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*Titre : *Grand Larousse de la langue française en six volumes.

Tome
troisième, Es-Inc / [sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane,
Georges Niobey]

*Auteur : *Larousse

*Éditeur : *Librairie Larousse (Paris)

*Date d'édition : *1973

*Contributeur : *Guilbert, Louis (1912-1977). Directeur de publication

*Contributeur : *Lagane, René. Directeur de publication

*Contributeur : *Niobey, Georges. Directeur de publication

*Sujet : *Français (langue) -- Dictionnaires

*Type : *monographie imprimée

*Langue : * Français

*Format : *1 vol. (paginé 1729-2619) ; 27 cm

*Format : *application/pdf

*Droits : *domaine public

*Identifiant : * ark:/12148/bpt6k12005345 </ark:/12148/bpt6k12005345>

*Source : *Larousse, 2012-144942

*Relation : *Notice d'ensemble :


http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34294780h

*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb351244837

*Provenance : *bnf.fr

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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1989 ;


sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.

Cette édition numérique a été spécialement recomposée par


les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
BnF pour la bibliothèque numérique Gallica.
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1687

ès

ès [ɛs] prép. (contraction de en les [art.


défini] ; v. 980, Fragment de Valenciennes,
au sens 1 ; sens 2, 1647, Vaugelas). 1. Class.
(déjà vx au XVIIe s.). Dans les, parmi les :
Le bien qui se trouve ès choses temporelles
(Pascal). ‖ 2. En matière de, en, usité
seulement dans quelques locutions de la
langue universitaire : Licencié ès lettres,
docteur ès sciences. Doctorat ès sciences ;
ou de la langue juridique : Agir ès qualités,
avec sa qualité, ses titres ; et dans quelques
noms de villes : Riomès-Montagnes.

• REM. 1. Ès, étant une contraction de en


les, ne doit s’employer que devant un nom
au pluriel.

2. Cette préposition, déjà vieillie à


l’époque de Vaugelas (qui limitait son
emploi à maître ès arts et à la langue des
juristes), ne figure plus que dans quelques
expressions figées ; cependant, elle est
parfois reprise aujourd’hui, dans un par-
ti pris d’archaïsme plaisant : Ainsi parla
Tintin en remettant ès mains du général le
joli sac rebondi (Pergaud).

esbaudir (s’) v. pr. V. ÉBAUDIR.

esbigner (s’) [sɛsbiɲe] v. pr. (ital.


archaïque sbignare, courir, issu de svignare,
de s- [lat. ex-, préf. marquant le mouvement
de l’intérieur vers l’extérieur] et de vigna,
vigne [de même origine que le franç. vigne],
proprem. « s’enfuir de la vigne, comme un
maraudeur » ; 1809, G. Esnault [comme
v. tr., au sens de « voler, dérober », 1754,
G. Esnault]). Pop. S’enfuir sans se faire
remarquer, décamper (vieilli) : Je casse
une canne, autrement dit, je m’esbigne ou,
comme on dit à la cour, je file (Hugo). C’est à
crever d’ennui, aussi je m’esbigne (Flaubert).

esbroufant, e ou esbrouffant, e [ɛs-


brufɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de esbrouf[f]
er ; 1846, Balzac). Fam. Qui esbroufe :
Jenny Cadine, dont les succès étaient de plus
en plus esbrouffants (Balzac).

esbroufe ou esbrouffe [ɛsbruf]


n. f. (mot du provenç. moderne signif.
« ébrouement, éclaboussure, gestes sacca-
dés, embarras » [déverbal de s’esbroufa, v.
l’art. suiv.], ou déverbal de esbrouf[f]er ;
1815, G. Esnault, aux sens de « violence,
action violente soudaine », et 1827, au
sens actuel). Fam. Étalage de grands airs,
manières hardies, insolentes qui visent à
en imposer à autrui : Faire de l’esbroufe.
C’était un Parisien, mais qui ne haïssait
point l’esbroufe ni le fracas (Hermant). ‖ À
l’esbroufe, en trompant par de grands airs,
en essayant d’en imposer par son assu-
rance. ‖ Arg. Vol à l’esbroufe, vol qui se
pratique en bousculant la personne qu’on
dévalise.

• SYN. : bluff (fam.), chiqué (fam.), embar-


ras, épate (fam.), flafla (fam.), manières.

— CONTR. : naturel, simplicité, spontanéité.


• REM. On rencontre parfois ESBROUF(F)E
au masculin : Dans mon enfance, je me
rappelle quels esbrouffes ils faisaient en-
core avec leur foire de Beaucaire (Daudet).

esbroufer ou esbrouffer [ɛsbrufe] v. tr.


(provenç. moderne [s’]esbroufa, s’ébrouer
[pour un cheval], éclater en paroles, de
es- [lat. ex-, préf. à valeur intensive] et de
broufa, s’ébrouer, souffler [pour des ani-
maux effrayés], jaillir avec force, verbe
formé sur la racine onomatopéique brf ;
1835, Raspail). Fam. En imposer à autrui
par son assurance, ses grands airs, des
manières hardies et tapageuses : Je vous
ai plus ou moins esbrouffés tout à l’heure
(Romains).

esbroufeur, euse ou esbrouffeur, euse


[ɛsbrufoer, -øz] n. et adj. (de esbrouf[f]er ;
1837, Vidocq). Fam. Personne qui fait de
l’esbroufe, qui cherche à en imposer par son
attitude affectée, arrogante : Swann, avec
son ostentation, avec sa manière de crier
sur les toits ses moindres relations, était un
vulgaire esbrouffeur (Proust).

• SYN. : bluffeur (fam.), fanfaron, hâbleur,


m’as-tu-vu (fam.).

& adj. (av. 1902, Zola). Se dit de l’attitude


d’une personne qui fait de l’esbroufe : L’air
esbrouffeur d’un citoyen qui est d’attaque
(Zola).

escabeau [ɛskabo] n. m. (lat. scabellum,


escabeau, dimin. de scamnum, escabeau,
marchepied, banc [issu d’un plus anc. *scab-
num] ; 1419, N. de Baye, écrit scabel [esca-
beau, 1471, Havard], au sens 1 ; sens 2, fin
du XIXe s. [« marchepied », 1564, Indice de
la Bible ; « marchepied dont on se sert pour
atteindre quelque chose », 1690, Furetière]).
1. Vx. Siège de bois, sans bras ni dossier,
plus bas que le banc ou la chaise, et pourvu
de trois ou quatre pieds : Donc, assis sur cet
escabeau, tu tourneras la broche (France).
‖ 2. Sorte d’échelle pliante, à marches
assez larges.

escabelle [ɛskabɛl] n. f. (var. fém. du pré-


céd. ; 1328, Varin, écrit scabelle ; escabelle,
1507, Havard [déranger les escabelles, 1687,
Mme de Sévigné]). Class. et littér. Chaise
en bois, assez rudimentaire, avec ou sans
dossier, et généralement à trois pieds : Un
tapis tout usé couvrit deux escabelles (La
Fontaine). On ne va pas dire en sortant que
leur feu charbonne et que leur escabelle
boite (Pérochon). Perché au sommet d’une
escabelle, Sénac badigeonnait les croisées
en fumaillant des cigarettes (Duhamel).
‖ Class. et fig. Déranger les escabelles,
bouleverser les projets établis, causer du
désordre : [Le maréchal de Créquy] était
en colère contre cette mort [...] qui, sans
considérer ses projets et ses affaires, venait
ainsi déranger ses escabelles (Sévigné).

escabelon [ɛskablɔ̃ ou ɛskabəlɔ̃] n. m.


(adaptation, d’après escabeau, de l’ital. sga-
bellone, grand escabeau, lui-même dér. du
lat. scabellum [v. ESCABEAU] ; 1665, Havard,
écrit escabellon ; escabelon, 1690, Furetière
[var. scabellon, 1668, Havard]). Petit pié-
destal, en bronze, marbre, pierre ou bois,
servant de support à un buste, et dont le
XVIIe s. fit grand usage.

escadre [ɛskadr] n. f. (ital. squadra et esp.


escuadra, équerre [de même origine que le
franç. équerre, v. ce mot], d’où « bataillon,
escouade », à cause de la formation en carré
des troupes en question ; milieu du XVe s.,
J. de Bueil, au sens de « subdivision d’un
corps de troupes » ; sens 1, 1690, Furetière ;
sens 2, 1864, Littré ; sens 3, début du XXe s.).
1. Dans la marine de l’Ancien Régime, for-
mation navale correspondant à une frac-
tion déterminée d’une flotte, ou armée
navale. ‖ Chef d’escadre, grade de la marine
royale immédiatement supérieur à celui de
capitaine de vaisseau : Un de mes oncles
maternels, le comte Ravenel de Boisteilleul,
chef d’escadre (Chateaubriand). ‖ 2. Auj.
Groupe organique de bâtiments de guerre,
sous la conduite d’un vice-amiral ou d’un
amiral. ‖ 3. Dans l’armée de l’air, unité
de combat comprenant deux ou trois
escadrons.

escadrille [ɛskadrij] n. f. (esp. escua-


drilla, dimin. de escuadra [v. ESCADRE] ;
v. 1570, Carloix, écrit scouadrille, au sens
de « petite troupe de soldats » ; écrit esca-
drille, au sens 1, 1803, Boiste ; sens 2, 1922,
Larousse). 1. Dans la marine, groupe orga-
nique de petits bâtiments, moins important
qu’une flottille : Escadrille de torpilleurs,
de sous-marins. ‖ 2. Dans l’armée de l’air,
unité élémentaire de combat, composée
de plusieurs patrouilles (chasse) ou de
plusieurs sections (bombardement) : Une
escadrille de Nieuport de grande reconnais-
sance (Romains).

escadron [ɛskadrɔ̃] n. m. (ital. squa-


drone, dér. augmentatif de squadra [v.
ESCADRE] ; fin du XVe s., Molinet, écrit
esquadron, escuadron [escadron, av. 1526,
J. Marot], au sens 1 ; sens 2, 1636, Monet ;
sens 3, début du XXe s. ; sens 4, av. 1559,
J. Du Bellay). 1. Vx. Troupe de cavaliers
armés : Le camp s’éveille. En bas roule et
gronde le fleuve | Où l’escadron léger des
Numides s’abreuve (Heredia). ‖ 2. Unité
administrative d’un régiment de cavalerie
ou de l’arme blindée. ‖ Groupe d’escadrons,
réunion, sous les ordres d’un même officier
supérieur, de deux ou de plusieurs esca-
drons. ‖ Chef d’escadron, officier supérieur
commandant un groupe d’artillerie ou un
groupement d’unités du train ou de la gen-
darmerie (grade équivalant à celui de chef
de bataillon dans l’infanterie ou le génie).
‖ Chef d’escadrons, officier supérieur com-
mandant un groupe d’escadrons de la cava-
lerie ou de l’arme blindée (grade équivalant
à celui de chef de bataillon dans l’infanterie
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1688

ou le génie). ‖ 3. Dans l’aviation militaire,


unité comportant plusieurs escadrilles.
‖ 4. Fig. Troupe, bande de personnes
ou d’animaux : D’un bout des dortoirs à
l’autre, des escadrons de gros rats font des
charges de cavalerie en plein jour (Daudet).
‖ Escadron volant, nom donné aux filles
d’honneur de Catherine de Médicis, qui,
selon certains, jouèrent un rôle d’informa-
tion et de séduction politique.

escadronner [ɛskadrɔne] v. intr. (de esca-


dron ; 1689, Mme de Sévigné). Class. Faire les
manoeuvres et évolutions propres à la cava-
lerie : Dans huit jours, il [Ch. de Sévigné]
s’en ira s’y établir [à Rennes] avec toute cette
noblesse, pour leur apprendre à escadronner
et à prendre un air de guerre (Sévigné).

escafignon [ɛskafiɲɔ̃] n. m. (dimin. de


l’anc. franç. sca[u]fe, proprem. « chaloupe »
[fin du XIIIe s., Végèce], escaffe [début du
XVe s.], lat. scapha, esquif, canot, barque
[gr. skaphê, tout corps creux, et spécialem.
« canot »], et, à l’époque médiévale, « chaus-
sure légère » ; fin du XIVe s., E. Deschamps,
écrit escafilon ; escafignon, 1459, Godefroy).
Chausson léger, de toile ou de cuir fin, en
usage aux XVe et XVIe s., et qui se portait
dans des bottes ou dans des chaussures :
Ça sent le gousset, l’escafignon, le faguenas
(Gautier).

escagasser [ɛskagase] v. tr. (provenç.


et languedocien escagassa, affaisser, écra-
ser [plus ancienn. « s’accroupir — comme
pour aller à la selle »], de es- [lat. ex-, préf.
à valeur intensive] et de caga, aller à la
selle, anc. provenç. cagar, même sens, lat.
cacare [v. CHIER] ; début du XXe s., aux sens
1-2). 1. Fam. et dialect. Assommer (dans
la région provençale). ‖ 2. Fig. et fam.
Importuner vivement, ennuyer.

• SYN. : 2 assommer, barber (fam.), embêter


(fam.), empoisonner (très fam.), enquiquiner
(pop.), fatiguer, tanner (très fam.).

escalade [ɛskalad] n. f. (probablem.


empr., pendant la guerre de Cent Ans,
d’un anc. provenç. *escalada [escalado au
XVIIe s.], dér. du v. escalar, escalader [XIIIe s.],
de escala, échelle [de même origine que le
franç. échelle, v. ce mot] ; début du XVe s., au
sens 1 ; sens 2, 1707, Lesage [précisé en 1810,
Code pénal] ; sens 3, 1870, Larousse ; sens 4,
v. 1960). 1. Vx. Action de monter à l’assaut
d’une place forte, d’une muraille, à l’aide
d’échelles : Ils tinrent tête à l’escalade avec
ces massues (Hugo). ‖ 2. En droit, action
de pénétrer dans une maison, dans un lieu
enclos, en passant par les fenêtres, le toit ou
par-dessus une grille, un mur de clôture,
etc. ‖ 3. Action de franchir un obstacle, de
s’élever jusqu’à un point élevé en faisant
des efforts. ‖ Spécialem. En alpinisme,
ascension au cours de laquelle le grimpeur
progresse en utilisant ses quatre membres
et grâce aux points d’appui qu’il peut trou-
ver ou se ménager sur les parois rocheuses.
‖ Par extens. Action de gravir une pente

raide de glace ou de neige. ‖ Escalade libre,


celle où le grimpeur progresse en utilisant
seulement les prises et appuis naturels
qu’offre le rocher. ‖ Escalade artificielle,
celle où le grimpeur s’aide également de
prises et d’appuis formés en enfonçant
des pitons dans les fissures du rocher.
(Syn. VARAPPE.) ‖ 4. Fig. En termes de
stratégie, processus qui, dans un conflit,
conduit inéluctablement les belligérants
à employer des moyens offensifs de plus
en plus destructeurs : L’escalade est à la
fois un danger auquel on veut parer, et une
menace à laquelle on ne peut ni ne veut
renoncer (Aron). ‖ Par extens. Progression
en violence dans tout conflit non militaire :
L’escalade dans l’injure a marqué cette cam-
pagne électorale.

escalader [ɛskalade] v. tr. (de escalade ;


1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2, 1617,
Crespin ; sens 3, milieu du XVIIe s. ; sens
4, 1870, Larousse). 1. Prendre d’assaut par
escalade : La barricade escaladée eut une
crinière d’éclairs (Hugo). ‖ 2. Passer par-
dessus un mur, une clôture : Escalader
une grille. ‖ 3. Gravir une hauteur par ses
propres moyens, avec effort : Nous avons
traversé un champ en friche, escaladé le
haut bord d’un fossé (Flaubert). Il escalada
le talus et prit par les champs (Dorgelès).
‖ Spécialem. Faire l’ascension d’une mon-
tagne par les méthodes de l’alpinisme :
Escalader un pic. ‖ 4. En parlant d’une
voie d’accès, partir de la base d’une hau-
teur et mener jusqu’au sommet : Au pied
du grand escalier de pierre qui escalade la
colline Montmartre (Aymé).

• SYN. : 3 ascensionner, se hisser.

escaladeur [ɛskaladoer] n. m. (de


escalader ; 1844, Töpffer). Personne qui
escalade une montagne : Les fins escala-
deurs des cimes qui les accompagnaient
(Frison-Roche).

• SYN. : grimpeur.

Escalator [ɛskalatɔr] n. m. (mot anglo-


améric. [début du XXe s.], de [to] escal[ade],
escalader, et de [elev]ator, celui qui élève,
ascenseur ; milieu du XXe s.). Nom déposé
d’un escalier mécanique.

escale [ɛskal] n. f. (de l’ital. [far] scala,


[faire] escale [scala, de même origine que
le franç. échelle — v. ce mot —, désignant
proprem. le « lieu où on pose une échelle
pour débarquer »] ; 1507, Jal, au sens
2, écrit [faire] scale [faire escale, 1660,
Oudin ; un premier ex. au XIIIe s.] ; sens
1, 1690, Furetière [pour un avion, 1948,
Larousse]). 1. Lieu de son parcours où
un navire relâche, où un avion s’arrête.
‖ Les Escales du Levant, nom donné
autrefois à certaines villes maritimes de
la Méditerranée. ‖ 2. Action de s’arrê-
ter en un lieu pour se ravitailler, pour
débarquer ou embarquer du fret ou des
passagers : Faire escale. ‖ Temps que dure

cet arrêt : Une escale d’une demi-heure est


prévue à Orly.

• SYN. :1 port ; 2 halte, relâche.

escalier [ɛskalje] n. m. (lat. scalaria,


escalier, degrés, plur. neutre substantivé
de l’adj. scalaris, de degrés, d’escalier,
dér. de scala, échelle, degrés d’escalier [v.
ÉCHELLE] ; 1549, R. Estienne, au sing., et
1690, Furetière, au plur.). Suite de degrés
superposés, de marches échelonnées, qui
sert à monter ou à descendre : Au pied
de l’escalier | Qui conduisait de l’aire au
rustique grenier (Lamartine). L’escalier de
pierre était obscur, affaissé par endroits,
odorant et vétuste (Martin du Gard). ‖ Le
plur. les escaliers s’emploie couramment
pour désigner l’escalier : Il [...] regardait
comme un homme grossier celui qui passait
sans rien dire auprès de lui dans les esca-
liers (Balzac). Et montant, sabre au poing,
les royaux escaliers (Baudelaire) ; et fam. :
Monter, descendre les escaliers quatre à
quatre. ‖ Escalier de service, dans certains
immeubles, escalier qui sert aux employés
de maison, aux livreurs. ‖ Escalier dérobé,
escalier placé dans un endroit caché d’une
maison. ‖ Escalier d’honneur, grand esca-
lier, escalier de proportions monumen-
tales, qui donne accès à l’entrée principale.
‖ Escalier roulant ou mécanique, dispo-
sitif comportant des marches montées
sur des chaînes sans fin, et permettant
de transporter des personnes d’un étage
à un autre sans que celles-ci aient à gra-
vir les degrés. ‖ Escalier suspendu, esca-
lier dont les marches, fixées dans le mur
à l’une de leurs extrémités, sont libres à
l’autre. ‖ Escalier hélicoïdal, en vis ou en
colimaçon, escalier dont les marches sont
disposées en hélice autour d’un axe. ‖ Par
anal. et fam. Faire des escaliers dans les che-
veux de quelqu’un, lui couper les cheveux
de manière irrégulière. ‖ Fig. et fam. Avoir
l’esprit de l’escalier, se dit de quelqu’un qui
ne trouve ses reparties que trop tard, quand
l’occasion est passée.
escaliéteur [eskaljetoer] n. m. (de
escalier ; 1955, Dictionnaire des métiers).
Menuisier spécialisé dans la fabrication
des escaliers.

escalin [ɛskalɛ̃] n. m. (moyen néerl. schel-


linc, monnaie d’argent ; XIIIe s., Chronique
de Rains, écrit eskallin ; escalin, XVIe s.).
Ancienne monnaie d’argent des Pays-Bas et
de divers États de l’Europe du Nord, dont la
valeur a varié selon les lieux et les époques :
Il possédait en outre deux maisons, payait
une rente de neuf escalins à la table des
pauvres de Notre-Dame (Huysmans).

escalope [ɛskalɔp] n. f. (emploi spécialisé


[et mal expliqué] de l’anc. franç. eschalope,
coquille de noix [v. 1220, G. de Coincy],
escalope, coquille de limace [milieu du
XIIIe s., Rutebeuf], dér. de l’anc. franç.
escale, écaille, coquille [franç. moderne
écale, v. ce mot], avec le suff. de enveloppe ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1689

1691, le Cuisinier royal et bourgeois, au sens


de « façon d’apprêter le veau » ; sens actuel,
début du XIXe s.). Tranche mince de viande
blanche ou de poisson, principalement de
veau.

escalopé, e [ɛskalɔpe] adj. (de escalope


[v. ce mot], au sens dialectal [de haute
Bretagne] de « petit bonnet rond avec de
grandes pattes que les femmes replient en
deux et fixent par une grosse épingle à boule
dorée sur le milieu de la tête » [1877, Littré] ;
1857, Flaubert). Replié en deux et fixé avec
une épingle : Il regardait la lumière du soleil
passer parmi le duvet de ses joues blondes
que couvraient à demi les pattes escalopées
de son bonnet (Flaubert).

escaloper [ɛskalɔpe] v. tr. (de escalope ;


milieu du XXe s.). Détailler en tranches plus
ou moins minces une viande, un poisson,
un légume.

escalpe [ɛskalp] n. f. (var. de scalp [v. ce


mot] ; 1827, Chateaubriand). Action de scal-
per : Le couteau d’escalpe est à ta ceinture
(Chateaubriand).

escamotable [ɛskamɔtabl] adj. (de


escamoter ; 1948, Larousse). Qui peut être
escamoté. ‖ Spécialem. Se dit du train d’at-
terrissage d’un avion que l’on peut replier.
‖ Meuble escamotable, lit ou table que l’on
peut rabattre contre un mur ou dans un
placard.

escamotage [ɛskamɔtaʒ] n. m. (de esca-


moter ; 1757, Encyclopédie [art. gobelets], au
sens 1 ; sens 2, v. 1789, G. de Mirabeau ; sens
3, 1870, Larousse ; sens 4, XXe s.). 1. Action,
art d’escamoter, de faire disparaître habile-
ment un objet : L’escamotage d’une carte à
jouer, d’un mouchoir. ‖ 2. Action de déro-
ber rapidement et adroitement quelque
chose : Il a toujours un penchant pour
l’escamotage (Vallès). ‖ 3. Fig. Action d’élu-
der une difficulté, d’écarter habilement
l’examen d’une question : L’escamotage
des objections (Valéry). ‖ 4. Repli du train
d’atterrissage d’un avion dans la voilure
ou dans les fuseaux moteurs, après l’envol.

escamoter [ɛskamɔte] v. tr. (proba-


blem. d’un anc. v. occitan *escamotar, de
*escamar, effilocher [provenç. moderne
escama], dér. de l’anc. provenç. escama,
écaille [XIIIe s., Pansier], lat. pop. *scama
[influencé phonétiquement par le germ.
occidental *skalja, v. ÉCAILLE], lat. class.
squama, écaille ; 1558, Boaistuau, au sens
de « remplacer [une chose] par une autre » ;
sens 1, 1640, Oudin ; sens 2, 1658, Scarron ;
sens 3, av. 1850, Balzac ; sens 4, 1870,
Larousse ; sens 5, XXe s.). 1. Faire disparaître
un objet par un tour de main qui échappe à
la vue des spectateurs : Escamoter un mou-
choir, une pièce de monnaie. ‖ 2. Dérober,
faire disparaître avec adresse et rapidité :
Escamoter un portefeuille, des papiers com-
promettants. ‖ 3. Fig. Éviter habilement de
faire une chose difficile ou ennuyeuse, de

traiter un sujet délicat ou épineux, etc. : Il


se croit habile en escamotant les difficultés
au lieu de les vaincre (Balzac). « L’Action
française » a naturellement escamoté, dans
son récit de la dernière séance à la Chambre,
l’intervention de M. Albani (Gide). Dans
son intervention, il a escamoté les vrais pro-
blèmes. ‖ 4. Fig. Escamoter un mot, une fin
de phrase, les prononcer bas ou vite, pour
qu’on ne les entende pas. ‖ Escamoter une
note, la sauter, ne pas la jouer, dans l’exé-
cution d’un morceau. ‖ 5. Replier, après
l’envol, le train d’atterrissage d’un avion.
• SYN. : 3 couper à (fam.), écarter, éluder,
esquiver, se soustraire à, tourner.

escamoteur, euse [ɛskamɔtoer, -øz] n.


(de escamoter ; 1609, Dict. général, dans
la loc. escamoteur de consciences, au sens
mal défini ; sens 1, av. 1854, Nerval ; sens
2, 1690, Furetière ; sens 3, XXe s.). 1. Vx.
Personne qui fait des tours d’escamotage :
L’escamoteur lui emprunte toujours son
mouchoir (Nerval). Honteux, il les plonge
[ses pieds] dans l’eau avec l’habileté d’un
escamoteur (Renard). ‖ 2. Vx. Voleur qui
subtilise adroitement les objets. ‖ 3. Fig.
Celui qui a l’art d’escamoter, d’éluder les
difficultés : Escamoteur de vrais problèmes.
& adj. : La mort escamoteuse, la mort escroc
(Romains).

escampativos [ɛskɑ̃pativɔs] n. m. pl.


(gascon escampativo, départ précipité,
de escampa, échapper, correspondant
du franç. escamper [v. l’art. suiv.] ; 1622,
Sorel, au sing., et 1668, Molière, au plur.).
Class. Faire des escampativos, s’échapper,
s’absenter furtivement : Je vous y prends
donc, Madame ma femme, et vous faites des
escampativos pendant que je dors (Molière).
• REM. Le mot a été employé par des au-
teurs du XIXe s. sous la forme francisée au
fém. sing. ESCAMPATIVE (av. 1841, Cha-
teaubriand) : Amoureux, friand de duels
et d’escampatives (Daudet).

escamper [ɛskɑ̃pe] v. intr., et s’escamper


[sɛskɑ̃pe] v. pr. (ital. scampare, échapper,
proprem. « prendre du champ » ou « lever le
camp », de s- [lat. ex-, préf. à valeur négative
ou marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur] et de campo, champ, camp,
lat. campus [v. CAMP] ; v. 1360, Froissart,
puis 1546, Rabelais). Vx ou dialect. Prendre
la fuite, s’échapper : J’escampai sans lui dire
adieu (Sorel). Lui, fuyant cette démence,
s’escampait tout le jour (Daudet).

escampette [ɛskɑ̃pɛt] n. f. (dimin. de


escampe, fuite [XVIe s., La Curne, puis
1669, Widerhold], déverbal de escamper ;
1688, Miege [art. poudre]). Fam. Prendre la
poudre d’escampette, se sauver rapidement.

escapade [ɛskapad] n. f. (ital. scappata


ou esp. escapada, escapade, de même for-
mation que le franç. échappée [v. ce mot] ;
fin du XVIe s., A. d’Aubigné). Action de
s’échapper d’un lieu, de se soustraire à ses

obligations, pour se donner un moment de


liberté, rechercher un divertissement, un
plaisir : Je déclarai, après mon escapade
de Brest, ma volonté d’embrasser l’état
ecclésiastique (Chateaubriand). L’idée de
ce repas de garçon avec son mari [...] l’amu-
sait comme une escapade (Daudet).
• SYN. : échappée, équipée, fugue.

escape [ɛskap] n. f. (lat. scapus, tige [de


plante], fût [de colonne], montant ; 1567,
Delorme, au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave).
1. Partie inférieure du fût d’une colonne.
‖ 2. Fût d’une colonne.

escarbillat, e [ɛskarbija, -at] adj.


(gascon escarbilhat, d’origine obscure [dans
certains parlers normands, on trouve escar-
billard, « pétulant », probablem. de même
origine, mais que le FEW, t. XVII, dérive
de escarbille — ce qui est impossible pour
escarbillat étant donné sa date d’appari-
tion] ; v. 1534, Bonaventure Des Périers,
écrit escarbilhat ; escarbillat, 1648,
Scarron). Class. (déjà vx au XVIIe s.) et fam.
Vif, éveillé : Il suffira d’être léger | Pour pou-
voir entrer en la lice | Rien par faveur, tout
par justice : | Pour les plus escarbillats, j’ai
| Ce que les rats n’ont pas mangé (Scarron).

escarbille [ɛskarbij] n. f. (mot picardo-


wallon [attesté, sous la forme escabille, dès
1667, Barbier], déverbal de èscrabyî, gratter,
néerl. schrabbelen, gratter, racler, dér. de
schrabben, mêmes sens ; fin du XVIIIe s.).
Petit fragment de charbon incomplètement
brûlé, qui se trouve mêlé aux cendres ou
qui s’échappe d’un foyer (principalement
d’une locomotive) : Remonté dans mes hau-
teurs, j’allais, un livre aux doigts, m’accrou-
pir sur le balcon où le train faisait pleuvoir
des escarbilles de velours noir (Duhamel).

escarbiller [ɛskarbije] v. tr. (de escar-


bille ; 1908, Larousse). Débarrasser des
escarbilles.

escarbilleur [ɛskarbijoer] n. m. (de


escarbiller ; 1922, Larousse). Appareil ser-
vant à séparer les escarbilles des cendres.
‖ Personne qui est chargée de ce travail.

escarbot [ɛskarbo] n. m. (réfection,


par croisement avec escargot [v. ce mot],
de l’anc. franç. escharbot, escarbot [fin
du XIe s., Gloses de Raschi], issu, après un
changement de la terminaison, du lat. sca-
rabaeus, scarabée ; v. 1460, Villon [escarbot
doré, 1690, Furetière ; escarbot de la farine,
1870, Larousse]). Nom usuel de divers
coléoptères de la famille des histéridés.
‖ Escarbot doré, cétoine dorée. ‖ Escarbot
de la farine, ténébrion.

• REM. La Fontaine a employé plaisam-


ment le mot comme adjectif, au féminin
(1668) : La race escarbote.
escarboucle [ɛskarbukl] n. f. (altér., par
croisement avec boucle, de l’anc. franç.
escarbuncle, escarboucle [1080, Chanson
de Roland], de es- [lat. ex-, préf. à valeur
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1690

intensive] et de l’anc. n. carbuncle, même


sens [1080, Chanson de Roland], lat. car-
bunculus, petit charbon, escarboucle,
dimin. de carbo, charbon ; XIIe s., Godefroy,
au sens 1 ; sens 2, 1770, d’Alembert ; sens
3, 1636, Monet). 1. Nom donné autrefois à
une pierre précieuse brillant d’un vif éclat
rouge, et qui désignait, au Moyen Âge, le
rubis et le grenat : Les conquérants avaient
trouvé des barres d’or et des escarboucles
(France). ‖ 2. Fig. Objet brillant comme
une escarboucle : Houris au coeur de verre,
aux regards d’escarboucles (Hugo). ‖ 3. En
héraldique, pièce embrassant le champ de
l’écu et formée de huit rais fleurdelisés.

escarcelle [ɛskarsɛl] n. f. (ital. scar-


sella, bourse, proprem. « petite avare »
[parce que l’escarcelle peut contenir les
économies de celui qui la porte], dimin.
fém. de scarso, avare, lat. pop. *excarpsus
[v. ÉCHARS] ; XIIIe s., au sens 1 [rare av. le
XVIe s.] ; sens 2, 1868, A. Daudet). 1. Au
Moyen Âge, grande bourse que l’on portait
suspendue à la ceinture : Quand il passait
entre les pauvres inclinés, il puisait dans
son escarcelle (Flaubert). ‖ 2. Fig. et fam.
Argent, ressources dont on dispose : Il
songe à prendre quelque nourriture et se
met en quête d’un cabaret à portée de son
escarcelle (Daudet).

escargot [ɛskargo] n. m. (issu, par chan-


gement de suff., de l’anc. franç. escargol
[v. 1398, le Ménagier de Paris], provenç.
escaragol, altér., sous l’influence des repré-
sentants du lat. scarabaeus [v. ESCARBOT],
de caragòu, formé, par métathèse, de caca-
laou, croisement [survenu sur les côtes du
Languedoc] du gr. kakhlêx, caillou du
bord ou du fond de l’eau, et du lat. conchy-
lium, coquillage [v. COQUILLE] ; 1549,
R. Estienne, au sens 1 [escalier en escargot,
1845, Bescherelle] ; sens 2, av. 1850, Balzac).
1. Mollusque gastropode terrestre, appelé
aussi limaçon et colimaçon, à coquille cal-
caire en spirale, herbivore et nuisible aux
cultures, et dont certaines espèces sont
comestibles : Dans une terre grasse et pleine
d’escargots, | Je veux creuser moi-même une
fosse profonde (Baudelaire). ‖ Aller, mar-
cher comme un escargot, aller très lente-
ment. ‖ Escalier en escargot, escalier en
hélice. ‖ 2. Vx et fam. Sorte de cabriolet :
Une de ces charmantes petites voitures
basses, appelées « escargots », doublée de
soie gris de lin (Balzac).

escargotière [ɛskargɔtjɛr] n. f. (de


escargot ; 1811, Encycl. méthodique, au sens
1 ; sens 2, XXe s.). 1. Lieu où l’on élève des
escargots comestibles. ‖ 2. Plat en métal ou
en porcelaine où sont ménagées de petites
dépressions, dans lesquelles on dispose les
escargots pour les passer au four.

escarmouche [ɛskarmuʃ] n. f. (croise-


ment de l’anc. franç. escremie, lutte, combat
[XIIe s., Godefroy], part. passé fém. subs-
tantivé de escremir, s’exercer à l’escrime,

défendre, garantir [1080, Chanson de


Roland — francique *skirmjan, protéger],
et du radical de l’anc. v. mu-chier, cacher
[XIIe s., v. MUCHER ET MUSSER] — les éclai-
reurs et les patrouilles se tenant généra-
lement cachés ; av. 1370, J. Le Bel, écrit
escarmuche [escarmouche, fin du XIVe s.,
sous l’influence de mouche, espion], au sens
1 [attacher l’escarmouche, 1559, Amyot] ;
sens 2, fin du XVIe s., A. d’Aubigné). 1. Léger
engagement, localisé et imprévu, entre des
détachements ou des éléments avancés de
deux armées : Dans ce petit simulacre d’es-
carmouche, il y a je ne sais quoi de martial
(Fromentin). ‖ Class. Attacher une escar-
mouche, l’escarmouche, engager la bataille :
Il eût bien voulu [...] n’avoir point attaché
cette escarmouche (Retz). ‖ 2. Fig. Lutte
légère ou préliminaire entre personnes,
entre puissances : Les premières escar-
mouches d’un débat parlementaire.

• SYN. : 1 accrochage, échauffourée ; 2 duel,


joute.

escarmoucher [ɛskarmuʃe] v. intr. (de


escarmouche [v. ce mot] ; v. 1350, J. Le Bel,
écrit escarmucher [escarmoucher, v. 1360,
Froissart], au sens 1 ; sens 2, 1835, Acad. ;
sens 3, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné).
1. Class. Engager une escarmouche,
livrer un combat d’escarmouche : Elle
[Mademoiselle] disposa [...] tous les bour-
geois [...] à sortir et à escarmoucher (La
Rochefoucauld). ‖ 2. Vx. S’opposer dans
des batailles sans gravité : Nous escar-
mouchions sur la plage à coups de pierres
(Chateaubriand). ‖ 3. Fig. Échanger de vifs
propos, se montrer agressif dans la discus-
sion : Nous étions là quatre commis, et les
deux autres [...] m’écoutaient quand j’escar-
mouchais avec M. Mazoïer (Stendhal).

& s’escarmoucher v. pr. (XVe s., au sens de


« s’agiter, se débattre » ; sens actuel, 1578,
Ronsard). Class. Se livrer des combats
d’escarmouche : Aucun des partis ne se
pouvant attaquer [...], l’on se regarda et l’on
s’escarmoucha tout le jour (Retz).

escarmoucheur [ɛskarmuʃoer] n. m. (de


escarmoucher [v. ce mot] ; XVe s., Delboulle).
Vx. Celui qui est chargé de provoquer une
escarmouche : Noirmoutier [...] sortit avec
cinq cents chevaux [...] pour pousser des
escarmoucheurs (Retz).

escarole [ɛskarɔl] n. f. (ital. scariola, esca-


role, bas lat. escariola, endive, du lat. class.
escarius, qui est bon à manger, dér. de esca,
nourriture, de esum, supin de edere, man-
ger ; XIIIe s., écrit scariole ; scarole, escarole,
XIVe s., Antidotaire Nicolas). Forme vieillie
de SCAROLE, nom par lequel on désigne la
chicorée scarole.

escarotique ou escharotique [ɛska-


rɔtik] adj. et n. m. (bas lat. escharoticus,
qui produit une escarre, gr. eskharôtikos,
même sens, de eskharoûn, provoquer la
formation d’une croûte sur une plaie, dér.

de eskhara [v. ESCARRE 1] ; v. 1560, Paré).

Syn. de CAUSTIQUE.

1. escarpe [ɛskarp] n. f. (ital. scarpa, talus


d’un rempart, du gotique *skarpô, objet qui
se termine en pointe ; XVIe s., Godefroy, au
sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Talus
intérieur du fossé d’un ouvrage forti-
fié. ‖ 2. En architecture, talus d’un mur
jusqu’au cordon.

2. escarpe [ɛskarp] n. m. (déverbal de


escarper 2 ; 1800, G. Esnault, au sens de « vol
avec meurtre » ; sens actuel, 1837, Vidocq).
Vx ou littér. Bandit qui n’hésite pas à tuer
pour voler : Thénardier était signalé comme
escarpe et détenu sous prévention de guet-
apens nocturne (Hugo). Les pires escarpes
se vantent d’être réguliers (Dorgelès).

escarpé, e [ɛskarpe] adj. (part. passé


de escarper 1 ; 1582, Dict. général). Dont
la pente est raide, abrupte : Sur les rives
escarpées, on croyait voir les Normands
courant et grimpant (Alain). Oiseau bleu,
frémissant et battant de l’aile, tu restes sur
cette extrême roche escarpée (Gide). ‖ Qui
est d’un accès difficile : Chemin escarpé.
• SYN. : abrupt, à pic.

escarpement [ɛskarpəmɑ̃] n. m. (de


escarper 1 ; 1701, Furetière, au sens 1 ; sens
2, av. 1778, J.-J. rousseau). 1. Pente raide
d’un terre-plein ou de la muraille d’un rem-
part : Les soldats trébuchant dans les morts
et les blessés et empêtrés dans l’escarpement
(Hugo). ‖ Spécialem. Dans un ouvrage
fortifié, perpendiculaire qui mesure la
hauteur de la crête du glacis au-dessus du
plan qui forme le fond du fossé. ‖ 2. État
de ce qui est escarpé ; pente raide, versant
abrupt d’un terrain, d’une montagne :
L’escarpement des montagnes, étant très
rapide, montre en divers endroits le grès
des rochers (Rousseau). La route se creusait
entre deux escarpements (Gautier). Cette
allée [...] sur laquelle l’escarpement presque
à pic d’une montagne toute proche déverse
l’ombre foncée de sa verdure plantureuse
(Flaubert). ‖ Escarpement de faille, talus
raide, au tracé souvent rectiligne, créé par
une faille.

1. escarper [ɛskarpe] v. tr. (de escarpe


1 ; v. 1536, M. Du Bellay). Couper droit,
de haut en bas, une roche, un terrain, une
montagne, etc. : Ici, le ravin qui escarpe le
plateau du centre est déjà à sa naissance
(Ségur).

& s’escarper v. pr. (fin du XVIIe s.,


Saint-Simon). Devenir escarpé, abrupt :
Le chemin s’escarpe, les arbres deviennent
rares (Chateaubriand).

2. escarper [ɛskarpe] v. tr. (empr. du


provenç. escarper, tailler en pièces [XVIe s.],
correspondant du franç. écharper, blesser
grièvement [v. ce mot] ; 1800, G. Esnault).
Arg. et vx. Assassiner pour voler : Il n’y a
plus qu’une chose à faire, l’escarper (Hugo).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1691

escarpin [ɛskarpɛ̃] n. m. (ital. scarpino,


dimin. de scarpa, chaussure, même mot que
scarpa, talus d’un rempart [v. ESCARPE 1], la
base du rempart — qui fait saillie — ayant
été comparée à une espèce de soulier chaus-
sant ce rempart [l’ital. scarpa a donné au
franç. le mot escarpe, « soulier léger », usité
du milieu du XVIe au début du XVIIe s.] ;
1512, J. Lemaire de Belges, écrit escalpin
[escarpin, 1564, J. Thierry], au sens 1 ; sens
2, écrit escarpin, 1532, Rabelais ; sens 3, fin
du XVIe s., Littré). 1. Soulier léger et décou-
vert, à fine semelle de cuir, avec ou sans
talon : Non, je vais mettre mes escarpins
pour aller à la danse ! (Stendhal). ‖ Pop.
et vx. Jouer de l’escarpin, s’enfuir rapide-
ment, décamper. ‖ Fam. et vx. Escarpins de
Limoges, sabots. ‖ 2. Autref. Chausson de
cuir blanc que l’on mettait dans les mules.
‖ 3. Instrument de torture avec lequel on
comprimait les pieds du patient.

escarpolette [ɛskarpɔlɛt] n. f. (dimin.


provenç. de escarpe 1 ; fin du XVIe s., A.
d’Aubigné, écrit escarpoulette, au sens de
« escarpe de rempart » ; sens actuel [parce
que l’objet décrit en se balançant une ligne
inclinée rappelant celle de l’escarpe], 1605,
Le Loyer, écrit escarpaulette ; escarpolette,
av. 1613, M. Régnier). Siège ou planchette
suspendus à deux cordes, et où l’on s’assied
pour se balancer : Pousser l’escarpolette.
• SYN. : balançoire.

1. escarre [ɛskar] n. f. (bas lat. eschara,


escarre, gr. eskhara, foyer, brasier,
croûte qui se forme sur une plaie ; 1314,
Mondeville, écrit eschar[r]e ; escarre, fin
du XVe s.). Croûte noirâtre qui se forme sur
la peau, les plaies, etc., par la mortifica-
tion des tissus : Chaque jour, ses escarres
s’étendaient et se creusaient davantage :
les omoplates, le siège, les talons n’étaient
que plaies noirâtres qui collaient aux linges
malgré le talc et les pansements (Martin
du Gard).

2. escarre [ɛskar] n. m. (déverbal de l’anc.


franç. escarrer, rendre carré [v. ÉQUARRIR] ;
v. 1170, Livre des Rois, au sens de « forme
carrée » ; sens classique, XVIe s.). Class.
Fragment, éclat de métal ou de pierre : Tout
ainsi que l’escarre enfoncé par le fer d’une
pique qui me traverse n’est pas semblable
à ce que me fait souffrir en sursaut la balle
d’un pistolet (Cyrano).

3. escarre ou esquarre [ɛskar] n. f.


(doublet pop. de équerre ; 1690, Furetière).
En héraldique, pièce honorable constituée
par une équerre qui isole du champ un des
coins de l’écu.

escarrification [ɛskarifikasjɔ̃] n. f. (de


escarrifier ; 1836, Landais). Production,
formation d’une escarre.
escarrifier [ɛskarifje] v. tr. (de escarri-,
élément tiré de escarre 1, et de -fier, du lat.
facere, faire ; 1842, Acad.). Produire, former
une escarre sur.

eschare n. f. V. ESCARRE 1.

escharotique adj. et n. m. V.

ESCAROTIQUE.

eschatologie [ɛskatɔlɔʒi] n. f. (dér.


savant du gr. eskhatos, extrême, dernier,
et de -logie, du gr. logos, science, discours ;
1864, Littré). Partie de la théologie qui
traite des fins dernières de l’homme, de
ce qui doit suivre sa vie terrestre (résur-
rection, jugement dernier, etc.) [eschato-
logie individuelle] et de la fin du monde
(eschatologie collective).

eschatologique [ɛskatɔlɔʒik] adj. (de


eschatologie ; 1864, Littré). Qui est relatif
à l’eschatologie : Un traité eschatologique.

esche [ɛʃ] n. f. (lat. esca, amorce, appât,


proprem. « nourriture » [v. ESCAROLE] ;
fin du XIIe s., Geste des Loherains, écrit
esche ; èche, aiche, XVIIe s.). Tout appât, de
quelque nature qu’il soit, que le pêcheur
fixe à l’hameçon pour prendre du poisson
à l’aide d’une ligne.

• REM. On écrit aussi ÈCHE et AICHE.

escher [ɛʃe] v. tr. (de esche ; v. 1175, Chr.


de Troyes, écrit aeschier ; 1317, Ordonnance
royale, écrit esch[i]er ; 1688, Miege, écrit
écher). Garnir un hameçon d’une esche.

escient [ɛsjɑ̃] n. m. (tiré de la loc. de l’anc.


franç. m[i]en escient, à mon avis, autant
que je puis voir ou savoir [1080, Chanson
de Roland], lat. médiév. meo sciente, lat.
class. me sciente, à mon su, de me, ablatif
de ego, moi, et de sciente, ablatif de sciens,
-entis, part. prés. de scire, savoir ; fin du
XIIe s., Roman d’Alexandre [à son escient, v.
1175, Chr. de Troyes ; à bon escient, milieu
du XIIe s., au sens class., et 1690, Furetière,
au sens actuel]). Vx. Connaissance qu’on a
de quelque chose (seulement dans les loc.
ci-après). ‖ Vx. À mon, ton, son, votre
escient, sciemment, en connaissance de
cause. ‖ À bon escient, avec discernement,
avec à-propos : Intervenir à bon escient
dans une discussion ; class., réellement,
sérieusement : Nous ne croyons pas à bon
escient aux préceptes que nous ont donnés
les hommes sages (Malherbe).

escionner [ɛsjɔne] v. tr. (de é- [lat. ex-,


préf. à valeur privative] et de scion ; 1890,
Dict. général [le dér. escionnement, ébour-
geonnement, est déjà dans Littré, 1864]).
Débarrasser les arbres des scions.

esclaffement [esklafmɑ̃] n. m. (de


s’esclaffer ; 1901, Larousse). Action de rire
bruyamment.

esclaffer (s’) [sɛsklafe] v. pr. (provenç.


esclafá, éclater, de es- [lat. ex-, préf. à valeur
intensive] et de l’onomatop. klaff-, var. de
klapp- [v. CLAPPER] ; v. 1540, Rabelais, dans
la loc. s’esclaffer de rire, rire aux éclats ; s’es-
claffer, éclater de rire, av. 1573, Jodelle [le
mot n’a guère été usité entre la fin du XVIe
et la fin du XIXe s.]). Partir d’un bruyant
éclat de rire : Christian bavardait, s’esclaf-

fait, insistait pour que son maître mangeât


beaucoup (Chérau).

• SYN. : éclater, pouffer.

esclandre [ɛsklɑ̃dr] n. m. (doublet


pop. de scandale [v. ce mot] ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens de « haine,
inimitié » ; sens 1, 1353, La Curne ; sens 2,
milieu du XVe s., Quinze Joyes de mariage ;
sens 3, v. 1380, Aalma). 1. Class. Attaque
par surprise, guet-apens, rixe, incident
fâcheux : Le pauvre loup, dans cet esclandre,
| Empêché par son hoqueton | Ne put ni
fuir ni se défendre (La Fontaine). ‖ 2. Vx.
Affaire scandaleuse qui fait un bruit
fâcheux, qui compromet la réputation de
quelqu’un : J’espère que toute cette affaire
va s’en aller en eau de boudin, être étouffée
après quelques avertissements et sanctions
sans esclandre (Gide). ‖ 3. Incident entre
personnes, qui éclate en public et prend un
tour déplaisant : Louisa tremblait qu’il ne
fût congédié d’un jour à l’autre, après un
esclandre (Rolland). Notre père entreprit
de raconter, une fois encore, le magnifiquc
esclandre dont il se montrait fort glorieux
(Duhamel). Causer, faire un esclandre.
‖ Faire de l’esclandre, faire du scandale,
causer du désordre.

• SYN. : 3 éclat, grabuge (fam.), pétard (pop.),


scène, tapage.

• REM. Esclandre est auj. du masculin. Au


XVIIe s., le genre de ce mot est incertain
et l’on trouve des emplois du masculin
et du féminin ; certains auteurs le font
encore féminin au XIXe s. : Et voici une
esclandre telle que peut-être le marquis
Crescenzi en sera effrayé et le mariage
rompu (Stendhal).

esclavage [ɛsklavaʒ] n. m. (de esclave ;


1577, Vigenère, au sens 1 ; sens 2, 1672,
Racine ; sens 3, 1642, Corneille ; sens 4,
1690, Furetière ; sens 5, 1704, Trévoux).
1. État, condition de l’esclave ; organisa-
tion sociale qui admet l’existence d’une
classe d’esclaves : Comme tous les hommes
naissent égaux, il faut dire que l’esclavage
est contre la nature (Montesquieu). Ce sont
des hymnes chrétiens du temps de l’escla-
vage, des cantiques douloureux (Duhamel).
‖ Réduire en esclavage, soumettre à la
condition d’esclave. ‖ 2. État d’une per-
sonne qui est soumise à une autorité tyran-
nique, à un régime politique despotique ;
privation de liberté : Que peut devenir la
sociabilité humaine entre un prince que le
despotisme hébète et un paysan que l’escla-
vage abrutit ? (Hugo). ‖ Spécialem. et lit-
tér. État d’une personne qui, par amour, se
soumet aux volontés d’une autre. ‖ 3. État
d’une personne qui subit sans réagir l’em-
pire d’une chose : Vivre dans l’esclavage
d’une passion. Des livres m’avaient mon-
tré chaque liberté provisoire, et qu’elle n’est
jamais que de choisir son esclavage (Gide).
‖ L’esclavage de la rime, pour le poète, la
nécessité de soumettre sa pensée au choix
des rimes. ‖ 4. Occupation qui assujet-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1692

tit, laisse peu de liberté ou de loisir : Il a


accepté des fonctions qui sont un véritable
esclavage. ‖ 5. Parure consistant soit en
un bracelet métallique placé autour du
poignet et relié par une chaînette à un
autre bracelet placé au haut du bras, soit
en une bague portée au petit doigt, soit
en un collier descendant en demi-cercle
sur la poitrine : Je lui ai donné ma jean-
nette d’or, mon esclavage, mon épinglette
(Barbey d’Aurevilly).

• SYN. : 1 ilotisme, servage, servitude ;


2 asservissement, assujettissement,
joug, oppression, soumission ; 3 chaîne,
contrainte, fers, sujétion, tyrannie ; 4 car-
can (fam.), collier.

esclavager [ɛsklavaʒe] v. tr. (de escla-


vage ; 1876, A. Daudet). Vx. Rendre esclave
(rare) : Pour donner un peu plus de repos et
de bon air à la pauvre Antigone, esclavagée
par la candidature perpétuelle de son père
(Daudet).

• REM. On a dit aussi ESCLAVER : Esclavé


par son charme (Barbey d’Aurevilly).

esclavagisme [ɛsklavaʒism] n. m. (de


esclavagiste ; 1877, Darmesteter, au sens
1 ; sens 2, 1930, Larousse). 1. Doctrine,
système qui admet l’esclavage ; état social
fondé sur l’esclavage. ‖ 2. État des sociétés
de certaines fourmis qui pillent les nids
d’autres espèces pour former des esclaves.

esclavagiste [ɛsklavaʒist] n. et adj.


(de esclavage ; 1864, Littré). Qui est par-
tisan de l’esclavage des Noirs : La guerre
de Sécession, aux États-Unis, opposa les
États esclavagistes du Sud aux États abo-
litionnistes du Nord. Les esclavagistes et les
antiesclavagistes.

& adj. (1870, Larousse). Qui admet l’escla-


vage ; qui est fondé sur l’existence d’une
classe d’esclaves : Doctrines esclavagistes.
Société esclavagiste.

esclave [ɛsklav] n. et adj. (lat. médiév.


sclavus, autre forme de slavus, proprem.
« slave » [les Germains, pendant le haut
Moyen Âge, avaient réduit de très nom-
breux Slaves en esclavage] ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 ; sens
2-3, 1608, M. Régnier [« amant dévoué »,
1661, Corneille] ; sens 4, 1640, Corneille ;
sens 5, 1690, Furetière). 1. Qui n’est pas de
condition libre, qui appartient à un maître :
Le vaincu était massacré ou esclave pour la
vie (Vigny). Je veux m’y faire planteur, avoir
des esclaves (Balzac). C’était une esclave
carienne, qu’un roi avait donnée jeune au
chanteur (France). ‖ 2. Qui subit une auto-
rité tyrannique, un pouvoir despotique :
J’irai mourir ou vaincre avec cet homme
[...] qui voulut nous laver du mépris que
nous jettent même les plus esclaves et les
plus vils parmi les habitants de l’Europe
(Stendhal). Un peuple esclave. ‖ 3. Qui
se soumet servilement à la volonté, aux
caprices de quelqu’un : Qui est plus esclave
qu’un courtisan assidu, si ce n’est un cour-

tisan plus assidu ? (La Bruyère). De là


vient une faiblesse qui abâtardit l’homme
et lui communique je ne sais quoi d’esclave
(Balzac). Une femme esclave de ses enfants.
‖ Spécialem. Personne qui, par amour, se
soumet entièrement aux volontés d’une
autre : Ne reconnaissez-vous donc plus votre
fidèle esclave ? (Balzac). ‖ En esclave, avec
une soumission aveugle. ‖ 4. Qui subit
l’empire de quelque chose au point d’alié-
ner toute liberté : L’homme est le plus par-
fait esclave de l’habitude (Baudelaire). En
croyant me libérer, je devenais de plus en
plus esclave de mon orgueil (Gide). J’achève
de vivre [...], esclave de plusieurs manies
dégoûtantes (Mauriac). ‖ Être esclave de
sa parole, tenir scrupuleusement ses pro-
messes. ‖ 5. Qui n’a pas un moment de
liberté, de loisir : Un médecin que sa pro-
fession rend esclave.

• SYN. : 1 ilote, serf.

esclaver v. tr. V. ESCLAVAGER.

esclavon [ɛsklavɔ̃] n. m. (bas lat. scla-


vonus, var. de sclavinus, de l’Esclavonie ;
XIIIe s., aux sens de « cheval slave » et de
« habitant de l’Esclavonie » ; sens moderne,
1870, Larousse). Nom donné jadis aux
dialectes slaves parlés en Esclavonie, ou
Slavonie, et qu’on groupe maintenant sous
le terme général de serbo-croate. (On dit
auj. SLAVON.)

escobar [ɛskɔbar] n. m. (du n. de Antonio


Escobar y Mendoza, célèbre jésuite et
casuiste espagnol [1589-1669] ; 1656,
Pascal). Vx et péjor. Personnage hypocrite,
qui use d’arguments subtils et de restric-
tions mentales pour accorder sa conscience
avec ses passions ou ses intérêts.

escobarder [ɛskɔbarde] v. intr. (de esco-


bar ; v. 1790, G. de Mirabeau). Vx. User
des subtilités de la casuistique (réticences,
restrictions mentales, etc.).

& v. tr. (fin du XVIIe s., Saint-Simon). Vx.


Obtenir quelque chose par habileté, par
tromperie : C’est ainsi qu’on escobardait les
survivances depuis que le roi n’en voulait
plus donner que des charges de secrétaire
d’État (Saint-Simon).

escobarderie [ɛskɔbardəri] n. f. (de esco-


barder ; av. 1783, d’Alembert). Vx. Fourberie
que l’on déguise au moyen d’arguments
subtils, de restrictions mentales ; habileté
de casuiste : Vous avez un système de filou-
terie politique qui sera retourné contre vous,
car la France se lassera de ces escobarderies
(Balzac).

escoffier ou escofier [ɛskɔfje] v. tr.


(provenç. escoufia, tuer, supprimer, issu,
par changement de conjugaison, de escoufi,
mêmes sens, lat. pop. *exconficere, de ex-,
préf. à valeur intensive, et de conficere, faire
intégralement, venir à bout de [v. CONFIRE] ;
1796, G. Esnault). Pop. Tuer, assassiner :
Quand j’ai entendu pif ! pif ! je me suis
dit : Sacrebleu ! ils escofient mon lieute-

nant (Mérimée). Que ce vieux bougre ait


été proprement escoffié, cela ne fait aucun
doute (Duhamel).

escoffion [ɛskɔfjɔ̃] n. m. (ital. scuffione,


dér. de scuffia, coiffe, de s- [lat. ex-, préf. à
valeur intensive] et de cuffia, coiffe, bas lat.
cofia [v. COIFFE] ; milieu du XVIe s., Ronsard
[var. scofion, 1558, J. Du Bellay]). Ancienne
coiffure de femme, formée d’une résille
de ruban, portée au XVIe s. à la ville et à la
cour, puis devenue, au XVIIe s., une coiffure
paysanne : D’abord leurs escoffions ont volé
par la place (Molière).

escogriffe [ɛskɔgrif] n. m. (peut-être mot


de la famille de griffer [mais l’origine des
deux premières syllabes reste obscure] ;
1611, Cotgrave). Fam. Gaillard de grande
taille et malbâti : Un grand escogriffe bleu
et or me demanda mon nom (Daudet).

escomptable [ɛskɔ̃tabl] adj. (de escomp-


ter ; 1867, d’après Littré, 1877). Qui peut être
escompté : Une traite escomptable.

escompte [ɛskɔ̃t] n. m. (ital. sconto,


décompte, de scontare [v. l’art. suiv.] ; 1597,
Savonne, écrit esconte [escompte, XVIIIe s.],
aux sens 1-2 ; sens 3, 1870, Larousse).
1. Opération de crédit à court terme,
consistant à acheter un effet de commerce
avant son échéance, sous déduction d’un
intérêt convenu pour le temps que l’effet
a à courir. ‖ Par extens. Retenue que fait
l’acheteur de l’effet de commerce sur son
montant. ‖ Escompte en dehors, intérêt
de la valeur nominale du billet pendant
le temps qui reste à courir. ‖ Escompte en
dedans, différence entre la valeur nomi-
nale du billet et sa valeur actuelle. ‖ Taux
d’escompte, taux appliqué au calcul d’un
escompte donné ; taux général appliqué
dans toutes les opérations d’escompte à
un moment déterminé et sur un marché
donné. ‖ Règle d’escompte, en arithmé-
tique, règle qui donne la solution des ques-
tions relatives à l’escompte. ‖ 2. Réduction
consentie au débiteur qui s’acquitte de sa
dette avant l’échéance. ‖ 3. Faculté accor-
dée à l’acheteur d’une valeur à terme de se
la faire livrer avant l’échéance moyennant
paiement du prix convenu.

escompter [ɛskɔ̃te] v. tr. (ital. scon-


tare, proprem. « décompter », de s- [lat.
ex-, préf. à valeur privative] et de contare,
compter, lat. computare [v. COMPTER] ;
1675, J. Savary, au sens 1 ; sens 2, av. 1763,
Panard ; sens 3, fin du XIXe s.). 1. Payer un
effet de commerce avant l’échéance, déduc-
tion faite d’une retenue : Escompter une
traite. ‖ 2. Fig. et vx. Employer d’avance
l’argent qu’on attend de quelque chose :
Escompter un héritage. ‖ Par extens. et
vx. Consommer prématurément, jouir
d’avance : Escompter son avenir, sa jeu-
nesse. ‖ 3. Fig. Compter sur, prévoir : Mais,
escomptant aussitôt le plaisir que je tirerais
des félicitations de Rose, je l’imaginai si
mince que cela m’arrêta (Gide). Sagement,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1693

ils ont escompté combien de fiançailles offi-


cielles à lointaines échéances troubleraient
leur longue passion (Colette).

• SYN. : 3 attendre, espérer, supputer, tabler


sur (fam.).

escompteur [ɛskɔ̃toer] n. m. et adj. (de


escompte ; 1548, Rabelais, au sens de « mar-
chand qui vend avec une remise » ; sens
actuel, 1845, Bescherelle [le mot ne semble
pas être attesté aux XVIIe et XVIIIe s.]). Celui
qui escompte des effets de commerce :
Gobseck, l’escompteur, le jésuite de l’or
(Balzac).

escopette [ɛskɔpɛt] n. f. (ital. schiop-


petto, dimin. de schioppo, arme à feu, lat.
stloppus [var. scloppus], bruit qu’on fait en
frappant sur une joue gonflée, d’origine
onomatopéique ; v. 1525, Voyage d’Antoine
Pigaphetta, écrit [es]-chopette ; escouppette,
fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; escopette,
XVIIe s.). Terme général pour désigner,
du XVe au XVIIIe s., diverses armes à feu
portatives dont la bouche était évasée :
Bentaboulech, Laboulbène, des noms qui
semblaient jaillir de la gueule d’une esco-
pette (Daudet).

escorte [ɛskɔrt] n. f. (ital. scorta, pro-


prem. « action de guider », dér. de scor-
gere, montrer, guider, lat. pop. *excorrigere,
mêmes sens, de ex-, préf. à valeur intensive,
et de corrigere, redresser [v. CORRIGER] ;
début du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, 1665, La Fontaine ;
sens 4, fin du XVIe s., Brantôme). 1. Petite
troupe armée qui accompagne quelqu’un
ou quelque chose pour le protéger ou le
garder : Des fourgons chargés, marchant
sous escorte (Fromentin). ‖ Spécialem.
Troupe en armes qui accompagne un
personnage important : L’escorte d’un
général. ‖ 2. Dans la marine, ensemble
des navires de guerre accompagnant une
escadre ou un convoi pour les protéger : Un
croiseur d’escorte. ‖ 3. Suite de personnes
accompagnant une personne d’un rang
élevé dans ses déplacements : Un ministre
suivi d’une escorte de secrétaires. ‖ Par
anal. Personnes qui en accompagnent une
ou plusieurs autres : Il arriva avec toute
une escorte de collègues. ‖ Faire escorte
à quelqu’un, l’accompagner. ‖ 4. Fig. et
littér. Ensemble de choses ou de notions
qui accompagnent ordinairement quelque
chose : Le printemps et son escorte de fleurs
et de verdure.

escorter [ɛskɔrte] v. tr. (de escorte ; début


du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1669, Montfleury). 1. Accompagner
pour garder ou protéger : Gendarmes qui
escortent un prisonnier. ‖ 2. Accompagner
pour honorer : Escorter un prince. ‖ 3. Fig.
Entourer, aller de compagnie avec : Les
vivats de la foule ont escorté le cosmonaute
jusqu’à son départ.

escorteur [ɛskɔrtoer] n. m. (de escorter ;


XXe s.). Dans la marine, navire ou avion

qui fait partie d’une escorte protégeant un


bateau ou un convoi. ‖ Spécialem. Type
de bâtiment léger pour la protection des
communications maritimes.

escot [ɛsko] n. m. (altér. de [serge façon


d’] Ascot [milieu du XVIe s.], de Aerschot,
n. de la ville du Brabant où se fabriquait
cette étoffe ; 1829, Boiste [serge d’escot,
1568, Dict. général]). Étoffe croisée de laine,
sorte de serge, employée surtout pour les
robes de deuil et pour celles des religieuses.

escouade [ɛskwad] n. f. (var. de escadre


[v. ce mot] ; v. 1500, Auton, écrit escoadre
[esquade, 1553, Anciennes poésies fr. ;
escouade, v. 1570, Carloix], au sens 1 ; sens
2, 1870, Larousse). 1. Naguère, fraction
d’une section d’infanterie, d’un peloton
de cavalerie : Il fit le serment de ne plus
boire et tint parole malgré les plaisante-
ries de son escouade (Daudet). ‖ 2. Petit
groupe de personnes rassemblées autour
de quelqu’un : Il y a presque toujours autour
d’un évêque une escouade de petits abbés,
comme autour d’un général une volée de
jeunes officiers (Hugo).

escoupe n. f. V. ÉCOPE.

escourgée [ɛskurʒe] ou écourgée


[ekurʒe] n. f. (de é-, es- [lat. ex-, préf. à
valeur intensive], et de l’anc. franç. cor-
giee, fouet muni d’une courroie [XIIe s.], lat.
pop. *corrigiata, dér. du lat. class. corrigia,
courroie, fouet ; v. 1175, Chr. de Troyes,
écrit escorgiee [escourgée, XIVe s. ; écour-
gée, 1677, Miege], au sens 1 ; sens 2, 1611,
Cotgrave, écrit escourgée [écourgée, fin du
XVIIe s.]). 1. Class. Fouet de lanières de cuir :
En les faisant déchirer avec des fouets et
des escourgées de cuir de taureau (Saci).
‖ 2. Class. Coup de fouet : Choeur et héros
s’en allant chargés d’escourgées (Boileau).

1. escourgeon [ɛskurʒɔ̃] n. m. (de


é- [lat. ex-, préf. à valeur intensive] et de
l’anc. franç. co[u]rjon, courroie [v. 1175,
Chr. de Troyes], lat. pop. *corrigionem,
accus. de *corrigio, dér. du lat. class. corri-
gia, courroie ; v. 1330, Baudoin de Sebourg,
écrit escorgeon, au sens de « fouet » ; écrit
escourgeon, au sens moderne, 1797, Gattel).
Vx. Lanière du fléau utilisé autrefois pour
battre les céréales.

2. escourgeon [ɛskurʒɔ̃] ou écour-


geon [ekurʒɔ̃] n. m. (même étym. qu’à
l’art. précéd. [chacun des six rangs d’épil-
lets de la plante ressemble à une courroie
ronde] ; 1269, Godefroy, écrit secourjon ;
1549, R. Estienne, écrit scourjon ; escour-
geon, 1600, O. de Serres ; écourgeon, 1864,
Littré). Variété d’orge hâtive, semée en
automne.

escousse [ɛskus] n. f. (de l’anc. v. esco[u]rre,


secouer, agiter, battre [v. 1120, Psautier de
Cambridge], lat. excutere, faire sortir ou
tomber en secouant, de ex-, préf. marquant
le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et de quatere, secouer, agiter ; v. 1160, Benoît

de Sainte-Maure, écrit escosse, au sens de


« rescousse » ; écrit escousse, au sens clas-
sique, XIVe s. [le -s-, purement graphique
depuis le XIVe s., a été rétabli dans la pro-
nonciation au XVIe s.]). Class. Mouvement
par lequel on prend de l’élan : Ne me prenez
pas de si loin votre escousse pour être en
peine (Sévigné).

escrime [ɛskrim] n. f. (anc. ital. scrima,


escrime, empr. de l’anc. provenç. escrima,
déverbal de escrimar, var. de escremir, v.
empr. à l’anc. franç. escremir, s’exercer à l’es-
crime, défendre, garantir [1080, Chanson
de Roland], francique *skirmjan, protéger
[escrime a éliminé l’anc. franç. escremie,
lutte, combat — XIIe s., Godefroy —, dér. de
escremir, lorsque l’art de l’escrime italienne
s’est répandu en Europe] ; fin du XIVe s.,
Chronique de Boucicaut, au sens 1 ; sens
2, av. 1613, M. Régnier). 1. Art de manier
le fleuret, l’épée ou le sabre ; exercice
par lequel on apprend cet art : Un maître
d’escrime. ‖ 2. Fig. Lutte serrée entre
deux adversaires ; discussion difficile : Il
n’ignore que l’escrime, parce qu’il n’aime
pas les pointes (Nerval). Je vais m’exercer
seul à ma fantasque escrime (Baudelaire).
‖ Class. Être hors d’escrime, être à bout de
raisons, hors de combat : Voici le coup fatal
qui nous met hors d’escrime, | Et nous voilà
tombés d’un gouffre en un abîme (Rotrou).

escrimer [ɛskrime] v. intr. (de escrime ;


milieu du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, 1654,
La Fontaine). 1. Vx. S’exercer à l’escrime,
faire de l’escrime. ‖ 2. Vx et fam. Manier
un objet comme on ferait d’une épée :
Escrimer avec un tisonnier.

& s’escrimer v. pr. (sens 1, av. 1854, Nerval ;


sens 2, 1534, Rabelais). 1. Vx. Se battre en
duel, à l’épée : Ils s’arrêtèrent sur l’empla-
cement d’un jeu de boules, qui leur parut
un terrain très propre à s’escrimer commo-
dément (Nerval). ‖ 2. Fig. S’appliquer, faire
tous ses efforts dans une lutte, une dis-
cussion ou dans un exercice quelconque :
S’escrimer sur une machine à écrire.
S’escrimer à traduire un texte.

• SYN. : 2 s’acharner, s’efforcer, s’évertuer,


s’ingénier.

escrimeur, euse [ɛskrimoer, -øz] n.


(de escrime ; XVe s.). Personne qui s’exerce
ou qui excelle à l’escrime : Il était adroit
escrimeur et excellent cavalier (Mérimée).

escroc [ɛskro] n. m. (ital. scrocco, écor-


nifleur, de scroccare [v. l’art. suiv.] ; 1640,
Oudin, au sens de « écornifleur » ; sens
actuel, milieu du XVIIe s.). Individu qui
escroque, qui a l’habitude d’escroquer :
Les tables d’hôte, dont le jeu fait les délices,
| S’emplissent de câlins et d’escrocs, leurs
complices (Baudelaire).
• SYN. : aigrefin, estampeur, filou, forban,
fripon, fripouille, voleur.

escroquer [ɛskrɔke] v. tr. (de l’ital. scroc-


care, écornifler, de s- [lat. ex-, préf. mar-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1694

quant un mouvement d’éloignement] et de


crocco, croc [de même origine que le franç.
croc, v. ce mot], proprement « décrocher »,
ou dér. de l’onomatop. krokk- [v. CROQUER] ;
1597, Dict. général, au sens 1 [pour un
repas] ; sens 2. fin du XVIe s., A. d’Aubigné).
1. Escroquer quelque chose,se l’approprier
indûment par des manoeuvres malhon-
nêtes : Un comptable accusé d’avoir escro-
qué des millions. Escroquer de l’argent à des
mal-logés. ‖ Par anal. Se procurer quelque
chose par ruse ou par surprise : Escroquer
une signature. C’est toi, toi seule dont je
veux savoir si tu m’as escroqué la tendresse !
(Estaunié). ‖ 2. Escroquer quelqu’un, abu-
ser de sa confiance pour s’approprier son
bien : Escroquer des vieillards.

• SYN. : 1 dérober, extorquer, filouter (fam.),


soustraire, soutirer ; 2 dépouiller, empiler
(fam.), exploiter, flouer (fam.), gruger, rouler
(fam.), voler.

escroquerie [ɛskrɔkri] n. f. (de escro-


quer ; 1690, Furetière, au sens général ;
au sens jurid., 1810, Code pénal). Action
d’escroquer ; résultat de cette action.
‖ Spécialem. Délit consistant à user de
tromperie ou de manoeuvres fraudu-
leuses pour s’approprier le bien d’autrui :
L’émission d’un chèque sans provision est
une escroquerie.

• SYN. : carambouillage (fam.), filouterie,


grivèlerie, malversation, vol.

escroqueur, euse [ɛskrɔkoer, -øz] n. (de


escroquer ; 1558, J. Du Bellay). Vx. Personne
qui escroque, qui a l’habitude d’escroquer :
La satanée escroqueuse (Goncourt).

escudo [ɛskydo] n. m. (mot portug. et


esp., de même origine que le franç. écu
[v. ce mot] ; 1877, Littré, aux sens 1-2).
1. Ancienne monnaie espagnole d’or ou
d’argent, correspondant à l’écu français.
‖ 2. Auj. Unité monétaire du Portugal et
du Chili.

esculape [ɛskylap] n. m. (lat. Aesculapius,


Esculape [dieu de la Médecine], du gr.
Asklêpios ; 1690, Boileau, au sens I ; sens
II, 1864, Littré).

I. Vx et fam. Médecin.

II. Nom d’une couleuvre.

esculine [ɛskylin] n. f. (du lat. esculus, var.


de aesculus, chêne rouvre ; 1864, Littré).
Extrait de l’écorce de marron d’Inde, dont
les propriétés sont analogues à celles de la
vitamine P.

ésérine [ezerin] n. f. (de ésère, fève de


Calabar [1870, Larousse], de éséré, même
sens, mot d’une langue de l’Afrique équa-
toriale ; 1870, Larousse). Alcaloïde de la
fève de Calabar, très toxique, utilisé contre
certaines gastralgies.

esgourde [ɛzgurd] n. f. (croisement de


gourde, courge [v. ce mot], et de escoute,
oreille [1725, Granval ; escoule, 1632,
Chereau], déverbal de escouter, forme

anc. de écouter [v. ce mot], les oreilles


ayant été comparées aux larges feuilles
de la courge ; 1867, Delvau [var. esgourne,
1833, G. Esnault]). Pop. Oreille : Si tu vois
les Boches, appelle-moi vite, qu’on aille leur
couper les esgourdes (Dorgelès).

esgourder [ɛzgurde] v. tr. (de esgourde ;


1878, L. Rigaud). Pop. Écouter.

eskuara n. m. V. EUSKARA.

ésociculture [ezɔsikyltyr] n. f. (de ésoci-,


élément tiré de ésoce, n. scientif. du brochet
[1787, Encycl. méthodique] — lat. esox, -ocis,
sorte de brochet — et de culture ; 1952,
Larousse). Élevage du brochet.

ésopique [ezɔpik] adj. (de Ésope, n. d’un


fabuliste grec [lat. Aesopus, gr. Aisôpos], ou
bas lat. aesopicus, ésopique [gr. aisôpikos],
dér. de Aesopus, Aisôpos ; 1864, Littré). Qui
est dans la tradition d’Ésope : Une fable
ésopique.

ésotérique [ezɔterik] adj. (gr. esôte-


rikos, de l’intérieur, de l’intimité, réservé
aux seuls adeptes, de esôteros, plus inté-
rieur, plus intime, dér. de esô, à l’intérieur ;
1755, Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, 1888,
Larousse). 1. Qui est l’objet d’un enseigne-
ment réservé aux seuls initiés (par opposi-
tion à exotérique) : La doctrine exotérique
qui n’est qu’une préparation à la vérité
ésotérique (Maeterlinck). ‖ Spécialem. Se
dit de doctrines, de connaissances de la
philosophie grecque qui étaient transmises
aux seuls adeptes qualifiés : L’enseignement
ésotérique de Platon. ‖ 2. Se dit de toute
connaissance, de toute oeuvre, de toute
chose qui est incompréhensible pour celui
qui n’est pas initié : Il tirait une chaise,
s’asseyait, décrivait dans l’air, avec son
index noueux, quelque signe ésotérique
(Duhamel). Poésie ésotérique. ‖ Par extens.
Se dit d’une personne dont l’oeuvre est
difficilement interprétable : Un écrivain
ésotérique.

• SYN. : 2 abscons, abstrus, cabalistique,


hermétique, mystérieux, sibyllin.

ésotérisme [ezɔterism] n. m. (de ésoté-


rique ; 1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2,
1888, Larousse [art. ésotérique]). 1. Partie
de la philosophie pythagoricienne, caba-
liste ou autre, qui devait rester inconnue
des non-initiés. ‖ 2. Caractère de ce qui
requiert une initiation particulière pour
être compréhensible : La syntaxe et l’élé-
vation morale le faisaient ressembler à un
philosophe grec qui eût lâché l’ésotérisme
pour se mettre davantage à la portée de la
vie courante (Miomandre). L’ésotérisme
d’un ensemble sculptural. ‖ Par extens.
Caractère d’un auteur dont l’oeuvre est très
difficilement compréhensible : L’ésotérisme
d’un philosophe, d’un poète.

• SYN. : 2 hermétisme.

ésouchement n. m., ésoucher v. tr.

V. ESSOUCHEMENT, ESSOUCHER.

espace [ɛspas] n. m. (lat. spatium, champ


de course, carrière, arène, étendue, dis-
tance, temps, délai, répit ; v. 1155, Wace,
au sens II, 5 ; sens I, 1-2, av. 1650, Descartes ;
sens I, 3, v. 1361, Oresme ; sens I, 4, v. 1930 ;
sens II, 1-2, 1314, Mondeville ; sens II, 3, v.
1660, Pascal ; sens II, 4, v. 1636, Descartes).

I. ESPACE GÉOMÉTRIQUE ET SCIENTI-


FIQUE. 1. Étendue idéale indéfinie, milieu
sans bornes contenant toutes les éten-
dues finies et tous les corps existants ou
concevables : L’espace est un corps ima-
ginaire comme le temps un mouvement
fictif. Dire « dans l’espace », « l’espace est
empli de », c’est définir un corps (Valéry).
‖ 2. Étendue indéfinie à trois dimen-
sions, objet de la géométrie dans l’espace,
par opposition à la géométrie plane, qui
n’étudie que les figures tracées sur une
surface à deux dimensions. ‖ 3. Distance
entre deux points : Dans un mouvement
uniforme, les espaces parcourus sont pro-
portionnels aux temps mis à les parcourir.
‖ 4. Espace-temps, selon la théorie de la
relativité, milieu à quatre dimensions,
obtenu en ajoutant aux trois coordonnées
d’un point d’un espace ordinaire à trois
dimensions une quatrième coordonnée
représentant l’écoulement continu du
temps en ce point.

II. ESPACE SENSIBLE, CONCRET. 1. Dans le


langage courant, étendue superficielle et
limitée, ou intervalle entre deux points :
La maison occupe un grand espace par
rapport à la superficie totale du terrain.
‖ Spécialem. En musique, intervalle
entre deux lignes voisines de la portée.
‖ En anatomie, nom donné à certaines
régions, à certains orifices, à certains
interstices : Espace intercostal. ‖ Espaces
verts, surfaces réservées aux parcs et jar-
dins dans une agglomération. ‖ Espace
vital (loc. traduite de l’allem. Lebens-
raum), étendue de territoire revendiquée
par un pays pour satisfaire à son expan-
sion démographique ou économique.
‖ 2. Étendue considérée dans ses trois
dimensions ; volume limité, déterminé :
Une vue sur deux ou trois arbres occupant
un certain espace, qui permet à la fois de
respirer et de se délasser l’esprit (Ner-
val). ‖ Spécialem. Étendue des airs : Ses
manches blanches font vaguement par l’es-
pace | Des signes fous (Verlaine). ‖ Regard
perdu dans l’espace, regard vague qui ne
se fixe nulle part. ‖ 3. En astronautique,
région extra-atmosphérique qui sépare
la Terre des autres astres, ou les astres
les uns par rapport aux autres : L’espace
cosmique. La conquête de l’espace. Vol
dans l’espace. ‖ 4. Vx. Espaces imagi-
naires, dans l’ancienne philosophie, ré-
gions idéales, chimériques, en dehors de
la sphère du monde, conçues par l’ima-
gination : Un monde que je ferai naître
dans les espaces imaginaires (Descartes).
‖ 5. Class. Durée, laps de temps : Mais
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1695
derechef, de grâce, | Cesse de me gêner du-
rant ce peu d’espace (Corneille). ‖ Auj. En
l’espace de, ou dans l’espace de, pendant
la durée de : Il a écrit son livre en l’espace
d’un mois. Il faut étendre dans l’espace
d’environ deux années cette peinture des
hommes et de la société (Chateaubriand).
• SYN. : I, 3 écartement, espacement, inter-
stice, intervalle. ‖ II, 1 superficie, surface ;
2 champ, étendue ; air, atmosphère, ciel,
éther (poétiq.).

& n. f. (1680, Richelet). En imprimerie,


petite lame de métal dont on se sert pour
séparer les mots.

espacement [ɛspasmɑ̃] n. m. (de espa-


cer ; 1680, Richelet, au sens 1 ; sens 2, 1798,
Acad.). 1. Action d’espacer ; distance entre
deux choses : Il faudra élargir l’espacement
des plates-bandes. ‖ 2. En imprimerie,
intervalle laissé entre les mots ou les lettres
d’une même ligne : Un espacement régulier.
• SYN. : 1 écart, écartement.

espacer [ɛspase] v. tr. (de espace ; 1417,


Dict. général, au sens 1 [en imprimerie,
1694, Acad.] ; sens 2, 1870, Larousse).
[Conj. 1 a.] 1. Séparer, dans l’espace, par
un intervalle, disposer en ménageant
une distance entre les différents objets :
Ils suivaient des lignes de maisons brisées,
espacées de jardins (Goncourt). Quelle
belle route [...] large, bien entretenue, avec
ses bornes kilométriques, ses petits tas de
pierres régulièrement espacés (Daudet).
Espacer davantage les convives autour d’une
table. ‖ Spécialem. En imprimerie, mettre
des espaces entre les lettres, les mots d’une
même ligne. ‖ 2. Séparer par un intervalle
de temps : Espacer ses visites, ses repas.

• SYN. : 1 détacher, échelonner. — CONTR. :


1 joindre, juxtaposer, masser, rapprocher,
serrer, tasser.

& s’espacer v. pr. (sens 1, fin du XVIe s. ; sens


2-3, fin du XVIIe s., Saint-Simon ; sens 4, 1870,
Larousse). 1. Vx. S’éloigner : Espace-toi,
Maurin, tire-toi de là (Aicard). ‖ 2. Class.
S’étendre, se déployer : Louis de Bade
avait jeté un pont de bateaux sur le Rhin à
Hagenbach, et de là s’était espacé en Alsace
par corps séparés (Saint-Simon). ‖ 3. Class.
S’étendre sur un sujet de conversation, par-
ler abondamment et librement : Brissac lui
conta ce qu’il avait fait, non sans s’espacer
sur la piété des dames de la Cour (Saint-
Simon). ‖ 4. Être espacé, être disposé de
distance en distance : De larges habita-
tions s’espaçaient ensuite dans les jardins
(Flaubert).

espace-temps n. m. V. ESPACE.

espade [ɛspad] n. f. (ital. spada, épée, de


même origine que le franç. épée [v. ce mot] ;
av. 1553, Rabelais, au sens de « épée » ; sens
actuel, 1747, Duhamel du Monceau). Latte
de bois pour battre le chanvre avant de le
peigner.

espader [ɛspade] v. tr. (de espade ; 1747,


Duhamel du Monceau). Battre le chanvre
avec une espade.

espadon [ɛspadɔ̃] n. m. (ital. spadone,


grande épée, augmentatif de spada [v.
ESPADE] ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné,
au sens 1 ; sens 2, 1694, Th. Corneille).
1. Grande et large épée à deux tranchants,
en usage du XVe au XVIIe s., et qu’on tenait
généralement à deux mains : Quelques
Troyens armés furent vus avec hallebardes,
espadons, mousquets et fusils (Scarron).
‖ 2. Poisson osseux des mers chaudes,
dont la mâchoire supérieure est allongée
comme une lame d’épée : Le rat du Nil tue
le crocodile, l’espadon tue la baleine, le livre
tuera l’édifice (Hugo).

espadrille [ɛspadrij] n. f. (altér. de


espardille, sandale de spart [1723, Savary
des Bruslons], empr. de espardillo, mot
des parlers du Roussillon, dér. de l’anc.
provenç. espart, sparterie [1439, Pansier],
lat. spartum, spart [sorte de jonc], corde en
spart, gr. sparton ; 1793, Brunot). Chaussure
à semelle de spart tressé, ou de corde, et
à empeigne de toile : Il s’habilla en un
in stant : pantalon, chandail, des espadrilles
(Malraux).

espagnol [ɛspaɲɔl] adj. et n. (lat. pop.


*hispaniolus, espagnol, du lat. class. his-
panus, même sens [qui, abrégé en spanus
à l’époque impériale, avait donné espan
en anc. franç., 1080, Chanson de Roland] ;
XIVe s., écrit espaignol ; espagnol, XVe s.).
Relatif à l’Espagne ; habitant ou originaire
de ce pays.

& espagnol n. m. (XVIIe s.). Langue parlée


en Espagne et dans la plupart des pays de
l’Amérique latine.

& espagnole n. f. (sens 1, 1611, Cotgrave ;


sens 2, 1864, Littré [d’abord sauce à l’espa-
gnole, 1767, la Cuisinière bourgeoise]). 1. À
l’espagnole, à la manière des Espagnols :
D’une scène locale assez basse, il [le Greco]
fait se lever d’infinies puissances de senti-
ments à l’espagnole (Barrès). ‖ 2. Coulis de
sauce brune qui entre dans la préparation
de diverses sauces.

espagnolade [ɛspaɲɔlad] n. f. (de espa-


gnol ; 1611, Cotgrave, au sens de « fan-
faronnade » ; sens actuel, XXe s.). OEuvre
artistique ou littéraire à sujet espagnol,
mais dans laquelle l’Espagne est repré-
sentée dans un pittoresque superficiel et
non pas dans sa réalité humaine profonde.

espagnolette [ɛspaɲɔlɛt] n. f. (dimin.


de espagnol, l’objet venant probablem.
d’Espagne ; 1731, Dict. général). Tige de fer
munie d’une poignée, permettant de fer-
mer ou d’ouvrir les battants d’une fenêtre :
La vue de son chapeau de paille accroché à
l’espagnolette d’une fenêtre, et bien d’autres
choses encore [...] composaient maintenant
la continuité de son bonheur (Flaubert).
‖ Fermer une fenêtre à l’espagnolette, ne

pas la fermer complètement, mais main-


tenir ses battants entrouverts au moyen de
la poignée de l’espagnolette.

espagnoliser [ɛspaɲɔlize] v. tr. (de


espagnol ; av. 1672, G. Patin). Donner
un caractère espagnol à quelqu’un ou à
quelque chose.

espagnolisme [ɛspaɲɔlism] n. m.
(de espagnol ; 1835, Stendhal, au sens 1 ;
sens 2, 1878, Larousse). 1. Manière de se
comporter, façon de penser propre aux
Espagnols : L’espagnolisme intégral de
Schlegel détonnait dans la maison des
Necker (Thibaudet). ‖ 2. Idiotisme propre
à la langue espagnole.

espale [ɛspal] n. f. (ital. spalla, espale,


proprem. « épaule », de même origine que
le franç. épaule [v. ce mot] ; 1622, Jal, écrit
espalle ; espale, 1636, Monet). Sur une
galère, plate-forme comprise entre le der-
nier rang de rameurs et la poupe.

1. espalier [ɛspalje] n. m. (francisa-


tion, probablem. d’après échalier, de l’ital.
spalliera, pièce de soutien, dér. de spalla,
appui, proprem. « épaule » [v. l’art. précéd.] ;
milieu du XVIe s., au sens de l’ital. ; sens 1,
1600, O. de Serres ; sens 2, 1690, Furetière).
1. Disposition d’arbres fruitiers dont les
branches sont palissées le long d’un mur :
Le menu peuple y perdra des fruits, des espa-
liers, mais on y gagnera une belle vue pour
les étrangers (Balzac). ‖ En espalier, se dit
d’un arbre fruitier taillé court et palissé
contre un mur : Entre deux murs de bauge
couverts d’abricots en espalier (Flaubert).
‖ 2. Arbre appliqué le long d’un mur :
Chacun de ces murs est tapissé d’espaliers
et de vignes (Balzac).

2. espalier [ɛspalje] n. m. (ital. spalliere,


même sens, de spalla, espale [v. ce mot] ; v.
1560, Paré). Chacun des deux galériens qui,
placés près de l’espale, réglaient le mouve-
ment des rameurs sur une galère.

espalme [ɛspalm] n. m. (déverbal du


moyen franç. espalmer [XVIe s., Godefroy],
anc. provenç. espalmar, enduire de suif
depuis la quille jusqu’à la ligne d’eau [début
du XIIIe s.], proprem. « enduire en se servant
de la paume de la main », de es- [lat. ex-,
préf. à valeur intensive] et de l’anc. pro-
venç. palma, paume de la main, lat. palma,
même sens [v. PAUME] ; 1771, Trévoux, écrit
spalme ; espalme, 1773, Jaubert). Vx. Suif
mêlé de goudron dont on enduisait la
carène des navires.

espar [ɛspar] n. m. (de l’anc. franç.


esparre, grosse pièce de bois [v. 1175, Chr.
de Troyes], gotique *sparra, poutre ; 1792,
Jal, écrit épar [espar, 1864, Littré], au sens
1 [épar, « perche qui supporte le pavillon »,
1678, Guillet] ; sens 2, 1864, Littré, écrit
espar [épar, 1890, Dict. général]). 1. Longue
pièce de bois de sapin pouvant servir de
mât, de vergue, etc. ‖ Les espars d’un
navire, l’ensemble des pièces de mâture.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1696

‖ 2. Levier pour manoeuvrer les canons


et les pièces d’artillerie.

• REM. On dit aussi ÉPAR.

esparcette [ɛsparsɛt] ou éparcette


[eparsɛt] n. f. (provenç. esparceto, de l’anc.
provenç. espars, répandu, part. passé de
espardre, éparpiller, lat. spargere, jeter çà
et là [on répand sommairement la graine de
sainfoin dans les champs, alors qu’on sème
le blé avec grand soin] ; 1776, Valmont de
Bomare, écrit esparcette ; éparcette, 1836,
Acad.). Autre nom du sainfoin.

• REM. On trouve aussi le masculin ES-


PARCET (1600, O. de Serres) ou ÉPARCET
(1751, Dict. universel d’agriculture).

esparcier [ɛsparsje] n. m. (de l’anc.


franç. espars, part. passé de espardre, épar-
piller [v. l’art. précéd.], l’esparcier servant
à éparpiller l’eau dans les champs ; 1600,
O. de Serres). Petite écluse de bois ou de tôle
qui sert à fermer une rigole d’irrigation.

espargoutte [ɛspargut] n. f. (var. de


spargule, spergule [v. SPERGULE] ; milieu du
XVIe s., Amyot). Nom usuel de la spergule,
petite plante herbacée.

espart ou espars [ɛspar] n. m. (même


étym. que espar ; 1812, Boiste, écrit espart ;
espars, XXe s.). Cheville de bois qu’utilisent
les teinturiers et les blanchisseurs pour
tordre les écheveaux et les tissus, au sor-
tir des bains de teinture ou de nettoyage.

espèce [ɛspɛs] n. f. (lat. species, vue,


regard, traits caractéristiques, aspect exté-
rieur, apparence, cas particulier [en droit],
et, à basse époque, « objet, marchandise,
denrée, drogue, ingrédient, argent », du v.
archaïque specere, regarder ; v. 1130, Eneas,
au sens de « épice » [v. ce mot] ; sens I, 1,
1314, Mondeville ; sens I, 2, 1541, Calvin
[au sing. ; au plur., 1690, Furetière] ; sens II,
1 et 3, v. 1265, J. de Meung ; sens II, 2, 1534,
Rabelais ; sens II, 4, 1765, Encyclopédie ;
sens II, 5, 1670, Patru ; sens II, 6, 1678,
La Fontaine ; sens II, 7, fin du XVe s.,
Commynes ; sens II, 8, 1541, Calvin).

I. 1. En termes de philosophie scolas-


tique, apparence sensible, image (species)
que l’on supposait se détacher des objets
et venir affecter nos sens pour y produire
le phénomène de la perception : La plus
commune opinion est celle des péripaté-
ticiens, qui prétendent que les objets de
dehors envoient des espèces qui leur res-
semblent, et que ces espèces sont portées
par les sens extérieurs jusqu’au sens com-
mun (Malebranche). ‖ Class. Brouiller,
confondre les espèces, empêcher d’y voir
clair, créer la confusion : Les états nous
vont tellement confondre les espèces, que
je ne pourrai profiter du temps qu’elle
[ma mère] sera encore en Bretagne
(Ch. de Sévigné). ‖ 2. Spécialem. En
théologie, apparence du pain et du vin
après la consécration : Communier sous

les deux espèces. ‖ Les saintes espèces, les


hosties consacrées.
II. 1. Catégorie d’êtres ou de choses
qu’un caractère commun permet de dis-
tinguer des autres du même genre : Les
espèces animales et végétales. ‖ Spécia-
lem. En biologie, groupe naturel d’indi-
vidus qui ne se distinguent les uns des
autres que par des traits accidentels ;
groupe d’individus semblables entre
eux et produits par d’autres individus
semblables : Tous les loups d’Outre-Rhin
ont mêlé leurs espèces (Leconte de Lisle).
‖ L’espèce humaine, ou simplem. l’espèce,
le genre humain : Les lois de l’esprit sont
invisibles dans l’individu et visibles dans
l’espèce (Alain). ‖ 2. En pharmacie, nom
donné aux substances végétales ayant
des propriétés voisines, et qu’on utilise
en mélange : Espèces pectorales, diuré-
tiques. ‖ 3. Sorte, qualité : Ce sentiment
de curiosité que mainte femme vertueuse
éprouve à connaître une femme d’une
autre espèce (Mérimée). Un jeu de cartes,
Monsieur, est un livre d’aventures de
l’espèce qu’on nomme romans (France).
‖ Quelqu’un de ton espèce (avec souvent
une nuance péjor.), une personne de ta
condition, de ton état, et, par extens., une
personne telle que toi. ‖ 4. Grandeurs de
même espèce, en mathématiques, gran-
deurs de même nature, ne différant que
par la quantité. ‖ 5. En droit, point spé-
cial en litige, cas particulier dont il s’agit :
Loi qui n’est pas applicable à l’espèce.
‖ En l’espèce, en ce cas, en la matière.
‖ Cas d’espèce, cas qui ne rentre pas dans
la règle générale, exception. ‖ 6. Vx. Une
sotte espèce, une espèce, personne pour
laquelle on n’a aucune estime : La plupart
de ces gens-là sont des espèces (Marivaux).
Qu’on n’aille pas se tromper et admettre
Elmire ou Zulmé, deux espèces qui m’as-
somment (Gautier). ‖ 7. Autref. Monnaie
métallique, argent : Cela fait beaucoup
de millions et redonnera de l’espèce, qui
manquait (Sévigné). ‖ 8. Une espèce de,
loc. introduisant un nom qui désigne
une personne ou une chose définie par
assimilation à une autre : Quelquefois
l’espèce de poète qui est en moi triomphe
de l’espèce d’antiquaire qui y est aussi
(Hugo). Une espèce de soupière en ver-
meil (Balzac). [V. Rem.] ‖ Se prend en
mauvaise part lorsqu’on veut marquer
que la personne ne peut être assimilée à
ce qu’elle prétend être : C’est une espèce
de journaliste. ‖ Fam. S’emploie pour
renforcer une dénomination injurieuse :
Espèce d’imbécile !

• SYN. : II, 1 race, type, variété ; 3 genre,


nature ; 8 façon, manière, sorte.

• REM. Dans la loc. espèce de, espèce est


parfois employé au masculin : Un espèce
de murmure (Bernanos). Tous ces espèces
de prophètes à la manque (Claudel).

& espèces n. f. pl. (v. 1570, Carloix [espèces,


« argent » ; espèces sonnantes, 1740, Acad.]).
Toute monnaie ayant cours légal : Faire
un paiement non pas par chèque, mais
en espèces. ‖ Espèces sonnantes et trébu-
chantes, monnaie métallique ayant le poids
légal.

• SYN. : argent, numéraire.

espérable [ɛsperabl] adj. (de espérer ;


1580, Montaigne). Que l’on peut espé-
rer (rare) : Une espérable immortalité
(Villiers de L’Isle-Adam).

espérance [ɛsperɑ̃s] n. f. (de espérer ;


1080, Chanson de Roland, au sens de « fait
de s’attendre à quelque chose » ; sens 1-2,
v. 1120, Psautier d’Oxford ; sens 3, v. 1120,
Psautier de Cambridge). 1. Sentiment de
confiance qui nous fait considérer ce que
nous désirons comme devant se réaliser
dans l’avenir : Mon coeur lassé de tout,
même de l’espérance, | N’ira plus de ses
voeux importuner le sort (Lamartine).
‖ Spécialem. En théologie, vertu théo-
logale par laquelle le chrétien attend de
Dieu sa grâce en ce monde et la vie éter-
nelle dans l’autre. ‖ Être sans espérance,
n’avoir que peu de temps à vivre, être
condamné. (Vieilli.) ‖ 2. Sentiment qui
porte à attendre l’obtention d’un bien
déterminé, ou la réalisation d’une action
précise : L’espérance d’un bel avenir, garanti
par cette promenade qui le lui montrait si
beau, si joli, si frais, quelle délicieuse récom-
pense ! (Balzac). ‖ Espérance de vie, durée
moyenne de la vie dans un groupe humain
déterminé. ‖ En espérance, en perspective,
en attente : Elles avaient en espérance un
héritage dont elles parlaient souvent autour
de leur lampe (Loti). ‖ Contre toute espé-
rance, alors que personne ne s’y attendait :
Il a réussi à son examen contre toute espé-
rance. ‖ Dans l’espérance de ou que, dans
l’attente de ou que. ‖ 3. La personne ou la
chose qui est l’objet de l’espérance : Il est
ma seule espérance. Vous voir chaque jour
est toute mon espérance.

• SYN. : 2 assurance, certitude, conviction ;


3 désir, espoir. — CONTR. : 1 désespérance,
désespoir ; 2 crainte, défiance, inquiétude.
& espérances n. f. pl. (sens 1, av. 1850,
Balzac ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3,
1930, Larousse). 1. Ce que l’on attend sous
forme d’héritage et qui doit augmenter la
fortune : Apportez-moi vos papiers et ne
dites rien de vos espérances (Balzac). Ma
petite-fille n’apportait pas une très belle dot,
mais elle avait, en revanche, de magnifiques
« espérances » (Mauriac). ‖ 2. Ferme espoir,
confiance dans la réussite sociale future de
quelqu’un : Cet enfant donne de grandes
espérances. ‖ 3. Avoir des espérances,
attendre un enfant, être enceinte.

espérant, e [ɛsperɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de espérer ; fin du XVIIe s., Saint-Simon).
Qui espère, enclin à la confiance (rare) :
Rien ne rend mieux le surcroît et le tumulte
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1697

de sentiment qu’éprouvait sincèrement alors


toute une jeunesse espérante et enthousiaste
(Sainte-Beuve). Germinie arriva toute gaie,
tout espérante (Goncourt).

espérantisme [ɛsperɑ̃tism] n. m. (de


espérantiste ; 1922, Larousse). Doctrine,
mouvement des partisans de l’espéranto.

espérantiste [ɛsperɑ̃tist] adj. (de espé-


ranto ; 1922, Larousse). Qui est relatif à
l’espéranto : Un congrès espérantiste.

& n. (sens 1-2, 1922, Larousse). 1. Partisan


de l’espéranto. (Vieilli.) ‖ 2. Personne qui
connaît et qui pratique l’espéranto.

espéranto [ɛsperɑ̃to] n. m. (part. prés.


de l’esp. esperi [de même origine que le
franç. espérer, v. ce mot], proprem. « celui
qui espère », d’abord pseudonyme du méde-
cin polonais Lazare Zamenhof, puis n. de
la langue internationale lancée, le 26 juillet
1887, par celui-ci ; fin du XIXe s.). Langue
internationale créée par le médecin polo-
nais Zamenhof : L’adoption de l’espéranto,
commun auxiliaire de toutes les langues
nationales, faciliterait entre les hommes
les échanges spirituels et matériels (Martin
du Gard).

& adj. (début du XXe s.). Qui est écrit en


espéranto : Un poème espéranto.

espère [ɛspɛr] n. f. (mot provenç., de l’anc.


provenç. espera, attente [milieu du XIIe s.],
déverbal de esperar, attendre [XIIe s.], de
même origine que le franç. espérer [v. l’art.
suiv.] ; 1869, A. Daudet [à l’espère, 1771,
Trévoux]). Situation du chasseur qui attend
le gibier (vieilli) : L’espère, quel joli nom
pour désigner l’affût, l’attente du chasseur
embusqué et ces heures indécises où tout
attend, espère (Daudet). ‖ À l’espère, à l’af-
fût : Il lui semblait être à l’espère, à la chasse
à l’ours, dans la montagne de la Tramezzina
(Stendhal). Il n’y a qu’à voir nos chasseurs,
le marquis des Espazettes en tête, partir tout
flambants neufs le dimanche matin, avec
la même ardeur, à l’espère d’un gibier qui
n’existe pas (Daudet).

espérer [ɛspere] v. tr. (lat. sperare,


attendre, s’attendre à, espérer ; v. 1050,
Vie de saint Alexis, au sens 2 ; sens 1, v.
1112, Voyage de saint Brendan ; sens 3,
fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens
4, XXe s.). [Conj. 5 b.] 1. Vx ou dialect.
Attendre avec plus ou moins d’impa-
tience : D’autres bateaux arrivaient, se
rangeaient à la cale et espéraient [...] leur
tour (Renard) ; et absol. : Espère un peu,
ma mère, il faut que je ramène la vache
à l’étable (France). ‖ 2. Considérer avec
confiance qu’une chose désirée va se réa-
liser : Malheureusement l’affaire, quoique
bien lancée, ne marcha pas aussi vite qu’on
aurait pu l’espérer (Daudet). J’espérais être
compris et jugé sans explication préalable
(Zola). ‖ Absol. Avoir de l’espoir, garder
espoir : Ayez du courage seulement, et
espérez (Mérimée). ‖ Spécialem. Avoir

la vertu théologale de l’espérance : Il


n’y a point de réprobation pour ceux qui
espèrent (Bossuet). ‖ Espérer quelqu’un,
avoir l’espoir qu’il viendra : Lady Gwidir
m’espère, à dix heures, dans sa loge à
l’Opéra ; lady Mansfield, à minuit, à
Almacks (Chateaubriand). Karelina atten-
dait Domitien, l’espérait plutôt (Van der
Meersch). ‖ 3. Aimer à croire quelque
chose (avec un verbe subordonné au pré-
sent ou au passé) : Puis-je encore espérer
que mon bien-aimé m’aime ? (Verlaine).
J’espère qu’il a été reçu. ‖ 4. Fam. J’espère !,
exclamation qui marque l’admiration, le
contentement : Une reliure d’amateur...
J’espère ! (Porto-Riche).

• SYN. : 2 attendre, compter sur, escomp-


ter, pressentir, prévoir, supputer, tabler sur
(fam.) ; 3 croire, penser. — CONTR. : 2 appré-
hender, craindre, redouter ; désespérer.
& v. tr. ind. (espérer en, v. 1170, Livre des
Rois ; espérer à, v. 1360, Froissart ; espérer
de, fin du XIIe s., Conon de Béthune ; bien
espérer de, 1668, La Fontaine). Espérer en
quelqu’un, en quelque chose, ou (class.)
espérer à quelqu’un, à quelque chose,
mettre sa confiance, son espoir dans
cette personne ou cette chose : Espérer en
l’avenir. Pour moi, j’espère à M. de Grignan
(Sévigné). J’espère aux bontés qu’une autre
aura pour moi (Molière). On espère à ce
bienheureux héritage (Bossuet). ‖ Class.
Bien espérer de, attendre beaucoup de,
bien augurer de : Quelques moralités du
succès desquelles je n’ai pas bien espéré
(La Fontaine).

• REM. Espérer de suivi d’un infinitif est


une construction littéraire archaïsante :
On n’espère pas de pouvoir être de vos
amis (Sévigné). On dit ordinairement :
Nous espérons vous revoir bientôt.

espiègle [ɛspjɛgl] n. et adj. (altér. du


néerl. [Till] Uilenspiegel, n. d’un per-
sonnage trompeur et ingénieux, dont les
aventures furent contées dans un roman
allemand du début du XVIe s., traduit en
franç. sous le titre de Histoire joyeuse
et récréative de Till Ulespiegle..., Lyon,
Jean Saugrain, 1559 [la forme espiègle est
due au fait que le premier -l- de la forme
francisée Ulespiegle a été pris pour l’art.
défini élidé et que, par suite, l’U- initial a
disparu] ; fin du XVIe s., Godefroy [aussi
ulespiegle]). Se dit d’une personne vive,
éveillée, malicieuse, mais sans méchan-
ceté (s’applique surtout aux enfants) : Un
garçon espiègle. Une petite espiègle.

• SYN. : coquin (fam.), diable, diablotin,


galopin.

& adj. (sens 1, 1640, Oudin ; sens 2, 1870,


Larousse). 1. Qui témoigne d’une malice
sans méchanceté : Caractère espiègle. Un
air, un regard espiègle. ‖ 2. Qui est fait ou
dit avec une malice enfantine : Une réponse
espiègle.

• SYN. : 1 coquin (fam.), fripon, malin,


mutin.

espièglerie [ɛspjɛgləri] n. f. (de espiègle ;


1694, Acad., au sens 2 ; sens 1, 1866,
V. Hugo). 1. Caractère d’une personne
espiègle : Cette espièglerie, prolongée
jusqu’aux éclats, avait fini par m’irriter
(Sainte-Beuve). ‖ 2. Tour d’espiègle :
Il n’était bruit que de ses espiègleries,
que l’on transformait en crimes noirs
(Chateaubriand). Si le vol n’avait été qu’un
jeu, l’auteur de l’espièglerie aurait dû le faire
cesser plus tôt (Renan).

espingole [ɛspɛ̃gɔl] n. f. (anc. provenç.


espingola, machine à lancer des pierres [fin
du XIIIe s.], empr. de l’anc. franç. esprin-
gale, grosse arbalète sur roue, machine à
lancer des pierres [1258, Varin], déverbal
de espringaler, sauter, danser [attesté seu-
lement v. 1330, chez Digulleville], dér. de
l’anc. v. espringuer, mêmes sens [XIIIe s.,
Godefroy], francique *springan, sauter ; fin
du XIVe s., au sens de l’anc. franç. esprin-
gale ; sens 1-2, fin du XVIIe s.). 1. Fusil
court, à bouche évasée et de faible portée,
employé en Espagne et en Italie au XVIe s. :
J’avouerai que d’abord l’espingole et l’air
farouche du porteur me surprirent quelque
peu (Mérimée). ‖ 2. Dans la marine
ancienne, bouche à feu de petit calibre,
au canon évasé.

espion, onne [ɛspjɔ̃, -ɔn] n. (de espier,


forme anc. de épier [v. ce mot], la prononcia-
tion de la consonne -s- de espion [disparue
dès le XIIIe ou le XIVe s.] ayant été rétablie, au
début du XVIe s., sous l’influence de l’ital.
spione, dér. de spia, déverbal de spiare,
épier, et donc mot de même formation
[et de même sens] que le franç. espie, épie
[v. ÉPIE] ; XIIIe s., au sens 1 [rare av. 1509,
Barbier] ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3,
1616, A. d’Aubigné). 1. Agent qui, pour le
compte d’un pays, cherche à recueillir des
renseignements sur un autre pays, notam-
ment des informations d’ordre militaire sur
une nation ennemie en temps de guerre :
Pour moi, vous êtes deux espions envoyés
pour me guetter. Je vous prends et je vous
fusille (Maupassant). ‖ Espion double,
agent qui sert à la fois deux partis. (On
dit plutôt AGENT DOUBLE.) ‖ 2. Individu
que l’on charge d’épier une autre personne
pour surprendre ses secrets, connaître ses
affaires personnelles. ‖ 3. Spécialem. et vx.
Agent secret de la police chargé de surveil-
ler certaines personnes.

& n. m. (1870, Larousse). Miroir incliné,


souvent convexe, placé sur le rebord d’une
fenêtre pour observer l’extérieur sans être
vu : Guettant le passage de quelque rare
promeneur réfléchi par les glaces de leur
espion ou la boule d’acier poli suspendue
à la voûte (Gautier).

& adj. (milieu du XXe s.). Qui est utilisé pour


une surveillance secrète : Navire espion.
Satellite espion.

espionnage [ɛspjɔnaʒ] n. m. (de espion-


ner ; v. 1570, Carloix, écrit espionnaige
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1698

[espionnage, 1748, Montesquieu], au sens


1 ; sens 2, 1888, Larousse). 1. Action d’es-
pionner ; surveillance discrète et systéma-
tique exercée sur quelqu’un : Être surpris
en flagrant délit d’espionnage. ‖ 2. Activité
des espions professionnels : Service, réseau
d’espionnage. Roman, film d’espionnage.
‖ Spécialem. En droit, recherche d’infor-
mations militaires, au profit d’une nation,
par des individus qui opèrent clandestine-
ment ou sous de faux prétextes.

espionner [ɛspjɔne] v. tr. (de espion ;


1482, Godefroy, au sens de « observer » ;
sens 1, 1606, Crespin ; sens 2, 1640, Oudin).
1. Surveiller secrètement et systématique-
ment les actions et les paroles de quelqu’un,
au profit d’une tierce personne ou pour
son compte personnel : Les hommes mas-
qués sont des maris qui viennent espionner
leurs femmes, ou des maris en bonne for-
tune qui ne veulent pas être espionnés par
elles (Balzac). ‖ 2. Observer en espion les
activités d’un pays étranger.

• SYN. : 1 épier, guetter.

espionnite [ɛspjɔnit] n. f. (de espion ;


1923, Mercure de France). Fam. Manie des
personnes qui se croient espionnées, ou
voient des espions partout.

esplanade [ɛsplanad] n. f. (ital. spianata,


part. passé fém. substantivé de spianare,
aplanir, lat. explanare, étendre, étaler,
aplanir, de ex-, préf. à valeur intensive, et
de l’adj. planus, de surface plane, plat, uni,
égal ; fin du XVe s., Martial d’Auvergne,
au sens de « lieu aplani [en général],
débarrassé de ce qui gêne » ; sens 1, fin
du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens 2, début
du XVIIe s. ; sens 3, 1755, Encyclopédie).
1. Espace libre et plat ménagé devant le
glacis d’une fortification, pour permettre
de voir et d’atteindre l’assaillant éventuel
d’aussi loin que possible. ‖ Par extens.
Espace uni qui, dans une place de guerre,
s’étend entre les murailles de la citadelle
et les maisons de la ville : Le marquis de
Saint-Luc mit toutes ses troupes en bataille
dans l’esplanade qui est devant la porte
de la ville (La Rochefoucauld). ‖ 2. Vaste
place dégagée, en avant d’un édifice :
L’esplanade des Invalides. J’étais sur l’es-
planade de l’église, devant le portail, et
pour ainsi dire sur la tête de la ville (Hugo).
‖ 3. Lieu élevé et découvert d’où l’on peut
apercevoir un vaste horizon : Cette tour est
tellement épaisse que, sur l’esplanade qui la
termine, on a pu bâtir un palais (Stendhal).

espoir [ɛspwar] n. m. (déverbal de espé-


rer, d’après les anc. formes de l’indic.
prés. accentuées sur le radical j’espeir
/ espoir, tu espeires / espoires, etc. ; v.
1130, Eneas, écrit espeir [espoir, milieu
du XIIe s.], au sens 3 [pour désigner une
personne, 1689, Racine] ; sens 1-2, milieu
du XIIe s., Jeu d’Adam). 1. Le fait d’espérer,
d’attendre quelque chose avec confiance :
Toute science ment, tout espoir est déçu

(Leconte de Lisle). Que servirait d’éveiller


en Gertrude un espoir ? (Gide). On conserve
peu d’espoir de retrouver des survivants de
la catastrophe. ‖ Dans l’espoir de ou que,
dans la pensée de ou que. ‖ Class. Faire
l’espoir de quelque chose, susciter l’espoir de
quelque chose : Galba ne l’a produit qu’avec
sévérité, | Sans faire aucun espoir de libéra-
lité (Corneille). ‖ 2. Sentiment qui porte à
espérer : La vraie douleur est incompatible
avec l’espoir. Pour si grande que soit cette
douleur, l’espoir de cent coudées s’élève plus
haut encore (Lautréamont). Perdre l’espoir.
Avoir bon espoir. ‖ 3. Ce que l’on espère :
Son espoir avait toujours été que, son affaire
de Waterloo arrangée, il finirait par être
militaire (Stendhal). ‖ La personne ou la
chose qui est l’objet de l’espoir : Vous êtes
mon seul espoir. ‖ Spécialem. Personne qui
présente toutes les qualités voulues pour
réussir dans un domaine déterminé : Un
espoir du cyclisme, du tennis.

• SYN. : 1 attente, désir, espérance.

— CONTR. : 1 appréhension, crainte, inquié-


tude ; 2 désespérance, désespoir.

espolette [ɛspɔlɛt] ou espoulette


[ɛspulɛt] n. f. (ital. spoletta, dimin. de sp
[u]ola, bobine, germ. *spôla, bobine, tuyau ;
1771, Trévoux, écrit espoulette [espolette,
fin du XVIIIe s.], au sens de « fusée de pro-
jectile creux » ; sens 1, 1870, Larousse ;
sens 2, XXe s.). 1. Dans la marine ancienne,
tube métallique qui servait à réamorcer la
lumière d’une bouche à feu après un raté :
Un petit tronçon d’espoulette qui avait servi
de boute-feu au pierrier de signal (Hugo).
‖ 2. Tube gradué en durées, qui, dans une
fusée de guerre, transmettait le feu à la
charge du projectile. ‖ Dans un artifice,
élément qui déclenche une inflammation
au bout d’un temps déterminé.

esponton [ɛspɔ̃tɔ̃] n. m. (anc. ital. spon-


tone, courte pique, de s- [lat. ex-, préf. à
valeur intensive] et de punto, point, piqûre,
de même origine que le franç. point, n. m.
[v. ce mot] ; fin du XVIe s., Brantôme, écrit
sponton [esponton, 1688, Miege], au sens
1 ; sens 2, 1864, Littré). 1. Demi-pique en
usage dans l’armée française du XVIe au
XIXe s. ‖ 2. Partie inférieure d’un barreau
de grille, amincie en fuseau.

espressione (con) [kɔnɛsprɛsjɔne]


loc. adv. (mots ital. signif. « avec expres-
sion » [pour l’étym., v. EXPRESSION] ; 1845,
Bescherelle). En termes de musique, d’une
manière expressive. (On écrit en abrégé :
CON ESPRESS., ou simplem. ESPRESS.)

espressivo [ɛsprɛsivo] adj. (mot ital.


signif. « expressif », de espressione [v. l’art.
précéd.] ; 1845, Bescherelle, écrit espres-
sive ; espressivo, 1864, Littré). En termes
de musique, expressif, plein de sentiment.
& adv. Avec expression : Jouer espressivo.

esprit [ɛspri] n. m. • ÉTYM. Lat. spiri-


tus, souffle (de l’air, du vent), respiration,

haleine, aspiration (en grammaire), vie, ins-


piration, sentiment, âme et, au Moyen Âge,
dans la langue des alchimistes, « essence,
eau-de-vie », de spirare, souffler, respirer,
vivre, exhaler ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
écrit esperit ; esprit, XIVe s. (quelques
exemples dès le XIIe s., où on rencontre aussi,
fréquemment, la forme espirit). — A. : sens
I, 1 et 4, v. 1120, Psautier d’Oxford ; sens
I, 2, v. 1050, Vie de saint Alexis ; sens I, 3,
XIIe s. ; sens II, 1655, Lancelot. — B. : sens I,
1, av. 1655, Tristan L’Hermite ; sens I, 2, v.
1560, Paré ; sens II, 1, 1377, Oresme (esprits
vitaux, animaux, début du XVIe s.) ; sens II,
2, fin du XIVe s., E. Deschamps ; sens II, 3-4,
début du XVIe s. — C. : sens I, v. 1050, Vie
de saint Alexis ; sens II, 1, XIIe s. ; sens II, 2,
fin du XIVe s., E. Deschamps (esprit familier,
1564, Indice de la Bible) ; sens II, 3, 1530,
Palsgrave. — D. : sens I, 1-4, v. 1155, Wace ;
sens I, 5, v. 1120, Psautier d’Oxford ; sens
I, 6, 1671, Mme de Sévigné ; sens II, 1, 1609,
François de Sales ; sens II, 2, 1611, Cotgrave ;
sens III, 1-2, 1501, Destrées ; sens III, 3, fin
du XVIIe s., Saint-Simon. — E. : sens 1, av.
1662, Pascal ; sens 2, 1679, Bossuet ; sens
3, 1608, M. Régnier ; sens 4, 1670, Patru ;
sens 5, fin du XVIIe s.

A. Souffle.

• I. 1. Souffle créateur de Dieu (dans les


traductions de la Bible et des Évangiles) :
La terre était informe et toute nue, les
ténèbres couvraient la face de l’abîme, et
l’esprit de Dieu était porté sur les eaux
(Saci, Gen., I, 2). L’esprit souffle où il veut
(Jean, III, 4). L’esprit de Dieu, le Saint-Es-
prit en figure, selon la première significa-
tion de la lettre, un vent, un air que Dieu
agitait (Bossuet). ‖ 2. Souffle vital : C’est
ce que veut dire ce souffle divin, c’est ce que
nous représente cet esprit de vie (Bossuet).
‖ Class. et littér. Rendre l’esprit, expi-
rer, rendre le dernier soupir (ou rendre
l’âme) : Et fais que sur ma tombe Arcas
rende l’esprit (Rotrou). Sa belle-mère
[...] rendait l’esprit entre ses bras (Sand).
‖ 3. Inspiration qui vient de Dieu : L’es-
prit du Seigneur fut en lui, et il jugea Israël
(Saci, Juges, III, 10). Est-ce l’esprit divin
qui s’empare de moi ? (Racine). ‖ Cher-
cher l’esprit, chez les puritains, solliciter
l’inspiration divine par la prière et la
méditation. ‖ 4. Esprit-Saint ou Saint-
Esprit, dans la théologie chrétienne, la
troisième personne de la Trinité, qui pro-
cède du Père et du Fils : Le Saint-Esprit,
qui sort du Père et du Fils, comme leur
amour mutuel (Bossuet).

• II. Degré de l’intensité du souffle dans


la prononciation des voyelles initiales en
grec, noté par un signe qui se place sur
la première lettre des mots commençant
par une voyelle ou un rhô, ou sur la deu-
xième voyelle des mots commençant par
une diphtongue. ‖ Esprit rude, émission
du son avec aspiration ; signe qui la note
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1699

(‘). ‖ Esprit doux, émission du son sans


aspiration ; signe qui la note (‘).

• SYN. : I, 3 grâce, illumination.

B. Émanation des corps.

• I. 1. Class. Essence très volatile, vapeur


qui s’exhale des corps, en particulier
émanation odorante, parfum (au sing. ou
au plur.) : [Le lièvre] se trahit lui-même |
Par les esprits sortant de son corps échauf-
fé (La Fontaine). Là, parmi des jasmins
plantés confusément, | Et dont le doux
esprit à toute heure s’exhale... (Tr. L’Her-
mite). Les uns dirent que le haut de la
sarbacane était plein des esprits du mer-
cure (Pascal). ‖ 2. Vx. Dans l’ancienne
chimie, partie la plus volatile d’un corps
soumis à la distillation (au sing. ou au
plur.). ‖ Spécialem. Ancienne dénomina-
tion des produits de la distillation, et en
particulier des eaux-de-vie contenant de
66 à 70 p. 100 d’alcool. ‖ En pharmacie,
nom donné autrefois à des médicaments
volatils ou résultant d’une distillation.
‖ Esprits parfumés, les alcoolats, ou alco-
ols aromatisés. ‖ Esprit fugitif, le mer-
cure. ‖ Esprit-de-bois, alcool méthylique.
‖ Esprit-de-sel, acide chlorhydrique.
‖ Esprit-de-soufre, acide sulfureux. ‖ Es-
prit-de-vin, alcool éthylique. ‖ Esprit-de-
vinaigre, acide acétique. ‖ Esprit-de-vi-
triol, acide sulfurique.

• II. 1. Class. Les esprits, selon une théo-


rie physiologique célèbre au XVIIe s., « pe-
tits corps légers, chauds et invisibles qui
portent la vie et le sentiment dans les par-
ties de l’animal » (Acad., 1694). ‖ Esprits
vitaux, « partie la plus subtile et la plus
agitée du sang, de laquelle dépendent son
mouvement et sa chaleur » (Furetière,
1690). ‖ Esprits animaux, « corps très
subtils et très mobiles, contenus dans le
cerveau et les nerfs [...], auteurs du senti-
ment et du mouvement animal » (Fure-
tière, 1690) : La génération des esprits ani-
maux, qui sont comme un vent très subtil,
ou plutôt comme une flamme très pure et
très vive... (Descartes). ‖ 2. Class. et Spé-
cialem. Les esprits animaux considérés
comme les agents de la vie physique et
psychique (« énergie vitale, sens, connais-
sance ») : M. de Turenne reçut le coup au
travers du corps : vous pouvez penser s’il
tomba et s’il mourut. Cependant le reste
des esprits fit qu’il se traîna la longueur
d’un pas, et que même il serra la main
par convulsion (Sévigné). ‖ Class. Perdre,
reprendre ses esprits, perdre, reprendre
connaissance : J’ai senti défaillir ma force
et mes esprits. | Ses femmes m’entouraient
quand je les ai repris (Racine). Je reprends
mes esprits (Molière). ‖ Auj. Reprendre
ses esprits, revenir à soi, se remettre d’un
grand trouble : Buvez, maître Blazius, et
reprenez vos esprits (Musset). ‖ 3. Class.
et Spécialem. Les esprits animaux consi-
dérés comme les agents de la vie affec-

tive (« sentiments, coeur, âme ») : Sa vue


a ranimé mes esprits abattus (Racine).
‖ 4. Class. et Spécialem. Les esprits ani-
maux considérés comme les agents de
la vie intellectuelle (« intelligence ») : Le
philosophe consume sa vie à observer les
hommes, et il use ses esprits à en démê-
ler les vices et le ridicule (La Bruyère).
De quelle horreur ses timides esprits | À
ce nouveau spectacle auront été surpris
(Racine).

C. Principe immatériel.

• I. La substance incorporelle, par oppo-


sition à la substance corporelle ; l’âme
considérée comme le principe qui donne
vie et mouvement au corps : Dieu est
esprit (Bossuet). L’homme, esprit et corps
tout ensemble (Bossuet). Un esprit vit en
nous et meut tous les ressorts (La Fon-
taine). Il [l’homme] ne peut concevoir ce
que c’est que corps, et encore moins ce que
c’est qu’esprit, et encore moins qu’aucune
chose comment un corps peut être uni avec
un esprit (Pascal).

• II. 1. Être incorporel : Le premier de


tous les esprits, c’est Dieu (Bossuet). ‖ Pur
esprit, être intelligent qui n’est pas lié à un
corps : Dieu, qui est un pur esprit, a voulu
créer de purs esprits comme lui (Bossuet).
Reine des esprits purs [la Vierge] (La
Fontaine). ‖ Esprits de lumière, esprits
célestes, les anges. ‖ Esprits bienheureux,
les âmes des saints. ‖ L’esprit immonde,
l’esprit malin, l’esprit de ténèbres, le dé-
mon, Satan, la puissance du Mal, et aussi
l’inspiration du démon : Ceux qui sont
possédés du malin esprit (Bossuet). ‖ Es-
prits de l’abîme, esprits de ténèbres, ou
simplem. les esprits, les démons : Un ma-
nant qui chassait les esprits (La Fontaine).
‖ 2. Être immatériel auquel on attribue
une action sur les phénomènes naturels
ou sur la destinée humaine : Croire aux
esprits. ‖ Esprit familier, génie qu’on sup-
pose attaché à une personne pour lui ins-
pirer ses décisions, ses propos : L’esprit ou
démon familier de Socrate. ‖ 3. Spécia-
lem. Âme des hommes désincarnée après
la mort, fantôme, revenant : Interroger
les esprits. La femme d’Heudicourt, avec
tout son esprit, craignait les esprits (Saint-
Simon). ‖ Esprits frappeurs, nom donné
par les spirites aux âmes des morts qui
manifesteraient leur présence et feraient
connaître leurs volontés en frappant un
certain nombre de coups.

D. Principe de la pensée et de l’activité

intellectuelle.

• I. 1. La substance ou réalité pensante,


le sujet de la représentation par opposi-
tion à l’objet de la représentation : Je ne
considère pas l’esprit comme une partie
de l’âme, mais comme cette âme tout
entière qui pense (Descartes). ‖ Souvent

opposé à la matière, à la nature, à la chair


(dans la langue religieuse) : Ne demande
jamais à ta chair infidèle | Ce qu’elle veut
ou ne veut pas ; | Range-la sous l’esprit,
et fais qu’en dépit d’elle | Son esclavage
ait pour toi des appâts (Corneille, Imita-
tion, III, 11). ‖ 2. Ensemble des facultés
psychiques de l’homme, partie de la per-
sonne qui pense, sent, veut, se souvient,
imagine : Dedans l’esprit, il me vint aus-
sitôt de l’étrangler (La Fontaine). Quoi ?
Je ne vous ai point parlé de Saint-Mar-
ceau ? Je ne sais où j’avais l’esprit (Sévi-
gné). Avoir, se mettre quelque chose dans
l’esprit. Se mettre bien dans l’esprit que...
C’est une idée qui m’est venue à l’esprit.
Paresse, lenteur d’esprit. Simplicité d’es-
prit. ‖ Désigne parfois une faculté en
particulier : la mémoire : Le temps m’a
de l’esprit son portrait effacé (Rotrou). Ce
rendez-vous m’était complètement sorti
de l’esprit ; l’attention : Il n’a pas l’esprit
à ce qu’il fait. ‖ Vx. En esprit, par la pen-
sée, en imagination : La lettre dont Votre
Majesté m’honore m’a transporté en esprit
à Orembourg (Voltaire). Ce vers [...] avec
quel intérêt je le repasse en esprit (France).
‖ Présence d’esprit, promptitude à voir la
conduite qu’il faut tenir, les paroles qu’il
faut dire. ‖ 3. Faculté de comprendre,
entendement, intelligence (vieilli en ce
sens, sauf dans des expressions ou dans
la langue philosophique) : Mon Dieu !
voyons l’affaire ; on a assez d’esprit pour
comprendre les choses (Molière). Je n’ai
pas cru qu’il fût possible à l’esprit humain
de distinguer les formes ou espèces de
corps qui sont sur la terre (Descartes).
Dieu est esprit, dit Notre-Seigneur, et ceux
qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et
en vérité, c’est-à-dire que cette suprême
intelligence doit être adorée par l’intelli-
gence (Bossuet). C’est un grand malheur
d’avoir l’esprit trop hâtif (Musset). Avoir
l’esprit vif, clair, pénétrant. ‖ Spécialem.
et class. La faculté de raisonner, l’intel-
ligence discursive : La finesse est la part
du jugement, la géométrie est celle de
l’esprit (Pascal). ‖ Souvent opposé au
coeur, siège des sentiments, à l’âme, prin-
cipe de l’affectivité, ou à la sensibilité :
Le coeur a son ordre, l’esprit a le sien, qui
est par principes et démonstrations (Pas-
cal). L’esprit est toujours la dupe du coeur
(La Rochefoucauld). Pour bien écrire, il
faut que la chaleur du coeur s’unisse à la
lumière de l’esprit (Buffon). Le peuple n’a
guère d’esprit, et les grands n’ont point
d’âme (La Bruyère). ‖ Class. Bon esprit,
jugement sain, bon sens : J’ai l’honneur
d’avoir trouvé des expédients que le bon
esprit de l’abbé ne trouvait pas (Sévigné).
Elle savait que le bon esprit consiste à se
conformer à la situation (Voltaire). ‖ Auj.
Avoir le bon esprit de, être assez intel-
ligent, assez perspicace pour : Il a eu le
bon esprit de partir au moment opportun.
‖ Tour d’esprit, manière spéciale de com-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1700

prendre ou d’exprimer les choses. ‖ Vue


de l’esprit, idée chimérique, utopique.
‖ 4. Class. Faculté de connaître et faculté
créatrice (jugement, goût, sensibilité,
sens artistique) : Il y a peu d’hommes dont
l’esprit soit accompagné d’un goût sûr et
d’une critique judicieuse (La Bruyère).
‖ Class. Ouvrages d’esprit ou de l’esprit,
les oeuvres littéraires. ‖ Class. Homme
d’esprit, celui qui à l’intelligence et à la
sensibilité joint la culture et parfois le
talent : Un homme d’esprit n’est point
jaloux d’un ouvrier qui a travaillé une
bonne épée ou d’un statuaire qui vient
d’achever une belle figure (La Bruyère).
‖ Class. D’esprit, en parlant des choses,
ingénieux, habile : Préparons le billet
que ma maîtresse écrit | À Léandre. Il
verra que le tour est d’esprit (Montfleury).
‖ Bel esprit, distinction de l’intelligence,
activité intellectuelle tournée vers la lit-
térature : L’homme à la veste, qui s’est
jeté dans le bel esprit, et veut être auteur
malgré tout le monde (Molière). [V. aussi
§ III, n. 2, ci-après.] ‖ 5. Class. Coeur,
âme, siège des sentiments : J’étouffe, je
suis triste ; il faut que le vert naissant et
les rossignols me redonnent quelque dou-
ceur dans l’esprit (Sévigné). ‖ 6. Class.
Disposition intérieure et passagère d’une
personne, humeur : Vous êtes là comme
la reine : elle ne se repose jamais... Il faut
donc prendre son esprit, et avoir patience
au milieu de toutes vos cérémonies (Sévi-
gné). Avec votre jalouse elle a changé d’es-
prit (Corneille).

• II. 1. Aptitude particulière de l’intel-


ligence, forme de pensée (avec un com-
plément du nom sans article ou un adjec-
tif) : Esprit d’analyse, de synthèse. Esprit
philosophique. Esprit scientifique. Esprit
pratique. L’esprit critique, sans lequel
toute science est chimérique, mais dont les
excès énervent l’invention, n’avait guère
crédit dans cette ferveur novice (Duha-
mel). ‖ Esprit de finesse, chez Pascal,
l’intuition, par opposition à l’esprit de
géométrie, ou raisonnement déductif.
‖ 2. Absol. Acuité, vivacité de la pensée,
aptitude à exposer ses idées de façon in-
génieuse, piquante, à trouver des rappro-
chements inattendus, des saillies vives
ou plaisantes : Avoir de l’esprit. Homme,
femme d’esprit. Mot d’esprit. Le maire de
Verrières devait une réputation d’esprit et
surtout de bon ton à une demi-douzaine
de plaisanteries dont il avait hérité d’un
oncle (Stendhal). Les Rhodiens furent
riches ; mais les Athéniens eurent de l’es-
prit, c’est-à-dire la vraie joie, l’éternelle
gaieté, la divine enfance du coeur (Renan).
Il faut de l’esprit pour bien parler, de l’in-
telligence suffit pour bien écouter (Gide).
L’esprit, c’est une manière vive de sentir,
de comprendre et de s’exprimer (Léau-
taud). ‖ Trait d’esprit, repartie piquante.
‖ Faire de l’esprit, courir après l’esprit,

chercher avec affectation l’occasion


de placer des mots d’esprit. ‖ Avoir de
l’esprit jusqu’au bout des doigts, avoir de
l’esprit comme quatre, être très spirituel,
avoir un grand don de repartie.

• III. 1. Être pensant, personne douée


d’intelligence : Quand il fut en l’âge où la
chasse | Plaît le plus aux jeunes esprits...
(La Fontaine). Certains esprits vains,
familiers, délibérés... (La Bruyère). Un es-
prit audacieux. Un esprit plein de fantai-
sie. ‖ Les esprits, les hommes, les gens :
Jugez combien ce coup frappe tous les es-
prits (Racine). Les esprits sont échauffés.
Calmer les esprits. ‖ Class. Mon esprit,
votre esprit, etc., périphrases de sens
très affaibli, équivalant à peu près à je,
vous, etc. : Mon esprit ne court pas après
si peu de chose (Molière). Votre esprit à
l’hymen renonce pour toujours (Molière).
‖ 2. Personne considérée du point de vue
de sa valeur intellectuelle ou morale : Un
esprit fin, subtil. Un esprit profond, élevé.
C’est un esprit original, médiocre. Un
esprit généreux. La science réclame des
esprits vigoureux, solides, précis (Goblot).
‖ Grand esprit, personne douée d’une
intelligence supérieure, qui se distingue
par l’ampleur de ses conceptions : Il n’y
a que les grands esprits qui forment les
grandes nations (Napoléon Ier). ‖ Esprit
faux, personne qui ne sait pas voir les
choses sous leur jour véritable, ou qui
est incapable de raisonner avec rigueur.
‖ Esprit fort, autref., homme qui affectait
de se mettre au-dessus des opinions re-
çues, surtout en matière religieuse, libre
penseur, athée : Voilà de nos esprits forts
qui ne veulent rien croire (Molière) ; auj.,
homme qui agit ou qui raisonne sans te-
nir compte des idées communes. ‖ Class.
Bel esprit, celui qui se distingue par la
finesse de son intelligence, l’élégance de
sa parole ou de ses ouvrages : Chacun fait
ici-bas la figure qu’il peut, | Ma tante, et
bel esprit il ne l’est pas qui veut (Molière) ;
péjor. ou ironiq., personne qui cherche
avec affectation à se montrer intelligente
ou spirituelle : Ascagne est statuaire [...]
et Cydias bel esprit, c’est sa profession (La
Bruyère). Une femme bel esprit est le fléau
de son mari, de ses enfants, de ses amis,
de ses valets, de tout le monde (Rousseau).
[V. aussi § I, n. 4, ci-dessus.] ‖ 3. Class.
et absol. Personne d’esprit : Mme Martel,
vieille bourgeoise de Paris, qui était un
esprit et qui voyait assez bonne compagnie
(Saint-Simon).

• SYN. : I, 1 moi, pensée ; 3 compréhension,


intellect, jugement, raison.‖ III, 1 homme,
humain.

E. Principe de pensée et d’action.

1. Manière de penser, disposition d’une


personne ou d’un groupe de personnes
sous un rapport donné, qui oriente leur
action, inspire leur attitude (avec un

complément du nom sans article ou avec


un adjectif) : Esprit de colère (Job, IV, 9).
Esprit de jalousie (Nombres, v, 14). Es-
prit de défiance, d’intrigue (La Bruyère).
Dieu, sans doute, a versé dans son coeur |
Cet esprit de douceur (Racine). L’esprit de
rébellion politique n’est pas éteint au coeur
de l’homme, heureusement (Duhamel).
Esprit de conciliation. Esprit d’entre-
prise. Esprit de famille. Esprit d’équipe.
Esprit de sacrifice. Esprit révolutionnaire.
‖ Esprit de clocher, v. CLOCHER. ‖ Esprit
de suite, continuité, persévérance dans la
même ligne de conduite, dans le même
ordre d’idées : Tous ses travaux attestent
un surprenant esprit de suite, et pourtant
il est distrait (Duhamel). ‖ Sans esprit
de retour, sans intention de revenir en
un lieu ou à un état antérieur. ‖ Avoir
bon esprit, avoir une tendance naturelle
à juger les autres avec bienveillance ; ac-
cepter spontanément de se soumettre à la
discipline ou aux conditions imposées.
‖ Mauvais esprit, tendance à juger autrui
avec malveillance, ou à se rebeller sour-
dement contre l’autorité, la discipline :
Un élève intelligent, que j’ai dû renvoyer
depuis pour son mauvais esprit (France).
‖ Par extens. Un mauvais esprit, un indi-
vidu indiscipliné, un élément de trouble
dans une collectivité. ‖ 2. Class. L’esprit
de (et un infinitif complément), l’inten-
tion, la volonté, le désir éprouvé par
quelqu’un de faire telle chose : L’esprit
charitable de souhaiter plaies et bosses à
tout le monde est extrêmement répandu
(Sévigné). On lit son livre, quelque excel-
lent qu’il soit, dans l’esprit de le trouver
médiocre (La Bruyère). ‖ 3. Fond d’idées,
de sentiments qui caractérise une per-
sonne, un groupe de personnes, une
époque, etc. : Dans tout ce qu’il dit, | De
vous et de Joad je reconnais l’esprit (Ra-
cine). Il ne sort jamais aucun ouvrage de
chez nous qui n’ait l’esprit de la Société [de
Jésus] (Pascal). L’esprit du siècle en avait
entièrement banni la régularité [du mo-
nastère] (Racine). Il supportait aisément
les injures, tant par esprit chrétien que
par philosophie (France). Le plus grand
mystère de l’univers est encore la clarté
de l’esprit français (Giraudoux). ‖ En-
trer dans l’esprit de, bien comprendre
la pensée de quelqu’un, le sens profond
de quelque chose : Un acteur qui entre
bien dans l’esprit de son personnage, de
son rôle. ‖ Vx. Esprit public, ensemble
des idées, des aspirations politiques qui
s’imposent à l’opinion d’un pays à une
époque donnée : Anglais, dont on nous
vante ici l’esprit public, ayant fait le mot,
vous avez la chose sans doute... (Courier).
‖ Esprit de corps, ensemble des traditions
militaires fidèlement conservées dans un
corps de troupe ou dans une arme et qui
y créent un sentiment de fraternité et de
dévouement ; par extens., état d’esprit
propre aux membres d’une collectivité
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1701

(parfois péjor.). ‖ 4. Pensée dominante


d’une oeuvre, sens profond d’un texte :
De l’esprit des lois (Montesquieu). L’esprit
d’une Constitution, d’un traité. ‖ Spé-
cialem. Tendance, orientation générale
d’une publication, d’un écrit : L’esprit
d’une revue, d’un journal. ‖ La lettre tue
et l’esprit vivifie, il faut s’attacher au sens
profond d’un texte et non à sa forme lit-
térale (par allusion à la deuxième épître
de saint Paul aux Corinthiens, III, 6).
‖ 5. Vx. Choix de textes, de pensées fait
dans les oeuvres d’un écrivain et per-
mettant de saisir l’essence de sa pensée :
L’Esprit de Bossuet.

• SYN. : 3 caractère, génie, mentalité ; 4


fond.

esprité, e [ɛsprite] adj. (de esprit ; XVIIe s.,


Dict. général). Fam. ou dialect. Qui a de
l’esprit : Cette petite bête, elle était espri-
tée autant qu’une personne naturelle
(Genevoix).

esquels, elles [ɛskɛl] pron. rel. (de ès,


prép., et de quel ; XIIe s.). Class. (déjà vx au
XVIIe s.). Auxquels, auxquelles ; en lesquels,
en lesquelles : Il se plaît à nous commander
des choses esquelles toute la nature répugne
(Bossuet).

esquicher [ɛskiʃe] v. intr. ou s’esqui-


cher [sɛskiʃe] v. pr. (provenç. moderne
esquicha, presser, anc. provenç. esquissar,
déchirer [XIIe s.], presser [XVIe s., Pansier],
de l’onomatop. skits [v. ESQUISSER] ; 1789,
Encycl. méthodique). Vx. Au jeu de reversi,
jeter sa carte la plus faible pour éviter de
prendre.

& v. tr. (fin du XIXe s.). Dialect. Serrer, com-


primer : Une pierre de carrière, me tombant
sur l’échine, a failli m’esquicher comme un
anchois (L. Daudet).

esquif [ɛskif] n. m. (ital. schifo, embar-


cation légère, du langobard *skif, bateau ;
fin du XVe s., G. de Villeneuve). Littér.
Embarcation légère : Et l’esquif en sa
course brève | File gaiement sur l’eau qui
rêve (Verlaine) ; et au fig. : Naguère une
même tourmente, | Ami, battait nos deux
esquifs (Hugo).

esquille [ɛskij] n. f. (empr., avec modi-


fication de la terminaison, du lat. schidia,
copeau, gr. skhiza, même sens, de skhizein,
fendre ; 1503, G. de Chauliac, au sens 1 ;
sens 2, 1752, d’après Boiste, 1834). 1. Petit
fragment d’un os fracturé : Héquet avait
débridé la plaie, relevé les os fracturés dont
les esquilles s’enfonçaient profondément
dans la substance cérébrale (Martin du
Gard). ‖ 2. Petit éclat de bois : Être blessé
par une esquille.

esquilleux, euse [ɛskijø, -øz] adj.


(de esquille ; v. 1560, Paré). En termes
de chirurgie, qui présente des esquilles :
Fracture esquilleuse.

esquimau, aude [ɛskimo, -od] adj. et


n. (esquimau Eskimo, esquimau ; XVIIIe s.).
Qui appartient, qui est relatif au peuple
des Esquimaux.

• REM. On trouve aussi, mais plus rare-


ment, les formes ESQUIMO et ESKIMO, qui
n’ont pas de féminin.

& esquimau n. m. (sens I, av. 1848,


Chateaubriand ; sens II, 1, v. 1930 ; sens II,
2, 1922, Bloch-Wartburg).

I. Ensemble des langues parlées par


les Esquimaux : [Il] m’invita à ap-
prendre le sioux, l’iroquois et l’esquimau
(Chateaubriand).

II. 1. Combinaison en tricot que portent


les jeunes enfants, surtout l’hiver, pour se
protéger du froid. ‖ 2. Friandise consis-
tant en une glace enrobée de chocolat.

esquimautage [ɛskimɔtaʒ] n. m. (de


esquimau ; milieu du XXe s.). Acrobatie nau-
tique qui consiste, pour un kayakiste, à se
retourner dans l’eau avec son bateau et à se
rétablir ensuite dans la position normale.

esquinancie [ɛskinɑ̃si] n. f. (de é-, es-


[lat. ex-, préf. à valeur intensive], et de
l’anc. franç. quinancie, inflammation de
la gorge, angine [v. 1175, Chr. de Troyes],
du lat. médic. cynanchē, sorte d’angine, gr.
kunagkhê, proprem. « collier de chien » [à
cause de la sensation d’étranglement que
provoque cette maladie], de kuôn, kunos,
chien, et agkhein, serrer, presser, étreindre ;
XIIIe s., Dict. général, écrit esquinancy ;
esquinancie, 1690, Furetière [var. squinan-
cie, v. 1560, Paré]). Vx. Inflammation de
la gorge, plus particulièrement des amyg-
dales : J’ai ici des rhumes, des maux de gorge
et des esquinancies (Rousseau).
1. esquine [ɛskin] n. f. (provenç. moderne
esquino, correspondant du franç. échine
[v. ce mot] ; 1678, Guillet). Vx. Échine du
cheval, en termes de manège.

2. esquine [ɛskin] n. f. (altér. mal expli-


quée de China, n. anc. de la Chine [qu’on
prononçait primitivement avec un k- ini-
tial], la plante étant originaire de Chine ;
v. 1560, Paré [var. squine, 1660, Oudin]).
Autre forme de SQUINE, nom d’une plante :
Prends ces cheveux, que je ne laverai plus
dans l’eau d’esquine (Chateaubriand).

esquintant, e [ɛskɛ̃tɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de esquinter ; XXe s.). Fam. Qui
esquinte, cause une grande fatigue : Travail
esquintant.

• SYN. : crevant (très fam.), épuisant, érein-


tant (fam.), exténuant, harassant, tuant.

— CONTR. : délassant, reposant ; stimulant,


tonique.

esquintement [ɛskɛ̃tmɑ̃] n. m. (de


esquinter ; 1837, Vidocq, au sens de « effrac-
tion » ; 1920, Bauche, au sens de « grande
fatigue »). Fam. et vx. Action d’esquinter ;
fatigue extrême : Avec l’esquintement du
turbin (Bataille).

esquinter [ɛskɛ̃te] v. tr. (mot arg., du


provenç. esquintá, fatiguer beaucoup, anc.
provenç. esquintar, déchirer, tirer, lat. pop.
*exquintare, proprem. « mettre en cinq »,
de ex-, préf. marquant la séparation, et de
quintus, cinquième, de quinque, cinq ; 1800,
G. Esnault, au sens 1, et 1861, au sens 2 ;
sens 3, 1828, Vidocq ; sens 4, fin du XIXe s.).
1. Fam. Mettre à mal, démolir, blesser :
Esquinter quelqu’un. Se faire esquinter. Il
s’est esquinté le pied en sautant. ‖ 2. Fam.
Fatiguer à l’excès, éreinter : Si vous aviez
vu la femme, ses quarante ans de blonde
esquintée (Daudet). Les garçons esquintés
sont retombés sur les chaises (Huysmans).
‖ Fam. S’esquinter la santé, la compro-
mettre par des excès, des imprudences ; au
fig., se donner du mal. ‖ Fam. S’esquinter le
tempérament, se faire beaucoup de soucis :
Quand on a des rentes, sacristi ! il faudrait
être jobard pour s’esquinter le tempérament
(Maupassant). ‖ 3. Fam. Abîmer, endom-
mager, détériorer : Esquinter sa voiture en
entrant dans un arbre. Il songea à esquin-
ter l’extérieur et il abattit la flèche et ses
quatre clochetons (Huysmans). ‖ 4. Fig. et
fam. Critiquer sévèrement quelque chose
(surtout une oeuvre) ; attaquer la réputa-
tion de quelqu’un : Son dernier roman a
été esquinté par la critique. C’est la mère
Taupin qui m’a esquinté auprès de Madame
parce que j’ai connu l’histoire du grenier
(L. Daudet).

• SYN. : 2 briser, épuiser, exténuer, haras-


ser, surmener ; 4 dénigrer, éreinter (fam.),
étriller, malmener.

& s’esquinter v. pr. (1861, G. Esnault). Fam.


S’esquinter à quelque chose, à faire quelque
chose, se fatiguer beaucoup, se donner du
mal à le faire : De retour à la maison, je
m’esquinte à ranger des papiers et à faire ma
malle (Gide). ‖ Pop. S’esquinter au boulot,
altérer sa santé en travaillant trop.

esquire [ɛskwajr] n. m. (mot angl.,


empr. anc. du franç. escuier, escuyer [v.
ÉCUYER] ; 1870, Larousse). Le plus bas titre
de noblesse, en Grande-Bretagne, devenu
un terme honorifique dont on fait suivre
le nom de tout homme d’un rang social
élevé, non accompagné de titre nobiliaire.
• REM. On écrit en abrégé ESQ. et l’on dit
aussi SQUIRE (1870, Larousse).

esquisse [ɛskis] n. f. (ital. schizzo, tache


que produit un liquide en jaillissant, d’où
« dessin provisoire » [emploi dû au peintre
florentin Giorgio Vasari, 1512 - 1574],
dér. de schizzare [v. ESQUISSER] ; milieu
du XVIe s., écrit esquiche [esquisse, 1611,
Cotgrave], au sens 1 [en architecture ;
en dessin, 1642, Oudin] ; sens 2, 1752,
Trévoux ; sens 3, av. 1794, Condorcet ; sens
4, fin du XIXe s.). 1. Premier tracé d’un des-
sin, d’une peinture (au crayon, à la craie,
au pinceau, etc.), indiquant seulement les
principales lignes du sujet : Les esquisses
ont communément un feu que le tableau
n’a pas (Diderot). On a des esquisses de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1702

Raphaël où le même trait est recommencé


dix-sept fois (Taine). ‖ Première repré-
sentation (dessin, peinture, modelage...)
d’une idée de sculpture, d’architecture
ou d’art décoratif. ‖ 2. Plan sommaire,
première idée écrite d’une oeuvre litté-
raire : L’esquisse d’un drame. ‖ 3. Aperçu
général : La deuxième partie [du Discours
sur l’inégalité de Rousseau] est une large
esquisse de l’histoire politique de l’humanité
(Lemaitre). ‖ 4. Commencement, ébauche
d’une action : L’esquisse d’un geste, d’un
sourire, d’un refus.

• SYN. : 1 crayon, croquis, étude, pochade ;


2 canevas, ossature, schéma.

esquisser [ɛskise] v. tr. (ital. schizzare,


jaillir, puis « esquisser » [v. l’art. précéd.],
de l’onomatop. skits, marquant le déchire-
ment ou le jaillissement ; 1611, Cotgrave,
écrit esquicher [esquisser, 1651, Brunot],
au sens 1 ; sens 2, 1754, d’après Féraud,
1787 ; sens 3, 1868, A. Daudet). 1. En des-
sin, peinture, sculpture ou architecture,
faire l’esquisse de l’oeuvre que l’on se pro-
pose d’exécuter : Esquisser un portrait.
‖ Fig. Esquisser le tableau de, décrire à
grands traits. ‖ 2. Tracer le plan d’une
oeuvre écrite, lui donner une première
forme : Esquisser un scénario, l’intrigue
d’un roman. ‖ 3. Commencer un geste, un
mouvement, sans l’achever : Mme Eyssette
poussa un gros soupir, Jacques esquissa un
sanglot, et tout fut dit (Daudet).

• SYN. : 1 crayonner, croquer ; 2 ébaucher ;


3 amorcer.

esquive [ɛskiv] n. f. (déverbal de esqui-


ver ; 1922, Larousse, au sens 1 ; sens 2,
1930, Larousse). 1. Action d’esquiver ;
geste, mouvement fait pour esquiver :
L’expérience l’a mis en garde contre [...] la
brute intérieure, à qui la raison n’oppose que
des pièges dérisoires ou de ridicules esquives
(Bernanos). ‖ 2. Vx. Vente à l’esquive, vente
clandestine que les camelots parisiens
pratiquent dans la rue, s’esquivant dès
qu’apparaît un agent de police. (Auj., on
dit plutôt VENTE À LA SAUVETTE.)

esquiver [ɛskive] v. tr. (ital. schivare, évi-


ter, dér. de schivo, dédaigneux, dégoûté,
germ. occidental *skioh, farouche [le v. a
éliminé l’anc. franç. eschiver, éviter, fuir,
échapper à — 1080, Chanson de Roland —,
issu, sous l’influence de l’adj. escif, eschif
— v. ÉCHIF —, du francique *skiuhjan,
craindre, s’effaroucher, lui-même dér. de
*skioh] ; v. 1600, Hardy, au sens de « sauver
[quelqu’un de quelque chose] » ; sens 1-2,
début du XVIIe s.). 1. Éviter adroitement
un coup, l’attaque d’un adversaire : Car,
sachez-le, coquins, on n’esquive l’épée | Que
pour rencontrer le bâton (Hugo). ‖ 2. Se
soustraire habilement à une chose désa-
gréable : Esquiver un rendez-vous, une
obligation mondaine. Le consciencieux gar-
çon [...] trouvait de mauvais prétextes pour
esquiver le travail (Rolland). ‖ Spécialem.

Esquiver la difficulté, l’éluder, l’écarter


sans la résoudre : Il esquivait toujours la
difficulté que contenait la question de son
interlocuteur.

• SYN. : 1 échapper à, se garer de (fam.) ; se


soustraire à ; 2 couper à (fam.), se dérober,
éluder, escamoter.

& v. tr. ind. (1765, Diderot). Vx. Esquiver


à, échapper, se soustraire habilement à :
L’art d’esquiver à la honte, au déshonneur
et aux lois (Diderot).

& v. intr. (sens 1, 1608, M. Régnier ; sens


2, 1695, Fénelon). 1. Class. Se tirer d’une
situation fâcheuse, éviter un danger : Les
petits, en toute affaire, | Esquivent fort aisé-
ment (La Fontaine). ‖ 2. En sports, éviter
l’attaque ou le coup de l’adversaire : Un
joueur habile à esquiver.

& s’esquiver v. pr. (1661, Molière). Se retirer


rapidement et à la dérobée : Elle profita de
ce que ma mère avait le dos tourné, pour
s’esquiver de la chambre (Rolland). On
avançait prudemment à cause des serpents,
inoffensifs, du reste, pour la plupart, dont
nous vîmes plusieurs s’esquiver (Gide).

essai [esɛ] n. m. (lat. exagium, pesage,


poids, et, à basse époque, « essai », dér. de
exigere, expulser, achever, exiger, mesurer,
régler, peser, examiner, juger, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur et l’achèvement, et de agere,
mettre en mouvement, faire ; début du
XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, au sens I,
4 [mettre à l’essai, XIIIe s., Voie de Paradis] ;
sens I, 1, 1690, Furetière [banc d’essai, pilote
d’essai, début du XXe s. ; cinéma d’essai,
théâtre d’essai, v. 1950] ; sens I, 2, 1379,
Inventaire de Charles V ; sens I, 3, 1690,
Furetière ; sens I, 5, v. 1530, C. Marot ; sens
I, 6, 1878, Larousse [en hippisme] ; sens I,
7, XXe s. ; sens II, 1, 1657, Tallemant ; sens
II, 2, 1668, La Fontaine ; sens II, 3, 1644,
Corneille ; sens III, 1, milieu du XVIe s.,
Amyot ; sens III, 2, 1580, Montaigne).

I. 1. Opération qui consiste à user d’une


chose pour s’assurer de ses qualités : Essai
d’une machine, d’un nouveau produit de
nettoyage. Procéder aux essais d’un nou-
veau modèle d’automobile. Faire l’essai
d’un médicament. ‖ Essai en vol, véri-
fication en vol de l’ensemble des quali-
tés d’un nouvel avion. ‖ Pilote d’essai,
celui qui est chargé de la vérification des
performances et de la résistance d’un
nouvel avion. ‖ Cinéma d’essai, théâtre
d’essai, cinéma, théâtre où sont représen-
tés des films, des pièces d’avant-garde.
‖ Banc d’essai, v. BANC. ‖ 2. Spécialem.
et class. Action de goûter les mets avant
de les présenter, pour s’assurer qu’ils ne
contenaient aucun poison : Faire l’essai
des viandes, du vin devant le roi (Acad.,
1694). Cette coupe est suspecte [...]. | Faites
faire un essai par quelque domestique
(Corneille). ‖ 3. En chimie, analyse ra-
pide d’un produit. ‖ Tube à essais, petite
éprouvette servant à faire des expériences

avec de faibles quantités de produits.


‖ Essai des monnaies, des matières d’or
et d’argent, vérification, par une analyse
chimique, du titre des pièces de monnaie
ou des objets en alliage d’or ou d’argent.
‖ 4. Class. et littér. Épreuve à laquelle
est soumis quelque chose : À quelques
essais qu’elle [notre amitié] se soit trou-
vée (Molière). ‖ Faire (l’) essai de, faire
l’expérience de, éprouver : Vous aidez
aux Romains à faire essai d’un maître
(Corneille). Quel tourment de cesser de
plaire, | Lorsqu’on a fait l’essai du plaisir
d’être aimé ! (Quinault). Tous ceux qu’il
veut aimer [...] | Cherchent à qui saura lui
tirer une plainte | Et font sur lui l’essai de
leur férocité (Baudelaire). ‖ Fig. Mettre
à l’essai, mettre à l’épreuve : Ne mettez
pas ma patience à l’essai. ‖ 5. Action
d’expérimenter, d’utiliser pour la pre-
mière fois quelque chose : Je reçus de ce
premier essai du monde une impression
que le temps n’a pas complètement effacée
(Chateaubriand). L’essai qu’elle fit de sa
puissance [...] répondit à toutes ses espé-
rances (Balzac). ‖ Coup d’essai, première
tentative dans un domaine quelconque,
premier ouvrage par lequel on attire l’at-
tention sur soi. ‖ 6. Tentative, effort ac-
compli pour réussir dans quelque chose :
Les concurrents pour le saut en longueur
ont droit à trois essais. Elle se remit toute
la journée à ses patients essais de solitude
(Colette). ‖ Spécialem. Au rugby, action
de porter et de poser à terre le ballon der-
rière la ligne du but adverse : Réussir un
essai. ‖ 7. Travail, exercice, épreuve qui
permet de juger la valeur, les aptitudes de
quelqu’un : Demander à un chanteur de
faire un essai.

II. 1. Class. Petite quantité de nourriture


ou de boisson qu’on prélevait et qu’on
examinait pour s’assurer qu’elle ne conte-
nait aucun poison : Une fois, un gentil-
homme servant [d’Henri IV], au lieu de
boire l’essai qu’on met dans le couvercle
du verre, but en rêvant ce qui était dans le
verre (Tallemant des Réaux). ‖ 2. Class.
Échantillon, exemple de quelque chose :
[Ésope] seul avait plus de sagesse | Que
tout l’Aréopage, en voici pour essai | Une
histoire des plus gentilles (La Fontaine).
‖ 3. Fig. Aperçu, première idée, avant-
goût : Voici [...] un petit essai des plus
beaux mouvements et des plus belles atti-
tudes dont une danse puisse être variée
(Molière).

III. 1. Résultat d’une première tentative ;


premières productions d’un écrivain,
d’un artiste : Essais philosophiques. C’est
M. de Fontanes, j’aime à le redire, qui en-
couragea mes premiers essais ; c’est lui qui
annonça le « Génie du christianisme » ;
c’est sa muse qui, pleine d’un dévoue-
ment étonné, dirigea la mienne dans les
voies nouvelles où elle s’était précipitée
(Chateaubriand). ‖ 2. Ouvrage ou long
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1703

article de revue dans lequel l’auteur traite


librement d’une question sans prétendre
épuiser le sujet : Essai sur l’entendement
humain (de Locke). Essais de critique et
d’histoire (de Taine).

• SYN. : I, 1 épreuve, expérimentation, test,


vérification ; 5 expérience.‖ II, 3 ébauche,
esquisse.‖ III, 1 apprentissage, début.

& À l’essai loc. (XIIIe s., Littré, au sens de « à


l’épreuve » ; sens actuel, v. 1530, C. Marot).
Pour essayer, avec la possibilité de renvoyer
ou de refuser si l’on n’est pas satisfait : Vente
à l’essai d’appareils ménagers. Prendre un
employé à l’essai.

essaim [esɛ̃] n. m. (lat. examen, essaim


d’abeilles, proprem. « groupe de jeunes
abeilles emmenées hors de la ruche »,
mot de la famille de exigere, expulser [v.
ESSAI] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
écrit essain [essaim, XVIe s.], au sens 1 ; sens
2, 1864, Littré ; sens 3, v. 1265, J. de Meung).
1. Groupe d’abeilles ou d’autres insectes
hyménoptères, comprenant des sujets de
différentes castes vivant ensemble pour
concourir à un même travail. ‖ Spécialem.
Groupe d’abeilles qui, lorsqu’une ruche est
trop peuplée, la quittent avec une nouvelle
reine pour fonder une nouvelle colonie :
La famille assemblée toute entière avance
en rang dans le jardin en tapant sur des
casseroles, des chaudrons et des bassi-
noires pour guider le vol d’un essaim vers
une ruche désertée (Duhamel). ‖ 2. Par
anal. Troupe nombreuse d’insectes quel-
conques : Un essaim de sauterelles. ‖ 3. Fig.
et littér. Grande multitude de personnes :
Ciel ! quel nombreux essaim d’innocentes
beautés... (Racine). Un essaim d’écoliers
(Hugo). ‖ Grande quantité de choses :
Son oreille [...] | Entend passer l’essaim des
siècles révolus (Leconte de Lisle). L’essaim
des rêves malfaisants (Baudelaire).

• SYN. : 2 nuée, volée.

essaimage [esɛmaʒ] n. m. (de essaimer ;


1839, Boiste, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Multiplication des colonies d’abeilles
qui essaiment. ‖ Par extens. Époque où
les abeilles essaiment. ‖ 2. Fig. En par-
lant d’une collectivité, action de fonder
des colonies ou des groupes nouveaux
en dehors du territoire d’origine, par
l’émigration de certains de ses membres :
L’essaimage des Phéniciens sur le littoral
méditerranéen. ‖ Dispersion de groupes
issus d’une institution mère : L’essaimage
d’équipes de recherche et d’enseignement
des facultés de Paris dans les universités
périphériques.

essaimer [esɛme] v. intr. (de essaim ;


XIIIe s., Dict. général, écrit essamer [essai-
mer, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1846,
G. Sand ; sens 3, av. 1850, Balzac). 1. En
parlant des jeunes abeilles, quitter la ruche
pour former une colonie nouvelle ; en
parlant des ruches, se diviser par l’émi-
gration du nouvel essaim. ‖ 2. Fig. En

parlant d’une collectivité, d’un peuple,


former de nouveaux groupes, en divers
pays, par l’émigration d’une partie de ses
membres. ‖ 3. Fig. En parlant d’un groupe
quelconque, se disperser dans un lieu en
formant de petits groupes : La cavalerie
essaima sur toute la plaine.

• SYN. : 3 se disséminer, s’égailler, s’éparpil-


ler. — CONTR. : 3 se grouper, se masser, se
rassembler, se réunir, se tasser.

essangeage [esɑ̃ʒaʒ] n. m. (de essan-


ger ; 1849, Bescherelle). Action d’essanger.
(Rare.)

• REM. On dit aussi ESSANGE, n. f. (1851,


Landais).

essanger [esɑ̃ʒe] v. tr. (lat. exsaniare,


faire suppurer, exprimer le jus de quelque
chose, de ex-, préf. marquant le mouvement
de l’intérieur vers l’extérieur, et de sanies,
sang corrompu, pus, humeur, toute espèce
de liquide visqueux ; v. 1398, le Ménagier
de Paris, au sens de « laver [des boyaux de
cochon] » ; sens actuel, v. 1460, Villon).
[Conj. 1 b.] Savonner le linge sale avant de
le faire bouillir : Filant pour ses drapeaux
comme une filandière, | Les faisant essanger
par quelque buandière (Péguy).

essangeuse [esɑ̃ʒøz] n. f. (de essanger ;


1907, Larousse). Machine à essanger le linge.

essanvage [esɑ̃vaʒ] n. m. (de é- [lat.


ex-, préf. à valeur négative] et de sanve ;
1910, Larousse). En agriculture, action de
détruire les sanves.

essanveuse [esɑ̃vøz] n. f. (de é-, es- [lat.


ex-, préf. à valeur privative], et de sanve ;
1901, Larousse). Machine agricole destinée
à arracher les sanves et les plantes nuisibles.

essart [esar] n. m. (bas lat. exsartum, part.


passé neutre substantivé d’un v. non attesté
*exsarire, de ex-, préf. à valeur intensive,
et du lat. class. sar[r]ire, sarcler ; v. 1112,
Voyage de saint Brendan, au sens 1 [aussi
« abattis, destruction »] ; sens 2, 1600,
O. de Serres ; sens 3, XXe s.). 1. Terrain
dont on a arraché les arbres, arbrisseaux
et racines, pour le défricher. ‖ 2. Sol d’un
taillis que l’on met en culture après la coupe
et après avoir brûlé sur place les brous-
sailles, épines, racines, entre les souches.
‖ 3. Trou dans les rochers, découvert par
la marée descendante, et où gîtent les crus-
tacés et les congres.

essartage [esartaʒ] n. m. (de essarter ;


1783, Cours complet d’agriculture). Action
d’essarter.

• REM. On dit aussi ESSARTEMENT (1611,


Cotgrave).

essarter [esarte] v. tr. (de essart ; v.


1138, Vie de saint Gilles, au sens 1 ; sens 2,
1890, Dict. général). 1. Défricher en arra-
chant arbres et broussailles d’un terrain.
‖ 2. Mettre en culture un terrain dont on
a brûlé les broussailles après la coupe.

• SYN. : 1 débroussailler.

essartis [esarti] n. m. (de essarter ;


XVIIe s., Dict. général, puis 1877, Littré).
Terrain essarté. (Rare.)

essaule [esɔl] n. f. (de ais, planche ; v.


1268, É. Boileau, écrit essole et essaule).
Mince feuille de bois refendu suivant son
fil, et servant à faire des couvertures de
toit, comme on en voit sur les chalets de
montagne.

• SYN. : bardeau, échandole.

essaune [eson] n. f. (lat. scindula, var. de


scandula, bardeau ; 1296, Godefroy, écrit
asçaune ; essaune, 1393, Godefroy). Syn.
de ESSAULE.

essayage [esɛjaʒ] n. m. (de essayer ; début


du XIXe s.). Mise au point d’un vêtement
sur la personne elle-même : Passer chez la
couturière pour un essayage. Dans la vie
de la plupart des femmes, tout, même le
plus grand chagrin, aboutit à une question
d’essayage (Proust).

essayer [esɛje] v. tr. (de essai ; 1080,


Chanson de Roland, au part. passé, écrit
essaiet, au sens de « sûr, éprouvé » ; à l’infin.,
au sens 1, v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit
essaier [essayer, v. 1360, Froissart] ; sens 2,
XIVe s., Ordonnance royale ; sens 3, 1690,
Furetière ; sens 4, milieu du XVIe s., Amyot
[Conj. 2 b.] 1. Faire agir un être, utiliser
une chose, pour s’assurer qu’ils possèdent
les qualités requises : Essayer un cheval,
un appareil. ‖ Spécialem. En chimie ou
dans l’industrie, soumettre l’échantillon
d’un produit aux opérations physiques ou
chimiques qui permettent de s’assurer de
la qualité de ce produit. ‖ Essayer de l’or,
en déterminer le titre. ‖ 2. Class. et littér.
Mettre à l’épreuve : Je voulais seulement
essayer leur respect (Corneille). Jeanne
répandait la bonne nouvelle, essayait la
puissance magnétique de sa parole (Daudet)
‖ 3. Essayer un vêtement, le mettre sur soi
pour que le tailleur ou le couturier ou la
couturière y mette la dernière main : Vous
croyez que Lelong me réussira des amours
de robes sans que je les essaie ? (Colette).
‖ 4. Employer pour la première fois, pro-
céder à une tentative, à une expérience :
Essayer une recette de cuisine. Toutes les
solutions essayées, toutes les combinaisons
politiques mises en oeuvre, n’ont pu résoudre
le vieux conflit (Bainville). ‖ Fam. Essayer
si, faire un essai pour se rendre compte si :
Essayez si ce rideau est assez grand. ‖ Fam.
Essayer que, s’efforcer d’obtenir que :
J’essaierai que tout le monde soit content.
• SYN. : 1 contrôler, tester, vérifier ; 4
expérimenter.

& v. tr. ind. (sens 1, 1690, Furetière ; sens


2, fin du XIIIe s., Joinville [..à ; ...de, 1580,
Montaigne]). 1. Class. et littér. Essayer de
quelque chose, y recourir, en faire usage à
titre d’essai : N’essayer des richesses, de la
grandeur et de la santé que pour les voir
changer [...] en leurs contraires (La Bruyère).
Le lion lui-même dans la nuit essaya d’un
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1704

rugissement (Daudet). ‖ 2. Essayer de et


(class.) à (suivi d’un infinitif), chercher
à, s’efforcer de : Et sans doute, l’homme
qui essaie de se représenter l’intimité des
choses ne peut que lui adapter les catégories
ordinaires de son esprit (Valéry). Essayez
sur ce point à la faire parler (Corneille).

• SYN. : 2 s’escrimer, s’évertuer, s’ingénier,


tâcher, tenter. — CONTR. : 2 s’abstenir, refu-
ser, renoncer.

& v. intr. (1870, Larousse). Faire une tenta-


tive, un essai : Il faut encore essayer, sauf à
ne pas réussir (Sand).

& s’essayer v. pr. (sens 1 et 3, 1667, Racine ;


sens 2, av. 1549, Marguerite de Navarre [s’es-
sayer de ; ... à, XVIIe s.]). 1. S’essayer à (suivi
d’un nom), faire un essai pour se rendre
compte de ses possibilités : S’essayer au
bridge. ‖ 2. S’essayer à (suivi d’un infini-
tif), faire un effort pour, se risquer à : Il s’es-
sayait à parler comme Théodore (Rolland).
‖ 3. S’essayer sur, dans, exercer ses forces,
ses aptitudes contre quelqu’un ou quelque
chose, dans un domaine : S’essayer sur un
adversaire. S’essayer dans une nouvelle
activité.

• SYN. : 2 chercher à, s’exercer à, tâcher de.

essayeur, euse [esɛjoer, -øz] n. (de


essayer ; XIIIe s., Du Cange, comme adj.,
écrit essaieor, au sens de « entreprenant » ;
sens 1 [écrit essayeur], 1864, Littré ; sens 2
[essayeur], 1611, Cotgrave). 1. Personne qui
fait procéder à l’essayage d’un vêtement
et qui est parfois chargée d’effectuer les
retouches : Sa robe, commandée à Paris,
nécessita des voyages, puis la présence aux
Uzelles d’une essayeuse de tournure élégante
(Daudet). ‖ 2. Personne chargée d’effec-
tuer différents essais pour s’assurer de la
qualité des produits fabriqués.

& essayeur n. m. (1611, Cotgrave).


Fonctionnaire chargé de vérifier le degré
de pureté de l’or et de l’argent destinés à
la fabrication des monnaies.

essayiste [esɛjist] n. m. (angl. essayist,


dér. de essay, traité littéraire, dissertation,
lui-même empr. au franç. essai, au sens
de « traité, ouvrage non approfondi » [v.
ESSAI] ; 1845, Th. Gautier [var. essaieriste,
1821, Fr. Mackenzie]). Nom que l’on donne
aux auteurs d’essais littéraires : Cette revue
s’est assuré la collaboration d’un essayiste
de renom.

esse [ɛs] n. f. (du n. de la lettre S ; fin du


XIe s., Chanson de Guillaume, au sens de
« ornement sur le heaume en forme d’S » ;
1304, Godefroy, au sens 1 [« agrafe en
acier... », 1838, Acad.] ; sens 2, 1388 (Du
Cange). 1. Nom désignant divers objets en
forme d’S : Une esse en laiton. ‖ Spécialem.
En technologie, agrafe en acier en forme
d’S, qu’on enfonce dans les sections termi-
nales de certaines pièces en bois pour éviter
les fentes en bout. ‖ 2. Cheville métallique
à tête plate, que l’on introduit dans un trou

percé au bout de l’essieu, pour y maintenir


la roue.

E. S. S. E. C. [esɛk], initiales de École


supérieure des sciences économiques et com-
merciales (XXe s.).

essence [esɑ̃s] n. f. (lat. essentia, essence,


nature d’une chose, et, dans la langue des
alchimistes du Moyen Âge, « extrait vola-
til », dér. du v. esse, être ; v. 1170, Livre des
Rois, aux sens I, 1-3 ; sens II, 1, 1587, F. de
La Noue ; sens II, 2, 1870, Larousse ; sens
III, 1690, Furetière).

I. 1. En philosophie, ensemble des carac-


tères constitutifs d’une chose, ce qui fait
qu’elle est ce qu’elle est : L’essence d’un
triangle est d’avoir trois côtés et trois
angles. ‖ 2. Nature intime, caractère
propre des objets : L’essence des choses
est inaccessible à l’observation simple.
‖ Par essence, par sa nature même, par
définition : Les vertus purement morales
sont froides par essence (Chateaubriand).
‖ 3. Fig. et littér. Ce qu’il y a de plus
original, de plus pur : Cette contrée qui
contient l’essence des moeurs, des légendes,
des coutumes bretonnes... (Maupassant).

II. 1. Nom générique sous lequel on com-


prend les produits aromatiques et vola-
tils extraits des végétaux : De l’essence
de menthe, de rose. ‖ Extrait concentré
des parties les plus nutritives des ali-
ments : Essence de viande. Essence de café.
‖ 2. Liquide volatil, très inflammable,
provenant de la distillation du pétrole,
utilisé surtout comme carburant et éga-
lement comme produit de nettoyage.

III. En sylviculture, espèce d’arbres


forestiers : Un parc immense grimpait la
côte, une houle de grands arbres d’essences
diverses, que tranchait au milieu un vieil
escalier de pierre (Daudet).

essential, e, aux [esɑ̃sjal, -o] adj.


(de essence, d’après le bas lat. essentialis,
qui tient à l’essence, dér. de essentia [v.
ESSENCE] ; milieu du XXe s.). En philoso-
phie, relatif à l’essence.

essentialisme [esɑ̃sjalism] n. m. (dér.


savant du bas lat. essentialis [v. l’art. suiv.] ;
1864, Littré, au sens 1 ; sens 2, v. 1942).
1. Vx. Théorie médicale qui admettait que
les maladies sont des essences existant en
dehors du fonctionnement de l’économie
de l’être vivant. ‖ 2. Théorie philoso-
phique admettant que l’essence précède
l’existence.

essentialité [esɑ̃sjalite] n. f. (bas lat.


essentialitas, qualité de ce qui est essen-
tiel, de essentialis [v. ESSENTIEL] ; 1845,
Bescherelle, au sens de « caractère, état de
ce qui est essentiel » ; sens actuel, XXe s.). En
philosophie, qualité de ce qui appartient
à l’essence.

essentiel, elle [esɑ̃sjɛl] adj. (bas lat.


essentialis, essentiel, qui tient à l’essence,

de essentia [v. ESSENCE] ; 1541, Calvin,


au sens 1 [probablem. bien plus ancien, v.
l’art. suiv.] ; sens 2-3, 1580, Montaigne ; sens
4, 1701, Massillon ; sens 5-6, 1864, Littré).
1. Qui appartient à l’essence, à la nature
intime d’une chose ou d’un être : La raison
est essentielle à l’homme. Cette impiété,
ces inimitiés ne lui sont pas essentielles
(France). ‖ 2. Nécessaire, indispensable
à l’existence d’une chose ou d’un être : Il
m’est essentiel d’être bientôt tiré de peine
(Rousseau). L’oxygène est essentiel à la vie
des hommes. ‖ 3. Qui est d’une grande
importance : Cette familiarité, par laquelle
elle se mettait franchement au niveau
des gens, lui conciliait leur bienveillance
subalterne, très essentielle aux parasites
(Balzac). ‖ 4. Class. Se dit des personnes
sur qui l’on peut compter, dont on ne peut
se passer : M. de Fontenelle a été un ami
essentiel (d’Alembert). ‖ 5. Se dit parfois,
en médecine, d’une maladie sans cause
apparente ou extérieure : Tachycardie
essentielle. ‖ 6. Vx. Se disait de médica-
ments qui passaient pour contenir exclu-
sivement les principes curatifs propres
aux substances d’où on les avait extraits :
Sels essentiels. ‖ Huile essentielle, syn. de
ESSENCE (au sens II, 1).

• SYN. : 1 constitutif, foncier, intrinsèque ;


2 vital ; 3 capital, fondamental, important,
primordial, principal. — CONTR. : 1 acci-
dentel, contingent ; 2 inutile, superflu ; 3
accessoire, secondaire.

& essentiel n. m. (1690, Furetière). Ce qu’il


y a de plus important, le point capital :
Ernest IV répétait souvent que l’essentiel
était surtout de frapper les imaginations
(Stendhal).

essentiellement [esɑ̃sjɛlmɑ̃] adv. (de


essentiel ; fin du XIIe s., Dialogues de saint
Grégoire, écrit essentialment [essentielle-
ment, 1541, Calvin], au sens 1 ; sens 2-3, av.
1742, Massillon). 1. Par définition, selon sa
nature propre : La poésie est essentiellement
philosophique ; mais [...] elle doit être invo-
lontairement philosophique (Baudelaire).
‖ 2. Tout à fait, complètement : Toute ten-
tative pour aller plus avant le modifierait
[mon problème] essentiellement (Valéry).
‖ 3. Avant tout, principalement, absolu-
ment : Essentiellement, il s’agissait d’empê-
cher que les Habsbourg n’obtinssent ce que
les Hohenzollern ont acquis au XIXe siècle,
c’est-à-dire la domination de l’Allemagne
(Bainville).

esseulé, e [esoele] adj. (de e-, es- [lat. ex-,


préf. à valeur intensive], et de seul ; fin du
XIIe s., Godefroy). Littér. Qui se trouve seul,
abandonné : Comme vous êtes esseulé [...].
Fuyez-vous déjà le monde ? (Sue). Elle se
trouvait bien esseulée et s’ennuyait beau-
coup (Sand).

• SYN. : délaissé, isolé, solitaire. — CONTR. :


entouré.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1705

esseuler [esoele] v. tr. (de esseulé ; fin


du XVIIe s., Saint-Simon). Vx ou littér.
Laisser seul ; tenir à l’écart : D’Huxelles,
bas, souple, flatteur auprès des gens dont
il croyait avoir à espérer, dominant surtout
le reste, ce qui mêlait ses compagnies et les
esseulait assez souvent (Saint-Simon).

& s’esseuler v. pr. (XIIIe s., Godefroy). Littér.


Rester à l’écart, s’isoler : Il s’aperçut qu’il
s’esseulait, que l’heure du dîner était proche
(Huysmans).

essieu [esjø] n. m. (doublet, d’origine


probablem. picarde, de l’anc. franç. ais-
sil [XIIIe s., Tailliar ; var. aisuel, début du
XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, et ais-
sel, v. 1170, Livre des Rois], lat. pop. *axilis,
essieu, dér. du lat. class. axis, axe, essieu ;
XVIe s.). Dans un véhicule, pièce de métal
(ou autrefois de bois) placée transversale-
ment sous la voiture pour en supporter le
poids, et dont les extrémités entrent dans
le moyeu des roues : Il n’entendit plus que
très vaguement geindre l’essieu des roues
(Daudet).

essimer [esime] v. tr. (de es- [lat. ex-, préf.


à valeur privative] et de l’anc. franç. saïm,
graisse [v. 1155, Wace], lat. pop. *sagīmen,
réfection du lat. class. sagina, engraisse-
ment des animaux, nourriture substantielle,
embonpoint ; v. 1193, Hélinant, écrit esseï-
mer, aux sens de « dégraisser, épuiser » ;
v. 1240, G. de Lorris, comme v. pr., écrit
essaïmer, au sens de « se faire maigrir » ;
écrit essimer, comme v. tr., au sens actuel,
1549, R. Estienne). En fauconnerie, faire
maigrir l’oiseau pour le rendre plus apte
au vol.

essimplage [esɛ̃plaʒ] n. m. (de essimpler ;


1930, Larousse). Opération de culture flo-
rale qui consiste à éliminer les jeunes plants
à fleurs simples.

essimpler [esɛ̃ple] v. tr. (de e-, es- [lat.


ex-, préf. à valeur privative], et de simple,
adj. ; 1930, Larousse). Supprimer, dans un
semis, avant la floraison, les plants qui ne
donneront que des fleurs simples, pour ne
conserver que les doubles.
essor [ɛsɔr] n. m. (déverbal de essorer [v.
ce mot], au sens anc. de « faire s’élancer
dans l’air » ; v. 1175, Chr. de Troyes, au sens
1 [et aux sens de « air pur, action d’exposer
à l’air »] ; sens 2, 1651, Corneille ; sens 3,
1608, M. Régnier ; sens 4, début du XXe s. ;
sens 5, 1666, Molière ; sens 6, 1665, La
Fontaine). 1. Élan d’un oiseau dans l’air,
mouvement par lequel il prend son vol :
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
| Vers les cieux, le matin, prennent un libre
essor (Baudelaire). D’entre les branches du
sapin, un couple d’oiseaux noirs prit sou-
dain l’essor en criant (Duhamel). ‖ 2. Fig.
Mouvement hardi par lequel quelqu’un ou
quelque chose se développe, progresse :
Sentir qu’on grandit bon et sage, et qu’on
s’élance | Du plus bas au plus haut en essors

bien réglés (Verlaine). ‖ 3. Fig. Mouvement,


élan qui donne le départ à quelque chose :
Donner l’essor à son imagination. La froi-
deur de ses façons réprima l’essor de mes
tendresses (Balzac). [Le] singulier évé-
nement qui devait donner l’essor à cette
incomparable destinée (Daudet). ‖ 4. Littér.
Attitude, disposition qui suggère un mou-
vement d’ascension, un élancement : Je ne
me lasse pas d’admirer l’essor vertigineux
de ces fûts énormes et de leur brusque
épanouissement (Gide). ‖ 5. Class. et spé-
cialem. Publication d’un ouvrage : Si l’on
peut pardonner l’essor d’un mauvais livre, |
Ce n’est qu’aux malheureux qui composent
pour vivre (Molière). ‖ 6. Class. Prendre
l’essor, s’écarter de son sujet : Je ne prends
point ici l’essor | Ni n’affecte de railleries
(La Fontaine).

• SYN. : 1 envol, envolée ; 2 bond, élan,


épanouissement, extension, progression ;
3 branle, impulsion.

essorage [esɔraʒ] n. m. (de essorer [v.


ce mot] ; XIIe s., Partenopeus de Blois, au
sens de « action de lâcher un oiseau » ; sens
1, 1864, Littré ; sens 2, 1870, Larousse).
1. Opération industrielle consistant à
extraire d’un produit un liquide qui l’im-
prègne. ‖ 2. Action d’essorer le linge.

essorant, e [esɔrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


essorer). En héraldique, se dit des oiseaux
qui semblent prendre leur essor.

essorer [esɔre] v. tr. (lat. pop. *exaurare,


exposer à l’air, de ex-, préf. marquant le
mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et du lat. class. aura, brise, vent, air, souffle,
gr. aura ; v. 1175, Chr. de Troyes, aux sens
de « lâcher dans les airs [un oiseau], exposer
à l’air libre » ; sens actuels, 1690, Furetière).
Débarrasser une matière, une marchandise
de l’eau dont elle est imprégnée : Essorer
la salade. ‖ Essorer le linge, exprimer l’eau
qu’il renferme après la lessive et le rinçage.
‖ En fauconnerie, laisser sécher l’oiseau au
feu ou au soleil.

& s’essorer v. pr. (sens 1, début du XVe s., Ch.


d’Orléans ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Littér.
Prendre son essor, son élan ; s’élever dans
l’air : Je me trouvais néanmoins chez ma
dame, en gros oiseau gris-bleu s’essorant
vers les moulures (Rimbaud). Parfois un
aigle s’essorait du côté de la grande dune
(Gide) ; et par extens. : Il y a des sources d’où
s’essorent des brumes (Gide). ‖ 2. En termes
de fauconnerie, revenir difficilement sur
le poing, en parlant de l’oiseau.

essoreuse [esɔrøz] n. f. (de essorer ;


1870, Larousse). Appareil servant à essorer
diverses substances (linge, étoffes, cuirs,
peaux, copeaux imprégnés d’huile, etc.).

essorillement [esɔrijmɑ̃] n. m. (de esso-


riller ; 1856, Lachâtre). Action d’essoriller ;
supplice consistant à couper les oreilles à
un condamné : Une exécution telle quelle,

non pas sans doute une pendaison, mais un


fouet, un essorillement (Hugo).

essoriller [esɔrije] v. tr. (de es- [lat. ex-,


préf. à valeur privative] et de oreille ; 1303,
Du Cange). Couper les oreilles à : Essoriller
un caniche. Que Montfleury s’en aille | Ou
bien je l’essorille (Rostand).

essouchement [esuʃmɑ̃] n. m. (de essou-


cher ; XVIIIe s., Brunot). Action d’enlever
les souches d’un terrain.

• REM. On dit aussi DESSOUCHEMENT et


ESSOUCHAGE (1930, Larousse).

essoucher [esuʃe] v. tr. (de es- [lat. ex-,


préf. à valeur privative] et de souche ; 1771,
Trévoux). Nettoyer, défricher un terrain en
pratiquant l’essouchage.

• REM. On dit aussi DESSOUCHER.

essoufflé, e [esufle] adj. (part. passé


de essouffler ; début du XIIIe s., écrit esso-
flé ; essoufflé, v. 1285, Adam de la Halle).
Qui a perdu son souffle normal, qui est
hors d’haleine : Que sert de n’effleurer
qu’à peine ce qu’on tient, | Quand on a les
mains pleines, | Et de vivre essoufflé comme
un enfant qui vient | De courir dans les
plaines ? (Hugo).

• SYN. : haletant, oppressé, pantelant,


poussif.

essoufflement [esufləmɑ̃] n. m. (de


essouffler ; fin du XVe s., au sens 1 ; sens
2, 1772, Gouvion). 1. État de celui qui est
essoufflé : L’essoufflement d’un cycliste
après la course. J’avais fait, par essouffle-
ment, une aspiration plus profonde (Gide).
‖ 2. Respiration courte et gênée.

• SYN. : 2 dyspnée.

essouffler [esufle] v. tr. (de es- [lat. ex-,


préf. à valeur privative] et de souffle ; fin
du XIIe s., Aliscans, écrit essofler, au sens de
« donner de l’air à » ; écrit essouffler, au sens
actuel, XIIIe s.). Faire perdre le souffle nor-
mal à une personne, à un animal, les mettre
à bout de souffle : Essouffler son cheval.

& s’essouffler v. pr. (sens 1, 1690, La


Quintinie ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Perdre
son souffle, respirer difficilement : Le coeur
un peu capitonné de graisse, il s’essoufflait
facilement (Gide). ‖ 2. Fig. S’efforcer péni-
blement de poursuivre une oeuvre entre-
prise : Un romancier s’essouffle à raconter
les aventures de ses personnages. Une revue
qui commence à s’essouffler.

• SYN. : 1 haleter, souffler, suffoquer.

essuie-glace ou essuie-glaces
[esɥiglas] n. m. (de essuie, forme du v.
essuyer, et de glace ; XXe s.). Appareil des-
tiné à nettoyer les vitres ou les glaces.
‖ Spécialem. Dispositif fixé sur une voi-
ture automobile pour nettoyer le pare-brise
mouillé par la pluie.

• Pl. des ESSUIE-GLACES.

essuie-mains [esɥimɛ̃] n. m. invar. (de


essuie, forme du v. essuyer, et de mains ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1706

1611, Cotgrave). Serviette pour s’essuyer


les mains.
essuie-meubles [esɥimoebl] n. m. invar.
(de essuie, forme du v. essuyer, et de meuble ;
début du XXe s.). Torchon, morceau d’étoffe
destiné à enlever la poussière des meubles :
Ah ! Je t’en prie, cette écharpe n’est pas un
essuie-meubles (Bernstein).

essuie-pieds [esɥipje] n. m. invar. (de


essuie, forme du v. essuyer, et de pied ;
milieu du XXe s.). Paillasson ou décrottoir
métallique placé à l’entrée d’une maison ou
d’un appartement pour s’essuyer les pieds.

essuie-plume [esɥiplym] n. m. (de


essuie, forme du v. essuyer, et de plume ;
1870, Larousse). Petit ustensile, fragment
d’étoffe, qui sert à nettoyer les plumes
chargées d’encre.

• Pl. des ESSUIE-PLUMES.

essuie-verres [esɥivɛr] n. m. invar. (de


essuie, forme du v. essuyer, et de verre ;
milieu du XXe s.). Torchon, linge réservé à
l’essuyage des verres à boire.

essuyage [esɥijaʒ] n. m. (de essuyer ;


1864, Littré). Action ou manière d’essuyer ;
résultat de cette action : L’essuyage de la
vaisselle. Un essuyage incomplet.

essuyer [esɥije] v. tr. (bas lat. ex-suc[c]


are, extraire le suc de, d’où « sécher [des
plantes] », puis « essuyer », de ex-, préf.
marquant l’expulsion, et de sucus, suc,
sève ; milieu du XIIe s., Roman de Thèbes,
écrit essu[i]er [essuyer, XVIe s.], au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1864, Littré ; sens II, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné). [Conj. 2 a.]

I. 1. Sécher au moyen d’un chiffon, d’une


serviette, etc., qui absorbe l’eau ou l’hu-
midité et, par anal., la sueur, les larmes,
un liquide quelconque : J’essuyai mon
front que vint sécher la brise (Lamartine).
Elle secoue la tête pour cacher ses larmes
qu’elle ne peut essuyer (Colette). ‖ Fig.
Essuyer les larmes de quelqu’un, le conso-
ler. ‖ 2. Nettoyer une tache, débarrasser
de la poussière en frottant : Essuyer les
meubles. ‖ Fam. Essuyer les plâtres, être
le premier à habiter une maison nouvel-
lement construite ; au fig., être le premier
à subir une situation nouvelle : Les pre-
miers acheteurs de ce nouveau modèle de
voiture ont essuyé les plâtres.

II. Être obligé de supporter, de subir


quelque chose de fâcheux : Essuyer
une tempête, la mauvaise humeur de
quelqu’un. Essuyer une défaite. Quand
les Hollandais essuient un coup de vent en
haute mer, ils se retirent dans l’intérieur
du navire, ferment les écoutilles et boivent
du punch (Chateaubriand). Il en faisait
quelquefois à Jehan de fort sévères et de
fort longs sermons, que celui-ci essuyait
intrépidement (Hugo).

• SYN. : I, 1 éponger. ‖ II encaisser (fam.),


endurer, souffrir.

essuyeur, euse [esɥijoer, -øz] n. (de


essuyer ; 1472, Godefroy). Personne qui
essuie, qui est chargée d’essuyer.

est [ɛst] n. m. (moyen angl. ēst, est ; v. 1138,


Gaimar, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1870, Larousse). 1. Côté de l’hori-
zon où le soleil se lève ; celui des quatre
points cardinaux que l’on a à sa droite
lorsqu’on regarde vers le nord : Le chevet
d’une église est en principe orienté à l’est.
‖ 2. Lieu situé vers l’est par rapport à un
point : Montreuil-sous-Bois est à l’est de
Paris. ‖ 3. La région orientale de la France,
comprenant essentiellement l’Alsace, la
Lorraine et la Franche-Comté (avec une
majuscule) : Être originaire de l’Est. ‖ Les
pays de l’Est, l’ensemble des pays situés à
l’est de l’Europe, et, spécialem., les pays
européens de démocratie populaire.

• SYN. : 1 levant, orient. — CONTR. : 1 ouest ;


couchant, occident, ponant (vx).

& adj. invar. (sens 1, 1864, Littré ; sens 2,


1870, Larousse ; sens 3, XXe s.). 1. Situé à
l’est : Le côté est. La côte est. ‖ 2. Qui pro-
vient de l’est : Un vent est. ‖ 3. Qui conduit,
qui porte vers l’est : Un courant est.

estacade [ɛstakad] n. f. (ital. steccata,


dér. de stecca, pieu, gotique *stikka, même
sens ; milieu du XVIe s., écrit enstacatte
[estacade, 1587, F. de La Noue], au sens
de « enceinte, champ clos » ; sens actuel,
1671, Pomey). Digue faite avec de grands
pieux, pour fermer le passage d’un chenal
ou pour protéger des travaux : Si l’on eût
entouré ces vaisseaux échoués d’estacades
défendues par l’armée de terre, on les aurait
sauvés (Michelet).

estafette [ɛstafɛt] n. f. (ital. staf-


fetta [dimin. de staffa, étrier, langobard
*staffa, même sens], qui avait pris le sens de
« courrier » dans la loc. andare a staffetta,
proprem. « aller à étrier » [cf. le franç. à
franc étrier] ; 1596, Hulsius, écrit stafette ;
estafette, 1667, Retz). Courrier qui porte
les dépêches. ‖ Spécialem. et vx. Cavalier
chargé d’acheminer une dépêche.

estafier [ɛstafje] n. m. (ital. staffiere,


écuyer, valet de pied, laquais, proprem.
« valet qui tient l’étrier », dér. de staffa [v.
l’art. précédent] ; fin du XVe s., Molinet, écrit
stafier [estafier, 1564, J. Thierry], au sens
1 ; sens 2, 1552, Rabelais [écrit estafier]).
1. Class. Domestique armé qui portait le
manteau et les armes du maître et lui tenait
l’étrier : Maint estafier accourt ; on vous
happe notre homme (La Fontaine). ‖ 2. Vx
et péjor. Valet servant de garde du corps :
Il y avait derrière elle deux suivantes et un
estafier, qui me confirmait dans l’opinion
que j’avais qu’elle ne pouvait être qu’une
dame de condition (Lesage). Bouvard le
traita de butor, d’estafier (Flaubert).

estafilade [ɛstafilad] n. f. (ital. staffilata,


coup de fouet ou d’étrivière, de staffile,
étrivière, proprem. « courroie qui tient

l’étrier », dér. de staffa [v. ESTAFETTE] ;


1552, Jodelle). Blessure, coupure faite avec
le tranchant d’un rasoir, d’un sabre, surtout
au visage : Sentir suinter le sang par quelque
estafilade (Hugo). Hubert, ce matin-là,
parut donc à la fenêtre en étanchant avec
une serviette le sang qui s’écoulait de deux
ou trois estafilades (Duhamel).

• SYN. : balafre, coupure, entaille, taillade.

estagnon [ɛstaɲɔ̃] n. m. (provenç.


moderne [e]stagno[u]n, de estanh, anc. pro-
venç. estainh, étain [début du XIIIe s.], lat.
stagnum, stannum, plomb d’oeuvre, plomb
argentifère, et, à basse époque, « étain » ;
1864, Littré). Dialect. Récipient en fer étamé
ou en aluminium, dans lequel on conserve
et on transporte des huiles et des essences.

est-allemand, e [ɛstalmɑ̃, -ɑ̃d] adj. (de


est et de allemand ; v. 1950). Relatif à l’Alle-
magne de l’Est en tant qu’entité politique ;
qui est de l’Allemagne de l’Est.

estaminet [ɛstaminɛ] n. m. (empr., par


l’intermédiaire du picard, du wallon orien-
tal staminê, mauvais cabaret [fin du XVIIe s.],
de stamon, montant de bois qui sépare deux
vaches à l’étable, dér. d’une forme germ.
correspondant à l’allem. Stamm, tronc,
tige [le sens premier de staminê aurait été
« salle à poteaux »] ; 1771, Trévoux, au sens
1 ; sens 2, av. 1841, Chateaubriand [pilier
d’estaminet, 1864, Littré ; plaisanterie
d’estaminet, 1857, Flaubert]). 1. Vx. Café
où l’on pouvait fumer : Un estaminet plein
de fumée se présenta, ils y entrèrent (Hugo).
‖ Par extens. et vx. Salle de café réservée
aux fumeurs. ‖ 2. Petit café de ville ou
de village (vieilli) : Nous nous réunissions
pour dîner, à un schelling par tête, dans un
estaminet ; de là, nous allions aux champs
(Chateaubriand). ‖ Fam. Pilier d’estami-
net, homme qui passe son temps au café.
‖ Plaisanterie d’estaminet, plaisanterie de
mauvais goût : Il débitait des galanteries
d’estaminet à une jeune paysanne blonde
(Flaubert).

estampage [ɛstɑ̃paʒ] n. m. (de estamper ;


1790, Encycl. méthodique, aux sens I, 1-3 ;
sens II, 1920, Bauche).

I. 1. Dans l’industrie, repoussage des mé-


taux, en creux ou en relief. ‖ 2. Dans les
beaux-arts, procédé consistant à impri-
mer des lettres, ornements, figures, etc.,
soit en creux, soit en relief. ‖ 3. L’orne-
ment produit par estampage : Elle jeta un
regard curieux sur les papyrus, les estam-
pages (France).

II. Fam. Action de tromper quelqu’un en


lui escroquant de l’argent.

1. estampe [ɛstɑ̃p] n. f. (ital. stampa, de


stampare, imprimer [v. ESTAMPER] ; 1647,
Poussin). Épreuve sur papier d’une gravure
exécutée sur bois, sur métal, sur linoléum
ou sur pierre lithographique : Collectionner
des estampes.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1707

2. estampe [ɛstɑ̃p] n. f. (déverbal de


estamper ; v. 1280, Tobler-Lommatzsch,
au sens de « cachet pour imprimer une
marque » ; sens actuel, XIVe s., Laborde,
puis 1430, Gay). Outil à estamper.

estamper [estɑ̃pe] v. tr. (francique


*stampôn, piler, broyer, la prononciation
du -s- de estamper ayant été maintenue
à cause de l’influence de l’ital. stampare
[v. ESTAMPE 1], de même origine que le
mot franç. ; v. 1190, Godefroy, au sens de
« écraser, broyer » ; sens I, 1392, Gay [pour
des monnaies ; pour des gravures, 1676,
Félibien] ; sens II, 1883, G. Esnault).
I. Imprimer sur du métal, du carton, du
cuir, en relief ou en creux, par repous-
sage, au moyen d’une matrice : Estamper
des monnaies. ‖ Spécialem. Imprimer
une gravure dans un métal en feuille.

II. Fam. Escroquer en faisant payer trop


cher : J’ai pour principe que, comme on dit
vulgairement, on ne doit pas estamper le
client (Proust).

• SYN. : II, écorcher, empiler (pop.), exploi-


ter, rançonner, voler.

estampeur, euse [ɛstɑ̃poer, -øz] n. et


adj. (de estamper ; 1628, Dict. général, au
sens de « outil servant à estamper » ; sens I,
1836, Acad. ; sens II, 1888, Villatte).

I. Ouvrier, ouvrière chargés de


l’estampage.

II. Fam. Commerçant, vendeur mal-


honnête qui fait payer trop cher ses
marchandises.

& estampeuse n. f. (1907, Larousse).

Machine servant à produire des reliefs.

estampillage [ɛstɑ̃pijaʒ] n. m. (de estam-


piller ; 1783, Linguet). Action d’estampiller.

estampille [ɛstɑ̃pij] n. f. (esp. estampilla,


dér. de estampa, empreinte, déverbal de
estampar, graver, de même origine que le
franç. estamper [v. ce mot] ; fin du XVIIe s.,
Saint-Simon, au sens 1 ; sens 2, milieu du
XIXe s., Baudelaire). 1. Marque, signe maté-
riel qu’on imprime sur un objet pour en
attester l’authenticité, l’origine ou la pro-
priété : Tant d’heures à courir de bureau en
bureau pour obtenir les visas, estampilles
et tampons nécessaires (Gide). ‖ 2. Fig.
Caractère distinctif d’une chose : Cette
analogie morale dont je parlais est comme
l’estampille divine de toutes les fables popu-
laires (Baudelaire).

• SYN. : 2 cachet, empreinte, griffe, marque,


sceau.

estampiller [ɛstɑ̃pije] v. tr. (de estam-


pille ; 1762, Acad.). Marquer d’une estam-
pille : Estampiller une marchandise en
douane.

• SYN. : étamper, poinçonner, timbrer.

estampilleuse [ɛstɑ̃pijøz] n. f. (de


estampilleuse [ɛstɑ̃pijøz] n. f. (de
estampiller ; 1907, Larousse). Machine
employée pour imprimer des estampilles.

estancia [ɛstɑ̃sja] n. f. (mot esp., de


stans, stantis, part. prés. du lat. stare, se
tenir debout, se tenir immobile, être établi ;
1840, Acad.). Dans les pays d’Amérique du
Sud, grande ferme, établissement d’éle-
vage : Dans deux mois, je serai peut-être
assis au seuil d’une estancia de la pampa
(Duhamel).

estanfort [ɛstɑ̃fɔr] n. m. (du n. de la ville


angl. de Stamford, où ce tissu a d’abord été
fabriqué ; 1202, Godefroy, écrit estamfort ;
estanfort, XIVe s.). Tissu de laine de riche
qualité, en usage au Moyen Âge, et que
l’on fabriquait dans le nord de la France
et à Paris.

estant, e [ɛstɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. du


v. ester [v. ESTER 2] ; fin du XIIe s., Moniage
Guillaume, au sens de « debout » [en estant,
même sens, 1080, Chanson de Roland] ;
sens actuel, XXe s. [bois en estant, « bois
vivant et sur pied », XVe s.]). Se dit des arbres
réservés dans une coupe.

estarie [ɛstari] n. f. (provenç. estarié,


même sens, dér. de l’anc. provenç. estar,
rester, s’arrêter, lat. stare [v. ESTER 2] ; 1870,
Larousse). Laps de temps stipulé pour le
déchargement d’un navire de commerce.

est-ce que [ɛskə] adv. interr. (de est,


3e pers. du sing. de l’indic. prés. de être, de
ce, pron. dém. neutre, et de que, conj. ; v.
1175, Chr. de Troyes, aux sens 1-2). 1. En
tête d’une phrase, fait porter l’interroga-
tion sur l’ensemble de la phrase : Est-ce
que tu as répondu à sa lettre ? ‖ 2. Peut
renforcer un autre adverbe interrogatif :
Quand est-ce que vous partirez ? (Acad.) ;
un pronom interrogatif précédé d’une pré-
position : À qui est-ce que tu as confié cette
lettre ? À quoi est-ce que tu penses ? Sur
quoi est-ce que tu es assis ? De quoi est-ce
que vous parlez ?

• REM. 1. La forme interrogative est-ce


que ne s’ajoute aux adverbes interrogatifs
pourquoi et comment que dans la langue
familière : Pourquoi est-ce que vous n’êtes
pas venu ? Comment est-ce que vous vous
y prenez ?

2. Dans l’interrogation indirecte, l’ad-


verbe si se substitue à est-ce que pour
introduire la proposition interrogative :
Est-ce que vous viendrez demain ? / Je
vous demande si vous viendrez demain.

este [ɛst] adj. et n. (mot estonien ; 22


déc. 1873, Journ. officiel). Syn. peu usité
de ESTONIEN.

1. ester [ɛstɛr] n. m. (mot créé par le


chimiste allem. Leopold Gmelin [1788-
1853] : contraction de l’allem. Essigäther,
éther acétique ; XXe s.). Composé chimique
résultant de l’action d’un acide organique
sur un alcool avec élimination d’eau.

• SYN. : éther-sel.

2. ester [ɛste] v. intr. (lat. jurid. du Moyen


Âge stare, spécialisation du lat. class. stare,

se tenir debout [qui avait déjà donné ester,


« être debout », fin du Xe s., Vie de saint
Léger] ; 1384, Runkewitz [ester a dreit,
même sens, v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-
Maxence]). En justice, se présenter devant
un tribunal, soit comme demandeur, soit
comme défendeur : La femme peut ester
en justice sans l’autorisation de son mari.
• REM. Ne s’emploie qu’à l’infinitif.

estérification [ɛsterifikasjɔ̃] n. f. (de


estérifier, transformer en ester [XXe s.], dér.
de ester, n. m. ; XXe s.). Processus chimique
dû à l’action d’un acide organique sur un
alcool, et qui aboutit à un ester.

estérifier [ɛsterifje] v. tr. (de estéri-,


élément tiré de ester, n. m., et de -fier, lat.
facere, faire ; XXe s.). Convertir en ester :
Estérifier un alcool.

esterlin [ɛstɛrlɛ̃] n. m. (lat. médiév. ster-


lingus, monnaie d’argent valant 4 deniers,
anc. angl. *steorling, monnaie marquée
d’une étoile ; v. 1155, Wace). Monnaie d’ori-
gine écossaise, qui eut cours en Europe
aux XIIe et XIIIe s. : Il ouvrit le coffre plein
d’angelots, de florins, d’esterlins (France).

esteuf n. m. V. ÉTEUF.

esthésio- [ɛstezjɔ], -esthésie [ɛstezi],


éléments tirés du gr. aisthêsis, sensation,
perception (dér. de aisthanesthai, perce-
voir par les sens, comprendre), et entrant
en composition comme premier et second
élément. (V. INTRODUCTION, p. XXVI.)

esthésiogène [ɛstezjɔʒɛn] adj. (de esthé-


sio- et de -gène, du gr. gennân, engendrer,
produire ; 1933, Larousse). En termes de
physiologie, qui est à l’origine de la sensi-
bilité ou qui l’accentue.

esthésiologie [ɛstezjɔlɔʒi] n. f. (de


esthésio- et de -logie, du gr. logos, science,
discours ; XXe s.). Partie de la physiologie
qui a pour objet l’étude de la sensibilité,
de ses conditions et de son mécanisme.

esthésiomètre [ɛstezjɔmɛtr] n. m. (de


esthésio- et de -mètre, gr. metron, mesure ;
1877, Littré). Appareil servant à déterminer
le seuil de la discrimination faite par le
sujet entre deux stimuli tactiles.

esthésiométrique [ɛstezjɔmetrik] adj.


(de esthésiomètre ; XXe s.). Relatif à la diffé-
rence entre deux stimuli rapprochés : Seuil
esthésiométrique.

esthète [ɛstɛt] n. (de esthétique [v. ce


mot], d’après le gr. aisthêtês, qui perçoit
par les sens, dér. de aisthanesthai, percevoir
par les sens ; 1838, Acad., comme adj., au
sens de « qui est susceptible d’être senti,
éprouvé par les sens » ; comme n., au sens
1, 1882, Goncourt ; sens 2, 1888, Larousse).
1. Personne qui aime l’art et le considère
comme une valeur essentielle : Un point
de vue d’esthète. ‖ 2. Péjor. Personne qui
affecte le culte du beau au détriment de
toute autre valeur : Les belles mondaines, les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1708

snobs désoeuvrés et les esthètes prétentieux


tiennent leurs assises (H. de Régnier).

• SYN. : 1 artiste.

esthéticien, enne [ɛstetisjɛ̃, -ɛn] n. (de


esthétique ; 1867, Th. Gautier). Écrivain,
philosophe ou savant qui s’est spécialisé
dans l’esthétique.

& esthéticienne n. f. (milieu du XXe s.).


Personne diplômée qui est habilitée à
donner des soins de beauté au corps et au
visage.

esthétique [ɛstetik] n. f. (lat. scientif.


moderne aesthetica, partie de la philo-
sophie qui traite du sentiment artistique,
créé en 1735 par le philosophe allemand J.
A. Baumgarten [1714-1762] d’après l’adj.
gr. aisthêtikos, qui a la faculté de sentir ou
de comprendre, dér. de aisthanesthai [v.
ESTHETE] ; 1753, Beausobre, au sens 1 ; sens
2, 1870, Larousse ; sens 3, 1901, Larousse ;
sens 4-5, milieu du XXe s.). 1. Science du
beau ; partie de la philosophie qui traite
de la nature de l’art et du sentiment artis-
tique : Je suis abruti d’art et d’esthétique
(Flaubert). À quelle occasion, d’ailleurs,
former, préciser le dessein de « faire une
Esthétique » ? — Une science du Beau ? ...
Mais les modernes usent-ils encore de ce
nom ? Il me semble qu’ils ne le prononcent
plus qu’à la légère ! (Valéry). ‖ Spécialem.
Théorie, conception particulière du
beau : L’esthétique de Kant, de Ruskin.
‖ 2. Ensemble de principes, de règles, de
caractères sur lesquels se fonde l’appré-
ciation de la beauté dans une forme d’art,
une école, etc. : L’esthétique du roman,
du théâtre. L’esthétique romantique. Il est
légitime, à mon sens, de porter au théâtre
des esthétiques nouvelles (Apollinaire).
‖ 3. Caractère esthétique : L’esthétique
d’une construction, d’une mise en scène,
de la mode. ‖ 4. Esthétique industrielle,
recherche ayant pour objet l’étude des
formes les mieux adaptées à un produit
donné. ‖ 5. Ensemble des procédés utilisés
pour entretenir, conserver, augmenter la
beauté du corps, du visage, de la chevelure.
• SYN. : 3 beauté.

& adj. (sens 1, 1798, Schwan ; sens 2, 1932,


Acad. ; sens 3, av. 1945, Valéry). 1. Qui a
rapport à la perception et au sentiment du
beau : Émotion, sens, jugement esthétique.
Minerve et Vénus sont la nature féminine
envisagée par ses deux côtés : le côté spiri-
tualiste et saint, le côté esthétique et volup-
tueux (Renan). Nous avons, en vue de la
culture artistique, développé nos musées ;
nous avons introduit une manière d’édu-
cation esthétique dans nos écoles (Valéry).
‖ 2. Qui offre un caractère de beauté ; qui
se remarque par son élégance ou sa grâce :
Une décoration esthétique. Un visage qui
n’a rien d’esthétique. Mettez votre chapeau
moins en arrière : ce sera plus esthétique.
‖ 3. Se dit des préparations et des procédés
qu’on utilise pour entretenir ou développer

la beauté du visage, du corps, de la cheve-


lure : Une crème esthétique. Quant au nez
de Cléopâtre, c’est une affaire de chirur-
gie esthétique, assez banale, en somme
(Valéry).

• SYN. : 1 artistique ; 2 beau, coquet, déco-


ratif, harmonieux, joli. — CONTR. : 2 dis-
gracieux, inesthétique, laid.

esthétiquement [ɛstetikmɑ̃] adv. (de


esthétiquement [ɛstetikmɑ̃] adv. (de
esthétique ; 1798, Schwan, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Du point de vue théorique de
l’esthétique : Les Allemands savent de l’art
tout ce qu’on peut esthétiquement savoir
(Gautier). ‖ 2. De façon esthétique :
Disposer esthétiquement des ornements.
• SYN. : 2 artistement, artistiquement, élé-
gamment, harmonieusement.

esthétisme [ɛstetism] n. m. (de esthète ;


1888, Larousse, au sens 1 ; sens 2, début du
XXe s.). 1. École artistique et littéraire, d’ori-
gine anglosaxonne, qui prétendait ramener
l’art à ses formes primitives. ‖ 2. Attitude
de l’esthète : Je crois tout au contraire que
cet esthétisme d’emprunt n’était pour lui
qu’un revêtement ingénieux pour cacher en
révélant à demi ce qu’il ne pouvait laisser
voir au grand jour (Gide).

estimable [ɛstimabl] adj. (de estimer ;


XIVe s., La Curne, au sens de « qu’on peut
prévoir » ; sens 1, 1690, Furetière ; sens 2,
1637, Descartes ; sens 3, 1864, Littré). 1. Vx.
Dont on peut faire l’estimation. ‖ 2. Digne
d’être estimé, dont on apprécie la valeur :
Elle n’était plus que fort médiocrement
éprise du comte, homme d’ailleurs si esti-
mable (Stendhal). Les Gaulois n’ont pas eu
d’art plastique, mais un art industriel des
plus estimables (Gaxotte). ‖ 3. Qui n’est
pas dépourvu de mérite, qui a de la valeur,
sans être exceptionnel : Il avait publié des
ouvrages estimables.

• SYN. : 2 honorable, méritoire, recomman-


dable, respectable ; 3 appréciable.

estimateur [ɛstimatoer] n. m. (lat. aesti-


mator, celui qui estime, qui évalue, de aes-
timatum, supin de aestimare [v. ESTIMER] ;
1389, Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1534,
Rabelais). 1. Vx. Celui qui est chargé de
faire l’estimation, d’évaluer le prix d’une
chose. ‖ 2. Fig. Personne qui sait apprécier,
qui connaît ce qui est estimable : Ayant
Molière pour estimateur et toute la maison
des Béjart pour amie (France).

estimatif, ive [ɛstimatif, -iv] adj. (dér.


savant de estimer ; 1314, Monde-ville, au
sens de « qui concerne le jugement » ; sens
actuel, 1864, Littré). Qui contient l’estima-
tion, l’évaluation du prix d’une chose : Un
devis estimatif des travaux.

& estimative n. f. Class. Jugement, capacité


d’appréciation : Il faut qu’un ingénieur ait
l’estimative bonne, pour connaître de loin la
longueur d’une courtine (Furetière, 1690).

estimation [ɛstimasjɔ̃] n. f. (lat. aes-


timatio, évaluation, appréciation, recon-

naissance de la valeur d’un objet, de


aestimatum, supin de aestimare [v. ESTI-
MER] ; v. 1283, Beaumanoir, au sens 1 ; sens
2, XXe s. [« action de juger d’une chose à peu
près », 1690, Furetière] ; sens 3, 1656, Pascal ;
sens 4, 1587, F. de La Noue). 1. Action de
déterminer la valeur, le prix d’une chose :
Estimation d’un objet d’art, d’un tableau.
‖ 2. Évaluation du chiffre d’une popula-
tion à partir de données incomplètes, obte-
nues, par exemple, au moyen d’une enquête
par sondage. ‖ 3. Action d’évaluer quelque
chose, de porter une appréciation générale :
L’estimation des progrès accomplis par un
élève. ‖ 4. Vx. Jugement favorable qu’on
porte sur quelqu’un, estime : Sans égard à
l’estimation des hommes (Rousseau).

• SYN. : 3 appréciation, évaluation.

estimatoire [ɛstimatwar] adj. (bas lat.


jurid. aestimatorius, qui concerne l’éva-
luation de la taxe, de aestimatum, supin
de aestimare [v. ESTIMER] ; XVIe s.). Relatif
à l’estimation. (Peu usité.)

estime [ɛstim] n. f. (déverbal de estimer ;


fin du XVe s., Commynes, au sens II, 3 ; sens
I, 1, 1600, O. de Serres ; sens I, 2, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens II, 1, 1534, Rabelais ;
sens II, 2, 4-5, 1541, Calvin).

I. 1. Vx. Détermination par quelqu’un du


prix, de la valeur d’une chose : Faire une
estime. ‖ 2. Évaluation approximative.
‖ Spécialem. Calcul de la position appro-
chée d’un navire, obtenue en combinant
les routes suivies avec les distances par-
courues et en tenant compte de divers
éléments (vitesse du navire, dérives dues
aux vents et aux courants, etc.) : Naviga-
tion à l’estime.

II. 1. Class. Opinion, bonne ou mau-


vaise, qu’on a de quelqu’un ou de quelque
chose (sens actif) : C’est de mon jugement
avoir mauvaise estime | Que douter si
j’approuve un choix si légitime (Molière).
‖ 2. Class. Réputation, bonne ou mau-
vaise, dont une personne est l’objet (sens
passif) : L’estime de modération qu’il avait
même parmi les nôtres (Bossuet). ‖ Être
en estime de, avoir la réputation de, être
connu pour : Un médisant ne peut réussir
s’il n’est en estime d’abhorrer la médisance
(Pascal). ‖ 3. Class. Bonne réputation
dont jouit une personne ; gloire : Il faut le
délivrer du péril et du crime, | Assurer sa
puissance et sauver son estime (Corneille).
‖ Mettre en estime, donner de l’éclat,
de la célébrité : La guerre en quelque
estime avait mis mon courage (Molière).
‖ 4. Appréciation favorable que l’on
porte sur quelqu’un : Tenir quelqu’un
en haute estime. Baisser dans l’estime de
quelqu’un. Jouir de l’estime de tous. Je
serai toujours sûr de l’estime publique,
parce que je ne ferai jamais rien pour la
perdre, et je trouverai peut-être plus de
justice parmi mes ennemis que chez mes
prétendus amis (Chateaubriand). Adieu,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1709

Mademoiselle. Faites-moi l’honneur de


m’accorder votre estime (Balzac). Et pour-
tant, en dépit de l’estime si précieuse du
brave commandant Bravida [...], Tartarin
n’était pas heureux (Daudet). ‖ L’estime
de soi-même, sa propre estime, la bonne
opinion que l’on a de soi-même, la satis-
faction de n’avoir rien à se reprocher :
Un jour, vous me devrez votre propre es-
time (Mérimée). ‖ Class. Faire estime de
quelqu’un, de quelque chose, l’apprécier,
en faire cas : Vous méprisez trop Rome
et vous devriez faire | Plus d’estime d’un
roi qui vous tient lieu de père (Corneille).
‖ 5. Cas que l’on fait de quelque chose :
Un livre qui mérite l’estime. ‖ Un succès
d’estime, un demi-succès (se dit surtout
à propos d’une oeuvre littéraire qui a
l’éloge de la critique, mais n’obtient pas la
faveur du grand public).

• SYN. : I, 2 approximation. ‖ II, 4 consi-


dération, égard, respect, vénération. —
CONTR. : II, 4 déconsidération, dédain,
mépris, mésestime.

& À l’estime loc. adv. (sens 1, XXe s. ; sens


2, fin du XVIIe s., Saint-Simon). 1. Selon
une évaluation approximative, faite sans
calculs précis. ‖ 2. Class. et fig. Au jugé :
Il s’aperçoit qu’il a passé le bout, et revient
à tâtons chercher les arbres ; il les suit à
l’estime (Saint-Simon).

estimé, e [ɛstime] adj. (part. passé


de estimer ; 1864, Littré ; aux sens 1-2).
1. Généralement apprécié : Un vin estimé.
‖ 2. Point estimé, en termes de marine,
point, ou position d’un navire, calculé en
se servant d’éléments dus à l’estime.

estimer [ɛstime] v. tr. (lat. aestimare,


évaluer, priser, apprécier, juger [estimer a
éliminé son doublet populaire esmer — v.
1160, Roman de Tristan —, dont la pro-
nonciation, à partir du XIVe s., se confon-
dait avec celle du v. aimer] ; fin du XIIIe s.,
Godefroy, écrit extimer [estimer, XVe s.],
au sens I, 1 ; sens I, 2, 1772, J.-J. Rousseau ;
sens I, 3, 1541, Calvin [estimer de ; esti-
mer, v. tr., XVIIe s.] ; sens II, 1, v. 1398, le
Ménagier de Paris ; sens II, 2-3, fin du XVe s.,
Commynes).

I. 1. Déterminer la valeur, le prix de


quelque chose : Faire estimer une pro-
priété, un bijou. L’expert a estimé le mobi-
lier à cinq mille francs. ‖ 2. Mesurer par
soi-même, calculer approximativement :
À combien estimez-vous que nous soyons
de la ville ? ‖ Spécialem. En navigation,
calculer approximativement les éléments
qui servent à déterminer la position d’un
navire. ‖ 3. Fig. Évaluer l’importance de
quelqu’un ou de quelque chose : Estimer
un collaborateur, un ouvrage à sa juste
valeur.

II. 1. Avoir une opinion sur quelqu’un ou


sur quelque chose, juger, croire. ‖ Vx. Es-
timer suivi d’un nom attribut, tenir pour :
Si nous voulons être estimés leurs véri-

tables descendants (Molière). ‖ Estimer


avec un adjectif attribut du complément
d’objet, considérer, regarder comme : On
estimait malheureux ceux qui mouraient
sans avoir vu l’image du Jupiter Olym-
pien (Renan). Il estime indispensable de
rétablir la vérité des faits. ‖ Estimer suivi
d’un infinitif, estimer que (introduisant
une subordonnée complétive avec l’indi-
catif, ou avec le subjonctif dans des pro-
positions négatives ou interrogatives),
penser après réflexion, émettre l’opinion
que : L’automobiliste estime avoir fait
l’impossible pour éviter l’accident. J’es-
time qu’en fait d’art il n’y a pas de redites
(Fromentin). Je n’estime pas que l’homme
soit capable de former un projet... (La
Bruyère). Estimez-vous qu’il y ait lieu de
revenir sur cette décision ? ‖ 2. Avoir une
opinion favorable sur quelqu’un, sur ses
qualités, ses mérites : Il estimait Armance
beaucoup et pour ainsi dire uniquement ;
il se voyait méprisé d’elle, et il l’estimait
précisément à cause de ce mépris (Stend-
hal). Elle devint la « madame Guyon »
du protestantisme [...], estimée même de
ceux qui avaient traité son exaltation de
folie (Daudet). ‖ 3. Faire cas de quelque
chose, lui attribuer de l’importance : Il
y a deux choses que les hommes estiment
beaucoup : la vie et l’argent (La Bruyère).
Longtemps, j’estimai le grec par-dessus
tout (Alain).

• SYN. : I, 1 coter, expertiser ; 2 évaluer ; 3


apprécier, jauger, juger. ‖ II, 1 considérer,
penser, trouver ; 2 honorer, respecter, véné-
rer ; 3 goûter, priser. — CONTR. : II, 2 dédai-
gner, mépriser, mésestimer ; 3 déconsidérer,
décrier, dénigrer, détester, haïr.

& s’estimer v. pr. (sens 1, 1640, Corneille ;


sens 2, 1555, Ronsard). 1. Vx ou littér.
Avoir bonne opinion de soi-même : Qui
ne s’estime pas perd ses droits à l’estime
(Delille). ‖ 2. S’estimer avec un adjectif
attribut, se considérer comme, reconnaître
ou prétendre que l’on est : L’artiste s’esti-
mait chargé de grands devoirs et de hautes
responsabilités (Duhamel).

estivage [ɛstivaʒ] n. m. (de estiver 1 ;


1856, Lachâtre). Migration des troupeaux
qui, en été, montent des pâturages des val-
lées vers ceux de la montagne.

estival, e, aux [ɛstival, -o] adj. (lat.


impér. aestivalis, d’été, du lat. class. aesti-
vus, même sens, dér. de aestas, -atis, été ;
v. 1119, Ph. de Thaon, au sens 2 [à propos
d’un bas-de-chausses, d’un soulier léger
porté en été ; rare av. le XVIe s.] ; sens 1, av.
1575, R. Garnier). 1. Qui est relatif à l’été :
Des journées estivales. Il y en a [des fruits]
que l’on mange à l’ombre dans la saison
estivale (Gide). ‖ 2. Qui est propre à l’été :
Plantes, fleurs estivales. Toilette, mode esti-
vale. ‖ Station estivale, lieu de villégiature
et de vacances fréquenté pendant l’été.

• CONTR. : 1 et 2 hivernal.

& estivaux n. m. pl. (XXe s.). En termes de


pisciculture, truitelles d’un été utilisées
pour le repeuplement des cours d’eau.

estivant, e [ɛstivɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés. du


provenç. moderne estivá, passer l’été, anc.
provenç. estivar, même sens, lat. aestivare
[v. ESTIVER 1] ; début du XXe s.). Personne
qui passe ses vacances d’été dans un lieu
donné (station balnéaire, thermale, etc.).

estivation [ɛstivasjɔ̃] n. f. (de estiver


estivation [ɛstivasjɔ̃] n. f. (de estiver
1 ; 1827, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1856,
Lachâtre). 1. Syn. de PRÉFLORAISON.
‖ 2. Engourdissement de certains animaux
pendant les fortes chaleurs de l’été.

• CONTR. : 2 hibernation.

estive [ɛstiv] n. f. (déverbal de estiver 2 ;


1611, Cotgrave, aux sens de « fond de cale,
chargement d’un navire » ; sens 1, 1836,
Acad. [charger en estive, 1773, Bourdé
de Villehuet] ; sens 2, 1678, Guillet).
1. Compression opérée sur des mar-
chandises susceptibles d’une réduction
de volume (coton, laine, fourrage), pour
qu’elles tiennent moins de place à bord du
navire qui les transporte : Charger en estive.
‖ 2. Action de répartir le chargement de
façon égale sur les deux bords d’un bateau :
Mettre un navire en estive.

1. estiver [ɛstive] v. tr. (anc. provenç. esti-


var, passer l’été, lat. aestivare, même sens,
de aestivus [v. ESTIVAL] ; XVIe s., Littré).
Mettre les troupeaux, l’été, dans les pâtu-
rages de montagne.

& v. intr. (sens 1-2, XVIe s., Huguet). 1. En


parlant des troupeaux, passer l’été dans
les pâturages de montagne. ‖ 2. Faire un
séjour d’été dans un lieu de villégiature.
(Peu usité.)

2. estiver [ɛstive] v. tr. (ital. stivare,


même sens, lat. stipare, mettre dru, mettre
serré, entasser ; 1660, Oudin). Comprimer
les marchandises de grand volume pour
qu’elles tiennent le moins de place possible
dans les cales d’un navire.

1. estoc [ɛstɔk] n. m. (francique *stok,


bâton ; v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-
Maxence, au sens 1 [couper un arbre à
blanc estoc, 1798, Acad. ; faire une coupe
à blanc estoc, 1741, Savary des Bruslons] ;
sens 2, v. 1283, Beaumanoir ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Souche d’arbre. ‖ Couper
un arbre à blanc estoc, le couper à ras de
terre. ‖ Faire une coupe à blanc estoc, ne
rien laisser sur pied. ‖ 2. Class. Origine
d’une famille, ascendance, extraction : Je
voudrais bien le marier [Ch. de Sévigné] à
une petite fille qui est un peu juive de son
estoc, mais les millions nous paraissent de
bonne maison (Sévigné). Non, celles-là, ce
sont celles des Arrachepel, qui n’étaient pas
de notre estoc, mais de qui nous avons hérité
la maison, et jamais ceux de notre lignage
n’ont rien voulu y changer (Proust). ‖ 3. Vx.
En droit, biens passant par succession en
ligne directe.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1710

2. estoc [ɛstɔk] n. m. (déverbal de l’anc.


franç. estochier, frapper de la pointe, enfon-
cer [v. 1170, Vie de saint Edmond], moyen
néerl. stoken, piquer ; 1446, Gay, au sens 1
[repris au provenç. estoc, lui-même empr.
à la loc. franç. férir d’estoc, v. 1265, J. de
Meung] ; sens 2, v. 1550, Ancien Théâtre
françois [frapper d’estoc et de taille, v. 1460,
G. Chastellain]). 1. Épée d’armes des XVe
et XVIe s., à lame forte et à pointe aiguë :
L’estoc brille encore plus qu’il ne frappe
(Heredia). ‖ 2. La pointe d’une épée : Coup
d’estoc. ‖ Frapper d’estoc et de taille, frap-
per avec la pointe et le tranchant de l’épée.

estocade [ɛstɔkad] n. f. (ital. stoccata,


coup de rapière, dér. de stocco, rapière,
empr. au franç. estoc, épée [v. ESTOC 2] ;
milieu du XVIe s., au sens 2 ; sens 1, 1608,
Ancien Théâtre françois [écrit estoquade ;
estocade, 1614, Hulsius] ; sens 3 [sous l’in-
fluence de l’esp. estocada, de même forma-
tion que l’ital. stoccata], 1840, Th. Gautier ;
sens 4, 1864, Littré). 1. Grande épée de ville,
en usage aux XVIe et XVIIe s., dont la lame
large se terminait par une pointe en ogive.
‖ 2. Coup d’estoc, donné avec la pointe de
l’épée : À chaque estocade nouvelle, | On en
voyait jaillir le sang et la cervelle (Banville).
‖ 3. Spécialem. Coup d’épée porté par le
matador pour la mise à mort du taureau.
‖ 4. Fig. Attaque rude et vive : Porter une
estocade. Subir les estocades de l’ennemi,
d’un contradicteur. ‖ Donner l’estocade à
un adversaire, le réduire à merci.

• SYN. : 2 botte.

estocader [ɛstɔkader] v. intr. (de esto-


cade ; v. 1580, Du Bartas, aux sens 1-2).
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Frapper
de coups d’estocade, de coups d’épée :
Toujours à estocader et à ferrailler (Saint-
Simon). ‖ 2. En escrime, porter des esto-
cades, des coups de pointe.

estomac [ɛstɔma] n. m. (lat. stomachus,


oesophage, estomac, goût, humeur, gr. sto-
makhos, gorge, orifice de l’estomac, esto-
mac, proprem. « orifice, ouverture », dér.
de stoma, bouche ; fin du XIe s., Gloses de
Raschi, écrit estomaqe, au sens de « orifice
[de la panse] » ; sens 1, v. 1220, Studer et
Evans, écrit stomac [estomach, 1256, Ald.
de Sienne ; estomac, XIVe s.] ; sens 2, 1256,
Ald. de Sienne ; sens 3, fin du XVIe s., A.
d’Aubigné ; sens 4-5, v. 1460, G. Chastellain
[« sang-froid », 1868, G. Esnault]). 1. Partie
du tube digestif renflée en forme de poche,
située entre l’oesophage et le duodénum, et
où les aliments sont brassés et imprégnés
de suc gastrique avant de passer dans l’in-
testin. ‖ Avoir l’estomac vide, creux, être à
jeun, n’avoir pas mangé depuis longtemps
et avoir faim. ‖ Fam. Avoir l’estomac dans
les talons, être très affamé. ‖ Fam. Avoir
un estomac d’autruche, avoir une facilité
extrême à tout digérer, pouvoir manger
n’importe quoi. ‖ Rester, demeurer sur
l’estomac, en parlant d’un aliment, ne pas

être digéré ; au fig., en parlant d’un événe-


ment fâcheux, d’un propos désagréable, ne
pas être accepté, être un motif de rancune
ou d’amertume : Le départ de sa femme
lui est resté sur l’estomac. ‖ 2. Faculté de
digestion, appétit : Avoir bon, mauvais esto-
mac. ‖ 3. Partie extérieure du corps, entre
la poitrine et le nombril, correspondant à
l’estomac : Le creux de l’estomac. Envoyer
un coup de poing à l’estomac. ‖ 4. Class.
Poitrine : Lorsque j’oyais parler de lui, le
coeur me tressaillait en l’estomac (d’Urfé).
Leurs hauts-de-chausses tout tombants,
et leurs estomacs débraillés (Molière).
‖ 5. Class. Coeur ; courage (sens conservé
dans quelques expressions) : Je saute hors
du lit, l’estomac pantelant, | Vais prendre
mon fusil... (Saint-Amant). ‖ Auj. et fam.
Avoir de l’estomac, avoir de l’audace, faire
preuve de sang-froid, ne pas se laisser
déconcerter par les circonstances : Je n’ai
jamais eu l’audace ou, comme disent les
gens du peuple, « l’estomac » qu’il faut pour
soutenir un grand vice (Duhamel). ‖ Fam.
Manquer d’estomac, être peureux, manquer
d’audace : Dès notre première entrevue, il
m’était apparu que cette créature chétive [...]
manquerait d’estomac (Mauriac). ‖ Pop. Le
faire à l’estomac, tromper quelqu’un par
une assurance, une audace feintes, qui en
imposent.

estomaquer [ɛstɔmake] v. tr. (lat. stoma-


chari, s’irriter, dér. de stomachus, au sens de
« [mauvaise] humeur » [v. ESTOMAC] ; 1480,
Dict. général, au part. passé, écrit estoma-
quié, au sens de « suffoqué d’étonnement,
surpris désagréablement » ; sens actuel, fin
du XVIe s., Brantôme, au part. passé, écrit
estoma[c]qué [à l’infin., écrit estomaquer,
1907, Larousse]). Fam. Causer à quelqu’un
une vive surprise, en général désagréable,
au point de lui couper le souffle (surtout
au part. passé) : Cette réplique m’a estoma-
qué. Le curé, quand je lui dis cela, en resta
estomaqué (L. Daudet).

• SYN. : abasourdir, époustoufler (fam.),


méduser, pétrifier, sidérer, souffler (fam.),
suffoquer.

& s’estomaquer v. pr. (milieu du XVIe s.,


écrit s’estomacquer ; s’estomaquer, 1656,
Oudin). Class. et fam. Se tenir pour offensé
de quelque chose, se vexer profondément :
Il ne faut point, Monsieur, s’estomaquer si
fort : | On peut en un moment nous mettre
tous d’accord (Regnard).

estompage [ɛstɔ̃paʒ] n. m. (de estom-


per ; av. 1896, Goncourt). Action d’estom-
per, ou le fait de s’estomper : L’estompage
d’un dessin. L’estompage vaporeux du soir
(Goncourt).

estompe [ɛstɔ̃p] n. f. (néerl. stomp,


chicot, bout [de chandelle], mot employé
occasionnellement par des peintres néer-
landais qui peignaient en France ; fin du
XVIIe s., Mémoires de l’Acad. des sciences,
au sens 1 ; sens 2 [déverbal de estomper],

1835, Acad.). 1. Petit rouleau de peau ou


de papier, terminé en pointe mousse,
qu’on utilise pour étendre le crayon ou le
pastel sur un dessin : Dessin à l’estompe.
‖ 2. Dessin exécuté à l’estompe.

estompement [ɛstɔ̃pmɑ̃] n. m. (de


estomper ; début du XXe s.). Le fait de
s’estomper (au pr. et au fig.) : L’effacement
ou l’estompement de la pensée de la mort
(L. Daudet).

estomper [ɛstɔ̃pe] v. tr. (de estompe ;


1676, Félibien, au sens 1 ; sens 2, 1840,
V. Hugo ; sens 3, 1870, Larousse). 1. Ombrer
un dessin avec l’estompe. ‖ 2. Rendre
incertains les contours et les formes d’une
chose en la couvrant d’une ombre unie ou
légèrement dégradée : Les sommets loin-
tains des Pyrénées, à demi estompés par les
vapeurs légères d’une matinée d’automne
(Gautier). Un jour gris, avec cette fausse
brume qui s’accroche aux arbres sans
feuilles, estompait la silhouette de verre du
Grand Palais (Aragon). ‖ 3. Fig. Atténuer la
netteté de quelque chose, lui enlever de son
relief, de sa vigueur : Estomper les passages
trop crus d’un roman.
• SYN. : 2 ombrer, tamiser, voiler ; 3 adoucir.
& s’estomper v. pr. (sens 1, av. 1854, Nerval ;
sens 2, début du XXe s.). 1. S’effacer ou se
confondre avec ce qui entoure : Une cou-
leur qui s’est estompée. À l’horizon, les
montagnes s’estompaient, disparaissaient
(Montherlant). ‖ 2. Fig. Perdre de sa
netteté, devenir flou : Des souvenirs qui
s’estompent dans la mémoire.

• SYN. : 1 s’évanouir, se fondre ; 2 s’effacer,


se perdre.

estonien, enne [ɛstɔnjɛ̃, -ɛn] adj. et


n. (de Estonie, n. géogr. ; 1870, Larousse).
Relatif à l’Estonie ; habitant ou originaire
de ce pays.

& estonien n. m. (1870, Larousse). Langue


balto-finnoise parlée en Estonie.

estoquer [ɛstɔke] v. tr. (var. de l’anc.


franç. estochier, frapper de la pointe [v.
ESTOC 2] ; v. 1307, Guiart, au sens 1 ; sens
2, 1926, Montherlant). 1. Vx. Frapper d’es-
toc. ‖ 2. Porter l’estocade à un taureau :
Le taureau serait encore beaucoup plus
difficile à estoquer et plus dangereux s’il
n’avait le coup de tête réglé par les piques
(Montherlant).

estouffade n. f. V. ÉTOUFFÉE.

estourbir [ɛsturbir] v. tr. (dér. de l’adj.


argot stourbe, mort, var. de chtourbe
[formes attestées seulement en 1850 et 1856,
G. Esnault], patois alémanique gchtôrbe,
mort, haut allem. gestorben, part. passé de
sterben, mourir ; 1815, G. Esnault, au sens
de « assommer » ; au sens de « tuer », 1835,
Raspail). Pop. Assommer quelqu’un, le tuer
en lui assenant un coup vigoureux : Se faire
estourbir par quelque douanier (Benoit).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1711

1. estrade [ɛstrad] n. f. (ital. strada, route,


bas lat. strata, chemin pavé, grande route,
abrév. de la loc. du lat. class. via strata, che-
min pavé, où strata est le part. passé fém.
de sternere, étendre sur le sol, répandre,
paver [le lat. strata avait déjà donné l’anc.
franç. estree, route, grand chemin, 1080,
Chanson de Roland] ; av. 1453, Monstrelet,
au sens de « route, rue » ; battre l’estrade,
batteur d’estrade, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné). Vx. Battre l’estrade, courir les routes,
la campagne, notamment pour connaître
la position et les mouvements de l’ennemi,
pour trouver ou surveiller quelqu’un, pour
marauder ou pour détrousser les voya-
geurs. ‖ Vx. Batteur d’estrade, autref., dans
l’armée, éclaireur d’une troupe ; coureur
d’aventures.

2. estrade [ɛstrad] n. f. (esp. estrado,


lat. stratum, couverture de lit, lit, housse,
pavage, plate-forme, proprem. « ce qui est
étendu », part. passé neutre substantivé de
sternere [v. l’art. précéd.] ; 1669, Widerhold).
Petit plancher surélevé, destiné à rece-
voir des chaises, une table, un meuble
quelconque, une tribune : Un boudoir à
stores de soie avec un tapis bien épais, des
jardinières remplies, un lit monté sur une
estrade (Flaubert). Au milieu de l’estrade,
une jeune fille est immobile devant le piano
(Duhamel). Dresser une estrade en plein air
pour les musiciens.

estradier [ɛstradje] n. m. (de estrade 2 ;


1877, A. Daudet, comme n. m. et comme
adj.). Dialect. Celui qui est toujours en vue,
comme sur une estrade ; personnage qui
fait l’important : Ces existences d’estra-
diers ont parfois des passes bien cruelles
(Daudet).

& adj. Dialect. Propre aux gens importants ;


suffisant : M. l’abbé Cerès n’a sans doute pas
le temps de lire, dit-il de son ton estradier
et autoritaire (Daudet).

estradiot n. m. V. STRADIOT.

estragon [ɛstragɔ̃] n. m. (altér. mal expli-


quée de l’anc. mot targon, estragon [av.
1553, Rabelais], lat. des botanistes tarchon,
tarcon, ar. tarkhoûn, empr. du gr. drakon-
tion, serpentaire, proprem. « petit dragon »,
dimin. de drakôn, -kontos, dragon ; 1564,
Liébault). Plante potagère aromatique,
appartenant au genre armoise, et utilisée
pour les assaisonnements culinaires : Un
poulet à l’estragon.

estramaçon [ɛstramasɔ̃] n. m. (ital. stra-


mazzone, coup d’épée, dér. de stramazzare,
renverser violemment, de stra, préf. à valeur
intensive [lat. extra, au-dehors, en outre],
et de mazza, masse, de même origine que
le franç. masse, arme de choc [v. ce mot] ;
milieu du XVIe s., au sens 2 [coup d’estrama-
çon, même sens, 1560, Gay] ; sens 1, début
du XVIIe s. [écrit estramasson ; estrama-
çon, 1680, Richelet]). 1. Longue épée à deux
tranchants en usage aux XVIe et XVIIe s.

‖ 2. Class. Coup porté avec le tranchant


d’une épée (par opposition à estocade,
coup porté avec la pointe) : Je ne voulais
pas le tuer ; je me contentai de lui donner
un estramaçon sur la tête (Scarron).

estramaçonner [ɛstramasɔne] v. tr. et


intr. (de estramaçon ; XVIIe s., Godefroy
[var. astramaçonner, XVIe s.]). Class.
Frapper avec l’estramaçon : Avez-vous des
ennemis secrets ? Parlez, j’estramaçonne
(Th. Corneille).

estran [ɛstrɑ̃] n. m. (anglo-saxon et bas


allem. strand, plage ; v. 1138, Vie de saint
Gilles, écrit estrande, au sens de « rivage,
grève » [de l’anglo-saxon] ; sens actuel
[du bas allem.], 1687, Jal, écrit estran [var.
estranc, 1682, Jal]). Zone sableuse ou
rocheuse du littoral que la mer découvre
à marée basse : L’estran atteint 15 à 20 km
dans la baie du Mont-Saint-Michel.

estrapade [ɛstrapad] n. f. (ital. strappata,


part. passé fém. substantivé de strappare,
tirer violemment, gotique *strappan, atteler
fermement ; fin du XVe s., au sens 1 ; sens 2,
v. 1570, Carloix ; sens 3-4, 1690, Furetière ;
sens 5, 1836, Acad.). 1. Supplice ou torture
consistant à hisser le condamné en haut
d’un mât et à le laisser tomber brusque-
ment, retenu par une corde, à quelque
distance du sol. ‖ 2. Par extens. Le mât,
la potence servant à ce supplice. ‖ 3. En
gymnastique, mouvement qui consiste à se
suspendre par les mains et à faire passer le
corps entre les bras écartés. ‖ 4. Par anal.
En équitation, saut de mouton que fait un
cheval rétif pour désarçonner son cavalier.
‖ 5. Outil servant à monter le grand ressort
d’un mouvement d’horlogerie.

estrapader [ɛstrapade] v. tr. (de estra-


pade ; 1680, Richelet). Vx. Infliger le
supplice de l’estrapade à quelqu’un : Ils
vous écartelaient, vous estrapadaient
(Huysmans).

estrapasser [ɛstrapase] v. tr. (ital. stra-


pazzare, maltraiter, de stra-, préf. à valeur
intensive [lat. extra, au-dehors, en outre, en
sus], et du lat. pati, souffrir ; 1611, Cotgrave,
au sens de « maltraiter, mener durement » ;
sens actuel, 1678, Guillet). Fatiguer un che-
val, le rendre fourbu par un exercice trop
long et trop violent.

estrasse n. f. V. STRASSE.
estrope [ɛstrɔp] n. f. (lat. stroppus,
struppus, courroie de l’aviron, gr. strophos,
courroie, cordon, de strephein, tourner ;
début du XIVe s., écrit étrope ; estrope, 1690,
Furetière [var. estrop, lien de fagot, 1382,
Dict. général]). Dans la marine, anneau
formé par un cordage dont les deux bouts
sont épissés l’un sur l’autre et qui sert à
divers usages : Laissant l’écoute rouler sur
l’estrope au gré du vent (Hugo).

estroper [ɛstrɔpe] v. tr. (de estrope ; 1683,


Le Cordier). Ceindre d’une estrope la caisse
d’une poulie ou tout autre objet.

estropiat [ɛstrɔpja] n. m. (ital. storpiato,


part. passé substantivé de storpiare [v.
ESTROPIER] ; 1546, Rabelais [« soldat estro-
pié réduit à mendier », v. 1570, Carloix]).
Vx. Homme estropié : Cul-de-jatte, estro-
piat, impotent (La Fontaine). ‖ Spécialem.
Soldat estropié réduit à mendier.

estropié, e [ɛstrɔpje] adj. et n. (part.


passé de estropier ; 1529, Parmentier,
comme adj. ; comme n., 1680, Richelet).
Qui a perdu l’usage d’un de ses membres
par suite d’une blessure ou d’une maladie
(se dit surtout en parlant des membres
inférieurs) : L’estropié allait lentement,
déplaçant ses supports l’un après l’autre
d’un effort pénible (Maupassant).

• SYN. : éclopé, impotent, infirme.

& adj. Se dit quelquefois d’un meuble dont


on a cassé un pied, un support : Vous y
verriez [...] des chaises estropiées (Balzac).
• SYN. : boiteux.

estropier [ɛstrɔpje] v. tr. (ital. storpiare,


stroppiare, estropier, lat. pop. *exturpiare,
de ex-, préf. à valeur intensive, et de l’adj.
du lat. class. turpis, laid, vilain, difforme ;
XVe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1850, Balzac
[au part. passé] ; sens 3, milieu du XVIe s.,
Amyot). 1. Priver provisoirement ou défi-
nitivement quelqu’un de l’usage d’un de ses
membres : Espèce de brutal, vous m’avez
estropié ; et pronominalem. : Si personne
de la famille ne s’estropie, ils ne manque-
ront jamais de bras et ils risquent seulement
d’avoir trop de bouches (Renard). ‖ 2. Par
anal. Casser un des supports d’un objet,
d’un meuble. ‖ 3. Fig. Mutiler une chose,
la défigurer par une altération quelconque :
[Carmen] estropiait le basque, et je la crus
Navarraise (Mérimée). Estropier l’ortho-
graphe d’un nom propre.
• SYN. : 1 esquinter (fam.) ; 3 baragouiner
(fam.), dénaturer, écorcher, massacrer
(fam.).

estuaire [ɛstɥɛr] n. m. (lat. aestuarium,


endroit inondé par la mer à la marée mon-
tante, dér. de aestus, grande chaleur, agi-
tation de la mer ; XVe s. [rare av. le XIXe s.]).
Embouchure d’un fleuve assez large, où
se font sentir les marées : L’estuaire de la
Seine. Rouen est un port d’estuaire.

estudiantin, e [ɛstydjɑ̃tɛ̃, -in] adj. (dér.


savant de étudiant [v. ce mot], créé [peut-
être sous l’influence de l’esp. estudiantino,
d’étudiant, dér. de estudiante, étudiant,
de formation analogue au franç. étudiant]
pour servir d’adj. à ce nom ; fin du XIXe s.).
Qui est relatif aux étudiants, à leur vie, à
leurs aspirations : Une revue estudiantine.

esturgeon [ɛstyrʒɔ̃] n. m. (francique *stu-


rio, -one, esturgeon ; XIe s., Du Cange, écrit
sturgeon ; v. 1200, Tobler-Lommatzsch, écrit
esturjon ; esturgeon, v. 1398, le Ménagier
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1712

de Paris [la prononciation de -s-, qui avait


cessé dès le XVe s., a été rétablie au XVIIIe s.
d’après la graphie du mot]). Poisson allongé,
à bouche ventrale, qui remonte le cours
des grands fleuves et dont les oeufs sont
consommés sous le nom de caviar.

et [e] conj. (lat. et, et, d’ailleurs, aussi, pour-


tant ; 842, Serments de Strasbourg, au sens
I, 1 [le mot était souvent écrit e au Moyen
Âge] ; sens I, 2, 1080, Chanson de Roland ;
sens I, 3, v. 980, Fragment de Valenciennes ;
sens II, 1, 1276, Adam de la Halle ;
sens II, 2, 1670, Molière ; sens II, 3, v. 1360,
Froissart ; sens II, 4, 1688, La Bruyère).

I. EMPLOIS ACTUELS. 1. Sert à coordon-


ner deux propositions ou à lier deux mots
pour exprimer une adjonction : Tu achè-
teras une livre de beurre et un litre de vin ;
une succession : Nous prendrons l’apéritif
et nous déjeunerons ; parfois une oppo-
sition : Je travaille beaucoup et je gagne
peu ; une conséquence : Je travaille beau-
coup et je suis fatigué ; une précision sup-
plémentaire qui marque une insistance :
Il m’a offert un livre, et un livre rare.
‖ 2. Littér. Répété devant chaque terme
d’une énumération, il établit une liaison
entre les termes et les met en valeur : Et
la terre, et le fleuve, et la flotte, et le port
(Corneille). Et Thomas, appelé Didyme,
était présent. | Et le Seigneur, dont Jean
et Pierre suivaient l’ombre, | Dit aux juifs
(Hugo). ‖ 3. En tête de phrase ou de pro-
position, fait ressortir une opposition :
Et moi, je vous soutiens que mes vers sont
fort bons (Molière) ; ou un sentiment
d’indignation et d’étonnement : Et vous
osez me proposer cela ! ; souligne un évé-
nement inattendu : Et voilà que la fenêtre
s’ouvre ; ou marque un enchaînement, la
continuité dans un récit : Les oiseaux se
parlaient dans les nids [...] | Et pendant
qu’à longs plis l’ombre levait son voile, |
J’entendis une voix qui venait de l’étoile
(Hugo). ‖ Fam. Et d’un, ... et de deux,
se disent lorsqu’on énumère différentes
choses sur chacune desquelles on veut
appuyer.

II. EMPLOIS ANCIENS. 1. Class. Ainsi que,


aussi bien que : Il m’a priée par pitié de
retourner ce soir [...] le prendre pour le
mener à Vincennes, et Mme d’Elbeuf (Sévi-
gné). ‖ 2. Class. En effet, car : J’ai amené
des gens pour vous habiller en cadence, et
ces sortes d’habits se mettent avec céré-
monie (Molière). ‖ 3. Class. Et suivi d’un
conditionnel passé, quand bien même :
Vous le devez haïr, et fût-il votre père
(Corneille). ‖ 4. Vx et littér. Permettait
d’éviter la répétition d’un mot qui servait
d’antécédent à une relative : Depuis plus
de sept mille ans qu’il y a des hommes et
qui pensent (La Bruyère) [au lieu de : « des
hommes, et des hommes qui pensent »].

• REM. 1. Dans la prononciation, le t ne


se lie jamais avec le mot suivant, même
en vers.

2. Les mots ou expressions unis par et


sont en principe de même nature ; on dit :
J’aime le dessin et la peinture ou J’aime
dessiner et peindre, mais on ne dira pas :
*J’aime dessiner et la peinture. L’usage
moderne diffère ici de l’usage du XVIIe s.,
qui pouvait dire : Il veut avec leur soeur
ensevelir leur nom | Et que, jusqu’au tom-
beau soumise à sa tutelle, | Jamais les feux
d’hymen ne s’allument pour elle (Racine).
Dans certains cas cependant, des termes
coordonnés par et, ayant même fonction,
comportent des éléments de nature dif-
férente : Un livre amusant et sans illus-
tration. Une histoire vraie et qui n’ennuie
pas.

3. Lorsque deux propositions coordon-


nées sont de constructions différentes, ou
lorsqu’on veut nettement les distinguer,
on fait précéder et d’une virgule : C’est
votre professeur, et vous devez le respec-
ter ; mais on écrit : J’ai vu votre professeur
et je lui ai parlé.

4. Lorsque deux propositions compa-


ratives sont mises en corrélation par les
adverbes plus, moins, mieux, la seconde
est facultativement reliée à la première
par « et » : Plus je le vois et plus je l’appré-
cie (Acad.). Plus tu veux, moins tu peux
(Rolland).

5. Dans les noms de nombres compo-


sés, on n’emploie et qu’entre un nombre
de dizaines et une unité : vingt et un,
trente et unième ; mais on dit vingt-deux,
trente-troisième ; on dit soixante et onze,
soixante et onzième, mais quatre-vingt-
un, quatre-vingt-unième, quatre-vingt-
onze, quatre-vingt-onzième ; on dit nor-
malement cent un, mille un, la loc. mille
et un ne s’employant que pour le titre
des contes arabes les Mille et Une Nuits,
et pour désigner, d’une façon générale et
indéterminée, une grande quantité : Il a
mille et un tours dans son sac.

6. Dans le langage familier, l’addition par


et de deux mots identiques de forme sert
à indiquer une différenciation de valeur :
Il y a mensonge et mensonge.

& n. m. (v. 1965). En informatique, et selon


la théorie de Boole, opération binaire don-
nant la valeur « vrai » si, et seulement si,
les deux opérandes ont la valeur « vrai ».

êta [ɛta] n. m. (mot gr. ; XVIe s.). Septième


lettre de l’alphabet grec (η).

• REM. Dans l’alphabet attique primitif,


l’êta servait à noter l’aspiration ; dans
l’alphabet ionien, il notait l’e long, par
opposition à l’e bref, dit « epsilon ».

établage [etablaʒ] n. m. (de établer ; 1452,


Godefroy). Prix payé pour le séjour d’un
animal dans une étable. (Rare.)

étable [etabl] n. f. (lat. pop. *stabula, plur.,


pris pour un fém. sing., du n. neutre du lat.
class. stabulum, gîte, étable, écurie, dér. de
stare, se tenir debout, séjourner ; v. 1155,
Wace, écrit estable [étable, 1636, Monet],
au sens de « écurie » ; sens actuel, v. 1190,
Sermons de saint Bernard, écrit estavle
[estable, début du XIVe s. ; étable, 1636,
Monet]). Lieu couvert, bâtiment où l’on
abrite les bestiaux, notamment les bovidés :
Ramener le bétail à l’étable.

établer [etable] v. tr. (lat. stabulare,


garder dans une étable, de stabulum [v.
ÉTABLE] ; 1080, Chanson de Roland, écrit
establer ; établer, XVIIe s.). Mettre, loger
dans une étable : Établer des vaches.

établi [etabli] n. m. (part. passé substan-


tivé de établir ; 1390, Gay, au sens 1 ; sens
2, 1690, Furetière [du XIIIe au XVIe s., on
a aussi employé la forme fém. establie, au
sens 1]). 1. Grosse table de travail, longue
et étroite, sur laquelle les menuisiers, ébé-
nistes et autres ouvriers posent les pièces
qu’ils façonnent : Le bon maître huchier,
pour finir un dressoir, | Courbé sur l’établi
depuis l’aurore ahane (Heredia). ‖ 2. Table
haute et large sur laquelle les tailleurs tra-
vaillent, les jambes croisées.

établir [etablir] v. tr. (lat. stabilire, affer-


mir, faire se tenir solidement, soutenir,
appuyer, étayer [au pr. et au fig.], de sta-
bilis, ferme, solide, durable, dér. de stare,
se tenir debout, se tenir fermement ; 1080,
Chanson de Roland, écrit establir [établir,
1636, Monet], au sens 1 ; sens 2, 4-5, fin
du XIIe s. ; sens 3, 1538, R. Estienne [art.
capio] ; sens 6, v. 1155, Wace ; sens 7, 1842,
Mozin ; sens 8, 1656, Pascal ; sens 9, 1680,
Richelet ; sens 10, 1690, Furetière ; sens 11,
v. 1175, Chr. de Troyes). [Conj. : v. finir.]
1. Mettre une chose en place, l’installer
dans un endroit déterminé : Établir une
liaison téléphonique, un barrage. ‖ Établir
une voile, la disposer convenablement pour
qu’elle entraîne le navire. ‖ 2. Par extens.
Fonder, créer : Établir une école, une usine.
‖ 3. Fixer sa résidence dans un lieu : Établir
son domicile à Genève. ‖ 4. Fig. et class.
Rendre stable et durable, consolider : J’ai
déjà établi mes petites affaires (Molière).
Rome fit un dernier effort pour l’éteindre
[le christianisme] et acheva de l’établir
(Bossuet). ‖ 5. Fig. et class. Installer à
demeure : L’honneur, qui était destiné pour
la servir [la vertu], sait de quelle sorte elle
s’habille, et il lui dérobe quelques-uns de
ses ornements pour en parer le vice qu’il
veut établir dans le monde (Bossuet).
‖ 6. Fig. Mettre en vigueur, instituer,
instaurer d’une manière durable : Établir
des relations diplomatiques avec un pays.
Établir des impôts nouveaux. ‖ Les pouvoirs
établis, le gouvernement établi, le gouver-
nement au pouvoir : Vous développerez
les idées de concorde, de pacification des
esprits, de soumission si nécessaires aux
pouvoirs établis (France). ‖ Les usages éta-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1713

blis, les coutumes, les habitudes admises.


‖ 7. Déterminer par le calcul : Établir
un devis, une facture. ‖ 8. Prouver, jus-
tifier d’une manière incontestable : Les
commentateurs clairvoyants établissent
le lien littéraire qui nous unit au XVIe
siècle (Baudelaire). Établir un fait. Établir
l’innocence d’un prévenu. ‖ 9. Pourvoir
quelqu’un d’une situation, d’un emploi
qui lui permet de vivre (vieilli) : Ce père
se donnait bien du mal pour établir ses fils.
‖ 10. Class. et littér. Marier une fille : Votre
soeur, qu’il faut maintenant songer à établir
(Racine). Sa fille qui avait une trentaine
d’années et n’était point encore établie
(Sand). ‖ 11. Class. Affecter quelqu’un à
un poste : Je vous établis dans la charge de
laver les verres (Molière).

• SYN. : 1 fixer ; 2 bâtir, construire, édifier,


ériger ; 3 installer ; 6 créer, fonder ; organi-
ser, régler ; 7 calculer, dresser ; 8 confirmer,
démontrer, déterminer, montrer, motiver ;
9 caser (fam.), installer, placer.

& s’établir v. pr. (sens 1 et 5, av. 1696,


La Bruyère ; sens 2, 1627, Richelieu ;
sens 3, 1647, Vaugelas ; sens 4, 1655, La
Rochefoucauld ; sens 6, 1662, Corneille ;
sens 7, 1870, Larousse). 1. S’installer
pour une période plus ou moins longue,
prendre pied : S’établir en embuscade.
Ils s’établirent dans le fournil (Flaubert).
‖ 2. Fixer sa résidence ou son entreprise
dans un endroit déterminé : Il s’est établi en
Bretagne et on ne le voit plus guère. ‖ 3. Par
anal. S’instaurer, apparaître et persister : À
mesure que le prince s’avançait, s’établis-
sait dans ces salons si bruyants et si gais un
silence de stupeur (Stendhal). ‖ 4. Se fixer
en un lieu pour y exercer telle profession :
Agib s’est établi boucher près de son père
(Gide). ‖ S’établir à son compte, travail-
ler pour soi ; être autonome. ‖ 5. Vx. Se
considérer comme : Il ne se plaisait qu’à se
battre, et surtout qu’à exciter des querelles
dont il s’établissait le juge (Chateaubriand).
‖ 6. Fonder un foyer, se marier : Voilà que
tu es dans tes vingt et un ans et que tu peux
songer à t’établir (Sand). ‖ 7. Spécialem. La
marée s’établit, se dit quand le niveau de
la mer ne change plus.

• SYN. : 1 s’ancrer, s’implanter, s’incruster ;


2 demeurer, se fixer, habiter, loger, résider ;
3 s’élever, se former, naître ; 4 s’installer.

établissement [etablismɑ̃] n. m. (de


établir ; v. 1155, Wace, au sens de « règle,
loi établie » ; sens 1, 1690, Furetière ;
sens 2, 1679, Bossuet [pour une colonie,
1718, Acad.] ; sens 3, 1671, Pomey ; sens
4, fin du XIIe s. ; sens 5, XXe s. ; sens 6, av.
1678, La Rochefoucauld ; sens 7, 1835,
Acad. ; sens 8-9, 1685, Dangeau ; sens 10,
début du XVIIe s., Malherbe [« mariage »,
1635, Corneille]). 1. Action d’établir, de
construire : L’établissement d’une usine
dans une agglomération. L’établissement
d’un barrage, d’une route. ‖ 2. Action
de s’installer, de prendre pied dans une

région pour y travailler : Au XIXe siècle a


commencé l’établissement des Français
en Afrique noire. ‖ 3. Class. Installation
définitive dans un lieu ; lieu de résidence :
C’est dommage que son établissement soit
au fond de la basse Bretagne (Sévigné).
‖ 4. Fig. Action d’installer, de mettre en
vigueur, en application : L’établissement
de nouvelles institutions. ‖ 5. Action de
déterminer par le calcul : L’établissement
d’un devis. ‖ 6. Action de prouver, de
justifier par une démonstration convain-
cante : L’établissement de la vérité, d’une
preuve. ‖ 7. Unité technique de production,
constituée par la réunion de personnes et
de moyens matériels dans un lieu donné :
Un établissement ne dispose ni d’une per-
sonnalité juridique ni d’une autonomie
financière. ‖ Comité d’établissement, orga-
nisme réunissant le chef d’un établissement
et les représentants élus du personnel dans
chacun des établissements que comporte
une même entreprise. ‖ Nom sous lequel
on désigne une entreprise, une usine d’une
certaine importance (toujours au plur.) : Les
Établissements du Creusot. ‖ 8. Par extens.
Maison où l’on donne un enseignement
primaire, secondaire ou technique : Un
établissement scolaire. ‖ 9. Établissement
public, maison ouverte au public où l’on
consomme nourriture ou boisson, où l’on
se divertit (cafés, restaurants, dancings,
etc.) ; en termes de droit, service public
national, départemental ou communal,
doté d’une personnalité, d’un patrimoine et
d’un budget propres. ‖ 10. Class. Situation
sociale, charge, emploi : D’excellents
maîtres pour élever mes enfants dans les
sciences ou dans les arts, qui feront un jour
leur établissement (La Bruyère). ‖ Class.
et littér. Mariage : Ma fille désormais ne
peut plus espérer d’établissement (Lesage).
Ceux qui t’aiment véritablement, ma chère
enfant, se réunissent pour te procurer un
établissement convenable (Barrès).

• SYN. : 1 construction, érection, fondation ;


2 implantation, installation ; 4 instauration,
institution ; 6 confirmation, démonstration,
exposé, justification ; 7 maison. — CONTR. :
1 démolition, destruction, renversement,
ruine ; 2 départ, expulsion, fuite ; 3 aboli-
tion, abrogation.

étage [etaʒ] n. m. (lat. pop. *staticum,


qui a remplacé le lat. class. statio, position
permanente, station, lieu de résidence, dér.
de statum, supin de stare, se tenir debout,
séjourner ; 1080, Chanson de Roland, écrit
estage, au sens de « demeure, résidence,
bâtiment qu’on habite » ; sens 1, v. 1170,
Livre des Rois, écrit estage [étage, 1636,
Monet] ; sens 2, 1680, Richelet [« rayon
d’une bibliothèque, degré d’un dressoir »,
1418, Gay] ; sens 3, 1628, Brunot ; sens 4,
1580, Montaigne ; sens 5, v. 1190, Garnier
de Pont-Sainte-Maxence [de bas étage,
1771, Trévoux]). 1. Dans une construc-
tion, espace compris entre deux planchers

et dans lequel sont disposées différentes


pièces de plain-pied formant un ou plu-
sieurs appartements : Un immeuble de
dix étages. L’ascenseur s’arrête à tous les
étages. Le bâtiment n’avait pas d’étage
(Sainte-Beuve). ‖ 2. Par anal. Chacun des
intervalles, chacune des divisions dans un
ensemble formé de parties superposées :
De colline en colline et d’étage en étage |
Les monts [...] descendent jusqu’au lit des
mers (Lamartine). Le premier étage d’une
fusée. ‖ En géologie, ensemble de terrains
de même âge, formant la subdivision d’une
période. ‖ Fam. Menton à double, à triple
étage, menton très gras, marqué de plis
qui le divisent en deux ou trois parties.
‖ 3. Fig. Niveau : La personnalité intervient
non plus à l’étage purement psychique où se
forme et se dispose l’idée, mais dans l’acte
même (Valéry). ‖ 4. Class. Degré dans une
hiérarchie préétablie : C’est un haut étage
de vertu que cette pleine insensibilité où ils
veulent faire monter notre âme (Molière).
‖ 5. Class. Rang social : Il tutoie, en par-
lant, ceux de plus haut étage (Molière).
‖ Auj., ce sens a seulement subsisté dans la
loc. de bas étage, de condition subalterne :
Il raisonnait trop pour un homme de si bas
étage (Stendhal) ; par extens., de mauvais
goût : Une plaisanterie de bas étage.

• SYN. : 2 couche, degré, palier ; 3 échelon,


stade.

étagé, e [etaʒe] adj. (part. passé de éta-


ger ; 1784, Bernardin de Saint-Pierre). Qui
est disposé, établi selon des plans super-
posés ou sur différents paliers : À Lucerne,
les montagnes différemment groupées, éta-
gées, profilées, coloriées se terminent en se
retirant les unes derrière les autres et en
s’enfonçant dans la perspective, aux neiges
voisines du Saint-Gothard (Chateaubriand).
Du lac, la ville étagée masquait la rive la
plus proche ; et l’autre bord, à contre-jour,
n’était qu’une falaise d’ombre derrière un
voile de pluie (Martin du Gard).

étagement [etaʒmɑ̃] n. m. (de étager ;


1864, Littré, au sens 2 ; sens 1, XXe s.).
1. Action de disposer par étages, par rangs
superposés : L’étagement des cultures sur un
coteau. ‖ 2. Par extens. Disposition étagée :
Un étagement de planches garnies de sacs
de terre (Goncourt).

étager [etaʒe] v. tr. (de étage [v. ce mot] ; v.


1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit estagier,
au sens de « établir » ; XVIe s., La Curne, écrit
estager, au sens de « placer à une certaine
hauteur » ; fin du XVIIe s. [d’après 1752,
Trévoux], écrit étager, au sens de « tailler
[les cheveux] par étages » ; sens actuel, 1796,
Encycl. méthodique). [Conj. 1 b.] Disposer
par rangs superposés : Étager des livres. La
ville est étagée sur un charmant désordre
de vallées et de collines (Hugo). Un cèdre
gigantesque étage ses verdures crêtées aux
ombres flottantes et noires (Daudet).

• SYN. : échelonner, superposer.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1714

& s’étager v. pr. (1857, Fromentin). Être dis-


posé en rangs ou en masses superposés : De
gros fruits dans des corbeilles à jour s’éta-
geaient sur la mousse (Flaubert). Au pied
d’une tour ébréchée et noire s’étageaient les
toits de la ferme (Daudet).

étagère [etaʒɛr] n. f. (de étage [v. ce


mot] ; 1502, Médicis, écrit estagière, puis
1800, Boiste, écrit étagère, au sens 2 [le mot
est d’abord apparu en occitan — Médicis
était du Puy —, puis le franç. l’a adopté au
XIXe s.] ; sens 1, 1836, Acad.). 1. Meuble
formé de montants supportant des tablettes
ou des planches disposées par étages et sur
lesquelles on place des livres, des bibelots,
etc. ‖ Objets d’étagère, objets de curiosité :
Vous verrez la Maison carrée de Nîmes —
un petit bijou d’étagère (Daudet). ‖ 2. Par
extens. Tablette dans un meuble, ou simple-
ment fixée au mur et destinée à supporter
des livres et des bibelots : Faute de biblio-
thèque, il rangeait ses livres sur des étagères.

1. étai [etɛ] n. m. (francique *staka, sou-


tien, étai ; v. 1193, Hélinant, écrit estai [étai,
XVIIIe s.], au sens 1 [la var. fém. estaie, étaie
— 1304, Godefroy — a été la plus usuelle
jusqu’au XVIIIe s.] ; sens 2, 1791, G. de
Mirabeau). 1. Grosse pièce de bois servant
à soutenir provisoirement une construc-
tion, un plancher, un mur. ‖ Par anal. Tout
élément de soutien, en bois ou en métal,
disposé dans une mine, verticalement ou
horizontalement, ou destiné à soutenir les
terres d’une fouille. ‖ 2. Fig. Ce qui sou-
tient : Les étais de la société. J’estime au
contraire que tout doit être remis en ques-
tion et que, sur ces étais pourris, l’on ne
saurait édifier rien de solide (Gide).

2. étai [etɛ] n. m. (anglo-saxon staeg, cor-


dage de navire ; v. 1138, Vie de saint Gilles,
écrit estai [étai, 1690, Furetière ; voile d’étai,
1870, Larousse]). Dans la marine, câble
métallique pour soutenir un mât. ‖ Voile
d’étai, voile aurique hissée sur un étai ou
sur une draille placée parallèlement à un
étai et au-dessous.

étaiement n. m. V. ÉTAYAGE.

étaim [etɛ̃] n. m. (lat. stamen, ourdis-sure,


fil d’une quenouille, toute espèce de fil ;
1244, Fagniez, écrit estain ; estaim, milieu
du XVIe s., Amyot ; étaim, 1732, Trévoux).
Partie la plus fine de la laine cardée.

étain [etɛ̃] n. m. (lat. stagnum, var. de


stannum, plomb d’oeuvre, plomb argen-
tifère, et, à basse époque, « étain », mot
d’origine gauloise ; 1213, Fet des Romains,
écrit estaim [estain, XIIIe s., Chronique de
Rains ; étain, 1596, Hulsius], au sens 1 ; sens
2, 1870, Larousse ; sens 3, XVIe s.). 1. Métal
usuel, blanc d’argent, relativement léger et
assez malléable : Mine d’étain. Métallurgie
de l’étain. ‖ 2. Objet d’art en étain :
Collectionner de vieux étains. ‖ 3. Par
extens. Vaisselle faite avec ce métal.

étal [etal] n. m. (francique *stal, position,


demeure ; 1080, Chanson de Roland, écrit
estal, aux sens de « position, point d’arrêt » ;
sens 1, v. 1190, Godefroy, écrit estal [étal,
fin du XVIe s.] ; sens 2, 1596, Hulsius ; sens
3, v. 1398, le Ménagier de Paris). 1. Table
ou planche placée sur des tréteaux et
servant, dans les marchés, à exposer les
marchandises à vendre : Entre les étaux
assignés à chaque marchand (Herriot).
‖ 2. Spécialem. Table sur laquelle les bou-
chers débitent la viande : Les bouchers y
viennent avec leurs étaux garnis de viandes
saignantes (Fromentin). ‖ 3. Par extens.
Boutique de boucher. (Peu usité.)

• REM. La forme normale du pluriel est


étaux, mais on trouve souvent la forme
étals : Des ménagères palpaient l’orange et
le citron sur les étals du marché en plein
vent (Henriot).

étalage [etalaʒ] n. m. (de étaler ; début


du XIIIe s., écrit estalage [étalage, XIVe s.], au
sens de « droit perçu sur la marchandise éta-
lée » ; sens 1, 1247, Runkewitz ; sens 2, début
du XIVe s. ; sens 3, 1678, La Fontaine ; sens
4, 1653, Corneille ; sens 5, XXe s.). 1. Lieu
où l’on expose des produits à vendre : Elle
traînait sa jeune misère devant les étalages
des brocanteurs (France). ‖ 2. Ensemble de
marchandises exposées pour la vente : Les
promenades les plus fréquentes de toutes à
Paris étant d’ordinaire celles qui ne sont
fleuries que d’étalages (Nerval). Nous chan-
tions, nous bousculions en passant les petits
marchands des rues, qui relevaient bien
vite leurs étalages, leurs éventaires comme
les jours de grand vent (Daudet). ‖ 3. Par
extens. Ensemble de choses éparses en un
même lieu et qui attirent le regard : Un éta-
lage de papiers sur un bureau. L’auberge [...],
perchée sur sa terrasse qu’ornent à chaque
coin des tonnelles en treillage et tout un éta-
lage de jeux en plein vent (Daudet). ‖ 4. Fig.
Action de montrer ou de faire valoir ce que
l’on a, avec ostentation et vanité : Pendant
que je fais ainsi étalage de mes minces
connaissances dans la langue romani, je
dois noter quelques mots d’argot français
(Mérimée). Une force le poussait à faire
davantage encore, à surprendre l’abbé par
la profondeur de sa foi, par l’étalage d’une
générosité inattendue (Martin du Gard).
On a prétendu que le romantisme était
l’étalage du moi. ‖ 5. Première opération
de filature du lin peigné visant à le trans-
former en ruban continu.

• SYN. : 1 devanture, montre (vx), vitrine ; 2


éventaire ; 4 déballage, déploiement, exhi-
bition, ostentation, parade.

& étalages n. m. pl. (1757, Encyclopédie).


Parois intérieures de la partie d’un haut
fourneau située au-dessus du creuset.

étalager [etalaʒe] v. tr. (de étalage ; 1870,


Larousse). [Conj. 1 b.] Disposer en étalage :
Ils montrent, étalagées, toutes les combinai-
sons du fil, de la soie, de la laine, du coton
(Goncourt).

étalagiste [etalaʒist] n. (de étalage ;


1801, Bulletin des lois, au sens 1 ; sens 2,
1883, Renan [commis étalagiste, 1846,
Baudelaire] ; sens 3, 1846, Baudelaire ;
sens 4, XXe s.). 1. Personne qui étale ses
marchandises sur la voie publique pour
les vendre : Au milieu des romances et des
légendes versifiées des étalagistes en plein
vent (Gautier) ; et adjectiv. : Un fruitier éta-
lagiste. ‖ 2. Vx. Commis d’une maison de
commerce chargé de disposer des mar-
chandises à vendre en étalages : Un panier
de petites provisions qu’elle distribue aux
étalagistes (Renan). ‖ 3. Décorateur chargé
de mettre en valeur les marchandises expo-
sées dans un étalage, ou disposées dans
une vitrine. ‖ 4. Par extens. Vendeur qui
travaille à l’étalage en s’efforçant d’attirer
la clientèle vers son éventaire.

étale [etal] adj. (de étaler ; début du XIIIe s.,


écrit estale, au sens de « [bière] reposée,
qu’on a laissée longtemps en repos » ; écrit
étale, au sens 1, fin du XVIIe s. ; sens 2, 1864,
Littré ; sens 3, début du XXe s.). 1. Se dit
de la mer dont le niveau ne monte plus et
ne descend pas encore. ‖ Par anal. Se dit
d’un cours d’eau, d’un flot dont le niveau,
après avoir monté pendant une crue,
demeure stationnaire. ‖ 2. Qui ne bouge
plus, calme, immobile. ‖ Spécialem. Navire
étale, navire qui est complètement arrêté.
‖ 3. Fig. Qui ne varie pas, ne présente pas
d’agitation, calme : Le silence, un instant
effleuré, redevint étale ; et Jacques, avec
un sentiment de délices, put s’abîmer de
nouveau dans la contemplation du mort
(Martin du Gard). Ce bruit des vagues était
encore plus paresseux, plus étale qu’à l’ordi-
naire (Camus).

& n. m. (1870, Larousse). Moment où la


mer, entre la marée montante et la marée
descendante, ne change pas de niveau.
étalement [etalmɑ̃] n. m. (de étaler ; 1609,
J.-P. Camus, au sens de « fait d’être exposé
à la vue [par ex. pour la poitrine d’une
femme] » ; 1611, Cotgrave, au sens de « fait
d’être exposé à l’étal » ; sens 1, 1864, Littré ;
sens 2, milieu du XXe s.). 1. Action d’étaler,
de déployer largement : L’étalement d’une
immense carte d’état-major. ‖ 2. Action
de répartir dans le temps. ‖ Spécialem.
Étalement des horaires, aménagement des
horaires de travail en tenant compte des
conditions de transport, de la consomma-
tion en gaz et électricité, etc. ‖ Étalement
des vacances, répartition rationnelle des
congés et des vacances scolaires de façon à
ne pas perturber le service d’une entreprise
ou l’économie d’un pays.

• SYN. : 1 déploiement ; 2 échelonnement.

1. étaler [etale] v. tr. (de étal [v. ce mot] ;


fin du XIIe s., Aliscans, écrit estaler, au sens
de « s’arrêter » ; sens 1, XVe s., écrit estaler
[étaler, XVIe s.] ; sens 2, 1798, Acad. ; sens 3,
1829, Boiste ; sens 4, av. 1559, J. Du Bellay ;
sens 5, av. 1778, Voltaire ; sens 6 et 8, 1640,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1715

Corneille ; sens 7, av. 1613, M. Régnier ; sens


9, 1669, Bossuet ; sens 10, XXe s.). 1. Disposer
des marchandises à vendre sur un étal, les
exposer au public sur un rayon, dans une
vitrine : Étaler des livres, des fruits. ‖ Class.
Pouvait s’employer absol. : L’endroit du
Pirée où les marchands étalent (La Bruyère).
‖ 2. Par anal. Placer des objets en les épar-
pillant sur une surface : C’eût été [...] un
beau spectacle [...] que de nous voir étalant
doctoralement sur la table de ce gîte notre
bistouri, nos pinces (Flaubert). ‖ 3. Étendre
sur une surface plane : Une clarté pâle qui
étalait sur les ondes comme des disques de
lumière (Flaubert). Étaler de la peinture
sur un mur. Étaler du beurre, de la confi-
ture sur du pain. ‖ 4. Déployer, ouvrir
largement : Étaler un journal. Une carte
de France était étalée au milieu de la table
(Hugo). ‖ Spécialem. Étaler son jeu, mon-
trer les cartes que l’on a dans son jeu en les
posant sur la table. ‖ 5. Par extens. Exposer
aux regards sur une large surface ; couvrir
une étendue avec : Bouquets de jonquilles,
juliennes [...] étalaient leurs couleurs sur
l’autel (Flaubert). ‖ 6. Class. Montrer avec
solennité, exposer complètement à la vue :
Le Prince à ses sujets étalait sa puissance
(La Fontaine). La perte de sa vie | Étalera
sa gloire et son ignominie (Corneille).
‖ 7. Class. Raconter avec éclat, présenter
avec des commentaires élogieux : Pour bien
étaler cet effort [...] ma langue est impuis-
sante (Molière). ‖ 8. Péjor. Montrer avec
ostentation, avec vanité ; faire parade de : Il
te faut [...], | Ou, saltimbanque à jeun, étaler
tes appas | Et ton rire trempé de pleurs qu’on
ne voit pas, | Pour faire épanouir la rate
du vulgaire (Baudelaire). Dans la crainte
d’étaler aux yeux de Brichot un luxe qui me
semblait déplacé (Proust) ; et au fig. : Il n’est
rien de plus détestable que ce libertinage
d’esprit que la jeunesse étale aujourd’hui
(France). ‖ 9. Fig. Montrer pour rendre évi-
dent, pour démasquer : Étaler un scandale.
‖ 10. Étendre, répartir sur une certaine
période : Étaler la construction d’une cité.
Étaler des paiements sur plusieurs années.
Étaler les vacances du personnel.

• SYN. : 2 disséminer, éparpiller, semer ; 3


appliquer, badigeonner, barbouiller, cou-
cher, couvrir, enduire, plaquer, tartiner ;
4 déplier, dérouler, développer, étendre ; 5
montrer, offrir, présenter ; 8 afficher, arbo-
rer, exhiber ; 9 démasquer, dévoiler, révéler ;
10 échelonner. — CONTR. : 2 amasser, grou-
per, ramasser, ranger, rassembler, serrer ; 4
plier, replier, rouler ; 8 cacher, dissimuler,
masquer, voiler ; 10 concentrer, grouper.
& s’étaler v. pr. (1652, Scarron, au sens
de « se donner avec ostentation en spec-
tacle » ; sens 1, 1856, V. Hugo ; sens 2-3,
1829, Boiste). 1. En parlant d’une chose, être
étendu sur une surface : Les plantes aqua-
tiques s’étalaient sur les mares (Gautier).
Contre la muraille du temple s’étalait une
vigne dont les sarments étaient de verre et
les grappes d’émeraude (Flaubert). Sur les

volets pourpres d’un boucher israélite s’éta-


lait, en caractères hébraïques, une enseigne
dorée (Martin du Gard). ‖ 2. S’allonger
avec nonchalance : Nous étalant dans la
nature dans un ébattement plein de délire
et de joies (Flaubert). ‖ 3. Fam. Tomber de
son long sur le sol : Au premier pas, il s’étala
sur le dos ; la seconde fois, en avant, sur les
mains et sur les genoux (Daudet). Comme il
s’entêtait, ses pieds s’accrochèrent, il s’étala,
le nez au beau milieu des torchons (Zola).
• SYN. : 2 s’étendre, se vautrer ; 3 s’abattre,
s’affaisser, choir, s’écrouler.

2. étaler [etale] v. tr. (de étale ; 1678,


Guillet [la marée ; le vent, 1845, Bescherelle ;
une voie d’eau, 1er déc. 1867, Revue des Deux
Mondes]). Étaler le vent, la marée, réussir
à résister au vent, à la marée : L’alarme
régnait, notre vaisseau était le premier bâti-
ment d’un grand port qui eût osé mouiller
dans la rade dangereuse où nous étalions
la marée (Chateaubriand). ‖ Étaler une
voie d’eau, empêcher que l’eau ne monte
davantage dans le navire.

& s’étaler v. pr. (XXe s.). Devenir étale : Un


gros temps qui s’étalait facilement (Vercel).

étaleur, euse [etaloer, -øz] n. (de éta-


ler ; XVIe s., Godefroy, écrit estalleur [éta-
leur, 1771, Trévoux], au sens 1 [rare aux
XVIIe et XVIIIe s.] ; sens 2, milieu du XXe s.).
1. Marchand qui étale sa marchandise dans
la rue. (Peu usité.) ‖ 2. Étaleur d’ondes, en
électricité, syn. de ABSORBEUR D’ONDES.
• SYN. : 1 camelot, forain.

& étaleuse n. f. (1907, Larousse, aux sens


1-2). 1. Machine pour étaler le coton ou
la laine en nappes. ‖ 2. Machine utilisée
pour faire l’étalage dans la filature du lin.

1. étalier, ère [etalje, -ɛr] adj. et n.


(de étal ; v. 1268, É. Boileau, écrit estalier,
au sens de « marchand au détail ayant
étal » [au fém., 1252, Varin] ; sens actuel,
1564, J. Thierry [écrit estalier ; étalier,
1680, Richelet]). Qui tient un étal pour le
compte d’un maître boucher : Un prétexte
à courtoisies avec les étalières du marché
(J. Lorrain).

2. étalier [etalje] n. m. (de l’anc. franç.


estal, pieu, poteau [fin du XIIe s.] ; 1757,
Encyclopédie). Établissement de pieux et
de perches sur le bord de la mer, servant à
tendre des filets.

étalinguer [etalɛ̃ge] v. tr. (du néerl. sta-


glijn, ligne d’étai ; 1690, Furetière, écrit
estalinguer ; étalinguer, 1691, Ozanam
[var. talinguer, 1643, G. Fournier]). Amarrer
un câble à l’organeau d’une ancre.

étalingure [etalɛ̃gyr] n. f. (de étalinguer ;


1756, Encyclopédie, aux sens 1-2). 1. Dans
la marine, noeud destiné à unir deux
cordages, ou un cordage et un anneau,
et formé de telle façon qu’il se resserre à
mesure qu’il subit un effort. ‖ 2. Appareil
servant à étalinguer la chaîne par le bout,
et qui est formé d’un croc à échappement.

étaloir [etalwar] n. m. (de étaler ; 1877,


Littré). Planche sur laquelle on étale pen-
dant quelques jours les ailes des papillons
morts avant de les piquer dans une boîte
à collections.

1. étalon [etalɔ̃] n. m. (francique *stallo,


cheval entier, de *stal, position, demeure,
écurie [v. ÉTAL ; le sens de « écurie » n’a pas
été conservé en franç., mais subsiste dans
l’ital. stallo], l’étalon reproducteur étant
autref. tenu à l’écurie ; XIIIe s., Godefroy,
écrit estalon [étalon, 1680, Richelet], au sens
1 ; sens 2, av. 1813, Delille). 1. Cheval qui
n’a pas été castré et que l’on utilise pour la
reproduction. ‖ Étalon rouleur, étalon que
son propriétaire conduit de ferme en ferme
pour lui faire saillir les juments. ‖ 2. Poét.
Cheval racé et vigoureux : Le Dieu retient
en vain [...] | Ses étalons cabrés dans l’or
incandescent (Heredia).

& adj. (1864, Littré). Se dit du cheval entier,


d’un âne aptes à la reproduction : Entre
les barreaux de leurs stalles, par deux fois,
nous voyons les chevaux étalons frotter l’un
contre l’autre leurs museaux (Gide).

• CONTR. : bretaudé (fam.), hongre.

2. étalon [etalɔ̃] n. m. (francique *stalo,


modèle, échantillon ; 1322, Runkewitz, écrit
estalon [étalon, XVIIe s.], au sens 2 [« modèle
de poids, de mesures, etc., autorisé par
l’autorité publique »] ; sens 1 et 3, 1870,
Larousse ; sens 4, 1926, Gide). 1. Grandeur
type choisie comme référence pour définir
une unité : Étalon de longueur, de masse,
de temps, d’intensité lumineuse. ‖ 2. Par
extens. Instrument, objet qui permet d’éta-
blir cette unité : Le mètre était la mesure
de l’étalon déposé au pavillon de Breteuil.
‖ 3. Le poids de métal précieux qui sert
de base à un système monétaire donné :
L’étalon-or. ‖ 4. Fig. et littér. Ce qui sert
de référence, ce qui permet de mesurer :
Ce qu’il a fait de mieux lui sert d’étalon de
valeur (Valéry).

• REM. On écrit toujours avec un trait


d’union les mots composés avec étalon :
étalon-argent, mètre-étalon, unité-étalon.

étalonnage [etalɔnaʒ] n. m. (de étalonner


2 ; milieu du XVe s.). Action d’étalonner.

• REM. On dit aussi ÉTALONNEMENT


(1540, d’après Th. Corneille, 1694).

1. étalonner [etalɔne] v. tr. (de étalon


1 ; 1611, Cotgrave [« saillir une femelle, en
général », v. 1585, Cholières]). En parlant
du cheval, saillir une jument.

& v. intr. (1864, Littré). En parlant d’un


animal, servir d’étalon.

2. étalonner [etalɔne] v. tr. (de étalon 2 ;


1390, Godefroy, écrit estalonner [étalonner,
1606, Nicot], au sens de « attester par une
marque officielle la conformité d’un poids,
etc., à l’étalon » ; sens 1-3, XXe s.). 1. Vérifier
que les indications données par un appareil
de mesure sont exactes, conformes à l’éta-
lon. ‖ 2. Par extens. Établir la graduation
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1716

d’un instrument : Étalonner un galvano-


mètre. ‖ 3. Étalonner un test, l’appliquer à
un groupe de référence et lui donner des
valeurs chiffrées en fonction de la répar-
tition statistique des résultats.

étalonneur [etalɔnoer] n. m. (de étalon-


ner 2 ; 1636, Monet). Personne préposée à
l’étalonnage.

étalonnier, ère [etalɔnje, -ɛr] adj. (de


étalon 1 ; 1870, Larousse). Relatif aux ani-
maux étalons.

& étalonnier n. m. (1870, Larousse).


Celui qui est propriétaire d’un étalon et
qui le loue pour la monte des juments.
‖ Spécialem. Celui qui, dans un haras,
soigne les étalons et s’occupe de tout ce
qui concerne la reproduction de la race
chevaline.

étamage [etamaʒ] n. m. (de étamer ; 1743,


Arrêt du Conseil d’État). Action d’étamer
les métaux, les glaces, ou de recouvrir
d’étain un objet. ‖ Par extens. État de ce
qui est étamé : Un bel étamage.

étambot [etɑ̃bo] n. m. (anc. scand.


*stafnbord, planche de l’étrave ; 1573,
Du Puys, écrit estambor ; étambot, 1643,
G. Fournier). Sur un bateau, pièce de bois
ou de métal formant la limite arrière de
la carène et destinée à supporter le gou-
vernail : L’antique gouvernail, non à roue
comme aujourd’hui, mais à barre, tournant
sur ses gonds scellés dans l’étambot (Hugo).

étambrai [etɑ̃brɛ] n. m. (du moyen franç.


estambre, même sens [1573, Du Puys], altér.,
sous l’influence de estambor [v. l’art. pré-
céd.], de tambres, n. m. plur., « planches
pour assujettir le mât » [1382, Dict. général],
anc. scand. timbr, bois de charpente ; 1541,
Jal, écrit estambroy ; estambray, 1681, Jal ;
étambrai, 1736, Aubin). Renfort en bois ou
en métal disposé sur un pont pour soutenir
un appareil, ou autour d’un trou servant de
passage à un mât ou à une pièce mécanique.

étamer [etame] v. tr. (de estaim, forme


anc. de étain [v. ce mot], par croisement
avec entamer ; v. 1268, É. Boileau, écrit
estamer [étamer, 1636, Monet], au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, av. 1872, Th.
Gautier). 1. Recouvrir d’une couche d’étain
pour préserver de l’oxydation. ‖ 2. Mettre
le tain à une glace, un miroir. ‖ 3. Par anal.
et littér. Couvrir d’une matière ou d’une
couleur métallique : Le Nil dont l’eau morte
s’étame d’une pellicule de plomb (Gautier).
Le crépuscule qui étamait déjà le bord du
ciel (Hugo).

étameur [etamoer] n. m. (de étamer ;


1723, Savary des Bruslons [var. entameur
— sous l’influence de entamer —, XIVe s.,
Godefroy]). Artisan, ouvrier qui étame les
métaux.

& adj. m. (XXe s.). Qui sert à l’étamage.

1. étamine [etamin] n. f. (francisation,


d’après étamine 2, du lat. scientif. impér.

stamina, neutre plur. de stamen, staminis,


étamine [en botanique], proprem. « fil,
filament » [v. l’art. suiv.] ; 1690, Furetière).
En botanique, organe sexuel mâle des
végétaux à fleurs : Les organes mâles, les
étamines que surmontent les anthères, ont
un nom de jeune fille (Maeterlinck). Plus
haut s’ouvraient çà et là leurs corolles avec
une grâce insouciante, retenant si négligem-
ment, comme un dernier et vaporeux atour,
le bouquet d’étamines, fines comme des
fils de la Vierge, qui les embrumait toutes
entières (Proust).

2. étamine [etamin] n. f. (d’un lat. pop.


*staminea, étamine, fém. substantivé de
l’adj. du lat. class. stamineus, garni de fil,
dér. de stamen, staminis, ourdissure, fil
d’une quenouille, toute espèce de fil, tissu ;
v. 1155, Wace, écrit estamine [étamine, 1636,
Monet], aux sens 2 et 4 ; sens 1, milieu du
XIIIe s. [pour tamiser ; pour filtrer, 1530,
Pals-grave ; passer par l’estamine, av. 1553,
Rabelais[ ; sens 3, 1765, Havard). 1. Étoffe
de crin, de soie ou de fil dont on se ser-
vait pour tamiser, bluter ou filtrer. ‖ Vx.
Passer à, par l’étamine, être soumis à un
examen, à un contrôle minutieux : Tout
ce qui s’offre à moi passe par l’étamine
(Boileau). ‖ 2. Tissu de coton mince et non
croisé qu’on emploie surtout pour confec-
tionner les rideaux : Un rideau de grosse
étamine retenait les mouches et laissait pas-
ser l’air ; on le soulevait pour entrer (Gide).
‖ 3. Canevas en tissage régulier, en lin ou
en coton, utilisé en tapisserie. ‖ 4. Étoffe de
laine très légère : Elle n’avait pas dépouillé
sa coquetterie, quoiqu’elle eût quitté les
parures du monde pour le bandeau, pour
la dure étamine des Carmélites (Balzac).
C’était sa première robe longue, une grande
robe d’étamine traînante (Benoit).

étaminier [etaminje] n. m. (de étamine


2 ; 1301, Godefroy, au fém., écrit estami-
niere ; au masc., écrit étaminier, 1752,
Trévoux). Celui qui fabrique de l’étamine.

étamoir [etamwar] n. m. (de étamer ;


1803, Boiste, au sens de « plaque de fer sur
laquelle on fait fondre la soudure et la poix-
résine » ; sens actuel, 1829, Boiste). Palette
de bois garnie de fer-blanc, sur laquelle on
frotte le fer à souder.

étampage [etɑ̃paʒ] n. m. (de étamper ;


1845, Bescherelle). Action d’étamper.

• SYN. : estampage.

étampe [etɑ̃p] n. f. (déverbal de étam-


per [v. aussi ESTAMPE] ; 1752, Trévoux,
au sens 1 [estampe, XIVe s.] ; sens 2, XXe s. ;
sens 3, 1769, Encyclopédie [estampe, 1755,
Encyclopédie]). 1. Appareil qui sert à exê-
cuter des empreintes sur les métaux, à froid
ou à chaud. ‖ 2. Outil utilisé à la forge
pour rectifier une pièce dont il présente
une forme en creux. ‖ 3. Instrument en
forme de poinçon qui sert à percer les trous
dans les fers à cheval pour y placer les clous.

étamper [etɑ̃pe] v. tr. (francique


*stampôn, piler, écraser, broyer [v. aussi
ESTAMPER] ; v. 1190, Godefroy, écrit
estamper au sens de « écraser, broyer » ;
sens 1, 1803, Boiste, écrit étamper [estamper,
1392, Gay] ; sens 2 [étamper], XXe s. ; sens 3
[étamper], 1678, Guillet). 1. Imprimer un
dessin sur une feuille de métal, de car-
ton ou sur du cuir à l’aide d’une étampe.
(Rare.) ‖ 2. Rectifier la forme d’un objet en
métal en le travaillant à chaud ou à froid.
‖ 3. Percer des trous dans un fer à cheval,
pour pouvoir ensuite le clouer au sabot.
étamperche ou étemperche
[etɑ̃pɛrʃ] n. f. (de estant, part. prés. de
l’anc. v. ester, se tenir debout [fin du Xe s.,
Vie de saint Léger], lat. stare, même sens, et
de perche, pièce de bois ; 1458, Du Cange,
écrit estamperche, au sens de « grand
poteau debout » ; écrit étemperche, au sens
actuel, 1870, Larousse [étamperche, XXe s.]).
Longue perche utilisée par les maçons pour
dresser leurs échafaudages. (Rare.)

étampeur [etɑ̃poer] n. m. (de étam-


per ; 1838, Acad.). Ouvrier qui réalise à la
machine diverses pièces de forge.

• SYN. : estampeur.

étamure [etamyr] n. f. (de étamer ; 1508,


Godefroy, écrit estimure [étamure, 1701,
Furetière], au sens 1 [étamure, « action
d’étamer », 1611, Cotgrave] ; sens 2, 1701,
Furetière). 1. Métal ou alliage servant à
étamer. ‖ 2. Couche de cet alliage avec
laquelle un récipient a été étamé.

étance [etɑ̃s] n. f. (de étançon ; v. 1460,


J. Le Fèvre de Saint-Rémy, écrit estance ;
étance, XVIIe s.). Étançon brut, bois sim-
plement équarri.

étanche [etɑ̃ʃ] adj. (fém., employé pour les


deux genres, de l’anc. adj. estanch [encore
attesté au XVIIIe s.], dér. de estanchier [v.
ÉTANCHER] ; milieu du XIIe s., Roman de
Thèbes, au fém., au sens de « [plaie] qui a
cessé de saigner », écrit estanche [estanche,
au masc., au sens de « desséché », 1394, Dict.
général] ; sens 1, 1679, Jal, écrit estanche
[étanche, 1690, Furetière ; cloison étanche,
6 déc. 1873, Journ. officiel ; terrain étanche,
1er juin 1874, Revue des Deux Mondes] ; sens
2, milieu du XXe s. ; sens 3, début du XXe s.).
1. Qui ne laisse pas passer l’eau : Un ton-
neau étanche. ‖ Par anal. Qui ne laisse
pas passer les liquides, les gaz : Un masque
étanche. ‖ Se dit d’un terrain qui pos-
sède une trop grande quantité d’eau pour
pouvoir s’assécher par seule absorption.
‖ Cloison étanche, v. CLOISON. ‖ 2. Fig.
Qui ne laisse rien passer : Un système de
défense étanche. ‖ 3. Fig. et littér. Qui est
fermé à toute influence extérieure : Je ferme
les yeux, et, dans mon esprit bien étanche,
impénétrable, incorruptible, j’instruis pai-
siblement le procès (Duhamel).

• SYN. : 1 hermétique, imperméable.

— CONTR. : 1 pénétrable, perméable.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1717

étanchéité [etɑ̃ʃeite] n. f. (dér. savant


de étanche ; 5 avr. 1876, Gazette des tri-
bunaux). Qualité de ce qui est étanche :
L’étanchéité d’un joint.

étanchement [etɑ̃ʃmɑ̃] n. m. (de étan-


cher ; fin du XIIIe s., R. de Cesare, écrit
estanchement [étanchement, 1636, Monet],
au sens de « action d’étancher un liquide » ;
au sens de « action d’étancher la soif »,
1539, R. Estienne). Action d’étancher :
L’étanchement de la soif.

1. étancher [etɑ̃ʃe] v. tr. (lat. pop. *stan-


ticare, arrêter, retenir, dér. de stans, stantis,
part. prés. de stare, se tenir debout, se tenir
ferme, être arrêté ; fin du XIe s., écrit estan-
chier [estancher, début du XVIe s. ; étan-
cher, 1636, Monet], au sens 2 [étancher ses
larmes, 1694, Acad. ; étancher les larmes de
quelqu’un, v. 1700, Brunot] ; sens 1, milieu
du XIIe s., Roman de Thèbes [étancher une
voie d’eau, 1736, Aubin]). 1. Arrêter l’écou-
lement d’un liquide : Tartarin s’agenouilla,
et du bout de sa ceinture algérienne essaya
d’étancher le sang de la malheureuse bête
(Daudet). Avec le coin de son mouchoir,
elle étancha délicatement les larmes restées
entre les cils (Martin du Gard). Il trempa
son mouchoir dans la cuvette, étancha
le sang, puis lava le mouchoir (Gide).
‖ Étancher une voie d’eau, l’aveugler en
bouchant le trou par lequel l’eau entre dans
un navire : Chaque fois que mon bateau fai-
sait eau, j’étanchais, je calfatais, je pompais
avec espoir (Morand). ‖ 2. Fig. Étancher
sa soif, l’apaiser en buvant. ‖ Étancher ses
larmes, cesser de pleurer. ‖ Étancher les
larmes de quelqu’un, le consoler.

• SYN. : 1 éponger, essuyer, sécher, tampon-


ner ; boucher, calfater, calfeutrer, étouper,
luter ; 2 assouvir.

2. étancher [etɑ̃ʃe] v. tr. (de étanche,


adj. ; 1690, Furetière). Rendre étanche :
Étancher un réservoir. ‖ Étancher un com-
partiment de navire, le vider s’il renferme
de l’eau, le calfater s’il suinte.

étancheur [etɑ̃ʃoer] n. m. (de étancher


2 ; 1611, Cotgrave, écrit estancheur, au sens
de « celui qui arrête l’écoulement d’un
liquide » ; écrit étancheur, au sens actuel,
milieu du XXe s.). Technicien chargé de
l’exécution de la couverture étanche des
terrasses.

étanchoir [etɑ̃ʃwar] n. m. (de étancher ;


1763, Descriptions des arts et métiers).
Couteau servant à introduire de l’étoupe
entre les douves mal jointes.

étançon [etɑ̃sɔ̃] n. m. (de l’anc. franç.


estance, action de se tenir debout [v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure], dér. de ester, se
tenir debout [fin du Xe s., Vie de saint Léger],
lat. stare, même sens ; fin du XIIe s., écrit
estançon [étançon, 1671, Pomey], au sens 1 ;
sens 2, 1754, Encyclopédie). 1. Grosse pièce
de bois verticale ou légèrement inclinée,
destinée à soutenir provisoirement un mur

ou un plancher, ou des terres qui mena-


cent de s’ébouler. ‖ 2. Chacun des deux
montants qui, dans une charrue, unissent
l’age au sep.

• SYN. : 1 béquille, chevalement, contrefort,


étai, étrésillon.

étançonnement [etɑ̃sɔnmɑ̃] n. m. (de


étançonner ; fin du XIVe s., écrit estan-
chonnement ; estansonnement, av. 1525,
J. Lemaire de Belges ; étançonnement, 1660,
Oudin). Action d’étançonner.

étançonner [etɑ̃sɔne] v. tr. (de étan-


çon ; v. 1170, Livre des Rois, écrit estan-
çoner [étançonner, 1671, Pomey], au sens
1 ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. Soutenir
par un ou des étançons : Étançonner un
plancher. ‖ 2. Fig. et littér. Soutenir par un
argument, une preuve ; et pronominalem. :
Cette assertion ne s’étançonne sur aucune
preuve (Huysmans).

• SYN. : 1 consolider, étayer, étrésillonner.

étanfiche [etɑ̃fiʃ] n. f. (de estant, part.


prés. de l’anc. franç. ester [v. ÉTANÇON],
et de fiche, n. f. ; 1321, Dict. général, écrit
estanfique, au sens de « colonnette divisant
verticalement une baie » ; écrit étanfiche, au
sens actuel, 1694, Th. Corneille). Hauteur
de plusieurs lits de pierre qui font masse
ensemble dans une carrière.

étang [etɑ̃] n. m. (déverbal de l’anc. franç.


estanchier, arrêter l’écoulement de l’eau
[v. ÉTANCHER] ; fin du XIe s., Chanson de
Guillaume, écrit estanc ; estang, v. 1380,
Aalma ; étang, v. 1460, Villon). Étendue
d’eau peu profonde, entourée de bords qui
en arrêtent l’écoulement : L’arlequine s’est
mise nue | Et dans l’étang mire son corps
(Apollinaire).

étant [etɑ̃] n. m. (substantivation du part.


prés. de être ; v. 1960). En philosophie, dans
la théorie phénoménologiste, l’être, en tant
que phénomène.

étape [etap] n. f. (altér. de l’anc. franç.


estaple, endroit où les marchands étaient
obligés d’apporter leurs marchandises
pour les mettre en vente [1280, Dict. géné-
ral], moyen néerl. stapel, entrepôt ; fin
du XVe s., Commynes, écrit estape [étape,
1636, Monet], au sens 1 ; sens 2, 1766,
J.-J. Rousseau [pour un voyageur ; pour une
troupe, 1768, Voltaire ; brûler l’étape, 1706,
Richelet ; brûler les étapes et faire étape,
début du XXe s.] ; sens 3, 1611, Cotgrave
[« magasin de ravitaillement pour les
troupes de passage », 1546, Rabelais] ; sens
4 et 6, 1864, Littré ; sens 5, début du XXe s. ;
sens 7, 1870, Larousse). 1. Vx. Lieu où des
marchands apportaient et vendaient des
marchandises ; ville commerçante, comp-
toir : Alexandrie étant devenue la seule
étape, cette étape grossit (Montesquieu).
‖ Vx. Ville d’étape, ville qui avait le pri-
vilège de recevoir certaines denrées et
d’en assurer la vente aux autres parties
de l’État. ‖ 2. Lieu où une troupe s’arrête

après une journée de marche : Attendre


l’étape avec impatience. ‖ Par anal. Lieu
où un voyageur, un coureur cycliste s’arrête
pour passer la nuit ou pour se reposer avant
de reprendre la route : Je ne parlerai pas
de chaque étape du voyage (Gide). ‖ Faire
étape, s’arrêter pour se reposer. ‖ Brûler
l’étape, ne pas s’arrêter à l’endroit prévu.
‖ Fig. Brûler les étapes, aller très vite : Les
Hohenzollern ont brûlé les étapes comme
aucune autre famille ne l’a jamais fait
(Bainville). ‖ Faire étape, s’arrêter pour se
reposer. ‖ 3. Sous l’Ancien Régime, fourni-
ture de vivres et de fourrage préparée par
les habitants d’une commune pour être
distribuée à une troupe de passage. ‖ Zone
des étapes, nom donné jusqu’en 1940 à la
zone des arrières, à l’échelon de l’armée.
‖ 4. Distance parcourue entre deux étapes :
La troupe ayant manifesté l’intention de
partir de bonne heure pour faire une forte
étape (Gautier). La caravane s’en alla tran-
quillement vers le sud par petites étapes
(Daudet). Le sac dégarni n’était pas moins
lourd, et les bornes, indifférentes, ajoutaient
sans cesse de nouveaux kilomètres à l’étape
déjà longue (Dorgelès). ‖ 5. Chacun des
trajets à parcourir au cours d’une épreuve
sportive qui, en raison de sa distance totale,
est ainsi fractionnée : Gagner une étape du
Tour de France. Paris-Nice est une course
par étapes. ‖ Étape contre la montre, v.
COURSE. ‖ 6. Fig. Moment dans un pro-
cessus d’évolution ; point notable, dans
une évolution historique, marqué par un
événement important : Jusqu’à ce que l’har-
monie et l’unité règnent, le progrès aura
pour étapes les révolutions (Hugo). Et, peu
à peu, il reconstituait les étapes de ce che-
min aventureux qui avait amené Fontanin
jusqu’à la mort (Martin du Gard). ‖ Par
extens. Période qui s’écoule entre deux de
ces points. ‖ 7. Fig. Moment marquant,
degré dans une évolution quelconque : Ne
plus posséder d’argent, ce n’est qu’une des
étapes du dénuement (Colette). ‖ D’étape
en étape, progressivement.

• SYN. : 2 halte ; 4 parcours, traite (vx), tra-


jet, trotte (fam.) ; 6 période, phase, stade,
temps ; 7 échelon, palier, pas.

étapier [etapje] n. m. (de étape ; 1671,


Pomey). Nom donné, sous l’Ancien
Régime, à l’entrepreneur chargé de fournir
en vivres une troupe à l’étape.

étarque [etark] adj. (de étarquer ; 1773,


Bourdé de Villehuet). Se dit d’une voile tout
à fait hissée.

étarquer [etarke] v. tr. (du moyen


néerl. sterken, rendre raide ; XVIIe s.,
Jal, écrit esterquer ; étarquer, 1773,
Bourdé de Villehuet). En termes de marine,
Étarquer un cordage, une voile, les raidir,
les tendre autant que possible : Étarquer
le hunier.

état [eta] n. m. (lat. status, action de se


tenir debout, attitude, situation, stabilité,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1718

forme de gouvernement, et, à basse époque,


« statut juridique [d’une personne] », de
statum, supin de stare, se tenir debout, être
établi, arrêté, fixé ; 1213, Fet des Romains,
écrit estat [état, 1636, Monet], au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1580, Montaigne ; sens I, 3, début
du XXe s. ; sens II, 1, début du XIIIe s. ; sens
II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 3, 5-6, 1864,
Littré ; sens II, 4, début du XIXe s. [état de la
question, 1748, Montesquieu ; en tout état
de cause, av. 1778, J.-J. Rousseau] ; sens II,
7, 1467, Bartzsch ; sens II, 8, XVIe s. ; sens
III, 1, v. 1265, J. de Meung ; sens III, 2, fin
du XIVe s., E. Deschamps ; sens III, 3, 1373,
Gace de la Bigne ; sens III, 4, XIVe s. ; sens III, 5,
1864, Littré ; sens III, 6, 1765, Encyclopédie ;
sens III, 7, av. 1704, Bourdaloue ; sens III,
8, fin du XIVe s., E. Deschamps [États
généraux, 1606, Nicot] ; sens IV, 1, 1549,
R. Estienne [affaire d’État, 1580,
Montaigne, et au fig., 1664, Molière ; crime
d’État, 1643, Corneille ; Cour de sûreté
de l’État, v. 1960 ; raison d’État, 1609,
M. Régnier ; religion d’État, 1875, Larousse] ;
sens IV, 2, 1640, Corneille [coup d’État,
1829, Boiste — d’abord « action utile au bien
de l’État », 1642, Corneille] ; sens IV, 3, 1549,
R. Estienne [char de l’État, 1856, Flaubert ;
vaisseau de l’État, 1870, Larousse ; chef de
l’État, av. 1834, Béranger ; ministre d’État,
fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; secrétaire
d’État, av. 1615, Pasquier ; homme d’État,
1640, Oudin ; secret d’État, 1694, Acad.] ;
sens IV, 4, 1748, Montesquieu [monopole
d’État, État-patron, XXe s.] ; sens V, fin du
XVe s., Commynes [État tampon, État sou-
verain, État mi-souverain, État placé sous
tutelle, début du XXe s.]).

I. 1. Manière d’être, physique, psychique


ou morale, d’une personne : Son état de
santé inquiète son entourage. L’état du
malade s’est amélioré. Les plus puissants
se sont consumés dans la tentative de faire
parler leur pensée. C’est en vain qu’ils ont
créé ou transfiguré certains mots ; ils ne
sont point parvenus à nous transmettre
leurs états (Valéry). L’état de joie, qu’em-
pêchent notre doute et la dureté de nos
coeurs, pour le chrétien est un état obliga-
toire (Gide). ‖ État de nature, état suppo-
sé des hommes avant toute civilisation.
‖ État d’esprit, disposition d’esprit à un
moment donné : Trouver chez quelqu’un
un état d’esprit favorable. ‖ État de
conscience, fait psychique. ‖ État d’âme,
réaction de la sensibilité dans telle situa-
tion particulière : Un paysage quelconque
est un état d’âme (Amiel). ‖ État de grâce,
situation du fidèle pur de péché grave et
uni à Dieu par la grâce. ‖ État second,
situation du sujet qui est gouverné par un
autre esprit et lui obéit sans réagir : Il sen-
tait, il savait qu’il pouvait tout et il était
dans l’état second, presque hypnotique de
quelqu’un qui a découvert une recette fa-
buleuse (Montherlant). ‖ Être en état de,
être en mesure de, avoir la possibilité de :
Être en état de marcher, de travailler. Le

bon critique d’art doit être en état de justi-


fier son admiration. ‖ Être hors d’état de,
ne pas avoir les moyens de faire quelque
chose. ‖ Fam. Être, se mettre dans tous
ses états, être très agité, donner les signes
d’une émotion vive et qu’on ne maîtrise
pas : Nerveux comme sont nos hommes,
ces 77 vont les mettre dans tous leurs états
(Romains). ‖ Fam. Être dans un bel état,
être dans un très mauvais état physique,
à la suite d’un accident, d’une bagarre ;
être déchiré, blessé, sale, etc. ‖ 2. Class.
Circonstance de la vie de quelqu’un, si-
tuation particulière d’une personne à un
moment donné : Ne craignons pas de faire
paraître notre princesse dans les différents
états où elle a été (Bossuet). ‖ En état de,
en humeur de, disposé à : Mon père est
en état de vous accorder tout (Corneille) ;
de manière à : Je marchai en état de n’être
pas surpris (Retz). ‖ 3. Verbes d’état,
en grammaire (par opposition à verbes
d’action), ceux qui expriment une ma-
nière d’être du sujet (personne ou chose),
comme être, sembler, devenir, etc.

II. 1. Manière d’être d’une chose à un


moment donné : Une voiture en bon état.
Une maison dans un état délabré. ‖ Être
hors d’état, en parlant d’une chose, ne
plus pouvoir servir. ‖ En état de, se dit
d’une chose capable de : Une machine en
état de marche. ‖ En bon état, en mau-
vais état, se dit du degré de fraîcheur
des choses : Des livres d’occasion en
bon état. ‖ Mettre en état, préparer une
chose pour qu’elle puisse servir. ‖ Tenir
en état, conserver en bon état, tenir prêt.
‖ Remettre en état, réparer. ‖ 2. L’état du
ciel, la position relative des astres à un
moment donné ; la situation atmosphé-
rique. ‖ 3. État de guerre, situation d’une
nation qui est en guerre avec une autre.
‖ 4. État de choses, ensemble de circons-
tances particulières : Trouver un état de
choses qu’on n’a pas voulu ; et spécialem.,
cette situation à un moment donné :
Indolent de nature, indifférent à tout ce
qui ne l’atteint pas localement, il tient
pour l’état de choses, comme il dit (Dau-
det). ‖ État de la question, du problème,
point où est arrivé le développement de
la question, l’exposé du problème que
l’on se propose de résoudre. ‖ En tout
état de cause, dans tous les cas, quelle que
soit la supposition à laquelle on s’arrête.
‖ 5. Spécialem. En physique et en chimie,
manière d’être d’un corps : On distingue
en général trois états : l’état solide, l’état
liquide et l’état gazeux. ‖ État critique,
état d’un corps qui se trouve à sa tempé-
rature et à sa pression critiques, c’est-à-
dire dans des conditions où liquide et va-
peur ont des propriétés identiques. ‖ État
naissant, situation d’un corps chimique
simple au moment où il se dégage d’une
combinaison et se trouve doué de pro-
priétés actives. ‖ 6. En gravure, condi-
tion d’une planche aux différentes étapes

de son exécution, depuis le premier état,


dit « épreuve d’essai », jusqu’au dernier,
dit état de tirage. ‖ 7. Liste énumérative
qui constate l’état des choses, ou la situa-
tion des personnes à un moment donné :
État des dépenses. Il est obligé de répondre
à des interrogatoires, de remplir des états,
de réunir des dossiers (Duhamel). ‖ État
des lieux, rapport constatant en quel
état se trouve un local loué, à l’entrée
du locataire. ‖ État des services, tableau
qui énumère les services d’un fonction-
naire ou d’un militaire. ‖ 8. Class. Faire
état de, avoir l’intention de : Je fais état
de dire mon sentiment sur la plupart des
poètes (Rapin) ; estimer, faire cas de :
Avez-vous su l’état qu’on fait de Curiace ?
(Corneille) ; compter sur : Faites état de
moi, Monsieur, comme du plus chaud de
vos amis (Molière) ; auj., faire mention
de, s’appuyer sur le témoignage de : Faire
état de ses titres pour postuler un emploi.
Faire état d’un renseignement. ‖ Class.
Faire état que, penser, être assuré : Faites
état que jamais les pères, les papes, les
conciles ou l’Écriture n’ont parlé de cette
sorte (Pascal).

III. 1. Class. et littér. Situation sociale,


position tenue dans la société : Heureux
qui, satisfait de son humble fortune [...],
| Vit dans l’état obscur où les dieux l’ont
caché (Racine). Le désir d’un meilleur état
est la source de tout le mal dans le monde
(Renan). ‖ 2. Vx. Situation profession-
nelle, métier exercé : Il se sentait beaucoup
trop faible en ce moment pour s’adonner
à un état manuel (Balzac). Pour moi, je
déclarai après mon escapade de Brest, ma
volonté ferme d’embrasser l’état ecclésias-
tique : la vérité est que je ne cherchais qu’à
gagner du temps, car j’ignorais ce que je
voulais (Chateaubriand). ‖ 3. Vx. Ma-
nière de vivre, train de vie : Ils tenaient
un grand état de maison et donnaient de
très belles fêtes (Balzac). ‖ 4. Class. Ma-
nière de se vêtir, habillement, toilette :
Où pouvez-vous donc prendre de quoi
entretenir l’état que vous portez ? (Mo-
lière). ‖ 5. État des personnes, en droit,
ensemble des qualités qui distinguent
l’individu dans sa vie sociale et fami-
liale. (On dit aussi, en ce sens, ÉTAT CIVIL
D’UNE PERSONNE.) ‖ 6. État civil, service
chargé de dresser sur des registres publics
l’état des personnes, en ce qui concerne la
nationalité, la parenté, l’alliance, le nom,
la filiation, le domicile. ‖ Acte de l’état
civil, document établi par un officier
d’état civil et qui permet de constater tel
ou tel élément de l’état d’une personne,
comme la naissance, le mariage, le décès.
‖ 7. Grâce d’état, secours particulier que
Dieu accorde à chacun pour qu’il puisse
accomplir ce à quoi il est destiné ; et par
extens., aptitude nécessaire à une profes-
sion. ‖ 8. Sous l’Ancien Régime, chacun
des trois ordres du corps social : L’état de
la noblesse, l’état du clergé, le tiers état.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1719

‖ Par extens. États généraux, assemblée


des trois ordres du corps social. ‖ États
provinciaux, ou simplem. états, assem-
blées des trois ordres de certaines pro-
vinces, qui, sur la convocation du roi, se
réunissaient à certaines époques.

IV. 1. Organisation politique qui dirige


la vie de la communauté des individus
constituant une nation ou une fédération
de nations : Enfin, la question si difficile et
si controversée des rapports entre l’indivi-
du et l’État se pose : l’État, c’est-à-dire l’or-
ganisation de plus en plus précise, étroite,
exacte, qui prend à l’individu toute la por-
tion qu’il veut de sa liberté, de son travail,
de son temps, de ses forces, et, en somme,
de sa vie pour lui donner... Mais quoi lui
donner ? (Valéry). ‖ Affaire d’État, affaire
qui concerne l’intérêt public ; au fig., dans
la vie quotidienne, affaire très impor-
tante. ‖ Crime d’État, acte qui attente à
la sécurité de l’État. ‖ Cour de sûreté de
l’État, tribunal institué pour réprimer les
crimes et délits contre la sûreté de l’État.
‖ Raison d’État, considérations selon
lesquelles un gouvernement, pour pré-
server les intérêts de l’État, enfreint les
principes de la morale. ‖ Religion d’État,
religion adoptée et patronnée par l’État,
à l’exclusion de toute autre. ‖ 2. Forme
de cette organisation politique : Mais si
l’on veut tout réduire aux intérêts person-
nels, si l’on suppose que pour soi-même
je croirais avoir tout à craindre dans un
État républicain, on est dans l’erreur
(Chateaubriand). L’État bourgeois, l’État
prolétarien. ‖ Coup d’État, violation
délibérée des formes constitutionnelles
par un gouvernement, une assemblée, un
groupe de personnes ou une personne,
pour obtenir un changement de politique
ou de régime. ‖ 3. Administration supé-
rieure qui dirige un pays : Les rouages de
l’État. Les fonctionnaires sont au service
de l’État. ‖ Char de l’État ou vaisseau
de l’État, gouvernement représenté par
métaphore, le plus souvent plaisamment,
sous la figure d’un char ou d’un vaisseau.
‖ Chef de l’État, personnalité qui est à la
tête du gouvernement d’un pays comme
souverain ou à un autre titre : Attenter à
la vie du chef de l’État. ‖ Ministre d’État,
personnalité politique qui apporte l’ap-
pui de son parti ou de son autorité à un
gouvernement sans diriger un départe-
ment ministériel particulier. ‖ Secrétaire
d’État, personnalité qui dirige un dépar-
tement ministériel sans avoir le titre de
ministre. ‖ Homme d’État, personne
ayant une grande expérience du gouver-
nement d’un pays, qui joue ou a joué un
rôle de premier plan dans la direction des
affaires du pays. ‖ Secret d’État, secret
politique important ayant trait à l’activité
du gouvernement. ‖ 4. Organe de direc-
tion de l’activité économique d’un pays :
Dans le système socialiste, l’État, en tant
qu’expression de la collectivité nationale,

est propriétaire de la plus grande partie


des équipements industriels et commer-
ciaux. ‖ Monopole d’État, propriété et
direction par l’État de certains secteurs
industriels et commerciaux, de certains
services : La fabrication et la vente des ta-
bacs et allumettes est un monopole d’État
en France. ‖ État-patron, l’État considéré
comme l’employeur par ses employés.

V. Nation ou groupe de nations régi par


un gouvernement reconnu comme ex-
pression politique par les autres membres
de la communauté internationale : Les
grands États européens. Les petits États de
l’Amérique centrale. Les États membres de
l’O.N.U. ‖ État tampon, État créé entre
deux pays antagonistes, pour servir de
tampon. ‖ État souverain, État jouissant
de toute sa liberté et de son indépendance
dans ses rapports internationaux. ‖ État
mi-souverain, État qui était placé, par
suite d’un lien de subordination généra-
lement imposé par la force, sous la dépen-
dance d’un autre État. ‖ État placé sous
tutelle, au lendemain des deux guerres
mondiales, colonie allemande, italienne
ou japonaise dont l’administration a
été confiée temporairement à une des
grandes puissances victorieuses.

• SYN. : I, 1 disposition, humeur. ‖ II, 4


conjoncture, situation ; statu quo ; 7 bor-
dereau, inventaire, mémoire, questionnaire,
relevé, répertoire, rôle, tableau. ‖ IV, 1
pays, puissance.

• REM. Aux sens IV et V, ce mot s’écrit


avec une majuscule.

étatique [etatik] adj. (de État ; v. 1950).

Relatif à l’État.

étatisation [etatizasjɔ̃] n. f. (de étati-


ser ; début du XXe s.). Action d’étatiser :
L’étatisation d’une usine.

• SYN. : nationalisation.

étatiser [etatize] v. tr. (de État ; début


du XXe s.). Faire administrer par l’État :
Étatiser une entreprise.

• SYN. : collectiviser, nationaliser.

étatisme [etatism] n. m. (de État ; 1888,


Larousse). Système politique dans lequel
l’État intervient directement dans la vie
économique.

• SYN. : dirigisme, planification. — CONTR. :


libéralisme ; anarchie.

étatiste [etatist] adj. et n. (de étatisme ;


1907, Larousse). Partisan de l’étatisme.

& adj. (1907, Larousse). Relatif à l’étatisme :


Doctrine étatiste.

• SYN. : dirigiste. — CONTR. : libéral.

état-major [etamaʒɔr] n. m. (de état et


de major ; 1678, Guillet, au sens 1 [carte
d’état-major, début du XXe s.] ; sens 2, 1842,
Mozin ; sens 3, 1864, Littré ; sens 4, 1845,
Bescherelle). 1. Ensemble des officiers
chargés d’assister un chef militaire dans
l’exercice d’un commandement ; ensemble

des officiers et du personnel qualifié entou-


rant un chef militaire : L’état-major d’un
général. L’état-major d’une division, d’un
régiment. Un officier d’état-major. Le soir
du 25 février 1916, à peine désigné, vous
courez aussitôt, par la neige et la nuit,
prendre contact avec les états-majors de la
défense (Valéry). L’état-major allemand,
depuis février 1913, n’ignorait rien du péril
slave ni des machinations qui se tramaient
entre la Serbie et la Russie contre l’Autriche
— et, par conséquent, contre l’Allemagne
(Martin du Gard). ‖ Carte d’état-major,
carte au 1/80000 établie par les services de
l’état-major. ‖ 2. Par extens. Le bâtiment,
le lieu où se réunit l’état-major : Se rendre
à l’état-major. ‖ 3. Par anal. Le groupe des
principaux dirigeants d’une organisation
quelconque : L’état-major d’un syndicat,
d’un parti. ‖ 4. Par extens. L’ensemble
des collaborateurs qui accompagnent
ou entourent un chef ou un personnage
assumant de hautes fonctions : Son cortège,
ce que nous appellerions aujourd’hui son
état-major d’évêques et d’abbés... (Hugo).
L’état-major d’un ministre.

• Pl. des ÉTATS-MAJORS.

• SYN. : 3 direction, tête.

étau [eto] n. m. (prononç. pop. de estoc,


même sens [1611, Cotgrave], anc. franç.
estoc, bâton, pieu, souche, francique
*stok, bâton [v. ESTOC 2] ; 1611, Cotgrave).
Instrument formé de deux pièces de métal
ou de bois qu’on rapproche à volonté au
moyen d’une vis, de manière à tenir ser-
rés les objets que l’on veut travailler : Un
étau de menuisier. Étau à main de serru-
rier. Cette main, serrant comme un étau
dont on tourne la vis, écrasait les muscles
(Gautier). ‖ Être pris, serré comme dans
un étau, de façon très étroite, sans qu’on
puisse s’échapper. ‖ Fig. Avoir le coeur dans
un étau, être angoissé, souffrir moralement
de la manière la plus pénible. ‖ Fig. Avoir le
pied dans un étau, souffrir physiquement
à cause de chaussures trop petites, avoir le
pied trop serré dans sa chaussure.

étaupiner [etopine] v. tr. et intr. (de é-,


es- [lat. ex-, préf. à valeur privative], et de
l’anc. franç. taup[a]ine, petit monticule
que la taupe fait avec de la terre [v. 1280,
Bibbesworth], dér. de taupe ; début du
XIVe s., écrit estalpiner ; étaupiner, 1838,
Acad.). Débarrasser un champ des taupi-
nières ; détruire les taupes.

étayage [etejaʒ] n. m. (de étayer ; 1864,


Littré, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Action
d’étayer : L’étayage d’une maison.
‖ 2. Ensemble, combinaison d’étais pour
soutenir un plancher, un mur, une terre
qui menace de s’ébouler.

• SYN. : 1 étançonnement, étrésillonnement ;


2 chevalement.

• REM. On dit aussi ÉTAIEMENT (1459,


Godefroy, écrit estaiement [étaiement,
XVIIIe s.]).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1720

étayer [eteje] v. tr. (de étai 1 ; 1213, Fet


des Romains, écrit estayer [étayer, 1690,
Furetière], au sens 1 ; sens 2, v. 1265, J. de
Meung ; sens 3, 1580, Montaigne). [Conj.
2 b.] 1. Soutenir au moyen d’étais : Étayer
un plafond. ‖ 2. Soutenir à la manière d’un
étai, servir d’étai : Un pilier qui étaie un
escalier. ‖ 3. Fig. Fournir l’appui d’une
preuve, d’une argumentation à : Étayer
un développement de citations peu connues.
• SYN. : 1 chevaler, étançonner, étrésillon-
ner ; 2 consolider, porter, supporter ; 3
appuyer, renforcer, soutenir.

etc., abrév. de et cetera (1690, Furetière).

et cetera ou et caetera [ɛtsetera]


loc. adv. (loc. du lat. médiév., usuelle dans
certains actes juridiques, du lat. class. et,
et, et cetera, neutre de ceteri, « [tous] les
autres » ; fin du XIVe s.). Et le reste, et les
autres choses (s’écrit le plus souvent sous
la forme etc.) ; s’emploie au terme d’une
énumération pour se dispenser d’allonger
celle-ci : Vous trouverez tous les légumes au
marché, des pommes de terre, des carottes,
des choux, etc.

& n. m. invar. (fin du XVIe s., A. d’Aubigné).


Un « et cetera » de notaire, une omission
dangereuse dans un acte notarié.

été [ete] n. m. (lat. aestatem, accus. de aes-


tas, été, mot de la même famille que aestus,
grande chaleur, ardeur, feu ; 1080, Chanson
de Roland, écrit ested, estet [esté, fin du
XIIe s., Châtelain de Coucy ; été, XVIIe s.],
au sens 1 ; sens 2, 1864, Littré ; sens 3, 1909,
Gide ; sens 4, av. 1778, Voltaire). 1. Saison
qui suit le printemps et qui précède l’au-
tomne : L’été est compris, dans l’hémisphère
Nord, entre le solstice de juin et l’équinoxe
de septembre. ‖ Par extens. La période la
plus chaude de l’année : L’été rit et l’on vit
sur le bord de la mer | Fleurir le chardon
bleu des sables (Hugo). Nous irons passer
l’été au bord de la mer. ‖ L’été de la Saint-
Martin, période de beaux jours qui se pro-
duit souvent vers le 11 novembre, fête de
saint Martin. ‖ 2. Ellipt. Vêtements légers,
portés pendant la saison chaude : Se mettre
en été. ‖ 3. Moment de l’année situé en été,
sans référence spéciale à la chaleur : Depuis
la conversation de l’été dernier que j’ai rap-
portée, plus de six mois s’étaient écoulés
(Gide). ‖ 4. Fig. Période où l’on est dans
la force de l’âge ; maturité : L’été de la vie.
• CONTR. : 1 hiver ; 4 aube, aurore, prin-
temps ; automne, déclin.

éteigneur, euse [etɛɲoer, -øz] n. (de


éteindre ; fin du XIIIe s., Joinville, écrit
esteingnour, esteigneur ; éteigneur, XVIIe s.).
Personne chargée d’éteindre les lumières.

éteignoir [etɛɲwar] n. m. (de éteindre ;


1552, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1809,
G. Esnault [pour un nez ; pour un toit, 1863,
Th. Gautier] ; sens 3, av. 1778, Voltaire ; sens
4, XXe s.). 1. Petit cône métallique qui sert,
surtout dans les églises, à éteindre les bou-

gies, les cierges, les chandelles. ‖ 2. Par


anal. Objet de forme conique : Je découvre
du vieux manoir | Les tourelles en poivrière
| Et les hauts toits en éteignoir (Gautier).
‖ Pop. Nez en forme de cône. ‖ 3. Fig.
Ce qui empêche de briller, de se montrer
dans tout son éclat : La crainte de déplaire
est l’éteignoir de l’imagination (Voltaire).
‖ 4. Fig. et fam. Personne qui, par son air
triste ou son attitude austère, empêche
les autres de s’amuser ou de converser
joyeusement.

éteindre [etɛ̃dr] v. tr. (lat. pop. *extingere,


lat. class. exstinguere, éteindre, faire mourir,
effacer, détruire ; v. 1160, Benoît de Sainte-
Maure, écrit esteindre [éteindre, XVIIe s.],
au sens I, 3 ; sens I, 1, v. 1283, Beaumanoir
[pour de la chaux, v. 1560, Paré ; pour du
fer, milieu du XVIe s., Amyot] ; sens I, 2,
XIXe s. ; sens I, 4, fin du XIIe s., Châtelain de
Coucy ; sens I, 5, 1690, Furetière ; sens II, 1,
fin du XIXe s. ; sens II, 2-3, XXe s. ; sens II, 4-5,
milieu du XIXe s., Baudelaire). [Conj. 55.]

I. 1. Faire cesser une combustion, vive


ou lente : Une petite flamme de briquet
jaillit, la pluie l’éteignit aussitôt (Dor-
gelès). Éteindre un tison. ‖ Spécia-
lem. Éteindre de la chaux, mouiller de
la chaux vive pour la faire tomber en
poussière. ‖ Éteindre du fer, le plonger
dans l’eau froide après l’avoir chauffé.
‖ 2. Faire cesser le fonctionnement
d’un appareil à flamme vive : Éteindre
le radiateur à gaz ou simplem. : Éteindre
le gaz. ‖ 3. Fig. Atténuer la vivacité des
sensations, des sentiments : Éteindre la
soif. Que servirait d’éveiller en Gertrude
un espoir qu’on risque de devoir éteindre
aussitôt ? (Gide). ‖ Effacer de l’esprit :
Le temps n’éteint pas certains souvenirs.
‖ 4. Fig. Mettre fin à, anéantir : Éteindre
une guerre. Éteindre une race. ‖ 5. Faire
cesser, annuler : Éteindre un droit. La
servitude est éteinte par le non-usage pen-
dant trente ans (Code civil). ‖ Éteindre
une dette, une rente, annuler la dette en la
payant, la rente en remboursant le capital
correspondant.

II. 1. Faire cesser d’éclairer une lumière


électrique : Éteindre les phares d’une voi-
ture. ‖ 2. Éteindre une pièce, un local,
faire cesser de fonctionner le dispositif
qui l’éclaire : Éteignez le salon, l’escalier.
‖ 3. Couper le circuit électrique qui ali-
mente un appareil : Éteindre la télévi-
sion, un radiateur parabolique. ‖ 4. Fig.
Adoucir ou atténuer l’éclat de : Un che-
min sablonneux, dont la nuit ne parve-
nait pas à éteindre la blancheur (Gau-
tier). ‖ Éteindre les tons d’un tableau, les
rendre moins éclatants. ‖ 5. Fig. Étouffer
un son, le rendre moins perceptible : Un
silence singulier éteignait, amortissait
tous les vains bruissements (Michelet).

• SYN. : I, 1 étouffer ; 3 assouvir, étancher ;


apaiser, calmer, contenir, diminuer, endor-
mir, freiner, refréner ; 4 détruire, extermi-

ner, liquider, supprimer. ‖ II, 4 affaiblir,


assombrir, estomper, faner, tamiser, ternir,
voiler. — CONTR. : I, 1 allumer, embraser,
enflammer, rallumer ; 3 enflammer, exal-
ter ; 4 conserver, entretenir, prolonger, pro-
téger. ‖ II, 4 aviver, raviver.

& s’éteindre v. pr. (sens 1, 1690, Furetière ;


sens 2, fin du XVe s., Commynes ; sens 3,
1673, Racine ; sens 4, av. 1872, Th. Gautier ;
sens 5, 1715, Fontenelle). 1. Cesser peu à
peu de se consumer : Assis tout seul près du
foyer qui s’éteint (Flaubert). ‖ Par extens.
Cesser d’éclairer : L’ampoule s’éteint.
‖ Spécialem. En parlant d’un volcan,
cesser d’être en activité. ‖ 2. Par anal.
En parlant d’une couleur ou d’un regard,
perdre peu à peu son éclat ; en parlant du
son, cesser peu à peu de se faire entendre :
Il gagna l’escalier où s’éteignit son pas de
martyr (Courteline). ‖ 3. Fig. En parlant de
passions, de sentiments, disparaître peu à
peu, se calmer : Avec le temps, la passion
des grands voyages s’éteint (Nerval). Son
amitié pour nous s’éteint. ‖ 4. Perdre peu à
peu de ses forces physiques, morales, intel-
lectuelles, de sa vigueur, de sa vivacité : Il
voyait avec peine s’éteindre cette jeunesse
dans ce repos morne et cette tristesse indo-
lente (Gautier). ‖ 5. Mourir doucement :
Venise est là, assise sur le rivage de la mer,
comme une belle femme qui va s’éteindre
avec le jour (Chateaubriand). Le jour où la
France s’éteindrait, le crépuscule se ferait
sur la terre (Hugo). ‖ Famille qui s’éteint,
qui ne laisse aucun descendant.

• SYN. : 2 s’assombrir, s’estomper, se ternir ;


3 se dissiper, s’effacer, s’envoler, s’évanouir,
se perdre ; 4 baisser, décliner ; 5 disparaître,
expirer, mourir, passer (vx), trépasser (vx).

éteint, e [etɛ̃, -ɛ̃t] adj. (part. passé de


éteindre ; fin du XIIe s., Châtelain de Coucy,
au sens 4 ; sens 1, XIIIe s. ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, v. 1460, Villon ; sens 5, fin
du XVIIe s., Mme de Sévigné). 1. Qui ne brûle
plus, n’éclaire plus : Foyer éteint. Lampe
éteinte. ‖ 2. Chaux éteinte, chaux que l’on
a hydratée et mélangée au sable (par oppo-
sition à chaux vive). ‖ 3. Qui a perdu son
éclat : Des yeux éteints. C’était une figure
éteinte et triste, avec de petits yeux fanés
(Daudet). ‖ Par anal. Qui a perdu sa force :
Une voix éteinte. ‖ 4. Fig. Qui a perdu sa
vivacité : Une passion éteinte. ‖ 5. Se dit de
quelqu’un qui est sans force, dont les facul-
tés intellectuelles se sont amoindries : Un
homme éteint. Ses gestes sont hiératiques,
tous ses mouvements sûrs et larges [...]. Et
sans être ni éteinte, ni triste, elle est grave
(Suarès).

• SYN. : 3 décoloré, délavé, embu, fade,


falot, fané, passé, terne ; étouffé, sourd ; 5
amorphe, apathique, atone, ramolli (fam.),
sénile, usé, vidé (fam.).

éteinte [etɛ̃t] n. f. (part. passé fém. subs-


tantivé de éteindre ; 1408, Godefroy, écrit
estainte, au sens de « action de s’éteindre »
[en parlant d’une famille] ; adjudication
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1721
à éteinte de chandelle, 1704, Trévoux ;
éteinte de voix, 1740, Ch. De Brosses). Vx.
État de ce qui est éteint. ‖ Vx. Éteinte de
voix, extinction de voix : Sitôt que j’eus
crié assez fort et assez longtemps pour avoir
une éteinte de voix (De Brosses). ‖ Auj.
Usité seulement dans la loc. adjudication
à l’éteinte de chandelle, adjudication où
l’enchère reste ouverte aussi longtemps que
la chandelle brille.

1. ételle [etɛl] n. f. (origine obscure ; 1864,


Littré). Grande vague qui survient à la suite
du mascaret.

2. ételle [etɛl] n. f. (var. de attelle ; 1877,


Littré). Déchet de bois, plus gros qu’un
copeau, qui est produit par l’abattage des
arbres ou l’équarrissage des grumes à la
cognée.

étemperche n. f. V. ÉTAMPERCHE.

étendage [etɑ̃daʒ] n. m. (de étendre ;


1756, Encyclopédie, au sens 2 ; sens 1 et 3,
1870, Larousse). 1. Action d’étendre des
choses pour les faire sécher : L’étendage
du linge. ‖ 2. Dispositif de perches et de
cordes pour étendre ; bâtiment conçu pour
y étendre des objets à sécher : L’étendage
d’une teinturerie, d’une blanchisserie.
‖ 3. Dans la fabrication du verre à vitres,
opération qui consiste à développer les
manchons de verre, après les avoir fendus
dans le sens de la longueur.

étendard [etɑ̃dar] n. m. (francique


*standhard, inébranlable, de *stand, action
de se tenir debout, déverbal de *standan,
être debout, et de l’adj. *hard, ferme, dur
[l’étendard, généralement placé bien en vue,
était le symbole de la fermeté des soldats
pendant la bataille] ; 1080, Chanson de
Roland, écrit estandart [estendart, v. 1155,
Wace ; étendart, 1636, Monet ; étendard,
1701, Furetière], au sens 1 ; sens 2, 1678,
Jal [« emblème d’une troupe de cavalerie »,
1864, Littré] ; sens 3, XIIe s., Herman de
Valenciennes). 1. Vx. Drapeau de guerre en
général : Nos rois allaient recevoir l’éten-
dard sacré au pied des autels (Massillon).
M. l’abbé Lantaigne [...] tira de sa poche
son foulard rouge, le déploya comme un
étendard (France) ‖ Fig. Lever, déployer,
arborer l’étendard, entrer en action d’une
manière ostentatoire ; se mettre à la tête
d’un mouvement, d’un parti. (Vieilli.)
‖ Lever l’étendard de la révolte, se révolter,
manifester ouvertement son opposition.
‖ 2. Dans la marine ancienne, pavillon de
navire, surtout de galère. ‖ Emblème des
anciennes troupes de cavalerie ; auj., nom
donné au drapeau des régiments du train,
de l’artillerie et de l’arme blindée. ‖ 3. Fig.
Signe distinctif d’une idée pour laquelle on
combat : L’étendard de la religion s’abaissait
lentement sur le Gozo (Vigny). ‖ 4. Pétale
supérieur de la corolle d’une papilionacée.

étenderie [etɑ̃dri] n. f. (de étendre ; 1870,


Larousse). Dans la fabrication du verre,

sorte de rouleau en pierre destiné à l’éten-


dage du verre à vitres.

étendeur, euse [etɑ̃doer, -øz] n. (de


étendre ; 1765, Encyclopédie). Ouvrier,
ouvrière chargé d’étendre le linge ou les
étoffes pour les faire sécher : Les étendeuses
d’une buanderie.

étendoir [etɑ̃dwar] n. m. (de étendre ;


1688, Miege, au sens de « pelle pour étendre
les feuilles d’impression » ; 1752, Trévoux,
au sens de « endroit où on étend un objet
pour le sécher » ; sens actuel, 1834, Landais).
Corde, fil de fer sur lesquels les blanchis-
seuses étendent le linge lavé pour le faire
sécher.

étendre [etɑ̃dr] v. tr. (lat. extendere,


étendre, allonger, élargir, déployer, cou-
cher à terre, agrandir, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de tendere, tendre, étendre ;
v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit estendre
[étendre, XVIIe s.], au sens 9 ; sens 1, v. 1190,
Garnier de Pont-SainteMaxence ; sens
2-3, 1273, Adenet ; sens 4, v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure ; sens 5, 1929, G.
Esnault ; sens 6, 1864, Littré ; sens 7, 1865,
Littré ; sens 8, av. 1673, Molière ; sens 9, 1870,
Racine). [Conj. 46.] 1. Déployer dans toute
sa longueur, sa largeur une chose pliée ou
contractée : Il étendait déjà le bras pour le
saisir par le collet (France). Les oiseaux de la
mer se baignent, étendant leurs ailes (Gide).
Étendre les jambes. ‖ 2. Étaler quelque
chose dans toute sa longueur : Étendre
un tapis sur le plancher. ‖ Spécialem.
Étendre du linge, le déployer et le placer
sur un fil pour le faire sécher. ‖ 3. Coucher
quelqu’un en l’allongeant de tout son long :
Étendre un malade sur un matelas. Nous
la soulevâmes et l’étendîmes tout habillée
(Balzac). ‖ 4. Renverser quelqu’un plus ou
moins brutalement sur le sol : Étendre son
adversaire d’un coup de poing. ‖ 5. Fig. et
fam. Se faire étendre à un examen, à un
concours, échouer. ‖ 6. Donner plus de
longueur et de largeur, accroître les dimen-
sions d’une chose, lui donner plus de lon-
gueur, de largeur : Étendre une plaque de
métal en la martelant. ‖ Étendre une peau,
l’étirer. ‖ 7. Augmenter la quantité d’un
liquide, l’affaiblir en ajoutant de l’eau :
Étendre du vin, un acide. ‖ 8. Par anal.
Couvrir en appliquant une ou plusieurs
couches minces de : Étendre du beurre
sur une tartine, de la peinture sur un mur.
‖ Couvrir en répandant ou en éparpillant
quelque chose : Étendre de la paille sur le
sol pour y dormir. Trois ou quatre vieilles
femmes étendent des grains sur la roche
unie (Taine). ‖ 9. Porter plus loin les
limites d’un espace, les reculer : Étendre
les frontières d’un pays par une politique
d’annexion. ‖ 10. Fig. Rendre plus large,
donner une plus grande portée : Étendre
ses relations dans le monde, ses connais-
sances. Étendre le sens d’un mot, les clauses
d’un contrat. Cette firme étend son activité
à tous les secteurs de l’industrie textile. Le

Christ étendit à son tour sa miséricorde et


sa grâce sur les juives : il ressuscita le fils
de la veuve de Naïm et le frère de Marthe
(Chateaubriand). ‖ Étendre la vue, por-
ter les regards sur un point plus éloigné.
‖ Spécialem. Développer plus largement
en complétant, en précisant, en illustrant
par des exemples.

• SYN. : 1 allonger, déplier, éployer, étirer,


tendre ; 2 dérouler ; 4 abattre, culbuter, ter-
rasser ; 6 détirer, étirer ; allonger ; 7 étaler ;
parsemer, semer ; 8 pousser, repousser ; 9
accroître, agrandir, augmenter, élargir, enri-
chir, propager ; amplifier, délayer (fam.),
paraphraser. — CONTR. : 1 contracter, plier,
replier ; 2 rouler ; 6 comprimer, recroque-
viller, rétrécir ; concentrer ; 8 raccourcir,
rapetisser ; 9 borner, circonscrire, limiter,
restreindre.

& s’étendre v. pr. (sens 1, av. 1265, J. de


Meung ; sens 2, 1673, Molière ; sens 3, 1690,
Furetière ; sens 4, v. 1283, Beaumanoir ; sens
5, 1273, Adenet ; sens 6, av. 1662, Pascal ;
sens 7, 1580, Montaigne). 1. Occuper un
certain espace : La chambre où ma mère
accoucha domine une partie déserte des
murs de la ville, et à travers les fenêtres
de cette chambre on aperçoit une mer
qui s’étend à perte de vue, en se brisant
sur des écueils (Chateaubriand). La gorge
étroite semblait s’étendre vers la mer
(Flaubert). ‖ 2. S’allonger de tout son
long : Secrètement fatigué, il prit le parti
de s’étendre (Colette). ‖ 3. Occuper plus
de longueur, de largeur, de surface ; être
étendu : L’or s’étend facilement au marteau.
Les troupes s’étendent dans la plaine. L’aube
s’étend sur la colline. ‖ 4. Fig. Augmenter
l’étendue de ses biens, développer sa puis-
sance : Un propriétaire, une nation qui
s’étend de tous côtés. ‖ 5. Fig. Prendre plus
d’extension, plus d’importance : La grève
s’étend. Et d’abord, tout empire qui s’étend
sans mesure perd de sa force ; presque tou-
jours il se divise ; on verrait bientôt deux ou
trois Russies ennemies les unes des autres
(Chateaubriand). Jean-Jacques avait bien
raison de s’en prendre aux moeurs des villes
d’un principe de corruption qui s’étend
plus tard jusqu’aux campagnes (Nerval).
‖ 6. Durer pendant un certain temps :
On appelle « Renaissance » la période
qui s’étend, en France, de l’avènement de
François Ier au sacre de Henri IV. ‖ 7. Fig.
Se laisser aller à un long développement :
Je m’étends ici parce que ce fut le premier
grand homme dont me fut tracé ainsi, en
famille, le portrait d’après nature (Vigny).
• SYN. : 1 s’allonger, s’étaler ; 2 se coucher ;
3 se déployer, s’étirer ; 5 augmenter, croître,
se développer, envahir, s’intensifier, pro-
gresser ; 6 couvrir, embrasser ; 7 délayer
(fam.), insister.

étendu, e [etɑ̃dy] adj. (part. passé de


étendre ; XIIe s., Roncevaux, au sens 1 ; sens
2, 1647, Descartes [pour un liquide, 1827,
Chateaubriand] ; sens 3, 1657, Pascal ; sens
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1722

4, 1864, Littré). 1. Que l’on a déployé lar-


gement : Des ailes étendues. Mais songeant
au plaisir que j’aurais vers le soir [...] | À
voir la blanche nappe étendue sur la table
(Lamartine). ‖ 2. Qui occupe une vaste
surface : Un lac très étendu. ‖ Spécialem.
Se dit d’un liquide auquel on a ajouté de
l’eau pour en augmenter le volume et en
diminuer la force : Un vin étendu. ‖ 3. Fig.
Considérable par son pouvoir ou ses capa-
cités ; dont les limites sont plus larges que
les limites communes : Des connaissances
étendues. Si étendu que soit le génie d’un
homme [...], la fonction officielle le dimi-
nue toujours un peu (Baudelaire). ‖ 4. Qui
s’applique à un grand nombre de choses : Le
mot « voler » a une acception plus étendue
que « dévaliser ».
• SYN. : 1 éployé (littér.) ; 2 grand, immense,
spacieux ; 3 ample, important, vaste ; 4
large. — CONTR. : 1 exigu, minuscule, petit,
réduit ; Concentré ; 2 plié, recroquevillé,
replié, roulé ; 3 borné, étroit, limité ; 4
restreint.

étendue [etɑ̃dy] n. f. (part. passé fém.


substantivé de étendre [a supplanté l’anc.
franç. estente, étendue — XIIe-XVIe s. —,
lat. pop. *extendita, part. passé fém. subs-
tantivé de extendere, lat. class. extensa,
extenta, v. ÉTENDRE] ; XVe s., Godefroy,
écrit estendue [étendue, XVIIe s.], aux sens
2-3 ; sens 1, 1649, Descartes ; sens 4, 1674,
Boileau ; sens 5-6, 1690, Furetière ; sens 7,
1684, Mme de Sévigné ; sens 8, 1656, Pascal).
1. Propriété fondamentale de la matière,
par laquelle les corps occupent de l’espace :
La question se réduit à savoir si cette idée
de l’étendue est une modalité de l’âme ; je
prétends que non, parce que cette idée est
trop vaste, qu’elle est infinie (Malebranche).
‖ 2. Portion de l’espace occupée par un
corps : Ces grandes pentes vertes dressées
presque d’aplomb sur l’étendue de la mer
(Flaubert). En géométrie, un point n’a pas
d’étendue. ‖ 3. Dans le langage courant,
dimension d’un corps considéré dans sa
superficie : Quand ma mère en avait hérité
[des terres], c’étaient des étendues stériles
(Mauriac). ‖ 4. Par extens. Développement
plus ou moins important : L’étendue d’un
discours. ‖ 5. En parlant de la vue, de la
voix, d’une arme, leur portée dans l’es-
pace : L’étendue d’un regard. L’étendue
d’un tir de mortier. ‖ 6. Distance com-
prise entre les sons extrêmes d’une voix,
d’une mélodie. ‖ 7. Par anal. Partie de la
durée qu’embrasse une chose : L’étendue
du règne de Louis XIV. ‖ 8. Fig. Ce qu’une
chose embrasse, implique ; importance qui
en résulte : Je ne pouvais, disait-il, mesurer
l’étendue de sa faute (Mauriac). Accroître
l’étendue de ses connaissances.

• SYN. : 2 grandeur, surface ; 3 espace ; 4


ampleur, longueur ; 6 clavier, registre ; 7
durée, époque, période, siècle, temps ; 8
ampleur, envergure, extension, champ,
largeur, portée.

éternel, elle [etɛrnɛl] adj. (bas lat.


aeternalis, éternel, du lat. class. aeternus,
même sens, lat. archaïque aeviternus, dér.
de aevum, la durée, le temps ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, écrit eternal [éter-
nel, XIIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1677, Bossuet ;
sens 3, 1667, Racine ; sens 4, av. 1559,
J. Du Bellay ; sens 5, 1690, Furetière ; sens 6,
1669, Racine ; sens 7, 1707, Lesage). 1. Qui
n’a, dans le temps, ni commencement ni
fin : Dieu est éternel. L’aigle, un soir, planait
aux voûtes éternelles (Hugo). ‖ Père éternel,
Dieu le Père dans la tradition chrétienne,
première personne de la Trinité. ‖ Verbe
éternel, nom donné à Dieu le Fils, seconde
personne de la Trinité. ‖ Royaume, séjour
éternel, ciel, paradis. ‖ Par extens. Se dit
de tout ce qui procède de Dieu, lui est
relatif : Sagesse éternelle. ‖ 2. Au sens
philosophique, qui a toujours existé et
existera toujours, qui est immuable : Les
Idées, dans la philosophie de Platon, sont
éternelles. Vérité éternelle. ‖ 3. Par extens.
Qui a eu un commencement, mais qui n’a
ou n’aura pas de fin ; qui existe depuis tou-
jours, par rapport à l’existence humaine :
Mesurer l’agonie éternelle à notre heure !
(Leconte de Lisle). Ainsi toujours pous-
sés vers de nouveaux rivages, | Dans la
nuit éternelle emportés sans retour...
(Lamartine). ‖ Le silence éternel, le repos,
le sommeil éternel, la nuit éternelle, la mort.
‖ Adieu éternel, adieu fait à une personne
qu’on ne reverra jamais, à un mort. ‖ Salut,
bonheur éternel, vie éternelle, bonheur sans
fin des élus. ‖ Feu éternel, supplice sans
fin des damnés. ‖ L’homme éternel, ce qui
est commun à l’homme de tous les temps,
de tous les pays, de tous les milieux ; ce
qui caractérise l’homme en général, l’hu-
manité. ‖ 4. Qui existe depuis un temps
immémorial et qui semble ne devoir
jamais prendre fin : Les neiges éternelles.
Une éternelle jeunesse. Le silence éternel
[...] étendait sa puissance sur les montagnes
(Chateaubriand). ‖ La Ville éternelle,
Rome, à qui les Romains promettaient
un empire sans fin et que les catholiques
considèrent comme le siège immuable
du chef de l’Église. ‖ 5. Qui se manifeste
depuis toujours ; qui se renouvelle sans
cesse : On faisait sur Mme Albertine cent
récits. C’était l’éternelle curiosité des pen-
sionnaires (Hugo). Éternels abus de la force.
‖ 6. Par exagér. Se dit d’une personne qui
semble ne devoir jamais s’arrêter : Un éter-
nel bavard. ‖ Par exagér. Se dit d’une chose
qui semble ne devoir jamais cesser : Jurer
un amour éternel. Regrets éternels. ‖ Péjor.
Se dit d’une chose qui fatigue par sa durée,
sa répétition : On les verra, peuple léger,
peuple mobile, pendant quatre années éter-
nelles, en dépit des pertes les plus lourdes,
des déceptions les plus douloureuses, non
seulement tenir, non seulement multiplier
les plus dures attaques... (Valéry). C’était
comme un reproche éternel qui marchait
dans la maison (Baudelaire). Plaintes éter-
nelles. ‖ 7. Précédé de l’adj. poss. et suivi
d’un nom, marque une association perma-
nente avec quelqu’un ou quelque chose :
Je montais vers la petite, que je trouvais
installée dans le salon jonquille, à broder
ses éternelles pantoufles (Daudet).

• SYN. : 3 infini, perpétuel ; 4 durable, impé-


rissable, inaltérable, indéfectible, indestruc-
tible ; 5 constant, continuel, permanent ;
6 interminable, sempiternel (fam.) ; 7 inévi-
table, inséparable. — CONTR. : 3 temporel ;
4 éphémère, fragile, fugitif, périssable, pré-
caire ; 5 momentané, passager, provisoire,
temporaire ; 6 bref, court.

& éternel n. m. (sens 1, 1677, Bossuet


[l’Éternel, v. 1530, C. Marot ; sens 2, début
du XXe s.]). 1. Ce qui n’a ni commencement
ni fin ; ce qui est immuable (par oppo-
sition à temporel) : L’homme monte tou-
jours du fini à l’infini, du temps à l’éternel
(Pelletan). ‖ L’Éternel, Dieu (prend une
majuscule en ce sens) : Quelques années
échappées des mains de l’Éternel feront jus-
tice de tous ces bruits par un silence sans
fin (Chateaubriand). ‖ 2. Fam. L’éternel
féminin, se dit pour désigner certains traits
permanents du caractère féminin : charme,
faculté d’inspirer l’amour, et aussi coquet-
terie, duplicité, etc.

