peu après qu’elle a été abattue. Maintenant le
dettes. L’enseignement des connaissances professeur Mahamed Roble est venu au même
et elles sont mises en pratiques dans les écoles.
en économie familiale les aide à prendre
• Les Hautes écoles pédagogiques offrent dans ce domaine aux enseignants et en- endroit pour assister à l’assemblée générale
conscience de leurs propres moyens. On
seignantes une formation pratique et fondée. leur montre le cycle économique à petite du «Förderverein Neue Wege in Somalia» que
échelle (au niveau des ménages) et ses liens Vre Karrer avait encore fondée elle-même.
• Le marché reconnaît l’importance des compétences au quotidien et demande une Roble a dirigé les institutions de Karrer en
à grande échelle (au niveau de l’économie
bonne formation. en général). Somalie entre 2002 et 2008. En 2008, il a reçu
Nous voulons faire connaître nos buts à un large public. L’avenir des générations fu- Compétences au quotidien – compétent dans une balle dans la tête et a perdu un œil. Ma-
tures nous tient à cœur. la vie quotidienne. Maja Werner-Bachmann, hamed Roble vient de recevoir maintenant
Présidente de l’Union des femmes rurales de le droit d’asile en Hollande, mais, comme il
Nous avons besoin de votre soutien. Schaffhouse (VSL)
l’a déclaré lors de l’assemblée générale, tout
son cœur est resté en Somalie. Sa mère et ses
frères vivent encore en Somalie. Sa femme et
Pourquoi aller à l’école? sa fille âgée de 14 ans sont à Nairobi, espé-
rant obtenir le droit d’asile en Hollande, elles
Récemment, avant de commencer la classe le Dans la vie plus tard – quand nous serons que les générations qui sont passées entre nos aussi. «Que peut faire l’Europe pour la Soma-
matin, j’ai demandé à mes élèves pourquoi au grands – cela dépendra finalement de chacun, mains participent de cette mentalité. Est-ce lie déchirée par la guerre?», voulait-on savoir
fond nous nous retrouvions ici chaque jour et quelle que soit sa place dans la famille, dans simplement de l’égoïsme, un manque de ré- de Roble lors de l’assemblée générale. Il a ré-
quel était le sens de notre travail. Etonnés, les la commune, au sein de notre Etat et de la flexion, de la cupidité? Ce ne sont pas que les pondu: «Le soutien actuel, c’est la formation
élèves se sont regardés. La réponse semblait communauté humaine en général. valeurs et le consensus social qui ont dispa- et toujours la formation. La formation, c’est la
pourtant évidente. Ou bien, quelque chose se Ce sont là au fond des idées évidentes ru, ce n’est pas que la globalisation qui fonc- graine qui va devenir arbre. C’est avant tout la
cachait-il derrière cette question finalement qui perdent parfois de leur force si nous ne tionne selon la maxime de l’optimisation du formation des jeunes filles qui est importante.
pas si ordinaire? les intégrons pas dans la vie quotidienne, à profit et qui atteint beaucoup d’entre nous de En formant les filles, on forme toute une nation
On devrait peut-être, pensais-je, réfléchir l’école, dans la famille et dans la commune. façon sensible. parce que les filles deviennent mères plus tard
plus souvent et plus à fond aux choses ordi- C’est certainement une tâche fondamentale Non, peut-être que nous sommes ceux et ce sont elles qui élèvent les enfants. C’est
naires, les creuser et se poser les questions en de l’école et du processus d’éducation que qui détournons le regard, qui ne formulons pourquoi il est très important qu’avant tout les
commun. Toujours est-il que les propositions d’attacher de l’importance à cette chose in- pas assez clairement nos exigences, qui vi- jeunes filles puissent aller à l’école.»
