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Schedae 2011
Prépublication n° 2 | Fascicule n° 1
Rolando Minuti
Université de Florence
Je veux d’abord remercier les organisateurs de ce colloque, qui m’ont donné la possibilité
de profiter de cette occasion de présentations d’expériences concrètes et de discussions sur
les problèmes techniques et méthodologiques de l’édition électronique, pour aborder un
sujet beaucoup plus général ; un sujet qui concerne, pourrait-on dire, l’évolution elle-même
du Web contemporain par rapport à la recherche et à l’enseignement des sciences humaines
et, plus précisément, à l’utilisation et à la gestion de la documentation qui fait partie de la
pratique du travail de l’historien.
J’ai eu l’occasion d’aborder quelques-uns de ces problèmes l’année dernière, à l’occasion
du congrès de Rome Les historiens et l’informatique : un métier à réinventer (4-6 décembre
2008) organisé par l’ATHIS (Atelier Informatique et Histoire) dirigé par Jean-Philippe Genet 1,
et je suis donc reconnaissant aux organisateurs de la rencontre d’aujourd’hui de m’avoir
donné l’opportunité d’attirer l’attention sur d’autres aspects de ce sujet qui sont importants,
à mon avis, soit pour l’enseignement – pas seulement universitaire – soit pour la recherche.
Pour éclaircir les raisons de la nécessité de cette réflexion, je pense qu’il est utile de se
référer au panorama des rapports entre les historiens – et plus généralement entre le monde
des chercheurs, enseignants, étudiants qui travaillent dans le vaste territoire des sciences
humaines – et le Web, qui était présent il y a une dizaine d’années, c’est-à-dire vers la fin
des années quatre-vingt-dix et le début du vingt et unième siècle.
J’avais moi-même tenté, à cette époque, un bilan des perspectives et des problèmes
ouverts 2, qui pouvait se résumer en ces termes :
Rolando Minuti
« Les historiens et le Web à l’âge du Web 2.0 : une nouvelle mutation ? »
Schedae, 2011, prépublication n° 2 (fascicule n° 1, p. 1-10).
2
Après une dizaine d’années, on pourrait dire que le monde a changé. Plusieurs expériences
sur lesquelles il semblait intéressant d’attirer l’attention ont disparu, plusieurs problèmes ont
trouvé des solutions, plusieurs projets, surtout sur le versant des bibliothèques numériques
ainsi que des archives ont vu le jour. La croissance exponentielle de la documentation
présente sur le Web a fait parler d’un véritable « déluge digital » 3, ce qui n’est pas impropre,
et de nouveaux outils de repérage de l’information sont nés et se sont presque imposés
comme des standards, ou mieux, comme l’unique porte d’accès à l’information sur le Web.
Tel est le rôle actuel de Google et de ses nombreuses extensions.
Le monde a donc changé non seulement par rapport à la dilatation de l’information, à
l’enrichissement énorme de la quantité de textes, documents, outils de contrôle bibliographiques,
3. Voir, à ce propos, les actes du colloque Digital Repositories : Dealing with the Digital Deluge (JISC
conference, Université de Manchester, 5-6 juin 2007), http://www.jisc.ac.uk/whatwedo/programmes/pro-
gramme_digital_repositories/repositories_conference.aspx.
qui concernent en particulier la recherche historique dans ses domaines les plus étendus, mais
surtout par rapport à la nature de l’information elle-même, à la dimension collective qui est
devenue toujours plus propre à l’information diffusée sur le Web, au cadre général, en un mot,
dans lequel cette dilatation de l’information se place. On a désormais l’habitude d’identifier
tout cela par le sigle de Web 2.0 4, ce qui de fait ne détermine pas un projet ou une stratégie
cohérente, mais plutôt un ensemble de pratiques et d’outils informatiques qui ont provoqué le
déplacement progressif du Web de la notion de dépôt universel de documents et d’informations,
liés par la technologie de l’hypertexualité, à la notion de plate-forme interactive où plusieurs
acteurs participent, d’une façon collective, à la création de contenus informatifs nouveaux.
On a beaucoup discuté sur le concept de Web 2.0, introduit par Tim O’Reilly en 2004
pour des raisons liées aussi à son entreprise éditoriale et commerciale. On peut remarquer à
ce propos que toute définition générale qui concerne le Web et son évolution risque d’être
précaire et peu satisfaisante ; en premier lieu, parce qu’il arrive que les processus nouveaux
n’éliminent ni ne transforment automatiquement les anciens, comme le montre le fait que
d’importantes et sérieuses entreprises du Web 1.0 se maintiennent et se développent
parallèlement aux nouvelles applications de type Web 2.0 ; en second lieu, parce qu’à
l’intérieur des nouvelles définitions elles-mêmes demeurent beaucoup d’anciens éléments ;
c’est-à-dire qu’il y a des éléments, dans les développements les plus récents, qu’on pouvait
entrevoir, à l’état embryonnaire, à l’époque précédente et qu’on peut donc interpréter
comme des évolutions plutôt que comme des révolutions.