éternellement [etɛrnɛlmɑ̃] adv. (de


éternel ; v. 1265, Br. Latini, écrit eternel-
ment [éternellement, XVIe s.], au sens 1 ;
sens 2, av. 1549, Marguerite de Navarre ;
sens 3, 1666, Molière). 1. Hors du temps ;
sans commencement ni fin : Dieu existe
éternellement. ‖ 2. Par extens. Sans fin, à
jamais, pour toujours : Je supposais volon-
tiers quelque religieuse du Midi [...] atten-
dant éternellement celui qui ne reviendra
pas (Sainte-Beuve). ‖ 3. Par exagér. D’une
façon continue ou fréquente, sans cesse :
Dehors, il faisait jour, éternellement jour
(Loti). ‖ Péjor. D’une façon permanente et
inévitable : Il n’y a pas de [...] maisons où je
ne sache quelle est la fille ou la vieille femme
dont la tête stupide se dessine éternellement
à la fenêtre (Musset). M. Eyssette, de le voir
éternellement la larme à l’oeil, avait fini
par le prendre en grippe et l’abreuvait de
taloches (Daudet).

• SYN. : 2 indéfiniment, interminablement ;


3 constamment, continuellement, inévita-
blement, perpétuellement, sempiternelle-
ment (fam.), toujours.

éternisation [etɛrnizasjɔ̃] n. f. (de éterni-


éternisation [etɛrnizasjɔ̃] n. f. (de éterni-
ser ; 25 mars 1876, Gazette des tribunaux).
Action de rendre éternel, de faire durer
toujours ; état qui en résulte : L’art, c’est
l’éternisation (Goncourt).

éterniser [etɛrnize] v. tr. (dér. savant du


lat. aeternus, éternel [v. ÉTERNEL] ; 1552,
Ronsard, aux sens 1-2). 1. Class. et littér.
Rendre éternel, faire durer toujours : Il
n’y avait rien qu’ils [les philosophes] ne
fissent pour éterniser leur réputation (La
Rochefoucauld). As-tu l’espoir d’éter-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1723

niser le bruit de ta vertu ? (Heredia).


‖ 2. Prolonger d’une façon durable ;
faire durer longtemps : Au défaut de ses
joies, il [l’amour] cherche à éterniser ses
douleurs (Chateaubriand). ‖ Par extens.
Prolonger trop longtemps, traîner en lon-
gueur : D’ailleurs, elle se plaisait à prolon-
ger toute querelle qui paraissait éterniser
la lutte morale (Balzac). Va-t’en... Mais,
par charité, n’éternise pas mon supplice
(Courteline). Éterniser une discussion.

• SYN. : 2 perpétuer.

& s’éterniser v. pr. (sens 1, 1552, Ronsard ;


sens 2, 1764, Voltaire ; sens 3, av. 1872,
Th. Gautier ; sens 4, 1864, Littré). 1. Littér.
Se rendre immortel : Il n’est pas donné
aux hommes de se renouveler à volonté
et de s’éterniser (Sainte-Beuve). ‖ 2. Se
perpétuer, se prolonger indéfiniment :
On pensait, sous l’Ancien Régime, que la
monarchie s’éterniserait. ‖ 3. Demeurer
très longtemps : Deux ramiers blancs aux
pieds rosés | Au nid où l’amour s’éternise
| Un soir de mai se sont posés (Gautier).
‖ 4. Fam. Durer trop longtemps : Mais,
mon ami, vous savez bien qu’il n’y a rien de
tel pour s’éterniser que les situations fausses
(Gide). La querelle menaçait de s’éterniser
(Duhamel). ‖ Spécialem. S’attarder trop
longtemps dans une occupation, dans un
lieu : Si elle s’éternisait devant son miroir,
c’était pure paresse (Rolland). ‖ Ne pas
savoir prendre congé : Une dame intolé-
rable qui s’était éternisée (Bernstein). La
caractéristique d’un infirmier : n’être jamais
à portée d’appel quand on a un urgent besoin
de lui — et s’éterniser dans la chambre aux
moments où sa présence est insupportable-
ment inopportune (Martin du Gard).

• SYN. : 2 continuer, durer, se maintenir,


subsister, survivre ; 3 s’attarder ; 4 traîner.

éternité [etɛrnite] n. f. (lat. aeternitas,


éternité, durée éternelle, de aeternus, éter-
nel [v. ÉTERNEL] ; v. 1160, Benoît de Sainte-
Maure, au sens 1 ; sens 2, 1647, Rotrou ; sens
3, 1688, Mme de Sévigné ; sens 4, début du
XVIIe s., Malherbe ; sens 5, 1646, Corneille).
1. Durée éternelle, sans commencement
ni fin : L’éternité de Dieu. ‖ 2. Durée qui
a un commencement, mais qui n’a pas de
fin : J’ai souvent vu bâtir pour l’éternité des
châteaux plus vite écroulés que mes palais
de sable (Chateaubriand). ‖ 3. La vie éter-
nelle dans l’au-delà, réservée aux âmes des
justes : La pensée de l’éternité console de la
rapidité de la vie (Malesherbes). ‖ 4. Par
anal. L’immortalité assurée par la gloire :
Entrer dans l’éternité. ‖ 5. Durée indéfi-
nie : Pour promettre l’éternité de l’amour,
il faudrait pouvoir promettre l’éternité de
la jeunesse, de la beauté, de l’imagination
(P. Janet). ‖ De toute éternité, depuis
un temps indéterminé, depuis toujours.
‖ Fam. Long moment, durée excessive :
Après quelques semaines de labeur, des
éternités de labeur (Gide).

• SYN. : 3 immortalité ; 5 pérennité.

éternuement [etɛrnymɑ̃] n. m. (de éter-


nuer ; début du XIIIe s., écrit esternuement ;
éternuement, 1636, Monet). Mouvement
subit et convulsif des muscles respiratoires
par lequel l’air inspiré est chassé avec vio-
lence par le nez et par la bouche : Un éter-
nuement occasionne parfois la rupture d’un
anévrisme (Flaubert).

• SYN. : sternutation.

éternuer [etɛrnɥe] v. intr. (lat. impér.


sternutare, éternuer souvent, fréquentatif
du lat. class. sternuere, éternuer ; fin du
XIe s., Gloses de Raschi, écrit esternuder
[esternuer, v. 1175, Chr. de Troyes ; éter-
nuer, 1636, Monet], au sens 1 ; sens 2, av.
1850, Balzac [... dans le son ; ... dans le sac,
1867, Delvau]). 1. Chasser brusquement et
bruyamment par le nez et par la bouche
l’air inspiré. ‖ Poudre à éternuer, substance
poivrée destinée à provoquer l’éternue-
ment. ‖ 2. Arg. Éternuer dans le son ou
dans le sac, être guillotiné.

étésien [etezjɛ̃] adj. m. (du lat. etesiae,


n. m. plur., « vents étésiens », gr. etêsiai
[anemoi, « vents »], n. m. plur., « vents
périodiques », de l’adj. etêsios, annuel, dér.
de etos, année ; 1531, E. de Laigue, écrit
[vents] étésies ; [vents] étésiens, 1542, Du
Pinet). Vents étésiens, vents qui soufflent
périodiquement du nord, en Méditerranée
orientale, pendant l’été.

étêtage [etɛtaʒ] n. m. (de étêter ; 1870,


Larousse). Opération consistant à étêter
un arbre.

• REM. On dit aussi ÉTÊTEMENT (1611,


Cotgrave, écrit étestement ; étêtement,
1701, Histoire de l’Acad. des sciences).

étêter [etɛte] v. tr. (de é-, es- [lat. ex-,


préf. à valeur privative], et de tête [v. ce
mot] ; 1288, Renart le Nouvel, écrit étester
[étêter, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1553,
Journal du sire de Gouberville ; sens 3, 1961,
Larousse). 1. Couper, enlever la tête d’un
animal : Étêter une grenouille. ‖ 2. Par
anal. Couper la cime d’un arbre ou la tête
d’un clou : Étêter un chêne. ‖ 3. En pétro-
chimie, enlever la fraction la plus légère
d’un produit, ou « tête » de distillation.

• SYN. : 1 décapiter ; 2 écimer.

éteuf [etoef] n. m. (francique *stôt, balle ;


XIIIe s., Godefroy, écrit estue, estuet, estuef
[estueuf, v. 1380, Aalma ; esteuf, v. 1460,
Villon ; éteuf, 1660, Chapelain], au sens 1 ;
sens 2, 1907, Larousse). 1. Balle dure, en
cuir ou en drap, avec laquelle on jouait à la
longue paume. ‖ Class. et fig. Courir après
son éteuf, s’efforcer de ressaisir une chance,
une occasion qu’on a laissé échapper ; ne
pas lâcher ce qui est sûr : M. le Premier
Président [...] ne douta, non plus que moi,
que le cardinal Mazarin, selon sa bonne
coutume, ne courût après son éteuf (Retz).
‖ 2. Boule d’étoupe garnissant la pointe
du fleuret.

éteule [etoel] n. f. (var. picarde de l’anc.


franç. estoble, chaume qui reste sur le
champ après la moisson [fin du XIe s.,
Gloses de Raschi], bas lat. stupula, lat. class.
stipula, tige des céréales, dér. de stipare,
mettre dru, entasser ; fin du XIIe s., l’Es-
coufle, écrit esteule ; éteule, 1636, Monet).
Chaume qui reste sur place dans le champ,
après la moisson : Un vent de bise couche
au ras de terre les herbes sèches des éteules
(Theuriet). ‖ Par extens. Le champ couvert
d’éteules : Au fond, inondée de lumière, telle
qu’après la moisson, la plaine immense :
des éteules et, déjà, des terres labourées
(Claudel).

éthane [etan] n. m. (de éth[er], avec le suff.


scientif. -ane ; 1900, Larousse). En chimie,
carbure d’hydrogène saturé, se présentant
sous l’aspect d’un gaz incolore et inodore.

éthanol [etanɔl] n. m. (de éthane, avec


le suff. scientif. -ol ; 1933, Larousse). En
chimie, syn. de ALCOOL ÉTHYLIQUE.

éther [etɛr] n. m. (lat. aether, air subtil


des régions supérieures qui enveloppe
l’atmosphère, espaces aériens, ciel, air, gr.
aithêr, mêmes sens, dér. de aithein, faire
brûler, être en feu ; v. 1120, Psautier de
Cambridge, écrit éthere [éther, milieu du
XIIIe s., Image du Monde], au sens 1 ; sens
2-4, début du XVIIIe s.). 1. Selon la concep-
tion des Anciens, la partie la plus subtile de
l’air, qui formait le feu et qui emplissait les
espaces au-delà de l’atmosphère terrestre.
‖ Par extens. et poétiq. L’atmosphère, l’air,
le ciel : Vous planez dans l’éther tout semé
d’étincelles (Lamartine). Je suis l’enfant de
l’air, un sylphe, moins qu’un rêve | Diaphane
habitant de l’invisible éther (Hugo). Par-
delà le soleil, par-delà les éthers | Par-delà
les confins des sphères étoilées (Baudelaire).
‖ 2. Vx. En physique, fluide impondérable
et élastique qui, d’après certaines théories,
est présent partout et dont la conception
permettrait d’expliquer de nombreux phé-
nomènes physiques : Chacune des étoiles
mobiles, faisant vibrer l’éther selon sa
vitesse, communique à l’étendue le son qui
est le propre de son nombre (Valéry). ‖ 3. En
chimie, composé organique résultant de la
combinaison, avec élimination d’eau, d’un
alcool avec un acide ou bien avec lui-même
ou un autre alcool. ‖ 4. Nom donné com-
munément à l’oxyde d’éthyle, liquide très
volatil et inflammable, bon solvant, utilisé
en pharmacie, particulièrement comme
antiseptique et comme anesthésique :
Avec un tampon imbibé d’éther, il nettoya
la place de la piqûre, et, d’un mouvement
preste, piqua profondément l’aiguille dans
le muscle (Martin du Gard).

éthéré, e [etere] adj. (lat. aethereus,


var. de aetherius, éthéré, céleste, aérien,
gr. aitherios, de nature éthérée ou céleste,
dér. de aithêr [v. ÉTHER] ; XVe s., au sens
1 ; sens 2, 1552, Rabelais ; sens 3, av. 1850,
Balzac ; sens 4-5, 1864, Littré). 1. Vx et littér.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1724

De la nature de l’éther ; relatif à l’éther,


aux espaces célestes : L’atmosphère éthérée
de la Terre est de 68 000 lieues (Raspail).
‖ La matière éthérée, éther des Anciens
ou des Modernes. ‖ Les régions éthérées,
les espaces occupés par l’éther. ‖ Poét.
La voûte, la plaine éthérée, le firmament.
‖ 2. Fig. et littér. Qui est d’une légèreté
exceptionnelle : Une danseuse éthérée,
toujours habillée de blanc et dont les
chastes mouvements laissaient toutes les
consciences en repos (Baudelaire). ‖ Qui est
impalpable ou fugitif : La musique se faisait
aérienne, éthérée (Samain). ‖ 3. Fig. Qui
est au-dessus des sentiments communs et
impurs : Cette pensée m’éleva soudain à des
hauteurs éthérées (Balzac). ‖ 4. En chimie,
qui a la nature de l’éther : Des vapeurs éthé-
rées. ‖ 5. Qui est relatif à l’éther pharma-
ceutique : Une odeur éthérée. Une eau, une
solution éthérée.

• SYN. : 3 élevé, sublime. — CONTR. : 3 bas,


grossier, prosaïque.

éthéréen, enne [etereɛ̃, -ɛn] adj. (de


éther ; milieu du XIXe s., Baudelaire, au sens
3 ; sens 1-2, 1870, Larousse). 1. Surnom des
dieux célestes dans la mythologie grecque.
‖ 2. Vx et littér. Qui appartient à l’univers
céleste : L’éclairage sidéral de la lumière
éthéréenne (Banville). ‖ 3. Fig. Qui est
relatif au monde idéal des pensées nobles
et des sentiments purs : Mais enfin, direz-
vous, si lyrique que soit le poète, peut-il
donc ne jamais descendre des régions éthé-
réennes, ne jamais sentir le courant de la
vie ambiante ? (Baudelaire).

éthérification [eterifikasjɔ̃] n. f. (de


éthérifier ; milieu du XIXe s.). En chimie,
transformation d’un alcool ou d’un acide
en éther.

éthérifier [eterifje] v. tr. (de éthéri-, élé-


ment tiré de éther, et de -fier, lat. facere,
faire ; 1842, Acad.). Transformer en éther,
soumettre à l’éthérification.

éthérisation [eterizasjɔ̃] n. f. (de


éthériser ; milieu du XIXe s., aux sens
1-2). 1. Action d’éthériser ; son résul-
tat. ‖ 2. Mode d’anesthésie générale qui
consiste à faire respirer des vapeurs d’éther.

éthériser [eterize] v. tr. (de éther ; 1842,


Acad., au sens 1 ; sens 2, 1855, Nysten ;
sens 3, 1870, Larousse). 1. Vx. Combiner
avec l’éther : Éthériser un liquide. ‖ 2. Vx.
Rendre insensible et inconscient en fai-
sant respirer des vapeurs d’éther : Éthériser
un malade pour l’opérer. ‖ 3. Vx et littér.
Frapper d’insensibilité : Quelques insectes
ont un art pour magnétiser ou éthériser
l’ennemi (Michelet).

éthérisme [eterism] n. m. (de éther ;


1855, Nysten, au sens 1 ; sens 2, 1870,
Larousse). 1. Vx. État d’insensibilité et
d’inconscience provoqué par l’aspira-
tion de vapeurs d’éther. ‖ 2. Par extens.
Ensemble de phénomènes pathologiques

provoqués par l’absorption d’éther sous


forme de vapeurs ou de boisson.

éthéromane [eterɔman] n. et adj. (de


éthéromanie ; 1888, Larousse). Se dit d’une
personne qui se drogue en absorbant de
l’éther : C’est un véritable sérail d’hystéro-
épileptiques et d’éthéromanes qu’il s’est
formé (Huysmans). Devenus éthéromanes
par dévotion baudelairienne (Proust).

éthéromanie [eterɔmani] n. f. (de


éthéro-, élément tiré de éther, et de -manie,
gr. mania, folie ; 1888, Larousse). Besoin
maladif de boire ou de respirer de l’éther.

éthiopien, enne [etjɔpjɛ̃, -ɛn] n. et adj.


(de Éthiopie, n. géogr. ; 1756, Encyclopédie).
Relatif à l’Éthiopie ; qui habite l’Éthiopie
ou qui en est originaire.

éthiopique [etjɔpik] adj. (de Éthiopie, n.


géogr., ou du lat. Aethiopicus, éthiopien, gr.
Aithiopikos, même sens, dér. de Aithiops
[v. l’art. suiv.] ; 1870, Larousse). Relatif à
l’Éthiopie ou aux Éthiopiens : Le climat
éthiopique.

éthiops [etjɔps] n. m. (lat. AEthiops,


Éthiopien, gr. Aithiops, même sens, pro-
prem. « au visage brûlé », de aithein, brûler,
et de ôps, vue, visage ; 1752, Trévoux, écrit
aethiops ; éthiops, 1762, Acad.). Dans la
chimie ancienne, nom donné à certains
oxydes ou sulfures métalliques de couleur
noire.

éthique [etik] n. f. (bas lat. ethica, n. f.,


« éthique, morale », du gr. êthikon, même
sens, neutre substantivé de l’adj. êthikos [v.
ci-dessous] ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ;
sens 2, av. 1778, Diderot ; sens 3, v. 1361,
Oresme). 1. Partie de la philosophie qui
a pour objet les problèmes relevant de
la morale théorique ou fondamentale.
‖ 2. Système particulier de règles de
conduite : Vous ne sauriez croire [...] com-
bien une éthique erronée empêche le libre
développement de la faculté créatrice (Gide).
‖ 3. Par extens. Traité de morale : Rien ne
m’amuse plus qu’une éthique, répondis-je,
et je m’y contente l’esprit (Gide).

• SYN. : 2 morale.

& adj. (lat. ethicus, moral, qui concerne les


moeurs, la morale, gr. êthikos, mêmes sens,
dér. de êthos, caractère habituel, manière
d’être ; milieu du XVIe s.). Qui a rapport à
la science de la morale : Un traité éthique.

ethmoïde [ɛtmɔid] adj. et n. m. (gr. êth-


moeidês, [os] ethmoïde, proprem. « pareil
à un crible », de êthmos, crible, passoire,
et de eidos, forme, aspect ; v. 1560, Paré).
Se dit d’un os situé à la base du crâne, en
arrière de l’os frontal, et qui est criblé de
petits trous.

ethnarchie [ɛtnarʃi] n. f. (gr. ethnarkhia,


charge d’ethnarque, de ethnarkhês [v.
l’art. suiv.] ; 1569, Huguet, aux sens 1-2).
1. Dignité d’ethnarque. ‖ 2. Province

de l’Empire romain gouvernée par un


ethnarque.

ethnarque [ɛtnark] n. m. (gr. ethnarkhês,


gouverneur ou chef d’un peuple, gouver-
neur d’une province, ethnarque, de eth-
nos [v. ETHNIE] et de arkhein, commander,
être le chef ; XVIe s., Huguet). Chef, à la
fois administrateur et juge suprême, qui
dirigeait certaines communautés juives à
l’époque romaine.

ethnie [ɛtni] n. f. (dér. savant du gr. eth-


nos, toute classe d’êtres de condition com-
mune, race, peuple, nation ; 1930, Larousse).
Groupement organique d’individus de
même culture et parlant la même langue :
L’ethnie française comprend le Canada
français, la Belgique wallonne et la Suisse
romande.

ethnique [ɛtnik] adj. (bas lat. ecclés. eth-


nicus, des païens, gr. ethnikos, national,
qui indique la race ou le lieu d’origine, de
ethnos [v. ETHNIE] ; XIIIe s., écrit etnique
[ethnique, v. 1530, C. Marot], au sens 1 ;
sens 2, 1752, Trévoux ; sens 3, 1890, Dict.
général). 1. Ancienn. Dans les auteurs ecclé-
siastiques, qui appartient aux païens ou
aux Gentils : Les superstitions ethniques.
‖ 2. Qui désigne les habitants d’une nation,
d’un pays : Français, Italien sont des noms
ethniques. ‖ 3. Se dit de tout ce qui est
propre à l’ensemble des habitants d’un
pays ; qui exprime le caractère du grou-
pement culturel d’une population, par
opposition aux caractères des individus :
Une influence ethnique. ‖ Propre à une
race, à un peuple : Car c’était chez elle que
M. Swann faisait acheter son pain d’épice,
et, par hygiène, il en consommait beaucoup,
souffrant d’un eczéma ethnique (Proust).
• SYN. : 1 idolâtre ; 3 racial.

ethno- [ɛtnɔ], élément tiré du gr. eth-


nos, toute classe d’êtres de condition
commune, race, peuple, nation, tribu, et
entrant dans la composition de certains
mots scientifiques.

ethnocentrique [ɛtnɔsɑ̃trik] adj. (de


ethno- et de centre ; milieu du XXe s.). Relatif
à l’ethnocentrisme : Comportement ethno-
centrique d’un individu.

ethnocentrisme [ɛtnɔsɑ̃trism] n. m.
(de ethnocentrique ; milieu du XXe s.). En
psychologie sociale, sentiment élémentaire
d’appartenir à un groupe social (nation,
ethnie, etc.), considéré dans le comporte-
ment des individus membres servant de
modèle.

ethnographe [ɛtnɔgraf] n. (de ethno-


graphie ; 1827, Acad.). Savant, chercheur
spécialisé dans l’ethnographie.

ethnographie [ɛtnɔgrafi] n. f. (de


ethno- et de -graphie, du gr. graphein,
écrire, décrire ; 1823, Boiste). Branche des
sciences humaines qui a pour objet l’étude
descriptive et analytique de toutes les acti-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1725

vités d’un peuple, d’un groupe humain


déterminé.

ethnographique [ɛtnɔgrafik] adj. (de


ethnographie ; 1829, Boiste). Qui a rap-
port à l’ethnographie : Une recherche
ethnographique.

ethnolinguiste [ɛtnɔlɛ̃gɥist] n. (de


ethnolinguistique ; milieu du XXe s.).
Spécialiste d’ethnolinguistique.
ethnolinguistique [ɛtnɔlɛ̃gɥistik] n. f.
(de ethno- et de linguistique ; milieu du
XXe s., comme n. f. et adj.). Ensemble des
disciplines qui étudient le langage des
peuples sans écriture et les relations, chez
ces peuples, entre le langage, la culture et
la société.

& adj. Relatif à l’ethnolinguistique.

ethnologie [ɛtnɔlɔʒi] n. f. (de ethno- et de


-logie, du gr. logos, science, discours ; 1834,
Landais). Branche des sciences humaines
qui a pour objet la connaissance de l’en-
semble des caractères d’un peuple, d’un
groupe humain, afin d’établir les lignes
générales de la structure et de l’évolution
des sociétés : L’ethnologie emprunte ses
matériaux à l’ethnographie, à la sociologie
et à la linguistique.

ethnologique [ɛtnɔlɔʒik] adj. (de


ethnologie ; 1849, Bescherelle). Relatif à
l’ethnologie.

ethnologiquement [ɛtnɔlɔʒikmɑ̃] adv.


(de ethnologique ; 19 déc. 1874, Journ. offi-
ciel).) Du point de vue ethnologique.

ethnologue [ɛtnɔlɔg] n. (de ethnologie ;


1870, Larousse). Savant, chercheur spécia-
lisé dans l’ethnologie.

• REM. On dit aussi ETHNOLOGISTE (1849,


Bescherelle).

ethnomusicologie [ɛtnɔmyzikɔlɔʒi]
n. f. (de ethno- et de musicologie ; milieu
du XXe s.). Branche de la musicologie qui
étudie la musique des sociétés dites « pri-
mitives », la musique populaire des sociétés
plus évoluées.

ethnomusicologue [ɛtnɔmyzikɔlɔg]
n. (de ethnomusicologie ; milieu du XXe s.).
Spécialiste d’ethnomusicologie.

ethnopsychiatrie [ɛtnɔpsikjatri] n. f.
(de ethno- et de psychiatrie ; milieu du
XXe s.). Étude des maladies mentales en
rapport avec les faits sociaux propres aux
cultures sans écriture, à l’écart des sociétés
industrielles.

éthocrate [etɔkrat] n. (de éthocratie ;


1870, Larousse). Partisan de l’éthocratie.

éthocratie [etɔkrasi] n. f. (de étho-, élé-


ment tiré du gr. êthos, caractère, manière
d’être, moeurs, et de -cratie, du gr. kratein,
dominer, régner, commander, dér. de kra-
tos, force, domination, puissance, autorité ;
1870, Larousse). Gouvernement, organi-

sation économique et sociale qui seraient


fondés sur la seule morale.

éthocratique [etɔkratik] adj. (de


éthocratie ; 1870, Larousse). Relatif à
l’éthocratie.

éthogramme [etɔgram] n. m. (de étho-,


élément tiré du gr. êthos, caractère habi-
tuel, coutume, usage, et de -gramme, gr.
gramma, caractère d’écriture, écriture,
dér. de graphein, écrire ; milieu du XXe s.).
Description aussi complète que possible
des réactions à certaines stimulations et
du comportement spontané des individus
d’une espèce animale, en vue de les distin-
guer d’une autre espèce très voisine.

éthologie [etɔlɔʒi] n. f. (de étho-, élément


tiré du gr. êthos [v. ÉTHOCRATIE], et de
-logie, du gr. logos, science, discours ; 1611,
Cotgrave, au sens 2 ; sens 1, 1888, Larousse ;
sens 3, début du XIXe s. [en psychologie
animale, milieu du XXe s.]). 1. Science
des moeurs. ‖ 2. Par extens. Traité sur les
moeurs. ‖ 3. En biologie, selon Geoffroy
Saint-Hilaire, étude des moeurs des ani-
maux et de leurs conditions de vie. ‖ Auj.
En psychologie animale, étude des activités
des animaux spontanément orientées vers
un objet du milieu naturel.

éthologique [etɔlɔʒik] adj. (de éthologie ;


début du XVIIe s.). Relatif à l’éthologie.

éthologiste [etɔlɔʒist] n. (de éthologie ;


milieu du XXe s.). Spécialiste de l’éthologie.
• REM. La forme ÉTHOLOGUE (« celui qui
s’occupe d’éthologie — au sens anc. » ;
1864, Littré) est donnée par P. Larousse,
Littré et le Larousse du XXe s. ÉTHOLO-
GISTE se rapporte à la science moderne de
l’éthologie.

éthopée [etɔpe] n. f. (bas lat. ethopoeia,


éthopée, portrait, caractère, gr. êthopoiia,
description des moeurs ou du caractère,
éthopée, dér. de êthopoios, qui forme le
caractère, de êthos [v. ÉTHOCRATIE] et de
poieîn, faire ; 1690, Furetière). Vx. Figure de
rhétorique qui a pour objet la peinture des
moeurs et du caractère d’un personnage.

éthylcellulose [etilselyloz] n. f. (de


éthyl[e] et de cellulose ; milieu du XXe s.).
Matière plastique qui provient de la réac-
tion du chlorure d’éthyle sur la cellulose.

éthyle [etil] n. m. (de éth[er] et de -yle, gr.


hulê, bois, proprem. « éther de bois » ; 1855,
Nysten). En chimie, composé de carbone et
d’hydrogène, dérivé de l’éthane.

éthylène [etilɛn] n. m. (de éthyle, avec


le suff. -ène, indicatif des carbures d’hy-
drogène ; 1870, Larousse). Carbure d’hy-
drogène non saturé, gazeux et incolore,
légèrement odorant, que l’on obtient en
déshydratant l’alcool par l’acide sulfurique.

éthylénier [etilenje] n. m. (de éthylène ;


milieu du XXe s.). Navire spécialement

conçu pour le transport de l’éthylène


liquéfié.

éthylénique [etilenik] adj. (de éthylène ;


fin du XIXe s.). Se dit des corps possédant,
comme l’éthylène, une double liaison dans
leur molécule.

1. éthylique [etilik] adj. (de éthyle ; 1870,


Larousse). En chimie, se dit des dérivés
divers de même radical chimique que
l’éther : L’alcool éthylique.

2. éthylique [etilik] adj. et n. (de éthy-


lisme ; 1888, Larousse). Qui est atteint
d’éthylisme.

éthylisme [etilism] n. m. (de éthylique 1 ;


1888, Larousse). Intoxication chronique par
l’alcool éthylique, ou alcool ordinaire ; état
d’ivresse aiguë provoqué par l’absorption
d’alcool : Une crise d’éthylisme.

• SYN. : alcoolisme.

étiage [etjaʒ] n. m. (de étier ; 1783,


Perronet). Niveau moyen le plus bas d’un
cours d’eau, à partir duquel on mesure les
crues : Les eaux du Niger sont à leur étiage,
et le vaste fleuve ne présente plus qu’une
quantité de minuscules bras peu profonds
que franchissent à gué les troupeaux (Gide).
La rivière est tombée très bas au-dessous
de l’étiage (Bosco). ‖ Par extens. Débit le
plus faible d’un cours d’eau : L’étiage de la
Loire est en été.

étier [etje] n. m. (mot dialect. des par-


lers de la côte atlantique, lat. aestuarium,
endroit inondé par la mer à la marée mon-
tante, estuaire, piscine près de la mer [v.
ESTUAIRE] ; XIVe s., Du Cange, écrit estier
[étier, fin du XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2,
1690, Furetière ; sens 3, milieu du XXe s.).
1. Canal étroit et peu profond faisant com-
muniquer une ville avec un fleuve ou avec
la mer, et capable de porter des bateaux de
faible tonnage. ‖ 2. Canal qui amène l’eau
de mer dans les marais salants. ‖ 3. Sur les
côtes de la Bretagne du Sud, petit estuaire.

étincelage [etɛ̃slaʒ] n. m. (de étincelle ;


milieu du XXe s., aux sens 1-2). 1. En chirur-
gie, procédé permettant de détruire cer-
tains tissus organiques par utilisation de
l’étincelle électrique. ‖ 2. En mécanique,
procédé permettant d’abraser une pièce
par la décharge d’étincelles électriques à
haute fréquence.

étincelant, e [etɛ̃slɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de étinceler ; v. 1265, J. de Meung,
écrit estincelant [étincelant, 1680, Richelet],
aux sens 1-2 ; sens 3, 1661, Corneille ; sens
4, XXe s. ; sens 5, 1608, M. Régnier). 1. Littér.
Qui étincelle ; qui jette une lumière très
vive : Un soleil étincelant moirait la mer
de rubans de feu (Lamartine). Quand le
soleil, vainqueur étincelant des nues | Dans
la nouvelle nuit [...] darde l’or de ses traits
(Heredia). ‖ 2. Qui jette de vifs reflets de
lumière ; qui scintille : Il reconnut l’opu-
lente Hissai, armée des colombes, qui
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1726

regarde du haut d’un rocher les îles blanches


se jouer comme des nymphes dans la mer
étincelante (France). ‖ 3. Par anal. Qui
semble jeter des étincelles ; qui brille d’une
façon inhabituelle : La prunelle étincelante
semblait se détacher et venir vous frapper
comme une balle (Chateaubriand). ‖ 4. Fig.
Particulièrement brillant, éclatant : Une
réussite étincelante. ‖ 5. D’une vivacité peu
commune : Un esprit étincelant.

• SYN. : 2 chatoyant, miroitant, rutilant,


scintillant ; 3 brillant, flamboyant, luisant,
rayonnant ; 4 fulgurant, incomparable,
remarquable ; 5 éblouissant.

étinceler [etɛ̃sle] v. intr. (de étincelle


[v. ce mot] ; v. 1155, Wace, écrit estenceler
[estinceler, fin du XIIe s. ; étinceler, 1680,
Richelet], aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1530, C.
Marot ; sens 4, 1674, Boileau). [Conj. 3 a.]
1. Littér. Jeter une lumière vive et inter-
mittente : L’autel étincelait des flambeaux
d’hyménée (Voltaire). ‖ 2. Jeter de vifs
reflets de lumière : Le Tarasconnais, pou-
dreux, harassé, vit de loin étinceler dans
la verdure les premières terrasses blanches
d’Alger (Daudet). Les hommes, courbés sous
la rafale, se penchaient sur l’encolure des
bêtes fumantes, dont les sabots soulevaient
des gerbes d’eau ; et, comme dans un bon
tableau de peintre de batailles, les casques
étincelaient sous le ciel plombé (Martin du
Gard). ‖ 3. Par anal. En parlant des yeux ou
du regard, devenir fixe et brillant : Chaque
fois que je la rencontrais, ses yeux étince-
laient (Renan). ‖ 4. En parlant des choses
de l’esprit, lancer des traits brillants : Ce
livre étincelle d’images imprévues.

• SYN. : 2 briller, chatoyer, miroiter, rutiler,


scintiller ; 3 flamboyer, fulgurer ; 4 pétiller.

étinceleur [etɛ̃sloer] n. m. (de étincelle


ou de étinceler ; milieu du XXe s.). Appareil
utilisé dans la recherche pétrolière sous
les mers par le système de la prospection
séismique, dont le principe consiste à pro-
duire une explosion et à mesurer les ondes
sonores provoquées.

• SYN. : sparker (mot angl.).

étincelle [etɛ̃sɛl] n. f. (forme picarde


répondant au franç. estencele [fin du XIe s.,
Gloses de Raschi], lat. pop. *stincilla, issu
par métathèse du lat. class. scintilla, étin-
celle, point brillant ; XIIIe s., Du Cange,
écrit estincelle [étincelle, 1636, Monet],
aux sens 1-2 ; sens 3, 1706, Richelet ; sens
4, v. 1460, Villon ; sens 5, XIIIe s., Godefroy).
1. Parcelle incandescente qui se détache
d’un corps en combustion, ou qui est
produite par le choc ou le frottement de
deux corps : La meule s’écroulait par terre
en un large brasier, d’où s’envolaient des
étincelles (Flaubert). Faire des étincelles
en aiguisant un couteau. ‖ Spécialem.
Étincelle électrique, vive lumière produite
par le brusque rapprochement de deux
corps d’électricité contraire. ‖ 2. Par anal.
Vive lueur, vif éclat ; tache brillante : Le

soleil du matin, | Pailletant chaque fleur


d’une humide étincelle (Verlaine) ; et au
fig. : Elle vit reluire dans deux yeux gris une
étincelle allumée par sa question (Balzac).
‖ 3. Fig. Ce qui met le feu, la faible cause
immédiate d’un grand effet : Une fusillade
malheureuse fut l’étincelle de la révolution
de 1848. ‖ 4. Fig. Ce qui jaillit brusquement
ou jette un éclat bref et vif : Une étincelle
de génie. Les étincelles de ton rire dorent les
fonds de ta vie | C’est un tableau pendu dans
un sombre musée (Apollinaire). ‖ Fam.
Faire des étincelles, obtenir des résultats
brillants. ‖ 5. Fig. Première lueur, prin-
cipe : Dieu seul dispose de l’étincelle de vie
(Chateaubriand). Que l’étincelle de vie, que
vous avez reçue de Dieu, s’isole et devienne
un Dieu elle-même (Musset). ‖ L’étincelle
divine, l’âme, l’intelligence de l’homme.
• SYN. : 2 feu, flamme, lueur, lumière,
rayon ; 4 éclair.

étincellement [etɛ̃sɛlmɑ̃] n. m. (de étin-


celer [v. ce mot] ; v. 1119, Ph. de Thaon,
écrit estencelement ; estincellement, fin du
XIVe s. ; étincellement, 1680, Richelet). État
d’un corps qui étincelle ou qui scintille :
Les panneaux en miroir reflétaient l’étin-
cellement de l’eau (Daudet).

étiolé, e [etjɔle] adj. (part. passé de étio-


ler). Qui est devenu pâle et chétif par défaut
d’air et de lumière : Une plante étiolée ; et
par extens. : Une jeune fille étiolée.

• SYN. : anémique, chlorotique. — CONTR. :


dru, florissant, robuste, sanguin, vigoureux.

étiolement [etjɔlmɑ̃] n. m. (de étioler ;


1756, Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, 1845,
Bescherelle ; sens 3, av. 1842, Stendhal).
1. État des végétaux privés de lumière
et qui, de ce fait, sont devenus grêles et
jaunes. ‖ 2. Par anal. Chez l’homme, ané-
mie caractérisée par une décoloration de la
peau des muqueuses et causée par l’absence
de lumière et la respiration d’un air pauvre
en oxygène : L’étiolement des enfants dans
les taudis. ‖ 3. Fig. Appauvrissement ou
affaiblissement des facultés morales ou
intellectuelles : [Les bourgeois de Paris]
prennent l’étiolement de leur âme pour de
la civilisation et de la générosité (Stendhal).
• SYN. : 1 chlorose, décoloration ; 2 anémie,
asthénie, chlorose, dépérissement, langueur.

étioler [etjɔle] v. tr. (d’une var. dialect. de


éteule [v. ce mot], probablem. des parlers
champenois [où l’on trouve actuellement les
formes étieuble et équiole], l’aspect grêle des
plantes étiolées les faisant ressembler à des
éteules ; 1762, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1864,
Littré ; sens 3, 1830, Stendhal). 1. En par-
lant d’une plante, la rendre grêle et jaune
ou incolore en la privant de la lumière du
jour. ‖ Spécialem. Faire blanchir certains
légumes en les cultivant dans un lieu obs-
cur : On étiole le céleri. ‖ 2. Par anal. En
parlant d’un être humain, le rendre pâle
ou chétif en le privant d’air et de lumière :
L’air des villes étiole les enfants. ‖ 3. Fig.

Appauvrir, affaiblir la personnalité de,


rendre insignifiant : C’était un fils étiolé
par un homme d’esprit (Stendhal). On croit
expurger la ville, on étiole la campagne
(Hugo).

• SYN. : 2 affaiblir, anémier, débiliter ; 3


asphyxier, atrophier, détruire, étouffer.

& s’étioler v. pr. (sens 1, 1690, La Quintinie ;


sens 2, 1784, Bernardin de Saint-Pierre ;
sens 3, av. 1850, Balzac). 1. Devenir grêle
et incolore par privation de la lumière du
jour. ‖ Par extens. Dépérir, s’affaiblir :
L’oasis où les derniers palmiers s’étiolent
(Gide). ‖ 2. Par anal. Devenir pâle et chétif
par manque d’activité et de grand air : En
Orient, les femmes s’étiolent à l’ombre des
harems (Sand). Craignant que Gertrude
ne s’étiolât à demeurer auprès du feu sans
cesse, comme une vieille, j’avais commencé
de la faire sortir (Gide). ‖ 3. Fig. Perdre
sa vigueur, s’affaiblir : Dans le bien-être
s’étiole toute vertu (Gide).

• SYN. : 2 s’anémier, dépérir, languir ; 3


décliner, se dégrader, péricliter. — CONTR. :
1 verdir, reverdir ; 2 se développer, se forti-
fier ; 3 s’épanouir, se raffermir.

étiologie [etjɔlɔʒi] n. f. (lat. aetiolo-


gia, recherche ou exposition des causes,
gr. aitiologia, même sens, dér. de aitiolo-
geîn, rechercher ou expliquer les causes,
de aitia, cause, motif, et de logos, parole,
discours, science ; 1611, Cotgrave, écrit
aitiologie ; étiologie, 1752, Trévoux).
Science des causes. ‖ Spécialem. En méde-
cine, recherche et étude des causes d’une
maladie.

étique [etik] adj. (bas lat. hecticus, habi-


tuel, gr. hektikos, habituel, continu, de
hektos, qu’on peut avoir, dér. de ekhein,
avoir ; 1256, Ald. de Sienne, écrit etike, au
sens de « atteint de consomption » ; sens
1, XIIIe s., Studer et Evans, écrit echike
[étique, v. 1560, Paré] ; sens 2 [étique], XVe s.,
Basselin ; sens 3, 1580, Montaigne). 1. Vx.
Fièvre qui se manifeste de façon continue
et qui amaigrit : Fièvre étique. ‖ 2. Qui est
décharné, d’une maigreur extrême : Corps,
visage étique. ‖ 3. Par anal. D’apparence
pauvre et chétive : Un alphabet en petites
capitales étiques (Nodier). Des baraques
étiques (Duhamel).
• SYN. : 2 desséché, émacié, maigre, sec,
squelettique ; 3 minable, pitoyable, rachi-
tique. — CONTR. : 2 charnu, dodu, empâté,
gras, grassouillet (fam.), plantureux, potelé,
rebondi, replet ; 3 énorme, fastueux, gras,
splendide.

• REM. Au sens 1, on écrivait aussi


HECTIQUE.

étiquetage [etiktaʒ] n. m. (de étique-


ter ; 1877, Littré, au sens 1 ; sens 2, fin du
XIXe s., Huysmans). 1. Action de mettre
des étiquettes : L’étiquetage des marchan-
dises. ‖ 2. Fig. Action de ranger sous une
étiquette, ou de classer méthodiquement :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1727

confinent dans les épisodes et les incidents,


dans les étiquetages de vertus (Huysmans).

étiqueter [etikte] v. tr. (de étiquette ;


1549, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1870,
Larousse ; sens 3, 1932, Acad. ; sens 4, 1811,
Chateaubriand). [Conj. 4 a.] 1. Fixer, atta-
cher ou coller une étiquette sur quelque
chose : Une femme monta devant moi un
escalier noir et raide, tenant une clef éti-
quetée à la main (Chateaubriand). Tout y
était rangé, soigné, brossé, étiqueté, comme
dans une pharmacie (Daudet). ‖ 2. Fig.
Caractériser quelqu’un d’un mot comme
par une étiquette : Ce n’est pas un préjugé
pour un homme honnête et qui gagne sa
vie, de ne pas vouloir qu’on l’étiquette d’un
certain mot (M. Prévost). ‖ 3. Fig. Ranger
sous l’étiquette d’un groupement, d’un
parti ; classer quelqu’un selon son appar-
tenance politique, sociale ou idéologique :
Quand l’ouvrier passé maître devient direc-
teur et capitaliste, il est étiqueté transfuge
(Maurras). ‖ 4. Fig. Ranger avec soin ;
distinguer, dénombrer et classer avec
méthode : Étiqueter des courants d’opinion.

étiqueteur, euse [etiktoer, -øz] n. (de


étiqueter ; 1869, A. Daudet). Ouvrier chargé
de mettre des étiquettes sur des objets.

& étiqueteuse n. f. (XXe s.). Dans l’indus-


trie, machine qui colle automatiquement
les étiquettes sur les bouteilles.

étiquette [etikɛt] n. f. (de l’anc. franç.


estiquier, ficher, enfoncer [quelque chose
dans quelque chose], transpercer [XIIe s.],
francique *stikkjan, var. de *stikkan,
piquer ; 1387, Godefroy, écrit estiquette,
au sens de « poteau servant de but dans
certains jeux » ; sens I, 1, fin du XVIe s., écrit
estiquette [étiquette, 1660, Oudin] ; sens I, 2,
1549, R. Estienne ; sens I, 3, 1870, Larousse ;
sens II, 1, av. 1719, Mme de Maintenon ; sens
II, 2, av. 1778, J.-J. Rousseau).

I. 1. Marque matérielle, généralement en


carton ou en papier, que l’on attache ou
que l’on colle sur un objet pour en indi-
quer le contenu, le prix ou la destination :
Il passait des heures délicieuses à écrire
des étiquettes, à mettre en ordre ses petits
pots (Flaubert). Attacher une étiquette à
une valise, à un colis. ‖ 2. En droit an-
cien, petit écriteau que l’on plaçait sur les
sacs à procès et qui portait quelques indi-
cations sommaires relatives à l’affaire, les
noms du défendeur, du demandeur, du
procureur, etc. ‖ Fig. et vx. Juger sur l’éti-
quette du sac, sans examiner les pièces.
‖ 3. Fig. Indication qui permet de classer
une personne, surtout dans l’ordre poli-
tique ou idéologique : Tout homme dont
le nom devient à tort ou à bon droit l’éti-
quette d’un système doit cesser de s’appar-
tenir (Renan). L’étiquette d’un parti.

II. 1. Cérémonial, ordre de préséance


(marqué, à l’origine, par le port d’une
étiquette), que l’on observe à la cour d’un
roi : Vous saurez un jour, Madame, si votre

esprit parvient jamais à se pénétrer des


profondeurs de notre étiquette, que les de-
moiselles ne paraissent à la cour qu’après
leur mariage (Stendhal). ‖ 2. Par extens.
Formes cérémonieuses qui marquent les
rapports entre les particuliers : Notre
étiquette est aussi indulgente pour nous-
mêmes que pour eux (Musset).

• SYN. : II, 1 protocole ; 2 cérémonial, déco-


rum, rite.

étirable [etirabl] adj. (de étirer ; 1864,


Littré). Qui peut être étiré : Le plomb est
plus étirable que le fer.

étirage [etiraʒ] n. m. (de étirer ; 1812,


Hassenfratz, au sens 1 ; sens 2, 1836, Acad. ;
sens 3, XXe s.). 1. En métallurgie, opération
consistant à faire passer, à froid, une barre
ou un tube à travers une filière pour lui
donner une plus grande longueur et une
section plus petite. ‖ 2. Action d’étirer les
rubans des fibres textiles. ‖ Banc d’étirage,
machine utilisée pour étirer les matières
textiles. ‖ 3. Procédé de fabrication conti-
nue du verre à vitre consistant à étirer une
feuille de verre fondu.

• SYN. : 1 filetage, tréfilage.

étire [etir] n. f. (déverbal de étirer ; 1437,


Gay, écrit estire, au sens de « machine à
hisser » ; sens actuel, 1606, Nicot, écrit estire
[étire, 1743, Trévoux]). Outil de corroierie.

étiré, e [etire] adj. (part. passé de étirer ;


XXe s., comme adj. et n. m.). En phonétique,
se dit des voyelles qui se prononcent avec
les lèvres étirées (par opposition à arrondi).
& étiré n. m. Barre métallique ou tube
obtenus par étirage.

étirement [etirmɑ̃] n. m. (de étirer ;


1611, Cotgrave, écrit estirement [étire-
ment, XIXe s.], au sens 1 ; sens 2 et 3, 1879,
A. Daudet). 1. Action d’étirer, d’allonger ;
résultat de cette action : Mais je reconnais
que cet étirement du récit permet sur une
plus grande surface le contact du lecteur
avec les personnages (Gide). ‖ 2. Action de
s’étirer les membres : Un dormeur [...] que
l’entrée du roi dérangea et fit retourner avec
un bâillement édenté, l’étirement sans fin
de deux bras maigres (Daudet). Il se leva,
roidi de sa longue veille, et d’un étirement il
brisa tous ses angles (Colette). ‖ 3. État des
traits du visage tirés par la fatigue : Éline,
sans répondre, restait distraite, absorbée,
un étirement de souffrance et de lassitude
sur sa pâleur (Daudet).

• SYN. : 1 allongement, extension.

étirer [etire] v. tr. (de é-, es- [lat. ex-,


préf. à valeur intensive], et de tirer ; fin du
XIIIe s., Doon de Mayence, écrit estirer, au
sens de « amener [quelqu’un] en tirant » ;
sens 1, 1580, Montaigne, écrit estirer [étirer,
1743, Trévoux] ; sens 2, milieu du XIXe s.,
Baudelaire). 1. Allonger ou étendre en
tirant : Étirer un fil de verre. ‖ Spécialem.
Travailler le cuir avec l’étire. ‖ 2. Par
extens. Étendre, allonger les membres

pour leur redonner de la souplesse : Des


fantômes puissants qui, dans les crépus-
cules, | Déchirent leur suaire en étirant leurs
doigts (Baudelaire). On l’avait déjà étiré sur
le poteau pour recevoir les coups de fouet
(Renan). Suzanne étirait ses beaux bras en
soupirant, pour rompre l’enchantement de
l’immobilité (Duhamel).
• SYN. : 1 fileter, tréfiler ; 2 déployer, étaler,
ouvrir.

& s’étirer v. pr. (1812, Boiste). Fam. Étendre


ses membres : Le tigre jaune au dos rayé
s’étire et pleure (Verlaine). Parfois, un petit
garçon s’étirait avec bruit et regardait,
d’un oeil stupéfait, les enfants, le tableau,
les murailles, ce monde incompréhensible
(Duhamel).

• SYN. : se détendre.

étireur, euse [etiroer, -øz] adj. (de étirer ;


1845, Bescherelle [comme n. m., au sens de
« cylindre étireur », 1812, Hassenfratz]).
Qui sert à étirer : Cylindre étireur.

& n. (1845, Bescherelle). Personne dont la


tâche est d’étirer des métaux, des cuirs ou
des matières textiles.

& étireuse n. f. (1907, Larousse). Appareil


muni d’une filière, permettant de fabriquer
des briques.

étisie [etizi] n. f. (réfection, d’après étique,


de hectisie [fin du XVIe s.], lui-même formé,
d’après phtisie, sur hectique [v. ÉTIQUE] ;
av. 1719, Mme de Maintenon). Vx. État
d’amaigrissement extrême ; consomption :
Une saute perpétuelle d’étisie et d’embon-
point (Huysmans).

étoc [etɔk] n. m. (var. de estoc, souche,


tronc [v. ce mot] ; 1845, Bescherelle). Cime
pointue émergeant à marée basse ; tête de
rocher.

étoffe [etɔf] n. f. (déverbal de étoffer [v.


ce mot] ; 1241, Godefroy, écrit estophe
[estoffe, v. 1268, É. Boileau ; étoffe, 1636,
Monet], au sens de « matière, toute sorte de
matériaux » ; sens I, 1, 1599, Havard ; sens I,
2, 1624, Livet ; sens I, 3, v. 1360, Froissart ;
sens I, 4, XVe s. ; sens II, 1, 1723, Savary
des Bruslons ; sens II, 2, 1756, Encyclopédie
[basse étoffe, 1723, Savary des Bruslons]).

I. 1. Nom générique désignant toute


espèce de tissu de laine, de fil, de coton
ou de soie, et servant à faire des vête-
ments, des tentures : Une étoffe souple,
légère, transparente. Une étoffe lourde,
roide. ‖ Tailler en pleine étoffe, tailler
largement ; au fig., user sans restriction
de ce qu’on a à sa libre disposition. ‖ Fig.
et vx. On n’a pas épargné, on n’a pas
plaint l’étoffe, on a largement fourni, on
a donné plus que le nécessaire. ‖ 2. Fig.
Matière d’une production de l’esprit : Une
comédie qui manque d’étoffe. ‖ 3. Class.
et fig. Ensemble des qualités, bonnes ou
mauvaises, qui caractérisent une per-
sonne ou une chose : Il y a des gens d’une
certaine étoffe ou d’un certain caractère
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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avec qui il ne faut jamais se commettre


(La Bruyère). ‖ Auj. Ensemble des qua-
lités et des aptitudes qui constituent une
personnalité : Avoir l’étoffe d’un géné-
ral. ‖ Avoir de l’étoffe, montrer les plus
grandes qualités, faire preuve de valeur
personnelle. ‖ 4. Class. Condition so-
ciale : Les paysans et autres personnes de
basse étoffe (Sorel).

II. 1. Vx. Alliage de fer et d’acier dont on


se servait pour la fabrication des canons.
‖ 2. Alliage d’étain et de plomb avec le-
quel sont faits les tuyaux d’orgue.

• SYN. : I, 2 fond, matériaux ; 3 capacités,


moyens.

& étoffes n. f. pl. (1823, Boiste). Ce que fait


payer un imprimeur en plus des frais de
composition et de tirage pour couvrir ses
frais généraux et réaliser un bénéfice.

étoffé, e [etɔfe] adj. (part. passé de étof-


fer ; début du XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, av.
1778, Voltaire ; sens 3, 1688, Miege ; sens
4, v. 1770, J.-J. Rousseau). 1. Qui est fait de
beaucoup d’étoffe : La robe étoffée de la
vieille tante s’ajusta parfaitement sur la
taille mince de Sylvie (Nerval). ‖ 2. Qui
a des formes amples, qui est replet : La
démarche onduleuse comme une couleuvre
debout sur sa queue, les hanches étoffées
et mouvantes (Gautier). Quoiqu’il parût
étoffé, presque dodu, il était souvent malade
(Duhamel). Des boeufs étoffés. ‖ 3. Fig. Qui
est riche de matière ; qui est bien déve-
loppé : Un roman bien étoffé. ‖ 4. Voix
étoffée, voix qui est forte, pleine, sonore.

étoffement [etɔfmɑ̃] n. m. (de étoffer ;


début du XVe s., écrit estoffement, aux sens
de « action d’orner, ce qui orne, ameuble-
ment » ; écrit étoffement, au sens actuel,
1856, Goncourt). Action d’étoffer ; manière
de disposer une étoffe pour donner plus
d’ampleur aux vêtements.

étoffer [etɔfe] v. tr. (francique *stopfôn,


rembourrer, du germ. occidental *stop-
pôn, même sens ; fin du XIIe s., Geste des
Loherains, écrit estof[f]er [étoffer, 1636,
Monet], au sens de « rembourrer [un
meuble, un collier, etc.] » ; sens 1-2, 1611,
Cotgrave ; sens 3, 1877, Littré ; sens 4, 1580,
Montaigne). 1. Garnir avec de l’étoffe :
Étoffer un canapé. ‖ 2. Mettre plus ou
moins d’étoffe dans la confection d’un
vêtement : Bien étoffer une robe. ‖ 3. En
sculpture, donner plus d’ampleur à une
figure en l’ornant d’un déploiement de dra-
perie. ‖ Étoffer un paysage, y introduire des
éléments qui le meublent : personnages,
animaux. ‖ 4. Fig. Rendre une oeuvre lit-
téraire plus nourrie, plus riche de faits :
Étoffer un roman, une comédie.

• SYN. : 1 couvrir, recouvrir ; 4 développer,


enrichir, meubler, nourrir. — CONTR. : 1
dégarnir ; 4 abréger, écourter, raccourcir,
résumer, simplifier.

& s’étoffer v. pr. (milieu du XXe s.). Devenir


plus fort ; se développer, prendre de la

consistance : S’étoffer en faisant du sport.

Le dossier de l’accusation s’est étoffé.

• SYN. : s’élargir, se fortifier. — CONTR. :


amincir, fondre (fam.), maigrir, se ratati-
ner (fam.).

étoile [etwal] n. f. (lat. pop. *stēla, lat. class.


stella, étoile, figure en forme d’étoile ; 1080,
Chanson de Roland, écrit esteile [estoile, v.
1175, Chr. de Troyes ; étoile, 1636, Monet],
aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, v. 1630, Voiture ;
sens II, 1, av. 1613, M. Régnier ; sens II, 2 et
6, 1690, Furetière ; sens II, 3, 1626, Livet ;
sens II, 4, 1669, Widerhold ; sens II, 5, 1864,
Littré ; sens II, 7, av. 1834, Béranger ; sens II,
8, 1942 ; sens II, 9, début du XXe s. ; sens II,
10, 1870, Larousse [en botanique ; étoile de
mer, « astérie », milieu du XVIe s.] ; sens II,
11, XXe s. ; sens III, depuis 1865, G. Esnault).

I. 1. Dans le langage courant, tout astre


qui brille dans le ciel, à l’exception de la
Lune et du Soleil. ‖ L’étoile du soir, du
matin, ou l’étoile du berger, la planète
Vénus. ‖ Étoile filante, phénomène lumi-
neux dû au déplacement d’un corpuscule
solide porté à l’incandescence par son
frottement dans les couches supérieures
de l’atmosphère. ‖ Fam. À la belle étoile,
en plein air, la nuit : Coucher, dormir à
la belle étoile. ‖ Voir les étoiles en plein
midi, être affecté d’un vif éblouissement
à la suite d’un coup reçu. ‖ 2. En astro-
nomie, corps céleste brillant d’une lu-
mière qui lui est propre, et qui apparaît,
soit à l’oeil nu, soit dans les instruments
d’observation, sous la forme d’un point
lumineux sans diamètre apparent : On
distingue, selon leur intensité lumineuse,
les étoiles de première et de deuxième
grandeur. ‖ Étoile double, triple, etc.,
groupe de deux, trois étoiles, etc., qui
ne peuvent être distinguées que par une
lunette puissante. ‖ Étoile géante, étoile
de grande luminosité et de faible den-
sité par opposition à étoile naine, étoile
de forte densité et de luminosité relati-
vement faible. ‖ Étoile polaire, l’étoile,
visible à l’oeil nu, qui est la plus proche
du pôle Nord de la sphère céleste et qui
indique le nord. ‖ 3. En astrologie, astre
considéré comme influençant la desti-
née humaine. ‖ Être né sous une bonne
étoile, mener une vie heureuse, marquée
par une chance persistante. ‖ Être né
sous une mauvaise étoile, mener une vie
pénible, malheureuse, marquée par la
malchance. ‖ Être la bonne, la mauvaise
étoile de quelqu’un, lui apporter la chance
ou le malheur : C’est une vérité, je fus la
mauvaise étoile de mes parents. Du jour
de ma naissance, d’incroyables malheurs
les assaillirent par vingt endroits (Dau-
det). ‖ L’étoile de quelqu’un, sa destinée :
Bonaparte ne voyait que le but et son
étoile (France). Il croyait, je n’ose dire à
la providence, mais bien du moins à son
étoile, et qu’un certain bonheur lui était
dû tout comme l’air aux poumons qui le

respirent (Gide). ‖ Spécialem. La puis-


sance, la gloire de quelqu’un : Les guerres
désastreuses ont fait pâlir l’étoile de
Louis XIV. ‖ Class. Qualités innées, na-
ture, destinée : Il ne saurait se défendre
d’aimer, c’est son étoile (Furetière).

II. 1. Ce qui, par sa forme, rappelle une


étoile : Quelques gouttes de pluie tombent
déjà. Chaque goutte, en tombant sur le re-
bord de la croisée, fait une large étoile dans
la poussière entassée là depuis les pluies de
l’an dernier (Daudet). ‖ 2. Polygone ré-
gulier aux angles rentrants : Dessiner une
étoile à cinq branches. ‖ 3. Tache blanche
sur le front d’un boeuf, d’un cheval dont
la robe est foncée. ‖ 4. Astérisque mar-
quant un renvoi ou remplaçant des lettres
manquantes dans un mot écrit en abré-
gé. ‖ 5. Fêlure rayonnant autour d’un
point. ‖ 6. Rond-point où aboutissent
plusieurs avenues : La place de l’Étoile,
à Paris. ‖ 7. Décoration consistant dans
une croix à cinq branches : L’étoile noire
du Bénin. ‖ Croix à cinq branches, bro-
dée en or ou en argent, insigne du grade
des officiers généraux. ‖ Obtenir, gagner
ses étoiles, accéder au grade de général.
‖ 8. Étoile servant de marque distinc-
tive : Le port de l’étoile jaune fut rendu
obligatoire pour tous les israélites pendant
la Seconde Guerre mondiale. ‖ 9. Em-
blème figurant sur les drapeaux de divers
pays. ‖ L’étoile rouge, insigne adopté par
l’armée soviétique. ‖ 10. Étoile jaune, en
botanique, nom usuel du gagea, ou orni-
thogale. ‖ Étoile d’argent, nom usuel de
l’edelweiss. ‖ Étoile de mer, en zoologie,
nom usuel de l’astérie. ‖ 11. En étoile,
s’applique à différents objets ou disposi-
tions analogues par la forme à une étoile :
Moteur en étoile. ‖ Disposition en étoile,
manière de grouper plusieurs circuits
parcourus par des courants polyphasés.

III. Personne qui brille par son talent, sa


renommée, notamment dans le monde
du spectacle (s’applique surtout aux dan-
seuses) : Danseuse étoile. Engagés comme
étoiles, suivant l’expression anglaise, dans
un café-concert de Plymouth (Goncourt).
On se console d’être obligé de rentrer dans
le rang, en pensant qu’on a été « étoile »
pendant un mois (Daudet). Nana, l’étoile
nouvelle, qui doit jouer Vénus (Zola).
Malheureusement, depuis des années
qu’elle avait quitté les grandes scènes et
faisait la fortune d’un théâtre de boule-
vard dont elle était l’étoile, elle ne jouait
plus de classique (Proust).

étoilé, e [etwale] adj. (de étoile [v. ce


mot] ; v. 1112, Voyage de saint Brendan, écrit
estelé [estoilé, XIVe s., Littré ; étoilé, 1636,
Monet], au sens 1 ; sens 2-3, v. 1130, Eneas ;
sens 4, 1636, Monet). 1. Qui est parsemé
d’étoiles : Sous le dôme étoilé qui sur nos
fronts flamboie (Hugo). Par-delà les confins
des sphères étoilées (Baudelaire). ‖ Poétiq.
Poussière étoilée, astres qui brillent la nuit
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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dans le ciel. ‖ Poét. Voûte étoilée, voûte


céleste semée d’étoiles. ‖ 2. Parsemé de
motifs brillants, orné de parures scin-
tillantes, de bijoux en forme d’étoile : À
tout hasard il monta dans les bibliothèques,
à cette heure frileuses et désertes, leurs
vitres étoilées de givre en l’absence de tout
chauffage (Daudet). Les épaules nues étoi-
lées de diamants (Zola). ‖ 3. Se dit d’un
objet sur lequel sont dessinées des étoiles :
Le bâton étoilé des maréchaux de France.
‖ La bannière étoilée, le drapeau des États-
Unis d’Amérique. ‖ 4. Qui est en forme
d’étoile : Sur la neige on voit se suivre | Les
pas étoilés des oiseaux (Gautier). ‖ Corolle
étoilée, en botanique, se dit d’une corolle
dont la disposition rappelle le dessin d’une
étoile. ‖ Ganglion étoilé, en anatomie, le
ganglion sympathique cervical inférieur.
(Syn. GANGLION STELLAIRE.)

• SYN. : 2 constellé.

& étoilé n. m. (1870, Larousse). Nom usuel


d’un papillon du genre orgyia.

étoilement [etwalmɑ̃] n. m. (de étoi-


ler ; 1845, Bescherelle, au sens 2 ; sens 1,
av. 1896, Goncourt). 1. Action de rayonner
à la manière des étoiles (rare) : L’étoilement
des cierges dans la clarté ensoleillée du
jour (Goncourt). ‖ 2. Fêlure en forme
d’étoile, dans une vitre, une porcelaine,
etc. : L’étoilement d’une glace. ‖ Réseau de
fentes et de crevasses disposées en étoile.

étoiler [etwale] v. tr. (de étoile [v. ce mot] ;


fin du XIIe s., écrit esteler [estoiler, XVIe s. ;
étoiler, XVIIIe s.], aux sens 1 et 3 ; sens 2,
1835, V. Hugo ; sens 4, 1845, Bescherelle).
1. Semer d’étoiles : La nuit étoile le ciel.
‖ 2. Littér. Éclairer de points lumineux
comme des étoiles : À peine quelque lampe
au fond des corridors | Étoilait l’ombre obs-
cure (Hugo). La lumière pénétra entre les
branches [...], enveloppa les troncs d’arbres et
les étoila (Bazin). ‖ 3. Parsemer de motifs,
d’objets qui rappellent les étoiles par leur
forme, leur éclat, leur disposition : Nobles
lambeaux, défroque épique, | Saints haillons
qu’étoile une croix (Gautier). Leurs reins
féconds sont pleins d’étincelles magiques |
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
| Étoilent vaguement leurs prunelles mys-
tiques (Baudelaire). L’orage approchait ; de
larges gouttes de pluie commencèrent à étoi-
ler le trottoir (Martin du Gard). ‖ 4. Causer
une fêlure en forme d’étoile à un objet :
Étoiler une vitre.

• SYN. : 2 consteller, émailler.


& s’étoiler v. pr. (sens 1, 1858, Fromentin ;
sens 2, av. 1922, Proust ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Se couvrir d’étoiles : Ô nuit
je vois tes cieux | S’étoiler calmement
(Apollinaire). ‖ 2. Briller comme une
étoile : Les yeux de la jeune femme s’étoi-
lèrent (Proust). ‖ 3. Se fendre en étoile :
Une vitre de la devanture venait de s’étoiler
(Hugo).

• SYN. : 2 étinceler, flamboyer, luire, rayon-


ner. — CONTR. : 2 s’éteindre, se ternir.

étole [etɔl] n. f. (bas lat. ecclés. stola, étole


[en lat. class. « longue robe »], gr. stolê, équi-
pement, ajustement, habillement, vêtement,
de stellein, équiper, préparer, habiller ;
v. 1130, Eneas, écrit estole [étole, 1636,
Monet], au sens 1 ; sens 2, 1907, Larousse).
1. Ornement liturgique constitué par une
large bande d’étoffe que le prêtre porte
par-devant suspendue à son cou, et que le
diacre porte en écharpe sur l’épaule gauche
lorsqu’ils officient : Et le prêtre doré dans
l’étole rigide, | Le dimanche, officie au
désert des autels (Samain). ‖ 2. Par anal.
Longue écharpe de fourrure couvrant les
épaules et terminée par deux pans.

étolé, e [etɔle] adj. (de étole ; fin du


XIXe s., Huysmans). Revêtu d’une étole :
L’enfant qui tend les bras, le saint étolé et
mitré, sont presque décidément campés
(Huysmans).

étolien, enne [etɔljɛ̃, -ɛn] adj. et n.


(de Étolie, n. géogr., lat. AEtolia, Étolie, gr.
Aitôlia ; 1870, Larousse). Relatif à l’Étolie,
région montagneuse de la Grèce ; habitant
ou originaire de cette région.

étonnamment [etɔnamɑ̃] adv. (de éton-


nant ; 1752, Trévoux). De façon étonnante :
Un visage étonnamment mobile.

étonnant, e [etɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de étonner ; XVIe s., Ancien Théâtre françois,
au sens 1 ; sens 2, av. 1662, Pascal ; sens 3,
1683, Fontenelle ; sens 4, XXe s.). 1. Class.
Qui stupéfie et épouvante comme un coup
de tonnerre : Ô nuit désastreuse ! ô nuit
effroyable, où retentit tout à coup, comme
un éclat de tonnerre, cette étonnante nou-
velle : Madame se meurt, Madame est
morte ! (Bossuet). ‖ 2. Qui frappe l’esprit
d’admiration par son caractère extraordi-
naire : L’étonnante beauté du ciel embellis-
sait même un pays sans grâce (Fromentin).
‖ 3. Par extens. Qui surprend et retient
l’attention par son caractère inattendu,
étrange : C’est étonnant comme entre lit-
térateurs on peut s’aimer tout en se débi-
nant (Renard). C’était, de sa part, un propos
étonnant. ‖ 4. Fam. Se dit d’une personne
qui suscite l’admiration : C’est une actrice
étonnante.

• SYN. : 2 époustouflant (fam.), étourdissant,


fantastique, inouï, merveilleux, prodigieux,
saisissant, sensationnel ; 3 ahurissant,
déconcertant, effarant, insolite, renversant,
stupéfiant, surprenant. — CONTR. 2 banal,
commun, normal, quelconque ; 3 courant,
fréquent, habituel, naturel, ordinaire.

& étonnant n. m. (début du XXe s.). Ce qui


surprend et frappe l’esprit par son carac-
tère imprévu ou étrange : Il n’est pas encore
arrivé, l’étonnant est qu’il n’ait prévenu
personne de son retard.

étonné, e [etɔne] adj. (part. passé de


étonner ; XIIe s., Roncevaux, au sens 2 ;

sens 1, v. 1220, G. de Coincy ; sens 3, 1636,


Corneille). 1. Vx. Ébranlé par un choc : Il
resta un moment étonné, puis, rassemblant
ses forces, il renvoya la marmite (France).
‖ 2. Saisi par quelque chose d’inattendu :
L’animal, étonné lui-même du nouveau
péril, volte en dedans par une pirouette
(Chateaubriand). ‖ 3. Qui marque l’éton-
nement : Je le regardai d’un air étonné
(Maupassant).

• SYN. : 2 abasourdi, ahuri, ébahi, ébaubi,


estomaqué (fam.), médusé (fam.), renversé,
saisi, sidéré (fam.), soufflé (fam.), stupéfait,
suffoqué, surpris ; 3 baba (fam.), éberlué,
épaté (fam.), interdit, interloqué.

& n. (1651, Scarron). Personne étonnée :


Faire l’étonné.

étonnement [etɔnmɑ̃] n. m. (de étonner ;


début du XIIIe s., Barlaham, écrit eston[n]
ement [étonnement, XVIIe s.], au sens 1 ;
sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, 1649,
Descartes ; sens 4, 1690, Furetière). 1. Class.
Violente secousse physique : Les charrois
ont causé un si grand étonnement à ces
maisons qu’elles en dureront moins (Acad.,
1694). ‖ Auj. En architecture, lézarde dans
un édifice. ‖ En joaillerie, fêlure dans un
diamant. ‖ 2. Class. Brusque commotion
morale, épouvante comme celle que pro-
voque le tonnerre : La colère de Dieu et
sa main, qu’il voyait encore si présente,
le tenaient dans un profond étonnement
(Bossuet). ‖ 3. Class. État d’une personne
émerveillée par quelque chose d’extraor-
dinaire ; stupéfaction mêlée d’admiration :
Je ne sors pas d’admiration et d’étonnement
à la vue de certains personnages que je ne
nomme point (La Bruyère). ‖ 4. Surprise
causée par quelque chose d’inattendu
ou d’extraordinaire : Ç’a été un fameux
étonnement quand on a appris qu’elle était
enceinte (Maupassant). Mon triste étonne-
ment devant votre foi est de même nature
que votre étonnement devant la leur (Gide).
• SYN. : 4 ahurissement, ébahissement, sai-
sissement, stupéfaction, stupeur.

étonner [etɔne] v. tr. (lat. pop. *extonare,


issu, par changement de préf. [ex-, à valeur
intensive, au lieu de ad-], du lat. class. atto-
nare, frapper du tonnerre, frapper de stu-
peur, de ad-, préf. marquant le mouvement
vers, et de tonare, tonner, dér. de tonus,
tonnerre ; 1080, Chanson de Roland, écrit
estoner [estonner, XVe s. ; étonner, XVIIe s.],
au sens 1 ; sens 2, 1652, Pascal ; sens 3-4,
XIIe s., Roncevaux). 1. Class. Frapper, ébran-
ler d’une vive commotion physique, à la
manière du tonnerre : Le branle des cloches
a étonné cette tour (Acad., 1694). ‖ Auj. En
termes d’architecture, ébranler, provoquer
des lézardes : Étonner une voûte. ‖ 2. Class.
et fig. Rendre chancelant, ébranler : Ma
faiblesse n’a pas étonné mon ambition
(Pascal). ‖ 3. Class. et fig. Frapper d’une
vive émotion, épouvanter comme le ferait
la foudre : On le vit étonner de ses regards
étincelants ceux qui échappaient à ses
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1730

coups (Bossuet). ‖ 4. Frapper, surprendre


l’esprit par quelque chose d’extraordinaire
ou d’inattendu : Des hommes dont le corps
est mince et vigoureux | Et des femmes dont
l’oeil par sa franchise étonne (Baudelaire).
Cette société mondaine et vive l’étonne ; il
est un savant, pas un homme ; sa science
le gêne (Gide).

• SYN. : 4 abasourdir, ahurir, confondre,


déconcerter, ébahir, ébaubir, éberluer (fam.),
épater (fam.), époustoufler (fam.), estoma-
quer (fam.), interdire, interloquer, renverser,
saisir, stupéfier, suffoquer.

• REM. Être étonné que se construit avec


le subjonctif : J’ai été maintes fois étonné
que la grande gloire de Balzac fût de pas-
ser pour un observateur (Baudelaire) ; on
pouvait employer l’indicatif au XVIIe s. :
Je fus tout étonné que Gourville l’envoya
quérir (Sévigné).

& s’étonner v. pr. (sens 1, av. 1559, J. Du


Bellay ; sens 2, fin du XIIe s., Dialogues
de saint Grégoire). 1. Class. Éprouver un
sentiment d’épouvante : Les ennemis
plièrent, leur infanterie même s’étonna
(Retz). ‖ 2. Éprouver de la surprise : Elle
ne disait presque rien, mais on ne s’en éton-
nait pas (Gide).

• SYN. : 2 s’inquiéter.

• REM. S’étonner que se construit norma-


lement avec le subjonctif : Je m’étonne que
vous n’ayez pas prévu cet accident (Acad.).
Faut-il s’étonner qu’il ne soit pas aimé ?
(Littré) ; ou avec l’infinitif : Je m’étonne
de le voir partir. Mais on peut aussi em-
ployer l’indicatif avec la tournure s’éton-
ner de ce que : Je m’étonne de ce qu’il n’est
pas venu.

étonnure [etɔnyr] n. f. (de étonner, au


sens de « fêler — un diamant — » [1829,
Boiste] ; 1864, Littré). Éclat dans un
diamant.

étoquiau [etɔkjo] n. m. (dimin. de estoc,


souche, tronc, bâton [v. ce mot], qui dési-
gnait de nombreux instruments et pièces
dans les vocabulaires techniques [pieux,
traverses, crampons, clous, etc.] ; 1462,
Godefroy, écrit estoquiau [étoquiau, 1756,
Encyclopédie], au sens de « sorte de cheville
pour horloge » ; sens 1, 1690, Furetière ; sens
2, 1930, Larousse). 1. Dans une serrure,
pièce d’assemblage servant à relier à la
cloison la boîte qui contient le mécanisme.
‖ 2. Dans une automobile, ergot porté par
chaque lame de ressort de suspension, lui
permettant de coulisser dans celle qui est
au-dessus. ‖ Boulon d’assemblage des
lames de ressort de suspension.

étouffade [etufad] n. f. (var. orthogr.


de estouffade [1669, Widerhold], ital. stu-
fata, de formation et de sens analogues au
franç. étuvée [v. ce mot] ; 1658, Scarron).
Vx. Syn. de ÉTOUFFÉE : Il fallait à Flaubert
des beurres de Normandie et des canards
rouennais à l’étouffade (Daudet).

étouffage [etufaʒ] n. m. (de étouffer ;


1845, Bescherelle, aux sens 1-2 ; sens 3,
1888, Villatte). 1. En sériciculture, action
d’étouffer les cocons. ‖ 2. En apiculture,
action d’asphyxier les abeilles. ‖ 3. Vx et
pop. Action d’escamoter.

étouffant, e [etufɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de étouffer ; 1562, J. Grévin, au sens 1 ; sens
2, av. 1869, Sainte-Beuve). 1. Qui empêche
de respirer librement ; qui met mal à
l’aise : Peu à peu la chaleur était devenue
étouffante dans la chambre (Zola). Bien
que toutes les croisées fussent ouvertes
partout, l’atmosphère restait étouffante
(Martin du Gard). ‖ 2. Fig. Qui paralyse
la libre activité de quelqu’un, qui entrave
la liberté : Les amis uniques [...] allaient
être relégués, demain, dans quelque ville
étouffante et tracassière (Sainte-Beuve). Le
malaise étouffant qui couve les orages pèse
sur les âmes (Saint-Victor).

• SYN. : 1 accablant, lourd, suffocant ; 2


asphyxiant, paralysant, pesant. — CONTR. :
1 frais, vif, vivifiant ; 2 exaltant, stimulant,
tonique.

étouffé, e [etufe] adj. (part. passé de


étouffer ; 1760, Voltaire). Qu’on ne laisse
pas entendre dans tout son éclat ou toute
son ampleur : Un bruit étouffé. Nous en
fîmes autant, malades de rires étouffés
(Maupassant).

• SYN. : amorti, assourdi, feutré, sourd.

& étouffé n. m. (XXe s.). Indication portée


sur les partitions des instruments à percus-
sion, selon laquelle les exécutants doivent
interrompre les vibrations.

étouffe-chrétien [etufkretjɛ̃] n. m.
invar. (de étouffe, forme du v. étouffer, et
de chrétien, n. m. ; XXe s.). Fam. Aliment
pâtisserie difficiles à avaler à cause de leur
consistance épaisse.

étouffée [etufe] n. f. (part. passé fém.


substantivé de étouffer ; fin du XIVe s.,
puis 1856, Lachâtre). Mode de cuisson
des viandes ou des légumes à la vapeur
dans une marmite bien fermée : Cuire à
l’étouffée. Une perdrix à l’étouffée.

• SYN. : estouffade, étouffade, étuvée.

étouffement [etufmɑ̃] n. m. (de étouf-


fer ; XIVe s., Godefroy, écrit estouffement
[étouffement, XVIIe s.], au sens 1 ; sens
2, fin du XIXe s., A. Daudet [étouffement
d’air, « chaleur accablante », 1660, Oudin] ;
sens 3, 1864, Littré). 1. Action d’étouffer
quelqu’un ; le fait d’être étouffé : Le noyé
meurt par étouffement. ‖ État patholo-
gique qui se traduit par la gêne dans la
respiration : Elle eut des étouffements aux
premières chaleurs (Flaubert). J’eus presque
chaque jour de ces crises d’étouffement
pendant ma convalescence (Proust). Mes
étouffements tendent à prendre un nouveau
caractère : spasmodique (Martin du Gard).
‖ 2. Atmosphère étouffante : La fraîcheur
leur semblait bonne après l’étouffement de

la guinguette, dont l’aspect était du reste


lugubre au jour levant (Daudet). ‖ 3. Fig.
Action de réprimer, de réduire au silence :
L’étouffement d’une émeute.

• SYN. : 1 asphyxie ; dyspnée, suffocation ; 2


touffeur (littér.) ; 3 écrasement, répression.

étouffer [etufe] v. tr. (altér., par croise-


ment avec l’anc. franç. estofer, rembour-
rer [v. ÉTOFFER], de l’anc. franç. estoper,
obstruer, bourrer [v. ÉTOUPER] ; XIIIe s.,
Godefroy, écrit estofer [estouffer, XIVe s. ;
étouffer, 1564, Indice de la Bible], au sens
4 ; sens 1, 1535, Olivétan [« tuer en géné-
ral », fin du XVe s., Commynes] ; sens 2,
1677, Miege ; sens 3, XIVe s. [fam. et ironiq.,
1936, Aragon] ; sens 5, v. 1360, Froissart ;
sens 6, 1564, Indice de la Bible ; sens 7, av.
1863, Vigny ; sens 8, 1838, Acad. ; sens 9,
milieu du XVIIe s. [pour une révolte ; pour
une affaire, 1671, La Fontaine] ; sens 10,
XIXe s. ; sens 11, 1888, Villatte ; sens 12,
1745, G. Esnault). 1. Faire mourir un être
animé en lui faisant perdre la respiration,
en l’asphyxiant : L’assassin a étouffé sa vic-
time sous un oreiller. Étouffer un pigeon.
‖ 2. Par exagér. Empêcher, gêner la respi-
ration de quelqu’un : Une quinte de toux
l’étouffe. La rage l’étouffe. ‖ 3. Fig. Susciter
chez quelqu’un une impression de gêne,
d’oppression, de paralysie : Cette vie de
petite ville lui pesait, l’étouffait (Daudet).
Ils m’ont étouffé dans leur douceur bour-
geoise (Zola). ‖ Fam. et ironiq. Ce n’est pas
la politesse, l’honnêteté, etc., qui l’étouffe,
il n’est guère poli, honnête, etc. ‖ 4. Gêner
la croissance d’une plante en la privant
d’air et de lumière : Dans le jardin aban-
donné, les fleurs sont étouffées par les orties.
‖ 5. Arrêter la combustion d’une chose en
la privant d’oxygène : Étouffer un brasier,
un feu. ‖ 6. En parlant d’un son, le rendre
moins éclatant, moins perceptible : Je me
mis à pleurer comme un enfant ; j’avais
peine à étouffer avec mon mouchoir le bruit
de mes larmes (Chateaubriand). Que de fois
je me suis avancé seul sur la piste inconnue,
étouffant le bruit de mes pas dans l’espoir
de surprendre le gibier que notre escorte
faisait fuir (Gide). ‖ 7. Couvrir par un autre
bruit : Le tambour étouffait à mes oreilles
la voix des maîtres (Vigny). Le cantique,
par instants, étouffe le canon : « Sauvez,
sauvez la France, | Au nom du Sacré-Coeur »
(Dorgelès). ‖ 8. Fig. Étouffer une voile, en
termes de marine, serrer une voile contre
le mât pour l’empêcher de prendre le vent
au moment où on amène la voilure. ‖ 9. Fig.
Empêcher de se produire ; ne pas laisser
se développer : Étouffer une affaire, un
scandale. Étouffer une révolte. ‖ 10. Fig.
Supprimer, faire disparaître peu à peu :
Malheur aussi à la raison le jour où elle
étoufferait la religion (Renan). ‖ 11. Vx et
pop. Faire disparaître rapidement, déro-
ber adroitement : Où qu’ils m’ont étouffé
ma voiture ? (France). ‖ 12. Vx et pop.
Absorber rapidement et entièrement :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1731

Celui-ci, le matin, tout en étouffant son


pierrot de vin blanc... (Huysmans).

• SYN. : 1 asphyxier, étrangler ; 2 oppres-


ser, suffoquer ; 3 écraser, paralyser, peser ; 5
éteindre ; 6 amortir, assourdir, couvrir, feu-
trer ; 7 dominer, noyer ; 9 briser, endiguer,
enrayer, enterrer (fam.), juguler, mater,
museler, réprimer, stopper. — CONTR. : 3
aiguillonner, exalter, fouetter, stimuler ; 5
alimenter, allumer, attiser ; 6 accentuer,
amplifier, grossir, intensifier ; 9 déchaîner,
encourager, exciter, fomenter.

& v. intr. (sens 1-2, 1559, Amyot ; sens 3, fin


du XVIe s.). 1. Mourir par manque de respi-
ration, par asphyxie : Un animal dépourvu
de branchies étouffe dans l’eau. ‖ 2. Pouvoir
à peine respirer ; manquer de respiration.
‖ Avoir trop chaud : Étouffer de chaleur.
Je suais comme un moribond, j’étouffais,
par moments perdais connaissance (Gide).
‖ Étouffer de rire, de rage, rire, être en rage
à en perdre la respiration. ‖ 3. Fig. Se sentir
mal à l’aise dans un endroit : Étouffer dans
un milieu d’hypocrisie.

& s’étouffer v. pr. (sens 1, 1671, Pomey ;


sens 2, 1682, Mme de Maintenon). 1. Perdre
momentanément la respiration : S’étouffer
en mangeant. S’étouffer de rage. ‖ 2. Se
serrer, être serrés les uns contre les autres
au point d’être mal à l’aise : On s’étouffait à
la huitième chambre, où l’affaire Albin Fage
venait enfin, après une interminable ins-
truction et tout un jeu de hautes influences
pour entraver la procédure (Daudet).

étouffeur, euse [etufoer, -øz] n. (de


étouffer ; 1776, Valmont de Bomare, au
sens de « boa » [animal] ; sens actuel,
1801, Brunot). Personne qui étouffe un
être animé (peu usité) ; et au fig. : Le vaste
étouffeur des plaintes et des râles (Hugo).

étouffoir [etufwar] n. m. (de étouffer ;


1671, Pomey, au sens de « instrument pour
éteindre des cierges » ; sens 1, 1680, Richelet ;
sens 2, v. 1960 ; sens 3, 1948, Larousse ; sens
4, 1803, Boiste ; sens 5, 1864, Littré ; sens 6,
milieu du XIXe s., Baudelaire). 1. Récipient
en métal, muni d’un couvercle étanche,
dans lequel on enfermait la braise allu-
mée pour l’éteindre et la conserver. ‖ 2. En
métallurgie, récipient en tôle, conique ou
cylindroconique, servant à retenir ou à
étouffer les vapeurs de zinc pendant les
premiers temps de la distillation. ‖ 3. En
aéronautique, dispositif destiné à arrêter le
fonctionnement du moteur en supprimant
l’admission d’air. ‖ 4. En musique, pièce
de bois garnie de feutre, destinée à étouffer
les vibrations des cordes du clavecin ou du
piano. ‖ 5. Fam. et vx. Salle dont l’atmos-
phère est chaude et confinée : Des étouffoirs
qui nécessitaient les copieuses rasades de
bière (Huysmans). ‖ 6. Fig. et vx. Endroit
où les facultés intellectuelles, la personna-
lité ne peuvent s’épanouir : Bientôt on le
jette dans une maison de banque, un grand
étouffoir (Baudelaire).

étoupage [etupaʒ] n. m. (de étouper ;


1567, Coutumier général, écrit estoupaige,
au sens de « bonde d’un ruisseau » ; écrit
estouppage, au sens 2, 1723, Savary des
Bruslons [étoupage, 1752, Trévoux] ; sens
1, 1838, Acad.). 1. Action d’étouper. ‖ 2. Ce
qui sert à étouper.

étoupe [etup] n. f. (lat. stuppa, étoupe,


filasse, gr. stuppê, mêmes sens, de stuphein,
resserrer, contracter ; XIIe s., écrit estoupe
[étoupe, 1636, Monet], au sens 1 [avoir les
cheveux comme de l’étoupe, XXe s.] ; sens
2, 1690, Furetière ; sens 3, fin du XVIe s.
[mettre le feu auprès des estoupes, même
sens, v. 1534, Bonaventure Des Périers]).
1. Déchet produit lors du teillage ou du
peignage des fibres textiles végétales,
notamment du chanvre et du lin. ‖ Avoir
les cheveux comme de l’étoupe, emmêlés,
difficiles à peigner. ‖ 2. Dans la marine,
filasse obtenue à partir du chanvre neuf
ou de vieux cordages détordus, et servant
à calfater les bateaux en bois. ‖ 3. Fig. et
vx. Mettre le feu aux étoupes, allumer, faire
naître un mouvement séditieux ; exciter
aux passions violentes.

étoupé, e [etupe] adj. (de étoupe ; fin


du XIXe s., A. Daudet). Littér. Effiloché
comme de l’étoupe : Des silhouettes
d’hommes et de femmes faisaient les
mêmes taches grises et lourdes dans ces
vapeurs blanches, étoupées au ras du sol
(Daudet).

étouper [etupe] v. tr. (lat. pop. *stup-


pare, boucher avec de l’étoupe, de stuppa
[v. ÉTOUPE] ; v. 1120, Psautier d’Oxford,
écrit estouper [estoper, v. 1175, Chr. de
Troyes ; estuper, début du XIIIe s. ; étou-
per, 1636, Monet], au sens 1 ; sens 2,
1811, Mozin ; sens 3, fin du XIXe s., A.
Daudet). 1. Boucher avec de l’étoupe ou
avec d’autres matières semblables : Les
interstices étaient étoupés de mousses et
de plantes sauvages (Gautier). La voie
d’eau était masquée, mais n’était pas
étoupée (Hugo). ‖ Fam. et vx. Avoir les
oreilles étoupées, bouchées avec du coton.
‖ 2. Chez les doreurs, mettre une pièce à
l’endroit où une feuille d’or n’a pas assez
d’épaisseur. ‖ 3. Littér. Rendre plus sourd,
moins distinct, comme si le son était inter-
cepté par un bouchon, un mur d’étoupe :
Un coup de feu assez proche, mais comme
étoupé par le léger brouillard d’arrière-
saison (Daudet).

• SYN. : 1 aveugler, calfater.

étoupeux, euse [etupø, -øz] adj. (de


étoupe ; 1838, Acad.). Qui a l’aspect
irrégulier du fil d’étoupe : Une toile
étoupeuse.

étoupille [etupij] n. f. (de étoupe ; 1632,


Barbier, écrit estoupille [étoupille, 1752,
Trévoux], au sens 1 ; sens 2, 1842, Mozin).
1. Autref. Mèche d’étoupe inflammable
servant d’amorce à la charge d’un canon.
‖ 2. Artifice contenant une composition

fulminante pour la mise à feu d’une charge


propulsive ou explosive : Étoupille à per-
cussion, étoupille électrique.

• SYN. : 2 amorce, détonateur.

étoupiller [etupije] v. tr. (de étoupille ;


1752, Trévoux). Munir d’une étoupille :
Étoupiller un canon, une mine.

étoupillon [etupijɔ̃] n. m. (de étoupe ; fin


du XIVe s., écrit estoupillon ; écrit étoupillon,
1835, Acad.). Autref. Bouchon d’étoupe
servant à préserver la lumière du canon
de l’humidité.

étourderie [eturdəri] n. f. (de étourdi ;


1675, Bouhours, au sens 2 ; sens 1, 1740,
Acad.). 1. Caractère d’une personne étour-
die ; défaut de réflexion, de prévoyance :
Monseigneur interrompit avec une feinte
étourderie (France). ‖ 2. Action, faute
commise par inattention : La duchesse et
le ministre eurent bien à réparer quelques
étourderies (Stendhal).

• SYN. : 1 distraction, inattention, inconsé-


quence, insouciance, irréflexion, légèreté ; 2
bévue, gaffe (fam.), impair (fam.), inadver-
tance, maladresse. — CONTR. : 1 application,
attention, circonspection, pondération,
réflexion, sérieux, vigilance.

étourdi, e [eturdi] adj. (part. passé


de étourdir ; fin du XIe s., Chanson de
Guillaume, écrit estordi [estourdi, XIIIe s. ;
étourdi, 1636, Monet], au sens 1 ; sens 2,
XIVe s., Cuvelier). 1. Qui a perdu l’usage
de ses facultés intellectuelles, hébété :
Rester étourdi après un choc. Ils étaient
fort étourdis en sortant, troublés comme des
gens à jeun, dont le ventre est plein d’alcool
(Maupassant). Christophe revint chez lui
étourdi de joie (Rolland). ‖ 2. Qui est dit ou
fait par étourderie : Une réponse étourdie.
L’air de doute dont tu reçus mon pauvre
amour | Qui, s’il a quelques tours étourdis
et frivoles, | N’en est pas moins, parmi ses
apparences folles | Quelque chose de tout,
tout dévoué pour toujours (Verlaine). Un
geste étourdi.

• SYN. : 2 imprudent, inconséquent, incon-


sidéré, maladroit, malavisé. — CONTR. : 2
avisé, prudent, raisonnable, réfléchi, sage.
& adj. et n. (fin du XIVe s., Chr. de Pisan).
Qui agit ou qui parle sans réflexion et sans
attention : Un élève étourdi. Se conduire
comme un étourdi. ‖ Étourdi comme un
hanneton, très étourdi.

• SYN. : braque (fam.), distrait, écervelé,


étourneau (fam.), évaporé, farfelu (fam.),
hurluberlu (fam.), inattentif, irréfléchi,
léger, rêveur. — CONTR. : appliqué, atten-
tif, circonspect, méthodique, méticuleux,
pondéré, posé, sérieux, vigilant.
& À l’étourdie loc. adv. (fin du XIVe s.,
Chronique de Boucicaut, écrit à l’estour-
die, au sens de « brusquement » ; écrit à
l’étourdie, au sens actuel, av. 1589, J.-A. de
Baïf). Sans réfléchir, aveuglément : Il fut
vingt fois tenté de braver les poignards et
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1732

de sortir à l’étourdie et sans nulle précau-


tion (Stendhal). Et, chaque fois, Antoine,
paralysé par une absurde appréhension,
au lieu d’aider son frère à franchir l’obs-
tacle, s’était cabré lui-même et dérobé, en
se jetant à l’étourdie sur n’importe quelle
piste (Martin du Gard).

étourdiment [eturdimɑ̃] adv. (de


étourdi ; XIVe s., Godefroy, écrit estordie-
ment, au sens de « brusquement » ; sens
actuel, 1582, Tabourot, écrit estourdie-
ment [étourdiment, 1671, Pomey]). D’une
manière irréfléchie : Agir étourdiment.

étourdir [eturdir] v. tr. (lat. pop. *extur-


dire, avoir le cerveau troublé [comme une
grive qui a mangé trop de raisin], de ex-,
préf. à valeur intensive, et du lat. class. tur-
dus, grive [oiseau symbolisant souvent la
sottise et la gourmandise] ; fin du XIIe s.,
écrit esturdir, estourdir [étourdir, XVIIe s.],
aux sens 1-3 ; sens 4, début du XVe s.,
Ch. d’Orléans ; sens 5, 1677, Bossuet ; sens 6,
1629, Mairet). [Conj. : v. finir.] 1. Frapper les
sens, les facultés intellectuelles d’une sorte
d’engourdissement : Étourdir quelqu’un
d’un coup de poing. Un seul verre eût
suffi pour étourdir un homme (Gautier).
‖ 2. Par extens. Causer une sorte de gri-
serie : Certains parfums étourdissent.
Paris l’étourdissait comme un provincial
en visite (Daudet). Aujourd’hui, un laissé-
pour-compte des soleils d’août nous grille,
nous étourdit, nous détraque (Colette).
‖ 3. Fatiguer par un bruit excessif : Arrête
de taper ainsi avec ce marteau ! tu nous
étourdis. ‖ 4. Importuner, lasser par une
action répétée, par des paroles importunes
ou oiseuses : Mon grand-père m’étourdissait
sans cesse du grand mot : la connaissance du
coeur humain (Stendhal). ‖ 5. Vx. Rendre
moins sensible, moins vive une souffrance,
physique ou morale : Étourdir une dou-
leur. ‖ 6. Fig. et vx. Jeter dans un trouble
moral fait d’étonnement et d’admiration :
La Sarah que je connais par sa renommée,
qui tient un demi-siècle de place, me trouble
et m’étourdit (Renard).

• SYN. : 1 assommer, sonner (pop.) ; 2 eni-


vrer, griser ; 3 abasourdir, abrutir, assour-
dir ; 4 bassiner (fam.), fatiguer, raser (pop.),
tanner (très fam.).

& s’étourdir v. pr. (sens 1, début du XVIIe s.,


Malherbe ; sens 2, 1670, Bossuet ; sens 3,
1666, La Rochefoucauld). 1. Perdre momen-
tanément l’usage des sens, le contrôle de
soi-même, la claire conscience des réalités :
Boire jusqu’à s’étourdir. ‖ 2. Chercher à se
faire illusion : [Chambord], monument de
l’orgueil qui veut s’étourdir pour se payer
de ses défaites (Flaubert). ‖ 3. Se jeter dans
des distractions, des plaisirs, pour oublier
une préoccupation : Quand j’ai vu que cette
pensée criminelle devenait un tourment,
une obsession, j’ai cherché à m’étourdir
(Daudet).

étourdissant, e [eturdisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de étourdir ; 1690, Furetière, au sens
1 ; sens 2, av. 1869, Lamartine ; sens 3, 1838,
Acad.). 1. Qui étourdit par son bruit : Un
vacarme étourdissant. ‖ 2. Qui fatigue
par sa répétition ou sa durée : Éveillés aux
rayons du plus riant des mois | À l’hymne
étourdissant de la vive alouette | Qui
n’a que joie et cris dans sa voix de poète
(Lamartine). Et c’était étourdissant d’en-
tendre les deux Tarasconnais célébrer avec
enthousiasme les splendeurs qu’on découvre
du Rigi (Daudet). ‖ 3. Qui stupéfie par son
caractère exceptionnel, extraordinaire ou
inattendu : [Gaudissart] fut étourdissant
d’esprit, de pointes et de calembours incom-
pris (Balzac). Tu n’admires pas comme il
faudrait ce miracle étourdissant qu’est la
vie (Gide).

• SYN. : 1 abrutissant (fam.), assommant,


assourdissant ; 2 ahurissant, délirant, eni-
vrant, fatigant, soûlant (fam.) ; 3 éblouis-
sant, époustouflant (fam.), étonnant,
merveilleux, prodigieux, sensationnel.

étourdissement [eturdismɑ̃] n. m. (de


étourdir ; v. 1210, Godefroy, écrit estordis-
sement [estourdissement, XIIIe s., Queste del
saint Graal ; étourdissement, 1636, Monet],
au sens 1 ; sens 2, v. 1790, Marmontel ; sens
3, 1553, Bible Gérard ; sens 4, 1685, Bossuet).
1. Perte momentanée de conscience et de
sensibilité, vertige : Un jour, il fut pris
d’un étourdissement (Flaubert). Et il [J.-J.
Rousseau] parle de palpitations, d’éblouis-
sements, d’un étourdissement semblable à
l’ivresse (Lemaitre). ‖ 2. État de griserie,
de vertige : L’étourdissement qu’amènent les
premiers succès. ‖ 3. État de grand trouble
moral, d’égarement : Le programme des
cours qu’il lut sur l’affiche lui fit un effet
d’étourdissement (Flaubert). ‖ 4. Action
de s’étourdir, de se distraire avec excès :
L’étourdissement d’un joyeux carnaval dans
une ville d’Italie chassa toutes mes idées
mélancoliques (Nerval).

• SYN. : 1 défaillance, éblouissement, fai-


blesse, malaise ; 2 enivrement, fumées,
ivresse ; 3 affolement, choc, délire, ébran-
lement, fièvre.

étourneau [eturno] n. m. (lat. pop.


*sturnellus, étourneau, du lat. class. stur-
nus, même sens ; fin du XIe s., Gloses
de Raschi, écrit estornel [esturneau, v.
1280, Bibbesworth ; estourneau, v. 1398,
le Ménagier de Paris ; étourneau, 1636,
Monet], au sens 1 ; sens 2, 1660, Molière
[avoir teste d’estournel, « être étourdi »,
XVe s., Miracles de sainte Geneviève]).
1. Passereau à plumage sombre tacheté de
blanc et à queue courte : Des volées d’étour-
neaux manoeuvrent en spirales (Hugo). J’ai
trouvé dans l’avenue, hier matin, un petit
étourneau tombé du nid, mais bien près de
pouvoir voler (Gide). ‖ 2. Fig. Homme d’un
esprit léger, irréfléchi : Répondre comme
un étourneau.

étramper v. intr. V. ÉTREMPER.

étrange [etrɑ̃ʒ] adj. (lat. extraneus,


extérieur, du dehors, étranger, de extra,
au-dehors, à l’extérieur, en dehors ; 1080,
Chanson de Roland, écrit estrange [étrange,
XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2-3, XIIe s.). 1. Class.
Qui n’est pas du pays où l’on est, étran-
ger : Peu de nos chants, peu de nos vers, |
Par un encens flatteur, amusent l’univers |
Et se font écouter des nations étranges (La
Fontaine). ‖ 2. Class. Qui est épouvantable,
terrible : C’est la seule réflexion qui me per-
met, dans un accident si étrange, une si juste
et si sensible douleur (Bossuet). ‖ 3. Qui
frappe par son caractère inhabituel, son
aspect singulier : La nuit, le Tasse se figurait
entendre des bruits étranges, des tintements
de cloches funèbres ; des spectres le tour-
mentaient (Chateaubriand). Comme il y
avait dans mon air quelque chose d’étrange,
il voulut me faire parler (Nerval). L’étrange
sourire qui ne la quittait pas m’inquiétait
(Gide).

• SYN. : 3 bizarre, curieux, drôle, étonnant,


extraordinaire, insolite, saugrenu, singulier,
surprenant.

& n. m. (1870, Larousse). Ce qui est


étrange : Certains auteurs, pour faire du
neuf, cherchent l’étrange, le paradoxal.

étrangement [etrɑ̃ʒmɑ̃] adv. (de


étrange ; v. 1170, Livre des Rois, écrit
estrangement [étrangement, XVIIe s.],
au sens 1 ; sens 2, fin du XIVe s., E. Des-
champs). 1. Class. et littér. Extrêmement,
extraordinairement : Je vous plains étran-
gement sur la séparation de vous et de
Mme de Grignan (Bussy-Rabutin). L’air était
étrangement tiède (Gide). ‖ 2. De façon
inhabituelle, étrange : Ils nous proposent,
étrangement unies, les idées d’ordre et de
fantaisie (Valéry).

• SYN. : 2 bizarrement, curieusement,


drôlement, étonnamment, extraordinai-
rement, singulièrement. — CONTR. : 2 cou-
ramment, naturellement, normalement,
ordinairement.

1. étranger, ère [etrɑ̃ʒe, -ɛr] adj. et n.


(de étrange [v. ce mot] ; v. 1350, Machaut,
écrit estrang[i]er [étranger, XVIIe s.], aux
sens 1 et 4 ; sens 2, av. 1857, Musset ; sens
3, av. 1696, La Bruyère). 1. Qui appartient à
une nation autre que celle dont on est res-
sortissant : Une langue étrangère. Un pays
étranger. La terre tremble sous les pas du
soldat étranger qui dans ce moment même
envahit ma patrie (Chateaubriand). À
Rome, il y a une indulgence pour celui qui
montre la ville à un étranger (Veuillot).
‖ Étre étranger dans son pays, ne pas
en connaître les usages. ‖ Les Affaires
étrangères, ensemble des relations d’un
pays avec les autres nations. ‖ La Légion
étrangère, troupe créée en 1831, en Algérie,
et composée uniquement de volontaires,
appelée ainsi du fait du nombre important
d’étrangers qui s’y engagent au service de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1733

la France. ‖ 2. Qui appartient ou semble


appartenir à un autre : Je crois voir à ma
place un visage étranger (Musset). Il frémit
de sentir sous les toiles légères | Palpiter tout
à coup des formes étrangères (Samain). Je
ne rends plus au jour qu’un regard étran-
ger (Valéry). ‖ 3. Qui n’est pas propre ou
naturel à quelqu’un, qui est emprunté : Et
mon rire étranger suspend à mon oreille |
Comme à la vide conque un murmure de
mer, | Le doute... (Valéry). ‖ 4. Qui n’appar-
tient pas, ou n’est pas considéré comme
appartenant à la communauté d’une
localité, d’un groupe, à une famille : En
général, les monastères étaient des hôtelle-
ries où les étrangers trouvaient en passant
le vivre et le couvert (Chateaubriand). À
Boegaraeh, un passant est un phénomène.
On n’est pas seulement un étranger, on est
étrange (Hugo). Se sentir étranger dans une
réception. ‖ N’être étranger nulle part, se
sentir partout chez soi, à son aise ; être bien
accueilli partout.

• SYN. : 2 ignoré, inconnu ; 4 isolé, perdu. —


CONTR. : 1 aborigène, autochtone.

& adj. (sens 1, 1669, Racine ; sens 2, 1870,


Larousse ; sens 3, 1699, Massillon ; sens
4, 1835, Acad. ; sens 5, 1689, Racine ; sens
6, av. 1704, Bourdaloue ; sens 7, 1690,
Furetière). 1. Se dit d’une personne qui
n’est pas en rapport, en relation avec une
autre personne : Il faut que nous demeu-
rions étrangers l’un à l’autre (Maupassant).
Inquiète de le voir arriver, presque étran-
gère à lui... (R. Bazin). ‖ Devenir étran-
ger à quelqu’un, cesser d’avoir avec lui
des relations suivies. ‖ 2. Qui ne fait pas
partie d’un organisme, d’une entreprise :
Entrée interdite à toute personne étrangère
à l’établissement. ‖ 3. Qui n’a point part
à ; qui se tient à l’écart de : Étre étranger à
un complot, à tout sentiment d’affection.
‖ Spécialem. Qui est incapable de prendre
part à ; qui est insensible, indifférent à :
Une chose m’étonne toujours quand je pense
à Voltaire : avec un esprit supérieur, rai-
sonnable, éclairé, il est resté complètement
étranger au christianisme (Chateaubriand).
‖ 4. Qui n’a aucune notion, aucune pra-
tique de : Nous sommes les petits lapins,
| Gens étrangers à l’écriture (Banville).
‖ 5. Qui est ou semble être inconnu à
quelqu’un : Son visage ne m’est pas étranger.
‖ 6. Qui n’est pas propre à : L’hypocrisie lui
est étrangère. ‖ 7. Se dit d’une chose qui ne
fait pas partie intégrante de, qui n’a aucun
rapport avec une autre chose : Un dévelop-
pement étranger au sujet. Quelquefois un
portail, une façade, une église tout entière
présente un sens symbolique absolument
étranger au culte (Hugo). ‖ En chimie, qui
n’est pas de même nature : De l’or mêlé à
des substances étrangères. ‖ Corps étranger,
corps qui se trouve, contre nature, dans
l’organisme de l’homme ou de l’animal.
• SYN. : 3 éloigné, fermé, imperméable, inac-
cessible, indifférent ; 4 ignorant, profane ;
7 différent, distinct, extérieur.

& étranger n. m. (sens 1, 1835, Acad. ; sens


2, 1691, Racine). 1. Pays étranger ou l’en-
semble des pays étrangers : Les nouvelles de
l’étranger. Voyager à l’étranger. Envoyer des
marchandises à l’étranger. ‖ 2. Les étran-
gers considérés collectivement : L’étranger
n’avait pas de raison de s’étonner que la
France passât par où avaient passé avant
elle l’Angleterre, les Pays-Bas... (Bainville).

2. étranger [etrɑ̃ʒe] v. tr. (de étrange [v.


ce mot] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit
estrangier ; estranger, v. 1265, J. de Meung ;
étranger, XVIIe s.). Class. Éloigner, tenir à
l’écart : Le roi, très piqué, mais ne voulant
pas étranger Monsieur (Saint-Simon).

étrangeté [etrɑ̃ʒte] n. f. (de étrange ; fin


du XIVe s., E. Deschamps, écrit estrangeté
[étrangeté, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1580,
Montaigne [le mot est rarement attesté à
la fin du XVIIe et au début du XVIIIe s.]).
1. Caractère de ce qui est étrange, inhabi-
tuel : J’aurai voulu [...] les émouvoir en leur
faisant comprendre et sentir l’étrangeté d’un
dénuement si complet (Gide). Notre bouche
exaspérée retrouve quelque étrangeté à l’eau
pure (Valéry). ‖ 2. Littér. Chose étrange :
Ce ne fut pas une des moindres étrangetés
de cette guerre que la nécessité d’apprendre
à la faire dans le même temps qu’on la fai-
sait (Valéry).

• SYN. : 1 anomalie, bizarrerie, singularité.

étranglant, e [etrɑ̃glɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de étrangler ; 1689, Mme de Sévigné).
Class. et fig. Qui empêche de respirer, de
souffler, qui ne laisse aucun répit : Tant
d’affaires épineuses, accablantes, étran-
glantes (Sévigné).

étranglé, e [etrɑ̃gle] adj. (part. passé de


étrangler ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens
1 [hernie étranglée, 1835, Acad.] ; sens 2, fin
du XVIIe s., Saint-Simon). 1. Se dit d’un lieu
qui est resserré, trop étroit : Passage étran-
glé. ‖ Spécialem. Hernie étranglée, hernie
que l’on ne peut faire rentrer et qui néces-
site une intervention chirurgicale urgente.
‖ 2. Se dit d’un son qu’on entend mal parce
qu’il a de la peine à sortir : La misérable !
balbutia-t-il d’une voix étranglée, elle veut
me rendre fou (Zola). Une voix d’homme,
une voix étranglée, demanda : « Qui va
là ? » (Maupassant).
étranglement [etrɑ̃gləmɑ̃] n. m. (de
étrangler ; début du XIIIe s., écrit estran-
glement [étranglement, XVIIe s.], au sens de
« esquinancie » ; sens 1, 1538, R. Estienne ;
sens 2, début du XXe s. ; sens 3, 1688,
Mme de Sévigné ; sens 4, 1707, d’après
Trévoux, 1771 ; sens 5, 1890, Dict. géné-
ral). 1. Action d’étrangler ; résultat de cette
action (rare) : On lui pardonnait encore ses
noyades turques, ses étranglements véni-
tiens et les arbres chargés de pendus de son
manoir de Plessis-lez-Tours... (Saint-Victor).
‖ 2. État d’une voix étouffée, étranglée par
l’émotion ou par une cause pathologique :
Il a dans sa gorge l’étranglement des san-

glots (Barrès). « Monsieur Jacques est invité


chez Mme Morille ! » dit-elle dans un étran-
glement (Miomandre). ‖ 3. Compression,
constriction plus ou moins intense affec-
tant une partie du corps. ‖ Spécialem.
Étranglement herniaire, forte constric-
tion au niveau du collet, qui s’oppose à la
réduction de la hernie. ‖ 4. État de ce qui
est rétréci, resserré sur un point, soit natu-
rellement, soit par accident : La surface [de
la coquille] se gonfle de bulbes successifs que
séparent des étranglements ou des gorges
concaves (Valéry). L’étranglement d’une
rue. ‖ Goulet d’étranglement, obstacle,
gêne à la circulation qui résulte du trop
grand nombre de véhicules pour la lar-
geur de la voie en un point donné. ‖ 5. Fig.
Action de paralyser, de freiner dans son
développement : Le vice n’est que l’étran-
glement de soi par soi (Alain).

• SYN. : 1 strangulation ; 2 suffocation ; 4


resserrement, rétrécissement ; 5 étouffe-
ment, paralysie.

étrangler [etrɑ̃gle] v. tr. (lat. strangulare,


étrangler, étouffer ; v. 1119, Ph. de Thaon,
écrit estrangler [étrangler, 1636, Monet],
au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3,
1870, Larousse ; sens 4, 1665, Retz ; sens 5,
v. 1660, Retz ; sens 6, 1690, Furetière [pour
une voile, 1836, Acad.]). 1. Faire mourir
par la constriction ou l’occlusion des voies
respiratoires : L’assassin a étranglé sa vic-
time avec un bras. Oh ! étrangler une per-
drix, lui serrer le cou, sentir entre ses doigts
cette petite flûte de vie (J. Renard). ‖ 2. Par
extens. Gêner la respiration en serrant au
gosier : Un nuage de poussière qui salit le
paysage et qui étrangle le voyageur (Taine).
Un col de chemise qui étrangle. ‖ Fig. J’ai un
mot qui m’étrangle, je ne peux pas ne pas
parler, il faut que je me délivre de ce que j’ai
à dire. ‖ 3. Fig. Faire suffoquer sous le coup
d’une émotion violente : La peur l’étrangle.
‖ Remplir d’angoisse : Le remords étrangle
le coupable. ‖ 4. Fig. et fam. Ruiner en fai-
sant payer beaucoup d’argent : Étrangler
quelqu’un en exigeant le remboursement
total de ses dettes. ‖ 5. Fig. Empêcher bru-
talement de se manifester, de s’exprimer :
Étrangler la liberté. ‖ 6. Resserrer, compri-
mer en diminuant la largeur, l’ouverture,
le diamètre d’une chose : Étrangler un pas-
sage. Une ceinture bien ajustée étranglant
sa taille de guêpe (Gautier). ‖ Spécialem.
Étrangler une voile, la ramener contre le
mât pour la soustraire à l’action du vent.
• SYN. : 2 asphyxier, étouffer, suffoquer ;
3 oppresser ; glacer, paralyser, transir ; 4
écorcher, égorger, empiler (pop.), estamper
(fam.), étriller (fam.) ; 5 juguler, mater,
museler, réprimer, supprimer ; 6 rétrécir.
& v. intr. (1194, Tobler-Lommatzsch). Class.
Être empêché de respirer, suffoquer : Nous
étranglons de fumée (Saint-Amant).

& s’étrangler v. pr. (sens 1, v. 1155, Wace ;


sens 2, 1870, Larousse). 1. Perdre momen-
tanément la respiration et la parole : Tout le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1734

monde cria : « La reine boit ! La reine boit ! »


Elle devint alors toute rouge et s’étrangla
(Maupassant). ‖ 2. Fig. Devenir plus res-
serré en un point, plus étroit : La route
s’étrangle à l’entrée d’un tunnel.

• SYN. : 1 étouffer, suffoquer.

étrangleur, euse [etrɑ̃gloer, -øz] n. (de


étrangler ; XIIIe s., Godefroy, écrit estran-
glour ; estrangleur, XIVe s. ; étrangleur,
XIXe s.). Personne qui étrangle : Des mains
d’étrangleur.

& étrangleur n. m. (1930, Larousse).


Système pour régler l’arrivée d’essence
dans le carburateur.

étrangloir [etrɑ̃glwar] n. m. (de étrangler ;


1838, Acad., au sens de « cargue spéciale
fixée sur la vergue ou sur le mât » ; sens 1,
1845, Bescherelle ; sens 2, 1961, Larousse).
1. Appareil fixé sur le pont d’un navire et
destiné à arrêter une chaîne d’ancre dans sa
course. ‖ 2. En papeterie, appareil destiné
à faire des étranglements dans un tube en
carton.

étranglure [etrɑ̃glyr] n. f. (de étrangler ;


1785, Encycl. méthodique). Faux pli du drap
occasionné par le foulage.

étrave [etrav] n. f. (anc. scand. stafn,


proue ; 1573, Du Puys [les formes pre-
mières du mot, non attestées, ont dû être
*estavne, *estavre, puis, par métathèse,
*estrave]). Pièce de bois ou de métal qui
forme la proue d’un navire : Dans le silence
de la nuit, on n’entendait plus que le bruit
de la houle qui se séparait contre l’étrave
(Montherlant).

1. être [ɛtr] v. intr. • ÉTYM. Lat. pop.


*essere, lat. class. esse, être, exister, se trou-
ver, appartenir à, et verbe copulatif (le
part. prés., le part. passé et l’imparf. de
l’indic. du v. franç. sont empruntés à l’anc.
v. ester, être debout, se tenir [fin du Xe s., Vie
de saint Léger], lat. stare, mêmes sens) ; Xe s.,
écrit estre ; être, XVIIe s. A. Sens 1, v. 1170,
Livre des Rois ; sens 2, v. 980, Fragment de
Valenciennes. B. I. Sens 1, v. 980, Fragment
de Valenciennes ; sens 2, fin du IXe s.,
Cantilène de sainte Eulalie ; sens 3 et 5,
v. 1360, Froissart ; sens 4, XIIe s., Roncevaux.

— II. Être à : sens 1, 1080, Chanson de


Roland ; sens 2, XIIe s., Roncevaux ; sens 3,
fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens 4, v.
1283, Beaumanoir ; sens 5, 1666, Molière ;
sens 6, av. 1549, Marguerite de Navarre ;
sens 7, 1870, Larousse. Être après : sens 1,
début du XVIIe s., Malherbe ; sens 2, XXe s. ;
sens 3, 1864, Littré. Être avec : sens 1,
v. 1207, Villehardouin ; sens 2, 1672, Sacy ;
sens 3, av. 1870, Mérimée. Être contre :
v. 1207, Villehardouin. Être dans : sens 1
et 3, XVIe s. ; sens 2, XXe s. Être de : sens
1, 4-5, 1690, Furetière ; sens 2-3, v. 1207,
Villehardouin ; sens 6, XVIe s. ; sens 7, 1669,
Molière. Être en : sens 1, 1080, Chanson
de Roland ; sens 2, v. 1240, G. de Lorris ;
sens 3, 1864, Littré ; sens 4, XXe s. Être

pour : 1640, Corneille. Être sans : sens


1-2, XVIIe s. Être sur : sens 1, XIIe s. ; sens
2, 1580, Montaigne. C. En être : sens 1,
milieu du XIIIe s., Rutebeuf ; sens 2, av. 1613,
M. Régnier ; sens 3, 1283, Beaumanoir.
Y être : sens 1, 1687, Dancourt ; sens 2, fin
du XVIIe s., Mme de Sévigné. L’être : av. 1725,
Dan-court. Comme si de rien n’était : 1870,
Larousse. D. I. Sens 1, 1080, Chanson de
Roland ; sens 2, v. 1240, G. de Lorris ; sens
3, XVIe s. ; sens 4, XVIIe s., ; sens 5, 1637,
Scudéry ; sens 6, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné ; sens 7, 1864, Littré ; sens 8, XIIIe s.,
Chronique de Rains. — II. Sens 1-2, 1580,
Montaigne ; sens 3, 1273, Adenet ; sens 4-5,
XIIe s. ; sens 6, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens 7, début du XVIIe s., Malherbe ; sens
8, XVIIe s. ; sens 9, v. 1360, Froissart ; sens
10, 1642, Corneille ; sens 11, 1655, Molière.

— III. Sens 1, XVIIe s. ; sens 2, av. 1613,


M. Régnier. E. Sens 1-3, 1080, Chanson
de Roland. F. Sens 1-2, XIIIe s., Du Cange ;
sens 3, 1080, Chanson de Roland. (Conj. :
v. tableau, p. CXXI.)

A. Exprime l’existence.

1. Exprime l’existence vivante et


consciente d’une personne : Je pense,
donc je suis (Descartes). Dois-je exister
sans être et regarder sans voir ? (Hugo).
Tout me fatigue, même lire ; d’ailleurs que
lire ? Être m’occupe assez (Gide). ‖ Celui
qui est, Dieu. ‖ N’être plus, avoir cessé de
vivre. ‖ 2. Exprime la réalité ou la vérité
d’une chose : Ce temps n’est plus. Tout
ce qui est doit être, puisque Dieu a voulu
qu’il fût (Lamennais). Si je le dis, c’est que
cela est (Courteline). ‖ Cela n’est pas, ce
n’est pas vrai. ‖ Cela sera, cela arrivera.
‖ Spécialem. Soit..., en mathématiques,
supposons l’existence de : Soit une droite
AB.

B. Élément du syntagme verbal.

• I. SERT À LIER L’ATTRIBUT AU SUJET.


1. L’attribut est un adjectif exprimant
une qualité ou un état : Ferme dans ma
route et vrai dans mes discours, | Tel je fus,
tel je suis, tel je serai toujours (Chénier).
‖ 2. L’attribut est un nom : Il est outilleur
dans une grande usine. Le dictionnaire est
un instrument de travail. ‖ 3. L’attribut
est un pronom : Et le Christ ne m’est plus
de rien s’il n’est plus central, s’il n’est tout
(Gide). ‖ Le pronom représente un nom
ou un adjectif déjà exprimé : Vindicatif,
il l’est. ‖ 4. L’attribut est un adverbe indi-
quant la manière d’être : Êtes-vous bien ?
Je suis mal ; le lieu : Sont-ils là ? Je suis
ici. Ils sont déjà loin. ‖ Être bien, être mal
avec quelqu’un, être en bons, en mauvais
termes avec lui. ‖ Fam. Être un peu là, se
dit de quelqu’un qui a une grande force
physique, qui est redoutable. ‖ 5. L’attri-
but est un numéral ou un adverbe de

quantité : Ils sont cinquante. Combien


sont-ils ? Ils sont autant qu’hier.
• II. SUIVI D’UN SYNTAGME PRÉPOSITION-
NEL. 1. Être à. Se trouver en tel endroit
de l’espace : Être à Lyon pendant les va-
cances ; à tel moment du temps : Le ren-
dez-vous est à quatre heures. ‖ Apparte-
nir, avoir pour propriétaire : Cette voiture
est à son frère. ‖ Class. Être à quelqu’un,
faire partie de son personnel, être à son
service : Ayez soin, tous deux, de marcher
immédiatement sur mes pas, afin qu’on
voie bien que vous êtes à moi (Molière) ;
auj., en parlant d’une femme, se donner
à un homme. ‖ Être à la disposition de
quelqu’un : Je suis à vous tout de suite.
‖ Prêter toute son attention à : Cela ne
m’empêche pas d’être à ce qu’on dit autour
de moi, de vous écouter encore mieux que
je ne le ferais dans l’inaction (Daudet).
‖ Être à avec un verbe à l’infinitif, être
occupé à, être en train de : Elle est à pré-
parer le repas. Il est toujours à se plaindre.
‖ Évoluer vers : Le temps est à l’orage.
‖ Tendre vers : Les prix des légumes sont
à la baisse. ‖ 2. Être après. Fam. Être
après quelque chose (sujet personne), s’oc-
cuper avec soin de, consacrer son temps
à : Le peintre était après sa toile depuis
quinze jours. ‖ Fam. Être après quelque
chose (sujet chose), se trouver sur : La
clef est après la porte. ‖ Fam. Être après
quelqu’un (sujet personne), le harceler, ne
lui laisser aucun répit à : Il est après moi
dès que je sors dans la rue. ‖ 3. Être avec.
Être en compagnie de quelqu’un, pas-
ser un certain temps avec lui : Hier soir,
j’étais avec les Dupont. ‖ Se tenir du côté
de, défendre le point de vue de : Si vous
approuvez le projet, les socialistes seront
avec vous. ‖ Vivre avec quelqu’un sans
être marié avec lui, être en ménage avec
(vieilli) : En passant par la rue de la Paix,
j’ai rencontré mademoiselle [...]. C’est elle
qui est avec M. de Boismorand (Méri-
mée). ‖ 4. Être contre. S’opposer à, mani-
fester son hostilité à : Il est contre nous.
‖ 5. Être dans.Se trouver à l’intérieur de :
Il est dans sa chambre. Cette maison est
dans le voisinage. ‖ Fam. Appartenir à
une profession, participer à une activité :
Être dans l’édition, dans les assurances.
‖ Fig. Être plongé dans : Notre ami est
dans l’embarras, dans la peine. ‖ 6. Être
de.Avoir pour origine, provenir de : Il est
du Midi. ‖ Appartenir à telle époque :
Cet édifice est du XIVe siècle. ‖ Appartenir
à une corporation, à une organisation : Il
se nommait Javert et il était de la police
(Hugo). Être de la franc-maçonnerie.
‖ Participer à : Serez-vous de la réunion ?
‖ Être affecté à un rôle, à une fonction :
Être de garde. ‖ Être de corvée, être de ser-
vice, être désigné pour effectuer un tra-
vail pénible ou fastidieux, pour assurer
un travail habituel. ‖ Posséder une qua-
lité ou un défaut : Ce garçon est d’une force
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1735

peu commune. Elle est d’une maladresse


incroyable. ‖ Avoir telle valeur : Ce vase
est d’un grand prix. ‖ N’être pas de, n’être
plus de, ne pas ou ne plus convenir à : Ce
chapeau n’est pas de saison, n’est plus de
mode. ‖ Littér. Si j’étais de vous, que de
vous, de lui, à votre place, à sa place. (On
dit plutôt couramment SI J’ÉTAIS VOUS.)
‖ 7. Être en.Se trouver dans un lieu : Il
sera en France l’an prochain. ‖ Vivre au
moment de : Nous sommes en été. ‖ Être
occupé à : Ils sont en promenade. Les deux
amies sont en conversation. ‖ Se vêtir de :
Nous serons en smoking. ‖ Ellipt. et fam.
Elle est en hiver, en été, en printemps,
elle est habillée comme en hiver, en été,
au printemps. ‖ 8. Être pour. Apporter
son approbation, son soutien à quelque
chose ou à quelqu’un : Nous sommes
pour la proposition qui vient d’être faite.
Dans cette affaire, nous sommes pour
les victimes. ‖ Être quelque chose pour
quelqu’un, représenter une valeur pour
quelqu’un : Vous êtes tout pour moi. Je
crois au monde spirituel et tout le reste
ne m’est rien (Gide). ‖ Être pour quelque
chose dans, être en partie responsable : Il
est pour quelque chose dans la réussite de
l’affaire. ‖ 9. Être sans. Manquer de : Être
sans argent. ‖ Fam. Être sans un, être dé-
pourvu de tout argent. ‖ N’être pas sans
savoir, ne pas ignorer. ‖ 10. Être sur. Se
trouver sur : Les verres sont sur la table.
‖ Fig. Être sur quelque chose, en parlant
de quelqu’un, s’en occuper activement :
Il est sur votre dossier. ‖ Être sur le dé-
part, sur le point de partir. ‖ Être sur ses
quatre-vingts ans, approcher de quatre-
vingts ans, les avoir bientôt.

C. Entre dans des locutions verbales.

1. En être. Être arrivé à un certain point


(dans une situation qui change, qui évo-
lue, dans un travail ou une recherche).
‖ Où en êtes-vous ?, qu’avez-vous fait ?
ou que vous reste-t-il à faire ? ‖ Fig. Ne
pas ou ne plus savoir où on en est, n’avoir
pas conscience de ce qu’on fait, perdre la
tête, s’affoler. ‖ Il n’en est pas où il croit,
il est loin de ce qu’il attend ou espère.
‖ En être à, être arrivé au point de : Elle
en est à demander l’aumône. ‖ N’en être
pas à quelque chose près, n’être pas re-
tenu, gêné par ; ne pas tenir compte de :
Les rois d’Angleterre et les rois de France
n’en étaient pas à un guet-apens près
(Vacquerie). ‖ Fam. Faire partie d’une
affaire, d’un complot, d’une entreprise,
etc. : Vautrin prétendait qu’il n’était pas
assez rusé pour en être (Balzac). ‖ Fam.
En être, être un homosexuel : Quand il
avait découvert qu’il « en était », il avait
cru par là apprendre que son goût, comme
dit Saint-Simon, n’était pas celui des
femmes (Proust). ‖ Impers. Voilà ce qu’il
en est, voilà quelle est la situation. ‖ Il en
est ainsi, voilà la situation. ‖ Ainsi soit-il,

formule de conclusion d’une prière. ‖ S’il


en fut, s’il en est, forme de superlatif : Un
savant s’il en est. ‖ Il en est de ceci comme
de cela, ceci est semblable à cela : Il en est
des écoles de vie comme des écoles d’art :
elles ne disparaissent pas sans avoir épuisé
tous leurs principes (Barrès). [V. aussi § D,
I, 5.] ‖ Il n’en est rien, cela n’est pas vrai.
‖ 2. Y être. Se trouver chez soi, être dis-
posé à recevoir ou à entendre quelqu’un :
Si cette personne téléphone de nouveau,
vous lui direz que je n’y suis pas. ‖ Fig. Ne
pas y être, être loin de la vérité : « J’éva-
lue cette maison à 20 000 F. — Non, vous
n’y êtes pas. » ‖ Fam. Je n’y suis pas, je ne
comprends pas, je ne vois pas ce que vous
voulez dire. ‖ Fam. N’y être plus, avoir
perdu la raison. ‖ Y être pour quelque
chose, être responsable de, avoir participé
à (par opposition à il n’y est pour rien, il
n’a aucune part à cela) : Cette exposition
a un grand succès, et il y est pour quelque
chose. ‖ 3. Fam. et vx. L’être. Être cocu :
Au doigt mouillé, voyons qui le sera (Dan-
court). ‖ 4. Comme si de rien n’était.
Avec un air de complète indifférence, en
faisant semblant de rien.

D. Employé impersonnellement.

• I. AVEC LE PRONOM « IL » : « IL EST »,


« IL ÉTAIT », « IL SERA », ETC. 1. Littér. On
trouve, il y a : Il est de bons amis. Il est
des parfums frais comme des chairs d’en-
fants (Baudelaire). ‖ 2. Sert à indiquer le
moment : Il est midi. Il est huit heures.
‖ 3. Forme des syntagmes verbaux avec
des noms : Il est temps de. Il n’est pas be-
soin de ; avec des adjectifs : Il est bon de. Il
est nécessaire de ; avec des syntagmes pré-
positionnels : Il est de bon ton de. Il est de
toute justice de. ‖ 4. ‖ Il est de quelqu’un
de (suivi de l’infinitif), il entre dans la na-
ture de, il appartient à : Il est d’un homme
intelligent de réfléchir avant d’agir. Mais
il n’est point d’un véritable chef de se bor-
ner à dicter des ordres sans nul égard à
leurs effets sur les esprits : ils ne seraient
obéis que d’une obéissance cadavérique
(Valéry). ‖ 5. Class. et littér. Il est de ceci
comme de cela, il en va de ceci comme
de cela : Il est du sujet du poème drama-
tique comme de tous les corps physiques
(Scudéry). Mais il n’est pas des grands
individus comme des grandes races : on
transmet son sang, on ne transmet pas son
génie (Chateaubriand). [V. aussi § C, En
être.] ‖ 6. Class. Il n’est pas que, il n’est
pas possible, il n’est pas vrai que : On lui a
pris aujourd’hui son argent, et il n’est pas
que vous ne sachiez quelques nouvelles de
cette affaire (Molière). ‖ 7. Toujours est-il
que, quoi qu’il en soit, en tout cas : Tou-
jours est-il qu’il fallait pour mener à bien
cette quête, à défaut de religieuse convic-
tion, une audace, une habileté, un tact,
une éloquence (Gide). ‖ 8. Il n’est que

de, il suffit de, il n’y a qu’à : Il n’est que


de l’écouter parler pour qu’il soit content.

• II. AVEC LE PRONOM « CE » : « C’EST »,


« C’ÉTAIT », « CE SERA », ETC. 1. S’emploie
pour montrer ou identifier quelqu’un
ou quelque chose : C’est le professeur de
première. C’est mon livre. ‖ 2. Précédé
d’un nom, d’un pronom ou d’un infinitif,
c’est s’emploie pour détacher le sujet : Un
livre, c’est un ami. Lui, c’est l’acteur prin-
cipal. Parler, c’est se trahir. ‖ 3. S’emploie,
conjointement avec le relatif, pour déta-
cher un terme de la proposition en tête
de la phrase : C’est la radio qui a annoncé
la nouvelle. C’est moi qui l’ai rencontré.
C’est le film que j’ai vu la semaine der-
nière. C’est l’année dernière qu’il a perdu
son père. C’est sur ma recommandation
qu’il a fait cette démarche. C’est à vous
que je m’adresse. ‖ Le terme détaché
peut être un pronom neutre : C’est ce
que je vous ai dit hier. C’est ce à quoi je
pense. ‖ 4. Quand les éléments de la loc.
c’est sont inversés, ils constituent une
locution interrogative : Est-ce toi ? ‖ En
combinaison avec la conj. que, est-ce
constitue une formule interrogative dis-
jointe : Est-ce à lui que tu as confié cette
tâche ? ‖ En combinaison avec un pro-
nom interrogatif et un pronom relatif,
est-ce forme des locutions interrogatives
(qui est-ce qui ?, qui est-ce que ?, qu’est-
ce qui ?, qu’est-ce que ?) : Qui est-ce qui a
ouvert la fenêtre ? Qui est-ce que tu as ren-
contré ? Qu’est-ce qui t’a piqué ? Qu’est-ce
que tu as vu ? ‖ 5. Est-ce que, v. à l’ordre
alphab. ‖ 6. N’est-ce pas, v. à l’ordre al-
phab. ‖ 7. Class. Si est-ce que, s’employait
pour marquer la liaison et l’opposition
(« toutefois », « néanmoins ») : Vous ne
le comprenez-pas, dites-vous, si est-ce
néanmoins qu’il faut bien le croire (Bos-
suet). ‖ 8. C’est que, ce n’est pas que,
s’emploient comme locutions conjonc-
tives pour introduire une proposition
causale : S’il a formulé cette demande,
c’est qu’il pensait pouvoir obtenir satis-
faction. ‖ Absol. et fam. Ce n’est pas que,
ne croyez pas que : Ce n’est pas que je lui
veuille du mal. ‖ 9. Littér. Sous la forme
inversée et au conditionnel (serait-ce, fût-
ce), s’emploie pour marquer une suppo-
sition extrême : Je le suivrai partout où il
ira, fût-ce même au bout du monde. ‖ Ne
serait-ce que, seulement : Je lui poserai la
question, ne serait-ce que pour l’embar-
rasser. ‖ 10. C’est à... de..., il appartient
à... de... : La généralisation, c’est au lec-
teur, au critique de la faire (Gide). C’est
à notre ami de prouver qu’il a raison ;
le moment est venu pour : C’est à lui de
prendre la parole : tous les autres ont dit
ce qu’ils pensaient. ‖ C’est à qui, marque
la rivalité, la concurrence entre deux ou
plusieurs individus : C’est à qui courra le
plus vite. ‖ 11. Fam. Ce que c’est que de,
voilà quel résultat on obtient quand... : Ce
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1736

que c’est que de vouloir aller trop vite : on


fait mal son travail ; voilà le sort de : Ce
pauvre Charles ! Ce que c’est que de nous,
tout de même (Maupassant).

• III. EMPLOYÉ SANS PRONOM. 1. Soit,


marque l’approbation donnée à une idée,
à une explication : Soit, j’accepte votre
proposition. ‖ Soit dit en passant, en
manière de parenthèse. ‖ Tant soit peu,
quelque peu : Vingt mètres de balcons
tant soit peu poreux, une terrasse en car-
ton plus ou moins bitumé... (Colette).
‖ 2. Littér. N’était, n’eût été, si ce n’était,
si ce n’eût été, à l’exception de : Le pay-
sage à l’infini déploie une couleur fauve,
n’était un nuage vert sur un sol rougeâtre
(Barrès).

E. Employé comme auxiliaire.

1. Joint au participe passé du verbe conju-


gué, être entre dans toutes les formes de
la conjugaison du passif : Il est aimé. Ils
ont été choisis. ‖ 2. Comme auxiliaire de
temps, être sert à former les temps pas-
sés de certains verbes intransitifs : Elle
est entrée. Nous étions sortis. ‖ Il entre
dans la formation des temps composés
des verbes pronominaux : Il s’est sui-
cidé. Ils se sont succédé rapidement. Elle
s’est passée de manger. Ils se sont vus plu-
sieurs fois. ‖ 3. Sert à exprimer diverses
modalités. ‖ Class. Exprime la durée
(« demeurer », « rester ») : Il fut trois
jours sans manger (Molière). ‖ En com-
binaison avec la prép. à, exprime ce qu’il
convient de faire : Cette suggestion est à
prendre en considération ; ce qui doit être
fait : Cette leçon est à apprendre pour la
semaine prochaine ; exprime l’aspect du-
ratif d’une action qui s’accomplit : Il est à
attendre l’arrivée d’un ami. ‖ En combi-
naison avec les loc. en train de, en voie de,
exprime l’aspect duratif d’une action : Il
est en train de s’habiller ; avec les loc. en
passe de, sur le point de, près de, exprime
la proximité de la réalisation d’une ac-
tion : Il est en passe de réussir. Il est sur le
point de partir. Elle a été près de défaillir.
‖ En combinaison avec la prép. pour, ex-
prime soit une action prochaine : Quand
le temps est pour changer (Romains) ; soit
qu’une chose est de nature à : Son succès
n’est pas pour me déplaire.

F. Employé comme substitut du verbe

« aller ».

1. Class. et littér. Au passé simple : La


reine manda le parlement, il fut par dépu-
tés au Palais-Royal (Retz). Narcisse, arri-
vant à Brest, fut droit chez le cousin, lui
exposa ses désirs (Sue). Il fut à la cuisine,
but deux grands verres d’eau (Martin du
Gard). ‖ 2. Au passé composé : Je ne re-
viens pas, car je n’ai pas été (Molière). Moi
aussi je suis allé là où vous avez été. J’as-
sistais à cette fête extraordinaire (Alain-

Fournier). Il a été passer ses vacances en


Italie. ‖ 3. Littér. Avec l’adv. en, au passé
simple et à l’imparfait du subjonctif : Puis
le jeune homme se leva bien doucement et
s’en fut vers la maison (Duhamel). C’est
l’imagination qui veut que l’on s’en aille.
C’est le fait qui voudrait qu’on ne s’en fût
pas (Suarès).

G. Remarques.

1. La loc. être après à (Il est après à bâtir


sa maison [Acad.]) est sortie de l’usage.
La loc. être après quelqu’un ou quelque
chose n’est employée que dans la langue
familière. ‖ 2. C’est, ce sont, v. CE, Rem.
‖ 3. Selon l’Académie, l’emploi de être au
sens de « aller », aux temps composés (il a
été, il aura été, il aurait été), est familier.
On le trouve cependant depuis l’époque
classique jusqu’à nos jours, et pas seule-
ment au niveau du langage familier. La
distinction préconisée par Littré et par
le Dictionnaire général (Avoir été dans un
lieu, y être allé et en être revenu) n’est pas
toujours observée non plus : Ils les [les
exemples] ont été chercher parmi les juifs
(Bossuet). J’ai été à la messe (Flaubert).

2. être [ɛtr] n. m. (emploi substantivé du


précéd. ; v. 1030, Eneas, écrit estre [être,
XVIIe s.], au sens de « manière d’être » ; sens
I, 1, v. 1265, J. de Meung ; sens I, 2, v. 1361,
Oresme ; sens I, 3, fin du XVIe s., Brantôme ;
sens II, 1, 1646, Rotrou ; sens II, 2, 1690,
Furetière ; sens II, 3, fin du XVIIIe s. ; sens
II, 4, av. 1650, Descartes ; sens II, 5, av. 1662,
Pascal).

I. 1. Le fait d’être, l’existence : Ô ma co-


gnée ! ô ma pauvre cognée ! | S’écriait-il :
Jupiter, rends-la-moi ; | Je tiendrai l’être
un second coup de toi (La Fontaine). Dis,
mon âme, comment entends-tu le néant,
sinon par l’être (Bossuet). Ces nénuphars
qui y floconnent, y puisent également l’être
(Pesquidoux). ‖ Non-être, v. à l’ordre al-
phab. ‖ Littér. Donner l’être à quelqu’un,
lui donner le jour : Ceux qui vous ont don-
né l’être (Molière). ‖ 2. Class. et littér. La
nature propre, l’essence de ce qui existe :
L’homme n’agit point par la raison, qui
fait son être (Pascal). L’humanité vit et
se développe comme un être organique,
et tend à la plénitude de son être (Re-
nan). ‖ 3. Class. Condition sociale, rang
dans le monde : Je fis mon compliment à
M. du Maine sur son nouvel être de prince
du sang (Saint-Simon).

II. 1. Ce qui possède l’existence, la vie ;


tout être vivant : Il n’existe qu’un être |
Que je puisse en entier et constamment
connaître, | Un seul... Je le méprise ; et
cet être c’est moi (Musset). Les êtres et les
choses. ‖ Les êtres humains, les hommes
et les femmes : Il n’y avait d’autres êtres
humains, du moins pour le moment,
qu’une vieille femme et une petite fille
(Mérimée). ‖ 2. L’Être absolu ou essen-

tiel, Être infini, parfait, éternel ou immor-


tel, Être suprême, Grand Être, Dieu : Être
des êtres, le plus digne usage de ma raison
est de s’anéantir devant toi (Rousseau).
‖ 3. Personne, homme, femme ; être hu-
main : Un seul être vous manque et tout
est dépeuplé (Lamartine). Le régiment,
soudain, ne fut plus qu’un être unique
(Dorgelès). ‖ Péjor. Quel être !, individu
déplaisant, bizarre. ‖ 4. Être de raison,
ce qui n’a d’existence, de réalité que dans
notre pensée : Un être de raison, une sorte
de pape invisible (Daudet). ‖ 5. La nature
intime d’une personne, tout ce qui consti-
tue sa sensibilité : Un soulèvement de tout
son être le précipitait vers elle (Flaubert).
Se sentir ému jusqu’au fond de l’être.

• SYN. : II, 1 créature ; 3 humain, individu,


mortel, personne.

étrécir [etresir] v. tr. (var. de l’anc.


franç. etritser, estrecier, rendre plus étroit,
resserrer, enserrer [XIe-XVIe s.], lat. pop.
*strictiare, rendre plus étroit, du lat. class.
strictus, serré, étroit, part. passé de stringere
[v. ÉTREINDRE] ; début du XIVe s., écrit estre-
cir [étrécir, 1636, Monet], au sens 1 ; sens 2,
av. 1704, Bossuet). 1. Class. et littér. Rendre
plus étroit : On gagna son valet de chambre
qui donna tous les pourpoints des habits
que son maître avait portés. On les étrécit
promptement (Tallemant des Réaux). Deux
clayons de genêt étrécissaient encore le sen-
tier (M. Prévost). ‖ 2. Fig. et vx. Amoindrir,
restreindre la part de : De peur que les
peines n’étrécissent le coeur (Bossuet).

& s’étrécir v. pr. (sens 1, XIIIe s. ; sens 2,


1721, Montesquieu). 1. Vx. Devenir plus
étroit. ‖ 2. Fig. et vx. Perdre de sa capa-
cité intellectuelle, de la largeur de vues : Il
semble que les têtes des plus grands hommes
s’étrécissent lorsqu’elles sont assemblées, et
que là où il y a plus de sages il y ait aussi
moins de sagesse (Montesquieu). L’esprit
s’étrécit à mesure que l’âme se corrompt
(Rousseau).

• REM. Auj., ce verbe a été remplacé par


RÉTRÉCIR.

étrécissement [etresismɑ̃] n. m. (de


étrécir ; fin du XVIe s.). Vx. Action de
rendre étroit ; état de ce qui est étréci :
L’étrécissement du lit de la rivière accélère
le cours de l’eau.

étreignant, e [etrɛɲɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de étreindre ; v. 1460, G. Chastellain,
au sens 1 ; sens 2, 1884, A. Daudet). 1. Qui
serre fortement en entourant (rare) : Un
tronc d’arbre couvert de lianes étreignantes.
‖ 2. Fig. Qui étreint le coeur, qui impres-
sionne (rare) : L’entrée de la cathédrale
immense et ténébreuse était toujours étrei-
gnante (Huysmans).

étreignoir [etrɛɲwar] n. m. (de étreindre ;


1676, Félibien). Instrument de menuise-
rie et de tonnellerie pour serrer les pièces
assemblées.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1737

étreindre [etrɛ̃dr] v. tr. (lat. stringere, ser-


rer, resserrer ; v. 1155, Wace, écrit estreindre
[étreindre, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2,
v. 1165, Marie de France ; sens 3, début du
XIIIe s. ; sens 4, fin du XIIe s., Châtelain de
Coucy). [Conj. 55.] 1. Serrer fortement
quelque chose en l’entourant étroitement
avec les bras : Quelque gros que fût l’arbre,
Camus [...] l’attaquait à bras-le-corps,
franchement ; souvent même ses bras trop
courts n’arrivaient pas à en étreindre com-
plètement le tronc (Pergaud). ‖ 2. Serrer
quelqu’un dans ses bras en témoignage
d’affection : Cette fois, la mère n’y tint plus,
elle le prit dans ses bras, l’étreignit passion-
nément (Daudet). Je vis ma petite Charlotte
[...] avancer doucement [...], puis se jeter
à mon cou et m’étreindre sauvagement
(Gide). Les deux bras m’étaient si doux,
soucieux de m’étreindre assez (Colette).
‖ 3. Fig. Circonscrire pour mieux saisir :
Comme ceux qui, après s’être acharnés à
étreindre le problème de la réalité du monde
extérieur ou de l’immortalité de l’âme...
(Proust). Il cherchait à étreindre la vérité.
‖ 4. Fig. Serrer douloureusement, oppres-
ser : Songeant à ce que m’avait dit Martine,
que peut-être on pourrait lui rendre la vue,
une grande angoisse étreignait mon coeur
(Gide).

• SYN. : 1 ceinturer, enlacer, enserrer, entou-


rer ; 3 cerner ; 4 accabler, déchirer, empoi-
gner (fam.), saisir, tenailler.

étreinte [etrɛ̃t] n. f. (part. passé fém.


étreinte [etrɛ̃t] n. f. (part. passé fém.
substantivé de étreindre ; début du XIIIe s.,
Audefroi le Bastard, écrit estrainte, au sens
de « rigueur, contrainte » ; sens 1, début du
XVIe s., écrit estreinte [étreinte, XVIIe s.] ;
sens 2, 1761, J.-J. Rousseau ; sens 3, av. 1850,
Balzac ; sens 4, début du XVIIe s., Malherbe ;
sens 5, 1829, Boiste ; sens 6, milieu du
XXe s.). 1. Action de serrer quelque chose
fortement en l’entourant : Ils se serraient
les mains à les briser, dans une étreinte
rude et courte (Zola). ‖ 2. Action d’entou-
rer quelqu’un de ses bras en témoignage
d’affection, d’amour : Il fallut se séparer
le lendemain après beaucoup d’étreintes
et de promesses de s’écrire (Maupassant).
‖ 3. Action de saisir un adversaire pour
une lutte serrée, au corps à corps : Seul, un
rugissement a trahi leur étreinte (Heredia).
Ah ! s’écria le malheureux qui sentait encore
l’amertume de sa première étreinte avec la
mort (Balzac). ‖ 4. Class. et fig. L’étreinte
d’un noeud, le mariage : D’un sacré noeud
l’inviolable étreinte | Tirera votre appui d’où
partait notre crainte (Corneille). ‖ 5. Fig.
Contrainte morale vivement ressentie,
douloureuse oppression : De l’étreinte de
toutes les désolations jaillit la foi (Hugo).
L’angoisse m’a pris au coeur et ne desserre
pas son étreinte un instant (Gide). ‖ 6. État
de contrainte d’un matériau dans lequel
les compressions sont égales dans deux
directions perpendiculaires.

étrempage [etrɑ̃paʒ] n. m. (de étremper ;


1812, Encycl. méthodique, écrit étrampage
[étrempage, 1890, Dict. général], au sens 1 ;
sens 2, 1864, Littré [étrampage ; étrempage,
1890, Dict. général]). 1. Vx. Action d’étrem-
per. ‖ 2. Série de trous pratiqués sur l’age
de la charrue pour régler l’enfoncement
du soc dans le sol.

• REM. On dit aussi ÉTREMPURE (1890,


Dict. général) ou ÉTRAMPURE (1838,
Acad.).

étremper ou étramper [etrɑ̃pe] v. intr.


(de é-, es- [lat. ex-, préf. à valeur intensive],
et de tremper [v. ce mot], au sens anc. de
« modérer, régler » ; v. 1265, Livre de jos-
tice, écrit estramper [estremper, début du
XIVe s.], au sens de « modérer, adoucir » ;
sens actuel, 1870, Larousse, écrit étramper
[étremper, 1901, Larousse]). Vx. Enfoncer
plus ou moins le soc de la charrue dans la
terre selon la hauteur où il est fixé sur l’age
de la charrue.

étrenne [etrɛn] n. f. sing. (lat. strena,


pronostic, présage, signe, présent qu’on
fait un jour de fête pour servir de bon
présage, étrenne ; fin du XIIe s., au sens
3 ; sens 1, 1835, Stendhal ; sens 2, v. 1330,
Baudoin de-Sebourg [pour la graphie du
mot, v. ci-dessous]). 1. Vx. Cadeau occa-
sionnel, pourboire : Dès que nous arrivions
à l’étape je le quittais, je donnais bien
l’étrenne à son domestique pour soigner
mon cheval (Stendhal). ‖ 2. Vx. Première
vente d’un commerçant dans la journée.
‖ 3. Fam. Avoir l’étrenne de quelque
chose, être le premier à user, à jouir d’une
chose : Je descends, parole ! Et je vous offre
l’étrenne de ma barbe (Duhamel). ‖ N’en
avoir pas l’étrenne, ne pas être le premier
à user d’une chose.

& étrennes n. f. pl. (sens 1, v. 1175, Chr.


de Troyes, écrit estrainne [estrine, v. 1190,
Sermons de saint Bernard ; estreine,
1538, R. Estienne ; étrenne, 1636, Monet
— au plur. depuis le XIVe s.] ; sens 2,
XIIIe s. [au plur.] ; sens 3, 1559, Journal du
sire de Gouberville [au sing. ; au plur., 1668,
Molière]). 1. Cadeaux offerts à l’occasion
du premier jour de l’année : Recevoir de
belles étrennes. ‖ 2. Fam. Période où l’on
fait ces cadeaux : Les magasins illuminent
pour les étrennes. ‖ 3. Gratification remise
à des employés à l’occasion du premier de
l’an : Tu demandes, en rentrant du bal,
ta chandelle à ton portier, et il regimbe
quand il n’a pas eu ses étrennes (Musset).
Les facteurs sont passés pour recevoir leurs
étrennes.

étrenner [etrɛne] v. tr. (de étrenne ;


v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit
estrener [étrenner, 1636, Monet], au sens
1 ; sens 2, 1530, Palsgrave ; sens 3, av. 1885,
V. Hugo ; sens 4, 1680, Richelet). 1. Vx.
Gratifier, donner en cadeau : La nature
en vous faisant naître | Vous étrenna de
ses plus doux attraits (Voltaire). ‖ 2. Vx.

Être le premier à acheter à un commer-


çant. ‖ 3. Être le premier à utiliser quelque
chose : Ce fut Enguerrand de Marigny qui
étrenna Montfaucon (Hugo). ‖ 4. Utiliser
une chose pour la première fois : Nous
étrennâmes la voiture en allant voir le tracé
de l’avenue (Balzac). Étrenner un costume.
& v. intr. (sens 1, 1640, Oudin ; sens 2, fin
du XVIIe s.). 1. Vx. Faire sa première vente
de la journée : Pas un marchand n’avait
étrenné (Hugo). ‖ 2. Fig. et ironiq. Recevoir
des coups, des réprimandes.

êtres [ɛtr] n. m. pl. (lat. extera, ce qui est


à l’extérieur, neutre plur. de l’adj. exterus,
extérieur, externe, du dehors [le mot, qui
avait dû être pris pour un fém. sing. en
lat. pop., a le genre masc. dès les premiers
textes franç.] ; v. 980, Passion du Christ,
écrit estras [estres, v. 1130, Eneas], au sens
de « demeure » [aussi « jardin, fossé, lieu,
embrasure d’une fenêtre » au Moyen Âge ;
le mot est assez souvent du sing. jusqu’au
XVIe s.] ; sens actuel, XIIIe s., Roman de
Renart, écrit estres [êtres, XVIIe s.]). Vx.
Disposition des différentes parties d’une
maison, d’une habitation : Un monsieur
inconnu demande à Barousse de lui montrer
les êtres (Goncourt).

• REM. On trouve parfois la graphie


AÎTRES, qui s’écarte de l’étymologie et
n’est pas admise par l’Académie.

étrésillon [etrezijɔ̃] n. m. (altér. de l’anc.


franç. estesillon, bâillon [1333, Godefroy],
dér., sous l’influence de teseillier, s’éti-
rer, tendre à quelque chose [v. 1175,
Chr. de Troyes — dér. de teser, v. ci-des-
sous], de l’anc. v. esteser, tendre, s’étendre
[v. 1250, Godefroy], lui-même composé de
es- [lat. ex-, préf. à valeur intensive] et de
teser, tendre vers [v. 1170, Godefroy], lat.
pop. *te[n]sare, étendre, tirer, atteler, de
tensum, supin du lat. class. tendere, tendre,
étendre, déployer, se diriger vers, tendre
vers ; XVe s., Godefroy, écrit estresillon, au
sens de « bâillon, bâton servant à maintenir
la bouche ouverte » ; écrit étrésillon, au sens
1, 1676, Félibien ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1743, Trévoux ; sens 4, 1773,
Bourdé de Villehuet). 1. Pièce de bois dis-
posée transversalement dans une fouille
ou dans une tranchée pour s’opposer à
l’éboulement des parois, ou pour étayer
des murs peu solides. ‖ 2. Pièce rigide
placée à la manière d’une entretoise entre
deux pièces pour les maintenir solidaires
ou empêcher qu’elles ne se déforment.
‖ 3. Pièce de bois placée entre des planches
empilées pour éviter qu’elles ne se touchent.
‖ 4. En termes de marine, morceau de bois
dont on se sert pour serrer deux cordages
ensemble au moyen d’une ligature.

étrésillonnement [etrezijɔnmɑ̃] n. m.
(de étrésillonner ; 1907, Larousse). Action
d’étrésillonner.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1738
étrésillonner [etrezijɔne] v. tr. (de étré-
sillon ; 1676, Félibien). Soutenir, étayer au
moyen d’étrésillons.

étresse [etrɛs] n. f. (déverbal de l’anc.


franç. estrecier, rendre plus étroit [v. ÉTRÉ-
CIR] ; v. 1190, godefroy, écrit estrece, au sens
de « état de ce qui est étroit » ; écrit étresse,
au sens actuel, 1751, Encyclopédie). Feuille
de papier gris très mince dont on double les
cartes à jouer pour les rendre plus opaques
et plus rigides.

1. étrier [etrije] n. m. (altér., sous l’in-


fluence des nombreux noms d’instruments
en -ier, de l’anc. franç. estreu, étrier [1080,
Chanson de Roland], estrieu [v. 1155, Wace],
estriu, estrif [v. 1175, Chr. de Troyes], estrief
[XIIIe s., Godefroy], francique *streup,
étrier, proprem. « courroie » [telle était
en effet la première forme de l’étrier chez
les Germains, qui ont appris aux cavaliers
romains l’usage de cette pièce] ; v. 1130,
Eneas, écrit estrier [étrier, XVIIe s.], au sens
I [pied de l’étrier, avoir le pied à l’étrier,
tenir l’étrier à, perdre les étriers, 1690,
Furetière ; être ferme sur ses étriers, 1694,
Acad. ; vider les étriers, 1864, Littré ; à franc
étrier, 1787, Féraud ; coup de l’étrier, 1835,
Acad.] ; sens II, 1, fin du XIVe s. ; sens II, 2,
1611, Cotgrave ; sens II, 3-6, XXe s.).

I. Anneau en métal, de formes variées,


suspendu par une courroie de chaque
côté de la selle et dans lequel le cavalier
engage le pied : J’entendis résonner le four-
reau de mon sabre sur l’étrier (Vigny).
‖ Pied de l’étrier, pied gauche. ‖ Avoir le
pied à l’étrier, être prêt à partir ; au fig.,
être en bonne voie pour réussir, pour
satisfaire ses ambitions : Il me semble
que vous aviez bien le pied à l’étrier, il y a
quelques mois (Duhamel). ‖ Tenir l’étrier
à quelqu’un, tenir l’étrier fixe pour l’aider
à se mettre en selle : Mon guide, qui me
tenait l’étrier, me fit un nouveau signe des
yeux (Mérimée) ; au fig., aider quelqu’un
dans son entreprise, favoriser sa car-
rière, sa réussite. ‖ Être ferme, fort sur ses
étriers, se tenir solidement à cheval ; au
fig., défendre avec vigueur et constance
ses opinions, poursuivre résolument ses
projets. ‖ Perdre les étriers, laisser ses
pieds sortir des étriers ; au fig., perdre
l’avantage qu’on avait dans une lutte,
une discussion ; se laisser déconcerter.
‖ Vider les étriers, être désarçonné par
son cheval. ‖ À franc étrier, de toute
la vitesse de son cheval, sans s’arrêter :
Je pars pour Paris à franc étrier, j’y puis
être demain matin à dix heures (Balzac).
‖ Coup de l’étrier, à l’origine, verre de vin
qu’on buvait pour se donner du courage
au moment de monter à cheval ; par ex-
tens., verre de vin qu’on boit au moment
du départ.

II. 1. En construction, arceau métallique


servant à la suspension des échafaudages
volants. ‖ Armature métallique servant,

dans les constructions en béton armé,


à relier entre eux les fers principaux.
‖ 2. En anatomie, osselet de l’oreille
moyenne, d’une forme analogue à celle
de l’étrier, placé en dedans de l’enclume
et s’articulant avec la fenêtre ovale.
‖ 3. En technologie, appareil à crochets
que certains ouvriers (couvreurs, électri-
ciens, élagueurs, etc.) se fixent aux jambes
pour grimper le long d’un poteau ou d’un
arbre. ‖ 4. En alpinisme, petite échelle de
corde que l’alpiniste accroche à un piton
afin de se hisser dans les passages diffi-
ciles, notamment pour franchir un sur-
plomb. ‖ 5. En chirurgie, accessoire des
tables d’examen ou d’opération destiné à
soutenir les pieds. ‖ Instrument de trac-
tion pour réduire les fractures. ‖ 6. Dans
un ski, pièce métallique de la fixation
destinée à maintenir solidement l’avant
de la chaussure.

2. étrier, ère [etrije, -ɛr] adj. (emploi


adjectival du précéd. ; 1600, Godefroy).
Dans la construction, se dit d’une jambe,
d’un pilier placés à la tête d’un mur
mitoyen et dont les pierres se relient à la
construction voisine pour la soutenir : Ces
deux caves dont les jambes étrières avaient
été barbouillées de vers et d’hiéroglyphes
sans nombre par Nicolas Flamel (Hugo).

étrière [etrijɛr] n. f. (de étrier ; 1690,


Furetière). Bande de cuir qui tient les étriers
suspendus en haut de la selle quand on ne
les utilise pas.

étrieu [etrijø] n. m. (spécialisation de


l’anc. franç. estrieu, étrier [v. ÉTRIER] ;
1864, Littré). Étai transversal entre deux
maisons.

étrillage [etrijaʒ] n. m. (de étriller ; 1854,


d’après Larchey, 1878, au sens 3 ; sens 1,
1907, Larousse ; sens 2, 1930, Larousse).
1. Action d’étriller un animal. ‖ 2. Fig. et
pop. Volée de coups, correction physique.
‖ 3. Fig. Importante perte d’argent, sur-
tout au jeu.

étrille [etrij] n. f. (lat. pop. *strigila, réfec-


tion du lat. class. strigilis, sorte d’étrille
pour nettoyer la peau après le bain, dér.
de stringere, serrer, serrer l’extrémité de,
toucher légèrement, raser ; XIIIe s., Recueil
des fabliaux, écrit estrille [étrille, 1636,
Monet], au sens 1 ; sens 2, 1769, Duhamel
du Monceau). 1. Plaque de fer munie d’un
manche et portant de petites lames den-
telées, disposées parallèlement, dont on
se sert pour le pansage des chevaux, des
mulets. ‖ 2. Nom usuel d’un crabe comes-
tible dont les pattes postérieures sont apla-
ties en palettes.

étriller [etrije] v. tr. (lat. pop. *strigilare,


étriller, dér. de *strigila [v. l’art. précéd.] ;
v. 1155, Wace, écrit estriller [étriller, 1636,
Monet], au sens 1 ; sens 2, milieu du XVe s. ;
sens 3, 1870, Larousse [avoir été étrillé,
« avoir fait de grosses pertes au jeu », 1690,

Furetière] ; sens 4, début du XXe s. ; sens 5,


1609, M. Régnier ; sens 6, 1759, Richelet).
1. Frotter un animal avec l’étrille : Étriller
un cheval, un boeuf. ‖ 2. Fam. Battre
quelqu’un, le malmener d’importance :
Étriller l’ennemi. ‖ 3. Fig. L’emporter lar-
gement sur quelqu’un dans une compé-
tition, dans un jeu : Il n’aimait pas jouer
aux cartes ; il se faisait toujours étriller.
‖ 4. Fig. et fam. Mettre à mal quelqu’un, le
faire souffrir : Je vous avoue que j’ai déjà été
sérieusement étrillée par la vie. Je n’ai pas
toujours eu ma liberté (Martin du Gard).
‖ 5. Critiquer vivement en ne laissant pas à
ses adversaires la possibilité d’une riposte :
Se faire étriller par un polémiste. ‖ 6. Fam.
Faire payer trop cher : Un café où les clients
se font étriller.

• SYN. : 1 brosser, panser ; 2 étriper (fam.),


rosser ; 3 battre, écraser ; 4 malmener, mal-
traiter, molester, rudoyer ; 5 démolir (fam.),
échiner (fam.), éreinter (fam.), esquinter
(fam.) ; 6 écorcher (fam.), estamper (fam.),
étrangler (fam.).

étripage [etripaʒ] n. m. (de étriper ; 1877,


Littré, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.). 1. Action
de vider les poissons, en particulier les sar-
dines. ‖ 2. Action de séparer les vins clairs
des lies. ‖ 3. Fam. et fig. Lutte violente et
sans ménagement entre deux ou plusieurs
adversaires. (On dit parfois aussi, en ce
sens, ÉTRIPEMENT [début du XXe s.].)

étripailler [etripɑje] v. tr. (de étriper,


d’après tripaille ; début du XXe s.). Fam.
Éventrer quelqu’un : Pendant que les ban-
dits du haut Moyen Âge pillaient, brûlaient,
étripaillaient (Romains).

étripe-cheval (à) [aetripʃəval] loc. adv.


(de étriper et de cheval ; 1690, Furetière).
Aller à étripe-cheval, si vite qu’on ferait
sortir les tripes de la bête ; au fig., aller à
toute vitesse.

étriper [etripe] v. tr. (de é-, es- [lat. ex-,


préf. à valeur privative], et de tripe ; 1534,
Rabelais, écrit estriper, au sens de « ouvrir
le ventre à [quelqu’un] d’un coup d’épée » ;
sens 1, 1578, A. d’Aubigné, écrit estriper
[étriper, XVIIe s.] ; sens 2, 1704, Trévoux).
1. Enlever les tripes, les entrailles d’un
animal : Étriper une volaille. Mais quand,
demanda Alban, avez-vous vraiment
vu les chevaux étripés ? (Montherlant).
‖ 2. Fam. Battre sauvagement, violemment
quelqu’un, au risque de le tuer : Ne te mêle
pas de cette bagarre, tu vas te faire étriper.
& s’étriper v. pr. (fin du XIXe s., A. Daudet).
Fig. et fam. Se battre, se malmener violem-
ment en paroles : Nos assemblées soi-disant
littéraires, nos papotages, nos querelles,
toutes les cocasseries d’un monde excen-
trique, fumier d’encre, enfer sans grandeur,
où l’on s’égorge, où l’on s’étripe (Daudet).

étriqué, e [etrike] adj. (part. passé de


étriquer ; 1707, Saint-Simon, au sens 1 ; sens
2, fin du XIXe s., A. Daudet ; sens 3, 1778, Le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1739

Verrier de La Conterie ; sens 4, 1829, Boiste ;


sens 5, 1929, Gide). 1. Se dit d’un vêtement
qui est trop serré, qui manque d’ampleur :
Une robe étriquée. ‖ 2. Se dit de quelqu’un
qui est habillé de vêtements étroits ou qui
manque de carrure : Un pauvre diable étri-
qué dans un paletot trop mince qui faisait
paraître ses enjambées plus longues et exa-
gérait férocement tous ses gestes (Daudet).
‖ 3. Se dit d’un animal qui manque de
corps et qui est haut sur pattes : Le lévrier
est un animal étriqué. ‖ 4. Fig. Qui manque
d’ampleur, de développement ; médiocre :
Une dissertation étriquée. Une vie étriquée.
‖ 5. Fig. Qui manque d’envergure, qui
fait preuve de mesquinerie : Cet art, qui
ne prétend à aucune profondeur [...], reste
déplorablement étriqué (Gide).
• SYN. : 2 bridé, corseté, sanglé ; 4 maigre,
minable (fam.), sec ; 5 borné, étroit, mes-
quin. — CONTR. : 1 ample, flottant, large ; 4
abondant, aisé, étendu, nourri ; 5 profond,
vaste.

étriquement [etrikmɑ̃] n. m. (de étri-


quer ; 14 sept. 1875, Journ. officiel). Action
de rendre étriqué, de restreindre à l’excès ;
état qui en résulte (rare) : Sa pensée [d’un
peintre], vouée au bleu, se suffisait à s’expri-
mer par un moyen limité jusqu’à l’étrique-
ment (Bergerat).

étriquer [etrike] v. tr. (moyen néerl. stri-


ken, s’étendre, francique *strîkan, étendre,
frotter ; XIIIe s., Godefroy, comme v. pr.,
écrit estrikier, au sens de « s’étirer, allonger
le bras par désir de saisir quelque chose » ;
comme v. tr., écrit estriquer [étriquer,
XVIIe s.], au sens de « appuyer [ses pieds]
contre quelque chose en s’allongeant en
arrière pour pouvoir tirer avec plus de
force », 1583, Tilander ; av. 1665, Muse nor-
mande, au sens de « allonger », d’où « pri-
ver d’ampleur » [jusqu’au XVIIe s. inclus,
le verbe apparaît surtout dans des textes
écrits en Picardie ou en Normandie] ; sens
1, 1829, Boiste ; sens 2, 1836, Acad. ; sens
3, 1760, Voltaire). 1. Enlever son ampleur
à quelque chose, le rendre trop étroit :
Étriquer une robe. ‖ 2. Amincir une pièce
de bois pour qu’elle s’ajuste exactement à
une autre. ‖ 3. Fig. Développer d’une façon
insuffisante, écourter (rare) : Étriquer un
chapitre de roman.

étristé, e [etriste] adj. (de é- [lat. ex-,


préf. à valeur privative] et de triste, au sens
de « qui a l’air en mauvaise santé » ; 1759,
Richelet). Se dit d’un chien courant qui a
les jarrets bien formés.

étrive [etriv] n. f. (fém. de l’anc. franç.


e[s]trif, étrier [v. ÉTRIER 1] ; 1786, Encycl.
méthodique). En termes de marine, amar-
rage que l’on fait sur deux cordages à l’en-
droit où ils se croisent.

1. étriver [etrive] v. tr. (de étrive ; début


du XIXe s.). Disposer en étrive un cordage,
une manoeuvre.

2. étriver [etrive] v. intr. (de l’anc. franç.


estrif, querelle, dispute, lutte, combat
[v. 1138, Gaimar], var. de estrit, mêmes sens
[Xe s.], francique *strīd, dispute, querelle ; v.
1155, Wace, écrit estriver ; étriver, XVIIe s.).
Se quereller continuellement : Allez donc,
sans plus étriver (Scarron).

étrivière [etrivjɛr] n. f. (de l’anc.


franç. estrif, étrier [v. ÉTRIER 1] ; v. 1175,
Chr. de Troyes, écrit estriviere [étrivière,
XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1541, Calvin
[donner les étrivières à quelqu’un, début
du XVIIe s., Malherbe]). 1. Courroie ser-
vant à porter les étriers de chaque côté de
la selle : Allonger, raccourcir les étrivières.
‖ 2. Vx. Lanière de cuir dont on se servait
pour infliger un châtiment physique : Des
coups d’étrivières. ‖ Donner les étrivières
à quelqu’un, lui donner une correction :
Il me fera donner les étrivières, si je ne le
salue (Pascal).

étroit, e [etrwa, -at] adj. (lat. strictus,


serré, étroit, part. passé de stringere,
étreindre, serrer, resserrer ; v. 1155, Wace,
écrit estreit [estroit, v. 1175, Chr. de Troyes ;
étroit, 1636, Monet], au sens I, 1 [cheval
étroit, 1690, Furetière ; voie estroite, au fig.,
fin du XIIe s.] ; sens I, 2, 1690, Furetière ;
sens I, 3, v. 1160, Benoît de Sainte-Maure ;
sens I, 4, 1690, Furetière [en droit ; sens
étroit, v. 1715, Fontenelle] ; sens I, 5, v. 1206,
Guiot de Provins ; sens I, 6, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens II, 1, 1890, Dict. géné-
ral ; sens II, 2, 1635, Corneille ; sens II, 3,
v. 1220, G. de Coincy).

I. 1. Qui a peu de largeur : Une rue étroite.


Un ruban étroit. Voici l’étroit sentier de
l’obscure vallée (Lamartine). ‖ Cheval
étroit, se dit d’un cheval qui a les côtes res-
serrées. ‖ Voie étroite, voie de chemin de
fer dont la largeur est inférieure à la voie
métrique ; au fig., dans l’Écriture sainte,
voie difficile à suivre pour faire son salut.
‖ 2. Qui a peu d’étendue, d’ampleur : Ces
fruits mûris à l’ombre et dans d’étroits jar-
dins fermés (Gide). ‖ 3. Fig. Qui manque
d’extension, restreint : Un cercle étroit
d’amis. ‖ 4. Fig. Qui est interprété dans
l’extension la moins large : Le sens étroit
d’un mot. ‖ 5. Fig. Qui manque de lar-
geur de vues, borné : Un esprit étroit. Une
politique étroite. ‖ 6. Fig. Qui manque
d’aisance financière : M. Bergeret oubliait
sous les arbres classiques [...] la vie étroite
de son étroit logis (France). En ce temps-
là, je ne doutais point que nous ne fussions
très pauvres. Il eût suffi, pour m’en persua-
der, de notre vie étroite (Mauriac).

II. 1. Qui tient très serré, qui enferme


solidement (vieilli) : Faire un noeud étroit.
‖ 2. Fig. Qui attache solidement, qui unit
intimement : J’y prendrai des habitudes
qui seront autant de liens plus étroits pour
m’attacher à l’intimité des lieux (Fromen-
tin). Une étroite intimité s’était ainsi éta-
blie entre eux (Zola). Entretenir des rap-

ports étroits avec quelqu’un. ‖ 3. Fig. Qui


attache de façon stricte, rigoureuse : Être
dans l’étroite dépendance de ses parents.
• SYN. : I, 2 exigu, petit ; 3 limité, réduit ;
4 restreint, strict ; 5 étriqué, mesquin ; 6
difficile, gêné, modeste, serré. — CONTR. :
I, 2 ample, immense, vaste ; 3 étendu ; 4
large ; 6 aisé, cossu, opulent, riche ; II, 1
desserré, lâche.

& étroit adv. (1080, Chanson de Roland,


écrit estreit [estroit, 1160, Godefroy], au
sens de « d’une manière serrée, fortement » ;
chausser étroit, 1870, Larousse ; voir étroit,
début du XXe s.). Chausser étroit, avoir le
pied mince, ce qui exige des chaussures de
forme effilée. ‖ Voir étroit, manquer de
larges perspectives, d’audace, de jugement.
& étroit n. m. (fin du XIIe s., Marie de
France, écrit estrei, au sens de « situation
dangereuse, détresse » ; sens actuel, v. 1265,
Br. Latini, écrit estroit [étroit, XVIIe s.]). Vx
et dialect. Passage resserré entre deux ver-
sants : [Le glacier] se cassant au passage des
étroits (Frison-Roche).

& À l’étroit loc. adv. 1. Dans un espace trop


réduit, trop restreint : Être logé à l’étroit.
Être à l’étroit dans une voiture. ‖ 2. Fig.
Dans la pauvreté : Vivre à l’étroit.

étroitement [etrwatmɑ̃] adv. (de étroit ;


v. 1130, Eneas, écrit estreitement [estroite-
ment, v. 1175, Chr. de Troyes ; étroitement,
XVIIe s.], aux sens I, 2 et II, 1 ; sens I, 1,
milieu du XVe s., Quinze Joyes de mariage ;
sens II, 2, v. 1175, Chr. de Troyes).

I. 1. À l’étroit : Nous n’habitions pas chez


les Bucolin qui, en ville, étaient assez
étroitement logés (Gide). ‖ 2. Fig. D’une
façon intime, personnelle : Les moindres
détails de cette vie simple et presque com-
mune ont été comme autant d’attaches [...]
par lesquelles je me suis étroitement uni à
la comtesse (Balzac).

II. 1. En pressant, en serrant fortement :


Les doigts, étroitement pressés, se meur-
trissaient à chaque secousse (Zola). Je
tenais son bras étroitement serré contre
moi (Gide). ‖ 2. Fig. De la façon la plus
stricte : Appliquer étroitement les ordres
reçus. ‖ Avec rigueur et vigilance : Sur-
veiller étroitement un prisonnier.
étroitesse [etrwatɛs] n. f. (de étroit ;
XIIe s., Godefroy, écrit estreitece, au sens de
« angoisse » ; sens I, 1-2, XIVe s., Godefroy,
écrit estroittesse [étroitesse, 1716, d’après
Trévoux, 1721 ; mot rare au XVIIe s.] ; sens
I, 3 et II, XXe s. ; sens I, 4, av. 1778, Diderot).

I. 1. Caractère de ce qui est peu large :


L’étroitesse d’une rue. L’étroitesse des
jambes d’un pantalon. ‖ En anatomie,
dimension insuffisante d’une ouver-
ture, d’une cavité : L’étroitesse du bassin.
‖ 2. Caractère de ce qui manque d’es-
pace : L’étroitesse d’un logement. L’étroi-
tesse des logis fait les ventres avaricieux
(Colette). ‖ 3. Littér. Qui dure trop peu :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1740

Je comprenais épouvantablement l’étroi-


tesse des heures (Gide). ‖ 4. Fig. Carac-
tère de ce qui est moralement étroit, qui
manque de largeur de vues ; mesquine-
rie : L’étroitesse d’esprit, de jugement.
L’étroitesse d’une conception. La bonne
femme était loin de partager l’étroitesse
des principes des Vogel (Rolland).

II. Caractère de ce qui unit intimement :


L’étroitesse des liens d’amitié.

• SYN. : I, 1 et 2 exiguïté ; 4 pauvreté, petit-


esse. —CONTR. : I, 1 et 2 ampleur ; 4 largeur,
profondeur.

étron [etrɔ̃] n. m. (francique *strunt,


excréments de l’homme ; XIIIe s., Rutebeuf,
écrit estront, estron [étron, 1740, Acad.], au
sens 1 ; sens 2, av. 1880, Flaubert). 1. Triv.
Matière fécale consistante de l’homme
et de quelques animaux : Étron de chien.
‖ 2. Vx et péjor. Production littéraire sans
intérêt : Je n’ai pas lu son étron, c’est trop
cher pour mes moyens (Flaubert).

étronçonner [etrɔ̃sɔne] v. tr. (de é-,


es- [lat. ex-, préf. à valeur privative], et de
tronçon ; 1570, Liébault, écrit estronçon-
ner ; étronçonner, fin du XVIIe s.). Couper
toutes les branches basses d’un arbre de
manière à ne laisser que le tronc surmonté
d’un bouquet de feuillage.

étrope [etrɔp] n. f. (var. de estrope [v. ce


mot] ; début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2,
XXe s. [var. strope, 1611, Cotgrave ; estrop,
1677, Dassié]). 1. Corde qui entoure la
moufle d’une poulie. ‖ 2. Lien qui attache
l’aviron au tolet.

étruscologie [etryskɔlɔʒi] n. f. (de


étrusco-, élément tiré de étrusque, et de
-logie, du gr. logos, science, discours ;
XXe s.). Branche de l’histoire ancienne où
l’on étudie le monde étrusque sous tous ses
aspects d’après les textes, les monuments
et les fouilles.

étruscologue [etryskɔlɔg] n. (de


étrusco-, élément tiré de étrusque, et de
-logue, du gr. logos, science, discours ; 1877,
Littré). Spécialiste qui étudie le monde
étrusque.

étrusque [etrysk] adj. et n. (lat. Etruscus,


Étrusque, d’Étrurie ; 1865, Littré). Relatif à
l’Étrurie ancienne ; habitant ou originaire
de ce pays.

& n. m. (1865, Littré). Langue parlée par


les Étrusques.

& adj. (1865, Littré). Qui est écrit en langue


étrusque : Une quantité de figures plus indé-
chiffrables que des textes étrusques (Valéry).

étude [etyd] n. f. (de l’anc. franç. estuide,


application, zèle [v. 1150, Roman de
Thèbes], issu, par métathèse, de estudie,
n. m. ou f., mêmes sens [v. 1120, Psautier de
Cambridge], francisation du lat. studium,
zèle, ardeur, dévouement, application à
l’étude, branche de connaissance, dér.
de studere, s’appliquer à, rechercher, étu-

dier, s’instruire ; v. 1190, Sermons de saint


Bernard, écrit estude [étude, 1636, Monet],
au sens I, 1 ; sens I, 2, v. 1190, Garnier
de Pont-SainteMaxence [« effort pour
apprendre par coeur », 1580, Montaigne] ;
sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens I, 4 et II, 2,
1845, Bescherelle ; sens I, 5, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné ; sens II, 1, 1784, Bernardin
de Saint-Pierre ; sens II, 3, 1645, Poussin ;
sens III, 1, v. 1212, Anger ; sens III, 2,
1835, Acad. [étude, salle d’étude, maître
d’étude] ; sens III, 3, 1865, Littré ; sens III,
4, 1868, A. Daudet ; sens III, 5, 1660, Oudin ;
sens III, 6, 1690, Furetière ; sens III, 7, 1870,
Larousse]).

I. 1. Class. et littér. Soin particulier ap-


porté à faire quelque chose, application :
Je mettrais toute mon étude à rendre ce
quelqu’un jaloux (Molière). Dès lors, il
se fit une étude de cacher tous les dehors
de ce qu’il regardait comme une faiblesse
déshonorante [sa sensibilité] (Mérimée).
‖ 2. Application intellectuelle pour
connaître ou apprendre quelque chose : Il
s’était pris d’un goût très vif pour l’étude
de l’antiquité (Stendhal). Il faut recon-
naître dans l’étude du droit un chapitre
de la sociologie (Barrès). ‖ Spécialem.
Application, effort, exercices en vue d’ac-
quérir la technique d’un art : J’en viens à
douter parfois si ce que j’aime ici ce n’est
point tant la musique que l’étude du
piano (Gide). ‖ Effort intellectuel pour
apprendre : L’étude a été pour moi le sou-
verain remède contre tous les maux (Mon-
tesquieu) ; Spécialem., pour apprendre
par coeur : L’étude d’une leçon, d’une réci-
tation, d’un rôle par un acteur. ‖ 3. Effort
intellectuel pour observer et comprendre
quelque chose : L’étude du monde ne
m’avait rien appris, et pourtant je n’avais
plus la douceur de l’ignorance (Cha-
teaubriand). Je pense aussi que l’étude
de la nature ne nuit en aucune façon à
la pratique de la vie (Hugo). ‖ 4. Travail
préparatoire de recherche et de mise au
point : Mettre un projet à l’étude. ‖ 5. Vx.
Connaissances acquises en étudiant :
Quelques personnes [...] ont jugé qu’un
aussi gros livre que ce dictionnaire farci
de passages grecs et latins [...] effrayerait
les lecteurs qui n’ont point d’étude (Bayle).

II. 1. Ouvrage qui contient les résultats


d’une recherche intellectuelle : Une étude
sur les acides aminés. ‖ 2. En musique,
morceau, instrumental ou vocal, compo-
sé le plus souvent dans un but didactique,
pour développer la technique de l’exé-
cutant : Travailler une étude de Chopin.
‖ 3. En termes de beaux-arts, travaux de
détail qu’un artiste exécute séparément
après avoir arrêté le croquis de sa com-
position : Ce musée expose des études de
Delacroix. ‖ Modèle destiné à l’enseigne-
ment du dessin, quand il ne contient pas
une figure entière : Une étude de mains.

III. 1. Vx. Cabinet de travail : Il n’y a si vil


praticien qui, du fond de son étude sombre
et enfumée, ne se préfère au laboureur, qui
jouit du ciel et qui fait de riches moissons
(La Bruyère). ‖ 2. Salle d’étude, ou sim-
plem. étude, lieu, salle de classe, où les
élèves, sous la surveillance d’un maître,
apprennent leurs leçons et font leurs
devoirs : Nous étions à l’étude quand
le proviseur entra (Flaubert). ‖ Maître
d’étude, maître qui surveille les élèves en
étude. ‖ 3. Par extens. Temps passé dans
la salle d’étude : Les élèves se sont dissipés
pendant l’étude. ‖ 4. Ensemble des élèves
d’une étude : Les trois études s’y rendaient
séparément (Daudet). ‖ 5. Locaux où
un officier ministériel travaille avec ses
clercs : Une étude de notaire. ‖ 6. Charge
de cet officier public : Acheter une étude.
‖ 7. Personnel de cet officier : Donner
congé à son étude.

& études n. f. pl. (sens 1, 1532, Rabelais ;


sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1784,
Bernardin de Saint-Pierre). 1. Série com-
plète et progressive des cours suivis dans
un établissement scolaire ou universitaire :
Terminer ses études secondaires. Les études,
jadis, conduisaient assez régulièrement à
des carrières où la plupart arrivaient à
s’établir (Valéry). ‖ Faire ses études, étu-
dier à l’Université, suivre des études supé-
rieures : Ces choses-là sont rudes, | Il faut,
pour les comprendre, avoir fait ses études
(Hugo). ‖ 2. Ensemble de recherches.
‖ Bureau d’études, service d’une entre-
prise chargé de concevoir les produits et
d’en dessiner les plans. ‖ 3. Ouvrage com-
posé d’un ensemble d’études particulières :
Études de la nature (titre de l’ouvrage de
Bernardin de Saint-Pierre). Études histo-
riques (titre de l’ouvrage de Chateaubriand).

étudiant, e [etydjɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés.


substantivé de étudier ; v. 1370, Oresme,
écrit estudiant ; étudiant, XVIe s. [jusqu’à
la fin du XVIIe s., étudiant s’emploie en
concurrence avec écolier, v. ce mot]).
Personne qui fait des études supérieures
en fréquentant les cours d’une faculté ou
d’un établissement d’enseignement supé-
rieur : Les étudiants en lettres, en droit. Les
étudiants, non plus que les grisettes, ne sont
pas riches tous les jours (Musset).

& adj. (milieu du XXe s.). Relatif à l’étudiant :


Le monde étudiant. ‖ Caractéristique de
l’étudiant : La mentalité étudiante.

• REM. Cet adjectif tend à se substituer à


l’adjectif de forme savante ESTUDIANTIN.

étudié, e [etydje] adj. (part. passé de étu-


dier ; 1580, Montaigne, au sens 1 [prix étu-
dié, 1963, Larousse] ; sens 2, 1611, Cotgrave).
1. Que l’on a soigneusement mis au point,
calculé : Un modèle étudié. ‖ Spécialem.
Prix étudié, prix de vente que l’on a établi le
plus bas possible : Nos articles sont vendus
à des prix étudiés. ‖ 2. Fig. Qui manque de
naturel : Avoir un comportement étudié.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1741

& étudié n. m. (fin du XIXe s., A. Daudet).


Vx. Manière d’être apprêtée : En elle, effec-
tivement, rien de l’étudié, du convenu de la
femme de théâtre (Daudet).

étudier [etydje] v. tr. (de l’anc. franç. estu-


die [v. ÉTUDE] ; v. 1155, Wace, écrit estudier
[étudier, 1636, Monet], au sens 1 ; sens 2
et 5, 1694, Acad. ; sens 3, fin du XIVe s.,
E. Deschamps ; sens 4, 1580, Montaigne).
1. Chercher à acquérir la connaissance ou
la technique d’une science, d’un art, d’une
discipline : Étudier le droit, la musique, la
photographie. ‖ 2. Apprendre par coeur,
retenir par un effort de mémoire : Étudier
sa leçon. ‖ 3. Absol. et vx. Se consacrer
à l’étude : J’étais censé étudier jusqu’à
midi ; la plupart du temps je ne faisais
rien (Chateaubriand). ‖ Faire ses études :
Il étudie à l’Université. ‖ 4. Chercher à
comprendre, par un examen attentif :
J’ai voulu étudier des tempéraments et
non des caractères (Zola). ‖ Étudier un
auteur, une question, en faire une étude
particulière et approfondie. ‖ Étudier le
terrain (au pr. et au fig.), observer, avant
d’agir, les conditions, les circonstances qui
peuvent favoriser ou empêcher le succès.
‖ 5. Préparer avec soin en vue d’un effet
à produire : Il étudie son intervention, sa
plaidoirie. Étudier un rôle.

• SYN. : 1 travailler (fam.) ; 2 bûcher (fam.),


chiader (arg. scol.), piocher (fam.), potasser
(fam.) ; 4 analyser.

& v. tr. ind. [à] (v. 1175, Chr. de Troyes).


Class. Porter intérêt à : J’avais un peu étu-
dié, étant plus jeune, entre les parties de
la philosophie, à la logique, et, entre les
mathématiques, à l’analyse des géomètres
et à l’algèbre (Descartes).

& s’étudier v. pr. (sens 1, XIIIe s. ; sens 2,


1580, Montaigne ; sens 3, 1829, Boiste ; sens
4, fin du XIXe s.). 1. Class. et littér. Mettre
tous ses soins, toute son application à :
Il s’étudiait à reconnaître les talents ; il
les encourageait, les aidait par des atten-
tions particulières (Fontenelle). Soliman
s’étudia, en seigneur bien appris, à faire
parler la reine autant qu’il put (Nerval).
La jeune femme s’étudiait à rester inerte
(Zola). ‖ 2. Observer son propre comporte-
ment : Il est difficile de s’étudier sans aucun
préjugé. ‖ 3. Se composer une attitude :
La caméra permet de saisir les person-
nages dans toute leur vérité, en dehors des
moments où ils s’étudient. ‖ 4. Chercher
à se connaître mutuellement en s’obser-
vant avec attention : L’un et l’autre, ils
s’étudiaient autant que l’on peut s’étudier
quand on s’aime (Barrès).

étudiole [etydjɔl] n. f. (dimin. de l’anc.


franç. estude, au sens de « cabinet d’étude »
[v. ÉTUDE], ou empr. de l’ital. studiolo, dér.
de studio, du lat. studium, étude [le bas lat.
studiolum, dér. de studium, n’a que le sens
de « petit écrit, petite étude »] ; XVIIe s.,
Du Cange). Petit meuble à tiroirs que l’on
plaçait autrefois sur un autre meuble.

étui [etɥi] n. m. (déverbal de l’anc. franç.


estoïer, mettre dans la gaine, renfermer
[v. 1160, Benoît de Sainte-Maure], estuier,
mettre de côté, réserver, épargner [1170,
Maurice de Sully], lat. pop. *studiare,
donner ses soins à quelque chose, dér.
du lat. class. studium, soin, application
[v. ÉTUDE] ; v. 1170, Livre des Rois, écrit estui
[étui, XVIIe s.], au sens 1 [aussi « prison »,
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence] ;
sens 2, 1866, Larousse [art. cartouche] ;
sens 3, 1836, Acad. ; sens 4, 1664, d’après
Savary des Bruslons, 1723 ; sens 5, 1865,
Littré). 1. Sorte de boîte destinée à conte-
nir un objet et ayant à peu près la même
forme que lui : Son cercueil [de la petite
Marie] est si peu long | Qu’il tient sous
le bras qui l’emporte | Comme un étui de
violon (Gautier). Geneviève ramenait un
inconnu, un Suisse avec un étui, dont on ne
sut jamais s’il était violoniste ou joueur de
tennis (Giraudoux). Étui à lunettes, à vio-
lon, à jumelles. ‖ 2. Dans la marine, enve-
loppe en toile qui entoure les voiles ferlées
sur leur vergue, ou d’autres objets pour les
protéger. ‖ 3. Étui de cartouche, cylindre
en laiton, en fer ou en matière plastique qui
contient la charge d’explosif des cartouches
métalliques. ‖ 4. Petite boîte spécialement
destinée à contenir un certain nombre de
choses de même nature : Un étui à aiguilles.
Un étui à cigarettes. M. le Préfet tira de son
étui un gros cigare (France). ‖ 5. Fourreau
dans lequel est logé l’aiguillon de certains
insectes.

• SYN. : 1 boîte, fourreau, gaine ; 2 housse ;


3 douille ; 4 nécessaire, trousse.

e tutti quanti. V. TUTTI QUANTI.


étuvage [etyvaʒ] n. m. (de étuver ; 1874,
d’après Littré, 1877). Action d’étuver :
L’étuvage des fûts, des bois, des peaux de
mouton.

• REM. On a dit aussi ÉTUVEMENT (1538,


R. Estienne, écrit estuvement ; étuvement,
1636, Monet).

étuve [etyv] n. f. (lat. pop. de la Gaule


*extupa, salle de bains [surtout pour bains
de vapeur], déverbal de *extupare, remplir
de vapeurs chaudes, de ex-, préf. à valeur
intensive, et du gr. tuphein, « faire fumer,
enfumer », parvenu en Gaule méridionale
par l’intermédiaire du gr. de Marseille ;
fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit estuve
[étuve, 1636, Monet], au sens 1 ; sens 2, v.
1560, Paré ; sens 3 et 5, 1690, Furetière ;
sens 4, depuis 1680, Richelet ; sens 6 et 8,
XXe s. ; sens 7, 1773, Bourdé de Villehuet).
1. Nom donné autrefois à une salle de bains
ou à un établissement de bains : Quelques-
uns se croyaient aux étuves, à cause de la
buée qui flottait autour d’eux (Flaubert).
‖ 2. Auj. Chambre de bains chauffée par
des bouches de chaleur ou des radiateurs
pour provoquer la transpiration. ‖ Étuve
sèche, chauffée extérieurement. ‖ Étuve
humide, où l’on fait pénétrer la vapeur.

(On dit aussi BAINS DE VAPEUR.) ‖ 3. Par


anal. Local quelconque où la température
est trop élevée, où la chaleur est humide :
Ce théâtre est une étuve. ‖ 4. Spécialem.
Appareil clos dans lequel on entretient
une température élevée pour désinfecter
ou stériliser, ou une température constante
pour la culture des microbes. ‖ 5. Armoire
métallique chauffée par la base et dans
laquelle on procède au séchage rapide
des chapeaux. ‖ 6. Appareil dans lequel
on pratique le séchage industriel des bois.
‖ 7. Étuve à bordages, dans la marine,
cylindre creux dans lequel on soumet les
bordages à un bain de vapeur pour les
assouplir. ‖ 8. Chambre dans laquelle on
suspend les peaux lainées de mouton dans
le procédé de délainage « à l’échauffe ».
• SYN. : 2 sauna ; 3 étouffoir, four, fournaise ;
4 autoclave.

étuvée [etyve] n. f. (part. passé fém. subs-


tantivé de étuver ; fin du XIVe s., Taillevent,
écrit estuvée ; étuvée, 1636, Monet). En
termes de cuisine, syn. de ÉTOUFFÉE.

étuver [etyve] v. tr. (de étuve [v. ce mot] ;


v. 1175, Chr. de Troyes, comme v. intr., écrit
estuver, au sens de « prendre un bain de
vapeur » ; comme v. tr., au sens 1, 1384,
Poerck, écrit estuver [étuver, XVIIe s.] ; sens
2, 1768, Brunot ; sens 3, v. 1398, le Ménagier
de Paris). 1. Sécher ou chauffer dans une
étuve : Étuver des instruments de chirurgie.
‖ 2. Soumettre à un traitement dans une
étuve : Étuver des bois, des peaux de mou-
ton. ‖ 3. En cuisine, faire cuire à l’étouffée :
Étuver des petits pois.

& s’étuver v. pr. (XVe s., Godefroy). Class.


Se baigner : S’étuvant dans une cuve qu’il
avait fait porter exprès dans sa chambre
(Malherbe).

étuveur, euse [etyvoer, -øz] n. (de étu-


ver ; 1260, Du Cange, écrit estuveur, au
sens de « propriétaire d’un établissement
de bains » ; écrit étuveur, au sens moderne,
fin du XIXe s., Huysmans). Personne chargée
des soins de la toilette dans les étuves d’au-
trefois : Les étuveurs parcouraient la ville en
criant que l’eau était chaude (Huysmans).
& étuveur n. m. (1923, Larousse). Appareil
servant à cuire des tubercules pour l’ali-
mentation du bétail.

& étuveuse n. f. (1930, Larousse).


Générateur de vapeur pour étuver les
futailles.

étymologie [etimɔlɔʒi] n. f. (lat. ety-


mologia, étymologie, gr. etumologia,
sens véritable ou primitif d’un mot, dér.
de etumologos, étymologiste, de etumos,
vrai, réel, et de legein, dire ; XIVe s., Girart
de Roussillon, écrit ethymologie [étymolo-
gie, 1580, Montaigne], au sens 1 ; sens 2,
1857, Flaubert). 1. Science qui a pour objet
la recherche de l’origine des mots d’une
langue donnée, la reconstitution de l’ascen-
dance de ces mots : La base de l’étymologie
est désormais placée dans l’induction his-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1742

torique (Littré). ‖ 2. Origine particulière


d’un mot : Cours de physiologie, de clinique
et de thérapeutique [...], tous noms dont il
ignorait les étymologies (Flaubert).

étymologique [etimɔlɔʒik] adj. (lat. ety-


mologicus, étymologique, gr. etumologikos,
qui concerne l’étymologie, de etumologos
[v. l’art. précéd.] ; 1550, Bonivard, au sens
1 ; sens 2, 1870, Larousse). 1. Qui a rap-
port à l’étymologie ; qui traite de l’origine
des mots : Un dictionnaire étymologique.
‖ 2. Conforme à l’étymologie : Le sens
étymologique d’un mot.

étymologiquement [etimɔlɔʒikmɑ̃]
adv. (de étymologique ; 1845, Bescherelle).
Selon l’étymologie : Le mot « contrat » étant
étymologiquement formé avec l’idée de lien
(Hugo).

étymologiste [etimɔlɔʒist] n. (de éty-


mologie ; fin du XVIe s.). Personne qui se
consacre à l’étymologie.

étymon [etimɔ̃] n. m. (gr. etumon, vrai


sens, sens étymologique d’un mot, neutre
substantivé de l’adj. etumos, vrai, réel, véri-
table ; début du XXe s.). En linguistique, le
mot attesté ou reconstitué qui donne l’éty-
mologie d’un terme donné.

eu [y], part. passé de avoir (v. ce mot).

eu- [ø], élément préfixé tiré du gr. eu,


bien, régulièrement, justement, heureu-
sement, et qui entre dans la composition
de quelques mots savants pour exprimer
l’idée de « bien », de régularité ou de vérité.

eubage [øbaʒ] n. m. (bas lat. Eubages, n.


m. plur., Eubages [classe de Gaulois lettrés] ;
XVIIe s., d’après l’Encyclopédie, 1755). Chez
les Celtes, prêtre et savant : Les Druides ou
Saonides, eux-mêmes divisés en Eubages,
Bardes et Voetes (Flaubert).

eubéen, enne [øbeɛ̃, -ɛn] adj. et n. (de


Eubée, n. géogr., lat. Euboea, Eubée, gr.
Euboia ; 1870, Larousse). Qui se rapporte
à l’île grecque d’Eubée ; habitant ou ori-
ginaire de cette île.

eucalyptol [økaliptɔl] n. m. (de eucalyp-


tus ; 1870, Larousse). Essence d’eucalyptus.

eucalyptus [økaliptys] n. m. (mot du lat.


scientif. moderne, du gr. eu, bien, et kalup-
tos, couvert, dér. de kaluptein, couvrir,
envelopper, cacher [le limbe du calice de la
plante reste clos jusqu’à la floraison, d’où le
nom donné à celle-là] ; 1796, Encycl. métho-
dique, écrit eucalypte et eucalyptus, au sens
1 ; sens 2, XXe s.). 1. Très grand arbre, de la
famille des myrtacées, originaire d’Aus-
tralie : Les eucalyptus délivrés laissaient
tomber leur vieille écorce (Gide). ‖ 2. La
feuille de cet arbre, utilisée en médecine :
Une cigarette d’eucalyptus.
eucharistie [økaristi] n. f. (bas lat. ecclés.
eucharistia, eucharistie, gr. ecclés. eukha-
ristia, même sens, proprem. « sacrifice
d’action de grâces » [en gr. class. : « recon-

naissance, action de grâces »], dér. de


eukharistos, reconnaissant, bienveillant,
de eu, bien, et de kharizesthai, complaire à,
accorder une grâce, dér. de kharis, charme,
plaisir, faveur, bienveillance ; 1150, Barbier).
Dans la doctrine catholique, sacrement
qui contient réellement et en substance le
corps, le sang et la divinité de Jésus-Christ
sous les espèces ou apparences du pain et
du vin : Considérée comme un sacrifice,
l’eucharistie est liée à la célébration de la
messe.

eucharistique [økaristik] adj. (bas lat.


ecclés. eucharisticus, eucharistique, gr.
ecclés. eukharistikos, même sens [en gr.
class. : « reconnaissant »], dér. de eukha-
ristos [v. l’art. précéd.] ; fin du XVIe s.). Qui
appartient, qui est relatif à l’eucharistie.
‖ Les espèces eucharistiques, le pain et le
vin consacrés à la messe. ‖ Congrès eucha-
ristique, assemblée d’ecclésiastiques et de
laïcs comportant des séances d’études
relatives à l’eucharistie et des cérémonies
liturgiques destinées à rendre hommage
au saint sacrement.

euchre [økr] n. m. (mot angl. ; 1948,


Larousse). Sorte de jeu d’écarté se jouant
à deux, trois ou quatre joueurs, avec trente-
deux cartes.

euclidien, enne [øklidjɛ̃, -ɛn] adj. (de


Euclide, n. pr., lat. Euclides, gr. Eukleidês,
Euclide, n. d’un mathématicien ; début du
XVIIIe s.). Relatif à la méthode, au système
d’Euclide. ‖ Géométrie euclidienne, géo-
métrie qui repose sur certains axiomes
adoptés par Euclide, notamment sur son
postulat : « Par un point extérieur à une
droite, on ne peut faire passer qu’une paral-
lèle à cette droite. »

eucologe [økɔlɔʒ] n. m. (lat. ecclés. du


Moyen Âge euchologium, du gr. eukhê,
voeu, souhait, prière [à Dieu] — dér. de
eukhesthai, adresser une prière, un voeu
—, et de logos, parole, récit, traité, ouvrage ;
1701, Furetière, écrit euchologe ; eucologe,
XIXe s.). Livre de prières pour l’office des
dimanches et fêtes (rare) : Durtal s’absorba
dans son eucologe (Huysmans).

• REM. On trouve aussi la graphie an-


cienne EUCHOLOGE.

eudémis [ødemis] n. m. (mot du lat.


scientif. moderne, du gr. eu, bien, et demas,
corps, taille, stature ; début du XXe s.). Petit
papillon dont la chenille, appelée commu-
nément ver de la grappe, attaque la vigne.

eudémonique [ødemɔnik] adj. (de eudé-


monisme ; XXe s.). Relatif à l’eudémonisme.

eudémonisme [ødemɔnism] n. m. (gr.


eudaimonismos, action de regarder comme
heureux, bonheur, de eudaimonizein, être
heureux, dér. de eudaimôn, heureux, de eu,
bien, et de daimôn, divinité, destin, sort ;
1870, Larousse). En philosophie, théo-
rie morale fondée sur l’idée du bonheur

humain conçu comme le but et le bien


suprêmes.

eudémoniste [ødemɔnist] n. (de eu-


démonisme ; XXe s., comme n. et adj.).
Personne qui professe l’eudémonisme.

& adj. Relatif à l’eudémonisme : Les


morales les plus nettement eudémonistes
sont l’épicurisme, l’hédonisme et la morale
d’Aristote.

eudermique [ødɛrmik] adj. (de eu- [gr.


eu, bien] et de dermique ; v. 1960). Qui
convient aux soins de la peau : Crème
eudermique.

eudiomètre [ødjɔmɛtr] n. m. (dér. savant


du gr. eudia, beau temps [de eudios, calme,
tranquille, serein — en parlant du temps,
du vent, de la mer —, de eu, bien, et dios,
divin — en parlant d’un héros, d’un animal,
d’une ville, du temps, etc.], et de -mètre,
gr. metron, mesure ; v. 1775, Brunot). En
chimie et en physique, instrument servant
à faire l’analyse volumétrique de certains
mélanges gazeux, ou la synthèse de cer-
tains composés dont les constituants sont
gazeux, en faisant passer une étincelle
électrique au sein du mélange.

eudiométrie [ødjɔmetri] n. f. (de


eudiomètre ; 1796, Lamarck). Analyse des
mélanges gazeux avec l’eudiomètre.

eudiométrique [ødjɔmetrik] adj.


(de eudiométrie ; 1793, Annales de
chimie). Relatif à l’eudiométrie : Analyse
eudiométrique.

eudiste [ødist] n. m. (de Eudes, n. pr. ;


fin du XVIIe s.). Membre de la congréga-
tion religieuse fondée à Caen par saint
Jean Eudes en 1643, pour la formation des
séminaristes et les missions paroissiales.

eudynamie [ødinami] n. f. (de eu- et


de -dynamie, du gr. dunamis, puissance,
force ; XXe s.). Équilibre parfait des facultés
physiques.

eugénésie [øʒenezi] n. f. (de eu- et du gr.


genesis, production, génération, création,
race, dér. de gignesthai, naître, devenir ;
1888, Larousse [mais sans doute antérieur]).
Aptitude procréatrice de deux races par
croisement entre elles.

eugénésique [øʒenezik] adj. (de eugéné-


sie ; 1877, Littré). Qui est propre à améliorer
la race : Des croisements eugénésiques.

eugénète [øʒenɛt] n. m. (gr. eugenetês, de


bonne race, de eu, bien, et genos, naissance,
origine, descendance ; XXe s.). En biologie,
individu sain, au patrimoine héréditaire
de bonne qualité, capable d’une descen-
dance saine.

eugénisme [øʒenism] n. m. (angl. euge-


nism, dér. savant du gr. eu, bien, et genos,
naissance, origine, descendance ; début
du XXe s.). En biologie, étude théorique
et pratique des conditions les meilleures
pour protéger, accroître et perfectionner
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1743

les éléments les plus robustes et les mieux


doués de l’espèce humaine.

• REM. On dit aussi EUGÉNIQUE n. f.


(début du XXe s.) : Saintine aurait dû me
consulter avant de se marier, dit-il ; il y a
une eugénique sociale comme il y en a une
physiologique, et j’en suis peut-être le seul
docteur (Proust).

eugéniste [øʒenist] n. (de eugénisme ;


milieu du XXe s.). Personne qui pratique
l’eugénisme.

eugénol [øʒenɔl] n. m. (du lat. scientif.


moderne eugenia, girofle, fém. substantivé
du lat. class. eugenius, de bonne race, du gr.
eugenês, même sens, dér. de eu, bien, et de
genos, naissance, race ; 1870, Larousse). En
chimie, composé phénolique contenu dans
l’essence de girofle, de laurier.

euglènes [øglɛn] n. f. pl. (lat. scientif.


moderne euglena, du gr. euglênos, aux
belles prunelles, aux beaux yeux, dér. de
eu, bien, et de glênê, prunelle de l’oeil ; 1870,
Larousse). Êtres unicellulaires, chlorophyl-
liens, qu’on trouve en abondance dans le
purin et les eaux vertes.

euglénidés [øglenide] n. m. pl. (de


euglène [v. l’art. précéd.] et de -idé, du gr.
eidos, forme, apparence ; XXe s.). Famille
de protozoaires flagellés, à formes
chlorophylliennes.

euh ! [ø] interj. (onomatop. ; 1668, Racine,


aux sens 1-2 [mais sans doute bien anté-
rieur]). 1. Dans le discours, marque l’em-
barras, l’hésitation : Je vous avouerai...
euh ! comment dire ?... mon incompétence.
‖ 2. Dans les réponses, marque le doute,
la restriction ou la gêne : : « Le malade va
mieux ? — Euh ! euh ! »

eulogie [ølɔʒi] n. f. (bas lat. ecclés. eulogia,


présent, pain bénit, gr. eulogia, bénédic-
tion, bienfait, aumône, dér. de eu-logos,
qui parle bien, de eu, bien, et legein, par-
ler ; fin du XVIe s.). Vx. Pain bénit, menu
cadeau fait par l’évêque : Les prédications
permanentes, les distributions d’eulogies
(Goncourt).

eunecte [ønɛkt] n. m. (dér. savant de eu-


et du gr. nektos, qui nage, de nekhesthai,
nager ; 1842, Acad.). Énorme boa aqua-
tique, non venimeux, de l’Amérique tro-
picale, appelé aussi anaconda.

eunuchisme [ønykism] n. m. (bas lat.


eunuchismos, castration, gr. eunoukhismos,
même sens, dér. de eunoukhizein, rendre
eunuque, de eunoukhos [v. EUNUQUE] ;
1865, Littré). État de celui qui est eunuque.

eunuchoïde [ønykɔid] adj. (gr.


eunoukhoeidês, semblable à un eunuque,
de eunoukhos [v. EUNUQUE] et de eidos,
apparence, aspect ; 1870, Larousse, écrit
eunukoïde [eunuchoïde, XXe s.], au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. Se dit d’un timbre de voix
qui rappelle celui des castrats. ‖ 2. Se dit

de l’aspect général du corps rappelant celui


des eunuques.

eunuque [ønyk] n. m. (lat. eunuchus,


eunuque, gr. eunoukhos, même sens, pro-
prem. « gardien de la couche [ou : de la
chambre à coucher] des femmes », de eunê,
couche, lit, et ekhein, avoir, garder, porter ;
XIIIe s., écrit eunique, eunuche [eunuque,
1672, Sacy], au sens 1 ; sens 2, av. 1794,
Chénier). 1. Homme qui, après avoir subi la
castration, était préposé, surtout en Orient,
à la garde des harems. ‖ 2. Fig. Homme
sans courage, sans énergie virile : Par ce
monde, il y a beaucoup plus d’eunuques
que d’hommes (Sand).

eupatoire [øpatwar] n. f. (lat. eupato-


ria [herba] ou eupatorium, eupatoire, gr.
eupatorion, dér. du n. du roi Eupatôr, qui
fit connaître les vertus médicinales de
cette plante ; XVe s., Grant Herbier). Plante
à fleurs rosées et à feuilles très découpées,
poussant dans les lieux humides, employée
autrefois en médecine, et appelée commu-
nément chanvre d’eau. : Le glaïeul, laissant
fléchir ses glaives avec un abandon royal,
étendait sur l’eupatoire et la grenouillette au
pied mouillé les fleurs de lis en lambeaux,
violettes et jaunes, de son sceptre lacustre
(Proust).

• REM. Le nom savant est EUPATORIUM


(1690, Furetière).

eupepsie [øpɛpsi] n. f. (gr. eupepsia,


bonne digestion, dér. de eupeptos, facile à
digérer, qui digère facilement, de eu, bien,
et peptein, faire cuire, digérer ; 1865, Littré).
Bon fonctionnement de l’estomac ; bonne
digestion.

• CONTR. : dyspepsie, indigestion.

euphémique [øfemik] adj. (de euphé-


misme ; 1839, Boiste). Qui appartient à l’eu-
phémisme ; qui contient un euphémisme :
Une tournure euphémique.

euphémiquement [øfemikmɑ̃] adv.


(de euphémique ; 1845, Bescherelle). Par
euphémisme.

euphémisme [øfemism] n. m. (gr.


euphêmismos, emploi d’un mot favorable au
lieu d’un mot de mauvais augure, de euphê-
mizein, accueillir par des acclamations,
parler par euphémisme, dér. de euphêmos,
qui prononce des paroles de bon augure,
de eu, bien, et phêmê, augure, présage,
réputation ; 1730, Dumarsais). Figure de
mots consistant à adoucir par l’expression
ou par le tour qu’on emploie, une idée, un
jugement, l’énoncé d’un fait qui pourrait
avoir quelque chose de déplaisant ou de
choquant (par ex. : « Il est disparu » au lieu
de « Il est mort ») : Salavin, lui, ne cultivait
pas l’euphémisme. Il appelait un chat un
chat (Duhamel).

euphonie [øfɔni] n. f. (bas lat. euphonia,


douceur de prononciation, gr. euphônia,
harmonie, nombre oratoire, dér. de euphô-

nos, harmonieux, de eu, bien, et phônê,


voix, son, cri, langage ; 1572, Ramus, au
sens 1 ; sens 2, av. 1778, J.-J. Rousseau).
1. Qualité des sons agréables à entendre ;
résultat harmonieux de leur combinai-
son : Prédestinés à s’unir par la molle et
voluptueuse euphonie de leurs noms grec
et latin, Vénus avec Adonis se rencontrent
aux bords d’un ruisseau (Valéry). [V. art.
spécial.] ‖ 2. Spécialem. Succession harmo-
nieuse des sons du langage, parfois invo-
quée pour rendre compte de changements
phonétiques.

• CONTR. : 1 cacophonie, discordance,


dissonance.

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

L’EUPHONIE

De tout temps, les grammairiens ont mis


certaines déformations de mots, cer-
taines licences d’emploi, certains choix
de formes sur le compte de l’euphonie,
c’est-à-dire des qualités qu’offrent les
signifiants à l’audition ou à la prononcia-
tion. Discutant de la préséance à donner
au substantif ou à l’adjectif épithète, Vau-
gelas conseille de « reigler leur situation,
selon qu’elle sonnera le mieux, non seu-
lement à nostre oreille, mais aux oreilles
les plus délicates » : c’est la conception
acoustique de l’euphonie. Ailleurs il re-
marque : « Il est plus doux de dire sati-
faire et satifaction sans s, qu’avec une s,
et la prononciation en est beaucoup plus
aisée » : conception articulatoire.

L’expression « témoignage de l’oreille »


désigne le plus souvent par métaphore
l’intuition de grammaticalité, qui reste le
seul critère des linguistes modernes. Un
tour « sonne mal » parce qu’il est insolite.
Le terme d’euphonie ne s’applique pro-
prement que dans le domaine pho-
nique, où il faut encore ne pas prendre
pour désagréable une sonorité qui n’est
qu’étrange : « que si maintenant elle nous
semble rude, c’est que l’oreille n’y est pas
encore accoutumée » (Vaugelas).
LE T DIT « EUPHONIQUE »

Les grammaires ont longtemps appelé


« euphonique » le t qu’on intercale entre
une troisième personne du singulier ter-
minée par e ou par a et le sujet il, elle ou
on inversé :

Aime-t-il ? Où ira-t-elle ?

Ainsi dira-t-on.

Cette appellation implique une justifica-


tion simpliste de ce t, qui aurait été inséré
entre un e muet ou un a et la voyelle sui-
vante pour éviter l’hiatus.

Le t final des formes latines amat, ama-


vit est conservé dans les premiers textes
français : aimet, amat (Vie de saint
Alexis, 1040).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1744

L’auteur de la Chanson de Roland (1080)


prononçait-il encore ce t ? L’assonance ne
peut renseigner sur ce point, et l’on y voit
alterner sans raison des formes avec et
sans t : dunne (= « donne », subj., v. 18) as-
sone avec derumpet (v. 19). Les cas d’éli-
sion pourraient être plus significatifs ; or,
— dans une trentaine de vers, la métrique
exclut l’élision d’une finale en -et :

Guardet | a val e si guardet |

a munt (2235)

— dans seize vers, elle implique l’élision :

Baisset son chef, si cumenc(et) a

penser (137) ;

mais rien n’empêche de penser que, dans


les vers comme 2235, l’e final était pro-
noncé en hiatus devant a, et le t amuï,
bien que maintenu dans l’écriture.

Les rimeurs se réserveront jusqu’à la fin


du XIIe s. le droit de maintenir ou non le
t dans la prononciation — ou du moins
dans l’écriture —, mais on peut considé-
rer l’amuïssement comme accompli dès
la fin du XIe s.
Le t se maintenait pourtant à la fin
des mots où il avait été précédé d’une
consonne soit dès le latin (est, du lat. est),
soit après la chute, au VIIIe s., de la voyelle
finale (vient, lat. venit ; dort, de *dormt,
lat. dormit ; veit, de *veidt, lat. vĭdit). Il se
conservait aussi après une diphtongue,
comme dans fait (lat. facit), et les dési-
nences d’imparfait et de conditionnel,
comme aveit (auj. avait).

Au XIIIe s., on n’écrit plus le t et l’on


élide normalement l’e muet ; c’est encore
l’usage au XVe s. : Villon écrit Que m’en
reste il ?, et Calvin, Rejettera il. Mais
Peletier du Mans, dans son Dialogue de
l’orthographe et prononciation françoese
(1555), remarque :

« Souvent nous prononçons des

lettres qui ne s’escrivent point,

comme quand nous disons : dine ti,

ira ti, et escrivons dine il, ira il, et

serait chose ridicule si nous les escri-

vions selon qu’ils se prononcent. »

Théodore de Bèze estime en 1584, à pro-


pos de la lettre t, qu’on la prononce eu-
phoniae causa (pour l’euphonie) dans les
groupes écrits parle il, ira-il, va-il ; cer-
tains même écrivaient ce t, d’abord après
les formes en -a.

La plupart des grammairiens s’y op-


posèrent. Vaugelas fut le premier à
l’admettre, rejetant d’ailleurs la gra-
phie aime-t’il en même temps qu’aime
il, et exigeant le double trait d’union :
aime-t-il.

De Bèze et les grammairiens qui ont at-


tribué à une raison d’euphonie la genèse
de ce t ont eu tort de croire qu’il venait
éviter un hiatus entre e ou a et la voyelle
suivante : ce n’est possible qu’après l’a,

puisque l’e, anciennement, s’élidait dans


aim(e) il.

Ce t est en fait analogique des -t conser-


vés dans vient, dort, voit, fait, avoit,
etc. Le -t final de ces formes avait cessé
d’être prononcé lorsqu’il était suivi d’une
consonne (Où vient Paul ?), mais faisait
liaison devant une voyelle (Où vient-
il ?) : il est naturel que l’analogie ait fait
étendre cette alternance à :

Où va Paul ?

Où va-t-il ?

Où habite Paul ?

Où habite-t-il ?

Il faut même que l’analogie ait été forte


pour aboutir pratiquement, dès le XVIe s.,
à la confusion dans la langue parlée du
singulier aime-t-il avec le pluriel aiment-
il(s), et l’on doit remarquer qu’elle n’a
joué que dans les cas d’inversion, où
le pronom postposé prend l’accent ; le t
constitue véritablement avec i(l) et elle
une marque interrogative de la troisième
personne, prise aux formes comme vient-
il (elle) et comme aiment-ils (elles) dans
les phrases, de type ancien, où le pronom
ne faisait que reprendre un nom sujet
(v. INTERROGATION) :

Paul vient-il ? [pɔl vjɛ̃ ti]

ESTHÉTIQUE PHONIQUE

Si l’ « euphonie » est un facteur très sus-


pect pour l’explication des changements
grammaticaux, est-elle du moins un trait
à considérer dans le domaine des sons du
langage ? Existe-t-il une beauté phonique
des langues ?

Une réponse résolument positive est don-


née par Bohuslav Hála dans un article
des Mélanges Straka (1970). L’expérience
prouve qu’un auditeur français juge
laids les mots allemands Pflock (la che-
ville), Holzklotz (la poutre), et les mots
tchèques pštros (l’autruche), srst (le poil) ;
il trouve beaux les mots italiens dolore,
amor. « Cette sensation du beau et du
non-beau s’étend parfois aux langues
tout entières » : l’italien recueille toutes
les faveurs, mais le français viendrait en-
suite, au goût des phonéticiens allemands
Beyer et Trautman, et du phonéticien
anglais H. Sweet.

Les voyelles étant les seuls phonèmes


qu’on puisse chanter, un célèbre chan-
teur tchèque, B. Benoni, a eu, en 1928,
l’idée de lier la beauté des langues au
pourcentage d’occurrence des voyelles.
Ses statistiques, portant sur le tchèque, le
latin, le grec, ont inspiré des chercheurs
d’autres nationalités, qui ont abouti à
deux conclusions :

• 1° Le rapport des voyelles aux


consonnes varie selon les langues

• 2° Les langues tenues ordinairement


pour les plus belles ont un pourcentage

de voyelles très proche de 50 ; ce sont


l’italien (47,7), le français (46), l’espagnol
(46) ; l’allemand n’a que 38, le tchèque 40,
le russe 41.

Quelques langues dépassent 50, comme


le japonais, le finnois : un tel taux tom-
berait, selon B. Hála, dans la monotonie.
La richesse de l’éventail des voyelles joue
naturellement son rôle : le français en a
16, le japonais seulement 5, comme le
tchèque.

Le caractère ouvert des syllabes (v. ce


mot) serait aussi un facteur positif. Ce
vers de Schiller écorche la bouche :

Sie zwingt jetzt deines Szepters

Macht !

Certaines consonnes, r, l, m, n, dites « so-


nantes » parce que leur émission n’arrête
pas la sonorité vocale, constituent cepen-
dant une bonne fin de syllabe.

L’espagnol, qui n’a que 5 voyelles, se ra-


chèterait par la fréquence des sonantes,
qui y est de 25,3 pour 100 phonèmes,
contre 16,3 en tchèque.

Telles consonnes seraient positives du


point de vue de l’euphonie (sonantes et
semi-consonnes), telles autres neutres
(occlusives), telles autres négatives
(spirantes).

Toutes ces appréciations reposent objec-


tivement sur des tests acoustiques, sur les
témoignages de divers auteurs. Dès 1923,
les Allemands Ziehen et Tesmer ont pro-
cédé à de semblables expériences, don-
nant des résultats assez proches. Voltaire,
quittant l’Allemagne après un séjour de
trois ans, souhaitait aux Allemands « plus
d’esprit et moins de consonnes ». Au Ier s.
av. J.-C., Denys d’Halicarnasse, classant
les sons du langage selon leur beauté, pla-
çait les voyelles avant les consonnes, et les
sonantes en tête de celles-ci.
Pierre Delattre a étudié en acousticien
les qualités des éléments physiques de la
parole (Revue d’esthétique, n° 3-4, 1965).
Son analyse, d’une rigueur exemplaire,
donne les raisons des faits que B. Hála
établit par une somme de jugements : par
exemple, la supériorité des sonantes est
liée à l’absence des bruits de friction qui
rendent inharmoniques les consonnes de
fou, sous, chou, vous, joug. « La séquence
sapanayaka est autrement riche et variée
en sonorité que pabamavawa, dont toutes
les consonnes ont les mêmes lieux d’arti-
culation, ou vazajalara, qui ne change
pas de mode. »

Les observations de l’éminent phonéti-


cien français ne tendent pas à démontrer
la beauté de sa langue elle-même, mais à
inventorier les très riches moyens dont elle
dote un écrivain (français) pour mettre en
valeur le contenu de son message.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1745

« La consonne r, qui, après une voyelle


finale comme dans fleur, s’efface en de
douces harmoniques, se renforce en un
bruit sourd et rugueux lorsqu’elle suit
une occlusive dévoisée comme dans cri.
S’il y a rencontre heureuse, comme ici,
entre le sens et le son, le poète ne man-
quera pas de s’en servir. »

L’euphonie est conçue par lui comme une


appropriation raffinée de la langue à sa
fonction essentielle de communication.
Dans un article de la même revue,
A. Martinet repousse « l’idée platoni-
cienne d’un beau absolu » que viserait le
langage à sa manière — et sans progrès
(car il aurait atteint le but une fois pour
toutes). On peut cependant adopter l’atti-
tude de B. Hála sans engagement méta-
physique, tout comme on admet — à peu
près sans discussion — la « loi d’écono-
mie » limitant le « coût » de l’informa-
tion linguistique. Il suffit de mettre en
évidence, comme l’a fait André Spire à
propos de la langue poétique, le « plai-
sir musculaire » que peuvent procurer
l’articulation de certains phonèmes et les
modalités de leur agencement discursif.
Comme tous les plaisirs physiologiques,
celui-ci tient sa permanence de la nature
humaine, et ne peut connaître de du-
rables satiétés.

euphonique [øfɔnik] adj. (de euphonie ;


1756, Encyclopédie). Qui produit l’eupho-
nie, qui établit une liaison harmonieuse
pour l’oreille : Dans l’expression « viendra-
t-il », le « t » est euphonique.

euphoniquement [øfɔnikmɑ̃] adv.


(de euphonique ; 1845, Bescherelle).
De façon euphonique : Deux mots liés
euphoniquement.

euphorbe [øfɔrb] n. f. (lat. euphorbia,


euphorbe, du gr. euphorbion, euphorbe,
plante grasse, dér. de euphorbos, bien
nourri, de eu, bien, et pherbein, faire paître,
nourrir ; XIIIe s., écrit euforbe ; euphorbe,
1690, Furetière). Plante très commune, à
suc blanc laiteux, toxique, dont les fleurs
sont généralement en ombelles.

euphorbiacées [øfɔrbjase] n. f. pl. (dér.


savant de euphorbe ; 1827, Acad.). Famille
de plantes herbacées à fleurs unisexuées
de couleurs variées.

euphorie [øfɔri] n. f. (gr. euphoria, force


de porter ou de supporter, dér. de euphoros,
facile à porter ou à supporter, de eu, bien,
et pherein, porter, supporter ; 1750, Prévost
d’Exiles, au sens 1 ; sens 2, 1907, Larousse).
1. En médecine, impression de bien-être
éprouvée en raison d’une amélioration
réelle de l’état physique, ou illusoire sous
l’influence de certains produits : Pour évi-
ter les crises de suffocation que me donnerait
le voyage, le médecin m’avait conseillé de
prendre au moment du départ un peu trop
de bière ou de cognac afin d’être dans cet

état qu’il appelait « euphorie », où le système


nerveux est momentanément moins vulné-
rable (Proust). ‖ 2. Par extens. Sentiment
de bien-être, de joie, de vive satisfaction :
L’état d’euphorie que doit connaître le chef
après la victoire (Bordeaux). L’équilibre
assuré, il vit dans l’euphorie qui lui fut si
longtemps interdite (Carco).

• SYN. : 1 bien-être, détente ; 2 béatitude,


bonheur, enthousiasme, félicité. — CONTR. :
2 dépression, mélancolie, neurasthénie.

euphorique [øfɔrik] adj. (de euphorie ;


XXe s., aux sens 1-3). 1. Qui provoque l’eu-
phorie : Un produit euphorique. ‖ 2. Qui
s’accompagne d’euphorie : Ces heures
euphoriques ne peuvent durer (Frison-
Roche). ‖ 3. Qui éprouve de l’euphorie :
Un homme euphorique.

• SYN. : 1 euphorisant, tranquillisant ; 2


agréable, exaltant, heureux, merveilleux ;
3 allègre, enjoué, enthousiaste, gai, joyeux.

euphoriquement [øfɔrikmɑ̃] adv.


(de euphorique ; XXe s.). De manière
euphorique.

euphorisant, e [øfɔrizɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. m.

(dér. savant de euphorie ; milieu du XXe s.).

Qui procure l’euphorie : Un médicament


euphorisant. Prendre des euphorisants.

• SYN. : tranquillisant.

euphoriser [øfɔrize] v. tr. (de euphorique,


d’après euphorisant ; v. 1960). Mettre dans
un état d’euphorie.

euphrasia [øfrazja] n. m. ou euphraise


[øfrɛz] n. f. (lat. scientif. médiév. euphrasia,
empr., à cause des propriétés curatives de
la plante, au gr. euphrasia, gaieté, joie, de
euphrantos, réjouissant, dér. de euphrai-
nein, réjouir, charmer, de eu, bien, et
phrên, coeur, âme ; XVe s., Grant Herbier,
écrit eufrase ; eufraize, euphraise, 1600,
O. de Serres ; euphrasia, XXe s.). Plante her-
bacée, abondante dans les prés, et qui pas-
sait autrefois pour guérir les maladies des
yeux : Sur un champ d’euphraises mauve
pâle vole un Parnassien Apollon (Gide).

euphuisme [øfɥism] n. m. (angl. eu -


phuism, dér. de Euphues, the Anatomy of
Wit, ouvrage de l’Anglais John Lyly [1578],
dans lequel l’auteur fait l’apologie du style
précieux alors à la mode dans son pays [le
mot Euphues, utilisé dans le titre, est le gr.
euphuês, fort, vigoureux, qui a d’heureuses
dispositions, de eu, bien, et phuein, naître,
croître, pousser] ; 1820, Fr. Mackenzie).
Langage maniéré, style précieux, surtout
à la mode dans l’Angleterre élisabéthaine.
• SYN. : alexandrinisme, gongorisme,
maniérisme, préciosité.

eupnée [øpne] n. f. (gr. eupnoia, respira-


tion facile, dér. de eupnoos, eupnous, qui
respire librement, de eu, bien, et pneîn,
respirer ; 1878, Larousse). En médecine,
respiration normale.

• CONTR. : dyspnée.
eupnéique [øpneik] adj. et n. m. (de
eupnée ; XXe s.). Qui facilite la respiration.

eupraxie [øpraksi] n. f. (gr. eupraxia,


bonheur, succès, bonne conduite, dér.
de eupraktos, qui réussit, de eu, bien, et
prassein, prattein, faire ; milieu du XXe s.).
Adaptation exacte des mouvements à un
but déterminé.

eurafricain, e [ørafrikɛ̃, -ɛn] adj. (de


Eurafrique, comprise par troncation de
Europe et de Afrique, sur le modèle de
eurasien [v. ce mot] ; milieu du XXe s.).
Relatif à l’Eurafrique ; qui concerne à la
fois l’Europe et l’Afrique.

eurasien, enne [ørazjɛ̃, -ɛn] adj. et n.


(de Eur[ope] et de Asie ; 1865, Littré). Qui
est né d’un Européen et d’une Asiatique ;
se dit surtout des métis du Viêtnam, de
l’Inde et de l’Indonésie : Une face longue et
basanée d’Eurasien (Fauconnier).

eurêka ! [øreka] interj. (gr. hêurêka,


« j’ai trouvé », parfait de l’indic. de heuris-
kein, trouver, découvrir ; milieu du XIXe s.,
Baudelaire). Exclamation d’Archimède
découvrant dans son bain la loi connue
sous le nom de « principe d’Archimède »,
et employée, auj., lorsqu’on trouve brusque-
ment une solution à un problème.

euristique adj. et n. f. V. HEURISTIQUE.

euro- [ørɔ], premier élément de com-


position qui résulte de la troncation de la
consonne finale de Euro[pe].

eurocrate [ørɔkrat] n. m. (de euro- et de


[techno]crate ; v. 1965). Péjor. Fonctionnaire
appartenant aux cadres des institutions
européennes.

eurodevise [ørɔdəviz] n. f. (de Euro[pe]


et de devise ; v. 1965). Monnaie d’un pays
quelconque de l’Europe occidentale dans
laquelle est émis un emprunt d’un autre pays.

eurodollar [ørɔdɔlar] n. m. (de Euro[pe]


et de dollar ; v. 1965). Dollar américain
placé à court terme en Europe.

euromarché [ørɔmarʃe] n. m. (de Euro-


et de marché ; v. 1965). Marché commun
constitué par les pays de la Communauté
économique européenne.

européa nisation [ørɔpeanizasjɔ̃]


n. f. (de européaniser ; XXe s.). Action
d’européaniser ; résultat de cette action :
L’européanisation de la question allemande.
• REM. On a employé anciennement le
terme EUROPÉISATION (XXe s.).

européaniser [ørɔpeanize] v. tr. (de


européen ; 1830, la Mode, au sens 1 ; sens
2, v. 1960). 1. Façonner, convertir aux
moeurs de l’Europe : Dans l’homme euro-
péanisé vibre une intonation du bord du Nil
(Goncourt). Il aurait fallu, au lieu de ména-
ger l’ennemi, laisser faire Mangin, abattre
l’Autriche et l’Allemagne et européaniser
la Turquie (Proust). ‖ 2. Considérer une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1746

question d’ordre politique ou économique


à l’échelle de l’Europe.

• REM. On a dit aussi EUROPÉISER (XXe s.).

européanisme [ørɔpeanism] n. m. (de


européen ; début du XIXe s. au sens
1 ; sens 2, v. 1955). 1. Caractère euro-
péen : L’européanisme de la politique de
Napoléon Ier. ‖ 2. Doctrine des partisans de
la constitution d’une Europe unie.

européen, enne [ørɔpeɛ̃, -ɛn] adj. et n.


(de Europe, n. géogr., lat. Europa, Europe ;
av. 1778, J.-J. Rousseau). Qui se rapporte
à l’Europe : Les grandes voies de commu-
nication européennes. ‖ Habitant ou ori-
ginaire de ce continent : Les populations
européennes. Les Européens.

& adj. (sens 1, 1857, Fromentin ; sens 2, v.


1950). 1. Qui est fréquenté, peuplé par des
Européens : Il y a deux villes dans Alger :
la ville française ou, pour mieux dire, euro-
péenne (Fromentin). ‖ 2. Qui se rapporte à
la communauté économique ou politique
de l’Europe unifiée : Le marché européen.
La Communauté européenne du char-
bon et de l’acier. Un parlement européen.
‖ Partisan de l’Europe unifiée : Un homme
politique très européen.

& À l’européenne loc. adv. À la façon des


Européens ; à la mode de l’Europe.

européennement [ørɔpeɛnmɑ̃] adv.


(de européen ; 1833, Th. Gautier, aux sens
1-2 ; sens 3, v. 1960). 1. À la manière des
Européens : Fortunio se conduisait avec
elle plus européennement qu’avec toutes
les autres femmes (Gautier). ‖ 2. Par
toute l’Europe ; par tous les Européens :
La terrasse des Feuillants et le bois des mar-
ronniers du côté de l’eau étant si européen-
nement reconnus comme lieux solitaires que
l’on n’y peut faire trois pas sans marcher sur
les pieds de quelqu’un (Gautier). ‖ 3. En
conformité avec l’idéal d’une Europe uni-
fiée : Penser européennement.

européisation n. f., européiser v. tr.

V. EUROPÉANISATION, EUROPÉANISER.

europium [ørɔpjɔm] n. m. (de Europe, n.


géogr., début du XXe s.). En chimie, métal
(symb. : Eu) du groupe des terres rares,
de numéro atomique 63 et de masse ato-
mique 152.

Eurovision [ørɔvizjɔ̃] n. f. (abrév. de


[Union]euro[péenne de radiodiffusion et
de télé]vision ; 1954). Organisme inter-
national chargé de coordonner entre les
pays d’Europe occidentale les échanges
d’émissions radiodiffusées et télévisées.

eury- [øri], élément tiré du gr. eurus, large,


et entrant dans la composition de quelques
mots savants.

euryalique [ørjalik] adj. (probablem. dér.


savant du gr. eurualos, dont l’aire est vaste,
large, de eurus, large, et halôs, aire ; 1870,
Larousse). En métrique ancienne, se disait

de pièces de vers où chaque vers avait une


syllabe de plus que le vers précédent.

eurybathe [øribat] adj. (de eury- et de


-bathe, gr. bathos, profondeur [de bathus,
profond] ; milieu du XXe s.). En biologie, se
dit d’une espèce qui résiste à des change-
ments importants de la profondeur de l’eau.
• CONTR. : sténobathe.

eurycéphale [ørisefal] adj. (du gr. eurus,


large, et kephalê, tête ; 1877, Littré). En
anthropologie, se dit d’un crâne dont le
diamètre transverse se rapproche du dia-
mètre antéropostérieur.

& n. m. (XXe s.). Individu qui possède ce


caractère.

eurycéphalie [ørisefali] n. f. (de eury-


céphale ; 1877, Littré). En anthropologie,
caractère des individus eurycéphales.
eurychorique [ørikɔrik] adj. (du gr.
eu rukhoros ou -khôros, au vaste emplace-
ment, de eurus, large, et de khôra, espace
de terre, place, emplacement ; milieu du
XXe s.). Se dit de plantes qui ont une aire
de répartition très vaste.

• REM. On dit aussi EURYTOPE (de eury-


et de -tope, gr. topos, espace de terrain,
emplacement ; milieu du XXe s.).

eurygnathe [ørignat] adj. et n. (de eury-


et de -gnathe, gr. gnathos, mâchoire ; 1877,
Littré). En anthropologie, se dit de races
qui ont un visage large aux pommettes
saillantes : Un type eurygnathe. Les
Mongols sont des eurygnathes.

euryhalin, e [ørialɛ̃, -in] adj. (de eury- et


du gr. hals, halos, sel ; début du XXe s.). En
biologie, se dit des animaux capables de
supporter une grande variation de salinité
du milieu marin.

• CONTR. : sténohalin.

euryhalinité [ørialinite] n. f. (de euryha-


lin ; milieu du XXe s.). Faculté des animaux
qui résistent aux variations de salinité de
l’eau de mer.

euryprosope [øriprɔzɔp] adj. (de eury- et


du gr. prosôpon, face, figure, de pros, vers,
devant, contre, et de ôps, vue, visage ; milieu
du XXe s.). En anthropologie, se dit des races
humaines dont le trait caractéristique est
une grande largeur du front par rapport à
la largeur maximale de la tête.

euryprosopie [øriprɔzɔpi] n. f. (de eury-


prosope ; milieu du XXe s.). Caractère des
individus ou des races euryprosopes.

eurytherme [øritɛrm] adj. et n. (du gr.


eurus, large, et thermos, chaud, ou ther-
mon, chaleur [neutre substantivé de l’adj.
thermos] ; 1906, Larousse). En biologie,
se dit des organismes peu sensibles aux
variations thermiques.

• CONTR. : sténotherme.

eurythermie [øritɛrmi] n. f. (de eury-


therme ; XXe s.). En biologie, propriété

de certains organismes de supporter des


variations importantes de température
interne.

eurythmie [øritmi] n. f. (lat. eurhythmia,


harmonie dans un ensemble, gr. euruthmia,
mouvement bien rythmé, proportion har-
monieuse, dér. de euruthmos, bien rythmé,
bien proportionné, de eu, bien, et rhuth-
mos, mouvement réglé et mesuré, propor-
tions régulières ; 1547, J. Martin, au sens
1 [à propos d’un ouvrage d’architecture ;
pour des sons, 1845, Bescherelle] ; sens 2,
1793, Lavoisien ; sens 3, 1907, Larousse).
1. Combinaison harmonieuse des lignes,
des sons, des formes ou des mouve-
ments : L’accord et l’eurythmie d’une figure
(Goncourt). Un certain besoin de nombre,
une complaisance à l’eurythmie courbe
mon style. Je voudrais moins de polissure ;
plus de cassure et d’accent (Gide). ‖ 2. En
médecine, parfaite régularité du pouls.
‖ 3. Fig. Juste équilibre des facultés chez
un individu.

eurythmique [øritmik] adj. (de euryth-


mie ; 1842, Acad.). Qui a de l’eurythmie, qui
présente un rythme régulier ou une har-
monie parfaite : La douce majesté et l’ordre
eurythmique de Raphaël (Baudelaire).

• SYN. : cadencé, harmonieux.

eurytope adj. Syn. de EURYCHORIQUE.

euskara [øskara] ou euskera [øskera]


n. m. Nom par lequel les Basques désignent
leur langue. (On dit aussi ESKUARA.)

euskarien, enne [øskarjɛ̃, -ɛn] adj. (du


basque euskara, langue basque ; 1897, Loti).
Qui est propre au Pays basque : Cette mys-
térieuse langue euskarienne (Loti).

• REM. On écrit aussi EUSCARIEN, ENNE


(XXe s.).

eustache [østaʃ] n. m. (peut-être du pré-


nom de Eustache Dubois, coutelier à Saint-
Etienne au XVIIIe s. ; 1785, G. Esnault, dans
le franç. régional de SaintEtienne ; 1789,
Encycl. méthodique, en franç. central). Vx et
fam. Couteau de poche grossier, à manche
de bois et à lame unique : Sa veste de coton-
nade bleue [...], toujours grosse d’un mou-
choir, d’un eustache, d’un fruit (Balzac).
Un de ces couteaux de pâtre qu’on nomme
des eustaches (Theuriet).

eustatique [østatik] adj. (allem. eu-


statische [Bewegungen], « [mouvements]
eustatiques » [début du XXe s.], du gr. eu,
bien, et stasis, place où quelque chose se
tient ; début du XXe s.). En géologie, qui se
rapporte à l’eustatisme. ‖ Mouvement eus-
tatique, changement du niveau des océans.

eustatisme [østatism] n. m. (de eusta-


tique ; XXe s.). En géologie, variation du
niveau général des océans.

eutectique [øtɛktik] adj. (du gr. eutêktos,


qui fond aisément, de eu, bien, et têkein,
se liquéfier, fondre ; 1906, Larousse, aux
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1747

sens 1-2). 1. En physique, relatif à l’eutexie.


‖ 2. Se dit de mélanges solides dont la
fusion se fait à une température constante.

eutélie [øteli] n. f. (de eu- et du gr. telos,


accomplissement, achèvement ; XXe s.).
En biologie, développement équilibré des
divers organes.

eutexie [øtɛksi] n. f. (gr. eutêxia, pro-


priété de se fondre aisément, de eutêktos [v.
EUTECTIQUE] ; 1922, Larousse). Phénomène
présenté par des mélanges solides dont la
fusion se fait à température constante,
comme celle des corps purs.

euthanasie [øtanazi] n. f. (gr. eutha-


nasia, mort douce et facile, de eu, bien, et
thanatos, mort ; 1771, Trévoux, au sens 1 ;
sens 2, milieu du XXe s.). 1. Vx. Mort douce,
sans souffrance. ‖ 2. Méthode qui pro-
cure une mort sans souffrance à un malade
agonisant ou frappé d’une douloureuse
maladie incurable.

euthanasique [øtanazik] adj. (de eutha-


nasie ; milieu du XXe s.). Qui a rapport à
l’euthanasie ; qui permet de donner une
mort douce : Une piqûre euthanasique.

eutocie [øtɔsi] n. f. (gr. eutokia, enfante-


ment heureux, dér. de eutokos, qui enfante
heureusement ou facilement, de eu, bien,
et tiktein, enfanter ; 1878, Larousse).
Accouchement normal.

• CONTR. : dystocie.

eutocique [øtɔsik] adj. (de eutocie ; XXe s.,


aux sens 1-2). 1. Se dit de l’accouchement
normal. ‖ 2. Qui favorise l’accouchement
normal.

eutrophie [øtrɔfi] n. f. (gr. eutrophia,


action de bien nourrir, état d’un être bien
nourri, bonne constitution, de eutrophos,
nourrissant, bien nourri, de eu, bien, et
trephein, nourrir ; 1865, Littré). En phy-
siologie, bon état de nutrition.

• CONTR. : malnutrition.

eutrophique [øtrɔfik] adj. (de eutrophie ;


XXe s., aux sens 1-2). 1. Se dit des organes
ou organismes en état d’eutrophie. ‖ 2. Se
dit de substances qui permettent d’obtenir
cet état : Les vitamines sont eutrophiques.

eux [ø] pr. pers. m. pl. (lat. illos, accus.


masc. plur. de ille, celui-là ; v. 980, Fragment
de Valenciennes, écrit eus, els [eux, XIVe s.],
aux sens 1-2 ; sens 3, XVIe s.). 1. Pronom
sujet accentué de la 3e personne, qui se
réfère aux personnes dont on parle, et
qui s’emploie comme sujet unique : Nous
l’avons appris, mais eux n’en savent rien.
Toi et moi, nous y allons, eux resteront ici.
Vous travaillez, eux se reposent. ‖ Peut
s’employer comme forme accentuée du
sujet reprenant un sujet déjà exprimé : Ils
le savent bien, eux. ‖ 2. La forme eux est
employée aussi comme complément pré-
positionnel : Nous ne sommes pas contents
d’eux. Sans eux, tout l’appartement aurait

été incendié. ‖ 3. Peut être renforcé par


mêmes, seuls, tous, aussi, etc. : Eux seuls
pourront vous raconter ce qui est arrivé.
Eux tous tant qu’ils étaient ne se rendaient
pas compte de la situation. ‖ Eux-mêmes,
ces personnes-là et non pas d’autres : C’est
eux-mêmes qui l’affirment ; de leur propre
mouvement : Les coupables se trahissent
souvent eux-mêmes ; en personne : Ils vien-
dront eux-mêmes vous le dire.

• REM. 1. La loc. eux autres, « ces gens-là


dont on parle », autrefois usitée, est au-
jourd’hui populaire : Eux autres, qu’est-ce
qu’ils ont fait ?

2. Eux peut être renforcé par un nombre


cardinal après la préposition à ou pour :
À eux deux ils viendront à bout de cette
tâche. On leur avait offert ce cadeau pour
eux deux.

3. Ce sont eux. C’est eux. Quand l’attribut


est le pronom personnel de la 3e personne
du pluriel eux, le verbe être, après ce, se
met normalement au pluriel, surtout
quand eux n’est pas suivi d’une relative :
Ce sont eux, j’en suis sûr. Ce sont eux
qui seront plus tard écoutés (Gide). Mais
de grands auteurs emploient aussi c’est :
C’est eux qui l’ont construit (Giraudoux).
C’est eux qui ne valent rien (Bernanos).
À la forme négative et interrogative on
emploie le plus souvent c’est : Ce n’est pas
eux. Est-ce bien eux ?

E. V. (XXe s.), abrév. de EN VILLE sur les


adresses de lettres non affranchies remises
directement chez le destinataire sans passer
par l’administration des postes.

évacuateur, trice [evakɥatoer,


-tris] adj. (dér. savant de évacuer ; 1826,
Brillat-Savarin). Qui permet d’évacuer ;
qui favorise l’évacuation : Appareils com-
pensateurs, évacuateurs d’énergie (Valéry).
& évacuateur n. m. (1er juill. 1876, Journ.
officiel). Système de vannes permettant
l’évacuation des eaux d’un récipient quel-
conque. ‖ Évacuateur de crues, dispositif
assurant l’évacuation des eaux en excédent
d’un barrage.

évacuatif, ive [evakɥatif, -iv] adj. (lat.


scientif. médiév. evacuativus, de evacua-
tum, supin de evacuare [v. ÉVACUER] ;
v. 1560, Paré, comme n. m. [médecine
évacuative, XIVe s., Gordon]). Vx. Se disait
d’un médicament propre à faire évacuer
des matières accumulées dans une partie
du corps.

• REM. On a dit aussi ÉVACUANT, ANTE


(1752, Trévoux).

évacuation [evakɥasjɔ̃] n. f. (bas lat.


médic. evacuatio, action de vider, éva-
cuation, de evacuatum, supin de evacuare
[v. ÉVACUER] ; 1314, Mondeville, au sens
1 ; sens 2, 1870, Larousse ; sens 3, 1690,
Furetière ; sens 4, 1762, d’Alembert).
1. Rejet par les voies naturelles ou arti-
ficielles de matières nuisibles ou trop

abondantes, accumulées dans une partie


du corps : Évacuation par haut et par bas.
L’évacuation du pus d’un furoncle. ‖ 2. Par
extens. Action de vider, d’écouler les eaux
retenues dans un lieu : L’évacuation des
eaux usées par les égouts. ‖ 3. Retrait
de troupes, le plus souvent ordonné et
volontaire, d’une ville, d’une région ou
d’un pays où elles s’étaient in stallées :
L’évacuation de l’Égypte serait un désastre
militaire (France). ‖ Spécialem. En temps
de guerre, repli vers l’arrière des blessés et
des malades ou du matériel. ‖ 4. Action de
faire sortir rapidement d’un lieu un assez
grand nombre de personnes, à la suite
d’une décision de l’autorité ou en raison
des circonstances : Des issues de secours
sont prévues dans les salles publiques pour
permettre une évacuation rapide en cas de
sinistre.

• SYN. : 1 dégorgement, écoulement, excré-


tion, expulsion ; 2 déversement, écoule-
ment ; 3 abandon, repli.

& évacuations n. f. pl. (1690, Furetière).


Matières évacuées, en particulier les
matières fécales.

• SYN. : déjections.

évacué, e [evakɥe] n. (part. passé sub-


stantivé de évacuer ; début du XXe s., aux
sens 1-3). 1. En temps de guerre, habitant
d’une zone de combat contraint à quitter
son domicile. ‖ 2. Habitant d’une zone
dangereuse que l’on fait partir pour une
région à l’abri du danger : Les évacués d’une
contrée menacée par une éruption volca-
nique. ‖ 3. Spécialem. En temps de guerre,
personne blessée ou malade dirigée vers un
établissement ou une formation sanitaire :
Un soldat affairé remplissait les fiches, que
les évacués attachaient eux-mêmes à leur
capote (Dorgelès).

évacuer [evakɥe] v. tr. (lat. evacuare,


vider, de ex- [préf. à valeur intensive] et de
vacuare, même sens, dér. de vacuus, vide,
inoccupé ; XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1870,
Larousse ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4,
fin du XVIIIe s., Brunot ; sens 5, 1890, Dict.
général). 1. Rejeter des matières accumu-
lées dans une partie du corps : Évacuer le
pus d’un abcès. Le fameux grain de sable
qui s’était mis dans l’urètre de Cromwell
en serait aujourd’hui promptement éva-
cué (Valéry). ‖ 2. Faire écouler, faire sortir
une substance liquide de son contenant :
Évacuer l’eau d’une citerne. ‖ 3. Cesser
d’occuper militairement une position,
un lieu ou un pays : L’extrémité de la rue
avait été évacuée par les troupes (Hugo).
‖ 4. Quitter en masse rapidement, par
mesure autoritaire, un lieu ou une région :
Cette fois le président eut beau menacer de
faire évacuer la salle, rien ne put contenir les
hurlements, les rugissements qui éclatèrent,
gagnèrent la rue, le cours, l’esplanade, rem-
plirent toute la ville (Daudet). ‖ 5. Faire
sortir des personnes d’un endroit où il
est interdit ou dangereux de rester : On
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1748

évacuait les blessés susceptibles d’attendre


encore quelques heures les soins nécessaires
(Duhamel).

• SYN. : 1 éliminer, excréter, expulser ; 2


vidanger, vider ; 3 abandonner, se replier,
se retirer.

évadé, e [evade] adj. et n. (part. passé de


[s’]évader ; fin du XVIIe s.). Qui s’est échappé
de l’endroit où il était détenu : Rechercher
un criminel évadé. On a rattrapé les évadés.
& évadé n. m. (début du XXe s.). Prisonnier
de guerre qui a réussi à s’échapper d’un
camp ou d’un pays belligérant où il était
interné. ‖ Médaille des évadés, décoration
française pour récompenser les actes ou
tentatives d’évasion accomplis par les pri-
sonniers de guerre lors de la Première et
de la Seconde Guerre mondiale.

évader [evade] v. intr. (lat. evadere, sortir


de, s’échapper de, de ex-, préf. marquant le
mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, et
de vadere, marcher, aller, s’avancer ; v. 1398,
le Ménagier de Paris [évader à, « échapper
à », v. 1354, Modus]). Class. Partir, s’échap-
per furtivement : Nous nous amusons trop,
il est temps d’évader (Corneille).

& s’évader v. pr. (sens 1-2, 1690, Furetière ;


sens 3, 1873, Rimbaud ; sens 4-5, 1668,
Molière). 1. En parlant d’un être animé,
se sauver, s’échapper furtivement d’un
lieu où il était retenu captif : Un cygne
qui s’était évadé de sa cage (Baudelaire).
L’endroit eût été propice pour attendre la
nuit et s’évader (Hugo). ‖ 2. Se retirer fur-
tivement, sans attirer l’attention : S’évader
d’une réception. Il s’évada d’eux d’un geste
agile (Verlaine). ‖ 3. Fig. Échapper volon-
tairement à la contrainte, à l’emprise d’une
chose : S’évader des soucis quotidiens.
L’imagination s’évade du réel. ‖ 4. Class.
Se tirer d’embarras par un subterfuge, une
échappatoire : Fourbe, tu crois par là peut-
être t’évader (Molière). ‖ 5. Class. et fig.
En parlant d’une chose, se dissiper : Mais
enfin, dans l’obscurité, | Je vois notre maison
et ma frayeur s’évade (Molière).

• SYN. : 1 s’échapper, s’enfuir, fuir, se sau-


ver ; 2 se carapater (pop.), se défiler (fam.),
s’éclipser, s’esquiver.

évagation [evagasjɔ̃] n. f. (lat. evagatio,


évagation [evagasjɔ̃] n. f. (lat. evagatio,
action d’errer, de evagatum, supin de eva-
gare [v. S’ÉVAGUER] ; XVe s., Godefroy). En
théologie, distraction de l’esprit qui erre
loin de l’objet auquel il devrait s’attacher :
Cette évagation qui détachait son esprit de
l’idée (Huysmans).

évagination [evaʒinasjɔ̃] n. f. (de é- [lat.


ex-, préf. marquant le mouvement de l’inté-
rieur vers l’extérieur] et de [in]vagination
[v. ce mot] ; 1877, Littré). En pathologie,
sortie d’un organe hors de sa gaine.

évaguer (s’) [sevage] v. pr. (lat. evagare


ou evagari, courir çà et là, se répandre au
loin, s’étendre, se propager, de ex-, préf.
à valeur intensive, et de vagare ou vagari,

aller çà et là, se répandre, s’étendre au loin,


dér. de vagus, vagabond, errant ; 1549,
R. Estienne, comme v. intr., au sens de
« aller à l’aventure » ; comme v. pr., au sens
actuel, fin du XIXe s., Huysmans). En parlant
de quelqu’un ou de l’esprit de quelqu’un,
se distraire, se perdre en errant loin de
l’objet auquel il devrait s’attacher (rare) :
Elle ne pouvait réciter le credo sans s’éva-
guer (Huysmans).

évaltonné, e [evaltɔne] adj. et n. (part.


passé de s’évaltonner ; 1865, Littré). Vx et
littér. Se dit d’une personne trop libre dans
ses manières, désinvolte : On a vite la répu-
tation d’une évaltonnée et d’une fille mal
élevée (Theuriet).

évaltonner (s’) [sevaltɔne] v. pr. (de é-


[lat. ex-, préf. à valeur intensive] et de
l’anc. franç. valetun, garçon, jeune homme
[v. 1138, Gaimar], petit domestique
[XIIIe s., Godefroy], dimin. de valet ; 1562,
J. Grévin, au sens de « s’échapper, agir libre-
ment » ; sens moderne, 1740, Acad.). Vx.
S’émanciper : M. de Breteuil a commencé
à s’évaltonner (d’Argenson).

évaluable [evalɥabl] adj. (de évaluer ;


1845, Bescherelle). Que l’on peut évaluer :
Des dégâts facilement évaluables.

• SYN. : calculable, chiffrable, mesurable,


nombrable.

évaluateur [evalɥatoer] n. m. (de éva-


luer ; av. 1865, Proudhon). Ce qui sert à
déterminer la valeur des choses : Le métal
est toujours pris pour évaluateur commun
des produits (Proudhon).

évaluation [evalɥasjɔ̃] n. f. (de évaluer ;


évaluation [evalɥasjɔ̃] n. f. (de évaluer ;
v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2, 1691,
Ozanam). 1. Action de déterminer la valeur
ou l’importance d’une chose : Procéder
à l’évaluation des biens d’une personne.
‖ 2. Quantité, valeur ainsi évaluée : Le
plus modéré des chiffres que donnent les
évaluations de la science (Hugo).

• SYN. : 1 dénombrement, estimation, exper-


tise, inventaire, mesure.

évaluer [evalɥe] v. tr. (de é- [lat. ex-,


préf. à valeur intensive] et de l’anc. franç.
value, valeur, prix [v. 1180, Godefroy], part.
passé fém. substantivé de valoir [évaluer a
concurrencé puis éliminé avaluer, « fixer la
valeur de » — XIIIe-XVIIe s. —, composé avec
le préf. a-, lat. ad-] ; milieu du XIVe s., au sens
1 ; sens 2, 1870, Larousse ; sens 3, av. 1865,
Proudhon ; sens 4, av. 1794, Chamfort).
1. Déterminer la valeur, le prix d’un être,
d’une chose, d’un service qui peut être
monnayé : Évaluer un cheval de course, un
tableau, une collaboration à un ouvrage.
‖ 2. Déterminer approximativement une
quantité : Évaluer une foule de manifes-
tants, la population d’une ville. ‖ 3. Évaluer
à tant une chose, en fixer approximative-
ment le prix, le temps, le nombre, etc. : On
reste au-dessous de la vérité en évaluant à
25 millions la part de perte de Paris dans le

demi-milliard que la France refuse annuel-


lement (Hugo). Évaluer à deux années le
temps nécessaire à la construction d’un
monument. ‖ 4. Fig. Apprécier : Évaluer les
risques d’une initiative. Évaluer le niveau
de connaissances d’un candidat. Évaluer
l’importance d’un événement.

• SYN. : 1 coter, estimer, jauger, mesurer,


supputer ; 2 calculer, chiffrer, nombrer ; 4
juger, peser.

évanescence [evanɛsɑ̃s] n. f. (de évanes-


cent ; 1877, Littré). Qualité, état de ce qui est
évanescent : L’évanescence des souvenirs.

évanescent, e [evanɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


evanescens, -entis, part. prés. de evanes-
cere, s’évanouir, disparaître, se dissiper,
se perdre, s’évaporer, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de vanescere, se dissiper, s’éva-
nouir, dér. de vanus, vide, vain, sans consis-
tance ; début du XIXe s., au sens 1 ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, 1877, Littré). 1. En botanique,
se dit du nectaire, qui finit par disparaître
quand le fruit se développe. ‖ 2. En pho-
nétique, se dit d’un phonème qui s’amuït.
‖ 3. Littér. Qui disparaît par degrés, qui
s’efface peu à peu ; qui ne dure pas : Elle
regardait vers le choeur, dont les murailles
sont ornées de peintures évanescentes, naï-
vement azurées (Duhamel).

évangéliaire [evɑ̃ʒeljɛr] n. m. (lat. ecclés.


du Moyen Âge evangeliarium, de evange-
lium [v. ÉVANGILE] ; 1721, Trévoux). Livre
qui contient les Évangiles de toutes les
messes de l’année.

évangélique [evɑ̃ʒelik] adj. (lat. ecclés.


evangelicus, évangélique, gr. ecclés. euag-
gelikos, qui concerne les évangiles, dér. de
euaggelion [v. ÉVANGILE] ; fin du XIVe s.,
Ph. de Maizières, aux sens 1-2 ; sens 3,
XVe s., La Curne). 1. Qui se rapporte à
l’Évangile ; qui est contenu dans l’Évan-
gile : Ils couvrent de leur bave honneur,
droit, république, | La charte populaire et
l’oeuvre évangélique (Hugo). Ce nouvel art
d’aimer consomme énormément de paroles
évangéliques à l’oeuvre du diable (Balzac).
Parabole évangélique. ‖ 2. Conforme à
la doctrine, aux préceptes de l’Évangile :
Rome est remontée à cette pauvreté évan-
gélique qui faisait tout son trésor dans les
anciens jours (Chateaubriand). ‖ 3. Qui
appartient à la religion réformée : Une
église de Saint-Florin, convertie en magasin
de fourrage par les Français, aujourd’hui
église évangélique (Hugo).

évangéliquement [evɑ̃ʒelikmɑ̃] adv.


(de évangélique ; XVIe s., Godefroy). D’une
manière conforme à la doctrine ou à l’esprit
de l’Évangile : Vivre évangéliquement.

évangélisateur, trice [evɑ̃ʒelizatoer,


-tris] adj. (bas lat. ecclés. evangelizator, pré-
dicateur de l’Évangile [de evangelizatum,
supin de evangelizare, v. ÉVANGÉLISER],
ou dér. franç. de évangéliser ; XXe s.). Qui
évangélise : Une mission évangélisatrice.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1749

& n. (1877, Littré). Personne qui prêche


l’Évangile, notamment à ceux qui ne
connaissent pas la doctrine du Christ.

évangélisation [evɑ̃ʒelizasjɔ̃] n. f.
(de évangéliser ; 1870, Larousse). Action
d’évangéliser ; résultat de cette action :
L’évangélisation de l’Afrique noire.

évangéliser [evɑ̃ʒelize] v. tr. (bas lat.


évangéliser [evɑ̃ʒelize] v. tr. (bas lat.
ecclés. evangelizare, prêcher l’Évangile,
évangéliser, gr. euaggelizein, annoncer une
bonne nouvelle, et, dans la langue ecclés.,
« prêcher la bonne nouvelle, l’Évangile »,
dér. de euaggelion [v. ÉVANGILE] ; XIIIe s.,
Littré). Prêcher l’Évangile à ; convertir au
christianisme par la prédication : Solide
grand garçon qui se destinait aux missions
étrangères et, en attendant d’aller évan-
géliser les Bassoutos, s’entraînait violem-
ment, grimpait aux pics, montait à cheval,
sablait le champagne suisse et yaudlait à
toute gorge comme un pâtre de l’Oberland
(Daudet).

• SYN. : christianiser.

évangélisme [evɑ̃ʒelism] n. m. (de évan-


géliste ; 1865, Littré, au sens 3 ; sens 1, XXe s. ;
sens 2, 1870, Larousse). 1. Doctrine consis-
tant à tout ramener à l’Évangile ou à tout
expliquer par lui. ‖ 2. Doctrine de l’Église
évangélique. ‖ 3. Caractère évangélique ;
conformité à l’Évangile : Tu feras un acte
de haut évangélisme (Flaubert).

évangéliste [evɑ̃ʒelist] n. m. (bas lat.


ecclés. evangelista, évangéliste, gr. euagge-
listês, qui annonce de bonnes nouvelles, et,
dans la langue ecclés., « qui prêche la bonne
nouvelle, l’Évangile », dér. de euaggelizein
[v. ÉVANGÉLISER] ; v. 1190, Sermons de saint
Bernard, écrit euvangeliste [evangelistre
— d’après apostre, forme anc. de apôtre
—, XIIIe s., Rutebeuf ; évangéliste, XVIe s.],
au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré). 1. Auteur
d’un des quatre Évangiles canoniques : Les
quatre évangélistes sont Matthieu, Marc,
Luc et Jean. ‖ 2. Dans certaines églises
protestantes, prédicateur laïc qui peut
être chargé parfois de toutes les fonctions
pastorales.

& n. (1883, A. Daudet). Adepte de


l’évangélisme.

& adj. (1883, A. Daudet). Qui se rattache à


l’Église réformée : [Elle] tâchait, à la sortie
des classes évangélistes, de reprendre ses
élèves (Daudet).

évangile [evɑ̃ʒil] n. m. (lat. ecclés. evan-


gelium, l’Évangile, gr. euaggelion, récom-
pense, action de grâces, sacrifice offert pour
une bonne nouvelle, bonne nouvelle, et,
dans la langue ecclés., « parole de Jésus-
Christ, Évangile », dér. de euaggelos, qui
apporte une bonne nouvelle, de eu, bien,
et aggelos, messager, message, nouvelle ;
v. 1174, E. de Fougères, aux sens 2-3 ; sens
1, 1672, Sacy ; sens 4, 1610, Béroalde de
Verville ; sens 5, 1690, Furetière ; sens
6, 1689, Mme de Sévigné ; sens 7, fin du

XVIIe s., Bossuet). 1. Doctrine enseignée


par le Christ et propagée par les Apôtres :
L’Évangile prêche le pardon des offenses et
non la révolte. ‖ 2. Ensemble des livres qui
contiennent la doctrine du Christ : Il n’y a
point de vérité morale ou politique qui ne
soit en germe dans un verset de l’Évangile
(Lamartine). L’Évangile est un petit livre
tout simple, qu’il faut lire tout simplement
(Gide). ‖ Par extens. et fam. Croire une
chose comme l’Évangile, y croire ferme-
ment, la tenir pour vérité absolue. ‖ Parole
d’évangile, se dit de toute affirmation, de
tout propos d’une vérité certaine, absolue
et indiscutable. ‖ 3. Chacun des quatre
livres qui composent cet ensemble : Nous
nous étions procuré les Évangiles dans le
texte de la Vulgate et en savions par coeur de
longs passages (Gide). L’Évangile selon saint
Jean. Les quatre Évangiles. ‖ 4. Passage des
Évangiles que le prêtre ou le diacre lit pen-
dant la messe. ‖ Par extens. Le moment de
la messe où se fait la lecture d’un passage de
l’Évangile : Arriver après l’évangile. ‖ Côté
de l’Évangile, le côté gauche de l’autel par
rapport au prêtre qui officiait le dos tourné
aux fidèles. ‖ 5. Vx. Lire l’évangile, don-
ner l’évangile à quelqu’un, se dit du prêtre
qui lit un évangile en plaçant un bout de
son étole sur la tête de celui qu’il bénit.
‖ 6. L’évangile du jour, la grande nouvelle :
Voilà, ma chère bonne, l’évangile du jour
(Sévigné). ‖ 7. Fig. Document, texte qui
sert de fondement à une doctrine ou qui
prend une valeur de dogme, de règle sacrée
et immuable : Cette lettre était devenue
l’évangile de la famille.On la lisait à tout
propos, on la montrait à tout le monde
(Maupassant). « Mein Kampf » était l’évan-
gile du nazisme.

• SYN. : 6 bible, catéchisme, code, credo.

• REM. 1. Le mot pouvait être indifférem-


ment masculin ou féminin au XVIIe s.

2. Le mot s’écrit avec une majuscule dans


les emplois où il s’agit du texte sacré.

évanoui, e [evanwi] adj. (part. passé de


s’évanouir). 1. Se dit d’un être qui a perdu
connaissance : Personne ne vit Jean Valjean
soutenant dans ses bras Marius évanoui
(Hugo). ‖ 2. Se dit d’une chose qui a dis-
paru dans le temps : Les symboles vains
d’un âge évanoui (France).

• SYN. : 1 pâmé ; 2 envolé, perdu.

évanouir (s’) [sevanwir] v. pr. (altér.,


d’après la forme lat. evanuit [parfait de
evanescere], de la phrase Et ipse evanuit
ex oculis, « Et lui-même [= Jésus-Christ
qui était apparu à deux de ses disciples à
Emmaüs] disparut à leurs yeux » [Luc, XXI,
31], de l’anc. franç. esvanir, s’évanouir [v.
1160, Benoît de Sainte-Maure], lat. pop.
*exvanire, disparaître, lat. class. evanescere
[v. ÉVANESCENT], v. 1130, Eneas, au part.
passé, écrit esvanoïz, au sens de « disparu » ;
fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire,
au sens 1, comme v. intr., écrit esvanoïr

[évanouir, XVIe s. ; comme v. pr., v. 1265,


J. de Meung] ; sens 2 [comme v. pr.], XIIIe s.,
Macchabées ; sens 3, v. 1361, Oresme).
[Conj. : v. finir.] 1. Perdre connaissance,
tomber en syncope : Elle s’est évanouie
en vous entendant dire que vous m’aimiez
(Musset). La puanteur était si forte, que
sur l’herbe | Vous crûtes vous évanouir
(Baudelaire). ‖ 2. Littér. Disparaître peu à
peu sans laisser aucune trace : [Le papillon
Amour] Va s’éblouir, hélas ! de visions ver-
meilles | Qui s’évanouiront dans le désert
des cieux (Leconte de Lisle). ‖ Cesser d’être
perceptible : Le pas sourd des sabots [...]
s’évanouissant progressivement dans la
nuit (Martin du Gard). ‖ 3. Littér. Cesser
d’être, perdre sa réalité, être effacé : Les
systèmes s’évanouissent devant les faits
(Chateaubriand). ‖ Faire place à, dispa-
raître au profit de : En Victor Hugo, le dra-
maturge s’évanouit devant le poète.

• SYN. : 1 défaillir, se pâmer ; 2 disparaître,


s’éclipser, s’effacer, s’estomper.

• REM. Au XVIIe s., ce verbe pouvait s’em-


ployer intransitivement : Il avait pensé
évanouir (La Rochefoucauld).

évanouissement [evanwismɑ̃] n. m.
(de [s’]évanouir [v. ce mot] ; v. 1175, Chr.
de Troyes, écrit esvanuiscement [évanouis-
sement, XVe s.], au sens 1 ; sens 2, XVe s.,
Littré). 1. Perte de connaissance, état de
celui qui est tombé en syncope : Il avait,
tout petit, des évanouissements, des convul-
sions, des vomissements quand il éprouvait
une contrariété (Rolland). Il paraissait,
aux sursauts de son corps, que ce n’était
point là un évanouissement ordinaire
(Gide). ‖ 2. Littér. Le fait de s’évanouir,
de disparaître : L’évanouissement de toute
cette friperie sentimentale et tarabiscotée
[...] l’épanouissait presque autant que
la clémence de sa femme (Daudet). Que
faut-il donc penser de l’évanouissement
de « vertu », puisque telle est la tendance
irréfutable de la langue vivante, et que telle
est la misérable condition où je trouve réduit
un mot qui fut des plus puissants et des plus
beaux d’entre les mots... ? (Valéry).

• SYN. : 1 défaillance, malaise, pâmoison,


syncope.

évaporable [evapɔrabl] adj. (de évapo-


rer ; 1624, Béguin). Qui peut s’évaporer, qui
peut être évaporé facilement : Une solution
évaporable.

évaporateur [evapɔratoer] n. m. (dér.


savant de évaporer ; XXe s., aux sens 1-3).
1. Dans l’industrie alimentaire, appareil
permettant d’évaporer l’eau contenue
dans divers produits naturels. ‖ 2. Dans la
marine, appareil chauffé à la vapeur et ser-
vant à distiller l’eau de mer. ‖ 3. Appareil
d’une installation frigorifique dans lequel
le fluide frigorigène s’évapore en produi-
sant du froid

évaporation [evapɔrasjɔ̃] n. f. (lat. eva-


poratio, évaporation, de evaporatum, supin
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1750

de evaporare [v. ÉVAPORER] ; v. 1398, Somme


Me Gautier, écrit evaporacion ; évaporation,
v. 1560, Paré). Transformation d’un liquide
en vapeur : L’évaporation des eaux d’un lac
en été. ‖ Spécialem. Passage d’un liquide à
l’état de vapeur par ébullition.

évaporatoire [evapɔratwar] adj. (dér.


savant de évaporer ; v. 1398, Somme
Me Gautier, à propos d’un remède purgatif ;
sens actuel, 1865, Littré). En physique ou
dans l’industrie, qui est de nature à pro-
voquer l’évaporation.

évaporé, e [evapɔre] adj. et n. (part. passé


de évaporer ; début du XVIIe s., Brunot). Se
dit de quelqu’un qui a un caractère très
léger, qui se dissipe en actions frivoles :
La Périchole est au fond une bonne fille,
mais fort évaporée (Mérimée). C’est une
insolente ! une évaporée ! pire peut-être
(Flaubert). Cette Rachel m’a parlé de vous,
je la vois comme ça le matin aux Champs-
Élysées, c’est une espèce d’évaporée comme
vous dites, ce que vous appelez une dégrafée,
une sorte de « Dame aux camélias », au
figuré bien entendu (Proust).

• SYN. : écervelé, étourneau.

& adj. (av. 1704, Bourdaloue). Vx. Qui


manque de sérieux, de rigueur ; qui com-
porte du caprice et de la fantaisie : C’est
un tombeau en marbre noir et blanc, dans
le même goût évaporé et folâtre (Gautier).
Cette dame parisienne, ravissant échan-
tillon des grâces évaporées d’un salon
français, il la dotera malgré elle d’une cer-
taine lourdeur, d’une bonhomie romaine
(Baudelaire).

• SYN. : fantaisiste, fantasque, farfelu (fam.),


frivole, léger.

évaporer [evapɔre] v. tr. (lat. evaporare,


évaporer, disperser en vapeur, de ex-, préf. à
valeur intensive, et de vaporare, exhaler de
la vapeur, se vaporiser, remplir de vapeur,
dér. de vapor, vapeur d’eau, exhalaison ;
1655, Molière, au sens 2 ; sens 1, 1690,
Furetière ; sens 3, XXe s.). 1. Transformer,
résoudre en vapeur un liquide : Évaporer
du parfum. ‖ 2. Fig. et vx. Répandre au-
dehors, exhaler : Elle évaporait ce qui lui
restait d’ennui dans une espèce de cri fauve
(Daudet). ‖ 3. Pop. Dérober rapidement
et adroitement : Évaporer un portefeuille.
& s’évaporer v. pr. (sens 1 et 4, 1835, Acad. ;
sens 2, 1314, Mondeville ; sens 3, XXe s.).
1. Se transformer en vapeur : Il faut bou-
cher le flacon pour que l’essence ne s’évapore
pas. ‖ Par extens. S’exhaler en parfums :
Voici venir les temps où, vibrant sur sa
tige, | Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un
encensoir (Baudelaire). ‖ 2. Se dissiper, dis-
paraître : Le brouillard s’évapore avec les
premiers rayons du soleil ; et au fig. : Leur
enthousiasme s’évaporait en phrases, et ils
n’en avaient plus pour risquer leur peau
(Taine). Que de fois mes désirs se sont éva-
porés comme des brumes (Gide). ‖ 3. Fam.
En parlant de quelqu’un, disparaître brus-

quement à l’insu des autres : « Où est-il ?

— Il s’est évaporé ». ‖ 4. Fig. et vx. Avoir


une conduite légère, perdre le sens de ses
responsabilités en se laissant aller à une vie
frivole : Ce jeune homme s’évapore.

• SYN. : 2 s’évanouir, se perdre ; 3 s’éclipser,


se volatiliser (fam.).
évasement [evɑzmɑ̃] n. m. (de évaser
[quoique le v. ne soit attesté que bien après
le n. m., v. l’art. suiv.] ; v. 1130, Eneas, écrit
esvasement, au sens de « état de ce qui
est évasé » ; écrit évasement, aux sens de
« action d’évaser » et « état de ce qui est
évasé », 1636, Monet). Action d’évaser (peu
usité) ; état de ce qui est évasé : L’évasement
d’un tuyau. ‖ Partie évasée d’une chose :
Les collines se bombent à leur faîte, épatent
leur base, se creusent à l’horizon dans un
évasement élargi (Flaubert).

• SYN. : élargissement. — CONTR. : étrangle-


ment, étrécissement, rétrécissement.

évaser [evɑze] v. tr. (de é-, es- [lat. ex-,


préf. marquant un mouvement de l’inté-
rieur vers l’extérieur], et du lat. vas, vasis,
vase, vaisseau, pot ; v. 1377, Modus, écrit
esvaser ; évaser, XVIIe s. [mot probablem.
bien antérieur au XIVe s., v. l’art. précéd.]).
Élargir à l’ouverture, à l’orifice : Évaser
un tube.

& s’évaser v. pr. (XVe s., Ordonnance royale).


S’ouvrir largement : La vallée s’évase encore
(Hugo). Le cône [de la coquille] s’allonge
ou s’aplatit, se resserre ou s’évase (Valéry).

évasif, ive [evazif, -iv] adj. (du radical


de évasion ; 1547, Budé, au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. Se dit de paroles, de manières
qui permettent d’échapper à une diffi-
culté, à une responsabilité en éludant la
question posée, en évitant de fournir la
précision attendue : Une réponse évasive.
Ses nouvelles manières froides et évasives
(Proust). Elle le remercia d’un sourire évasif
et d’une brève inclinaison de tête (Martin
du Gard). ‖ 2. Se dit de quelqu’un qui use
de ces paroles, de ces manières : Je lui ai
posé la question, mais il est resté très évasif.
• SYN. : ambigu, détourné, équivoque, réti-
cent, vague.

évasion [evazjɔ̃] n. f. (bas lat. evasio,


délivrance, de evasum, supin de evadere
[v. ÉVADER] ; XIIIe s., Godefroy, en astro-
nomie, à propos du mouvement d’une pla-
nète ; sens 1, av. 1679, Retz ; sens 2, début du
XXe s. ; sens 3, fin du XIVe s., E. Deschamps ;
sens 4, XXe s.). 1. Action de s’évader, fuite
furtive d’un lieu où l’on est retenu de force :
Un système de ligatures qui lui rendaient
toute évasion impossible (Hugo). ‖ 2. Fig.
Action d’échapper à une contrainte, à la
monotonie ou aux fatigues de la vie quo-
tidienne : Un roman qui offre quelques
heures d’évasion. J’éprouvai notamment
ce désir d’évasion un jour qu’ayant laissé
Albertine chez sa tante, j’étais allé à cheval
voir les Verdurin et que j’avais pris dans les
bois une route sauvage dont ils m’avaient

vanté la beauté (Proust). ‖ 3. Fig. et vx.


Moyen par lequel on élude une difficulté ;
échappatoire : Point d’évasion, Monsieur
(Beaumarchais). ‖ 4. Évasion fiscale, dis-
simulation d’une fraction de la masse des
revenus imposables. ‖ Évasion des capi-
taux, exportation ou maintien à l’étranger
de capitaux dont le propriétaire a moins
en vue leur investissement dans un autre
pays que leur protection contre la fiscalité,
la politique monétaire ou économique de
son propre pays.

• SYN. : 2 délassement, détente, distraction,


rêve, rêverie.

évasivement [evazivmɑ̃] adv. (de évasif ;


1787, Féraud). De façon évasive : Répondre
évasivement.

évasure [evɑzyr] n. f. (de évaser ; 1611,


Cotgrave). Ouverture plus ou moins large
d’un orifice (terme technique) : Mesurer
une évasure.

évêché [eveʃe] n. m. (de évêque, d’après


le bas lat. ecclés. episcopatus, épiscopat
[v. ÉPISCOPAT] ; XIIe s., Lois de Guillaume,
écrit evesqué [eveschié, v. 1265, J. de Meung ;
évêché, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, av. 1613,
M. Régnier ; sens 3, 1870, Larousse ; sens
4, 1690, Furetière [« cathédrale », v. 1175,
Chr. de Troyes]). 1. Territoire soumis
à l’autorité d’un évêque (vieilli) : Cette
paroisse est située dans l’évêché d’Or-
léans. ‖ 2. Dignité épiscopale, fonction
d’évêque : Monsieur l’abbé, on dit par-
tout que vous serez appelé à l’évêché de
Tourcoing (France). ‖ 3. Ville où réside
l’évêque. ‖ 4. Palais épiscopal ; ensemble
des bureaux et services de l’administration
d’un diocèse : Être convoqué à l’évêché.

évection [evɛksjɔ̃] n. f. (lat. evectio, action


de s’élever en l’air, et, à basse époque, « per-
mission d’utiliser le transport par la poste
impériale », de evectum, supin la evehere,
emporter, élever, de ex-, préf. marquant un
mouvement d’éloignement, et de vehere,
porter, transporter ; v. 1361, Oresme, au
sens II ; sens I, 1870, Larousse).

I. Dans l’Antiquité romaine, droit ac-


cordé à quelqu’un par l’empereur ou
par quelque dignitaire d’exiger partout,
gratuitement, des chevaux de relais et le
logement.

II. Inégalité périodique dans le mouve-


ment de la Lune.

éveil [evɛj] n. m. (déverbal de éveiller ; v.


1175, Chr. de Troyes, au sens 3 [en esvoil ;
en esveil, v. 1240, G. de Lorris ; en éveil,
XVIIe s. ; donner l’éveil à quelqu’un, 1839,
Boiste] ; sens 1, 1890, Dict. général [« action
d’éveiller », XVe s., Perceforest] ; sens 2, av.
1791, G. de Mira-beau ; sens 4, milieu du
XXe s.). 1. Action de s’éveiller, de sortir de
l’état de sommeil. (Auj., en ce sens, on
dit plutôt RÉVEIL.) ‖ Par anal. Le fait de
sortir de l’état de repos, d’engourdisse-
ment : L’éveil de la nature. ‖ 2. Premières
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1751

manifestations, apparition : L’éveil de la


sensibilité. Je repensais soudain à mon
éveil religieux et à mes premières ferveurs
(Gide). ‖ 3. Donner l’éveil à quelqu’un, le
mettre en garde, attirer son attention : Ce
détail a donné l’éveil aux enquêteurs. ‖ En
éveil, attentif, sur ses gardes : La lecture des
notes et les réflexions du supérieur étaient
l’unique sanction qui tenait tout en haleine
et en éveil (Renan). ‖ 4. Disciplines d’éveil,
en pédagogie, disciplines destinées à éveil-
ler chez les enfants la curiosité intellec-
tuelle, le goût de l’observation : Les sciences
naturelles sont une discipline d’éveil.

éveillé, e [eveje] adj. (part. passé de


éveiller ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2, XVe s.,
Littré [« vif, vigilant », v. 1160, Roman
de Tristan]). 1. Qui ne dort pas, qui ne
s’est pas endormi : Il rêvait à demi éveillé
(Gautier). ‖ 2. Fig. Dont l’esprit est en éveil,
dont l’intelligence est vive, gaie, alerte : Les
femmes, petites, jaunes comme des mulâ-
tresses, mais éveillées, étaient naïvement
coquettes (Chateaubriand). Un élève éveillé.
‖ Une mine éveillée, un visage qui annonce
de la vivacité et de l’espièglerie.

• SYN. : 1 réveillé ; 2 dégourdi, déluré, malin.

éveiller [eveje] v. tr. (lat. pop. *exvigi-


lare, s’éveiller, se réveiller, veiller, s’appli-
quer, de ex-, préf. à valeur intensive, et de
vigilare, veiller, être éveillé, dér. de l’adj.
vigil, éveillé, vigilant, attentif ; v. 1175,
Chr. de Troyes, écrit esveillier [esveiller,
XIIIe s. ; éveiller, XVIIe s.], au sens 2 ; sens 1,
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ;
sens 3, 1762, J.-J. Rousseau [éveiller un écho,
av. 1857, Musset, et, au fig., début du XXe s.,
Gide] ; sens 4, 1870, Larousse). 1. Tirer du
sommeil : Le caporal les éveilla une heure
avant le jour (Stendhal). ‖ 2. Tirer d’un
état de repos, d’indifférence ou de torpeur
(vieilli) : La profondeur, la mélancolie de
l’expression glaçaient ses sens, que suffi-
sait au contraire à éveiller une chair saine,
plantureuse et rose (Proust). ‖ 3. Fig. Faire
naître ; susciter l’apparition ou le déve-
loppement de : L’art d’enseigner n’est que
l’art d’éveiller la curiosité (France). Mais
le titre de marquise éveillait en lui des
images prestigieuses et galantes (Proust).
‖ Éveiller un écho,déclencher le phéno-
mène de l’écho : Sous ses ogives féodales |
Il erre éveillant les échos (Gautier) ; ‖ au
fig. Sous la forme négative, ne déclencher
aucune réaction : Sa proposition n’a éveillé
aucun écho. ‖ Spécialem. Éveiller l’atten-
tion, rendre vigilant : La berge de la rive
droite [...] éveillait l’attention de la police
(Hugo). ‖ 4. Éveiller le poil, redresser le
poil des peaux et le rétablir dans sa posi-
tion naturelle.

• SYN. : 1 réveiller ; 3 aviver, fouetter, piquer,


provoquer. — CONTR. : 1 assoupir, endor-
mir ; 3 apaiser, calmer, éteindre, étouffer,
tuer.

& s’éveiller v. pr. (sens 1, 1080, Chanson


de Roland ; sens 2, av. 1679, Retz ; sens 3,

av. 1813, Delille). 1. Sortir du sommeil, ces-


ser de dormir : Oh ! l’ivresse au matin de
s’éveiller dans sa petite chambre d’enfant... !
(Daudet). ‖ 2. Sortir d’un état d’engourdis-
sement, commencer à vivre activement :
La nature s’éveille et de rayons s’enivre
(Rimbaud). ‖ Fig. Devenir actif, se mani-
fester : Des qualités que ma première édu-
cation avait laissées dormir s’éveillèrent au
collège (Chateaubriand). ‖ 3. Fig. Prendre
naissance, en parlant d’une disposition
intellectuelle ou d’un sentiment : Quand
l’amour s’éveille au coeur de l’adolescent.
• SYN. : 1 se réveiller ; 2 s’animer, se déve-
lopper, éclater ; 3 naître, percer, poindre.

— CONTR. : 1 s’assoupir, s’endormir ; 2 s’an-


kyloser, s’engourdir ; 3 disparaître, s’effacer,
s’estomper, mourir.

• REM. Dans la langue courante, réveiller,


se réveiller tendent à remplacer éveiller,
s’éveiller au sens 1.

éveilleur, euse [evɛjoer, -øz] n. (de éveil-


ler ; av. 1559, J. Du Bellay, au sens propre
de « celui qui éveille » ; sens actuel, 1857,
Goncourt). Qui provoque la naissance,
l’apparition de : Ces éveilleuses de mau-
vais désirs, ces initiatrices de joies réprou-
vées, peuvent glisser, inaperçues (Villiers
de L’Isle-Adam). ‖ Absol. Celui qui sti-
mule l’intelligence d’autrui, qui favorise le
développement de la personnalité d’autrui :
C’était un éveilleur incomparable (Renan).

événement [evɛnmɑ̃] n. m. (du lat. eve-


nire, venir hors de, sortir, avoir une issue,
un résultat, se réaliser, se produire [de ex-,
préf. marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur, et de venire, venir, arriver,
se présenter], sur le modèle de avènement
[v. ce mot], qui, jusqu’au XVIe s., a signifié
« arrivée en général, événement » ; début du
XVIe s., aux sens 1-3). 1. Class. Fait auquel
aboutit une action ou une situation ;
résultat : Jamais, certes, jamais plus beau
commencement | N’eut en si peu de temps
plus triste événement (Molière). ‖ Class.
Dénouement d’une pièce dramatique :
Chaque vers, chaque mot court à l’évé-
nement (Boileau). ‖ Auj. Ce qui résulte
d’une série de faits ou d’actions, ce qui se
produit par la suite (dans certaines expres-
sions) : Où était l’aberration véritable, c’est
ce que l’événement a montré (Bainville).
L’événement a trompé notre attente. ‖ 2. Ce
qui se produit, ce qui se remarque ou peut
être remarqué : Nous sommes faits, pour
une grande part, de tous les événements
qui ont eu prise sur nous ; mais nous n’en
distinguons pas les effets qui s’accumulent
et se combinent en nous (Valéry). L’enfant
conserve le souvenir d’un événement grave
à cause d’un détail saugrenu (Cocteau).
‖ Vx. À tout événement, quoi qu’il puisse
advenir, à tout hasard : Il semblait bon, à
tout événement, de me rendre capable de
suivre une autre carrière (Chateaubriand).
‖ 3. Spécialem. Fait d’une grande impor-
tance dans la vie d’un individu ou dans

l’histoire des peuples : Les événements ne


comptent que pour ceux qui en pâtissent ou
qui en profitent ; ils ne sont rien pour ceux
qui les ignorent, ou qu’ils n’atteignent pas
(Chateaubriand). Les événements de sa vie
que M. de Mortsauf m’a racontés (Balzac).
Notre Révolution a fourni en quinze ans les
événements de plusieurs siècles accumulés
(Lacretelle). ‖ Fait qui excite la curiosité ou
l’attention générale : Faire événement. Par
son style prodigieux, par sa beauté correcte
et recherchée, pure et fleurie, ce livre était
un véritable événement (Baudelaire). ‖ Par
exagér. et fam. Fait auquel on donne une
importance démesurée : Il a enfin pris une
décision. Quel événement !

• SYN. : 2 chose, fait, incident, péripétie ;


3 date.

& événements n. m. pl. (fin du XIXe s.).


Ensemble des faits importants de l’actua-
lité : Dans l’espoir que sir Sydney Smith
arrêterait cet officier au passage et lui ferait
connaître les événements récents (France).
En raison des événements, l’état d’urgence
a été décrété.

• SYN. : circonstances, conjoncture,


situation.

événementiel, elle [evɛnmɑ̃sjɛl] adj.


(de événement ; début du XXe s., au sens 1 ;
sens 2, milieu du XXe s.). 1. Se dit surtout de
l’histoire qui se borne à raconter les évé-
nements sans en distinguer l’importance
relative et sans en rechercher les causes ou
en montrer la portée : L’histoire événemen-
tielle est peu propre à éveiller l’intelligence
des élèves. ‖ Par extens. Qui se rapporte
à l’histoire événementielle : Le fait le plus
contingent en apparence, le plus « événe-
mentiel » comme on dit parfois (Lévy-
Bruhl). ‖ 2. Névrose événementielle, en
psychologie, névrose liée à un événement
déterminant (par opposition à névrose
institutionnelle).

1. évent [evɑ̃] n. m. (déverbal de éventer


[écrit esvent au XVIe s., et évent depuis le
XVIIe s.] ; 1521, Godefroy, au sens de « égout
pour détourner l’eau d’une fontaine » ;
sens I, 1, 1690, Furetière ; sens I, 2, 1600,
O. de Serres ; sens I, 3, 1640, Oudin ; sens II, 1,
1564, J. Thierry [ « ouïe des poissons » ;
pour des cétacés, 1690, Furetière] ; sens II, 2,
1676, Félibien ; sens II, 3, 1907, Larousse).

I. 1. Vx. Exposition au vent, au grand air :


Mettre des fromages à l’évent. ‖ Donner
de l’évent à une pièce de vin, y pratiquer
une petite ouverture pour le passage de
l’air. ‖ 2. Vx. Altération subie par un ali-
ment qu’on a laissé exposé trop longtemps
à l’air : Vin qui sent l’évent. ‖ 3. Fig. et vx.
Avoir la tête à l’évent, avoir l’esprit léger,
être très étourdi : Le vieux fat Villeroi, tête
frivole et tout à l’évent (Michelet).
II. 1. Ouverture du nez, simple ou
double, chez les cétacés, et par laquelle ils
rejettent l’eau : Une baleine venait d’être
signalée, fait assez rare dans cette contrée.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1752

Elle n’avait pas d’évents, ne lançait pas


de jets d’eau... (Daudet). ‖ 2. Dans l’in-
dustrie, orifice placé au point haut d’un
réservoir, d’une tour, d’un tuyau, pour
permettre le passage, l’évacuation des
gaz. ‖ 3. En armurerie, petite ouverture
destinée à laisser passer la flamme d’une
amorce qui doit enflammer une charge
de poudre.

2. évent [evɑ̃] n. m. (lat. eventus, événe-


ment, résultat, dénouement, de eventum,
supin de evenire [v. ÉVÉNEMENT] ; XVe s.,
au sens 1 ; sens 2 [de l’angl. event, événe-
ment, lui-même empr. de l’anc. franç. évent,
v. ci-dessus], 1866, Behrens, dans la locution
great event, « grand événement [sportif] »,
pour désigner le Derby d’Epsom [grand
event, 1901, Behrens ; gros event, 1912, Bon-
nafé]). 1. Vx ou littér. Événement : Pour
parer à ces évents, l’Église décida que tout
postulant à la réclusion subirait d’abord
un noviciat (Huysmans). ‖ 2. Great event
[gritivant] (vieilli), grand événement : Sa
physionomie spirituelle comme sa notoriété
marquante ne laissaient pas d’exciter la
curiosité du public dans tout great event
de la musique et de la peinture... (Proust).

éventail [evɑ̃taj] n. m. (de éventer ; 1416,


Gay, écrit esventail [éventail, 1581, Gay], au
sens 1 ; sens 2, 1801, Chateaubriand ; sens 3,
1955, Robert). 1. Sorte de petit écran por-
tatif, composé d’un demi-cercle d’étoffe,
de papier ou de plumes, monté sur des
lamelles mobiles qu’on déploie, et qui sert
à agiter l’air autour du visage : Sa longue
robe à queue est bleue, et l’éventail | Qu’elle
froisse en ses doigts fluets aux larges bagues
| S’égaie en des sujets érotiques (Verlaine).
Les éventails, l’aile dépliée, nuancée, pail-
letée, voltigeaient, papillonnaient sur tout
cela, mêlaient des parfums d’opoponax ou
de white rose à la faible exhalaison des lilas
blancs et des violettes naturelles (Daudet).
‖ Choses qui se disent derrière l’éventail,
propos légers que les femmes murmurent
derrière leur éventail. (Vieilli.) ‖ 2. Objet
qui présente la forme d’un éventail : Son
large éventail [le feuillage du palmier] ne
reverdit plus (Fromentin). ‖ Éventail de
corset, points de soie disposés en palme
pour arrêter les baleines. ‖ 3. Fig. Ensemble
de choses dont la diversité se déploie, à
l’intérieur d’une même catégorie, comme
un éventail : L’éventail des prix. L’éventail
des salaires est ouvert.

& En éventail loc. adj. (1721, Trévoux).


Déployé, ouvert comme un éventail :
L’oreille en éventail, la trompe entre les
dents, | Ils [les éléphants] cheminent, l’oeil
clos (Leconte de Lisle). ‖ Voûte en éventail,
voûte plate, très nervurée, caractéristique
du style gothique anglais.

éventailleuse [evɑ̃tajøz] n. f. (de éven-


tail ; 1890, Dict. général). Vx. Ouvrière qui
faisait les éventails de corset.

éventailliste [evɑ̃tajist] n. et adj. (de


éventail ; 1690, Furetière, écrit éventa-
liste [éventailliste, 1704, Trévoux], au sens
1 ; sens 2, 1701, Furetière). 1. Personne
qui fabrique ou qui vend des éventails :
Feuilly était un ouvrier éventailliste (Hugo).
‖ 2. Vx. Peintre en éventail.

• REM. On a dit aussi ÉVENTAILLIER, ÈRE


(début du XVIe s., écrit eventailler ; éven-
taillier, 1723, Savary des Bruslons).

éventaire [evɑ̃tɛr] n. m. (origine obs-


cure ; peut-être de évent 1, au sens de
« exposition au grand air » ; 1690, La
Quintinie, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.,
A. Daudet). 1. Plateau que certains mar-
chands ambulants portent devant eux,
soutenu par une courroie passant derrière
le cou, et sur lequel ils étalent leur mar-
chandise : Pour faire contraste, une foule de
petits forains, l’éventaire chargé de cravates,
de porte-monnaie, d’épingles ou de bagues,
circulaient bruyamment, en proposant leur
marchandise (Daudet). Il portait devant lui,
suspendu à son cou par une lanière de cuir,
un petit éventaire sur lequel étaient disposés
des bigorneaux, des moules, des coquillages
de diverses espèces... (Duhamel). Un tas
de colis devant lui comme un éventaire de
camelot, le fourrier appelait les lettres en
souffrance (Dorgelès). ‖ 2. Étalage d’objets,
de produits à vendre, à l’extérieur d’une
boutique ou en plein air : Un éventaire de
libraire. Et, comme aux grilles des hospices
et des squares, des éventaires étalés, avec des
rangées de biscuits, d’oranges, de pommes
(Daudet). Il se retrouva, au plein jour,
devant les éventaires fleuris de la place où
était leur hôtel (Martin du Gard).

• SYN. : 2 étal, montre (vx).

éventé, e [evɑ̃te] adj. (part. passé de


éventer ; XIIIe s., écrit esventé [éventé,
XVIe s.], au sens de « aéré » ; sens 1, 1580,
Montaigne ; sens 2, 1596, Hulsius ; sens
3, 1635, Corneille). 1. Qui est exposé au
vent : Une plaine nue, sans fin, constam-
ment éventée (Coppée). Le cap, sorte de parc
ou de forêt de pins éventée par toutes les
brises du large (Maupassant). ‖ 2. Se dit
d’un aliment, d’une boisson altérés par le
contact de l’air : À la façon du vin éventé qui
se tourne en vinaigre (Flaubert). D’autres
[gâteaux] semblaient complètement éventés
(Gide). ‖ 3. Fig. Se dit d’une chose qu’on
aurait voulu tenir secrète ou cachée, et
qui est découverte, connue de tous : Un
stratagème éventé.

• SYN. : 1 venteux ; 3 connu, divulgué.

& adj. et n. (milieu du XVIe s., Amyot [cer-


velle esventée, « étourdi » ; tête éventée,
1662, La Fontaine ; éventé, adj. et n., 1584,
Livet]). Class. et littér. Se dit d’une personne
évaporée, d’esprit ou de caractère léger :
Fuir une tête éventée (La Fontaine). Que l’on
me vît connu d’un pareil éventé (Molière).
Des femmes éventées s’empressent d’acheter

les cheveux des jeunes blondins guillotinés


(Goncourt).

éventement [evɑ̃tmɑ̃] n. m. (de éven-


ter ; 1538, R. Estienne, écrit esventement
[éventement, 1669, Widerhold], au sens 1 ;
sens 2, 1636, Monet). 1. Action d’éventer
ou de s’éventer : L’éléphant qui s’avance
avec des éventements d’oreilles (Goncourt).
‖ 2. Altération due au contact de l’air :
L’éventement du vin.

éventer [evɑ̃te] v. tr. (lat. pop. *exven-


tare, aérer, enlever, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de ventus, vent ; fin du XIe s.,
écrit esventer [éventer, 1495, Godefroy], au
sens 1 [pour une voile, 1694, Th. Corneille ;
pour un piège, 1756, Encyclopédie ; pour
le grain, 1690, Furetière] ; sens 2, fin du
XIIe s., Raoul de Cambrai ; sens 3, 1636,
Monet [éventer la mine, au fig., milieu du
XVIe s., Amyot ; éventer la mèche, 1694,
Acad.] ; sens 4, v. 1587, Du Vair [« dépis-
ter », début du XIIe s.] ; sens 5, milieu du
XVIe s., Ronsard). 1. Exposer au vent, à
l’air : Éventer des tentures. Éventer des vête-
ments. ‖ Éventer une voile, la disposer de
manière que le vent la gonfle. ‖ Éventer un
piège, l’aérer pour ôter l’odeur qui mettrait
l’animal en méfiance. ‖ Éventer le grain, le
remuer et l’aérer pour empêcher la fermen-
tation. ‖ 2. Donner du vent à quelqu’un,
lui procurer une sensation de fraîcheur en
agitant l’air autour de lui : Une voiture qui
vous évente avec des rideaux toujours agités
(Fromentin). L’infirmier qui l’éventait tout
le temps avec un éventail de fleurs chinoises
ne faisait que remuer sur lui des buées mal-
saines (Loti). ‖ 3. Vx. Éventer une mine,
découvrir l’endroit où elle est installée et
la rendre inefficace. ‖ Class. et fig. Éventer
la mine, découvrir une ruse, une machina-
tion : Cicéron qui de Catilina éventa pru-
demment la mine (Scarron). ‖ Auj. et fam.
Éventer la mèche,pénétrer un secret, décou-
vrir une manoeuvre obscure et l’annihiler :
Les deux chefs de l’opposition de gauche
prêtèrent l’oreille : la mèche fut éventée ;
M. Laffitte n’osa franchir le pas ; l’heure du
président sonna et le portefeuille tomba de
ses mains (Chateaubriand) ; ‖ faire décou-
vrir ce qui aurait dû rester caché : Il fallait
tenir l’oeil ouvert sur ce croisé naïf qui, par
ses maladresses, pourrait éventer la mèche
(Gide). ‖ 4. Fig. Découvrir ce qui était tenu
caché ou secret et, par suite, en empêcher
les effets : Éventer un secret. Éventer une
conspiration, un complot. ‖ 5. En parlant
d’un animal, flairer, percevoir les odeurs,
les émanations apportées par le vent : Soit
par ruse, soit qu’il eût éventé le second
chasseur, il [l’ours] ne suivit pas sa route
ordinaire (Dumas père). Chien qui évente
la trace du gibier.

• SYN. : 1 aérer ; 4 détecter, percer.

& v. intr. (1752, Trévoux). En parlant d’un


cheval, avoir toujours le nez au vent.

& s’éventer v. pr. (sens 1, 1613, Malherbe ;


sens 2, v. 1180, Godefroy ; sens 3, milieu du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1753

XVIe s.). 1. Class. Prendre l’air par hygiène,


s’aérer pour se purifier : On avait peur que
[...] il n’apportât le mal au Louvre. Aussi
il s’en est allé, ou s’éventer, ou digérer sa
douleur (Malherbe). ‖ 2. Se donner de la
fraîcheur en agitant l’air autour de soi :
Un cheval [...] | Qui souffle en s’éventant
avec sa queue éparse (Leconte de Lisle).
Ta grand-mère s’éventait avec un éventail
(Mauriac). ‖ 3. S’altérer, perdre de ses
qualités au contact de l’air : Le tabac qui
s’évente perd son arôme.

éventiller [evɑ̃tije] v. intr. (de éventer ;


1690, Furetière). En parlant d’un faucon,
secouer les ailes en se soutenant dans l’air
à la même place.

éventoir [evɑ̃twar] n. m. (de éventer ;


fin du XIVe s., écrit esventoir, au sens de
« ouverture d’un tonneau » ; sens 1, av. 1589,
J.-A. de Baïf [écrit éventoir] ; sens 2, 1797,
Gattel). 1. Vx. Sorte d’écran grossier en
osier ou en plumes, qu’on utilisait pour
activer le feu dans les fourneaux de cui-
sine et qui a été remplacé par le soufflet.
‖ 2. Vx. Ouverture pratiquée dans une
houillère pour permettre la ventilation.

éventration [evɑ̃trasjɔ̃] n. f. (de éven-


trer ; 1743, Mémoires de l’Académie royale
de chirurgie). Rupture congénitale ou acci-
dentelle de la paroi musculaire de l’abdo-
men, qui laisse les viscères en contact direct
avec la peau.

éventrement [evɑ̃trəmɑ̃] n. m. (de éven-


trer ; 1669, Widerhold). Action d’éventrer :
L’éventrement des chevaux par les cornes
du taureau.

éventrer [evɑ̃tre] v. tr. (de é-, es- [lat.


ex-, préf. à valeur négative], et de ventre ;
fin du XIIe s., Reclus de Moiliens, au part.
passé, écrit esventré, au sens de « défait,
vaincu » [moralement] ; à l’infin., au sens 1,
1538, R. Estienne, écrit esventrer [éventrer,
1549, R. Estienne] ; sens 2, 1835, Acad.).
1. Ouvrir le ventre par des moyens vio-
lents : C’est un spectacle terrible que cette
agonie de la tigresse se tordant de douleur
et de rage sous la défense de l’éléphant qui
l’éventre (Gautier). ‖ Spécialem. Faire périr
en ouvrant le ventre : Mon père a été pendu
par les Bourguignons, et ma mère éventrée
par les Picards (Hugo). ‖ 2. Ouvrir de force
en défonçant, en déchirant : Éventrer un
coffre-fort, un sac de ciment. ‖ Pratiquer
une ouverture béante dans : Que de ruines
déjà, dans notre quartier, où, ce matin, je
me promène ! Maisons éventrées, effondre-
ments informes, écroulements... (Gide). Une
torpille d’avion l’avait éventré [le cinéma]
en démolissant de haut en bas le mur dans
la rue la plus étroite (Malraux).

• SYN. : 1 étriper ; 2 crever, démolir, percer.

éventreur [evɑ̃troer] n. m. (de éventrer


éventreur [evɑ̃troer] n. m. (de éventrer
[mot répandu à la suite des forfaits d’un
célèbre assassin londonien des années 1888-
1889, surnommé Jack the Ripper, proprem.

« Jack le Déchireur »] ; fin du XIXe s.). Celui


qui éventre.

éventualité [evɑ̃tɥalite] n. f. (de éven-


tuel ; av. 1797, Beaumarchais, au sens 1 ;
sens 2, 1865, Littré). 1. Caractère de ce qui
apparaît comme éventuel, de ce qui peut
se produire ou non : Dans une civilisation
comme celle de l’Europe occidentale, l’éven-
tualité d’un conflit général est à peu près
impossible à imaginer ! (Martin du Gard).
‖ 2. Fait qui peut se produire, événement
susceptible d’arriver : Il était convenu que
je serais marraine — éventualité hier encore
éloignée, et à laquelle je ne pensais guère
(Renard). Et la vieillesse nous apparaissait
comme une éventualité bien lointaine et
même improbable (Duhamel). ‖ Parer à
toute éventualité, prendre ses dispositions
pour ne pas être surpris par l’événement.
• SYN. : 1 possibilité.

éventuel, elle [evɑ̃tɥɛl] adj. (dér. savant


du lat. eventus, événement [v. ÉVENT 2] ;
1718, Acad., aux sens 1-2 ; sens 3, début du
XXe s.). 1. En termes de droit, se dit de ce
qui peut se produire si certaines conditions
sont réalisées, notamment des clauses dont
l’exécution dépend d’un événement incer-
tain. ‖ 2. Qui dépend de la suite des événe-
ments ; qui est possible, mais non certain :
Le bénéfice éventuel sera pour vous. ‖ 3. Se
dit d’une personne désignée pour remplir
des fonctions ou assumer une tâche si les
circonstances l’exigent : Je vous présente
mon remplaçant éventuel.

• SYN. : 2 aléatoire, contingent, possible

— CONTR. : 2 assuré, certain, inévitable,


prévu, sûr.

éventuellement [evɑ̃tɥɛlmɑ̃] adv. (de


éventuel ; 1737, Mercure de France). Selon
les circonstances, le cas échéant : Je ferai
éventuellement appel à votre concours.

• SYN. : peut-être. — CONTR. : assurément,


certainement, sûrement.

évêque [evɛk] n. m. (lat. ecclés. episcopus,


évêque, gr. episkopos, gardien, protecteur,
surveillant, et, dans la langue ecclés., « chef
ecclésiastique », dér. de episkepesthai, aller
examiner ou visiter, observer, de epi, sur,
vers, et skepesthai, regarder attentivement,
considérer ; fin du Xe s., Vie de saint Léger,
écrit ebisque, evesque [évêque, XVIIe s.],
au sens 1 ; sens 2, 1669, Bossuet ; sens 3,
1857, Flaubert [bonnet d’évêque ; pierre
d’évêque, 1865, Littré]). 1. Dignitaire de
l’Église catholique qui possède la pléni-
tude du sacerdoce, et qui a régulièrement
la direction spirituelle d’un diocèse :
Nommer, sacrer un évêque. ‖ Évêque
auxiliaire, prélat qui a reçu la consécra-
tion épiscopale, nommé par le Saint-Siège
pour aider un évêque diocésain. ‖ Évêque
« in partibus infidelium » ou, par abrév.,
« in partibus », évêque qui était promu à
un évêché situé dans un pays infidèle, et
qui ne pouvait occuper son siège. (On dit
auj. ÉVÊQUE TITULAIRE.) ‖ Évêque métro-

politain, évêque qui a son siège dans une


métropole. ‖ Évêque suffragant, évêque
placé sous l’autorité d’un métropoli-
tain. ‖ L’évêque des évêques, l’évêque de
Rome, le pape. ‖ Vx. Disputer de la chape
à l’évêque, discuter d’une chose à laquelle
on n’a aucune raison de s’intéresser. ‖ Un
chien regarde bien un évêque, v. CHIEN 1.
‖ Fam. et vx. Évêque des champs, pendu
(il donne la bénédiction avec ses pieds...).
‖ 2. Nom donné au chef d’un diocèse dans
plusieurs des Églises de la Réforme : Un
évêque anglican. ‖ 3. Par anal. Bonnet
d’évêque, façon de plier et de dresser les
serviettes de table en forme de mitre ;fam.,
partie d’une volaille découpée qui com-
prend les cuisses et le croupion. ‖ Pierre
d’évêque, quartz améthyste, de couleur
violette.

éverdumer [evɛrdyme] v. tr. (de é- [lat.


ex-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur] et de *verdum,
dér., avec le suff. -um [lat. -ūmen], de verd,
forme anc. de vert [cf. l’ital. verdume] ;
1549, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1721,
Trévoux). 1. Tirer une liqueur verte de
certains légumes (épinards, oseille, etc.).
[Peu usité.] ‖ 2. Éverdumer des fruits, leur
donner artificiellement une couleur verte
pour la confiserie.

& s’éverdumer v. pr. (1898, Huysmans).


Littér. Prendre une couleur verte, deve-
nir vert : Celui [le porche] du midi, le plus
mangé de tous par les mousses, s’éverdume
(Huysmans).

éversé, e [evɛrse] adj. (de évers[ion] ;


XXe s.). Se dit des organes incurvés vers
le dehors, en particulier des canines du
sanglier. ‖ Lèvres éversées, lèvres qui pré-
sentent de l’éversion.

éversion [evɛrsjɔ̃] n. f. (lat. eversio,


renversement, destruction, de eversum,
supin de evertere, mettre sens dessus des-
sous, retourner, bouleverser, de ex-, préf.
à valeur intensive, et de vertere, tourner,
faire tourner ; XVe s., Godefroy, au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. Vx. Renversement, ruine
de quelque chose : L’éversion d’un empire.
‖ 2. Renversement, retroussis du pour-
tour de l’orifice d’un organe. ‖ Spécialem.
Caractère des lèvres de certains peuples
noirs qui sont à la fois très épaisses et
retroussées.

évertuer (s’) [sevɛrtɥe] v. pr. (de é-, es-


[lat. ex-, préf. à valeur intensive], et de vertu,
au sens anc. de « courage, force virile » ;
1080, Chanson de Roland, écrit esvertuer
[évertuer, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, av.
1613, M. Régnier [s’évertuer de ; ... à, 1674,
Boileau] ; sens 3, 1640, Corneille). 1. Absol.
et vx. Donner des signes d’activité ; se don-
ner du mouvement : Allons, qu’on s’évertue
(Racine). Si tu es las d’être debout, je suis
las d’être assis ; il faut que je m’évertue
en plein air (Musset). ‖ 2. S’évertuer à
(et l’infinitif),faire des efforts, se donner
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1754

beaucoup de peine pour : Il composait


aussi, il s’évertuait à composer (Rolland).
Mensonge que l’art de Dickens s’évertue
à faire passer pour pieux (Gide). ‖ Class.
Pouvait se construire avec la prép. de : Et
leur vie en vain s’évertue | D’échapper des
mains de la Mort (Saint-Amant). ‖ 3. Class.
S’évertuer contre (et un nom), s’exercer,
s’aguerrir contre quelque chose : Il n’est pas
digne d’un chrétien de ne s’évertuer contre
la mort qu’au moment qu’elle se présente
pour l’enlever (Bossuet).

• SYN. : 2 s’acharner à, s’attacher à, s’efforcer


de, s’escrimer à, s’ingénier à, tâcher de.

évhémérisme [evemerism] n. m. (de


Év[h]émère, n. d’un philosophe grec du
IIIe s. av. J.-C., auteur d’une méthode cri-
tique ayant pour but d’interpréter les rites et
symboles du paganisme du point de vue de
la raison pure, lat. Evhemerus, Euhemerus,
gr. Euêmeros ; 1842, Acad.). Doctrine qui
considère les personnages mythologiques
comme des êtres humains divinisés par
les peuples.

éviction [eviksjɔ̃] n. f. (bas lat. jurid.


evictio, recouvrement d’une chose par
jugement, de evictum, supin de evincere
[v. ÉVINCER] ; 1283, Dict. général, écrit
evicion [éviction, XVIe s., Loisel], au sens
1 ; sens 2, av. 1865, Proudhon ; sens 3,
milieu du XXe s.). 1. En droit, déposses-
sion légale que subit celui qui s’est rendu
acquéreur, en toute bonne foi, d’un
bien qu’on n’aurait pas dû lui vendre :
L’éviction entraîne un recours contre le
vendeur. ‖ 2. Dépossession, expulsion
par force ou par intrigue : La société nous
évince ; eh bien, je prends acte de l’évic-
tion (Proudhon). ‖ 3. Éviction scolaire,
interdiction faite à un enfant atteint d’une
maladie contagieuse de fréquenter l’école
pendant un temps déterminé ; durée légale
de cette interdiction.

évidage [evidaʒ] n. m. (de évider ; 1838,


Acad.). Action d’évider. (On dit plutôt
ÉVIDEMENT.)

évidé, e [evide] adj. (part. passé de évi-


der ; 1752, Trévoux). Escalier évidé, escalier
tournant dont les marches ne sont pas sou-
tenues à l’intérieur et décrivent une spirale.

évidement [evidmɑ̃] n. m. (de évider ;


1865, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1877, Littré).
1. Action d’évider ; état de ce qui est évidé.
‖ Spécialem. Opération qui consiste à enle-
ver les parties intérieures d’un os malade
sans toucher au périoste. ‖ Opération par
laquelle on enlève de la matière dans une
pièce de bois pour y former des moulures.
‖ Refouillement pratiqué dans une pierre
de taille. ‖ 2. Partie évidée d’une pièce.
• REM. On dit aussi ÉVIDAGE, au sens
actif.

évidemment [evidamɑ̃] adv. (de évident ;


XIIIe s., Littré, écrit évidanment [évidem-
ment, début du XVe s., Juvénal des Ursins],

au sens 1 ; sens 2, début du XIXe s., Arago ;


sens 3, 1865, Littré). 1. Avec évidence, sans
aucun doute : Une visite de M. le Sous-
Préfet présageait évidemment quelque chose
d’extraordinaire (Daudet). ‖ 2. Selon toute
évidence, à ce qu’il semble : Numa était
évidemment destiné à devenir ministre un
jour ou l’autre (Daudet). ‖ 3. Placé en tête
de phrase, renforce une affirmation (« cer-
tainement, bien sûr ») : Évidemment, je ne
considère ni la République romaine, ni la
batave, ni l’helvétique, mais seulement la
française (France).

• SYN. : 1 indubitablement, visiblement ; 2


assurément, certainement, immanquable-
ment, sûrement ; 3 certes, naturellement.

évidence [evidɑ̃s] n.f. (lat. evidentia,


évidence, de evidens [v. ÉVIDENT] ; XIIIe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1870, Larousse ; sens 3,
1580, Montaigne [mettre en évidence]).
1. Caractère de ce qui est immédiatement
perçu comme vrai ou réel par l’esprit :
L’évidence d’une proposition. Quand j’ai
une idée claire d’une chose, il ne dépend
plus de moi d’aller contre l’évidence de
cette idée (Fénelon). La comtesse avait fait
cultiver par M. de Mortsauf une cinquième
ferme [...] pour démontrer par l’évidence des
faits [...] l’excellence des nouvelles méthodes
(Balzac). ‖ Se rendre à l’évidence, recon-
naître la vérité d’une chose après en avoir
douté. ‖ Se refuser à l’évidence, aller contre
l’évidence, s’obstiner à contester ce que
tous les autres perçoivent comme évident.
‖ De la dernière évidence, d’une évidence
absolue. ‖ De toute évidence, sans aucun
doute. ‖ 2. Chose évidente : Démontrer
une évidence. ‖ 3. Caractère de ce qui est
aisément visible (dans des expressions).
‖ Être en évidence, être placé de manière
à être remarqué. ‖ Mettre, laisser quelque
chose en évidence, le placer à un endroit où
il peut être vu facilement : Hortense y avait
distingué tout aussitôt le fameux groupe
mis en évidence sur une table (Balzac).
‖ Se mettre en évidence, en parlant d’une
personne, se placer, agir, se comporter de
façon à attirer sur soi le regard des autres.
(Vieilli.) ‖ Fig. Mettre en évidence, mettre
en lumière, souligner : Dans son exposé,
le ministre a mis en évidence le caractère
humanitaire du projet de loi.

• SYN. : 2 lapalissade (fam.), truisme ; 3


certitude, réalité, vérité.

évident, e [evidɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. evidens,


-entis, visible, apparent, manifeste, de ex-,
préf. à valeur intensive, et de videre, voir ;
v. 1265, J. de Meung). Qui est immédiate-
ment perceptible par l’esprit ; dont la vérité
s’impose à tout homme qui comprend : Je
n’y trouve d’abord que quelques devoirs très
faciles à remplir, Ils sont évidents, ils sont
agréables (Valéry). ‖ Il est évident que, il
apparaît avec certitude que : Il était évident
que franchir cette barricade, c’était aller
chercher un feu de peloton (Hugo).
• SYN. : clair, flagrant, incontestable, indis-
cutable, indubitable, manifeste, visible. —
CONTR. : contestable, douteux, illusoire,
imaginaire, incertain, problématique,
vague.

évider [evide] v. tr. (de é-, es- [lat. ex-, préf.


à valeur intensive], et de vider [v. ce mot] ;
v. 1120, Psautier de Cambridge, écrit esvui-
der, au sens de « vider entièrement, net-
toyer » ; sens 1, 1690, Furetière, écrit évuider
[évider, XVIIIe s. ; en architecture, 1694,
Th. Corneille ; pour un os, 1890, Dict. géné-
ral ; pour un arbre, 1757, Encyclopédie] ;
sens 2, 1659, Duez [écrit esvuider ; évider,
1680, Richelet]). 1. Enlever de la matière à
un objet, soit pour en creuser l’intérieur,
soit pour y pratiquer des cannelures : Évider
un bloc de pierre pour en faire une auge.
Évider le dossier d’une chaise. ‖ Spécialem.
En architecture, sculpter à jour les pierres
qui ornent une façade. ‖ Évider un os, en
pratiquer l’évidement chirurgical. ‖ Évider
un arbre, élaguer les branches du milieu qui
ne reçoivent pas la lumière. ‖ 2. Pratiquer
une échancrure dans le contour de : Évider
une emmanchure, le collet d’une robe.

évidoir [evidwar] n. m. (de évider ; 1756,


Encyclopédie). Outil servant à évider.

évidure [evidyr] n. f. (de évider ; 1660,


Oudin, au sens de « échancrure » [terme
de couture] ; sens actuel, 1870, Larousse).
Creux d’un objet évidé.

évier [evje] n. m. (lat. pop. *aquarium,


égout, neutre substantivé de l’adj. du lat.
class. aquarius, « qui concerne l’eau » [dér.
de aqua, v. EAU], qui était souvent employé
pour qualifier des vases et, à basse époque,
des canaux ou des conduits ; XIIIe s., Tailliar,
écrit euwier [évier, 1690, Furetière], au sens
2 ; sens 1, 1865, Littré). 1. Cuvette fixe ou
petit bassin en faïence émaillée, en grès
ou en métal, à rebord plus ou moins haut,
munis d’une alimentation d’eau et d’une
vidange, sur lesquels on lave la vaisselle
dans les cuisines : Le chantonnement du
gaz sous la marmite, la fuite susurrante
du robinet sur l’évier (Duhamel). ‖ 2. Petit
canal par lequel s’écoulent les eaux d’une
cuisine. ‖ Canal en pierres sèches servant
d’égout dans une cour, une allée.

évier-vidoir [evjevidwar] n. m. (de évier


et de vidoir ; milieu du XXe s.). Évier dont
le tuyau d’écoulement est remplacé par un
dispositif analogue à un vide-ordures, et
qui permet l’évacuation de tous les déchets.
• Pl. des ÉVIERS-VIDOIRS.

évincement [evɛ̃smɑ̃] n. m. (de évincer ;


26 déc. 1875, le National). Action d’évincer,
d’écarter quelqu’un par intrigue ; le fait
d’être évincé.

évincer [evɛ̃se] v. tr. (lat. evincere, vaincre


complètement, et, dans la langue jurid. de
basse époque, « déposséder juridiquement
quelqu’un de quelque chose », de ex-, préf.
à valeur intensive, et de vincere, vaincre ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1755

début du XVe s., au sens 1 ; sens 2, 1546,


Rabelais, puis 1835, Acad.). [Conj. 1 a.]
1. En droit, déposséder légalement un pos-
sesseur de bonne foi. ‖ 2. Éloigner, écarter
quelqu’un par intrigue, l’empêcher d’accé-
der à une fonction, à une dignité : Évincer
un concurrent.

• SYN. : 2 éliminer, supplanter.

éviration [evirasjɔ̃] n. f. (lat. eviratio,


castration, de eviratum, supin de evirare
[v. l’art. suiv.] ; 1870, Larousse). Castration,
état d’eunuque.

éviré, e [evire] adj. (lat. eviratus, part.


passé de evirare, ôter la virilité, rendre
eunuque, de ex-, préf. à valeur privative,
et de vir, homme [mâle] ; 1552, Rabelais,
au sens de « efféminé, mou » ; sens actuel,
1690, Furetière). En héraldique, se dit d’un
animal privé de la marque de son sexe.

éviscération [eviserasjɔ̃] n. f. (de éviscé-


rer ; v. 1585, Cholières, au sens de « éventra-
tion » ; 1842, Mozin, au sens de « issue des
viscères abdominaux... »). Extirpation des
viscères. ‖ Issue des viscères abdominaux
due à la désunion d’une plaie opératoire.

éviscérer [evisere] v. tr. (lat. eviscerare,


éventrer, retirer les entrailles, de ex-, préf.
à valeur privative, et de viscus, visceris,
entrailles [le plus souvent employé au plur.
viscera] ; 1611, Cotgrave, puis 1829, Boiste).
Enlever les viscères, les entrailles de : Ce
cadavre éviscéré qu’un professeur démontre
à la pointe de son scalpel (Claudel).

évitable [evitabl] adj. (de éviter, d’après


le lat. evitabilis, qu’on peut éviter, dér. de
evitare [v. ÉVITER] ; fin du XIIe s., Marie
de France). Qui peut être évité : Une peine
évitable.

évitage [evitaʒ] n. m. (de éviter ; 1773,


Bourdé de Villehuet, aux sens 1 et 4 ; sens
2-3, XXe s.). 1. Changement de cap d’un
navire autour de son ancre, sous l’effet du
vent ou de la marée. ‖ 2. Changement cap
pour cap d’un navire, au moyen d’amarres
ou avec la machine. ‖ 3. Espace néces-
saire pour exécuter cette manoeuvre.
‖ 4. Endroit d’un chenal où l’espace est
suffisant pour que les navires puissent
tourner.

évitement [evitmɑ̃] n. m. (de éviter ; 1539,


R. Estienne [manoeuvre, voie d’évitement,
XXe s. ; gare d’évitement, 1849, Bescherelle ;
réaction d’évitement, milieu du XXe s.]). Vx.
Action d’éviter. ‖ Spécialem. Manoeuvre
d’évitement, manoeuvre qu’exécute un
avion pour échapper à un tir d’artillerie
antiaérienne. ‖ Voie d’évitement, voie
secondaire qui permet à un train de se
garer pour laisser libre la voie principale.
‖ Gare d’évitement, gare qui comporte une
ou plusieurs voies d’évitement pour le croi-
sement des trains. ‖ Réaction d’évitement,
en psychologie expérimentale, réaction par
laquelle un être vivant évite un stimulus
donné.

éviter [evite] v. tr. (lat. evitare, éviter,


fuir, de ex-, préf. à valeur intensive, et de
vitare, se garder de, se dérober à ; milieu
du XIVe s., comme v. tr. ind. [éviter à], au
sens de « échapper à » ; comme v. tr., aux
sens I, 1-4 et 6, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens I, 5, v. 1587, Du Vair ; sens II, XXe s.).

I. 1. Éviter quelqu’un, faire en sorte de ne


pas se trouver en sa présence : On cherche
les rieurs, et moi je les évite (La Fontaine).
Éviter les importuns. ‖ Par extens. Évi-
ter le regard de quelqu’un, s’efforcer de
ne pas regarder quelqu’un en face : Et
par moments elle évitait, craintive, |
Mon oeil rêveur qui la rendait pensive
(Hugo). ‖ 2. Éviter quelque chose ou
quelqu’un,s’efforcer de ne pas le heurter,
de passer à côté : Éviter un obstacle, un
véhicule à l’arrêt. Éviter de peu un pié-
ton. Pour éviter une branche qui barrait
la route, elle se pencha sur lui (Maupas-
sant) ‖ tâcher de ne pas être atteint par
quelque chose : Éviter un coup, un projec-
tile. ‖ 3. Éviter quelque chose, s’efforcer
de se soustraire à ce que l’on considère
comme un mal ou un inconvénient :
Éviter un accident, un danger, Éviter des
dépenses inutiles. Prendre des mesures
pour éviter le sous-emploi. L’homme est
plus libre d’éviter les tentations que de
les vaincre (Rousseau). ‖ 4. Éviter que
(introduisant une proposition complétive
avec le subjonctif, avec ou sans la parti-
cule négative ne), faire qu’une chose ne se
produise pas : Pour éviter que mon père
me trouvât encore là (Proust). Pour éviter
que les conversations ne devinssent diffi-
ciles (Maurois). ‖ 5. Éviter quelque chose
à quelqu’un,lui permettre d’échapper
à quelque chose de nuisible ou de désa-
gréable : Éviter un déplacement, un ennui
à quelqu’un. Le lapin évite par là à ses pe-
tits les inconvénients du bas âge (Buffon).
Nous lui éviterons comme cela beaucoup
de fatigue et d’agitation (Proust) ‖ et avec
un sujet désignant une chose : Ce mot
m’aurait évité l’angoisse de l’incertitude
(Balzac). [V. Rem.] ‖ 6. Éviter quelque
chose, éviter de (et l’infinitif), s’abste-
nir volontairement de quelque chose, de
faire ou d’utiliser quelque chose : Comme
expérimentateur, j’évite les systèmes phi-
losophiques (Cl. Bernard). Tu as trouvé
la force d’éviter toute parole un peu pro-
fonde (Mauriac). Ils évitèrent de se parler
en face (Zola).

II. Placer un train ou un wagon sur une


voie d’évitement.

• SYN. : I, 1 s’éloigner de, fuir ; 2 contourner,


se garer de ; 3 échapper à, obvier à, parer,
prévenir, se protéger de ; 4 empêcher ; 5
épargner ; 6 éluder, s’interdire.

• REM. La construction éviter quelque


chose à quelqu’un, condamnée par cer-
tains grammairiens, est utilisée aussi
bien dans la langue écrite que dans la
langue parlée.

& v. intr. (1865, Littré). En parlant d’un


navire, exécuter un mouvement de rota-
tion : Les sloops évitent vent arrière et fuient
vers l’île (Elder).

évocable [evɔkabl] adj. (de évoquer ;


1690, Furetière, au sens I ; sens II, 1865,
Littré).

I. En droit, qui peut être évoqué par un


tribunal : Affaire évocable.

II. Qui peut être évoqué : Les élans de


l’humanité vont surtout au Fils [Jésus],
qui est seul évocable (Huysmans).

évocateur, trice [evɔkatoer, -tris] adj.


(de évoquer, d’après le lat. evocator, celui
qui fait appel à, et, à basse époque, « celui
qui évoque », de evocatum, supin de evo-
care [v. ÉVOQUER] ; 1870, Larousse, au
sens 1 [comme adj. et n.] ; sens 2, av. 1872,
Th. Gautier). 1. Qui évoque, qui a le pou-
voir d’évoquer les esprits : On a cru à la
magie [...], à l’efficacité de certaines for-
mules, à la vertu évocatrice de certaines
plantes (Lamennais) ; et substantiv. : Sa
bouche avait le pli ironique, rarissime chez
les mystiques et les évocateurs (L. Daudet).
‖ 2. Qui a la propriété de rappeler ce qui
est oublié, ou de faire naître des représenta-
tions, des images dans l’esprit : Une phrase
évocatrice. Un style évocateur.

• SYN. : 1 évocatoire, incantatoire ; 2 signi-


ficatif, suggestif, symbolique.

& évocateur n. m. (milieu du XXe s.). En


psychologie expérimentale, objet dont la
configuration perceptive déclenche chez
une espèce animale un comportement
instinctuel.

évocation [evɔkasjɔ̃] n. f. (lat. evocatio,


appel, évocation [des Enfers], levée faite à
la hâte, appel en masse, de evocatum, supin
de evocare [v. ÉVOQUER] ; 1348, Varin, au
sens II ; sens I, 1, 1690, Furetière ; sens I,
2, 1835, Vigny ; sens I, 3, début du XXe s).

I. 1. Action d’évoquer les esprits, les


démons, de les appeler et de les faire
apparaître par des moyens magiques,
des sortilèges : L’évocation du diable. Les
noms possèdent les vertus talismaniques
des paroles constellées en usage dans les
évocations (Balzac). ‖ Par extens. L’esprit
ainsi évoqué. ‖ 2. Action de rappeler à
l’esprit une chose oubliée et, par extens.,
de rendre présent à l’imagination ce
à quoi l’on ne pensait pas : Le pouvoir
d’évocation d’un poème, d’un film. ‖ Spé-
cialem. En psychologie, fonction de la
mémoire par laquelle les souvenirs sont
ramenés à la conscience. ‖ 3. Action de
mentionner un point dans un exposé, d’y
faire allusion : L’évocation d’un problème,
d’une question. Sans doute, l’évocation de
la chirurgie n’est plus aussi terrifiante que
jadis (Valéry).

II. En droit, faculté laissée à une juridic-


tion supérieure, qui infirme une décision
avant dire droit d’un tribunal inférieur,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1756

de se prononcer sur le fond du procès,


dès lors que l’affaire est en état d’être
jugée. ‖ Action d’évoquer une cause.

• SYN. : I, 1 incantation ; 2 suggestion ;


3 allusion, mention, rappel.

évocatoire [evɔkatwar] adj. (bas lat.


evocatorius, qui appelle, qui mande
[quelqu’un], de evocatum, supin de evocare
[v. ÉVOQUER] ; XIVe s., au sens II ; sens I,
milieu du XIXe s., Baudelaire).

I. Qui permet une évocation magique :


Manier savamment une langue, c’est pra-
tiquer une espèce de sorcellerie évocatoire
(Baudelaire).

II. En droit, qui sert de fondement à une


évocation.

• SYN. : I évocateur, incantatoire.

évoé ! ou évohé ! [evɔe] interj. (lat. evoe,


euhoe, gr. euoî, cri des bacchantes ; milieu
du XVIIIe s.). Cri joyeux des bacchantes en
l’honneur de Dionysos.

évolué, e [evɔlɥe] adj. (part. passé de évo-


luer ; 1865, Littré, au sens de « qui a subi son
développement naturel » ; sens 1-2, début
du XXe s.). 1. Se dit d’une personne qui a
atteint un certain degré de culture : Des
paysans évolués. Un esprit évolué. ‖ 2. Se
dit d’un peuple, d’une civilisation qui a
atteint un développement avancé, en rap-
port avec l’évolution générale de la science
et des techniques : Dans les pays évolués, la
division du travail est poussée à l’extrême.
• SYN. : 1 cultivé, délicat, raffiné ; 2 déve-
loppé, industrialisé, mécanisé, moderne.

— CONTR. : 1 arriéré, fruste, grossier, pri-


mitif, sauvage ; 2 sous-développé.

évoluer [evɔlɥe] v. intr. (de évolu- [tion] ;


1783, Encycl. méthodique, au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1849, Bescherelle ; sens I, 3, 1870,
Larousse ; sens II, av. 1865, Proudhon).

I. 1. Se mouvoir en tournant sur soi-


même. ‖ Spécialem. En parlant d’un
navire, accomplir un mouvement, au
moyen de la barre et du moteur, pour
changer de cap. ‖ 2. Exécuter des évolu-
tions, des mouvements d’ensemble coor-
donnés (en parlant d’une unité militaire,
d’une escadre, etc.) : Faire évoluer des
troupes. ‖ 3. Par extens. Accomplir des
tours, des mouvements en divers sens :
Des avions qui évoluent dans le ciel. ‖ Se
déplacer, aller et venir en se comportant
de telle ou telle façon : Le Nabab évoluait
tranquillement à travers cette serre mon-
daine (Daudet).

II. Passer progressivement à un autre


état, par une série de transformations :
L’humanité évolue sans cesse d’une forme
à une autre forme (Pelletan). La situation
économique a évolué favorablement de-
puis le début de l’année. Vous aurez peine
à le reconnaître : ses idées ont beaucoup
évolué en quelques années.

• SYN. : I, 2 manoeuvrer ; 3 virevolter ;


déambuler. ‖ II changer, se modifier, se
transformer, varier.

évolutif, ive [evɔlytif, -iv] adj. (de


évolut[ion] ; 1870, Larousse). Qui est sus-
ceptible d’une transformation progressive ;
qui procure ou favorise cette transforma-
tion. ‖ Spécialem. Se dit d’une maladie
dont les symptômes ou les manifestations
se suivent sans interruption, évoluant géné-
ralement vers l’aggravation : Tuberculose
évolutive.

évolution [evɔlysjɔ̃] n. f. (lat evolutio,


action de dérouler, de parcourir, de lire,
de evolutum, supin de evolvere, emporter
en roulant, faire rouler loin de, de ex-, préf.
marquant un mouvement d’éloignement,
et de volvere, rouler, faire rouler ; début
du XVIe s., au sens I, 2 ; sens I, 1, milieu
du XIXe s., Baudelaire ; sens I, 3, 1762,
J.-J. Rousseau ; sens II, 1, 1811, Wailly ; sens
II, 2, 1849, Bescherelle).

I. 1. Action de faire un tour sur soi-


même. ‖ Spécialem. Changement de cap
d’un navire. ‖ 2. Manoeuvre, mouve-
ment d’ensemble exécuté par une troupe,
une flotte, des véhicules, des avions, etc.,
dans une formation précise choisie a
priori et dans un espace limité : Assister
aux évolutions d’une escadre. ‖ 3. (Au
plur.) Mouvements divers et coordonnés :
Les évolutions impressionnantes d’un tra-
péziste. Suivre les évolutions d’un groupe
de danseurs. ‖ Mouvements variés et sui-
vis, accomplis en se déplaçant : La chasse,
dans ses capricieuses évolutions, dans ses
retours soudains et rapides, se rapprochait
de nouveau de la clairière (Sue).

II. 1. Transformation graduelle et conti-


nue, qui s’étend sur une assez longue
période et dont les étapes successives ne
sont généralement pas perçues séparé-
ment : Tout se meut, tout change et tout
est évolution dans la société (Proudhon).
‖ Série de transformations orientées
dans une direction et qui marquent un
développement quelconque : L’évolu-
tion des idées, des sciences, des moeurs.
L’évolution de la situation politique. Nous
avons déjà vu à Paris l’évolution roman-
tique favorisée par la monarchie (Baude-
laire). Abréger l’évolution d’un jeune être,
c’est raccourcir le ressort qui lance sa vie
(Montherlant). ‖ 2. Théorie de l’évolu-
tion, en biologie, théorie admettant la
continuité du monde vivant, les formes
animales et végétales dérivant les unes
des autres par filiation.

• SYN. : II, 1 Changement, développement,


modification, mouvement.

évolutionnisme [evɔlysjɔnism] n. m.
(de évolutionniste ; 1878, Larousse, au sens
1 ; sens 2, 1888, Larousse). 1. Théorie scien-
tifique d’après laquelle les espèces vivantes
dérivent les unes des autres par transfor-
mation naturelle (en ce sens, on dit plus

justement TRANSFORMISME) : Mais, s’il est


pour la science un péril à se reposer dans la
doctrine de l’évolutionnisme, ce n’est point
par paresse que Darwin l’aura formulée
(Gide). ‖ 2. Doctrine philosophique qui
explique par le principe de l’évolution le
développement du monde et de toutes les
formes du réel (matière, vie, esprit, insti-
tutions, etc.).

• SYN. : 1 darwinisme, lamarckisme, muta-


tionnisme, transformisme. — CONTR. :
1 fixisme.

évolutionniste [evɔlysjɔnist] n. et adj.


(de évolution ; 15 févr. 1876, Revue des
Deux Mondes). Partisan de l’évolution-
nisme : Quel évolutionniste irait supposer
quelque rapport que ce soit entre chenille
et papillon ? (Gide).

& adj. Relatif à l’évolutionnisme : Une


doctrine évolutionniste. Ce sont les mêmes
qui pensent que l’explication évolutionniste
réussit à supplanter Dieu (Gide).
• SYN. : transformiste. — CONTR. : fixiste.

évoquer [evɔke] v. tr. (lat. evocare, appe-


ler à soi, faire venir, appeler, mander, de ex-,
préf. à valeur intensive, et de vocare, appe-
ler, dér. de vox, vocis, voix, son de la voix,
parole ; fin du XIVe s., E. Deschamps, au
sens I, 1 ; sens I, 2, 1807, Mme de Staël ; sens
I, 3, fin du XIXe s. ; sens I, 4, 1832, Balzac ;
sens II, fin du XVe s.

I. 1. Appeler à soi, faire apparaître


par des opérations magiques, par des
prières : « Qui voulez-vous que je vous
évoque ? — Évoquez-moi Samuel, répon-
dit Saül » (Bossuet). L’oeil du Diable évo-
qué dans la nuit n’a pas lui (Leconte de
Lisle). ‖ Spécialem. Apostropher, inter-
peller d’une manière oratoire l’esprit de
personnes mortes ou les choses inani-
mées en les personnalisant : Évoquer les
mânes de ses aïeux. ‖ 2. Rendre présent
à la mémoire : Je sais l’art d’évoquer les
minutes heureuses (Baudelaire). Évoquer
des souvenirs de jeunesse. ‖ 3. Faire men-
tion de, faire allusion à : Évoquer un pro-
blème. ‖ 4. Faire songer à, éveiller l’idée
ou l’image de : Bon gré, mal gré, les cou-
chettes évoquèrent la chambre (Cocteau).
Un rocher qui évoque une tête humaine.

II. Évoquer une affaire, en parlant d’une


juridiction, se réserver une affaire qui
devait être soumise à une juridiction
inférieure.

• SYN. : I, 2 rappeler, remémorer, réveiller,


revivre ; 3 citer, mentionner ; 4 représenter,
suggérer, symboliser.

évulsion [evylsjɔ̃] n. f. (lat. evulsio, action


d’arracher, de evulsum, supin de evellere,
arracher, enlever, déraciner, de ex-, préf.
à valeur intensive, et de vellere, arracher,
détacher en tirant ; 1611, Cotgrave). En
chirurgie, action d’arracher, d’extraire :
L’évulsion d’une esquille.

• SYN. : avulsion, extraction.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1757

evzone [ɛvzon] n. m. (mot du gr. moderne,


du gr. anc. euzônos, à la belle ceinture,
et [pour les hommes] à la tunique bien
retroussée à la ceinture, d’où « agile, alerte »
[pour la marche, le travail, le combat], de eu,
bien, et de zônê, ceinture ; début du XXe s.).
Fantassin grec de l’infanterie légère.

ex- [ɛks] préf. (lat. ex-, hors de, et, à basse


époque, « anciennement, ci-devant », en
parlant d’une charge qu’on a fini d’exercer
[cf. exconsul, ancien consul ; exconsularis,
ancien consulaire, etc.] ; XVIIe s.). Particule
placée devant un nom et liée à lui par un
trait d’union, exprimant ce qu’a été et a
cessé d’être une personne ou un groupe
de personnes : Un ex-député. L’ex-consul
de France à Rome.

ex abrupto [ɛksabrypto] loc. adv. (loc.


du lat. moderne, formée avec le lat. class.
ex, de, hors de, et abrupto, ablatif de l’adj.
abruptus [v. ABRUPT] ; 1695, Regnard).
D’une manière brusque, sans aucune
transition ; sans préparation : Une pierre
était là. L’évêque s’y assit. L’exorde fut « ex
abrupto » (Hugo). Ouvrir « ex abrupto »
une discussion dès le début d’une réunion.
• SYN. : à brûle-pourpoint, abruptement,
brusquement.

exacerbation [ɛgzasɛrbasjɔ̃] n. f. (bas


lat. exacerbatio, action d’irriter, de exa-
cerbatum, supin de exacerbare [v. EXA-
CERBER] ; 1503, G. de Chauliac [mot rare
av. le XVIIIe s.]). Redoublement d’un mal ;
caractère plus aigu que prend une maladie,
un sentiment : L’exacerbation d’un désir
longtemps refoulé.

• SYN. : exaspération, paroxysme, recrudes-


cence. — CONTR. : accalmie, apaisement,
décroissance, retombée.

exacerber [ɛgzasɛrbe] v. tr. (lat. exa-


cerbare, aigrir [quelqu’un], irriter, affecter
douloureusement, aggraver, de ex-, préf. à
valeur intensive, et de acerbus, âpre, dur,
pénible, cruel, dér. de acer, pointu, perçant,
pénétrant, vif, violent, rigoureux ; 1611,
Cotgrave, comme v. pr., au sens de « se
mettre en colère, être exaspéré » ; comme
v. tr., aux sens 1-2, 1868, Th. Gautier).
1. Rendre plus aigu : Une sensibilité exa-
cerbée par les fatigues de cette guerre
(Bordeaux). ‖ 2. Pousser à un haut degré
de sensibilité, d’irritation : Cette scène de la
veille, qui devait exacerber ses sens, produi-
sit l’effet absolument contraire (Huysmans).
• SYN. : 1 aggraver, attiser, aviver, intensi-
fier ; 2 enflammer, exalter, exaspérer, exci-
ter, irriter. — CONTR. : 1 adoucir, atténuer,
émousser ; 2 apaiser, calmer.
& s’exacerber v. pr. (sens 1, début du XXe s. ;
sens 2, 1884, Huysmans). 1. Devenir plus
vif, plus aigu : Une passion qui s’exacerbe.
‖ 2. Devenir extrêmement sensible, irri-
table : Mais alors sa santé faiblit et son
système nerveux s’exacerba (Huysmans).

exact, e [ɛgzakt ou ɛgza, -akt] adj. (lat.


exactus, précis, exact, accompli, part. passé
adjectivé de exigere, achever [v. EXIGER] ;
XVIe s., au sens 1 ; sens 2, 1657, Pascal ;
sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1652,
La Rochefoucauld ; sens 5, av. 1696, La
Bruyère ; sens 6, 1870, Larousse). 1. Class.
Se dit d’une chose, d’une action parfaite,
accomplie minutieusement : Dans une
exacte et sainte austérité (Racine). ‖ 2. Se
dit d’une chose strictement conforme à
la vérité : Un compte-rendu exact. Il note
chaque jour le degré exact de son ivresse
(Maupassant). ‖ Qui reproduit le modèle
avec la plus grande fidélité possible : C’est
une copie exacte de la « Vénus de Milo ».
‖ Qui ne comporte aucune erreur : Une
démonstration exacte. ‖ Les sciences
exactes, les mathématiques, conçues
comme déductions rigoureuses de vérités
établies a priori. ‖ 3. Se dit de ce qui est
rigoureusement conforme aux règles pres-
crites, aux normes établies : Une mesure
exacte. Je guette le soleil, car je sais l’heure
exacte | Où l’aurore rougit les neiges du
Socrate (Heredia). ‖ 4. Class. Se dit de
quelqu’un qui est consciencieux dans tout
ce qu’il fait : Un auteur exact et scrupuleux
(La Bruyère). ‖ Exact à (suivi de l’infinitif),
qui accomplit fidèlement ce qu’il a promis :
Ces nouveaux amis ne sont pas [...] si exacts
à tenir leur parole (La Rochefoucauld).
‖ Spécialem. et class. Qui fait preuve
d’une grande sévérité : Le Ciel, qui vous a
souffert jusques ici, ne pourra souffrir du
tout cette dernière horreur. — Va, va, le ciel
n’est pas si exact que tu penses » (Molière).
‖ 5. Se dit de quelqu’un qui respecte par-
faitement la vérité : Ses deux enfants [...]
faisaient aussi leurs bouquets ou, pour
être exact, leurs bottes de fleurs (Balzac).
‖ 6. Se dit de quelqu’un qui arrive à l’heure
fixée, qui n’a aucun retard : Être exact à un
rendez-vous. Ma mère s’émerveillait qu’il
[M. de Norpois] fût si exact, quoique si
occupé, si aimable quoique si répandu
(Proust).

• SYN. : 2 strict, vrai ; fidèle ; rigoureux ;


3 correct, juste, précis ; 5 minutieux, scru-
puleux, véridique ; 6 ponctuel. — CONTR. :
2 erroné, falsifié, faux, inexact ; fantaisiste,
infidèle ; fautif, incorrect ; 3 approchant,
approximatif, imprécis, vague.

exactement [ɛgzaktəmɑ̃] adv. (de


exact ; 1541, J. Canappe, au sens 1 ;
sens 2, 1870, Larousse ; sens 3, av. 1778,
J.-J. Rousseau). 1. Class. Avec beaucoup de
soin, d’attention : Observe exactement la
loi que je t’impose (Corneille). ‖ 2. Avec
une grande précision : Je résolus de parler
à cet homme et de connaître exactement sa
date de naissance (Maupassant). ‖ 3. Tout à
fait : Il avait exactement votre visage (Gide).
• SYN. : 2 précisément ; 3 absolument, réel-
lement, vraiment.

exacteur [ɛgzaktoer] n. m. (lat. exactor,


celui qui chasse, expulse, collecteur d’im-

pôts, surveillant, contrôleur, de exactum,


supin de exigere, réclamer, faire payer
[v. EXIGER] ; 1304, Godefroy, écrit exau-
tor [exacteur, milieu du XIVe s.], au sens 1 ;
sens 2, v. 1361, Oresme). 1. Class. Celui qui
exige ce qui est dû ; en particulier, celui qui
fait payer les impôts, les tributs : Des ber-
gers [...] qui paient à un exacteur la moitié
des gages chétifs qu’ils reçoivent de leurs
maîtres (Voltaire). ‖ Par extens. et class.
Celui qui fait valoir ses droits avec rigu-
eur : Un maître, sévère exacteur de ses droits
(Bourdaloue). ‖ 2. Vx. Celui qui commet
une exaction, qui extorque de l’argent par
abus de pouvoir.

exaction [ɛgzaksjɔ̃] n. f. (lat. exactio,


expulsion, bannissement, recouvrement
[d’argent, d’impôts], de exactum, supin de
exigere [v. l’art. précéd.] ; XIIIe s., Tailliar,
au sens 1 ; sens 2, v. 1361, Oresme ; sens 3,
XXe s.). 1. Class. Action d’exiger le paie-
ment de ce qui est dû : Ma femme fut plus
de trois ans à l’exaction desdits arrérages
(Malherbe). ‖ Spécialem. Action de faire
payer les impôts, les tributs : Les dépenses
et les exactions étaient infinies (Bossuet).
‖ 2. Action d’exiger plus qu’il n’est dû ou
ce qui n’est pas dû ; en particulier, acte d’un
fonctionnaire qui abuse de son pouvoir
pour extorquer de l’argent aux administrés.
‖ 3. (Au plur.) Sévices, actes de violence,
de pillage commis contre des populations.
• SYN. : 2 concussion, détournement, extor-
sion, malversation, prévarication ; 3 brigan-
dage, déprédation, pillage.

exactitude [ɛgzaktityd] n. f. (de exact ;


1644, Livet, au sens 1 ; sens 2, 1664,
Corneille ; sens 3, 1680, Mme de Sévigné ;
sens 4, 1663, Molière ; sens 5, v. 1740,
Voltaire ; sens 6, 1756, Voltaire). 1. Class.
Soin minutieux apporté à faire ce qui est
convenu, promis, prescrit : L’exactitude
qu’on y avait [en Égypte] à garder les
petites choses maintenait les grandes
(Bossuet). ‖ 2. Class. Qualité d’une per-
sonne qui remplit ses engagements avec
une conscience scrupuleuse et n’omet rien
de ce qui est convenu : Votre exactitude |
Se charge en ma faveur de trop d’inquié-
tude (Corneille). ‖ 3. Spécialem. Qualité
d’une personne qui arrive à l’heure fixée,
qui est ponctuelle : L’exactitude est la poli-
tesse des rois. ‖ 4. Class. Caractère de ce qui
est exécuté de façon parfaite ; en particu-
lier, correction et précision du style : Il n’a
manqué à Térence que d’être moins froid :
quelle pureté, quelle exactitude, quelle poli-
tesse ! (La Bruyère). ‖ 5. Caractère de ce
qui est conforme à la vérité : L’exactitude
d’un fait ‖ de ce qui reproduit fidèlement
la réalité : La littérature a été prise, un peu
après 1850, d’un grand souci d’exactitude et
de vérité (Lemaitre) ‖ de ce qui est rigou-
reux, conforme à la logique : L’exactitude
d’une démonstration, d’un raisonnement.
‖ 6. Conformité de la mesure obtenue avec
la grandeur mesurée : L’exactitude d’un
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1758

calcul, d’un compte. ‖ Par extens. Qualité


d’un instrument de mesure qui donne
des indications conformes à la grandeur
mesurée : L’exactitude d’une montre, d’un
thermomètre.

• SYN. : 3 ponctualité ; 5 véracité, vérité ;


fidélité ; justesse, rectitude, rigueur ; 6 cor-
rection, précision.

exaèdre n. m. Forme peu usitée de


HEXAÈDRE.

ex aequo [ɛgzeko] loc. adv. et adj. (loc. lat.


signif. « à égalité », de ex, prép. marquant le
point de départ, et aequo, ablatif neutre de
l’adj. aequus, égal, juste ; 1861, Sainte-Beuve
[mais probablem. bien antérieur]). À éga-
lité, sur le même rang dans le classement
d’un examen, d’une compétition sportive,
etc. : Ils se sont classés « ex aequo ». Élèves
« ex aequo » à une composition. Troisième
« ex aequo ».

& n. invar. (XXe s.). Candidats qui se sont


classés au même rang : Deux, trois « ex
aequo ».

exagérateur, trice [ɛgzaʒeratoer, -tris]


n. et adj. (bas lat. exaggerator, exagérateur,
de exaggeratum, supin de exaggerare
[v. EXAGÉRER] ; av. 1654, Guez de Balzac).
Vx. Qui exagère en parlant : Le grand rhé-
toricien Villars, grand menteur [...] ou du
moins exagérateur, boursoufleur souvent
ridicule (Michelet).

• SYN. : hâbleur. — CONTR. : modeste.

exagératif, ive [ɛgzaʒeratif, -iv] adj.


(dér. savant de exagérer ; 1690, Furetière).
Vx. Qui est empreint d’exagération : Ce
qui paraît [...] leur avoir inspiré ce langage
exagératif... (Bossuet).

exagération [ɛgzaʒerasjɔ̃] n. f. (lat.


exaggeratio, accumulation de terre, éléva-
tion d’âme, amplification [en rhétorique],
de exaggeratum, supin de exaggerare [v.
EXAGÉRER] ; 1549, R. Estienne, au sens
1 ; sens 2, début du XVIIIe s., Fontenelle ;
sens 3, 1870, Larousse). 1. Action d’exagé-
rer, de grossir les proportions des choses
dans ses paroles, ses actions : Tomber dans
l’exagération. On y pousse loin la haine de
l’exagération (Vigny). ‖ 2. Action, propos
empreints d’excès, de démesure : Les exa-
gérations d’un journaliste. Il y avait eu,
à l’origine, des exagérations dans le sens
autrichien (Bainville). ‖ 3. Développement
excessif de quelque chose : L’exagération
des dépenses d’un budget.

• SYN. : abus, démesure, emphase, hyper-


bole ; 2 bluff (fam.), excès, outrance.

— CONTR. : 1 affaiblissement, atténuation,


mesure, modération.

exagéré, e [ɛgzaʒere] adj. (part. passé de


exagérer ; XVIIIe s., aux sens 1-2). 1. Vx. Se
dit d’une personne qui donne dans l’exagé-
ration, qui manque de mesure : En femme
exagérée [Mme de Bargeton], elle s’exagérait
la valeur de sa personne (Balzac). ‖ 2. Se
dit de ce qui est marqué par l’exagération,

de ce qui est excessif : On finit par se faire


arrêter à Crespy pour cause de vagabondage
et de troubadourisme exagéré (Nerval).
‖ Spécialem. Qui déforme, amplifie la
réalité : Un récit, un compte-rendu exagéré.
• SYN. : 2 abusif, débridé, démesuré,
échevelé, effréné, excessif, fou, immo-
déré, insensé, outré ; forcé, hyperbolique.
— CONTR. : 2 mesuré, modéré, modeste,
raisonnable.

& exagéré n. m. (1767, Diderot). Vx. Ce qui


est exagéré ; caractère exagéré : Mlle Rachel
a su charmer le public, parce que, dans ce
siècle de l’exagéré, elle a su marquer la pas-
sion sans l’exagérer (Stendhal).

exagérément [ɛgzaʒeremɑ̃] adv. (de


exagéré ; début du XIXe s.). D’une manière
exagérée, avec excès : J’expiais le mal-
heur d’avoir été [...] exagérément couvé
(Mauriac).

exagérer [ɛgzaʒere] v. tr. (lat. exaggerare,


rapporter des terres sur, augmenter en accu-
mulant, amplifier, grossir, de ex-, préf. à
valeur intensive, et de aggerare, amonceler,
accumuler, gro ssir [au pr. et au fig.], dér.
de agger, am oncellement de matériaux de
toute espèce ; v. 1535, G. de Selve, écrit exag-
gérer [exagérer, XVIIe s.], au sens 2 ; sens 1,
1580, Montaigne ; sens 3, fin du XVIIe s.,
Bossuet). [Conj. 5 a.] 1. Class. et littér.
Porter au plus haut point quelque chose,
le faire valoir : Ne pouvant assez vous exa-
gérer les avantages... (Colbert). Souvent, une
grande idée n’a pas assez d’un seul grand
homme pour l’exprimer, pour l’exagérer tout
entière (Gide). ‖ 2. Déformer les choses en
leur donnant, dans les paroles ou dans la
pensée, une importance, des proportions
qu’elles n’ont pas réellement : Exagérer les
qualités, les mérites de quelqu’un. Exagérer
la difficulté d’une entreprise. ‖ Absol.
Déformer la vérité, la réalité, en ampli-
fiant : On n’exagère point quand on dit que
Constantinople offre le plus beau point de
vue de l’univers (Chateaubriand). Il ment
sans cesse, ou plutôt il exagère. ‖ 3. Dans
son action, donner à quelque chose un
caractère excessif : Il trottait à l’anglaise,
en exagérant les ressauts (Maupassant). Il
n’y a plus qu’à attendre, dit Demachy, qui
exagérait son air indifférent (Dorgelès).
Un peintre qui exagère les formes. ‖ Absol.
Dépasser la mesure : En toutes choses, il
[La Fontaine] exagérait, et sincèrement.
Il se prenait tout d’un coup et se donnait
sans réserve (Taine). Au fait, vous avez
raison, ma petite. J’exagère peut-être un
peu (Daudet).