ont fusé: Nous sommes là pour apprendre. A dispensable – qui ne nous apparaît la plupart vons de manière irréfléchie et irresponsable C’est le mérite de Roble que l’organisation
la question de savoir si c’était tout, les élèves du temps qu’une fois qu’elle nous manque, au jour le jour. Peut-être que nous ne nous «New Ways» financée par des privés, des fon-
ont tout de suite ajouté que la vie en commun que nous l’avons ignorée. rendons pas compte que nous avons non seu- dations et des paroisses entretienne une école
était également importante et qu’il fallait ap- Juste un petit exemple qui apparaît sur- lement à accomplir notre mission éducative, primaire et secondaire à Merka, avec en tout
prendre à la gérer. Peu à peu nous avons ap- tout au début du printemps, quand la neige a mais que nous devons aussi être des modèles. environ 1000 élèves. La moitié des écoliers
profondi la question. Nous sommes dans une fondu et que l’herbe est encore courte. On dé- Et cela d’autant plus que nous autres péda- de la primaire sont des jeunes filles. Le di-
école publique et non pas dans une quelcon- couvre alors au bord des prés des boîtes vides gogues sommes des personnages publics ou recteur de «New Ways» à Merka, Abdullahi,
que école privée payée par les parents. Oui, et autres déchets, bêtement jetés par des gens des citoyens qui occupent une charge. Cette a écrit à l’association: «Les écoles jouent un
une école populaire, financée, donc rendue qui ne respectent pas la nature et qui ont peut- tâche nous habille, nous n’avons pas le droit rôle primordial dans le sud de la Somalie où
possible par la collectivité. Une école où cha- être pensé que quelqu’un d’autre les ramasse- de l’enlever, nous devons l’accomplir. la violence domine parce qu’elles peuvent
cun peut et doit apprendre et peut se préparer rait. On pourrait imaginer d’autres exemples. Cela ne concerne d’ailleurs pas que les en- empêcher les adolescents de rejoindre un
aux tâches à venir. Une école du peuple sou- Le sentiment général: Le principal, c’est que seignants, mais tous les membres de la com- groupe guerrier. C’est aussi la raison pour la-
tenue par tous et consacrée à tous et dans la- je ne manque de rien, que tout aille bien pour munauté, précisément parce que celle-ci a be- quelle bien des parents envoient leurs enfants
quelle tous doivent suivre, où aucun ne soit moi. Si ce n’est pas moi qui profite, ce sera soin de chacun. à l’école. En fréquentant l’école, ils reçoivent
perdu, dans laquelle tous sont inclus et à la- un autre, alors plutôt moi. une éducation à la paix.»
quelle tous sont associés et où, bien entendu, Il est grand temps que nous autres enseig-
chacun doit fournir un effort. nants nous demandions comment il se fait Roland Güttinger, Schmidtrüti (ZH) Heinrich Frei, Zurich
No 21, 31 mai 2010 Horizons et débats page 7

Un homme sans prétention et proche des gens


A propos du vernissage de l’exposition du château de Jegenstorf consacrée au général Guisan
thk. Un nombre considérable de personnes population est une attitude fondamentale de
s’étaient rassemblées dans le jardin du châ- l’identité suisse.
teau de Jegenstorf, chargé d’histoire, pour as- Dans l’exposé suivant, le conseiller fédé-
sister au vernissage de l’exposition1 pour le ral Maurer a rendu hommage à l’action histo-
50e anniversaire de la disparition du général rique du personnage.
Henri Guisan. Aujourd’hui encore, un demi- Il était pratiquement le seul à avoir à
siècle après sa mort, nombreux sont ceux qui l’époque autant d’importance pour la popula-
s’intéressent aux activités du Général à une tion et la question se pose rétrospectivement
époque extrêmement difficile. Il n’y avait pas de savoir quels étaient les traits de sa person-
assez de places assises si bien que la plupart nalité pour qu’il soit toujours aussi populaire?
des personnes présentes n’ont pas rechigné à «Henri Guisan savait ce qui faisait l’essence
écouter les orateurs debout. de notre pays. Il savait que dans l’histoire de
Les intervenants étaient Hermann Weye- la Confédération, il s’est toujours agi de la li-
neth, président de la Fondation du château berté et de l’indépendance du pays et des ci-
de Jegenstorf et ancien conseiller national, toyens.» Il a su rassembler les Suisses der-
Ueli Maurer, conseiller fédéral, et Murielle rière cette idée et cela lui a permis de donner
Schlup, conservatrice du château. Cette céré- confiance en eux aux hommes et aux femmes
monie était la première d’une série de mani- de ce pays et il a reçu de la confiance en re-
festations en l’honneur d’Henri Guisan et en tour, confiance dans la possibilité de défendre
même temps le vernissage officiel de l’expo- la liberté contre tout pouvoir supérieur. Pour
sition sur la vie et les activités du Général au Maurer, c’est en cela que réside la grandeur
château de Jegenstorf l’accent étant mis sur la du Général.