De fait, le terme de Web 2.0 se réfère à (ou cherche à couvrir sous une définition unitaire
et homogène) une réalité générale qui est concrète et des expériences qui touchent presque
tout le monde du Web dans leurs manifestations les plus diffusées. Je ne veux pas m’attarder
sur des réflexions qui concernent plutôt les implications sociologiques de ce phénomène – il
y a déjà une littérature énorme à ce sujet ; je préfère m’arrêter plutôt sur des questions
qui concernent la pratique de l’historien, la notion de document, l’émergence d’attitudes
nouvelles, en considérant surtout la génération nouvelle d’étudiants, qui sont nés dans le
monde numérique et pour lesquels la pratique du Web est bien plus forte et normale que pour
la génération des plus âgés : attitudes nouvelles par rapport au document, à l’information, à
la notion de source. La réalité générale à laquelle je me réfère, très brièvement, est celle des
blogs, la blogosphère comme on l’a définie, qui se développe à un rythme impressionnant ;
c’est le monde des social networks, de Facebook, de YouTube et d’autres ; c’est le monde
qui, pour les adeptes de ce nouveau scénario, a révélé la réalité de la swarm intelligence,
du Web entendu comme l’expression d’une intelligence collective et toujours mouvante
à laquelle chacun – lecteur et auteur en même temps – donne sa contribution en utilisant
librement ce que les autres ont dit ou ont produit, en s’insérant dans ce processus collectif
et universel qui produit, donc, une nouvelle notion de travail intellectuel, tout à fait libéré
des vieilles notions d’autorité et d’« auctorialité », et de toute l’architecture hiérarchique,
juridique ou académique, qui a réglé jusqu’à aujourd’hui la production culturelle et sa
circulation. Telle est – résumée un peu brutalement – l’essence de la pensée des partisans
de la démocratie radicale de l’information et de la culture qui serait exprimée par le terme
de Web 2.0 et qui trouve dans les blogs, lieux de la liberté expressive et morceaux de
l’intelligence collective en même temps, sa manifestation la plus claire 5.
4. Voir surtout, pour la définition de Web 2.0, T. O’Reilly, What is Web 2.0. Design patterns and Business mo-
dels for the Next Generation of Software, http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/news/2005/09/30/
what-is-web-20.html. Voir aussi, dans la riche bibliographie et sitographie sur ce sujet, ce qui concerne sur-
tout les implications didactiques du Web 2.0, A. Bryan, « Web 2.0 : A New Wave, of Innovation for Teaching
and Learning », EDUCAUSE Review, vol. 41, n° 2, mars-avril 2006, p. 32-44, http://connect.educause.edu/
Library/EDUCAUSE+Review/Web20ANewWaveofInnovation/40615, et le répertoire de ressources Web
2.0 in education, http://www.shambles.net/pages/learning/ict/web2edu/.
5. Voir G. Granieri, Blog Generation, Rome-Bari, Laterza, 2005 et, du même auteur, La società digitale, Rome-
Mais s’agit-il vraiment d’une intelligence collective ? Les doutes des critiques du Web
2.0, qui sont aussi diffusés que ses partisans, sont très forts à ce propos. Cette intelligence
collective serait plutôt, nous disent-ils, une stupidité collective 6, dont l’univers des blogs
est la manifestation la plus éclatante, car dans la blogosphère on voit surtout l’expression
d’une volonté un peu narcissique, un peu graphomane, très ambitieuse ou présomptueuse,
de démontrer, ou d’imposer le fait qu’entre l’amateur et le professionnel, entre le simple
curieux et le savant, il n’y a pas, finalement, de différence essentielle. Si – toujours selon
l’opinion des critiques – les produits les plus originaux de la réflexion, de la recherche, de
la créativité, sont conçus comme des morceaux d’une intelligence collective à reverser
sans contrôle dans le grand fleuve de l’information sur le Web, ce qu’on risque de perdre,
c’est justement la distinction entre les efforts de la recherche et de la pensée originale et
sa répétition, son utilisation dans des contextes fluides ou tout à fait décontextualisés où
le vieil exercice de la critique des sources est souvent très difficile et presque désespéré ;
la distinction elle-même entre les opinions et les faits ancrés sur des documents vérifiables
– entre fausseté et vérité en termes plus nets – risque d’être une opération laissée à une
étroite minorité d’experts de la technologie de l’information sur le Web, à des analystes,
tandis que la plupart du monde du Web, les utilisateurs de Google, sont systématiquement
exposés au risque de cette très grave confusion.