• SYN. : 2 grossir, surestimer, surfaire ;


broder (fam.), bluffer (fam.) ; 3 accentuer,
accuser, amplifier, outrer ; abuser, charrier
(pop.), forcer, pousser (pop.).
& s’exagérer v. pr. (sens 1, 1656, Brébeuf ;
sens 2, déc. 1841, Revue des Deux Mondes).
1. S’exagérer quelque chose, l’apprécier
d’une façon exagérée, lui donner une
importance démesurée : Il s’exagère les

difficultés de l’entreprise. Ce Germain


sentimental portait en lui une détresse :
il se savait laid, et il s’exagérait maladive-
ment cette laideur ; au point, certains jours,
de désespérer de tout (Martin du Gard).
‖ 2. Devenir excessif, prendre un caractère
exagéré : Quand nous entrons dans les salles
de la sculpture du XVIIe siècle et du XVIIIe
siècle au Louvre [...], nous constatons que
l’expression est forcée et s’exagère au point
d’inquiéter (Matisse).

exaltable [ɛgzaltabl] adj. (de exalter ;


1865, Littré). Qui est de nature à s’exalter :
Un esprit exaltable.

exaltant, e [ɛgzaltɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de exalter ; 1865, Littré, au sens 1 ;
sens 2, début du XXe s.). 1. Qui provoque
de l’exaltation, qui stimule le coeur et
l’esprit : L’amour comporte des moments
vraiment exaltants, qui sont les ruptures
(Giraudoux). Il apprit à mesurer un combat
plus exaltant et plus sauvage (Genevoix).
‖ 2. Qui éveille la curiosité intellectuelle,
suscite l’intérêt : Les détails exaltants sur
les philosophes ioniens (Barrès) ; et fam. :
Cela ne semble guère exaltant (Romains).
• SYN. : 1 excitant, stimulant ; 2 enthousias-
mant, intéressant, passionnant.

exaltation [ɛgzaltasjɔ̃] n. f. (bas lat.


ecclés. exaltatio, action d’élever, de haus-
ser, orgueil, de exaltatum, supin de exaltare
[v. EXALTER] ; XIIIe s., Règle du Temple, au
sens 1 ; sens 2, v. 1460, G. Chastellain ; sens 3,
1651, Pascal ; sens 4, 1807, Mme de Staël ; sens
5, 1772, Voltaire ; sens 6, 1865, Littré ; sens 7,
1690, Furetière). 1. Class. Action d’élever,
d’exhausser ; résultat de cette action : Je n’y
pouvais plus [en Europe] remarquer sépa-
rément les États, à cause de mon exaltation
[en un appareil de sa fabrication] qui devint
trop haute (Cyrano). ‖ Auj. Ce sens sub-
siste dans l’expression : fête de l’Exaltation
de la sainte Croix, fête de l’Église catho-
lique, célébrée le 14 septembre, en mémoire
de l’arrivée à Jérusalem de la vraie Croix,
reconquise sur les Perses (628). ‖ 2. Class.
et fig. Action de promouvoir, de mettre à un
rang plus élevé : Mon petit colonel m’a écrit,
et à son oncle, pour nous donner part de son
exaltation [au grade de colonel] (Sévigné).
‖ Spécialem. Promotion à la dignité ponti-
ficale : Le dernier a même quelque espoir,
parce qu’étant évêque et prince d’Ostie,
son exaltation amènerait un mouvement
qui laisserait cinq grandes places libres
(Chateaubriand). ‖ 3. Fig. Action de van-
ter hautement quelqu’un ou quelque chose,
de porter très haut ses mérites, sa gloire :
Chez certains, l’exaltation du travail ; chez
les autres, l’exaltation de la race ; chez les
uns et les autres, une volonté extraordinaire,
parfois violemment imposée, s’applique au
renversement des évaluations morales que
l’on croyait inébranlables (Valéry). Nous
regardons cette statue [de l’Ancien Empire
égyptien] avec une admiration que nous
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1759

ne sommes pas allés chercher dans l’exal-


tation des valeurs bourgeoises (Malraux).
‖ 4. Fig. Élévation d’un sentiment à un
haut degré d’intensité : L’exaltation du
sentiment religieux. Ce qui est le propre
de l’Espagne, la tendance à l’exaltation
des sentiments (Barrès). ‖ 5. Absol. État
de surexcitation, d’activité intense de l’es-
prit ; grand enthousiasme : Ce délire dura
deux années entières, pendant lesquelles
les facultés de mon âme arrivèrent au plus
haut point d’exaltation (Chateaubriand).
Je travaillais peu, parce que j’attendais
le moment du génie, c’est-à-dire cet état
d’exaltation qui, alors, me prenait peut-
être deux fois par mois (Stendhal). Je partis
après quelques moments passés dans une de
ces heureuses stupeurs des âmes arrivées là
où finit l’exaltation et où commence la folle
extase (Balzac). ‖ 6. Littér. Accroissement
de l’intensité de quelque chose : Dans le
désert sans eau, où la soif est inapaisable, je
préférais encore la ferveur de ma fièvre sous
l’exaltation du soleil (Gide). ‖ Spécialem.
et vx. Accroissement anormal de l’activité
d’un organe. ‖ Exaltation de la virulence,
augmentation du pouvoir pathogène d’un
germe. ‖ 7. Vx. Vaporisation d’une subs-
tance chimique : L’exaltation du soufre.

• SYN. : 3 apothéose, glorification, sublima-


tion ; 5 délire, emballement, enivrement,
excitation, extase, exultation, fièvre, gri-
serie, ivresse, transport, vertige.

exalté, e [ɛgzalte] adj. (part. passé de


exalter ; 1656, Corneille, au sens 2 ; sens 1,
1835, Vigny). 1. Qui est empreint d’exalta-
tion : Il parlait sur un ton un peu exalté qui
m’inquiéta (Gide). ‖ 2. Littér. Qui atteint
un haut degré d’intensité : Le soleil se cou-
chait dans une splendeur exaltée (Gide).
• SYN. : 1 ardent, emballé (fam.), enthou-
siaste, frénétique, passionné.

& adj. et n. (av. 1778, Diderot). Péjor. Qui


est dominé par une passion exclusive
et aveugle, et agit sans discernement ni
mesure : Les exaltés sont toujours en petit
nombre, mais ils s’imposent en coupant les
voies à la conciliation (Renan).

• SYN. : enragé, excité (fam.), fanatique,


surexcité, survolté.

exalter [ɛgzalte] v. tr. (lat. exaltare,


exhausser, élever [au pr. et au fig.], de
ex-, préf. à valeur intensive, et de altus,
haut, élevé ; fin du Xe s., Vie de saint
Léger, au sens de « élever [quelqu’un] très
haut » [au fig.] ; sens 1, v. 1530, C. Marot ;
sens 2, 1683, Bossuet ; sens 3 et 6, 1770,
Raynal ; sens 4, 1835, Acad. ; sens 5, 1721,
Montesquieu [« purifier un métal, etc. »,
1690, Furetière]). 1. Célébrer, glorifier
hautement quelqu’un ou quelque chose,
faire un grand éloge de ses mérites, de ses
qualités : Ses camarades le chérissaient et
l’exaltaient à l’envi (Sainte-Beuve). [Elle]
prépara fort habilement le mariage en
exaltant l’héroïsme du jeune missionnaire
(Daudet). ‖ 2. Class. Élever, porter trop

haut, par un sentiment d’orgueil : Si je n’ai


pas eu d’humbles sentiments et que j’aie
exalté mon âme... (Bossuet). ‖ 3. Porter
un sentiment à un haut degré d’intensité :
Je les enviais et je les méprisais ; et leur
dédain [...] exaltait encore ma rancoeur
(Mauriac). ‖ 4. Inspirer, communiquer à
quelqu’un un vif enthousiasme, échauf-
fer son esprit, son imagination : Exalter
son auditoire par des paroles éloquentes.
Le récit des grandes entreprises exalte la
pensée (Nerval). Elle dit que ça lui éparpille
les idées, l’empêche de penser. Moi, le vent
m’exalte (Daudet). ‖ Spécialem. Surexciter
dangereusement l’esprit : Une sorte de
fureur l’exaltait ; malgré mon inquiétude,
je fus étonné, presque gêné par sa beauté
(Gide). ‖ 5. Rendre une substance plus
active, plus agissante : Exalter la virulence
d’un microbe. ‖ 6. Littér. Faire ressortir
dans toute son intensité : Ces tons, aussi
roses ou aussi cuivrés, que le soleil couché
exalte si somptueusement dans la brume
des fins d’après-midi de novembre (Proust).
• SYN. : 1 chanter, élever, magnifier, vanter ;
3 attiser, aviver, enflammer, raviver ; 4 exci-
ter, électriser, enthousiasmer, galvaniser,
passionner, ravir, survolter ; 5 augmenter,
intensifier. — CONTR. : 1 abaisser, blâmer,
critiquer, dénigrer, déprécier, mépriser,
rabaisser ; 3 affaiblir, apaiser, calmer, dimi-
nuer ; 4 abrutir (fam.), endormir, ennuyer.
& s’exalter v. pr. (sens 1, 1656, Corneille ;
sens 2, 1870, Larousse). 1. Devenir plus vif,
plus intense : La peur de l’enfer s’exaltait en
moi jusqu’à la folie (Bourget). ‖ 2. Céder à
l’enthousiasme, à un sentiment passionné :
Donc, chassons ce nuage et reprenons le
cours | De la charmante ivresse où s’exalta
notre âme (Verlaine).

examen [ɛgzamɛ̃] n. m. (lat. examen, lan-


guette d’une balance, action de peser, exa-
men, contrôle, mot de la même famille que
exigere, peser [v. EXIGER et aussi ESSAIM] ;
v. 1340, Tombel de Chartrose, au sens I, 1 ;
sens I, 2, av. 1778, Voltaire ; sens I, 3, 1690,
Furetière ; sens I, 4, début du XXe s. ; sens II,
1485, Ordonnance royale).

I. 1. Observation attentive, étude minu-


tieuse : L’examen des lieux doit se faire
avant la signature du contrat de loca-
tion. Perdu dans l’examen de ses nou-
velles richesses, sa tête exsangue, sans
âge, penchée sur le verre grossissant d’une
loupe, il soulevait une à une [...] les pages
lourdes entre lesquelles apparaissent
les plantes (Daudet). ‖ Résister, ne pas
résister à l’examen, ou ne pas supporter
l’examen,présenter un caractère apparent
qui correspond ou ne correspond pas à la
réalité : Fausseté, égoïsme, méchanceté :
autant d’accusations qui ne résistaient
pas cinq minutes à l’examen, à cette in-
tuition clairvoyante que la présence, le
contact direct éveillent chez un observa-
teur quelque peu doué de flair (Martin du
Gard) ‖ se dit surtout des oeuvres écrites,

qui ont ou n’ont pas des qualités réelles :


Il était saisi de la somme de médiocrité
et de mensonge qui constitue le trésor
artistique d’un grand peuple. Combien de
pages résistaient à l’examen ? (Rolland).
Hélas ! ce petit livre, assez bien parti, plein
des plus généreuses utopies, ne supporte
pas longtemps l’examen (Gide). ‖ Liberté
d’examen, libre examen, droit d’examen,
principe selon lequel tout homme peut,
en conscience, ne croire que ce que sa rai-
son individuelle juge vrai, sans être tenu
d’accepter, surtout en matière de foi, les
décisions d’aucune autorité. ‖ Examen
de conscience, action de passer en revue
les fautes qu’on a pu commettre, en vue
de se préparer à la confession, et, plus
généralement, examen critique et sans
complaisance de sa propre conduite : La
Saint-François m’est tous les ans un jour
d’examen de conscience (Chateaubriand).
‖ 2. Vx. Jugement, esprit critique :
L’abbé Niollant communiqua sa hardiesse
d’examen et sa facilité de jugement à son
élève (Balzac). ‖ 3. Class. La censure :
[Le livre] passe à l’examen, il est imprimé
(La Bruyère). ‖ 4. Investigation médi-
cale : Avant de me laisser mettre le pied
sur le sol américain, on m’a soumis à di-
vers examens médicaux (Duhamel). Subir
un examen radiologique.

II. Épreuve unique, ou ensemble


d’épreuves écrites ou orales, que l’on fait
subir à un candidat pour constater son
degré d’instruction ou ses aptitudes : Il
prétend se passer des derniers cours et pré-
parer son examen tout seul (Gide).

• SYN. : I, 1 enquête, étude, inspection,


investigation, vérification ; 4 contrôle, visite.

examinable [ɛgzaminabl] adj. (de exa-


miner ; 1601, Charron). Qui peut être exa-
miné : Cette proposition est examinable.

examinateur, trice [ɛgzaminatoer,


-tris] n. (bas lat. examinator, -trix, celui
[celle] qui pèse, celui [celle] qui examine,
de examinatum, supin de examinare
[v. EXAMINER] ; 1307, Godefroy, au sens de
« personne qui interroge les témoins » ; sens
1, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 2, 1690,
Furetière). 1. Class. Personne qui observe
avec minutie : Ces curieux [attentifs] exa-
minateurs des coutumes reçues (Pascal).
‖ 2. Personne chargée de faire subir un
examen à des candidats, en particulier
un examen oral : J’écrivais à leur sujet [les
oeuvres humaines] ce qu’il faut écrire pour
plaire aux examinateurs (Mauriac).

• SYN. : 2 correcteur, interrogateur.

examiner [ɛgzamine] v. tr. (lat. exa-


minare, peser, mettre en équilibre, exa-
miner, de examen, -minis [v. EXAMEN] ;
v. 1200, Règle de saint Benoît, au sens de
« questionner » ; sens 1, milieu du XVIe s.,
Amyot ; sens 2, début du XXe s. ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Observer, étudier sous tous
les aspects, en prêtant attention à chaque
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1760

détail : J’arrivai à Venise le 23, j’examinai


pendant cinq jours les restes de sa gran-
deur passée (Chateaubriand). La petite fille
examinait les tas en estimant leur valeur
(Balzac). ‖ Spécialem. Regarder longue-
ment et attentivement (vieilli) : Vous n’êtes
plus le même, ajouta-t-elle en examinant
Wenceslas (Balzac). ‖ 2. Soumettre à un
examen médical : Il a longuement examiné
les yeux de Gertrude à l’ophtalmoscope
(Gide). ‖ 3. Faire subir à un candidat un
examen, et en particulier une épreuve orale
(vieilli) : J’étais résolu à ne pas me faire
examiner à Paris (Stendhal).

• SYN. : 1 analyser, considérer, éplucher


(fam.), explorer, inspecter, inventorier,
sonder ; 2 ausculter.

& v. intr. (1755, Voltaire). Vx. Approfondir :


Nous ne sommes plus dans le temps où il
était bon de dire : Croyez et n’examinez plus
(Chateaubriand).

& s’examiner v. pr. (sens 1, 1643, Rotrou ;


sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Vx. Faire un
retour sur soi-même, procéder à un exa-
men de conscience : Je rentrai en moi pour
me sonder et m’examiner (Sainte-Beuve).
‖ 2. Se considérer réciproquement, le plus
souvent sans indulgence : Vous savez avec
quelle rapidité deux femmes s’examinent
(Balzac).

exanthémateux, euse [ɛgzɑ̃tematø,


-øz] adj. (dér. savant de exanthème ; 1756,
Encyclopédie). Relatif à l’exanthème ; qui
est de la nature de l’exanthème : Éruption
exanthémateuse.

exanthématique [ɛgzɑ̃tematik] adj.


(dér. savant de exanthème ; 1808, Boiste).
Fièvres exanthématiques, fièvres accom-
pagnées d’éruptions cutanées. ‖ Typhus
exanthématique, maladie infectieuse qui
tient à la fois de la fièvre typhoïde et des
fièvres éruptives.

exanthème [ɛgzɑ̃tɛm] n. m. (bas lat.


médic. exanthema, pustule, exanthème, gr.
exanthêma, -atos, efflorescence, éruption
de la peau, exanthème, dér. de exantheîn, se
couvrir de fleurs, de ex-, préf. marquant un
mouvement de sortie, et de antheîn, pous-
ser, croître, fleurir, dér. de anthos, pousse,
fleur ; 1545, Guéroult, écrit exanthémate ;
exanthème, fin du XVIe s.). Éruption cuta-
née se présentant sous forme de rougeurs,
et qui accompagne certaines maladies
infectieuses (rougeole, érysipèle, typhus).

exarchat [ɛgzarka] n. m. (de exarque ;


milieu du XVIe s., Bonivard, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, XXe s.).
1. Gouvernement militaire byzantin
commandé par un exarque. ‖ 2. Dignité
d’exarque. ‖ 3. En Orient, circonscription
ecclésiastique administrée par un exarque.
(En ce sens, on dit aussi EXARCHIE, n. f.)

exarque [ɛgzark] n. m. (lat. impér. exar-


chus, chef, exarque, gr. exarkhos, [celui]
qui est à la tête de, dér. de exarkhein, être

le chef de, conduire, de ex-, préf. à valeur


intensive, et de arkhein, aller en tête, guider,
commander ; 1516, Faicts des Saincts Pères,
écrit exarche [exarque, XVIIe s.], au sens
1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, XXe s.).
1. Dignitaire qui gouvernait en Italie ou
en Afrique pour le compte des empereurs
d’Orient. ‖ 2. Prélat de l’Église orientale
qui a juridiction épiscopale. ‖ 3. Titre
donné au chef de l’Église nationale bulgare.

exaspérant, e [ɛgzasperɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de exaspérer ; XIIIe s., Godefroy,
puis milieu du XIXe s.). Qui exaspère : Il
est exaspérant d’être battu pour une faute
dont on n’est point coupable (Zola). Ah !
sa voix exaspérante, cette voix que j’avais
entendue dans la nuit (Mauriac).

• SYN. : agaçant, crispant, énervant, excé-


dant, horripilant (fam.), insupportable,
irritant, rageant (fam.).

exaspération [ɛgzasperasjɔ̃] n. f. (bas


lat. exasperatio, action de rendre rabo-
teux, irritation [au fig.], de exasperatum,
supin de exasperare [v. EXASPÉRER] ;
1588, Montaigne, au sens 1 ; sens 2, 1849,
Bescherelle ; sens 3, 1870, Larousse). 1. État
d’impatience et de colère : Le sentiment de
son malheur accroissait son exaspération
(Balzac). ‖ 2. Aggravation dangereuse
d’une maladie, d’un mal. ‖ 3. Littér. État de
ce qui atteint un degré d’intensité extrême :
Comme si le génie ne s’accompagnait pas
d’une exaspération de la sensibilité, laquelle
nous fait faire tant de sottises (Lemaitre).
• SYN. : 1 agacement, colère, énervement,
irritation, rage ; 2 exacerbation, redouble-
ment. — CONTR. : 1 calme, flegme, indiffé-
rence, sérénité ; 2 apaisement, atténuation,
diminution.
exaspérément [ɛgzasperemɑ̃] adv. (de
exaspéré, part. passé de exaspérer ; milieu
du XXe s.). Vx et littér. D’une façon exas-
pérante : L’air était devenu exaspérément
suave, entêtant (Sainte-Soline).

exaspérer [ɛgzaspere] v. tr. (lat. exaspe-


rare, rendre rude, raboteux, inégal, enflam-
mer, irriter, aigrir, exaspérer, de ex- [préf.
à valeur intensive] et de aspe-rare, mêmes
sens, dér. de asper, rigoureux, âpre, dur,
pénible, farouche ; 1495, J. de Vignay, au
sens de « rendre [un chemin] plus diffi-
cile » ; sens 1, 1580, Montaigne [rare aux
XVIIe et XVIIIe s.] ; sens 2, milieu du XIXe s.,
Baudelaire). [Conj. 5 b.] 1. Rendre plus
pénible, aggraver un mal : M’expliquerez-
vous, alors, pourquoi je souffre de plus en
plus ? À croire que vos sérums exaspèrent
la douleur (Martin du Gard). ‖ Littér.
Rendre plus intense un sentiment, un
état de conscience ; exciter : Exaspérer un
désir. Nous reconnaissons que cet état ne
produit pas l’indifférence, mais que plutôt
il pervertit et exaspère les instincts profonds
(France). Et, par un jeu naturel, les blessures
de sa sensibilité [de J.-J. Rousseau] exas-
pèrent son orgueil (Lemaitre). ‖ 2. Mettre

quelqu’un dans un état d’irritation et d’im-


patience extrêmes : Il semblait exaspéré et
me répétait dans la figure : « J’en ai assez »
(Maupassant). Ça m’exaspère qu’on dise
que je boude (Renard) ; et absol. : Devant
les autres, je l’ai dit, Wilde montrait un
masque de parade, fait pour étonner ou
pour exaspérer parfois (Gide).

• SYN. : 1 accentuer, accroître, aggraver, avi-


ver, exacerber, intensifier ; aiguiser, allumer,
enflammer ; 2 agacer, crisper, énerver, irri-
ter, surexciter. — CONTR. : 1 adoucir, apai-
ser, atténuer ; affaiblir, étouffer, tempérer ;
2 calmer.

& s’exaspérer v. pr. (sens 1, 1859, V. Hugo ;


sens 2, 1865, Littré). 1. Devenir plus vif ou
plus pénible, s’intensifier : J’aurais dû me
borner à vous dire que je vois dans la chirur-
gie moderne un des aspects les plus nobles et
les plus passionnants de cette extraordinaire
aventure de la race humaine qui s’accélère et
semble s’exaspérer depuis quelques dizaines
d’années (Valéry). ‖ 2. Devenir très irrité :
Et je m’exaspérais, faisant la faute énorme,
| Ayant raison au fond, d’avoir tort dans la
forme (Hugo).

exaucement [ɛgzosmɑ̃] n. m. (de exau-


exaucement [ɛgzosmɑ̃] n. m. (de exau-
cer ; XVIe s., écrit exaulcement ; exaucement,
1690, Furetière). Action d’exaucer ; résultat
de cette action : L’exaucement d’une prière.

exaucer [ɛgzose] v. tr. (var. graphique de


exhausser [v. ce mot], qui avait souvent, en
anc. franç., le sens de « élever en dignité »
[d’après le lat. exaltare, v. EXALTER] et celui
de « écouter favorablement et accomplir une
prière ou un voeu » [d’après le lat. exaudire,
entendre distinctement, écouter favora-
blement, exaucer — de ex-, préf. à valeur
intensive, et audire, entendre, écouter —,
verbe qui était souvent traduit par exaucer
dans les versions franç. de la Bible] ; v. 1540,
C. Marot, au sens 1 ; sens 2, 1677, Racine).
[Conj. 1 a.] 1. En parlant de la Divinité,
écouter favorablement quelqu’un et lui
accorder ce qu’il demande : Ô Seigneur,
exaucez et dictez ma prière (Verlaine).
Souhaite cela si fort qu’un dieu, quelque
part, s’en émeuve et t’exauce (Colette).
‖ 2. Accueillir favorablement, satisfaire
une demande, un voeu : Exaucer les désirs
de quelqu’un. L’implacable concierge [...]
prit l’habitude, quand je lui demandais si
je pouvais monter, de m’indiquer, en soule-
vant sa casquette d’une main propice, qu’il
exauçait ma prière (Proust).

• SYN. : 2 agréer à, combler, contenter,


satisfaire.

excardination [ɛkskardinasjɔ̃] n. f. (dér.


savant du lat. ex-, préf. marquant l’éloi-
gnement, la séparation, et cardo, cardinis,
gond, pivot, point capital ; milieu du XXe s.).
Acte par lequel un prêtre se sépare de son
diocèse pour se rattacher, en général, à un
institut religieux.

ex cathedra [ɛkskatedra] loc. adv. (loc.


du lat. ecclés. moderne signif. « du haut
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1761

de la chaire », du lat. class. ex, prép. mar-


quant le point de départ, et cathedra, chaise
à dossier, chaire de professeur [et, à basse
époque, « chaire d’une église », v. CHAIRE] ;
1677, Mme de Sévigné, au sens 1 ; sens 2,
1863, Littré [art. cathedra]). 1. En théolo-
gie, d’une manière officielle, en vertu de
l’autorité didactique que l’on tient de son
titre. (Se dit surtout du pape, lorsqu’il s’ex-
prime comme chef de l’Église.) ‖ 2. Fam.
D’une façon doctorale, didactique, voire
autoritaire (en parlant surtout du maître
qui s’exprime devant des élèves) : Si j’ai
parlé de cette longue intimité de quelque
oeuvre et d’un « moi », ce n’était que pour
donner une idée de la sensation très étrange
que j’éprouvai, un matin, en Sorbonne, en
écoutant M. Gustave Cohen développer « ex
cathedra » une explication du « Cimetière
marin » (Valéry).

excavateur, trice [ɛkskavatoer, -tris]


n. (de excaver, d’après l’angl. excavator,
machine à creuser et à faciliter les déblais
et les travaux de construction des chemins
de fer, dér. savant du lat. excavatum, supin
de excavare [v. EXCAVER] ; 1843, Bonnafé
[excavateur ; excavatrice, XXe s.]). Appareil
de terrassement, muni d’une chaîne à
godets circulant sur une élinde, utilisé
pour creuser une fouille.

& excavatrice n. f. (XXe s.). Excavateur léger.

excavation [ɛkskavasjɔ̃] n. f. (lat. exca-


vatio, trou, cavité, excavation, de exca-
vatum, supin de excavare [v. EXCAVER] ;
1566, Du Pinet, au sens 2 ; sens 1, 1690,
Furetière). 1. Action d’excaver, de creuser
la terre : L’excavation d’un puits. ‖ 2. Trou,
cavité dans le sol : La courbe que forme
l’excavation du théâtre dans cette colline
(Chateaubriand). La rivière dessine de
profonds méandres, entre des « falaises »
grises creusées d’innombrables excavations
(Gaxotte).

• SYN. : 2 anfractuosité, creux, grotte, vide.

excavatrice n. f. V. EXCAVATEUR.

excaver [ɛkskave] v. tr. (lat. excavare,


creuser, rendre creux, de ex- [préf. à valeur
intensive] et de cavare, mêmes sens, dér. de
l’adj. cavus, creux, creusé, profond ; fin du
XIIIe s., Végèce [rare av. le XVIIIe s.]). Creuser
le sol ; en particulier, y pratiquer une cavité
plus ou moins profonde, à l’occasion de
travaux publics : Excaver un puits, un tun-
nel. Quelquefois, en excavant le fossé, on
ménageait une langue de terre (Mérimée).
Le roc est excavé profondément, par places ;
il garde les traces des roues des chars grecs
(Gide) ; et par extens. : Pour agrandir
ces quatre fenêtres, il avait fallu excaver
des murs de huit à dix pieds d’épaisseur
(Chateaubriand).

• SYN. : forer.

excédant, e [ɛksedɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


excédant, e [ɛksedɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de excéder ; XIVe s., Chronique de Flandre,
au sens 2 [rare av. le XVIIIe s.] ; sens 1, 1690,

Furetière ; sens 3, 1870, Larousse). 1. Vx.


Qui dépasse une limite fixée : Que faire des
sommes excédantes ? ‖ 2. Fig. Qui passe ce
qu’on peut normalement supporter ; qui
fatigue extrêmement : Deux ou trois heures
d’une méditation excédante (Baudelaire).
‖ 3. Se dit d’une personne qui importune
à l’excès : Un gamin excédant.

• SYN. : 2 épuisant, éreintant, harassant ;


3 agaçant, crispant, énervant, exaspérant,
horripilant.

excédent [ɛksedɑ̃] n. m. (lat. excedens,


-entis, part. prés. de excedere [v. EXCÉDER] ;
fin du XIVe s., E. Deschamps). Ce qui, en
nombre, en quantité, en valeur, excède,
dépasse la mesure normale ou une limite
fixée : La confiance dans le travail natio-
nal a produit des excédents d’impôts qui se
chiffrent par plus de cent millions de francs
(Gambetta). Le gouvernement compte sur
les exportations pour écouler l’excédent
de la récolte de céréales. ‖ D’excédent, en
supplément : Payer cent francs d’excédent.
‖ En excédent, en surnombre.

excédentaire [ɛksedɑ̃tɛr] adj. (de excé-


dent ; 1948, Larousse). Qui est en excédent ;
qui est trop abondant : Certaines années, la
production de vin est excédentaire.

excéder [ɛksede] v. tr. (lat. excedere, s’en


aller de, s’avancer hors de, dépasser, excé-
der, de ex-, préf. marquant le mouvement
de l’intérieur vers l’extérieur, et de cedere,
aller, marcher, s’avancer ; début du XIVe s.,
aux sens I, 1-2 ; sens II, 1, milieu du XVIIIe s.,
Buffon ; sens II, 2, 1668, Racine). [Conj. 5 b.]

I. AVEC UN COMPLÉMENT DÉSIGNANT


UNE CHOSE. 1. Dépasser une limite fixée,
en nombre, en quantité, en valeur, en
durée : Dans un budget sain, les dépenses
ne doivent pas excéder les recettes. Vos ba-
gages excèdent le poids réglementaire. Une
concession dont la durée n’excédera pas
trente ans. Certainement les divers frais
d’installation excéderaient nos revenus
cette année... (Gide). ‖ Absol. Être, venir
en excédent : Si chaque jour s’opère l’addi-
tion de ce qui manque et la soustraction de
ce qui excède, la santé se maintiendra en
parfait équilibre (Flaubert). ‖ 2. Fig. Aller
au-delà de la limite normale : Excéder ses
forces. Je ne vous en veux plus que d’une
chose : c’est d’avoir excédé ma patience, de
m’avoir fait quand même céder... oui, de
m’obliger enfin à m’avouer vaincue (Du-
hamel) ; ‖ ou de la limite permise, auto-
risée : Je pourrais vous répondre, articula
M. Larminat, que vous avez excédé vos
pouvoirs (Duhamel).

II. AVEC UN COMPLÉMENT DÉSIGNANT


UNE PERSONNE. 1. Vx. Fatiguer à l’excès :
Elle m’excède de courses et me lasse pour
que je la laisse seule (Balzac). ‖ Auj.
Accabler extrêmement (surtout au pas-
sif) : Être excédé de travail. Notre héros,
excédé de fatigue, s’endormit profondé-
ment (Stendhal). ‖ 2. Importuner extrê-

mement, causer une gêne insupportable


à : Cet enfant m’excède avec ses cris inces-
sants. Octave, excédé de l’ennui que lui
avait donné l’obligation de parler, était
sorti de bonne heure pour aller au Gym-
nase (Stendhal). Mon père haussa les
épaules d’un air excédé (Duhamel).

• SYN. : I, 1 l’emporter sur, outrepasser, pas-


ser ; 2 dépasser, surpasser. ‖ II, 1 épuiser,
éreinter, esquinter (fam.), exténuer, haras-
ser, tuer, vanner (pop.).

excellemment [ɛksɛlamɑ̃] adv. (de


excellent ; 1339, J. de La Mote, écrit excellen-
tement [excellemment, 1539, R. Estienne],
au sens 1 ; sens 2, 1606, Malherbe). 1. D’une
manière excellente, parfaite : Comme dit
excellemment saint Jean Chrysostome...
(Bossuet). Il réussit excellemment en toutes
choses. ‖ 2. Class. et littér. Au plus haut
point, à un degré éminent : Excellemment
mauvais (Malherbe). Si excellemment
impudente (Saint-Simon). La pudeur, en
colorant vos joues, vous rend excellemment
belle (Chateaubriand).

• SYN. : 1 admirablement, divinement, par-


faitement, remarquablement.

excellence [ɛksɛlɑ̃s] n. f. (lat. excel-


lentia, supériorité, excellence, de excel-
lens, -entis [v. EXCELLENT] ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 ; sens
2, XIIIe s., Rutebeuf). 1. Degré éminent de
qualité, de valeur qu’une chose ou une
personne atteint dans un genre donné :
Le vicomte était beaucoup trop homme de
bonne compagnie pour parler de l’excel-
lence du dîner (Balzac). ‖ Prix d’excel-
lence, dans les établissements scolaires,
récompense décernée à l’élève qui, au
cours d’une année, s’est le plus distingué
dans l’ensemble des matières enseignées.
‖ 2. Titre honorifique donné aux ambas-
sadeurs, aux ministres, aux archevêques,
aux évêques (dans ce cas, s’écrit avec une
majuscule) : Nous prions Votre Excellence
de bien vouloir, etc. ‖ Fam. Nos Excellences,
les ministres.

• SYN. : 1 perfection, qualité, supériorité.

• REM. En abrégé, on écrit S. E. ou V. E.


pour un ministre, un ambassadeur, et S.
Exc., V. Exc. pour un évêque.

& Par excellence loc. adv. (sens 1, av.


1549, Marguerite de Navarre ; sens 2, 1835,
Acad.). 1. Au plus haut point, d’une façon
particulièrement caractéristique : Le cha-
lutier est le bateau de pêche par excellence
(Maupassant). ‖ Spécialem. Dans toute la
vérité de l’expression ou du terme : La vertu
est si difficile que nous l’avons appelée « la
Vertu », c’est-à-dire la force par excellence
(Lacordaire). ‖ 2. D’une manière spéciale,
proprement : « Chapeau » se dit par excel-
lence du chapeau de cardinal.

excellent, e [ɛksɛlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. excel-


lens, -entis, supérieur, distingué, éminent,
part. prés. adjectivé de excellere [v. EXCEL-
LER] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1762

sens 3 ; sens 1, milieu du XVIe s., Amyot ;


sens 2, av. 1848, Chateaubriand ; sens 4,
1669, Bossuet). 1. Se dit d’un être ou d’une
chose qui atteint, dans un genre donné,
un haut degré de mérite, de valeur ; très
bon, d’une qualité parfaite : Il y a peu
d’excellents orateurs (La Bruyère). Une
censure, fût-elle excellente, manque son
but si elle est trop rude (Chateaubriand).
Un acteur qui est excellent dans le rôle
d’Harpagon. Un repas excellent. Le cli-
mat ici est excellent. ‖ 2. Fam. Qui est
très généreux, qui fait preuve de bonté et
de dévouement : Un excellent homme. Je
m’attachai à la femme qui prit soin de moi,
excellente créature appelée la Villeneuve
(Chateaubriand). ‖ 3. Class. Indiquait
une supériorité relative et s’employait au
comparatif et au superlatif : Comme grand
capitaine, Épaminondas n’était pas plus
excellent que Virgile comme grand poète (La
Rochefoucauld). ‖ Littér. S’emploie encore
parfois avec un adverbe d’intensité : Je ne
puis rien refuser à un monsieur si hon-
nête qui me donne de si excellents cigares
(Mérimée). Je dirai même que plus excellent
est l’acteur, et beaucoup plus mal il lira, ou
que je me méfierais beaucoup d’un acteur
qui lirait trop bien (Gide). ‖ 4. Spécialem.
et vx. Dans certaines formules de politesse,
qualification appliquée à de hauts person-
nages : Très grand et très excellent seigneur.
• SYN. : 1 accompli, achevé, admirable,
consommé, délicieux, exquis, extra,
fameux, incomparable, magistral, mer-
veilleux, parfait, remarquable, succulent,
supérieur ; 2 bon, brave, dévoué.

& excellent n. m. (av. 1696, La Bruyère).


Ce qui est excellent : Dans l’art, il n’y a
que l’excellent qui compte (Sainte-Beuve).

excellentissime [ɛksɛlɑ̃tisim] adj.


(ital. eccellentissimo, excellentissime [titre
honorifique], lat. excellentissimus, super-
latif de excellens, -entis [v. EXCELLENT] ;
fin du XIIIe s., Aimé du Mont-Cassin, puis
milieu du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, début du
XVIIe s., Malherbe). 1. Qualification donnée
autrefois aux sénateurs de la République
de Venise : Excellentissimes seigneurs.
‖ 2. Tout à fait excellent (en style plaisant) :
Un repas excellentissime.

exceller [ɛksɛle] v. intr. (lat. excellere,


se dresser au-dessus, être supérieur, sur-
passer, exceller ; 1544, M. Scève). Exceller
en ou dans quelque chose, être supérieur
dans un genre, l’emporter sur les autres :
Serait-ce que les Français, excellant dans
la romance, se sont rencontrés avec le génie
des Grecs ? (Chateaubriand). Il se fût plu au
tir de l’arc, où il excellait, s’il n’avait jugé
médiocre d’être admiré par les commères
brugeoises (Barrès). ‖ Exceller à (et l’infi-
nitif), être particulièrement habile à faire
quelque chose : Aucun musicien n’excelle,
comme Wagner, à peindre l’espace et la
profondeur (Baudelaire).

• SYN. : briller, se distinguer, émerger, s’illus-


trer, triompher.

excentration [ɛksɑ̃trasjɔ̃] n. f. (de excen-


trer ; 22 juin 1875, le Temps). Déplacement
du centre d’une pièce, d’un organe méca-
nique ; état de ce qui est excentré.

excentré, e [ɛksɑ̃tre] adj. (part. passé de


excentrer ; 1870, Larousse). En mathéma-
tiques, se dit d’une courbe dont l’excentri-
cité n’est pas nulle : Le cercle est une ellipse
qui n’est pas excentrée.

excentrer [ɛksɑ̃tre] v. tr. (de ex- [lat. ex-,


préf. marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur] et de centrer ; 1865, Littré).
Déplacer le centre ou l’axe d’une pièce, d’un
organe mécanique.

excentricité [ɛksɑ̃trisite] n. f. (lat.


scientif. du Moyen Âge excentricitas, de
excentricus [v. EXCENTRIQUE] ; début du
XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré ;
sens 3, début du XVIIIe s. ; sens 4, av. 1854,
Nerval). 1. Position relative des cercles qui
n’ont pas un centre commun, de choses cir-
culaires dont les centres ne coïncident pas :
L’excentricité des couches ligneuses dans
la tige d’un arbre. ‖ Spécialem. En armu-
rerie, déviation de l’axe de l’âme d’une
bouche à feu. ‖ Excentricité d’une ellipse,
en mathématiques, rapport constant de
la distance des foyers à la longueur du
grand axe. ‖ Excentricité de l’orbite d’une
planète, d’un satellite, excentricité de
l’ellipse décrite autour de l’astre attirant.
‖ 2. État de ce qui est éloigné d’un centre :
L’excentricité d’un quartier d’une ville.
‖ 3. Fig. Disposition d’esprit, comporte-
ment d’une personne qui s’écarte des habi-
tudes reçues, de la bienséance commune :
Savez-vous donc, Monsieur Fortunio,
que vous êtes d’une excentricité parfaite ?
(Gautier). Ces Anglais ! Poussent-ils loin
l’excentricité ! (Barbey d’Aurevilly). L’espèce
d’excentricité profonde qui était dans le
caractère des Coëtquidan s’était fait jour
en lui vers vingt-cinq ans... (Montherlant).
‖ 4. Acte qui revêt ce caractère, témoigne
de cette disposition : Tu es pleine de bou-
tades et d’excentricités (Flaubert). Qui dira
jamais toutes les fantaisies ridicules, toutes
les excentricités niaises dont un bourgeois
inoccupé peut arriver à combler le vide de
sa vie ? (Daudet).

• SYN. : 2 éloignement ; 3 bizarrerie, origi-


nalité, singularité ; 4 extravagance.

excentrique [ɛksɑ̃trik] adj. (lat. scien-


tif. du Moyen Âge excentricus, du bas
lat. eccentros, excentrique, gr. ekkentros,
même sens [terme de math.], de ek-, préf.
marquant l’éloignement, et de kentron,
centre ; v. 1361, Oresme, au sens 1 [pour
des couches ligneuses, milieu du XVIIIe s.,
Buffon] ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3,
1834, Th. Gautier). 1. En mathématiques,
se dit des cercles qui n’ont pas le même
centre. ‖ Couches ligneuses excentriques,
couches ligneuses qui n’ont pas pour centre
commun la moelle de l’arbre. ‖ 2. Situé
loin du centre : Les arrondissements excen-
triques de Paris. ‖ 3. Qui est en opposition
avec les usages reçus ; bizarre, extravagant :
Notre littérature est plus pauvre que toute
autre en ouvrages excentriques (Gautier).
Toilette, mode excentrique. Un spectacle
excentrique.

• SYN. : 2 périphérique ; 3 baroque, étrange,


insolite, saugrenu, singulier. — CONTR. :
1 concentrique ; 2 central ; 3 banal, clas-
sique, commun, normal.

& adj. et n. (sens 1, 1611, Cotgrave [rare av.


le XIXe s.] ; sens 2, début du XXe s.). 1. Se
dit d’une personne qui, dans son compor-
tement, dans sa manière de s’habiller ou
d’agir, s’écarte des habitudes reçues, de la
bienséance commune : Une jeune femme
qui, pour elle, avait des semblants d’amitié
[...] devint donc en peu de temps plus chère
à l’excentrique cousine Bette que tous ses
parents (Balzac). ‖ 2. Comique de music-
hall vêtu comme un clown, travaillant
généralement seul et interprétant quelques
gags très étudiés : De mauvais tours de sal-
timbanque, des pitreries de l’« excentrique »
(Romains). ‖ Spécialem. Se dit d’un artiste
de musichall ou de cirque ajoutant une
note comique à son numéro : Un domp-
teur excentrique.

• SYN. : 1 bizarre, extravagant, farfelu


(fam.), original. — CONTR. : 1 discret, dis-
tingué, ordinaire, quelconque, réservé.

& n. m. (sens 1-2, 1845, Bescherelle).


1. Mécanisme destiné à transformer un
mouvement circulaire uniforme en un
mouvement rectiligne alternatif. ‖ 2. En
mécanique, disque excentré utilisé pour
la commande de certains mouvements.

excentriquement [ɛksɑ̃trikmɑ̃] adv.


(de excentrique ; 1511, Bovelles, écrit eccen-
triquement [excentriquement, 1622, Sorel],
au sens 1 ; sens 2, 1870, Larousse). 1. Hors
de son centre : Un cercle tournant excen-
triquement autour d’un point de sa sur-
face. ‖ 2. Fig. D’une façon qui s’écarte des
usages communs, des habitudes reçues :
S’habiller excentriquement.

1. excepté, e [ɛksɛpte] adj. (part. passé


de excepter ; XIIIe s.). Non compris, ne fai-
sant pas partie de l’ensemble considéré :
Tous les habitants, les femmes exceptées,
s’étaient rendus sur la place centrale.
• CONTR. : compris, inclus.

• REM. Excepté, adjectif variable en genre


et en nombre, ne doit pas être confondu
avec excepté, préposition invariable
(v. art. suiv.). Celle-ci est toujours placée
avant le nom : Excepté les femmes ; l’ad-
jectif est toujours placé après le nom : Les
femmes exceptées.

2. excepté [ɛksɛpte] prép. (part. passé


de excepter ; v. 1360, Froissart). À l’excep-
tion de, à la réserve de, si l’on ne tient pas
compte de : Il est bon que les avenues de
l’art soient obstruées de ces ronces devant
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1763

lesquelles tout recule, excepté les volontés


fortes (Hugo). Grand homme pour tout le
monde, excepté pour sa femme (Daudet).
[V. Rem.]

• SYN. : à l’exclusion de, hormis, hors, sauf.


& Excepté que loc. conj. (sens 1, 1677,
Mme de Sévigné ; sens 2, 1695, Fénelon).
1. Class. À moins que (suivi du subjonc-
tif) : Je compte, ma belle, que vous viendrez
dans l’appartement de ma maison que je
vous ai destiné, excepté que vous ayez pour
vous seule une autre maison toute trouvée
(Sévigné). ‖ 2. Si ce n’est que, si l’on ne tient
pas compte de ce que (suivi de l’indicatif
ou du conditionnel) : Neptune envoya aus-
sitôt une divinité trompeuse, semblable aux
songes, excepté que les songes ne trompent
que pendant le sommeil (Fénelon). Ils se
ressemblent parfaitement, excepté que l’un
est un peu plus grand que l’autre (Acad.).
• REM. 1. Excepté, préposition, est inva-
riable : Toutes les filles sont mariées,
excepté la plus jeune (Acad.) ; toutefois,
jusqu’au XVIe s., il est régulièrement ac-
cordé avec le substantif qui le suit.

2. Quand le nom ou le pronom com-


plément est déjà précédé dans la phrase
d’une autre préposition, on répète cette
préposition après excepté : Il était ai-
mable avec tout le monde, excepté avec sa
femme.

excepter [ɛksɛpte] v. tr. (lat. exceptare,


retirer à tout instant, tirer à soi, recueillir
habituellement [fréquentatif de excipere,
v. EXCIPER], empr. pour servir de v. à excep-
tion ; fin du XIIe s., Marie de France, écrit
execter, au sens de « recevoir » ; écrit excep-
ter, au sens actuel, v. 1265, J. de Meung).
Ne pas comprendre quelqu’un ou quelque
chose dans le groupe ou l’ensemble que l’on
considère ; mettre à part : Félix, ne jouez
jamais dans quelque salon que ce puisse
être ; je n’excepte personne (Balzac). ‖ Ne
pas tenir compte de : Si l’on excepte une
seule rue [...], nulle boutique dans Tolède
(Barrès).

• SYN. : écarter, éliminer, exclure, retirer,


retrancher.

exceptif, ive [ɛksɛptif, -iv] adj. (de


except[ion] ; XXe s.). Proposition exceptive,
en logique, proposition qui, d’une affir-
mation générale, excepte un ou plusieurs
individus.

exception [ɛksɛpsjɔ̃] n. f. (lat. exceptio,


limitation, restriction, réserve, exception,
clause restrictive, de exceptum, supin de
excipere [v. EXCIPER] ; v. 1265, Livre de
jostice, écrit escepcion [exception, v. 1283,
Beaumanoir], au sens 3 ; sens 1, 1314,
Mondeville ; sens 2, 1322, Varin). 1. Action
par laquelle on excepte, on exclut quelqu’un
ou quelque chose de l’application d’une
règle ou d’une formule générale (surtout
dans des expressions). ‖ Faire exception,
sortir de la règle, de la loi générale, se dis-
tinguer des autres : Quelques mots font

exception pour attester l’ancienne commu-


nauté de langage (Mérimée). ‖ Faire une
exception pour quelqu’un, pour quelque
chose, accepter, tolérer qu’une personne
échappe aux obligations valables pour les
autres, qu’une chose ne soit pas soumise à
la règle générale. ‖ Par exception, contrai-
rement à l’habitude, d’une façon excep-
tionnelle : Un échiquier de fenêtres noires
où de jolies figures n’apparaissent que par
exception (Nerval). ‖ D’exception, qui est
en dehors du droit commun : Mesure, loi
d’exception. Tribunal, juridiction d’excep-
tion. ‖ Un être d’exception, une personne
qui se distingue des autres par des qualités
éminentes : Un chef de bureau lui semblait
un être d’exception, vivant dans une sphère
supérieure (Maupassant). ‖ 2. Ce qui est
hors du cas général, échappe à la règle com-
mune : Être un saint, c’est l’exception ; être
un juste, c’est la règle (Hugo). Les nouvelles
institutions militaires n’admettant ni excep-
tions ni équivalences... (Renan). ‖ Personne
qui, sous quelque rapport, ne ressemble à
aucune autre, qui apparaît comme unique
en son genre : Une femme aussi réservée,
dans ce milieu, c’est une exception. ‖ 3. En
droit, moyen invoqué par le défendeur
pour faire écarter une demande en jus-
tice sans discuter le principe de droit sur
lequel elle repose : Exception de prescrip-
tion, d’incompétence.

• SYN. : 2 anomalie, singularité. — CONTR. :


2 règle ; banalité.

& À l’exception de loc. prép. (1870,


Larousse). Sauf, si l’on ne tient pas compte
de : À l’exception des conifères, tous les
arbres du parc ont perdu leurs feuilles.

• SYN. : en dehors de, à l’exclusion de, hors,


hormis, à la réserve de.

exceptionnel, elle [ɛksɛpsjɔnɛl] adj.


(de exception ; 1739, d’Argenson, au sens
1 ; sens 2, 1860, Baudelaire). 1. Qui consti-
tue une exception : Congé exceptionnel.
Indemnité exceptionnelle. ‖ 2. Qui fait
exception par son caractère extraordi-
naire : Le gouvernement doit faire face à
une situation exceptionnelle. ‖ Spécialem.
Se dit d’une personne ou d’une chose qui
se distingue par des mérites, des qualités
rares : Un romancier exceptionnel, d’un
talent exceptionnel. L’accident a été évité
grâce à l’exceptionnel sang-froid du pilote.
• SYN. : 1 extraordinaire, occasionnel ; 2
éminent, prodigieux, rare, remarquable.

— CONTR. : 1 habituel, normal, régulier ;


2 banal, commun, courant, ordinaire,
quelconque.

exceptionnellement [ɛksɛpsjɔnɛlmɑ̃]
adv. (de exceptionnel ; 1842, Acad., au sens
1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Par exception :
Je vous recevrai exceptionnellement samedi
matin. ‖ 2. De façon exceptionnelle, à un
degré rare : Un enfant exceptionnellement
intelligent.

• SYN. : 2 excessivement, extraordinaire-


ment, extrêmement.

excerpta [ɛksɛrpta] n. m. pl. (mot lat.,


plur. de excerptum, extrait, morceau choisi,
neutre substantivé du part. passé de excer-
pere, tirer de, extraire, faire un choix de, de
ex-, préf. à valeur intensive, et de carpere,
détacher, arracher ; av. 1896, Goncourt).
Titre donné à des morceaux choisis
d’oeuvres littéraires (surtout dans l’Anti-
quité et au Moyen Âge) : On les donnera
peut-être plus tard comme des morceaux de
style dans les excerpta (Goncourt).

excès [ɛksɛ] n. m. (bas lat. excessus, excès,


empr. pour servir de substantif à excéder
[en lat. class., excessus — dér. de excessum,
supin de excedere, v. EXCÉDER — signifie
seulement « sortie, digression, abandon »] ;
fin du XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1580,
Montaigne ; sens 3, v. 1398, le Ménagier de
Paris ; sens 4, fin du XIVe s., E. Deschamps).
1. Différence en plus d’une quantité sur
une autre ; ce qui se trouve en excédent :
L’excès d’un nombre sur un autre. Somme
arrondie par excès. Une prodigieuse petite
source, sorte de bénitier, qui, depuis des
siècles, déverse, inépuisable, un excès d’eau
(Colette). ‖ 2. Class. Grandeur, impor-
tance qui dépasse la mesure moyenne, la
limite ordinaire ; haut degré : Un excès de
valeur brisa ce qu’elle [La Rochelle] fut, |
Un excès de clémence en sauva ce qui reste
(Corneille). ‖ Dans l’excès, au plus haut
point : J’ai vu Mme de Mornay ; elle n’est
point du tout affligée. Mme de Nesle l’est
dans l’excès (Sévigné). ‖ 3. Chose, acte qui
dépasse la mesure normale, passe la limite
permise ou raisonnable : Excès de vitesse.
Faire des excès de table. Un fonctionnaire
qui ne fait pas d’excès de zèle. Les excès de la
liberté mènent au despotisme ; mais les excès
de la tyrannie ne mènent qu’à la tyrannie...
(Chateaubriand). ‖ Excès de langage, pro-
pos discourtois ou injurieux. ‖ Excès de
pouvoir, acte d’un fonctionnaire ou d’un
magistrat qui dépasse ses attributions
ou sa compétence : Introduire un recours
en Conseil d’État pour excès de pouvoir.
‖ Fam. Faire un excès, un petit excès, man-
ger ou boire un peu trop. ‖ 4. Caractère de
ce qui dépasse la mesure : Cela n’excuse
en rien l’excès de ses manières (Verlaine).
Je lui reprochais [à sa mère] l’excès de son
amour (Mauriac).

• SYN. : 1 excédent, surcroît, surplus, trop-


plein ; 3 abus, dépassement, exagération ;
4 démesure, outrance. — CONTR. : 1 défaut,
manque ; 3 absence, carence, pénurie ; 4
défaillance, insuffisance, modération,
réserve, retenue.

& À l’excès, jusqu’à l’excès loc. adv. D’une


manière extrême, exagérée ; outre mesure :
J’ai fort à faire sur la commune, dont les
maisons sont dispersées à l’excès (Gide).
Des parents sévères à l’excès. Être tolérant
jusqu’à l’excès.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1764

& excès n. m. pl. (sens 1, 1315, Godefroy ;


sens 2, XVe s., Littré). 1. Absol. Dérèglements
de conduite, actes de débauche : Vous avez
beau vouloir sanctifier vos passions ; elles
vous punissent toujours des excès qu’elles
vous font commettre (Rousseau). La cou-
leur dégoûtante de ses cheveux provenait
de ses excès et des drogues qu’il avait prises
(Balzac). ‖ 2. Absol. Actes de violence, de
cruauté commis par ceux qui détiennent le
pouvoir : Les troupes d’occupation se sont
livrées à des excès.

• SYN. : 1 débordement, déportement,


dévergondage, inconduite, libertinage, noce
(pop.) ; 2 exaction, sévices, violences. —
CONTR. : 1 abstinence, ascétisme, frugalité,
jeûne, tempérance.

excessif, ive [ɛksɛsif, -iv] adj. (de excès ;


v. 1265, J. de Meung, au sens 1 ; sens 2, 1587,
F. de La Noue ; sens 3, 1839, Balzac). 1. Qui
passe la mesure ordinaire ou raisonnable :
Des prix excessifs. Un froid excessif. Un
verdict d’une sévérité excessive. Le propre
de la vérité, c’est de n’être jamais excessive
(Hugo). Je me plaisais à d’excessives prodi-
galités (Gide). ‖ 2. Se dit d’une personne
qui ignore les nuances, le juste milieu,
dont les actions, les jugements se portent
aux extrêmes : Les Parisiens ont tous les
défauts des Athéniens, et sont encore plus
excessifs (Voltaire). Un caractère excessif.
‖ Class. Excessif à (suivi d’un infinitif),
qui fait preuve d’excès en : Corrigeant par-
tout la nature, | Excessive à payer ses soins
avec usure (La Fontaine). ‖ 3. Placé avant
le nom, peut servir de superlatif à grand :
« très grand, extrême » (emploi critiqué) :
Un vieillard d’une excessive bonté.

• SYN. : 1 abusif, démesuré, effréné, exagéré,


exorbitant, extraordinaire, insensé, outré ; 2
outrancier ; 3 exceptionnel, extraordinaire,
infini (rare).

excessivement [ɛksɛsivmɑ̃] adv. (de


excessif ; 1359, Varin, au sens 1 ; sens 2,
1700, Mme de Maintenon). 1. Avec excès,
en passant la mesure raisonnable : Elle est
devenue excessivement difficile pour sa
chaussure, elle veut faire valoir son pied
(Balzac). Je sens trop que je n’en pourrais
parler à fond sans parler excessivement
de moi-même (Valéry). ‖ 2. À un degré
extrême, beaucoup, très (sans idée d’excès ;
emploi discuté) : Sa dédaigneuse raillerie
ne contribuait pas médiocrement à la faire
craindre et passer pour une personne exces-
sivement spirituelle (Balzac). Ce qui fit qu’au
bout de peu de temps tout le monde trouva
la forme du nez de Cyrano excessivement
convenable... (Gautier). Le petit monsieur
qui s’était assis en face parut excessivement
surpris (Daudet). Bien souvent, un homme
excessivement riche a toujours un même
veston râpé... (Proust).

• SYN. : 1 démesurément, exagérément,


extraordinairement, follement, monstrueu-
sement, trop ; 2 énormément, extrêmement,
fabuleusement, fort, prodigieusement, très.

exciper [ɛksipe] v. tr. ind. [de] (lat.


excipere, prendre de, retirer de, excepter,
recevoir, recueillir, disposer par une clause
spéciale, et, dans la langue jurid. de basse
époque, « faire une réserve, une opposition,
exciper de », de ex-, préf. marquant le mou-
vement de l’intérieur vers l’extérieur, et de
capere, prendre ; 1279, Godefroy, écrit exce-
per [exciper, XIVe s.], au sens 1 [rare jusqu’au
XVIIIe s.] ; sens 2, av. 1797, Beaumarchais).
1. En droit, tirer de quelque chose une
exception, un moyen préjudiciel d’écar-
ter provisoirement ou définitivement une
demande en justice : Exciper de l’autorité
de la chose jugée. ‖ 2. Faire état de quelque
chose, en tirer argument pour sa défense :
Exciper de sa bonne foi. Et comme j’excipais
de mon droit à user de la vie selon ma fan-
taisie : « Possible ! reprit le commissaire... »
(Courteline). Le principe était de pouvoir,
au bon moment, exciper de services rendus
à la Résistance (Duhamel).

• SYN. : 2 s’autoriser de, prétexter.

excipient [ɛksipjɑ̃] n. m. (lat. excipiens,


-entis, part. prés. de excipere, recevoir
[v. l’art. précéd.] ; 1747, James). En phar-
macie, substance thérapeutique inactive,
à laquelle on incorpore certains médica-
ments en quantités données : Le sirop de
sucre, le miel sont des excipients.

excise [ɛksiz] n. f. (mot angl. désignant


l’impôt de consommation et empr. du néerl.
excijs, même sens, autre forme de accijs [v.
ACCISE] ; 1638, Bonnafé, au sens 1 ; sens
2, 1771, Trévoux). 1. En Grande-Bretagne
et aux États-Unis, nom donné aux droits
payés sur certaines fabrications, certains
produits de consommation ou certains ser-
vices. ‖ 2. Bureau où l’on perçoit ces droits.
excisée [ɛksize] adj. f. (part. passé fém. de
exciser ; début du XXe s.). Dont le clitoris a
été excisé : Toutes les femmes de la région
sont excisées ! C’est, dit-on, pour calmer
leur lubricité et s’assurer de leur fidélité
conjugale (Gide).

exciser [ɛksize] v. tr. (de excis[ion] ;


XVIe s., Godefroy [« enlever le clitoris »,
1870, Larousse — v. l’art. précéd.]). En
chirurgie, enlever avec un instrument
tranchant : Exciser une verrue.

excision [ɛksizjɔ̃] n. f. (lat. excisio, ruine,


destruction, et, à basse époque, « entaille,
coupure », de excīsum, supin de excīdere,
enlever en frappant, en taillant, en cou-
pant, détruire, de ex-, préf. marquant un
mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et de caedere, frapper, battre, fendre ; 1340,
Godefroy, écrit eccision ; excision, v. 1560,
Paré). En chirurgie, ablation opérée avec
un instrument tranchant : L’excision d’une
tumeur. ‖ Absol. Ablation du clitoris.

excitabilité [ɛksitabilite] n. f. (dér. savant


de excitable ; 1808, Boiste, au sens 1 ; sens 2,
av. 1935, P. Bourget). 1. Propriété de ce qui
est excitable. ‖ Faculté qu’ont les corps

vivants de réagir et de se modifier sous l’in-


fluence d’une cause stimulante. ‖ 2. Fig. et
littér. Caractère, état d’une personne irri-
table : C’est le caractère spécial à ces états
d’incontrôlable excitabilité où nous jette
une secousse morale (Bourget).

excitable [ɛksitabl] adj. (de exciter,


d’après le bas lat. excitabilis, propre à réveil-
ler, dér. de excitare [v. EXCITER] ; v. 1265,
J. de Meung, au sens 1 [rare av. le XIXe s.] ;
sens 2, 1865, Taine). 1. Qui peut être excité :
Un organe excitable. ‖ 2. Fig. Qui s’irrite
facilement : [Degas] grand disputeur lui-
même et raisonneur terrible, particuliè-
rement excitable par la politique et par le
dessin (Valéry).

excitant, e [ɛksitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de exciter ; 1613, Gruau, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XIXe s., Baudelaire). 1. Qui excite
le système nerveux, stimule l’organisme :
Le tabac est excitant. ‖ 2. Fig. Qui éveille,
suscite des sensations vives et agréables,
des sentiments intenses : Vois quel charme
excitant la gentillesse donne ! (Baudelaire).
S’il y eût une poésie des merveilles et des
émotions de l’intellect [...], il n’y aurait point
pour elle de sujet plus délicieusement exci-
tant à choisir que la peinture d’un esprit
(Valéry). ‖ Spécialem. et fam. Qui pro-
voque le désir : Une femme excitante.

• SYN. : 1 stimulant, tonique ; 2 enivrant,


exaltant, grisant, passionnant ; agaçant,
aguichant (fam.), capiteux, émoustillant,
provocant. — CONTR. : 1 calmant, sédatif ;
2 abrutissant (fam.), assommant, barbant
(fam.), embêtant (fam.), fastidieux, froid,
languissant ; fade, rebutant, terne.

& excitant n. m. (sens 1, 1870, Larousse ;


sens 2-3, milieu du XIXe s., Baudelaire).
1. Agent physique capable de déterminer
une réaction chez un être vivant, et en par-
ticulier une impression dans un organe
sensoriel. ‖ 2. Substance qui accroît l’acti-
vité de l’organisme, stimule les fonctions
psychiques : Le café, l’alcool sont des exci-
tants. ‖ 3. Fig. Ce qui est propre à stimuler
l’activité dans un domaine donné : Ce sont
des excitants sociaux, avec les avantages et
les périls des excitants en général (Valéry).
• SYN. : 2 stimulant, tonique. — CONTR. :
2 anesthésique, calmant, sédatif,
soporifique.

excitateur, trice [ɛksitatoer, -tris] n.


et adj. (bas lat. excitator, celui qui réveille,
qui excite, de excitatum, supin de excitare
[v. EXCITER] ; v. 1335, Digulleville, au sens
1 ; sens 2, 1890, Dict. général ; sens 3, 1826,
Brillat-Savarin). 1. Personne qui excite, qui
provoque les autres : Il était pour chacun
d’eux l’excitateur toujours présent (Renan).
Et c’était aussi, derrière Jacques, cette horde
d’excitateurs révolutionnaires, dont il lui
avait semblé, hier soir, entendre déjà les
vociférations d’émeute (Martin du Gard).
‖ 2. Dans une communauté religieuse, se
dit de celui ou de celle qui est chargé d’as-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1765

surer le réveil : C’est lui le frère excitateur,


celui qui est debout le premier, pour sonner
la cloche et réveiller les autres (Huysmans).
‖ 3. Ce qui est la cause d’une excitation :
Le goût, qui a pour excitateurs l’appétit,
la faim et la soif... (Brillat-Savarin). ‖ Par
extens. Ce qui incite à faire quelque chose :
Une mémoire sans défaillance n’est pas un
très puissant excitateur à étudier les phé-
nomènes de mémoire (Proust).
• SYN. : 1 agitateur, meneur, provocateur.
& excitateur n. m. (1775, Sigaud de La
Fond). En électricité, instrument à poi-
gnées isolantes, utilisé pour décharger
un condensateur.

& excitatrice n. f. (1888, Larousse).


Génératrice qui fournit le courant d’exci-
tation traversant le circuit inducteur d’un
alternateur industriel.

excitatif, ive [ɛksitatif, -iv] adj. et n. m.


(dér. savant de exciter ; XIVe s., Dict. géné-
ral). Qui est de nature à exciter (rare) : Des
méthodes excitatives.

excitation [ɛksitasjɔ̃] n. f. (bas lat.


excitatio, action de réveiller, excitation,
encouragement, de excitatum, supin de
excitare [v. EXCITER] ; v. 1282, Gauchi,
écrit excitacion [excitation, XVIe s.], aux
sens 1-2 ; sens 3, 1826, Brillat-Savarin ;
sens 4, 1862, Fromentin ; sens 5, 1888,
Larousse). 1. Action d’exciter l’organisme ;
état qui en résulte : L’excitation des sens.
Une excitation due à la fièvre. ‖ Spécialem.
Stimulation d’une extrémité nerveuse
sensitive par un excitant (ou stimulus).
‖ Excitation fonctionnelle, en physiologie,
mise en activité d’un organe, d’un tissu
ou d’une cellule par un excitant interne
(influx nerveux, hormone) ou externe
(action physique, chimique, psychique,
etc.) ; état qui en résulte. ‖ 2. Action d’exci-
ter, de pousser quelqu’un à faire quelque
chose, ou de lui inspirer des sentiments
qui le détermineront à agir d’une certaine
façon : Excitation à la révolte. Suivre les
excitations des meneurs. ‖ Spécialem. En
droit, délit consistant à pousser quelqu’un
à accomplir un acte nuisible à lui-même ou
à la société : Excitation d’un mineur à la
débauche. ‖ 3. Fig. Action de stimuler l’ac-
tivité intellectuelle ou psychique, d’éveiller
des sentiments intenses : Cet esprit positif
[...] avait aimé la littérature pour ses exci-
tations passionnelles (Flaubert). ‖ 4. État
d’agitation ou d’irritation : Dans le train,
il leur fallut [à Paul et à Élisabeth] une
force peu commune pour mater l’excita-
tion (Cocteau). ‖ 5. Production d’un fiux
d’induction magnétique dans l’inducteur
d’un électro-aimant, d’une génératrice,
d’un moteur, etc. ‖ Force magnétomotrice
produisant le flux dans un électro-aimant.
• SYN. : 1 stimulation ; 2 appel, encoura-
gement, exhortation, incitation, instiga-
tion, provocation ; 3 exaltation, griserie,
sollicitation ; 4 effervescence, énervement,
exaspération, fébrilité, nervosité, surexci-
tation. — CONTR. : 4 abattement, apathie,
calme, dépression, flegme, quiétude, séré-
nité, torpeur.

excitatrice n. f. V. EXCITATEUR.

excité, e [ɛksite] adj. et n. (part. passé


de exciter ; 1845, Bescherelle). Que l’on a
mis dans un état d’excitation physique ou
mentale ; qui est, par sa nature, dans cet
état : Un auditoire excité. De jeunes excités.
• SYN. : agité, énervé, enragé (fam.), exalté,
forcené, frénétique, nerveux ; énergumène.

— CONTR. : apathique, calme, flegmatique,


impassible, imperturbable, indifférent.

exciter [ɛksite] v. tr. (lat. excitare, faire


sortir, faire lever, faire se dresser, exciter,
animer, fréquentatif de excire, faire venir,
faire sortir, de ex-, préf. marquant le mou-
vement de l’intérieur vers l’extérieur, et de
c—ire, ciere, mettre en mouvement ; v. 1170,
G. de Saint-Pair, écrit esciter [exciter,
XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, fin du XIVe s., E. Deschamps ; sens 4,
1826, Brillat-Savarin ; sens 5, XIIIe s., Littré ;
sens 6-7, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 8-10,
début du XXe s.). 1. Class. Éveiller, réveiller :
Je ne sais si ce que j’appelle veiller n’est peut-
être pas une partie un peu plus excitée d’un
sommeil profond (Bossuet). ‖ 2. Provoquer,
faire naître une réaction physique ou
physiologique : Exciter les larmes, le rire.
Comme un taureau je beugle, | Des chiens
excitant les abois (Gautier). ‖ Spécialem.
Déclencher l’activité d’un organe, d’un
tissu ou d’une cellule : Exciter un muscle,
un nerf. ‖ 3. Provoquer une réaction psy-
chologique : Sa fortune n’étant connue
qu’au moment où il n’y avait plus de danger
à être riche, il n’excita l’envie de personne
(Balzac). Il est rare qu’une oeuvre d’art sou-
lève quelque animosité sans exciter d’autre
part quelque sympathie (Sand). Plusieurs
choses me divertissent et excitent ma curio-
sité (Musset). ‖ 4. Activer, stimuler les
fonctions organiques ou intellectuelles :
Exciter l’appétit. Le café excite le système
nerveux. ‖ 5. Accroître, rendre plus vif
(un sentiment) : Exciter le courage des sol-
dats. ‖ Littér. Rendre plus ardent, ranimer
quelque chose : Elle a donc oublié, le soir,
seule et penchée, | D’exciter une flamme à la
cendre arrachée... (Rimbaud). ‖ 6. Exciter
à, pousser, encourager vivement quelqu’un
à une action, à faire quelque chose : Exciter
quelqu’un au crime, à combattre. ‖ Class.
Exciter de, porter, pousser quelqu’un à :
Quand je considère toutes ces choses, je suis
excité de prendre la lyre pour les chanter
(La Fontaine). ‖ 7. Stimuler vivement les
réactions d’une personne ou d’un groupe
de personnes ; produire un état d’excita-
tion, d’agitation : L’Assemblée, approuvée
et excitée par l’enthousiasme des tribunes...
(Bainville). ‖ Spécialem. Mettre dans un
état d’irritation, de colère : Ils s’amusaient à
exciter un brave chien débonnaire, qui som-
meillait, le museau allongé entre ses pattes
(Rolland). Exciter une personne contre une

autre. ‖ Provoquer le désir sensuel de.


‖ 8. Stimuler l’ardeur ou le courage de :
Chaque fois qu’il ouvrait la bouche pour
exciter ses bêtes, des bouffées odorantes lui
sortaient des lèvres (Fromentin). Exciter
les combattants. ‖ 9. Éveiller les pas-
sions instinctives, pousser à l’agitation :
Exciter la foule par un discours violent.
‖ 10. Envoyer un courant d’excitation dans
le circuit magnétique d’une génératrice,
d’un moteur, etc.

• SYN. : 2 causer, déchaîner, déclencher,


occasionner ; 3 attirer, déterminer, engen-
drer, entraîner, éveiller, piquer, réveiller,
soulever ; 4 aiguiser, fouetter, surexciter ; 5
aiguillonner, aviver, enflammer, éperonner ;
6 engager, entraîner, exhorter, inciter, invi-
ter, porter, presser ; 7 échauffer, électriser,
emballer (fam.), embraser, enfiévrer, exalter,
griser, transporter ; agacer, taquiner, tour-
menter ; braquer, dresser, irriter, monter ;
aguicher (fam.), allumer, émoustiller, provo-
quer, troubler ; 8 animer, encourager, galva-
niser, survolter (fam.) ; 9 ameuter, soulever.

— CONTR. : 2 apaiser, calmer ; 3 étouffer,


éteindre, freiner, refréner ; 4 anesthésier,
endormir, engourdir ; 5 amortir, arrêter,
brider, entraver, gêner, modérer, tempérer ;
6 détourner, empêcher, interdire, retenir ;
7 assagir, calmer, détendre ; 8 décourager,
rabrouer ; 9 pacifier, rasséréner, rassurer,
tranquilliser.

& s’exciter v. pr. (sens 1, XIIe s. ; sens 2,


XXe s. ; sens 3, 1892, G. Esnault). 1. Class.
S’élever, naître : Quelle effroyable tempête
s’est excitée en nos jours, touchant la grâce
et le libre arbitre ! (Bossuet) ; et impers. :
Il s’excite un tourbillon afin qu’Élie soit
emporté dans le ciel (Retz). ‖ 2. S’énerver,
perdre le contrôle de soi : S’exciter en discu-
tant. ‖ 3. Fam. S’exciter sur quelque chose,
y prendre un très vif intérêt : Une heure
de gammes, il n’y a pas de quoi s’exciter
là-dessus (Romains).
exciteur, euse [ɛksitoer, -øz] adj. et n.
(de exciter ; 1648, Scarron). Qui excite : Ces
gens volaient des enfants pour en faire des
mendigots exciteurs de pitié (Guillaumin).

excito-moteur, trice [ɛksitɔmɔtoer,


-tris] adj. (de excito-, élément tiré de excita-
tion, exciter, et de moteur ; 1865, Littré). Qui
produit l’excitation motrice des muscles ;
qui se rapporte à cette excitation : Les nerfs
excito-moteurs.

exclamatif, ive [ɛksklamatif, -iv] adj.


(dér. savant de [s’]exclamer ; 1747, abbé
G. Girard). Qui marque ou exprime l’ex-
clamation : Phrase exclamative. Adjectif
exclamatif.

exclamation [ɛksklamasjɔ̃] n. f. (lat.


exclamatio, éclats de voix, cris, exclamation
[en rhétorique], de exclamatum, supin de
exclamare [v. EXCLAMER] ; 1311, A. Thierry,
au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne [point
d’exclamation, 1865, Littré]). 1. Cri expri-
mant un sentiment vif, une émotion vio-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1766

lente, et qu’on laisse échapper au moment


même où ce sentiment, cette émotion sont
ressentis : La vieille laissa échapper une
exclamation de surprise (Mérimée). Le
sous-chef eut un sursaut et étouffa mal une
exclamation (Courteline). ‖ 2. Spécialem.
En grammaire, mot interjectif, ou phrase
réduite, dans lesquels l’intonation exprime
une émotion vive ou une réaction à la fois
intellectuelle et affective. (Ex. :Quel gas-
pillage !) ‖ Point d’exclamation, signe de
ponctuation ( !) que l’on place après un
mot interjectif ou une phrase de tour
exclamatif.

exclamativement [ɛksklamativmɑ̃]
adv. (de exclamatif ; 1865, Littré). De façon
exclamative.

exclamer (s’) [sɛksklame] v. pr. (lat.


exclamare, s’écrier, retentir, déclamer, de
ex-, préf. à valeur intensive, et de clamare,
pousser des cris ; début du XVIe s.). Pousser
une exclamation : Oui-da et pardi ! s’ex-
clama-t-elle, on va vous obéir comme une
enfant de trois ans ! (Sand). ‖ Spécialem.
S’exclamer sur, manifester par des exclama-
tions son admiration pour : On s’exclame
sur des richesses, et des beautés, et des puis-
sances du dehors (Barrès).

• SYN. : s’écrier, se récrier.

& exclamer v. tr. (1495, J. de Vignay). Class.


Mêmes sens : Les savants anglais [...] excla-
ment de n’y avoir trouvé que des chicanes
(Chapelain).

exclu, e [ɛkskly] adj. et n. (part. passé de


exclure ; XIVe s.). Qui a été rejeté, chassé
du groupe, de l’organisation dont il faisait
partie, de l’établissement où il était admis :
Un élève exclu. Les exclus de l’armée.

• SYN. : expulsé, renvoyé. — CONTR. : admis,


pris, reçu.

& adj. (1690, Furetière, au sens 1 ; sens 2-3,


XXe s.). 1. Qui est en dehors des limites
fixées ; qui n’est pas compris dans quelque
chose : Apprendre jusqu’au vers 25 exclu.
‖ 2. Il est exclu que,il est hors de ques-
tion que : Il est exclu que le président de la
République assiste à cette inauguration.
‖ S’emploie surtout à la forme négative :
Il n’est pas exclu que, il est possible que.
‖ Fam. et absol. Ce n’est pas exclu, la chose
peut arriver. ‖ 3. Incompatible avec une
autre proposition. ‖ Principe du tiers
exclu, l’un des principes fondamentaux
de la logique classique, s’énonçant ainsi :
« De deux propositions contradictoires,
l’une est vraie et l’autre est fausse, il n’y a
pas de milieu. »

• CONTR. : inclus.

• REM. V. EXCLURE.

exclure [ɛksklyr] v. tr. (lat. excludere, ne


pas admettre, repousser, rejeter, empêcher,
de ex-, préf. marquant l’expulsion, et de
claudere, fermer, clore [v. aussi ÉCLORE] ;
v. 1355, Bersuire, au sens 3 ; sens 1, milieu
du XVIe s., Amyot ; sens 2, XXe s. ; sens 4-5,

av. 1662, Pascal). [Conj. 62.] 1. Mettre


quelqu’un dehors, le chasser du lieu où il
a été admis : Exclure un perturbateur d’une
réunion publique. ‖ Par extens. Rejeter
d’une organisation, d’un groupe : Exclure
un membre d’un parti politique, d’un syn-
dicat. ‖ 2. Rejeter une chose de l’ensemble
auquel elle appartient : J’ai exclu de ma
bibliothèque tous les périodiques encom-
brants. ‖ 3. Ne pas permettre à quelqu’un
d’accéder à quelque chose auquel il pensait
avoir droit ; écarter quelqu’un de quelque
chose : Exclure quelqu’un d’une succession,
d’une fête, de ses relations. On a raison d’ex-
clure les femmes des affaires politiques et
civiles (Staël). ‖ Class. Exclure de (et l’infi-
nitif), empêcher de : Je ne prétends pas vous
exclure d’écrire pour vos affaires (Bossuet).
‖ 4. Fig. Ne pas admettre la présence de :
Sturel était de ces gens qui, de propos déli-
béré, excluent absolument de leur imagina-
tion les réalités mesquines (Barrès). ‖ 5. Fig.
Être incompatible avec : L’amitié exclut la
dissimulation. La faveur des princes n’exclut
pas le mérite (La Bruyère).

• SYN. : 1 écarter, éconduire, expulser, limo-


ger (fam.), radier, vider (pop.) ; 2 éliminer,
ôter, retrancher ; 3 évincer, éloigner, forclore
(littér.) ; 4 bannir, proscrire, refouler, rejeter,
repousser ; 5 empêcher, interdire, s’oppo-
ser à. — CONTR. : 1 accueillir, admettre,
recevoir ; inclure, inscrire, intégrer ; réha-
biliter ; 2 incorporer, insérer ; 3 accepter,
autoriser, introduire, inviter ; 5 comporter,
comprendre, souffrir, supporter.

• REM. Jusqu’au XVIIe s., les formes du


participe passé étaient exclus, excluse :
Pourquoi de ce conseil moi seule suis-je
excluse ? (Racine).

& s’exclure v. pr. (sens 1, av. 1799,


Marmontel ; sens 2, av. 1794, Condorcet).
1. En parlant de quelqu’un, se retirer volon-
tairement de ; se mettre hors de : Il s’exclut
de notre compagnie. Par ses manquements
à la discipline, il s’est exclu lui-même de son
parti. ‖ 2. Fig. En parlant de deux choses,
être incompatibles : La critique et l’esthé-
tique ne s’excluent pas (Renan).

exclusif, ive [ɛksklyzif, -iv] adj. (lat.


scolast. médiév. exclusivus, de exclu-
sum, supin de excludere [v. EXCLURE] ;
milieu du XVe s., au sens 1 ; sens 2, 1748,
Montesquieu ; sens 3, 1762, J.-J. Rousseau ;
sens 4, 1865, Littré). 1. Qui exclut une
autre chose comme incompatible : Sous
cette forme concrète exclusive de toute imi-
tation (Baudelaire). ‖ 2. Qui appartient
uniquement à quelqu’un par privilège
spécial : Droit exclusif de reproduction.
La gourmandise est l’apanage exclusif de
l’homme (Brillat-Savarin). ‖ Spécialem.
Article exclusif, spécialité d’une maison
commerciale qu’on ne trouve nulle part
ailleurs. ‖ Par extens. Agent exclusif, per-
sonne seule habilitée, dans une région, à
prospecter la clientèle, à lancer une marque.
‖ 3. Qui domine seul et n’admet aucun
partage : Le christianisme a fait de l’amour
de la patrie un amour principal et non un
amour exclusif (Chateaubriand). Mais, en
quelques semaines, avec la rapidité du feu,
leur camaraderie était devenue une passion
exclusive, où l’un et l’autre trouvaient enfin
le remède à une solitude morale dont cha-
cun avait souffert sans le savoir (Martin
du Gard). ‖ 4. Se dit d’une personne qui
s’attache à un seul objet et n’admet pas des
opinions ou des goûts différents des siens :
Une femme exclusive. Caractère exclusif.
• SYN. : 2 particulier, propre, spécial, spé-
cifique ; 3 absolu, égoïste, unique ; 4 buté,
entier, intolérant, intransigeant, sectaire.

— CONTR. : 3 éclectique, large ; 4 libéral,


ouvert, tolérant.

exclusion [ɛksklyzjɔ̃] n. f. (lat. exclusio,


exclusion, action d’éloigner, de exclusum,
supin de excludere [v. EXCLURE] ; v. 1220,
G. de Coincy, écrit esclure [exclure, XVIIe s.],
au sens 1 [rare du XIVe au XVIe s.] ; sens
2, 1662, La Rochefoucauld ; sens 3, milieu
du XXe s.). 1. Action de chasser, d’exclure
quelqu’un d’un lieu ou d’une organisa-
tion : Faire des vers français [au sémi-
naire] passait pour un exercice des plus
dangereux et aurait entraîné l’exclusion
(Renan). ‖ 2. Class. et littér. Action de
tenir quelqu’un à l’écart, de le repousser :
[Mazarin] étant créature du cardinal de
Richelieu, cette raison-là seule lui devait
donner l’exclusion (La Rochefoucauld).
Ce fut une faveur du ciel pour nous d’avoir
échappé à l’esprit d’exclusion qui se parta-
gea le XVIe siècle (Quinet). ‖ 3. Spécialem.
Type d’opération visant à soustraire du
circuit gastro-intestinal un segment plus
ou moins étendu du tube digestif.

• SYN. : 1 élimination, excommunication,


expulsion, radiation, renvoi, révocation.
& À l’exclusion de loc. prép. (1649,
Descartes). A l’exception de, en excluant :
Tout le monde vint le voir à l’hôpital, à
l’exclusion de son frère.

• SYN. : en dehors de, hormis, hors, sauf.

exclusive [ɛksklyziv] n. f. (fém. substan-


tivé de exclusif ; XVIe s., au sens 1 ; sens
2, av. 1922, Proust). 1. Mesure d’exclusion
prononcée en conclave contre un candidat
au pontificat : Mais, d’autre part, il y aura
des luttes personnelles entre les prétendants
qui réunissent un certain nombre de voix
et, comme il ne faut qu’un tiers des voix du
conclave, plus une, pour donner l’exclu-
sive, qu’il ne faut pas confondre avec le droit
d’exclusion, le ballottage entre les candi-
dats se pourra prolonger (Chateaubriand).
‖ 2. Disposition prise à l’égard d’une
personne, d’un groupe de personnes,
d’un parti, etc., pour les tenir systémati-
quement à l’écart : Jeter l’exclusive contre
quelqu’un. Dans ce milieu Guermantes [...],
on prononçait l’exclusive pour des hommes
éminents qu’on trouvait ennuyeux ou vul-
gaires (Proust).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1767

exclusivement [ɛksklyzivmɑ̃] adv. (de


exclusif ; 1410, N. de Baye, au sens 1 ; sens
2, av. 1799, Marmontel). 1. En excluant, en
exceptant la partie que l’on donne pour
limite (par opposition à inclusivement) :
Vous étudierez les fables du premier recueil,
du livre Ier au livre VII exclusivement.
‖ 2. D’une manière exclusive, uniquement :
Dans le fait, j’ai été exclusivement élevé par
mon excellent grand-père, M. Henri Gagnon
(Stendhal). Dégoûtés du monde, ils réso-
lurent de ne plus voir personne, de vivre
exclusivement chez eux (Flaubert).

• SYN. : 1 seulement ; 2 exclu, non compris.

exclusivisme [ɛksklyzivism] n. m. (de


exclusif ; 1835, Ch. Fourier). Esprit de parti
pris des gens exclusifs : L’exclusivisme de
ces deux êtres tue notre dîner (Goncourt).
Or, parmi les traits particuliers au salon de
la princesse de Guermantes, le plus habi-
tuellement cité était un exclusivisme dû en
partie à la naissance royale de la princesse
(Proust).

exclusivité [ɛksklyzivite] n. f. (de


exclusif ; av. 1778, Voltaire, écrit exclu-
siveté [exclusivité, début du XIXe s.], au
sens 1 ; sens 2, 1877, Littré [pour un film,
1911, Giraud]). 1. Caractère de ce qui est
exclusif : [La charité] a de la passion tout
ce qui est feu, impétuosité, austérité, exclu-
sivité, tyrannie (Montherlant). ‖ 2. Droit
exclusif de publier un article, de vendre
un livre, de projeter un film : Se réserver
l’exclusivité de la publication d’un ouvrage.
‖ Monopole de fabrication, de distribu-
tion ou de présentation d’un produit. ‖ En
exclusivité, se dit d’une publication, d’une
vente, d’une projection dont l’autorisation
a été réservée exclusivement à un nombre
restreint de personnes, qui l’effectuent en
des lieux déterminés : Film projeté en exclu-
sivité. Vente d’un produit en exclusivité.
‖ Convention d’exclusivité, convention par
laquelle des commerçants s’engagent à se
fournir à un industriel déterminé, ou qui
réserve à un client les productions d’un
fabricant.

excommunication [ɛkskɔmynikasjɔ̃] n.
f. (bas lat. ecclés. excommunicatio, de excom-
municatum, supin de excommunicare [v.
EXCOMMUNIER] ; XIVe s., Dict. général, écrit
excommunicacion [excommunication, 1541,
Calvin], au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Censure
prononcée par les autorités ecclésiastiques et
qui exclut une personne de la communion
de l’Église ; état de la personne qui se trouve
ainsi censurée : Lancer, fulminer une excom-
munication. L’excommunication de Henri
VIII. ‖ Mesure par laquelle quelqu’un est
retranché de la communion d’une Église
protestante : Cette excommunication ne pou-
vait non plus se faire que par le consistoire
(Rousseau). ‖ 2. Exclusion d’une personne
d’un groupement dont elle faisait partie.
• SYN. : 1 anathème ; 2 expulsion, radiation.

excommunicatoire [ɛkskɔmynika-
twar] adj. (dér. savant de excommuni-
cation ; milieu du XVe s.). Littér. Propre
à l’excommunication : Le cérémonial
excommunicatoire.

excommunié, e [ɛkskɔmynje] adj. et n.


(part. passé de excommunier [v. ce mot] ;
XIIIe s.). Qui a été frappé d’excommunica-
tion : Vous fûtes l’allié de Manfred, l’ami
du sultan de Luceria, de l’astrologue, du
renégat, de l’excommunié (France).

excommunier [ɛkskɔmynje] v. tr. (bas


lat. ecclés. excommunicare, excommunier,
proprem. « mettre hors de la commu-
nauté », de ex-, préf. marquant l’exclusion,
et de communis, commun [v. COMMUN] ;
v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit escumu-
nier [escomenier, fin du XIIe s. ; excommu-
nier, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, v. 1240,
G. de Lorris). 1. Rejeter hors de la com-
munion de l’Église : Le nonce du pape
[...] menace de les excommunier (Balzac).
‖ 2. Rejeter hors d’une organisation, d’une
communauté : L’homme de parti excom-
munierait volontiers les trois quarts d’une
nation pour l’épurer (Ségur).

• SYN. : 2 bannir, chasser, exclure, expulser,


radier.
ex consensu [ɛkskɔ̃sɛ̃sy] loc. adv. (loc.
lat. signif. « avec l’accord de » [plus sou-
vent ex communi consensu, d’un com-
mun accord, à l’unanimité], de ex, selon,
et consensu, ablatif de consensus, accord
[v. CONSENSUS] ; XXe s.). Avec l’accord,
l’assentiment de la personne à qui l’on
s’adresse ou de qui l’on parle.

excoriation [ɛkskɔrjasjɔ̃] n. f. (de exco-


rier ; v. 1398, Somme Me Gautier, écrit
excoriacion ; excoriation, v. 1560, Paré).
Légère écorchure ou plaie qui n’affecte que
l’épiderme.

• SYN. : égratignure, éraflure, griffure.

excorier [ɛkskɔrje] v. tr. (bas lat. exco-


riare, ôter la peau, écorcher, de ex-, préf.
à valeur privative, et de corium, peau des
animaux ou de l’homme [v. CUIR] ; 1541,
J. Canappe [mais probablem. plus anc.,
v. l’art. précéd.]). Écorcher superficielle-
ment : La pointe du clou lui a excorié la
peau.

• SYN. : égratigner, érafler, griffer.

excrément [ɛkskremɑ̃] n. m. (lat. excre-


mentum, criblure, excrétion, déjection,
excrément, de excretum, supin de excer-
nere, passer au tamis, cribler, rendre par
évacuation, de ex-, préf. à valeur intensive,
et de cernere, cribler, tamiser, distinguer ;
1534, Rabelais, au sens 1 ; sens 2, 1668,
La Fontaine). 1. Matière excrétée du corps
de l’homme ou des animaux par les voies
naturelles : L’urine, la sueur sont des excré-
ments. ‖ Spécialem. Résidus de la digestion
évacués par le rectum : Heureux les pays
où l’on trouve des grottes naturelles pleines
d’excréments d’oiseaux (Flaubert). ‖ 2. Fig.

et littér. Personne vile, individu mépri-


sable : Va-t’en, chétif insecte, excrément
de la terre (La Fontaine). Le duc d’Estrées
et Mazarin étaient des excréments de la
nature humaine (Saint-Simon).

• SYN. : 1 caca (fam.), chiure, crotte, crot-


tin, déjection, étron (pop.), excrétion, fèces,
fiente, merde (triv.), selles.

excrémentation [ɛkskremɑ̃tasjɔ̃] n. f.
(de excrément ; 1870, Larousse). En termes
de physiologie, action d’évacuer les
excréments.

excrémenteux, euse [ɛkskremɑ̃tø,


excrémenteux, euse [ɛkskremɑ̃tø,
-øz] adj. (de excrément ; 1560, Paré). Qui
contient un excrément (rare) : La partie
excrémenteuse des aliments.

excrémentiel, elle [ɛkskremɑ̃sjɛl]


adj. (de excrément ; v. 1560, Paré). De
la nature de l’excrément : Des matières
excrémentielles.

excreta [ɛkskreta] n. m. pl. (mot lat.


signif. proprem. « criblures », plur. de
excretum, part. passé neutre substan-
tivé de excernere [v. EXCRÉMENT] ; 1865,
Littré). Substances rejetées hors de l’orga-
nisme, soit directement, comme l’urine,
les matières fécales, soit indirectement,
comme les sécrétions du foie, du pan-
créas, etc.

excréter [ɛkskrete] v. tr. (de excrét[ion] ;


1836, Raymond). [Conj. 5 b.] Éliminer de
l’organisme par excrétion.

excréteur, trice [ɛkskretoer, -tris] adj.


(de excrét[ion] ; v. 1560, Paré). Qui sert à
l’excrétion : Organes excréteurs. Un conduit
excréteur.

excrétion [ɛkskresjɔ̃] n. f. (dér. savant du


lat. excretum, supin de excernere, cribler,
rendre par évacuation [v. EXCRÉMENT],
sur le modèle du lat. ecclés. excretio, cri-
blures, lui-même dér. de excretum ; 1534,
Rabelais, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré).
1. Opération par laquelle sont éliminés
les déchets de l’organisme. ‖ Spécialem.
Action par laquelle les produits élaborés
par une glande (sécrétion) sont rejetés
hors de cette glande et hors de l’organisme.
‖ 2. Le déchet ainsi éliminé : Sanctorius
[...] employa un demi-siècle à peser quoti-
diennement sa nourriture avec toutes ses
excrétions (Flaubert).

• SYN. : 1 élimination, évacuation,


expulsion.

excrétoire [ɛkskretwar] adj. (de


excrét[ion] ; 1536, G. Chrestien). Qui
est relatif à l’excrétion : Des troubles
excrétoires.

excroissance [ɛkskrwasɑ̃s] n. f. (franci-


sation, d’après croissance [v. ce mot], du lat.
excrescentia, excroissance, dér. de excres-
cere, se développer, s’accroître, former une
excroissance, de ex-, préf. à valeur inten-
sive, et de crescere, naître, croître ; 1314,
Mondeville, écrit excressance [excroissance,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1768

v. 1560, Paré], au sens 1 ; sens 2, 1770,


Ch. Bonnet ; sens 3, 1771, Voltaire).
1. Tumeur qui se forme sur une partie
quelconque du corps de l’homme ou de
l’animal : Les verrues et les polypes sont
des excroissances. ‖ En botanique, déve-
loppement parasite dans une partie quel-
conque d’une plante. ‖ 2. Protubérance
qui apparaît à la surface de quelque chose :
Par endroits, dans les bruyères désertes, une
excroissance de roches s’achève en chau-
mière (Hugo). ‖ 3. Fig. Développement
parasitaire de quelque chose : C’était assez
pour réveiller en lui l’ancienne angoisse,
lamentable et contradictoire excroissance
de son amour (Proust).

• SYN. : 1 protubérance.

excru, e [ɛkskry] adj. (de ex- [lat. ex-, préf.


marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur] et de crû, part. passé de croître ;
1870, Larousse). En sylviculture, se dit d’un
arbre qui croît hors des forêts, mais sur un
sol qui en dépend.

excurrent, e [ɛkskyrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


excurrens, -entis, part. prés. de excurrere,
courir hors de, s’étendre hors de, être long
ou saillant, se prolonger, s’avancer [v. l’art.
suiv.] ; XXe s.). Se dit des troncs continus
jusqu’au sommet, comme chez les pins, et
des nervures médianes dépassant le limbe,
comme chez certaines mousses.

excursion [ɛkskyrsjɔ̃] n. f. (lat. excur-


sio, excursion, voyage, incursion, irruption,
digression, de excursum, supin de excur-
rere, courir hors de, sortir en courant,
s’éloigner en hâte, de ex-, préf. marquant
le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et de currere, courir ; 1530, Dict. général,
écrit excurcion [excursion, 1718, Acad.],
au sens de « course à main armée sur le
territoire ennemi » ; sens I, 1, 1772, J.-J.
Rousseau ; sens I, 2, 1811, Wailly ; sens II,
milieu du XXe s.).

I. 1. Voyage d’agrément ou d’étude fait


dans une région : Une excursion en mon-
tagne, en forêt. Une excursion de la jour-
née au Mont-Saint-Michel. Mais ce dont
je me souviens avec précision, c’est de
l’excursion que nous fîmes du pont Saint-
Nicolas à tel village non loin du Gardon
(Gide). ‖ 2. Fig. et littér. Développement
qui éloigne du domaine traité : Un confé-
rencier qui se laisse aller à quelques excur-
sions hors du sujet.

II. Excursion de fréquence, en radiotech-


nique, écart maximal par rapport à la fré-
quence moyenne.

• SYN. : 1 promenade, randonnée, tour,


tournée (fam.), virée (fam.), voyage.

excursionner [ɛkskyrsjɔne] v. intr. (de


excursion ; fin du XIXe s.). Faire une excur-
sion, une longue promenade : Excursionner
en Italie.

excursionniste [ɛkskyrsjɔnist] n. (de


excursion ; 1852, Th. Gautier). Personne
qui fait une excursion (vieilli) : Un de ces
refuges [...] où les excursionnistes trouvent
un feu et un lit de planches dures (Daudet).
• SYN. : promeneur, touriste, voyageur.

excursus [ɛkskyrsys] n. m. (mot lat.


signif. « excursion, incursion, digression »,
de excursum, supin de excurrere [v. EXCUR-
SION] ; 1865, Littré). Dissertation en forme
de digression, à l’occasion d’un passage
d’un auteur ancien.

excusabilité [ɛkskyzabilite] n. f. (dér.


savant de excusable ; 1873, d’après Littré,
1877). En droit, qualité du failli dont on a
reconnu l’honnêteté, la bonne foi.

excusable [ɛkskyzabl] adj. (de excuser,


d’après le lat. excusabilis, excusable, par-
donnable, dér. de excusare [v. EXCUSER] ;
fin du XIIIe s., Godefroy). Que l’on peut
excuser, qui mérite l’indulgence : On n’est
jamais excusable d’être méchant, mais il y a
quelque mérite à savoir qu’on l’est ; et le plus
irréparable des vices est de faire le mal par
bêtise (Baudelaire). Un si jeune homme était
excusable de ne pas comprendre la valeur
de l’argent (Barrès). Une erreur excusable.
‖ Spécialem. Crime ou délit excusable, en
termes de droit, crime ou délit dont l’auteur
bénéficie d’une excuse légale.

• SYN. : pardonnable.

excuse [ɛkskyz] n. f. (déverbal de excu-


ser ; XIVe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1549,
Marguerite de Navarre ; sens 3, 1810, Code
pénal). 1. Raison que l’on donne pour se
disculper ou pour disculper autrui : Il dit
cela en manière d’excuse et pour colorer
son départ (Gide). ‖ Circonstance propre
à disculper : Il n’a pas pu venir ; le mau-
vais temps est son excuse. ‖ Class. Faire
excuse à quelqu’un de quelque chose, lui en
demander pardon : Oui, je l’aime, Sévère,
et n’en fais point d’excuse (Corneille). Je lui
fis excuse d’avoir mal pris son sentiment
(Pascal). ‖ Pop. Faites excuse, je vous
demande pardon. (S’emploie parfois avec
une nuance plaisante pour présenter une
objection, une réfutation.) ‖ 2. Motif que
l’on invoque pour se soustraire à une obli-
gation : Se trouver une bonne excuse pour ne
rien faire. ‖ Spécialem. Justification pro-
duite : Apporter un mot d’excuse. ‖ Class.
Prendre excuse, prendre prétexte : L’excuse
qu’elle prit, c’est qu’elle craignait d’être volée
par les troupes qui sont par les chemins
(Sévigné). ‖ 3. Excuse légale, fait précis,
prévu par la loi, dont la constatation par
le juge entraîne une réduction ou même
parfois l’exemption de la peine.

• SYN. : 1 décharge, défense, justification ;


2 prétexte, raison.

& excuses n. f. pl. (1690, Furetière).


Expression du regret d’avoir offensé
quelqu’un : Exiger des excuses. J’ignorais
que ce fût à moi de vous présenter des
excuses de ce que vous avez failli me ren-

verser (Barrès). ‖ Par extens. Terme de


politesse pour disposer son interlocuteur
ou son correspondant à l’indulgence quand
on a manqué à quelque devoir : Je vous fais
mes excuses d’avoir tant tardé à vous écrire.
• SYN. : pardon.

excuser [ɛkskyze] v. tr. (lat. excusare,


excuser, justifier, disculper, alléguer comme
excuse, proprem. « mettre hors de cause »,
de ex-, préf. à valeur privative ou négative,
et de causa, cause, raison, motif ; v. 1190,
Sermons de saint Bernard, écrit escuser
[excuser, v. 1398, le Ménagier de Paris], au
sens 1 ; sens 2, 1668, Racine ; sens 3, XXe s. ;
sens 4, av. 1549, Marguerite de Navarre ;
sens 5, 1670, Molière ; sens 6, v. 1283,
Beaumanoir). 1. Disculper quelqu’un d’une
faute, d’un manquement involontaire ou
non, en acceptant des excuses, en admet-
tant des circonstances atténuantes : Il faut
l’excuser s’il n’a pas dit toute la vérité : il ne
la connaissait pas. ‖ 2. Accepter les motifs
que quelqu’un invoque pour se dispenser
de faire quelque chose ou pour prendre la
liberté de faire autre chose : Votre Altesse
m’excusera si je rentre au palais (Musset).
‖ Excusez-moi, vous m’excuserez, formules
de politesse employées pour atténuer l’effet
d’une contradiction ou d’une parole, d’un
geste plus ou moins involontaire et qui peut
être désagréable. ‖ Vous êtes tout excusé,
formule par laquelle on exprime sa bien-
veillance à une personne qui présente des
excuses. ‖ Fam. Excusez du peu !, se dit
pour exprimer plaisamment son étonne-
ment de l’outrance d’une attitude, d’un
comportement, ou de l’excès de quelque
chose. ‖ 3. Demander à quelqu’un d’être
indulgent envers une personne pour une
action condamnable qu’elle a commise :
Écrire au proviseur pour excuser son fils.
‖ 4. Excuser une faute, la pardonner, ne pas
en tenir rigueur à son auteur : Excuser une
parole malheureuse, un oubli. ‖ 5. Class.
Excuser quelque chose à quelqu’un, lui pré-
senter cette chose comme excusable : Je
lui excusai même la conduite de Monsieur
(Retz). ‖ 6. En parlant d’une chose, servir
d’excuse à quelqu’un ou à quelque chose :
La peur excuse cette inhospitalité redou-
table (Hugo).

• SYN. : 1 absoudre, innocenter, pardonner ;


4 admettre, passer, remettre, tolérer ; 6 jus-
tifier, légitimer.

& s’excuser v. pr. (sens 1, 1273, Adenet ; sens


2, 1580, Montaigne ; sens 3, 1859, Michelet).
1. Se disculper en présentant ses excuses : Il
reconnaît les faits, s’en excuse, et ne cherche
pas même à les expliquer (Gide). ‖ Class.
S’excuser sur, rejeter sur quelque chose
ou sur quelqu’un la responsabilité d’une
faute, d’une erreur : Elle s’excusa sur ce
qu’elle n’avait jamais vu le Roi (Vaugelas).
‖ 2. Class. et littér. Refuser poliment de :
Lorsque Mendose le voulut mener chez elle,
il trouvait toujours quelque prétexte pour
s’en excuser (Lesage). ‖ 3. S’excuser de, faire
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1769

quelque chose en présentant ses excuses :


Je m’excuse de vous contredire.

exeat [ɛgzeat] n. m. invar. (mot lat. signif.


proprem. « qu’il sorte » [3e pers. du sing. du
subj. prés. de exire, sortir de, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et de ire, aller], employé comme
dans le droit ecclés. et dans la langue des
collèges ; 1622, Sorel, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, 1865, Littré). 1. Permis de
sortie délivré à un élève, dans certains col-
lèges. ‖ 2. Autorisation officielle accordée
à un prêtre par son évêque de passer dans
un autre diocèse. ‖ 3. Vx et fig. Donner son
exeat à quelqu’un, le renvoyer, le congédier.

exécrable [ɛgzekrabl] adj. (lat. ex[s]


ecrabilis, exécrable, abominable, de ex[s]
ecrare [v. EXÉCRER] ; v. 1355, Bersuire, au
sens 2 [rare av. 1688, La Bruyère] ; sens 1,
1530, Lefèvre d’Étaples). 1. Se dit d’une
personne ou d’une chose qui inspire le
dégoût, l’horreur : La cause la plus sainte
se change en une cause impie, exécrable,
quand on emploie le crime pour la soute-
nir (Lamennais). Si le crime de Bocca est à
ce point exécrable, ne vous repentez-vous
point de l’avoir causé ? (France). ‖ 2. Très
mauvais, que l’on ne peut supporter : Des
gravures exécrables qui ôtent l’appétit
(Balzac). Cottard pestait du retard, peut-
être par remords, et partit avec une humeur
exécrable qu’il fallut tous les plaisirs du
mercredi pour arriver à dissiper (Proust). Ce
ne sont peut-être pas là de bons vers ; mais
sûrement c’est de la prose exécrable (Gide).
• SYN. : 1 abominable, détestable, haïssable,
hideux, monstrueux, odieux, répugnant ; 2
affreux, déplorable, épouvantable, infect.

exécrablement [ɛgzekrabləmɑ̃] adv. (de


exécrable ; XVe s., Godefroy). D’une manière
exécrable : Il parle exécrablement.

exécration [ɛgzekrasjɔ̃] n. f. (lat. ex[s]


ecratio, serment [accompagné d’impréca-
tions contre soi en cas de parjure], impréca-
tion, malédiction, de ex[s]ecratum, supin de
ex[s]ecrare [v. EXÉCRER] ; XIIIe s., Godefroy,
au sens I, 3 ; sens I, 1, 1580, Montaigne ; sens
I, 2, 1657, Pascal ; sens II, 1771, Trévoux).

I. 1. Class. Imprécation violente faite en


vouant ce que l’on déteste aux plus ter-
ribles maux : La royauté fut abolie avec
des exécrations horribles contre ceux qui...
(Bossuet). ‖ 2. Sentiment de répulsion,
d’horreur extrême : Un crime qui suscite
l’exécration. Mais ce qu’il faut vouer à
l’exécration, ce qui n’a pas d’exemple dans
l’histoire, c’est la torture impudique infli-
gée à une faible femme (Chateaubriand).
‖ Être en exécration à quelqu’un, être
l’objet de sa haine, de sa répulsion.
‖ 3. Vx. Personne ou chose qui inspire
cette horreur, cette répulsion : Néron de-
vint l’exécration de l’humanité.

II. En théologie, retour d’un objet consa-


cré à l’état profane : L’exécration d’une
église. (Contr. CONSÉCRATION.)
• SYN. : I, 2 abomination, aversion, détes-
tation, haine.

exécrer [ɛgzekre] v. tr. (lat. ex[s]ecrare,


ex[s]ecrari, maudire, lancer des impréca-
tions, vouer à l’exécration, de ex-, préf.
à valeur négative et intensive, et de l’adj.
sacer, sacra, sacrum, sacré, vénéré, dévoué
à un dieu [dans les imprécations] ; 1495,
J. de Vignay, au sens 1 ; sens 2, av. 1842,
Stendhal ; sens 3, 1870, Larousse). [Conj.
5 b.] 1. Repousser une personne ou une
chose à cause du sentiment d’horreur
qu’elle inspire : Un fait remarquable, c’est
que le catholicisme déteste Voltaire et que le
protestantisme l’exècre (Hugo). Cet ancien
président du Conseil, si bien reçu dans le
faubourg Saint-Germain, avait jadis été
l’objet de poursuites criminelles, exécré du
monde et du peuple (Proust). Il y a certains
défauts de mon esprit, que je connais et que
j’exècre, dont je ne puis triompher (Gide).
‖ 2. Avoir de l’antipathie pour quelqu’un,
ne pas l’aimer : C’était cette parfaite inha-
bileté de sa part qui la faisait exécrer du vul-
gaire des courtisans (Stendhal). ‖ 3. Avoir
de l’aversion pour quelque chose : Comme
elle était intelligente ! Il était allé la chercher,
au temps jadis, dans cette Sorbonne qu’il
exécrait d’instinct (Duhamel). Je prenais
avec les femmes [...] ce ton supérieur et doc-
toral qu’elles exècrent (Mauriac).

• SYN. : 1 abhorrer, abominer, haïr ; 2


détester.

exécutable [ɛgzekytabl] adj. (de exé-


cuter ; XIVe s.). Que l’on peut exécuter :
Un décret exécutable. Un travail aisément
exécutable dans les délais prévus.

exécutant, e [ɛgzekytɑ̃, -ɑ̃t] n. (part.


prés. substantivé de exécuter ; fin du XIVe s.,
E. Deschamps, au sens 1 ; sens 2, 1767,
J.-J. Rousseau). 1. Personne qui exécute
un ordre, qui accomplit une tâche qu’on
lui propose : L’exécutant n’est pas juge de
ce qu’il peut tenter (Alain). ‖ 2. Musicien
qui exécute sa partie dans un concert : Les
pages succédaient aux pages, les morceaux
aux morceaux, sans que rien pût lasser la
patience des exécutants (Rolland).

exécuter [ɛgzekyte] v. tr. (de exécut[ion],


exécut[eur] ; v. 1282, Gauchi, au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1690, Furetière ; sens I, 3, v. 1355,
Bersuire ; sens I, 4, av. 1872, Th. Gautier ;
sens II, 1, XVe s., Mantellier ; sens II, 2,
milieu du XVIe s., Amyot ; sens II, 3, 1920,
Gide).

I. EXÉCUTER QUELQUE CHOSE. 1. Réali-


ser un projet, un plan, un ordre : Leurs
projets à peine conçus sont déjà exécutés
(Chateaubriand). L’armée florentine se mit
en marche et exécuta le plan que j’avais
tracé pour sa perte (France). L’obéissance
militaire, passive et active en même temps,

recevant l’ordre et l’exécutant (Vigny) ; et


absol. : Les uns projettent, commandent,
les autres exécutent. ‖ Class. Exécuter
sa parole, tenir sa promesse : Je vous dis
que je veux qu’elle exécute la parole que
j’ai donnée (Molière). ‖ 2. Réaliser un
ouvrage, une oeuvre artistique selon un
modèle, une règle : Gertrude à son tour
apprend à lire et à exécuter divers menus
travaux (Gide). On me donna trois mois
pour exécuter un groupe de marbre ou de
granit (Duhamel). ‖ Spécialem. Interpré-
ter une oeuvre musicale à l’aide d’un ins-
trument : Exécuter une étude de Chopin.
‖ 3. Rendre effectives les dispositions
d’une loi ou d’un jugement : Il est plus
facile de faire des lois que de les exécu-
ter (Napoléon Ier). ‖ Class. Procéder à la
saisie judiciaire des biens de quelqu’un :
On ira, l’épée à la main, exécuter ton
meuble pour la solde de l’armée (Retz).
‖ 4. Accomplir un acte quelconque : Elle
lui chatouillait la croupe [...], ce qui faisait
exécuter à l’animal des sauts et des cour-
bettes (Gautier).

II. EXÉCUTER QUELQU’UN. 1. Exécuter un


débiteur, procéder à la saisie judiciaire de
ses biens et les faire vendre par décision
de justice. ‖ 2. Mettre à mort par auto-
rité de justice : Mais jamais ils n’oseront
faire exécuter le roi, disait-elle (Stend-
hal). ‖ Par extens. Mettre à mort de son
propre chef, sans jugement : L’utopie in-
surrection combat le vieux code militaire
au poing ; elle fusille les espions, elle exé-
cute les traîtres (Hugo). ‖ 3. Fig. et fam.
Exécuter un auteur, faire de son oeuvre
une critique qui ruine son crédit, qui le
dénigre radicalement.

• SYN. : I, 1 accomplir, remplir ; 2 confec-


tionner, effectuer, opérer, pratiquer ; jouer ;
4 faire. ‖ II, 2 abattre, assassiner, descendre
(fam.), tuer ; 3 démolir (fam.), éreinter
(fam.), esquinter (fam.).

& s’exécuter v. pr. (1683, Fénelon). Se


résoudre à accomplir une action : Il se
calma, replongea en son siège, et dit :
« Veuillez me remettre cet objet. » Je m’exé-
cutai (Courteline).

exécuteur, trice [ɛgzekytoer, -tris] n.


(lat. ex[s]ecutor, celui qui accomplit, exécute,
poursuit, venge, de ex[s]ecutum, supin de
ex[s]equi, suivre jusqu’au bout, poursuivre,
faire jusqu’au bout, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de sequi, suivre, poursuivre ;
fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire,
écrit executor [exécuteur, v. 1361, Oresme],
au sens 1 ; sens 2, v. 1283, Beaumanoir ; sens
3, milieu du XVIe s., Amyot). 1. Personne
qui exécute quelque chose : L’exécuteur
d’un arrêt. ‖ 2. Exécuteur, exécutrice tes-
tamentaire, personne à laquelle revient le
soin d’exécuter un testament : Vous serez
mon exécutrice testamentaire ; vous ven-
drez ma pauvre retraite ; le prix vous servira
à voyager vers le soleil (Chateaubriand).
‖ 3. Exécuteur des hautes oeuvres, des arrêts
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1770

criminels, ou simplem. exécuteur, fonction-


naire qui a pour mission de procéder aux
exécutions capitales : Une plus grande bête
au milieu s’agitait | Comme un exécuteur
entouré de ses aides (Baudelaire) ; et au fig. :
Tout sujet napolitain qu’il est, le cardinal
De Gregorio est rejeté par Naples, et encore
plus par le cardinal Albani, l’exécuteur des
hautes oeuvres de l’Autriche au conclave
(Chateaubriand).

exécutif, ive [ɛgzekytif, -iv] adj. (de


exécut[er], exécut[ion], exécut[eur] ; 1764,
J.-J. Rousseau [un premier exemple, au sens
de « qui concerne l’exécution, en général »,
v. 1361, Oresme]). Qui a la charge d’appli-
quer, de faire exécuter les lois : Le pouvoir
exécutif.

& exécutif n. m. (1865, Littré). Pouvoir


exécutif. ‖ Par extens. Organisme exer-
çant le pouvoir exécutif : Un exécutif de
cinq membres.

exécution [ɛgzekysjɔ̃] n. f. (lat. ex[s]


ecutio, achèvement, accomplissement, de
ex[s]ecutum, supin de ex[s]equi [v. EXÉCU-
TEUR] ; v. 1265, J. de Meung, écrit execucion,
avec un sens peu clair ; sens I, 1, v. 1283,
Beaumanoir, écrit execussion [exécution,
XIVe s.] ; sens I, 2, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens I, 3, 1680, Richelet ; sens II, 1, v. 1355,
Bersuire ; sens II, 2, 1580, Montaigne [exé-
cution ; exécution capitale, 1870, Larousse]).

I. ACTION D’EXÉCUTER QUELQUE CHOSE.


1. Action d’exécuter, d’accomplir : Il exi-
geait l’exécution immédiate de ses ordres.
L’exécution d’un projet, d’un contrat.
L’exécution d’un arrêt. ‖ Absol. Aboutis-
sement réel, action effective (par opposi-
tion à projet, plan). ‖ Mettre à exécution,
exécuter : Le lendemain, sans avertir ma
mère [...], je mis ce beau projet à exécution
(Daudet). ‖ Être en voie, en cours d’exé-
cution, se dit de ce qu’on est en train de
réaliser, d’exécuter : Travaux en cours
d’exécution. ‖ 2. Class. Homme d’exécu-
tion, homme qui n’hésite pas à mettre ses
projets à exécution : Stuart, homme d’exé-
cution et très zélé protestant (Bossuet).
‖ 3. Action d’effectuer selon un plan
prévu ou une certaine méthode ; manière
d’exécuter : Une sculpture antique d’une
mauvaise exécution (Chateaubriand).
‖ Spécialem. Action d’interpréter avec
un instrument une oeuvre musicale :
L’exécution d’une sonate.

II. 1. ACTION D'EXÉCUTER QUELQU'UN.


‖ 2. Saisie et vente des biens d’un débi-
teur. ‖ 3. Exécution capitale, ou simplem.
exécution, mise à mort d’un condamné :
Il les fit condamner à mort et l’exécution
de l’un d’eux, le comte L***, fut atroce
(Stendhal).

• SYN. : I, 1 accomplissement, achève-


ment, application, pratique, réalisation ;
3 construction, facture ; interprétation.

exécutoire [ɛgzekytwar] adj. (bas lat.


ex[s]ecutorius, exécutif, de ex[s]ecutum,
supin de ex[s]equi [v. EXÉCUTEUR] ; XVIe s.,
Loisel). Qui doit légalement être exécuté :
Les lois sont exécutoires [...] en vertu de la
promulgation qui en est faite (Code civil).
Un jugement exécutoire. ‖ Force exécutoire,
qualité d’un acte qui justifie l’emploi de la
force publique pour assurer l’exécution de
ses prescriptions. ‖ Formule exécutoire,
formule conférant à certains actes la force
exécutoire. ‖ Titre exécutoire, titre revêtu
de cette formule.

& n. m. (1337, Godefroy, écrit exequtoire ;


exécutoire, XVIe s.). Exécutoire des dépens,
ou simplem. exécutoire, ordonnance d’un
juge fixant le montant des frais de procé-
dure et donnant pouvoir au créancier d’en
exiger le paiement : Le petit avoué [menaça
le vigneron] de prendre un exécutoire pour
les frais qui lui étaient dus s’il n’était pas
payé dans la semaine (Balzac).

exécutoirement [ɛgzekytwarmɑ̃] adv.


(de exécutoire ; 1865, Littré). En termes de
droit, d’une manière exécutoire.

exèdre [ɛgzɛdr] n. f. (lat. exedra, salle de


réunion [avec sièges], et, à basse époque,
dans la langue ecclés., « choeur de l’église »,
gr. exedra, emplacement couvert [avec
sièges] devant la maison, salle de réunion,
de ex, hors de, et hedra, siège, banc, rési-
dence ; milieu du XVIIIe s., au sens 1 ; sens
2, XXe s. ; sens 3, 1er sept. 1873, Revue des
Deux Mondes). 1. Dans l’Antiquité, empla-
cement couvert, avec sièges, devant une
maison ; salle de conversation pourvue de
sièges, dans les maisons particulières ou les
édifices publics. ‖ 2. Dans les basiliques
chrétiennes, banc de pierre semi-circu-
laire, adossé au fond de l’abside, de chaque
côté du siège épiscopal. ‖ 3. Banc de pierre
semi-circulaire et orné : Des jardins ornés
de statues, d’exèdres (France).

exégèse [ɛgzeʒɛz] n. f. (gr. exêgêsis, récit,


explication, commentaire, de exêgeisthai,
conduire, guider, exposer en détail, de ex-,
préf. à valeur intensive, et de hêgeisthai,
conduire ; 1705, Cl. Chastelain, au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. Explication philologique,
interprétation historique, juridique, doc-
trinale d’un texte : Je n’arrivai au point
d’émancipation que tant de gens atteignent
sans aucun effort de réflexion, qu’après
avoir traversé toute l’exégèse allemande
(Renan). ‖ Exégèse biblique, interpréta-
tion des livres saints. ‖ 2. Interprétation
et commentaire détaillé : Ce journaliste
s’est livré à une véritable exégèse du discours
présidentiel.

exégète [ɛgzeʒɛt] n. m. (gr. exêgêtês,


[celui] qui dirige, explique, interprète, de
exêgeisthai [v. l’art. précéd.] ; 1732, Trévoux,
au sens 4 ; sens 1, 1870, Larousse ; sens
2-3, XXe s.). 1. Dans l’Antiquité grecque,
interprète officiel des rites, des cou-
tumes sacrées, des oracles. ‖ Par extens.

Interprète libre des oracles et des prodiges.


‖ 2. Commentateur des textes des grands
écrivains, surtout à l’époque alexandrine.
‖ 3. Commentateur, philologue, historien
qui fait l’exégèse d’une oeuvre : Je voudrais
étudier Chardin en exégète et non pas en
critique (Gide). ‖ 4. Commentateur des
textes bibliques.
exégétique [ɛgzeʒetik] adj. (gr.
exêgêtikos, propre à raconter ou à expli-
quer, de exêgeisthai [v. EXÉGÈSE] ; 1694,
Th. Corneille). Qui appartient à l’exégèse :
Science exégétique. ‖ Méthode exégétique,
méthode de critique historique fondée sur
l’interprétation des textes.

1. exemplaire [ɛgzɑ̃plɛr] adj. (lat.


exemplaris, qui sert de modèle, de exem-
plum [v. EXEMPLE] ; 1150, Barbier, au sens
1 ; sens 2, v. 1570, Carloix). 1. Qui peut
servir d’exemple, qui peut être proposé
en modèle : Je ne prétends pas faire de
Fabrice un prêtre exemplaire (Stendhal).
Il s’appliquait à sa tâche avec une conscience
exemplaire (Rolland). ‖ 2. Qui peut servir
de leçon, d’avertissement : Une punition
exemplaire.

• SYN. : 1 édifiant, irréprochable, parfait ;


2 sévère.

2. exemplaire [ɛgzɑ̃plɛr] n. m. (bas lat.


exemplarium, lat. class. exemplar, copie,
exemplaire, de exemplum [v. EXEMPLE] ;
v. 1119, Ph. de Thaon, écrit essemplarie,
essemplaire [exemplaire, XIIIe s.], au sens
1 ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3, 1858,
Legoarant ; sens 4, 1870, Larousse). 1. Class.
Modèle à imiter, exemple à suivre : Cette
charité que pratique sur la croix le fils de
Dieu, notre sauveur et notre divin exem-
plaire (Bourdaloue). ‖ 2. Chacun des objets
formés à partir d’un type unique que l’on
a reproduit : Ouvrir le premier exemplaire
de son oeuvre, la voir fixée, comme en relief,
et non plus dans cette grande ébullition du
cerveau où elle est toujours un peu confuse,
quelle sensation délicieuse ! (Daudet).
Un livre vendu à cent mille exemplaires.
‖ 3. Chacun des échantillons d’une même
espèce, d’une même catégorie : Un exem-
plaire d’un coquillage rare. ‖ 4. Être, chose
semblable à d’autres : Un homme dont on
rencontre des centaines d’exemplaires dans
la vie quotidienne.

exemplairement [ɛgzɑ̃plɛrmɑ̃] adv. (de


exemplaire 1 ; v. 1280, Clef d’Amors, au sens
1 ; sens 2, v. 1570, Carloix). 1. De manière
à servir de modèle : Le pouvoir [...] dispose
toujours d’une majorité exemplairement
docile (Lamennais). ‖ 2. De manière à
servir de leçon : Châtier exemplairement
les coupables.

exemplarité [ɛgzɑ̃plarite] n. f. (dér.


savant de exemplaire 1 ; v. 1361, Oresme).
Caractère de ce qui est exemplaire : Un
verdict dicté par le souci d’exemplarité.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1771

exemple [ɛgzɑ̃pl] n. m. (lat. exemplum,


échantillon, reproduction, type, modèle,
exemple ; 1080, Chanson de Roland, écrit
essample, au fém. [exemple, au masc.,
v. 1165, Gautier d’Arras], au sens 1 ; sens
2, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens 3, 1643,
Corneille ; sens 4, v. 1360, Froissart ; sens
5, 1640, Corneille ; sens 6, XIVe s., Girart de
Roussillon ; sens 7, 1653, Pellisson ; sens 8,
1690, Furetière). 1. Conduite, action que
l’on peut imiter, prendre pour modèle : La
leçon des exemples vaut mieux que celle
des préceptes (La Rochefoucauld). Un bon,
un mauvais exemple. Sa vie entière est un
exemple de ténacité. ‖ Donner l’exemple,
agir pour servir de modèle, pour inciter à
faire de même : Il donna l’exemple en levant
son grand hanap de vermeil (France). Chef
qui donne l’exemple du courage. ‖ Prêcher
d’exemple, faire le premier ce qu’on recom-
mande aux autres. ‖ 2. Personne digne
d’être imitée, de servir de modèle : C’est un
exemple pour nous. Il était Romain, fils de la
Ville déesse, exemple à l’univers, et il portait
par les armes la paix romaine aux extrémi-
tés du monde (France). ‖ 3. Personne qui,
en proie à un sort malheureux, peut ser-
vir aux autres de mise en garde, de leçon :
Que ce malheureux ivrogne vous soit un
exemple. ‖ 4. Ce qui peut servir de leçon,
d’avertissement ou de mise en garde ; châ-
timent exemplaire : Cette condamnation est
un exemple. ‖ Faire un exemple, prendre
une sanction sévère, propre à frapper les
esprits : Il m’appela rebelle et promit de
faire un exemple (Chateaubriand). ‖ Servir
d’exemple, être un avertissement pour
les autres : Que ce châtiment vous serve
d’exemple. ‖ 5. Fait antérieur analogue au
fait en question et considéré par rapport
à lui : Elle me fournit le premier exemple
des nécessités cruelles de l’Armée (Vigny).
Cette tranquillité sans exemple où ce peuple
se complaît (Fromentin). On ne connaît pas
d’exemple d’une telle sottise. ‖ 6. Fait ou
preuve que l’on donne pour appuyer ou
illustrer une assertion : Je vais fournir un
exemple de ce que j’avance ; ellipt. et fam. :
Oui, tout en ce monde n’est que mensonge,
vol et fourberie ! Exemple : hier je sors [...]
à trois pas de chez moi, on me fait mon
mouchoir (Labiche). ‖ 7. Texte d’un auteur,
phrase que l’on cite pour expliquer ou illus-
trer une règle, une remarque, une défini-
tion : Illustrer une règle de grammaire par
un exemple. Les exemples d’un dictionnaire.
‖ 8. Vx. Modèle scolaire d’écriture d’après
lequel un jeune élève apprenait à former
des lettres : Un cahier d’exemples.

• SYN. : 1 idéal, modèle ; 2 parangon ; 3


enseignement, leçon ; 5 antécédent, précé-
dent ; 6 aperçu, échantillon, preuve, spéci-
men ; 7 citation.

• REM. Était parfois féminin du XIe au


début du XVIIe s.

& Par exemple loc. adv. (1690, Furetière).


Pour confirmer, illustrer par un exemple :
Il avait l’âme trop haute pour chercher

à imiter les autres jeunes gens, et, par


exemple, pour vouloir jouer avec un sérieux
le rôle d’amoureux (Stendhal). Le terrible,
par exemple, c’était le retour, la rentrée
(Daudet).

& Par exemple ! loc. interj. (1627, Mairet).


1. Fam. Exprime une protestation, ou
s’emploie pour manifester sa surprise et
son désaveu : « Vous avez l’air furieux.

— Moi, par exemple ! Pas le moins du


monde » (Musset). ‖ 2. Fam. Toutefois,
en revanche (en fin de proposition) : C’est
à côté d’ici. Cinquante kilomètres. Deux
sales côtes, par exemple ! (Colette).

& À l’exemple de loc. prép. (1650,


Corneille). En imitant l’exemple de, ainsi
que : Il veut faire carrière dans l’armée, à
l’exemple de son frère aîné.

exemplification [ɛgzɑ̃plifikasjɔ̃] n. f. (de


exemplifier ; XXe s.). Action d’exemplifier.

exemplifier [ɛgzɑ̃plifje] v. tr. (de


exemple et de -fier [lat. facere, faire], d’après
des v. comme notifier, etc. ; XXe s.). Illustrer,
confirmer par un exemple (rare) : Je ne
saurais mieux l’exemplifier qu’en prenant
dans les écrits de Léonard lui-même une
phrase dont on dirait que chaque terme
s’est compliqué et purifié jusqu’à ce qu’elle
soit devenue une notion fondamentale de la
connaissance moderne du monde (Valéry).

1. exempt, e [ɛgzɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. exemp-


tus, part. passé de eximere, tirer de, retirer,
ôter, affranchir [v. EXEMPLE] ; v. 1265, Livre
de jostice, écrit exant [exent, XVe s. ; exempt,
XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne ;
sens 3, v. 1530, C. Marot). 1. Qui n’est pas
assujetti à une charge, qui est affranchi de :
Être exempt d’impôts. ‖ Se dit de ce qui
n’est pas soumis à une charge, une taxe,
qui est dispensé de : Une lettre exempte
d’affranchissement. ‖ 2. Qui est préservé
de désagréments, de maux : Les dieux
exempts du mal et du remords (Banville).
‖ Se dit de ce qui n’est pas entaché de : Un
calcul exempt d’erreur. ‖ 3. Fig. Qui n’est
pas sujet à, qui n’éprouve pas : Marc Aurèle,
si philosophe, n’est nullement exempt de
superstition (Renan).

• SYN. : 1 déchargé, dégagé, dispensé,


exonéré, franc de ; 2 immunisé ; 3 dénué,
dépourvu.

2. exempt [ɛgzɑ̃] n. m. (emploi substan-


tivé de exempt 1 ; fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné, au sens 2 ; sens 1, 1655, Molière ; sens 3,
1690, Furetière). 1. Class. Officier de police
qui commandait une escouade de gardes de
la maréchaussée ; par extens., sous-officier
de police : Par les soins vigilants de l’exempt
Balafré, | Ton affaire allait bien, le drôle
était coffré (Molière). ‖ 2. Vx. Sous-officier
qui, dans certains corps, commandait en
l’absence du capitaine et des lieutenants,
et qui était exempt du service ordinaire.
‖ 3. Personne qui n’est pas assujettie
comme les autres à une charge, à un ser-
vice. ‖ Spécialem. Ecclésiastique qui n’est

point soumis à la juridiction de l’évêque


diocésain.

exempté, e [ɛgzɑ̃te] adj. et n. (part. passé


de exempter). Qui est dispensé de : Un élève
exempté d’éducation physique. Une note
concernant les exemptés de service.

• SYN. : déchargé, dégagé, dispensé, excusé.

exempter [ɛgzɑ̃te] v. tr. (de exempt


1 [v. ce mot] ; 1339, J. de La Mote, écrit
essenter [exempter, fin du XIVe s.], au
sens 1 ; sens 2, 1848, G. Sand). 1. Rendre
exempt : Exempter quelqu’un d’une taxe.
‖ 2. Spécialem. et vx. Dispenser du ser-
vice militaire : Nous n’étions pas mariés
et un sénateur l’avait fait d’abord exempter
(Renard).

• SYN. : 1 affranchir, décharger, dégrever,


exonérer.

exemption [ɛgzɑ̃psjɔ̃] n. f. (lat. exemptio,


action d’ôter, et, dans la langue juridique
de basse époque, « action d’empêcher ou de
dispenser quelqu’un de comparaître », de
exemptum, supin de eximere [v. EXEMPT] ;
1411, Coutumes d’Anjou, au sens 1 ; sens
2, 1690, Furetière). 1. Action d’exempter ;
privilège qui affranchit de quelque chose :
Les lettres de noblesse avaient pour but
principal l’exemption des impôts (Staël).
‖ Spécialem. et vx. Dispense du service
militaire. ‖ Autref. Billet de satisfaction
donné dans les écoles, et qui servait à
l’élève pour se racheter d’une punition.
‖ 2. Acte par lequel le pape affranchit une
communauté ou une personne de la juri-
diction de l’évêque diocésain.

• SYN. : 1 décharge, dégrèvement, dispense,


exonération.

exencéphale [ɛgzɑ̃sefal] adj. et n. (de


exencéphalie ; 1870, Larousse). Qui présente
une exencéphalie.

exencéphalie [ɛgzɑ̃sefali] n. f. (de ex-


[lat. ex-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur] et de encéphale ;
1870, Larousse). Tumeur saillante du crâne
ou de la région supérieure de la face, de
taille très variable.

exequatur [ɛgzekwatyr] n. m. invar.


(mot lat. [3e pers. du sing. du subj. prés.
de exsequi, exequi, v. EXÉCUTEUR] signif.
proprem. « qu’il/qu’on exécute », et d’abord
employé dans la langue juridique ; 1752,
Trévoux, au sens 2 ; sens 1, 1865, Littré ; sens
3, 1835, Acad. ; sens 4, XXe s.). 1. En droit,
ordre ou permission d’exécuter : Signer un
exequatur. ‖ 2. Formule qui rend exécu-
toire un jugement prononcé à l’étranger
ou une sentence rendue par un arbitre.
‖ 3. Ordonnance par laquelle un souverain
ou un État autorise un consul étranger à
exercer sur son territoire les fonctions qu’il
assume. ‖ 4. Consentement donné par un
État à la promulgation des actes du pape.

exercé, e [ɛgzɛrse] adj. (part. passé de


exercer ; 1679, Bossuet). Qui a acquis, à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1772

force d’exercice ou de pratique, une cer-


taine habileté : Il faut savoir lire l’imprimé
comme le musicien exercé lit la musique
(Alain). Une oreille exercée.
• SYN. : averti, compétent, entraîné, expé-
rimenté, expert, formé, habile, qualifié.

— CONTR. : apprenti, inexpérimenté,


inhabile, maladroit, malhabile, néophyte,
novice.

exercer [ɛgzɛrse] v. tr. (lat. exercere, ne


pas laisser en repos, tenir en haleine, former
par des exercices, pratiquer, de ex-, préf.
à valeur négative, et de arcere, écarter ;
v. 1119, Ph. de Thaon, écrit essercer [exercer,
XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne ;
sens 3, v. 1587, Du Vair ; sens 4, XIVe s.,
Du Cange ; sens 5, milieu du XVIe s., Amyot).
[Conj. 1 a.] 1. Former, dresser en entraî-
nant par des mouvements adaptés, d’une
manière méthodique et suivie : Sportif qui
exerce ses muscles. Chanteur qui exerce sa
voix. ‖ Fig. Maintenir en état, développer
une faculté, un talent en lui fournissant une
matière : Il se plaignit de manquer en pro-
vince de ce plaisir propre à exercer l’intellect
(Gautier). Un artiste ayant le sentiment par-
fait de la forme, mais accoutumé à exercer
surtout sa mémoire et son imagination, se
trouve alors comme assailli par une émeute
de détails (Baudelaire). ‖ Par extens. et vx.
Faire fonctionner, faire travailler une chose
pour la maintenir en état : Monsieur du
Châtelet voulait s’opposer à ce qu’on exerçât
les pistolets. Mais l’officier [...] dit qu’ [...]
on devait se servir d’armes en état (Balzac).
‖ 2. Soumettre à un entraînement spécial
pour créer ou développer une aptitude :
Exercer un soldat au maniement des armes.
Exercer le corps à supporter les privations.
Ici vous m’avez vu, sous-lieutenant au
régiment de Navarre, exercer des recrues
sur les galets ; vous m’y avez revu exilé
sous Bonaparte ; vous m’y rencontrerez de
nouveau lorsque les journées de Juillet m’y
surprendront (Chateaubriand). ‖ 3. Mettre
à l’épreuve en soumettant à une action
difficile à supporter : Mlle Chanceny me
félicita sur la patience que j’avais d’entendre
Martial qui jouait du piano ; je compris que
j’exerçais la sienne en restant (Stendhal).
‖ Class. Soumettre à une épreuve pénible,
tourmenter : Job [...], livré entre les mains
de Satan pour être exercé par toute sorte de
peines (Bossuet). ‖ 4. Donner cours à, lais-
ser se manifester une faculté, une action :
L’autorité absolue qu’exerce un homme le
contraint à une perpétuelle réserve (Vigny).
Rastignac avait compris l’influence qu’exer-
cent les tailleurs sur la vie des jeunes gens
(Balzac). Une carrière qui exerce un attrait
particulier sur les adolescents. ‖ Exercer un
droit, le faire valoir. ‖ 5. Mettre en pratique
une activité professionnelle, s’y consacrer :
Exercer la médecine, la fonction d’insti-
tuteur. ‖ Absol. Travailler à ce titre : Cet
instituteur n’exerce plus. ‖ 6. Littér. Mettre
en usage, en pratique, utiliser : A cause

de la société que recevait ma mère, et où


j’étais choyé, il ne passait point de jour que
je n’eusse l’occasion d’exercer ainsi quatre
ou cinq langues (Gide).

• SYN. : 1 entraîner ; cultiver, façonner, for-


mer, perfectionner ; 2 dresser, habituer, ini-
tier, plier, rompre ; 3 éprouver ; 4 déployer,
employer, faire montre de, offrir ; 5 prati-
quer, professer, remplir.

& s’exercer v. pr. (sens 1, 1580, Montaigne ;


sens 2, 1638, Rotrou). 1. Se former par la
pratique : S’exercer à l’équitation. On
s’exerce à durcir son coeur (Vigny). ‖ 2. Se
mettre en action, trouver à s’employer :
Cette brutalité particulière que commu-
nique la domination de choses à demi faciles
dans lesquelles la force s’exerce (Flaubert).
Il comprenait bien que les vertus, les hautes
aptitudes apostoliques de Mlle de Châtelus
ne pourraient s’exercer glorieusement dans
la modeste cure (Daudet). ‖ S’exercer
contre, se mettre en jeu contre : Les calom-
nies s’exercent contre lui. ‖ Class. S’exercer
sur, dans, prendre pour objet de son action,
de ses efforts, de son attaque : Le prédi-
cateur ne s’exerce point sur les questions
douteuses (La Bruyère).

• SYN. : 1 s’appliquer, s’endurcir, s’entraî-


ner, s’entretenir, s’évertuer ; étudier ; 2 se
déployer.

exercice [ɛgzɛrsis] n. m. (lat. exercitium,


exercice, pratique, de exercere [v. EXER-
CER] ; fin du XIIIe s., Végèce, au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1649, Descartes ; sens II, 1, 1580,
Montaigne ; sens II, 2 et 3, 1865, Littré ; sens
II, 4, 1669, Molière ; sens III, 1, 1587, F. de La
Noue ; sens III, 2, 1690, Furetière ; sens III,
3, 1685, La Fontaine ; sens IV, 1 et 2, XVe s.,
Littré ; sens V, 1, 1707, Vauban ; sens V, 2,
1865, Littré ; sens V, 3, XXe s.).

I. 1. Action d’exercer, d’entraîner le


corps, de s’exercer par des mouvements
appropriés et d’une façon méthodique :
Un garçon en pleine croissance ne vit pas
[...] dans le mépris de tous les exercices du
corps (Mauriac). ‖ Mouvement ou en-
semble de mouvements répétés et réglés
en vue de faire valoir des qualités phy-
siques ou plastiques : Faire des exercices
aux barres parallèles. En gymnastique,
les exercices au sol sont très gracieux. Des
danseuses qui font des exercices à la barre.
Il y eut un moment de silence, la brusque
accalmie, grosse d’angoisse, préludant à
l’exercice périlleux d’un gymnaste (Cour-
teline). ‖ Spécialem. Entraînement des
soldats au maniement des armes et à la
manoeuvre. ‖ Entraînement auquel on
soumet un animal pour lui faire acqué-
rir certaines habitudes : Dressant à des
exercices de souplesse de jolis chevaux
(Fromentin). Exercices d’équitation.
‖ 2. Action de se donner du mouvement :
Vous prenez de l’exercice, vous faites de
l’hygiène sans le savoir (Renard). ‖ Faire
de l’exercice, donner du mouvement à ses
membres ; marcher.

II. 1. Action d’exercer, d’entraîner ses


facultés intellectuelles par un travail
approprié : Faire des exercices de style.
‖ Production de l’esprit obtenue par un
entraînement intellectuel astreignant :
« Kaïn » n’est-il donc qu’un magnifique
exercice de poésie parnassienne ! (Le-
maitre). ‖ 2. Devoir écrit ou oral donné
aux élèves en application des leçons
qui ont été faites : Un exercice de gram-
maire, de mathématiques. ‖ Par extens.
Livre où sont réunis ces exercices (au
plur.) : Acheter des exercices français,
latins. ‖ 3. Morceau de musique com-
posé en vue d’entraîner à vaincre telle
ou telle difficulté de la technique vocale
ou instrumentale. ‖ 4. Exercice spirituel,
chacune des pratiques régulières aux-
quelles s’adonnent certaines personnes
pour développer leur vie spirituelle : La
méditation, l’examen particulier sont des
exercices spirituels ; et absol. : L’ancien
règlement renfermait un exercice appelé
la lecture spirituelle (Renan).

III. 1. Action de pratiquer un métier,


d’assumer une fonction : Vous irez dans
les tribunaux pour exercice illégal de la
médecine (Flaubert). Un accident surve-
nu dans l’exercice de ses fonctions. ‖ En
exercice, se dit d’une personne qui exerce
effectivement ses fonctions : Ministre en
exercice. ‖ De plein exercice, se dit d’un
établissement qui dispense un enseigne-
ment complet : Faculté de médecine de
plein exercice. ‖ 2. Class. Occupation
(sans idée d’entraînement en vue d’un
perfectionnement), métier : Le principal
exercice de cet auteur est l’étude (Fure-
tière). ‖ 3. Class. Peine, souci, fatigue :
S’il m’attaque, je lui donnerai bien de
l’exercice (Acad., 1694).

IV. 1. Action de mettre en usage, en pra-


tique : L’exercice de l’autorité demande
beaucoup de psychologie. ‖ 2. Action de
faire valoir, d’utiliser : Ne pas profiter de
l’exercice d’un droit accordé par la loi.

V. 1. Contrôle exercé par l’administra-


tion des Contributions indirectes chez
certains industriels ou commerçants
pour garantir l’exécution des obliga-
tions imposées par les lois et règlements.
‖ 2. En comptabilité, période au terme de
laquelle l’inventaire, le compte de pertes
et profits et le bilan sont établis dans les
formes légales : L’exercice a, le plus sou-
vent, une durée de douze mois. ‖ 3. Sys-
tème de l’exercice, dans la législation fi-
nancière, système dans lequel on rattache
à l’année toutes les dépenses et toutes
les recettes qui tirent leur origine d’un
acte accompli pendant cette année, quel
que soit le moment du paiement effectif.
(S’oppose au système de la GESTION.)

• SYN. : I, 1 entraînement, mouvement ;


in struction. ‖ III, 1 pratique. ‖ IV,
1 emploi, utilisation ; 2 application.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1773

exerciseur [ɛgzɛrsizoer] n. m. (angl. exer-


ciser, celui/ce qui exerce, forme ou dresse,
exerciseur, de to exercise, s’exercer à, dér. du
n. exercise, exercice, empr. du franç. exer-
cice ; juill. 1901, le Monde illustré [parfois
écrit avec l’orthogr. angl. exerciser, 1905,
Bonnafé]). Appareil comportant des dis-
positifs élastiques permettant de faire tra-
vailler et d’assouplir les muscles : C’est un
placard dans le fond duquel on trouve, par
exemple, une paire d’haltères, un exerciseur
élastique tout perclus (Duhamel).

exercitant, e [ɛgzɛrsitɑ̃, -ɑ̃t] n. (emploi


spécialisé du part. prés. de l’anc. v. exer-
citer, exercer, exécuter [1290, Drouart la
Vache], lat. exercitare, exercer souvent, fré-
quentatif de exercere [v. EXERCER] ; 1865,
Littré). Personne qui suit les exercices d’une
retraite spirituelle.

exérèse [ɛgzerɛz] n. f. (gr. exairesis,


extraction, de exaireîn, extraire, retrancher,
enlever, de ex-, préf. marquant le mouve-
ment de l’intérieur vers l’extérieur, et de
haireîn, prendre, saisir ; 1617, Habicot).
Opération par laquelle on retire du corps
humain ce qui lui est étranger ou nuisible.

exergue [ɛgzɛrg] n. m. (lat. scientif.


moderne exergum, signif. proprem. « espace
hors d’oeuvre », formé avec les mots gr. ex,
hors de, et ergon, action, oeuvre, ouvrage ;
1636, J. de Bie, au sens 1 ; sens 2, av. 1910,
J. Renard). 1. Petit espace laissé en bas
d’une médaille, d’une pièce, où l’on grave
éventuellement la date, le nom de l’atelier
ou du graveur, etc. ‖ Ce qu’on grave dans
cet espace, et, par extens., inscription simi-
laire : Sur une plaque de cuivre, décorant
la porte du pavillon, on lisait un exergue
(M. Prévost). ‖ 2. Inscription placée en tête
d’un ouvrage ou d’un chapitre : Lui don-
ner comme exergue [à « Poil de Carotte »] :
« Le père et la mère doivent tout à l’enfant.
L’enfant ne leur doit rien. J. R. » (Renard).
‖ Fig. Mettre en exergue, mettre en évi-
dence, afin de faciliter la démonstration,
l’explication qui suit.

• REM. Certains estiment fautif le sens


2 et préconisent, en ce cas, l’emploi
d’ÉPIGRAPHE.

exfoliation [ɛksfɔljasjɔ̃] n. f. (de exfolier ;


1503, G. de Chauliac). Action d’exfolier,
ou le fait de s’exfolier. ‖ Spécialem. En
botanique, chute de l’écorce d’un arbre
par minces couches. ‖ En pathologie,
séparation des parties mortes de la peau,
d’un os, d’un tendon, qui se détachent par
petites plaques. (En ce sens, on dit aussi
DESQUAMATION.)

exfolier [ɛksfɔlje] v. tr. (lat. impér. exfo-


liare, effeuiller, de ex-, préf. à valeur pri-
vative, et de folium, feuille ; v. 1560, Paré
[pour un os]). Enlever par lames minces
la couche superficielle de quelque chose :
Exfolier une ardoise.

& s’exfolier v. pr. (1690, Furetière [pour un


os]). Se détacher par lames minces : Une
façade [...] qui s’exfolie pour ménager cent
petits gîtes aux lézards plats (Colette).

exhalaison [ɛgzalɛzɔ̃] n. f. (de exhaler ;


XIVe s., Littré). Gaz, odeur qui s’exhale
d’un corps, d’un lieu : Les fortes exhalai-
sons de ce taudis (Fromentin). [Une cha-
rogne] Ouvrait d’une façon nonchalante
et cynique | Son ventre plein d’exhalaisons
(Baudelaire).
• SYN. : effluve, émanation, haleine, odeur,
souffle, vapeur.

exhalation [ɛgzalasjɔ̃] n. f. (lat. exha-


latio, exhalaison, de exhalatum, supin de
exhalare [v. EXHALER] ; v. 1361, Oresme,
au sens 1 ; sens 2-3, v. 1560, Paré). 1. Class.
Exhalaison : N’étant pas chose étrange qu’il
sorte de la terre des exhalations en grand
nombre et de toutes qualités (Malherbe).
‖ 2. Action d’exhaler : L’exhalation de l’air
aspiré par les poumons. ‖ Spécialem. En
chimie ancienne, se disait pour ÉVAPO-
RATION. ‖ 3. En physiologie, élimination,
à l’état de vapeur, par les poumons ou par
les pores de la peau, des produits volatils
contenus dans l’organisme (gaz carbo-
nique, alcool, essence d’ail, etc.).

exhaler [ɛgzale] v. tr. (lat. exhalare,


exhaler, rendre [par le souffle], s’évapo-
rer, s’exhaler, expirer, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de halare, exhaler [une odeur] ;
XIVe s., Nature à l’alchimie, au sens 1 ; sens
2, av. 1848, Chateaubriand ; sens 3, av.
1613, M. Régnier ; sens 4, 1643, Corneille).
1. Laisser s’échapper hors de soi des élé-
ments volatils qui se répandent (vapeurs,
gaz, odeurs, etc.) : Cette première pièce
exhale une odeur sans nom (Balzac). La ville
haletante exhale ses fumées (Samain). Je me
dirigeais par le sentier sinueux d’un couloir
tout embaumé à distance des essences pré-
cieuses qui exhalaient sans cesse du cabi-
net de toilette leurs effluves odoriférants
(Proust). ‖ 2. Fig. et littér. Dégager une
impression subtile de : Ce sous-bois exhale
la mélancolie. Un âge disparu exhalant une
odeur de dévotion (Zola). ‖ 3. En parlant
d’une personne, émettre par la bouche un
souffle, un bruit : Le vieillard exhalait des
sanglots étouffants (Banville). ‖ Exhaler le
dernier soupir, mourir. ‖ 4. Fig. Exprimer
par des paroles ou d’une autre façon : Nos
deux coeurs exhalant leur tendresse pai-
sible (Verlaine). ‖ Spécialem. Donner libre
cours à un sentiment vif ou péniblement
ressenti : Il exhala sa rage pendant dix
minutes (Balzac). Exhaler sa douleur, son
amertume.

• SYN. : 1 dégager, fleurer, répandre, sentir ;


3 pousser, produire ; rendre.

& s’exhaler v. pr. (sens 1, 1677, Racine ; sens


2, 1665, Molière). 1. Se dégager, s’échapper
de quelque chose, et se répandre (au pr. et
au fig.) : Une faible odeur, ce soir, s’exhale
des genêts (Barrès). Rembrandt, triste hôpi-
tal tout rempli de murmures | Où la prière
en pleurs s’exhale des ordures (Baudelaire).
‖ 2. Fig. et littér. S’exhaler en, manifester
ses sentiments d’une manière vive par :
S’exhaler en menaces.

exhaure [ɛgzor] n. f. (mot savant,


déverbal du lat. exhaurire, vider en pui-
sant, épuiser, ruiner, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de haurire, puiser un liquide,
vider, tirer, retirer, enlever, épuiser, consu-
mer ; 16 sept. 1872, Journ. officiel, aux sens
1-2). 1. Épuisement des eaux d’infiltra-
tion dans les mines et dans les carrières.
‖ 2. Ensemble des installations permettant
cet épuisement.

exhaussement [ɛgzosmɑ̃] n. m. (de


exhausser [v. ce mot] ; fin du XIIe s., Geste
des Loherains, écrit essaucement, au sens
de « exaucement » ; sens actuel, XIVe s., écrit
essausement [exhaussement, milieu du
XVe s., Évangiles des Quenouilles]). Action
d’exhausser, de rendre plus élevé ; résultat
de cette action : L’exhaussement d’un trot-
toir, d’une chaussée.

exhausser [ɛgzose] v. tr. (de ex- [lat. ex-,


préf. à valeur intensive] et de hausser [v.
aussi EXAUCER et EXALTER] ; v. 1119,
Ph. de Thaon, écrit eshalcier [essaucier,
v. 1175, Chr. de Troyes ; exaulcer — d’après
le lat. exaltare, v. EXALTER —, XIVe s. ;
exhausser, XVIIe s.], au sens 2 ; sens 1, 1690,
Furetière). 1. Augmenter en hauteur, rendre
plus élevé : La barricade avait été augmen-
tée. On l’avait exhaussée de deux pieds
(Hugo). Exhausser une maison d’un étage.
‖ 2. Class. et littér. Donner plus de valeur,
plus de dignité à ; relever : Les titres dont les
hommes tâchent d’exhausser leur bassesse
[= leur naissance humble] (Massillon). Sans
la douleur, l’humanité serait trop ignoble,
car elle seule peut, en les épurant, exhausser
les âmes (Huysmans).

• SYN. : 1 élever, hausser, monter, surélever,


surhausser. — CONTR. : 1 abaisser, diminuer.

exhausteur [ɛgzostoer] n. m. (du lat.


exhaustum, supin de exhaurire, épuiser
[v. EXHAURE] ; 1877, Littré). Appareil ame-
nant dans une nourrice le liquide d’un
réservoir placé plus bas.

exhaustif, ive [ɛgzostif, -iv] adj. (angl.


exhaustive, qui épuise, dér. de to exhaust,
épuiser, verbe formé sur le lat. exhaustum,
supin de exhaurire, épuiser [v. EXHAURE] ;
1818, Et. Dumont, au sens 2 ; sens 1, 14
mars 1873, Journ. officiel). 1. Qui épuise
les forces de quelqu’un, les réserves de
quelque chose (rare) : Il y a, dans le jeu des
muscles, une vertu libératrice pour l’âme,
à la condition, dois-je le dire ? que ce jeu
demeure en deçà de la fatigue exhaustive
(Duhamel). Cultures exhaustives (Littré).
‖ 2. Fig. Qui traite à fond un sujet, qui en
épuise la matière : Un relevé exhaustif. Une
étude exhaustive.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1774

exhaustion [ɛgzostjɔ̃] n. f. (bas lat.


exhaustio, action d’épuiser, achèvement,
action de se débarrasser de, de exhaustum,
supin de exhaurire, épuiser [v. EXHAURE] ;
1740, Ritter, les Quatre Dictionnaires, au
sens 3 ; sens 1, 1858, Legoarant ; sens 2,
av. 1778, Diderot). 1. Action de vider
un récipient du gaz ou du liquide qu’il
contient. ‖ 2. En logique, énumération
de tous les cas possibles que comprend
une question : Le caractère de l’homme
est la conscience ; et celui de la conscience,
une perpétuelle exhaustion, un détache-
ment sans repos et sans exception de tout
ce qu’y paraît, quoi qu’y paraisse (Valéry).
‖ 3. Méthode d’exhaustion, en mathéma-
tiques, méthode de calcul ou de vérification
d’une grandeur par une suite d’approxima-
tions de plus en plus précises.

exhaustivement [ɛgzostivmɑ̃] adv. (de


exhaustif ; XXe s.). De façon exhaustive :
Traiter un sujet exhaustivement.

exhérédation [ɛgzeredasjɔ̃] n. f. (lat.


exheredatio, action de déshériter, de exhe-
redatum, supin de exheredare [v. EXHÉRÉ-
DER] ; début du XVe s.). Action de déshériter,
d’exclure de sa succession un ou plusieurs
des héritiers présomptifs : Menacer une
famille d’exhérédation (Balzac).

exhérédé, e [ɛgzerede] adj. et n. (part.


passé de exhéréder ; 1690, Furetière). Qui
a été exclu d’une succession.

exhéréder [ɛgzerede] v. tr. (lat. exhere-


dare, déshériter [au pr. et au fig.], de ex-,
préf. à valeur privative, et de heres, heredis,
héritier ; v. 1460, G. Chastellain). [Conj. 5
b.] Exclure d’une succession : Exhérédez
les femmes ! Au moins accomplirez-vous
ainsi une loi de la nature en choisissant vos
compagnes, en les épousant au gré des voeux
du coeur (Balzac).

exhiber [ɛgzibe] v. tr. (lat. exhibere, pro-


duire au jour, présenter, faire paraître, faire
la preuve de, causer, susciter, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et de habere, avoir, tenir ; XIIIe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1541, Calvin ; sens 3,
av. 1848, Chateaubriand). 1. Produire un
document en justice : Exhiber une quit-
tance. ‖ Par extens. Montrer, présenter à
la requête de quelqu’un : Il n’exhiba point
de mandat d’amener (Hugo). Il me fallut
aller, à quelques lieues de là, exhiber mon
passeport (Mérimée). ‖ 2. Exposer aux
regards du public : Des vêtements passés
de mode, exhibés seulement en ce jour du
dimanche (Daudet). Je n’ai pas besoin de
rappeler les oeuvres qu’il exhiba, en 1878,
au Champ de Mars (Huysmans). ‖ 3. Péjor.
Montrer avec ostentation, pour attirer le
regard d’autrui : Un yacht étranger, en
bonne place, à ras de quai, exhibait sans
pudeur ses cuivres, son électricité (Colette).
‖ Fig. et péjor. Faire étalage de : Exhiber son
savoir, ses connaissances.

• SYN. : 2 montrer, présenter, produire,


sortir ; 3 afficher, arborer, déployer, étaler,
exposer.

& s’exhiber v. pr. (av. 1660, Scarron, au


sens de « se montrer » [en parlant d’une
persoime — sans nuance péjor.] ; sens
actuel, début du XXe s.). Péjor. Se faire voir
en public en attirant l’attention par une
tenue provocante.

• SYN. : s’afficher.

exhibition [ɛgzibisjɔ̃] n. f. (lat. exhibitio,


exhibition, représentation, production, de
exhibitum, supin de exhibere [v. EXHIBER] ;
fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire,
écrit exibition [exhibition, XVIe s.], au sens
1 ; sens 2, 1870, Larousse ; sens 3, 1925,
G. Esnault ; sens 4, 1835, Th. Gautier).
1. Action de produire un document en
justice. ‖ Par extens. Action de faire voir,
de présenter : Procéder à l’exhibition de
tous ses papiers. ‖ 2. Action de présenter
au public un ensemble de personnes, d’ani-
maux ou de choses réunis à cet effet : Une
exhibition d’animaux savants. ‖ Absol. et
vx. Exposition : C’est absolument comme
aux exhibitions des années précédentes,
ce n’est ni meilleur ni pire (Huysmans).
‖ 3. En sports, manifestation à caractère
spectaculaire, ne constituant pas une véri-
table épreuve et ne comptant pas pour un
classement : Les deux équipes de rugby se
produiront dimanche dans une exhibition.
‖ 4. Fig. et péjor. Action de montrer avec
ostentation ou impudeur ce qui devrait être
dissimulé discrètement : Avec la « sensibi-
lité » prétendue des nerveux grandit leur
égoïsme ; ils ne peuvent supporter de la part
des antres l’exhibition des malaises aux-
quels ils prêtent chez eux-mêmes de plus
en plus d’attention (Proust).

• SYN. : 2 numéro, présentation ; 4 déploie-


ment, étalage, montre, parade.

exhibitionnisme [ɛgzibisjɔnism] n. m.
(de exhibition ; milieu du XIXe s., au sens 1 ;
sens 2, début du XXe s.). 1. Impulsion mor-
bide à se dévêtir et à montrer ses organes
génitaux. ‖ 2. Tendance à dévoiler au
public des sentiments, des pensées, des
actes qu’on devrait tenir secrets : Au lieu
d’escamoter le péril, il avait presque l’air de
me mettre le nez dessus. Alors quoi ? C’est
de l’exhibitionnisme (Romains).

exhibitionniste [ɛgzibisjɔnist] n. (de


exhibitionnisme ; fin du XIXe s., au sens 1 ;
sens 2, début du XXe s.). 1. Malade men-
tal qui aime à se montrer nu et à exhiber
ses organes génitaux. ‖ 2. Personne qui
dévoile avec ostentation ou impudeur ses
sentiments intimes, ses actes : J’applique
toujours, dit Alban, à ces « exhibition-
nistes de la bonté », comme les appelle un
de nos écrivains, le fragment de Pindare
(Montherlant).

& adj. (XXe s.). Se dit du comportement de


ce malade ou de cette personne : Avoir des
penchants exhibitionnistes.

exhilarant, e [ɛgzilarɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de l’anc. v. exhilarer, égayer, rendre
joyeux [1611, Cotgrave], lat. exhilarare,
réjouir, récréer, de ex- [préf. à valeur inten-
sive] et de hilarare, mêmes sens, dér. de
hilaris, gai, joyeux, de bonne humeur, gr.
hilaros, mêmes sens ; 1669, Molière, au sens
1 ; sens 2, 1870, Larousse). 1. Class. et littér.
Qui porte à l’hilarité ; qui réjouit vivement :
Par la douceur exhilarante de l’harmonie,
adoucissant [...] l’aigreur de ses esprits
(Molière). Aucune tête de femme n’eût pu
résister à la puissance exhilarante de cet
encensement continu (Balzac). ‖ 2. Gaz
exhilarant, ancien nom de l’oxyde azoteux,
ou gaz hilarant.

exhortation [ɛgzɔrtasjɔ̃] n. f. (lat.


exhortation [ɛgzɔrtasjɔ̃] n. f. (lat.
exhortatio, exhortation, encourage-
ment, de exhortatum, supin de exhortari
[v. EXHORTER] ; v. 1170, Livre des Rois, au
sens 1 ; sens 2, v. 1361, Oresme ; sens 3,
av. 1710, Fléchier). 1. Discours, paroles par
lesquels on encourage quelqu’un à faire
quelque chose : Depuis l’exhortation du
bénédictin, j’ai toujours rêvé le pèlerinage
de Jérusalem (Chateaubriand). ‖ 2. Petit
sermon, paroles de piété destinés à forti-
fier la foi, à redonner espoir en Dieu : Les
exhortations d’un homme qui s’est voué à
Dieu peuvent adoucir les dernières heures
d’un mourant (Mérimée). ‖ 3. Fig. Action
qui encourage à faire quelque chose ; motif
déterminant : Sa mort est pour nous une
exhortation à bien vivre (Fléchier).

• SYN. : 1 appel, conseil, encouragement,


incitation, invitation, recommandation ;
3 avis, exemple, invite, leçon.

exhorter [ɛgzɔrte] v. tr. (lat. exhortari,


exhorter, exciter, encourager, de ex- [préf. à
valeur intensive] et de hortari, mêmes sens,
fréquentatif du v. archaïque horiri, stimuler,
exciter ; 1150, Barbier, au sens 1 [rare av. le
XVIe s.] ; sens 2, 1870, Larousse). 1. S’efforcer
d’amener quelqu’un à faire ou à penser
quelque chose, par des encouragements,
des paroles pressantes : Elles avaient cha-
cune leur jour pour aller instruire et exhor-
ter les malades (Chateaubriand). Elle lui
envoya un prêtre qui l’exhorta au repentir
(Mérimée). Exhorter un enfant à améliorer
sa conduite. ‖ 2. Fig. Servir de motif déter-
minant à une action : Son dernier accident
devrait l’exhorter à la prudence.

• SYN. : 1 appeler, convier, encourager, enga-


ger, inciter, inviter, persuader, pousser, pres-
ser ; 2 déterminer.

• REM. Au XVIIeet au XVIIIe s., exhorter,


suivi d’un infinitif, pouvait se construire
avec la prép. de : M. le maréchal d’Es-
trées [...] venait pour m’exhorter de ne
point rompre [avec la Cour] (Retz). Elle
m’exhorta de consulter d’habiles gens
(Rousseau). Il pouvait aussi s’employer
avec que, suivi du subjonctif : Nous vous
exhortons que vous ne receviez pas en vain
la grâce de Dieu (Bossuet).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1775
exhumation [ɛgzymasjɔ̃] n. f. (de exhu-
mer ; 1690, Furetière, au sens 1 ; sens 2,
1870, Larousse). 1. Action de retirer un
cadavre du tombeau, d’extraire de la terre
ce qui y est enfoui : Chiquita ne parut
éprouver aucune frayeur à cette exhuma-
tion étrange (Gautier). L’exhumation d’un
trésor. ‖ 2. Fig. Action de tirer de l’oubli :
L’exhumation d’un manuscrit ancien.
L’exhumation de cette oeuvre manquée
n’est pas de nature à servir la mémoire de
son auteur.

exhumé, e [ɛgzyme] adj. (part. passé de


exhumer ; XXe s.). En géographie, se dit d’un
relief fossilisé sous des formations qui ont
été déblayées par l’érosion.

exhumer [ɛgzyme] v. tr. (lat. médiév.


exhumare, formé, avec le préf. ex- [mar-
quant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur], sur le modèle du lat. class.
inhumare, mettre en terre [v. INHUMER],
pour servir de contraire à ce verbe ; 1643,
d’après Trévoux, 1771, au sens 1 ; sens 2,
v. 1800, d’après Bescherelle, 1858 ; sens 3,
1870, Larousse). 1. Retirer un corps de la
sépulture où il est inhumé ; et, par extens.,
extraire de la terre ce qui y est enfoui :
Celui qui avait exhumé un cadavre pour
le dépouiller était banni de la société des
hommes (Montesquieu). Les fouilles entre-
prises ont permis d’exhumer d’intéressants
vestiges archéologiques. ‖ 2. Fig. Tirer de
l’oubli : Exhumer un parchemin ancien ;
et pronominalem. : Ces morts qui peu à
peu s’exhument des ténèbres (Barbusse).
‖ 3. Fig. Faire revivre, ranimer quelque
chose : Exhumer de vieux ressentiments.
• SYN. : 1 déterrer ; 2 découvrir ; 3 reprendre,
ressortir, ressusciter, réveiller.

exigeant, e [ɛgziʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de exiger ; 1762, Acad., aux sens 1-2 ; sens 3,
début du XXe s.). 1. Qui manifeste beaucoup
d’exigence, qui se montre sévère et diffi-
cile à contenter : Un professeur exigeant.
Des parents exigeants. Une conscience exi-
geante. S’il était exigeant pour les autres,
il n’était pas moins sévère pour lui-même
(Baudelaire). ‖ Spécialem. Qui réclame
sans cesse des attentions, des services,
des soins : Un blessé exigeant. Une plante
exigeante. ‖ 2. Se dit d’un sentiment,
d’une aspiration difficile à satisfaire, d’une
activité qui impose un gros effort à celui
qui la pratique : Une ambition exigeante.
Morale exigeante. Une profession exigeante.
‖ 3. Qui s’impose, qu’on ne peut éviter : Je
rentre à la nuit tombée, harassé parfois, le
coeur plein d’un exigeant besoin de repos
(Gide).

• SYN. : 1 difficile, dur, pointilleux, sévère,


strict, tyrannique ; 2 absorbant, astreignant,
dévorant, prenant. — CONTR. : 1 accom-
modant, bienveillant, conciliant, coulant
(fam.), facile, indulgent ; 2 reposant.

exigence [ɛgziʒɑ̃s] n. f. (bas lat. exigentia,


exigence, de exigens, -entis, part. prés. de

exigere [v. EXIGER] ; v. 1361, Oresme, aux


sens 1-2 ; sens 3, av. 1791, G. de Mirabeau ;
sens 4-5, 1870, Larousse). 1. Ce qui est
requis, exigé par les circonstances : Selon
l’exigence de la situation. ‖ 2. Ce qui est
réclamé impérativement par l’homme
comme lui étant nécessaire à quelque
titre : Les exigences du corps et de l’esprit.
Un mode de vie trop raffiné, qui crée des
exigences. ‖ 3. Ce qu’une personne exige
d’une autre, un ensemble de personnes,
une collectivité exige d’autrui : Chacun
des deux êtres qui s’aiment se façonne selon
l’exigence de l’autre (Gide). Un gouverne-
ment ne peut satisfaire en même temps aux
exigences de toutes les catégories sociales.
‖ Spécialem. Dans le domaine économique
ou financier, conditions exigées (généra-
lement au plur.) : Satisfaire aux exigences
de la clientèle. Les exigences du propriétaire
deviennent abusives. ‖ 4. Caractère d’une
personne qui exige beaucoup des autres :
Faire preuve d’une exigence intraitable.
‖ 5. Ce qui est imposé par une règle, une
discipline, une morale ; obligation qui
résulte de l’idée que l’on se fait de son rôle :
Le point d’honneur, chez lui [Corneille]
comme chez les Espagnols, a souvent des
exigences qu’il est presque permis d’appeler
criminelles (Brunetière). Je me donnais de
hautes raisons, je mettais en avant l’exi-
gence du devoir (Mauriac). Les exigences
d’une profession, d’un art.

• SYN. : 1 impératif, nécessité ; 2 aspiration,


besoin ; 3 désir, gré, volonté ; condition,
prétention, réclamation, revendication ; 4
autoritarisme, despotisme ; 5 contrainte,
force, pression.

exiger [ɛgziʒe] v. tr. (lat. exigere, pous-


ser dehors, chasser, expulser, achever,
accomplir, faire payer, réclamer, mesu-
rer, régler, peser, de ex-, préf. marquant le
mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et de agere, mettre en mouvement, faire ;
milieu du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1580,
Montaigne ; sens 3, 1651, Corneille). [Conj.
1 b.] 1. Demander impérativement ce qui
est dû ou ce qui est considéré comme une
chose due : Exiger le règlement d’une dette.
Exiger des excuses, des explications. Elle
exigea la vérité avec un emportement de
désespoir (Zola). ‖ Spécialem. Imposer,
commander, ordonner en vertu de l’auto-
rité qu’on exerce ou de la force dont on
dispose : Si mon souverain l’exige, je suis
prêt à mourir pour lui (Musset). Il exige
que ses collaborateurs soient ponctuels et
discrets. ‖ 2. Demander, réclamer au-delà
du bon droit ou de la justice : Une entreprise
qui exige un rendement excessif de ses ate-
liers. L’intérêt exigé par le prêteur est inac-
ceptable. ‖ 3. En parlant des choses, avoir
absolument besoin de ; rendre nécessaire,
obligatoire ou inévitable : Sa santé exige
des soins constants. Travail qui exige une
grande tension d’esprit. Le règlement exige
que vous fassiez une demande écrite. En

France surtout, on prend avec une extrême


promptitude les qualités exigées par l’état
militaire (Vigny).

• SYN. : 1 enjoindre, ordonner, réclamer,


revendiquer, sommer ; 2 contraindre,
imposer ; 3 demander, nécessiter, requérir,
vouloir. — CONTR. : 1 dispenser, exempter ;
abandonner, renoncer.

• REM. Exiger que se construit toujours


avec le subjonctif : J’exige que vous veniez
demain soir.

exigibilité [ɛgziʒibilite] n. f. (dér. savant


de exigible ; 1783, Brunot). Caractère de ce
qui est exigible : L’exigibilité d’un paiement.

exigible [ɛgziʒibl] adj. (de exiger ; début


du XVIIe s.). Qui peut être exigé, qu’on a le
droit d’exiger : Une dette exigible.

exigu, uë [ɛgzigy] adj. (lat. exiguus,


petit, de petite taille, peu étendu, court,
étroit, peu intense, dér. de exigere, au
sens de « peser — d’une manière stricte »
[v. EXIGER] ; 1495, J. de Vignay, au sens 1
[rare et plaisant jusqu’au XVIIIe s.] ; sens 2,
1845, Bescherelle). 1. Vx. Qui est insuffisant
en quantité, en valeur : Le dîner fut si mau-
vais et si exigu que j’en sortis mourant de
faim (Chateaubriand). Des revenus exigus.
‖ 2. Qui est de dimensions insuffisantes,
qui manque d’ampleur : Un autel de pro-
portions exiguës s’appuyait contre une porte
d’airain (Flaubert). Un appartement exigu.
• SYN. : 2 étriqué, étroit, réduit, restreint.
— CONTR. : 2 ample, étendu, grand, large,
spacieux, vaste ; raisonnable, suffisant.

exiguïté [ɛgzigɥite] n. f. (lat. exiguitas,


petitesse, petit nombre, petite quantité,
pauvreté, brièveté, de exiguus [v. EXIGU] ;
1495, J. de Vignay, au sens 1 [rare jusqu’en
1798, Acad.] ; sens 2, 1870, Larousse). 1. Vx.
Caractère de ce qui est exigu, insuffisant
en quantité, en valeur : Elle introduisit
dans la vie intérieure autant de confort que
l’exiguïté des revenus le permit (Balzac).
‖ 2. Caractère de ce qui est étroit, insuf-
fisant en dimension : L’exiguïté d’une
chambre. Un peignoir qui dissimulait l’exi-
guïté de ses formes (Fromentin).

exil [ɛgzil] n. m. (réfection, d’après le


lat., de l’anc. franç. essil, eissil, issil, exil,
lieu d’exil, ravage, tourment [XIe s.], lat.
ex[s]ilium, exil, bannissement, lieu d’exil,
de ex[s]ul, exilé, banni, proscrit ; 1080,
Chanson de Roland, écrit exill, au sens de
« malheur, misère » ; sens 1, v. 1160, Benoît
de Sainte-Maure, écrit eixil [exil, XIIIe s.] ;
sens 2, 1679, Bossuet ; sens 3, av. 1662,
Pascal). 1. Mesure qui consiste à expulser
quelqu’un hors de son pays avec interdic-
tion d’y revenir ; état qui en résulte : Oh !
n’exilons personne !... Oh ! l’exil est impie !
(Hugo). Mon compagnon songeait au séjour
qu’il avait quitté, à l’exil qu’il avait encouru
par une faute (Mérimée). ‖ 2. Lieu où
réside celui qui est exilé : Dans mon exil,
j’ai découvert que je ne sais rien (Stendhal).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1776

‖ 3. Obligation faite à quelqu’un de vivre


hors d’un lieu, d’un milieu où il souhaite-
rait demeurer, loin d’une personne dont
la présence lui est chère ; état de celui qui
subit cette contrainte : En sortant du sein
de ma mère, je subis mon premier exil ; on
me relégua à Plancouët (Chateaubriand).
Sans toi, tout s’effeuille et tombe, | L’ombre
emplit mon noir sourcil, | Une fête est une
tombe, | La patrie est un exil (Hugo). C’était
un premier pas, la rentrée dans cette admi-
nistration dont l’exil le tuait (Daudet).
‖ Spécialem. Dans le langage mystique, la
vie sur terre, par opposition à la vie céleste,
qui attend les élus.

• SYN. : 1 bannissement, déportation, expa-


triation, ostracisme, Proscription, reléga-
tion ; 3 éloignement, isolement, séparation.

exilé, e [ɛgzile] adj. et n. (part. passé de


exiler ; XIIe s.). Qui a été condamné à l’exil,
ou qui vit en exil : Le puits où les citoyens
exilés venaient inutilement réclamer leur
patrie (Chateaubriand). L’exilé, partout,
est seul (Lamennais).

• SYN. : banni, expatrié, proscrit, relégué.


& adj. (1652, La Rochefoucauld). Class.
Qui se passe en exil : Je conclus [...] qu’il
[le Cardinal] s’ennuiera de cette vie exilée
(La Rochefoucauld).

exiler [ɛgzile] v. tr. (réfection de l’anc.


franç. essillier, eissillier, exiler, dévaster,
ruiner [XIe s.], dér. de exil [v. ce mot] ou
issu du bas lat. ex[s]iliare, exiler [rarement
attesté], du lat. class. ex[s]ilium, exil ; XIIe s.,
écrit exilier [exiler, XIIIe s.], au sens 1 ; sens 2,
1669, Molière ; sens 3, 1660, Corneille ; sens
4, av. 1816, Millevoye). 1. Frapper quelqu’un
d’exil, le chasser de son pays et l’obliger à
vivre à l’étranger : On enferme, | On exile,
on proscrit le penseur libre et ferme (Hugo).
‖ 2. Obliger quelqu’un à vivre loin d’un
lieu où il aurait aimé rester : Les circons-
tances l’ont exilé de son foyer. ‖ Spécialem.
Sous l’Ancien Régime, éloigner quelqu’un
de la Cour et le contraindre à demeu-
rer dans un lieu déterminé : Louis XIV
exila Fénelon (Staël). Les rois d’Espagne
exilaient un duc et pair dans ses terres
(Hugo). ‖ 3. Class. et fig. Chasser loin de
sa présence : Exile de mes yeux cet insolent
vainqueur (Corneille). ‖ 4. Poét. Obliger
à quitter un lieu pour une durée plus ou
moins longue : Les oiseaux que l’hiver exile,
| Reviendront avec le printemps (Béranger).
• SYN. : 1 bannir, déporter, expatrier, expul-
ser, proscrire ; 2 chasser, écarter, éloigner,
renvoyer.

& s’exiler v. pr. (sens 1, 1835, Musset ; sens


2, 1690, Furetière). 1. Quitter volontaire-
ment son pays. ‖ 2. Se retirer pour vivre
à l’écart : S’exiler en province.

• SYN. : 1 émigrer, s’expatrier ; 2 s’enterrer


(fam.).

exilien, enne [ɛgziljɛ̃, -ɛn] adj. Qui se


rapporte à l’exil du peuple juif à Babylone.

exinscrit, e [ɛgzɛ̃skri, -it] adj. (de ex- [lat.


ex-, préf. marquant le mouvement de l’in-
térieur vers l’extérieur] et de inscrit, part.
passé adjectivé de inscrire ; 1877, Littré).
Se dit d’un cercle tangent à un côté d’un
triangle et aux prolongements des deux
autres côtés : Tout triangle a trois cercles
exinscrits.

existant, e [ɛgzistɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de exister ; 1690, Furetière, aux sens 1-2).
1. Qui possède l’existence : J’aime les choses
existantes ; je les aime comme elles sont
(Senancour). ‖ 2. Se dit de ce qui est valide,
qui a cours dans une situation donnée : Les
traités existants. Un arrêté qui s’applique
dans le cadre des lois existantes.

• SYN. : 1 réel, tangible ; 2 actuel, présent.

existence [ɛgzistɑ̃s] n. f. (bas lat. ex[s]


istentia, existence, de ex[s]istere [v. EXIS-
TER] ; XIVe s., Dict. général, aux sens 1-2 ;
sens 3, av. 1869, Lamartine ; sens 4, 1734,
Voltaire ; sens 5, 1862, V. Hugo). 1. Le fait
d’exister ; état de ce qui existe : Je continue
la lecture des « Élévations » de Bossuet. Il
prouve l’existence de Dieu par le sentiment
de perfection que porte chaque homme en
son coeur (Gide). Prouver l’existence d’un
complot. ‖ Spécialem. Dans la langue de
la philosophie, la réalité immédiate et
concrète, par opposition à l’essence, qui
est abstraite. ‖ 2. Caractère, état de ce
qui est présent : Constater l’existence de
traces de sang sur une pièce à conviction.
‖ 3. Durée pendant laquelle une chose
existe : La monarchie constitutionnelle n’a
pas eu, en France, une longue existence.
‖ 4. Durée de la vie d’un être humain : Ils
se trouvaient accordés, unis en une minute
pour l’existence entière (Daudet). ‖ Par
extens. La vie de quelqu’un considérée dans
sa manière d’être, ses conditions : C’est
ainsi que le futur leader entra en campagne,
avec tous les dehors d’une existence facile
(Daudet). Traîner une existence misérable.
‖ Moyens d’existence, moyens, ressources
dont on dispose pour vivre normalement.
‖ 5. Littér. Être vivant : Tout ce qui a vécu
est l’élément nécessaire de nouvelles exis-
tences (France).

• SYN. : 4 destin, destinée, jours, vie.

existentialisme [ɛgzistɑ̃sjalism] n. m.
(de existentiel ; v. 1940). Doctrine philoso-
phique selon laquelle l’homme existe d’une
façon abstraite avant d’être, de se créer et
se choisir lui-même en agissant.

existentialiste [ɛgzistɑ̃sjalist] adj. (de


existentialisme ; v. 1940). Qui est relatif à la
doctrine de l’existentialisme : Philosophie
existentialiste. Littérature existentialiste.
& n. (1945). Nom donné, surtout au len-
demain de la Seconde Guerre mondiale,
à des jeunes gens qui affectaient une mise
négligée et un dégoût de la vie active et
qui fréquentaient certains cafés parisiens
du quartier de Saint-Germain-des-Prés.

existentiel, elle [ɛgzistɑ̃sjɛl] adj. (de


existence ou du bas lat. ex[s]istentialis, rela-
tif à l’existence, dér. de ex[s]istentia [v. EXIS-
TENCE] ; 1908, Larousse, au sens 1 ; sens 2-3,
milieu du XXe s.). 1. Qui est relatif à l’exis-
tence : Philosophie existentielle. ‖ 2. En
mathématiques, se dit d’un quantificateur
qui a pour symbole ∃ et qu’on énonce par
« il existe ». ‖ 3. Analyse existentielle, en
psychopathologie, analyse du malade par
le psychothérapeute en prenant l’individu
comme un être existant dans le monde en
dehors de toute référence au passé.

existentiellement [ɛgzistɑ̃sjɛlmɑ̃]
adj. (de existentiel ; milieu du XXe s.).
Conformément à la réalité ; selon un état
de fait : Les deux Allemagnes se définissent
existentiellement.

exister [ɛgziste] v. intr. (lat. ex[s]istere,


sortir de, s’élever de, naître, se dresser,
se manifester, se montrer, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur, et de sistere, mettre, éta-
blir, se tenir, dér. de stare, se tenir debout,
ferme, immobile ; XIVe s., au sens 1 [rare
av. le XVIIe s.] ; sens 2-3, 1760, Voltaire [ça
n’existe pas, « c’est stupide », 1920, Bauche]).
1. Posséder l’être, être hors du néant : Rien
n’est mort que ce qui n’existe pas encore
(Apollinaire). ‖ Spécialem. Être dans la
réalité, dans le temps et dans l’espace :
Coutume qui n’existe plus depuis longtemps.
Des saintes qui n’ont jamais existé (France).
‖ Impers. Il existe, il y a : Il existe dans cette
ville une tradition curieuse et fort ancienne.
‖ 2. Être en vie : Il ne venait pas à l’idée de
ces orphelins pauvres [...] qu’ils existaient
en contrebande (Cocteau). Aussi longtemps
qu’il a existé, il a prêché la paix. ‖ Littér.
Vivre d’une manière passive, organique :
Car le plus grand fardeau c’est d’exister
sans vivre (Hugo). ‖ Vivre pleinement :
Existe !... Sois enfin toi-même ! dit l’Aurore
(Valéry). ‖ 3. Avoir de l’importance ou de
la valeur, compter : Dès lors, il me remar-
qua. J’existais pour lui (Renan). Le profit
seul existe à ses yeux. ‖ Fam. Ça n’existe
pas, c’est stupide, sans intérêt : C’est ça son
projet ? mais ça n’existe pas !
• SYN. : 1 être ; avoir cours, régner, se ren-
contrer, se trouver ; 2 subsister, vivre.

exit [ɛgzit] mot invar. (mot lat. signif. « il/


elle sort », 3e pers. du sing. de l’indic. prés.
de exire, sortir, de ex-, préf. marquant le
mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et de ire, aller ; XXe s.). Au théâtre, indica-
tion scénique pour marquer la sortie d’un
acteur.

ex-libris [ɛkslibris] n. m. invar. (loc. for-


mée avec les mots lat. ex [prép. marquant
la provenance] et libris [ablatif plur. de
liber, libri, livre], et signif. proprem. « [qui
provient, qui fait partie] des livres [de] » ;
1870, Larousse). Formule qui, apposée sur
un livre par son propriétaire, indique que
le volume lui appartient : Ex-libris Dupont
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1777

(= ce livre fait partie des livres de Dupont).


‖ Par extens. Vignette artistique que des
bibliophiles collent au revers des reliures
de leurs livres et qui porte leur nom, leurs
armes, leur devise : Il avait [pendant la
Révolution] fait couvrir de papier fort ses
ex-libris aux armes (La Varende). Des livres
de sa bibliothèque, sur lesquels était collé
son exlibris (Duhamel).

exo- [ɛgzo], élément tiré du gr. exô, au-


dehors, dehors, hors, et entrant, comme
préfixe, dans la composition de quelques
mots savants.

exocardiaque [ɛgzokardjak] adj. (de


exo- et de cardiaque ; 1878, Larousse). Se
dit de tout bruit du coeur qui se produit
hors de sa cavité.

exocet [ɛgzɔsɛ] n. m. (lat. exocoetus,


gr. exôkoitos, poisson de mer qui vient
dormir à terre [sic], de exô, au-dehors, et
koitê, couche, action de se coucher ; 1558,
Rondelet). Poisson des mers chaudes,
allongé, aux nageoires pectorales déve-
loppées en forme d’ailes, dit aussi poisson
volant.

exocrânien, enne [ɛgzɔkrɑnjɛ̃, -ɛn] adj.

(de exo- et de crânien ; XXe s.). Qui est situé


en dehors de la cavité crânienne.
• CONTR. : endocrânien.

exocrine [ɛgzɔkrin] adj. (de exo- et de


-crine, du gr. krinein, sécréter ; XXe s.).
Qui a rapport à la sécrétion au niveau des
téguments ou des muqueuses : Sécrétion
exocrine du pancréas.

1. exode [ɛgzɔd] n. m. (bas lat. ecclés.


exodus, exode [terme biblique], gr. exodos,
sortie, départ, et, dans la langue ecclés.,
« exode », de ex-, préf. marquant le mou-
vement de l’intérieur vers l’extérieur, et de
hodos, voie, route, voyage ; XIIIe s., Dict.
général, au sens 1 [rare av. le XVIIIe s.] ;
sens 2, 1865, d’après Littré, 1877). 1. Sortie
des Hébreux d’Égypte sous la conduite de
Moïse en direction de la Terre promise.
‖ Second livre du Pentateuque, racontant
la sortie d’Égypte. (En ces sens, s’écrit
avec une majuscule.) ‖ 2. Départ mas-
sif d’hommes ou d’animaux : Les gares
de Paris sont embouteillées par l’exode
des Parisiens à l’époque des vacances.
‖ Spécialem. Fuite massive de la population
civile devant l’avance du front de bataille,
et particulièrement de la population fran-
çaise devant l’invasion allemande en mai et
juin 1940 : Les paysans en exode y passaient
encore, et Manuel arriva chez le colonel à
travers des files d’ânes et de charrettes, et
un encombrement de troupeaux de toutes
sortes (Malraux). Ces cortèges dont la dis-
parate et l’air misérable préfiguraient les
exodes prochains de la défaite (Suarez).
‖ Exode rural, migration des ruraux vers
les villes. ‖ Par anal. Exode de capitaux,
mouvement des capitaux qui sortent de

leurs pays d’origine pour être investis à


l’étranger.

• SYN. : 2 évasion, fuite, migration.

2. exode [ɛgzɔd] n. m. (lat. exodium, fin,


terme, farce qui terminait le spectacle, gr.
exodion, dénouement [d’une pièce, etc.],
neutre substantivé de l’adj. exodios, qui
concerne la sortie, le départ, la fin, dér. de
exodos [v. l’art. précéd.] ; av. 1596, Vigenère,
au sens 1 ; sens 2, av. 1672, G. Patin). 1. Dans
la littérature grecque, dernière partie de
la tragédie, contenant le dénouement et
qui suivait la sortie du choeur. ‖ 2. Chez
les Romains, pièce comique qu’on jouait
après les tragédies.

• REM. Au sens 1, on emploie aussi le


terme grec EXODOS n. f. (XXe s.).

exodontie [ɛgzɔdɔ̃ti] n. f. (de exo- et du


exodontie [ɛgzɔdɔ̃ti] n. f. (de exo- et du
gr. odous, odontos, dent ; v. 1965). En méde-
cine dentaire, soins externes des dents.

exogame [ɛgzɔgam] adj. (de exogamie ;


1er oct. 1874, Revue des Deux Mondes). Qui
se marie en dehors de la famille ou de la
tribu (par opposition à endogame).

exogamie [ɛgzɔgami] n. f. (de exo- et


de -gamie, du gr. gamos, union, mariage ;
1er oct. 1874, Revue des Deux Mondes).
Mariage entre époux n’appartenant pas à
la même famille ou à la même tribu (par
opposition à endogamie).

exogamique [ɛgzɔgamik] adj. (de exoga-


mie ; 1893, Grande Encyclopédie). En eth-
nologie, qui a le caractère de l’exogamie :
Des liens exogamiques.

• CONTR. : endogamique.

exogène [ɛgzɔʒɛn] adj. (de exo- et de


gène, du gr. gennân, engendrer, produire ;
1813, Candolle, en botanique ; au sens géné-
ral, XXe s.). Qui provient du dehors (par
opposition à endogène). ‖ Spécialem. En
botanique, se dit d’un organe qui prend
naissance à l’extérieur de l’organe qui
l’engendre.

exognathe [ɛgzɔgnat] adj. (de exo- et


-gnathe, gr. gnathos, mâchoire ; 1865,
Littré). Syn. de PROGNATHE.

exognathie [ɛgzɔgnati] n. f. ou exogna-


thisme [ɛgzɔgnatism] n. m. (de exognathe ;
1933, Larousse). Syn. de PROGNATHISME.

exogyne [ɛgzɔʒin] adj. (de exo- et de


-gyne, gr. gunê, femme, femelle ; 1865,
Littré). En botanique, se dit d’une fleur
dont le pistil est saillant en dehors.

exomorphe [ɛgzɔmɔrf] adj. (de exo-


et de -morphe, gr. morphê, forme ; 1933,
‘Larousse). En géologie, se dit des roches
qui présentent le caractère de l’exomor-
phisme : Des roches exomorphes.

• CONTR. : endomorphe.

exomorphisme [ɛgzɔmɔrfism] n. m. (de


exomorphe ; 1933, Larousse). En géologie,
transformation de roches qui entourent un

minerai ou d’autres roches par le contact


avec des roches non sédimentaires.
• CONTR. : endomorphisme.

exomphale [ɛgzɔ̃fal] n. f. (du gr. exom-


phalon pathos, hernie ombilicale, de
pathos, maladie, et exomphalon, neutre
de l’adj. exomphalos, au nombril saillant,
de ex-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur, et de omphalos,
nombril ; 1707, Dionis). Hernie ombilicale
du nouveau-né.

exonération [ɛgzɔnerasjɔ̃] n. f. (bas lat.


jurid. exoneratio, rabais, de exoneratum,
supin de exonerare [v. EXONÉRER] ; 1865,
Littré [un premier exemple, au sens de
« action de décharger son ventre », 1552,
Guéroult]). Action d’exonérer : Demander
une exonération d’impôts.

• SYN. : abattement, allègement, décharge,


dégrèvement, diminution, dispense, exemp-
tion, remise.

exonérer [ɛgzɔnere] v. tr. (lat. exonerare,


décharger, dégager d’un fardeau, soulager,
et, dans la langue jurid. de basse époque,
« [se] libérer d’une dette », de ex-, préf. à
valeur négative, et de onerare, charger, dér.
de onus, oneris, charge, fardeau, impôts,
frais ; 1829, Boiste [un premier exemple à la
fin du XVIIe s., au sens propre de « déchar-
ger »]). [Conj. 5 b.] Décharger, dispenser
totalement ou partiellement d’une charge,
d’une obligation financière : Exonérer des
contribuables. Exonérer un étudiant des
droits d’inscription. ‖ Exonérer des mar-
chandises, affranchir celles-ci de certaines
taxes.

• SYN. : dégrever, exempter, libérer.

exophorie [ɛgzɔfɔri] n. f. (du gr. exô-


phoros, porté au-dehors, de exô, au-dehors,
et de pherein, porter ; milieu du XXe s.).
Trouble de la vision binoculaire. (On dit
aussi HÉTÉROPHORIE.)

exophtalmie [ɛgzɔftalmi] n. f. (lat. scien-


tif. moderne exophtalmia, du gr. exophthal-
mos, qui a les yeux saillants, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et de ophthalmos, oeil ; 1752,
Trévoux). Saillie anormale de l’oeil hors
de son orbite.

exophtalmique [ɛgzɔftalmik] adj. (de


exophtalmie ; 1836, Acad.). Qui se rapporte
à l’exophtalmie ou qui la provoque : Goitre
exophtalmique.
exoplasme [ɛgzɔplasm] n. m. (de [ecto]
plasme [v. ce mot], avec le préf. exo- ; XXe s.).
Syn. rare de ECTOPLASME.

exorable [ɛgzɔrabl] adj. (lat. exorabi-


lis, qu’on peut fléchir par des prières, de
exorare [v. EXORER] ; 1541, Calvin). Class.
et littér. Qui se laisse fléchir, attendrir
par des prières : À notre amour enfin
serez-vous exorable (Rotrou). Attila était
sage au conseil, exorable aux suppliants,
propice à ceux dont il avait reçu la foi
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1778

(Chateaubriand). ‖ Par extens. Qui est


capable de clémence, d’indulgence.

exoration [ɛgzɔrasjɔ̃] n. f. (lat. ecclés.


exoratio, action de fléchir, de exoratum,
supin de exorare [v. EXORER] ; milieu du
XVe s., J. Joret). Supplication adressée à Dieu
pour implorer sa clémence (rare) : Il pria
et ses exorations s’élevèrent (Huysmans).

exorbitamment [ɛgzɔrbitamɑ̃] adv.


(de exorbitant ; 1534, Godefroy, au sens
de « d’une façon contraire à la morale, à
la règle » ; sens actuel, v. 1585, Cholières).
D’une façon exorbitante, excessive
(rare) : Le poisson est exorbitamment cher
(Flaubert).

exorbitance [ɛgzɔrbitɑ̃s] n. f. (de exor-


bitant ; 1595, Godefroy, au sens de « chose
qui blesse les convenances, la règle » ; sens
actuel, fin du XVIIIe s.). Caractère de ce qui
est exorbitant, excessif, de ce qui dépasse
la mesure ordinaire : Grâce à l’exorbitance
de mes années, mon monument est achevé
(Chateaubriand). L’exorbitance d’une
revendication.

• SYN. : démesure, énormité, exagération,


excès, outrance.

exorbitant, e [ɛgzɔrbitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (bas


lat. ecclés. exorbitans, -antis, part. prés. de
exorbitare, dévier de la voie tracée, s’écarter,
s’éloigner, faire dévier, de ex-, préf. mar-
quant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et du lat. class. orbita, trace
d’une roue, ornière, dér. de orbis, toute
espèce de cercle ; 1490, Godefroy, au sens
de « qui blesse les convenances, la morale,
la règle » ; sens 1, 1662, Livet ; sens 2, 1560,
Pasquier). 1. Qui dépasse la mesure nor-
male : Il y avait là de quoi me beaucoup
vieillir en quelques heures. Cette enjambée
exorbitante, je la fis cependant (Fromentin).
‖ Spécialem. Qui choque, scandalise par
son caractère exagéré, excessif : Un prix
exorbitant. Une injustice exorbitante
(Flaubert). ‖ 2. Exorbitant de (et un nom),
en droit, qui sort des limites de, qui ne
relève pas de : Privilège exorbitant du droit
commun.

• SYN. : 1 démesuré, déraisonnable,


énorme, exagéré, excessif, extraordinaire,
gigantesque.

exorbité, e [ɛgzɔrbite] adj. (part. passé


de [s’]exorbiter ; XXe s.). Se dit des yeux qui
semblent sortir de leur orbite : Une tête
jaune, marquée de noir, garnie de dents,
d’yeux exorbités, d’une langue violacée où
écumait la salive (Colette).

exorbiter (s’) [sɛgzɔrbite] v. pr. (de ex-


[lat. ex-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur] et de orbite ;
1887, Huysmans [comme v. intr., au sens
de « sortir des bornes de quelque chose »,
1787, Féraud]). Par exagér. Sortir de l’orbite,
en parlant des yeux : Un frisson silla le poil
de la vache, dont les yeux s’exorbitèrent
(Huysmans).

exorcisation [ɛgzɔrsizasjɔ̃] n. f. (de


exorciser ; XVIe s., Huguet). Vx. Action
d’exorciser.

exorcisé, e [ɛgzɔrsize] adj. et n. (part.


passé de exorciser ; XIVe s., comme adj. ;
comme n., fin du XIXe s., A. Daudet). Se dit
de celui, de celle qu’on soumet ou qu’on a
soumis à des exorcismes : Deux moines
vigoureux sont obligés de l’entraîner par la
petite porte du choeur, se débattant comme
un exorcisé (Daudet).

exorciser [ɛgzɔrsize] v. tr. (bas lat. ecclés.


exorcizare, exorciser, chasser les démons,
gr. exorkizein, faire prêter serment, et, dans
la langue ecclés., « faire jurer à quelqu’un
le nom de Dieu », de ex-, préf. à valeur
intensive, et de horkizein, faire jurer, dér.
de horkos, serment ; XIVe s., Godefroy, au
sens 3 ; sens 1, milieu du XVIe s., Ronsard ;
sens 2, av. 1648, Voiture ; sens 4, 1870,
Larousse [au part. passé ; à l’infin., fin du
XIXe s.]). 1. Conjurer, chasser les démons
par les prières spéciales du rituel : Exorciser
un démon. ‖ 2. Délivrer par des exor-
cismes, des pratiques religieuses spéciales,
celui ou celle qui est possédé du démon : :
« Et si Claudine Deniseau était possédée,
comme vous dites ? — Alors il faudrait
l’exorciser » (France). Il se redressa, regarda
douloureusement son pénitent, puis, d’un
grand geste du bras, comme s’il exorcisait
un énergumène, il le bénit une seconde
fois (Martin du Gard) ; et par extens. : Et
pour exorciser cet endroit démoniaque,
les chrétiens avaient transporté dans une
chapelle, près de la source, le corps de saint
Babylas, martyrisé sous Décius (Tharaud).
‖ 3. Prononcer les prières de l’Église sur
un objet qu’on veut consacrer à un usage
religieux : Exorciser le sel, l’eau, l’huile.
‖ 4. Fig. Délivrer quelqu’un de l’emprise
d’une influence, d’un sentiment ; faire dis-
paraître, détruire ce sentiment : Le sorti-
lège de la gloire dépasse toutes les magies
de l’amour, car la vieillesse ni la mort ne le
peuvent exorciser (Barrès).

& s’exorciser v. pr. (av. 1945, P. Valéry).


Littér. S’exorciser de, se délivrer d’une
influence maléfique, d’une tentation :
Flaubert fut toujours hanté par le démon
de la connaissance encyclopédique, dont il a
essayé de s’exorciser en écrivant « Bouvard
et Pécuchet » (Valéry).

exorcisme [ɛgzɔrsism] n. m. (bas lat.


ecclés. exorcismus, exorcisme, gr. exor-
kismos, action de faire prêter serment,
et, dans la langue ecclés., « exorcisme »,
de exorkizein [v. EXORCISER] ; 1495,
J. de Vignay, au sens 1 ; sens 2, début du
XXe s.). 1. Cérémonie religieuse, prière pour
exorciser : Il [...] gagna la porte à reculons,
en marmonnant des exorcismes (France).
‖ Spécialem. Prière pour soustraire à l’in-
fluence du démon des objets que l’on veut
consacrer au culte : Faire des exorcismes
sur le sel. ‖ 2. Fig. Ce qui est propre à déli-

vrer quelqu’un de ses obsessions, de ses


angoisses : Vous avouez que vous êtes sans
volonté, et de l’inspiration voilà que vous
faites un exorcisme ! (Fromentin).

exorcistat [ɛgzɔrsista] n. m. (de exor-


ciste ; milieu du XXe s.). Troisième ordre
mineur conféré aux clercs.

exorciste [ɛgzɔrsist] n. m. (bas lat. ecclés.


exorcista, exorciste, gr. ecclés. exorkistês,
même sens, de exorkizein [v. EXORCISER] ;
1488, Mer des histoires). Dans l’Église, clerc
qui a reçu le troisième ordre mineur, ou
exorcistat, et dont les fonctions étaient de
chasser les démons.
& n. (1672, Sacy). Personne qui exorcise,
qui conjure le démon.

exorde [ɛgzɔrd] n. m. (lat. exordium,


ourdissage, commencement, principe,
origine, commencement d’un discours,
dér. de exordiri, ourdir, commencer [un
discours, etc.], de ex- [préf. à valeur inten-
sive] et de ordiri, mêmes sens ; 1488, Mer des
histoires, au sens 1 [exorde « ex abrupto »,
1870, Larousse] ; sens 2, 1713, Hamilton).
1. En rhétorique, première partie d’un
discours, dans laquelle l’orateur cherche
à se concilier l’auditoire et à susciter son
intérêt : Les exordes de Bossuet contiennent
le plan du sermon. ‖ Exorde « ex abrupto »,
brusque entrée en matière. ‖ 2. Fig. Début,
commencement d’une action : Le manque
de viande et d’oeufs est maintenant une
source de tentations, un exorde de fautes
(Huysmans).

• SYN. : 1 introduction, préambule ; 2 pré-


face, préliminaire, prélude.

exoréique [ɛgzɔreik] adj. (de exo- et du


gr. rheîn, couler ; v. 1960). Se dit des régions
dont les eaux courantes gagnent la mer :
Les régions exoréiques couvrent 72 p. 100
de la superficie continentale. (S’oppose à
endoréique.)

exoréisme [ɛgzɔreism] n. m. (de exo- et


de [endo]réisme ; v. 1960). Caractère des
régions dont le réseau hydrographique est
raccordé au niveau général des mers et des
océans. (S’oppose à endoréisme.)

exorer [ɛgzɔre] v. tr. (lat. exorare, cher-


cher à fléchir quelqu’un, à obtenir quelque
chose par des prières, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de orare, parler, dire, prier,
demander en suppliant ; XVIe s.). Vx.
Implorer par des prières le secours, la clé-
mence de : D’abord, il y a la foi de ce peuple
réuni pour exorer la Vierge (Huysmans).

exosmose [ɛgzɔsmoz] n. f. (de ex[o]- et


du gr. ôsmos, action de pousser, impulsion,
dér. de ôtheîn, pousser ; 1828, Dutrochet).
Courant qui s’établit, quand deux liquides
de concentration différente sont séparés
par une membrane perméable, de la solu-
tion la plus concentrée vers la solution la
moins concentrée. (Le phénomène inverse
est l’endosmose.)
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1779

exosphère [ɛgzɔsfɛr] n. f. (de exo- et de


[atmo]sphère ; milieu du XXe s.). Couche
atmosphérique qui s’étend au-dessus de
1 000 km environ, où les molécules les plus
légères échappent à la pesanteur et s’élèvent
lentement vers l’espace interplanétaire.

exosphérique [ɛgzɔsferik] adj. (de


exosphère ; milieu du XXe s.). Relatif à
l’exosphère.

exostose [ɛgzɔstoz] n. f. (gr. exostô-


sis, tumeur des os, exostose, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur, et de ostoûn, os ; v. 1560,
Paré, au sens 1 ; sens 2, 1799, Ventenat).
1. Excroissance osseuse d’origine congé-
nitale. ‖ 2. En botanique, protubérance
ligneuse qui apparaît sur les branches ou
sur la tige des arbres.

exostoser (s’) [sɛgzɔstoze] v. pr. (de exo-


stose ; 1870, Larousse). Se couvrir de protubé-
rances : Les murs s’exostosent et se couvrent
d’eschares de salpêtre et de fleurs de dartres
(Huysmans).

exotérique [ɛgzɔterik] adj. (lat. exote-


ricus, exotérique, fait pour le public, gr.
exôterikos, du dehors, extérieur, public,
exposé ou écrit pour le public, dér. de exô-
teros, plus au-dehors, de exô [v. EXO-] ; 1568,
L. Le Roy, au sens 1 [rare jusqu’au XVIIIe s.] ;
sens 2, XXe s.). 1. En philosophie, se dit des
doctrines enseignées publiquement (par
opposition à ésotérique). ‖ Spécialem. Se
disait de certains disciples qui attendaient
d’être initiés, de certaines doctrines super-
ficielles ou de certains ouvrages philoso-
phiques de forme populaire : La doctrine
exotérique, qui n’est qu’une préparation à
la vérité ésotérique (Maeterlinck). ‖ 2. En
occultisme, se dit de l’enseignement qu’il
est permis de divulguer à tout le monde.

exotherme [ɛgzɔtɛrm] adj. (de exo- et


de -therme, gr. thermos, chaud ; 1877, Littré
[en chimie ; en zoologie, XXe s.]). En zoolo-
gie, se dit des animaux qui réalisent leur
métabolisme en empruntant la chaleur au
milieu extérieur.

exothermique [ɛgzɔtɛrmik] adj. (de


exo- et de thermique ; 1870, Larousse). Se
dit d’une transformation chimique qui se
fait en empruntant la chaleur au milieu
ambiant.

exotique [ɛgzɔtik] adj. (lat. exoticus,


étranger, exotique, gr. exôtikos, du dehors,
extérieur, dér. de exô [v. EXO-] ; 1552,
Rabelais, au sens 2 [rare jusqu’au XVIIIe s.] ;
sens 1, 1690, Furetière). 1. Qui appartient,
qui est relatif aux pays étrangers : Usages,
moeurs exotiques. ‖ 2. Qui a été importé de
pays étrangers, en particulier des régions
chaudes du globe : Pas un arbre du pays, pas
une fleur de France ; rien que des plantes
exotiques, des gommiers, des calebassiers,
des citronniers (Daudet).

& n. m. (av. 1872, Th. Gautier). Ce qui est


exotique : L’intelligence du passé et le goût

de l’exotique ont engendré une longue et


magnifique lignée de poèmes où revivent
l’art, la pensée et la figure des temps dis-
parus (Lemaitre).

exotiquement [ɛgzɔtikmɑ̃] adv. (de exo-


tique ; 25 déc. 1875, Gazette des tribunaux).
De façon exotique.

exotisme [ɛgzɔtism] n. m. (de exotique ;


1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, av. 1872,
Th. Gautier). 1. Caractère de ce qui évoque
les moeurs, les habitants, les paysages des
pays étrangers : Mme Sarah Bernhardt me
fait toujours l’effet d’une personne très
bizarre qui revient de très loin, elle me
donne la sensation de l’exotisme (Lemaitre).
L’exotisme de « Paul et Virginie ». ‖ 2. Goût
des choses exotiques : L’exotisme a été une
mode littéraire.

expansé, e [ɛkspɑ̃se] adj. (de


expans[ion] ; milieu du XXe s.). Se dit, dans
l’industrie des matières plastiques et dans
les travaux publics, de matériaux qui ont
subi une expansion : Mousses expansées.
Argile expansée.

expansibilité [ɛkspɑ̃sibilite] n. f. (dér.


savant de expansible ; 1756, Encyclopédie).
Caractère de ce qui est expansible.
‖ Spécialem. Tendance des corps gazeux
à occuper un plus grand espace.

expansible [ɛkspɑ̃sibl] adj. (de


expans[ion] ; 1756, Encyclopédie). Qui est
susceptible de se développer en volume
ou en surface : Les gaz sont expansibles.

expansif, ive [ɛkspɑ̃sif, -iv] adj. (de


expans[ion] ; 1732, Trévoux, au sens 1 ;
sens 2, 1770, J.-J. Rousseau ; sens 3, 1804,
Senancour). 1. En physique, syn. peu usité
de EXPANSIBLE. ‖ Spécialem. Se dit d’un
ciment dont le durcissement est accompa-
gné d’un gonflement contrôlable. ‖ 2. Fig.
Qui aime à communiquer ses pensées et ses
sentiments, qui a tendance à s’épancher :
Les natures peu expansives sont presque
toujours celles qui sentent avec le plus de
profondeur (Renan). Enjouée, expansive
et toute aimante (Flaubert). ‖ 3. Fig. Se dit
d’un sentiment qui ne peut être contenu,
qui se manifeste de façon apparente :
Le chagrin de sa fille est moins expansif
(Daudet).

• SYN. : 2 communicatif, démonstratif,


exubérant, ouvert ; 3 apparent, débordant,
ostensible. — CONTR. : 2 fermé, froid, impas-
sible, renfermé, réservé, sournois, taciturne ;
3 caché, contenu, discret, retenu.

expansion [ɛkspɑ̃sjɔ̃] n. f. (bas lat.


expansio, action d’étendre, expansion,
de expansum, supin du lat. class. expan-
dere, étendre, ouvrir, déplier, déployer,
étaler, développer, expliquer, de ex-, préf.
à valeur intensive, et de pandere, étendre,
tendre, déployer ; 1695, d’après Trévoux,
1743, aux sens 2-3 [quelques ex. au XVIe s.
déjà] ; sens 1, 1752, Trévoux ; sens 4, XXe s. ;
sens 5, 1870, Larousse ; sens 6, v. 1960 [en

linguistique fonctionnelle et distribution-


nelle ; règle d’expansion, v. 1965] ; sens 7,
av. 1848, Chateaubriand ; sens 8, 1850,
Balzac). 1. Le fait, pour un corps, de se
développer en volume ou en surface ;
dilatation : Tous les corps entrent plus ou
moins en expansion sous l’influence de la
chaleur. ‖ Spécialem. Augmentation de
volume d’un gaz, accompagnée d’une
diminution de pression. ‖ 2. Prolongement
qui résulte de l’extension d’une chose : Le
lac inférieur de Constance n’est qu’une
expansion du Rhin sur des prairies noyées
(Chateaubriand). ‖ 3. En anatomie, déve-
loppement de certains organes ; prolon-
gement qui en résulte : Une antipathie qui
croissait avec la régularité d’une expan-
sion végétale (France). L’expansion apo-
névrotique du biceps. ‖ 4. Tendance d’une
société à s’accroître sous un rapport ou
sous un autre. ‖ Développement continu
d’un secteur économique : L’industrie
de l’électronique est en pleine expansion.
‖ 5. Mouvement par lequel un peuple
s’étend au-delà de ses frontières : Il ne lui
[Bismarck] vient pas à l’esprit que dans
fort peu d’années l’Allemagne exigera des
colonies et s’engagera bientôt dans une poli-
tique d’expansion mondiale qui conduira
fatalement à la guerre et à la ruine de son
oeuvre (Valéry). ‖ Expansion coloniale,
tendance de certains pays européens, au
XIXe s., à s’agrandir par la conquête de
colonies. ‖ Expansion démographique,
accroissement de la population d’un pays
par excès des naissances sur les décès, ou
par immigration, ou par ces deux causes
conjuguées. ‖ Expansion économique,
accroissement du revenu national d’un
pays. ‖ 6. Spécialem. En linguistique
fonctionnelle, partie de l’énoncé qui vient
compléter une unité précédente : : Dans la
phrase : « Paul entra dans la pièce », « dans
la pièce » est une expansion de « entra ».
‖ En linguistique distributionnelle, fait
par lequel deux éléments ou séquences
d’éléments peuvent être substitués l’un à
l’autre dans un certain environnement.
‖ Règle d’expansion, en grammaire géné-
rative, règle qui récrit un symbole unique
sous la forme d’une séquence d’éléments
non nuls (ex. :P 1 SN + SV). ‖ 7. Le fait de
se répandre, de se propager, de prendre
de l’extension, en parlant des idées, des
influences, etc. : La société, d’un autre côté,
n’est pas moins menacée par l’expansion de
l’intelligence qu’elle ne l’est par le dévelop-
pement de la nature brute (Chateaubriand).
Expansion d’une doctrine. ‖ 8. Fig. Action
de s’épancher ; mouvement qui pousse une
personne à communiquer à autrui ses sen-
timents, ses pensées intimes : Des natures
plus mâles, plus sévères, sont quelquefois
lassées et un peu impatientées de cette
douceur et de cette expansion continue
(Sainte-Beuve). Rien n’est doux comme
l’expansion des natures habituellement
fermées (Sandeau).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1780

• SYN. : 4 accroissement, développement,


essor, extension ; 7 diffusion, propagation,
progression, rayonnement ; 8 abandon,
effusion, épanchement.

& expansions n. f. pl. (début du XXe s.).


Manifestations de politesse ou d’amitié
envers quelqu’un : Le tout se termina par
des expansions et des échanges de poi-
gnées de main au bout de la fosse béante
(Courteline).

• SYN. : démonstrations, effusions,


transports.

expansionnisme [ɛkspɑ̃sjɔnism] n. m.
(de expansion ; 1922, Larousse, aux sens
1-2). 1. Doctrine qui préconise ou encou-
rage l’expansion d’un pays au-delà de ses
limites, en particulier par une politique
de conquêtes et d’annexions. ‖ 2. Régime
économique d’un pays où l’accroissement
du revenu national est systématiquement
favorisé par les pouvoirs publics.

expansionniste [ɛkspɑ̃sjɔnist] adj. et


n. (de expansion ; 1922, Larousse). Qui est
favorable aux doctrines de l’expansion
politique.

& adj. (1922, Larousse). Relatif à l’expan-


sion politique.

expansivité [ɛkspɑ̃sivite] n. f. (de expan-


sif ; 16 avr. 1875, Journ. officiel). Caractère
d’une personne expansive.

expatriation [ɛkspatrijasjɔ̃] n. f. (de


expatrier ; XVIe s.). Action d’expatrier ou de
s’expatrier ; état, situation d’une personne
expatriée : L’expatriation des protestants
français après la révocation de l’édit de
Nantes.

• SYN. : déportation, émigration, exil,


expulsion.

• REM. On a dit aussi EXPATRIEMENT (fin


du XVIIe s., Saint-Simon) : Un expatrie-
ment qui a duré aussi longtemps que sa
très longue vie (Saint-Simon).

expatrié, e [ɛkspatrije] n. (part. passé


substantivé de expatrier ; XIVe s., La Curne).
Personne qui a quitté sa patrie, volontaire-
ment ou sous la contrainte, et vit en pays
étranger.

expatrier [ɛkspatrije] v. tr. (de ex- [lat.


ex-, préf. marquant le mouvement de l’inté-
rieur vers l’extérieur] et de patrie ; XIVe s., La
Curne, au sens 1 [au part. passé substantivé
— v. l’art. précéd. ; à l’infin., 1731, Brunot] ;
sens 2, milieu du XXe s.). 1. Expulser, éloi-
gner quelqu’un de sa patrie. ‖ 2. Expatrier
des capitaux, les placer à l’étranger.

• SYN. : 1 bannir, déporter, exiler, expulser,


proscrire.

& s’expatrier v. pr. (1743, Trévoux). Quitter


volontairement sa patrie ; subir l’exil : Il
était ému en parlant de cette vaillante
grand-mère s’expatriant, déjà âgée, pour
suivre ses enfants (Daudet).

• SYN. : émigrer, s’exiler.

expectant, e [ɛkspɛktɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


ex[s]pectans, -antis, part. prés. de ex[s]
pectare, attendre, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de spectare, regarder, observer,
avoir en vue, fréquentatif de specere, spicere,
regarder ; v. 1460, G. Chastellain, comme
n. m., au sens de « celui qui attend quelque
chose qui lui est dû » ; comme adj., au sens
1, 1826, Brillat-Savarin ; sens 2, av. 1922,
Proust). 1. Qui préfère attendre pour
agir : Politique expectante. ‖ Médecine
expectante, méthode médicale qui laisse
agir la nature et ne veut que la seconder.
(V. EXPECTATION.) ‖ 2. Littér. Qui laisse
dans l’expectative : Un sourire conditionnel
et provisoire dont la finesse expectante le
disculperait du reproche de naïveté, si le
propos qu’on lui avait tenu se trouvait avoir
été facétieux (Proust).

& n. Vx et littér. Personne qui est dans


l’attente de quelque chose.

expectatif, ive [ɛkspɛktatif, -iv] adj. (lat.


médiév. ex[s]pectativus, de ex[s]pectatum,
supin de ex[s]pectare [v. l’art. précéd.] ; 1512,
J. Lemaire de Belges, au sens 1 [pour des
grâces ; pour des lettres, 1870, Larousse] ;
sens 2, 1870, Larousse). 1. Vx. Qui met en
droit d’attendre, d’espérer quelque chose :
Des lettres expectatives. ‖ Grâces expecta-
tives, grâces que la Cour de Rome promet-
tait par des lettres expectatives. ‖ 2. Fig.
Que l’on peut attendre, espérer : Un héri-
tage expectatif.

expectation [ɛkspɛktasjɔ̃] n. f. (lat. ex[s]


pectatio, attente, désir, curiosité, impa-
tience, de ex[s]pectatum, supin de ex[s]pec-
tare [v. EXPECTANT] ; v. 1355, Bersuire, au
sens 1 ; sens 2, 1866, Larousse [t. I, p. 709]).
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Attente de
quelque chose : L’expectation du public
a été heureusement terminée (Bossuet).
‖ 2. Spécialem. Pratique médicale qui
consiste à observer l’évolution de la mala-
die et à n’intervenir activement que lorsque
les symptômes sont bien caractérisés. (Syn.
MÉTHODE EXPECTANTE.)

expectative [ɛkspɛktativ] n. f. (fém.


substantivé de expectatif [v. ce mot] ;
1552, Paradin, au sens 1 ; sens 2, av. 1869,
Lamartine). 1. Attente de quelque chose,
fondée sur des promesses, des probabi-
lités : Vivre dans l’expectative. Pour l’ins-
tant, ajouta-t-il avec plus de calme, nous
n’en sommes qu’à la période d’expectative
(Miomandre). ‖ Spécialem. Espérance de
l’obtention future d’un droit ou d’un bien :
L’expectative d’un héritage. ‖ En expecta-
tive, se dit de celui qui a l’espoir d’obtenir
prochainement un droit, un bien, une fonc-
tion : Héritier en expectative. Les sous-pré-
fets en expectative (Nerval). ‖ 2. Attitude
prudente ou timide d’une personne qui
préfère attendre avant d’agir : La conduite
du duc d’Orléans ne fut qu’une expectative
(Lamartine).

expectorant, e [ɛkspɛktɔrɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de expectorer ; 1752, Trévoux,
comme adj. et comme n.). Qui favorise
l’expectoration : Boisson expectorante.
Je te conseille de reprendre, ces jours-ci,
une de tes potions expectorantes, dit-il
(Martin du Gard).

& expectorant n. m. Médicament qui faci-


lite l’expectoration.

expectoration [ɛkspɛktɔrasjɔ̃] n. f. (de


expectorer ; fin du XVIIe s., Saint-Simon, au
sens 2 ; sens 1, 1752, Trévoux). 1. Action
d’expulser par la bouche des substances
provenant des voies respiratoires infé-
rieures (trachée, bronches, poumons) ;
les substances, les crachats ainsi rejetés :
Il a eu des expectorations épouvantables
(Romains). ‖ 2. Vx. Action de dévoiler le
nom d’un cardinal nommé in petto par le
pape : Le roi consentit à l’expectoration,
et dépêcha un courrier à Polignac pour le
faire revenir sur-le-champ (Saint-Simon).

expectorer [ɛkspɛktɔre] v. tr. (lat. expec-


torare, chasser de son coeur, et, dans la
langue ecclés. moderne, « rendre publique
une nomination de cardinal faite in petto »,
de ex-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur, et de pectus, pec-
toris, poitrine, coeur ; v. 1670, Brunot, au
sens 1 ; sens 2, 1870, Larousse ; sens 3, fin
du XVIIe s., Saint-Simon). 1. Rejeter par la
bouche des substances provenant des voies
respiratoires inférieures (trachée, bronches,
poumons) : Expectorer du sang. ‖ 2. Fam.
et péjor. Dire, prononcer, émettre : Il
suffil que cette hystérique [...] attaque le
gouvernement pour que les curés viennent
par troupe l’écouter bouche bée, et applau-
dissent à toutes les turpitudes qu’elle expec-
tore (France). ‖ 3. Vx. Rendre publique une
nomination de cardinal faite in petto : Le
pape fit avertir le roi qu’il allait expectorer
Polignac avec les autres et que cela ne se
pouvait plus différer (Saint-Simon).

• SYN. : 1 cracher ; 2 débiter, formuler, sortir


(fam.), vomir.

1. expédient, e [ɛkspedjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


expediens, -entis, part. prés. de expedire,
débarrasser le pied, dégager, être avanta-
geux ou utile, de ex-, préf. marquant la
séparation, et de pes, pedis, pied ; v. 1361,
Oresme). Class. et littér. Qui est utile, qui
procure un avantage opportun : Psyché ne
se put rien imaginer de plus à propos ni
de plus expédient (La Fontaine). Les uns,
par exemple, ne découvrent chez Descartes
qu’un Dieu expédient, qui lui sert de garant
de sa certitude spéculative, et de premier
moteur (Valéry).

• REM. Il est surtout usité avec la forme


impersonnelle : Il est plus expédient
de consulter de bouche que par écrit
(d’Ablancourt).

2. expédient [ɛkspedjɑ̃] n. m. (emploi


substantivé du précéd. ; v. 1361, Oresme,
au sens de « avantage » ; sens 1, milieu du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1781

XVIe s., Amyot ; sens 2, 1859, Baudelaire).


1. Class. et littér. Moyen ingénieux et rapide
d’arriver à ses fins, solution avantageuse :
J’ai l’honneur d’avoir trouvé des expédients
que le bon esprit de l’abbé ne trouvait pas
(Sévigné). À défaut de la puissance du
labeur, ayons du moins quelque ingéniosité
d’expédients (Barrès). ‖ 2. Péjor. Solution
momentanée, souvent peu honnête ou peu
délicate, permettant de se tirer d’embar-
ras sans que la difficulté essentielle soit
résolue : L’habitude prise des expédients
en tout genre, qui, de la politique et des
affaires dont ils sont le régime inévitable,
sans doute, et ordinaire, se sont étendus à
l’existence privée (Valéry).

& expédients n. m. pl. (1770, J.-J. Rousseau


[au sing., 1735, Lesage]). Moyens pro-
visoires et extrêmes de se procurer de
l’argent : Mais il se rappelait des traits de
droiture de ces bohèmes et les rapprocha
de la vie d’expédients, presque d’escroque-
ries, où le manque d’argent, le besoin de
luxe, la corruption des plaisirs conduisent
souvent l’aristocratie (Proust). ‖ Vivre
d’expédients, être obligé, pour vivre, de
recourir à toutes sortes de moyens, licites
ou non : Il est heureux, dit solennellement
Julius, il est heureux, Lafcadio, qu’il vous
revienne aujourd’hui quelque argent : sans
métier, sans instruction, condamné à vivre
d’expédients... (Gide).

expédier [ɛkspedje] v. tr. (de expédient


1 ; 1360, Godefroy, au sens de « travailler
à l’exécution de quelque chose » ; sens
I, 1, 1657, Pascal ; sens I, 2, fin du XVe s.,
Commynes ; sens I, 3, 1669, Molière ; sens I,
4, v. 1361, Oresme ; sens I, 5, 1534, Rabelais ;
sens I, 6, 1629, Corneille ; sens II, 1, 1676,
Pomey [pour un messager ; pour des mar-
chandises, 1723, Savary des Bruslons] ; sens
II, 2, 1690, Furetière).

I. 1. Class. En terminer avec quelqu’un,


achever de s’occuper de ses affaires : Les
parties étant venues pour savoir s’il les ex-
pédierait bientôt : « Cela est fait, leur dit-il,
ne pouvant lire votre procès, je l’ai brûlé »
(Tallemant des Réaux). ‖ Auj. et péjor.
En finir rapidement avec quelqu’un pour
se débarrasser de lui, le renvoyer : Ayant
expédié le père Soupe, le jeune homme se
mit en devoir d’expédier des choses plus
sérieuses (Courteline). ‖ 2. Class. et fam.
Faire périr promptement, en particulier
exécuter un condamné : Ce portier du
logis était un chien énorme, | Expédiant
les loups en forme (La Fontaine). On la
mène à la Grève [...]. Elle fut expédiée à
l’instant (Sévigné). ‖ Auj. et littér. Mettre
à mal, blesser ou tuer : Le premier duel-
liste, | Je l’expédie avec les honneurs qu’on
lui doit ! (Rostand). ‖ Fam. Expédier « ad
patres », dans l’autre monde, faire périr.
‖ 3. Class. et fig. Mettre à mal, perdre,
ruiner : C’est le coup, scélérat, par où tu
m’expédies (Molière). ‖ 4. Se hâter de
faire quelque chose, de l’exécuter : En

un tour de main, elle expédiait le gros


ouvrage (Daudet). ‖ Expédier les affaires
courantes, les régler sans s’occuper des
affaires nouvelles. ‖ 5. Péjor. Exécuter
avec trop de hâte quelque chose pour s’en
débarrasser : Expédier ses devoirs, son
déjeuner. ‖ 6. Class. Raconter à la hâte :
J’entends à demi-mot ; achève, et m’expé-
die | Promptement le motif de cette mala-
die (Corneille).

II. 1. Faire partir quelque chose ou


quelqu’un pour une certaine destination :
On expédie à grands frais des convois de
navires afin de récolter au pôle austral la
fiente des pétrels et des pingouins (Hugo).
Ils [les blessés] nous suppliaient, avec des
larmes, de les expédier ailleurs (Duha-
mel). Expédier une estafette. ‖ Par ex-
tens. Acheminer par un moyen de trans-
port quelconque : Expédier une lettre, un
colis. ‖ 2. En termes de droit, délivrer
une copie de la minute d’un acte ou d’un
jugement.

• SYN. : I, 5 bâcler, sabrer. ‖ II, 1 acheminer,


adresser, envoyer.

expéditeur, trice [ɛkspeditoer, -tris]


n. (de expédier, d’après expédition ; v.
1460, G. Chastellain, au sens de « celui qui
travaille à l’exécution de quelque chose »
[inusité au XVIIe s.] ; sens actuel, 1730,
Savary des Bruslons). Personne qui fait
une expédition, qui envoie quelque chose
par la poste, le chemin de fer, l’avion, etc. :
L’expéditeur d’une lettre recommandée,
d’un mandat, d’un colis postal. Retour à
l’expéditeur. ‖ Spécialem. Intermédiaire
qui fait l’expédition de marchandises pour
le compte d’autres négociants.

• SYN. : envoyeur. — CONTR. : destinataire.


& adj. (1870, Larousse). Où se fait une
expédition : Bureau expéditeur. Gare
expéditrice.

expéditif, ive [ɛkspeditif, -iv] adj. (de


expédier, d’après expédition ; milieu du
XVIe s., Amyot, au sens 1 ; sens 2, 1804,
Senancour). 1. Se dit d’une personne qui
exécute promptement les tâches dont elle
est chargée, qui agit sans s’attarder : C’est
un homme expéditif, qui aime à dépêcher
ses malades (Molière). ‖ Péjor. Qui est
rapide, effcace, mais peu scrupuleux sur
les moyens : Cette route, malgré la jus-
tice expéditive du pacha, était peu sûre
(Chateaubriand). ‖ 2. Qui permet d’exé-
cuter rapidement quelque chose, d’en
finir promptement avec une affaire : Un
moyen de transport moins commode que
la promenade à pied, mais plus expéditif
(Fromentin).

• SYN. : 1 actif, diligent, pressé, preste, vif ;


sommaire ; 2 prompt, rapide.

expédition [ɛkspedisjɔ̃] n. f. (lat. expe-


ditio, préparatifs de guerre, expédition,
campagne, disposition, distribution, de
expeditum, supin de expedire [v. EXPÉDIENT
1] ; v. 1212, Anger, au sens de « prépara-
tifs » ; sens I, 1, fin du XVe s., Commynes ;
sens I, 2, XXe s. ; sens II, 1, v. 1780, Brunot ;
sens II, 2, 1741, Savary des Bruslons ; sens
II, 3, début du XXe s. ; sens II, 4, XVIe s.,
La Curne ; sens II, 5, 1835, Acad. ; sens II,
6, 1771, Trévoux ; sens III, 1680, Richelet).

I. 1. Class. Action de terminer avec dili-


gence une affaire (sans nuance défavo-
rable) : Ce ministre est un homme d’expé-
dition (Furetière, 1690). De l’unité d’une
même volonté dépendent l’expédition, le
secret, l’obéissance, l’ordre et l’union (Fé-
nelon). ‖ Chose de prompte expédition,
chose qui s’exécute, se réalise très rapi-
dement : Il faut attendre que la première
édition [du dictionnaire], dont on a tiré
plus de deux mille exemplaires, soit ven-
due ; et ce n’est pas une chose de prompte
expédition (Bayle). ‖ Auj. Expédition des
affaires courantes, leur exécution nor-
male. ‖ 2. Péjor. Action d’en finir rapide-
ment avec quelque chose pour s’en débar-
rasser : L’expédition d’une tâche.

II. 1. Action d’expédier quelque chose, de


l’acheminer vers une destination par un
moyen de transport quelconque : L’expé-
dition d’un mandat, d’un télégramme,
d’une lettre recommandée. L’expédition
de marchandises par mer, de denrées
périssables par la route. ‖ Spécialem. Re-
mise d’une lettre ou d’une marchandise
à un transporteur. ‖ 2. Ce qui est ainsi
expédié : Nous attendons toujours votre
expédition du mois dernier. ‖ Spécialem.
Quantité de marchandises expédiées : Les
expéditions ont augmenté. ‖ 3. Action de
faire partir quelqu’un pour une destina-
tion déterminée : L’expédition des blessés
vers les hôpitaux de l’arrière. ‖ 4. Opéra-
tion militaire exigeant un déplacement
assez important, exécutée généralement
hors du territoire national : Une expédi-
tion de représailles. L’expédition d’Égypte
(1798). ‖ 5. Voyage, mission d’explora-
tion ou de recherche dans un pays éloi-
gné ou d’accès difficile, et nécessitant un
équipement plus ou moins important :
Organiser, diriger une expédition scienti-
fique. Une expédition polaire. ‖ 6. Fam.
et ironiq. Équipée, voyage plus ou moins
mouvementé : Il menait sa maîtresse dans
ses expéditions (Mérimée).

III. En termes de droit, copie conforme


d’un original : L’expédition d’un juge-
ment, d’un contrat de mariage.

• SYN. : II, 1 et 2 envoi ; 3 acheminement,


transport ; 4 campagne, raid ; 5 exploration.
& expéditions n. f. pl. (XXe s.). Documents
qu’un navire en mer doit posséder à son
bord, tels que l’acte de propriété, le rôle
d’équipage, le permis de navigation, l’acte
de francisation, etc.

expéditionnaire [ɛkspedisjɔnɛr] n. et
adj. (de expédition ; 1553, Édit royal, au sens
1 ; sens 2, fin du XVIIIe s.). 1. Employé, et en
particulier commis d’administration, qui
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1782

fait l’expédition, la copie des actes adminis-


tratifs ou autres : Un chef de division l’avait
engagé comme expéditionnaire (Flaubert).
Il est inouï de penser que sur trois expédi-
tionnaires l’un soit fou, le deuxième gâteux
et le troisième à l’enterrement (Courteline).
Il accomplissait, en attendant, un stage
d’expéditionnaire chez un avoué de la place
Vendôme (Duhamel). ‖ 2. Personne qui
est chargée de faire des expéditions (aux
sens II et III).

& adj. (1829, Boiste). Corps expéditionnaire,


ensemble des troupes d’une expédition
militaire : Le corps expéditionnaire fran-
çais d’Italie (1944).

expéditivement [ɛkspeditivmɑ̃] adv.


(de expéditif ; av. 1836, Armand Carrel).
De façon expéditive, rapide : Mener expé-
ditivement une affaire.

• SYN. : hâtivement, prestement, prompte-


ment, rapidement, vivement.

expérience [ɛksperjɑ̃s] n. f. (lat. expe-


rientia, essai, épreuve, tentative, pratique,
de experiri, éprouver, faire l’essai de, tenter
de ; v. 1265, J. de Meung, aux sens I, 1-2 ;
sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens I, 4, XXe s. ;
sens II, 1-2, 1314, Mondeville).

I. 1. Action d’acquérir la connaissance


des êtres et des choses, ou d’étendre, d’en-
richir cette connaissance, par l’épreuve
qu’on en fait : L’expérience du monde en
dégoûte, on le sait (Rousseau). Vous avez
commencé l’expérience de la vie (Musset).
L’expérience des affaires, de la diploma-
tie, des négociations internationales. Je
sais par expérience que... ‖ Spécialem.
Épreuve que l’on fait d’une chose et dont
on tire une leçon, un enrichissement : Il
n’y a point d’expérience qui élève mieux
un homme que la découverte d’un plaisir
supérieur (Alain). Une bonne expérience
faite à ses dépens instruit plus qu’une mise
en garde. ‖ 2. Connaissance pratique des
choses et des gens, perfectionnement des
aptitudes naturelles acquis au contact des
réalités, par l’usage, la fréquentation pro-
longés : Pilote sans expérience, je ne savais
de quel côté présenter la voile à des vents
indécis (Chateaubriand). Si Fabrice eût eu
la moindre expérience, il eût bien vu que
la comtesse elle-même ne croyait pas aux
bonnes raisons qu’elle se hâtait de donner
(Stendhal). Ne transmettez à ceux qui
vous lisent que l’expérience qui se dégage
de la douleur et qui n’est plus la douleur
elle-même (Lautréamont). Le meilleur de
notre expérience, nous le trouvons dans
nos épreuves, dans nos douleurs (Duha-
mel). ‖ 3. En philosophie, connaissance
acquise par les sens et par l’exercice des
facultés intellectuelles, par opposition à
ce qui, dans la connaissance, est considé-
ré comme inné ou impliqué par la nature
même de l’esprit : Expérience sensible.
Expérience externe. Expérience interne,
ou connaissance intuitive. ‖ 4. Appré-

hension directe de certaines réalités qui


s’accompagne d’un sentiment d’évi-
dence : Expérience morale, métaphysique,
religieuse, mystique.

II. 1. Dans le domaine scientifique,


épreuve qui a pour objet de vérifier ou de
suggérer une hypothèse, et qui consiste
soit dans l’observation de faits indépen-
dants de l’observateur, soit dans l’obser-
vation de faits provoqués ou modifiés
par expérimentation : Une science expé-
rimentale [...] sera une science faite avec
des expériences, c’est-à-dire dans laquelle
on raisonnera sur des faits d’expérimen-
tation obtenus dans des conditions que
l’expérimentateur a créées et déterminées
lui-même (Cl. Bernard). Les évidences
de la physique des objets peuvent être
assimilées à des résultats d’expérience
(Gonseth). Expérience de physique, de
chimie. ‖ Spécialem. Mise à l’épreuve
d’une chose pour en vérifier la nature, les
propriétés : Faire l’expérience d’un médi-
cament. ‖ 2. Dans le langage courant,
action de mettre quelque chose à l’essai
pour en observer les résultats ; tentative :
Une expérience économique importante
entreprise par un pays. Une expérience de
vie commune.
• SYN. : I, 1 apprentissage, fréquentation,
pratique ; 2 habitude, usage. ‖ II, 1 expé-
rimentation ; test ; 2 essai.

expérimentable [ɛksperimɑ̃tabl] adj.


(de expérimenter ; 1877, Littré). Qui peut
être expérimenté.

expérimental, e, aux [ɛksperimɑ̃tal,


-o] adj. (de expérimenter ; 1503, G. de
Chauliac, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Qui
est fondé sur l’expérience scientifique, sur
l’emploi systématique de l’expérimenta-
tion : La méthode expérimentale, considérée
en elle-même, n’est rien autre chose qu’un
raisonnement à l’aide duquel nous soumet-
tons méthodiquement nos idées à l’expé-
rience des faits (Cl. Bernard). ‖ Sciences
expérimentales, celles qui ont recours à
l’expérimentation (par opposition aux
sciences dites d’observation). ‖ Psychologie
expérimentale, psychologie qui a pour objet
l’étude objective des réactions et des com-
portements, et pour méthode la vérifica-
tion des hypothèses et des déductions par
l’expérience. ‖ 2. Qui sert à expérimen-
ter : Une station expérimentale. ‖ Qui est
entrepris à titre d’expérience : Un avion
expérimental.

expérimentalement [ɛksperimɑ̃talmɑ̃]
adv. (de expérimental ; XVIIIe s., Brunot). En
se fondant sur l’expérimentation : Vérifier
expérimentalement une théorie.

expérimentaliste [ɛksperimɑ̃talist] adj.


et n. (de expérimental ; 1870, Larousse).
Adepte de la doctrine expérimentale.

expérimentateur, trice [ɛksperimɑ̃-


tatoer, -tris] n. (dér. savant de expérimenter ;

1372, J. Corbichon, puis 1834, Landais, au


sens 1 ; sens 2, 1870, Larousse). 1. Personne
qui recourt à l’expérimentation pour préciser
ou vérifier les hypothèses qu’elle a formées :
Comme expérimentateur, j’évite les systèmes
philosophiques (Cl. Bernard). ‖ 2. Personne
qui tente une expérience, qui essaie quelque
chose.

expérimentation [ɛksperimɑ̃tasjɔ̃]
n. f. (de expérimenter ; 1834, Landais, au
sens 1 ; sens 2, 1865, Cl. Bernard). 1. Action
d’expérimenter : Cette philosophie acquise
dans l’expérimentation et l’étude des
hommes (Dumas fils). L’expérimentation
d’un médicament, d’un nouveau procédé
de fabrication. ‖ Spécialem. Production
ou modification des phénomènes en vue
de leur observation : L’impression est pour
l’écrivain ce qu’est l’expérimentation pour
le savant, avec cette différence que chez le
savant le travail de l’intelligence précède
et chez l’écrivain vient après (Proust).
‖ Expérimentation humaine, en méde-
cine, essai sur l’homme, à des fins théra-
peutiques, d’une substance nouvelle ou
d’une nouvelle technique chirurgicale.
‖ 2. Méthode scientifique reposant sur
l’emploi systématique de l’expérience ou
de l’observation contrôlée pour vérifier les
hypothèses : C’est pourquoi l’expérimen-
tation, ou l’art d’obtenir des expériences
rigoureuses et bien déterminées, est la base
pratique et en quelque sorte la partie exécu-
tive de la méthode expérimentale appliquée
à la médecine (Cl. Bernard).

• SYN. : 1 étude, expérience, observation,


pratique.

expérimenté, e [ɛksperimɑ̃te] adj.


(part. passé de expérimenter ; 1453,
Coutumes d’Anjou). Se dit d’une personne
qui possède une solide connaissance pra-
tique dans un domaine donné, et notam-
ment qui a une longue expérience de son
métier : Ce n’était pas seulement un homme
expérimenté dans la guerre... (Vigny). Un
peuple avisé s’en décharge volontiers sur des
mercenaires et en remet l’entreprise à des
capitaines expérimentés (France).

• SYN. : averti, chevronné, compétent,


entraîné, éprouvé, exercé, expert, qualifié,
rompu, versé. — CONTR. : apprenti, bleu
(fam.), débutant, inexpérimenté, néophyte,
nouveau, novice.

expérimenter [ɛksperimɑ̃te] v. tr. (bas


lat. experimentare, essayer, expérimen-
ter, du lat. class. experimentum, épreuve,
preuve par expérience ou par les faits, dér.
de experiri [v. EXPÉRIENCE ; le lat. expe-
rimentum avait donné en anc. franç. une
forme pop. esperiment, esperment, expé-
rience — v. 1119, Ph. de Thaon —, d’où le
v. espermenter, expérimenter — v. 1130,
Eneas] ; XIVe s., au sens 2 ; sens 1, fin
du XVIe s., A. d’Aubigné). 1. Apprendre,
découvrir, connaître par l’expérience : Moi,
dit-il, je n’ai jamais eu la chance d’expéri-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1783
menter mon courage dans une affaire de
cette sorte (Maupassant). ‖ 2. Soumettre
quelque chose à une épreuve ou à un
ensemble d’épreuves destinées à véri-
fier, à juger ses propriétés, ses qualités :
Expérimenter un remède, un vaccin, un
nouveau moteur. ‖ Absol. Effectuer des
expériences dans les sciences de la nature.
• SYN. : 1 éprouver ; 2 contrôler, essayer,
tester.

expert, e [ɛkspɛr, -ɛrt] adj. (réfection,


d’après le lat., de l’anc. franç. espert, habile,
adroit [XIIIe s., Miracles de Notre-Dame
de Chartres], expert [XIVe s., Ordonnance
royale], lat. expertus, éprouvé, qui a fait
ses preuves, part. passé de experiri [v.
EXPÉRIENCE] ; v. 1355, Bersuire, au sens
1 ; sens 2, av. 1613, M. Régnier). 1. Qui a
la parfaite connaissance d’une chose due
à une longue pratique : Comme acteur
expert aux ruses et subterfuges, je l’appré-
cie (Gautier) ; et par extens. : Le coeur est
expert en tromperies (Chateaubriand).
‖ 2. Qui témoigne d’une telle connais-
sance ; exercé : Une main experte. L’oeil
expert du connaisseur. Trauttenbach avait
formé le projet audacieux de subtiliser les
papiers du colonel ; et, pour ce faire, il
s’était assuré l’aide experte de deux com-
pères (Martin du Gard).

• SYN. : 1 averti, connaisseur, entraîné,


formé, maître en, rompu, versé ; 2 com-
pétent, exercé, expérimenté, habile.

— CONTR. : 1 ignorant, inapte, incapable,


profane ; 2 inexpérimenté, inhabile,
maladroit.

• REM. L’adjectif expert se construit avec


la prép. à devant un infinitif : Expert à
manier une arme ; avec à ou en devant
un nom. Mais la langue contemporaine
emploie surtout la prép. en devant le
nom.

& expert n. m. (1580, Montaigne [au sens


jurid., milieu du XVIIIe s. ; à dire d’experts,
1775, Beaumarchais]). Personne apte à
bien juger de quelque chose grâce à la
connaissance approfondie qu’elle en a
acquise : Consultez les experts, le moderne
et l’antique (Musset). ‖ Spécialem.
Technicien désigné par un tribunal ou par
une compagnie d’assurances pour faire
un rapport sur une question exigeant des
connaissances spéciales et intéressant un
procès ou un litige quelconque : Il s’appuie
sur le rapport des médecins pour demander
aux jurés de ne pas aller plus loin que les
experts (Gide). Expert en écritures. ‖ À
dire d’experts, suivant la déclaration des
experts ; fig. et vx, d’une manière défini-
tive, sans réserve.

expert-comptable [ɛkspɛrkɔ̃tabl] n. m.
(de expert, n. m., et de comptable, n. m. ;
début du XXe s.). Technicien qui, en son
propre nom et sous sa responsabilité, fait
profession d’organiser et de vérifier la
comptabilité des entreprises, de contrôler
leur gestion financière, et qui peut remplir

la fonction de commissaire aux comptes


dans les sociétés.

• Pl. des EXPERTS-COMPTABLES.

expertement [ɛkspɛrtəmɑ̃] adv. (de


expert, adj. ; 1839, Boiste). De façon experte,
avec habileté.

• SYN. : adroitement, habilement,


magistralement.

expertise [ɛkspɛrtiz] n. f. (de expert ;


1580, Montaigne, écrit expertice [expertise,
av. 1614, Brantôme], au sens de « qualité
de celui qui est habile en quelque chose »
[espertise, « adresse, habileté » — v. 1340,
J. Le Fèvre —, était un dér. de l’anc. franç.
espert, v. EXPERT] ; sens 1-2, 1792, Brunot).
1. Constatation ou estimation effectuée par
un expert ou par un technicien qualifié : Il
a une bonne place chez son agent de change,
quelques expertises à faire pour le Palais
(Daudet). ‖ 2. Rapport, conclusions d’un
expert : Contester une expertise.

expertiser [ɛkspɛrtize] v. tr. (de exper-


tise ; 1807, J.-F. Michel). Soumettre à une
expertise : Expertiser un mobilier, une
bibliothèque, des bijoux. ‖ Par anal.
Procéder à la vérification de : Expertiser
des dégâts.

• SYN. : estimer, évaluer.

expiable [ɛkspjabl] adj. (de expier ou du


bas lat. expiabilis, qui appelle une expia-
tion, dér. de expiare [v. EXPIER] ; v. 1355,
Bersuire). Qui peut être expié : Un men-
songe expiable.

expiateur, trice [ɛkspjatoer, -tris] adj.


(bas lat. expiator, celui qui purifie, expia-
trix, prêtresse qui fait des expiations, de
expiatum, supin de expiare [v. EXPIER] ;
XVIe s., Godefroy, au masc. ; av. 1778,
Diderot, au fém.). Vx. Qui est propre à
expier ; qui permet d’expier : Puisse la
cruauté du destin s’épuiser sur moi seul,
victime expiatrice pour toute ma famille
(Diderot).

expiation [ɛkspjasjɔ̃] n. f. (lat. expiatio,


expiation, de expiatum, supin de expiare
[v. EXPIER] ; v. 1160, Benoît de Sainte-
Maure, aux sens 1-2). 1. Action par laquelle
on expie ; souffrance, châtiment considérés
comme une compensation de la faute ou
du délit commis : L’histoire antique de la
France est pleine de crimes et d’expiations
(France). Nulle expiation ne peut faire
qu’un acte n’ait pas été commis (Barrès).
‖ Spécialem. Dans la religion catholique,
réparation du péché par la pénitence.
‖ L’expiation suprême, la peine capitale.
‖ 2. Cérémonie publique destinée à apaiser
la colère divine. ‖ Fête de l’Expiation ou
des Expiations, quatrième des fêtes établies
par Moïse.

• SYN. : 1 rachat, réparation.

expiatoire [ɛkspjatwar] adj. (bas lat.


ecclés. expiatorius, expiatoire, de expia-
tum, supin de expiare [v. EXPIER] ; milieu

du XVIe s., Amyot, au sens 1 ; sens 2, av. 1865,


Proudhon ; sens 3, 1865, Littré). 1. Qui sert
à expier une faute (surtout dans le domaine
religieux) : Victime expiatoire. La messe
est un sacrifice expiatoire. ‖ 2. Que l’on
utilise pour une cérémonie expiatoire : Et
la croix d’une main, la torche expiatoire | De
l’autre [...], | Combattez au soleil le Diable
et ses suppôts (Leconte de Lisle). ‖ Autel
expiatoire, autel sur lequel on offrait les
sacrifices expiatoires. ‖ 3. Qui est destiné
à perpétuer le souvenir d’un crime que l’on
veut expier : On lui éleva sur un des ponts
de la Loire [...] un monument expiatoire
(Flaubert).

expier [ɛkspje] v. tr. (lat. expiare, purifier


par des expiations, détourner par des céré-
monies religieuses, réparer, racheter, apai-
ser, satisfaire, de ex-, préf. à valeur intensive,
et de piare, offrir des sacrifices expiatoires,
apaiser par des sacrifices, rendre propice,
purifier, dér. de pius, sacré, pieux, conforme
à la piété ; v. 1355, Bersuire, aux sens 1-2).
1. Réparer une faute en subissant une peine
imposée : Partez, j’ai fait le crime et je vais
l’expier (Racine). ‖ Spécialem. Dans la reli-
gion catholique, réparer par la pénitence :
Expier ses péchés. ‖ 2. Subir une peine,
une souffrance en conséquence d’un acte
commis, et qui est ressenti ou considéré
comme coupable : C’est cette foule igno-
rante qui devait expier plus tard ce péché
contre l’esprit (Bainville). Il me semblait que
j’expiais le malheur d’avoir été [...] exagéré-
ment couvé, épié, servi (Mauriac).

• SYN. : 2 payer, racheter.

expirant, e [ɛkspirɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de expirer ; 1667, Racine, au sens 1 ; sens
2, 1756, Voltaire). 1. Qui rend ou qui est
sur le point de rendre le dernier soupir,
moribond : Marius était expirant, et Jean
Valjean exténué (Hugo). ‖ Par extens. Voix
expirante, voix que l’on entend à peine.
‖ 2. Fig. Qui est en train de finir, qui va
disparaître : Je marche en la fraîcheur de
l’expirant orage (Verlaine). Une entreprise,
une industrie expirante.

• SYN. : 1 agonisant, mourant ; 2 déclinant,


finissant, moribond.

expirateur [ɛkspiratoer] adj. et n. m. (dér.


savant de expirer ; 1771, Trévoux). Muscle
expirateur, ou expirateur n. m., chacun
des muscles intercostaux et abdominaux
dont la contraction concourt à produire
l’expiration.

expiration [ɛkspirasjɔ̃] n. f. (lat. ex[s]


piratio, exhalaison, de ex[s]piratum, supin
de ex[s]pirare [v. EXPIRER] ; 1285, Godefroy,
écrit espiracion [expiration, XVIe s.], au sens
I [expiration dernière, début du XVIIe s.,
Malherbe] ; sens II, 1690, Furetière).

I. Action par laquelle l’air qui a été inspi-


ré par les poumons est chassé au-dehors,
par les voies respiratoires : L’homme fait
de seize à dix-huit expirations par minute.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1784

Des voitures passaient bruyamment dans


la rue, son front restait aussi immobile,
aussi pur, son souffle aussi léger, réduit à
la plus simple expiration de l’air nécessaire
(Proust). Mes expirations se faisaient avec
deux saccades, que ma volonté sur-tendue
ne pouvait complètement retenir (Gide).
‖ Class. Expiration dernière, le dernier
soupir, le moment de la mort : Il se per-
suadait [...] qu’en cette expiration dernière
on ne sentait point le mal (Malherbe).

II. Fin d’un temps fixé ; terme convenu


d’une convention, d’une fonction : Après
l’expiration des baux à moitié, la comtesse
voulait composer deux belles fermes de
ses quatre métairies (Balzac). On ne l’a
libéré à l’expiration de sa peine qu’avec un
extrême regret (Hugo). Votre abonnement
vient à expiration à la fin du mois.

• SYN. : I souffle ; II achèvement, échéance,


extinction. — CONTR. : II commencement,
début, seuil.

expirer [ɛkspire] v. tr. (lat. ex[s]pirare,


rendre par le souffle, souffler, exhaler,
laisser échapper, expirer, mourir, de ex-,
préf. à valeur intensive, et de spirare, souf-
fler, respirer [la forme pop. espirer, expirer
— v. 1175, Chr. de Troyes —, a été rapide-
ment éliminée, à cause de son homonymie
avec espirer, souffler, respirer — v. 1120,
Psautier de Cambridge, lat. spirare —, qui
a également disparu très vite] ; v. 1354,
Modus, au sens de « exhaler » ; sens 1, 1700,
d’après Trévoux, 1771 ; sens 2, av. 1453,
Monstrelet). 1. Expulser par une expira-
tion : Expirer l’air des poumons. ‖ 2. Class.
Expirer son âme, sa vie, mourir : Si ma fille
est coupable, il faut que dans la flamme |
Elle purge son corps en expirant son âme
(Racan).

• SYN. : 1 exhaler, souffler.

& v. intr. (sens 1 et 3, 1580, Montaigne ;


sens 2, 1552, Rabelais ; sens 4, XIVe s.,
Ordonnance royale). 1. Rendre le dernier
soupir, mourir : Il ne jouit pas longtemps
de ce pesant honneur : il expira le vendredi
saint 1826 dans l’église Saint-Thomas-
d’Aquin, à l’heure où Jésus expira sur la
croix ; il alla à Dieu avec le dernier soupir
du Christ (Chateaubriand). Un long cri de
douleur traversa l’Italie | Lorsqu’au pied
des autels Michel-Ange expira (Musset).
‖ 2. Disparaître en s’évanouissant peu à
peu, en s’affaiblissant : Ici expirent les cou-
tumes, les industries, les bruits, jusqu’aux
odeurs des deux mondes (Fromentin).
‖ 3. Fig. Cesser d’exister, prendre fin : Au
moment où la liberté et la république ache-
vaient d’expirer vers le temps d’Auguste,
naissait à Bethléem le tribun universel des
peuples, le grand représentant sur la terre
de l’égalité, de la liberté et de la république,
le Christ (Chateaubriand). Il se trouvait
toujours une place confuse où expirait son
rêve (Flaubert). ‖ 4. En parlant de ce qui a
une durée déterminée, arriver à son terme,
toucher à sa fin : Le bail expire le trimestre

prochain. Les distractions du dimanche


expiraient avec la journée (Chateaubriand).
• SYN. : 1 décéder, disparaître, passer, périr,
succomber, trépasser ; 2 se dissiper, s’effacer,
s’estomper, s’éteindre ; 3 s’achever, dispa-
raître, mourir ; 4 cesser, finir, se terminer.
• REM. 1. Expirer se conjugue avec l’auxi-
liaire être quand on veut exprimer l’état :
Le bail est expiré depuis longtemps. Les
délais sont expirés (Acad.) ; et avec l’au-
xiliaire avoir quand on veut exprimer
l’action : Le bail a expiré hier. Le malade a
expiré ce matin.

2. On a contesté la possibilité d’employer


expiré comme participe-adjectif, dans le
sens de « mort » : On reproche à Racine
les héros expirés, dit Voltaire. Quelle mi-
sérable vétille de grammaire (Hermant).
L’homme inerte, comme expiré dans un
dernier hoquet (Zola).

explant [ɛksplɑ̃] n. m. (de ex- [lat. ex-,


préf. marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur] et de [im]plant ; v. 1965).
Fragment extrait d’un organisme vivant,
placé dans un milieu favorable et qui y
reprend croissance.

explétif, ive [ɛkspletif, -iv] adj. et n.


m. (bas lat. grammat. expletivus, explé-
tif, proprem. « qui remplit [inutilement la
phrase] », de expletum, supin de explere,
remplir, compléter, de ex-, préf. à valeur
intensive, et du v. archaïque plere, remplir ;
v. 1420, A. Chartier, écrit explectif, au sens
propre de « qui remplit » ; écrit explétif, au
sens actuel, 1865, Littré). En grammaire, se
dit d’un terme, d’une expression qui n’est
pas nécessaire au sens de la phrase, ou qui
n’est pas exigé par les règles de la syntaxe,
comme la particule ne dans : Je crains qu’il
NE vienne. ‖ Pronom explétif, pronom qui
n’a pas de fonction définie dans la phrase,
mais qui marque la participation, l’inté-
rêt à l’action, comme moi dans : Prends
ton pic et romps-MOI ce caillou qui te nuit
(La Fontaine). ‖ Préposition explétive,
préposition qui établit une simple liaison
entre deux termes, employée notamment
pour introduire une apposition : Le village
DE Sciez ; un sujet réel : Il est nécessaire DE
travailler ; un attribut : Il m’a pris POUR
un ministre.

explétivement [ɛkspletivmɑ̃] adv. (de


explétif ; 1551, B. Aneau, avec un sens peu
clair ; sens actuel, 1865, Littré). De façon
explétive.

explicable [ɛksplikabl] adj. (lat. explica-


bilis, qu’on peut débrouiller, expliquer, de
explicare [v. EXPLIQUER] ; 1554, Maumont,
au sens 1 ; sens 2, 1835, Balzac). 1. Qui peut
être expliqué : Tu n’expliques rien, ô poète,
mais toutes choses par toi nous deviennent
explicables (Claudel). ‖ 2. Que l’on peut
comprendre, justifier : Votre retard est
explicable.

• SYN. : 1 intelligible ; 2 compréhensible,


justifiable, légitime, motivé.

explicateur, trice [ɛksplikatoer, -tris]


adj. et n. (lat. explicator, -trix, celui/celle
qui sait développer, exposer, de explicatum,
supin de explicare [v. EXPLIQUER] ; 1642,
Oudin [rare av. le XIXe s.]). Qui commente,
qui explique quelque chose (peu usité) :
L’explicateur juré et privilégié, chargé de
commenter aux étrangers les magnificences
du clocher, de l’église et du paysage (Hugo).
• SYN. : commentateur.

explicatif, ive [ɛksplikatif, -iv] adj. (dér.


savant de expliquer ; fin du XVIe s.). Qui a
pour objet de donner une explication, un
commentaire : Un ouvrage explicatif leur
manquait (Flaubert). ‖ Spécialem. Qui
indique comment on se sert d’un appa-
reil, d’un produit : Une notice explicative.

explication [ɛksplikasjɔ̃] n. f. (lat.


explicatio, action de déplier, de dérou-
ler, de présenter nettement, de explica-
tum, supin de explicare [v. EXPLIQUER] ;
début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, 1672, Molière ; sens 4,
av. 1841, Chateaubriand). 1. Action d’ex-
pliquer ; développement destiné à faire
comprendre quelque chose : Je vais vous
donner d’abord quelques mots d’explica-
tion (Maupassant). ‖ Spécialem. Analyse
littérale d’un texte en vue de sa traduction :
Explication d’un auteur latin. ‖ Explication
de textes ou explication française, com-
mentaire littéraire, stylistique, historique,
etc., d’un texte pris dans la littérature fran-
çaise. ‖ 2. Ce qui donne la raison d’une
chose : Entre un phénomène et l’explica-
tion d’un phénomène, il y a loin (Leroux).
‖ 3. Éclaircissement touchant les actes, la
conduite de quelqu’un : Attendre une expli-
cation. Donner des explications. Pour ne pas
le désobliger, il fallut examiner ses comptes,
écouter tout au long ses explications infinies
(Gide). ‖ 4. Par extens. Discussion plus ou
moins animée au cours de laquelle sont
fournis des éclaircissements, des justifica-
tions touchant la conduite de quelqu’un :
Charlotte, qui craignait les scènes, les
explications, avait renoncé à réconcilier ces
deux hommes (Daudet). J’assistais à une
explication orageuse qui s’achevait sur de
pathétiques effusions (Gide). ‖ Dispute,
querelle : Une explication s’ensuivit entre
ces Turcs et le janissaire (Chateaubriand).
• SYN. : 1 éclaircissement, indication, ren-
seignement ; commentaire, exégèse, para-
phrase ; 2 cause, interprétation, mobile,
raison ; 3 justification ; 4 altercation,
controverse, débat.

explicit [ɛksplisit] n. m. (premier mot


de la loc. du bas lat. explicit liber, « le livre
[liber] finit, ici se termine l’ouvrage », où la
forme verbale explicit provient d’une abrév.
du part. passé explicitus [v. EXPLICITE] de la
loc. du lat. class. explicitus est liber, le livre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1785

est fini ; 1865, Littré). Mot qui indique la


fin de l’ouvrage.

• CONTR. : incipit.

explicitation [ɛksplisitasjɔ̃] n. f. (de


expliciter ; début du XXe s.). Action de
rendre explicite ; résultat de cette action :
L’admirable concision du latin laissera tou-
jours l’explicitation inévitable du français
loin en arrière (Gide).

explicite [ɛksplisit] adj. (emploi spé-


cialisé, dans la langue de la scolastique,
du lat. explicitus, part. passé de explicare
[v. EXPLIQUER] ; 1488, Mer des histoires,
au sens 1 ; sens 2, 1870, Larousse ; sens
3, XXe s.). 1. En droit, se dit de ce qui est
énoncé complètement, formulé : Une clause
explicite. ‖ Spécialem. et autref. Proposition
explicite, en termes de grammaire, s’est dit
d’une proposition comprenant expressé-
ment tous les éléments qui la constituent
(ex. :La Terre est ronde). ‖ 2. Se dit de ce
qui est formulé, rédigé d’une façon nette
et précise, de manière à ne laisser aucun
doute dans l’esprit : Un texte, une décla-
ration explicite. L’enseignement explicite
lui répugnait étrangement (Valéry). Jésus
va dire des mots plus explicites qui sont
dans tous les esprits (Montherlant). ‖ 3. Se
dit d’une personne qui s’exprime d’une
manière catégorique, sans équivoque.

• SYN. : 1 exprès, formel ; 2 clair. — CONTR. :


1 implicite ; 2 allusif, ambigu, confus, équi-
voque, obscur, sous-entendu, voilé.

explicitement [ɛksplisitmɑ̃] adv. (de


explicite ; av. 1550, P. Doré). De façon
explicite : Quant à l’intention, elle ne peut
intervenir que l’homme lui-même ne soit
en jeu, explicitement ou d’une manière
déguisée (Valéry).

• CONTR. : implicitement.

expliciter [ɛksplisite] v. tr. (de explicite ;


1870, Larousse, aux sens 1-2). 1. En droit,
rendre explicite : Expliciter la clause d’un
contrat. ‖ 2. Éclaircir d’une façon nette
et définitive : Expliciter une déclaration.
Expliciter sa pensée.

expliquer [ɛksplike] v. tr. (lat. explicare,


déployer, dérouler, étendre, mettre au clair,
développer [en rhétorique], de ex-, préf. à
valeur négative, et de plicare, plier, replier ;
XVIe s., aux sens II, 2-3 ; sens I, av. 1695,
La Fontaine ; sens II, 1, 1646, Corneille ;
sens II, 4, 1668, Molière ; sens II, 5, 1870,
Larousse ; sens II, 6, 1677, Racine).

I. Class. Défaire ce qui était lié, déplier :


Voyez si vous rompez ces dards liés en-
semble ; | Je vous expliquerai le noeud qui
les assemble (La Fontaine).

II. 1. Class. et fig. Déclarer nettement,


en parlant de chose morale, de sen-
timents : Entre elle et moi, Clitandre,
expliquez votre coeur, | Découvrez-en le
fond (Molière). ‖ 2. En parlant d’une
personne, faire connaître clairement en

exposant en détail : Expliquer ses projets.


Il expliqua que la position grave de son
gendre ne permettait pas de telles incon-
venances (Flaubert). ‖ En parlant d’une
chose, montrer, prouver : Son attitude
explique assez ses sentiments. ‖ 3. Faire
comprendre ce qui paraît étrange ou
obscur en donnant les renseignements
nécessaires : Expliquer un problème, une
parabole. Note qui explique le sens d’un
mot. Expliquer du visible compliqué par
de l’invisible simple (Perrin). ‖ Expliquer
l’univers, en donner une interprétation
satisfaisante fondée sur des faits démon-
trés et clairement exposés : Bertellet
répondit que, sans prétendre expliquer
l’univers, le savant rendait à l’humanité
le plus grand des services en dissipant les
terreurs de l’ignorance (France). ‖ 4. Spé-
cialem. Traduire oralement un texte en
l’accompagnant d’un commentaire ou,
s’il s’agit d’un texte français, en faire un
commentaire détaillé : Quoiqu’il n’ait que
neuf ans, il explique Tacite (Hugo). Expli-
quer une scène d’ « Athalie ». ‖ 5. (avec
un sujet désignant un être animé ou
une chose) Donner des indications pra-
tiques pour réussir à faire quelque chose :
Expliquer le maniement d’un appareil.
Expliquer une recette de cuisine. ‖ 6. En
parlant d’une personne, faire connaître
la raison de quelque chose : Il a expli-
qué sa conduite. J’ai été homme fort tard
par le caractère, c’est ainsi que j’explique
ce manque de mémoire pour les physio-
nomies (Stendhal). ‖ En parlant d’une
chose, justifier : Ce qui nous expliqua
l’insensibilité qu’elle avait montrée pen-
dant que nous la soulagions (Flaubert).

• SYN. : II, 2 développer, dire, explici-


ter, exposer, exprimer, raconter, révéler ;
3 déchiffrer, démêler, éclaircir, éclairer,
élucider, interpréter ; 4 commenter, para-
phraser ; 5 apprendre, enseigner, indiquer,
montrer ; 6 motiver.

& s’expliquer v. pr. (sens I, 1, XIVe s.,


Chronique de Flandre ; sens I, 2, 1674,
Boileau ; sens II, 1 et 3, 1651, Corneille ;
sens II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 4,
av. 1848, Chateaubriand ; sens II, 5, 1662,
Corneille ; sens II, 6, 1894, G. Esnault ;
sens II, 7, 1580, Montaigne).

I. 1. Class. Cesser d’être emmêlé, se dé-


plier, se déployer : On voit les branches, les
feuilles, les fleurs et les fruits s’expliquer
et se développer (Bossuet). ‖ 2. Class. et
fig. Se développer, se dérouler, en parlant
surtout d’une action : Ainsi la tragédie
agit, marche et s’explique (Boileau).

II. 1. Déclarer sa pensée, ses sentiments,


exprimer son opinion : L’avocat avait
donc commencé par s’expliquer sur le vol
des pommes (Hugo). Je crois devoir m’ex-
pliquer sur un point de cette fausse science
(France). ‖ 2. Se faire comprendre : Il
acheta le cheval en s’expliquant par signes
(Stendhal). ‖ 3. Exposer les raisons qui

rendent compte d’une action, d’une atti-


tude : C’est après quarante-cinq années
qu’il m’est donné de m’expliquer là-des-
sus (Mauriac). ‖ 4. Comprendre la cause
ou la raison de quelque chose : Martins,
qui, Dieu merci, n’était pas encore repar-
ti, s’explique mal cette sorte de stupeur
et d’indolence (Gide). ‖ 5. Avoir une
discussion avec quelqu’un : Nous nous
expliquerons plus tard (Et ma première |
Querelle et mon premier reproche seront
pour | L’air de doute dont tu reçus mon
pauvre amour...) [Verlaine]. ‖ Fig. et fam.
S’expliquer avec, affronter quelqu’un de
toute son énergie ; employer toutes ses
forces pour faire quelque chose : Le flot
de la guerre peut rouler par-dessus nos
têtes, c’est ainsi qu’ils doivent demeu-
rer pour s’expliquer une bonne fois avec
la mort (Duhamel). ‖ 6. Pop. Se battre,
en venir aux mains : Viens t’expliquer
dehors, si t’es un homme. ‖ 7. En parlant
d’une chose, devenir explicable, intelli-
gible : Son retard s’explique mal. Ce texte
s’explique facilement.

• SYN. : II, 3 parler ; 5 discuter ; 7 se justifier.

exploit [ɛksplwa] n. m. (réfection, d’après


le lat. explicare, accomplir [v. EXPLIQUER],
de l’anc. franç. espleit, esploit, exécution,
action menée à bien, action d’éclat, avan-
tage, profit, rente [XIe-XIVe s.], lat. pop.
*explicitum, neutre substantivé de explici-
tus, « d’une exécution facile », part. passé
adjectivé de explicare ; v. 1360, Froissart,
au sens de « action menée à bien, réussite » ;
sens I, 1, milieu du XVIe s., Amyot ; sens I, 2,
1674, Boileau ; sens I, 3, 1653, Vaugelas ;
sens II, XVIe s., Loisel).

I. 1. Action d’éclat, manifestant le cou-


rage et l’héroïsme : De pareilles décou-
vertes, selon Pécuchet, l’emportaient sur
les exploits des conquérants (Flaubert).
‖ 2. Par extens. Action mémorable ou
qui dépasse les limites ordinaires : Les
exploits d’un alpiniste, d’un aviateur.
‖ Exploits amoureux, galants succès au-
près des femmes. ‖ 3. Ironiq. et par anti-
phrase. Action inconsidérée, de nature à
susciter la réprobation : Il va nous racon-
ter son exploit !

II. Acte (ajournement, saisie, etc.) signi-


fié par un huissier.

• SYN. : I, 1 fait d’armes, geste, haut fait ;


2 performance, prouesse.

exploitabilité [ɛksplwatabilite] n. f.
(dér. savant de exploitable ; 1870, Larousse).
Caractère de ce qui est exploitable :
L’exploitabilité d’un gisement de pétrole.
exploitable [ɛksplwatabl] adj. (de exploi-
ter [v. ce mot] ; XIIIe s., Établissements de
Saint Louis, écrit esploitable, au sens de
« profitable » ; 1583, Ragueau, écrit exploi-
table, au sens de « [bien] qui peut être saisi
et vendu en vertu d’un exploit » ; sens 1,
1690, Furetière ; sens 2, av. 1865, Proudhon).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1786

1. Se dit d’une chose que l’on peut exploiter


avec profit : Un gisement exploitable. Un
terrain exploitable. ‖ Bois exploitable, bois
dont les arbres ont atteint un développe-
ment suffisant pour être abattus. ‖ 2. Fig.
Se dit d’une personne dont on peut tirer
facilement un profit abusif : Un homme
exploitable.

exploitant, ante [ɛksplwatɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de exploiter ; 1690, Furetière, au
sens I ; sens II, 1870, Larousse).

I. Vx. Qui fait ou fait faire des exploits


d’huissier : Votre père était donc un mar-
quis exploitant (Regnard).

II. Qui exploite une source naturelle de


richesse : La société exploitante ayant fait
faillite... (Hamp).

& n. (fin du XVIIIe s., Brunot, au sens 1 ; sens 2,


1912, J. Giraud ; sens 3, XXe s. ; sens 4, 1830,
Balzac). 1. Personne qui met en valeur un
terrain de culture : Accabler d’impôts
les petits exploitants. ‖ Exploitant fores-
tier, celui qui exploite une coupe de bois.
‖ 2. Propriétaire d’une salle de cinéma.
‖ 3. Agent ou dirigeant du service d’exploi-
tation d’une région ferroviaire. ‖ 4. Fig.
et péjor. Personne qui tire un profit, un
avantage abusif de quelqu’un ou de quelque
chose : Partout le combat entre le riche et le
pauvre est établi, partout il est inévitable ;
il vaut mieux être l’exploitant que d’être
l’exploité (Balzac).

• SYN. : 4 exploiteur, profiteur.

exploitation [ɛksplwatasjɔ̃] n. f. (de


exploiter [v. ce mot] ; 1340, Godefroy, écrit
espletation, au sens de « saisie judiciaire » ;
écrit exploitation, au sens 1, av. 1683, J.-B.
Colbert ; sens 2, 1833, Balzac ; sens 3, 1776,
Encyclopédie ; sens 4, fin du XIXe s. ; sens
5, 1834, Blanqui). 1. Action d’exploiter,
de mettre en valeur en vue d’un profit :
L’exploitation d’une mine, d’un gisement
pétrolier, d’une ferme. ‖ Mettre en exploi-
tation, commencer d’exploiter : La mise
en exploitation du globe [...] et le phéno-
mène démocratique [...] doivent-ils être
pris comme décisions absolues du destin ?
(Valéry). ‖ Ensemble des opérations
assurant la production du pétrole à partir
d’un puits ou d’un gisement. ‖ Services
de l’exploitation, services chargés d’orga-
niser et d’assurer le trafic commercial, le
mouvement des trains et l’application des
tarifs. ‖ 2. Ensemble des moyens matériels
nécessaires au travail productif : Le pro-
priétaire donne l’habitation, les bâtiments
d’exploitation et les semences à des colons
de bonne volonté (Balzac). ‖ 3. Lieu où ces
moyens sont mis en oeuvre ; affaire exploi-
tée : Exploitation agricole. Exploitation
commerciale. ‖ 4. Fig. Mise à profit de
quelque chose : L’exploitation d’un ren-
seignement. ‖ Spécialem. Dans l’armée,
mise à profit du succès d’une offensive
par un dernier combat visant à achever la
désorganisation de l’ennemi et, si possible,

sa destruction : L’exploitation de la percée


d’Avranches en 1944. ‖ 5. Péjor. Action de
tirer un profit abusif de quelqu’un ou de
quelque chose : La République c’est l’éman-
cipation des ouvriers, c’est la fin du règne de
l’exploitation (Blanqui). L’asservissement,
l’exploitation de toute activité humaine par
le système capitaliste ne finiront qu’avec lui
(Martin du Gard).

exploité, e [ɛksplwate] adj. et n. (part.


passé de exploiter ; 1830, Balzac). Se dit
d’une personne dont on tire un profit
abusif : Il montrait les mineurs exploités,
supportant à eux seuls les désastres des
crises (Zola).

exploiter [ɛksplwate] v. tr. (réfection,


d’après le lat. explicare, accomplir [v. EXPLI-
QUER], de l’anc. franç. espleitier, esploitier,
agir [avec ardeur], accomplir, s’empresser,
user de, réussir, saisir [XIe-XIVe s.], lat. pop.
*explicitare, de *explicitum [v. EXPLOIT] ;
v. 1283, Beaumanoir, écrit exploitier [exploi-
ter, XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, av. 1778,
J.-J. Rousseau ; sens 3, 1840, Proudhon).
1. Faire valoir quelque chose en le faisant
produire ; tirer profit de quelque chose par
l’organisation d’un travail productif : Il
exploitait cent arpents de vigne qui [...] lui
dcnnaient sept à huit cents poinçons de vin
(Balzac). Je dois aussi te dire qu’aucun des
brevets de mon père n’est encore exploité
régulièrement (Duhamel). ‖ 2. Fig. Tirer
parti de quelque chose, l’utiliser avanta-
geusement : Exploiter sa belle voix. Et cet
air de princesse, de créature chimérique et
lointaine, Mme Sarah Bernhardt l’exploite
merveilleusement (Lemaitre). Le prêtre
parla longuement. Il exploitait la grève
[...] avec l’ardeur d’un missionnaire qui
prêche des sauvages (Zola). ‖ Exploiter un
renseignement, mettre à profit une infor-
mation pour en recueillir de plus amples.
‖ Exploiter un succès, en parlant d’une
armée, confirmer et élargir un premier
résultat obtenu. ‖ 3. Péjor. Tirer un pro-
fit ou un avantage abusif de quelqu’un :
Les masses [...], fatiguées d’être exploitées,
cherchent à briser ces cadres dans lesquels
elles se sentent étouffées (Blanqui). Il se lasse
à la fin d’être aussi férocement exploité, et
non seulement par le boutiquier, mais par
l’hôtel où il couche, par le restaurant où
il mange (Daudet). Exploiter la crédulité
publique.

• SYN. : 1 cultiver ; 3 abuser, écorcher (fam.),


empiler (fam.), estamper (fam.), étrangler
(fam.), étriller (fam.), gruger, pressurer, ran-
çonner, rouler (fam.), voler.

& v. intr. (sens I, début du XVe s., Ch. d’Or-


léans [esploitier, XIIIe s., Roman de Renart] ;
sens II [de exploit], XVIe s.).

I. Class. et ironiq. Accomplir un exploit


quelconque : Vraiment, vous avez bien
exploité (Acad., 1694).

II. Rédiger, signifier des exploits, en par-


lant d’un huissier de justice.

exploiteur, euse [ɛksplwatoer, -øz]


n. et adj. (de exploiter [v. ce mot] ; 1340,
Godefroy, au fém., écrit exploiteresse,
avec un sens peu clair ; 1583, Ragueau, au
masc., écrit exploiteur, au sens de « celui qui
signifie un acte judiciaire » ; sens 1, 1829,
Boiste ; sens 2, av. 1865, Proudhon). 1. Vx.
Personne qui exploite une chose, qui se
livre à une exploitation : L’exploiteur d’une
mine. ‖ 2. Personne qui tire un profit illé-
gitime ou excessif d’une personne ou d’une
chose : Pourquoi serais-je contraint de sou-
tenir, par la prime que vous me forcez de
leur payer, des industries qui me ruinent,
des exploiteurs qui me volent (Proudhon).
Ce que l’on veut, c’est éclairer le public et le
préserver des exploiteurs (Becque). Maître
Petit-Sagnier, avoué près la cour d’appel,
lequel m’a traité comme un bandit, exploi-
teur de vieille femme, et formellement averti
qu’au premier terme en retard M. Marc
Javel rentrerait en possession du bail ainsi
que de l’immeuble extorqué par mes dols
à la chère demoiselle (Daudet). L’appétit de
possession des exploiteurs n’aura jamais de
limites (Martin du Gard).

• SYN. : profiteur, spoliateur.

explorable [ɛksplɔrabl] adj. (de explorer ;


1865, Littré). Que l’on peut explorer : Une
région difficilement explorable.

• CONTR. : inexplorable.

explorateur, trice [ɛksplɔratoer, -tris]


n. (lat. explorator, celui qui va à la décou-
verte, observateur, explorateur, éclaireur,
espion, de exploratum, supin de explorare
[v. EXPLORER] ; v. 1265, Br. Latini, au sens
de « espion » ; début du XVe s., Juvenal des
Ursins, au sens de « éclaireur » ; sens 1, 1718,
Acad. ; sens 2, 1870, Larousse). 1. Personne
qui voyage pour découvrir ou mieux
connaître des pays : Des récits d’explo-
rateurs. ‖ 2. Personne qui se livre à des
recherches dans un domaine particulier :
Les explorateurs du monde sous-marin. Un
explorateur de grottes.

& adj. (1865, Littré). En chirurgie, se dit des


instruments, des appareils ou des actions
qui permettent de connaître l’état de cer-
tains organes.

& explorateur n. m. (1865, Littré). En


chirurgie, appareil servant au repérage et
à l’extraction de corps étrangers.

exploration [ɛksplɔrasjɔ̃] n. f. (lat.


exploratio, observation, examen, espion-
nage, de exploratum, supin de explorare
[v. EXPLORER] ; XVe s., Godefroy, au sens
1 [rare av. le XVIIIe s.] ; sens 2, milieu du
XIXe s., Baudelaire ; sens 3, 1771, Trévoux ;
sens 4, XXe s. ; sens 5, 1888, Larousse ; sens
6, av. 1850, Balzac). 1. Action d’explorer
une région, un lieu : L’exploration des
régions polaires, d’une grotte souterraine.
‖ Spécialem. et vx. Mission confiée à des
éléments rapides de l’armée qui avaient
pour tâche de rechercher le plus loin pos-
sible le contact avec l’ennemi. ‖ 2. Examen
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1787
attentif et méthodique de quelque chose :
I’exploration d’un terrain. ‖ 3. Examen
médical approfondi ayant pour objet
d’arriver à la connaissance exacte de l’état
de la structure et du fonctionnement des
organes et des tissus internes : Exploration
par la palpation, la percussion, l’ausculta-
tion, le sondage, les rayons X. Les femmes
de la campagne, atteintes de graves mala-
dies, se refusent à l’exploration (France).
‖ Exploration fonctionnelle, ensemble
d’examens biologiques ou cliniques per-
mettant d’apprécier l’état de fonction-
nement d’un organe. ‖ 4. Ensemble de
travaux destinés à reconnaître un gisement
de charbon ou de pétrole. ‖ 5. Exploration
sous-marine, ensemble des techniques
permettant de reconnaître les profon-
deurs sous-marines à des fins sportives ou
scientifiques. ‖ 6. Fig. Examen approfondi
d’une question : Ce fut à qui devinerait les
causes de cette décadence. Exploration dif-
ficile (Balzac).

• SYN. : 2 inspection, perquisition, prospec-


tion ; 6 analyse, approfondissement, étude,
recherche.

explorer [ɛksplɔre] v. tr. (lat. explorare,


observer, examiner, explorer, épier, faire
une reconnaissance militaire, éprouver ;
1546, Rabelais, au sens 5 [rare jusqu’au
XIXe s.] ; sens 1, av. 1841, Chateaubriand ;
sens 2, 1862, V. Hugo ; sens 3, 1865, Littré ;
sens 4, 1830, Lamartine). 1. Parcourir
une région peu connue ou inconnue
pour recueillir des informations : J’ai
exploré les mers de l’ancien et du nouveau
monde (Chateaubriand). Explorer la zone
polaire. ‖ 2. Examiner minutieusement
un lieu pour y découvrir quelque chose
ou quelqu’un qui s’y trouve caché : Trois
pelotons d’agents et d’égoutiers explorèrent
la voirie souterraine de Paris (Hugo).
‖ 3. Spécialem. En médecine, procéder
à l’exploration du fonctionnement d’un
organe. ‖ 4. Examiner du regard, scru-
ter : Explorer l’horizon. ‖ 5. Fig. Effectuer
un travail de recherche dans un certain
domaine : Explorer une question, une
science. Chercher quelque chose hors de
Dieu, c’est explorer le néant (Lamennais).
Cette même avidité de savoir et de pouvoir
ne dédaigne pas d’explorer la pénombre
intellectuelle, et jusqu’aux ténèbres sus-
pectes où, depuis la plus haute antiquité,
l’imagination de bien des hommes place
des trésors dc puissance et de connaissance
et suppose des secrets d’importance surna-
turelle (Valéry).

• SYN. : 1 reconnaître ; 2 battre, fouiller,


inspecter, perquisitionner, visiter ; 3 aus-
culter, examiner, sonder, tâter ; 4 obser-
ver ; 5 approfondir, étudier, inventorier,
prospecter.

exploser [ɛksploze] v. intr. (de


explos[ion] ; 1801, Mercier, puis 1849,
Bescherelle, puis 1906, Larousse, au sens
1 ; sens 2-3, début du XXe s.). 1. Éclater vio-

lemment : La dynamite explose facilement.


‖ 2. Fig. Se manifester spontanément et
violemment : Sa colère explosa. ‖ 3. En
parlant d’une personne, ne pas pouvoir
se contenir, dire violemment ce que l’on
pense : Exploser en injures.

• SYN. : 1 détoner, péter (pop.), sauter ;


2 éclater ; 3 déborder, se déchaîner, fulminer.
& v. tr. (fin du XIXe s., A. Daudet). Littér.
Faire exploser avec force : Le pauvre
Crocodilus avait ouvert démesurément la
bouche pour exploser sa colère, pris une
aspiration telle qu’il ne pouvait proférer
aucun son (Daudet).

exploseur [ɛksplozoer] n. m. (de


explos[ion] ; 1867, d’après Littré, 1877).
Appareil servant à faire exploser une mine
à distance grâce à la production d’un cou-
rant électrique.

explosibilité [ɛksplozibilite] n. f. (dér.


savant de explosible ; 1870, Larousse).
Caractère d’un objet qui peut exploser ;
aptitude à exploser.

explosible [ɛksplozibl] adj. (de


explos[ion] ; av. 1841, Chateaubriand, au
sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s., A. Daudet).
1. Vx. Se dit d’un objet qui peut exploser :
Le lion avait deux balles explosibles dans
la tête (Daudet). ‖ 2. Vx et fig. Se dit d’une
personne qui est portée à des réactions
brusques et violentes : Dans tout autre
endroit, on l’eût traitée de folle ; mais en
Apt, pays de têtes bouillantes, explosibles,
on se contente de trouver que Mme Portal
« a le verbe haut » (Daudet).

explosif, ive [ɛksplozif, -iv] adj. (de


explos[ion] ; 1691, M. Chastellain, en méde-
cine, à propos de convulsions ; sens 1-2,
1816, Encycl. méthodique ; sens 3, début
du XXe s. ; sens 4, fin du XIXe s., Huysmans
[en parlant des choses, milieu du XXe s.] ;
sens 5, 1877, Littré). 1. Vx. Relatif à une
explosion : Un bruit explosif. ‖ 2. Qui est
de nature à faire explosion : Un mélange
explosif. Puis s’exaltant à son propre récit, il
se levait de table, bondissait au milieu de la
salle à manger, imitant le cri du lion, le bruit
d’une carabine, pan ! pan ! le sifflement
d’une balle explosive (Daudet). L’emploi des
balles explosives est formellement interdit
par la convention de Genève (Duhamel).
‖ Obus explosif, obus chargé avec un explo-
sif, par opposition aux obus perforants et
aux obus fusants. ‖ Distance explosive,
en électricité, distance maximale de deux
électrodes susceptibles de faire éclater une
étincelle pour une tension donnée. ‖ 3. Fig.
Qui est de nature à provoquer des réactions
brutales, qui peut créer une situation dan-
gereuse : Un discours explosif. Certains de
mes changements de domicile ont emprunté
un caractère explosif (Colette). ‖ Situation
explosive, très tendue. ‖ 4. Fig. Se dit d’une
personne qui manifeste ses sentiments
d’une manière soudaine et violente :
[Comme il doit être heureux] d’être débar-

rassé de ces démences explosives d’admira-


tion, de ces folies de louange (Huysmans).
‖ Tempérament explosif, qui est porté à
des réactions très violentes. ‖ En parlant
de choses, qui produit un choc par son
aspect inattendu : Des coloris explosifs.
‖ 5. Consonne explosive et, substantiv.,
une explosive,consonne produite par une
occlusion complète de la bouche à laquelle
succède une ouverture brusque qui per-
met à l’air de s’échapper brusquement :
Les explosives, appelées aussi occlusives ou
momentanées, sont, en français : p, t, k, b, d,
g. ‖ Par extens. Relatif à la prononciation
de ces consonnes : Tu retires à la consonne
« p » une grande part de sa force explosive
(Duhamel).

• SYN. : 4 débridé, déchaîné, exalté, excité,


frénétique, volcanique.

& explosif n. m. (22 oct. 1874, Journ. des


débats). Corps capable de se transformer
brusquement en gaz à haute tempéra-
ture par une violente réaction chimique :
Les explosifs, selon leur emploi pratique,
sont classés en deux groupes : les poudres
propulsives, ou poudres balistiques, qui
agissent par déflagration, et les explosifs
détonants destinés à produire des effets
brisants. Les explosifs, dieux récents et
suprêmes qui viennent de détrôner aux
temples de la guerre tous les dieux d’autre-
fois (Maeterlinck).
explosimètre [ɛksplozimɛtr] n. m.
(de explosi-, élément tiré de explosion,
et de -mètre, gr. metron, mesure ; milieu
du XXe s.). Appareil utilisé pour véri-
fier la teneur en gaz inflammable d’une
atmosphère.

explosion [ɛksplozjɔ̃] n. f. (lat. explo-


sio, action de rejeter [en huant, en frappant
des mains], mauvais accueil, de explosum,
supin de explodere, explaudere, pousser
hors, rejeter [en battant des mains], huer,
siffler, de ex-, préf. marquant un mouve-
ment de l’intérieur vers l’extérieur, et de
plodere, plaudere, battre, frapper, applau-
dir ; 1581, Fr. Rousset, au sens 3 ; sens 1,
1701, Furetière ; sens 2, milieu du XVIIIe s.,
d’Alembert ; sens 4, v. 1770, J.-J. Rousseau
[au sens de « développement soudain »,
v. 1952] ; sens 5, XXe s.). 1. Action d’éclater
violemment. ‖ Spécialem. Phénomène
au cours duquel des gaz sous pression
sont libérés ou engendrés en un temps
très court : On n’entend plus rien que ces
explosions infernales qui vous déchirent
la poitrine (Dorgelès). ‖ Troisième temps
du fonctionnement d’un moteur suivant
le cycle à quatre temps. ‖ Moteur à explo-
sion, moteur alimenté par la combustion
rapide d’un mélange explosif d’air et de
carburant. ‖ 2. Fig. Manifestation brusque,
développement soudain d’un événement,
d’une situation, d’une réaction : L’explosion
d’une guerre, d’une épidémie. ‖ 3. En
médecine, invasion subite et inattendue
de certains symptômes pathologiques.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1788

‖ 4. Fig. Manifestation subite, bruyante


et violente d’une réaction, d’un senti-
ment : En l’écoutant, on l’eût pris pour
l’explosion réprimée de quelque joie vio-
lente (Flaubert). La fin de sa phrase se perd
dans une explosion de larmes, de sanglots
effrayants (Daudet). ‖ Spécialem. Accès de
colère, manifestation bruyante de mécon-
tentement : Ses explosions d’homme san-
guin, toujours imprévisibles, entretenaient
à son foyer une atmosphère de contrainte
(Aymé). ‖ Fig. Développement soudain
qui met en cause un équilibre établi, un
état de choses : Explosion démographique,
explosion scolaire. ‖ 5. En phonétique,
ouverture brusque de la bouche : Les
consonnes qui sont émises par la fermeture
(occlusion) d’une région de la bouche, suivie
d’une brusque explosion [...], d’où leur nom
d’occlusives ou explosives (Dauzat).

• SYN. : 1 déflagration, détonation, éclate-


ment ; 4 débordement, déchaînement, éclat,
ouragan, tempête.

explosive n. f. En phonétique, v. EXPLO-


SIF, IVE adj.

explosivité [ɛksplozivite] n. f. (dér.


savant de explosif ; XXe s.). Nature explosive
d’une substance.

exponctuation [ɛkspɔ̃ktɥasjɔ̃] n. f. (de


exponctuer ; début du XXe s.). En paléogra-
phie, signe de correction consistant en un
point placé sous une lettre qu’il s’agit de
supprimer.

exponctuer [ɛkspɔ̃ktɥe] v. tr. (de ex- [lat.


ex-, préf. marquant l’exclusion] et de point,
n. m., d’après ponctuer ; 1877, Littré). En
paléographie, faire une ex-ponctuation.

exponentiel, elle [ɛkspɔnɑ̃sjɛl] adj. (du


lat. exponens, -entis, part. prés. de exponere,
mettre en vue, étaler, exposer, de ex-, préf.
à valeur intensive, et de ponere, poser, pla-
cer ; 1711, Histoire de l’Acad. des sciences).
En mathématiques, qui a un exposant
variable ou inconnu : Une quantité expo-
nentielle. ‖ Calcul exponentiel, ensemble
des calculs relatifs aux quantités exponen-
tielles. ‖ Équation exponentielle, équation
qui contient des quantités exponentielles.
& exponentielle n. f. Fonction
exponentielle.

exportable [ɛkspɔrtabl] adj. (de expor-


ter ; 1870, Larousse). Que l’on peut expor-
ter : Une marchandise exportable.

exportateur, trice [ɛkspɔrtatoer,


-tris] n. (dér. savant de exporter ; 1756,
V. de Mirabeau). Personne qui fait le com-
merce d’exportation : Un exportateur de
produits de consommation.

& adj. Qui exporte : Un pays exportateur.

Une industrie exportatrice.

• CONTR. : importateur.

exportation [ɛkspɔrtasjɔ̃] n. f. (lat.


exportatio, exportation, déportation, de
exportatum, supin de exportare [v. EXPOR-
TER], avec, peut-être, une influence séman-
tique de l’angl. exportation, exportation
commerciale [du lat. exportatio] ; XVIe s.,
Huguet, au sens de « action d’emporter » ;
sens 1, 1740, Desfontaines ; sens 2, 1865,
Littré ; sens 3, 1766, Voltaire). 1. Action de
vendre et de transporter à l’étranger des
produits nationaux : Exportation de denrées
alimentaires, de produits finis. Encourager
l’exportation. La douane autorise l’expor-
tation temporaire de certains produits. À
lui voir conduire ses affaires, expliquer les
lois sur l’exportation [...], un homme l’eût
jugé capable d’être ministre d’État (Balzac).
‖ 2. Les produits exportés : Les exporta-
tions constituent avec les importations le
commerce visible. ‖ 3. Fig. Action de dif-
fuser à l’étranger, de répandre hors des
frontières par la propagande : L’exportation
des idées.

• CONTR. : 1 et 2 importation.

exporter [ɛkspɔrte] v. tr. (lat. exportare,


porter hors, emporter, exporter, déporter,
bannir, de ex-, préf. marquant le mouve-
ment de l’intérieur vers l’extérieur, et de
portare, porter, transporter, avec, peut-
être, une influence sémantique de l’angl.
to export, exporter commercialement [du
lat. exportare] ; 1314, Monde-ville, écrit
esporter, au sens de « porter hors » ; écrit
exporter, au sens 1, 1750, d’Argenson ; sens
2, XXe s.). 1. Envoyer, vendre à l’étranger les
produits de l’activité nationale : Les pays
industrialisés exportent beaucoup de pro-
duits fabriqués. ‖ Exporter des capitaux,
les placer à l’étranger. ‖ 2. Fig. Répandre
à l’étranger : Exporter une mode.

• CONTR. : 1 importer.

export-import [ɛkspɔrɛ̃pɔr] n. m.
(abrév. des mots exportation et importation,
ou empr. des mots angl. export, exporta-
tion, et import, importation, déverbaux de
to export [v. EXPORTER] et de to import [v.
IMPORTER] ; milieu du XXe s.). Service com-
mercial chargé d’exporter et d’importer
des produits.

exposant, e [ɛkspozɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés.


substantivé de exposer ; 1389, Dict. général,
au sens 1 ; sens 2, fin du XVIIe s.). 1. Vx. En
termes de droit, personne qui expose ses
prétentions dans une requête administra-
tive ou judiciaire : L’exposant et son conseil.
‖ 2. Personne qui présente ses oeuvres ou
ses produits dans une exposition publique,
artistique ou commerciale : Les exposants
du Salon d’automne, de la Foire de Paris.
& exposant n. m. (1658, Pascal). En mathé-
matiques, nombre indiquant la puissance à
laquelle est élevée une quantité, et que l’on
écrit un peu au-dessus et à droite de cette
quantité [ex. : a3 ou (1 + b)3].

exposé [ɛkspoze] n. m. (part. passé


substantivé de exposer ; 1690, Furetière,
au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.).
1. Développement écrit ou oral visant à
expliquer quelque chose : L’exposé d’une

théorie. Le conseil des ministres a entendu


l’exposé de la situation internationale par
le ministre des Affaires étrangères. ‖ Exposé
des motifs, texte qui accompagne un projet
de loi et où sont expliquées les raisons qui
justifient aux yeux de l’auteur un tel projet.
‖ 2. Présentation d’une question devant
des auditeurs ou un jury : Un cours consacré
à l’audition d’un exposé.

• SYN. : 1 analyse, compte-rendu, rapport,


relation ; 2 conférence, leçon, topo (fam.).

exposemètre n. m. Syn. de POSEMÈTRE.

exposer [ɛkspoze] v. tr. (francisation,


d’après poser, du lat. exponere, exposer
[v. EXPONENTIEL], exposer ayant éliminé
la forme pop. [directement issue de expo-
nere] espondre, exposer, offrir, céder [XIIe-
XIVe s.] ; fin du XIIe s., Dialogues de saint
Grégoire, au sens 2 ; sens 1, v. 1355, Bersuire
[pour des reliques, 1680, Richelet ; pour un
criminel, 1690, Furetière] ; sens 3, 1596,
Hulsius [au part. passé, 1538, R. Estienne] ;
sens 4, 1635, Corneille [exposer un enfant,
v. 1355, Bersuire] ; sens 5, 1636, Monet
[exposer sa vie, v. 1361, Oresme] ; sens 6,
1640, Corneille). 1. Présenter aux regards
du public : Comme si la fortune avait
voulu exposer à tous les yeux un monu-
ment de ses triomphes et de ses caprices
(Chateaubriand). ‖ Spécialem. Présenter
aux yeux du public dans un étalage ou dans
une exposition : Exposer des marchandises
dans une vitrine. Exposer des tableaux, des
dessins, des livres. Exposer des machines
agricoles. ‖ Spécialem. Exposer le saint
sacrement, exposer des reliques, les pla-
cer à la vue des fidèles pour les offrir à
leur vénération. ‖ Autref. Exposer un cri-
minel, lui faire subir la peine du carcan.
‖ 2. Fig. Mettre en évidence, expliquer
par un développement écrit ou oral : Il
exposa ses projets d’avenir d’une voix fié-
vreuse (Zola). Je craignis d’abuser [...] en
vous exposant avec l’ampleur suffisante
l’affaire dont j’étais venu vous entretenir
(France). ‖ Spécialem. Faire l’exposition
d’un ouvrage dramatique : Dans les comé-
dies latines, un acteur exposait le sujet au
début de la pièce. ‖ 3. Disposer quelque
chose d’une certaine manière, l’orienter
dans une certaine direction de manière
à le soumettre à l’action de : Exposer du
linge au soleil. Exposer une façade au
midi. J’occupe seul la chambre [...] la mieux
exposée (Mauriac). Exposer un rouleau de
pellicule à la lumière. Exposer son corps
au soleil. ‖ 4. Class. Livrer, abandonner
quelqu’un à la merci de : Ton destin te tra-
hit, et ta beauté fatale | Sous l’appas d’un
hymen t’expose à ta rivale (Corneille). ‖ Vx.
Exposer un enfant, l’abandonner dans un
lieu public. ‖ 5. Mettre une personne en
butte à quelque chose, lui faire courir le
risque de : Il suffisait de porter un nom
aristocratique pour être exposé aux per-
sécutions (Chateaubriand). Exposer sa
réputation aux critiques malveillantes.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1789

‖ Exposer sa vie, la mettre en danger : Il


fallait aimer quelque chose d’une passion
réelle, et savoir dans l’occasion exposer sa
vie (Stendhal). ‖ 6. Mettre quelqu’un dans
une situation périlleuse : La France est déjà
dans une demi-hostilité avec les Turcs ; elle
seule a déjà dépensé plusieurs millions et
exposé vingt mille soldats dans la cause de
la Grèce (Chateaubriand). Songez à ce petit
jeune homme que j’ai exposé mal à propos
(Stendhal).

• SYN. : 1 afficher, déployer, exhiber, mon-


trer, produire ; 2 décrire, détailler, dévelop-
per, présenter, raconter, retracer ; 3 offrir,
présenter, tourner, situer ; 5 soumettre ;
aventurer, compromettre, hasarder, jouer,
risquer.

& s’exposer v. pr. (sens 1, 1870, Larousse ;


sens 2, 1666, Molière ; sens 3, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens 4, v. 1400, Gerson).
1. Se montrer aux regards d’autrui : Dans
« les Mille et Une Nuits » comme dans la
Bible, un monde, un peuple entier s’expose
et se révèle (Gide). ‖ 2. Class. S’exposer
à quelqu’un, s’abandonner à sa merci :
J’aurais lieu de plainte | Si m’exposant à
vous pour me parler sans feinte | Vous alliez
me trahir et me déguiser rien (Molière).
‖ 3. Courir le risque de : S’exposer au dan-
ger, à la critique. ‖ 4. Absol. Risquer sa vie,
sa réputation, sa fortune : S’exposer dans un
combat. S’exposer dans une affaire.

• SYN. : 3 affronter, braver ; 4 se commettre


(vx et littér.), se compromettre, se mouiller
(fam.).

expositeur [ɛkspozitoer] n. m. (bas


lat. expositor, celui qui expose un enfant
[de expositum, supin de exponere, expo-
ser, v. EXPONENTIEL], avec une influence
sémantique de exposer ; v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence, écrit espositur [expo-
siteur, v. 1361, Oresme], au sens de « inter-
prète commentateur » ; sens 1, 1865, Littré ;
sens 2, 1704, Trévoux). 1. Vx. Personne qui
exposait un enfant. ‖ 2. Vx. Expositeur de
fausse monnaie, en termes de droit pénal,
celui qui la mettait en circulation.

exposition [ɛkspozisjɔ̃] n. f. (lat. expo-


sitio, exposé d’un sujet, définition, expli-
cation, abandon d’enfant, de expositum,
supin de exponere [v. EXPOSER ET EXPONEN-
TIEL] ; v. 1119, Ph. de Thaon, écrit esposiciun
[exposition, fin du XIIe s., Dialogues de saint
Grégoire], au sens 3 ; sens 1, 1565, Coutumier
général [pour des marchandises ; pour des
reliques, etc., 1680, Richelet] ; sens 2, av.
1799, Marmontel ; sens 4, 1663, Molière ;
sens 5, XXe s. ; sens 6, 1680, Richelet ; sens 7,
1932, Larousse [art. photographie] ; sens 8,
1690, Furetière ; sens 9 [« abandon d’en-
fant »], 1636, Monet). 1. Action de dispo-
ser aux regards d’autrui ; résultat de cette
action : L’exposition d’un mort sur un lit de
parade. ‖ Disposition d’objets sur un éta-
lage : L’exposition des livres dans la vitrine
d’une librairie. ‖ Spécialem. Cérémonie qui
consiste à montrer aux fidèles ce que l’on

veut offrir à leur vénération : L’exposition


du saint sacrement. ‖ Vx. Exposition
publique, peine accessoire qui consistait,
pour les condamnés aux travaux forcés
et à la réclusion, à demeurer durant une
heure exposés au regard du peuple sur la
place publique. ‖ 2. Présentation au public,
pour une durée déterminée et en un cer-
tain lieu, de produits divers, d’oeuvres
d’art : Une exposition de machines-outils.
Le temps n’est pas éloigné où l’on déclarait
impossibles les expositions permanentes de
peinture (Baudelaire). Il ne manquait pas
une première, pas une ouverture d’exposi-
tion (Bourget). ‖ Exposition universelle,
exposition où sont admis et présentés des
produits de tous les pays. ‖ Spécialem.
Mise en vente en grande quantité et à des
prix spéciaux d’un ensemble d’articles dans
les grands magasins : Exposition de blanc.
‖ Lieu où se font ces présentations : Je l’ai
rencontré à l’exposition. ‖ 3. Fig. Action
d’expliquer par un développement sys-
tématique, écrit ou oral : L’exposition
d’une doctrine. ‖ 4. Partie initiale d’une
oeuvre, surtout dramatique, dans laquelle
sont présentés le sujet et les circonstances
de l’action : Ici se termine l’exposition de
cette obscure, mais effroyable trngédie pari-
sienne (Balzac). ‖ 5. Dans une composition
musicale, section dans laquelle les diffé-
rents éléments thématiques sont présen-
tés pour la première fois. ‖ 6. Orientation
d’un bâtiment, d’un local : La pièce était
minuscule, mais difficile à chauffer à cause
de son exposition (Aymé). ‖ Manière dont
un objet exposé reçoit la lumière : Cette
statue est dans une mauvaise exposition.
‖ 7. En photographie, action d’exposer
aux rayons lumineux une surface sensible.
‖ 8. État de quelqu’un ou de quelque chose
soumis à l’influence ou à l’action de : Il ne
faut pas prolonger cette exposition au soleil.
‖ État de quelqu’un ou de quelque chose
soumis à une action pernicieuse (au pr. et
au fig.) : L’exposition au froid, au danger.
‖ 9. Vx. Action de livrer à : Exposition d’un
martyr aux bêtes. ‖ Exposition d’un enfant,
son abandon dans un lieu public.

• SYN. : 1 Présentation ; 2 concours, foire,


salon ; 3 exposé, explication ; 4 introduction,
protase ; 5 prélude ; 6 situation ; éclairage.

1. exprès, esse [ɛksprɛ, -ɛs] adj. (lat.


expressus, mis en relief, figuré nettement,
exprimé clairement, part. passé adjec-
tivé de exprimere [v. EXPRIMER] ; v. 1265,
J. de Meung, écrit esprès et exprès). Littér.
Qui formule ou exprime avec netteté et
précision la volonté de quelqu’un : Défense
expresse. Elle a quitté le couvent sur l’ordre
exprès de Monseigneur (Musset). L’oeuvre
propre de l’homme se distingue quand
ses actes [...] exigent sa présence pensante
expresse (Valéry).

• SYN. : 1 absolu, catégorique, explicite,


formel, impératif.

& adj. et n. (1664, Mme de Sévigné). Class.


et littér. Se dit d’un messager chargé d’une
mission particulière et urgente : Si nous
avons de bonnes nouvelles, je vous les man-
derai par un homme exprès à toute bride
(Sévigné). Moreau s’était hâté d’envoyer
un exprès qui remit au premier valet de
chambre du comte une lettre (Balzac).
C’était, apportée par un exprès, une lettre
cachetée à la cire et dont la suscription por-
tait le nom de Cécile (Duhamel).

& exprès adj. invar. (XXe s.). Lettre exprès,


colis exprès, envoi qui porte la mention par
exprès ou exprès et qui doit être acheminé
et remis rapidement au destinataire.

• REM. L’Académie recommande la pro-


nonciation [ɛksprɛ] au masculin, mais
l’usage fait prévaloir [ɛksprɛs].

2. exprès [ɛksprɛ] adv. (emploi adver-


bial du précéd. ; milieu du XVIe s., Amyot
[par exprès, XIVe s., Nature à l’alchimie]).
Dans l’intention formelle de faire quelque
chose : Il a disposé cet appartement exprès
pour nous recevoir (Acad.). Il fit venir son
marchand de cidre tout exprès (Flaubert).
Je pensais que le code avait été mal rédigé
exprès pour fournir à certaines gens l’occa-
sion d’ergoter (Huysmans). ‖ Fam. C’est
exprès, c’est dans ce but précis que cette
action est faite. ‖ Être fait exprès pour,
avoir précisément les qualités pour : Vous
semblez fait exprès pour ce travail. ‖ Fam.
C’est un fait exprès, comme par un fait
exprès, se dit d’une coïncidence curieuse,
et en général désagréable ou fâcheuse : Le
dimanche, ce fut comme un fait exprès,
je m’éveillai plus tôt qu’à l’ordinaire
(Courteline).

• SYN. : délibérément, à dessein, intention-


nellement, spécialement, volontairement.

1. express [ɛksprɛs] n. m. et adj. (mot


angl., empr. de l’adj. franç. exprès ; 1849,
Bonnafé, comme n. m. ; comme adj., 1865,
Littré). Train de voyageurs à vitesse accé-
lérée, qui ne s’arrête que dans les gares
importantes et dont l’horaire est étudié
pour assurer dans le minimum de temps
les principales correspondances : Il prit son
billet pour La Rochelle par l’express de 8 h
40 (Maupassant). Un train express.

2. express [ɛksprɛs] adj. et n. m. (franci-


sation de l’ital. espresso, café express, empr.
de l’angl. express [v. l’art. précéd.] ; milieu
du XXe s.). Café express, ou un express,
extrait de café plus ou moins concentré
obtenu par passage de la vapeur sous pres-
sion à travers de la poudre de café dans une
machine spéciale, généralement de fabri-
cation italienne : Garçon, deux express !

expressément [ɛksprɛsemɑ̃] adv. (de


expressément [ɛksprɛsemɑ̃] adv. (de
exprès 1 ; v. 1190, Sermons de saint Bernard,
écrit espressement [espresseement, 1270,
Dict. général : expressement, v. 1360,
Froissart ; expressément, 1629, Corneille],
au sens 1 ; sens 2, 1655, Molière). 1. D’une
manière expresse, formelle, précise : La
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1790

théorie du droit divin dit expressément


que le monarque n’est responsable que
devant Dieu (Proudhon). Le pain est qua-
lifié expressément de quotidien (Valéry).
‖ 2. Avec une intention bien déterminée :
Quand il est tombé au champ d’honneur, il
se battait expressément pour venger Péguy
(Barrès). Les tas de sable des squares sont
faits expressément pour que les enfants y
montent (Montherlant).

• SYN. : 1 explicitement, formellement, net-


tement, précisément ; 2 exprès, particuliè-
rement, spécialement.

expressif, ive [ɛksprɛsif, -iv] adj. (de


express[ion] ; 1488, Godefroy, au sens 1
[rare av. 1690, Furetière] ; sens 2, av. 1854,
Nerval). 1. Qui exprime d’une façon heu-
reuse et suggestive ce que l’on veut dire :
Une métaphore expressive. Elle est si riche,
si vivante, si expressive, si pittoresque la
langue des arts et métiers (Coppée).
‖ En linguistique, se dit d’un mot, d’un
morphème, d’une construction propre
à exprimer une valeur de signification.
‖ 2. Dans les autres moyens d’expression
que le langage, se dit de ce qui manifeste
avec évidence et vivacité un sentiment,
une pensée : Une mimique expressive. Il
me répondit par cet expressif haussement
d’épaules qui signifie : je ne sais pas (Hugo).
Cette personne est très avenante, ses yeux
sont expressifs (Nerval). ‖ En musique,
se dit d’un texte, d’un jeu, d’un toucher
capable d’exprimer les sentiments d’un
compositeur ou d’un interprète.

• SYN. : 1 coloré, pittoresque, suggestif,


vivant ; 2 démonstratif, éloquent, mobile,
parlant, significatif.

expression [ɛksprɛsjɔ̃] n. f. (lat. expres-


sio, action de faire sortir en pressant, bos-
sage, saillie, et, à basse époque, « expression
de la pensée, exposé vif », de expressum,
supin de exprimere [v. EXPRIMER] ; v. 1360,
Froissart, au sens II, 1 ; sens I, 1690,
Furetière [« action de comprimer quelque
chose », v. 1560, Paré] ; sens II, 2-3, 1656,
Pascal ; sens II, 4, 1669, Molière ; sens II, 5,
av. 1747, Vauvenargues ; sens II, 6, 1694,
Bossuet ; sens II, 7, 1674, Malebranche).

I. Vx. Action d’extraire en pressant : On


obtient le jus de fruit par expression du
fruit entier. ‖ Auj. Opération consistant
à séparer un produit d’un mélange pâ-
teux à une température considérée : On
sépare par expression l’acide stéarique du
mélange des acides gras issus de la scission
des glycérides.

II. 1. Action d’exprimer quelque chose,


de le communiquer à autrui, par le
langage : Personne n’avait distingué si
consciemment les deux effets de l’expres-
sion par le langage : transmettre un fait,
produire une émotion (Valéry). ‖ Au-
delà et au-dessus de toute expression, de
manière telle qu’on ne peut le traduire
en paroles, inexprimable. ‖ Liberté d’ex-

pression, droit pour tout citoyen d’expri-


mer librement ses opinions. ‖ 2. Dans
le domaine littéraire, manière d’expri-
mer, de rendre fidèlement une pensée,
un sentiment : L’expression poétique.
Procédés d’expression. [Le patriotisme
au théâtre] ne demande pas seulement
des coeurs sincères et des mains pieuses,
mais une expression délicate et discrète
et une constante justesse de ton (Ara-
gon). ‖ 3. Manière de s’exprimer ; tour
de la langue parlée ou écrite : Expression
familière, populaire, argotique. Expres-
sion correcte, incorrecte. Où trouver des
expressions [...] nuancées, d’une manière
assez délicate, pour répondre aux nécessi-
tés d’un sentiment exquis ? (Baudelaire).
‖ Expression toute faite, expression
banale. ‖ 4. Manière de s’exprimer par
l’intermédiaire de différentes techniques
artistiques : Expression picturale. Moyens
d’expression d’un graveur. Expression
du mouvement, de la grâce d’un modèle.
L’architecture est [...] l’expression prin-
cipale de l’homme à ses divers états de
développement (Hugo). ‖ Absol. Repré-
sentation habile, fidèle et vivace que font
les arts, de la vie, des sentiments : Danser
avec expression. Un chant plein d’expres-
sion. Portrait sans expression. ‖ 5. Chez
une personne, ensemble des signes exté-
rieurs qui traduisent un sentiment, une
émotion, le caractère : Il avait [...] une
expression rude, hardie, fatiguée et vio-
lente dans les yeux (Hugo). Sa figure fine
[...] garda l’expression concentrée qui rap-
prochait ses épais sourcils noirs (Daudet).
‖ Absol. Aptitude à laisser transparaître
facilement ses sentiments, ses émotions :
Visage, regard sans expression. Mains
pleines d’expression. ‖ 6. Illustration,
incarnation, personnification de quelque
chose : V. Hugo est la plus haute expres-
sion de la poésie romantique (Littré).
‖ 7. Expression algébrique, en mathéma-
tiques, représentation matérielle d’une
quantité quelconque ou d’une grandeur,
par des nombres et par des lettres liés
entre eux par les symboles des opérations
arithmétiques. ‖ Réduire une fraction
à sa plus simple expression, trouver une
fraction égale dont les termes sont les
plus simples possible. ‖ Par anal. Réduire
quelque chose à sa plus simple expression,
réduire à son plus petit volume, et, au fig.,
à son état le plus misérable : Un bout de
pain et un morceau de fromage, son repas
était réduit à sa plus simple expression.

• SYN. : II, 3 formule, locution, mot, terme,


tournure ; 5 air, mobilité, vie ; 6 émanation,
figure, manifestation.

expressionnisme [ɛksprɛsjɔnism]
n. m. (de expression ; 1921, J. Giraud).
Tendance artistique et littéraire née dans
les premières années du XXe s. et qui vise
à l’expression forte et originale de la sen-
sibilité de l’artiste.

expressionniste [ɛksprɛsjɔnist] adj. et


n. (de expressionnisme ; début du XXe s.,
aux sens 1-2). 1. Se dit d’un artiste qui
s’inspire de l’expressionnisme. ‖ 2. Se dit
d’un critique, d’un théoricien partisan de
l’expressionnisme.

expressivement [ɛksprɛsivmɑ̃] adv. (de


expressif ; av. 1825, P.-L. Courier). De façon
expressive : Regarder quelqu’un expressi-
vement. Jouer expressivement une sonate.

expressivité [ɛksprɛsivite] n. f. (de


expressif ; début du XXe s.). Caractère de ce
qui est expressif : L’expressivité d’un regard.

exprimable [ɛksprimabl] adj. (de


exprimer ; fin du XVIe s.). Que l’on peut
exprimer : Les sentiments les plus vifs sont
souvent les moins exprimables.

• SYN. : traduisible. — CONTR. : indicible,


ineffable, inexprimable, intraduisible.
exprimer [ɛksprime] v. tr. (lat. exprimere,
faire sortir [en pressant], faire monter,
représenter, exprimer, exposer, reproduire,
imiter, de ex-, préf. marquant le mouvement
de l’intérieur vers l’extérieur, et de premere,
presser [exprimer a supplanté la forme pop.
expreindre, épreindre, v. ÉPREINDRE] ; fin
du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire, écrit
espriemer [exprimer, fin du XIVe s., Vie de
saint Eustache], au sens II, 1 ; sens I, 1580,
Montaigne ; sens II, 2, av. 1655, Tristan
l’Hermite ; sens II, 3, 1841, Balzac ; sens
II, 4, début du XVIIe s., Malherbe).

I. Faire sortir le suc, le jus, en pressant :


Exprimer le jus d’une orange.

II. 1. Manifester un sentiment, une idée,


par le langage parlé ou écrit : On peut
exprimer de beaux sentiments sans les
éprouver, et les éprouver sans pouvoir les
exprimer (Balzac). Cette petite voix d’en-
fant exprimait le sentiment de tous (Dau-
det). ‖ 2. Dans le domaine artistique ou
littéraire, rendre en termes sensibles,
traduire : Comment faut-il s’y prendre
pour exprimer le beau, le simple et le vrai
(Sand). ‖ 3. Rendre visible, sensible à au-
trui par le geste, la mimique : Son visage,
avec des traits vulgaires, exprimait la
finesse (France). ‖ 4. Class. Faire le por-
trait d’une personne, la décrire : C’est elle
[Agrippine] que je me suis surtout efforcé
de bien exprimer (Racine).

• SYN. : II, 1 afficher, étaler, extérioriser,


rendre, révéler, traduire ; 2 peindre, repré-
senter ; 3 dire, manifester, respirer.

& s’exprimer v. pr. (sens 1, 1580,


Montaigne ; sens 2, 1640, Corneille). 1. Se
faire comprendre par la parole, le geste :
S’exprimer en termes généraux n’est faire
offense à personne (Musset). Une âme
candide pouvait seule s’exprimer dans un
langage si simple (France). ‖ 2. Être traduit
ou représenté par le langage : Ce que l’on
éprouve en un moment pareil ne saurait
s’exprimer.

• SYN. : 1 parler ; 2 s’énoncer.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1791

ex professo [ɛksprɔfɛso] loc. adv. (loc.


lat. signif. « ouvertement » [les sens franç.
sont dus à l’influence de ceux de profes-
seur], de ex, prép., « selon » et de professo,
ablatif de professum, part. passé neutre
substantivé de profiteri, déclarer ouverte-
ment, reconnaître hautement, de pro-, préf.
signif. « avant, devant », et de fateri, avouer,
reconnaître ; 1620, Dict. général, au sens 1 ;
sens 2, 1697, Bossuet). 1. En exposant d’une
manière doctorale : S’exprimer « ex pro-
fesso ». ‖ 2. En exposant d’une manière
complète et approfondie : Traiter un pro-
blème « ex professo ».

expropriateur, trice [ɛksprɔprijatoer,


-tris] n. et adj. (dér. savant de exproprier ;
1er août 1874, Journ. officiel, comme
adj. ; comme n., 1907, Larousse). En
droit, qui exproprie quelqu’un : Une loi
expropriatrice.

• REM. On dit aussi EXPROPRIANT, E


(8 août 1935, Journ. officiel).

expropriation [ɛksprɔprijasjɔ̃] n. f. (de


exproprier ; 1789, Ranft [expropriation for-
cée, 1829, Boiste ; expropriation pour cause
d’utilité publique, av. 1865, Proudhon]).
Action d’exproprier : Le peuple de Paris
vivait encore dans le souvenir enthousiaste
des grandes expropriations faites pendant le
second Empire (Duhamel). ‖ Expropriation
forcée, expropriation par saisie des biens
immobiliers d’un débiteur. ‖ Expropriation
pour cause d’utilité publique, cession forcée
à l’Administration d’un immeuble, d’un
terrain, nécessaire à l’accomplissement
d’une tâche d’intérêt général.

exproprié, e [ɛksprɔprije] adj. et n.


(part. passé de exproprier ; 1611, Cotgrave,
au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré). 1. Que l’on a
dépossédé de ses biens : Aussi libre, néan-
moins, que peut l’être un peuple exproprié
(Fromentin). ‖ 2. Se dit d’une personne qui
a été l’objet d’une mesure légale d’expro-
priation : Indemniser les expropriés. ‖ Par
extens. Maison expropriée, dont le proprié-
taire a été exproprié.

exproprier [ɛksprɔprije] v. tr. (de ex-


[lat. ex-, préf. à valeur privative] et du lat.
proprium, propriété, ce qu’on possède
[neutre substantivé de l’adj. proprius, qui
appartient en propre], d’après approprier ;
1611, Cotgrave, au part. passé, au sens de
« qui a été privé de ce qu’il possédait » ; à
l’infin., au sens 1, 1789, Ranft [en vue d’un
intérêt public et moyennant une indemnité,
1835, Acad.] ; sens 2, 1890, Dict. général).
1. Déposséder quelqu’un de la propriété
d’un bien par voie légale : Exproprier
un débiteur. ‖ Spécialem. Déposséder
quelqu’un d’un bien en vue d’un intérêt
public et moyennant une indemnité : Nous
avions d’abord pensé qu’un simple décret
nous assurerait l’autorisation d’exproprier
les riverains (Duhamel). ‖ 2. Par extens.
Exproprier une maison, un terrain, en
déposséder son propriétaire.

expugnable [ɛkspyɲabl] adj. (lat. expu-


gnabilis, qu’on peut prendre d’assaut, dér.
de expugnare, prendre de force, vaincre,
soumettre, réduire, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de pugnare, combattre, lut-
ter ; v. 1355, Bersuire, au sens du lat. ; sens
moderne, début du XVIIe s., Malherbe).
Class. Qui peut être vaincu, surmonté :
Toutes difficultés sont expugnables à l’assi-
duité du soin et à la pertinacité du labeur
(Malherbe).

expuition [ɛkspɥisjɔ̃] n. f. (lat. ex[s]-


puitio, crachement, dér. de ex[s]puere,
cracher, rejeter, vomir, exhaler, de ex-, préf.
à valeur intensive, et de spuere, cracher,
rejeter en crachant ; 1870, Larousse, écrit
exspuition ou expuition). En physiologie,
action d’expulser hors de la bouche les
substances, et notamment les liquides,
qui s’y trouvent : L’expuition est le dernier
terme de l’expectoration.

expulsé, e [ɛkspylse] adj. et n. (part.


passé de expulser ; 1690, Furetière, comme
adj. ; comme n., 1759, Voltaire). Qui est ou
qui a fait l’objet d’une mesure d’expulsion.

expulser [ɛkspylse] v. tr. (lat. expulsare,


lancer souvent, renvoyer, fréquentatif de
expellere [v. EXPULSION] ; milieu du XVe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1870, Larousse ; sens
3, 1690, Furetière ; sens 4, v. 1560, Paré).
1. Obliger quelqu’un à quitter le lieu où il
était établi : On pourra l’expulser de son
dernier refuge sans obtenir de lui quoi que
ce soit qui ressemble à l’abandon de lui-
même (Fromentin). ‖ Spécialem. Faire
quitter un pays en vertu d’une mesure
administrative ou judiciaire : Expulser
un étranger. ‖ 2. Faire sortir quelqu’un
rapidement par la force : Expulser un
contradicteur. Expulser un ivrogne d’un
café. ‖ 3. Éliminer en chassant d’une col-
lectivité, d’une assemblée : Comme une
basse-cour se rue sur le poulet malade
pour l’achever ou l’expulser, chaque groupe
tend à rejeter ses membres les plus faibles
(Barrès). ‖ 4. Évacuer, rejeter de l’orga-
nisme : Expulser des mucosités.
• SYN. : 1 chasser, déloger ; bannir, exiler,
expatrier, ostraciser, proscrire, refouler ;
2 éjecter, évacuer, vider (pop.) ; 3 évin-
cer, exclure, rejeter, renvoyer, repousser ;
4 éliminer.

expulseur, trice [ɛkspylsoer, -tris]


adj. (lat. expulsor, -pultrix, celui/celle qui
chasse, de expulsum, supin de expellere
[v. EXPULSION] ; v. 1460, G. Chastellain, au
masc. ; v. 1560, Paré, au fém.). Qui expulse :
Une action expultrice.

• REM. Le féminin expultrice est rare. On


dit aujourd’hui EXPULSIVE (v. l’art. suiv.).

expulsif, ive [ɛkspylsif, -iv] adj. (bas


lat. expulsivus, qui a la vertu d’éloigner,
de expulsum, supin de expellere [v. EXPUL-
SION] ; v. 1398, Somme Me Gautier). Qui
facilite l’expulsion, qui pousse vers l’exté-

rieur : Un médicament expulsif. ‖ Douleurs


expulsives, douleurs qui se produisent au
moment de l’accouchement, quand la tête
du foetus touche le périnée.

expulsion [ɛkspylsjɔ̃] n. f. (lat. expulsio,


expulsion, bannissement, renvoi, de expul-
sum, supin de expellere, pousser hors de,
repousser, chasser, exposer, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et de pellere, mettre en mouve-
ment, remuer, donner une impulsion ; 1309,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3,
1690, Furetière ; sens 4, v. 1560, Paré).
1. Action d’expulser, de chasser quelqu’un
du lieu où il vivait : Vous rangez sans doute
parmi les mesures vexatoires l’expulsion
des congréganistes ? (France). ‖ Mesure
administrative ou judiciaire consistant à
faire reconduire à la frontière un étran-
ger : L’expulsion d’un étranger. ‖ Action
juridique par laquelle on contraint un
locataire à quitter les lieux qu’il occupe.
‖ 2. Action de chasser d’un lieu vivement
et par la force : L’expulsion d’un contra-
dicteur. ‖ 3. Action d’exclure, de chas-
ser quelqu’un d’une communauté, d’un
groupe : L’expulsion d’un élève du lycée.
Hier c’était M. Letondu ; aujourd’hui,
c’est M. Lahrier ; quelle est cette fièvre
d’expulsion (Courteline). ‖ 4. Action de
rejeter quelque chose hors du corps ou d’un
organe : L’expulsion d’un calcul.

• SYN. : 1 bannissement, exil, refoulement ;


2 évacuation ; 3 éviction, exclusion, radia-
tion, rejet, renvoi ; 4 élimination.
expurgation [ɛkspyrgasjɔ̃] n. f. (de
expurger, d’après le lat. expurgatio, jus-
tification, excuse, de expurgatum, supin
de expurgare [v. EXPURGER] ; fin du XIIe s.,
Marie de France, écrit espurgacion, au
sens fig. de « purification » ; v. 1560, Paré,
écrit expurgation, au sens de « action de
purger [le sang] » ; sens 1-2, 1865, Littré).
1. Action d’expurger : L’expurgation d’un
dictionnaire. ‖ 2. En arboriculture, action
de couper, dans une futaie, les arbres qui
gênent la croissance des autres.

expurgatoire [ɛkspyrgatwar] adj. (lat.


ecclés. du Moyen Âge expurgatorius, de
expurgatum, supin du lat. class. expurgare
[v. EXPURGER] ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné).
Se dit de la liste des livres mis à l’index
jusqu’à ce qu’ils soient expurgés : Index
expurgatoire.

expurger [ɛkspyrʒe] v. tr. (lat. expurgare,


nettoyer, émonder, retrancher, enlever,
corriger, purger, disculper, de ex-, préf. à
valeur intensive, et de purgare, nettoyer [au
pr. et au fig.], justifier, purger [expurger a
remplacé la forme pop. espurgier, « pur-
ger, nettoyer, purifier », usuelle du XIIe au
XVe s.] ; XIVe s., au sens de « purger, épu-
rer » ; sens 1, 1865, Littré ; sens 2, XXe s.).
[Conj. 1 b.] 1. Éliminer d’un livre ce qui
semble contraire à la morale : Expurger une
pièce de théâtre. Une édition intégrale, non
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1792

expurgée. ‖ 2. Exclure d’un ensemble, d’un


groupe les éléments qui en compromettent
l’existence : Expurger un parti d’éléments
non conformistes.

• SYN. : 1 censurer, épurer ; 2 assainir, les-


siver (fam.), nettoyer.

exquis, e [ɛkski, -iz] adj. (réfection,


d’après le lat. exquisitus, choisi, raffiné,
recherché, distingué [part. passé adjectivé
de exquirere, rechercher, choisir, exami-
ner de près, de ex-, préf. à valeur inten-
sive, et de quaerere, chercher, demander],
de l’anc. franç. esquis, recherché, raffiné
[XIIe-XVIe s.], part. passé du v. esquerre,
rechercher, examiner, désirer, prouver,
lat. pop. *exquaerere, réfection, d’après
le simple quaerere, du lat. class. exquirere
[v. plus haut] ; fin du XIVe s., au sens 2 ; sens
1, av. 1696, La Bruyère ; sens 3, 1541, Calvin ;
sens 4, av. 1549, Marguerite de Navarre ;
sens 5, 1655, Molière ; sens 6, av. 1910,
J. Renard). 1. Class. Se dit d’une personne
qui appartient à l’élite : Des hommes
rares, exquis, qui brillent par leurs mérites
(La Bruyère). ‖ 2. Class. et littér. Se dit
d’une chose bien choisie, remarquable
en son genre, recherchée : Il a un cabinet
garni de tableaux exquis (Furetière). On
trouve dans saint Chrysostome un jugement
exquis, des images nobles, une morale sen-
sible et aimable (Fénelon). Mais les mots
ont passé par tant de bouches, par tant de
phrases, par tant d’usages et d’abus que les
précautions les plus exquises s’imposent
pour éviter une trop grande confusion dans
nos esprits (Valéry). ‖ 3. Class. Se dit d’un
châtiment particulièrement raffiné : Les
rois [...] sont avec raison menacés [...] d’une
justice plus douloureuse et de supplices plus
exquis (Bossuet). ‖ 4. Se dit d’une chose qui
produit une impression très agréable et raf-
finée sur les sens : Un mets exquis. Ce vieux
vin de Chypre est exquis (Verlaine). ‖ Par
extens. Qui a un charme délicieux : Cette
ville exquise [Athènes] était en même temps
une ville irrégulière, à rues étroites (Renan).
‖ 5. Se dit de ce qui dénote une délicatesse
recherchée : Une gentillesse exquise. La
jeune femme joua son rôle de veuve incon-
solée avec une habileté exquise (Zola). Tout
le monde connaît, tout le monde apprécie
les perfections d’un art accompli jusqu’à
l’exquise simplicité (Valéry). ‖ 6. Se dit
de quelqu’un qui est d’un caractère très
sociable, très affable, d’une compagnie
très agréable : Aujourd’hui que je viens de
toucher deux cent quinze francs au « Gil
Blas », je souris au comptable, aux caissiers,
je suis exquis avec tout le monde (Renard).
• SYN. : 4 délectable, délicieux, excellent,
savoureux, suave, succulent ; adorable
(fam.), charmant, enchanteur, merveilleux ;
5 délicat, subtil ; 6 aimable, amène, avenant,
cordial, gentil, sympathique. — CONTR. :
4 dégoûtant, détestable, exécrable, insipide,
mauvais ; abominable, affreux, horrible,
odieux ; 5 fruste, grossier, lourd, maladroit,

pesant ; 6 acariâtre, désagréable, impossible,


insupportable, invivable, revêche, rogue.

exquisément [ɛkskizemɑ̃] adv. (de


exquis ; 1530, Lefèvre d’Étaples, écrit exqui-
sement ; exquisément, fin du XIXe s.). D’une
façon exquise : Les caillettes Régence, exqui-
sément vieillottes, | Détaillent la langueur
savante des gavottes (Samain).
• REM. Le dictionnaire de l’Académie
a écrit exquisement (sans accent aigu)
jusqu’à la 8e éd. (1932), usage conservé
par certains écrivains.

exquisité [ɛkskizite] n. f. (dér. savant de


exquis ; 1855, G. Sand). Qualité de ce qui
est exquis (peu usité) : Aucun n’a, dans un
art différent, l’exquisité que les Goncourt
mettent dans leur prose (Huysmans).

exsangue [ɛksɑ̃g] adj. (lat. exsanguis, qui


a perdu son sang, pâle, blême, sans force, de
ex-, préf. à valeur privative, et de sanguis,
sanguinis, sang ; XVe s., au sens 1 ; sens 2,
1611, Cotgrave ; sens 3, 1580, Montaigne).
1. Qui a perdu une grande partie de son
sang ; qui n’a que peu de sang : Un malade
exsangue. Il regarde les mains exsangues
du mort, et se demande combien de temps
encore les ongles continueront à pousser
(Gide). ‖ 2. Qui est d’une pâleur extrême :
Et la farine rend plus effroyable encore | Sa
face exsangue au nez pointu de moribond
(Verlaine). Des lèvres exsangues. ‖ 3. Fig.
Qui est dépourvu de force, de vigueur :
Les mots empruntés à l’étranger devenaient
subitement exsangues (Giraudoux).

• SYN. : 2 blafard, blême, cadavérique,


cireux, livide, plombé, terreux ; 3 anémique.

exsanguination [ɛksɑ̃ginasjɔ̃ ou
gɥinasjɔ̃] n. f. (de ex- [lat. ex-, préf. mar-
quant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur] et du lat. sanguis, sanguinis,
sang ; milieu du XXe s.). Action d’enlever
le sang d’un sujet : L’exsanguination est le
premier stade de l’exsanguino-transfusion.

exsanguino-transfusion [ɛksɑ̃gino-
trɑ̃sfyzjɔ̃ ou gɥinotrɑ̃sfyzjɔ̃] n. f. (de
exsanguino- [élément formé avec ex- et
le lat. sanguis, sanguinis, v. l’art. pré-
céd.] et de transfusion ; milieu du XXe s.).
Remplacement total ou partiel du sang
d’un sujet par le sang d’un ou plusieurs
autres individus.

• Pl. des EXSANGUINO-TRANSFUSIONS.

exstrophie [ɛkstrɔfi] n. f. (du gr. eks-


trophê, renversement, dér. de ekstrephein,
retourner, de ek, hors, dehors, et strephein,
tourner ; 1865, Littré). En pathologie, vice
de conformation d’un organe qui se pré-
sente retourné.

exsudat [ɛksyda] n. m. (de exsuder,


d’après le lat. exsudatum, part. passé neutre
de exsudare [v. EXSUDER] ; 1865, Littré, au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Produit qui se
trouve dans les tissus par exsudation des
liquides ou du sang à travers les parois des

vaisseaux sanguins. ‖ Liquide suintant


à la surface de la peau, des muqueuses.
‖ 2. Liquide suintant organiquement ou
accidentellement d’un végétal.

exsudatif, ive [ɛksydatif, -iv] adj. (de


exsudat ; 1933, Larousse). En pathologie,
se dit d’un processus consistant en la for-
mation d’exsudats : Tuberculose exsudative.

exsudation [ɛksydasjɔ̃] n. f. (bas lat.


médic. exsudatio, dégagement par la
transpiration, de exsudatum, supin de
exsudare [v. EXSUDER] ; 1762, Acad., au sens
de « action de suer » ; sens actuel, 1865,
Littré). Suintement d’un liquide organique
à travers une paroi vasculaire : Une exsu-
dation pleurale.

• SYN. : extravasation, extravasion.

exsuder [ɛksyde] v. intr. (lat. exsudare,


s’évaporer entièrement, rendre par suinte-
ment, dégoutter de, de ex-, préf. marquant
le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et de sudare, suer, épancher comme une
sueur ; v. 1560, Paré, au sens 1 ; sens 2, début
du XXe s.). 1. Sortir par exsudation : Le sang
exsude quelquefois par les pores. ‖ 2. Fig. et
littér. Se manifester au-dehors, déborder :
Peu à peu, cette fatuité intime exsude ; elle
adoucit et transforme vos attitudes ; comme
une vapeur, elle vous baigne d’une atmos-
phère spéciale (Barrès).

• SYN. : 1 s’extravaser, suinter, transsuder.


& v. tr. (sens 1, 1870, Larousse ; sens 2, 1869,
V. Hugo). 1. Laisser suinter à travers ses
parois : Tige qui exsude une sève laiteuse.
‖ 2. Fig. et littér. Laisser échapper, exté-
rioriser : Une éparse joie baigne la terre, et
que la terre exsude à l’appel du soleil (Gide).
• SYN. : 1 suer, suinter.

exsufflation [ɛksyflasjɔ̃] n. f. (bas lat.


exsufflatio, exorcisme, de exsufflatum,
supin du bas lat. exsufflare, souffler sur,
faire disparaître en soufflant, exorciser,
de ex-, préf. à valeur intensive, et du lat.
class. sufflare, souffler ; fin du XIVe s., écrit
exsufflacion, au sens de « action d’exha-
ler » ; sens 1 [« exorcisme au moyen du
souffle »], XVIe s., écrit exsufflacion [exsuf-
flation, début du XVIIe s. ; rare jusqu’en
1891, Huysmans] ; sens 2, milieu du XXe s.).
1. Action de faire sortir, de chasser en souf-
flant : Il y a certaines fumigations, certaines
exsufflations, certains commandements
portés en amulettes [...], qui presque tou-
jours finissent par délivrer le malade !
(Huysmans). ‖ 2. En médecine, évacuation
des gaz contenus dans une cavité natu-
relle ou pathologique : L’exsufflation d’un
pneumothorax.

exsurgence [ɛksyrʒɑ̃s] n. f. (du lat. exsur-


gere, se lever, s’élever, sortir [de ex-, préf. à
valeur intensive, et de surgere, se lever, s’éle-
ver], d’après résurgence ; milieu du XXe s.).
En géographie, sortie d’eaux abondantes
qui n’ont pas eu de cours à l’air libre anté-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1793

rieurement : La fontaine de Vaucluse est


une exsurgence.

extase [ɛkstɑz] n. f. (bas lat. ecclés.


ex[s]tasis, ecstasis, extase, état extatique,
gr. ekstasis, action de se déplacer, action
d’être hors de soi, égarement de l’esprit,
et, dans la langue ecclés., « extase », dér. de
existasthai, déplacer, faire sortir de, de ex-,
préf. marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur, et de histasthai, se tenir,
demeurer, rester ; 1495, J. de Vignay, au sens
1 [var. extasie, v. 1361, Oresme] ; sens 2,
1690, Furetière ; sens 3, 1669, La Fontaine ;
sens 4, 1832, Balzac). 1. État d’une personne
qui éprouve l’impression d’être transpor-
tée hors du monde sensible en union avec
quelque objet transcendant : Je partis après
quelques moments passés dans une de ces
heureuses stupeurs des âmes arrivées là
où finit l’exaltation et où commence la
folle extase (Balzac). Ô confuse adoration
de la création tout entière où fond mon
coeur dans une extase sans paroles (Gide).
‖ 2. En théologie, état mystique particu-
lier de l’âme en communion intime avec
Dieu. ‖ 3. État de joie, de vive admiration
causé par une personne ou par un objet,
et qui écarte tout autre sentiment : Elle
ne pourrait jamais [...] sentir, comme une
brise, circuler autour d’elle un murmure
d’extase (Flaubert). Et tout était extase, et
joie, et plénitude (Samain). ‖ 4. En psy-
chiatrie, état mental passager dans lequel
le malade est transporté dans un monde
impénétrable à autrui, où il se trouve dans
un bien-être absolu.

• SYN. : 1 contemplation, ravissement,


transes ; 3 béatitude, émerveillement,
enivrement, exaltation, griserie, ivresse,
vertige.

extasié, e [ɛkstɑzje] adj. (part. passé de


[s’]extasier ; 1690, Furetière). Qui est trans-
porté par l’extase ou par une joie très vive :
Fondons nos âmes, nos coeurs | Et nos sens
extasiés | Parmi les vagues langueurs | Des
pins et des arbousiers (Verlaine).

• SYN. : admiratif, émerveillé, enchanté,


enivré, grisé, pâmé, ravi.

extasier (s’) [sɛkstɑzje] v. pr. (de exta-


sie, var. anc. de extase [v. ce mot] ; 1600,
François de Sales, comme v. tr., au sens de
« ravir en extase » [var. extaser, v. 1585,
Cholières] ; comme v. pr., au sens actuel,
1674, Boileau). Exprimer, manifester par
la parole et le geste sa vive admiration,
son ravissement : Et tous, étonnés, mais
réciproquement crédules, s’extasiaient
(Maupassant).

• SYN. : s’ émerveiller, s’enthousiasmer,


s’exclamer.

extatique [ɛkstatik] adj. (gr. ekstatikos,


qui fait changer de place, qui fait sortir de
soi, qui égare l’esprit, et, dans la langue
ecclés., « extatique », dér. de existasthai
[v. EXTASE] ; 1546, Rabelais, écrit ecsta-
tic [extatique, XVIIe s.], au sens 2 ; sens 1,

1580, Montaigne [écrit ecstatique ; exta-


tique, XVIIe s.]). 1. Qui est provoqué par
l’extase : Une vision extatique. ‖ Qui tient
de l’extase : C’est un Ange qui tient dans ses
doigts magnétiques | Le sommeil et le don
des rêves extatiques, | Et qui refait le lit des
gens pauvres et nus (Baudelaire). Quand elle
jugea le temps venu, la mère Saverini alla se
confesser et communia un dimanche matin
avec une ferveur extatique (Maupassant).
‖ 2. Par extens. Qui exprime l’extase, qui
est rempli d’extase : C’est à cette curiosité
profonde et joyeuse qu’il faut attribuer l’oeil
fixe et animalement extatique des enfants
devant le nouveau quel qu’il soit, visage ou
paysage, lumière, dorure, couleurs, étoffes
chatoyantes, enchantement de la beauté
embellie par la toilette (Baudelaire). L’oeil
extatique et voilé du martyr (Banville). Le
pasteur, debout, hirsute, l’oeil extatique, le
bras levé en un geste de menace, apostro-
phait le cercueil de bois jaune qui reposait,
sous la lumière crue, au seuil du caveau
(Martin du Gard).

& n. (1546, Rabelais). Personne qui tombe


souvent dans l’extase : Ce qui dépasse la
mesure, le fatigue ou le grise, c’est l’idio-
tisme de l’ivrogne, c’est la folie de l’extatique
(Flaubert). On croyait que l’extatique par-
lait des langueurs nouvelles et inconnues
jusque-là (Renan).

extatiquement [ɛkstatikmɑ̃] adv. (de


extatique ; av. 1885, V. Hugo). De façon
extatique : Le contact du beau hérisse exta-
tiquement la surface des multitudes (Hugo).

extemporané, e [ɛkstɑ̃pɔrane] adj.


(bas lat. extemporaneus, doublet du lat.
class. extemporalis, qui n’est pas médité,
improvisé, de ex-, préf. à valeur intensive,
et de tempus, temporis, temps, moment,
circonstance, situation ; 1527, Dassi, au sens
de « spontané » ; sens actuel, 1865, Littré [en
médecine, milieu du XXe s.]). En pharmacie,
se dit d’une préparation faite au moment où
elle doit être administrée. ‖ En médecine,
qui se fait immédiatement.

extenseur [ɛkstɑ̃soer] adj. et n. m. (de


extens[ion] ; 1654, Th. Gelée). Qui est
utilisé pour produire une extension : Les
muscles extenseurs du bras.

& n. m. (1907, Larousse). Appareil servant


à développer les muscles.

extensibilité [ɛkstɑ̃sibilite] n. f. (dér.


savant de extensible ; 1732, Trévoux).
Propriété qu’ont certains corps d’être
extensibles : L’extensibilité d’un élastique.
• SYN. : élasticité.

extensible [ɛkstɑ̃sibl] adj. (de


extens[ion] ; v. 1380, Conty, au sens 1
[rare av. la fin du XVIIe s.] ; sens 2, 1835, Th.
Gautier). 1. Qui peut être étendu et allongé,
en parlant d’un corps : Le cuivre est un
métal plus extensible que le fer. ‖ 2. Fig.
Se dit d’une chose qui peut s’appliquer à

d’autres : Une liste extensible. Une défini-


tion extensible.

• SYN. : 1 ductible, élastique, malléable.

extensif, ive [ɛkstɑ̃sif, -iv] adj. (de exten-


sion [sur le modèle de intensif] ou du bas
lat. extensivus, susceptible d’extension,
de Extensum, supin de extendere [v. l’art.
suiv.] ; XVIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2,
1834, Landais ; sens 3, 1870, Larousse).
1. Qui produit l’extension : Une traction
extensive. ‖ 2. En linguistique, qui est pris
par extension, par développement du sens
propre : Une acception extensive. ‖ 3. En
agriculture, se dit d’une culture à faible
rendement sur de grandes surfaces (par
opposition à intensif, ive).

extension [ɛkstɑ̃sjɔ̃] n. f. (lat. extentio,


extensio, action de répandre, diffusion, et,
à basse époque, « action de tendre, exten-
sion », de extentum, extensum, supin
de extendere, étendre, allonger, élargir,
agrandir, augmenter, de ex-, préf. à valeur
intensive, et de tendere, tendre, étendre ;
v. 1361, Oresme, au sens 3 ; sens 1-2, v.
1560, Paré ; sens 4, 1770, Raynal ; sens 5,
début du XXe s. ; sens 6, 1730, Dumarsais).
1. Action d’étendre, d’allonger un objet :
L’extension d’un fil de cuivre. ‖ Spécialem.
Traction opérée sur une articulation luxée
ou un os fracturé pour obtenir la réduc-
tion du déplacement : Avoir une jambe
en extension. ‖ 2. Action de s’étendre,
de s’allonger : L’extension d’un muscle.
‖ 3. Action d’accroître, de reculer les
limites de ; accroissement d’étendue, de
dimension : L’extension de la France a-t-
elle rien à voir avec des succès militaires
en Extrême-Orient (Barrès). ‖ 4. Par anal.
Augmentation d’importance, d’ampleur :
Le nouveau magasin a rapidement pris de
l’extension. ‖ 5. En logique, ensemble des
êtres ou des choses auxquels s’applique un
concept ou le terme qui l’exprime : Le terme
de « christianisme » a plus d’extension que
celui de « catholicisme ». (V. COMPRÉHEN-
SION.) ‖ 6. En linguistique, propriété d’un
terme de s’étendre à d’autres objets par un
développement de sa signification : Le mot
« bureau » désigne par extension la pièce
où se trouve le meuble.

• SYN. : 1 allongement ; 2 distension, élon-


gation ; 3 accroissement, agrandissement,
développement, élargissement ; 4 essor.

extensivité [ɛkstɑ̃sivite] n. f. (dér. savant


de extensif ; XXe s.). En philosophie, pro-
priété de ce qui est étendu.

extenso (in) loc. adv. V. IN EXTENSO.

extensomètre [ɛkstɑ̃sɔmɛtr] n. m.
(de extenso-, élément tiré de extension, et
de -mètre, gr. metron, mesure ; milieu du
XXe s.). Instrument de mesure des défor-
mations subies par un corps sous l’effet
d’une pression mécanique.
exténuant, e [ekstenɥɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de exténuer ; 1888, Huysmans). Qui
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1794

exténue, qui épuise complètement les


forces ; très fatigant : Pour finir, encore
une halte exténuante à des hauts fourneaux
près d’Onzain (Daudet). Nous avons fait un
exténuant pèlerinage (Mauriac).

• SYN. : épuisant, éreintant (fam.), esquin-


tant (fam.), harassant, tuant (fam.).

exténuation [ɛkstenɥasjɔ̃] n. f. (lat.


extenuatio, action de rendre mince, ténu,
de diminuer, atténuation, de extenuatum,
supin de extenuare [v. EXTÉNUER] ; v. 1398,
Somme Me Gautier, écrit extenuacion ; exté-
nuation, v. 1560, Paré). Affaiblissement
extrême des forces physiques : Tomber
dans une grande exténuation.

• SYN. : asthénie, consomption, dépérisse-


ment, épuisement, faiblesse, marasme.

exténué, e [ɛkstenɥe] adj. (part. passé de


exténuer ; v. 1530, C. Marot, au sens 2 ; sens
1, v. 1534, Bonaventure Des Périers). 1. Qui
est dans un état extrême d’épuisement : Un
coureur exténué. ‖ 2. Par extens. Qui laisse
voir la fatigue extrême, qui décèle l’épui-
sement : Un misérable Christ cadavérique
avec ses grands yeux exténués (Taine).

• SYN. : 1 anéanti, brisé, claqué (fam.),


épuisé, éreinté (fam.), esquinté (fam.),
flapi (très fam.), harassé, vanné (pop.),
vidé (fam.).

exténuer [ɛkstenɥe] v. tr. (lat. extenuare,


rendre mince, menu, ténu, affaiblir, rabais-
ser, diminuer, atténuer, de ex- [préf. à valeur
intensive] et de tenuare, mêmes sens, dér.
de tenuis, mince, délié, fin, grêle, faible,
délicat ; XIVe s., au sens 3 ; sens 1, 1552,
R. Estienne ; sens 2, 1541, Calvin). 1. Class.
Rendre ténu, mince : On voyait cette mal-
heureuse [Arachné] dont tous les membres
exténués se défiguraient et se changeaient
en araignée (Fénelon). ‖ 2. Class. et Littér.
Amoindrir considérablement, atténuer :
Pour plaire, il [le poète] a besoin quelquefois
de rehausser l’éclat des belles actions et d’ex-
ténuer l’horreur des funestes (Corneille). À
Dieu ne plaise que j’exténue les bienfaits
de Milord (Rousseau). Ainsi, le sentiment
de l’amour, que la possession exténue, la
perte et la privation le développent (Valéry).
‖ 3. Provoquer une très grande fatigue,
épuiser les forces : Il dormit du lourd som-
meil, de l’invincible sommeil des chasseurs
exténués (Maupassant). Pourtant, les esca-
liers ne m’exténuaient plus ; je m’exerçais à
les gravir la bouche close (Gide).

• SYN. : 3 anéantir, briser, claquer (fam.),


épuiser, éreinter (fam.), esquinter (fam.),
harasser, tuer (fam.), vanner (fam.).

& s’exténuer v. pr. (1666, Corneille, au


sens de « s’atténuer, perdre de sa force » [au
fig., en parlant de l’ardeur] ; sens 1, 1734,
Voltaire ; sens 2, 1738, Piron). 1. S’épuiser
de fatigue. ‖ 2. Fam. Prendre beaucoup de
peine à faire quelque chose : Je m’exténue
à vous répéter qu’il ne faut pas que vous
y alliez.

extérieur, e [ɛksterjoer] adj. (lat. exte-


rior, plus en dehors, comparatif de exter,
externe, du dehors ; v. 1460, G. Chastellain,
au sens 3 ; sens 1 et 8, 1690, Furetière ; sens
2, XXe s. ; sens 4, av. 1922, Proust ; sens 5,
1541, Calvin ; sens 6, av. 1696, La Bruyère ;
sens 7, fin du XIXe s., A. Daudet ; sens 9,
1580, Montaigne ; sens 10, 1865, Littré).
1. Qui est situé en dehors d’un lieu donné :
Un escalier extérieur. ‖ Spécialem. Angle
extérieur d’un triangle, d’un polygone, en
mathématiques, angle formé par un côté et
le prolongement du côté adjacent. ‖ Porte
extérieure, porte qui donne accès directe-
ment au-dehors : Cette prison était l’idéal
de l’indépendance absolue [...], hormis
la faculté de franchir la porte extérieure
(Nerval). ‖ Activités extérieures, activités
exercées en dehors du lieu de travail, en
plus des activités principales. ‖ 2. Fig. Qui
est en dehors, qui ne concerne pas ou ne fait
pas partie de : Propos futiles et extérieurs
au sujet. Préoccupations extérieures à l’art.
‖ 3. Qui existe en déhors de l’individu :
Le monde extérieur est comme un diction-
naire, c’est un livre rempli de répétitions et
de synonymes (Fromentin). ‖ Par extens.
Qui appartient au monde objectif qui nous
entoure : Les choses extérieures n’ont de
valeur que par les sentiments humains
auxquels elles correspondent (Renan).
‖ 4. Fig. Qui semble étranger à soi : Ces
souvenirs se sont effacés, ils me sont deve-
nus extérieurs. ‖ 5. Qui n’a qu’une exis-
tence apparente, superficielle ; qui n’est
pas en rapport avec la nature profonde de
l’individu : Chez beaucoup de personnes
élevées dans ces traditions, les manières
sont purement extérieures (Balzac). Une
piété tout extérieure. ‖ 6. Se dit de ce qui
concerne le physique, par opposition à
l’esprit : Défauts extérieurs. Ses dons exté-
rieurs font de lui un type accompli de la
beauté humaine (Fromentin). ‖ 7. Se dit de
quelqu’un qui s’extériorise facilement, dont
les pensées, les sentiments se traduisent
au-dehors par des signes apparents : Il était
tout extérieur, en voix, en gestes, comme un
ténor (Daudet). ‖ 8. Se dit de la partie d’un
corps qui le limite dans l’espace, du côté
où il est en contact avec ce qui l’entoure :
La surface extérieure d’une citerne, d’un
cône. ‖ Qui se trouve sur le pourtour d’une
ville : Les quartiers extérieurs. Les boule-
vards extérieurs. ‖ 9. Qui se voit du dehors,
qui est apparent : Aspect extérieur. Signes
extérieurs de richesse. ‖ 10. Qui concerne
les pays étrangers : Politique extérieure.
‖ Commerce extérieur, commerce qui se
fait avec les pays étrangers.

• SYN. : 2 extrinsèque ; 5 formel ; 6 physique ;


7 démonstratif, exubérant ; 8 externe ; péri-
phérique ; 9 apparent, palpable, tangible,
visible ; 10 étranger. — CONTR. : 1 intérieur ;
2 intrinsèque ; 3 intérieur, subjectif : 5
profond ; 6 intime ; 7 introverti, renfermé,
secret ; 8 interne ; central ; 10 intérieur.

& extérieur n. m. (sens 1, XVe s. ; sens


2, début du XXe s. ; sens 3, 1636, Monet ;
sens 4, 1669, Widerhold ; sens 5, 1849,
Bescherelle). 1. Ce qui est en dehors :
L’extérieur d’une maison. ‖ 2. Le monde
extérieur, par opposition à la conscience,
à l’individu. ‖ 3. Partie, côté d’une chose
tournée vers le dehors : L’intérieur de cette
charmante habitation est en harmonie avec
l’extérieur (Balzac). ‖ 4. Littér. En parlant
de quelqu’un, son apparence physique, sa
manière d’être, ce qui est immédiate-
ment visible : Deux autres personnages
d’extérieur respectable se présentèrent
(Gobineau). ‖ 5. Les pays étrangers :
Développer le commerce avec l’extérieur.
• SYN. : 1 dehors ; 4 air, allure, aspect, conte-
nance, façons, maintien, manières, mine,
physique, tenue, tournure.

& À l’extérieur loc. adv. (sens 1, 1865,


Littré ; sens 2, XXe s.). 1. En dehors de la
maison : Jamais [...] nos jeunes héros [Paul
et Élisabeth] ne prenaient conscience du
spectacle qu’ils offraient à l’extérieur
(Cocteau). ‖ 2. En dehors du pays : À l’exté-
rieur, le prestige de la France est rehaussé.
& À l’extérieur de loc. prép. (1890, Dict.
général). Hors de : À l’extérieur du jardin.
& De l’extérieur loc. adv. (sens 1-2, début
du XXe s.). 1. Du dehors : Regarder de l’ex-
térieur. ‖ 2. En se fiant aux apparences :
Juger quelqu’un de l’extérieur.

& extérieurs n. m. pl. (1914, J. Giraud).


Parties d’un film tournées en dehors du
studio.

extérieurement [ɛksterjoermɑ̃] adv. (de


extérieur ; 1532, Rabelais, au sens 2 ; sens
1, 1865, Littré). 1. Sur la partie extérieure :
Le mur étant de brique extérieurement |
Luisait, rouge au soleil de ce site char-
mant (Verlaine). ‖ 2. Fig. En apparence :
Extérieurement, son comportement est
irréprochable.

• SYN. : 2 apparemment.

extériorisable [ɛksterjɔrizabl] adj. (de


extérioriser ; av. 1945, P. Valéry). Qui peut
être extériorisé : Chercher une méthode,
c’est chercher un système d’opérations exté-
riorisables qui fasse mieux que l’esprit le
travail de l’esprit, et ceci se rapproche de ce
qu’on peut obtenir ou concevoir qu’on pour-
rait obtenir par des mécanismes (Valéry).

extériorisation [ɛksterjɔrizasjɔ̃] n. f.
(de extérioriser ; 1907, Larousse). Action
d’extérioriser : L’extériorisation d’un
sentiment.

extérioriser [ɛksterjɔrize] v. tr. (de exté-


rieur, d’après le lat. exterior [v. EXTÉRIEUR] ;
15 oct. 1869, Revue des Deux Mondes, au
sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Reporter
ou imaginer en dehors de soi ce qu’on voit
ou ce qu’on ressent en soi-même : Comme
si tout d’un coup on nous montrait extério-
risée devant nous une de nos maladies et
que nous ne la trouvions pas ressemblante
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1795

à ce que nous souffrons (Proust). ‖ 2. Par


extens. Manifester par des paroles et des
gestes ce que l’on éprouve, ce que l’on
ressent : Elle sait extérioriser ses idées
(M. Prévost).

• SYN. : 2 exprimer, montrer.


& s’extérioriser v. pr. (1878, Larousse). Se
manifester : Sa joie ne s’extériorisait pas.

extériorité [ɛksterjɔrite] n. f. (de exté-


rieur, d’après le lat. exterior [v. EXTÉRIEUR] ;
1541, Calvin). État, qualité de ce qui est
extérieur, de ce qui appartient au monde
extérieur : C’est toujours l’extériorité qui
nous oppresse (Barrès).

exterminateur, trice [ɛkstɛrminatoer,


-tris] adj. et n. (bas lat. ecclés. exterminator,
celui qui chasse ou bannit, exterminateur,
de exterminatum, supin de exterminare
[v. EXTERMINER] ; XIIIe s.). Qui extermine :
Les soldats aiguisaient dans la solitude
leurs pensées exterminatrices (d’Esparbès).
‖ Ange exterminateur, dans la Bible, ange
chargé de faire mourir massivement les
Égyptiens qui persécutaient les Hébreux.

extermination [ɛkstɛrminasjɔ̃] n. f. (lat.


ecclés. exterminatio, destruction, de exter-
minatum, supin de exterminare [v. EXTER-
MINER] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
aux sens 1-2 [mot rare jusqu’au XVIe s.] ; sens
3, 1870, Larousse). 1. Action d’exterminer :
Une de ces têtes à tonsure commises depuis
dix-huit siècles [...] à l’excommunication et
à l’extermination des circoncis (France).
‖ 2. Par extens. Anéantissement, des-
truction qui en résulte : L’extermination
d’un peuple, d’une race. ‖ Guerre d’exter-
mination, guerre qui a pour but ou pour
résultat d’anéantir l’un des deux belligé-
rants. ‖ 3. Fig. Action de faire disparaître
complètement et énergiquement : Une loi
est pour lui [le sang] l’extermination des
« retours éternels »... (Valéry).

• SYN. : 1 anéantissement, destruction ;


2 carnage, décimation, hécatombe, mas-
sacre, tuerie.

exterminer [ɛkstɛrmine] v. tr. (lat.


exterminare, chasser, rejeter, et, dans la
langue ecclés., « détruire, faire périr », de
ex-, préf. marquant le mouvement de l’inté-
rieur vers l’extérieur, et de terminus, borne,
limite, frontière ; v. 1120, Psautier d’Ox-
ford, aux sens 1-2 ; sens 3, 1656, Molière ;
sens 4, milieu du XVIe s., Amyot). 1. Class.
Chasser d’un territoire, expulser : On a
chassé, exterminé les Juifs de Portugal, les
Mores d’Espagne (Furetière). ‖ 2. Faire
périr jusqu’au dernier, massacrer entiè-
rement : On nous a envoyés dans le Berry
pour exterminer les croquants (Nerval).
‖ 3. Fam. et ironiq. En parlant d’une seule
personne, massacrer, réduire en bouillie :
Deux nasillards par lui furent exterminés
| Parce qu’il lui déplut qu’ils parlassent du
nez (Rostand). ‖ 4. Class. et littér. Faire
disparaître tout à fait, faire cesser : Venez
et voyez les oeuvres du Seigneur, quels pro-

diges il a faits sur la terre, en exterminant la


guerre jusqu’à ses extrémités (Corneille). Je
ne me crois pas le droit de tuer un homme ;
mais je me sens le devoir d’exterminer le
mal (Hugo).

• SYN. : 2 anéantir, décimer, détruire, fau-


cher (littér.), massacrer.