période d’octobre 1944 à août 1945 lorsque A la fin de la guerre, le Général a organisé
le Général avait déplacé son quartier-général un deuxième «Rapport du Grütli», cette fois
d’Interlaken à Jegenstorf. au château de Jegenstorf. Un petit extrait de
Hermann Weyeneth a ouvert la cérémonie son discours du 19 août 1945, dans lequel
en souhaitant la bienvenue au Conseiller fé- A l’autonne 1944, le Général Henri Guisan a transféré son quartier-général au château de Jegenstorf. il a dressé un bilan, montre combien ses pa-
déral Maurer et aux invités d’honneur. Il a (photo thk) roles sont encore valables de nos jours: «[…]
rendu hommage au grand travail qui a rendu L’imagination est un don assez rare. La ma-
possible cette exposition et le programme qui Guisan tel qu’il apparaît dans divers ouvrages ticipait aux fêtes nationales de tir, et a évo- jorité de notre peuple ne se demandera pas
lui est lié et il a exprimé l’espoir qu’elle atti- historiques et biographiques. qué son attachement aux habitants de la pe- dans les années à venir, pas plus qu’en 1920,
rerait le public nombreux qu’elle mérite. En Né en 1943, Weyeneth n’a bien sûr pas tite ville souvent évoqué par les habitants 1930 ou même plus tard, si et comment ce
quelques mots il a tracé le portrait d’Henri de souvenirs du séjour du Général dans le qui ont vécu son séjour au château. Ces liens pays pourrait être menacé une nouvelle fois.
château de Jegenstorf, mais il a des souve- avec le pays et les gens constituaient un trait Ce que nous avons fait avant tout depuis
nirs de rencontres postérieures, car Guisan fondamental de la personnalité du Général. 1933 pour réveiller le pays, pour faire appel
1
L’exposition est visible jusqu’au 10 octobre. est souvent revenu à Jegenstorf lorsqu’il par- Le contact spontané et d’égal à égal avec la à sa conscience et à sa vigilance sera tou-
jours à recommencer.» Ces paroles n’ont rien
perdu de leur validité. La prise en compte des
Puis la guerre éclata, et un colonel com- de sa personnalité, c’est bien le fait Lorsque Guisan, jeune homme, fit uns problèmes réels comme la crise économique
mandant de corps apprécié du pays de qu’un tel abus de pouvoir ne lui serait stage au domaine du colonel von Wat- et financière et les menaces contre la collec-
Vaud, qui jusque-là ne s’était pas fait même pas venu à l’idée. Il n’était pas un tenwyl à Oberdiessbach, il s’asseyait le
tivité qui en résulteraient, ou des convoitises
d’autres nations envers la Suisse n’est facile
remarquer comme un génie militaire, dominateur sans scrupules; il a frayé son soir sur un banc devant l’étable pour
pour personne. L’affirmation selon laquelle
s’avéra être le meilleur candidat à un des chemin avec efficacité mais avec classe. veiller sur les vaches. A côté de lui «nous sommes encerclés d’amis» a son ori-
postes les plus élevés que la Confédéra- Peut-être parce qu’il est devenu, à l’été étaient assis les valets: «On fumait la gine dans la mentalité mentionnée ci-des-
tion pouvait offrir. 1940, une sorte d’incarnation de la con- pipe et on bavardait», se souvient Gus- sus.