L’amplificateur et le sujet principal de cette « stupidité collective », suivant la définition
des critiques radicales du Web 2.0, est justement Google 7, parce que la logique même
qui règle le fonctionnement de ce moteur de recherche produit une perte substantielle par
rapport à une hiérarchisation de valeurs qui devrait trouver sa raison d’être dans la différence
qualitative des objets.
On peut répondre qu’il ne s’agit pas d’une véritable perte de hiérarchisation, mais
plutôt d’un critère particulier de hiérarchisation qui, sur la base du précieux algorithme
de recherche de Google, exalte la primauté de l’opinion majoritaire, des attitudes et des
choix de la majorité, car ce sont justement les termes relatifs à la recherche et les sites les
plus fréquemment visités – et donc, apparemment, les plus intéressants ou utiles – qui
sont placés au plus haut niveau de la hiérarchie des réponses ; c’est le même critère qui
produit les tag clouds qui sont propres à la blogosphère, les folksonomies générées par la
primauté du User Generated Content, la pratique, plus généralement, du social tagging et
du social bookmarking. De fait, cette hiérarchisation – c’est la position des critiques – n’est
pas une véritable hiérarchisation de valeurs, parce qu’elle pousse à renoncer à se poser des
questions qui concernent le contenu, la substance de l’information, et se limite au niveau
de la diffusion. Ce critère produit plutôt et consolide un chaos informatif où il est toujours
plus difficile de distinguer entre la contribution nouvelle et la répétition, le résultat d’une
recherche et la compilation ou la simple copie (et le problème du plagiat, même au niveau
académique, est devenu imposant et très débattu) ; où la fragmentation, la décomposition
du document, et la dispersion de ses éléments décomposés empêchent la critique des
sources dans le Web ou lui opposent des obstacles importants. Ce faux critère hiérarchique
qui confond donc l’importance documentaire avec la fréquence des interrogations, qui
confond la qualité des résultats avec les réponses les plus rapides et placées au plus haut
niveau dans la pyramide établie par le moteur de recherche, qui mêle des informations
dont la valeur est la plus variée et la plus incertaine, n’exprime donc pas une intelligence
collective, mais est plutôt un cauchemar pour tous ceux pour lesquels l’importance de la
critique de la source reste prioritaire.
On peut dire que le chercheur qui connaît suffisamment l’abc de son métier sait bien
se mouvoir dans l’ensemble du patrimoine documentaire du Web et chercher et évaluer
les sources de son travail ; et il va sans dire que sans l’apport du Web toute recherche dans
le domaine historique, et, plus largement, dans le domaine des sciences humaines, serait
aujourd’hui impossible.
Mais ce rapport critique avec le document numérique est bien plus compliqué pour
les plus jeunes, les étudiants par exemple qui préparent leurs travaux de séminaire ou
leurs mémoires de master ; il est bien plus facile de s’en remettre simplement à Google
et, à partir de Google, d’arriver rapidement à l’utilisation des premières réponses, les plus
diffusées et, apparemment, les plus importantes ; c’est-à-dire, presque automatiquement
d’arriver immédiatement à Wikipedia, et donc de faire de Wikipedia – cette expérience
emblématique de l’âge du Web 2.0, cette icône du Web 2.0, pourrait-on dire – à la fois
le point de départ et d’arrivée du travail. Ce qui signifie – avec toute la valeur qu’on peut
attribuer à cette expérience extrêmement importante et que je ne veux pas du tout sous-
évaluer, mais sur laquelle je ne veux pas discuter ici – un appauvrissement inévitable de la
pensée critique (dans le domaine de l’histoire comme, je crois, dans d’autres domaines des
sciences humaines) et donc de l’intelligence, qui ne serait pas l’intelligence collective, mais
simplement une pensée uniforme et répétitive 8.