& s’exterminer v. pr. [à] (1846, Balzac). Vx


et fam. Se donner la plus grande fatigue
pour : Je m’exterminais à travailler (Balzac).

externat [ɛkstɛrna] n. m. (de externe, n.


m. ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1877,
Littré). 1. Régime suivi par les élèves qui ne
fréquentent les établissements scolaires que
pendant les heures de cours. ‖ Par extens.
Établissement d’enseignement qui n’admet
que des élèves externes : Un externat privé.
‖ 2. Spécialem. En médecine, fonction
d’externe dans un service hospitalier. ‖ Par
extens. Le concours permettant d’accéder
à cette fonction.

• CONTR. : 1 internat.

externe [ɛkstɛrn] adj. (lat. externus,


extérieur, du dehors, étranger, exotique,
de exter, externe, du dehors ; av. 1502,
O. de Saint-Gelais, écrit esterne, au sens de
« étranger » ; écrit externe, au sens 1, 1541,
Calvin ; sens 2-4, 1865, Littré). 1. Qui est
situé en dehors ou tourné vers le dehors ;
qui vient du dehors : Les causes externes
d’une maladie. ‖ Médicament à usage
externe, médicament à appliquer sur une
partie du corps, et non à introduire dans
le corps. ‖ 2. En anatomie, qui est situé
en dehors de la ligne sagittale du corps ou
d’un membre : La face externe de la main.
‖ 3. En histoire, en littérature, qui est
relatif aux sources, aux documents, aux
circonstances : La critique externe d’un
texte. ‖ 4. Angle externe, en mathéma-
tiques, angle formé par deux lignes cou-
pées par une sécante et situé à l’extérieur
de ces lignes.

• SYN. : 1 extérieur, extrinsèque. — CONTR. :


1 intrinsèque ; 2 interne.

& n. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1865,


Littré). 1. Dans l’enseignement, élève qui
suit le régime de l’externat : Les pension-
naires, internes et externes, arrivèrent les
uns après les autres (Balzac). ‖ Externe
libre, qui ne vient dans l’établissement
scolaire que pour assister aux cours, par
opposition à externe surveillé, qui reste à
l’étude après les classes de l’après-midi.
‖ 2. Spécialem. Étudiant en médecine
qualifié, autref. à la suite d’un concours,
auj. par les résultats obtenus à des exa-
mens, pour participer au fonctionnement
d’un service hospitalier, et qui assiste les
internes.

• CONTR. : interne.

extéroceptif, ive [ɛksterɔsɛptif, -iv]


adj. (de extéro-, élément tiré de extérieur,
et de [ré]ceptif ; milieu du XXe s.). Sensibilité
extéroceptive, celle qui reçoit les sensations
venues de l’extérieur du corps.

exterritorialité [ɛksteritɔrjalite] n. f.
(de ex- [lat. ex, hors de] et de territoria-
lité ; 1859, Mozin). En droit international,
immunité qui soustrait certaines per-
sonnes à la juridiction de l’État sur le ter-
ritoire duquel elles se trouvent.

extincteur, trice [ɛkstɛ̃ktoer, -tris] adj.


et n. m. (de extinction, d’après le lat. ex[s]-
tinctor, celui qui éteint, celui qui détruit,
de ex[s]tinctum, supin de ex[s]tinguere
[v. EXTINCTION] ; 1719, Dufresny, comme
n. m., au sens fig. de « celui qui anéantit » ;
comme adj. et n. m., au sens actuel, 1870,
Larousse). Se dit d’un appareil qui sert à
éteindre les incendies ou les commence-
ments d’incendie : Équiper sa voiture d’un
extincteur.

extinction [ɛkstɛ̃ksjɔ̃] n. f. (lat. ex[s]-


tinctio, extinction, anéantissement, de ex[s]-
tinctum, supin de ex[s]tinguere, éteindre,
détruire ; 1488, Mer des histoires, au sens 1 ;
sens 2, 1680, Richelet [extinction de
voix, 1692, Bouhours] ; sens 3, 1686,
Mme de Sévigné ; sens 4, 1690, Furetière).
1. Action d’éteindre ce qui était allumé ;
de refroidir ce qui était incandescent :
L’extinction d’un incendie. L’extinction
de la braise, d’un fer chaud dans l’eau.
‖ L’extinction des feux, batterie ou son-
nerie marquant l’heure à laquelle on doit
éteindre la lumière dans les chambrées
et les cantonnements militaires ou dans
une installation communautaire (colo-
nies de vacances, etc.). ‖ 2. Par extens.
Affaiblissement, cessation graduelle d’une
activité : L’extinction de la vue. On cherche
à voir ce qu’on aime, on devrait chercher
à ne pas le voir, l’oubli seul finit par ame-
ner l’extinction du désir (Proust). ‖ Une
extinction de voix, affaiblissement pas-
sager des cordes vocales qui empêche de
parler avec un timbre normal. ‖ 3. Class.
Perte de connaissance, coma : Après vingt-
quatre heures d’extinction, [...] il est mort
(Sévigné). ‖ 4. Fig. Action de mettre fin
à quelque chose ; cessation, suppression :
Il fut question [...] de la nouvelle consti-
tution du clergé, de l’extinction des privi-
lèges nobiliaires et des réformes législatives
(Nerval). L’extinction du paupérisme.
‖ Disparition : L’extinction d’une famille,
d’une race. ‖ Jusqu’à extinction, jusqu’à
l’épuisement complet : Payer une dette
jusqu’à extinction.

• SYN. : 2 disparition, épuisement, fin,


mort ; 4 abolition, annulation.

extinguible [ɛkstɛ̃gɥibl ou -gibl] adj. (bas


lat. ex[s]tinguibilis, qui doit s’éteindre, de
ex[s]tinguere [v. EXTINCTION] ; 1560, Paré,
au sens 2 ; sens 1, 1870, Larousse). 1. Que
l’on peut éteindre (rare) : Un feu extin-
guible. ‖ 2. Fig. Que l’on peut apaiser,
soulager : Une faim extinguible.

• CONTR. : inextinguible.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1796

extirpable [ɛkstirpabl] adj. (de extirper ;


1870, Larousse). Que l’on peut extirper :
Une verrue extirpable.

• CONTR. : inextirpable.

extirpateur, trice [ɛkstirpatoer, -tris]


n. (bas lat. ex[s]tirpator, -trix, [celui/celle]
qui déracine, qui extirpe, de ex[s]tirpatum,
supin du lat. class. ex[s]tir-pare [v. EXTIR-
PER] ; XIVe s.). Qui fait disparaître énergi-
quement : Le terrible juge de Sa Majesté,
extirpateur des brigands (Claudel).

& extirpateur n. m. (1849, Bescherelle).


Instrument agricole servant à arracher
les mauvaises herbes et à effectuer des
labours superficiels : Il acheta un scarifica-
teur Guillaume, un extirpateur (Flaubert).

extirpation [ɛkstirpasjɔ̃] n. f. (lat.


ex[s]tirpatio, déracinement, éradication,
de ex[s]tirpatum, supin de ex[s]tirpare
[v. EXTIRPER] ; av. 1453, Monstrelet, au sens
2 ; sens 1, v. 1560, Paré). 1. Action d’extir-
per : L’extirpation d’un cor. ‖ 2. Fig. Action
de détruire radicalement : L’extirpation
du racisme.

• SYN. : 1 arrachement, énucléation,


éradication, évulsion, exérèse, extrac-
tion ; 2 anéantissement, extermination,
liquidation.

extirper [ɛkstirpe] v. tr. (lat. ex[s]tir-pare,


déraciner, arracher, extirper, détruire, de
ex-, préf. marquant le mouvement de bas
en haut, et de stirps, stirpis, souche, racine,
principe, fondement [extirper a éliminé la
forme pop. esterper, estreper, « arracher,
détruire », usuelle du XIIe au XIVe s.] ; v. 1361,
Oresme, au sens 3 ; sens 1, 1690, Furetière ;
sens 2, v. 1560, Paré ; sens 4, fin du XIXe s.,
Huysmans). 1. En agriculture, ôter en arra-
chant avec la racine : Extirper des orties, de
la folle avoine. ‖ 2. En chirurgie, enlever
radicalement : Extirper un polype. ‖ 3. Fig.
Faire disparaître complètement : Extirper
un abus. Avec Béchut, l’éminent professeur,
il étudiait les vices de l’éducation universi-
taire, les moyens d’extirper l’esprit voltai-
rien des lycées (Daudet). ‖ 4. Fig. Obtenir
avec beaucoup de difficulté, arracher : Vous
voyez par cet exemple s’il est facile d’extir-
per un « non » ou un « oui » à ce monde-là
(Huysmans).

• SYN. : 1 déraciner ; 2 énucléer, extraire ;


3 anéantir, chasser, détruire, exterminer,
ôter, supprimer.

extorquer [ɛkstɔrke] v. tr. (lat. extor-


quere, déboîter, disloquer [un membre],
arracher, obtenir par force, de ex-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et de torquere, tordre, tourner,
torturer ; v. 1355, Bersuire). Obtenir mal-
honnêtement par la violence ou par la ruse :
C’est un bon tour pour extorquer des pistoles
aux bourgeois poltrons (Gautier).

• SYN. : barboter (fam.), carotter (fam.),


dérober, escroquer, soustraire, soutirer
(fam.), voler.

extorqueur, euse [ɛkstɔrkoer, -øz] n.


(de extorquer ; 1611, Cotgrave). Personne
qui extorque l’argent d’autrui : Pour s’enri-
chir, il faut avoir [...] le désir de faire un
gros tas d’or ; et pour arriver à grossir ce tas
d’or, il faut être usurier, escroc, inexorable,
extorqueur et meurtrier (Borel).
extorsion [ɛkstɔrsjɔ̃] n. f. (bas lat.
extorsio, extortio, action d’extorquer, de
extortum, supin du lat. class. extorquere
[v. EXTORQUER] ; 1290, Drouart la Vache).
Action d’extorquer : L’extorsion d’une
signature.

1. extra- [ɛkstra], premier élément de


mots savants, tiré du lat. extra, en dehors,
en outre, en sus, utilisé comme préfixe
marquant l’extériorité (extra-continental,
extra-terrestre), l’anormalité (extra-légal),
ou tiré de extra, abrév. du franç. extraordi-
naire (v. l’art. suiv.), et marquant le degré
du superlatif (extra-fin).

• REM. Avec les adjectifs, il se construit le


plus souvent avec un trait d’union.

2. extra [ɛkstra] n. m. invar. (abrév. de


extraordinaire ; 1732, Trévoux, au sens de
« audience extraordinaire, tenue pendant
les vacances » ; sens 1, 1846, Balzac ; sens 2,
12 juill. 1871, Gazette des tribunaux ; sens 3,
1877, Littré). 1. Dans la vie quotidienne, ce
qui est en dehors des dépenses habituelles :
Faire des extra. ‖ Spécialem. Mets ou bois-
son supplémentaire (vieilli) : Crevel payait
d’ailleurs son dîner et tous les extra (Balzac).
‖ 2. Service occasionnel, travail supplé-
mentaire en dehors des heures profession-
nelles normales : L’autre avait l’air d’un
garçon marchand de vins sans place, l’un de
ces bistros à petites moustaches noires qui
font parfois les extra dans les guinguettes
de la banlieue, le dimanche (Huysmans). Je
suis venu faire des extra chez vous, quand
vous restiez rue Matignon (Donnay).
Il se contentait, tous les mois, de faire,
dans une brasserie, une semaine d’extra
(Martin du Gard). ‖ 3. Personne qu’on
embauche pour ce service occasionnel ;
employé supplémentaire : Quand il manque
un garçon coiffeur, on met un extra ; et
adjectiv.(peu usité) : « Pense à dire à Gisèle
et à Berthe [les duchesses d’Auberjon et
de Portefin] d’être là un peu avant deux
heures pour m’aider, comme elle aurait dit à
des maîtres d’hôtel extra d’arriver d’avance
pour faire les compotiers » (Proust).

• SYN. : 2 supplément.

& adj. invar. (1842, Acad.). Fam. D’une qua-


lité excellente, supérieure : Des liqueurs
extra. Comme j’étais pour Aimé un client
préféré, il était ravi que je donnasse de ces
dîners extra (Proust). ‖ Fam. C’est extra,
c’est excellent.
• SYN. : fin, superfin.

extra-atmosphérique [ɛkstraatmɔs-
ferik] adj. (de extra- 1 et de atmosphérique ;
milieu du XXe s.). Qui est au-delà de l’at-

mosphère : L’espace extra-atmosphérique.

Fusées extra-atmosphériques.

extrabudgétaire [ɛkstrabydʒetɛr] adj.


(de extra- 1 et de budget, d’après budgé-
taire ; 1865, Littré). Qui n’est pas prévu dans
le budget annuel de l’État : Des dépenses
extrabudgétaires.

extra-comptable [ɛkstrakɔ̃tabl] adj.


(de extra- 1 et de comptable, adj. ; v. 1960).
Qui ne figure pas dans la comptabilité :
Des dépenses extra-comptables.

extra-conjugal ou extraconjugal, e,
aux [ɛkstrakɔ̃ʒygal, -o] adj. (de extra- 1 et
de conjugal ; 1870, Larousse). Qui se produit
en dehors des liens du mariage.

extracteur [ɛkstraktoer] n. m. (de


extract[ion] ; v. 1560, Paré, au sens de
« abstracteur [de quintessence] » ; sens 1,
1870, Larousse ; sens 2 et 4-5, XXe s. ; sens 3,
1839, Boiste). 1. Vx. Celui qui pratique
une extraction : Un extracteur de dents.
‖ 2. Ouvrier qui assure l’extraction des
parties meubles dans une carrière. ‖ 3. En
chirurgie, appareil, instrument pour
extraire des corps étrangers de l’organisme.
‖ 4. Pièce de la culasse mobile d’une arme
à feu permettant d’extraire, à l’aide d’une
griffe, l’étui vide de la cartouche après le
départ de la balle. ‖ 5. Appareil servant à
séparer le miel des rayons de cire.

extractible [ɛkstraktibl] adj. (de


extract[ion] ; 1877, Littré). Que l’on peut
extraire.

extractif, ive [ɛkstraktif, -iv] adj. (de


extract[ion] ; 1555, B. Aneau, au sens 2 [rare
av. le XVIIIe s.] ; sens 1, 1870, Larousse).
1. Qui sert à extraire : Des pinces extrac-
tives. ‖ 2. Industrie extractive, industrie
qui tire du sol ou du sous-sol des ressources
minérales.

extraction [ɛkstraksjɔ̃] n. f. (dér. savant


du lat. extractum, supin de extrahere [v.
EXTRAIRE] ; XIIe s., Naissance du Chevalier
au cygne, écrit estration [estraction, v. 1360,
Froissart ; extraction, XVIe s.], au sens II ; v.
1314, Mondeville, au sens I, 4 [écrit extrac-
tion] ; sens I, 1 et 3, v. 1560, Paré ; sens I,
2, v. 1398, Somme Me Gautier ; sens I, 5,
1690, Furetière ; sens I, 6, XXe s. ; sens I, 7,
1520, La Roche).

I. 1. Action de tirer une chose du milieu


qui la renferme naturellement ou acci-
dentellement : L’extraction du sable d’une
rivière. Il n’y a point de hasard pour moi
dans le tirage [de la loterie], point de
contraste entre le mode uniforme d’ex-
traction de ces numéros et l’inégalité des
conséquences (Valéry). ‖ 2. Action de
séparer un produit d’une matière qui le
renferme, par des moyens physiques ou
chimiques : Je n’énumérerai pas les procé-
dés chimiques d’extraction : aux éthers de
pétrole, au sulfure de carbone, etc. (Mae-
terlinck). ‖ 3. Action de tirer quelqu’un
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1797

d’un lieu où il était enfermé ou retenu :


L’extraction d’un prisonnier de sa cellule.
‖ 4. Action de retirer de l’organisme
soit un corps étranger, soit un organe
douloureux, nuisible ou inutile : Il avait
pour l’extraction des dents une poigne de
fer (Flaubert). ‖ 5. Opération consistant
à amener un produit minier à la surface
du sol : Puits d’extraction dans une mine.
‖ 6. Opération grâce à laquelle l’étui est
retiré de la chambre d’une arme à feu
après le départ du projectile. ‖ 7. Extrac-
tion des entiers, en mathématiques, opé-
ration par laquelle on cherche le nombre
entier contenu dans un nombre fraction-
naire. ‖ Extraction des racines, opération
par laquelle on cherche la racine d’un
nombre ou d’une expression algébrique.

II. Vx ou littér. Catégorie sociale d’où


quelqu’un est issu ; origine : Certaines per-
sonnes d’extraction bourgeoise ont natu-
rellement bon goût (Balzac). Et pourtant,
l’extraction inférieure se trahissait d’autre
façon par la voix, une voix de marinier du
Rhône, éraillée et voilée, où l’accent méri-
dional devenait plus grossier que dur, et
deux mains élargies et courtes (Daudet).
Il lança deux ou trois fois son terrible et
profond regard en coup de sonde sur des
gens insignifiants et de la plus modeste
extraction qui passaient (Proust).
• SYN. : I, 1 dégagement, tirage ; 4 arrache-
ment, énucléation, éradication, évulsion,
exérèse, extirpation.

extrader [ɛkstrade] v. tr. (de extradition,


d’après le lat. tradere, transdere, trans-
mettre, remettre, livrer, de trans-, préf.
marquant le passage, et de dare, donner ;
28 mai 1777, Isambert). En parlant d’un
État, livrer un criminel, un prévenu réfugié
sur son territoire à un autre État dont cet
individu dépend et qui le réclame : J’ai été
indignement trompé par un filou de Berlin,
extradé, et que la police a fini par cueillir
(Miomandre).

extradition [ɛkstradisjɔ̃] n. f. (de ex-


[lat. ex-, préf. marquant le mouvement de
l’intérieur vers l’extérieur] et du lat. tradi-
tio, action de remettre, de transmettre, de
livrer, de traditum, supin de tradere [v. l’art.
précéd.] ; 1763, Voltaire). Procédure légale
par laquelle un État extrade un individu : Il
ne peut s’enfuir que très loin, dans un pays
d’où l’extradition n’est pas possible (Gide).
L’extradition ne s’applique en général qu’aux
criminels de droit commun.

extrados [ɛkstrado] n. m. (de extra- 1 et


de dos ; 1680, Richelet, au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. En architecture, surface convexe
et extérieure d’une voûte (par opposition
à la surface concave et intérieure appelée
intrados). ‖ 2. En aéronautique, surface
supérieure d’une aile d’avion.

extradosser [ɛkstradose] v. tr. (de


extrados ; 1680, Richelet, au part. passé ; à

l’infin., 1865, Littré). Tailler l’extrados de :


Extradosser une voûte.

extra-dry [ɛkstradraj] adj. et n. m.


(de extra 2 et de dry [mot angl. signif.
« sec »] ; 1877, Bonnafé). Se dit d’un vin
de Champagne très sec : Boire une coupe
d’extra-dry.

extra-fin, e [ɛkstrafɛ̃, -in] adj. (de extra


2 et de fin, adj. ; av. 1850, Balzac, au sens 1 ;
sens 2, 1865, Littré). 1. Très fin : Un gilet très
ouvert qui laissait voir une chemise extra-
fine (Balzac). ‖ 2. Par extens. D’une qualité
supérieure, surtout en parlant de produits
comestibles : Des petits pois extra-fins.

extra-fort [ɛkstrafɔr] n. m. (de extra 2 et


de fort, adj. ; 1870, Larousse, comme adj., au
sens de « qui est d’une qualité supérieure
à la qualité dite forte » ; comme n. m., au
sens actuel, 1922, Larousse). Ruban spécial,
très solide, servant dans la confection des
vêtements, surtout pour border les ourlets.
• Pl. des EXTRA-FORTS.

extra-galactique [ɛkstragalaktik] adj.


(de extra- 1 et de galactique ; milieu du
XXe s.). Qui se situe dans l’espace intersi-
déral situé hors de la Voie lactée.

extraire [ɛkstrɛr] v. tr. (réfection [d’après


le lat. class. et sous l’influence de extrac-
tion] de l’anc. v. estraire, tirer, faire sortir,
traduire [XIe-XVe s.], lat. pop. *extragere, lat.
class. extrahere, tirer de, retirer de, arra-
cher de, prolonger, de ex-, préf. marquant le
mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, et
de trahere, tirer, traîner ; v. 1360, Froissart,
au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré ; sens 3, 1587,
F. de La Noue ; sens 4, v. 1560, Paré ; sens
5-6, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 7,
1520, La Roche). [Conj. 73.] 1. Faire sortir
quelqu’un d’un lieu où il était enfermé ou
retenu : Extraire un condamné de sa cel-
lule. ‖ 2. Tirer une chose d’un milieu où
elle se trouve introduite par nature ou par
accident et auquel elle adhère fortement :
Extraire de la houille d’un bassin, de l’or
d’une mine. ‖ 3. Obtenir une substance
en la séparant du corps dont elle fait par-
tie : N’a-t-on pas, de cette graine, trouvé
le moyen d’extraire une huile dite alimen-
taire ? (Duhamel). Extraire le jus d’un fruit.
‖ 4. Retirer de l’organisme un corps étran-
ger ou un organe malade : Extraire une
écharde, une balle. ‖ 5. Tirer un passage
d’un livre, d’un écrit : Extraire une cita-
tion. ‖ 6. Class. Faire un extrait, un abrégé
de : Je voulais vous renvoyer le « Lexicon
Germanico-Thomaeum » [...] ; j’ai voulu
attendre que j’eusse le loisir de l’extraire
(Corneille). ‖ 7. Extraire les entiers conte-
nus dans un nombre fractionnaire, chercher
combien de fois l’unité est contenue dans ce
nombre. ‖ Extraire la racine d’un nombre,
en mathématiques, la calculer.

• SYN. : 1 sortir ; 2 dégager, enlever, retirer ;


3 exprimer, presser ; 4 arracher, extirper ;
5 détacher, prélever, recopier.

& s’extraire v. pr. (début du XXe s.). Fam.


S’extraire de, se sortir de : Il n’arrivait pas
à s’extraire de la masse compacte des voya-
geurs du métro.

extrait [ɛkstrɛ] n. m. (part. passé sub-


stantivé de extraire [v. ce mot] ; 1312, Dict.
général, écrit estrait [extrait, XVe s.], au
sens 4 ; sens 1, 1541, Calvin ; sens 2 et 5,
1690, Furetière ; sens 3, milieu du XVIe s.,
Amyot). 1. Substance extraite d’un corps
par une opération physique ou chimique.
‖ Spécialem. Parfum concentré : Extrait
de rose. ‖ 2. Passage tiré d’un livre ou
d’un écrit : Les extraits ne peuvent ser-
vir qu’à nous renvoyer à l’oeuvre (Alain).
‖ 3. Abrégé d’un ouvrage plus étendu ;
résumé. ‖ 4. Résumé sommaire des
énonciations contenues dans un acte
public : L’extrait doit être certifié conforme.
‖ 5. Copie littérale et officielle de la minute
ou de l’original d’un acte : Extrait d’acte
de naissance.

• SYN. : 1 essence, quintessence ; 3 compen-


dium, digest, épitomé, précis, somme.

& extraits n. m. pl. (1762, J.-J. Rousseau).


Morceaux choisis d’un ou de plusieurs
auteurs : Des « extraits » des prosateurs
du XVIe s.

• SYN. : analectes, anthologie, chrestoma-


thie, florilège.

extra-judiciaire ou extrajudiciaire
[ɛkstraʒydisjɛr] adj. (de extra- 1 et de
judiciaire ; 1582, Bodin). Qui est accom-
pli en dehors de l’instance et des formes
judiciaires.

extra-judiciairement ou extraju-
diciairement [ɛkstraʒydisjɛrmɑ̃] adv.
(de extra-judiciaire ; XVIe s., Godefroy). En
dehors des formes judiciaires.

extra-légal, e, aux [ɛkstralegal, -o] adj.


(de extra- 1 et de légal ; 1865, Littré). Qui
est en dehors de la légalité.

extra-léger, ère [ɛkstraleʒe, -ɛr] adj.


(de extra 2 et de léger ; XXe s.). D’une très
grande légèreté : La recherche de métaux
extra-légers contribue à l’amélioration des
records de vitesse.

extra-linguistique [ɛkstralɛ̃gɥistik]
adj. (de extra- 1 et de linguistique ; milieu
du XXe s.). Qui n’appartient pas au système
de la langue, qui se situe en dehors de la
linguistique : Le contexte extra-linguistique
d’un message.

extra-lucide ou extralucide
[ɛkstralysid] adj. et n. (de extra 2 et de
lucide ; fin du XIXe s., Huysmans). Se dit
d’une personne qui est supposée ou qui
prétend posséder le don de voir ce qui
est caché au commun des hommes, par
voyance, télépathie, divination, etc. :
Artiste extralucide, dégageant du réel le
suprasensible (Huysmans).

extra muros [ɛkstramyros] loc. adv.


et adj. (mots lat. signif. « hors des murs »,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1798

de extra, hors de, et muros, accus. plur.


de murus, muraille, rempart, mur ; 1865,
Littré). En dehors de l’enceinte d’une ville :
Un quartier « extra muros ».

extra-national, e, aux [ɛkstranasjɔnal,


-o] adj. (de extra- 1 et de national ; XXe s.).
Extérieur à une nation, à un pays.

extranéité [ɛkstraneite] n. f. (dér.


savant du lat. extraneus, extérieur, du
dehors, étranger, de extra [v. EXTRA- 1] ;
1870, Larousse, au sens 1 ; sens 2, av. 1945,
P. Valéry). 1. Qualité d’étranger : Une
exception d’extranéité. ‖ 2. Caractère d’une
chose étrangère à un certain domaine :
Le mystique ressent, au contraire, l’exté-
riorité, ou plutôt l’extranéité de la source
des images, des émotions, des paroles, des
impulsions qui lui parviennent par la voie
intérieure (Valéry).

extranucléaire [ɛkstranykleɛr] adj. (de


extra- 1 et de nucléaire ; milieu du XXe s.).
Qui est en dehors du noyau. ‖ En chimie
organique, se dit d’un radical fixé sur une
chaîne latérale et non sur le noyau.

extraordinaire [ɛkstraɔrdinɛr] adj. (lat.


extraordinarius, supplémentaire, extraor-
dinaire, de extra [v. EXTRA- 1] et de ordina-
rius, conforme à la norme ou à l’usage, dér.
de ordo, ordinis, rang, ordre, succession ;
XIIIe s., aux sens 1-2 ; sens 3, 1587, F. de La
Noue ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5, 1666,
Molière). 1. Qui est en dehors de l’usage,
des habitudes ordinaires : Le château
présentait une animation extraordinaire
(Daudet). ‖ Spécialem. Qui constitue une
exception à la règle ordinaire : Assemblée
extraordinaire. Tribunal extraordinaire.
‖ Dépenses extraordinaires, celles qui ne
sont pas prévues dans le budget ordinaire.
‖ Budget extraordinaire, partie d’un bud-
get relative à des dépenses imprévisibles,
correspondant à une situation exception-
nelle, comme les guerres, les inondations,
etc. ‖ 2. Qui n’est pas habituel ; spécial :
J’ai expédié à Lyon, il y a environ deux
heures, le courrier extraordinaire à cheval
qui vous transmettra la nouvelle impré-
vue et déplorable de la mort de Sa Sainteté
(Chateaubriand). ‖ Ambassadeur extra-
ordinaire, ambassadeur envoyé par son
gouvernement pour négocier une affaire
particulière. ‖ 3. Qui dépasse de beau-
coup le niveau ordinaire des personnes,
des choses ; tout à fait remarquable en
son genre : Je ne doute pas qu’à la tête des
administrations ou des armées, il n’eût été
un homme extraordinaire (Chateaubriand).
La patience arabe est d’une trempe extraor-
dinaire (Fromentin). ‖ 4. Qui est au-delà
de ce qu’on pense, de ce qu’on imagine
ordinairement, habituellement : Le besoin
de croire à quelque chose d’extraordinaire
est inné dans l’homme (Renan). ‖ 5. Qui
étonne par sa bizarrerie, son étrangeté :
C’était [...] le nom extraordinaire d’un

mets bien simple (Flaubert). Un costume


extraordinaire.

• SYN. : 1 anormal, exceptionnel, inhabituel,


insolite, spécial ; 3 brillant, distingué, émé-
rite, éminent, incomparable, remarquable,
supérieur, transcendant ; incroyable, ini-
maginable, inouï, prodigieux, stupéfiant ;
4 fabuleux, fantastique, magique, mer-
veilleux, surnaturel ; 5 bizarre, curieux,
étrange, excentrique, extravagant, original,
pittoresque. — CONTR. : 1 habituel, normal,
ordinaire, quotidien ; 3 falot, insignifiant,
médiocre, minable, modeste, obscur, quel-
conque ; 4 objectif, positif, réel, vrai, vrai-
semblable ; 5 banal, commun, courant.

& n. m. (sens 1, 1661, Racine ; sens 2, 1660,


Corneille). 1. Class. Courrier spécial : Je
vous aurais écrit mardi passé par l’ordi-
naire, n’était que j’étais allé faire un tour
à Nîmes : ainsi je me sers aujourd’hui
de l’extraordinaire, qui part les vendre-
dis (Racine). ‖ 2. Ce qui est en dehors
de la règle habituelle : Rien, dans la vie,
n’exige plus d’attention que les choses qui
paraissent naturelles ; on se défie toujours
assez de l’extraordinaire (Balzac). C’est dans
l’extraordinaire que je me sens le plus natu-
rel (Gide).

& D’extraordinaire loc. adv. (fin du XVIe s.,


A. d’Aubigné). Class. En surplus : Vingt
personnes d’extraordinaire à table font mal
à l’imagination (Sévigné).

& Par extraordinaire loc. adv. (1865, Littré


[art. extraordinairement]). Par hasard, par
une éventualité peu probable.

extraordinairement [ɛkstraɔrdi-
nɛrmɑ̃] adv. (de extraordinaire ; v. 1355,
Bersuire, écrit estrordenairement [extra-
ordinairement, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2,
1580, Montaigne ; sens 3, 1865, Littré).
1. Class. Contrairement à l’usage ordinaire,
aux habitudes admises : Le Roi [...] fit ce
qu’il put pour les raccommoder jusqu’à
vouloir entrer pour beaucoup, extraordinai-
rement, dans cette dépense (Saint-Simon).
‖ 2. D’une manière extrême : Mon esprit,
vous vous êtes extraordinairement exalté
durant vos fabuleuses promenades (Gide).
‖ 3. D’une manière bizarre ou étrange :
Être vêtu extraordinairement.

• SYN. : 2 bigrement (pop.), diablement


(fam.), effroyablement, énormément,
extrêmement, follement, formidablement
(fam.), infiniment, prodigieusement ;
3 bizarrement, curieusement, étrangement,
excentriquement. — CONTR. : 2 faiblement,
légèrement, peu ; 3 banalement, communé-
ment, couramment, ordinairement.

extra-parlementaire ou extra-
parlementaire [ɛkstraparləmɑ̃tɛr]
adj. (de extra- 1 et de parlementaire ; 1907,
Larousse). Qui est en dehors du Parlement :
Une commission extraparlementaire.

extra-plat, e [ɛkstrapla] adj. (de extra


2 et de plat, adj. ; XXe s.). Qui présente très

peu d’épaisseur : Un porte-documents


extra-plat.

extrapolation [ɛkstrapɔlasjɔ̃] n. f. (de


extra- 1 et de [inter]polation ; 1877, Littré,
au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. En
mathématiques, détermination de la
valeur d’une quantité au-delà d’une limite
connue. ‖ 2. Action de passer d’une idée à
une autre plus générale et plus complexe,
en raisonnant par analogie, en concluant
d’un ordre de faits à un autre.

extrapoler [ɛkstrapɔle] v. tr. et intr. (de


extra- 1 et de [inter]poler ; fin du XIXe s.,
au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. En
mathématiques, pratiquer une extrapo-
lation. ‖ 2. Par anal. Tirer une conclu-
sion à partir de données fragmentaires,
incomplètes.

extra-politique [ɛkstrapɔlitik] adj.


(de extra- 1 et de politique, adj. ; 1944,
Ph. Hériat). Qui se situe en dehors de la
politique : Le débat est situé sur le terrain
scientifique, entièrement extra-politique.

extra-professionnel, elle
ou extraprofessionnel, elle
[ɛkstraprɔfɛsjɔnɛl] adj. (de extra- 1 et
de professionnel ; XXe s.). Qui se situe
en dehors de la profession : Une activité
extraprofessionnelle.

extra-sensible ou extrasensible
[ɛkstrasɑ̃sibl] adj. (de extra- 1 et de sen-
sible ; XXe s.). Qui n’est pas perçu directe-
ment par les sens.

extra-sensoriel, elle [ɛkstrasɑ̃sɔrjɛl]


adj. (de extra- 1 et de sensoriel ; milieu du
XXe s.). En psychologie, qui ne se fait pas
par les sens : Perception extra-sensorielle.

extrasystole [ɛkstrasistɔl] n. f. (de


extra- 1 et de systole ; début du XXe s.).
Contraction supplémentaire du coeur, qui
survient immédiatement après une systole
normale, par conséquent avant le moment
où elle devrait normalement se produire,
et qui cause parfois une légère douleur.

extrasystolique [ɛkstrasistɔlik] adj.


(de extrasystole ; début du XXe s.). Relatif à
l’extrasystole : L’intoxication du coeur fait
de rapides progrès : arythmie extrasysto-
lique totale (Martin du Gard).

extra-temporel, elle [ɛkstratɑ̃pɔrɛl]


adj. (de extra- 1 et de temporel ; 1935,
Gide). Qui est en dehors du temps : Un
art extra-temporel.

extra-terrestre ou extraterrestre
[ɛkstratɛrɛstr] adj. (de extra- 1 et de ter-
restre ; 10 févr. 1876, Journ. officiel). Qui
est en dehors de la Terre : Jamais Vierge
ne fut et plus extra-terrestre et plus vivante
(Huysmans). L’exploration de l’espace
extra-terrestre.

extra-territorialité n. f. Autref. Fiction


juridique selon laquelle le terrain d’une
ambassade en pays étranger était considéré
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1799

comme détaché de ce pays. ‖ Auj. Cette


fiction appliquée aux navires de guerre
étrangers séjournant dans un port.

extra-utérin, e [ɛkstrayterɛ̃, -in] adj.


(de extra- 1 et de utérin ; 1855, Nysten). Qui
se forme et se développe ailleurs que dans
l’utérus : Grossesse extra-utérine.

extravagamment [ɛkstravagamɑ̃] adv.


(de extravagant ; av. 1596, Vigenère). Class.
et littér. De façon extravagante : Villars
avait trouvé les plus singulières ressources
pour soi dans la funeste perte d’une bataille
[Malplaquet] follement donnée et extra-
vagamment rangée (Saint-Simon). Une
armée de valets, de laquais, de cochers,
de majordomes extravagamment parés de
livrées centenaires (Goncourt).

extravagance [ɛkstravagɑ̃s] n. f. (de


extravagant ; 1560, B. Aneau, au sens
de « digression » ; 1580, Montaigne, au
sens de « caractère de ce qui manque à la
règle » ; sens 1, 1666, Molière ; sens 2, 1642,
Corneille ; sens 3, 1629, Mairet). 1. État,
caractère d’une personne extravagante :
L’extravagance d’un artiste. ‖ 2. Caractère
d’une chose extravagante : J’espérais que
ce projet plairait aux plébéiens par son
extravagance (France). ‖ 3. Par extens.
Parole ou action extravagante ; manifes-
tation d’excentricité : Cette expédition de
la Russie était une vraie extravagance que
toutes les autorités civiles et militaires de
l’Empire avaient blâmée : les triomphes
et les malheurs que rappelait la route de
retraite aigrissaient ou décourageaient les
soldats (Chateaubriand). Elle [...] se prê-
tait de bonne grâce aux extravagances des
enfants (Cocteau). Il a toujours eu le goût de
faire des extravagances (Duhamel).

• SYN. : 1 et 2 bizarrerie, excentricité, ori-


ginalité ; 3 caprice, divagation, fantaisie,
folie, lubie.

extravagant, e [ɛkstravagɑ̃, -ɑ̃t] adj.


et n. (lat. ecclés. du Moyen Âge extra-
vagans, -antis, promulgué en dehors du
droit canonique, part. prés. de extravagari
[v. l’art. suiv.] ; 1380, Godefroy, au sens du
lat. ; sens actuel, 1663, Molière). Se dit d’une
personne qui s’égare hors du sens commun,
qui est déraisonnable : Un homme extrava-
gant ; et substantiv. : Moi, je buvais, crispé
comme un extravagant, | Dans son oeil [...]
| La douceur qui fascine et le plaisir qui tue
(Baudelaire).

• SYN. : bizarre, déraisonnable, excentrique,


farfelu (fam.), insensé, loufoque (fam.), ori-
ginal. — CONTR. : équilibré, raisonnable,
sage, sensé.

& adj. (sens 1, milieu du XVIe s., Amyot ;


sens 2, 1770, Raynal). 1. Se dit d’une chose
qui surprend, qui choque par sa bizarre-
rie : Il y a des maladies extravagantes qui
consistent à vouloir ce que l’on n’a pas
(Gide). ‖ Qui est d’une fantaisie excessive :
Des panaches énormes, des lambrequins
extravagants (Gautier). Un costume extra-

vagant. ‖ 2. Qui surprend par son carac-


tère exagéré, excessif : On nous demanda
heureusement des prix si extravagants [...]
que l’affaire ne se fit pas (Gautier).

• SYN. : 1 bizarre, curieux, étrange, extra-


ordinaire, singulier ; époustouflant (fam.),
incroyable, inimaginable, inouï, stupéfiant ;
2 abusif, démesuré, exagéré. — CONTR. :
1 banal, commun, courant, normal, ordi-
naire, quelconque ; 2 avantageux, faible,
léger, modeste, modique, raisonnable.

& extravagant n. m. (av. 1778, Voltaire). Ce


qui est extravagant : Aimer l’extravagant.

extravaguer [ɛkstravage] v. intr. (lat.


scolast. extravagari, du lat. class. extra [v.
EXTRA- 1] et vagari, errer, dér. de vagus,
vagabond, errant ; 1539, R. Estienne, au sens
de « s’écarter de la voie » ; sens moderne, av.
1662, Pascal). Class. et littér. Penser, parler
ou se comporter d’une manière insensée :
De grâce, est-ce pour rire, ou si tous deux
vous extravaguez, de vouloir que je sois
médecin ? (Molière). Plus vous avancez en
âge et plus vous extravaguez (Sedaine). Rien
n’est plus aisé que d’émouvoir dès qu’on ne
se défend plus d’extravaguer (Gide).

& s’extravaguer v. pr. (sens 1, 1539,


R. Estienne ; sens 2, fin du XVIe s.,
Brantôme). 1. Class. Perdre son chemin,
s’écarter de sa route : Vos muletiers suivent
le grand chemin, sans s’aller extravaguer
dans des précipices (Sévigné). ‖ 2. Class.
et fig. Se laisser aller à des digressions,
s’écarter de son sujet : C’est pour cela que
je me suis extravaguée, comme vous voyez ;
qu’importe ? en vérité, il faut un peu, entre
bons amis, laisser trotter les plumes comme
elles veulent (Sévigné).

extravasation [ɛkstravazasjɔ̃] ou
extravasion [ɛkstravazjɔ̃] n. f. (de extra-
vaser ; 1695, Dict. général). Passage d’un
liquide organique à travers la paroi de la
cavité qui le contient : Une extravasation
de sang.

extravaser [ɛkstravaze] v. tr. (du lat.


extra [v. EXTRA- 1] et vas, vase, sur le modèle
de transvaser ; 1803, Boiste, au sens 1 ; sens
2, 1862, Fromentin). 1. Faire s’épancher
hors des vaisseaux ou des canaux naturels
qui les contiennent, du sang, de la sève, un
liquide : Un choc violent extravase du sang.
‖ 2. Fig. Faire passer dans : Tout ce que
cette crise malsaine avait extravasé dans
mes sentiments (Fromentin).

• SYN. : 1 exsuder.

& s’extravaser v. pr. (1673, Journ. des


savants). Se répandre hors de son conte-
nant naturel.

• SYN. : suinter.

extravasion n. f. V. EXTRAVASATION.

extraversion [ɛkstravɛrsjɔ̃] n. f. (de


extra- 1 et de version ; 1747, James, au sens
de « opération qui rend sensibles les pro-
priétés alcalines ou acides d’un composé » ;
sens actuel [d’après introversion], milieu du

XXe s.). En psychologie, tendance à tourner


son attention et ses émotions vers le monde
extérieur (par opposition à introversion).

extraverti, e [ɛkstravɛrti] ou extroverti


[ɛkstrovɛrti] adj. (de extra- 1 [ou de sa var.
extro-] et de [intro]verti ; milieu du XXe s.). Qui
manifeste de l’extraversion (par opposition
à introverti).

extrémal, e, aux [ɛkstremal, -o] adj.


(de extrême ; milieu du XXe s.). Se dit d’un
état extrême.

extrême [ɛkstrɛm] adj. (lat. extremus, le


plus à l’extérieur, extrême, dernier, superla-
tif de exter, extérieur, externe ; XIIIe s., Littré,
écrit estreme [extrême, XIVe s.], au sens 3 ;
sens 1-2, 1580, Montaigne ; sens 4, milieu du
XVIe s., Ronsard ; sens 5, 1686, Bossuet ; sens
6, 1676, Mme de Sévigné). 1. Qui se trouve
tout à fait au bout, dans l’espace : Charles,
posé sur ie bord extrême de la banquette,
conduisait les deux bras écartés (Flaubert).
La dalle du quai, aux bords extrêmes de
la terre et des flots (Giraudoux). ‖ 2. Qui
est tout à fait au bout, dans le temps ; qui
termine une durée : Extrême vieillesse.
Attendre la date extrême pour payer ses
impôts. ‖ 3. Fig. Qui est au dernier degré,
au degré le plus intense : L’extrême science
et l’extrême ignorance se touchent par
l’extrême naïveté (Stendhal). Ces paroles,
venant d’une belle personne en chemise, me
jetèrent dans un trouble extrême (France).
‖ L’extrême droite, l’extrême gauche, cha-
cune des tendances politiques qui pro-
posent ou soutiennent des idées extrêmes.
‖ 4. Qui dépasse la mesure ordinaire ; qui
manque de modération : La comtesse [...]
paraissait souvent préoccupée et d’une
gaieté un peu extrême (Gobineau). Son
extrême agitation me faisait tout craindre
(Gide). Recourir à des moyens extrêmes.
Professer des opinions extrêmes. ‖ 5. Class.
Se dit d’une personne qui pousse les choses
à la dernière limite, qui est incapable de se
modérer : Les femmes sont extrêmes, elles
sont meilleures ou pires que les hommes
(La Bruyère). ‖ 6. Class. Qui manque de
modestie, de décence : [Mme de Montespan]
dansa aux derniers bals [...] dans un ajus-
tement extrême (Sévigné).

• SYN. : 1 final, terminal ; 2 ultime ;


3 dernier, suprême ; 4 démesuré, déses-
péré, exagéré, extraordinaire, fou (fam.),
hasardeux, immodéré, risqué, violent.

— CONTR. : 2 initial, premier ; 3 faible,


léger ; 4 mesuré, modéré, moyen, normal,
ordinaire, raisonnable.

• REM. Cet adjectif, qui a par lui-même


une valeur superlative, pouvait néan-
moins être modifié dans la langue clas-
sique par un adverbe de quantité : Il s’est
jeté dans les plus extrêmes périls (Fure-
tière). Auj., cet emploi ne se rencontre
plus que rarement : Il avait passé du plus
extrême péril à la sécurité la plus absolue
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1800

(Hugo). Un Orient encore plus excessif et


plus extrême (Gide).

& n. m. (sens 1, v. 1361, Oresme ; sens 2,


XIVe s., Du Cange ; sens 3, 1580, Montaigne).
1. La dernière limite des choses : Degas,
que le seul nom de « Beaux-Arts » jetait aux
extrêmes de la fureur... (Valéry). ‖ 2. D’un
extrême à l’autre, d’un état, d’une situa-
tion portés à la dernière limite, à un état,
à une situation opposés : Ils passaient d’un
extrême à l’autre, se prêtant tour à tour des
défauts et des charmes qu’ils n’avaient pas
(Rolland). ‖ 3. Class. L’extrême, le choix,
le parti le plus violent, le plus hasardeux :
Les extrêmes sont toujours fâcheux ; mais
ce sont des moyens sages quand ils sont
nécessaires (Retz).

& extrêmes n. m. pl. (sens 1, 1580,


Montaigne ; sens 2, v. 1361, Oresme).
1. Les choses, les propositions, les partis
ou groupements opposés. ‖ Spécialem.
En politique, l’extrême droite et l’extrême
gauche : Les extrêmes se touchent. ‖ 2. En
mathématiques, le premier et le dernier
terme d’une proportion : Dans toute pro-
portion, le produit des extrêmes est égal aux
produits des moyens.

& À l’extrême loc. adv. (1662, Corneille).


Au-delà de toute mesure : Je veux bien avoir
poussé les choses à l’extrême en disant que
l’art n’était bon à rien (Sand). Le vert-bleu
féerique des algues portait à l’extrême la
transparence ombreuse, la tromperie illi-
mitée de la cavité (Colette).

extrêmement [ɛkstrɛmmɑ̃] adv. (de


extrême ; 1549, R. Estienne). Au dernier
point, à un très haut degré : J’étais, sans
m’en rendre raison, extrêmement sensible
à la beauté des paysages (Stendhal).

• SYN. : diablement (fam.), énormément,


excessivement, extraordinairement, for-
midablement (fam.), infiniment, prodi-
gieusement, tout à fait, très. — CONTR. :
faiblement, légèrement, modérément, pas
du tout, peu.

• REM. 1. Au XVIIe s., ce mot pouvait être


modifié par un adverbe de quantité :
Ce procédé est si extrêmement ridicule
(Sévigné).

2. Au XVIIe s., extrêmement s’employait


avec un verbe : Nous parlâmes extrême-
ment de vous (Sévigné). Aujourd’hui, il
ne s’emploie plus qu’avec un adjectif ou
un adverbe.

extrême - onction [ɛkstrɛmɔ̃ksjɔ̃]


n. f. (de extrême et de onction ; av. 1549,
Marguerite de Navarre). Dans l’Église
catholique, sacrement qui est adminis-
tré à un malade en danger de mort par
l’application des saintes huiles sur diverses
parties du corps. (Auj., on dit SACREMENT
DES MALADES.)

extrême-oriental, e, aux [ɛkstrɛm-


ɔrjɑ̃tal, -o] adj. (de Extrême-Orient, n.
ɔrjɑ̃tal, -o] adj. (de Extrême-Orient, n.
géogr. [de extrême, adj., et de orient, n. m.] ;
XXe s.). Qui est relatif à l’Extrême-Orient.

• REM. Seul le deuxième terme de ce mot


composé varie en genre et en nombre :
Des moeurs extrême-orientales.

extremis (in) loc. adv. V. IN EXTREMIS.

extrémiser [ɛkstremize] v. tr. (de


extrême [-onction] ; 1865, Littré). Fam.
Donner l’extrême-onction à un malade.
(Vieilli.)

extrémisme [ɛkstremism] n. m. (de


extrême ; 1911, Larousse). Tendance, atti-
tude consistant à proposer ou à soutenir
des idées, des décisions extrêmes, révo-
lutionnaires : Je hais ce jeu de réactions
simples, automatisme de l’extrémisme
(Valéry).

extrémiste [ɛkstremist] adj. et n. (de


extrême ; 1911, Larousse). Qui fait preuve
d’extrémisme : Les journaux extrémistes.

extrémité [ɛkstremite] n. f. (lat. extre-


mitas, extrémité, bout, fin, de extremus
[v. EXTRÊME] ; v. 1265, J. de Meung, au
sens 4 ; sens 1, 1314, Mondeville ; sens 2-3,
1541, Calvin). 1. Partie extrême d’une
chose, ce qui en marque, dans l’espace, le
bout, la fin : Placées aux deux extrémités
de l’Europe, la France et la Russie ne se
touchent point par leurs frontières ; elles
n’ont point de champs de bataille où elles
puissent se rencontrer (Chateaubriand).
La route suivait le cours d’eau qui s’en
échappait, coupant l’extrémité de la forêt
(Gide). ‖ 2. Dernière limite dans le temps,
le point extrême d’une durée : L’extrémité
de la vie. ‖ 3. Class. Les derniers moments
de la vie de quelqu’un : Il a fallu conduire
la maladie du roi jusqu’à la veille de son
extrémité (Saint-Simon). ‖ Auj. Être à la
dernière extrémité, sur le point de mourir.
‖ 4. Class. et littér. Degré extrême, dernière
limite que peut atteindre une personne,
une chose : L’extrémité de la douleur en est
la fin (Malherbe). Il regarda la terre avec
la violence de l’extrémité suprême (Hugo).
• SYN. : 1 bord, limite, lisière, pointe, queue,
terminaison ; cime, sommet ; 2 fin, issue.

— CONTR. : 1 centre, milieu ; 2 aube, aurore,


commencement, début.

& extrémités n. f. pl. (sens I, milieu du


XVIIIe s., Buffon ; sens II, 1, av. 1654, Guez
de Balzac ; sens II, 2, 1679, Bossuet).
I. Les bras et les jambes, et absol., les
pieds et les mains.

II. 1. Class. Excès : Les extrémités sont


vicieuses et partent de l’homme ; toute
compensation (= équilibre) est juste et
vient de Dieu (La Bruyère). ‖ 2. Excès de
violence, actes d’emportement ; voies de
fait : [Mon père] n’ouvrait pas la bouche
[...] de peur de me porter aux dernières
extrémités (Stendhal).

extrinsèque [ɛkstrɛ̃sɛk] adj. (lat. extrin-


secus, adv., « du dehors, de l’extérieur », de
la racine de extra [v. EXTRA- 1] et de la prép.
secus, en suivant, derrière, selon, conformé-

ment à ; 1314, Monde-ville, au sens 1 ; sens


2, 1740, Acad.). 1. Qui provient du dehors,
qui n’est pas tiré de la chose elle-même :
Les causes extrinsèques d’une maladie.
‖ Arguments extrinsèques, arguments qui
ne sont pas tirés du fond même du sujet.
‖ 2. Valeur extrinsèque d’une monnaie,
valeur qui dépend d’une convention, d’une
mesure légale, et non pas de son poids réel
ou de la valeur du métal.

• SYN. : 1 étranger, extérieur ; 2 conventionnel,


fictif, nominal. — CONTR. : 1 et 2 intrinsèque.

extrinsèquement [ɛkstrɛ̃sɛkmɑ̃] adv.


(de extrinsèque ; 1541, J. Canappe). De
façon extrinsèque.

extrospection [ɛkstrɔspɛksjɔ̃] n. f.
(de extro- [var. de extra- 1, v. ce mot] et de
[intro]spection ; fin du XIXe s.). En psycho-
logie, méthode d’observation qui s’attache
aux phénomènes du monde extérieur :
Suivant les moments et les besoins, nous
faisons d’une manière plus exclusive de
l’introspection ou de l’extrospection (Binet).
• CONTR. : introspection.

extroversion [ɛkstrɔvɛrsjɔ̃] n. f. (de


extro- [var. de extra- 1, v. ce mot] et de
version ; 1865, Littré, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XXe s.). 1. En médecine, renver-
sement, repliement en dehors d’un organe
creux. ‖ 2. En psychologie, autre forme de
EXTRAVERSION.

extroverti, e adj. V. EXTRAVERTI, E.

extrudage [ɛkstrydaʒ] n. m. (du lat.


extrudere [v. EXTRUSION] ; 1930, Larousse).
Syn. de EXTRUSION.
extrudé, e [ɛkstryde] adj. (du lat. extru-
dere [v. EXTRUSION] ; v. 1960). Fabriqué par
extrusion.

extrudeuse [ɛkstrydøz] n. f. (du lat.


extrudere [v. EXTRUSION] ; v. 1960). Syn. de
BOUDINEUSE.

extrusion [ɛkstryzjɔ̃] n. f. (du lat. extru-


dere, chasser de, rejeter [de ex-, préf. mar-
quant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et de trudere, pousser avec
force], sur le modèle de intrusion ; début
du XXe s., aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1960).
1. Mise en place de matière volcanique par
montée et sortie, sous forme d’aiguille et
de dôme, sans qu’il y ait de projection
ni d’écoulement sensible. ‖ 2. Filage à
chaud de différents métaux poussés par
une presse à travers une filière présentant
un profil donné. ‖ 3. Dans l’industrie des
matières plastiques, procédé de fabrication
de produits par l’utilisation de l’extrudeuse
ou boudineuse.

exubérance [ɛgzyberɑ̃s] n. f. (lat.


exuberantia, abondance, de exuberare
[v. EXUBÉRER] ; v. 1560, Paré, au sens 1 ;
sens 2, 1836, Landais ; sens 3, fin du
XIXe s.). 1. Abondance, développement
excessif de quelque chose : L’exubérance
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1801

de la végétation. Exubérance de paroles.


‖ 2. Fig. Caractère excessif et déréglé de
quelque chose : Exubérance de l’imagina-
tion. ‖ 3. Fig. Tendance d’une personne à
manifester ses sentiments d’une manière
excessive, sans retenue : Le caractère de
Juliette, par contre, s’accommodait assez
de cette exubérance (Gide).

• SYN. : 1 luxuriance, opulence, profusion,


surabondance ; 3 expansivité, outrance.

exubérant, e [ɛgzyberɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


exuberans, -antis, part. prés. de exuberare
[v. l’art. suiv.] ; XVe s., Dict. général, au
sens 1 ; sens 2, 1890, Dict. général ; sens 3,
1844, Balzac). 1. Caractérisé par une abon-
dance, un développement excessifs : Une
végétation exubérante. ‖ 2. Se dit d’une
personne qui manifeste ses sentiments par
des démonstrations excessives, immodé-
rées : Près des autres, et plus ils sont exu-
bérants, elle est souvent silencieuse (Gide).
‖ 3. Littér. Qui témoigne d’une telle ten-
dance, qui s’exprime avec exubérance :
Gestes exubérants. Jeunes gens, à l’âge
de l’action qu’on se figure prochaine et de
l’enthousiasme exubérant (Sainte-Beuve).
• SYN. : 1 envahissant, luxuriant, opulent,
surabondant ; 2 débordant, démonstratif,
expansif.

exubérer [ɛgzybere] v. intr. (lat. exube-


rare, regorger, déborder, être plein, abonder,
de ex-, préf. à valeur intensive, et de l’adj.
uber, abondant, plein, bien nourri ; 1611,
Cotgrave). [Conj. 5 b.] Manifester un excès
d’abondance, de plénitude ; être exubé-
rant (rare) : Le cheval, lancé au galop [...],
l’homme, débonnaire et jovial, de carrure
superbe, exubéraient de vie (Huysmans).

exulcération [ɛgzylserasjɔ̃] n. f. (lat.


médic. exulceratio, ulcération, ulcère, de
exulceratum, supin de exulcerare [v. EXUL-
CÉRER] ; XVIe s., Godefroy, au sens de « for-
mation d’un ulcère » ; sens actuel, 1690,
Furetière). En médecine, ulcération légère.

exulcérer [ɛgzylsere] v. tr. (lat. exul-


cerare, former des ulcères, blesser, irriter,
exaspérer, de ex-, préf. à valeur intensive, et

de ulcerare, faire une plaie, blesser [au pr. et


au fig.], dér. de ulcus, ulceris, ulcère, plaie,
blessure [au pr. et au fig.] ; 1534, Rabelais,
au sens de « produire, causer un ulcère
sur » ; sens actuel, 1835, Acad.). [Conj. 5 b.]
Provoquer une ulcération superficielle.

exultant, e [ɛgzyltɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de exulter ; fin du XIXe s., Huysmans). Qui
exalte, transporte de joie : Il avouait d’exul-
tantes allégresses (Huysmans).

exultation [ɛgzyltasjɔ̃] n. f. (lat. ex[s]-


ultatio, action de sauter, transport de
joie, de ex[s]ultatum, supin de ex[s]ultare
[v. EXULTER] ; XIIe s., Godefroy, écrit exsul-
tacion ; XIVe s., Girart de Roussillon, écrit
exultacion ; exultation, XVIe s.). Littér.
Action d’exulter ; état d’allégresse qui en
résulte : L’exultation du succès le grise.

exulter [ɛgzylte] v. intr. (lat. ex[s]ultare,


sauter, bondir, se donner carrière, être
transporté [de passion, de joie, etc.], de
ex-, préf. à valeur intensive, et de saltare,
danser, fréquentatif de salire, sauter, bon-
dir ; XVe s.). Éprouver une très vive joie ;
déborder d’allégresse.
• SYN. : jubiler (fam.), triompher.

exultet [ɛgzyltɛt] n. m. (mot lat. signif.


« qu’il se réjouisse » [premier mot de
l’hymne de la veillée pascale], 3e pers. du
sing. du subj. prés. de ex[s]ultare [v. EXUL-
TER] ; 1870, Larousse). Dans la liturgie
catholique, chant du diacre, au commen-
cement de l’office du soir du samedi saint,
qui annonce la joie de la résurrection.

exutoire [ɛgzytwar] n. m. (dér. savant


du lat. exutum, supin de exuere, tirer de,
dégager, débarrasser de, dépouiller de, reje-
ter loin de soi ; fin du XVIIIe s., au sens 1 ;
sens 2 et 4, XXe s. ; sens 3, 1870, Larousse ;
sens 5, 1826, Brillat-Savarin). 1. En méde-
cine, ulcère artificiel qui produit et entre-
tient une suppuration locale permettant
l’écoulement d’humeurs morbides ; et, plus
généralement, affection ou lésion servant
de dérivatif à une maladie. ‖ 2. Par anal.
Ouverture, voie permettant l’évacuation de
quelque chose : Bientôt les cheminées ser-

virent d’exutoires aux avalanches (Frison-


Roche). ‖ 3. Ouverture pratiquée dans une
voûte à ciel ouvert pour faciliter l’écoule-
ment des eaux. ‖ 4. Cours d’eau évacuant
les eaux d’un lac ou d’un étang. ‖ 5. Fig.
Moyen de se débarrasser de quelque chose
qui gêne ; par extens., dérivatif : Pour moi,
j’ai un exutoire (comme on dit en médecine).
Le papier est là, et je me soulage (Flaubert).

exuviation [ɛgzyvasjɔ̃] n. f. (de exuvie


[v. ce mot] ; milieu du XXe s.). Rejet lors de
la mue des vieilles peaux, ou exuvies.

exuvie [ɛgzyvi] n. f. (lat. exuviae, n. f. pl.,


ce qu’on a ôté de dessus le corps, dépouilles
enlevées à l’ennemi, peau ou dépouille des
animaux, dér. de exuere [v. EXUTOIRE] ;
XXe s.). Peau rejetée par l’animal à chaque
mue.

ex-voto [ɛksvɔto] n. m. invar. (abrév. de


la formule du lat. ecclés., usuelle dans les
inscriptions, ex voto suscepto, « selon le voeu
fait », du lat. class. ex, selon, voto, ablatif
de votum, voeu, promesse faite à une divi-
nité, souhait [dér. de vovere, faire un voeu,
vouer], et suscepto, ablatif neutre du part.
passé du v. suscipere ; 1643, Saint-Amant).
Tableau, plaque gravée, objet quelconque
qu’on place en vue dans une église ou dans
un lieu vénéré, à la suite de l’accomplisse-
ment d’un voeu ou en remerciement d’une
grâce obtenue : De gros piliers de pierre
[...] soutiennent sa voûte de bois bleu d’où
pendent de petits navires, ex-voto promis
dans les tempêtes (Flaubert). Mais c’est sur-
tout là-haut, dans la chapelle, qu’il fallait
voir les ex-voto et les images ! Quel encom-
brement de choses touchantes ou comiques,
de tableaux inoubliables pendus aux piliers,
expliqués par des légendes reconnaissantes
(Daudet).

eyra [ɛra] n. m. (mot du lat. scientif.


moderne, probablem. empr. d’une langue
du Brésil ; 1839, Boiste). Petit puma d’Amé-
rique, vivant au Mexique et au Paraguay.
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1803

f [ɛf] n. m. 1. Sixième lettre de l’alphabet


français. ‖ 2. Consonne fricative labio-
dentale sourde. (Le f final ne se prononce
pas dans les mots cerf [sɛr], clef [kle], nerf
[nɛr], ni dans les formes plurielles boeufs
[bø], oeufs [ø] ; il se sonorise en v dans
les groupes neuf ans [noevɑ̃], neuf heures
[noevoer].)

fa [fɑ ou fa] n. m. invar. (première syl-


labe du quatrième vers [famuli tuorum]
de l’hymne latin de saint Jean-Baptiste [de
Jean Diacre], d’où furent tirés les noms des
notes de la gamme ; XIIIe s., H. d’Andeli, aux
sens 1-2). 1. Note de musique, quatrième
degré de la gamme d’ut : « Do, mi, sol,
mi, fa. » Tout ce monde va, | Rit, chante
(Verlaine). ‖ Ton dont cette note est la
tonique : Gamme de « fa » majeur. ‖ Ton
dans lequel est composée une oeuvre musi-
cale : Le scherzo à trois temps en « fa » [...]
imite les danses champêtres (Chantavoine).
‖ 2. Signe qui, par sa position sur la portée,
représente le son fa. ‖ Clef de « fa », signe
indiquant que la note placée sur la qua-
trième ligne de la portée est un fa.

fable [fɑbl] n. f. (lat. fabula, propos,


conversation, récit mythique, pièce de
théâtre, conte, apologue, dér. de fari, parler,
dire, célébrer ; v. 1190, Garnier de Pont-
Sainte-Maxence, au sens II, 3 ; sens I, 1,
av. 1714, Fénelon [la Fable, 1667, Corneille] ;
sens I, 2, 1555, Ronsard ; sens I, 3, v. 1360,
Froissart ; sens II, 1, 1667, Racine ; sens II,
2, 1580, Montaigne).

I. 1. Littér. Récit imaginaire, symbolique,


relatif à l’histoire d’un peuple : La religion
des Grecs était un mélange de fables allé-
goriques apportées de l’Orient et de fables
historiques nationales (Condorcet). Les
nations et les races se transmettent-elles
des fables comme les hommes se lèguent
des héritages ? (Baudelaire). ‖ Class. La
Fable (avec une majusc.), ensemble des
légendes antiques, surtout des récits de la
mythologie : La Fable offre à l’esprit mille
agréments divers : | Ulysse, Agamemnon,
Oreste, Idoménée (Boileau). ‖ 2. Récit
imaginaire d’événements donnés pour
historiques : Les annales humaines se
composent de beaucoup de fables mêlées
à quelques vérités (Chateaubriand). Des
personnages [...] que la légende a entou-
rés du plus brûlant réseau de fables (Re-
nan). ‖ 3. Littér. Chose fausse, allégation
inventée ou mensongère : Ô superstition
des amours ineffables [...], | Calculs de la
science, ô décevantes fables (Vigny). Les
gens qui ne connaissent pas la campagne
taxent de fable l’amitié du boeuf pour son
camarade d’attelage (Sand). Puisque tout
n’est rien que fables, | Hormis d’aimer ton

désir, | Jouis vite du loisir | Que te font les


dieux affables (Verlaine).

II. 1. Class. Suite de faits qui composent


l’intrigue d’une oeuvre littéraire : Voilà
les principales choses en quoi je me suis
un peu éloigné de l’économie et de la
fable d’Euripide (Racine). ‖ 2. Thème
des conversations, sujet qui défraie la
chronique, dans un milieu, une société :
La fable qui courra la ville demain sera
étrange et nouvelle (Musset). Je crois qu’il
a beaucoup de soucis avec sa coquine de
femme, qui vit au su de Combray avec un
certain M. de Charlus. C’est la fable de la
ville (Proust). ‖ Personne qui est l’objet
de propos railleurs : Vous êtes la fable et
la risée de tout le monde (Molière). Mais
vous êtes la fable du quartier, mon cher
(Daudet). Vous êtes la fable du Conserva-
toire, ajouta-t-elle, sentant que c’était l’ar-
gument qui porterait le plus ; un mois de
plus de cette vie et votre avenir artistique
est brisé (Proust). Devenir, lui, Joseph, la
fable de Paris pour cette histoire absurde !
(Duhamel). ‖ 3. Court récit allégorique,
le plus souvent en vers, qui sert de pré-
texte à une moralité : Cette fable contient
plus d’un enseignement (La Fontaine).
« Le Corbeau et le Renard », fable célèbre,
ne se prête pas non plus à l’exégèse (Alain).
Deux pies se posèrent ensemble devant lui
sur l’accotement, à la manière des bêtes
des fables (Gracq).
• SYN. : I, 1 légende, mythe. ‖ II, 2 bruit,
nouvelle, on-dit, potin (fam.), racontar
(fam.), ragot (fam.) ; 3 apologue.

fabliau [fɑblijo] n. m. (reprise, pour dési-


gner un genre littéraire, de l’anc. franç.
fabliau, conte plaisant [v. 1196, J. Bodel],
forme picarde correspondant au francien
fablel, fableau, même sens [XIIe-XIIIe s.], dér.
de fable ; 1599, Fauchet). Petit conte en vers
du Moyen Âge, de caractère populaire et
le plus souvent satirique : Le petit vers des
fabliaux trotte et sautille comme un écolier
en liberté à travers toutes les choses respec-
tées et respectables, daubant sur les femmes,
l’Église, les grands, les moines (Taine). Mon
cousin Maurice Démarest lui fit cadeau de
petites têtes en plâtre de tous les animaux
qui figurent dans le vieux fabliau (Gide).

fablier [fɑblije] n. m. (de fable ; fin du


XVIIe s., d’après Voltaire, 1764, au sens 1 ;
sens 2, av. 1848, Chateaubriand ; sens 3,
1849, Bescherelle). 1. Vx. Auteur de fables,
d’apologues : La Fontaine, c’est un arbre
de plus dans le bois : le fablier (Hugo).
‖ 2. Péjor. Celui qui donne pour vrais
des faits, des récits inventés : Une de ces
inventions de mélodrame avec lesquelles nos
fabliers composent aujourd’hui la véridique
histoire (Chateaubriand). ‖ 3. Recueil de
fables.

• SYN. : 1 fabuliste.

fabricant, e [fabrikɑ̃, -ɑ̃t] n. (de fabri-


quer, d’après le lat. fabricans, -antis, part.

prés. de fabricare [v. FABRIQUER] ; fin du


XVe s., Molinet, au sens 2 [rare av. la fin du
XIXe s.] ; sens 1, 1740, Acad.). 1. Propriétaire
d’une entreprise qui fabrique des produits
ou des objets manufacturés : Fabricant de
peinture, de papier peint. Fabricant de
meubles, d’automobiles. S’il avait un fabri-
cant dans la gêne, il achetait ses papiers à
vil prix (Balzac). Le fabricant, c’est-à-dire
l’industriel qui occupe plusieurs centaines
d’ouvriers (R. Bazin). ‖ Celui qui fabrique
lui-même ou fait fabriquer pour vendre :
Petit fabricant. Je porterai mon parapluie
chez un fabricant qui le recouvrira en bonne
soie (Maupassant). ‖ 2. Fig. Personne
qui fait, qui crée quelque chose (souvent
péjor.) : Le grec offre aux fabricants de mots
nouveaux une facilité vraiment excessive
(Gourmont). L’homme qui construirait la
paix pour au moins deux générations [...]
abriterait de son envergure les fabricants
de lois, les réparateurs et rajeunisseurs de
sociétés (Romains).

• SYN. : 1 industriel, manufacturier ; arti-


san ; 2 auteur, créateur, fabricateur, faiseur,
forgeur, inventeur, père.

& adj. (1865, Littré). Vx. Qui fabrique :


Industrie fabricante.

fabricateur, trice [fabrikatoer, -tris]


n. (lat. fabricator, constructeur, ouvrier,
artisan, de fabricatum, supin de fabricare
[v. FABRIQUER] ; v. 1460, G. Chastellain,
écrit fabricquateur [fabricateur, XVIIe s.], au
sens 2 ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Vx. Personne qui fabrique une
chose particulière : L’industrie de fabri-
cateur d’huile de fênes (Goncourt). Race
de forgerons et de mineurs et de fabrica-
teurs dans l’ombre des bois et de la fumée !
(Claudel). ‖ 2. Littér. Celui qui crée :
Balzac, ce grand ouvrier de mots et fabrica-
teur de phrases (Sainte-Beuve). Le Démiurge
fabricateur des mondes (Flaubert). ‖ Class.
Le Fabricateur souverain ou suprême, le
Créateur, Dieu : Le fabricateur souverain |
Nous créa besaciers tous de même manière
(La Fontaine). ‖ 3. Péjor. Personne dont le
travail a pour résultat des produits sans
valeur ou destinés à faire illusion : Le doc-
teur Néophobus n’était autre que Charles
Nodier, qui venait de publier sous ce pseu-
donyme quelques articles fort gais [...] contre
les fabricateurs de mots nouveaux (Musset).
Le souci des fabricateurs de tant d’inutiles
mots gréco-français apparaît infiniment
ridicule (Gourmont). Fabricateur de fausse
monnaie. ‖ Spécialem. Celui, celle qui
invente des récits mensongers : Fabricateur
de fausses nouvelles.

• SYN. : 3 créateur, faiseur, forgeur,


inventeur.

fabrication [fabrikasjɔ̃] n. f. (lat. fabri-


catio, action de fabriquer, de construire,
de fabricatum, supin de fabricare [v.
FABRIQUER] ; XVe s., Godefroy, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière). 1. Action, art ou
manière de fabriquer : Toutes ces remarques
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1804

concourent à me faire penser que la fabri-


cation d’une coquille est possible (Valéry).
Fabrication industrielle, artisanale. Défaut
de fabrication. Un nouveau procédé de
fabrication. ‖ Spécialem. Ensemble des
opérations nécessaires à l’élaboration d’un
produit ou d’un objet manufacturé : Enfin,
de temps en temps, lorsqu’il s’agit de mettre
en route la fabrication d’une pièce nouvelle
[...], on a vraiment [...] l’impression d’être le
chef de quelque chose (Romains). ‖ 2. Péjor.
Production d’objets sans valeur ou destinés
à faire illusion : La fabrication de fausse
monnaie est punie de la réclusion criminelle
à perpétuité. ‖ Spécialem. Action d’inven-
ter des récits mensongers : Fabrication de
fausses nouvelles.

• SYN. : 1 confection, production.

fabricien [fabrisjɛ̃] n. m. (de fabrice,


fabrisse [XIVe s.], formes anc. de fabrique, au
sens de « revenus affectés à l’entretien d’une
église » [v. FABRIQUE] ; milieu du XVIe s.).
Vx. Membre du conseil de fabrique d’une
église : M. Guitrel s’emploie à procurer [...]
à Mme Worms-Clavelin le mobilier antique
des curés de village, abandonné à la garde
de fabriciens ignorants (France).

• SYN. : marguillier.

fabrique [fabrik] n. f. (lat. fabrica,


métier d’artisan, art, action de façonner,
de confectionner, machination, ruse, atelier,
forge, dér. de faber, fabri, ouvrier, artisan ;
XIIIe s., au sens II, 1 ; sens I, 1, milieu du
XIVe s., Machaut ; sens I, 2, milieu du XVIe s.,
Amyot ; sens I, 3, 1637, Descartes ; sens II, 2,
XVe s., Littré ; sens II, 3, 1765, Diderot ; sens
II, 4, 1767, Diderot ; sens III, 1679, J. Savary).

I. 1. Vx. Action de fabriquer : La fabrique


des étoffes de soie (Acad., 1694). Le beau-
père mourut et laissa peu de chose ; il
[le père de Charles Bovary] en fut indi-
gné, se lança dans la fabrique (Flaubert).
‖ Marque de fabrique, signe particulier
apposé sur un objet par le fabricant pour
garantir que cet objet sort de ses ateliers.
‖ Prix de fabrique, prix auquel le fabri-
cant vend en gros les objets qu’il fabrique.
‖ 2. Class. Manière dont un objet est
fabriqué ; exécution, facture : Sous cette
voûte magnifique | Dont nous admirons la
fabrique (Tr. L’Hermite). ‖ Vx. Objet de
bonne, de mauvaise fabrique, objet dont
la bonne, la mauvaise qualité est due plus
à la manière dont il a été fabriqué qu’à
la matière première. ‖ 3. Class. et littér.
Conformation, constitution, structure
d’un être, d’une chose complexe : J’y
avais montré quelle doit être la fabrique
des nerfs et des muscles du corps humain
(Descartes). C’était un de ces coeurs de fa-
brique trop fine qui ont besoin de l’amitié
de ce qui les entoure (Stendhal).

II. 1. Vx. Construction d’un édifice, spé-


cialement d’un édifice religieux. ‖ Vx.
L’édifice lui-même : Je ne crois pas avoir
rencontré sur les chemins une seule fa-

brique moderne ; d’où l’on doit conclure


que chez les musulmans la religion s’affai-
blit (Chateaubriand). ‖ 2. Biens, revenus
d’une église paroissiale ; fonds destinés
à son entretien : J’ai vu Mme la Duchesse,
marraine de nos cloches, donner à la fa-
brique cinquante louis en or, et dix écus
aux pauvres (Courier). ‖ Conseil de fa-
brique, ou simplem. fabrique, ensemble
des personnes, nommées par l’évêque,
pour administrer les biens d’une église
déterminée. ‖ 3. Vx. En architecture,
construction où la décoration princi-
pale est constituée par la disposition et
l’appareillage des matériaux : La grande
fabrique des tours de Notre-Dame (Dide-
rot). ‖ Petite construction destinée à
l’ornement d’un parc, spécialement d’un
jardin anglais : Nous faisant arriver subi-
tement en face d’une vallée pleine d’eau,
de fleurs, de fabriques (Balzac). ‖ 4. En
peinture, ensemble de ruines ou d’édi-
fices servant de décor, dans les « paysages
historiques » des XVIIe-XIXe s.

III. Établissement industriel où sont


transformés des produits semi-finis
ou des matières premières en vue de
la fabrication d’objets ou de produits
manufacturés prêts à être livrés au com-
merce : Ah ! ici il y a un pays, une ville,
des fabriques, une industrie (Hugo). Ris-
ler, enchanté de cette sympathie extraor-
dinaire pour sa chère fabrique, expliquait
de là-haut à l’enfant la disposition des
bâtiments, lui indiquait les ateliers d’im-
pression, de dorure, de fonçage, la salle de
dessin où il travaillait, celle des machines
à vapeur d’où montait cette immense
cheminée qui noircissait tous les murs
environnants de sa fumée active (Daudet).
Des fabriques d’indiennes prospéraient à
Puteaux (Romains) ; et au fig. : Liège fut
une grande fabrique, non de drap ou de
fer, mais d’hommes : je veux dire une fa-
cile et rapide initiation du paysan à la vie
urbaine, de l’ouvrier à la vie bourgeoise,
de la bourgeoisie à la noblesse (Michelet).
‖ Vx. Fille de fabrique, ouvrière qui tra-
vaillait dans une fabrique.

• SYN. : III atelier, manufacture, usine.

fabriqué, e [fabrike] adj. (part. passé


de fabriquer ; XIIIe s., au sens 1 ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1888,
Daudet). 1. Qui a été confectionné, élaboré
à partir de matières premières : Produit
fabriqué. ‖ 2. Péjor. Qui a été élaboré
avec peine, qui manque de spontanéité :
Pourquoi tes dernières lettres sont-elles
si différentes de toutes les autres, à la fois
crispées et comme fabriquées ? (Vercel).
‖ 3. Péjor. Qui a été fait pour tromper,
inventé ; faux : Histoire fabriquée de toutes
pièces. ‖ 4. Vx et péjor. Embelli par des arti-
fices : Ça n’avait pourtant pas l’air d’une
femme fabriquée (Daudet).

• SYN. : 1 manufacturé ; 2 laborieux, tra-


vaillé ; 3 forgé ; sophistiqué. — CONTR. :
2 aisé, direct, naturel, simple, spontané.

fabriquer [fabrike] v. tr. (lat. fabricare,


fabricari, façonner, confectionner [au
pr. et au fig.], de fabrica [v. FABRIQUE] ;
XIIe s., Godefroy, écrit fabriker [fabriquer,
XVIe s.], au sens 1 [mot rare aux XIIIe, XIVe et
XVe s.] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1580,
Montaigne ; sens 4, 1879, G. Esnault ; sens
5-6, 1656, Pascal ; sens 7, 1878, G. Esnault).
1. Faire, confectionner, élaborer quelque
chose à partir d’une matière première, par
un travail manuel ou artisanal : Vous entrez
chez un charron : il fabrique des roues et
des timons (Hugo). Des cuisiniers en plein
vent fabriquent des soupes, des grillades et
des pâtisseries (Tharaud). Le sauvage qui se
bâtit une pirogue et qui de cette planche en
trop fabrique Apollon (Claudel). L’homme
se fabriqua des outils bien avant d’avoir fixé
son langage (Renan). ‖ 2. Transformer des
matières premières ou déjà élaborées en
produits finis ou en objets manufacturés,
destinés à être livrés par grande quan-
tité au commerce et à la consommation :
L’impatience que j’ai de vous voir en état de
fabriquer des objets qui puissent se vendre
(Balzac). Usines manufactures fabriques
mains | Où les ouvriers nus semblables à
nos doigts | Fabriquent du réel à tant par
heure (Apollinaire). ‖ 3. Péjor. Faire, pré-
parer quelque chose sans grand soin, sans
brio : Il [votre thé] sera meilleur que celui
que vous m’avez fabriqué tout à l’heure
(Musset). ‖ 4. Fam. Avoir telle ou telle
occupation : Qu’est-ce que tu fabriques ?
‖ 5. Péjor. Produire des objets destinés à
tromper : Fabriquer des faux billets, des
fausses cartes d’identité. ‖ 6. Fig. et péjor.
Inventer de toutes pièces, forger (avec un
complément abstrait) : Fabriquer un alibi.
‖ 7. Arg. Voler (au passif) : Total, t’es fabri-
qué d’un tiers et tu t’accroches trois belles
ceintures (Barbusse).

• SYN. : 2 manufacturer, produire ; 3 bâcler,


torcher (très fam.) ; 4 bricoler (fam.), ficher
(fam.), foutre (pop.) ; 6 agencer, arranger,
bâtir, combiner.

& se fabriquer v. pr. (1690, Furetière). Être


fabriqué : Les papeteries d’Angoulême, les
dernières où se fabriqueront des papiers
avec du chiffon de fil (Balzac).

fabulant, e [fabylɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part.


prés. de fabuler ; milieu du XXe s.). En psy-
chologie, qui fabule.

fabulateur, trice [fabylatoer, -tris] n. (lat.


fabulator, conteur, narrateur, fabuliste, de
fabulatum, supin de fabulari, parler, raconter,
bavarder, dér. de fabula [v. FABLE] ; XVIe s., au
sens de « fabuliste, narrateur » ; sens actuel,
début du XXe s.). Personne qui invente des
histoires et les présente comme vraies : Cet
enfant est un fabulateur. Fabulatrice qui
finissait par croire à ses fables (M. Tinayre).
• SYN. : menteur, mythomane.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1805

& adj. (début du XXe s.). Qui a trait à la


fabulation : Fonction, faculté fabulatrice.

fabulation [fabylasjɔ̃] n. f. (bas lat. fabu-


latio, discours, conversation, de fabulatum,
supin de fabulari [v. l’art. précéd.] ; 1839,
Balzac, au sens de « version romanesque
d’un ensemble de faits » ; sens 1, 1856,
Goncourt ; sens 2, fin du XIXe s.). 1. Vx.
Arrangement, présentation des faits consti-
tuant la trame d’une oeuvre d’imagination :
On trouvera la fabulation de « Chérie »
manquant d’incidents (Goncourt).
‖ 2. Action de présenter comme réels, dans
un récit plus ou moins cohérent, des faits
purement imaginaires : La fabulation est
fréquente chez l’enfant. ‖ En psychiatrie,
délire de mémoire dans lequel le sujet ne
fait plus la distinction entre le présent et
le passé, le réel et l’imaginaire.

• REM. Auj., au sens 1, on dit


AFFABULATION.

fabuler [fabyle] v. intr. (de fabul[ation] ;


milieu du XXe s.). Imaginer des histoires fic-
tives et les présenter comme vraies : L’âge
où l’enfant commence à fabuler.

fabuleusement [fabyløzmɑ̃] adv. (de


fabuleux ; XVe s., Godefroy). De façon fabu-
leuse, incroyable, au-delà de toute expres-
sion : Un prince fabuleusement riche.

fabuleux, euse [fabylø, -øz] adj. (lat.


fabulosus, qui est matière à beaucoup de
fables, de fabula [v. FABLE] ; XIVe s., aux
sens I, 1-2 [« inventé, controuvé », 1669, La
Fontaine] ; sens I, 3, av. 1714, Fénelon [cou-
rant depuis 1835, Acad.] ; sens I, 4, 1679,
Bossuet ; sens II, 1668, La Fontaine).

I. 1. Class. et littér. Qui appartient aux


légendes antiques, à la mythologie :
Des héros fabuleux passer la renommée
(Corneille). Au bout d’une semaine de
cellule, le manteau noir des postulants
vous brûlerait les reins, comme la fabu-
leuse tunique [de Nessus] (Bloy). ‖ Temps
fabuleux, premiers âges de l’histoire d’un
peuple, que l’on ne connaît que par des
légendes. ‖ 2. Qui tient de la fiction, qui
a le caractère imaginaire de la fable, récit
légendaire : Il court sur La Fontaine une
rumeur [...] qui nous fait songer sans effort
à un personnage fabuleux (Valéry). L’aube
venait bien avant que fussent rentrés dans
le silence de l’âme, dans ses profonds re-
paires, les personnages fabuleux encore à
peine formés, embryons sans membres,
Mouchette [...] et vous — cher curé d’un
Ambricourt imaginaire (Bernanos). Fa-
bien et son camarade [...], pareils à ces
voleurs des villes fabuleuses murés dans
la chambre aux trésors dont ils ne sau-
ront plus sortir (Saint-Exupéry). Un long
train, serpent fabuleux, nous filait entre
les jambes (Duhamel). ‖ Spécialem. et
class. Inventé, controuvé : Votre fils s’est
laissé prévenir en ma faveur par les rap-
ports fabuleux qu’on lui a faits (La Fon-
taine). ‖ 3. Qui, bien que réel, s’apparente

à la fable par son côté extraordinaire ou


invraisemblable : Ces héros qui conqué-
raient l’Europe [...] et qui renouvelaient
les fabuleux exploits de la chevalerie
(Balzac). Ils allaient conquérir le fabu-
leux métal | Que Cipango mûrit dans ses
mines lointaines (Heredia). ‖ Spécialem.
Qui dépasse la réalité par son impor-
tance, ses proportions étonnantes : Une
fortune fabuleuse. Un tableau qui atteint
un prix fabuleux. ‖ 4. Class. Qui raconte
des légendes : Ctésias, auteur fabuleux
(Bossuet).

II. Class. Qui a le caractère de la fable,


genre littéraire : Et la parabole est-elle
autre chose que l’apologue, c’est-à-dire
un exemple fabuleux, et qui s’insinue
avec d’autant plus de facilité et d’effet
qu’il est plus commun et plus familier ?
(La Fontaine).

• SYN. : I, 2 chimérique, imaginaire, irréel,


légendaire, mythique ; 3 fantastique,
incroyable, inouï, merveilleux, presti-
gieux, prodigieux ; astronomique, colossal,
énorme, exorbitant, extravagant, insensé,
mirobolant, vertigineux. — CONTR. : I, 2
authentique, historique, réel, vrai ; 3 banal,
commun, courant, ordinaire, prosaïque,
quelconque, vulgaire.

fabuliste [fabylist] n. m. (dér. savant du


lat. fabula [v. FABLE] ; 1668, La Fontaine
[fabuliste, « plaisantin, conteur de men-
songes » — 1588, Guterry —, est une fran-
cisation de l’esp. fabulista, créé lui aussi sur
le lat. fabula]). Écrivain qui compose des
fables : Comme le bûcheron du fabuliste [...],
elle craint la mort et c’est sa seule crainte
(France). Même un fabuliste est loin de res-
sembler à ce distrait [La Fontaine] que nous
formions distraitement naguère (Valéry).

façade [fasad] n. f. (ital. facciata, façade,


dér. de faccia, face, bas lat. facia [v. l’art.
suiv.] ; 1567, Ph. Delorme, écrit fassade
[façade, 1690, Furetière], au sens 1 ; sens
2, début du XXe s. ; sens 3 [« côté anté-
rieur, devant », appliqué à l’homme],
1872, Larousse [refaire sa façade, démolir
la façade à, 1881, L. Rigaud] ; sens 4, av.
1869, Sainte-Beuve). 1. Côté d’un bâtiment
où se trouve l’entrée principale et qui fait
face à la rue ou au chemin d’accès : On
voyait parfaitement la façade du château,
dont quelques fenêtres s’éclairaient d’une
lueur rouge (Gautier). Plusieurs avaient un
pignon pointu et la façade en colombage
(France). ‖ Vx. Chacun des côtés exté-
rieurs d’un édifice : Chacune des fenêtres
qui terminent la façade exposée au soleil
(Balzac). ‖ 2. Partie antérieure de certaines
choses : Derrière la falaise qui dresse sa
noire façade, le soleil invisible monte dans
un ciel d’or (Rolland). La lisière lointaine du
bois se rapprocha soudain, sombre façade de
derrière laquelle cent secrets magiques [...]
se lamentaient comme des voix (Hémon).
‖ 3. Fam. Visage. ‖ Refaire sa façade, en
parlant d’une femme, se farder. ‖ Pop.

Démolir la façade à quelqu’un, le frap-


per violemment au visage. ‖ 4. Fig. Ce
qui est visible dans le comportement de
quelqu’un ; apparence souvent trompeuse :
Seulement, dans ma position, un homme
doit avoir une bonne table, tenir un certain
train de maison, enfin surveiller la façade
(Duhamel). L’hypocrisie offre parfois une
façade de vertu. ‖ De façade, qui n’est pas
réel, mais simulé : Une modestie de façade.
• SYN. : 1 devant ; 3 face, figure ; 4 air,
dehors, extérieur. — CONTR. : 1 arrière,
derrière, dos ; intérieur.

face [fas] n. f. (bas lat. facia, portrait,


lat. class. facies, forme extérieure, aspect
général, air, figure, physionomie, genre,
espèce, spectacle ; v. 1120, Psautier de
Cambridge, au sens II, 3 ; sens I, 1, v. 1131,
Couronnement de Louis [la face de Dieu,
v. 1120, Psautier d’Oxford] ; sens I, 2, 1622,
Caquets de l’accouchée [homme à double
face, 1838, Acad. ; perdre, sauver la face,
début du XIXe s. ; face de, 1611, Cotgrave] ;
sens I, 3, 1835, Acad. [« tempes » ; « che-
veux », 1811, Mozin] ; sens I, 4, 1752,
Trévoux ; sens I, 5, XIVe s., Moamin ; sens II,
1 et III, 5, fin du XIIe s., Dialogues de saint
Grégoire ; sens II, 2, 1552, Rabelais ; sens
II, 4, 1823, Boiste [jouer à pile ou face,
1836, Acad. ; au fig., 1834, Musset] ; sens
II, 5, 1827, G. Esnault ; sens III, 1-2, v. 1361,
Oresme ; sens III, 3, 1691, Ozanam ; sens III,
4, 1890, Dict. général).

I. PARTIE ANTÉRIEURE DE LA TÊTE.


1. Partie antérieure de la tête de l’homme,
siège des yeux, de la bouche et du nez :
Tournant vers le moine sa maigre face
où s’attachaient fortement un nez en bec
d’aigle et des mâchoires menaçantes...
(France). C’est une face fine et longue, et
la barbe entoure le menton d’une triple
touffe (Claudel). Il s’en revint en surna-
geant | Sur la rive dormir inerte | Face
tournée au ciel changeant (Apollinaire).
Les nombreux muscles de la face sont
commandés par un seul nerf moteur : le
facial. ‖ Spécialem. La Face (avec une
majusc.), le visage de Jésus : Dans une
église à Sienne, dans un caveau | J’ai vu
la même Face, au mur, sous un rideau
(Cendrars). ‖ La Sainte Face, selon la
légende de sainte Véronique, empreinte
des traits du Christ sur le linge qui aurait
essuyé son visage lors de sa montée au
Calvaire : Chaque grain de blé montre à
sa base, à son pédoncule, la Sainte Face,
comme si le Christ avait marqué de son
sigle la plante du sacrifice (La Varende).
‖ Se voiler la face, se couvrir le visage
en signe de deuil ou de honte ; au fig.,
manifester de la honte, de l’indignation,
de l’horreur (souvent ironiq.) : Il envoie
les administrés au diable, et la Muse des
comices agricoles n’a plus qu’à se voiler la
face (Daudet). ‖ Détourner la face, tour-
ner la face d’un autre côté par gêne ou par
honte ; au fig., manifester sa gêne ou sa
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1806

honte. ‖ Allonger la face, montrer une


vive déception. ‖ Fig. Jeter quelque chose
à la face de quelqu’un, le lui dire sans
ménagement, lui en faire le reproche :
M. de Chateaubriand jetait pour premier
mot le nom de régicide à la face de ses ad-
versaires (Sainte-Beuve). ‖ Fig. La face de
Dieu, sa présence spirituelle (expression
de l’Écriture) : Il rejette les orgueilleux de
devant sa face (Bossuet) ; et par extens. :
Elle regardera la face de la Mort | Ainsi
qu’un nouveau-né, sans haine et sans re-
mords (Baudelaire). ‖ 2. Le visage en tant
qu’il exprime les sentiments et l’indivi-
dualité de chacun : Il a une face de faux
témoin. ‖ Homme à double face, à plu-
sieurs faces, homme qui cache ses senti-
ments vrais, ou homme changeant, versa-
tile : C’était un de ces hommes politiques
à plusieurs faces (Maupassant). ‖ Sauver
la face, conserver les apparences de sa
dignité, de son prestige, après un échec :
Je ne réponds pas que tout l’état-major
puisse tirer son épingle du jeu, mais c’est
déjà bien beau si une partie tout au moins
peut sauver la face sans mettre le feu aux
poudres (Proust). ‖ Perdre la face, perdre
tout prestige, tout crédit. ‖ Pop. Face de
(suivi d’un nom), expression injurieuse
à l’adresse de quelqu’un : face de carême,
personne livide et grotesque ; face de rat,
injure qui marque le dégoût. ‖ 3. Vx.
Chacune des tempes et les cheveux qui la
recouvrent : Il frisait ceux [les cheveux]
du dessus de la tête, retroussait les faces
d’un air coquet (Balzac). ‖ 4. Hauteur
de la face, qui, dans une peinture ou une
sculpture, sert d’unité pour établir les
proportions du reste du corps : On divise
ordinairement la hauteur du corps en dix
parties égales, que l’on appelle « faces » en
termes d’art, parce que la face de l’homme
a été le premier modèle de ces mesures
(Buffon). ‖ 5. Partie antérieure de la tête
de certains animaux : La face du singe, du
lion. La face camarde d’un bouledogue.

II. PARTIE ANTÉRIEURE D’UNE CHOSE.


1. Côté principal d’un objet ou d’une
chose, et qui, ordinairement, se présente
en premier aux regards. ‖ Face d’un
baliveau, côté sur lequel on applique
l’empreinte du marteau. ‖ Étoffe à double
face, v. DOUBLE-FACE n. f. ‖ 2. Class. et
littér. Façade d’un édifice : La face du
théâtre, ainsi que les deux retours, est
un grand ordre corinthien (Molière). En
poursuivant notre route, nous rencon-
trons à gauche une maison à face archi-
tecturale, sculptée et brodée d’arabesques
(Nerval). ‖ Spécialem. Face d’un ou-
vrage, élément du tracé d’un ouvrage de
fortification dont la direction générale
est parallèle à celle du front. ‖ 3. Class.
et littér. Surface d’une chose : Répandus
sur la terre, ils [les Juifs] en couvraient la
face (Racine). Tous ces jours passeront ; ils
passeront en foule | Sur la face des mers,
sur la face des monts (Hugo). Les traînées

d’huile qui moiraient sa face glauque [de


la mer] révèlent seules les courants per-
fides (France). La tempête [...] tournait
vers les astres une face de cristal et de
neige (Saint-Exupéry). ‖ 4. Côté d’une
monnaie qui porte l’effigie du souverain
ou l’image personnifiant l’autorité au
nom de laquelle la pièce est émise. (Syn.
DROIT, AVERS.) ‖ Jouer à pile ou face, jouer
à deviner quel côté présentera, en retom-
bant, une pièce de monnaie que l’on jette
en l’air ; au fig., s’en remettre au hasard
pour décider de ce qu’on fera : Vous ne
penserez pas [...] qu’il vous soit permis de
subordonner votre probité à des hasards,
d’être honnête à pile ou face (Lemaitre).
Face, je vends, à n’importe quel prix ! Pile,
je garde ! (Gide). ‖ 5. Arg. et vx. Pièce de
monnaie : Je ne donnerais pas une face de
ta sorbonne [de ta tête] si l’on tenait l’ar-
gent (Balzac).

III. CHACUN DES CÔTÉS D’UNE CHOSE.


1. Chacun des polygones plans qui li-
mitent un polyèdre ou un corps solide :
Les faces d’une pyramide. Un cube a six
faces. ‖ Chacun des deux demi-plans qui
forment un dièdre. ‖ 2. Un des côtés d’un
objet, d’un bâtiment, etc. (parfois précisé
par un adjectif) : Les faces latérales d’une
construction. Examiner un minéral sous
toutes ses faces. Ce talus rejoignait le sol
par des plans inclinés d’accès facile ; mais
sur sa face centrale l’escarpement était
abrupt (Martin du Gard). ‖ Faces d’un
bastion, ses parties saillantes. ‖ 3. Cha-
cun des côtés d’un bataillon formé en
carré. ‖ 4. En anatomie, partie d’un
organe ou d’un membre considérée à un
point de vue donné : La face supérieure
de l’estomac. Par une plaie imperceptible
qui se trouvait sur la face interne quelques
centimètres au-dessus du genou, un jet de
sang gicle (Martin du Gard). ‖ 5. Class.
et littér. Aspect sous lequel se présente
une chose ; genre, tournure : Ma fortune
va prendre une face nouvelle (Racine). La
plaine, tout au loin couverte de travaux,
| Change de face à chaque instant, gaie
et sévère (Verlaine). Il l’autorisa à pour-
suivre cette face de l’affaire complètement
et activement (Barrès). Étudier une ques-
tion sous toutes ses faces.

• SYN. : I, 1 figure, frimousse (fam.), minois,


visage ; 5 hure, groin, mufle, museau.
‖ II, 1 endroit. — CONTR. : II, 1 envers ;
4 pile, revers.

& Faire face [à] loc. verbale (sens 1-2, 1671,


Pomey ; sens 3, 1657, Scarron ; sens 4, 1762,
Acad.) 1. En parlant d’une chose, notam-
ment d’un bâtiment, avoir sa face princi-
pale tournée dans une direction donnée :
Deux corps de bâtiments faisaient face à
l’étang (Balzac). Sur la colline de Florence,
celle qui fait face à Fiesole (Gide). ‖ 2. En
parlant d’une personne, présenter la par-
tie antérieure du corps vers quelqu’un ou
vers quelque chose : Quand on vous adresse

la parole, vous devez, par politesse, faire


face à votre interlocuteur. Barthélemy
faisait face à la paroi du fond (Ramuz).
‖ 3. Faire front, résister énergiquement
à une attaque : Faisant à lui seul face à un
bataillon (Hugo). Geneviève [...] se releva
d’un bond et fit face : les sangliers arrivaient
en trombe sur elle (Bosco). ‖ 4. Fig. Être en
mesure d’assumer ses responsabilités, de
surmonter une difficulté : Faire face à une
échéance. Gavroche, habitué à faire face de
toutes parts à l’imprévu, avait toujours tout
sur lui (Hugo). Il faut regarder l’ennemi en
face, faire face, comme il disait (Bernanos).
La mairie devait faire face, avec un person-
nel diminué, à des obligations écrasantes
(Camus).

& De face loc. adv.et adj. (sens 1, 1763,


d’Alembert ; sens 2, 1877, Littré). 1. En
présentant la face ou la partie antérieure
directement aux regards : Poser ! Toujours
poser ! de face pour ce parti, de profil pour
celui-là (Vigny). C’est lui qui [...], de face
ou de profil, | Comme un polichinel me
traîne au bout du fil (Musset). De face, on
est séduit par son sourire enfantin (Gide).
Un portrait de face. Un cliché pris de face.
‖ 2. En abordant quelqu’un ou quelque
chose par sa face ou sa partie antérieure :
Attaquer l’ennemi de face. Le tir de face
[...], habituel à Guynemer, est difficile
(Bordeaux).

& En face loc. adv.et adj. (XIIIe s., Roman


de Renart, au sens de « au visage » ; sens 1,
1534, Rabelais ; sens 2, 1666, Molière ; sens
3, 1869, Flaubert). 1. Par-devant, à l’oppo-
site : Venez donc ici un peu, que je vous voie
en face (Vigny). Le croissant posé au fond
du ciel, juste en face (Hugo). ‖ Regarder
quelqu’un en face, le regarder droit dans les
yeux, hardiment : Eugénie [...] se retourna
brusquement, regarda son père en face et
lui dit... (Balzac). ‖ Fig. Regarder quelque
chose en face, le considérer, l’envisager
sans détour et sans crainte : Regarder la
mort, le danger en face. Ô seul peuple [...]
qui regardes en face la fortune et l’épreuve
| Et le péché même (Péguy). Je ne crierai
pas, je ne gémirai pas, mais je veux regar-
der la situation en face (Sartre). ‖ 2. En
présence de la personne à laquelle on
s’adresse : Quoi ! vous osez me soutenir en
face | Que... (Molière). ‖ 3. Désigne le lieu
situé de l’autre côté d’une rue, à la même
hauteur : Des petits fours qu’elle venait de
prendre chez le pâtissier d’en face (Proust).
& En face de loc. prép. (sens 1-2, fin du
XVe s., Molinet). 1. Vis-à-vis de, devant : Il
aperçut, précisément en face de lui, d’abord
un canon de fusil (Mérimée). Sur les quais
de Paris, en face du Louvre et des Tuileries
(France). Depuis combien de temps ne
s’étaient-ils pas attablés là, l’un en face
de l’autre ? (Martin du Gard). ‖ 2. Fig. En
présence de : Le sentiment qu’il éprouvait
en face d’eux avait le ton de l’inquiétude,
de la crainte : ce n’était pas pour lui-même
qu’il craignait, c’était pour eux (Romains).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1807

‖ À l’égard de : Je trouvais quelque chose de


choquant dans cette attitude de Swann en
face des choses (Proust). Montrer du courage
en face de la mort.

& Face à loc. prép. (sens 1, 1913, R. Martin


du Gard ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. La
face tournée vers : Je fume, étalé face au
ciel (Laforgue). ‖ Par extens. Devant :
Face à la montagne s’élevait une muraille
de rocs superposés (Troyat). ‖ 2. Fig. En
présence de : Face à de telles difficultés, il
a dû renoncer.

& Face à face loc. adv. (sens 1, v. 1170,


Floire et Blancheflor ; sens 2, fin du XVe s.,
Molinet). 1. Vis-à-vis l’un de l’autre, en par-
lant de deux personnes : Les mains dans
les mains restons face à face (Apollinaire).
‖ Face à face avec, en présence de quelqu’un,
confronté avec quelque chose : Comme si elle
se trouvait face à face avec un autre fantôme
(Claudel). Nous voilà face à face avec la vérité
(Lamartine). Il n’ose plus rouvrir les yeux,
tant il a peur de se trouver face à face avec
l’absolu (Frison-Roche). ‖ 2. Fig. En posture
de défi réciproque, sans que rien s’inter-
pose : Après la mort de Crassus, Pompée et
César restèrent face à face. ‖ Substantiv.Un
face-à-face, v. à l’ordre alphab.

& À la face de loc. prép. (sens 1, v. 1400,


Gerson ; sens 2, fin du XVIIe s., Saint-Simon).
1. Class. et littér. En présence de, devant les
yeux de (sans idée d’ostentation, d’impu-
dence ou de défi) : Ayant donné à des filles
le saint habit à la face de l’Église (Racine).
Je l’épouserai à la face de Dieu (Claudel).
‖ 2. Au vu et au su de, sans se cacher de :
« Vous avez donc pratiqué [la médecine] sans
titres et clandestinement ? — À la face du
monde, au contraire » (Romains).

• REM. On trouve quelquefois en face


pour en face de : En face le pont de la
Tournelle (Flaubert).

face-à-face [fasafas] n. m. invar.


(milieu du XXe s., au sens 1 ; sens 2, 1965).
1. Situation de deux personnes qui sont
l’une en face de l’autre, de deux êtres
qui sont en présence l’un de l’autre : Le
face-à-face d’OEdipe et du Sphinx. Tous
les Patriarches ont entretenu avec Dieu
cette sorte de familiarité sublime [...],
dans un face-à-face sans cesse renouvelé
(Daniel-Rops). ‖ 2. Entretien, débat télé-
visé au cours duquel deux personnalités
confrontent leurs vues sur un sujet donné.

face-à-main [fasamɛ̃] n. m. (de face, à et


main ; 1888, Larousse). Binocle à manche,
que l’on tient à la main : La comtesse avait
horreur des effusions ; elle réfugia sa bien-
séance derrière un face-à-main (Gide). Elle
portait un face-à-main et se donnait l’air de
regarder les visiteurs à la loupe (Duhamel).
Brigitte Pian se servait, pour lire, d’un face-
à-main (Mauriac).

• Pl. des FACES-À-MAIN.

facer [fase] v. tr. (de face ; 1562, M. Scève,


au sens de « former, augmenter les faces

[d’un polyèdre] » ; sens I, 1684, La Fontaine


[hapax] ; sens II, 1718, Acad.).

I. Class. Faire face à, regarder vers : Allez


au cabinet qui face l’avenue (La Fontaine).

II. Vx. Au jeu de bassette, retourner une


carte semblable à celle sur laquelle un
joueur a misé.

• REM. Le mot ne figure pas dans le dic-


tionnaire de l’Académie (1694).

facétie [fasesi] n. f. (lat. facetia, plaisante-


rie, de facetus, élégant, plaisant, spirituel ; v.
1490, G. Tardif, écrit facécie ; facétie, 1580,
Montaigne). Plaisanterie un peu grosse,
acte ou propos de caractère bouffon ou
burlesque : La trompette de Galinette [...]
qui appelait les badauds à ses facéties
(Nerval). L’idée ne leur fût pas venue qu’un
commerçant pouvait se livrer à des facéties
dans l’exercice de son négoce (Aymé).

• SYN. : blague (fam.), bouffonnerie, canular


(arg. scol.), espièglerie, farce, niche (fam.),
tour.

facétieusement [fasesjøzmɑ̃] adv. (de


facétieux ; v. 1490, G. Tardif, écrit facécieu-
sement ; facétieusement, v. 1570, Carloix).
De façon facétieuse.

facétieux, euse [fasesjø, -øz] adj. (de


facétie ; v. 1490, G. Tardif, écrit facécieux ;
facétieux, début du XVIe s.). Qui tient de la
facétie : Un trait facétieux, | Une histoire à
plaisir (Molière). Des anecdotes facétieuses.
& adj. et n. (fin du XVIe s., G. Bouchet).
Qui aime à dire ou à faire des facéties :
Une longue table assez grasse pour qu’un
facétieux externe y écrive son nom en se
servant de son doigt (Balzac). Ces cousins
facétieux dont le jeu est de tirer la nappe
sans renverser les compotiers et les verres
(Giraudoux). On eût dit qu’un urbaniste
facétieux s’était amusé à dessiner ce schéma
de ville au milieu de la brousse (Dorgelès).
‖ Par extens. Qui est porté à la facétie : Les
gens de Nohant [...] sont d’une humeur facé-
tieuse sous un air de gravité (Sand). Un ton
facétieux.

• SYN. : blagueur, espiègle, farceur, plaisan-


tin, rigolo (fam.).

facette [fasɛt] n. f. (de face ; XIIe s., Athis,


au sens de « petit visage » [inusité depuis le
XIVe s.] ; sens 1, v. 1653, Cyrano [pour un
polyèdre ; pour un diamant, 1671, Pomey ;
oeil à facettes, 1845, Bescherelle ; style à
facettes, 1865, Littré] ; sens 2, 1680, Mme de
Sévigné [être à facettes, homme à facettes,
1689 et 1676, Mme de Sévigné]). 1. Petite sur-
face plane : Son nez, un peu retroussé du
bout, se terminait par une facette nettement
coupée (Gautier). ‖ Chacune des petites
faces planes qui constituent la surface d’un
objet et qui sont séparées les unes des autres
par des arêtes vives : Les cristaux à facettes,
couverts d’une buée mate, se renvoyaient des
rayons pâles (Flaubert). La grosse lanterne
à facettes qui flambe au soleil (Daudet).
‖ Spécialem. Petite face plane obtenue par

la taille d’une gemme : Les facettes d’un


diamant. ‖ OEil à facettes, oeil composé
des arthropodes, dont la surface est for-
mée d’éléments polygonaux. ‖ Fig. Style à
facettes, style semé de traits brillants : Lui,
pourtant, continuait, la pressait, tâchait de
l’éblouir de ses mots à facettes, affectant de
traiter la chose moins en affaire de coeur
qu’en alliance d’intérêts, en association
cérébrale (Daudet). ‖ 2. Class. et littér.
Chacun des aspects que présente une chose
quand on la considère de points de vue dif-
férents : Vous vous dites que tous les biens
apparents des autres sont mauvais ; vous les
regardez par la facette la plus désagréable
(Sévigné). La piété peu raisonneuse de ce
temps-là ne voyait pas tant de facettes à
un acte de religion (Hugo). ‖ Class. Être
à facettes, présenter des aspects divers :
Telle est la misère des hommes ; tout est
à facettes, tout est vrai, c’est le monde
(Sévigné). ‖ Homme à facettes, homme
qui a des comportements différents selon
les moments et les personnes.

facetter [fasɛte] v. tr. (de facette ; 1454,


Dict. général, au part. passé ; à l’infin.,
1721, Trévoux). Tailler à facettes une pierre
précieuse.

fâche [fɑʃ] n. f. (déverbal de fâcher ; v.


1500, Auton, au sens de « contrariété » ;
sens actuel, av. 1922, Proust). Fam. État
de mésintelligence durable (rare) : Mais,
justement, à ce moment-là, il y a eu de la
fâche dans la famille, à ce que m’a dit mon
père, et vous n’avez jamais revu votre oncle
(Proust).

fâcher [fɑʃe] v. tr. (mot régional de


l’Ouest, du lat. pop. *fasticare, issu, par
changement de suff., de *fastidiare,
réfection du lat. class. fastidire, avoir du
dégoût, de la répugnance, de l’aversion,
dér. de fastidium, dégoût, répugnance, de
fastus, orgueil, morgue ; milieu du XVe s.,
au sens de « dégoûter » ; sens 1 et 2, 1539,
R.Estienne ; sens 3, 1678, La Fontaine ; sens
4, 1656, Molière). 1. Class. Causer une dou-
leur profonde : Pour moi, ie l’avouerai, sa
trahison me fâche (Corneille). Ton trépas
fâcherait tes amis (Molière). ‖ 2. Causer de
la colère à quelqu’un : Mieux vaut mutiler
Dieu que fâcher son curé (Hugo). ‖ Fam.
Soit dit sans vous fâcher, que ce que je vais
dire ne vous mette pas en colère. ‖ Être
fâché contre quelqu’un, être en colère contre
lui : Elle n’était pas fâchée contre moi parce
qu’elle savait bien que c’était pour l’épouser
que je voulais partir (Vigny). ‖ 3. Causer
une simple contrariété à quelqu’un : Gérard
se leva. Il craignait de fâcher la jeune fille
(Cocteau). ‖ Être fâché de, que, s’excuser
en regrettant de, que : Je suis fâché de ce
retard. Je suis fâchée de n’avoir pu me rendre
au rendez-vous que vous m’avez demandé
(Musset). Nous nous assîmes [...], par-
tageant un petit pain à lui et un à moi :
mauvais souper.« Je suis fâché que nous
n’ayons que ça », dit-il (Vigny). ‖ Ironiq.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1808

Ne pas être fâché de ou que, se réjouir dis-


crètement de quelque chose : Je n’étais pas
fâché de lui faire constater son erreur. Je ne
suis pas fâché qu’il y ait dans la lune des
grenouilles ailées (France). ‖ 4. Être fâché
avec quelqu’un, être en mauvais termes
avec lui : Ils étaient fâchés avec leurs voisins
(Maupassant). J’ai peur que nous ne soyons
fâchés avec Legrandin (Proust). ‖ Ils sont
fâchés, ils sont brouillés. ‖ Fig. et fam. Être
fâché avec quelque chose, ne pas en user,
agir comme si on l’ignorait : Un enfant
qui est fâché avec le savon. Être fâché avec
l’orthographe.

• SYN. : 2 courroucer (littér.), exaspérer,


indigner, irriter, révolter ; 3 chiffonner
(fam.), contrarier, déplaire, indisposer,
mécontenter ; désoler, navrer.

& v. impers. (v. 1534, Bonaventure Des


Périers). Class. et littér. Il fâche à quelqu’un
de (et l’infinitif), que (et le subjonctif ou
l’indicatif), il est pénible à cette personne
de ou que : Il leur fâche d’avoir admiré
sérieusement des ouvrages que mes satires
exposent à la risée de tout le monde
(Boileau). Il te fâche en ces lieux d’abandon-
ner ta proie (Racine). Il me fâche qu’on parle
correctement dans le particulier (France).
[Auj., on dit : cela me fâche, le fâche de.]
& se fâcher v. pr. (sens 1-2, 1580,
Montaigne ; sens 3, 1865, Littré). 1. Class.
Éprouver de la douleur : Ne vous fâchez
point tant, ma très chère Madame, | Mon
mal vous touche trop (Molière). ‖ 2. Se
mettre en colère : Je plaisante, ne te fâche
donc pas ! (Becque). Ne te fâche pas, Jérôme ;
moi, je te parle sans malice (Gide). ‖ Se
fâcher de quelque chose, se mettre en colère
à cause de : Fabrice, quoique fort suscep-
tible, ne songea point à se fâcher de l’injure
(Stendhal). ‖ Se fâcher contre quelqu’un,
se mettre en colère contre lui. ‖ Fam. Se
fâcher tout rouge, entrer dans une grande
colère. ‖ 3. Se fâcher avec quelqu’un, cesser
toute relation affectueuse ou amicale avec
quelqu’un : Il s’est fâché avec sa famille. ‖ Ils
se sont fâchés, ils ont rompu toute relation.
• SYN. : 2 s’emporter, se froisser, se hérisser,
s’irriter ; 3 se brouiller, rompre.

fâcherie [fɑʃri] n. f. (de fâcher ; XVe s., au


sens 1 ; sens 2, fin du XVIIIe s. ; sens 3, 1539,
R. Estienne). 1. Class. et dialect. Tristesse,
déplaisir causés par une forte contra-
riété : La fâcherie que nous donne quelque
perte de nos biens (Bossuet). De fâcherie
ou autrement, le menuisier mourut, et ses
années de mariage durent lui être comp-
tées là-haut sur son temps de purgatoire
(Pourrat). ‖ 2. État de mésentente, parfois
sans gravité, entre deux ou plusieurs per-
sonnes : Quand on se prête de l’argent entre
personnes de la même famille, ça finit tou-
jours par des fâcheries (Duhamel). ‖ 3. Vx.
Manifestation de déplaisir : Je ne sermonne
pas, dit Mme d’Artelles sans fâcherie (Barbey
d’Aurevilly).

• SYN. : 2 brouille, désaccord, discorde, dis-


sentiment, froid (fam.).

fâcheusement [fɑʃøzmɑ̃] adv. (de


fâcheux ; 1580, Montaigne). D’une manière
fâcheuse, désagréable : Être fâcheusement
impressionné par un discours.

fâcheux, euse [fɑʃø, -øz] adj. (de


fâcher ; XVe s., au sens 1 ; sens 2, v. 1530,
C. Marot ; sens 3 et 5, 1538, R. Estienne ;
sens 4, début du XXe s.). 1. Class. Se dit
de ce qui présente des difficultés : Mais
ces secrets pour vous sont fâcheux à com-
prendre (Corneille). L’abord de cette ville
est fâcheux (La Fontaine). ‖ 2. Class. Se dit
d’une personne difficile à contenter : Ces
gens, avant l’hymen si fâcheux et critiques,
| Dégénèrent souvent en maris pacifiques
(Molière). ‖ Difficile à supporter : Ces
nobles de province sont un peu fâcheux
(Corneille). Que tous ces jeunes fous me
paraissent fâcheux ! (Molière). Après ces
bienheureux jours, Rome eut des maîtres
fâcheux (Bossuet). ‖ 3. Class. Se dit de ce
qui est une source de malheurs : Il vint
une année très fâcheuse, et la famine fut
grande (Perrault). ‖ 4. Se dit de ce qui a un
effet regrettable : Une initiative fâcheuse.
Conduit par son destin, M. Cougourdan
eut l’idée fâcheuse de s’arrêter devant la
boutique du perruquier Fra (Arène). ‖ 5. Se
dit de ce qui provoque quelque contrariété :
C’est fâcheux que nous ne puissions pas
nous entendre (Gide).

• SYN. : 4 déplorable, funeste, inopportun,


malencontreux, malheureux, regrettable ;
5 contrariant, déplaisant, embêtant (fam.),
ennuyeux, regrettable. — CONTR. : 4 bon,
favorable, opportun, propice ; 5 agréable,
heureux.

& n. (1538, R. Estienne). Class. et littér.


Personne qui est importune : Sous quel
astre, bon Dieu, faut-il que je sois né, | Pour
être de fâcheux toujours assassiné (Molière).
La raison [...] | D’un remords importun vient
brider nos désirs : | La fâcheuse a pour nous
des rigueurs sans pareilles (Boileau). Quel
plaisir de demeurer toute une soirée seul
entre quatre murs, sans qu’aucun fâcheux
nous y puisse rejoindre (Barrès). Ah ! si
seulement les fâcheux me laissaient tran-
quille ! (Gide).

facial, e, aux [fasjal, -o] adj. (dér.


savant du lat. facies, face [v. FACE] ; 1545,
J. Bouchet, au sens de « d’apparence, de
face » [mot très rare du milieu du XVIe s. au
début du XIXe s.] ; sens 1, 1811, Mozin [angle
facial, 1823, Boiste] ; sens 2, 1948, Larousse ;
sens 3, 1865, Littré). 1. Qui concerne la
face : Nerf facial. Paralysie faciale. Un
monde avec des cancers, des coliques néph-
rétiques, des névralgies faciales, des otites
(Rosny aîné). ‖ Angle facial, angle dont
le sommet se trouve à la pointe des inci-
sives supérieures et dont les côtés passent
l’un par le point le plus saillant du front,
l’autre par le conduit auditif : Ayant mesuré

le sommet de son angle facial... (Balzac).


‖ 2. Valeur faciale, valeur conventionnelle
inscrite sur un timbre-poste ou sur une
pièce de monnaie. ‖ 3. Vision faciale, en
théologie, vision béatifique.

faciende [fasjɛ̃d] n. f. (de l’ital. fac-


[c]enda, besogne, d’après le lat. facienda,
choses devant être faites, neutre plur.
substan tivé de faciendus, adj. verbal de
facere, faire [le mot ital. était lui-même
issu du lat. facienda] ; 1552, Rabelais, au
sens de « affaire, occupation » ; sens class.,
1665, La Fontaine). Class. Cabale, intrigue :
Ligurio, qui de la faciende | Et du complot
avait toujours été (La Fontaine).

faciès [fasjɛs] n. m. (lat. facies, face,


physionomie [v. FACE] ; 1758, Duhamel
du Monceau, au sens 5 ; sens 1, av. 1850,
Balzac ; sens 2, 1836, Acad. ; sens 3, 1872,
Larousse ; sens 4, milieu du XXe s.). 1. Forme
ou expression du visage humain : Un faciès
romain, au regard bleu, paisible (Van der
Meersch). Un mannequin représentant un
monsieur d’âge moyen, au faciès énergique
(Romains). ‖ 2. Aspect caractéristique du
visage humain, permettant d’identifier
une maladie avant tout autre examen :
Je trouve mon homme couché et hurlant.
Faciès cadavérique, vomissements sterco-
raires (France). ‖ 3. Aspect en général,
apparence extérieure : Stenterello [...] est
le gros bon sens, et l’opinion publique de la
foire, sous le faciès d’un rustre indépendant
(Goncourt). ‖ 4. Ensemble des caractères
d’une roche, considérés du point de vue
de leur genèse. ‖ 5. Aspect général, port
d’une plante.

• SYN. : 1 face, figure, physionomie, visage ;


3 air, allure, apparence, physique, tournure.
• REM. L’Académie écrit FACIES, sans
accent.

facile [fasil] adj. (lat. facilis, qui se fait


aisément, qui a de l’aisance, traitable, de
bonne composition, de facere, faire ; milieu
du XVe s., aux sens 1 et 3 ; sens 2, fin du
XIXe s. ; sens 4 et 8, av. 1613, M. Régnier ;
sens 5, 1675, Boileau ; sens 6-7, milieu du
XVIe s., Amyot). 1. Se dit d’un acte, d’une
opération que l’on fait sans peine physique,
intellectuelle ou morale : La vie humble,
aux travaux ennuyeux et faciles (Verlaine).
Des mouvements faciles sont ceux qui se pré-
parent les uns les autres (Bergson). Le géo-
mètre que j’invoquais tout à l’heure a donc
pu faire trois observations faciles (Valéry).
‖ Avoir le rire, la larme facile, rire, pleurer
facilement. ‖ Avoir le travail facile, travail-
ler avec aisance et rapidité. ‖ Par extens.
Avoir la plume facile, rédiger sans peine.
‖ Fam. Avoir la gâchette facile, être porté à
faire usage d’une arme à feu. ‖ Il est facile
de (suivi d’un infinitif), on n’a pas de peine
à : Il est si facile de donner un bonheur qui
ne coûte rien (Balzac). ‖ 2. Péjor. Se dit de
ce qui sent le négligé : Une plaisanterie
facile. Je sais qu’il y a le style facile, qu’il
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1809

faut perdre (Alain). ‖ 3. Se dit de ce que


l’on obtient sans peine : Me reprochant [...]
d’avoir, en de faciles amours, fait outrage
à sa mémoire (Nerval). Vous n’avez plus
connu la terre maternelle | Fomentant
sur son sein les faciles épis (Péguy). Que
penser d’un sang-froid si facile ? pré-
sence d’esprit, ou absence de sentiments ?
(Martin du Gard). ‖ 4. Qui se laisse saisir
sans peine par l’esprit : Je hais les choses
extraordinaires, c’est le besoin des esprits
faibles ; croyez-moi à la lettre : le génie est
facile, la divinité est facile... Je veux dire sim-
plement que je sais comment cela se conçoit :
c’est facile (Valéry). Un livre beau et naïf,
racontant une simple histoire, un livre qui
fût facile et qui fît plaisir (Brasillach). ‖ Par
extens. Un auteur facile, un auteur dont la
lecture n’offre pas d’obstacle. ‖ 5. Facile
à (suivi d’un infinitif), se dit d’une chose
ou d’une personne à laquelle on peut sans
peine faire subir l’action indiquée par l’in-
finitif : Un bois facile à enflammer. Une
explication facile à comprendre. Un homme
facile à duper. ‖ 6. Se dit de quelqu’un qui a
un caractère accommodant, qui est conci-
liant : Tout le monde sait parfaitement que
si ces gens-là travaillent dur, ils ne sont pas
faciles en affaires (Bernanos). ‖ Spécialem.
Qui se laisse volontiers guider : Un enfant
facile. ‖ Femme facile, femme qui accorde
ses faveurs sans résistance : La catégorie
des beautés faciles (Bertrand). ‖ Facile à
vivre, se dit de quelqu’un en compagnie
de qui on vit sans peine, qui est sociable,
d’humeur égale. ‖ 7. Class. et littér. Facile
à (suivi d’un nom), favorable, propice à :
Comte, de qui l’esprit pénètre l’univers,
| Soigneux de ma fortune et facile à mes
vers (M. Régnier). ‖ Facile à (suivi d’un
infinitif), porté, disposé, prêt à : Il se ren-
dra facile à conclure une paix (Corneille).
Frère, ta langue est jeune et facile à mentir
(Musset). ‖ 8. Vx. Qui produit sans peine :
Je n’ai point l’heureux don de ces esprits
faciles | Pour qui les douze soeurs, cares-
santes, dociles, | Ouvrent tous leurs trésors
(J.-B. Rousseau).

• SYN. : 1 aisé, enfantin ; 4 accessible,


clair, compréhensible, intelligible, lim-
pide, simple ; 5 commode, pratique ; 6
arrangeant, complaisant, coulant (fam.),
indulgent, tolérant, traitable. — CONTR. : 1
difficile, dur, pénible ; 4 complexe, confus,
hermétique, incompréhensible, obscur,
sibyllin ; 5 impossible, malaisé ; 6 chicanier,
coriace (fam.), exigeant, ferme, inflexible,
intraitable, intransigeant.

& n. m. (av. 1869, Sainte-Beuve). Ce qui se


fait sans aucun effort : La littérature rejoint
le domaine de l’éthique : Elle obtient ses
héros et ses martyrs de la résistance au facile
(Valéry).

facilement [fasilmɑ̃] adv. (de facile ; 1475,


Chroniques des chanoines de Neuchâtel).
Avec facilité, sans peine : Pendant deux ans,
je ne vins pas une seule fois à Paris, quoique

les permissions s’accordassent bien facile-


ment (Renan). On ne vient pas facilement à
bout de cette peur irraisonnée (Bernanos).
• SYN. : aisément, commodément, volon-
tiers. — CONTR. : difficilement, laborieuse-
ment, malaisément, péniblement.

facilitateur, trice [fasilitatoer, -tris] adj.


(dér. savant de faciliter ; XXe s.). En phy-
siologie, qui crée la facilitation : Activité
facilitatrice.

facilitation [fasilitasjɔ̃] n. f. (de facili-


ter ; 1877, Littré, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Action de faciliter : La facilitation d’une
démarche. ‖ 2. En physiologie, augmen-
tation brève de l’excitabilité au-dessus de
la normale.

facilité [fasilite] n. f. (lat. facilitas, facilité


à faire quelque chose, aptitude heureuse,
facilité de parole, affabilité, complaisance,
de facilis [v. FACILE] ; fin du XVe s., au sens
1 ; sens 2, 1872, Larousse ; sens 3 et 5, 1580,
Montaigne ; sens 4 et 7, fin du XIXe s. ;
sens 6, 1672, Molière ; sens 8-9, milieu du
XVIe s., Amyot). 1. Qualité de ce qui se fait,
de ce qui se comprend sans peine, de ce
qui n’offre pas d’obstacle : Voilà un travail
qui sera d’une grande facilité. La facilité
d’une version anglaise. Les lieux que nous
avons connus n’appartiennent pas qu’au
monde de l’espace où nous les situons pour
plus de facilité (Proust). ‖ 2. Qualité de
ce qui ne sent pas l’effort physique : La
perception d’une certaine aisance, d’une
certaine facilité dans les mouvements
extérieurs (Bergson). ‖ 3. Aisance dans
la conception ou l’expression : Il y a cer-
tainement du génie, beaucoup de talent et
de la facilité (Musset). Prenons garde que
la nonchalance, ici [chez La Fontaine], est
savante ; la mollesse, étudiée ; la facilité, le
comble de l’art (Valéry). Il racontait avec
un charme et une facilité vraiment déli-
cieux (Maurois). ‖ Spécialem. Aptitude à
fournir sans beaucoup d’effort un travail
intellectuel : Travailler avec facilité. Cet
enfant a de la facilité. ‖ 4. Péjor. Absence
d’effort dans le travail artistique, apparais-
sant préjudiciable à la qualité de l’oeuvre :
Bientôt les efforts divers de Sainte-Beuve, de
Flaubert, de Leconte de Lisle s’opposeront à
la facilité passionnée, à l’inconsistance de
style, aux débordements de niaiseries et de
bizarreries (Valéry). ‖ 5. Qualité d’une per-
sonne qui, dans ses relations avec autrui,
n’élève pas d’obstacles désagréables : Il est
d’une grande facilité en affaires. ‖ 6. Class.
et littér. Faiblesse devant les sollicitations,
manque de fermeté dans le caractère : De
ma douceur elle a trop profité [...], trop joui
de ma facilité (Molière). C’est votre facilité
qui est cause de ce désordre (Acad., 1694).
Je lui parlais de mille spectacles dont tout
homme de sens devait être blessé [...], de
la facilité des consciences (Fromentin).
‖ Spécialem. et vx. Tendance d’une femme
à accorder ses faveurs sans résistance :

La hardiesse de Mme de Montbazon éga-


lait la facilité de sa vie (Chateaubriand).
‖ 7. Absol. et péjor. Condition de vie qui ne
demande pas d’efforts : Elle [la République]
n’est pas la justice, mais elle est la facilité
(France). Notre élite s’est précipitée dans la
facilité (Alain). ‖ 8. Facilité de (suivi d’un
infinitif), possibilité de faire une chose
sans peine : Il a la facilité de s’instruire.
‖ 9. Facilité à (suivi d’un infinitif), de, pour
(suivi d’un infinitif ou d’un nom), aptitude
naturelle pour un genre d’activité particu-
lière : Les gens du monde appartiennent
à une race particulière, remarquable [...]
surtout par son ignorance universelle et
par une admirable facilité à parler de tout
avec un air d’esprit (Maupassant). J’avais
une grande facilité de parole (Mauriac). Un
enfant qui a beaucoup de facilité pour les
mathématiques.

• SYN. : 1 commodité, simplicité ; 2 aisance,


souplesse ; 3 naturel, spontanéité ; capaci-
tés, étoffe, moyens ; 5 affabilité, aménité,
complaisance, condescendance, indulgence,
souplesse, tolérance ; 8 faculté, latitude ;
9 disposition, don, inclination, penchant,
propension, tendance.

& facilités n. f. pl. (1656, Pascal). Occasions


où il est possible de faire une chose sans
peine : Donner à un prisonnier des facilités
d’évasion. Les écrits de Mallarmé offraient
de grandes facilités aux rieurs et aux rail-
leurs de tous degrés (Valéry). ‖ Facilités de
paiement, ou simplem. facilités, conven-
tions par lesquelles un débiteur peut se
libérer en plusieurs paiements échelonnés.
• SYN. : latitude, liberté, possibilité. —
CONTR. : empêchement, entrave, gêne, obs-
tacle, opposition.

faciliter [fasilite] v. tr. (ital. facilitare,


de facilità, facilité, lat. facilitas [v. FACI-
LITÉ] ; XVe s., aux sens 1-2). 1. Rendre plus
facile : Ma présence à moi pourrait faciliter
les choses (Gide). Des notes qui facilitent
l’interprétation d’un texte. ‖ 2. Faire dis-
paraître des empêchements, des inconvé-
nients attachés à quelque chose : « Que vous
partiez ou non, ce n’est plus la question,
Hélène. — Dites cela à Hector, vous facili-
terez sa journée » (Giraudoux).

• SYN. : 1 aplanir, arranger, éclairer, sim-


plifier. — CONTR. : 1 compliquer, entraver,
gêner.

façon [fasɔ̃] n. f. (lat. factionem, accus. de


factio, pouvoir ou droit de faire, manière de
faire, conduite, de factum, supin de facere,
faire ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au
sens II, 1 ; sens I, 1, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné ; sens I, 2, 1606, Nicot [en agriculture] ;
sens I, 3, 1587, F. de La Noue ; sens I, 4,
1704, Trévoux [au plur.] ; sens II, 2, 1865,
Littré ; sens II, 3, v. 1639, Retz ; sens II, 4,
1668, Molière ; sens II, 5, 1872, Larousse ;
sens III, 1, XIIe s., Roncevaux ; sens III,
2, 1670, Molière [façon de parler !, 1798,
Acad.] ; sens III, 3, 1637, Descartes ; sens III,
4, 1668, La Fontaine ; sens IV, 1656, Pascal).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1810

I. 1. Travail de l’artisan ou de l’artiste


qui donne une forme à une matière : Un
bijou qui vaut plus par la façon que par
la qualité des pierres. ‖ À façon, se dit
d’un travail exécuté par un artisan sur
une matière qu’il n’a pas fournie : Donner
une robe à faire à façon ; se dit de l’artisan
qui travaille sur une matière qu’il n’a pas
fournie : Une couturière à façon. ‖ De ma
(ta, sa, etc.) façon, qui est le produit de
mon (ton, son, etc.) travail : Elle a servi au
dessert un gâteau de sa façon. Le maître
[...] s’approche | Quelquefois d’un certain
rosier de sa façon (Coppée). ‖ Il lui a joué
un tour de sa façon, il lui a servi un plat
de sa façon, il lui a joué un mauvais tour.
‖ 2. Toute opération effectuée sur un
produit pour le modifier afin de le rendre
utilisable ou consommable : Avant d’être
tissé, un fil de coton doit subir plusieurs
façons. ‖ Spécialem. Chacune des opéra-
tions dont l’ensemble constitue la culture
d’une terre : Cette année, il a fallu donner
une façon de plus à la vigne. ‖ 3. Forme
donnée à un objet par le travail de l’ou-
vrier, spécialement dans le domaine de la
mode : La façon de cette robe est démo-
dée. Une nouvelle façon de coiffure, plate
et tirée (Gide). ‖ 4. Forme générale de la
carène d’un navire. ‖ Les façons, courbes
données à l’avant et à l’arrière de la
carène.

II. 1. Class. et littér. Aspect extérieur


d’une personne, son maintien : Je me
tournai vers mon janséniste, et je connus
bien, à sa façon, qu’il n’en croyait rien
(Pascal). Le poète eut bonne façon et plut
à ceux qui n’avaient aucune raison de lui
être hostiles (Balzac). Avec ses cheveux
en tresse, sa robe blanche [...], elle avait
une façon gentille (Flaubert). ‖ 2. Vx.
Aspect sous lequel se présentent cer-
taines choses : Ce rôti a bonne façon.
‖ 3. Class. et littér. Une façon de, une
sorte de, quelque chose ou quelqu’un qui
ressemble à : Il menait une façon de vie
plus éclatante que celle d’un citoyen qui
ne veut pas s’attirer de l’envie (Retz). Il y
avait dans le premier quart de ce siècle, à
Montfermeil, près Paris, une façon de gar-
gote qui n’existe plus aujourd’hui (Hugo).
‖ 4. Class. L’apparence, par opposition à
la réalité : Vos chevaux, Monsieur ? [...] ce
ne sont plus rien que des idées ou des fan-
tômes, des façons de chevaux (Molière).
Je ne suis qu’une façon de musicien (Re-
gnard). ‖ 5. En façon de, ou, par abrév.,
façon, avec l’apparence de, en imitation
de : Un meuble en façon d’ébène. Trois
peaux de chèvre, façon ours (Colette).

III. 1. Ensemble des modalités d’une ac-


tion : Il est arrivé à ce résultat d’une façon
inattendue. La façon dont Olivier s’y prit
fut tout à fait originale (Renan). Ainsi
Bergotte, s’il ne devait rien à personne
dans sa façon d’écrire, tenait sa façon de
parler d’un de ses vieux camarades, mer-

veilleux causeur dont il avait subi l’ascen-


dant (Proust). Ces façons de faire lui ont
été indiquées par l’herboriste (Romains).
‖ C’est une façon comme une autre, c’est
un procédé qui vaut les autres malgré les
apparences : C’est une façon comme une
autre de réussir en art (Camus). ‖ 2. Fa-
çon de parler, locution, tournure particu-
lière : Avoir des façons de parler provin-
ciales. ‖ Fam. Façon de parler !, cela ne
doit pas se prendre au pied de la lettre : Je
vous présente mon petit-fils. Façon de par-
ler ! Il est plus grand que moi. ‖ 3. Façon
de penser, façon de voir, jugement per-
sonnel sur une question. ‖ Spécialem.
Dire sa façon de penser à quelqu’un, lui
dire ce qu’on pense sans aucun ménage-
ment : Si les gens s’avisent de rire, je leur
montrerai ma façon de penser (Duhamel).
‖ 4. À ma (ta, sa, etc.) façon, selon ma
(ta, sa, etc.) manière de faire : Il voulut
faire admirer sa belle voix en chantant à
sa façon un grand air d’opéra (Rolland) ;
par les modes d’action qui sont à ma (ta,
sa, etc.) portée : Nous pouvons entrer en
concurrence avec elle, et atteindre par nos
propres voies ce qu’elle obtient à sa façon
(Valéry) ; selon certains critères qui me
(te, lui, etc.) sont personnels : Une surpre-
nante malice anime ses yeux gris qui sont
beaux à leur façon (Romains).

IV. De façon, de la façon, d’une façon, for-


ment avec l’adjectif ou avec la proposition
relative qui les suivent des locutions qui
équivalent à des adverbes de manière :
Il raille d’une façon lourde (= il raille
lourdement). Ce fut de cette façon enga-
geante que cette diable de fille me montra
la nouvelle carrière qu’elle me destinait
(Mérimée). Je répondis de la façon la plus
naturelle du monde (Duhamel). Il vous
regardait de ses gros yeux vairons d’une
façon qui signifiait : Vous dites ? (Balzac).
‖ De la façon dont, comme : Il partit de
la façon dont on s’évade (Hugo). Elle ne
pouvait me voir de la façon dont elle était
placée (Proust).

• SYN. : I, 1 confection, création, fabrication,


main-d’oeuvre, travail ; 2 apprêt, prépara-
tion. ‖ II, 3 espèce, manière, sorte. III, 1
manière ; 4 guise.

& En aucune façon loc. adv. (1666,


Molière). Pas du tout.

& En quelque façon loc. adv. (milieu du


XVIIIe s., Buffon). D’un certain point de vue.
& De toute façon loc. adv. (1865, Littré).
Quoi qu’il arrive : C’est, de toute façon, un
homme perdu (Barrès).

& De toutes les façons loc. adv. (1678, La


Fontaine). Par tous les moyens, de tous les
points de vue : On l’a humilié de toutes
les façons.

& De la belle façon loc. adv. Ironiq. De


manière exemplaire, avec éclat : Il s’est fait
rabrouer de la belle façon.

& De la façon loc. adv. (1638, Rotrou).


Class. Ainsi, de la sorte : Faut-il que

qui vous oblige soit traité de la façon ?


(La Fontaine).

& De façon que loc. conj. (1580, Montaigne)


[avec l’indicatif]. Introduit une consé-
quence réelle (vieilli) : Quant au fisc et à
la propriété, je tiens que le lieu est vague,
commun, propre à chacun et à tous, de façon
que l’État et le particulier n’y ont rien à
voir (Nodier).

& De façon que, de façon à ce que loc.


conj. (1839, Stendhal) [avec le subjonctif].
Introduit une conséquence envisagée :
Tout sera prêt à votre arrivée, de façon que
vous n’ayez pas à attendre. Elle plaçait son
éventail de façon à ce qu’il pût le prendre
(Stendhal). Quand vous passez, me disait-
il [Flaubert], devant un épicier [...], mon-
trez-moi cet épicier [...] de façon à ce que
je ne le confonde avec aucun autre épicier
(Maupassant). [V. Rem.]

& De façon à loc. prép. (av. 1778, Voltaire)


[suivi de l’infinitif]. Introduit une consé-
quence possible : Il cherchait à arranger
ses idées de façon à les faire saisir le plus
facilement possible (Stendhal). Je mets ma
lance en travers de façon à barrer la rue
(Mérimée).

& À la façon de loc. prép. (1690, Furetière).


Comme : La tête de Dutilleul, collée au mur
à la façon d’un trophée de chasse (Aymé).
Une cité [...] qui s’est construite en tour-
nant sur elle-même, à la façon d’un escar-
got (Camus) ; selon la manière d’agir de
quelqu’un : Manger avec des baguettes à la
façon des Chinois ; selon la manière dont
quelque chose est traité : La fortune l’avait
traité à la façon des cailloux que la mer polit
en les roulant (France).

• REM. De façon à ce que, locution


condamnée par certains grammairiens,
se rencontre sous la plume de nombreux
auteurs.

& façons n. f. pl. (sens 1, 1587, F. de


La Noue ; sens 2, 1643, Corneille). 1. Tout
ce qui constitue la manière habituelle
dont une personne se conduit ; compor-
tement, style de vie : À ses façons, on voit
qu’il est bien élevé. J’étais assez simple pour
croire qu’elle s’était corrigée de ses façons
d’autrefois (Mérimée). Point d’esprit, point
de trait, mais un tour cherché, des façons
de vieil acteur qui prend son temps (les
Goncourt, parlant de Mérimée). Si j’avais
le plaisir d’être duc et l’honneur d’être
millionnaire, j’essayerais de rassembler
quelques personnes très nobles et de grandes
façons (Taine). Le sacristain [...] sous des
façons revêches et même grossières cache
une sensibilité capricieuse (Bernanos).
‖ 2. Manifestations d’une affectation
cérémonieuse : Cette femme à façons se
rend insupportable. ‖ Faire des façons,
sous couleur de cérémonie, faire des dif-
ficultés pour se décider : Ne faites pas de
façons, acceptez mon invitation ; user de
faux-fuyants parce qu’on hésite à agir :
En haut du plongeoir, il faisait toujours
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1811

des façons avant de sauter. ‖ Sans plus de


façons, sans hésiter davantage.

• SYN. : 1 allure, comportement, maintien,


manières ; 2 cérémonies, chichi (fam.),
chiqué (fam.), embarras, fla-fla (fam.),
histoires, simagrées, singeries (fam.),

& Sans façon(s) loc. adv. et adj. (1660,


Molière). Sans cérémonie inutile : Il
entre dans le sentiment d’une soeur pour
un frère un plaisir immense à être traitée
sans façon (Balzac). Cela se fait sans façon
et comme l’envie vous y pousse (Flaubert).
‖ Un homme sans façon(s), un homme peu
cérémonieux.

• SYN. : naturellement, simplement, spon-


tanément ; sans-gêne.

faconde [fakɔ̃d] n. f. (lat. facundia, faci-


lité d’élocution, éloquence, dér. de facun-
dus, disert, de fari, parler, dire ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 ; sens
2, av. 1813, Delille). 1. Facilité de parole :
L’homme du Nord s’effaçait devant l’homme
du Midi, le mettait sans cesse en avant et
laissait à son intarissable faconde le soin
des explications, des promesses, de tous
les engagements (Daudet). Et, deux heures
durant, je m’émerveille de son éblouissante
et étourdissante faconde [de Malraux] (Oh !
je ne donne aucun sens péjoratif à ce mot..)
[Gide]. ‖ 2. Péjor. Abondance excessive
de paroles : Une faconde intarissable.
La Roche-Mathieu se mit à pérorer [...]. Le
secrétaire particulier mangeait et buvait
tranquillement, accoutumé sans doute à ses
douches de faconde (Maupassant).

• SYN. : 1 éloquence, loquacité, verve, volu-


bilité ; 2 bagou (fam.), prolixité, verbiage,
verbosité. — CONTR. : 1 mutisme ; 2 brièveté,
concision.

façonnage [fasɔnaʒ] n. m. (de façon-


ner ; 1776, Restif, au sens de « caractère
de celui qui est formé aux habitudes du
monde » ; sens 1, 1872, Larousse ; sens 2,
1930, Larousse ; sens 3, av. 1896, Goncourt).
1. Action, art de façonner un ouvrage, de
mettre en forme un objet : Le façonnage des
peaux, d’un bloc de pierre. ‖ 2. Spécialem.
Opération par laquelle on transforme les
arbres abattus en produits commerciaux.
‖ 3. Fig. Action de former, d’éduquer
quelqu’un dans un certain sens : Il donnait
sa vie, son temps, son orgueil au façonnage
de cette petite armée (Goncourt).

• SYN. : 1 fabrication, modelage.

• REM. On dit aussi FAÇONNEMENT aux


sens 1 et

3.

façonné, e [fasɔne] adj. (part. passé de


façonner ; 1688, Mme de Sévigné, au sens
1 ; sens 2, 1693, Fénelon). 1. Class. et littér.
Formé aux usages du monde : Il [le marquis
de Grignan] est fort façonné ; je suis affli-
gée que vous ne le voyiez point (Sévigné).
On l’avait mis à table [Lancelot] tout à
côté du roi, probablement comme le plus
en renom et le plus façonné des religieux

(Sainte-Beuve). ‖ 2. Class. et littér. Qui a


un caractère maniéré, recherché ; qui a
des manières affectées : Les ouvrages les
plus hardis et les plus façonnés du gothique
(Fénelon). Ce pauvre être si façonné, si
maniéré, était devenu dépouillé et simple
(Mauriac).

& façonné n. m. (1865, Littré). Tout tissu


où le croisement de la chaîne et de la trame
produit des dessins : Les tissus brochés sont
des façonnés.

façonnement [fasɔnmɑ̃] n. m. (de façon-


ner ; 1611, Cotgrave). Syn. de FAÇONNAGE
aux sens 1 et 3 (auj. employé surtout au sens
fig.) : Ce façonnement de l’esprit commence
dès la plus tendre enfance (Gide).

• SYN. : éducation, formation.

façonner [fasɔne] v. tr. (de façon ; v. 1175,


Chr. de Troyes, aux sens I, 1-2 ; sens I, 3,
1831, Chateaubriand ; sens I, 4, v. 1683,
Fénelon ; sens I, 5, 1751, Dictionnaire
universel d’agriculture ; sens II, 1, v. 1462,
Cent Nouvelles nouvelles ; sens II, 2, 1580,
Montaigne).

I. 1. Travailler une matière pour lui


donner une forme déterminée : Façon-
ner un bloc de marbre. Ce métal rouge
qu’on façonne au marteau dans une pluie
d’étincelles (Daudet). ‖ Façonner du bois,
ébrancher et scier les arbres abattus pour
les rendre propres à la consommation.
‖ 2. Faire, élaborer un ouvrage par un
travail sur la matière : La table était mise.
Notre hôte l’avait façonnée du bois de ses
arbres (Veuillot). Il a façonné lui-même
ces statuettes de bois (Maupassant) ; par
anal. : Cette arche, ogive naturellement
façonnée par le flot (Hugo) ; et absol. :
Notre instinct de façonner avec la force de
nos doigts (Valéry). ‖ 3. Littér. Créer, éla-
borer par un travail de l’esprit : Les dieux,
gracieusement, nous donnent pour rien tel
premier vers : mais c’est à nous de façonner
le second, qui doit consonner avec l’autre
(Valéry). ‖ 4. Donner la dernière façon à
un ouvrage, l’enrichir d’ornements : Fa-
çonner un coffret, une robe. ‖ 5. Donner
à une terre une façon culturale (labour,
hersage, roulage, etc.).
II. 1. Littér. Former l’esprit, les moeurs,
la personnalité de quelqu’un, par l’édu-
cation : La forte éducation puritaine par
quoi mes parents avaient façonné mon
enfance (Gide). Le règlement, pensait
Rivière, est semblable aux rites d’une
religion, qui semblent absurdes mais
façonnent les hommes (Saint-Exupéry).
‖ 2. Vx ou littér. Façonner quelqu’un à,
l’accoutumer, le plier à quelque chose
(surtout au passif) : La plupart des Pari-
siens [...], façonnés au joug despotique, re-
gardaient alors un roi comme une divinité
(Voltaire). Façonnés dès l’enfance à croire
et à obéir, les habitants des campagnes
s’étaient rangés aveuglément sous les
ordres des nobles et des prêtres (Nerval).

• SYN. : I, 1 modeler, pétrir ; confectionner,


fabriquer, tailler ; 4 ouvrager, ouvrer. ‖ II,
2 dresser, habituer, plier, rompre.

& v. intr. (sens 1, v. 1673, Retz ; sens 2, 1659,


La Rochefoucauld). 1. Class. Faire des
façons, des démonstrations affectées : Le
maréchal du Plessis me parla sans façon-
ner de la part de la reine (Retz). ‖ 2. Class.
Dissimuler, user de faux-fuyants : J’ai de
l’esprit, et je ne fais point difficulté de le
dire ; car à quoi bon façonner là-dessus ?
(La Rochefoucauld).

& se façonner v. pr. (sens I, av. 1850, Balzac ;


sens II, 1580, Montaigne).

I. Être façonné, élaboré : Un appentis en


ruine où se trempait et se façonnait le pa-
pier (Balzac). Un bois qui se façonne sans
difficulté.

II. Littér. Se former intellectuellement ;


se transformer en subissant certaines in-
fluences : Involontairement, inconsciem-
ment, chacun des deux êtres qui s’aiment
se façonne selon l’exigence de l’autre,
travaille à ressembler à cette idole qu’il
contemple dans le coeur de l’autre (Gide).

façonnier, ère [fasɔnje, -ɛr] n. et adj.


(de façonner ; 1549, R. Estienne, au sens de
« tisserand, ouvrier en drap de laine ou de
soie » ; sens I, 1564, J. Thierry ; sens II, 1,
v. 1650, J. Chapelain ; sens II, 2, 1663,
Molière).

I. Ouvrier, ouvrière qui travaille à façon :


Passer des commissions à des façonniers.
Un maroquinier façonnier.

II. 1. Class. et littér. Qui manque de natu-


rel, dont les manières sont affectées, céré-
monieuses : Il a épousé une jeune nymphe
de quinze ans [...], façonnière et coquette
en perfection (Sévigné). Vous verrez si les
femmes sont façonnières et se donnent de
l’importance (France). ‖ 2. Class. Dont
l’affectation cache l’absence de sincérité,
hypocrite : De tous vos façonniers on n’est
point les esclaves : | Il est de faux dévots
ainsi que de faux braves (Molière).

fac-similé [faksimile] n. m. (mots lat.


signif. proprem. « fais une chose sem-
blable », de fac, 2e pers. du sing. de l’impér.
de facere, faire, et de simile, neutre subs-
tantivé de l’adj. similis, semblable ; 1829,
Boiste). Reproduction, identique à l’origi-
nal, d’un écrit, d’un dessin, d’un tableau :
Un journal a publié de moi, en fac-similé,
un prétendu autographe (Renan).

• Pl. des FAC-SIMILÉS.

• SYN. : copie, double, photocopie,


reproduction.

fac-similer [faksimile] v. tr. (de facsimilé ;


1858, Goncourt). Reproduire en fac-similé :
Cette lettre a paru dans « l’Autographe »
[...], où elle a été facsimilée d’après l’original
(Goncourt). Facsimiler un bordereau.

• SYN. : photocopier, recopier, reproduire.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1812

factage [faktaʒ] n. m. (de fact[eur],


au sens de « employé de messageries » ;
1845, Bescherelle, aux sens 1 et 3 ; sens
2, 1865, Littré ; sens 4, 1872, Larousse).
1. Transport de colis, de marchandises au
domicile des destinataires ou au dépôt de
consignation. ‖ 2. Prix de ce transport.
‖ 3. Entreprise qui se charge de ce trans-
port. ‖ 4. Distribution des lettres et des
dépêches à domicile.

facteur [faktoer] n. m. (lat. factor, auteur,


créateur, fabricant, de factum, supin de
facere, faire ; v. 1360, Froissart, au sens II,
1 ; sens I, 1690, Furetière ; sens II, 2, 1851,
Landais ; sens II, 3, 1704, Trévoux ; sens III,
1, 1700, L. Carré ; sens III, 2, XXe s. ; sens
III, 3, 1865, Littré).

I. Fabricant d’instruments de musique :


Un facteur d’orgues. Un piano à queue
d’un facteur célèbre s’étalait dans le salon
à la place de l’ancien (Daudet).

II. 1. Class. Celui qui exerce un com-


merce ou une industrie pour le compte
d’un autre : Ils avaient des comptoirs, des
facteurs, des agents | Non moins soigneux
qu’intelligents (La Fontaine). Jacques Coeur
avait trois cents facteurs en Italie et dans
le Levant (Voltaire). ‖ Facteur aux halles,
nom donné naguère aux professionnels
chargés d’effectuer la vente en gros, à la
criée, des denrées alimentaires, dans les
halles et les marchés publics (appelés auj.
MANDATAIRES), et qui n’est plus en usage
qu’aux abattoirs de la Villette et de Vau-
girard. ‖ 2. Employé de messageries ou
de chemin de fer chargé de la manuten-
tion des marchandises ou des bagages :
Au milieu du brouhaha des facteurs, des
voyageurs et des employés [d’une gare]
(Theuriet). ‖ 3. Nom donné usuellement
à l’employé des postes qui distribue le
courrier à domicile, et dont la déno-
mination administrative est PRÉPOSÉ :
Au moment où le facteur qui m’avait vu
entrer tenant une petite lettre à la main
sortit du palais (Stendhal). Le facteur
frappait le double coup solennel qui me
faisait vivre (Mallarmé). Le facteur monte
la côte à grandes enjambées, tête basse et
sa bicyclette à la main (Martin du Gard).
‖ Facteur-receveur, employé des postes
qui, dans les localités peu importantes,
est chargé de la gestion de l’établissement
postal, en plus de la distribution du cour-
rier à domicile.

III. 1. Chacun des nombres ou chacune


des expressions algébriques figurant dans
un produit : On peut intervertir l’ordre
des facteurs d’un produit sans changer
la valeur de celui-ci. ‖ Facteurs premiers
d’un nombre, nombres premiers, dis-
tincts ou non, dont le produit est égal à ce
nombre : Un nombre admet une division
unique en facteurs premiers. ‖ 2. Facteur
de l’équilibre, en physique et en chimie,
toute grandeur (température, pression,

concentration) dont la variation entraîne


un changement dans la composition
d’un mélange en équilibre. ‖ Facteur de
multiplication, en physique, nombre de
neutrons libérés quand un neutron dis-
paraît au cours d’une réaction nucléaire.
‖ 3. Agent, élément qui concourt à un ré-
sultat : La chance est un facteur important
dans les examens. ‖ Facteurs de l’évolu-
tion, causes naturelles de l’évolution en
biologie. ‖ Facteur Rhésus, substance
contenue dans le sang du macaque et de
certains hommes, et qui peut provoquer
des accidents lors des transfusions san-
guines et des grossesses pathologiques.
‖ Facteurs de la production, en économie
politique, éléments constituant les forces
productives de la société : Dans l’écono-
mie libérale, on distingue généralement
deux facteurs essentiels de la production :
le travail et le capital.

• REM. Le fém. FACTRICE n’est guère uti-


lisé qu’au sens II, 3.

factice [faktis] adj. (lat. facticius, fac-


tice, artificiel, de factum, supin de facere,
faire ; 1534, Rabelais, au sens 1 ; sens 2-3,
av. 1778, J.-J. Rousseau ; sens 4, 1647,
Descartes). 1. Qui est produit, fabriqué
par l’homme, pour imiter quelque chose
de naturel : Cette épaisse et sombre che-
velure, qu’on eût pu croire factice, tant
elle était abondante (Gautier). Une rose à
son chignon tremblait sur une tige mobile,
avec des gouttes d’eau factices au bout
de ses feuilles (Flaubert). Le plaisir qu’on
éprouve en dégustant ces breuvages altérés
et factices (Huysmans). ‖ Étalage factice,
étalage fait d’emballages vides. ‖ Recueil
factice, recueil formé d’opuscules divers
réunis sous une même reliure. ‖ 2. Fig.
Qui procède de la volonté, des habi-
tudes, de la civilisation, etc., et ne résulte
pas d’une tendance naturelle : Chassant
bien loin l’opinion, les préjugés, toutes les
passions factices, je transportais dans les
asiles de la nature des hommes dignes de
les habiter (Rousseau). ‖ Besoin factice,
besoin qui ne résulte pas d’une nécessité
vitale : Ce n’est ni de la fausse science, ni
de l’orgueilleux amour de la domination, ni
du besoin factice d’éblouir et paraître que
vous êtes travaillé (Sainte-Beuve). ‖ 3. Fig.
Se dit d’une attitude feinte, d’un sentiment
simulé et qui n’est pas réellement éprouvé :
J’empruntais, dans cet enthousiasme factice,
les formules mêmes qui, si peu de temps
auparavant, m’avaient servi pour peindre
un amour véritable (Nerval). Une voix que
la timidité rendait forte, et la prémédita-
tion, factice (Proust). Une gaieté factice. Un
sourire factice. ‖ Spécialem. Se dit d’un art,
d’une oeuvre artistique ou littéraire qui
a un caractère artificiel, inauthentique :
Il passa devant plusieurs tableaux et eut
l’impression de la sécheresse et de l’inuti-
lité d’un art si factice (Proust). C’est dans
son art classique que le génie de la France
s’est le plus pleinement réalisé : tandis que
tout effort vers le classicisme restera, chez
tout autre peuple, factice (Gide) ; et par
extens. : Le romancier authentique crée
ses personnages avec les directions infinies
de sa vie possible, le romancier factice les
crée avec la ligne unique de sa vie réelle
(Thibaudet). ‖ 4. Idées factices, nom
donné par Descartes aux idées élaborées
par l’esprit, l’imagination, par opposition
aux idées innées et aux idées adventices
(qui viennent des sens).

• SYN. : 1 artificiel, faux, postiche ; 2 conven-


tionnel, extérieur, formel ; 3 affecté, apprêté,
composé, contraint, emprunté, étudié,
forcé ; fabriqué, sophistiqué. — CONTR. :
1 naturel ; 3 franc, profond, sincère, spon-
tané, vrai.

& n. m. (av. 1842, Stendhal). Ce qui a pour


caractère d’être factice : Ce genre de tragé-
die, qui ne reproduit presque rien de tout
le factice de la vie des cours (Stendhal).
J’échappe au factice, j’entre dans la nature
(Gauguin). « Alors ! » fit-elle. Et après tout
ce factice, son rire strident, enfin, sonna
franc (Martin du Gard).

facticement [faktismɑ̃] adv. (de factice ;


1845, Bescherelle). D’une manière factice :
Ce regard inquiet disparut, tout était ren-
tré dans l’ordre, mais je sentais que tout
ce que je verrais maintenant ne serait plus
qu’arrangé facticement pour moi (Proust).
Il importait de créer, le moins facticement
possible, telle idée du beau (Gide).

facticité [faktisite] n. f. (dér. savant de


factice ; 1873, A. Daudet, aux sens I, 1-2 ;
sens II, v. 1945).

I. 1. Caractère de ce qui est factice, appa-


rence artificielle : Et voici encore, sur un
cahier de croquis, l’étonnante attitude
d’un autre Delobelle devant sa maison
brûlée par les Prussiens, traduisant un
sentiment de regret bien naturel par la
facticité de gestes la plus comique (Dau-
det). Je concluais qu’ayant vécu d’une ma-
nière et pensé d’une autre, Chateaubriand
avait toujours eu dans son beau talent une
nuance de facticité, je n’osais pas ajouter
de simulation (Bourget). ‖ 2. Chose, pro-
pos factice : On se parle de haut, de loin,
du bout des lèvres, le sourire immobile et
figé ; et des choses qui se disent, pas une
qui ne soit un mensonge et ne retombe sur
la nappe, banale et convenue, parmi les
facticités du dessert (Daudet).

II. En philosophie, caractère de ce qui


existe en tant que fait et apparaît dépour-
vu de justification rationnelle à l’être
conscient.

factieusement [faksjøzmɑ̃] adv. (de


factieux ; 1660, Oudin). D’une manière
factieuse.

factieux, euse [faksjø, -øz] adj. et n.


(lat. factiosus, affilié à une coterie politique,
de factio [v. FACTION 1] ; 1460, Le Fèvre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1813

de Saint-Rémy). Qui suscite des troubles


contre le pouvoir établi : Toute la lignée des
Guise fut audacieuse, téméraire, factieuse,
pétrie du plus insolent orgueil et de la poli-
tesse la plus séduisante (Voltaire). On ôtait
ainsi au peuple la vue du Pirée afin que des
orateurs factieux ne le jetassent pas dans
des entreprises téméraires (Chateaubriand).
Engager des poursuites contre les factieux.
• SYN. : agitateur, insurgé, rebelle, révolu-
tionnaire, trublion (fam.). — CONTR. : fidèle.
& adj. (av. 1778, Voltaire). Entaché de l’es-
prit de faction, de sédition : Des paroles
factieuses.

• SYN. : séditieux, subversif.

factif [faktif] n. m. (dér. savant du lat.


factum, supin de facere, faire ; XXe s.). Cas
de certaines langues finno-ougriennes
exprimant l’idée de devenir.

1. faction [faksjɔ̃] n. f. (lat. factio, action


ou pouvoir de faire quelque chose, manière
de faire, société de gens groupés, parti,
troupe, ligue, de factum, supin de facere,
faire ; v. 1355, Bersuire, au sens II, 1 ; sens I,
v. 1361, Oresme ; sens II, 2, fin du XVIe s., A.
d’Aubigné ; sens II, 3, v. 1673, Retz).

I. Vx. Action ou pouvoir de faire quelque


chose. ‖ Faction du grand oeuvre, en
alchimie, fabrication de la pierre philo-
sophale. ‖ Faction de testament, en droit
romain, capacité de faire un testament.

II. 1. Groupe de personnes hostiles au


pouvoir politique établi et qui cherchent
à le renverser par une action violente : La
faction triomphante n’était pas toujours
la même ; elle succombait vite, et la fac-
tion qui lui succédait vous apprenait ce
que vous avait caché sa devancière (Cha-
teaubriand). Quoi ! la maison de paix, de
prière et d’aumône [...] | N’a pas pu trouver
grâce aux yeux des factions (Lamartine).
Les deux factions étaient privées de leurs
chefs (Mérimée). L’essentiel est que le gou-
vernement donne l’impression qu’il n’est
pas plus aux mains des factions de gauche
qu’il n’a à se rendre pieds et poings liés
aux sommations de je ne sais quelle armée
prétorienne qui, croyez-moi, n’est pas l’ar-
mée (Proust). ‖ 2. Groupe, clan dont les
membres mènent, dans une association,
un milieu, une action vigoureuse contre
ceux qui ne partagent pas leurs concep-
tions : Il se forme des factions dans la poé-
sie, qui prennent les façons rudes et âpres
des partis politiques (Valéry). ‖ 3. Class.
Conspiration, révolte : Les temps où il y a
de la faction et du trouble (Retz). ‖ Esprit
de révolte, de sédition : Ceux qui mêlent
la passion et la faction dans les intérêts
publics (Retz).

• SYN. : II, 1 clan, coalition, ligue, parti ;


2 camarilla, chapelle, clique (fam.), cote-
rie, secte.

2. faction [faksjɔ̃] n. f. (même étym. qu’à


l’art. précéd., avec une influence de l’ital.

fazione [de même origine que le mot franç.],


qui avait pris, au XVIe s., le sens de « action
militaire » ; v. 1550, La Boétie, au sens de
l’ital. ; sens 1, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné ; sens 2, 1862, V. Hugo ; sens 3, XXe s.).
1. Service de surveillance ou de garde
dont est chargé un militaire en un endroit
particulier : Tu seras placé en faction à la
porte de la loge de la reine (Vigny). Lorsque
Mme Bovary levait les yeux, elle le voyait
toujours là [le perruquier], comme une sen-
tinelle en faction (Flaubert). ‖ Être de ou
en faction, monter la faction, être chargé
de monter la garde : Je fus de faction à une
des portes de la ville (Mérimée). Le soldat
d’active qui montait la faction, arme à
l’épaule, le long de la palissade, était un gars
râblé qui redressait les reins sous sa tenue
de campagne (Martin du Gard). ‖ Relever
de faction, retirer un soldat du poste où il
montait la garde. ‖ 2. Fam. Attente, sur-
veillance prolongée : Xavier demeurerait en
faction auprès de lui (Mauriac). De crainte
de manquer ses amis, il est resté en faction
toute la matinée à la gare. ‖ 3. Chacune
des trois tranches de huit heures entre les-
quelles sont réparties les trois équipes assu-
rant un travail continu dans une industrie.
• SYN. : 1 garde, guet, quart, veille.

1. factionnaire [faksjɔnɛr] n. m. (de fac-


tion 1 ; XVIe s.). Class. (déjà vx au XVIIe s.).
Personne qui fait partie d’une faction,
factieux : Il est visible en cette cour que
les factionnaires d’Espagne y aigrissent les
choses (Retz).

2. factionnaire [faksjɔnɛr] n. m. (de


faction 2 ; 1671, Pomey, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Soldat qui est en faction : On
y mettait un factionnaire pour empêcher
les fraudeurs (Mérimée). ‖ 2. Ouvrier qui
assure une faction de huit heures.

• SYN. : 1 guetteur, planton, sentinelle.

factitif, ive [faktitif, -iv] adj. (dér. savant


du lat. factitare, faire souvent, fréquenta-
tif de facere, faire ; 1890, Dict. général). Se
dit d’une forme verbale qui marque que le
sujet fait faire l’action et ne la fait pas lui-
même : Dans « Tournez la meule », le verbe
est factitif (= faites que la meule tourne)
[J. Vendryes].

& factitif n. m. (début du XXe s.). Verbe qui


indique que le sujet fait faire l’action.

• SYN. : causatif.

factor [faktɔr] n. m. (mot angl., signif.


« agent commissionnaire » [v. FACTORING] ;
milieu du XXe s.). Intermédiaire privé qui
intervient dans les opérations de factoring.

factorage [faktɔraʒ] n. m. (dér. savant


de facteur ; 1756, Encyclopédie, au sens de
« appointement de celui qui fait le com-
merce pour le négoce d’un autre » ; sens
actuel, XXe s.). En termes de commerce,
fonction de facteur aux Halles.

factorerie [faktɔrri] n. f. (de facteur,


d’après le lat. factor [v. FACTEUR] ; milieu

du XVIe s. [var. factorie, 1428, Dict. géné-


ral — encore dans Trévoux, 1771]). Vx.
Comptoir ou agence d’une compagnie
de commerce installés à l’étranger, prin-
cipalement dans les anciennes colonies
d’Afrique : Des compagnies de commer-
çants placèrent des factoreries au milieu
des déserts (Chateaubriand). Sans doute, on
aurait pu trouver en Dahomey un Européen
assez savant pour instruire le jeune prince,
les drapeaux français et anglais flottant sur
les factoreries au bord de la mer, comme
aux mâts des vaisseaux amarrés dans les
ports (Daudet).

factoriel, elle [faktɔrjɛl] adj. (de fac-


teur, d’après le lat. factor [v. FACTEUR] ; 1959,
Larousse). Dans les sciences, relatif à un
facteur : Des éléments de nature factorielle.
‖ Analyse factorielle, méthode statistique
ayant pour but de chercher les facteurs
communs à un ensemble de variables qui
ont entre elles de fortes corrélations. ‖ Plan
d’expérience factoriel, en statistique, plan
conçu pour étudier l’effet de plusieurs fac-
teurs à la fois.

& factorielle n. f. (1872, Larousse). Produit


dont les facteurs sont en progression arith-
métique. ‖ Factorielle « n », produit des
n premiers nombres entiers positifs : La
factorielle de 5 est 5 ! = 5 X 4 X 3 X 2 X
1 = 120.

factoring [faktɔring] n. m. (mot angl., de


factor, agent commissionnaire, empr. du
franç. facteur [v. ce mot] ; milieu du XXe s.).
Transfert, par leur titulaire, de créances
commerciales à un intermédiaire financier
qui se charge d’en opérer le recouvrement.

factorisation [faktɔrizasjɔ̃] n. f. (de fac-


toriser ; milieu du XXe s.). En mathéma-
tiques, transformation d’une expression
en produit de facteurs.

factoriser [faktɔrize] v. tr. (dér. savant de


facteur, d’après le lat. factor [v. FACTEUR] ;
milieu du XXe s.). En mathématiques,
écrire un polynôme donné sous la forme
d’un produit de facteurs aussi simple que
possible.

factotum [faktɔtɔm] n. m. (loc. lat. créée


à la Renaissance, signif. proprem. « fais
tout », de fac, 2e pers. du sing. de l’impér.
de facere, faire, et de totum, neutre subs-
tantivé de l’adj. totus, entier ; 1545, A. J.
Le Maçon, écrit factoton [d’après la pro-
nonc. du lat. à cette époque ; factotum,
v. 1570, Monluc], au sens 1 ; sens 2, fin du
XIXe s.). 1. Personne qui en seconde une
autre (patron, chef, supérieur) dans tous
les domaines et agit en son nom : Ils se
rabattirent sur M. Hural, son factotum
(Flaubert). ‖ 2. Ironiq. Personne qui se
mêle de tout.

• Pl. des FACTOTUMS.

• SYN. : 1 collaborateur ; intendant, major-


dome ; 2 touche-à-tout (fam.).

factrice n. f. V. FACTEUR (REM.).


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1814

factualité [faktɥalite] n. f. (dér. savant


de factuel ; milieu du XXe s.). Caractère de
ce qui est factuel.

factuel, elle [faktɥɛl] adj. (dér. savant du


lat. factum [v. FACTUM], sur le modèle de
l’angl. factual, « se rapportant à des faits »,
lui-même dér. du lat. factum ; milieu du
XXe s.). En philosophie, qui relève du fait :
Faire intervenir des éléments factuels dans
une doctrine de métaphysique.

factum [faktɔm] n. m. (mot lat. signif.


« fait, action, entreprise, travail, ouvrage »,
part. passé neutre substantivé de facere,
faire ; 1532, Rabelais, au sens 1 ; sens 2,
1671, Pomey). 1. En droit ancien, mémoire
d’une des parties exposant les détails d’un
procès : Il exposa tout ce détail dans son
factum, avec une candeur si noble, si simple,
si éloignée de toute ostentation qu’il tou-
cha ceux qu’il ne voulait que convaincre
(Voltaire). ‖ 2. Péjor. Écrit violent, de
caractère polémique, qu’une personne
publie pour se justifier ou pour attaquer
une autre personne : Répandre dans le
public une espèce de factum net et court,
où l’on fît voir que dans ces disputes il ne
s’agissait de rien d’important et de sérieux,
mais seulement [...] d’une pure chicane
(Sainte-Beuve). Un exemplaire en circulait,
de ce factum, sur les bancs des journalistes
(Daudet).

• Pl. des FACTUMS.

• SYN. : 2 diatribe, libelle, pamphlet.

facturation [faktyrasjɔ̃] n. f. (de factu-


rer 2 ; XXe s., aux sens 1-2). 1. Opération
consistant à établir la facture des mar-
chandises ou des articles vendus par une
entreprise commerciale à un de ses clients.
‖ 2. Service où l’on établit les factures.

1. facture [faktyr] n. f. (lat. factura, façon,


fabrication, oeuvre, de factum, supin de
facere, faire [factura avait donné en anc.
franç. une forme pop. faiture, action de
faire, création, production, forme, v. 1155,
Wace] ; XIIIe s., au sens de « fabrication » ;
sens 1, milieu du XVIe s. ; sens 2, 6 sept.
1867, Moniteur universel). 1. Littér. Manière
dont une oeuvre d’art, une oeuvre littéraire,
une composition musicale est exécutée par
l’artiste : C’est sans contredit le meilleur
morceau de facture du tableau [...], un des
meilleurs aussi que jamais Rubens ait exé-
cuté (Fromentin). Le signe qui distingue
ces travaux, de manière si diverse et de
facture si personnelle, c’est qu’ils ont tous
pour premier souci l’exactitude (Bourget).
Des vers d’une bonne facture. ‖ Spécialem.
Morceau de facture, morceau de musique
dont l’exécution est particulièrement
délicate. ‖ Couplet de facture, couplet où
l’auteur a résolu de grandes difficultés,
par la rareté des rimes, leur redoublement,
etc. ‖ 2. Construction des instruments de
musique, spécialement des instruments à
clavier, à vent, à percussion, et des harpes :
La facture des pianos. La facture d’orgue.

• SYN. : 1 caractère, façon, style, technique ;


exécution, fabrique (vx), travail.

2. facture [faktyr] n. f. (de fact[eur], au


sens de « agent commercial » ; fin du XVIe s.).
Écrit par lequel le vendeur fait connaître à
l’acheteur la nature, la quantité et le prix
des marchandises vendues, et précise les
conditions de livraison et de paiement :
Dresser une facture. Acquitter une facture.
Un tailleur est ou un ennemi mortel, ou un
ami donné par la facture (Balzac). Oreille,
exaspéré, ordonna à sa femme de lui choi-
sir un nouveau riflard en soie fine de vingt
francs, et d’apporter une facture justifica-
tive (Maupassant). ‖ Prix de facture, prix
auquel le marchand a acheté un article en
fabrique : Vendre au prix de facture.

• SYN. : compte, douloureuse (pop.),


mémoire, relevé.

facture-congé [faktyrkɔ̃ʒe] n. f. (de fac-


ture 2 et de congé ; milieu du XXe s.). Titre
de mouvement des boissons.

• Pl. des FACTURES-CONGÉS.

1. facturer [faktyre] v. tr. (de facture 1 ;


milieu du XVIIIe s., Buffon). Vx. Fabriquer :
Les anciens Arabes, qui lui ont donné son
nom [au sel ammoniac], savaient le facturer
(Buffon).

2. facturer [faktyre] v. tr. (de facture 2 ;


1836, Landais). Établir la facture de mar-
chandises vendues : Facturer une livraison.
facturier, ère [faktyrje, -ɛr] n. (de fac-
ture 2 ; 1849, Bescherelle). Employé chargé
d’établir les factures.

& adj. (XXe s.). : Dactylo facturière.

& facturier n. m. (1849, Bescherelle).


Cahier ou classeur dans lequel sont rassem-
blées les factures : M. Boucheyras inspecta
le casier de gauche et ses livres de commerce,
échéancier, facturier, journal (Pourrat).

& facturière n. f. (milieu du XXe s.).


Machine comptable adaptée aux travaux
de facturation.

facule [fakyl] n. f. (lat. facula, petite


torche, dimin. de fax, facis, torche, flam-
beau ; 1488, Mer des histoires, au sens du
lat. ; sens actuel, 1690, Furetière). Plage
brillante apparaissant à la surface du
disque solaire, et qui, le plus souvent, pré-
cède la naissance d’une tache.

facultaire [fakyltɛr] adj. (de faculté ;


milieu du XXe s.). De faculté (au sens II) :
Les villes facultaires.

facultatif, ive [fakyltatif, -iv] adj. (dér.


savant de faculté ; 1694, Acad., au sens de
« qui accorde une faculté, un droit, un
pouvoir » ; sens actuel, 1836, Landais).
Qu’on a la liberté de faire ou de ne pas
faire ; qui n’est pas obligatoire : Travail
facultatif. Épreuve facultative. ‖ Arrêt
facultatif, halte facultative, arrêt, station
où un véhicule d’une ligne de transports
en commun ne s’arrête qu’à la demande
expresse d’un voyageur. ‖ Train facultatif,

train qui peut être supprimé si le besoin


ne s’en fait pas sentir.

• CONTR. : obligatoire.

facultativement [fakyltativmɑ̃] adv. (de


facultatif ; milieu du XIXe s.). D’une manière
facultative.

faculté [fakylte] n. f. (lat. facultas, faculta-


tis, possibilité, capacité, talent, abondance,
ressources, et, au Moyen Âge, « collège uni-
versitaire », du lat. archaïque facul, facile-
ment, dér. de facere, faire ; fin du XIIe s., aux
sens I, 1-2 ; sens I, 3-4, 1580, Montaigne ;
sens I, 5 et II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 1,
milieu du XIIIe s. ; sens II, 3, XXe s.).

I. 1. Pouvoir physique ou moral que pos-


sède un être vivant de faire ou d’éprou-
ver quelque chose : Le chat a la faculté de
voir dans l’obscurité. Mes yeux acquirent
une faculté qui m’étonna [...], celle de lire
en quelque sorte par intuition et de ren-
contrer presque immédiatement le pas-
sage qui devait m’intéresser (Thierry). Il
[le Passe-Muraille, personnage d’une
nouvelle] avait gardé intacte la faculté de
passer à travers les murs (Aymé). Ce qui
me plaît en lui, c’est sa faculté d’enthou-
siasme et l’extrême intérêt qu’il prend
à toutes les formes de la vie, son accueil
amusé, sa large compréhension des êtres
et, par-dessus tout cela, sa bonté (Gide).
J’ai vu mourir des centaines d’hommes,
et la faculté d’horreur n’est pas morte au
fond de mon coeur (Duhamel). ‖ 2. Liber-
té naturelle ou légale, droit que possède
un individu de faire quelque chose : La
loi ne donne pas aux mineurs la faculté
de disposer de leurs biens. Il est mal-
heureux que tout le monde ait la faculté
de travailler, produire, écrire avec une
demi-attention : c’est là ce qui fait les
oeuvres médiocres (Vigny). ‖ Spécialem.
Possibilité d’exercer un droit : Faculté de
rachat. ‖ 3. Fonction mentale à laquelle
on rapporte une catégorie de faits psy-
chiques ayant des caractères spécifiques
propres : L’imagination est une faculté
quasi divine, qui perçoit tout d’abord [...]
les rapports intimes et secrets des choses,
les correspondances et les analogies
(Baudelaire). L’imagination scientifique,
c’est-à-dire la faculté de généralisation
et d’hypothèse (Faguet). Si la faculté de
sentir n’était pas morcelée en nous, et s’il
n’existait pas un ordre fixe entre tous les
êtres sentants, nous ne percevrions pas le
mouvement (Lagneau). De ce que le poète
est doué d’un sens particulier [...], il ne
s’ensuit pas qu’on lui dénie les facultés qui
sont communes à tous les hommes, et, par
suite, la raison (Bremond). ‖ Facultés de
l’âme, dans l’ancienne psychologie, les
principales fonctions psychiques, à savoir
l’intelligence, l’activité (ou volonté) et la
sensibilité, conçues comme distinctes les
unes des autres et correspondant cha-
cune à une activité propre : Toutes les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1815

facultés de l’âme humaine doivent être


subordonnées à l’imagination, qui les
met en réquisition toutes à la fois (Baude-
laire). ‖ 4. Par extens. Aptitude, disposi-
tion particulière d’une personne, surtout
dans le domaine intellectuel (souvent au
plur.) : Une faculté sans pareille, l’amour
du merveilleux (Fromentin). Il possé-
dait de réelles facultés oratoires (Barrès).
C’est à vous, Messieurs, qu’il appartenait
d’appliquer l’intelligence, l’industrie, les
facultés d’invention de la race à la répara-
tion des pièces vivantes de l’individu (Va-
léry). Une certaine faculté de passer, trop
facilement, de l’émotion à la parole est le
propre de tous les romantiques français
(Gide). ‖ Faculté maîtresse, selon Taine,
aptitude pour telle activité intellectuelle
qui, étant particulièrement développée
chez une personne, imprime sa marque
à tout le système de pensée de cette per-
sonne. ‖ 5. Vx. Vertu, propriété d’une
chose : L’aimant a la faculté d’attirer le fer.

II. 1. Dans une université, corps de pro-


fesseurs chargés d’un enseignement se
rapportant à l’une des grandes disciplines
fondamentales (v. Rem.) : Faculté des
lettres et sciences humaines. Faculté des
sciences. Faculté de droit et des sciences
économiques. Faculté de médecine. ‖ Les
quatre facultés, celles qui composaient
l’ancienne université, les facultés de
théologie, de droit, de médecine, de phi-
losophie ou des arts : Un valet le portait,
marchant à pas comptés, | Comme un rec-
teur suivi des quatre facultés (Boileau).
‖ Absol. La Faculté (avec une majusc.), la
faculté de médecine ; par extens. et fam.,
le corps médical : Le sel m’est interdit
par la Faculté. ‖ 2. Ancienne unité de la
structure administrative et pédagogique
de l’enseignement supérieur, remplacée
depuis 1968 par les unités d’enseignement
et de recherche (U.E.R.) : Docteur de la
faculté de médecine de Paris. ‖ Faculté
libre, établissement libre d’enseignement
supérieur auquel la collation des grades
universitaires est interdite : Les facultés
libres d’Angers, de Lyon (catholiques). La
faculté libre de théologie protestante de
Paris. Un discours du pasteur Aussandon,
le doyen de la faculté de théologie (Dau-
det). ‖ 3. Bâtiment où siège une faculté :
La façade principale de la faculté de droit
se trouve place du Panthéon.

• SYN. : I, 1 aptitude, capacité, disposition,


force, moyen, puissance ; 2 latitude, liberté,
possibilité, pouvoir, privilège ; 4 don, facilité,
génie, talent, vocation.
& facultés n. f. pl. (sens 1, milieu du XVIe s.,
Ronsard ; sens 2, av. 1850, Balzac ; sens
3, v. 1361, Oresme). 1. Absol. Aptitudes
générales d’une personne : : Au combat,
il [Guynemer] retrouve toutes ses facultés,
son sang-froid, sa maîtrise, son extraor-
dinaire coup d’oeil — sa témérité aussi
(Bordeaux). ‖ 2. Absol. Les fonctions intel-

lectuelles : Son vieux père, dont les facultés


commençaient à baisser... (Balzac). ‖ Ne
pas jouir de toutes ses facultés, être désé-
quilibré, se comporter de façon anormale.
‖ 3. Ressources dont dispose une per-
sonne : Taxer chacun selon ses facultés. Les
époux contribuent aux charges du ménage
en proportion de leurs facultés respectives.
• SYN. : 2 intelligence, lucidité, raison, tête
(fam.) ; 3 biens, moyens.

fada [fada] adj. et n. m. (provenç. moderne


fadas, grand fou, anc. provenç. fadatz,
niais, dér. de fat, sot, niais, lat. fatuus,
fade, insensé, extravagant ; fin du XVIe s.,
Huguet, écrit fadas, fadasse, fadat ; orthogr.
actuelle, v. 1930). Fam. et dialect. Un peu
fou (dans le midi de la France) : Si cette
lettre tarde encore quinze jours, il deviendra
fada (Pagnol).

• SYN. : fou, malade (fam.), piqué (très fam.),


tapé (très fam.), timbré (très fam.).

fadaise [fadɛz] n. f. (anc. provenç. fadeza,


folie, sottise [provenç. moderne fadeso],
dér. de fat [v. l’art. précéd.] ; 1541, Calvin,
aux sens 1-2). 1. Plaisanterie fade et sotte ;
propos sans intérêt, niaiserie : Ce fut un
athée, et qui poussait loin sa logique, tout
en méprisant les fadaises qu’elle autorise
(Verlaine). Tout ce qui me tient à coeur
et m’importe reste loin en deçà de mes
lèvres, comme hors d’atteinte, et je ne sors
que des banalités, que des fadaises (Gide).
‖ 2. Chose insignifiante ; oeuvre plate,
dépourvue de toute valeur : Il était incon-
sistant, flâneur, prêt à blaguer les choses
graves et à prendre au sérieux les fadaises
(Gide). L’« Atala » de Girodet est, quoi qu’en
pensent certains farceurs qui seront tout à
l’heure bien vieux, un drame de beaucoup
supérieur à une foule de fadaises modernes
innommables (Baudelaire).

• SYN. : 1 baliverne, faribole, ineptie, sor-


nette ; 2 amusette, bagatelle, futilité, niai-
serie, sottise.

fadasse [fadas] adj. (de fade 1, avec le suff.


péjor. -asse ; 1761, Voltaire, au sens 1 ; sens 2,
av. 1850, Balzac ; sens 3, 1871, Rimbaud ;
sens 4, 1874, Verlaine). 1. Fam. D’une fadeur
écoeurante : Une sauce fadasse. ‖ 2. Qui
manque d’éclat, de piquant : Je n’ai jamais
eu la tête troublée par cette blonde un peu
fadasse (Balzac). ‖ 3. Fig. Qui manque
d’intérêt, d’accent : Une histoire très
désuète et très naïve déroula ses péripéties
un peu fadasses (Rosny aîné). ‖ 4. Littér.
Envahi par le dégoût : Des romances sans
paroles ont [...] agacé ce coeur fadasse exprès
(Verlaine).

• SYN. : 1 douceâtre, écoeurant, insipide ; 2


terne ; 3 fastidieux, froid, languissant, plat.

1. fade [fad] adj. (lat. pop. *fatidus, fade,


croisement du lat. class. fatuus, fade,
insipide, et de sapidus, qui a du goût, de
la saveur [dér. de sapere, avoir du goût] ;
XIIe s., Vie d’Édouard le Confesseur, au sens
3 ; sens 1, fin du XIIe s., J. Fantosme ; sens 2,

1862, Fromentin ; sens 4, 1690, Furetière ;


sens 5, 1541, Calvin). 1. Qui manque de
saveur : Le brouet qui froidit sera fade à
tes lèvres (Apollinaire). Une cuisine fade.
Un breuvage fade. ‖ 2. Dont l’odeur ou la
saveur soulève le coeur : Un air froid en sort
et m’apporte | Le fade parfum des caveaux
(Gautier). Remugle de la boucherie qui
tient le « bouillon et boeuf », fade et ter-
rible parfum des bêtes sacrifiées (Duhamel).
‖ 3. Qui manque d’éclat : Les objets très
rapprochés apparaissaient plus crûment
sous cette lumière fade et blanchâtre (Loti).
‖ 4. Fig. Qui manque de piquant, d’attrait,
de relief : Elles ont [...] les traits réguliers,
peut-être un peu fades (Fromentin). Un
homme avec ces traits fades et ces rides pré-
maturées des gens qui vivent près de la scène
(Montherlant). ‖ 5. Fig. Qui manque d’in-
térêt, insignifiant, ennuyeux : Tout ce qu’on
dit de trop est fade et rebutant (Boileau).
[Nos] divertissements [...] commencèrent
bientôt à nous paraître fades, bourgeois —
oui, bourgeois —, manquant d’imprévu et
de pittoresque (Gautier). Quelque chose
de fade, qui porte à sourire (Renan). Les
donneurs de sérénades | Et les belles écou-
teuses | Échangent des propos fades | Sous
les ramures chanteuses (Verlaine).

• SYN. : 1 douceâtre, fadasse, insipide ; 2


dégoûtant, écoeurant, nauséabond ; 3 bla-
fard, blême, décoloré, délavé, pâle, terne ;
4 inexpressif ; 5 banal, fastidieux, inin-
téressant, plat, quelconque. — CONTR. : 1
assaisonné, épicé, pimenté, poivré, relevé,
savoureux, succulent ; 2 frais, suave.
& n. m. (v. 1770, J.-J. Rousseau, au sens
de « personne fade » ; sens actuel, début
du XXe s.). Ce qui est fade (au pr. et au
fig.) : Après cette explosion symphonique
[d’odeurs], la rue s’achevait dans le fade et
le doucereux (Duhamel).

2. fade [fad] n. f. (mot du Centre et


du Centre-Ouest, lat. fata, déesse de la
Destinée, Parque, de fatum, oracle, destin,
fatalité, dér. de fari, parler [fata a donné
fada, fado en provenç., d’où des adaptations
franç. en fade] ; 1848, G. Sand). Dialect.
Fée : On appelle aussi fades les fées, aux-
quelles, du côté de chez nous, on ne croit
plus guère (Sand). En Arles, au temps des
fades, florissait la reine Ponsirade (Daudet).

3. fade [fad] n. m. (déverbal de fader ;


1821, Ansiaume [avoir son fade, 1899,
G. Esnault]). Arg. Part de butin revenant
à un voleur ; part de profit : Godet a mis
son fade chez sa soeur, blanchisseuse de
fin (Balzac). ‖ Avoir son fade, avoir son
compte (au pr. et au fig.).

fadement [fadmɑ̃] adv. (de fade 1 ;


av. 1553, Rabelais). D’une manière fade.

fader [fade] v. tr. (provenç. moderne


fada, ensorceler, doter, d’où « avantager,
favoriser », anc. provenç. fadar, douer
d’une vertu surnaturelle, de fada, fée
[v. FADE 2] ; 1821, Ansiaume, au sens 1 ; sens
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1816

2-3, 1888, G. Esnault). 1. Arg. Partager les


objets volés, ou répartir le produit du vol.
‖ 2. Pop. Servir de façon avantageuse : Tu
t’estimes veinard, fadé d’un chouette écot
(Richepin). ‖ 3. Fig. et ironiq. Servir trop
copieusement ; faire payer plus qu’on ne
doit : Moi, les bourriques, je ne peux pas les
encaisser. La dernière fois, ils m’ont fadé :
six mois (Dorgelès). ‖ Il est fadé, il a large-
ment son compte (d’une chose fâcheuse).

fadet, ette [fadɛ, -ɛt] n. (mot du Centre


et du Centre-Ouest, dimin. de fade 2 [le
provenç. fada, fado, fée — v. FADE 2 — a
donné le dimin. fadeto, petite fée, parfois
adapté en fadette en franç.] ; 1848, G. Sand).
Dialect. Lutin, petite fée : Le fadet ou le
farfadet, qu’en d’autres endroits on appelle
aussi le follet, est un lutin fort gentil, mais
un peu malicieux (Sand). Des rondes diabo-
liques de jolies fadettes (Pérochon).

fadeur [fadoer] n. f. (de fade 1 ; XIIIe s.,


Studer et Evans, écrit fadur, au sens de
« dégoût » ; écrit fadeur, aux sens 1 et 3,
1611, Cotgrave ; sens 2, fin du XIXe s., Loti ;
sens 4, 1713, Hamilton ; sens 5, av. 1880,
Flaubert). 1. Caractère de ce qui est fade,
sans saveur : Leur goût [des fruits] écoeurait
tout d’abord, étant d’une fadeur incompa-
rable (Gide). ‖ 2. Émanation, odeur écoeu-
rante : L’infirmier qui l’éventait ne faisait
que remuer sur lui [...] des fadeurs déjà cent
fois respirées (Loti). L’étang vide se creu-
sait à leur gauche ; une fadeur de vase en
montait (Genevoix). ‖ 3. Fig. Caractère de
ce qui est insignifiant, dénué d’intérêt : Je
suis lasse à mourir de la fadeur des nou-
velles (Sévigné). La fadeur de la conversa-
tion. ‖ 4. Fig. Caractère de ce qui manque
d’attrait, de piquant, de relief : Une figure
sacerdotale qui ressemblait vaguement à
une tête de veau, douce jusqu’à la fadeur
[...], dénuée de sang (Balzac). ‖ 5. Fig.
Sentiment de dégoût physique ou moral :
Une de ces fadeurs de l’âme où il semble
que tout ce qu’on a en nous se liquéfie et se
dissout (Flaubert).

• SYN. : 1 insipidité ; 3 banalité, insigni-


fiance, platitude.

& fadeurs n. f. pl. (1762, J.-J. Rousseau).


Discours, écrits fades ; compliments exces-
sifs, galanteries plates : Je pensais qu’une
intelligence habituée à de substantielles
nourritures ne pouvait plus goûter à de
semblables fadeurs sans nausée (Gide).
Débiter des fadeurs.

fading [fading] n. m. (mot angl. signif.


« perte de la couleur, de la fraîcheur, de la
vigueur, diminution de l’intensité », déver-
bal de to fade, se ternir, disparaître, s’effa-
cer, dépérir, verbe lui-même empr. de l’adj.
franç. fade ; 1930, Larousse [fading mental,
milieu du XXe s.]). Diminution temporaire
de l’intensité des signaux radio-électriques
reçus : Voix presque sombrées, comme
par un phénomène de fading (Claudel).

‖ Fading mental, en psychopathologie,


arrêt progressif du processus de la pensée.

fado [fado] n. m. (mot portug. signif. pro-


prem. « destin » [les paroles du fado sont le
plus souvent une invocation au destin], lat.
fatum, oracle, destin, fatalité, dér. de fari,
parler ; 1907, Larousse). Chanson populaire
portugaise.

fafe ou faffe [faf] n. m. (apoc. de fafiot


[v. ce mot] ; 1829, G. Esnault, au sens de
« papier[s] d’identité », et 1846, au sens de
« billet de banque »). Arg. Syn. de FAFIOT.

fafelu, e adj. V. FARFELU, E.

fafiot [fafjo] n. m. (du radical onomato-


péique faf-, désignant le plus souvent un
objet de peu de valeur, avec le suff. -iot,
var. orthogr. de -iau, forme régionale du
suff. -eau ; 1627, Savot, au sens de « jeton
de jeu » ; sens 1, 1821, Ansiaume ; sens 2,
1847, Balzac). 1. Arg. Papier(s) d’identité
(le plus souvent au plur.). ‖ 2. Arg. Billet
de banque : Ce sera pour chacun un fafiot
de cinq cents balles (Hugo).

• REM. On rencontre aussi les formes


abrégées FAFE ou FAFFE.

fagales [fagal] n. f. pl. (dér. savant du


lat. fagus, hêtre ; XXe s.). Ordre de plantes
comprenant surtout des arbres de la forêt
tempérée (hêtre, chêne, noisetier, bouleau,
etc.), aux fleurs groupées en chatons et au
fruit serti dans une cupule.

fagne [faɲ] n. f. (mot du wallon orien-


tal, francique *fanja, dér. du gotique fani,
limon, vase ; 1840, Acad.). Dans le massif
des Ardennes, petit marais situé dans les
régions les plus élevées.

fagot [fago] n. m. (du lat. pop. *facus,


paquet, botte, fagot, peut-être d’une forme
gr. non attestée *phakos, fagot, issue du gr.
class. phakelos, faisceau, hotte, fagot [il est
difficile de soutenir que le mot soit origi-
naire du Midi, ce qui serait vraisemblable
pour un terme d’origine gr., car les pre-
mières attestations de l’anc. provenç. fagot
sont postérieures de deux siècles à celles du
franç. fagot ; en fait, l’étymologie et l’his-
toire du nom restent assez obscures] ; XIIe s.,
au sens 1 [sentir le fagot, 1668, La Fontaine] ;
sens 2, v. 1570, Carloix [« paquet de plumes
d’autruche », 1723, Savary des Bruslons] ;
sens 3, av. 1674, Chapelain ; sens 4, 1858,
G. Esnault). 1. Faisceau de petites branches
liées par le milieu et servant à faire du feu :
Quelques Anglais seuls riaient ou tâchaient
de rire ; un d’eux, des plus furieux, avait juré
de mettre un fagot au bûcher (Michelet). Il
faisait, l’hiver, de nombreuses distributions
de fagots (Flaubert). La grande cuisine | Où
les rouges fagots claquaient au foyer noir
(Jammes). Notre feu arrogant et bavard,
nourri de fagots secs et de souches riches
(Colette). ‖ Fagot de sape, fascine servant
à boucher les interstices entre les gabions,
dans les travaux de sape. ‖ Sentir le fagot,
en parlant d’une personne, d’une opinion,

d’un écrit, être soupçonné d’hérésie, ou,


plus généralement, être en opposition avec
les idées habituellement reçues et risquer
une condamnation (parce qu’autrefois on
brûlait les hérétiques) : Que lisez-vous là,
monsieur de Camors ? Hem ! Ça sent le fagot
(P. Adam). ‖ Fam. De derrière les fagots, se
dit d’une bouteille, d’un vin qu’on a laissés
vieillir au fond de la cave, et, par extens.,
de ce qui offre une qualité exceptionnelle :
Les Bordier, c’est de la France de derrière les
fagots (Géraldy). ‖ Fig. Un fagot d’épines,
une personne revêche, inabordable. ‖ Être
fait, être habillé comme un fagot, être mal-
bâti, mal habillé. (Vieilli.) ‖ 2. Par anal.
Choses assemblées et liées : Un fagot de fou-
gères balance sous une fenêtre au bout d’un
manche à balai (Flaubert). ‖ Spécialem.
Paquet de plumes d’autruche tel qu’il est
expédié du pays d’origine. ‖ Class. et fam.
Paquet : J’ai reçu un fagot de lettres des
Lavardins (Sévigné). ‖ 3. Class. Ensemble
de nouvelles peu importantes ou d’his-
toires inventées : N’est-ce point abuser
du loisir d’une dame de votre qualité, que
de vous conter de tels fagots ? (Sévigné).
« Conter des fagots », pour dire : Conter
des fadaises, des sornettes (Acad., 1694).
‖ 4. Arg. scol. Élève de l’École forestière.
• SYN. : 1 bourrée, cotret, falourde, fascine,
margotin.

fagotage [fagɔtaʒ] n. m. (de fagoter ;


1580, Montaigne, au sens 2 ; sens 1, 1600,
O. de Serres ; sens 3, fin du XIXe s.). 1. Action
de confectionner des fagots : Blondeau est
assigné pour le port d’armes [...] ; je crains
que mon fagotage n’en souffre (Courier).
‖ 2. Class. Travail fait rapidement et sans
soin : Mais n’admirez-vous point le fagotage
de mes lettres ? (Sévigné). ‖ 3. Fam. Mise
d’une personne qui s’habille sans recherche
ou avec mauvais goût : Belle fille peut-être
sous le vermillon de son visage et le fagotage
de sa personne (France).

• SYN. : 3 accoutrement, équipage,


harnachement.

fagoter [fagɔte] v. tr. (de fagot ;


v. 1268, É. Boileau, au sens 1 ; sens 2,
1580, Montaigne ; sens 3, 1585, N. Du
Fail). 1. Mettre en fagots : Demain, on
te donnera toute la forêt à fagoter (A. de
Châteaubriant). ‖ Absol. Confectionner
des fagots : Puis il émonde les arbres, il
ramasse le bois mort, il fagote (Balzac).
‖ 2. Class. Faire, composer quelque chose
à la hâte, sans soin : Et pour m’amuser,
elle [la princesse de Tarente] me fagote un
reversis (Sévigné). ‖ 3. Fam. Habiller sans
recherche, avec des vêtements de mauvais
goût (surtout au part. passé) : Et songeant
aux toilettes qu’il avait vues le matin :
« Non, s’écria-t-il, je ne paraîtrai pas fagoté
comme je le suis devant Mme d’Espard »
(Balzac). J’étais extrêmement sensible à
l’habit, et souffrais beaucoup d’être tou-
jours hideusement fagoté (Gide). La jeune
fille à marier, taille fagotée, bras ballants
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1817

devant un fond sylvestre (Camus). Il en est


des intérieurs comme des vêtements : ce qui
avantage l’un fagote l’autre (H. Bazin).

• SYN. : 3 accoutrer, affubler, attifer, ficeler


(fam.), fringuer (arg.), nipper (fam.).

fagoteur, euse [fagɔtoer, -øz] n. (de


fagoter ; 1215, Godefroy, écrit fagoteeur
[fagoteur, XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1743,
Trévoux ; sens 3, XIVe s., Du Cange). 1. Vx.
Personne dont le métier est de faire des
fagots : Le peu de bois qu’ils consommaient
en hiver, la Sauviat l’achetait aux fagoteurs
qui passaient (Balzac). ‖ 2. Péjor. Personne
qui travaille à la hâte et grossièrement :
Un fagoteur de romans. ‖ 3. Vx et péjor.
Personne peu recommandable : Vous avez
une jolie fille, elle a dix-sept ans ; si elle est
sage, vous vous arrangerez facilement avec
ce vieux fagoteur-là (Balzac).

fagotier [fagɔtje] n. m. (de fagot ; XIIe s.,


au sens 1 [rarement attesté : quelques ex.
aux XIIe, XVIIe et XIXe s.] ; sens 2, début
du XXe s.). 1. Bûcheron spécialisé dans
la confection des fagots : Il ramasse un
cotret oublié par quelque fagotier (Hugo).
‖ 2. Endroit ou bâtiment où l’on range les
fagots : À l’autre bout, on voyait la maison
entourée de hangars, de chars, de fagotiers,
de bois empilés sous des tignasses de genêts
secs (Pourrat).

• SYN. : 1 fagoteur.

1. fagotin [fagɔtɛ̃] n. m. (de fagot ; 1584,


1. fagotin [fagɔtɛ̃] n. m. (de fagot ; 1584,
Benedicti, puis 1849, Bescherelle). Petit
fagot.

• SYN. : cotret.

2. fagotin [fagɔtɛ̃] n. m. (de Fagotin, n.


du singe savant de Jean Brioché, bateleur
de la première moitié du XVIIe s. [ce n. pr.
est un emploi plaisant de fagotin 1] ; 1669,
Molière, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré).
1. Vx. Singe habillé en homme, que les
charlatans montraient dans les foires :
L’écrit portait | Qu’un mois durant le roi
tiendrait | Cour plénière dont l’ouverture
| Devait être un fort grand festin, | Suivi
des tours de fagotin (La Fontaine). ‖ 2. Vx.
Mauvais plaisant.

fagoue [fagu] n. f. (origine obscure ; 1549,


R. Estienne, aux sens 1-2). 1. Nom donné
par les bouchers au thymus ou ris de veau.
‖ 2. Pancréas du porc.

faguenas [fagena] n. m. (provenç. faga-


nas, même sens, mot d’origine obscure ;
1532, Rabelais, écrit faguenat ; faguenas,
av. 1660, Saint-Amant). Vx. Mauvaise odeur
provenant du corps humain échauffé : Cela
sent le gousset, l’escafignon, le faguenas
(Gautier).

faiblage [fɛblaʒ] n. m. (de faible [v. ce


mot] ; 1324, Godefroy, écrit foiblage ; fai-
blage, XVIIe s.). Infériorité de poids consta-
tée d’une monnaie.

faiblard, e [fɛblar, -ard] adj. (de faible ;


1890, Dict. général). Fam. et péjor. Un peu

faible : Les racines sont peut-être un peu


faiblardes (Achard). Un éclairage faiblard.
Un élève faiblard en anglais. Une explica-
tion faiblarde.

• SYN. : chétif, défectueux, délicat, frêle,


insuffisant, malingre, médiocre.

faible [fɛbl] adj. (lat. pop. *febilis, lat.


class. flebilis, digne d’être pleuré, triste,
affligeant, lamentable, dér. de flere, pleurer ;
1080, Chanson de Roland, écrit fieble [feble,
v. 1160, Roman de Tristan ; foible, v. 1175,
Chr. de Troyes ; faible, XVIIe s.], au sens I,
1 ; sens I, 2, 1685, Bossuet ; sens I, 3, 1674,
Racine ; sens I, 4, fin du XIIe s., Estoire del
Saint Graal ; sens II, 1, 1674, Boileau ; sens
II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 3, XIIIe s. ;
sens II, 4, 1636, Corneille ; sens II, 5, 1642,
Corneille ; sens II, 6, 1742, Voltaire ; sens
II, 7, 1890, Dict. général).

I. EN PARLANT DES ÊTRES ANIMÉS. 1. Qui


manque de vigueur physique : [L’oiseau]
tombe de fatigue et présente au danger son
faible bec et sa tête branlante (Michelet).
L’orgueil de la protection exercée à tout
moment en faveur d’un être faible (Bal-
zac). Un convalescent qui a les jambes
faibles. ‖ L’âge faible, l’enfance. ‖ Le sexe
faible, le sexe féminin, les femmes. ‖ Les
faibles mortels, les hommes, en langage
religieux, par opposition à la puissance
de Dieu : Pour moi, faible mortel fait de
sang et de chair (Lamartine). ‖ Faible de
(suivi d’un nom), qui manque de vigueur
dans tel organe ou telle partie du corps :
Faible des jambes. Faible de la poitrine.
‖ Avoir les reins faibles, ne pas pouvoir
porter de lourdes charges ; au fig., avoir
des réserves financières insuffisantes.
‖ 2. Qui manque de vigueur intellec-
tuelle : Les imbéciles, c’est-à-dire les es-
prits faibles [...], comprennent de moins en
moins (Alain). ‖ Qui manque de savoir :
Un élève faible. Un candidat faible en or-
thographe. ‖ 3. Qui cède facilement aux
volontés d’autrui : J’étais si faible devant
cette créature que j’obéissais à tous ses ca-
prices (Mérimée). Un père trop faible avec
ses enfants. ‖ L’esprit est prompt, mais la
chair est faible, la tentation vient vite et la
chair succombe facilement (phrase tirée
de l’évangile selon saint Matthieu, XXVI,
41). ‖ 4. Qui n’a pas les moyens de se faire
obéir et respecter : Que les gouvernements
soient faibles, c’est un mal que l’homme
libre ne sent point du tout (Alain).

II. EN PARLANT DES CHOSES. 1. Qui


manque de résistance : Une poutre trop
faible pour supporter une telle charge.
‖ Côté, point faible, endroit où la résis-
tance est moindre : Les points faibles
d’un rempart ; au fig., vice, ignorance,
etc., par où il faut attaquer quelqu’un
pour le mettre en échec : Il est gourmand,
c’est là son côté faible. Le point faible de
ce candidat est le latin. ‖ 2. Qui a peu de
puissance : La nuit résineuse descend ;
une lampe faible sur la table dénonce

la couleur de grenat du vin (Colette).


Cette voiture a un moteur un peu faible.
‖ 3. Monnaie faible, monnaie qui n’a pas
le poids, le titre légal, ou dont le cours est
bas. ‖ 4. Peu perceptible, peu intense : Je
calculais, d’après la décroissance indéfinie
des bruits, que les plus faibles devaient
m’être apportés de plus d’une lieue (Fro-
mentin). Une petite lampe électrique [...]
donnait une faible lumière (Duhamel).
‖ 5. Peu considérable : Le désir [...] d’uti-
liser mon faible talent de musicienne
(Becque). Une impuissance d’agir qui
tient moins à la puissance de l’objet qu’aux
faibles prises qu’il nous offre (Alain). Les
Humbles se recrutaient surtout chez les
pauvres, dans le monde de ceux qui tra-
vaillent pour un faible salaire (Romains).
‖ 6. Qui n’est pas d’un niveau élevé, qui a
peu de valeur : Faibles à quelques égards,
ces études de Saint-Nicolas étaient très
distinguées, très littéraires (Renan). Un
roman faible. Un devoir faible. ‖ 7. For-
mations faibles, celles qui, dans les lan-
gues à flexion, présentent le degré réduit
du thème. ‖ Prétérit faible, en germa-
nique, celui qui se forme par l’addition
d’une caractéristique de passé au thème
du présent. (Ainsi, en allemand, ich sagte,
présent ich sage.)

• SYN. : I, 1 asthénique, chancelant, chétif,


débile, déficient, délicat, frêle, malingre,
souffreteux ; 2 borné, bouché (fam.),
étroit, lourd, obtus ; lamentable, mauvais,
médiocre, nul ; 3 accommodant, bonasse,
coulant (fam.), débonnaire, facile, mal-
léable, mou, veule ; 4 désarmé, impuissant,
vulnérable. ‖ II, 1 fragile, frêle, mince ; 2
inefficace, insuffisant ; 4 étouffé, falot,
imperceptible, léger, ouaté ; 5 dérisoire, mal-
heureux (fam.), minable, minime, modeste,
modique, négligeable, petit, pitoyable ; 6
fade, mauvais, méchant (fam.). — CONTR. :
I, 1 fort, résistant, robuste, vigoureux ; 2
génial, incisif, pénétrant, subtil, vif ; doué,
érudit, fort, instruit, intelligent, savant ;
3 énergique, ferme, impérieux, inflexible,
volontaire ; 4 autoritaire, totalitaire.
‖ II, 1 solide ; 2 puissant ; 4 criard, cru,
intense, violent ; 5 colossal, considérable,
élevé, énorme, fabuleux, grand, immense,
important ; 6 bon, excellent, irréprochable,
parfait, remarquable.

& n. (sens 1, XIIIe s., Barbazan ; sens 2,


av. 1662, Pascal). 1. Personne qui manque
de vigueur physique : Au collège ainsi que
dans la société, le fort méprise déjà le faible
(Balzac). ‖ 2. Personne qui manque d’éner-
gie morale ou de fermeté dans le carac-
tère : Lorsque le don de fortifier les faibles
commencera de tarir dans le poète, alors
aussi tarira sa vie (Vigny). Cette sèche et
méchante ironie [de Mérimée], travaillée
pour étonner et dominer la femme et les
faibles (Goncourt).
• SYN. : 2 aboulique, apathique, mou (fam.),
ramolli (fam.), velléitaire. — CONTR. : 1 fort.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1818

& n. m. (sens 1, 1656, Molière ; sens 2, 1635,


Corneille). 1. Vx. Point le moins résistant :
Le faible d’une place forte. ‖ 2. Fig. Passion
à laquelle on résiste mal : Monseigneur
Landriani [...] n’a qu’un faible : il veut être
aimé (Stendhal). ‖ Avoir un faible pour,
avoir un goût prononcé, une tendresse
particulière pour : J’avoue mon faible
extrême pour cette enfant (Feuillet). Je soup-
çonne aujourd’hui ma pauvre mère d’un
faible pour les boîtes (France). ‖ Prendre
quelqu’un par son faible, le tenter en lui pré-
sentant ce qu’il aime tout particulièrement.
• SYN. : 2 faiblesse, vice ; attirance, incli-
nation, penchant, pente, prédilection,
propension.

faiblement [fɛbləmɑ̃] adv. (de faible [v.


ce mot] ; 1080, Chanson de Roland, écrit
fieblement [foiblement, XIIe s. ; faiblement,
XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, v. 1361, Oresme).
1. D’une manière faible : Elle fit trois pas en
avant, appela faiblement (Gide). ‖ 2. À un
faible degré : Un sourire de joie [...] éclaira
faiblement son visage (Proust).

• SYN. : 1 doucement, mollement, sourde-


ment, vaguement ; 2 à peine, légèrement,
peu. — CONTR. : 1 durement, énergique-
ment, fermement, puissamment ; 2 forte-
ment, intensément, violemment.

faiblesse [fɛblɛs] n. f. (de faible [v. ce


mot] ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit
flebece [foiblesse, XIIe s. ; feblesce, XIIIe s. ;
faiblesse, XVIIe s.], aux sens 1, 3 et 5 ;
sens 2, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 4,
av. 1662, Pascal ; sens 6, fin du XVIIe s.,
Mme de Sévigné ; sens 7, 1672, Racine ; sens
8, 1690, Furetière ; sens 9, 1314, Mondeville ;
sens 10, 1768, Voltaire ; sens 11, 1865,
Littré). 1. Manque de force ou de vigueur
physique : Faiblesse de constitution. C’est
un rouge-gorge, de tous les oiseaux peut-
être le plus familier, le plus humble, le
plus intéressant par sa faiblesse, son vol
court et ses goûts sédentaires (Fromentin).
Vous éprouvez une faiblesse générale, des
lourdeurs de tête, et une certaine paresse
à vous lever (Romains). ‖ 2. Perte subite
des forces et de la conscience : Ma tante
ne cessait de regarder l’heure, bâillait, se
sentait des faiblesses (Proust). Une faiblesse
subite parut la prendre et l’on eût pu croire
qu’elle allait tomber en arrière (Green).
‖ Être pris de faiblesse, se trouver mal,
s’évanouir. ‖ 3. Disposition, tendance à
faillir ; défaillance morale ou psychique :
De ce que vous m’avez dit, je retiens que
vous croyez m’avoir surpris dans un in stant
de faiblesse (Montherlant). Les gens qui
n’eurent point de faiblesses sont terribles
(France). ‖ 4. Manque de vigueur intellec-
tuelle : Faiblesse de jugement. Je discerne
fort mal ce qui est clair sans réflexion de
ce qui est positivement obscur [...] : cette
faiblesse, sans doute, est le principe de mes
ténèbres (Valéry). ‖ Manque de savoir :
La faiblesse d’un élève en anglais. ‖ Par
extens. Manque de valeur d’un ouvrage

de l’esprit : La faiblesse d’un discours.


Baudelaire a le plus grand intérêt [...] à
s’exagérer toutes les faiblesses et les lacunes
du romantisme, observées de tout près dans
les oeuvres et dans les personnes de ses
plus grands hommes (Valéry). ‖ Niveau
intellectuel trop bas : Dès la fin du siècle
dernier, on commençait à lutter contre
la faiblesse de l’enseignement donné aux
filles. ‖ 5. Impuissance à résister aux ten-
tations ou aux passions ; manque d’empire
sur soi-même : La faiblesse humaine me
faisait aussi un plaisir de reparaître connu
et puissant là où j’avais été ignoré et faible
(Chateaubriand). Eh quoi ! Reboul, lui dit-
elle, vous pleurez, mon ami, quelle faiblesse !
(Stendhal). Et pourtant, j’eus envie d’une
poupée : les hercules ont de ces faiblesses
(France). Je ne savais que penser d’une
pareille faiblesse chez une femme d’habi-
tude si maîtresse d’elle-même (Bernanos).
‖ 6. Vx. Penchant, goût excessif pour
quelque chose : Pour l’argent un peu trop
de faiblesse | De ces vertus en lui ravalait la
noblesse (Boileau). ‖ 7. Class. Amour : Je
me flattais sans cesse | Qu’un silence éternel
cacherait ma faiblesse (Racine). ‖ Littér. Le
fait pour une femme de céder à un homme :
Trop souvent, l’histoire des faiblesses de la
femme est aussi l’histoire des lâchetés des
hommes (Hugo). ‖ 8. Impuissance à se
faire obéir ou respecter : La faiblesse d’un
gouvernement. ‖ 9. Manque de résistance,
de robustesse d’une chose : Un accident
est à craindre en raison de la faiblesse des
câbles. ‖ 10. Manque d’importance d’une
chose, quantité insuffisante : Il existe à Serk
une mine d’argent inexploitée à cause de
la faiblesse du rendement (Hugo). Une
défaite due à la faiblesse de l’armement.
‖ 11. Faiblesse d’une monnaie, d’un poids,
infériorité de cette monnaie, de ce poids
par rapport à la valeur, au poids exigés par
la loi.

• SYN. : 1 adynamie, affaiblissement,


asthénie, débilité, déficience, épuisement,
fatigue ; 2 défaillance, étourdissement, éva-
nouissement, malaise, pâmoison, syncope ;
3 abattement, découragement, dépression,
lâcheté, veulerie ; 4 médiocrité, nullité ;
fadeur, pauvreté, platitude ; insuffisance ;
5 défaillance, laisser-aller ; 9 fragilité,
minceur ; 10 insignifiance, médiocrité,
modestie, modicité. — CONTR. : 1 robus-
tesse, santé, vigueur, vitalité ; 3 courage,
détermination, énergie, fermeté ; 4 acuité,
pénétration, rapidité, vivacité ; force ; génie,
puissance, talent, valeur ; 5 domination,
maîtrise, volonté ; 8 autoritarisme, des-
potisme, tyrannie ; 9 résistance, solidité ;
10 importance, supériorité.

faiblet, ette [fɛblɛ, -ɛt] adj. (de faible


[v. ce mot] ; XIIe s., Jeu d’Adam, écrit fieblet ;
faiblet, 1648, Scarron). Class. et fam. Un
peu faible : La comparaison est faiblette
(Scarron).

faiblir [fɛblir] v. intr. (de faible [v. ce mot] ;


v. 1188, Aimon de Varennes, écrit flebir
[foiblir, XIIIe s. ; faiblir, fin du XVIIe s.], aux
sens 2-3 [rares du XIIIe au XVIIe s.] ; sens 1,
1771, Trévoux ; sens 4, 1663, Corneille ; sens
5, 1764, Voltaire). 1. Perdre de sa force, de
son intensité : Pour que sa voix ne faiblît
pas, il la soutenait par intervalles réguliers
d’une note de sa lyre (France). Elle était
encore là, tel un arc-en-ciel dont l’éclat
faiblit (Proust). Secoué de frissons, sentant
ses forces faiblir [...], il répétait : ... « Je vais
mourir » (Martin du Gard). ‖ 2. Perdre
de sa résistance physique, en parlant d’un
être animé : La volonté de ne pas faiblir,
de ne pas écouter sa fatigue (Romains).
‖ 3. Fig. Perdre de sa fermeté, de sa force
morale : Antoine avait une telle habitude
de s’en laisser imposer par son père qu’il
faiblit (Martin du Gard). ‖ 4. Fig. Perdre
de son intensité ou de sa valeur, en parlant
des facultés intellectuelles ou des qualités
morales d’un homme : Mon dévouement
pour mes amis en peine n’avait pas faibli
(Sainte-Beuve). ‖ 5. Fig. Perdre de sa force,
de sa vigueur ou de son intérêt, en parlant
des ouvrages de l’esprit : La pièce faiblit au
dernier acte.

• SYN. : 1 s’affaiblir, baisser, décliner,


décroître, s’effacer, s’estomper, fléchir ;
2 défaillir, mollir ; 3 capituler (fam.),
céder, flancher (fam.), s’incliner, lâcher,
plier ; 4 s’atténuer, chanceler, diminuer, se
relâcher, vaciller. — CONTR. : 1 augmenter,
enfler, grossir, s’intensifier ; 2 se remettre,
se retaper (fam.), tenir ; 3 se cabrer, se
raidir, réagir, se rebiffer (fam.), regimber
(fam.), résister ; 4 s’affermir, se confirmer,
se raffermir.

faiblissant, e [fɛblisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.

prés. de faiblir ; 1865, Littré). Qui faiblit :


Voix faiblissante.

• SYN. : défaillant, mourant.

faidit [fɛdi] n. et adj. (lat. médiév. faiditus,


proscrit, part. passé substantivé de faidi[a]
re, traiter en ennemi, poursuivre, dér. de
faida, guerre, inimitié, francique *faihiđa,
guerre ; v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-
Maxence, écrit faidif, faidiu ; faidit, XIIIe s.).
Au Moyen Âge, hors-la-loi. ‖ Spécialem.
Albigeois chassé de son pays.

faïence [fajɑ̃s] n. f. (de Faenza, n. d’une


ville d’Italie proche de Ravenne [souvent
francisé en Fayance, Faiance, aux XVIe et
XVIIe s.], d’où l’usage de cette poterie s’est
répandu en France [en Italie, la faïence
s’appelle maiolica, v. MAJOLIQUE] ; fin du
XVIe s., L’Estoile, dans la loc. vaisselle de
faenze [parfois abrégée en fayence] ; 1642,
Oudin, au sens 1, écrit faiance [faïence, fin
du XVIIe s.] ; sens 2, 1890, Dict. général ;
sens 3, 1690, Furetière). 1. Poterie à pâte
opaque, recouverte d’un émail permettant
un décor : De grands vases en faïence bleue
et blanche (Balzac). Le lait bouillait sur le
fourneau à braise pavé de faïence bleue
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1819

(Colette). Une table carrelée de faïence


blanche (Van der Meersch). Mais le bruit
qui dominait les autres à cette heure était
celui des assiettes, des cuillers heurtant la
faïence ou le métal (Duhamel). ‖ 2. Fam.
Se regarder en chiens de faïence, se regar-
der fixement et sans aménité. ‖ 3. (Au
plur.) Objets en faïence : Ce marché de la
curiosité était abondamment fourni [...]
de potiches à fleurs, d’émaux, de faïences
décorées (France). Cette modeste salle à
manger [...] avec sa lampe à suspension,
son dressoir chargé de faïences rustiques
(H. de Régnier). ‖ Parfois au sing. : Acheter
une faïence ancienne.

• SYN. : 1 céramique, majolique.

faïencé, e [fajɑ̃se] adj. (de faïence ;


1851, Landais, au sens 1 ; sens 2, 1865,
Littré). 1. Qui imite ou qui a la couleur
de la faïence : Leurs yeux faïencés, grands
ouverts comme des oeils-de-boeuf (Barbey
d’Aurevilly). ‖ 2. Spécialem. Se dit d’une
peinture qui est couverte de petites cra-
quelures semblables à celles de la faïence.

faïencerie [fajɑ̃sri] n. f. (de faïencier ;


1743, Trévoux, au sens 2 ; sens 1, 1865,
Littré ; sens 3, 1849, Bescherelle). 1. Art
de la faïence : Ces magnifiques tentures de
faïence, produits d’un grand art, la faïence-
rie ancienne (Hugo). ‖ 2. Établissement qui
produit ou qui vend de la faïence : Diriger
une faïencerie. ‖ 3. Ensemble d’objets, d’ar-
ticles de faïence : La faïencerie de Rouen.
• SYN. : 1 céramique, poterie ; 3 faïence.

faïencier, ère [fajɑ̃sje, -ɛr] n. (de


faïence ; 1680, Richelet). Personne qui
fabrique ou vend des objets en faïence ou
en porcelaine.

• SYN. : céramiste, potier.

& adj. (1865, Littré). Relatif à la faïence :


Industrie faïencière.

faignant, e ou feignant, e [fɛɲɑ̃, -ɑ̃t]


adj. et n. (part. prét. de feindre, au sens
anc. de « rester inactif, paresser » [v. 1175,
Chr. de Troyes ; encore usuel au début du
XVIIe s.] ; v. 1200, Gace Brulé). Pop. Qui ne
veut rien faire : Mais ce matin, en entrant
à l’atelier, je me suis senti faignant comme
tout... Impossible de travailler (Daudet). Il
s’entendait appeler propre à rien, faignant
(Huysmans). « Mais on peut bien dire que
c’est un vrai feignant que cet Antoine, et
son « Antoinesse » ne vaut pas mieux que
lui », ajoutait Françoise (Proust). Arrivé
à six heures moins le quart : plus un chat.
Une bande de feignants ! (Montherlant).
• SYN. : cossard (pop.), fainéant, flemmard
(fam.), paresseux. — CONTR. : actif, bûcheur
(fam.), consciencieux, courageux (fam.),
laborieux, travailleur, zélé.

faillance [fajɑ̃s] n. f. (de faillir ; fin du


XIe s., Gloses de Raschi, au sens général ;
faillance de coeur, « manque de courage »,
av. 1841, Chateaubriand). Vx. Manque,
défaut de quelque chose : Par faillance de

coeur et à défaut de génie, Louis-Philippe a


reconnu des traités qui ne sont point de la
nature de la Révolution, traités avec lesquels
elle ne peut vivre et que les étrangers ont
eux-mêmes violés (Chateaubriand).

1. faille [faj] n. f. (mot d’origine obscure,


d’abord attesté principalement dans des
textes du Nord-Est ; XIIIe s., Roman de
Renart, au sens 1 [le néerl. falie, faelge,
grand vêtement de femme, est empr. du
franç.] ; sens 2 [par abrév. de taffetas à
failles], début du XIXe s.). 1. Vx. Voile de
femme : Modestement enveloppée de sa
faille et suivie de Barbara qui porte son livre
(Gautier). ‖ Taffetas à failles, taffetas qui
servait à faire des failles. ‖ 2. Étoffe de soie,
et maintenant de rayonne, parfois à trame
de coton, formant des côtes à gros grain :
Je la trouvais vêtue de quelque belle robe,
certaines en taffetas, d’autres en faille, ou en
velours, ou en crêpe de Chine, ou en satin,
ou en soie (Proust). Elle était vêtue d’une
robe de faille couleur puce, qui crissait à
tout mouvement (Gide).

2. faille [faj] n. f. (lat. pop. *fallia, de *fal-


lire [v. FAILLIR] ; v. 1155, Wace, aux sens de
« manque, faute, mensonge, erreur » ; sens
1-2 [repris à la langue des mineurs wallons
de la région de Liège], 1771, Schmidlin ; sens
3-4, début du XXe s.). 1. En minéralogie,
interruption d’un filon. ‖ 2. En géologie,
solution de continuité dans une couche
ou un pli, accompagnée d’un déplace-
ment relatif des blocs séparés : Les failles
de la Côte d’Or. ‖ 3. Brusque solution de
continuité : Des étincelles d’or s’allument
au moindre sourire dans les failles de la
denture (Duhamel). Le gris parfait du ciel
rendait laiteuse l’eau d’un lac dans les failles
de vastes champs de nénuphars (Malraux).
‖ 4. Fig. Point faible, manque de cohérence
dans un raisonnement : Il y a des failles
dans votre démonstration.

• SYN. : 2 cassure, fracture ; 3 brèche, inters-


tices ; 4 défaut, faiblesse, hiatus, lacune,
trou.

failié, e [faje] adj. (de faille 2 ; XXe s.).


En géologie, qui est coupé par des failles :
Relief faillé.

failler (se) [səfaje] v. pr. (de faille 2 ;


XXe s.). En géologie, se disloquer.

1. failli, e [faji] adj. et n. (adaptation,


d’après faillir, de l’ital. fallito, part. passé
de fallire, faillir, manquer [de l’argent néces-
saire pour payer une dette], faire faillite, lat.
pop. *fallire [v. FAILLIR l] ; 1606, Nicot). Qui
est déclaré en faillite.

2. failli, e [faji] adj. (part. passé de faillir


1 ; fin du XVIIe s., Saint-Simon, au sens 1
[failli, « lâche », v. 1190, Garnier de Pont-
Sainte-Maxence ; failli de, « qui manque
de », début du XVIIe s., Malherbe] ; sens 2,
1849, Bescherelle). 1. Class. Failli de coeur,
sans honneur ni courage : Avantages qui
eussent mis la confusion dans l’État s’ils

eussent été prodigués à un homme moins


failli de coeur (Saint-Simon). ‖ 2. Failli gars,
mauvais marin.

faillibilité [fajibilite] n. f. (lat. médiév.


faillibilitas, de faillibilis [v. l’art. suiv.] ;
fin du XIIIe s., Godefroy, puis 1697, Bayle).
Possibilité de tomber dans l’erreur, de com-
mettre une faute : La faillibilité d’un juge.

faillible [fajibl] adj. (lat. médiév. faillibilis,


tiré du franç. faillir 1 ; v. 1265, J. de Meung,
puis 1762, Acad.). Qui peut se tromper,
commettre une faute : Tout pouvoir humain
est faillible (Guizot).

• CONTR. : infaillible.

1. faillir [fajir] v. intr. (lat. pop. *fallire,


lat. class. fallere, tromper, manquer à sa
parole, faire défaut, manquer, commettre
une faute, et, comme v. impers., « il [m’]
échappe » [le radical faill-, phonétiquement
régulier au plur. du prés., à l’imparf. de l’in-
dic., etc., s’est peu à peu étendu à l’ensemble
du verbe, mais les formes faut et faudrai,
faudras, etc., ont subsisté jusqu’au XIXe s.] ;
v. 1165, Marie de France, au sens I, 1 [jouer
à coup failli, à coup faillant, 1694, Acad.] ;
sens I, 2-3, XIIe s. ; sens II, 1, fin du XIIIe s.,
Joinville ; sens II, 2, v. 1283, Beaumanoir
[jour faillant, failli, v. 1360, Froissart ; à
jour failli, 1552, R. Estienne]). [Conj. 25.]

I. 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Ne pas


atteindre le but : L’adultère [...] lui tira un
coup de pistolet, qui faillit (Malherbe) ;
et transitiv. : Il n’y a si bon archer qui ne
faille quelquefois le blanc (Malherbe).
‖ Vx. Jouer à coup faillant, à coup failli,
au volant ou au jeu de paume, jouer à la
place du premier joueur qui manque son
coup. ‖ 2. Class. et littér. Manquer à son
devoir, commettre une faute, ou tomber
dans l’erreur : Qu’une âme généreuse a de
peine à faillir ! (Corneille). Je ne laisserai
pas manquer mon Église, dit Dieu, je ne
la laisserai pas errer, je ne la laisserai pas
faillir (Péguy). Je le sens bien à présent,
j’ai failli (Gide). ‖ Spécialem. Se laisser
séduire, en parlant d’une femme : Si ma
femme a failli, qu’elle pleure bien fort ; |
Mais pourquoi moi pleurer, puisque je
n’ai point tort ? (Molière). Il se disait
peut-être, au fond de sa pensée, qu’une
jeunesse qui avait failli pouvait bien faillir
encore (Maupassant). ‖ 3. Class. Se trom-
per, avoir tort sur un point donné : Nous
ne serons plus guère ici. Je faux de dire
« guère » parce que toutes les heures me
seront des années (Malherbe).

II. 1. Class. Faire défaut, disparaître


momentanément ou définitivement, en
parlant des fonctions organiques ou des
facultés intellectuelles : Ne te donna-t-on
pas des avis, quand la cause | Du marcher
et du mouvement, | Quand les esprits, le
sentiment, | Quand tout faillit en toi ? (La
Fontaine). ‖ 2. Vx. Être au terme, dispa-
raître par extinction : En remontant la
lignée des Chateaubriand, composée de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1820

trois branches, les deux premières étant


faillies, la troisième [...] s’appauvrit (Cha-
teaubriand). ‖ Vx. À jour faillant, à la
chute du jour. ‖ Vx. À jour failli, après
la chute du jour. ‖ Vx. À nuit faillie, à la
nuit tombée.

& v. tr. ind. (sens 1, v. 1050, Vie de saint


Alexis ; sens 2, fin du XIIe s., Châtelain
de Coucy). 1. Class. et littér. Faillir à
quelqu’un, en parlant des personnes, lui
manquer, lui retirer le soutien, le concours
sur lequel il croyait pouvoir compter : Je
ne vous faudrai jamais tant que je pourrai
(Chapelain). Une main amie qui ne te failli-
rait pas (Flaubert) ; en parlant des choses,
lui faire défaut : Tour ni détour, ruse ni stra-
tagème | Ne vous faudront (La Fontaine).
Peut-être l’indécision où j’aurais pu rester
aurait-elle donné la majorité parlementaire
à M. de Polignac, qui ne lui faillit que de
quelques voix (Chateaubriand). ‖ Le coeur
me (lui) faut, je (il) défaille ; au fig., le cou-
rage, la force me (lui) manque : À l’idée de
devoir annoncer à Gertrude que la vue lui
pourrait être rendue, le coeur me faut (Gide).
‖ 2. Littér. Faillir à quelque chose, ne pas
être capable de mener cette chose à bien :
J’ai traîné mes pauvres pieds, je faillais à
la besogne (A. de Châteaubriant). ‖ Faillir
à une promesse, à une parole, à un enga-
gement, etc., ne pas tenir cette promesse,
cette parole, cet engagement, etc. ‖ Faillir
à son devoir, agir de façon répréhensible.
‖ Absol. Sans faillir, en poursuivant l’effort
jusqu’au bout.

& v. auxil. (av. 1719, Mme de Maintenon


[faillir à, milieu du XVIe s., Amyot ; faillir
de, v. 1610, d’Urfé]). Suivi d’un infinitif,
faillir joue le rôle d’un auxiliaire d’aspect et
indique qu’une action située dans le passé
a été sur le point de se produire : Dans le
procès, il [frère Isambart] avait failli périr
pour avoir conseillé la Pucelle (Michelet).
Il faillit plusieurs fois être renversé par les
voitures (Duhamel). De la peste jusqu’au
cou ! Il ne l’a pas eue, mais il a bien failli
l’avoir (Pagnol). ‖ Class. L’infinitif pouvait
être introduit par les prép. à ou de : Il leur
tint un discours qui faillit à les faire tomber
de leur haut (Guez de Balzac). Combien de
fois je faillis de perdre tout respect (d’Urfé) ;
construction qui est encore parfois reprise
littérairement : J’ai encore failli de me trom-
per (Proust).

• SYN. : croire, manquer, penser.

2. faillir [fajir] v. intr. (ital. fallire [v. FAILLI


1] ; XVIe s.). [Conj. : v. FINIR.] Faire faillite.
(Rare.)

faillite [fajit] n. f. (adaptation, d’après


faillir, de l’ital. fallita, faillite, part. passé
fém. substantivé de fallire [v. FAILLI 1] ;
XVIe s., Loisel, au sens 1 ; sens 2, 1807,
Code de commerce ; sens 3, fin du XIXe s.).
1. État du commerçant dont la cessation de
paiements a été constatée par le tribunal
de commerce et déclarée publiquement.
‖ Faire faillite, ne plus être en état de payer

ses créanciers : Il le chassa de la halle en


le forçant, dans une circonstance critique,
à faire faillite (Balzac). ‖ 2. Procédure
légale instituée pour régler la situation du
commerçant qui a été déclaré en état de
cessation de paiements. ‖ 3. Fig. Insuccès
constaté, patent, d’une entreprise, d’un
système, d’une idée : La faillite de l’ima-
gerie scientifique est déclarée (Valéry). Il
y a, dans le renoncement à la joie, de la
faillite, et comme une sorte d’abdication,
de lâcheté (Gide). La faillite d’une politique
économique.
• SYN. : 1 banqueroute, déconfiture, krach ;
3 défaite, échec, fiasco, ruine. — CONTR. : 3
réussite, succès, triomphe, victoire.

faim [fɛ̃] n. f. (lat. fames, famis, faim ; XIe s.,


aux sens 1-2 ; sens 3, fin du XIIIe s., Adam
de la Halle ; sens 4, 1664, Racine). 1. Besoin
de manger ; sensation, d’origine complexe,
éprouvée par la personne qui a besoin de
manger : Sur nos tables sans nappe, où la
faim nous attend, | Une pomme de terre
[...] est reine (Hugo). J’étancherai ma soif,
j’assouvirai ma faim (Leconte de Lisle). La
faim de six semaines de grève s’éveillait dans
les ventres vides (Zola). N’ayant pas très
grand-faim d’ordinaire, je ne souffrais pas
trop des plats manqués, ni des menus insuf-
fisants (Gide). ‖ Faim canine, faim de loup,
très grande faim. ‖ Avoir faim, ressentir
le besoin de manger. ‖ Mourir de faim,
ou (pop.) crever de faim, crever la faim,
périr par manque d’aliments ; par exagér.,
avoir grand-faim, et, au fig., être dénué de
ressources : Partout le peuple ne demande
qu’à ne pas mourir de faim pour vivre en
repos (Constant). ‖ Un meurt-de-faim, et
(pop). un crève-de-faim ou un crève-la-
faim, v. à l’ordre alphab. ‖ Crier la faim, ou
(vx) crier à la faim, être pressé de manger.
‖ 2. Littér. Envie de manger, appétit : Si je
cherchais tes aliments, tu n’aurais pas de
faim pour les manger (Gide). ‖ 3. Littér.
Envie passionnée de posséder, d’atteindre
quelque chose : Avoir faim de richesses. Il
[l’aviateur] jugea bien que c’était un piège.
[...] Mais sa faim de lumière était telle qu’il
monta (Saint-Exupéry). ‖ Faim spiri-
tuelle, besoin de la grâce de Dieu : Dans le
Nouveau Testament, on redoute toujours
[...] une spirituelle famine | D’une faim spi-
rituelle (Péguy). ‖ 4. Manque général de
ressources alimentaires dans une région ou
un pays : Géopolitique de la faim (ouvrage
de l’économiste brésilien J. de Castro).

• SYN. : 1 appétit, fringale (fam.), 4 disette,


famine.

• REM. Avec l’expression avoir faim,


on emploie souvent certains adverbes,
comme très, si, bien, tellement, trop, etc.,
et non pas seulement dans la langue par-
lée : J’ai très faim. J’ai si faim que... J’ai
tellement faim que... Cette construction
est critiquée, puisqu’un adverbe est censé
ne pouvoir modifier un nom. On devrait
donc dire correctement : Avoir grand-

faim (Acad.), ou J’ai une très grande faim,


une telle faim que...

faim-valle [fɛ̃val] n. f. (loc. reprise aux


parlers de haute Bretagne et de Normandie,
de faim et de l’adj. breton gwall, méchant ;
milieu du XIIe s., Roman de Thèbes, au sens
2 ; sens 1, 1694, Th. Corneille). 1. Besoin
soudain de nourriture qui arrête les che-
vaux dans leur travail, jusqu’à ce qu’ils
aient mangé. ‖ 2. Grande faim.

• SYN. : 1 boulimie ; 2 fringale (fam.).

faine [fɛn] n. f. (lat. pop. *fagīna [sous-


entendu glans, glandis, n. f., « gland »], fém.
de l’adj. *fagīnus, de hêtre, lat. class. faginus,
dér. de fagus, hêtre ; XIIe s., Partenopeus
de Blois, écrit favine ; faïne, 1258, Roman
de Mahomet ; faine, 1600, O. de Serres).
Fruit comestible du hêtre, dont on extrait
une huile : Elle amassait noix et noisettes,
amandes et faines (France). L’écureuil
Guerriot avait visité des noisetiers et des
hêtres, choisi sa faine (Pergaud).

• REM. L’Académie orthographie FAINE,


sans accent circonflexe sur le i, mais on
trouve aussi les orthographes anciennes
FAÎNE et FÊNE.

fainéant, e [fɛneɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (réfec-


tion phonétique de l’anc. terme faignant
[v. ce mot], où l’on a cru voir un composé
de fai, fait [2e pers. du sing. de l’impér. ou
3e pers. du sing. de l’indic. prés. de faire]
et de néant ; XIVe s., Godefroy, écrit fai-
noient ; 1541, Calvin, écrit fait-néant ;
fainéant, 1580, Montaigne). Péjor. Qui ne
fait rien, qui ne veut pas travailler : Il est
très faux que les moines ne fussent que de
pieux fainéants (Chateaubriand). J’ai donné
ma vie | À ce dieu fainéant qu’on nomme
fantaisie (Musset). Il est impossible, à pre-
mière vue, de distinguer celui qui perd son
temps d’une manière féconde et profitable
de l’autre, du simple fainéant, de celui qui
perd son temps sans espoir et sans honneur
(Duhamel). ‖ Rois fainéants, les derniers
Mérovingiens, qui abandonnèrent le pou-
voir aux maires du palais : Despotique,
pesant, incolore, l’Été, | Comme un roi fai-
néant présidant un supplice, | S’étire [...] |
Et bâille (Verlaine). Sorte de roi fainéant, je
nageais dans un bain de voluptés coupables
(Troyat).

• SYN. : cossard (pop.), flemmard (fam.),


indolent, nonchalant, paresseux. — CONTR. :
actif, bûcheur (fam.), courageux (fam.),
laborieux, travailleur, zélé.
fainéanter [fɛneɑ̃te] v. intr. (de fainéant
[v. ce mot] ; 1690, Furetière, écrit faitnéanter
[fainéanter, XVIIIe s.], aux sens 1-2). 1. Faire
le fainéant, vivre à la façon d’un fainéant.
‖ 2. Rester inactif, paresser : Des gardes
républicains logés dans le bâtiment lainier
fainéantaient à l’entrée (Hamp).

• SYN. : 1 flemmarder (fam.), paresser ; 2


flâner, musarder, muser, traîner.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1821

• REM. On trouve aussi la forme FAINÉAN-


TISER (de fainéantise ; 1782, Gohin) :
Après un tel triomphe, on éprouve le be-
soin [...] de s’en aller fainéantiser quelque
part (Daudet). Un tout jeune Arabe à peau
brune, que déjà les jours précédents j’avais
remarqué parmi la bande de vauriens qui
fainéantisait aux abords de l’hôtel (Gide).

fainéantise [fɛneɑ̃tiz] n. f. (de fainéant ;


1539, R. Estienne). Vice du fainéant : J’ai
ramassé du pain, frère, où j’en ai trouvé :
| Dans la fainéantise et dans l’ignominie
(Hugo). Les Arabes, chez qui la fainéantise
est le droit du mâle (Fromentin).

• SYN. : cosse (pop.), flemme (fam.), indo-


lence, nonchalance, oisiveté, paresse.

fainéantiser v. intr. V. FAINÉANTER.

1. faire [fɛr] v. tr., v. tr. ind., v. intr.,


v. impers., se faire [səfɛr] v. pr. (lat. facere,
faire, exécuter, procréer, former, rendre,
estimer ; 842, Serments de Stras-bourg, à la
3e pers. du sing. du subj. prés. [écrit fazet] ;
à l’infin. [écrit faire], fin du IXe s., Cantilène
de sainte Eulalie). [Conj. 72.]

■ « FAIRE », VERBE TRANSITIF

• A. : sens I, 1, 3, II, 4, 1080, Chanson


de Roland ; sens I, 2, III, 1, V, 3-4, 1273,
Adenet ; sens I, 4-5, II, 7, 10-11, III, 5, V,
2, 5, 1690, Furetière ; sens I, 6, II, 2, 9, fin
du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens I, 7,
XIIe s., Roncevaux ; sens I, 8-9, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens I, 10, IV, 3, av. 1850,
Balzac ; sens I, 11, 1700, Regnard ; sens II,
1, 3, 8, v. 980, Fragment de Valenciennes ;
sens II, 5, III, 2-3, IV, 2, XXe s. ; sens II, 6,
III, 4, IV, 4, 6, 1865, Littré ; sens II, 12, 1890,
Dict. général ; sens IV, 1, v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence ; sens IV, 5, v. 1560,
Paré ; sens V, 1, 1663, Molière. — B. : sens I,
1, 1679, Bossuet ; sens I, 2, 1580, Montaigne ;
sens I, 3, 6, III, 8, IV, 1-2, 1080, Chanson de
Roland ; sens I, 4, v. 1196, J. Bodel ; sens I,
5, 1640, Corneille ; sens I, 7, 1865, Littré ;
sens I, 8, III, 2-3, v. 1360, Froissart ; sens
II, 1-3, XXe s. ; sens II, 4, XIVe s., Girart de
Roussillon ; sens III, 1, fin du XIIe s., Conon
de Béthune ; sens III, 4-5, 1866, G. Esnault ;
sens III, 6, v. 1283, Beaumanoir ; sens III,
7, 1273, Adenet ; sens III, 9, v. 1265, J. de
Meung. — C. : sens 1, v. 980, Fragment de
Valenciennes ; sens 2, XVIe s., J. Lemaire
de Belges ; sens 3, 1656, Pascal ; sens 4-5,
1690, Furetière ; sens 6, 1673, Molière ; sens
7, 1865, Littré ; sens 8, XXe s.

A. Avec un sujet désignant un être

animé.

• I. AVEC UN COMPLÉMENT D’OBJET DÉSI-


GNANT UNE CHOSE CONCRÈTE. 1. Tirer du
néant : Donc Dieu fit l’univers, l’univers fit
le mal (Hugo). ‖ 2. Tirer un produit fini
d’une matière première, fabriquer : Faire
des tuiles. Faire des machines-outils. Le
laboureur m’a dit en songe : | Fais ton pain

(Sully Prudhomme). ‖ Spécialem. Don-


ner une forme, par l’art ou par le travail, à
un matériau brut : Faire une statue. Faire
un portrait. ‖ 3. Amener un ouvrage ma-
tériel à son état définitif en assemblant
les éléments qui le constituent : Faire
une maison. Faire un manteau. Faire un
nid. ‖ 4. Confectionner un plat, une pré-
paration culinaire à l’aide de différents
ingrédients et aliments : Si vous lui fai-
siez un beau morceau de veau ? (Proust).
Faire du boeuf en daube. Faire une tarte,
des confitures. ‖ Fam. Faire le dîner (ou
faire à dîner), préparer de quoi dîner.
‖ 5. Produire en cultivant : Faire du blé,
de la betterave, du lin. Ils pourraient
jusqu’à cette hauteur faire du sarrasin
s’ils voulaient (Audiberti). ‖ 6. Amener
un ouvrage de l’esprit à son état définitif :
Faire un poème, un roman, un opéra, une
pièce de théâtre. Et sa voix livre aux vents
qui l’emportent loin d’elle | Et le caresse-
ront peut-être, l’infidèle, | Cette chanson
qu’il fit pour un vanneur de blé (Heredia).
‖ Produire un énoncé : Faire des phrases.
Faire un discours. ‖ 7. Mener à un cer-
tain degré de rangement, de propreté ou
d’entretien : Faire le lit. Faire la vaisselle.
Un grand benêt de vingt-cinq ou vingt-six
ans, qu’elle avait pris pour faire le jardin
(Sévigné). La chambre d’un étudiant [...]
faite une fois par semaine (Balzac). Allons,
ne vous fâchez pas, je m’en vais vous faire
ces bottines (Flaubert). Il y avait des com-
mencements de bas dans tous les tiroirs, où
Rose les remisait au matin, en faisant les
pièces (Gide). ‖ 8. Apporter à certaines
parties du corps les soins qui leur sont
nécessaires : Faire ses ongles, sa barbe.
Il avait les cheveux teints, la moustache
teinte, les yeux faits au crayon bleu, les
joues blanches et roses de fard (Duhamel).
‖ 9. Faire provision de : Faire de l’essence.
Faire de l’herbe pour les lapins. Faire
du bois. Faire du fourrage. ‖ 10. Fam.
Mettre à la disposition du public en ven-
dant : Faire les fruits, les légumes. ‖ Faire
le gros, le demi-gros, vendre en gros, en
demi-gros. ‖ Faire l’article, v. ARTICLE.
‖ Intransitiv. et vx. Faire dans, avoir une
activité commerciale dans un secteur
déterminé : J’ai les commissions de tous
ceux qui font dans les cheveux. Aucun ne
donne plus de trente pour cent (Balzac).
Faire dans le meuble. ‖ 11. Arg. Acquérir
par un moyen malhonnête, voler : Il avait
perdu son tire-jus, ou quelque camarade
le lui avait fait (Zola).

• II. AVEC UN COMPLÉMENT D’OBJET DÉSI-


GNANT UNE CHOSE ABSTRAITE OU CONCRÈTE
(ACTION, ACTIVITÉ, COMPORTEMENT).
1. Accomplir un acte quelconque : Faire
une bonne, une mauvaise action. Faire
une démarche, un déplacement. Faire une
faute, une erreur, une sottise. ‖ 2. Ac-
complir un geste, un mouvement, une
manoeuvre : Faire un pas. Faire un saut.

Faire un faux mouvement. Faire un salut.


Faire des révérences, des courbettes. Faire
des signaux. ‖ 3. Employer ses forces, ses
facultés à une tâche, une occupation :
Faire un travail, une besogne. Un écolier
qui fait ses devoirs. Faire un problème.
Faire la moisson, les vendanges. Faire un
métier. Par quel miracle l’homme consent-
il à faire ce qu’il fait sur cette terre, lui qui
doit mourir ? (Chateaubriand). Il pensait
à ce camarade d’enfance [...] qui fait toute
une carrière coloniale (Romains). ‖ Spé-
cialem. et class. Exercer un emploi, rem-
plir une fonction, rendre un devoir, etc. :
Il fallait [...] commander à M. le Président
d’aller faire sa charge de garde des Sceaux
à la Cour (Retz). ‖ 4. Accomplir une
action importante : Faire le siège d’une
ville. L’abbaye nouvelle devint si opulente
[...] qu’elle fut en état de se défendre, en
1057, contre les Normands, qui lui firent
la guerre (Chateaubriand). ‖ Faire un
procès à, mener une action judiciaire
contre. ‖ 5. (avec un complément pré-
cédé d’un article partitif) Se consacrer
à une certaine forme d’activité : Faire du
commerce, du cinéma, du théâtre. Ne pas
faire de la politique et ne presque jamais
lire les journaux (Gide). ‖ 6. Se livrer
à une activité physique : Faire du sport,
de la natation, de la course à pied. Il alla
à Saint-Moritz faire du ski (Proust). M.
Achille, vieillard de soixante-douze ans
et fort riche, faisait de l’industrie comme
les vieux Anglais font du golf (Maurois).
‖ Accomplir un exercice physique par-
ticulier : Faire la planche. Faire le grand
écart. ‖ 7. (avec un complément précédé
d’un article partitif ou d’un adjectif pos-
sessif) Travailler une matière afin d’amé-
liorer ses connaissances : Le matin, je fais
du grec (Flaubert). Faire des mathéma-
tiques, de l’archéologie. ‖ Faire son droit,
sa médecine, ses études, suivre un cycle
d’études donnant le niveau de connais-
sances requis pour exercer certaines pro-
fessions. ‖ 8. Tenir une conduite impo-
sant un certain effort, pour atteindre un
but ou pour se conformer à une règle :
Faire son devoir. ‖ Faire son possible,
mettre en oeuvre tous les moyens dont on
dispose. ‖ Faire attention, regarder at-
tentivement, ou prendre des précautions :
Faites attention en traversant la rue, en
nettoyant ce vase. ‖ Fig. Faire attention
à, remarquer : Tous les secrets de la nature
gisent à découvert et frappent nos regards
chaque jour sans que nous y fassions at-
tention (Gide). ‖ Vx. Faire abnégation,
renoncer : Vous sentez bien, mon enfant,
que c’était un devoir. Il y a longtemps que
j’ai fait abnégation (Vigny). ‖ Spécialem.
Faire ses Pâques, faire gras, faire maigre,
faire carême, observer les prescriptions
religieuses correspondantes. ‖ 9. (avec
un complément d’objet second) Adopter
une attitude favorable ou défavorable à
l’égard de quelqu’un : Faire une faveur,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1822

une confidence à quelqu’un. Faire la cha-


rité à un mendiant. Faire une gentillesse,
des compliments, des reproches à un ami.
Faire une injure, une offense à quelqu’un.
Faire du bien, du mal à son prochain.
Faire plaisir à ses enfants. Faire injure à
quelqu’un. ‖ Spécialem. En termes de
finance, procurer de l’argent à : Faire une
rente à quelqu’un. J’ai justement la moitié
de cette somme-là toute prête. À l’égard
du reste, on tâchera de vous la faire (Ma-
rivaux). Voilà qui est entendu : je te ferai
les fonds, je te laisserai la possession de
mon secret (Balzac). ‖ 10. Prendre telle
ou telle expression du visage, marquant
la sympathie ou l’antipathie à l’égard de
quelqu’un : Faire bon visage. Faire les yeux
doux. Faire la tête. Faire la gueule (pop.).
Faire grise mine. ‖ Faire du charme,
faire la cour à quelqu’un, déployer son
charme ou se mettre en frais pour le sé-
duire. ‖ 11. Être l’auteur, le responsable
de quelque chose : Faire du bruit, du
vacarme. Faire du chahut (fam.), du scan-
dale. Faire de l’opposition, de l’obstruc-
tion. ‖ Fam. Faire un malheur, se laisser
emporter, se répandre en reproches véhé-
ments, en invectives. ‖ Fig. Faire la pluie
et le beau temps, avoir une très grande
influence personnelle. ‖ 12. Être le siège
d’un état affectif : Faire une colère. Faire
un caprice. Faire des complexes. ‖ Être le
siège d’un phénomène psychique : Faire
un rêve. Faire un cauchemar.

• III. AVEC UN COMPLÉMENT D’OBJET DÉ-


SIGNANT UN ESPACE OU UNE DURÉE. 1. Se
déplacer d’un point à un autre selon un
itinéraire : Ces deux manières de faire la
route nuançaient notre plaisir (Balzac).
Faire un trajet. Faire un circuit. Faire
une route de montagne. Faire six kilo-
mètres à pied en une heure. ‖ Fam. Faire
les Alpes, la Bretagne, etc., parcourir ces
régions en touriste : « Eh bien ! je suis
heureux d’avoir pris ce jour-ci pour faire
la vallée de l’Oise », dit Georges (Balzac).
‖ Faire route vers, se diriger vers. ‖ Che-
min faisant, en cours de route. ‖ Faire
escale, s’arrêter en un lieu, en parlant
d’un voyageur. ‖ Faire le nord, le sud, en
termes de marine, avoir le cap au nord,
au sud. ‖ Faire le plus près, naviguer en
serrant le vent le plus possible. ‖ Fam.
Faire du (suivi d’une indication chiffrée),
se déplacer à telle vitesse : Une voiture
qui fait du cent cinquante [kilomètres] à
l’heure. ‖ 2. Aller régulièrement dans un
endroit, ou d’un endroit dans un autre
dans un but commercial : Un détaillant
qui fait les marchés ; et, par extens., avec
un sujet chose : Une antique carriole qui
« faisait » les foires du district depuis un
quart de siècle (Rosny). ‖ 3. Fam. Passer
son temps à parcourir, à visiter un lieu :
Faire les magasins. Faire les boulevards.
‖ Pop. Faire le trottoir, se prostituer.
‖ Fam. Faire les poches à quelqu’un,

fouiller dans ses poches pour en inspec-


ter le contenu, ou pour y dérober quelque
chose. ‖ 4. Passer par un emploi : Un
domestique qui a fait plusieurs places.
‖ 5. Passer le temps nécessaire à : La suc-
cursale d’Issy, où l’on fait les deux années
de philosophie (Renan). ‖ Faire cinq ans
de prison et, par extens., faire de la prison,
purger une peine de prison : Il avait quit-
té sa famille, connu la misère, fréquenté
des milieux anarchistes, fait de la prison
(Martin du Gard). ‖ Faire son temps, ac-
complir le temps de service militaire légal
pour un soldat, la durée de sa peine pour
un bagnard.

• IV. AVEC UN COMPLÉMENT D’OBJET


DÉSIGNANT UN ÊTRE ANIMÉ, OU RELATIF
À UN ORGANISME VIVANT. 1. Donner la
vie, engendrer : Faire un enfant à une
femme. ‖ Pop. Donner naissance à : Elle
a fait deux enfants en deux ans. ‖ Faire
ses petits, en parlant des animaux, mettre
bas : La chatte a fait ses petits dans le gre-
nier. ‖ 2. Fam. Capturer un animal à la
chasse, à la pêche, etc. : Un chasseur qui a
fait deux lièvres et un perdreau. ‖ 3. Pop.
et vx. Obtenir les faveurs d’un homme ou
d’une femme : « Tu as donc « fait » ton
journaliste ? répondit Florine, employant
un mot du langage particulier de ces filles.

— Non, ma chère, je l’aime ! » (Balzac).


Maxime lui dit à l’oreille, en lui montrant
la dame blonde : « Elle n’est pas mal, n’est-
ce pas ? Je veux la « faire » pour ce soir »
(Zola). ‖ 4. Faire ses dents, être le siège
de la formation des dents : Cet enfant a
fait sa première dent très tôt. ‖ Par anal.
Faire des feuilles, des racines, etc., en par-
lant des plantes, être dans une période de
croissance des feuilles ou des racines : Les
plantes d’appartement font des feuilles si
elles sont bien soignées. La bouture fait
des racines. ‖ 5. Expulser hors de soi les
excréments ou les matières sécrétées par
les glandes du corps : Faire ses besoins.
Faire pipi, faire caca (fam.). ‖ Faire du
sang,avoir du sang dans les selles, les
urines. ‖ Absol. Expulser, surtout par
l’anus, les excréments. ‖ Fam. Faire dans
sa culotte, dans son pantalon, ne pas
pouvoir se retenir ; au fig., avoir peur.
‖ 6. Être le siège du développement d’une
maladie : Faire une rougeole. Faire de la
tension. Faire de la fièvre. Il devait faire
quelque chose du côté du foie (Proust).
En février, j’ai fait une pleurite sèche avec
expectorations sanguinolentes (Martin du
Gard). Elle nous fait de la rétention et un
commencement d’escarre (H. Bazin).

• V. AVEC UN COMPLÉMENT D’OBJET DÉSI-


GNANT UNE PERSONNE. 1. Représenter
un personnage type au théâtre : Faire la
duègne, l’amoureux, le Léandre. ‖ 2. Se
comporter de telle ou telle manière dans
la vie réelle : On pouvait prévoir qu’elle
ferait une bonne maîtresse de maison.
Faire le fou. Quand ils ont le courage [...]

ma foi ! ils font le diable (Vigny). ‖ 3. Se


donner l’attitude de, contrefaire : Oscar
voulut faire l’homme, il but le second
verre et mangea trois autres talmouses
(Balzac). ‖ 4. Essayer, par son compor-
tement, de paraître tel ou tel, se donner
l’air de : Faire le passionné, le brave, la
douce. Faire le malin (ou son malin). Vous
aimez ce théâtre-là, ou du moins vous
faites celui qui l’aime [...]. C’est de la pose
(Donnay). ‖ Faire le mort, se tenir dans
une immobilité absolue pour faire croire
qu’on est mort ; au fig., ne rien dire, pour
ne pas attirer l’attention sur soi. ‖ Fam.
Faire l’idiot, faire celui qui ne comprend
pas. ‖ Class. Faire de, se donner un air
de, imiter : Tantôt en le voyant j’ai fait de
l’effrayée (Corneille). ‖ 5. Fam. Occuper
une fonction dans la société : Il veut faire
un artiste, un médecin. ‖ Littér. Se trans-
former en : Celui-ci en huit jours fit un
vieillard (Barrès).

• SYN. : I, 1 créer ; 2 manufacturer, produire,


sortir (fam.), usiner ; exécuter, façonner ;
3 bâtir, confectionner, construire, édifier,
élever, monter ; 4 apprêter, cuire, mijoter,
préparer ; 5 récolter ; 6 composer, écrire,
élucubrer, pondre (fam.) ; prononcer ;
7 astiquer, cirer, entretenir, frotter, laver,
nettoyer, ranger, récurer, retaper (fam.) ;
8 lustrer, peigner, polir ; farder, maquil-
ler ; 9 s’approvisionner, couper, cueillir,
ramasser ; 10 débiter, détailler, tenir ;
11 chiper (fam.), choper (fam.), faucher
(pop.), piquer (pop.). ‖ II, 1 commettre,
perpétrer ; 2 exécuter ; 3 chercher, effectuer,
exercer, opérer ; 4 entreprendre ; intenter ;
5 s’adonner à, se mêler de, se mettre dans
(fam.), s’occuper de ; 6 pratiquer ; réussir ;
7 apprendre, bûcher (fam.), chiader (arg.
scol.), étudier, piocher (fam.), potasser (arg.
scol.) ; 8 accomplir, s’acquitter de, remplir,
satisfaire à ; 11 causer, occasionner, pro-
voquer, susciter ; 12 avoir.‖ III, 1 couvrir,
parcourir ; sillonner, visiter ; 3 courir ; 5 pré-
parer ; tirer (fam.). ‖ IV, 1 accoucher de
(pop.), avoir, enfanter ; 2 attraper, prendre ;
3 embobiner (pop.), entortiller (fam.),
séduire ; 5 déféquer, évacuer ; 6 avoir.‖ V,
1 interpréter, jouer ; 2 être ; 3 imiter, sin-
ger (fam.) ; 4 se donner pour, se poser en,
simuler ; 5 devenir.

B. Avec un sujet désignant un être

animé ou une chose.

• I. AVEC UN COMPLÉMENT D’OBJET EXPRI-


MANT LE TERME D’UN CHANGEMENT, D’UNE
ÉVOLUTION. 1. Former, produire : Une
école qui fait de bons ingénieurs. Un ins-
tructeur qui sait faire des soldats. La rai-
son fait des philosophes, et la gloire fait des
héros ; la seule vertu fait des sages (Vau-
venargues). ‖ 2. Créer les conditions
nécessaires pour un changement dans
la manière d’être : L’occasion fait le lar-
ron. Les bons comptes font les bons amis.
L’injustice fait les révoltés. ‖ 3. Class. et
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1823

littér. Amener un changement dans les


sentiments, l’état de santé de (introduit
un attribut du complément d’objet) :
Me voici arrivée, ma fille, dans un lieu
qui me ferait bien triste quand je ne le
serais pas (Sévigné). Les bains la faisant
mieux portante (Maupassant). ‖ 4. Don-
ner à quelqu’un le grade, le titre de : On
l’a fait chevalier de la Légion d’honneur.
‖ Donner à quelqu’un telle ou telle qua-
lité ou fonction : Faire quelqu’un juge
d’un litige. ‖ 5. Attribuer, à tort ou à rai-
son, telle ou telle qualité à quelqu’un ou à
quelque chose : Leurs attaques m’ont fait
plus célèbre en trois mois que mes livres
n’avaient fait en trente ans (Gide). Vous
faites les choses plus graves qu’elles ne
sont. ‖ Représenter sous l’apparence de :
Le sculpteur l’a faite un peu trop maigre.
‖ Donner telle ou telle réputation à : On
le fait plus méchant qu’il n’est. ‖ 6. Ame-
ner une personne ou une chose à un autre
état, les transformer, les faire devenir
autres : Le malheur a fait de lui une loque.
Les âmes grandes sont toujours disposées
à faire une vertu d’un malheur (Balzac).
Vous en ferez un idiot ou un estropié, de
ce petit (Duhamel). ‖ Tirer d’une chose
un usage différent de son emploi naturel,
changer sa destination : Faire un chapeau
d’un journal. ‖ Réserver un certain sort
à : Il fit d’elle son esclave. Louis XIV fit
du Palatinat un désert. ‖ Une personne
dont on fait ce qu’on veut, une personne
malléable, sans aucune volonté. ‖ Fig.
Faire de nécessité vertu, s’accommoder
de bonne grâce d’une chose déplaisante.
‖ 7. Fig. Faire son affaire de quelque
chose, s’en charger, en assurer l’exécu-
tion. ‖ Faire ses délices de quelque chose,
s’en régaler, même si cela est de mauvaise
qualité. ‖ Fig. Faire ses choux gras de,
tirer bénéfice de. ‖ 8. Faire quelqu’un à
quelque chose,le former, l’habituer à cette
chose : Dès son enfance, on l’avait fait à
l’idée de tolérance. ‖ S’emploie surtout
au passif : Il était fait à ce genre de fatigue.

• II. AVEC UN COMPLÉMENT EXPRIMANT


UNE QUANTITÉ. 1. Contenir : Un réservoir
qui fait cinquante litres. ‖ 2. Avoir pour
dimension : Un mur qui fait deux mètres
de haut, cinquante centimètres d’épais-
seur. Un athlète qui fait 1,80 mètre. Il fait
du 42 comme pointure (fam.). ‖ 3. Coû-
ter : Les trois articles font dix francs.
‖ 4. Évaluer, estimer : « Combien faites-
vous ce meuble ? — Je le fais cent francs. »
‖ Faire un prix à quelqu’un, lui consentir
un prix de faveur.

• III. AVEC UN PRONOM COMPLÉMENT.


1. Faire quelque chose pour quelqu’un,
lui rendre service, en utilisant sa propre
influence : Je tâcherai de faire quelque
chose pour vous. C’est là [à la Cour] que
l’on sait parfaitement ne rien faire ou
faire très peu de chose pour ceux que l’on
estime beaucoup (La Bruyère). ‖ Il y a

quelque chose à faire, il faut agir ; il y a un


moyen, un remède : Il en revint persuadé
qu’il y avait décidément quelque chose à
faire pour modifier son état (Romains).
‖ Avoir quelque chose à faire avec, avoir
un certain rapport avec : L’histoire a
quelque chose à faire avec la sociologie.
‖ 2. Ne rien faire, mener une vie d’oisif.
‖ Il n’y a rien à faire, il faut se résigner.
‖ Fam. Rien à faire, je m’y refuse abso-
lument. ‖ N’avoir rien à faire avec, être
totalement étranger à : Il n’a rien à faire
avec ce scandale. La couleur des vêtements
n’a rien à faire avec le deuil (Proust).
‖ 3. Faire tout pour (suivi d’un infinitif),
déployer tous ses efforts pour : Vous avez
tout fait pour le mettre au-dessus de sa
position (Balzac). ‖ Faire tout, être déci-
sif : D’un bout du monde à l’autre, l’habit
fait tout (Béranger). ‖ Il y a tout à faire,
il faut prendre les choses par le début.
‖ 4. Fam. La faire à, essayer de faire
croire qu’on a telle ou telle qualité pour
mieux tromper : Tu la fais à la modestie
(Goncourt). Les comiques, au contraire,
la faisaient à la simplicité. Ils s’abordaient
d’un air piteux et bonhomme, s’appelant
entre eux « ma pauv’ vieille » (Daudet).
‖ Fam. La faire à quelqu’un, le tromper :
Le malin des malins, celui à qui on ne la
fait pas, comme il dit, et qui, lui, l’a faite
à tout le monde (Daudet). Tu veux me la
faire, tu ne me la feras pas (Courteline).
‖ 5. Fam. Le faire à, chercher à impres-
sionner quelqu’un en recourant à tel ou
tel comportement : Le faire au sentiment.
‖ Fam. Le faire à l’estomac, à l’esbroufe,
essayer d’en imposer à son interlocuteur.
‖ 6. Littér. Ce faisant, en agissant ainsi :
Je croirais, ce faisant, empêcher d’arriver
l’avenir (Gide). ‖ Pour ce faire, pour par-
venir à ce résultat. ‖ Faire ce qu’on peut,
fournir tous les efforts qui sont en notre
pouvoir : L’essentiel est de faire ce qu’on
peut contre le péril du monde (Romains).
‖ 7. Que faire ?, quelle conduite tenir ? :
Que vas-tu faire maintenant, après cet
échec ? Qu’allait-il faire dans cette galère ?
(Molière). ‖ Qu’est-ce qu’il fait ?, à quoi
passe-t-il son temps. ‖ Littér. N’avoir que
faire, être inutile ou importun : Vous êtes
sot de venir vous fourrer où vous n’avez
que faire (Molière). ‖ Qu’as-tu (qu’a-t-il,
etc.) fait de... ?, où as-tu (où a-t-il, etc.)
laissé, mis... ? : Qu’as-tu fait de ton livre ?
‖ Littér. N’avoir que faire de, n’avoir pas
besoin de, ne pas se soucier de : Je n’ai
que faire de leurs opinions (Gide). ‖ Ne
pas savoir quoi faire de, ne pas savoir
comment utiliser, être embarrassé de :
Il ne sait pas quoi faire de son argent, de
ses mains. ‖ 8. N’en rien faire, n’en vou-
loir rien faire, se garder de faire ce dont
il s’agit : « Passez donc. — Je n’en ferai
rien. » ‖ En faire autant, agir de la même
manière. ‖ En faire assez, trop, fournir
un effort suffisant, ou un effort supérieur
à ce qui est demandé. ‖ N’en faire qu’à

sa tête, ne vouloir suivre aucun conseil.


‖ Fam. Pour ce que j’en fais !, pour l’im-
portance que j’y attache ! ‖ Pop. Je n’en ai
rien à faire, je n’en ai pas besoin ; cela ne
me concerne pas. ‖ Class. En faire à deux
fois, ne pas réussir du premier coup : Il
monta dans sa chambre dans l’intention
de n’en pas faire à deux fois (Perrault).
‖ 9. Y faire, apporter une modification,
une solution à quelque chose : Il ne peut
rien y faire. ‖ Que voulez-vous que j’y
fasse ?, même si je m’employais à régler
cela, je n’y pourrais rien. ‖ Fam. Savoir
y faire, s’y prendre de la bonne façon : Ce
n’est pas un mauvais type, si l’on sait y
faire, et il nous fichera la paix (L. Daudet).

• IV. SERT À FORMER DES LOCUTIONS


VERBALES. 1. Faire s’emploie avec de très
nombreux noms sans article ou des ex-
pressions pour constituer des locutions
verbales : Faire abstraction de. Faire usage
de. Faire attention. Faire défaut. Faire
rage. Faire faillite. Faire bon ménage. Faire
bonne contenance. Faire coup double.
Faire cavalier seul. Faire contre mauvaise
fortune bon coeur. Etc. (On trouvera géné-
ralement l’explication de ces locutions en
se reportant au complément.) ‖ 2. Dans
certaines locutions, le nom est précédé
d’un déterminant : Faire le guet. Faire un
exemple. Faire des affaires. Etc.

• SYN. : I, 1 façonner, forger, modeler ;


2 donner, engendrer, susciter ; 4 nommer ;
5 montrer, rendre ; dire, prétendre ; 6 chan-
ger en, métamorphoser, transmuer (littér.) ;
convertir, transformer ; 8 accoutumer, dres-
ser, familiariser, plier.‖ II, 1 jauger ; 2 mesu-
rer ; 3 valoir ; 4 coter, mettre à prix.‖ III,
1 aider, appuyer, s’employer pour, épauler ;
7 fabriquer (fam.).

C. Avec un sujet désignant une chose.

1. Produire un résultat : Ce médicament


fait de l’effet très rapidement. ‖ Fam. Ça
ne fait rien, cela n’a aucun effet, ou cela
n’a aucune importance. ‖ Faire l’admi-
ration de, susciter ce sentiment. ‖ Fig.
Faire du bruit, provoquer de nombreux
commentaires : Un spectacle, un livre
qui fait du bruit. ‖ Faire quelque chose
à quelqu’un ou à quelque chose, pro-
duire tel effet sur cette personne ou sur
cette chose : Mes cheveux me firent mal
et j’y portai la main malgré moi (Vigny).
Qu’est-ce que cela peut bien me faire ?
Les supplications ne lui font rien. ‖ Ça
ne me fait ni chaud ni froid, j’y suis in-
sensible. ‖ 2. Class. et absol. Faire pour,
contre, être favorable, défavorable à : Une
chose fait pour Alexandre : c’est qu’il a
formé je ne sais combien de capitaines (La
Fontaine). Et quant à ce qu’ils allèguent
l’ancien infinitif CUEILLER, ils ne prennent
pas garde que cela fait contre eux (Vauge-
las). ‖ 3. Être partie constitutive de : Les
qualités qui font le style. ‖ Être la cause
déterminante de : L’union fait la force.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1824

‖ L’habit ne fait pas le moine, l’apparence


est souvent trompeuse. ‖ 4. Présenter
telle ou telle forme : Faire une bosse, un
creux. Le mur fait un angle. La rivière fait
un coude. Chemin qui fait un dos-d’âne.
‖ 5. Remplir l’office, jouer le rôle de : Ce
restaurant fait hôtel. Une armoire qui fait
penderie. ‖ Avoir valeur de : L’action si
simple et si belle des sauveteurs, à Pen-
march et partout, fait leçon par la simpli-
cité et le silence (Alain). ‖ 6. En parlant
d’une opération mathématique, avoir
pour résultat : Deux et deux font quatre.
‖ En termes de finance, produire un cer-
tain intérêt : La rente fait du trois pour
cent. ‖ 7. En grammaire, prendre telle ou
telle forme selon le genre ou le nombre, le
temps ou la personne : « Travailler » fait
« travaillaient » à la troisième personne
du pluriel de l’imparfait. ‖ 8. Fam. En
parlant d’un véhicule, d’un appareil, etc.,
consommer pour son fonctionnement :
Une voiture qui fait douze litres aux cent.
Une ampoule qui fait cent watts. ‖ Spé-
cialem. Faire de l’huile, en parlant d’une
voiture, avoir une consommation d’huile
excessive.

• SYN. : 1 procurer ; 3 composer, constituer ;


créer, engendrer, produire ; 4 dessiner, for-
mer ; 6 égaler ; 8 brûler, débiter, user.

■ « FAIRE À », VERBE

TRANSITIF INDIRECT

• Sens 1, fin du XIIe s., Geste des Loherains ;


sens 2, 1630, Chapelain ; sens 3, 1273,
Adenet ; sens 4, 1672, Corneille ; sens 5,
av. 1213, Villehardouin.

1. Class. Contribuer à : Même si cela fait à


votre allégement, | J’avouerai qu’à lui seul
en est toute la faute (Molière). ‖ 2. Class.
Convenir à, se rapporter à : J’insérerai
ici la préface de l’auteur ; elle fait au des-
sein (Chapelain). ‖ 3. Class. Causer une
impression à : Comment vous fait ce nom ?
(Sévigné). ‖ Auj. Rien ne me (te, lui, etc.)
fait, rien ne produit d’effet sur moi (toi,
lui, etc.) : Moi qui avais jusqu’à présent
une constitution d’airain et à qui rien ne
faisait (Flaubert). ‖ 4. Class. C’est à faire
à, il n’appartient qu’à : Devant une telle
beauté, | C’est à faire des insensibles | De
conserver leur liberté (Corneille) ; il n’y a
plus qu’à : Et c’est à faire enfin à mourir
après lui (Corneille). ‖ 5. Avoir à faire à,
autre forme, plus rare, de AVOIR AFFAIRE À.

■ « FAIRE », VERBE INTRANSITIF

• Sens I, 1, v. 1050, Vie de saint Alexis ; sens


I, 2, début du XVIIe s., Malherbe ; sens I, 3,
av. 1654, Guez de Balzac ; sens II, 1, 842,
Serments de Strasbourg ; sens II, 2, fin du
XIIe s., Conon de Béthune ; sens II, 3, av.
1896, Goncourt ; sens II, 4, 1672, Molière ;
sens II, 5, fin du XIIIe s., Joinville.

I. SANS COMPLÉMENT. 1. Accomplir une


action, agir : Il faut faire et non pas dire.
Laissez-moi faire. ‖ Façon de faire, ma-

nière d’agir. ‖ Avoir à faire, être occupé.


‖ Avoir fort à faire, avoir des difficultés.
‖ 2. Class. et littér. Jouer un rôle, parti-
ciper à quelque action : M. le maréchal de
Lorge, qui voulait faire [...] ne cessait, tous
les hivers, de proposer le siège de Mayence
(Saint-Simon). Moi, il faut que je fasse,
et que je fasse aller (Vigny). ‖ 3. Class.
Finir, achever : Je n’aurais jamais fait si je
m’arrêtais aux subtilités de quelques cri-
tiques (Racine).

II. AVEC UN ADVERBE OU UN COMPLÉ-


MENT À VALEUR ADVERBIALE. 1. Avec
un adverbe de manière : « agir de telle ou
telle façon ». ‖ Bien, mal faire, agir avec
à-propos ou maladroitement. ‖ Pour
bien faire, pour que la situation soit tout
à fait satisfaisante : Il faudrait, pour bien
faire, être à la fois dans le clocher de Saint-
Hilaire et à Jouy-le-Vicomte (Proust).
‖ Fam. Ça commence à bien faire, en
voilà assez. ‖ Class. Bien faire, faire bien,
avoir un heureux effet, réussir (sujet
chose) : Pendant huit jours que j’ai pris
les eaux de Vichy, elles m’ont très bien fait
(Sévigné) ; faire bon accueil, bien trai-
ter (sujet personne) : Il [le duc de Bour-
gogne] salua Mme de Maintenon, qui lui
fit fort bien (Saint-Simon). ‖ Faire vite, se
dépêcher. ‖ Comment faire ?, quelle atti-
tude adopter ? ‖ Comment faites-vous ?,
de quelle façon procédez-vous ? ‖ Faire
pour le mieux, se comporter de manière
à obtenir le meilleur résultat. ‖ Faire
comme (suivi de vouloir ou pouvoir), se
comporter selon sa volonté ou ses pos-
sibilités : Fais comme tu veux. On fera
comme on pourra. ‖ Faire comme si, faire
semblant de : Fais comme si tu ne l’avais
pas vu. ‖ Class. Faire en, agir comme :
Ayez soin que tous deux agissent en gens
de coeur (Corneille). ‖ À tant faire que de,
tant qu’à faire, puisque, de toute façon,
il faut le faire, profitons-en. (V. TANT.)
‖ Faire tant et si bien que, agir avec une
telle persévérance que. ‖ 2. Avec un
adverbe de comparaison. ‖ Faire plus,
moins, autant que, être plus, moins, aussi
efficace que : Dans les révolutions, un nom
fait plus qu’une armée (Chateaubriand).
‖ 3. Avec un adjectif à valeur adverbiale :
« paraître, avoir l’apparence de » : Faire
vieux. Faire jeune. Ça fait joli. Ce tra-
vail qui voulait avant tout faire vivant
(Goncourt). Je te dégoûte, je fais sale ?
(Achard). ‖ 4. Avec un adverbe, un nom
sans article ou une locution à valeur ad-
verbiale : « avoir tel aspect, produire telle
impression » : Ça « fait » assez« vieille de-
meure historique ». Saint-Loup employait
à tout propos ce mot« faire »pour« avoir
l’air » (Proust). Faire bien. Elle fait déjà
femme. Ça fait sans-gêne. ‖ 5. Faire bien
de, avoir raison de : Ce défaut de pronon-
ciation [...] que vous faites bien de noter
(Gide) ; avoir intérêt à : Il ferait bien de se
méfier. ‖ Faire mieux de, agir d’une ma-
nière plus conforme aux convenances, à

son intérêt : Vous feriez mieux de prévenir


de votre absence.

• REM. Dans les locutions où faire est


suivi d’un adjectif (faire vieux, faire
laid, etc.), celui-ci reste généralement
invariable : Une construction qui fait laid.
Toutefois, lorsque le sujet est un nom de
personne, l’accord est facultatif : Elle fait
espagnole (Colette).

■ « FAIRE », VERBE IMPERSONNEL

• Sens 1, v. 1196, J. Bodel ; sens 2, 1847,


J. Champfleury ; sens 3, 1080, Chanson de
Roland ; sens 4, début du XXe s. ; sens 5, v.
1360, Froissart.

1. Class. Avec un adjectif ou un nom, faire


indiquait un état (il fait = « c’est », « il y a »,
etc.) : Il ne fait pas bien sûr, à vous le tran-
cher net, | D’épouser une fille en dépit qu’elle
en ait (Molière). Je suis tout le jour dans ces
bois où il fait l’été (Sévigné). ‖ Auj. Cet
emploi est plus limité : a) avec un adjectif,
faire indique l’état de l’atmosphère, ou de la
température, ou de la lumière : Il fait beau.
Il fait froid. Il fait chaud. Il fait sec. Il fait
humide. Il fait clair. Il fait sombre. Il faisait
laid (Gide) ; b)avec un nom (précédé ou
non de l’article), il indique un phénomène
atmosphérique ou météorologique : Il fait
jour. Il fait nuit. Il faisait une douce et molle
matinée d’automne (Duhamel). ‖ 2. Fam.
Il fait faim, il fait soif, on a faim, on a soif :
Ça barde, dit Charles, qui redescendait, son
panier de chopes vides au bras. Fait soif,
là-haut ! (Van der Meersch). ‖ 3. Il fait
bon, il fait mauvais (suivi d’un infinitif,
avec ou sans de), il est agréable, pénible de :
Beau temps, n’est-ce pas, il fait bon marcher
(Proust). Il ne fait pas bon d’avoir affaire
à vous (Morand). ‖ 4. Fam. Ça (cela) fait,
indique la durée du temps écoulé : Ça fait
un mois qu’il pleut. ‖ 5. Littér. C’en est fait,
tout est fini, accompli : Puisque c’en est fait,
le mal est sans remède (Corneille). ‖ C’en
est fait de telle personne, de telle chose, il n’y
a plus rien à espérer à leur sujet : Lorsqu’il
venait à considérer [...] que c’en était fait
pour jamais de cette personne [...] il s’éton-
nait que son âme ne se séparât pas de son
corps (Chateaubriand). C’en est fait alors
pour toujours de cette éducation tant vantée
de Port-Royal (Sainte-Beuve). ‖ Class. C’est
fait (de), même sens : J’y consens. Oui, sans
vous c’était fait de mes jours (Molière).

■ « SE FAIRE », VERBE PRONOMINAL

• A. : sens 1, 1752, Voltaire ; sens 2, av. 1563,


La Boétie ; sens 3, 1751, Voltaire. — B. :
sens I, 1, 1662, Corneille ; sens I, 2, XXe s. ;
sens II, 1, 1665, La Fontaine ; sens II, 2, 1769,
Diderot ; sens II, 3, 1865, Littré ; sens III, 1,
1080, Chanson de Roland ; sens III, 2, 1659,
Corneille. — C. : sens 1, av. 1563, La Boétie ;
sens 2, av. 1719, Mme de Maintenon ; sens 3,
début du XXe s. ; sens 4, 1572, Ronsard. —
D. : sens 1, 1664, Molière ; sens 2-3, 1273,
Adenet. — E. : sens 1-2, 1580, Montaigne.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1825

A. Avec un sujet désignant une


personne et avec un complément

d’objet direct.

1. Se procurer : Se faire des amis, des en-


nemis. ‖ 2. Spécialem. et fam. Gagner :
Quand je songe, cria-t-il, que ces gaillards,
dans nos fosses, pouvaient se faire jusqu’à
six francs par jour, le double de ce qu’ils
gagnent à présent ! (Zola). ‖ 3. Créer,
dans son esprit, une chose fictive : Celle
dont je me faisais ce rêve était une épouse
et une mère (Sainte-Beuve). ‖ Se faire une
idée de quelque chose, avoir un aperçu
vague de quelque chose, sans entrer dans
le détail. ‖ Se faire des idées, des illusions,
imaginer des choses contraires à la réali-
té. ‖ Se faire du souci, ou, fam., de la bile,
du mauvais sang, des cheveux, etc., avoir
des inquiétudes, se tourmenter. ‖ Pop.
S’en faire, même sens : À celui-ci, la reli-
gion n’a que trop beau jeu pour lui dire :
Ne t’en fais pas. C’est de l’autre côté que ça
commence, et tu seras récompensé (Gide).
« Mais non ! Tout ça s’arrangera ! Ne vous
en faites donc pas ! » dit le principal, de sa
grosse voix paterne (Montherlant).

• SYN. : 1 acquérir, s’attirer, gagner ; 2 obte-


nir, toucher.

B. Avec un sujet désignant une

personne ou une chose.

• I. AVEC UN COMPLÉMENT D’OBJET IN-


DIRECT. 1. Se faire à quelque chose, à
quelqu’un, s’habituer à... : Se faire à son
métier, à son appartement. Se faire à la
discipline. Se faire à l’idée de. Un cheval
qui se fait à la selle. C’est un homme dif-
ficile, mais j’ai fini par me faire à lui ; et
avec un infinitif : Je n’ai jamais pu me
faire à prendre du café dans des verres
(Goncourt). ‖ 2. Prendre la forme de :
Une chaussure qui se fait au pied.

• II. SANS COMPLÉMENT D’OBJET. 1. Arri-


ver à son plein développement : Cette
jeune fille s’est faite depuis deux ans.
‖ 2. Parvenir à une situation importante
dans la société : Un écrivain qui s’est fait
lui-même. ‖ 3. Parvenir au degré souhai-
té de maturité ou de qualité (en parlant
des choses) : Le vin se fait en bouteille. Un
fromage qui se fait en deux jours.

• III. SUIVI D’UN ATTRIBUT. 1. Devenir,


commencer à être (passif) : Oui, continue
Bocage, que voulez-vous, Monsieur, je me
fais vieux... (Gide). Les occasions se font
rares. ‖ 2. S’engager dans telle ou telle
profession, choisir tel ou tel état : Julien
cessa de parler de Napoléon, il annonça
le projet de se faire prêtre (Stendhal). En
me faisant soldat, je m’étais figuré que je
deviendrais tout au moins officier (Méri-
mée). ‖ Se donner tel ou tel rôle : Tu te
fais le vengeur de la morale publique
(Barrès). ‖ Se donner pour : Se faire plus
pauvre qu’on n’est.

• SYN. : I, 1 s’acclimater, s’accommoder,


s’accoutumer, se familiariser, se plier ; 2
s’adapter.‖ II, 1 se former ; 2 arriver (fam.),
percer, réussir ; 3 s’améliorer, se bonifier,
mûrir.

C. Avec un sujet désignant une chose


(emploi absolu avec une valeur de
passif).

1. Être créé, produit, exécuté, disposé :


Toutes les grandes acquisitions de l’in-
dustrie et de l’intelligence se sont faites
avec une excessive lenteur (Balzac). Ces
robes se font en atelier. ‖ 2. Se réaliser :
Les affaires se font par son intermédiaire.
‖ 3. Être à la mode, être habituel : Le long
se fait beaucoup cette année. ‖ Cela se
fait, ne se fait pas, cela est conforme à la
morale, à la bienséance, ou ne l’est pas :
Elle affectait d’être préoccupée, distraite ;
cela ne se fait point en province (Girau-
doux). ‖ 4. Avoir lieu : Un détachement
intérieur se faisait, qui le déliait de lui
(Flaubert). Qu’il s’agisse de la science ou
des arts, on observe, si l’on s’inquiète de
la génération des résultats, que toujours ce
qui se fait répète ce qui fut fait, ou le réfute
(Valéry).

• SYN. : 1 s’accomplir, se confectionner, se


fabriquer, se réaliser ; se porter ; 4 arriver,
se produire, surgir.

D. Suivi d’un infinitif.

1. (avec un verbe intransitif) Prendre les


dispositions pour accomplir une action
ou pour être le siège du procès : Se faire
maigrir. ‖ 2. (avec un verbe transitif)
Faire en sorte que quelqu’un fasse une
action dont on est l’objet : Il s’est fait aider
pour ses devoirs. ‖ 3. Avec une valeur de
simple passif : Il a trouvé le moyen de se
faire accuser de malhonnêteté (= être
accusé). Elle s’est fait renverser par une
voiture.

E. Employé impersonnellement.

1. (avec un nom) Se produire, arriver :


Tout à coup, il se fit un grand mouvement
dans la foule (Daudet). ‖ 2. (avec un ad-
verbe ou un nom) Commencer à être : Il
se fait tard. Il se fait nuit. ‖ Il se fait que,
il arrive, il se produit que : Il se fait que les
affaires sont plus difficiles en ce moment.
2. faire [fɛr] v. auxiliaire.

■ « FAIRE », SUBSTITUT

D’UN AUTRE VERBE

• Sens 1-2, 1080, Chanson de Roland ; sens


3, XIIe s., Roncevaux ; sens 4, XXe s. ; sens 5,
1690, Furetière.

1. S’emploie, dans une proposition de com-


paraison, pour éviter la répétition d’un
verbe déjà employé, avec la même valour
que le verbe dont il est le substitut : Fabrice
n’eut aucun effort à faire pour se conduire

comme l’eût fait Fénelon en pareille occur-


rence (Stendhal). Vous vous consolerez
comme je fais, en regardant du côté du ciel
(Proust). ‖ Class. Faire pouvait s’employer
comme substitut même avec un substan-
tif complément d’objet direct : On regarde
une femme savante comme on fait une belle
arme (La Bruyère). [Dans cet emploi, la
langue d’aujourd’hui introduit le com-
plément par une préposition (de, pour) :
Ma mère me déshabilla, posément, sans
une parole, comme elle eût fait d’un très
petit enfant (Duhamel). ] ‖ 2. Class. Faire
s’employait avec divers compléments là où
on utilise généralement un autre verbe :
Faire (= pousser) des cris. Faire (= jouer)
la comédie, etc. Il fait (= prend) quelques
remèdes par précaution (Patin). ‖ 3. Dire
(ordinairement avec le sujet inversé et après
des paroles rapportées) : « J’espère que vous
voudrez bien ne pas négliger les Tuileries »,
fit en souriant l’invité à la redingote bleue
(Benoit). Imbécile ! fit-il à mi-voix (Gide) ;
et pop., sans inversion : « C’est pas beau... »
qu’il m’a fait. ‖ 4. Entre dans diverses for-
mules de politesse : Faites, je vous en prie
(= passez ou asseyez-vous). ‖ 5. Entre dans
des locutions de la langue du jeu où il a la
valeur d’un autre verbe. ‖ Faire les cartes,
battre les cartes ;et absol., distribuer les
cartes : À toi de faire. ‖ Faire une levée,
ramasser les cartes jouées. ‖ Faire tant de
points, marquer tant de points.

• SYN. : 3 lâcher (fam.), proférer, répliquer,


répondre, sortir (très fam.).

■ « FAIRE », AUXILIAIRE

À VALEUR FACTITIVE

• Sens I, 1, fin du IXe s., Cantilène de sainte


Eulalie ; sens I, 2, 1638, Rotrou ; sens I, 3,
1690, Furetière ; sens II, 1 et III, XIIIe s.,
Roman de Renart ; sens II, 2, 1080, Chanson
de Roland.

I. « FAIRE » ET UN INFINITIF. 1. Sert à


former une locution verbale à valeur
factitive ayant pour complément un
nom ou un pronom, qui peut être soit
l’agent du procès exprimé par l’infini-
tif : Faites entrer cette personne ; soit le
patient de ce procès : Il a fait traduire la
lettre. ‖ 2. Class. Attribuer une action
à quelqu’un, à tort ou à raison : Le sang
de ces héros dont tu me fais descendre
(Racine). ‖ 3. Faire constitue des expres-
sions verbales. ‖ Fam. Faire marcher,
tromper. ‖ Faire naître, susciter. ‖ Faire
valoir, tirer un revenu de quelque chose,
exploiter : J’aurais aimé faire valoir [...] les
poules, les vaches, les moutons. J’adorerais
cela (Goncourt).

II. « FAIRE QUE ». 1. (avec l’indicatif)


Être cause que : Tout cela fit qu’il tomba
malade. ‖ 2. (avec le subjonctif) Agir de
telle façon que : Faites que je sois content
de vous.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1826

III. « FAIRE EN SORTE QUE », « FAIRE SI


BIEN QUE ». Faire ses efforts, déployer son
ingéniosité pour qu’un résultat soit at-
teint (avec le subjonctif pour insister sur
l’intention, avec l’indicatif pour insister
sur la conséquence) : Faites en sorte que
tout soit prêt à l’heure. Il fit en sorte que
tous furent satisfaits.

IV. REMARQUE. « FAIRE » SUIVI D’UN


INFINITIF. 1. Lorsque l’infinitif a un
complément d’objet direct : a) l’agent de
cet infinitif est généralement introduit
par la préposition par, parfois par à : J’ai
fait construire cette maison par un entre-
preneur de mes amis. Faites apprendre sa
leçon à Pierre ; — b) dans le cas où le com-
plément d’agent est introduit par à, une
ambiguïté est possible s’il s’agit de verbes
admettant un complément d’objet se-
cond : J’ai fait raconter l’histoire à Pierre
(= j’ai fait qu’il la raconte, ou qu’on la lui
raconte) ; — c) si l’agent est exprimé par
un pronom personnel à la troisième per-
sonne, on emploie lui, leur et non le, la,
les : Faites-leur prendre leurs remèdes. Je
lui ai fait construire cette maison. ‖ 2. Le
participe passé fait, suivi immédiatement
d’un infinitif, est toujours invariable : Je
les ai fait chercher partout. ‖ 3. Après
faire, l’emploi du pronom réfléchi est
facultatif, mais il s’omet le plus souvent :
On le fit asseoir (ou s’asseoir).

■ « FAIRE », AUXILIAIRE D’ASPECT

ET DE TEMPS

• Sens I, 1 et II, 2, 1580, Montaigne ; sens


I, 2, XIIIe s., Roman de Renart ; sens I, 3, v.
1534, Bonaventure Des Périers ; sens II, 1,
1685, Bossuet.

I. « NE FAIRE QUE » SUIVI DE L’INFINI-


TIF. 1. Indique la répétition ou la conti-
nuité de l’action : Il ne fait que pleuvoir
depuis huit jours. ‖ 2. Indique la limita-
tion à une action : a) faire seulement une
chose et non une autre : Germaine Bader
se réveille ; depuis quelques minutes, elle
ne faisait plus que somnoler [...]. C’était la
paresse qui l’empêchait d’ouvrir les yeux
(Romains) ; — b) n’avoir d’autre résultat
que : Le remède ne fit qu’aggraver le mal ;
— c) se contenter de : Il ne faisait que
passer à Parme pour aller voir sa mère en
Piémont (Stendhal). ‖ 3. Class. Indique le
passé récent : Je vois les agneaux bondis-
sants | Sur ces blés qui ne font que naître
(Viau). Ne pressez pas si fort la cadence :
je ne fais que sortir de maladie (Molière).

II. « NE FAIRE QUE DE » SUIVI DE L’INFI-


NITIF. 1. Class. Ne pas cesser de : Ne
vous étonnez pas [...] si je ne fais plus [...]
que de répéter les paroles de la princesse
(Bossuet). ‖ 2. Venir de : Je ne fais que
d’arriver.

3. faire [fɛr] n. m. (emploi substantivé du


v. faire ; 1680, Richelet, au sens 2 ; sens 1,
1713, Fénelon). 1. Littér. Action, pouvoir

de faire : Toute la science du monde n’ac-


complit pas un chirurgien. C’est le faire qui
le consacre (Valéry). ‖ 2. Littér. Manière
propre à un artiste, à un écrivain d’exé-
cuter, de composer ses oeuvres : Malgré
le faire du peintre amateur... (Balzac). Ce
grand secret, je vais vous le dire, il est bien
simple : il n’est ni dans l’acquis, ni dans
l’ingéniosité, ni dans l’habileté du faire, ni
dans la plus ou moins grande quantité de
procédés que l’artiste a puisés dans le fonds
commun du savoir humain... (Baudelaire).
• SYN. : 1 expérience, pratique ; 2 art, façon,
facture, métier, style, technique.

faire le faut [fɛrləfo] n. m. (du v. faire,


de le, pron. neutre, et de faut, 3e pers. du
sing. de l’indic. prés. de falloir ; XVe s.,
Littré). Class. (déjà vx au XVIIe s.). Chose
inévitable, qu’on ne peut se dispenser de
faire : Puisque je voyais la chose devenir un
faire le faut, je voulus éloigner la crainte de
la même chose après avoir montré tant de
répugnance (Saint-Simon).

faire-part [fɛrpar] n. m. invar. (du v.


faire et de part, n. f. ; 1866, Littré [art.
part ; billet de faire part, 1835, Acad.]).
Lettre, généralement imprimée, destinée
à annoncer à des amis ou à des relations
un événement d’ordre familial important
(mariage, naissance, décès) : Pour écrire
les adresses du faire-part annonçant ma
mort (Lecomte). Sur la grande table à ral-
longes s’empilaient les derniers mille de
faire-part, d’enveloppes, que l’on venait de
livrer (Martin du Gard).

• SYN. : annonce, avis.

• REM. Un billet, une lettre de faire part


s’écrivent sans trait d’union.

faire-valoir [fɛrvalwar] n. m. invar. (du


v. faire et de valoir ; 1877, Littré, au sens I,
1 ; sens I, 2 et II, XXe s.).

I. 1. Vx. Action de faire produire des


revenus à un capital, à un bien, et plus
particulièrement à une exploitation agri-
cole : Il habitait une sorte de petit pavillon
de briques adossé aux bâtiments d’exploi-
tation qu’occupaient ses fermiers, car il
s’était retiré du faire-valoir, pour vivre
de ses rentes (Maupassant). Il me semble
qu’ici, comme souvent en France, il faille
déplorer moins la disette que le mauvais
faire-valoir de ce qu’on a (Gide). ‖ Faire-
valoir direct, mode d’exploitation agri-
cole dans lequel le propriétaire exploite
lui-même le fonds. (S’oppose au fermage
et au métayage.) ‖ 2. Littér. Ce qui met
en valeur une chose (idée, talent, etc.) :
[Chez Villiers de L’Isle-Adam] la phrase
[...] ne s’identifie jamais avec l’idée, mais
[...] semble [...] n’être que son prestigieux
et chatoyant faire-valoir (Gide).

II. Au cirque, régisseur de piste qui pré-


sente les numéros et donne la réplique
aux clowns. ‖ Par extens. Clown à figure

blanche, qui sait tirer parti des qualités


comiques des autres clowns.

fair play [fɛrplɛ] n. m. (loc. angl. signif.


« procédé loyal, conduite équitable », de
l’adj. fair, franc, honnête, et du n. play,
jeu, manière de jouer ou d’agir ; 1895,
Fr. Mackenzie). Comportement loyal à
l’égard d’un partenaire ou d’un adversaire :
Même en affaires, j’ai toujours joué le fair
play (M. Prévost). Inutile de dire qu’elle ne
se faisait pas faute de citer à tout propos
l’expression de « fair play » pour montrer les
Anglais trouvant les Allemands des joueurs
incorrects (Proust).

& adj. invar. (XXe s.). Être fair play, agir avec
franchise et loyauté.

faisabilité [fəzabilite] n. f. (francisation


[d’après faisable] de l’anglo-améric. feasa-
bility, faisabilité, var. de l’angl. feasibility,
qualité d’être faisable, dér. de feasible, « qui
peut être fait », lui-même empr. du moyen
franç. faisible [XIVe s. - début du XVIIe s.],
dér. de faire ; milieu du XXe s.). En techno-
logie, qualité technique qui rend quelque
chose réalisable : Le rapport de faisabilité
concernant un grand barrage.

faisable [fəzabl] adj. (du v. faire ; v. 1361,


Oresme). Qui peut être fait, qui est pos-
sible : Le pareur, le fioritureur de ce qu’in-
ventait de faisable son frère (Goncourt). Le
trajet sera-t-il faisable en voiture ? (Gide).
• SYN. : exécutable, possible, réalisable. —
CONTR. : impossible, infaisable, irréalisable.

1. faisan, e [fəzɑ̃, -an] n. (anc. pro-


venç. faisan, bas lat. phasianus, [de] fai-
san, gr. phasianos, proprem. « oiseau du
Phase », dér. de Phâsis, le Phase [fleuve de
Colchide] ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit
faisant ; faisan, 1552, R. Estienne). Oiseau
gallinacé originaire d’Asie, à plumage écla-
tant, surtout chez le mâle, qui possède une
longue queue, et à chair estimée : De beaux
faisans au plumage mordoré picoraient là
[...], en baissant leurs crêtes rouges, de peur
d’être vus (Daudet).

& adj. (1694, Acad. [poule faisande ; poule


faisane, 1762, Acad. ; coq faisan, 1872,
Larousse]). Un coq faisan, une poule fai-
sane, un faisan mâle, femelle : Tous les
cris des crépuscules, la crécelle rouillée des
coqs faisans, les rappels croisés des perdrix
(Genevoix).

2. faisan [fəzɑ̃] n. m. (d’après faiseur ;


1887, G. Esnault). Pop. Commerçant
malhonnête ; individu qui vit d’affaires
louches.

• SYN. : aigrefin, chevalier d’ industrie,


escroc, faiseur (fam.), filou.

faisance [fəzɑ̃s] n. f. (de faire ; v. 1160,


Roman de Tristan [faisancevaloir, XVIe s.]).
Vx. Action de faire. ‖ Vx. Faisance-valoir,
action de mettre une terre en valeur ;
terre, domaine qu’on fait valoir : Toute sa
faisance-valoir, qui était la plus considé-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1827

rable du pays, ne lui était de rien (Barbey


d’Aurevilly).

& faisances n. f. pl. (XIIIe s., Du Cange). Vx.

Redevances auxquelles un fermier est tenu


en plus du prix du bail.

faisandage [fəzɑ̃daʒ] n. m. (de faisan-


der ; 1866, Goncourt, au sens 2 ; sens 1, 20
nov. 1875, l’Univers illustré ; sens 3, fin du
XIXe s., Huysmans). 1. Action de faisander ;
état de ce qui est faisandé. ‖ 2. Fig. et lit-
tér. Corruption, dépravation : Dans l’état
de faisandage passionnel où l’homme du
dix-neuvième siècle est arrivé (Goncourt).
‖ 3. Fig. et littér. Aspect, côté douteux,
malsain : Les oeuvres de Barbey d’Aure-
villy étaient encore les seules dont les idées
et le style présentassent ces faisandages
(Huysmans).

• SYN. : 2 décomposition, dégradation,


déliquescence.

faisandé, e [fəzɑ̃de] adj. (part. passé de


faisander ; v. 1398, le Ménagier de Paris, au
sens 1 ; sens 2, 1932, Acad.). 1. Se dit d’une
pièce de gibier qu’on n’a pas consommée
immédiatement et à laquelle un début de
décomposition a fait acquérir un fumet
semblable à celui d’un faisan mortifié :
Un perdreau faisandé. ‖ Par extens. Se dit
d’une viande proche de la décomposition.
‖ 2. Fig. et littér. Qui contient des germes
de corruption : Le milieu Apollinaire sentait
l’artisterie démodée et faisandée (Romains).
• SYN. : 2 corrompu, déliquescent, malsain,
pourri. — CONTR. : 2 propre, sain.

faisandeau [fəzɑ̃do] n. m. (de faisan ;


faisandeau [fəzɑ̃do] n. m. (de faisan ;
1373, Gace de la Bigne, écrit faisanteau ;
faisandeau, v. 1398, le Ménagier de Paris).
Jeune faisan.

• REM. On a dit aussi ancienn. FAISAN-


NEAU (1564, J. Thierry) : Quelquefois,
dans le silence des après-midi d’été, vous
entendiez un frôlement de bruyère, et tout
un bataillon de faisanneaux défilait en
sautillant entre vos jambes (Daudet).

faisander [fəzɑ̃de] v. tr. (de faisan ; v.


1398, le Ménagier de Paris). Donner au
gibier, en lui faisant subir un début de
décomposition, un fumet analogue à
celui que le faisan prend en se mortifiant :
Faisander un lièvre. ‖ Se dit aussi de toute
viande qu’on garde quelque temps avant
de l’apprêter.

& se faisander v. pr. (1677, Miege). Acquérir


le fumet du faisan mortifié.

faisanderie [fəzɑ̃dri] n. f. (de faisan ;


1669, A. Rommel, écrit fézanderie [faisan-
derie, 1694, Th. Corneille], au sens 1 ; sens
2, début du XXe s.). 1. Lieu où l’on élève des
faisans. ‖ 2. Littér. Société douteuse, plus
ou moins corrompue : C’est amusant, toute
cette faisanderie parisienne (Lavedan).

faisandier [fəzɑ̃dje] n. m. (de faisan ;


1552, R. Estienne, écrit faisannier ; fai-
sandier, 1700, Pomey). Éleveur de faisans.

faisane n. f. et adj. V. FAISAN.

faisceau [fɛso] n. m. (lat. pop. *fascel-


lus, faisceau, dér. du lat. class. fascis, fais-
ceau, fagot, paquet ; XIIe s., Naissance du
Chevalier au cygne, écrit faisiaus [au plur. ;
faissel, au sing., XIIIe s., Du Cange ; faisceau,
1549, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1662,
Corneille ; sens 3 et 6, 1865, Littré ; sens
4, milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens 5 et 8,
XXe s. ; sens 7, av. 1788, Buffon [pour des
fusils, 1851, Landais] ; sens 9, 1835, Balzac).
1. Assemblage de choses semblables, de
forme allongée, réunies dans le sens de la
longueur et liées ensemble : Un faisceau de
flèches. Chaque cep forme un faisceau de
verdure isolé (Chateaubriand). Pitalugue
coupa des roseaux [...], puis les disposa
en faisceaux, quatre par quatre (Arène).
Quant aux aiguilles, grand-mère en prome-
nait toujours un faisceau, derrière l’oreille
(Gide). ‖ 2. Dans la Rome antique, paquet
de verges liées par une courroie de cuir,
le plus souvent autour d’une hache, que
portait chacun des licteurs précédant un
magistrat revêtu de l’imperium (la puis-
sance publique) : Le dictateur avait droit
à vingt-quatre faisceaux, les consuls et
proconsuls à douze, les préteurs à deux
à la ville et six en campagne. ‖ Obtenir,
prendre les faisceaux, être élevé à la dignité
consulaire. ‖ 3. Colonne en faisceau, ou
colonne fasciculée, en architecture, colonne
formée par la juxtaposition de plusieurs
colonnettes, par opposition à la colonne
monostyle. ‖ 4. En anatomie animale,
groupe de fibres ou de nerfs juxtaposés
dans le sens de leur longueur : Faisceau
fibreux, nerveux. Voici votre moelle épinière
[...] : vous reconnaissez ici votre faisceau
de Türck et ici votre colonne de Clarke
(Romains). ‖ En anatomie végétale, cha-
cun des cordons vasculaires ou fibreux des
plantes supérieures servant à la circulation
des liquides et au soutien : Faisceau libéro-
ligneux. ‖ 5. Faisceau de voies, ensemble
de voies ferrées sensiblement parallèles et
réunies par des aiguillages ou des bran-
chements à leurs extrémités. ‖ 6. Faisceau
lumineux, groupe de rayons lumineux
émanant d’une même source : Les fais-
ceaux des projecteurs [...] se croisaient
comme des sabres (Malraux). ‖ Faisceau
hertzien, faisceau d’ondes électromagné-
tiques (ou hertziennes) servant à établir la
liaison entre deux points, afin d’acheminer
des signaux de télévision ou des courants
téléphoniques. ‖ Faisceau cathodique,
ensemble de trajectoires électroniques.
‖ 7. Assemblage d’objets longs, de même
sorte, qui, une fois réunis ou liés en un
point, forment un tout à peu près conique :
Une façade ornée de drapeaux en faisceau.
Le centurion qui se promenait devant les
faisceaux d’armes en balançant son cep
de vigne (Chateaubriand). ‖ Spécialem.
Assemblage de trois fusils ou de trois armes
à feu portatives qui ne reposent sur le sol
que par la crosse et se soutiennent les uns

les autres : Former les faisceaux. Rompre


les faisceaux. Les tentes-abris s’alignaient,
les faisceaux luisaient (Zola). ‖ 8. En
mathématiques, ensemble de droites, de
courbes, de surfaces dépendant d’un même
paramètre. ‖ 9. Fig. En parlant de choses
abstraites, ensemble cohérent d’éléments
qui concourent à un même résultat : Un
faisceau de preuves. Il [...] s’amusait de ces
rencontres de mots, d’idées perdues dans
un coin de sa mémoire et que la parole
retrouvait, ramassait, mettait en faisceau
d’arguments (Daudet).

faiseur, euse [fəzoer, -øz] n. (de faire ;


v. 1155, Wace, au cas sujet, écrit facerres,
au sens de « créateur » ; écrit faiseur, au
sens 1, v. 1361, Oresme [faiseuse d’anges,
1878, Larousse] ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1659,
Molière ; sens 4, fin du XIIIe s., Adam de la
Halle [au cas sujet, écrit faisieres ; faiseur,
fin du XIVe s., E. Deschamps]). 1. Personne
qui fait quelque chose, qui accomplit habi-
tuellement une action, pratique une cer-
taine activité : Je ne hais rien tant que les
contorsions | De tous ces grands faiseurs
de protestations, | Ces affables donneurs
d’embrassades frivoles (Molière). ‖ Faiseur
de tours, amuseur public, prestidigitateur
ou clown ; et adjectiv. : Son père [...] le
retrouva au milieu des chèvres savantes et
des chiens faiseurs de tours (Maupassant).
‖ Vx. Faiseur d’affaires, homme qui,
moyennant un bénéfice, traitait des affaires
d’argent pour autrui : On veut débarrasser
la Bourse [...] de tous les faiseurs d’affaires
(Balzac). ‖ Faiseur, faiseuse d’embarras,
v. EMBARRAS. ‖ Faiseuse d’anges, femme
qui pratique des avortements clandestins :
Ses mains de faiseuse d’anges, capables de
faire vivre ou mourir (Van der Meersch).
‖ 2. Fig. et littér. Celui qui, par son action,
son attitude, est la cause de quelque chose :
Visiblement dévoré d’angoisse, il reste
faiseur de calme, de certitude, de paix
(Bernanos). ‖ 3. Vx ou littér. Ouvrier ou
artisan qui fait, fabrique certains objets :
Plusieurs de ces villages sont habités par
des faiseurs de corbeilles (Hugo). Une
robe, un chapeau à prendre chez sa fai-
seuse (Daudet). Il n’y avait guère que
M. de Charlus pour savoir apprécier à leur
véritable valeur les toilettes d’Albertine ;
tout de suite ses yeux découvraient ce qui en
faisait la rareté, le prix ; il n’aurait jamais dit
le nom d’une étoffe pour une autre et recon-
naissait le faiseur (Proust). ‖ Un bon, un
grand, un célèbre faiseur, artisan renommé,
spécialisé dans les métiers de l’habillement
et de la parure : Le marquis [...] n’avait pas
rompu ses relations avec les bons faiseurs
et les bonnes faiseuses (Gautier). Tant de
chapeaux fleuris, de toilettes printanières
à la marque des grands faiseurs (Daudet).
‖ 4. Fam. Faiseur de livres, de romans, de
vers, etc., auteur, poète : Nous autres, fai-
seurs de livres et d’écrits (Boileau) ; péjor.,
écrivain qui produit beaucoup et sans souci
de la qualité : Il ne manque pas, à Paris, de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1828
faiseurs de romans sans imagination, qui ne
savent mettre que des histoires vraies dans
leurs livres et qui ne seront pas fâchés de
m’acheter un petit cahier de renseignements
(Daudet).

& faiseur n. m. (sens 1, 1789, G. Esnault ;


sens 2, 1828, Vidocq). 1. Vx ou littér. Celui
qui cherche à s’imposer autrement que par
sa valeur personnelle ; intrigant, hâbleur :
Je ne mettais guère de différence entre un
artiste sincère et un faiseur (H. de Régnier).
Et le succès, qui ne va pas toujours qu’aux
agités et aux brouillons, aux faiseurs
d’embarras, qui sont presque toujours des
faiseurs, le succès a récompensé son effort
(Proust). Le succès fait par des badauds ne
va qu’à des faiseurs (Maurois). Elle tenait
à la main une de ces revues de littérature
pure qu’un homme qui se respecte ne lira en
public qu’en en dissimulant la couverture
dans son journal replié, crainte de passer
pour un faiseur (Montherlant). ‖ 2. Vx ou
littér. Homme d’affaires véreux, qui vit
d’expédients en jetant de la poudre aux
yeux : Vous êtes tous décidés, m’a-t-on dit
hier, à me faire déposer mon bilan ! Vous
prétendez que je suis un faiseur (Balzac).
En voilà un faiseur ! Il nous la fait, à nous-
mêmes (Maupassant). Il est presque infailli-
blement attiré par les faiseurs, les escrocs,
les canailles (Duhamel).

• SYN. : 1 fanfaron, m’as-tu-vu (fam.), van-


tard ; 2 arriviste, aventurier, faisan (pop.).

faisselle [fɛsɛl] n. f. (lat. fiscella, petit


panier, forme pour faire égoutter le fro-
mage, dimin. de fiscus, corbeille de jonc
ou d’osier ; fin du XIIe s., Godefroy, écrit
foisselle [faisselle, XIVe s., Du Cange], au
sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Récipient
à parois perforées dans lequel on fait égout-
ter les fromages. ‖ 2. Table sur laquelle, en
Normandie, on presse le marc de pommes
pour le faire égoutter.

1. fait [fɛ ou fɛt] n. m. (lat. factum, fait,


action, entreprise, travail, ouvrage, part.
passé neutre substantivé de facere, faire ;
XIIe s., Roncevaux, aux sens I, 1 et II, 1 ;
sens I, 2, v. 1196, J. Bodel ; sens I, 3, 6-7
et II, 2-3, v. 1283, Beaumanoir ; sens I, 4,
1273, Adenet ; sens I, 5, milieu du XVe s.,
les Quinze Joyes de mariage ; sens II, 4, fin
du XVIIe s., Fontenelle ; sens III, v. 1265,
Br. Latini).

I. Action ou manière de faire. 1. Acte


considéré comme s’accomplissant ou
comme accompli (vieilli, sauf dans des
expressions) : L’intention est réputée
pour le fait. Ne pas reconnaître les faits.
‖ Prendre quelqu’un sur le fait, le sur-
prendre au moment où il commet une
action répréhensible. ‖ Le fait de man-
ger, de regarder, de mentir, l’acte qui
consiste à manger, à regarder, à mentir.
‖ Voies de fait, violences physiques exer-
cées contre quelqu’un. ‖ Class. Au fait et
au prendre, au moment d’agir : Quand

c’est venu au fait et au prendre, je n’ai


point trouvé l’affaire aussi avantageuse
qu’elle paraissait (Racine). ‖ Être sûr de
son fait, ne pas douter du résultat de ce
qu’on entreprend : La veuve [...] baissa
les yeux en souriant, comme une per-
sonne sûre de son fait (Sand). [V. aussi
§ III.] ‖ Vx. Du fait de, par l’action de :
La guerre des Gaules commença du fait
de César. S’il y a de la contradiction, elle
est du fait de la nature (Rousseau). ‖ Les
faits et gestes de quelqu’un, l’ensemble
de ses actions : Attentif uniquement à
ses faits et gestes (Stendhal). Non content
d’atteindre les faits et gestes quotidiens
[...], il remonte aux origines, fouille dans
la famille (Estaunié). ‖ 2. Class. Action
glorieuse (au plur.) : Quelque autre te
dira d’une plus forte voix | Les faits de
tes aïeux et les vertus des rois (La Fon-
taine). ‖ Haut fait, fait d’armes, action
militaire héroïque et prestigieuse : Tous
vos grands faits d’armes | Qui rempliront
longtemps la terre de terreur (Hugo) ;
fam., action méritoire et, ironiq., action
blâmable : Demandez à votre fils de vous
raconter ses derniers hauts faits. ‖ Fait
de guerre, action militaire qui mérite
quelque récompense : Être décoré pour
faits de guerre. ‖ 3. En droit, action qui
produit des conséquences de droit sans
que celles-ci aient été voulues. ‖ En par-
ticulier, acte positif fautif de l’homme,
par opposition aux actes fautifs résul-
tant d’une omission ou d’une abstention.
‖ Prendre fait et cause pour quelqu’un,
épouser complètement sa cause, prendre
son parti : Chacun prend fait et cause
pour ou contre le vizir (Tharaud). ‖ Vx.
Fait du prince, acte ou décision arbitraire
du pouvoir absolu. ‖ 4. Class. Manière
d’agir propre à une personne ; ensemble
de sa conduite : Et son fait est mêlé de
beaucoup d’innocence (Molière). Il y
avait plus d’ambition que de religion dans
son fait (Bossuet). ‖ Auj. Dire son fait à
quelqu’un, lui dire ce que l’on pense de sa
conduite : Il existe toujours ce type singu-
lier [...], insolent, provocant, libre de dire
son fait à chacun (Tharaud). ‖ 5. Class. et
littér. Ce qui convient à quelqu’un, à ses
goûts, à son tempérament, à son carac-
tère : Ce n’est point là, mon frère, le fait
de votre fille, et il se présente un parti plus
sortable pour elle (Molière). Tout enfant,
j’ai senti dans mon coeur deux sentiments
contradictoires, l’horreur de la vie et
l’extase de la vie : c’est bien le fait d’un
paresseux nerveux (Baudelaire). Est-ce là
le fait d’un honnête homme, Lafcadio, je
vous le demande, de prendre cette farce au
sérieux ? (Gide). ‖ 6. Class. Ce qui revient
à quelqu’un dans un partage : On a par-
tagé cette succession, chacun a eu son fait
(Acad., 1694). ‖ Fig. Avoir son fait, avoir
sa part de malheur ou de châtiment : À
force de s’exposer, il aura son fait (Sévi-
gné). ‖ 7. Class. et dialect. La part de ri-

chesses, les biens possédés en propre par


quelqu’un : Son fait, dit-on, consiste en
des pierres de prix : | Un grand coffre en
est plein (La Fontaine). Ces paysans, chez
qui l’amour du roi, la religion ne venaient
que bien après l’amour de leur fait (Bar-
bey d’Aurevilly).

II. Ce qui est ou ce qui arrive. 1. Ce qui


arrive en un temps et en un lieu détermi-
nés : Toute la ville sut le fait (Balzac). Ma
tante, dont l’esprit critique n’admettait
pas si facilement un fait... (Proust). Un
simple fait, Louis XIV mort en telle année,
enferme la connaissance de la suite de
l’histoire (Alain). Comment voulez-vous
qu’un savant aille vérifier par lui-même
tous les faits qu’il relate dans un ouvrage
de cette dimension ? (Romains). ‖ Un fait
exprès, v. EXPRÈS. ‖ Faits divers, rubrique
sous laquelle les journaux publient les
informations relatives aux événements
sans portée générale (accidents, suicides,
menus scandales, etc.) : Catastrophes
inexplicables qui doivent être classées au
chapitre faits divers (Maupassant). ‖ Un
fait divers, un événement banal qui relève
de cette rubrique : Avec ce petit fait di-
vers, les recettes ont remonté tout de suite
(Daudet). « L’Écho de Paris », journal
licencieux, spécialisé dans les faits divers
passionnels (Martin du Gard). ‖ Pour la
rareté, pour la beauté du fait, à cause de
la singularité de l’événement. ‖ 2. En
droit, tout événement extérieur résultant
ou non d’une action de l’homme : Fait
de l’homme. Fait des animaux. Fait des
choses. ‖ Fait pertinent, événement qui
est jugé en rapport avec la cause que l’on
plaide. ‖ Fait admissible, événement qui
peut être admis comme preuve. ‖ Fait
accompli, événement qui crée une situa-
tion sur laquelle il n’y a plus à revenir :
Mettre, placer quelqu’un devant le fait
accompli. ‖ 3. Tout élément de la réalité
dont l’existence peut être constatée de
manière indiscutable : Considérons le
fait le plus simple, que les étoiles tournent
(Alain). Je prétendais que le bonheur est
un fait (Giraudoux). ‖ De fait, en fait, sur
le plan de la réalité (opposé à de droit, en
droit, légitime, obligatoire) : Les Méro-
vingiens étaient rois de droit, leurs maires
du palais l’étaient de fait. ‖ Point de fait,
discussion pour établir si un événement
est bien arrivé. ‖ État de fait, situation
qu’on ne peut que constater : N’est-ce pas
la simple consécration d’un état de fait ?
(Romains). ‖ Gouvernement de fait, gou-
vernement qui ne tient pas son pouvoir
de la légitimité. ‖ Preuve de fait, preuve
qui consiste dans l’existence d’un fait :
Quelle est notre preuve ? Elle est de fait.
[...] Ravaillac n’a point manqué son coup
(Alain). ‖ Le fait social, la réalité sociale,
la structure de la société et les problèmes
qu’elle pose à un moment donné : Entas-
ser contre le fait social régnant un mon-
ceau de [...] griefs (Hugo). ‖ Mettre, poser
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1829

en fait, présenter une proposition comme


aussi certaine qu’un fait. ‖ C’est un fait
que, le fait est que, il est de fait que (littér.),
il est indiscutable que : Le fait est qu’Er-
nest IV avait tout plein de bonnes petites
vertus (Stendhal). Le fait est qu’on n’est
pas mal ici (Sand). Le fait est que voilà une
cérémonie qui m’intéresse ! (Huysmans).
Il est de fait que vous nous avez abusés sur
son compte. ‖ 4. Spécialem. Toute don-
née de l’expérience (par opposition aux
hypothèses, aux théories, aux construc-
tions de l’esprit) : L’observateur chez lui
donne les faits tels qu’il les a observés
(Zola). Le sentiment de la solidarité hu-
maine, laquelle est un fait, quoique nous
ne l’apercevions pas toujours (Lemaitre).
Le sentiment suggéré interrompt à peine
le tissu serré des faits psychologiques qui
composent notre histoire (Bergson). Les
faits ne pénètrent pas dans le monde où
vivent nos croyances (Proust). Il existe
un capital immense de faits et de théories
(Valéry). Qu’il y a loin entre l’imagina-
tion et le fait ! (Gide). ‖ Fait brut, ce qui
est donné par la perception, l’observa-
tion immédiate. ‖ Fait scientifique, don-
née de l’observation analysée, intégrée à
l’ensemble des connaissances et énoncée
en termes scientifiques : Le fait de l’ébul-
lition, de la dilatation des corps.

III. Ce dont il est question. Objet essen-


tiel d’un débat, d’une discussion ; sujet de
la conversation : Il faut écarter les ques-
tions secondaires et en venir au fait. Voilà
comme depuis longtemps j’avais arrangé
les choses, dans ma tête. Bon ! revenons
aux faits (Duhamel). ‖ Ellipt. Au fait !,
venons-en à la question qui nous pré-
occupe. ‖ Être au fait de quelque chose,
être instruit précisément de ce qu’il faut
savoir d’une chose : Je suis au fait de ces
cérémonies (Musset). Je suis maintenant
au fait des subtilités du langage militaire
(Duhamel). ‖ Mettre quelqu’un au fait,
l’instruire de ce qu’il doit savoir pour
comprendre ce qui suit : En quatre mots,
Pierre me conte son histoire et me met
au fait (Henriot) ; l’instruire de ce qu’il
doit savoir pour accomplir une tâche :
Mettre quelqu’un au fait de son emploi.
‖ Être sûr de son fait, être sûr de ce
qu’on avance, être persuadé d’avoir rai-
son. (V. aussi § I, 1.)

• SYN. : II, 1 chose, événement, histoire,


incident ; 3 réalité, vérité ; 4 phénomène.

— CONTR. : II, 3 invention, leurre ; 4 hypo-


thèse, idée, théorie.

& Au fait loc. adv. (av. 1834, Béranger). À


propos, tout bien considéré : Au fait, c’est
juste, dit la Thénardier, si cette bête n’a pas
bu, il faut qu’elle boive (Hugo). Au fait, ce
n’est peut-être pas la même (Daudet).

& De fait, en fait, par le fait loc. adv. (de


fait, v. 1283, Beaumanoir ; en fait, v. 1265,
Br. Latini ; par le fait, 1865, Littré). En réa-
lité, effectivement : De fait, je pourrai tou-

jours souper avec vous ces jours-là (Nerval).


Elle grelottait, de fait ; un frisson lui secoua
les épaules (Vercel). Théoriquement, on sait
que la Terre tourne, mais, en fait, on ne s’en
aperçoit pas, le sol sur lequel on marche
semble ne pas bouger et on vit tranquille
(Proust). Avec les tramways, nous voilà,
par le fait, à vingt minutes de la Madeleine
(Colette).
& Du fait de loc. prép. (1580, Montaigne).
En raison de, à cause de : Du fait de son
accident, il a dû modifier l’orientation de
ses études.

& En fait de loc. prép. (1668, La Fontaine).


En matière de, sous le rapport de : Il est
passé maître en fait d’hypocrisie. En fait
de souvenirs nationaux, les deuils valent
mieux que les triomphes (Renan). En vérité,
l’homme moderne, l’homme quelconque,
vêtu en soldat [...], a rejoint pendant cette
guerre le point le plus haut où l’homme
d’aucun temps soit jamais parvenu, en fait
d’énergie, de résignation, de consentement
aux misères, aux souffrances et à la mort
(Valéry).

& Par le fait de, par le seul fait de loc.


prép. (XXe s.). Pour la raison, la seule raison
de : L’état d’âme [...] dont ce livre était le
témoignage un jour ne serait plus, par le
seul fait d’avoir été (Montherlant).

& Tout à fait loc. adv. (XVe s.). Entièrement :


Je serais votre soldat tout à fait (Vigny). Je
ne suis pas tout à fait aussi mauvais que
vous me croyez (Mérimée). Pour peu qu’on
la fréquente [la mairie], on s’y trouve tout
à fait chez soi (Chérau).

& Fait à fait que loc. conj. (1678,


La Fontaine [à fait, « à mesure », v. 1360,
Froissart]). Class. (déjà vx au XVIIe s.). Au
fur et à mesure que : J’ai promis de payer
mon maçon fait à fait que mon bâtiment
avancera (Furetière, 1690).

2. fait, e [fɛ, -ɛt] adj. (part. passé du


v. faire ; v. 1196, J. Bodel, au sens 1 ; sens
2, av. 1613, M. Régnier ; sens 3, 1580,
Montaigne ; sens 4-5, 1872, Larousse).
1. Qui est conformé, constitué de telle
ou telle façon. ‖ Bien fait, mal fait, se dit
d’une personne dont l’aspect physique est
agréable ou désagréable : Tu es bien fait, tu
as une jolie taille, tu portes bien tes habits
(Balzac). Un jeune homme bien fait sortit
des rangs (Hugo). La veuve Guérin était
bien faite et ne manquait pas de fraîcheur
(Sand). ‖ Vx. Bien fait, complet, achevé,
auquel rien ne manque pour mériter tel
nom : De tels savants sont des ânes bien
faits (Molière). ‖ Une tête bien faite, un
homme de jugement sain. ‖ Fait pour,
en parlant d’une personne, qui semble
apte à : Peu fait pour la vie active, pour
l’enseignement ; en parlant d’une chose,
qui est destiné à : Christophe protesta
que la musique n’était pas faite pour être
entendue en fiacre (Rolland). ‖ Fait à,
accoutumé à : Un homme fait aux intem-
péries. ‖ 2. Class. Habillé, arrangé : Comme

le voilà fait ! Débraillé, mal peigné, l’oeil


hagard... (Regnard). ‖ 3. Qui a atteint son
complet développement : Jeune homme
fait. Certaines détresses qu’on croit sans
importance parce qu’elles ne peuvent guère
s’exprimer dans notre langage d’hommes
faits (Bernanos). ‖ 4. Se dit d’une denrée
qui est parvenue à un degré de maturation
satisfaisant : Un vin qui n’est pas assez fait.
Un fromage trop fait. ‖ 5. Tout fait, exé-
cuté, préparé à l’avance pour être porté
tel quel : Un costume tout fait. L’usage
des cravates toutes faites était encore très
répandu (Romains). ‖ Idée toute faite, lieu
commun. ‖ Phrases toutes faites, manières
de s’exprimer consacrées par l’usage, géné-
ralement banales.

& Si fait loc. adv. (XIIIe s., Roman de


Renart). Class. Mais si, bien sûr que si :
« Les médecins ne savent donc rien, à votre
compte ? — Si fait, mon frère. Ils savent la
plupart de fort belles humanités » (Molière).

faîtage [fɛtaʒ] n. m. (de faîte [v. ce mot] ;


1233, Godefroy, écrit festage [faîtage,
XVIIe s.], au sens I ; sens II, 1, 1676, Félibien ;
sens II, 2-3, 1680, Richelet).

I. Au Moyen Âge, droit perçu par le sei-


gneur chaque fois que le faîte d’une mai-
son était posé.

II. 1. Grosse poutre placée au sommet de


la charpente d’un toit à deux pentes, sur
laquelle s’appuient les chevrons. (On dit
aussi FAÎTE, FAÎTIÈRE, PANNE FAÎTIÈRE.)
‖ 2. Partie de la couverture (tuiles semi-
circulaires, feuille de plomb, etc.) qui
protège l’arête supérieure de la char-
pente. ‖ 3. Littér. Le sommet d’un toit :
C’était la lune qui, par-dessus la cime des
arbres, blêmissait déjà le faîtage et faisait
briller les vitres des lucarnes (Martin du
Gard). L’ardoise des hauts faîtages à la
française (Escholier).

faîte [fɛt] n. m. (réfection orthogr., d’après


le lat. fastigium, toit à deux pentes, faîte,
de l’anc. franç. feste, n. f., fest, n. m., faîte
[XIIe s.], feste, n. m. [1316, Runkewitz], fran-
cique *first, n. f., faîte ; 1552, R. Estienne,
écrit faiste [faite, 1636, Monet ; faîte,
1680, Richelet], aux sens 1-2 ; sens 3, 1636,
Monet [ligne de faîte, 1838, Acad.] ; sens
4, 1640, Corneille). 1. Pièce de charpente
sur laquelle s’appuient les chevrons à la
partie supérieure d’un comble : Apprends
à monter sur un comble, à poser le faîte
(Rousseau). [On dit aussi FAÎTAGE, FAÎ-
TIÈRE, PANNE FAÎTIÈRE.] ‖ Par extens.
Arête supérieure formée par les deux
pentes d’un toit : Non que les toits eussent
des faîtes très découpés... (Hugo). ‖ Ligne
de faîte ou de couronnement, ligne sui-
vant laquelle se coupent les deux plans
d’un comble. ‖ 2. Partie la plus élevée
d’un édifice : Le grand-duc de Toscane fit
déterrer secrètement Michel-Ange, mort à
Rome après avoir posé, à quatre-vingt-huit
ans, le faîte de la coupole de Saint-Pierre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1830

(Chateaubriand). L’admirable escalier


double qui allait d’un seul jet, lancé comme
une spirale, du sol au faîte (Flaubert). Les
faîtes dorés des temples jetaient des éclairs
(France). ‖ 3. Partie la plus élevée d’une
chose : Devant la véranda, au faîte d’un
saule, un oiseau chantait, balancé au bout
d’une branche qui pliait sous son poids léger
(Daudet). Les prophètes et les patriarches
[...] et la Vierge fleurie, au faîte de l’arbre
prophétique, furent mutilés (France). Un
pigeon roucoule au faîte d’une cheminée
(Rolland). ‖ Spécialem. Sommet d’un
relief, d’un accident de terrain : Ces col-
lines dont le faîte offre des ermitages qu’on
voudrait tous habiter (Stendhal). L’on voyait
aussi dans une large échancrure, sur le faîte
d’une butte un peu plus haute, les bâtiments
plats d’une ferme (Genevoix). ‖ Ligne de
faîte, ligne déterminée par la rencontre des
deux versants d’un relief, et qui correspond
à la ligne de partage des eaux. ‖ 4. Fig. et
littér. Le plus haut degré de quelque chose :
Vous arriverez ainsi au faîte de vos désirs
(Balzac). Dans le Nouveau Testament, il y
a toujours une pensée [...], la pauvreté | Qui
est toujours présentée, | Qui est le faîte et le
couronnement (Péguy). En 1881, Bismarck
est au faîte de sa gloire et de son autorité.
Il est en vérité l’arbitre, presque le maître
de l’univers politique (Valéry).

• SYN. : 2 comble ; 3 cime, crête, haut, pointe,


sommet ; 4 apogée, apothéose, pinacle, sum-
mum, zénith.

faîteau [fɛto] n. m. (de faîte [v. ce mot] ;


1329, Actes normands de la Chambre des
comptes, écrit festel, au sens de « poutre sur
laquelle reposent les solives du faîte d’un édi-
fice » ; 1521, Godefroy, écrit festel [faîteau,
fin du XVIe s., Vauquelin de La Fresnaye],
au sens de « tuile creuse dont on recouvre
le faîte d’un toit » ; sens actuel, 1872,
Larousse). Ornement en métal ou en pote-
rie qui recouvre les parties supérieures
d’une charpente.

faîtière [fɛtjɛr] adj. et n. f. (de faîte [v. ce


mot] ; 1287, Bevans, comme n. f., au sens
2 [« tuile faîtière »], écrit festiere [faistière,
1564, J. Thierry ; faîtière, 1680, Richelet ;
tuile festière, v. 1560, Paré ; tuile faîtière,
1636, Monet] ; sens 1, 1901, Larousse ;
sens 3, 1676, Félibien [lucarne faîtière ;
faîtière, n. f., 1845, Bescherelle]). 1. Panne
faîtière, ou faîtière n. f., panne du faîtage
d’un toit. ‖ 2. Tuile faîtière, ou faîtière n. f.,
tuile courbe dont on recouvre le faîtage
d’un toit. ‖ 3. Lucarne faîtière, ou faîtière
n. f., lucarne destinée à éclairer l’espace
qui est sous le comble.

& n. f. (1680, Richelet). Vx. Perche hori-


zontale assemblée à l’extrémité de perches
verticales, et soutenant la toile d’une tente
dans toute sa longueur.

fait-tout n. m. invar. ou faitout n. m.


[fɛtu] (de fait, forme du v. faire, et de tout,
pron. ; 1890, Dict. général [en picard dès la

fin du XVIIIe s.]). Récipient en métal (tôle


émaillée, aluminium, cuivre, acier inoxy-
dable), avec anses et couvercle, servant à
faire cuire les aliments dans un liquide
(légumes, soupes, sauces) : Le vrai pot-
au-feu, bien préférable aux faitouts d’alu-
minium (Pourrat).

faix [fɛ] n. m. (lat. fascis, faisceau, paquet,


bagage, fardeau ; 1080, Chanson de Roland,
écrit fais [faix, v. 1360, Froissart], au sens
1 ; sens 2 et 5, XXe s. ; sens 3, v. 1170, Livre
des Rois ; sens 4, 1865, Littré). 1. Vx ou
littér. Charge pénible à porter : Une fourmi,
embarrassée comme un bûcheron sous le
faix, traîne un brin d’écorce plus gros
qu’elle (Daudet). Vous n’avez plus connu
l’arbre chargé de pommes | Et pliant sous
le faix dans la mûre saison (Péguy). Elle
pèse à son bras. Il est en nage. Il s’arrête
un in stant ; pose son faix sur le trottoir
(Gide). Le voyageur embarrassé qui trans-
porte entre ses bras un faix énorme et
mal lié (Duhamel). ‖ 2. Littér. Charge de
marchandises contenues dans un véhicule,
cargaison d’un navire : Cependant, cinq
navires italiens sont nouvellement entrés au
port et déchargent leurs faix de munitions
(Gide). ‖ 3. Fig. et littér. Ce qui constitue
une charge dure à supporter, une sujétion
pour quelqu’un : Aptes à porter le faix
des conceptions humaines (Nerval). Tout
se passe dans notre vie comme si nous y
entrions avec le faix d’obligations contrac-
tées dans une vie antérieure (Proust). ‖ Vx.
Le faix des années, le grand âge, qui fait
courber les épaules. ‖ 4. Tassement d’une
maison récemment construite. ‖ 5. Foetus
contenu dans l’utérus.

fakir [fakir] n. m. (ar. faqīr, proprem.


« pauvre » ; 1653, La Boullaye, au sens 1
[un premier ex., sous la forme foqui, XIIIe s.,
Guillaume de Tyr] ; sens 2, XXe s.). 1. Nom
donné, dans l’Inde, aux mendiants de
toutes sectes qui se livrent à des exercices
ascétiques : Ces premiers franciscains et
ceux qui se joignirent à eux donnèrent
d’abord dans des austérités forcenées,
comparables à celles des fakirs de l’Inde
(Michelet). Comme un fakir de l’Inde
se mire dans le bout de son nez (Barbey
d’Aurevilly). ‖ 2. Personne qui prétend
connaître l’avenir. ‖ Personne qui exé-
cute en public des exercices et des tours
de diverses sortes (hypnose, catalepsie,
insensibilité, invulnérabilité, etc.).

• REM. On trouve aussi la graphie FAQUIR


(1690, Furetière).

fakirisme [fakirism] n. m. (de fakir ; av.


1923, Loti). Ensemble des phénomènes
d’apparence extraordinaire que pro-
voquent les fakirs, et qu’ils attribuent à leur
pouvoir occulte : Ce sont des hommes d’une
vingtaine d’années, des débutants en faki-
risme ; les macérations et les jeûnes n’ont
pas encore altéré leur belle forme (Loti).

falaise [falɛz] n. f. (mot des régions


côtières de la Normandie et de la Picardie,
de *falísa, terme issu, après déplacement
de l’accent, du francique *fálisa, rocher ;
v. 1130, Eneas, écrit faleise ; faloise, v. 1155,
Wace ; falaise, v. 1182, Thibaud de Marly
[falaise morte, XXe s.]). En géographie,
escarpement par lequel se termine une
terre qui surplombe une région plus basse ;
en montagne, paroi rocheuse verticale :
La falaise d’Ile-de-France. Nous arrivons
en contrebas de la grande falaise termi-
nale : la pente en est très raide (Herzog).
‖ Spécialem. Escarpement de roche, de
terre ou de calcaire qui domine la mer ou
une rivière : Les falaises du pays de Caux.
En me promenant ce matin sur les falaises,
derrière le château de Dieppe, j’ai aperçu
la poterne qui communique à ces falaises
au moyen d’un pont jeté sur un fossé :
Mme de Longueville avait échappé par là à
la reine Anne d’Autriche (Chateaubriand).
La Seine se déroulait, ondulante, semée
d’îles, bordée à droite de blanches falaises
(Maupassant). ‖ Falaise morte, dans une
région côtière, talus autrefois façonné par
l’érosion marine : Une falaise morte domine
les Bas-Champs picards.

falarique [falarik] n. f. (lat. falarica,


javelot enduit de filasse et de poix, dér. de
falae, n. f. pl., « tours de bois » [machines de
guerre] ; fin du XIIIe s., Végèce, écrit phala-
rique ; falarique, XIXe s.). Arme de jet incen-
diaire, trait entouré de filasse enflammée,
en usage jusqu’au XVIe s.

falbala [falbala] n. m. (franco-provenç. far-


bélla, frange, dentelle, mot de la famille de
l’anc. franç. frepe, felpe, guenilles [XIIIe s., v.
FRIPIER], et d’autres termes, qui contiennent
tous la suite consonantique f-l-p et désignent
quelque chose de futile ; 1692, Caillières).
Vx. Volant, bande d’étoffe plissée ou fron-
cée, dentelle qui servait à orner le bas des
robes ou des rideaux : L’autel, orné d’un fal-
bala en point d’Angleterre (Flaubert).

& falbalas n. m. pl. (1872, Larousse). Péjor.


Ornements excessifs, voyants, de la toilette
féminine : Une robe à falbalas ; et au fig. :
Les vrais arbres du parc, les sorbiers, les
lilas, | Les ébéniers qu’avril charge de fal-
balas (Hugo).

• SYN. : affiquets, fanfreluches.

falbalassé, e [falbalase] adj. (de falbala ;


1765, Gohin). Garni de falbalas : Souliers
[...] avec une empeigne de peau de chèvre
rose, falbalassée et brodée (Goncourt).
Quelque chose comme une loge de comé-
dien, à laquelle, du reste, le boudoir ressem-
blait fort en ce moment, avec ses becs de gaz
éclairant le marbre, les tentures falbalassées
de la toilette (Daudet). Qu’étaient devenues
les robes traînantes, les jupes falbalassées ?
(Huysmans).

falcaria [falkarja] n. m. (mot du lat. scien-


tif. moderne, formé sur le lat. class. falx,
falcis, faux, faucille, serpe, par comparaison
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1831

de forme ; XXe s. [falcaire, forme francisée,


1872, Larousse]). Plante des champs et des
chemins, de la famille des ombellifères,
assez commune dans le midi de la France.

falciforme [falsifɔrm] adj. (lat. scientif.


moderne falsiformis [XVIIIe s.], du lat. class.
falx, falcis, faux, et forma, forme ; 1812,
Encycl. méthodique). Qui est en forme de
faux. ‖ Ligament falciforme, repli du péri-
toine qui relie la face supérieure du foie
au diaphragme et à la paroi abdominale
antérieure.

• SYN. : falqué.

falconidés [falkɔnide] n. m. pl. (dér.


savant du lat. falco, -onis, faucon, et du gr.
eidos, forme, apparence ; 1872, Larousse).
Famille d’oiseaux comprenant la plupart
des rapaces diurnes, notamment les aigles,
les milans, les faucons.

faldistoire [faldistwar] n. m. (ital. fal-


distorio, lat. ecclés. médiév. faldistorium
[XIIIe s.], du francique *faldistôl, fauteuil ;
1791, Brunot). Siège liturgique en forme
d’X, avec deux accoudoirs et sans dossier,
à l’usage des évêques et de certains digni-
taires de l’Église.

falerne [falɛrn] n. m. (de Falerne, n. d’une


ville de Campanie [Italie], célèbre pour ses
vins ; av. 1741, J.-B. Rousseau). Vin estimé
dans l’Antiquité et que l’on récoltait aux
environs de Falerne, en Campanie : Le
falerne écumait dans de larges cratères
(Hugo). Vive Horace buvant son lait de
poule, son falerne, veux-je dire, en pinçant,
en honnête homme, les charmes de sa Lisette
(Baudelaire). ‖ Vin récolté actuellement
aux environs de Naples : Nous aurions [...]
dîné sous une treille dans quelque osteria
bien napolitaine, bu du falerne (Gautier).

fallace [falas] n. f. (lat. fallacia, ruse,


tromperie, de fallax, -acis, trompeur,
perfide, dér. de fallere, tromper ; XIIIe s.,
Godefroy, écrit fallasse ; fallace, v. 1360,
Froissart). Class. (déjà vx au XVIIe s.) et
littér. Ruse, tromperie : Que notre cher M.
Gassendi nous manque bien, pour en faire
voir les fallaces (Chapelain). L’amas de lieux
communs, de notions fausses, d’hypothèses
erronées et de fallaces que la presse a accou-
tumé de présenter comme le summum de la
pensée humaine (Daudet).

fallacieusement [falasjøzmɑ̃] adv. (de


fallacieux ; 1552, R. Estienne). De façon
fallacieuse.

fallacieux, euse [falasjø, -øz] adj. (lat.


fallaciosus, trompeur, fallacieux, de fal-
lacia [v. FALLACE] ; 1495, J. de Vignay, au
sens 1 ; sens 2, 1647, N. Poussin). 1. Littér.
Qui vise à tromper, à induire en erreur :
Sans venir de son coeur, des pleurs falla-
cieux | Paraissent tout à coup sur ie bord
de ses yeux (Vigny). Lucien trouva d’abord
ce monde fort gracieux ; mais plus tard il
reconnut le sentiment d’où procédaient ces
fallacieux égards (Balzac). Raisonnements

fallacieux. Promesses fallacieuses. ‖ Par


extens. Qui déçoit, illusoire : Ses rails sont
des chemins audacieux | Vers le bonheur
fallacieux | Que la fortune et la force accom-
pagnent (Verhaeren). ‖ 2. Se dit aussi des
personnes : Un esprit fallacieux.

• SYN. : 1 captieux, faux, mensonger, per-


fide, spécieux ; chimérique, imaginaire,
trompeur ; 2 fourbe, hypocrite, perfide. —
CONTR. : 1 authentique, sincère, spontané,
vrai ; réel, tangible ; 2 direct, droit, franc,
honnête, loyal.

falloir [falwar] v. impers. (réfection,


d’après valoir, etc., de faillir [v. ce mot] ;
XIIIe s., au prés. de l’indic. [à l’infin., XVe s.],
au sens I, 1 [du sens de « manque », qu’on
trouvait dans une loc. comme petit en
falt que, « peu s’en faut que » — v. 1130,
Eneas —, on est passé au sens de nécessité
et d’obligation] ; sens I, 2, 1872, Larousse ;
sens I, 3, 1532, Rabelais ; sens II, 1, 1666,
Molière ; sens II, 2, 1839, Stendhal ; sens III,
1, 1674, Boileau ; sens III, 2, 1665, Molière ;
sens IV, 1, 1656, Corneille ; sens IV, 2, 1835,
Stendhal). [Conj. 42.]

I. « IL (ME, TE, LUI, ETC.) FAUT » ET UN


NOM OU UN PRONOM DÉSIGNANT UNE
PERSONNE OU UNE CHOSE, « IL (ME, TE,
LUI, ETC.) FAUT » ET L’INFINITIF, « IL FAUT
QUE » ET LE SUBJONCTIF. 1. Exprime le
besoin, la nécessité : Il faut au moins deux
personnes pour assurer ce service. S’il vou-
lait réaliser son projet, il lui faudrait des
capitaux importants. Ma fille, il faut de la
sagesse (Racine). Ma grand-mère a plus
d’or qu’il n’en faut pour suffire au luxe de
sa maison (Nodier). Dans le train, il leur
fallut une force peu commune pour mater
l’excitation (Cocteau). Nous sommes tous
deux également modestes dans nos goûts,
il nous faudra peu de chose (Balzac). Nous
connaissions tous les mouvements qu’il
fallait pour quérir un flacon dans la cave
(Gide). Mais je n’avais ni les dons ni les
connaissances techniques qu’il eût fallu
pour suivre cet instinct formel des pro-
ductions de la sensibilité (Valéry). Il fal-
lait oublier cette nuit d’agitations comme
un rêve dangereux (Sand). Il me fallut
rejoindre en courant mon père et mon
grand-père (Proust). Il faudra que je re-
médie par industrie et ruse à ce grand mal
(France). ‖ Faut-il ?, est-il nécessaire ?
(pour exprimer une réticence) : Faut-il te
l’avouer ? | Souvent je le pensai (Lamar-
tine). ‖ Encore faut-il que, c’est pourtant
une condition nécessaire que : Il est prêt
à recommencer ce travail, encore faut-il
que vous lui accordiez le temps nécessaire.
‖ 2. Exprime le besoin et la convenance :
« Est-ce bien la clinique qu’il vous faut ?
— [...] Il me faudrait la campagne, un pays
aéré, pas humide » (Martin du Gard).
‖ 3. Exprime le devoir, l’obligation mo-
rale : Il faut manger pour vivre et non pas
vivre pour manger (Molière). C’est Dieu
qui nous fait vivre, | C’est Dieu qu’il faut

aimer (Malherbe). Vous devez continuer


votre tâche, il le faut. Il faut qu’il lui fasse
des excuses ; et absol. : Tout le mal vient
d’avoir pris la plume quand il ne fallait
pas (Rousseau).

II. « IL FAUT » ET L’INFINITIF, « IL FAUT


QUE » ET LE SUBJONCTIF. 1. Exprime
une supposition, une conjecture propre
à expliquer un fait, une situation : Il
faut être inconscient pour se préoccuper
si peu de son avenir ! Voilà des gens qui
s’amusent double et sans raison appa-
rente : il faut qu’ils aient dans l’esprit l’at-
tente de quelque bon tour (Maupassant).
‖ 2. Ironiq. Marque l’emphase : « il est
bon, utile, instructif, etc., de ou que » : Il
fallait entendre l’archevêque répéter avec
désespoir : « Un del Dongo attendre dans
mon antichambre ! » (Stendhal). ‖ Il faut
voir, marque une emphase admirative : Il
faut la voir [la mer] quand elle s’émeut,
la furieuse, quelles monstrueuses vagues
elle entasse à la pointe de Saint-Mathieu !
(Michelet). Il fallait voir les yeux qu’elle
[Carmen] me faisait, et ses grimaces
quand Garcia tournait la tête (Mérimée).

III. « IL FAUT QUE » ET LE SUBJONCTIF.


1. Class. Il est inévitable que : Un style
trop égal et toujours uniforme | En vain
brille à nos yeux, il faut qu’il nous en-
dorme (Boileau). ‖ 2. Class. S’il faut que,
s’il arrive que (en parlant d’un événement
hypothétique, d’une éventualité) : S’il
fallait qu’elle me vînt visiter en équipage
de grand-dame et qu’elle manquât par
mégarde à saluer quelqu’un du quartier,
on ne manquerait pas aussitôt de dire cent
sottises (Molière) ; s’il est vrai, s’il est réel
que : Je ne sais pas, de vrai, quel homme
il peut être s’il faut qu’il nous ait fait cette
perfidie (Molière).

IV. « COMME IL FAUT. » 1. D’une manière


convenable : Mets ta cravate comme il
faut. Cette résistance sur un seul point
[...] l’empêchera de jouir comme il faut
du reste des choses (Romains). ‖ 2. Ad-
jectiv. Qui a de bonnes manières, bien
élevé : Tous avaient pour lui l’accablante
politesse dont usent les gens comme il faut
avec leurs inférieurs (Balzac). L’aînée, plus
comme il faut, au sens vulgaire du mot
(Maupassant). ‖ Qui est conforme aux
bons usages : Tu as une jupe tout à fait
comme il faut.

• SYN. : I, 3 il convient, c’est nécessaire, on


doit, il sied.‖ IV, 1 convenablement, cor-
rectement, décemment ; 2 bien, distingué,
honorable.

• REM. Le part. passé fallu est toujours


invariable : Les sommes qu’il nous a fallu.
& s’en falloir v. pr. impers. (depuis le
XIIIe s.). Il s’en faut de (et un nom ou un
adverbe de quantité), indique une dif-
férence en moins, ce qui manque pour
atteindre un but ou un résultat : La collecte
n’a pas permis de réunir la somme prévue,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1832

il s’en faut de cent francs. Il s’en faut de peu,


de beaucoup. ‖ Il s’en faut que, se construit
avec le subjonctif : C’était une belle habi-
tation : il s’en fallait de peu qu’on ne la prît
pour une maison de bourgeois (Sand). Il
s’en est fallu de peu qu’ils n’y fussent pas
(Mauriac). ‖ Absol. Il s’en faut, loin de
là, bien au contraire : Ils ne sont pas sans
défauts. Il s’en faut. Ils ont même beau-
coup de défauts (Péguy). ‖ Peu s’en faut,
il manque fort peu de chose ; presque : Ce
tonneau est plein, ou peu s’en faut. Moi
qui vous parle, j’ai connu, peu s’en faut,
les bruits et les embarras de Paris tels que
Boileau les décrivait vers 1660 (France).
‖ Peu s’en faut que (et le subjonctif),
indique qu’une éventualité a été tout près
de se réaliser : Peu s’en faut que Mathan ne
m’ait nommé son père (Racine). Peu s’en est
fallu que le vase déborde. ‖ Tant s’en faut,
bien au contraire. ‖ Tant s’en faut que, bien
loin que.

• REM. Au XVIIe s., il s’en faut, suivi d’un


complément, pouvait s’employer sans la
prép. de : Pour moi, j’ai vu des moments
où il ne s’en fallait rien que la fortune ne
me mît dans la plus agréable situation du
monde (Sévigné).

falot [falo] n. m. (ital. falò, feu pour signal,


du bas gr. *pharós, croisement du gr. class.
pháros, phare, et de phanós, lumière, flam-
beau, torche, lanterne, dér. de phainein,
[faire] briller ; 1371, Godefroy, au sens de
« torche, flambeau » ; sens 1, 1578, Havard
[sur un bateau, 1606, Crespin] ; sens 2, 1888,
G. Esnault). 1. Grande lanterne portative :
M. Dupin aîné rappelle la circonstance d’un
falot attaché sur le coeur du duc d’Enghien,
pour servir de point de mire, ou tenu, à
même intention, d’une main ferme par le
prince (Chateaubriand). Deux enfants de
choeur soutenaient les dais, deux autres l’es-
cortaient avec de gros falots dorés (Daudet).
Des employés couraient dans la nuit, agi-
tant des falots dont les reflets miroitaient
sur le trottoir mouillé (Martin du Gard).
‖ Spécialem. Grande lanterne utilisée sur
les bateaux : Cette gondole éclairée d’un
falot de mille couleurs (Musset). ‖ Grosse
lanterne placée à l’avant d’une locomo-
tive ou à l’arrière du wagon de queue d’un
train. ‖ Vx. Lanterne portée autrefois par
le soldat accompagnant l’officier ou le
sous-officier de ronde. ‖ Halte au falot !,
commandement lancé par une sentinelle
à l’approche d’une ronde portant un falot :
Halte au falot ! Tu t’appelles ? (Chérau).
‖ 2. Arg. Le conseil de guerre. ‖ Passer le
falot, au falot, être traduit devant le conseil
de guerre : Je me voyais déjà passer au falot
(Dorgelès).

• SYN. : 1 fanal.

falot, e [falo, -ɔt] adj. (moyen angl. felow,


compagnon ; 1466, Godefroy, comme
n. m., au sens de « joyeux compagnon » ;
comme adj., au sens de « joyeux », v. 1534,
Bonaventure Des Périers ; sens 1, 1630,

Livet [« plaisant, amusant » ; « ridicule,


grotesque », 1651, Livet] ; sens 2-3, 1922,
Larousse). 1. Class. et littér. Plaisant,
comique ; de caractère baroque, grotesque
(mot usuel au XVIe s., considéré comme
pop. au XVIIe) : L’autre aventure fut encore
plus rare que celle-là et à proprement par-
ler beaucoup plus falote (Retz). Une de
ces figures falotes et drolatiques comme
les Chinois seuls en savent inventer pour
leurs magots (Balzac). Quelque chose de
falot, de cocasse (Goncourt). ‖ 2. Qui ne se
laisse percevoir que de façon incertaine :
Dansant devant lui comme des ombres
falotes (Daudet). Les lucarnes rapiécées |
Ballottent leurs loques falotes | De vitres
de papier (Verhaeren). À chaque instant,
une flamme falote en jaillissait, guère plus
visible qu’au plein jour (Genevoix). ‖ 3. Fig.
Se dit d’une personne effacée, insignifiante,
incertaine dans ses volontés : C’est un être
falot et que j’adore (Croisset). Il me fit faire
la connaissance d’un être encore plus falot
que lui-même (Gide).

• SYN. : 2 confus, effacé, estompé, évanescent,


tamisé, voilé ; 3 humble, terne. — CONTR. :
2 aveuglant, distinct, étincelant, net, précis,
vif ; 3 autoritaire, brillant, éminent, remar-
quable, supérieur, volontaire.

falotement [falɔtmɑ̃] adv. (de falot, adj. ;


1536, Collerye, au sens de « joyeusement » ;
1660, Oudin, au sens de « drôlement, ridi-
culement » ; sens actuel, XXe s.). D’une
manière falote. (Rare).

faloterie [falɔtri] n. f. (de falot, adj. ; 1660,


Oudin, au sens de « acte ridicule » ; sens
actuel, début du XXe s.). Caractère falot
d’une personne : Dissimuler une énergie
farouche sous sa faloterie.

falourde [falurd] n. f. (réfection, d’après


fagot, de l’anc. franç. vallourde [1311,
Godefroy], mot d’origine obscure ; 1564,
J. Thierry). Vx. Fagot lié aux deux bouts,
formé de bûches de pin ou de bouleau
écorcé et fendu : La cheminée où brûlait
une falourde (Balzac).

falqué, e [falke] adj. (lat. falcatus, en


forme de faux, courbe, de falx, falcis, faux,
faucille, serpe ; 1865, Littré). Recourbé,
infléchi en forme de faux (se dit surtout
des ailes et du bec des oiseaux) : Le martinet
a les ailes falquées.

• SYN. : falciforme.

falques n. f. pl. V. FARGUES.


falsifiable [falsifjabl] adj. (de falsifier ;
1580, Montaigne, au sens de « qui peut être
trompé » ; sens actuel, 1849, Bescherelle).
Qui peut être falsifié.

falsificateur, trice [falsifikatoer, -tris] n.