C’est seulement en cas de guerre que science collective de la Suisse. Avec ob- tav Adolf Vogt qui travaillait à l’épo- Une deuxième chose, d’après Maurer, a
l’on désigne un général. Cas unique en stination: Ce qu’il fallait alors, c’était un que comme trayeur à la ferme. «Tout le permis à Guisan de trouver, dans une situa-
Occident, ce n’est pas le gouvernement homme qui ne s’imaginait pas qu’il al- monde était heureux lorsqu’il est venu.» tion presque sans issue, une solution propre à
qui nomme le commandant en chef inter- lait pouvoir faire l’histoire. Et c’est pour- Il nous écoutait. De temps en temps, il la Suisse, laquelle a épargné au pays des gros
armes mais le Parlement qui l’élit. Possé- quoi il l’a faite. Il s’est laissé porter, par disait quelque chose en dialecte ber- dommages. A ce propos, citons encore le Gé-
dant la même légitimité démocratique un pays qui, à vrai dire, ne se laisse pas nois. Pour dormir, Guisan retournait au néral: «Certainement, notre peuple se trou-
que le Conseil fédéral, il peut devenir un mener. petit château du domaine où le Colonel vera face à de gros problèmes qui se pose-
dictateur à terme en temps de guerre. lui avait aménagé une chambre.
ront demain à toutes les nations, auxquels il
ne pourra se soustraire. Aussi généraux que
Guisan n’a pas abusé de son pouvoir. Source: Markus Somm, General Guisan. Source: Markus Somm, General Guisan.
S’il y a une chose qui exprime la magie Widerstand nach Schweizerart. (p. 11) Widerstand nach Schweizerart. (p. 196)
Suite page 8
page 8 Horizons et débats No 21, 31 mai 2010

«Un homme sans prétention …» conditions essentielles pour remplir


suite de la page 7 Après avoir exprimé pour la première mes devoirs de commandant en chef
fois en 1940 ce que la plupart des Suisses de l’armée: le calme et l’indépendance,
soient ces problèmes, nous trouverons tou- éprouvaient et pensaient, il est devenu de même que la possibilité de travailler
jours une solution suisse. Tout ce que nous un général populaire que l’on pouvait sans être dérangé. […] Ayant été […]
avons pu accomplir d’utile et de durable jus- rencontrer partout: lors de matches de agriculteur, toujours ancré dans la terre,
qu’à présent est issu de solutions suisses et football, de services religieux, de com- je me suis senti à l’aise dans cet en-
de la pensée suisse. Elle seront toujours pour mémorations, de fêtes fédérales de tir, droit et j’ai pu apprécier l’attachement
nous les meilleures et les plus pertinentes.» de courses de ski, aux foires-exposi- et l’amitié de la population. Mes offi-
Maintenant que les Etats nations d’Eu- tions, aux championnats de l’armée et ciers, sous-officiers et soldats qui ont eu
rope ne sont plus menacés par des guerres de comme moi l’occasion de faire leur ser-
lors de manœuvres. […] Au fond, il s’est
conquête de grandes puissances ambitieuses vice dans votre beau village ont empor-
révélé le politicien le plus naturel que la
comme c’était le cas à l’époque de Guisan, té de chers et beaux souvenir du pays et
mais par d’autres mécanismes comme la Suisse ait jamais eu. des gens.»
pression économique et politique avec les Source: Markus Somm, General Guisan. Lorsqu’on entre dans le château on peut se re-
dépendances qui en découlent, exercée par la Widerstand nach Schweizerart. (p. 11) plonger, dans quatre pièces, dans l’ambiance
dictature supranationale qu’est devenue peu à de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’une
peu l’UE, la question se pose de plus en plus vités de Guisan au château de Jegenstorf et d’entre elles, on peut voir des documents fil-
de savoir si tous les Etats ne devraient pas a attiré l’attention sur les objets exposés. A més du Ciné-journal suisse produits alors une
exiger la restitution de leurs droits nationaux part quelques photographies, propriété de la fois par semaine. Il apportait une vision dif-
pour développer leur propres solutions démo- Fondation Château de Jegenstorf, toutes les férente de celle de la Wochenschau de l’Alle-
cratiquement légitimées. Quand la politique pièces de l’exposition sont des prêts privés magne nazie et a contribué de manière impor-
échoue, il appartient aux citoyens réfléchis de ou publics. tante à la relation de confiance entre l’armée
développer des solutions constructives, réali- «Le 19 août 1945 a eu lieu dans ce jardin, et la population. ISBN: 978-3-7272-1346-5
sables, ancrées dans la nation. Continuer de a déclaré Murielle Schlup, le dernier rapport Dans la deuxième pièce du rez-de-chaus-
dépendre du FMI, de la Banque mondiale, de l’armée». Le Général a pris congé de ses sée, on trouve avant tout des photos et des do-
de l’UE et de l’OMC etc. ne conduira certai- officiers dans un assez long discours. C’était cuments écrits qui montrent le lien étroit de plet et d’autres objets personnels. C’est de-
nement pas à des solutions sensées et adap- la fin officielle du service actif». Guisan avec le pays et les gens. Deux autres puis son bureau, qui a également été recons-
tées aux peuples concernés. Les déclarations Dans une lettre d’adieu personnelle adres- pièces se trouvent au deuxième étage, avant titué, que le Général a annoncé en avril 1945,
d’Henri Guisan n’ont donc rien perdu de leur sée au Conseil communal de Jegenstorf, le tout la chambre à coucher et le bureau du Gé- devant les caméras du Ciné-journal suisse:
actualité, même si la situation est différente Général fait savoir combien il s’est senti à néral. Est exposé aussi un lit de camp auquel «La fin de la guerre approche, mais le mot
aujourd’hui. l’aise à cet endroit: est attachée la légende selon laquelle le Gé- d’ordre reste: vigilance!»