Il y a, à mon avis, plusieurs raisons qui justifient les préoccupations des critiques du Web
2.0, que j’ai ainsi rapidement résumées. Mais il y a aussi plusieurs raisons qui nous poussent
à réfléchir sur les opportunités du Web 2.0, au-delà des propositions les plus exagérées qui
considèrent le Web 2.0 comme la révolution de l’intelligence collective et de la démocratie
radicale et un peu anarchique de l’information. Au bout du compte, les enthousiasmes
radicaux à propos des nouveaux horizons de l’information, et les pulsions anarchiques dans
ce domaine sont propres à la sociologie du Web ou plus généralement de l’Internet, et ce,
dès ses débuts ; ils sont propres, pourrait-on ajouter, aux périodes d’affirmation des nouvelles
technologies de la communication à chaque époque, de l’imprimerie à la radio, etc. Il y a
plusieurs raisons, donc, qui exigent que l’on considère d’une façon plus sérieuse, en évitant
un refus sommaire, les outils proposés par le Web 2.0, dans le domaine de la recherche et de
l’enseignement. On ne peut considérer comme fortuit, ni comme une concession à la mode,
le processus de transformation des bibliothèques qui est en cours – en ce qui concerne les
catalogues et plus généralement les services bibliothécaires. Il en est de même pour les
archives, même si, dans ce domaine (je pense surtout au contexte italien), les résistances
et les difficultés face à l’innovation sont plus fortes, pour des raisons tout à fait valables : le
risque de perdre l’unité du contexte documentaire dont le document d’archives fait partie
est, pour le monde des archives, une source sérieuse et importante de préoccupation.
La bibliothèque est directement touchée par l’évolution du Web, parce qu’à partir de la
dilatation de la dimension communicative et interactive du Web, elle est de moins en moins
conçue comme le dépôt, le lieu qui conserve et qui distribue son patrimoine sur demande,
mais plutôt comme un réseau de services informatifs, une porte de communication sur le
monde de la documentation numérique, qui va bien au-delà des limites physiques de chaque
bibliothèque et qui établit un rapport toujours plus direct, continuel et interactif (en utilisant
les blogs, les services RSS, etc.) avec l’utilisateur. Ce dernier peut contribuer lui-même
directement à l’enrichissement du patrimoine informatif et documentaire de la bibliothèque
8. Voir, pour certains aspects importants du grand débat concernant Wikipedia, le répertoire des positions
critiques présenté dans l’article « Criticism of Wikipedia », http://en.wikipedia.org/wiki/Criticism_of_Wiki-
pedia.
1. le niveau qui concerne la nature du document électronique – le texte bien sûr, mais
aussi le document multimédia, qui, pour l’histoire contemporaine surtout, est d’une
9. Voir J. J. Maness, « Library 2.0 Theory : Web 2.0 and Its Implications for Libraries », Webology, vol. 3, n° 2,
juin 2006, http://webology.ir/2006/v3n2/a25.html ; P. Miller, « Web 2.0 : Building the New Library », Ariadne,
n° 45, octobre 2005, http://www.ariadne.ac.uk/issue45/miller/ ; D. R. Lankes, J. Silverstone, S. Nicholson,
Participatory Networks : The Library as Conversation, http://ptbed.org/readings.php ; R. Ridi, La biblioteca
come ipertesto. Verso l’integrazione dei servizi e dei documenti, Milan, Bibliografica, 2007 ; D. Weinberger,
Everything is Miscellaneous : The Power of the New Digital Disorder, New York, Times Books, 2007.
10. Voir A. Keen, The Cult of the Amateur.
11. Voir à ce propos les actes du colloque Emerging trends in technology : libraries between Web 2.0, se-
mantic Web and search technology (IFLA Satellite Meeting, Florence, 19-20 août 2009), http://www.ifla-
2009satelliteflorence.it/meeting3/program/program.html ; voir en particulier N. Benvenuti, M. C. Pettenati,
« Personal Information Environments pose challenges for Digital Libraries in a 2.0 Web », http://www.
ifla2009satelliteflorence.it/meeting3/program/assets/BenvenutiPettenati.pdf.
Ces deux niveaux de problèmes génèrent beaucoup d’autres questions, bien sûr, et
nous entraînent vers un ensemble d’exemples et de références sur lesquels il faudra réfléchir
attentivement et pour lesquels je me limite donc à des considérations très générales.