(dér. savant de falsifier ; 1510, Dict. général).
Personne qui commet une falsification.

falsification [falsifikasjɔ̃] n. f. (dér.


savant de falsifier ; fin du XIVe s., Godefroy,
écrit falcificacion [falsification, milieu du

XVIe s., Amyot], au sens 1 ; sens 2, 1580,


Montaigne). 1. Action de falsifier, d’altérer
volontairement quelque chose en vue de
tromper ; résultat de cette action : La falsifi-
cation des denrées alimentaires, les falsifica-
tions d’écritures comptables sont punies par
la loi. Leurs intérêts [des historiens], leur
vision singulière, sources d’erreurs et puis-
sances de falsification (Valéry). ‖ 2. Class.
Altération de la vérité, mais sans intention
frauduleuse : Je l’ai placé [le lieu de la pièce]
dans Séville, bien que don Fernand n’en ait
jamais été le maître ; et j’ai été obligé à cette
falsification, pour former quelque vraisem-
blance à la descente des Mores (Corneille).
• SYN. : 1 adultération, altération, dénatu-
ration, trucage.

falsifier [falsifje] v. tr. (bas lat. falsificare,


falsifier, de falsus, faux [part. passé adjec-
tivé de fallere, tromper], et de facere, faire ;
début du XIVe s., aux sens 1-2 ; sens 3, 1633,
Corneille ; sens 4, 1647, Corneille). 1. Altérer
une denrée, un produit, une matière, etc.,
dans une intention frauduleuse : Falsifier le
vin, des boissons. ‖ Falsifier la monnaie, en
altérer la valeur intrinsèque. ‖ 2. Altérer,
dénaturer un écrit, un document, dans le
dessein de tromper : Falsifier un acte, une
signature, un manuscrit. ‖ 3. Class. Donner
à quelque chose une apparence destinée
à tromper : D’ailleurs, ce grand courroux
pourrait-il être feint ? | Aurait-il pu sitôt
falsifier son teint ? (Corneille). ‖ 4. Class.
et littér. Utiliser librement les faits et les
choses, les transformer, mais sans inten-
tion de tromper : J’ai falsifié la naissance
de ce dernier [Héraclius] (Corneille). Il y a
donc deux manières de falsifier : l’une par le
travail d’embellir ; l’autre par l’application
à faire vrai (Valéry).

• SYN. : 1 adultérer, dénaturer, frelater ;


contrefaire, falsifier ; 2 maquiller (fam.),
truquer (fam.).
faluche [falyʃ] n. f. (mot lillois [d’origine
obscure] désignant proprem. une galette ;
1888, G. Esnault). Béret des étudiants.
(Vieilli.)

falun [faloẽ] n. m. (origine obscure ; 1722,


d’après Encyclopédie, 1756). Dépôt calcaire
riche en débris coquilliers fossiles, datant
du tertiaire, facile à désagréger et utilisé
comme engrais : Les faluns de la Touraine,
de l’Anjou.

falunage [falynaʒ] n. m. (de faluner ;


1835, Maison rustique du XIXe siècle, aux
sens 1-2). 1. Action de faluner des terres.
‖ 2. Exploitation du falun.

faluner [falyne] v. tr. (de falun ; 1756,


Encyclopédie). Amender avec du falun :
Faluner un sol siliceux.

falunière [falynjɛr] n. f. (de falun ; 1756,


Encyclopédie [var. felunière, 1755, Prévost
d’Exiles]). Carrière où l’on extrait du falun.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1833

falzar [falzar] n. m. (du gr. moderne sal-


véri, culotte bouffante, turc chalvar ; 1878,
L. Rigaud). Arg. Pantalon.

famé, e [fame] adj. (de l’anc. franç. fame,


réputation [v. 1130, Eneas], lat. fama, bruit
colporté, renommée, opinion publique ;
XVe s., Wavrin, au sens de « [personne] qui
a telle ou telle réputation » ; bien famé, pour
une personne, 1546, Rabelais ; mal famé,
pour une personne, 1690, Furetière ; mal
famé, pour un lieu, 1879, Loti). Qui a telle
ou telle réputation (ne s’emploie qu’avec
les adv. bien ou mal). ‖ Class. Bien famé,
mal famé, se disait des personnes, des êtres
animés, et est encore parfois repris litté-
rairement en cet emploi : Un homme qui
avait famille, et bien famé dans son pays
(Saint-Simon). Notre ventre est l’arche de
Noé : | Dans nos flancs toute bête, hon-
nête ou mal famée, | Pénètre (Hugo). Cet
Aragonais était un homme bien famé, fort
connu dans le pays (Mérimée). ‖ Auj. Mal
famé (écrit plus souvent malfamé, e), se dit
d’un lieu fréquenté par des gens suspects,
peu recommandables : Une rue malfamée.
Un établissement malfamé. Le Palais-Royal
est plus célèbre d’avoir été mal famé que
d’avoir bercé la Révolution (Colette).
famélique [famelik] adj. (lat. famelicus,
affamé, famélique, de fames, faim ; XVe s.,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.).
1. Tourmenté par la faim, faute d’avoir de
quoi se rassasier : Il fut un de ces dix mille
pauvres hères, faméliques et fiers, qui se
lèvent chaque matin à Paris, tout étourdis
de faim et de rêves ambitieux, dévorent dans
la rue, par petites bouchées, un pain d’un
sou caché dans leur poche (Daudet). On
voyait errer de cour en cour nombre de chats
faméliques (Gide). ‖ 2. Qui marque une
grave insuffisance de nourriture : C’était
un chaton de six semaines, tout noir, d’une
maigreur famélique, avec un abdomen bal-
lonné et d’étranges yeux verts, enchâssés
dans une tête énorme (Martin du Gard).
• SYN. : 1 affamé.

fameusement [famøzmɑ̃] adv. (de


fameux ; 1642, Oudin, au sens 1 ; sens
2, 1834, Landais). 1. Vx. D’une manière
fameuse. ‖ 2. Fam. Extrêmement : J’ai
fameusement soif. Elle est fameusement
jolie, votre soeur (Balzac).

fameux, euse [famø, -øz] adj. (lat. famo-


sus, connu, fameux, décrié, de fama [v.
FAMÉ] ; XVe s., au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.,
A. Daudet ; sens 3, 1730, Marivaux ; sens 4,
av. 1778, Voltaire). 1. Class. et littér. Qui a
une grande réputation, un grand renom :
Je viens, selon l’usage antique et solennel,
| Célébrer avec vous la fameuse journée |
Où sur le mont Sina la loi nous fut donnée.
(Racine). Cette fameuse Université de Paris
d’où la lumière s’est répandue sur l’Europe
moderne (Chateaubriand). Il contemplait,
perdu dans une admiration enfantine, ce
fameux prince de la Moskova, le brave des

braves (Stendhal). Barbentane, le pays des


danseurs fameux (Daudet). ‖ 2. Fam. et
péjor. Dont on a trop parlé (placé devant
le nom) : C’était le fameux Ali, le frère
en question (Daudet). Tes fameux pro-
jets ne tiennent pas debout (Bernanos).
Cette haine prit naissance [...] l’année des
fameux décrets et de l’expulsion des Jésuites
(Mauriac). ‖ 3. Fam. Remarquable en son
genre : Je viens de voir un fameux homme
(Balzac). ‖ Excellent : Ce petit vin de
pays est fameux. Voilà une fameuse idée.
‖ N’être pas fameux, être médiocre : Les
grains d’anis n’étaient pas fameux, mais
le tube, une fois vide, pouvait servir de
sarbacane (Gide) ; être en mauvais état :
Les murs ne sont pas fameux (Romains).
‖ 4. Fam. Placé devant un nom, exprime
un degré élevé dans un état (souvent iro-
niq.) : Il était de ces gens dont le peuple
dit : « Voilà un fameux gaillard » (Balzac).
Les camarades diront que tu es un fameux
jobard (France). Attrapé un fameux coup
de soleil sur presque tout le corps (Gide).
• SYN. : 3 brillant, distingué, émérite,
éminent, supérieur, transcendant ; délec-
table, délicieux, exquis, extra, savoureux,
succulent ; bon ; 4 achevé, consommé,
fieffé (fam.), franc, sacré (fam.). — CONTR. :
3 insigni fiant, médiocre, minable, pitoyable,
quelconque.

familial, e, aux [familjal, -o] adj. (de


famille, d’après le lat. familia [v. FAMILLE] ;
av. 1837, Fr. M. Ch. Fourier). Qui appar-
tient ou a rapport à la famille considérée
comme une cellule sociale : Liens fami-
liaux. Domaine familial. Quelque chose de
familial, une richesse héréditaire et sacrée,
périssait avec la vigne (R. Bazin). Chaque
été, nous revenions dans la maison familiale
(Estaunié). Ce déjeuner familial ne le réjouit
pas tous les jours (Romains). ‖ Maladie
familiale, maladie qui touche plusieurs
membres de la même famille, selon les
lois de l’hérédité.

& familiale n. f. et adj. (milieu du XXe s.).


Automobile de tourisme carrossée de
manière à admettre le maximum de per-
sonnes pour une puissance déterminée :
Une familiale. Une voiture familiale.

familiariser [familjarize] v. tr. (de fami-


lier, d’après le lat. familiaris [v. FAMILIER] ;
milieu du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, 1770,
Raynal). 1. Class. Rendre quelque chose
familier à quelqu’un : Il faudrait [...] que
vous eussiez pu vous familiariser ces lettres
(Racine). ‖ 2. Accoutumer quelqu’un à
quelque chose : On dira peut-être que le
monde est depuis longtemps familiarisé avec
l’ennui (Bernanos). Familiariser quelqu’un
avec les langues étrangères.

• SYN. : 2 dresser, entraîner, faire à, habituer,


plier, rompre à.

& se familiariser v. pr. (sens 1, fin du


XVIe s., A. d’Aubigné ; sens 2, 1655, Pascal).
1. Devenir familier avec les personnes,
prendre une attitude dépourvue d’affec-

tation : Il disait à Mariette avec le ton léger


d’un grand seigneur qui se familiarise...
(Balzac). ‖ 2. S’accoutumer à quelque
chose : Mes pieds, au contact perpétuel
du caillou, se sont durcis, familiarisés au
sol ; et mon corps, presque constamment
nu, ne souffre plus du soleil (Gauguin). Se
familiariser avec le latin, avec les coutumes
d’un pays.

• SYN. : 2 s’assimiler, se faire à, s’habituer


à, se plier à.

familiarité [familjarite] n. f. (lat. fami-


liaritas, amitié, liaison, familiarité, de
familiaris [v. FAMILIER] ; fin du XIIe s.,
Dialogues de saint Grégoire, écrit fami-
liariteit [familiarité, v. 1265, Br. Latini],
au sens 1 ; sens 2, 1683, Fléchier ; sens 3,
v. 1398, le Ménagier de Paris). 1. Intimité
née de rapports constants avec quelqu’un :
À mesure qu’il se glissa dans la familiarité
de Bouteiller, il distingua les vues d’un véri-
table homme de gouvernement (Barrès).
Être admis dans la familiarité d’un grand
personnage. ‖ 2. Connaissance de quelque
chose qui s’acquiert par l’usage ou par la
pratique : Je trouvais le plus grand plaisir
à l’introduire [...] dans la familiarité de
tant de choses étroitement liées à ma vie
(Fromentin). Des illusions que la familiarité
la plus élémentaire avec les sciences histo-
riques lui aurait appris à éviter (Renan).
‖ 3. Rapports libres et sans contrainte
qui s’établissent entre deux personnes : Il
[Mérimée] avait cet air froid, distant, qui
écarte d’avance toute familiarité (Taine).
Ils se mirent à marcher en se tenant par le
bras, avec cette familiarité facile qui subsiste
entre compagnons d’école (Maupassant).
• SYN. : 2 expérience, fréquentation, pra-
tique, usage ; 3 camaraderie, cordialité,
liberté.

& familiarités n. f. pl. (sens 1, v. 1770,


J.-J. Rousseau ; sens 2, 1865, Littré ; sens 3,
1733, Voltaire). 1. Manières marquant l’ou-
bli des distances ou des convenances : Se
permettre des familiarités avec quelqu’un.
Éviter de ces familiarités à quoi pouvait
condescendre une [...] fille, femme et mère
de négociants en vins (Mauriac). Je vous
prie de m’épargner vos familiarités (Sartre).
‖ 2. Manières trop libres qu’on se permet
avec une femme : Elle ne supporte pas les
familiarités. ‖ 3. Expressions appartenant
au style familier : L’éloquent Bossuet vou-
lait bien rayer quelques familiarités échap-
pées à son génie vaste, impétueux et facile
(Voltaire).

• SYN. : 1 libertés ; 2 privautés.

familier, ère [familje, -ɛr] adj. (lat.


familiaris, de la maison, de la famille,
domestique, intime, familier, de familia
[v. FAMILLE] ; v. 1155, Wace, écrit fame-
lier [familier, XIVe s.], au sens de « qui est
regardé comme étant de la famille » ; sens
I, 1, v. 1361, Oresme [esprit familier, v.
1566, Tragédie du sac de Cabrière] ; sens
I, 2, milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens I, 3,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1834

v. 1265, Br. Latini [écrit familié ; familier,


XIVe s.] ; sens I, 4, 1580, Montaigne ; sens
II, 1, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens II,
2, 1773, Voltaire ; sens II, 3, av. 1696, La
Bruyère ; sens II, 4, 1655, Pascal).

I. EN PARLANT DES ÊTRES ANIMÉS. 1. Vx


ou littér. Qui est attaché à une maison :
Les dieux familiers d’une famille romaine.
‖ Class. et littér. Esprit familier, selon
certaines croyances, être surnaturel atta-
ché à une personne pour l’inspirer, la di-
riger, ou à une demeure pour la protéger :
Non, je sais tout cela d’un esprit familier
(Corneille). Ces appartements privés
d’esprits familiers, où la main, en quête de
cordiale caresse, se heurte au marbre (Co-
lette). ‖ 2. Se dit d’un animal qui se laisse
facilement apprivoiser, qui vit volontiers
dans le voisinage de l’homme : C’est un
rouge-gorge, de tous les oiseaux peut-être
le plus familier (Fromentin). ‖ 3. Qui
a avec autrui des relations libres et sans
contrainte : Il [...] revenait à sa place, fa-
milier, bon enfant (Daudet). Très aimable,
à la fois déférent et familier, comme tou-
jours (Bernanos). ‖ Qui a des manières
trop libres : Familier avec ses supérieurs.
‖ 4. Qui s’y connaît, expert : Ces textes
m’ont rendu familier de bonne heure avec
le style de la profession (Romains).

II. EN PARLANT DES CHOSES. 1. Se dit de


ce que l’on connaît bien pour l’avoir vu
souvent, ou que l’on fait aisément pour
l’avoir beaucoup pratiqué : Mon univers
familier, va-t-on, parce que je le quitte,
dire que je ne l’aime pas ? (Duhamel). Ce
visage m’est familier. Un travail familier.
‖ 2. Auquel on est habitué : Les cloches !
[...] toujours leurs voix profondes et fami-
lières chantent (Rolland). Où sont des
morts les phrases familières ? (Valéry). Ce
n’était plus la vie quotidienne, familière
(Bernanos). ‖ 3. Habituel à quelqu’un : Il
se contenta, par un geste qui lui était fami-
lier chaque fois qu’une question ardue se
présentait à son esprit, de passer la main
sur son front, d’essuyer ses yeux et les
verres de son lorgnon (Proust). Je m’assis
à ma place familière, entre l’évier et le
buffet (Duhamel). ‖ 4. Se dit de ce qui ne
sent ni la contrainte ni la cérémonie : Ici,
point d’intermédiaire entre le souverain
pontife et moi, et il était aisé de voir que
Léon XII, par son caractère de candeur,
par l’entraînement d’une conversation fa-
milière, ne dissimulait rien et ne cherchait
point à tromper (Chateaubriand). ‖ Style
familier, style qui se rapproche du style de
la conversation : Il tenait de ces discours
familiers et, pour tout dire, « à la papa » (il
n’y a pas d’autre mot), à des personnes de
haut goût (Sainte-Beuve). ‖ Terme fami-
lier, tournure familière, terme, tournure
employés dans la conversation : Verlaine,
qui ose associer dans des vers les formes les
plus familières et les termes les plus com-
muns à la poétique assez artificieuse du

Parnasse, et qui finit par écrire en pleine


et même cynique impureté : et ceci, non
sans bonheur (Valéry).

• SYN. : I, 2 domesticable ; 3 amical, bon-


homme, cordial, liant, sans-façon ; cava-
lier, désinvolte ; 4 expérimenté, maître,
rompu. ‖ II, 1 connu ; 2 accoutumé, habi-
tuel ; 3 coutumier, ordinaire ; 4 courant,
intime, simple, spontané, usuel. — CONTR. :
I, 2 farouche, sauvage ; 3 arrogant, dis-
tant, fier, froid, gourmé, guindé, hautain,
outrecuidant, suffisant ; déférent, réservé,
respectueux ; 4 étranger, ignorant. ‖ II, 1
exceptionnel, inconnu ; 2 insolite ; 3 inhabi-
tuel ; 4 cérémonieux, formaliste, solennel ;
déclamatoire, emphatique, grandiloquent,
pompeux, ronflant ; noble, relevé, soutenu,
sublime.

& n. (fin du XIIIe s., Joinville [écrit familié ;


familier, XIVe s.]). Personne qui fréquente
beaucoup une maison amie : Birotteau s’y
vit au milieu d’une société nombreuse com-
posée de députés [...], d’ingénieurs, surtout
de familiers qui traversaient les groupes et
frappaient d’une façon particulière à la
porte du cabinet, où ils entraient par pri-
vilège (Balzac). Il avait été ainsi pendant
quelques mois le familier de cousins de ma
grand-mère, dînant presque chaque jour
chez eux (Proust). ‖ Faire le familier avec
quelqu’un, se conduire comme si l’on venait
souvent dans la maison de quelqu’un.

& n. m. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2,


1764, Voltaire).

I. Autref. En Espagne, officier de l’Inqui-


sition chargé des arrestations.

II. Ce qui est simple, sans recherche :


Cette façon de dire et de conter [...] unis-
sant le familier au rare (Duhamel).

familièrement [familjɛrmɑ̃] adv. (de


familier ; fin du XIIe s., Dialogues de saint
Grégoire, écrit familiarement ; familiai-
rement, v. 1361, Oresme ; familièrement,
XVIIe s.). 1. De façon familière : Nous vivons
familièrement au milieu des variétés incom-
parables de nos sens (Valéry). ‖ 2. Class.
Intimement : Sethon, ambassadeur de
France dans cette cour, revenu de Paris
depuis quelques jours, que je connais fami-
lièrement (La Bruyère).

familistère [familistɛr] n. m. (de famille,


d’après phalanstère ; 1859, d’après Larousse
1878 [le premier familistère fut fondé — et
ainsi nommé — par Jean-Baptiste André
Godin, à Guise, dans l’Aisne, en 1859]).
Établissement où plusieurs familles vivent
en commun, d’après le système de Fourier.

famille [famij] n. f. (lat. familia, ensemble


des esclaves de la maison, maison de
famille, famille, corps, secte, troupe, école,
de famulus, serviteur, esclave, dér. du lat.
archaïque famul, mêmes sens ; fin du XIIe s.,
Geste des Loherains, au sens de « servi-
teurs » ; sens 1, 1668, La Fontaine ; sens
2, 1642, Corneille ; sens 3, 1677, Racine ;

sens 4, v. 1355, Bersuire ; sens 5, milieu du


XVe s., J. Chartier ; sens 6, 1676, Magnol,
Botanicum monspelliense ; sens 7, av. 1654,
Guez de Balzac [« famille d’esprits »] ; sens
8, XIXe s.). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.).
Ensemble des personnes habitant sous le
même toit, y compris les domestiques : Il
déjeune très bien, aussi [= de même] fait
sa famille, | Chiens, chevaux et valets (La
Fontaine). ‖ Par anal. Ensemble d’hommes
qui vivent en commun : Vous verrez [...]
partout où se groupe une famille humaine,
| Un clocher vers le ciel comme un doigt
s’allongeant (Gautier) ; par extens. : Les fils
d’Adam ne sont qu’une même famille, qui
marche vers le même but (Chateaubriand).
‖ 2. Ensemble de personnes vivant sous
le même toit et unies par le sang, et spé-
cialement le père, la mère et les enfants :
Douze familles logent dans cet immeuble.
‖ En famille, entre les siens ; sans céré-
monie ni contrainte. ‖ Vie de famille, vie
tranquille dans l’intimité. ‖ Soutien de
famille, celui ou celle qui, par ses gains,
subvient aux besoins des personnes de son
sang vivant avec lui ou avec elle. ‖ Chef de
famille, celui ou celle qui a la responsabi-
lité juridique des personnes de son sang
vivant avec lui ou avec elle : Orphelin, aîné,
chef de famille à dix-neuf ans (Hugo). ‖ La
Sainte Famille, Joseph, la Vierge et l’Enfant
Jésus. ‖ Une Sainte-Famille, représenta-
tion de la Sainte Famille par la peinture,
la sculpture, etc. : « La Sainte-Famille »
de Murillo. ‖ 3. Les enfants d’un couple :
Nous ne nous marions que pour élever notre
famille (Chateaubriand). ‖ Par extens.
Génération, descendance de père en fils :
Cette famille de jardiniers, d’artisans, de
paysans, qui a donc pu leur faire signe, du
fond de la destinée ? Elle avait besogné, de
longs siècles durant, dans la profondeur
du peuple (Duhamel). ‖ 4. Ensemble de
personnes unies par le sang ou par des
alliances : Je ne puis vous recevoir ; j’ai
en ce moment chez moi de la famille qui
m’est arrivée de province. Il avait pour le
moment de la famille à demeure (Proust).
Miss Ashburton [...] n’avait plus de famille
(Gide). ‖ Être de bonne famille, être né
de parents aisés et honorables. ‖ Air de
famille, ressemblance entre les personnes
de même sang ; par extens., ressemblance
marquée : Toutes les colonies anglaises
avaient entre elles, à l’époque de leur nais-
sance, un grand air de famille (Tocqueville).
‖ Conseil de famille, réunion de certains
parents d’un mineur ou d’un interdit, char-
gés de surveiller ses intérêts. ‖ 5. Ensemble
de générations successives descendant des
mêmes ancêtres : Être issu d’une famille
de robe. La famille d’Orléans. ‖ Chef de
famille, le mâle le plus âgé de la branche
directe d’une famille noble. ‖ Grande
famille, ensemble des personnes qui, par
le sang ou par alliance, ont part à une
grande fortune qui se transmet de géné-
ration en génération : Elle estimait sans
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1835

doute que les grandes familles sont comme


les individus, faites du meilleur et du pire,
et que le pire n’est pas toujours inutile à leur
solidité (Hériat). ‖ Fils de famille, descen-
dant d’ancêtres riches : Il y vient en fils de
famille avec son valet et ses laquais, fré-
quente moins le grand monde que le monde
où l’on s’amuse, et perd ou gagne quelques
mois dans les divertissements, les parties et
surtout le jeu (Valéry). ‖ 6. Chacune des
divisions d’un ordre d’êtres vivants : La
famille des singes. ‖ 7. Ensemble de per-
sonnes de caractère semblable : Si « René »
n’existait pas, je ne l’écrirais plus ; [...] une
famille de René poètes et de René prosateurs
a pullulé (Chateaubriand). C’est une vieille
et vilaine famille | Que celle des frelons et
des imitateurs (Musset). ‖ Famille d’esprits,
ensemble de penseurs et d’écrivains qui
ont quelque tendance commune : [On]
pourra découvrir un jour les grandes divi-
sions naturelles qui répondent aux familles
d’esprits (Sainte-Beuve). ‖ Famille spiri-
tuelle, ensemble des personnes qui pro-
fessent une même opinion : Les diverses
familles spirituelles de la France (Barrès).
‖ 8. Ensemble de choses qui ont des carac-
tères communs : Le plus modeste appui de
fenêtre forgé environ 1700 est de la même
famille que le Grand Trianon (Romains).
‖ Famille de mots, ensemble des mots qui
ont même racine. ‖ Famille de courbes,
de surfaces, etc., ensemble de courbes,
de surfaces, etc., dépendant des mêmes
paramètres.

• SYN. : 2 foyer, ménage ; 4 parenté, paren-


tèle (vx) ; 5 lignée, maison, race, souche.

famine [famin] n. f. (de faim ; XVIe s.,


Littré, au sens 1 ; sens 2, v. 1170, Livre
des Rois). 1. Absence des ressources qui
sont nécessaires à un individu pour qu’il
subvienne à ses besoins essentiels : Le
père Roumestan s’entêtait à lui couper les
vivres, tâchant de ramener par la famine le
fils unique (Daudet). ‖ Salaire de famine,
salaire trop bas. ‖ Crier famine, se plaindre
de l’état de dénuement où l’on est. ‖ Crier
famine sur un tas de blé, se lamenter alors
qu’on est dans l’abondance. ‖ Prendre
quelqu’un par la famine, le soumettre en
lui supprimant les subsides : Soriel vou-
lait enfumer le voleur, le Poittevin parlait
de le prendre par la famine (Maupassant).
‖ 2. Manque total de ressources alimen-
taires dans une région ou un pays : Les
famines étaient fréquentes au Moyen Âge.
Le peuple étant pressé de la famine cria
à Pharaon, et lui demanda de quoi vivre
(Péguy).

• SYN. : 1 dénuement, détresse ; 2 disette. —


CONTR. : 1 abondance, aisance, opulence.

famosité [famozite] n. f. (dér. savant de


fameux, d’après le lat. famosus [v. FAMEUX] ;
1829, Boiste). Opinion favorable dont jouit
quelqu’un ou quelque chose (rare) : Il lui
prit une soif [...] sinon de réputation, du
moins de famosité (Gautier).

fan [fan] n. et adj. (abrév. de fanatique ;


1923, J. Giraud). Admirateur enthousiaste :
Les fans d’une vedette.

• REM. On dit aussi FANA (1892, G. Es-


nault), mais plutôt comme adj. : Il est fana
de jazz.

fanage [fanaʒ] n. m. (de faner [v. ce mot] ;


1312, Godefroy, écrit fenage ; fanage, 1690,
Furetière). Action de faner.

fanaison [fanɛzɔ̃] n. f. (de faner ; 1762,


Acad., au sens de « fenaison » ; sens actuel,
XXe s.). Amollissement des rameaux et des
feuilles lorsque l’eau manque dans les tissus
d’une plante.

fanal [fanal] n. m. (ital. fanale, issu, par


substitution de suff., d’une forme *fanaio,
lat. médiév. fanarium, gr. byzantin pha-
narion, petite lanterne, dér. du gr. class.
phanos, lumière, flambeau, lanterne, de
phainein, [faire] briller ; 1552, Rabelais,
écrit phanal [fanal, 1564, J. Thierry], au
sens 1 [la forme phanars — 1369, Delisle,
Mandements — est directement issue
du lat. médiév. fanarium] ; sens 2, 1756,
Voltaire ; sens 3, 1907, Larousse ; sens 4,
1879, Loti ; sens 5, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné). 1. Lanterne ou feu employés à bord
des navires ou pour le balisage des côtes :
Le fanal rougeâtre des bateaux mouillés
en rade (Fromentin). Les sifflets crus des
navires qui passent | Hurlent la peur dans
le brouillard : | Un fanal vert est leur regard
| Vers l’océan et les espaces (Verhaeren).
‖ Spécialem. et vx. Feu placé au sommet
d’une tour, à l’entrée des ports ou sur les
côtes, pour guider la marche des bateaux.
‖ 2. Vx. Lanterne qui servait autrefois à
éclairer les voies publiques ou à signaler un
lieu déterminé : Une cour de cité ouvrière,
qu’éclairait vaguement d’un demi-jour rou-
geâtre le fanal de police (Daudet). ‖ 3. Falot
de locomotive. ‖ 4. Grosse lanterne qu’on
peut porter à la main : Pourrez-vous allu-
mer dans cet égarement | Pour éclairer leurs
pas quelque pauvre fanal (Péguy). Tout cela
se passait à la lumière de torches, de fanaux
et de projecteurs (Gide). ‖ 5. Fig. et littér.
Lumière qui guide l’âme ou l’esprit : Astre
inutile à l’homme [la lune], en toi tout est
mystère, | Tu n’es pas son fanal (Lamartine).
Debout, il alluma, comme un divin fanal, |
La pipe de la Paix (Baudelaire).

fanatique [fanatik] adj. et n. (lat. fanati-


cus, inspiré, rempli d’enthousiasme, exalté,
frénétique, proprem. « qui se rapporte au
temple », dér. de fanum, lieu consacré,
temple [les sens lat. proviennent du fait
que les prêtres de Cybèle, de Bellone,
d’Isis, qui logeaient dans le temple de ces
déesses, se livraient souvent à des mani-
festations mystiques très violentes] ; 1532,
Rabelais, au sens 1 ; sens 2, XVIe s. ; sens
3, 1764, Voltaire). 1. Class. Qui se croit
inspiré de l’esprit divin : On voit les trem-
bleurs, gens fanatiques, qui croient que
toutes leurs rêveries leur sont inspirées

(Bossuet). ‖ 2. Qui est animé d’un zèle


aveugle, intransigeant, pour la religion,
la doctrine, la cause, etc., à laquelle il a
adhéré : Comment s’étonner après cela que
la réaction morale causée par ces horreurs
suscite des fanatiques (Sainte-Beuve). Hors
de la ville, des assaillants fanatiques dont
on ne connaissait pas le nombre (Maurois).
Au milieu d’un groupe de fanatiques [...],
mon attitude ne pouvait être que celle
d’un étranger (Aymé). ‖ 3. Fam. Qui a
une passion excessive, une admiration
enthousiaste pour quelqu’un ou pour
quelque chose : Un fanatique de Mozart.
Il est fanatique de peinture, de théâtre.

• SYN. : 2 enragé (fam.), exalté, excité, intolé-


rant, sectaire ; 3 fana (fam.), fervent, mordu
(fam.), passionné.

& adj. (1741, Voltaire). Se dit de ce qui


manifeste du fanatisme, une passion ou
un zèle aveugle pour une personne, une
idée : Son attachement presque fanatique
pour Napoléon ne lui permit pas de servir
les Bourbons (Balzac). Ivres de fureur fana-
tique (Daudet).

• SYN. : aveugle, forcené, frénétique.

fanatiquement [fanatikmɑ̃] adv. (de


fanatique ; fin du XVIIIe s., Brunot). Avec
fanatisme.

fanatisant, e [fanatizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de fanatiser ; milieu du XIXe s.,
Baudelaire). Qui fanatise : Autour de
M. Ingres, dont l’enseignement a je ne sais
quelle austérité fanatisante, se sont groupés
quelques hommes (Baudelaire).

fanatiser [fanatize] v. tr. (de fanatique ;


1752, Trévoux, comme v. intr., au sens de
« agir en inspiré » ; comme v. tr., au sens
actuel, 1793, Frey). Rendre fanatique (sur-
tout au part. passé) : Fanatiser les masses.
En de pareils moments de paroxysme, Jaurès
n’aurait eu qu’un cri à pousser, un geste de la
main à faire, pour que cette foule fanatisée
se jetât, derrière lui, tête baissée, à l’assaut
de n’importe quelle Bastille (Martin du
Gard). Au Japon, quand les conférenciers
allemands ont commencé la prédication de
Nietzsche, les étudiants fanatisés se sont
jetés du haut des rochers (Malraux).

• SYN. : enflammer, exalter, exciter.

fanatiseur [fanatizoer] n. m. (de fanati-


ser ; 1801, Mercier). Personne qui fanatise.

fanatisme [fanatism] n. m. (de fana-


tique ; 1689, Bossuet, au sens de « état de
celui qui se croit inspiré par la divinité » ;
sens 1, 1758, J.-J. Rousseau ; sens 2, 1762,
Voltaire). 1. Esprit d’intolérance qui pousse
à des excès en faveur de la foi religieuse,
de l’idée, de la cause que l’on sert : Ce qui
a été croyance et foi au sein de la persécu-
tion devient aisément à la longue endur-
cissement, rétrécissement, opiniâtreté,
fanatisme, fétichisme (Sainte-Beuve). Le
fanatisme de la Ligue (Renan). La religion
de cette Anne de Beuil gardait le fanatisme
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1836

farouche et traqué de la Réforme au temps


des guerres (Daudet). Élevé sans fanatisme
par des parents point dévots, mais d’une
religion plus que ce qu’on appelle raison-
nable dans les milieux bourgeois (Verlaine).
L’ignorance reconnue, le refus du fanatisme
[...], voici le camp où nous rejoindrons les
Grecs (Camus). ‖ 2. Attachement pas-
sionné pour quelqu’un, admiration enthou-
siaste pour quelque chose : Le fanatisme
que Mme Hulot mêlait à son amour (Balzac).
• SYN. : 1 intolérance, sectarisme ; 2 ardeur,
enthousiasme, exaltation, ferveur, passion.

fanchon [fɑ̃ʃɔ̃] n. f. (de Fanchon, anc.


forme hypocoristique de Françoise, devenue
nom générique des paysannes et appliquée
par plaisanterie à une coiffure féminine
ressemblant aux coiffures des paysannes ;
1828, Journ. des dames, au sens 1 ; sens 2,
1930, Larousse). 1. Petite pièce de tissu ou
de dentelle, mouchoir ou foulard plié en
triangle, que les femmes mettent sur la
tête et nouent sous le menton : Chapeau
à la Primerose, lié d’une fanchon négli-
gente (Goncourt). Elle tenait à la main un
bouquet de cattleyas et Swann vit, sous sa
fanchon de dentelle, qu’elle avait dans les
cheveux des fleurs de cette même orchidée
attachées à une aigrette en plumes de cygne
(Proust). ‖ 2. Petite coiffure de femme,
faite en chenille bouclée et tressée, ou en
dentelle.

fandango [fɑ̃dɑ̃go] n. m. (mot esp. d’ori-


gine obscure ; 1772, Cazotte, aux sens 1-2).
1. Danse espagnole à six-huit, avec accom-
pagnement de guitare et de castagnettes :
Des flammes de mille nuances, vêtues de
robes pourpres, dansent le fandango sur les
tisons ardents (Gautier). Ne dirait-on pas
que toutes ces corolles exécutent un mys-
tique fandango ? (Baudelaire). ‖ 2. Air sur
lequel on exécute cette danse.

fane [fan] n. f. (déverbal de faner ; 1385,


Godefroy, au sens de « herbe mûre qu’on doit
faucher pour faire du foin » ; 1704, Trévoux,
au sens de « feuille d’une plante » ; sens 1,
1829, Boiste ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens
3, 1743, Trévoux [art. anémone]). 1. Feuille
tombée de l’arbre : Vers Oraison, on avait
dû allumer des feux pour brûler les fanes
de vigne (Giono). ‖ Par extens. Débris de
feuilles et d’herbes ramassés pour servir
de litière. ‖ 2. Tige et feuilles, sèches ou
vertes, des plantes que l’on cultive pour
en consommer la racine ou les tubercules :
Une molle odeur de fanes de pommes de
terre (Theuriet). Des capucins hottus se
gîtaient au creux des sillons, se collaient,
de poil invisible, le long d’un tas de vieilles
fanes (Genevoix). Fanes de betterave, de
salsifis. ‖ 3. Enveloppe foliacée des fleurs
des anémones et des renoncules.

fané, e [fane] adj. (part. passé de faner


[v. ce mot] ; milieu du XVIe s., Amyot, écrit
fené [fané, fin du XVIe s.], aux sens 1-2 ;
sens 3, 1580, Montaigne ; sens 4, av. 1922,

Proust). 1. Se dit d’une plante ou d’une


de ses parties, et surtout de la fleur, qui
s’est desséchée, a perdu sa fraîcheur, son
éclat : Vieillir enfin ! vieillir ! Comme des
fleurs fanées, | Voir blanchir nos cheveux
et tomber nos années (Hugo). Sache que
la fleur la plus belle est aussi la plus tôt
fanée (Gide). Relent de marécage, de verdure
fanée, d’aliment mort (Duhamel). ‖ 2. Se
dit d’une chose défraîchie par l’usage, le
temps, d’une couleur passée : Le vieux salon
fané où l’on jouait au whist (Balzac). Dans
des fauteuils fanés, des courtisanes vieilles
(Baudelaire). De vieux bouquins achetés
sur les quais, moisis, fanés, sentant le rance
(Daudet). ‖ 3. Se dit d’une personne qui
a perdu l’éclat de la jeunesse, ou dont le
teint est prématurément flétri : C’était
une belle et grande fille (tu ne l’as vue que
fanée) [Renan]. Tant de douceur et de tris-
tesse embellissait ce visage fané (Martin du
Gard). De vieilles dames, fanées déjà sous
le roi Édouard, mènent une vie simple et
retirée (Morand) ; et par extens., en parlant
de l’expression : Ces sourires fanés qui se
penchaient vers moi (Daudet). Il y aura des
voix si fanées, et des âmes si blettes [...], si
fanées | D’épreuves, de détresse, | De larmes,
de prière, de travail (Péguy). ‖ 4. Fig. et lit-
tér. Effacé par le temps : Les pleurs ont lavé
les traces fanées des souvenirs (Rolland).
Plus tard, songeant à tout ce qui aura fini
si vite, je me rappellerai, en la regrettant,
cette journée fanée où il ne se passait rien
(Henriot).

• SYN. : 1 déf leuri, desséché ; 2 décoloré,


délavé, déteint ; 3 décati, fatigué, flétri,
fripé.

faner [fane] v. tr. (altér. de l’anc. franç.


fener, couper le foin [XIIe-XIVe s.], dér. de
fein, forme anc. de foin [v. ce mot] ; v. 1360,
Froissart, au sens I ; sens II, 1-2, 1549,
R. Estienne [fener, XIIIe s.]).

I. Retourner l’herbe coupée d’un pré


pour la faire sécher : Tu ne sens même pas
la chair, ce goût qu’au moins | Exhalent
celles-là qui vont fanant les foins (Ver-
laine) ; et absol. : Il [...] fanait à la mois-
son, courait dans le bois (Flaubert).

II. 1. Faire perdre son éclat, sa couleur, sa


fraîcheur à une plante : Une brise acide
et pressée [...] fanait en passant les feuilles
trop tendres des tilleuls (Colette). ‖ 2. Al-
térer l’éclat d’une chose, d’un tissu, d’une
couleur, la fraîcheur du teint : La lumière
du soleil fane les teintes vives.

• SYN. : II, 1 dessécher, flétrir ; 2 décolorer,


défraîchir, déteindre, ternir.

& v. intr. (1877, Littré [var. fanir, 1580,


Montaigne]). Littér. Sécher, se flétrir : C’est
la gerbe de blé qui ne périra point, | Qui ne
fanera point au soleil de septembre (Péguy).
On retrouvait, au-dessus des falaises, un
terrain où quelques cultures fanaient sous
un ardent soleil (Gide).
& se faner v. pr. (sens 1-2, 1549, R. Estienne ;
sens 3, 1863, Th. Gautier). 1. Devenir mou,
se dessécher et mourir, en parlant d’une
plante ou d’une de ses parties : La fleur
se fane et l’oiseau fuit (Gautier). Une rare
chevelure d’herbe bleuâtre [...], flore pauvre
et dure, qui ne se fane guère (Colette).
‖ 2. Perdre la fraîcheur de la jeunesse ou
de la nouveauté, en parlant d’une personne
ou d’une chose : Elle avait remarqué que la
capote rose se fanait (Mérimée). ‖ 3. Fig. et
littér. Perdre son éclat et disparaître : Une à
une, les étoiles se fanaient (Gide). ‖ Tomber
en désuétude, sortir de l’usage : Rien ne se
fane plus vite dans une langue que les mots
sans racines vivantes (Gourmont).

• SYN. : 1 dépérir, s’étioler, se flétrir ; 2 se


décolorer, déteindre, passer, se ternir.

faneur, euse [fanoer, -øz] n. (de faner


[v. ce mot] ; XIIe s., écrit feneor ; faneur, 1690,
Furetière). Personne qui fane, qui est occu-
pée à faire les foins : Près d’un champ plein
de faneuses (Hugo). C’étaient des faneurs
qui rentraient, la fourche ou le râteau sur
l’épaule (Gide).

& faneuse n. f. (1865, Littré). Machine uti-


lisée pour retourner l’herbe fauchée.

fanfan [fɑ̃fɑ̃] n. m. et f. (redoublement,


propre au langage enfantin, de la deuxième
syllabe du mot enfant ; début du XVIe s., écrit
fantfant [fanfan, 1648, Scarron], au sens 1 ;
sens 2, 1661, Molière). 1. Fam. Petit enfant.
‖ 2. Vx et fam. Nom tendre donné à une
grande personne : C’est de l’or en barre que
ma fanfan (Huysmans).

fanfare [fɑ̃far] n. f. (mot d’origine ono-


matopéique ; 1546, Rabelais, au sens 1 ;
sens 2, av. 1813, Delille ; sens 3-4, 1587, F.
de La Noue ; sens 5, 1865, Littré ; sens 6,
XIXe s.). 1. Air, morceau d’un mouvement
vif et rythmé, joué par des instruments
de cuivre : Je n’ai jamais entendu sans
une certaine joie belliqueuse la fanfare du
clairon (Chateaubriand). Le tambour roule
avec un faste oriental [...], la fanfare s’envole
(Hugo). ‖ Spécialem. Air de caractère mar-
tial, exécuté par des instruments de cuivre
à l’occasion de fêtes militaires ou civiles, de
défilés : Au milieu des acclamations et des
fanfares (Balzac). Un régiment passe, qui va
peut-être au bout du monde, jetant à l’air
des boulevards ses fanfares entraînantes
et légères comme l’espérance (Baudelaire).
‖ 2. Sonnerie de trompes de chasse tenant
les veneurs au courant des diverses péri-
péties du laisser-courre. ‖ 3. Fig. Son écla-
tant : Entendre les trois rimes | Sonner par
ta voix d’or leur fanfare de fer (Heredia). Les
coqs s’épuisaient en fanfares (Apollinaire).
‖ 4. Class. et littér. Grand bruit fait autour
de quelque chose, manifestation bruyante
de joie, de triomphe : Voilà ton demi-cent
d’aiguilles de Paris, | Que tu me donnas hier
avec tant de fanfare (Molière). Elle avait
des larmes pour tous les malheurs et des
fanfares pour toutes les victoires (Balzac).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1837

‖ 5. Orchestre composé d’instruments de


cuivre et pouvant comporter de vingt à
cent cinquante exécutants. ‖ Spécialem.
Orchestre militaire composé d’instru-
ments portatifs à vent ou à percussion.
‖ Société amicale de musiciens amateurs
jouant des instruments qui composent une
fanfare militaire : Une vague fanfare erre de
rue en rue : on fraternise, on rêve un succès
(Hugo). ‖ 6. Reliure à la fanfare, décor de
reliure du XVIe s., formé de compartiments
cernés de trois filets parallèles, ornés de
volutes, de feuillages, de palmettes, et com-
portant au centre un ovale décoré ou non.
• SYN. : 1 sonnerie ; 5 clique, harmonie,
musique, orphéon.

fanfarer [fɑ̃fare] v. tr. (de fanfare ; 1532,


Rabelais). Vx. Célébrer par des fanfares.

fanfaron, onne [fɑ̃farɔ̃, -ɔn] adj. et


n. (esp. fanfarrón, fanfaron, mot d’ori-
gine onomatopéique [comme l’ar. farfār,
bavard, léger, inconstant, dont il est peut-
être une adaptation] ; av. 1613, M. Régnier,
au sens de « jeune galant » ; sens 1, 1636,
Corneille ; sens 2, 1651, Scarron [fanfaron
de, 1653, Guez de Balzac]). 1. Qui fait le
brave, qui vante exagérément ses exploits,
réels ou supposés : C’est un capitan qui sou-
tient assez bien son caractère de fanfaron
(Corneille). Les fanfarons andalous, qui
ne parlaient que de tout massacrer, firent
aussitôt piteuse mine (Mérimée). ‖ 2. Qui
vante trop ses qualités, ses réussites, ou
s’en attribue d’imaginaires pour attirer
l’attention sur soi : Élisabeth [...] devenait
une fanfaronne, une grotesque (Cocteau).
‖ Class. S’employait avec un complément,
au sens de « celui qui fait ostentation de » :
C’est un fanfaron de vertu, de doctrine et
d’éloquence (Guez de Balzac).

• SYN. : 1 bravache, faraud (fam.), fier-à-


bras, matamore ; 2 bluffeur (fam.), crâneur
(fam.), hâbleur, m’as-tu-vu (fam.), vantard.

— CONTR. : 1 modeste, simple ; 2 loyal, sin-


cère, timide.

& adj. Qui témoigne de ce caractère :


Attitude fanfaronne.

fanfaronnade [fɑ̃farɔnad] n. f. (de fan-


faron ; fin du XVIe s.). Action, propos de
fanfaron : Pourquoi tente-t-il aujourd’hui
de m’en imposer par de pauvres fanfaron-
nades ? (Bernanos).

• SYN. : bluff (fam.), bravacherie, bravade,


fanfaronnerie, forfanterie, hâblerie, jac-
tance, ostentation, rodomontade, suffi-
sance, vantardise. — CONTR. : modestie,
réserve, retenue, sincérité, timidité.

fanfaronner [fɑ̃farɔne] v. intr. (de fan-


faron ; 1642, Oudin). Littér. Se comporter,
parler en fanfaron.

fanfaronnerie [fɑ̃farɔnri] n. f. (de fan-


faron ; fin du XVIe s.). Vx. Défaut de celui
qui est habituellement fanfaron.

fanfiole [fɑ̃fjɔl] n. f. (de fanfreluche,


d’après babiole ; 1765, Diderot). Vx et

littér. Ornement de toilette sans valeur :


Une fanfiole de sa toilette (Goncourt). [Ses
chairs] frissonnaient sous les fanfioles du
peignoir (Huysmans).

fanfreluche [fɑ̃frəlyʃ] n. f. (altér. de l’anc.


franç. fanfelue, bagatelle, niaiserie [v. 1174,
E. de Fougères ; cf. aussi fanfeluce, bagatelle,
fin du XIVe s., Chr. de Pisan], bas lat. famfa-
luca, bulle d’air [IXe s.], déformation du gr.
pompholux, bulles [d’eau], ornement pour
la coiffure des femmes ; 1534, Rabelais, au
sens de « bagatelle, ineptie » ; sens 1, 1541,
Cal-vin ; sens 2-3, 1680, Richelet). 1. Vx.
Chose très petite, pour ainsi dire imma-
térielle. ‖ 2. Garniture, broderie employée
dans la toilette féminine. ‖ 3. Péjor. Petite
chose sans valeur servant d’ornement.

• SYN. : 2 affiquet (vx), colifichet, falbala.

fanfrelucher [fɑ̃frəlyʃe] v. tr. (de fan-


freluche ; 1617, J. Olivier). Garnir, orner de
fanfreluches une toilette : Une toilette toute
habillée et toute fanfreluchée de dentelle
(Goncourt).

fanfrelucheux, euse [fɑ̃frəlyʃø, -øz]


adj. (de fanfreluche ; 1879, A. Daudet,
aux sens 1-2). 1. Littér. Qui aime les fan-
freluches. ‖ 2. Littér. Qui témoigne de
ce goût : Cette petite âme de modiste [...]
trouvait à satisfaire, grâce à l’enfant, une
foule de vanités coquettes, fanfrelucheuses
(Daudet).

fange [fɑ̃ʒ] n. f. (germ. *fanga, dér. du


gotique fani, limon, vase ; v. 1160, Roman
de Tristan, aux sens 1-2 [var. fanc, n. m.,
v. 1120, Psautier d’Oxford] ; sens 3, 1560,
Bible Rebul ; sens 4, 1772, Voltaire [traî-
ner quelqu’un dans la fange, même sens,
fin du XVIe s., A. d’Aubigné]). 1. Class.
et littér. Boue, vase ; bourbier, terrain
marécageux : Les pluies surviennent, les
fatigues croissent, on plonge dans la fange
(La Bruyère). Puis la terre, encore fange,
au fond de l’eau s’amasse (Hugo). Par une
rue étroite [...], | La tête dans le ciel et le
pied dans la fange, | Cheminait à pas lents
une figure étrange (Gautier). Le sanglier
têtu retournait vers la fange (Banville).
‖ 2. Par extens. et littér. Matière vile,
limon : Il fallait d’abord colorer la langue ;
[...] il a donc été bon de la mélanger selon
certaines doses avec la fange féconde des
vieux mots du XVIe siècle (Hugo). Quel
Belzébuth es-tu là-bas | Nourri d’immon-
dice et de fange (Apollinaire). ‖ 3. Fig. et
littér. Condition inférieure ; état d’abais-
sement, de déchéance ; souillure morale :
S’élever jusqu’au faîte, ou ramper dans la
fange (Chénier). J’ai vu cette grande image
de l’Italie se relever de la fange (Stendhal).
Race de Caïn, dans la fange | Rampe et
meurs misérablement (Baudelaire). Le
lien qui les étreint est pur de toute fange
matérielle (Duhamel). ‖ 4. Fig. Couvrir
quelqu’un de fange, l’insulter grossière-
ment, dire sur lui des ignominies : Quoi !
toute une génération s’accorde à calomnier

un innocent, à le couvrir de fange, à le suf-


foquer, pour ainsi dire, dans le bourbier de
la diffamation ! (Rousseau).

fangeux, euse [fɑ̃ʒø, -øz] adj. (de fange ;


v. 1130, Eneas, au sens 1 ; sens 2, v. 1770,
J.-J. Rousseau). 1. Littér. Plein de fange,
couvert de fange : Et partout devant lui,
par milliers, les oiseaux | De la berge fan-
geuse où le héros dévale, | S’envolèrent,
ainsi qu’une brusque rafale (Heredia). Un
hiver précoce, rechigné, fangeux, défigurait
Paris (Duhamel). ‖ 2. Fig. et littér. Plein de
vices, abject, méprisable : [Marlborough] a
le teint trouble et faux qui dénonce les âmes
fangeuses (Michelet). Ô fangeuse grandeur !
sublime ignominie ! (Baudelaire).

fanion [fanjɔ̃] n. m. (de fanon [v. ce mot] ;


1673, Ordonnance royale, au sens 1 [un
premier ex. v. 1180, Aiquin, sous la forme
feinion] ; sens 2 [« petit drapeau servant à
jalonner le campement et à l’alignement
des rangs »], début du XIXe s. [comme
terme de turf, 1961, Larousse] ; sens 3,
milieu du XXe s.). 1. Petit drapeau, souvent
décoré, servant de signe de ralliement à
un petit groupe d’hommes, et en parti-
culier d’insigne à une unité militaire : Le
fanion d’une compagnie, d’une patrouille de
scouts. ‖ Fanion de commandement, petit
drapeau de forme et de couleur réglemen-
taires, indiquant la présence des officiers
généraux exerçant un haut commande-
ment. ‖ 2. Petite pièce d’étoffe de couleur
vive, fixée sur une hampe que l’on plante en
terre, pour jalonner une piste, un parcours,
etc. : Il avait piqué dans l’herbe un petit
fanion écarlate que Suzanne avait ourlé
pour lui (Genevoix). ‖ 3. Petite flamme
colorée et décorée, que l’on place sur une
bicyclette, une motocyclette, etc.

• SYN. : 1 flamme, guidon.

fanoir [fanwar] n. m. (de faner ; 1845,


Bescherelle). Cône à claire-voie, sur lequel
on met le foin coupé pour qu’il sèche plus
vite.

fanon [fanɔ̃] n. m. (francique *fano, mor-


ceau d’étoffe ; 1053, Du Cange, au sens I,
1 ; sens I, 2, 1680, Richelet ; sens I, 3, 1961,
Larousse ; sens II, 1, fin du XIIIe s. [pour un
coq ; pour un dindon, 1845, Bescherelle] ;
sens II, 2, 1538, R. Estienne ; sens II, 3, 1678,
Guillet ; sens III, 1685, Furetière).

I. 1. Ancien nom du manipule que le


prêtre catholique portait au bras gauche
quand il officiait. ‖ Figure héraldique à
l’image du manipule du prêtre. ‖ 2. Cha-
cune des deux bandes de soie qui pendent
derrière la mitre d’un prélat. ‖ Chacune
des deux bandes d’étoffe qui pendent
d’une tiare pontificale figurée dans un
blason ‖ 3. Double mozette que porte le
pape lors de certains offices.

II. 1. Partie de peau rouge et sans plumes


qui pend sous le cou de certains oiseaux,
tels que le dindon. ‖ 2. Partie de peau
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1838

molle et pendante sous le cou d’un boeuf :


C’étaient de superbes animaux aux lon-
gues cornes évasées, aux garrots élevés,
aux fanons puissants (Gautier). Les plis de
son cou retombaient jusqu’à sa poitrine
comme des fanons de boeuf (Flaubert).
‖ 3. Partie graisseuse et renflée, couron-
née d’une touffe de poils, derrière le pied
d’un cheval.

III. Chacune des lames cornées qui gar-


nissent par centaines la mâchoire supé-
rieure d’une baleine.

fantaisie [fɑ̃tɛzi] n. f. (lat. fantasia,


phantasia, vision, imagination, songe,
idée, conception, gr. phantasia, apparition,
vision, spectacle [extraordinaire], image qui
s’offre à l’esprit, imagination, dér. de phan-
tazein, donner l’illusion de, de phainein,
faire voir ; v. 1361, Oresme, aux sens I, 1-2
[fantasie, XIIe s.] ; sens I, 3, 1718, Acad. ;
sens I, 4-5, fin du XVe s. [fantasie, fin du
XIVe s. ; fantaisie, « bourde, mensonge », v.
1220, G. de Coincy] ; sens II, 1 et 3, 1538,
R. Estienne ; sens II, 2, début du XXe s. ;
sens III, 1, 1636, Monet ; sens III, 2, 1586,
La Curne).

I. 1. Class. Faculté qu’a l’esprit de se re-


présenter des images : Il [Tartuffe] passe
pour un saint dans votre fantaisie : | Tout
son fait, croyez-moi, n’est rien qu’hypocri-
sie (Molière). ‖ 2. Faculté de création qui
n’obéit à aucune règle : Ainsi ma fantaisie
allait son train, prêtant des ailes à l’esprit
de mon ami et tirant toutes les déductions
possibles de toutes les hypothèses possibles
(Baudelaire). Je laissai à ma fantaisie toute
liberté de faire et de défaire, de créer sans
difficulté et de critiquer sans mesure, ce
qui est un jeu dangereux, un de ces jeux de
hasard où l’on se ruine (Valéry). ‖ 3. De
fantaisie, se dit de ce qui est le produit
de la pure imagination : Toute une litté-
rature spéciale, et toute une littérature de
fantaisie, parfois plus heureuse que l’autre
dans ses prévisions, donnent à imaginer ce
que sera l’événement du cataclysme dont
l’Europe est grosse (Valéry). ‖ 4. Class.
Vaine image que se forge l’esprit : Je ne
sais si je vois des choses réelles, ou si je suis
seulement troublé par des fantaisies et par
de vains simulacres (Bossuet). ‖ 5. Toute
création de l’imagination : Mme de Chan-
dour et son mari, personnages extraordi-
naires que les gens auxquels la province
est inconnue seraient tentés de croire une
fantaisie (Balzac). L’enfant avait l’esprit
exclusivement meublé des fantaisies de la
Mère l’Oie (Daudet).

II. 1. Disposition à se conduire selon


l’humeur du moment, sans contrainte :
Qui sait ? S’il nous vient fantaisie de nous
reprendre, eh bien ! nous nous repren-
drons (Musset). Elle exerçait quelque part
une grande autorité avec beaucoup de
fantaisie (France). Ce jour-là, nous pro-
menant au hasard dans la ville et suivant

notre fantaisie, nous avons rencontré [...]


un pauvre nègre (Gide). ‖ Vx. À la fantai-
sie, selon l’humeur du moment : Le reste
du temps allait à la fantaisie et aux ha-
sards du loisir (Sainte-Beuve). ‖ À ma (ta,
sa, etc.) fantaisie, selon mon (ton, son,
etc.) humeur du moment : Vivre à sa fan-
taisie. ‖ 2. Originalité issue d’une grande
liberté dans la conduite ou l’invention :
Ils nous proposent, étrangement unies, les
idées d’ordre et de fantaisie (Valéry). Le
second mêlait à son zèle une fantaisie qui
l’isolait du monde (Colette). ‖ 3. Goût
passager et arbitraire pour un objet : Le
bonheur de Goriot était de satisfaire les
fantaisies de ses filles (Balzac). M. Chèbe
était parvenu à réaliser sa nouvelle fantai-
sie (Daudet). ‖ Il me (te, lui, etc.)prend la
fantaisie de, j’ai (tu as, il a, etc.) le désir
de : Un jour, il lui prit la fantaisie de me
conduire en Égypte avec lui (Vigny). ‖ Se
passer une fantaisie, se passer la fantaisie
de, satisfaire un désir, le désir de. ‖ Spé-
cialem. Caprice amoureux.

III. 1. OEuvre d’art soustraite à des règles


fixes et où l’imagination se donne car-
rière : « Le Neveu de Rameau » était pour
Diderot une fantaisie littéraire qu’il n’a
jamais songé à publier. ‖ 2. Pièce instru-
mentale qui est faite assez librement en
marge d’un genre plus rigide, prélude
ou sonate : La « Fantaisie » en « sol », de
Fauré.

• SYN. : I, 2 imagination ; 3 chimérique,


fantaisiste, imaginaire. ‖ II, 1 caprice,
gré, humeur ; 2 excentricité, pittoresque ;
3 désir, envie, folie, lubie, toquade (fam.) ;
amourette, béguin (fam.), flirt, passade.

& adj. (1865, Littré). Fil fantaisie, laine fan-


taisie, fil, laine qui, grâce à des artifices
de préparation, ont des aspects variés et
servent à faire des tissus dits tissus de fan-
taisie. ‖ Rhum fantaisie, rhum obtenu par
des procédés autres que ceux par lesquels
est fait le rhum véritable. ‖ De fantaisie, se
dit de ce qui n’est pas conforme au modèle
habituel ou réglementaire. ‖ Tenue, képi,
etc., de fantaisie, tenue, képi, etc., qui ne
sont pas d’ordonnance et dont le port est
plus ou moins permis aux soldats et aux
sous-officiers en dehors du service. ‖ Pain
de fantaisie, ou pain fantaisie, pain qui se
vend à la pièce et non au poids, et dont les
formes sont diverses. ‖ Bijoux de fantaisie,
bijoux en imitation.

• CONTR. : classique, courant, réglementaire.

fantaisisme [fɑ̃tɛzism] n. m. (de fantai-


siste ; 1852, Nerval). Goût, en littérature et
en peinture, pour la création de fantaisies
(rare) : Du réalisme au crime il n’y a qu’un
pas ; car le crime est essentiellement réa-
liste. Le fantaisisme conduit tout droit à
l’adoration des monstres (Nerval).

fantaisiste [fɑ̃tɛzist] adj. et n. (de fantai-


sie ; 1865, Littré, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Qui suit seulement sa fantaisie, ce que

lui dicte son imagination : Un pêcheur si


génialement inventif, un si fantaisiste chas-
seur (Arène). Des yeux d’émail [...] qui sem-
blaient nuancés par un peintre minutieux et
fantaisiste (Maupassant). ‖ En littérature
et en peinture, qui se plaît à peindre ou à
imaginer des fantaisies. ‖ 2. Péjor. Se dit
de quelqu’un qui manque de sérieux : Un
écolier fantaisiste. On ne peut pas compter
sur lui : c’est un fantaisiste.

• SYN. : 1 capricieux, fantasque, farfelu


(fam.), hurluberlu ; 2 amateur, charlatan,
dilettante, fumiste (fam.).

& adj. (sens 1, 1872, Larousse ; sens 2, 14


avr. 1875, Gazette des tribunaux). 1. Se dit
d’un travail, d’une oeuvre où une grande
part revient à la création libre : Les graves
notaires [...], une plume de roseau à la main,
semblent écrire des actes fantaisistes, tant
les caractères qu’ils tracent [...] sont bis-
tournés et gracieux (Tharaud). ‖ 2. Péjor.
Se dit de ce qui s’appuie trop sur l’imagi-
nation, de ce qui manque de fondement,
qui est inexact : Une hypothèse fantaisiste.
Cette version des événements est fantaisiste.
M. Le Trouhadec a été dupe de quelque récit
fantaisiste d’aventurier ou d’une invention
d’humoriste (Romains).
• SYN. : 1 imaginaire, inventé.

& n. (sens 1, 1845, Bescherelle ; sens 2,


XXe s.). 1. Artiste ou écrivain qui s’écarte
des grands genres par sa fantaisie :
Apollinaire a tenu à se dissocier des fan-
taisistes. ‖ 2. Artiste de music-hall qui
chante ou raconte des histoires.

fantasia [fɑ̃tazja] n. f. (ar. magrébin


fantasîa, fête brillante, splendeur, empr.
du gr. phantasia [v. FANTAISIE] ; 1845,
Bescherelle). Divertissement équestre de
cavaliers arabes qui déchargent leurs fusils
au cours de leurs évolutions : Voilà pour-
quoi une fantasia est aujourd’hui le spec-
tacle le plus propre à consoler des vétérans
qui ne la font plus [la guerre] (Fromentin).
Les cavaliers s’animèrent, la fantasia prit
son vol (Daudet).

• Pl. des FANTASIAS.

fantasier (se) [səfɑ̃tazje] v. pr. (de fan-


tasie, forme anc. de fantaisie [v. ce mot] ;
v. 1460, G. Chastellain). Class. (déjà vx au
XVIIe s.). S’imaginer : Comme il leur plut
de se fantasier toutes choses sur mon sujet,
j’étais exposé à la défiance des uns, à la
frayeur des autres (Retz).

fantasmagorie [fɑ̃tasmagɔri] n. f. (mot


composé arbitrairement avec le lat. ou le
gr. phantasma, fantôme [v. FANTASME], et
le franç. allégorie [ce terme étant souvent
employé pour désigner des représentations
plastiques] ; 1799, Brunot, écrit phantas-
magorie [fantasmagorie, 1801, Mercier],
au sens 1 ; sens 2, début du XXe s. ; sens
3, av. 1890, Maupassant ; sens 4, 1831, V.
Hugo ; sens 5, av. 1850, Balzac ; sens 6, 1835,
Acad.). 1. Vx. Art de faire apparaître, dans
une salle obscure, à l’aide d’une illusion
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1839

d’optique, des spectres, des fantômes, des


silhouettes lumineuses diaboliques qui ont
l’air de se déplacer en direction du specta-
teur : Ces fantasmagories pour effrayer qui,
d’un seul jet de lumière, sont créées sur des
toiles tendues (Loti). ‖ 2. Effet saisissant
produit par le jeu de rayons lumineux :
L’intérieur de la lorgnette est tapissé de
miroirs où se multiplie symétriquement la
fantasmagorie des verres (Gide). Le pavillon
de Saint-Gobain est [...] une petite fantas-
magorie de cristaux et de reflets (Gillet).
‖ 3. Spectacle enchanteur qui paraît irréel :
Je fus ébloui par le plus merveilleux, le plus
étonnant spectacle qu’il soit possible de
voir : c’était une de ces fantasmagories du
pays des fées (Maupassant). ‖ 4. Spectacle
troublant et trompeur : On avait assisté aux
mues et aux reprises fort brusques des per-
sonnages les plus graves, aux vives substi-
tutions de cocardes, à la fantasmagorie de
la puissance, aux sorties et aux rentrées de
la légitimité, de la liberté, des aigles, de Dieu
même (Valéry). Les batailles brillantes qu’on
leur a contées [...], les images de généraux
vainqueurs [...], toutes ces fantasmagories
ont disparu (Romains). ‖ 5. Fig. Succession
d’images, d’idées ou de représentations qui
captivent l’esprit par leur pouvoir d’illu-
sion : L’inspiration déroule au poète des
transfigurations sans nombre et semblables
aux magiques fantasmagories de nos rêves
(Balzac). Les fantasmagories du sommeil et
les autres productions aberrantes de notre
esprit (Valéry). ‖ 6. En littérature et dans
les arts, recours aux moyens propres à créer
l’illusion du surnaturel, du fantastique : La
fantasmagorie d’un film d’horreur.

• SYN. : 3 féerie ; 4 mirage ; 6 artifice, magie,


mystification, trucage.

fantasmagorique [fɑ̃tasmagɔrik] adj.


(de fantasmagorie ; fin du XVIIIe s.). Qui
appartient à la fantasmagorie : Semblable
à une figure fantasmagorique (Balzac). La
vision fantasmagorique d’un glacier au
clair de lune.

• SYN. : fantastique, féerique, irréel,


magique, merveilleux. — CONTR. : réel, vrai.

fantasmatique [fɑ̃tasmatik] adj. (dér.


savant de fantasme ; 1851, Poitevin). Vx.
Qui a l’aspect d’un fantasme : Une figure
d’aspect fantasmatique (Gautier). Cette
impression, difficile à caractériser, qui
tient, dans des proportions inconnues,
du malaise, de l’ennui et de la peur, fait
penser vaguement, involontairement, aux
défaillances causées par l’air raréfié, par
l’atmosphère d’un laboratoire de chimie,
ou par la conscience d’un milieu fantasma-
tique, je dirai plutôt d’un milieu qui imite
le fantasmatique (Baudelaire).

fantasme [fɑ̃tasm] n. m. (lat. phantasma,


-atis, être imaginaire, fantôme, spectre,
et, à basse époque, « idée, représentation
par l’imagination », gr. phantasma, -atos,
mêmes sens, de phantazein [v. FANTAISIE] ;

fin du XIIe s., aux sens de « chimère qu’on


se forme dans l’esprit, apparence fausse,
illusion » ; sens 1 [« hallucination visuelle »,
terme de médecine], 1836, Acad. ; sens 2,
milieu du XXe s.). 1. Image hallucinatoire :
Aucun fantasme affectif ne m’incitait donc
à la maternité (Beauvoir). Un esprit malade
qui lutte contre ses fantasmes. ‖ 2. En psy-
chanalyse, action imaginaire, sous forme
dramatique, traduisant des désirs incons-
cients du sujet. ‖ Fantasmes conscients,
fictions vécues en imagination à l’état de
veille. ‖ Fantasmes inconscients, fictions
qui traduisent des désirs inconscients dans
les rêves.

• SYN. : hallucination, vision.

• REM. On trouve aussi l’orthogr. PHAN-


TASME (début du XVe s.).

fantasque [fɑ̃task] adj. (réfection [pour


la finale], d’après fantastique, de l’anc.
mot fantaste, « dont l’imagination est très
vive » [milieu du XVIe s., Ronsard], lui-
même abrégé de fantastique [v. ce mot] ;
1575, Ronsard, au sens 2 [pour une pièce
d’habillement] ; sens 1, 1606, Crespin). 1. Se
dit de quelqu’un qui est sujet à des caprices,
à des fantaisies bizarres : Arlequin aussi,
| Cet aigrefin si fantasque | Aux costumes
fous (Verlaine). L’esprit qui reconnaît son
humeur prévoit ses surprises, juge s’il est
calme ou fantasque (Maupassant). Une sen-
sibilité capricieuse, fantasque (Bernanos).
‖ 2. Se dit de ce qui surprend par son
apparence inhabituelle, extraordinaire et
pleine de fantaisie : Le toit [...] couvert de
lames de plomb où se roulaient en mille ara-
besques fantasques d’étincelantes incrus-
tations de cuivre doré (Hugo). Masques et
bergamasques | Jouant du luth et dansant
et quasi | Tristes sous leurs déguisements
fantasques (Verlaine). Lafcadio, qu’une
exaltation fantasque emplissait, ne se sen-
tait point d’appétit encore (Gide).

• SYN. : 1 bizarre, capricieux, fantaisiste,


farfelu (fam.), lunatique ; 2 abracadabrant
(fam.), baroque, extravagant.

fantasquement [fɑ̃taskəmɑ̃] adv. (de


fantasque ; fin du XVIe s., Du Bartas).
D’une manière fantasque : Cet ensemble de
matras, de cornues, de métaux, de cristal-
lisations fantasquement colorées (Balzac).

fantassin [fɑ̃tasɛ̃] n. m. (ital. fan taccino,


fantassin [fɑ̃tasɛ̃] n. m. (ital. fan taccino,
de fante, forme abrégée de infante, enfant
[lat. infans, -antis, v. ENFANT], et spécia-
lisée au sens de « valet [d’armée] » ; v.
1570, Carloix, écrit fantachin ; fantacin,
fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; fantassin,
1611, Cotgrave). Officier ou soldat servant
dans l’infanterie : Une petite armée de mille
cavaliers, trois mille fantassins (Michelet). Il
envoya, pour en tirer vengeance, huit cents
cavaliers, avec bon nombre de fantassins
(France).

• SYN. : biffin (arg.).

fantastique [fɑ̃tastik] adj. (bas lat. fan-


tasticus, phantasticus [IVe s.], gr. phantas-

tikos, qui concerne l’imagination, capable


d’imaginer, de créer des illusions, de phan-
tazein [v. FANTAISIE] ; v. 1361, Oresme, au
sens 2 ; sens 1, 1541, Calvin [comme n. m. ;
comme adj., av. 1613, M. Régnier] ; sens
3, 1580, Montaigne ; sens 4, 1865, Littré ;
sens 5, 1833, Miche-let ; sens 6, 1859,
Mozin). 1. Class. Qui se laisse aller à sa
fantaisie, à son imagination chimérique :
Il [Ronsard] avait le cerveau fantastique
et rétif (M. Régnier). ‖ 2. Vx et littér. Qui
n’existe qu’en imagination, qui est sans
réalité : Elle avait fait un être réel du fan-
tastique amoureux de sa cousine (Balzac).
Les pierres gothiques | Qu’agitent les falots
en spectres fantastiques (Musset). Une
créature étrangère à l’humanité, aveugle,
dépourvue de facultés logiques, presque une
fantastique licorne, une créature chimé-
rique (Proust). ‖ 3. Qui s’écarte de l’habi-
tuel et paraît incroyable : Lors du mariage
fantastique de sa cousine, Lisbeth avait plié
devant cette destinée (Balzac). La gelée se
suspend aux arbres en fantastiques arcades
(Sand). ‖ Par extens. Qui impressionne
fortement, qui effraie par son caractère
insolite : Le mystérieux tambour des dunes
[...] reprenant son roulement fantastique
(Maupassant). ‖ 4. Conçu par une imagi-
nation sans frein : Projets fantastiques. Ils
étaient, ceux-là [des gens de lettres], pro-
digues comme des rois pleins d’ambitions
idéales et de désirs fantastiques (Flaubert).
‖ 5. Fam. Extraordinaire par sa grandeur,
son importance : L’oiseau de proie [...] chan-
cela : mais ses ailes fantastiques l’eurent
redressé en une seconde (Pergaud). Il a eu
une chance fantastique. ‖ 6. Se dit d’une
oeuvre littéraire racontant des événements
inexplicables, au moins en apparence, par
les lois naturelles : Les contes fantastiques
d’Hoffmann. Comme on a pu le voir, dans
ces récits fantastiques la vanité dominait,
une vanité de perruche verte et bavarde
(Daudet). Dans un conte fantastique bien
construit, l’esprit doit pouvoir se contenter
de l’explication naturelle (Gide).

• SYN. : 3 extraordinaire, fabuleux, incon-


cevable, inimaginable, inouï ; 4 délirant,
déraisonnable, extravagant, fou (fam.),
insensé ; 5 effarant (fam.), phénoménal
(fam.), prodigieux, sensationnel.

& n. m. (sens 1, 1738, Piron ; sens 2,


1859, Mozin). 1. Évocation saisissante de
phénomènes inexplicables selon les lois
naturelles : [Ces dessins] innovaient un
fantastique très spécial, un fantastique de
maladie et de délire (Huysmans). Cette idée
plut à mon imagination puérile, qui était
encore près du fantastique (Lacretelle).
‖ 2. Le genre fantastique : Poe est un maître
du fantastique. Le fantastique n’a pas de
motifs et ne s’explique pas (Gautier).

fantastiquement [fɑ̃tastikmɑ̃] adv. (de


fantastique ; v. 1380, Conty). De manière
fantastique : Musidora ne savait trop que
penser de ce portefeuille si fantastiquement
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1840

garni (Gautier). Dans l’atelier encombré


d’énormes statues, qu’éclairent fantas-
tiquement une vingtaine de bougies fort
ingénieusement disposées (Gide). Le jour
qui entre par la porte éclaire, et fantasti-
quement, des poutres, des toiles d’araignées
(Tharaud).

fantoccini [fɑ̃tɔtʃini] n. m. pl. (mot ital.


signif. proprem. « [petites] marionnettes »,
dimin. de fantoccio [v. l’art. suiv.] ; 1812,
Mozin). Vx. Marionnettes auxquelles on
fait exécuter des scènes sur un théâtre :
On préfère un arbre de carton sur le théâtre
des fantoccini au magnolia, dont les roses
parfumeraient le berceau de Christophe
Colomb (Chateaubriand).

1. fantoche [fɑ̃tɔʃ] n. m. (ital. fantoccio,


poupée, marionnette, dér. de fante, enfant
[v. FANTASSIN] ; 1863, Th. Gautier, au sens
1 ; sens 2, 1890, Dict. général). 1. Poupée
de bois articulée, représentant le corps
humain tout entier, que l’on fait mouvoir
à l’aide de fils : Il fit rouler au milieu de la
route les six grotesques fantoches (Gautier).
‖ 2. Fig. Personnage sans caractère, qui
se laisse diriger par d’autres : Mme Théo
m’apportait, sur ma demande, « Monte-
Cristo », qui me tombait des mains avant
d’avoir éveillé en moi la moindre curiosité
pour les tribulations compliquées de ses fan-
toches (Gide). De quel prix, de quel souci lui
pouvait être, je vous le demande, l’agitation
de ces fantoches dont il paraît que notre vain
monde est peuplé (Duhamel). ‖ Adjectiv.
Gouvernement fantoche, gouvernement qui
n’exerce pas une autorité indépendante,
qui est soumis aux ordres d’une puissance
occupante, etc. ‖ 3. Fam. Individu qui ne
mérite pas d’être pris au sérieux.

• SYN. : 1 marionnette ; 2 guignol, girouette,


polichinelle.

2. fantoche [fɑ̃tɔʃ] adj. (var., par chan-


gement de suff., de fantaise, « de fantaisie »
[1910, G. Esnault], abrév. de fantaisie ; 1915,
G. Esnault). Arg. De fantaisie : Une cas-
quette fantoche à carreaux.

fantomal, e, aux [fɑ̃tomal, -o] adj. (de


fantôme ; 1888, A. Daudet, aux sens 1-2).
1. Qui fait penser à un fantôme : Pas un
instant il ne pensa que l’apparition fanto-
male s’était évanouie (Vercel). ‖ 2. Qui a
l’apparence évanescente et la clarté dif-
fuse d’un fantôme : Une lueur fantomale
(Barbey d’Aurevilly). Et tout le soir, on
errait, en chantant des vers au milieu des
petites ruelles découpées de murs croulants,
de restes d’escaliers, de chapiteaux décou-
ronnés, dans une lumière fantomale qui
frisait les herbes et les pierres comme d’une
neige légère (Daudet).

• SYN. : 1 fantomatique ; 2 spectral.

fantomatique [fɑ̃tomatik] adj. (de


fantôme ; 1858, Goncourt). Qui a l’appa-
rence d’un fantôme : Maigre sous son
peignoir blanc, d’une maigreur fantoma-

tique (Goncourt). Avec l’aspect décoloré,


fantomatique des objets entrevus sous l’eau
(Daudet). Quand l’incendie rejoignait les
maisons déjà brûlées, il les éclairait par-der-
rière, fantomatiques et funèbres, et demeu-
rait longtemps à rôder derrière leurs lignes
de ruines (Malraux).

• SYN. : fantastique, irréel, spectral.

fantomatiquement [fɑ̃tomatikmɑ̃]
adv. (de fantomatique ; début du XXe s.).
D’une manière fantomatique : Le dédale [...]
des longs couloirs [...] entre de grands murs
vides, fantomatiquement pareils (Tharaud).

fantôme [fɑ̃tom] n. m. (gr. massaliote


*fantauma, du gr. ionien *fantagma, altér.
du gr. class. phantasma, fantôme [v. FAN-
TASME] ; v. 1130, Eneas, écrit fantosme
[fantôme, 1671, Pomey], au sens 6 ; sens
1, v. 1175, Chr. de Troyes [écrit fantosme ;
fantome, v. 1212, Anger ; fantôme, 1671,
Pomey] ; sens 2, 1690, Furetière [un fan-
tosme de corps, « un corps très maigre »,
milieu du XVIe s., Ronsard] ; sens 3, 1644,
Corneille ; sens 4, 1865, Littré ; sens 5, v.
1265, J. de Meung ; sens 7, 1580, Montaigne ;
sens 8, av. 1789, Bachaumont [« mannequin,
en général », 1534, Rabelais] ; sens 9, 1910,
G. Esnault). 1. Image d’une personne morte
ou absente que l’on croit voir par halluci-
nation : Des fantômes puissants qui dans les
crépuscules | Déchirent leur suaire en éti-
rant leurs doigts (Baudelaire). Les fantômes
ne se montrent qu’à ceux qui doivent les
voir (Dumas). Il ne pouvait s’arracher à ses
morts : [...] l’idée de sa mère, qu’il laissait,
seule vivante de tous ceux qu’il aimait, au
milieu de ces fantômes, lui était intolérable
(Rolland). ‖ Être surnaturel, selon cer-
taines croyances : Les Gaulois n’approchent
point de ces pierres sans une profonde
terreur : ils disent qu’on y voit des feux
errants et qu’on y entend la voix des fan-
tômes (Chateaubriand). ‖ 2. Fam. Personne
très maigre : Depuis qu’il a été malade, ce
n’est plus qu’un fantôme. ‖ 3. Fig. Personne
qui ne joue qu’en apparence le personnage
qu’elle devrait jouer : Un fantôme de roi.
‖ 4. Forme indistincte et blanchâtre : Que
le jour est lent à mourir par ces soirs déme-
surés de l’été ! Un pâle fantôme de la maison
d’en face continuait indéfiniment à aqua-
reller sur le ciel sa blancheur persistante
(Proust). Dans la poussière opaque [...] nous
grimpons sur le siège pour regarder, der-
rière, un autre fantôme de voiture (Colette).
Une clarté diffuse baignait les fantômes
des pins (Mauriac). ‖ 5. Class. Objet dont
l’apparence est trompeuse : Le fantôme
brillant [un miroir] attire une alouette
(La Fontaine). ‖ 6. Class. et fig. Apparence
trompeuse : Au lieu du fantôme de la péni-
tence, je les aurais réduits à en avoir la pra-
tique solide (Bourdaloue). ‖ Illusion : Je
dis à mon tour comme Brutus : « Ô vertu,
tu n’es qu’un fantôme ! » (Vauvenargues).
‖ 7. Être ou idée purement imaginaire : Il
aurait pu croire que ces hommes sur qui il

venait de tirer étaient des fantômes de son


imagination (Mérimée). Papa [...] se las-
sait des fantômes qu’il avait tirés de l’ombre
(Duhamel). ‖ Idée fausse : Pourquoi mettre
au-dessus de l’Être des fantômes ? (Hugo).
‖ 8. Mannequin dont on se sert dans les
cours de médecine pour illustrer certains
exposés. ‖ 9. Planchette ou feuillet que
l’on met dans un rayon de bibliothèque à
la place d’un volume sorti.

• SYN. : 1 apparition, esprit, ombre, reve-


nant, spectre ; 2 squelette ; 3 semblant ;
7 chimère, fantasme, fiction.

& adj. (av. 1885, V. Hugo). Qui n’est qu’une


vaine image : Il se trouva lui, spectre [...],
face à face avec l’immensité fantôme
(Hugo). Vite, allumez la lampe, et que sa
lueur éloigne le chien fantôme et le loup
revenant (Colette). Le vapeur [...] semblait
partir à toute vitesse dans la nuit comme
un vaisseau fantôme (Malraux). ‖ Cabinet
fantôme, en GrandeBretagne, ensemble
des membres de l’opposition suscep-
tibles de constituer un gouvernement en
cas de changement soudain de majorité.
‖ Membre fantôme, sensation fréquente
chez les amputés, qui ont l’impression
d’avoir encore le membre manquant et
peuvent même souffrir d’une région pré-
cise de ce membre.

fanton n. m. V. FENTON.

fanu, e [fany] adj. (de fane ; 1865, Littré).


Se dit d’un légume, d’une céréale qui a
beaucoup de fanes, de feuilles.

fanum [fanɔm] n. m. (mot lat. signif. « lieu


consacré, temple » ; 1756, Encyclopédie).
Terrain ou édifice consacré au culte d’une
divinité, dans l’Antiquité romaine : Des
fanums qu’éclaire la rentrée des théories
(Rimbaud).

fanure [fanyr] n. f. (de [se] faner ; 1877, A.


Daudet). État de ce qui est fané : C’était un
petit journaliste, blondin et poupin, assez
joli garçon, mais dont la figure présentait
cette fanure particulière aux garçons de
restaurants de nuit, aux comédiens et aux
filles, faite de grimaces de convention et du
reflet blafard du gaz (Daudet).

faon [fɑ̃] n. m. (lat. pop. *fetonem, accus.


de *feto, petit d’animal, dér. du lat. class.
fetus, enfantement, portée des animaux,
rejeton ; v. 1131, Couronnement de Louis, au
sens 1 ; sens 2, 1549, R. Estienne). 1. Class.
Petit d’un animal quelconque : Mère
lionne avait perdu son faon (La Fontaine).
‖ 2. Petit des animaux du genre cerf (biche,
daine, chevrette, etc.) : Sur le bord de la
forêt, il aperçut un cerf, une biche et un
faon (Flaubert).

faonner [fane] v. intr. (de faon ; v. 1188,


Chanson d’Aspremont). Donner naissance à
un faon : Les cloches [...], semblables au ton-
nerre qui fait faonner les biches (Goncourt).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1841

faquin [fakɛ̃] n. m. (de l’anc. mot facque,


poche [v. 1460, G. Chastellain], moyen
néerl. fac, espace clos [l’ital. facchino, « por-
teur », est empr. du franç. faquin, et non
l’inverse, comme on l’a cru longtemps] ;
1534, Rabelais, au sens 1 ; sens 2, 1606, Gay ;
sens 3, av. 1564, Cal-vin). 1. Vx (déjà au
XVIIe s.). Homme qui portait des fardeaux :
Un tas de faquins, qui attendent sur le port
ceux qui viennent par eau pour porter leurs
hardes (Scarron). ‖ 2. Class. Mannequin
de bois ou de paille, ayant une forme
humaine, qui servait de cible aux cavaliers
qui s’exerçaient à la lance : Le lendemain des
noces, on courra la bague et rompra-t-on
au faquin (Malherbe). ‖ 3. Class. et littér.
Homme sot et prétentieux, méprisable :
Quel avantage a-t-on qu’un homme vous
caresse, | Vous jure amitié, foi, zèle, estime,
tendresse, | Et vous fasse de vous un éloge
éclatant, | Lorsqu’au premier faquin il court
en faire autant ? (Molière). Trivelin leur
riait au nez comme un faquin (Hugo). Ce
faquin ne me prend pas au sérieux, se dit-
il en partant, piqué de ne recevoir pas un
salut plus profond du fournisseur (Gide).

faquinerie [fakinri] n. f. (de faquin ;


1575, J. des Caurres). Vx (déjà au XVIIIe s.).
Caractère ou action d’un faquin : [Il] veut
porter le nom d’une terre au lieu que la
terre devrait porter le sien ; quelle faqui-
nerie ! (Sorel).

faquir n. m. V. FAKIR.

farad [farad] n. m. (du n. du physicien


angl. Faraday [1791-1867] ; 1881, Congrès
des électriciens). En physique, unité de
capacité électrique (symb. : F).

faradique [faradik] adj. (angl. faradic, de


Faraday [v. FARAD] ; 1877, Littré, au sens
1 ; sens 2, 1878, Larousse). 1. Vx Se disait
d’un courant électrique d’induction ou
d’un appareil qui fonctionnait à l’aide de
ce courant : Un éblouissant jet bleu, parti
d’une vieille pile faradique, à dix pas de son
fauteuil (Villiers de L’Isle-Adam). ‖ 2. Qui
se rapporte aux théories de Faraday.

faradisation [faradizasjɔ̃] n. f. (angl.


faradization, de Faraday [v. FARAD] ; 1865,
Littré). Utilisation des courants de haute
tension en médecine.

faramineux, euse [faraminø, -øz] adj.


(mot régional de l’Ouest et du Centre, dér.
de [bête] faramine [XVIe s.], n. d’un animal
fabuleux, objet de croyances superstitieuses,
autre forme de l’occitan faramio, n. f., « bête
sauvage », dér. de l’anc. provenç. feram,
même sens, bas lat. feramen [IXe s.], dér.
du lat. class. fera, bête sauvage ; XVIIIe s.,
d’après Littré, 1877 [art. pharamineux]).
Fam. Qui dépasse l’imagination : Des prix
faramineux.

• SYN. : astronomique, effarant, extraor-


dinaire, fabuleux, fantastique (fam.), fou
(fam.), incroyable, phénoménal (fam.), pro-
digieux, stupéfiant.

farandole [farɑ̃dɔl] n. f. (provenç. faran-


doulo, croisement de barandello, danse
languedocienne [dér. de branda, branler,
danser, du germ. brand, v. BRANLER ET
BRANDIR], et de dér. occitans de flandrin
[v. ce mot] comme flandriná, lambiner, ou
flandiná, cajoler ; 1771, Schmidlin). Danse
provençale que les danseurs exécutent en
se tenant par la main sur une longue file :
La farandole s’organisait. Des lanternes
de papier découpé s’allumaient partout
dans l’ombre ; la jeunesse prenait place ; et
bientôt, sur un appel de tambourins, com-
mença autour de la flamme une ronde folle,
bruyante, qui devait durer toute la nuit
(Daudet). Dans les couloirs s’organisent des
rondes et des farandoles (Alain-Fournier).

farandoler [farɑ̃dɔle] v. intr. (franci-


sation du provenç. farandoula, danser la
farandole, dér. de farandoulo [v. FARAN-
DOLE] ; fin du XIXe s., A. Daudet). Danser
la farandole : Le bel officier cosaque en
habit vert qui l’avait fait sauter comme
une chèvre, farandoler toute une nuit sur
le pont de Beaucaire (Daudet).

farandoleur, euse [farɑ̃dɔloer, -øz] n.


(francisation du provenç. farandoulaire,
[celui] qui danse la farandole, dér. de
farandoulo [v. FARANDOLE] ; 1877, Littré).
Personne qui danse la farandole : C’était
la tête de la danse surgissant entre les arcs
de voûte du premier étage, pendant que le
tambourinaire et les derniers farandoleurs
piétinaient encore dans le cirque (Daudet).

faraud, e [faro, -od] adj. et n. (esp.


faraute, acteur qui récitait le prologue [et
qui, à cause de sa fonction, s’accordait sou-
vent une importance démesurée], empr.,
avec transposition du h- en f-, du franç.
héraut ; 1628, Chereau, écrit pharos, au sens
de « gouverneur de ville » ; 1725, Granval,
écrit farot, au sens de « monsieur » ; écrit
faraud, au sens 1, 1743, Vadé [comme n. ;
comme adj., 1799, G. Esnault] ; sens 2, 1830,
Stendhal [comme n. ; comme adj., milieu
du XIXe s., Baudelaire]). 1. Vx. Qui affecte
l’élégance : Jeune homme d’un habillement
assez équivoque, et d’un balancement de
hanches très faraud (Balzac). ‖ 2. Qui tire
vanité d’un avantage frivole, qui fait le fier :
Nouer les cheveux en une de ces longues
queues qui rendent les marins si fiers et si
farauds (Baudelaire). Ces ouvriers-là sont
mieux mis que les autres ; ils ont l’air faraud,
l’air dédaigneux et distrait des hommes que
les reines ont choisis (Daudet). Les gens de
la campagne, si bruyants tantôt, si farauds,
maintenant la bouclaient (Montherlant).
‖ Faire le faraud, faire le malin.

• SYN. : 2 avantageux, crâneur (fam.), fan-


faron, fat, fier, plastronneur (fam.), pré-
tentieux, vaniteux. — CONTR. : 2 effacé,
humble, modeste, réservé.

1. farce [fars] n. f. (lat. pop. *farsa, farce,


fém. substantivé de *farsus [lat. class. far-
tus], part. passé de farcire [v. FARCIR] ;

XIIIe s., Barbazan). Viande hachée et épicée


ou mélange de viande hachée, d’herbes et
de légumes, coupés en menus morceaux,
assaisonnés, et mis à l’intérieur d’une
volaille, d’un poisson, d’un légume : Une
farce aux olives.

• SYN. : hachis.

2. farce [fars] n. f. (emploi métaphorique


de farce 1, les farces bouffonnes ayant
d’abord été introduites dans la représen-
tation des mystères [un peu comme la farce
proprement dite est introduite dans le corps
d’une volaille, etc.] ; 1476, Dict. général, au
sens 1 ; sens 2, 1873, Rimbaud ; sens 3-4,
1573, Du Puys). 1. Pièce de théâtre d’un
comique bouffon et grossier : Molière com-
mença par composer des farces. Il [César]
assista aux fêtes, aux farces du théâtre
(Michelet). ‖ 2. Littér. Ce qui ne peut pas
être pris au sérieux : Ô banale rancoeur de
notre farce humaine ! | Aujourd’hui, jour de
fête et gaieté des faubourgs, | Demain le dur
travail pour toute la semaine (Laforgue).
‖ Tourner à la farce, perdre tout carac-
tère sérieux : Un bougre en haillons dans
le choeur, ça tournerait vite à la farce
(Bernanos). ‖ Fam. En voir la farce, réali-
ser ce qu’on veut sans grande peine, sans
grands frais. ‖ 3. Vx. Propos destinés à
faire rire : Il est venu ici, la semaine der-
nière, deux voyageurs en draps, des garçons
pleins d’esprit qui contaient, le soir, un tas
de farces (Flaubert). ‖ 4. Action destinée
à faire rire aux dépens de quelqu’un : Vous
lui avez fait de bonnes farces et votre ancien
pion ne les a pas encore oubliées (Daudet).
Quatre gars, des voisins, préparaient des
farces aux mariés (Maupassant). Il se
demandait si le couple ne méditait pas
une farce (Cocteau). ‖ Vx. Faire ses farces,
se conduire légèrement, s’amuser : Jeune
homme qui fait ses farces (Gavarni).

• SYN. : 4 attrape (fam.), canular (fam.),


mystification, niche (fam.), tour (fam.).

& adj. (1832, Raymond). Vx et fam. Qui


suscite l’étonnement ou l’hilarité : « Quel
est votre notaire ? [...] — Un brave garçon,
tout rond, Cardot. — Tiens, tiens, est-ce
farce [...], Cardot est le nôtre » (Balzac).
Elle se coiffait d’une façon grotesque, avec
de petits frisons vieillots tout à fait farces
(Maupassant). Comme dirait ton camarade
Monsieur Bloch, c’est assez farce (Proust).

farcer [farse] v. intr. (de farce 2 [bien que


le verbe soit attesté avant le substantif] ;
XIIIe s., Apollonius, comme v. tr., au sens de
« railler » ; comme v. intr., au sens actuel,
1718, Acad.). Dialect. Faire des farces : Un
premier mai où l’on farce encore comme au
bon vieux temps (Rogissart).

farceur, euse [farsoer, -øz] n. (de farce


2 ou de farcer ; v. 1462, Cent Nouvelles
nouvelles, aux sens 2-3 ; sens 1, milieu
du XVIe s., Ronsard ; sens 4, 1865, Littré).
1. Class. Acteur qui ne jouait que dans les
farces : C’est une pratique ancienne dans les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1842
cours de donner des pensions à un maître
de danse, à un farceur, à un joueur de flûte
(La Bruyère). ‖ 2. Personne qui manque de
sérieux dans ses paroles ou sa conduite :
Je n’ai pas besoin d’aller, dans une église,
baiser des plats d’argent, et engraisser de ma
poche un tas de farceurs qui se nourrissent
mieux que nous (Flaubert). Allons ! ne faites
donc pas le farceur, mon lieutenant ! vous
jetez le gibier par terre et vous voulez qu’on
vous le ramasse (Mérimée). ‖ 3. Personne
qui fait constamment des farces : Des far-
ceurs, autrefois, l’avaient entraîné dans une
mauvaise maison (Flaubert). ‖ 4. Vx et fam.
Homme ou femme de mauvaise conduite :
Elles en concluaient que ce devait être une
« farceuse » et elles étaient fort allumées par
l’idée de la connaître (Proust).

• SYN. : 2 charlatan, fumiste (fam.), impos-


teur, pitre, polichinelle ; 3 blagueur (fam.),
loustic (fam.), plaisantin.

& adj. (1872, Larousse). Qui aime faire des


farces.

farci, e [farsi] adj. (part. passé de farcir).


Garni de farce : Des tomates farcies. ‖ Pièce
farcie, au Moyen Âge, pièce de vers où le
latin se mêlait au français.

farcin [farsɛ̃] n. m. (lat. farcimen, saucisse,


boudin, et, à basse époque, « farcin » [le
cheval atteint de farcin étant comme farci
de boutons purulents] ; v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence). Forme cutanée de
la morve, chez le cheval.

farcir [farsir] v. tr. (lat. farcire, remplir,


garnir, fourrer, bourrer, enfoncer, intro-
duire ; v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-
Maxence, écrit farsir [farcir, XIIIe s.], au
sens 2 [« bourrer, remplir — le ventre »] ;
sens 1, 1580, Montaigne ; sens 3, v. 1265,
J. de Meung). 1. Mettre de la farce dans une
volaille, dans un poisson, etc. : Farcir un
poulet, une carpe ; et absol. : Elles appre-
naient diverses choses : [...] larder, fumer,
saler, ébouillanter, râper, farcir (Duhamel).
‖ 2. Remplir jusqu’à la limite du pos-
sible : Farcir un terrain de mines. ‖ 3. Fig.
Surcharger de connaissances ou de notions
inutiles ou nuisibles : Farcir un texte de
citations. Accablant son antipathie du jour
des accusations les plus effroyables, les plus
romanesques, d’inventions noires ou san-
glantes, dont sa tête était farcie (Daudet).
• SYN. : 2 bonder, bourrer, remplir, surchar-
ger ; 3 entrelarder, larder, truffer.
& se farcir v. pr. (1932, G. Esnault, au sens
de « s’octroyer [quelque chose] » ; sens 1,
1949, G. Esnault ; sens 2, milieu du XXe s. ;
sens 3, 1936, G. Esnault). 1. Pop. Se far-
cir quelque chose, en assurer l’exécution,
le faire : Se farcir un travail, une corvée.
‖ 2. Pop. Se farcir quelqu’un, le supporter :
Se farcir un casse-pieds. ‖ 3. Pop. Se farcir
une femme, obtenir ses faveurs.

• SYN. : 1 s’appuyer (pop.), se coltiner (pop.),


s’envoyer (pop.), se taper (pop.).

fard [far] n. m. (déverbal de farder 2 ;


1213, Fet des Romains, au sens 1 ; sens 2,
1878, G. Esnault ; sens 3, XIIIe s., Roman
de Renart). 1. Composition colorée qu’on
applique sur le visage ou sur certaines
parties du visage pour en rehausser
l’éclat ou pour en souligner les traits : Sur
ce teint fauve et brun le fard était superbe
(Baudelaire). Elle tenait à la main son fard
à lèvres ; elle arrondit la bouche, y posa
le crayon rouge, et le fit tourner d’un petit
coup sec comme pour forer un trou (Martin
du Gard). ‖ 2. Fam. Piquer un fard, rou-
gir d’émotion, de confusion. ‖ 3. Class.
et littér. Manière trompeuse de présenter
quelque chose, dissimulation : De ses pleurs
tant vantés je découvre le fard (Corneille).
Un courage factice et mal assuré n’est, en
réalité, que le fard de la peur (Nodier).
‖ Auj. Parler sans fard, parler sans essayer
de cacher la vérité.

• SYN. : 1 cosmétique, maquillage, rouge.

1. fardage [fardaʒ] n. m. (de farder 1 ;


1392, Du Cange, écrit fardaige [fardage,
XVe s., Du Cange], au sens de « bagage, far-
deau, paquet » ; sens 1, 1736, Aubin ; sens 2,
milieu du XXe s.). 1. Plan de bois disposé sur
le fond de la cale d’un bateau pour que les
marchandises soient préservées du contact
des tôles. ‖ 2. Ensemble des superstruc-
tures d’un navire qui donnent prise au vent.

2. fardage [fardaʒ] n. m. (de farder 2 ;


1896, Delesalle). Dans le commerce, opé-
ration qui consiste à couvrir des produits
avariés ou de second choix par des produits
de bonne qualité.

• SYN. : maquillage.

farde [fard] n. f. (de fardeau ; v. 1155,


Wace, au sens de « paquet, bagage » [mot
très rare entre le XVe s. et le début du XIXe s.] ;
sens 1, 9 févr. 1874, Journ. officiel ; sens 2,
1834, Landais ; sens 3, 1871, d’après Littré,
1877). 1. Balle, de poids variable, contenant
des marchandises exotiques destinées à
l’Europe : Six-vingts fardes de quinquina,
deux cents de bois de campêche (Claudel).
‖ 2. Balle de café moka pesant 185 kg.
‖ 3. En Belgique, chemise pour ranger
les dossiers.

fardé, e [farde] adj. (part. passé de far-


der 2 ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens 1 ;
sens 2, XVIe s., Littré). 1. Class. Séduisant
par une apparence trompeuse : Lui qui
connaît sa dupe et veut en jouir, | Par cent
dehors fardés a l’art de l’éblouir (Molière).
‖ 2. Class. Se dit d’une personne dissimu-
lée, perfide : Vous perdez Amarante, et cet
ami fardé | Se saisit finement d’un bien si
mal gardé (Corneille).

fardeau [fardo] n. m. (de l’ar. farda, réu-


nion de deux moitiés semblables, demi-
charge d’un animal, balle de marchandises ;
v. 1190, J. Bodel, écrit fardel, au sens de
« botte d’herbe » ; sens 1, fin du XIIe s.,
Reclus de Moiliens [écrit fardel ; fardeau,

fin du XIVe s., Chronique de Boucicaut] ;


sens 2, 1640, Corneille). 1. Chose pesante
qu’il faut porter : La plupart des voyageurs
soulevaient et reposaient leurs fardeaux
en échangeant des remarques irritées
(Duhamel). Il s’arrêtait souvent pour
changer son fardeau d’épaule (Mauriac).
Ils avançaient de front, très droits comme
tous ceux qui viennent de porter un fardeau
sur l’épaule (Malraux). ‖ 2. Fig. Ce qui est
lourd à supporter, qui exige beaucoup d’ef-
forts : Il se peut qu’il fût utile à mon pays de
se trouver débarrassé de moi : par le poids
dont je me sens, je devine le fardeau que je
dois être pour les autres (Chateaubriand).
Lina pensa à l’abnégation, au dévouement
de cette excellente créature, au lourd far-
deau de famille qu’elle a si vaillamment,
si joyeusement porté (Daudet). Peut-être
Dieu a-t-il voulu mettre sur mes épaules le
fardeau dont il venait de délivrer sa créa-
ture épuisée (Bernanos). L’Ile-de-France
est mon climat [...], c’est là que travailler ne
m’est point fardeau, mais désir et douceur
(Duhamel).

• SYN. : 1 faix (vx), chargement ; 2 charge,


joug, poids, surcharge.

fardeleuse [fardəløz] n. f. (de l’anc. v.


fardeler, mettre en paquet [fin du XVe s.,
Molinet — encore dans Larousse, 1872], dér.
de fardel, forme anc. de fardeau [v. ce mot] ;
XXe s.). Machine qui groupe les petits objets
en vue de la manutention ou du stockage.

1. farder [farde] v. intr. (de farde ; XIIIe s.,


au sens de « se charger » ; sens 1, XXe s. ;
sens 2, 1704, Trévoux). 1. Vx. Faire sentir
son poids : Une charge qui farde. ‖ 2. Vx.
Se tasser sous son propre poids (rare) :
Nous arrivons devant un grand bâti-
ment qui farde et semble vouloir s’abattre
(Huysmans).

2. farder [farde] v. tr. (francique


*farwiđôn, teindre ; v. 1175, Chr. de Troyes,
au sens 1 ; sens 2, v. 1398, le Ménagier de
Paris ; sens 3, 1538, R. Estienne). 1. Mettre
du fard sur : Farder le visage d’un acteur.
Quelques-unes [des danseuses] avaient le
nez percé de longs anneaux, et montraient
leurs visages fardés de rouge et de bleu
(Nerval). Cette ville facile, avec son défilé
de jeunes filles fardées (Camus). ‖ 2. Fig.
Rendre quelque chose séduisant en lui
donnant une apparence trompeuse : Pas
plus que je ne veux les farder [ces paroles]
pour les faire paraître plus naturelles (Gide).
Farder la vérité. ‖ 3. Spécialem. Dans le
commerce, couvrir des produits défectueux
par des produits de choix.

• SYN. : 1 grimer, maquiller ; 2 colorer,


déguiser, enjoliver, masquer, travestir.

& se farder v. pr. (v. 1175, Chr. de Troyes).


Mettre du fard sur son visage.

• SYN. : se maquiller. — CONTR. : se


démaquiller.

fardes n. f. pl. V. FARGUES.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1843

fardier [fardje] n. m. (de farde, ou du radi-


cal de fardeau ; 1771, Schmidlin). Voiture à
deux ou quatre roues très basses, servant
à transporter des fardeaux pesants : De
loin en loin un fardier venant des carrières
(Daudet). Le bruit des fiacres et des fardiers
chargés de ferrailles (Gregh).

• SYN. : binard, chariot, triqueballe.

farfadet [farfadɛ] n. m. (mot provenç.,


forme renforcée de fadet [v. ce mot] ;
v. 1540, Yver). Petit personnage imagi-
naire des contes populaires, plus taquin
que méchant : Des esprits, des génies, des
fées, des farfadets (Maupassant) ; et par
anal. : Des farfadets de sacristie, aux robes
noires couvertes de taches de cierge, se
glissaient comme de petites bêtes, ou bien
jouaient à cache-cache derrière les piliers
(Montherlant).

• SYN. : lutin.

farfelu, e [farfəly] adj. et n. (mot expres-


sif, de la famille de fanfreluche [v. ce terme],
ou formé sur le radical faf- [v. FAFIOT] ;
XVIe s., Ancien Théâtre françois, écrit fafelu,
au sens de « dodu » ; écrit farfelu, au sens
actuel, 1928, Malraux). Se dit d’une per-
sonne dont la conduite est extravagante :
Des jeunes gens farfelus. Un grand farfelu.
• SYN. : bizarre, extravagant, fantasque.

& adj. (XXe s.). Se dit d’une chose bizarre,


qui dénote un manque de bon sens : Des
projets farfelus. J’aime les musées farfelus,
parce qu’ils jouent avec l’éternité (Malraux).
• SYN. : biscornu, insensé, loufoque (fam.),
saugrenu (fam.). — CONTR. : logique, ration-
nel, sensé.

farfouillement [farfujmɑ̃] n. m. (de far-


fouiller ; 1892, Goncourt). Fam. Action de
farfouiller : Le farfouillement de ses doigts
dans le tulle de l’épaulette (Goncourt).

• REM. On dit aussi FARFOUILLAGE


(XXe s.).

farfouiller [farfuje] v. intr. (de fouiller,


avec une syllabe initiale à valeur expres-
sive, peut-être empruntée à farcir ; 1552,
Rabelais). Fam. Chercher en mettant tout
sens dessus dessous : Elle farfouillait par-
tout. Elle essayait tout (Rolland). Il far-
fouille dans de vieux papiers, et parfois
s’attarde jusqu’au matin à relire en pleurant
d’anciennes lettres de feu son frère (Gide).
Mais surtout je vous remercie de m’avoir
permis de farfouiller ainsi dans vos affaires
(Montherlant).

• SYN. : fouiller, fouiner (fam.), fourgonner


(fam.), fourrager, fureter (fam.), trifouiller
(pop.).

farfouilleur, euse [farfujoer, -øz] n. et


adj. (de farfouiller ; 1872, Larousse). Fam. Se
dit d’une personne qui aime à farfouiller.
• SYN. : fouineur (fam.), fureteur (fam.).

farguer [farge] v. intr. (de fargue [une


belle fargue est un beau bordage] ; 1920,
G. Esnault, pour un matelot, et 1936 pour

un bateau). Arg. mar. Farguer bien ou mal,


avoir bonne ou mauvaise apparence, en
parlant d’un matelot, d’un bateau.

fargues [farg] n. f. pl. (lat. médiév. falca,


planche dont on se sert comme d’un parapet
pour interdire l’accès de l’eau dans un petit
bateau [XIIIe s., Jal], hispano-ar. falqa, éclat
de bois ; 1678, Guillet, écrit fargues et fardes
[falques, 1777, Jal]). Petit bordage s’élevant
sur les plats-bords d’une embarcation : On
voyait [...] la volte d’un petit canon pointer
pardessus les fargues (Elder).

• REM. Ce mot apparaît aussi sous les


formes FALQUES et FARDES.

faria [farja] n. m. (origine obscure, peut-


être altér. de Fariou, n. francoprovenç.
des habitants de Saint-Ferréol [Haute-
Savoie], qui étaient souvent ramoneurs ;
1912, G. Esnault). Argot des ramoneurs
de Haute-Savoie.

faribole [faribɔl] n. f. (mot probablem.


dialect., appartenant à un groupe de termes
aux formes diverses, comme faribourde,
même sens [XVIe s.], et l’anc. provenç.
falabourdo, même sens, dont les rap-
ports mutuels et les liens avec l’anc. franç.
falourde, tromperie, bourde, parole vaine
[XIIIe s., dér. de faillir], et avec le mot frivole
restent mal déterminés ; 1532, Rabelais).
Fam. Propos ou chose sans valeur, qui ne
sauraient être pris au sérieux : L’actrice
emmena le pauvre clerc dans la chambre
à coucher en lui débitant des fariboles
(Balzac). Leur peintre d’alors « lâchait »,
comme disait M. Verdurin, une grosse
faribole qui faisait esclaffer tout le monde
(Proust). N’ayez aucun égard pour le nom,
le titre et autres fariboles (Bernanos). Je
haussais les épaules et répondais des fari-
boles (Duhamel).

• SYN. : bagatelle, baliverne, bricole, fadaise,


sornette.

faridondaine [faridɔ̃dɛn] n. f. (de l’ono-


matop. dondaine/dondon [v. DONDON] et
d’un groupe initial d’origine mal définie
[qu’on peut cependant rapprocher de la
première syllabe de farfouiller, v. ce mot] ;
av. 1598, Marnix, au sens 1 ; sens 2, av. 1834,
Béranger). 1. Mot employé dans le refrain
de certaines chansons populaires. ‖ 2. Par
extens. Refrain d’une chanson légère :
Nausicaa à la fontaine, | Pénélope en tissant
la laine, | Zeuxis peignant sur les maisons |
Ont chanté la faridondaine ! | Et les chan-
sons des échansons (Max Jacob).

• REM. Le mot s’emploie aussi sous la


forme FARIDONDON (1865, Littré) quand
la rime est en on.

farigoule [farigul] n. f. (var. de férigoule


[v. ce mot] ; 1872, Larousse). Nom provençal
d’une plante aromatique employée en cui-
sine : Voici le lapin cuit, qui sent la farigoule
et le romarin (Aicard).

farigoulette [farigulɛt] n. f. (de fari-


goule ; XXe s.). Dialect. Endroit où pousse
le thym.

farillon [farijɔ̃] n. m. (dimin. de phare ;


1755, Encyclopédie [var. pharillon, 1771,
Duhamel du Monceau]). Feu qu’on allume
la nuit sur un bateau de pêche pour attirer
le poisson.

farinacé, e [farinase] adj. (bas lat. fari-


naceus, farineux [dér. de farina, v. FARINE],
ou plutôt dér. savant du franç. farine ; 1798,
L. C. M. Richard). Qui a la nature ou l’appa-
rence de la farine.

farinade [farinad] n. f. (mot méridio-


nal, de farine ; début du XXe s.). En Corse,
bouillie de châtaignes, additionnée d’huile
d’olive : Tu verras, nous ferons une farinade,
je sais que tu l’aimes (Pourrat).

farinage [farinaʒ] n. m. (de farine ; XIVe s.,


au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Droit que l’on
payait au meunier pour le blé moulu.
‖ 2. Plat ou entremets à base de farine.

farine [farin] n. f. (lat. farina, farine de


blé, toute espèce de farine, de poudre, dér.
de far, farris, blé, froment, épeautre, gruau ;
v. 1170, Livre des Rois, au sens 1 [folle farine,
1611, Cotgrave] ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1865, Littré ; sens 4, 1675, Boileau
[rouler quelqu’un dans la farine, début du
XXe s.] ; sens 5, milieu du XVIe s., Ronsard).
1. Matière pulvérulente que l’on obtient en
écrasant les graines des céréales : Monsieur,
donnez-moi donc alors de la farine et du
beurre, je ferai une galette aux enfants
(Balzac). Il avait de la farine de seigle, il
en fit de la colle (Hugo). Il y avait dans ce
moulin-là encore plus de sacs d’écus que
de sacs de farine (Daudet). ‖ Fleur de
farine, farine de froment très pure et de
très belle qualité. ‖ Folle farine, farine si
ténue que le moindre souffle la disperse.
‖ 2. Par extens. Matière pulvérulente que
l’on obtient en triturant les graines des
légumineuses, certaines matières orga-
niques ou certains matériaux : Farine de
pois, de soja, de moutarde. Farine de pois-
son. Il prescrivit [...] l’absorption de poudre
de pirette tétravalente, mélange de farine
de riz et d’hormone de centaure (Aymé).
‖ Farine fossile, un des noms du carbonate
de calcium que l’on trouve dans certaines
carrières. ‖ 3. Fig. Produit pulvérulent de
couleur blanche qu’un clown se met sur
le visage : Et la farine rend plus effroyable
encore | Sa face exsangue au nez pointu de
moribond (Verlaine). ‖ 4. Class. Farine et
plâtre, ornements destinés à masquer un
défaut : Ses bons mots ont besoin de farine
et de plâtre (Boileau). ‖ Auj. et fam. Rouler
quelqu’un dans la farine, l’embobiner par
de belles paroles, le tromper. ‖ 5. Fig. et
fam. De même farine, se dit de personnes
ou de choses de même nature, qui ont les
mêmes défauts : Jamais il n’a voulu com-
prendre ni écouter les raisons et les expé-
riences des prétendues découvertes de notre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1844

siècle touchant la circulation du sang et


autres opinions de même farine (Molière).
Ce sont deux coquins de même farine.

fariner [farine] v. tr. (de farine ; v. 1460,


G. Chastellain). Saupoudrer de farine :
Fariner un poisson.

& v. intr. (1849, Bescherelle). Produire une


poussière semblable à de la farine : Les
vieilles dames dont la peau farine (Bataille).

farinet [farinɛ] n. m. (de farine ; 1701,


Furetière). Dé à jouer marqué sur une face
et blanc sur toutes les autres.

farineux, euse [farinø, -øz] adj. (de


farine, d’après le bas lat. farinosus, farineux,
dér. de farina [v. FARINE] ; début du XVIe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1764, Voltaire ; sens 3 et
5, 1872, Larousse ; sens 4, 1690, Furetière ;
sens 6, 1865, Littré). 1. Qui contient de la
farine ou de la fécule : Un aliment farineux.
‖ 2. Qui tient de la farine : L’arôme fari-
neux d’un champignon écrasé en passant
(Genevoix). ‖ 3. Qui a une consistance
ou un goût qui rappellent la farine : Une
pomme farineuse. ‖ 4. Qui est ou semble
couvert de farine ou d’une substance res-
semblant à de la farine : Peau farineuse.
Sous son teint farineux, les passions vio-
lentes n’auraient jamais trouvé refuge
(Queffélec). ‖ 5. Qui produit une pous-
sière semblable à de la farine : Le sol y était
crayeux, sec, farineux (Herriot). L’homme
[...] dont le visage blanchâtre paraissait
enduit d’un maquillage étrange, à moins
que ce ne fût d’un mal farineux (Colette).
‖ 6. Coloris farineux, gris et terne, en par-
lant de la couleur d’une peinture.

• SYN. : 1 féculent ; 5 pulvérulent.

& farineux n. m. (1756, Encyclopédie).


Légume qui peut se réduire en farine : Les
haricots secs sont des farineux.

• SYN. : féculent.

farinier, ère [farinje, -ɛr] n. (de farine ;


XIIIe s., Godefroy). Vx. Personne qui faisait
le commerce des farines : Des fariniers, rou-
liers, hommes de peine pour le joli moulin
de Pasquetto (Eschollier).

& farinière n. f. (XVe s., Du Cange). Meuble


ou boîte dans lesquels on conserve la
farine : De chaque côté de la cheminée, la
salière et la farinière complétaient l’orne-
ment de la vaste pièce (Daudet).

farlouse [farluz] n. f. (origine inconnue ;


1555, Belon). Oiseau passereau commun
dans les prés, à plumage jaunâtre, rayé de
brun.

farniente [farnjɛnt] n. m. (mot ital. signif.


proprem. « ne rien faire », de fare et niente,
qui répondent respectivement aux termes
franç. faire et néant [v. ces mots] ; 1676,
Mme de Sévigné). État de douce oisiveté,
d’inaction paresseuse : Avec quelle facilité
les écrivains ne glissent-ils pas dans le far-
niente, dans la bonne chère et les délices de
la vie luxueuse des actrices et des femmes

faciles (Balzac). Oui, je suis le Chaperon


rouge, la reine du farniente, la déesse fantai-
siste des lazzarones et des poètes (Daudet).
• REM. On a longtemps écrit FAR NIENTE,
en deux mots.

faro [faro] n. m. (mot bruxellois et wallon,


néerl. faro, sorte de bière ; 1839, Boiste).
Bière fabriquée dans la région de Bruxelles :
L’ivresse du buveur de faro ne se manifeste
au premier degré que par une expansion
de bruit qui n’est qu’étourdissante, à son
degré extrême que par un morne abrutisse-
ment (Nerval). Il y but du faro, du lambick,
de la bière blanche de Louvain (Gautier).
« Buvez-vous du faro ? » dis-je à Monsieur
Hetzel. Je vis un peu d’horreur sur sa mine
barbue. « Non, jamais ! Le faro (je dis cela
sans fiel) c’est de la bière deux fois bue »
(Baudelaire).

farouch ou farouche [faruʃ] n. m. (mot


provenç., du lat. farrago [v. FARRAGO] ; 1795,
Encycl. méthodique). Nom méridional du
trèfle incarnat.

farouche [faruʃ] adj. (altér., par métathèse


des deux premières voyelles, de l’anc. franç.
forasche, qui se montre irritable envers ceux
qui l’approchent [XIIIe s.], bas lat. forasticus,
du dehors, extérieur, étranger [d’où, pro-
bablem., « sauvage, farouche », par oppo-
sition à domesticus, v. DOMESTIQUE], dér.
de foras, dehors [avec mouvement] ; XIIIe s.,
Roman de Renart, au sens 2 ; sens 1 et 3, v.
1398, le Ménagier de Paris ; sens 4-5, XVe s.,
Basselin ; sens 6, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens 7, 1664, Racine). 1. Se dit d’un ani-
mal qui fuit l’homme, qui ne se laisse pas
apprivoiser : Une bête farouche. ‖ Cheval
farouche, en termes de manège, cheval qui
craint la présence de l’homme. ‖ 2. Class.
et littér. Se dit d’un homme qui évite tout
contact avec ses semblables, qui se tient
à l’écart : La plupart des philosophes sont
des gens farouches qui fuient la compagnie,
qui veulent vivre en particulier (Furetière).
J’ai parlé, moi le moine, humble, inconnu,
farouche (Leconte de Lisle). Elizabeth,
d’abord farouche, agressive, s’était, en fin
de compte, laissé vaincre par la grosse figure
ronde de Mariette (Cocteau). ‖ Auj. et fam.
Femme peu farouche, femme facile, qui se
laisse aisément courtiser. ‖ 3. Littér. Se
dit d’un homme que la sauvagerie natu-
relle rend brutal, violent, cruel : Une foule
farouche | Qui tenait une proie en ses
poings triomphants (Hugo). Bravant la
colère du farouche monarque, [le pontife]
offre à Dieu cette bienheureuse victime
(France). ‖ 4. Se dit des dispositions, de
l’air, des manières d’une personne qui fuit
la société de ses semblables : Sa figure, à la
fois noble et farouche, me rappelait le Satan
de Milton (Mérimée). Je me soutenais par
orgueil, mais regrettais alors Hilaire qui
me départissait [sic] l’an d’avant de ce que
mon humeur avait sinon de trop farouche
(Gide). ‖ 5. Littér. Qui exprime l’hostilité,

qui a quelque chose de menaçant : Jamais


je n’oublierai son regard farouche et le mou-
vement qu’il fit pour saisir son espingole
(Mérimée). Leurs cris farouches couvraient
la voix du chanteur (France). ‖ 6. Littér.
Qui a un aspect hostile, rébarbatif, en par-
lant des objets, des lieux : La côte qui met à
nu ce terrain pierreux est austère, farouche,
hérissée (Daudet). Les deux rangées de mai-
sons [...] étaient devenues deux murailles,
murailles farouches (Hugo). ‖ 7. Qui se
manifeste avec beaucoup de vigueur :
Comme il arrive toujours après ces crises
épuisantes, Mme Ebsen mange d’un farouche
appétit (Daudet). Une haine farouche. Une
résistance farouche.

• SYN. : 1 sauvage ; ombrageux ; 4 âpre, dur,


effarouchant, fier, rude ; 7 acharné, féroce,
furieux, tenace, terrible, vigoureux, violent.

— CONTR. : 1 apprivoisé, domestiqué, fami-


lier ; 4 accueillant, amène, cordial, doux,
gentil ; 7 faible, léger, mou, petit.

& n. m. (1657, Pascal). Class. Personne qui


a une rudesse sauvage : Ces moeurs austères
[...] sont proprement le caractère d’un sau-
vage et d’un farouche (Pascal).

farouchement [faruʃmɑ̃] adv. (de


farouche ; XVe s. [rare av. le XXe s.]). D’une
manière farouche : Jenny était farouche-
ment décidée à s’enfuir ; et un instinct l’aver-
tissait que, pour accomplir sans défaillance
ce geste dont tout l’avenir dépendait, il ne
fallait, à aucun prix, revoir sa mère (Martin
du Gard). Lèvres serrées, la jeune fille,
farouchement, secoua la tête (Duhamel).

farrago [farago] n. m. (mot lat. signif.


« mélange de divers grains qu’on laisse
croître en herbe pour donner aux bestiaux,
fatras, pot-pourri, bagatelle », de far, far-
ris, blé, froment, épeautre, gruau [farrage,
« fourrage vert », 1600, O. de Serres, était
un empr. de l’anc. provenç. ferrata, terrain
planté en fourrage — provenç. moderne
farrajo, fourrage en vert —, lui-même issu
du lat. farrago] ; fin du XVIIIe s., au sens
2 ; sens 1, 1832, Raymond). 1. Vx. Mélange
de diverses espèces de grains. ‖ 2. Vx et
fig. Mélange confus d’idées ou de choses
hétéroclites : Il n’est si mince barbouilleur
de papier qui, à l’apparition de son far-
rago, ne reçoive des lettres de félicitations
(Chateaubriand). Au milieu du farrago
scolastique, de la fadeur ou de la subtilité
alambiquée, qui corrompait la théologie
d’alors (Sainte-Beuve).
fart [fart] n. m. (mot scand. ; 1907,
Larousse). Corps gras dont on enduit la
surface inférieure des skis pour les rendre
plus glissants.

fartage [fartaʒ] n. m. (de farter ; XXe s.).

Action de farter.

farter [farte] v. tr. (de fart ; XXe s.). Enduire


de fart.

fasce [fas] n. f. (lat. fascia, bande, ban-


dage, bandelette, ruban, zone, diadème ; fin
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1845

du XIIe s., Roman d’Alexandre, au sens de


« bande » [forme plus pop. faisse, « bande,
lien », v. 1120, Psautier de Cambridge] ; sens
1, v. 1360, Froissart ; sens 2, 1690, Furetière).
1. En héraldique, pièce honorable consti-
tuée par une bande horizontale occupant
le milieu de l’écu : Nous portons d’or à trois
fasces bretéchées et contre-bretéchées de
gueules à cinq pièces chacune chargée d’un
trèfle d’or (Proust). ‖ 2. En architecture,
bande plate des architraves, des archivoltes,
des chambranles.

fascé, e [fase] adj. (de fasce ; 1677, Miege).


En héraldique, divisé en un nombre pair
de parties égales d’émaux alternés, dans
le sens de la fasce.

fasciation [fasjasjɔ̃] n. f. (dér. savant


du lat. fascia [v. FASCE] ; début du XIXe s.).
Phénomène, constituant une anomalie,
dans lequel certains organes de plantes
s’aplatissent au lieu de conserver leur forme
cylindrique.

fasciculaire [fasikylɛr] adj. (dér. savant


du lat. fasciculus [v. FASCICULE] ; sens 1
et 2, 1865, Littré). 1. Syn. de FASCICULÉ.
‖ 2. Relatif aux faisceaux musculaires :
On nous faisait faire [en gymnastique] du
développement fasciculaire (Fargue).

fasciculation [fasikylasjɔ̃] n. f. (dér.


savant du lat. fasciculus [v. FASCICULE] ;
1865, Littré). Disposition en faisceaux : La
fasciculation des muscles du larynx.

fascicule [fasikyl] n. m. (lat. fasciculus,


petit paquet, petite botte, dimin. de fascis,
faisceau, fagot, paquet [v. FAIX] ; XVe s.,
Godefroy, au sens de « petit faisceau, petit
paquet » ; sens 1, 1690, Furetière ; sens 2-3,
fin du XVIIIe s. ; sens 4, 1930, Larousse).
1. Vx. Quantité d’herbes ou de plantes
qu’on peut porter sous le bras. ‖ 2. Cahier
ou groupe de cahiers d’un volume publié
par fragments successifs : Deux fascicules
de mille lignes à livrer chaque semaine
(Dorgelès). ‖ 3. Petit livre simplement
broché, constituant une partie séparée d’un
ouvrage ou faisant partie d’un ensemble
de publications : Certains ouvrages sco-
laires sont publiés sous forme de fascicules
pour plus de commodité. Il reprit le fasci-
cule resté ouvert sur ses genoux (Mauriac).
‖ 4. Fascicule de mobilisation, feuille qu’on
insère dans le livret individuel d’un soldat,
à la fin de son service militaire actif, et qui
renferme les instructions et ordres de route
nécessaires en cas de mobilisation.

• SYN. : 3 brochure, livraison.

fasciculé, e [fasikyle] adj. (dér. savant du


lat. fasciculus [v. FASCICULE] ; 1786, Encycl.
méthodique). Qui forme un faisceau ou
une houppe, en parlant de poils, d’épines,
d’écailles : Racine fasciculée.

fascie [fasi] n. f. (lat. fascia [v. FASCE] ;


1314, Mondeville, écrit fassie, au sens de
« bande, bandage » ; XVIIe s., écrit fascie,
au sens de « partie plate de l’architrave » ;

sens 1, milieu du XVIIIe s. ; sens 2, 1865,


Littré). 1. Bande colorée ornant certains
coquillages. ‖ 2. Tige ou rameau affectés
de fasciation.

fascié, e [fasje] adj. (de fascie, ou dér.


savant du lat. fascia [v. FASCE] ; 1737,
Gersaint, au sens de « [drap] orné de bandes
de couleur » ; sens 1-2, 1865, Littré). 1. En
histoire naturelle, orné de bandes droites
ou ondulées : Élytres fasciés. ‖ 2. En bota-
nique, affecté de fasciation.

fascinage [fasinaʒ] n. m. (de fasciner


1 ; 1693, Vauban, aux sens 1 et 3 ; sens 2,
1865, Littré). 1. Action de faire des fascines.
‖ 2. Spécialem. Opération qui consiste à
empiler des fascines le long des rives d’un
cours d’eau, de façon à former un revê-
tement qui empêche l’érosion des rives.
‖ 3. L’ensemble des fascines disposées de
façon à former un ouvrage : Un revêtement
en fascinage.

fascinant, e [fasinɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


fascinant, e [fasinɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.
de fasciner 2 ; fin du XIXe s., Huysmans).
Qui exerce un attrait presque magique : La
figure pâle jaillit et vous regarde d’un oeil si
fascinant, si bizarre, qu’on s’arrête subjugué
(Huysmans). Une beauté fascinante et usée
(Proust).

• SYN. : captivant, enchanteur, ensorcelant,


envoûtant, troublant.

fascinateur, trice [fasinatoer, -tris]


adj. (bas lat. fascinator, celui qui fascine,
enchanteur [de fascinatum, supin de fas-
cinare, v. FASCINER 2], ou dér. savant de
fasciner 2 ; 1835, Balzac, aux sens 1 et 3 ;
sens 2, 1845, Bescherelle). 1. Qui exerce un
attrait irrésistible (peu usité) : Je priais Dieu
de renouveler en ma faveur les miracles fas-
cinateurs que je lisais dans le Martyrologe
(Balzac). ‖ 2. Qui immobilise par la puis-
sance du regard : Je gardais l’aspect figé
d’un animal autour duquel un cercle pro-
gressivement resserré est lentement décrit
par l’oiseau fascinateur, qui ne se presse pas
parce qu’il est sûr d’atteindre, quand il le
voudra, la victime qui ne lui échappera plus
(Proust). ‖ 3. Qui cherche à subjuguer, à
séduire : Elle me fixa avec ses yeux fasci-
nateurs (Barbey d’Aurevilly).

• SYN. : 1 ensorcelant, envoûtant, fascinant,


hallucinant, magique ; 2 hypnotiseur ; 3
charmeur, enchanteur.

& n. (milieu du XVIe s., Ronsard [rare


jusqu’au XIXe s.]). Personne qui possède le
pouvoir de séduire, de subjuguer comme
par un charme : Je regardais bien plus ma
fascinatrice que mon adversaire (Barbey
d’Aurevilly).

fascination [fasinasjɔ̃] n. f. (lat. fascina-


tio, fascination, enchantement, charme, de
fascinatum, supin de fascinare [v. FASCINER
2] ; XIVe s., aux sens 1-2). 1. Action magique
qu’un être ou qu’une chose exerce sur une
personne en l’immobilisant, en fixant son
regard, en aliénant sa pensée : La fasci-

nation qu’exerce le serpent sur l’oiseau. Le


chariot et son chargement les retenaient sur
place par une sorte de fascination (Gautier).
‖ 2. Fig. Force qui attire de façon irrésis-
tible : Cela tenait d’une façon générale à
la fascination que les gens du monde exer-
cent à partir d’un certain moment sur les
bohèmes les plus endurcis, parallèle à celle
que ces bohèmes exercent eux-mêmes sur les
gens du monde (Proust). Malgré sa terreur,
il se sentait soulevé de tendresse, d’admira-
tion ; il subissait l’extraordinaire fascina-
tion de Jacques (Martin du Gard). C’était la
première fois qu’il rencontrait la fascination
de la mort, dans cet ami à peine visible qui
parlait d’une voix de distrait (Malraux).
• SYN. : 1 charme, hypnotisme ; 2 attirance,
attraction, attrait, enchantement, ensorcel-
lement, envoûtement, séduction.

fascine [fasin] n. f. (réfection, d’après l’ital.


fascina, fascine [lat. fascina, fagot de sar-
ments, de fascis, faisceau, fagot, paquet], de
l’anc. franç. faissine, faix, fardeau, fagot [fin
du XIIe s., Reclus de Moi-liens], lui-même
issu du lat. fascina ; XVIe s.). Assemblage
de branchages fortement serrés, destiné
à combler les fossés, à empêcher l’ébou-
lement des terres, et à confectionner des
ouvrages de défense militaire : J’aperçus
[...] au bord d’un sentier un abri, constitué
par un toit de fascines posant sur quatre
piquets (Aymé).

• SYN. : fagot.

1. fasciner [fasine] v. tr. (de fascine [v.


ce mot] ; XVe s., Godefroy, écrit fessiner ;
fasciner, XVIIe s.). Garnir de fascines.

2. fasciner [fasine] v. tr. (lat. fascinare,


faire des enchantements, fasciner, de fasci-
num, charme, maléfice [fasciner a éliminé
la forme plus pop., de même origine, fesnier,
fasciner, fin du XIIe s., J. Bodel] ; XIVe s.,
Gordon, écrit fasiner [fasciner, v. 1560,
Paré], au sens 1 ; sens 2, milieu du XVIe s.,
Ronsard ; sens 3, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné). 1. Attirer et dominer par la puissance
du regard : Pendant ce temps, je suis resté
seul au milieu de ma malheureuse otto-
mane, fasciné et tremblant sous les regards
d’une dame noire, aux yeux de serpent à
demi endormi ; elle semblait m’entraîner :
je crois qu’il y a des femmes aimantées qui
vous attirent (Chateaubriand). Il eût cru
voir ramper | Un serpent fasciné par l’oeil
d’une colombe (Hugo). ‖ 2. Fig. Exercer une
sorte de pouvoir magnétique qui séduit :
Une partie du magique ascendant par lequel
il avait fasciné le monde (Vigny). Car j’ai
pour fasciner ces dociles amants | De purs
miroirs qui font toutes choses plus belles
(Baudelaire). ‖ 3. Exercer une attraction
puissante qui captive l’attention, enchaîne
l’esprit et à laquelle on succombe : La phi-
losophie allemande [...] me fascinait étran-
gement (Renan). Le vide fascine ceux qui
n’osent pas le regarder en face, ils s’y jettent
par crainte d’y tomber (Bernanos). Bien
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1846

qu’il frissonnât, son esprit fasciné par la


fuite n’était pas sans lucidité (Malraux).

• SYN. : 1 hypnotiser, magnétiser ; 2 char-


mer, ensorceler, envoûter ; 3 attirer, captiver,
éblouir, enchanter, séduire, troubler.

fascio [fasjɔ ou faʃjɔ] n. m. (mot ital. dési-


gnant le faisceau des licteurs romains [qui
avait été choisi comme emblème de partis
politiques], du lat. fascis, faisceau, fagot,
paquet [v. FAIX] ; début du XXe s.). En Italie,
ligue d’action politique ou d’action sociale.
• Pl. des FASCI.

fascisant, e [faʃizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de fasciste,


d’après communisant ; v. 1950). Qui tend
au fascisme : L’orientation fascisante d’un
régime politique.

fascisation [faʃizasjɔ̃] n. f. (de fasciser ;


v. 1965). Action de fasciser : Une entreprise
de fascisation.

fasciser [faʃize] v. tr. (de fascis[te] ;


v. 1955). Donner le caractère fasciste à :
Fasciser les moeurs politiques.

& se fasciser v. pr. (v. 1965). Prendre le


caractère fasciste : Y a-t-il danger que
l’armée se fascise ?

fascisme [faʃism] n. m. (ital. fascismo,


de fascio [v. ce mot] ; 1923, Larousse, au
sens 1 ; sens 2, v. 1935). 1. Régime politique
établi en Italie de 1922 à 1945, fondé sur
la dictature d’un parti unique, l’exaltation
nationaliste, le corporatisme. ‖ 2. Par
extens. Toute doctrine politique qui vise
à substituer la dictature à la démocratie
libérale.

fasciste [faʃist] adj. (ital. fascista, de


fascismo [v. FASCISME] ; 1923, Larousse,
comme adj. et n.). Qui appartient au fas-
cisme : Ils avaient traversé de haut en bas
l’Italie fasciste (L. Daudet).

& adj. et n. Partisan du fascisme ou d’une


doctrine analogue : Lui se proclamait fas-
ciste et hitlérien (Dorgelès). Les commu-
nistes disent toujours de leurs ennemis qu’ils
sont des fascistes (Malraux).
faséier, faseiller ou faseyer [fazeje]
v. intr. (moyen néerl. faselen, agiter violem-
ment ; 1687, Desroches, écrit fasier ; faseyer,
1771, Trévoux ; faséier, 1835, Balzac ; faseil-
ler, XXe s.). Dans la marine ancienne, flotter
comme un pavillon, en parlant d’une voile
qui ne reçoit plus bien le vent : Les voiles,
frappées de côté par le vent, faséièrent alors
si brusquement qu’il [le brick] vint à mas-
quer en grand (Balzac).

faséole [fazeɔl] n. f. (lat. faseolus, faséole,


haricot, gr. phasêolos, var. de phasêlos, hari-
cot à cosse allongée ; av. 1525, J. Lemaire de
Belges [var. fa-sole, 1256, Ald. de Sienne]).
Espèce de haricot : Nous avancions avec
peine parmi des indigos, des faséoles
(Chateaubriand).

fashion [faʃən] n. f. (mot angl. signif.


« façon, forme, coupe [des vêtements],

mode », empr. du franç. façon ; 1830,


Balzac, au sens 1 ; sens 2, 1838, Acad.).
1. Vx. Façon de s’habiller, ton et manières
du monde élégant : D’élégance, de grâce et
de fashion, il n’en faut pas parler ; ce sont
lettres closes dans cette partie du monde
non encore civilisée qu’on appelle rue Saint-
Denis (Gautier). ‖ 2. Par extens. et vx. Le
monde élégant : C’est le boulevard de Gand
du lieu, le rendez-vous de la fashion de
Madrid (Gautier). Chez Mme la marquise
de Las Florentinas y Cabirolos, où nous
jouerons et où vous trouverez l’élite des
femmes de la fashion (Balzac).

fashionable [faʃənɛbl] adj. et n. (mot


angl. signif. « à la mode, élégant », dér. de
fashion [v. l’art. précéd.] ; début du XIXe s.,
comme adj., appliqué aux Anglais ; comme
adj. et n., appliqué aux Français, 1810,
Mercure de France). Vx. Qui se rapporte
au beau monde, qui en fait partie : En 1822,
le fashionable devait offrir au premier coup
d’oeil un homme malheureux et malade
(Chateaubriand). Pour être fashionable, il
faut jouir du repos sans avoir passé par le
travail [...], être fils de millionnaire, prince
sinécuriste ou cumulard (Balzac). Des ran-
gées de tables des deux côtés de la route sont
garnies des fashionables et des élégantes de
Péra (Nerval). Omphrius était recherché
dans sa mise, non que ce fût un fashionable,
mais il cherchait à donner à nos pitoyables
vêtements un galbe pittoresque, une tour-
nure moins prosaïque (Gautier).

• SYN. : dandy, élégant, gandin.


1. faste [fast] adj. (lat. fastus, [jour] faste,
de fas, expression de la volonté divine, ce
qui est légitime, licite ; v. 1355, Bersuire,
écrit fauste [par confusion avec le lat. faus-
tus, heureux, favorable, prospère, dér. de
favere, être favorable] ; faste, 1842, Acad.,
au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Dans
l’Antiquité romaine, jour faste, jour où il
était permis d’accomplir certains actes
publics et privés. ‖ 2. Auj. Se dit d’un jour,
d’une période favorable : Une année faste
pour les affaires.

• SYN. : 2 bon, favorable, heureux, pro-


pice. — CONTR. : 2 fatal, funeste, mauvais,
néfaste.

2. faste [fast] n. m. (lat. fastus, orgueil,


fierté, morgue ; milieu du XVIe s., au sens
1 ; sens 2, 1651, Scarron ; sens 3, 1674,
Boileau). 1. Déploiement de tous les
signes extérieurs du luxe, de la richesse :
Le faste de la cour de Louis XIV. Monsieur
de Chessel jouissait de sa fortune avec un
faste dont s’offensaient quelques-uns de
ses voisins (Balzac). ‖ 2. Class. Étalage
de prétendues qualités qu’on fait valoir :
On ne voit point en eux ce faste insup-
portable, | Et leur dévotion est humaine
et traitable (Molière). ‖ 3. Riche éclat :
Le romantique, par le faste qu’il apporte
dans l’expression, tend toujours à paraître
plus ému qu’il ne l’est en réalité (Gide).

• SYN. : 1 apparat, éclat, luxe, opulence,


pompe, somptuosité, tralala (fam.) ; 3 clin-
quant, magnificence, splendeur.

fastes [fast] n. m. pl. (lat. fasti [dies],


[jours] fastes [où on pouvait rendre la jus-
tice], calendrier où étaient marqués les jours
de fêtes et les jours d’audience, annales,
fastes consulaires ; 1488, Mer des histoires,
comme traduction de l’ouvrage d’Ovide
intitulé Fasti ; sens 1, 1570, Hervet ; sens 2,
début du XVIIe s., Malherbe). 1. Dans l’Anti-
quité romaine, listes annuelles où étaient
indiqués, par ordre chronologique, les
noms des magistrats éponymes, en parti-
culier des consuls (fastes consulaires), ainsi
que leurs actes principaux. ‖ Tables du
calendrier où étaient inscrits les jours fastes
et les jours néfastes (fastes pontificaux).
‖ 2. Dénombrement des hauts faits d’une
collectivité : Victoire unique dans les fastes
militaires ; reprise singulière pour laquelle il
n’eût pas suffi des talents d’un grand capi-
taine : il y fallait une âme d’homme juste
et grande (Valéry). ‖ Littér. Inscrire son
nom dans les fastes d’un pays, d’un peuple,
se rendre illustre : Il [Bonaparte] inscrit
précipitamment son nom dans les fastes de
tous les peuples ; il jette des couronnes à sa
famille et à ses soldats ; il se dépêche dans ses
monuments, dans ses lois, dans ses victoires
(Chateaubriand).

• SYN. : 2 annales.

fastidieusement [fastidjøzmɑ̃] adv. (de


fastidieux ; 1762, Acad.). D’une manière
fastidieuse.

fastidieux, euse [fastidjø, -øz] adj.


(lat. fastidiosus, dégoûté, dédaigneux, qui
produit le dégoût, fatigant, de fastidium,
dégoût, répugnance, dér. de fastus, orgueil,
morgue ; v. 1380, Conty). Qui ennuie et
lasse par la durée ou la répétition : Quoi
de plus rebutant, de plus fastidieux dans
Rousseau que les théories sur le retour à la
Nature ? (Gide).

• SYN. : assommant, barbant (fam.), embê-


tant (fam.), insipide, lassant, rebutant. —
CONTR. : amusant, distrayant, divertissant,
intéressant.

fastigié, e [fastiʒje] adj. (lat. fastigiatus,


var. de fastigatus, élevé en pointe, en forme
de faîte, part. passé adjectivé de fastigare,
élever en pointe [surtout employé au pas-
sif] ; 1796, Encycl. méthodique). Se dit des
arbres dont les branches, les rameaux
s’élèvent verticalement et se serrent le long
du tronc : Le peuplier pyramidal est fastigié.

fastique [fastik] adj. (de fastes ; av. 1841,


Chateaubriand). Littér. Qui figure dans les
fastes, qui se distingue par ses hauts faits :
Réussir sur le même sol [celui d’Espagne]
où, naguère, les armes de l’homme fas-
tique [Napoléon] avaient eu des revers
(Chateaubriand).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1847

fastueusement [fastyøzmɑ̃] adv. (de


fastueux ; 1558, S. Fontaine). D’une manière
fastueuse : Vivre fastueusement.

fastueux, euse [fastyø, -øz] adj. (bas


lat. fastuosus, var. du lat. class. fastosus,
superbe, dédaigneux, magnifique, dér. de
fastus, orgueil, morgue ; début du XVIe s.,
au sens 1 ; sens 2, av. 1704, Bossuet ; sens
3, 1674, Boileau ; sens 4, 1698, Boileau ;
sens 5, fin du XVIe s., Littré). 1. Qui aime
le faste : Sardanapale est resté le modèle
des rois fastueux. J’aime mieux rester un
poète pauvre que devenir un journaliste
fastueux (Duhamel). ‖ 2. Où s’étale un
grand luxe : Il paraît [...] qu’il mène une
vie fastueuse, quelque part, au bord de la
Méditerranée (Bernanos). ‖ Qui témoigne
d’une largesse sans retenue : Elle se rappela
les deux oboles de la veuve, plus agréables à
Dieu que les fastueuses aumônes des riches
(Mérimée). ‖ 3. Qui déploie une beauté
somptueuse, évoque une idée de luxe :
Longue, mince, en grand deuil, douleur
majestueuse | Une femme passa, d’une
main fastueuse | Soulevant, balançant le
feston et l’ourlet (Baudelaire). Les arbres
[...] s’empourprent de feuillage fastueux
(H. de Régnier). ‖ 4. Class. Se dit d’une
personne qui fait étalage de ses qualités et
en tire vanité : Tous les jours on y voit, orné
d’un faux visage [...] | L’ignorant s’ériger
en savant fastueux (Boileau). ‖ 5. Class.
Se dit de ce qui s’étale avec ostentation :
Les commentateurs et les scoliastes [...], si
chargés d’une vaine et fastueuse érudition
(La Bruyère).

• SYN. : 2 luxueux, opulent ; 3 éclatant,


riche, somptueux.

fat, fate [fat] n. et adj. (anc. provenç. fat,


sot, niais [« fou » en provenç. moderne], lat.
fatuus, fade, insipide, insensé, extravagant ;
1534, Rabelais, au sens 1 ; sens 2, début du
XVIIe s. ; sens 3, 1661, Molière). 1. Class. Qui
est dénué d’esprit, de jugement : Mais, suis-
je pas bien fat de vouloir raisonner | Où
de droit absolu j’ai pouvoir d’ordonner ?
(Molière). ‖ 2. Class. et littér. Qui fait l’im-
portant, qui est satisfait de soi : Voyant un
fat s’applaudir d’un ouvrage | Où la droite
raison trébuche à chaque page (Boileau). Je
n’aurais jamais cru que l’homme triomphât
| À ce point de son vide, et, si nul, fût si
fat ! (Hugo). J’ai le malheur d’être un peu
fat de cette lettre ; et surtout d’avoir osé
l’écrire. Une démangeaison me vient de la
montrer (Gide). ‖ 3. Class. S’employait sou-
vent comme terme de mépris assez vague :
Il faut que de ce fat j’arrête les complots
(Molière).

& adj. Se dit de ce qui dénote de la suf-


fisance, de la vanité : Il regarda d’un air
passablement fat Mme Bargeton (Balzac). Un
air de supériorité un peu fat (Gide).

• REM.Le féminin fate est assez rare et


ne s’emploie que comme adj.Il se tenait
les pouces au revers de son veston, dans

une attitude à la fois très fate et très gênée


(Alain-Fournier).

fatal, e, als [fatal] adj. (lat. fatalis, du


destin, du sort, fixé par le destin, funeste,
pernicieux, mortel, dér. de fatum, destin [v.
FATUM] ; v. 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens
2 et 4, av. 1615, Pasquier ; sens 3, av. 1880,
Flaubert ; sens 5, 1640, Corneille ; sens 6,
1857, Baudelaire). 1. Vx. Relatif au destin.
‖ Les livres fatals, les livres sibyllins où
l’avenir est prédit. ‖ Déesses fatales, les
Parques, qui dispensent à chaque homme
la vie qui lui a été accordée par le destin.
‖ 2. Class. et littér. Qui est imposé par
les arrêts du destin, en bonne et en mau-
vaise part : D’Ivry la fatale journée | Où ta
belle vertu [= valeur] parut si clairement
(Malherbe). Rome poursuit en vous un
ennemi fatal (Racine). Cette route, qui
nous paraît fatale, est à chacune [des
étoiles] la route préférée (Gide). ‖ Class.
Fatal à, réservé par le destin : C’était une
chose fatale à la race de Brutus de délivrer
la République (Vaugelas). ‖ 3. Qui doit
nécessairement arriver, en parlant d’un
événement généralement fâcheux : Nous ne
parlâmes que de la guerre, qu’il prévoyait
fatale (Gide). ‖ Fam. Qui était prévu et
auquel on n’échappe pas : Notre repas [...],
outre l’inévitable omelette et le veau fatal,
se compose en grande partie des fraises de
la petite fille (Flaubert). ‖ 4. Class. et littér.
Se dit du moment fixé à l’avance où doit
se produire un événement inéluctable,
heureux ou malheureux : Prince, l’heure
fatale est enfin arrivée | Qu’à votre liberté
le ciel a réservée (Racine). D’ici le soir fatal
[...], pas une allusion qui me fasse rien
pressentir (Gide). ‖ Moment, jour, terme
fatal, heure fatale, moment de la mort.
‖ Terme fatal, en droit, terme après lequel
tout délai expire. ‖ 5. Qui entraîne inévi-
tablement le malheur, la ruine : Antoine
et Octavie célébrèrent à Corcyre ces noces
fatales qui coûtèrent tant de larmes au
monde (Chateaubriand). Pourquoi une
fatale curiosité m’a-t-elle poussé à écouter
le dialogue de dame Pluche et de sa nièce
(Musset). ‖ Fatal à, qui cause la perte
de quelqu’un : L’exemple de Napoléon, si
fatal au dix-neuvième siècle par les préten-
tions qu’il inspire à tant de gens médiocres
(Balzac). Reconnais-tu le Temple [...], |
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents
(Nerval). ‖ Coup fatal, coup mortel.
‖ Femme fatale, femme qui attire irré-
sistiblement et qui semble envoyée par le
destin pour perdre ceux qui en sont épris :
Sous la femme fatale, qui sait si Antoine
n’aurait pas eu de plaisir à découvrir la
midinette ? (Martin du Gard). Une héroïne
étrangère, de l’espèce des femmes fatales
(Crémieux). Ses toquades avaient porté
sur les jeunes premiers et sur les femmes
fatales (Cocteau). ‖ 6. Se dit de l’air, d’un
regard d’une personne qui semble être la
proie d’un destin malheureux : Il était de
mode alors dans l’école romantique d’être

pâle, livide, verdâtre, un peu cadavéreux,


s’il était possible. Cela donnait l’air fatal,
byronien, giaour, dévoré par les passions
et les remords (Gautier). Il y avait là des
visages étranges d’hommes et de femmes
marqués d’une beauté fatale (Baudelaire).
Dès qu’il était ainsi surpris par l’événement,
son regard devenait fatal (Martin du Gard).
• SYN. : 3 fatidique, immanquable, inéluc-
table, inévitable, nécessaire, obligatoire ;
5 funeste, malheureux, maudit, néfaste,
nuisible, pernicieux.

fatalement [fatalmɑ̃] adv. (de fatal ;


1549, R. Estienne, au sens 1 ; sens 2, av.
1865, Proudhon). 1. Class. Par suite d’une
circonstance, heureuse ou malheureuse,
indépendante de la volonté : Premièrement,
il doit voir au temple, ou à la promenade
[...], la personne dont il devient amoureux ;
ou bien être conduit fatalement chez elle par
un parent ou un ami (Molière). ‖ 2. D’une
manière inéluctable : Le maître de confé-
rence s’enfonça le nez dans le livre, entre
les pages 212 et 213, qui, depuis six années,
chaque fois qu’il ouvrait l’inévitable
bouquin, lui apparaissaient fatalement
(France). Certaines existences sont si anor-
males qu’elles doivent engendrer fatalement
certaines tares, telle celle que le roi menait à
Versailles entre ses courtisans, aussi étrange
que celle d’un pharaon ou d’un doge, et, bien
plus que celle du roi, la vie des courtisans
(Proust).

• SYN. : 2 forcément, inéluctablement, iné-


vitablement, obligatoirement.

fatalisme [fatalism] n. m. (de fatal ; 1724,


Castel, au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.).
1. Doctrine qui considère que tous les
événements sont irrévocablement fixés à
l’avance par une cause unique et surnatu-
relle. ‖ 2. Par extens. Attitude qui consiste
à ne rien tenter pour changer le cours des
événements : Le fatalisme oriental.
• SYN. : passivité, résignation.

fataliste [fatalist] adj. et n. (de fatal ; fin


du XVIe s., puis 1738, Voltaire, au sens 1 ;
sens 2, début du XXe s.). 1. Qui est adepte
du fatalisme : Les talismans, les conjura-
tions, les anneaux constellés, les miroirs
magiques, tout cet enchevêtrement merveil-
leux des fatalistes arabes (Nerval). ‖ 2. Par
extens. Qui s’abandonne sans réaction
aux événements : Une attitude fataliste.
« Jacques le Fataliste et son maître », roman
de Diderot.

& adj. (avant 1850, Balzac, au sens 2 ; sens


1, 1865, Littré). 1. Qui est relatif au fata-
lisme : Doctrine fataliste. ‖ 2. Qui dénote
une croyance au fatalisme : Je réussirai le
mot du joueur [...], mot fataliste qui perd
plus d’hommes qu’il n’en sauve (Balzac).
• SYN. : 2 passif, résigné.

fatalité [fatalite] n. f. (bas lat. fatalitas,


nécessité du destin, fatalité, de fatalis [v.
FATAL] ; XVe s., Dict. général, au sens 3 ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1848

sens 1-2, av. 1559, J. Du Bellay). 1. Puissance


occulte qui, selon certaines doctrines,
fixe d’avance et d’une façon irrévocable
le cours des événements : Je crois volon-
tiers [...] à une loi suprême, absolue, à une
ordonnance de fatalité universelle (Sainte-
Beuve). ‖ 2. Caractère de ce qui est fatal,
de ce qui ne peut manquer d’arriver : La
fatalité de la mort. Il est vrai que la tyrannie
et la guerre ensemble nous guettent [...].
Telle est la fatalité la plus proche (Alain).
‖ 3. Suite de coïncidences qui amènent un
événement fâcheux et qui font penser à
l’intervention d’une finalité supérieure à
l’homme : Par quelle horrible fatalité les
frères sont-ils dispersés et les méchants
réunis ? (Voltaire). Une sorte de fatalité
charmante me conduisait aux lieux qu’il
avait traversés (Gide).

• SYN. : 3 destin, malédiction, sort.

fathma [fatma] n. f. (mot ar. ; 1899,


G. Esnault). Femme musulmane : Je n’ai
pas encore vu une fathma et un bicot en
costume (Mac Orlan). ‖ Main de fathma,
bijou en forme de main de femme, d’ori-
gine arabe, utilisé comme porte-bonheur.
• REM. On trouve aussi l’orthographe
FATMA.

fatidique [fatidik] adj. (lat. fatidicus, qui


prédit l’avenir, fatidique, de fatum, oracle,
destin [v. FATUM], et dicere, dire ; fin du
XVe s., O. de Saint-Gelais, au sens 1 ; sens
2, av. 1872, Th. Gautier ; sens 3, av. 1848,
Chateaubriand ; sens 4, 1857, Baudelaire).
1. Vx. Qui révèle les arrêts du destin : Le
vol fatidique des oiseaux. ‖ 2. Par extens.
Qui convient à celui qui révèle les arrêts du
destin : Elle s’assoit au trépied d’or | Et dans
sa pose fatidique | Attend le dieu qui tarde
encor (Gautier). Et sa voix dont l’accent fati-
dique m’étonne (Samain). ‖ 3. Littér. Parole
fatidique, parole prononcée au moment de
la mort : On ne dit pas quelle fut sa parole
fatidique : on aimerait à avoir un recueil des
derniers mots prononcés par les personnes
célèbres (Chateaubriand). ‖ 4. Qui est fixé
par le destin : Aujourd’hui, date fatidique,
| Vendredi, treize, nous avons [...] | Mené le
train d’un hérétique (Baudelaire). Il imagi-
nait alors que le jour fatidique du 15 octobre
arrivait sans qu’il eût pu mettre en ordre la
maison (Montherlant).

fatidiquement [fatidikmɑ̃] adv. (de fati-


dique ; 2 nov. 1874, Gazette des tribunaux).
D’une façon fatidique.

fatigabilité [fatigabilite] n. f. (dér. savant


de fatigable ; XXe s.). Aptitude variable à
ressentir la fatigue : La fatigabilité est
mesurable et renseigne sur l’état général
de l’individu.

fatigable [fatigabl] adj. (bas lat. fati-


gabilis, qui peut se fatiguer, de fatigare
[v. FATIGUER] ; av. 1525, J. Lemaire de
Belges). Sujet à la fatigue.

fatigant, e [fatigɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de fatiguer ; 1666, Molière, au sens 2 ; sens
1, 1668, Molière). 1. Qui fatigue le corps
ou l’esprit : L’exploitation d’une terre est
ici la plus fatigante des industries (Balzac).
Se livrer à des efforts de mémoire fatigants
et désagréables (Lichtenberger). ‖ 2. Par
extens. et fam. Qui provoque l’ennui
jusqu’à la lassitude : Son bavardage futile
est fatigant.

• SYN. : 1 accablant, épuisant, éreintant


(fam.), esquintant (fam.), exténuant, haras-
sant, pénible, tuant (fam.) ; 2 assommant,
barbant (fam.), embêtant (fam.), fastidieux,
lassant, rasoir (pop.).
• REM. Ne pas confondre l’adjectif avec
le part. prés. de fatiguer, qui s’écrit
fatiguant.

fatigue [fatig] n. f. (déverbal de fatiguer ;


XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave ;
sens 3, 1666, Molière ; sens 4, XXe s.).
1. Sensation pénible qui accompagne une
diminution des forces de l’organisme, due
à un excès de travail, à un effort prolongé,
ou quelquefois à un mauvais état fonction-
nel : En dehors de ces fatigues soudaines qui
parfois m’accablent et durant lesquelles je
voudrais pouvoir crier « pouce » à la vie,
je ne sens guère mon âge (Gide). J’ai connu
le secret, il y a trois ans, de ces prétendues
fatigues. C’étaient [...] des vertiges résul-
tant d’une affection de mon oreille gauche
(Alain). Ma mère [...] ne doutait point
que, sans excès de fatigue, je pusse facile-
ment devenir un grand avocat (Mauriac).
‖ Tomber de fatigue, être mort de fatigue,
ne plus pouvoir se soutenir sur ses
jambes ; par exagér., ressentir une grande
fatigue. ‖ 2. Travail pénible qui entraîne
une diminution de force : On prétendait
l’accoutumer au spectacle des douleurs
humaines et le préparer aux fatigues des
missions (Chateaubriand). ‖ Homme de
fatigue, homme capable de supporter un
travail pénible. ‖ Cheval de fatigue, cheval
qu’on emploie aux travaux les plus rudes.
‖ Vêtement de fatigue, vêtement résistant
que l’on met pour travailler, pour voyager.
‖ 3. Class. Source d’ennuis : Ô la grande
fatigue que d’avoir une femme (Molière).
‖ 4. Fatigue d’un matériau, déformation
affectant un matériau qui a été soumis à
des efforts répétés ou alternés. ‖ Essai de
fatigue, essai ayant pour but de faire subir
à des produits métallurgiques un grand
nombre d’efforts relativement faibles, afin
d’étudier leurs réactions à ce mode de
sollicitation. ‖ Fatigue d’un navire, effort
anormal imposé à un navire ou à une de
ses parties, du fait du mauvais temps, d’une
mauvaise répartition du chargement, etc.
• SYN. : 1 abattement, accablement, anéan-
tissement, asthénie, épuisement, éreinte-
ment (fam.), exténuation, harassement,
lassitude, surmenage ; 2 épreuve, labeur,
peine, sueurs.

fatigué, e [fatige] adj. (part. passé de fati-


guer ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 ;
sens 2, 1839, Stendhal ; sens 3, 1865, Littré ;
sens 4, 1691, Racine). 1. Qui est affaibli par
une grande dépense de forces : Un chariot
pesamment chargé et traîné sur une grande
route sablonneuse par des boeufs déjà fati-
gués (Gautier). Je me croyais assez fatigué
pour pouvoir dormir dans un pareil gîte
(Mérimée). ‖ 2. Qui laisse voir la fatigue :
Un visage fatigué. ‖ 3. Fam. Se dit d’une
chose qui, par suite d’un trop long usage,
a perdu sa forme, sa couleur, sa fraîcheur :
Il [...] sortit un complet de souple cheviote
sombre, de coupe parfaite, point fatigué
(Gide). ‖ Voix fatiguée, voix qui a perdu
sa clarté, sa fraîcheur. ‖ 4. Fig. Qui ne peut
plus supporter moralement une chose :
[Naïs] était fatiguée jusqu’au dégoût de la
vie de province (Balzac). Fatigué de la vie,
et honteux de marcher parmi des êtres qui
ne lui ressemblent pas, le désespoir a gagné
son âme (Lautréamont). J’ai pu crier parfois
de douleur, mais je ne suis de rien fatigué
(Gide).

• SYN. : 1 anéanti, brisé, épuisé, éreinté


(fam.), esquinté (fam.), exténué, flapi (fam.),
fourbu, harassé, las, moulu, pompé (pop.),
rendu, rompu, surmené, vanné (pop.), vidé
(pop.) ; 3 avachi, déformé, défraîchi, fané,
usagé ; cassé, éraillé ; 4 blasé, dégoûté,
écoeuré, excédé, lassé, revenu, saturé.

fatiguer [fatige] v. tr. (lat. fatigare, épui-


ser, harasser, exténuer, inquiéter, obséder,
accabler ; XIVe s., aux sens 1-2 ; sens 3, 1678,
Racine ; sens 4, av. 1660, Scarron ; sens 5,
1669, Molière ; sens 6, 1756, Encyclopédie ;
sens 7, 1773, Voltaire [fatiguer la salade,
1845, Bescherelle]). 1. Diminuer les forces
de l’organisme en le soumettant à un effort
pénible ou prolongé, ou en troublant son
fonctionnement : Cette longue promenade
m’a fatigué. L’abus de la bonne chère fatigue
l’estomac. Plus d’un candidat travaille aux
lumières, fatigue ses yeux (Alain). La mai-
son fatiguée, âme après âme, va s’endormir
(Gide). ‖ Absol. Causer de la fatigue : Le
sport fatigue. ‖ 2. Imposer à un être un
effort pénible ou prolongé qui engendre la
lassitude : Fatiguer un cheval en le laissant
galoper. Elle savait valser celle-là ! Ils conti-
nuèrent longtemps et fatiguèrent tous les
autres (Flaubert). Eulalie savait [...] comme
personne distraire ma tante sans la fatiguer
(Proust). ‖ 3. Harceler, tenir constamment
en haleine : Il commanda au maréchal de
Créqui de les fatiguer [les Impériaux] le plus
qu’il pourrait (Racine). Oh ! que l’attente me
fatigue ! (Gide). ‖ 4. Fig. Ennuyer quelqu’un
par la monotonie ou le manque d’à-pro-
pos, ou en abusant de son attention : Nous
fatiguerions le lecteur si nous entreprenions
de nommer tous les sillons que la charrue
des Bénédictins a tracés dans les Gaules
sauvages (Chateaubriand). ‖ 5. Class.
Chercher à faire céder (avec un complé-
ment désignant une chose abstraite) : J’ai
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1849

beau me défendre des choses, vous fatiguez


ma résistance (Molière). ‖ 6. Diminuer la
résistance d’une chose en lui imposant un
effort trop grand : La mer fatigue le navire.
La quantité de travail que l’épave aurait
nécessairement à supporter la fatiguerait
certainement (Hugo). Un bibliophile sérieux
ne communique pas ses livres, lui-même ne
les lit pas de crainte de les fatiguer (Nerval).
‖ Fatiguer un champ, un arbre, épuiser un
champ en lui faisant produire trop sou-
vent la même récolte, un arbre en laissant
trop de ses fruits venir à maturité. ‖ 7. Vx.
Retourner la terre à plusieurs reprises : J’ai
dans mon voisinage des camarades qui fati-
guent un terrain ingrat avec quatre boeufs
(Voltaire). ‖ Fam. Fatiguer la salade, la
tourner et la retourner longuement après
l’avoir assaisonnée : Un interminable débat
anodin pour savoir qui se fatiguera à fati-
guer la salade (J. Renard).

• SYN. : 1 anéantir, épuiser, éreinter (fam.),


esquinter (fam.), exténuer, harasser, sur-
mener, vanner (pop.) ; 2 dégoûter, écoeu-
rer, lasser ; 3 assiéger, obséder, talonner ; 4
assommer, barber (fam.), bassiner (fam.),
embêter (fam.), empoisonner (fam.), enqui-
quiner (fam.), importuner, raser (pop.), tan-
ner (très fam.).

& v. intr. (sens 1, 1549, R. Estienne ; sens


2, 1792, Jal). 1. Vx. Éprouver une déper-
dition de forces au cours d’un effort et se
sentir las : Plus les troupes fatiguaient, plus
il semblait qu’elles redoublassent de vigueur
(Racine). Mon âme est toute déchirée et je
fatigue à la réparer (Barrès). ‖ 2. En par-
lant d’une machine, d’un matériau, avoir
à supporter un trop grand effort : Une voi-
ture qui fatigue dans les côtes. Cette poutre
fatigue.

• SYN. : 1 s’épuiser ; 2 peiner.

& se fatiguer v. pr. (sens 1, 1671, Boileau ;


sens 2, XXe s.). 1. Éprouver l’effet de la fatigue
au cours d’un effort : Miss Ashburton se
fatiguait à nous aider (Gide). ‖ 2. Fam.
et ironiq. Ne pas se fatiguer, ne rien faire.
‖ Fam. Ne te fatigue pas, ne te donne pas
la peine : Ne te fatigue pas, on connaît déjà
cette histoire.

fatras [fatra] n. m. (lat. pop. *farsuraceus,


fatras, du bas lat. farsura, var. du lat. class.
fartura, action de bourrer, de farcir, de
fartum, supin de farcire, remplir, garnir,
fourrer ; v. 1320, Watriquet de Couvin,
écrit fastras [fatras, XVIe s.], au sens de
« pièce de vers extravagante » ; sens 1,
XVe s., Littré ; sens 2, 1580, Montaigne ;
sens 3, XIVe s., Littré). 1. Class. Choses
de peu d’importance : Ses dîners et les
goûters avec ses amies, l’exorbitance de
ses parures, la somptuosité de ses habits,
et tout plein d’autres menus fatras qui en
dépendent [...] m’épuisèrent de sorte que
je commençai à m’affaisser (Chapelain).
‖ 2. Amas confus de choses : Un fatras de
livres. ‖ 3. Fig. et péjor. Ensemble confus et
ennuyeux d’écrits, d’idées ou de paroles : Il

est bon de lire Balzac avant vingt-cinq ans


[...]. À travers quel fatras on y va chercher
nourriture (Gide).

• SYN. : 2 amoncellement, empilement,


entassement, fouillis, méli-mélo (fam.),
monceau, tas ; 3 amas, chaos, ramassis.

fatrasie [fatrazi] n. f. (de fatras ; XIIIe s.,


Du Cange, écrit fastrasie ; fatrasie, XVIe s.).
Genre littéraire du Moyen Âge consistant
en une composition poétique burlesque,
quelquefois satirique, accumulant des non-
sens et des mots incohérents.

fatrassier, ère [fatrasje, -ɛr] adj. (de


fatras ; 1611, Cotgrave). Fam. Qui aime le
fatras (peu usité) : Oh ! les hommes ! [...]
animaux impurs et fatrassiers (Maurois).

fatuité [fatɥite] n. f. (lat. fatuitas, sottise,


de fatuus [v. FAT] ; v. 1355, Bersuire, au sens
de « sottise » ; sens 1, av. 1696, La Bruyère ;
sens 2, 1694, Acad.). 1. Confiance excessive
en soi, qui se manifeste d’une manière ridi-
cule ou déplaisante : Quand j’ai commencé
cette histoire de mes livres, où l’on a pu voir
de la fatuité d’auteur, mais qui me semblait
à moi la vraie façon originale et distinguée
d’écrire les Mémoires d’un homme de lettres
dans la marge de son oeuvre, j’y prenais, je
l’avoue, beaucoup de plaisir (Daudet). La
fatuité s’accompagne toujours d’un peu de
sottise (Gide). ‖ 2. Class. Propos ou acte
d’un fat : Il a dit une grande fatuité (Acad.,
1694).

• SYN. : 1 infatuation, outrecuidance, pré-


somption, prétention, suffisance, vanité.

— CONTR. : 1 humilité, modestie, simplicité.

fatum [fatɔm] n. m. (mot lat. signif. « pré-


diction, oracle, destin, fatalité », de fari,
parler, dire ; 1754, Encyclopédie [art. des-
tinée]). Puissance surnaturelle qui règle la
destinée : Le goût du Beau est pour lui un
fatum, parce qu’il a fait de son devoir une
idée fixe (Baudelaire).

• SYN. : destin, fatalité.

fau [fo] n. m. (mot de l’anc. provenç.


[1320, Pansier], du lat. fagus, hêtre ; 1690,
Furetière). Nom méridional du hêtre.

faubert [fobɛr] n. m. (emploi métapho-


rique de l’anc. franç. foubert, celui qui se
laisse facilement duper [XIIIe-XIVe s., du n.
propre germ. Fulbert, utilisé pour dési-
gner un benêt] : le maniement du faubert
est un travail très grossier et salissant, que
l’on confiait ordinairement à des matelots
un peu simplets ; 1643, G. Fournier, écrit
fauber ; faubert, 1701, Furetière). Dans la
marine, balai de fils de caret pour assécher
le pont des bateaux.

fauberter [fobɛrte] v. tr. (de faubert ;


1694, Th. Corneille). Nettoyer avec un
faubert.

faubourg [fobur] n. m. (altér., par croi-


sement avec l’adj. faux [le faubourg ayant
été conçu comme s’opposant au vrai bourg,
cf. le lat. médiév. falsus burgus, 1380,

Du Cange], de l’anc. franç. forborc, fau-


bourg [fin du XIIe s., Godefroy], forbours
[v. 1260, Godefroy], de l’anc. préf. fors- [lat.
foris, « dehors — sans mouvement »] et de
bourg, proprem. « ce qui est en dehors du
bourg » ; 1478, Bartzsch, aux sens 1-2 [faulx
bors, plur., v. 1360, Froissart] ; sens 3, 1838,
Acad. [la ville et les faubourgs, « toute la
population », 1718, Acad.] ; sens 4, 1728,
Voltaire [le noble faubourg ou le Faubourg,
1865, Littré ; le faubourg, « le faubourg
Saint-Jacques », av. 1696, Mme de Sévigné ;
« le faubourg Saint-Antoine », av. 1850,
Balzac]). 1. Partie d’une ville située hors
de l’enceinte : Ce faubourg a été entièrement
détruit par les Albanais (Chateaubriand).
Je descends, le coeur serré, les trois marches
qui mènent au jardin ; vrai jardin de fau-
bourg, où chaque locataire a son coin de
groseilliers et de clématites séparé par des
treillages verts avec des portes qui sonnent
(Daudet). ‖ 2. Espace habité à la périphérie
d’une grande ville : En face, Saint-Sever, le
faubourg aux manufactures, qui dresse ses
mille cheminées fumantes sur le grand ciel
(Maupassant). ‖ 3. Par extens. La popula-
tion ouvrière des faubourgs. ‖ 4. Dans les
grandes villes, nom conservé par certains
quartiers situés autrefois hors de l’enceinte,
ou par un boulevard extérieur : L’homme
du faubourg Saint-Germain a toujours
conclu de sa supériorité matérielle en faveur
de sa supériorité intellectuelle (Balzac). Sans
doute le premier salon, la première maison
du faubourg Saint-Germain, c’était bien
peu de choses auprès des autres demeures
que j’avais successivement rêvées (Proust).
‖ Vx. Le noble faubourg, ou le Faubourg, le
faubourg Saint-Germain, à Paris, où beau-
coup de familles nobles avaient leur hôtel
à partir du XVIIIe s. ‖ Vx. Le faubourg, la
population ouvrière du faubourg Saint-
Antoine, à Paris : Les gens du faubourg
Saint-Antoine n’appellent jamais autre-
ment ce quartier célèbre que le « faubourg ».
C’est pour eux le faubourg par excellence, le
souverain faubourg, et les fabricants eux-
mêmes entendent par ce mot spécialement
le faubourg SaintAntoine (Balzac).

faubourien, enne [foburjɛ̃, -ɛn] adj.


(de faubourg ; 1845, Bescherelle). Péjor. Qui
a rapport au faubourg populaire et à ses
habitants : C’était un ancien commis voya-
geur [...] qui affectait le langage faubourien
(Flaubert). Sous l’ombrelle nous attendait
la petite blanchisseuse endimanchée. Je fus
surpris ; elle était vraiment gentille, bien
que pâlotte, et gracieuse, bien que d’allure
un peu faubourienne (Maupassant). On
reconnaissait Mourlan, même dans la
pénombre, à sa voix basse et à son accent
faubourien (Martin du Gard). C’était la
voix d’un homme de bonne éducation, sans
trace d’accent faubourien (Romains).

& n. (1801, Chateaubriand). Habitant d’un


faubourg : C’est grâce au faubourien de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1850

Paris que la révolution, mêlée aux armées,


conquiert l’Europe (Hugo).

faucard [fokar] n. m. (mot picard, de


fauquer, forme normanno-picarde corres-
pondant au franç. faucher ; XIVe s., Dict.
général, puis 1849, Bescherelle). Faux à long
manche pour couper les herbes des rivières
et des étangs.

faucardage [fokardaʒ] n. m. (de faucar-


der ; 1907, Larousse). Action de faucarder.
• REM. On a dit aussi FAUCARDEMENT
(1872, Larousse).

faucarder [fokarde] v. tr. (mot picard,


de faucard ; 1842, Acad.). Couper avec un
faucard.

faucardeur [fokardoer] n. m. (de faucar-


der ; XXe s., au sens 1 ; sens 2, 1930, Larousse).
1. Celui qui faucarde. ‖ 2. Bateau spécial
muni d’un faucard mécanique.

fauchable [foʃabl] adj. (de faucher ; début


du XVIIIe s.). Qui peut être coupé à l’aide
d’une faux ou d’une faucheuse.

fauchage [foʃaʒ] n. m. (de faucher ; 1374,


Godefroy, au sens 1 ; sens 2, milieu du
XXe s. ; sens 3, 1948, G. Esnault). 1. Action
de faucher : Le fauchage des blés qui fait
écarter les genoux pour prendre un aplomb
solide (Maupassant). ‖ 2. Effet de tir d’une
arme automatique, comparable à celui
d’une faux sur les épis : Tir avec fauchage.
‖ 3. Action d’abattre brutalement une per-
sonne : Le fauchage de l’ailier en plein élan
par l’arrière de l’équipe adverse était une
faute caractérisée.

• SYN. : 1 fauchaison, fauche (vx).

fauchaison [foʃɛzɔ̃] n. f. (de faucher ; v.


1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit falchei-
son, au sens de « produit de la fauche » ;
sens 1, XIIIe s., Godefroy, écrit fauquison
[faucheson, 1600, O. de Serres ; fauchaison,
1707, Vauban] ; sens 2, XIIe s., Godefroy).
1. Action de couper les récoltes avec la faux.
‖ 2. Par extens. Période pendant laquelle
on fauche les prairies.

• SYN. : 1 fauchage, fauche (vx).

1. fauchard [foʃar] n. m. (mot touran-


geau, dér. de faucher ; 1752, Trévoux). Serpe
à deux tranchants opposés l’un à l’autre, en
forme de double croissant et munie d’un
long manche, employée pour couper les
branches des arbres.

2. fauchard [foʃar] n. m. (de faux 1 ;


fin du XIIe s., Aymeri de Narbonne, écrit
faussart ; fauchard, 1872, Larousse). Arme
d’hast, dérivée de la faux, en usage du XIIIe
au XVe s.

fauche [foʃ] n. f. (déverbal de faucher ;


XVIe s., Coutumier général, au sens 1 ; sens
2, 1690, Furetière ; sens 3, 1865, Littré ;
sens 4-5, 1920, G. Esnault). 1. Vx. Action
de couper les récoltes à la faux : La fauche
était finie, et le blé déjà sur les aires (Bosco).
‖ 2. Par extens. Produit de cette opération :

Fauche abondante. ‖ 3. Vx. Temps où


l’on fauche. ‖ 4. Pop. Vol. ‖ 5. Pop. Chose
volée : Je n’en veux pas, c’est de la fauche.

fauché, e [foʃe] adj. (part. passé de


faucher ; XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1877,
A. Daudet [fauché comme les blés, 1899,
G. Esnault]). 1. Qui a été fauché : Sur les
champs fauchés l’air vibre (Gide). ‖ 2. Pop.
Être fauché, être fauché comme les blés,
n’avoir plus d’argent.

fauchée [foʃe] n. f. (part. passé fém.


substantivé de faucher ; 1231, Godefroy,
écrit fauchiee [fauchée, XVIIe s.], au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. Quantité d’herbe qu’un
faucheur peut couper en un jour ou sans
affiler sa faux : Il aurait été incapable de
couper une fauchée de fourrage (France).
‖ 2. Largeur qu’on peut couper d’un coup
de faux.

faucher [foʃe] v. tr. (lat. pop. *falcare,


faucher, de falx, falcis [v. FAUX 1] ; v. 1196,
J. Bodel, écrit fauchier [faucher, XIVe s.],
aux sens 1 et 5 ; sens 2, 1715, Lesage ; sens 3,
1800, G. Esnault ; sens 4, 1942, G. Esnault ;
sens 6, 1828, Vidocq ; sens 7, 1835, Raspail
[« couper les bourses », 1713, G. Esnault]).
1. Couper à l’aide d’une faux ou d’une fau-
cheuse : La herse, l’aiguillon et la faux acé-
rée | Qui fauchait en un jour les épis d’une
airée (Heredia). ‖ Par extens. Faucher une
prairie, couper l’herbe d’une prairie ; et
absol. : On pourra bientôt faucher. ‖ Fig.
Faucher l’herbe sous les pieds de quelqu’un,
le supplanter en le devançant dans une
action. ‖ 2. Vx. Faucher le grand pré, ramer
aux galères : Je vous trouverai trop heureux,
si l’on ne vous condamne qu’à faucher le
grand pré (Lesage). ‖ 3. Couper avec un
instrument qui agit comme une faux : Le
mari, parti fort et beau, revenu avec les
pieds fauchés (Maupassant). ‖ 4. Abattre
brutalement, jeter à terre : Un garçon
boucher surgit près de nous ; d’un coup de
bras fauche le voleur qui croule juste au
ras du trottoir à nos pieds (Gide). ‖ 5. Fig.
Faire tomber et mourir en grand nombre :
Pauvre jeunesse qui sera fauchée comme un
pré (Proust). ‖ 6. Arg. Guillotiner. ‖ 7. Pop.
S’emparer de quelque chose appartenant
à autrui : Ils fauchent toujours l’auto au
dernier moment. Et sitôt le coup fait, ils la
balançent (Bourdet).

• SYN. : 3 sectionner, trancher ; 4 renverser,


terrasser ; 5 anéantir, décimer, exterminer,
massacrer ; 7 barboter (pop.), chiper (fam.),
choper (fam.), dérober, piquer (pop.).

& v. intr. (1678, Guillet). En parlant d’un


cheval, avancer une jambe de devant en
lui faisant décrire un demi-cercle vers
l’extérieur.

fauchet [foʃɛ] n. m. (de faucher ; v. 1268,


É. Boileau, au sens de « petite faux » ; sens
1, 1690, Furetière ; sens 2-3, 1865, Littré).
1. Râteau à dents de bois, qui sert à amasser
l’herbe fauchée, ou à séparer la paille du blé
battu. ‖ 2. Petite serpe en forme de crois-

sant, qui sert à faire des fagots. ‖ 3. Nom


usuel du pinson.

fauchette [foʃɛt] n. f. (de fauchet ; 1811,


Encycl, méthodique, au sens 1 ; sens 2,
1890, Dict. général). 1. Sorte de serpe uti-
lisée pour couper les arbustes bordant les
plates-bandes. ‖ 2. Petite serpe pour faire
des fagots.

faucheur, euse [foʃoer, -øz] n. (de fau-


cher ; XIIIe s., Girart de Vienne, écrit fau-
cheor [faucheur, XIVe s.], au sens 1 ; sens 2,
av. 1857, Musset [la Faucheuse, « la mort »,
1745, G. Esnault]). 1. Personne qui se sert
d’une faux pour couper l’herbe ou les
céréales : Faucheuse, elle venait couper la
moisson mûre (Banville). ‖ 2. Par extens.
Personne qui met brutalement fin à la vie :
Le grand Germain, faucheur de générations
(Leconte de Lisle). ‖ Absol. La faucheuse, la
mort : Je vis cette faucheuse [...]. | Elle allait
à grands pas moissonnant et fauchant, |
Noir squelette laissant passer le crépuscule
(Hugo).

& faucheur n. m. V. FAUCHEUX.

& faucheuse n. f. (1872, Larousse). Machine


qui sert à faucher.

faucheux [foʃø] n. m. (forme dialect.


répondant au franç. faucheur, de fau-
cher [l’animal semblant faucher lorsqu’il
marche] ; 1690, Furetière). Sorte d’araignée
à longues pattes fragiles, vivant dans les
champs et les bois : Une muraille vétuste où
croissaient des bouquets de cette fougère dite
scolopendre et où couraient les faucheux
(Duhamel).

• REM. On dit aussi FAUCHEUR (1865,


Littré).

fauchon [foʃɔ̃] n. m. (de faux 1 ; v. 1280,


Adenet, au sens 1 ; sens 2, 1849, Bescherelle).
1. Sorte d’épée à large lame, en usage au
XIIIe s. ‖ 2. Faux garnie d’un râteau pour
soutenir les herbes coupées.

faucille [fosij] n. f. (bas lat. falcicula, fau-


cille, serpe, de falx, falcis [v. FAUX 1] ; XIIe s.,
Naissance du chevalier au cygne [la faucille
et le marteau, v. 1920 ; droit comme une
faucille, 1865, Littré]). Lame d’acier cour-
bée en demi-cercle et emmanchée dans
une poignée en bois, dont on se sert pour
couper les herbes et, autrefois, les céréales.
‖ La faucille et le marteau, emblème de
l’U.R.S.S. et des partis communistes, sym-
bolisant l’union de la classe paysanne et de
la classe ouvrière. ‖ Ironiq. Droit comme
une faucille, tortu, contrefait.

faucillon [fosijɔ̃] n. m. (de faucille ; XIIIe s.,


Recueil des fabliaux [bois à faucillon, 1690,
Furetière]). Petite faucille. ‖ Bois à fau-
cillon, menu bois que l’on coupe avec le
faucillon.

faucon [fokɔ̃] n. m. (bas lat. falconem,


accus. de falco, faucon, dér. de falx, fal-
cis, faux, serpe [par comparaison de la
courbure des griffes, du bec ou des ailes
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1851

de l’animal avec celle d’une faux] ; 1080,


Chanson de Roland, écrit falcun [faucon,
XIIe s., Roncevaux], au sens I ; sens II, 1511,
La Curne).

I. Oiseau rapace à la vue perçante, que


l’on utilisait autrefois à la chasse.

II. Pièce d’artillerie en usage aux XVIe et


XVIIe s.

fauconneau [fokɔno] n. m. (de faucon ;


fin du XVe s., au sens I ; sens II, 1534,
Rabelais).

I. Jeune faucon.
II. Pièce d’artillerie de la fin du Moyen
Âge, plus petite que le faucon.

fauconnerie [fokɔnri] n. f. (de faucon ;


v. 1354, Modus, aux sens 1 et 3 ; sens 2, 1690,
Furetière). 1. Art de dresser les oiseaux de
proie destinés à la chasse. ‖ 2. Lieu où on
les élève. ‖ 3. Chasse au faucon.

fauconnier [fokɔnje] n. m. (de faucon ;


v. 160, Benoît de Sainte-Maure [grand fau-
connier, 1690, Furetière]). Celui qui dresse
les oiseaux de proie pour la chasse. ‖ Le
grand fauconnier, officier de la maison du
roi qui présidait à la fauconnerie royale.

fauconnière [fokɔnjɛr] n. f. (de faucon ;


XIIIe s., Godefroy). Gibecière du fauconnier.

faucre [fokr] n. m. (var. de l’anc. franç.


fautre, partie antérieure de l’arçon de la
selle, couverte de feutre [v. 1175, Chr. de
Troyes, var. de feutre, v. ce mot] ; 1865,
Littré). Support fixé sur le côté droit des
anciennes armures et qui servait à soutenir
la lance.

faufil [fofil] n. m. (déverbal de faufiler ;


1865, Littré, aux sens 1-2). 1. Fil passé à
longs points pour faire une couture pro-
visoire, pour servir de tracé à l’exécution
de la couture définitive. ‖ 2. Fil employé
pour faufiler.

• SYN. : 1 bâti, faufilure.

faufiler [fofile] v. tr. (altér., par croise-


ment avec l’adj. faux, de l’anc. v. four-filer,
faufiler [1349, Dict. général], de l’anc. préf.
fors-, for-, four- [lat. foris, « dehors — sans
mouvement »], et de fil, proprem. « mettre
du fil à l’extérieur » ; 1684, Boislisle, au part.
passé, au sens de « enclavé » [en parlant
d’un territoire] ; à l’infin., au sens 1, 1690,
Furetière ; sens 2, 1865, Littré). 1. Faire
une couture provisoire à longs points,
avant la couture définitive. ‖ 2. Fig. et vx.
Introduire : C’est un espion qu’on a faufilé
dans notre société (Littré).

& v. intr. (1696, Regnard). Class. Être en


relation avec quelqu’un par amitié ou inté-
rêt : Et si vous l’ignorez, sachez que je faufile
| Avec ducs, archiducs, princes, seigneurs,
marquis (Regnard).

& se faufiler v. pr. (sens 1, av. 1850, Balzac ;


sens 2, 1732, Lesage ; sens 3, 1732, Trévoux).
1. Se glisser adroitement à travers des
obstacles : Je me faufilai sous une tente
construite dans les jardins de la maison
Papion (Balzac). Se faufiler au milieu des
voitures. ‖ 2. Class. Entrer en relation avec
quelqu’un, se lier d’amitié, d’intérêt : Je me
repentais de ne m’être pas plus tôt faufilé
avec une famille si charmante (Lesage).
‖ 3. Fig. et péjor. S’introduire adroitement
dans une société : M. Tourte [...] s’était fau-
filé à la maison comme être subalterne, ne
s’offensant de rien, bon flatteur de tous
(Stendhal).

• SYN. : 1 se couler, s’introduire ; 3 s’immis-


cer, s’insinuer.

faufilure [fofilyr] n. f. (de faufiler ; milieu


du XIVe s.). Couture provisoire à points très
espacés.

• SYN. : bâti.

1. faune [fon] n. m. (lat. Faunus, n. du


dieu de la Fécondité, des Troupeaux et des
Champs [le plur. fauni désignait de petits
génies champêtres] ; 1372, Corbichon, au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Chez les anciens
Romains, dieu champêtre à forme
humaine, à pieds et cornes de chèvre : Les
faunes, les sylvains dansent autour de toi
(Vigny). Un vieux faune de terre cuite | Rit
au centre des boulingrins (Verlaine). Entre
les faunes et les anges, la Renaissance s’en-
tendait fort bien à faire des combinaisons
très humaines (Valéry). ‖ 2. Fam. Homme
d’âge mûr amateur d’amours faciles.

2. faune [fon] n. f. (lat. scientif. moderne


fauna, tiré de Faunus [v. l’art. précéd.] sur
le modèle de flora, flore, tiré du lat. Flora,
n. de la déesse des Fleurs [v. FLORE] ; fin
du XVIIIe s., aux sens 1-2 ; sens 3, début du
XXe s.). 1. Ensemble des animaux d’une
région donnée : La faune alpestre. ‖ 2. Vx.
Ouvrage zoologique donnant l’énuméra-
tion et la description des animaux d’une
région donnée. ‖ 3. Fig. et péjor. Public
très particulier et typique qui fréquente
certains lieux : La faune de Montmartre.

faunesque [fonɛsk] adj. (de faune 1 ;


1888, A. Daudet). Péjor. Qui est relatif au
faune, qui lui ressemble : Une beauté fau-
nesque animée de la joie ivre [...] du pre-
mier âge champêtre et bestial de l’homme
primitif (Goncourt). Le sculpteur vint faire
sa déclaration au général, brigadier de cava-
lerie, fendu du talon jusqu’à ses oreilles fau-
nesques (Daudet).
faunesse [fonɛs] n. f. (de faune 1 ;
v. 1850, Baudelaire). Nymphe, compagne
des faunes, symbolisant la gaieté, l’amour
léger et facile : La reine de toutes les dia-
blesses, de toutes les faunesses et de toutes
les satyresses, reléguées sous terre depuis la
mort du grand Pan, c’est-à-dire avec l’indes-
tructible et irrésistible Vénus (Baudelaire).
Elle l’accompagna jusqu’à la porte, n’ayant
plus rien de la faunesse en délire (Daudet).

faunin, e [fonɛ̃, -in] adj. (de faune 1 ; 1866,


Goncourt). Littér. Relatif au faune, qui tient
du faune.

faunique [fonik] adj. (de faune 2 ; 1907,


Larousse). Relatif à la faune : Les grandes
régions fauniques du globe.

faussaire [fosɛr] n. (lat. falsarius, faus-


saire, de falsus [v. FAUX 2] ; v. 1190, Sermons
de saint Bernard, écrit falseire [faussaire,
v. 1283, Beaumanoir], au sens 2 ; sens 1,
XIVe s., Ordonnance royale). 1. Personne
qui commet un faux. ‖ Spécialem.
Personne qui fabrique de la fausse mon-
naie. ‖ 2. Class. et littér. Personne qui
altère la vérité ; menteur, trompeur : Mais
pour quelques vertus si pures, si sincères, |
Combien y trouve-t-on d’impudentes faus-
saires (Boileau). Qui ne gueule pas la vérité,
quand il sait la vérité, se fait complice des
menteurs et des faussaires (Péguy).

faussement [fosmɑ̃] adv. (de faux 2 ;


v. 1190, Sermons de saint Bernard, écrit
falsement ; faussement, 1273, Adenet).
D’une manière fausse : J’ai accusé fausse-
ment Mademoiselle Camille d’avoir une
correspondance secrète (Musset).

fausser [fose] v. tr. (bas lat. falsare, fal-


sifier, altérer, de falsus [v. FAUX 2] ; 1080,
Chanson de Roland, écrit falser [fausser,
XIIe s.], au sens I, 5 ; sens I, 1, fin du XVe s.,
O. de La Marche [« endommager, enfon-
cer », XIIe s., Roncevaux] ; sens I, 2, av. 1854,
Nerval ; sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens I,
4, 1273, Adenet ; sens I, 6, 1872, Larousse ;
sens II, 1, v. 1196, J. Bodel [fausser son ser-
ment ; fausser parole, 1656, Molière ; faus-
ser sa foi, fin du XVe s., Littré ; fausser sa
promesse, 1665, La Fontaine] ; sens II, 2, v.
1585, Cholières).

I. 1. Faire perdre à un objet sa forme


normale, de sorte qu’il puisse difficile-
ment être utilisable : Fausser une clé, une
serrure. ‖ 2. Par extens. Provoquer une
altération d’un organe du corps, qui perd
ainsi de sa force et de son efficacité : Le
militaire eut [...] le poignet presque faus-
sé en parant le coup de tierce (Nerval).
‖ 3. Fig. Faire perdre à l’esprit sa justesse,
sa rectitude : Cette félicité, à laquelle je
cède, fausse gravement ma pensée (Gide).
Je crains que vos succès scolaires n’aient
jadis un peu faussé votre jugement (Ber-
nanos). ‖ 4. Donner une interprétation
fausse, déformer la vérité : Fausser le sens
de la loi. Rien ne fausse plus la réalité
que d’y vouloir trouver des types absolus
et complets (Barrès). ‖ 5. Vx. Fausser un
jugement, en droit féodal, déclarer qu’un
jugement n’est pas équitable : On s’expo-
sait beaucoup en faussant un jugement
des pairs (Montesquieu). ‖ 6. Vx. Fausser
la coupe, éviter, quel que soit le moyen
employé, une coupe régulière pour tri-
cher à un jeu de cartes.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1852

II. 1. Class. Fausser parole, fausser sa foi,


sa promesse, être infidèle à ses engage-
ments : Non, non, n’ayez pas peur | Que
je fausse parole (Molière). Damon [...] | Ne
pouvait se résoudre à fausser la promesse
| D’être fidèle à sa moitié (La Fontaine).
‖ 2. Fausser compagnie à quelqu’un,
quitter quelqu’un sans prendre congé,
s’éloigner de lui à son insu avant le mo-
ment convenable : Il faussa compagnie
aux hôtes du château [...] et se rendit lui-
même à la gare (Feuillet).

• SYN. : I, 1 déformer, forcer ; 2 fouler,


tordre ; 3 altérer, corrompre, dénatu-
rer, gâter ; 4 défigurer, déguiser, falsifier,
maquiller, travestir, truquer (fam.).

& v. intr. (av. 1834, Béranger). Vx. Chanter


faux.

1. fausset [fosɛ] n. m. (de faux 2 [la voix


de tête ayant quelque chose d’artificiel, par
opposition à la voix de poitrine, d’émis-
sion franche et naturelle] ; XIIIe s., Roman
de Renart, au sens 1 [voix de fausset, 1651,
Scarron] ; sens 2, 1671, Boileau). 1. Émission
par une voix d’homme de sons aigus, mêlés
désagréablement aux sons normaux d’une
tessiture masculine : Une voix éraillée,
nasillarde, qui, par instants, grimpait au
fausset pour lancer un trait de satire, un
mot à l’emporte-pièce (Martin du Gard).
‖ Voix de fausset, ou simplem. fausset, voix
où se mêlent habituellement des sons de
fausset : « Monsieur Gazan n’a pas signé la
feuille [...] », criait l’aigre fausset de Picheral
(Daudet). ‖ 2. Vx. Celui qui a une voix de
fausset.

2. fausset [fosɛ] n. m. (de fausser, au


sens anc. de « endommager, enfoncer » ;
1322, Varin). Petite cheville de bois servant
à boucher le trou fait à un tonneau avec
une vrille.

fausseté [foste] n. f. (de faux 2, d’après le


bas lat. falsitas, fausseté, mensonge, de fal-
sus [v. FAUX 2] ; v. 1138, Vie de saint Gilles,
écrit fauseted [fausseté, XIIe s., Roncevaux],
au sens 3 ; sens 1, v. 1560, Paré ; sens 2, XIIe s.,
Roncevaux ; sens 4, 1872, Larousse ; sens
5, av. 1842, Stendhal ; sens 6, 1865, Littré).
1. Caractère de ce qui est faux : La fausseté
des calomnies lancées par les époux Olivier
(Balzac). Au moment où je reconnus | La
fausseté de l’amour même (Apollinaire).
‖ 2. Class. Chose fausse : Je hais tant de dire
des faussetés, que j’aime mieux ne vous rien
dire (Sévigné). ‖ 3. Caractère d’une per-
sonne fausse, hypocrite : Accuser quelqu’un
de fausseté et de perfidie. ‖ 4. Manque de
justesse et de rigueur dans les choses de
l’esprit : L’insuffisance de ses études et la
fausseté de son esprit (Renan). ‖ 5. En
musique, caractère d’un son qui détonne
dans son contexte musical : Elles se mirent
à chanter ; j’entendis des sons uniques par
leur fausseté (Stendhal). ‖ 6. Fausseté de
jugement, en droit féodal, accusation por-
tée contre un juge, d’avoir manqué à sa foi.

• SYN. : 3 déloyauté, duplicité, fourberie,


hypocrisie, tartuferie. — CONTR. : 1 authen-
ticité, exactitude, véracité ; 3 droiture,
franchise, loyauté, sincérité ; 4 justesse,
rectitude, rigueur.

faustien, enne [fostjɛ̃, -ɛn] adj.


(de Faust, n. propre ; début du XXe s.).
Caractéristique de Faust ou du mythe de
Faust : Une trace de l’angoisse faustienne
(Romains).

faute [fot] n. f. (lat. pop. *fallita, manque,


action de faillir, fém. substantivé de *falli-
tus, lat. class. falsus, part. passé de fallere [v.
FAUX 2 et FAILLIR] ; v. 1174, E. de Fougères,
aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1865, Littré ; sens I,
4, 1538, C. Marot ; sens I, 5, 1665, Boileau ;
sens I, 6, milieu du XVIe s., Amyot ; sens II,
1, v. 1360, Froissart ; sens II, 2, 1665, La
Fontaine).

I. 1. Manquement à une règle morale :


Faute légère. Faute grave. Avoir de l’indul-
gence pour les fautes d’autrui. La première
faute était punie par une réprimande se-
crète des missionnaires (Chateaubriand).
Pour la première fois, ma tristesse n’était
plus considérée comme une faute punis-
sable (Proust). Martin, mal à l’aise, se
sentait pris en faute (Aymé). ‖ Spécialem.
L’acte de chair hors du mariage, surtout
de la part de la femme : Viens y cacher
l’amour et ta divine faute (Vigny). ‖ Faire
une faute, se laisser séduire : Il entend dire
que ma soeur a fait sa faute avec le maire
où elle était (Goncourt). ‖ 2. Manque-
ment aux prescriptions d’une religion : Se
repentir de ses fautes. ‖ Absol. La faute,
dans la religion chrétienne, le péché ori-
ginel. ‖ 3. En droit, acte ou omission qui
cause un dommage à autrui, mais sans la
volonté de nuire : Faute civile. Faute pé-
nale. ‖ Faute contractuelle, celle qui est
commise par le débiteur qui n’exécute pas
son obligation. ‖ Faute délictuelle, celle
qui ne résulte pas de l’inexécution d’une
obligation contractuelle. ‖ 4. Manque-
ment aux règles d’une science, d’un art,
d’une technique : Faute de grammaire,
d’orthographe. Faute de calcul. Faute
d’harmonie dans une composition musi-
cale. ‖ Faute d’inattention, due à l’inat-
tention : L’un se plaignait de ses coureurs
qui engraissaient ; un autre, des fautes
d’inattention qui avaient dénaturé le
nom de son cheval (Flaubert). ‖ 5. Action
maladroite ou fâcheuse : « C’est pis qu’un
crime, c’est une faute », a dit Talleyrand
de l’exécution du duc d’Enghien. Imputer
à quelqu’un la responsabilité d’une faute.
‖ 6. C’est ma (ta, sa, etc.) faute, ou (fam.)
c’est de ma (ta, sa, etc.) faute, ou (pop.)
c’est la faute à, c’est moi (toi, lui, etc.) le
responsable ou le coupable : « C’est de
notre faute », reprit Bouvard (Flaubert).
On est laid à Nanterre, | C’est la faute à
Voltaire (Hugo) Ce n’était pas sa faute s’il
la voulait (Green). ‖ Il y a de ma (ta, sa,
etc.) faute ou il y va de ma (ta, sa, etc.)

faute, c’est moi (toi, lui, etc.) en partie


le responsable : Comme s’il y allait de sa
faute à elle (Gide).

II. 1. Class. et littér. Manque, absence :


Alexandre n’eut point faute de soldats
(Vaugelas). Qui sait si elle n’aurait pas
faute d’un ami vrai un jour ? (Pour-
rat). ‖ Class. S’il arrive, s’il vient faute
de quelqu’un, si cette personne vient à
mourir, à manquer : S’il vient faute de
vous, mon fils, je ne veux plus rester au
monde (Molière). ‖ 2. Class. Faire faute
de, omettre de : L’une de lui sourire au
retour ne fit faute (La Fontaine). ‖ Auj.
Ne pas se faire faute de, ne pas s’abstenir
de : Deux billets de cent francs que je ne
me fis pas faute d’empocher (Aymé). ‖ Ne
pas s’en faire faute, user d’une chose sans
ménagement.

• SYN. : I, 1 écart, faiblesse, méfait, pec-


cadille ; 2 péché ; 4 erreur, incorrection,
inexactitude ; 5 balourdise, bêtise (fam.),
bourde (fam.), gaffe (fam.), impair,
maladresse.

& À faute de loc. prép. (1549, R. Estienne).


Class. Par manque de : À faute d’être aimée,
on peut se faire craindre (Corneille). [La
loc. faute de était préférée par Vaugelas.]
& Faute de loc. prép. (1636, Monet). Par
absence de, par manque de : Faute de
prendre ce soin, nous risquerions d’adop-
ter de mauvaises leçons (France). Il était
debout, penché sur le lit où, faute de place,
il avait étalé les documents en petits paquets
sommairement classés (Martin du Gard).
Vous savez qu’il a commencé par faire les
sciences po. Mais il n’a pas pu continuer,
faute d’argent (Duhamel). Tout le mal vient
de l’éducation qu’ils nous ont transmise,
faute de connaître une autre manière de
penser (Bernanos). ‖ Faute de mieux,
parce qu’il n’est pas possible de réaliser
des conditions meilleures.

& Sans faute loc. adv. (fin du XIIIe s.,


Joinville). Immanquablement, à coup sûr :
Venez demain, sans faute.

fauter [fote] v. intr. (de faute ; milieu du


XVIe s., puis 1808, d’Hautel, au sens général
de « commettre une faute » ; sens actuel,
1877, Goncourt). Fam. Se laisser séduire,
en parlant d’une femme : Si l’occasion de
fauter ne s’était pas présentée, Elisa n’aurait
pas été au-devant (Goncourt). J’ai fauté
avec Victor, vu qu’il m’a prise dans la grange
(Maupassant).

fauteuil [fotoej] n. m. (francique *faldis-


tôl, siège pliant ; 1080, Chanson de Roland,
écrit faudestoel [faudesteuil, XIIIe s. ; fau-
teuil, 1589, Havard], au sens 1 [« siège pliant
à dossier et à bras » ; dans un fauteuil, « sans
peine », 1910, G. Esnault] ; sens 2, v. 1720,
Fontenelle [le quarante et unième fauteuil,
1856, A. Houssaye] ; sens 3, 1835, Acad.
[« présidence d’une société de jeu », av. 1696,
La Bruyère]). 1. Siège pour une personne,
muni de bras et d’un large dossier : Je vous
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1853

l’accorde, répondit M. d’Anquetil renversé


dans son fauteuil (France). Deux magni-
fiques fauteuils Louis XIII [...] occupent les
deux côtés de la fenêtre (Romains). ‖ Fam.
Arriver comme dans un fauteuil, dans une
compétition, arriver en tête sans difficulté.
‖ 2. Siège numéroté, attribué à chaque
membre de l’Académie française. ‖ Par
extens. État de membre de l’Académie fran-
çaise : Briguer un fauteuil à l’Académie. On
admire que l’auteur, pour tout ennui, n’ait
eu que la crainte passagère de manquer son
fauteuil à l’Académie ; et ce ne fut qu’un
léger nuage (Valéry). ‖ Quarante et unième
fauteuil, siège imaginaire que l’opinion
publique attribue à des écrivains qui n’ont
pas été élus à l’Académie française, mais
qui auraient dû en faire partie. ‖ 3. Siège de
président. ‖ Fig. Présidence d’une grande
assemblée : Occuper le fauteuil.

fauteur, trice [fotoer, -tris] n. (lat. fautor


[lat. archaïque favitor], fautrix, celui/celle
qui favorise, appui, soutien, partisan, de
favere, être favorable, s’intéresser à ; v. 1355,
Bersuire, au sens 1 ; sens 2, 1596, Hulsius).
1. Class. et littér. Personne qui protège
quelqu’un ou lui apporte son aide : C’est
ce que j’ai appris de M. Bigot, grand fauteur
de gens de lettres (Chapelain). Il prenait
insensiblement la figure et l’importance
d’un classique, entre tant d’inventeurs et
de fauteurs de beautés audacieuses dont
il représentait la négation la plus élégante
(Valéry). ‖ 2. Par extens. et péjor. Qui fait
naître, qui favorise une action ou une
entreprise néfaste : Fauteur de troubles.
Ce maître étranger n’était rien moins que
le fauteur d’une musique « nouvelle »
(Villiers de L’Isle-Adam). Les députés de
gauche répliquaient que le peuple était libre
d’exprimer sa volonté, qu’il avait le droit
de se plaindre des fauteurs du despotisme,
assis jusque dans le sein de la représenta-
tion nationale : ils désignaient ainsi leurs
collègues à ce peuple souverain, qui les
attendait au réverbère (Chateaubriand).
Nous connaissons ces théories, fautrices
de paresse, qui, basées uniquement sur
des métaphores, permettent au poète de se
considérer comme un oiseau bavard, léger
(Baudelaire). Êtes-vous prisonnier des fau-
teurs de désordre ? Leur avez-vous donné
des gages ? (Proust).

• SYN. : 2 excitateur, inspirateur, instigateur,


promoteur, provocateur.

• REM. Le sens 2 se ressent de la fausse


étymologie qui rattache fauteur à faute.

fautif, ive [fotif, -iv] adj. (de faute ; XVe s.,


au sens 2 ; sens 1, av. 1589, J. A. de Baïf ; sens
3, 1676, Félibien). 1. Class. Qui est sujet à
commettre des erreurs : Il n’y a rien de si
fautif que l’homme (Acad., 1694). La vue
est de tous les sens le plus fautif (Rousseau).
‖ 2. Qui a commis une faute : Quoique rien
ne soit plus difficile que de rendre heureux
un homme qui se sent fautif (Balzac). Vous
n’avez pas l’air de savoir que, si je suis fau-

tive, vous n’êtes pas irréprochable et que je


suis bien renseignée (Duhamel). ‖ 3. Où il
y a des erreurs et des fautes : Une citation
fautive.

• SYN. : 2 coupable, responsable ; 3 erroné,


faux, incorrect, inexact.

fautivement [fotivmɑ̃] adv. (de fautif ;


milieu du XIXe s.). D’une manière fautive.

fauve [fov] adj. (germ. occidental *falwa,


d’une couleur tirant sur le roux [lati-
nisé en falvus au IXe s.] ; 1080, Chanson
de Roland, écrit falve [fauve, v. 1165,
Marie de France], au sens 1 ; sens 2, v. 1175,
Chr. de Troyes [bêtes fauves, v. 1572,
La Curne]). 1. D’une couleur tirant sur le
roux : Sur ce teint fauve et brun le fard était
superbe (Baudelaire). Je sentais que dehors,
dans la pesanteur de l’air, le soleil déclinant
mettait sur la verticalité des maisons, des
églises, un fauve badigeon (Proust). C’était
une belle serviette neuve, en cuir fauve, avec
un fermoir nickelé, un modèle courant, mais
cossu (Martin du Gard). ‖ 2. Bêtes fauves,
en vénerie, nom générique donné aux cerfs,
daims, chevreuils, chamois, bouquetins,
dont le pelage a cette couleur.

& n. m. (sens 1, 1651, Scarron ; sens 2, fin


du XVIe s., A. d’Aubigné [« cheval de couleur
fauve », milieu du XIIe s.] ; sens 3-4, début du
XXe s.). 1. Couleur tirant sur le roux : Dans
l’état de domesticité, le pelage du cerf passe
du fauve au blanc. ‖ 2. Animal sauvage
de grande taille, de couleur fauve, comme
le tigre ou le lion : Une tête blanche avec
des yeux lumineux comme ceux des fauves
(Maupassant). Allant et venant à la façon
d’un fauve en cage (Gide). ‖ 3. Fig. Homme
avide, sans scrupules : Un de ces quar-
tiers d’affaires où les fauves du négoce [...]
crachent tout le jour, dans le téléphone, des
ordres et des menaces (Duhamel). ‖ 4. Nom
donné aux peintres qui se réclamaient
du fauvisme : Moi, j’en ai, des toiles de
Gretchenko, du temps qu’il était seulement
considéré comme un fauve (Duhamel).

1. fauverie [fovri] n. f. (de fauve. n. m. ;


1948, Larousse). Endroit d’une ménagerie
où se trouvent les fauves. ‖ Ménagerie
pour fauves.

2. fauverie [fovri] n. f. (de fauve, adj. ;


1946, Saint-John Perse). Caractère de ce
qui a la couleur fauve : La cruche suspen-
due dans les fauveries du soir... (Saint-John
Perse).

fauvette [fovɛt] n. f. (de fauve, adj. ;


XIIIe s., Bataille de Caresme et de Char-
nage, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré).
1. Petit oiseau passereau de couleur fauve
ou grisâtre, parfois variée de blanc ou de
noir, aux formes fines, au chant sonore et
agréable : J’ai vu filer en l’air la fauvette de
roseaux (Hugo). ‖ 2. Fig. et fam. Chanteuse
à la voix légère.

fauvisme [fovism] n. m. (de fauve,


n. m. [la critique du début du XXe s. ayant

appelé, d’abord par dérision, les membres


de la jeune école française de peinture les
fauves] ; début du XXe s.). Tendance com-
mune à certains jeunes peintres, à partir de
1900, qui voulaient construire par une écla-
tante symphonie de tons purs une réalité
plus authentique que celle des apparences.

1. faux [fo] n. f. (lat. falx, falcis, faux, fau-


cille, serpe ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit
fauz [faulx, v. 1360, Froissart ; faux, 1587,
F. de La Noue], au sens 1 ; sens 2, 1638,
Rotrou ; sens 3, 1690, d’après Trévoux,
1771 ; sens 4, 1690, Furetière). 1. Instrument
formé d’une lame d’acier recourbée, fixée
à un long manche et qui sert à couper les
herbes ou les céréales : L’or des pailles s’ef-
fondre au vol siffleur des faux (Verlaine).
‖ 2. L’un des attributs du Temps et de la
Mort. ‖ 3. Nom donné à certains replis
membraneux, en raison de leur forme
recourbée : Faux du cerveau, du cervelet.
‖ 4. Ancienne arme d’hast composée d’une
lame de faux montée au bout d’une hampe.
• REM. Le mot apparaît encore au XIXe s.
sous la forme FAULX.

2. faux, fausse [fo, fos] adj. (lat. falsus,


faux, falsifié, controuvé, hypocrite, part.
passé adjectivé de fallere, tromper ; 1080,
Chanson de Roland, écrit fals [faus, XIIe s. ;
faux, XIVe s.], au sens I, 1 ; sens I, 2, XIIe s.,
Lois de Guillaume ; sens I, 3, av. 1662,
Pascal ; sens I, 4 et II, 1, 1580, Montaigne ;
sens II, 2-3, 1865, Littré ; sens II, 4, milieu du
XVIIIe s., Buffon ; sens III, 1 et IV, 3, XIIe s.,
Roncevaux ; sens III, 2, av. 1549, Marguerite
de Navarre ; sens III, 3, v. 1360, Froissart ;
sens III, 4, XVe s., Littré ; sens IV, 1 et 4, fin
du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens IV, 2,
v. 1265, J. de Meung ; sens V, 1273, Adenet).

I. 1. Contraire à ce qui est vrai ou juste :


Un faux rapport. Une définition fausse.
Une date fausse. Porter un faux nom.
Ainsi nous commençons tous par l’idée la
plus fausse (Alain). ‖ Faux bruit, rumeur
à laquelle on a tort de croire. ‖ 2. Se dit
des opérations de l’esprit qui aboutissent
à une assertion fausse : Un raisonnement
faux. Un calcul faux. ‖ 3. Esprit faux, per-
sonne qui se trompe habituellement dans
ses raisonnements : Paul Bourget, dans
« le Disciple », a essayé de mettre en scène
un personnage à l’esprit faux. ‖ 4. Par
extens. Fondé sur une erreur ou sur une
illusion : Sa gaieté n’a pas peru fausse ni
même affectée (Bernanos). Éprouver une
fausse joie. Se flatter d’une fausse espé-
rance. ‖ Fausse alerte, alerte qui n’est pas
justifiée par une cause réelle : Rassurez-
vous : c’était une fausse alerte.

II. 1. Qui n’est pas tel qu’il devrait être :


Faire un faux mouvement, une fausse
manoeuvre. ‖ Fausse queue, au billard,
coup de queue qui atteint la bille de côté
et qui glisse sur elle. ‖ Faux pli, pli que
prend une étoffe et qui ne devrait pas
exister. ‖ Fausse position, position in-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1854

commode. ‖ 2. Qui n’est pas conforme


aux exigences d’une règle : Un vers faux.
‖ 3. Spécialem. Qui n’est pas conforme
aux exigences de l’harmonie musicale :
Accord faux. Intonation fausse. ‖ Fausse
note, note exécutée à la place de la note
voulue par le compositeur, mais qui
existe dans la tonalité : Un « ré » à la place
d’un « mi » est une fausse note ; au fig.,
détail qui rompt l’harmonie d’un en-
semble : Des chaussures trop claires font
une fausse note avec un costume sombre.
‖ Note fausse, son quelconque substitué
à une note d’un morceau de musique :
Son gosier parfait ne rencontrait pas une
note fausse (Fromentin). ‖ 4. Voix fausse,
instrument faux, voix, instrument qui
émettent des notes fausses.

III. 1. Qui n’est pas réellement ce qu’on


le nomme : Un faux acacia. De fausses
perles. Le diamant de ce bijou est faux.
Il se faisait fort de reconnaître le faux
sommeil à ce léger petit tremblement des
paupières (Gide). ‖ Faux ménage, liaison
illégitime. ‖ 2. Qui imite l’apparence
d’un objet naturel : Vos faux cheveux
sont couverts de poussière (Musset). Ses
faux cheveux déplacés laissant voir son
front chauve (Proust). Un faux nez. Une
fausse clef. ‖ Qui a l’apparence de l’objet
réel, mais ne peut fournir le même usage :
Une fausse porte. Une fausse fenêtre.
‖ 3. Par extens. Qui ne remplit pas toutes
les conditions requises pour mériter son
nom. ‖ Fausses côtes, côtes qui, dans le
squelette humain, n’ayant pas de cartilage
costal propre, se rattachent au sternum
par le cartilage costal de la septième côte.
‖ Faux plafond, plafond qui, construit
sous le vrai plafond, le masque totale-
ment ou en partie. ‖ Fausse coupe, reste
inutilisable d’une pièce d’étoffe coupée.
‖ Fausse carte, carte qui ne peut servir à
rien dans le jeu qu’un joueur a en main.
‖ 4. Se dit de toute chose incomplète ou
mal définie : Une position toujours fausse
vis-à-vis de la Nation (Vigny). ‖ Fausse
science, savoir incomplet, brumeux et
inutile. ‖ Un faux air de, une vague res-
semblance : Un faux air de Mazarin sans
moustache (Daudet). [V. Rem.]

IV. 1. Qui a une apparence visant à trom-


per : Tartuffe est le type des faux dévots.
« Les Caves du Vatican » reposent sur une
cocasse histoire de faux pape. Vous n’êtes
donc qu’un faux ami ! (Balzac). Quoique
tu les aies reniés et maudits du haut de
ton sermon sur la montagne, l’orgueil
des faux prophètes et des marchands de
miracles commet toujours des crimes en
ton nom (Daudet). Une fausse honte. Une
fausse modestie. ‖ Fig. Faux frère, per-
sonne en qui l’on a eu tort d’avoir toute
confiance. ‖ Faux témoin, témoin qui
n’a pas réellement assisté à ce sur quoi il
porte témoignage. ‖ Fam. Avoir une tête
de faux témoin, ne pas avoir l’air franc.

‖ Faux bonhomme, homme qui n’est


bon qu’en apparence. ‖ 2. Qui est fait
pour tromper : Fausse attaque. La garni-
son fit une fausse sortie vers le nord pour
tâcher de se dégager vers le sud. ‖ 3. Qui
est l’imitation frauduleuse d’une chose :
Une signature fausse. Une pièce de mon-
naie fausse. De faux papiers. Un faux pas-
seport. ‖ 4. Qui cherche à tromper : Un
homme faux. ‖ Faux comme un jeton, se
dit d’une personne qui a l’habitude de
mentir.

V. Qui ne correspond à aucune réalité


profonde ; qui s’oppose au naturel et à la
vraisemblance : Comédie de roman, faux
rires, faux sanglots (Samain). Le roman
est un genre faux parce qu’il décrit les
passions pour elles-mêmes ; la conclusion
morale est absente (Lautréamont). On
trouve en général que, dans les drames de
Hugo, les caractères sont faux. Un faux
problème. ‖ Style faux, style qui manque
de naturel et qui n’est pas adapté au sujet.
• SYN. : I, 1 controuvé, inexact, mensonger,
supposé ; 2 aberrant, absurde, boiteux, fal-
lacieux, illogique, incongru, spécieux ; 3
faussé, tortu ; 4 affecté, fictif, forcé, illusoire,
insensé. ‖ II, 1 mauvais. ‖ III, 1 imité,
simulé ; 2 postiche ; 4 ambigu, équivoque,
flottant, indéterminé. ‖ IV, 1 prétendu,
soi-disant ; 2 feint, simulé ; 3 contrefait,
falsifié, truqué ; 4 dissimulé, double, fourbe,
hypocrite, papelard, perfide, sournois.
‖ V artificiel, factice. — CONTR. : I, 1 exact,
réel, véritable, vrai ; 2 congru, convenable,
correct, juste, pertinent ; 3 judicieux, nor-
mal, logique, sensé ; 4 fondé, mérité, raison-
nable. ‖ II, 2 et 3 juste. ‖ III, 1 authentique,
vrai ; 2 naturel ; 4 arrêté, clair, net, précis.
‖ IV, 1 certain, éprouvé, incontestable,
véridique ; 2 véritable ; 3 attesté, certifié,
officiel ; 4 direct, droit, franc, loyal, sincère.
• REM. Pour tous les sens donnés dans
le paragraphe III, faux se place devant le
nom. Il sert ainsi à former une infinité
d’expressions dont celles qui sont ici ne
sont que des exemples.

& faux adv. (av. 1662, Pascal). D’une


manière fausse : Raisonner faux. Chanter
faux. Quel enfant sourd ou quel nègre fou
| Nous a forgé ce bijou d’un sou | Qui sonne
creux et faux sous la lime (Verlaine). Le son
même de leur voix sonnait faux (Gide). D’où
cette impression qu’il pense faux, même
quand il dit des choses qui paraissent justes
(Martin du Gard).

& À faux loc. adv. (sens 1, 1629, Mairet ; sens


2, début du XXe s. ; sens 3, 1690, Furetière).
1. Sans raison suffisante : L’enquête a
prouvé qu’il était accusé à faux. ‖ 2. Sans
atteindre le but, sans résultat : Souvent leurs
filets, tâtonnant, butaient à faux sur le corps
des poissons (Genevoix). ‖ 3. Porter à faux,
en parlant d’une pièce d’architecture ou de
mécanique dont le centre de gravité n’est
pas situé dans le polygone de sustentation,
se maintenir en équilibre grâce à une force

extérieure : Un balcon qui porte à faux ;


au fig., ne pas être solidement établi : Ce
raisonnement porte à faux ; manquer le
but : Le sacrifice qui porte à faux est encore
le sacrifice (Hugo).

& En porte à faux loc. adj. (1865, Littré).


1. Se dit de ce qui n’est pas à l’aplomb de
son point d’appui : Des loges de théâtre en
porte à faux. ‖ Fig. Raisonnement en porte
à faux, raisonnement qui ne repose pas sur
des bases solides. ‖ 2. Fig. Se dit d’une per-
sonne qui est dans une situation délicate
ou périlleuse.

• SYN. : 1 faussement, à tort.

& faux n. m. (sens 1, v. 1265, Br. Latini ;


sens 2, 1675, Boileau ; sens 3, av. 1834,
Béranger ; sens 4, 1659, Molière [s’ins-
crire en faux] ; sens 5, XXe s.). 1. Ce qui
est contraire à la vérité : Distinguer le
faux du vrai. Plaider le faux pour savoir
le vrai. ‖ Être dans le faux, se tromper,
être dans l’erreur. ‖ Class. Caractère
fallacieux d’une chose : Il ne considéra
ni la fausse gloire ni le faux des honneurs
(Fléchier). ‖ 2. Littér. Ce qui, dans une
oeuvre littéraire, manque de naturel : Le
faux est toujours fade, ennuyeux, languis-
sant (Boileau). ‖ 3. Imitation d’une pierre
précieuse ou d’un métal précieux en une
matière commune : Ce bijou est un faux.
‖ 4. Imitation, altération d’un acte, d’une
pièce, d’une signature, d’un timbre : Faire
un faux. Se rendre coupable d’un faux en
écriture. Être condamné pour faux et usage
de faux. ‖ S’inscrire en faux, en justice,
soutenir, par un acte légal, la fausseté
d’une pièce alléguée par la partie adverse :
S’inscrire en faux contre un testament ; au
fig., s’élever contre une assertion, opposer
un démenti : Je m’inscris en faux contre ce
que vous venez de dire. ‖ 5. OEuvre d’art
qui n’est pas de la main de l’artiste à qui
elle est attribuée : On a fait une exposition
de faux célèbres. ‖ Pièce archéologique
qui est de fabrication récente : Les faux
de Glozel.

• SYN. : 1 erreur, contrefaçon, copie, pas-


tiche, plagiat. — CONTR. : 1 vérité, vrai.

faux-bourdon [foburdɔ̃] n. m. (de faux


2 et de bourdon ; début du XVe s., Ch d’Or-
léans). Technique du chant d’église qui
repose sur le principe d’une mélodie dou-
blée par des intervalles en mouvement
parallèle : Chanter en faux-bourdon. Le
bon père qui, autrefois, avait été renommé
à Notre-Dame pour chanter et enseigner le
faux-bourdon (Vigny).

• Pl. des FAUX-BOURDONS.

• REM. Faux bourdon, sans trait d’union,


v. BOURDON.

faux-du-corps [fodykɔr] n. m. (de faux,


var. orthographique de faut, manque
[substan tivation de la 3e pers. du sing. de
l’indic. prés. de faillir, au sens de « man-
quer »], du [art. défini contracté] et corps ;
1549, R. Estienne [le faulx, « la taille »,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1855

fin du XIVe s., E. Deschamps]). Vx. Partie


où le corps s’amincit entre la poitrine et
la hanche.

faux-fuyant [fofɥijɑ̃] n. m. (altér., par


croisement avec faux, adj., du moyen
français forsfuyant, proprem. « qui fuit
dehors » [de l’anc. préf. fors-, lat. foris,
foras, « dehors — sans ou avec mouve-
ment », et de fuyant, part. prés. de fuir],
attesté seulement [au XVe s.] comme adj.
correspondant au n. f. forsfuiance, « droit
payé par un serf pour obtenir de son sei-
gneur le droit de passer dans un autre
domaine » [de fors- et de fuir] ; v. 1550,
Tilander, comme n. f., écrit faux-fuyante
[comme n. m., écrit faux-fuyant, fin du
XVIe s., La Curne], au sens de « chemin
détourné par lequel s’échappe le gibier » ;
sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1664,
Molière). 1. Class. Sentier détourné par
où l’on peut s’en aller sans être vu : Le père
et la mère les menèrent dans l’endroit de
la forêt le plus épais et, dès qu’ils y furent,
ils gagnèrent un faux-fuyant (Perrault).
‖ 2. Fig. Moyen détourné pour se tirer
d’embarras ou pour éluder une question
précise : Je sentis que toute question n’amè-
nerait que des faux-fuyants (Fromentin).
Bref, Joseph écoutait, l’air furibond, et
il a tout de suite trouvé son faux-fuyant
(Duhamel).

• Pl. des FAUX-FUYANTS.

• SYN. : 2 dérobade, échappatoire, pirouette


(fam.), prétexte, subterfuge.

faux-marcher [fomarʃe] n. m. (emploi


substantivé de [se] faux marcher, vaciller
sous la pesanteur du corps [du paturon]
de sorte que l’ongle laisse une double trace
[1561, Du Fouilloux], altér. probable, par
croisement avec l’adj. faux, de formar-
cher, faire un faux pas, se tordre le pied
[qui n’est attesté qu’en 1611, Cotgrave],
de l’anc. préf. for-, fors- [v. l’art. précéd.],
et de marcher, proprem. « marcher en
dehors » ; 1751, Dictionnaire universel
d’agriculture). Allure de la biche qui biaise
en marchant, et du cerf après qu’il a mis
bas son bois.

faux-monnayeur [fomɔnɛjoer] n. m.
(réfection, d’après monnaie [v. ce mot],
de l’anc. franç. faux monniier, même sens
[v. 1240, Tobler-Lommatzsch], de fausse
monoie, contrefaçon de la monnaie [XIIIe s.,
Tobler-Lommatzsch], de fausse [fém. de
faux, adj.], et de monoie [forme anc. de
monnaie] ; 1332, Godefroy). Personne qui
fabrique ou utilise de la fausse monnaie ou
de faux billets de banque : On crut d’abord
que c’étaient des faux-monnayeurs qui se
livraient à une orgie (Nerval).

• Pl. des FAUX-MONNAYEURS.

• SYN. : faussaire.

faux-poivrier [fopwavrije] n. m. (de


faux 2 et de poivrier ; XXe s.). Arbuste des
pays méditerranéens au feuillage orne-

mental : De faux-poivriers au feuillage


vaporeux (Duhamel).

• Pl. des FAUX-POIVRIERS.

faux-semblant [fosɑ̃blɑ̃] n. m. (de faux


2 et de semblant, n. m. ; fin du XIVe s.,
Chronique de Boucicaut). Littér. Apparence
trompeuse d’un sentiment que l’on affecte
sans l’éprouver vraiment : Un faux-semblant
de tendresse. À l’apparence extérieure,
l’affectation, l’imitation, le désir d’être
admiré, soit des bons, soit des méchants,
ajoutent les faux-semblants des paroles, des
gestes (Proust).

• Pl. des FAUX-SEMBLANTS.

• SYN. : affectation, simulacre.

faverole n. f. V. FÉVEROLE.

faveur [favoer] n. f. (lat. favor, faveur,


sympathie, marques de faveur, applau-
dissements, de favere, favoriser ; v. 1150,
Barbier, aux sens I, 1 et 3 ; sens I, 2, v. 1355,
Bersuire ; sens I, 4, 1669, Molière ; sens
II, 1690, Furetière [« écharpe, ruban, etc.,
donnés par une dame à son chevalier »,
1564, J. Thierry]).

I. 1. Disposition à traiter quelqu’un avec


une bienveillance spéciale, à lui accorder
une préférence : Et la faveur du cardinal-
archevêque consolerait les derniers jours
de M. Laprune (France). Rappelez-vous
l’Ancien Testament : les biens de la terre
y sont très souvent le gage de la faveur
céleste (Bernanos). ‖ Trouver faveur au-
près de quelqu’un, être bien accueilli par
lui. ‖ Billet, entrée de faveur, invitation
gratuite à un spectacle, ou comportant
seulement le paiement des taxes. ‖ Tour
de faveur, privilège par lequel on passe
avant son tour. ‖ Emploi de faveur, em-
ploi accordé à quelqu’un par protection
spéciale. ‖ Vx. Lettre de faveur, lettre de
recommandation. ‖ Vx. Jour de faveur,
jour de délai accordé aux négociants
pour le paiement de leurs billets après
échéance. ‖ 2. Par extens. Pouvoir, cré-
dit qu’on a auprès de quelqu’un : Être
en grande faveur auprès d’un ministre.
‖ 3. Marque exceptionnelle de bien-
veillance, d’amitié, d’amour : Solliciter
une faveur. On va me demander Dieu
sait quelles faveurs (Stendhal). Le pauvre
étudiant avait été bien reçu dans cette
maison, sans connaître l’étendue de cette
faveur (Balzac). Ces deux hommes étaient
devenus des familiers de la maison, de
ces familiers à qui on accorde des faveurs
spéciales (Maupassant). ‖ Faites-moi la
faveur de, formule de politesse accompa-
gnant une demande, une invite : Faites-
moi la faveur de monter céans, Monsieur
(France). ‖ Les faveurs du ciel, les dons
spirituels envoyés par Dieu : Personne
n’est sûr qu’après les plus grandes faveurs
du ciel il ne sera pas abandonné de la
grâce (Renan). ‖ 4. Class. Ressource :
Afin que, pour nier, en cas de quelque en-

quête, | J’eusse d’un faux-fuyant la faveur


toute prête (Molière).

II. Petit ruban de soie souple, uni, d’un


centimètre environ de largeur : Deux
paquets noués d’une faveur rose (Bar-
bey d’Aurevilly). Les faveurs bleues ou
roses qui avaient servi à nouer toutes ces
surprises du château (Daudet). Le len-
demain, elle m’apporta, dans un paquet
noué de faveurs mauves et scellé de cire
blanche, la brochure qu’elle avait fait cher-
cher (Proust).

• SYN. : I, 1 aide, appui, bonté, piston (fam.),


protection ; 2 considération, crédit, vogue ;
3 avantage, bienfait, grâce, prérogative, pri-
vilège, service.

& En faveur de loc. prép. (sens 1, XVe s.,


Juvenal des Ursins ; sens 2, 1666, Molière).
1. Au profit de : L’orgueil de la protection
exercée à tout moment en faveur d’un être
faible (Balzac). ‖ 2. Class. En considération
de : Nous excusons des années de vanité
en faveur de quelques jours de pénitence
(Fléchier).

& À la faveur de loc. prép. (1580,


Montaigne). Grâce à, en profitant de : Une
subite illumination intérieure, à la faveur
de laquelle je pris conscience de moi-même
(Gide).

& faveurs n. f. pl. (1631, Corneille).


Marques d’amour qu’une femme donne à
un homme : Une femme oublie d’un homme
qu’elle n’aime plus jusqu’aux faveurs qu’il a
reçues d’elle (La Bruyère). ‖ Les dernières
faveurs, le plus complet abandon d’une
femme à celui qu’elle aime.

favorable [favɔrabl] adj. (lat. favora-


bilis, qui attire la faveur, bienvenu, aimé,
populaire, de favor [v. FAVEUR] ; milieu du
XIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1345, Varin ; sens
3, 1656, Pascal). 1. Animé de dispositions
bienveillantes en faveur de quelqu’un : Un
regard favorable. Nous avons fait en sorte
que la presse nous fût favorable (Barrès).
‖ 2. Qui aide au succès, donne des chances
de réussir : Observant que la toile était
déployée et gonflée par un vent favorable, il
fit faire halte à sa troupe (France). ‖ 3. Qui
plaide en faveur de, est à l’avantage de : Je
n’avais pas une opinion favorable de ma
défunte nièce (Bernanos).
• SYN. : 1 bénéfique, clément, complaisant,
encourageant, sympathique ; 2 faste, heu-
reux, opportun, propice ; 3 avantageux, bon,
élogieux. — CONTR. : 1 hostile, malveillant ;
2 adverse, contraire, fâcheux, funeste,
néfaste ; 3 défavorable, sévère.

favorablement [favɔrabləmɑ̃] adv. (de


favorable ; v. 1265, J. de Meung). D’une
manière favorable : Accueillir favorable-
ment une demande.

favori, ite [favɔri, -it] adj. (ital. favorito,


part. passé adjectivé de favorire, favoriser,
du lat. favor [v. FAVEUR] ; début du XVIe s.,
au sens 1 [au fém., 1564, J. Thierry] ; sens
2, 1872, Larousse). 1. Qui est l’objet de la
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1856

préfé rence de quelqu’un : Quelques livres


qui étaient la lecture favorite des mystiques
(Renan). Un de ces petits événements [...] qui
[...] deviennent le thème favori des conver-
sations (Proust). ‖ 2. Se dit du concurrent
qu’on donne généralement comme gagnant
avant la compétition : Cheval favori.

• SYN. : 1 préféré.

& n. (sens 1, début du XVIe s. ; sens 2,


av. 613, M. Régnier ; sens 3, 1872, Larousse).
1. Personne qui est l’objet de la prédilec-
tion de quelqu’un : Cet enfant est le favori
de sa mère. En voyant sa favorite, Adeline,
l’objet des attentions du baron... (Balzac).
‖ Personne qui jouit exclusivement des
bonnes grâces du prince : Comme un
favori qui craint une disgrâce (Balzac).
‖ 2. Personne qui est l’objet d’une bien-
veillance spéciale : Cet auteur est le favori
du moment. ‖ 3. Dans une compétition,
celui des concurrents que l’on considère
généralement comme le futur vainqueur :
Il [un cheval] est donné favori par plus de
la moitié des journaux (Romains).

• SYN. : 1 chéri, chouchou (fam.) ; 2 coque-


luche (fam.).

& favorite n. f. (sens 1, 1690, Furetière ;


sens 2, v. 1700, Quicherat). 1. Maîtresse
d’un roi : Bien des arbres du parc étaient
contemporains de la favorite (Daudet).
‖ 2. Ajustement de la coiffure des femmes,
aux XVIIe et XVIIIe s., qui comportait deux
boucles formant sur le front un croissant
renversé.

& favoris n. m. pl. (1829, Boiste). Touffe de


barbe qu’on laisse croître de chaque côté
du visage sauf sur le menton : M. Noël, en
habit noir, très brun de peau, favoris en
côtelette, vint au-devant de nous (Daudet).
Ils raillaient ses deux longues pendeloques
de favoris blancs (Barrès). Ses favoris, arrê-
tés haut et coupés court, avaient conservé le
ton fauve de sa moustache bourrue (Gide).

favorisé, e [favɔrize] adj. et n. (part.


passé de favoriser ; 1685, Bossuet, comme
adj. ; comme n., av. 1855, Mme de Girardin).
Auquel la fortune a été favorable, qui
jouit d’un privilège : Aux plus favorisés,
il manque toujours quelque avantage
(Mme de Girardin).

favoriser [favɔrize] v. tr. (de faveur,


d’après le lat. favor [v. FAVEUR] ; début
du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1549,
Marguerite de Navarre ; sens 3, 1651,
Corneille). 1. Traiter une personne avec
une bienveillance spéciale, lui accorder
sa préférence : La chance favorisera mon
bon maître (France). Mon fils, si Dieu favo-
rise mes soins, héritera ces vertus de notre
nation (Barrès). ‖ 2. Créer les circons-
tances favorables au déroulement d’une
action, à son succès : Les commères du
quartier favorisaient sa fuite (Mérimée).
Vaisseau favorisé par un grand aquilon
(Baudelaire). La pente du pré favorisait
nos enjambées énormes (Gide). Favoriser

un secteur de l’industrie au détriment d’un


autre. ‖ Spécialem. Contribuer au dévelop-
pement de : Les progrès des arts favorisaient
le goût des spectacles et de la magnificence
(Chateaubriand). ‖ 3. Favoriser de, faire
bénéficier de : Le faubourg [...] est favo-
risé d’un air de lumière (Rimbaud). ‖ La
nature ne l’a pas favorisé de ses dons, il n’a
d’avantage ni physique ni moral.

• SYN. : 1 appuyer, avantager, épauler, pis-


tonner (fam.), pousser, privilégier, protéger ;
2 aider, encourager, faciliter, seconder, ser-
vir ; 3 doter, gratifier. — CONTR. : 1 défa-
voriser, désavantager, desservir, frustrer,
handicaper ; 2 contrarier ; empêcher, entra-
ver, gêner, s’opposer ; contrecarrer.

favoritisme [favɔritism] n. m. (de favori,


sur le modèle de népotisme ; 1823, Boiste).
Tendance à accorder des avantages d’une
manière injuste ou illégale : Louis XVIII
nous apparut dans toute la profondeur
des traditions historiques ; il se montra
avec le favoritisme des anciennes royautés
(Chateaubriand).

• SYN. : népotisme.

fayard [fajar] n. m. (mot d’origine franco-


provenç., dér. de l’adj. lat. fageus, de hêtre,
de fagus, hêtre ; fin du XIVe s., écrit faiart ;
fayard, 1743, Trévoux [qui signale le terme
comme « lyonnais »]). Nom régional du
hêtre : Dés escabelles formées par des bâtons
fichés dans une simple planche de fayard
(Balzac). Il était encore capable d’abattre
seul, à coups de cognée, un fayard gros
comme une tour (Duhamel).

• REM. On trouve aussi la forme FOYARD.

fayot [fajo] n. m. (altér. de fayol, haricot


[1721, Trévoux], anc. provenç. faiol, même
sens [1470, Pansier], de l’anc. franç. faisol,
faséole [fin du XIe s., Gloses de Raschi], bas
lat. carolingien fasiolum, lat. class. faseolus
[v. FASÉOLE] ; fin du XVIIIe s., au sens I ;
sens II, 1, 1833, G. Esnault ; sens II, 2, 1910,
G. Esnault ; sens II, 3, 1881, J. Vallès).

I. Pop. Haricot sec : Des fayots à l’huile


(Barbusse).

II. 1. Arg. et vx. Rengagé de la marine.


‖ 2. Arg. mil. Soldat rengagé. ‖ 3. Arg.
mil. et scol. Celui qui fait du zèle pour se
faire bien voir de ses supérieurs : J’avais
insulté les fayots du collège (Vallès).

fayoter [fajɔte] v. intr. (de fayot ; 1936,


G. Esnault). Arg. Faire du zèle, à la caserne
ou à l’école.

fayousse [fajus] n. f. (origine obscure ;


1862, V. Hugo). Vx. Jeu d’enfants consis-
tant à introduire d’un seul coup autant
de pièces de monnaie que l’on peut dans
un trou creusé en terre, appelé « pot » :
[Gavroche] allait, venait, chantait, jouait
à la fayousse (Hugo).

fazenda [fazɛnda] n. f. (mot du portug.


du Brésil, du lat. facienda, proprem. « ce qui
est à faire », neutre plur. substantivé — et

pris pour un fém. sing. — de l’adj. verbal


de facere, faire [cf. l’anc. provenç. fazenda,
« petite ferme » — XIIe s. —, et l’anc. franç.
faciende, « ferme » — fin du XIIe s., Roman
d’Alexandre — de même étym. que le mot
portug.] ; 1866, Larousse, art. Brésil [t. II,
p. 1233 b]). Au Brésil, grande propriété.

féage [feaʒ] n. m. (de fié [v. 1138, Gaimar],


forme anc. de fief ; début du XIIIe s., aux sens
1-2). 1. En droit féodal, contrat d’inféo-
dation. ‖ 2. Chose inféodée, ou héritage
tenu en fief.

féal, e, aux [feal, -o] adj. et n. (de fei,


forme anc. de foi [v. ce mot] ; v. 1160, Benoît
de Sainte-Maure, comme n. m., écrit feel
[féal, fin du XIIe s.], au sens de « sujet fidèle
et ami » ; comme adj., au sens 1, 1690,
Furetière ; sens 2, fin du XIIe s., Godefroy).
1. Mot déjà vx au XVIIe s. et usité seule-
ment dans les lettres royales au sens de
« fidèle à un suzerain » : À nos amés et
féaux conseillers. ‖ Mot repris ironique-
ment dans la formule amés et féaux : Amés
et féaux du pot-au-feu (Chateaubriand).
‖ 2. Littér. Fidèle à la foi jurée, loyal :
Roland, Duguesclin, Bayard, étaient de
féaux chevaliers (Chateaubriand). L’église
reste fidèle à son vocable, féale à sa dédicace
(Huysmans).

& féal n. m. (fin du XIIe s. [v. ci-dessus]).


Littér. et ironiq. Compagnon fidèle, par-
tisan dévoué : J’allais sous le ciel, Muse, et
j’étais ton féal (Rimbaud).

féauté [feote] n. f. (de féal [v. ce mot],


ou du lat. fidelitas [v. FIDÉLITÉ] ; v. 1155,
Wace, écrit feelté, féalté [féauté, XIIIe s.], aux
sens 1-2). 1. Serment de fidélité prêté par le
vassal à son seigneur. ‖ 2. Littér. Fidélité :
Les femmes abandonnaient d’habitude,
en signe de féauté, un bijou sur l’autel
(Huysmans).

fébricitant, e [febrisitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


febricitans, -antis, part. prés. de febricitare
[v. FÉBRICITER] ; début du XIVe s.). Vx. Qui a
de la fièvre : Un homme fébricitant.

fébricité [febrisite] n. f. (de fébriciter ;


av. 1922, Proust). Vx et littér. État fébrile :
Le nervosisme est un pasticheur de génie. Il
n’y a pas de maladie qu’il ne contrefasse à
merveille. Il imite à s’y méprendre la dila-
tation des dyspeptiques, les nausées de la
grossesse, l’arythmie du cardiaque, la fébri-
cité du tuberculeux (Proust).

fébriciter [febrisite] v. intr. (lat. febrici-


tare, être pris de fièvre, de febris, fièvre ;
1897, E. Rostand). Vx et littér. Avoir de la
fièvre, manifester un état fébrile : Et cet
auguste pouls n’a plus fébricité (E. Rostand).
fébricule [febrikyl] n. f. (lat. febricula,
petite fièvre, dimin. de febris, fièvre ; 1865,
Littré). Fièvre légère qui ne dépasse pas 38
°C, mesurée au rectum.

fébrifuge [febrifyʒ] adj. et n. m. (lat. febri-


fuga, plante fébrifuge, de febris, fièvre, et de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1857

fugare, mettre en fuite, dér. de fuga, fuite ;


1666, J.-L. Monnier). Qui a la propriété
de diminuer ou de supprimer la fièvre :
Un médicament fébrifuge. Un fébrifuge
du même ordre que l’aspirine, non encore
employée alors (Proust).

fébrigène [febriʒɛn] adj. (de fébri-, élé-


ment tiré du lat. febris, fièvre, et de -gène,
du gr. gennân, engendrer, produire ; 1872,
Larousse). Qui engendre la fièvre.

fébrile [febril] adj. (bas lat. febrilis, de


fièvre, fébrile, de febris, fièvre ; 1503, G.
de Chauliac, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré ;
sens 3, 1857, Flaubert). 1. Se dit d’une per-
sonne qui a de la fièvre : Cet enfant est
fébrile. ‖ 2. Se dit de ce qui décèle la fièvre :
Un pouls fébrile. Les crises d’étouffement
sont moins douloureuses. Les poussées
fébriles moins fréquentes (Martin du Gard).
‖ 3. Fig. Qui est désordonné, agité, qui
manifeste une sorte de fièvre : Elle bavar-
dait avec une abondance fébrile (Flaubert).
Calme un peu ces transports fébriles, ma
charmante (Verlaine). D’une écriture
menue, fébrile, pleine d’abréviations, il
jetait sur des feuillets de papier pelure
quelques brèves notes, qu’Alfreda se char-
geait de déchiffrer, et qu’elle tapait ensuite à
l’aide d’une vieille machine à écrire (Martin
du Gard). Il cassait beaucoup de verres au
laboratoire, car ses doigts étaient tourmen-
tés d’un tremblement fébrile (Duhamel).
• SYN. : 1 fiévreux ; 3 endiablé (fam.),
enflammé, exalté, fougueux, frénétique,
nerveux, véhément. — CONTR. : 3 calme,
mesuré, modéré, régulier.

fébrilement [febrilmɑ̃] adv. (de fébrile ;


milieu du XIXe s.). De façon fébrile : Il se
ronge les ongles, s’agite fébrilement sur
sa chaise (Daudet). En faisant danser
fébrilement son genou gauche (Colette).
Joseph, fébrilement, commença d’ouvrir les
armoires (Duhamel). Fébrilement il chercha
son portefeuille, vérifia que le billet était
toujours là (Montherlant).

fébrilité [febrilite] n. f. (de fébrile ; 1857,


Goncourt, aux sens 1-2). 1. État d’une per-
sonne qui a de la fièvre : Le visage un peu
maigre portait des marques de fébrilité
plutôt disgracieuses (Lacretelle). ‖ 2. Fig.
Excitation analogue à celle que donne
la fièvre : Nous traversons une crise de
fébrilité, où l’imagination publique, prête
à délirer, admet des fantômes dont il fau-
drait hausser les épaules (Barrès). Lui aussi,
comme tant d’autres en cet été de 1914, se
sentait vaguement à la merci d’une fébri-
lité collective, contagieuse (Martin du
Gard). Mais j’ai perdu le sommeil et je ne
sais quelle fébrilité agite mon corps et ma
pensée (Gide).

• SYN. : 3 agitation, exaltation, fièvre, fré-


nésie, nervosité.

fécal, e, aux [fekal, -o] adj. (dér. savant


du lat. faex, faecis [v. FÈCES] ; 1503,

G. de Chauliac). Qui a rapport aux fèces :


Le bol fécal. ‖ Matières fécales, excréments
de l’homme.

fécaloïde [fekalɔid] adj. (de fécalo-, élé-


ment tiré de fécal, et de -ide, gr. eidos, aspect,
apparence ; 1865, Littré). Vomissement féca-
loïde, se dit d’un vomissement qui survient
lors d’une occlusion intestinale et qui a
l’odeur des matières fécales.

fécalome [fekalom] n. m. (de fécal, avec


le suff. scientif. -ome ; XXe s.). Accumulation
localisée de matières fécales dans l’intestin,
ressemblant à une tumeur.

fèces [fɛs] n. f. pl. (lat. faeces, plur. de faex,


faecis, lie, bourbe, vase, dépôt, sédiment,
résidu, excréments ; v. 1560, Paré, au sens
1 ; sens 2, 1849, Raspail). 1. Vx. Sédiment
qui se dépose au fond d’un liquide trouble
ou qui a fermenté. ‖ 2. Excréments solides
de l’homme.

fécial, e, aux adj. V. FÉTIAL, E, AUX.

fécond, e [fekɔ̃, -ɔ̃d] adj. (lat. fecundus,


fertile, fécond [au pr. et au fig.], abondant,
qui fertilise ; XIIIe s., Dict. général, au sens 2 ;
sens 1 et 3, 1690, Furetière ; sens 4, 1636,
Corneille). 1. Se dit d’un être animé apte à
la reproduction de l’espèce : Les mulets ne
sont pas féconds. Leurs reins féconds [des
chats] sont pleins d’étincelles magiques
(Baudelaire). ‖ Femme féconde, femme qui
a mis des enfants au monde. ‖ Se dit d’un
animal qui produit beaucoup de petits :
Les petits animaux sont plus féconds que
les grands. ‖ 2. Se dit d’une chose qui peut
produire en abondance : Une terre féconde.
La forêt, plus féconde, ombrageait, sous des
dômes | Des plaines et des fleurs les gracieux
royaumes (Vigny). La graine des chardons
vole et rôde, cherchant le sol fécond où fixer
des racines (Gide). ‖ Source féconde, source
qui donne de l’eau abondamment. ‖ Littér.
Qui rend fertile : Les eaux fécondes du Nil.
Une chaleur féconde. ‖ 3. Fig. Qui donne
le jour à de nombreuses créations intellec-
tuelles, artistiques : L’âme active et féconde
| Du poète qui crée, et du soldat qui fonde
(Hugo). Un écrivain fécond. ‖ 4. Fig. Qui
offre une matière abondante à la réflexion,
à la connaissance : Sujet fécond. Livre
fécond. ‖ Fécond en, qui abonde en, qui
engendre un grand nombre de : Machine
aveugle et sourde en cruautés féconde
(Baudelaire).

• SYN. : 1 prolifique ; 2 fertile, généreux,


productif ; 3 créateur, imaginatif, inventif ;
4 abondant, inépuisable, riche. — CONTR. :
1 bréhaigne, infécond, stérile ; 2 aride,
improductif, infertile, ingrat, pauvre ; 3 sec.

fécondabilité [fekɔ̃dabilite] n. f. (dér.


savant de fécondable ; milieu du XXe s.).
En termes de démographie, aptitude des
femmes à être fécondées. ‖ Taux de fécon-
dabilité, nombre de fécondations interve-
nues dans un groupe de couples fertiles
pendant une durée déterminée.

fécondable [fekɔ̃dabl] adj. (de féconder ;


av. 1885, V. Hugo). Que l’on peut fécon-
der : Je ne supposais pas le vide fécondable
(Hugo).

fécondance [fekɔ̃dɑ̃s] n. f. (de féconder ;


1850, Balzac). Puissance de féconder (rare) :
Pour la reproduction des espèces, la nature a
donné aux femelles la fécondité, aux mâles
la fécondance (Cuvier). Les palpitations
du coeur communiquent au cerveau leur
chaude fécondance (Balzac).

fécondant, e [fekɔ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de féconder ; 1771, Trévoux). Qui
féconde ou fertilise (au pr. et au fig.) :
Un faux ébénier, vêtu de grappes jaunes,
éparpillait au vent sa fine poussière. [...]
Le Sénateur s’arrêta, huma le nuage fécon-
dant (Maupassant). La liqueur fécondante
du mâle.
• SYN. : fertilisant.

fécondateur, trice [fekɔ̃datoer, -tris]


adj. et n. (de féconder, d’après le bas lat.
fecundator, celui qui féconde, de fecunda-
tum, supin de fecundare [v. FÉCONDER] ;
1762, Ch. Bonnet). Qui a la puissance de
féconder (au pr. et au fig.) : Comme autant
de ruisseaux fécondateurs dans le grand
fleuve de l’utilité générale (Hugo).

fécondation [fekɔ̃dasjɔ̃] n. f. (de fécon-


der ; 1488, Mer des histoires, au sens 1 [mot
rare jusqu’au début du XVIIIe s.] ; sens 2-3,
XXe s.). 1. Action de féconder ; résultat de
cette action : Les Grecs [...] savaient bien
qu’Aphrodite ne naît point d’une fécon-
dation naturelle (Gide). ‖ Spécialem.
Fusion du gamète mâle (spermatozoïde
ou anthérozoïde) avec le gamète femelle
(ovule ou oosphère) pour donner un
oeuf. ‖ Fécondation artificielle, procédé
par lequel l’ovule est fécondé en dehors
des conditions naturelles. ‖ 2. Action
de rendre fertile : La fécondation de la
terre par les pluies. ‖ 3. Littér. Pouvoir de
féconder : Les arbres à cônes, chargés de
pollen, agitent aisément leurs branches pour
répandre au loin leur fécondation (Gide).
• SYN. : 3 fertilisation.

féconder [fekɔ̃de] v. tr. (lat. fecun-


dare, féconder, fertiliser, de fecundus
[v. FÉCOND] ; XIIIe s., Dict. général, au
sens 1 ; sens 2, av. 1650, Descartes ; sens 3,
1826, V. Hugo). 1. Rendre un être vivant
femelle en mesure de reproduire l’espèce
en lui apportant l’élément mâle qui lui
est nécessaire : Eh bien, mon ami, dans
ce nombre [de femmes] êtes-vous bien sûr
que vous n’en ayez pas fécondé au moins
une ? (Maupassant). La plupart des pois-
sons ne fécondent leurs oeufs qu’après la
ponte. ‖ 2. Littér. Rendre fertile, produc-
tif : Saint Bernard et ses disciples fécon-
dèrent les vallées stériles (Chateaubriand).
‖ 3. Fig. Mettre en mesure de produire,
de se développer : Ce Simoïs menteur, qui
par vos pleurs grandit, | A fécondé soudain
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1858

ma mémoire fertile (Baudelaire). Ainsi, le


germe qui était en moi fut fécondé (Renan).
• SYN. : 3 enrichir, ensemencer.
fécondité [fekɔ̃dite] n. f. (lat. fecundi-
tas, fertilité, fécondité [au pr. et au fig.], de
fecundus [v. FÉCOND] ; v. 1050, Vie de saint
Alexis, écrit feconditet [fécondité, v. 1398, le
Ménagier de Paris], au sens 1 ; sens 2, 1600,
O. de Serres ; sens 3-4, 1690, Furetière ; sens
5, fin du XVIIe s., Bossuet). 1. Aptitude d’un
être vivant à reproduire des organismes
vivants semblables à lui : La fécondité des
espèces est proportionnelle aux chances
de destruction qui menacent ces espèces
(Toussenel). ‖ Fécondité des femmes, en
démographie, mise au monde d’enfants
par les femmes. ‖ Taux de fécondité, rap-
port du nombre de naissances annuelles
dans un groupe à l’effectif de ce groupe.
‖ 2. Aptitude à produire d’abondantes
récoltes : La fécondité d’un terrain. ‖ 3. Fig.
Caractère d’une personne dont les produc-
tions intellectuelles sont abondantes : La
fécondité d’Eugène Sue était prodigieuse.
‖ 4. Fig. Capacité d’une idée, d’un principe
en conséquences : Cette idée de progression
périodique en exploite toute la fécondité
abstraite et expose toute sa capacité de
séduction sensible (Valéry). ‖ 5. Faculté
de se reproduire sans cesse avec abon-
dance : Avec une infaillible fécondité la
haine engendre la haine (France).

• SYN. : 2 fertilité, productivité ; 3 abon-


dance, facilité. — CONTR. : infécondité, stéri-
lité ; 2 aridité, infertilité ; 3 improductivité.

féculage [fekylaʒ] n. m. (de féculer ;


XXe s.). Action d’ajouter de la fécule à une
denrée alimentaire.

fécule [fekyl] n. f. (lat. faecula, tartre,


tartre de vin de Cos [condiment], de faex,
faecis, lie, dépôt [v. FÈCES] ; 1690, Furetière).
Substance pulvérulente contenue dans les
végétaux, et plus particulièrement dans
les tubercules de certains végétaux ou
légumes : Fécule de pomme de terre, de
manioc, d’igname. Fécules alimentaires.
Fécules médicinales.

féculence [fekylɑ̃s] n. f. (bas lat. faecu-


lentia, abondance de bourbe, de faeculentus
[v. l’art. suiv.] ; XIVe s., Godefroy, aux sens
2-3 ; sens 1, 1849, Bescherelle). 1. État d’une
substance féculente : La féculence des hari-
cots. ‖ 2. État d’un liquide chargé de lie, de
sédiments. ‖ 3. Class. État des humeurs
troublées comme une lie : Je vous aban-
donne [...] à la féculence de vos humeurs
(Molière).

féculent, e [fekylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. fae-


féculent, e [fekylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. fae-
culentus, plein de lie, de vase, bourbeux,
trouble, de faex, faecis, lie, bourbe, résidu
[v. FÈCES] ; v. 1560, Paré, au sens 2 ; sens
1, 1849, Bescherelle). 1. Qui contient de
la fécule. ‖ 2. Qui dépose une lie, des
sédiments.

& féculent n. m. (1849, Bescherelle).


Légume qui contient de la fécule : Les
haricots sont des féculents. S’abstenir de
féculents.

féculer [fekyle] v. tr. (de fécule, 1865,


Littré, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Réduire
en fécule : Féculer des pommes de terre.
‖ 2. Ajouter de la fécule à une denrée ali-
mentaire : Féculer du saucisson.

féculerie [fekylri] n. f. (de fécule ; 1849,


Bescherelle). Usine dans laquelle on
fabrique de la fécule : Les anciens projets
lui revenaient à la mémoire, particulière-
ment la féculerie (Flaubert).

féculeux, euse [fekylø, -øz] adj. (de


fécule ; 1849, Bescherelle). Qui contient
ou qui a l’aspect de la fécule (peu usité) :
Un pâté féculeux.

féculier, ère [fekylje, -ɛr] adj. (de fécule ;


XXe s.). Destiné à la fabrication de la fécule :
Pomme de terre féculière.

& féculier n. m. (1865, Littré). Personne


qui fabrique de la fécule.

féculomètre [fekylɔmɛtr] n. m. (de


féculo-, élément tiré de fécule, et de -mètre,
gr. metron, mesure ; 1872, Larousse).
Instrument destiné à l’essai des fécules.

feddayin [fedajin] n. m. (ar. fidā’ iyyūn ;


v. 1965). Partisan palestinien qui mène la
guerre de commando contre Israël.

fédéral, e, aux [federal, -o] adj. (dér.


savant du lat. foedus, foederis, traité, pacte,
convention, alliance ; 1783, Courrier de
l’Europe, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Qui
appartient, qui a rapport à une fédération
d’États : La constitution fédérale de la
Suisse. ‖ État fédéral, unité internationale
distincte, issue d’une union d’États qui lui
ont cédé leurs prérogatives en matière de
souveraineté externe. ‖ 2. Qui se rapporte
à une fédération sportive, syndicale, etc. :
Un joueur de football qui n’est pas en pos-
session de la carte fédérale.
& fédéraux n. m. pl. (1865, Littré). Nom
donné par les États du Nord à leurs soldats
pendant la guerre de Sécession américaine.

fédéraliser [federalize] v. tr. (de fédéral ;


1798, Acad.). Organiser en une fédération :
Pendant la première Révolution, on a assisté
à la tentative de fédéraliser la France.

fédéralisme [federalism] n. m. (de


fédéral ; av. 1755, Montesquieu, au sens 1 ;
sens 2, fin du XVIIIe s.). 1. Système politique
selon lequel plusieurs États indépendants
abandonnent chacun une partie de leur
souveraineté au profit d’une autorité supé-
rieure. ‖ 2. Projet de décentralisation de
la France soutenu par les Girondins : Aux
Jacobins, on agita gravement la question
du fédéralisme et on souleva mille fureurs
contre les Girondins (Thiers).

fédéraliste [federalist] adj. (de fédéral ;


1793, Journ. de la Montagne, comme adj.

et n.). Relatif au fédéralisme : Tendances


fédéralistes.

& adj. et n. Qui est partisan du fédéra-


lisme : Es-tu feuillant, royaliste, aristocrate,
fédéraliste ? (Goncourt).

fédérateur, trice [federatoer, -tris] adj.


et n. (dér. savant de fédérer ; XXe s.). Qui
organise une fédération, qui favorise une
fédération : Des principes fédérateurs.

fédératif, ive [federatif, -iv] adj. (dér.


savant du lat. foederatus, allié, confédéré,
de foedus, foederis [v. FÉDÉRAL] ; 1748,
Montesquieu, au sens 1 ; sens 2, 1770,
Raynal). 1. Qui est constitué en fédération :
L’Europe présente une République fédéra-
tive composée d’empires et de royaumes
(Rivarol). ‖ 2. Qui est relatif à une fédé-
ration : Les États-Unis de l’Amérique se
donnèrent une constitution fédérative
(Raynal). L’Europe va se trouver demain à
un grand croisement de routes : ou bien la
réorganisation fédérative, ou bien le retour
au régime des guerres successives, jusqu’à
l’épuisement de tous (Martin du Gard).

fédération [federasjɔ̃] n. f. (bas lat. foede-


ratio, alliance, union, de foederatum, supin
de foederare [v. FÉDÉRER] ; fin du XIVe s.,
Chronique de Flandre, au sens 1 [mot
rare jusqu’au XVIIIe s.] ; sens 2, début du
XXe s. ; sens 3, 1790, d’après Larousse, 1872).
1. Union de plusieurs États particuliers en
un seul État collectif, superposé aux États
membres, et auquel ceux-ci abandonnent
une partie de leur souveraineté interne et
la souveraineté externe : La Suisse et les
États-Unis d’Amérique du Nord sont des
fédérations. ‖ 2. Tout groupement orga-
nique de collectivités humaines (syndi-
cats, associations sportives ou politiques,
etc.) : La fédération de l’Éducation natio-
nale est un groupement de syndicats qui
ne sont pas rattachés à une centrale. La
fédération française de football. La fédé-
ration des associations de parents d’élèves.
‖ 3. Spécialem. Sous la Révolution, nom
donné aux associations formées pour lut-
ter contre les ennemis de la liberté. ‖ Fête
de la Fédération, fête nationale organisée
le 14 juillet 1790 à Paris par l’Assemblée
constituante à l’instigation des sections
parisiennes, et réunissant des représentants
de toutes les fédérations provinciales.

fédéré, e [federe] adj. (lat. foederatus,


allié, confédéré [v. FÉDÉRATIF] ; début du
XVIe s., au sens de « allié, ami » ; sens actuel,
1798, Acad.). Qui est membre d’une fédé-
ration : Les cantons fédérés de la Suisse.

& fédéré n. m. (sens 1, 1790, et sens 2, 1815,


d’après Larousse, 1872 ; sens 3, Larousse,
1872). 1. Représentant envoyé à la fête de
la Fédération de 1790. ‖ 2. Volontaire
de la Garde nationale pendant les Cent-
Jours : Les fédérés de 1815. ‖ 3. Soldat de la
Commune de Paris en 1871, par opposition
aux Versaillais : Dans le Père-Lachaise, on
y voyait comme en plein jour. Les fédérés
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1859

essayèrent encore de se remettre aux pièces,


mais ils n’étaient pas essez nombreux, et
puis Montmartre leur faisait peur (Daudet).
‖ Mur des Fédérés, au cimetière du Père-
Lachaise, à Paris, mur contre lequel ont
été fusillés les derniers insurgés de la
Commune en 1871.

fédérer [federe] v. tr. (de fédéré, ou du


bas lat. foederare, unir par alliance, du lat.
class. foedus, foederis [v. FÉDÉRAL] ; début
du XIXe s.). [Conj. 5 b.] Grouper en une
fédération : Fédérer de petits États.

& se fédérer v. pr. (1792, Brunot). Se former


en fédération : Les Gardes nationaux se
fédérèrent en 1790.
fée [fe] n. f. (bas lat. Fata, déesse de la
Destinée, Parque, du lat. class. fatum, des-
tin, fatalité [v. FATUM] — on attribuait aux
fées un pouvoir surnaturel sur la destinée
humaine ; début du XIIe s., Pèlerinage de
Charlemagne, au sens 1 ; sens 2, milieu du
XIXe s., Baudelaire ; sens 3, 1865, Littré).
1. Être imaginaire représenté sous les
traits d’une femme au pouvoir surnatu-
rel : J’avais reçu, avant de naître, le coup
de quelque fée (Renan). Et nos baisers mor-
dus sanglants | Faisaient pleurer nos fées
marraines (Apollinaire). ‖ Conte des fées
(vx), conte de fées, conte dans lequel les
fées interviennent : Cela ressemble un peu
à un conte de fées (Musset). ‖ Pays des fées,
château des fées, pays, château enchanté
imaginaire. ‖ Pierre aux fées, nom donné
dans le langage populaire aux monuments
mégalithiques. ‖ Travailler comme une fée,
travailler avec une adresse admirable.
‖ Ouvrage de fée, ouvrage d’une admirable
délicatesse. ‖ Doigts de fée, se dit des doigts
d’une femme qui exécute à la perfection des
ouvrages délicats. ‖ 2. Fig. Femme remar-
quable par sa grâce, son esprit, sa bonté :
La femme est une fée bienfaisante (Karr).
‖ La fée du logis, femme d’intérieur qui
subvient à tout par son talent et son ingé-
niosité. ‖ 3. Fig. Vieille fée, fée Carabosse,
femme désagréable, revêche : Une voix de
vieille fée, enrouée, cassée, fêlée (Daudet).
Et Dominique, sur les routes, prisonnière
d’une vieille fée sans entrailles ? (Mauriac).
& adj. (XVe s., Laborde). Vx et littér.
Enchanté, ensorcelé : Les bottes étaient
fées, elles avaient le don de s’agrandir et de
s’apetisser selon la jambe de celui qui les
chaussait (Perrault). Charles Perrault dit
que la clef du petit cabinet était fée. Ce qui
veut dire qu’elle était enchantée (France).
C’étaient des arbres fées (Hugo).

feed-back [fidbak] n. m. invar. (loc. angl.


signif. « contrôle en retour », de to feed,
nourrir, entretenir, faire durer, et back, en
arrière, en retour ; milieu du XXe s.). Terme
employé par les AngloSaxons pour dési-
gner une action de contrôle en retour.

• SYN. : rétroaction.

feeder [fidoer] n. m. (mot angl. signif.


« canal d’alimentation », proprem. « nourri-

cier, pourvoyeur », de to feed, nourrir ; 1891,


Bonnafé). Ligne électrique ou canalisation
reliant directement l’usine génératrice ou
une sous-station à un point du réseau de
distribution : Aucune dérivation ne doit
être prise le long d’un feeder.

féer [fee] v. tr. (de fée ; v. 1130, Eneas. écrit


faer ; féer, XVIe s.). Vx. Rendre fée ; douer
d’un pouvoir magique : Je vous fée et vous
refée (formule des anciens contes).

féerie [feri] n. f. (de fée ; XIIe s.,


Partenopeus de Blois, écrit faerie [féerie,
1718, Acad.], aux sens 1-2 ; sens 3, 1823,
Boiste ; sens 4, milieu du XIXe s. ; sens 5,
1872, Larousse). 1. Vx. Art, puissance des
fées : La féerie est essentiellement mani-
chéenne (Gautier). ‖ 2. Monde fantastique
des fées : L’âge de la féerie. Le domaine de
la féerie. ‖ 3. Pièce de théâtre fondée sur
la magie, sur l’apparence d’êtres surnatu-
rels : Ils copiaient sans relâche des drames,
vaudevilles, opérettes, féeries, comédies
(Daudet). J’eus le même étonnement que
dans une féerie où des tourelles et un per-
ron s’animent et deviennent des personnes
(Proust). ‖ 4. Fig. Monde merveilleux que
l’imagination se crée : Depuis trois ans [...],
je ne me suis consacré qu’à la poursuite de
la féerie, d’un état d’insouciance systéma-
tique de tout ce qui n’est pas l’amour et le
merveilleux (Montherlant). ‖ 5. Par extens.
Ce qui est d’une beauté merveilleuse : Une
féerie de couleurs.

• SYN. : 4 merveilleux ; 5 fantasmagorie.

féerique [ferik] adj. (de féerie ; 1834,


Landais, aux sens 1-2). 1. Qui appartient,
qui a rapport aux fées ; surnaturel : Il a
voulu sans doute chercher à vous voir et
à vous connaître d’une manière féerique
(Musset). Je fermerai partout portières et
volets | Pour bâtir dans la nuit mes féeriques
palais (Baudelaire). ‖ 2. D’une beauté quasi
surnaturelle, merveilleux : La réverbéra-
tion féerique de la lune sur ces blanches
nappes, ces cascades figées où l’ombre des
pics, des aiguilles, des séracs, se découpait
d’un noir intense (Daudet). On jouit là d’un
coup d’oeil féerique (Proust). Le vert-bleu
féerique des algues (Colette).

• SYN. : 2 fabuleux, fantastique, irréel,


magique, prodigieux. — CONTR. : 2 banal,
commun, ordinaire, quelconque, vulgaire.

féeriquement [ferikmɑ̃] adv. (de fée-


rique ; 1872, Larousse). D’une manière
féerique : La vue du jardin féeriquement
allumé (Daudet).

feignant, e adj. et n. V. FAIGANT.


feindre [fɛ̃dr] v. tr. (lat. fingere, façonner,
pétrir, modeler, imaginer, inventer fausse-
ment ; 1080, Chanson de Roland, comme
v. pr., au sens de « s’imaginer, se croire » ;
comme v. tr., aux sens 3-4, v. 1265, Br.
Latini ; sens 1, v. 1462, Cent Nouvelles nou-
velles ; sens 2 et 5, fin du XVe s., Commynes).
[Conj. 55.] 1. Littér. Faire paraître des senti-

ments, des intentions, des manières d’être


qui n’ont que l’apparence, pour tromper
autrui : Soit qu’elles [les odalisques] fei-
gnissent le sommeil, soit qu’elles fussent réel-
lement assoupies, leurs têtes étaient tombées
sur mes épaules (Chateaubriand). Un peu de
cet émoi devait être sincère pour qu’elle dési-
rât d’en feindre davantage (Proust). Il s’agis-
sait de feindre des connaissances que je n’ai
point et dont ceux qui les possèdent ne me
rendent pas jaloux (Valéry). ‖ Feindre de
(et l’infinitif), faire semblant de : Pour plus
de commodité, je feignis donc d’avoir les
pensées et les goûts qu’on me prêtait (Gide).
Est-il sot ou feint-il de l’être ? (Bernanos).
[V. Rem.] ‖ 2. Littér. Créer l’illusion de :
Les autans langoureux dehors feignaient
l’automne (Apollinaire). ‖ 3. Class. et littér.
Imaginer, supposer : Feignez un homme
de la taille du mont Athos (La Bruyère).
Descartes est donc conduit à feindre. Il fait
des suppositions assez étranges. Il feint qu’il
y ait « non point un vrai Dieu, mais un cer-
tain mauvais génie, non moins rusé et trom-
peur que puissant, qui a employé toute son
industrie à le tromper » (Valéry). ‖ 4. Class.
Dire faussement, faire accroire que : Il lui
feint qu’en un lieu que vous seul connaissez,
| Vous cachez des trésors par David amas-
sés (Racine). ‖ 5. Class. Feindre de, à (et
l’infinitif), hésiter à (employé surtout à la
forme négative) : [Lucrèce] ne feignit point
de donner son coeur au marquis (Corneille).
Nous feignions à vous aborder de peur de
vous interrompre (Molière).

• REM. À l’époque classique, le verbe


feindre pouvait s’employer sans préposi-
tion dans le sens de « faire semblant de » :
Lui, qui n’était novice au métier d’assié-
geant [...], | Feignit vouloir gravir, se guin-
da sur ses pattes (La Fontaine).

& v. intr. (sens 1, fin du XIIe s., Conon de


Béthune ; sens 2, 1690, Furetière ; sens
3, 1680, Richelet [comme v. pr., 1611,
Cotgrave]). 1. Littér. En parlant d’une
personne, faire semblant d’être ce qu’on
n’est pas : Il est temps à présent que je
cesse de feindre (Valéry). Mme de Fontanin
était inhabile à feindre : elle s’était tournée
vers sa fille et la considérait franchement
(Martin du Gard). ‖ 2. Littér. En parlant
d’une chose, induire en erreur, tromper :
C’est pourquoi, bien plutôt que dans les
lettres, j’aurais placé mes complaisances
dans les arts qui ne reproduisent rien, qui
ne feignent pas, qui se jouent seulement de
nos propriétés tout actuelles, sans recours à
notre faculté de vies imaginaires (Valéry).
‖ 3. Boiter légèrement, en parlant d’un
cheval.

& se feindre v. pr. (v. 1190, Garnier de


Pont-Sainte-Maxence [« hésiter », v. 1155,
Wace]). Class. Se faire passer pour : Mais
non, l’artifice est grossier. | Tu [Hippolyte]
te feins criminel pour te justifier (Racine).
‖ Absol. Déguiser sa pensée, ses senti-
ments : Mais leur divin génie est forcé de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1860

se feindre, | Et les rend malheureux s’il ne


se peut contraindre (de Viau).

feint, e [fɛ̃, -ɛ̃t] adj. (part. passé de


feindre ; v. 1361, Oresme, au sens 1 ; sens 2,
1600, O. de Serres). 1. Qui n’est qu’apparent,
simulé : Une feinte bonhomie (Gautier). On
répond à ses insolences, à ses colères, vraies
ou feintes, par des coups, des farces gros-
sières (Tharaud). ‖ 2. En architecture, se
dit de ce qui est factice, construit pour la
symétrie : Colonne, porte, fenêtre feinte.
• SYN. : 1 affecté, artificiel, factice, faux ; 2
postiche. — CONTR. : 1 profond, réel, spon-
tané, vrai.

feinte [fɛ̃t] n. f. (part. passé fém. substan-


tivé de feindre ; v. 1220, G. de Coincy, au
sens 5 ; sens 1, v. 1530, C. Marot ; sens 2,
av. 1549, Marguerite de Navarre ; sens 3,
1680, Richelet ; sens 4, début du XXe s. ;
sens 6, 1690, Furetière ; sens 7, 1865,
Littré). 1. Class. et littér. Le fait de feindre,
de prendre ou de donner une apparence
contraire à la réalité : Voulez-vous qu’avec
moins de contrainte | L’un et l’autre une fois
nous nous parlions sans feinte (Racine). La
feinte est de règle dans les marchés (Alain).
Il y a dans la sincérité d’un aveu plus d’élo-
quence [...] que dans les plus savantes feintes
de l’éloquence (Gide). ‖ Spécialem. et lit-
tér. Manifestation d’un sentiment qu’on
n’éprouve pas : La fausse cordialité est une
feinte (Alain). ‖ 2. Manoeuvre par laquelle
on cherche à égarer quelqu’un : Ô feinte
exquise de l’amour [...], par quel secret
chemin tu nous menas du rire aux pleurs
(Gide). Mais elle, de même qu’elle avait
cru que son refus d’argent n’était qu’une
feinte, ne voyait qu’un prétexte dans le ren-
seignement que Swann venait lui demander
sur la voiture à repeindre ou la valeur à
acheter (Proust). ‖ 3. Spécialem. En termes
militaires ou en termes de sports, de jeux,
mouvement destiné à tromper l’adversaire :
Comme un homme qui va se battre repasse
ses feintes et ses rompus... (Balzac). Même
quelquefois, le fait qu’on engage dans une
opération des troupes énormes n’est pas la
preuve que cette opération soit la vraie ; car
on peut l’exécuter pour de bon, bien qu’elle
ne soit qu’une feinte, pour que cette feinte ait
plus de chance de tromper (Proust). ‖ En
prestidigitation, manoeuvre destinée à
égarer l’esprit critique des spectateurs.
‖ 4. Fam. Ruse, attrape : Sa sortie n’était
qu’une feinte. Faire une feinte à quelqu’un.
‖ 5. Class. Fiction, invention poétique : La
feinte est un pays plein de terres désertes ; |
Tous les jours nos auteurs y font des décou-
vertes (La Fontaine). ‖ 6. En termes d’im-
primerie, défaut de touche sur la feuille
quand une partie de la forme n’a pas reçu
assez d’encre. ‖ 7. Défaut du cheval qui
boite légèrement.

• SYN. : 2 comédie, manège, manigance


(fam.), ruse, simagrées.

feinter [fɛ̃te] v. intr. (de feinte ; 1897,


E. Rostand). En termes de sports, faire une
feinte : Un joueur de football doit savoir
feinter.

& v. tr. (sens 1, milieu du XXe s. ; sens 2,


1931, G. Esnault). 1. Feinter la passe,
en termes de sports, simuler une passe.
‖ 2. Fam. Induire quelqu’un en erreur
volontairement ou avec adresse : Feinter
un adversaire.

feinteur [fɛ̃toer] n. m. (de feinter ; sens 1,


1929, G. Esnault ; sens 2, milieu du XXe s.).
1. En sports, joueur qui est habile à feinter.
‖ 2. Fig. Personne qui trompe les autres
avec aisance.

feintise [fɛ̃tiz] n. f. (de feindre ; v. 1190,


Garnier de Pont-Sainte-Maxence). Class.
et littér. Action ou habitude de feindre,
de cacher ses véritables sentiments : Vous
n’avez point de déguisement au visage, de
flatterie en la bouche, ni de feintise au coeur
(Malherbe). Au lieu de se dire sans fein-
tise homme de la gauche pure, Du Croisier
avait ostensiblement adopté les opinions
que formulèrent un jour les 221 (Balzac).
Et voici pourquoi ces quelques lignes d’un
inconnu m’ont à la fois agréablement sur-
pris et donné honte de ma feintise (Gide).
Stendhal mesurait par là et par son coeur la
feintise des autres, et se trouvait en quelque
sorte infiniment sensibilisé à l’égard de la
« vérité » de second plan que l’on peut attri-
buer à toute personne (Valéry).

felapton [felaptɔ̃] n. m. (mot du lat. sco-


last., forgé de toutes pièces par les logiciens
du Moyen Âge ; 1872, Larousse). Terme de
l’ancienne scolastique, formé pour dési-
gner un syllogisme dont la majeure est
universelle négative, la mineure univer-
selle affirmative, et la conclusion parti-
culière négative. (Ex. :« Nul homme ne
peut se quitter soi-même. Or tout homme
est ennemi de soi-même. Donc, il y a des
ennemis qu’on ne saurait quitter. »)

félatier [felatje] n. m. (de fêle ; 1730,


Savary des Bruslons, écrit félatier et féra-
tier). Ouvrier verrier qui tire le verre avec
la fêle.

• REM. On dit aussi, par corruption,


FÉRATIER.

feldgrau [fɛldgrau ou fɛldgro] n. m.


invar. (mot allem. signif. proprem. « gris
des champs » ; v. 1915, aux sens 1-2).
1. Couleur de l’uniforme de l’armée alle-
mande pendant la Première Guerre mon-
diale. ‖ 2. Fam. Nom donné au soldat
allemand pendant la guerre de 1914 - 1918 :
Les feldgrau ont atteint nos tranchées de
bordure (Romains).

& adj. invar. (v. 1915). : Un grouillement


de capotes bleues, de pantalons rouges, de
tuniques feldgrau (Martin du Gard).

feld-maréchal [fɛldmareʃal] n. m.
(allem. Feld-marschall, proprem. « maré-
chal [Marschall] de campagne [Feld] » ;

1845, Bescherelle). Mot allemand fran-


cisé désignant le grade le plus élevé de
la hiérarchie militaire en Allemagne, en
Angleterre, en Autriche, en Suède, en
Russie.

• Pl. des FELD-MARÉCHAUX.

feldspath [fɛldspat] n. m. (mot allem.,


proprem. « spath [Spath] des champs
[Feld] » ; 1780, Gohin). Nom donné à
certains minéraux de couleur claire que
l’on trouve dans les roches éruptives.
‖ Feldspath aventurine, variété de felds-
path potassique à reflets dorés. ‖ Feldspath
nacré, variété que l’on trouve dans l’île de
Ceylan, appelée aussi argentine, oeil-de-
poisson, pierre de lune. ‖ Feldspath vert,
variété appelée aussi pierre des Amazones
ou amazonite, vert céladon. ‖ Feldspath
argiliforme, kaolin.

feldspathiforme [fɛldspatifɔrm] adj.


(de feldspathi-, élément tiré de feldspath, et
de forme ; 1840, Acad.). Se dit de minéraux
qui ont l’apparence du feldspath.

feldspathique [fɛldspatik] adj. (de


feldspath ; 1840, Acad.). Qui contient du
feldspath.

feldspathisation [fɛldspatizasjɔ̃] n. f.
(dér. savant de feldspath ; milieu du XXe s.).
En minéralogie, formation de feldspath par
action du magma éruptif sur les roches qui
sont à son contact.

feldwebel [fɛltvebəl] n. m. (mot allem.


signif. « adjudant » ; v. 1941). Sous-officier
de l’armée allemande dont le grade cor-
respond à celui d’adjudant de l’armée
française.

fêle ou felle [fɛl] n. f. (lat. fistula, tuyau,


canal, fistule ; 1723, Savary des Bruslons).
Tube de fer creux dont le verrier se sert
pour souffler le verre.

fêlé, e [fɛle] adj. (part. passé de fêler ; 1423,


Dict. général, au sens 1 [v. l’art. suiv.] ; sens
2, 1831, V. Hugo ; sens 3, 1645, Scarron).
1. Qui a été fendu sans que les parties se
soient séparées : La marquise, au-dessus
de la porte, a des vitres fêlées (Romains).
‖ 2. Fig. et péjor. Qui rend un son mat, faux,
semblable à celui des objets fêlés : Elle écou-
tait, dans un hébétement attentif, tinter un
à un les coups fêlés de la cloche (Flaubert).
Une voix de vieille fée, enrouée, cassée, fêlée
(Daudet). ‖ 3. Fam. Se dit de quelqu’un qui
n’a pas tout son bon sens : Tu es un peu fêlée
ma chère, il faut soigner ça (Zola). ‖ Fam.
Avoir le timbre fêlé, avoir le cerveau fêlé,
être un peu fou.

• SYN. : 1 fissuré ; 3 dérangé (fam.), détraqué


(fam.) ; piqué (fam.), sonné (fam.), timbré
(fam.).
fêler [fɛle] v. tr. (contraction de *faieler
[forme attestée indirectement par le dér.
faieleüre, v. FÊLURE], faeler, fendre, lézar-
der [XIIIe s., Aucassin et Nicolette], lat. pop.
*fagellare, lat. class. flagellare, fouetter [de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1861

flagellum, fouet, dér. de flagrum, fouet,


martinet, lanière, étrivières], les fissures
d’un objet ayant été comparées aux traces
laissées sur la peau par des coups de fouet ;
1423, Dict. général, au part. passé, écrit
fellé ; à l’infin., écrit fesler et fêler, XVIIe s.).
Provoquer une fissure dans un objet, le plus
souvent à la suite d’un choc, sans que les
parties se séparent : Fêler un carreau, une
assiette. Gardez-vous d’y sauter [dans un
entresol] de joie, me conseilla un humoriste,
vous vous fêleriez le crâne (Colette).

• SYN. : fissurer.

& se fêler v. pr. (milieu du XVIIIe s., Buffon).


Être atteint d’une fissure, le plus souvent
à la suite d’un choc, sans tomber en mor-
ceaux : Un verre qui s’est fêlé dans l’eau
bouillante.

félibre [felibr] n. m. (mot provenç., choisi


en 1854, lors de la fondation du félibrige,
par F. Mistral et six poètes de ses amis,
qui l’avaient emprunté à un récit pop. où
il était question des « sept félibres de la
Loi », le terme félibre de ce texte étant issu
de l’hébreu sefer, livre [l’étym. proposée par
Mistral est inexacte : bas lat. fellibris, var. du
lat. impér. fellebris, qui suce, nourrisson, de
fellare, sucer, téter, les savants étant, selon
Mistral, ceux qui boivent directement au
sein de la Science] ; 1872, Larousse, écrit
félibré ; félibre, 1877, Littré). Écrivain de
langue d’oc, membre du félibrige : Un
autre jour, j’allais rejoindre mes amis les
poètes provençaux, les Félibres (Daudet).
‖ Membre d’une association félibréenne.

félibréen, enne [felibreɛ̃, -ɛn] adj. (de


félibre ; début du XXe s.). Relatif aux félibres,
à la langue provençale : Le mouvement féli-
bréen. La littérature félibréenne.

félibrige [felibriʒ] n. m. (mot provenç.


de F. Mistral et de ses amis, de félibre [v. ce
mot] ; 27 mai 1876, Journ. officiel [l’École
a été fondée le 21 mars 1854]). École litté-
raire fondée par un groupe d’écrivains pro-
vençaux (Mistral, Roumanille, Aubanel,
etc.) pour redonner au dialecte proven-
çal le rang de langue littéraire qu’il avait
autrefois : Le Félibrige s’assemblait encore
dans les roseaux de l’île de la Barthelasse,
en face des remparts d’Avignon et du palais
papal (Daudet).

félicitation [felisitasjɔ̃] n. f. (de féliciter ;


1687, Th. Corneille [v. aussi ci-dessous]).
Vx. Action de féliciter : Un compliment de
félicitation.

& félicitations n. f. pl. (1623, A. d’Aubigné


[qui considère le mot comme genevois —
dans le langage scolaire et militaire, début
du XXe s.]). Compliments que l’on adresse
à quelqu’un pour lui témoigner la part
que l’on prend à une chose agréable qui
lui est arrivée : Adresser ses félicitations
à quelqu’un à l’occasion de son mariage,
de la naissance d’un enfant. Présenter ses
félicitations. ‖ Spécialem. Compliments
reçus par une personne pour le succès

qu’elle a obtenu : Recevoir des félicitations


d’un directeur pour la qualité d’un travail.
‖ Récompense qui était attribuée aux meil-
leurs élèves dans les lycées par le conseil
de classe et mentionnée sur le bulletin
trimestriel. ‖ Récompense décernée à un
militaire ou à une unité pour sanctionner
un travail ou un acte exceptionnel.

• SYN. : congratulations (ironiq. et fam.) ;


éloge, louanges.

félicité [felisite] n. f. (lat. felicitas, bon-


heur, bonne chance, de felix, felicis, fécond,
fertile, heureux ; v. 1265, Br. Latini, au
sens 2 ; sens 1, 1549, J. Du Bellay). 1. Class.
Heureuse fortune : S’ils sont arrivés au
port, tenant une route qui apparemment
les en éloignait, il ne faut pas se fier pour-
tant à cette félicité aveugle qui les a gui-
dés (Guez de Balzac). ‖ 2. Littér. État de
contentement intérieur dû à la possession
de tout ce que l’on désire : J’étais calme
plutôt [...], ne concevant pas que cette félicité
pût changer, et n’en désirant point au-delà
(Sainte-Beuve). Il triomphait, il se ven-
geait, il baignait dans la félicité (Barrès).
‖ Spécialem. Bonheur ou plaisir très grand
éprouvé dans certaines circonstances
(surtout au plur.) : J’aime à rappeler ces
félicités qui précédèrent de peu d’instants
dans mon âme les tribulations du monde
(Chateaubriand). Le coeur plein des félici-
tés de la nuit, l’esprit tranquille, la chair
contente, il s’en allait ruminant son bonheur
(Flaubert). Une félicité m’envahit comme
quand un médicament puissant commence
à agir et nous enlève une douleur (Proust).

féliciter [felisite] v. tr. (bas lat. felicitare,


rendre heureux, de felix, felicis [v. l’art.
précéd.] ; v. 1460, G. Chastellain, au sens
de « rendre heureux » ; sens actuel, 1630,
Brunot [d’abord féliciter avec quelqu’un,
1611, Cotgrave]). Témoigner à quelqu’un
qu’on partage la joie qui lui est causée
par un événement heureux : Permettez-
moi, monsieur le duc, de vous féliciter de
l’heureuse issue de cette grande affaire
(Chateaubriand). Quant à tes succès, cher
ami, je puis à peine dire que je t’en félicite,
tant ils me paraissent naturels (Gide). J’ai
raconté l’histoire et l’on m’a félicité pour
cette malice (Giono).

• SYN. : complimenter, congratuler.

& se féliciter v. pr. (sens 1, av. 1704,


Bourdaloue ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Se
trouver satisfait de telle ou telle chose :
J’ai dit au comte que tu croyais, et il s’en
est félicité (Stendhal). Dans son état de
dépression, il se félicita d’éviter un gouffre
inconnu (Barrès). Chacun se félicitait que
tout fût préparé. ‖ 2. Se faire l’un à l’autre
des félicitations : Et l’on se complimente, et
l’on se félicite (Hugo).

• SYN. : 1 s’applaudir, se réjouir ; 2 se com-


plimenter, se congratuler.

félidé [felide] n. m. (du lat. feles, felis, chat,


et du gr. eidos, aspect, apparence ; 1842,

Acad., écrit félide [au sing. et au plur.] ;


félidé, félidés, fin du XIXe s.). Animal de la
famille des félidés.

& félidés n. m. pl. Famille de carnivores


comprenant des digitigrades à griffes
rétractiles et à molaires coupantes et peu
nombreuses : Le chat, le lion, le tigre, le
guépard font partie des félidés.

félin, e [felɛ̃, -in] adj. (bas lat. felinus,


de chat, de feles, felis [v. l’art. précéd.] ;
fin du XVIIIe s., au sens 1 ; sens 2-4, 1845,
Bescherelle). 1. Qui appartient au genre des
chats : La race féline. ‖ 2. Qui tient du chat
ou qui rappelle le chat : Une souplesse féline.
Presque tout le monde connaît ses cheveux
longs et souples [de Th. Gautier], son port
noble et lent et son regard plein d’une rêve-
rie féline (Baudelaire). ‖ 3. Qui a dans ses
mouvements la grâce souple du chat : Il
était debout devant elle, dans sa sveltesse
féline, avec sa taille cambrée, son teint de
bronze clair, son sourire, son regard câlin...
(Martin du Gard). ‖ 4. Qui est d’une dou-
ceur perfide : Une caresse féline.

& félin n. m. (1834, Landais). Tout carnas-


sier de la famille des félidés : Les émana-
tions musquées des grands félins d’Afrique
(Daudet).

félinement [felinmɑ̃] adv. (de félin, adj. ;


fin du XIXe s., A. Daudet). Littér. D’une
manière féline : Et tout à coup, l’astucieuse
petite personne, pour rallumer Moussu
Numa, qu’elle se reprochait d’avoir un peu
trop refroidi, dit à son frère félinement
avec son intonation câline et chantante...
(Daudet).

félinerie [felinri] n. f. (de félin, adj. ; 1881,


A. Daudet). Littér. Caractère d’une per-
sonne qui a la grâce, la souplesse du chat
ou sa douceur perfide : Les mots et les actes
toujours en désaccord. Deux paroles, deux
visages. Toute la félinerie et la séduction de
sa race (Daudet).

félinité [felinite] n. f. (de félin, adj. ; 25 nov.

1875, Journ. officiel). Caractère félin.

fellaga ou fellagha [fɛlaga] n. m. (mot


de l’ar. magrébin, plur. de fellag, coupeur de
route ; v. 1956). Nom donné en Tunisie, puis
en Algérie aux partisans, groupés ou non
en bandes armées, soulevés contre l’auto-
rité française pour obtenir l’indépendance
de leur pays.

fellah [fɛla] n. m. (ar. magrébin fellāh,


ar. class. fallāh, cultivateur ; 1664,
J. de Thévenot, écrit fela ; fellah, début du
XIXe s.). Paysan égyptien : Le tout assai-
sonné de coups de trique sur les épaules des
fellahs (Flaubert).

felle n. f. V. FÊLE.

félon, onne [felɔ̃, -ɔn] adj. (bas lat. caro-


lingien fellonem, accus. de fello, félon, fran-
cique *fillo, équarisseur, celui qui maltraite
[les esclaves] ; v. 980, Passion du Christ, au
sens 3 ; sens 1, XIIe s., Roncevaux ; sens 2,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1862

fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens 4,


v. 1175, Chr. de Troyes). 1. Dans le langage
de la chevalerie, se disait d’un vassal qui ne
respectait pas la foi jurée à son seigneur :
Chevalier félon. ‖ 2. Littér. Qui fait preuve
de déloyauté : Et j’ignorais son naturel félon
(Voltaire). ‖ 3. Class. Qui cherche à nuire
par méchanceté naturelle : Faites marcher
contre eux des Scytes, des Gelons, | Et s’il
se peut encore, des monstres plus félons
(Tristan). ‖ 4. Class. Se dit des choses qui
ont un caractère cruel : Et les ongles félons
[de la lionne] s’impriment dans ses flancs
(La Fontaine).

& adj. et n. (1080, Chanson de Roland).


Coupable de trahison : Ganelon est le
type du félon. Par leur belle détrompée, les
félons seront honnis (Hugo). Le maître du
précepteur félon se sentait soudain déchiré
(Bourget).

• SYN. : traître.

félonie [felɔni] n. f. (de félon ; v. 1050, Vie


de saint Alexis, au sens 1 ; sens 2, XIIe s.,
Roncevaux). 1. Caractère de ce qui est per-
fide : Rosalie n’en acceptait aucun [de ses
prétextes] et sous la félonie de son évolu-
tion lui en montrait la maladresse (Daudet).
Laurent s’épuisait à chercher sur ces visages
familiers un indice de félonie (Duhamel).
‖ 2. Acte d’un félon, offense d’un vassal
envers son seigneur. ‖ Par extens. Acte
déloyal.

• SYN. : 1 déloyauté, perfidie ; 2 forfaiture,


trahison.

felouque [fəluk] n. f. (ar. marocain felūka,


ar. class. falūwa, petit bateau de transport ;
fin du XVIe s., écrit pelouque ; 1606, Nicot,
écrit falouque ; felouque, 1611, Cotgrave).
Petit bâtiment marchant à la voile et à la
rame, gréé d’une ou de deux voiles latines
avec des mâts inclinés vers l’avant, utilisé
autrefois par les pirates barbaresques : Une
grande felouque, aux couleurs et aux formes
singulières, se repose dans un grand port, où
circule et nage toute la lumière de l’Orient
(Baudelaire). Il faut voir avec quelle verve
la chronique parisienne d’alors tirait toutes
ses salves d’honneur pour la felouque dorée
qui s’en venait d’Orient (Daudet).

fels [fɛl] n. m. (origine incertaine, peut-


être ar. fulūs, petite pièce de monnaie, du
gr. pholis, écaille de reptile, de poisson ;
XXe s.). Monnaie de bronze en usage chez
les Arabes du Moyen Âge à nos jours.

fêlure [fɛlyr] n. f. (de fêler [v. ce mot] ;


XIIIe s., Godefroy, écrit faieleüre [fêlure,
v. 1560, Paré], au sens 1 ; sens 2, 1852,
Flaubert ; sens 3, début du XXe s. ; sens 4,
1684, La Fontaine). 1. Fente étroite qui se
produit accidentellement dans la matière
d’un objet rigide sans que les fragments
se séparent : La fêlure d’une vitre. ‖ 2. Fig.
Indice d’un désaccord moral : On sent une
fêlure dans l’entente de ce couple, si uni en
apparence. ‖ 3. Fig. Altération d’un son qui
rappelle celui d’une cloche fêlée : Claude

crut remarquer dans sa voix une fêlure de


dépit (Vercel). ‖ 4. Vx et fam. Avoir une
fêlure au crâne, avoir un léger dérangement
d’esprit qui altère le bon sens.

• SYN. : 1 fissure ; 2 cassure, faille, lézarde.

felze [fɛlz] n. f. (ital. felza, cabine d’une


gondole ; début du XXe s.). Capot amovible
que l’on peut adapter à une gondole véni-
tienne pour abriter les passagers : Il n’eût
pas manqué, lui, par une matinée aussi
fraîche, de mettre la « felze » et j’eusse fait
le trajet de Murano à l’abri de la singulière
et confortable petite cahute ainsi appelée
(H. de Régnier).

femelle [fəmɛl] n. f. (lat. femella, petite


femme [restreint par la suite au sens de
« femelle »], dimin. de femina, femme [v.
FEMME] ; XIIIe s., Du Cange, au sens 1 ; sens
2, v. 1265, Livre de jostice ; sens 3, av. 1778,
J.-J. Rousseau ; sens 4, v. 1530, C. Marot ;
sens 5, 1678, Guillet). 1. Animal du sexe
féminin : La femelle du singe est souvent
appelée guenon. ‖ 2. Femme, en termes de
droit féodal et de généalogie : Dans les deux
premiers cas de succession, les avantages
des mâles et des femelles étaient les mêmes.
‖ 3. Pop. Femme, en bonne part : Toutes les
femmes intellectuelles lui sauront gré d’avoir
élevé la femelle à une si haute puissance, si
loin de l’animal pur et si près de l’homme
idéal, et de l’avoir fait participer à ce double
caractère de calcul et de rêverie qui consti-
tue l’être parfait (Baudelaire). ‖ 4. Pop. et
Péjor. Femme mauvaise ou méprisable :
Nous entrâmes dans l’un de ces établisse-
ments que la Providence a placés dans les
villes comme de fétides mais utiles égouts
[...], j’allumai un cigare, m’étendis dans un
coin [...] pendant que la voix éraillée des
femelles glapissait (Flaubert). ‖ 5. Pièce
de fer scellée dans un mur et creusée pour
recevoir le pivot d’une porte.

& adj. (sens 1, XVIe s. ; sens 2, 1690,


Furetière ; sens 3 [pour un duché, etc.] et
4, fin du XVIIe s., Saint-Simon ; sens 5, 1687,
Desroches). 1. Dans les espèces d’animaux
ou de plantes hétérogames, se dit du plus
volumineux et du moins mobile des deux
gamètes lors de la fécondation : Un gamète
femelle. ‖ 2. Se dit de celui des deux indi-
vidus qui apporte le gamète femelle lors
de la fécondation : Une perdrix femelle.
‖ 3. Qui est du sexe féminin, en termes de
généalogie, surtout nobiliaire : Les héritiers
mâles et femelles. ‖ Spécialem. Se disait
d’un duché, d’une dignité transmissible par
les femmes : Les biens étaient immenses, si
le frère venait à manquer, et de plus l’espé-
rance de la dignité de duc et pair, parce
que celle de Mazarin était femelle (Saint-
Simon). ‖ 4. Péjor. De femme, féminin : Il
reconnut alors son mentor femelle, dont la
tendresse le surprenait toujours (Balzac).
‖ 5. Se dit d’une pièce de bois ou de métal
creusée pour recevoir le saillant d’une autre
pièce : Une prise femelle.

• CONTR. : mâle.

femellier [fəmɛlje] adj. (de femelle ; fin


du XIXe s.). Vx et fam. Qui court les femmes
pour satisfaire des appétits grossiers : Ses
collègues trouvaient qu’il manquait de
sérieux, et les plaideurs lui reprochaient
d’être trop femellier (Theuriet).

fémelot [femlo] n. m. (de femelle, même


sens [1623, Jal] ; 1732, Trévoux). Chacune
des ferrures à deux branches embrassant
l’étambot d’un navire et présentant des
logements destinés à recevoir les aiguillots
du gouvernail.

féminéité n. f. V. FÉMINITÉ.

féminiforme [feminifɔrm] adj. (de


fémini-, élément tiré du lat. femina
[v. FEMME], et de forme ; 1865, Littré). Qui
présente une forme féminine.

féminilité [feminilite] n. f. (de féminin,


d’après le bas lat. feminilis, de femme, dér.
de femina [v. FEMME] ; 1855, Goncourt).
Syn. de FÉMINITÉ.

• REM. Ce mot est propre à l’écriture ar-


tiste de la fin du XIXe s.

féminin, e [feminɛ̃, -in] adj. (lat. femini-


nus, féminin, de femme, du genre féminin
[en grammaire], de femina [v. FEMME] ;
v. 1188, Chanson d’Aspre-mont, écrit feme-
nin [féminin, XIIIe s.], au sens 2 ; sens 1,
XIIIe s., Macchabées ; sens 3-4, XXe s. ; sens
5, 1690, Furetière ; sens 6, v. 1540, Yver).
1. Qui appartient à la femme, physique-
ment ou moralement : Tout son désir fémi-
nin de conquérir et de séduire, ses ambitions
glorieuses, élégantes ou mondaines, elle
les avait mises dans son fils, ce grand joli
garçon de vingt-huit ans, à la tenue cor-
recte de l’artiste moderne (Daudet). Elle
[Élisabeth] se replia sur les ressources d’une
nature féminine toute neuve et prête à servir
(Cocteau). ‖ Substantiv. Éternel féminin,
v. ÉTERNEL. ‖ 2. Qui a les caractères de
la femme : Avoir des manières féminines.
‖ 3. Qui a rapport aux femmes : Se vanter
de ses succès féminins. ‖ 4. Qui est com-
posé de femmes : Un orchestre féminin.
‖ 5. Spécialem. En grammaire, qui appar-
tient au genre dit féminin : Un nom fémi-
nin. ‖ 6. Rime féminine, rime que termine
une syllabe inaccentuée.

• SYN. : 2 efféminé.

& féminin n. m. (1865, Littré). En gram-


maire, un des ensembles définis par
l’opposition de genre, et qui comprend,
en français, certains noms désignant des
êtres animés femelles et une partie des
noms désignant des choses : Les mots
« chatte », « maison » sont du féminin.
‖ Mot qui appartient à cet ensemble ou
genre : « Scolopendre » est un féminin.
(V. GENRE.)

• CONTR. : masculin.

fémininement [femininmɑ̃] adv. (de


féminin, adj. ; XXe s.). D’une manière fémi-
nine : Mais je n’éprouve aucune satisfac-
tion à écrire, fémininement, au courant
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1863

de la plume et tout ce que j’écris ainsi me


déplaît (Gide).

féminisation [feminizasjɔ̃] n. f. (de


féminiser ; 1864, Sainte-Beuve, au sens 1 ;
sens 2, 1868, Négrin ; sens 3, XXe s. ; sens
4, v. 1960). 1. Péjor. Action de donner un
caractère féminin ou efféminé : L’art grec
consiste dans la féminisation de toutes les
vertus et de toutes les beautés (Toussenel).
Aussi ne lui reprocherai-je pas ce léger
enjolivement et cette féminisation du petit
chef-d’oeuvre antique (Sainte-Beuve).
‖ 2. Spécialem. En grammaire, action de
donner à un mot la marque du féminin.
‖ 3. Spécialem. Transformation du mâle en
femelle. ‖ 4. Augmentation de la propor-
tion des femmes par rapport aux hommes
dans un groupement ou une profession : La
féminisation du corps enseignant.

féminiser [feminize] v. tr. (dér. savant


du lat. femina, femme [v. FEMME] ; 1521, P.
Fabri, au sens 2 ; sens 1, 1835, Th. Gautier).
1. Donner un caractère féminin ou effé-
miné : Avant le christianisme on ne fémi-
nisait pas les dieux ou les héros que l’on
voulait faire séduisants ; ils avaient leur
type, vigoureux et délicat (Gautier). Si vous
féminisez son idée du bonheur... (France).
‖ 2. Donner à un mot le genre féminin
(rare) : Le terme « enzyme » a été féminisé
par l’Académie des sciences.

• CONTR. : 1 masculiniser, viriliser.

& se féminiser v. pr. (sens 1, 1872, Larousse ;


sens 2, av. 1869, Lamartine ; sens 3, v. 1960).
1. Péjor. Perdre son caractère d’homme :
Je me suis féminisé et attendri par l’usure
(Flaubert). ‖ 2. Prendre un aspect fémi-
nin : Le front avait quelque chose de mascu-
lin, mais depuis qu’elle avait cessé de parler,
elle se féminisait [...] parce que l’abandon de
la volonté adoucissait ses traits (Malraux).
‖ 3. Comprendre un plus grand nombre de
femmes qu’auparavant.

féminisme [feminism] n. m. (dér. savant


du lat. femina, femme [v. FEMME] ; 1837, Fr.
M. Ch. Fourier, au sens I ; sens II, XXe s.).

I. Doctrine, mouvement d’opinion qui a


pour objet l’extension du rôle des femmes
dans la société.

II. État d’un individu du sexe masculin


présentant des caractères de féminité
plus ou moins marqués.

féministe [feminist] adj. (de féminisme ;


fin du XIXe s.). Qui se rapporte au fémi-
nisme : Une manifestation féministe.

& adj. et n. (1907, Larousse). Qui est par-


tisan ou qui se réclame du féminisme : Je
suis plutôt féministe comme on disait en ce
temps-là (Duhamel). Ils se chamaillaient
comme deux féministes (Hermant).
féminité [feminite] n. f. (dér. savant de
féminin ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 [mot
rare jusqu’à la fin du XIXe s.] ; sens 2, av.
1880, Flaubert). 1. Caractère distinctif de

la femme : Une femme, et la plus douée de


féminité, peut-être, que nous ayons jamais
vue (Hermant). Les yeux noyés et le léger
gonflement de ses lèvres accentuaient [...] sa
féminité (Malraux). ‖ 2. Péjor. Absence de
virilité : Deux drôles charmants de corrup-
tion, de dégradation intentionnelle dans le
regard et de féminité dans les mouvements
(Flaubert).

• REM. On a dit aussi FÉMINÉITÉ (milieu


du XIXe s., Baudelaire) : De la féminéité de
l’Église, comme raison de son omnipuis-
sance (Baudelaire).

femme [fam] n. f. (lat. femina, femme,


femelle, et, à basse époque en Gaule
romane, « épouse » ; 1080, Chanson de
Roland, au sens II, 1 ; sens I, 1, XIIe s., Lois
de Guillaume ; sens I, 2, 1668, Molière ; sens
I, 3, 1865, Littré ; sens I, 4, 1872, Larousse ;
sens I, 5, 1642, Corneille [femme d’hon-
neur] ; sens I, 6, 1862, V. Hugo ; sens II,
2, 1827, Chateaubriand ; sens III, 1, 1670,
Racine ; sens III, 2-3, 1680, Richelet ; sens
III, 4-5, 1835, Acad.).

I. 1. Être humain du sexe féminin : La loi


salique excluait les femmes de la posses-
sion de la terre. Rien ne remplace l’atta-
chement, la délicatesse et le dévouement
d’une femme (Chateaubriand). ‖ Absol.
La femme, type idéal comprenant les ca-
ractères communs à toutes les femmes :
Il est impossible qu’une femme, fût-elle
née aux environs du trône, acquière avant
vingt-cinq ans la science encyclopédique
des riens, la connaissance des manèges,
les grandes petites choses, les musiques de
voix et les harmonies de couleurs, les dia-
bleries angéliques et les innocentes roue-
ries, le langage et le mutisme, le sérieux et
les railleries, l’esprit et la bêtise, la diplo-
matie et l’ignorance, qui constituent la
femme comme il faut (Balzac). J’ai appris
à peser, à corriger ce qu’a dit de la femme
l’antique Salomon (Sainte-Beuve). Quand
la femme vraiment femme avance dans
la vie, toutes ses grâces émigrent du corps
à l’esprit (Sand). Il considérait la femme
comme un objet d’art, délicieux et propre
à exciter l’esprit, mais un objet d’art déso-
béissant et troublant, si on lui livre le seuil
du coeur, et dévorant gloutonnement le
temps et les forces (Baudelaire). ‖ 2. Vx.
Bonne femme, femme d’un âge avancé :
Elle se nomme Mariane et vit sous la
conduite d’une bonne femme de mère qui
est presque toujours malade (Molière) ;
auj. et pop., femme quelconque, épouse
ou non : Inviter quelqu’un avec sa bonne
femme. ‖ Fam. Vieille bonne femme,
femme âgée : Les enfants avaient deman-
dé leur chemin à une vieille bonne femme.
‖ Remède de bonne femme, remède pré-
conisé par des traditions populaires.
‖ Conte de bonne femme, récit ou dis-
cours peu digne de foi : Les sermons des
prêtres ne sont que des contes de bonne
femme (France). ‖ 3. Maîtresse femme,

femme douée d’un caractère énergique.


‖ 4. Femme de lettres, d’affaires, femme
dont le métier est d’écrire, de faire des
affaires : Mais quel singulier mélange elle
montre aussi, d’une mystique ardente
et d’une femme d’affaires froide (Huys-
mans). ‖ 5. Vx. Femme de qualité, femme
appartenant à la noblesse. ‖ Femme de
bien, femme d’honneur, femme honnête
et de bonne réputation. ‖ Femme de tête,
femme remarquable par son intelligence
et sa volonté. ‖ Femme de mauvaise vie,
femme publique, femme débauchée ou
qui se livre à la prostitution. ‖ Cherchez
la femme, cherchez la femme dont tel
homme est épris, c’est-à-dire cherchez
les mobiles secrets et passionnels de ses
actes. ‖ 6. Être humain du sexe féminin
dont la puberté est achevée : C’est mainte-
nant une femme.

II. 1. Compagne de l’homme, unie à lui


par les liens du mariage : C’est aussi une
tête que celle de ma femme, et, depuis
qu’elle est avec moi, je me trouve à la
tête de deux têtes très difficiles à gouver-
ner (Chateaubriand). Il l’appelait « ma
femme », la tutoyait (Flaubert). ‖ Prendre
femme, se marier : Si, contre toute prévi-
sion, je finis par prendre femme, ce sera
sans aucun doute une fille de ma race
(Duhamel). ‖ Vx. La femme Une telle,
l’épouse de M. Un tel, dans le langage
de la police et de la justice ; auj. et fam.,
l’épouse de M. Un tel, dont on parle avec
mépris. ‖ 2. Femelle des animaux qui
vivent en couple : Le castor est jaloux, et
tue quelquefois sa femme pour cause ou
soupçon d’infidélité (Chateaubriand).

III. 1. Serviteur du sexe féminin : Enga-


ger une femme pour faire les carreaux.
‖ (au plur.) Les domestiques femmes
spécialement attachées à la personne
d’une princesse ou d’une grande dame :
Cattarina avait appelé ses femmes : une
toilette élégante avait remplacé le dés-
habillé paresseux où l’avait trouvée son
amie (Gobineau). ‖ 2. Vx. Femme de
charge, femme de confiance attachée au
service d’une maison pour avoir soin des
effets précieux ou fragiles. ‖ 3. Femme de
chambre, domestique affectée au service
personnel des femmes dans une famille, à
l’entretien des vêtements et au nettoyage
de l’ameublement ; femme attachée au
service intérieur d’un hôtel. ‖ 4. Femme
de ménage, femme employée à faire le
ménage dans un intérieur, et payée à
l’heure. ‖ 5. Femme de journée, femme
employée à la journée, généralement
pour les travaux domestiques ordinaires.

femme-auteur [famotoer] n. f. (de


femme et de auteur ; milieu du XIXe s.,
Baudelaire). Femme qui fait profession avec
quelque ostentation d’écrire des oeuvres
littéraires : Nous avons connu la femme-
auteur philanthrope (Baudelaire).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1864

• Pl. des FEMMES-AUTEURS.

femme-canon [famkanɔ̃] n. f. (de femme


et de canon ; XXe s., aux sens 1-2). 1. Femme
qui, au cirque, porte sur ses épaules un
canon auquel on met le feu. ‖ 2. Pop.
Femme grande et grosse.

• Pl. des FEMMES-CANONS.

femmelette [famlɛt] n. f. (de femme ;


milieu du XIVe s., Machaut, écrit famelette
[femmelette, v. 1460, Villon], au sens 1 ;
sens 2, 1680, Mme de Sévigné). 1. Petite
femme ; femme faible : La moindre fem-
melette de ce temps-là [le XVIIe s. ] vaut
mieux pour le langage que les Jean-Jacques,
les Diderot, les d’Alembert (P.-L. Courier).
Vous n’allez pas maintenant vous évanouir
comme une femmelette (Bernanos). ‖ 2. Fig.
et fam. Homme sans courage et sans carac-
tère : [Lucien] c’est une femmelette qui aime
à paraître, le vice principal du Français
(Balzac). Renzo, un homme à craindre ! le
plus fieffé poltron ! une femmelette, l’ombre
d’un ruffian énervé ! un rêveur qui marche
nuit et jour sans épée, de peur d’en aperce-
voir l’ombre à son côté (Musset).

femmelin, e [famlɛ̃, -in] adj. et n. (de


femelle ; v. 1220, G. de Coincy). Fam.
et péjor. Ravalé au rang d’une femelle
(rare) : Ceux qu’il méprise en secret, que
Proudhon appelait justement les femmelins
(Bernanos).

& adj. (fin du XIXe s., A. Daudet). Fam.


Relatif à une femelle (rare) : Tant il est
vrai que dans le brouhaha de la grande
fabrique humaine les âmes se trompent
souvent d’enveloppes, âmes d’hommes dans
des corps femmelins, âmes de femmes dans
des carcasses de cyclopes (Daudet).

fémor(o)- [femɔr(o)], préfixe tiré du lat.


femur, femoris (v. FÉMUR), et employé en
anatomie pour marquer une relation avec
le fémur ou la cuisse : Le nerf fémoro-cutané
est un nerf sensitif de la fesse et de la cuisse.

fémoral, e, aux [femɔral, -o] adj. (bas


lat. femoralis, de cuisse, de femur [v. l’art.
suiv.] ; fin du XVIIIe s.). Qui appartient au
fémur ou à la cuisse : Artère fémorale.

fémur [femyr] n. m. (lat. femur, femoris,


cuisse [la spécialisation au sens de « os de
la cuisse » est propre au franç.] ; 1586, J.
Guillemeau, au sens 1 ; sens 2, av. 1872,
Th. Gautier). 1. Os de la cuisse : Qu’elle [la
nature vivante] produise un tronc d’arbre,
un fémur, une dent ou une défense, un crâne
ou une coquille, son détour est identique
(Valéry). ‖ 2. Par extens. et ironiq. Cuisse :
Leur culotte de peau trop large fait mille plis
sur leur fémur (Gautier).

fen [fɛn] n. m. (mot chinois ; 1872,


Larousse, aux sens 1-2). 1. Ancienne
unité de mesure de superficie chinoise.
‖ 2. Unité monétaire chinoise.

fenage [fənaʒ] n. m. (de fener, forme anc.


de faner, couper le foin ; 1312, Godefroy).

Au Moyen Âge, prélèvement fait par le sei-


gneur sur la récolte de foin de ses paysans.

fenaison [fənɛzɔ̃] n. f. (de fener, forme


anc. de faner, couper le foin ; début du
XIIIe s., écrit feneison [fenaison, 1600, O.
de Serres], aux sens 1-2 ; sens 3, 1865, Littré).
1. Coupe et récolte des foins : Commencer
la fenaison. ‖ 2. Époque où se fait cette
récolte : On ne les a pas revus depuis la
fenaison. ‖ 3. Dessiccation sur le pré
même, des foins que l’on a coupés.
• SYN. : 1 fanage.

fenasse [fənas] n. f. (de fein, forme anc.


de foin ; 1776, Encyclopédie, au sens de
« graminées » ; sens actuel, 1878, Larousse).
Débris végétaux que le foin laisse sur le
plancher des fenils.

fenassier [fənasje] n. m. (de fenasse ;


1872, Larousse). Ouvrier qui fait les pro-
visions de fourrage et les dépose dans les
écuries.

fendage [fɑ̃daʒ] n. m. (de fendre ; 1845,


Bescherelle, aux sens 1-2). 1. Vx. Opération
de dégrossissage dans la taille du diamant.
‖ 2. Action de fendre du bois.

fendant [fɑ̃dɑ̃] n. m. (part. prés. substan-


tivé de [se] fendre ; XVIe s., au sens I, 1 ; sens
I, 2, fin du XVIe s., L’Es-toile ; sens II, XXe s. ;
sens III, 1-2 [parce que ce raisin se fend sous
la dent], début du XVIIIe s.).

I. 1. Vx. En escrime, coup donné de


haut en bas avec le tranchant de l’épée :
Il reçut d’abord un fendant sur le jarret,
dont il perdit beaucoup de sang (d’Ablan-
court). ‖ 2. Vx et fam. Spadassin d’allure
redoutable : Nous étions trente mille va-
nu-pieds contre quatre-vingt mille fen-
dants d’Allemands, tous beaux hommes,
bien garnis (Balzac). ‖ Faire le fendant,
se donner des airs redoutables : Je n’ai
jamais fait le rogue ni le fendant dans la
prospérité (Rousseau). Pauvre garçon, il a
voulu faire le fendant au moment de nous
quitter, mais soyez sûr qu’il a le coeur plus
gros que moi (Proust). Il avait beau faire le
fendant devant elles, parler fort et les tenir
pour des subalternes, il en avait la frousse
(Chérau). ‖ Adjectiv. et vx. Air fendant,
air redoutable qui ne se fait pas prendre
au sérieux.

II. Petit coin métallique dont on se sert


pour débiter le schiste.

III. 1. Variété de chasselas du canton de


Vaud et du Valais. ‖ 2. Vin blanc qu’on
en tire : Boire du fendant.

fendard [fɑ̃dar] n. m. (de fendre, à cause


de la fente de la braguette ; 1896, G. Esnault).
Arg. Pantalon.

• REM. On trouve aussi la graphie FEN-


DART (XXe s.) et les formes FENDANT
(part. prés. substantivé de fendre ; 1918,
G. Esnault) et FENDU (part. passé subs-
tantivé de fendre ; 1939, G. Esnault).

fenderie [fɑ̃dri] n. f. (de fendre ; 1603,


Gay, au sens 2 ; sens 1, 1704, Trévoux ; sens
3, 1690, Furetière). 1. Action de fendre
le fer en barres pour le transformer en
verges, le bois pour en faire des baguettes.
‖ 2. Machine servant à fendre le fer ou le
bois. ‖ 3. Atelier où l’on fend le fer ou le
bois.

fendeur [fɑ̃doer] n. m. (de fendre ; XIIe s.,


écrit fendeor, au sens de « défenseur » ; écrit
fendeur, au sens 1, av. 1453, Monstrelet ;
sens 2, fin du XVIe s., Brantôme). 1. Ouvrier
qui fend du bois. ‖ Ouvrier qui fend des
ardoises. ‖ Ouvrier qui fend des diamants.
‖ 2. Fig. Se dit de quelqu’un qui se donne
des airs redoutables : Gustave Mathieu, un
grand diable roux et maigre, aux airs de
fendeur de Capitan, était assis près de lui,
imitant sa voix, copiant ses gestes (Daudet).
• SYN. : 2 bravache, fier-à-bras, matamore,
pourfendeur.

fendeuse [fɑ̃døz] n. f. (de fendre ;


1865, Littré, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.).
1. Ouvrière qui fend les roues de montre
ou de pendule. ‖ 2. Machine à fendre le
bois. ‖ 3. Machine à fendre l’osier.

fendillement [fɑ̃dijmɑ̃] n. m. (de fendil-


ler ; 1845, Bescherelle). Action de fendil-
ler, ou le fait de se fendiller ; fente légère :
C’était un christ Louis XIII encadré de
chêne [...], avec des fendillements verticaux
dans l’ivoire (Montherlant).

fendiller [fɑ̃dije] v. tr. (de fendre ; av. 1850,


Balzac). Produire de petites fentes dans
quelque chose : La chaleur fendille le mur.
La peinture est fendillée. Les vieux murs
de la maison, fendillés, bossués (Balzac).
Ses manchettes empesées, et fendillées par
l’usage, comme un vieux visage par des
rides, étaient des manchettes détachables
(Montherlant).

• SYN. : fêler, fissurer.

& se fendiller v. pr. (1580, Palissy). Se cou-


vrir de petites plaques détachables : Sur les
lèvres bleuâtres [...], la peau se fendillait
en minces lamelles (Gautier). La figue se
fendille quand elle est en pleine maturité
(Duhamel).

• SYN. : se craqueler, se crevasser, s’étoiler,


gercer, se lézarder.
fendoir [fɑ̃dwar] n. m. (de fendre ; 1700,
Liger). Outil qui sert à fendre : Fendoir de
tonnelier, de boucher.

fendre [fɑ̃dr] v. tr. (lat. findere, fendre,


ouvrir, séparer, diviser ; v. 980, Fragment
de Valenciennes, au sens 1 ; sens 2, 1611,
Cotgrave ; sens 3, av. 1493, G. Coquillart ;
sens 4, 1532, Rabelais ; sens 5, av. 1613,
M. Régnier ; sens 6, v. 1360, Froissart).
[Conj. 46.] 1. Diviser en deux dans le sens
de la longueur, le plus souvent à l’aide d’un
outil tranchant ou d’une arme : Je détachais
du doigt l’écorce sans la fendre (Lamartine).
Pour vous protéger, je fendrais des géants
du crâne à la ceinture (Gautier). Ils étaient
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1865

là, en train de fendre du bois (Maupassant).


‖ Fig. et vx. Fendre un cheveu en quatre,
faire des distinctions trop subtiles entre
des idées et des sentiments. (Auj., on dit
aussi Couper les cheveux en quatre.) ‖ Arg.
mil. Fendre l’oreille à quelqu’un, l’obliger
à démissionner ou l’envoyer à la retraite
(on fendait l’oreille aux chevaux de l’armée
en les réformant) : Mais je sens bien qu’à
donner de la voix continuellement comme
je fais, à rouler des yeux de chat sauvage,
je fatigue tout le monde ; et comme j’ai
mes soixante ans bien sonnés, ce qu’on
va me fendre l’oreille un de ces matins !
(Daudet). ‖ 2. Provoquer brutalement et
profondément une ou plusieurs fentes dans
quelque chose : La sécheresse fend la terre.
La masse des maisons que la chaleur du
jour paraît avoir fendue (Tharaud). ‖ Il
gèle à pierre fendre, il fait si froid que l’eau,
en gelant dans les interstices des pierres,
risque d’y provoquer des fentes. ‖ Fam. Il
me semble qu’on me fend la tête, j’éprouve
un violent mal de tête. ‖ 3. Fig. Fendre
la tête à quelqu’un, l’importuner par un
bruit assourdissant. ‖ Fendre le coeur,
fendre l’âme, causer une vive douleur
morale, une grande pitié : Et il sanglotait
à fendre l’âme, appelant son moulin par
toutes sortes de noms, lui parlant comme à
une personne véritable (Daudet). Ne pleure
pas, je t’en supplie. Tu me fends le coeur
(Maupassant). Ça lui fend le coeur de voir
tenir chez nous le haut du pavé par des
ivrognes et des fainéants (Bernanos). ‖ Fig.
et fam. Des soupirs à fendre les pierres, de
très gros soupirs, la dureté de coeur étant
habituellement comparée à la dureté de la
pierre. ‖ 4. Se frayer un chemin dans un
fluide : L’étrave du navire fend la mer. Quel
besoin de fendre | Ainsi l’air de vos bras
en façon de moulin ? (Verlaine). ‖ 5. Vx.
Fendre le vent, s’échapper au plus vite :
La mer du Levant | Où le vieux Louchali
fendit si bien le vent (M. Régnier). ‖ 6. Fig.
Se frayer brutalement un chemin dans une
masse : Eustache fendait à grand-peine ce
fleuve de peuple (Nerval). Mais brusque-
ment s’échappa Lafcadio, fendant la foule
à coups de canne (Gide).

• SYN. : 1 cliver, tailler, trancher ; 2 cra-


queler, crevasser, fendiller, fissurer, gercer,
lézarder ; 3 casser ; 6 écarter, ouvrir, percer.
& v. intr. (1080, Chanson de Roland, au sens
fig. de « éprouver une douleur morale » ; au
sens propre, v. 1530, C. Marot ; la tête me
fend, 1690, Furetière). Être endommagé par
une ou plusieurs fentes : Pourvu, toutefois,
que l’effort du tournevire ne fît pas fendre le
plancher (Hugo). ‖ Vx et littér. Le coeur me
fend, j’éprouve une vive douleur morale.
‖ Vx et littér. La tête me fend, je suis accablé
par le bruit ; je suis accablé par les soucis.
& se fendre v. pr. (milieu du XVIe s., Amyot,
au sens de « s’écarter [pour laisser passer
quelqu’un] » ; sens 1, 1690, Furetière ; sens
2, XXe s. ; sens 3, 1648, Scarron ; sens 4,
av. 1613, M. Régnier ; sens 5, 1835, Acad. ;

sens 6, 1846, Balzac ; sens 7, fin du XIXe s.).


1. Se séparer en fragments par une fente
dans le sens de la longueur : Le bois blanc
se fend aisément. ‖ 2. Se séparer en frag-
ments selon un plan de clivage : L’ardoise
se fend en lames minces. ‖ 3. Être entamé
par une ou plusieurs fentes qui se forment
brusquement : Sous l’effet de la sécheresse
la terre se fend. ‖ 4. Fig. Mon (ton, son,
etc.)coeur se fend, je suis (tu es, il est, etc.)
étreint par une grande peine. ‖ 5. En
escrime, porter vivement une jambe en
avant, pour attaquer, en laissant l’autre pied
à sa place : Avant de partir, dans le silence
et l’ombre de son cabinet, il s’exerçait un
moment, se fendait, tirait au mur, faisait
jouer ses muscles (Daudet). Et, soudain,
le bras raide, il se fendit comme un escri-
meur, pour écraser sur un point très précis
de la toile une touche de lumière, une seule
(Martin du Gard). ‖ 6. Fig. et pop. Se livrer
à une prodigalité inaccoutumée : Je vous
paye un exemplaire de ce groupe mille écus.
Oh ! oui, sapristi ! mille écus, je me fends
(Balzac). ‖ Se fendre de, donner avec une
générosité inhabituelle : Il s’est fendu d’un
large pourboire au chauffeur de taxi. ‖ 7. Se
faire une fente dans une partie du corps :
Mon bon maître [...] l’envoya, d’un croc-
en-jambe, contre une borne où il se fendit
la tête (France). ‖ Pop. Se fendre la gueule,
se fendre la pêche, rire.

• SYN. : 2 se cliver ; 3 se craqueler, se cre-


vasser, s’entrouvrir, se fêler, se fendiller, se
fissurer, se gercer, se lézarder.

fendu, e [fɑ̃dy] adj. (part. passé de fendre ;


av. 1553, Rabelais). Qui a la forme d’une
fente ; qui présente une fente : Une bouche
fendue jusqu’aux oreilles. Cette jument a
les naseaux bien fendus. Ses yeux étaient
obliques, mais admirablement fendus
(Mérimée). Une jupe fendue en avant.
‖ Être bien fendu, avoir les jambes lon-
gues et droites ; avoir un grand écartement
de jambes.

& fendu n. m. (XXe s.). Autref. Gros pain


presque séparé en deux miches par une
fente dans le sens de la longueur.

& fendue n. f. (XIIIe s., au sens de « creux


dans un rocher » ; XVIIIe s., Brunot, au sens
de « percement à flanc de coteau d’une mine
de houille » ; sens actuel, 1872, Larousse).
Galerie de mine inclinée et débouchant
au jour.

fénelonien, enne [fenlɔnjɛ̃, -ɛn] adj.


(de Fénelon, n. propre ; 1872, Larousse).
Relatif à Fénelon : Une pointe de quiétisme
fénelonien (Goncourt).

féneloniste [fenlɔnist] adj. et n. (de


Fénelon, n. propre ; 1762, Voltaire).
Admirateur de Fénelon. ‖ Adepte du
quiétisme, auquel Fénelon s’était rallié.

fenestella [fənɛstela] n. f. (lat. fenestella,


petite fenêtre, dimin. de fenestra, fenêtre ;
1872, Larousse). Petite niche pratiquée dans

le mur d’enceinte d’un choeur d’église pour


recevoir la piscine.

fenestrage [fənɛstraʒ] n. m. (de fenestre,


forme anc. de fenêtre ; 1230, Godefroy, au
sens de « fenêtre, ouverture » ; sens 1, 1872,
Larousse ; sens 2, 1564, J. Thierry ; sens
3, 1387, Fagniez ; sens 4, XIVe s., Laborde).
1. Action d’ouvrir des fenêtres dans un
bâtiment. ‖ 2. Ensemble des fenêtres d’un
bâtiment. ‖ Façon dont les fenêtres sont
réparties dans un mur. ‖ 3. Ensemble des
divers éléments fixes ou mobiles dont se
compose une fenêtre : À travers le fenes-
trage noir des meneaux et des rosaces
(Hugo). ‖ 4. Par anal. Ornement médié-
val de bois ou de pierre, voire d’orfèvrerie,
en forme d’arcade cintrée ou ogivale : Il
n’est point rare de voir passer dans la rue
des chariots portant les fenestrages ogives
en bois, donnés par tel charpentier à telle
église (Hugo).

• REM. On dit aussi FENÊTRAGE (XVIe s.).

fenestral, e, aux [fənɛstral, -o] adj. (dér.


savant du lat. fenestra, fenêtre ; av. 1850,
Balzac [l’anc. n. m. fenestral, « fenêtre » —
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure —, était
un dér. de fenestre, forme anc. de fenêtre]).
Relatif à une fenêtre (rare) : Dans une
embrasure de croisée où le froid déployait
ses bises fenestrales (Balzac).

fenestration [fənɛstrasjɔ̃] n. f. (dér.


savant du lat. fenestra, fenêtre, ou du lat.
fenestratum, supin de fenestrare, munir de
fenêtres [v. FENESTRER] ; 1901, Larousse, au
sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Autref.
Ouverture, réelle ou factice, percée dans
un plein. ‖ 2. Opération chirurgicale
consistant à créer une nouvelle fenêtre dans
l’oreille interne et à appliquer contre cette
fenêtre un lambeau cutané.

fenestré, e [fənɛstre] adj. (part. passé de


fenestrer ; XIIIe s., Littré [pour une étoffe]).
Se dit d’un élément d’architecture, et, par
extens., d’une étoffe, dont la décoration
consiste en ouvertures régulières rappe-
lant des fenêtres : Des corbeilles [...] avec
des découpures plus frêles et plus fenestrées
qu’une dentelle de Brabant (Gautier).

• SYN. : ajouré. — CONTR. : plein.

fenestrelle [fənɛstrɛl] n. f. (de fenestre


[forme anc. de fenêtre], d’après le lat.
fenestella [v. FENESTELLA] ; XIIe s. [rare
du début du XVIIe s. au milieu du XIXe s.]).
Petite fenêtre. (Rare.)

fenestrer [fənɛstre] v. tr. (de fenestre


[forme anc. de fenêtre] ou du lat. fenes-
trare, munir de fenêtres, de fenestra,
fenêtre ; XIIe s., Partenopeus de Blois, au
sens de « percer [un mur] de fenêtres » [au
part. passé ; à l’infin., XVIIe s.] ; sens actuel,
XIIIe s., Littré [au part. passé ; à l’infin.,
XXe s.]). Ajourer une surface pleine en y pra-
tiquant des ouvertures, ou fenestrations :
La pratique de fenestrer les lames des épées
ne paraît pas antérieure au XVIe siècle.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1866

fenestrier, ère [fənɛstrije, -ɛr] ou


fenêtrier, ère [fənɛtrije, -ɛr] adj. (de
fenestre, forme anc. de fenêtre ; XIIe s.,
comme n. m., au sens de « boutiquier », et
comme adj., au sens de « de fenêtre » [écrit
fenestrier] ; sens 1, 1845, Bescherelle, écrit
fenestrier [fenêtrier, milieu du XXe s.] ; sens
2, 1872, Larousse, écrit fenestrier [fenêtrier,
milieu du XXe s.]). 1. Qui fait des fenêtres
(rare) : Ouvrier fenestrier. ‖ 2. Vx. Qui
passe son temps à regarder par la fenêtre :
Fille fenestrière et trottière, | Rarement
bonne ménagère (vieux proverbe).

& fenestrière ou fenêtrière n. f. (1867,


G. Esnault, écrit fenêtrière [fenestrière, fin
du XIXe s., Huysmans]). Autref. Prostituée
qui se tenait à la fenêtre : Les étonnantes
fenestrières qui habitèrent ces clapiers sont
désormais éparses dans toutes les rues avoi-
sinantes (Huysmans).

fenestron [fənɛstrɔ̃] n. m. (mot provenç.,


de fenestro, fenêtre [anc. provenç. fenes-
tra], lat. fenestra, fenêtre ; fin du XIXe s.,
A. Daudet). Dialect. Fenêtre de petites
dimensions : Le soleil y entre par un fenes-
tron grillagé à pic sur le Rhône (Daudet).

fenêtrage n. m. V. FENESTRAGE.

fenêtre [fənɛtr] n. f. (lat. fenestra, fenêtre,


croisée ; XIIe s., écrit fenestre [fenêtre,
XVIe s.], aux sens I, 1 et II ; sens I, 2, début du
XIIIe s., Audefroi le Bastard ; sens I, 3, 1897,
A. Daudet ; sens I, 4, av. 1896, Verlaine ;
sens I, 5 et 7, 1690, Furetière ; sens I, 6, 1541,
Calvin ; sens I, 8, XXe s.).

I. 1. Ouverture pratiquée dans le mur


d’un bâtiment pour faire pénétrer l’air et
la lumière à l’intérieur : Des portes basses,
des fenêtres toutes petites (Daudet).
‖ Fausse fenêtre, fenêtre dont les tableaux
existent, mais dont l’embrasure est bou-
chée par de la maçonnerie. ‖ Fenêtre
feinte, peinture exécutée sur un mur et
figurant une fenêtre. ‖ 2. Se mettre à la
fenêtre, placer la tête ou le buste dans
l’embrasure d’une fenêtre pour regarder
au-dehors. ‖ 3. Pop. et vx. Faire la fenêtre,
en parlant d’une prostituée, se mettre en
montre à sa fenêtre : Oh ! cette figure pâle
derrière la haute vitre claire, cette folle,
cette morte faisant la fenêtre ! (Daudet).
‖ 4. Fam. À s’en jeter par la fenêtre, au
point d’en perdre la raison et d’attenter
à ses jours : J’aime la danse à m’en jeter
par la fenêtre (Verlaine). ‖ 5. Fam. Jeter
l’argent par les fenêtres, dépenser l’argent
sans compter : Nous avons vécu trop sou-
vent jusqu’alors à la manière des gens du
beau monde, où il est bienséant de jeter
l’argent par les fenêtres (Bernanos). ‖ Fig.
Entrer, rentrer, revenir par la fenêtre, im-
poser sa présence malgré la volonté d’au-
trui : Le père ouvre la porte au matériel
époux, | Mais toujours l’Idéal entra par la
fenêtre (Musset). ‖ 6. Fig. Tout passage
qui permet de communiquer à travers
une clôture, de savoir ce qui se passe de

l’autre côté : Les yeux sont les fenêtres de


l’âme (Sainte-Beuve). Les traités de 1919
donnaient à la Pologne une fenêtre sur la
Baltique. ‖ Ouvrir une fenêtre sur, per-
mettre de prendre une première connais-
sance de quelque chose. ‖ 7. Fenêtre
ronde, fenêtre ovale, nom donné à deux
ouvertures placées à la paroi interne de la
caisse du tympan, entre l’oreille interne
et l’oreille moyenne. ‖ 8. Lacune dans
l’impression d’une page, causée par l’in-
terposition d’un corps étranger entre la
forme et la feuille.

II. Ouvrage de menuiserie placé dans


une baie ouverte dans un mur, et servant
à l’éclairage, à l’aération des bâtiments :
Ruy Blas, fermez la porte, — ouvrez cette
fenêtre (Hugo). Cette maison qui n’a plus
ni porte ni fenêtre est ouverte à tous.
‖ Fenêtre dormante, fenêtre qui ne peut
s’ouvrir. ‖ Fenêtre à l’anglaise, fenêtre à
un ou deux vantaux s’ouvrant vers l’exté-
rieur par rotation autour d’un axe ver-
tical, situé le long d’un montant de rive.
‖ Fenêtre à la française, fenêtre à un ou
deux vantaux s’ouvrant vers l’intérieur
par rotation autour d’un axe vertical situé
le long d’un montant de rive. ‖ Fenêtre à
guillotine, fenêtre composée de deux ou
de plusieurs châssis coulissant verticale-
ment les uns contre les autres, en sorte
que la fenêtre est ouverte quand ils se re-
couvrent tous au même niveau, et fermée
quand ils sont étagés sur toute la hauteur
de l’embrasure : Nous jouissons d’une
installation modèle. Voici les monte-
charge et la petite fenêtre à guillotine par
laquelle je peux surveiller mon personnel
(Duhamel).
• SYN. : I, 1 baie.‖ II croisée.

fenêtré, e [fənɛtre] adj. (de fenêtre [v. ce


mot] ; v. 1560, Paré, écrit fenestré [fenêtré,
1872, Larousse], au sens 2 ; sens 1, 1798,
L. C. M. Richard, écrit fenestré [fenêtré,
1878, Larousse]). 1. En botanique et en zoo-
logie, se dit d’un organe percé d’ouvertures
régulières. ‖ 2. Se dit d’un pansement ou
d’un appareil chirugical plâtré dans lequel
on a pratiqué de petites ouvertures.

fenêtrer [fənɛtre] v. tr. (de fenêtre ou du


lat. fenestrare, munir de fenêtres [v. FENES-
TRER] ; 1829, Boiste [fenestré, « percé de
fenêtres », XIIe s., v. FENESTRER]). Ménager
des fenêtres dans le mur d’un bâtiment
et les garnir de châssis fixes ou mobiles.

fenêtrier, ère adj. V. FENESTRIER, ÈRE.

fenian, ane [fenjɑ̃, -an] adj. (angl. fenian,


mot irlandais, de fene, n. anc. des Irlandais ;
XXe s.). Relatif au mouvement de libération
de l’Irlande dirigé contre la domination
britannique : Conspiration feniane.

& fenian n. m. (1865, Bonnafé). Membre


du mouvement fenian, secte politico-reli-
gieuse formée vers 1861 dans le but de
séparer l’Irlande de l’Angleterre.

fenianisme [fenjanism] n. m. (angl.


fenianism, de fenian [v. l’art. précéd.] ; 1868,
Bonnafé). Doctrine du mouvement fenian.

fenil [fənil] n. m. (lat. fenile, de fenum,


foin ; XIIe s.). Endroit où l’on garde le foin
quand il est rentré : Il admira les crèches,
le fenil, et l’habitation du berger (Bosco).

fennec [fenɛk] n. m. (ar. fanek, fenek ;


1808, Boiste). Petit renard aux oreilles très
grandes, vivant au Sahara, appelé aussi
renard des sables.

fennomane [fɛnɔman] adj. (du lat. Fenni,


Fennorum, n. m. plur., les Finnois ; XXe s.).
Se dit d’un parti national finnois.

fenouil [fənuj] n. m. (lat. pop. *fenuc[u]


lum, lat. class. feniculum, fenouil, proprem.
« petit foin », dimin. de fenum, foin ; v. 1240,
G. de Lorris, écrit fenoil ; fenouil, 1690,
Furetière). Plante aromatique à saveur
d’anis, dont on consomme la base des
pétioles charnus : Les tiges énormes du
fenouil, l’éclat de leur floraison d’or verdi
[...] ce matin de premier été [...] elles étaient
d’une splendeur incomparable (Gide).
fenouillette [fənujɛt] n. f. (de fenouil ;
XVIIe s., Dict. général, au sens I ; sens II,
1707, Dancourt).

I. Eau-de-vie parfumée avec des graines


de fenouil.

II. Petite pomme grise qui a un goût de


fenouil : Il y avait assez de calvilles, de
fenouillettes (Pourrat).

• REM. Au sens II, on dit aussi FENOUIL-


LET n. m. (début du XVIIe s.).

fente [fɑ̃t] n. f. (lat. pop. *findita, fente,


fém. substantivé de *finditus, lat. class. fis-
sus, part. passé de findere, fendre ; début
du XIVe s., au sens 2 ; sens 1, 1771, Trévoux
[bois de fente, 1600, O. de Serres] ; sens 3-4,
XXe s.). 1. Action de fendre : La fente est
une des opérations de la taille des ardoises.
‖ Bois de fente, bois coupé dans le sens de
la longueur des fibres. ‖ 2. Ouverture en
long et étroite à la surface ou à l’intérieur
d’une chose : Boucher les fentes d’un mur.
Regarder par les fentes d’une palissade. La
fente de visée est une ouverture pratiquée
dans le blindage d’un char de combat pour
permettre à l’équipage de voir au-dehors.
Quelle espèce de jour passe aux fentes des
tombes (Hugo). Elle [la Vierge] tenait sur
ses genoux son Enfant, qui [...] passait la
tête par une fente de son manteau (France).
‖ 3. En escrime, action de se fendre. ‖ Par
anal. Sursaut de l’haltérophile passant sous
la barre qu’il vient de soulever. ‖ En ski,
action d’avancer un ski devant l’autre en se
fendant comme à l’escrime. ‖ 4. Longueur
des jambes d’un athlète.

• SYN. : 2 craquelure, crevasse, déchirure,


faille, fêlure, fissure, gerçure, incision,
lézarde.

fenton [fɑ̃tɔ̃] n. m. (de fente, proprem.


« fer ou bois fendu en tringles » ; 1676,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1867

Félibien, au sens 1 ; sens 2-3, 1865, Littré ;


sens 4, XXe s.). 1. Morceau de bois taillé en
cheville. ‖ 2. Fer aplati qui sert de chaîne
aux tuyaux de cheminée. ‖ 3. Ferrure
reliant la maçonnerie d’un mur au cham-
branle d’une cheminée. ‖ 4. Tringle reliant
les poutrelles d’un plancher.

• REM. On écrit aussi FANTON.

fenugrec [fənygrɛk] n. m. (bas lat.


fenugraecum, fenugrec, lat. class. fenum
graecum, proprem. « foin [fenum] grec
[graecum, neutre de l’adj. graecus, grec] » ;
XIIIe s., Dict. général, écrit fenegrec ; v. 1560,
Paré, écrit foenugrec ; fenugrec, 1690,
Furetière). Nom usuel du trigonella, plante
à fleurs bleues, jaunes ou blanches, que
l’on trouve dans les pelouses ou dans les
champs : Les graines du fenugrec ont une
odeur forte et une saveur amère.

féodal, e, aux [feɔdal, -o] adj. (lat.


médiév. feodalis, féodal, de feodum, une
des formes latines de fief [v. ce mot] ;
début du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, v. 1360,
Froissart ; sens 3, 1748, Montesquieu ;
sens 4, XXe s.). 1. Qui appartient ou qui est
relatif au fief : Le jeune baron avait suffi-
samment boudé contre son ventre derrière
ses murailles féodales (Gautier). Parmi les
droits féodaux, le droit d’aînesse assurait
l’indivisibilité du fief. ‖ 2. Qui est soumis
au régime de la féodalité : Un peuple féodal
de campagnards, de voyageurs, de soldats
(Fromentin). ‖ 3. Qui date du temps de
la féodalité : Le Châtelet, non plus tour
romaine, comme sous Julien l’Apostat, mais
tour féodale du XIIIe siècle (Hugo). Les ins-
titutions féodales. Les coutumes féodales.
‖ 4. Péjor. Qui n’est pas de son temps : Il
a des idées féodales sur le monde ouvrier.
& féodal n. m. (XVe s., Godefroy). Seigneur
du temps de la féodalité : Le pouvoir des
féodaux.

féodalement [feɔdalmɑ̃] adv. (de féo-


dal ; XVIe s., A. Thierry). En vertu du droit
féodal.

féodaliser [feɔdalize] v. tr. (de féodal ;


1838, Balzac). Soumettre au système féo-
dal : Le nom glorieux d’un des plus puissants
chefs venus jadis du Nord pour conquérir et
féodaliser les Gaules (Balzac).

féodalisme [feɔdalism] n. m. (de féodal ;


1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens
3, 1865, Littré). 1. Principe de soumission
du vassal au suzerain, caractérisant le sys-
tème féodal. ‖ 2. Caractère de ce qui est
féodal. ‖ 3. Péjor. Domination de fait de
certains grands groupements d’intérêts
privés à l’intérieur d’un État : Le féodalisme
financier.
féodalité [feɔdalite] n. f. (de féodal ;
début du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1778,
Voltaire ; sens 3, 1834, V. Considérant).
1. Au Moyen Âge, tenue d’un héritage à
titre de fief. ‖ 2. Ensemble des lois et des
coutumes qui régirent l’ordre politique

et social en France et dans une partie de


l’Europe du IXe s. à la fin du Moyen Âge.
‖ Par extens. Ordre politique et social
de la France et d’une partie de l’Europe
entre le IXe s. et la fin du Moyen Âge : La
juridiction seigneuriale, sous la féodalité
(Chateaubriand). ‖ 3. Fig. et péjor. Toute
puissance économique et sociale qui pèse
sur la politique d’un État : Il est vivifiant
de penser qu’un jeune fonctionnaire vous
estime assez pour qu’il vous ait demandé
d’abattre la féodalité des pétroliers français
(Romains).

1. fer [fɛr] n. m. (lat. ferrum, le fer, épée,


glaive, objet en fer ; 1080, Chanson de
Roland, au sens II, 2 ; sens I, 1 et III, 4,
XIIe s., Roncevaux ; sens I, 2, 4, II, 5-7, 11
et III, 3, 1690, Furetière ; sens I, 3, XIVe s.,
Cuvelier ; sens II, 1, XIVe s., Littré ; sens II, 3
et III, 2, 1865, Littré ; sens II, 4, 1796, Encycl.
méthodique ; sens II, 8, XIVe s., Ordonnance
royale ; sens II, 9, 1704, Trévoux [« petite
pièce de toile... » et « marque en forme d’arc
sur le plumage », 1771, Trévoux] ; sens II,
10, XIVe s., Laborde ; sens III, 1, milieu du
XVIIIe s., Buffon ; sens III, 5, XXe s. ; sens III,
6, 1655, Molière).

I. 1. Métal tenace et malléable d’un gris


bleuâtre (symb. : Fe), utilisé largement
dans l’industrie sous forme d’alliages,
d’aciers et de fontes : Un pays producteur
de fer. Aussi promptement qu’un miné-
ralogiste reconnaît le fer de Suède (Bal-
zac). ‖ Fer natif, fer qui se trouve dans la
nature sous forme de cristaux. ‖ Âge du
fer, période de la préhistoire caractéri-
sée par une utilisation courante du fer :
L’âge du fer en Europe occidentale occupe
le premier millénaire av. J.-C. ‖ 2. Subs-
tance ferrugineuse : Certains aliments
contiennent du fer. Le fer médicamen-
teux est prescrit pour soigner les anémies,
les asthénies. ‖ 3. Alliage composé en
majeure partie de fer. ‖ Fer doux, fer ou
acier peu tenace que l’on utilise pour for-
mer les noyaux de circuits magnétiques.
‖ Fer forgé, acier travaillé au marteau sur
l’enclume. ‖ Prov. Il faut battre le fer pen-
dant qu’il est chaud, il faut profiter d’une
situation favorable qui ne durera pas, de
même qu’il faut forger l’acier avant qu’il
soit refroidi. ‖ Fer galvanisé, tôle recou-
verte d’une couche protectrice de zinc.
‖ 4. Fig. Toute matière dure et résistante :
Son estomac digérerait du fer. Ce tissu est
inusable, c’est du fer. ‖ 5. Chemin de fer,
v. à son ordre alphab. ‖ Par abrév. Par fer,
par chemin de fer (dans le langage com-
mercial) : Expédition par fer à réception
de votre commande.

II. 1. Toute pièce manufacturée d’acier


doux ou mi-dur : Pour faire une char-
pente métallique, on emploie des fers en T
et des fers en cornière. ‖ Fig. et vx. Cela
ne tient ni à fer ni à clou, cela est mal bâti.
‖ 2. Vx et littér. Toute arme blanche : Il
[le chevalier chrétien] allait mourir sous

le fer du mahométan (Chateaubriand). Le


fer brille [...], un cri part : guerriers, volez
aux armes ! (Hugo). ‖ Fig. et vx. Par le
fer et par le sang, par les violences de la
guerre. ‖ Vx. Fer et sang !, en invoquant
toutes sortes de violences : Ah ! mas-
sacre ! ah ! fer et sang ! j’obtiendrai justice
de vous (Musset). ‖ 3. Vx. Instrument
chirurgical tranchant. ‖ Fig. Porter le fer
dans une plaie, apporter un remède radi-
cal à un mal moral. ‖ 4. Hameçon d’une
ligne à pêcher : Le poisson est retenu par
le fer. (On dit aussi : Un hameçon fin de
fer, gros de fer.) ‖ 5. (avec un complément
précédé de la prép. à) Outil destiné à un
usage spécial : Fer à souder, à glacer, à
river. Fer à calfat. ‖ 6. Fer à repasser, ou,
absol., fer, outil composé essentiellement
d’une semelle d’acier ou de fonte que l’on
passe à chaud sur les étoffes pour les dé-
plisser. ‖ Fer à tuyauter, fer à coque, fers
à repasser de forme particulière. ‖ Fam.
Coup de fer, repassage rapide d’une étoffe
peu froissée : Donner un coup de fer au col
et aux manchettes. ‖ 7. Fer à friser, sorte
de pince d’acier dans laquelle on prend
à chaud une mèche de cheveux pour
la rouler en frisure ou en ondulation :
Il s’attristait [...] de voir ses manuscrits
brûlés aux marges par des fers à friser
(France). Frisé au petit fer, rasé à la pierre
ponce (Daudet). ‖ 8. Fer à cheval, ou, ab-
sol., fer, semelle de fer, généralement en
forme d’arc outrepassé, dont on garnit la
corne des pieds des chevaux : Nous nous
étions déjà assez éloignés de la venta pour
qu’on ne pût entendre les fers du cheval
(Mérimée). ‖ Faire feu des quatre fers,
en parlant d’un cheval au galop, faire
jaillir des étincelles de la chaussée. ‖ Fer
à glace, fer garni par-dessous de pointes
qui mordent sur la glace. ‖ En fer à che-
val, en forme d’arc outrepassé : Escalier
en fer à cheval. ‖ 9. Fer à cheval, double
pente douce qui permet, dans un jar-
din, d’accéder à une terrasse et qui offre
en plan la forme d’un fer à cheval : Assis
dans les Tuileries, sur les buis du fer à che-
val, il regardait jouer les enfants (France) ;
petite pièce de toile qui sert de doublure
aux épaulettes d’une chemise d’homme ;
marque en forme d’arc sur le plumage de
divers oiseaux. ‖ Les quatre fers en l’air,
renversé sur le dos : Il y en avait une [une
femme], les quatre fers en l’air, couverte
de sang (Mérimée). ‖ Ne pas valoir les
quatre fers d’un chien, ne rien valoir, les
chiens ne pouvant être ferrés : Jules, qui
ne valait pas, comme on dit, les quatre fers
d’un chien, devint tout à coup un honnête
homme (Maupassant). ‖ 10. Objet ou ou-
til de métal primitivement en fer : Mettre
des fers d’argent à un cheval. ‖ 11. Fer à
dorer, outil en acier ou en cuivre, gravé en
relief, utilisé pour décorer les couvertures
de livres reliés. ‖ Petits fers, petits fers à
dorer dont les empreintes juxtaposées et
répétées forment la décoration de la cou-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1868

verture ; par extens., motif d’ornemen-


tation imprimé en creux par les fers sur
la reliure : Albin Fage écrivait sur carte
postale : « J’ai de nouveaux fers à vous
montrer, reliure du seizième en bon état et
rare » (Daudet). ‖ Fer à gaufrer, planche
de cuivre avec laquelle se font les gau-
frures des étoffes.

III. 1. Partie en fer ou en acier d’un objet


ou d’un outil : Le fer de la charrue. ‖ En
fer de hache, qui a la forme de la lame
d’une hache : Un profil en fer de hache
(Nerval). ‖ 2. Fer de botte, ou, absol., fer,
petite lame d’acier qu’on cloue sous la
semelle d’une chaussure pour renforcer
les endroits qui s’usent le plus vite : Faire
mettre des fers aux talons de ses souliers.
‖ 3. Fer d’aiguillettes, fer de lacet, petit
manchon conique de métal qu’on assu-
jettit au bout d’un lacet ou d’un cordon
pour en faciliter l’introduction dans un
oeillet. ‖ 4. Fer de lance, pointe d’acier
d’une lance : Les autres fenêtres hérissées
de grilles en broussailles, de fers de lances
(Daudet) ; dans une armée, ensemble des
unités d’élite qui ouvrent une offensive,
ou qu’on emploie pour les missions diffi-
ciles. ‖ Lance à fer émoulu, lance dont le
fer est affilé. ‖ Fig. Se battre à fer émoulu,
n’apporter aucun ménagement dans la
discussion. ‖ Fer de moulin, fer à moulin
ou croix de moulin, pièce héraldique en
forme du fer que l’on place au centre de la
meule d’un moulin, c’est-à-dire approxi-
mativement en forme d’X. ‖ 5. Tête mé-
tallique d’un club de golf. ‖ Par extens.
Club de golf à tête métallique. ‖ 6. Lame
d’un fleuret, d’une épée ou d’un sabre.
‖ Par extens. Fleuret, épée ou sabre :
Croiser, engager le fer. ‖ Littér. Croiser
le fer, se battre en duel ; au fig., discuter
ou se disputer. ‖ Battre le fer, s’exercer
à l’escrime ; au fig. et class., s’adonner à
une étude, à un métier : Enfin, à force de
battre le fer, il en est venu glorieusement à
avoir ses licences (Molière).

& De fer loc. adj. (sens 1, v. 1240, G. de


Lorris ; sens 2, 1872, Larousse ; sens 3-4,
XXe s. ; sens 5, 1865, Littré ; sens 6, 1679,
Bossuet ; sens 7, 1664, Racine ; sens 8-9, 1690,
Furetière ; sens 10, 1809, Chateaubriand).
1. Se dit de ce qui est résistant, robuste
comme s’il était de fer : Longtemps je
m’étais demandé quelle partie vulnérable,
dans cette organisation de fer, un mal quel-
conque avait pu frapper (Fromentin). Avoir
une santé de fer. Avoir une main de fer, une
poigne de fer. ‖ 2. Bois de fer, bois très durs
d’origine exotique, comme le robinier de
la Guyane, le rhamnus des Antilles, etc.
‖ 3. Terre de fer, faïence particulièrement
résistante. ‖ 4. Bras de fer, jeu où les deux
adversaires, face à face de part et d’autre
d’une table, se prennent par la main, le
coude sur la table, les avant-bras dressés
l’un contre l’autre, et où chacun cherche
à abattre en arrière l’avant-bras de l’autre.

‖ 5. Fig. Se dit de ce qui ne se laisse fléchir


par rien : Un chef doit avoir une main de
fer dans un gant de velours. La loi de fer des
besoins consiste en ceci, que celui qui essaie
de mépriser les besoins s’y trouve aussitôt
soumis comme une bête (Alain). ‖ 6. Fig.
Un joug de fer, un sceptre de fer, une domi-
nation tyrannique. ‖ 7. Fig. Un coeur de
fer, un coeur insensible. ‖ 8. Fig. Une tête
de fer, une volonté que rien n’arrête : « Je
voulais arriver à l’homme, me prendre
corps à corps avec la tyrannie vivante, la
tuer [...]. — Quelle tête de fer as-tu, ami ! »
(Musset). ‖ 9. Âge de fer, siècle de fer,dans
la mythologie antique, dernière période
de la corruption des hommes, après l’âge
d’or et l’âge d’airain, avant le déluge, ou
avant l’embrasement final. ‖ Par extens.
Toute époque où les moeurs sont cen-
sées avoir dégénéré de l’antique rigueur.
‖ 10. Vx et littér. Sommeil de fer, la mort :
Ces mânes sacrés [des anciens Romains]
n’avaient point rompu leur sommeil de fer
(Chateaubriand).

• SYN. : 1 fort, solide, vigoureux ; 5 ferme,


impitoyable, implacable, inflexible ; 7 inhu-
main ; 8 inébranlable, obstiné, opiniâtre.
& fers n. m. pl. (sens 1, XVe s., Littré ; sens
2-3, 1865, Littré ; sens 4, milieu du XVIe s.,
Amyot ; sens 5, 1662, Corneille ; sens 6,
1802, Chateaubriand [au sing. ; au plur.,
1865, Littré]). 1. Autref. Anneaux, menottes,
colliers et chaînes avec lesquels on attachait
un prisonnier : On lui mit [à Candide] sur-
le-champ les fers aux pieds, et on le mène
au régiment (Voltaire). ‖ 2. Autref. Peine
des fers, peine criminelle pour les civils et
les soldats, et, pour les marins, peine disci-
plinaire de la barre de justice. ‖ 3. Vx. Jeter
aux fers, mettre en prison. ‖ 4. Class. et lit-
tér. Esclavage, sujétion : J’ai vu trancher les
jours de ma famille entière, | Et mon époux
sanglant traîné sur la poussière, | Son fils
seul avec moi, réservé pour les fers (Racine).
Il n’y a de liberté durable que pour ceux
dont le temps a usé les fers (Chateaubriand).
‖ 5. Class. Les liens de l’amour : Quoi !
votre âme à l’amour en esclave asservie |
Se repose sur lui du soin de votre vie ? [...]
| Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses
fers ? (Racine). ‖ 6. Les fers, ou (vx) le fer,
nom usuel du forceps : J’ai coûté la vie à
ma mère en venant au monde ; j’ai été tiré
de son sein avec le fer (Chateaubriand).
L’accouchement avait été difficile [...]. On
avait attelé de nouveau pour aller chercher
le médecin de Vierzon. Il avait dû appliquer
les fers (Alain-Fournier).