Murielle Schlup, co-responsable de l’expo- «Dans les murs de ce château spacieux néral y aurait dormi pendant son séjour au Le vernissage de l’exposition a marqué le
sition, a donné quelques dates clés des acti- idéalement situé, j’ai trouvé toutes les château. On montre aussi son uniforme com- début d’une exposition digne sur un homme
digne et sur un chapitre décisif de l’histoire
de la Suisse. Notre petit pays a réussi à sau-
Alors Henry Vallotton, président du vegarder sa liberté et son indépendance dans
Conseil national, lui adressa la parole: une période extrêmement difficile où il était
«Dites à l’armée, mon Général, que encerclé par un monstre militaire qui a fait
l’Assemblée fédérale, la nation et les des millions de morts et soumis presque
cantons lui accordent toute leur con- une douzaine d’Etats. Ce fait historique im-
fiance. Du Général jusqu’au plus jeune pressionne encore aujourd’hui et doit servir
soldat, ils sont tous prêts à sacrifier leur
d’exemple pour les générations futures lors-
qu’on leur transmet les valeurs fondamen-
vie pour sauvegarder l’indépendance,
tales suisses d’indépendance, de liberté et
la neutralité et la liberté. Mais dites d’égalité. L’exposition et le programme qui
aussi à l’armée qu’elle n’est pas seule, s’y rattache y contribue de façon importante
que tous les Suisses, les hommes et les et offre aux enseignants et aux élèves la pos-
femmes, les jeunes et les vieux, les vi- sibilité, lors de sorties de classes, de prendre
vants et les morts, que tous veillent conscience d’une période importante de l’his-
avec elle aux frontières. Nous vous toire de la Suisse. •
confions, mon Général, la protection
de notre patrie que nous aimons de
toutes nos forces, que nous n’abandon- Guisan a incarné les valeurs de l’Occi-
nerons jamais, sous aucun prétexte, à dent: le respect des hommes et de leur
un agresseur, de quelque côté qu’il vi- liberté. En s’opposant à la discipline
enne. Dieu bénisse votre tâche, mon prussienne de son rival Wille, il a pris
Général. Que Dieu bénisse notre pays position en faveur de l’Occident sans
et notre armée.» Et on a applaudi. avoir besoin de le souligner. Il était du
bon côté et l’on s’en rendait compte.
Source: Markus Somm, General Guisan.
Source: Markus Somm, General Guisan.