Le problème des sources du travail de l’historien a été central dès les débuts du Web ; le
problème de la stabilité du document, de la nécessité pour l’historien d’avoir la possibilité
de le placer dans un temps et un contexte, de le référer à un auteur ou à un responsable
(individuel ou collectif), d’établir sur cette base une chaîne d’explications ainsi qu’un récit,
est un des fondements du savoir historique dès l’ère du renouvellement de la méthode et de
la pratique de l’histoire, au début de l’époque moderne. La nature plastique du document
virtuel, peut-on dire, face à la plus grande stabilité du document papier, par exemple, a
posé des problèmes et a demandé des réponses que, à l’âge du Web 1.0, on a cherchées
dans plusieurs directions opérationnelles, surtout pour ce qui concerne les standards des
processus de numérisation et de la permanence, de l’accessibilité, du repérage du patrimoine
numérisé ; c’est un enjeu essentiel qui concerne le patrimoine culturel numérique, évidemment
très important pour le travail des historiens, pour lequel il faut cependant reconnaître que
des solutions universelles et partagées ne sont pas encore atteintes. On pourrait dire donc
que, de ce point de vue, le Web 2.0 a simplement hérité du grand problème du Web en
général, et que l’accroissement actuel de la difficulté vient surtout de l’accroissement des
sources disponibles, de leur hétérogénéité du point de vue des critères de numérisation
ou de balisage, mais aussi et surtout du point de vue du contrôle du respect de la source
par rapport à la reproduction, à la fragmentation, à la multiplication des sources qui sont
disponibles dans le Web contemporain.
Mais le problème est considérablement compliqué par une caractéristique supplémentaire
du Web 2.0. Un des aspects essentiels du Web 2.0, comme nous l’avons remarqué, est son
caractère éminent de plate-forme interactive et la possibilité que le lecteur/utilisateur soit
en même temps écrivain/auteur. Ce phénomène peut affecter aussi la nature des sources
de l’historien parce qu’il peut produire des documents qui s’enrichissent de remarques, de
commentaires, de liaisons avec d’autres documents, ce qui change évidemment la notion
de source. De plus, un document peut se présenter à l’intérieur d’une structure de base de
données, où les divers éléments qui composent l’objet-document sont séparés, et où des
parties séparées du même document peuvent être placées et reproduites dans d’autres
contextes de l’Internet. Il y a quelques années, dans la réalité du Web 1.0, on avait proposé
le terme de « métasource » pour identifier la genèse d’une nouvelle typologie de sources
documentaires électroniques 12 ; si l’on pouvait avoir des doutes, à l’époque, sur l’utilisation
de ce terme – moi-même je doutais alors de son utilité réelle – le développement du Web
2.0 peut maintenant, à mon avis, rendre cette notion bien plus efficace.
Mais si nous nous trouvons face à la réalité de « métasources » pour l’historien, comment
pouvons-nous les organiser, les gérer, les récupérer et surtout les rendre stables ? C’est
un problème assez compliqué, qui demande des stratégies partagées de balisage, des
techniques d’identification et de datation de la part de ceux qui opèrent des adjonctions
ou des changements, des techniques et des règles partagées de contrôle et de dépôt. Bref,
12. J.-P. Genet, « Source, métasource, texte, histoire », in Storia e Multimedia (Proceedings of the VII Inter-
national Congress of Association of History & Computing, Bologne, 1992), F. Bocchi et P. Denley (éd.),
Bologne, Grafis, 1994, p. 3-17.
13. Sur ce sujet très important, voir surtout T. Berners-Lee et al., Spinning the Semantic Web : Bringing the
World Wide Web to Its Full Potential, Cambridge (MA), The MIT Press, 2005 ; G. Antoniou, F. van Harmelen,
A Semantic Web Primer, Cambridge (MA), The MIT Press, 2004 ; V. Devedzic, Semantic Web and Educa-
tion, New York, Springer, 2006. Voir aussi le répertoire de ressources Web 3.0 Resource Center, http://
www.deitel.com/ResourceCenters/Web20/Web30/tabid/1658/Default.aspx.
14. Ce sujet a été discuté au colloque L’informatica e i diversi periodi storici. Scritture, fonti e basi di dati :
confronti e specificità [L’informatique et les périodes historiques. Écritures, sources, bases de données :
confrontations des spécificités] (Florence, 26-28 avril 2007), http://www.menestrel.fr/spip.php?rubrique655.
15. Voir Citizendium. The Citizens’ Compendium. Beta, http://en.citizendium.org/wiki/Main_Page.
16. Voir R. Rosenzweig, « Can History Be Open Source ? Wikipedia and the Future of the Past », The Journal
of American History, vol. 93, n° 1, 2006, p. 117-146, http://chnm.gmu.edu/resources/essays/d/42 et, du
même auteur, « Should Historical Scholarship Be Free ? », Perspectives Online, avril 2005, http://www.
historians.org/Perspectives/issues/2005/0504/0504vic1.cfm.
17. Pour l’explication du principe de NPOV (Neutral Point of View), voir « Wikipedia : Neutral point of view »,
http://en.wikipedia.org/wiki/Wikipedia:Neutral_point_of_view.
18. Voir « Wikipedia : No original research », http://en.wikipedia.org/wiki/Wikipedia:No_original_research.