2. fer [fɛr] n. m. (origine obscure ; 1279,


Dict. général [bestes de fert ; bestiaux de
fer, 1690, Furetière ; cheptel de fer, 1865,
Littré]). Cheptel de fer, bestiaux dont le
preneur doit présenter l’équivalent à sa
sortie de la ferme.

3. fer ou faire [fɛr] n. m. (de l’anc. franç.


fuerre, fourrage [v. FOURRAGE], qui a dési-
gné le chaume des fèves, et aussi le crin, la

laine servant à garnir des meubles, etc. ;


1782, Encycl. méthodique). Usité seulement
dans l’expression fer en meubles, fourni-
tures nécessaires pour garnir les meubles
(laine, crin, etc.).
féra n. f., férat ou ferrat [fera] n. m.
(origine inconnue ; XVe s., Chroniques des
chanoines de Neuchâtel, écrit ferra ; féra,
av. 1850, Balzac ; ferrat, 1872, Larousse ;
férat, XXe s.). Poisson du lac Léman : Une
féra de Genève à la vraie sauce genevoise
(Balzac).

fer-à-cheval [fɛraʃval] n. m. (de fer 1, à


et cheval ; 1865, Littré). Nom donné à deux
grandes chauves-souris de l’Ancien Monde.
• Pl. des FERS-À-CHEVAL.

feralia [feralja] ou féralies [ferali] n. f.


pl. (lat. Feralia, -lium, Féralies, neutre pl.
substantivé de l’adj. feralis, qui a rapport
aux dieux mânes ; av. 1880, Flaubert, écrit
Feralia ; féralies, XXe s.). Fêtes en l’honneur
des morts, chez les Romains : Qu’ils étaient
doux, les repas de famille, surtout le lende-
main des Feralia (Flaubert).

férat n. m. V. FÉRA, N. F.

fératier n. m. V. FÉLATIER.

fer-blanc [fɛrblɑ̃] n. m. (de fer 1 et de


l’adj. blanc ; 1384, Gay). Tôle fine d’acier
doux recouverte d’une couche d’étain
protectrice : Les carreaux en verre de bou-
teille jetaient sur les ustensiles de fer-blanc
et de cuivre rouge une lumière blafarde
(Flaubert).

ferblanterie [fɛrblɑ̃tri] n. f. (de fer-


blantier ; 1845, Bescherelle, aux sens 1-3 ;
sens 4, 1868, A. Daudet ; sens 5, v. 1916).
1. Industrie de la fabrication du fer-blanc,
et aussi des objets en fer battu, en zinc,
en laiton. ‖ 2. Commerce du fer-blanc.
‖ 3. Collection d’ustensiles et d’objets en
fer-blanc, fer battu, etc. : Vendre de la fer-
blanterie. ‖ 4. Fig. et fam. Objet fabriqué ou
production de peu de valeur : Un des plus
beaux morceaux de la ferblanterie mélo-
dramatique (Daudet). ‖ 5. Arg. Brochette
de décorations.

ferblantier [fɛrblɑ̃tje] n. m. (de fer-


blanc ; 1723, Savary des Bruslons). Celui qui
fabrique ou vend des objets en fer-blanc.

fer-chaud [fɛrʃo] n. m. (de fer 1 et de l’adj.


chaud ; 1538, R. Estienne, au sens de « cau-
tère » ; sens moderne, 1708, d’après Trévoux,
1771). Vx. Nom vulgaire du pyrosis.

fer-de-lance [fɛrdəlɑ̃s] n. m. (de fer 1,


de et lance ; 1865, Littré). Nom commun à
trois espèces de chauves-souris communes
au Brésil et au Pérou.

• Pl. des FERS-DE-LANCE.

féret n. m. V. FERRET.

férétrien [feretrijɛ̃] adj. m. (du lat.


Feretrius, Férétrien, surtout de Jupiter,
qui remporte les dépouilles, de ferre, por-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1869

ter, emporter ; av. 1842, Stendhal). Qui


frappe, en parlant de Jupiter : Un couvent
de moines noirs a remplacé, au sommet du
Monte Cavi, le temple de Jupiter Férétrien,
où les peuples latins venaient sacrifier en
commun (Stendhal).

fériable [ferjabl] adj. (de férie[s] ; v. 1268,


É. Boileau). Class. Qui doit être fêté (rare) :
Mainte vigile et maint jour fériable (La
Fontaine).

férial, e, aux [ferjal, -o] adj. (lat. ecclés.


médiév. ferialis, de feriae [v. FÉRIE] ; XIIIe s.,
Godefroy). Relatif à la férie : Or ni fériale |
Ni astrale : n’est | La brume qu’exhale | Ce
nocturne effet (Rimbaud). Un office férial.

féridji [feridʒi] n. m. (mot ar. ; 1872,


Larousse). Tissu grossier de poil de cha-
meau feutré, employé en Algérie et en
Tunisie pour fabriquer des tentes.

férie [feri] n. f. (lat. feriae, n. f. plur., jours


consacrés au repos, fêtes, repos, et, dans la
langue ecclés. du Moyen Âge, « jour de la
semaine » ; v. 1119, Ph. de Thaon, au sens 1
[« jour de fête chômée » ; chez les Romains,
1865, Littré] ; sens 2, fin du XVIe s., A.
d’Aubigné). 1. Chez les Romains, jour où
il était prescrit de cesser tout travail. ‖ Vx.
Jour de fête chômée : C’est l’oisiveté de la
férie qui les conduit au cabaret (Voltaire).
‖ 2. Terme dont se sert l’Église catholique
pour désigner les jours de la semaine à
l’exception du samedi et du dimanche, en
les comptant à partir du lundi, deuxième
férie. ‖ Faire l’office de la férie, faire la férie,
célébrer l’office du jour.

férié, e [ferje] adj. (lat. feriatus, qui est en


fête, oisif, de loisir, et, dans la langue ecclés.
du Moyen Âge, « [jour] de fête », part. passé
adjectivé de feriari, être en fête, chômer
une fête, de feriae [v. l’art. précéd.] ; XIVe s.,
au sens 1 [rare jusqu’en 1690, Furetière ;
l’infin. férier, « fêter, chômer », tiré de l’adj.
férié, apparaît dès 1220 env., G. de Coincy] ;
sens 2, av. 1922, Proust). 1. Se dit d’un jour
pendant lequel la cessation du travail est
prescrite par la religion ou par la loi : Chez
tous les peuples chrétiens, le dimanche est
un jour férié (Arago). Mais aujourd’hui c’est
jour férié ; je m’en vais me donner vacances,
pour une unique fois dans ma vie (Gide).
‖ Jour demi-férié, jour non férié pendant
lequel on ne peut pas dresser un protêt,
exiger un paiement ou effectuer un dépôt.
‖ 2. Par extens. et littér. Relatif à un jour
où l’on ne travaille pas : Dans le ciel férié
flânait longuement un nuage oisif (Proust).
• SYN. : 1 chômé. — CONTR. : 1 ouvrable.

férigoule [ferigul] n. f. (provenç. feri-


goulo, farigoulo, thym, anc. provenç. feri-
gola, bas lat. fericula [attesté seulement
comme adj. fém. au sens de « sauvage »,
mais qui a dû aussi désigner, comme n. f.,
le thym, plante sauvage], de ferus, sauvage ;
1869, A. Daudet [une première fois au début
du XVIe s., sous la forme férigole]). Dialect.

Thym : La férigoule embaume autour de


lui, il ne la sent pas (Daudet).

férin, ine [ferɛ̃, -in] adj. (lat. ferinus, de


bête sauvage, de fera, bête sauvage, fém.
substantivé de l’adj. ferus, non domestique,
farouche, cruel ; fin du XIIe s., Geste des
Loherains, comme n. m., aux sens de « bête
sauvage, gibier », et, comme adj., aux sens de
« sauvage, farouche, dur, insensible » ; sens
1, 1611, Cotgrave ; sens 2, 1743, Trévoux).
1. Vx. Qui a quelque chose de farouche
(rare) : Regards férins. ‖ 2. Vx. Qui offre
un caractère dangereux, en parlant d’une
maladie ou de ses symptômes : Une épidé-
mie de grippe férine (Margueritte). ‖ Toux
férine, toux saccadée, quinteuse.

• SYN. : 1 féroce ; 2 grave, malin, mauvais.

— CONTR. : 1 bienveillant, doux, tendre ;


2 bénin.

férir [ferir] v. tr. (lat. ferire, frapper ; 1080,


Chanson de Roland, au sens 1 [sans coup
férir, v. 1160, Benoît de Sainte-Maure] ; sens
2, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy [férir
au cuer, proprem. « frapper au coeur » ; féru,
« épris », v. 1462, Cent Nouvelles nouvelles]).
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.) et littér. Porter
un coup, frapper : Car quant à moi j’ai belle
paour [peur] | Qu’à vous férir, n’ait le bras
gourd (La Fontaine). En revanche, les écri-
vains, tout le monde cherche où les férir
(Duhamel). ‖ Sans coup férir, sans user
de violence, sans combattre : Il nous faut
| Sans coup férir, rattraper notre somme
(La Fontaine) ; au fig., sans rencontrer de
résistance, sans difficulté : Il a réussi à
sortir de ce mauvais pas sans coup férir.
‖ 2. Fig. et class. (déjà vx au XVIIe s.). Se
faire aimer de : Peut-être en avez-vous déjà
féru quelqu’une ? (Molière).

• REM. 1. Ne s’emploie plus qu’à l’infini-


tif dans l’expression sans coup férir, et au
part. passé féru (v. ce mot).

2. On peut trouver d’autres formes dans


des textes du début du XVIIe s. La conju-
gaison était : Je fiers, tu fiers, il fiert, nous
férons, vous férez, ils fièrent. Je férais. Je
féris. Je ferrai. Fiers, férons. Que je fière.
Que je férisse. Férant. Féru.

ferlage [fɛrlaʒ] n. m. (de ferler ; 1786,


Encycl. méthodique). Action de ferler une
voile.

ferlampille [fɛrlɑ̃pij] n. f. (mot expressif


d’origine obscure ; fin du XIXe s., A. Daudet).
Dialect. Accessoires de toilette : La petite
s’amène avec une paire de boucles d’or aux
oreilles, en place des petites ferlampilles que
je lui avais achetées (Daudet).

ferler [fɛrle] v. tr. (altér., par métathèse


consonantique, de l’anc. v. fresler, même
sens [1599, Hornkens ; fréler, 1634, Jal],
du lat. ferula, baguette [v. FÉRULE] ; 1680,
Richelet). Ferler une voile, la relever pli par
pli sur la vergue, après l’avoir carguée, et
l’attacher au moyen de rabans.

ferluche n. f. Autre forme de freluche.

ferluquet n. m. Autre forme de


FRELUQUET.

fermage [fɛrmaʒ] n. m. (de ferme 3 ; 1367,


Godefroy, au sens 3 ; sens 1, 1690, Furetière ;
sens 2, 1846, Thiers). 1. Mode d’exploitation
d’une propriété agricole où le propriétaire
cède l’exploitation et la libre jouissance
de son bien à un fermier moyennant une
redevance et l’engagement de ne pas avilir
le domaine. ‖ 2. Par extens. Étendue de
terre ou propriété donnée à bail : Il vivait
avec son père et sa soeur dans un fermage
qui portait leur nom, à trois lieues d’Aps, sur
le mont de Cordoue (Daudet). ‖ 3. Rente
annuelle que le fermier doit au proprié-
taire : Heureusement, je viens de toucher
des fermages (Gide).

fermail [fɛrmaj] n. m. (de fermer ; XIIe s.,


Godefroy, au sens 1 ; sens 2, XVIe s.). 1. Objet
de métal travaillé qui sert à tenir fermé
un manteau, ou surtout un livre : Une
vraie limousine de berger, ornée d’un col
de velours et d’un gros fermail d’argent
(Pourrat). ‖ 2. Dans un blason, boucle
ronde ou en losange.

• Pl. des FERMAUX.

• SYN. : 1 agrafe, attache, boucle, broche,


fermoir.

fermaillet [fɛrmajɛ] n. m. (de fermail ;


XIIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1573,
Du Puys). 1. Petit fermail. ‖ 2. Chaîne d’or
à fermail que les dames portaient jadis dans
leur coiffure.

fermaillier [fɛrmaje] n. m. (de fermail ;


XIIIe s., aux sens 1-2). 1. Artisan qui fabri-
quait des fermaux. ‖ 2. Marchand qui les
vendait.

• REM. On dit aussi FERMAILLEUR.

fermant, e [fɛrmɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


fermer ; XIIIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2,
av. 1637, Peiresc ; sens 3, 1777, Dictionnaire
roman). 1. Qui peut se fermer : Un coffret
fermant. ‖ 2. Vx. À portes fermantes,
quand on ferme les portes : Atteindre la
ville à portes fermantes. ‖ 3. Vx. À jour
fermant, à la fin du jour.

1. ferme [fɛrm] adj. (lat. firmus, solide,


résistant, fort, sûr ; v. 1155, Wace, aux
sens 2-5, écrit ferm [ferme, d’abord forme
féminine de l’adj., s’emploie aussi pour le
masc. dès le début du XIIIe s., Barlaham] ;
sens 1, 1580, Montaigne ; sens 6, av. 1213,
Villehardouin ; sens 7, v. 1361, Oresme ;
sens 8-9, XXe s.). 1. Se dit de ce qui offre
une certaine résistance à la pression : Un
fruit à la chair ferme. Marcher sur un sol
ferme. ‖ Viande ferme, viande qui ne se
laisse pas facilement mâcher. ‖ Terre ferme,
sol du continent, par opposition aux îles :
Pour aller à Venise on quitte la terre ferme
à Mestre. ‖ Pierre ferme, pierre calcaire
qui se situe par sa résistance entre la pierre
tendre et la pierre dure. ‖ Fig. Être sur un
terrain ferme, se fonder sur des données
précises, sur des faits et non sur des sup-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1870

positions. ‖ 2. Se dit de quelqu’un qui ne se


laisse pas ébranler facilement : Être ferme
sur ses jambes. ‖ Cavalier ferme sur ses
étriers, cavalier qui se tient bien en selle.
‖ 3. Assuré, qui ne tremble pas : Pardon,
dit-il d’une voix très ferme (Daudet). Il dit
et s’éloigna d’un pas ferme et lourd (France).
Décidément, je marchais d’un pas ferme
(Gide). ‖ De pied ferme, en restant sur
place, sans reculer : Combattre de pied
ferme. ‖ Fig. Attendre quelqu’un, quelque
chose de pied ferme, être décidé à ne pas
s’en laisser imposer, à résister vivement
lorsqu’on sera en face de cette personne
ou de cette chose. ‖ Vx. Conversion de pied
ferme, conversion d’une troupe par rapport
à un pivot fixe. ‖ 4. Fig. Se dit de quelqu’un
qui ne se laisse pas fléchir : Un père qui se
montre ferme envers ses enfants. Être ferme
dans ses desseins. ‖ Un esprit ferme, un
esprit lucide et rigoureux. ‖ Class. Ferme
à, se dit de quelqu’un dont il n’y a pas lieu
de craindre une défaillance, qui fait preuve
de résolution : Le ladre a été ferme à toutes
les attaques (Molière). Qualités de l’esprit :
Prompt à s’imaginer, fécond à expliquer,
ferme à se ressouvenir (Racine). ‖ 5. Fig.
Qui ne se laisse pas abattre : Demeurer
ferme dans l’adversité. Affronter le dan-
ger d’un coeur ferme. ‖ 6. Fig. Se dit d’une
décision, d’un ordre sur lesquels il n’y a
pas à revenir par une décision contraire :
Je vous demande un engagement ferme. Ce
refus très poli mais très ferme, publié par les
journaux légitimistes, valut à Roumestan
une situation toute nouvelle (Daudet).
J’ai là-dessus des instructions très fermes
(Malraux). ‖ Ferme propos, résolution iné-
branlable d’agir ou de ne pas succomber
aux tentations : Avec le plus ferme propos
de demeurer discret (Fromentin). ‖ 7. Qui
dénote une force difficile à vaincre : Poigne
ferme. Tenir la barre d’une main ferme.
‖ Fig. Avoir la main ferme, être autori-
taire. ‖ Fig. Un style ferme, un style clair,
solide et dense. ‖ 8. En termes de Bourse,
qui est sujet à des variations négligeables,
surtout par rapport à la baisse : Marché
ferme. Les pétroles sont fermes. ‖ Opération
ferme, opération en Bourse, que l’on ne
peut résilier en abandonnant une prime.
‖ 9. Tarif ferme, tarif forfaitaire consenti
par les compagnies de chemins de fer pour
le transport de certaines marchandises.
• SYN. : 1 compact, consistant, coriace, dur ;
2 assuré, décidé, droit, solide, stable ; 4 auto-
ritaire, déterminé, énergique, implacable,
inébranlable, inflexible, opiniâtre, résolu,
sévère, tenace ; 5 impassible, impertur-
bable, intrépide, stoïque ; 6 définitif, formel,
immuable ; irrévocable ; 7 fort, puissant ;
8 résistant, soutenu. — CONTR. : 1 élas-
tique, flasque, souple, spongieux, tendre ;
2 branlant, chancelant, instable, tremblant,
vacillant ; 4 accommodant, arrangeant,
changeant, inconstant, influençable, trai-
table, versatile ; 5 lâche, pusillanime, veule ;
6 ambigu, conditionnel, flottant, vague ;

7 avachi, faible, fragile, mou ; 8 agité, fluc-


tuant, hésitant, inconsistant.

& adv. (sens 1, fin du XIIe s., Châtelain de


Coucy, écrit ferm [ferme, XIVe s.] ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ;
sens 4, av. 1865, Proudhon). 1. Avec force :
Je tirais ferme sur mes rames, en fronçant
les sourcils pour bien me donner la tour-
nure d’un vieux loup de mer (Daudet).
‖ Parler ferme, parler sans admettre qu’on
réplique. ‖ Tenir ferme, résister aux efforts,
ne pas céder : Tenir ferme dans sa réso-
lution contre vents et marées. ‖ 2. Fam.
Beaucoup, copieusement : Passant quel-
quefois des après-midi chez moi à m’embêter
ferme (Léautaud). Malgré tout cela, Alban
s’ennuyait ferme (Montherlant). ‖ 3. Class.
Faire ferme, opposer une forte résistance :
Vous demeurerez immuables comme si
tout faisait ferme sous vos pieds (Bossuet).
‖ 4. En termes de Bourse, par une opéra-
tion ferme : On appelle report sur prime une
opération par laquelle on achète ferme, fin
courant, des effets qu’on revend à prime fin
prochain (Proudhon).

• SYN. : 1 fermement, fort, intensément, sec,


solidement, vigoureusement.

& n. m. (sens 1, XXe s. ; sens 2, 1680,


Richelet). 1. Galerie au ferme, ou en ferme,
galerie creusée dans la partie non encore
exploitée d’un gisement. ‖ 2. Sauter de
ferme, ou sauter de ferme à ferme, en par-
lant d’un cheval auquel on fait exécuter des
sauts d’école, sauter sur place.

& interj. (1659, Molière). Class. Ferme !,


s’employait pour encourager : Allons !
ferme ! Poussez mes bons amis de cour
(Molière).

2. ferme [fɛrm] n. f. (déverbal de fermer,


au sens anc. de « attacher, fixer » [1080,
Chanson de Roland] ; 1690, Furetière, au
sens 1 [pour une locomotive, XXe s.] ; sens
2, 1845, Bescherelle [« partie du décor qui
ferme le fond d’une scène de théâtre », 1752,
Trévoux]). 1. Assemblage de pièces de bois
ou de métal, destiné à supporter le faîte
d’un comble. ‖ Spécialem. Poutres cintrées
destinées à renforcer le ciel du foyer d’une
chaudière de locomotive. ‖ 2. Au théâtre,
châssis de décor qui s’élève des dessous,
puis qu’on y redescend : Les machinistes
n’en finissaient pas d’enlever le décor. Le
prince allait recevoir quelque ferme sur la
tête (Zola).

3. ferme [fɛrm] n. f. (déverbal de fer-


mer, au sens anc. de « stipuler, fixer des
conditions » [XIIe s.] ; début du XIIIe s.,
Guillaume de Dole, au sens 1 ; sens 2,
1538, R. Estienne ; sens 3, fin du XIIIe s. ;
sens 4, 1549, R. Estienne ; sens 5, depuis
1792, Encycl. méthodique). 1. Acte légal
par lequel un propriétaire abandonne à
quelqu’un, moyennant une rente ou un
loyer annuels, l’exploitation d’un domaine
(s’emploie surtout dans la loc. à ferme) :
Prendre, donner des terres à ferme. Bail à

ferme. ‖ 2. Vx. Convention par laquelle


l’État abandonnait à un particulier ou à
une société privée l’exploitation et les reve-
nus d’un monopole ou la perception de
taxes et d’impôts, moyennant une somme
forfaitaire : Une grosse pension sur la ferme
du tabac (Stendhal). ‖ Ferme générale, sous
l’Ancien Régime, administration compo-
sée de tous les fermiers de l’impôt réunis.
‖ Les cinq grosses fermes, les provinces
qui acceptèrent le tarif dressé par Colbert
en 1664. ‖ 3. Exploitation agricole dont
le propriétaire abandonne à quelqu’un la
jouissance moyennant une redevance : Les
animaux de la ferme. Les bâtiments de la
ferme. ‖ Par extens. Exploitation agricole
en général : Ferme-école. Ferme d’État La
comtesse [de Mortsauf] avait fait cultiver
par M. de Mortsauf une cinquième ferme
(Balzac). ‖ 4. Spécialem. L’ensemble des
bâtiments nécessaires à l’exploitation
d’un domaine agricole et au logement de
l’exploitant, fermier ou non : Nous avons
vu une ferme, nous sommes entrés dedans
(Flaubert). La cour de ferme qui enveloppe
le jardin (Gide). ‖ 5. Vx. Nom d’un jeu de
cartes et d’un jeu de dés.

• SYN. : 3 domaine, métairie, propriété.

fermé, e [fɛrme] adj. (part. passé de fer-


mer ; 1662, Corneille, au sens II, 1 ; sens I, 1,
1872, Larousse ; sens I, 2, 1865, Littré ; sens
I, 3, 5 et 7, XXe s. ; sens I, 4, 1690, Furetière ;
sens I, 6, 1687, Mme de Sévigné ; sens II, 2,
1865, Littré ; sens II, 3, 1672, Racine ; sens
II, 4, début du XXe s.).

I. AVEC UN NOM DE CHOSE. 1. Se dit d’une


ligne courbe qui revient sur elle-même et
se boucle sans solution de continuité : Le
cercle, l’ellipse sont des courbes fermées.
‖ Couronne fermée, couronne héraldique
surmontée d’ornements se réunissant au-
dessus de la tête. ‖ 2. Dont les limites ne
comportent aucune solution de conti-
nuité : La Caspienne est une mer fermée.
‖ Par anal. Baie fermée, port fermé, rade
fermée, baie, port, rade dont l’entrée est
étroite et disposée de telle sorte que les
vagues n’y pénètrent pas. ‖ 3. Qui, en
usage normal, est entièrement clos : Le
coupé, la berline étaient des voitures fer-
mées, la victoria une voiture découverte.
‖ 4. Voyelle fermée, voyelle qui se pro-
nonce avec la bouche presque fermée.
‖ Syllabe fermée, syllabe qui se termine
par une consonne. ‖ 5. Formation végé-
tale fermée, tapis végétal qui recouvre
complètement le sol. ‖ 6. Vx. Nuit fer-
mée, nuit complètement tombée : Ce ne
fut qu’à la nuit fermée [...] que nous aper-
çûmes un groupe de bâtiments (Nerval).
‖ 7. Ensemble fermé, en mathématiques,
ensemble ponctuel ou linéaire contenant
son ensemble dérivé.

II. AVEC UN NOM DÉSIGNANT UNE PER-


SONNE OU CE QUI EST RELATIF AUX HU-
MAINS. 1. Qui ne laisse rien transparaître
du dedans en dehors : Un visage fermé.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1871

Un air fermé. ‖ 2. Se dit d’un groupe


qui se refuse à accueillir qui que ce soit
du dehors : Ce devait être un cercle relati-
vement fermé, car M. Bloch avait dit que
Bergotte n’y serait plus reçu aujourd’hui
(Proust). Dans une petite société aussi fer-
mée que la nôtre, ce contrôle réciproque
est légitime (Bernanos). ‖ 3. Fermé à, in-
sensible à, inaccessible à : Un coeur fermé
à la pitié. Un esprit fermé à la géométrie.
‖ 4. Morale fermée, nom donné par Berg-
son à toute morale faite de prescriptions
immuables.

• SYN. : II, 1 buté, énigmatique, impassible,


impénétrable, renfermé ; 2 sélect, snob
(fam.) ; 3 étranger, hostile, rebelle, sourd.

— CONTR. I, 3 découvert ; 5 ouvert. ‖ II, 1


communicatif, expansif, expressif, exubé-
rant ; 2 accueillant, ouvert ; 3 accessible,
apte, doué.

fermement [fɛrməmɑ̃] adv. (de ferme


1 ; v. 1130, Eneas). D’une manière ferme :
Tenir fermement une poignée. Croire fer-
mement en Dieu.

ferment [fɛrmɑ̃] n. m. (lat. fermentum,


ferment, de fervere, bouillir, être bouillon-
nant ; XIVe s., Godefroy, au sens 2 ; sens 1,
v. 1560, Paré). 1. Catalyseur biochimique
produit par les cellules vivantes, agissant
en petites quantités et permettant cer-
taines réactions chimiques : Ferment lac-
tique. ‖ Germe microbien : Les ferments
acétiques. ‖ 2. Fig. Ce qui provoque ou
entretient une passion, une agitation, une
hostilité : Un ferment de discorde. Au coeur
d’un vieux faubourg, labyrinthe fangeux |
Où l’humanité grouille en ferments ora-
geux (Baudelaire). Frédérique n’avait pas
tort de maudire le ferment de Paris, de le
craindre pour ce cerveau mobile, tout en
mousse comme certains vins qui ne tiennent
pas (Daudet).

• SYN. : 1 enzyme, germe ; 2 levain.

fermentable [fɛrmɑ̃tabl] adj. (de fer-


menter ; 1839, Boiste). Qui peut fermenter :
Substance fermentable.

fermentaire [fɛrmɑ̃tɛr] n. m. (de fer-


ment ; 1865, Littré). Membre d’une secte de
chrétiens orthodoxes qui, pour la consé-
cration, se servent de pain levé et non de
pain azyme.

fermentatif, ive [fɛrmɑ̃tatif, -iv] adj.


(dér. savant de fermenter ; 1691, Le Noble).
Qui provoque la fermentation : La levure
de bière est une substance fermentative.

fermentation [fɛrmɑ̃tasjɔ̃] n. f. (bas lat.


fermentatio, fermentation, de fermenta-
tum, supin de fermentare [v. FERMENTER] ;
1539, J. Canappe, au sens 3 ; sens 1, 1677,
Bossuet ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 4,
fin du XVIIe s., Saint-Simon). 1. Class. État
d’agitation d’un liquide, effervescence : Il se
fait dans le coeur une fermentation du sang
(Bossuet). ‖ 2. Class. Réaction chimique :
C’est réellement le feu qui produit le mou-
vement interne de tous ces corps ; mais,
dira-t-on, comment peut-il exciter des fer-
mentations froides qui font baisser le ther-
momètre ? (Voltaire). ‖ 3. Transformation
que subissent les matières organiques sous
l’action d’enzymes sécrétés par des micro-
organismes : Cette dissymétrie, à laquelle
Pasteur attachait une si profonde impor-
tance, et dont il a tiré l’idée maîtresse des
recherches qui l’ont conduit à l’étude de
certains cristaux, à celle des fermentations
(Valéry). ‖ Par extens. Dégradation enzy-
matique de la matière organique. ‖ 4. Fig.
État de désordre suscité par le méconten-
tement ou l’agitation politique : La plu-
part des grands hommes apparaissent au
milieu des grandes fermentations populaires
(Hugo). Qu’on juge de la fermentation que
produisirent ces idées jetées au milieu des
masses, et surtout parmi la jeunesse des
écoles (Nerval).

• SYN. : 4 bouillonnement, convulsions,


ébullition, effervescence, excitation, fièvre,
nervosité, remous, secousse, surexcitation,
trouble.

fermenté, e [fɛrmɑ̃te] adj. (part. passé


de fermenter). Qu’on a obtenu par fermen-
tation, surtout en parlant des boissons : Le
cidre est une boisson fermentée.

fermenter [fɛrmɑ̃te] v. intr. (lat. fer-


mentare, faire fermenter, faire entrer en
fermentation, et, au passif, « lever, fermen-
ter », de fermentum [v. FERMENT] ; XIIIe s.,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2, av. 1778, J.-J.
Rousseau). 1. Être soumis à une fermenta-
tion : Ce climat excessif où tout pousse et
fermente terriblement (Daudet). ‖ 2. Fig.
Être dans un état d’agitation anormal, d’ef-
fervescence : Son sang fermentait, elle riait
comme une folle pour donner le change à sa
cousine (Balzac). Un sentiment de malaise
inexprimable commença donc à fermen-
ter dans tous les jeunes coeurs (Musset).
L’oeuvre future fermente dans son auteur
futur (Valéry).

• SYN. : 1 lever, travailler ; 2 bouillonner,


s’échauffer, s’exalter, germer.

& v. tr. (1552, Rabelais). Class. Provoquer


la fermentation de : On peut penser que
le coeur mêle dans le sang une matière,
quelle qu’elle soit, capable de le fermenter
(Bossuet).

fermentescibilité [fɛrmɑ̃tɛsibilite] n.
f. (de fermentescible ; 1865, Littré). Qualité
de ce qui est fermentescible. (Peu usité.)

fermentescible [fɛrmɑ̃tɛsibl] adj. (dér.


savant du lat. fermentescere, entrer en fer-
mentation, s’ameublir [en parlant de la
terre], de fermentum [v. FERMENT] ; 1764,
Ch. Bonnet). Qui peut entrer en fermen-
tation : Presque tout ce qui est alimentaire
est fermentescible (Brillat-Savarin).

• SYN. : fermentable. — CONTR. : infermen-


tescible, pasteurisé.

fermenteur [fɛrmɑ̃toer] n. m. (de fer-


menter ; XXe s.). Appareil dans lequel on
effectue une fermentation.

fermer [fɛrme] v. tr. (lat. firmare, faire


ou rendre ferme, solide [au pr. et au fig.],
confirmer, appuyer, assurer, affirmer, de
firmus [v. FERME 1] ; 1080, Chanson de
Roland, au sens I, 1 [pour un bateau, 1756,
Encyclopédie ; pour une baie de porte, 1865,
Littré ; pour une voûte, 1755, Aviler ; pour la
voilure, 1930, Larousse] ; sens I, 2, v. 1175,
Chr. de Troyes ; sens I, 3, 1606, Nicot ;
sens I, 4, 1580, Montaigne ; sens I, 5, 1872,
Larousse [pour un robinet ; pour un circuit,
1907, Larousse] ; sens I, 6, XXe s. ; sens II, 1,
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure ; sens II, 2,
et III, 2-4, 1690, Furetière ; sens II, 3, 1549,
R. Estienne ; sens II, 4, 1587, F. de La Noue
[ferme-la, la ferme, « tais-toi », 1901, G.
Esnault] ; sens II, 5, 1835, Platt ; sens III,
1, 1629, Mairet).

I. 1. Vx. Rendre complètement immo-


bile, fixer. ‖ Fermer un bateau, l’arrêter
ou l’attacher. ‖ Fermer une baie de porte
ou de fenêtre, établir sur ses pieds-droits
une arcade ou un linteau. ‖ Fermer une
voûte, poser la clef de voûte. ‖ Fermer la
voilure, brasser la voilure d’un bateau au
vent. ‖ 2. Appliquer devant une ouver-
ture, une baie, un passage, ou mettre en
travers, le dispositif destiné à les clore ou
à en interdire l’accès : Fermer une porte,
une grille, une barrière. Fermer la fenêtre.
Fermer un rideau. Et quand viendra l’hi-
ver aux neiges monotones, | Je fermerai
partout portières et volets (Baudelaire).
‖ Fermer une porte à clef, au verrou,
l’immobiliser dans le chambranle en
manoeuvrant la clef dans la serrure ou
au moyen d’un verrou ; et en parlant du
dispositif de fixation lui-même : Et pour
un verrou qui ne ferme pas bien la grand-
porte, que de bruit ! (Alain). ‖ Fermer sa
porte à quelqu’un, l’empêcher d’entrer ;
refuser de le recevoir. ‖ Fermer la porte
au nez de quelqu’un, pousser rudement
la porte au moment où il se présente
pour entrer. ‖ Toutes les portes lui sont
fermées, il n’est reçu nulle part ; au fig.,
il ne peut faire carrière dans aucune pro-
fession. ‖ Fig. Fermer la porte à quelque
chose (de préjudiciable ou de fâcheux),
l’empêcher de s’implanter, de se déve-
lopper : Fermer la porte au désordre, au
laisser-aller, au découragement. ‖ Fermer
la porte sur quelqu’un, la fermer dès qu’il
est entré ou sorti. ‖ 3. Interdire le pas-
sage par : La police ferme les issues. La
frontière entre les deux pays est fermée
depuis hier. Fermer une route à la circula-
tion. Les grands cols sont fermés en hiver.
‖ Fermer la voie, interdire, par un signal
approprié, la circulation des convois sur
une voie de chemin de fer. ‖ Par extens.
En parlant d’une chose, obstruer un
accès, une voie, et y rendre le passage
impossible : Des bancs de sable ferment
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1872

l’entrée du port (Littré). ‖ 4. Rapprocher,


mettre en contact les parties d’un objet
ou d’un organe dont l’écartement forme
ou figure une ouverture ou une solution
de continuité : Fermer des ciseaux, un
parapluie. Fermer son manteau. ‖ Fer-
mer un couteau, replier la lame dans le
manche : Le Matamore [...] ramassa son
couteau, le ferma et le mit dans sa poche
(Gautier). ‖ Fig. Fermer les paupières, ou
(class.) fermer la paupière, dormir : La
nuit se passa tout entière | Sans qu’elle pût
fermer un moment la paupière (Molière).
‖ Fermer les paupières à, de quelqu’un,
l’assister au moment de sa mort. (V. aussi
§ II, n. 4.) ‖ 5. Class. Fermer la paupière
de quelqu’un, le faire mourir : Le premier
instant où les enfants des rois | Ouvrent les
yeux à la lumière | Est celui qui vient quel-
quefois | Fermer pour toujours leur pau-
pière (La Fontaine). ‖ Fermer une plaie,
une blessure, suturer une plaie chirurgi-
cale ou accidentelle ; au fig., mettre fin
à une situation douloureuse ou pénible.
‖ Fermer un livre, rabattre l’une sur
l’autre les deux parties d’un livre ouvert.
‖ Fermer la main, ramener les doigts sur
la paume ; au fig., mettre fin à ses lar-
gesses (vieilli). ‖ Fermer le poing, fermer
la main en forme de poing. ‖ Fig. Dormir
à poings fermés, dormir profondément : Il
finit par se coucher et par dormir à poings
fermés (Balzac). ‖ 6. Fermer un verrou,
une serrure, les mettre dans la position
où ils immobilisent le vantail auquel
ils sont assujettis. ‖ Fermer un robinet,
une vanne, une écluse, les manoeuvrer
pour interrompre l’écoulement de l’eau
dans la canalisation ou le canal sur les-
quels ils sont établis. ‖ Fermer un signal,
mettre un signal de chemin de fer dans
la position indiquant que la circulation
sur la voie est interrompue ou soumise
à restriction. ‖ Fermer un interrupteur,
enclencher cet interrupteur de manière
à permettre le passage du courant élec-
trique. ‖ Fermer un circuit électrique,
établir une communication conductrice
continue entre les divers éléments de ce
circuit de manière que le courant y passe.
‖ 7. Fam. Fermer l’eau, le gaz, l’électri-
cité, en interrompre la distribution au
moyen du dispositif prévu. ‖ Par extens.
et fam. Fermer un appareil, en faire ces-
ser le fonctionnement : Fermer le poste de
télévision. Fermer la radio.

II. 1. Class. et littér. Entourer un lieu


d’une enceinte pour en interdire l’accès,
le défendre, le fortifier : Il envoya ses sol-
dats couper du bois, pour avoir de quoi
fermer son camp (Malherbe). Bâtissons
une ville, et nous la fermerons (Hugo).
‖ En parlant de l’enceinte, constituer la
clôture de : Un mur ferme la propriété sur
ses quatre côtés. ‖ Par extens. Marquer la
limite de : Tout au loin, fermant l’hori-
zon [...], une longue suite de montagnes
bleuâtres (Maupassant). ‖ 2. Fermer un

lieu, un local, un contenant, etc., l’isoler


de l’extérieur en obturant les ouvertures,
en rabattant le couvercle, etc. : Fermer son
bureau, son magasin. En hiver, le jardin
public est fermé dès 17 heures. Fermer
un coffre-fort, une malle, une valise. En
passant devant les pharmacies, encore
fermées, on regardait les grands thermo-
mètres d’émail (Romains). ‖ Fig. Fermer
sa maison à quelqu’un, refuser de le rece-
voir : Son mari m’a fermé sa maison (La-
forgue). ‖ Fermer sa bourse à quelqu’un,
refuser de lui donner ou de continuer à
lui donner de l’argent. ‖ 3. Fermer un
paquet, une lettre, disposer l’emballage,
cacheter l’enveloppe de manière que le
contenu soit maintenu à l’abri. ‖ Fermer
un tiroir, le repousser dans son alvéole.
‖ 4. Fermer les yeux, baisser les pau-
pières. ‖ Fig. Fermer les yeux, ou fermer
l’oeil, s’endormir : De très désagréables
démangeaisons m’arrachèrent à mon pre-
mier somme [...]. J’allais fermer les yeux
pour la seconde fois... (Mérimée). ‖ Ne
pas fermer l’oeil, ne pas pouvoir fermer
l’oeil, ne pas pouvoir dormir. ‖ Fig. Fer-
mer les yeux sur quelque chose, affecter
de l’ignorer pour ne pas avoir à sévir ou
à intervenir : Sur tout ce que j’ai vu, fer-
mons plutôt les yeux (Racine) ; et absol. : Il
savait fermer les yeux pour supprimer les
apparences qui l’auraient gêné dans sa re-
présentation du monde (Romains). ‖ Fig.
Fermer les yeux à quelque chose, refuser
de se rendre à une évidence : Quiconque
est possédé de l’esprit de système ferme les
yeux à la vérité (Chateaubriand). ‖ Fer-
mer les yeux à quelqu’un, l’assister à ses
derniers moments (v. aussi § I, n. 4) ; au
fig., l’empêcher de voir quelque chose.
‖ Fig. Fermer l’oreille à quelque chose,
refuser de l’entendre : Fermer l’oreille aux
médisances. ‖ Fermer la bouche, rappro-
cher les lèvres de manière à les appliquer
l’une sur l’autre. ‖ Fig. Fermer la bouche
à quelqu’un, l’obliger au silence : Approu-
vez le respect qui me ferme la bouche (Ra-
cine) ; fam., le faire taire ; spécialem., en
parlant du pape, imposer, au cours d’une
cérémonie, les doigts sur la bouche d’un
nouveau cardinal pour lui signifier qu’il
n’a pas encore voix délibérative. ‖ Pop.
Fermer sa gueule, sa malle, la fermer,
se taire : Tous les copains la fermaient
(Barbusse). ‖ Pop. Ferme-la !, ou, subs-
tantiv., la ferme !, tais-toi !, taisez-vous !
‖ 5. Fam. Mettre dans un lieu fermé : Je
parie qu’Honorine a encore oublié de fer-
mer les poules (Renard).

III. 1. Class. Clore, terminer : Un si grand


conquérant n’eût jamais pu fermer | Par
un plus digne exploit ces grands événe-
ments (Corneille). ‖ Auj. Fermer un scru-
tin, une discussion, etc., les déclarer clos :
Nous aurions nos conciles [...]. Je les ou-
vrirais et les fermerais (Vigny). ‖ 2. Spé-
cialem. Achever une figure d’équitation,
en parlant d’un cheval : Fermer la volte.

‖ 3. Mettre fin à l’activité de : Les clubs


révolutionnaires furent fermés après
Thermidor. Fermer une entreprise défi-
citaire. ‖ Fermer boutique, cesser un
commerce. ‖ Fermer l’usine, le bureau,
le magasin, etc., interrompre leur activité
pour la nuit, pour les congés normaux.
‖ Absol. On ferme !, formule pour invi-
ter les usagers d’un édifice public ou les
clients d’un magasin à sortir à l’heure
où va cesser l’activité de l’établissement :
C’est l’heure, on ferme ! ‖ Fermer le jeu,
au jeu de dominos, poser des dominos
de telle sorte que l’adversaire ne puisse
continuer à jouer ; dans un match, se dit
d’une équipe qui refuse de prendre des
risques. ‖ 4. Fermer la parenthèse, tracer
le second signe d’une parenthèse, indi-
quant qu’elle est erminée ; au fig., mettre
fin à une digression pour revenir au sujet
principal de la discussion. ‖ Fermer la
marche, occuper la dernière place dans
le défilé d’une colonne, d’une procession,
etc.

• SYN. : I, 2 boucler (fam.), cadenasser,


verrouiller ; 3 barrer, barricader, boucher,
cerner, condamner ; 4 boutonner, coudre,
suturer ; 6 arrêter, couper, éteindre. ‖ II, 3
clore, sceller ; 5 enfermer, parquer. ‖ III, 3
interdire, suspendre. — CONTR. : I, 2 cro-
cheter, déverrouiller, enfoncer, entrebâil-
ler, entrouvrir, ouvrir ; 3 autoriser, rouvrir,
déblayer, dégager ; 4 déboutonner, déchi-
rer, dégrafer, déplier, déployer ; 6 ouvrir ;
allumer. ‖ II, 2 déboucher ; 3 décacheter,
défaire ; 4 ouvrir ; 5 libérer. ‖ III, 3 inau-
gurer, installer, renflouer, rouvrir.

& v. intr. (sens 1, début du XVe s., Ch. d’Or-


léans ; sens 2-3, 1865, Littré). 1. Se fermer ou
être fermé, en parlant de ce qui obture une
ouverture ou de tout dispositif de ferme-
ture (généralement suivi d’un adverbe de
manière) : Une porte, un verrou qui ferme
mal. La vanne ne ferme plus hermétique-
ment. ‖ 2. Cesser définitivement son acti-
vité, ou la suspendre pour une interruption
normale ou accidentelle, en parlant d’une
entreprise commerciale, d’une adminis-
tration, d’un établissement public, etc. :
L’usine a dû fermer, faute de débouchés suf-
fisants. Les bureaux ferment le samedi. Le
seul endroit où j’aurais pu me faire servir à
boire [...] eût été un hôtel. Mais, dans la rue
assez éloignée du centre où j’étais parvenu,
tous, depuis que sur Paris les gothas lan-
çaient leurs bombes, avaient fermé (Proust).
Je pensai brusquement que la Bibliothèque
fermait à sept heures (Sartre). ‖ 3. En par-
lant d’une valeur boursière, se trouver à
tel ou tel taux au moment où la Bourse
cesse ses cotations : Les pétroles ont fermé
en hausse.

& se fermer v. pr. (sens I, fin du XVIe s.,


A. d’Aubigné [comme v. tr., au sens de
« décider », v. 1462, Cent Nouvelles nou-
velles] ; sens II, 1, 1669, Racine ; sens II,
2, av. 1778, Voltaire ; sens II, 3, av. 1613,
M. Régnier).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1873

I. Class. (déjà vx au XVIIe s.).Se fermer-à


quelque chose, s’y résoudre fermement :
L’autre issue [...] était plus grande, plus
noble ; [...] et ce fut celle aussi à laquelle je
me fermai sans balancer (Retz).

II. 1. Devenir clos : Mes yeux se ferment


aussitôt que j’entends lire (Balzac). ‖ 2. Se
cicatriser (au pr. et au fig.) : La cruelle
secousse à recevoir et la cruelle blessure,
quand la secousse ne devrait durer qu’une
heure et la blessure se fermer aussitôt !
(Bourget). ‖ 3. Fig. Devenir ou se rendre
inaccessible, insensible à : Sa capacité
naturelle [...] se fermait naturellement
aux notions vagues, compliquées, fausses
(Taine). Se fermer à la pitié.

fermeté [fɛrməte] n. f. (lat. firmitas,


consistance, état robuste, solidité [au
pr. et au fig.], et, en lat. pop. de la Gaule,
« fortification, forteresse », de firmus [v.
FERME 1] ; v. 1130, Eneas, au sens de « forte-
resse, enceinte fortifiée » ; sens 1 et 3, milieu
du XVIe s., Amyot ; sens 2, début du XVe s.,
Ch. d’Orléans ; sens 4, 1872, Larousse ; sens
5, v. 1361, Oresme). 1. État de ce qui a de la
consistance, de la densité, de ce qui offre
de la résistance à la pression : La fermeté
des chairs. La fermeté d’un sol. La surface
polie par le flot avait presque la fermeté
de l’acier (Hugo). ‖ 2. Qualité de ce qui
ne tremble pas, ne vacille pas ; sûreté des
mouvements du corps : La fermeté de main
d’un bon chirurgien ; et par extens. : La
fermeté de la voix, du ton. ‖ 3. Précision
et vigueur dans l’expression de la pensée,
l’exécution d’une oeuvre : La fermeté du
style. La fermeté du dessin, du trait dans
une gravure. ‖ 4. Spécialem. Tendance du
marché des valeurs lorsque les demandes
sont supérieures aux offres et que les cours
montent : Fermeté de la Bourse, des cours,
d’une valeur. ‖ 5. Fig. Qualité d’une per-
sonne qui ne faiblit pas moralement ou
intellectuellement, qui agit sans se laisser
influencer : Supporter ses maux avec fer-
meté. Fermeté de caractère, de jugement.
‖ Spécialem. Attitude qui exclut tout
relâchement : Manquer de fermeté avec
ses enfants.

• SYN. : 1 compacité, consistance, dureté,


résistance ; 2 assurance, maîtrise ; 3 conci-
sion, rigueur ; 4 stabilité ; 5 caractère,
courage, cran (fam.), détermination,
énergie, opiniâtreté, résolution, ténacité,
volonté ; autorité, poigne (fam.), sévérité.

— CONTR. : 1 élasticité, flaccidité, incon-


sistance, souplesse ; 2 hésitation, instabi-
lité, tremblement ; 3 indécision, mollesse ;
5 découragement, faiblesse, inconstance,
irrésolution, versatilité, veulerie.

1. fermette [fɛrmɛt] n. f. (de ferme 2 ;


1690, Furetière, au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, XXe s.). 1. Ferme de faux
comble ou de lucarne. ‖ 2. Chacune des
fermes qui soutiennent un barrage mobile
sur un cours d’eau : Glissant entre les fer-

mettes du barrage (Moselly). ‖ 3. Petit


chevalet métallique.

2. fermette [fɛrmɛt] n. f. (de ferme 3 ;


milieu du XXe s.). Petite ferme. ‖ Spécialem.
Petite maison rurale transformée en rési-
dence d’agrément.

fermeture [fɛrmətyr] n. f. (de fermer


[v. ce mot], avec un -t- dû à l’influence de
fermeté [v. ce mot] ; XIIe s., au sens de « for-
teresse » ; sens I, 1, av. 1695, La Fontaine ;
sens I, 2, 1853, Michelet ; sens II, 1, XIVe s.,
Dict. général [fermeture à glissière, 1962,
Larousse ; fermeture adhésive, 1968,
Larousse] ; sens II, 2, 1690, Furetière).

I. 1. Action de fermer quelque chose


(porte, verrou, robinet, etc.) : Attention !
la fermeture des portes est automatique.
La fermeture du compteur se fait en
manoeuvrant la manette de haut en bas.
‖ Spécialem. Suture d’une plaie chirur-
gicale ou accidentelle : Fermeture d’une
laparotomie. ‖ Fermeture d’un signal, ac-
tion de placer un signal de chemin de fer
dans la position « voie fermée ». ‖ 2. Ces-
sation momentanée ou définitive de
l’activité d’un établissement commercial,
administratif, etc., d’une manifestation :
La fermeture hebdomadaire des bouche-
ries a lieu le lundi. Prononcer la fermeture
d’un établissement public. ‖ Par extens.
Heure, date à laquelle un établissement
ferme, une activité ou une manifestation
cesse : Arriver après la fermeture des gui-
chets de la poste. Fermeture de la chasse,
de la pêche. Retarder la fermeture d’une
exposition. En effet, dit M. Renan, j’ai
frisé l’enfer. Mes vieux maîtres de Saint-
Sulpice [...] ont pu m’obtenir les circons-
tances atténuantes [...]. Par exemple, je
suis ici [au Purgatoire] jusqu’à la ferme-
ture (Barrès). ‖ Durée pendant laquelle
un établissement est fermé : Fermeture
annuelle, réouverture en septembre.

II. 1. Dispositif qui sert à fermer : Ferme-


ture de porte. Fermeture de sûreté. Vérifier
l’étanchéité d’une fermeture. ‖ Fermeture
à glissière, système de fermeture souple
constitué de deux chaînes à mailles spé-
ciales, serties sur des ganses de tissu et
qui se joignent au moyen d’un curseur.
‖ Fermeture adhésive, système de ferme-
ture constitué par deux bandes doublées
l’une de boucles, l’autre de crochets en
Nylon, et qui s’ouvrent par simple trac-
tion ou se ferment par simple pression.
‖ 2. Spécialem. Ensemble des éléments
constitutifs d’une fenêtre ou d’une porte.
• SYN. : I, 2 clôture, interdiction, suspension.

— CONTR. : I, 1 ouverture ; 2 inauguration,


installation, réouverture.

fermi [fɛrmi] n. m. (du n. de Fermi [v. FER-


MIUM] ; 1968, Larousse). Unité de longueur
en microphysique valant un milliardième
de micron.

fermier, ère [fɛrmje, -ɛr] n. (de ferme 3 ;


début du XIIIe s., au sens 2 ; sens 1, 1538, R.
Estienne [fermier de jeux, 1872, Larousse ;
fermier général, 1690, Furetière] ; sens 3,
av. 1850, Balzac). 1. Personne qui, moyen-
nant une redevance annuelle, a le droit
d’exploiter un bien et d’en tirer des béné-
fices. ‖ Fermier de jeux, celui qui a obtenu
le droit d’ouvrir, de tenir une maison de
jeux. ‖ Fermier général, sous l’Ancien
Régime, financier qui prenait à ferme le
recouvrement de l’impôt. ‖ 2. Personne
qui, moyennant une redevance annuelle au
propriétaire, exploite un domaine agricole
et en tire les bénéfices : Il eut, en outre,
pour maîtresses les femmes et les filles de ses
fermiers (Maupassant). ‖ 3. Personne qui,
à quelque titre que ce soit, met en valeur
une exploitation agricole : Sa femme, fille
unique d’un riche fermier de la Brie, fut
pour lui l’objet d’une adoration religieuse,
d’un amour sans bornes (Balzac).

• SYN. : 3 agriculteur, cultivateur, exploi-


tant, paysan.

& adj. (sens 1, XVe s., Du Cange ; sens 2,


1878, Larousse). 1. Qui tient à ferme une
exploitation : Compagnie, société fermière.
‖ 2. Relatif à la ferme, exploitation agri-
cole : Produits fermiers. ‖ Qui est produit
directement par la ferme, et non industriel-
lement : Beurre fermier.

fermium [fɛrmjɔm] n. m. (du n. de Enrico


Fermi, physicien italien [1901 - 1954] ;
milieu du XXe s.). Élément chimique artifi-
ciel (symb. : Fm), de numéro atomique 100.

1. fermoir [fɛrmwar] n. m. (de fermer ;


XIIIe s., Gay). Attache ou dispositif de métal
permettant de tenir fermé un livre, un
porte-monnaie, un portefeuille, un col-
lier, un bracelet, etc. : Je consens à fourbir
de ma langue | Tous ces volumes [...], | Y
compris les fermoirs, la basane et les cuivres
(Hugo). ‖ Spécialem. Système de fermeture
métallique à charnière se montant sur les
sacs de dame.

• SYN. : agrafe, fermail (vx), fermeture.

2. fermoir [fɛrmwar] n. m. (altér.,


d’après fermer, de fo[u]rmoir, même sens
[1407, Godefroy], dér. de former ; 1676,
Félibien). Ciseau employé dans divers corps
de métiers (menuiserie, sculpture, etc.).

fermure [fɛrmyr] n. f. (de fermer [v. ce


mot] ; XIIe s., Godefroy, aux sens de « forti-
fication, forteresse, ce qui sert à fermer [ser-
rure, etc.] » ; sens moderne, 1829, Boiste).
Vx. Perche qui servait à tenir un train de
bois fixé à la rive.

féroce [ferɔs] adj. (lat. ferox, -ocis, impé-


tueux, hardi, fougueux, intrépide, fier,
hautain, de ferus, sauvage, non apprivoisé,
farouche, cruel ; v. 1460, G. Chastellain, au
sens I, 1 ; sens I, 2, av. 1848, Chateaubriand ;
sens II, 1-2, 1690, Furetière ; sens II, 3-4,
début du XXe s. ; sens II, 5, 1694, Boursault
[faim féroce, 1863, Th. Gautier]).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1874

I. 1. Class. D’un caractère sauvage, bru-


tal, peu sociable : L’on parle d’une région
où les vieillards sont galants, polis et civils,
les jeunes gens au contraire durs, féroces,
sans moeurs ni politesse (La Bruyère).
‖ 2. Littér. Qui est dans un état de sau-
vagerie primitive : Elle [la Cour de Rome]
cherchait à adoucir nos moeurs [...], à nous
arracher à nos coutumes grossières ou
féroces (Chateaubriand). Jadis, avant les
temps historiques, ces îles de la Manche
étaient féroces (Hugo).

II. 1. Se dit d’un animal cruel par na-


ture, qui tue, répand le sang : De féroces
oiseaux perchés sur leur pâture | Détrui-
saient avec rage un pendu déjà mûr (Bau-
delaire). ‖ Bête féroce, animal sauvage
dangereux : Oui, la bête féroce est en
nous (Sainte-Beuve). ‖ 2. Se dit d’une
personne cruelle, sanguinaire, qui agit
de façon barbare : Les hommes sensibles
ne sauraient être féroces (Constant). Les
féroces Lacédémoniens venaient encore
de ravager la patrie d’Aristomène (Cha-
teaubriand). En danger de mort, elle [la
République] serait très méchante : la peur
la ferait sortir de son naturel et la rendrait
féroce (France). ‖ Par extens. Qui révèle
ou annonce ce comportement : Regard,
voix, cri féroce. ‖ 3. Par exagér. D’une
sévérité excessive, dur, impitoyable : Un
examinateur, un juge féroce. ‖ 4. Qui est
extrêmement douloureux ou durement
ressenti : On sentait la féroce brûlure rien
qu’à toucher le tigeon léger d’un chèvre-
feuille (Giono). La première expérience du
malheur est féroce (Bernanos). ‖ 5. D’une
violence, d’un degré extrême : Ces yeux
étranges exprimaient une admiration
enfantine et une convoitise féroce (Gau-
tier). ‖ Appétit, faim féroce, appétit, faim
digne d’une bête féroce : Les premières
minutes furent consacrées à réduire au
silence les abois d’une faim de chasseur, la
plus féroce des faims (Gautier).

• SYN. : II, 1 sanguinaire, sauvage ; 2 bar-


bare, impitoyable, inhumain, monstrueux ;
effroyable, farouche, terrible, terrifiant ;
3 implacable, inexorable ; 4 atroce, cruel,
cuisant ; 5 effréné, forcené, fou (fam.),
insensé, violent. — CONTR. : II, 1 apprivoisé,
domestiqué, familier ; 2 bienfaisant, bon,
brave (fam.), charitable, humain, inoffensif ;
doux, tendre ; 3 bienveillant, indulgent ;
4 agréable, délicieux, exquis.

férocement [ferɔsmɑ̃] adv. (de féroce ;


XVIe s.). De manière féroce : Leur pan-
tomime, si vraie dans sa froide folie, si
férocement comique dans son outrance
(Huysmans).

férocité [ferɔsite] n. f. (lat. feroci-


tas, fougue, fierté, vaillance, violence,
et, à basse époque, « férocité », de ferox,
-ocis [v. FÉROCE] ; XIIe s., aux sens II,
1-2 [rares jusqu’au XVIIe s.] ; sens I, 1,
av. 1525, J. Lemaire de Belges ; sens I, 2,
1675, Mme de Sévigné ; sens I, 3, milieu du

XVIIIe s., Buffon ; sens II, 3, 1767, Voltaire ;


sens II, 4, XXe s.).

I. 1. Class. Humeur, fierté sauvage : Il


garde au milieu de son amour la férocité
de sa nation (Racine). ‖ 2. Class. Impoli-
tesse brutale : Il y aurait une espèce de fé-
rocité à rejeter indifféremment toute sorte
de louanges (La Bruyère). ‖ 3. Littér. État
proche de la nature sauvage : L’homme
croit avoir fait un grand pas quand il a
substitué, à force d’enseignements intelli-
gents, la stupidité à la férocité (Hugo).

II. 1. Naturel féroce, caractère de l’ani-


mal qui tue, répand le sang : La féro-
cité du tigre. ‖ 2. Caractère de l’homme
cruel, sanguinaire, qui se comporte
comme la bête féroce : La férocité de Sylla
est légendaire. ‖ 3. Vx ou littér. Acte de
cruauté, de sauvagerie (surtout au plur.) :
Ces arts, autrefois si bien cultivés en
France, font que les autres nations nous
pardonnent nos férocités et nos folies (Vol-
taire). ‖ 4. Violence extrême : La férocité
du combat.

• SYN. : II, 2 barbarie, cruauté, monstruo-


sité, sauvagerie ; 4 frénésie, fureur, rage.

— CONTR. : II, 1 douceur ; 2 bienveillance,


bonté, gentillesse, indulgence.

féroïen, enne [ferɔjɛ̃, -ɛn] adj. et n. m.


(de Féroé, n. géogr. ; XXe s.). Se dit de la
langue parlée aux îles Féroé depuis le IXe s.

féronie [ferɔni] n. f. (lat. scientif. moderne


feronia, du lat. class. Feronia, n. de la déesse
protectrice des affranchis ; 1811, Wailly).
Nom donné à divers coléoptères répandus
dans toutes les régions du globe : Les nécro-
phores cuivrés et les féronies bleues (Hugo).

férouher ou férouër [feruɛr] n. m. (mot


persan, du zend fravashi ; 1771, Castera).
Nom donné, dans la religion avestique, aux
innombrables esprits qui y jouent un rôle
analogue à celui des génies romains et des
anges gardiens de la religion catholique : Ce
frère mystique que les Orientaux appellent
férouër (Nerval).

• REM. On a écrit aussi FERVER.

ferrade [fɛrad] n. f. (provenç. ferrado,


du v. ferra, ferrer [de même origine que le
franç. ferrer], parce qu’on marque au fer
rouge l’animal terrassé ; 1869, A. Daudet,
aux sens 1-2). 1. Action de marquer les
bestiaux ou les chevaux avec un fer rouge.
‖ 2. Fête célébrée à cette occasion en
Provence, surtout à Arles et en Camargue :
La plupart de ces boeufs de Camargue sont
élevés pour courir dans les ferrades, les
fêtes de village... (Daudet). En Thessalie,
les taurocathapsies étaient analogues à la
tienta espagnole et à la ferrade camarguaise
(Montherlant).

ferrage [fɛraʒ] n. m. (de ferrer ; XIVe s.,


Du Cange, au sens de « garniture de fer
d’un objet » ; sens 1-3, 1865, Littré ; sens 4,
XXe s.). 1. Action de garnir un objet avec
un ou des éléments en fer : Le ferrage d’une

roue de charrette. ‖ Spécialem. Pose sur


une porte des ferrures nécessaires à son
fonctionnement. ‖ 2. Action de ferrer un
cheval. ‖ Masse de ferrage, somme allouée
jadis, dans les régiments montés, pour le
ferrage des chevaux. ‖ 3. Vx. Action de
mettre les fers à un condamné. (En ce sens,
on dit aussi FERREMENT.) ‖ 4. Action de
ferrer un poisson pris à l’hameçon.

ferraillade [ferajad] n. f. (de ferrailler ;


1888, J. H. Rosny). Littér. Bruit de fer ou de
ferraille : La ferraillade des chevaux sur le
pavage, les craquements du bois, les bruits
de la rue, la diversité des vitrines, tout cela
battait dans son cerveau sur un rythme de
polka (Rosny).

ferraillage [fɛrɑjaʒ] n. m. (de ferrailler ;


XXe s.). Ensemble des fers d’une construc-
tion ou d’un élément de construction en
béton armé.

ferraillant, e [fɛrɑjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de ferrailler ; début du XXe s.). Qui fait un
bruit de ferraille : « C’est admirable », fit
le jeune homme, dominant avec peine, de
la voix, la clameur ferraillante du véhicule
(Duhamel). Un de ces tacots ferraillants
(Romains).

ferraille [fɛrɑj] n. f. (de fer 1 ; 1390,


Godefroy, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Débris
de pièces de fer, de fonte ou d’acier ; vieux
fers hors d’usage : Le troisième épouvantail
avait le pot en tête et rendait entre les bras
d’Agostin un bruit de ferraille (Gautier).
Une grande pièce délabrée [...], pleine
de vieilles ferrailles, de tonneaux vides
(Flaubert). ‖ Bon pour la ferraille, bon à
mettre à la ferraille, bon à mettre au rebut.
‖ 2. Pop. Menue monnaie.
ferraillement [fɛrɑjmɑ̃] n. m. (de fer-
railler ; 1883, Goncourt, au sens de « action
de se battre avec le sabre » ; sens 1, 1897, A.
Daudet ; sens 2, début du XXe s.). 1. Action
de ferrailler, de se mesurer dans des dis-
cussions longues et âpres (rare) : Le prétexte
même, parfois plausible, de faire jaillir des
idées et des expressions, en vue d’un tra-
vail à entreprendre, dans le ferraillement
des controverses et l’escrime des mots
(Huysmans). ‖ 2. Bruit de ferraille : Des
obus sillonnaient le ciel, où leurs ferraille-
ments se détachaient à peine sur le gron-
dement d’alentour (Romains).

ferrailler [fɛrɑje] v. intr. (de ferraille ;


1665, Brunot, aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1738,
Ch. Rollin ; sens I, 4, 1740, Acad. ; sens I, 5
et II, début du XXe s.).

I. 1. Vx. Heurter l’une contre l’autre,


à grand bruit, des lames de sabre ou
d’épée. ‖ 2. Vx. Se battre à tout propos,
au sabre ou à l’épée, en parlant spéciale-
ment de bretteurs, de spadassins : Tant
mieux, c’est où je brille, et j’aime à fer-
railler (Regnard). ‖ Par extens. et péjor.
En escrime, montrer peu d’adresse dans
le maniement des armes. ‖ 3. Vx et littér.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1875

Se battre, faire la guerre sous le moindre


prétexte : Il laisse à une nation belli-
queuse, comme la française, le soin de fer-
railler envers et contre tous (d’Alembert).
‖ 4. Fig. et vx. S’escrimer en paroles,
s’engager dans des discussions vaines et
infinies : Te voilà engagé à ferrailler indé-
finiment avec des gens que tu méprises
(Barrès). ‖ 5. Faire entendre un bruit de
ferraille : On entend ferrailler la chaîne
des grues (Pagnol).

II. Disposer les fers dans une construc-


tion en béton armé.

1. ferrailleur [fɛrɑjoer] n. m. (de ferrail-


ler ; 1690, Furetière, au sens I, 1 ; sens I, 2,
av. 1784, Diderot ; sens II, XXe s.).

I. 1. Vx. Celui qui tirait l’épée à tout pro-


pos. ‖ 2. Fig. et vx. Personne qui se com-
plaît aux querelles et aux discussions :
Beaumarchais était ferrailleur et souvent
cherchait noise (Courier).

II. Ouvrier sachant réaliser les éléments


de ferraillage d’une construction en bé-
ton armé et assurer leur mise en place.

2. ferrailleur, euse [fɛrɑjoer, -øz] n.


(de ferraille ; début du XVIIe s.). Personne
qui fait le commerce de la ferraille : Un
ferrailleur nommé Remonencq occupait une
boutique sur la rue (Balzac).

ferrailleux, euse [fɛrɑjø, -øz] adj.


(de ferraille ; 1841, G. Esnault). Qui fait
un bruit de ferraille (peu usité) : Le son
ferrailleux et ébréché d’un couteau qu’on
repasse (Proust).

ferralite [fɛralit] n. f. (de fer 1 ; XXe s.).


Sol ayant subi une altération qui libère les
oxydes de fer, et surtout l’alumine.

1. ferrandine [fɛrɑ̃din] n. f. (ital. ferran-


dina, même sens [fin du XVIe s.], dér. de
ferro, fer [lat. ferrum, v. FER 1], parce que
l’étoffe était fabriquée uniquement avec de
la soie brute, ce qui lui donnait une couleur
gris clair rappelant celle du fer ; 1659, Gay).
Tissu de soie à trame de laine, et même
de fil ou de coton, en usage aux XVIIe et
XVIIIe s.

2. ferrandine [fɛrɑ̃din] n. f. (de fer[r]


andinier, n. m., même sens [1872, Larousse],
probablem. dér. de ferrandine 1, le coffre
étant parfois doublé intérieurement de tissu
de soie ; XXe s.). Vx. Coffre double qui se
plaçait sur le dos d’un mulet, et où les mili-
taires serraient la vaisselle et les provisions.

ferrasse [fɛras] n. f. (de fer 1 ; 1765,


Encyclopédie, aux sens 1-2 ; sens 3, XXe s.).
1. Coffre ou chariot où l’on met les pièces
de verre fabriquées ou à recuire. ‖ 2. Cadre
dans lequel le miroitier fixe les glaces pour
les travailler. ‖ 3. Bande de fonte qui garnit
les plateaux circulaires servant au doucis-
sage des glaces.

ferrat n. m. V. FÉRA.

ferrate [fɛrat] n. m. (de fer 1 ; 1839,


Boiste). Nom générique des sels dérivant
de l’acide ferrique, non isolé.

ferratier [fɛratje] n. m. (de fer 1 ; XVIe s.,


au sens de « ouvrier qui travaille le fer » ;
sens 1, 1865, Littré ; sens 2, XXe s.). 1. Syn. de
FERRETIER. ‖ 2. Commerçant en ferraille.
ferré, e [fɛre] adj. (part. passé de fer-
rer ; XIIe s., Roncevaux, au sens 2 [chemin
ferré ; voie ferrée, 1872, Larousse] ; sens 1,
XIIIe s., Roman de Renart ; sens 3, v. 1560,
Paré ; sens 4, 1690, Furetière [être ferré à
glace..., 1675, Widerhold]). 1. Se dit d’un
objet garni d’une ou de plusieurs pièces
de fer ou de métal destinées à accroître
sa résistance : Bâton ferré. ‖ Souliers fer-
rés, souliers dont la semelle est garnie de
clous. ‖ 2. Spécialem. Voie ferrée, voie de
chemin de fer. ‖ Vx. Chemin ferré, route
ferrée, chemin, route empierrés : Le chemin
naturellement ferré de cailloux (Arène).
‖ 3. Vx. Eau ferrée, eau dans laquelle
on faisait rouiller du fer ou plongeait un
fer rougi, et qui passait pour fortifiante.
‖ 4. Fig. et fam. Se dit d’une personne qui
a des connaissances approfondies et très
sûres sur un sujet : Très ferré d’ailleurs sur
les langues latines (Daudet). ‖ Fig. et vx.
Être ferré à glace sur une question, en une
matière, la connaître parfaitement.

• SYN. : 4 calé (fam.), fort (fam.), instruit,


savant.

1. ferrement [fɛrmɑ̃] n. m. (lat. ferra-


mentum, instrument de fer, outil de fer, de
ferrum, fer [v. FER 1] ; v. 1130, Eneas, au sens
1 ; sens 2, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 3,
XXe s.). 1. Class. Épieu, arme blanche : Les
bêtes sauvages [...], pour l’amour de leurs
petits, se jettent à corps perdu dans les fer-
rements qu’on leur présente (Malherbe).
Tue les animaux toi-même, je dis de tes
propres mains, sans ferrements, sans cou-
telas (Rousseau). ‖ 2. Class. Instrument de
chirurgie, en particulier forceps : Ces dan-
gereux chirurgiens qui, lorsqu’ils pansent
une petite plaie avec leurs ferrements et
poudres caustiques, la rendent grande et
dangereuse (Furetière). ‖ 3. Collier de
gouttière.

& ferrements n. m. pl. (1865, Littré). Parties


métalliques servant à consolider un objet,
en particulier garnitures de fer entrant
dans la construction d’un bâtiment.

2. ferrement [fɛrmɑ̃] n. m. (de ferrer ;


1835, Acad.). Vx. Action de mettre des
fers aux forçats : La prison, le jugement, le
ferrement, et le départ, et la vie du bagne
(Balzac). [On disait aussi FERRAGE.]

ferre-mule [fɛrmyl] adj. (de ferre, forme


du v. ferrer, et de mule [animal] ; 1732,
Lesage). Vx. Qui « ferre la mule », qui se
fait donner des pots-devin : C’est un servi-
teur malin, menteur et ferre-mule (Lesage).

ferrer [fɛre] v. tr. (lat. pop. *ferrare, ferrer,


du lat. class. ferrum, fer [v. FER 1] ; début du

XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, au sens


1 ; sens 2, fin du XIIe s., Aliscans [ferrer à
glace, v. 1534, Bonaventure Des Périers ; se
laisser ferrer, v. 1462, Cent Nouvelles nou-
velles ; ferrer la mule, 1580, Montaigne] ;
sens 3, av. 1850, Balzac ; sens 4, 1865, Littré).
1. Garnir de fer, d’une partie métallique un
objet, pour le renforcer : Ferrer une roue,
une canne, des lacets. ‖ 2. Garnir d’un fer,
cloué sous le sabot, les pieds d’une bête
de somme : Je pense à ces chevaux rétifs
que, petit enfant, j’allais voir ferrer chez
le maréchal (Bernanos). ‖ Ferrer à glace,
ferrer un cheval avec des fers à crampons
qui ne glissent pas sur la glace. ‖ Vx et
fam. Se laisser ferrer, se montrer docile,
soumis : Ce ne sont plus ces guerriers, la
terreur de l’Europe, l’admiration du monde
[...] : ils se laissent ferrer et monter à tous
venants (Courier). ‖ Class. et fig. Ferrer la
mule, prélever un profit personnel à l’occa-
sion des achats que l’on faisait pour son
maître, « faire danser l’anse du panier » :
Croyez-vous que je voulusse ferrer la mule
en cette occasion ? Ce serait un gros péché
d’y penser (Furetière). ‖ 3. Vx. Mettre les
fers à un forçat : S’ils nous ont déjà ferrés
pour Rochefort, c’est qu’ils essaient de se
débarrasser de nous (Balzac). ‖ 4. Ferrer un
poisson, donner un coup sec à la ligne pour
faire entrer la pointe de l’hameçon dans la
chair du poisson au moment où il mord.
& v. intr. (XXe s.). En parlant du cheval,
heurter entre eux ses sabots antérieurs et
postérieurs.

ferret [fɛrɛ] n. m. (de fer 1 ; v. 1320, Poème


français sur le précieux sang, écrit féret,
au sens de « petit objet en fer » ; sens 1,
1580, Dict. général [écrit féret ; ferret, 1690,
Furetière] ; sens 2, 1704, Trévoux [ferret
d’Espagne, 1829, Boiste] ; sens 3, 1756,
Encyclopédie). 1. Partie métallique qui ter-
mine un lacet, une aiguillete. ‖ Ferrets de
diamants, ferrets ornés de diamants : Des
noeuds de satin et des ferrets de diamants
(Bourget). ‖ 2. En minéralogie, noyau dur
dans les pierres. ‖ Ferret d’Espagne, ou
simplem. ferret, hématite rouge. ‖ 3. Outil
de verrier servant à prendre le verre en
fusion dans le creuset.

ferretier [fɛrtje] n. m. (de fer 1 ; 1678,


Guillet). Marteau pour forger les fers des
chevaux.
• REM. On dit aussi FERRATIER.

ferreur [fɛroer] n. m. (de ferrer ; v. 1155,


Wace, écrit ferreor [ferreur, XVIe s.], au sens
1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Ouvrier qui
ferre les chevaux. ‖ 2. Ouvrier qui pose
les ferrets.

ferreux, euse [fɛrø, -øz] adj. (de fer


1 ; 1752, Trévoux, au sens 1 ; sens 2, 1865,
Littré). 1. Qui contient du fer : Minerai fer-
reux. ‖ 2. Se dit des composés chimiques
dans lesquels le fer est bivalent : Oxyde
ferreux. Sulfate ferreux.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1876

ferricyanure [fɛrisjanyr] n. m. (de


ferri[que] et de cyanure ; 1888, Larousse).
Sel complexe formé par l’union de cyanure
ferrique et d’un cyanure alcalin.

ferrière [fɛrjɛr] n. f. (de fer 1 ; 1501,


Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1564, Liébault).
1. Vx. Flacon de métal, souvent en argent,
qui servait à emporter du vin en voyage, ou
dans lequel on mettait des parfums (XVIe-
XVIIe s.). ‖ 2. Sac de cuir dans lequel un
maréchal-ferrant, un serrurier transporte
ses outils.

ferrique [fɛrik] adj. (de fer 1 ; 1842,


Acad.). Se dit du sesquioxyde de fer et
des sels dans lesquels le fer est trivalent :
Chlorure ferrique.

ferrite [fɛrit] n. f. (de fer 1 ; 1878,


Larousse, au sens de « oxyde de fer » ; sens
1-2, milieu du XXe s.). 1. Fer pur apparais-
sant sous forme de polyèdres dans l’ana-
lyse micrographique des alliages ferreux.
‖ 2. Céramique ferromagnétique utilisée
dans les télécommunications.

1. ferro- [fɛro ou fɛrɔ], élément tiré du


lat. ferrum, fer [v. FER 1], et indiquant la
présence de fer bivalent dans un composé.

2. ferro [fɛro] n. m. (abrév. de ferro-


cyanure ; XXe s.). En photogravure et en
héliogravure, épreuve, sur papier au fer-
rocyanure, d’un cliché négatif.

ferro-alliage [fɛrɔaljaʒ] n. m. (de ferro-


et de alliage ; XXe s.). Nom générique de
tous les alliages contenant du fer, plus par-
ticulièrement de ceux qui sont utilisés en
sidérurgie pour l’affinage et la fabrication
des aciers spéciaux. (On dit aussi FERRO,
par abréviation.)

• Pl. des FERRO-ALLIAGES.

ferro-aluminium [fɛrɔalyminjɔm] n. m.

(de ferro- et de aluminium ; XXe s.). Alliage


de fer et d’aluminium (10 à 20 p. 100), uti-
lisé dans l’élaboration des aciers.

• Pl. des FERRO-ALUMINIUMS.

ferrocérium [fɛrɔserjɔm] n. m. (de ferro-


et de cérium ; XXe s.). Alliage de fer et de
cérium, donnant des étincelles au choc et
utilisé comme pierre à briquet.

ferrochrome [fɛrɔkrom] n. m. (de ferro-


et de chrome ; 1888, Larousse). Alliage de
fer et de chrome (60 à 70 p. 100), utilisé
dans la fabrication des aciers inoxydables
et des aciers spéciaux.

ferrocyanure [fɛrɔsjanyr] n. m. (de


ferro- et de cyanure ; 1872, Larousse). Sel
complexe formé par l’union de cyanure
ferreux et d’un cyanure alcalin.

ferro-électricité [feroelɛktrisite] n.
f. (de ferro- 1 et de électricité ; milieu
du XXe s.). Production, dans certains
cristaux, d’une polarisation électrique
spontanée sous l’action d’un champ
magnétique extérieur.

ferromagnétique [fɛrɔmaɲetik] adj.


(de ferro- et de magnétique ; XXe s.). Se dit
des substances de grande perméabilité
magnétique, telles que le fer, le nickel, le
cobalt, et qui conservent une aimantation
rémanente.

• REM. On emploie aussi FERRIMAGNÉ-


TIQUE (de ferri-, var. de ferro- 1, et de
magnétique ; 1968, Larousse).

ferromagnétisme [fɛrɔmaɲetism]
n. m. (de ferro- et de magnétisme ; XXe s.).
Propriété des substances ferromagnétiques.
• REM. On emploie aussi FERRIMAGNÉ-
TISME (de ferri-, var. de ferro- 1, et de
magnétisme ; 1968, Larousse).

ferromanganèse [fɛrɔmɑ̃ganɛz] n. m.
(de ferro- et de manganèse ; 1888, Larousse).
Fonte à haute teneur en manganèse (jusqu’à
80 p. 100).

ferromolybdène [fɛrɔmɔlibdɛn] n. m.
(de ferro- et de molybdène ; XXe s.). Alliage
de fer et de molybdène (40 à 80 p. 100),
employé pour introduire le molybdène
dans les aciers spéciaux et les fontes
spéciales.

ferron [fɛrɔ̃] n. m. (de fer 1 ; fin du XIIe s.,


Reclus de Moiliens, comme adj., au sens
de « de fer » ; v. 1268, É. Boileau, comme
n. m., au sens de « forgeron qui ne fait
que de gros ouvrages » ; sens actuel, 1671,
Pomey). Marchand de fer neuf en barres.

ferronickel [fɛrɔnikɛl] n. m. (de jerro- et


de nickel ; 1888, Larousse). Alliage de fer
et de nickel, ayant une teneur en nickel
supérieure à 25 p. 100.

ferronnerie [fɛrɔnri] n. f. (de ferron ;


1297, Du Cange, au sens de « métier de
forgeron » ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 2,
XIVe s. [« menus ouvrages de fer que fabri-
quaient les cloutiers », 1757, Encyclopédie] ;
sens 3, XXe s.). 1. Atelier où l’on fabrique de
gros ouvrages de fer ou de cuivre. ‖ 2. Gros
ouvrages métalliques entrant dans la
construction d’un édifice. ‖ Vx. Menus
ouvrages de fer que fabriquaient les clou-
tiers. ‖ 3. Art de fabriquer des ouvrages
en fer travaillé à la main, à chaud ou à
froid, avec ou sans combinaison d’autres
métaux. (On dit plus précisément FERRON-
NERIE D’ART.) ‖ Les ouvrages, de caractère
artistique, élaborés de cette façon (grilles,
rampes, balcons, enseignes, etc., de fer
forgé).

ferronnier, ère [fɛrɔnje, -ɛr] n. (de fer-


ron ; milieu du XVIe s., Amyot, au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. Vx. Personne qui vend des
objets de fer. ‖ 2. Ferronnier d’art, serru-
rier hautement qualifié, capable de conce-
voir et d’exécuter des pièces présentant une
certaine recherche artistique. ‖ Ferronnier
de bâtiment, serrurier exécutant plus par-
ticulièrement les ferrures.

ferronnière [fɛrɔnjɛr] n. f. (de la Belle


Ferronnière, n. d’un tableau peint par

Léonard de Vinci, représentant une femme


qui porte cet ornement ; 1832, Journ. des
dames). Ornement composé d’une chaî-
nette d’or rehaussée d’une pierre précieuse
ou d’un camée, que les femmes portaient
autrefois sur le front : Le rubis qu’elle por-
tait sur le front, car dans ce temps-là on
se coiffait en ferronnière (Barbey d’Aure-
villy). Un simple cercle de perles, tenant
de la ferronnière et du diadème, empêche
les deux flots dorés qui coulent de chaque
côté du front de s’éparpiller et de se réunir
(Gautier). En beaux bandeaux plats, une
ferronnière au front (France).

ferroprussiate [fɛrɔprysjat] n. m. (de


ferro- et de prussiate ; début du XXe s.). Syn.
de FERROCYANURE.

ferrotitane [fɛrɔtitan] n. m. (de ferro- et


de titane ; XXe s.). Alliage de fer et de titane
(20 à 60 p. 100), plus ou moins carburé, uti-
lisé pour l’élaboration des aciers spéciaux.

ferrotungstène [fɛrɔtoẽkstɛn] n. m. (de


ferro- et de tungstène ; XXe s.). Alliage de fer
et de tungstène (60 p. 100 généralement),
utilisé comme additif dans l’élaboration
des aciers et des fontes au tungstène.

ferrotypie [fɛrɔtipi] n. f. (de ferro- et de


-typie, du gr. tupos, empreinte, modèle ;
début du XXe s.). Procédé photographique
ancien, utilisant une émulsion au collodion
sur plaque de tôle.

ferrotypique [fɛrɔtipik] adj. (de ferroty-


pie ; XXe s.). Qui concerne la ferrotypie, ou
qui est obtenu par la ferrotypie.

ferroviaire [fɛrɔvjɛr] adj. (ital. ferrovia-


rio, de ferrovia, chemin de fer, de ferro, fer
[lat. ferrum, v. FER 1], et via, chemin, route
[lat. via, mêmes sens] ; 1911, Larousse). Qui
se rapporte aux voies ferrées, aux chemins
de fer et à leur exploitation : Matériel fer-
roviaire. Le trafic ferroviaire. Le personnel
ferroviaire (Pagnol).

ferrugineux, euse [fɛryʒinø, -øz] adj.


(lat. ferruginosus, couleur de fer, ferrugi-
neux, de ferrugo, -ginis, rouille [du fer],
dér. de ferrum [v. FER 1] ; av. 1594, Dariot,
au sens 1 ; sens 2, av. 1922, Proust). 1. Qui
contient du fer à l’état métallique ou à
l’état de composé : Ces tons de brique [...]
viennent de la quantité de sources ferrugi-
neuses qui coulent [...] dans le pays d’alen-
tour (Flaubert). La limpidité de la rivière
éteignait aussitôt l’ardeur ferrugineuse
des sources (Gide). Roches ferrugineuses.
Médicament ferrugineux. ‖ 2. Qui évoque
le fer rouillé (rare) : Le grelot profus et
criard [...] qui étourdissait au passage, de
son bruit ferrugineux, intarissable et glacé,
toute personne de la maison qui le déclen-
chait.. (Proust).
ferruginosité [fɛryʒinɔzite] n. f. (dér.
savant de ferrugineux ; 1642, Oudin,
puis 1865, Littré). Qualité de ce qui est
ferrugineux.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1877

ferrure [fɛryr] n. f. (de ferrer ; XIIe s., au


sens 3 ; sens 1, 1581, Froumenteau ; sens
2, 1611, Cotgrave ; sens 4, 1865, Littré).
1. Action ou manière de ferrer un cheval,
un âne, un mulet, un boeuf : Ferrure à
la française. ‖ 2. Ensemble des fers que
porte un cheval, une bête de somme :
Cheval qui a perdu une partie de sa ferrure.
‖ 3. Garniture de fer que l’on fixe sur une
porte, une croisée, un coffre, une pièce de
bois, etc., pour les consolider : Une lourde
porte à clous, avec une ferrure en forme de
main de Fathma (Tharaud). ‖ Par extens.
Ouvrage de ferronnerie : Un étroit balcon
aux noires ferrures en encorbellement au-
dessus du porche (Daudet). ‖ 4. Ensemble
des aiguillots, femelots et armatures d’un
gouvernail.

ferry-boat [fɛribot] n. m. (mot angl.


signif. « bac, bateau de passeur », de to
ferry, [faire] passer ou traverser [en bateau,
en bac], et de boat, bateau ; 1786, Jal, au
sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Navire
aménagé pour le transport des voitures et
des wagons de chemin de fer entre deux
points situés de part et d’autre d’un cours
d’eau, d’un lac, d’un bras de mer : Un relais
de ferryboats. ‖ 2. Spécialem. À Marseille,
petit bateau permettant de traverser le
Vieux-Port.

• Pl. des FERRY-BOATS.

• REM. On l’utilise surtout sous la forme


abrégée FERRY (1833, Bonnafé) : Il ne res-
tait plus que la tour du ferry (Vercel).

ferte [fɛrt] n. f. (mot angevin, issu par


métathèse consonantique de l’anc. franç.
frete, espèce de flèche [XIVe s.], lat. fracta,
fém. substantivé de fractus, part. passé de
frangere, briser, rompre, mettre en pièces ;
1878, Larousse). Vx et dialect. Longue
perche : Pour assaillir les bleus et pour fran-
chir les ravins, ils [les chouans] avaient leur
long bâton de quinze pieds de long, la ferte,
arme de combat et de fuite (Hugo).
ferté [fɛrte] n. f. (forme pop. de fer-
meté [v. ce mot], au sens anc. de « forte-
resse, enceinte fortifiée » [XIIe s.] ; fin du
XIIe s., Moniage Guillaume). Mot ancien
conservé dans plusieurs noms de localités,
jadis places fortifiées : La Ferté-Milon. La
Ferté-sous-Jouarre.

fertile [fɛrtil] adj. (lat. fertilis, fertile, pro-


ductif [au pr. et au fig.], de ferre, porter ;
XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1664, Boileau ; sens
3, 1690, Furetière ; sens 4, 1643, Corneille
[fertile de, début du XVIIe s., Malherbe] ;
sens 5, milieu du XXe s.). 1. Se dit d’une
terre, d’une région qui peut donner des
récoltes abondantes : Tu fais d’un sable
aride une terre fertile (Boileau). Un pays fer-
tile est souvent un avantage funeste pour un
peuple (Chateaubriand). ‖ Par extens. Se
dit d’une période où les productions du sol
ont été abondantes : Année fertile. ‖ 2. Fig.
Qui peut créer en abondance (en parlant de
l’esprit, des facultés intellectuelles) : Une

imagination fertile. Ulysse, le prudent et


fertile esprit de la Grèce (Maurras). La vie,
la pensée, notre âme, tout me paraît beau,
adorable, fertile (Gide). ‖ 3. D’où l’on peut
tirer une production abondante : Comme
un minerai fertile, elle [une pièce d’or] peut
ouvrir une large veine (Musset). ‖ Fig. Qui
offre à l’esprit une ample matière : La fable
d’Amphitryon a été un sujet fertile pour les
dramaturges. ‖ 4. Fig. Fertile en (avec un
nom plur.), qui abonde en : Nul roi ne fut
jamais plus fertile en bons mots (Voltaire).
Cybèle alors fertile en produits généreux
(Baudelaire). Un siècle fertile en événe-
ments. ‖ 5. En démographie, se dit d’une
femme apte à être fécondée, ou du couple
auquel cette femme appartient. (S’oppose
à stérile.)

• SYN. : 1 généreux, gras, productif ; 2


fécond, ingénieux, inventif, prolifique ; 3
riche ; inépuisable ; 4 abondant, plein de.

— CONTR. : 1 aride, improductif, infécond,


infertile, ingrat, maigre, stérile ; 3 pauvre ;
5 bréhaigne (vx).

fertilement [fɛrtilmɑ̃] adv. (de (fertile ;


XVe s., Godefroy). D’une manière fertile.
(Rare.)

fertilisable [fɛrtilizabl] adj. (de fertiliser ;


1865, Littré). Qui peut être fertilisé.

fertilisant, e [fɛrtilizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


fertilisant, e [fɛrtilizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de fertiliser ; 1771, Brunot [comme
n. m., 1968, Larousse]). Qui rend fertile :
Un produit fertilisant ; et substantiv. : : Un
fertilisant.

fertilisation [fɛrtilizasjɔ̃] n. f. (de fertili-


ser ; 1764, Ch. Bonnet). Action de fertiliser :
Les meilleurs résultats de fertilisation obte-
nus jusqu’à ce jour (Dumas fils).

• SYN. : amendement, bonification. —


CONTR. : épuisement.

fertiliser [fɛrtilize] v. tr. (de fertile ;


1564, J. Thierry). Rendre une terre fertile,
propre à donner des récoltes abondantes :
En France, les bénédictins fertilisaient nos
bruyères (Chateaubriand). Je fertiliserai mes
champs mieux que je n’ai fait de mon esprit
(Fromentin).

• SYN. : amender, bonifier, engraisser, enri-


chir, fumer. — CONTR. : épuiser.

fertilité [fɛrtilite] n. f. (lat. fertilitas,


fertilité, abondance [au pr. et au fig.], de
fertilis [v. FERTILE] ; v. 1361, Oresme, écrit
fertileté [fertilité, v. 1378, J. Le Fèvre], au
sens 1 ; sens 2, av. 1654, Guez de Balzac).
1. Qualité d’une terre qui produit beau-
coup : La fertilité d’un pays donne, avec l’ai-
sance, la mollesse (Montesquieu). ‖ 2. Fig.
Aptitude à créer, en parlant des facultés
intellectuelles : Pour une fois, d’ailleurs,
il donnait à quelqu’un qui était loin d’être
une nullité et qui pouvait retenir l’attention
par la fertilité de son intelligence et les res-
sources de sa mémoire (Proust).

• SYN. : 1 fécondité, richesse ; 2 finesse, ingé-


niosité. — CONTR. : 1 aridité, improductivité,

infertilité, stérilité ; 2 impuissance, pau-


vreté, sécheresse.

féru, e [fery] adj. (part. passé de férir ;


1080, Chanson de Roland, au sens de
« blessé » [pour une personne] ; sens 1, 1865,
Littré ; sens 2, 1580, Montaigne ; sens 3,
v. 1462, Cent Nouvelles nouvelles ; sens 4,
1651, Scarron). 1. Vx. Blessé par un coup,
dans le langage des vétérinaires : Ce cheval
a le tendon féru (Littré). ‖ 2. Vx et littér.
Atteint dans son esprit : Cambyse, féru
qu’il était de méchante folie, tira sa dague
(Courier). Il arrivait qu’il se sentît féru dans
quelque partie vive et saignante de son être
(Duhamel). ‖ Littér. Féru d’amour, atteint
par les traits de l’amour (vieilli) : Il n’y a
qu’un Tarasconnais, féru d’amour, capable
de tenter une pareille aventure (Daudet).
‖ 3. Class. Pris d’un amour passionné pour
quelqu’un : Avecque tant de joie il est vers
moi couru | Qu’à bon escient pour vous je
l’ai jugé féru (Th. Corneille). ‖ 4. Pris d’un
intérêt, d’un zèle passionné pour quelque
chose (étude, connaissance, etc.) : Féru
d’histoire, de romans d’aventures.

• SYN. : 4 amateur, amoureux, enragé (fam.),


entiché, fervent, fou (fam.), mordu (fam.).

férule [feryl] n. f. (lat. ferula, plante


à longue tige, baguette, cravache [pour
corriger les enfants ou les esclaves] ; 1372,
Corbichon, au sens I ; sens II, 1, fin du
XIVe s. [tenir la férule, 1865, Littré ; être
sous la férule de, 1690, Furetière] ; sens II,
2, av. 1778, Voltaire).

I. Genre de plantes méditerranéennes de


la famille des ombellifères, qui servaient
chez les Anciens à faire des attelles pour
les fractures ou des baguettes pour châ-
tier les écoliers, et dont une espèce four-
nit l’assa-foetida : Il reconnut l’anthylle
vulnéraire des Cévennes, la véronique fili-
forme et la férule commune (Hugo).

II. 1. Petite palette de bois ou de cuir


avec laquelle on frappait autrefois dans
la main des écoliers pour les châtier :
Le seau plein de saumure sous la chaise,
dans lequel trempaient les férules pour
rendre le cuir plus cinglant (Daudet).
‖ Vx. Tenir la férule, être régent de col-
lège, être professeur. ‖ Littér. Être sous la
férule de, être l’élève de (vx) : Si l’enfant
veut devenir un homme, ce sera sous cette
férule ; car il sortira de là notaire, avocat
ou avoué (Balzac) ; au fig., subir l’autorité,
la domination despotique de quelqu’un.
‖ 2. Coup appliqué avec la férule : Ils [les
Jésuites] avaient fort bien élevé la plupart
des bons auteurs, qui rendaient en pointes
et en caricatures à leurs maîtres ce qu’ils
avaient reçu en férules (Valéry) ; et au
fig. : Nous aimons à voir ceux qui jugent
composer à leur tour et venir tendre aux
férules ces doigts qui ont cinglé de si bons
coups (Gautier).

fervemment [fɛrvamɑ̃] adv. (de fervent ;


XIIIe s., Godefroy). Vx. Avec ferveur : Les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1878
artistes de la Comédie étaient les seuls
qu’elle écoutât fervemment (Daudet).

fervent, e [fɛrvɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. fer-vens,


-entis, bouillonnant de chaleur, échauffé,
emporté, fougueux, part. prés. adjectivé
de fervere, bouillir, être agité, animé ;
v. 1190, Marie de France, au sens 1 ; sens
2, XIVe s., Girart de Roussillon ; sens 3, 1857,
Baudelaire). 1. Se dit d’une personne qui
a une grande chaleur de sentiment : Les
amoureux fervents (Baudelaire). Je contem-
plais la foule, attendant le désir d’y plonger,
vers le soir, quand elle deviendrait plus fer-
vente (Gide). ‖ Se dit d’un sentiment qui
est empreint d’une grande chaleur : Une
amitié fervente. ‖ 2. Qui a de la ferveur
religieuse : Un des croyants de l’an mil
n’était pas plus fervent (Bourget). ‖ Qui
est empreint de ferveur religieuse : Un
catholicisme fervent. Une prière fervente.
‖ 3. Qui est plein d’enthousiasme : Un
disciple fervent. Les fervents admirateurs
d’une actrice.

• SYN. : 1 ardent, brûlant, chaleureux ;


3 enthousiaste, exalté, fanatique, pas-
sionné, zélé. — CONTR. : 1 froid, glacial,
tiède ; 3 flegmatique, indifférent.

& n. (fin du XIXe s., A. Daudet). Personne


animée d’un enthousiasme extrême pour
quelqu’un ou quelque chose : Un fervent
du football. On recevait aussi de partout les
dons en nature que les fervents de l’oeuvre
envoyaient (Daudet).

• SYN. : fanatique, mordu (fam.), passionné.

ferveur [fɛrvoer] n. f. (lat. fervor, bouillon-


nement, effervescence, fermentation,
chaleur, ardeur, de fervere [v. FERVENT] ;
v. 1170, Livre des Rois, écrit fervor [ferveur,
XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, v. 1190, Sermons
de saint Bernard ; sens 3, 1633, Corneille).
1. Ardeur passionnée, enthousiasme : Seule
une grande ferveur intellectuelle triomphe
de la fatigue et de la flétrissure du corps
(Gide). ‖ 2. Zèle ardent animé par un senti-
ment religieux : Prier avec ferveur. Quoique
l’éducation fût très religieuse au collège de
Rennes, ma ferveur se ralentit : le grand
nombre de mes maîtres et de mes cama-
rades multipliait les occasions de distrac-
tions (Chateaubriand). ‖ 3. Class. Passion
amoureuse : Entre tous ces amants dont la
jeune ferveur | Adore votre fille (Corneille).
• SYN. : 1 chaleur, effusion, enthou-
siasme, exaltation, zèle ; 2 dévotion, piété,
recueillement.

fescennin, ine [fɛsɛnɛ̃, -in] adj. (lat.


fescenninus [versus], « [vers] fescennin »,
de Fescennia, n. d’une ville d’Étrurie, d’où
le vers était, paraît-il, originaire ; 1582,
Tabourot). Vers fescennins, chants fescen-
nins, vers, poèmes satiriques latins, en
général grossiers et diffamatoires.

fesle n. f. Autre forme de fêle.

fessade [fɛsad] n. f. (de fesser ; 1758,


Voltaire). Vx. Autre forme de FESSÉE : La

fessade et le carcan de l’abbé de Prades sont


des contes ; mais il est triste qu’on les fasse
(Voltaire).

fesse [fɛs] n. f. (lat. pop. *fissa, fesse,


plur. neutre [pris pour un fém. sing.] du
lat. class. fissum, fente, crevasse, fissure,
part. passé neutre substantivé de findere,
fendre [fesse a remplacé nache, nage, usuel
du XIIe au XVIe s., lat. pop. *natica, fesse,
du lat. class. natis, même sens] ; milieu du
XIVe s., Machaut, au sens 1 [serrer les fesses,
1920, Bauche ; avoir chaud aux fesses, 1743,
Trévoux ; n’être assis que d’une fesse, XXe s. ;
n’y aller que d’une fesse, 1611, Cotgrave] ;
sens 2, 1736, Aubin). 1. Chacune des deux
parties charnues qui constituent le derrière
de l’homme et de certains animaux : Un
pardessus marron, très usé et si étroite-
ment ajusté qu’il collait à la raie des fesses
(Aymé). Poser ses fesses sur un siège. Les
fesses d’un singe. ‖ Fig. et pop. Serrer les
fesses, avoir peur. ‖ Fig. et pop. Avoir chaud
aux fesses, être poursuivi de près, avoir une
chaude alarme. ‖ Fig. et fam. N’être assis
que d’une fesse, être en posture instable ;
être prêt à se lever soudain. ‖ Fig. et pop.
N’y aller que d’une fesse, agir mollement,
sans s’engager complètement. (Vieilli).
‖ 2. Une des parties arrondies de la poupe
des anciens navires en bois.

• SYN. : 1 derrière, fessier (pop.), popotin


(pop.), postérieur, séant, siège.

fesse-cahier [fɛskaje] n. m. (de fesse,


forme du v. fesser, et de cahier ; 1690,
Furetière). Vx et fam. Copiste qui gagnait
sa vie à faire des écritures.

• Pl. des FESSE-CAHIERS.

fessecul [fɛsky] n. m. (de fesse, forme du


v. fesser, et de cul ; 1585, N. Du Fail, au sens
de « maître d’école qui fesse souvent » ; sens
actuel, XXe s.). Nom usuel de l’arroche, ou
pourpier de mer.

fessée [fɛse] n. f. (part. passé fém. subs-


tantivé de fesser ; 1526, Bourdigné). Série
de coups donnés sur les fesses, en général à
un enfant : Je veux dire à ce Denisseau qu’il
n’a qu’à donner une bonne fessée à sa fille
ou à la mettre sous clef (France).

fesse-maille [fɛsmɑj] n. m. (de fesse,


forme du v. fesser, et de maille, au sens de
« petite monnaie » ; 1865, Littré). Vx et pop.

Avare.

• Pl. des FESSE-MAILLES.

fesse-mathieu [fɛsmatjø] n. m. (de


fesse, forme du v. fesser, et de Mathieu,
n. pr. [bas lat. Matthaeus, gr. Matthaios],
proprem. « celui qui bat saint Matthieu
[patron des changeurs] pour lui tirer de
l’argent » ; 1585, N. Du Fail, au sens 1 ; sens
2, 1668, Molière). 1. Class. Usurier : Ceux
qui empruntent sont bien malheureux, et
il faut essuyer d’étranges choses lorsqu’on
est réduit à passer [...] par les mains des
fesse-mathieux (Molière). ‖ 2. Class. et
littér. Personne particulièrement avare :

Jamais on ne parle de vous que sous les


noms d’avare, de ladre, de vilain et de fesse-
mathieu (Molière). Son père, le plus franc
fessemathieu de la province (France).

• Pl. des FESSE-MATHIEUX.

fesser [fɛse] v. tr. (de fesse ; fin du XVe s., au


sens 1 ; sens 2, fin du XVIe s., Brantôme [fes-
ser son vin, 1694, Regnard ; fesser le cahier,
1865, Littré]). 1. Donner à quelqu’un des
coups sur les fesses en guise de punition :
Les familles traînaient des enfants au cou
dévissé [...], aux yeux hors de la tête. On cla-
quait, fessait, privait de promenade, enfer-
mait à la maison (Cocteau). ‖ 2. Vx et fam.
Expédier à la hâte. ‖ Fesser son vin, boire
très vite : Elle fesse son vin de Champagne
à merveille (Regnard). ‖ Fesser le cahier,
faire des écritures à la hâte.

fesseur, euse [fɛsoer, -øz] n. (de fesser ;


1549, R. Estienne). Celui ou celle qui fesse,
qui est porté à fesser.

& adj. (1808, d’Hautel). Vx. Frère fesseur,


dans certains collèges religieux, frère qui
était chargé de fesser les élèves punis.
fessier, ère [fɛsje, -ɛr] adj. (de fesse ;
v. 1560, Paré [poche fessière, 1943,
M. Aymé]). Qui appartient ou se rapporte
aux fesses : Région fessière. Muscles fessiers.
‖ Poche fessière, poche du pantalon qui se
trouve sur la fesse. (Syn. POCHE-REVOLVER.)
& fessier n. m. (v. 1530, C. Marot). 1. Grand,
moyen, petit fessier, nom donné à certains
muscles des fesses. ‖ 2. Pop. Les fesses : Elle
[...] alla et vint à travers la pièce, le fessier
rond et serré dans sa robe (Colette).

fessu, e [fɛsy] adj. (de fesse ; XIIIe s., Dict.

général). Fam. Qui a de grosses fesses.

Festal [fɛstal] n. m. (n. déposé ; milieu


du XXe s.). Alliage inoxydable de fer, de
cobalt, de chrome, de carbone et de nickel,
employé à la fabrication des garnitures
d’appareils sanitaires.

feste [fɛst] n. f. (abrév. de l’allem. Festung,


forteresse ; fin du XIXe s.). Groupe d’ou-
vrages fortifiés de construction allemande,
de la fin du XIXe s. : Les festes de Metz.

festin [fɛstɛ̃] n. m. (ital. festino, petite fête,


de festa, fête [de même origine que le franç.
fête, v. ce mot] ; fin du XIVe s., au sens 1 ;
sens 2, XVe s., Basselin). 1. Repas solennel
et somptueux donné à l’occasion d’une fête
ou en l’honneur de quelqu’un : À qui le roi
de Bavière fera-t-il les honneurs d’un festin
splendide qui doit avoir lieu dans la grande
galerie ? (Musset). ‖ 2. Repas abondant
et fin, ou qui cause un plaisir extrême :
Un bifteck aux frites : depuis longtemps le
prisonnier n’avait pas connu un tel festin !
• SYN. : 1 agapes (fam.), banquet, gala ;
2 bombance (fam.), gueuleton (pop.), nouba
(pop.), régal, ripaille.

festination [fɛstinasjɔ̃] n. f. (lat. festi-


natio, hâte, empressement, précipitation,
impatience, de festinatum, supin de fes-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1879

tinare, se hâter, hâter, accélérer ; XIVe s.,


au sens de « hâte, empressement » ; sens
actuel, XXe s.). Symptôme de la maladie de
Parkinson, qui consiste en une accélération
de la marche pour éviter la chute en avant.

festiner [fɛstine] v. intr. (de festin ;


av. 1660, Scarron). Class. Faire un festin,
faire bombance : Il vient : l’on festine, l’on
mange (La Fontaine).

& v. tr. (milieu du XIVe s., puis fin du XVIe s.,


Brantôme). Class. Festiner quelqu’un, lui
offrir un festin : Voilà comme vous dépen-
sez votre bien et c’est ainsi que vous festinez
les dames en mon absence (Molière).

1. festival [fɛstival] n. m. (mot angl.


signif. « jour de fête, fête musicale »,
empr. de l’adj. franç. festivel, festival
[v. l’art. suiv.] ; 1830, Fr. Mackenzie [pour
la musique ; pour d’autres arts, 1930,
Larousse]). Série périodique de manifes-
tations artistiques, surtout musicales, ayant
un caractère remarquable par le cadre, la
qualité des oeuvres ou des exécutants, etc.
‖ Par extens. Série de représentations et de
manifestations consacrées à un art ou à un
artiste : Un festival de musique « pop ». Un
festival Beethoven.

• Pl. des FESTIVALS.

2. festival, e, als [fɛstival] adj. (du lat.


festivus, où il y a fête, amusant, divertis-
sant, de festus [v. FÊTE] ; XIIe s., écrit festi-
vel, au sens de « de fête, joyeux, solennel »
[rare après le XVe s.] ; lettres festivales,
1872, Larousse). Lettres festivales, lettres
qu’échangeaient les évêques de la primitive
Église à l’occasion des fêtes.

festivalier, ère [festivalje, -ɛr] adj. et


n. (de festival ; milieu du XXe s.). Habitué
des festivals de cinéma, de musique ou
de théâtre : Les vedettes festivalières. Les
festivaliers.

festivité [fɛstivite] n. f. (lat. festivitas,


joie d’un jour de fête, gaieté, enjoue-
ment, de festivus [v. FESTIVAL 2] ; XIIIe s.,
Godefroy, au sens de « fête » [rare aux XVIIe
et XVIIIe s.] ; sens actuel, 1801, L. S. Mercier
[usuel depuis la fin du XIXe s.]). Ensemble
de réjouissances à l’occasion d’une fête
(vieilli au sing.) : Quant à la festivité des
fous, elle s’appela de son vrai nom la festivité
du « Deposuit » (Huysmans). Les festivités
du Carnaval.

festoiement [fɛstwamɑ̃] n. m. (de fes-


toyer ; XIVe s.). Action de festoyer : Le fes-
toiement à la faveur duquel Vautrin avait
fait boire Eugène (Balzac).

feston [fɛstɔ̃] n. m. (ital. festone, pro-


prem. « ornement de fête », de festa, fête
[de même origine que le franç. fête, v. ce
mot] ; 1533, Wind, au sens 1 ; sens 2, 1674,
Boileau ; sens 3, 1872, Larousse ; sens 4,
1798, Acad. ; sens 5-6, XXe s. ; sens 7, 1970,
Robert ; sens 8, 1695, Fénelon). 1. Class. et
littér. Tresse souple de fleurs et de feuillage

qui sert de décoration dans une fête : Il


fit joncher les chemins de fleurs et de fes-
tons (Vaugelas). De festons odieux ma fille
couronnée (Racine). ‖ Spécialem. Courbe
formée entre deux points de fixation par
une guirlande de feuillage, de fleurs, de
fruits attachée de distance en distance à
un mur, à une façade, en signe de réjouis-
sance : Au milieu de guirlandes de fleurs en
festons (Vigny). ‖ 2. Ornement architectu-
ral représentant une guirlande de fleurs, de
fruits et de feuillage sculpté dans la pierre.
‖ 3. Élément principal d’un décor drapé,
qui utilise le tombé naturel du tissu pour
former une succession de plis superposés
dont le galbe augmente progressivement
vers le bas. ‖ 4. Broderie dont le dessin
forme des dents arrondies ou pointues,
et qui, généralement, constitue le bord
de l’étoffe : Une femme passa, d’une main
fastueuse | Soulevant, balançant le fes-
ton et l’ourlet (Baudelaire). De ses doigts
déformés, maman froissait le feston de la
camisole (Mauriac). ‖ Point de feston, en
couture et lingerie, point bouclé qu’on uti-
lise pour orner de festons le bord d’une
étoffe. ‖ 5. En géologie, ondulation que
dessine sur une carte le bord frontal d’une
nappe de charriage. ‖ 6. Feston gingival,
bourrelet muqueux en forme de feston, qui
constitue la partie terminale de la gencive,
en contact avec la dent. ‖ 7. En termes de
ski, dérapages successifs et réguliers par
rapport à la ligne droite. ‖ 8. Fig. et littér.
Toute ondulation un peu molle : La forêt
forme un feston au sommet de la colline.

festonné, e [fɛstɔne] adj. (part. passé de


festonner). 1. Orné de festons : Pas de cour-
tines festonnées | Pour préserver l’enfant du
froid (Gautier). ‖ 2. Découpé en festons :
La feuille de chêne est festonnée. ‖ 3. En
forme de festons : Ourlet festonné.

festonnement [fɛstɔnmɑ̃] n. m. (de fes-


tonner ; av. 1951, Gide). Aspect d’une chose
ornée de festons ou découpée en festons
(rare) : Sur aucune autre terre, sans doute,
le mariage n’est-il plus heureux, de la végé-
tation et d’une architecture audacieuse où
souvent le seul festonnement des pampres
vient tempérer d’un sourire un excès de
sévérité (Gide).
festonner [fɛstɔne] v. tr. (de feston ; fin
du XVe s., Médicis, au sens 1 ; sens 2, 1771,
Trévoux ; sens 3, av. 1922, Proust). 1. Orner
de festons : La nature en ce lieu, plus amie et
plus douce, | Festonne les rochers d’arbustes
et de mousse (Lamartine). Vingt chaumières
dont la vigne et les roses grimpantes fes-
tonnent les murs (Nerval). ‖ 2. Découper
ou broder en festons : Festonner une robe,
un rideau. ‖ 3. Fig. Être disposé en forme
de festons : Devant chaque maison [...], les
domestiques ou même les maîtres, assis et
regardant, festonnaient le seuil d’un liséré
capricieux et sombre (Proust).

• SYN. : 1 border, enguirlander, galonner.

& v. intr. (1843, E. Sue). Pop. et vx. Ne pas


marcher droit sous l’effet de l’ivresse : Il
festonnait trois secondes, avec la peur de
s’étaler (Zola). Du pas lourd et festonnant
d’un homme un peu alourdi par le vin
(Theuriet).

• SYN. : zigzaguer.

festoyer [fɛstwaje] v. intr. (de feste, forme


anc. de fête ; v. 1170, Livre des Rois, écrit
festeer [festoier, 1273, Adenet ; festoyer,
XVe s.], aux sens de « célébrer une fête,
s’amuser » ; sens actuel, 1872, Larousse).
[Conj. 2 a.] Manger comme un jour de fête,
faire bombance : Les Vallin festoyaient avec
l’enfant revenu (Maupassant).

• SYN. : banqueter, gueuletonner (pop.),


ripailler (fam.).

& v. tr. (av. 1453, Monstrelet). Class.


Accueillir par une fête ou d’une manière
agréable : Il semblait que la terre et le ciel, à
l’envi de Mme du Vigean, voulaient festoyer
la plus belle princesse du monde (Voiture).

fêtard [fɛtar] n. m. (de [faire la] fête ;


milieu du XIXe s.). Fam. et péjor. Celui
qui mène une vie de plaisirs : Il lui était
arrivé, depuis, de revenir de l’Odette de
Crécy, peut-être trop connue des fêtards,
des hommes à femmes, à ce visage d’une
expression parfois si douce, à cette nature
si humaine (Proust). C’est aussi l’heure
où les bandes de fêtards commencent à se
répandre en ces lieux [les Halles] pour y
finir la nuit dans quelque petit bouchon
renommé (Breton).

• SYN. : bambocheur (fam.), noceur (fam.),


viveur.
fetch [fetʃ] n. m. (mot angl., de to fetch,
apporter, porter, frapper, atteindre [anglo-
saxon feccan, anc. angl. fecchen, fetchen] ;
1968, Larousse). En termes de travaux
publics, longueur maximale sur laquelle
le vent peut agir pour augmenter la hauteur
des vagues qui viennent frapper le barrage.

fête [fɛt] n. f. (lat. pop. *festa, neutre plur.


[pris pour un fém. sing.] du lat. class. fes-
tum, fête, jour de fête, neutre substantivé de
l’adj. festus, de fête, qui est en fête, solennel
[souvent employé dans la loc. festus dies,
jour de fête — avec jeux] ; 1080, Chanson
de Roland, écrit feste [fête, XVIIe s.], au
sens 1 [fête mobile, 1872, Larousse ; fête
carillonnée, 1865, Littré] ; sens 2, 1668,
La Fontaine [« foire », XVe s., Perceforest ;
ça va être sa fête, XXe s. ; fête patronale,
av. 1854, Nerval] ; sens 3, fin du XIVe s., E.
Deschamps ; sens 4, 1273, Adenet [c’est la
fête au village, XXe s. ; fête galante, 1869,
Verlaine ; air de fête, 1872, Larousse ; habit
de fête, av. 1613, M. Régnier ; triste comme
un lendemain de fête, 1865, Littré] ; sens
5, fin du XIIe s., J. Bodel [être en fête, fin
du XIIIe s., Joinville ; ne pas être à la fête,
XXe s. ; se faire de fête, « s’introduire sans
être invité », 1636, Corneille — « faire
quelque chose sans en être prié », 1648,
Sorel ; « se vanter de », 1677, Mme de Sévigné
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1880

— ; se faire une fête de, 1761, J.-J. Rousseau ;


faire fête à quelqu’un, XIIIe s., Rutebeuf] ;
sens 6, XIIIe s., Rutebeuf ; sens 7, 1879, A.
Daudet [orde feste, « grand tapage », XVe s.,
Perceforest]). 1. Célébration, faite à jour
marqué, d’un dieu, d’un mystère divin
ou de tout être révéré par la religion : Les
Bacchanales étaient en principe la fête de
Bacchus. Pâques est une grande fête. Sous
l’Ancien Régime, on célébrait avec éclat la
fête de Saint Louis. La fête de Noël. ‖ Fête
mobile, fête qui ne tombe pas tous les ans
à la même date. ‖ Fig. et fam. Les jours de
fêtes carillonnées, dans les grandes occa-
sions, rarement : On n’utilisait le service de
cristallerie que les jours de fêtes carillon-
nées. ‖ 2. La fête de quelqu’un, jour où l’on
commémore le saint dont une personne a
le nom pour prénom, et qui est générale-
ment l’occasion d’offrir à cette personne
des cadeaux et des souhaits : Souhaiter
sa fête à un enfant. C’est ma fête. Xavier
chercha dans son paroissien la fête du jour
(Mauriac). ‖ Pop. Ça va être sa fête, il va
être rudement malmené, frappé. ‖ Fête
patronale, ou, dans le Midi, fête votive,
commémoration solennelle du saint auquel
est consacrée une paroisse, et qui est l’oc-
casion de réjouissances : Je me retrouvai
à Loisy au moment de la fête patronale.
[...] Après la longue promenade à travers
les villages et les bourgs, après la messe à
l’église, les luttes d’adresse et la distribution
des prix, les vainqueurs avaient été conviés
à un repas (Nerval). ‖ 3. Toute célébration
faite, à jour marqué, par des cérémonies
religieuses ou profanes, quel qu’en soit
l’objet : La fête nationale est, en France,
le 14 juillet. La fête des mères a été fixée
au dernier dimanche de mai. La fête des
morts tombe le 2 novembre. ‖ Spécialem.
Commémoration d’un anniversaire : La
fête du 11 novembre rappelle l’armistice de
1918. ‖ Par extens. Tout acte qui tranche
sur la vie quotidienne et par lequel on
honore quelqu’un ou quelque chose : C’est
la fête du blé, c’est la fête du pain [...] | L’or
des pailles s’effondre au vol siffleur des
faux (Verlaine). ‖ 4. Toute réjouissance
qui a fait l’objet de préparatifs, qui mobilise
des moyens plus ou moins importants :
Toujours la table mise et le même train de
fêtes et de réceptions où Roumestan chan-
tait (Daudet). Louis XIV a donné des fêtes
magnifiques à Versailles. Une fête foraine.
‖ Fig. et pop. C’est la fête au village, on
s’amuse bien. ‖ Fête galante, réunion dans
un parc, par couples, de jeunes hommes
et de jeunes femmes, en général travestis,
thème fréquent des peintres du XVIIIe s.,
en France. ‖ Air de fête, aspect riant de
quelqu’un ou de quelque chose, annon-
ciateur d’un heureux événement. ‖ Vx.
Habit de fête, habit trop riche ou trop élé-
gant pour être commode tous les jours :
Les dimanches d’été, [...] | Je regarde d’en
haut passer et disparaître | Joyeux bour-
geois, marchands, | Ouvriers en habits de

fête (Sainte-Beuve). ‖ Fig. Triste comme


un lendemain de fête, triste comme on
l’est d’ordinaire quand une fête est finie.
‖ 5. Réjouissance qui tranche tant soit peu
sur le train de la vie quotidienne : Les ven-
danges, qui sont en Touraine de véritables
fêtes (Balzac). Un peu de viande au pot-
au-feu, le dimanche, était une fête pour
tous (Maupassant). ‖ Fig. Être en fête, être
dans une joyeuse animation, se livrer à
des réjouissances : Toute la maison est en
fête depuis cette bonne nouvelle. ‖ Fig.
Ne pas être à la fête, être dans une situa-
tion très désagréable. ‖ Class. Se faire de
fête, s’introduire quelque part sans y être
invité : Tout le monde se veut faire de fête
auprès des grands (Bossuet) ; faire quelque
chose sans en être prié : Eh ! que de gens se
font de fête, et viennent dire « Commencez
donc », à qui le Roi ne l’a pas commandé !
(Molière) ; se vanter de quelque chose :
Elle sait bien des choses, dont elle ne se
fait point de fête (Sévigné). ‖ Se faire une
fête de, se promettre un grand plaisir de :
Cela gâtait à Adrien la perspective de son
séjour en Bretagne et son trajet même, dont
il se faisait ordinairement une fête (Hériat).
‖ Fig. Faire fête à quelqu’un, l’accueillir
avec des démonstrations de joie : À son
retour, son chien lui a fait fête. ‖ 6. Toute
cause de plaisir : C’est un conteur admi-
rable : le récit de ses aventures est une fête
pour l’esprit. Au dix-septième siècle, elle
[la presse] est déjà assez souveraine [...]
pour donner au monde la fête d’un grand
siècle littéraire (Hugo). ‖ 7. Toute occasion
de débauche : Après une nuit de fête et de
dépense, il est doux de s’éveiller (Morand).
‖ Faire la fête, mener une vie de débauche :
Il se lança à bride abattue dans le plaisir,
ne songeant plus, pour parler l’affreux
langage flottant et flasque des gandins, ne
songeant plus qu’à « faire la fête ». C’était
le mot à la mode cette année-là dans les
clubs (Daudet).

• SYN. : 4 festivité, gala, kermesse ; 5 diver-


tissement ; 6 délice, enchantement, régal ;
7 bacchanale (fam.), bamboche, bombe,
bringue (pop.), foire (pop.), noce (pop.),
nouba (pop.), ribouldingue (pop.).

& fêtes n. f. pl. (1690, Furetière [« jours


où le parlement ne siège pas », 1611,
Cotgrave]). L’ensemble des cérémonies,
des réjouissances et des manifestations
qui ont lieu à l’occasion d’une fête (aux
sens 1 et 2) : Les fêtes du 14-Juillet. ‖ Suite
de plusieurs jours chômés à l’occasion
d’une grande fête, Noël, le jour de l’An
ou Pâques : Il est venu passer les fêtes en
famille. Nous aperçûmes [...] Legrandin,
qui, à cause des fêtes, restait plusieurs jours
à Combray (Proust).

Fête-Dieu [fɛtdjø] n. f. (de fête et de Dieu


[fête instituée en 1264 par le pape Urbain
IV sous le nom de Corpus Do-mini, « corps
du Seigneur », ou de Corpus Christi, « corps
du Christ »] ; début du XVIe s.). Fête du saint

sacrement, fixée au jeudi qui suit l’octave


de la Pentecôte.

• Pl. des FÊTES-DIEU.

fêter [fɛte] v. tr. (de fête [v. ce mot] ; fin du


XIIe s., Geste des Loherains, comme v. intr.,
écrit fiester, fester [fêter, XVIIe s.], au sens
de « célébrer une fête » ; comme v. tr., au
sens 1, milieu du XVIe s., Amyot [C’est un
saint qu’on ne fête plus, 1690, Furetière] ;
sens 2 et 4, 1865, Littré ; sens 3, 1762, Acad.).
1. Célébrer la fête de : Fêter la Saint-Nicolas.
Les vignerons fêtent saint Vincent par des
cérémonies religieuses et par des banquets.
‖ Vx et fam. C’est un saint qu’on ne fête
plus, c’est un personnage qui a perdu
toute influence. ‖ 2. Célébrer un événe-
ment : Elle voulait fêter son grand succès
d’actrice par un souper dont on parlerait
(Zola). ‖ 3. Fig. Accueillir quelqu’un avec
empressement et amitié : En venant les rece-
voir [le prix de thème et celui de version]
sur le théâtre au milieu des acclamations et
des fanfares, je n’eus ni mon père ni ma mère
pour me fêter (Balzac). La ville a fêté son
équipe de football qui a remporté la coupe de
France. ‖ 4. Fam. Fêter la bouteille, aimer
à boire. (Vieilli.)

• SYN. : 1 commémorer, sanctifier, solenni-


ser ; 2 arroser (fam.).

fêteur, euse [fɛtoer, -øz] n. (de fêter


[v. ce mot] ; v. 1320, Roman de Fauvel,
écrit festeeur, au sens de « qui fait fête » ;
écrit fêteur, au sens actuel, 1907, Larousse).
Personne qui fait partie d’une fête (rare) :
Nous étions une dizaine de fêteurs dans le
bac qui traversait la Creuse (Theuriet).

• REM. On a dit aussi FÊTEUX (pop.) [1833,


Balzac] : Ah ! vous êtes des fêteux, leur dit
Nanon en sentant les fleurs (Balzac).

• SYN. : fêtard.

fétial, e, aux ou fécial, e, aux [fes-


jal, -o] adj. (lat. fecialis, var. de fetialis,
qui concerne les fétiaux, et, comme n. m.,
membre du collège des fétiaux ; v. 1355,
Bersuire, écrit fécial ; fétial, XXe s.). Relatif
à un collège de prêtres et de magistrats
qui, dans la Rome antique, avaient pour
fonction de veiller au respect des traités
et du droit international.

& fétiaux n. m. pl. (1738, Ch. Rollin, écrit


féciaux ; fétiaux, XXe s.). Ensemble des
prêtres composant le collège chargé de dire
et de faire observer le droit fétial.
fétiche [fetiʃ] n. m. (portug. feitiço, sor-
tilège, charme, objet enchanté, proprem.
« artificiel » [adj.], lat. facticius, factice,
artificiel [v. FACTICE] ; 1605, Marees, écrit
fetisso [fétiche, 1669, Villault], au sens
1 ; sens 2, 1877, Littré). 1. Chez certains
peuples primitifs, objet divinisé auquel un
culte est rendu : Tu veux aller chez toi à
pied | Dormir parmi tes fétiches d’Océanie
et de Guinée [...] | Ce sont les Christ infé-
rieurs des obscures espérances (Apollinaire).
‖ 2. Objet ou animal auquel sont attribuées
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1881

des propriétés surnaturelles, bénéfiques


pour le possesseur : [Lafcadio] gardait
depuis nombre d’années, comme un fétiche,
le dé d’un jeu de trictrac que, dans le temps,
lui avait donné Baldi ; il le portait toujours
sur lui (Gide). ‖ Par extens. Tout objet ou
tout être animé pour lequel on éprouve un
attachement quasi superstitieux.

• SYN. : 1 totem ; 2 amulette, gri-gri, mas-


cotte, porte-bonheur, talisman.

féticheur [fetiʃoer] n. m. (adaptation de


fétichère [1832, Raymond], néerl. feticheer,
lui-même empr. d’un dér. portug. de feitiço
[v. FÉTICHE] ; fin du XIXe s. [fetisser — 1637
Davity — est une francisation de fetissero
— 1605, Marees —, repris au portug. par
l’intermédiaire de récits de voyageurs
néerlandais, comme Marees, 1602]). Dans
les civilisations africaines, celui qui peut
fabriquer des fétiches, en assurer l’efficacité
et en procurer à ceux qui font appel à lui :
Il ne manque pas en Afrique de féticheurs
qui continuent à dédier des cérémonies au
dieu de la pluie (Romains).

• SYN. : sorcier.

fétichisation [fetiʃizasjɔ̃] n. f. (de féti-


chisme ; v. 1960). Attribution d’une valeur
sacrée à un objet : Le néo-roman se carac-
térise par la fétichisation du texte.

fétichisme [fetiʃism] n. m. (de fétiche ;


1760, Ch. De Brosses, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XIXe s. ; sens 3, milieu du XXe s.).
1. Ensemble de pratiques religieuses
impliquant une conception magique du
monde, et dont les types sont les religions
de l’Ouest africain. ‖ 2. Fig. Respect
scrupuleux et formel envers quelqu’un ou
quelque chose : Par un fétichisme peut-
être excessif de l’exactitude [...], je me suis
toujours astreint à rassembler le plus de
renseignements possible (Martin du Gard).
‖ 3. Anomalie sexuelle consistant à lier la
jouissance à la vue ou au toucher d’objets
déterminés.

fétichiste [fetiʃist] adj. et n. (de féti-


chisme ; av. 1830, B. Constant, au sens 1 ;
sens 2, 1872, Larousse ; sens 3, milieu du
XXe s.). 1. Qui pratique le fétichisme : Des
peuplades fétichistes. ‖ 2. En rapport avec
le fétichisme : Un culte fétichiste. Un respect
fétichiste du règlement. ‖ 3. Qui est atteint
de fétichisme sexuel.

• SYN. : 2 idolâtre, superstitieux.

fétide [fetid] adj. (lat. foetidus, qui sent


mauvais, sale, dégoûtant, de foetere, puer,
être infect, dégoûter ; milieu du XVe s.,
J. Chartier, au sens 1 ; sens 2, 1822, V. Hugo).
1. Dont l’odeur est répugnante : Cette salle
[...] dont Mme Vauquer respirait l’air chau-
dement fétide (Balzac). ‖ Odeur fétide,
odeur écoeurante, nauséabonde : Une odeur
fétide d’oeuf pourri. ‖ 2. Fig. Qui provoque
un sentiment d’horreur : C’est un païen
immonde, un renégat, l’opprobre et le rebut
du monde, un fétide apostat (Hugo).

• SYN. : 1 infect, malodorant, méphitique,


nauséabond, puant ; écoeurant, repous-
sant ; 2 abominable, dégoûtant, ignoble,
immonde, sordide.

fétidité [fetidite] n. f. (dér. savant de


fétide ; 1478, G. de Chauliac, au sens 1 ;
sens 2, av. 1880, Flaubert). 1. Caractère de
ce qui est fétide ; odeur fétide : [Branchon]
vint au lit de la malade, sans avoir l’air de
s’apercevoir de la fétidité qui s’en exhalait
(Balzac). ‖ 2. Fig. Caractère de ce qui pro-
voque une répugnance morale : Lire comme
exemple de fétidité moderne, dans le dernier
numéro de « la Vie parisienne », l’article sur
« Marion Delorme » (Flaubert).

• SYN. : 1 infection, puanteur ; 2 dégoûta-


tion (pop.).

fétu [fety] n. m. (bas lat. festucum, fistu-


cum, lat. class. festuca, brin de paille, tige ;
début du XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne,
au sens 1 [se soucier d’une chose comme
d’un fétu, XXe s. ; ne pas donner un fétu
d’une chose, 1273, Adenet ; ne pas peser un
fétu, av. 1922, Proust] ; sens 2, 1877, Littré ;
sens 3, 1680, Richelet [« bâton pour infliger
la bastonnade », 1576, G. Esnault]). 1. Brin
de paille : Je l’arracherai et la briserai
comme un fétu de paille (France). Vous
resterez seul [...], parmi les fétus de paille,
les clous tordus, un cadre qui n’a que trois
côtés (Colette). Il se sent emporté comme un
fétu dans une avalanche (Martin du Gard).
‖ Fig. et vx. Se soucier d’une chose comme
d’un fétu, n’en faire aucun cas. ‖ Fig. et
vx. Ne pas donner un fétu d’une chose, ne
lui accorder aucune valeur. ‖ Fig. et vx.
Ne pas peser un fétu, n’avoir aucun poids,
aucune valeur : Mais, justement, une des
choses qu’on devait savoir à ce moment-là,
c’est que le savoir n’est rien et ne pèse pas un
fétu à côté de l’originalité (Proust). ‖ 2. Vx.
Cérémonie au cours de laquelle on jetait
loin de soi un fétu, pour signifier qu’on
renonçait à une foi promise. ‖ 3. Vx et iro-
niq. Barre de fer avec laquelle le bourreau
rouait les criminels.

• REM. L’expression fétu de paille, au lieu


de fétu, semble comporter une précision
inutile, mais elle tend à se généraliser.

fétuque [fetyk] n. f. (adaptation, d’après


fétu, du lat. festuca [v. l’art. précéd.] ; 1786,
Encycl. méthodique). Herbe très commune
en France, dans les prés et les bois, de la
famille des graminacées.

1. feu [fø] n. m. • ÉTYM. Lat. focus, foyer,


bûcher, maison, famille, et, à basse époque,
« feu » (sens qui, en lat. class., était rendu
par le mot ignis) ; fin du IXe s., Cantilène
de sainte Eulalie, écrit fou (feu, XXe s.), au
sens I, 1 (être comme le feu et l’eau, feu
sacré, feu follet, 1690, Furetière ; feux élé-
mentaires, 1636, Corneille ; feu nouveau,
1865, Littré ; feux volants, 1670, Molière ; le
feu du ciel, fin du XIIe s., Marie de France ;
point de feu, milieu du XXe s. ; faire feu,
milieu du XVIIIe s., Buffon [fou, « étincelle »,

1080, Chanson de Roland] ; faire feu des


quatre fers, 1829, Boiste ; péter le feu, 1930,
Larousse) ; sens I, 2, 1273, Adenet (prendre
feu, au fig., fin du XVIe s., A. d’Aubigné ;
le feu couve sous la cendre, XXe s. ; ne pas
faire long feu, 1901, Larousse) ; sens I, 3,
av. 1213, Villehardouin (dans une mine,
XXe s. ; mettre le feu, 1665, La Fontaine ;
crier au feu, 1690, Furetière [au feu !, début
du XVe s., Ch. d’Orléans] ; craindre... comme
le feu, jeter de l’huile sur le feu, 1865, Littré ;
avoir le feu au derrière, 1835, Acad. [... au
cul, 1690, Furetière] ; le feu n’est pas à la
maison, XXe s. ; courir quelque part comme
au feu, 1632, Corneille ; faire la part du feu,
1834, Ségur ; avoir le feu dans ses affaires,
1735, Marivaux ; mettre à feu et à sang,
v. 1530, C. Marot [poursuivre à feu et à
sang, « exterminer », v. 1398, le Ménagier
de Paris] ; feu de cheminée, 1690, Furetière) ;
sens I, 4, 1080, Chanson de Roland (« bûcher
allumé pour brûler quelqu’un », fin du
IXe s., Cantilène de sainte Eulalie ; le feu
central, 1690, Furetière ; couvrir le feu, v.
1462, Cent Nouvelles nouvelles ; jeter le
feu, tomber le feu, XXe s. ; jouer avec le feu,
1844, Balzac ; feu de camp, XXe s. ; feu de
joie, début du XVe s. ; faire les feux, 1668, La
Fontaine ; feu de la Saint-Jean, 1680, Mme de
Sévigné ; faire feu de tout bois, 1925, Gide ;
feu de paille, av. 1660, Scarron) ; sens I, 5,
v. 1398, le Ménagier de Paris (feu d’enfer,
1627, Crespin ; feu continu, arts du feu, petit
feu, XXe s. ; passer au feu, 1865, Littré ; grand
feu, 1890, Dict. général ; premier, second,
troisième feu, 1704, Trévoux) ; sens I, 6,
1865, Littré (fou, « bûcher allumé pour
brûler quelqu’un », fin du IXe s., Cantilène
de sainte Eulalie ; faire mourir à petit feu,
1690, Furetière ; je mettrais ma main au
feu que, av. 1549, Marguerite de Navarre) ;
sens I, 7, av. 1654, Guez de Balzac (pointes
de feu, couteau à feu, 1890, Dict. géné-
ral ; feux liquides, XXe s.) ; sens I, 8, 1690,
Furetière ; sens I, 9, 1273, Adenet (dans
une aciérie, 1872, Larousse ; « ensemble
des ustensiles nécessaires à l’entretien
d’une cheminée », 1680, Richelet) ; sens
I, 10, v. 1268, É. Boileau (sans feu ni lieu,
av. 1613, M. Régnier) ; sens I, 11, av. 1848,
Chateaubriand (un soleil de feu, 1890, Dict.
général) ; sens II, 1, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné (« torche », XIVe s. ; pêche au feu, 1690,
Furetière ; les feux du firmament, début du
XVIIe s., Malherbe ; [affronter] les feux de
la rampe, pleins feux sur..., XXe s. ; n’y voir
que du feu, 1865, Littré) ; sens II, 2, 1680,
Richelet (« navire faisant route la nuit... »,
XXe s.) ; sens II, 3, XXe s. (donner le feu vert à,
1961, G. Esnault) ; sens II, 4, 1872, Larousse
(feu d’artifice, 1671, Pomey ; feu de Bengale,
1872, Larousse) ; sens II, 5, 1845, Bescherelle
(premier, deuxième feu, 1690, Furetière) ;
sens II, 6, 1872, Larousse (« allocation que
reçoivent certains acteurs chaque fois qu’ils
paraissent en public », 1835, Acad.) ; sens
II, 7, 1668, Molière (le feu du regard, 1690,
Furetière) ; sens III, 1, XVIe s. (arme à feu,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1882

faire feu, mettre le feu aux poudres, 1690,


Furetière ; bouche à feu, 1865, Littré ; faire
long feu, 1826, Vigny ; coup de feu, 1680,
Richelet ; mise de feu, XXe s.) ; sens III, 2,
1680, Richelet (feu !, 1843, E. Sue ; ouvrir
le feu, cessez le feu !, XXe s. ; feu de peloton,
1865, Littré ; feu de file, av. 1850, Balzac ;
feu roulant, 1768, Voltaire ; plan de feu, des
feux, à plein feu, XXe s. ; être pris entre deux
feux, XVIIe s.) ; sens III, 3, 1680, Richelet ;
sens III, 4, XIIe s., Du Cange ; sens III, 5,
1899, G. Esnault ; sens IV, 1, 1660, Mme de
Maintenon (marque de feu, 1865, Littré
[feu, même sens, 1680, Richelet]) ; sens
IV, 2, av. 1854, Nerval ; sens IV, 3, 1690,
Furetière (en feu, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné ; le feu du rasoir, 1872, Larousse) ; sens
IV, 4, 1685, Mme de Sévigné (« inflamma-
tion », XVIe s. ; feu Saint-Antoine, 1611,
Cotgrave ; feu sacré, feu de dents, 1865,
Littré ; feu persique, 1752, Trévoux) ; sens
IV, 5, v. 1265, Br. Latini (beau feu, jeter feu
et flamme, jeter son feu, 1690, Furetière ;
avoir le feu sacré, av. 1825, P.-L. Courier ;
être tout feu tout flamme, XXe s. ; avoir du
feu, 1865, Littré ; de feu, 1678, La Fontaine ;
un tempérament de feu, XVIIIe s.) ; sens IV,
6, 1664, Boileau (le feu de la composition,
1865, Littré) ; sens IV, 7, XIIe s. (premier feu,
XXe s.) ; sens IV, 8, 1541, Calvin.

I. 1. Dégagement simultané de chaleur et


de lumière produit par la combustion
vive de certains corps (bois, charbon,
etc.) : Après avoir appris à se servir du feu,
les hommes ont appris à l’allumer. Au
foyer plein d’éclairs chante gaîment le feu
(Rimbaud). ‖ L’un des quatre éléments
de l’ancienne physique, avec l’air, l’eau et
la terre. ‖ Fig. Être comme le feu et l’eau,
ne pouvoir s’accorder. ‖ Feux élémen-
taires, en astrologie, feux célestes, plus
purs que le feu terrestre. ‖ Feu sacré, à
Rome, dans l’Antiquité, feu perpétuel que
les vestales entretenaient dans le temple
de Vesta. (V. aussi § IV, n. 4 et 5.) ‖ Feu
nouveau, feu qu’on allume et qu’on bénit
le samedi saint, dans la liturgie catho-
lique. ‖ Feu follet, flamme fugitive pro-
duite par l’inflammation spontanée des
gaz qui se dégagent des terrains conte-
nant des matières organiques en décom-
position. ‖ Class. Feux volants, feux fol-
lets : La physique [...] nous enseigne [...] les
feux volants (Molière). ‖ Feu Saint-Elme,
v. ELME (feu Saint-). ‖ Vx et littér. Le feu
du ciel, la foudre. ‖ Point de feu, tempé-
rature à partir de laquelle un produit pé-
trolier enflammé continue à brûler pen-
dant au moins cinq secondes. ‖ Vx. Faire
feu, produire des étincelles : Ils sont tous
deux si secs que, s’ils se cognent, ils feront
feu comme un briquet (Balzac). ‖ Fig.
Faire feu des quatre fers, se montrer très
actif, avec le désir de se faire valoir. ‖ Fig.
et fam. Péter le feu, ou péter du feu, faire
preuve d’une grande vitalité ou d’une ac-
tivité intense. ‖ 2. Embrasement d’une
matière par les flammes : Faire du feu.

‖ Prendre feu, entrer en combustion,


s’enflammer (en parlant d’un corps,
d’une matière) ; au fig., être saisi par l’en-
thousiasme ou par la passion (en parlant
d’une personne) : Puis soudain, sur un
mot d’Hubert, Phili prenait feu, et ils par-
laient tous à la fois (Mauriac). ‖ Le feu
couve sous la cendre, la combustion
continue, très ralentie, sous la cendre ; au
fig., sous un calme apparent, le désordre
et la violence sont prêts à éclater. ‖ Mettre
le feu à, provoquer, en approchant une
flamme, la combustion vive de : À Rome,
on mettait le feu au bûcher funéraire avec
les torches qui avaient éclairé le convoi.
‖ Fig. Ne pas faire long feu, ne pas durer
longtemps (par analogie avec la flamme
qui ne dure pas). [V. Rem.] ‖ 3. Destruc-
tion par la combustion, les flammes ; in-
cendie : Ils mettraient le feu à une ville
pour s’épargner un jour de prison (Méri-
mée). ‖ Spécialem. Dans une mine, com-
bustion spontanée du charbon, qui s’est
échauffé à la suite d’infiltrations d’air à
travers les fissures. ‖ En feu, en cours de
destruction par l’incendie : Napoléon
quitta Moscou en feu ; au fig., en proie au
désordre et à la violence : Moins de six
semaines après l’attentat de Sarajevo,
l’Europe entière était en feu. ‖ Fig. Mettre
le feu à, jeter dans la violence, dans un
conflit armé : Responsabilité de l’Autriche,
dont les audaces répétées avaient, plu-
sieurs fois déjà, risqué de mettre le feu à
l’Europe (Martin du Gard). ‖ Crier au
feu, appeler à l’aide lors d’un incendie ; au
fig., avertir d’un danger que l’on prévoit.
‖ Craindre quelqu’un ou quelque chose
comme le feu, craindre quelqu’un ou
quelque chose pardessus tout : Les em-
ployés le craignaient comme le feu (Berna-
nos). ‖ Fam. Avoir le feu au derrière, cou-
rir comme si l’on fuyait l’incendie. ‖ Fig.
Jeter de l’huile sur le feu, attiser une que-
relle en faisant semblant de vouloir
l’éteindre. ‖ Fig. Le feu est dans la mai-
son, tout est en agitation, sens dessus des-
sous : Sa nièce arrivant, c’est le feu dans la
maison (Nerval). ‖ Fig. Le feu n’est pas à
la maison, rien ne presse. ‖ Courir
quelque part comme au feu, aller quelque
part toute affaire cessante et aussi vite
que possible. ‖ Faire la part du feu, éta-
blir une coupure dans un bâtiment, une
forêt, pour séparer la partie en feu de la
partie non atteinte ; au fig., sacrifier déli-
bérément ce qu’on estime ne pas pouvoir
sauver, pour protéger le reste : Ce n’était
pas un homme à faire la part du feu (Ber-
nanos). ‖ Vx. Avoir le feu dans ses af-
faires, être pressé par ses créanciers.
‖ Mettre à feu et à sang, dévaster, sacca-
ger une ville, une région. ‖ Feu de chemi-
née, embrasement de la suie accumulée
dans une cheminée. ‖ 4. Amas de ma-
tières combustibles, en combustion ou
prêt à la combustion : Accroupis près du
feu de tourbe ou de bruyère (Leconte de

Lisle). Un feu de boulets agonisait dans la


cheminée (Duhamel). Jeter de vieux pa-
piers au feu. Ramener le feu sur le devant
du foyer. ‖ Le feu central, masse de ma-
tières en fusion qui, selon certaines hypo-
thèses, constitue le noyau de la Terre.
‖ Faire un feu, disposer des morceaux de
bois ou d’un combustible solide quel-
conque pour que la combustion se fasse
facilement. ‖ Attiser le feu, faciliter la
combustion en améliorant la disposition
des tisons ; au fig., aggraver une querelle.
‖ Couvrir le feu, recouvrir les tisons avec
de la cendre pour que le feu dure long-
temps sans s’éteindre. ‖ Jeter le feu, tom-
ber le feu, éteindre le foyer d’une locomo-
tive à vapeur en le vidant de tout
combustible en ignition. ‖ Jouer avec le
feu, se dit d’un enfant qui risque de se
brûler ou de provoquer un incendie en
maniant des matières en combustion ; au
fig., s’exposer au danger, aller au-devant
du risque par légèreté ou par défi : La co-
quetterie d’une femme qui se plaisait à
jouer avec le feu (Balzac). ‖ Feu de bi-
vouac, autref., feu destiné au chauffage, à
l’éclairage, à la cuisine des soldats, dans
un campement provisoire. ‖ Feu de
camp, autref., feu destiné au même usage
qu’un feu de bivouac, mais dans un
camp ; auj., feu autour duquel les
membres d’un camp, scouts ou cam-
peurs, se réunissent à la veillée ; par ex-
tens., veillée autour d’un feu de camp, au
cours de laquelle sont organisés des jeux
et des divertissements. ‖ Feu de joie, feu
que l’on allume en plein air en signe de
réjouissance : Aussi se hâta-t-il de s’ap-
procher du feu de joie qui brûlait magnifi-
quement au milieu de la place (Hugo).
‖ Class. et fig. Faire les feux, se réjouir :
Paix générale cette fois. Je viens l’annon-
cer [...]. Faites-en les feux dès ce soir
(La Fontaine). ‖ Feu de la Saint-Jean, feu
de joie que l’on allume la nuit de la Saint-
Jean (24 juin), dans certaines contrées.
‖ Fig. et vx. Faire feu qui dure, ménager
ses forces ou son bien ; faire un établisse-
ment durable. ‖ Fig. Faire feu de tout
bois, utiliser tous les moyens, bons ou
mauvais, qu’on a sous la main : Il m’est
nécessaire de rassembler toutes mes forces
et de faire feu de tout bois (Duhamel).
‖ Fig. Feu de paille, passion, zèle dont la
vivacité ne compense pas le peu de du-
rée ; toute chose qui dure peu : Les soup-
çons que pouvait parfois lui inspirer Eula-
lie n’étaient qu’un feu de paille et
tombaient bien vite, faute d’aliment
(Proust). ‖ 5. Source de chaleur utilisée
pour le chauffage, la cuisson domestique
ou industrielle : Mettre un ragoût au feu.
Faire cuire de la viande à petit feu, à grand
feu, à feux doux, à feu vif. ‖ Feu d’enfer,
feu très ardent. ‖ Prendre un air de feu, v.
AIR 1. ‖ Passer au feu, mettre un instant
sur le feu. ‖ Feu continu, feu brûlant du
charbon maigre et que l’on n’éteint pas de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1883

tout l’hiver : Un appareil de chauffage à


feu continu. ‖ Arts du feu, arts dont les
productions doivent être passées au feu,
comme la céramique, la verrerie, l’émail-
lerie, etc. ‖ Petit feu, phase de la cuisson
d’une céramique qui a pour but de déshy-
drater l’argile. ‖ Grand feu, phase de la
cuisson d’une céramique pendant la-
quelle la pâte acquiert sa dureté et sa cou-
leur définitives. ‖ Premier, second, troi-
sième feu, premier, second, troisième
degré d’avancement du travail du verre.
‖ Coup de feu, v. COUP. ‖ 6. Supplice du
feu, ou simplem. feu, supplice qui consis-
tait à livrer un condamné aux flammes :
Jeanne d’Arc fut condamnée au feu. ‖ Fig.
Faire mourir quelqu’un à petit feu, altérer
sa santé, épuiser ses forces en lui causant
des soucis et des chagrins répétés. ‖ Le
feu de l’enfer, les tourments sensibles des
damnés, selon la théologie catholique.
‖ Épreuve du feu, au Moyen Âge, épreuve
judiciaire qui consistait à faire toucher au
prévenu une barre de fer rouge et à le
condamner s’il portait des traces de brû-
lures au bout d’un certain nombre de
jours. ‖ Fig. Je mettrais ma main au feu
que, j’en mettrais ma main au feu, expres-
sion par laquelle on affirme avoir la
conviction absolue de quelque chose.
‖ Fig. Passer à travers le feu ou se jeter au
feu pour quelqu’un, faire preuve d’un dé-
vouement entier à son égard. ‖ 7. Moyen
de cautérisation utilisant un fer chauffé.
‖ Pointes de feu, cautérisation ponctuée,
réalisée au moyen du thermocautère ou
du galvanocautère. ‖ Couteau à feu, ins-
trument de chirurgie vétérinaire consis-
tant en une lame rougie au feu avec la-
quelle on cautérise une tumeur qu’on
veut résoudre. ‖ Par extens. Feux li-
quides, topiques utilisés comme révulsifs
ou comme fondants en médecine vétéri-
naire. ‖ 8. Moyen de produire du feu :
Demander du feu à un passant. ‖ Avoir
du feu, avoir un moyen d’allumer une ci-
garette, un cigare, une pipe. ‖ 9. Endroit
où l’on fait du feu : Au coin du feu le soir
auprès d’une âme aimée (Baudelaire).
‖ Spécialem. Dans une aciérie, bas four-
neau où s’opère la réduction du métal : Le
feu catalan est en forme de renardière.
‖ Vx. Garniture de feu, ou simplem. feu,
ensemble des ustensiles nécessaires à
l’entretien d’une cheminée (chenets,
pelle, pincettes, etc.). ‖ 10. Vx. Groupe
familial constitué par les personnes co-
habitant au même domicile, et qui servait
autrefois d’unité conventionnelle pour la
répartition de l’impôt : Un village de
soixante feux. ‖ Sans feu ni lieu, sans
foyer, sans domicile fixe : Il y grouille [à
Paris] bien des talents sans feu ni lieu
(Balzac). ‖ 11. Poét. Chaleur intense :
Une forêt desséchée par les feux du soleil
(Chateaubriand). ‖ Un soleil de feu, un
soleil brûlant.

II. 1. Source de lumière en général : À dix


heures, le clairon sonne l’extinction des
feux dans la caserne. Au tournant d’une
rue brûlant | De tous les feux de ses façades
(Apollinaire). ‖ Pêche à feu ou pêche au
feu, pêche se pratiquant la nuit, avec un
fanal qui attire le poisson. ‖ Littér. Les
feux du firmament, les astres. ‖ Les feux
de la rampe, l’éclat vif des lumières de la
rampe, au théâtre. ‖ Affronter les feux
de la rampe, paraître sur scène. ‖ Fig.
Pleins feux sur quelqu’un ou sur quelque
chose, mise en vedette de quelqu’un ou
de quelque chose. ‖ N’y voir que du feu,
ne pas voir une supercherie, ne rien com-
prendre à une situation (comme une
personne aveuglée par une lumière trop
vive) : Azaïs n’y voit que du feu ; mais
tous les siens ne seront pas aussi jobards
(Gide). ‖ 2. Dans la marine, appellation
générique de tout signal lumineux, soit
phare ou fanal allumé sur une côte : Feu
fixe. Feu à éclats ou feu tournant ; soit
fanal ou lanterne allumés réglementaire-
ment à bord d’un bateau : Feux de posi-
tion. Feux de mouillage, de pêche. Feu
de route ou de navigation. ‖ Par extens.
Navire faisant route la nuit et que l’on
a en vue : On aperçoit trois feux devant.
‖ 3. Signal lumineux destiné à indiquer
la modification d’allure ou de direction
d’un véhicule : Feu clignotant. ‖ Feu de
position, dispositif d’éclairage dont tout
véhicule routier doit être muni à l’avant
gauche et à l’avant droit. ‖ Feux de gaba-
rit, dispositif lumineux particulier dont
tout véhicule routier de grandes dimen-
sions doit être muni. ‖ Feux de route, dis-
positif lumineux dont tout véhicule rou-
tier doit être muni lorsqu’il circule la nuit
hors des agglomérations. ‖ Feux de croi-
sement, ou codes, dispositif d’éclairage
que tout conducteur de véhicule routier
doit allumer en substitution aux feux de
route lorsqu’il croise un autre véhicule.
‖ Feu rouge, dispositif lumineux de cou-
leur rouge, placé à l’arrière d’un véhicule
routier. ‖ Feux de signalisation, appareil
lumineux destiné à régler la circulation
dans les voies urbaines ou sur les routes.
‖ Feu tricolore, ou simplem. feu, appareil
de signalisation placé sur une voie de cir-
culation et comportant trois voyants qui
s’allument à tour de rôle : feu vert, auto-
risant le passage ; feu orange, invitant à
ralentir ; feu rouge, signal d’arrêt. ‖ Fam.
Donner le feu vert à, autoriser à agir
quelqu’un qui est prêt à le faire, permettre
la mise en application d’un projet préparé
d’avance : Le conseil des ministres a donné
le feu vert au plan d’expansion régional.
‖ 4. Nom générique des compositions
pyrotechniques à effet lumineux, coloré
ou non : Feu blanc. Feu vert. ‖ Feu d’arti-
fice, v. ARTIFICE. ‖ Feu de Bengale, mé-
lange pyrotechnique placé dans un pot
en carton, brûlant avec une flamme vive,
blanche ou colorée. ‖ 5. (Au plur.) Petites

bougies se consumant rapidement, utili-


sées dans certaines ventes publiques aux
enchères pour mesurer le temps qui doit
séparer la mise en vente de l’adjudica-
tion. ‖ (Au sing.) Temps pendant lequel
chaque bougie reste allumée : Premier
feu, deuxième feu... ‖ 6. Gratification
(autrefois allocation de bougies) qu’un
acteur ou un employé de théâtre reçoit
pour tout service extraordinaire. ‖ Allo-
cation que reçoivent certains acteurs, en
sus de leurs appointements fixes, chaque
fois qu’ils paraissent en public. ‖ 7. Éclat
d’une pierre précieuse dont les facettes
renvoient la lumière : Les feux d’un dia-
mant. Son turban disparaît sous les feux
des rubis (Voltaire). ‖ Le feu du regard,
des regards, l’éclat, l’animation du regard.

III. 1. Déflagration d’une substance


explosive (dans des expressions ou des
locutions). ‖ Arme à feu, arme consti-
tuée par un tube de longueur variable,
destiné à diriger sur un objectif un pro-
jectile lancé par l’explosion d’une charge
propulsive ou la réaction d’une charge
fusante (fusil, pistolet, etc.). ‖ Bouche à
feu, toute pièce d’artillerie. ‖ Faire feu,
tirer avec une arme à feu : Le gardien était
là [...], ayant consigne de faire feu sur qui-
conque s’introduirait dans l’un ou l’autre
appartement (Sand). ‖ Faire long feu, se
dit d’une cartouche dont l’amorce brûle
trop lentement, de sorte que le projectile
ne part pas ou part avec retard (v. Rem.) :
Parfois, quelque détonation manquait à
l’appel ou bien faisait long feu (Duhamel) ;
au fig., manquer son but, ne pas réussir :
Bourget, dont le scientisme a fait long feu
(Crémieux). Une tentative d’insurrection
nationaliste marocaine, qui semblait as-
sez menaçante, vient d’échouer, semble-
t-il ; a fait long feu (Gide). Il sentait que
son histoire venait de faire long feu, dont
il était bien vexé (Duhamel). ‖ Coup de
feu, décharge et détonation d’une arme
à feu ; par extens., blessure faite par un
projectile d’arme à feu : Il a reçu un coup
de feu au bras. ‖ Mise de feu, dispositif
d’inflammation d’un explosif. ‖ Fig.
Mettre le feu aux poudres, faire éclater
un drame ou un scandale encore latent.
‖ 2. Action de tirer avec une arme à feu ;
ensemble des coups de feu tirés par un
corps de troupes : C’était donc peu de dire
que le feu tue. Le feu moderne fauche ; il
supprime ; il interdit le mouvement et la
vie de toute zone qu’il bat (Valéry). La
puissance de feu d’une unité. ‖ Ouvrir
le feu, commencer à tirer. ‖ Feu !, faites
feu ! (ordre donné au tireur par celui qui
commande le tir). ‖ Cessez le feu !, cessez
de tirer. ‖ Vx. Feu de peloton, décharge
simultanée de toutes les armes d’un pelo-
ton. ‖ Feu de salve, v. SALVE. ‖ Vx. Feu de
ftie, tir d’une troupe où les deux soldats
d’une file tiraient ensemble, chaque file
faisant feu à son tour ; au fig., suite inin-
terrompue de railleries, de sarcasmes ; fig.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1884

et vx, action inutilement méthodique et


lente : Il ne s’amuse pas dans les feux de
file, le vaudevilliste ! Il va chez le duc de
Rhétoré (Balzac). ‖ Feu roulant, tir d’une
troupe dont les hommes font feu à volon-
té ; au fig., suite ininterrompue de ques-
tions, de plaisanteries ou de sarcasmes
émis par plusieurs personnes. ‖ Plan des
feux, ou plan de feu, document établis-
sant où, quand et comment seront appli-
qués, pour une mission déterminée, les
tirs des diverses armes à feu d’un disposi-
tif défensif. ‖ Être (pris) entre deux feux,
être exposé aux tirs convergents de deux
corps de troupes de l’ennemi ; au fig., su-
bir les attaques de deux partis opposés et
se trouver dans une situation sans issue.
‖ À plein feu, en tirant autant de coups
qu’il est possible : La batterie [...] canonne
à plein feu la vingt-troisième division
turque (Chack). ‖ 3. Absol. Le feu, le
combat : Si elle m’écrit deux lignes, j’irai
comme on allait au feu sous l’Empereur
(Balzac). Une recrue qui n’a jamais vu le
feu. Recevoir le baptême du feu. ‖ 4. Feu
grégeois, composition incendiaire qu’on
projetait sur les ennemis, et qui a été en
usage à Byzance au Moyen Âge. ‖ 5. Arg.
Pistolet, revolver : J’ai mon feu dans ma
poche (Van der Meersch).

IV. 1. Couleur de feu, rouge ardent : Un


ruban couleur de feu. ‖ Marques de feu,
taches d’alezan vif qui tranchent sur la
robe de certains animaux. ‖ 2. Saveur
brûlante de l’alcool et des boissons alcoo-
liques : Des vins rouges et blancs qui ont
encore assez de feu (Nerval). ‖ 3. Sensa-
tion de chaleur vive ou de brûlure : Le feu
de la fièvre. ‖ En feu, brûlant, échauffé :
Elle avait le visage en feu (Gide). Le midi
me trouva égaré et la gorge en feu dans
cette prison vallonnée (Giono). ‖ Le feu
du rasoir, sensation, analogue à une brû-
lure, que procure le passage répété du
rasoir sur la peau du visage. ‖ 4. Class.
Éruption cutanée, rougeur : Il prit une
fantaisie à ma jambe de s’enfler et de
jeter des feux et des sérosités (Sévigné).
‖ Vx. Feu Saint-Antoine, maladie mal
identifiée, qui fit des ravages au Moyen
Âge. ‖ Vx. Feu sacré, érysipèle. ‖ Vx.
Feu persique, zona. ‖ Auj. Feu de dents,
éruption qui se produit sur la face des
enfants durant leur première dentition.
‖ 5. Fig. Ardeur des sentiments, vivacité
dans les réactions, l’expression des pen-
sées : Un homme plein de feu. Un regard
plein de feu. Dans le feu de l’action, de
la discussion. Elle lui trouvait tout le feu
de sa première jeunesse (Stendhal). Mais
on ne l’avait pas entendue entrer, dans
le feu de l’incident, qu’elle avait compris
tout de suite et qui l’enflamma d’indigna-
tion (Proust). Je t’écris dans le feu d’une
colère dont je ne peux me rendre maître
(Duhamel). ‖ Beau feu, ardeur, zèle très
vifs, mais de courte durée : Et ce beau feu
de travail qui vous prend par accès ? (Fro-

mentin). ‖ Avoir le feu sacré, montrer un


zèle, un enthousiasme durable. ‖ Être
tout feu tout flamme pour quelque chose,
montrer de l’enthousiasme pour cette
chose. ‖ Jeter feu et flamme, manifester
une violente colère. ‖ Jeter son feu, jeter
tout son feu, épuiser d’un seul coup ses
forces ou le trop-plein de ses passions ;
faire preuve de talent dans ses premières
oeuvres et ne pas tenir ses promesses
ensuite. ‖ Avoir du feu, être plein de
feu, en parlant d’un cheval, d’une mon-
ture, être vif et nerveux : Le mulet était
une jeune bête pleine de feu (Duhamel).
‖ De feu, ardent, passionné, impétueux :
L’homme est de glace aux vérités ; | Il est
de feu pour les mensonges (La Fontaine).
Un regard de feu lancé par Louise [...]
lui donna le courage d’achever (Balzac).
‖ Un tempérament de feu, un tempé-
rament porté à l’amour. ‖ 6. Class. et
littér. Inspiration poétique, ardeur créa-
trice : L’ode [...] | Veut de la patience, et
nos gens ont du feu (La Fontaine). Un
tableau [« les Girondins en prison »] que
j’ai reconnu tout de suite pour un Rouvière
[...], grande composition sauvage et mala-
droite, enfantine même, mais d’un grand
feu (Baudelaire). ‖ Le feu de la composi-
tion, l’état d’enthousiasme où se trouve
celui qui compose une oeuvre littéraire.
‖ 7. Class. et poét. Passion amoureuse
(au sing. et au plur.) : Ma raison pourrait
tout sur l’amour affaibli [...], | Et mon feu
désormais se réglant sur le vôtre, | Je me
tiendrais heureux entre les bras d’une
autre (Corneille). Mais l’ingrate en mon
coeur reprit bientôt sa place, | De mes feux
mal éteints je reconnus la trace (Racine).
‖ Littér. Premier feu, sentiment violent
et peu durable : Leur premier feu ne ré-
sisterait pas à une séparation (Mauriac).
‖ 8. Class. Colère, agitation populaire ;
mouvement de révolte : J’étais averti qu’il
y aurait bien du feu à l’apparition de ce
député (Retz).

• SYN. : I, 3 conf lagration, embrasement,


sinistre ; 4 brasier, fournaise ; 6 autodafé,
bûcher ; 7 cautère ; 9 âtre, cheminée,
foyer ; 10 famille, ménage. ‖ II, 1 éclai-
rage, lumière ; 7 flamboiement, scintille-
ment. ‖ III, tir ; 3 bataille, guerre. ‖ IV,
5 animation, chaleur, élan, enthousiasme,
entrain, exaltation, excitation, impétuosité,
pétulance.

• REM. Les deux locutions faire long feu et


ne pas faire long feu ne reposent pas sur
la même métaphore. La première est tirée
du mauvais amorçage de la cartouche
provenant d’une combustion trop lente
de la poudre. La seconde, qui n’existe qu’à
la forme négative, est tirée de l’image de
la flamme brève.

2. feu, e [fø] adj. (lat. pop. *fatutus, pro-


prem. « qui a une bonne ou une mauvaise
destinée », d’où « qui a accompli sa desti-
née », du lat. class. fatum, oracle, destin,

fatalité [v. FATUM] ; v. 1050, Vie de saint


Alexis, écrit feü, au sens de « qui a tel ou
tel destin » ; sens actuel, XIIIe s., Rutebeuf,
écrit feü [feu, XIVe s., Littré]). Qui est mort
depuis peu, défunt : Une fille que feue
l’épouse de maître Goubard avait eue d’un
premier mariage (Nerval). Elle a forcé mon
tiroir et brûlé toutes les lettres de feu mon
frère (Gide). Pour l’inhumation du corps
de feue madame la comtesse de Coantré...
(Montherlant).

• SYN. : décédé, défunt, mort.

• REM. 1. Aujourd’hui, l’adjectif feu n’est


guère employé que dans la langue litté-
raire et dans la langue juridique, ou dans
le style plaisant.

2. Feu se place toujours devant le nom,


avant ou après le déterminatif. Il est
d’usage de faire accorder cet adjectif seu-
lement lorsqu’il est placé entre le déter-
minatif (article défini ou adjectif posses-
sif) et le substantif : Les feus rois de Suède
et de Danemark (Acad.). Ma feue mère
(Acad.). Placé avant le déterminatif ou
devant un nom propre, il demeure inva-
riable : Feu la reine (Acad.). Feu madame
Henriette (Acad.). L’accord est cependant
toléré dans tous les cas.

feudataire [fødatɛr] n. m. et adj. (lat.


médiév. feudatarius, feudataire, dér. de feu-
dum, une des formes lat. correspondant au
franç. fief [v. ce mot] ; fin du XVe s., Médicis,
aux sens 1-2). 1. Possesseur d’un fief, dans
le système féodal : Les grands feudataires.
Que j’aime à voir [...] | Au seuil du baron
feudataire | La croix blanche et le bénitier
(Musset). ‖ 2. Par extens. Vassal, celui
qui devait foi et hommage à un suzerain :
Les reliques furent volées sous le règne de
Nominoë, feudataire de Charles le Chauve
(Hugo).

& adj. (1802, Chateaubriand [« tenu en


fief », 1611, Cotgrave]). Qui appartient au
système de la féodalité : Ces préjugés feu-
dataires qui accompagnent ordinairement
le législateur étaient inconnus aux pères du
concile (Chateaubriand).

• SYN. : féodal.

feudiste [fødist] n. m. (lat. médiév. feu-


dista, de feudum [v. l’art. précéd.] ; 1586,
Dict. général). Spécialiste du droit féodal.

feuillage [foejaʒ] n. m. (de feuille ; 1324,


Dict. général, écrit fueillage [feuillage, v.
1530, C. Marot], au sens 1 ; sens 2, 1688,
Miege ; sens 3, 1835, Acad. ; sens 4, 1549,
R. Estienne). 1. Ensemble des feuilles d’un
arbre ou d’une plante : Les guerriers se
tenaient sur la verte prairie, | Tous équipés
en guerre et la mine aguerrie : | Bariolés
ainsi qu’un feuillage automnal (Baudelaire).
‖ Par extens. Ensemble des branches d’un
arbre avec leurs feuilles : Ces soirs où nous
demeurions, immobiles, sous les feuillages
endormis (Mauriac). ‖ 2. Ensemble de
branches coupées chargées de feuilles : Un
arc de triomphe fait de feuillage. ‖ 3. Amas
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1885

de feuilles détachées de leurs branches :


Feuillage jaunissant sur les gazons épars
(Lamartine). Un lit de feuillage. ‖ 4. Motif
d’ornementation imitant les feuilles des
arbres, utilisé en tapisserie, en architec-
ture, dans le mobilier : Les feuillages d’un
chapiteau.

• SYN. : 1 feuillée, frondaison, ramée,


ramure.

feuillagé, e [foejaʒe] adj. (de feuillage ;


1877, A. Daudet). Orné d’un motif imitant
le feuillage : Une petite galerie aux pilastres
plaqués de morceaux de glace, feuillagés
d’acanthe (Goncourt). ‖ En forme de
feuillage : Les barres d’or, les ombres feuilla-
gées, les mille points de lumière dont le sol
était jonché (Daudet).

feuillagiste [foejaʒist] n. (de feuillage ;


1872, Larousse). Personne qui confectionne
des feuillages artificiels : Il est feuillagiste, et
le feuillage ne va pas (Vallès). ‖ Spécialem.
Ouvrier, ouvrière qui accentue au pinceau
des détails du coloris sur les feuilles et les
fleurs artificielles.

feuillaison [foejɛzɔ̃] n. f. (de feuille ;


1771, Schmidlin, au sens 1 [« époque où
les feuilles commencent à apparaître »,
1775, Valmont de Bomare] ; sens 2, XXe s.).
1. Renouvellement annuel des feuilles des
végétaux, en particulier des arbres : Le prin-
temps est l’époque de la feuillaison. ‖ Par
extens. Époque de l’année où les feuilles
commencent à apparaître. ‖ 2. Ensemble
des feuilles (rare) : Ses errances libres [...]
sur le grenu du sable ou la moiteur de la
feuillaison morte (Genevoix).

• SYN. : 1 foliation ; 2 feuillage, frondaison,


ramure.

1. feuillant, tine [foejɑ̃, -ɑ̃t] n. (du n. de


Notre-Dame de Feuillans [Haute-Garonne],
abbaye fondée en 1108 et devenue en 1573
le chef de la congrégation de la plus étroite
observance de Cîteaux ; XIIe s.). Religieux,
religieuse appartenant à une branche de
l’ordre de Cîteaux, réformée en 1577 et
disparue en 1791.

2. feuillant [foejɑ̃] n. m. (du n. de l’anc.


couvent des Feuillants, situé près des
Tuileries, où les membres du club s’étaient
installés ; 1792, d’après Larousse, 1872).
Pendant la Révolution (1791-1792), membre
du parti royaliste constitutionnel, dont le
club siégeait dans l’ancien couvent des
Feuillants, près des Tuileries : Leurs pères
étaient ou avaient été feuillants, royalistes,
doctrinaires, peu importait (Hugo).

& adj. (1865, Littré). Qui appartenait au


parti des feuillants : Ce sont grandes colères
contre les prêtres feuillants (Goncourt).

feuillantine [foejɑ̃tin] n. f. (croisement


feuillantine [foejɑ̃tin] n. f. (croisement
de feuilletine, même sens [1655, Bonnefons,
dér. de feuilleter 2], avec feuillantine, reli-
gieuse [v. FEUILLANT 1] ; 1680, Richelet).
Pâtisserie feuilletée.

feuillantisme [foejɑ̃tism] n. m. (de


feuillant 2 ; fin du XVIIIe s.). Vx. Doctrine
du club des Feuillants : Cette maxime est
le dernier retranchement du feuillantisme
(Goncourt).

feuillard [foejar] n. m. (de feuille ; XIVe s.,


Dict. général, écrit foillart [feuillard, 1618,
Cabinet satyrique], au sens de « bran-
chage » ; sens I, 1, milieu du XVe s. ; sens I,
2, 1845, Bescherelle ; sens II, 1829, Boiste).

I. 1. Branche de saule ou de châtaignier


qui, fendue en deux, sert à faire un cercle
de tonneau. ‖ 2. Fourrage composé de
menues branches d’arbre garnies de leurs
feuilles et séchées : J’agite un feuillard
défleuri | Pour écarter l’haleine tiède |
Qu’exhalent contre mes grands cris | Vos
terribles bouches muettes (Apollinaire).

II. Plaque de métal très large et très


mince servant à différents usages : Le clo-
cher d’un village couvert de feuillards de
zinc (Van der Meersch).

& adj. (XXe s.). Fer feuillard, fer en feuilles


minces.

feuille [foej] n. f.• ÉTYM. Bas lat. folia


(VIe s.), neutre plur., pris pour un fém. sing.,
du lat. class. folium, feuille, feuillage, feuille
de papier (qui a donné, en anc. franç., la
forme foil, fueil, v. 1130, Eneas) ; v. 1130,
Eneas, écrit foille, fueille (feuille, 1273,
Adenet), au sens I, 1 (feuille morte, XIIIe s. ;
tomber en feuille morte, 1930, Larousse ;
la chute des feuilles, 1690, Furetière
[art. chute] ; trembler comme la feuille, av.
1679, Retz ; voir, regarder la feuille à l’en-
vers, début du XVIe s., Gringore) ; sens I, 2,
1690, Furetière (payer en feuilles, « faire un
paiement illusoire », fin du XVIe s., A. d’Au-
bigné) ; sens I, 3, 1872, Larousse ; sens I, 4,
av. 1850, Balzac ; sens I, 5, 1832, Raymond ;
sens I, 6, 1556, Ronsard ; sens I, 7, 1928,
G. Esnault ; sens I, 8, XVe s. (« volume dont
un bois s’accroît en une année », XXe s. ; vin
de tant de feuilles, 1582, Tabourot) ; sens II,
1, v. 1360, Froissart (feuille d’ardoise, milieu
du XVIIIe s., Buffon ; feuille de parquet, 1755,
Aviler ; en bijouterie, 1549, R. Estienne) ;
sens II, 2, 1680, Richelet ; sens II, 3, 1922,
Larousse ; sens II, 4, XXe s. (feuille de
papier, début du XVe s. [feuille volante,
1690, Furetière) ; sens II, 5, 1690, Furetière
(lever la feuille, XXe s. ; en feuilles, 1865,
Littré [au sens class., 1688, La Bruyère] ;
bonne feuille, 1798, Acad.) ; sens II, 6,
1834, Balzac (« feuille imprimée à caractère
pamphlétaire », 1759, Voltaire) ; sens II, 7,
1835, Acad. (feuilles d’entrées, « registre
des entrées d’une maison de commerce »,
1684, Kuhn ; feuille de prêt, de marche, de
déplacement, XXe s. ; feuille d’audience,
1872, Larousse ; feuille de route, av. 1825,
P.-L. Courier ; feuille [des bénéfices], 1702,
Mme de Maintenon).

I. 1. Expansion latérale de la tige d’une


plante, caractérisée notamment par sa
forme aplatie et par sa couleur générale-

ment verte : Deux jeunes femmes qui mar-


chaient vite sur les feuilles sèches (Vigny).
De temps à autre, seulement, il arrachait
une feuille d’arbre et se la collait sur la
bouche pour se rafraîchir (Flaubert).
‖ Feuille morte, feuille qui cesse de rece-
voir la sève de la plante et qui tombe au
bout d’un certain temps : Comme une
feuille morte au rameau balancée (La-
martine). Je connais gens de toutes sortes
| Ils n’égalent pas leurs destins | Indécis
comme feuilles mortes | Leurs yeux sont
des feux mal éteints (Apollinaire). ‖ Tom-
ber en feuille morte, se dit d’un avion
qui tombe en tournoyant sur lui-même.
‖ La chute des feuilles, l’époque où les
arbres perdent leurs feuilles, l’automne.
‖ Trembler comme une feuille ou comme
la feuille, trembler fort, de froid ou de
peur. ‖ Pop. Regarder la feuille à l’envers,
se donner à un homme dans la nature,
en parlant d’une femme. ‖ 2. Class. et
fig. Feuilles de chêne, choses de peu de
valeur qui se perdent aisément : La plus
grande partie du prix [...] fut remboursée
en billets de banque qui devinrent [...] des
feuilles de chêne (Duclos). ‖ 3. Fig. et
fam. Feuille de chou, mauvais journal :
Les feuilles de chou radicales à cinq et dix
centimes (Hermant). La grande presse
est une force considérable [...], tu ne diras
pas le contraire, ô rédacteur en chef de
cette illustre feuille de chou qui prétend
réveiller l’Ouest, rien de moins (Duha-
mel). ‖ 4. Feuille de vigne, ornement
imitant une feuille de vigne, destiné à
cacher le sexe des statues d’hommes ;
fig. et vx, tache congénitale sur la peau
d’un être humain : Tout homme atteint
d’un défaut de conformation quelconque,
les taches de vin, les feuilles de vigne, et
autres monstruosités (Balzac). ‖ 5. Fig.
Feuille de figuier, réseau de sillons pro-
fonds sur la face interne de l’os pariétal
et de l’os temporal. ‖ 6. Pétale de fleur :
Des feuilles de roses. ‖ 7. Arg. Dur de la
feuille, sourd. ‖ 8. Chacune des années
de croissance du bois depuis la dernière
coupe : Ce taillis en est à sa dixième
feuille. ‖ Volume dont un bois s’accroît
en une année. ‖ Vin de tant de feuilles,
vin de tant d’années : Les déguenillés de
la Grève, devant qui défilent ces tonneaux
opimiens et ces vins de cent feuilles, se
consolent (Goncourt).

II. 1. Matériau présenté sous une faible


épaisseur et une grande surface, en géné-
ral rectangulaire : Des feuilles de contre-
plaqué. L’or peut se mettre en feuilles ex-
trêmement minces. La dorure à la feuille
consiste à appliquer une feuille d’or sur
l’objet préalablement enduit d’un apprêt.
‖ Feuille d’ardoise, morceau d’ardoise
plat qui se détache du bloc. ‖ Feuille de
parquet, chacune des planches minces
qui forment un parquet. ‖ En bijoute-
rie, petite pièce de métal très mince que
l’on place sous une pierre fausse pour lui
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1886

donner de l’éclat. ‖ 2. Chacun des pans


d’un paravent : Un vaste paravent à neuf
feuilles en laque de Coromandel (Hugo).
‖ 3. Sorte de couperet à l’usage des
bouchers et des charcutiers. ‖ 4. Bande
continue de papier ou de carton au cours
de la fabrication. ‖ Cette bande coupée
au format prévu pour son utilisation :
Des feuilles de double raisin. Il tire de sa
grande serviette en chagrin gaufré une
large feuille de papier ministre (Dau-
det). ‖ Feuille volante, feuille de papier
qui n’est reliée ni en livre ni en cahier,
ou qui en est détachée. ‖ 5. En termes
d’imprimerie, ensemble de pages conte-
nues, tant au recto qu’au verso, dans un
format donné. ‖ Lever la feuille, rece-
voir la feuille imprimée au sortir de la
machine. ‖ En feuilles, se dit d’un livre
non broché ; class., se disait d’un ouvrage
manuscrit : Un ouvrage satirique [...], qui
est donné en feuilles sous le manteau [...],
passe pour merveilleux ; l’impression est
l’écueil (La Bruyère). ‖ Bonne feuille,
feuille d’un tirage définitif. ‖ 6. Publi-
cation périodique ; journal : Des amis du
père discutaient politique autour de l’éta-
bli, des voisins lui apportaient le journal ;
car, dans ce temps-là, il n’y avait pas de
feuilles à un sou comme maintenant
(Daudet). Même les feuilles de droite, la
pangermaniste « Post », ou « la Gazette du
Rhin », organe de Krupp, « regrettaient »
la brusquerie agressive de la politique au-
trichienne (Martin du Gard). ‖ 7. Feuille
de présence, liste que l’on fait signer dans
une assemblée ou dans un lieu quel-
conque pour avoir un état des personnes
présentes. ‖ Feuille de prêt, document
établi chaque quinzaine dans chaque
unité administrative de l’armée, récapi-
tulant les sommes payées à titre de prêt
aux soldats du contingent. ‖ Feuille de
marche, document remis au chef de train,
sur lequel sont imprimées toutes les indi-
cations sur l’horaire du train et sur lequel
il fera figurer les inscriptions de contrôle
et de passage en cours de route. ‖ Feuille
d’audience, feuille de papier timbré sur
laquelle est transcrit le texte des juge-
ments rendus au cours d’une audience.
‖ Feuille de déplacement, ou (vx) feuille
de route, titre de transport que tout mili-
taire doit présenter pour avoir droit de se
déplacer par les moyens et avec les avan-
tages réservés à l’armée : Me voici, se dit-
il, avec l’habit et la feuille de route d’un
hussard mort en prison (Stendhal). ‖ Vx.
Feuille des bénéfices, ou simplem. feuille,
liste des bénéfices ecclésiastiques dont
disposait le roi sous l’Ancien Régime :
L’évêque de la feuille (France).

• SYN. : I, 1 fane ; 3 canard (pop.). ‖ II, 1


feuillet, lame, plaque ; 5 bulletin, canard
(pop.), gazette, journal.

1. feuillé, e [foeje] adj. (de feuille ; XIIe s.,


Chanson de Floovant, écrit foilié [feuillé,

XIVe s. ; en héraldique, 1690, Furetière]). Qui


est garni de feuilles : Pendant les jours de
printemps, qu’un caprice de notre planète
fit luire sur Paris dès la première semaine
du mois de mars 1843 et qui permit de voir
les Champs-Élysées feuillés et verts à Long-
champ (Balzac). ‖ Écu feuillé, écu qui a
quelques fleurs soutenues des tiges et des
feuilles de leurs plantes : Et il ajouta avec
un plaisir dégustateur : « Nos armes sont
une branche de verjus — tigellée et feuillée
de sinople » (Proust).

• SYN. : feuillu, touffu. — CONTR. : défeuillé,


effeuillé.
2. feuillé [foeje] n. m. (part. passé subs-
tantivé du v. feuiller, dessiner, peindre des
feuilles [1757, Brunot], dér. de feuille ; 1781,
Brunot). En peinture, partie du tableau qui
représente le feuillage : Deux grands pay-
sages qui sont l’inspiration de ce feuillé,
baignant dans l’huile grasse, de « l’Embar-
quement pour l’île de Cythère » du Watteau
qui est au Louvre (Goncourt). ‖ Sur un
blason, ensemble des feuilles d’un émail
différent de celui de la plante.

feuille-de-sauge [foejdəsoʒ] n. f. (de


feuille, de et sauge ; 1690, Furetière). Nom
de divers instruments et outils, en parti-
culier d’un bistouri en forme de feuille de
sauge : Plus tard on vous donnera des limes
spéciales, la biseau, la couteau, la feuille-
de-sauge (P. Hamp). ‖ Nom d’une certaine
pièce dans une serrure.

• Pl. des FEUILLES-DE-SAUGE.

feuillée [foeje] n. f. (de feuille ; v. 1120,


Psautier de Cambridge, écrit foillee [feuil-
lée, v. 1360, Froissart], au sens 1 ; sens 2,
1580, Montaigne). 1. Class. Abri artificiel
fait de branches garnies de feuilles : On
dressait deux grandes feuillées presque
fermées (Saint-Simon). ‖ 2. Feuillage des
arbres : Près du ruisseau, sous la feuillée,
| Menons la Muse émerveillée (Banville).
• SYN. : 2 frondaison, ramée, ramure.

& feuillées n. f. pl. (début du XXe s.).


Excavation dissimulée par des branchages,
qui sert de latrines aux troupes en cam-
pagne : Vous m’ faites mal au ventre. J’ vas
aux feuillées (Barbusse).

feuille-morte [foejmɔrt] adj. invar. (de


feuille et de morte, fém. de l’adj. mort ; 1675,
Mme de Sévigné). Dont la couleur rappelle
celle des feuilles mortes : Sanglée dans une
robe feuille-morte (Zola). Des écharpes
feuille-morte.

1. feuiller [foeje] v. intr. (de feuille [v. ce


mot] ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit foillier ;
fueiller, XIIIe s. ; feuiller, XIVe s.). Se garnir
de feuilles, en parlant d’un arbre : Çà et là
les arbres feuillent ou fleurissent.

• REM. On a dit aussi SE FEUILLER, v. pr.


(av. 1885, Hugo) : Le chêne se feuille, il ne
gèlera plus (Hugo).

2. feuiller [foeje] v. tr. (lat. pop. *fodi-


culare, fouiller, dér. du lat. class. fodere,
creuser, fouir ; 1357, Godefroy, écrit fueller ;
feuiller, 1872, Larousse). Entailler par une
feuillure : Feuiller un bâti de porte.

feuilleret [foejrɛ] n. m. (de feuiller 2 ;


1676, Félibien). Sorte de rabot avec lequel
un menuisier ou un parqueteur pousse une
feuillure de porte, de fenêtre, de parquet.

feuillet [foejɛ] n. m. (de feuille [v. ce mot] ;


v. 1130, Eneas, écrit foillet, au sens de « petite
feuille » ; écrit feuillet, au sens 1, v. 1360,
Froissart ; sens 2, 1832, Raymond ; sens 3,
1690, Furetière ; sens 4-5, XXe s.). 1. Dans
un livre, un cahier, un carnet, chaque par-
tie d’une feuille de papier pliée formant
deux pages : Elle apportait son livre, et elle
tournait les feuillets (Flaubert). Le régal,
c’est quand je puis noter sur mon feuillet
ce qui rit en ma fantaisie, un mouvement,
un geste (Rolland). ‖ Feuillet mobile, feuil-
let d’un registre ou d’un cahier de docu-
mentation qu’on peut insérer ou retirer à
volonté. ‖ 2. Planche mince de chêne ou
de sapin destinée à la fabrication des pan-
neaux de menuiserie. ‖ 3. Troisième cavité
de l’estomac des ruminants. ‖ 4. Feuillet
embryonnaire, chacune des deux ou trois
couches de cellules dont l’ensemble forme
la gastrula chez les métazoaires. ‖ 5. Lame
latérale mince et allongée que présente cha-
cun des articles composant l’antenne de
certains insectes.

1. feuilletage [foejtaʒ] n. m. (de feuilleter


1 ; 1882, Goncourt). Action de feuilleter
(un livre) : Il donne l’illusion de la connais-
sance comme le feuilletage d’un beau livre
(L. Daudet).

• SYN. : compulsation.

2. feuilletage [foejtaʒ] n. m. (de feuilleter


2 ; 1680, Richelet, au sens 2 ; sens 1, 1798,
Acad.). 1. Action de feuilleter la pâte pour
faire un gâteau. ‖ 2. Pâtisserie feuilletée :
L’autre évoquait toujours les petits pâtés
[...], le feuilletage aux choux (Goncourt).

1. feuilleté, e [foejte] adj. (de feuillet ;


1360, Godefroy, à propos des bords d’un
objet ; sens 1, milieu du XVIIIe s., Buffon ;
sens 2, 1865, Littré). 1. Qui a l’aspect de
feuillets, qui se divise en feuillets : Roche
feuilletée. ‖ 2. Se dit d’une antenne d’in-
secte dont chaque article présente une lame
latérale mince et allongée, ou feuillet.

2. feuilleté, e [foejte] adj. (part. passé


de feuilleter 2 ; 1552, Rabelais). Qui est
constitué de lames minces superposées :
L’ardoise est une roche feuilletée. ‖ Pâte
feuilletée, pâte à gâteaux qui lève par feuil-
lets superposés.

& feuilleté n. m. (1865, Littré). Pâtisserie


en pâte feuilletée : La brioche, le feuilleté,
le porto (M. Prévost). Un feuilleté aux
amandes.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1887

1. feuilleter [foejte] v. tr. (de feuillet ;


1549, J. Du Bellay, au sens 1 [sans aucun
doute beaucoup plus anc., v. la date du dér.
feuillettement] ; sens 2, 1580, Montaigne).
[Conj. 4 a.] 1. Tourner les feuillets d’un
livre, d’un cahier, etc. : Abdallah [...]
continua de feuilleter ses parchemins
(Fromentin). Il ouvrit et feuilleta ses
meilleurs dossiers (Barrès). ‖ 2. Fig. Lire
d’une façon superficielle et fragmentaire :
Feuilletons de savants ouvrages, sans pré-
tendre les approfondir (Valéry).

• SYN. : 1 compulser ; 2 parcourir, survoler.

2. feuilleter [foejte] v. tr. (même étym.


qu’à l’art. précéd. ; XIIIe s., au sens de « pous-
ser des feuilles » ; sens actuel, 1552, Rabelais,
au part. passé [v. FEUILLETÉ 2] ; à l’infin.,
1680, Richelet). [Conj. 4 a.] Feuilleter la
pâte, préparer la pâte d’un gâteau de façon
qu’elle lève par feuillets superposés.

feuilleteur, euse [foejtoer, -øz] adj. (de


feuilleter 1 ; début du XXe s.). Qui feuillette
(rare) : D’autres livres, empilés à l’extérieur,
sur des tablettes, s’offraient aux doigts feuil-
leteurs des chalands (Duhamel).

feuilletis [foejti] n. m. (de feuilleter 2 ;


1706, Richelet, au sens 2 ; sens 1, 1768,
Encyclopédie). 1. Délit où l’ardoise a eu
son plan de fissilité dérangé. ‖ 2. Partie
d’une pierre fine, et particulièrement d’un
brillant, où les facettes se terminent dans
le bord.

feuilletiser [foejtize] v. tr. (de feuilletis ;


1877, Littré). En joaillerie, tailler le feuilletis
d’une gemme.

feuilleton [foejtɔ̃] n. m. (de feuillet ; 1790,


Encycl. méthodique, au sens 3 ; sens 1, 1811,
P.-L. Courier ; sens 2, av. 1869, Sainte-
Beuve ; sens 4, 1835, Acad.). 1. Article de
littérature, de science, de critique, etc., qui,
dans un journal, occupe sur toute la lar-
geur la partie inférieure d’une page : Un
critique dramatique dont le feuilleton avait
une grande influence (Zola). ‖ 2. Autref.
Roman qui paraissait régulièrement par
fragments ; auj., roman paraissant par
fragments dans un journal : Un ouvrier
entrait acheter un journal d’un sou, ou
quelque femme du peuple, impatiente de
la suite d’un feuilleton à surprise, venait
voir si la livraison avait paru, donnait ses
deux sous, se privait de son tabac si elle était
vieille, de la botte de radis de son déjeuner
si elle était jeune (Daudet). [On dit aussi
ROMAN-FEUILLETON.] ‖ Histoire diffusée
par épisodes à la radio ou à la télévision.
‖ 3. Vx. En reliure, petit cahier composé
de huit pages in-12. ‖ 4. Petit cahier par
l’intermédiaire duquel les parlementaires
sont informés de la vie intérieure de leur
assemblée.

feuilletonesque [foejtɔnɛsk] adj. (de


feuilleton ; début du XXe s.). Qui appartient
au genre du feuilleton (rare) : Tout roman

[...], s’il ne ressortit pas à la basse révolution


feuilletonesque... (Romains).

feuilletoniste [foejtɔnist] n. (de feuil-


leton ; 1834, Th. Gautier, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Personne qui fait le feuille-
ton d’un journal : Nous voulions simple-
ment démontrer aux pieux feuilletonistes
qu’effarouchent les ouvrages nouveaux et
romantiques, que les classiques anciens [...]
les surpassent de beaucoup en gaillardise
et immoralité (Gautier). Un Paris dont les
feuilletonistes ni les reporters ne parlent
jamais et qui lui rappelait sa province
(Daudet). ‖ 2. Auteur de romans-feuille-
tons : L’effet de terreur qu’un feuilletoniste
intelligent eût pu tirer de la situation, avec
un minimum de métier (Vercel).

• SYN. : 1 chroniqueur, échotier.

1. feuillette [foejɛt] n. f. (de feuille ;


v. 1265, J. de Meung, puis 1845, Bescherelle).
Petite feuille de végétal.

2. feuillette [foejɛt] n. f. (peut-être de


feuiller 2, au sens de « faire une feuillure
[pour jauger] », la feuillette ayant proba-
blem. été d’abord un tonneau de jauge ;
XVe s., Godefroy, écrit feuillette [feuillette,
1600, O. de Serres], au sens 1 ; sens 2, 1678,
La Fontaine). 1. Vx. Petite mesure pour les
liqueurs usitée en certaines provinces, et
qui valait 0,466 litre : Les verres et les brocs
circulaient, on vidait sur le pouce une feuil-
lette (P. Borel). ‖ 2. Futaille d’une conte-
nance égale à une demi-pièce et qui varie,
suivant les régions, de 114 à 136 litres.

feuillettement [foejɛtmɑ̃] n. m. (de


feuilleter 1 ; XIIIe s., Littré, écrit feuillete-
ment ; feuillettement, 1636, Monet). Action
de feuilleter un livre : Le feuillettement
d’une revue.

feuilleux, euse [foejø, -øz] adj. (de


feuille ; XIIIe s., écrit fueilleus ; feuilleux,
av. 1613, M. Régnier). Class. Couvert de
feuilles : Et les oiseaux perchés en leur feuil-
leux séjour (M. Régnier).

feuilliste [foejist] n. m. (de feuille ; 1775,


Beaumarchais). Vx et péjor. Celui qui rédi-
geait les feuilles publiques ou périodiques,
les gazettes, les journaux : Tous [...] les cri-
tiques [...], les feuillistes, les libraires, les cen-
seurs, et tout ce qui s’attache à la peau des
malheureux gens de lettres (Beaumarchais).

feuilloler [foejɔle] v. intr. (de feuille ;


XIIe s., écrit fueilloler [feuilloler, XXe s.], aux
sens 1-2). 1. Se garnir de feuilles (rare) :
J’ai vu feuilloler nos forêts (Apollinaire).
‖ 2. S’agiter confusément comme des
feuilles sous le vent (rare) : Le printemps
laisse errer les fiancés parjures | Et laisse
feuilloler longtemps les plumes bleues |
Que secoue le cyprès où niche l’oiseau bleu
(Apollinaire).

feuillu, e [foejy] adj. (de feuille ; XIIe s.,


Roncevaux, écrit foillu [feuillu, 1273,
Adenet], au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse ;

sens 3, 1760, J.-J. Rousseau). 1. Qui a beau-


coup de feuilles : Ce jardin que j’ai vu plan-
ter est déjà feuillu, touffu, compliqué (Gide).
‖ 2. Se dit des arbres qui ont des feuilles à
limbe développé, le plus souvent caduques
(chêne, hêtre, orme, etc.), par opposition
aux arbres résineux, dont les feuilles sont
en aiguilles et généralement persistantes
(pin, sapin, cyprès, etc.). ‖ 3. Fig. et vx. S’est
dit d’un style touffu, où l’abondance nuit
à l’ordre ou à la clarté.

• SYN. : 1 feuillé, touffu. — CONTR. :


1 défeuillé.

& feuillu n. m. (1869, d’après Littré, 1877).


Arbre à feuilles caduques. (S’emploie sur-
tout au plur.)
1. feuillure [foejyr] n. f. (de feuiller 2 ;
1334, Godefroy). Rainure pratiquée dans
un panneau ou un montant pour y loger
une autre pièce. ‖ Spécialem. Entaille faite
dans les pieds-droits et le linteau d’une baie
et où vient s’appliquer le bâti dormant : Il
n’osait frapper, voyant qu’aucune lumière ne
passait par la feuillure (Martin du Gard).

2. feuillure [foejyr] n. f. (de feuille ; 1468,


Godefroy). Ensemble de feuilles, feuillage :
Inoubliable m’est restée l’allée de forêt où,
dans la feuillure épaisse des noisetiers et des
chênes verts, j’ai écrit la scène du balcon de
mon livre (Daudet).

feulement [følmɑ̃] n. m. (de feuler ; fin


du XIXe s.). Cri du tigre. ‖ Bruit de gorge
que fait entendre un chat en colère : Il n’y
a guère de folle partie de ficelle ou de balle
de laine qui ne finisse en petite crise hysté-
rique, avec morsures, griffes et feulements
rauques (Colette).

• SYN. : grondement, miaulement.

feuler [føle] v. intr. (mot d’origine onoma-


topéique ; 1892, P. Guérin). Faire entendre
un feulement : Un matou que je dérangeai
feula (Hervieu). Ouarâ piétinait, soufflait,
feulait, à mesure que les rugissements [...]
se rapprochaient (Demaison).

feurre [foer] ou fouarre [fwar] n. m.


(francique *fodar, fourrage pour animaux ;
v. 1155, Wace, écrit fuerre [feurre, XIIIe s.,
Godefroy ; foarre, 1538, R. Estienne ;
fouarre, 1755, Saint-Foix], au sens 1 ; sens
2, 1756, Encyclopédie). 1. Vx. Tige séchée
de toutes sortes de céréales : Elle n’était
éclairée que par les feurres de maïs [...]
qui flambaient au foyer (Chateaubriand).
‖ 2. Spécialem. et vx. Paille longue servant
à empailler les chaises.

feutier [føtje] n. m. (de feu, n. m. ; 1832,


Raymond). Vx. Celui qui surveillait le
chauffage dans une grande maison : Valets
de chambre barbiers, valets de chambre
tapissiers, feutiers (Goncourt).

feutrable [føtrabl] adj. (de feutrer ;


1865, Littré). Qui peut se feutrer : Un tri-
cot feutrable.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1888
feutrage [føtraʒ] n. m. (de feutrer ; 1723,
Savary des Bruslons, au sens 1 ; sens 2-4,
XXe s.). 1. Opération par laquelle on trans-
forme en feutre des filaments textiles iso-
lés. ‖ 2. Altération particulière à certains
tissus qui, à l’usage, prennent l’aspect du
feutre : Le feutrage d’un tricot de laine
sous les bras. ‖ 3. Fig. Matière qui évoque
le feutre, son aspect, sa consistance : Une
petite maison coiffée d’un feutrage épais
de chaume décoloré (Van der Meersch).
‖ 4. Opération qui consiste à garnir de
feutre certaines parties du mécanisme
d’un piano.

feutrant, e [føtrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


feutrer ; 18 mai 1876, Journ. officiel). Qui
peut produire le feutrage : Les propriétés
feutrantes de la laine. (Syn. FEUTRIER, ÈRE.)

feutre [føtr] n. m. (francique *filtir,


feutre ; fin du XIe s., Gloses de Raschi,
écrit feltre [feutre, v. 1130, Eneas], au sens
1 ; sens 2, 1680, Richelet ; sens 3, fin du
XIIIe s., J. de Condé [écrit fieltre ; feutre,
v. 1534, Bonaventure Des Périers] ; sens 4,
1765, Encyclopédie ; sens 5, XXe s. ; sens 6,
v. 1175, Chr. de Troyes). 1. Étoffe obtenue
par l’agglomération intime de filaments
textiles d’origine animale (poils, laine), qui
sont foulés et agglutinés, sans filature ni
tissage : Feutre de poil de lapin, de castor.
Feutre de laine. Semelle de feutre. Un grand
chapeau de feutre à larges bords (Nerval).
‖ 2. Bourre qu’emploient les selliers pour
rembourrer les selles. ‖ 3. Chapeau de
feutre : Comme elle était prête à sortir,
un petit feutre mou la coiffait (Gide). Elle
portait un costume de jersey, couleur de
cigare clair, sur un sweater d’un bleu doux,
un petit feutre masculin havane (Colette).
‖ 4. Pièce de feutre d’une machine à
papier : Le feutre coucheur engage la feuille
de papier humide entre les cylindres de la
presse coucheuse. ‖ 5. Garniture de feutre
dont on revêt certaines parties du piano : Le
feutre d’un marteau. ‖ 6. Morceau de cuir
servant à doubler le harnachement d’un
cheval, aux endroits où celui-ci pourrait
être blessé par une pièce métallique.

feutré, e [føtre] adj. (part. passé de feu-


trer ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré ;
sens 3, 1841, Balzac ; sens 4, début du XXe s.).
1. Garni de feutre : Pour commencer, ouvrir
la porte. Elle était garnie de bourrelets feu-
trés (Duhamel). ‖ 2. Qui a la contexture
du feutre : Étoffe feutrée. ‖ 3. Qui a pris
l’aspect du feutre : Un tricot feutré à force
d’avoir été lavé. ‖ 4. Fig. Qui étouffe les
bruits : La voix de Maman arrivait, un peu
sourde, à travers la nuit feutrée (Duhamel).
‖ À pas feutrés, sans faire aucun bruit,
silencieusement, comme une personne
qui marche avec des semelles de feutre.
‖ Bruit feutré, bruit assourdi. ‖ Qui est fait
sans éveiller l’attention, hypocritement :
Un paternalisme feutré.

feutrement [føtrəmɑ̃] n. m. (de feutrer ;


XIVe s., au sens 2 [« garniture de selle »] ;
sens 1, 18 mars 1671, d’après Littré, 1865).
1. Action ou manière de feutrer le poil ou
la laine. ‖ 2. Action de garnir de feutre
ou d’une matière analogue (bourre) un
ouvrage de sellerie (collier, selle, etc.).

feutrer [føtre] v. tr. (de feutre [v. ce mot] ;


fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit feltrer,
au sens de « coller [des cheveux] l’un à
l’autre » ; écrit feutrer, au sens 1, XIIe s. ;
sens 2, XIIIe s. ; sens 3, début du XXe s.).
1. Transformer en feutre des filaments
textiles isolés (poils, laine). ‖ 2. Garnir
de feutre. ‖ 3. Fig. Rendre un bruit, un
son plus sourd, moins distinct : Il voyait
tourbillonner les flocons de neige qui lui
cachaient les façades des maisons et feu-
traient les échos de la rue (Martin du Gard).
• SYN. : 3 amortir, assourdir, étouffer,
ouater.

& v. intr. et se feutrer v. pr. (XXe s.). Prendre


l’apparence du feutre, par suite d’une alté-
ration, en parlant d’un tissu : Une laine qui
feutre, qui se feutre au lavage.

feutreur [føtroer] n. m. (de feutrer ; 1856,


Michelet). Celui qui fabrique du feutre : Le
chardonneret, le pinson sont des feutreurs
habiles (Michelet).

feutreuse [føtrøz] n. f. (de feutrer ; XXe s.).

Machine à feutrer.

feutrier, ère [føtrije, -ɛr] adj. (de feutre ;


1872, Larousse). Se dit des matières textiles
qui peuvent se transformer en feutre. (On
dit aussi FEUTRANT, E.)

& feutrier n. m. et adj. (1292, Dict. géné-


ral). Industriel, ouvrier spécialisé dans la
fabrication, le travail du feutre : Un feutrier.
Un ouvrier feutrier.

& feutrière n. f. (1701, Furetière). Vx.


Morceau de toile forte sur lequel le cha-
pelier posait les poils dont il voulait faire
un chapeau.

feutrine [føtrin] n. f. (de feutre ; milieu


du XXe s.). Feutre léger, mais très serré et
fortement foulé, utilisé en confection et
en ameublement.

fève [fɛv] n. f. (lat. faba, fève ; XIIIe s.,


Chronique de Rains, au sens 2 ; sens 1, v.
1398, le Ménagier de Paris ; sens 3, v. 1265,
J. de Meung ; sens 4, 1611, Cotgrave ; sens
5, 1772, Voltaire ; sens 6-7, 1872, Larousse ;
sens 8, 1690, Furetière ; sens 9 [surtout usité
en Normandie], 1865, Littré [d’abord fève de
haricot, même sens, 1690, Furetière — fèves
à beurre, expression canadienne, XXe s.]).
1. Plante potagère annuelle, voisine du
haricot. ‖ 2. Graine comestible produite
par cette plante et renfermée dans une
cosse : Par ironie veux-tu qu’on serve un plat
de fèves (Apollinaire). ‖ Vx. Rendre fève
pour pois, rendre la pareille à quelqu’un
qui vous a fait du mal : À la pauvrette il ne
fit nulle grâce | Du talion, rendant à son
époux | Fève pour pois, et pain blanc pour

fouace (La Fontaine). ‖ 3. Spécialem. et


absol. Fève mise traditionnellement dans
la galette du jour des Rois et qui fera roi
de la fête celui qui la trouvera dans sa part.
(Cette fève est généralement aujourd’hui
une petite figurine de la dimension
d’une fève.) ‖ 4. Nom donné à beaucoup
de graines qui ont à peu près la même
forme que celle de la fève vraie : Fève de
Calabar. Fève d’Egypte. Fève tonka. ‖ Fève
à cochons, jusquiame. ‖ 5. Nom donné à
la chrysalide du ver à soie. ‖ 6. Nom usuel
d’une espèce de buccin. ‖ 7. Fève marine,
opercule d’une coquille du genre sabot,
à laquelle on attribuait jadis des vertus
médicinales. ‖ 8. Gonflement du palais,
chez le cheval. ‖ 9. Au Canada, haricot.
‖ Fèves à beurre, haricots verts.

féverole [fevrɔl] n. f. (de fève ; début


du XIVe s., écrit faverolle ; féverolle, 1690,
Furetière ; féverole, 1835, Maison rustique
du XIXe siècle). Variété de fève à gousse
moins volumineuse que la fève commune,
et qui sert à nourrir les bestiaux. (On dit
aussi FAVEROLE.)

févier [fevje] n. m. (de fève, à cause de la


forme des gousses de l’arbre ; 1786, Encycl.
méthodique). Arbre épineux d’ornement,
originaire d’Amérique du Nord.

février [fevrije] n. m. (bas lat. febrarius,


lat. class. februarius, février [mois de l’ex-
piation], de februum, moyen de purifier ;
XIIe s.). Deuxième mois de l’année, qui a
vingt-huit jours ou, les années bissextiles,
vingt-neuf jours.

fez [fɛz] n. m. (du n. de Fez, anc. capitale


du Maroc, où cette coiffure était fabriquée
et d’où elle était exportée vers la plupart
des pays arabes ; 1740, Brunot [fes, fin du
XVIIe s.]). Coiffure tronconique du laine,
rigide, généralement rouge, portée surtout
en Afrique du Nord et au Proche-Orient :
Des hommes à fez rouge, le criblant [le blé]
à mesure dans de grands tamis (Daudet).

1. fezzan, e [fɛzɑ̃, -an] adj. (de Fezzan,


n. géogr. ; XXe s.). Relatif au Fezzan.

& adj. et n. Habitant du Fezzan.

2. fezzan, e [fɛzɑ̃, -an] adj. et n. (de fez,


v. du Maroc ; 1872, Larousse, écrit fezan).
Nom donné autrefois aux habitants de Fès,
ou Fez.

FF [ɛf] n. f. pl. (XXe s.). Ouvertures, appe-


lées aussi OUÏES, placées au centre de la
table du violon et rappelant la forme de
la lettre f.

F. F. I. [ɛfɛfi] n. m. (initiales de Forces


françaises de l’intérieur ; v. 1942). Membre
des Forces françaises de l’intérieur, organi-
sation de résistance pendant l’occupation
allemande en France de 1940 à 1944.

1. fi ! [fi] interj. (onomatop. ; début du


XIIIe s. [fi donc, 1695, Dancourt ; fi de, fin du
XIIIe s., Beaumanoir]). Vx et littér. Marque
de dégoût, de dédain ou de mépris : Fi !
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1889

l’action vilaine ! | Au moins rougissez


d’elle (Verlaine). Fi, fi ! dit M. d’Anquetil,
la sotte qui met Dieu dans de sales affaires
(France). Fi ! le grand sot (Gide). ‖ Fi donc !,
marque en principe plutôt une atteinte à la
pudeur ou au bon sens : « Eux, des livres,
fi donc ! » (Hugo). « Le curé de la paroisse
est un ivrogne. — Fi donc ! cela ne se peut
pas » (Musset). Mais, fi donc ! c’est un trop
petit gibier pour vous (Daudet). ‖ Vx. Fi
de... ! (suivi d’un complément), marque le
mépris pour ce que l’on désigne ainsi : Fi
de la célébrité, s’il faut courir après elle !
(Chateaubriand). Cette dauphine qui mou-
rut à vingt ans exhalant ce soupir : « Fi de
la vie ! » (France).

& Faire fi de loc. verbale (av. 1848,


Chateaubriand). Ne pas attacher d’im-
portance ou de valeur à : Les générations
nouvelles ont toujours fait fi des générations
qui les précédaient (Saint-Marc Girardin).
Un ingrat qui fait fi des jours qu’il a vécu
(Fromentin). Je ferais fi du ciel si je ne
devais pas t’y retrouver (Gide).

2. fi n. m. V. FIC.

fiabilité [fjabilite] n. f. (dér. savant


de fiable ; milieu du XXe s., aux sens 1-2
[fiableté, « fidélité, confiance » — XIIIe s. —
était un dér. normal de fiable]). 1. Qualité
de ce qui est techniquement fiable.
‖ 2. Probabilité pour qu’un élément ou
un équipement complet fonctionne sans
défaillance pendant une période de temps
déterminée.

fiable [fjabl] adj. (de [se] fier ; v. 1190,


Sermons de saint Bernard, écrit feavle
[fiable, XIIIe s.], au sens 1 [rare depuis le
XVIIe s.] ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Vx
ou littér. Digne de foi : Rien n’était moins
fiable que les déclarations que j’aurais pu
faire (Gide). ‖ 2. En technologie, se dit
d’un équipement capable de fonctionner
sans défaillance pendant une période de
temps déterminée, dans des conditions
opérationnelles spécifiées.

fiacre [fjakr] n. m. (du n. de saint Fiacre,


dont l’effigie ornait l’enseigne d’un bureau
de voitures de louage situé rue Saint-
Antoine, à Paris ; 1650, Ménage, au sens
1 ; sens 2, 1700, Gherardi [jurer comme
un fiacre, 1865, Littré]). 1. Voiture hip-
pomobile de louage, réservée en principe
au service urbain, et que l’on prenait à la
course ou à l’heure : Des omnibus qui sta-
tionnent [...], comme nos fiacres, à la porte
des lieux de plaisir (Fromentin). ‖ 2. Vx.
Conducteur d’un fiacre : Ses confrères dra-
matiques qui écrivaient comme des fiacres
(France). ‖ Jurer, sacrer comme un fiacre,
jurer très grossièrement.

• SYN. : 1 automédon (ironiq.), sapin (pop.


et vx), voiture de place.

fiacrée [fjakre] n. f. (de fiacre ; 1696,


Dancourt). Vx et fam. Ensemble des per-
sonnes transportées par un fiacre (rare) :
J’ai une fiacrée de bourgeois de village à
voiturer (Dancourt).

fiammette [fjamɛt] adj. (ital. fiammetta,


proprem. « petite flamme », dimin. de
fiamma, flamme, lat. flamma, flamme, feu ;
1622, Sorel). Class. Rouge feu : Il avait le
pourpoint de satin blanc et le bas de soie
fiammette (Sorel).

fiançailles [fijɑ̃sɑj] n. f. pl. (de fian-


cer ; v. 1175, Chr. de Troyes, au sing., au
sens de « promesse » ; au plur., au sens 1,
milieu du XIIIe s. ; sens 2, 1904, P. Bourget).
1. Promesse mutuelle de mariage faite avec
une certaine solennité : Je vous ai annoncé,
il y a déjà longtemps, les fiançailles de ma
chère Elizabeth avec le prince de Mantoue
(Musset). Est-ce aussi la crainte de te fixer
qui te fait différer tes fiançailles ? (Gide).
Bague de fiançailles. Dîner de fiançailles.
‖ 2. Période qui s’écoule entre cette pro-
messe et le mariage : Je n’approuve pas
beaucoup les longues fiançailles (Gide).

• SYN. : 1 accordailles.

fiance [fijɑ̃s] n. f. (du v. fier ; 1080,


Chanson de Roland, aux sens de « hom-
mage, engagement »). Vx ou dialect.
Confiance : Ayant fiance que le frottement
sur la peau avait plus de vertu (Le Roy).

fiancé, e [fijɑ̃se] n. (part. passé de fian-


cer ; fin du XIIe s., comme adj., écrit fiancié,
au sens de « qui est engagé, qui s’est engagé
par hommage » ; comme n., écrit fiancé, au
sens actuel, milieu du XIVe s.). Personne qui
a fait promesse de mariage : Et cependant
ton fiancé, enseveli dans les délices d’une
cour, attend (Musset). Un de ces cortèges
qui traversent chaque nuit la ville : jeune
fille qu’on emmène dans la maison de son
fiancé (Tharaud).

• SYN. : futur (fam.), promis (dialect.).

& fiancée n. f. (1877, Littré). Nom de divers


papillons.

fiancer [fijɑ̃se] v. tr. (de fiance ; fin du


XIIe s., Chevalerie Ogier, écrit fiancier
[fiancer, XIIIe s.], aux sens de « prendre un
engagement, promettre, jurer » ; sens 1,
1740, Acad. ; sens 2, XVIe s. ; sens 3, 1874,
Verlaine ; sens 4, v. 1283, Beaumanoir).
[Conj. 1 a.] 1. Promettre solennellement
en mariage : Fiancer sa fille. La Muse
que le ciel vous avait fiancée (Musset).
‖ 2. Célébrer les fiançailles de : Le curé
fiança les jeunes gens. ‖ 3. Fig. et littér. Unir
de façon harmonieuse : Oh la nuance seule
fiance | Le rêve au rêve, et la flûte au cor
(Verlaine). L’erreur m’exaspérait toujours
plus, de ceux qui croient devoir fiancer art
et nature (Gide). ‖ 4. Class. S’unir par une
promesse de mariage : Quelques jours avant
sa mort, deux des principaux citoyens de
Sparte avaient fiancé ses deux filles (Rollin).
Tel fiance qui n’épouse pas.

• REM. On dit généralement fiancer


quelqu’un à quelqu’un, mais, parfois aus-
si, avec quelqu’un.

& se fiancer v. pr. (sens 1-2, 1736, Voltaire).


1. Échanger solennellement des promesses
mutuelles de mariage : Ils se sont fiancés
aujourd’hui. ‖ 2. Prendre un fiancé ou une
fiancée : Elle s’est fiancée à vingt-deux ans.

1. fiasco [fjasko] n. m. (de l’ital. far


fiasco, échouer [en parlant d’une oeuvre
dramatique ou musicale], proprem. « faire
f. » [v. FIASQUE], loc. tirée de l’expression
appicar il fiasco ad alcuno, diffamer
quelqu’un [XVe s.], proprem. « suspendre
le f. à quelqu’un » [on avait coutume de
signaler à l’attention des gens l’ouverture
d’un débit de boissons en suspendant une
bouteille sur le devant de la maison où se
trouvait le débit, d’où la comparaison péjor.
appliquée à des personnes] ; 1822, Stendhal,
au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré [faire fiasco,
1840, Acad. — dès le début du XIXe s. en
parlant d’une pièce de théâtre]). 1. Échec
sexuel : Il se ressouvint de ce qu’ont écrit
Montaigne et Stendhal d’un accident fort
vulgaire que ce dernier appelle « fiasco »
(Hermant). ‖ 2. Échec notoire : Cette réu-
nion publique a été un fiasco (Gide). ‖ Faire
fiasco, échouer totalement : Depuis deux
mois, les affûts les mieux combinés font
fiasco (Lecomte).

• Pl. des FIASCOS.

• SYN. : 2 défaite, faillite, four (fam.), revers.

2. fiasco [fjasko] n. m. (mot ital. [v. l’art.


suiv.] ; 1723, Savary des Bruslons). Nom
italien de la fiasque : La table chargée d’un
fiasco et de sordides couverts (Bourget).

fiasque [fjask] n. f. (ital. fiasco, bouteille à


large panse, du germ. *flaska [v. FLACON] ;
1803, Boiste, comme n. m. ; comme n. f.,
1843, Lamartine [1580, Montaigne, pour
désigner une mesure italienne]). Récipient
de verre, originaire d’Italie, à long col, à
large panse garnie de paille, et qui contient
du vin : Ces petits pains de pâte blanche
comme on n’en trouve que là-bas [...] entre
les alcarazas d’eau fraîche et les fiasques
de vin doux (Daudet).

• REM. Fiasque s’est employé au mascu-


lin au XIXe s. : Heureusement, j’avais mon
fiasque plein de rhum, qui leur a permis
de se remettre en route (Daudet).

fiat [fjat] n. m. (mot lat. signif. « que cela


soit fait », 3e pers. du sing. du subj. prés. de
fieri, être fait, devenir ; milieu du XVe s.,
J. de Bueil, comme exclamation, au sens de
« qu’il en soit ainsi ! » ; av. 1553, Rabelais,
comme n. m., au sens de « ordre » ; sens
1-2, XXe s.). 1. Dans la Bible, expression de
la volonté de Dieu au moment de la créa-
tion du monde : Le « fiat » de la Genèse
(Claudel). ‖ 2. En psychologie, décision
volontaire mettant fin à une délibération :
Le fiat suppose la liberté.

fibrage [fibraʒ] n. m. (de [se] fibrer ; 1964,


Desjeux et Duflos). Fabrication de fibres de
verre : Le fibrage du verre.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1890

fibranne [fibran] n. f. (de fibre ; 1941).


Textile artificiel cellulosique, d’aspect
moins sec que la rayonne, et dont les
fibres sont courtes et associées par torsion :
Une robe en fibranne jaune. Une valise en
fibranne.

• REM. On écrit aussi FIBRANE.

fibratus [fibratys] n. m. (mot du lat. scien-


tif. moderne, repris de l’adj. du lat. class.
fibratus, fibreux, dér. de fibra [v. FIBRE] ;
1968, Larousse). En météorologie, dans la
classification internationale des nuages,
nom d’un genre de nuage individualisé ou
d’un voile nuageux composé de filaments
rectilignes ou légèrement incurvés.

fibre [fibr] n. f. (lat. fibra, fibre [des


plantes, des animaux], entrailles, sensibi-
lité ; 1372, J. Corbichon, au sens 1 [fibre de
bois, 1930, Larousse ; fibre vulcanisée, 1888,
Larousse] ; sens 2, av. 1794, Chamfort ; sens
3, 1847, Balzac ; sens 4, XXe s.). 1. Chacun
des éléments très allongés et de faible sec-
tion qui, disposés parallèlement les uns
aux autres, constituent certains tissus des
êtres vivants et des plantes, ou même de
certaines substances minérales : Fibre
musculaire. Le coton égyptien est à fibres
longues. Les fibres d’amiante sont uti-
lisées dans l’industrie. Quand on songe
que ces imperceptibles atomes vont faire
tressaillir les fibres et les sèves des arbres
femelles (Maupassant). ‖ Fibre de bois,
ou fibre, bois débité en longues lanières
fines, utilisées pour l’emballage. ‖ Fibre
vulcanisée, ou fibre, matière plastique très
résistante : Une mallette en fibre. ‖ 2. Fig.
Siège de la sensibilité : Lorsque je rentrais
sans un sou, | Ses cris me déchiraient la
fibre (Baudelaire). Travaille sur la fibre
fraternelle et parle-lui de Robert inlassa-
blement — puisque tu trouves la patience
de t’occuper de ce crétin (Gide). ‖ 3. Fig.
Fibre du coeur, le coeur considéré comme
le siège des sentiments : Je suis le premier
[...] qui ait donné à la muse, au lieu d’une
lyre à sept cordes, les fibres mêmes du coeur
de l’homme (Lamartine). La flamme a
dévoré ces reliques d’amour et de mort,
qui se renouaient aux fibres les plus dou-
loureuses de mon coeur (Nerval). ‖ 4. En
termes de mécanique, volume engendré par
un élément de surface infiniment petit de la
section transversale d’un prisme, quand il
se déplace parallèlement à la courbe décrite
par le centre de gravité de la section qui
engendre le prisme.

fibrer (se) [səfibre] v. pr. (de fibre ;


v. 1960). En parlant du verre, prendre la
forme de fibres.

fibrerie [fibrəri] n. f. (de fibre ; XXe s.).

Industrie qui fabrique la fibre de bois.

fibreux, euse [fibrø, -øz] adj. (de fibre ;


1549, Maignan, au sens 1 ; sens 2, 1865,
Littré). 1. Qui est formé d’une réunion de
fibres : Racine fibreuse. ‖ 2. Tissu fibreux,

en histologie, tissu conjonctif formé de


faisceaux de fibrilles conjonctives non
différenciées ; en pathologie, tissu cica-
triciel conjonctif.

fibrillaire [fibrilɛr] adj. (de fibrille ; 1811,


Mozin). Se dit d’un tissu musculaire qui se
compose de fibrilles.

fibrillation [fibrilasjɔ̃] n. f. (de fibrille ;


1907, Larousse, aux sens I et II).

I. Série de contractions violentes et dé-


sordonnées du muscle cardiaque.

II. Action de libérer, au cours du raf-


finage d’une pâte à papier, les fibrilles
constituant l’enveloppe externe des fibres
de cellulose.

fibrille [fibrij] n. f. (de fibre ; 1674, Le


Gallois, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s. ; sens
4, 1845, Bescherelle). 1. Petite fibre.
‖ 2. Spécialem. Élément allongé, lisse ou
strié, des fibres musculaires, siège de la
contractilité. ‖ 3. En papeterie, filament
constitué par la juxtaposition de chaînes
de cellulose, et que l’on retire lors de la
fibrillation. ‖ 4. Terminaisons effilées
d’une racine, constituant le chevelu : Cet
arbre tombé dont les racines dressaient leurs
fibrilles dénudées (Bourget).

fibrilleux, euse [fibrilø, -øz] adj. (de


fibrille ; 1845, Bescherelle). Qui se compose
de fibrilles : Tissu fibrilleux.

• REM. On dit aussi FIBRILLÉ, E [fibrije]


(1872, Larousse).

fibrine [fibrin] n. f. (de fibre ; 1805, Encycl.


méthodique). Substance qui précipite en
filaments au cours de la coagulation du
sang et qui emprisonne les globules pour
former le caillot.

fibrinémie [fibrinemi] n. f. (de fibrine et


de -émie, du gr. haima, sang ; XXe s.). Taux
de fibrinogène dans un litre de sang.

fibrineux, euse [fibrinø, -øz] adj. (de


fibrine ; 1865, Littré). Relatif à la fibrine ;
de la nature de la fibrine : Caillot fibrineux.

fibrinogène [fibrinɔʒɛn] n. m. (de


fibrino-, élément tiré de fibrine, et de -gène,
du gr. gennân, engendrer ; 1872, Larousse).
Substance protidique dissoute dans le
plasma, qui se transforme en fibrine lors
de la coagulation du sang.

fibrinolyse [fibrinɔliz] n. f. (de fibrino-,


élément tiré de fibrine, et de -lyse, gr. lusis,
action de délier, fin, dissolution ; 1962,
Larousse). Destruction du caillot sanguin
par des enzymes protéolytiques.

fibro- [fibro], élément tiré de fibre, qui


indique une relation avec des fibres ou avec
un tissu fibreux, et entre dans la composi-
tion de quelques mots.

fibrocartilage [fibrokartilaʒ] n. m. (de


fibro- et de cartilage ; 1865, Littré). Tissu
fibreux dense, à cellules de type cartila-

gineux, constitutif de certains organes du


corps, notamment des articulations.

Fibrociment [fibrosimɑ̃] n. m. (de


fibro- et de ciment ; début du XXe s.). Nom
déposé d’un matériau de construction en
amiante-ciment.

fibroïde [fibrɔid] adj. (de fibro- et de -ide,


gr. eidos, forme, apparence ; 1865, Littré).
Qui a l’apparence ou la constitution des
fibres.

fibromatose [fibromatoz] n. f. (dér.


savant de fibrome ; 1962, Larousse). État
pathologique caractérisé par la proliféra-
tion de tumeurs fibreuses.

fibrome [fibrom] n. m. (de fibre, avec


le suff. -ome, qui désigne souvent des
tumeurs ; milieu du XIXe s.). Tumeur faite
de tissu fibreux.

fibulation [fibylasjɔ̃] n. f. (lat. fibulatio,


-tionis, action d’unir avec des agrafes, de
fibula [v. FIBULE] ; 1865, Littré). Opération
chirurgicale qui consiste à réunir par une
agrafe les deux lèvres d’une plaie cutanée.

fibule [fibyl] n. f. (lat. fibula, ce qui sert


à fixer, agrafe ; 1530, Bourgoing). Dans
l’Antiquité et au Moyen Âge, épingle de
sûreté ou fermoir de métal (bronze, fer,
métal précieux) qui servait à agrafer les
vêtements : Combien ? demanda-t-il, en
indiquant une des fibules à tête de renard
qu’on trouve en grand nombre dans les tom-
beaux (Malraux).

fic [fik] n. m. (lat. ficus, n. m., verrue, de


ficus, n. f., figue [par analogie de forme] ;
XIIIe s., La Curne, écrit fi ; fic, 1611,
Cotgrave). Grosse verrue qui se développe
en diverses régions du corps, chez les
bovins et les équidés. (Syn. FI, PAPILLOME,
VERRUE.)

ficaire [fikɛr] n. f. (lat. scientif. moderne


ficaria [de ficus, v. l’art. précéd.], pro-
prem. « herbe aux verrues » ; 1786, Encycl.
méthodique). Petite plante à tige couchée,
à feuilles en coeur et à fleurs jaunes, qui
pousse dans les lieux frais : Les prés où
poussent la ficaire et le pissenlit (Arnoux).

ficelage [fislaʒ] n. m. (de ficeler ; 1765,


Encyclopédie, aux sens 1-2). 1. Action
de ficeler : Le ficelage d’un paquet.
‖ 2. Ensemble des liens qui tiennent un
objet ficelé (rare) : L’objet fut extrait des
ficelages (Hervieu).

• REM. On a dit aussi FICÈLEMENT


(av. 1896, Goncourt), au sens 1 : Tout ce
long jour, elle le passa au feu des bassines,
au ficèlement des pots (Goncourt).

ficelé, e [fisle] adj. (part. passé de fice-


ler ; 1833, G. Esnault, au sens 2 ; sens 1,
1865, Littré). 1. Fam. Serré, sanglé dans ses
vêtements (vieilli) : Ils avaient conservé le
raide de l’uniforme, ils étaient un peu trop
ficelés (Barbey d’Aurevilly). ‖ Fam. Ficelé
comme une andouille, vêtu de vêtements
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1891

trop étroits, trop serrés. ‖ 2. Vx et fam. Qui


est habillé, arrangé de telle ou telle façon :
Le colonel, beau jeune homme, bien ficelé,
qui venait de succéder à Macon, fut sabré
(Stendhal). Les dames chez lesquelles il
m’envoie [...] sont joliment ficelées (Balzac).
‖ Auj. et fam. Mal ficelé, vêtu avec négli-
gence, sans aucun goût : Au reste, assez
souillon, mal ficelée dans ses robes où man-
quaient des boutons (Lemaitre).

ficeler [fisle] v. tr. (de ficelle ; 1694,


Acad., au sens 1 ; sens 2, av. 1922, Proust ;
sens 3, 1837, Sainéan, Sources ; sens 4,
av. 1850, Balzac). [Conj. 2 a.] 1. Lier, atta-
cher avec de la ficelle : Ficeler un carton,
un paquet de fiches. Ficeler un morceau
de viande. Le paquet était enveloppé d’un
beau papier d’emballage vert, et ficelé
(Romains). ‖ Ironiq. Entourer quelqu’un
de liens, le ligoter : On le retrouva à deux
lieues de la ferme, ficelé des pieds à la tête
(Maupassant). ‖ 2. Fam. et littér. Retenir :
Et puis vous me ficelez là à causer avec vous
[...]. Il faut que je descende (Proust). ‖ 3. Vx
et fam. Vêtir de façon cossue et élégante :
Il s’agit de me ficeler. Je dois être au moins
une baronne du boulevard Saint-Germain
(Balzac). ‖ 4. Fam. et péjor. Vêtir d’une
manière plus ou moins ridicule : L’inconnue
était [...], pour ne pas perdre l’expression pit-
toresque créée par le soldat français, ficelée
dans une robe verte (Balzac).

& se ficeler v. pr. (sens 1, av. 1850, Balzac ;


sens 2, début du XXe s.). 1. Fam. S’arranger,
s’habiller : Il est deux heures à se ficeler
(Littré). ‖ 2. Fam. et péjor. S’habiller avec
mauvais goût ou ridiculement, s’accoutrer :
Le secret qu’ont les danseuses espagnoles de
se ficeler ignominieusement (Montherlant).

ficelier [fisəlje] ou ficellier [fisɛlje]


n. m. (de ficelle ; 1723, Savary des Bruslons,
écrit ficellier [ficelier, 1872, Larousse], au
sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1878, Larousse).
1. Dévidoir pour la ficelle. ‖ 2. Fabricant
de ficelle. ‖ 3. Vx. En argot de théâtre,
acteur qui emploie des « ficelles », des
habiletés de métier, pour forcer les applau-
dissements du public.

ficelle [fisɛl] n. f. (lat. pop. *funicella, bas


lat. funicula, lat. class. funiculus, petite
corde, ficelle, cordon, dimin. de funis,
corde, câble ; v. 1350, Machaut, écrit fin-
celle [au lieu de *funcelle, sous l’influence
de fin, n. f., « petit bout d’un objet » ; ficelle,
1564, J. Thierry, sous l’influence de fil, sou-
vent prononcé fi], au sens 1 ; sens 2, 1841,
les Français peints par eux-mêmes ; sens
3, 1872, Larousse ; sens 4, XXe s. ; sens 5,
1903, G. Esnault [« galon de soldat de 1re
classe », 1895, G. Esnault]). 1. Corde mince
faite de fils de chanvre, de lin, de sisal, etc.,
retordus et apprêtés, qui sert à lier, à atta-
cher : Pelote de ficelle. Faire queue [pendant
le siège de Paris], cela s’appelait « tenir la
ficelle », à cause d’une longue corde (Hugo).
Un petit chevreau qu’ils attachaient [...] et

qu’ils faisaient crier en lui tirant la patte


avec une ficelle (Daudet). ‖ Gigot à la
ficelle, gigot que l’on fait rôtir en le sus-
pendant avec une ficelle devant un feu vif.
‖ Fig. Tirer les ficelles, faire agir les autres
en demeurant soi-même dans la coulisse
(par allusion aux marionnettes et à celui
qui les actionne) : C’est elle [l’Allemagne]
qui, dans la coulisse, et depuis le début, tire
les ficelles et fait agir l’Autriche ! (Martin du
Gard). ‖ 2. Fig. Habileté, artifice dans un
art ou un métier, notamment procédé de
comédien pour amener un effet (souvent
péjor.) : Connaître les ficelles du métier. Ce
fut un fragment de western qui ne la retint
qu’une minute : les ficelles y étaient plus
gênantes encore (Vercel). ‖ 3. Fig. Moyen
caché, ruse qu’on emploie pour obtenir
quelque chose : Comme il arrive infaillible-
ment en compagnie d’un médecin, Caravan
aborda le chapitre des maladies, espérant de
cette façon glaner quelques petits conseils
gratuits, ou même une consultation, en
s’y prenant bien, sans laisser voir la ficelle
(Maupassant). ‖ 4. Pain de fantaisie très
mince, correspondant à la demi-baguette.
‖ 5. Arg. mil. Galon d’officier : À la tête
de grands services chirurgicaux, des chefs
ignares, qui avaient l’air de n’avoir jamais
opéré que des panaris, et qui décidaient
et pratiquaient les interventions les plus
graves, amputaient à tort et à travers, sim-
plement parce qu’ils avaient quatre ficelles
sur leur manche (Martin du Gard).

• SYN. : 1 cordelette ; 2 procédé, truc


(fam.) ; 3 artifice, astuce (fam.), habileté,
stratagème.

& adj. et n. f. (1808, d’Hautel). Fam. Qui


use d’habiletés, de procédés plus ou moins
indélicats dans ses rapports avec les autres
(vieilli) : Je n’étais point « ficelle », fin,
méfiant, sachant me tirer avec un excès
d’adresse et de méfiance d’un marché de
douze sous (Stendhal). Il est de bonne
famille, bien pensant [...], mais pas sérieux,
Terremondre, ficelle [...], horriblement
ficelle [...]. Il promettra tout et ne fera rien
(France). Ton oncle est une vieille ficelle
(Huysmans).

• SYN. : futé, madré (fam.), retors, roublard


(fam.), roué. — CONTR. : candide, franc, naïf,
sincère.

& adj. invar. Vx et fam. Se dit d’un procédé


trop connu pour être efficace : C’est vieux
jeu, c’est ficelle, cela ne prend plus (Villiers
de L’Isle-Adam).

ficellerie [fisɛlri] n. f. (de ficelle ; 1872,


Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1872, Almanach
Didot-Bottin). 1. Fabrique de ficelle.
‖ 2. Dépôt, magasin de ficelle.

fichage [fiʃaʒ] n. m. (de ficher 1 ; 1930,


Larousse). Action de ficher les joints entre
les pavés.

fichaise [fiʃɛz] n. f. (de ficher 2 ; 1756,


Vadé). Fam. Chose sans valeur, propos
sans intérêt : Les jeunes gens se chucho-

tant de tout près les jolies fichaises qu’ils


avaient à se dire, un dialogue de politique
et d’amour s’engageait entre eux (Daudet).
Je veux que tu sois heureuse, moi ! Mais c’est
des fichaises ! Passons (Huysmans).

• SYN. : bagatelle, baliverne, fadaise, fou-


taise (pop.), niaiserie, sornettes.

1. fichant, e [fiʃɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de ficher 1 ; 1642, Oudin). Tir
fichant, tir qui frappe l’obstacle presque
perpendiculairement.

2. fichant, e [fiʃɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de ficher 2 ; 1872, Larousse). Vx et pop. Qui
suscite du dépit ou de la contrariété : Un
peu fichant de mourir à la fleur de l’âge par
la faute d’un scélérat (Daudet).

fichard [fiʃar] n. m. (de fiche 1 ; fin du


XIXe s.). Nom donné, à l’époque de l’
« affaire des Fiches » (1901-1904), à ceux qui
utilisaient ou qui étaient partisans d’uti-
liser les fiches de renseignements d’ordre
politique et religieux pour les propositions
d’avancement des officiers : Des signatures
« à courants d’air », comme disait, dans son
grossier et pittoresque argot de « fichard »,
le colonel franc-maçon (Bourget).

1. fiche [fiʃ] n. f. (déverbal de ficher 1 ;


v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence,
au sens de « pointe, épine » ; 1413, Du
Cange, au sens de « pieu de fer, à la pointe
renflée, pour planter la vigne » ; sens I, 1,
1865, Littré ; sens I, 2, 1636, Monet ; sens I,
3, 1680, Richelet ; sens II, 1, 1690, Furetière
[fiche de consolation, 1786, Bachaumont] ;
sens II, 2-3, 1865, Littré ; sens II, 4, 1865,
Littré [en Bourse]).

I. 1. Longueur dont un pieu est enfoncé


dans un terrain. ‖ 2. Pièce rigide, longue
et mince, de section généralement cylin-
drique, destinée à être enfoncée dans
une matière molle ou introduite dans
un alvéole. ‖ Spécialem. Ustensile de fer
ou de bois que les pêcheurs fixent dans
le sol ou sur le bord de leur bateau pour
soutenir la canne. ‖ Fiche d’arpenteur,
sorte de longue et grosse aiguille ayant
une tête en forme d’anneau, qu’emploient
les géomètres et les arpenteurs pour fixer
les portées de chaînage. ‖ Fiche télépho-
nique, petite broche métallique fixée au
bout d’un câble souple, que le télépho-
niste enfonce dans un jack pour établir
une communication dans un standard
manuel. ‖ Fiche de prise de courant,
partie d’une prise de courant reliée à un
câble souple, et que l’on engage dans les
alvéoles de la prise proprement dite pour
établir le contact avec les fils de ligne.
‖ Fiche de piano, cheville de métal enfon-
cée dans le sommier et autour de laquelle
s’enroule l’extrémité d’une corde. ‖ Fiche
à bouton, petite tringle de métal avec
tête en forme de bouton, réunissant les
deux parties d’une charnière. ‖ Fiche à
dents, outil constitué par une lame dont
les arêtes sont découpées en dents de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1892

scie, et qui sert à enfoncer le sable entre


les pavés ou à pousser le mortier dans
les joints. ‖ 3. Pièce, généralement en
cuivre, constituée de deux ailes unies par
une rivure, dont les menuisiers se servent
pour des assemblages. ‖ Pièce de métal
servant de ferrure de rotation : Fiches de
porte, de fenêtre. Fiches à gonds.

II. 1. Petite lame d’ivoire ou d’os, de


forme allongée ou ronde, qui sert de
marque ou de monnaie à certains jeux.
‖ Fiche de consolation, prime que doit
payer, à certains jeux de cartes, le per-
dant qui a demandé à jouer ; au fig., ce
qui constitue un petit dédommagement
à une perte, un léger adoucissement à un
malheur : Comme fiche de consolation, le
directeur promit que sa pièce serait reprise
(Theuriet). ‖ 2. Vx. Morceau de carton,
étiquette attachée à un colis et portant
l’adresse du destinataire. ‖ 3. Feuillet de
papier fort ou de carton léger sur lequel
est consigné un renseignement, et qui est
destiné à être classé dans un fichier, avec
des documents de format identique, dans
un ordre définitif ou dans des ordres mo-
difiables : Dépouiller un ouvrage pour le
mettre en fiches. Le catalogue d’une biblio-
thèque établi sur fiches. ‖ Fiche de police,
document établi et conservé par la police,
sur lequel sont portés des renseignements
concernant une personne. ‖ 4. Feuille de
papier fort, destinée à recevoir les ordres
que le spéculateur donne à son agent
pendant les séances de la Bourse. ‖ Fiche
d’état civil, document d’état civil établi
d’après un acte de l’état civil ou d’après
le livret de famille. ‖ Fiche signalétique,
feuillet où se trouvent indiqués l’iden-
tité et l’état des services d’un soldat : J’ai
tracé plus haut mon portrait physique. Il
me reste à compléter la fiche signalétique
(Duhamel).

• SYN. : I, 2 cheville, pieu, piquet. ‖ II, 1


jeton.

2. fiche v. tr. V. FICHER 2.

1. ficher [fiʃe] v. tr. (lat. pop. *ficcare, de


*figicare, dér. de figere, enfoncer, planter,
fixer, attacher [au pr. et au fig.], transpercer ;
v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit fichier, au
sens de « percer [la chair] » ; sens 1, v. 1196,
J. Bodel [écrit fichier ; ficher, v. 1265, Livre de
jostice] ; sens 2, 1671, Mme de Sévigné ; sens
3, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 4, 1676,
Félibien). 1. Faire pénétrer, enfoncer par la
pointe : Nous fichâmes en terre, à six pieds
de distance l’un de l’autre, deux piquets
fourchus ; nous suspendîmes horizontale-
ment dans l’endentement de ces piquets une
longue perche (Chateaubriand). Le bandit
prit un des cadavres [...] et le fit tenir debout
en fichant en terre le pieu auquel le corps
était lié (Gautier). Il s’agit des pieux que,
pour rendre plus inabordables les fortifi-
cations, on plantait, on fichait, passez-moi
l’expression, en terre devant elles, et qu’on

reliait entre eux (Proust). ‖ 2. Class. et


fig. Ficher quelqu’un, le quitter brusque-
ment, « le planter là » : Mon fils, comme
je vous ai dit, m’a fichée dans le milieu de
« Cléopâtre » (Sévigné). ‖ 3. Class. et littér.
Ficher les yeux (sur), regarder fixement un
point : Les yeux fichés en terre (Malherbe).
Les yeux fichés au ciel, ils [les poètes] s’en
vont en rêvant (Gautier). ‖ 4. Refouler du
sable jusqu’au refus, dans les joints existant
entre les pavés, au moyen d’une fiche ou
d’un jet d’eau sous pression. ‖ Fixer les
pierres d’une construction en introduisant
du mortier dans les joints.

• SYN. : 1 piquer, planter.

2. ficher [fiʃe] ou fiche [fiʃ] v.


tr. (même étym. qu’à l’art. précéd.
[la forme fiche, due à l’influence de
foutre, apparaît en 1807, G. Esnault] ;
XIIe s., Ronce-vaux, écrit fich[i]er,
au sens 1 [ficher dedans, « induire en
erreur », 1872, Larousse ; ficher le camp,
1808, d’Hautel] ; sens 2, 1628, Chereau [je
te fiche mon billet que, 1930, Larousse ; je
t’en fiche, av. 1850, Balzac] ; sens 3, fin du
XIXe s. ; sens 4, 1873, A. Daudet ; sens 5,
1808, d’Hautel [va te faire fiche]). [Substitut
euphémique de FOUTRE (v. ce mot) dans
presque tous ses emplois ; part. passé fiché,
e et, plus souvent, fichu, e.] 1. Fam. Mettre,
envoyer, jeter, avec plus ou moins de force,
de violence : Si tu me tracasses encore,
major, je te « fiche » mon briquet dans le
ventre (Balzac). ‖ Fam. Ficher quelqu’un
à la porte, le mettre dehors sans ménage-
ment : Il me fichera peut-être à la porte
demain, s’il en a le courage (Duhamel) ; le
renvoyer de son emploi : Vous devriez fiche
le bonhomme à la porte (Bernanos). ‖ Fam.
Ficher quelqu’un par terre, le renverser, le
jeter à terre. ‖ Fam. Ficher quelque chose
par terre, le faire tomber, ou le démolir (en
parlant d’une construction) : Pour suppri-
mer les taudis, les urbanistes fichent tout
par terre, et reconstruisent (Martin du
Gard) ; au fig., faire échouer une entre-
prise : Tout cela risque de fich’ la pièce par
terre (Gide). ‖ Arg. mil. Ficher quelqu’un
dedans, le punir de prison : Ne te fais plus
ficher dedans (Hermant) ; par extens. et
fam., lui causer un préjudice : Cette grippe
m’a fichu dedans, je n’arriverai jamais à
rattraper le retard que j’ai pris dans mon
travail ; pop., l’induire en erreur : C’est
la similitude des noms qui nous a fichus
dedans. ‖ Fam. En ficher ou en fiche un
coup, faire un gros effort, travailler beau-
coup. ‖ Fam. Ficher le camp, quitter rapide-
ment l’endroit où l’on se trouve ; se sauver,
s’enfuir : Céline fiche le camp tous les soirs
(Huysmans). ‖ 2. Fam. Donner, appli-
quer plus ou moins violemment : Ficher
une gifle, une fessée. ‖ Fam. Ficher, fiche
la paix à quelqu’un, le laisser tranquille : Si
seulement les amis, les admirateurs, les qué-
mandeurs voulaient bien me ficher la paix
(Gide). Toute sa vie s’était passée à faire en

sorte qu’on lui fichât la paix (Montherlant).


‖ Fam. Je te fiche mon billet que, je parie, je
me porte garant que. ‖ Pop. Je t’en fiche !,
allons donc !, ce n’est pas ce que l’on peut
croire ! ‖ Pop. et ironiq. On t’en fichera !,
on t’en donnera encore ! (se dit à quelqu’un
qui n’est pas satisfait). ‖ 3. Fam. Donner
avec désinvolture, comme en jetant : Et
de quoi sert que Dieu les tue [les grands
hommes], | Si vous [les sculpteurs] nous
fichez leur statue ? (Toulet). ‖ 4. Pop. Faire
(avec un pronom complément) : Ne rien
fiche. On en fichera le moins possible, et [...]
il sera assuré aux ex-damnés de la terre un
minimum de six heures par jour pour jouer
à la belote (Romains). Léon de Coantré n’a
rien à fiche, à penser à rien : il nous enter-
rera tous (Montherlant). ‖ Fam. Qu’est-ce
qui m’a fichu ça ?, qui a fait cela ? qui est
responsable de cela ? ‖ Fam. Qu’est-ce
que tu fiches ?, que fais-tu ? : Il me prit
par le bras [un garde municipal] et me fit
pirouetter brutalement : « Qu’est-ce que
vous fichez là, vous ?... » (Daudet). Alors,
s’écria l’ange, qu’est-ce que tu fiches ici,
espèce d’andouille ? (France). ‖ Fam.
Qu’est ce que ça peut me (te, lui, etc.) fiche
que, je (tu, il, etc.) me (te, se, etc.) moque
bien que : Qu’est-ce que ça peut nous fiche
que des faveurs de cour leur aient permis
d’entasser des duchés auxquels ils n’avaient
aucun droit ? (Proust). ‖ 5. Pop. Envoyer
faire fiche, envoyer promener. ‖ Pop. Va
te faire fiche, tu peux toujours compter là-
dessus : Va te faire fiche : tout cela s’envole
(Goncourt).

• SYN. : 1 balancer (pop.) ; 2 administrer,


flanquer (pop.) ; 4 confectionner, fabriquer,
faire.

& se ficher ou se fiche v. pr. (sens I, fin du


XIIIe s., Joinville ; sens II, 1, 1695, Gherardi ;
sens II, 2, av. 1834, Béranger).

I. Se mettre, se jeter : C’est une femme qui


vient de se fiche à l’eau (Daudet). J’admire
qu’il n’y ait pas plus de gens qui se fichent
à l’eau et estime que l’humanité, à tout
prendre, fait preuve d’un cran formidable
(Gide). Se ficher par terre.

II. 1. Fam. Se ficher ou se fiche de


quelqu’un, se moquer de lui, le tourner
en dérision : « Un de ces chevaux m’ap-
partient, f... ! s’écria-t-il [Fabrice], mais
je veux bien te donner cinq francs pour
la peine que tu as prise de me l’amener
ici ! — Est-ce que tu te fiches de moi ? »
dit le soldat (Stendhal). [Il] déclara qu’il y
voyait clair dans mon jeu, que j’étais« un
faux bonhomme », qu’il ne supporterait
pas plus longtemps qu’on se fichât de lui
(Gide). ‖ 2. Fam. Se ficher ou se fiche de
quelqu’un ou de quelque chose, n’en faire
aucun cas, n’y attacher aucune impor-
tance : Je me fiche de votre Zozime, ré-
pondit M. d’Anquetil. Je m’en fiche, vous
m’entendez, l’abbé. Je m’en fiche comme
le roi de sa première maîtresse (France).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1893

La disgrâce, je m’en fichais bien, rends-toi


compte (Bernanos).

• SYN. : I se flanquer (pop.), se précipi-


ter.‖ II, 1 se gausser de, se jouer de ; 2 s’en
balancer (pop.), se contrefiche[r] (fam.), se
foutre de (pop.), se moquer de.

3. ficher [fiʃe] v. tr. (de fiche 1 [au sens II,


3] ; début du XXe s., aux sens 1-2). 1. Mettre,
inscrire sur une fiche : Ficher un rensei-
gnement. ‖ 2. Établir une fiche de rensei-
gnements au nom de : Trente-neuf millions
d’hommes fichés et classés dans des carton-
niers innombrables (Maurras).

• SYN. : consigner, noter.

fichet [fiʃɛ] n. m. (de fiche 1 ; 1611,


Cotgrave, au sens de « arbre venu d’une
bouture » ; sens 1, 1680, Richelet ; sens 2,
1740, Acad. ; sens 3, 1865, Littré ; sens 4,
1832, Raymond). 1. Au XVIIe s., morceau
de papier en forme de pointe et qui servait
à cacheter les lettres. ‖ 2. Vx. Petit bâton
d’ivoire ou d’os que l’on mettait dans les
trous du trictrac pour marquer les trous
que l’on avait gagnés. ‖ 3. Vx. Petite fiche
que l’on insérait à moitié dans les volumes
d’une bibliothèque et qui portait le numéro
du volume. ‖ 4. Pointe crochue des dents
des cardes.

fichier [fiʃje] n. m. (de fiche 1 ; 1922,


Larousse, aux sens 1-2). 1. Collection de
fiches se rapportant à un même sujet,
classées dans un ordre donné : Dicter
devant l’enregistreur automatique, classer
les fichiers (Margueritte). ‖ 2. Boîte ou
meuble où l’on classe des fiches : Sur le
bureau, annuaires, Bottin, téléphone, un
fichier (Pagnol).

• SYN. : 2 classeur.

fichiste [fiʃist] n. (de fiche 1 ; milieu du


XXe s.). Personne chargée de la tenue d’un
fichier.

• REM. Le mot est suivi d’un mot indi-


quant l’objet des fiches : Fichiste matières.

fichoir [fiʃwar] n. m. (de ficher 1 ; 1680,


Richelet). Vx. Petit morceau de bois fendu
formant pince, qui servait à fixer du linge
sur une corde tendue.

fichtre ! [fiʃtr] interj. (croisement entre


ficher 2 et foutre ; 1808, d’Hautel). Fam.
Marque l’admiration, la surprise, le mécon-
tentement : Fichtre, je vous réponds bien
que j’ai eu peur, moi ! (Maupassant). Ah !
vous mangez de l’andouillette, vous autres.
Fichtre ! vous vous mettez bien (Duhamel).
& adv. (1872, Larousse). Fam. Marque l’in-
tensité : Sylvie la trouvait tordante, fichtre
pas débrouillarde (Rolland).

fichtrement [fiʃtrəmɑ̃] adv. (de


fichtre ; fin du XIXe s., A. Daudet). Fam.
Extrêmement, tout à fait : C’est fichtrement
sec (Goncourt). Il y a fichtrement longtemps
de cela (Daudet). Voilà qui m’est fichtre-
ment égal (Romains).
• SYN. : bigrement (pop.), bougrement (pop.),
diablement (fam.), drôlement (fam.), fameu-
sement (fam.), formidablement (fam.), ter-
riblement (fam.).

1. fichu, e [fiʃy] adj. (de fiché [part. passé


de ficher 2], d’après foutu ; 1611, Cotgrave,
au sens 3 ; sens 1, 1679, Mme de Sévigné ;
sens 2, 1640, Oudin ; sens 4, av. 1695,
La Fontaine ; sens 5, XXe s. ; sens 6, 1872,
Larousse). 1. Class. et fam. Qui n’est pas
bien fait (placé après le nom) : C’est beau-
coup que de n’avoir pas l’esprit « fichu » ni
de travers et de voir les choses comme elles
sont (Sévigné). ‖ 2. Fam. Qui est fait de
telle ou telle manière, qui est dans tel ou
tel état (avec un adverbe ou une loc. adv.) :
Une robe mal fichue. Un roman bien fichu.
‖ Fam. Être, se sentir mal fichu, être, se
sentir indisposé. ‖ Fam. Être fichu comme
quatre sous, être fichu comme l’as de pique,
avoir une toilette mal ajustée, négligée ;
être mal conçu, mal disposé. ‖ 3. Fam.
Mauvais, détestable, fâcheux (placé avant
le nom) : Parfois, mais pas toujours, je mau-
dis la fichue idée que j’ai eue de venir ici
(Gide). Il sourit de nouveau, fit un effort,
et se mit debout : « Je suis dans un fichu
état, avouez-le ! » (Martin du Gard). Un
fichu travail. Un fichu caractère. Méfiez-
vous de lui, c’est un fichu bonhomme. ‖ Qui
ne fait pas bonne impression : Il avait une
fichue tête depuis quelque temps (Proust).
‖ 4. Fam. Qui est condamné sans espoir,
irrémédiablement perdu ou compromis
(placé après le nom) : Ma bonne [...] émit
à son sujet un pronostic funèbre : « J’ai bien
l’impression que c’est un homme fichu »
(Colette). Après ses deux échecs électoraux,
son avenir politique semble fichu. C’est de
l’argent fichu. ‖ 5. Fam. Important, consi-
dérable : Vous devriez prévoir deux étapes, il
y a une fichue distance entre les deux villes.
‖ 6. Fam. Être fichu de (et l’infinitif), être
en état, en mesure de : Je ne suis plus fichu
de prononcer vingt paroles jusqu’à l’arrivée
(Maupassant) ; être capable, bien capable
de : Il est fichu de sortir blanchi d’un pareil
scandale.

• SYN. : 2 bâti, ficelé (fam.), torché (pop.) ; 3


foutu (pop.), malencontreux, malheureux,
maudit, pitoyable, sale (fam.) ; 4 cuit (très
fam.), flambé (fam.), frit (très fam.) ; 5 beau,
énorme, fameux (fam.).

2. fichu [fiʃy] n. m. (emploi substantivé


du précéd., probablem. au sens de « mis à
la hâte » ; 1669, Molière). Pointe d’étoffe
souple (soie, laine) ou de dentelle, dont
les femmes s’entourent le cou, les épaules,
ou se couvrent la tête : Elle n’avait point
de fichu, on voyait sur ses épaules nues de
petites gouttes de sueur (Flaubert). Une
toute jeune fille, longue et blonde sous un
ample fichu de mousseline et cette haute
coiffure d’Arles, cette pointe qui fait la tête
élégante et petite, penchait un profil de
camée (Daudet).

• SYN. : écharpe, châle, fanchon, foulard,


pointe.

fichûment [fiʃymɑ̃] adv. (de fichu 1 ;


1701, Furetière). Fam. Extrêmement : Elles
sortent fichûment tard !

1. fichure [fiʃyr] n. f. (de ficher 1 ; fin du


XIVe s., Gay). Autref. Bossette, tête de clou.

2. fichure [fiʃyr] n. f. (provenç. fichouiro,


même sens, anc. provenç. fichoira [début du
XIVe s.], dér. de fitz, fixe, lat. fictus, var. de
fixus, part. passé de figere, attacher, fixer ;
août 1681, Ordonnance royale). Vx. Trident
pour la pêche.

ficoïde [fikɔid] n. f. (de fico-, élément


tiré du lat. ficus, figuier, figue, et de -ide,
gr. eidos, forme, apparence ; 1747, James).
Genre de plantes grasses dont quelques
espèces portent un fruit semblable à la
figue.

fictif, ive [fiktif, -iv] adj. (de fic-t[ion] ; fin


du XVe s., G. Tardif, au sens de « trompeur,
fallacieux » ; sens 1, 1762, Acad. ; sens 2, av.
1896, Verlaine ; sens 3, 1731, Voltaire ; sens
4, v. 1770, J.-J. Rousseau). 1. Qui est créé par
l’esprit, par l’imagination ; qui n’est pas
réel : L’auteur, le personnage non fictif du
récit, est mort (Sainte-Beuve). Je me résumai
d’abord dans un livre qui parut sous un
nom fictif (Fromentin). ‖ 2. Qui n’est pas ce
qu’il prétend être ou ce que son apparence
laisse supposer : Et si je vous trouvais par
hasard bête et laid, | Fier conquérant fictif,
grand vainqueur en peinture ? (Verlaine).
‖ Dividendes fictifs, dividendes qui ne
correspondent pas à des bénéfices réels,
mais sont distribués aux dépens du capital.
‖ 3. Qui n’existe que par convention ou par
supposition : Les billets de banque n’ont
qu’une valeur fictive. Actif, passif fictif d’un
bilan. ‖ 4. Qui s’appuie sur une fiction : Il
n’y a point de puissance capable de fonder
l’ordre sur la seule contrainte des corps par
les corps. Il y faut des forces fictives (Valéry).
• SYN. : 1 emprunté, faux, imaginaire,
inventé, irréel, romanesque ; 2 factice,
illusoire, mensonger, trompeur ; 3 conven-
tionnel, extrinsèque. — CONTR. : 1 réel, vrai ;
3 effectif, intrinsèque.

& fictif n. m. (1883, Renan). Ce qui appar-


tient à la fiction, à l’imaginaire : Glissant
avec art entre le réel et le fictif (Renan).

fiction [fiksjɔ̃] n. f. (lat. fictio, action de


façonner, formation, création, action de
feindre, supposition, hypothèse, de fictum,
supin de fingere [v. FEINDRE] ; XIIIe s., Littré,
au sens 1 ; sens 2 et 4, v. 1361, Oresme ;
sens 3, début du XVIIIe s. ; sens 5, 1748,
Montesquieu [de fiction ; fiction de droit,
1690, Furetière ; fiction légale, 1835, Acad.]).
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Mensonge,
feinte, dissimulation : Oui, toujours incré-
dule, | Croyez que je vous mens et que je dis-
simule. | Mais le ciel voit mon coeur exempt
de fiction (Rotrou). ‖ 2. Création, invention
de choses imaginaires : La poésie épique [...]
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1894

| Se soutient par la fable et vit de fiction


(Boileau). ‖ 3. Le domaine de l’imaginaire,
de l’irréel : Quelques-uns de ces bijoux
qu’une comédienne emporte, authentiques,
au sein de la fiction (Colette). ‖ 4. Ce que
crée l’imagination, consciemment ou non :
Le fait vient trop souvent démentir la fic-
tion à laquelle on voudrait croire (Balzac).
Toutes les fictions de mes rêves portaient
votre ressemblance (Musset). M. de Charlus
avait l’habitude, quand une fiction pouvait
lui causer un plaisir sensuel momentané, d’y
donner son adhésion, quitte à la retirer tout
entière quelques instants après, quand le
plaisir serait épuisé (Proust). ‖ Spécialem.
Tout ce qui, dans le domaine littéraire ou
artistique, est pure création de l’esprit :
Ce drame n’est ni une fiction ni un roman
(Balzac). ‖ Science-fiction, v. à son ordre
alphab. ‖ 5. Existence, réalité qui résulte de
l’accord des volontés, et non des faits : Cette
ville [Alger] n’était au surplus leur capitale
et leur citadelle que par fiction (Fromentin).
‖ Vx. De fiction, de convention : L’or et
l’argent sont une richesse de fiction ou de
signe (Montesquieu). ‖ Fiction légale ou de
droit, procédé de technique juridique par
lequel on suppose l’existence d’un fait non
réel pour en faire le fondement d’un droit.
• SYN. : 4 invention, rêve, songe ; 5 conven-
tion. — CONTR. : 2 réalité ; 3 vérité.

fictivement [fiktivmɑ̃] adv. (de fictif ;


v. 1460, G. Chastellain). D’une manière
fictive ; par l’imagination, par la pensée :
Se transporter fictivement dans une période
révolue.

ficus [fikys] n. m. (mot lat. signif. « figuier,


figue » ; milieu du XIXe s.). Nom scientifique
du figuier. ‖ Spécialem. Figuier ornemen-
tal : Un ficus montrait ses grandes feuilles
vernies (Goncourt).

fidéicommis [fideikɔmi] n. m. (lat. jurid.


fideicommissum, fidéicommis, de fides,
fidei, foi, confiance, et du neutre de com-
missus, part. passé de committere, assem-
bler, commettre, confier [v. COMMETTRE] :
proprem. « [ce] qui est confié de bonne foi
à quelqu’un » ; XIIIe s., Godefroy, aux sens
1-2). 1. Disposition par laquelle une per-
sonne transmet un bien à une autre (le
fiduciaire) en la chargeant secrètement ou
expressément de le restituer à une troisième
personne (le fidéicommissaire) : Aurez-vous
recours à quelque fidéicommis : si la per-
sonne en qui vous mettez votre confiance
vous trompe... (Balzac). ‖ 2. La chose trans-
mise en vertu de cette disposition.

fidéicommissaire [fideikɔmisɛr] adj.


(bas lat. fideicommissarius, de fidéicommis,
confié par fidéicommis, et, comme n. m.,
« héritier fiduciaire », de fideicommissum
[v. l’art. précéd.] ; XIIIe s., Godefroy, au sens
1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Vx. Donné
en vertu d’un fidéicommis. ‖ 2. Vx. Qui
bénéficie d’un fidéicommis.

& n. m. (1690, Furetière). Bénéficiaire


réel d’une libéralité remise à un autre par
fidéicommis.

fidéisme [fideism] n. m. (dér. savant du


lat. fides, fidei, foi, confiance, de fidere,
se fier, avoir confiance ; début du XIXe s.).
Doctrine théologique qui donne la préé-
minence à la foi sur la raison : Le fidéisme
de M. de Lamennais (Renan).

fidéiste [fideist] adj. et n. (de fidéisme ;


1842, Mozin). Qui professe le fidéisme.

& adj. (XXe s.). Qui concerne le fidéisme.

fidéjusseur [fideʒysoer] n. m. (bas lat.


fidejussor, garant, de fidejussum, supin du
bas lat. fidejubere, se porter garant, du lat.
class. fides, fidei, foi, confiance, et jubere,
ordonner ; milieu du XIVe s.). Celui qui se
constituait caution dans la forme de la
fidéjussion.

fidéjussion [fideʒysjɔ̃] n. f. (bas lat. fide-


jussio, garantie, de fidejussum [v. l’art. pré-
céd.] ; fin du XVIe s., Dict. général). En droit
romain, une des formes de cautionnement.

fidéjussoire [fideʒyswar] adj. (bas lat.


fidejussorius, de caution, de garantie,
de fidejussum [v. FIDÉJUSSEUR] ; XVIe s.,
Coutumier général). Relatif à la fidéjus-
sion : Engagement fidéjussoire.

fidèle [fidɛl] adj. (lat. fidelis, en qui on peut


avoir confiance, sûr, loyal, ferme, durable,
fort, et, comme n. m., « ami intime », de
fides, fidei, foi, confiance, dér. de fidere,
avoir confiance ; 1533, Sainéan, Langue
de Rabelais, au sens I, 1 [fidèle a remplacé
les formes plus pop. fidel, fedeil, feeil, Xe-
XIIIe s.] ; sens I, 2 et II, 5, 1690, Furetière ;
sens I, 3, 1671, Pomey ; sens I, 4, 1667,
Racine ; sens I, 5, av. 1848, Chateaubriand ;
sens I, 6, 1670, Bossuet ; sens I, 7, 1541,
Calvin ; sens II, 1, 1644, Corneille ; sens
II, 2, milieu du XVIIe s. ; sens II, 3, début du
XVIIe s., Malherbe ; sens II, 4, 1661, Molière
[présage fidèle, 1664, Corneille] ; sens II,
6, XXe s.).

I. AVEC UN NOM DE PERSONNE OU D’ANI-


MAL. 1. En qui l’on peut avoir confiance,
qui ne manque pas à celui envers qui il
s’est engagé : Qu’il est peu de sujets fidèles
à leurs maîtres ! (Corneille). Hobbes, si fi-
dèle à son infortuné monarque Charles Ier
(Voltaire). Je le trouvai fidèle et assez dé-
sintéressé pour un Turc (Chateaubriand).
‖ 2. Qui respecte ce à quoi il s’est engagé :
Fidèle à sa parole. Fidèle à ma promesse
[...], je partis (Gide). ‖ Class. Fidèle à
(suivi d’un infinitif), qui ne manque pas
de faire ce qu’il a promis : On veut qu’ils
aient été tous également fidèles à garder
ce secret (Fontenelle). ‖ 3. Class. et ab-
sol. Qui ne commet pas d’indélicatesse,
probe, honnête : Quoi ! l’avez-vous sur-
prise [la servante Martine] à n’être pas
fidèle ? (Molière). ‖ 4. Qui est constant
dans ses attachements, dans ses affec-
tions : Lorsque je suis venue, j’avais juré

de vous être fidèle (Musset). Je suis fidèle


comme un dogue | Au maître le lierre au
tronc | Et les Cosaques Zaporogues [...] |
Aux steppes et au décalogue (Apollinaire).
Le chien se pique d’être [...] fidèle à son
maître (La Fontaine). Dès que sur l’esca-
lier mon pas retentissait, | Le fidèle ani-
mal à mon bruit s’élançait (Lamartine) ;
et par extens. : Il cherche un coeur fidèle,
ami de ses douleurs (Hugo). ‖ Spécialem.
Qui respecte la foi conjugale : Mari fidèle,
femme fidèle. Dans Ithaque l’attend une
Pénélope fidèle (Gide). ‖ 5. Qui ne varie
pas dans ses opinions, dont les actions,
la conduite ne s’écartent pas d’un certain
idéal : Être fidèle à ses principes, à son
passé. Rester fidèle aux idées politiques
de sa jeunesse ; et par extens. : Fidèle à sa
double destinée, l’île des Phéaciens conti-
nua d’être sous les Romains le théâtre de
la gloire et du malheur (Chateaubriand).
‖ 6. Qui montre un souci de vérité,
d’exactitude dans ses travaux, ses écrits :
Un historien fidèle. Un mémorialiste qui
est un fidèle témoin de son temps. C’est
l’un des plus fidèles traducteurs des écri-
vains anglo-saxons. ‖ 7. Class. Qui a la
foi, la vraie foi ; qui appartient à l’Église :
Le peuple fidèle a presque toujours été [...]
faible, opprimé, persécuté (Massillon).

II. AVEC UN NOM DE CHOSE. 1. Class.


Qui ne fait pas défaut, dont l’effet ne se
dément pas : Ma haine est trop fidèle et
m’a trop bien servie (Corneille). ‖ 2. Qui
dénote un attachement constant : Une
amitié fidèle. ‖ 3. Qui est conforme à un
modèle, à la réalité : Copie, reproduction
fidèle. ‖ Qui est conforme à la vérité, à
l’exactitude : Description, récit, narra-
tion fidèle. Traduction fidèle. Songe qu’il
y a des gens qui tiendront note fidèle
de tes moindres objections (Stendhal).
‖ 4. Class. Qui est l’expression de la
vérité, authentique, certain : Là je vous
ferai voir une preuve fidèle | De l’infi-
délité du coeur de votre belle (Molière).
‖ Class. Présage fidèle, présage auquel
l’événement a répondu : Ô d’un trouble
inconnu présage trop fidèle ! (Corneille).
‖ 5. Mémoire fidèle, mémoire qui retient
bien et avec exactitude. ‖ Souvenir fidèle,
souvenir vif et durable d’un fait. ‖ 6. Se
dit d’un instrument de mesure (balance,
thermomètre, etc.) dont les indications
sont comparables à elles-mêmes.

• SYN. : I, 1 dévoué, loyal ; 2 attentif, res-


pectueux ; 5 attaché ; 6 scrupuleux. ‖ II, 2
durable, sincère, solide, sûr, véritable, vrai ;
conforme, correct, exact. — CONTR. : I, 1
déloyal, félon, fourbe, perfide, traître ; 2
parjure ; 4 infidèle ; adultère, léger, volage ; 5
changeant, fluctuant, inconstant, versatile ;
6 fantaisiste. ‖ II, 2 fragile, fugitif ; erroné,
incorrect, inexact, suspect ; 6 faux.
& n. m. (sens 1, 1080, Chanson de Roland
[écrit fedeil, v. ci-dessus ; fidèle, XVIe s.] ;
sens 2, v. 980, Passion du Christ [écrit fidel ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1895

fideil, v. 1050, Vie de saint Alexis ; fidèle,


XVIe s.]). 1. Celui qui, depuis longtemps, est
reçu en ami dans une maison, un cercle,
une société : Si un « fidèle » avait un ami
[...] qui serait capable de le faire « lâcher »
quelquefois, les Verdurin [...] disaient :
« Eh bien ! amenez-le votre ami. » [...] Le
« nouveau » devenait à son tour un fidèle
(Proust). ‖ 2. Celui qui pratique une
religion : Je n’entends plus [...] que le cla-
quement des babouches et les murmures
des fidèles qui se rendent aux mosquées
(Tharaud). ‖ Spécialem. Celui qui pratique
la religion chrétienne : Les premiers fidèles,
instruits de cette grande vertu, mettaient
en commun quelques deniers pour secourir
les nécessiteux (Chateaubriand).

• SYN. : 2 croyant.

fidèlement [fidɛlmɑ̃] adv. (de fidèle


[v. ce mot] ; 1539, R. Estienne, au sens 1
[fidèlement a remplacé la forme plus pop.
feelment, XIIIe s.] ; sens 2, 1756, Voltaire ;
sens 3, début du XVIIe s., Malherbe). 1. Avec
constance, ponctualité : Il continuait,
depuis qu’il était orphelin, à venir très
fidèlement nous voir (Proust). ‖ 2. Avec
exactitude : Pourquoi l’historien qui
suit fidèlement les moindres détails du
récit qu’on lui a fait serait-il coupable ?
(Stendhal). ‖ 3. Class. Avec sincérité :
Faites comparaison du visage d’un riche
et d’un pauvre, vous trouverez que le
pauvre rit plus souvent et plus fidèlement
(Malherbe).

• SYN. : 1 ponctuellement, régulièrement ;


2 exactement, scrupuleusement.

fidélité [fidelite] n. f. (lat. fidelitas, fidé-


lité, constance, de fidelis [v. FIDÈLE ; fidélité
a remplacé la forme plus pop. feelté, v. 1155,
Wace] ; fin du XIIIe s., au sens I, 1 ; sens I,
2, 1691, Mme de Main-tenon ; sens I, 3, av.
1678, La Rochefoucauld ; sens I, 4, 1872,
Larousse ; sens I, 5, 1641, Descartes ; sens
II, 1, 1690, Furetière ; sens II, 2, début du
XXe s. ; sens II, 3, milieu du XXe s.).
I. EN PARLANT DES ÊTRES ANIMÉS.
1. Qualité de la personne qui remplit
ses engagements envers autrui, qui ne
manque pas à ses promesses : Leur prin-
cipale vertu [aux bohémiens] est le patrio-
tisme, si l’on peut ainsi appeler la fidélité
qu’ils observent dans leurs relations avec
les individus de même origine qu’eux, leur
empressement à s’entraider, le secret in-
violable qu’ils se gardent dans les affaires
compromettantes (Mérimée). La fidélité
aux serments, à la parole donnée. ‖ Spé-
cialem. Dans le langage biblique, loyauté
réciproque des rapports entre Dieu et
les hommes. ‖ 2. Class. et absol. Qualité
d’un serviteur honnête, qui ne détourne
rien à son profit : Vous savez que j’ai voulu
que les coffres fussent ouverts et qu’il ré-
gnât une fidélité dans la maison qui n’eût
besoin d’aucune précaution (Maintenon).
‖ 3. Qualité de la personne ou de l’ani-

mal dont l’attachement ne se dément pas :


La fidélité d’un ami. La fidélité du chien.
‖ Spécialem. Qualité de celui ou de celle
qui se montre loyal dans les relations
conjugales ou sentimentales : Fidélité
conjugale. Il adressa aux nouveaux époux
une allocution chrétienne. Il parla de la
fidélité, longuement, en termes nouveaux
(Maupassant). ‖ 4. Qualité de la per-
sonne qui reste fidèle à elle-même, à ses
principes, à son idéal : Nous manquons
seulement de la fierté de l’homme qui est
fidélité à ses limites, amour clairvoyant
de sa condition (Camus). La fidélité d’un
homme politique à son parti. ‖ 5. Qualité
de la personne qui rapporte exactement
la vérité : Fidélité d’un historien. Telles ont
été les erreurs et les fautes de ma jeunesse ;
j’en ai narré l’histoire avec une fidélité
dont mon coeur est content (Rousseau).

II. EN PARLANT DES CHOSES. 1. Qua-


lité de ce qui est conforme à la réalité, à
la vérité, à l’exactitude : La fidélité d’un
portrait. La fidélité d’un récit, d’un té-
moignage. La fidélité d’une traduction.
‖ Fidélité de la mémoire, exactitude et
précision du souvenir. ‖ 2. Qualité d’un
instrument de mesure qui donne des
indications identiques lorsqu’il est placé
dans les mêmes conditions d’utilisation.
‖ 3. Aptitude d’un récepteur de radio, de
télévision à reproduire sans déformation
la modulation du signal « son », du signal
« image ». ‖ Haute fidélité, qualité d’un
ensemble reproducteur de son qui resti-
tue sans altération tous les caractères de
la musique originale. (V. Rem.)

• SYN. : I, 1 loyalisme ; 4 attachement,


constance ; 5 véracité. ‖ II, 1 exactitude,
justesse, vérité. — CONTR. : I, 1 déloyauté,
félonie, fourberie, perfidie, traîtrise ; 3 infi-
délité ; adultère, légèreté ; 4 inconstance,
versatilité ; 5 fantaisie. ‖ II, 1 incorrection,
inexactitude.

• REM. On emploie dans le commerce


l’expression HI-FI (abrév. de la loc. an-
gloaméric. hi[gh] fi[delity], haute fidé-
lité, de l’angl. high, haut, élevé, grand, et
de fidelity, fidélité, exactitude [empr. du
franç. fidélité] ; v. 1956).

fiduciaire [fidysjɛr] adj. (lat. fiducia-


rius, confié [comme un dépôt], provi-
soire, fiduciaire [en droit], de fiducia [v.
FIDUCIE] ; 1596, Hulsius, au sens 1 ; sens
2, 1872, Larousse [titres fiduciaires ; mon-
naie fiduciaire, 1865, Littré ; circulation
fiduciaire, 1890, Dict. général] ; sens 3, av.
1945, P. Valéry). 1. En droit, qui contient
une clause de fiducie : Contrat fiduciaire.
Legs fiduciaire. ‖ 2. Qui est fondé sur
la confiance : Un système fiduciaire ou
conventionnel se développe, qui introduit
entre les hommes des liaisons et des obs-
tacles imaginaires dont les effets sont bien
réels (Valéry). ‖ Spécialem. En économie
politique, se dit des valeurs fictives, fondées
sur la confiance accordée à celui qui les

émet : Titres fiduciaires. ‖ Monnaie fidu-


ciaire, monnaire-papier non convertible.
‖ Circulation fiduciaire, circulation de la
monnaire fiduciaire. ‖ 3. Littér. Qui est
fondé sur la foi, la croyance : On voit des
personnes fort distinguées frapper le bois des
fauteuils et pratiquer des actes conjuratoires
et fiduciaires (Valéry).

& adj. et n. m. (1596, Hulsius). En droit,


qui est chargé d’un fidéicommis ou grevé
de fiducie : Héritier fiduciaire.

fiduciairement [fidysjɛrmɑ̃] adv. (de


fiduciaire ; 1839, Boiste). À titre fiduciaire
(en droit) : Léguer fiduciairement un bien.

fiducie [fidysi] n. f. (lat. fiducia, confiance,


bonne foi, de fidus, à qui/à quoi on peut se
fier, dér. de fidere, avoir confiance ; XVIe s.,
Godefroy, au sens de « confiance » ; sens
actuel, 1732, Trévoux). Opération juridique
qui consiste à transférer un bien à une per-
sonne, à charge pour celle-ci de le rendre
après un temps convenu et à des conditions
déterminées.

fiduciel, elle [fidysjɛl] adj. (var. du


moyen franç. fiducial [1517, J. Bouchet],
dér. savant du lat. fiducia [v. l’art. précéd.] ;
1752, Trévoux, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Se dit, dans certains arts, des lignes ou
des points sur lesquels on se guide pour en
déterminer d’autres. ‖ 2. Pendule fiduciel,
pendule-étalon d’après lequel les horlogers
règlent le mouvement des horloges et des
montres qu’ils fabriquent.

fief [fjɛf] n. m. (lat. carolingien fevum [IXe-


Xe s.], bétail, d’où « bien », d’où « bénéfice
héréditaire » [aussi var. feudum, feodum],
francique *fëhu, bétail ; 1080, Chanson de
Roland, écrit fieu [v. 1131, Couronnement
de Louis, écrit fié ; fief — avec un -f proba-
blem. dû à l’influence du -v- du lat. fevum
—, milieu du XIIe s., Roman de Thèbes], au
sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Dans le
système féodal, terre ou autre bien qu’un
vassal tenait de son seigneur, auquel, en
échange, il prêtait foi et hommage et devait
certains services et redevances : Il avait eu
en héritage de son père le fief du moulin
(Hugo). ‖ 2. Fig. Zone d’influence prépon-
dérante : Un fief électoral.

fieffé, e [fjɛfe] adj. (part. passé de fief-fer ;


v. 1190, Garnier de Pont-SainteMaxence, au
sens 1 ; sens 2, v. 1570, Carloix ; sens 3, 1546,
Rabelais). 1. Vx. Pourvu d’un fief. ‖ 2. Vx.
Donné en fief : Domaine fieffé. ‖ 3. Fig. et
péjor. Accompagné d’un nom injurieux,
indique qu’une personne possède un défaut
ou un vice au suprême degré (placé le plus
souvent avant le nom) : Renzo, un homme
à craindre ! le plus fieffé poltron ! une fem-
melette (Musset). Un fieffé menteur. Un
ivrogne fieffé.

• SYN. : 3 accompli, achevé, consommé,


parfait, sacré (fam.).

fieffer [fjɛfe] v. tr. (de fief ; v. 1138, Gaimar,


aux sens 1-2 ; sens 3, 1336, Godefroy). 1. Vx.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1896

Pourvoir d’un fief. ‖ 2. Vx. Donner un


fief : Fieffer un domaine. ‖ 3. Auj. En
Normandie, acquérir ou vendre contre une
rente perpétuelle ou foncière : Il avait fieffé
la maison du bonhomme Bouët [...], et il
y vivait en solitaire (Barbey d’Aurevilly).

fiel [fjɛl] n. m. (lat. fel, fiel [au pr. et au fig.],


bile, colère ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
au sens 3 ; sens 1, XIIIe s., Littré [aussi « vési-
cule biliaire », fin du XIIIe s., Joinville] ; sens
2, 1629, Mairet ; sens 4, milieu du XVIIIe s.,
Buffon). 1. Liquide de saveur amère, de
couleur verdâtre, qui constitue la sécré-
tion externe du foie chez les animaux :
L’éponge imbibée de fiel dont on l’abreuva
[le Christ] sur la croix (Hugo). ‖ Vésicule
du fiel, vésicule biliaire des animaux et
(vx) de l’homme. ‖ Fiel de boeuf, bile du
boeuf, employée par les dégraisseurs, les
enlumineurs, et en thérapeutique. ‖ 2. Fig.
Sentiment d’amertume qui accompagne
certaines souffrances morales : Je sentis
[...] | Comme un vomissement remonter
vers mes dents | Le long fleuve de fiel des
douleurs anciennes (Baudelaire). ‖ 3. Fig.
Caractère d’amertume d’une haine cachée,
animosité sourde et particulièrement vive :
Lisbeth, qui se méprit au sens de cette excla-
mation, y vit le dédain moqueur de la parve-
nue et sa haine acquit une dose formidable
de fiel (Balzac). Avec leurs beaux grands
yeux d’enfants, sans peur, sans fiel (Hugo).
Je surpris au passage des ricanements, des
regards narquois ou chargés de fiel (Gide).
Pleins de fiel, ils [les étudiants] me flat-
taient sans m’aimer (Mauriac). ‖ 4. Fiel
de verre, écume non vitrifiable qui monte
à la surface du verre en fusion.

• SYN. : 1 amer, bile ; 2 âcreté ; 3 antipathie,


haine, hostilité, malveillance, ressentiment.

fielleux, euse [fjɛlø, -øz] adj. (de fiel ;


1564, J. Thierry, puis 1877, Littré, au sens
de « qui tient du fiel, amer comme du fiel » ;
sens 1, 1877, Littré ; sens 2, début du XXe s.).
1. Fig. Qui éprouve une forte amertume
et est porté à la malveillance, au dénigre-
ment : Un homme fielleux. ‖ 2. Fig. Qui
dénote une sourde animosité, un parti pris
de nuire : Les « Débats » me consacrent
un petit filet fielleux (M. Prévost). Joseph,
d’abord, les avait pris pour des adversaires,
puis il avait appris qu’ils tenaient sur son
compte, à lui Joseph, des propos fielleux
(Duhamel).

• SYN. : 1 haineux, malveillant, méchant ; 2


acerbe, acrimonieux, mordant, venimeux.

— CONTR. : 1 amène, bon, gentil, indulgent ;


2 bienveillant, élogieux, flatteur.

fiente [fjɑ̃t] n. f. (lat. pop. *femita, fiente,


fiente [fjɑ̃t] n. f. (lat. pop. *femita, fiente,
de *femus, altér. [sous l’influence de ster-
cus, excrément, fiente, fumier] du lat. class.
fimus, fumier, boue, fange ; v. 1170, Livre
des Rois). Excréments de certains animaux,
en particulier des oiseaux : Fiente de loup.
Ce plateau était couvert de fientes d’oiseaux
(Hugo).

fienter [fjɑ̃te] v. intr. (de fiente ; 1495,


J. de Vignay). Lâcher ses excréments, en
parlant des animaux : Les dimanches [...],
on les lâchait [les canaris] tous dans ma
chambre ; ils s’ébattaient, fientaient de tous
côtés (Gide).

1. fier, fière [fjɛr] adj. (lat. ferus, non


apprivoisé, non cultivé, sauvage, cruel,
insensible, rigoureux, et, à basse époque,
« audacieux » ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
au sens 1, 2 ; sens I, 1, v. 1190, Garnier
de Pont-Sainte-Maxence [perdrix fière,
cheval fier, 1872, Larousse ; lion fier,
1690, Furetière] ; sens I, 3 et II, 6, XIIe s.,
Roncevaux ; sens I, 4, 1676, Félibien ; sens II,
1, 3 et 5, 1080, Chanson de Roland ; sens II,
2, av. 1854, Nerval ; sens II, 4, 1665, Racine
[touche fière, 1771, Trévoux]).

I. 1. Class. Se dit d’un animal qui a gar-


dé sa sauvagerie naturelle : L’animal le
plus fier qu’enfante la nature | Dans un
autre animal respecte sa figure (Boileau).
‖ Spécialem. Perdrix fière, perdrix qui
ne se laisse pas approcher facilement par
les chasseurs. ‖ Cheval fier, cheval qui se
redresse vivement à la moindre sollicita-
tion. ‖ Lion fier, en héraldique, lion qui
a le poil hérissé. ‖ 2. Class. Se dit d’un
homme cruel, barbare, féroce comme
l’animal : Un fier tyran, un fier ennemi
(Acad., 1694). Son visage, où la mort a ré-
pandu ses traits, | Demeure plus terrible et
plus fier que jamais (Racine). ‖ 3. Class.
Se dit de ce qui est violent, impétueux,
terrible : Ces crimes entassés élèvent sur
ma tête | Des eaux de ta colère un fier
débordement (Corneille) ; et par extens. :
[Dieu] Brisa les fiers remparts et les portes
d’airain (Racine). ‖ 4. Se dit du marbre et
de la pierre qui sont difficiles à tailler à
cause de leur dureté.

II. 1. Qui s’estime supérieur aux autres


et qui le marque par une attitude hau-
taine, méprisante : Certaine fille un peu
trop fière | Prétendait trouver un mari
(La Fontaine). Nul, comte, marquis, duc,
prince ou principicule [...], | Ne fut maître
si fier que le Malatesta (Heredia). ‖ Être
fier, afficher généralement du mépris
pour autrui : Il accusa le père Rouault
d’être fier (Flaubert). ‖ Ne pas être fier,
être habituellement simple dans son atti-
tude, dans son accueil (parfois ironiq.) :
Il n’était pas fier dans les premiers temps
[...], quand il quémandait des poignées
de main républicaines (Barrès). ‖ 2. Qui
est content de soi, de sa situation ou de
ses avantages, et le montre ouvertement :
Comme je vais être fière au bras d’un
arquebusier ! (Nerval). ‖ Fier comme
Artaban, qui manifeste un orgueil, une
vanité ridicule (du nom du héros d’un
roman de La Calprenède) : Je l’avais vue
qui passait [...] en calèche, fière comme
Artaban (Proust). ‖ 3. Qui a des sen-
timents nobles, élevés, le souci de sa
dignité, de son honneur : Il est trop fier

pour accepter une aide. Les nuances sont


si délicates qu’ « esprit fier » est un blâme,
« âme fière » est une louange : c’est que par
« esprit fier » on entend un homme qui
pense avantageusement de soi-même, et
par « âme fière » on entend des sentiments
élevés (Voltaire). ‖ 4. Qui dénote un ca-
ractère altier, indépendant : La voix vous
fut connue (et chère ?). | Mais à présent
elle est voilée | Comme une veuve désolée.
| Pourtant comme elle est encore fière !
(Verlaine). Un léger duvet qui faisait une
ombre sur ses lèvres donnait à son visage
une grâce irritante et fière (France). Un
regard fier. Une démarche fière. ‖ Avoir
fière allure, v. ALLURE. ‖ Vx. Touche fière,
en peinture, touche vigoureuse et hardie.
‖ 5. Fier de, qui tire un légitime orgueil,
une vive satisfaction de quelque chose ou
de quelqu’un : Fier de ses origines, de sa
réussite. Fier de ses enfants. Un chef fier de
ses troupes. Nous étions tout fiers de notre
audace (Vigny) ; et péjor. : Il est [...] stupi-
dement fier de son succès (Vercel). ‖ Être
fier de soi, s’enorgueillir de ce qu’on a fait.
‖ Il n’y a pas de quoi être fier, il n’y a pas
lieu de se vanter (se dit à propos d’une
action peu méritoire). ‖ 6. Fam. Consi-
dérable ou remarquable en son genre,
fameux (placé avant le nom) : Il nous don-
nait de fières taloches quand sa grosse in-
telligence s’apercevait enfin que nous nous
moquions de lui (Stendhal). Cela aurait
fait une fière brune, à seize ans (Hugo).
Vois-tu celui-là qui ôte son masque ? C’est
Palla Ruccellai. Un fier luron (Musset). Il
a un fier toupet de nous faire une pareille
demande ! ‖ Devoir une fière chandelle à
quelqu’un, v. CHANDELLE.

• SYN. : II, 1 arrogant, dédaigneux, distant,


outrecuidant, prétentieux, rogue (fam.), suf-
fisant ; 2 avantageux, faraud (fam.), fat,
fiérot, glorieux ; 3 digne, noble ; 4 altier,
crâne, majestueux, superbe ; 5 comblé,
content, heureux, satisfait. — CONTR. : II,
1 effacé, humble, modeste, simple, timide ;
affable, amène, bienveillant ; 2 confus, gêné,
penaud, vexé ; abject, ignoble, infâme ; 4
avili, commun, vil, vulgaire ; 5 honteux,
mécontent.

& n. (1692, Dancourt). Faire le fier, la fière,


afficher du mépris, de la suffisance, dans
une circonstance définie ; montrer une
assurance qu’on n’a pas réellement.

& fier n. m. (sens 1, 1666, Molière ; sens


2, av. 1709, Regnard). 1. Class. Se tenir sur
le (son) fier, garder une attitude hautaine,
distante : M. le Prince se mit à recher-
cher Rose, qui se tint longtemps sur son
fier (Saint-Simon). ‖ 2. Class. Fierté : J’ai
beau m’armer de fier, je vois de toutes parts |
Mille coeurs amoureux suivre mes étendarts
(Regnard).

2. fier [fje] v. tr. (lat. pop. *fidare, confier,


de fidus, à qui/à quoi on peut se fier, fidèle,
sûr, dér. de fidere, avoir confiance ; XIIe s.,
Roncevaux). Class. (déjà vx au XVIIe s.).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1897

Confier à quelqu’un, commettre à sa bonne


foi : Ciel ! à qui voulez-vous désormais que
je fie | Les secrets de mon âme et le soin de
ma vie ? (Corneille).

& se fier v. pr. (1080, Chanson de Roland


[... en ; ... à, 1316, Maillart ; ... de, v. 1360,
Froissart ; ... sur, 1668, Racine ; ... dans,
début du XXe s. ; s’en fier à, 1651, Corneille ;
fiez-vous-y, 1690, Furetière ; il ne s’y fie
pas, XXe s.]). Se fier à quelqu’un, à quelque
chose, mettre sa confiance en quelqu’un, en
quelque chose : Il y a deux moyens d’être
sûr de soi : le premier, qui est d’école, est
de se fier à soi ; l’autre, qui est d’atelier,
est de ne jamais se fier à soi (Alain). Ce
sont des personnages importants qui ne se
fieraient pas au premier venu (Romains).
Ne pas se fier à sa mémoire. ‖ Class. et lit-
tér. Se fier sur, en, dans, de, même sens :
Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera
(Racine). J’ai passé outre, me fiant sur ma
raison (Nerval). M. de Trévaly me répond
tous les jours de votre capacité et fidélité :
c’est pourquoi je me veux fier en vous entiè-
rement (Sévigné). Ils se fieront en mon
autorité sans appel (Hermant). Je ne me fie
dans aucune disposition formelle des pro-
grammes (Barrès). ‖ Littér. S’en fier à, s’en
remettre, s’en rapporter à : Razetta, je m’en
fie à votre coeur (Musset). ‖ Fiez-vous-y,
comptez là-dessus ; ironiq., n’y comptez
pas. ‖ Il ne s’y fie pas, il ne s’y risque pas.
• SYN. : compter sur, en croire, s’en remettre
à, se référer à, se reposer sur, tabler sur
(fam.). — CONTR. : se défier, se garder de,
se méfier, suspecter.

fier-à-bras [fjɛrabra] n. m. (de Fierabras,


n. d’un géant sarrasin des chansons de geste
[XIIe-XIIIe s.], d’origine obscure [peut-être
dér. de fier, adj., v. ce mot] ; XIVe s., Girart
de Roussillon). Littér. Celui qui affiche une
bravoure ou de hautes qualités qu’il n’a
pas : Pour noble, on l’est d’abord qu’on fait
le fier-à-bras (Th. Corneille). Des Richepin,
des Lavedan, des Barrès et autres fiers-à-
bras d’Académie (Romains).

• Pl. des FIER-À-BRAS ou des FIERS-À-BRAS.

fièrement [fjɛrmɑ̃] adv. (de fier, adj. ;


1080, Chanson de Roland, au sens 1 ; sens
2, v. 1170, Livre des Rois ; sens 3, av. 1854,
Nerval ; sens 4, 1733, Voltaire ; sens 5, v.
1265, Br. Latini). 1. Class. Avec hauteur,
avec arrogance : Rien n’est plus indécent et
plus insensé que de décider fièrement sur
ce que l’on ignore (Massillon). ‖ 2. Avec
courage et dignité : Refuser fièrement un
secours. ‖ 3. Avec un sentiment d’orgueil,
de satisfaction : Eustache se retourna fiè-
rement vers sa femme (Nerval). ‖ 4. Vx.
Avec hardiesse, vigueur (en matière d’art
ou de littérature) : Le Brun fièrement dessi-
nait (Voltaire). Un ouvrage fièrement écrit.
‖ 5. Fam. Beaucoup, extrêment : Il faut
une fièrement jolie femme pour un si beau
bouquet (Hugo).

• SYN. : 2 courageusement, crânement,


dignement ; 5 bigrement (fam.), diablement

(fam.), drôlement (fam.), fameusement, fort,


furieusement (fam.).

fiérot, ote [fjero, -ɔt] adj. et n. (de fier,


adj. ; XVIe s., puis 1808, d’Hautel). Qui est
content de soi et qui le montre d’une façon
un peu ridicule : Ça sera une fiérote et une
originale comme son père (Daudet). Fiérote,
ma petite amie se rengorgea (Dorgelès). Il
était content et fiérot comme un chien qui
se promène avec une pomme de pin dans
la gueule (Montherlant). ‖ Faire le fiérot,
montrer une assurance, une gaieté feinte :
Certains faisaient les fiérots : ils étaient en
petit nombre (Duhamel).

• SYN. : faraud (fam.), fat, glorieux.

fierté [fjɛrte] n. f. (de fier, adj., d’après le


lat. feritas, barbarie, cruauté, dér. de ferus
[v. FIER, adj.] ; 1080, Chanson de Roland,
au sens I, 2 ; sens I, 1, v. 1355, Bersuire ;
sens II, 1, XIIe s., Roncevaux ; sens II, 2,
1651, Corneille ; sens II, 3, 1667, Racine ;
sens II, 4, 1690, Racine ; sens II, 5, 1662,
Corneille ; sens II, 6, 1669, Molière ; sens
II, 7, 1835, Acad.).

I. 1. Class. Caractère propre de la bête


sauvage ; caractère cruel, implacable,
férocité de certains hommes : Les lions
apprivoisés perdent leur fierté naturelle
(Acad., 1694). Il avait été nourri [...] dans
une fierté brutale : il comptait pour rien
les hommes. C’était un monstre, et non
pas un roi (Fénelon). ‖ 2. Class. Carac-
tère fougueux, intrépide des animaux et
des hommes : Le cheval d’Antiope, mal-
gré sa fierté, frémit et recule (Fénelon). Sa
fierté l’abandonne, il tremble, il cède, il
fuit (Boileau).

II. 1. Sentiment d’une personne convain-


cue de sa supériorité, et qui le marque par
une attitude habituellement hautaine,
méprisante : La gaieté du franc compa-
gnon y tempérait à propos la fierté du
noble (Gautier). ‖ Spécialem. et class.
Attitude distante motivée par les circons-
tances : La Reine était, depuis midi, dans
une fierté qui lui faisait craindre qu’elle
n’eût quelque négociation cachée (Retz).
‖ 2. Indépendance de caractère de celui
qui a un vif sentiment de sa dignité, de
son honneur : Je m’enfuis sans chercher à
voir ma cousine, par fierté (Gide). Il souf-
frait dans sa fierté, dans sa fierté d’homme
fier (Bernanos). ‖ 3. Class. Résistance
d’une femme aux sollicitations galantes :
Contre un amant qui plaît pourquoi tant
de fierté ? (Racine). ‖ 4. Satisfaction légi-
time de soi ; sentiment d’orgueil que l’on
tire de quelque chose : Gilliatt sentit une
fierté de cyclope, maître de l’air, de l’eau
et du feu (Hugo). Une réussite dont on
tire une grande fierté. Sa fierté est d’avoir
refusé tous les honneurs, toutes les dis-
tinctions. ‖ 5. Class. Caractère ambitieux
d’une chose : La perte de Sylla n’est pas ce
que je veux ; | Rome attire encor moins la
fierté de mes voeux (Corneille). ‖ 6. Class.

Effet vigoureux, heurté : La fierté de l’obs-


cur [tranchant] sur la douceur du clair
(Molière). ‖ Fierté de touche, de coloris,
en peinture, fermeté, vigueur d’exécu-
tion. ‖ 7. Force et solidité dans l’aspect
d’un édifice : Le dorique grec a de la fierté
(Littré).

• SYN. : II, 1 arrogance, hauteur, infatua-


tion, morgue, orgueil, suffisance, superbe,
vanité ; 2 réserve ; 4 contentement,
satisfaction.

& fiertés n. f. pl. (sens 1, av. 1213,


Villehardouin ; sens 2, 1672, Molière).
1. Class. Actes qui manifestent du
mépris, du dédain : L’humilité corrigera
[...] vos vaines complaisances et vos fiertés
(Bourdaloue). ‖ 2. Class. Rigueurs d’une
femme à l’égard de celui qui la courtise :
Le bruit de ses fiertés en mon âme fit naître
| Un transport inconnu dont je ne fus point
maître (Molière).

fièvre [fjɛvr] n. f. (lat. febris, fièvre ; v.


1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence, au
sens 3 ; sens 1-2, XIIIe s., Roman de Renart
[fièvre muqueuse, 1872, Larousse ; fièvre
des foins, de Malte, fièvre ondulante, XXe s. ;
fièvre tierce, quarte, v. 1560, Paré ; fièvre
jaune, 1865, Littré] ; sens 4, 1807, Mme de
Staël). 1. État morbide caractérisé par
l’élévation anormale de la température du
corps, associée à l’accélération du rythme
cardiaque et respiratoire, par la diminu-
tion des sécrétions, un malaise général,
de l’agitation et quelquefois du délire :
Un accès de fièvre. La fièvre en mots sans
suite égare sa pensée (Lamartine). Ses yeux
luisaient comme si elle avait eu la fièvre
(Gide). ‖ Spécialem. Élévation anormale
de la température constante du corps :
Avoir de la fièvre, un peu de fièvre. ‖ Fam.
Fièvre de cheval, fièvre extrêmement
forte. ‖ 2. Nom donné à des affections
accompagnées de fièvre : Fièvre typhoïde.
‖ Fièvre aphteuse, v. APHTEUX. ‖ Fièvre
éruptive, v. ÉRUPTIF. ‖ Fièvre des foins,
affection due à une allergie respiratoire,
et qui se manifeste au moment de la flo-
raison des plantes. ‖ Fièvre paludéenne,
syn. de PALUDISME. ‖ Fièvre tierce, fièvre
quarte, fièvres intermittentes, formes du
paludisme dont les accès reviennent tous
les deux jours pour la première, tous les
trois jours pour la seconde. ‖ Fièvre jaune,
maladie des régions équatoriales, due à
une virus filtrant et transmise par divers
moustiques, caractérisée par la colora-
tion jaune de la peau et des vomissements
noirâtres. ‖ Fièvre muqueuse, nom donné
autrefois aux fièvres typhoïdes peu graves.
‖ Fièvre de Malte, ou fièvre ondulante,
maladie infectieuse des pays méditerra-
néens, due à une brucella, et qui serait
transmise à l’homme par les chèvres. (Syn.
BRUCELLOSE.) ‖ 3. Fig. État d’agitation, de
surexcitation, individuel ou collectif : Il
était calme et parlait sans fièvre (Mauriac).
Dans la fièvre du départ, ils ont failli oublier
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1898

une de leurs valises. ‖ Ardeur passionnée :


Préparer avec fièvre un examen. ‖ 4. Fig.
Fièvre de (suivi d’un nom ou d’un infini-
tif), désir ardent, manie de : Une fièvre de
voyages et d’aventures. La fièvre de collec-
tionner, d’écrire.

• SYN. : 1 température (fam.) ; 3 affolement,


exaltation, excitation, fébrilité, fougue, fré-
nésie, nervosité ; 4 amour, folie, passion,
rage, soif.

& fièvres n. f. pl. (1872, Larousse). Les


fièvres, la fièvre paludéenne, ou paludisme :
Avoir les fièvres.

fiévreusement [fjevrøzmɑ̃] adv. (de


fiévreux ; 1872, Larousse, aux sens 1-2).
1. De façon fiévreuse, impatiente ou
inquiète : Il entra dans le couloir, le fouilla
fiévreusement (Huysmans). Nous déchi-
rons fiévreusement chaque matin la bande
du journal (Proust). Attendre fiévreuse-
ment des nouvelles. ‖ 2. Avec une ardeur
intense : Préparer fiévreusement l’oral d’un
examen.

• SYN. : 1 et 2 fébrilement. — CONTR. : 1 et 2


calmement, paisiblement, tranquillement.

fiévreux, euse [fjevrø, -øz] adj. (de


fièvre ; v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-
Maxence, écrit fievros [fiévreux, XVIe s.],
au sens 1 ; sens 2-3, 1580, Montaigne ; sens
4, av. 1662, Pascal). 1. Qui a de la fièvre :
Marius à jeun, fiévreux (Hugo). ‖ Qui est
sujet à des accès de fièvre : Un tempérament
fiévreux. ‖ 2. Qui est caractéristique de
l’état de fièvre : Et les grands yeux fiévreux
dans les faces hachées, | Les pauvres yeux
brûlés, dans un élan plaintif, | Comme des
altérés boivent au ciel pensif (Samain).
‖ 3. Qui provoque la fièvre : Le voisinage
des marécages est fiévreux. ‖ Qui est dû à la
fièvre : Une chaleur fiévreuse. ‖ 4. Fig. Qui
est dans un état de fièvre, de surexcitation :
Je rentrai, je fermai ma porte épouvanté, |
Malade et morfondu, l’esprit fiévreux et
trouble (Baudelaire). Une foule fiévreuse
et bariolée s’y bouscule (Daudet). ‖ Qui
atteint un haut degré d’intensité : Activité
fiévreuse. On n’entendait, sous la musique
fiévreuse, que la cadence mécanique du
régiment en marche (Dorgelès).

• SYN. : 1 fébrile ; 4 agité, exalté, excité, ner-


veux, passionné, surexcité ; endiablé (fam.),
frénétique. — CONTR. : 4 calme, impassible,
imperturbable, indifférent, paisible, serein,
tranquille.

& n. (v. 1190, Garnier de Pont-


SainteMaxence). Malade en proie à la
fièvre : Oh ! si l’on pouvait tenir registre
des rêves d’un fiévreux, que de grandes et
sublimes choses on verrait sortir quelquefois
de son délire ! (Rousseau). Quelle impres-
sion de force donnait alors ce fiévreux !
(Barrès).

fiévrotte [fjevrɔt] n. f. (dimin. de fièvre ;


1673, Molière). Vx et fam. Fièvre bénigne :
Je dédaigne de m’amuser à ce menu fatras

de maladies ordinaires [...], à ces fiévrottes


(Molière).

1. fifi [fifi] n. m. (forme redoublée de fi,


prononc. anc. [et encore dialectale] de fils ;
1877, Littré, aux sens 1-2). 1. Fam. Nom
donné souvent aux petits oiseaux : Vous
avez l’air d’un petit fifi fenouillet. Vous vous
rappelez ? Les petits oiseaux qu’on voit seuls
dans les haies (Bataille). ‖ 2. Fam. Terme
d’amitié.

2. fifi [fifi] n. m. (prononc. pop. de F.F.I.,


initiales de Forces françaises de l’intérieur ;
sept. 1944, G. Esnault). Pop. Au moment
de la libération de Paris, en 1944, nom
donné aux membres des Forces françaises
de l’intérieur.

fifille [fifij] n. f. (de fille, avec réduplication


de la syllabe initiale ; 1833, Balzac). Fam.
Fille, fillette (surtout comme terme d’ami-
tié) : Montre-moi ton or, fifille (Balzac).

fifre [fifr] n. m. (moyen haut allem. pfi-


fer, fifre ; XVe s., Basselin, puis v. 1507,
J. Lemaire de Belges, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XVIe s.). 1. Petite flûte traver-
sière percée de six trous, à son aigu, usitée
dans les musiques militaires, notamment
en France, sous l’Ancien Régime : Tandis
que s’éloignait dans les vignes rhénanes
| Sur un fifre lointain un air de régiment
(Apollinaire). ‖ 2. Celui qui joue de cet
instrument.

fifrelin [fifrəlɛ̃] ou fiferlin [fifɛrlɛ̃] n.


m. (allem. Pfifferling, chanterelle [champi-
gnon], proprem. « chose sans valeur » ; 1821,
G. Esnault, au sens 1 ; sens 2, 1867, Delvau).
1. Fam. et vx. Chose dépourvue de valeur :
Cela ne vaut pas un fifrelin. ‖ 2. Fam. et vx.
Monnaie de valeur infime : J’ai dû donner
en couverture jusqu’à mon dernier fifrelin
(Bernstein).

fifty-fifty [fiftififti] loc. adv. (loc. angl.


[début du XXe s.], signif. proprem. « 50
[pour cent] 50 [pour cent] », réduplication
de fifty, « cinquante » [anglosaxon fiftig,
de fif, cinq, et tig, dix] ; 1936, G. Esnault).
Fam. Moitié-moitié.

figaro [figaro] n. m. (de Figaro, n. du


personnage du barbier dans le Barbier
de Séville, de Beaumarchais [1775] ; 1836,
Landais). Fam. Coiffeur (vieilli) : Bavard
comme un figaro (Musset). L’on aperçoit
dans l’ombre la face blanche de savon d’un
matelot, qu’un maigre figaro tient par le
bout du nez (Goncourt).

figé, e [fiʒe] adj. (part. passé de figer [v.


ce mot] ; XIIe s., écrit fegié [figé, XIIIe s.,
Du Cange], au sens 1 ; sens 2, 1675,
Mme de Sévigné ; sens 3, début du XXe s.).
1. Se dit d’un corps liquide devenu consis-
tant, en particulier d’un corps gras qui
s’est solidifié par le refroidissement : De
la graisse figée. ‖ 2. Se dit d’une personne
(ou de son attitude, de son expression) qui
est dans un état de complète immobilité,

notamment sous l’effet de la surprise, de


l’émotion : Il resta quelques secondes, les
traits figés, en arrêt devant la gravité de la
responsabilité à prendre (Martin du Gard).
Une intensité fixe, semblable à celle d’un
somnambule, donnait seule vie à ce visage
figé (Malraux). ‖ 3. Fig. Qui ne paraît plus
susceptible de changement, immuable :
Nous ne revivons pas nos années dans leur
suite continue jour par jour, mais dans le
souvenir figé, dans la fraîcheur ou l’inso-
lation d’une matinée ou d’un soir (Proust).
Une législation figée. ‖ Spécialem. Se dit
d’un élément d’une langue (terme, locu-
tion, construction) qui a cessé de subir
une évolution (comme l’adj. prime dans
l’expression de prime abord).

figement [fiʒmɑ̃] n. m. (de figer ; 1549,


R. Estienne). Le fait de se figer, de deve-
nir solide, en parlant de certains liquides,
notamment des corps gras : Le froid pro-
voque le figement des graisses. ‖ État de ce
qui est figé ; chose figée : J’ai vu le soleil bas,
taché d’horreurs mystiques, | Illuminant de
longs figements violets (Rimbaud).

figer [fiʒe] v. tr. (lat. pop. *fēticare,


proprem. « prendre l’aspect du foie », de
*fēticum, foie, lat. class. ficatum, foie d’oie
engraissée avec des figues, foie en général,
dér. de ficus, n. f., figue ; XIIe s., Godefroy,
écrit fegier [figer, XIIIe s., Apollonius], au
sens 1 ; sens 2, v. 1225, Godefroy [écrit
figer] ; sens 3, 1858, Th. Gautier). [Conj. 1
b.] 1. Coaguler le sang. ‖ Fig. Figer le sang,
figer le sang dans les veines, produire un
effet de saisissement, un sentiment d’ef-
froi. ‖ 2. Épaissir, solidifier un corps gras
liquide, en parlant du froid : Le brusque
abaissement de la température a figé l’huile
dans la bouteille. ‖ 3. Fig. Immobiliser
quelqu’un dans une attitude fixe, rigide
(surtout sous l’effet de la surprise, de
l’émotion) : L’arrivée du général fige les
soldats au garde-à-vous. Que soient les
humains faits statues, | Les coeurs figés, les
âmes tues (Valéry). ‖ Par extens. Arrêter,
suspendre brusquement une action dans
sa manifestation, son développement : Sa
magnificence [d’Élisabeth] blessait ces filles
peintes et lasses [des mannequins], mais elle
figeait leurs moqueries (Cocteau).

• SYN. : 2 congeler, geler ; 3 clouer, glacer,


pétrifier. — CONTR. : 1 liquéfier ; 2 dégeler.
& v. intr. (sens 1-2, XXe s.) et se figer
v. pr. (sens 1, 1679, Bossuet ; sens 2, 1662,
Molière). 1. En parlant d’un corps gras
liquide, d’une substance plus ou moins
fluide, du sang, prendre de la consistance,
devenir solide : Le beurre fondu fige, se fige
rapidement. Il [le sang] se figeait dessus par
plaques huileuses et filait le long de la nuque
(Flaubert). Le sol est immobile, et le sang de
la Terre, | La lave, en se figeant, lui laissa
le repos (Heredia). ‖ 2. Fig. En parlant du
sang, sembler ne plus pouvoir circuler sous
l’effet d’une émotion violente : Tout le sang
d’Albertus se figea d’épouvante (Gautier).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1899

La Pérouse comprit et sentit aussitôt un


grand froid, comme si le sang figeait dans
ses veines (Gide).

• SYN. : 1 prendre (fam.) ; 2 se glacer.

& se figer v. pr. (début du XXe s.). Fig.


Prendre une attitude d’immobilité, en
parlant des personnes ou d’un organisme
vivant : La ville entière s’est figée dans une
gangue pierreuse (Camus).

fignolage [fiɲɔlaʒ] n. m. (de fignoler ; 8


juill. 1874, Journ. officiel, au sens 2 ; sens
1, 1877, Littré). 1. Action de fignoler : Elle
paracheva le fignolage de l’installation (D.
Amiel). ‖ 2. Spécialem. et péjor. Dans le
domaine artistique ou littéraire, recherche
excessive, soin trop minutieux dans l’exé-
cution : En peinture, comme en poésie, nous
en sommes encore au Parnasse. Du figno-
lage et du truc, et rien de plus (Huysmans).

fignoler [fiɲɔle] v. intr. (de fin, adj. ; 1743,


Trévoux [var. finioler, 1752, Trévoux]).
Raffiner en quelque chose : Moi, c’est mon
principe, je fignole (Achard).

& v. tr. (1872, Larousse). Faire, achever avec


un soin méticuleux : Le docteur Guyard
vint lui-même fignoler le pansement
(Duhamel). ‖ Spécialem. Enjoliver avec
une insistance, un soin parfois excessifs :
Fignoler une statuette d’ivoire (Romains).
• SYN. : parachever, parfaire ; ciseler, lécher
(fam.), limer, perler, polir ; agrémenter, enjo-
liver, enrichir.

fignoleur, euse [fiɲɔloer, -øz] adj. et n.


(de fignoler ; 1845, Bescherelle, au sens de
« fashionable de la campagne » ; sens actuel,
1872, Larousse). Qui fignole, qui raffine :
J’ai [...] fignolé mon ouvrage comme un
maître fignoleur (Giono).

figue [fig] n. f. (anc. provenç. figa, figue,


lat. pop. *fica, issu, sur le modèle des nom-
breux noms de fruits en -a, du lat. class.
ficus, n. f., figuier, figue ; v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure, écrit fie [fige, v. 1170, Livre
des Rois ; figue, XIIIe s.], au sens 1 [figue-
fleur, 1704, Trévoux ; figue d’été, première
figue, 1890, Dict. général ; faire la figue à,
XIIIe s., Barbazan] ; sens 2, milieu du XVIIe s.
[figue de Barbarie ; figue de mer, 1872,
Larousse ; figue, « espèce de coquillage »,
1752, Trévoux]). 1. Fruit comestible du
figuier ordinaire, formé par toute l’inflo-
rescence, qui devient charnue après la
fécondation : Figue fraîche, figue sèche. Il
promit de dévorer en une heure toutes les
figues, toutes les oranges, tous les citrons des
vergers du roi (France). ‖ Figue d’été, figue-
fleur, première figue, figue qui ne mûrit pas
à l’automne, mais qui, arrêtée dans son
développement pendant l’hiver, mûrit
l’été suivant. ‖ Vx ou littér. Faire la figue
à quelqu’un, lui faire un geste de moquerie
en montrant le bout du pouce entre l’index
et le médius ; au fig., se moquer de lui :
Plusieurs se sont trouvés qui, d’écharpe
changeants, | Aux dangers, ainsi qu’elle,
ont souvent fait la figue (La Fontaine).

Faire la figue à celles qui le dédaignaient


la veille (Le Goffic). ‖ 2. Figue de Barbarie,
fruit des opuntias, charnu et sucré, de la
grosseur d’une figue et hérissé de piquants.
‖ Figue de mer, nom donné à une espèce
méditerranéenne d’ascidie, le microcosme,
que l’on consomme crue.

& Mi-figue, mi-raisin loc. adj. (XXe s. [moi-


tié figue, moitié raisin, fin du XVe s.]). Fam.
Qui a un caractère ambigu, qui n’est ni
tout à fait bon ou agréable, ni tout à fait
le contraire : Faire à quelqu’un un accueil
mi-figue, mi-raisin. Plaisanter d’un air mi-
figue, mi-raisin.

figuerie [figri] n. f. (de figuier ; XIIIe s.,


Dict. général). Lieu planté de figuiers.

figuier [figje] n. m. (de figue [v. ce mot] ; v.


1120, Psautier d’Oxford, écrit fier [figier, v.
1170, Floire et Blancheflor ; figuier, 1600, O.
de Serres], au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière
[figuier d’Inde ; figuier de Barbarie, 1872,
Larousse]). 1. Arbre des pays chauds, de
la famille des moracées, dont le fruit est
la figue : Zaghouan, je revois tes figuiers
et tes lauriers-roses (Gide). ‖ Figuier élas-
tique, espèce de figuier qui peut four-
nir un caoutchouc. ‖ Figuier banian, v.
BANIAN. ‖ 2. Figuier de Barbarie, ou figuier
d’Inde, nom usuel de l’opuntia : Rien que
des plantes exotiques [...], des cactus, des
figuiers de Barbarie, à se croire en pleine
Afrique centrale (Daudet).

figulin, e [figylɛ̃, -in] adj. (lat. fig[u]linus,


de terre, de potier, de figulus, potier, tuilier,
briquetier, dér. de fingere, façonner [v.
FEINDRE] ; 1845, Bescherelle). Qui est relatif
aux potiers, à la poterie : Signes figulins.
‖ Spécialem. Se dit des terres propres à la
fabrication de la poterie : Argile figuline.
figuline [figylin] n. f. (lat. fig[u]lina, art du
potier, fém. substantivé de l’adj. fig[u]linus
[v. l’art. précéd.] ; fin du XVIe s., Palissy [rus-
tiques figulines ; « poterie », 1865, Littré]).
Poterie. ‖ Spécialem. Les rustiques figu-
lines, Poteries émaillées dues à Bernard
Palissy, offrant des figures d’animaux et
de fruits en relief.

figurant, e [figyrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de figurer ; av. 1662, Pascal). En termes de
théologie, qui représente quelque chose
sous une forme symbolique.

• SYN. : figuratif.

& n. (1740, Acad., au sens de « danseur ou


danseuse qui figure aux ballets dans les
corps d’entrée » ; sens 1, 1800, Boiste ; sens
2, 1907, Larousse). 1. Acteur, actrice qui, au
théâtre, au cinéma, a un rôle accessoire,
généralement muet : Une buvette où les
figurants descendaient boire pendant les
entractes (Zola). ‖ 2. Personne qui, dans
une affaire, une entreprise, une négocia-
tion, etc., ne joue pas un rôle actif, se bor-
nant à être présente.

• SYN. : 1 et 2 comparse.

figuratif, ive [figyratif, -iv] adj. (bas lat.


figurativus, qui peut être employé au sens
figuré, symbolique, de figuratum, supin de
figurare [v. FIGURER] ; fin du XIIe s., Tobler-
Lommatzsch, au sens 2 ; sens 1, 1762, Acad.
[écriture figurative, 1840, Acad. ; poésie
figurative, 1872, Larousse ; art figuratif,
peinture figurative, milieu du XXe s.]). 1. Qui
représente la forme réelle des choses, par
opposition à la représentation sous forme
de plan ou à l’aide de signes de conven-
tion : Carte figurative, plan, dessin figuratif.
‖ Écriture figurative, écriture qui, au lieu
de représenter par des lettres les sons for-
mant les mots, imite la forme des objets
désignés par ces mots. ‖ Poésie figurative,
pièce de vers figurant un objet matériel par
la disposition des vers de longueur iné-
gale. ‖ Spécialem. Art figuratif, peinture
figurative, art, peinture qui s’attachent à
représenter la réalité telle qu’elle se présente
dans la nature (par opposition à art abs-
trait, peinture abstraite). ‖ 2. Se dit de ce
qui représente par symbole : Pour montrer
que l’Ancien Testament n’est que figuratif
(Pascal).

& figuratif n. m. (milieu du XXe s.). Peintre,


sculpteur qui pratique l’art figuratif.
figuration [figyrasjɔ̃] n. f. (lat. figura-
tio, configuration, forme, imagination,
de figuratum, supin de figurare [v. FIGU-
RER] ; 1314, Mondeville, au sens 1 ; sens
2, début du XXe s. ; sens 3, 1867, Delvau).
1. Action de représenter quelque chose
ou quelqu’un sous une forme visible ;
résultat de cette action : Une étrange figu-
ration permanente du naufrage (Hugo).
Elle jeta un regard curieux sur les papyrus,
les estampages et les figurations de toutes
sortes (France). ‖ 2. Emploi de figurant
dans une pièce de théâtre, dans un film :
Faire de la figuration. ‖ 3. L’ensemble des
figurants : Des silhouettes rapides filaient,
des hommes costumés, des femmes à demi
nues [...], toute la figuration du second acte
(Zola). ‖ Figuration intelligente, ensemble
des acteurs à qui l’on demande un peu plus
que de la figuration ordinaire.

figurativement [figyrativmɑ̃] adv. (de


figuratif ; 1495, J. de Vignay). En exprimant
quelque chose d’une façon symbolique ou
allégorique : Une Apocalypse où ma vie fut
figurativement prédite (Balzac).

• SYN. : allégoriquement, symboliquement.

figure [figyr] n. f. (lat. figura, configura-


tion, structure, figure géométrique, chose
façonnée, forme, manière d’être, figure de
style, de fingere, façonner, représenter, ima-
giner [v. FEINDRE] ; fin du IXe s., Cantilène
de sainte Eulalie, au sens I, 1 ; sens I, 2,
v. 1050, Vie de saint Alexis ; sens I, 3, fin
du XIVe s., E. Deschamps [« personnage
célèbre », 1580, Montaigne] ; sens II, 1-2,
milieu du XVIIe s. [casser la figure à, 1873,
Barbey d’Aurevilly ; se casser la figure,
XXe s.] ; sens III, 1, v. 1160, Benoît de Sainte-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1900

Maure ; sens III, 2, 1845, Bescherelle ; sens


III, 3, 1829, Boiste ; sens III, 4, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens III, 5, 1680, Richelet ;
sens IV, 1, XIIIe s. [« parabole », v. 1170, Livre
des Rois] ; sens IV, 2, v. 1210, Amadas et
Ydoine ; sens IV, 3, 1580, Montaigne ; sens
IV, 4, 1690, Furetière).

I. 1. Vx ou littér. Forme, aspect général


extérieur d’une chose ou d’un être : Des
montagnes dont la figure bizarre forme
un horizon à souhait pour le plaisir des
yeux (Chateaubriand). Considérant ce
coquillage, dans la figure duquel je crois
discerner une certaine « construction »..
(Valéry). ‖ Ne plus avoir figure humaine,
être méconnaissable, être très endomma-
gé. (S’emploie parfois même en parlant
des choses.) ‖ 2. Class. Aspect, compor-
tement d’une personne : On craint de se
montrer sous sa propre figure (Boileau).
‖ Faire triste figure, être dans une mau-
vaise situation. ‖ Faire grande ou belle fi-
gure, et, absol., faire figure dans le monde,
y jouer un rôle important : Elles faisaient
grande figure dans le pays (Perrault).
‖ Faire bonne figure dans une épreuve,
s’en tirer à son avantage. ‖ Faire figure
de, jouer le rôle de, apparaître comme :
Auprès de ces gens, un Français du Midi
fait figure de personnage silencieux (Mon-
therlant). ‖ 3. Personnage qu’on re-
marque : Une veuve et sa fille [...] n’étaient
pas les deux figures les moins intéressantes
de cette société (Balzac). ‖ Spécialem.
Personnage célèbre : Une grande figure de
la littérature, de l’histoire, de l’Église.

II. 1. Partie antérieure de la tête de


l’homme ; visage : La figure de la soeur
était luisante (Mauriac). S’écorcher la
figure en se rasant. ‖ Fam. Casser la
figure à quelqu’un, le frapper rudement
au visage. ‖ Fam. Se casser la figure,
tomber ; au fig., échouer. ‖ 2. Expression
du visage, air, contenance : Changer de
figure. Avoir une figure avenante, joyeuse,
soucieuse, renfrognée, triste.

III. 1. Vx. Représentation, faite pour les


yeux, d’un être, d’un animal ou d’une
chose : Enfant qui dessine des figures
sur un cahier. Cerner les contours d’une
figure. ‖ Spécialem. Dessin illustrant
un texte (vieilli) : Il y a dans la vieille
Cosmographie de Münster une figure
représentant des juifs mutilant un enfant
(France). ‖ En termes de beaux-arts et
de sculpture, représentation d’homme
ou d’animal : Peintre qui ne sait pas faire
la figure. Une figure équestre. Les bour-
geois venaient sur le mail contempler la
toile qui recouvrait la figure de bronze
et le socle de pierre (France). ‖ Figure
de proue, représentation d’une figure
humaine, d’un dieu, d’une créature fan-
tastique qu’on fixait autrefois à l’avant
des navires. ‖ 2. Dans les jeux de cartes,
carte sur laquelle est représenté un per-
sonnage : roi, dame ou valet. ‖ 3. En mu-
sique, représentation conventionnelle qui
a pour objet d’indiquer la durée d’un son
ou d’un silence : La noire est une figure
de son. Le soupir est une figure de silence.
‖ 4. Dessin servant à la représentation de
certains êtres mathématiques : Une figure
géométrique. Nous tracions nos figures
et nos calculs avec de la craie (Renan).
‖ 5. En chorégraphie, groupement de
plusieurs pas en enchaînements figu-
rés, par plusieurs personnes et en même
temps : Des figures de danse. Les figures
successives d’un quadrille, d’un ballet.
‖ Par extens. Exercice de patinage, de
ski, de carrousel équestre : Les compéti-
tions de patinage artistique comportent
des figures imposées et des figures libres.

IV. 1. Représentation symbolique ou


allégorique : L’agneau pascal était une
figure de l’eucharistie. ‖ 2. Class. Moyen
indirect de se faire comprendre, dé-
tour : Je vois où doucement veut aller la
demande, | Et je sais sous ce nom ce qu’il
faut que j’entende. | La figure est adroite
(Molière). ‖ 3. Figure de rhétorique,
forme particulière donnée à l’expression
de la pensée afin de la rendre plus frap-
pante, plus émouvante, plus originale ; et
absol. : La formation de figures est indi-
visible de celle du langage lui-même, dont
tous les mots « abstraits » sont obtenus
par quelque abus ou quelque transport de
signification, suivi d’un oubli du sens pri-
mitif (Valéry). ‖ Figure de pensée, figure
qui consiste dans la tournure donnée à la
pensée et qui est indépendante des mots
que l’on peut employer : L’exclamation est
une figure de pensée. ‖ Figure de mots,
figure qui consiste dans une certaine
façon d’employer un mot ou de grouper
les mots pour produire un effet : La méta-
phore est une figure de mots. ‖ 4. En lo-
gique, chacune des formes du syllogisme
résultant de la place du moyen terme
dans les prémisses.

• SYN. : II, 1 face, faciès, frimousse (fam.),


minois (fam.) ; 2 mine, physionomie, tête
(fam.). ‖ III, 1 dessin, graphique, image,
planche, reproduction, schéma ; gravure,
illustration, lithographie, vignette ; effigie,
figurine, portrait, statue. ‖ IV, 1 allégorie,
symbole.

• REM. Dans la loc. faire figure de, figure


reste invariable : Nous faisons figure
d’importuns.

figuré, e [figyre] adj. (part. passé de


figurer ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au
sens de « bien dessiné, bien fait » ; sens 1 et
6, 1865, Littré ; sens 2, XIIIe s., Chronique
de Rains [plan figuré, 1865, Littré ; copie
figurée, 1690, Furetière] ; sens 3, av. 1525, J.
Lemaire de Belges ; sens 4, av. 1662, Pascal ;
sens 5, XXe s. ; sens 7, fin du XIIe s., Dialogues
de saint Grégoire [narration figurée ; lan-
gage figuré, milieu du XVIe s., Amyot ; sens
figuré, av. 1783, d’Alembert ; style figuré,
1666, Molière]). 1. Qui se présente sous une

certaine forme visible. ‖ Élément figuré,


élément anatomique, constituant des cel-
lules ou des tissus, qui affecte une forme
propre, visible au microscope (par oppo-
sition à élément amorphe). ‖ Vx. Ferment
figuré, agent vivant (bactérie ou levure) de
certaines fermentations, par opposition
aux diastases (dites ferments non figu-
rés). ‖ 2. Représenté par une figure, par
le dessin : Plan figuré. ‖ Copie figurée, en
diplomatique, copie qui imite un original
et en reproduit les dispositions, même
matérielles. ‖ 3. Qui porte des figures.
‖ Spécialem. Se disait autref. des tissus,
du cuir, du bois, de la céramique décorés de
figures, pour les distinguer des objets unis.
‖ En héraldique, se dit de toute pièce qui
porte une figure humaine. ‖ Monuments
figurés, ceux où sont représentés, en
sculpture ou en dessin, des hommes, des
animaux, etc. ‖ 4. Représenté par des
figures ou par des signes conventionnels,
ou symbolisé, représenté allégoriquement :
Prononciation figurée. ‖ 5. Ennemi figuré,
dans les exercices et les manoeuvres mili-
taires, ennemi représenté par des élé-
ments réduits, qui, conventionnellement,
correspondent à des unités plus fortes.
‖ 6. Nombres figurés, nombres définis à
l’aide d’une figure, d’une configuration.
‖ 7. Sens figuré, signification d’un mot ou
d’une expression qui, par métaphore, passe
d’une application concrète à un emploi abs-
trait : Prendre, employer un mot au sens
figuré. ‖ Style figuré, celui dans lequel on
a recours à des figures, à des images.

• SYN. : 7 imagé, métaphorique. — CONTR. :


7 propre.

& figuré n. m. (sens 1, 1865, Littré ; sens


2, 1835, Acad.). 1. Figuré du terrain, repré-
sentation, sur les cartes topographiques,
des accidents du terrain au moyen de
signes conventionnels, courbes de niveau,
hachures ou teintes variées. ‖ 2. Sens
figuré : Parler au figuré. Le magistrat chargé
de balayer toutes les ordures, au propre et
au figuré, que fait une fête à Paris (Hugo).

figurément [figyremɑ̃] adv. (de figuré ;


v. 1335, Restor dou paon, écrit figureement
[figurément, 1688, Bossuet], au sens 1 ; sens
2, 1872, Larousse). 1. De façon figurée :
Parler figurément. ‖ 2. Au sens figuré :
Mot employé figurément.

figurer [figyre] v. tr. (lat. figurare, façon-


ner, former, imaginer, orner de figures [en
rhétorique], de figura [v. FIGURE] ; XIe s.,
au sens 1 ; sens 2, v. 1265, J. de Meung ;
sens 3, v. 1361, Oresme ; sens 4, av. 1613,
M. Régnier ; sens 5, v. 1360, Froissart ; sens
6, 1690, Furetière). 1. Class. Donner une
figure, une forme à une matière, un cer-
tain aspect à une personne : Ce n’est point
à l’argile à juger du temps qu’on emploie à
la figurer (Rollin). Voici monsieur Du Bois
plaisamment figuré [= bizarrement accou-
tré] (Molière). ‖ 2. Représenter par le des-
sin, la peinture, la sculpture, ou par tout
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1901

autre art : Polygnote avait figuré sur les


murs du temple de Delphes le sac de Troie
(Chateaubriand). Une bataille à figurer
suppose une étude des tourbillons et des
poussières soulevées ; or, il ne veut les repré-
senter que les ayant observés avec des yeux
dont l’attente soit savante et comme toute
pénétrée de la connaissance de leurs lois
(Valéry). ‖ En parlant d’une oeuvre, être
la représentation de : Une tapisserie sans
fin | Qui figurait son histoire (Apollinaire).
‖ Par extens. En parlant d’une chose, offrir
l’image exacte ou simplement l’apparence
de : Le cou élevé du cygne et sa poitrine
relevée et arrondie semblent figurer la
proue du navire fendant l’onde (Buffon).
La double muraille de rochers reparaît,
figurant, à chaque instant, de grands don-
jons en ruine (Hugo). Un bracelet qui figure
un serpent. La fleur de la digitale figure
un doigtier. ‖ 3. Représenter un être ou
une chose par un objet ou par un signe
conventionnel : Poser là une chaise pour
figurer la porte (Zola). Sur les cartes géo-
graphiques, on figure souvent les évêchés
par une croix. ‖ En parlant de l’objet ou
du signe lui-même, tenir lieu de, consti-
tuer : Un coussin de velours noir figurait
l’unique siège où l’on pût s’asseoir (Farrère).
‖ 4. Représenter allégoriquement un être
surnaturel, ou une abstraction sous une
forme concrète : Dans « le Roman de la
Rose », l’Avarice est figurée par une femme
émaciée et misérablement vêtue. ‖ 5. Class.
Représenter à l’esprit sous certains traits,
décrire, dépeindre : Ce Dieu, maître absolu
de la terre et des cieux, | N’est point tel que
l’erreur le figure à vos yeux (Racine). Ces
petits enfants accusent les mêmes personnes
et les figurent, quelques-uns sans les avoir
jamais vues, à ce qu’on dit (Feuquières).
‖ 6. Exprimer par métaphore, par allégo-
rie (employé surtout au participe passé ;
v. FIGURÉ, E adj.) : Mais leur coutume,
pudique et délicieuse, était de figurer leurs
idées (Valéry).

• SYN. : 2 dessiner, peindre, sculpter ; illus-


trer, retracer, tracer, traduire ; évoquer, imi-
ter, rappeler, représenter ; 3 faire, indiquer ;
4 incarner, symboliser.

& v. intr. (sens 1, av. 1696, La Bruyère ;


sens 2, 1686, Fontenelle ; sens 3, 1827,
Chateaubriand ; sens 4, 1865, Littré).
1. Class. et littér. Jouer un certain rôle ;
se distinguer : Hercule susdit, duc de
Montbazon, homme de tête et d’esprit qui
figura fort (Saint-Simon). Quelquefois aussi
figurait un monsieur, aristocrate humble
d’allures, disant des choses plébéiennes
(Flaubert). ‖ Class. Figurer avec, jouer son
personnage à côté de, entrer en comparai-
son avec : Parler sans cesse à un grand que
l’on sert [...], figurer avec lui le dos appuyé
à une cheminée, le tirer par son habit [...],
marquent mieux un fat qu’un favori (La
Bruyère). ‖ 2. Class. En parlant de choses,
se faire pendant, être symétriques l’une par
rapport à l’autre ou avoir de la convenance :

Ces planètes se regardent diversement et


figurent diversement ensemble (Fontenelle).
Ces deux pavillons figurent fort bien l’un
avec l’autre (Acad., 1694). ‖ 3. Se trouver
dans un ensemble, dans un groupe où l’on
joue un rôle : Suis-je condamné à figurer
parmi ces types que Jallez méprise tant ?
(Romains). ‖ Spécialem. Être inscrit sur
une liste, être cité, inclus dans un ouvrage :
Le mot n’a pas été conservé, mais il figure
encore dans les dictionnaires (Gourmont).
Tout ce qui peut figurer dans une biographie
(Valéry). ‖ 4. Spécialem. Être figurant, au
théâtre ou au cinéma : Comme ces acteurs
qui s’intitulent « de la Comédie-Française »
pour y avoir figuré deux fois (Daudet).

& se figurer v. pr. (sens 1, XVe s. ; sens 2,


1651, Corneille ; sens 3, 1690, Furetière).
1. Se représenter quelque chose ou
quelqu’un par l’imagination, par la pen-
sée : Souvent j’ai suivi des yeux les oiseaux
de passage qui volaient au-dessus de ma
tête. Je me figurais les bords ignorés, les cli-
mats lointains où ils se rendent ; j’aurais
voulu être sur leurs ailes (Chateaubriand).
D’après cet échantillon, chacun se figurera
facilement l’appartement (Balzac). Elle se
figurait sous de riantes couleurs son séjour
dans une ville de Flandre (France). Mais je
ne puis me figurer une Phèdre que fort belle,
et même dans une plénitude de beauté, dont
il sera question tout à l’heure (Valéry).
‖ En parlant d’une chose, être représenté
à l’imagination, s’imposer à la pensée :
Notre nation, la plus diverse, et d’ailleurs
l’une des plus divisées qui soit, se figure à
chaque Français tout une dans l’instant
même (Valéry). ‖ 2. Se mettre dans la tête,
croire à tort ou à raison : En me faisant
soldat, je m’étais figuré que je deviendrais
tout au moins officier (Mérimée). Nous
nous figurons trop [...] que la démocratie est
déjà plus ou moins installée un peu partout
dans l’humanité (Romains). ‖ 3. Figure-
toi, figurez-vous (que),formule employée
pour inviter quelqu’un à se mettre dans une
certaine disposition d’esprit : Figure-toi
qu’on t’enseigne les règles du jeu de whist...
(Stendhal) ; ou pour amorcer une descrip-
tion, le récit d’un événement : Figurez-vous
un bambin de sept ans efflanqué (Daudet) ;
et au subjonctif : Qu’on se figure l’ouragan
devenu vent coulis... (Hugo). ‖ Spécialem.
S’emploie pour renforcer une affirmation
quand celle-ci risque de ne pas être parta-
gée par l’interlocuteur : Figure-toi que c’est
un charmant garçon (Hugo).

• SYN. : 1 évoquer, s’ imaginer, voir ; 2


escompter, espérer, penser.

figurine [figyrin] n. f. (ital. figurina,


dimin. de figura, figure, lat. figura
[v. FIGURE] ; 1578, Vigenère, au sens de
« petite figure » [terme de peinture] ; sens
actuel, 1625, Stoer). Toute sorte de statuette,
en terre cuite, en faïence, en porcelaine, en
ivoire, en bronze, etc. : Elle ne pouvait pas

croire que des modèles en cire rouge, des


figurines [...], pussent avoir du prix (Balzac).

figurisme [figyrism] n. m. (de figure ;


1729, Renson). En théologie, opinion de
ceux qui considèrent l’Ancien Testament
comme la figure du Nouveau.

figuriste [figyrist] n. m. (de figure ; 1604,


Dict. général, avec un sens théologique
peu clair ; sens I [de figurisme ?], début du
XVIIIe s. ; sens II, 1788, Havard).

I. En théologie, partisan du figurisme.

II. Mouleur de figures en plâtre.

fil [fil] n. m. (lat. filum, fil, filament,


fibre, tissu, nature, tranchant [d’une
lame] ; XIIe s., Partenopeus de Blois, au
sens I, 1 ; sens I, 2, 1690, Furetière [fils de
la Vierge, 1755, Encyclopédie] ; sens I, 3,
1382, Compte du clos des Galées de Rouen
[fil de caret] ; sens I, 4, 1845, Bescherelle ;
sens I, 5, 1872, Larousse ; sens I, 6 et 8,
av. 1848, Chateaubriand ; sens I, 7, 1748,
Montesquieu ; sens II, 1, XIIIe s., Littré ; sens
II, 2, 1890, Dict. général [fil télégraphique] ;
sens III, 1-2, milieu du XVIIIe s., Buffon ;
sens III, 3, XIIe s. ; sens III, 4 et IV, milieu
du XVIe s., Amyot ; sens III, 5, XVIe s. ; sens
V, 1808, d’Hautel).

I. 1. Brin long et fin d’une matière textile


naturelle, ou brin continu d’une matière
synthétique : Dévider le fil d’un cocon de
ver à soie. Fil de Nylon, de rayonne. ‖ Brin
long et fin obtenu en tordant ensemble
des fibres textiles de longueur limitée, ou
des fils simples, et destiné au tissage et à
la couture : Fil de coton, de lin, de laine,
de chanvre. Fil de soie. Une bobine de fil.
Entre ses doigts légers, la laine s’allongeait
en un fil menu que le fuseau tordait en
tournant rapidement (Le Roy). ‖ Absol.
Fil ou tissu de lin : Une nappe de fil. Des
draps fil et coton. ‖ Fil câblé, v. CÂBLÉ.
‖ Fil d’Écosse, fil de coton rond, imitant
le grain du cordonnet et le brillant de la
soie. ‖ Fil mercerisé, v. MERCERISÉ. ‖ Fil
retors, fil formé de plusieurs fils simples
retordus ensemble. ‖ Droit fil, sens des
fils d’une étoffe, soit de la trame, soit de la
chaîne (par opposition à biais). ‖ Class.
De droit fil, en droite ligne : Faites-nous
aller de droit fil | Dans ce pays gras et
fertil (Scarron). ‖ Donner, avoir du fil à
retordre, donner, avoir de grosses diffi-
cultés : Dans la vie de ce monde, on a du
fil à retordre (Theuriet). ‖ De fil en ai-
guille, en passant d’une chose à une autre
par un enchaînement naturel : Je vais de
fil en aiguille, tout simplement (Vigny).
‖ Cousu de fil blanc, se dit d’une finesse,
d’une ruse qui saute immédiatement aux
yeux : Cela n’avait pas le sens commun,
c’était cousu de fil blanc (Renan). ‖ Un
coupeur de fils (ou de cheveux) en quatre,
une personne qui cherche des compli-
cations, qui donne beaucoup d’impor-
tance à de petites choses. ‖ 2. Soie fili-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1902

forme sécrétée par certains animaux,


en particulier par les araignées. ‖ Fils
de la Vierge, fils blancs et soyeux qu’on
voit flotter dans l’air à l’automne, et qui
sont émis par de jeunes araignées, aux-
quelles ils servent d’appareil de susten-
tation pour leurs migrations (allusion
à la croyance populaire qui les imagi-
nait échappés du fuseau de Marie) : Des
illusions qui s’enflamment et s’éteignent
comme des fils de la Vierge par une nuit
chaude (Balzac). ‖ 3. Brin constitué
d’une matière textile ou d’une matière
analogue, qui sert à attacher, à réunir, à
suspendre, etc. : Le fil d’un collier. ‖ Fil de
caret, v. CARET 2. ‖ Fig. Ne tenir qu’à un
fil, être très fragile, très précaire : La paix
ne tient qu’à un fil. ‖ Fig. Avoir un fil à
la patte, dépendre de quelqu’un d’autre,
ne pouvoir décider et agir librement : Je
n’ai plus de fil à la patte ; je suis divorcée
(Donnay). ‖ Fig. Le fil de la destinée, de la
vie, le cours continu de la vie, que la mort
interrompt (par allusion au fil, symbole
de la vie, que les Parques filaient, puis
tranchaient). ‖ 4. Fil à plomb, instru-
ment composé d’une masse métallique
(souvent de plomb) suspendue à un fil ou
à une ficelle, qui indique la direction de
la verticale et sert à vérifier l’aplomb des
ouvrages de maçonnerie, de charpente,
etc. : Il était [un mur] aligné au fil à plomb
(Hugo). ‖ 5. Dans le langage des cou-
lisses, se dit pour corde (mot considéré
comme de mauvais augure et proscrit du
vocabulaire de la scène) : « Pourquoi n’as-
tu pas pu relever le rideau ? — Le fil s’était
cassé » (Guitry). ‖ Spécialem. Chacune
des cordes qui servent à la manoeuvre des
décors. (On dit aussi FICELLE.) ‖ 6. Fig.
Moyen secret d’action ou d’influence ;
motif qui détermine quelqu’un à agir de
telle ou telle manière (par allusion aux fils
cachés qui servent à mouvoir les marion-
nettes) : Avoir en main, tenir les fils d’une
conspiration, d’une intrigue. Pour comé-
diens, j’ai vous tous [...], et le fil par lequel
je vous remue, c’est la peur ! (Vigny). C’est
le diable qui tient les fils qui nous remuent
(Baudelaire). ‖ 7. Fil d’Ariane, fil conduc-
teur, moyen qui permet de se diriger ou
de se retrouver dans un ensemble em-
brouillé ou complexe (par allusion au fil
qu’Ariane donna à Thésée pour se diriger
dans le Labyrinthe) : Bientôt les rapports
d’idées deviennent tellement vagues, le
fil conducteur qui relie vos conceptions
si ténu, que vos complices seuls peuvent
vous comprendre (Baudelaire). ‖ 8. Fig. et
littér. Liens, d’ordre affectif ou autre, qui
unissent les hommes entre eux (au plur.) :
Ainsi, la religion n’était occupée qu’à re-
nouer les fils sociaux que la barbarie rom-
pait sans cesse (Chateaubriand). Les fils
mystérieux où nos coeurs sont liés (Hugo).

II. 1. Cylindre de très faible section et de


longueur indéterminée, obtenu par l’éti-
rage d’une matière métallique : Fil de fer,

d’acier. Fil de cuivre, de laiton. Un cras-


seux abat-jour en taffetas vert cerclé par
un fil d’archal (Balzac). Brodant avec des
fils d’or un fond de bourse arabe (Fromen-
tin). C’était un fil de fer de son bouquet
de mariage (Flaubert). ‖ Fil à couper le
beurre, fil métallique tendu entre deux
bâtonnets et servant à couper le beurre
en motte. ‖ Fam. N’avoir pas inventé le fil
à couper le beurre, n’être pas très malin.
‖ Fil de fer barbelé, v. BARBELÉ. ‖ 2. Fil
électrique, ou simplem. fil, conducteur
électrique constitué par un fil métallique,
entouré ou non d’une gaine isolante : Le
fil d’une lampe de chevet, d’un fer élec-
trique. ‖ Fil téléphonique, fil d’un cir-
cuit de téléphone. ‖ Fil télégraphique, fil
dans lequel passent les courants télégra-
phiques. ‖ Télégraphie, téléphonie sans
fil, ou, par abrév., T.S.F., transmission des
messages ou de la parole par utilisation
des propriétés des ondes électromagné-
tiques. ‖ Fam. Coup de fil, coup de télé-
phone, communication téléphonique :
Donner, passer, recevoir un coup de fil.
‖ Fam. Avoir quelqu’un au bout du fil,
être en conversation téléphonique avec
une personne. ‖ Fam. Qui est au bout
du fil ?, qui est à l’appareil ? ‖ Par fil, par
le moyen d’une liaison télégraphique ou
téléphonique : Restait à demander, par
fil, si le chef du secrétariat était, pour
quelque affaire, aux bureaux de la rue du
Quatre-Septembre (Duhamel). Seul jour-
nal reliant par ses fils spéciaux les quatre
premières capitales du globe (Romains).

III. 1. Direction générale que suivent


les fibres du bois, les fibres muscu-
laires : Suivre le fil du bois, de la viande.
‖ 2. Dans une pierre ou dans un bloc
de marbre, surface de fêlure, de forme
et de direction quelconques. ‖ 3. Sens
dans lequel s’écoule une eau courante :
Dériver, aller au fil de l’eau. ‖ Centrale
au fil de l’eau, centrale hydro-électrique
ne comportant pas de barrage, dont le
canal d’amenée est à faible pente et ne
comporte aucune réserve d’eau. ‖ Fig.
Se laisser aller au fil de l’eau, profiter des
heureux hasards de la vie, des circons-
tances favorables, sans faire aucun effort.
‖ 4. Progression, succession continue,
enchaînement plus ou moins logique :
Le fil de la conversation, d’un discours.
Suivre le fil de ses pensées. Mais dites-moi,
s’il vous plaît, Tournebroche [...], à quel
endroit de mon récit j’en étais quand j’en
embrouillai le fil à ce grand saint Pierre
(France). J’étais déçu quand il reprenait
le fil de son récit (Proust). Mais le fil de
l’entretien s’était trouvé mystérieuse-
ment rompu... (Duhamel). ‖ Perdre le fil,
perdre le fil de ses idées, oublier soudaine-
ment ce qu’on avait à dire. ‖ 5. Spécialem.
Cours, marche régulière du temps : Au fil
des jours, des heures. Le long fil importun
d’une trop longue vie (H. de Régnier).

IV. Partie tranchante d’un instrument


coupant : Les guerriers aiguisaient le
fil de leur épée (Lamartine). Il coupait
doucement, avec réflexion, tranchant les
derniers tendons avec cette lame aiguë
comme un fil de rasoir (Maupassant).
‖ Donner du fil à, affiler, affûter : Il inter-
rompit sa besogne sous prétexte d’affûter
la scie au tiers-point, de donner du fil à
son rabot (Pol Neveux). ‖ Passer au fil de
l’épée, tuer en transperçant le corps avec
l’épée : Les Romains faisaient passer au fil
de l’épée des villes et des armées entières
(Bonald).

V. Fil en trois, en quatre, en six, etc., eau-


de-vie au degré d’alcool particulièrement
élevé : Un horrifique verre de fil en quatre
(Flaubert). Rosalie, apporte la fine, la sur-
fine, le fil en dix (Maupassant).

• SYN. : III, 3 courant ; 4 cours, déroulement,


flot, suite, trame.

filabilité [filabilite] n. f. (de filable ;


XXe s.). Aptitude à être filé : La filabilité
d’un textile.

filable [filabl] adj. (de filer ; début du


XVIIe s.). Qui peut être filé : Matières
filables.
fil-à-fil [filafil] n. m. invar. (de fil, à et fil ;
1930, Larousse [« costume fait en fil-à-fil »,
milieu du XXe s.]). Tissu de laine ou de coton
où l’effet chiné est obtenu par l’alternance
d’un fil clair et d’un fil foncé. ‖ Par extens.
Costume fait en fil-à-fil.

filage [filaʒ] n. m. (de filer ; XIIIe s.,


Godefroy, au sens 1 ; sens 2 et 5, XXe s. ; sens
3, 1877, Littré ; sens 4, 1872, Larousse [en
termes de jeux, « tour de prestidigitation... »,
XXe s.]). 1. Transformation des fibres tex-
tiles en fil : Le filage de la laine, du lin, de
la soie. ‖ Travail du fileur. ‖ 2. Procédé
de façonnage des métaux par déformation
plastique à chaud. ‖ 3. Chez les peintres en
bâtiment, action de tracer ou de tirer des
filets. ‖ 4. En termes de jeux, substitution
frauduleuse d’une carte à une autre. ‖ Tour
de prestidigitation qui consiste à remplacer
une carte par une autre à l’insu du public.
‖ 5. Filage de l’huile, opération consistant
à répandre de l’huile sur la mer en vue de
la calmer.

1. filaire [filɛr] n. f. (lat. scientif. moderne


filaria, dér. du lat. class. filum, fil [à cause
de la forme des animaux] ; 1811, Mozin).
Nom donné à un certain nombre de vers
des régions chaudes, ronds et filiformes,
dont plusieurs espèces sont les agents de
parasitoses des animaux et de l’homme.

2. filaire [filɛr] adj. (de fil ; milieu du


XXe s.). Se dit d’une transmission par fil
(par opposition à la transmission optique
ou radio-électrique).

filament [filamɑ̃] n. m. (lat. médiév.


filamentum, filament [« ouvrage formé de
fils », en bas lat.], du lat. class. filum, fil ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1903

1538, R. Estienne, au sens I, 1 ; sens I, 2,


XXe s. ; sens II, 1922, Larousse).

I. 1. Élément de forme fine et allongée


qui compose certains tissus animaux ou
végétaux, certains corps minéraux : Fila-
ments nerveux. Filaments de l’écorce du
chanvre ou du lin. Filaments de l’amiante.
‖ Spécialem. En anatomie, syn. de FI-
BRILLE. ‖ 2. Fibre dure de certaines
viandes.
II. Dans une lampe électrique, fil métal-
lique conducteur, rendu incandescent par
le passage du courant.

• SYN. : I, 1 fibre.

filamenteux, euse [filamɑ̃tø, -øz] adj.


(de filament ; fin du XVIe s., au sens 1 [mem-
brane, tunique filamenteuse, 1865, Littré] ;
sens 2, fin du XIXe s., A. Daudet). 1. Qui
est composé de filaments ; qui contient
des filaments : Écorce, matière filamen-
teuse. Viande filamenteuse. ‖ Spécialem.
Membrane ou tunique filamenteuse, mem-
brane utérine expulsée après la gestation.
‖ 2. Qui a l’aspect filiforme des filaments :
On lui indiqua un blanc au-dessous d’une
toute petite écriture filamenteuse comme en
tracent les doigts trop gros (Daudet).

• SYN. : 1 fibreux, filandreux ; 2 filiforme,


vermiculaire.

filandière [filɑ̃djɛr] n. f. et adj. (du bas


lat. filanda, ce qui est à filer, neutre plur.
substantivé de l’adj. verbal de filare, filer
[v. FILER] ; XIIIe s. [aussi var. filandrière ;
les soeurs filandières, 1668, La Fontaine]).
Class. (déjà vx au XVIIe s.) et littér. Fileuse :
L’araignée [...], étant filandière, | Prétendait
enlacer tout insecte volant (La Fontaine).
C’était la meilleure filandière du pays
(Sand). ‖ Les soeurs filandières, les Parques
(qui filaient, dévidaient et coupaient le fil
de la vie des humains) : Elles filaient si bien
que les soeurs filandières | Ne faisaient que
brouiller au prix de celles-ci (La Fontaine).

filandre [filɑ̃dr] n. f. (altér. d’une forme


filande, bas lat. filanda [v. l’art. précéd.] ;
1392, Godefroy, au sens de « filet de pêche » ;
sens 1, XVIe s. ; sens 2, 1680, Richelet ; sens
3, 1890, Dict. général). 1. Fibre longue et
coriace de certaines viandes, de certains
légumes : Des filandres de viande bouillie.
Des filandres de carottes, de navets. ‖ 2. Fil
blanc et léger qui flotte dans l’air en
automne, et qu’on appelle plus souvent fil
de la Vierge.. (V. FIL.) ‖ 3. Veine de matière
plus tendre qui divise le marbre.

filandreusement [filɑ̃drøzmɑ̃] adv. (de


filandreux ; début du XXe s.). Fam. D’une
manière qui évoque un fil : Il s’étire filan-
dreusement durant les heures d’oisiveté
et se rétracte dès qu’on a besoin de lui
(Duhamel).

filandreux, euse [filɑ̃drø, -øz] adj. (de


filandre ; début du XVIIe s., au sens 1 ; sens
2, 1846, Balzac). 1. Rempli de fibres longues

et coriaces : Viande filandreuse. ‖ 2. Fig. Se


dit d’un style dépourvu de concision et de
clarté, d’un développement où la pensée est
exprimée d’une manière confuse, embar-
rassée : Ses discours [à Saint-Just] mêmes
sont filandreux, ennuyeux (Thibaudet).
‖ Par extens. Se dit d’une personne qui
manque de clarté et d’élégance dans l’ex-
pression : Un orateur filandreux.

• SYN. : 1 fibreux ; 2 emberlificoté (fam.),


embrouillé, enchevêtré, entortillé, tarabis-
coté, touffu ; fumeux, nébuleux. — CONTR. :
1 tendre ; 2 clair, concis, lapidaire, limpide,
lumineux.

filant, e [filɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


filer ; 1835, Acad., au sens 1 ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Se dit d’un liquide qui file,
qui coule sans se diviser en gouttes : Un
sirop filant. ‖ 2. Étoile filante, v. ÉTOILE.

filanzane [filɑ̃zan] n. m. (mot empr. à


un parler des indigènes de Madagascar ;
fin du XIXe s.). Chaise légère, suspendue à
deux barres et portée par quatre hommes,
employée surtout à Madagascar.

filao [filao] n. m. (mot du créole de l’océan


Indien, peut-être dér. du franç. fil [à cause
des rameaux grêles et filiformes de l’arbre] ;
1808, Boiste). Arbre de la Réunion : Et,
la nuit, pour servir d’accompagnement
à mes songes, le chant plaintif des arbres
à musique, des mélancoliques filaos !
(Baudelaire).

filardeau [filardo] n. m. (de fil ; 1392, Du


Cange, au sens I ; sens II, 1771, Trévoux).

I. Jeune brochet.

II. Jeune arbre droit et élancé.

filaret [filarɛ] n. m. (ital. filaretto, fine


balustrade en bois d’une galère, etc., de filo,
fil, lat. filum [v. FIL] ; début du XVIIe s., au
sens de l’ital. ; sens actuel, 1872, Larousse).
Arête aiguë d’une pièce de bois travaillée
de droit fil.

filariose [filarjoz] n. f. (du lat. scientif.


moderne filaria [v. FILAIRE] ; fin du XIXe s.).
Maladie parasitaire de l’homme, provo-
quée par une filaire.

filasse [filas] n. f. (lat. pop. *filacea, filasse,


de filum, fil ; v. 1130, Eneas, écrit filace, au
sens de « fil de l’araignée » ; sens 1, XIIIe s.,
Rutebeuf, écrit filace [filasse, av. 1563,
La Boétie ; cheveux de filasse, fin du XVIIe s.,
Saint-Simon ; blond filasse, 1881, Taine ;
cheveux filasse, début du XXe s.] ; sens 2,
1845, Bescherelle). 1. Amas ou assemblage
de filaments tirés de la tige des végétaux
textiles : Filasse de chanvre, de lin. ‖ Des
cheveux blond filasse, ou, adjectiv., des
cheveux filasse, des cheveux d’un blond
pâle, comme la filasse : Il faut te dire que
Gob-Lafleur porte des vêtements couverts
de taches, qu’il laisse flotter une gerbe de
cheveux filasse sur ses épaules et qu’il a l’air
de ne pas s’être lavé de huit jours (Gide).

‖ 2. Filasse de montagne, nom usuel de


l’asbeste.

• SYN. : 1 étoupe.

filateur, trice [filatoer, -tris] n. (dér.


savant de filer ; 1823, Boiste, au sens 1 ; sens
2, fin du XIXe s., Huysmans). 1. Personne
qui dirige, exploite une filature : Le père,
ancien filateur [...], vivait modestement
d’une inspection d’assurances (Daudet).
‖ 2. Fig. et fam. Personne qui file, qui déve-
loppe (rare) : Cette vieille filatrice d’idéal
bêta qu’on nommait la Sand (Huysmans).

filature [filatyr] n. f. (dér. savant de filer ;


1724, Brunot, au sens I, 2 ; sens I, 1, 1835,
Acad. ; sens II, 1829, G. Esnault).

I. 1. Ensemble des opérations indus-


trielles par lesquelles les fibres textiles
sont transformées en fil : Filature du
coton, de la laine, de la soie. ‖ 2. Établis-
sement où l’on file en grand les matières
textiles : Ma maison n’est pas un mas, ni
une filature (Daudet).

II. Action de filer une personne, de la


suivre pour surveiller ses faits et gestes :
Je connais ces surveillances, ces filatures
(Bernstein). ‖ Prendre quelqu’un en fila-
ture, se mettre à le filer : Une femme un
peu affolée, qui porte un paquet comme
celui-là sous le bras, et qui tourne dans
trois ou quatre rues à la recherche de
l’endroit qu’on lui a indiqué, il n’en faut
pas plus pour qu’un policier la prenne en
filature (Romains).

fildefériste [fildəferist] n. (de fil de


fer ; milieu du XXe s.). Nom donné aux
danseurs de corde, aux équilibristes qui
substituèrent le fil de fer au fil d’archal ou
de laiton.
file [fil] n. f. (déverbal de filer ; av. 1464, J.
Chartier, dans la loc. à file, « les uns derrière
les autres » ; sens 1, 1690, Furetière ; sens
2, milieu du XVIe s., Amyot ; sens 3, 1651,
Scarron). 1. Suite de personnes, d’animaux,
de véhicules avançant l’un derrière l’autre
et s’étendant sur une certaine longueur :
Une file de voitures qui atteint plusieurs
kilomètres. La file des piétons et des cha-
meaux s’allonge (Hugo). ‖ Spécialem.
Suite de personnes placées l’une derrière
l’autre, et qui stationnent : J’ai pris ma place
dans la file qui piétinait devant la porte
ouverte de l’enfer (Camus). Une longue file
d’attente à un guichet. ‖ Prendre la file, se
placer dans une file à la suite du dernier
arrivé. ‖ 2. Suite de soldats placés les uns
derrière les autres, sur une seule ligne :
La file constitua un élément de combat de
l’infanterie jusqu’au XIXe s. ‖ Serrer les files,
faire rapprocher les soldats de manière à
ne pas laisser d’intervalles. ‖ Chef de file,
le premier soldat d’une file en marche ;
au fig., celui qui est à la tête d’un grou-
pement, d’une association : Le chef de file
d’un parti ; spécialem., navire qui tient la
tête d’une ligne de file. ‖ Ligne de file,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1904

ordre tactique que prennent des navires


de guerre naviguant les uns derrière les
autres. ‖ Feu de file, v. FEU ‖ 3. Rangée
de choses immobiles placées l’une derrière
l’autre ou l’une à côté de l’autre : Il regardait
la file des maisons basses (Romains).