Widerstand nach Schweizerart. (p. 33) «Est exposé aussi un lit de camp auquel est attachée la légende selon laquelle le Général y aurait Widerstand nach Schweizerart. (p. 199)
dormi pendant son séjour au château.» (photo thk)

Communication médias, le 28 avril 2010


Le Général Henri Guisan. 50e anniversaire de sa mort Horizons et débats
La Fondation Château de Jegenstorf évoque la Objets originaux, objets personnels
mémoire du populaire et charismatique Com- L’exposition qui présente le séjour de Gui-
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
mandant en chef et Général suisse durant la san dans ce village rural et son poste de com- pour le respect et la promotion du droit international,
Seconde Guerre mondiale avec l’exposition mandement dans le château se tient sur deux du droit humanitaire et des droits humains
commémorative «Le Général Henri Guisan. salles au rez-de-chaussée et deux cham-
Abonnez-vous à Horizons et débats – journal publié par une coopérative indépendante
50e anniversaire de sa mort» Son dernier poste bres au premier étage, dont le bureau et la
de commandement se trouvait à Jegenstorf. chambre à coucher. L’hebdomadaire Horizons et débats est édité par la coopérative Zeit-Fragen qui tient à son indépendance
Un brin d’Histoire suisse souffle dans les Parmi les objets originaux de source pu- politique et financière. Tous les collaborateurs de la rédaction et de l’administration s’engagent
murs du château pendant les derniers mois blique et privée rassemblés de toute la Suisse
bénévolement pendant leur temps libre. L’impression et la distribution sont financées uniquement par
de la Seconde Guerre mondiale: au début se trouvent des photographies, des lettres,
les abonnements et des dons. La coopérative publie aussi l’hebdomadaire Zeit-Fragen en allemand et le
du mois d’octobre 1944, le Général Guisan des enregistrements sonores, des images
(1874–1960) transférait son poste de com- d’archive, des tableaux du peintre Friedrich mensuel Current Concerns en anglais.
mandement d’Interlaken à Jegenstorf. La si- Traffelet ainsi que des objets personnels du
tuation de guerre lui imposait de se rappro- Général tels que son uniforme, son chapeau Je commande un abonnement annuel au prix de 198.– frs / 108.– €
cher du front et du centre politique. Depuis le officiel et ses bottes, son épée, son poignard, Je commande un abonnement annuel au prix d’étudiants de 99.– frs / 54.– €
château de Jegenstorf il gérait le sort de l’Ar- son pistolet et son bureau militaire. On trou-
Je commande un abonnement de 6 mois au prix de 105.– frs / 58.– €
mée Suisse jusqu’à la fin de la guerre. vera également la reconstruction d’un poste
Idole de toute une génération de garde qui sera installé dans la cour d’accès Je commande un abonnement de 2 ans au prix de 295.– frs / 185.– €
L’exposition commémorative «Le Général du château comme en temps de guerre.
Je commande à l’essai les six prochains numéros gratuitement.
Henri Guisan. 50e anniversaire de sa mort» au Le château de Jegenstorf
château de Jegenstorf évoque la mémoire du Le bourg, anciennement entouré d’eau, a été Veuillez nous envoyer _____ exemplaires gratuits d’Horizons et débats no _____ pour les
charismatique Commandant en chef et Géné- transformé en château baroque vers 1720. Il remettre à des personnes intéressées.
ral suisse durant la Seconde Guerre mondiale, abrite le musée de l’habitat traditionnel ber-
décédé le 7 avril 1960. Aucun autre person- nois exposant le mobilier d’artisans réputés Nom / Prénom:
nage suisse du XXe siècle ne faisait l’objet ainsi que tableaux, pendules et poêles de
d’une telle admiration. Guisan était l’idole de faïence des XVIIe et XVIIIe siècles. Rue / No:
toute une génération qui voyait en lui une fi- Des expositions temporaires traitent de su-
gure d’identification. jets choisis. Le parc avec ses étangs, son allée NPA / Localité:
La popularité d’Henri Guisan se manifes- et ses arbres séculaires offre aux visiteurs l’oc-
tait après sa mort: la Suisse lui réservait des casion d’une détente et un cadre unique pour Téléphone:
funérailles nationales, 300 000 personnes l’ac- des fêtes.
compagnant jusqu’à sa dernière de meure. Date / Signature:
Des places et des rues multiples portent Contact:
Murielle Schlup, conservatrice Schloss Jegenstorf
aujourd’hui son nom, et même un astéroïde +41 31 331 70 49, +41 79 656 77 59 A retourner à: Horizons et débats, case postale 729, CH-8044 Zurich, Fax +41-44-350 65 51
depuis 1973. m.schlup@schloss-jegenstorf.ch CCP 87-748485-6, Horizons et débats, 8044 Zurich

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