• SYN. : 1 colonne, cortège, procession, théo-


rie ; cordon, haie, queue ; 3 enfilade, front,
succession, suite.

& À la file, en file loc. adv. (1580,


Montaigne [à la file ; en file, av. 1695,
La Fontaine]). L’un derrière l’autre : Se
suivre, marcher, avancer à la file. Se mettre
en file. Survinrent lentement, à la file, qua-
rante camions à gueule sombre, traînant
des prolonges chargées de câbles et de mem-
brures (Audiberti). ‖ Marcher à la (ou en)
file indienne, marcher l’un derrière l’autre
sans laisser d’intervalle.

& À la file loc. adv. (XXe s.). Successivement


et sans ménager d’intervalle : Manger
quatre gâteaux à la file.
& En double file loc. adv. et adj. (v. 1950).
En parlant de voitures en stationnement,
en file parallèle à celle des voitures rangées
le long du trottoir.

filé, e [file] adj. (part. passé de filer ; 1865,


Littré, aux sens I, 2 et II ; sens I, 1, XXe s.).

I. 1. Verre filé, verre étiré sous forme de


fil. ‖ 2. Corde filée, corde d’un instru-
ment de musique faite de boyau entouré
d’un fil de laition.

II. Son filé, note filée, son, note dont


l’intensité varie d’une façon continue :
Quand la « Dona è mobile » | Sur le rou-
leau qui tourne et joue | Expire avec un
son filé... (Gautier).

& filé n. m. (sens 1, v. 1265, J. de Meung ;


sens 2, 1865, Littré ; sens 3, 1730, Savary des
Bruslons ; sens 4, milieu du XXe s.). 1. Fil
simple ou retors destiné au tissage. ‖ 2. Fil
d’or ou d’argent dont on entoure parfois un
fil de soie ou de lin. ‖ 3. Tabac à chiquer
en ficelles. ‖ 4. Au cinéma, panoramique
très rapide qui produit un grisé entre deux
images nettes.

filer [file] v. tr. (bas lat. filare, étirer en


fil, de filum, fil ; XIIIe s., Littré, au sens I,
1 ; sens I, 2, 1690, Furetière ; sens I, 3, 1763,
Voltaire ; sens II, 1, av. 1559, J. Du Bellay ;
sens II, 2, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens
II, 3, 1844, Balzac ; sens II, 4, 1865, Littré ;
sens II, 5, 1815, G. Esnault ; sens II, 6, 1690,
Dancourt ; sens II, 7, 1835, G. Esnault).

I. 1. Réunir en un fil continu des fibres de


matière textile en les tordant ensemble :
Cette quenouille [...] | Où je filais d’un
doigt pensif la blanche laine (Banville) ; et
absol. : Des filles bénédictines [...] s’occu-
paient à coudre, à filer (Chateaubriand).
L’enfant voyant l’aïeule à filer occupée
(Hugo). Filer au fuseau, au rouet. ‖ Mé-
tier à filer, la dernière machine de filature
qui transforme les mèches en fil. ‖ Fig.
Filer doux, se montrer docile, obéissant,

soumis, généralement sous l’empire de


la crainte (au pr., jadis, filer en douceur,
de peur que le fil ne se rompe) : Crevel,
qui se croyait obligé de filer doux avec le
respectable fonctionnaire qu’il trompait
(Balzac). ‖ Fig. et fam. Filer le parfait
amour avec quelqu’un, se donner, réci-
proquement, des témoignages constants
d’amour. ‖ Fam. Filer un mauvais coton,
v. COTON. ‖ Spécialem. Filer le tabac, le
corder. ‖ 2. En parlant de certains in-
sectes, des araignées, sécréter un fil de
soie : Le ver à soie file son cocon. L’arai-
gnée file sa toile. ‖ 3. Étirer à la filière :
Filer l’argent, l’or. ‖ Par extens. Filer une
corde (pour un instrument de musique),
entourer le boyau d’un fil de laiton.

II. 1. Filer un cordage, une chaîne, une


amarre, une ligne, etc., les dérouler d’une
manière continue, égale, en les laissant
glisser : Le détachement va filer le câble
(Balzac). ‖ Par extens. Filer une barrique,
la descendre à la cave en faisant usage de
cordages. ‖ Filer n noeuds, en parlant
d’un bateau, avoir une vitesse de n milles
marins à l’heure (chaque noeud de loch
filé dans l’intervalle de 30 secondes cor-
respondant à un mille par heure). ‖ 2. Fig.
Dévider, réciter d’une manière continue :
Le chanoine au soleil filait des patenôtres
| Sur des chapelets clairs grenés de pièces
d’or (Rimbaud). ‖ 3. Émettre un son vo-
cal sur une seule respiration, ou produire
une note sur un instrument à archet, en
variant progressivement l’intensité du
forte au pianissimo : Il a beau se dresser
sur la pointe des pieds, le cou tendu, filer
le son jusqu’au bout en l’accompagnant
d’un geste délié de fileuse qui pince sa
laine entre deux doigts, rien ne sort, rien
(Daudet). ‖ 4. Fig. Conduire, dévelop-
per progressivement : Filer une intrigue.
‖ Spécialem. Filer une scène, au théâtre,
répéter une scène sans l’interrompre
et sans s’arrêter à des améliorations de
détail. ‖ 5. Suivre une personne sans la
perdre de vue, pour épier discrètement
ses faits et gestes : Filer un suspect. S’aper-
cevoir qu’on est filé. ‖ 6. Filer la carte,
faire disparaître la carte qu’on devait
donner, pour lui en substituer une autre.
‖ Filer une carte, saisir l’occasion de la
jouer pour s’en débarrasser. ‖ Filer les
cartes, les découvrir lentement. ‖ 7. Pop.
Donner : Si tu continues à m’embêter, j’ te
file une tarte !

• SYN. : II, 1 dévider, lâcher, larguer ; 5


pister.

& v. intr. (v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,


au sens de « couler » ; sens I, 1-2, 1690,
Furetière ; sens I, 3, av. 1848, Chateaubriand ;
sens II, 1, 1762, J.-J. Rousseau ; sens II, 2,
milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens II, 3, 1754,
G. Esnault ; sens II, 4, 1857, Flaubert).

I. 1. En parlant d’une substance molle et


élastique, s’allonger, s’étirer en forme de
fil : Du gruyère qui file ; et au fig. : Des

phrases qui filent comme notre macaroni


(Balzac). ‖ 2. En parlant d’un liquide,
couler en un filet mince et continu, sans
se diviser en gouttelettes : Les liquides
gras ou sirupeux filent. ‖ 3. En parlant
d’une flamme, s’allonger, s’étirer en
fumant : Nous arrivions extrêmement
laids, et nous nous asseyions en rond
autour d’un salon éclairé d’une lampe qui
filait (Chateaubriand). Elle s’aperçut enfin
que la lampe filait et elle baissa la mèche
(Duhamel).

II. 1. Se dérouler d’une façon continue :


Prends garde, jeune pilote, que ton câble
ne file (Rousseau). ‖ Spécialem. Se déta-
cher, céder sur une certaine longueur :
Une maille de son bas a filé. ‖ Par anal.
S’allonger jusqu’à, glisser vers : Une petite
fille [...] qui riait en laissant filer sur moi
de longs regards sournois et inexpressifs
(Proust). ‖ Fig. S’étendre en longueur :
Sur les côtés, filent des sentiers étroits
(Barrès). ‖ 2. Se déplacer à une allure
très rapide : L’express file à cent trente
à l’heure. Avec cette voiture, on file plus
vite qu’on ne voudrait (Romains). ‖ Spé-
cialem. En parlant du gibier, voler ou
courir droit devant soi, sans faire de cro-
chets : Le sanglier débusqué fila, suivi des
chiens hurleurs, à travers des broussailles
(Maupassant). ‖ 3. Fam. S’en aller rapi-
dement ; se sauver, généralement pour
échapper à quelque chose : Du temps de
la République, on attendait pour filer d’y
être forcé par l’ennemi (Stendhal). Force a
été de filer sur Le Havre, où nous avons
dîné, attendant le train du soir (Gide).
Maintenant, il faut que je file et vous êtes
pressé, vous aussi (Duhamel). J’ai cru qu’il
allait me conseiller de filer à Solesmes, de
me faire moine (Bernanos). ‖ Fam. Filer
à l’anglaise, s’en aller sans prendre congé
ou sans permission, et en tâchant de ne
pas éveiller l’attention. ‖ 4. En parlant
de choses, disparaître rapidement, ou
être consommé, dissipé : Tout filait chez
les brocanteurs, la laine des matelas, les
ustensiles de cuisine, des meubles même
(Zola). Le bois, le sucre et la chandelle
filaient comme dans une grande mai-
son (Flaubert). ‖ Spécialem. En parlant
d’argent, être dépensé : Tant de fois il
avait donné de quoi solder une facture
de modiste, de couturière, renouveler des
tentures, le linge des armoires, et puis rien
n’était réglé ni acheté, l’argent filait rue
Fortuny chez le mange-tout ; maintenant,
assez, on ne l’attrapait plus (Daudet).

filerie [filri] n. f. (de fil ; 1962, Larousse).


En électricité, ensemble de conducteurs
isolés de petite section.

1. filet [filɛ] n. m. (dimin. de fil ; v. 1180,


Marie de France, au sens I, 1 ; sens I, 2,
XVe s. ; sens I, 3, 1865, Littré ; sens I, 4 et
7, 1690, Furetière ; sens I, 5 et II, 2, 1845,
Bescherelle ; sens I, 6, 1680, Richelet [filet
d’un violon, 1845, Bescherelle] ; sens I, 8,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1905

1549, R. Estienne [pour un liquide ; un filet


de voix, 1680, Richelet] ; sens I, 9, 1690,
Furetière [scier du filet, 1865, Littré] ; sens
II, 1, v. 1398, le Ménagier de Paris [filet
mignon, 1716, le Cuisinier royal et bour-
geois ; faux filet, 1865, Littré]).

I. 1. Class. Fil ténu (au pr. et au fig.) : La


Parque à filets d’or n’ourdira point ma
vie (La Fontaine). Il semble que l’autre
ait aiguisé le fer dont il a voulu trancher
le filet du peu d’amitié que je lui portais
(d’Urfé). ‖ 2. En anatomie, nom donné
aux dernières ramifications des nerfs : Fi-
lets nerveux ; ou à des replis membraneux
qui brident certains organes : Filets des
lèvres. ‖ Filet ou frein de la langue, mem-
brane mince qui attache le dessous de la
langue à la partie inférieure de la bouche.
‖ Couper le filet de la langue, ou simplem.
le filet, le sectionner lorsqu’il gêne les
mouvements de la langue. ‖ Fam. Avoir
le filet bien coupé, avoir la parole facile,
être bavard. ‖ 3. Partie longue et fine
de l’étamine d’une fleur, qui supporte
l’anthère. ‖ 4. Trait plus ou moins fin,
utilisé en reliure, en décoration : Une
reliure décorée de filets dorés. Panneau
encadré de filets de peinture. Ce cabaret
en porcelaine blanche ornée de filets d’or
(Balzac). ‖ Pousser des filets, tracer, à
l’aide d’un fer à dorer, de petites lignes
dorées sur les plats ou sur le dos d’un
ouvrage relié. ‖ 5. Dans l’imprimerie,
lame métallique, d’épaisseur variable et
de même hauteur que les caractères, qui
sert aux séparations et aux encadrements
du texte. ‖ Trait que l’on obtient, à l’im-
pression, à l’aide de cette lame : Filet gras,
filet maigre. ‖ Par extens. Syn. de ENTRE-
FILET : Les « Débats » me consacrent un
petit filet fielleux (M. Prévost). ‖ 6. Bande
longue et mince, en cuivre, en bois, en
ivoire, etc., incrustée dans un panneau
d’ébénisterie et formant une sorte d’en-
cadrement : Un bureau en acajou orné
de filets de cuivre. ‖ Filet d’un violon,
incrustation courant autour de la table
et du fond du violon. ‖ 7. Filet d’une vis,
partie en saillie bordant le sillon hélicoï-
dal de la vis. ‖ 8. Mince jet de liquide :
Un filet d’eau. Assaisonner d’un filet de vi-
naigre. ‖ Par anal. Petite quantité de gaz,
de fumée qui s’échappe : Un filet d’air. À
chaque cornue qui se rabat, on voit jaillir
un filet de fumée blanche (Fromentin). La
cheminée [...] étirait un mince filet de fu-
mée noire (Vercel). ‖ Fig. Un filet de voix,
une voix ténue qu’on entend faiblement.
‖ 9. En équitation, mors articulé sans
branches ni gourmette. ‖ Scier du filet,
tirer le mors alternativement de droite et
de gauche pour modérer l’allure trop vive
du cheval.

II. 1. Filet de boeuf, partie charnue, parti-


culièrement tendre et fine, qui se lève sur
l’épine du dos, en dessous des vertèbres
lombaires. ‖ Filet de veau, de mouton,

morceau correspondant à la région lom-


baire. ‖ Filet de porc, partie postérieure
de la longe. ‖ Filet mignon, nom donné
au muscle long du cou du boeuf, situé
sous les premières vertèbres dorsales.
‖ Faux filet, v. CONTRE-FILET. ‖ 2. Bande
de la chair d’un poisson levée parallè-
lement à l’arête dorsale : Filets de sole,
d’anchois, de hareng. ‖ Morceau levé sur
la poitrine d’une volaille, dans le sens de
la longueur : Filets de canard.

2. filet [filɛ] n. m. (altér. de filé, filet


[XIIIe s., Tailliar ; encore dans Monet, 1636],
proprem. « [objet] fait de fils », part. passé
substantivé de filer ; XVIe s., au sens 2 ; sens
1 et 3, 1690, Furetière ; sens 4, début du
XVIIe s., Malherbe ; sens 5, 1872, Larousse).
1. Réseau composé de mailles en losanges
ou en carrés, exécutées avec du fil de lin,
de coton, des fibres synthétiques, etc., et
reliées entre elles par des noeuds. ‖ 2. Objet
fait de cordes, de fils entrecroisés selon
cette technique, et qui sert à capturer les
animaux (poissons, oiseaux, insectes, etc.) :
Les bêtes qu’il [l’homme] force | Avec l’arc
ou l’épieu, le filet ou l’amorce (Heredia). Il
[le chalutier] travaille la mer, infatigable,
la voile gonflée, traînant par le flanc un
grand filet qui racle le fond de l’océan
(Maupassant). Un vieil Anglais de l’hôtel
attrapait, avec un long filet, les papillons
de nuit (Mauriac). ‖ Coup de filet, ce que
l’on prend de poissons ou d’oiseaux en une
seule fois avec un filet ; au fig., opération de
police particulièrement fructueuse. ‖ 3. Le
même genre d’ouvrage à mailles servant à
d’autres usages. ‖ Filet de tennis, de vol-
ley-ball, de Ping-Pong, etc., filet tendu au
milieu du terrain ou de la table de jeu, et
par-dessus lequel on doit faire passer la
balle : Mettre la balle dans le filet. ‖ Filet
de football, treillage en corde attaché der-
rière les poteaux de buts : Loger le ballon
dans le filet. ‖ Filet de cirque, filet tendu
au-dessous des acrobates qui se livrent à
des exercices périlleux, et destiné à amortir
une chute possible : Travailler sans filet.
‖ Filet à bagages, filet horizontal disposé
au-dessus des banquettes d’un véhicule
de transport public et dans lequel les
voyageurs peuvent mettre leurs bagages à
main : Mettre sa valise dans le filet. ‖ Filet
à provisions, sac en mailles dont les ména-
gères se servent pour faire leur marché.
‖ Filet à cheveux, résille dont les femmes se
recouvrent les cheveux pour les maintenir
dans leurs plis. ‖ 4. Fig. Piège, embûche
tendus par quelqu’un : Depuis trois mois,
il l’enveloppait dans l’irrésistible filet de sa
tendresse (Maupassant). ‖ 5. Spécialem.
Ouvrage féminin formé de réseaux et
exécuté avec des fils de natures diverses.
‖ Dentelle-filet, ou simplem. filet, broderie
exécutée sur un réseau de mailles carrées :
Faire du filet. Un dessus-de-lit en filet.

• SYN. : 4 lacs (littér. et vx), nasse, réseau,


rets (littér.).

1. filetage [filtaʒ] n. m. (de fileter 1 ;


1872, Larousse, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Opération consistant à creuser une
rainure hélicoïdale le long d’une surface
cylindrique : Filetage d’une vis, d’un écrou,
d’un tube métallique. ‖ 2. Ensemble des
filets constituant une vis.

2. filetage [filtaʒ] n. m. (de filet 2 ; 1865,


Littré). Braconnage exercé à l’aide de filets.

3. filetage [filtaʒ] n. m. (de fileter 2 ;


milieu du XXe s.). Action de fileter le
poisson.

fileté [filte] n. m. (de filet 1 ; XXe s.). Étoffe


de coton dont un fil de chaîne est plus gros
que les autres et forme de fines rayures
en relief.
1. fileter [filte] v. tr. (de filet 1 ; XIIIe s.,
Godefroy, au part. passé, au sens de
« brodé » ; à l’infin., au sens 3, 1858,
Legoarant ; sens 1-2, 1865, Littré). [Conj. 4
b.] 1. Passer à la filière : Fileter le fil de fer.
‖ 2. Former les filets d’une vis, d’un écrou.
‖ 3. Garnir d’un filet décoratif : Fileter le
manche, la table d’un violon.

2. fileter [filte] v. tr. (de filet 1 ; 1967, A.


Boyer). Prélever des filets dans le poisson.

filetier [filtje] n. m. (de filet 1 ; 1764,


Voltaire, au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Ouvrier qui exécute à la main des filets
à l’aide d’une navette. ‖ 2. Ouvrier de fila-
ture qui retord du fil à coudre. (V. aussi
FILTIER, ÈRE.)

fileur, euse [filoer, -øz] n. (de filer ; XIVe s.,


au sens I, 1 [le fém. fileresse est attesté dès
1268, É. Boileau] ; sens I, 2, XXe s. ; sens II,
1, 1837, Vidocq ; sens II, 2, 1829, G. Esnault ;
sens II, 3, 1930, Larousse ; sens II, 4, 1959,
G. Esnault).

I. 1. Personne qui file, qui transforme en


fil une matière textile : Comme le fil que
la fileuse de la quenouille retire inépuisa-
blement (Claudel). ‖ Ouvrier, ouvrière
conduisant un métier à filer, qui trans-
forme en fil la mèche obtenue au banc à
broches. ‖ 2. Ouvrier qui étire les lingots
d’or ou d’argent au moyen de la filière.

II. 1. Arg. et vx. Homme qui, ayant vu des


voleurs opérer, menaçait de les dénoncer
s’ils ne lui versaient pas une contribution
(au masc. et au fém.). ‖ 2. Vx. Policier qui
suivait un suspect. ‖ 3. Fam. Personne
prompte à fuir d’un endroit où il y a péril.
‖ 4. En argot du turf, personne qui fré-
quente les propriétaires d’écurie dans
l’espoir d’obtenir des renseignements.

& fileuse n. f. (1865, Littré). Ouvrière dévi-


dant les cocons dans les filatures de soie.

filial, e, aux [filjal, -o] adj. (bas lat. filialis,


filial, du lat. class. filius, fils [v. FILS] ; début
du XIVe s.). Qui caractérise l’attitude d’un
fils ou d’une fille à l’égard de ses parents :
Amour filial. Piété filiale. Ce mouvement
de révolte filiale était si nouveau pour lui
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1906
qu’il en éprouva d’abord quelque gêne, puis
de l’orgueil (Martin du Gard).

filiale [filjal] n. f. (fém. substantivé du


précéd. ; 1877, Littré). Entreprise qui se
trouve placée, en fait, sous la dépendance
ou sous la direction d’une société mère :
Une société qui a des filiales dans le monde
entier.

filialement [filjalmɑ̃] adv. (de filial ;


v. 1460, G. Chastellain). À la manière
d’un fils ou d’une fille : Aimer filialement
quelqu’un.

filiation [filjasjɔ̃] n. f. (bas lat. filiatio,


filiation [en droit], de filius, fils [v. FILS] ;
XIIIe s., Du Cange, au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, av. 1778, Voltaire ; sens
4, 1690, Furetière). 1. Lien qui unit un
individu à son père et à sa mère : Filiation
légitime, naturelle. Prouver sa filiation.
‖ 2. Suite d’individus directement issus
les uns des autres, par voie de génération :
Une filiation qu’on peut faire remonter à tel
personnage illustre de l’histoire. ‖ 3. Fig.
Liaison de choses résultant les unes des
autres, suite logique : La phonétique [...]
est arrivée à établir l’origine et la filiation
de presque tous les vocables de la langue
française (Gourmont). ‖ 4. Dépendance
d’un monastère à l’égard d’un autre dont il
tire son origine : Une abbaye de la filiation
de Clairvaux.

• SYN. : 1 naissance ; 2 ascendance, extrac-


tion, lignage, lignée, origine ; 3 chaîne,
enchaînement, liaison.

filicales [filikal] n. f. pl. (dér. savant du


lat. filix, -icis, fougère ; milieu du XXe s.).
Ordre de cryptogames vasculaires, dont
les représentants sont les fougères.

filière [filjɛr] n. f. (de fil ; début du XIIIe s.,


Guillaume de Dole, au sens de « peloton de
fil » ; sens I, 1, XVIe s., Gay ; sens I, 2 et II,
3, 1872, Larousse ; sens I, 3, 1636, Monet ;
sens I, 4, 1690, Furetière ; sens II, 1, fin
du XIVe s. ; sens II, 2, 1755, Encyclopédie ;
sens II, 4, 1764, Ch. Bonnet ; sens III, 1-2,
av. 1791, G. de Mira-beau ; sens III, 3, 1243,
Godefroy [rare jusqu’au milieu du XIXe s.] ;
sens III, 4, v. 1960).

I. 1. En fauconnerie, longue ficelle qu’on


attache au pied de l’oiseau de proie tant
qu’il n’est pas dressé à revenir. (On dit
aussi CRÉANCE.) ‖ 2. Dans la marine,
filin tendu horizontalement, soutenu de
place en place et servant à supporter ou
à amarrer quelque chose, à servir d’appui
ou de garde-corps. ‖ 3. Filon métallifère.
‖ 4. En héraldique, bordure réduite à la
largeur d’un filet.

II. 1. Pièce d’acier servant à étirer le


métal et à le transformer en fil d’une sec-
tion déterminée. ‖ 2. Outil avec lequel
on effectue le filetage d’une vis. ‖ 3. En
chirurgie, plaque percée de trous calibrés,
pour mesurer le diamètre des sondes, des
bougies. ‖ 4. Chacun des orifices par les-

quels les animaux fileurs font sortir les


fils qu’ils produisent : Les filières d’une
araignée, d’une chenille, d’un ver à soie.

III. 1. Succession de lieux, d’états, de


degrés à franchir, de formalités à rem-
plir avant d’arriver à un certain résul-
tat : La filière administrative. Elle avait
fait ses classes en quelques mois et n’avait
pas suivi la filière (Proust). ‖ Spécialem.
Hiérarchie d’emplois par lesquels on
doit passer avant de parvenir à un cer-
tain poste. ‖ 2. Suite de personnes en
rapport les unes avec les autres et qui
servent d’intermédiaires, de canal à une
activité : Remonter la filière pour mettre
la main sur le chef d’une bande. Le papier
[...] existait depuis longtemps en Chine
quand, par les filières souterraines du
commerce, il parvint dans l’Asie Mineure
(Balzac). ‖ 3. Titre à ordre représentant
une marchandise négociable, que les spé-
culateurs successifs se transmettent par
voie d’endos, jusqu’à ce qu’un acheteur,
dit réceptionnaire, prenne livraison de la
marchandise. ‖ 4. En physique nucléaire,
type d’association des éléments constitu-
tifs d’un réacteur nucléaire, combustible
modérateur et réfrigérant : La filière ura-
nium naturel-graphite-gaz carbonique.

filiériste [filjerist] n. m. (de filière ; 1907,


Larousse). Personne chargée de liquider
les différences auxquelles donne lieu une
vente par filière.

filiforme [filifɔrm] adj. (de fili-, élément


tiré du lat. filum, fil, et de forme ; 1762,
Brunot, au sens 1 [pour le pouls, 1865,
Littré] ; sens 2, fin du XIXe s., Huysmans).
1. Qui est fin et allongé comme un fil :
Antennes filiformes. ‖ Pouls filiforme,
pouls faible, qui donne l’impression d’un
fil en vibration. ‖ 2. Fig. Très mince,
pauvre, insignifiant : L’idée mélodique de
l’oeuvre était filiforme (Huysmans).

• SYN. : 1 délié, fin, ténu. — CONTR. : 1 épais,


fort, gras, large, volumineux.

filigrane [filigran] n. m. (ital. filigrana,


n. f., filigrane, de fili, plur. de filo, fil [lat.
filum], et de grana, grain [du lat. granum,
v. GRAIN], proprem. « fil à grains », les filets
des filigranes ayant été d’abord garnis de
petits grains ; 1664, Gay, écrit filigramme
[filigrane, 1677, Miege], au sens 1 ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, 1837, Balzac ; sens 4, av. 1885,
V. Hugo). 1. Ouvrage d’orfèvrerie à jour,
fait de filets d’or ou d’argent entrelacés
et soudés : Une broche ornée du portrait
du père, un rang de perles, de ces parures
montées en filigrane, comme on en porte au
pays du Nord (Daudet). ‖ Ornement en fil
de verre des verreries vénitiennes, appli-
qué en relief ou pris dans la masse. ‖ 2. Fil
de laiton ou de cuivre enroulé autour de
la poignée d’un sabre ou d’une épée, qui
constitue un ornement et donne plus de
prise à la main. ‖ 3. Marque, dessin ou
ligne se trouvant dans le corps d’un papier

et qu’on ne voit que par transparence : Le


filigrane d’un billet de banque. ‖ 4. Fig.
Se dit d’un élément ténu et entrelacé qui
se détache sur un fond : Des plantes [...],
s’entrecroisant sur les dorures du lichen, la
couvraient [la pierre] de filigranes (Hugo).
Des favoris en filigrane d’argent (Morand).
& En filigrane loc. adv. et adj. (XXe s.). Se dit
de ce qui n’apparaît pas clairement, mais
peut se deviner : Son pessimisme foncier
apparaît en filigrane dans tous ses ouvrages.

filigrané, e [filigrane] adj. (part. passé de


filigraner ; 1872, Larousse, au sens 1 ; sens 2,
1890, Dict. général). 1. Exécuté en filigrane.
‖ Spécialem. Verres filigranés, pièces de
verrerie où des fils de verre, incorporés à la
pâte de fond, forment des réseaux. ‖ 2. Où
figure un filigrane : Papier filigrané.

filigraner [filigrane] v. tr. (de filigrane ;


1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, 1890,
Dict. général ; sens 3, début du XXe s.).
1. Travailler en filigrane : Filigraner
une croix d’or. Le café servi [...] dans de
petites tasses filigranées d’argent (Daudet).
‖ 2. Marquer d’un filigrane. ‖ 3. Fig. et
littér. Marquer d’une touche légère, d’une
présence discrète : Les moustiques filigra-
nent l’ombre de leur chanson aiguë de verre
filé (H. de Régnier).

filin [filɛ̃] n. m. (de fil ; 1611, Cotgrave).


filin [filɛ̃] n. m. (de fil ; 1611, Cotgrave).
Dans la marine, nom générique de tous les
cordages en chanvre : Au bout de la cale,
vers la soute à filins (Vercel).

filipendule [filipɑ̃dyl] n. f. (lat. médiév.


filipendula, filipendule, du lat. class. filum,
fil, et pendula, fém. de l’adj. pendulus, qui
pend, qui est en suspens, dér. de pendēre,
être suspendu ; XVe s., Grant Herbier).
Espèce de spirée aux racines grêles, ter-
minées par des tubercules : Des branches de
filipendule, des pétales de roses (Flaubert).

fillasse [fijas] n. f. (de fille ; 1578,


L. Joubert). Pop. et péjor. Grosse fille ou
fille sans aucune distinction : Cette horde
de fillasses mal élevées (Proust). Mon ami
avait une soeur nommée Solange, grosse
fillasse qui m’inspirait une véritable aver-
sion (Duhamel). ‖ Spécialem. Fille de mau-
vaise vie : Ô la chlorose des petites ouvrières
et le fard allumé des fillasses qui rôdent !
(Huysmans). Une abominable auberge de
béton tenue par une gérante sourde, entou-
rée de fillasses tristes (Audiberti).

fille [fij] n. f. (lat. filia, fille ; v. 1050,


Vie de saint Alexis, aux sens I, 1 et II, 1 ;
sens I, 2, 1640, Corneille ; sens I, 3-4 et II,
5, XVe s., Littré ; sens I, 5, fin du XVIIe s.,
Mme de Sévigné ; sens II, 2, v. 1530, C.
Marot ; sens II, 3, XVIe s., Littré [fille d’hon-
neur, v. 1587, Du Vair] ; sens II, 4, 1606,
Nicot ; sens II, 6, 1409, Godefroy ; sens II,
7, av. 1673, Molière).

I. 1. Personne du sexe féminin, consi-


dérée par rapport au lien de parenté qui
l’unit à ses père et mère ou à l’un des
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1907

deux : Fille légitime, naturelle. Athalie,


fille d’Achab et de Jézabel. C’est ainsi que
pour louer une mère, dans l’Antiquité, on
joignait quelquefois à son nom le nom de
sa fille (Chateaubriand). ‖ Fille adoptive,
enfant du sexe féminin dont la filiation
a été établie par l’adoption. ‖ La fille du
logis, de la maison, la fille du maître, de
la maîtresse de maison. ‖ 2. Par extens.
Personne que l’on considère comme sa
propre enfant et pour qui l’on éprouve les
mêmes sentiments : C’est une fille pour
elle. ‖ Fam. Ma fille, terme d’affection
ou appellation familière adressés à une
enfant, à une jeune fille, à une femme,
en dehors de tout lien de parenté. ‖ Être
la fille de quelqu’un en JésusChrist, avoir
telle personne pour père ou pour mère
spirituels. ‖ La fille aînée de l’Église, nom
donné par les papes à la France. ‖ 3. Per-
sonne du sexe féminin considérée par
rapport à son ascendance, à ses aïeux : La
fille des Césars. Une fille de rois. ‖ Filles
de France, nom donné aux filles légitimes
du roi de France. ‖ Plaisamm. Une fille
d’Ève, une femme, spécialement une
femme coquette, frivole : Les filles d’Ève
adorent la parure (France). ‖ 4. Per-
sonne du sexe féminin (et, par extens.,
chose, être du genre féminin) considérée
par rapport à ses origines : Une fille du
peuple. Les filles de la Provence. ‖ Les
filles de Sion, les femmes d’Israël. ‖ Poét.
Les filles de l’Enfer, les Furies. ‖ Les filles
de l’Achéron, les Parques. ‖ Les filles de
Mémoire, du Pinde, les Muses. ‖ Les filles
des eaux, les Néréides ou autres nymphes
des eaux. ‖ Les filles du Rhin, les ondines
qui, selon la légende, vivaient dans ce
fleuve. ‖ Les filles du Printemps, les fleurs.
‖ Les filles du ciel, les abeilles. ‖ Pop. fille
de l’air, fuite, évasion : Ils étaient en train
de combiner une fille de l’air (L. Daudet).
‖ Jouer la fille de l’air, s’enfuir, dispa-
raître sans prévenir. ‖ 5. Littér. Fille de,
se dit d’une chose (du genre féminin) qui
résulte d’une autre, est engendrée par une
autre : L’ingratitude est la fille du bienfait
(Murger). Les heures de la nuit sont filles
de la peur (Samain).

II. 1. Enfant du sexe féminin : Avoir deux


filles et un garçon. Collège de filles. ‖ Pe-
tite fille, jeune enfant du sexe féminin.
‖ Grande fille, fille qui est sortie de l’âge
de l’enfance, fille nubile. ‖ 2. Personne du
sexe féminin, jeune ou non, qui n’est pas
mariée : C’est une fille à marier. Votre fils
fait la cour à une fille du village (Musset).
‖ Jeune fille, fille nubile non mariée : Une
vraie jeune fille. À quoi rêvent les jeunes
filles (Musset). [Élisabeth] glissait de l’âge
où les garçons se moquent des filles à l’âge
où les jeunes filles émeuvent les garçons
(Cocteau). ‖ Vieille fille, femme céliba-
taire d’un certain âge : Cette vieille fille
portait une robe de mérinos couleur raisin
de Corinthe (Balzac). ‖ Rester fille (vx)
ou vieille fille, rester célibataire. ‖ Fille

mère, jeune femme qui a eu un enfant


sans être mariée (vieilli ou péjor. ; on dit
auj., dans le langage administratif, MÈRE
CÉLIBATAIRE) : La petite Rose, fille mère
à peine âgée de dix-huit ans (Chevallier).
‖ 3. Class. et spécialem. Jeune fille, celle
qui n’est pas mariée (sans aucune nuance
défavorable ou familière) : Elle est encore
fille, elle n’est pas mariée (Acad., 1694).
Ascagne, fille sous l’habit d’homme (Mo-
lière). ‖ Auj. S’emploie comme terme de
camaraderie entre jeunes et conserve une
nuance familière : « Qui est-ce ? — C’est
une étudiante, une fille de la faculté de
droit. » ‖ Class. Sortir de fille, se ma-
rier : Pour sortir de fille... (La Fontaine).
‖ Class. Fille d’honneur, ou simplem.
fille, jeune fille de la noblesse attachée au
service de la reine ou d’une princesse :
Le roi [...] n’oublia rien de ce qui pouvait
mettre les filles d’honneur de Mme la Dau-
phine sur un bon pied (Mme de Caylus).
Les filles de la reine, les filles de Madame
(Acad., 1694). ‖ 4. Class. et littér. Reli-
gieuse : Monastère de filles (Racine). Des
filles bénédictines [...] se consacrèrent à la
culture (Chateaubriand). ‖ Entre dans
la dénomination d’un grand nombre de
communautés de femmes, anciennes ou
actuelles : Filles-Dieu. Filles de la Passion.
Filles de la Croix. Fondateur [...] des com-
pagnies de dames pour le service de l’hôtel-
Dieu, les filles de la Charité, servantes des
malades (Chateaubriand). ‖ 5. Femme
jeune, célibataire ou non : Voilà la cloche
qui sonne, les filles vont rentrer à l’ouvrage
(Mérimée). ‖ Spécialem. Accompagné
d’un qualificatif ou d’un déterminatif :
Jolie fille. Vilaine fille. Une chic fille. Une
pauvre fille. Mais vous n’y pensez pas ;
c’est une fille de rien (Musset). Ceux qui la
rencontrèrent auraient dû remarquer que
la plus jolie fille du monde était au bois
(Chérau). ‖ Ne pas être mauvaise fille,
être bonne fille, avoir bon caractère, être
généreuse, indulgente : Elle est bonne fille,
pas embêtante (M. Prévost). ‖ Être fille à,
être capable de. ‖ 6. Péjor. Fille de joie
(vx), fille publique, fille perdue (littér.),
fille des rues, fille soumise (vx), ou sim-
plem. fille,femme de mauvaise vie, pros-
tituée : Au bord du quai parut une fille de
joie avec un soldat (Flaubert). Est-ce que
je connais toutes les filles de Paris ? (Zola).
Les filles, qui sont les véritables femelles
des clubmen (Maupassant). La figure
d’Alfreda n’était pas moins changée : une
expression ardente, résolue, insolemment
sensuelle, déformait et vulgarisait ses
traits ; on eût dit le visage d’une fille, le vi-
sage d’une fille soûle (Martin du Gard). Et
puis ces parages sont remplis de filles et de
souteneurs (Romains). ‖ Adjectiv. Digne
d’une femme de mauvaise vie : Elle avait
justement la grâce frelatée, un peu fille,
qui devait plaire à cette nature de gandin
(Daudet). ‖ Littér. Fille repentie, fille de
mauvaise vie recueillie dans une mai-

son de pénitence. ‖ 7. Class. Bonne, ser-


vante : Allons, des sièges. Holà !... Filles,
laquais, laquais, filles, quelqu’un. Je pense
que tous mes gens sont morts (Molière).
‖ Auj. S’emploie encore avec un déter-
minatif précisant la fonction : Fille de
service, fille de salle, fille d’auberge, fille
de ferme, etc. Je voyais tous les matins
une fille de cuisine récurer les casseroles
de Monseigneur (France). Elle servait
encore comme fille d’étage dans un hôtel
(L. Daudet).

1. filler [filər] n. m. (mot angl. signif.


proprem. « celui qui remplit, chargeur,
remplissage », de to fill, emplir, remplir ;
1930, Larousse). Matière minérale, fine-
ment moulue, utilisée comme agglomé-
rant dans les travaux publics. ‖ Spécialem.
Additif destiné à augmenter la consistance
des bitumes et des goudrons.

2. fillér [filɛr] n. m. invar. (mot hongrois ;


v. 1930). Unité monétaire divisionnaire de
la Hongrie, égale à 1/100 de forint.

1. fillette [fijɛt] n. f. (de fille ; XIIe s., aux


sens 1-2). 1. Petite fille, d’un âge variant
entre dix et quatorze ans : Une enfant nous
regardait passer, une fillette de douze ans
(Colette). ‖ 2. Jeune fille.

2. fillette [fijɛt] n. f. (altér. de feuillette


2 ; fin du XIVe s.). Petite bouteille servant
surtout pour les vins d’Anjou et contenant
environ un tiers de litre : Une fillette de vin
de Touraine (Arnoux).

filleul, e [fijoel] n. (lat. filiolus, fils en bas


âge, fils chéri, et, à basse époque, en Gaule,
« filleul », dimin. de filius, fils [v. FILS] ;
XIIe s., Naissance du chevalier au cygne,
écrit filuel ; filleul, XIIIe s., Chronique de
Rains). Garçon, fille baptisés, considé-
rés par rapport au lien qui les unit à leur
parrain ou à leur marraine : N’es-tu pas
filleul de la feue reine ? (Musset). ‖ Filleul
de guerre, militaire dont s’occupe, en temps
de guerre, une dame ou une jeune fille,
appelée marraine de guerre.

film [film] n. m. (mot angl. signif. « pelli-


cule, peau légère [en botanique], membrane
[en anatomie], voile, nuage » et « gélatine,
pellicule [en photographie] », de fell, peau ;
1889, Bonnafé, au sens 1 [« pellicule spé-
cialement préparée pour la photographie
instantanée »] ; sens 2, fin du XIXe s. ; sens
3, début du XXe s. ; sens 4, 1935, Gide).
1. Bande pelliculaire photographique sur
laquelle s’enregistrent les vues prises par
l’appareil cinématographique, et qui existe
en divers formats. ‖ Par extens. Surface
sensible sur pellicule utilisée en photo-
graphie. ‖ 2. OEuvre cinématographique :
Tourner un film. Film muet, sonore, par-
lant. Film en couleurs. Film documentaire.
Film d’amateur. Un producteur de films. Je
lis, sur le prospectus d’un cinéma oranais,
l’annonce d’un film de troisième qualité
(Camus). ‖ 3. Déroulement, succession
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1908

dans le temps (surtout en parlant d’évé-


nements) : Le film des événements politiques
de la semaine. Elle y lut comme sur un écran
le film des pensées successives (M. Prévost).
‖ 4. Fine pellicule d’une substance quel-
conque qui recouvre une surface : Une fine
couche de sable en avait terni la surface
[du lait]. Nos gobelets déchirèrent ce film
fragile (Gide). ‖ Spécialem. Pellicule de
peinture, de vernis, etc., qui subsiste sur le
support où l’un de ces produits a été appli-
qué. ‖ Mince couche d’un corps gras qui
demeure entre deux pièces mécaniques
normalement graissées.

filmage [filmaʒ] n. m. (de filmer ; 1912,


Giraud). Opération qui consiste à enregis-
trer sur la pellicule les images de l’oeuvre
cinématographique : Le filmage suit le
découpage.

• SYN. : prise de vues, tournage.

filmer [filme] v. tr. (de film ; 1908, Giraud,


au sens I ; sens II, 1930, Larousse).

I. Enregistrer sur film cinématogra-


phique : Filmer une scène de bataille.
Les passes rituelles se firent [...], douées
de la noblesse et de la liberté surhumaine
qu’ont les mouvements filmés au ralenti
(Montherlant).

II. Enduire d’une couche protectrice de


collodion ou de Celluloïd : Filmer du
liège.
• SYN. : I tourner.

filmique [filmik] adj. (de film ; milieu du


XXe s.). Relatif au film : Une image filmique.

filmographie [filmɔgrafi] n. f. (de film,


d’après bibliographie ; v. 1958). Catalogue
des films réalisés par un producteur, un
metteur en scène, ou interprétés par un
acteur.

filmologie [filmɔlɔʒi] n. f. (de filmo-, élé-


ment tiré de film, et de -logie, du gr. logos,
discours, science ; 1948, Larousse). Étude
scientifique du cinéma et de ses influences
dans le domaine social, moral, psycholo-
gique : Institut de filmologie.

filmothèque [filmɔtɛk] n. f. (de film,


d’après bibliothèque ; 1911, Giraud).

Collection de films classés, conservée dans


un local, dans un meuble.

• SYN. : cinémathèque.

filoche [filɔʃ] n. f. (anc. lyonnais filochi,


corde [XIVe s.], ou anc. provenç. filocha,
même sens [1411, Pansier], de fil, fil, lat.
filum [v. FIL] ; 1743, Trévoux, au sens 1 ;
sens 2-3, XXe s.). 1. Tissu de fil à larges
mailles. ‖ 2. Épuisette pour la pêche.
‖ 3. Bourriche pour conserver le poisson.

1. filocher [filɔʃe] v. tr. et intr. (de filoche ;


1869, d’après Littré, 1877). Tisser de la
filoche.

2. filocher [filɔʃe] v. intr. (de filer ; 1919,


au sens 1, et 1921, au sens 2, G. Esnault).

1. Pop. et vx. Se soustraire à une chose


désagréable, s’esquiver : Quand tu filoches
devant une corvée, c’est les autres qui
écopent (Barbusse). ‖ 2. Pop. Se déplacer
à vive allure : Il filoche dans la descente.

filon [filɔ̃] n. m. (ital. filone, filon, aug-


ment. de filo, fil, lat. filum, fil ; 1566, Du
Pinet, au sens 1 ; sens 2, av. 1791, G. de
Mirabeau ; sens 3, 1910, G. Esnault). 1. Suite
ininterrompue d’une même matière miné-
rale, située entre deux couches de nature
différente, dans une fissure plus ou moins
ouverte de l’écorce terrestre : Filon métal-
lique. Arrachée au plus rare | Filon du blanc
carrare (Banville). ‖ 2. Fig. Source à exploi-
ter particulièrement riche, touchant une
activité, un sujet quelconque : Auteur qui
exploite habilement un filon comique. Ou je
m’illusionne beaucoup, ou c’est un filon de
premier ordre (Romains). ‖ 3. Fam. Bonne
place, situation lucrative, peu fatigante ou
sans danger : Trouver, avoir, tenir le filon.
• SYN. : 1 veine ; 2 mine ; 3 aubaine, fromage
(fam.), planque (pop.), sinécure.

filonien, enne [filɔnjɛ̃, -ɛn] adj. (de


filon ; 1878, Larousse). Qui contient des
filons : Un gîte filonien.

filoselle [filɔzɛl] n. f. (ital. dialect. filo-


sello, filoselle [proprem. « cocon de ver à
soie »], altér., par croisement avec filo, fil
[lat. filum, même sens], d’une forme non
attestée *folisello, lat. pop. *follicellus,
enveloppe du grain de blé, de la larve d’un
insecte, etc., lat. class. folliculus, petit sac
de cuir, dimin. de follis, soufflet pour le feu,
outre, ballon, bourse de cuir ; 1369, Delisle,
Mandements, écrit filloisel ; filoselle, 1564,
Dict. général). Autref. Fil irrégulier obtenu
en filant la bourre des cocons de soie : Des
bas de filoselle. Les invités attendent la noce
et s’aident à mettre leurs gants de filoselle,
devant la porte d’une mairie (Huysmans).
Elle ouvrit le tiroir du bureau : un amas de
lettres, quelques photographies, un éventail,
et, dans un angle, en tampon, un humble
gant de filoselle noire (Martin du Gard).

filou [filu] n. m. (forme dialect. de fileur,


dér. de filer, au sens de « étirer, affiler [les
métaux] » ; milieu du XIVe s., Digulleville,
puis 1564, Chronique bordeloise, aux
sens 1-2 ; sens 3, XXe s.). 1. Vx. Voleur qui
dérobe par surprise et adroitement : [Je]
fus volé, en arrivant, de tout ce que j’avais
par des filous, à la foire de Saint-Germain
(Voltaire). Tandis qu’autour de tous vos
tournois | Clignote l’oeil du filou sournois
(Verlaine). ‖ Spécialem. Celui qui triche au
jeu. ‖ 2. Homme malhonnête, sans scru-
pule, qui ne cherche qu’à tromper, à voler
les autres : Je ne suis pas de ce pays de filous,
marchands d’oranges pourries (Mérimée).
C’est le plus grand filou qui ait jamais
existé (Barrès). ‖ 3. Fam. et plaisamm.
Terme d’affection appliqué à un enfant
rusé, malin.

• Pl. des FILOUS.

• SYN. : 2 aigrefin, coquin, crapule, escroc,


fripon, fripouille, pirate, voleur.

& adj. m. (av. 1714, Fénelon). Malhonnête,


indélicat : Il est encore plus filou que son
frère.
• SYN. : escroc, fripouille, voleur.

filoutage [filutaʒ] n. m. (de filouter ;


av. 1679, Retz). Action de filouter (rare) :
Un homme passé maître en matière de
filoutage.

• SYN. : filouterie, friponnerie, vol.

filouter [filute] v. tr. (de filou ; 1656,


Pascal, au sens 1 ; sens 2-3, 1690, Furetière).
1. Vx. Voler quelque chose avec ruse et
adresse : Filouter une montre, un por-
tefeuille. Nous avons voulu planter un
obélisque sur une de nos places ; il nous
fallut l’aller filouter à Luxor (Gautier) ;
et fig. et littér. : Les héros de Juillet à qui
le juste-milieu avait filouté la République
(Chateaubriand). Cet escroc du scrutin qui
[...] filouta les droits populaires (Hugo).
‖ 2. Voler quelqu’un : Vrai, j’ai été filouté
d’une jolie façon (Zola). ‖ Spécialem. Voler
au jeu : Filouter son adversaire. ‖ 3. Littér.
Abuser de la confiance d’autrui, tromper :
Il est un certain nombre de gens à qui l’on
a persuadé que la Comédie-Française était
le sanctuaire de l’art, et dont l’admirable
bonne volonté est filoutée un jour sur sept
(Baudelaire).

• SYN. : 2 dépouiller, escroquer, plumer.

filouterie [filutri] n. f. (de filouter ;


1644, Ouville, au sens 1 ; sens 2, av. 1794,
Chamfort). 1. Acte de filou, malhonnêteté :
Lafcadio répugnait aux filouteries (Gide).
‖ 2. État de filou : On les confine dans les
postes de la filouterie, de l’hypocrisie et du
cocuage (P. Hervieu). Le maître, qui n’était
pas un filou professionnel, était sans doute
moins blasé sur les joies utilitaires de la
filouterie (Tr. Bernard).

• SYN. : 1 escroquerie, friponnerie, indéli-


catesse, vol.

fils [fis] n. m. (lat. filius, fils, enfant, et


au plur., à basse époque, « descendants » ;
1080, Chanson de Roland, au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1273, Adenet ; sens I, 3, v. 1120,
Psautier d’Oxford ; sens I, 4, milieu du
XVIe s., Ronsard ; sens I, 5, XXe s. [fils de
ses oeuvres, 1865, Littré] ; sens I, 6, av. 1794,
Chénier ; sens II, 1, v. 1196, J. Bodel ; sens
II, 2, milieu du XVIe s., Amyot).

I. 1. Personne du sexe masculin consi-


dérée par rapport au lien de parenté qui
l’unit à ses père et mère ou à l’un des
deux : Ulysse, fils de Laërte. Les deux
Gracques étaient les fils de Cornélie. Cré-
billon fils. Le fils, les fils Un tel (sans prépo-
sition). Les Quatre Fils Aymon (titre d’un
roman de chevalerie). Fils légitime, natu-
rel. ‖ De père en fils, par transmission
directe et non interrompue. ‖ Il est bien
le fils de son père, il a le même caractère,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1909

les mêmes qualités ou les mêmes défauts


que son père. ‖ Le fils de la maison, le fils
des maîtres de la maison. ‖ Fils adoptif,
enfant du sexe masculin dont la filiation
a été acquise par l’adoption. ‖ Fam. et
péjor. Fils à papa, jeune homme dont le
père a une haute situation, et qui en béné-
ficie : M. Karl Daubigny est élève de son
père [...]. Ce fils à papa n’est pas malha-
bile, du reste (Huysmans). [On a dit aussi
ironiq., dans le même sens, FILS D’ARCHE-
VÊQUE.] ‖ 2. Celui que l’on aime pater-
nellement, que l’on considère comme
son propre enfant : Cet enfant est un
véritable fils pour elle. ‖ Mon fils, terme
d’affection employé par une personne
plus âgée à l’égard d’un jeune homme ;
terme dont les religieux se servent pour
s’adresser aux fidèles du sexe masculin :
Croyez-moi, mon fils, les douleurs ne sont
point éternelles (Chateaubriand) ; class.,
terme d’amitié du maître au valet, d’un
ami à un ami, etc. : Tu ne sais ce que tu
dis, Guzman, mon fils, me répondit mon
maître (Chapelain). ‖ 3. Homme consi-
déré par rapport à son ascendance, à ses
origines nationales, sociales, ou autres
(souvent dans un sens purement méta-
phorique) : Les fils d’Adam. Et toujours
sous nos fronts ce vieux désir luttant,
| Toujours l’héréditaire orgueil des fils
d’Icare (Samain). J’appartiens à mon
temps et je suis fils de mon pays (Gide). Un
fils de rois. Un fils de la Gascogne. ‖ Fils
de famille, jeune homme appartenant à
une famille riche ou influente : Je plume
quelques fils de famille, et je fais retentir
les tribunaux de l’histoire de mes bijoux
(Baudelaire). ‖ Fils du pays, originaire
de la région. ‖ Fils de France, les enfants
mâles des rois de France. ‖ Poét. Les fils
de la nuit ou des ténèbres, les méchants
et les sceptiques. ‖ Les fils de Mars, les
guerriers. ‖ Les fils d’Apollon, les poètes.
‖ 4. Spécialem. Le Fils de Dieu, le Fils de
l’homme, Jésus-Christ : Il est Dieu, Fils
de Dieu, et tout ensemble homme, Fils
de l’homme (Bossuet). De l’Orient loin-
tain, ils portent leurs hommages | Aux
pieds du fils de Dieu né pour guérir les
maux (Heredia). ‖ Absol. Le Fils, la deu-
xième personne de la Trinité. ‖ Être fils
de quelqu’un en Jésus-Christ, avoir cette
personne pour père ou pour mère spiri-
tuels. ‖ Fils aîné de l’Église, titre donné
autrefois au roi de France. ‖ Les fils de
saint Benoît, de saint Bruno, de saint Do-
minique, etc., les bénédictins, les char-
treux, les dominicains, etc., considérés
par rapport au fondateur de leur ordre.
‖ 5. Fig. Fils spirituel, celui qui est consi-
déré comme le dépositaire de la pensée
d’un autre et qui continue son oeuvre.
‖ Fig. Être fils de ses oeuvres, ne devoir
qu’à ses qualités personnelles, à son tra-
vail la situation honorable ou enviable
à laquelle on est parvenu. ‖ 6. Littér.
Fils de, se dit d’une chose (du genre mas-

culin) qui est produite par une autre, de


l’effet par rapport à la cause, etc. : Des
vers, fils de l’amour et de la solitude (Ché-
nier). L’homme ajouta le vin, fils sacré du
soleil (Baudelaire).

II. 1. Enfant du sexe masculin : À force de


prier Dieu, il lui vint un fils (Flaubert). Il
a un fils et trois filles. ‖ 2. Class. Beau fils,
jeune homme élégant, coquet (souvent
avec une nuance d’ironie) : À des par-
tis plus hauts ce beau fils doit prétendre
(Corneille).

• SYN. : I, 1 fiston (fam.), héritier (fam.),


rejeton ; 3 citoyen, enfant. ‖ II, 1 garçon.

filterie [filtri] n. f. (de filet 1 ; 1865, Littré).


Filature de fil à coudre, spécialement dans
la région de Lille et de Comines. (On dit
aussi FILETERIE [1930, Larousse].)

filtier, ère [filtje, -ɛr] n. (de filet 1 ; 1865,


Littré). Ouvrier, ouvrière qui fabrique et
retord le fil à coudre.

filtrage [filtraʒ] n. m. (de filtrer ; 1845,


Bescherelle, au sens I, 1 ; sens I, 2-3 et II,
XXe s.).

I. 1. Action de filtrer : Le filtrage d’un


vin trouble. ‖ 2. Fig. Contrôle minutieux
exercé sur les individus d’un groupe : Le
filtrage permet de retenir et d’identifier
les éléments suspects. ‖ 3. Fig. En termes
militaires, action de passer au crible des
renseignements, pour distinguer ceux
qui sont exploitables.

II. Le fait de filtrer, de se répandre su-


brepticement, en parlant de ce qui ne de-
vrait pas être divulgué : Le filtrage d’une
nouvelle.

• SYN. : I, 1 clarification, épuration,


filtration.

filtrant, e [filtrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


filtrer ; 1752, Barbier, au sens I, 1 ; sens I, 2
et II, 1-2, XXe s.).

I. 1. Qui sert à filtrer : Papier filtrant.


Cartouche filtrante d’un filtre à air
d’automobile. Cigarettes à bout filtrant.
‖ 2. Verres filtrants, verres optiques qui
ne laissent pas passer certaines radiations
lumineuses.

II. 1. Virus filtrant, germe pathogène


qui peut traverser les filtres les plus fins
et n’est perceptible qu’au microscope
électronique : Le microbe de la fièvre
jaune est un virus filtrant. ‖ 2. Se dit de
rayons lumineux dont l’intensité est atté-
nuée : Paupières closes sous le jour filtrant
(Arnoux).

filtrat [filtra] n. m. (dér. savant de filtrer ;


1907, Larousse). Liquide provenant d’une
filtration.

filtration [filtrasjɔ̃] n. f. (de filtrer ;


1578, Chauvelot, au sens I ; sens II, 1, 1690,
Furetière ; sens II, 2, fin du XIXe s.).

I. Opération par laquelle on fait passer un


fluide (liquide ou gaz) à travers un filtre
pour en éliminer les impuretés : L’eau des
rivières ne doit être utilisée qu’après filtra-
tion. (Syn. FILTRAGE.)

II. 1. Passage d’un fluide (liquide ou gaz)


à travers un filtre. ‖ Spécialem. Passage
d’un liquide à travers un corps ou un
milieu perméable ; en particulier, pas-
sage des eaux à travers les terrains per-
méables : La filtration d’une source qui
ne tarissait en aucun temps (Goncourt).
‖ 2. En parlant de rayons lumineux, le
fait de filtrer, de pénétrer plus ou moins
facilement dans un milieu obscur ; lu-
mière qui filtre : De mon lit, je distinguais
aux filtrations des clartés lunaires les ro-
seaux alignés et également distants entre
eux de ma case (Gauguin).

filtre [filtr] n. m. (lat. médiév. des alchi-


mistes filtrum, filtre, francique *filtir
[v. FEUTRE] ; v. 1560, Paré, au sens 1 ; sens
2, 1885, Zola ; sens 3-4, XXe s.). 1. Corps
poreux (étoffe, papier non collé, pierre,
charbon, etc.) ou appareil spécial à travers
lequel on fait passer un liquide ou un gaz
pour le clarifier, le débarrasser des impu-
retés qu’il contient, ou pour l’extraire de
matières auxquelles il est mélangé : Filtre à
bougies destiné à purifier l’eau. Filtre de car-
burateur. Filtre à air d’un moteur à explo-
sion. Papier-filtre. ‖ Spécialem. Matière
placée à l’extrémité d’une cigarette pour
retenir la nicotine du tabac : Cigarettes à
filtre, à bout filtre. ‖ 2. Filtre à café, sorte
de passoire très fine dans laquelle on met
le café moulu pour préparer l’infusion de
café, ou partie d’une cafetière munie de ce
dispositif : La bonne tapotait sur un grand
filtre à café (Romains). ‖ Café filtre, ou,
ellipt., filtre, café passé directement dans
la tasse au moyen d’un filtre individuel.
‖ 3. Dispositif électrique qui sélectionne
des oscillations de fréquences déterminées.
‖ Filtre acoustique, en radiotechnique, dis-
positif qui ne laisse passer que certaines
fréquences d’un son. ‖ Filtre antiparasite,
dispositif destiné à éliminer ou à atténuer
les courants parasites engendrés par les
appareils électriques et qui peuvent per-
turber les réceptions radioélectriques.
‖ 4. Écran coloré placé devant un objectif
photographique pour intercepter certaines
radiations du spectre : Filtres en verre
teinté. Filtres de gélatine. Filtres correcteurs
ou compensateurs.

filtre-presse [filtrəprɛs] n. m. (de filtre


et de presse ; 1845, Bescherelle). Appareil
filtrant les liquides sous pression.

• Pl. des FILTRES-PRESSES.

filtrer [filtre] v. tr. (de filtre ; v. 1560, Paré,


au sens 1 ; sens 2, av. 1872, Th. Gautier ;
sens 3, début du XXe s.). 1. Faire passer un
liquide à travers un filtre : Filtrer l’eau
d’une citerne. Filtrer un sirop. ‖ 2. En par-
lant d’une source lumineuse, faire passer
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1910

ses rayons par des intervalles étroits ou à


travers un corps plus ou moins translucide :
La lune qui filtre à travers les bambous de
ma case sa clarté mélodique (Gauguin).
‖ En parlant d’un corps, d’un milieu qui
fait écran, laisser passer faiblement des
rayons lumineux : Le ciel doux, pluvieux,
comme abaissé, filtrait par de rares échan-
crures un soleil pâle (Daudet). ‖ 3. Fig.
Soumettre à un contrôle étroit, à un tri
sévère : Filtrer les spectateurs à l’entrée
d’une salle. Filtrer des nouvelles.

• SYN. : 2 tamiser, voiler.

& v. intr. (sens 1, av. 1714, Fénelon ; sens 2,


1872, Larousse ; sens 3, milieu du XIXe s.,
Baudelaire ; sens 4, début du XXe s.). 1. En
parlant d’un liquide, passer à travers un
filtre, ou s’écouler lentement à travers une
matière perméable : Un sirop épais qui
filtre difficilement. La fontaine qui filtre
à l’ombre du dattier (Leconte de Lisle).
‖ 2. En parlant de rayons lumineux, pas-
ser par des interstices étroits ou à travers
un corps plus ou moins translucide qui
atténue l’intensité de la lumière : Et vous
fûtes si lente à ramener le voile, | Que vos
cils ombrageux palpitèrent ainsi | Qu’un
noir feuillage où filtre un long rayon d’étoile
(Heredia). Ils allaient au pas, au petit pas,
sous les branches presque dépouillées et qui
laissaient filtrer la lune (Maupassant). Le
soleil, filtrant par la fente des rideaux de
toile (Duhamel). ‖ 3. En parlant des sons,
parvenir faiblement, à travers quelque
chose qui assourdit. ‖ Fig. Parvenir, s’in-
sinuer mystérieusement : Cette voix qui
parle et qui filtre | Dans mon fond le plus
ténébreux (Baudelaire). ‖ 4. Fig. Passer, se
répandre subrepticement, en dépit des pré-
cautions : Mais enfin nous avons la preuve
qu’il filtre quelque chose de leur activité
puisqu’il en parvient des traces jusqu’à nous
(Romains).

1. fin [fɛ̃] n. f. (lat. finis, limite, fron-


tière, cessation, terme, le degré suprême,
le comble, but, fin [d’une chose] ; v. 1050,
Vie de saint Alexis, au sens I, 4 ; sens I, 1,
3 et 6, 1080, Chanson de Roland ; sens I, 2,
fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens I,
5, v. 1283, Beau-manoir ; sens II, 1, v. 1361,
Oresme ; sens II, 2, 1636, Monet ; sens II,
3, 1549, R. Estienne).

I. TERME DE QUELQUE CHOSE DANS LE


TEMPS OU DANS L’ESPACE (S’OPPOSE À
« COMMENCEMENT »). 1. Moment où se
termine une période d’une durée limi-
tée : La fin de l’année. Nous en reparlerons
à la fin de la semaine. Le temps des lilas
approche de sa fin (Proust). ‖ Ellipt. Fin
juillet, fin octobre, etc., à la fin du mois de
juillet, d’octobre : Une nouvelle rencontre
est prévue fin mai. ‖ Fin courant, fin pro-
chain, dans la langue commerciale, à la
fin du mois en cours, du mois prochain :
Traite payable fin courant. ‖ Fin de mois,
en comptabilité, état de la fin du mois,
résultat des opérations commerciales

d’un mois entier. (V. aussi n.) ‖ 2. En fin


de compte, en définitive, tout bien consi-
déré : Ses propositions me tentaient ; après
avoir bien réfléchi, en fin de compte, je ne
les ai pas acceptées. ‖ 3. Arrêt, cessation
d’un état de choses, d’un phénomène,
d’une activité quelconque, d’un état phy-
sique ou moral : La fin de l’Occupation,
des hostilités. La fin d’un incendie, d’une
tempête. La fin d’une dynastie, d’un em-
pire. La fin d’une maladie, d’un malaise.
La fin d’une amitié, d’une grande passion.
Pourquoi la levée d’une douleur apporte-
t-elle moins de joie que la fin d’une joie ne
cause de peine ? (Gide). ‖ Une chose dont
on ne voit pas la fin, une chose qui paraît
interminable. ‖ Mettre fin à, terminer,
arrêter : Ma mère résolut de mettre fin à ce
despotisme en herbe (Quinet). ‖ Mettre fin
à ses jours, se donner la mort. ‖ Prendre
fin, se terminer : Toutes les choses de ce
monde prennent fin (Sévigné). Son métier
[...] le maintenait dans un entraînement
qui a pris fin d’un coup (Romains). ‖ Tier
à sa fin, être sur le point de finir. ‖ Voir
la fin de, assister ou arriver au terme de.
‖ N’avoir ni fin ni cesse, ne jamais finir.
‖ N’avoir ni fin ni cesse que..., continuer,
insister jusqu’à ce que... : Il n’a eu ni fin
ni cesse qu’on ne l’ait reçu à l’Académie.
‖ Mot de la fin, mot spirituel ou profond
qui termine une discussion, une oeuvre
théâtrale. ‖ En toute chose, il faut consi-
dérer la fin, moralité d’une fable de La
Fontaine (le Renard et le Bouc), passée
en proverbe : avant de s’engager, il faut
prévoir de quelle façon l’affaire est sus-
ceptible de se terminer. ‖ Mais attendons
la fin !, ne nous hâtons pas de formuler
un jugement définitif. ‖ Fam. C’est la fin
de tout !, la situation est perdue, il n’y a
plus d’issue. ‖ 4. Cessation de ce qui ar-
rive à son complet achèvement, de ce qui
est entièrement réalisé ou accompli : Un
programme de construction qui touche à
sa fin. C’est une tâche, il est vrai, qui n’a
pas de fin (Camus). ‖ Class. Mettre à fin,
mener à son terme, venir à bout de : Pour-
ras-tu mettre à fin ce que je me propose ?
(Molière). ‖ Mener à bonne fin, terminer
une entreprise de façon heureuse : Me-
ner à bonne fin une négociation difficile.
‖ Class. Conduire à sa fin, mener à bonne
fin : Il [Louis XIX] conduit à leur fin les
plus nobles projets | Qu’ait jamais formés
un monarque (La Fontaine). ‖ 5. Spécia-
lem. Cessation de l’existence de l’homme
ou d’un être vivant : Sentir sa fin appro-
cher. Avoir une fin très douce. La fin de ce
tyran a été tragique. ‖ Class. Tirer à la fin,
agoniser, mourir : Je m’étais jeté sur un
lit où je tirais à la fin (Ch. Sorel). ‖ Faire
ou avoir une bonne fin, mourir dans une
disposition d’esprit édifiante, dans des
sentiments de piété, de repentir. ‖ Le
cerf est sur ses fins, en termes de chasse,
se dit du cerf qui est près de succomber.
‖ La fin du monde, la destruction de

la Terre et de toute vie à sa surface : Et


j’espérais la fin du monde (Apollinaire).
‖ 6. Endroit où se termine une chose qui
a un développement dans l’espace, qui
peut être parcourue jusqu’à son dernier
élément : La fin d’un sentier. Le poste de
péage est situé avant la fin de l’autoroute.
Un désert, une étendue sans fin. Arriver à
la fin d’un livre, d’un chapitre. Figurer en
fin de liste. Être placé à la fin d’une rangée.
‖ Câble, chaîne, courroie sans fin, câble,
chaîne, courroie dont les extrémités ont
été réunies de manière à former un cercle
flexible, utilisé pour transmettre un
mouvement continu. ‖ 7. Période, partie
terminale de ce qui a un développement
dans le temps ou dans l’espace : La fin de
la séance a été orageuse. Un temps de fin
de saison. Assister à la fin d’un congrès. La
fin de ce roman est meilleure que le reste,
mais c’est un livre ennuyeux. Il a rattrapé
tous ses concurrents en fin de parcours.
‖ Fin de mois, période où l’on attend le
versement de son salaire mensuel : Avoir
des fins de mois difficiles. J’économise[...],
car cette fin de mois [...] se trouve particu-
lièrement dure (Duhamel). ‖ Fin de race,
d’une distinction raffinée, mais qui sent
l’épuisement, la fragilité. ‖ Fin de siècle,
expression créée à la fin du XIXe s., et qui,
employée adjectivement, indique un état
de décadence raffinée : Un élève intelli-
gent [...] qualifiait M. le professeur d’élo-
quence de prêtre « fin de siècle » (France).
‖ Faire une fin, se décider à prendre une
situation stable dans la dernière partie de
sa vie, et en particulier se marier : Il faut
faire une fin, Monsieur : je vais me rendre
mari d’une certaine Lisette (Regnard).

II. BUT, DESTINATION D’UN ÊTRE OU


D’UNE CHOSE (S’OPPOSE À « MOYEN »).
1. But, objectif que l’être conscient donne
à son action ; ce qu’il se propose de réa-
liser (souvent au plur.) : Ce qui est désiré
pour l’amour de soi-même et à cause de sa
propre bonté s’appelle fin (Bossuet). Les
chefs se servent de lui en vue de fins mys-
térieuses (Romains). ‖ Fin subjective, en
philosophie, but qu’une personne se pro-
pose à titre individuel, sans chercher à lui
donner une portée universelle. ‖ Fin re-
lative, fin intermédiaire qui est le moyen
d’une autre fin plus élevée. ‖ Fin en soi,
fin objective et absolue : Si donc nous ne
parlons plus de vertu, ne serait-ce point
que ce terme doit suivre le destin de l’idée
de l’individu considéré comme fin en soi ?
(Valéry). ‖ La fin justifie les moyens,
maxime du réalisme politique : peu im-
porte la façon dont on s’y prend, si l’on
atteint le résultat souhaité. ‖ Qui veut la
fin veut les moyens, il ne faut pas hésiter
à faire ce qui est nécessaire pour arriver
au résultat qu’on se propose. ‖ Arriver,
parvenir à ses fins, réaliser ou obtenir
finalement ce qu’on désirait. ‖ Vx. À
bonne ou à mauvaise fin, en se proposant
un but louable ou blâmable : Il a dépensé,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1911

en une fois et à mauvaise fin, son trésor


d’allégresse (Sainte-Beuve). ‖ Class. À
toutes fins, quelle que soit l’issue : Elle
ne laissait pas de se ménager soigneuse-
ment, à toutes fins, avec la Cour (Retz).
‖ À toutes fins utiles, par précaution,
sans savoir exactement si ce qu’on fait ou
dit servira à quelque chose : À toutes fins
utiles, j’ai emporté un parapluie. ‖ Vx. À
cette fin de, en vue de : L’Allemagne aurait
tort de croire que Paris n’est peuplé que de
polissons qui se mouchent avec les doigts,
à cette fin de les essuyer sur le dos d’un
grand homme qui passe (Baudelaire). ‖ À
seule fin de (altér. de à celle [cette] fin de),
dans l’unique intention de : Je m’astreins
pourtant à ce petit effort quotidien, à seule
fin de ne point laisser se rouiller ma plume
(Gide). Il y a des coqs suspendus par les
pattes [...] à seule fin de les faire souffrir
(Montherlant). ‖ 2. Terme auquel tend
un être ou une chose de par sa nature ;
ce pour quoi un être ou une chose existe :
Parlez au diable, employez la magie, |
Vous ne détournerez nul être de sa fin (La
Fontaine). Tout étant fait pour une fin,
tout est nécessairement pour la meilleure
fin (Voltaire). ‖ Fins de l’homme ou fins
dernières, selon la théologie chrétienne,
ce qui doit arriver à l’homme inélucta-
blement, au terme de sa vie et au-delà : la
mort, le jugement, le paradis ou l’enfer.
‖ 3. But auquel tend une demande pré-
sentée en justice ; objet de la demande,
exprimé dans une requête ou dans des
conclusions (au sing. et au plur.) : Être
débouté des fins de la demande. Conclure
à toutes fins. ‖ À telle fin que de raison, en
vue d’atteindre le résultat qu’il est raison-
nable de rechercher ; ou en vue de pré-
venir les divers résultats possibles et d’y
pourvoir. ‖ Renvoyer quelqu’un des fins
de la plainte, l’absoudre des délits ou des
obligations plaidés par la partie deman-
deresse. ‖ Fin de non-recevoir, moyen
tendant à faire écarter une demande sous
le prétexte que celui qui intente l’action
n’est pas fondé dans sa plainte. ‖ Par
extens. Opposer à quelqu’un une fin de
non-recevoir, refuser d’accéder à ce qu’il
demande sans en examiner le bien-fon-
dé : À cette demande en mariage, la jeune
fille a opposé une fin de non-recevoir.

• SYN. : I, 1 expiration ; 2 extinction, mort ;


3 aboutissement, limite ; 4 disparition, tré-
pas ; 5 bout, extrémité, queue, sortie ; 6
clôture, conclusion, dénouement, épilogue,
péroraison.‖ II, 1 dessein, objet, résultat,
visées, vues. — CONTR. : I, 1 approche,
commencement, début ; 2 apparition, avè-
nement, éclosion, naissance, prémices ; 3
germe, origine, préliminaires, source ; 4
conception, naissance ; 5 commencement,
entrée ; avant-propos, exorde, exposition,
introduction, préambule.‖ II, 1 instrument,
matière, outil.

• REM. Les loc. fin mai, fin courant, fin


prochain (v. § I, n. 1) appartiennent à la

langue commerciale. On dit dans le lan-


gage courant : À la fin du mois de mai, à
la fin du mois, à la fin du mois prochain.
& À la fin loc. adv. (sens 1, 1273, Adenet
[à la fin des fins, fin du XVIIe s., Mme de
Sévigné ; à la fin finale, fin du XVe s.,
Commynes] ; sens 2, 1887, Zola ; sens 3,
1625, Racan). 1. Finalement, en défini-
tive, pour conclure : Sa présence à la fin
pourrait être importune (Racine). Ils ont
beaucoup discuté ; à la fin, ils sont tom-
bés d’accord. ‖ Fam. À la fin des fins, à la
fin finale, formules de renforcement : Et,
à la fin des fins, les gendarmes obligés de
l’emporter de force, de le rentrer dans son
cachot, pendant que la canaille hurlante
dansait autour de l’échafaud mis en pièces,
flambant et crépitant jusqu’au ciel comme
un feu de la Saint-Jean (Daudet). C’est
en pensant à elle que j’ai, à la fin finale,
fignolé mon ouvrage (Giono). ‖ 2. Employé
interjectivement, marque l’impatience : Tu
m’ennuies, à la fin ! (Becque). ‖ 3. Class.
Enfin : À la fin je respire, et le ciel me délivre
| Des secours importuns qui me forçaient de
vivre (Racine).

& Sans fin loc. adv. (av. 1662, Pascal). Sans


arrêt, continuellement : Répéter sans fin la
même chose.

2. fin, fine [fɛ̃, -in] adj. (même étym.


qu’à l’art. précéd., l’adj. dérivant du sens
de « le degré suprême, le comble [de quelque
chose] » qu’avait le lat. finis, d’où « qui est le
point extrême », puis « accompli » et « déli-
cat » ; 1080, Chanson de Roland, au sens
II, 1 ; sens I, 1, fin du XVe s., Commynes
[le fin fond, 1532, Rabelais ; le fin mot,
1865, Littré] ; sens I, 2, fin du XIIIe s.,
Roman du Châtelain de Coucy ; sens II,
2, 1273, Adenet ; sens III, 1-3, 5 et IV, 5,
1690, Furetière ; sens III, 4, 1666, Molière ;
sens IV, 1, 1273, Adenet [« délicat, tendre,
en amitié ou en amour », fin du XIIe s.,
Châtelain de Coucy] ; sens IV, 2, milieu du
XVIe s., Amyot [fin matois, 1690, Furetière ;
fine mouche, 1611, Cotgrave] ; sens IV, 3,
1770, Raynal ; sens IV, 4, XIIIe s. ; sens IV,
6, av. 1662, Pascal).

I. 1. Vx ou dialect. Qui est à l’extrémité,


à l’endroit le plus éloigné, dans l’espace
ou dans le temps (ce sens demeure dans
quelques expressions) : À la fine pointe du
quartier Notre-Dame (Le Goffic). Il s’en
allait dès le fin matin dans le pâtis (Theu-
riet). ‖ Le fin fond, le lieu le plus reculé :
Se cacher dans le fin fond des bois. ‖ Fig.
Le fin mot de, le dernier mot, celui qui
donne l’explication d’une chose demeu-
rée obscure, d’une action incompréhen-
sible, etc. ‖ 2. Class. Il pouvait s’employer
familièrement, précédé de tout, avec une
valeur adverbiale, pour renforcer un ad-
jectif ou un adverbe : Il parle tout fin droit
comme s’il lisait dans un livre (Molière).
Je suis ici toute fine seule (Sévigné). [V. FIN
adv., ci-après.]

II. 1. Qui est de la dernière pureté :


Argent fin, or fin. ‖ Fine fleur de farine,
farine de froment très pure, la première
qui passe dans les tamis de bluterie.
‖ Fig. La fine fleur de, ce qu’il y a de plus
recherché, de plus raffiné dans un genre,
l’élite, les personnes les plus distinguées
d’un groupe (souvent ironiq.) : Et c’est
aux mercredis d’Augustine Brohan, où se
réunissait, autour des jolies sociétaires ou
pensionnaires du Français, la fine fleur
du journalisme officiel, de la banque et
de la haute administration impériale, que
s’ébauchaient la plupart de ces unions ro-
manesques (Daudet). Mme de Villeparisis,
blasée sur la satisfaction d’appartenir à la
fine fleur de la haute aristocratie, s’était
en quelque sorte amusée à scandaliser les
gens parmi lesquels elle vivait (Proust).
C’était la fine fleur de la société savante
(Duhamel) ; et ironiq. : La fine fleur de la
canaille. ‖ 2. Qui est de la matière la plus
choisie, de la qualité la meilleure : Marbre
fin. Porcelaine fine. Laine fine. Linge fin,
lingerie fine. Vins fins. Repas, souper fin.
‖ Perles fines, pierres fines, perles, pierres
naturelles employées en joaillerie, à l’ex-
ception des diamants, des rubis, des sa-
phirs, des émeraudes, dénommés pierres
précieuses. ‖ Fines herbes, herbes d’un
goût, d’un arôme particulièrement déli-
cat et que, pour cette raison, on emploie
comme assaisonnement : Une omelette
aux fines herbes. ‖ Partie fine, partie de
plaisir accompagnée de quelque aven-
ture galante : Sans préjudice des petites
parties fines avec les faciles Vénus de Dru-
ry-Lane (Benoit). ‖ Fam. Fin tuyau, ren-
seignement particulièrement précieux :
Marchand avait répondu d’une voix po-
sée. Comme on indique un « fin tuyau »
(Romains).

III. 1. Qui est d’une extrême petitesse, ou


qui est formé d’éléments très menus : Un
livre imprimé en caractères trop fins. Petits
pois extra-fins. Sable fin. Sel fin. Une fine
poussière. ‖ Pluie fine, pluie qui tombe en
gouttes ténues et serrées : La pluie tom-
bait toujours, fine, froide et molle (Dorge-
lès). ‖ 2. Qui est extrêmement mince, dé-
lié : Aiguille fine. Fil fin. Cheveux fins. Les
araignées avaient déjà tendu de fins che-
veux de lumière (Duhamel). ‖ Peigne fin,
peigne dont les dents sont séparées par
des intervalles très étroits. ‖ Fig. Passer
au peigne fin, examiner sans omettre le
moindre détail, se livrer à des recherches
serrées et minutieuses : La police est
en train de passer au peigne fin toute la
région. ‖ Prendre la bille fine, au billard,
effleurer à peine la bille avec la queue.
(On dit aussi, adverbialem., prendre
une bille trop fin, jouer fin, toucher fin.)
‖ 3. Spécialem. Se dit d’une chose dont
l’extrémité est effilée, aiguë : Une plume
fine. Un pinceau fin. La fine pointe d’un
crayon. Un oiseau au bec fin. ‖ 4. Mince,
élancé, avec une idée d’élégance : Taille
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1912

fine. Attaches fines. Main fine. La cotte de


travail serrant la taille fine comme fait un
boléro (Montherlant). ‖ Spécialem. Qui
est délicat, très peu marqué : Un visage
aux traits fins. ‖ 5. Qui est très mince,
considéré sous le rapport de l’épaisseur :
Tissu fin. Verres fins. ‖ Bas fins, bas tissés
avec des fils d’une grande ténuité.

IV. 1. En parlant d’une personne ou de


ses facultés intellectuelles, qui perçoit les
moindres rapports, les nuances les plus
délicates des choses : Un homme très fin.
Un fin lettré, un fin psychologue. C’est un
fin connaisseur de la peinture moderne.
Je ne sais s’il a jamais existé une intelli-
gence plus fine que celle de ma femme :
elle devine la pensée et la parole à naître
sur le front ou sur les lèvres de la personne
avec qui elle cause : la tromper en rien est
impossible (Chateaubriand). ‖ Un esprit
fin, un homme qui a du discernement,
une intelligence subtile. ‖ 2. Class. Dont
la finesse d’esprit, l’habileté s’accom-
pagne de ruse, de duplicité : S’il y avait
moins de dupes, il y aurait moins de ce
qu’on appelle des hommes fins et enten-
dus, et de ceux qui tirent autant de vanité
que de distinction d’avoir su [...] tromper
les autres (La Bruyère). ‖ Auj. Un fin
matois, un fin renard, un homme retors,
dont il faut se défier. ‖ Une fine mouche,
une femme futée, adroite, qui ne se laisse
pas duper aisément. ‖ 3. Qui fait preuve
d’une adresse, d’un talent particuliers
dans une activité donnée : Un fin limier.
Un fin diseur ; et par extens. : Un pianiste
au fin doigté. ‖ Une fine lame, un homme
habile à manier l’épée. ‖ 4. En parlant
des organes des sens, qui est doué d’une
grande acuité, d’une grande délicatesse :
Avoir l’odorat fin, le goût fin, l’ouïe fine.
Est-ce que l’on ne peut pas entendre,
quand on tend une fine oreille, tous les
soupirs de la vie qui s’en va ? (Duha-
mel). ‖ Fig. Avoir le nez fin, avoir de la
perspicacité. ‖ Pop. Une fine gueule, un
gourmet averti. ‖ 5. En parlant du com-
portement, des propos, des pensées, qui
témoigne d’une intelligence subtile, d’un
goût délicat : Un sourire fin. Raillerie,
plaisanterie, repartie fine. Chemin faisant
[...] il trouvait des réponses fines aux sottes
demandes qu’on lui avait faites (Balzac).
‖ Fam. Ce n’est pas fin, ce n’est pas très
malin. ‖ Fam. et ironiq. Avoir l’air fin,
être ridicule. ‖ 6. Qui n’est perceptible
qu’à un esprit pénétrant : La fine nuance
de sens qui distingue deux synonymes.

• SYN. : II, 2 délicat, excellent, exquis, extra


(fam.), raffiné, supérieur.‖ III, 1 microsco-
pique, minuscule ; 2 filiforme, grêle, ténu ; 3
acéré, pointu ; 4 délié, fuselé, gracile, menu,
svelte ; 5 arachnéen, léger, vaporeux.‖ IV, 1
clairvoyant, pénétrant, perspicace, sagace,
subtil ; 3 adroit, brillant, distingué, habile,
remarquable ; 4 aigu, aiguisé, perçant,
sensible ; 5 futé, malin, piquant, spirituel.

— CONTR. : II, 2 commun, fruste, gros-

sier, inférieur, ordinaire.‖ III, 1 et 2 gros ;


3 aplati, arrondi, écrasé, émoussé, large ;
4 alourdi, empâté, lourd ; accusé, marqué ;
5 épais.‖ IV, 1 balourd, lourdaud, pesant,
simplet, simple ; 3 gauche, incapable, inepte,
maladroit, mauvais, piètre, pitoyable ;
4 dur ; 5 bête, niais, sot, stupide.

& n. (1549, R. Estienne [faire le fin de, av.


1613, M. Régnier ; jouer au plus fin, 1632,
Corneille]). Class. Faire le fin (la fine),
dissimuler, faire le cachottier : Il faut me
le dire, et sans faire les fines (Corneille).
‖ Class. Faire le fin d’une chose, en faire
le fin, essayer de dissimuler ce qu’on sait
de quelque chose, ce qu’on en pense : Je
leur fis le fin des intentions de Monsieur
[...], et eux [...] me faisaient aussi les fins
de ce qu’ils en savaient d’ailleurs (Retz). Je
vous embarrassai : n’en faites point la fine
(Corneille). ‖ Auj. Jouer au plus fin avec
quelqu’un, essayer, mais généralement en
vain, de tromper quelqu’un en se montrant
plus astucieux que lui : Ce serait impossible
de jouer au plus fin avec elle (Mauriac).

& fin n. m. (sens I, 1, 1690, Furetière ; sens I,


2, av. 1850, Balzac ; sens II, 1-2, 1865, Littré ;
sens III, 1, XIVe s., Littré ; sens III, 2, 1659,
Molière).

I. 1. Or ou argent fin ; métal fin contenu


dans un alliage : Les pièces d’or et d’argent
contiennent neuf dixièmes de fin. ‖ Grain
ou bouton de fin, or ou argent obtenu par
la coupellation. ‖ 2. Linge fin de soie, de
linon, de dentelle, de rayonne, etc. (sur-
tout dans les expressions vieillies blan-
chisseuse, blanchisserie de fin) : La soeur
de Lucien travaillait chez une très honnête
femme [...] nommée Mme Prieur, blanchis-
seuse de fin (Balzac).

II. 1. Écriture formée de petits carac-


tères : Écrire en fin. ‖ 2. Prendre le fin
d’une bille, au billard, toucher à peine la
bille sur laquelle on joue.

III. 1. Vx. Savoir le fin, savoir le fort et le


fin de quelque chose (art, science, métier,
etc.), en connaître tous les secrets, en
avoir pénétré complètement la nature :
Sans avoir saisi le fin du métier, je ne lais-
sai pas d’en prendre la marche courante
(Rousseau). Faire naître des conspira-
tions, les étouffer, c’est le fort et le fin de
la science des hommes d’État (Courier).
‖ 2. Le fin du fin, ce qu’il y a de plus ingé-
nieux, de plus raffiné : L’exiguïté même du
parquet est le « clou » de la chose, le fin du
fin (M. Prévost).

& adv. (sens I, XIIe s., Godefroy ; sens II, 1,


1890, Dict. général ; sens II, 2 et III, fin du
XIXe s. ; sens II, 3, 1821, Desgranges).

I. Tout à fait, complètement : Quand


elle était fin prête (Duvernois). [S’ac-
corde encore parfois, dans cet emploi,
comme au XVIIe s. : Ils étaient fins saouls
(La Varende).]

II. 1. Finement : Moudre fin du café.


Écrire fin. ‖ 2. Avec finesse, délicatesse :
Les cuivres, ciselés fin comme des dentelles
(Loti). ‖ 3. Prendre fin une bille, v. FIN
adj., § III, n. 2.

III. Littér. En raffinant à l’extrême : Nous


pensons si fin que des nuances familières
à nos âmes échappent à vos formules
(Barrès).

finage [finaʒ] n. m. (de fin 1 ; 1231,


Godefroy, écrit fignaige [finaige, XVe s. ;
finage, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, XVIe s.,
Loisel). 1. Autref. Circonscription sur
laquelle une autorité civile ou religieuse
avait droit de juridiction : Du moment
qu’elle relève du finage bénédictin [...],
l’oblature ne peut poursuivre qu’un but
(Huysmans). ‖ 2. Auj. Dans certaines
régions (Bourgogne, Franche-Comté),
étendue de territoire sur laquelle s’exerce
l’activité agricole d’un village : L’étendue
des terres et des bois qui composent le finage
du Chânois (Theuriet).
final, e, als (rarem. aux) [final, -no] adj.
(bas lat. finalis, qui concerne les limites, qui
borne, final, du lat. class. finis [v. FIN 1] ;
XIIe s., au sens I ; sens II, 1, v. 1361, Oresme ;
sens II, 2, début du XXe s.).

I. Qui est ou vient à la fin, au terme de


quelque chose ; qui clôt une série de
choses, qui en constitue la conclusion :
La voyelle, la syllabe finale d’un mot. Le
bouquet est la pièce finale d’un feu d’arti-
fice. Les accords finals d’un morceau de
musique. Le résultat final de mon opé-
ration sera, quant à la forme, indépen-
dant de la substance choisie (Valéry).
‖ Compte final, celui qui résume la situa-
tion d’une entreprise commerciale à la
fin d’un exercice. ‖ Point final, signe de
ponctuation placé à la fin d’une phrase ou
d’un texte. ‖ Fig. Mettre un point final à,
terminer d’une façon définitive, appor-
ter une conclusion à : Le communiqué du
ministère a mis un point final aux contro-
verses. ‖ Impénitence finale, en théologie,
impénitence qui dure jusqu’à la mort.
‖ Fig. Rester dans l’impénitence finale, ne
pas vouloir renoncer à un défaut, à une
erreur, malgré les avis qu’on a reçus.

II. 1. En philosophie, qui présente une


finalité, qui tend vers une fin, vers un
but. ‖ Cause finale, raison d’être d’une
chose, fin en vue de laquelle elle est faite :
L’expression « cause finale » est fâcheuse ;
on essaie vainement de penser à une cause
qui serait postérieure à son effet et le dé-
terminerait tout de même, à une fin qui,
au lieu d’être effet, serait cause (Goblot).
‖ 2. En grammaire, qui marque une fin,
un but, une intention : Infinitif final.
‖ Proposition finale, proposition subor-
donnée conjonctive introduite par les
conjonctions afin que, pour que, de peur
ou de crainte que, etc., et qui indique le
but ou l’intention de l’action exprimée
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1913

dans la proposition dont elle dépend ; par


extens., toute proposition subordonnée
indiquant le but ou l’intention. (V. art.
spécial à BUT [L’expression du but].)

• SYN. : I dernier, extrême, suprême, ter-


minal, ultime. — CONTR. : I initial, préli-
minaire, premier.
& finale n. f. (sens 1-2, 1732, Trévoux ; sens
3-4, début du XXe s.). 1. Syllabe, phonème
qui termine un mot. ‖ 2. Note principale
qui détermine le ton d’un morceau et
par laquelle il doit finir. (Syn. TONIQUE.)
‖ 3. Dans certaines compétitions spor-
tives ou dans certains concours, der-
nière épreuve venant après des épreuves
éliminatoires : La finale de la Coupe de
France de football. Demi-finales. Quarts
de finale. ‖ 4. En finale, à la fin, dans la
phase terminale.

finale ou final [final] n. m. (ital. finale,


final [en musique], de fine, fin, lat. finis
[v. FIN 1] ; fin du XVIIIe s.). Dernière par-
tie d’une oeuvre vocale, instrumentale ou
orchestrale de quelque importance (opéra,
sonate, symphonie) : Il s’avançait théâtra-
lement au milieu des tables en roulant
quelque finale italien (Daudet). J’apprends
l’assommante petite sonate en « fa » (en
forme de menuet) de Beethoven — par
mortification —, et son finale en forme de
toccata (Gide). ‖ Par extens. Morceau isolé
possédant, par la solennité ou par l’éclat, le
caractère d’une pièce conclusive.

finalement [finalmɑ̃] adv. (de final,


adj. ; v. 1280, Clef d’Amors, écrit finalment
[finalement, XVIe s.], au sens 2 ; sens 1,
v. 1355, Bersuire). 1. À la fin, enfin : Ces
deux coeurs dévoués jusques à la bassesse
| Et soumis l’un à l’autre, et puis finale-
ment, | Navrés, martyrisés, bafoués l’un par
l’autre (Verlaine). ‖ 2. En définitive, en fin
de compte : La guerre, finalement, ne vit
qu’aux dépens du travail (M. Chevalier).

finalisé, e [finalize] adj. (de final[ité] ;


milieu du XXe s.). Qui a une finalité : Un
régime politique finalisé.

finalisme [finalism] n. m. (de finaliste


1 ; début du XXe s.). Système qui admet la
finalité comme principe d’explication des
phénomènes, soit dans un domaine limité,
soit dans l’univers entier : Les rationalistes
les plus stricts sont obligés, cent fois par jour,
de pécher par finalisme parce que nous
n’imaginons pas, au fond, que le moindre
des phénomènes pourrait être dépourvu
d’une fin (Duhamel).

1. finaliste [finalist] adj. et n. (de final,


adj., au sens philosophique ; 1827, Acad.
[cause-finalier, 1764, Voltaire ; cause-fina-
liste, 1829, Boiste]). Qui professe le fina-
lisme : Philosophe finaliste. Bernardin de
Saint-Pierre était un finaliste convaincu.
& adj. (XXe s.). Qui admet la finalité comme
principe d’explication des phénomènes :
Théorie, philosophie finaliste.

2. finaliste [finalist] n. et adj. (de finale,


n. f. ; XXe s.). Concurrent ou équipe qui sont
qualifiés pour participer à une finale spor-
tive : Les finalistes de la Coupe de France
de football.

finalité [finalite] n. f. (de final, adj., au


sens philosophique ; 1865, Littré, au sens 2 ;
sens 1, début du XXe s.). 1. Caractère de ce
qui tend à un but, à une fin : La finalité de
la volonté. À moins que cet effet ne soit sans
finalité, mais un phénomène d’équilibre
(Valéry). ‖ 2. Existence de fins, de causes
finales dans la nature : La finalité n’abolit
pas le déterminisme ; elle le suppose, elle
l’exige, elle s’y ajoute (Goblot). ‖ Finalité
externe, adaptation d’une chose à une fin
qui lui est extérieure. ‖ Finalité interne,
adaptation des diverses parties d’un tout
à ce tout.

finance [finɑ̃s] n. f. (de l’anc. franç.


finer, payer [XIIe s., Godefroy], proprem.
« mener à fin, venir à bout » [1080, Chanson
de Roland], altér., sous l’influence du n. f.
fin, de finir ; v. 1283, Beaumanoir, au sens
de « paiement, rançon » ; sens 1, XIVe s.,
Godefroy ; sens 2, 1675, Widerhold [« ceux
qui avaient la ferme des droits du roi », 1549,
R. Estienne] ; sens 3, 1678, La Fontaine ;
sens 4, 1770, Raynal ; sens 5, 1751, Voltaire).
1. Class. et littér. Argent comptant (dans le
style familier ou plaisant) : Et l’abondance
à pleines mains | Verse en leurs coffres la
finance (La Fontaine). Pour avoir cherché
en certains endroits de la finance qu’on
disait y avoir été cachée (Hugo). [Les gen-
tilshommes] pénétraient dans le théâtre
soit par faveur, soit par finance, et le plus
souvent accompagnaient les actrices jusque
chez elles (Nerval). ‖ Auj. Moyennant
finance, à condition de payer comptant.
‖ 2. Spécialem. et vx. Sous l’Ancien Régime,
somme payée au roi pour acquérir une
charge ou pour acquitter un droit imposé.
‖ Par extens. La ferme ou la régie des droits
du roi ; ensemble des personnes qui avaient
cette ferme. ‖ 3. Profession du financier,
pratique des grandes affaires d’argent ;
ensemble des activités qui ont trait à
l’argent et à ses moyens représentatifs, en
particulier les valeurs mobilières : Entrer
dans la finance. Tout Paris était là, le Paris
des lettres, de la finance et du plaisir (Zola).
Il y avait encore à cette époque, entre tout
homme gommeux et riche du monde de la
finance ou de la haute industrie, une diffé-
rence très marquée (Proust). ‖ 4. Ensemble
des personnes qui s’occupent de banque,
de Bourse, consacrent leur activité aux
affaires d’argent : La haute finance inter-
nationale. Cette bonne femme avait tenu
des rois, des princes, toute la noblesse et
la finance amoureuses (Daudet). Le même
temps connut l’entrée retentissante, dans
l’espace politique, de la finance et de la
publicité combinées (Valéry). ‖ 5. Science
de la gestion des patrimoines individuels,
des patrimoines d’entreprises et des deniers

publics. (En ce sens, s’est employé au sing.


et au plur. ; on dit plutôt auj. SCIENCES
FINANCIÈRES.)

& finances n. f. pl. (sens 1, début du


XIVe s. ; sens 2, 1832, Raymond [« fisc »,
1690, Furetière] ; sens 3, 1549, R. Estienne).
1. Les deniers publics, les recettes et les
dépenses de l’État ; activités qui ont trait
à la gestion, à l’utilisation des ressources
de l’État : Remédier au déséquilibre des
finances. Mettre de l’ordre dans les finances.
L’administration des Finances. Je ne serai
retardé que par cette corvée du ministère des
Finances dont j’ai eu la sottise de me charger
(Stendhal). ‖ Finances publiques, ensemble
des ressources et des charges relatives à
l’activité des personnes publiques ; règles
qui déterminent le régime de ces ressources
et de ces charges. ‖ Finances locales,
finances des collectivités locales (com-
munes, départements). ‖ Loi de finances,
loi par laquelle le Parlement autorise le
gouvernement à engager les dépenses et à
recouvrer les recettes d’un exercice budgé-
taire. ‖ 2. Ensemble des services adminis-
tratifs auxquels est confiée la gestion des
fonds publics : Être employé aux Finances.
‖ 3. Fam. Ressources pécuniaires dont un
particulier dispose à un moment donné :
Une gratification aussi forte que l’état
de mes finances pouvait me le permettre
(Mérimée). J’ai oublié d’agiter la question
finances (Vercel).

financement [finɑ̃smɑ̃] n. m. (de finan-


cer ; XXe s. [un premier exemple au milieu
du XIXe s.]). Action de procurer à une
entreprise, à un organisme public ou semi-
public les moyens financiers nécessaires
à son fonctionnement, à son développe-
ment ou à l’accomplissement de sa tâche :
Le financement de ces travaux sera assuré
par un emprunt.

financer [finɑ̃se] v. intr. (de finance ;


financer [finɑ̃se] v. intr. (de finance ;
milieu du XVIe s.). Payer, fournir de l’ar-
gent : Le père Goriot a galamment financé
pour elle (Balzac).

& v. tr. (sens 1, 1636, Monet ; sens 2, fin


du XIXe s.). 1. Vx. Payer comptant une
somme, notamment pour acquérir une
charge, acquitter un droit : Rouillé remit à
Desmarets sa place de directeur des finances
en lui remboursant 800 000 livres qu’il
avait financées pour cette charge (Saint-
Simon). ‖ 2. Assurer les crédits nécessaires
à la création et au fonctionnement d’une
entreprise, d’un organisme public ou semi-
public, ou à l’application d’une législation
nouvelle : Financer la construction d’une
autoroute, d’un port de plaisance. Financer
une nouvelle revue.

financier, ère [finɑ̃sje, -ɛr] adj. (de


finance ; 1752, Trévoux, aux sens 1-4).
1. Qui est relatif à la finance, aux finances :
Un homme qui [...], suivant une expression
assez énergique de la langue financière,
« carottait » sur les rentes après s’y être
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1914

ruiné (Balzac). ‖ 2. Qui a trait aux res-


sources en argent, privées ou publiques :
La situation financière d’un particulier,
d’une société, d’une collectivité publique,
de l’État. Des embarras financiers. ‖ 3. Qui
est relatif à la gestion des capitaux privés,
aux affaires d’argent : Il dirigeait la « Caisse
territoriale de la Corse », une vaste entre-
prise financière (Daudet). L’approche de la
faillite apporte aux groupes financiers une
conscience intense de la nation à laquelle
ils appartiennent (Malraux). Combinaison,
opération financière. L’habileté financière
d’un chef d’entreprise. ‖ Opérations finan-
cières, en termes de banque, opérations
touchant aux fonds propres des entreprises,
par opposition à celles qui concernent
les ressources provenant de l’endette-
ment. ‖ 4. Qui se rapporte aux finances
publiques : Politique financière. Équilibre
financier.

• SYN. : 2. budgétaire, pécuniaire.

& financier n. m. (v. 1420, A. Chartier, au


fém., écrit financhiere, au sens de « pro-
priétaire » ; au masc., écrit financier, au
sens 2, fin du XVe s., La Vigne ; sens 1,
1549, R. Estienne [« homme riche », 1678,
La Fontaine] ; sens 3, 1776, Voltaire). 1. Vx.
Sous l’Ancien Régime, celui qui avait la
ferme ou la régie des droits du roi : M. de
La Popelinière n’était pas le plus riche des
financiers, mais il en était le plus fastueux
(Marmontel). ‖ Par extens. Homme riche,
opulent, qui traite des affaires d’argent :
Le Savetier et le Financier (La Fontaine).
‖ 2. Personne qui s’occupe de finance,
qui réalise des opérations importantes de
banque et de Bourse : Les financiers sont
mécontents de la Bourse. ‖ 3. Personne
compétente dans la gestion des fonds
publics ou des capitaux privés et dans
toutes les questions qui s’y rapportent.

& financière adj. et n. f. (1778, Menon).


Sauce, garniture financière, ou financière n.
f., sauce brune riche dans laquelle entrent
divers éléments : beurre, farine, vin blanc,
jambon maigre, champignons, truffes, ris
de veau, crêtes et rognons de coq, quenelles
de volaille, etc. : Poulet, vol-au-vent à la
financière.

financièrement [finɑ̃sjɛrmɑ̃] adv. (de


financier, adj. ; 1865, Littré). En matière
de finances ; du point de vue financier :
L’entreprise n’est pas très prospère, mais
elle est saine financièrement.

finasser [finase] v. intr. (de finesse ; 1680,


Richelet, écrit finesser et finasser). Fam.
User de finesses petites ou grossières, de
subterfuges, pour se dérober, obtenir un
avantage supplémentaire, etc. : Mon hor-
reur était de vendre un champ à un paysan
en finassant pendant huit jours à l’effet
de gagner trois cents francs (Stendhal). Il
pensait naïvement, à la française, que c’est
toujours un tort de finasser et d’avoir peur
(Barrès).

• SYN. : biaiser (fam.), louvoyer, ruser, ter-


giverser, tortiller (fam.).

finasserie [finasri] n. f. (de finasser ; 1718,


Acad., aux sens 1-2). 1. Fam. Petite ou mau-
vaise finesse, tout au plus bonne à gagner
du temps : Il se rappelait ses viles finasse-
ries, ses grossiers mensonges (Huysmans).
Les finasseries, les avocasseries, les discus-
sions d’Euripide [...] sont très sensiblement
inférieures à Racine (Péguy). ‖ 2. Fam.
Attitude, caractère d’une personne qui use
de finesses : Personne ne sait quelle part
de finasserie et quelle part de volonté vrai-
ment agressive il y a, présentement, dans
l’attitude de l’Allemagne (Martin du Gard).
• SYN. : 1 biais, détour, faux-fuyant, sub-
terfuge, subtilité, tergiversation ; 2 finau-
derie (fam.), matoiserie (fam.), roublardise,
rouerie, ruse.

finassier, ère [finasje, -ɛr] n. et adj. (de


finasser ; 1718, Acad.). Fam. Qui use de
finesses, de ruses plus ou moins grossières,
dans ses rapports avec autrui : Il a la répu-
tation d’être un finassier et un cogne-fétu
(Huysmans).

& adj. (1865, Littré). Propre à la personne


qui finasse : On ne lui arracherait pas
sa sourde, opaque, finassière, restrei-
gnante et pitoyable médiocrité (Villiers de
L’Isle-Adam).

• SYN. : cauteleux, machiavélique, tortueux.


• REM. Quoique plus récente (1740,
Acad.), la forme FINASSEUR, EUSE est auj.
vieillie.

finaud, e [fino, -od] adj. et n. (de fin 2 ;


1762, Acad.). Qui a de la finesse, de la ruse,
cachée souvent sous une apparence d’ingé-
nuité, de bonhomie : Finauds, discrets et
de première force à la belote (Daudet). Les
moines sont plus finauds que nous, et tu n’as
pas le sens pratique (Bernanos).

• SYN. : fin, madré (fam.), matois (fam.),


retors, roublard (fam.), roué.

& adj. (1872, Larousse). Qui est propre à


une personne finaude : Mais le plus heu-
reux était encore Romain, assis à l’avant
près de sa femme et lui parlant tout bas
avec un regard finaud qu’il coulait de temps
en temps vers l’arrière (Daudet). Il unit en
des proportions admirables pour faire un
ensemble parfait la blague du vieux sol-
dat à la malice finaude du Normand
(Maupassant).

• SYN. : futé, malicieux, malin. — CONTR. :


bête, idiot, stupide.

finauderie [finodri] n. f. (de finaud ;


av. 1850, Balzac, au sens 2 ; sens 1, 1883,
Maupassant). 1. Caractère d’une personne
finaude ou de son comportement : La
finauderie de l’oeil clair d’un paysan nor-
mand (Goncourt). ‖ 2. Manière d’agir,
procédé d’une personne finaude : Ah ! çà,
mon garçon, pas de finauderie ! nous jouons
franc jeu (Balzac). Je ne suis pas dupe de
toutes ces finauderies.
• SYN. : 1 malice, matoiserie (fam.), roublar-
dise, rouerie ; 2 finasserie (fam.), subtilité.

fine [fin] n. f. (abrév. de eau-de-vie fine ;


1872, Larousse [fine champagne — de
Champagne, n. d’une région de l’Angou-
mois et de la Saintonge —, 1890, Dict.
général]). Eau-de-vie naturelle de bonne
qualité : Mme Polge [...] cédait volontiers à
quelques petits verres de fine (Daudet). Si
on buvait un verre de fine pour se réchauffer
(Maupassant). Gurau achève de boire son
café et son petit verre de fine (Romains).
‖ Fine champagne, cognac de la grande
et de la petite Champagne (département
de la Charente).

fine-de-claire [findəklɛr] n. f. (de fine,


fém. de fin [adj.], de et claire [n. f.] ; 1872,
Larousse). Nom commercial d’une huître
élevée dans une claire.

• Pl. des FINES-DE-CLAIRE.

finement [finmɑ̃] adv. (de fin 2 ; XIIe s.,


aux sens 3-4 ; sens 1, 1690, Furetière ; sens
2, 1661, Bossuet ; sens 5, av. 1563, La Boétie).
1. De façon légère, délicate : Juliette exa-
mina la petite fleur, finement creusée en
traits bleus et rouges (Romains). ‖ 2. Class.
De façon insensible, imperceptible : [Le
Temps] nous dérobe si subtilement que nous
ne sentons pas son larcin ; il nous mène
si finement aux extrémités opposées que
nous y arrivons sans y penser (Bossuet).
‖ 3. Avec de la finesse d’esprit, un goût
sûr et délicat : Un roman où les sentiments
des personnages sont finement analysés. Un
compliment finement tourné. ‖ 4. De façon
subtile, adroite : Quand vous éprouvez le
besoin de me dire quelque chose de finement
désagréable, vous ne pouvez vous imaginer
comme je le sens bien (Duhamel). La civi-
lisation [...] dont [...] il avait su si finement
profiter (Malraux). ‖ 5. Class. Avec une
subtilité mêlée de ruse : Deux sortes de gens
fleurissent dans les cours [...], les libertins et
les hypocrites : ceux-là gaiement, ouverte-
ment, sans art et sans dissimulation ; ceux-
ci finement, par des artifices, par la cabale
(La Bruyère).

finer [fine] v. tr. (de fin 2, au sens de


« rusé » ; 1649, Cyrano [le mot, avec ce sens,
paraît être un hapax]). Class. Tromper :
Vous avez finé tous les jours | Et Créateur
et Créature (Cyrano).

fines [fin] n. f. pl. (fém. plur. substantivé de


l’adj. fin ; 1865, Littré). Houille en morceaux
menus (inférieurs à 6 mm), dans les houil-
lères du nord de la France : Fines à coke.

finesse [finɛs] n. f. (de fin 2 ; début du


XIVe s., au sens III, 3 ; sens I, II, 1-4 et III, 4,
XVe s. ; sens III, 1, av. 1654, Guez de Balzac ;
sens III, 2, 1865, Littré ; sens III, 5, 1580,
Montaigne ; sens III, 6, 1765, Diderot [« pro-
cédé adroit », 1580, Montaigne]).

I. Qualité d’une matière ou d’une chose


fine, de ce qui est composé ou élaboré
avec soin et produit sur les sens une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1915

impression délicate : La finesse du par-


fum d’une fleur. La finesse d’une étoffe.
La finesse des mets, d’un vin, de la table
d’une maison. Un beurre renommé pour
sa finesse.

II. 1. Qualité de ce qui est très ténu ou


formé d’éléments extrêmement petits :
Une poudre, une farine d’une grande
finesse. Une plage remarquable par la
finesse de son sable. La finesse du grain
d’une peau. ‖ 2. Qualité de ce qui est
très mince, délié : La finesse des cheveux
d’un jeune enfant, du fil de l’araignée. La
finesse d’une écriture. Ce fil dont la finesse
aveuglément suivie | Jusque sur cette rive
a ramené ta vie (Valéry). ‖ Spécialem.
Qualité d’une chose effilée, aiguë : La
finesse de la pointe d’un pinceau, d’une
aiguille. ‖ 3. Qualité de ce qui est à la
fois mince et élégant, gracieux : La finesse
de la taille, des attaches. La finesse d’une
colonne. La finesse de la taille a, comme
tout le reste, ses proportions, sa mesure,
passé laquelle elle est certainement un
défaut (Rousseau). Rien n’égale la finesse
et la variété des arabesques de l’Alham-
bra (Chateaubriand). Un pavillon central
qui frappe le connaisseur par la finesse et
l’élégance de son style (Renan). ‖ Spé-
cialem. Qualité de ce qui est légèrement
marqué : C’était la belle Desfourniels qui,
pour la régularité, la délicatesse des traits
et leur finesse inimitable, était le déses-
poir des plus habiles peintres (Marmon-
tel). ‖ 4. Qualité de ce qui a une faible
épaisseur, en particulier d’un tissu fait
avec des fils très fins : La finesse du papier
bible, de la batiste, des ailes d’un papillon.
Un mouchoir dont m’émerveillaient la
finesse et l’odeur (Gide).

III. 1. Qualité d’une personne, d’un


esprit qui est apte à saisir ou à exprimer
les moindres nuances des pensées, des
sentiments : Un homme d’une grande
finesse. Finesse de jugement, de goût. Les
gens d’esprit qui naissent sur le trône ou
à côté perdent bientôt toute finesse de tact
(Stendhal). Une femme de même forma-
tion intellectuelle que les hommes n’a sans
doute pas plus d’esprit critique, mais elle
est servie par sa finesse (Romains). Vous
nous avez dit ce rôle [...] avec une finesse,
une grâce, une émotion ! (Lemaitre).
‖ Esprit de finesse, v. ESPRIT. ‖ 2. Qualité
d’un organe sensoriel qui est apte à per-
cevoir des sensations très fines : Finesse
de l’ouïe, du goût, de l’odorat. Un chien
de chasse remarquable par la finesse de
son flair. ‖ 3. Class. Caractère de celui
qui agit avec ruse, duplicité : La finesse
est l’occasion prochaine de la fourbe-
rie ; de l’une à l’autre le pas est glissant
(La Bruyère). ‖ Par extens. et class. Acte
destiné à tromper : J’ai vu le monde et j’en
sais les finesses (Molière). ‖ 4. Caractère
de ce qui est exprimé avec de l’esprit, le
sens des nuances : La finesse d’une plai-

santerie. Une réponse, une remarque


pleine de finesse. ‖ Spécialem. Sens trop
subtil donné à quelque chose : Le peuple,
dont le bon sens ne voit pas tant de finesse
dans les choses (Hugo). ‖ Entendre, cher-
cher finesse à quelque chose, lui donner
un sens mystérieux ou malin. ‖ 5. Chose
subtile, difficile à comprendre et qui
n’est perceptible qu’à un esprit averti
ou pénétrant : Saisir toutes les finesses
d’une langue étrangère. Une conversation
s’engagea dont je ne compris pas toutes les
finesses (Duhamel). ‖ 6. Manière déli-
cate et légère d’employer les outils ou les
instruments d’une technique d’un art, et
effet qui en résulte : Finesse de pinceau, de
crayon, de touche, de ton. Finesse d’exé-
cution. ‖ Par extens. Procédé adroit :
Connaître toutes les finesses d’un métier.
• SYN. : I délicatesse, excellence, qualité,
suavité, succulence. ‖ II, 2 ténuité ; 3 étroi-
tesse, grâce, gracilité, petitesse ; pureté ; 4
diaphanéité, minceur. ‖ III, 1 clairvoyance,
intuition, pénétration, perspicacité, saga-
cité ; 2 acuité, sensibilité ; 4 esprit, intelli-
gence, justesse ; 5 subtilité ; 6 délicatesse,
légèreté ; astuce, ficelle (fam.), truc (fam.).

— CONTR. : I grossièreté. ‖ II, 1 grosseur,


rudesse ; 2 et 3 empâtement, épaisseur ; 3
lourdeur ; 4 épaisseur. ‖ III, 1 balourdise,
idiotie, niaiserie, sottise, stupidité ; 2 dureté,
insensibilité ; 4 bêtise, ineptie, vulgarité ;
6 gaucherie, inexpérience, inhabileté,
maladresse.

finette [finɛt] n. f. (de finet, dimin. de


fin, adj. [cf. satin fignet cramoisi, XVe s.,
Godefroy] ; 1519, Godefroy). Tissu de
coton, uni à l’endroit et rendu pelucheux
à l’envers par un grattage : Une chemise de
nuit en finette.

fini, e [fini] adj. (part. passé de finir ; 1580,


Montaigne, au sens 1 [en mathématiques,
1872, Larousse ; en linguistique, milieu du
XXe s.] ; sens 2, 1688, Miege ; sens 3, 1835,
Acad. ; sens 4, av. 1850, Balzac). 1. Qui
est limité dans son être, ou sous quelque
rapport (grandeur, durée, quantité, etc.)
[surtout dans la langue philosophique ou
scientifique] : Il est clair que tout corps est
fini, nous en voyons et nous en touchons
les bornes certaines (Bossuet). Les dou-
leurs ne sont pas éternelles parce que le
coeur de l’homme est fini (Chateaubriand).
L’homme est fini, borné ; si grand et si saint
qu’il soit, il n’embrasse pas tout (Sainte-
Beuve). ‖ Dans l’analyse structuraliste en
linguistique et dans la théorie ensembliste
en mathématiques, qui est constitué par un
nombre limité d’éléments. ‖ Progression
finie ou limitée, en mathématiques, pro-
gression qui a un dernier terme. ‖ Nombre
fini, nombre compris entre deux entiers.
‖ Grandeur finie, grandeur dont la mesure
est exprimée par un nombre fini. ‖ 2. Qui
a été achevé, qui est terminé : Il a dans son
tiroir deux romans finis. ‖ Spécialem. Qui
a été mené à son accomplissement total, à

un achèvement irréprochable, à la perfec-


tion : Ouvrage non fini. ‖ 3. Se dit d’une
personne usée physiquement et intellec-
tuellement, incapable d’entreprendre et de
réussir quelque chose : C’est un homme fini.
‖ 4. Péjor. Qui atteint un degré extrême
dans un état, une catégorie, qui est achevé
dans son genre : C’est un voleur fini. C’est
un rat fini (Balzac).

• SYN. : 1 borné, limité ; 2 ciselé, fait, fignolé


(fam.), limé, poli ; 3 diminué, épuisé,
fichu (fam.) flambé (fam.), perdu, usé ; 4
consommé, fieffé (fam.).

& fini n. m. (sens 1, av. 1662, Pascal ; sens


2, 1771, Trévoux). 1. Ce qui est borné,
limité dans son être, dans l’espace, dans
le temps, etc. (surtout dans la langue phi-
losophique ou scientifique) : Le fini et
l’infini. Et nous allons, suivant le rythme
de la lame, | Berçant notre infini sur le fini
des mers (Baudelaire). L’histoire se meut
dans l’infini, et le conte dans le fini (Hugo).
‖ 2. Qualité d’un ouvrage qui est achevé,
parfait : Ce qu’il faut admirer dans les édi-
fices de la Grèce, c’est le fini de toutes les
parties (Chateaubriand).

• SYN. : 2 fignolage (fam.), perfection, poli.

finir [finir] v. tr. (lat. finire, délimiter,


borner, préciser, achever, avoir un terme,
de finis [v. FIN 1] ; 1080, Chanson de
Roland, écrit fenir [finir, sous l’influence
de fin, XIIIe s.], au sens 1 ; sens 2, av. 1660,
Scarron ; sens 3, v. 1361, Oresme ; sens 4
et 8, 1807, Mme de Staël ; sens 5, début du
XIIIe s., Audefroi le Bastard ; sens 6, av. 1710,
Fléchier ; sens 7, 1573, Du Puys). [Conj. :
v. tableau, p. CXXII.] 1. Amener à son terme
une tâche ou une action en exécutant ou en
accomplissant la partie qui n’est pas encore
faite : Finir un travail. Boxeur qui finit dif-
ficilement un combat. Il a fini son discours
sous les applaudissements. Ce peintre pré-
tend qu’un tableau n’est jamais fini. Sitôt
le culte fini, je m’enfuis (Gide). ‖ Tout est
fini, nos relations sont rompues à jamais.
‖ 2. Spécialem. Mener quelque chose à un
achèvement irréprochable, à son point de
perfection (usité surtout au part. passé) :
Ouvrier qui apporte tout son soin à finir
une pièce. ‖ 3. Aller jusqu’au terme d’une
période limitée ; passer de telle ou telle
façon la dernière partie de cette période :
Finir sa dernière année d’études. Finir son
service militaire. Finir ses jours dans l’indi-
gence. ‖ 4. Épuiser totalement une chose
consommable, utilisable : Finir les gâteaux.
Finir une bouteille. ‖ Fam. Utiliser jusqu’à
la limite d’emploi, jusqu’au bout : Il finira le
manteau de son frère. ‖ 5. Class. Mettre un
terme à, faire cesser : Je vous rends Aristie
et finis cette crainte | Dont votre âme tan-
tôt se montrait trop atteinte (Corneille).
Il y a de ces sortes d’amitié que l’absence
et le temps ne finissent jamais (Sévigné).
‖ Auj., cet emploi n’a pas disparu, mais
est devenu très restreint (« cesser de faire
ou de dire ») : Finissez vos grimaces ! ; et
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1916

absol. : Allons ! Finissez ! Avez-vous bientôt


fini ? ‖ 6. Constituer la dernière partie ou
se situer à la fin de : La phrase qui finit un
chapitre. ‖ 7. Finir de (suivi de l’infinitif),
cesser de faire quelque chose : As-tu fini
de pleurer ? ‖ 8. En finir (sens transitif),
mettre fin à un état de chose fâcheux ou
intolérable : Cette situation n’a que trop
duré, il faut en finir. ‖ En finir avec quelque
chose, en venir à bout, parvenir enfin à
lui donner une solution : En finir avec la
fraude fiscale, avec la crise du logement. En
finir avec la vie par un voluptueux suicide
(Fromentin). ‖ C’en est fini de quelque
chose, il n’y a plus de place pour cela :
C’en est fini des hésitations : il faut agir ;
il n’en reste plus rien : C’en est fini de son
bel enthousiasme des premiers jours. ‖ En
finir avec quelqu’un, le mettre hors d’état
de nuire, se débarrasser de lui : Ou tu vas
en finir avec tes persiflages, | Ou je vais tout
à l’heure en finir avec toi (Musset). ‖ N’en
pas finir de (suivi de l’infinitif), accomplir
quelque chose avec une extrême lenteur :
Ses fleurs qu’elle n’en finissait pas d’arran-
ger (Gide). [V. aussi le v. intr., n. 7.]

• SYN. : 1 achever, expédier, terminer ; 2


ciseler, fignoler (fam.), lécher, parachever,
parfaire, polir ; 3 accomplir, couronner ; 6
clore, clôturer, conclure, fermer ; 7 arrêter.

— CONTR. : 1 attaquer, commencer, ébau-


cher, engager, entreprendre, inaugurer ;
2 bâcler (fam.), saboier, sabrer (fam.) ; 3
aborder ; 4 entamer ; étrenner ; 6 ouvrir.
& v. intr. (sens 1, début du XIIIe s., Audefroi
le Bastard ; sens 2, av. 1704, Bossuet ; sens
3, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens 4, XIe s.
[écrit finir ; finir, XIIIe s.] ; sens 5, 1671,
Pomey ; sens 6, milieu du XVIIIe s., Buffon ;
sens 7, 1872, Larousse). 1. Arriver à son
terme, soit dans le temps, soit dans l’es-
pace : Son contrat finit l’année prochaine.
Tout commence en ce monde et tout finit
ailleurs (Hugo). Le fleuve est pareil à ma
peine | Il s’écoule et ne tarit pas | Quand
donc finira la semaine (Apollinaire).
C’est à la porte de Versailles que finit la
rue de Vaugirard. ‖ 2. Avoir ses bornes,
ses limites : La loi de tous, c’est la liberté,
qui finit où commence la liberté d’autrui
(Hugo). ‖ 3. Avoir telle ou telle fin, tel ou
tel dénouement ; se terminer de telle ou
telle façon : La réunion a fini par un coup
de théâtre. En France, tout finit par des
chansons. Une pièce de théâtre, un roman
qui finit bien. Le Rhône finit par un delta.
‖ Finir mal, en parlant de quelqu’un, en
arriver à des actes répréhensibles, tomber
dans l’inconduite : Ce garçon s’est mis à
boire, il finira mal. ‖ 4. Littér. Arriver au
terme de sa vie, mourir : Le grand tort des
hommes, dans leur songe de bonheur, est
d’oublier cette infirmité de la mort, attachée
à leur nature : il faut finir (Chateaubriand).
Il faut finir. Prends garde. Il faudra que tu
meures (Hugo). ‖ Finir en beauté, mourir
d’une façon spectaculaire, qui provoque
l’admiration ; terminer par quelque chose

de brillant, et, en parlant des choses, se


terminer d’une façon réussie. ‖ 5. Finir en,
se terminer en prenant une certaine forme :
Un verbe dont l’infinitif finit en « oir ». Un
clocher qui finit en pointe. ‖ Finir en queue
de poisson, se dit des sirènes, dont le corps
de femme se terminait par une queue de
poisson ; au fig., se terminer d’une façon
déconcertante, décevante, ou n’aboutir à
aucun résultat : Ce film finit en queue de
poisson. Négociations qui finissent en queue
de poisson. ‖ 6. Finir par (suivi de l’infi-
nitif), arriver, réussir finalement à : Son
espoir avait toujours été que, son affaire de
Waterloo arrangée, il finirait par être mili-
taire (Stendhal). Elle fut obligée de finir par
s’en aller (Proust). ‖ 7. N’en pas finir (sens
intransitif), être d’une extrême longueur,
soit dans le temps, soit dans l’espace : Une
journée qui n’en finit pas. Un homme sort
sur le seuil. Il n’en finissait plus dans sa lon-
gueur (Giono). ‖ À n’en plus finir, qui dure
interminablement : Ce sont des discussions
à n’en plus finir. (V. aussi le v. tr., n. 8.)

• SYN. : 1 aboutir, s’achever, cesser, expirer,


prendre fin, se terminer ; 2 s’arrêter ; 4 décé-
der, disparaître, partir, périr, succomber,
trépasser. — CONTR. : 1 s’amorcer, com-
mencer, débuter, s’ouvrir, partir ; 4 naître,
survivre, vivre.

finish [finiʃ] n. m. (mot angl. signif.


« dernier complément [d’une oeuvre d’art],
dernière couche [de quelque chose], fin,
arrivée [en sport] », déverbal de to finish,
finir, achever, empr. du franç. finir ; 1904,
Sport universel, au sens 1 ; sens 2, milieu
du XXe s.). 1. Vx. Match, combat au finish,
combat de boxe dont la durée n’était pas
limitée et qui ne cessait que lorsqu’un des
adversaires était knock-out ou abandon-
nait. ‖ Par extens. Au finish, jusqu’à l’aban-
don d’un des adversaires : Demande-lui des
explications [...] et tabasse-le dans les cordes
jusqu’au finish, s’il fait le méchant (Mac
Orlan). ‖ 2. Aptitude d’un sportif à bien
terminer une compétition : Un coureur qui
a beaucoup de finish.
& adv. (1962, Larousse). Pop. Plus jamais,
la chose est hors de question : Remettre
ça ? Finish !

finissage [finisaʒ] n. m. (de finir ; 1786,


Berthoud). Action de terminer l’exé-
cution d’un objet fabriqué, d’une pièce.
‖ Dernière façon donnée à un ouvrage
pour en parfaire l’exécution : Le finissage
des glaces, des objets de céramique.

• SYN. : fignolage (fam.), finition.

finissant, e [finisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


finir ; av. 1848, Chateaubriand, au sens 2 ;
sens 1, 1872, Larousse). 1. Qui est en train
de finir : Dans la belle lumière finissante
d’une journée de juin (Daudet). ‖ 2. Qui
est proche de sa disparition : Cette étrange
époque où une société finissante jouait à
l’idylle (Bourget).

finisseur, euse [finisoer, -øz] n. (de finir ;


XIIIe s., Godefroy, écrit finissieres, comme
adj., au sens de « qui limite » ; comme n.,
écrit finisseur, au sens 1 [en horlogerie],
1756, Encyclopédie ; sens 2, 1877, Littré ;
sens 3, milieu du XXe s.). 1. Ouvrier,
ouvrière qui s’occupe de la finition et de
la vérification du travail d’une pièce ou
d’un produit. ‖ 2. Se dit d’un artiste qui
fignole son oeuvre en soignant les détails.
‖ 3. Coureur, cheval qui montre une
aptitude particulière à bien terminer une
épreuve.

& adj. (1930, Larousse). Se dit d’un instru-


ment ou d’un outil avec lequel on exécute
un travail de finissage. ‖ Train finisseur,
ensemble de laminoirs servant au finissage
des tôles ou des profilés.

& finisseuse n. f. (sens 1, 1872, Larousse ;


sens 2, milieu du XXe s.). 1. Machine à
tondre les draps. ‖ 2. Machine utilisée
pour le revêtement des routes, qui reçoit
les produits enrobés, les étale, les nivelle,
les dame, laissant la chaussée entièrement
finie après son passage.

finissure [finisyr] n. f. (de finir ; XXe s.).


Ensemble des opérations qui, après la cou-
vrure, sont nécessaires pour terminer la
reliure d’un volume.

finition [finisjɔ̃] n. f. (lat. finitio, délimi-


tation, bornage, définition, achèvement
complet, perfection, de finitum, supin de
finire [v. FINIR] ; fin du XIVe s., écrit finicion,
au sens de « fin » ; XVIe s., écrit finition, au
sens de « définition » ; sens I [de finir], av.
1850, Balzac ; sens II, 1-2, XXe s.).

I. Vx. Action de finir : La finition du


Louvre est une des conditions auxquelles
nous avons donné la couronne (Balzac).

II. 1. Action de terminer avec soin un ou-


vrage. ‖ Opération ou ensemble d’opé-
rations qui, dans un certain nombre de
métiers, termine l’exécution d’un travail,
d’un objet, d’une pièce : La finition d’une
robe, d’un meuble. Un alésage de finition.
‖ Spécialem. Travaux de finition, dans la
construction, travaux définitifs exécutés
à l’achèvement du gros oeuvre et de l’équi-
pement d’une maison ou d’un immeuble.
‖ 2. Qualité de ce qui est achevé de façon
soignée : Ce sont des articles d’usage, mais
qui manquent de finition.

& finitions n. f. pl. (XXe s.). Ensemble


des divers travaux qui visent à l’achève-
ment d’une construction, d’un ouvrage
de confection, etc. : Dans une maison, les
finitions sont souvent plus longues que la
construction du gros oeuvre. Une ouvrière
chargée des finitions.

finitude [finityd] n. f. (dér. savant de fini,


n. m. ; XXe s.). En termes de philosophie,
caractère de ce qui est fini, borné.

finlandais, e [fɛ̃lɑ̃dɛ, -ɛz] adj. et n. (de


Finlande, n. géogr. ; fin du XVIIe s.). Relatif
à la Finlande ou à ses habitants : La flore,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1917

la faune finlandaise. Art finlandais.


‖ Habitant ou originaire de la Fin-lande.
& finlandais n. m. (1872, Larousse).
Langue parlée en Finlande, et la principale
des langues finnoises.

finn [fin] n. m. (mot suédois ; 1962,


Larousse). Petit yacht à voile encastrée
dans un mât pivotant.

finnois, e [finwa, -az] adj. et n. (lat.


médiév. finnicus, finnois ; début du
XVIIIe s.). Se dit d’un peuple qui habite l’ex-
trémité nord-ouest de la Russie d’Europe
et surtout la Finlande.

• REM. Dans le domaine géographique et


politique, on emploie uniquement finlan-
dais. Finnois s’applique à des minorités
ethniques qui vivent en dehors de la Fin-
lande, et surtout à la langue.

& finnois n. m. (1865, Littré). Langue


finno-ougrienne parlée par les Finnois.

finno-ougrien, enne [finougrijɛ̃,


-ɛn] adj. et n. m. (de finno-, élément tiré
de finnois, et de ougrien ; 1872, Larousse,
écrit finno-ongrien ; finno-ougrien, fin du
XIXe s.). Se dit d’un groupe linguistique de
la famille ouralienne, comprenant notam-
ment le finnois, le lapon, le hongrois.

fiocchi [fjɔkki] n. m. pl. (mot ital., plur. de


fioccho, gland, lat. floccus, flocon de laine ;
1872, Larousse [in fiocchi — utilisé d’abord
en ital. dans la loc. cardinale in fiocchi,
« cardinal avec un chapeau à glands »,
c’est-à-dire « en tenue d’apparat » —, 1774,
Voltaire]). Glands de soie qui retombent
de chaque côté d’un chapeau de cardinal.
(Sing. un FIOCCO.) ‖ Fam. et vx. In fiocchi,
en tenue d’apparat, en grande toilette :
Zélie, inquiète du duel de son fils, s’habilla,
fit mettre les chevaux à sa voiture, et vint
« in fiocchi » à Fontainebleau (Balzac).

fiole [fjɔl] n. f. (lat. médiév. phiola, altér.


du lat. class. phiala, fiala, coupe peu pro-
fonde et évasée, gr. phialê, vase, coupe
sans pied ni anse, urne funéraire ; v. 1180,
Roman d’Alexandre, au sens 1 ; sens 2, 1848,
G. Esnault). 1. Petite bouteille de verre à
col étroit : La garde rentra, tenant une fiole
qu’elle rapportait de chez le pharmacien
(Mérimée). Il y avait des fioles pleines de
liquides étranges (Duhamel). ‖ 2. Pop.
Visage : Ma fiole, mon pif qui retrousse
(Richepin). ‖ Pop. Se payer la fiole de
quelqu’un, se moquer de lui : Je ne veux
pas qu’on se paie ma fiole (Dorgelès).

fion [fjɔ̃] n. m. (peut-être dér. d’une


forme pop. abrégée de fignoler ; 1744, Vadé
[« fioriture », XXe s.]). Cachet de ce qui est
bien fait, bien tourné ; surtout dans les
expressions donner le fion (vx), donner le
coup de fion, donner la dernière main à
un ouvrage : Elle n’a pas son pareil pour
manier le paroir et donner le fion à un sabot
(Theuriet). Quelques peintres étaient censés
donner à leurs toiles un dernier coup de fion

(Hermant). ‖ Au Canada, fioriture : Orner


sa signature d’un fion.

fiord n. m. V. FJORD.
fioriture [fjɔrityr] n. f. (ital. fioritura,
fioriture, de fiorire, fleurir, bas lat. florire,
même sens, lat. class. florere [v. FLEURIR] ;
v. 1825, Stendhal, au sens 1 ; sens 2, milieu
du XIXe s., Baudelaire ; sens 3, 1830, Balzac).
1. Ornement (vocalise, agrément, etc.)
qu’un chanteur, un exécutant ajoute à la
ligne mélodique d’une pièce musicale :
Une voix jeune [...] qui arrivait aux traits
et aux fioritures les plus hardis (Nerval).
Le tambourin, de sa voix profonde, sou-
tenait le chant et ses fioritures (Daudet).
‖ 2. Ornement, agrément accessoire, dans
une oeuvre d’art : Avec variations, fiori-
tures, couleurs plus intenses (Baudelaire).
Fresques affétées, et déjà en pleine fioriture,
mais de grâce exquise, à la chapelle de droite
du choeur (Gide). ‖ Fioritures de style, tour-
nures recherchées, ornements surajoutés
qui nuisent à la clarté de l’expression.
‖ 3. Fig. et littér. Agrément supplémentaire
que l’imagination invente pour corser ce
qui est déjà agréable : Théodore répandait
sur chaque journée d’incroyables fioritures
de plaisirs (Balzac). Une maîtresse est un
thème obligé qui disparaît ordinairement
sous les fioritures et les broderies (Gautier).
• SYN. : 2 agrément, enjolivement,
enjolivure.

firmament [firmamɑ̃] n. m. (bas lat.


ecclés. firmamentum, firmament, en lat.
class. « appui, étai, soutien », de firmare,
rendre ferme, solide [v. FERMER] ; v. 1120,
Psautier de Cambridge). Dans l’astrono-
mie ancienne, nom qui désignait le hui-
tième ciel, voûte de cristal à laquelle les
étoiles fixes étaient supposées accrochées.
‖ Auj. et littér. La voûte céleste sur laquelle
apparaissent les étoiles : Et pendant que
l’énorme lumière, | Formidable, emplissait
le firmament vermeil... (Hugo). Quel coeur
pourrait souffrir l’inexorable charme | De la
nuit éclatante au firmament fatal (Valéry).
• SYN. : ciel, cieux.

firman [firmɑ̃] n. m. (mot angl., du turc


fermān, édit [d’origine persane] ; 1663,
M. Thévenot, au sens 1 ; sens 2, av. 1850,
Balzac). 1. En Iran, ordre écrit émanant
du chāh ; en Turquie, pièce diplomatique
ou administrative : AbenHamet présen-
tait dans ce moment au gouverneur son
firman écrit en lettres d’azur sur un vélin
précieux et renfermé dans un fourreau de
soie (Chateaubriand). Il doit nous donner
un firman ficelé pour tout notre voyage
(Flaubert). ‖ 2. Littér. Tout ordre émanant
d’une autorité : Il me faut un firman pour
obtenir cette légère faveur (Balzac). C’est
[...] un empiétement intolérable du pouvoir
civil sur les prérogatives du Saint-Siège [...],
puisque le firman de ces impies se refuse à
reconnaître les voeux solennels (Huysmans).

firme [firm] n. f. (allem. Firma, firme,


empr., au XVIIIe s., à l’ital. firma, convention
[de même origine que le franç. ferme, n. f.,
v. FERME 3] ; 1877, Littré [qui considère le
terme comme belge ; celui-ci se répand à la
fin du XIXe s.]). Établissement industriel ou
commercial : Une firme où ils avaient des
actions (Bordeaux). Il arrivait aussi qu’un
des associés de la firme nous fît l’honneur
de sa présence (Duhamel).

• SYN. : entreprise, maison, société.

fisc [fisk] n. m. (lat. fiscus, panier de jonc


ou d’osier, panier à argent des collecteurs
d’impôts, caisse de l’État, trésor impérial,
cassette de l’Empereur ; XIVe s., écrit fisque
[fisc, fin du XVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière). 1. Class. Trésor du souverain,
de l’État : Sur le mulet du fisc une troupe
se jette (La Fontaine). ‖ 2. Ensemble des
administrations chargées du calcul et du
recouvrement des impôts : Ces gaillards-là
volent au fisc quelques douzaines de mil-
lions par an (Romains).

fiscal, e, aux [fiskal, -o] adj. (lat. fisca-


lis, du fisc, de fiscus [v. FISC] ; XIIIe s. [rare
av. le XVIIe s.]). Qui a rapport au fisc, aux
impôts : Système fiscal. Charges fiscales.
Dégrèvements fiscaux. Timbre fiscal.
‖ Réforme fiscale, renouvellement de la
législation fiscale suffisamment profond
et général pour éliminer les défauts du
système fiscal en vigueur, concernant
les impôts étatiques et locaux, directs et
indirects, et toutes les opérations qui s’y
rapportent. ‖ Avoir fiscal, crédit d’impôt
reconnu à un propriétaire d’actions, en
raison du versement préalable au Trésor
effectué par la société commerciale, et
équivalant actuellement, en France, à la
moitié du dividende net versé par celle-ci
à l’actionnaire.

& fiscal adj. et n. m. (1690, Furetière).


Procureur fiscal, ou fiscal n. m., officier
qui était chargé des fonctions du ministère
public dans les justices seigneuriales : Nous
avons, le procureur fiscal et moi, commencé
une procédure que nous soutiendrons vigou-
reusement (Dancourt). Un juge criminel, un
fiscal et un commissaire se transportèrent
à Castro (Stendhal).
fiscalement [fiskalmɑ̃] adv. (de fiscal ;
1791, Moniteur universel). Du point de
vue fiscal.

fiscalisation [fiskalizasjɔ̃] n. f. (de fisca-


liser ; milieu du XXe s.). Action de fiscaliser.

fiscaliser [fiskalize] v. tr. (de fiscal ;


milieu du XXe s., aux sens 1-2). 1. Soumettre
à l’impôt. ‖ 2. Financer par l’impôt : Le
gouvernement a le choix entre deux solu-
tions : fiscaliser le déficit budgétaire ou le
financer par l’emprunt.

fiscaliste [fiskalist] n. (de fiscal ; milieu


du XXe s.). Personne dont le métier est
d’étudier toutes les incidences fiscales de
l’activité d’une entreprise.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1918

fiscalité [fiskalite] n. f. (de fiscal ; v. 1750,


d’Argenson, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens
3, 1835, Acad.). 1. Système fiscal ; ensemble
de la législation relative à l’établissement et
au recouvrement des impôts : Simplifier la
fiscalité. La fiscalité est à la science finan-
cière ce que l’usure est à la haute banque
(Girardin). ‖ 2. Exigences du fisc, ensemble
des impôts dont il frappe les contribuables :
Une fiscalité écrasante. ‖ 3. Disposition à
établir des impôts nouveaux ou à grossir les
impôts déjà existants : La fiscalité est une
tendance naturelle de tout gouvernement.
Les méfaits de la fiscalité.

fissa [fisa] adv. (ar. fī’s-sā’a, sur l’heure,


sans délai [mot introduit par les soldats
d’Afrique du Nord] ; 1915, G. Esnault).
Arg. Vite (vieilli) : Allez, fissa, grouille-
toi ! (Bourdet). ‖ Faire fissa, se hâter, se
dépêcher.

fissi- [fisi], élément tiré du lat. fissus, part.


passé de findere, fendre, ouvrir, séparer,
diviser, et qui entre, comme préfixe, dans
la composition d’un certain nombre de
mots savants.

fissible [fisibl] adj. (de fiss[ion] ; milieu du


XXe s.). Syn. de FISSILE (au sens 2).

fissifolié, e [fisifɔlje] adj. (de fissi- et du


lat. folium, feuille ; 1872, Larousse). Se dit
des végétaux qui ont des feuilles fendues
au sommet.

fissile [fisil] adj. (lat. fissilis, qui peut être


fendu, facile à fendre, de fissum, supin de
findere, fendre ; XVIe s., Huguet, puis 1842,
Mozin, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.).
1. Se dit des minéraux, des roches qui ont
tendance à se diviser en feuillets ou en
couches minces : Les schistes sont des roches
fissiles. ‖ 2. Se dit des éléments chimiques
susceptibles de subir la fission nucléaire :
Les matières fissiles.

fissilité [fisilite] n. f. (de fissile ; 1865,


Littré). Propriété que présente une matière
de se fendre en minces feuillets : La fissilité
de l’ardoise.

fission [fisjɔ̃] n. f. (mot angl., du lat. fissio,


action de fendre, de diviser, de fissum, supin
de findere, fendre ; 1942). Phénomène par
lequel un noyau d’atome lourd (uranium,
plutonium, etc.), soumis à un bombarde-
ment de neutrons, est scindé en deux ou
plusieurs noyaux légers, en libérant une
grande quantité d’énergie : La fission
nucléaire. Le beau phénomène de fission
ou de rupture nucléaire (Thibaud).

fissionner [fisjɔne] v. tr. (de fission ; milieu


du XXe s.). Soumettre à la fission nucléaire.

fissipèdes [fisipɛd] n. m. pl. (de fissi- et


du lat. pes, pedis, pied, patte ; 1744, Buffon).
Ordre de mammifères comprenant les
carnivores terrestres à doigts libres. (Syn.
CARNASSIERS.)

fissuration [fisyrasjɔ̃] n. f. (de fissurer ;


1842, Acad., au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Le
fait de se fissurer ; état de ce qui offre des
fissures : La fissuration du revêtement d’une
route. ‖ 2. Spécialem. En médecine, for-
mation d’une fissure : La fissuration d’une
tumeur.

• SYN. : 1 craquelure, fendillement.

fissure [fisyr] n. f. (lat. fissura, fente,


crevasse, de fissum, supin de findere,
fendre ; 1314, Mondeville, au sens 1 [rare
av. le XVIIIe s.] ; sens 2, 1865, Littré ; sens
3, v. 1770, J.-J. Rousseau). 1. Fente étroite,
petite ouverture longitudinale : Les fissures
d’un vase, d’un vieux mur, du sol, d’un rail
de voie ferrée. D’autres artères [...] se pro-
longeaient dans le rocher en fissures tor-
tueuses et noires (Hugo). ‖ 2. Spécialem.
Lésion ulcéreuse d’une région plissée :
Fissure de l’anus. ‖ En anatomie, syn. de
SCISSURE. ‖ 3. Fig. Rupture, solution de
continuité dans ce qui devrait former un
tout solide, cohérent ; point faible, lacune
qui nuit à la cohérence d’une argumenta-
tion, d’un raisonnement : Fissure dans une
démonstration.

fissurelle [fisyrɛl] n. f. (de fissure [parce


que la coquille de l’animal est percée au
sommet] ; 1793, Behrens). Mollusque gas-
tropode à coquille en forme de cône perforé
au sommet, qui vit sur les côtes, dans les
mers tempérées et chaudes.

fissurer [fisyre] v. tr. (de fissure ; XVIe s.,


au part. passé [à l’infin., 1611, Cotgrave],
au sens 1 [rare jusqu’au milieu du XIXe s.] ;
sens 2, fin du XIXe s., Huysmans). 1. Causer
des fissures dans : Un tassement du terrain
a fissuré le mur. ‖ 2. Fig. Provoquer des
divisions dans ce qui, auparavant, formait
un tout uni ; ébranler, affaiblir : À l’heure
où la société, fissurée de toutes parts, craque
(Huysmans).

• SYN. : 1 crevasser, fêler, fendiller, fendre,


gercer, lézarder ; 2 délabrer, désagréger,
écarteler, miner, saper.

& se fissurer v. pr. (1861, Presse scien-


tifique des Deux Mondes). Se creuser de
fissures : Un sol qui se fissure sous l’effet
de la sécheresse.

fiston [fistɔ̃] n. m. (de fils ; 1548, Du Fail,


au sens 2 ; sens 1, début du XXe s.). 1. Fam.
Diminutif de fils : J’ai la joie d’avoir mes
trois fistons autour de moi (D. Amiel).
‖ 2. Fam. Mot d’affection ou de camara-
derie familière adressé à plus jeune que soi :
« Bonjour, mon fiston », lui dit M. Postel,
le véritable type du boutiquier de province
(Balzac).

fistot [fisto] n. m. (var. de fiston ; 1847,


G. Esnault). Arg. scol. Élève officier de pre-
mière année, à l’École navale.

fistulaire [fistylɛr] adj. (de fistule, d’après


le bas lat. fistularius [qui signifie seulement
« joueur de flûte », dér. de fistula, v. l’art.
suiv.] ; XIVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2,

v. 1560, Paré). 1. Qui a rapport à une fis-


tule : Trajet fistulaire. ‖ 2. Qui présente un
canal, un conduit longitudinal : Stalactite
fistulaire.

& n. f. (1829, Boiste). Poisson osseux très


allongé, à museau tubulaire, vivant dans
les mers chaudes, dont une espèce est dite
bouche-en-flûte.

fistule [fistyl] n. f. (lat. fistula, tuyau


[d’eau], conduit, canal, tuyau d’un roseau,
flûte, fistule [en médecine] ; 1314, Monde-
ville). Canal, d’origine congénitale, trauma-
tique, pathologique ou chirurgicale, faisant
communiquer anormalement un organe
avec l’extérieur ou avec un autre organe :
Fistule lacrymale, salivaire. Fistule de l’anus.

fistuleux, euse [fistylø, -øz] adj. (lat. fis-


tulosus, qui forme un tuyau, creux, poreux,
fistuleux, de fistula [v. FISTULE] ; 1490,
G. de Chauliac, au sens 1 ; sens 2, début
du XXe s. ; sens 3, 1832, Raymond). 1. Qui
a rapport à une fistule : Trajet fistuleux.
‖ 2. Qui est affligé d’une fistule : Et, la
main sur son fistuleux estomac, il souriait
sinistrement (L. Daudet). ‖ 3. En bota-
nique, se dit d’un organe qui présente un
canal intérieur : Tige fistuleuse. Les feuilles
d’oignon sont fistuleuses.

fistuline [fistylin] n. f. (de fistule [à cause


de la forme allongée du champignon] ; 1808,
Boiste). Champignon comestible du groupe
des polypores, appelé communément foie-
de-boeuf et langue-de-boeuf, vivant sur les
troncs des chênes et des châtaigniers.

fistulisation [fistylizasjɔ̃] n. f. (dér.


savant de fistule ; milieu du XXe s. [fis-
tulation, même sens, 1878, Larousse]).
Production d’une fistule.

fistulographie [fistylɔgrafi] n. f. (de fis-


tulo-, élément tiré de fistule, et de [radio]
graphie ; 1962, Larousse). Examen radio-
graphique d’une fistule.

five o’clock [fajvɔklɔk] n. m. (loc. angl.,


de five, cinq, o’, sur [abrév. de on], et clock,
horloge, pendule, proprem. « [ce qu’on
prend à] cinq heures » ; 14 juin 1885, le
Figaro). Vx. Lunch, thé, qui est servi vers
cinq heures.

fixable [fiksabl] adj. (de fixer ; 1872,


Larousse). Qui peut être fixé : Une glace
fixable au mur. Une attention qui n’est pas
fixable.

fixage [fiksaʒ] n. m. (de fixer ; milieu du


XIXe s., au sens 1 ; sens 2, 1929, Larousse ;
sens 3, 1872, Larousse). 1. Action de fixer,
d’assujettir : Le fixage d’une rampe d’esca-
lier. ‖ 2. Opération d’apprêt des tissus de
laine, qui a pour but de maintenir les fils
de trame et de chaîne dans la position qui
leur a été donnée au moment du tissage.
‖ 3. Opération par laquelle une image
photographique est rendue inaltérable à
la lumière.

• SYN. : 1 fixation.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1919

fixateur, trice [fiksatoer, -tris] adj. (dér.


savant de fixer ; début du XIXe s.). Qui a la
propriété de fixer un dessin, une image
photographique : Une substance fixatrice.
Un bain fixateur.

& fixateur n. m. (sens 1, 1865, Littré ; sens


2-3, XXe s. ; sens 4, 1872, Larousse ; sens 5,
1890, Dict. général). 1. En photographie,
bain utilisé pour le fixage. ‖ 2. En biologie,
liquide employé pour coaguler les protéines
des cellules, sans altérer leur structure, et
qui permet l’étude des principaux consti-
tuants de la cellule. ‖ 3. Produit cosmé-
tique qui sert à maintenir les cheveux dans
la forme que leur a donnée le peigne. (En
ce sens, on a dit aussi FIXATIF.) ‖ 4. Outil
dont on se sert pour fixer les oeillets métal-
liques. ‖ 5. Appareil servant à vaporiser le
fixatif sur un dessin au crayon, au fusain,
au pastel : Comme le fixateur fixe un dessin
au crayon (Montherlant).

fixatif, ive [fiksatif, -iv] adj. (dér. savant


de fixer ; 1803, Boiste [en psychanalyse,
1955, D. Lagache]). Qui sert à fixer : Une
préparation fixative. ‖ En psychanalyse,
relatif à la fixation.

& fixatif n. m. (sens 1, 1872, Larousse ; sens


2, début du XXe s.). 1. Préparation appliquée
par pulvérisation sur les dessins au crayon,
au fusain, au pastel, pour assurer leur pro-
tection : Un fixatif est souvent constitué par
une solution alcoolique de gomme-laque,
de résine de dammar ou de sandaraque.
‖ 2. Syn. de FIXATEUR (au sens 3) : Avez-
vous le désir de séparer vos cheveux par
une raie et de les maintenir par un fixatif ?
(Giraudoux).

fixation [fiksasjɔ̃] n. f. (de fixer ; XVe s.,


Godefroy, avec un sens peu clair ; sens I, 1,
1862, V. Hugo ; sens I, 2 et II, 2-4, XXe s. ;
sens I, 3, 1922, Larousse ; sens II, 1, 1563,
Palissy ; sens III, 1669, Kuhn).
I. 1. Action de fixer, d’assujettir solide-
ment quelque chose à un endroit ou dans
une position : La fixation d’un placard au
mur. La fixation des skis à l’aide d’un dis-
positif de sécurité. ‖ Par extens. Moyen
par lequel on fixe quelque chose : Votre
cadre risque de se décrocher, la fixation
est insuffisante. ‖ 2. Action d’établir ou
de s’établir d’une manière stable, dans un
lieu fixe (en parlant des personnes) : La
fixation des tribus nomades. ‖ 3. Abcès
de fixation, abcès artificiel, qui a pour
effet de localiser les germes infectieux
en un point déterminé du corps ; au fig.,
action qui a pour effet de concentrer en
un point des éléments de fermentation
sociale.

II. 1. En chimie, action de rendre fixe


un corps volatil : La fixation d’une huile.
‖ 2. En biologie, technique qui consiste
à utiliser un fixateur pour coaguler et
garder intacts le contenu cellulaire et la
structure des tissus organiques, en vue de
leur examen microscopique. ‖ 3. Fonc-

tion de la mémoire par laquelle les souve-


nirs sont enregistrés. ‖ En psychanalyse,
retard dans le développement psycho-
sexuel d’un sujet qui concentre l’essen-
tiel de ses forces affectives sur une per-
sonne ou sur un objet : Oui, je sais bien,
il y a Freud et cette école de Vienne, et
les répressions et les fixations infantiles...
(Maurois). ‖ 4. Traitement subi par un
élément figé (v. ce mot) de la langue.

III. Action de déterminer, de régler de


façon précise : La fixation de l’heure et
du lieu d’un rendez-vous. La fixation du
taux d’un impôt, d’une taxe. La fixation
du S.M.I.C. La fixation de l’ordre du jour
de l’Assemblée.

• SYN. : I, 2 implantation, sédentarisa-


tion. ‖ III détermination, établissement,
réglementation.

fixe [fiks] adj. (lat. fixus, fiché, fixé, fixe,


arrêté, part. passé adjectivé de figere, enfon-
cer, planter, fixer ; v. 1265, J. de Meung, écrit
fix [fixe, fin du XVIe s., Palissy], au sens II,
2 ; sens I, 1, 1668, Racine ; sens I, 2, 1680,
Richelet ; sens II, 1, 1835, Acad. ; sens II,
3, v. 1673, Retz ; sens III, 1690, Furetière).

I. 1. Qui reste au même endroit, au même


point de l’espace ; qui ne se déplace pas :
Point fixe. Une borne fixe. ‖ Barre fixe,
v. BARRE. ‖ Étoiles fixes, les étoiles dont
les mouvements propres sont inappré-
ciables en première approximation, et qui
paraissent conserver des positions inva-
riables les unes par rapport aux autres
(par opposition aux planètes, ou astres er-
rants). ‖ Domicile fixe, lieu où quelqu’un
habite de façon permanente : C’est un va-
gabond, il n’a pas de domicile fixe. ‖ 2. Se
dit de l’oeil, du regard qui reste attaché à
un même point : Le regard fixe, Maman
partait à réfléchir (Duhamel).

II. 1. Qui se maintient dans le même état


d’une manière durable, continue ; qui ne
varie pas : Encre bleu fixe. Le temps est au
beau fixe. L’un et l’autre [l’état du ciel et
celui de mon esprit] sont, si je puis le dire,
au beau fixe (Fromentin). ‖ Fig. Idée fixe,
idée qui s’impose de façon obsédante et
qu’on ne peut chasser de son esprit : Mon
envie [...] était devenue comme une idée
fixe ! (Balzac). Une idée fixe, enfoncée
dans son cerveau comme un coin rougi au
feu (Le Roy). ‖ 2. En chimie, se dit d’un
corps qui ne peut être volatilisé que par
des températures très élevées : L’or est
un corps fixe. ‖ Autref. Se disait des gaz
que l’on n’avait pu liquéfier. ‖ 3. Class.
Ferme, inébranlable : Je vis que cette ma-
nière de galimatias pourrait bien empê-
cher que l’on ne prît la résolution fixe de
faire l’émotion [= l’émeute] (Retz).

III. Qui est établi, réglé d’avance, de fa-


çon précise et une fois pour toutes : Rece-
voir à heures fixes. Appliquer des règles
fixes. ‖ Droit fixe, taxe fiscale dont le
montant est invariable. ‖ Prix fixe, prix

fixé d’avance (vieilli) : Menu, repas, res-


taurant à prix fixe. Deux bourgeoises avec
leurs maris, habituées à cette gargote à
prix fixe (Maupassant). ‖ Spécialem. Qui
n’est pas susceptible de varier et qui est
régulier : Revenu, salaire fixe.

• SYN. : I, 1 immobile ; 2 figé. ‖ II, 1 inal-


térable ; 2 stable. ‖ III arrêté, déterminé,
ferme, immuable, invariable, précis, réglé,
régulier. — CONTR. : I, 1 mobile, mouvant ; 2
errant, mobile. ‖ II, 1 variable ; 2 instable,
volatil. ‖ III changeant, flottant, fluctuant,
indécis, indéterminé, irrégulier, vague.

& n. m. (1844, Balzac). Partie invariable


des appointements : J’ai quand même là
quelque chose comme un fixe (Duhamel).
Recevoir un fixe et un pourcentage sur les
affaires réalisées.
& Fixe ! interj. (1845, Bescherelle).
Commandement militaire énoncé lors de
l’entrée d’un officier dans un local occupé
par la troupe, et ordonnant de prendre la
position du garde-à-vous sur place. ‖ À vos
rangs, fixe !, même commandement, lors de
l’entrée d’un officier supérieur, ordonnant
aux hommes de s’aligner et de se mettre au
garde-à-vous.

fixé [fikse] n. m. (part. passé substantivé


de fixer ; 1865, Littré, au sens 2 ; sens 1,
XXe s.). 1. Ce qui ne varie pas : L’avenir,
l’indéterminé, ce que le destin n’avait pas
encore écrit, où le passé, le fixé n’avaient
pas de part (Arnoux). ‖ 2. Petit tableau
à l’huile, peint généralement sur taffetas,
appliqué derrière une glace qui lui tient
lieu de vernis et de protection.

fixe-chaussette [fiksəʃosɛt] n. m.
(de fixe, forme du v. fixer, et de chaus-
sette ; début du XXe s.). Syn. de SUPPORT-
CHAUSSETTE : La soie d’un fixe-chaussette
mauve chatoie entre les poils de ses jambes
(Duhamel).

• Pl. des FIXE-CHAUSSETTES.

fixement [fiksəmɑ̃] adv. (de fixe ; début


du XVIe s., au sens I ; sens II, v. 1673, Retz).

I. D’une manière fixe : Mais par les


morts muets, par les morts qu’on oublie,
| Moi, rêveur, je me sens regardé fixement
(Hugo). Elle se regardait fixement dans la
glace (Gide).

II. Class. Fermement : J’étais le seul fixe-


ment résolu à ne me point accommoder
avec la Cour (Retz).

fixer [fikse] v. tr. (de fixe ; 1340, Varin,


au sens de « taxer [quelqu’un] » ; sens I, 1,
av. 1669, Bossuet ; sens I, 2, 1732, Voltaire ;
sens I, 3, 1718, Massillon ; sens I, 4, 1580,
Montaigne ; sens II, 1-2, 4 et III, 2, 1690,
Furetière ; sens II, 3, 1653, Pellisson ; sens
II, 5, av. 1662, Pascal ; sens III, 1, 1872,
Larousse).

I. 1. Établir dans une position fixe, à un


endroit déterminé, au moyen d’une at-
tache quelconque : Son filet est fixé tout
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1920

le long d’une grande tige de bois (Maupas-


sant). Une persienne battait que quelqu’un
vint fixer (Mauriac). Fixer un cadre au
mur. Fixer solidement un piquet dans le
sol. ‖ Fixer un animal, l’assujettir dans
une position convenable pour pratiquer
une opération et éviter des accidents à
l’opérateur ou au sujet à opérer. ‖ 2. Éta-
blir de façon permanente sa résidence en
quelque lieu : Fixer son domicile à Lyon.
‖ Fixer quelqu’un, retenir quelqu’un de
façon durable en un lieu, et en particu-
lier rendre sédentaires des populations
nomades : Ne parle-t-on pas déjà de fixer
cet aimable adolescent à notre cour par
quelque belle place ? (Stendhal). L’Arabe
[...], fixé dans les villages ou promenant
ses tentes... (Fromentin). ‖ 3. Fixer son
regard, ses yeux sur quelqu’un ou sur
quelque chose, les attacher, les arrêter, un
temps plus ou moins long, sur une per-
sonne ou sur une chose : Ces taches li-
vides qu’on voit longtemps voltiger autour
de soi quand on a fixé les yeux sur le soleil
(Nerval) ; et en parlant du regard lui-
même : Tous les yeux, fixés sur le prince,
s’ouvraient outre mesure (Stendhal). Il lui
en fallut du courage pour ne pas se trou-
bler, pour ne pas s’interrompre devant ce
regard clair qui la fixait, animé dès les pre-
miers mots d’une joie méchante (Daudet).
‖ Ellipt. et fam. Fixer quelqu’un, quelque
chose, le regarder fixement : Il me fixait
droit dans les yeux (Bernanos). Quand
Gibout ouvrit de nouveau la porte, Léon le
fixa dans les yeux (Montherlant). Je fixais
indéfiniment le tronc d’un arbre lointain
(Proust). ‖ Vx. Fixer les regards, les yeux,
attirer sur soi seul les regards, l’attention
d’autrui : La France qui depuis longtemps
fixe tous les regards de l’Europe (Mas-
sillon). Vous êtes-vous jamais présentée
nulle part que vous n’ayez fixé les yeux
de tout le monde ? (Marivaux). ‖ 4. Fixer
son attention, son esprit, etc., sur un ob-
jet, appliquer ses facultés d’observation,
de réflexion à cet objet : Dès que je pou-
vais fixer ma pensée, le calme revenait
en moi d’un seul coup (Bernanos) ; et vx,
en parlant de l’objet lui-même : Un spec-
tacle digne de fixer l’attention (Nerval).
‖ Fixer son choix sur quelque chose, choi-
sir quelque chose de façon définitive, par
une décision réfléchie.

II. 1. Établir de façon stable, permanente,


dans un état déterminé : Fixer une tein-
ture, des couleurs sur une étoffe. Mais la
« nature vivante » ne s’accommode pas des
hautes températures qui nous permettent
de travailler des « corps purs », et de donner
au verre, au bronze, au fer, à l’état liquide
ou plastique, les formes que nous désirons
et que le refroidissement fixera (Valéry).
‖ Fixer un dessin, le rendre inaltérable en
pulvérisant du fixatif : Fixer un pastel, un
fusain. Comme le fixateur fixe un dessin
au crayon, ce que je venais de vivre fut fixé
jusqu’à ma mort (Montherlant). ‖ Fixer

un cliché, traiter une émulsion photo-


graphique par un bain de fixage. ‖ 2. En
chimie, empêcher un corps de se volatili-
ser. ‖ 3. Stabiliser, maintenir dans l’état
où elle se trouve à un moment donné une
chose soumise jusqu’alors à l’évolution,
au changement : On a cru longtemps que
les grands écrivains avaient fixé notre
langue (Acad.). ‖ 4. Class. et littér. Fixer
quelqu’un, lui inspirer des sentiments
ou des résolutions durables, lui donner
de la constance : Villarceau, qui sut fixer
longtemps Ninon (Maintenon). Rien n’est
plus inconstant que l’esprit humain et
rien n’est plus difficile que de le fixer (Bos-
suet). Fixer un inconstant, une coquette
(Acad.). Elle imaginait des moyens [...] de
m’intéresser à des occupations sérieuses et
de m’y fixer (Fromentin). Elle a reçu un
coup, elle est fixée, ses idées ne bougeront
plus (Claudel). ‖ 5. Class. Établir ferme-
ment ; donner un objet, une direction fixe
aux goûts, aux aspirations de quelqu’un :
Ces respects, ces applaudissements [...] |
Fixent dans son devoir ses voeux irrésolus
(Racine). C’est bien fait ; il est temps de
fixer tes désirs (Boileau).

III. 1. Sortir quelqu’un du doute, de


l’incertitude où il est plongé, en le ren-
seignant exactement (surtout au passif) :
Veuillez me fixer le plus tôt possible sur
vos intentions. Comme il me demande
d’aller le voir d’urgence, je serai bientôt
fixé (Bernanos). ‖ Être fixé sur quelqu’un
ou sur le compte de quelqu’un, sur
quelque chose, savoir à quoi s’en tenir au
sujet de quelqu’un, ce qu’il faut penser de
quelque chose. ‖ Fam. N’être pas fixé,
ne pas savoir exactement ce qu’on veut,
ce qu’on doit faire. ‖ 2. Déterminer ou
définir quelque chose de façon précise :
Fixer la date d’une conférence. Fixer le
prix du lait, du blé. Fixer les attributions
d’un secrétaire d’État. Fixer un point de
droit. Fixer des principes. Se fixer un but,
un objectif. Le soulagement [...] de n’avoir
plus de lettres à écrire, de rendez-vous à
fixer (Daudet). Quand mes parents eurent
fixé le jour de rentrer à Paris... (Proust).

• SYN. : I, 1 accrocher, amarrer, arrimer,


assujettir, attacher, caler, clouer, coincer,
coller, épingler, ficher, planter, retenir, scel-
ler, visser ; 2 implanter, installer ; enraciner,
sédentariser ; 3 appuyer, river ; contempler,
dévisager, examiner, observer, scruter ; 4
arrêter, concentrer. ‖ II, 1 stabiliser ; 3 figer,
immobiliser, pétrifier. ‖ III, 1 éclairer, édi-
fier, informer ; 2 arrêter, assigner, définir,
délimiter, formuler, indiquer, préciser, pres-
crire, réglementer, spécifier.

& se fixer v. pr. (sens I, 1, 1865, Littré ; sens


I, 2, 1747, Mairan ; sens I, 3, 1792, Ducis ;
sens II, 1, 1827, V. Hugo ; sens II, 2, 1690,
Furetière ; sens II, 3, 1865, Littré ; sens II,
4, XXe s. ; sens III, av. 1679, Retz).

I. 1. Cesser de se déplacer, s’attacher en


quelque endroit : Coquillages qui se fixent

aux rochers. ‖ 2. En parlant des per-


sonnes, s’établir de façon permanente en
un lieu : Ah ! ces jardins d’Italie, un jour
on les a traversés, jamais on ne s’y fixe
(Barrès). Se fixer en province, à l’étranger.
‖ 3. En parlant du regard, de l’attention,
de la pensée, etc., s’attacher à un objet : Le
regard de ses yeux inquiets se fixait sur le
loquet de la porte (Aymé). Dès le début de
l’enquête, les soupçons se sont fixés sur lui.

II. 1. Cesser d’évoluer ; se stabiliser dans


un état déterminé ou prendre une forme
définitive : Une langue ne se fixe pas ;
l’esprit humain est toujours en marche,
ou, si l’on veut, en mouvement, et les lan-
gues avec lui (Hugo). ‖ 2. Class. et littér.
S’attacher à quelque chose, adopter un
état, une attitude de façon ferme et défi-
nitive : L’homme ne rencontre rien ici-bas
où son coeur puisse se fixer (Massillon).
L’âme qui se fixerait à demeure dans l’une
ou dans l’autre extrémité serait atteinte de
mort morale (Sainte-Beuve). Par quel égo-
ïsme [...] toute créature se fixe-t-elle encore
si distante de Dieu (Gide). ‖ 3. Absol. Se
marier : Est-ce aussi la crainte de te fixer
qui te fait différer tes fiançailles ? (Gide).
‖ 4. Se fixer sur, choisir en définitive : Elle
s’était fixée sur les corsages montants et les
jupes trop longues (Sartre).

III. Class. Se résoudre définitivement à :


Je me suis fixé [...] à ne m’arrêter propre-
ment que sur ce que j’ai connu par moi-
même (Retz).
• SYN. : I, 1 s’accrocher, adhérer ; 2 s’instal-
ler, résider ; 4 s’arrêter sur. ‖ II, 1 se figer, se
scléroser. — CONTR. : II, 1 changer, évoluer,
se modifier, se transformer.

1. fixisme [fiksism] n. m. (de fixiste 1 ;


1907, Larousse). Procédé d’élevage des
abeilles dans lequel on fournit des ruches
vides aux insectes, qui construiront des
rayons sans cadre.

2. fixisme [fiksism] n. m. (de fixe ; 1922,


Larousse, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.).
1. Théorie biologique selon laquelle les
espèces vivantes sont nettement distinctes
et n’ont subi aucune évolution depuis leur
création. (Syn. CRÉATIONNISME ; s’oppose
à ÉVOLUTIONNISME et à, TRANSFORMISME.)
‖ 2. Théorie géologique selon laquelle bas-
sins océaniques et boucliers continentaux
auraient été permanents et fixes à travers
l’histoire géologique.

1. fixiste [fiksist] n. (de fixe ; 1877, Littré).

Apiculteur qui pratique le fixisme.

2. fixiste [fiksist] adj. (de fixisme 2 ;


XXe s., comme adj. et n.). Qui concerne le
fixisme, en biologie et en géologie : Les
théories fixistes.

& adj. et n. Qui professe le fixisme ou qui


en est partisan : En biologie, le conservateur
a tendance à être fixiste (Vailland).

fixité [fiksite] n. f. (de fixe ; début du


XVIIe s., aux sens I-II).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1921

I. État de ce qui est fixe, parfaitement im-


mobile : La fixité apparente d’une étoile.
‖ Spécialem. Caractère d’un regard qui
ne s’écarte pas d’une direction fixe, qui
s’attache ou paraît s’attacher à un même
objet : Midi, l’heure égoïste de la faim, de
la vie, qui donne à tous les regards de la
rue la même fixité vorace et distraite, l’oeil
goulu du squale en chasse sous-marine
(Daudet). Il devinait la fixité du regard à
la raideur du corps (Malraux).

II. Caractère de ce qui est fixe, constant,


de ce qui ne varie pas : Ces institutions
acquirent plus de fixité (Acad.). Je n’ai pas
encore de fixité, cette fixité qui fait vouloir
aujourd’hui ce qu’on a voulu hier (Stend-
hal). Rien n’est plus douloureux que cette
opposition entre l’altération des êtres et la
fixité du souvenir, quand nous compre-
nons que ce qui a gardé tant de fraîcheur
dans notre mémoire n’en peut plus avoir
dans la vie... (Proust). La fixité de ton
adoration me peine (Gide). ‖ Fixité des
espèces, caractère invariable des espèces
vivantes, selon le fixisme (v. FIXISME 2).
• SYN. : I immobilité ; II constance, conti-
nuité, immuabilité, invariabilité, perma-
nence, stabilité. — CONTR. : I mobilité ;
II changement, évolution, modification,
transformation.

fjeld [fjɛld] n. m. (mot norvég. ; 1878,


Larousse). Plateau rocheux qui a été usé
par un glacier continental.

fjord [fjɔr] n. m. (mot norvég. ; 1829,


Brongniart). Golfe profond, résultant
de l’invasion d’une auge glaciaire par la
mer : Cette nappe d’eau verte et à peine
frémissante semblait une extrémité de fjord
(Bourget).

fla [fla] n. m. invar. (onomatop. ; 1845.


Bescherelle). Double coup de baguette
frappé sur un tambour, d’abord légère-
ment de la main droite, puis fortement de
la main gauche.

flabellation [flabɛlasjɔ̃ ou flabɛllasjɔ̃]


n. f. (dér. savant du lat. flabellum [v. FLA-
BELLUM] ; v. 1560, Paré). Action d’éventer :
Une nuée de goélands nous frôlait de si près
que nous entendions la flabellation de leurs
ailes (Morand).

flabellé, e [flabɛle ou flabɛlle] adj. (dér.


savant du lat. flabellum [v. FLABELLUM] ;
1611, Cotgrave). Se dit des animaux, des
végétaux ou de leurs organes, quand
ils affectent la forme d’un éventail :
Feuilles flabellées. Antennes flabellées des
coléoptères.

flabellifère [flabelifɛr ou flabellifɛr] n.


m. (lat. flabelliferus, celui qui porte l’éven-
tail, de flabellum [v. ce mot], et de ferre, por-
ter ; 1872, Larousse). Porteur de flabellum :
De chaque côté du brancard, quatre flabel-
lifères agitaient au bout de hampes dorées
d’énormes éventails de plumes (Gautier).

flabelliforme [flabɛlifɔrm ou
flabɛllifɔrm] adj. et n. m. (de flabelli-, élé-
ment tiré du lat. flabellum [v. l’art. suiv.], et
de forme ; 1813, Annales du Muséum natio-
nal d’histoire naturelle, au sens de « qui est
en forme d’éventail » [en zoologie] ; sens
actuel, 1872, Larousse). En termes d’archi-
tecture, se dit des ornements de feuilles et
de palmettes disposées en éventail.

flabellum [flabɛlɔm ou flabɛllɔm] ou


flabelle [flabɛl] n. m. (lat. flabellum,
éventail, de flabrum, souffle, dér. de flare,
souffler ; XVIe s., Godefroy, écrit flabelle
[flabellum, 1872, Larousse], au sens 1 ;
sens 2, 1877, Littré [écrit flabellum ; fla-
belle, milieu du XXe s.]). 1. Grand éventail
en usage dans l’Antiquité. ‖ 2. Au Moyen
Âge, éventail liturgique porté au-dessus de
la tête de certains dignitaires de l’Église.

flac ! [flak] interj. (XVIe s., La Curne).


Onomatopée imitant un claquement :
bruit d’un liquide qui tombe, d’un objet
qui tombe dans un liquide, etc.

flaccide [flaksid] adj. (lat. flaccidus,


flasque, mou, de flaccus, flasque, pen-
dant ; 1611, Cotgrave). Flasque (rare) : Un
visage mi-parti flaccide et tendu (R. de
Montesquiou).

flaccidité [flaksidite] n. f. (de flaccide ;


1756, Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2,
av. 1951, Gide). 1. État de ce qui est flasque :
Qui donc a pu donner cette flaccidité, cette
pâleur à des joues dont la peau, tendue
comme celle d’un tambour, crevait de la
bonne grosse santé des gens sans soucis ?
(Balzac). ‖ Spécialem. Absence de toni-
cité que l’on observe dans les muscles des
malades atteints de certaines paralysies.
‖ 2. Fig. Manque de fermeté, de vigueur :
Je ne supporte ni la flaccidité de sa pensée
ni l’aménité de son style (Gide).

• SYN. : 1 mollesse. — CONTR. : 1 élasticité,


fermeté, tonicité.

flache [flaʃ] n. f. (dér. substantivé de


l’anc. adj. flac, mou [v. 1180, Horn], lat.
flaccus [v. l’art. précéd.] ; XIVe s., Miracles
de Nostre-Dame, au sens 1 ; sens 2, 1680,
Richelet ; sens 3, début du XVe s. ; sens
4, 1872, Larousse [« dont les arêtes vives
manquent à certains endroits », adj., 1676,
Félibien]). 1. Dialect. Creux du sol où l’eau
s’est amassée, et, par extens., mare : Si je
désire une eau d’Europe, c’est la flache
| Noire et froide où vers le crépuscule
embaumé | Un enfant accroupi [...] lâche |
Un bateau frêle (Rimbaud). ‖ 2. Inégalité
dans un pavage, due à l’enfoncement d’un
ou de plusieurs pavés. ‖ 3. Endroit d’un
tronc d’arbre où l’écorce est enlevée et le
bois mis à nu. ‖ Spécialem. Petite surface
dénudée sur le tronc d’un arbre, destinée à
recevoir l’empreinte du marteau forestier.
(On dit aussi BLANCHIS.) ‖ 4. Défaut dans
l’arête d’une pièce de bois équarrie.

flacher [flaʃe] v. tr. (de flache ; 1497,


Godefroy, écrit flacquier, au sens de
« abattre [un arbre] » ; écrit flacher, au
sens actuel, 1865, Littré). Faire une entaille
(flache) à un arbre pour y imprimer la
marque de l’administration des Eaux et
Forêts.

flacherie [flaʃri] n. f. (de l’anc. adj. flac,


flache, mou [v. FLACHE], le corps de l’animal
se ramollissant au cours de cette maladie ;
1877, Littré). Maladie mortelle des vers
à soie, survenant avant la formation du
cocon.

flacheux, euse [flaʃø, -øz] adj. (de


flache ; 1690, Furetière). Se dit d’un tronc
d’arbre, d’une pièce de bois équarrie qui
a des flaches : Poutre flacheuse.

flacon [flakɔ̃] n. m. (altér. de *flascon,


bas lat. flasconem, accus. de flasco, flacon
[VIe s.], dér. de flasca, récipient servant
à porter et à enfermer des fioles [VIIe s.],
germ. occidental *flaska, bouteille clis-
sée ; 1314, Gay, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière [« contenu d’une bouteille »,
av. 1799, Marmontel]). 1. Petite bouteille
de verre, de cristal ou d’une autre matière,
de forme variée et de facture soignée, fer-
mée avec un bouchon de même matière
ou munie d’une fermeture de métal : Un
flacon à liqueur. Offrir un flacon de par-
fum. Les flacons à bouchon d’or tournaient
dans des mains entrouvertes (Flaubert). Ta
tâche est d’allumer la pipe de ton maître,
| De pourvoir les flacons d’eaux fraîches
et d’odeurs (Baudelaire). ‖ 2. Par extens.
Bouteille quelconque : Nous connaissions
tous les mouvements qu’il fallait pour qué-
rir un flacon dans la cave (Gide). ‖ Son
contenu : Un excellent flacon de vin de
Crescia (Daudet).

flaconnage [flakɔnaʒ] n. m. (de flacon ;


1930, Larousse, aux sens 1-2). 1. Fabrication
des flacons de verre. ‖ 2. Ensemble de
flacons.

flaconnier [flakɔnje] n. m. (de flacon ;


1907, Larousse, au sens de « ouvrier qui fait
des flacons » ; sens actuel, 1922, Larousse).
Coffret, étui en cuir destiné à recevoir un
ou plusieurs flacons : Un flaconnier en
peau de porc.

fla-fla ou flafla [flafla] n. m. (réduplica-


tion de la syllabe fla-, qui se rattache sans
doute au v. flatter ; 1847, Balzac, au sens
de « recherche d’effets » [en peinture] ;
1857, Flaubert, au sens de « ostentation »).
Fam. Ostentation, recherche de l’effet : Le
cadre romain, si remarquable par ce que
les artistes appellent le flafla (Balzac). Pour
faire de l’embarras, du genre, du fla-fla
(Labiche). Le désir du fla-fla, le goût de la
vaine louange (Huysmans). ‖ Sans fla-fla,
en toute simplicité : On venait de manger
un morceau ensemble, en bonne amitié,
sans fla-fla (Zola). Lui-même avait l’air très
calme, très simple aussi, sans le moindre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1922

flafla, au milieu de tous ses administrés


en costume (Daudet).

• Pl. des FLA-FLAS.

• SYN. : bluff (fam.), chi-chi (fam.), chiqué


(fam.), embarras, épate (fam.), esbroufe
(fam.), façons (fam.), manières (fam.).

flagada [flagada] adj. (de flaquer, foirer


[1835, Raspail ; « ne pas travailler », 1910,
G. Esnault ; v. aussi l’art. FLAQUER],
de l’onomatop. flac [v. ce mot] ; 1917,
G. Esnault, comme interj., au sens de
« merde ! » ; comme adj., au sens actuel,
1936, G. Esnault). Pop. Très faible, à bout
de forces : Se sentir tout flagada.

flagellant, e [flaʒɛlɑ̃ ou flaʒɛllɑ̃, -ɑ̃t]


n. et adj. (part. prés. de flageller ; 1872,
Larousse, comme n. ; comme adj., XXe s.).
Qui se flagelle.

& flagellants n. m. pl. (1694, Th. Corneille).


Membres de diverses confréries où l’on
se livrait en commun à la flagellation
(XIIIe-XIVe s.) : Des confréries de flagellants
s’organisent en Allemagne, se répandent
dans l’Alsace, dans la Lorraine, dans la
Champagne (Huysmans) ; et adjectiv. : Les
ermites du mont Ventoux avec leurs mines
farouches et le petit clerc qui va derrière en
portant la clochette, les frères flagellants nus
jusqu’à la ceinture, les sacristains fleuris en
robes de juges... (Daudet).

flagellateur, trice [flaʒɛlatoer ou


flaʒɛllatoer, -tris] n. (dér. savant de flageller ;
1587, F. de La Noue). Personne qui flagelle.

flagellation [flaʒɛlasjɔ̃ ou flaʒɛllasjɔ̃]


n. f. (bas lat. ecclés. flagellation, action de
fouetter, de flagellatum, supin de flagellare
[v. FLAGELLER] ; 1382, Ph. de Maizières,
au sens 1 [rare av. le XVIIe s.] ; sens 2, 1865,
Littré ; sens 3, 1770, Raynal). 1. Action de
flageller. ‖ Spécialem. Châtiment pénal
en usage anciennement et qui consistait
à donner le fouet au patient : La flagella-
tion du Christ. ‖ 2. Représentation de la
flagellation de Jésus-Christ ou d’un saint.
‖ 3. Action de se flageller soi-même dans
un esprit de pénitence ou de mortification :
Ce n’est point par des cérémonies, par des
flagellations [...] qu’on honore la divinité,
mais par des sueurs, par des défrichements,
par des travaux utiles (Raynal).

• SYN. : 1 fustigation.

flagelle [flaʒɛl] ou flagellum [flaʒɛlɔm


ou flaʒɛllɔm] n. m. (lat. flagellum, fouet, de
flagrum, martinet, lanière ; fin du XIXe s.).
Filament mobile, unique ou multiple, ser-
vant d’organe locomoteur à certains pro-
tozoaires et aux spermatozoïdes.

flagellé, e [flaʒɛle ou flaʒɛlle] adj. (de


flagelle [v. l’art. précéd.] ; 1878, Larousse).
Muni d’un flagelle.

& flagellés n. m. pl. (fin du XIXe s.).


Embranchement de protozoaires carac-
térisés par la présence de flagelles. (On dit
aussi FLAGELLATES [1888, Larousse]).

flagellement [flaʒɛlmɑ̃] n. m. (de flagel-


ler ; av. 1889, Barbey d’Aurevilly). Action de
flageller, de frapper à la façon d’un fouet
(rare) : Le flagellement de la vitre sous la
pluie qui fume (Barbey d’Aurevilly).

flageller [flaʒɛle ou flaʒɛlle] v. tr. (lat.


flagellare, fouetter, flageller, de flagellum [v.
FLAGELLE] ; v. 980, Passion du Christ, écrit
flagellar [flageller, XIVe s. ; du XIe au XVe s.,
on utilisait la forme plus pop. flaeler], au
sens 1 ; sens 2, milieu du XIXe s., Baudelaire ;
sens 3, 1835, Acad.). 1. Battre de coups de
fouet ou de verges. ‖ 2. Littér. Frapper
avec quelque chose qui cingle comme un
fouet : Ils rampent, flagellés par les bises
iniques... (Baudelaire). ‖ 3. Fig. Attaquer
impitoyablement, d’une façon acerbe, vio-
lente : Flageller l’hypocrisie. Shakespeare
flagelle hardiment le peuple anglais (Janin).
• SYN. : 1 fouailler, fouetter, fustiger ; 3 blâ-
mer, flétrir, malmener, stigmatiser.

& se flageller v. pr. (sens 1, 1865, Littré ;


sens 2, av. 1945, P. Valéry). 1. Se frapper
soi-même avec un fouet, dans un esprit de
pénitence ou de mortification. ‖ 2. Fig. Se
mortifier, s’infliger des rigueurs : Flagelle-
toi ! ... Parais l’impatient martyr | Qui soi-
même s’écorche (Valéry).

flageolant, e [flaʒɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de flageoler ; fin du XIXe s., A. Daudet,
au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Se dit
des jambes qui tremblent et vacillent : Le
cantonnier avait pris le vieux pauvre par
le bras et le calait tant bien que mal sur
ses jambes flageolantes (Daudet). Dès qu’il
s’était levé et avait voulu se tenir debout,
[le duc de Guermantes] avait vacillé sur
des jambes flageolantes comme celles de
ces vieux archevêques sur lesquels il n’y a
de solide que leur croix métallique (Proust).
‖ Se dit d’une personne dont les jambes
flageolent : Il se leva pour constater qu’il
était las et flageolant d’une manière fort
anormale (Duhamel). ‖ 2. Fig. et littér.
Qui faiblit, flanche : Avec ses dernières
ressources d’énergie flageolante (Pergaud).
• SYN. : 1 chancelant, titubant, vacillant.

— CONTR. : 1 ferme, solide, stable.

flageolement [flaʒɔlmɑ̃] n. m. (de fla-


geoler ; milieu du XXe s.). Action de flageo-
ler : Les flageolements d’un homme ivre.

flageoler [flaʒɔle] v. intr. (peut-être de


flageolet 1, au sens de « jambe grêle » [attesté
seulement au XIXe s., v. l’art. suiv.] ; 1752,
J.-J. Rousseau, pour un homme, et 1756,
Encyclopédie, pour un cheval). En parlant
des jambes du cheval ou de l’homme, trem-
bler et vaciller pendant la marche : Un che-
val dont les jambes flageolent. Des jambes
qui flageolaient comme celles d’un homme
ivre (Balzac). ‖ En parlant de l’homme,
chanceler sur ses jambes en marchant, par
faiblesse ou sous l’effet d’une émotion vio-
lente : Antoine s’était, en flageolant, heurté
au battant de la porte (Martin du Gard).
• SYN. : chanceler, tituber, vaciller.

1. flageolet [flaʒɔlɛ] n. m. (dimin. de


l’anc. franç. flageol, flûte de pâtre [fin
du XIIe s., Raoul de Cambrai], lat. pop.
*flabeolum, même sens, du lat. class. fla-
brum, souffle, dér. de flare, souffler ; XIIIe s.,
Recueil de motets, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, 1865, Littré). 1. Petite
flûte à bec percée de six trous, en buis ou
en ébène, et garnie de clefs, jadis en faveur
et aujourd’hui délaissée : Un berger qui
joue du flageolet. Un trait de flageolet dans
une partition d’orchestre. ‖ 2. Jeu d’orgue,
flûté, de deux pieds. ‖ 3. Fam. et vx. Jambe
maigre (comme une flûte).

2. flageolet [flaʒɔlɛ] n. m. (dimin. de


flageolle, même sens [1726, Luillier], de
l’ital. fagiuolo, haricot [du lat. faseolus,
v. FASÉOLE], avec influence de flageol [v.
l’art. précéd.], la forme étroite et allongée
des haricots ayant été comparée à celle
d’une flûte ; 1835, Maison rustique du XIXe
siècle). Petit haricot d’un goût fin : Un gigot
aux flageolets.

flagorner [flagɔrne] v. tr. (origine obs-


cure ; v. 1464, Maistre Pierre Pathelin,
au sens de « bavarder » ; v. 1570, Carloix, au
sens de « dire à l’oreille » ; sens actuel, 1690,
Furetière). Littér. Flatter continuellement
et de façon outrée : J’aurais dû flagorner les
riches ou flatter les forts (Balzac).

flagornerie [flagɔrnəri] n. f. (de fla-


gorner ; 1582, Bretin). Flatterie basse et
généralement intéressée : Cette littérature
de sottise et de flagornerie qui tient tant
de place dans les revues et dans la presse
(Duhamel).

• SYN. : adulation, lèche (fam.).

flagorneur, euse [flagɔrnoer, -øz] adj.


et n. (de flagorner ; XVe s., Godefroy). Qui
use de flagornerie : Flagorneurs et autres
gens qui vivent de bassesse et d’intrigues
(Courier).

• SYN. : adulateur, caudataire, lèche-bottes


(fam.).

& adj. (fin du XIXe s., A. Daudet). Qui est


empreint de flagornerie : Jean démêlait
bien aux mamours flagorneurs de Fanny
la place que l’horrible bête tenait dans la
maison (Daudet).

• SYN. : flatteur, obséquieux.

flagrance [flagrɑ̃s] n. f. (de flagrant ; 1611,


Cotgrave [rare av. le XIXe s.]). Caractère de
ce qui est flagrant : Un crime se commet ; s’il
y a flagrance, les inculpés sont emmenés au
corps de garde voisin et mis dans ce cabanon
nommé par le peuple « violon » (Balzac).
Peut-être que le dragon vous regarde tran-
quillement et n’attend que l’instant de fla-
grance maximum pour ameuter le wagon
(Montherlant).

• SYN. : évidence. — CONTR. : incertitude.

flagrant, e [flagrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. fla-


grans, -antis, brûlant, enflammé, plein
d’ardeur, brillant, éclatant, et, à basse
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1923

époque, « flagrant » [surtout dans la loc.


flagranti crimine, « en flagrant délit » —
pour crimen, -inis, v. CRIME], part. prés.
adjectivé de flagrare, brûler, être en feu,
être animé d’une passion ; 1413, Dict. géné-
ral, au sens 1 [flagrant délit, fin du XVe s.] ;
sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Qui se commet
manifestement sous les yeux ; usité surtout
dans l’expression du droit flagrant délit.
‖ Prendre, surprendre en flagrant délit,
prendre sur le fait : Un époux outragé qui
surprend sa femme en flagrant délit (Zola).
‖ 2. Qui est tellement visible qu’on ne peut
le nier ; absolument évident : Mais il y a
des impossibilités flagrantes ! (Daudet).
Sa préoccupation de séduire est flagrante
(Gide). Quand l’indiscrétion était flagrante,
Claude riait (Vercel).

• SYN. : 2 éclatant, incontestable, indé-


niable, indiscutable, indubitable, manifeste,
notoire, ostensible, patent. — CONTR. : 2
contestable, discutable, douteux, hypothé-
tique, incertain.

flair [flɛr] n. m. (déverbal de flairer ; v.


1175, Chr. de Troyes, au sens de « odeur » ;
v. 1265, J. de Meung, au sens de « odorat
d’un homme » ; sens 1, milieu du XVIe s.,
Ronsard ; sens 2, av. 1872, Th. Gautier).
1. Odorat du chien et, par extens., des ani-
maux en général : La fontaine [...] attire de
loin les bêtes dont le flair | Sent germer sa
fraîcheur dans la plaine torride (Leconte
de Lisle). ‖ Par extens. Aptitude du chien,
et plus généralement des animaux, à
découvrir, à suivre une piste par l’odeur :
Un chien dont le flair est faible. ‖ 2. Fig.
Finesse, clairvoyance instinctive qui porte
à découvrir ou à deviner ce qui est caché
ou dissimulé, à pressentir un événement
futur : Vous avez un flair admirable pour
trouver les objets égarés (Duhamel). Cette
impression de péril [...] que n’importe qui
a pu avoir ce matin en lisant le journal ;
pas besoin d’un flair spécialement exercé
(Romains).

• SYN. : 2 discernement, divination, intui-


tion, nez (fam.), perspicacité, prémonition,
prescience.

flairer [flɛre] v. tr. (lat. pop. *flagrare, issu,


par dissimilation consonantique, du lat.
class. fragrare, exhaler fortement une odeur
[bonne ou mauvaise] ; XIIe s., Godefroy,
écrit flairier [flairer, XIIIe s.], au sens I, 1 ;
sens I, 2, av. 1857, Musset ; sens II, 1, 1636,
Monet ; sens II, 2, v. 1265, J. de Meung ;
sens II, 3, 1538, R. Estienne).

I. 1. Vx ou littér. Exhaler une bonne


odeur ou une odeur forte : Ses gants
flairent mieux que benjoin et civette
(Gautier). ‖ 2. Fig. et littér. En parlant de
choses, laisser pressentir, annoncer : Voi-
là un manteau rabattu qui flaire quelque
nouvelle (Musset).

II. 1. Appliquer son odorat à quelque


chose pour en déceler l’odeur ou les
odeurs (surtout en parlant des animaux) :

La nuit, des chacals, des hyènes viennent


flairer mes caissons (Daudet). Ils se le
passaient de main en main, le tâtaient, le
retournaient, le flairaient (Maupassant).
Ses chiens n’aboyaient pas, ils flairaient
mon manteau et remuaient la queue
(Giraudoux). ‖ 2. Percevoir l’odeur de
quelque chose ou de quelqu’un ; décou-
vrir, reconnaître par l’odeur : Le chat [...]
flaire le lait que contiennent plusieurs
jattes couvertes d’assiettes (Balzac). Soit
qu’il eût flairé un ennemi de sa race [...],
le lion eut tout à coup un mouvement de
colère (Daudet). Sans me vanter, je flaire
d’assez loin les truffes et les livres (France).
‖ 3. Fig. Pressentir, discerner, deviner
par intuition : La noblesse flaira le piège,
mais les artisans donnèrent dans mes
panneaux (France). Il flaira aussitôt que
le frère et la soeur ne portaient pas le même
jugement sur le caractère de l’enfant, et
que cette divergence créait entre eux un
point de désaccord (Martin du Gard).
Peut-être flairais-tu là une menace pour
notre bonheur (Mauriac). Tu appartiens
à une race d’homme que l’injustice flaire
de loin (Bernanos). ‖ Flairer le vent, cher-
cher à deviner comment une situation va
évoluer : Tu étais habile à flairer le vent...
(Mauriac).

• SYN. : II, 1 humer, renifler ; 3 deviner,


présager, prévoir, soupçonner, subodorer.

flaireur, euse [flɛroer, -øz] n. et adj. (de


flairer ; 1539, R. Estienne). Personne qui
flaire (au pr. et au fig.) : La face rusée, fine,
au nez fort de flaireur (P. Adam).

& adj. (début du XXe s.). Qui est particuliè-


rement apte à flairer : Un nez court, aux
narines ouvertes, flaireur et vorace (Martin
du Gard).

flamand, e [flamɑ̃, -ɑ̃d] adj. et n. (germ.


flaming, flamand ; 1080, Chanson de
Roland, écrit Flameng ; flamand, XVIIe s.).
Relatif à la Flandre ou à ses habitants ;
habitant ou originaire de cette région : Les
populations flamandes. Une ville flamande.
Un cheval flamand. La peinture flamande.
Un Flamand.

& flamand n. m. (av. 1842, Stendhal).


Ensemble des parlers sud-néerlandais
usités dans la partie de la Belgique située
au nord d’une ligne Visé-Mouscron, et
dans une partie des régions françaises
de Dunkerque et d’Hazebrouck : Elles
discutèrent en flamand avec leur mère
(Stendhal).

flamant [flamɑ̃] n. m. (provenç. flamen


ou languedocien flamenc, du lat. flamma,
flamme, feu, couleur de feu [avec un suff.
d’origine germ.], à cause de la couleur des
plumes de l’oiseau ; 1534, Rabelais). Oiseau
de grande taille, au magnifique plumage
rose, écarlate et noir, caractérisé par de très
hautes pattes à pieds palmés, un long cou
souple, un bec volumineux et coudé : Des
hérons, des butors, des flamants au ventre

blanc, aux ailes roses, s’alignant pour pêcher


tout le long du rivage, de façon à disposer
leurs teintes diverses en une longue bande
égale (Daudet). Sur le sable marneux,
d’énormes caïmans | Guettaient le tapir
noir ou les roses flamants (Heredia).

flambage [flɑ̃baʒ] n. m. (de flamber 1 ;


1771, Schmidlin, au sens I ; sens II, 1930,
Larousse).

I. Action de flamber, de soumettre à


l’action d’une flamme : Le flambage d’un
poulet. Le flambage des toiles de coton.

II. En technologie, déformation latérale


que subissent les pièces longues, chargées
en bout, et qui travaillent à la compres-
sion. (On dit aussi FLAMBEMENT.)

flambant, e [flɑ̃bɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de flamber 1 ; v. 1170, Livre des Rois, au
sens 4 ; sens 1 et 6, 1690, Furetière ; sens 2,
1669, La Fontaine ; sens 3, fin du XIXe s.,
A. Daudet ; sens 5, av. 1850, Balzac [flam-
bant neuf, 1808, d’Hautel]). 1. Qui flambe,
brûle avec des flammes : Un beau fagot
flambant (Hugo). Il trouvait tous les soirs
un feu flambant (Flaubert). ‖ Charbon
flambant, houille flambante, charbon,
houille à haute teneur en matières volatiles.
‖ 2. Vx et littér. Qui jette des flammes : Les
coursiers de Phébus aux flambantes narines
(La Fontaine). ‖ 3. Qui produit une sensa-
tion de chaleur intense : Il fallait autre chose
[...] pour rester deux heures debout sur ces
dalles flambantes (Daudet). ‖ 4. Fig. Qui a
l’éclat ou la teinte rougeoyante du feu : Ces
yeux flambants et veloutés qu’on n’oublie
plus une fois qu’on les a regardés (Theuriet).
‖ 5. Fam. et vx. Qui est richement, élégam-
ment vêtu ou équipé : Mademoiselle est bien
flambante et ne sort pas, des fois qu’elle ne
soit suivie de jeunes gens (Balzac). « On m’a
payé, regardez comme je suis flambant. »
En effet, le vieux garçon de bureau avait
une livrée neuve (Daudet). ‖ Flambant
neuf, tout flambant neuf, en parlant des
choses, entièrement neuf et brillant : Un
habit flambant neuf. Une voiture flambant
neuve ; au fig., tout nouveau, tout récent :
Sa paternité flambante neuve (Balzac).
[V. Rem.] ‖ 6. En héraldique, se dit d’une
pièce de longueur ondée et terminée en
pointe à la façon d’une flamme : Pal flam-
bant. (Syn. FLAMBOYANT.)

• SYN. : 3 bouillant, brûlant ; 4 ardent,


éclatant, étincelant ; 5 chic (fam.), élégant,
pimpant.

• REM. Dans l’expression flambant neuf,


flambant est généralement invariable :
Des vêtements flambant neufs.Une forte-
resse flambant neuve (Gracq).

& flambant n. m. (XXe s.). Houille flam-


bante : Du flambant gras. Du flambant sec.
& flambante n. f. (1920, Bauche). Arg. et vx.
Allumette : Tout à l’heure, tu m’as balancé
une boîte de flambantes (Barbusse).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1924

1. flambard [flɑ̃bar] n. m. (de flambe 1


[v. ce mot] ; 1285, Godefroy, écrit flambart
[flambard, XVIIIe s.], au sens I, 2 ; sens I,
1, 1690, Furetière ; sens II, 1, 1594, Satire
Ménippée ; sens II, 2, 1596, Pechon de Ruby
[« poignard » ; « sabre », 1829, G. Esnault).

I. 1. Charbon à demi consumé qui fait


encore de la flamme. ‖ 2. Saindoux pro-
venant de la cuisson des viandes.

II. 1. Petit bateau de côte pour la pêche


au chalut. ‖ 2. Épée à lame ondulée. (Syn.

FLAMBE.)

• REM. On trouve aussi parfois l’ortho-


graphe FLAMBART.

2. flambard [flɑ̃bar] n. m. (de flamber


1, au sens de « briller dans son milieu »
[1830, G. Esnault] ; 1852, G. Esnault). Fam.
et vx. Fanfaron, vaniteux : Un groupe de
jeunes flambards aux grands cols cassés
(Daudet). ‖ Faire le flambard, avoir des
airs de fanfaron.

1. flambe [flɑ̃b] n. f. (issu, par dissimi-


lation, de l’anc. franç. flamble [attesté du
XIIe au XVe s.], lat. flammula, petite flamme,
dimin. de flamma [v. FLAMME 1] ; 1080,
Chanson de Roland, au sens 1 ; sens 2, 1566,
G. Esnault ; sens 3, 1314, Mondeville ; sens
4, XVIe s., Jal). 1. Dialect. Grande flamme
claire, flambée : Les flambes joyeuses des
pins grimpaient, en embaumant la résine,
dans l’âtre (Huysmans). ‖ 2. Épée à lame
ondulée : La flambe de l’archange Saint-
Michel. (En ce sens, on dit aussi FLAM-
BARD.) ‖ 3. Nom donné à certains iris,
appelés aussi FLAMMES : À terre, le glaïeul,
la flambe des marais (Hugo). ‖ 4. Longue
bannière étroite.

2. flambe [flɑ̃b] n. m. (de flambeau, jeu


[1845, G. Esnault], tiré de la loc. mettre
au flambeau, laisser près d’un chandelier
de quoi payer les cartes du cercle [1829,
Vidocq] ; 1886, au sens 1, et 1926, au sens 2,
G. Esnault). 1. Arg. Le jeu. ‖ 2. Arg. Tripot,
maison de jeu.

flambé, e [flɑ̃be] adj. (part. passé de


flamber 1 ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné,
au sens I, 2 ; sens I, 1, XXe s. ; sens II, av.
1848, Chateaubriand).

I. 1. Se dit d’un mets arrosé d’alcool


qu’on enflamme : Une omelette flam-
bée. Des crêpes flambées. ‖ 2. Fig.
et fam. Se dit d’une chose (affaire,
situation, etc.) perdue, ruinée, d’une
personne gravement atteinte dans sa
santé, sa position : Et voilà ma comédie
flambée, pour plaire aux princes maho-
métans (Beaumarchais). Nous sommes
flambés, mon petit (Stendhal). Je suis
flambé, continua-t-il en faisant tomber
les cartes (Murger). Un homme qui va
trop loin est flambé, ma chère (Zola).
C’est un homme flambé (Acad.).

II. Se dit d’un tissu orné de fleurs dont les


teintes se fondent : Un vieux lit de jour, de
siamoise flambée (Chateaubriand).

• SYN. : I, 2 coulé (fam.), cuit (fam.), fichu


(fam.), fini, frit (fam.).

& flambé n. m. (1865, Littré). Papillon


d’Europe dont la chenille vit sur les arbres
fruitiers.

flambeau [flɑ̃bo] n. m. (de flambe 1 ; v.


1398, le Ménagier de Paris, au sens 1 ; sens
2, v. 1587, Du Vair ; sens 3, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné ; sens 4, 1690, Furetière ; sens
5, milieu du XVIe s., J. Du Bellay). 1. Autref.
Faisceau de mèches enduites de cire, torche
ou grande chandelle qu’on allumait pour
éclairer les intérieurs, ou qu’on portait pour
s’éclairer à l’extérieur : La curée se fit aux
flambeaux par une nuit douce et mélanco-
lique (Maupassant). Deux laquais étaient
descendus avec des flambeaux (France).
‖ Course des flambeaux, dans la Grèce
antique, fête nocturne au cours de laquelle
des relais de coureurs se transmettaient
des torches enflammées. ‖ Fig. Remettre,
passer le flambeau à quelqu’un, se trans-
mettre le flambeau, confier à d’autres la
continuation d’une tâche, d’une oeuvre que
l’on a soi-même assumée en son temps,
pour en assurer la pérennité. ‖ Retraite aux
flambeaux, v. RETRAITE. ‖ 2. Spécialem. et
vx. Torche pour mettre le feu : Ses troupes
étaient dans le faubourg, le flambeau à la
main (Voltaire). ‖ 3. Grand chandelier,
souvent de métal précieux : Une table
ronde couverte d’un tapis vert, éclairée
par un flambeau de vieille forme, à deux
bougies et à garde-vue (Balzac). « Qu’y a-t-
il pour votre service, monsieur le Curé ? »
demanda la maîtresse d’auberge, tout en
atteignant sur la cheminée un des flam-
beaux de cuivre (Flaubert). ‖ 4. Fig. Chose
ou personne prestigieuse, qui, telle une
lumière éclatante, est censée guider l’huma-
nité : Le flambeau de la foi, de la science,
de la vérité. Le flambeau de la philosophie
le rassure moins au milieu de la tempête
que la lampe allumée devant la Madone
(Chateaubriand). Jean-Jacques, ce tison ;
Voltaire, ce flambeau (Hugo). ‖ 5. Entre
(souvent dans un sens métaphorique)
dans des locutions poétiques ou litté-
raires, généralement vieillies. ‖ Le flam-
beau du jour, du monde, le soleil. ‖ Le
flambeau de la nuit, des nuits, la lune.
‖ Le flambeau de l’amour, ou simplem. le
flambeau, la flamme, la passion amoureuse :
C’est moi qui ai mis le flambeau fatal dans le
sein du chaste Télémaque (Fénelon). ‖ Les
flambeaux de l’hymen, le mariage : Les
flambeaux de l’hymen viennent de s’allumer
(Corneille). ‖ Rallumer le flambeau de, faire
revivre, ranimer : Et de David [de la race de
David] éteint rallumé le flambeau (Racine).
• SYN. : 3 candélabre, torchère.

flambée [flɑ̃be] n. f. (part. passé fém.


substantivé de flamber 1 ; début du XIVe s.,
au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s., A. Daudet ;

sens 3, 1848, G. Sand). 1. Feu flambant de


copeaux, de brindilles, qu’on allume pour
se réchauffer : Tous les préparatifs d’une
joyeuse flambée étaient faits dans la chemi-
née (Balzac). « Eh bien ! Régalez-vous d’une
flambée [...]. — Brr », fit-il, se frottant les
mains et frissonnant (F. Fabre). ‖ Fig. Ne
faire qu’une flambée, ne pas durer long-
temps : Trois ou quatre cent mille francs, ça
n’aurait fait qu’une flambée dans ces mains-
là (Bernanos). ‖ 2. Littér. Flamboiement
des rayons du soleil : Aux dernières flam-
bées du couchant (Daudet). ‖ 3. Fig. Accès
brusque et violent d’une passion, d’un sen-
timent : La jalousie, c’étaient ces flambées
soudaines qui le dévoraient (Martin du
Gard). Alors, il répliquait, tête levée, ou,
traversé d’une flambée de colère, il se ruait
contre le mur de la maison hostile (Vercel).
‖ Flambée des prix, brusque montée des
prix. ‖ Manifestation collective soudaine
et de courte durée : Une flambée d’agita-
tion, de terrorisme.

• SYN. : 1 chaude ; 3 bouffée, crise, poussée.

flambement [flɑ̃bmɑ̃] n. m. (de flamber


1 ; 1874, Goncourt, au sens I ; sens II, 1922,
Larousse).

I. Action de flamber (rare) : Le flam-


bement gai de ces gigantesques bûches
(Goncourt).
II. Syn. de FLAMBAGE au sens II.

1. flamber [flɑ̃be] v. intr. (de flambe


1 [a remplacé la forme flamer, flammer,
brûler, être allumé, enflammer — v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure —, lat. flammare,
enflammer, exciter, brûler, flamber, dér.
de flamma ; v. FLAMME 1] ; v. 1160, Benoît
de Sainte-Maure, puis milieu du XVIe s., au
sens I, 1 ; sens I, 2, 1552, Ronsard ; sens I, 3,
av. 1850, Balzac ; sens I, 4, v. 1570, Carloix ;
sens II, XXe s.).

I. 1. Brûler, se consumer avec une


flamme claire : Dans les apothéoses de
féerie flambent les feux de Bengale bleus
et rouges (Gautier). Il dure un peu [ce
feu], flambe extraordinairement vite et
fort, et puis s’éteint (Fromentin). Le bois
flambait, la braise craquait (Flaubert).
‖ 2. Briller d’un éclat soudain, lancer
de vives lueurs : Les yeux de Khosroës
flambèrent, rouges (Huysmans). ‖ 3. Fig.
et vx. Attirer l’attention, briller par son
élégance : Or, une créature de la beauté
d’Esther ne pouvait pas flamber impuné-
ment à l’avant-scène de la Porte-Saint-
Martin (Balzac). ‖ 4. Fig. Devenir la
proie de sentiments brusques et violents ;
être consumé d’ardeur, de passion : Dans
son Midi, les foules flambaient plus vite,
seulement elles faisaient moins de besogne
(Zola). Toi, coeur saignant, qui flambes
aujourd’hui (Verlaine).

II. Se déformer, prendre la forme ondu-


leuse d’une flamme, en parlant d’une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1925

pièce longue et de faible section compri-


mée dans le sens de la longueur.

• SYN. : I, 2 f lamboyer, étinceler, luire,


rayonner.

& v. tr. (sens 1, av. 1611, Sully ; sens 2, 1636,


Monet ; sens 3, 1865, Littré). 1. Passer
quelque chose à la flamme, le mettre au
contact d’une flamme pendant un temps
limité : Les grands vaisseaux couchés sur le
flanc et qu’on flambait avec des broussailles
pour les débarrasser des herbes (Daudet).
‖ Flamber une volaille, un cochon, un
chevreuil, etc., les brûler légèrement à la
flamme pour les débarrasser des dernières
plumes, du dernier poil. ‖ Flamber un
outil, un instrument de chirurgie, les passer
dans une flamme d’alcool pour les stérili-
ser : Il flamba la lame à nouveau, puis, très
vite, par deux fois, l’enfonça derechef dans
sa chair (Gide). ‖ Flamber un tissu, des fils,
les soumettre rapidement à l’action d’une
flamme pour brûler le duvet. ‖ Flamber
les cheveux, en brûler légèrement l’extré-
mité après les avoir taillés. ‖ Flamber le
canon d’une arme à feu, y faire partir une
amorce pour en sécher l’intérieur avant de
mettre la charge. ‖ 2. Spécialem. Laisser
tomber quelques gouttes de lard fondu sur
une pièce qu’on rôtit, ou arroser un mets
d’alcool, et allumer ensuite : Flamber un
cochon de lait. ‖ 3. Fig. Dépenser folle-
ment : En quelques mois, il a flambé toute
une fortune.

2. flamber [flɑ̃be] v. intr. (de flambe 2 ;


1878, G. Esnault). Arg. Jouer ; jouer gros jeu.

flamberge [flɑ̃bɛrʒ] n. f. (emploi plaisant


de Flamberge, n. pr. de l’épée de Renaut
de Montauban, lui-même altéré, d’après
flamme 1, de Froberge, Floberge [aussi dans
Renaut de Montauban, fin du XIIe s.], germ.
*Froberga ; début du XIVe s., écrit froberge
[flamberge, 1598, G. Bouchet], au sens 1
[mettre flamberge au vent, 1655, Molière,
au fig., et 1673, Mme de Sévigné, au pr.] ;
sens 2, 1872, Larousse). 1. Aux XVIIe et
XVIIIe s., longue épée de duel, remarquable
par la finesse de sa lame. ‖ Vx et ironiq.
Mettre flamberge au vent, tirer l’épée pour
se battre ; au fig., manifester une humeur
combative : Mettons flamberge au vent et
bravoure en campagne ; | Faisons l’Olibrius,
l’occiseur d’innocents (Molière). ‖ 2. Faux
cierge de tôle, de bois, de matière plastique.

flamberie [flɑ̃bri] n. f. (de flamber 1 ;


av. 1850, Balzac). Le fait de flamber (rare) :
Cette figure allumée par la joyeuse flam-
berie du punch démentait la gravité des
affaires (Balzac).

1. flambeur [flɑ̃boer] adj. m. (de flamber


1 ; 1865, Littré). Se dit des tuyaux par les-
quels s’échappe la flamme dans les appa-
reils de flambage des fils ou tissus de coton.

2. flambeur [flɑ̃boer] n. m. (de flamber


2 ; 1885, G. Esnault). Arg. Joueur, et plus
particulièrement celui qui joue gros jeu.

flamboiement [flɑ̃bwamɑ̃] n. m. (de


flamboyer ; début du XVIe s., puis 1842,
E. Sue, au sens 1 ; sens 2, 1856, V. Hugo).
1. Éclat de la flamme, d’une chose qui
brûle : Le flamboiement de paperasses
brûlées éclairait encore ma chambre
(Fromentin). Rougissant le ciel noir de
flamboiements lugubres, | À l’horizon
brûlaient les villages Insubres (Heredia).
Aux lueurs d’un rose vague qu’épandaient
autour d’elles les veilleuses mourantes avait
succédé le flamboiement de trois lanternes
(Huysmans). ‖ 2. Éclat lumineux qui
évoque le feu : Les paysages du Languedoc
[...], pelés, stériles, d’un gris d’oliviers
poussiéreux, ont, sous les couchers irisés
de leur soleil implacable, de ces splendides
flamboiements traversés d’ombres féeriques
qui semblent la décomposition d’un rayon,
la mort lente et graduée d’un arc-en-ciel
(Daudet). Le temple de Madura est beau-
coup plus grand qu’une cathédrale. Ses
tours au flamboiement bleu sur le ciel bleu
dominent la ville, surgissent aux détours
des ruelles (Malraux).

• SYN. : 1 brasier, embrasement ;


2 chatoiement.

flamboyant, e [flɑ̃bwajɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de flamboyer ; fin du XIIe s., Marie
de France, écrit flambeant [flamboiant,
XIIIe s., Chanson d’Antioche ; flamboyant,
milieu du XVIe s., Amyot], au sens 2 ; sens
1, 1690, Furetière [espee flambeant, XIIIe s.,
Littré] ; sens 3, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné ; sens 4, 1845, Bescherelle ; sens 5, début
du XIXe s. ; sens 6, 1872, Larousse). 1. Qui
flamboie, projette de vives lueurs en brû-
lant : Une suite de voitures aux lanternes
flamboyantes (Fromentin). ‖ Épée flam-
boyante, épée de feu, arme allégorique que
l’Écriture sainte place dans la main des
anges vengeurs. ‖ 2. Qui brille, éclaire
comme la flamme, en lançant de grands
éclats lumineux : Arrêtant sur lui des yeux
flamboyants (Balzac). Les couchants flam-
boyants, les aubes étoilées (Hugo). ‖ 3. Fig.
D’un éclat prestigieux : La flamboyante
gloire du Christ (Apollinaire). ‖ 4. En
héraldique, syn. de FLAMBANT. ‖ 5. Se
dit de la troisième et dernière période de
l’évolution de l’art gothique (XVe-XVIe s.),
qui affectionne les contours lancéolés
imitant les flammes : Le gothique flam-
boyant. L’architecture flamboyante. Style
flamboyant. ‖ 6. Fam. Qui a des couleurs
trop vives, trop voyantes : Une cravate
flamboyante.

& flamboyant n. m. (sens 1, début du XXe s. ;


sens 2, av. 1896, Goncourt). 1. Gothique
flamboyant. ‖ 2. Arbre des Antilles, à
fleurs rouges : Des paysages d’arbres aux
fleurs rouges appelés des flamboyants
(Goncourt).

flamboyer [flɑ̃bwaje] v. intr. (de flambe


1 ; 1080, Chanson de Roland, écrit flambeier
[flamboier, XIIIe s. ; flamboyer, XVIe s.], au
sens 2 ; sens 1, 1690, Furetière). [Conj. 2 a.]

1. Jeter des lueurs vives et intermittentes,


en parlant du feu, d’une chose qui brûle :
Au fond de l’âtre creux flamboient quatre
souches (Leconte de Lisle). La verrerie
flamboyait à l’orée du bois (Duhamel).
‖ 2. Briller par instants, lancer de grands
éclats lumineux : Un éclair de métal qui
flamboie dans l’ombre inspire parfois une
terreur salutaire (Gautier). Le cavalier pro-
mène un sabre qui flamboie (Baudelaire).
Des yeux qui flamboient.

• SYN. : 2 étinceler, rayonner, resplendir,


scintiller.

flambure [flɑ̃byr] n. f. (de flamber 1 ;


1750, Hellot). Différence de nuance dans
une étoffe mal teinte.

flamenco, ca [flamɛnko, -ka] adj. et


n. m. (mot esp. désignant d’abord les tzi-
ganes et signif. proprem. « flamand » [les
tziganes d’Espagne venaient souvent des
pays germaniques], du germ. flaming, fla-
mand ; fin du XIXe s., au sens 1 ; sens 2, 1926,
Montherlant). 1. Se dit de la musique, de
la danse et du chant populaires andalous :
L’art flamenco. Un chanteur de flamenco.
Danse flamenca. Danser le flamenco et la
sevillana (Louÿs). ‖ 2. S’applique parfois
aux personnes : Est flamenco celui qui a le
genre, le chic andalou (Montherlant).

& flamenca n. f. (1926, Montherlant).


Danse espagnole : Au-dessus du duel,
comme le danseur environne de cercles
sa compagne dans la flamenca, tournait
avec une lenteur affreuse un épervier
(Montherlant).

flamiche [flamiʃ] ou flamique [flamik]


n. f. (de flamme 1, proprem. « tarte cuite à
petit feu, à la flamme du four, avant l’in-
troduction du pain [qui était cuit à grand
feu] » ; XIIe s., écrit flamiche ; flamique,
XVe s.). Dans le nord de la France, tarte
garnie de poireaux.

flamine [flamin] n. m. (lat. flamen,


flaminis, mot d’origine obscure ; XIVe s.,
Godefroy). Chez les Romains, prêtre atta-
ché au culte d’une divinité particulière,
dont il assurait les sacrifices : Tu vois ta
jeunesse et ta chère villa | Et le flamine rouge
avec son blanc cortège (Heredia).

flamingant, e [flamɛ̃gɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de


flameng, forme anc. de flamand [v. ce
mot] ; milieu du XVIIIe s.). Qui appartient
au domaine des dialectes flamands : La
Flandre flamingante.

& adj. et n. (XXe s.). Se dit des partisans du


mouvement flamand en Belgique.

1. flamme [flam] n. f. (lat. flamma,


flamme, feu, passion, couleur de feu ; fin
du Xe s., Vie de saint Léger, écrit flamma
[flamme, XIIe s.], au sens I, 1 [jeter feu
et flamme, av. 1526, J. Marot] ; sens I, 2,
1667, Racine ; sens I, 3, 5 et II, 1, 3, 1690,
Furetière ; sens I, 4, v. 1695, Fénelon ; sens
I, 6, 1580, Montaigne ; sens I, 7, v. 1460,
Villon ; sens II, 2, 1669, J.-B. Colbert ; sens
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1926

II, 4, 1865, Littré ; sens II, 5, 1872, Larousse ;


sens II, 6-7, milieu du XXe s.).

I. 1. Phénomène lumineux et calorifique


dû à la combustion des gaz produits par
une matière qui brûle : [Il] me demanda
si les flammes que l’on voyait au loin [...]
ne venaient point d’un incendie (Vigny).
Quelques flambeaux d’argent dont la
flamme montait toute droite dans la lu-
mière blafarde du grand jour (Daudet).
Des flammes voltigeaient à la surface de
la houille (Duhamel). ‖ Fig. Jeter feu et
flamme, se livrer à de grands emporte-
ments de colère. ‖ 2. Incendie, feu qui
consume : La maison était en flammes
(Stendhal). ‖ Livrer aux flammes, incen-
dier. ‖ 3. Le supplice du feu (générale-
ment au plur.) : Les flammes du bûcher.
La flamme embrasera mon corps pour la
douleur (Péguy). Jetez, jetez aux flammes
cette sorcellerie (Apollinaire). ‖ Les
flammes éternelles, les flammes de l’enfer,
les tourments éternels auxquels Dieu
condamne les réprouvés : Ô malheureux
promis à la flamme éternelle (Leconte
de Lisle). ‖ Les flammes du purgatoire,
les tourments auxquels sont condamnés
momentanément les élus pour expier
leurs fautes. ‖ 4. Littér. Rayon lumineux
et brûlant : Le soleil de midi dardait ses
flammes subtiles et blanches (France).
‖ 5. Éclat vif et intermittent : Et l’on voit
de la flamme aux yeux des jeunes gens. |
Mais dans l’oeil du vieillard on voit de la
lumière (Hugo). La flamme froide de son
regard indiquait plus de courage et de dé-
cision que de bonté (Gide). ‖ 6. Fig. Vive
ardeur, enthousiasme, passion : S’expri-
mer avec flamme. J’entrais en des cafés et
demandais quelque liqueur forte que je
buvais avec flamme (Sainte-Beuve). Un
matin nous partons le cerveau plein de
flamme (Baudelaire). ‖ Être tout feu tout
flamme pour, se donner à une entreprise
avec ardeur, enthousiasme. ‖ 7. Class.
et littér. Passion amoureuse (parfois au
plur.) : Et je l’ai surpris, là, qui faisait à
Madame | L’injurieux aveu d’une cou-
pable flamme (Molière). Tes flammes
désormais doivent être étouffées (Cor-
neille). Mme Jammet qui l’avait convoité
[M. Lefranc] dans une soudaine flamme
de femme mûre (Le Roy). Une flamme
aiguë où le coeur d’Alissa et le mien s’épui-
saient (Gide).

II. 1. Ce qui a ou évoque la forme d’une


flamme : Deux flammes de poil lui sor-
taient des oreilles comme des moustaches
(Duhamel). ‖ 2. Pavillon long et étroit,
hissé au haut des mâts d’un bâtiment
de guerre, employé soit comme marque
distinctive (flamme nationale), soit pour
faire des signaux : [Le] cliquetis de la
flamme au haut du mât (Daudet). ‖ Ban-
derole à deux pointes flottantes, qui gar-
nissait les lances de la cavalerie française.
‖ 3. Ornement en forme de flamme

qui termine divers objets de sculpture


(vases, candélabres, torches, colonnes
funéraires, etc.). ‖ 4. En héraldique,
meuble de l’écu terminé par des pointes
ondoyantes : D’azur à la flamme d’argent.
‖ 5. Nom donné à diverses variétés d’iris
ou d’oeillets, en raison de leur couleur ou
de leur forme. ‖ 6. Flamme d’oblitéra-
tion, ou simplem. flamme, marque appo-
sée sur les lettres à côté du cachet à date
de la poste, formée soit de plusieurs filets
ondés, soit d’un dessin avec une légende.
‖ 7. Petite ampoule électrique allongée
en forme de flamme : Les flammes d’un
lustre.

• SYN. : I, 2 brasier, fournaise ; 3 bûcher ; 5


clarté, éclair, flamboiement, lueur ; 6 cha-
leur, exaltation, excitation, ferveur, fièvre,
frénésie. ‖ II, 1 aigrette, bouquet, houppe,
pinceau, plumet, touffe ; 2 cornette, fanion,
oriflamme.

2. flamme [flam] n. f. (lat. pop. *fleto-


mus, bas lat. flebotomus, phlebotomus,
phlébotome, lancette, gr. phlebotomos,
même sens, de phleps, phlebos, vaisseau
sanguin, et de temnein, couper ; fin du XIe s.,
Gloses de Raschi, écrit flemie [flieme, fin
du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire] ;
écrit flamme [sous l’influence de flamme
1], 1680, Richelet). Lancette de vétérinaire,
pour saigner les chevaux.

flammé, e [flame] adj. (de flamme 1 ;


1808, Boiste, aux sens 1-2). 1. Se dit d’une
étoffe qui présente des taches en forme
de flamme : Dans les boiseries blanches,
les soies flammées dataient d’un siècle
(Daudet). ‖ 2. En céramique, se dit d’une
pièce cuite en pleine flamme et sur laquelle
le feu a produit des tons variés : Grès
flammés.

flammèche [flamɛʃ] n. f. (issu, par croi-


sement avec flamme 1, du germ. *falawiska,
étincelle ; XIIe s., ToblerLommatzsch,
écrit flammesche ; flammeche, v. 1280,
Bibbesworth [var. flammasche, v. 1170,
Livre des Rois ; falemesche, v. 1212, Anger]).
Parcelle de matière enflammée, plus
importante que l’étincelle, qui se détache
d’un foyer : Il a fallu, sous les flammèches
et les tourbillons d’étincelles, écorcer les
ardoises d’une partie du toit (Hugo). La
maison ! Assez neuve, et déjà toute poudrée
de flammèches et de suie (Duhamel). Quand
Ramos passa, à la place des flammes, des
myriades de courtes flammèches rongeaient
les maisons comme une invasion d’insectes
(Malraux).

• SYN. : bluette, brandon, étincelle.

flammerole [flamrɔl] n. f. (de flamme


1 ; XVe s., Perceforest, au sens I ; sens II,
1872, Larousse).

I. Feu follet : Occupé d’une image unique,


qui sans cesse rebondissait devant lui
comme une flammerole (Rosny aîné).

II. Dans la marine, petite banderole.

flammeum [flameɔm] n. m. (mot lat.,


neutre substantivé de l’adj. flammeus,
de flamme, de la couleur du feu, dér. de
flamma [v. FLAMME 1] ; 1872, Larousse).
Dans la Rome ancienne, voile couleur de
feu, porté par les jeunes filles le jour de leur
mariage : Mais hélas ! un flammeum cou-
leur de safran masquait impitoyablement
le visage de Nyssia (Gautier).

1. flan [flɑ̃] n. m. (francique *flado, flan ;


fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit fla-
don [flaon, 1376, Du Cange ; flan, début
du XVe s.], au sens 1 ; sens 2, fin du XIIe s.,
Chevalerie Ogier [écrit flaon ; flan, v. 1490,
Recueil de farces françaises inédites] ; sens
3, 1872, Larousse ; sens 4, 1901, G. Esnault
[d’après la notion de « frapper » impliquée
dans flan, proprem. « être frappé d’éton-
nement »]). 1. Disque de métal prêt pour la
frappe d’une monnaie ou d’une médaille.
‖ Portion d’une feuille de métal qui, après
emboutissage, donne une pièce formée ou
emboutie. ‖ 2. Tarte garnie d’une crème
salée ou sucrée, à base d’oeufs, de lait et de
farine, et que l’on a passée au four : Une
tarte à gros bords, sorte de flan (Acremant).
‖ En certaines régions, crème renversée :
Un flan au caramel. ‖ 3. Dans l’imprime-
rie, sorte de carton mou qu’on applique sur
la forme typographique pour en prendre
l’empreinte en vue du clichage. ‖ 4. Pop.
En être ou en rester comme deux ronds de
flan, être dans un état de profonde stu-
péfaction : J’en suis comme deux ronds de
flan (Duvernois).

2. flan [flɑ̃] n. m. (même étym. qu’à l’art.


précéd., ou mot d’origine onomatop. [cf.
flan, « coup de poing », 1688, Miege, et
flan, mot évoquant un coup roide, 1704,
Trévoux] ; c’est du flan, 1895, G. Esnault ; du
flan !, 1856, G. Esnault ; à la flan, « à l’aven-
ture », début du XIXe s. [« sans façon », 1881,
Huysmans ; sens actuel, 1895, G. Esnault] ;
au flan, 1898, G. Esnault). Pop. C’est du
flan, ce n’est pas sérieux, c’est une plaisan-
terie. ‖ Pop. Du flan !, sorte de démenti,
de refus, de défi ironique : « Vous ne serez
plus ici demain. — Quoi ? Ah ! du flan ! »
(Deval). ‖ Pop. À la flan, mal fait ou pas
sérieux : Une proposition, une affaire à la
flan ; n’importe comment, sans façon : Elle
[Jeanne] aimait mieux manger comme cela,
à la flan, sans pose, plutôt que de changer
tout le temps d’assiettes (Huysmans). ‖ Pop.
Au flan, sans savoir quel sera le résultat,
à tout hasard : Dire, faire quelque chose
au flan.

flanc [flɑ̃] n. m. (du francique *hlanka,


côté, flanc [qui avait normalement donné
flanche en anc. franç., fin du XIe s., Gloses
de Raschi], forme qu’on a prise pour un plur.
collectif et d’où on a tiré une forme sans
-a qui devait représenter un masc. sing.
et qui a abouti à flanc ; 1080, Chanson de
Roland, au sens 1 [être sur le flanc, 1865,
Littré ; mettre... sur le flanc, début du XXe s. ;
se battre les flancs, 1764, Voltaire ; tirer
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1927

au flanc, 1881, L. Rigaud] ; sens 2, 1636,


Corneille [« entrailles de la femme », 1273,
Adenet] ; sens 3, 1559, Amyot [« pente d’une
montagne », 1787, Bernardin de Saint-
Pierre ; « partie d’un bastion... », 1564,
J. Thierry ; à flanc de, début du XXe s.] ;
sens 4, 1559, Amyot [par le flanc droit...,
1865, Littré ; marche de flanc, 1834, Ségur ;
prendre... de flanc, début du XXe s. ; prêter le
flanc à, 1740, Acad.] ; sens 5, 1640, Oudin).
1. Chez l’homme et chez les animaux, cha-
cune des parties latérales du corps qui vont
du défaut des côtes aux hanches : Mon Dieu
m’a dit : « Mon fils, il faut m’aimer. Tu vois
| Mon flanc percé, mon coeur qui rayonne
et qui saigne » (Verlaine). Enfonçant donc
les éperons dans les flancs de mon cheval,
je courus sur les Turcs (Chateaubriand).
‖ Par extens. Côté du corps : Se coucher
sur le flanc. Les grands sphinx qui jamais
n’ont baissé la paupière, | Allongés sur leur
flanc que baigne un sable blond... (Heredia).
‖ Être sur le flanc, être malade et alité ; par
extens., être épuisé de fatigue. ‖ Mettre
quelqu’un sur le flanc, l’épuiser par un
effort trop grand. ‖ Fam. Se battre les
flancs, faire de grands efforts pour arriver
à un résultat : Je peux bien travailler avec
eux, mais les aimer, non ; j’ai beau me battre
les flancs, y a rien à faire (Malraux). ‖ Pop.
Tirer au flanc, dans l’armée, user de ruses
pour se soustraire aux corvées : Comme le
soldat qui tire au flanc, elle a eu des prolon-
gations (Jouglet) ; par extens., se dérober
à sa tâche, à ses obligations. ‖ 2. Littér. La
partie de l’individu qui est censée être l’abri
par excellence de la vie, de la sensibilité :
Le remords n’a-t-il pas | Pénétré dans ton
flanc plus avant que la lance ? (Baudelaire).
‖ Spécialem. Les entrailles de la femme
en tant que siège de la gestation : Un vent
sacré venu des espaces profonds | Détache
le fruit mûr qui pèse aux flancs des femmes
(Samain). ‖ 3. Partie latérale, côté de cer-
taines choses : De grands vaisseaux couchés
sur le flanc (Daudet). Les boeufs de Mégès
se nourrissaient des herbes odorantes qui
croissent au flanc des montagnes (France).
Des maisons isolées, accrochées au flanc
d’une colline (Proust). Un ronflement infer-
nal ébranlait les flancs du navire ; puis un
raclement de ferraille domina la dispute
(Martin du Gard). ‖ Spécialem. En termes
de fortification, partie d’un bastion qui
joint la face à la courtine. ‖ À flanc de,
sur la pente de : Monte vers la route à flanc
de coteau une bouleversante odeur de vie
(Camus). ‖ 4. En termes militaires, face
latérale d’un dispositif tactique échelonné
en profondeur (par opposition au front) :
Les flancs d’une position, d’une colonne.
‖ Par le flanc droit (ou gauche) marche !,
ancien commandement ayant pour but
de faire exécuter à une troupe un quart
de tour sur sa droite (ou sur sa gauche).
‖ Marche de flanc, progression d’une
troupe présentant son flanc parallèlement
au front ennemi. ‖ Prendre l’adversaire de

flanc, l’attaquer sur le côté : Le colonel [...],


avec quelques bataillons, avait fait le tour,
pris de flanc les tribus, et elles avaient fui
(Maurois). ‖ Prêter le flanc à, présenter
le flanc à l’adversaire ; au fig., en parlant
d’une personne, d’une chose, s’exposer
à, donner prise à : Malheur à qui prête le
flanc au ridicule ; sa caustique empreinte
est ineffaçable (Rousseau). Les systèmes
sont du domaine de la critique et prêtent
plus ou moins le flanc à la satire (Gautier).
‖ 5. En héraldique, chacune des divisions
qui touchent aux bords dextre et senestre
de l’écu, quand celui-ci est tiercé en pal.
& Flanc à flanc loc. adv. (1558, J. Du Bellay).
Côte à côte : Pendant ces quarante années
où nous avons souffert flanc à flanc [...], tu
as toujours tourné court (Mauriac).

& En flanc loc. adv. (v. 1673, Retz). Class.


Sur le côté, « de flanc » : Argenteuil [...]
chargea les Suisses en flanc, en tua vingt
ou trente (Retz).

flanc-garde [flɑ̃gard] n. f. (de flanc et


de garde, n. f. ; 1888, Larousse). Élément
de sûreté qu’une troupe en marche ou en
station détache sur ses flancs pour être
renseignée et couverte : La flanc-garde de
droite se composait de la deuxième demi-
section (Benoit).

• Pl. des FLANCS-GARDES.

flanchage [flɑ̃ʃaʒ] n. m. (de flancher 1 ;


1942, Gide). Fam. Action de flancher (au
pr. et au fig.) : Hier, flanchage du coeur, à la
suite d’une injection de novocaïne (Gide).

flanchard, e [flɑ̃ʃar, -ard] adj. et n.


flanchard, e [flɑ̃ʃar, -ard] adj. et n.
(de flancher 1 ; 1896, Delesalle). Fam.
Qui flanche, qui manque de courage au
moment d’agir : Mais Léon trouve Phiphi
flanchard, et, pour le remonter à bloc, il
affecte un certain mépris pour sa préalable
couardise et feint de le bouder (Gide).

flanche [flɑ̃ʃ] n. m. (origine obscure, peut-


être emploi spécialisé de l’anc. mot flanche
[v. FLANC], qui a signifié « flanc, côté » [fin
du XIe s., Gloses de Raschi], et « flanc d’une
bête » [début du XVIe s.] ; XXe s.). Ensemble
des apprêts appliqués aux peausseries avant
de les lustrer.

1. flancher [flɑ̃ʃe] v. intr. (var. de l’anc.


franç. flanchir, flenchir, détourner, se
détourner [XIIIe s.], francique *hlankjan,
plier, tourner ; 1862, Larchey, aux sens
1-2). 1. Fam. Faiblir, manquer de la force
nécessaire pour tenir, résister : Puis vais
dormir un instant chez Copeau, pour
tâcher de ne pas flancher trop vite (Gide).
Ce serait folie de demander à un coeur de
ne pas flancher, quand il est, depuis des
mois, le centre de résistance d’un organisme
surmené et intoxiqué (Martin du Gard).
Si sa gauche flanchait, toute la brigade
était perdue et ce trou pouvait devenir la
trouée de Madrid (Malraux). ‖ 2. Fig. et
fam. Manquer de courage, de résolution,
au moment capital : Il s’était proposé pour

une mission périlleuse, mais, au dernier


moment, il a flanché.

• SYN. : 1 caler (fam.), céder, s’effondrer,


faiblir, lâcher, mollir, plier, reculer.

2. flancher [flɑ̃ʃe] v. tr. (de flanche ;


XXe s.). Appliquer le flanche aux
peausseries.

flanchet [flɑ̃ʃɛ] n. m. (de flanc ; 1376, Du


Cange, au sens de « partie du corps située
entre le ventre et la cuisse » ; v. 1398, le
Ménagier de Paris, au sens de « partie du
mouton située près de l’épaule » ; sens 1,
milieu du XVIe s. ; sens 2, 1660, Oudin).
1. Morceau du boeuf et du veau formé par
la partie inférieure des parois abdominales.
‖ 2. Partie de la morue qui se trouve près
des filets.

flanconade [flɑ̃kɔnad] n. f. (de flanc ;


1680, Richelet). En termes d’escrime, botte
de quarte forcée, portée dans le flanc de
l’adversaire : Je lui poussai une flanco-
nade si bien liée que je l’atteignis au côté
(Gautier).
flandrin, e [flɑ̃drɛ̃, -in] adj. et n. (de
Flandre, n. géogr. ; v. 1470, Dict. général, au
sens de « fluet, élancé, mou » [les Flamands,
souvent de haute taille, avaient la réputa-
tion de manquer de caractère] ; sens actuel,
av. 1525, J. Le-maire de Belges). De Flandre ;
habitant ou originaire des Flandres.

& flandrin n. m. (1655, Molière). Fam.


Grand flandrin, grand garçon dégingandé,
d’allure gauche et molle : Et moi-même je
ne pouvais contempler sans une espèce de
terreur religieuse tous ces grands flandrins
hétéroclites, tous ces beaux hommes minces
et solennels, toutes ces femmes bégueule-
ment chastes (Baudelaire). Jacques avait
sauté du lit : en culotte et en chaussettes,
dressé comme un coq de combat, il parais-
sait résolu à terrasser ce grand flandrin
(Martin du Gard).

flâne [flɑn] n. f. (déverbal de flâner ; 1856,


Goncourt). Vx ou littér. Habitude de flâner,
de rester inactif : Petit à petit, à force de
juger toute occupation au-dessous de lui, il
était devenu vieux, incapable, un véritable
oisif prenant le goût de la flâne, un badaud
(Daudet). Quittant à l’instant son bureau, il
descend dans la rue sans chapeau, enchanté
d’un prétexte pour se payer une demi-heure
de flâne, et m’entraîne chez le bis-trot du
coin (Gide). ‖ Promenade faite en flânant,
sans but précis : Ses longues flânes dans
les magasins étaient devenues impossibles
(Huysmans).

flanelle [flanɛl] n. f. (angl. flannel, fla-


nelle, lui-même empr. du gallois gwlanen,
n. d’une étoffe de laine, dér. de gwlân, laine ;
1656, Bonnafé, écrit flanel [flanelle, 1694,
Ménage], au sens 1 [avoir les jambes en fla-
nelle, XXe s.] ; sens 2, 1872, Larousse ; sens
3 [peut-être dû à l’influence du v. flâner],
1920, Bauche [d’abord « aller dans une mai-
son de tolérance sans prendre de femme »,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1928

1867, Delvau]). 1. Tissu fait ordinairement


de laine cardée, tirée à poils, et peu foulée :
Gilet, ceinture de flanelle. Rien en effet ne
pouvait la faire plus jolie que ce long vête-
ment de flanelle pâle, collant, à plis moel-
leux (Daudet). ‖ Fam. Avoir les jambes en
flanelle, avoir les jambes molles. ‖ 2. Vx.
Gilet de flanelle : Quel entêtement de ne
pas vouloir porter de flanelle (Flaubert).
‖ 3. Vx et pop. Faire flanelle, s’abstenir,
et, par extens., ne rien entreprendre : Ben
quoi, dégagez... vous êtes là à faire flanelle...
(Barbusse).

flâner [flɑne] v. intr. (anc. scand. flana,


courir étourdiment çà et là ; 1645, Muse
normande, au sens 1 [mot d’abord typi-
quement normand, adopté dans l’usage
général depuis 1808, d’Hautel] ; sens 2,
1872, Larousse ; sens 3, av. 1850, Balzac).
1. Se promener sans but, au hasard, pour
jouir du spectacle qui s’offre aux yeux :
flâner est une science ; c’est la gastronomie
de l’oeil (Balzac). Bon nombre de bour-
geois flânent, comme nous disons, çà et là
(Hugo). Ils flânaient le long des boutiques
de bricà-brac (Flaubert). ‖ 2. Avancer sans
se presser : Des cailloux menus crissaient
sous les pneus [de la bicyclette]. Bénin flâna
voluptueusement, ayant dans le dos le vent
et le soleil (Romains). ‖ 3. Paresser, perdre
son temps : Tenez-le en laisse. Sans ces pré-
cautions, votre sculpteur flânera (Balzac).
• SYN. : 1 badauder, se baguenauder (fam.),
se balader (fam.), déambuler, errer ; 2 lam-
biner, lanterner, musarder, muser, traîner.

flânerie [flɑnri] n. f. (de flâner ; début


du XVIIe s., Courval, au sens 1 [en normand ;
dans l’usage général, depuis 1836, Acad.] ;
sens 2, début du XXe s.). 1. Action, habitude
de flâner : Elle partait au hasard à travers
les rues, devenait un de ces innombrables
errants de la flânerie parisienne, qui s’ar-
rêtent à tous les attroupements, à toutes les
devantures, s’accoudent aux parapets des
ponts, avec le même regard indifférent pour
l’eau qui coule, l’omnibus renversé, l’étalage
des modes nouvelles (Daudet). L’ombre tiède
du parc invitait à la flânerie (Martin du
Gard). ‖ Par extens. Promenade de flâ-
neur : De longues flâneries dans les rues
de Paris. ‖ 2. Action de travailler sans se
presser, en musardant : J’étais tout à mon
travail, tout à ma flânerie (Giraudoux).

flâneur, euse [flɑnoer, -øz] n. et adj. (de


flâner ; fin du XVIe s., au sens 1 [en nor-
mand ; dans l’usage général, depuis 1808,
d’Hautel] ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Qui
se promène sans but et sans hâte, pour
son agrément personnel : La vie à Venise
d’un voyageur sans parti pris, curieux de
tout, très flâneur (Gautier). Il devenait ce
flâneur qu’on rencontre au premier rang
des attroupements de la rue, s’abritant
des averses sous les porches, s’approchant,
pour se chauffer, des poêles en plein air où
fume le goudron des asphalteurs (Daudet).

Une foule flâneuse et joyeuse se donnait


rendez-vous près de la place de Catalogne
(Mac Orlan). ‖ 2. Qui ne fait rien ou ne fait
pas grand-chose, qui aime à paresser : Cet
atelier encombré de flâneurs, de modèles,
de grands lévriers couchés en long sur les
divans (Daudet).

• SYN. : 1 badaud, musard, promeneur ; 2


désoeuvré, nonchalant, oisif.

& adj. (av. 1880, Flaubert). Fig. et littér. Qui


va, sans but, d’un sujet à l’autre : Un de ces
[...] sentiers vagabonds, faits pour les pen-
sées flâneuses et les causeries à arabesques
(Flaubert).

& flâneuse n. f. (1877, Littré). Siège de jar-


din articulé, en bois ou en rotin, pouvant
former chaise longue.

flâneusement [flɑnøzmɑ̃] adv. (de flâ-


neur ; début du XXe s.). Littér. En flânant,
sans se presser : Resté seul, Antoine com-
mença flâneusement sa toilette (Martin
du Gard).

flanier, ère [flanje, -ɛr] adj. (de flan


1 ; 1788, Encycl. méthodique, au sens 1 ;
sens 2, 1930, Larousse). 1. Meule flanière,
meule courante, légèrement concave (par
opposition à la meule gisante, légèrement
convexe). ‖ 2. Tarte flanière, tarte dont la
surface est un peu concave.

flânier, ère [flɑnje, -ɛr] n. (de flâner ; av.


1648, Voiture, au fém., aux sens de « entre-
metteuse, femme légère » ; sens actuel, 1865,
Littré). Syn. rare de FLÂNEUR, EUSE : Le
vent qui n’avait cessé de souffler aux jupes
de nos deux flânières (Barbey d’Aurevilly).

flânocher ou flanocher [flɑnɔʃe]


v. intr. (de flâner ; 1865, Larchey). Fam.
Flâner doucement : Le nez en l’air, il flâno-
cha les mains dans ses poches (Huysmans).
J’employai mes dimanches d’été à flânocher
dans la campagne (Guillaumin).

flanquant, e [flɑ̃kɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de flanquer ; 1635, Fritach). Se dit d’un
organe de fortification dont la situation
permet d’appuyer par des tirs de flan-
quement la défense d’un autre ouvrage :
Bastion flanquant.

flanquement [flɑ̃kmɑ̃] n. m. (de flan-


flanquement [flɑ̃kmɑ̃] n. m. (de flan-
quer 1 ; 1794, d’Arçon, au sens 1 ; sens 2,
1865, Littré ; sens 3, XXe s.). 1. Vx. Action de
flanquer un ouvrage fortifié. ‖ 2. Action
de flanquer, de défendre une position ou
une unité, en marche ou en station, par des
feux parallèles à cette position ou au front
de cette unité : Tir de flanquement. ‖ 3. Ce
qui garnit les côtés de quelque chose : Un
talus aux flanquements de pierres monu-
mentales (Margueritte).

1. flanquer [flɑ̃ke] v. tr. (de flanc ;


1555, Ronsard, au sens 1 ; sens 2, 1564,
J. Thierry ; sens 3, 1690, Furetière ; sens
4, 1665, Boileau ; sens 5, 1872, Larousse).
1. Défendre un rempart, un ouvrage, une
position par des organes de fortification

établis en vue ou sur ses flancs : Bastions


qui flanquent la courtine. Dans une
muraille flanquée de tours et surmontée
de créneaux s’ouvrait une porte appelée
la porte du Jugement (Chateaubriand).
‖ 2. En parlant d’une troupe, appuyer
ou défendre le flanc d’une unité ou d’une
position par son action, et notamment par
ses feux : Macdonald flanquait la gauche
de la Grande Armée en 1812. ‖ 3. Garnir
une construction sur les côtés ou sur les
angles, ou être édifié, installé sur l’un de ses
côtés : Bivar était au fond d’un bois sombre
un manoir | Carré flanqué de tours, fort
vieux et d’aspect noir (Hugo). Quatre sapi-
nettes aux angles flanquaient ce monument
(Flaubert). La maison du garde-chasse,
flanquée de son chenil odorant et bruyant
(Daudet). Une maison vieillotte, à deux
étages, flanquée d’un jardin pas très grand,
mais qui formait terrasse (Gide). ‖ 4. Être
disposé, placé de part et d’autre de quelque
chose : Chaises qui flanquent le fauteuil
du président. Deux tabernacles minuscules
flanquaient un autel de cèdre poli (Farrère).
Il distingue maintenant le relief des collines
qui flanquent la vallée (Martin du Gard).
‖ 5. En parlant de personnes, se trouver
aux côtés de quelqu’un, l’accompagner :
Le docteur Honorat, flanqué d’une grosse
et vieille dame en robe bleue (Maupassant).
• SYN. : 1 couvrir, protéger ; 4 border, enca-
drer, enserrer ; 5 escorter.

• REM. S’emploie surtout au participe


passé de sens passif flanqué de, avec un
complément.

& se flanquer v. pr. (XXe s.). Se flanquer de,


se faire accompagner d’une ou de plusieurs
personnes : Tityre comprit la nécessité d’un
arbitre, qui se flanqua de deux avocats pour
et contre (Gide).

2. flanquer [flɑ̃ke] v. tr. (même étym.


qu’à l’art. précéd. ; 1596, Hulsius, au sens
de « jeter contre le flanc de quelqu’un » ;
1618, Cabinet satyrique, au sens de « appli-
quer [des baisers] sur les joues » ; sens 1,
1808, d’Hautel [« appliquer des coups vio-
lemment », 1680, Richelet ; flanquer à la
porte, av. 1850, Balzac] ; sens 2, av. 1850,
Balzac). 1. Fam. Jeter ou lancer rudement :
Et comme, l’autre jour, par mégarde, j’avais
posé un cahier de musique relié sur un gué-
ridon qui est à elle, Madame l’a flanqué à
terre (Gide). ‖ Spécialem. Appliquer des
coups violemment : Je vous autorise à lui
flanquer une pile (Hugo). En moins de
deux, il nous a flanqué la fessée (Sartre).
‖ Flanquer quelqu’un dehors, à la porte, le
jeter dehors, lui donner congé ou le chas-
ser de son emploi : Mais patience ! dans
cinq jours il doit payer son loyer, et s’il ne
le solde pas recta, je le flanque à la porte
(Balzac). ‖ 2. Fam. Syn. plus énergique
de « mettre » : Flanquer son chapeau sur
l’oreille ; ou de « donner, transmettre » :
Mais mon cousin et moi, nous sommes
riches, nous vous flanquerons une fête
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1929

comme vous n’en aurez jamais eu (Balzac).


Moustiques qui vous flanquent le palu-
disme. Flanquer la frousse à quelqu’un. Se
flanquer une indigestion.

• SYN. : 1 balancer (très fam.) ; administrer,


coller (fam.), décocher ; 2 placer, poser ; com-
muniquer, ficher (fam.).

& se flanquer v. pr. (1690, Furetière, au


sens de « se placer mal à propos » ; sens 1,
1835, Acad. ; sens 2, av. 1890, Maupassant).
1. Fam. Se flanquer par terre, tomber, faire
une chute. ‖ 2. Fam. Se donner mutuelle-
ment, échanger : Marie-Louise et Philippe-
Auguste, qui revenaient du ruisseau, se
flanquaient, de marche en marche, des
gifles et des coups de pied (Maupassant).

flanqueur [flɑ̃koer] n. m. (de flanquer


1 ; 1770, Brunot). Vx. Soldat détaché d’une
troupe en marche pour surveiller latéra-
lement les abords de la direction suivie.

flapi, e [flapi] adj. (mot régional du


Lyonnais, part. passé du v. francoprovenç.
flapir, flétrir [XVe s.], dér. d’un adj. flap, fiap,
mou, qui remonte probablement au lat. pop.
*falappa, var. du bas lat. faluppa, balle de
blé, brin de paille [v. ENVELOPPE, ENVELOP-
PER] ; fin du XIXe s.). Fam. Extrêmement
fatigué, abattu : J’allais flapi, minable,
mourant de soif (Ponchon).

• SYN. : anéanti, claqué (fam.), épuisé,


éreinté (fam.), exténué, fourbu, rendu,
vanné (pop.).

flaque [flak] n. f. (forme normannopi-


carde correspondant au franç. flache [v.
ce mot] ; 1718, Acad., au sens 1 ; sens 2,
av. 1885, V. Hugo). 1. Petite mare d’eau
ou petite nappe de liquide stagnant : Les
flaques d’eau se ridaient (Flaubert). Les
flaques des averses de l’après-midi lui-
saient faiblement (Malraux). ‖ 2. Îlot qui
se détache par sa couleur sur un fond plus
vaste : La Seine avec ses larges flaques vertes
et jaunes (Hugo).

flaquée [flake] n. f. (part. passé fém.


substantivé de flaquer ; 1740, Acad.). Vx.
Quantité de liquide qu’on lance avec force :
Le torrent [...], d’une flaquée, inonde une
roche, tout en dévalant (Pourrat).

flaquer [flake] v. tr. (de l’onomatop. flac ;


XVe s., au sens de « clapoter » [v. le v. intr.] ;
XVIe s., au sens de « jeter » ; sens 1, 1610,
G. Esnault ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Vx
ou littér. Lancer vivement un liquide contre
quelqu’un ou contre quelque chose : Il en
flaque plus de la moitié [du vin] au visage
de celui qui est à sa droite (La Bruyère).
‖ 2. Flaquer la morue, en termes de pêche,
l’ouvrir et l’aplatir.

& v. intr. (sens 1, XVe s. ; sens 2, 1865, Littré).


1. Clapoter, en parlant d’un liquide : Le
chuchotis de l’eau flaquant contre les pierres
de la jetée (Daudet). ‖ 2. S’affaisser dans
la chaudière, en parlant du savon en cours
de fabrication.

flash [flaʃ] n. m. (mot angl. signif. « jet de


lumière, éclair, flamme subite », probablem.
d’origine onomatop. ; 1918, Giraud, au sens
2 ; sens 1, v. 1950 ; sens 3, milieu du XXe s.).
1. Éclair très bref et très intense, capable de
fournir la quantité de lumière nécessaire
pour une prise de vue photographique.
‖ Lampe, dispositif permettant d’obtenir
cette émission de lumière, et qui équipe
un appareil photographique : Après les
éclairs du flash, il y eut [...] un instant de
détente (Vercel). ‖ 2. Au cinéma, plan très
court par rapport à l’ensemble d’un film.
‖ 3. Fig. Information importante transmise
en priorité : On nous transmet à l’instant
un flash de New York.

• Pl. des FLASHES.

flash-back [flaʃbak] n. m. invar. (loc.


angl. de flash [v. FLASH] et de l’adv. back,
en arrière, en retour [anglo-saxon boec] ;
v. 1950). En cinématographie, rappel très
bref d’un événement passé au cours du
déroulement d’un film : L’auteur a mêlé
aux événements des flash-back qui retracent
la vie du personnage.

flasher [flaʃe] v. intr. (de flash ; v. 1960,


aux sens 1-2). 1. Produire un éclat lumi-
neux, en parlant d’un flash. ‖ 2. Prendre
une photographie à la lumière d’un flash.

1. flasque [flask] adj. (altér., par un -s-


qui a d’abord été purement graphique, de
flaque, forme normannopicarde de l’anc.
adj. flache, mou, sans fermeté, [chair] dont
le tissu est lâche [v. FLACHE] ; 1421, Lannoy,
à propos d’une eau malsaine ; sens 1, milieu
du XVIe s. ; sens 2, v. 1585, Cholières). 1. Qui
est dépourvu de fermeté, de consistance,
de tonus : Sous son menton penché regor-
geaient en boudins trois plis de chair flasque
(Gautier). Sa graisse heureuse et rose devient
flasque dans le malheur (Barrès). ‖ 2. Fig.
Qui manque de vigueur, de caractère : Il est
[...] des natures flasques et cotonneuses où
les idées d’autrui viennent mourir (Balzac).
Un des premiers soins de l’école d’André
Chénier a été de retremper le vers flasque
du XVIIIe s. (Sainte-Beuve). Paris [...], avec
ses petitesses et ses grandeurs [...], sa force
révolutionnaire et ses mollesses flasques
(Renan). Une sorte d’état flasque de l’âme,
qu’on appelait mélancolie (Gide). Un style
flasque.

• SYN. : 1 mollasse, mou, ramolli ; 2


amorphe, avachi, inconsistant, inerte,
lâche, mollasson (fam.). — CONTR. : 1 dur,
élastique, ferme ; 2 dynamique, énergique,
nerveux, tonique.

2. flasque [flask] n. f. (germ. flaska,


bouteille ; fin du XIIe s., Chevalerie Ogier,
au sens 1 ; sens 2, 20 avr. 1871, Journ. offi-
ciel). 1. Flacon plat ou gourde portative.
‖ 2. Bouteille métallique dans laquelle on
transporte le mercure.

3. flasque [flask] n. f. (catalan flasco, du


germ. flaska, bouteille [v. l’art. précéd.] ;

1535, Godefroy). Vx. Poire à poudre que les


arquebusiers et les mousquetaires portaient
suspendue à la ceinture.

4. flasque [flask] n. m. (probablem.


var. dialect. [avec un -s- difficile à expli-
quer] du n. f. flache [v. ce mot], au sens
de « partie plate, planche » [début du
XVe s.] ; 1445, Godefroy, au sens 1 ; sens
2-3, XXe s.). 1. Chacune des deux pièces
latérales d’un affût de canon, qui sup-
portent les tourillons. ‖ 2. Plaque métal-
lique bordant les côtés d’une pièce de
machine. ‖ 3. Garniture en métal de roues
d’automobile.

flasquement [flaskəmɑ̃] adv. (de flasque


1 ; 1642, Oudin). De façon flasque : Les
joues molles pendaient flasquement
(Gautier).

flat [fla] adj. m. (probablem. var. dialect.


de l’anc. adj. flac, mou [v. FLACHE ET FLA-
CHERIE] ; 1878, Larousse [art. flacherie]).
Se dit d’un vers à soie atteint de flacherie.

flâtrer (se) [səflɑtre] v. pr. (var. de l’anc.


franç. flater, tomber par terre [v. 1155,
Wace], jeter à terre [v. 1175, Chr. de Troyes ;
v. FLATTER] ; 1655, Salnove). S’arrêter et
se tapir sur le ventre, en parlant du lièvre
que l’on chasse.

flâtrure [flɑtryr] n. f. (de [se] flâtrer ;


1655, Salnove). Lieu où le lièvre, chassé par
les chiens courants, s’arrête et se couche
sur le ventre.

flatter [flate] v. tr. (du francique *flat,


plat, proprem. « mettre à plat » [d’où fla-
ter, « tomber par terre », v. 1155, Wace] ou
« toucher avec le plat de la main » [geste
qui peut être affectueux] ; v. 1175, Chr.
de Troyes, au sens I, 2 [vous me flattez,
XXe s. ; flatter quelqu’un de quelque chose,
av. 1778, J.-J. Rousseau] ; sens I, 1, v. 1354,
Modus ; sens I, 3, 1667, Racine ; sens I, 4,
1661, Molière ; sens I, 5, av. 1553, Rabelais
[flatter quelqu’un de quelque chose, 1669,
Racine] ; sens I, 6, 1667, Molière [por-
trait flatté, 1734, Montesquieu] ; sens II,
1, 1532, Rabelais [flatter le dé ; flatter un
cours d’eau, les vagues, 1865, Littré] ; sens
II, 2, 1690, Furetière ; sens II, 3-4, 1580,
Montaigne ; sens II, 5, 1679, Bossuet).

I. FLATTER UNE PERSONNE, UN ANIMAL.


1. Class. et littér. Caresser, toucher dou-
cement de la main, pour montrer son
affection : Ne perdons point le temps à ces
caresses : | Nous aurons tout loisir de flat-
ter nos maîtresses (Corneille). Cymodocée
flattait son vieux père de sa belle main
(Chateaubriand). ‖ Auj. En ce sens, ne
s’emploie plus qu’avec un nom d’animal
comme complément d’objet : Flatter un
cheval, un chien. Elle lui parlait tendre-
ment [...], flattant, comme par distraction,
la crinière de son cheval (Maupassant).
‖ 2. Adresser à quelqu’un des louanges
fausses ou exagérées, pour chercher à
lui plaire : Flattez-les [les rois], payez-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1930

les d’agréables mensonges (La Fontaine).


N’avait-elle pas une créature à elle, à
gronder, à diriger, à flatter ? (Balzac). Fils
de petits fonctionnaires, ils [les étudiants]
me flattaient sans m’aimer (Mauriac).
‖ Vous me flattez, vous m’attribuez des
mérites, des qualités que je n’ai pas. ‖ Vx.
Flatter quelqu’un de quelque chose, lui
reconnaître un mérite et lui en faire com-
pliment : Je me suis toujours assez applau-
di du bonheur que j’ai eu de faire quelque
progrès dans la musique, pour laquelle on
me flatte d’un goût assez délicat (Rous-
seau). [V. aussi ci-après n. 5.] ‖ 3. Class.
et littér. Plaire vivement à quelqu’un, le
satisfaire dans son orgueil, sa fierté : Non,
non ; je le connais, mon désespoir le flatte
(Racine). Oui, puisque ce passé vous flatte
et vous agrée (Verlaine). Cette rigueur à
laquelle on m’asservissait, loin de me re-
buter, me flattait (Gide). ‖ Être flatté de,
être touché, agréablement affecté par :
Flatté de l’extrême attention avec laquelle
le jeune homme l’écoutait... (Stendhal).
Elle était flattée sans orgueil de se voir
l’objet du plus profond respect empreint
dans les regards [...] de David (Balzac).
‖ Par extens. Flatter la vanité, l’orgueil,
l’amour-propre de quelqu’un, éveiller en
lui ces sentiments : On vint les prier, elle
et sa mère, de passer sur le premier banc,
ce qui flatta singulièrement la vanité de
Mme Ebsen (Daudet). ‖ 4. Class. Favori-
ser : Le vent qui nous flattait nous laissa
dans le port (Racine). ‖ 5. Class. Trom-
per en déguisant la vérité, bercer d’illu-
sions : Je ne veux point que mon médecin
me flatte, je veux qu’il me dise nettement
l’état de mon mal (Acad., 1694). Que tout
autre que moi vous flatte et vous abuse
(Corneille). ‖ En parlant des choses,
faire illusion par des apparences trom-
peuses, donner de faux espoirs : Suivez
jusques au bout une ombre qui vous flatte
(La Fontaine). ‖ Class. Flatter quelqu’un
de quelque chose, le lui laisser vainement
espérer : La distribution dont il flattait le
peuple (Bossuet). De quoi viens-tu flatter
mon esprit désolé ? (Racine). [V. aussi ci-
dessus n. 2.] ‖ 6. Représenter quelqu’un
sous une apparence qui l’avantage, le
rend plus beau, plus agréable qu’il n’est
réellement : Vous avez un portrait de
moi qui me flatte beaucoup (Sévigné) ;
et par extens. : Ne croyez pas que je flatte
le temps passé (France). ‖ Portrait flatté,
portrait où le modèle est embelli.

II. FLATTER QUELQUE CHOSE. 1. Vx. Ma-


nier avec douceur, délicatesse. ‖ Flatter
les dés, les lancer doucement pour essayer
d’obtenir les points qu’on désire amener.
‖ Flatter un cours d’eau, le détourner
insensiblement par des digues légère-
ment obliques. ‖ Flatter les vagues, leur
opposer une digue en talus, pour qu’elles
viennent y mourir sans se briser violem-
ment. ‖ 2. Class. Traiter avec trop de dou-
ceur, de ménagement : On ne guérit point

les grands maux en les flattant (Acad.,


1694). C’est entretenir une plaie que de la
flatter (Acad., 1694). ‖ 3. Class. Traiter
avec trop d’indulgence, excuser des sen-
timents, des actions condamnables : Mais
je ne puis flatter une telle impudence, | Et
crois que vous la taire est vous faire une
offense (Molière). ‖ Auj. Encourager, en-
tretenir par une complaisance coupable :
Flatter les passions, les vices de quelqu’un.
Cette attitude passive flattait sa paresse
(Cocteau). ‖ 4. Class. Rendre plus doux,
apaiser une peine morale : Bérénice d’un
mot flatterait mes douleurs ? (Racine).
‖ 5. Class. et littér. Affecter agréable-
ment les sens, l’esprit : La musique flatte
l’oreille. Le bon vin flatte le goût. Cela
flatte l’imagination (Acad., 1694). La ma-
turité des fruits tendres s’annonce par des
parfums qui flattent agréablement l’odo-
rat (Bernardin de Saint-Pierre). Flatter le
palais, les yeux.

• SYN. : I, 2 aduler, cajoler, courtiser, encen-


ser, flagorner, louanger ; 6 avantager, embel-
lir, idéaliser.

& se flatter v. pr. (sens 1, av. 1559,


J. Du Bellay ; sens 2, 1669, Bossuet [sans
me flatter, fin du XIXe s.] ; sens 3, 1650,
Corneille [se flatter que ; se flatter de, 1667,
Boileau] ; sens 4, 1661, Molière). 1. Class.
Se bercer d’illusions, s’entretenir dans
une espérance trompeuse : La jeunesse se
flatte et croit tout obtenir (La Fontaine).
‖ 2. Class. et littér. Avoir une trop haute
idée de soi, s’abuser sur soi-même : Il ne
faut pas se flatter, les plus expérimentés
dans les affaires font des fautes capitales
(Bossuet). Je ne saurais néanmoins me flat-
ter au point de me croire l’émule de ces deux
grands auteurs (France). ‖ Auj. Sans me
flatter, sans me reconnaître des mérites ou
des qualités que je n’ai pas : Sans me flatter,
répliqua-t-il, je lui ai inspiré quelque atta-
chement (France). ‖ 3. Se flatter de (suivi
d’un nom ou de l’infinitif), et, littér., se
flatter que (avec le verbe à un mode per-
sonnel), avoir la prétention, fondée ou non,
de, se persuader de ou que, aimer à croire
que : De quel espoir aussitôt me flattai-je !
(Gide). Combien de gens se flattent d’obéir
à des principes, qui ne font que subir des
relations de société ! (Sainte-Beuve). Je me
flattais de couvrir la distance en une heure
(Aymé). Il se flatte qu’on aura besoin de lui
(Acad.). ‖ 4. Se flatter de (suivi d’un nom
ou de l’infinitif), tirer satisfaction, orgueil
de quelque chose : Se flatter de sa naissance,
de ses talents (Littré). Il se flatte d’avoir
triomphé de tous les obstacles.

• SYN. : 3 escompter, espérer, prétendre à,


se targuer de ; 4 se glorifier, se prévaloir,
se vanter.

flatterie [flatri] n. f. (de flatter ; v. 1265,


Br. Latini, aux sens 1-2). 1. Action de flatter
quelqu’un, de chercher à lui plaire par des
louanges fausses ou excessives : Je ne trouve
partout que lâche flatterie (Molière). C’est

un roi qu’en rampant la flatterie exhausse


(Hugo). Ses invectives contenaient une part
de flatterie (France). ‖ 2. Propos, action
qui vise à flatter (souvent au plur.) : Il dit
qu’il s’était trouvé dans une compagnie
de grande conséquence, où votre mérite,
votre sagesse, votre beauté avaient été élevés
jusqu’aux nues, et que même on y avait com-
pris le goût et l’amitié que vous aviez pour
moi ; si cette fin est une flatterie, elle m’est
si agréable que je la reçois à bras ouverts
(Sévigné). Vos flatteries m’ont appris com-
bien l’amitié s’aveugle facilement ! (Balzac).
L’oeuvre d’art est une flatterie (Gide).

• SYN. : 1 adulation, cajolerie, courtisane-


rie, flagornerie ; 2 compliment, douceurs,
éloge, encens, hommage, pommade (fam.).

— CONTR. : 1 dénigrement, ironie, moquerie,


raillerie ; 2 blâme, critique, réprimande,
reproche, semonce.

flatteur, euse [flatoer, -øz] adj. et n. (de


flatter ; v. 1220, G. de Coincy, écrit flateeur ;
flat[t]eur, 1342, J. Bruyant). Qui adresse des
louanges excessives, généralement dans
une intention intéressée : Apprenez que
tout flatteur | Vit aux dépens de celui qui
l’écoute (La Fontaine). Les personnes flat-
teuses savent se faire bien venir (Proust).
• SYN. : adulateur, cajoleur, caudataire,
courtisan, encenseur, enjôleur, flagorneur,
lèche-bottes (fam.), louangeur, thuriféraire.

— CONTR. : censeur, critique, détracteur.


& adj. (sens 1, 1694, Acad. ; sens 2, 1636,
Corneille ; sens 3, v. 1570, Carloix ; sens 4,
1678, La Fontaine ; sens 5, 1690, Furetière).
1. Class. Qui aime les caresses, qui se plaît
à caresser : Le chien est un animal flatteur
(Acad., 1694). Patte flatteuse et point de
dents (Houdar de La Motte). ‖ 2. Class.
et littér. Qui est agréable, séduisant : Par
l’appas flatteur de quelque récompense
(Molière). D’autres [oiseaux] ont des tours
de gosier aussi flatteurs [que le rossignol]
(Buffon). Je me défendais mal contre une si
flatteuse chaleur (Gide). ‖ 3. Class. et péjor.
Qui séduit par un charme trompeur : Que
voulez-vous de moi, flatteuses voluptés ?
(Corneille). ‖ 4. Qui est de nature à flat-
ter l’amour-propre, la vanité : Murmures,
compliments flatteurs. J’ai reçu beaucoup
de propositions très flatteuses (Bernanos).
‖ 5. Qui embellit ; qui présente la réalité
sous un aspect avantageux : Un portrait
me plaît ressemblant, non flatteur (Gide).
‖ Miroir flatteur, miroir où l’on se voit plus
beau que l’on n’est.

• SYN. : 4 agréable, avantageux, élogieux.

flatteusement [flatøzmɑ̃] adv. (de flat-


teur ; fin du XVIe s., P. de Brach). De façon
flatteuse : Dépeindre flatteusement une
personne.

flatueux, euse [flatɥø, -øz] adj. (dér.


savant du lat. flatus, souffle, haleine, vent,
flatuosité, de flatum, supin de flare, souf-
fler ; 1538, J. Canappe). Qui donne des
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1931

vents, des gaz (rare) : Les haricots sont un


aliment flatueux.

flatulence [flatylɑ̃s] n. f. (de flatulent ;


1747, James). Accumulation de gaz dans
une cavité de l’organisme, particulière-
ment dans l’estomac ou dans l’intestin :
Flatulence due à l’aérophagie. Mais il en
éprouvait des flatulences, qui le poursui-
vaient jusqu’au soir, et que sa situation
d’auteur mondain rendait particulièrement
indésirables (Romains).

• SYN. : flatuosité, gaz.

flatulent, e [flatylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (dér. savant


du lat. flatus [v. FLATUEUX] ; v. 1560, Paré,
au sens de « rempli de flatuosités » [tumeur,
abcès] ; sens 1-2, 1872, Larousse). 1. Qui
a pour cause la flatulence : Dyspepsie
flatulente. ‖ 2. Sujet à la flatulence :
Tempérament flatulent.

flatuosité [flatɥozite] n. f. (dér. savant de


flatueux ; 1552, J. Massé, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Gaz accumulés dans l’estomac
ou dans l’intestin et expulsés par la bouche
ou par l’anus : Un certain docteur, dont le
nom me reviendra demain, spécialiste pour
enfants, persuada ma mère que tous mes
malaises, nerveux ou autres, étaient dus
à des flatuosités (Gide). ‖ 2. Littér. Vent :
Une espèce de molle flatuosité qui nous fait
couvrir deux encablures (Claudel).

flave [flav] adj. (lat. flavus, jaune,


blond, rougeâtre ; milieu du XIVe s. [rare-
ment attesté : 1539, J. Canappe ; 1770,
J.-J. Rousseau ; 1860, Goncourt ; av. 1889,
Barbey d’Aurevilly ; av. 1897, A. Daudet]).
Littér. D’un blond ardent (rare) : Ce
bouillonnement d’un sang qui arrosait si
mystérieusement ce corps flave (Barbey
d’Aurevilly). Elles vont montrer à Passy
leur flave perruque en anneaux de Saturne
(Goncourt). Vous passerez vos doigts jolis
| Dans ma flave barbe d’apôtre (Verlaine).

flavescence [flavɛsɑ̃s] n. f. (de fla-


vescent ; XXe s.). État, caractère de ce qui
est flavescent.

flavescent, e [flavɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


flavescens, -entis, part. prés. de flavescere,
devenir jaune, de flavere, être jaune, dér.
de flavus [v. FLAVE] ; 1833, Balzac). Littér.
D’une couleur qui tire sur le jaune : Cette
barbe bouclée, ardente, blonde, flavescente,
ardescente (Péguy). Je levai les yeux sur les
mèches flavescentes et frisées, et je sentis
que leur tourbillon m’emportait, le coeur
battant, dans la lumière et les rafales d’un
ouragan de beauté (Proust). D’une main
soignée, il tirait sur ses longues moustaches
flavescentes qui, malgré les progrès de
l’âge, refusaient vaillamment de blanchir
(Duhamel).

fléau [fleo] n. m. (lat. flagellum, fouet,


étrivières, et, à basse époque, « instrument
à battre le blé » [et aussi, dans la langue
ecclés., « châtiment envoyé par Dieu »], de
flagrum, fouet, martinet, lanière ; fin du

Xe s., Vie de saint Léger, écrit flaiel [flael,


XIIe s. ; fléau, XIIIe s.], aux sens I, 3-4 ; sens
I, 1, v. 1196, J. Bodel ; sens I, 2, XIVe s. ; sens
I, 5, 1580, Montaigne ; sens II, 1, 1549,
R. Estienne ; sens II, 2, XIIe s., Godefroy ;
sens II, 3, 1865, Littré).

I. 1. Instrument qui sert à battre les cé-


réales, formé d’un manche et d’un bat-
toir, reliés l’un à l’autre par des courroies.
‖ Spécialem. Le battoir seul. ‖ 2. Fléau
d’armes, arme utilisée du XIe au XVIe s.,
formée d’une boule hérissée de pointes
et reliée à une hampe par une chaîne.
‖ 3. Fig. Personne ou chose qui semble
être l’instrument d’un châtiment divin :
On me nomme en tout lieu | La terreur des
mortels et le fléau de Dieu [Attila] (Cor-
neille). La première fois que ce fléau [la
peste] apparaît dans l’histoire, c’est pour
frapper les ennemis de Dieu (Camus).
‖ 4. Fig. Grande calamité publique : La
guerre, le cancer, l’alcoolisme sont autant
de fléaux ; et par exagér. : La circula-
tion automobile, ce fléau des temps mo-
dernes. ‖ 5. Fig. Personne ou chose que
l’on considère comme néfaste, funeste à
quelqu’un ou à quelque chose : Le volup-
tueux qui sent la beauté et qui la goûte en
est le fléau ; il la profane de son hommage
(Sainte-Beuve). Un fléau aussi grand pour
eux que pour tous les autres, les impor-
tuns (Fromentin).

II. 1. Tige métallique horizontale, aux


extrémités de laquelle sont suspendus
ou fixés les plateaux d’une balance : Au
moment où le dernier morceau du corps
du saint homme fut mis dans le plateau
[de la balance], le fléau s’abaissa (Renan).
‖ 2. Organe de fermeture d’une porte à
deux battants, composé d’un levier arti-
culé et d’un support. ‖ 3. Un des noms de
la fléole, dont les épis ont la forme d’une
petite masse.

• SYN. : I, 4 cataclysme, catastrophe,


désastre, malheur, peste ; 5 calamité,
chancre, lèpre, plaie.

fléchage [fleʃaʒ] n. m. (de flécher ; 1962,


Larousse). Action de flécher un itinéraire ;
résultat de cette action.

1. flèche [flɛʃ] n. f. (francique *fliukka,


flèche ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, au sens
I, 1 [en fer de flèche, 1865, Littré ; comme
une flèche, début du XXe s. ; en flèche, 1947,
A. Camus ; la flèche du Parthe, av. 1869,
Sainte-Beuve ; faire flèche, fin du XIXe s.,
A. Daudet ; faire flèche de tout bois, 1611,
Cotgrave ; ne savoir de quel bois faire flèche,
1534, Rabelais ; les flèches de l’Amour, de
Cupidon, 1690, Furetière] ; sens I, 2, 1701,
Furetière ; sens I, 3, 1690, Furetière [dans
une balance, 1890, Dict. général] ; sens I, 4,
1835, Acad. ; sens I, 5, 1890, Dict. général ;
sens II, 1, 1811, Chateaubriand [dans un
clocher, 1690, Furetière ; dans un mât, 1811,
Mozin ; dans un arbre, XVe s., Perceforest ;
flèche d’eau, 1768, Valmont de Bomare —

flesche, même sens, 1562, Du Pinet] ; sens II,


2, 1636, Monet [« timon mobile... », « partie
de la charpente d’une grue... » ; dans une
charrue, 1753, Encyclopédie, III, 217 ; « par-
tie arrière de l’affût... », 1690, Furetière ;
« petit ouvrage de fortification... », 1691,
Ozanam ; « inclinaison donnée au bord
d’attaque d’une aile... », 1948, Larousse ;
être placé en flèche, 6 oct. 1873, Gazette
des tribunaux ; chevaux attelés en flèche,
av. 1854, Nerval ; flèche littorale, XXe s.] ;
sens II, 3, 1690, Furetière [pour une voûte,
1865, Littré ; en balistique, 1901, Larousse ;
en mécanique, 1948, Larousse]).

I. 1. Trait formé d’une hampe en bois


garnie d’une pointe à un bout et d’un em-
pennage à l’autre, et qui se lance au moyen
d’un arc ou d’une arbalète : Quand,
ajustant au nerf la flèche triomphale, |
L’archer superbe... (Heredia). ‖ En fer de
flèche, en forme de quadrilatère aigu et
allongé. ‖ Comme une flèche, très rapide-
ment : Partir comme une flèche. ‖ Mon-
ter en flèche, s’élever en ligne droite et
très rapidement : Avion qui monte en
flèche ; au fig., subir une hausse rapide :
Prix qui montent en flèche. ‖ Littér. La
flèche du Parthe, mot particulièrement
dur, trait blessant que quelqu’un lance
à son adversaire à la fin d’un entretien,
d’une discussion (par allusion à la tac-
tique des cavaliers parthes, qui, simulant
la fuite, criblaient l’ennemi de flèches
tirées par-dessus l’épaule). ‖ Faire flèche,
atteindre son but, faire son effet : À tra-
vers cette confusion, pas un de mes mots
ne porte, ne fait flèche (Daudet). ‖ Faire
flèche de tout bois, utiliser toutes les res-
sources possibles pour arriver au résultat
que l’on désire. ‖ Ne savoir de quel bois
faire flèche, être à bout de ressources, de
moyens. ‖ Littér. Les flèches de l’Amour,
de Cupidon, le sentiment de l’amour, en
tant qu’il touche les coeurs d’une manière
soudaine, imprévisible et irrésistible.
‖ 2. Fig. Trait d’esprit — raillerie mor-
dante ou critique acerbe — décoché vive-
ment et qui blesse : Tu comptais pour rien
que ta flèche empoisonnée traversât cette
enfant, pourvu qu’elle me frappât derrière
elle (Musset). ‖ 3. Objet, ornement qui a
la forme d’une flèche, plus ou moins sty-
lisée : Les flèches dorées d’une grille. Une
flèche de diamant. ‖ Spécialem. Aiguille
fixée au milieu et à la partie supérieure du
fléau d’une balance et qui oscille devant
un arc gradué pour indiquer si le fléau
est horizontal ou non. ‖ 4. Signe figu-
rant une flèche et servant à indiquer une
direction, à attirer l’attention sur quelque
chose : Elle précédait déjà son amie [...]
par des couloirs où des flèches lumineuses
indiquaient la direction des ascenseurs
(Vercel). ‖ 5. Pièce héraldique représen-
tant une flèche.

II. 1. Chose, objet qui a une position ver-


ticale, une assise large à la base et qui va
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1932

en s’amincissant vers le haut : Des mon-


tagnes entre lesquelles l’Ithome se distin-
guait par son isolement et le Taygète par
ses deux flèches (Chateaubriand). ‖ Spé-
cialem. Partie pyramidale ou conique qui
couronne un clocher : Depuis le tremble-
ment de terre de 1427 qui avait ébranlé
toute l’église, la flèche tombait pierre par
pierre (France). La flèche de Strasbourg,
de Chartres. ‖ Partie effilée d’un bas-mât,
au-dessus de son capelage. ‖ Branche
d’arbre qui se rapproche de la verticale :
Pécuchet se mit à la taille des poiriers. Il
n’abattit pas les flèches, respecta les lam-
bourdes (Flaubert). ‖ Flèche d’eau, autre
nom de la sagittaire. ‖ 2. Chose, objet de
forme allongée et pointue, qui rappelle
plus ou moins la flèche posée sur l’arc.
‖ Spécialem. Timon mobile qu’on adapte
à la place des brancards pour atteler deux
chevaux. ‖ Dans une charrue, longue
pièce qui porte en arrière le coutre, en
avant l’attache de l’avant-train. (Syn.
AGE.) ‖ Partie arrière de l’affût roulant
d’un canon, qui appuie sur le sol, sup-
porte la bêche et sert à réunir la pièce à
son tracteur. ‖ Partie de la charpente
d’une grue portant le point d’attache de
la poulie qui sert à soulever les charges.
(Syn. VOLÉE.) ‖ Autref. Nom donné à un
petit ouvrage avancé de forme triangu-
laire, qui couvrait l’entrée d’un fort, d’une
route ou d’un pont. ‖ Inclinaison don-
née au bord d’attaque d’une aile d’avion
pour faciliter sa pénétration dans l’air.
‖ Être placé en flèche, exactement dans
la direction de l’objectif ennemi. ‖ Che-
vaux attelés en flèche, chevaux attelés l’un
devant l’autre. ‖ Flèche littorale, syn. de
CORDON littoral. ‖ 3. Perpendiculaire
abaissée du milieu d’un arc de cercle sur
la corde qui le sous-tend. ‖ Hauteur ver-
ticale de la clef d’une voûte au-dessus des
naissances de cette voûte. ‖ Hauteur du
point le plus élevé de la trajectoire d’un
projectile au-dessus du plan horizontal
passant par l’origine du tir. ‖ En méca-
nique, quantité dont s’abaisse la fibre
neutre d’une pièce horizontale soumise à
un effort transversal.

& n. m. (XXe s.). Syn. de VOILE EN FLÈCHE.

2. flèche [flɛʃ] n. f. (moyen néerl. vlecke,


flèche de lard, de l’anc. scand. flikki, même
sens [qui avait donné fliche en anc. franç., v.
1193, Hélinant] ; 1549, R. Estienne). Pièce de
lard qu’on lève sur le côté du porc, depuis
l’épaule jusqu’à la cuisse.

fléché, e [fleʃe] adj. (de flèche 1 ; XXe s.,


aux sens 1-2). 1. Orné de flèches : Croix
fléchée. ‖ 2. Qui est marqué, indiqué par
des flèches : Itinéraire, parcours fléché.

flécher [fleʃe] v. tr. (de flèche 1 ; av. 1589,


J.-A. de Baïf, au sens de « atteindre d’une
flèche » ; sens actuel, 1962, Larousse).
Garnir de flèches ou de panneaux indica-

teurs une route, un chemin, pour indiquer


un itinéraire à suivre.

• SYN. : baliser.

fléchette [fleʃɛt] n. f. (de flèche 1 ; 1922,


Larousse). Petite flèche qu’on lance à la
main sur une cible, en manière de jeu : Van
Bergen proposait une partie de fléchettes,
un tournoi de javelots (Van der Meersch).

1. fléchir [fleʃir] v. tr. (var. de l’anc. franç.


flechier, fléchir, ployer [v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure], lat. pop. *flecticare, fré-
quentatif du lat. class. flectere, courber,
ployer, émouvoir, se tourner, se détour-
ner ; XIIIe s., Roman de Renart, au sens 1
[fléchir le genou, av. 1526, J. Ma-rot] ; sens
2, v. 1398, le Ménagier de Paris). 1. Ployer
peu à peu, rendre courbe ce qui était droit,
en exerçant un effort : Fléchir une barre de
fer, une branche d’arbre. Fléchir le corps
en avant. ‖ Spécialem. Plier un membre à
l’endroit de son articulation, par le jeu des
muscles : Fléchir l’avant-bras. ‖ Fléchir le
genou, faire ou esquisser une génuflexion
en signe de respect, de soumission : Fléchir
le genou devant l’autel ; au fig., adopter une
attitude d’adoration, de respect religieux
devant quelque chose, et, péjor. avoir une
attitude servile, s’abaisser, s’humilier : Ne
fléchissez pas le genou devant la fortune
(Cousin). ‖ 2. Fig. Faire céder peu à peu,
amener à l’indulgence, à l’obéissance :
Fléchir ses juges. La fatalité, on ne la fléchit
pas (Renan). ‖ Littér. Fléchir la rigueur,
la sévérité, la colère de quelqu’un, amener
celui-ci à une meilleure compréhension,
l’apaiser.

• SYN. : 1 courber, gauchir, incurver, inflé-


chir, plier ; 2 adoucir, apitoyer, attendrir,
désarmer, ébranler, toucher, vaincre.

& v. tr. ind. (v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-


Maxence). Class. Fléchir à, se soumettre
à : Il faut fléchir au temps sans obstination
(Molière).

& v. intr. (sens 1, v. 1160, Benoît de Sainte-


Maure [sentir fléchir ses jambes, 1886,
Loti] ; sens 2, 1865, Littré ; sens 3, 1580,
Montaigne ; sens 4, v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence [faire fléchir, 1677,
Racine]). 1. Cesser d’être droit, se courber
peu à peu : Le tablier du pont fléchissait
(Hugo). Çà et là, une violette [...] laissait
fléchir sa tige sous le poids de la goutte
d’odeur qu’elle tenait dans son cornet
(Proust). ‖ Spécialem. Sentir ses genoux ou
ses jambes fléchir, les sentir qui faiblissent,
sous le poids d’un fardeau ou sous l’effet
de l’émotion. ‖ 2. Lâcher pied, reculer : Ô
joie ! quand, chargeant la cavalerie floren-
tine, je la vis fléchir (France). ‖ 3. Diminuer
de valeur, d’intensité, baisser : Prix, cours
qui fléchissent. Sa curiosité qui ne trouvait
où s’alimenter fléchissait (Gide). ‖ 4. Fig.
Cesser de résister, abandonner une atti-
tude de dureté, de fermeté ou d’indocilité :
Retrouvant cet esprit qui ne fléchit jamais
(Vigny). Pécuchet avait sermonné Bouvard ;
ils allaient fléchir (Flaubert). Les seuls

caractères [les Messieurs de Port-Royal]


qui n’ont pas fléchi devant l’universelle
fascination d’un pouvoir (Renan). ‖ Faire
fléchir, courber, soumettre : J’avais réussi
[...] à détendre sa volonté, à faire fléchir sa
raison (Proust).

• SYN. : 1 s’arquer, s’infléchir, plier, se plier,


ployer ; 2 décrocher, flancher (fam.), refluer,
se replier ; 3 décliner, faiblir ; 4 caler (fam.),
capituler (fam.), céder, s’incliner, mollir.

& se fléchir v. pr. (1674, Boileau). Class. Se


laisser toucher, apaiser : Qui l’eût cru que
pour moi le ciel dût se fléchir ? (Boileau).

2. fléchir v. tr. (même étym. qu’à l’art.


précéd., avec influence de flexion [au sens
II] ; XXe s.). En linguistique, donner une
flexion à un radical : Une forme fléchie.

fléchissant, e [fleʃisɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de fléchir 1 ; XXe s., aux sens
1-2). 1. Qui est en train de fléchir, ou qui
a tendance à fléchir : Une volonté fléchis-
sante. ‖ 2. Moment fléchissant, en termes
de mécanique, somme des moments de
toutes les forces agissant sur la section
d’une pièce soumise à la flexion et situées
d’un même côté de cette dernière.

fléchissement [fleʃismɑ̃] n. m. (de flé-


chir 1 ; 1314, Mondeville, au sens 1 ; sens
2-3, début du XXe s.). 1. Action de fléchir ;
résultat de cette action : Le fléchissement
du genou. Le fléchissement d’une poutre.
‖ 2. Baisse, diminution : Le fléchissement
de la production industrielle, de la natalité.
‖ 3. Fig. Le fait de ne plus résister, de fai-
blir : Le fléchissement de la volonté.

• SYN. : 1 courbure, flexion, gauchissement ;


3 abandon, démission, renoncement.

fléchisseur [fleʃisoer] adj. et n. m. (de


fléchir 1 ; 1586, Guillemeau). Muscle fléchis-
seur, ou fléchisseur n. m., muscle destiné à
produire la flexion d’une partie du corps
sur une autre (par opposition à muscle
extenseur) : Muscle fléchisseur du bras. Le
long fléchisseur du pouce. Cet accord de la
volonté avec les fléchisseurs, les extenseurs
et leurs aponévroses (Goncourt).

flegmatique [flɛgmatik] adj. (bas lat.


phlegmaticus, flegmatique, de flegme,
gr. phlegmatikos, qui concerne l’humeur,
les glaires, plein d’humeur, glaireux, de
phlegma [v. FLEGME] ; 1534, Rabelais,
au sens 1 [fleumatique, forme plus pop.,
v. 1206, Guiot ; fleugmatique, v. 1380,
Aalma] ; sens 2, 1669, Boileau ; sens 3,
av. 1784, Diderot). 1. Vx. Qui abonde en
flegme, en lymphe (syn. de LYMPHATIQUE
dans la classification des tempéraments
de l’ancienne médecine) : Tempérament
flegmatique. ‖ 2. Se dit d’une personne
calme, non émotive, qui domine tou-
jours ses réactions : Le jeune Genevois,
flegmatique, raisonnable, et ne songeant
qu’à l’argent, le croyait fou (Stendhal). Le
proviseur du collège, homme flegmatique,
battit des mains (Balzac). ‖ 3. Qui dénote
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1933

ce tempérament, ce caractère : Conserver


un air, une attitude flegmatique.

• SYN. : 2 froid, impassible, impertur-


bable, placide, posé, tranquille ; 3 serein.

— CONTR. : 2 ardent, émotif, emporté,


exalté, excité, exubérant, fougueux, impé-
tueux, impressionnable, impulsif, pas-
sionné, véhément.

& n. (1740, Acad.). Personne qui se com-


porte avec flegme. ‖ Spécialem. Type de
caractère dont les traits dominants sont
l’absence d’émotivité, la lenteur des réac-
tions, la ténacité.

flegmatiquement [flɛgmatikmɑ̃] adv.


(de flegmatique ; 1772, Cazotte). De façon
flegmatique : Albertine resta flegmatique-
ment immobile (Proust).

flegmatisant [flɛgmatizɑ̃] n. m. (part.


prés. substantivé de flegmatiser ; 1962,
Larousse). Substance qu’on ajoute aux
explosifs pour les rendre moins sensibles
aux chocs.

flegmatiser [flɛgmatize] v. tr. (de fleg-


matique ; 1962, Larousse). Diminuer la sen-
sibilité d’un explosif aux chocs en ajoutant
une substance appropriée.
flegme [flɛgm] n. m. (bas lat. phlegma,
flegma, humeur, mucus, gr. phlegma, -atos,
inflammation, humeur, glaire, pituite, bile,
de phlegein, enflammer, échauffer, brûler ;
XIIIe s., Médicinaire liégeois, au sens 1 [var.
plus pop. fleume, 1256, Ald. de Sienne ;
fleugme, 1273, Ibn Ezra] ; sens 2, début du
XVIIe s., Malherbe [fleume, XIIIe s.] ; sens
3, 1651, Scarron ; sens 4, 1583, Liébault
[« fraction... de la distillation des liquides
alcooliques », 1836, Maison rustique du XIXe
siècle]). 1. Vx. Ancien nom de la lymphe ;
« l’une des quatre humeurs qui [...] com-
posent la masse du sang de l’animal, et qui
est froide et humide » (Acad., 1694), dite
aussi PITUITE : Je ne nie pas qu’il se voie des
dévots qui sont pâles et mélancoliques de
leur complexion [...], qui n’ont que du flegme
dans les veines (le P. Le Moine, dans Pascal).
Les vieux botanistes du XVIe siècle les appré-
ciaient [les hellébores], disant qu’elles éva-
cuaient le flegme et la colère (Huysmans).
‖ 2. Vx et littér. Pituite, mucosité, sérosité
qu’on rejette en crachant, en vomissant :
Je vomis des flegmes tout verts (Cyrano). Il
gravit des montagnes si hautes qu’arrivé au
sommet il vomissait le sang, les flegmes et la
colère (Hugo). ‖ 3. Comportement d’une
personne qui conserve toujours son sang-
froid et domine ses réactions : Le flegme
allemand est incompatible avec la vivacité
italienne (Gautier). Mais non, fit le jeune
homme avec flegme. Vous ne m’avez pas
fait peur (Duhamel). ‖ 4. Dans l’ancienne
chimie, nom donné aux produits aqueux
de la distillation des matières végétales.
‖ Auj. Fraction de tête et de queue de la
distillation des liquides alcooliques. (En
ces sens, est surtout employé au plur.)

• SYN. : 3 calme, froideur, impassibilité,


imperturbabilité, placidité, réserve, rete-
nue. — CONTR. : 3 affolement, exaltation,
excitation, fébrilité, fougue, nervosité, véhé-
mence, vivacité.

• REM. On écrit aussi PHLEGME (aux sens


1, 2 et 4).

flegmon n. m., flegmonneux, euse


adj. V. PHLEGMON, PHLEGMONNEUX, EUSE.

flein [flɛ̃] n. m. (origine obscure ; début


du XXe s.). Petit panier d’osier, avec ou sans
anse, destiné à contenir des fruits, à embal-
ler des primeurs.

flemmard, e [flɛmar, -ard] adj. et n.


(de flemme ; 1888, Villatte). Pop. Qui
répugne à l’effort, au travail ; paresseux :
Des ouvriers flemmards, bousilleurs et
carottiers (Maeterlinck). Des sous-officiers
dont aucun ne serait un flemmard ou une
arsouille (Romains).

• SYN. : cossard (pop.), fainéant. — CONTR. :


actif, courageux (fam.), travailleur.

flemmarder [flɛmarde] v. intr. (de flem-


mard ; 1922, Larousse). Pop. Faire le flem-
mard : Flemmarder au lit.

• SYN. paresser. — CONTR. : s’activer,


travailler.

flemmardise [flɛmardiz] n. f. (de flem-


mard ; milieu du XXe s.). Pop. Goût de flem-
marder, comportement de flemmard.

flemme [flɛm] n. f. (ital. flemma, n. f.,


flegme, et, dans la langue pop., « lenteur,
paresse », de même origine que le franç.
flegme [v. ce mot] ; 1821, Desgranges
[battre sa flemme, 1888, Villatte ; tirer sa
flemme, 1896, Delesalle]). Pop. Grande
paresse, envie de ne rien faire : Les deux
petits avaient bien cette mine de flemme
et de désoeuvrement commune à tous les
réfractaires de l’école ou de la caserne
(Huysmans). « Jo a la rame. — La rame ?

— La flemme, quoi ! » (Bourdet). ‖ Pop.


Battre sa flemme (vx), tirer sa flemme,
s’abandonner à la paresse : Maintenant, il
tire sa flemme par ici (Vercel).

• SYN. : cosse (pop.), fainéantise.

& n. et adj. (v. 1795, Brunot). Vx et pop.


Paresseux : En voilà des flemmes ! Houp,
à l’ouvrage ! (Zola).

fléole ou phléole [fleɔl] n. f. (du lat.


scientif. moderne phleum, adaptation du gr.
phleôs, sorte d’osier ou de jonc aquatique ;
1786, Encycl. méthodique, écrit fléole ;
phléole, 1842, Acad.). Herbe fourragère
de la famille des graminacées, commune
dans les prés : L’herbe à Guernesey, c’est
l’herbe de partout [...]. Vous y trouvez [...]
la fléole, le vulpin... (Hugo).

flet [flɛ] n. m. (moyen néerl. vlete, espèce


de raie ; XIIIe s., Bataille de Caresme et de
Charnage). Poisson plat comestible de la
famille des pleuronectidés, commun dans
les estuaires et dans les eaux saumâtres
de l’Océan.

flétan [fletɑ̃] n. m. (de flet ; 1554, Rondelet,


flétan [fletɑ̃] n. m. (de flet ; 1554, Rondelet,
écrit flettan ; flétan, XVIIIe s.). Poisson plat
de la famille des pleuronectidés, vivant
dans les mers froides, et dont le foie est
riche en vitamines A et D.

flétri, e [fletri] adj. (part. passé de flétrir


1 ; v. 1265, J. de Meung, au sens 1 ; sens 2,
v. 1560, Paré). 1. Se dit d’une plante qui
a perdu sa fraîcheur, ses couleurs natu-
relles : Un sable blanc recouvert d’herbe
flétrie (Chateaubriand). Les lys du jardin
sont flétris (Apollinaire). ‖ 2. Qui a perdu
son premier éclat, sa beauté : Gansoulet
regarda [...] ces traits maigris, flétris, ter-
reux (Daudet). Peau flétrie. Figure flétrie.
• SYN. : 1 déf leuri, fané, passé ; 2 avachi,
chiffonné, décati, défraîchi, fripé, parche-
miné, ratatiné (fam.), ridé. — CONTR. : 2
éclatant, frais, juvénile, pur.

1. flétrir [fletrir] v. tr. (de l’anc. adj.


flaistre, flétri, flasque [v. 1155, Wace ;
flestre, fletre, XIIIe s.], du lat. flaccidus,
flasque, mou, languissant, dér. de flaccus,
flasque ; v. 1265, J. de Meung, écrit flestrir
[flétrir, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, v. 1560,
Paré ; sens 3, milieu du XVIe s., Ronsard).
1. Faire perdre à un végétal, ou à une de
ses parties (feuillage, fleurs), la vitalité, la
fraîcheur, l’éclat des couleurs : La séche-
resse, la grande chaleur, le vent flétrissent
les fleurs. ‖ 2. Rendre flasque, fripé, ridé,
décoloré : L’ardent éclat des cieux | Flétrirait
moins ta joue aux nuances vermeilles |
Que le désir ton coeur chaste et silencieux
(Leconte de Lisle). Le hideux trachome lui
a flétri les paupières (Duhamel). ‖ 3. Fig.
Faire perdre l’innocence, la pureté à ; cor-
rompre : Il brûle ce qu’il voit, il flétrit ce
qu’il touche (Vigny). On n’a pas flétri ta
jeunesse (Musset).

• SYN. : 1 dessécher, faner, sécher ; 2 défraî-


chir, faner, friper, pâlir, rider, ternir ; 3 alté-
rer, avilir, dépraver, gâter, perdre, pervertir,
pourrir, salir, souiller.

& v. intr. (v. 1120, Psautier de Cambridge,


écrit fleistrir ; flestrir, XIIIe s. ; flétrir,
XVIe s.). Vx et littér. Perdre sa fraîcheur :
Temassine flétris-tu toujours au soleil ?
(Gide).

& se flétrir v. pr. (sens 1, milieu du


XVIe s., Ronsard ; sens 2, 1690, Furetière).
1. Se faner : Des roses qui se sont flétries.
‖ 2. Perdre sa fraîcheur, son éclat natu-
rels : Un teint qui se flétrit. Hermès qui
n’ouvre plus ses ailes, en chemin | Songe,
et le rameau d’or s’est flétri dans sa main
(Banville).

2. flétrir [fletrir] v. tr. (altér. [peut-être


sous l’influence de flétrir 1] de l’anc. v.
flatir, jeter à terre, lancer [v. 1175, Chr. de
Troyes, francique *flatjan, de *flat, plat],
flatrir, marquer [XIIIe s.], flastrir, mar-
quer au front, au fer rouge, en punition
d’un crime [XIIIe s., Assises de Jérusalem] ;
milieu du XVIe s., écrit flestrir [flétrir, 1611,
Cotgrave], au sens 1 [var. fleutrir, 1549, R.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1934

Estienne] ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens 3,


1636, Corneille). 1. Marquer un condamné
au fer chaud en punition d’un crime : On
flétrissait les voleurs de cordages avec un fer
chaud représentant une ancre. ‖ 2. Frapper
d’une condamnation infamante : Crime
que la loi flétrit. ‖ 3. Fig. Frapper d’une
réprobation morale : Cette passion qui
venait de flétrir, sous mes yeux, le plus
brillant des dominateurs (Vigny). Leur
religiosité superficielle qui ne flétrissait
que les scandales (Proust). ‖ Spécialem.
Dénoncer, condamner par la parole, avec
indignation : Le capitaine se mordit les
lèvres en reconnaissant les expressions
par lesquelles il venait de flétrir l’avidité
de Josépha (Balzac). Le bras tendu [...], il
flétrit au milieu d’une immense émotion
son accusateur (Barrès).

• SYN. : 1 stigmatiser ; 3 anathématiser,


blâmer, maudire, réprouver, vitupérer (vx).

— CONTR. : 3 approuver, complimenter, féli-


citer, justifier, louer, réhabiliter.

1. flétrissant, e [fletrisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de flétrir 1 ; 1541, Calvin). Qui flétrit ;
qui rend flasque, mou, fripé : Quand l’âge
aura sur nous mis sa main flétrissante, |
Que pourra la beauté, quoique toute-puis-
sante ? | Nos coeurs, en la voyant, ne palpi-
teront plus (Chénier).

2. flétrissant, e [fletrisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de flétrir 2 ; 1759, Voltaire). Qui flétrit,
déshonore : Un arrêt flétrissant.

flétrissement [fletrismɑ̃] n. m. (de flé-


trir 1 ; XXe s.). État de ce qui est flétri : Le
flétrissement du visage. ‖ Flétrissement des
plantes, maladie, altération des végétaux,
caractérisée par la fanaison des organes
aériens.

1. flétrissure [fletrisyr] n. f. (de flétrir 1 ;


XVe s., Dict. général). Altération de la fraî-
cheur des végétaux, de l’éclat du teint, de la
beauté : Il ne remarqua point la flétrissure
des joues couperosées sur les pommettes...
(Balzac).

• SYN. : dessèchement, fanaison.

2. flétrissure [fletrisyr] n. f. (de flétrir


2 ; 1611, Cotgrave, aux sens 1 et 3 ; sens 2,
XXe s.). 1. Marque infamante qu’on impri-
mait autrefois, avec un fer chaud, sur le
corps d’un condamné : La flétrissure a été
abolie en France par la loi du 28 avril 1832.
‖ 2. Condamnation : Flétrissure infligée
par un tribunal. ‖ 3. Fig. Atteinte igno-
minieuse à l’honneur, à la réputation de
quelqu’un.

• SYN. : 1 stigmate ; 3 affront (vx), décri,


déshonneur, honte, ignominie, infamie,
opprobre, souillure, tache.

flette [flɛt] n. f. (moyen angl. flete, sorte


de bateau, anglo-saxon fleot, vaisseau ; 1311,
Godefroy, au sens de « petit bac » ; sens
actuel, 1415, Ordonnance royale). Bateau
plat accompagnant un chaland.

1. fleur [floer] n. f. (lat. florem, accus. de


flos, floris, fleur, la partie la plus fine [de
quelque chose], élite ; 1080, Chanson de
Roland, écrit flur [flor, flour, XIIe s. ; fleur,
XIIIe s.], au sens I, 3 [fleur de chapiteau,
1690, Furetière ; fleurs artificielles, 1865,
Littré ; fleur de lis, XIIe s., Gay] ; sens I,
1, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy [en
botanique, 1690, Furetière ; boutons à
fleurs, 1872, Larousse ; passer fleur, av.
1825, P.-L. Courier ; en fleur, au pr. et au
fig., v. 1360, Froissart] ; sens I, 2, 1680,
Richelet [fleur de, à..., 1858, Legoarant ;
langage des fleurs, 1844, Ch. de La Tour ;
fleurs coupées, 31 mai 1875, Journ. officiel ;
fleurs pectorales, XXe s. ; quatre-fleurs, 1865,
Littré] ; sens I, 4, fin du XVIe s., A. d’Aubigné
[fleur-de-pêcher, 1690, Furetière] ; sens II,
1, fin du XIVe s., E. Deschamps ; sens II,
2, 1669, Boileau [une vie semée de fleurs,
1872, Larousse ; un serpent caché sous des
fleurs, 1865, Littré ; comme une fleur, 1917,
G. Esnault ; faire une fleur à quelqu’un,
1952, G. Esnault] ; sens II, 3, 1936, Aragon ;
sens II, 4, av. 1710, Fléchier ; sens II, 5, 1608,
M. Régnier ; sens II, 6, v. 1460, Villon ; sens
II, 7, v. 1360, Froissart ; sens II, 8, 1690,
Furetière [« virginité », début du XIIIe s.,
Audefroi le Bastard ; fleur de coin, av. 1696,
La Bruyère ; monnaie à fleur de coin, 1704,
Trévoux] ; sens II, 9, 1080, Chanson de
Roland [la fine fleur de, 1665, La Fontaine ;
la fleur des pois, 1872, Larousse ; fleur de
farine, v. 1170, Livre des Rois] ; sens II,
10, 1694, Acad. ; sens III, 1, v. 1560, Paré ;
sens III, 2, 1611, Cotgrave ; sens IV, 1865,
Littré [« face d’une peau tannée... », 1611,
Cotgrave]).

I. 1. Partie d’un végétal qui se développe


généralement après les feuilles, dont les
pièces peuvent être de couleurs vives et
d’un parfum agréable, et qui, après une
existence passagère, est remplacée par le
fruit : Au printemps, les arbres se couvrent
de fleurs. Et les fruits passeront la pro-
messe des fleurs (Malherbe). La fleur est
la fille du matin, le charme du printemps,
la source des parfums, la grâce des vierges,
l’amour des poètes (Chateaubriand).
La violette en fleur se fanera demain
(Heredia). ‖ Spécialem. En botanique,
ensemble des organes reproducteurs des
végétaux de l’embranchement des phané-
rogames : Une fleur complète comprend
quatre séries de pièces : le calice, la corolle,
l’androcée et le gynécée. Fleur mâle, fleur
femelle. Fleur double. Fleur composée.
‖ Boutons à fleurs, sur un arbre, bou-
tons propres à produire des fleurs (par
opposition aux boutons à fruits). ‖ Pas-
ser fleur, en parlant des arbres fruitiers,
de la vigne, arriver jusqu’au moment
où le fruit se forme, sans que la fleur ait
coulé : À peine la vigne a-t-elle passé fleur
(Mauriac). ‖ En fleur ou en fleurs, dont
les fleurs sont épanouies à l’époque de la
floraison : Un arbre en fleur. Les lilas sont
en fleur. Le taureau [...] mugit de joie et

hâte son pas pesant à la vue des prairies en


fleurs (Bernardin de Saint-Pierre) ; au fig.,
au tout début, avant le développement :
Il est rare que la peinture des lieux où la
vie s’écoule ne rappelle à chacun ses voeux
trahis ou ses espérances en fleur (Balzac).
Oh ! ma jeunesse en fleur qui courait
dans les prés (Hugo). [V. aussi § II, n. 6.]
‖ 2. Plante que l’on cultive spécialement
pour la beauté ou le parfum de sa fleur :
Parterre de fleurs. Un bouquet de fleurs.
Un pot de fleurs. ‖ Fleur de, à (suivi
d’une détermination), entre dans la dési-
gnation usuelle de différentes plantes :
fleur de Pâques ou fleur aux dames, la
pulsatille ; fleur d’amour, l’ancolie, l’ama-
rante et le pied-d’alouette ; fleur de cou-
cou, le lychnis, ou oeillet des prés ; fleur
de la Saint-Jean, le gaillet ; fleur de saint
Jean, l’armoise commune ; fleur de saint
Jacques, le séneçon élégant ; fleur de
soleil, le nostoc ; fleur de tous les mois,
le souci des vignes ; fleur des veuves, la
scabieuse. ‖ Langage des fleurs, ensemble
de significations symboliques, surtout
d’ordre sentimental, attribuées aux diffé-
rentes fleurs, en fonction de leur parfum,
de leurs couleurs : Dans le langage des
fleurs, le dahlia symbolise la reconnais-
sance. ‖ Fleurs coupées, fleurs vendues
pour faire des bouquets. ‖ Fleurs pecto-
rales, ou (improprem.) quatre-fleurs, mé-
lange de sept fleurs douées de propriétés
adoucissantes. ‖ 3. Objet, dessin, motif
décoratif reproduisant ou représentant
des fleurs : Un grand tapis à fleurs, dis-
crètement mité par places (Duhamel).
Étoffe, broderie à fleurs. Peintre de fleurs.
‖ Fleurs artificielles, imitation de fleurs
en étoffe, en papier, en matière plastique,
etc. ‖ Fleur de chapiteau, petite rosace
qui occupe le milieu de chacune des faces
du tailloir, dans un chapiteau corinthien.
‖ Fleur de lis (autref. de lys), représenta-
tion stylisée de la fleur du lis, emblème de
la royauté en France : Le gilet nankin du
vieux Sagnier, la fleur de lys de son épingle
à cravate ne lui inspiraient plus la même
vénération (Daudet). ‖ 4. Fleur-de (et un
nom), s’emploie adjectivement pour dési-
gner une couleur : Si Madame le désire, je
vais lui passer sa robe queue-de-merle ou
fleur-de-prune (Gautier). ‖ Fleur-de-pê-
cher, se dit d’une robe des bovins de cou-
leur aubère, dans laquelle les poils rouges
sont groupés en touffes sur le fond blanc.

II. 1. Poét. Personne qui, par sa jeu-


nesse, sa beauté, sa fragilité, évoque
la fleur : Quoi, mortes ! quoi, déjà sous
la pierre couchées ! | Quoi, tant d’êtres
charmants sans regard et sans voix ! |
Tant de flambeaux éteints, tant de fleurs
arrachées ! (Hugo). ‖ 2. Ce qui est sédui-
sant, aimable, mais d’un attrait parfois
trompeur ; ce qui rend l’existence facile,
agréable : Aucun chemin de fleurs ne
conduit à la gloire (La Fontaine). La froi-
deur qui est entre vous et lui est d’autant
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1935
plus dangereuse qu’elle est cachée sous des
fleurs (Sévigné). ‖ Une vie semée de fleurs,
une vie facile et heureuse. ‖ Un serpent
caché sous des fleurs, un piège, une per-
fidie volontairement dissimulés sous des
apparences séduisantes. ‖ Fam. Comme
une fleur, avec une facilité qui rappelle
la grâce de la fleur : Il est arrivé premier
sans effort, comme une fleur. ‖ Pop. Faire
une fleur à quelqu’un, lui faire une ama-
bilité, lui octroyer un avantage auxquels
il ne s’attendait pas. ‖ 3. La petite fleur
bleue, part de sentimentalité et de poésie
ou, péjor., de sensiblerie un peu mièvre,
naïve et romanesque, qui se cache au
fond des coeurs : Elle me répond qu’elle a
soupé de la petite fleur bleue (Bernanos).
‖ Adjectiv. Être fleur bleue, être senti-
mental et romanesque. ‖ 4. Louanges,
éloges décernés à quelqu’un : Couvrir
quelqu’un de fleurs. ‖ Jeter, répandre des
fleurs sur la tombe de quelqu’un, faire son
éloge funèbre. ‖ 5. Fleurs de rhétorique,
ou simplem. fleurs, ornements conven-
tionnels du discours, ou ornements
poétiques du style : L’abbé Gerbet avait
naturellement les fleurs du discours, le
mouvement et le rythme de la phrase, la
mesure et le choix de l’expression (Sainte-
Beuve) ; ironiq., discours : Ils vont por-
ter leurs fleurs de rhétorique au cime-
tière (Bernanos). ‖ 6. Littér. La fleur de
quelque chose, ce qui lui donne son éclat,
sa fraîcheur, sa beauté : Quand la douleur
| N’avait point de ta joue éteint la jeune
fleur (Chénier). ‖ 7. Temps où une chose,
un être atteint son plein épanouissement,
son plus grand éclat : Beauté dans sa fleur.
La jeunesse en sa fleur brille sur son visage
(Boileau). La terre était riante et dans sa
fleur première (Vigny). La fleur des espé-
rances vertes (Gautier). Mourir à la fleur
de l’âge. ‖ En fleur, dans son plein éclat,
dans toute sa fraîcheur : Sa joue en fleur
toucha ma lèvre en feu (Hugo). [V. aussi
§ I, n. 1.] ‖ 8. Fraîcheur, spontanéité de
ce qui est à son tout début : Fleur de la
nouveauté. Fleur de l’innocence. ‖ Fleur
de virginité, ou simplem. fleur, virginité,
état de vierge : Autant qu’on peut, il faut
garder sa fleur ; | Mais pour l’avoir perdue,
il ne faut pas se pendre (La Fontaine) ;
parfois au plur. : Ma soeur ne peut pas res-
pecter ses fleurs jusqu’à la fin du monde
(Huysmans). ‖ Spécialem. Fleur de coin,
expression dont on se sert pour désigner
les pièces de monnaie frappées avec des
coins neufs. ‖ Monnaie à fleur de coin,
monnaie ancienne d’une conservation
parfaite : L’extase du numismate qui ma-
nie une médaille à fleur de coin (Bourget).
‖ 9. Ce qu’il y a de meilleur, de plus choi-
si, de plus distingué : Le comte de Guiche,
qui était la fleur des braves (Saint-Simon).
Rossinante, la fleur des coursiers d’Ibérie
(Boileau). Lors du passage de Napoléon
en Espagne, où il envoyait la fleur de ses
troupes... (Balzac) ; et ironiq. : La fleur de

la canaille. ‖ La fine fleur de, v. FIN adj.


‖ Fam. et vx. La fleur des pois, ce qu’il y a
de plus distingué, de plus recherché dans
un genre quelconque : Il avait été la fleur
des pois de muscadins (Barbey d’Aure-
villy) ; et, absol. un homme élégant, à
la mode : , L’esprit français a donné en
Marivaux sa fleur des pois et son élixir
(Saint-Victor). Quand il était déjà la fleur
des pois, pour parler comme nos grand-
mamans (Bourget). ‖ Spécialem. Fleur
de farine, farine très fine et très blanche.
‖ 10. Poudre blanche qui recouvre cer-
tains fruits, notamment la prune, quand
ils sont dans leur première fraîcheur :
Un duvet léger en adoucit encore le moel-
leux contour, comme la fleur sur le fruit
(Gautier).

III. 1. (Au plur.) En microbiologie, agglo-


mération de petites cellules blanchâtres
(mycoderme) qui se forment à la surface
de la plupart des liquides qui ont subi la
fermentation alcoolique : Fleurs de vin,
de vinaigre. ‖ 2. Nom donné par les an-
ciens chimistes et par les minéralogistes
à certains solides présentant l’aspect de
poudre, plus ou moins brillants, obte-
nus par sublimation ou par une oxyda-
tion prolongée au contact de l’air : Fleur
d’alun, fleur d’arsenic, fleur de chaux ou
d’argent, fleur de soufre, fleur de zinc.
Fleur de bismuth, fleur de cobalt, fleur de
manganèse, fleur de nickel.

IV. Partie superficielle d’une chose.


‖ Spécialem. Face d’une peau tannée qui
portait l’épiderme et les poils. ‖ À fleur
de, v. ci-après.

& À fleur de loc. prép. (v. 1354, Modus [à


fleur de tête, 1694, Acad. ; à fleur de peau,
milieu du XVIIIe s.]). Class. Au niveau de,
à la surface de : Je lançai ma balle de tous
côtés à fleur du chariot (Cyrano). ‖ Auj.,
sauf emploi littéraire, cette locution est
limitée à quelques expressions (à fleur
d’eau, de terre, de peau, etc.) : On devinait
à fleur d’eau quelques brisants (Hugo). Un
de ces petits ponts de planche à fleur d’eau,
comme il y en a dans les prés (Sand). Des
plombs bronzés, que gâte l’humidité pois-
seuse, émergent à fleur d’eau (Barrès). Les
balcons et les charpentages à fleur de brique
(Colette) ; et au fig. : La culture artistique
montant à fleur de peuple (Gide). ‖ À fleur
de tête, au niveau du front et des pom-
mettes : Un bon garçon, réjoui, bruyant,
tout le sang à la peau, avec de beaux yeux
de batracien dorés, à fleur de tête (Daudet).
‖ Fig. À fleur de peau, au niveau de l’épi-
derme, superficiel : Ce chagrin [...] si dif-
férent [...] de la grosse sensibilité à fleur de
peau qu’il montrait (Daudet). M. Panneton
de la Barge avait une âme à fleur de peau
(France). ‖ Fam. Avoir les nerfs à fleur
de peau, être dans un état de nervosité
extrême.

2. fleur [floer] n. m. (lat. pop. *flatorem,


accus. de *flator, odeur, dér. [avec peut-être
une influence de foetor, puanteur, infection,
de foetere, sentir mauvais] du bas lat. fla-
tare, fréquentatif du lat. class. flare, souf-
fler, exhaler ; XIIe s., écrit flaor, fleiur, flaür ;
fleur, milieu du XIIIe s.). Littér. Odeur (au
pr. et au fig.) : De larges composées s’ouvrent
avec un fleur amer (Rosny aîné). Certains
quartiers exhalent un fleur clérical et intime
(Huysmans).

fleurage [floeraʒ] n. m. (de fleur 1 ; XVIe s.,


au sens I, 1 ; sens I, 2, 1872, Larousse ; sens
II, 1, 11 mai 1874, Journ. officiel ; sens II,
2, 1832, Raymond [fleurage de pomme de
terre, 25 mars 1876, Gazette des tribunaux]).

I. 1. Décoration composée de fleurs,


sur une tenture, un tapis. ‖ 2. Dans la
gravure sur verre, cristallisations for-
mées sur la planche de verre par l’acide
fluorhydrique.

II. 1. Action de répandre de la farine sur


le pain avant la cuisson. ‖ 2. Remoulage
fin de blé ou produit employé pour évi-
ter que les pâtons n’adhèrent à la pelle du
boulanger ou dans les bannetons. ‖ Fleu-
rage de pomme de terre, farine de pomme
de terre.

fleuraison n. f. V. FLORAISON.

fleurant, e [floerɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


fleurer 2 ; début du XVe s., Ch. d’Orléans).
Qui exhale une odeur, un parfum : Un
bouquet de violettes encore tout humides
et doux-fleurantes (Theuriet). La douceur
fleurie des étoiles [...] fait l’abîme fleurant
et bleu là-dessous (Rimbaud).
fleurdelisé, e [floerdəlize] adj. (part.
passé de fleurdeliser ; 1680, Richelet, au sens
1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. En héraldique,
se dit des croix ou de toute autre pièce dont
les extrémités se terminent par une fleur
de lis. ‖ 2. Orné, semé de fleurs de lis : Son
lit fleurdelisé se transforme en tombeau
(Baudelaire). Un simple siège fleurdelisé
d’or (Villiers de L’Isle-Adam).

• REM. On trouve aussi la graphie FLEUR-


DELYSÉ, E : Le tapis fleurdelysé du sacre de
Charles X (Hugo).

fleurdeliser [floerdəlize] v. tr. (de fleur


de lis, emblème qui figurait dans les
armoiries des rois de France [XIIe s., Gay] ;
1542, Dict. général, au sens de « marquer,
orner de fleurs de lis » ; sens moderne,
1611, Cotgrave). Vx. Marquer un criminel
d’une empreinte en forme de fleur de lis,
au moyen d’un fer chaud.

fleuré, e [floere] adj. (de fleur 1 ; v. 1130,


Eneas, écrit floré ; fleuré, XIVe s.). En héral-
dique, syn. de FLEURONNÉ, E.

1. fleurer [floere] v. tr. (de fleur 1 ; 1832,


Raymond). Jeter de la farine ou du fleurage
sur la pelle ou dans les bannetons, pour
que la pâte à pain ne colle pas.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1936

2. fleurer [floere] v. tr. et intr. (de fleur 2 ;


XIVe s., Livre de la Passion, au sens 1 ; sens
2, fin du XIXe s., Huysmans). 1. Exhaler une
odeur : Son intérieur [d’un nid] fleurait le
foin, le parfum aussi d’un brin de serpo-
let sec, emmaillé à l’herbe fine (Colette).
‖ Fleurer bon, avoir une bonne odeur : Oh !
comme ça fleure bon ! (Richepin). ‖ Vx.
Fleurer comme un baume, sentir très bon.
‖ 2. Fig. Évoquer l’idée de, annoncer : Elle
fleure le trottoir et le bagne (Huysmans).
Justin Weill aimait tout ce qui fleurait
l’intrigue et le théâtre (Duhamel).

• REM. V. FLAIRER.

1. fleuret [floerɛ] n. m. (francisation de


l’ital. fioretto [proprem. « petite fleur »],
qui a dû désigner [par l’intermédiaire
d’une locution non attestée signif. « épée
à fleuret »] le bouton du fleuret avant de
désigner le fleuret lui-même, dér. de fiore,
fleur, de même origine que le franç. FLEUR
1 [v. ce mot] ; 1580, Montaigne, écrit floret
[fleuret, 1608, M. Régnier], au sens 1 ; sens
2, milieu du XXe s. [« grosse aiguille de fer
dont le mineur se sert pour percer des trous
dans le roc », 1872, Larousse]). 1. Épée à
lame quadrangulaire, sans tranchant, très
légère et flexible, garnie d’un bouton (ou
mouche) à la pointe, dont on se sert pour
pratiquer l’escrime : Bien manier le fleu-
ret. Assaut de fleuret. ‖ Fleuret électrique,
fleuret relié à un appareil électrique, dont
les lampes s’allument chaque fois qu’une
touche est valable. ‖ 2. Outil utilisé dans
les perforatrices à percussion, ou marteaux
pneumatiques, et constitué par une tige
d’acier, généralement creuse, terminée à
son extrémité travaillante par un taillant
à une ou plusieurs arêtes.

2. fleuret [floerɛ] n. m. (de fleur 1 ; 1563,


Godefroy, écrit floret [fleuret, XVIIe s.], au
sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ; sens 3, 1723,
Savary des Bruslons ; sens 4, 1708, d’après
Savary des Bruslons, 1723). 1. Soie tirée de
la bourre enveloppant le cocon. ‖ 2. Fil
ou ruban fait avec cette soie. ‖ 3. Toile,
dite aussi blancard, dans la composition
de laquelle entre de la bourre de soie et de
laine. ‖ 4. Fleuret de coton, de laine, de fil,
première qualité de coton, de laine, de fil.

fleuretage [floertaʒ] n. m. (de fleureter ;


début du XXe s.). Action de fleureter : Ils
l’épousaient dans le moment, | Après un
discret fleuretage (Ponchon).

• REM. V. FLIRTER.

fleureté, e [floerte] adj. (de fleurette [v. ce


mot] ; fin du XIIIe s., Doon de Mayence, écrit
floureté [fleureté, XVIe s.], au sens 1 ; sens
2, 1611, Cotgrave ; sens 3, av. 1850, Balzac).
1. Orné ou bordé de fleurettes : Le petit ser-
vice fleureté (Balzac). ‖ 2. En héraldique,
syn. de FLEURONNÉ, E. ‖ 3. Fig. Orné,
déguisé de : Là s’ourdissaient ces tromperies
fleuretées de légalité qui consistent à com-
manditer sans engagement des entreprises
douteuses (Balzac).

fleureter [floerte] v. intr. (de fleurette


[v. ce mot] ; XVIe s., au sens de « voler de fleur
en fleur » ; sens moderne, fin du XIXe s.).
Tenir des propos de caractère galant, cour-
tiser : Les hommes redressaient avec fatuité
leurs épaules voûtées et fleuretaient avec les
très jeunes femmes (Theuriet).

• REM. V. FLIRTER.
fleurette [floerɛt] n. f. (de fleur 1 ; v. 1119,
Ph. de Thaon, écrit florete [fleurette,
v. 1540, Yver], au sens I, 1 ; sens I, 2, 1633,
Rotrou ; sens II, 1877, Littré).

I. 1. Petite fleur : Que disait-il, penché sur


le flot des fontaines, | Aux fleurettes de
l’herbe ? (Banville). ‖ 2. Class. et littér.
Propos galant : Et votre femme entendra
les fleurettes ? (Molière). C’est un diseur
de fleurettes (Furetière, 1690). Voilà qui
m’intéressera bien plus que vos fleurettes
à la française (Theuriet). Son idéal était
la vie antique, où la fleurette fut inconnue
(Montherlant). ‖ Auj., ce sens n’est plus
usuel que dans la loc. conter fleurette(s) à
une femme, lui parler d’amour, lui faire la
cour : Tous ces freluquets qui lui contaient
fleurettes (Mérimée).

II. En Normandie, nom donné à la crème


très fluide qui se forme au-dessus du lait,
avant la montée de la crème épaisse.

fleurettiste [floerɛtist] n. (de fleuret 1 ;


1907, Larousse). Celui, celle qui pratique
l’escrime au fleuret.

fleuri, e [floeri] adj. (part. passé de fleurir


[v. ce mot] ; 1080, Chanson de Roland, écrit
fluri [flori, XIIe s. ; fleuri, XIIIe s.], au sens 4 ;
sens 1, XIIe s. [Pasque florie, fin du XIIe s. ;
Pasques flories, v. 1207, Villehardouin ;
Pasques, Pâques fleuries, XVe s.] ; sens
2, 1690, Furetière [pour un marbre, et
gothique fleuri, 1872, Larousse] ; sens 3,
1669, Molière [« parsemé de boutons »,
1865, Littré] ; sens 5, 1694, Boileau ; sens
6, v. 1530, C. Marot). 1. Couvert, garni de
fleurs : Rameau fleuri. Un balcon fleuri.
Ils se promenaient [...] dans le jardin tout
fleuri où le gai printemps remuait de la
vie (Maupassant). ‖ Pâques fleuries, nom
donné au dimanche des Rameaux, à cause
des palmes et des branches vertes qu’on
bénit ce jour-là dans les églises. ‖ 2. Qui
est orné d’une décoration florale (rinceaux,
bouquets, guirlandes de fleurs) : Tissu
fleuri. ‖ Spécialem. Se dit d’un marbre,
d’un bois dont les veines figurent plus ou
moins des feuillages, des fleurs. ‖ Gothique
fleuri, syn. de GOTHIQUE FLAMBOYANT.
‖ 3. Se dit d’un teint frais, vivement coloré :
Un petit homme blond à gros ventre, le
teint fleuri, l’air affable (Chateaubriand).
‖ Spécialem. et ironiq. Qui est parsemé de
boutons, qui bourgeonne : Un nez fleuri.
‖ 4. Vx. Blanc comme certains arbres
en fleur : Charlemagne, l’Empereur à la
barbe fleurie. ‖ 5. Fig. Qui n’offre que des
aspects séduisants, faciles : Chemins fleu-
ris. ‖ 6. Fig. Plein d’images élégantes, choi-

sies, ou plein d’ornements, de fioritures :


L’on se souvient des rêveries | Sur le fronton
ou dans la mer, | Des conversations fleu-
ries (Gautier). ‖ Style fleuri, style brillant
et orné : Je déchaîne l’enthousiasme de la
Macarrona en donnant dans le style fleuri
cher à sa province (Montherlant).

fleurir [floerir] v. intr. (lat. pop. *flōrīre,


lat. class. flōrēre, fleurir, être en fleur [au
pr. et au fig.], être fleuri de, garni de, de
flos, floris [v. FLEUR 1] ; 1080, Chanson de
Roland, au part. passé [v. FLEURI] ; XIIe s.,
Roncevaux, à l’infin., écrit florir [fleurir,
XIIIe s.], au sens 1 [« éclore, s’épanouir »,
1273, Adenet ; « se recouvrir de fleurs »,
fin du XIIe s., Châtelain de Coucy] ; sens 2,
1680, Richelet [« se couvrir de boutons »,
1930, Larousse] ; sens 3, av. 1850, Balzac ;
sens 4, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ;
sens 5, début du XIIIe s., Barlaham ; sens 6,
milieu du XVIe s., Amyot). [Conj. 7 ; v. aussi
Rem.] 1. Produire des fleurs, se couvrir de
fleurs, en parlant d’une plante : Elle eut des
étouffements aux premières chaleurs, quand
les poiriers fleurirent (Flaubert). ‖ Éclore,
s’épanouir, en parlant d’un bouton, d’une
fleur : Une rose qui n’a pas encore fleuri.
‖ Par extens. Se recouvrir de fleurs : Saint
Colombin fit fleurir le désert de Vauge
(Chateaubriand). ‖ 2. Plaisamm. Se couvrir
de poils : Menton qui commence à fleurir.
‖ Se couvrir de boutons : Un nez qui fleurit.
‖ 3. Littér. Apparaître comme une fleur :
Malgré la croix de la Légion d’honneur [...]
qui fleurissait à sa boutonnière... (Balzac).
‖ 4. Fig. Naître, croître, s’épanouir comme
une fleur : Et leur beauté fleurit dans le
marbre sculpté (Gautier). Inoubliable est
la demeure | Qui vit fleurir nos premiers
jours (Rodenbach). ‖ 5. Fig. et littér. Être en
pleine prospérité, en plein développement :
À cette époque, on vit fleurir les lettres, les
arts, le commerce. ‖ 6. Fig. et littér. Jouir
d’une grande renommée, d’une grande
notoriété, en parlant des personnes ou des
choses (vieilli) : Zozime de Panopolis était
un savant grec qui florissait à Alexandrie
au IIIe siècle de l’ère chrétienne (France). En
tout cas, il paraissait un de ces hommes de
talent qui, à toute époque, ont fleuri dans le
grand monde, et on ne pensait pas qu’il eût
jamais vécu ailleurs (Proust). « L’Astrée » de
d’Urfé [...] florissait à l’hôtel de Rambouillet
(Chateaubriand). [V. Rem.]
• SYN. : 5 briller, s’épanouir, prospérer.

• REM. Lorsque fleurir signifie « prospé-


rer, être en honneur », on emploie généra-
lement aujourd’hui, à l’imparfait de l’in-
dicatif et au participe présent, les formes
florissait et florissant ; mais on trouve
également fleurissait et, moins souvent,
fleurissant. Au XVIIe s., cette distinction
entre les formes en -eu- et en -o-, déjà
recommandée par Vaugelas, n’était pas
encore nettement établie dans l’usage :
En ce temps, Homère fleurit, et Hésiode
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1937

fleurissait trente ans avant lui (Bossuet).


[V. aussi FLEURISSANT, E, adj. verbal.]

& v. tr. (sens 1, début du XIVe s. [fleurir


quelqu’un, 1792, Beaumarchais] ; sens 2,
v. 1530, C. Marot [au part. passé]). 1. Garnir
de fleurs, parer d’une fleur, de fleurs, de
bouquets : Fleurir un appartement, une
table. Fleurir une boutonnière ; et en par-
lant des fleurs : Au carrefour où nulle fleur
sinon la rose | Des vents mais sans épine
n’a fleuri l’univers (Apollinaire). ‖ Fleurir
quelqu’un, lui offrir une fleur qu’il épingle
à sa boutonnière, sur sa toilette : Mes petits
choux, fleurissez vos dames ! (Nerval).
‖ 2. Fig. Parsemer d’ornements brillants
et délicats : Fleurir son langage, son style,
son esprit.

• SYN. : 2 embellir, enjoliver, orner, parer.


& se fleurir v. pr. (av. 1896, Verlaine). Se
parer ou se couvrir de fleurs : La campagne
autour se fleurit de roses (Verlaine).

fleurissant, e [floerisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de fleurir ; 1539, R. Estienne, au sens
1 ; sens 2, 1580, Montaigne). 1. Vx. Qui
est en fleur ou couvert de fleurs : Un pré
plein d’herbe et fleurissant (La Fontaine).
Le triple et fleurissant diadème de ses tresses
(Proust). ‖ 2. Class. et fig. Florissant : Notre
siècle me semblait aussi fleurissant et aussi
fertile en beaux esprits qu’ait été aucun des
précédents (Descartes). La réputation tou-
jours fleurissante de vos esprits (Bossuet).

fleuriste [floerist] n. (de fleur 1 ; 1680,


Richelet, aux sens 1-2 ; sens 3, 1832,
Raymond). 1. Class. Celui, celle qui aime
les fleurs, qui prend plaisir à les cultiver :
Le fleuriste a un jardin dans un faubourg,
il y court au lever du soleil et il en revient
à son coucher (La Bruyère). ‖ 2. Personne
qui s’occupe de la culture ou du commerce
des fleurs : Le fleuriste où Mademoiselle
allait tous les jours cueillir des bouquets
(Mirbeau). ‖ 3. Fleuriste artificiel (ou arti-
ficielle), ou simplem. fleuriste, personne qui
fait ou vend des fleurs artificielles.

& adj. (1865, Littré). Où l’on cultive des


fleurs : Un convalescent qui se repose tout
le jour dans un jardin fleuriste ou dans un
verger (Proust).

fleuron [floerɔ̃] n. m. (de fleur 1 [v. ce mot],


peut-être d’après l’ital. fiorone, fleuron,
dér. de fiore, fleur, de même origine que
le franç. fleur 1 ; 1302, Dict. général, écrit
floron [fleuron, XIVe s., La-borde], au sens
I, 1 [le plus beau fleuron d’une couronne,
1690, Furetière] ; sens I, 2, 1872, Larousse ;
sens I, 3, XIVe s. ; sens I, 4, 1680, Richelet
[« fer à dorer... », 1890, Dict. général] ; sens
I, 5, 1778, Menon ; sens II, 1, 1636, Monet
[« fleurette », 1530, Palsgrave] ; sens II, 2,
1741, Savary des Bruslons).

I. 1. Chacune des parties qui s’élèvent,


solées, au-dessus du cercle d’une cou-
ronne et figurent une feuille ou une fleur :
Les fleurons de la couronne des rois de
France étaient des fleurs de lis. La figure

mutilée d’une femme, le front ceint d’une


couronne à gros fleurons (France). ‖ Fig.
Le plus beau fleuron q’une couronne, ou
simplem. le plus beau fleuron, ce qui avait
le plus grand prix pour un prince cou-
ronné, possession ou prérogative ; par
extens., ce qu’une personne quelconque
possède de plus précieux : C’est l’épi
le plus dur qui soit jamais monté | Vers
un ciel de clémence et de sérénité | Et le
plus beau fleuron dedans votre couronne
(Péguy). ‖ 2. Fig. Ce qu’il y a de plus pré-
cieux, de plus noble dans un domaine
donné : Ah ! que sont les grandeurs que
la victoire enfante, | Près des fleurons
divins du savoir et de l’art ? (Barbier).
‖ 3. Ornement en forme de fleur ou de
feuille stylisée, utilisé en architecture,
pour décorer le sommet d’un galbe, d’un
pignon, et en ferronnerie. ‖ 4. Ornement
typographique placé soit dans un en-
tête, soit dans l’espace blanc qui reste à
la fin d’un chapitre ou d’une autre divi-
sion d’un ouvrage : Sur la table, dans le
papier d’emballage à moitié enlevé, il
venait d’apercevoir quelques exemplaires
d’amateur, la tranche épaisse, non rognés,
avec de grandes marges, fleurons, culs-
de-lampe (Daudet). D’autres sur le vélin
jauni des bréviaires | Enluminaient des
saints parmi de beaux fleurons (Heredia).
‖ Ornement doré qui figure au dos ou sur
les plats d’une reliure. ‖ Fer à dorer avec
lequel on réalise cet ornement. ‖ 5. Petite
pièce en feuilletage utilisée pour décorer
certains plats.

II. 1. Chacune des petites fleurs dont la


réunion forme une fleur composée : Des
fleurons de pissenlit. Il rompit en deux un
fleuron de clématite, m’en remit une moi-
tié, garda l’autre, qu’il jura de porter sur
lui comme talisman (Gide). ‖ 2. Étoffe
légère, composée de fils de soie, de laine,
de chanvre ou de lin.

fleuronné, e [floerɔne] adj. (part. passé


de fleuronner ; 1690, Furetière, au sens I,
1 ; sens I, 2 et II, 1865, Littré).

I. 1. En héraldique, se dit d’une pièce


de longueur dont les bords sont ornés
de fleurs de lis, en général disposées
alternativement dans un sens différent.
‖ 2. Orné de fleurs ou de fleurons : Le
clocher chargé de trois riches diadèmes
fleuronnés (Hugo). ‖ Génie fleuronné,
statue d’enfant dont la partie inférieure
du corps est transformée en fleurs ou en
feuillages.

II. Se dit des plantes dont toutes les fleurs


sont des fleurons.

fleuronner [floerɔne] v. tr. (de fleuron ;


v. 1460, G. Chastellain, au sens de « décorer
[quelqu’un] d’un titre » ; sens actuel, 1865,
Littré). Orner de fleurs ou de fleurons :
Fleuronner une couronne. Fleuronner le
dos d’une reliure.

& v. intr. (v. 1530, C. Marot). Vx et littér.


Pousser des fleurs, fleurir : Dans la nuit
tiède et clémente, | Où tout fleuronne et
fermente (Theuriet).

& se fleuronner v. pr. (milieu du XIXe s.).


Littér. Se couvrir de fleurs : En avril lorsque
la branche, | D’une étoile rose ou blanche, |
Commence à se fleuronner (Murger).

fleuve [floev] n. m. (lat. fluvius, fleuve,


rivière, eau courante, eau, de fluere, cou-
ler, s’écouler ; v. 1130, Eneas, écrit flueve
[fleuve, XVIe s.], au sens 1 [fleuve côtier,
XXe s.] ; sens 2, 1872, Larousse [« foule qui
s’écoule », av. 1854, Nerval] ; sens 3, 1640,
Corneille ; sens 4, 1680, Mme de Sévigné ;
sens 5, 1690, Furetière). 1. Cours d’eau qui
aboutit à la mer : La Garonne, la Seine,
l’Adour, l’Orne sont des fleuves. ‖ Plus
généralement, cours d’eau formé par la
réunion d’un certain nombre d’affluents,
important par sa longueur, son débit : On
verra que je n’ai point embelli les rives du
Jourdain, ni transformé cette rivière en un
grand fleuve (Chateaubriand). Le vaste
fleuve enflé de cent rivières pleines (Leconte
de Lisle). ‖ Fleuve côtier, fleuve qui a sa
source près des côtes : L’Aa est un fleuve
côtier qui se jette dans la mer du Nord.
‖ 2. Masse importante de matière vis-
queuse ou solide en mouvement : Fleuve de
boue, de lave, de glace. ‖ Par anal. Grande
multitude de personnes en mouvement,
foule qui s’écoule : Eustache fendait à
grand-peine ce fleuve de peuple (Nerval).
‖ 3. Par exagér. Ce qui coule abondamment
et semble ne pas devoir tarir : Des fleuves
de sang, de larmes, de vin. Le long fleuve
de fiel des douleurs anciennes (Baudelaire).
‖ 4. Fig. et poét. Ce qui a un cours continu
comme un fleuve : Le fleuve de la vie. Il
nous faut, dans son cours, | Remonter flots à
flots le long fleuve des jours (Lamartine). Un
immense fleuve d’oubli nous entraîne dans
un gouffre sans nom (Renan). ‖ 5. Dans la
mythologie, dieu qui préside à un fleuve,
représenté souvent dans l’art grec sous
les traits d’un vieillard tenant une urne
d’où l’eau s’échappe. ‖ Avoir une barbe de
fleuve, une barbe fleuve, avoir une longue
barbe.

• SYN. : 3 flot, ruisseau, torrent.

& adj. (v. 1960). Qui est d’une longueur


excessive : Un discours fleuve.

flexibilité [flɛksibilite] n. f. (bas lat.


flexilbilitas, flexibilité, de flexibilis [voir
FLEXIBLE] ; fin du XIVe s., au sens 1 ;
sens 2, 1580, Montaigne). 1. Qualité de ce
qui est flexible, de ce qui se courbe sans
se rompre : La flexibilité d’une lame de
ressort, de l’osier. ‖ Par anal. Flexibilité
de la voix, qualité de la voix qui, dans le
chant, peut varier sans effort l’intensité
des sons et passer rapidement d’un ton à
un autre. ‖ 2. Class. et littér. Qualité de
la personne, de l’esprit, du caractère qui
se plie aux circonstances, qui cède aisé-
ment aux influences, à la volonté d’autrui :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1938

L’opiniâtreté, directement opposée à la flexi-


bilité, qui de toutes les qualités est la plus
nécessaire (Retz). C’est un difficile problème
que d’allier la hauteur et la conséquence
rationnelle du philosophe avec la flexibilité
d’esprit et le bon sens du praticien (Guizot).
• SYN. : 1 élasticité, souplesse.

flexible [flɛksibl] adj. (lat. flexibi-


lis, flexible, souple [au pr. et au fig.], de
flexum, supin de flectere, courber, ployer ;
1314, Mondeville, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, av. 1525, J. Lemaire de
Belges). 1. Qui fléchit ou plie aisément, qui
peut se courber sans se rompre : L’osier est
flexible. La ceinture marquait seule sa taille
flexible (Balzac). ‖ 2. Se dit de la voix dont
les intonations souples, variées sont émises
sans effort : Sa voix [...] se fit onctueuse et
flexible (Gide). ‖ 3. Class. et littér. Se dit
d’une personne qui cède facilement aux
influences extérieures, aux volontés d’au-
trui : L’amour de la volonté de Dieu [...] nous
rend flexibles à les changer [ces exercices]
quand Dieu le veut (Nicole). Le prince pré-
fère le comte Mosca à Rassi, qui est bien plus
flexible et plus bas (Stendhal). ‖ Spécialem.
et class. Qui se laisse toucher, qui est acces-
sible à certains sentiments : La pitié l’ayant
rendu flexible, | Lui-même il a voulu des-
cendre à mon secours (Corneille). C’est un
homme qui n’a pas le coeur flexible (Acad.,
1694). ‖ Auj. Caractère flexible, celui qui
s’accommode aisément aux circonstances.
‖ Esprit flexible, esprit apte aux études, aux
spéculations les plus diverses.

• SYN. : 1 élastique, plastique, souple.

— CONTR. : 1 cassant, raide, rigide.

& n. m. (1930, Larousse). Dispositif souple


servant soit à réunir deux tuyaux rigides,
soit à transmettre un mouvement, généra-
lement par un câble résistant à la torsion.

flexion [flɛksjɔ̃] n. f. (lat. flexio, action de


courber, de ployer, détour, inflexion [de la
voix], de flexum, supin de flectere [v. l’art.
précéd.] ; XVe s., au sens I, 1 [en mécanique,
1930, Larousse] ; sens I, 2, v. 1560, Paré ;
sens II, 1865, Littré).

I. 1. Le fait de fléchir, de prendre une


forme courbe ; état de ce qui est fléchi :
La flexion d’un ressort, d’un arc. ‖ Spé-
cialem. En mécanique, déformation
qu’éprouve un solide lorsqu’il est sollicité
par des forces agissant dans son plan de
symétrie ou disposées symétriquement
deux à deux par rapport à ce plan. ‖ Es-
sai de flexion, essai par lequel on étudie la
déformation d’un échantillon métallique
soumis à un effort transversal progressif,
s’exerçant soit à une de ses extrémités,
soit en son centre. ‖ 2. Action de replier
une partie du corps sur la partie adja-
cente : Flexion de la tête. Flexion du tronc.
Flexion de l’avant-bras.

II. En linguistique, procédé morpholo-


gique qui consiste à pourvoir les mots,
à leur finale, d’éléments affixés, ou dési-

nences, qui expriment les catégories


grammaticales : Le procédé de flexion est
caractéristique des langues indo-euro-
péennes et sémitiques.

flexionnel, elle [flɛksjɔnɛl] adj. (de


flexion ; 1877, Littré, aux sens 1-2). 1. En
linguistique, qui a rapport aux flexions : Un
élément flexionnel qui serait ajouté au mot
(Vendryes). ‖ 2. Qui exprime les rapports
grammaticaux par des flexions : L’allemand
est une langue flexionnelle.

flexoforage [flɛksɔfɔraʒ] n. m. (de flexo-,


élément tiré de flexible, n. m., et de forage ;
milieu du XXe s.). Dans la recherche pétro-
lière, méthode de forage dans laquelle les
tiges de forage sont remplacées par un
flexible creux déroulé à partir d’un treuil.

flexographie [flɛksɔgrafi] n. f. (de flexo-,


élément tiré de flexible, et de -graphie, du gr.
graphein, écrire ; milieu du XXe s.). Procédé
d’impression utilisant des formes en relief,
généralement cylindriques, constituées
de clichés souples en caoutchouc ou en
plastique.

flexueux, euse [flɛksɥø, -øz] adj. (lat.


flexuosus, tortueux, sinueux, de flexum,
supin de flectere [v. FLEXIBLE] ; 1549,
Tagault). Qui présente des courbures en
divers sens : Des joncs flexueux ceignent
la mare (Moréas).

flexuosité [flɛksɥozite] n. f. (bas


lat. flexuositas, sinuosité, de flexuosus
[v. FLEXUEUX] ; 1546, Rabelais, au sens de
« intrigue » ; sens actuel, 1611, Cotgrave).
État de ce qui est flexueux ; partie flexueuse
d’une chose : Flexuosité de la tige. Les lignes
de son visage s’arrondissent en flexuosités
désespérantes pour le regard comme pour
le pinceau (Balzac).

• SYN. : ondulation, sinuosité.

flexure [flɛksyr] n. f. (lat. flexura, action


de courber, de fléchir, de flexum, supin de
flectere [v. FLEXIBLE] ; XXe s.). Déformation
des couches géologiques qui, de part et
d’autre d’une ligne, ont été surélevées
d’un côté, abaissées de l’autre, mais sans
rupture.

flibot [flibo] n. m. (néerl. vlieboot, petit


bateau de charge ; fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné, écrit phlibot ; flibot, 1660, Oudin). Vx.
Bateau hollandais plat, renflé, à deux mâts,
ne dépassant pas 100 tonneaux. ‖ Bateau
utilisé pour la pêche du hareng.

flibuste [flibyst] n. f. (de flibustier ;


v. 1643, Le Hirbec, écrit fribuste [flibuste,
1689, v. ci-après], au sens 1 ; sens 2 [écrit
flibuste], 1689, Lettre de Cussy à Seignelay
[publiée dans le Journ. des débats, 29 sept.
1868] ; sens 3, fin du XIXe s., A. Daudet ;
sens 4, XXe s.). 1. Aux XVIIe et XVIIIe s., pira-
terie à laquelle se livraient les flibustiers,
dans la mer des Antilles : En ce temps-là,
qui avait précédé la flibuste véritable...
(Farrère). ‖ 2. Ensemble des flibustiers :

Mais ce fut à la flibuste entière qu’il vou-


lut adresser sa dernière réplique (Farrère).
‖ 3. Escroquerie de haut vol ; manoeuvres
visant à dépouiller les naïfs de leur argent :
Cette société de haute flibuste où je me suis
trouvé mêlé pour ma honte et pour mon
malheur (Daudet). Risquons un grand coup
de flibuste (Romains). ‖ 4. Les gens qui
se consacrent à ce genre d’entreprises : La
flibuste internationale.

• SYN. : 3 filouterie, friponnerie.

flibuster [flibyste] v. intr. (de flibustier ;


1704, Trévoux, au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse). 1. Vx. Faire le métier de flibus-
tier : Dussé-je rester moi seul à la Tortue,
dussé-je y faire souche de flibustiers fli-
bustant... (Farrère). ‖ 2. Vx. Chercher des
bénéfices malhonnêtes.

& v. tr. (1845, Bescherelle). Vx. Filouter,


voler quelque chose ou quelqu’un : Et les
trois quarts du temps, ce n’est que pour fli-
buster votre bourse (Flaubert).

flibusterie [flibystəri] n. f. (de flibustier ;


1836, Acad., au sens 1 ; sens 2, milieu du
XIXe s., Baudelaire). 1. Vx. Conduite, acte de
flibustier. ‖ 2. Vx et littér. Acte de filoute-
rie, vol plus ou moins qualifié : L’escarcelle
fraîchement remplie par une de ces flibus-
teries si drôles que messieurs les étudiants
savent si bien inventer (Baudelaire).

flibustier [flibystje] n. m. (du moyen angl.


flibutor, flibustier [fin du XVIe s.], flibuster
[début du XVIIe s.], avec un -s- qui, d’abord
purement graphique, est ensuite entré dans
la prononciation, le mot angl. étant empr.
au néerl. vrijbuiter, proprem. « celui qui fait
du butin librement » [de vrij, libre, et buiter,
qui fait du butin] ; 1667, Du Tertre, écrit
fribustier [flibustier, 1680, Estrées], au sens
1 ; sens 2, 1837, Balzac [« brigand, voleur
à main armée », 1756, Voltaire]). 1. Aux
XVIIe et XVIIIe s., aventurier appartenant
à une association de pirates de la mer des
Antilles, dont l’activité était dirigée surtout
contre les possessions espagnoles : J’avais
eu quelques affaires de flibustiers [...]. On
me donna le commandement d’un brick de
guerre (Vigny). ‖ 2. Littér. Personne qui vit
d’escroqueries, filou : Je [...] le fais arrêter
comme un vulgaire flibustier (Gide). Je vais
laisser tomber dans la poche de ce flibustier
au moins un million de francs (Duhamel).

flic [flik] n. m. (argot allem. flick, jeune


homme, garçon [début du XVIe s.], d’abord
employé en France par les malfaiteurs d’ori-
gine juive [dont l’argot contient beaucoup
d’éléments germ.] ; v. 1828, G. Esnault, écrit
fligue, au sens de « commissaire de police » ;
écrit flic, au sens actuel, 1856, G. Esnault
[fligue à dard, 1837, Vidocq]). Pop. Agent
de police : Son père faisait deux métiers
que les ouvriers méprisaient : flic et pipelet
(Hamp). « C’est bon, dit le flic, descendez et
venez avec moi jusqu’au poste » (Duhamel).
‖ Pop. et vx. Flic en bourgeois, inspecteur
de police : Un chapeau melon semblable non
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1939

pas à l’admirable tiare de mon frère Joseph,


mais bien plutôt à la suave coupole de ces
messieurs les flics en bourgeois (Duhamel).

flicaille [flikɑj] n. f. (de flic ; 1939,


G. Esnault). Pop. et péjor. L’ensemble des
flics.

flicard [flikar] n. m. (de flic ; 1883,


G. Esnault). Pop. Var. de FLIC : Un nom
qui revient de préférence aux flicards
(La Fouchardière).

flic flac [flikflak] onomatop. (formation


expressive du type clic clac, tric trac, etc. ;
1646, Scarron). Imite le claquement d’un
fouet, le bruit de soufflets qu’on applique,
de sabots frappant le pavé, d’un clapote-
ment, etc.

& flic-flac n. m. invar. (1829, Boiste). Vx.


Pas de danse où les pieds battent rapi-
dement l’un contre l’autre : Ses pieds [...]
étaient remarquables par leur petitesse, par
ce jeu particulier que les vieux maîtres ont
nommé « flic-flac » (Balzac).

flicflaquer [flikflake] v. intr. (de flic flac ;


5 mai 1876, Journ. officiel). Faire flic flac.

flingot [flɛ̃go] n. m. (de l’allem. dialect.


flinke, flingge, fusil, allem. class. flinte,
même sens ; 1858, G. Esnault). Pop. Fusil
de guerre : De vieux flingots à percussion
transformés en tabatières (Courteline). Et
je suis tout prêt à faire comme les copains :
à prendre un flingot, et à défendre le pays
(Martin du Gard).

flingue [flɛ̃g] n. m. (abrév. du précéd. ;


1889, A. Barrère [fling’, 1881, G. Esnault]).
Pop. Syn. de FLINGOT : Alors j’arme mon
flingue et je crie : « Halte-là ! » (Dorgelès).

flinguer [flɛ̃ge] v. tr. (de flingue ; 1947,


G. Esnault). Pop. Tirer sur quelqu’un avec
une arme à feu.

flinquer [flɛ̃ke] v. tr. (du flamand flinke,


coup ; 1756, Encyclopédie). En orfèvrerie,
tailler de coups d’onglet serrés et réguliers
le champ destiné à recevoir des émaux
clairs.

flint-glass [flintglas] et , par abrév.,


flint [flint] n. m. (mot angl., de flint, silex,
caillou, et de glass, verre ; 1771, Bonnafé
[flint-glass ; flint, 1855, Nysten]). Verre
d’optique à base de plomb, dispersif et
réfringent.

flion [flijɔ̃] n. m. (de flie, même sens


[attesté seulement en 1769, Duhamel du
Monceau], anc. scand. fliđa, espèce de
coquillage ; 1555, Belon). Nom donné
communément à la telline, mollusque à
coquille bivalve.

flip [flip] n. m. (mot angl., d’origine ono-


matop., désignant une « boisson composée
de bière, d’eau-de-vie et de sucre » ; 1716,
Behrens, Engl., au sens 1 ; sens 2-3, 1823,
Bonnafé). 1. Boisson chaude composée
d’ale épicée et sucrée. ‖ 2. Mélange de
cidre et de calvados chauffé et bien sucré :

J’ai pas attendu que tu me donnes le sein,


cochard, coureur ! Tiens, voilà du flip, un
cidre et moitié blanche [...]. Te brûle pas
(La Varende). ‖ 3. Boisson froide compo-
sée de porto, de sucre et de jaunes d’oeufs
battus.

flip-flap [flipflap] n. m. invar. (mot angl.,


des v. [to] flip, se détendre, et [to] flap, frap-
per avec un clapet, tous deux d’origine ono-
matop. ; 1903, Larousse). Saut périlleux, en
avant ou en arrière, exécuté en touchant la
terre avec les mains.

flipot [flipo] n. m. (emploi ironiq. de


F[e]lippot, dimin. pop. du prénom Phi-
lippe, prononcé F[e]lippe [de nombreux
prénoms ont servi à dénommer des outils
et des objets techniques, cf. guillaume,
etc.] ; XVIIIe s., Havard, écrit flipeau et fli-
pot). Morceau de bois rapporté qui sert à
dissimuler une fente dans un ouvrage de
menuiserie.

flipper [flipoer] n. m. (mot angloamé-


ric. signif. proprem. « palette », de to flip
[v. FLIP-FLAP] ; milieu du XXe s.). Dans un
billard électrique, dispositif qui permet de
renvoyer la bille vers le haut. ‖ Jouer au
flipper, jouer au billard électrique.

flirt [floert] n. m. (mot angl. signif. « mou-


vement preste, tour d’adresse, fantaisie, bou-
tade, relations amoureuses superficielles »,
et, comme adj., « léger, folâtre, coquet »,
déverbal de to flirt, jeter, lancer, mouvoir
avec rapidité, railler, folâtrer, coqueter, mot
d’origine onomatop. ; 1879, Bonnafé, au
sens 1 ; sens 2, 1888, Larousse ; sens 3, 1895,
Huysmans). 1. Relations amoureuses plus
ou moins platoniques, où la coquetterie
prime le sentiment véritable : Le flirt y
remplace l’amour (Theuriet). Puis, à cette
imagination paisible, ce mot de « flirt »
ne représentait guère qu’une galanterie
aimable, spirituelle, à cent lieues de ce
que son misérable beau-père essayait de
lui suggérer (Daudet). Le flirt, c’est, entre
la femme et celui qui lui fait la cour, une
manière d’être, un état d’âme vaguement
délicieux et dangereusement progressif de
la vertu à la faute, avec arrêt facultatif à
toutes les stations intermédiaires (Hervieu).
Un flirt qui ne tirerait pas à conséquence
(L. Descaves). Alors, je transformerai par
ma propre faute un flirt sans conséquence,
et qu’on mène comme on veut, en un grand
amour, chose difficile à gouverner (Proust).
‖ 2. La personne avec laquelle on flirte :
J’ai passé une heure à parler de vous avec
un de vos anciens flirts ; devinez lequel ?
(Bourget). Vous n’êtes pas un flirt [...],
vous avez passé l’âge du gigolo (Colette).
‖ 3. Fam. Rapprochement momentané
d’un homme politique ou d’une formation
politique avec une formation différente.
• SYN. : 1 amourette, béguin (fam.), caprice,
fantaisie, passade, toquade (fam.) ; 2 ami,
amoureux, béguin (fam.), chéri (fam.).

& adj. (fin du XIXe s.). Qui aime à flirter


(vieilli) : Je ne crois pourtant pas qu’elle
vous plairait. Elle n’est pas flirt du tout.
Vous devez aimer les jeunes filles flirt(s),
vous (Proust).

flirtage [floertaʒ] n. m. (de flirter ; 1855,


Bonnafé). Action de flirter (rare) : Ces
coquetteries à froid, ce flirtage sans coeur
(Goncourt). Après cinq mois d’un flirtage
passionné, Numa n’était pas plus avancé
auprès de sa petite que le jour de leur pre-
mier rendez-vous (Daudet).

flirtation [floertasjɔ̃] n. f. (angl. flirta-


tion, agitation perpétuelle, mouvement vif,
coquetterie, badinage, de to flirt [v. FLIRT] ;
1833, Bonnafé). Action de flirter (rare) :
Son crime se réduisait à une flirtation un
peu vive (Theuriet). Elle se livrait, paraît-il,
avec un midshipman de Sa Majesté la Reine,
à une flirtation vertigineuse (Pouvillon).

flirter [floerte] v. intr. (de flirt ; 1855,


Bonnafé, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.,
A. Daudet [en politique, milieu du XXe s.]).
1. Avoir des relations sentimentales de
caractère léger, superficiel, avec une per-
sonne de l’autre sexe : Flirter avec une rela-
tion de vacances. ‖ Spécialem. Échanger
des propos galants : Soudain retentit un
double éclat de rire : un habit noir, une
robe rose que je n’ai pas aperçus, en train
de flirter dans un coin, et que ma méprise
amuse (Daudet). ‖ Absol. S’adonner au
flirt, rechercher les intrigues galantes sans
conséquence : J’ai flirté — pour employer
ce mot que les bourgeois sont en train d’em-
prunter aux mondains (M. Prévost). Quand
j’avais dix-huit ans, et que je commençais
d’aller dans le monde, je me mis tout de
suite à flirter beaucoup (Montherlant).
‖ 2. Chercher à plaire aux personnes d’un
milieu, d’une société, par un comporte-
ment qui s’apparente à la coquetterie : Il
y a encore un quatrième salon en forma-
tion, celui de Mme Eviza, une juive aux
joues pleines, aux longs yeux étroits, et qui
flirte avec tout l’Institut, dont elle porte les
couleurs, des broderies vertes sur sa veste
printanière et son petit chapeau aux ailes
de caducée (Daudet). ‖ Spécialem. Dans le
domaine politique, se rapprocher momen-
tanément, et sans adhésion profonde ou
sans alliance véritable, d’un parti, d’un
pays étranger.

• SYN. : 1 batifoler (fam.), courtiser, mari-


vauder, papillonner ; 2 coqueter (fam.).

• REM. On a parfois écrit FLEURTER (dé-


but du XXe s.) : Demain, après-demain, on
fleurtera (Binet-Valmer), ou FLEURETER
(v. ce mot).

flirteur, euse [floertoer, -øz] adj. et n. (de


flirter ; 1878, Larousse [art. flirtation]). Qui
flirte, qui aime à flirter : Mais on voit bien
que tu n’es pas non plus une flirteuse (Gyp).

flissa ou flissah [flisa] n. m. (mot kabyle ;


1872, Larousse). Grand sabre droit, à pointe
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1940

effilée, avec un tranchant à double cour-


bure, fabriqué en Kabylie : L’Arabe étendit
son flissah (Villiers de L’Isle-Adam).

1. floc ! [flɔk] interj. (mot onomatop. ;


v. 1530, C. Marot). Imite le bruit de la
chute d’un corps dans un liquide ou un
bruit similaire : De grosses gouttes faisaient
« floc ! » dans la poussière (Vallès).

& floc n. m. (début du XXe s.). : Soudain,


l’un d’eux a fait un bond et franchi le para-
pet[...]. J’ai, comme tout le monde, entendu
le floc, le grand bruit de l’eau (Duhamel).

2. floc [flɔk] n. m. (lat. floccus, flocon de


laine, poil d’une étoffe, objet insignifiant,
zeste, fétu ; v. 1130, Eneas, écrit floc, au sens
de « petite touffe légère de laine, soie ou
coton » ; sens actuel, 1680, Richelet, écrit
flot [floc, XIXe s.]). Petite houppe de laine ou
de soie agrémentant l’uniforme militaire :
Floc d’aiguillette.
flocage ou flockage [flɔkaʒ] n. m. (de
l’angl. flock, bourre, laine, drap effiloché,
empr. de l’anc. franç. floc [v. FLOC 2] ; milieu
du XXe s. [flocage, « façon qu’on donne aux
bonnets orientaux, en attachant un flocon
de soie au sommet » — 1865, Littré — est un
dér. de floc 2]). Application de fibres plus
ou moins longues de coton, de rayonne, de
Nylon ou de laine sur un support (papier
ou autre) recouvert d’un adhésif. (On dit
aussi FLOCONNAGE.)

1. floche [flɔʃ] adj. (gascon floche,


flasque, insuffisamment tendu [XVIe s.], lat.
fluxus, fluide, lâche, frêle, faible, de fluxum,
supin de fluere, couler, s’écouler, se relâ-
cher, s’amollir ; début du XVIIe s., Chronique
bordeloise [écrit floche], au sens 1 ; sens 2,
1611, Cotgrave [écrit flosche ; floche, 1829,
Boiste]). 1. Vx ou littér. Mou, flasque, sans
consistance : Le natif l’emporte sur l’acquis
[...], la naturelle étoffe reparaît, qui se tient,
d’après le tissu, raide ou floche (Gide). Je
faisais un pas, pris d’une curiosité ardente,
sentant le secret de cette vie offert, floche et
sans défense, dans ce fauteuil (Proust). Les
jambes floches, Me Élisée Jullauforie se diri-
gea vers la porte de l’étude (Chérau). ‖ 2. Fil
floche, soie floche, fil, soie de faible torsion :
Il portait le tarbouch de feutre rouge, inondé
par-derrière d’une longue houppe de soie
floche bleue (Gautier).

& n. f. (XXe s.). Sorte d’organsin à deux


bouts très forts.

2. floche [flɔʃ] n. f. (de floc 2 ; 1300,


Godefroy, au sens de « flocon, chose
velue » ; 1822, P.-L. Courier, au sens de
« petit lambeau qui s’effile » ; sens 1, 1857,
Flaubert ; sens 2, fin du XIXe s., A. Daudet).
1. Petite houppe qui sert d’ornement,
notamment dans le costume : Elle cares-
sait les floches rouges d’un écran japonais
(Flaubert). M’attendant toujours à y voir
les petites floches de drap bleu dont sont
faits les uniformes prussiens (Daudet).
‖ Spécialem. Gland du bonnet de police

des soldats belges. ‖ 2. Par anal. Touffe


de poils : Robert de Nord, un grand vieux
mince aux lèvres ironiques entre deux lon-
gues floches de favoris blancs (Daudet).
‖ Flocon : « Vous voyez bien que ce jeune
homme est fou ! » s’écrie-t-il en montrant
le Suédois, déjà parti à grandes enjambées
sous les floches de neige que le vent com-
mence à chasser de toutes parts (Daudet).

flockage n. m. V. FLOCAGE.
flock-book [flɔkbuk] n. m. (mot angl., de
flock, troupeau [de moutons, de chèvres,
d’oies], et de book, livre ; 1922, Larousse).
Livre généalogique des moutons de race.
• Pl. des FLOCK-BOOKS.

flocon [flɔkɔ̃] n. m. (de floc 2 ; XIIIe s.,


Roman de Renart, au sens 1 ; sens 2, début
du XVIIe s.). 1. Petite touffe de laine, de
soie, de coton : Les brebis s’en vont dans
la neige | Flocons de laine et ceux d’argent
(Apollinaire). ‖ 2. Petit amas d’une subs-
tance peu dense, en particulier de neige :
La neige que la bise [...] fouette en flocons
blancs (Lamartine). Les flocons de sueur
qui moussent sur sa peau (Leconte de Lisle).
Parfois un nuage passe, flocon blanc (Gide).
• SYN. : 1 floche, houppe, houppette.

& flocons n. m. pl. (sens 1, XXe s. ; sens 2,


1835, Acad.). 1. Grains de céréales réduits
en lamelles : Flocons d’avoine, de maïs.
‖ 2. Corps légers que certains malades
croient voir voltiger devant leurs yeux,
ou qui flottent réellement à l’intérieur du
corps vitré.

floconnage n. m. V. FLOCAGE.

floconnant, e [flɔkɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de floconner ; fin du XIXe s.,
A. Daudet). Qui forme des flocons : Une
nuit tiède enveloppait de brume floconnante
la plaine immense, où de hautes meules
mettaient des taches sombres et arrondies
(Daudet).

floconné, e [flɔkɔne] adj. (de flocon ;


av. 1872, Th. Gautier). Garni de flocons
ou de ce qui ressemble à des flocons : Le
front légèrement découvert, et floconné de
petites boucles de cheveux blonds très fins
(Gautier). Certains ciels d’un bleu verdi
de turquoise, floconnés de nuées rousses
(Huysmans).

floconnement [flɔkɔnmɑ̃] n. m. (de flo-


conner ; 1874, A. Daudet, aux sens 1-2). 1. Le
fait de former des flocons ; état de ce qui
floconne : Le brouillard planait immaculé,
en nappes nombreuses, avec des légèretés
et des floconnements de ouate (Daudet).
Un lent floconnement de duvet (Genevoix).
‖ 2. Fig. et littér. État de ce qui, par son
aspect, évoque des flocons : Frantz, sans
oser la regarder elle-même, suivait les mou-
vements de son ombrelle doublée de bleu,
le floconnement de sa robe (Daudet). Le
floconnement argenté des champs d’oliviers
(Bourget).

floconner [flɔkɔne] v. intr. (de flocon ;


1881, A. Daudet [v. attesté aussi au XVe s.,
au sens de « fabriquer — un habit — d’une
étoffe velue »]). Former des flocons, ou
prendre l’aspect de flocons : Des milliers
de corolles neigeuses floconnaient et trem-
blaient sur leur queue grêle (R. Bazin). Une
barbe blonde qui floconnait plus bas que son
estomac (Farrère). D’inépuisables élans de
nuages [...] floconnèrent, déjà printaniers
(Audiberti).

floconneux, euse [flɔkɔnø, -øz] adj.


(de flocon ; 1802, Flick). Qui forme des
flocons ; qui présente l’aspect de flocons :
Quand on le menait aux offices, ses yeux,
fixés sur la partie non colorée des vitraux,
voyaient sans cesse les nuages floconneux
du ciel se transformer en rideaux et en oreil-
lers blancs, sur lesquels reposaient des têtes
d’enfants, souffrants, pleurants, mourants
(Baudelaire). À travers la souple et flocon-
neuse étoffe de son complet, il respirait le
bien-être par tous les pores (Gide).

floculation [flɔkylasjɔ̃] n. f. (de floculer ;


1922, Larousse). En termes de chimie, coa-
gulation de certaines solutions colloïdales
sous forme de flocons : Un examen comme
celui que tu m’as demandé se réglera par une
prise de liquide, une floculation dans un
tube (Romains). ‖ Réactions de floculation,
réactions physico-chimiques destinées à
diagnostiquer certaines maladies, dont la
syphilis.

floculer [flɔkyle] v. intr. (du bas lat. floc-


culus, petit flocon, dér. du lat. class. floccus
[v. FLOC 2] ; 1911, Larousse). Précipiter sous
forme de flocons, en parlant de solutions
colloïdales.

floculeux, euse [flɔkylø, -øz] adj. (de


floculer ; milieu du XXe s.). Se dit d’un pré-
cipité ayant l’apparence de flocons.

flon, flon [flɔ̃flɔ̃] onomatop. (1680,


Richelet). Mot sans signification précise,
qu’on trouve dans certains refrains : Flon,
flon, flon, larira dondaine, | Gai, gai, gai,
larira dondé.

& flonflon n. m. (sens 1, 1697, Gherardi ;


sens 2, 1872, Larousse). 1. Fam. Refrain
de chanson populaire, de vaudeville,
d’opérette, et musique qui s’y rapporte :
Les flonflons d’Offenbach. Ou vous trou-
vez-vous obligé de composer des flonflons
pour payer le convoi de votre maîtresse ?
(Balzac). Son aînée fredonnait des flonflons
à un petit théâtre de faubourg (Baudelaire).
‖ 2. Fam. Accents, airs bruyants de cer-
taines musiques populaires (généralement
au plur.) : Et tandis que les flonflons de la
musique foraine éclataient sur la place...
(Le Roy). Des flonflons s’entendaient au
loin, avec les dernières pétarades du feu
d’artifice (L. Daudet). Au-dessus des flon-
flons vagues de la musique, il entendit
l’applaudissement dont on saluait le tau-
reau traîné hors de l’arène (Montherlant).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1941

flonger [flɔ̃ʒe] v. intr. (origine inconnue ;


fin du XIXe s.). Pop. Tituber : Elle se mit à
ronfler de fatigue, en duo avec l’âne qui
dormait debout, flongeant sur ses jambes
flageolantes (Richepin).

flopée [flɔpe] n. f. (part. passé fém. subs-


tantivé de floper, battre [1846, Sainéan,
Sources], v. qui dérive de *feluppa, var. du
bas lat. faluppa, brin de paille, chose sans
valeur [v. ENVELOPPER, ENVELOPPE] ; milieu
du XIXe s., au sens 1 ; sens 2, 1867, Delvau).
1. Pop. Volée de coups (vieilli) : Il a reçu une
de ces flopées ! ‖ 2. Pop. Grande quantité :
Toute la flopée des mioches suivait en ordre
(Zola).

• REM. On trouve parfois la graphie


FLOPPÉE : La floppée des voyageurs roulait
dans un nuage de charbon et de poudre
(Huysmans).

floquet [flɔkɛ] n. m. (de floc 2 ; 1596,


Hulsius, au sens de « touffe de cheveux » ;
sens actuel, 1870, Goncourt). Petite
houppe : Elle venait de se faire coudre aux
manches de sa robe de petits floquets de
rubans bleus (Goncourt). [Le chat] était
énorme, commun et pourtant bizarre [...],
avec çà et là de petits floquets blancs tels
que ces peluches qui voltigent sur les tisons
morts (Huysmans).

floraison [flɔrɛzɔ̃] n. f. (réfection [d’après


le lat. flos, floris, fleur] de floroison, flori-
son, floraison [XIIIe s.], fleuraison [v. 1600,
Malherbe], fleurison [1704, Trévoux],
directement dér. de flor, fleur [v. FLEUR
1] ; 1731, Dict. général, aux sens 1-2 ; sens
3, 1883, A. Daudet ; sens 4, av. 1850, Balzac ;
sens 5, milieu du XIXe s., Baudelaire).
1. Développement et épanouissement
des fleurs : Un verger en pleine floraison.
Certains rosiers ont plusieurs floraisons.
‖ 2. Temps où les plantes fleurissent : Nous
sommes encore éloignés de la floraison.
‖ 3. Fam. et ironiq. État d’une personne
qui a des éruptions de la peau : Elle est
en floraison et nous ferait perdre trop de
temps (Daudet). ‖ 4. Ce qui a l’aspect de
fleurs épanouies : Comme les floraisons
de la gelée se prennent à des brins de paille
suspendus par le vent à la marge d’une
fenêtre (Balzac). Ces prodigieuses florai-
sons de l’Océan, si rarement aperçues par
l’oeil humain (Hugo). ‖ 5. Fig. Naissance,
apparition simultanée d’un grand nombre
de personnes ou de choses remarquables :
Floraison de poètes, d’oeuvres d’art. Le pla-
fond disparaissait sous une floraison de jou-
joux qui pendaient comme des stalactites
merveilleuses (Baudelaire). Si dans ce salon
tant d’ambitions intellectuelles et même
de nobles efforts avaient été enterrés pour
jamais, du moins, de leur poussière, la plus
rare floraison de mondanité y avait pris
naissance (Proust).

floral, e, aux [flɔral, -o] adj. (lat. floralis,


de fleur, de flos, floris [v. FLEUR 1] ; 1549,
J. Du Bellay, au sens II [dans jeux Floraux,

v. ci-après] ; sens I, 1, milieu du XVIIIe s. ;


sens I, 2, 1872, Larousse ; sens I, 3, début
du XXe s.).

I. 1. Qui appartient à la fleur : Organes


floraux. Enveloppes florales. ‖ 2. Qui a
rapport aux fleurs : Exposition florale.
‖ 3. Littér. Qui fait penser aux fleurs : Ce
que le bleu peut avoir de flatteur et de flo-
ral (Romains).

II. Jeux Floraux, concours poétique


annuel, fondé à Toulouse au début du
XIVe s. — par le Consistori del Gai Saber
(Consistoire du Gai Savoir, devenu en
1694 Académie des jeux Floraux), groupe
de poètes désireux de maintenir les tra-
ditions du lyrisme courtois — et dont
les lauréats étaient récompensés par des
fleurs d’or ou d’argent.

1. floralies [flɔrali] n. f. pl. (lat. Floralia,


n. neutre plur., fêtes en l’honneur de Flore,
de Flora [v. FLORE] ; 1842, Acad.). Fêtes
en l’honneur de la déesse Flore, qui se
célébraient au printemps, dans la Rome
antique.
2. floralies [flɔrali] n. f. pl. (lat. floralia
[loca, lieux], « parterre de fleurs », neutre
plur. de l’adj. floralis [v. FLORAL] ; 1875,
d’après Littré, 1877). Exposition horticole
où l’on présente les plus beaux spécimens
de fleurs : Les floralies quinquennales de
Gand. Les floralies de Vincennes.

flore [flɔr] n. f. (lat. scientif. moderne


flora, flore [XVIIe s.], de Flora, n. lat. de la
déesse des Fleurs ; 1777, Lamarck, aux sens
1-2 ; sens 3, milieu du XXe s.). 1. Ensemble
des plantes et des arbres qui croissent dans
une région plus ou moins étendue : Le soleil
sous la mer [...] | Éclaire la forêt des coraux
abyssins, | Qui mêle, aux profondeurs de
ses tièdes bassins, | La bête épanouie et la
vivante flore (Heredia). Étudier la flore et
la faune d’un pays. La flore alpestre, des
régions tempérées. ‖ 2. Ouvrage donnant la
liste et la description de ces plantes, de ces
arbres, ainsi que des tableaux permettant
la détermination des espèces : « La Flore de
Madagascar » a été publiée sous la direction
du professeur Humbert. Anna [...] m’appe-
lait pour me faire remarquer telle particu-
larité des étamines ou je ne sais quoi dont
ne parlait pas sa « flore » et qu’avait signalé
M. Bureau (Gide). ‖ 3. Flore microbienne,
ensemble des micro-organismes vivant,
à l’état normal ou pathologique, sur les
tissus ou dans les cavités naturelles de
l’organisme : La flore intestinale.

• SYN. : 1 végétation.

floréal [flɔreal] n. m. (dér. savant du lat.


floreus, de fleurs, couvert de fleurs, de flos,
floris [v. FLEUR 1] ; 1793, Fabre d’Églantine).
Huitième mois du calendrier républicain,
commençant le 20 ou le 21 avril et finissant
le 19 ou le 20 mai : La flotte venait d’appa-
reiller depuis le 30 floréal an VI (Vigny).

florée [flɔre] n. f. (de flor, forme anc. de


fleur 1 [v. ce mot] ; début du XIVe s. [var.
fleurée, 1723, Savary des Bruslons]). Indigo
de qualité inférieure : Peintes de beau vert-
gai, fait d’orpin et de florée fine (Hugo).

florence [flɔrɑ̃s] n. f. (du n. de Florence,


v. d’Italie où ces produits ont d’abord été
fabriqués ; 1732, Trévoux, au sens 1 [sans
doute abrév. de taffetas de Florence] ;
sens 2, 1907, Larousse [crin de Florence,
1922, Larousse]). 1. Sorte de toile de soie :
Des douillettes à la lapone en florence et en
sicilienne (France). ‖ 2. Florence, ou crin de
Florence, crin très résistant servant pour
la pêche à la ligne.
florencé, e [flɔrɑ̃se] adj. (de Florence, n.
d’une ville d’Italie ; XVIe s., Godefroy). En
héraldique, se dit d’une fleur de lis ornée
de rinceaux et de boutons, comme celle
des armes de Florence.

florentin, e [flɔrɑ̃tɛ̃, -in] adj. et n. (de


Florence, n. d’une ville d’Italie ; XVIe s. [bai-
ser à la florentine, baiser florentin, v. 1860,
Delvau ; récipient florentin, XXe s.]). Qui
est relatif ou qui appartient à Florence ;
habitant ou originaire de cette ville : J’ai
rêvé d’Orient, de lumières, | De pavés floren-
tins où traîner des rapières (Samain). École
florentine. Citoyens florentins. ‖ Baiser
florentin, baiser d’amour qui met en
contact lèvres et langues : Amour vos bai-
sers florentins | Avaient une saveur amère
| Qui a rebuté nos destins (Apollinaire).
‖ Récipient florentin, carafe dont le col se
rétrécit par le haut, et à la base duquel est
disposé un bec recourbé qui s’élève le long
du corps de la carafe.

& florentin n. m. (sens 1, fin du XIXe s. ;


sens 2, 1930, Larousse). 1. Dialecte ita-
lien parlé à Florence, le plus proche de la
langue littéraire italienne. ‖ 2. Gâteau aux
amandes qui se prépare à Florence.

& florentine n. f. (sens 1, 1666, Gay ; sens


2, 1872, Larousse). 1. Satin façonné, qui fut
d’abord fabriqué à Florence. ‖ 2. Serge de
Rome faite de laine peignée, travaillée à la
façon du basin.

florès [flɔrɛs] n. m. (probablem. latini-


sation [qui s’est produite dans l’argot des
écoliers et des étudiants] du provenç. faire
flori, être dans un état de prospérité [où
flori vient du lat. floridus, fleuri, couvert de
fleurs, dér. de flos, floris, v. FLEUR 1] ; 1638,
Richelieu, au sens de « faire une dépense
d’éclat, manifester sa joie avec éclat » ; sens
actuel, milieu du XVIIe s., La Curne). Usité
seulement dans la loc. faire florès, briller,
avoir un gros succès dans le monde, réussir
brillamment : Je vous trouve joli comme
un Amour ! Vous allez faire florès à Rouen
(Flaubert).

floribond, e [flɔribɔ̃, -ɔ̃d] adj. (dér. savant


du lat. flos, floris, fleur [v. FLEUR 1], sur le
modèle d’adj. en -bond, comme furibond,
pudibond, etc. ; 1871, d’après Littré, 1877).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1942

Se dit d’un végétal à floraison abondante.

(On dit aussi FLORIFÈRE.)

floricole [flɔrikɔl] adj. (de flori-, élément


tiré du lat. flos, floris [v. FLEUR 1], et de
-cole, du lat. colere, cultiver, soigner, habi-
ter ; 1842, Acad.). Qui vit sur les fleurs :
Insecte floricole.

floriculture [flɔrikyltyr] n. f. (de flori- [v.


l’art. précéd.] et de culture ; 1872, Larousse).
Branche de l’horticulture qui s’occupe de
la culture des plantes à fleurs et, plus géné-
ralement, des plantes d’ornement.

floridées [flɔride] n. f. pl. (dér. savant du


lat. floridus, fleuri, couvert de fleurs [de
flos, floris, v. FLEUR 1], à cause de l’aspect
de ces algues ; 1827, Acad.). Sous-classe
d’algues marines contenant un pigment
rouge, qu’on a pu comparer à des fleurs.
(Syn. ALGUES ROUGES, RHODOPHYCÉES.)

florifère [flɔrifɛr] adj. (lat. florifer, qui


porte des fleurs, de flos, floris [v. FLEUR
1], et de ferre, porter ; 1783, Bergeret, aux
sens 1-2). 1. Qui porte des fleurs : Rameaux
florifères. ‖ 2. Qui donne beaucoup de
fleurs : Les massifs qui entouraient la mai-
son n’étaient pas très florifères (Theuriet).
• SYN. : 2 floribond.

florilège [flɔrilɛʒ] n. m. (lat. moderne


florilegium, formé, avec flos, floris [v. FLEUR
1], sur le modèle du lat. class. spicilegium,
glanage [de spica, épi, et de legere, ramasser,
recueillir], qui, aux XVIIe et XVIIIe s., était
parfois employé pour désigner des recueils
d’actes ou de documents [v. SPICILÈGE] ;
1704, Trévoux, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Recueil de morceaux choisis d’oeuvres
littéraires. ‖ 2. Sélection de choses belles
et remarquables : Florilège de musique
ancienne.

• SYN. : 1 anthologie, chrestomathie, mor-


ceaux choisis, sélection, spicilège.

florin [flɔrɛ̃] n. m. (francisation de l’ital.


fiorino, dér. de fiore, fleur, de même ori-
gine que le franç. fleur 1 [le florin d’or
de Florence, dès le XIIIe s., était orné des
fleurs de lis qui figuraient sur les armes
de la ville] ; 1316, Maillart, écrit flourin
[florin, v. 1360, Froissart], au sens 1 ; sens
2, 1748, Montesquieu [en GrandeBretagne,
1872, Larousse]). 1. Autref. Monnaie d’or
de Florence, qui fut imitée ensuite dans
divers pays, notamment en France, soit
en or, soit en argent : Jetant dans le bas-
sin un florin d’argent qui retentit parmi
les liards (Hugo). ‖ 2. Auj. Aux Pays-Bas,
unité monétaire principale, divisée en 100
cents. ‖ En GrandeBretagne, pièce de 2
shillings.

floripare [flɔripar] adj. (bas lat. floripa-


rus, qui enfante des fleurs [de flos, floris,
fleur, et de parere, enfanter, faire naître,
engendrer, procurer], ou dér. franç. de flori-
[v. FLORICOLE] et de -pare [du lat. parere] ;

1865, Littré). Se dit des bourgeons qui ne


produisent que des fleurs.

florir [flɔrir] v. intr. (forme anc. de fleu-


rir [v. ce mot] ; fin du XIIe s., Châtelain de
Coucy [rare depuis la fin du XVIe s.]). [Conj.
7.] Prospérer (rare aux formes autres que
l’imparf. de l’indic. et le part. prés.) : Ce
n’est pas une raison pour que l’art, cette
chose éternelle, ne continue pas de ver-
doyer et de florir (Hugo). En ces temps où
du Christ florissaient les semailles, | Plus
d’un illustre moine [...] | Glorifiait la Mort
avec simplicité (Baudelaire).

• REM. V. FLEURIR.

florissant, e [flɔrisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de florir ; XIIIe s., Godefroy, écrit flourissant
[florissant, v. 1530, C. Marot], au sens 1
[var. fleurissant, fin du XVIe s., Brantôme] ;
sens 2, 1849, Raspail). 1. Qui est dans un
état de pleine prospérité : Un commerce flo-
rissant. Point d’État florissant sans liberté
(Girardin). ‖ 2. Qui annonce une brillante
santé : Mine florissante.

• SYN. : 1 actif, prospère ; 2 beau, éclatant,


resplendissant.

• REM. V. FLEURIR.

flosculeux, euse [flɔskylø, -øz] adj. (du


lat. flosculus, fleur jeune et tendre, tête des
fruits, dimin. de flos [v. FLEUR 1] ; 1792,
Dict. général). Se dit d’une fleur composée
qui ne renferme que des fleurons.

1. flot [flo] n. m. (francique *flot-, le fait


de monter [en parlant de la mer], de couler
rapidement, de pousser ; v. 1175, Chr. de
Troyes, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1669, Boileau ;
sens I, 3, 1804, Delille ; sens I, 4, 1662,
Corneille [flots de sang ; flots d’encre, de
bile, 1835, Acad.] ; sens I, 5, XIVe s., Gi rart de
Roussillon ; sens I, 6, 1645, Tristan l’Her-
mite ; sens II, 1, 1690, Furetière [mettre... à
flot] ; sens II, 2-3, 1845, Bescherelle).

I. 1. Toute masse liquide plus ou moins


agitée de mouvements en sens divers ;
vague : La Manche étant une quasi-Mé-
diterranée, la vague est courte et violente,
le flot est un clapotement (Hugo). Le vieux
fleuve alangui roule des flots de plomb
(Heredia). ‖ 2. Poét. La mer (au plur.) : Ô
flots, que vous savez de lugubres histoires !
(Hugo). ‖ 3. Ce qui flotte, ondoie : Les
flots d’une chevelure. Une veste de drap
[...] laissant déborder entre elle et le haut-
de-chausses un flot de linge fin (Gautier).
‖ 4. Quantité abondante d’un liquide
quelconque versé : Ce fut une crise de
larmes, un flot amer que rien ne pouvait
arrêter ni tarir (Daudet). ‖ Fig. Faire cou-
ler des flots d’encre, donner matière à de
nombreux écrits : La question de la grâce
a fait couler des flots d’encre. ‖ Fig. Déver-
ser des flots de bile, se livrer à de violentes
invectives contre quelqu’un ou quelque
chose. ‖ 5. Fig. Masse importante de per-
sonnes en mouvement : Un flot épouvanté
d’hommes et de chevaux refluait, roulait

vers la ville (Zola). Un flot inaccoutumé


de promeneurs (Proust). ‖ 6. Fig. Masse
de choses de toute espèce, rappelant par
son importance l’abondance des flots :
Flots de paroles. Il est des nuits d’orage
où le flot des idées [...] | Roule avec trop de
pente et trop d’emportement (Lamartine).
Des flots d’azur, des flots de nuit, des flots
d’aurore (Hugo). Des étoffes merveilleuses
que le premier épicier venu aurait pu com-
mander et obtenir à flots d’or (Balzac).
Après avoir répandu des flots de poésie
orientale (Daudet).

II. 1. État de ce qui flotte (dans quelques


expressions). ‖ Remettre un bateau à flot,
le déséchouer ou le renflouer. ‖ Mettre
du bois à flot, le jeter dans une rivière
afin qu’il soit transporté par le courant.
‖ 2. Fig. Être à flot, cesser d’être aux
prises avec des difficultés. ‖ 3. Mettre, re-
mettre quelqu’un à flot, lui fournir l’aide
qui lui permet de réussir, de sortir d’une
situation difficile, critique.

• SYN. : I, 1 onde ; 3 bouillonnement, ondu-


lation, vague ; 4 fleuve, ruisseau, torrent ; 5
essaim, foule, marée, nuée, volée ; 6 afflux,
avalanche, déluge, flux, grêle, pluie.
& À flot ou à flots loc. adv. (1690, Furetière).
Abondamment (au pr. et au fig.) : L’eau des
terrasses ruisselle à flot de ces tuiles vernies
(Tharaud). Et le jour entrant à flots par la
fenêtre ouverte, ce furent des exclamations
devant le beau lit en acajou (Daudet).

2. flot [flo] n. m. (anc. scand. flod, marée


montante ; v. 1138, Gaimar, écrit flod ;
v. 1155, Wace, écrit flo ; flot, v. 1180, Aiquin).
La marée montante, le flux : L’heure du flot.

3. flot [flo] n. m. (var. de floc 2 [v. ce mot] ;


1680, Richelet, au sens de « petite houppe de
laine, de soie, employée comme ornement
des têtières de cheval, etc. » ; sens actuel,
XXe s.). Ensemble de rubans aux couleurs de
la société organisatrice, que l’on fixe près
de l’oreille droite au frontal des chevaux
classés dans les épreuves de jumping, lors
de la distribution des prix.

flottabilité [flɔtabilite] n. f. (de flottable ;


1856, Lachâtre). Propriété que possèdent
certains corps de rester insubmersibles.
‖ Spécialem. Force résultant de la pous-
sée de l’eau, subie par le volume immergé
d’un corps, opposée au poids total de ce
même corps. ‖ Réserve de flottabilité,
quantité exprimée par le volume émergé
de la coque d’un navire et qui donne la
mesure de l’accroissement de poids qu’il
peut encore supporter sans sombrer.

flottable [flɔtabl] adj. (de flotte 1 et de


flotter 1 ; 1572, Godefroy, au sens 2 [de
flotte 1] ; sens 1 [de flotter 1], 1865, Littré).
1. Qui peut flotter : Bois flottables. ‖ 2. Qui
permet le flottage de trains de bois ou de
radeaux : Une rivière flottable.

flottage [flɔtaʒ] n. m. (de flotter 1 et de


flotte 1 ; 1446, Godefroy, écrit flotaige, au
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1943

sens de « action de dériver l’eau des rivières


dans les prés » [de flotter 1] ; écrit flottage,
au sens 1 [de flotter 1], 1611, Cotgrave ;
Sens 2 [de flotter 1], 1721, Trévoux ; sens 3
[de flotter 1], 1922, Larousse). 1. Action de
flotter : L’ingénieur qui, le premier, attacha
au bâtiment coulé à fond un appareil de
flottage (Maeterlinck). ‖ 2. Transport des
bois par les cours d’eau, sur lesquels on les
laisse flotter au gré du courant : Trois ou
quatre belles bûches encore humides d’un
long flottage en haute Seine (Daudet).
‖ 3. En métallurgie, opération consistant
à séparer les minerais de la plus grande
partie de leur gangue par le procédé de
la flottation.

flottaison [flɔtɛzɔ̃] n. f. (de flotter 1 et de


flotte 1 ; 1446, Godefroy, écrit flotaison, au
sens de « action de dériver l’eau des rivières
dans les prés » [de flotter 1] ; écrit flottaison,
au sens I [de flotter 1], 1691, Ozanam [« par-
tie d’un bâtiment qui est à fleur d’eau » ;
ligne de flottaison, 1797, Gattel ; ligne de
flottaison en charge, ... lège, XXe s.] ; sens II,
1 [de flotte 1], 1752, Trévoux ; sens II, 2 [de
flotter 1], début du XXe s. ; sens III, XXe s.).

I. Limite qui, dans un corps flottant sur


une eau tranquille, sépare la partie im-
mergée de celle qui émerge. ‖ Spécialem.
Ligne de flottaison d’un navire, ou sim-
plem. flottaison, intersection du niveau
de l’eau avec la coque : La muraille entière,
des bastingages à la flottaison, n’était plus
qu’une dentelle de bois (Farrère). ‖ Ligne
de flottaison en charge, intersection du
niveau de l’eau avec la coque d’un navire
portant la charge maximale autorisée.
‖ Ligne de flottaison lège, celle qui cor-
respond à un navire sans chargement, ni
eau, ni combustible.

II. 1. Train de bois acheminé par flottage


(rare) : Les radeaux sont aux anciennes
grandes flottaisons du Rhin ce qu’une
chaloupe est à un vaisseau à trois ponts
(Hugo). ‖ 2. État de ce qui flotte (rare) :
Irradiée par des centaines de lignes en flot-
taison comme des bouées transparentes
(Hervieu).

III. En termes financiers, syn. de FLOT-


TEMENT (au sens 4).

flottant, e [flɔtɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de flotter 1 ; milieu du XVIe s., aux sens 2
et 6 ; sens 1, 1690, Furetière ; sens 3, 1948,
Larousse ; sens 4, 1580, Montaigne ; sens
5, 1826, Mozin). 1. Qui flotte, est en train
de flotter sur l’eau : Je fus bercé au souvenir
des glaces flottantes (Renan). Des épaves
flottantes. Des mines flottantes. ‖ Ancre
flottante, flotteur composé d’un cône en
toile maintenu ouvert, et qui constitue
par sa résistance un point fixe en pleine
mer. ‖ 2. Qui ondule au gré du vent :
Un drapeau flottant. ‖ Par extens. Qui
ondoie, qui retombe avec souplesse : Une
crinière flottante. Un énorme foulard [...]
enveloppait sa tête admirable en manière

de turban, dont une extrémité restait


flottante (Gide). ‖ 3. Spécialem. Moteur
flottant, bloc-moteur monté sur le châssis
par l’intermédiaire de supports élastiques
qui permettent de légers déplacements et
empêchent ainsi les vibrations du moteur
de se communiquer à l’ensemble du véhi-
cule. ‖ 4. Qui a quelque chose de mal
assuré, d’incertain : Les gens marchaient
d’un pas flottant, les yeux encore pleins de
rêve (Sartre). ‖ 5. Dette flottante, portion
de la dette publique qui n’est pas consoli-
dée et qui, par suite, est susceptible à tout
moment d’augmenter ou de diminuer selon
les besoins du Trésor. ‖ Monnaie flottante,
monnaie dont le cours de change n’est pas
fixé intentionnellement. ‖ 6. Fig. Qui ne
s’accroche à rien de précis, qui ne peut
se fixer : Les flottantes songeries d’une
tête un peu ébranlée (Goncourt). Peu à
peu ses membres s’engourdirent, sa pen-
sée s’assoupit, devint incertaine, flottante
(Maupassant). Une de ces impressions flot-
tantes dont son extrême sensibilité avait
enregistré le message sans le bien traduire
(Martin du Gard). ‖ Caractère, esprit
flottant, qui hésite sans cesse, change
constamment d’avis.

• SYN. : 2 ondoyant, ondulant ; 4 chance-


lant, hésitant, vacillant ; 6 confus, flou,
fluctuant, indécis, mobile, mouvant, vague,
vaporeux ; changeant, instable, velléitaire,
versatile. — CONTR. : 4 assuré, ferme, solide ;
6 fixe, précis, sûr ; constant, inébranlable,
résolu, stable.

& flottant n. m. (1930, Larousse). Partie des


titres d’une émission d’actions ou d’obli-
gations qui n’a pu être placée.

flottard [flɔtar] n. m. (de flotte 1 ; 1880,


G. Esnault). Arg. scol. Élève préparant le
concours de l’École navale : Pendant les
récréations interminables où les pistons, les
taupins, les flottards pâlissaient sur leurs
cours [...], il leur rendait visite (Fabre).

flottation [flɔtasjɔ̃] n. f. (de flotter 1 ou


de l’angl. flotation, action de flotter, théorie
des corps flottants [lui-même dér. du franç.
flotter 1] ; 1930, Larousse). Procédé de
triage des corps finement broyés, utilisant
la différence de tension superficielle d’un
corps à l’autre lorsqu’ils sont dans l’eau.

1. flotte [flɔt] n. f. (anc. scand. floti,


flotte, radeau ; v. 1138, Gaimar, écrit flote
[flotte, 1530, Palsgrave], au sens 1 ; sens 2-3,
1835, Acad. ; sens 4, 1945, G. Esnault ; sens
5, 1932, Acad.). 1. Réunion de bâtiments
naviguant ensemble : La flotte du capitan-
pacha était mouillée de l’autre côté du golfe
(Chateaubriand). La VIe flotte américaine.
‖ 2. Ensemble des navires appartenant à
une compagnie, à un pays : La flotte des
Chargeurs réunis. ‖ 3. Ensemble des bâti-
ments de guerre d’une nation : La flotte
britannique. L’amiral de la flotte. ‖ 4. Arg.
scol. Classe préparatoire au concours d’en-
trée à l’École navale. ‖ 5. Flotte aérienne,

formation d’avions de bombardement, de


chasse ou de reconnaissance, comprenant
plusieurs escadres.

2. flotte [flɔt] n. f. (du lat. fluctus, lame,


vague, flot, agitation, trouble, de fluere,
couler, s’écouler ; 1080, Chanson de Roland,
écrit flote [flotte, v. 1495, Roman de Jean de
Paris], au sens 1 ; sens 2, début du XVe s.).
1. Fam. Grande quantité de personnes
(vieilli) : Il n’y en a pas des flottes qui aient
eu cette idée-là (Donnay). ‖ 2. Écheveau de
soie faisant partie d’une pantine : Et la soie
filée [...] tressée en flottes (Farrère).

3. flotte [flɔt] n. f. (déverbal de flotter 1 ;


XIIIe s., au sens de « vague, flot » ; XVIe s., au
sens de « inondation » ; 1883, G. Esnault,
au sens de « bain » ; sens actuels, 1886,
G. Esnault). Pop. Eau : Piquer une tête dans
la flotte. Boire de la flotte. ‖ Spécialem. et
pop. Pluie : Il tombe de la flotte.

4. flotte [flɔt] n. f. (déverbal de flotter 1 ;


1397, Godefroy, au sens de « rondelle métal-
lique qu’on place entre la tête du boulon
et la pièce à serrer » ; sens I, 1838, Acad. ;
sens II, XVIe s. [« bouée... », 1835, Acad.]).

I. En charronnerie, rondelle de fer battu


que l’on place entre l’épaulement de l’es-
sieu et la roue, et sur laquelle s’exerce le
frottement.

II. Morceau de liège maintenant soit un


filet, soit une ligne de pêcheur à fleur
d’eau. ‖ Bouée ou barrique qui soutient
un câble à la surface de l’eau.

flotté, e [flɔte] adj. (part. passé de flotter


1 ; 1611, Cotgrave). Bois flotté, bois trans-
porté par flottage.

flottement [flɔtmɑ̃] n. m. (de flotter 1 ;


début du XIVe s., au sens de « mouvement
des flots » ; sens 1, v. 1380, Aalma ; sens 2,
1756, Encyclopédie ; sens 3, 1801, Mercier ;
sens 4, XXe s.). 1. Mouvement imprimé
à quelque chose qui flotte, qui ondoie,
ondule mollement : Le flottement d’un dra-
peau. ‖ Mouvement incontrôlé des roues
directrices d’un véhicule, répété succes-
sivement d’un côté et de l’autre : Un pneu
crevé entraîne le flottement dans la direc-
tion d’une automobile. ‖ 2. Ondulation
ou mouvement discordant dans les rangs
d’une colonne qui défile, d’une troupe qui
avance : Il y a du flottement dans les rangs.
‖ 3. Fig. Mouvement d’hésitation : On per-
cevait un certain flottement dans l’assis-
tance. ‖ Manque de netteté, imprécision
due à des variations : Une analyse qui fait
apparaître les flottements de la pensée d’un
philosophe. ‖ 4. Variations de cours d’une
monnaie qui flotte.

• SYN. : 1 ondoiement, ondulation ; 3 fluc-


tuation, incertitude, indécision.

1. flotter [flɔte] v. intr. (de flot 1 ; 1080,


Chanson de Roland, écrit floter [flotter,
v. 1360, Froissart], au sens 1 ; sens 2 et 4,
v. 1200, Bueve de Hantone ; sens 3, 1835,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1944

Acad. ; sens 5, av. 1850, Balzac ; sens 6, 1859,


V. Hugo ; sens 7, début du XXe s. [« être
indécis », 1580, Montaigne] ; sens 8, 1971).
1. Être porté sur une surface liquide : Une
seule arche flotte à la surface du cataclysme
(Hugo). Je vis la foule s’empresser, se pen-
cher [...], désigner, dans l’eau limoneuse du
fleuve, un petit objet qui flottait (Gide).
‖ 2. Ondoyer, être porté de-ci, de-là, au
gré du vent : Les grands voiles flottent sus-
pendus aux cactus (Fromentin). Le rideau
de vitrage flottait au-dehors, soulevé par le
vent (Mauriac). ‖ 3. Être affecté d’un mou-
vement d’ondulation ou de mouvements
discordants, en parlant d’une colonne
qui défile ou d’une troupe au combat : Les
rangs se mettent à flotter. ‖ 4. Retomber
avec souplesse en ondulant mollement et
librement : Sa main sur ses chevaux lais-
sait flotter les rênes (Racine). Ses lanternes
enveloppées de longs crêpes flottant jusqu’à
terre avec je ne sais quelle grâce féminine
ondulante (Daudet). ‖ 5. Avoir trop d’am-
pleur, en parlant d’un vêtement : Leurs
personnes délicates sont perdues dans ces
vêtements larges, qui flottent comme autour
de petites marionnettes sans corps (Loti).
‖ Être trop à l’aise dans un vêtement trop
large, en parlant d’une personne : Flotter
dans un costume. ‖ 6. Être répandu, se
maintenir en suspension dans l’air : Les
souffles de la nuit flottaient sur Galgala
(Hugo). Tout flottait sans contours dans une
vapeur trouble (Gautier). Dans la cuisine
où flotte une senteur de thym (Samain).
‖ 7. Fig. Errer çà et là avec légèreté et per-
sistance : Il ne dépendait pas de ta volonté
que l’ombre de ce Rodolphe ne flottât autour
de notre lit (Mauriac). ‖ Vx et littér. Être
porté çà et là, être hésitant, indécis : Elle
flotte, elle hésite, en un mot elle est femme
(Racine). Les mille et une pensées entre les-
quelles il flottait (Balzac). Il flottait, incer-
tain, entre le oui et le non (Gautier). Tu me
parais flotter au souffle des circonstances
(Barrès). ‖ 8. En parlant de la monnaie,
ne pas avoir de cours de change fixe : Une
monnaie flotte lorsque sa valeur varie au
gré de l’offre et de la demande.

• SYN. : 1 nager, surnager ; 2 onduler, voler,


voltiger.

2. flotter [flɔte] v. tr. (de flotte 1, au sens


de « radeau » [v. 1268, É. Boileau] ; 1690,
Furetière, comme v. intr., au sens de « des-
cendre une rivière [en parlant du bois] » ;
comme v. tr., au sens 1, 1732, Liger [au
part. passé, dès 1611, Cotgrave] ; sens 2,
1865, Littré). 1. Flotter du bois, conduire
un train de bois au fil de l’eau ou aban-
donner le bois en vrac au courant d’une
rivière. ‖ 2. Flotter un câble, maintenir
une de ses extrémités à la surface de l’eau
à l’aide de bouées.

3. flotter [flɔte] v. impers. (de flotte 3 ;


1886, G. Esnault). Pop. Pleuvoir : Il a flotté
toute la journée.

flotteron [flɔtrɔ̃] n. m. (de flotter 1 ; 1771,


Duhamel du Monceau). Petit flotteur qui
maintient une ligne ou un filet.

1. flotteur [flɔtoer] n. m. (de flotte 1, au


sens du « radeau » [v. 1268, É. Boileau] ;
1415, Godefroy). Professionnel procédant
au transport du bois par flottage : Un
maître flotteur de Rüdersheim, appelé le
vieux Jung (Hugo).

2. flotteur [flɔtoer] n. m. (de flotter 1 ;


1832, Raymond, au sens 3 ; sens 1, 1865,
Littré ; sens 2, milieu du XXe s. [flotteur
en liège, 1930, Larousse] ; sens 4, 1922,
Larousse ; sens 5, 1901, Larousse ; sens 6,
1865, Littré [flotteur, « boule creuse qui,
flottant sur l’eau d’une chaudière à vapeur,
indique le niveau du liquide », 1836, Acad.] ;
sens 7, XXe s.). 1. Nom donné à un grand
nombre d’objets ou d’organes qui ont pour
fonction de flotter à la surface d’un liquide.
‖ 2. Flotteur à air d’un canot, comparti-
ments étanches remplis d’air, destinés à
rendre le canot insubmersible. ‖ Flotteur
en liège, ceinture qui borde souvent un
canot de sauvetage. ‖ 3. Petite pièce en
matériau léger, destinée à maintenir l’ha-
meçon à un niveau constant et à indiquer
les touches du poisson : Naturellement je
pêchais sans flotteur et sans plomb, plein
de mépris pour ces aide-niais qui ne servent
que d’épouvantails (Gide). ‖ 4. Flotteur en
catamaran, en aéronautique, chacune des
capacités en bois ou en métal léger, ayant
la forme allongée d’un canot à fond plat,
fixées sous le fuselage de l’hydravion et lui
permettant de quitter l’eau ou de s’y poser.
‖ 5. Flotteur de carburateur, pièce destinée
à maintenir constant le niveau de l’essence
dans la cuve du carburateur. ‖ 6. Flotteur
d’alarme, boule creuse flottant sur l’eau
d’une chaudière et actionnant un sifflet
quand le niveau baisse. ‖ 7. Cavité remplie
de gaz, qui permet à une plante aquatique
de flotter à la surface de l’eau ou de s’y tenir
verticalement.

• SYN. : 3 bouchon, flotte.

flottille [flɔtij] n. f. (esp. flotilla, dimin. de


flota, flotte, de même origine que le franç.
flotte 1 [v. ce mot] ; 1691, Boulan, au sens
de « escadre que le roi d’Espagne envoyait
dans certains ports de son domaine d’Amé-
rique » ; sens 1, 1835, Acad. ; sens 2, 1802,
Flick ; sens 3, 1932, Acad.). 1. Autref.,
armée navale composée de bâtiments de
faible tonnage : La flottille de Boulogne.
‖ 2. Ensemble de bâtiments de petit ton-
nage : Je revois l’écriteau cloué au bout d’une
vergue : « Cornet, bateaux de louage », le
petit escalier qui s’enfonçait dans l’eau, tout
glissant et noirci de mouillure, la flottille
de petits canots fraîchement peints de cou-
leur vive... (Daudet). Une flottille de pêche.
‖ 3. Formation d’appareils de combat de
l’aéronavale : Une flottille d’hydravions.

flou, e [flu] adj. (lat. flavus, jaune, blond,


rougeâtre, et sans doute, à basse époque,

« fané, flétri », d’où « faible, languissant » ;


v. 1180, Roman d’Alexandre, écrit flo [flou,
XVe s.], au sens de « fané » ; 1273, Adenet,
au sens de « faible, languissant » ; sens 1,
1765, Diderot ; sens 2-3, début du XXe s.).
1. En termes de beaux-arts, se dit d’une
oeuvre dont les contours sont peu distincts,
parce que le coloris est léger, ou le fondu
excessif : Un tableau trop flou. ‖ 2. Qui
n’est pas net : Une médaille floue. Un visage
aux traits flous. Une photographie floue.
‖ 3. Fig. Qui manque de netteté, de pré-
cision, et, par suite, de clarté : Une pensée
floue. Un style flou.

• SYN. : 1 fondu, vaporeux ; 3 brumeux,


fumeux, imprécis, nébuleux, nuageux,
trouble, vague. — CONTR. : 2 distinct, net ;
3 clair, précis, rigoureux.

• REM. Jusque vers la fin du XIXe s., cer-


tains auteurs ont employé l’adjectif flou
au fém. comme un adverbe : Elle n’a pas
de lignes, elle est flou, comme dirait notre
peintre Grancey (Goncourt). L’atmos-
phère flou, les ombres tendres et légères
(Chateaubriand). L’Académie de 1878,
note « sorte d’adverbe » ; l’Académie de
1932 donne la forme du féminin. Littré
cite cependant un exemple de Diderot
avec un accord au féminin : La femme
est faible et floue. Auj., l’adjectif flou s’ac-
corde normalement au féminin.

& flou adv. (1676, Félibien). En donnant


aux objets un contour peu distinct : Peindre
flou.

& flou n. m. (sens 1, av. 1696, La Bruyère ;


sens 2, début du XXe s. ; sens 3, 1834, Balzac ;
sens 4, 1925, Gide). 1. Caractère de ce qui
est trop léger, et, en général, peu distinct
et comme légèrement effacé : Le flou d’une
fresque, d’une sculpture, d’une médaille.
La présence du vêtement se traduisait par
un certain flou assombri du corps et par
un émoussement des courbes (Romains).
‖ 2. Dans la langue du cinéma, dimi-
nution de la netteté des images obtenue
en modifiant la mise au point : Le flou
artistique. Obtenir un effet de flou. ‖ En
photographie, effet obtenu en estompant
les contours tout en conservant une cer-
taine netteté, grâce à un objectif spécial.
‖ Objectif à flou, objectif permettant d’ob-
tenir cet effet grâce à un traitement spécial
d’une ou de plusieurs lentilles. ‖ 3. Terme
générique désignant tout costume féminin
très souple, vaporeux, par opposition au
tailleur, qui est ajusté : Être première main
dans le flou. ‖ 4. Fig. Imprécision, vague :
Il lui arrive souvent de ne pas terminer ses
phrases, ce qui donne à sa pensée une sorte
de flou poétique (Gide).
flouer [flue] v. tr. (var. du moyen franç.
frouer, tricher au jeu [v. 1460, Villon],
emploi fig. de l’anc. franç. froer, [se] briser,
[se] rompre [XIIe s.], qui se disait surtout des
armes qui se brisaient au combat, trompant
ainsi l’espoir mis en elles, lat. fraudare, faire
tort par fraude, tromper, de fraus, frau-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1945

dis, mauvaise foi, tromperie, crime ; 1527,


Chevalet, au sens de « jouer » ou « tricher » ;
sens moderne, 1834, Balzac). Vx et fam.
Tromper, voler en escroquant : Maintenant,
les jeunes gens de la haute société [...]
disent : « Je suis floué », comme ils auraient
dit autrefois : « Je suis pris pour dupe ! » (de
Kock). Ne soyez pas embarrassé, reprit-il, je
sais faire mes recouvrements. On me craint
trop pour me flouer, moi ! (Balzac). Je ne
veux pas flouer le public (Flaubert). Leurs
mensonges respectifs s’emboîtaient si bien
les uns dans les autres [...], que la petite
bande avait la solidité impénétrable de cer-
taines maisons de commerce, de librairie ou
de presse par exemple, où le malheureux
auteur n’arrivera jamais, malgré la diversité
des personnalités composantes, à savoir s’il
est ou non floué (Proust).

• SYN. : berner, duper, leurrer, posséder (très


fam.), refaire (pop.), rouler (fam.).

flouerie [fluri] n. f. (de flouer ; 1840,


G. Esnault). Vx et fam. Action de flouer :
Cela lui créait une responsabilité effroyable,
dont il se rendait compte en lisant le dos-
sier de l’affaire, qui n’était que mensonge et
flouerie d’un bout à l’autre (Daudet).

floueur, euse [fluoer, -øz] n. (de flouer ;


1821, Ansiaume, au sens de « joueur » ;
1827, G. Esnault, au sens de « tricheur » ;
sens moderne, 1841, les Français peints par
eux-mêmes). Vx et fam. Celui qui dupe les
autres : Le floueur d’aujourd’hui est l’aigre-
fin d’autrefois (de Kock).

flouse [fluz] n. m. (ar. [el] flouss, [l’]


argent monnayé ; 1916, Esnault). Arg.
Argent : Donne le flouse !

• REM. On écrit aussi FLOUSSE et FLOUZE.

flouve [fluv] n. f. (origine obscure, peut-


être fém. de flou ; 1786, Encycl. métho-
dique). Plante fourragère de la famille des
graminacées, à feuilles poilues et à fleurs
groupées en une grappe dense d’épillets
à une seule fleur : La flouve, le vulpin, les
herbes désolées | Ont envahi partout le sable
des allées (Banville).

fluage [flyaʒ] n. m. (de fluer ; 1922,


Larousse). Déformation lente que subit
un matériau soumis à une contrainte
permanente, à des températures nor-
males ou supérieures à la normale : Le
fluage de l’acier n’apparaît qu’à une haute
température.

fluate [flyat] n. m. (de fluor [v. ce mot] ;


1787, Guyton de Morveau). Nom ancien
des fluorures.

fluctuant, e [flyktɥɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. fluc-


tuans, -antis, flottant, irrésolu, part. prés.
adjectivé de fluctuare [v. FLUCTUER] ; v. 1355,
Bersuire, au sens 3 ; sens 1, 1784, Bernardin
de Saint-Pierre [pour une tumeur, 1845,
Bescherelle ; « qui flotte, en parlant d’un
navire », v. 1460, G. Chastellain] ; sens 2,
début du XVIIe s., Malherbe). 1. Se dit de ce

qui est agité d’un mouvement de balance-


ment analogue à celui du flot ou d’un corps
qui flotte : La masse fluctuante de la foule.
‖ Spécialem. Tumeur fluctuante, tumeur
dont la mobilité et le déplacement, sous la
pression du doigt, semblent indiquer qu’elle
renferme un liquide. ‖ 2. Fig. Qui est sujet
à des variations : On assistait à l’avène-
ment monstrueux des valeurs statistiques,
des opinions, des moyennes, des majori-
tés confuses et fluctuantes (Valéry). Des
prix fluctuants. Une monnaie fluctuante.
‖ 3. Fig. Se dit d’une personne indécise,
qui hésite : Il est resté longtemps fluctuant,
mais il a fini par se décider.

• SYN. : 1 ondoyant, oscillant ; 2 flottant,


mobile, mouvant ; 3 hésitant, irrésolu,
perplexe.

fluctuation [flyktɥasjɔ̃] n. f. (lat. fluc-


tuatio, agitation, hésitation, irrésolution,
de fluctuatum, supin de fluctuare [v.
FLUCTUER] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au
sens 4 [« incertitude dans les pensées, les
sentiments » ; « changements fréquents du
prix des denrées, des effets publics », 1798,
Acad.] ; sens 1, v. 1361, Oresme ; sens 2,
1707, d’après Trévoux, 1771 ; sens 3, XXe s.).
1. En physique, mouvement de déplace-
ment alternatif dans la masse d’un liquide.
‖ 2. Spécialem. Déplacement, sous la pres-
sion du doigt, du liquide contenu dans
une tumeur : La fluctuation est ressentie
par deux doigts palpant simultanément la
région et se retransmettant mutuellement
les pressions. ‖ 3. Variation d’une grandeur
physique de part et d’autre d’une valeur
moyenne. ‖ 4. (Au plur.) Variations suc-
cessives qui interviennent dans tel ou tel
domaine d’activité : Les fluctuations de
la Bourse, les fluctuations économiques.
Rien d’intéressant comme les angoisses et
les fluctuations orageuses de Pascal à la
poursuite du bonheur (Sainte-Beuve). Les
vingt minutes qu’il passait dans le bureau
de Rumelles le tenaient journellement au
courant des fluctuations diplomatiques, et
il croyait être ainsi, par un heureux hasard,
l’un des quelques hommes les mieux rensei-
gnés de Paris (Martin du Gard). Participer,
en somme, aux brusques fluctuations et au
régime de fréquente nouveauté qui semblent
caractéristiques du monde actuel (Valéry).
• SYN. : 4 changement, mobilité, mouve-
ment, oscillation, variabilité, vicissitude.

— CONTR. : 4 fermeté, immobilité, stabilité.

fluctuer [flyktɥe] v. intr. (lat. fluctuare,


-ari, être agité [en parlant de la mer], être
ballotté sur les flots, flotter, être irrésolu, de
fluctus, lame, vague, flot, agitation, trouble,
de fluere [v. FLUER] ; XVIe s., au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. Être agité d’un mouvement
d’oscillation, de balancement (peu usité) :
Un gilet de piqué blanc, sous lequel fluctuait
son ventre piriforme (Balzac). Aussitôt les
chiens rabattirent les vaches en un seul tas,
qui fluctua (Huysmans). ‖ 2. Fig. Varier,

avoir des hauts et des bas : Une monnaie


dont le cours fluctue sans cesse.

fluctueux, euse [flyktɥø, -øz] adj.


(lat. fluctuosus, [mer] aux flots agités,
orageux, de fluctus [v. FLUCTUER] ; fin du
XIIIe s., Godefroy). Agité de mouvements
contraires et violents ; mobile, instable : Ce
fluctueux terrain sur lequel ils se trouvent
(Huysmans).

fluctuomètre [flyktɥɔmɛtr] n. m. (de


fluctuo-, élément tiré de fluctuer, et de
-mètre, gr. metron, mesure ; milieu du
XXe s.). Appareil destiné à mesurer les varia-
tions de vitesse de machines qui doivent
tourner à vitesse constante.

flué, e [flye] adj. (part. passé de fluer ;


1922, Larousse, au sens de « [métal] qui a
subi le fluage » ; sens 1-2, milieu du XXe s.
[l’infin. fluer, « boire l’encre, en parlant
d’un papier peu collé », est attesté dès le
XVIIe s., H. Roy]). 1. Se dit d’un papier peu
collé et qui boit l’encre. ‖ 2. En pathologie,
se dit des humeurs qui s’écoulent.

fluence [flyɑ̃s] n. f. (bas lat. fluentia,


écoulement, du lat. class. fluere [v. FLUER] ;
fin du XVIIe s. [à propos du temps, 1773,
Voltaire]). Action de fluer, de couler, de
glisser (rare) : Au moment que je parlais
ainsi, l’éternité durait, la fluence du temps
courait (Voltaire).

fluent, e [flyɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. fluens,


-entis, coulant, d’un cours égal, qui se
relâche, amolli, part. prés. adjectivé de
fluere [v. l’art. suiv.] ; XIVe s., au sens de
« qui coule, fluide » ; sens 1, 1878, Larousse ;
sens 2, 1767, Diderot ; sens 3, fin du XVIe s.,
Scaliger). 1. En pathologie, qui coule, qui
suinte, laisse écouler un liquide : Des
hémorroïdes fluentes. ‖ 2. Fig. Qui change
sans cesse, mouvant : Énée, ce personnage
indécis et fluent (Huysmans). Sous le nom
d’adverbes, on groupe un ensemble très
complexe et surtout très fluent de mots et
de particules (Dauzat). ‖ 3. En philosophie,
qui s’écoule : Ce que le temps a de fluent
(Bergson).

& fluente n. f. (1756, Encyclopédie). En


mathématiques, nom de la variable, dans
le calcul des fluxions de Newton (calcul
infinitésimal).

fluer [flye] v. intr. (lat. fluere, couler,


s’écouler, se répandre, se fondre, se relâcher,
s’amollir ; 1288, Renart le Nouvel, au sens
1 [en médecine, v. 1361, Oresme] ; sens 2,
av. 1896, Verlaine). 1. Littér. Couler, s’écou-
ler : Et l’eau vive qui flue avec sa plainte
douce (Leconte de Lisle). ‖ Spécialem.
En médecine, s’écouler, s’épancher, en
parlant de liquides organiques, de séro-
sités : L’humeur flue de sa plaie (Littré).
‖ 2. Littér. Se répandre dans quelque
chose : Dans le demi-brouillard où flue un
goût de rhum (Verlaine). Une angoisse qui
fluait jusque dans ses jambes (Huysmans).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1946

fluet, ette [flyɛt] adj. (altér. de flouet


[av. 1493, G. Coquillart ; encore à la fin
du XVIIe s.], dér. de flou [v. ce mot] ; 1690,
Furetière [art. flouet], au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. Qui est mince avec une appa-
rence frêle, délicate : Un enfant fluet. Son
corps fluet remplissant mal les plis de sa
soutane (Renan). Claude reconnut [...]
l’évêque canadien, tout fluet et droit dans
son clergyman (Vercel). ‖ 2. Voix fluette,
voix qui manque de force.

• SYN. : 1 gracile, grêle, menu ; 2 léger, ténu.

—CONTR. : 1 corpulent, épais, gros, massif ;


2 fort, puissant, tonitruant.

flueurs [flɥoer] n. f. pl. (bas lat. [menstrui]


fluores, menstrues, de menstruus, men-
suel, et du plur. de fluor, flux, écoulement
[du lat. class. fluere, v. FLUER ; le lat. class.
nommait les menstrues menstrua, plur.
neutre substantivé de l’adj. menstruus] ;
1552, R. Estienne [les formes flors —
XIIe s., Studer et Evans —, fleurs — 1314,
Mondeville —, viennent de flores, contrac-
tion de fluores en bas lat.]). En médecine,
menstrues. ‖ Flueurs blanches, leucorrhée.

fluide [flɥid] adj. (lat. fluidus, fluide, qui


coule, mou, énervé, éphémère, de fluere
[v. FLUER] ; XIVe s., Dict. général, comme
n. m., avec un sens peu clair ; comme
adj., au sens 4, 1549, J. Du Bellay ; sens
1, 1682, La Fontaine [pour un gaz, 1686,
Fontenelle] ; sens 2, 1713, Fénelon ; sens
3, 1874, Leconte de Lisle ; sens 5, début du
XVIIe s., Malherbe). 1. Se dit d’un liquide
dont les molécules ont peu d’adhésion
et peuvent glisser librement les unes sur
les autres, ou d’un gaz dont les molécules
peuvent se déplacer indépendamment
les unes des autres : L’air, l’eau sont des
matières fluides. Elle use de l’état liquide
ou fluide dont toute substance est consti-
tuée (Valéry). ‖ 2. Se dit de ce qui coule
facilement : Fluide comme un filet d’eau
pure (Duhamel). Une encre trop fluide.
‖ Circulation fluide, circulation des véhi-
cules qui s’effectue régulièrement. ‖ 3. Fig.
Qui a l’apparence, la plasticité, la mobilité
d’un liquide : L’or fluide du jour jaillit en
gerbes vives (Leconte de Lisle). ‖ 4. Fig. Qui
coule facilement, harmonieux : Mme Roudic,
au contraire, avait une voix légère, fluide,
que les larmes en ce moment cristallisaient
encore (Daudet). La caresse fluide ou le choc
harmonieux des sonorités verbales (Gide).
Un style fluide. ‖ 5. Fig. Se dit de ce qui est
difficile à saisir, à fixer, à apprécier : Une
pensée fluide. C’est en vain que, vaguement
pareilles par leur conduite, comme elles le
sont par les fluides moeurs et par l’incertaine
espèce, à ces filles folles du Rhin qui tentè-
rent, sous d’autres cieux, de sauver le fauve
Siegfried, les divinités des eaux s’efforcent
de préserver Adonis (Valéry).

• SYN. : 2 liquide ; 4 aisé, coulant, limpide,


mélodieux ; 5 flottant, flou, fluctuant,
insaisissable, mouvant.

& n. m. (sens 1-2, 1764, Ch. Bonnet [méca-


nique des fluides, XXe s. ; en magnétisme,
1841, Balzac] ; sens 3, début du XXe s.).
1. Nom générique par lequel on désigne les
corps liquides ou gazeux : Un fluide épouse
la forme du récipient qui le contient. Les gaz
sont des fluides élastiques. ‖ Mécanique des
fluides, science qui a pour objet l’équilibre
et le mouvement des fluides. ‖ 2. Nom par
lequel on désigne les agents hypothétiques
qui transmettraient d’une certaine source
un courant ressenti par les êtres auxquels il
est destiné : Fluide nerveux. Fluide magné-
tique. Fluide astral. Notre personne morale
se réduit à n’être qu’un composé délié de
courants et de fluides (Sainte-Beuve).
‖ Absol. Sorte de courant magnétique et
énergétique qui émanerait de certaines per-
sonnes : Le fluide d’un magnétiseur, d’un
guérisseur. Avoir du fluide. ‖ 3. Influence
mystérieuse qui agit à distance : À trente
kilomètres de distance la capitale envoyait
son fluide (Montherlant).

fluidifiant [flɥidifjɑ̃] n. m. (part. prés. de


fluidifier ; 1877, Littré, comme adj., au sens
de « qui rend fluide » ; comme n. m., au sens
1, XXe s. ; sens 2, 1970, Robert). 1. Produit
utilisé pour modifier les qualités de
consistance d’un asphalte ou d’un bitume.
‖ 2. En pharmacie, remède qui rend plus
fluides les sécrétions bronchiques.

fluidification [flɥidifikasjɔ̃] n. f. (dér.


savant de fluidifier ; 1832, Raymond, au
sens de « action de faire passer à l’état
liquide » ; sens actuel, 28 sept. 1969, la Vie
du rail). Action de rendre plus fluide la
circulation : La fluidification du trafic.

fluidifier [flɥidifje] v. tr. (de fluidi-,


élément tiré de fluide, et de -fier, du lat.
facere, faire ; 1832, Raymond, au sens 1
[en métallurgie, 1930, Larousse] ; sens 2,
1834, Balzac). 1. Faire passer à l’état fluide :
Fluidifier un bitume. ‖ En métallurgie,
ajouter une matière appelée « flux » à un
métal en fusion pour le rendre plus fluide.
‖ 2. Fig. Rendre plus limpide : Elle jetait
alors sur lui un regard de ses beaux yeux
taillés dans un diamant, que semblaient
bien fluidifier, à ces moments-là, l’intelli-
gence et l’amitié (Proust).

& se fluidifier v. pr. (av. 1945, P. Valéry).


Prendre la consistance d’un fluide : La
rêveuse ne se trouve saisie que par un corps
qui se fluidifie, se fond, s’affaisse (Valéry).

fluidique [flɥidik] adj. (de fluide ; 1872,


Larousse, au sens de « relatif au fluide
magnétique » ; 1885, A. Daudet, au sens
de « limpide comme un fluide »). Littér.
Qui a le caractère d’un fluide : Plus de feux
variés, de poudre en l’air, de barques sur
l’eau ; mais la lune s’est levée et fait un autre
paysage de convention, bleuâtre, fluidique,
avec des pans d’une ombre impénétrable
(Daudet). [C’était], dans le rêve, la sensa-
tion nette, précise, d’un être, d’une forme
fluidique (Huysmans).

fluidisation [flɥidizasjɔ̃] n. f. (de fluidi-


ser ; XXe s.). Mise en suspension dans un
courant d’air d’un corps solide à l’état pul-
vérulent : La fluidisation de certains corps
permet leur transport par des canalisations.

fluidiser [flɥidize] v. tr. (dér. savant de


fluide ; XXe s.). Soumettre à la fluidisation.

fluidité [flɥidite] n. f. (de fluide ; 1565,


Tahureau, au sens 3 ; sens 1, 1648, Pascal ;
sens 2, 1690, Furetière [en parlant de la
circulation, 4 janv. 1967, le Figaro] ; sens
4, XXe s.). 1. Qualité des corps fluides : La
fluidité des gaz, des liquides. Mer informe
et toujours agitée [...], tes flots se taisent,
rien ne s’oppose à leur fluidité... (Gide).
‖ 2. Facilité avec laquelle un liquide
s’écoule uniformément et sans turbu-
lence : La fluidité d’un produit s’évalue en
raison inverse de sa viscosité. ‖ Par anal.
Écoulement régulier des véhicules : La
fluidité du trafic. ‖ 3. Fig. Qualité de ce
qui coule sans heurt, de ce qui est har-
monieux : La fluidité de la versification
de Verlaine. ‖ 4. Fig. Caractère de ce qui
est mobile, insaisissable, difficile à fixer, à
apprécier : La fluidité de la situation poli-
tique. ‖ Spécialem. En économie politique,
situation dans laquelle l’offre s’adapte aisé-
ment à la demande : La fluidité est l’une
des conditions de la concurrence parfaite.
• SYN. : 3 harmonie, limpidité ; 4 mobilité,
variabilité.

fluo- [flyɔ], fluor- [flyɔr], fluori- [flyɔri]


ou fluoro- [flyɔro], premier élément [tiré
de fluor] indiquant la présence de fluor
dans la formule d’un composé : fluosel,
fluorène, fluorographie.

fluor [flyɔr] adj. (lat. fluor, écoulement,


de fluere [v. FLUER] ; 1723, Savary des
Bruslons, au sens 1 [flueur, forme francisée,
1553, Belon] ; sens 2, fin du XVIIe s., pour
des acides restant toujours fluides [spath
fluor, alcali fluor, 1829, Boiste]). 1. Autref.
Se disait de substances faciles à fondre.
‖ 2. Spath fluor, syn. de FLUORINE. ‖ Alcali
fluor, alcali volatil liquide.

& n. m. (1832, Raymond). Corps simple


gazeux, jaune-vert, d’odeur irritante, pre-
mier élément de la famille des halogènes.

fluoration [flyɔrasjɔ̃] ou fluoruration


[flyɔryrasjɔ̃] n. f. (de fluor [fluoration] et
de fluorure [fluoruration] ; milieu du
XXe s., aux sens 1-3). 1. Dépôt d’une couche
très mince d’un fluorure métallique sur
la surface d’un verre d’optique en vue
d’éliminer les reflets. ‖ 2. Adjonction de
fluor ou de fluorures à l’eau de consom-
mation pour prévenir les caries dentaires.
‖ 3. Application de fluor sur les dents.

• REM. On rencontre parfois la forme


FLUORISATION (17 nov. 1966, le Monde).

fluoré, e [flyɔre] adj. (de fluor ; 1865,


Littré). Qui contient du fluor.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1947

fluorescéine [flyɔresein] n. f. (de


fluoresc[ent] ; 1878, Larousse). Matière
colorante jaune, à fluorescence verte, du
groupe des phtaléines, utilisée en hydro-
graphie pour la coloration des rivières
souterraines et en pharmacie.

fluorescence [flyɔresɑ̃s] n. f. (de fluor,


d’après phosphorescence ; 1865, Littré, au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Propriété que pos-
sèdent certains corps de transformer la
lumière qu’ils reçoivent en radiations lumi-
neuses de plus grande longueur d’onde :
Ce qu’on appelle la « lumière noire » est
provoqué par des phénomènes de fluores-
cence. ‖ 2. Éclairage, luminosité dus à ce
phénomène : Une liaison évidente s’impo-
sait entre cette fluorescence du ciel et le
vacarme des canons (Vailland).

fluorescent, e [flyɔresɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de


fluorescent, e [flyɔresɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de
fluor, d’après phosphorescent ; 1865, Littré,
au sens 1 ; sens 2 et 4, début du XXe s. ; sens
3, 1872, Larousse). 1. Qui est doué de fluo-
rescence : Corps, substance fluorescente.
Le jeune homme venait de s’emparer d’une
règle de cristal fluorescent, dont il se servait
comme un chef d’orchestre de sa baguette
(Duhamel). ‖ 2. Lampe, tube fluorescent,
lampe, tube de verre dont la paroi devient
fluorescente sous l’influence de radiations
émises par la décharge électrique dans
le gaz raréfié qui y est contenu. ‖ Écran
fluorescent, en télévision, partie plane
d’un tube cathodique recouverte d’une
substance fluorescente, sur laquelle appa-
raît l’image lumineuse. ‖ 3. Émis par les
corps fluorescents : Lumière fluorescente.
‖ 4. Qui semble subir l’effet d’un phéno-
mène de fluorescence : Je veux pouvoir aller
m’asseoir [...] en face du vitrail magique
entre tous. Le plus fluorescent et englou-
tissant (Romains).

fluorescer [flyɔrɛse] v. intr. (de


fluoresc[ent] ; 1962, Larousse). Émettre
une fluorescence.

fluorhydrique [flyɔridrik] adj. (de fluor-


et de hydrique ; 1845, Bescherelle). Acide
fluorhydrique, acide formé par la combi-
naison du fluor et de l’hydrogène : L’acide
fluorhydrique est employé dans la gravure
sur verre.

fluori-. V. FLUO-.

fluorifère [flyɔrifɛr] adj. (de fluori- et


de -fère, du lat. ferre, porter ; XXe s.). En
chimie, qui contient du fluor.

fluorimétrie [flyɔrimetri] n. f. (de fluori-


et de -métrie, du gr. metron, mesure ; 1968,
Larousse). En chimie, méthode de dosage
fondée sur la mesure de l’intensité de la
fluorescence d’un mélange.

fluorine [flyɔrin] n. f. (dér. savant de


fluor ; milieu du XIXe s.). Fluorure naturel
de calcium : La fluorine est utilisée comme
fondant dans la métallurgie sous le nom de
spath fluor.

fluorisation n. f. V. FLUORATION.

fluoritique [flyɔritik] adj. (dér. savant de


fluor ; 1865, Littré). Qui contient du fluor :
Une roche fluoritique.

fluoro-. V. FLUO-.
fluorographie [flyɔrɔgrafi] n. f. (de
fluoro- et de -graphie, du gr. graphein,
écrire ; XXe s.). Procédé de gravure sur
verre dans lequel interviennent des vapeurs
d’acide fluorhydrique.

fluoroscopie [flyɔrɔskɔpi] n. f. (de


fluoro- et de -scopie, du gr. skopeîn, exa-
miner, observer ; XXe s.). Examen des tégu-
ments rendus fluorescents par l’action des
rayons ultraviolets.

fluoruration n. f. V. FLUORATION.

fluorure [flyɔryr] n. m. (dér. savant de


fluor ; 1832, Raymond, au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. Composé du fluor : Un gaz, le
fluorure de silicium (Bourget). ‖ 2. Sel de
l’acide fluorhydrique.

flush [floeʃ ou flɔʃ] n. m. (mot angl., d’ori-


gine obscure, signif. proprem. « frais, riche,
bien pourvu » ; 1930, Larousse). Au poker,
réunion de cinq cartes de la même couleur
formant une séquence. ‖ Flush royal, flush
dont la plus forte carte est un as.

flush-deck [floeʃdɛk] adj. invar. (mot


angl. signif. « pont ras, pont entier, dans
lequel il n’y a pas de solution de continuité »,
de flush, au sens archaïque de « affleuré, de
niveau quant à la surface », et de deck, pont
de bateau ; XXe s.). Se dit d’un navire sans
aucune superstructure.

1. flûte [flyt] n. f. (de la suite onomatop.


a-u, souvent utilisée pour évoquer le bruit
d’un souffle d’air passant par un tuyau
vide, avec des consonnes initiales reprises
aux mots dér. du lat. flare, souffler [dans
un instrument], exhaler ; v. 1175, Chr.
de Troyes, écrit flaüte [flehute, XIIe s.,
Godefroy ; fluste, XIVe s., et flute, XVe s.,
Du Cange ; flûte, XVIIe s.], au sens I, 1 ;
sens I, 2-3 et 5, 1865, Littré ; sens I, 4, v.
1534, Bonaventure Des Périers ; I, 6, 1564,
Liébault ; sens II, 1, 1669, Widerhold ; sens
II, 2, 1845, Bescherelle).

I. 1. Instrument de musique à vent, à


tuyau ouvert percé de trous, dans lequel
le son est produit par une mince colonne
d’air formée par les lèvres de l’instru-
mentiste, qui lui imprime une certaine
vitesse et la dirige sur l’arête d’une em-
bouchure latérale : Un concerto pour flûte
et orchestre. ‖ Flûte à bec, flûte droite, en
bois, munie d’un canal qui forme colonne
d’air, et d’une embouchure en forme de
bec. ‖ Flûte double, instrument utilisé
par les Anciens et composé de deux tubes
réunis en une embouchure unique, ce
qui permettait de jouer de deux flûtes à
la fois. ‖ Flûte traversière, ou flûte alle-
mande, celle qui est actuellement utili-

sée dans les orchestres et dont l’embou-


chure est placée sur le côté du tube, ce qui
oblige à la tenir presque horizontalement.
‖ Petite flûte, ou piccolo, flûte à timbre
aigu. ‖ Flûte de Pan, ou syrinx, instru-
ment utilisé par les Anciens, composé de
plusieurs tubes d’inégale longueur, placés
l’un à côté de l’autre, sur l’extrémité des-
quels on promenait les lèvres. ‖ Flûte à
l’oignon, mirliton, ainsi nommée à cause
de la pellicule qui bouche ses deux extré-
mités. ‖ 2. Le musicien qui joue de la
flûte : Il est flûte solo dans l’orchestre de
l’Opéra. ‖ 3. Jeu de flûtes, jeu d’orgue
formé de tuyaux ouverts ou fermés, qui
imite les sons de la flûte. ‖ 4. Fig. et vx.
Ajuster, accorder, mettre d’accord ses
flûtes, se mettre d’accord : Et vous, filous
fieffés (ou je me trompe fort), | Mettez pour
me jouer vos flûtes mieux d’accord (Mo-
lière). ‖ 5. Fig. Être du bois dont on fait
les flûtes, être accommodant, conciliant.
‖ 6. En flûte, en biseau, comme un bec de
flûte.

II. 1. Verre à pied étroit et haut : De temps


en temps un des couples s’arrêtait près de
la cheminée pour lamper une flûte de vin
mousseux (Maupassant). ‖ 2. Pain mince
et long : Il acheta une flûte d’un sou chez
le boulanger (Hugo). Les petites porteuses
de pain se hâtaient d’enfiler dans leurs pa-
niers les flûtes destinées au « grand déjeu-
ner » (Proust).

• SYN. : II, 2 baguette.

& flûtes n. f. pl. (1756, G. Esnault). Fam.


Jambes maigres. ‖ Pop. Jouer des flûtes, se
tirer des flûtes, s’enfuir rapidement. ‖ Pop.
Astiquer ses flûtes, se préparer à fuir.

& flûte ! interj. (1867, Delvau). Fam.


Marque la déception, le mécontentement :
Flûte ! Voilà que je crève brusquement le
journal trempé (Bernanos).

2. flûte [flyt] n. f. (néerl. fluit, vaisseau


de transport ; 1559, Amyot, écrit fluste
[flûte, 1671, Pomey], aux sens 1-2 [armer un
navire en flûte, 1690, Furetière]). 1. Autref.
Bâtiment de guerre réservé exclusivement
au transport du matériel. ‖ Vx. Armer un
navire en flûte, lui enlever ses canons et
le faire servir au transport du matériel.
‖ 2. Gros navire de charge des ports de
Hollande, très renflé de formes et à fond
plat.

flûté, e [flyte] adj. (part. passé de flûter ;


1740, Acad.). Se dit de ce qui rappelle le
son doux et assez aigu de la flûte : Pendant
qu’autour d’eux le murmure montant de la
fête, les rires flûtés, le frôlement des satins
et des franges de perles faisaient l’accompa-
gnement à ce duo de passion mondaine et de
juvénile ironie (Daudet). La plainte flûtée
du crapaud (France). Par la porte un instant
entrouverte, on entendait un gazouillement
de voix flûtées et de rires (Gide). « Oh ! mais
comme c’est ennuyeux ! » dit la vieille dame,
d’une voix haute et flûtée (Montherlant).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1948

flûteau [flyto] n. m. (de flûte 1 [v. ce mot] ;


début du XIIIe s., Colin Muset, écrit flaü-
tel [flusteau, 1600, O. de Serres ; flûteau,
XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1802, Flick).
1. Flûte grossière, qui ressemble plutôt à
un sifflet : Elle [la marmite] sifflait comme
un flûteau (Renard). ‖ 2. Plantain d’eau,
sorte de jonc à tige creuse.

• REM. Au sens 1, on trouve aussi la forme


dialectale FLÛTIAU.

flûter [flyte] v. intr. (de flûte 1 [v. ce mot] ;


v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit flaüter
[fleüter, v. 1265, J. de Meung ; fluster, milieu
du XVIe s., Amyot ; flûter, 1680, Richelet], au
sens 1 [envoyer flûter quelqu’un, av. 1902,
Zola ; c’est comme si on flûtait, XXe s.] ; sens
2, 1962, Larousse ; sens 3, 1888, A. Daudet ;
sens 4, XXe s.). 1. Jouer de la flûte : Le flû-
tiste battait la mesure avec ses épaules et
flûtait intérieurement (Daudet). ‖ Vx et
fam. Envoyer flûter quelqu’un, l’envoyer
promener : Ah ! Elle envoyait joliment flûter
le monde ! (Zola). ‖ Fam. C’est comme si
on flûtait, on n’obtient aucun résultat, en
dépit de tous ses efforts. ‖ 2. En parlant de
l’instrument, se faire entendre : La flûte se
tut. Au bout d’un moment, elle flûta plus
loin (Giono). ‖ 3. Par anal. Faire entendre
un son qui ressemble à celui de la flûte : La
bise d’est qui flûte, agressive et coupante,
dans la cheminée (Colette). ‖ 4. Crier, en
parlant du merle.
• SYN. : 3 siffler.

& v. tr. (sens 1, v. 1265, J. de Meung ; sens


2, av. 1720, Chaulieu [fleuter pour le bour-
geois, « boire beaucoup », 1640, Oudin]).
1. Prononcer, dire avec un son aigu, flûté :
Cette bonne grosse dame toute ronde, la
figure rouge et poupine, qui flûte ses mots,
ou plutôt ceux qu’elle recueille et colporte,
est bien la plus aimable personne (Daudet).
‖ 2. Vx et fam. Boire : Faisant caqueter
des dés dans un cornet, flûtant des chopes
(Huysmans).

flûtet [flytɛ] n. m. (anc. provenç. flutet


[XVIe s., Pansier], de flûte 1 [v. ce mot] ; 1790,
Fabre d’Églantine). Autre nom du galoubet
provençal : Il fallait autre chose que [...] les
concours de flûtets et de tambourins [...]
pour rester deux heures debout sur ces dalles
flambantes (Daudet).

flûteur, euse [flytoer, -øz] n. et adj. (de


flûte 1 [v. ce mot] ; v. 1240, G. de Lorris, écrit
fleüsteor ; v. 1534, Bonaventure Des Périers,
écrit fluteur ; flûteur, 1704, Trévoux). Qui
joue de la flûte (rare) : Deux statues de
faunes flûteurs (Theuriet).

& flûteur n. m. (1829, Boiste). Nom donné


communément à Gymnorphia tibicen,
oiseau d’Australie, à cause de sa voix sonore
et mélodieuse.

flûtiau [flytjo] n. m. (var. dialect. de flû-


teau ; av. 1850, Balzac). Dialect. Syn. de
FLÛTEAU : Ma voix ressemblait presque à
celle du flûtiau de votre berger (Balzac).
Tirant d’un flûtiau, d’une cornemuse, des

airs de son pays méridional, dont la lumière


s’accordait bien avec les beaux jours, un
homme en blouse, tenant à la main un nerf
de boeuf et coiffé d’un béret basque, s’arrêtait
devant les maisons (Proust).

flûtiste [flytist] n. (de flûte 1 ; 1832,


Raymond). Personne qui joue de la flûte :
L’exécution d’un flûtiste ou d’un hautboïste
ne doit pas être gênée par la nécessité de
prendre haleine (Vendryes).

flutter [floetoer] n. m. (mot angl. signif.


proprem. « mouvement brusque, trémous-
sement », de to flutter, voltiger, se trémous-
ser [anglo-saxon flotorian, dér. de fleotan,
flotter] ; 1962, Larousse). En aéronautique,
type de vibration particulier aux grandes
vitesses.
fluvial, e, aux [flyvjal, -o] adj. (lat.
fluvialis, de fleuve, fluvial, de fluvius [v.
FLEUVE] ; v. 1265, Br. Latini, écrit fluviel,
dans la loc. cheval fluviel, « hippopo-
tame » ; écrit fluvial, aux sens 1-2, 1829,
Boiste [fleuvial — 1606, Nicot — était un
dérivé de fleuve] ; sens 3-4, XXe s.). 1. Qui
a rapport aux fleuves, aux rivières : Eaux
fluviales. Législation fluviale. ‖ 2. Qui a
lieu sur les fleuves, les rivières : Navigation,
pêche fluviale. ‖ 3. Qui est dû aux cours
d’eau : Érosion fluviale. ‖ 4. Fig. et fam.
Qui a la longueur, l’abondance d’un fleuve :
Discours fluvial.

& fluviales n. f. pl. (1865, Littré). En bota-


nique, ordre de plantes à fleurs monocoty-
lédones, le plus souvent aquatiques.

fluviatile [flyvjatil] adj. (lat. fluviatilis,


de fleuve, fluvial, de fluvius [v. FLEUVE] ;
1559, Valgelas, écrit fluviatil [fluviatile,
1611, Cotgrave], au sens 1 ; sens 2, XXe s. ;
sens 3, av. 1922, Proust). 1. Qui vit ou croît
dans les eaux courantes : Des plantes fluvia-
tiles. ‖ 2. Relatif aux fleuves, aux eaux cou-
rantes : Des dépôts fluviatiles. ‖ 3. Littér.
Arrosé par un cours d’eau : C’est ainsi que
j’ai eu pendant deux étés, dans la chaleur
du jardin de Combray, à cause du livre que
je lisais alors, la nostalgie d’un pays mon-
tueux et fluviatile, où je verrais beaucoup
de scieries et où, au fond de l’eau claire,
des morceaux de bois pourrissaient sous
des touffes de cresson (Proust).

fluvio-glaciaire [flyvjɔglasjɛr] adj.


(de fluvio-, élément tiré du lat. fluvius
[v. FLEUVE], et de glaciaire ; début du
XXe s.). Qui a rapport à la fois aux fleuves
et aux glaciers : Les phénomènes fluviogla-
ciaires les plus nets se sont développés lors
des périodes de récession des glaciations
quaternaires.

fluviographe [flyvjɔgraf] n. m. (de flu-


vio-, élément tiré du lat. fluvius [v. FLEUVE],
et de -graphe, du gr. graphein, écrire ; 1888,
Larousse). Appareil qui enregistre les varia-
tions du niveau d’un fleuve canalisé.

• REM. On dit aussi FLUVIOMÈTRE.

fluvio-marin, e ou fluviomarin, e
[flyvjɔmarɛ̃, -in] adj. (de fluvio-, élément
tiré du lat. fluvius [v. FLEUVE], et de marin,
adj. ; 1865, Littré). En géologie, se dit de
ce qui résulte à la fois de l’action des eaux
douces et des eaux marines : Un dépôt
fluvio-marin.

fluviomètre [flyvjɔmɛtr] n. m. (de flu-


vio-, élément tiré du lat. fluvius [v. FLEUVE],
et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1865,
Littré). Syn. de FLUVIOGRAPHE.

flux [fly] n. m. (lat. fluxus, écoulement,


courant, de fluxum, supin de fluere
[v. FLUER] ; fin du XIIIe s., Joinville, au sens
1 [dans la loc. flux de ventre ; au sens géné-
ral, 1314, Mondeville — flux de sang — ;
flux menstruel, 1552, R. Estienne ; flux
de bile, de lait, 1865, Littré] ; sens 2, 1532,
Rabelais ; sens 3 et 6, XXe s. ; sens 4, 1580,
Montaigne ; sens 5, av. 1711, Boileau ; sens
7 [flux de force], 1922, Larousse ; sens 8,
1968, Larousse ; sens 9, depuis le milieu
du XVIe s., Amyot [flux d’éloquence, « flux
de paroles »]). 1. Écoulement normal ou
anormal d’un liquide organique : Flux
menstruel. Flux de sang. Flux de bile.
‖ Flux de lait, sécrétion trop abondante
de lait chez une nourrice. ‖ Vx. Flux de
ventre, écoulement des matières fécales
à l’état liquide, diarrhée. ‖ 2. Par extens.
Écoulement de matières liquides en géné-
ral : Sur le roc calciné de la dernière rampe
| Où le flux volcanique autrefois s’est tari
(Heredia). ‖ 3. Par anal. Mouvement d’un
fluide : Un flux d’air frais venu de l’Atlan-
tique. ‖ 4. Marée montante : Le flux les
apporta [les Mores] ; le reflux les remporte
(Corneille). Pareils au bruit du flux crois-
sant des hautes mers (Leconte de Lisle).
‖ 5. Par anal. Progression d’une masse
d’êtres en mouvement, par opposition à
un mouvement en sens contraire : Un flux
de gens s’en vont, un flux de gens arrivent
(Ajalbert). ‖ 6. Flux lumineux, quantité
de lumière transportée par un faisceau
lumineux : L’unité de flux lumineux est le
lumen. ‖ 7. Flux énergétique, en parlant
d’un faisceau de radiations, énergie trans-
portée par seconde et exprimée en watts ou
en sous-multiples. ‖ Flux magnétique, v.
MAGNÉTIQUE. ‖ 8. En physique nucléaire,
dans un faisceau de particules, nombre
de particules qui traversent une section
de ce faisceau pendant l’unité de temps.
‖ 9. Fig. et littér. Grande abondance, flot :
Sa parole est un flux continu qu’aucune
objection, qu’aucune interrogation même
n’arrête (Gide). Joseph n’était pas essoufflé
par ce flux de paroles mais calme et sou-
riant (Duhamel). ‖ Class. Flux de bouche,
grande facilité d’élocution, bavardage :
D’Harcourt, malgré ce flux de bouche, ne
laissait pas d’être de bonne compagnie
(Saint-Simon).
• SYN. : 1 débordement, décharge, éruption,
évacuation ; 2 coulée ; 3 bouffée, souffle ;
4 flot ; 5 concours, essaim, foule, nuée ; 8
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1949

afflux, débauche, déluge, orgie, profusion,


surabondance.

fluxage [flyksaʒ] n. m. (de fluxer ; 1922,


Larousse). En pétrochimie, action de fluxer
un résidu.

fluxer [flykse] v. tr. (de l’angl. to flux,


mettre en fusion, rendre fluide, dér. de flux,
courant, flux, fusion [empr. du franç. flux] ;
XXe s.). En pétrochimie, diluer un produit
très lourd, le rendre moins consistant ou
moins visqueux à l’aide d’une huile plus
fluide.

fluxion [flyksjɔ̃] n. f. (bas lat. fluxio,


écoulement, de fluxum, supin de fluere
[v. FLUER] ; XIVe s., Mandeville, au sens 3
[fluxion de poitrine, 1635, Monet] ; sens
1, 1668, Molière ; sens 2, 1665, Molière).
1. Class. Rhume, toux, catarrhe : Votre
fluxion ne vous sied point mal, et vous
avez grâce à tousser (Molière). ‖ 2. Class.
Congestion : Les fluxions sur le poumon sont
dangereuses (Furetière). ‖ 3. Gonflement
douloureux d’une partie du corps, par suite
d’un afflux de liquide dans certaines par-
ties du corps : Fluxion à la joue. Fluxion
dentaire. ‖ Fluxion de poitrine, expres-
sion par laquelle on désignait autrefois
une inflammation simultanée de la paroi
thoracique, de la plèvre et du poumon :
Un garde-chasse, guéri par Monsieur d’une
fluxion de poitrine, avait donné à Madame
une petite levrette d’Italie (Flaubert).

fluxionnaire [flyksjɔnɛr] adj. (de


fluxion ; 1723, Mémoires de Trévoux, au
sens de « sujet aux fluxions » ; sens actuel,
XXe s.). Syn. rare de INFLAMMATOIRE.

fluxmètre [flymɛtr] n. m. (de flux et


de -mètre, gr. metron, mesure ; début du
XXe s.). Galvanomètre spécial servant à la
mesure des flux magnétiques.

flysch [fliʃ] n. m. (mot dialect. de la Suisse


alémanique ; mars 1875, Revue britan-
nique). Dans les Alpes, formation détri-
tique comprenant grès et schistes.

F. M. Abrév. de FUSIL MITRAILLEUR


(v. 1918) ou de FRANCHISE MILITAIRE (v.
1914).

fob [fɔb] adj. invar. (initiales des mots de


la loc. angl. free on board, franco à bord, de
free, libre, on, sur, et board, bord, navire ;
début du XXe s.). Vente fob, vente maritime
dans laquelle le prix convenu comprend
tous les frais que supporte la marchandise
jusqu’à son chargement sur le navire dési-
gné par l’acquéreur.

foc [fɔk] n. m. (néerl. fok, sorte de voile ;


1602, Van Noort, dans le mot composé
foquemast, « mât auquel on place le foc » ;
1702, Aubin, écrit foque [foc, premier quart
du XVIIIe s. ; grand foc, petit foc, 1771,
Trévoux ; foc d’artimon, 1865, Littré]). Voile
triangulaire établie le long d’un cordage,
à l’avant d’un bateau : Près du beaupré le
mousse regardait dans le foc et sifflait pour

appeler le vent (Flaubert). Selon leur posi-


tion sur le beaupré, et d’arrière en avant,
les focs se nomment « trinquette », « grand
foc », « petit foc » et « clinfoc ». ‖ Foc d’ar-
timon, voile d’étai qui s’installe entre le
grand mât et le mât d’artimon.

focal, e, aux [fɔkal, -o] adj. (dér. savant


du lat. focus, foyer, bûcher, maison ; XVe s.,
La Curne, dans la loc. tenir focale résidence,
« avoir feu et lieu » ; sens I, 1, 1823, Boiste ;
sens I, 2-3 et II, XXe s.).

I. 1. Qui a rapport au foyer des miroirs


et des lentilles. ‖ Distance focale, dis-
tance du foyer principal à la surface réflé-
chissante ou réfringente. ‖ 2. Distance
focale, en mathématiques, distance entre
les deux foyers d’une conique. ‖ 3. Obtu-
rateur focal, dans un appareil photogra-
phique, obturateur à rideau fonction-
nant au plus près de la surface sensible.
‖ Longueur ou distance focale, distance
qui sépare le verre dépoli ou la surface
sensible du centre de l’objectif lorsque
la mise au point est faite sur l’infini : Le
champ embrassé est d’autant plus vaste
que la distance focale de l’objectif est plus
courte. (On dit plus souvent, par abrév., la
FOCALE, n. f.)

II. En médecine, qui concerne le foyer


principal d’une lésion ou d’un trouble :
Réaction focale.

focalisation [fɔkalizasjɔ̃] n. f. (de focal ;


focalisation [fɔkalizasjɔ̃] n. f. (de focal ;
1877, Littré). En physique, action de foca-
liser ; résultat de cette action.

focaliser [fɔkalize] v. tr. (de focal ; milieu


du XXe s., au sens 1 ; sens 2, 1968, Larousse).
1. En physique, faire converger en un point
un faisceau lumineux ou un faisceau
d’électrons. ‖ 2. Fig. Concentrer l’atten-
tion sur : La télévision permet de focaliser
l’intérêt des spectateurs du monde entier
sur un même drame.

& se focaliser v. pr. (24 déc. 1967, le Monde).


Se concentrer sur : Dans les interviews, les
questions se focalisent sur quelques points.

focomètre [fɔkɔmɛtr] n. m. (de foco-,


élément tiré du lat. focus [v. FOCAL], et de
-mètre, gr. metron, mesure ; 1877, Littré).
Appareil utilisé en optique pour mesurer la
distance focale des lentilles et des objectifs
photographiques.

focométrie [fɔkɔmetri] n. f. (de foco-


[v. l’art. précéd.] et de -métrie, du gr. metron,
mesure ; 1962, Larousse). Détermination
des foyers d’un système optique.

focométrique [fɔkɔmetrik] adj. (de foco-


métrie ; 1962, Larousse). Qui concerne la
focométrie.

foehn ou föhn [føn] n. m. (mot dialect. de


la Suisse alémanique ; début du XIXe s.). Vent
chaud et très sec qui souffle avec violence
dans les vallées du versant nord des Alpes,
en Suisse et au Tyrol : Le souffle chaud du
foehn rendait la neige mate (Frison-Roche).

foène, foëne ou fouëne [fwɛn] n. f.


(lat. fuscina, trident ; milieu du XIIe s.,
écrit foisne ; foene, v. 1354, Modus ; fouëne,
XXe s.). Harpon à plusieurs branches poin-
tues et barbelées, qui sert à harponner les
gros poissons ou les poissons plats.

foéner ou foëner [fwene] v. tr. et intr.


(de foène ; 1865, Littré). Pêcher à la foène.

foéneur ou foëneur [fwenoer] n. m. (de


foéner ; 1872, Larousse). Celui qui pêche
à la foène.

foetal, e, aux [fetal, -o] adj. (dér. savant


de foetus ; 1813, Encycl. méthodique [rythme
foetal, XXe s.]). Qui a rapport au foetus.
‖ Annexes foetales, parties accessoires
qui, pendant la vie intrautérine, servent
à assurer la respiration et la nutrition du
foetus aux dépens de l’organisme maternel.
‖ Spécialem. Rythme foetal, accélération
du coeur et modification de son rythme,
qui ressemble à celui du coeur du foetus.

foetus [fetys] n. m. (lat. fētus, foetus,


enfantement, ponte, portée des animaux,
génération, d’où « nouveau-né » ; v. 1560,
Paré). Produit de la conception non encore
arrivé à terme, mais ayant déjà les formes
de l’espèce distinctes et visibles à l’oeil nu :
Dans l’espèce humaine, l’embryon prend le
nom de « foetus » vers la fin du troisième
mois de la vie intra-utérine.

fofolle adj. et n. f. V. FOUFOU.

foggara [fɔgara] n. m. ou f. (mot ar. ;


XXe s.). Dans le Sahara septentrional, galerie
souterraine destinée à conduire les eaux
d’irrigation captées dans les alluvions
situées au pied des montagnes.

föhn n. m. V. FOEHN.

foi [fwa] n. f. (lat. fides, confiance, crédit,


loyauté, et, à basse époque, dans la langue
ecclés., « foi religieuse », de fidere, se fier,
se confier, avoir confiance, croire avec
confiance que ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
écrit feid [fei, foi, XIIe s.], au sens III, 1 [foi
de saint Thomas, 1754, Voltaire ; foi du
centurion, du charbonnier, av. 1825, P.-L.
Courier ; homme de peu de foi, 1672, Sacy ;
n’avoir ni foi ni loi, 1667, Boileau ; il n’y a
que la foi qui sauve, 1890, Dict. général ; voir
avec les yeux de la foi, 1872, Larousse] ; sens
I, 1, 1080, Chanson de Roland, écrit feid, feit
[foi, XIIe s., Roncevaux ; foi et hommage,
1690, Furetière] ; sens I, 2, 1636, Corneille ;
sens I, 3, 1273, Adenet [par ma foi, XIIe s.,
Roncevaux ; foi de, 1668, La Fontaine ; ma
foi, fin du XVIe s., A. d’Aubigné] ; sens I, 4,
v. 1587, Du Vair [sur la foi de quelqu’un,
1625, Racan] ; sens I, 5, v. 1283, Beaumanoir
[au sens actuel, début du XVIIe s., Malherbe ;
sur la foi de quelque chose, 1273, Adenet ;
la foi des traités, 1865, Littré ; en foi de
quoi, 1690, Furetière] ; sens I, 6, 1669,
Racine ; sens I, 7-8, 12, 1273, Adenet ; sens
I, 9, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy [en
bonne foi, 1656, Pascal] ; sens I, 10, v. 1283,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1950

Beaumanoir [male foi ; mauvaise foi,


XVIe s. ; foi punique, 1872, Larousse] ; sens
I, 11, 1678, La Fontaine ; sens II, 1, 1273,
Adenet [homme de foi, XIVe s., Ordonnance
royale] ; sens II, 2, 1544, Scève [avoir foi
en, v. 1770, J.-J. Rousseau ; une foi aveugle,
XXe s. ; ajouter foi à, 1541, Cal-vin] ; sens
II, 3, 1685, Furetière ; sens III, 2, 1632,
Corneille ; sens III, 3 et 5, 1690, Furetière ;
sens III, 4, 1541, Calvin ; sens III, 6, 1835,
Vigny).

I. 1. Class. et littér. Assurance donnée


d’être fidèle à une parole, à une promesse,
à un serment : [Je] vous donne ma foi |
Que personne jamais n’aura pouvoir sur
moi (Molière). Je t’engage ma foi d’être,
pour ce jour désiré de ton retour ici, plus
gros, plus gras [...] que je suis à l’heure
présente (Farrère). ‖ Foi et hommage,
sous la féodalité, serment que prêtait le
vassal à son seigneur et d’où découlaient
tous ses devoirs envers lui. ‖ Foi-men-
tie, v. à l’ordre alphab. ‖ 2. Spécialem. et
class. Amour fidèle, promesse de fidélité à
laquelle s’engagent les époux au moment
du mariage : Va lui jurer la foi que tu
m’avais jurée (Racine). ‖ 3. Class. Jurer
sa foi, affirmer sous serment, donner sa
parole : Il [Charles de Sévigné] vous aime
très chèrement, il en jure sa foi (Sévigné).
‖ Elliptiq. Par ma foi, foi de, je l’affirme
par serment, j’en donne ma parole : Foi
d’honnête homme. ‖ Par extens. Ma foi,
formule banale usitée pour appuyer une
affirmation, une négation : Ma foi oui,
c’est exact. ‖ 4. Class. Garantie en tant
qu’effet nécessaire d’un serment, d’une
promesse : Que d’un festin la pompe et
l’allégresse | Confirment à leurs yeux la foi
de nos serments (Racine). ‖ Sur la foi de
quelqu’un, en lui accordant sa confiance,
sur sa parole : Mais c’est trop que d’en
croire un Romain sur sa foi (Corneille).
‖ 5. Class. Faire foi, donner une garan-
tie, une preuve de la réalité, de la vérité
de quelque chose ; établir d’une façon
indubitable : Laissons là le mérite : | J’en
ai fort peu, sans doute, et vous en faites foi
(Molière). Dans les champs phrygiens les
effets feront foi | Qui la chérit le plus, ou
d’Ulysse ou de moi (Racine) ; auj., avoir
une valeur incontestable (usité dans la
langue juridique ou commerciale) : J’ai
payé ma dette, cette quittance en fait foi.
‖ Sur la foi de quelque chose, en se fiant
entièrement à : Sur la foi de mon droit
mon âme se repose (Molière). Feu Bou-
langer, dont elle était devenue amoureuse
sur la foi des chromos (Le Roy). ‖ La foi
des traités, confiance qu’inspire un trai-
té ; et, par extens., promesse solennelle,
engagement d’honneur : Mon père [...]
ne gardait pas aussi scrupuleusement que
ma grand-mère et que ma mère la foi des
traités (Proust). ‖ En foi de quoi, formule
qui précède les signatures apposées au
bas d’un acte et qui signifie « en se fiant à
ce qui vient d’être lu ou dit ». ‖ 6. Class.

Laisser quelqu’un sur sa foi, le laisser aller


seul, le laisser libre d’agir à sa guise, lui
faire confiance : Ne l’osez-vous laisser
[Néron] un moment sur sa foi ? (Racine).
‖ 7. Class. Sincérité, loyauté avec les-
quelles on respecte l’engagement pris ;
fidélité à cet engagement : Ta foi, dans
mon malheur, s’est montrée à mes yeux
(Racine). ‖ 8. Par extens. et class. Fidélité
aux principes, aux actes que dictent la
sincérité : Je veux m’abandonner à la foi de
ma femme (Molière). ‖ 9. Bonne foi, qua-
lité de celui qui juge et qui agit en toute
droiture, sans passion et avec la ferme
conviction qu’il suit les lois de l’honnê-
teté : Il faut avoir la bonne foi de recon-
naître les défauts que l’on aperçoit dans
les époques sociales (Chateaubriand).
Mais peut-être estimez-vous qu’il puisse
être parfois utile [...] de faire compa-
raître une personne de bonne foi (Valéry).
[V. aussi § II, n. 1] ‖ 10. En bonne foi, en
toute bonne foi, sincèrement. ‖ Être de
bonne foi, être convaincu de la véracité de
ce que l’on dit. ‖ 11. Mauvaise foi, trom-
perie parfaitement consciente ; jugement
troublé par la passion, l’intérêt : Elle avait
honte de sa mauvaise foi, elle s’en irritait
davantage (Giraudoux). ‖ Être de mau-
vaise foi, savoir fort bien que l’on dit une
chose fausse. ‖ Foi punique, manque de
parole, déloyauté (défauts que les Ro-
mains reprochaient aux Carthaginois).
‖ 12. Class. Par ta foi, par votre foi, je fais
appel à ta, à votre loyauté, répondez fran-
chement : Quel autre art de penser Aris-
tote et sa suite | Enseignent-ils, par votre
foi ? (La Fontaine). ‖ 13. Class. Sincérité,
véracité d’une chose : Je ne reconnais plus
la foi de vos discours | Qu’au soin que vous
prendrez de m’éviter toujours (Racine).

II. 1. Class. Confiance qu’inspire la pro-


messe, la parole d’autrui : Quoiqu’à leur
nation bien peu de foi soit due (Molière).
‖ Bonne foi, crédulité : « Il me le dit, ma
soeur, et pour moi, je le croi. | — Ne soyez
pas, ma soeur, d’une si bonne foi » (Mo-
lière). [V. aussi § I, n. 9.] ‖ 2. Homme de
foi, homme digne de foi, de confiance :
Cultivez vos amis, soyez homme de foi
(Boileau). ‖ 3. Entière confiance que
l’on met en quelqu’un, en quelque chose :
On ne peut tout seul garder la foi en soi-
même (Mauriac). À mesure que la repré-
sentation approche, il [l’auteur] perd foi
dans son oeuvre (Daudet). Une rumeur
digne de foi. ‖ Avoir foi en ou dans, avoir
confiance en : Je n’ai aucune foi dans
l’esprit des enfants annonçant un homme
supérieur (Stendhal). Il avait foi dans le
charme du bohémien (Nerval). ‖ Une foi
aveugle, une confiance totale et qui passe
outre à toute objection. ‖ Class. Ajouter
foi à quelqu’un, le croire : Je ne vous parle
pas de nous ajouter foi (Molière). ‖ Auj.
Ajouter foi à quelque chose, le croire.
‖ 4. Spécialem. Ligne de foi, ligne qui,

dans un instrument d’optique, sert de


repère pour observer avec exactitude.

III. 1. Le fait de croire en Dieu, en un


dogme, par une adhésion profonde de
l’esprit et du coeur : La foi étant un don
de Dieu, celui-là même qui donne la grâce
pour faire croire les autres choses la peut
aussi donner pour nous faire croire qu’il
existe (Descartes). Voilà ce que c’est que
la foi : Dieu sensible au coeur et non à
la raison (Pascal). La foi n’est pas seule-
ment un acte d’intelligence, mais aussi
un acte de volonté (Lacordaire). La foi
est faite de confiance en Dieu et d’aban-
don de soi (Gide). On ne perd pas la foi,
elle cesse d’informer la vie, voilà tout
(Bernanos). ‖ Foi de saint Thomas, celle
qui demande des preuves. ‖ Foi du cen-
turion, croyance profonde et confiante.
‖ Foi du charbonnier, croyance aveugle,
qui ne réfléchit pas, ne discute pas.
‖ Homme de peu de foi, esprit sceptique,
qui réclame des preuves. ‖ N’avoir ni foi
ni loi, n’avoir ni croyance religieuse ni
respect de la loi humaine ; être dépourvu
de tout sens moral. ‖ Ironiq. Il n’y a que
la foi qui sauve, une confiance aveugle fait
tout accepter. ‖ Voir avec les yeux de la
foi, croire sans raisonner. ‖ 2. Article de
foi, dogme défini par l’Église catholique
et auquel sont tenus de croire tous les
fidèles ; par extens., ce que l’on croit aveu-
glément : C’était, en sa pensée, un auguste
mystère, un de ces articles de foi auxquels
les croyants adhèrent sans les comprendre
(France). ‖ 3. Profession de foi, affirma-
tion publique de l’adhésion de quelqu’un
à une croyance religieuse ; par extens.,
déclaration publique de ses opinions phi-
losophiques, politiques : « La Profession
de foi du vicaire savoyard » de J.-J. Rous-
seau ; spécialem., déclaration par laquelle
un candidat aux élections fait connaître
son programme à ses électeurs. ‖ 4. Le
dogme lui-même, la religion : Professer la
foi chrétienne. ‖ Propagation de la foi, v.
PROPAGATION. ‖ 5. Celle des trois vertus
théologales qui fait que le croyant adhère
aux vérités révélées de Dieu et transmises
par son Église. ‖ 6. Toute adhésion de
l’esprit ferme et fervente à une chose que
l’on révère comme un culte : Avoir foi
dans le socialisme. C’est la foi qui donne
à l’homme l’élan qu’il faut pour agir, et
l’entêtement qu’il faut pour persévérer
(Martin du Gard).

• SYN. : I, 9 droiture, honnêteté, sincérité ;


10 déloyauté, fausseté, fourberie, perfidie.
‖ II, 4 croyance, fanatisme, mysticisme ;
7 confession, culte, Église. — CONTR. :
II, 4 athéisme, incrédulité, incroyance,
scepticisme.

foie [fwa] n. m. (lat. pop. *fécatum, de


*fícatum, lat. impér. fīcātum, foie d’oie
engraissée avec des figues, foie en géné-
ral [de ficus, figue], trad. du gr. [hêpar]
sukôton, mêmes sens, de hêpar, foie, et de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1951

sukôton, neutre de l’adj. sukôtos, préparé


avec des figues, de sukoûn, nourrir de
figues, dér. de sûkon, figue ; VIIIe s., Gloses
de Reichenau, écrit figido [feie, XIIe s. ; foie,
XIIIe s.], au sens 1 [firie, 1080, Chanson de
Roland, est une var. issue d’une anc. forme
*fidie, qui a précédé feie] ; sens 2, XVIe s.,
Le Roux de Lincy, Proverbes [foie gras,
1690, Furetière] ; sens 3, 1845, Bescherelle ;
sens 4, 1872, G. Esnault). 1. Glande volu-
mineuse, située dans la partie supérieure
droite de l’abdomen de l’homme et des
principaux vertébrés, qui sécrète la bile et
remplit de nombreuses fonctions : Sinon,
pour t’arracher le coeur avec le foie, | Mes
mains se feront marbre et mes dix ongles
fer (Heredia). Rien ne lui fait soupçonner
qu’il [l’être vivant] ait un foie, un cerveau,
des reins et le reste (Valéry). Avoir le foie
paresseux. Une maladie de foie. ‖ 2. Foie
de certains animaux employé comme ali-
ment : Une tranche de foie de veau. Du pâté
de foie de porc. ‖ Foie gras, ou simplem.
foie, foie de volaille spécialement engrais-
sée : Mes six dernières terrines de foie de
canard (Gautier). Elle ne se souvient plus
d’avoir gardé les oisons que sa mère élevait
pour vendre les foies (Le Roy). ‖ 3. Nom
donné autref. à une substance chimique
de couleur analogue à celle du foie. ‖ Foie
de soufre, polysulfure de potassium impur
qu’on employait pour les bains sulfureux.
‖ Foie d’antimoine, oxysulfure d’anti-
moine. ‖ 4. Pop. Avoir les foies blancs ou
avoir les foies, avoir peur : J’ai pas les foies,
mais j’aime pas ça (Bourdet). Sur les routes,
y a non seulement les troupes, mais aussi
tous les civils des patelins, qui ont les foies
et qui se débinent (Martin du Gard).

foie-de-boeuf [fwadboef] n. m. (de


foie, de et boeuf ; 1901, Larousse). Syn. de
FISTULINE.

foi-mentie [fwamɑ̃ti] n. f. (de l’anc. loc.


mentir sa foi, manquer à son engagement
[XIIe s., Roncevaux], de mentir [v. ce mot],
sa, fém. de son, adj. poss., et foi ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 ; sens
2, v. 1283, Beaumanoir). 1. Nom donné à
toute infraction au devoir de fidélité liant le
vassal au suzerain. ‖ 2. Par extens. Manque
de fidélité à ses engagements : Des têtes
généreuses, exaltées ne seraient pas restées à
fermenter dans Paris, à s’enflammer contre
l’humiliation de notre politique extérieure
et contre la foi-mentie de la royauté nouvelle
(Chateaubriand).

• Pl. des FOIS-MENTIES.

1. foin [fwɛ̃] n. m. (lat. fēnum, faenum,


foin ; XIIe s., écrit fein, fain [foin, sous
l’influence de la consonne labiale initiale,
av. 1493, G. Coquillart], au sens 1 [avoir,
mettre du foin dans ses bottes, chercher
une aiguille dans une meule de foin,
1690, Furetière ; être bête à manger du
foin, milieu du XVIIIe s.] ; sens 2, v. 1360,
Froissart ; sens 3, 1865, Littré ; sens 4, 1920,

Bauche). 1. Herbe fauchée et séchée qui sert


à la nourriture des animaux : Le cheval
[...] mordillait sa botte de foin (Flaubert).
‖ Fam. Avoir, mettre du foin dans ses
bottes, être riche, s’enrichir. ‖ Chercher
une aiguille dans une botte de foin, chercher
quelqu’un ou quelque chose d’impossible
à trouver. ‖ Être bête à manger du foin,
être d’une rare bêtise. ‖ 2. Herbe sur pied,
destinée à être fauchée et séchée (en ce sens
s’emploie surtout au pl.) : Ce goût qu’au
moins | Exhalent celles-là qui vont fanant
les foins (Verlaine). ‖ 3. Par anal. Poils qui
garnissent le fond de l’artichaut. ‖ 4. Pop.
Faire du foin, faire du tapage, du scandale.
& foins n. m. pl. (XIXe s.). Syn. de FENAISON.

2. foin ! [fwɛ̃] interj. (peut-être de l’anc.


loc. bailler foin en corne, duper [XVIe s.],
qui avait concerné d’abord l’habitude qu’on
avait de lier une botte de foin aux cornes
de certains taureaux pour signaler qu’ils
étaient dangereux, de bailler [v. ce mot], foin
1, en [prép.] et corne, habitude déjà romaine,
cf. le lat. class. habere fenum in cornu, être
enragé [de habere, avoir, fenum, foin, in,
dans, et cornu, corne] ; 1579, Larivey). Vx
et littér. Marque le dépit, l’agacement, la
répulsion : Foin ! Je ne me souviens jamais
comment diantre ils baragouinent ce nom-
là (Molière). Foin de moi, foin de votre
conseil ! (Furetière). Foin du Diable ! Après
tout, le monde est aux hardis (Leconte de
Lisle). C’est entre hommes qu’ils causent ;
foin des ménagements ! (Gide).

foirade [fwarad] n. f. (de foirer ; 1877,


Littré, au sens 1 ; sens 2, 1920, Bauche ; sens
3, 1962, Larousse). 1. Pop. et vx. ‖ 2. Action
de foirer ; excréments liquides : Fièvre,
foirade, trois nuits passées sans sommeil
(Flaubert). ‖ 3. Fig. et pop. Peur. ‖ 4. Fig. et
fam. Échec : Ce beau plan, quelle foirade !

foirail [fwaraj] ou foiral [fwaral] n. m.


(mot berrichon, de foire 1 ; 7 mars 1874,
Gazette des tribunaux, écrit foirail ; foi-
ral, 9 mars 1874, Journ. officiel). Dialect.
Champ de foire : Vers les trois heures, les
divers foirails dégorgeaient hommes et ani-
maux, marchands, charrettes, voitures,
bêtes de somme (Le Roy). On quittera cette
racaille, pour aller retrouver sur le foiral de
Chaudesaigues des hommes dignes de ce
nom (Romains).

1. foire [fwar] n. f. (bas lat. feria, marché,


foire, du lat. class. feriae, n. f. pl., « jours
consacrés au repos, fêtes » [il était d’usage,
dès l’Antiquité, de faire des foires en même
temps que certaines fêtes religieuses] ;
v. 1130, Eneas, écrit feire [foire, XIIIe s., La
Curne], au sens 1 [champ de foire, 1865,
Littré ; foire franche, 1745, Duclos] ; sens
2, 1890, Dict. général [foire aux puces,
début du XXe s. ; s’entendre comme lar-
rons en foire, 1650, Livet] ; sens 3, 1595,
d’après Littré, 1865, et Larousse, 1872 ; sens
4, début du XXe s. ; sens 5, fin du XIXe s.,
A. Daudet [hercule de foire, av. 1902, Zola] ;

sens 6, 1922, Larousse). 1. Grand marché


où se vendent toutes sortes de denrées ou
d’animaux, et qui se tient à des époques
fixes dans un même lieu : Elles [les grandes
allées] facilitaient la montée des gens et des
bestiaux aux foires mensuelles (Le Roy).
‖ Champ de foire, endroit où se tiennent
habituellement les foires. ‖ Autref. Foire
franche, foire qui était exemptée de cer-
tains droits. ‖ 2. Spécialem. Grand mar-
ché qui se consacre à un certain genre de
produits, d’articles : Foire aux jambons.
Foire à la ferraille. ‖ Foire aux puces,
marché où se vendent surtout des objets
d’occasion : Des livres d’occasion, que vous
aviez ramassés chez les brocanteurs, ou à
la foire aux puces (Romains). ‖ S’entendre
comme larrons en foire, s’entendre par-
faitement pour faire un mauvais coup,
une farce, etc. ‖ Fam. Foire d’empoigne,
v. EMPOIGNE. ‖ Fam. Acheter à la foire
d’empoigne, voler. ‖ 3. Théâtre de la Foire,
nom donné à différentes sortes de spec-
tacles qui figurèrent, pendant près de deux
siècles, dans les foires de Saint-Laurent et
de Saint-Germain, à Paris. ‖ 4. Exposition
périodique d’échantillons industriels et de
modèles, qui a pour but de faciliter les tran-
sactions en faisant connaître les produits :
La Foire de Paris, de Lyon, de Marseille.
Foire commerciale. ‖ 5. Fête foraine qui
a lieu à certaines époques de l’année :
Foire aux pains d’épice. Foire du Trône.
La commode, surmontée d’une glace qui
reflétait un assortiment de bibelots gagnés
à la foire (Daudet). ‖ Hercule de foire, lut-
teur qui s’exhibe dans les foires, ou forain
qui exécute des tours de force : Un gaillard
très grand, très large, avec une tête carrée
d’hercule de foire (Zola). ‖ 6. Par anal. et
fam. Endroit où règne le bruit, le désordre :
Attention, gronda le père [...], comment vou-
lez-vous qu’il [le fils] travaille aussi, dans
une foire pareille ? (Aymé). ‖ Pop. Faire la
foire, mener une vie de débauche.

2. foire [fwar] n. f. (lat. foria, diarrhée ;


v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit feire
[foire, XIIIe s., Roman de Renart], au sens
1 ; sens 2, 1865, Littré). 1. Excréments à
l’état liquide, diarrhée : J’ai eu la foire, j’ai
dîné deux fois chez la princesse (Flaubert).
‖ 2. Fig. et pop. Peur : Des soldats de paix,
un pet ! Ça fout la foire, à nous, la gloire
(d’Esparbès).

foire- exposition [fwarɛkspozisjɔ̃]


n. f. (de foire 1 et de exposition ; XXe s.).
Manifestation commerciale où les produc-
teurs d’un ou plusieurs pays exposent leurs
principales productions.

foirer [fware] v. intr. (de foire 2 ; fin du


XVIe s., A. d’Aubigné, aux sens 1-2 ; sens 3,
1865, Littré [pour un cordage ; pour une
vis, 1907, Larousse] ; sens 4, XXe s.). 1. Pop.
Avoir la diarrhée : L’idée d’une chute ou
d’un blâme les fait tous foirer de peur dans
leurs culottes (Flaubert). ‖ 2. Pop. Faire
long feu, en parlant d’une arme : Un gros
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1952

douze anglais très court, chargé de poudre


M, qui foire toujours un peu quand le
temps est humide (Bernanos). ‖ 3. Pop.
Fonctionner d’une manière défectueuse :
Il tâtonna sous la pluie avec une clef qui
foirait (Saint-Exupéry). ‖ En parlant d’une
vis, d’un écrou, ne plus mordre par suite
d’usure ou de malfaçon. ‖ 4. Fig. et pop.
Échouer : Une expérience qui foire.

foireux, euse [fwarø, -øz] adj. (de foire


2 ; v. 1216, Robert de Clari, au sens 1 ; sens
2, 1890, Dict. général ; sens 3, XIVe s., Du
Cange, puis 1829, Boiste ; sens 4, 1872,
Larousse). 1. Pop. Qui a la foire, et, par suite,
qui est souillé d’excréments : Un enfant foi-
reux. ‖ 2. Pop. Accompagné d’évacuation
liquide : Pet foireux. ‖ 3. Fig. et pop. Se dit
de quelqu’un qui a peur : T’iras la faire,
ta patrouille, foireux (Dorgelès). ‖ 4. Fig.
et pop. Raté, sans valeur : Un film foireux.
• SYN. : 3 couard (fam.), dégonf lé (pop.),
froussard (pop.), péteux (pop.), peureux.

foirolle ou foirole [fwarɔl] n. f. (de foire


2 ; 1548, R. Estienne). Autre nom de la mer-
curiale annuelle, plante employée autrefois
pour ses vertus purgatives.

foiron [fwarɔ̃] n. m. (de foire 2 ; 1837,


Revue de philologie française [XXXIV, 26]).
Vx et pop. Derrière.

fois [fwa] n. f. (lat. vices, nominatif-accus.


plur. de vicem, tour, succession, alternative,
retour, réciprocité [mot attesté seulement à
l’accus. vicem, au génit. vicis, à l’ablatif vice,
et au plur. vices — v. ci-dessus — et vicibus,
datif-ablatif, ainsi que dans les expressions
in vicem, tour à tour, et vice versa — v. cette
loc.] ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit feiz
[fois, v. 1175, Chr. de Troyes ; le f- initial
du mot — au lieu de v- — reste mal expli-
qué], au sens I, 1 [une fois pour toutes, v.
1360, Froissart ; une bonne fois pour toutes,
1636, Monet ; une fois, v. 1170, Bartsch ; il
était une fois, 1697, Ch. Perrault ; une fois,
deux fois, trois fois, av. 1695, La Fontaine ;
ne pas se faire dire une chose deux fois,
1690, Furetière ; encore une fois, av. 1704,
Bourdaloue ; y regarder à deux fois, 1787,
Féraud — ... à plusieurs fois, 1835, Acad.] ;
sens I, 2, 1845, Mérimée [des fois, 1835,
Platt ; non, mais des fois, XXe s.] ; sens I, 3,
1080, Chanson de Roland [à deux fois, 1636,
Corneille ; par deux fois, v. 1175, Chr. de
Troyes ; en deux fois, 1849, Sainte-Beuve ;
pour une fois, début du XXe s.] ; sens I, 4,
milieu du XVIe s. Amyot [une fois, « dès
que », 1080, Chanson de Roland] ; sens II,
1, 1370, Oresme ; sens II, 2, 1487, Garbin ;
sens II, 3, 1661, Molière).

I. MARQUE LA FRÉQUENCE. 1. Précédé


d’un adjectif numéral ou d’un adverbe
de quantité, indique l’unicité ou la réité-
ration d’un fait : Aimez ce que jamais on
ne verra deux fois (Vigny). Que de fois j’ai
redouté ton caractère violent (Musset). Je
vous l’ai dit maintes fois (France). ‖ Une
fois, une bonne fois, une fois pour toutes,

d’une manière définitive, de façon à ne


plus y revenir. ‖ Une fois, à un certain
moment, un certain jour : Si une fois tu
as raison... (Arène). [V. aussi § I, n. 4.]
‖ 2. Spécialem. Il était une fois, formule
par laquelle commence un conte de fées.
‖ Une fois, deux fois, trois fois, dans les
ventes aux enchères, dernière sommation
avant l’adjudication ; par extens., dernière
sommation avant l’exécution d’une me-
nace. ‖ Ne pas se faire dire une chose deux
fois, obéir dès la première injonction, dès
le premier mot. ‖ Ellipt. Encore une fois,
formule par laquelle on insiste ou on met
en garde. ‖ Fam. Y regarder à deux fois, à
plusieurs fois, bien réfléchir avant d’agir.
‖ 3. Précédé d’un adjectif démonstratif
ou indéfini, entre dans diverses locutions
adverbiales. ‖ Cette fois, dans cette cir-
constance, en cette occasion ; d’autres
fois, en d’autres circonstances. ‖ Pop.
Des fois, certaines fois, parfois : Des fois
il vient, souvent il refuse de venir ; en cer-
taines circonstances, à l’occasion : Elle
peut encore rendre service, des fois... (Hé-
mon) ; par hasard : Ce ne serait pas des
fois la star américaine de la villa des Lys ?
(Lichtenberger). ‖ Pop. Non, mais des
fois !, formule par laquelle on marque son
désaccord par une opposition brusque
et véhémente. ‖ 4. Précédé d’une pré-
position et d’un déterminant, forme des
locutions adverbiales. ‖ Class. À cette
fois, dans cette circonstance, en cette
occasion : Mais, à cette fois, Dieu merci,
les choses vont être éclaircies (Molière).
‖ Class. À deux fois, à deux reprises :
Mes pareils à deux fois ne se font point
connaître (Corneille) ; auj., ne s’emploie
plus que dans quelques expressions : S’y
prendre à deux fois. Y regarder à deux
fois. ‖ Par deux fois, par trois fois, à deux,
à trois reprises. ‖ En deux fois, trois fois,
etc., marque la répartition d’une action
que l’on a fractionnée : Film projeté en
deux fois. Payer en trois fois. ‖ Pour une
fois, par exception : Je me suis perfec-
tionné, pour une fois, dans une pension
de famille, j’arrive direct de Bruxelles (De
Croisset). ‖ 5. Suivi d’un participe ou
d’une proposition participiale, une fois
marque le moment à partir duquel com-
mence une action ou un état : Une fois ton
travail terminé, tu pourras aller jouer ; ou
parfois précédé du participe : Enfin son
mari, sachant qu’elle aimait à se prome-
ner en voiture, trouva un boc d’occasion
qui, ayant une fois des lanternes neuves et
des garde-crotte en cuir piqué, ressembla
presque à un tilbury (Flaubert).

II. JOINT À UN ADJECTIF NUMÉRAL CAR-


DINAL, MARQUE UN RAPPORT DE GRAN-
DEUR. 1. Indique l’intensité plus ou
moins grande d’une action ou d’une qua-
lité par rapport à une autre ou à d’autres
prises comme unité de comparaison :
Une lampe qui éclaire trois fois plus que
les autres. Il est dix fois plus intelligent que

vous. ‖ 2. Note la multiplication d’une


quantité par elle-même : Ce pays africain
contiendrait cinq fois la France. Deux
fois huit font seize. ‖ 3. Littér. Marque
l’intensité de la qualité exprimée par l’ad-
jectif : Ô Sort funeste ! [...] Sort trois fois
détestable (Courteline).

& À la fois, tout à la fois loc. adv. (1530,


Palsgrave [à la fois ; tout à la fois, 1580,
Montaigne ; à la fois, « parfois », v. 1283,
Beaumanoir]). Ensemble, en même temps :
Et toutes à la fois se courbaient à genoux
(Leconte de Lisle). Un chant de violon à
la fois strident et tendre (Gide). Il conte, il
plaisante, il interrompt tout à la fois (La
Bruyère).

& De fois à autre loc. adv. (1538,


R. Estienne). Class. et littér. De temps en
temps : Figurez-vous un barbier qui [...] fit
ouïr de fois à autre je ne sais quelle voix grêle
et bruyante (Malherbe). De fois à autre,
nous rencontrons une colonne poussiéreuse
qui rampe sur le Veld (Tharaud).

& Des fois que loc. conj. (début du XXe s.).


Pop. Peut-être que (avec une valeur iro-
nique) : Avec son petit rase-pet bleu horizon,
des fois qu’il se figure qu’il va faire tomber
la rombière (Benoit) ; au cas où, s’il arrivait
que (et le verbe au conditionnel) : Des fois
qu’il changerait d’avis.

& Toutes les fois que, chaque fois que loc.


conj. (v. 1240, G. de Lorris [toutes les fois
que ; chaque fois que, 1636, Monet]). Dans
toutes les circonstances où : Une pendule
fée et toutes les fois que l’on écoute le toc du
balancier, elle s’arrête (Valéry). Chaque fois
à peu près que j’entre dans le cimetière...
(Fromentin).

& Une fois que loc. conj. (1865, Littré).


Aussitôt que ; un jour où : Une fois que vous
aurez fini votre travail, vous serez content.

foison [fwazɔ̃] n. f. (lat. fusio, action de


répandre, diffusion, de fundere, verser,
répandre [v. FONDRE] ; fin du XIe s., Gloses
de Raschi). Littér. Grande abondance : Ces
concessions se vendaient plus ou moins cher
selon la bonté du sol, la qualité des arbres, le
cours et la foison des eaux (Chateaubriand).
Semez, dit-il, semez, bonnes gens ; semez
foison de fèves, car Celui qui doit venir
viendra bientôt (France).

& À foison loc. adv. (XIIIe s.). En abon-


dance : Dans ce jardin, les légumes poussent
à foison. Distribuer les faveurs à foison.

foisonnant, e [fwazɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de foisonner ; av. 1553, Rabelais). Qui
foisonne, est abondant : Michelle, une pei-
gnoir blanc sur lequel retombe, annelée, la
foisonnante toison noire (P. Margueritte).
Une foisonnante ceinture d’herbes
(Genevoix).

foisonnement [fwazɔnmɑ̃] n. m. (de


foisonner ; 1554, Thevet, au sens 1 ; sens 2,
1776, Encyclopédie). 1. Action de foison-
ner, de se multiplier : Le foisonnement des
mauvaises herbes. ‖ 2. Augmentation de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1953

volume d’une substance : Le foisonnement


de la chaux vive qu’on éteint.
• SYN. : 1 fourmillement, grouillement,
multiplication, pullulement, surabondance.

foisonner [fwazɔne] v. intr. (de foi-


son ; v. 1155, Wace, au sens de « être en
nombre suffisant » ; sens 1-2, v. 1240, G. de
Lorris ; sens 3, v. 1360, Froissart ; sens 4,
1771, Trévoux [pour la viande ; pour la
chaux, 1865, Littré]). 1. Abonder comme
par une sorte de multiplication : Cette
cour où l’imbécile foisonne (Stendhal).
Fra Ambrogio regardait le ciel où foison-
naient les roses du soir (France). ‖ 2. Fig.
Se multiplier, se développer à l’excès : Les
tendances, les mouvements, les idées [...]
foisonnaient (Romains). ‖ 3. Foisonner en
ou de, contenir en abondance : Une grande
cour, au milieu, foisonnait en volailles (Van
der Meersch). ‖ 4. Par anal. Augmenter
de volume : La chaux vive foisonne quand
on l’éteint.

• SYN. : 1 fourmiller, grouiller, pulluler ; 2


proliférer ; 3 abonder en, regorger de. —
CONTR. : 1 diminuer, disparaître, se raréfier ;
2 manquer.

fol [fɔl] adj. et n. m. Forme archaïque de


FOU (v. ce mot) : Un fol allait criant par tous
les carrefours (La Fontaine).

• REM. Cette forme ne s’emploie plus que


comme adjectif devant un nom masc.
commençant par une voyelle : Un fol
espoir.

folâtre [fɔlɑtr] adj. (de fol ; 1394, Du


Cange, écrit folastre [folâtre, XVIe s.], au
sens de « un peu fou » ; sens 1, v. 1530,
C. Marot ; sens 2, 1695, Fénelon [« qui se
trouve à un endroit comme par jeu », av.
1880, Flaubert]). 1. Littér. D’une gaieté
légère et un peu folle : Un mur clôt la fon-
taine où, par l’heure échauffée, | Folâtre,
elle buvait en descendant des bois (Hugo).
Ce n’était plus la grosse gamine folâtre qu’il
avait connue (Maupassant). ‖ 2. Par extens.
Qui traduit, reflète ce caractère : Humeur
folâtre. Foulant le théâtre | De son petit pied
folâtre (Banville). ‖ Littér. Se dit d’une
chose qui se trouve à un endroit comme par
jeu : Une touffe folâtre de chèvrefeuille sau-
vage s’est pendue sur le rebord (Flaubert).
• SYN. : 1 badin, enjoué, follet, foufou
(fam.) ; 2 allègre, gaillard (fam.), guilleret.

folâtrement [fɔlɑtrəmɑ̃] adv. (de folâtre ;


1539, R. Estienne). Littér. D’une manière
folâtre : Elle m’interrompit folâtrement
[dans ma lecture], m’arracha le livre des
mains et se mit à fuir (Sainte-Beuve). Je
voyais une multitude parée, riant et s’avan-
çant folâtrement (Gide).

folâtrer [fɔlɑtre] v. intr. (de folâtre ; XVe s.,


au sens 1 ; sens 2, 1830, Lamartine). 1. Jouer,
s’ébattre gaiement et librement : Il n’aurait
[...] tenu qu’à moi d’entendre Nausicaa folâ-
trer avec ses compagnes (Chateaubriand).
‖ 2. En parlant de choses, avoir l’air

de jouer d’une façon un peu folle : Le


radieux sourire en pleurs du jour naissant
| Folâtrait sur son corps de vierge éblouis-
sant (Banville).

• SYN. : 1 batifoler (fam.), cabrioler,


s’ébrouer, gambader.

folâtrerie [fɔlɑtrəri] n. f. (de folâtre ;


1534, Rabelais, écrit folaterie ; folâtrerie,
v. 1540, Yver). Littér. Action de folâtrer ;
mouvements, ébats folâtres : Les jeux finis,
l’ikousen (courtisane) [...] me força, avec la
folâtrerie des amours, à lui donner la main
(Chateaubriand). Les poissons sautaient
avec des folâtreries incroyables (Flaubert).
Cette folâtrerie et ces éclats de rire, qui
ressemblent à des explosions, apparaissent
comme une véritable folie, au moins comme
une niaiserie de maniaque, à tout homme
qui n’est pas dans le même état que vous
(Baudelaire).

foliacé, e [fɔljase] adj. (lat. foliaceus, qui


a la forme d’une feuille, de folium, feuille ;
1751, Encyclopédie, au sens I ; sens II, 1865,
Littré).

I. Qui est de la nature des feuilles ou qui


en a l’apparence : Lichen foliacé.

II. Qui est divisé en feuillets : Pierre de


structure foliacée.

foliaire [fɔljɛr] adj. (dér. savant du lat.


folium, feuille ; 1778, Lamarck). Qui appar-
tient aux feuilles : Glandes foliaires.

foliation [fɔljasjɔ̃] n. f. (dér. savant du lat.


folium, feuille ; 1757, Encyclopédie, au sens
I, 1 ; sens I, 2, 1829, Boiste ; sens II, XXe s.).

I. 1. Disposition des feuilles sur la tige ; et


par anal. : Ses cheveux, comme une varié-
té végétale ravissante et inconnue, repo-
saient sur son front dans la minutieuse
délicatesse de leur foliation (Proust).
‖ 2. Moment où les bourgeons com-
mencent à développer leurs feuilles.

II. En géologie, division d’une roche en


feuillets.

folichon, onne [fɔliʃɔ̃, -ɔn] adj. (de


fol ; 1642, Oudin, comme n., au sens de
« personne folâtre » ; comme adj., au sens
1, 1740, Acad. ; sens 2, av. 1880, Flaubert).
1. Fam. D’une gaieté libre, légère et un peu
folle : Ainsi le sévère Paphnuce entreprit
autrefois de gagner à Dieu la folichonne
Thaïs (France). ‖ 2. Par extens. et fam.
Gai, divertissant (s’emploie surtout, en ce
sens, à la forme négative) : Si vous croyez
que c’est folichon (Proust). Un spectacle qui
n’est pas folichon.

• SYN. : 1 badin, espiègle, fofolle (fam.) et


foufou (fam.), follet ; 2 amusant, drôle,
plaisant.

folichonner [fɔliʃɔne] v. intr. (de foli-


chon ; 1786, Ph. Leroux). Vx et fam. Folâtrer
avec une légèreté un peu folle : Nous irons
retrouver Florine et Coralie au Panorama-

Dramatique, où nous folichonnerons avec


elles dans leurs loges (Balzac).

• SYN. : s’amuser, batifoler (fam.).

folichonnerie [fɔliʃɔnri] n. f. (de foli-


chon ; 1867, Delvau, aux sens 1-2). 1. Fam.
Caractère de ce qui est folichon ; gaieté,
agrément : De sorte que mon existence
manque de folichonnerie absolument
(Flaubert). On allait rire, cela se devi-
nait dans l’air, dans les folichonne-ries
des toques inclinées, dans l’allumage et le
retroussis malin des yeux et des bouches
s’adressant de loin de petits signes avertis-
seurs (Daudet). ‖ 2. Par extens. Action ou
parole folichonne (rare) : Si, comme toutes
les femmes, elle avait certains jours ses nerfs,
et plus violemment que d’autres, c’étaient
de courts accès, dont elle sortait bien vite
par une folichonnerie (Goncourt).

• SYN. : 1 entrain, gaieté, joie.

1. folie [fɔli] n. f. (de fol ; 1080, Chanson


de Roland, au sens 1 [folie circulaire, à
double forme, 1865, Littré ; folie des gran-
deurs, XXe s.] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens
3, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens
4, 1636, Monet ; sens 5, 1080, Chanson de
Roland [c’est folie de, XIIIe s., Littré] ; sens 6,
v. 1283, Beau-manoir ; sens 7, 1843, Balzac ;
sens 8, av. 1549, Marguerite de Navarre ;
sens 9, 1694, La Fontaine). 1. Trouble
mental grave englobant tous les désordres
pathologiques de l’esprit : Ils [des fous]
parlaient de tout avec clarté [...], et sou-
dain leur pensée, touchant l’écueil de leur
folie, s’y déchirait en pièces, s’éparpillait
et sombrait dans cet océan effrayant [...]
qu’on nomme la démence (Maupassant).
Il fallait précisément qu’un premier fût
malade pour permettre ensuite la santé de
beaucoup. Rousseau sans sa folie n’aurait
été qu’un indigeste Cicéron (Gide). Accès
de folie. Simuler la folie. ‖ Spécialem. Avec
un qualificatif ou un complément, désigne
une forme particulière de trouble mental.
‖ Folie circulaire ou à double forme, folie
caractérisée par une alternance d’états
antithétiques, généralement l’exaltation et
la mélancolie. ‖ Folie des grandeurs, sures-
timation par un individu de ses facultés
intellectuelles, de sa puissance : Quelque
outsider qui, pour le moment, fait de la folie
des grandeurs dans son coin (Romains).
[Syn. MÉGALOMANIE.] ‖ 2. Caractère de
ce qui échappe au contrôle de la raison,
du bon sens : J’ai toujours préféré la folie
des passions à la sagesse de l’indifférence
(France). ‖ 3. Passion violente, qu’on ne
peut contrôler : Je n’ai jamais éprouvé pour
mon mari cette sombre folie, qui fait que
je ne puis détacher ma pensée de Julien
(Stendhal). ‖ 4. Par extens. Goût exces-
sif, déréglé ou exclusif pour une chose :
Avoir la folie des tableaux. C’est ma folie
des âmes, cette excitation devant une âme
(Montherlant). ‖ 5. Action, conduite,
parole tout à fait déraisonnable ou qui peut
sembler telle : J’étais gris, il faut en conve-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1954

nir, lorsque j’ai fait cette folie (Musset). Je


craignais que les nobles du Conseil ne com-
prissent quelle folie c’était que d’envoyer
l’armée sur l’Arbia (France). Envier le
bonheur d’autrui, c’est folie (Gide). ‖ C’est
folie de (suivi de l’infinitif), c’est dénué de
tout bon sens, c’est déraisonnable, absurde
de : C’était folie de se dévouer à un homme
(Vigny). ‖ 6. Écart de conduite : Faire des
folies. Des folies de jeunesse. Puissent toutes
les folies des amants finir aussi joyeusement
que la mienne (Musset). ‖ 7. Dépense
exorbitante : J’aurais fait des folies pour
l’obtenir (Montherlant). ‖ 8. Vx. Action,
parole d’une gaieté très vive, très libre, un
peu excessive : Dire des folies. Faire mille
folies. ‖ 9. La Folie, personnage allégorique
symbolisant la gaieté et l’extravagance, et
qu’on représente avec une sorte de jus-
taucorps aux bords découpés en pointes
garnies de grelots, et avec une marotte ;
par extens., personne déguisée représen-
tant ce personnage : Oh ! quelle charmante
Folie, rose et argent, toute en satin ! Quel
joli bruissement de paillons elle agitait au
moindre mouvement (Daudet).

• SYN. : 1 aliénation, démence ; 2 aveugle-


ment, délire, égarement, extravagance ;
4 fureur, manie, marotte (fam.), passion,
rage ; 5 absurdité, bêtise, énormité, sottise.
& À la folie loc. adv. (1704, Trévoux).
Avec une ardeur, une passion qu’on ne
peut contrôler : Ces pauvres gens m’ai-
maient tous à la folie parce que j’étais gaie
(Bernanos).

& folies n. f. pl. (1907, Larousse). Nom


communément donné aux chaleurs chez
la chienne. ‖ S’emploie aussi au singulier :
Quelque chose d’aussi mystérieux que la
folie d’une chienne (Proust).

2. folie [fɔli] n. f. (var. dialect. de feuillée


[v. ce mot] ; 1690, Furetière, au sens 1 ; sens
2, 1878, Larousse). 1. Nom donné, surtout
au XVIIIe s., à une maison de plaisance
située dans la banlieue de Paris et desti-
née, en général, à des rendez-vous galants :
Tout ce terrain avait été, sous le Directoire,
ce qu’on appelait une folie (Flaubert). Ces
villages des environs de Paris gardent encore
à leurs portes des parcs du XVIIIe siècle,
qui furent les « folies » des intendants et
des favorites (Proust). C’était une folie du
XVIIIe siècle, des colonnes crème sur des
murs orangés, des décorations de stuc en
tulipes et des buis nains du jardin dessinant
des palmes sous les roses grenat (Malraux).
‖ 2. Auj. Nom donné à certains théâtres :
Les Folies-Bergère.

folié, e [fɔlje] adj. (lat. foliatus, garni de


feuilles, de folium, feuille ; 1746, James, au
sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Garni de
feuilles. ‖ 2. Qui est en forme de feuille,
ou mince comme une feuille.

folio [fɔljo] n. m. (ablatif du lat. folium,


feuille, feuillage, feuille de papier [v. aussi
IN-FOLIO] ; 1675, Kuhn, au sens 1 ; sens

2, 1757, Encyclopédie). 1. Feuillet d’un


registre, d’un manuscrit, d’un livre ancien
numéroté par feuillets et non par pages.
‖ Folio recto, première page d’un feuillet.
(On dit plus souvent, par abrév., RECTO.)
‖ Folio verso, deuxième page d’un feuillet.
(On dit plus souvent, par abrév., VERSO.)
‖ 2. Par extens. Numéro de chaque page
d’un livre, de chaque feuillet d’un manus-
crit : Vérifier les folios.

foliolaire [fɔljɔlɛr] adj. (de foliole ; 1865,


Littré). En botanique, qui ressemble ou qui
appartient aux folioles.

foliole [fɔljɔl] n. f. (bas lat. foliolum,


petite feuille, de folium, feuille ; 1757,
Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, 1835,
Acad.). 1. Chaque division du limbe
d’une feuille composée : Les folioles d’une
feuille d’acacia. ‖ 2. Par extens. Chacun des
sépales du calice ou des pétales de la corolle
d’une fleur : Les pommiers [...] semaient
incessamment une pluie tournoyante de
folioles roses (Maupassant).

foliolé, e [fɔljɔle] adj. (de foliole ; 1865,


Littré). En botanique, qui est composé ou
muni de folioles.

foliot [fɔljo] n. m. (de l’anc. v. folier, faire


des folies, se démener comme un fou [v.
1120, Psautier d’Oxford — dér. de fol] ou
de l’adj. fol ; v. 1360, Froissart, au sens 1 ;
sens 2, 1694, Th. Corneille). 1. Balancier
des premières horloges ou montres, asso-
cié à un échappement à roue de rencontre.
‖ 2. Levier de serrure.

foliotage [fɔljɔtaʒ] n. m. (de folioter ;


1845, Bescherelle). Action de folioter.

foliotation [fɔljɔtasjɔ̃] n. f. (de folioter ;


XXe s.). Numérotation des feuillets d’un
manuscrit ou d’un registre.

folioter [fɔljɔte] v. tr. (de folio ; 1832,


Raymond). Marquer de numéros les feuil-
lets d’un registre, les pages d’un livre ; et
par extens. : Folioter un registre, un livre.
• SYN. : paginer.

folioteur [fɔljɔtoer] n. m. (de folioter ;


1962, Larousse). Numéroteur mécanique.

folklore [fɔlklɔr] n. m. (mot angl. signif.


proprem. « science du peuple », créé en
1846 par l’archéologue et littérateur anglais
William John Thoms [1803 - 1885] avec les
termes folk, peuple, et lore, savoir, science ;
1888, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1907,
Larousse ; sens 3, 24 avr. 1962, le Monde).
1. Science des traditions, des usages, des
croyances d’un pays : La « Description de
la Grèce », de Pausanias, est déjà une véri-
table enquête de folklore. ‖ 2. Par extens.
Ensemble des traditions, des légendes, des
chansons, de la littérature populaire d’un
pays, d’une région : Quand ils se mettent
à citer le folklore, on est fondé à craindre
qu’ils ne s’en aillent jamais (Hermant).
‖ 3. Fam. et péjor. Ce qui n’a qu’un inté-
rêt de pittoresque, qui ne mérite pas d’être

pris au sérieux : Ce débat politique, c’était


du folklore.

folklorique [fɔlklɔrik] adj. (de folklore ;


1927, Behrens, l’Engl., aux sens 1-3 ; sens 4,
12 mai 1969, l’Express). 1. Qui a rapport à la
science du folklore : Bibliographie, études
folkloriques. ‖ 2. Par extens. Qui appar-
tient au folklore d’un pays, d’une région :
Danses folkloriques. ‖ 3. Par extens. Qui
présente au public ce folklore dans ses
différentes manifestations : Groupe folk-
lorique. ‖ 4. Fam. et péjor. Qui n’est pas
sérieux, qui fait sourire : Une étymologie
folklorique.

folkloriste [fɔlklɔrist] n. (de folklore ;


1885, Bonnafé). Personne spécialisée dans
la science du folklore.

1. folle adj. et n. f. V. FOU.

2. folle [fɔl] n. f. (lat. follis, soufflet [pour


le feu], outre, bourse ; 1553, Journ. du sire
de Gouberville). Filet à larges mailles pour
prendre les raies et autres grands poissons
de mer : On donna ordre de mettre les folles
à la mer (Labat).

follement [fɔlmɑ̃] adv. (de fol ; début du


XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, au sens
1 ; sens 2, milieu du XVIe s., Amyot). 1. De
façon folle, déraisonnable : Le monde paraît
follement étrange quand on le revoit après
une longue absence (Mme de Girardin).
‖ En l’absence de toute mesure : Mais
elle ne pouvait songer à acheter d’autres
tableaux de lui, car ils étaient montés depuis
quelque temps à des prix follement élevés
(Proust). ‖ 2. Au plus haut degré : Aimer
follement la campagne.

• SYN. : 2 énormément, excessivement,


extrêmement, prodigieusement, terrible-
ment (fam.).

follet, ette [fɔlɛ, -ɛt] adj. et n. (de fol ; v.


1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 ;
sens 2, v. 1265, J. de Meung [follet, n. m. ;
esprit follet, 1677, Mme de Sévigné]). 1. Fam.
Se dit d’une personne qui, dans ses actes
ou dans ses paroles, se montre un peu folle,
extravagante, déraisonnable : Les hideuses
follettes septuagénaires d’aujourd’hui
(Bernanos). ‖ 2. Esprit follet, ou simplem.
follet n. m., dans les croyances populaires,
lutin familier, plus malicieux que malfai-
sant : Il y a des privilèges attachés aux mai-
sons qu’habitent les follets (Nodier). Il [le
chat] volète à travers les barreaux, pareil à
quelque ténébreux follet (Genevoix).

• SYN. : 2 farfadet, gobelin.

& adj. (sens 1, milieu du XVIe s., Ronsard


[pour des poils ; pour des cheveux, 1840,
Balzac ; follet, n. m., « duvet d’un jeune
oiseau », 1530, Palsgrave] ; sens 2, 1611,
Cotgrave [follet, n. m., 1549, R. Estienne]).
1. Se dit des poils ou des cheveux menus et
légers qui semblent, dans leur implantation
et dans leur forme, capricieux, indociles :
Le grand air l’entourait, levant pêle-mêle les
petits cheveux follets de sa nuque (Flaubert).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1955

Loric regardait les blonds cheveux follets


voltigeant aux tempes, au front, au cou
d’Éline (Daudet). ‖ 2. Feu follet, flamme
légère et fugitive produite par la com-
bustion spontanée de certains gaz qui se
dégagent des endroits où se décomposent
des matières organiques, notamment les
marécages et les cimetières : Du haut de
ce tertre isolé, l’oeil plane sur la mer et
sur des marais où voltigent pendant la
nuit des feux follets, lumière des sorciers
qui brûle aujourd’hui dans nos lampes
(Chateaubriand).

follette [fɔlɛt] n. f. (fém. substantivé de


follet ; 1722 [d’après Trévoux, 1771], au
sens 1 ; sens 2, XVIIIe s.). 1. Fichu en toile
blanche, taffetas ou gaze brodée, qu’on por-
tait dans la première moitié du XVIIIe siècle.
‖ 2. Sous Louis XVI, touffe de plumes
blanches ornant le chapeau.

1. folliculaire [fɔlikylɛr] adj. (de follicule


1 ; av. 1880, Flaubert). Qui a rapport aux
follicules : Vous perforez l’intestin, puisque
la fièvre typhoïde est une altération de sa
membrane folliculaire (Flaubert).
2. folliculaire [fɔlikylɛr] n. m. (mot créé
en 1759 par Voltaire sur le lat. folliculus
[v. FOLLICULE 1], qu’il a pris, à tort, pour un
dimin. de folium, feuille, feuillage, feuille de
papier). Vx et péjor. Journaliste sans talent
et sans scrupule : On était venu pour être un
grand écrivain, on se trouve un impuissant
folliculaire (Balzac). Vaugoubert n’a pas
eu à faire face seulement aux intrigues de
couloirs, mais aux injures de folliculaires à
gages qui, plus tard, lâches comme l’est tout
journaliste stipendié, ont été des premiers
à demander l’aman (Proust).

1. follicule [fɔlikyl] n. m. (lat. folliculus,


petit sac, balle, enveloppe du grain, etc.,
enveloppe de larve, de follis [v. FOLLE 2] ;
début du XVIe s., au sens 2 ; sens 1, v. 1560,
Paré [follicules clos, XXe s.]). 1. Nom de
divers organes en forme de sac : Follicule
sébacé, muqueux, pileux, dentaire, glan-
dulaire, ovarien. ‖ Spécialem. Follicule
clos, sorte de follicule lymphatique de la
muqueuse intestinale. ‖ 2. Fruit à péri-
carpe sec et déhiscent, dérivant d’un car-
pelle isolé et s’ouvrant par une seule fente.

2. follicule [fɔlikyl] n. f. (mot tiré en 1770


par Voltaire du lat. folliculus [v. l’art. pré-
céd.], qu’il a pris, à tort, pour un dimin. de
folium, feuille [v. FOLLICULAIRE 2]). Vx et
péjor. Petite feuille imprimée sans valeur :
Le rose tendre du meuble disparaît sous le
noir de mille follicules éparses et de bro-
chures circonstancielles (Goncourt).

folliculeux, euse [fɔlikylø, -øz] adj. (bas


lat. folliculosus, pourvu de follicules, de
folliculus [v. FOLLICULE 1] ; 1865, Littré).
Pourvu de follicules : Organes folliculeux.

folliculine [fɔlikylin] n. f. (de follicule


1 ; 1827, Acad., au sens de « genre d’infu-
soires polygastriques » ; sens actuel, XXe s.).

Hormone sécrétée par l’ovaire avant la libé-


ration cyclique de l’ovule.

folliculinique [fɔlikylinik] adj. (de follicu-


line ; 1951, Baruk). Relatif à la folliculine :
Insuffisance folliculinique.

folliculite [fɔlikylit] n. f. (de follicule 1 ;


1836, Landais). Nom donné aux inflam-
mations des follicules, notamment des
follicules pileux.

fomentateur, trice [fɔmɑ̃tatoer, -tris]


n. (dér. savant de fomenter ; 1613, Huguet).
Personne qui provoque, qui excite à : Un
fomentateur de troubles.

• SYN. : agitateur, excitateur, meneur,


provocateur.

• REM. On trouve aussi assez fréquem-


ment la forme FOMENTEUR, EUSE (milieu
du XXe s.).

fomentation [fɔmɑ̃tasjɔ̃] n. f. (bas lat.


fomentatio, calmant, baume adoucissant,
soulagement, de fomentatum, supin de
fomentare [v. FOMENTER] ; XIIIe s., au sens
1 ; sens 2, 1636, Monet [« action d’entretenir,
en bonne part », fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné]). 1. Vx. Application sur une partie du
corps d’un topique chaud ; compresse ser-
vant à cet usage : Les lotions avec la liqueur
de Saturne et les fomentations avec l’oxy-
crat (Hugo). ‖ 2. Fig. Action d’entretenir,
d’exciter : La fomentation de la haine, d’une
révolte.

• SYN. : 2 excitation, provocation.

fomenter [fɔmɑ̃te] v. tr. (bas lat. fomen-


tare, fomenter [en médecine], du lat. class.
fomentum, topique, calmant, lénitif [le plus
souvent employé au plur.], dér. de fovere,
échauffer, réchauffer, bassiner ; v. 1220,
G. de Coincy, écrit foumenter [fomenter,
1314, Mondeville], au sens 1 ; sens 2, av.
1889, Barbey d’Aurevilly ; sens 3, 1580,
Montaigne [« exciter — quelqu’un à... »,
milieu du XIVe s., Digulleville]). 1. Vx.
Soigner une partie du corps en y appli-
quant un topique chaud : Fomenter un
membre avec un liquide ou à sec. ‖ 2. Fig.
et vx. Calmer un mal moral, adoucir : Elle
fomentait les blessures au coeur avec les
attouchements ailés de ses mains (Barbey
d’Aurevilly). ‖ 3. Fig. Exciter, faire naître :
Fomenter la jalousie, la rébellion, la guerre.
• SYN. : 3 alimenter, allumer, attiser, aviver,
déchaîner, entretenir, envenimer, éveiller,
susciter.

fomenteur, euse n. V. FOMENTATEUR,


TRICE.

fonçage [fɔ̃saʒ] n. m. (de foncer 1 et 2 ; 6


nov. 1871, Journ. officiel, au sens I, 2 ; sens I,
1, 1872, Larousse ; sens II, 1874, A. Daudet).

I. 1. Action de mettre un fond : Le fon-


çage d’une futaille. ‖ 2. Action de creuser
un puits de mine.

II. Action de renforcer une teinte : Risler


[...] expliquait de là-haut à l’enfant la dis-
position des bâtiments, lui indiquait les
ateliers d’impression, de dorure, de fon-
çage (Daudet).

fonçailles [fɔ̃saj] n. f. pl. (de fons, forme


anc. de fond [v. ce mot] ; 1588, Godefroy,
écrit fonsailhe, au sing., au sens de « fond
d’un tonneau » ; écrit fonçailles, au plur.,
aux sens 1-2, 1743, Trévoux ; sens 3, XXe s.).
1. Pièces qui forment le fond d’un tonneau.
‖ 2. Barres de bois, sangles et cordes for-
mant le fond d’un lit. ‖ 3. Garniture de
siège, en canne ou en paille.

foncé, e [fɔ̃se] adj. (part. passé de foncer 1


et 2 ; 1690, Furetière, au sens I [parce qu’une
couleur sombre paraît enfoncée par rapport
à ce qui est clair] ; sens II, 1865, Littré).

I. Chargé de couleur, sombre : Le ciel


s’étendait comme un rideau d’un vio-
let foncé (Fromentin). Ses yeux, si clairs
d’habitude, étaient devenus foncés de
colère (Martin du Gard).

II. Trou foncé, en technologie, trou creu-


sé dans une pièce de bois, mais qui n’en
traverse pas l’épaisseur.

• CONTR. : 1 clair, pâle.

foncement [fɔ̃smɑ̃] n. m. (de foncer 1 ;


1877, Littré, au sens de « action de creu-
ser dans la terre » ; sens actuel, XXe s.). En
pâtisserie, action de foncer un moule avec
une pâte.

1. foncer [fɔ̃se] v. tr. (de fons, forme anc.


de fond [v. ce mot] ; 1389, Godefroy, au
sens 1 [« garnir d’un fond de pâte », 1757,
Encyclopédie ; « garnir avec du lard », etc.,
1802, Flick] ; sens 2, 1865, Littré). [Conj. 1
a.] 1. Mettre un fond à un tonneau, à un
meuble : Foncer une barrique. Des chaises
foncées de crin (Balzac). ‖ Spécialem. En
pâtisserie, en cuisine, garnir d’un fond
de pâte : Foncer une tourtière ; ou d’un
fond composé, suivant le cas, de bardes
de lard, de tranches de jambon, d’oignons,
de carottes, etc. : Foncer une casserole.
‖ 2. Creuser en descendant : Foncer un
puits, une mine.

2. foncer [fɔ̃se] v. tr. (même étym.


qu’à l’art. précéd. ; 1798, Acad. [v. aussi
FONCÉ]). Donner plus d’intensité à une
couleur, la rendre plus sombre : Une der-
nière lumière qui fonce toutes les teintes
(Camus).
• SYN. : assombrir. — CONTR. : éclaircir.

& v. intr. (début du XXe s.). Prendre une cou-


leur plus foncée : Des cheveux qui foncent.

3. foncer [fɔ̃se] v. intr. (même étym.


qu’aux deux art. précéd., avec influence
de fondre [sur] ; 1680, Richelet, au sens 1 ;
sens 2, 1914, G. Esnault). 1. Charger à fond,
avec violence : La police, fonçant au coeur
du désordre, s’attaquait aux pacifistes qui
ripostaient (Martin du Gard). L’éléphant
blessé fonce sur le chasseur. Foncer dans
la foule. Foncer contre un adversaire.
‖ 2. Fam. Se déplacer très vite, aller à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1956

toute vitesse : Foncer à toute allure. Il [...]


fonçait droit devant soi, le col raide, tous les
muscles bandés (Duhamel). ‖ Se hâter pour
achever une besogne : Son travail est déjà
terminé ; il a foncé. ‖ Fig. et fam. Foncer
dans le brouillard, ou, absol., foncer, aller
de l’avant sans s’arrêter aux critiques, aux
détails.

• SYN. : 1 s’élancer, fondre sur, se jeter sur,


tomber sur ; 2 filer (fam.), galoper (fam.) ;
se dépêcher, se presser.

fonceur [fɔ̃soer] n. m. (de foncer 3 ; 1914,


Esnault). Fig. et fam. Personne qui fonce,
qui n’hésite pas à aller de l’avant.

foncier, ère [fɔ̃sje, -ɛr] adj. (de fons,


forme anc. de fonds [v. ce mot] ; 1370,
Godefroy, au sens I, 5 ; sens I, 1, 1872,
Larousse ; sens I, 2, 1835, Acad. ; sens I, 3,
1549, R. Estienne ; sens I, 4, 1690, Furetière ;
sens I, 6, 1872, Larousse ; sens II, XVe s.).

I. 1. Qui consiste en un fonds de terre,


bâti ou non bâti : Bien foncier. Propriété
foncière. ‖ 2. Qui possède ce genre de
propriété : Propriétaire foncier. ‖ 3. Sei-
gneur foncier, celui qui, au temps de
la féodalité, était seigneur de tel ou tel
fonds. ‖ Justice foncière, juridiction que
ce seigneur possédait sur la terre mou-
vant de lui. ‖ 4. Par extens. Qui provient
de l’exploitation d’un bien-fonds : Revenu
foncier. ‖ 5. Qui frappe ce genre de pro-
priété : L’impôt foncier, et, ellipt., le fon-
cier. Les contributions foncières. ‖ 6. Cré-
dit foncier de France, institution de crédit
dont le rôle est de faire des avances aux
propriétaires fonciers, à quiconque a dé-
cidé de faire bâtir ou d’acheter une pro-
priété bâtie ou non bâtie.

II. Qui forme le fond même d’un ca-


ractère : Un orgueil foncier. Une bonté
foncière.

• SYN. : II fondamental, inné, naturel.

foncièrement [fɔ̃sjɛrmɑ̃] adv. (de fon-


cier ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 ; sens
2, fin du XVIIe s., Saint-Simon). 1. D’une
façon foncière, complètement : Je puis avoir
une opinion sur cette jeunesse désaxée par
les événements, mais, en fait, elle m’est fon-
cièrement étrangère (Renan). Mais, espérer
que ce nouvel ordre social renouvellerait
aussi l’homme, en créant automatique-
ment un spécimen d’humanité foncière-
ment meilleur — cela, il n’y parvenait pas
(Martin du Gard). ‖ 2. Dans le fond, par sa
nature : L’homme est foncièrement dépravé
(Proudhon). « Le cher garçon, malgré de
sérieux défauts, n’est pas foncièrement
mauvais », rectifia l’abbé (Martin du Gard).
• SYN. : 1 absolument, entièrement, intégra-
lement, pleinement, totalement, tout à fait ;
2 fondamentalement, naturellement, pro-
fondément. — CONTR. : 1 guère, légèrement,
un peu ; 2 apparemment, superficiellement.

foncteur [fɔ̃ktoer] n. m. (de fonct[ion] ;


1968, Larousse). En termes de logique,

opérateur qui exprime comment la vérité


d’une proposition complexe est fonction
de ses propositions élémentaires.

fonction [fɔ̃ksjɔ̃] n. f. (lat. functio,


accomplissement, exécution, et, à basse
époque, dans la langue juridique, « service
public, fonction », de fungi, s’acquitter de,
accomplir, remplir, supporter, consom-
mer, achever ; début du XVIe s., au sens I, 3
[appartement de fonction, XXe s.] ; sens I,
1, av. 1662, Pascal ; sens I, 2, 1835, Acad.
[faire fonction de, 1835, Acad. — d’abord
faire la fonction de, 1671, Pomey] ; sens I, 4,
XXe s. ; sens I, 5, 1580, Montaigne [fonctions
de nutrition, de relation, XXe s. ; fonctions
de reproduction, 1872, Larousse] ; sens I,
6, début du XXe s. ; sens I, 7, 1865, Littré ;
sens I, 8, 1845, Bescherelle ; sens II, 1, 1757,
Encyclopédie ; sens II, 2, 1890, Dict. général
[en fonction de, début du XXe s.]).

I. 1. Utilité, rôle d’un élément dans un


ensemble : La fonction de l’estomac est
de digérer les aliments. Quelle est la fonc-
tion du diamant sous terre ? (Hugo). La
conformité d’un objet avec la fonction
qu’il doit remplir est la Beauté (Valéry).
‖ 2. Emploi choisi par une personne ou
pour lequel elle a été désignée : Être can-
didat à une fonction. ‖ Faire fonction de,
remplir l’emploi de : Un adjudant qui fait
fonction de lieutenant ; et, par extens., en
parlant d’une chose : Une simple pièce de
monnaie peut faire fonction de tourne-
vis. ‖ 3. Activité, exercice d’une charge,
d’un emploi (s’emploie au singulier ou
au pluriel) : Le comte [...] pouvait occuper
de hautes fonctions (Balzac). Cet aimable
seigneur remplissait dans la maison les
fonctions d’interprète (Daudet). Le fidèle
Hector qui, depuis vingt ans, remplissait
auprès de lui les fonctions de valet de pied,
de garde-malade et, au besoin, de conseil-
ler (Gide). Un poète — ne soyez pas choqué
de mon propos — n’a pas pour fonction de
ressentir l’état poétique : ceci est une af-
faire privée. Il a pour fonction de le créer
chez les autres (Valéry). ‖ Appartement
de fonction, appartement alloué gratui-
tement à quelqu’un en vertu de la fonc-
tion, publique ou privée, qu’il occupe.
‖ 4. Spécialem. La fonction publique,
l’ensemble des emplois qu’occupent les
agents de l’État ; ces agents eux-mêmes :
Un préfet, un magistrat, un professeur
sont investis d’une fonction publique. Les
traitements de la fonction publique. Le
Conseil supérieur de la fonction publique
est composé par moitié de représentants
des syndicats de fonctionnaires, et par moi-
tié de membres de la Direction de la fonc-
tion publique. ‖ 5. Spécialem. Ensemble
des opérations exécutées par un organe
ou un ensemble d’organes et concourant
à entretenir la vie dans un être vivant et
dans l’espèce : Les fonctions de la vie ani-
male, de la vie végétative. ‖ Fonctions de
nutrition, celles qui concourent à assurer

la vie de toutes les cellules. ‖ Fonctions de


relation, celles qui mettent l’individu en
rapport avec le milieu extérieur. ‖ Fonc-
tions de reproduction, celles qui assurent
la propagation de l’espèce. ‖ 6. En gram-
maire, rôle joué dans une phrase par un
élément linguistique (mot, groupe de
mots, proposition) : La fonction de sujet,
de complément d’objet, d’attribut. Nature
et fonction d’une proposition. (V. art.
spécial.) ‖ 7. Rôle chimique appartenant
à un groupe de corps ; ensemble de pro-
priétés caractérisant ce groupe : Fonction
acide, fonction base. ‖ 8. Rôle d’une ma-
chine, ou d’un organe de machine.

II. 1. En mathématiques, grandeur dé-


pendant d’une ou de plusieurs variables :
Fonction algébrique. Fonction analytique.
‖ 2. Être en fonction de, ou être fonction
de, être dans une relation de dépendance
avec, suivre les variations de : Lorsque
cette ruine est en fonction, comme disent
les mathématiciens, de la ruine univer-
selle... (Bernanos). ‖ En fonction de, par
rapport à, en considération de : Les opi-
nions [...] n’intéressent le romancier qu’en
fonction de ceux qui les tiennent (Gide).

• SYN. : I, 1 office ; 2 charge, place, poste,


situation ; 3 mandat, ministère, mission,
rôle.

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LA FONCTION

Le mot fonction est appliqué aux faits de


langue dans plusieurs acceptions se lais-
sant grouper sous deux chefs :
— un sens grammatical : relations syn-
taxiques entre les termes de la phrase
— un sens plus largement linguistique :
fins du langage en soi et de chacun des
éléments de l’expression.

SENS GRAMMATICAL

La fortune du mot fonction en grammaire


commence au XXe s. Il est dit dans la no-
menclature publiée par arrêté ministériel
en 1910 : « Les propositions peuvent avoir
des fonctions analogues aux fonctions
des noms. Elles peuvent être :

proposition sujet,

proposition apposition,

proposition attribut,

proposition complément. »

Comme si on n’avait attendu que cette


caution officielle, le mot se répandit dans
l’usage scolaire, où il servit essentielle-
ment à distinguer, de la forme ou nature
grammaticale qu’on reconnaît aux mots
ou propositions, la fonction que chacun
d’eux assume, dès qu’il est employé, dans
le cadre de la proposition ou de la phrase.
Ainsi, le mot Paul est un nom propre,
c’est sa forme grammaticale ; dans les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1957

phrases ci-après, il a successivement la


fonction de sujet (1), d’apposition (2) et
de complément d’objet (3) :

1. Paul est invité.

2. Mon ami Paul est invité.

3. J’ai invité Paul.

Inversement, la fonction sujet peut être


assumée par un nom (1), par un pronom
(4), par un verbe (5) :

4. Il est invité.

5. Répondre est la moindre des

politesses.

La fonction ainsi conçue pose plusieurs


problèmes.

I. FAUT!IL NOMMER LA FONCTION

DE TOUS LES MOTS ?

La nomenclature de 1910, outre les quatre


« fonctions » communes aux noms et
aux propositions subordonnées, donnait
deux « emplois » de l’adjectif : épithète et
attribut, et distinguait quatre « termes
de la proposition » : sujet, verbe, attribut,
complément.

Cette formulation, qui seule fit loi


jusqu’en 1949, année où elle fut recon-
duite pour longtemps avec ses lacunes,
laisse dans l’ombre la fonction du verbe,
mais aussi celle des mots autres que le
verbe, le nom et l’adjectif.

Le nom de verbe, donné à une partie du


discours dont les variations morpholo-
giques font l’objet de désignations nom-
breuses et précises (forme active, passive ;
mode indicatif, subjonctif, etc. ; temps,
personne...), désigne aussi une fonction,
qui est appelée « base » de la proposition
dans le Code de terminologie grammati-
cale du ministère belge de l’Instruction
publique (1949, 1957) : la « base » est le
mot auquel tout se rapporte et qui ne se
rapporte à rien. L’adjectif mon dans la
phrase 2 de nos exemples se rapporte au
nom ami, qui se rapporte au verbe est, le-
quel ne se rapporte à aucun mot de cette
proposition, ni d’une autre (quel que soit
le contexte). La phrase 5 contient mor-
phologiquement parlant deux verbes,
répondre et est ; pour la syntaxe, le second
seul est « verbe ».

Ce qui obscurcit la distinction de la


forme et de la fonction quand il s’agit
du verbe n’est pas seulement l’unicité du
vocable employé, c’est aussi le fait que, si
un mot de forme verbale peut assumer la
plupart des fonctions propositionnelles
(sujet : phrase 5 ; verbe : phrases 1, 2, 3,
4, 5 ; attribut, complément, épithète), la
fonction « verbe » est toujours remplie
par un mot verbe.

Il est encore moins aisé de distinguer


forme et fonction pour des mots comme
la préposition ou l’article, voués par
nature à une seule fonction. La dualité
existe encore, mais on se passe de l’expri-

mer, et la terminologie n’en fait pas état.


Il est légitime de penser que les « mots
de liaison » comme la préposition et la
conjonction n’ont pour fonction que de
marquer celle des mots ou propositions
qu’ils introduisent, seule intéressante.

II. FONCTION ET DÉPENDANCE

Sur quoi repose la notion d’une relation


syntaxique entre deux unités linguis-
tiques ? Les justifications les plus diverses
proposées par les écoles formalistes
comme par les écoles psychologistes re-
viennent en définitive à un seul critère :
l’intuition. Voici une phrase d’André
Lafon :

Je trouvai une pomme rouge dans

chaque chaussure, et, pliés dans le

papier brillant d’une plaque de cho-

colat, cinq gros sous neufs et crissants

sous les doigts.

Tout lecteur de langue française sent


qu’un lien syntaxique associe, par
exemple, les mots constituant les groupes
suivants :
je trouvai,

une pomme,

trouvai une pomme,

pomme rouge,

trouvai dans chaque chaussure,

trouvai cinq sous,

le papier d’une plaque.

Mais aucun lien n’est senti entre rouge


et dans chaque chaussure, entre brillant
et d’une plaque, entre cinq et gros, entre
trouvai et sous les doigts.

Cette intuition est le seul critère positif


d’une relation fonctionnelle qui fait de
chacun des groupes de mots ainsi consti-
tués un syntagme (v. ce mot).

Toute donnée de l’intuition étant sus-


pecte, il y a avantage à confirmer les
groupements spontanés par l’épreuve de
réduction, qui permettra en même temps
de classer les syntagmes. On postule que
tout mot dans chaque emploi a une fonc-
tion, et une seule.

L’adjectif rouge dans la phrase d’André


Lafon reçoit sa fonction du nom pomme,
car on peut supprimer rouge sans priver
pomme de fonction, mais on ne peut sup-
primer pomme en gardant rouge ; on dira
que rouge dépend de pomme, ou lui est
« subordonné » (v. SUBORDINATION) ; se-
lon les termes de la glossématique — doc-
trine du Danois Hjelmslev —, rouge « pré-
suppose » pomme, et cette présupposition
est unilatérale.

Un groupe comme sous les doigts pourrait


dépendre d’un verbe comme (je) trouvai,
mais ici le rapprochement avec crissants
est intuitivement préféré : le groupe dé-
pend de crissants, ce qui exclut toute autre
fonction.

Au lieu d’être unilatérale, la dépendance


peut apparaître comme réciproque.
Ainsi, le pronom je présuppose un verbe
comme trouvai, mais ce verbe lui-même
présuppose le sujet je. Si l’un des termes
peut être considéré comme dominant
l’autre dans le syntagme, ne serait-ce pas
le sujet, puisqu’il impose au verbe sa per-
sonne et son nombre ? Pourtant, la gram-
maire traditionnelle analyse je comme
« sujet de trouvai », et ne dit pas que trou-
vai soit « verbe de je ».

L’argument de l’accord est écarté si l’on


remarque qu’un pronom comme il, elle
s’accorde régulièrement avec un antécé-
dent auquel il n’est lié par aucune fonc-
tion syntaxique, et qui peut très bien
figurer dans une autre proposition ; la
subordination morphologique marquée
par l’accord n’accompagne pas forcément
une subordination syntaxique.

Il reste l’intuition d’une présupposition


incontestablement réciproque entre je et
trouvai, en vertu de quoi la glossématique
parle d’un rapport de solidarité pour le
syntagme sujet-verbe.

Une certaine primauté du verbe, justi-


fiant les formules de l’analyse tradition-
nelle, se comprendra cependant si l’on
remarque que le verbe porte toujours la
marque morphologique de sa fonction
(trouvai, trouvas, trouva sont toujours
le « verbe de la proposition »), tandis
que le sujet n’est marqué comme tel que
lorsqu’il est je, tu, il(s) ou on. Dans une
phrase comme :

Pierre viendra,

le nom Pierre reçoit sa fonction du verbe.

Comparer :

Pierre, viens !

Pierre, je l’ai invité.

Pierre, sa femme est anglaise.

À plus forte raison ne parlera-t-on pas de


solidarité entre le verbe et son complé-
ment d’objet :

Sam promène un caniche,

ni entre le verbe et l’attribut :

Son caniche devient gros,

quoique les verbes promener et devenir


exigent respectivement un complément
d’objet et un attribut, lequel reçoit du
verbe sa fonction ; le verbe transitif ou
attributif reçoit si peu sa fonction du
complément d’objet ou de l’attribut qu’il
peut assumer lui-même les fonctions les
plus diverses sans que soient modifiés ses
rapports syntaxiques avec le terme que
son contenu lexical réclame :

Promener un caniche n’est pas


difficile.

Il va au bois pour promener son


caniche.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1958

Il mange beaucoup sans devenir gros.

Tandis que le sujet forme avec le verbe,


quel qu’il soit, un groupe qui ne manque
dans aucune proposition (sauf à l’impé-
ratif), le complément d’objet et l’attribut
ne sont solidaires que de certaines classes
lexicales de verbes, et cette solidarité
n’empêche pas que le verbe reste la tête
du groupe, fonctionnant vis-à-vis du
contexte exactement comme lorsqu’il est
seul.

De tout cela ressort que la fonction


peut reposer sur différentes modali-
tés de dépendance, propres à chacune
des fonctions que la tradition connaît.
L’absence de dépendance, comme on
l’observe entre les mots chocolat et cinq
dans l’exemple d’A. Lafon, exclut l’idée
de fonction, et cela même si plusieurs
mots ont par rapport à un autre la même
fonction, comme les noms pomme et sous
ou comme les adjectifs neufs et crissants
dans notre exemple : sous ne se rapporte
pas à pomme, ni crissants à neufs.

III. LA FONCTION A!T!ELLE DES CRITÈRES

FORMELS ?

L’expérience montre que le recours à l’in-


tuition et au critère de réduction ne suffit
pas dans la pratique scolaire de l’analyse
pour détecter et identifier les fonctions.

Sous peine d’un échec certain, les maîtres


se voient contraints de fournir aux en-
fants des critères formels, d’application
mécanique.

• DES CRITÈRES DE POSITION.

Le sujet est placé avant le verbe, le com-


plément d’objet direct après, etc.

Mais les exceptions sont nombreuses :

Des bois montait une fumée (le sujet

est à la fin).

Que désirez-vous ? (le complément

d’objet est en tête).

• DES CRITÈRES MORPHOLOGIQUES.

Les formes je, tu, il(s), on des pronoms


personnels sont toujours sujet. Une pré-
position introduit généralement un com-
plément circonstanciel.

Mais ces indications manquent dans un


grand nombre de cas.

• DES CRITÈRES DE SUBSTITUTION.

On distingue le nom attribut du nom


complément d’objet en essayant de lui
substituer un adjectif qualificatif :

Dupont est mon professeur (substitu-

tion possible : Dupont est savant).

Dupont connaît mon professeur

(substitution impossible : *Dupont

connaît savant !).

Ce critère est défectif avec certains


verbes, comme être élu (président), être
couronné (roi).

• DES CRITÈRES TRANSFORMATIONNELS.


On peut rattacher aux techniques trans-
formationnelles la pratique immémoriale
des questions clés, telles que :

— Qui est-ce qui ? | Qu’est-ce qui ? suivi


du verbe pour identifier le sujet

— Qui ? | Quoi ? placé après le groupe su-


jet-verbe pour idendifier le complément
d’objet direct

— Où ? Quand ? Pourquoi ? Comment ?


pour identifier les compléments de lieu,
de temps, de cause (ou but), de moyen (ou
manière).

Ces questions sont imparfaites : il est des


compléments de temps qui ne répondent
pas à la question quand ? (compléments
de durée) ; pourquoi ? et comment ? sont
ambigus ; comment ? convient dans
l’usage familier à l’attribut (Il est com-
ment ? blond) ; quoi peut intervenir
en tout point du texte (mon quoi ? mon
professeur).

La position correcte des questions sup-


pose le plus souvent une prémonition de
la réponse ; le choix entre Qui est-ce qui
et Qu’est-ce qui, entre qui et quoi suppose
connue l’appartenance du terme cherché
à la catégorie animé ou inanimé ; le re-
cours aux pronoms interrogatifs impose
l’inclusion dans la réponse d’éléments
déterminatifs qui sont en réalité non
pertinents dans l’identification du terme
fonctionnel.

Enfin, les questions impliquent une réfé-


rence au sens, c’est-à-dire à la représenta-
tion évoquée par la phrase, qui peut être
une source de confusions ; par exemple :

Le poids des camions a défoncé la

passerelle.

Qu’est-ce qui a défoncé la passerelle ? —


Les camions !

IV. SENS DES FONCTIONS

Les définitions de sens qu’on propose


ordinairement des fonctions syntaxiques
n’apportent pas de bons critères. On dit
que, dans la phrase

Pierre salue Paul,

le sujet Pierre indique la personne qui


fait l’action, et l’objet Paul celle sur qui
« passe l’action ».

Ces définitions ont des faiblesses, qui


seront montrées aux articles SUJET et
OBJET ; dans une phrase comme

Paul est salué par Pierre,

la personne qui fait l’action n’est pas indi-


quée par le sujet, celle qui la subit n’est
pas indiquée par l’objet ; et dans une
phrase comme

Le ciel est gris,

il n’y a pas d’action.


Il faudrait cesser d’inclure dans les défi-
nitions de sens des fonctions grammati-
cales certains éléments sémantiques ap-
partenant au contenu lexical des mots en
présence. Mais on aboutit, dès qu’on veut
en faire abstraction, à des formules d’une
telle généralité que, tout en gardant une
valeur interprétative, elles ne sauraient à
aucun niveau servir de critères.

V. QUELLES UNITÉS SONT LIÉES PAR LES

FONCTIONS ?

L’analyse linguistique pouvant être une


décomposition du texte en éléments de
plus en plus courts — de la phrase aux
éléments formateurs du mot —, on doit se
demander quel niveau d’unités concerne
la notion traditionnelle de fonction. Deux
conceptions s’opposent sur ce point, l’une
atomiste, l’autre globaliste.

Soit à analyser la phrase :

Dupont conduit son fils en voiture à

l’école communale de Méry.

L’analyse traditionnelle, atomiste, dit :

Dupont : sujet de conduit ;

son : se rapporte à fils ;

fils : complément d’objet direct de

conduit ;

voiture : complément circonstanciel

de moyen de conduit ;

école : complément circonstanciel de

lieu de conduit.

L’analyse globaliste, autrement dite


« analyse par groupes », prônée depuis
le début du XXe s., à l’exemple de F. Bru-
not, par un grand nombre de maîtres non
conformistes, se fonde essentiellement
sur le bon sens et la logique, c’est-à-dire
sur la nécessité de pouvoir vérifier, même
dans la décomposition d’une phrase, la
pertinence des assertions que son entier
exprime.

La phrase de l’exemple dit que Dupont


conduit son propre fils, et non un autre :
le complément d’objet doit donc être le
groupe son fils, et non pas le nom fils,
qui n’est que « chef du groupe nominal
complément d’objet ». De même, le com-
plément circonstanciel de lieu ne serait
pas le nom école, mais le groupe à l’école
communale de Méry.

F. Brunot choisissait pour cette démons-


tration des exemples propres à mettre les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1959

rieurs de son côté, disant que, dans la


phrase

Je n’aime pas les femmes docteurs,

on ne peut, sans trahir le sens, prétendre


que le seul nom femmes est complément
d’objet du verbe ne pas aimer.

Une telle méthode d’analyse, faisant état


pour chaque texte d’unités gigognes dont
la complexité et la perpétuelle nouveauté
sont pour effaroucher les analystes en
herbe, devrait, pour être entièrement
conforme à son principe de respecter le
contenu logique du message total, prati-
quer le groupement des termes de chaque
côté des connexions dites « fonction-
nelles ». Le groupe à l’école communale de
Méry n’est pas mis pour nous apprendre
où conduit Dupont, mais bien pour nous
dire où il conduit son fils en voiture ; il
faudrait, en toute logique, formuler ainsi
l’analyse :

à l’école communale de Méry :

groupe complément circonstanciel

de lieu de Dupont conduit son fils

en voiture (ou plus simplement : du

reste de la phrase).

Et de même :

en voiture : groupe complément

circonstanciel de lieu de Dupont

conduit son fils à l’école communale


de Méry (ou : du reste de la phrase).

Et si l’on veut indiquer la fonction de l’ad-


jectif dans la phrase :

Les écrevisses sont rouges quand elles


sont cuites,

on se tiendra pour obligé (par la logique)


d’écrire :

rouges : attribut de Les écrevisses

sont, quand elles sont cuites.

Ni Brunot ni les nombreux adeptes de


cette analyse globale (ou, comme on
voudra, de ce globalisme analytique,
l’alliance de mots étant la même dans les
deux sens) n’ont aperçu les rigoureuses
conséquences du principe logique dont
ils ont fait son fondement. Ils se sont ar-
rêtés à mi-chemin.

La faiblesse de cette conception est qu’elle


veut pratiquer l’analyse fonctionnelle au
niveau du discours, au point où le signifié
de la phrase est censé rejoindre la repré-
sentation matérielle communiquée. Il ne
faut pas perdre de vue que les fonctions
sont des formes, non forcément significa-
tives par elles-mêmes. Les femmes doc-
teurs ne sont pas « complément d’objet »
du sentiment que refuse Brunot. Les
fonctions syntaxiques sont des unités dis-
tinctives définissables par des traits per-
tinents, comme le sont les unités phono-
logiques ou sémantiques. Le nom femmes

a la même fonction « complément d’objet


du verbe aimer », que l’on dise :

J’aime les femmes docteurs

ou

Je n’aime pas les femmes docteurs.

La présence ou l’absence de la négation


ne... pas est sans incidence sur la fonc-
tion de femmes. On peut en dire autant
de tous les compléments que pourrait
recevoir ce nom, y compris l’apposition
docteurs ; l’altération apparente du sens
général disparaît même, si, éliminant le
nom docteurs des éléments pertinents
pour la reconnaissance du complément
d’objet, on élimine aussi la valeur déter-
minative qu’implique l’article les, en le
remplaçant par certaines :

Je n’aime pas certaines femmes.

Une méthode d’analyse pragmatique


attache peu d’importance à l’inclusion
ou à l’exclusion, dans l’énoncé des unités
mises en rapport, de mots aussi pauvres
en contenu notionnel que l’article ou la
préposition. Appeler « complément d’ob-
jet du verbe conduit » indifféremment le
nom fils ou le groupe son fils, cela n’a pas
plus d’inconvénients que de désigner du
même nom de banane un fruit avec sa
peau, puis sans sa peau, quand on dit :

Paul a acheté une banane ; il mange

sa banane.

Négliger la préposition en si l’on dit que


voiture est « complément de moyen du
verbe conduit », c’est aussi peu grave que
si l’on dit :

Martin tire son âne,

alors que Martin tire la corde à laquelle


l’âne est attaché.

Le schéma suivant illustre cette concep-


tion atomiste de l’analyse ; la « fonction »
s’y définit comme le rapport unissant des
mots dont les branches sont liées par un
seul angle :

La linguistique américaine de Bloomfield


à Harris a atteint une certaine forme de
globalisme par des voies qui n’ont rien
à voir avec le psychologisme de Brunot.
Chomsky, dont les schémas en « arbres »
reproduisent le découpage en « consti-
tuants immédiats » de complexité dé-
croissante, a vu l’impossibilité de conser-
ver la notion traditionnelle de fonction

dans une analyse qui ne place jamais — si


ce n’est fortuitement — au même niveau
des unités de même ordre. Aussi définit-
il la fonction d’un terme : « le rapport
qui l’unit dans la phrase avec le terme de
niveau supérieur » (Aspects de la théorie
syntaxique, 1965, trad. J.-C. Milner, 1971,
p. 101) ; dans cette conception :

Dupont est sujet de la phrase ;

son est article du syntagme nominal

son fils ;
fils est substantif du syntagme nomi-

nal son fils ;

voiture est substantif du syntagme

prépositionnel en voiture.

Cette convention n’empêche pas Choms-


ky de conserver, sous le nom de « rela-
tions syntaxiques », la notion qu’exprime
le mot « fonction » dans la tradition :
« Ainsi, Sujet-Verbe peut être défini
comme la relation entre le Sujet-d’une
Phrase et le Verbe-principal du Prédicat-
de la Phrase » (p. 106).

En définitive, cette analyse à plans mul-


tiples, si elle est mieux adaptée aux spé-
culations théoriques de certaines écoles,
ne l’est guère aux besoins de la pratique
scolaire. Aux jeunes analystes des écoles
et des collèges, il faut des niveaux d’unités
peu nombreux et bien reconnaissables :
l’étagement suffira si l’on distingue les
mots et les propositions, comme le font
l’analyse grammaticale et l’analyse lo-
gique ; l’analyse par groupes, aussi bien
que l’analyse par segments de mots (les
« monèmes »), risque au degré scolaire
de dépasser les possibilités comme les
besoins.

Les programmes de grammaire pour


le « cours supérieur » édictés en 1938
prescrivaient :

Analyser les éléments des proposi-

tions : le groupe du sujet, du verbe, de

l’attribut, des divers compléments

(ne pas analyser les éléments d’un

groupe).

La force de la routine ne suffirait pas à


expliquer pourquoi, plus de trente ans
après cette caution officielle, l’analyse
par groupes ne s’est toujours pas imposée
dans l’usage scolaire.

SENS LINGUISTIQUE

C’est également au XXe s. que les lin-


guistes ont conçu la « fonction » comme
le principe essentiel de l’explication et de
la description des faits de langue.
Dès 1904 (Phonetische Grundfragen),
Otto Jespersen fondait l’existence et l’im-
portance d’un phonème sur sa capacité
de différencier des significations ; ce fut
la base de la phonologie, discipline fon-
dée trente ans plus tard par un groupe de
linguistes russes et tchèques où domine
le nom de Nikolay S. Troubetzkoy. Les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1960

sons du langage ne retiennent l’attention


des phonologues que dans la mesure où
ils ont une fonction significative ou seu-
lement distinctive : par exemple, on peut
dire qu’il existe en français une dentale
sourde [t] et une dentale sonore [d] parce
que le français distingue par le sens temps
et dent (ou taux et dos, etc.), alors que
l’opposition d’un r « roulé », faisant vibrer
la pointe de la langue contre les gencives,
et d’un r « parisien », faisant vibrer le
voile du palais contre la base de la langue,
n’est qu’une variation négligeable, sans
intérêt pour les étrangers, parce qu’elle
ne sert jamais à opposer deux mots. La
fonction fait les phonèmes et détermine
les traits « distinctifs », qui sont seuls à
retenir dans leur description.

Chez F. de Saussure (Cours de linguis-


tique générale, 1916), la langue est donnée
pour un « système de valeurs » (première
partie, ch. III, § 2) consistant en « une sé-
rie de différences de sons combinées avec
une série de différences d’idées » (I, IV, §
4), conception qui implique la non-perti-
nence de tout ce qui n’a pas, directement
ou indirectement, valeur significative. La
« fonction » proprement dite n’est don-
née nulle part pour le critère du fait de
langue, mais l’idée d’ « opposition » qui
définit les unités de tout ordre, significa-
tives ou distinctives, est essentiellement
fonctionnelle. Le structuralisme saussu-
rien est une description fonctionnelle de
la langue.

C’est en s’opposant d’abord à la gram-


maire normative, dont il donnait
Saussure pour un des tenants, et en se
réclamant de linguistes scandinaves
(Tegnér, Noreen) que le Genevois Henri
Frei définit en 1929 un fonctionalisme
linguistique :
« Une autre conception, que nous appel-
lerons la conception fonctionnelle, fait
dépendre la correction ou l’incorrec-
tion des faits de langage de leur degré de
conformité à une fonction donnée qu’ils
ont à remplir [...]. Est incorrect ce qui
n’est pas adéquat à une fonction donnée
(par exemple : clarté, économie, expres-
sivité, etc.) » [la Grammaire des fautes, p.
18].

S’agit-il d’une éthique de la langue


conforme à cette boutade de J.-J. Rous-
seau que l’auteur cite joliment :

« Toutes les fois qu’à l’aide de dix

solécismes je pourrai m’exprimer

plus fortement ou plus clairement, je

ne balancerai pas » ?

Henri Frei ne va pas jusque-là, son seul


propos étant d’établir que les écarts de la
norme appelés « fautes » sont des mani-
festations de besoins fonctionnels que la
norme ne satisfait pas. Toute sa « gram-
maire des fautes » est exposée en fonc-

tion de cinq besoins fondamentaux, qui


seraient :

— le besoin d’assimilation : réfections


analogiques ;
— le besoin de différenciation ou de
clarté : suppression des équivoques ;
— le besoin de brièveté : raccourcis,
ellipses

— le besoin d’invariabilité : unification


des paradigmes ;
— le besoin d’expressivité : figures
(stylistique).

La stabilité d’une langue n’est qu’un


« équilibre des besoins », dont la précarité
est évidente : Henri Frei débouche par là
sur une nouvelle conception du point de
vue diachronique.

Prenant ses distances vis-à-vis de Saus-


sure, selon qui « la linguistique a pour
unique et véritable objet la langue envi-
sagée en elle-même et pour elle-même »,
H. Frei concluait :

« Nous dirons pour notre part que


la linguistique fonctionnelle a pour

unique et véritable objet le langage,

envisagé comme un système de

procédés qui est organisé en vue des

besoins qu’il doit satisfaire. »

De grandes écoles linguistiques se sont


réclamées du fonctionalisme, mais en
donnant à fonction des sens divers.

Les glossématiciens, avec Hjelmslev,


prennent le mot dans une acception
proche de son sens syntaxique étudié
plus haut : possibilités de combinaison
caractérisant les éléments linguistiques
(de toute nature) ; toute prise en compte
du signifié est écartée, la langue étant une
forme, non une substance.

La position des distributionalistes amé-


ricains est assez voisine. Certes, Bloom-
field et ses disciples ont fait profession de
considérer le comportement (behaviour)
des destinataires de messages linguis-
tiques, ce qui rend à « fonction » son sens
impliquant finalité ; mais le caractère
rigoureusement formel de leurs descrip-
tions a contribué à répandre vers le mi-
lieu du XXe s.l’idée fausse d’un fonctiona-
lisme opposé au psychologisme. Telle est
l’impression que donne, par exemple, la
lecture d’un article de E. Buyssens, « La
conception fonctionnelle des faits lin-
guistiques » (Grammaire et psychologie,
numéro spécial du Journal de psycho-
logie, 1950), où les classes de mots sont
définies par leur aptitude à assumer telle
ou telle fonction, par exemple : « le nom
et le pronom sont avant tout les mots qui
peuvent être sujets du prédicat ».

Il est difficile d’admettre un emploi du


mot « fonction » ne faisant pas état de
la fin essentielle du langage, qui est de
signifier. Toutes les définitions purement

formelles sont décevantes, à moins que la


« forme » décrite ne soit celle du signifié.
Celui qui voudrait définir un « moulin »
en décrivant toutes les formes possibles
de moulins — électriques, hydrauliques,
éoliens, etc. — se perdrait en précisions
ingrates, toujours lacunaires, quand il
lui serait si simple de dire « machine à
moudre », trois mots nécessaires et suf-
fisants pour distinguer un moulin à vent
d’un ventilateur.

C’est à une conception plus proche de


celle d’Henri Frei que s’est rallié A. Mar-
tinet au nom d’un « réalisme » dont il
s’est expliqué en 1961 dans une série de
conférences à Oxford, éditées sous le titre
A Functional View of Language (1962) et
traduites sous le titre Langue et fonction
(1969). Il y dénonce les « divergences
entre le point de vue formaliste et le point
de vue fonctionnel », dont il se fait le
« héraut ». Dans tous ses ouvrages, depuis
sa thèse sur l’Économie des changements
phonétiques (1955), sont étudiés avec at-
tention les facteurs d’ « économie » : coût,
rendement, redondance, différenciation,
attractions et répulsions mutuelles exer-
cées par les éléments en contact dans la
chaîne parlée, interactions des éléments
associés en paradigmes dans la compé-
tence linguistique des sujets parlants.

La fin essentielle du langage étant la


communication, « c’est-à-dire la trans-
mission de l’expérience d’une personne à
une autre », les langues humaines se dis-
tinguent des autres procédés de commu-
nication animaux ou humains par une
double articulation :

— L’expérience signifiée est décompo-


sée en quelques milliers d’unités de sens,
appelées monèmes par A. Martinet, et
dont les combinaisons infinies doivent
exprimer des situations indéfiniment
particulières ;

— Ces unités sont exprimées phonique-


ment par des sons simples, les phonèmes,
en petit nombre, mais dont les combinai-
sons sont plus que suffisantes pour recou-
vrir les quelques milliers de monèmes.

Les monèmes ont la fonction significa-


tive ; c’est le cas du nom chien, de l’adjec-
tif pauvre, du radical chant- et de la ter-
minaison -ait dans chantait, etc.

Les phonèmes ont la fonction distinc-


tive : l’opposition [t]/[d], par exemple, n’a
pas de sens en elle-même, mais elle per-
met de distinguer les monèmes temps et
dent ; l’opposition [ɛ]/[a] distingue mar-
chait/marcha ; etc.

La linguistique fonctionnelle assigne lo-


giquement des fonctions précises, et dif-
férentes, au langage même, puis à chaque
ensemble ou sous-ensemble d’unités, à
chaque unité.

L’expression vocale comporte des


marques d’autre sorte que les phonèmes
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1961

(v. INTONATION). Certaines ont la fonc-


tion distinctive, comme les tons, d’autres
une fonction contrastive, où l’on peut
distinguer, avec l’école de Prague, l’effet
culminatif (C’est fformidable. Elle est dés
affectée et non désinfectée) et l’effet dé-
marcatif (coupes de mots et d’unités syn-
taxiques). D’autres sont directement si-
gnificatives, comme la courbe mélodique
de la phrase, qui souligne ou supplée
l’expression grammaticale ou lexicale des
modalités ; ce sont des marques margi-
nales, très sujettes aux variations indivi-
duelles, et qui ajoutent au sens des mots
prononcés des nuances infiniment ténues
que les unités discrètes des deux articula-
tions sont impuissantes à traduire.

Une fois admis le terme de « communica-


tion » pour désigner la fonction générale
de tout message linguistique — y com-
pris les phrases qu’un homme prononce
seul pour lui-même, car il se prend alors
inconsciemment pour destinataire —,
il peut être utile de distinguer plusieurs
sortes de messages, selon les caractères
de la communication.

On cite parmi les tentatives les plus


fécondes en ce sens l’Organon-Modell
du psychologue autrichien Karl Bühler
(Sprachtheorie, 1934). Selon lui, tout
énoncé entretient une triple relation
avec :

1° les objets et phénomènes extra-linguis-


tiques qui font l’objet du message ;

2° l’émetteur du message ;

3° le récepteur du message.

La première référence fait de l’énoncé


une « représentation » (Darstellung), la
seconde une « expression » (Ausdruck),
la troisième un « appell » (Appell). Ainsi,
l’énoncé Il pleut a pour fonction d’énon-
cer un phénomène extérieur aux per-
sonnes qui se parlent ; il peut avoir aussi
pour fonction essentielle ou secondaire
d’exprimer la réaction affective du locu-
teur à ce phénomène ; il peut enfin sug-
gérer à l’interlocuteur un comportement,
tel que de prendre un parapluie. La pre-
mière fonction l’emporte dans un traité
scientifique, la seconde dans un poème
lyrique, la troisième dans les prescrip-
tions administratives ou autres, les com-
mandements militaires.

On attend d’une partition logiquement


tracée que les éléments s’en excluent les
uns les autres, comme le masculin exclut
le féminin sous le chef du genre, comme
le présent exclut l’imparfait, le futur,
etc., sous le chef des temps de l’indica-
tif. Or, le triangle de Bühler est quelque
peu défaillant sur ce point, puisque les
fonctions d’ « expression » et d’ « appel »
y sont données comme « essentielles ou
secondaires », s’ajoutant dans le second
cas à la fonction de « représentation »

sans l’exclure. Les choses s’éclairent par


la théorie des « modalités » (v. ce mot)
selon laquelle tout énoncé fait porter un
modus (affirmatif, interrogatif, volitif,
exclamatif) sur un dictum (phénomène
énoncé). Si la « première fonction » de
Bühler (Darstellung) n’est que l’énoncia-
tion d’un phénomène (la pluie) sans indi-
cation de modus, la tripartition est incor-
recte puisque les deux autres fonctions
ajoutent à la même énonciation (dictum)
un modus exclamatif ou volitif ; mais si
Bühler, dans le premier cas, ajoute au dic-
tum un modus affirmatif, cette modalité
exclut convenablement les deux autres, et
le triangle serait acceptable s’il ne négli-
geait une quatrième modalité, l’interro-
gation, et s’il était présenté comme une
partition des modus, non des énoncés
dans leur totalité.

Une partition plus complexe imaginée


par Roman Jakobson (article de 1960 tra-
duit en français dans les Essais de linguis-
tique générale, 1963) a exercé une grande
influence, à laquelle les qualités person-
nelles de l’auteur ne sont pas étrangères.
Il distingue six « facteurs constitutifs »
de l’énoncé, auxquels correspondent six
fonction :

1° le contexte (ou la situation) faisant


l’objet du message ; la visée du contexte
met en jeu la fonction dénotative (ou co-
gnitive, ou référentielle) ; c’est la « repré-
sentation » de Bühler :
Le chien est carnivore ;

2° le destinateur (ou émetteur) ; le mes-


sage centré sur le destinateur a la fonc-
tion expressive (ou émotive) ; c’est l’« ex-
pression » de Bühler :

Hélas ! Quel mauvais temps ! ;

3° le destinataire (ou récepteur) ; l’orien-


tation vers le destinataire met en jeu la
fonction conative ; c’est l’ « appel » de
Bühler :

Formez les faisceaux ! ;

4° le contact (ou connexion psycholo-


gique) entre destinateur et destinataire ;
l’orientation du message vers l’établisse-
ment ou le prolongement du contact met
en jeu la fonction phatique :

Allô, vous m’entendez ?... Écoutez

bien... ;

5° le code (la langue usitée) ; un message


centré sur le code remplit la fonction
métalinguistique :

Il faut dire « Je me suis coupé » et non

« Je m’ai coupé ».

6° le message lui-même ; l’accent mis sur


le message pour son propre compte ca-
ractérise la fonction poétique du langage.

CONTEXTE

DESTINATEUR...MESSAGE...DESTINATAIRE

CONTACT

CODE

Jakobson observe lui-même que ces six


fonctions ne sont pas exclusives l’une de
l’autre. Les trois premières reprennent en
effet les trois fonctions de Bühler, avec la
même ambiguïté sur la première (énoncé
affirmatif ou simple dictum ?) et la même
lacune (l’interrogation). Le chevauche-
ment est patent pour les trois autres.
Un énoncé portant sur le code, censé
mettre en oeuvre la fonction « métalin-
guistique », ressortit en fait à la fonction
dénotative au même titre que tout autre
énoncé scientifique : la langue est l’objet
du message, comme peuvent l’être la géo-
graphie, l’histoire, la mathématique. La
fonction « phatique » prend le bon dérou-
lement de la communication pour objet
du message : c’est encore un cas particu-
lier de la fonction dénotative, s’exprimant
souvent par questions et réponses, et aus-
si par ordres du ressort de la conativité.
Quant à la fonction « poétique », elle n’est
nullement exclusive de la fonction déno-
tative, ni de la fonction conative, et elle
présente avec la fonction expressive une
affinité si évidente qu’il est impossible de
les tenir l’une et l’autre pour les éléments
disjoints d’une même partition.

Le succès rapide et durable de cet inven-


taire tient pour beaucoup à la brillante
étude des procédés poétiques dont R.
Jakobson l’accompagnait. Il plaisait par
l’élégance avec laquelle les mystérieuses
fonctions poétiques (entendues au sens le
plus large, puisqu’un des exemples don-
nés par le maître est le slogan politique
I like Ike) étaient intégrées aux fonctions
linguistiques dans un tableau bien équili-
bré pour l’oeil. On s’oriente vers une solu-
tion plus satisfaisante si l’on distingue le
message connoté du message dénoté (v.
CONNOTATION), ces deux modes d’ex-
pression pouvant être usités simultané-
ment, en redondance ou en contrepartie :
voilà comment la poésie peut faire si bon
ménage avec l’énonciation expressive.

D’autres inventaires ont été avancés de


divers côtés. On parle d’une fonction
sociale de la langue (son rôle dans la
famille, dans les groupes confessionnels
ou politiques, dans l’enseignement, etc.),
d’une fonction logique (guide des che-
mins de la pensée, magasin des connais-
sances humaines), d’une fonction esthé-
tique (langues littéraires), d’une fonction
morale (soulagement par l’expression,
catharsis platonicienne) ; on pourrait
ajouter la fonction magique (évocation
du diable) et tant d’autres, dont la liste ne
sera jamais close, si l’on aligne ainsi avec
la fonction fondamentale ce qu’Edmond
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1962

Goblot en distinguait sous les noms


d’usages et d’effets.
On distinguera aussi la fonction de la
langue de celles des unités de langue
à tous les niveaux (proposition, nom,
verbe, préfixe, etc.) et des catégories
(genre, nombre, temps, modalités, etc.).
Certains théoriciens veulent distinguer
des fonctions proprement linguistiques,
dont la fin serait la meilleure économie
du système, et des fonctions extra-lin-
guistiques, dont la fin serait proprement
la communication de l’expérience ; les
secondes échapperaient au ressort du
linguiste. Or, ces deux fins sont intime-
ment associées : par exemple, le genre est
une marque de rapport syntaxique et un
indice de repérage dans la représentation,
mais il peut exprimer aussi le sexe ; di-
rectement ou indirectement, toute fonc-
tion vise en définitive la communication
de l’expérience : la langue n’est pas faite
pour exprimer la langue.

Le linguiste, comme tout serviteur d’une


science, a pour tâche essentielle de définir
des fonctions, révélatrices des véritables
unités. Cette tâche dépasse le cadre de la
phrase, et les fonctions ont le même rôle
à jouer dans la définition des unités de la
sémiotique littéraire comme la période,
le paragraphe, le chapitre, la forme fixe
en poésie (ballade, madrigal), le genre lit-
téraire (épopée, nouvelle). Tels genres nés
de la forme ne se définissent bien que du
jour où ils se trouvent une fonction.

On ne saurait terminer cette étude sans


remarquer qu’il n’y a rien de commun
entre la notion téléologique nommée
fonction en linguistique, par une exten-
sion très claire du sens primitif de ce mot,
et la notion mathématique qui reçut ce
même nom de Leibniz.

fonctionnaire [fɔ̃ksjɔnɛr] n. (de fonc-


tion ; 1770, Turgot [fonctionnaire militaire,
milieu du XXe s.]). Personne qui remplit
une fonction publique : Haut, moyen, petit
fonctionnaire. Le statut des fonctionnaires.
‖ Fonctionnaire militaire, qualité et appel-
lation données aux cadres de certains ser-
vices de l’armée : Le service de l’Intendance
est composé de fonctionnaires militaires.

fonctionnalisme [fɔ̃ksjɔnalism] n. m.
(dér. savant de fonctionnel ; milieu du XXe s.,
aux sens 1-2). 1. Tendance à soumettre les
formes d’un objet ou d’un bâtiment à la
fonction qu’il doit remplir, abstraction
faite de toute autre préoccupation. ‖ 2. En
linguistique, théorie selon laquelle les
éléments d’une langue se définissent en
vertu de leur fonction dans un système,
qui n’existe lui-même comme tel que par
sa fonction de communication.

• REM. On écrit aussi FONCTIONALISME.

fonctionnaliste [fɔ̃ksjɔnalist] adj. (de


fonctionnalisme ; milieu du XXe s.). Qui se
rapporte au fonctionnalisme.

& adj. et n. (milieu du XXe s.). Partisan du


fonctionnalisme.

• REM. On écrit aussi FONCTIONALISTE.

fonctionnarisation [fɔ̃ksjɔnarizasjɔ̃]
n. f. (de fonctionnariser ; XXe s.). Action de
fonctionnariser ; état qui en résulte : Moi,
je suis pour la fonctionnarisation complète
du savant (Duhamel).

fonctionnariser [fɔ̃ksjɔnarize] v. tr.


(dér. savant de fonctionnaire ; XXe s., aux
sens 1-2). 1. Assimiler aux fonctionnaires
les membres de telle ou telle profession,
les travailleurs de telle ou telle adminis-
tration : À la suite de la nationalisation
du gaz et de l’électricité, le personnel de
ces services a été fonctionnarisé. ‖ 2. Par
extens. Organiser en service public telle
ou telle profession : Fonctionnariser les
membres du corps médical.

fonctionnarisme [fɔ̃ksjɔnarism] n.
m. (dér. savant de fonctionnaire ; 1867,
Goncourt). Tendance à multiplier le
nombre des fonctionnaires et à accroître
les tâches qui leur sont confiées, au détri-
ment de l’initiative privée : Les Anglais ont
par-dessus tout le respect de la hiérarchie,
du fonctionnarisme et du maboulisme (de
« maboul », en langue arabe : l’innocent, le
bon toqué) [Daudet]. Ce fonctionnarisme
sans cesse accru, immense, avide, malfai-
sant, en qui la République croit s’assurer
une clientèle (France).

fonctionnel, elle [fɔ̃ksjɔnɛl] adj.


(de fonction ; 1845, Bescherelle, au sens
1 ; sens 2, 1888, Larousse ; sens 3-5 et 7,
XXe s. ; sens 6, 1907, Larousse ; sens 8, 16
oct. 1954, le Monde). 1. Qui a rapport aux
fonctions organiques ou psychiques :
Certaines maladies sont souhaitables : elles
compensent, à leur manière, un désordre
fonctionnel (Camus). On peut dire qu’à
chaque instant la différence fonction-
nelle des esprits en travail est indiscer-
nable (Valéry). ‖ Troubles fonctionnels,
troubles dus à une perturbation dans le
fonctionnement d’un organe. ‖ 2. Qui
se rapporte à une fonction chimique :
Groupement fonctionnel. ‖ 3. Se dit d’un
ouvrage d’architecture, d’un meuble dont
les dispositions et les mesures s’adaptent
parfaitement à la fonction à laquelle on les
destine : Un appartement, un mobilier, un
équipement de salle de bains fonctionnel.
‖ 4. Organisation fonctionnelle, spéciali-
sation dans le travail administratif, pour
améliorer le fonctionnement par la division
du travail. ‖ 5. Linguistique fonctionnelle,
étude des éléments linguistiques du point
de vue de leur fonction dans la structure
de la langue. ‖ 6. Calcul fonctionnel, étude
des opérations qui font correspondre à un
élément d’un ensemble (courbes, surfaces,
etc.) un nombre déterminé : Le calcul fonc-
tionnel a été inauguré en 1887 par l’Italien
Vito Volterra (Boll). ‖ 7. Pédagogie fonc-
tionnelle, méthode d’éducation fondée sur

l’idée que l’enfant passe par plusieurs états


de développement physique et moral, dont
chacun doit être amené à son plein équi-
libre par l’exercice des fonctions diverses
qui le caractérisent. ‖ 8. Musique fonction-
nelle, musique diffusée pendant le travail et
destinée à stimuler l’action du travailleur.
& n. (milieu du XXe s.). Malade présentant
des troubles divers, indépendamment de
toute lésion anatomique.

fonctionnellement [fɔ̃ksjɔnɛlmɑ̃] adv.


(de fonction ; fin du XVIIe s., Saint-Simon, au
sens 1 ; sens 2 [de fonctionnel], 1865, Littré).
1. Relativement à une fonction : Henri IV,
huguenot encore, par conséquent incapable
d’être chevalier du Saint-Esprit et d’en être
fonctionnellement grand maître (Saint-
Simon). ‖ 2. Par rapport aux fonctions
biologiques : Étudier un phénomène vital,
anatomiquement dans l’organe, fonction-
nellement dans les effets produits (Littré).

fonctionnement [fɔ̃ksjɔnmɑ̃] n. m. (de


fonctionner ; 1842, Acad.). Manière dont
fonctionne une chose : Les automobilistes
de cette époque tremblaient à chaque
instant pour le bon fonctionnement et la
durée de leurs machines (Romains) ; et par
extens. : Le fonctionnement d’une adminis-
tration, des institutions.

• SYN. : jeu, marche.

fonctionner [fɔ̃ksjɔne] v. intr. (de


fonction ; 1637, Chronique bordeloise, au
sens de « remplir une charge » ; sens 1,
1787, Féraud ; sens 2, av. 1865, Proudhon ;
sens 3, 1837, Balzac). 1. En parlant d’un
mécanisme, d’un organe, accomplir sa
fonction, marcher : Ce moteur fonctionne
parfaitement. Des poumons, un coeur qui
fonctionnent mal. La presse de Stanhope et
les rouleaux à distribuer l’encre ne fonction-
naient pas encore dans les petites imprime-
ries de province (Balzac). ‖ 2. En parlant
de choses abstraites, exercer une activité,
remplir son office : C’est pour le service des
électeurs que fonctionne le gouvernement
(Proudhon). Son active pensée fonctionne à
vide (Gide). ‖ 3. Ironiq. En parlant des per-
sonnes, se montrer actif, travailler : Il est
inutile de parler de l’activité avec laquelle
fonctionnèrent Josette, Jacqueline, Mariette
[...]. Ce fut un empressement de fourmis
occupées à leurs oeufs (Balzac).

• SYN. : 2 travailler ; 3 besogner, oeuvrer.

fond [fɔ̃] n. m. (lat. pop. *fundus, fun-


doris, n. neutre, lat. class. fundus, fundi,
n. m., fond [d’un objet], partie essentielle,
bien-fonds, domaine, propriété ; 1080,
Chanson de Roland, écrit funz [fonz,
fons, font, XIIe s., Roncevaux ; fond, v.
1360, Froissart], au sens I, 1 [double fond,
1792, Beaumarchais] ; sens I, 2 et 7, 1872,
Larousse ; sens I, 3, XIIe s., Roncevaux [cou-
ler à fond, 1671, Pomey — mettre à fond,
même sens, milieu du XVIe s., Amyot ; ligne
de fond, 1890, Dict. général] ; sens I, 4-5,
XIIe s. [mettre du fond, XXe s.] ; sens I, 6, 1859,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1963

V. Hugo ; sens II, 1, 1690, Furetière [regarder


au fond des yeux, av. 1890, Maupassant ;
fond de culotte, 1865, Littré — fonz des
braies, même sens, fin du XIIIe s., Joinville ;
vider ses fonds de tiroirs, XXe s. ; vider/faire
voir le fond du/de son sac, fin du XVIIe s.,
Mme de Sévigné ; « la partie la plus reculée
d’un lieu », milieu du XVIe s., Amyot ; le fin
fond de, 1580, Montaigne] ; sens II, 2, v.
1360, Froissart [ « la vérité profonde », 1538,
R. Estienne] ; sens II, 3, 1549, R. Estienne
[toile de fond, 1865, Littré] ; sens III, 1, fin
du XVIe s., A. d’Aubigné [fond de lit, 1596,
Hulsius ; fond d’un violon, 1865, Littré ; fond
d’artichaut, 1700, Brunot] ; sens III, 2, fin
du XVIe s., A. d’Aubigné [fond de dentelle,
d’une tapisserie, 1872, Larousse] ; sens III,
3, 1802, Flick ; sens III, 4 et 6-8, XXe s. ; sens
III, 5, 1690, Furetière [le fond d’un tableau,
1636, Brunot] ; sens III, 9, 1784, Bernardin
de Saint-Pierre ; sens III, 10, 1662, Molière
[faire fond sur, 1657, Pascal] ; sens III, 11,
1538, R. Estienne [le fond d’un procès, 1690,
Furetière ; le fond d’un problème, fin du
XIXe s.] ; sens III, 12, 1538, R. Estienne ; sens
III, 13, 1671, Bossuet ; sens III, 14, 1757,
Encyclopédie [épreuves de fond, début du
XXe s.]).

I. 1. Partie la plus basse d’une chose ou


d’un endroit creux et plus ou moins pro-
fond : Le fond d’un tonneau, d’un encrier,
d’un puits. Le ciel a mis pour tous l’oubli
au fond d’un verre (Musset). ‖ Double
fond, ensemble comprenant le fond réel
d’une malle, d’une caisse, etc., et un
deuxième fond intérieur, parallèle au
premier, établi de manière à ménager un
intervalle entre les deux. ‖ 2. Par extens.
Ce qui est ou reste au fond d’un réci-
pient : Finir les fonds de bouteilles. Vider
le fond d’une coupe. ‖ Fig. Boire le fond
de la coupe, du calice, aller jusqu’au bout
d’une épreuve cruelle, de la souffrance.
‖ 3. Spécialem. Partie solide sur laquelle
repose une étendue liquide : Le fond
d’une rivière, d’un étang. Fond sablon-
neux, mouvant. J’ai vu les herbagers des
polders draguer le fond de leurs canaux
(Duhamel). ‖ Haut-fond, bas-fond, v.
ces mots à leur ordre alphab. ‖ Envoyer
par le fond, envoyer un navire au fond de
l’eau en le coulant. ‖ Aller au fond, couler
à fond, couler bas, en parlant d’un navire.
‖ Ligne de fond, ligne dont l’appât repose
sur le fond, le lit de la rivière. ‖ 4. Par
extens. La couche inférieure des eaux
profondes : Poissons des grands fonds.
‖ Lame de fond, v. LAME. ‖ 5. La profon-
deur de l’eau en un point déterminé : La
sonde indique douze mètres de fond. Cou-
ler par trente mètres de fond. ‖ Mettre du
fond, en parlant d’un pêcheur à la ligne,
augmenter la longueur de fil entre le flot-
teur et l’ha-meçon. ‖ 6. Fig. Le degré le
plus bas, le point le plus extrême : Avoir
atteint le fond de la misère, du désespoir.
‖ 7. La partie souterraine de la mine,

d’où l’on extrait le minerai : Mineurs de


fond. Travailler au fond.

II. 1. La partie la plus éloignée de l’entrée,


de l’ouverture, du commencement de
quelque chose : Le fond d’une boutique,
d’un couloir, d’une poche. Un oh ! poussé
du fond des poumons (Nerval). Des bou-
quins abîmés, que j’ai par-ci par-là dans
des fonds d’armoire (Romains). Examiner
le fond de l’oeil, de la gorge. ‖ Regarder au
fond des yeux, avec intensité, de manière
à deviner les sentiments ou à exprimer
par le regard un sentiment profond : Ils
se regardaient au fond des yeux, émus
d’admiration et d’attendrissement (Mau-
passant). ‖ Fond de culotte, de pantalon,
la partie de la culotte, du pantalon qui
est située au siège. ‖ Morceau de tissu
rapporté à cet endroit du vêtement : Re-
mettre un fond à un pantalon. ‖ Fam. Vi-
der ses fonds de tiroirs, utiliser toutes ses
dernières ressources. ‖ Fig. et fam. Vider
le fond de son sac, révéler tous ses secrets,
avouer toutes ses fautes. ‖ Spécialem.
La partie la plus éloignée, la plus reculée
d’un lieu, d’un local : Regarder au fond de
la salle. Dieu ! que le son du cor est triste
au fond des bois (Vigny). ‖ Le fin fond de,
dans la partie la plus reculée qui soit : Être
exilé au fin fond d’un désert. ‖ 2. Fig. La
partie la plus intime, la plus secrète et qui
reste généralement cachée : Le fond des
coeurs, de l’âme, de la pensée. Il faut que
la bonté soit au fond de nos rires (Hugo).
‖ Spécialem. En parlant de choses com-
plexes, obscures ou en partie secrètes,
l’élément qui, en dernière analyse, repré-
sente la réalité, la vérité profonde : Aller
au fond des choses. Toucher au fond du
problème. Ne pouvoir découvrir le fond
d’une intrigue. ‖ 3. La partie située en ar-
rière : Le fond de la scène. ‖ Toile de fond,
toile sur laquelle sont représentés les der-
niers plans d’un décor ; par anal., ce qui
forme l’arrière-plan d’un décor naturel.

III. 1. Partie sur laquelle quelque chose


s’appuie ; ce qui forme la base : Un édi-
fice bâti sur un fond solide. ‖ Fond de
lit, châssis sur lequel repose le sommier.
‖ Fond d’un violon, sa face inférieure.
‖ Fond d’artichaut, partie comestible qui
supporte les feuilles. ‖ 2. La première et
la plus basse tissure d’une étoffe : Étoffe à
fond de soie. ‖ Fond de dentelle, ensemble
des réseaux et des mailles sur lequel se
détachent les motifs de dentelle. ‖ Fond
d’une tapisserie, toile uniforme sur la-
quelle sont brodés les dessins. ‖ 3. Pre-
mière couche de peinture, sur laquelle
on en étend d’autres, dites « couches de
teintes ». ‖ 4. En cuisine, bouillon ou jus
qui sert de base à une sauce, à un ragoût,
etc. ‖ 5. Élément de base (visuel, auditif)
sur lequel se détache quelque chose : Les
panneaux étaient décorés d’un papier à
scènes orientales, coloriées en bistre sur
un fond blanc (Balzac). Sur les murs où,
d’après les moeurs orientales, | Les mar-
tyrs, sur fond d’or, s’alignent tout san-
glants (Leconte de Lisle). Il montrait, sur
un fond de couchant couleur de grenade
et d’orange reflété dans de calmes eaux,
des éléphants ou des chameaux (Gide).
Les roues caoutchoutées donnaient au pas
des chevaux un fond de silence sur lequel
il se détachait plus distinct et plus expli-
cite (Proust). Sur un fond langoureux de
violons se détachent les notes aiguës et
les sonnettes de quelque chapeau chinois
(Tharaud). ‖ Le fond d’un tableau, par-
tie uniforme sur laquelle se détachent les
figures : Il attache une immense impor-
tance aux fonds, qui, vigoureux ou légers,
sont toujours d’une qualité et d’une na-
ture appropriées aux figures (Baudelaire).
‖ 6. Fond sonore, musique qui accom-
pagne discrètement un spectacle et sert à
le mettre en relief ; par extens., musique
que l’on écoute distraitement tout en fai-
sant autre chose. ‖ 7. Fond de robe, four-
reau droit placé entre la robe et la linge-
rie. (On dit de même FOND DE BLOUSE,
FOND DE JUPE.) ‖ 8. Fond de teint, crème
colorée que l’on applique sur le visage et
le cou avant de poudrer, de farder. ‖ 9. Le
fond de l’air, sa température réelle sous les
variations passagères qui peuvent sem-
bler la modifier : Le fond de l’air est frais.
Il [Flaubert] s’indignait ou se gaussait
d’expressions comme : « le fond de l’air ».
Qu’y faire ? L’expression a raison contre
lui ; elle exprime excellemment ce qu’elle
a mission d’exprimer (Gide). ‖ 10. Fig.
Ensemble de qualités qui garantit la fer-
meté d’un caractère : Elle sentait le peu
de fond de cette nature hésitante dans ses
convictions comme dans ses haines (Dau-
det). ‖ Faire fond sur, mettre sa confiance
en, compter sur : Il voyait bien qu’on ne
pouvait faire aucun fond sur le conseiller,
facile à prendre comme tous les gens qui
ont une manie (Daudet). Vous doutez si,
après cela, vous allez pouvoir faire fond
sur moi (Montherlant). ‖ 11. Fig. Ce qui
est fondamental, essentiel, permanent,
par opposition à ce qui est superficiel,
passager, accidentel : Les sentiments géné-
reux qui composent le fond de l’humanité,
la tendresse paternelle et maternelle, la
piété filiale, l’amitié, l’amour, sont iné-
puisables (Chateaubriand). Elle arrivait
à connaître assez exactement quel était le
fond caché de ma nature (Fromentin). Le
fond de la nourriture du peuple florentin
est un gâteau de farine de châtaigne, lardé
d’amandes de pin (Goncourt). L’esprit
scientifique était le fond de ma nature
(Renan). Seulement tout le grand fau-
bourg semblait à l’unisson de sa gaieté, de
sa confiance, et l’encourageait avec cette
bonne humeur persistante qui est le fond
du caractère parisien, insouciant et facile
(Daudet). ‖ Le fond d’un procès, l’élé-
ment réellement important de ce procès,
sa nature même : Juger sur le fond. ‖ Le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1964

fond d’un problème, la question essen-


tielle qu’il pose. ‖ 12. Par extens. Ce qui
est réel, par opposition aux apparences :
Mais à lire Tartarin, on s’aperçoit qu’il
restait en moi un fond de gaieté brusque-
ment épanoui à la belle lumière de là-bas
(Daudet). Sous ce badinage se cache un
grand fond de vérité. ‖ 13. Spécialem. Les
idées, la matière d’un ouvrage littéraire,
par opposition à la forme, au style : La
plupart des lecteurs attribuent à ce qu’ils
appellent le « fond » une importance supé-
rieure [...] à celle de ce qu’ils nomment la
« forme » (Valéry). ‖ 14. En sports, qua-
lités physiques essentielles de résistance :
Un cheval qui a du fond. ‖ Épreuves
de fond, courses de longue distance :
En athlétisme, les courses de fond ont
une distance supérieure à 3 000 mètres.
‖ Épreuves de demi-fond, v. DEMI-FOND.
‖ Épreuves de grand fond, en natation,
course égale ou supérieure à 6 km ; à skis,
course égale ou supérieure à 50 km.

• SYN. : II, 1 bout, extrémité ; 2 tréfonds ;


coeur, noeud. ‖ III, 10 caractère, cran (fam.),
fermeté, solidité ; 11 base ; 13 objet, subs-
tance, sujet, thème. — CONTR. : I, 6 bord,
commencement, seuil. ‖ II, 1 entrée,
haut, ouverture ; 3 devant ; III, 12 dehors,
extérieur.

& À fond loc. adv. (1656, Pascal). Jusqu’au


bout, entièrement : Connaître à fond une
langue, une science. S’engager à fond dans
une entreprise. Nous avions une certaine
considération pour les gens qui savaient à
fond le grec ou la médecine et ne se croyaient
pas autorisés pour cela à faire les charlatans
(Proust).

& À fond de train loc. adv. (1872, Larousse).


En donnant le maximum de rapidité : Le
chien repart à fond de train (Claudel).
& Au fond, dans le fond loc. adv. (1690,
Furetière [au fond ; dans le fond, 1668,
Racine]). En réalité, en dernière analyse :
Au fond, j’aime mieux cent absurdités
atroces qu’un seul pendu (Stendhal). Que
m’importe au fond tout cela ? (Gide).

& De fond loc. adj. (XXe s. [article de fond,


1866, Larousse, art. article]). Qui porte sur
des choses essentielles : Un ouvrage de fond.
‖ Article de fond, v. ARTICLE.

& De fond en comble loc. adv. (XVIe s. [du


fond jusques au comble, v. 1360, Froissart]).
Des fondations jusqu’au toit : Démolir une
maison de fond en comble.

fondamental, e, aux [fɔ̃damɑ̃tal, -o]


adj. (bas lat. fundamentalis, fondamen-
tal, de fundamentum [v. FONDEMENT] ;
v. 1460, G. Chastellain, au sens 4 ; sens 1,
1690, Furetière ; sens 2, 1580, Montaigne
[recherche fondamentale, XXe s. ; en
musique, 1757, Encyclopédie] ; sens 3, 1580,
Montaigne ; sens 5, 1968, Larousse). 1. Vx.
Qui sert de fondement dans une construc-
tion : Pierre fondamentale. ‖ 2. Fig. Qui
sert de base : Les lois fondamentales de
l’État. Les mathématiques et l’induction

physique ont toujours été les éléments


fondamentaux de mon esprit (Renan).
‖ Recherche fondamentale, recherche
dont l’objet est la théorie, les principes de
la connaissance qui doivent servir de base
à des applications pratiques. ‖ Spécialem.
Note fondamentale, son qui sert de base à
un accord, quelle que soit sa place dans cet
accord. ‖ 3. Qui concerne le fond, l’essen-
tiel : Vous avez commis une erreur fonda-
mentale, dont toutes vos autres erreurs ont
été la conséquence. ‖ 4. Par extens. Qui
est profondément enraciné dans un être,
dans une chose, qui en est inséparable : Il
connaissait la misogynie fondamentale de
presque tous les hommes (Malraux). ‖ 5. En
physique nucléaire, se dit de l’état d’énergie
minimale dans lequel reste normalement
l’atome en l’absence de perturbations
extérieures.

• SYN. : 2 constitutif, dominant, essentiel,


primordial, vital ; 3 capital ; 4 foncier, inné,
naturel. — CONTR. : 2 accessoire, secondaire,
subsidiaire ; 3 futile, négligeable ; 4 acci-
dentel, momentané, occasionnel, passager.

fondamentalement [fɔ̃damɑ̃talmɑ̃]
adv. (de fondamental ; v. 1460,
G. Chastellain). D’une manière fonda-
mentale, qui touche au fond même : Toutes
choses lui sont expliquées fondamentale-
ment (Claudel). Des notions fondamenta-
lement fausses.

fondamentaliste [fɔ̃damɑ̃talist] n. (de


[recherche]fondamentale ; 9 avr. 1966, le
Monde). En médecine, spécialiste de la
recherche fondamentale.

fondant, e [fɔ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


fondre ; milieu du XVIe s., au sens de « où
on enfonce facilement » ; sens I, 1, 1611,
Cotgrave ; sens I, 2, 1865, Littré ; sens I, 3,
1688, Miege ; sens I, 4, av. 1799, Marmontel ;
sens I, 5, XXe s. ; sens I, 6, sept. 1874, Revue
britannique ; sens II, 1, 1865, Littré ; sens
II, 2, 1732, Trévoux ; sens II, 3, 1740, Acad.).

I. 1. Qui fond : De la neige fondante.


‖ 2. Spécialem. Qui fond dans la bouche.
‖ Bonbon fondant, ou fondant n. m.,
bonbon fait d’une pâte à base de sucre :
Il n’y avait que Boissier pour les fondants
(Zola). ‖ 3. Se dit d’un fruit bien mûr et
juteux : Une poire fondante. ‖ 4. Se dit
d’une viande très tendre : Un rosbif fon-
dant. ‖ 5. Fig. Qui s’amollit : Et elle le fai-
sait défaillir, à lui abandonner ses lèvres
fondantes sous les baisers (Ajalbert).
‖ 6. Se dit de couleurs où l’on passe in-
sensiblement d’un ton à l’autre : Des tons
fondants.

II. 1. Vx. Qui fait fondre. ‖ 2. Corps fon-


dant, ou fondant n. m., substance qui fa-
cilite la fusion d’un autre corps. ‖ 3. Mé-
dicament fondant, ou fondant n. m.,
médicament permettant de résoudre les
engorgements.

& fondant n. m. (sens 1, av. 1896, Goncourt ;


sens 2, fin du XIXe s., Huysmans). 1. Vx et
littér. Affabilité, douceur : L’aristocratie de
la bourgeoisie, à la grâce toujours un peu
sèche et sans fondant (Goncourt). ‖ 2. Vx
et péjor. Manque de virilité, de vigueur : On
tomberait dans la mièvrerie et le fondant
(Huysmans).

fondateur, trice [fɔ̃datoer, -tris] n.


(lat. fundator, fondateur, de fundatum,
supin de fundare [v. FONDER] ; début du
XIVe s., aux sens 1-2 [a supplanté la forme
pop. fondeor, 1150, Barbier] ; sens 3, 1690,
Furetière ; sens 4, XXe s.). 1. Personne qui
a pris l’initiative de la construction d’une
ville : Ces deux grands fondateurs de cités
pour être nés « secrètement et d’une union
clandestine » ont passé pour des fils de
dieux (Gide). ‖ 2. Personne qui a créé,
institué, organisé quelque chose : Le fon-
dateur d’un empire, d’une religion, d’une
philosophie. Tout fondateur dans l’ordre
spirituel doit se préoccuper de se rendre
irrésistible (Valéry). ‖ 3. Personne qui a
fait un don, un legs pour une oeuvre cha-
ritable, philanthropique : La fondatrice
d’un prix, d’une bourse. On sait qu’il est le
fondateur de l’hôpital des Enfants-Trouvés
(Chateaubriand). ‖ 4. Part de fondateur,
titre négociable remis aux fondateurs des
sociétés anonymes et leur donnant droit à
une part dans les bénéfices.

• SYN. : 1 bâtisseur ; 2 auteur, créateur, père.

fondation [fɔ̃dasjɔ̃] n. f. (lat. fundatio


[toujours au plur. fundationes en lat. class. ;
le sing. fundatio n’est apparu qu’à basse
époque], fondations, de fundatum, supin
de fundare [v. FONDER] ; XIIIe s., aux sens
I, 1-2 ; sens I, 3, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens I, 4, 1690, Furetière ; sens I, 5, av. 1710,
Fléchier ; sens II, 1, 1690, Furetière ; sens
II, 2, milieu du XVe s.).

I. 1. Action de fonder une ville : La fon-


dation de Marseille par une colonie pho-
céenne. L’an trois cent après la fondation
de Rome. ‖ 2. Action de créer, d’établir,
d’organiser quelque chose : Nous lui
devons [au clergé] la fondation des col-
lèges et des hôpitaux (Chateaubriand). La
fondation d’un ordre religieux. ‖ 3. Spé-
cialem. Création, par voie de donation
ou de legs, d’un établissement d’intérêt
général. ‖ 4. Par extens. Le ou les bâti-
ments représentant l’oeuvre ainsi créée :
À minuit nous arrivâmes au kan [...],
cette pieuse fondation d’un serviteur de
Mahomet (Chateaubriand). Loger à la
Fondation Thiers. ‖ 5. Attribution à une
oeuvre existante de fonds destinés à un
usage précis : Fondation d’un lit dans un
hôpital.

II. 1. Ensemble des travaux qui ont


pour but d’asseoir les fondements d’une
construction : Jeter les fondations d’un
édifice. On n’en est encore qu’aux fonda-
tions. ‖ Spécialem. Tranchée destinée
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1965
à recevoir les assises d’une construc-
tion : Creuser les fondarions d’une école.
‖ 2. Par extens. Ces assises elles-mêmes :
Des fondations solides, en béton, en pierre
de taille.

• SYN. : 3 création, édification, érection,


instauration, institution.

1. fonde [fɔ̃d] n. f. (de fond ; XIIe s., au


sens de « base, fondement » ; sens actuel,
v. 1225, Bueve de Hantone [être à la fonde,
1732, Trévoux]). En termes de marine,
fond de l’eau. ‖ Vx. Être à la fonde, être
au mouillage.

2. fonde [fɔ̃d] n. f. (du lat. funda, fronde ;


XIIIe s.). Poche des machines de guerre,
au Moyen Âge, dans laquelle était placé
le projectile. ‖ Par extens. Le projectile
lui-même.

fondé, e [fɔ̃de] adj. (part. passé de fon-


der ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au
sens de « bien instruit, savant » ; sens 1,
1580, Montaigne ; sens 2, 1549, R. Estienne).
1. Se dit d’une chose motivée, légitime : Les
craintes qu’exprimait ta lettre n’étaient que
trop fondées (Gide). ‖ 2. Être fondé à, en
parlant d’une personne, avoir de solides
raisons pour : Elle était bien fondée à parler
ainsi (Barbey d’Aurevilly).

• SYN. : 1 juste, justifié, vrai ; 2 autorisé.

— CONTR. : 1 chimérique, faux, gratuit,


illusoire, imaginaire, utopique, vain.

& fondé n. m. (1832, Raymond [fondé de


pouvoir ; fondé en pouvoir, début du XVIIe s. ;
fondé, même sens, 1297, Godefroy]). Fondé
de pouvoir, personne dûment autorisée à
agir au nom d’une autre ou d’une société :
Être fondé de pouvoir chez un agent de
change.

fondement [fɔ̃dmɑ̃] n. m. (lat. funda-


mentum, fondation, base, support [au
pr. et au fig.], et, à basse époque, dans la
langue médic., « anus », de fundare [v. FON-
DER] ; XIIe s., aux sens I, 1 et II ; sens I, 2
et 4, v. 1265, J. de Meung ; sens I, 3, 1580,
Montaigne).

I. 1. Vx. Ensemble des travaux de maçon-


nerie arrivant jusqu’à fleur de terre et
sur lequel repose un édifice (s’emploie
surtout au plur.) : Les fondements massifs
[du château] sont entourés d’eau, avec des
poternes et des restes de pont-levis (Ner-
val). ‖ 2. Fig. Élément essentiel, base
sur laquelle s’appuie tout le reste : Saint
Benoît jeta au Mont-Cassin, en Italie,
les fondements de l’ordre célèbre (Cha-
teaubriand). Le christianisme est la clef de
voûte et le fondement de l’ordre nouveau
(Flaubert). ‖ 3. Raison solide qui appuie,
légitime, autorise une chose : Une accusa-
tion qui ne repose sur aucun fondement.
Un bruit, une nouvelle sans fondement.
Il n’y a d’autre fondement de la puissance
que l’illusion des misérables (Bernanos).
‖ Class. Faire fondement sur quelque
chose, y ajouter foi, s’y fier : Sancerre crut

voir quelque refroidissement dans la pas-


sion qu’elle avait pour lui. Il m’en parla
plusieurs fois sans que je fisse aucun fonde-
ment sur ses plaintes (Mme de La Fayette).
‖ 4. Idée, principe à partir desquels peut
se fonder, se déduire un système, un en-
semble de connaissances : Le fondement
de la morale, du droit. « Fondement de
la métaphysique des moeurs », ouvrage de
Kant. Le seul et l’unique fondement de la
vertu en chacun est l’effort à persévérer
dans son être (Alain).

II. Fam. Ouverture anale, le derrière.

• SYN. : I, 2 assise ; 3 cause, justification,


motif, preuve, sujet ; 4 base.

fonder [fɔ̃de] v. tr. (lat. fundare, affermir


sur une base, bâtir, fonder [au pr. et au fig.],
de fundus [v. FOND] ; v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence, au sens 3 [fonder
un foyer, XXe s.] ; sens 1-2, XIIIe s., Littré
[fonder sur le sable, 1830, Lamartine] ; sens
4, 1690, Furetière ; sens 5, v. 1190, Sermons
de saint Bernard [fonder une chose sur,
v. 1283, Beaumanoir]). 1. Asseoir sur
des fondements (rare) : Fonder un édifice
sur pilotis ; et par extens. : Sur le tapis de
haute laine qui est le luxe du nomade, et
sur lequel il fonde pour quelques heures
sa demeure... (Saint-Exupéry). ‖ 2. Être
le premier à bâtir ou à faire bâtir une
ville : C’est Romulus, dit-on, qui fonda
Rome. ‖ 3. Prendre l’initiative de créer,
d’établir : Fonder un empire, une société,
un parti, un journal. Sainte Radegonde
[...] fonda le monastère de Sainte-Croix
à Poitiers (France). Avec ce million, il
fonda un cabinet pour le traitement des
maux de tête (Barrès). ‖ Fonder un foyer,
se marier : Ce pays où [...] je caressais la
pensée de m’installer, de fonder un foyer
(Montherlant). ‖ 4. Fournir des fonds, une
somme, une rente pour l’établissement de
quelque chose : Fonder un dispensaire, un
lit d’hôpital, un prix littéraire. ‖ 5. Fig.
Établir solidement, asseoir : L’arbitraire
est l’ennemi de toutes les transactions
qui fondent la prospérité des peuples
(Constant). ‖ Fonder une chose sur, la faire
reposer sur une base, la faire dépendre
de : Fonder son crédit de journaliste et son
avenir d’homme d’État sur la puissance de
la classe ouvrière (Romains). Fonder son
autorité sur la crainte.

• SYN. : 3 bâtir, constituer, construire, édi-


fier, ériger, établir, instaurer, instituer ; 5
assurer, engendrer. — CONTR. : 3 détruire,
écraser, interdire, renverser, supprimer ; 5
abolir, anéantir, miner, ruiner, saper.

& se fonder v. pr. [sur] (sens 1-2, 1541,


Calvin). 1. Prendre pour base, pour appui,
pour justification, en parlant d’une per-
sonne : Les jurés se sont fondés sur le passé
de l’inculpé pour lui accorder les circons-
tances atténuantes. ‖ 2. Avoir pour base,
reposer sur, en parlant d’une chose : Un
raisonnement qui se fonde sur des preuves

certaines. Sur quoi se fondent vos espoirs,


vos soupçons ?

• SYN. : 1 s’appuyer, se baser (fam.).

fonderie [fɔ̃dri] n. f. (de fondre ; 1373,


Godefroy, écrit fondrie [fonderie, XVIe s.],
au sens 1 ; sens 2, fin du XVIe s., Palissy ;
sens 3, 1690, Furetière). 1. Procédé de
fusion et de purification des métaux et
des alliages : La fonderie a été pratiquée
dès la plus lointaine antiquité. ‖ 2. Usine
où l’on fond les métaux ou les alliages et
où ils sont coulés dans des lingotières pour
en faire des lingots, ou dans des moules
pour leur donner la forme d’emploi : La
patrie de la révolution était dans l’ombre
verdâtre de ces fonderies (Malraux). Les
hauts fourneaux et fonderies de Givors.
‖ 3. Par extens. Fabrique d’objets en métal
fondu : Ils se procurèrent des matières pre-
mières, établirent des fonderies de canons
(Chateaubriand). Fonderie de caractères
d’imprimerie. Fonderie d’art.

1. fondeur [fɔ̃doer] n. m. (de fondre ; v.


1268, É. Boileau, écrit fonderes, avec un
sens peu clair ; écrit fondeur, au sens 1,
début du XIVe s. ; sens 2, av. 1553, Rabelais ;
sens 3, 1694, Acad. ; sens 4, 1865, Littré).
1. Celui qui dirige une fonderie. ‖ 2. Celui
qui fabrique des objets en métal fondu :
Eustache s’avisa de lui appliquer un soufflet
[...], de quoi il demeura plus étonné qu’un
fondeur de cloches (Nerval). Une hardiesse,
une aisance, une décision, dont les créations
les plus souples du potier ou du fondeur de
bronze ne connaissent que de loin le bon-
heur (Valéry). ‖ 3. Ouvrier qui surveille les
opérations de fusion et de coulée dans une
fonderie. ‖ 4. Celui qui vend de la fonte.

2. fondeur [fɔ̃doer] n. m. (de fond ; 1962,


Larousse). En termes de sport, spécialiste
de la course de fond à skis.

fondeuse [fɔ̃døz] n. f. (de fondre ; 1907,


Larousse). Machine à fabriquer des moules
ou à couler une matière fondue.

fondis n. m. V. FONTIS.

fondoir [fɔ̃dwar] n. m. (de fondre ; XIIIe s.,


Godefroy, écrit fundeeur, au sens de « creu-
set destiné à la fonte » ; écrit fondoir, au sens
1, 1680, Richelet ; sens 2, XXe s.). 1. Local
d’un abattoir où l’on prépare les suifs :
Ces rebuts de boucherie qu’on emporte le
matin pour les saponifier dans les fondoirs
(Huysmans). ‖ 2. Appareil dans lequel est
fondu le suif.

fondouk [fɔ̃duk] n. m. (mot de l’ar.


maghrébin ; 1857, Fromentin ; l’ar. class.
fundaq, caravansérail, avait donné l’anc.
provenç. fondech, fondegue, magasin,
comptoir européen en pays musulman
[XIIIe s.], d’où le franç. archaïque fondegue
[1606, Nicot ; fondique, 1611, Cotgrave]).
Entrepôt et hôtellerie de marchands en
pays musulman : Tu ferais mieux d’entrer
dans la ville [...] et d’aller loger au fondouk
(Fromentin). Il n’y avait ni volets ni rideaux
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1966

à la fenêtre de la chambre de Costals, dans


cet ancien poste militaire de Tighremt,
devenu un fondouk marmiteux géré par
un adjudant en retraite (Montherlant).

• SYN. : caravansérail.

fondre [fɔ̃dr] v. tr. (lat. fundere, verser,


répandre, fondre [des métaux], disperser,
renverser, chasser [d’un lieu], déployer, lais-
ser se répandre, produire en abondance ;
v. 1112, Voyage de saint Brendan, au sens de
« répandre, verser [des larmes] » ; sens 1, fin
du XIIe s., J. Bodel [fondre la glace, XXe s.] ;
sens 2, v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-
Maxence ; sens 3, 1580, Montaigne ; sens
4, v. 1560, Paré ; sens 5, 1748, Montesquieu ;
sens 6, 1752, Trévoux). [Conj. 46.]
1. Amener, sous l’action de la chaleur, un
solide à l’état liquide : Comment, s’écria
Mme Vauquier, le père Goriot aurait fondu
son déjeuner de vermeil ? (Balzac). ‖ Fig.
Fondre la glace, faire cesser la froideur, la
contrainte qui peuvent régner entre per-
sonnes qui ne se connaissent pas. ‖ 2. Par
extens. Fabriquer un objet de forme déter-
minée en coulant du métal en fusion dans
un moule : Fondre des balles, des canons,
des cloches. ‖ 3. Par anal. Dissoudre un
corps solide dans un liquide : Le sel n’est
pas suffisamment fondu. ‖ 4. Fig. Faire
diminuer de volume : Les larmes que sa
petite versait depuis cinq mois avaient
rougi ses yeux, fondu ses joues (Daudet).
‖ 5. Fig. Mêler une chose à une autre de
façon qu’elles ne forment plus qu’un tout
indistinct : Le principal mérite des belles
manières et du ton de la haute compagnie
est d’offrir un ensemble harmonieux où
tout est si bien fondu que rien ne choque
(Balzac). ‖ 6. Spécialem. Fondre des cou-
leurs, éviter les oppositions brutales, gra-
duer les nuances quand on passe d’une
couleur à l’autre.

• SYN. : 4 amaigrir ; 5 amalgamer, harmo-


niser ; 6 dégrader. — CONTR. : 4 arrondir,
gonfler.

& v. intr. (sens I, 1, v. 1050, Vie de saint


Alexis [la glace fond, XXe s.] ; sens I, 2 et 6,
v. 1360, Froissart ; sens I, 3, v. 1240, G. de
Lorris ; sens I, 4, 1580, Montaigne [pour un
fruit, av. 1869, Lamartine] ; sens I, 5, fin du
XIIIe s., Joinville [« s’écrouler », au pr., XIIe s.,
Roncevaux] ; sens II, v. 1354, Modus [pour
un oiseau ; en général, 1580, Montaigne]).

I. 1. Devenir liquide sous l’action de


la chaleur ou d’une température plus
douce : Les cerises et les prunes couvraient
l’herbe entre les grêlons qui fondaient
(Flaubert). Métal qui fond à une haute
température. ‖ Fig. La glace fond, à la
froideur, à la contrainte succède la cor-
dialité. ‖ 2. Par exagér. Fondre en larmes,
pleurer soudainement et abondam-
ment : Les choses les plus dures, qui ont
fait fondre en larmes cette pauvre petite
(Balzac). Elle me [...] récompensait par
des mots calmants qui me faisaient fondre
en larmes (Fromentin). Ses traits prirent
une expression douloureuse ; il crut qu’elle
allait fondre en larmes (Martin du Gard).
‖ 3. Par exagér. et fig. S’attendrir sous
l’effet de certains sentiments par lesquels
on est profondément pénétré : Il sentit
fondre son coeur aux résolutions farouches
(Gide). Son coeur fondait de tendresse pour
ces deux inconnus (Mauriac). ‖ 4. Se dis-
soudre dans un liquide : Faire fondre du
sel dans de l’eau. ‖ Par anal. Se dissoudre
rapidement dans la bouche : Le jour s’est
écoulé comme fond dans la bouche | Un
fruit délicieux sous la dent qui le touche
(Lamartine). ‖ 5. Fig. Se réduire graduel-
lement jusqu’à n’être plus rien : Hélas !
Napoléon [...] | Voyait, l’un après l’autre,
en cet horrible gouffre | Fondre ces régi-
ments de granit et d’acier | Comme fond
une cire au souffle d’un brasier (Hugo).
L’argent lui fond dans les mains. ‖ Class.
S’engloutir, couler, s’écrouler : Ton ba-
teau de leur poids fondrait dans les abîmes
(Corneille). L’empire d’Alexandre fondit
en peu de temps (Furetière). ‖ 6. Maigrir
rapidement : Ce malade fond à vue d’oeil.

II. Fondre sur, s’abattre, s’élancer impé-


tueusement sur : Les grands oiseaux sem-
blaient fondre sur nous du haut du ciel
(Bernanos). Et leurs mains s’élevaient
comme un vol de colombes | Clarté sur
qui la nuit fondait comme un vautour
(Apollinaire).

• SYN. : I, 1 se liquéfier ; 5 s’anéantir, dis-


paraître, s’évanouir, se volatiliser (fam.).
‖ II s’élancer, se jeter, piquer, se précipiter,
se ruer, tomber.

& se fondre v. pr. (sens 1, milieu du


XVIe s., Amyot ; sens 2, 1609, M. Régnier ;
sens 3, 1770, Raynal [en peinture, milieu
du XVIIIe s., Buffon] ; sens 4, av. 1648,
Voiture). 1. Être, devenir liquéfié ou dis-
sous (rare) : Le sucre se fond dans l’eau.
‖ 2. Fig. S’amollir, s’attendrir jusqu’à
perdre toute résistance : Et je sentis tout
mon être se fondre de volupté (France).
‖ 3. Fig. Se mêler au point de se confondre :
Le code ecclésiastique où viennent se
fondre la loi lévitique, l’Évangile et le droit
romain (Chateaubriand). Le bruissement
des feuillages où celui des ruisseaux nom-
breux se fondait (Gide). ‖ Spécialem. En
peinture, passer graduellement de l’une à
l’autre, en parlant des couleurs : Des tons
qui se fondent. Les spirales s’accusent ou se
fondent (Valéry). ‖ 4. Fig. Se réduire plus
ou moins rapidement à rien : L’exiguïté
de la fortune du sieur Marneffe, chez qui
s’était déjà fondue la dot de Mlle Valérie
Fortin (Balzac).

• SYN. : 1 fondre, se liquéfier ; 3 s’amalgamer,


se confondre, fusionner, se mêler.

fondrière [fɔ̃drijɛr] n. f. (du lat. pop. *fun-


dora, plur. du neutre *fundus, fun-doris,
fond [v. FOND] ; fin du XIIe s., Aymeri de
Narbonne, puis 1488, Mer des histoires, au
sens 1 ; sens 2, 1843, Th. Gautier). 1. Lieu
souvent envahi par l’eau et généralement

marécageux : Fondrières au sortir de l’au-


berge ; le sol semble pourri (Gide). On dirait
une ville comme les autres et, soudain, vous
tombez dans les fondrières et les montagnes
de débris (Duhamel). ‖ 2. Par extens. Trou
d’une route défoncée, rendu bourbeux par
les pluies : Les troupes fuyaient par les trains
sabotés et les fondrières boueuses des routes
(Malraux).

• SYN. : 2 bourbier, ornière.

fondrilles n. f. pl. V. EFFONDRILLES.

fonds [fɔ̃] n. m. (réfection graphique de


l’anc. franç. fonz, fons, forme anc. de fond
[v. ce mot] ; XVIe s., La Curne, au sens I, 1
[fons, XIIe s. ; fonds servant, dominant, 1890,
Dict. général] ; sens I, 2, 1690, Furetière ;
sens II, 1, fin du XVIe s. [mettre à fonds
perdu, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; prê-
ter à fonds perdu, 1865, Littré ; fonds dotal,
social, 1865, Littré ; fonds d’amortissement,
de roulement, 1890, Dict. général] ; sens II,
2, XXe s. [Fonds monétaire international,
milieu du XXe s.] ; sens II, 3, 1690, Furetière
[dans une bibliothèque, XXe s.] ; sens II, 4,
1657, Pascal).

I. 1. Sol, terre que l’on peut cultiver ou


sur lesquels on peut bâtir : Travaillez,
prenez de la peine : | C’est le fonds qui
manque le moins (La Fontaine). Faire
construire sur son fonds. ‖ Fonds servant,
fonds assujetti à une servitude. ‖ Fonds
dominant, fonds au profit duquel la servi-
tude est établie. ‖ 2. Par extens. Établis-
sement commercial ou industriel, avec ce
qui en dépend (marchandises, ustensiles,
clientèle et bail) : Un fonds de commerce.
Acheter un fonds d’épicerie. Le commer-
çant qu’on ne guérit qu’en le décidant à
vendre son fonds (Proust).

II. 1. Class. et littér. Capital en biens, en


argent, que l’on fait valoir (par oppo-
sition à revenu) : Jean s’en alla comme
il était venu, | Mangea le fonds avec le
revenu (La Fontaine). Ma tante, Mme de
Bedée, qui voyait mon oncle manger gaie-
ment son fonds et son revenu, se fâchait
assez justement ; mais on ne l’écoutait
pas, et sa mauvaise humeur augmentait
la bonne humeur de sa famille (Cha-
teaubriand). ‖ Vx. Mettre, placer son
argent, ses biens à fonds perdu, les céder
moyennant une rente viagère. ‖ Fam.
Prêter à fonds perdu, prêter de l’argent
à un débiteur insolvable. ‖ Fonds dotal,
ensemble des biens que la femme s’est
constitués en dot. ‖ Fonds social, tout
le patrimoine d’une société, d’une asso-
ciation. ‖ Fonds d’amortissement, capi-
tal épargné par un industriel ou par un
commerçant pour parer à l’amortisse-
ment de son matériel ou de ses dettes.
‖ Fonds de roulement, ensemble des es-
pèces en caisse ou en banque immédiate-
ment disponibles. ‖ 2. Nom donné à un
grand nombre d’organismes qui ont pour
tâche de financer telle ou telle société, de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1967

répondre à tel ou tel besoin : Fonds spé-


cial d’investissement routier. Fonds natio-
nal d’aménagement du territoire. ‖ Fonds
monétaire international, organisme
international qui a pour tâche d’assurer
la stabilité des changes et de dévelop-
per sur le plan monétaire et commercial
la coopération internationale. ‖ 3. Fig.
Ensemble des ressources, autres que les
biens matériels, propres à quelque chose
et que l’on peut exploiter : Cette société
offre un fonds très riche, dans lequel un
romancier peut puiser pour ses romans.
Enrichir le fonds d’une langue. ‖ Spécia-
lem. Dans les bibliothèques, les archives,
etc., totalité des livres, manuscrits ou
documents qui proviennent d’une collec-
tion : La bibliothèque Ambrosienne a un
fonds provenant du monastère de Bobbio.
‖ 4. Class. et littér. Ensemble de qualités,
de tendances, de dons physiques, moraux
ou intellectuels d’un individu : Vous avez
un fonds de santé admirable (Molière). Ce
que je fournis de mon propre fonds, c’est la
bonne foi (France). Lui, qui le connaissait
mieux, savait quel fonds de légèreté et de
paresse modifiait ce tempérament d’ambi-
tieux, à la fois meilleur et pire que sa répu-
tation (Daudet).
& n. m. pl. (sens 1, 1606, Nicot ; sens 2,
1865, Littré [fonds du Trésor ; fonds publics,
1757, Encyclopédie ; fonds secrets, 1872,
Larousse] ; sens 3, 1690, Furetière [les fonds
sont bas, 1762, Acad.]). 1. Capital destiné
à financer une entreprise industrielle ou
commerciale : Ces travaux exigent une mise
de fonds considérable. ‖ 2. Capital qui est
à la disposition de l’État ou des collectivi-
tés publiques : Fonds du Trésor. ‖ Fonds
publics, ou fonds d’État, capital des sommes
empruntées par l’État et dont il doit servir
la rente : Avoir toute sa fortune placée en
fonds d’État. La hausse, la baisse des fonds
publics. ‖ Fonds secrets, somme dont la dis-
position appartient discrétionnairement à
certains fonctionnaires. ‖ 3. Argent comp-
tant : Je n’ai pas les fonds sur moi : faites-
moi crédit jusqu’à demain. ‖ Être en fonds,
avoir de l’argent : Je ne suis guère en fonds
(Mérimée). Duroy se trouvait par hasard en
fonds (Maupassant). ‖ Fam. Les fonds sont
bas, nous n’avons plus beaucoup d’argent.
• REM. La distinction entre fond et fonds
a été établie au XVIIe s. par Vaugelas et elle
s’est finalement imposée. Cependant, par
confusion avec fond, « élément fonda-
mental et permanent », certains écrivains
ont continué à écrire fonds lorsque ce mot
est considéré comme un « capital que l’on
peut exploiter » : Il y a en nous un fonds
d’humanité qui change moins qu’on ne
croit (France).

fondu, e [fɔ̃dy] adj. (part. passé de fondre ;


XIIe s., au sens 1 [acier fondu, milieu du
XVIIIe s., Buffon ; fromage fondu, XXe s.] ;
sens 2, XXe s. ; sens 3, 1765, Diderot). 1. Passé
à l’état liquide, en parlant d’un corps

solide : Du plomb fondu. L’automne mer-


veilleux mêlait son or et sa pourpre aux der-
nières verdures restées comme si des gouttes
de soleil fondu avaient coulé du ciel dans
l’épaisseur des bois (Maupassant). ‖ Acier
fondu, acier qui a été élaboré au creuset.
‖ Fromage fondu, fromage obtenu en fon-
dant ensemble divers fromages. ‖ 2. Fig. Se
dit d’un mouvement de danse constitué
par un abaissement du corps obtenu par
un fléchissement du genou de la jambe de
position : Battement fondu. ‖ 3. Se dit de
couleurs obtenues en passant graduelle-
ment d’un ton à l’autre.

& fondu n. m. (sens 1, av. 1889,


Barbey d’Aurevilly ; sens 2, 1908, l’Illus-
tration). 1. Résultat obtenu en fondant
les couleurs : Un fondu qu’on ne saurait
rendre que par un mot intraduisible, le mot
anglais « ethereal » (Barbey d’Aurevilly).
‖ 2. Spécialem. Dans le langage du cinéma,
substitution graduelle d’une image à une
autre : On distingue l’ouverture en fondu,
la fermeture en fondu et le fondu enchaîné.
& fondue n. f. (1432, Godefroy, au sens
de « fer de fonte » ; sens actuel, 1768,
J.-J. Rousseau [en ce sens, fondue était
d’abord un mot dialectal de la Suisse
romande]). Mets composé de gruyère ou
d’emmenthal fondu dans du vin blanc, avec
addition de poivre et d’un peu de kirsch,
et que l’on mange chaud.

fongibilité [fɔ̃ʒibilite] n. f. (dér. savant


de fongible ; 1930, Larousse). En termes de
droit, qualité de ce qui est fongible.

fongible [fɔ̃ʒibl] adj. (dér. savant du lat.


fungi, s’acquitter de, accomplir, remplir,
supporter, consommer, achever ; 1752,
Trévoux). En droit, se dit des choses qui
se consomment par l’usage et peuvent être
remplacées par d’autres de même nature :
Les denrées sont des choses fongibles.

fongicide [fɔ̃ʒisid] adj. et n. m. (de fongi-,


élément tiré du lat. fungus, champignon, et
de -cide, du lat. caedere, frapper, abattre,
tuer ; 1912, Larousse). Se dit d’une subs-
tance propre à détruire les champignons
parasites.

fongicole [fɔ̃ʒikɔl] adj. (de fongi- [v. l’art.


précéd.] et de -cole, du lat. colere, cultiver,
habiter ; 1839, Boiste). Se dit des insectes
qui vivent dans les champignons.

fongiforme [fɔ̃ʒifɔrm] adj. (de fongi-


[v. FONGICIDE] et de forme ; 1865, Littré).
Qui a la forme d’un champignon : Coraux
fongiformes. Une ampoule électrique
fongiforme.

fongique [fɔ̃ʒik] adj. (du lat. fungus,


champignon ; 1877, Littré). Qui est de
la nature des champignons, ou qui s’y
rapporte : Une végétation fongique.
‖ Intoxication fongique, empoisonnement
provoqué par des champignons.

fongosité [fɔ̃gɔzite] n. f. (dér. savant


du lat. fungosus [v. l’art. suiv.] ; v. 1560,
Paré, au sens 2 ; sens 1, 1832, Raymond).
1. Caractère de ce qui est fongueux : La
fongosité d’un ulcère. ‖ 2. Excroissance
fongueuse : D’autres champignons plus
ouverts n’étaient plus que comme ces fon-
gosités aplaties qu’on voit sur le tronc des
vieux arbres (Gide).

fongueux, euse [fɔ̃gø, -øz] adj. (lat.


fungosus, poreux, spongieux, de fungus
[v. l’art. suiv.] ; v. 1560, Paré, au sens 1 ; sens
2, 1865, Littré). 1. De la nature du fongus :
Un ulcère fongueux. ‖ 2. Qui ressemble à
un champignon ou à une éponge.

fongus [fɔ̃gys] n. m. (lat. fungus, cham-


pignon, excroissance sur les oliviers, et,
à basse époque, dans la langue médic.,
« excroissance de chair » ; v. 1560, Paré,
écrit fungus ; fongus, 1752, Trévoux [fonge,
forme plus francisée, a existé au XIVe s.,
Dict. général]). Excroissance charnue,
spongieuse, qui s’élève sur la peau, surtout
autour d’une plaie.

fontaine [fɔ̃tɛn] n. f. (bas lat. fontana,


fontaine, fém. substantivé de l’adj. fonta-
nus, de source, dér. de fons, fontis, source ;
v. 1170, Livre des Rois, écrit funteine [fon-
taine, v. 1190, Sermons de saint Bernard],
au sens 1 [la fontaine de Jouvence, XVe s.] ;
sens 2, fin du XIVe s., E. Deschamps ; sens
3, XIVe s., Laborde [fontaine Wallace, début
du XXe s.] ; sens 4, 1690, Furetière ; sens 5,
1680, Richelet ; sens 6, 1845, Bescherelle).
1. Eau vive sortie de terre : La fontaine de
Vaucluse. La fontaine qui filtre à l’ombre du
dattier (Leconte de Lisle). ‖ La fontaine de
Jouvence, fontaine fabuleuse dont les eaux
avaient la propriété de rajeunir. ‖ 2. Fig. Ce
qui est à l’origine de quelque chose, prin-
cipe : Le ciel ouvre ses fontaines de lumière
dans l’espace immense et sonore (Camus).
‖ 3. Construction destinée à l’écoulement
et à la distribution des eaux : Une fontaine
arabe [...] avec une auge et des robinets pri-
mitifs (Fromentin). Une fontaine publique.
‖ Fontaine Wallace, fontaine dont l’éta-
blissement sur les places de Paris est dû au
philanthrope anglais sir Richard Wallace :
Un gobelet attaché à une fontaine Wallace
permettait aux passants de se désaltérer.
‖ 4. Spécialem. Construction artistique,
ornée de sculptures, comprenant un bassin
et des jets d’eau, et servant surtout pour la
décoration : L’onde ne chante plus en tes
mille fontaines | Ô Versailles, Cité des eaux,
Jardin des Rois (H. de Régnier). Les fon-
taines de Rome. Des fontaines lumineuses.
‖ 5. Récipient à pied ou fixé au mur, avec
couvercle, bassin et robinet de métal, pour
les usages domestiques : Une fontaine en
faïence de Nevers. ‖ 6. Creux que l’on fait
dans une masse de farine pour y verser les
ingrédients liquides qui serviront à délayer
la pâte.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1968

fontainebleau [fɔ̃tɛnblo] n. m. (de


Fontainebleau, n. d’une ville de l’Île-de-
France ; 1872, Larousse, comme n. d’une
variété de chasselas ; sens actuel, 1930,
Larousse). Fromage frais obtenu par un
mélange de caillé et de crème.

fontainier [fɔ̃tɛnje] n. m. (de fontaine ;


1292, Dict. général, écrit fonte-nier [fon-
tainier, XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1396,
Godefroy ; sens 3, 1538, R. Estienne).
1. Fabricant, marchand, réparateur de
fontaines. ‖ 2. Agent municipal chargé du
service des fontaines publiques, du relè-
vement des compteurs d’eau et du recou-
vrement du montant des consommations.
‖ 3. Personne qui fait des sondages pour
amener les eaux souterraines à la surface
du sol.

• REM. On écrit aussi FONTENIER.

fontanelle [fɔ̃tanɛl] n. f. (réfection,


d’après le lat. scientif, du XVIe s. fontanella
[lui-même formé sur fontenelle, v. ci-après],
de fontenelle, fontanelle [v. 1560, Paré], dér.
de fonteyne, fontaine, fontanelle [v. 1280,
Bibbesworth], le petit enfoncement de la
tête des nouveau-nés ayant été comparé
au bassin d’une fontaine ; 1611, Cotgrave).
Espace cartilagineux que présente la
boîte crânienne, avant son entière ossifi-
cation, aux points de jonction des sutures
osseuses : Il existe chez le nouveau-né six
fontanelles principales, deux médianes et
quatre latérales.

fontange [fɔ̃tɑ̃ʒ] n. f. (du n. de Mlle de


Fontanges, qui fut la maîtresse de Louis
XIV et à qui on attribue l’invention de cette
coiffure ; v. 1680, Mme de Sévigné). Coiffure
de mousseline ou de dentelle tuyautée et
apprêtée, retenue droite sur la tête par des
laitons, parfois garnie d’un ruban, que por-
taient les femmes à la fin du règne de Louis
XIV : Combien n’a-t-on pas vu de Philis aux
yeux doux [...] | Sous leur fontange altière
asservir leurs maris (Boileau).

1. fonte [fɔ̃t] n. f. (lat. pop. *fundita, fonte,


fém. substantivé de *funditus, part. passé
pop. [disparu av. les premiers textes] du lat.
class. fundere [v. FONDRE] ; 1493, Martial
d’Auvergne, au sens 1 [probablem. bien
plus anc., car fontaille, fonte, dér. de fonte,
est attesté dès le début du XIIIe s.] ; sens
2-4, XVIe s. [« alliage... qui servait à fabri-
quer des bouches à feu », début du XVIIe s. ;
fonte verte, fin du XVIe s., A. d’Aubigné]).
1. Action de fondre ou de se fondre :
Comme un flot grossi par la fonte | Des gla-
ciers grondants (Baudelaire). ‖ 2. Action
de fondre les métaux : Remettre des mon-
naies à la fonte. ‖ 3. Par extens. Action, art
de mouler certains objets avec du bronze
ou avec quelque autre métal fondu : La
fonte d’une statue, d’une cloche. Une de
ces sociétés veillait sur l’imprimerie, sur
la beauté du papier, la fonte des caractères
(Chateaubriand). ‖ 4. Alliage de fer et
de carbone obtenu dans les hauts four-

neaux à partir du minerai de fer : Deux


vases en fonte sont à chaque bout du per-
ron (Flaubert). De la fonte émaillée. ‖ Vx.
Alliage chargé en cuivre, qui servait à
fabriquer des bouches à feu : Des canons
de fonte. ‖ Fonte verte, bronze.

2. fonte [fɔ̃t] n. f. (altér., sans doute sous


l’influence de fonte 1, de l’ital. fonda, pro-
prem. « bourse », lat. funda, fronde, bourse ;
1752, Trévoux). Chacune des poches de cuir
attachées de part et d’autre de l’arçon d’une
selle et destinées à recevoir un pistolet :
Comme à Paris nous nous faisons homme de
lettres, on se fait agent d’affaires en Algérie.
Il suffit pour cela de savoir un peu de fran-
çais, d’espagnol, d’arabe, d’avoir toujours
un code dans ses fontes (Daudet).

fontenier n. m. V. FONTAINIER.

fontinal, e, aux [fɔ̃tinal, -o] adj. (lat.


fontinalis, de source [surtout employé
comme substantif, au neutre plur. fontina-
lia, « fête en l’honneur des sources » — aussi
var. fontanalia], de fons, fontis, source ;
1746, James, au sens 2 ; sens 1, XXe s.).
1. Relatif aux adductions d’eau potable :
Des projets fontinaux. ‖ 2. Mousse fonti-
nale, mousse qui croît dans les fontaines,
sur les pierres des torrents, les roues des
moulins.

fontis [fɔ̃ti] ou fondis [fɔ̃di] n. m. (de


fondre, au sens de « s’affaisser » [XIIe s.] ;
1287, Godefroy, écrit fontis ; fundeys, fondis,
1291, Godefroy). Affaissement local du sol
provoqué par l’éboulement d’un vide sou-
terrain : Cette crevasse, hiatus d’un gouffre
de boue, s’appelait dans la langue spéciale
fontis (Hugo).
fonts [fɔ̃] n. m. pl. (lat. ecclés. médiév.
fontes, fonts, plur. du lat. class. fons, fontis,
n. m., source, fontaine, eau ; 1080, Chanson
de Roland, écrit funz [fons, v. 1160, Benoît
de Sainte-Maure ; fonts, v. 1462, Cent
Nouvelles nouvelles ; fonts baptismaux,
début du XVIe s. ; tenir quelqu’un sur les
fonts — baptismaux —, 1690, Furetière]).
Fonts baptismaux, bassin placé sur un
support et contenant l’eau destinée aux
baptêmes : On gardait autrefois le ciboire
dans une colombe d’argent suspendue sur
les fonts baptismaux (France). ‖ Tenir un
enfant sur les fonts baptismaux, être son
parrain ou sa marraine.

football [futbol] n. m. (mot angl. signif.


proprem. « balle au pied », de foot, pied, et
ball, boule, balle, ballon ; fin du XVIIe s.,
à propos d’un jeu de balle anglais ; 1872,
Bonnafé, au sens actuel [pour l’Angle-
terre ; pour la France, 1888, Larousse]).
Sport dans lequel vingt-deux joueurs,
divisés en deux camps opposés, s’effor-
cent d’envoyer un ballon sphérique dans
le but du camp adverse, sans l’intervention
des mains : Jouer au football. Un match
de football. Nous descendons aux vastes
jardins, tout installés pour la vie physique,

cricket, football (L. Daudet). J’ai assisté, près


d’une heure durant, à un match de football,
où je n’ai quasiment rien compris (Gide).
Des cortèges d’adolescents hurleurs, qui
traînent des filles vers un terrain de foot-
ball (Chardonne).

• REM. Dans l’argot scolaire, football est


souvent abrégé par foot (XXe s.) : Un bal-
lon de foot. Jouer au foot.

footballeur, euse [futboloer, -øz] n.


(de football, 1894, Journ. des débats, écrit
footballer ; footballeur, début du XXe s. ; foot-
balleuse, 5 nov. 1969, le Monde). Personne
qui joue au football.

footing [futing] n. m. (angl. footing, sol


pour poser le pied, point d’appui, base,
danse, mouvement en mesure [dér. de foot,
pied], dont le sens a été modifié en franç.
sous l’influence d’autres empr. en -ing
désignant des activités sportives, comme
yachting, rowing, etc. ; 1895, Bonnafé).
Marche, promenade hygiénique à pied :
Ce qui augmentait cette impression que
Mme Swann se promenait dans l’avenue du
Bois comme dans l’allée d’un jardin à elle,
c’était — pour ces gens qui ignoraient ses
habitudes de « footing » — qu’elle fût venue
à pied (Proust).

1. for [fɔr] n. m. (lat. forum, place publique,


marché, endroit où se traitent les affaires
commerciales, politiques, judiciaires, d’où,
dans le lat. ecclés. moderne, « juridiction
temporelle de l’Église », puis « jugement de
la conscience » ; 1611, Cotgrave, aux sens
de « juridiction », « façon d’administrer
la justice » ; sens 1, 1694, Acad. [for ecclé-
siastique ; for extérieur, même sens, 1635,
Monet] ; sens 2, 1635, Monet). 1. Vx. For
ecclésiastique, juridiction temporelle de
l’Église. ‖ Vx. For extérieur ou externe,
l’autorité de la justice humaine. ‖ 2. For
intérieur,tribunal de la conscience de cha-
cun. ‖ S’emploie surtout dans la loc. dans
ou en mon [ton, son, etc.] for intérieur, au
plus profond de ma [ta, sa, etc.] conscience :
Oscar Husson se livrait de rudes combats
dans son for intérieur (Balzac). C’est ce que
je me dis toujours avec ma petite jugeote,
dans mon for intérieur (Proust). Me perdre
en réflexions sans issue à propos de celui
que j’appelais, dans mon for intérieur, et
un peu par dérision, le tzigane (Duhamel).

2. for [fɔr] n. m. (anc. provenç. for, juridic-


tion, loi, coutume, de même origine que for
1 ; XVIe s., Laurière). Coutume, privilège :
Les fors du Béarn.

forage [fɔraʒ] n. m. (de forer, milieu


du XIVe s., Digulleville, au sens 1 ; sens
2, 1872, Larousse). 1. Action de forer : Le
forage d’une clef, d’un canon. Ces forages
de tunnels minaient le sol dans tous les sens
(Romains). ‖ 2. Ensemble des techniques
permettant de creuser jusqu’à des profon-
deurs parfois très grandes ; résultat de cette
action : Forage de recherches pétrolières.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1969

1. forain, e [fɔrɛ̃, -in] adj. (lat. pop. *fora-


nus, étranger, du lat. class. foris, dehors
[sans mouvement], foras, dehors [avec
mouvement] ; fin du XIIe s., J. Bodel, au
sens de « étranger » ; sens 1, av. 1611, Sully
[tribunal forain, chambre foraine, 1757,
Encyclopédie ; caution foraine, 1890, Dict.
général ; traite foraine, 1690, Furetière ;
audience foraine, viandes foraines, XXe s. ;
propriétaire forain, 1835, Acad.] ; sens 2,
1770, Raynal). 1. Vx. Relatif aux personnes
ou aux choses qui ne sont pas du lieu, de
la localité. ‖ Autref. Tribunal forain, ou
chambre foraine, chambre du Châtelet
qui jugeait les contestations, en matière
commerciale, entre bourgeois parisiens
et étrangers. ‖ Caution foraine, en droit
ancien, caution que devait fournir un
étranger plaidant contre un Français.
‖ Traite foraine, en droit ancien, taxe et
péage sur les marchandises entrant en
France ou en sortant. ‖ Propriétaire forain,
celui qui ne réside pas au lieu où il possède
ses biens et où il paie l’impôt foncier. ‖ Auj.
Audiences foraines, audiences tenues par
le juge d’instance hors du chef-lieu de la
circonscription du tribunal. ‖ Viandes
foraines, viandes ne provenant pas de
l’abattoir de la commune. ‖ Saisie foraine,
v. SAISIE. ‖ 2. Rade foraine, rade ouverte
aux vents et aux lames du large, et présen-
tant peu de sécurité.

2. forain, e [fɔrɛ̃, -in] adj. et n. (même


étym. qu’à l’art. précéd., avec influence
sémantique de foire 1 à partir du XVIIIe s. ;
1932, Acad., au sens 1 [fête foraine ;
marchand forain, 1757, Encyclopédie —
« marchand parcourant les villages, les
campagnes », 1549, R. Estienne] ; sens 2,
début du XIXe s. [théâtre forain ; acteur
forain, 1890, Dict. général — forain, n.
m., « bateleur », 1738, Piron ; industriel
forain, début du XXe s.]). 1. Qui a rapport
aux foires, aux marchés : Boutique foraine.
Fête foraine. Il s’élança vers le sénateur [...],
qui traînait sa femme étourdie et ornée
comme une boutique foraine (Maupassant).
‖ Marchand, commerçant forain, ou forain
n. m., marchand ou commerçant qui
n’exerce pas son métier dans une boutique
fixe, mais s’installe dans les villes et les
villages à l’occasion des marchés, des foires,
des fêtes locales : Je rencontrais de pauvres
traîne-malheur, de petits marchands forains
qui avaient, comme moi, toute leur fortune
sur le dos (Chateaubriand). Une multitude
étrange se pressa dans les rues montueuses
du Puy : marchands forains du Languedoc,
de la Provence (France). Des forains de
toutes sortes, étalant leur marchandise en
plein air, des blouses, des souliers, des cha-
peaux, des foulards, cette pacotille ambu-
lante qu’on trouve autour des camps, des
fabriques (Daudet). ‖ 2. Théâtre forain,
théâtre ambulant qui va de foire en foire.
‖ Acteur forain, ou forain n. m., acteur d’un
théâtre forain ; bateleur. ‖ Industriel forain,
ou forain n. m., personne qui dirige toute

espèce d’établissement destiné à l’amu-


sement du public dans les fêtes foraines.

foramen [fɔramɛn] n. m. (mot lat. signif.


« trou, ouverture », de forare, percer, trouer
[v. FORER] ; 1878, Larousse). En anatomie,
trou de petite dimension. ‖ Foramen api-
cal, orifice situé à l’extrémité de la racine
de la dent.

foraminé, e [fɔramine] adj. (dér.


savant du lat. foramen, foraminis [v. l’art.
précéd.] ; 1842, Acad.). Percé de petits
trous : Coquillage foraminé.

foraminifères [fɔraminifɛr] n. m. pl.


(de foramini-, élément tiré du lat. foramen,
foraminis [v. FORAMEN], et de -fère, du lat.
ferre, porter ; 1842, Acad.). Sous-classe ou
ordre de protozoaires marins compre-
nant de petits animaux dont la cellule est
entourée d’une capsule calcaire perforée
de minuscules orifices : Les foraminifères
jouent un rôle très important dans la consti-
tution du sol sous-marin.

1. forban [fɔrbɑ̃] n. m. (déverbal de for-


bannir ; milieu du XIIIe s.). En droit féodal,
bannissement : Le droit de forban.

2. forban [fɔrbɑ̃] n. m. (même étym. qu’à


l’art. précéd. ; début du XVIe s., au sens 1 ;
sens 2, 1872, Larousse [forban littéraire,
fin du XVIIIe s.]). 1. Pirate qui se livrait à
des expéditions armées sur mer pour son
propre compte : Toutes ces îles, plus tard
normandes, étaient des chardonnières, des
ronceraies, des trous à bêtes, des logis de
forbans (Hugo). ‖ 2. Fig. Homme mal-
honnête, qui ne respecte aucun droit : S’il
avait consenti à travailler pour ce forban,
c’était par curiosité bien plus que par besoin
(Martin du Gard). ‖ Forban littéraire,
auteur sans scrupules, plagiaire cynique.
• SYN. : 1 flibustier ; 2 bandit, canaille, cra-
pule, fripouille (fam.), gredin, margoulin
(fam.), requin.

forbannir [fɔrbanir] v. tr. (de fors [v. ce


mot] et de bannir ; v. 1265, Livre de jostice).
Vx. Bannir, reléguer : Si le général avait
eu le malheur de se montrer généreux sans
discussion, comme il arrive quelquefois à
certaines âmes candides, il eût été forbanni
pour toujours (Balzac).

forçage [fɔrsaʒ] n. m. (de forcer ; v. 1174,


E. de Fougères, au sens de « violence »
[mot rare av. le XVIIIe s.] ; sens 1 et 3,
XXe s. ; sens 2, 1873, d’après Littré, 1877).
1. Action de forcer : Le forçage d’une bête
par la meute. ‖ 2. Ensemble des opérations
permettant d’obtenir des fleurs, des fruits
ou des légumes prématurément : Fleur
énorme recommandée pour le forçage hâtif
(Morand). ‖ 3. Fabrication d’un moule à
matières plastiques par le matriçage d’un
poinçon en acier dur, représentant l’objet,
dans un métal plus mou.

forçat [fɔrsa] n. m. (ital. forzato, forçat,


galérien, part. passé substantivé de forzare,

forcer [de même origine que le franç. for-


cer, v. ce mot] ; 1548, Ordonnance royale,
au sens 1 [« chrétien condamné par les
Turcs... », av. 1613, M. Régnier] ; sens 2,
XVIIe s. [travailler comme un forçat, 1865,
Littré ; vie de forçat, av. 1850, Balzac] ;
sens 3, av. 1885, V. Hugo). 1. Vx. Homme
condamné aux galères ou aux travaux for-
cés du bagne : Le bruit continuel des chaînes
des forçats qui passent en rang (Flaubert).
Infâme à qui je suis lié | Comme le forçat à sa
chaîne (Baudelaire). ‖ Par anal. Nom que
l’on donnait jadis aux chrétiens condamnés
par les Turcs à ramer sur leurs galères : Elles
[les galères] sont remplies de forçats chré-
tiens (Chateaubriand). ‖ 2. Vx. Individu
condamné aux travaux forcés : Un pilote
du Port-Saint-Louis tortillant son bonnet
de forçat (Daudet). ‖ Auj. Travailler comme
un forçat, travailler très durement, sans
répit. ‖ Vie de forçat, vie très dure, très
pénible : Une vie de forçat pire que le néant
(Balzac). ‖ 3. Fig. Homme condamné à une
existence très pénible et très malheureuse :
Raillé par les forçats humains, | J’ai porté
mon chaînon de la chaîne éternelle (Hugo).

force [fɔrs] n. f. • ÉTYM. Bas lat. fortia,


force, neutre plur., pris pour un fém. sing.,
de l’adj. du lat. class. fortis, fort, solide,
vigoureux, courageux, énergique ; 1080,
Chanson de Roland, au sens I, 1 (travaux de
force, tour de force, 1865, Littré ; travailleur
de force, XXe s. ; être dans la force de l’âge,
1764, Voltaire) ; sens I, 2, 1669, Boileau
(« degré d’instruction, d’habileté... », 1690,
Furetière ; être de force à, av. 1857, Musset) ;
sens I, 3 et 4, fin du XIIe s., Châtelain de
Coucy ; sens I, 5, XIIIe s., La Curne ; sens
I, 6, 1690, Furetière (dans toute la force du
terme, 1865, Littré) ; sens II, 1, fin du XIIIe s.,
Joinville (pour une armée, fin du XVe s.,
Commynes ; force de frappe, v. 1960) ; sens
II, 2, fin du XVIIe s., Bossuet (avoir force de
loi, XVIe s.) ; sens II, 3, 1690, Furetière (aussi
cas de force majeure ; force des choses, 1762,
J.-J. Rousseau) ; sens II, 4, 1080, Chanson
de Roland (épreuve de force, coup de force,
XXe s. ; maison de force, 1740, Acad. ;
camisole de force, 1834, Landais ; à force,
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ;
à la force !, 1534, Rabelais ; faire force à, v.
1283, Beaumanoir ; force m’est de, début du
XVe s., Ch. d’Orléans) ; sens III, 1 et 3, 1690,
Furetière ; sens III, 2, XIIIe s., Chronique de
Rains ; sens III, 4, 1865, Littré ; sens IV, 1
et 3, 1580, Montaigne ; sens IV, 2, XXe s. ;
sens IV, 4, milieu du XVIIIe s., Buffon
(idées-forces, fin du XIXe s.) ; sens V, 1, 1872,
Larousse ; sens V, 2, 1654, Jal (naviguer à
force de rames, v. 1207, Villehardouin) ; sens
V, 3, début du XIVe s.).

I. QUALITÉ DES ÊTRES ANIMÉS. 1. Éner-


gie, vigueur physique, capacité d’action
ou de résistance que possède un être
animé : Se sentir en pleine force. Force
physique, force musculaire. La force d’une
bête de trait, du lion. Être d’une force her-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1970

culéenne. Se hisser à la force des bras. Je ne


me soutiens plus, ma force m’abandonne
(Racine). Quand enfin l’on eut retrouvé la
force de parler... (Stendhal). Je ne me sens
pas la force de me lever (Musset). ‖ Tra-
vaux de force, travaux pénibles, exigeant
une grande vigueur physique : Deux fois
par an [...], les cow-boys [...] se réunissaient
pour des travaux de force (Vercel). ‖ Tra-
vailleur de force, travailleur astreint à des
tâches physiquement pénibles. ‖ Tour de
force, exercice corporel qui réclame une
grande force physique ; au fig., résultat
qui suppose une habileté, un effort excep-
tionnels : Votre livre sera prêt. Je ne sais
pas si vous vous rendez compte que c’est
un tour de force (Romains). ‖ Être dans
la force de l’âge, être au moment de la vie
où toutes les énergies de l’individu at-
teignent leur point culminant : Bien que
vous soyez encore, comme on dit, dans la
force de l’âge, vous deviendrez du jour au
lendemain un vieux monsieur (Romains).
‖ 2. Capacité, degré d’aptitude d’une per-
sonne dans le domaine intellectuel : Une
pensée qui manque de force. Un orateur,
un dialecticien de première force. C’est un
exercice nettement au-dessus de la force
d’un élève de sixième. ‖ Spécialem. Degré
d’instruction, de compétence, d’habileté,
acquis par l’exercice, le travail, l’expé-
rience : Ces deux élèves sont de force égale
en latin. De première force à la bouillotte
(Daudet). ‖ Être de force à, être capable
de : Ne raillez pas : je ne suis pas de force
à vous répondre (Musset). ‖ 3. Dans le
domaine moral, énergie, courage : Force
d’âme, de caractère, de volonté. Il y a en
nous une force morale qui tend toujours
vers la vérité (Staël). Ah ! Seigneur, don-
nez-moi la force et le courage | De contem-
pler mon coeur et mon corps sans dégoût
(Baudelaire). ‖ 4. Fig. Degré d’intensité,
de violence d’un sentiment : La force des
passions, d’un désir. ‖ 5. Fig. Degré d’in-
fluence, valeur, importance d’une idée,
d’une notion : La force d’un argument.
La force de la vérité. La grande bonne foi
de l’ancien enseignement ecclésiastique
consistait à ne rien dissimuler de la force
des objections (Renan). La force de proba-
bilité apportée à telle ou telle hypothèse
par une oeuvre littéraire est proprement
la mesure de sa valeur morale (Bourget).
Une idée forte communique un peu de sa
force au contradicteur (Proust). ‖ 6. Spé-
cialem. Vigueur, fermeté et concision de
l’expression, notamment dans le domaine
artistique et littéraire : La force du style.
Exprimer avec force sa réprobation. Une
oeuvre d’une grande force. ‖ Dans toute la
force du terme, en prenant le terme dans
sa pleine signification.

II. POUVOIR OU MOYEN DE CONTRAINTE.


1. Pouvoir, capacité que possède une
personne, une collectivité de s’imposer
aux autres ou d’exercer contre eux une
contrainte : Rien ne le brisera, ta force

ni tes armes (Leconte de Lisle). La force


d’un État, d’un parti politique. Occu-
per une position de force. La discipline
fait la force principale des armées. ‖ La
force d’une armée, la puissance que lui
confèrent son importance numérique et
ses moyens matériels. ‖ Force de frappe,
ou force de dissuasion, ensemble des
moyens militaires (à base d’armes nu-
cléaires) possédant une capacité offensive
propre à décourager un adversaire éven-
tuel, et permettant, en cas d’agression, de
riposter sans délai. ‖ 2. Pouvoir effectif
qu’exercent certaines notions abstraites :
La force des lois. ‖ Avoir force de loi, avoir
une autorité égale à celle d’une loi : Ce
décret a force de loi. ‖ Force exécutoire,
caractère de certains actes, résultant
de la loi ou d’un jugement, qui permet
le recours à la force publique pour leur
exécution. ‖ 3. Caractère obligatoire,
inéluctable d’une chose à laquelle on doit
se soumettre : La force du sang. La force
de l’exemple, de l’habitude. Elle montre
seulement la force du préjugé chez les êtres
bornés (France). ‖ Force des choses, sorte
de nécessité qui résulte d’un état de fait
auquel nous ne pouvons rien changer :
L’essentiel est donc de faire à point ce
qu’on veut faire ; il existe deux forces : la
force des hommes et la force des choses ;
quand l’une est en opposition à l’autre,
rien ne s’accomplit (Chateaubriand).
‖ Cas de force majeure, cas où quelqu’un
est empêché, par une circonstance indé-
pendante de sa volonté, de remplir une
obligation : Il n’a pu se rendre à son tra-
vail par suite d’une grève soudaine des
transports : cas de force majeure ; en droit
maritime, accident entraînant une avarie
ou une perte, et dû à toute circonstance
impossible à prévoir ou à empêcher.
‖ 4. Emploi de moyens violents, de l’inti-
midation pour contraindre la volonté des
autres : J’essaierai tour à tour la force et
la douceur (Racine). Ce qui me frappe,
dans le monde, c’est l’impuissance de la
force ; de ces deux puissances, la force et
l’intelligence, c’est à la fin la force qui est
toujours vaincue (Napoléon Ier). Nous
retenions par la force, en l’attachant au
besoin [...], celui de nous que de là-bas
on appelait (Giraudoux). Ne céder ni à la
force ni à la ruse. Pratiquer une politique
de force. ‖ Épreuve de force, situation qui
résulte de l’échec de négociations entre
deux antagonistes et où la solution ne
dépend plus que du rapport des forces en
présence : Une épreuve de force est enga-
gée entre le gouvernement et les syndicats.
‖ Maison de force, prison correction-
nelle. ‖ Camisole de force, v. CAMISOLE.
‖ Coup de force, v. COUP. ‖ Class. À force,
en employant la violence : Entrer à force
en une maison (Furetière, 1690). ‖ Class.
À la force !, cri par lequel on appelait à
l’aide en cas d’attentat : On enlève Ma-
dame ; ami, secourez-nous ; | À la force !

aux brigands ! au meurtre ! accourez


tous (Corneille). ‖ Class. Faire force à,
faire violence à, dompter : Faites un peu
de force à votre impatience (Corneille).
‖ Littér. Force m’ (lui, leur, etc.)est de, je
suis, il est, ils sont, etc., contraint(s) de :
Force fut bien aux deux sourds de s’en
apercevoir (Hugo).

III. PROPRIÉTÉ DES CHOSES. 1. Capacité


de résistance, solidité d’une chose : La
force d’un câble, d’un mur. ‖ Jambe de
force, v. JAMBE. ‖ 2. Degré de puissance,
d’activité, d’intensité d’un agent phy-
sique : La force d’une chute d’eau, du vent,
du courant. La force d’un son, du bruit.
Les coups redoublèrent bientôt de force
et de fréquence (France). Le ciel gardait
sa limpidité, le soleil sa force (Romains).
‖ 3. Degré de rendement, d’efficacité : La
force d’un levier, d’une machine. La force
d’un médicament. ‖ 4. Degré de concen-
tration d’un solution, d’un mélange : La
force en chlore de l’eau de Javel. La force
d’un acide. ‖ Force d’une boisson alcooli-
sée, d’un vin, son degré d’alcool.

IV. PRINCIPE DE MOUVEMENT ET D’AC-


TION. 1. Dans le domaine scientifique,
toute cause capable de modifier l’état
de repos ou de mouvement d’un corps :
Point d’application d’une force. Résul-
tante de deux forces. Composantes d’un
système de forces. ‖ Force centripète, v.
CENTRIPÈTE. ‖ Force centrifuge, v. CEN-
TRIFUGE. ‖ Force d’inertie, résistance
qu’oppose un corps à toute cause pou-
vant le mettre en mouvement ; par ex-
tens., résistance passive d’une personne.
‖ 2. Spécialem. Courant électrique, et
plus particulièrement courant électrique
triphasé. ‖ Force électromotrice, v. ÉLEC-
TROMOTEUR. ‖ 3. Vx. Énergie en général.
‖ 4. En philosophie, principe d’action,
cause d’une modification quelconque :
D’après Spencer, la matière et le mouve-
ment ne sont que des manifestations de
la force. ‖ Idées-forces, opinions, idées
qui s’imposent de maière irrésistible et
parviennent ainsi à influencer l’évolu-
tion des individus et des sociétés à une
époque donnée : Le principe selon lequel
les hommes naissent libres et égaux en
droit fut une idée-force des révolution-
naires de 1789.

V. IMPORTANCE NUMÉRIQUE, QUANTI-


TÉ. 1. Force de corps, hauteur, indiquée
en points typographiques, du type des
lettres placées dans la position qu’elles
occupent dans le composteur. ‖ Force
du papier, du carton, poids du papier,
du carton par unité de surface, généra-
lement exprimé en grammes au mètre
carré. ‖ 2. Faire force de rames, de voiles,
faire en sorte que les rames, les voiles
déploient leur maximum de puissance :
Nous fîmes force de nos mauvaises voiles
(Vigny). ‖ 3. Class. et littér. Force, suivi
d’un nom, est employé comme un adjec-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1971

tif invariable dans le sens de « beaucoup


de, un grand nombre de » : J’ai dévoré
force moutons (La Fontaine). Mes fouilles
vont bien, je trouve force sarcophages
vides ; j’en pourrai choisir un pour moi,
sans que ma poussière soit obligée de chas-
ser celle de ces vieux morts que le vent a
déjà emportée (Chateaubriand). Force
charmantes maisons inventées pour la ré-
création des yeux (Hugo). Nous passions
avec Justin la plupart de nos soirées à rédi-
ger force lettres (Duhamel).

• SYN. : I, 1 résistance, robustesse, vitalité ; 2


faculté, moyen, possibilité ; niveau ; 3 coeur,
cran (fam.), fermeté, volonté ; 4 puissance ;
5 pouvoir, vertu. ‖ II, 1 suprématie ; 4
contrainte, pression. ‖ III, 1 robustesse ;
2 violence, vitesse ; 4 teneur. — CONTR. : I,
1 asthénie, débilité, décrépitude, faiblesse ;
3 apathie, indolence, inertie, mollesse ; 4
inefficacité ; 5 faiblesse. ‖ II, 1 impuissance,
infériorité. ‖ III, 1 fragilité.

& À force loc. adv. (milieu du XVIe s.,


Ronsard). Vx. Beaucoup, extrêmement :
Vous avez travaillé à force toute la semaine
(Bernstein).

& A force de loc. prép. (XVe s.). Par beau-


coup de, par l’usage fréquent et intensif
de : Oh ! pouvoir entraîner nos deux âmes,
à force d’amour, au-delà de l’amour (Gide).
‖ Par l’action réitérée ou prolongée de
(avec un infinitif pour complément) :
Ce regard devenu louche à force de fixer
toujours la même chose (Daudet). Tout de
même, à force d’attendre, je doute si j’ai
donné tout ce que j’aurais pu (Gide). Ma
grand-mère [...], à force de se désintéresser
des personnes, finissait par confondre tous
les noms (Proust). ‖ Ellipt. et fam. À force,
à la longue (en emploi adverbial) : Je suis
sans cesse dérangé ; à force, j’en ai assez.
& À la force de loc. prép. (XXe s.). En utili-
sant seulement la puissance, la vigueur de :
On le vit s’élever à la force des bras (Gide).
‖ Fig. S’élever à la force du poignet, gravir
l’échelle sociale par ses seuls moyens.

& À toute force loc. adv. (milieu du XVIe s.,


Amyot). En imposant sa volonté à celle des
autres ; à tout prix, absolument : Il a voulu
à toute force me retenir à dîner. Le fanfaron,
le poltron veut à toute force passer pour sage
(Rousseau).
& De force loc. adv. (sens 1, 1809,
Chateaubriand ; sens 2, v. 1360, Froissart
[de gré ou de force, 1872, Larousse ; d’abord
de force ou de gré, 1647, Corneille]). 1. En
faisant effort pour vaincre ce qui résiste :
Enfoncer de force une goupille dans une
pièce. ‖ 2. En employant la violence,
la contrainte : On l’a fait sortir de force.
‖ Prendre une femme de force, la violer.
‖ De gré ou de force, volontairement ou par
la contrainte : Il obéira, de gré ou de force.
& De vive force loc. adv. (1865, Littré [par
vive force, même sens, v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence]). Par une attaque

franche et vive : Prendre une ville de vive


force.

& En force loc. adv. (sens 1, XXe s. ; sens


2, 1865, Littré). 1. En déployant toute son
énergie musculaire (par opposition à en
souplesse) : Nager, pédaler en force. ‖ 2. En
employant tous les moyens, tous les effec-
tifs dont on dispose : Attaquer, arriver en
force.

& Par force loc. adv. (sens 1, XIIe s.,


Roncevaux ; sens 2-3, v. 1534, Bonaventure
Des Périers). 1. Vx. En ayant recours à la
force : Obtenir l’obéissance par force.
‖ 2. En cédant à la force, sous l’effet de la
contrainte : Ne pas faire quelque chose de
son plein gré, mais par force. ‖ 3. Class.
Malgré soi : Mon coeur en prend par force
une maligne joie (Corneille).

& forces n. f. pl. (sens 1, v. 1196, J. Bodel


[être à bout de forces, 1869, A. Daudet ;
forces vives, 1865, Littré ; de toutes mes
forces, 1872, A. Daudet — de toute ma force,
même sens, 1664, Molière] ; sens 2, début
du XXe s. ; sens 3, 1664, Racine [au sing.,
XIIe s. ; la force publique, fin du XVIIIe s.] ;
sens 4, 1636, Corneille [les forces de la
nature, milieu du XVIIIe s., Buffon ; c’est
une force de la nature, XXe s.]). 1. Énergie
vitale, capacités physiques ou morales
d’une personne : Elle sentait ses forces
décliner (Gide). Il me semble que ma vie,
toutes les forces de ma vie vont se perdre
dans le sable (Bernanos). Reprendre des
forces. Trop présumer de ses forces. ‖ Être
à bout de forces, être complètement épuisé
physiquement ou moralement : Je suis à
bout de forces [...], je tombe de sommeil
(Mauriac). ‖ Forces vives, puissance phy-
sique, intellectuelle ou morale que possède
quelqu’un : Je fis le bilan très clair de mon
savoir, c’est-à-dire des ressources acquises,
et de mes dons, c’est-à-dire de mes forces
vives (Fromentin). ‖ De toutes mes (tes, ses,
etc.) forces, en mobilisant toutes ses forces,
tous ses moyens : De toutes mes forces, je
m’agrippais aux poignées (Duhamel). J’en
appelais à Dieu de toutes mes forces (Gide).
‖ 2. Groupement de personnes dont la
puissance ou l’influence s’exerce dans cer-
tains domaines : Les forces syndicales. Les
forces de l’opposition. Tel est [...] le jeu des
forces dans la société capitaliste (Romains).
Le comité central [...] avait chargé Kyo de
la coordination des forces insurrection-
nelles (Malraux). ‖ 3. Ensemble de per-
sonnes armées et organisées, chargées
d’une tâche de protection, de défense ou
d’attaque : Les forces armées. Les forces de
l’ordre. Les forces terrestres, maritimes,
aériennes. ‖ Au sing. et collectiv. Même
sens : Je hais l’armée, la force armée, et
tout ce qui traîne des armes bruyantes dans
un lieu pacifique (Baudelaire). ‖ La force
publique, nom donné à l’ensemble des per-
sonnes chargées de garantir l’ordre public
(police, gendarmerie, armée). ‖ 4. Principe
d’action puissant : Les forces obscures du
destin. Les forces du mal. ‖ Les forces de

la nature, éléments naturels doués d’une


grande puissance : Françoise, commandant
aux forces de la nature devenues ses aides,
frappait la houille, donnait à la vapeur des
pommes de terre à étuver (Proust). ‖ Au
sing. C’est une force de la nature, c’est une
personne douée d’une vigueur ou d’une
vitalité extraordinaire.

• SYN. : 1 vigueur, vitalité.

forcé, e [fɔrse] adj. (part. passé de forcer ;


1580, Montaigne, au sens 4 [carte forcée,
1890, Dict. général] ; sens 1, 1680, Richelet
[ampoule forcée, XXe s.] ; sens 2, 1865, Littré ;
sens 3, 1802, Flick ; sens 5, 1872, Larousse ;
sens 6, 1642, Corneille [dans le domaine
littéraire, 1663, Boileau]). 1. Se dit d’un
objet, d’un instrument détérioré, tordu,
parce qu’on lui a imposé un effort exagéré :
Une poignée de portière forcée. ‖ Spécialem.
Ampoule forcée, phlyctène enflammée et
infectée. ‖ 2. Cultures forcées, cultures
de plantes qu’on oblige à se développer
en dehors de leurs habitudes normales,
dont on hâte artificiellement la croissance
ou la maturation : Ce parfum qu’aucun
artifice ne parvient à donner aux fruits
forcés, aux raisins qui n’ont pas mûri au
soleil (Proust). ‖ 3. Marche forcée, marche
dont la durée et la rapidité dépassent celles
des marches ordinaires : L’armée gagna
la frontière à marches forcées. ‖ Conduite
forcée, v. CONDUITE. ‖ 4. Qui est non point
volontaire, mais imposé : Travail forcé.
‖ Emprunt forcé, v. EMPRUNT. ‖ Travaux
forcés, v. TRAVAIL. ‖ Avoir la main forcée, v.
FORCER, § I, n. 3. ‖ Carte forcée, carte que
le prestidigitateur vous oblige à prendre.
‖ C’est la carte forcée, se dit à propos d’une
obligation, et notamment d’une dépense,
à laquelle on ne peut se dérober. ‖ 5. Fam.
Qui est logiquement inévitable : Il a été
recalé : c’était forcé, il n’a rien fait de l’an-
née. ‖ 6. Qui manque de naturel, qui sent
la contrainte : Rire forcé. Gaieté forcée. Il
eut un élan de franchise forcée (Daudet).
‖ Spécialem. Dans le domaine littéraire,
qui est outré, qui manque de justesse : Des
expressions, des comparaisons forcées.

• SYN. : 1 faussé ; 2 intensif ; 4 inévitable,


obligatoire ; 5 fatal, immanquable, inéluc-
table, logique, obligé ; 6 affecté, artificiel,
contraint, factice, faux ; exagéré. — CONTR. :
4 bénévole, consenti, facultatif, libre, volon-
taire ; 6 naturel, sincère, spontané.

forcement [fɔrsəmɑ̃] n. m. (de forcer ;


1341, Godefroy, au sens 2 [« action de for-
cer une femme » ; « contrainte », XVIe s.] ;
sens 1, 1611, Cotgrave). 1. Action de for-
cer, de faire céder quelque chose par des
moyens violents : Le forcement d’un coffre.
‖ 2. Action de soumettre quelqu’un à une
contrainte, à une pression : J’ai grand-peur
que la liberté de l’esprit et les productions
les plus délicates de la culture ne pâtissent
de ce forcement des intelligences (Valéry).
‖ Spécialem. Action de forcer une femme.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1972

forcément [fɔrsemɑ̃] adv. (de forcé ;


XIVe s., Godefroy, écrit forcieement [forcé-
ment, XVIe s.], au sens de « par la force » ;
sens actuel, 1835, Acad.). Par une consé-
quence naturelle inévitable : À mesure
que le conférencier poursuivait son exposé
forcément un peu monotone... (Bernanos).
• SYN. : fatalement, immanquablement,
inéluctablement, inévitablement, naturel-
lement, nécessairement, obligatoirement.

forcené, e [fɔrsəne] adj. (part. passé


de forcener [v. ce mot] ; v. 1050, Vie de
saint Alexis, écrit forsené [forcené, XIIIe s.,
Apollonius], au sens 1 ; sens 2, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens 3, 1580, Montaigne).
1. Class. Qui se laisse emporter par la pas-
sion, par un sentiment violent (amour,
colère, etc.), au point de perdre le contrôle
de soi : L’autre parti s’en vint tout forcené
| Représenter un tel outrage (La Fontaine).
La perte de toute espérance [...] rend forcené
(Fénelon). ‖ 2. Se dit d’une chose, d’une
action, d’un sentiment dont la violence
touche à la déraison : Ces coups forcenés
n’ont rien qui étonne les gens de mer (Hugo).
Il y avait [...] quelque chose de rauque en
son rire et de forcené dans sa joie (Gide).
Qu’attendent-ils de cette agitation force-
née ? (Tharaud). Une rage forcenée secouait
Tchen (Malraux). ‖ 3. Se dit d’une per-
sonne qui dépasse toute mesure dans son
comportement, et de ce comportement
lui-même : Un partisan forcené de l’art
abstrait. Ce rêveur forcené, capable de res-
ter plusieurs heures de suite sans rien faire
d’apparent (Supervielle). Contemplation du
labeur des pauvres ; le travail forcené peut
seul excuser à mes yeux ma richesse (Gide).
• SYN. : 2 déchaîné, déraisonnable, fou, fré-
nétique, furieux, insensé, terrible (fam.) ; 3
acharné, enragé (fam.), fanatique, invétéré,
passionné.

& n. (sens 1-2, v. 1190, Garnier de Pont-


Sainte-Maxence). 1. Personne en proie à
une crise de folie : Ranimé par la fraîcheur
[...], le forcené revient à lui (Tharaud).
‖ 2. Personne dont le comportement ou
les propos semblent dénoter la folie.

• SYN. : 1 fou ; 2 énergumène, possédé (fam.).

forcènement [fɔrsɛnmɑ̃] n. m. (de


forcener [v. ce mot] ; v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure, écrit forsenement ; forcène-
ment, 1538, R. Estienne). Class. (déjà vx
au XVIIe s.). État de celui qui a perdu la
raison : Fuyez un tyran dont le forcènement
| Joindrait votre supplice à mon bannisse-
ment (Corneille).

forcener [fɔrsəne] v. intr. (de for- [v.


FORS] et de l’anc. franç. sen, intelligence,
raison, sagesse [fin du XIe s.], germ. *sinnō-,
mêmes sens [v. aussi FORCENÉ] ; v. 1119,
Ph. de Thaon, écrit forsener [forcener — le
mot ayant été pris pour un dér. de force
—, v. 1380, Aalma], au sens 1 ; sens 2, fin
du XVIe s.). [Conj. 5 a.] 1. Class. (vieilli au
milieu du XVIIe s.). Perdre la raison : Je

forcène de voir que sur votre retour | Un


traître assure ainsi ma perte et son amour
(Corneille). ‖ 2. Class. et fig. Faire rage :
Je regarde à l’entour forcener la tempête
(Bertaut).

& v. tr. (1648, Scarron). Class. Égarer,


rendre fou : Celles qu’Amour a forcenées
(Scarron).

& se forcener v. pr. (v. 1160, Benoît de


Sainte-Maure). Class. et littér. Devenir
forcené : Le despotisme du peuple est une
puissance folle et aveugle qui se forcène
contre elle-même (Fénelon). Sa raison se
forcenait dans le harnais de ces passions
(Barbey d’Aurevilly).

forcenerie [fɔrsənri] n. f. (de forcener


[v. ce mot] ; 1080, Chanson de Roland, écrit
forsenerie [forcenerie, v. 1265, J. de Meung],
au sens 1 ; sens 2, av. 1525, G. Cretin).
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Folie furieuse,
état de celui qui a perdu le sens : J’aurais de
la forcenerie | Assez pour me faire enchaîner
| Si je m’allais embéguiner | D’un gendre
de cette contrée (Scarron). ‖ 2. Class. Acte
de forcené ; mesure insensée : Rien n’a été
plus funeste à l’Espagne que cette forcenerie
d’établissements souverains pour les fils de
la reine (Saint-Simon).

forceps [fɔrsɛps] n. m. (mot lat. signif.


« tenailles, pinces » et, dans la langue
médic., « forceps » ; 1692, La Ducquerie).
Instrument de chirurgie affectant la forme
d’une pince, destiné à être appliqué sur la
tête du foetus pour en faire l’extraction,
dans certains accouchements difficiles.
• SYN. : fers.

forcer [fɔrse] v. tr. (lat. pop. *fortiare,


forcer, du bas lat. fortia [v. FORCE] ; XIe s.,
écrit forcier [forcer, XIIIe s.], au sens I, 2
[« violer — une femme » ; « prendre de
vive force une position militaire... », 1580,
Montaigne ; « triompher d’un adversaire »,
milieu du XVIe s., Amyot] ; sens I, 1, 1573,
Du Puys [forcer le fer, 1732, Trévoux ; forcer
la porte de quelqu’un, forcer la consigne,
1835, Acad.] ; sens I, 3, 1690, Furetière
[forcer à, 1636, Corneille ; être forcé de,
1669, Racine ; forcer de, 1640, Corneille ;
forcer la main à quelqu’un, fin du XVIIe s.,
Saint-Simon ; avoir la main forcée, 1837,
Balzac] ; sens I, 4, 1669, Bossuet ; sens I, 5,
av. 1549, Marguerite de Navarre ; sens I, 6,
début du XVe s., Ch. d’Orléans [« obtenir par
contrainte ou susciter par son exemple »,
1685, Bossuet] ; sens I, 7, milieu du XVIe s.,
Ronsard [forcer les événements, av. 1890,
Maupassant] ; sens I, 8, 1890, Dict. général ;
sens II, 1, 1636, Monet [forcer un cheval ;
forcer une bête, 1573, Du Puys ; forcer des
plantes, 1600, O. de Serres ; forcer le pas,
1834, Landais ; forcer sa voix, 1865, Littré] ;
sens II, 2, v. 1210, Estoire d’Eustachius ; sens
II, 3, 1668, La Fontaine [forcer un chiffre,
1872, Larousse ; forcer la dose, 1890, Dict.
général] ; sens II, 4, 1690, Furetière). [Conj.
1 a.]

I. FAIRE CÉDER PAR LA FORCE. 1. Faire


céder, rompre quelque chose en em-
ployant des moyens violents : Forcer une
fermeture, une porte, un coffre-fort. Mon
rôle [...] est [...] de vous épargner la peine
de forcer des serrures que je puis ouvrir
avec mes clefs (Bernanos). ‖ Forcer le fer,
à l’escrime, engager avec force l’épée de
son adversaire. ‖ Fig. Forcer la porte de
quelqu’un, entrer chez lui malgré sa dé-
fense. ‖ Forcer la consigne, ne pas la res-
pecter, passer outre. ‖ 2. Prendre de vive
force une position militaire, malgré la ré-
sistance que l’on rencontre : Forcer un re-
tranchement, une citadelle. ‖ Par extens.
et vx. Triompher d’un adversaire : Forcer
l’ennemi dans ses retranchements. ‖ Spé-
cialem. et vx. Forcer une femme, lui faire
violence. ‖ 3. Contraindre quelqu’un,
le mettre dans l’obligation physique ou
morale de faire quelque chose : Comme
il te plaira. Personne ne te force (Mau-
passant). ‖ Forcer à (et un nom), forcer
à, (être) forcé de (et l’infinitif), obliger
à, être contraint de : Forcer quelqu’un
au silence. Je ne sais quelle main me for-
çait à me taire (Lamartine). C’est là du
comique de grande qualité, qui ne fait pas
rire, mais qui force à voir clair (Barrès). La
colonne, forcée de se replier, resta massée
dans la rue (Hugo). ‖ Class. et littér. For-
cer de (et l’infinitif, à l’actif), même sens :
L’Arche qui fit tomber tant de superbes
tours, | Et força le Jourdain de rebrousser
son cours (Racine). Un devoir impérieux
me forçait de retourner à Paris (Nerval).
[V. Rem.] ‖ Forcer la main, en parlant
d’un cheval de selle, refuser d’obéir.
‖ Forcer la main à quelqu’un, l’obliger,
souvent par ruse, à faire quelque chose
contre sa volonté : C’est ce maudit vieux
homme qui m’a forcé la main (Claudel).
‖ Avoir la main forcée, être obligé de faire
ce à quoi on est opposé : Le ministre a eu
la main forcée (Daudet). ‖ 4. Class. et fig.
Abattre moralement quelqu’un, venir à
bout de son courage : Malgré les mauvais
succès de ses armes infortunées, si on a pu
le vaincre [Charles Ier], on n’a pu le forcer
(Bossuet). ‖ 5. Class. et fig. Triompher
d’une résistance morale ; vaincre, maî-
triser ses propres sentiments : Va, songe
à ta défense, | Pour forcer mon devoir,
pour m’imposer silence (Corneille). Il
m’est impossible de forcer cette aversion
naturelle (Molière). ‖ 6. Fig. et littér.
Exercer une pression morale sur autrui
pour modifier ses sentiments, ses pen-
sées, ses résolutions : Forcer les coeurs, les
consciences. ‖ Par extens. Obtenir par la
contrainte, ou susciter par son exemple,
par son ascendant : Forcer le consente-
ment, l’approbation. Forcer l’admiration,
le respect. Une vertu qui devrait forcer
l’estime du monde (Bossuet). La sympa-
thie intelligente qu’elle avait sentie dans
la voix, cet espoir qu’il offrait, en récon-
fort, achevèrent de forcer la confiance de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1973

Claude (Vercors). ‖ 7. S’assurer la maî-


trise de quelque chose en triomphant
de toutes les résistances : Forcer le suc-
cès. Forcer le sort, le destin. ‖ Forcer les
événements, lutter contre ce qui semble
inéluctable pour parvenir à ses fins : Il la
laissa s’éloigner, car il avait pour principe
de ne jamais forcer les événements (Mau-
passant). ‖ 8. Spécialem. Forcer la carte,
en parlant d’un prestidigitateur, amener
un spectateur à prendre, dans un jeu, une
carte déterminée, alors qu’il croit choisir
librement.

II. POUSSER AU-DELÀ DE LA LIMITE NOR-


MALE. 1. Obliger à fournir un effort trop
grand ; soumettre à un rythme, à un
régime excessif. ‖ Forcer un cheval, le
faire trop courir. ‖ Forcer une bête, à la
chasse, la poursuivre jusqu’à ce qu’elle
soit épuisée et aux abois : Car l’homme
libre y trouve, au gré de la saison, | Les
faines, le bois, l’ombre et les bêtes qu’il
force (Heredia). ‖ Forcer des légumes, des
fleurs, des fruits, en hâter la croissance ou
la maturation pour obtenir des récoltes
plus précoces. ‖ Forcer le pas, la marche,
accélérer l’allure, aller plus vite. ‖ Forcer
sa voix, chanter plus haut ou plus fort
qu’on ne le peut naturellement. ‖ 2. Spé-
cialem. Fausser, tordre, détériorer une
pièce, un instrument, en lui imposant
un effort excessif : Forcer une clef dans
la serrure. Forcer une poignée de porte.
Forcer un ressort, un mécanisme ; et par
anal. : Se forcer un muscle. ‖ 3. Fig. Aug-
menter exagérément : Forcer la dépense.
Forcer une note. Un peu gênée, elle force
la moquerie du ton pour répliquer (Ver-
cel). ‖ Forcer un chiffre, lui ajouter une
unité, en compensation des unités d’un
ordre inférieur que l’on a supprimées.
‖ Forcer la dose, prescrire une dose plus
forte ; fig. et fam., dépasser les bornes, al-
ler trop loin : Aujourd’hui, vous avez forcé
la dose, ma patience est à bout. ‖ 4. Fig.
forcer le sens d’un mot, d’un texte, lui faire
dire autre chose que ce qu’il signifie : Ils
forcent les textes afin de tâcher de prouver
que les témoins oculaires et que les écri-
vains qui les narrent avaient tous la berlue
(Huysmans).

• SYN. : I, 1 crocheter, fracturer ; 2 s’empa-


rer, emporter, enlever ; 3 obliger ; assujettir,
astreindre, condamner, imposer, réduire ; 7
arracher, conquérir, emporter.‖ II, 1 hâter,
précipiter, presser ; hausser ; 2 déformer,
gauchir ; claquer (fam.) ; 3 accentuer, exa-
gérer, grossir, outrer ; 4 altérer, déformer,
dénaturer, détourner.

& v. tr. ind. (début du XVIIe s., Malherbe).


Class. Forcer à quelqu’un, l’obliger, le
contraindre : Elle n’eût jamais entrepris
de vous écrire, si son père ne lui eût forcé
(Chapelain). [Cette construction est blâ-
mée par Malherbe.]

& v. intr. (sens 1-2, XXe s. ; sens 3 et 5, 1865,


Littré ; sens 4, début du XXe s. [forcer de

voiles, 1675, Jal]). 1. Agir avec force, fournir


un effort intense : C’est un travail qu’on
peut faire en une journée, sans forcer.
‖ Forcer sur les avirons, les manoeuvrer le
plus vigoureusement possible. ‖ 2. Agir
avec trop de force sur quelque chose : Ne
forcez pas, vous risqueriez de casser la
clef dans la serrure. ‖ 3. En parlant d’une
chose, organe mécanique ou autre, sup-
porter un effort excessif : Cordage qui force
trop. ‖ 4. Accroître la quantité de quelque
chose, et notamment, fam., exagérer le
montant de ce qui est dû : Probable qu’il
forçait un peu sur la commission, comme
tout le monde (Bernanos). ‖ Vx. Forcer de
voiles, mettre au vent toute la toile que peut
porter le navire. ‖ 5. Au jeu de cartes, mon-
ter, jeter une carte de la couleur demandée,
mais plus forte que les autres : À l’écarté,
on est tenu de forcer.

& se forcer v. pr. [à, de] (sens 1, 1642,


Corneille [se forcer à ; se forcer de, début
du XXe s. ; en emploi absolu, 1865, Littré] ;
sens 2, 1669, Racine). 1. Se forcer à (et un
nom), faire un effort sur soi-même en vue
de quelque chose : Je voyais qu’elle se forçait
à la révolte (Bernanos). ‖ Se forcer à ou
(littér.) se forcer de (et l’infinitif),s’efforcer
de, s’imposer de : Je me forçai à profiter de
ces derniers jours insouciants (Giraudoux).
Il se força de ne point allonger le pas, malgré
qu’il l’eût très élastique (Gide). ‖ Absol.
Faire par obligation ce dont on n’a aucune
envie : Si tu n’as pas faim, ne te force pas.
‖ 2. Class. et fig. Contrarier ses véritables
sentiments : Ainsi Néron commence à ne
se plus forcer (Racine).

• SYN. : 1 s’escrimer à (fam.), s’évertuer à,


tâcher de.

• REM. Auj., en règle générale, l’infinitif


complément de forcer est introduit par la
prép. à à l’actif et au pronominal, et par la
prép. de au passif : Il le chassa de la Halle
en le forçant, dans une circonstance cri-
tique, à faire faillite (Balzac). Je vais être
forcée de vous quitter (Gide). Toutefois, à
l’actif, on emploie souvent de pour à, par
raison d’euphonie : On forçait les bour-
geois d’y aider (Hugo). M. de Preneste le
força de s’asseoir (Benoit), et, lorsque le
passif est accompagné d’un complément
d’agent, forcer construit l’infinitif avec
à : Et qui sait si, forcée à tromper par le
monde, la tête de ce petit être sans cervelle
ne peut pas y prendre plaisir (Musset).

forcerie [fɔrsəri] n. f. (de forcer ; v. 1283,


Beaumanoir, au sens de « violence » ; sens
actuel, 1865, Littré). Établissement où l’on
cultive, pour les faire produire à contre-sai-
son, des arbres fruitiers, des plantes à fleurs
ou des légumes : Un forcerie de raisin, de
fraises, de laitues, de tomates, d’hortensias.

forces [fɔrs] n. f. pl. (lat. forficem,


accus. de forfex, forficis, ciseaux ; v. 1131,
Couronnement de Louis [on trouve parfois
le sing. au Moyen Âge, mais plus souvent le
plur., peut-être à cause des deux branches

de l’instrument]). Grands ciseaux utilisés


autrefois pour tondre les draps, couper les
étoffes, les métaux, et qui servent encore
parfois à tondre les moutons.

forcet [fɔrsɛ] n. m. (de force ; 1829, Boiste).


Ficelle solide, plus couramment appelée
fouet.

forcettes [fɔrsɛt] n. f. pl. (dimin. de


forces ; 1380, Godefroy). Vx. Ciseaux d’une
seule pièce, à branches unies par un demi-
cercle d’acier formant ressort.

forceur [fɔrsoer] n. m. (de forcer ; fin


du XIIe s., J. Bodel, écrit forceor [forceur,
v. 1530, C. Marot], au sens de « celui qui fait
violence » ; sens 1, début du XXe s. ; sens 2,
1907, Larousse). 1. Celui qui force les bêtes
sauvages : Conrad, le forceur d’ours, frappé
à mort devant Ypres (Benoit). ‖ 2. Celui qui
dirige une forcerie.

forcière [fɔrsjɛr] n. f. (altér. de l’anc. franç.


foursiere, même sens [1326, Godefroy], dér.
de fourser, « frayer, en parlant du poisson »
[fin du XIIIe s.], lat. pop. *frictiare, frotter,
de frictum, supin du lat. class. fricare, frot-
ter ; 1865, Littré). Petit étang où l’on met du
poisson pour qu’il s’y multiplie.

forcine [fɔrsin] n. f. (peut-être de force [la


forcine étant une partie forte du corps de
l’arbre] ou d’une forme dialect. de fourche [à
cause de la place de la forcine, à la jonction
d’une branche et du tronc] ; 1758, Duhamel
du Monceau). Renflement du corps d’un
arbre à l’endroit de la réunion d’une grosse
branche avec le tronc.

forcing [fɔrsing] n. m. (mot angl. signif.


proprem. « art de faire venir des plantes,
des fleurs, des fruits plus tôt que la sai-
son naturelle, par l’emploi d’une chaleur
artificielle », part. prés. substantivé de to
force, forcer, contraindre, et, en horticul-
ture, « hâter » [empr. du franç. forcer] ;
début du XXe s., dans la loc. faire le forcing,
« vaincre l’adversaire » [en boxe] ; sens 1,
1930, Larousse ; sens 2-3, 1926, G. Esnault ;
sens 4, 1953, A. Simonin). 1. Action d’un
boxeur qui attaque d’une façon soutenue
un adversaire qui s’en tient à la défensive.
‖ 2. Accélération de la cadence, dans cer-
tains sports. ‖ 3. Fam. Effort violent et
soutenu dans le travail. ‖ 4. Fig. Action ou
rythme d’action qui dépasse la normale :
Une discussion menée au forcing.

forcipressure [fɔrsiprɛsyr] n. f. (de


forci-, élément tiré du lat. forceps, forcipis,
pince [v. FORCEPS], et de presser ; 1877,
Littré). En chirurgie, application sur un
vaisseau sanguin, lésé ou non, d’une pince
pour arrêter la circulation. ‖ Pince à forci-
pressure, pince formée de deux branches
s’articulant et se désarticulant facilement,
et qui est maintenue fermée par une petite
crémaillère.

forcir [fɔrsir] v. intr. (de fort, adj. ; 1865,


Littré, au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1974

1. Fam. En parlant d’un enfant, grandir,


devenir plus fort : A-t-il forci, hein, depuis
l’automne ? (Martin du Gard). ‖ 2. Fam.
Grossir, prendre de l’embonpoint : Il se
rappelait le mot de son tailleur qui [...],
lui prenant mesure d’une redingote, répé-
tait à chaque minute : « Vous avez forci,
Monsieur, vous avez forci » (Barrès).

• SYN. : 1 se développer, se fortifier, pousser


(fam.) ; 2 s’alourdir, s’arrondir, engraisser,
épaissir. — CONTR. : 1 s’étioler ; 2 amincir,
fondre (fam.), maigrir.

forclore [fɔrklɔr] v. tr. (de fors-, for- [v.


FORS], et de clore ; v. 1120, Psautier d’Ox-
ford, écrit forsclore [forclore, XIIIe s.], au
sens 1 ; sens 2, 1549, R. Estienne). [Conj.
76 ; usité seulement à l’infin. prés. et au
part. passé.] 1. Vx. Exclure : L’air retentit
des imprécations des désespérés forclos
(Chateaubriand). ‖ 2. Priver du bénéfice
d’un droit, et notamment du droit de
recours en justice, lorsqu’un certain délai
a été dépassé.

forclos, e [fɔrklo, -oz] adj. (part. passé


de forclore ; XIVe s., Godefroy, au sens
de « exclu, privé de » ; sens actuel, 1549,
R. Estienne). Se dit de la personne qui a
laissé prescrire son droit.

forclusion [fɔrklyzjɔ̃] n. f. (de forclore,


d’après exclusion ; 1471, Bartzsch, au sens de
« exclusion, retranchement » ; sens actuel,
1497, Godefroy). Déchéance d’un droit que
l’on n’a pas fait valoir dans les délais fixés.

forer [fɔre] v. tr. (lat. forare, percer,


trouer, perforer ; fin du XIIe s., Reclus de
Moiliens, au sens fig. de « transpercer [le
coeur, en parlant d’une douleur] » ; sens 1-2,
XIVe s., Gordon). 1. Percer une masse dure
au moyen d’un foret ou d’un instrument
analogue : Forer une clef, un canon. Forer
une roche. ‖ 2. Creuser un trou, une cavité
dans une matière dure : Forer un puits, un
tunnel. Les petites tanières forées [dans la
roche] par l’oursin (Hugo).

forerie [fɔrəri] n. f. (de forer ; av. 1683,


J.-B. Colbert, au sens 2 ; sens 1, milieu du
XVIIIe s., Buffon). 1. Vx. Action de forer les
canons. ‖ 2. Atelier où l’on fore les canons.

forésien, enne [fɔrezjɛ̃, -ɛn] adj. et n.


(de Forez, n. géogr. ; 1872, Larousse). Qui
appartient au Forez ; habitant ou originaire
de cette région : La végétation forésienne.
Un paysan forésien.

1. forestier, ère [fɔrɛstje, -ɛr] n. et adj.


(bas lat. forestarius, celui qui s’occupe des
forêts [IXe s.], de forestis [v. FORÊT] ; v. 1200,
Lai de Melion, au sens 1 [la prononc. de
-s- s’est maintenue sous l’influence de la
langue juridique, qui s’en est toujours tenue
à la forme écrite] ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Celui qui travaille à l’entretien, à l’exploi-
tation d’une forêt ; en particulier, agent
de l’Administration qui gère les forêts du
domaine public : Des plaisirs [...] connus
de quelques forestiers, de quelques bûche-

rons (Balzac) ; et adjectiv. : Nous devions


souper et coucher chez un garde forestier
(Maupassant). ‖ 2. Vx. Personne qui habite
la forêt : Il n’est pas revenu du tout, dit la
forestière (Sand). Un tempérament de fores-
tier, d’ami des arbres (Goncourt).

2. forestier, ère [fɔrɛstje, -ɛr] adj.


(de forest, forme anc. de forêt ; 1538, R.
Estienne). Qui appartient à la forêt, qui a
rapport aux forêts : Vos pensées reverdissent
comme les touffes forestières (Balzac).
Arbres forestiers. Chemin forestier. Code
forestier. École forestière. Exploitation fores-
tière. ‖ Maison forestière, habitation d’un
garde forestier.

• SYN. : sylvestre.

foret [fɔrɛ] n. m. (de forer ; v. 1398,


le Ménagier de Paris [var. foirot, 1394,
Godefroy ; foret de chirurgien-dentiste,
XXe s.]). Outil en acier employé pour percer
des trous dans le métal, le bois, les matières
plastiques, la pierre, etc. : Foret plat, héli-
coïdal. Foret à mise de tungstène rapportée.
‖ Spécialem. Foret de chirurgien-dentiste,
foret employé à des fins prothétiques ou
thérapeutiques.

forêt [fɔrɛ] n. f. (bas lat. forestis [silva,


forêt], forêt relevant de la cour de justice
du roi [VIIIe-IXe s.], dér. de forum, tribunal
[v. FORUM] ; début du XIIe s., Pèlerinage de
Charlemagne, écrit forest [forêt, XVIIe s.], au
sens 1 [forêt vierge, 1845, Bescherelle ; les
Eaux et Forêts, 1690, Furetière ; les arbres
cachent... la forêt, XXe s.] ; sens 2, XIVe s.,
Littré [« ensemble des nombreuses pièces
de charpente... », 1690, Furetière] ; sens 3,
1857, Baudelaire). 1. Grande étendue de
terrain couverte de bois : Des forêts sau-
vages, des marais impraticables, de vastes
landes furent la source de ces richesses
que nous avons tant reprochées au clergé
(Chateaubriand). Une forêt de conifères,
de feuillus. La forêt de Rambouillet. Forêt
domaniale. ‖ Par extens. Ensemble des
grands arbres qui peuplent cette étendue :
Je vis le soleil, déchirant les voiles blancs
du matin, éclairer la forêt (France). De
blanches falaises que couronnait une forêt
(Maupassant). ‖ Forêt vierge, forêt équa-
toriale très dense, très variée et formant
plusieurs étages de végétation : La forêt
vierge amazonienne. ‖ Administration des
Eaux et Forêts, en France, administration
chargée de la gestion des forêts doma-
niales, communales et d’établissements
publics, de la correction des torrents et de
la fixation des dunes. ‖ Les arbres cachent
ou empêchent de voir la forêt, les détails,
si l’on y prête trop attention, empêchent
de voir l’ensemble. ‖ 2. Grande quantité
d’objets longs et serrés : Sur son corsage
[...], une forêt d’épingles étaient piquées à
la place du coeur (Zola). Une forêt de mâts.
‖ Spécialem. Ensemble des nombreuses
pièces de charpente formant le comble d’un
édifice de dimensions considérables : Toute

une montagne de pierres, toute une forêt


de charpentes (Hugo). La forêt du dôme
des Invalides. ‖ 3. Fig. Ensemble complexe
ou confus où l’esprit s’égare : L’homme y
passe à travers des forêts de symboles...
(Baudelaire).

forêt-galerie [fɔrɛgalri] n. f. (de forêt et


galerie ; XXe s.). Forêt dense qui forme de
longues bandes de part et d’autre des cours
d’eau de la savane.

• Pl. des FORÊTS-GALERIES.

foreur [fɔroer] n. et adj. m. (de forer ; 1845,


Bescherelle). Spécialiste du forage : Ouvrier
foreur. Ingénieur foreur. ‖ Spécialem.
Ouvrier qui fore les trous de mine.

foreuse [fɔrøz] n. f. (de forer ; 1922,


Larousse). Appareil léger, monté sur
camion ou sur remorque, destiné au forage
des puits à faible profondeur.

forfaire [fɔrfɛr] v. tr. ind. [à] (de fors-,


for- [v. FORS], et de faire, proprem. « faire,
agir en dehors [du devoir] » ; 1080, Chanson
de Roland, écrit forsfere et forfaire). [Conj.
72 ; n’est plus usité qu’au prés. de l’infin., au
sing. du prés. de l’indic., et aux temps com-
posés.] Vx ou littér. Manquer gravement à
ses obligations, à ce qu’on a le devoir de
faire : La vraie marque d’une vocation, c’est
l’impossibilité d’y forfaire, c’est-à-dire de
réussir à autre chose que ce pour quoi l’on
a été créé (Renan). Je ne crois pas forfaire
à l’honneur ni à ma conscience... (Daudet).
L’appel qui enjoignait à Ouarâ d’obéir au
devoir millénaire des lionnes et de ne point
forfaire plus longtemps à la loi (Demaison).
• SYN. : faillir à, pécher contre. — CONTR. :
obéir, respecter, suivre.

& v. tr. (v. 1283, Beaumanoir). Vx. En droit


féodal, perdre, rendre confiscable une
chose, par un forfait : Forfaire un fief par
félonie.

1. forfait [fɔrfɛ] n. m. (part. passé subs-


tantivé de forfaire ; Xe s.). Crime abomi-
nable, qui frappe l’imagination par son
horreur : La liberté ne doit point être accu-
sée des forfaits que l’on commet sous son
nom (Chateaubriand). Comment l’esprit
d’amour, de justice, de paix, | Sert-il l’ini-
quité, la haine et les forfaits ? (Lamartine).

2. forfait [fɔrfɛ] n. m. (de for, altér.


[d’après forfait 1] de fur [v. ce mot], au
sens anc. de « taux », et de fait, part. passé
de faire ; 1647, Ordonnance royale, écrit
fort-fait [forfait, 1690, Furetière ; d’abord
fayfort, 1580, Littré], au sens 1 [forfait de
communauté, 1865, Littré] ; sens 2-3, XXe s.).
1. Clause d’un contrat, passé entre deux
personnes, qui fixe à un montant invariable
le prix d’une prestation ou d’une série de
prestations : Travailler à forfait. Vente à for-
fait. ‖ Forfait de communauté, clause d’un
contrat de mariage aux termes de laquelle
un des époux pourra, à la dissolution de la
communauté, réclamer une somme fixée
d’avance, que la communauté soit bonne
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1975

ou mauvaise. ‖ 2. Accord entre le contri-


buable et le fisc attribuant à la matière
imposable une valeur fixe pour une période
déterminée, et en principe inférieure au
revenu réel : Cet avocat est au régime du for-
fait. ‖ 3. Par extens. Montant de la somme
fixée par forfait : Représentant qui touche
un forfait pour ses frais de déplacement.
Augmenter le forfait d’un commerçant.

3. forfait [fɔrfɛ] n. m. (angl. forfeit,


déchéance, confiscation, amende, péna-
lité, et, en termes de jeu, « ce qui est déposé
et rachetable moyennant une amende »,
empr. du franç. forfait 1, au sens anc. de
« transgression » [XIe s.] ; 1829, Journ. des
haras, au sens 1 ; sens 2, 1930, Larousse ;
sens 3, v. 1945). 1. Indemnité due aux orga-
nisateurs de la course par le propriétaire
qui retire son cheval de l’épreuve où il était
engagé. ‖ 2. Somme fixée à l’avance et qui
sanctionne l’inexécution d’un engagement
ou d’une obligation quelconque dans une
épreuve sportive. ‖ 3. Inexécution de l’en-
gagement. ‖ Déclarer forfait, renoncer à
participer à une compétition dans laquelle
on était engagé.

forfaitaire [fɔrfɛtɛr] adj. (de forfait 2 ;


XXe s., aux sens 1-2). 1. Qui est fixé par for-
fait : Prix, somme, indemnité forfaitaire.
‖ 2. Vente forfaitaire, convention par
laquelle on s’engage à fournir une mar-
chandise à un prix fixé d’avance et que l’on
ne peut modifier ultérieurement.

forfaitairement [fɔrfɛtɛrmɑ̃] adv. (de


forfaitaire ; XXe s.). Selon un tarif fixé par
forfait : Être imposé forfaitairement.

forfaiture [fɔrfɛtyr] n. f. (dér. savant


de forfaire ; XIIe s., Lois de Guillaume, au
sens de « amende qui punit un délit » ; sens
1, v. 1283, Beaumanoir ; sens 2, av. 1526,
J. Marot ; sens 3, 1690, Furetière). 1. En
droit féodal, félonie du vassal envers son
seigneur, consistant dans la violation du
serment de foi et hommage qu’il lui avait
prêté : Le fief pouvait être repris pour cause
de forfaiture. ‖ 2. Par extens. Manque de
loyauté ; acte déloyal : Mais, en osant quit-
ter Bonaparte, je m’étais placé à son niveau
et il était animé contre moi de toute sa for-
faiture, comme je l’étais contre lui de toute
ma loyauté (Chateaubriand). C’est que, non
plus, le parti franc-maçon ne tenait à ce
que s’ébruitât le récit d’une si abominable
forfaiture (Gide). ‖ 3. Tout crime commis
par un fonctionnaire public dans l’exercice
de ses fonctions (abus d’autorité, attentat à
la liberté des citoyens, etc.) : C’est une loi
sur le népotisme. — Et sur la forfaiture ! »
(Dorgelès).

• SYN. : 2 déloyauté, perfidie, trahison, traî-


trise ; 3 concussion, exaction, prévarication.

forfanterie [fɔrfɑ̃tri] n. f. (de l’anc. subs-


forfanterie [fɔrfɑ̃tri] n. f. (de l’anc. subs-
tantif forfant, coquin [XVe s., Dict. général],
forfante, même sens [v. 1560, Paré], anc.
provenç. forfan, part. prés. substantivé
de forfaire, faire du mal [v. FORFAIRE] ; v.

1560, Paré, au sens de « coquinerie » ; sens 1


[sous l’influence de l’ital. furfante, fanfaron
— empr. à l’anc. provenç. forfan —, et de
l’esp. farfante, farfantón, fanfaron, mots de
la même famille que fanfarón — v. FANFA-
RON], fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens 2,
1600, O. de Serres ; sens 3, 1669, Molière).
1. Class. Acte de violence : On vint ici faire
une brouillerie ; | Vous rentrâtes, voyant
cette forfanterie ; | Et, pour vous protéger, je
vous suivis soudain (Corneille). ‖ 2. Class.
Imposture : Sans découvrir au peuple, par
nos débats et nos querelles, la forfanterie de
notre art (Molière). ‖ 3. Attitude de celui
qui se donne impudemment des qualités,
des mérites qu’il n’a pas ; fanfaronnade
en paroles : « Je suis terriblement fort. » Il
dit cela sans forfanterie aucune, avec une
simple conviction (Gide). Il n’y avait pas
trace de forfanterie dans l’accent de ses
paroles (Martin du Gard). Il faut distinguer
le courage de ses diverses caricatures : la
forfanterie, la témérité (Duhamel).

• SYN. : 3 bluff (fam.), bravacherie, hâble-


rie, jactance, rodomontade, vantardise. —
CONTR. : 3 humilité, modestie.

& forfanteries n. f. pl. (fin du XVIe s.,


A. d’Aubigné). Vantardises de fanfaron.

forficule [fɔrfikyl] n. f. (lat. scientif.


moderne forficula, forficule, terme qui,
en lat. class., signifiait « petits ciseaux,
pinces d’écrevisse », dimin. de forfex,
forficis [v. FORCES] ; 1791, Encycl. métho-
dique). Insecte commun sous les pierres et
dans les fruits, dont l’abdomen se termine
par deux appendices en forme de pince,
d’où ses noms usuels de perce-oreilles ou
pince-oreilles.

forge [fɔrʒ] n. f. (lat. fabrica, métier d’arti-


san, art, action de travailler artistement, de
confectionner, atelier, forge, de faber, fabri,
ouvrier, artisan, ciseleur, fondeur, forgeron ;
XIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière
[« foyer de la forge », 1853, V. Hugo ; charbon
de forge, XXe s.] ; sens 3, 1690, Furetière ;
sens 4, 1770, Raynal). 1. Atelier où l’on
travaille les métaux au feu et au marteau
sur l’enclume : Forge de serrurier, de maré-
chal-ferrant. Sa poitrine faisait le bruit d’un
soufflet de forge (Hugo). ‖ 2. Fourneau
à soufflerie pour le travail à chaud des
métaux : Un forgeron vint en même temps
avec sa forge, ses clous, ses tenailles (Renan).
‖ Spécialem. Le foyer de ce fourneau : Je
sais que ton coeur, qui regorge | De vieux
amours déracinés, | Flamboie encor comme
une forge (Baudelaire). ‖ Charbon de forge,
houille grasse. ‖ 3. Autref. Établissement
où l’on fabriquait le fer à partir du minerai
ou de la fonte. ‖ 4. Établissement industriel
où l’on transforme la fonte en acier et où
l’on façonne ce métal par traitement méca-
nique à chaud pour lui donner différentes
formes : Les forges et aciéries du Nord et de
l’Est. Un maître de forges.

forgé, e [fɔrʒe] adj. (part. passé de forger).


1. Travaillé, façonné à la forge : Une grille,
une rampe en fer forgé. ‖ 2. Fig. Fabriqué de
toutes pièces : Un document forgé.

• SYN. : 2 controuvé. — CONTR. : 2 authen-


tique, véritable, vrai.

forgeable [fɔrʒabl] adj. (de forger ; 1627,


Savot). Qui peut être forgé : Le cuivre est
forgeable ; la fonte ne l’est pas.

forgeage [fɔrʒaʒ] n. m. (de forger ; 1775,


Grignon). Action de forger, de façonner
(généralement à chaud) un métal par
différents procédés mécaniques, pour
lui donner une forme approximative ou
définitive. ‖ Spécialem. Forgeage auto-
matique de précision, méthode d’usinage
d’une pièce métallique par déplacement de
la matière sous l’action d’une succession
de percussions.

• REM. On a dit aussi FORGEMENT (XIVe s.,


Ordonnance royale).

forger [fɔrʒe] v. tr. (lat. fabricare, ou, plus


souvent, fabricari, façonner, confection-
ner, fabriquer [au pr. et au fig.], de fabrica
[v. FORGE] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit
forgier [forger, XIIIe s.], au sens de « créer » ;
sens 1-2, fin du XIIe s., Aliscans [forger le
plomb, 1865, Littré ; forger à froid, 1690,
Furetière ; forger des fers, av. 1704, Bossuet] ;
sens 3 et 5, 1580, Montaigne ; sens 4, v. 1190,
Garnier de Pont-Sainte-Maxence). [Conj.
1 b.] 1. Façonner (généralement à chaud),
par déformation plastique, un métal ou
un alliage, soit au marteau, soit à la presse,
pour lui donner une forme, des dimen-
sions et des caractéristiques définies :
Forger une barre de fer. Forger de l’or, de
l’argent. ‖ Forger le plomb, le frapper avec
des masses. ‖ Forger à froid, forger sans le
secours du feu. ‖ 2. Fabriquer, exécuter
un objet en façonnant le métal à la forge :
Forger un fer à cheval. Maître Antonio Perez
de Las Cellas forgea | Ce bâton pastoral pour
le premier Borja (Heredia). ‖ Fig. Forger
des fers, préparer la servitude pour les
autres ou pour soi-même. ‖ 3. Fig. et lit-
tér. Former, élaborer avec effort (avec l’idée
d’un résultat solide, durable) : C’est avec
les caractères de cette trempe qu’on forge
les meilleurs chrétiens (Gide). ‖ 4. Fig. et
littér. Créer, enfanter par le travail de l’ima-
gination ou de la réflexion : Si l’on pouvait
forger de belles oeuvres comme des clous, les
commissionnaires en feraient (Balzac). C’est
pourquoi je suis très loin de me confier aux
prétendues analyses des rêves qui sont tant
à la mode aujourd’hui, où il me semble que
l’on ait forgé une nouvelle Clef des songes
(Valéry). ‖ Spécialem. Imaginer quelque
chose de chimérique, de fantaisiste : Oh !
qui dira les torts de la Rime ? | Quel enfant
sourd ou quel nègre fou | Nous a forgé ce
bijou d’un sou | Qui sonne creux et faux
sous la lime ? (Verlaine). ‖ 5. Inventer
de toutes pièces, souvent pour tromper :
Souvent, le soir, après avoir forgé quelque
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1976

prétexte pour consulter Lucien, il descendait


de la place du Mûrier jusqu’à l’Houmeau
(Balzac). Elle forgeait d’avance la petite his-
toire qu’elle raconterait en arrivant pour
s’excuser (Daudet). L’entendait-il citer un
nom ? c’était certainement celui d’un de ses
amants ; une fois cette supposition forgée, il
passait des semaines à se désoler (Proust).
• SYN. : 5 controuver, fabriquer, imaginer.
& v. intr. (1678, Guillet). En parlant d’un
cheval qui va au trot, heurter les fers des
pieds de derrière à ceux des pieds de
devant.

forgerie [fɔrʒəri] n. f. (de forger ; 1842,


Acad., au sens 1 ; sens 2 [peut-être sous
l’influence de l’angl. forgery, « forgeage,
falsification, contrefaçon », dér. de to forge,
forger, de forge, forge, empr. du franç. forge],
1870, d’après Littré, 1877). 1. Vx. Métier
de forgeur : La taillanderie, la charronne-
rie, la forgerie, la maréchalerie et le reste
(Aicard). ‖ 2. Fig. Invention, fabrication
(rare) : Jusqu’à ce qu’on m’ait montré
« Jérimadeth » sur une carte [...], je vois
dans la forgerie de ce nom [...] une de ces
audaces qui dépassent tout (Péguy).

forgeron [fɔrʒərɔ̃] n. m. (de forger, d’après


forgeur ; 1539, R. Estienne, au sens 1 [a
éliminé l’anc. mot fèvre, forgeron — fin
du XIIe s., Marie de France —, lat. faber
— v. FORGE] ; sens 2, av. 1885, V. Hugo).
1. Artisan qui façonne à la forge et au
marteau diverses pièces de petites et de
moyennes dimensions : Rythmé par le
marteau sonore, | Le chant joyeux des for-
gerons | S’envole à grand bruit vers l’aurore
(Banville). ‖ Ouvrier travaillant les métaux
par forgeage : Quand vous n’êtes pas ingé-
nieur, constructeur ou forgeron, Brest ne
vous amuse pas (Flaubert). ‖ 2. Fig. et lit-
tér. Celui qui fabrique, invente : Forgeron
d’imposture, ouvrier de fureur (Hugo).

forgeur [fɔrʒoer] n. m. (de forger ; XIIIe s.,


Godefroy, écrit forgeor [forgeur, v. 1380,
Froissart], au sens 1 ; sens 2, av. 1841,
Chateaubriand ; sens 3, milieu du XVIe s.,
Amyot). 1. Vx. Celui qui façonnait à la forge
des objets en général plus petits et d’art plus
délicat que ceux que fabriquait le forgeron :
Forgeur d’épées, de ciseaux. ‖ Auj. Ouvrier
employé dans une forge à divers travaux
manuels ne nécessitant pas la connaissance
complète du métier de forgeron. ‖ 2. Fig.
et littér. Celui qui fabrique quelque chose :
Ce forgeur de jougs [Napoléon Ier] est resté
populaire (Chateaubriand). ‖ 3. Fig. et
péjor. Celui qui invente plus ou moins men-
songèrement : Un forgeur de calomnies, de
fausses nouvelles.

• SYN. : 3 créateur, fabricant, fabricateur,


faiseur, inventeur.

forhuer [fɔrɥe] v. intr. (de for- [v. FORS]


et de huer [v. ce mot] ; v. 1354, Modus). En
vénerie, sonner sur la trompe l’appel des
chiens.

forint [fɔrint] n. m. (mot hongrois ;


v. 1950). Unité monétaire principale de la
Hongrie, divisée en 100 fillér.

forjet [fɔrʒɛ] n. m. (déverbal de forjeter ;


1547, J. Martin). En architecture, saillie
hors de l’aplomb, de l’alignement.

• REM. On dit aussi FORJETURE (de forje-


ter ; 1564, J. Thierry).

forjeter [fɔrʒəte] v. tr. (de for- [v. FORS]


et de jeter ; v. 1120, Psautier de Cambridge,
écrit forgeter, au sens de « repousser
[quelqu’un] » ; écrit forjeter, au sens actuel,
1636, Monet [au part. passé, début du
XVIIe s.]). [Conj. 4 a.] En architecture, éta-
blir des saillies hors de l’alignement d’un
mur et de son aplomb.

& v. intr. (1636, Monet). Sortir de l’aligne-


ment, de l’aplomb : Un mur qui forjette.
& se forjeter v. pr. (1636, Monet). En par-
lant d’un bâtiment, faire saillie par rapport
à l’alignement des édifices voisins.

forjeture n. f. V. FORJET.

forlan, e [fɔrlɑ̃, -an] adj. et n. (ital. furlano


[de Friuli, le Frioul, région d’Italie] ; 1872,
Larousse). Relatif au Frioul ; habitant ou
originaire de ce pays.

forlancer [fɔrlɑ̃se] v. tr. (de for- [v. FORS]


et de lancer ; 1690, Furetière). [Conj. 1 a.]
Vx. En vénerie, faire sortir une bête sauvage
de son gîte.

forlane [fɔrlan] n. f. (ital. furlana [fém.


de furlano, v. FORLAN], proprem. « danse
du Frioul » ; 1732, Trévoux). Danse à deux
temps, originaire du Frioul : La forlane du
« Tombeau de Couperin », de Ravel.

forligner [fɔrliɲe] v. intr. (de for-, fors- [v.


FORS], et de ligne [v. ce mot] ; v. 1160, Benoît
de Sainte-Maure, écrit forslignier [forligner,
v. 1361, Oresme], au sens 2 ; sens 1, fin du
XIVe s., E. Des-champs). 1. Class. (déjà vx
au XVIIe s.). Sortir de la ligne directe de
descendance ; se mésallier : La noblesse
de cette maison est fort pure, il n’y en a
pas un qui ait forligné (Furetière, 1690).
‖ 2. Class. et littér. Sortir de la ligne tra-
cée par ses ancêtres ; s’écarter du chemin
de l’honneur, de la vertu : Jour de Dieu !
je l’étranglerais de mes propres mains s’il
fallait qu’elle forlignât de l’honnêteté de sa
mère (Molière). Souviens-toi de qui tu es
fils et ne forligne pas (Chateaubriand). Ô
Mémoire | Combien de races qui forlignent
(Apollinaire).

forlonge [fɔrlɔ̃ʒ] n. f. (déverbal de forlon-


ger ; v. 1387, G. Phébus). Action de forlonger
(terme de vénerie). ‖ Aller de forlonge, en
parlant de la bête, avoir distancé de beau-
coup la meute. ‖ Chasser de forlonge, en
parlant des chiens, suivre de loin la voie de
la bête : La voix de Ramoneau qui, mainte-
nant, chasse de forlonge et, peut-être, prend
un défaut (Chérau).

forlonger [fɔrlɔ̃ʒe] v. intr. (de for- [v.


FORS] et de longer ; v. 1354, Modus).
[Conj. 1 b.] En vénerie, en parlant de la bête
que l’on chasse, s’écarter de ses parages
habituels ou avoir pris une grande avance
sur les chiens.

& v. tr. (1778, Le Verrier de La Conte-rie).


En parlant de la bête, distancer les chiens :
Le cerf a forlongé les chiens.

& se forlonger v. pr. (sens 1, 1655, Salnove ;


sens 2, av. 1696, Mme de Sévigné ; sens 3,
fin du XVIIe s., Saint-Simon). 1. Class.
S’éloigner : La chasse tourna du côté de
Dourdan et se forlongea si bien que le roi s’en
revint extrêmement tard et laissa la chasse
(Saint-Simon). ‖ 2. Class. et fig. Tâcher
d’échapper, d’esquiver : Ils se forlongent,
ils rusent, mais nous sommes toujours sur
la voie (Sévigné). ‖ 3. Class. et fig. Tirer en
longueur : Le colloque d’Effiat et des siens
me parut se forlonger (Saint-Simon).

formage [fɔrmaʒ] n. m. (de former ; 18


août 1875, Journ. officiel [en bonneterie
et pour les matières plastiques, XXe s.]).
Action de donner une forme à un objet
manufacturé. ‖ Spécialem. Opération de
mise sur forme des articles de bonneterie.
‖ Procédé de façonnage de grandes pièces
en matière plastique à base de résines
polyesters.

formaldéhyde [fɔrmaldeid] n. m. (de


form[ique] et de aldéhyde ; fin du XIXe s.).
Syn. de ALDÉHYDE FORMIQUE, ou FORMOL.

formalisant, e [fɔrmalizɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de formaliser 2 ; 1967, J. Piaget).
Qui opère la formalisation : Une analyse
formalisante.

formalisation [fɔrmalizasjɔ̃] n. f. (de


formaliser 2 ; XXe s.). Action de formaliser ;
résultat de cette action : La formalisation
est l’une des démarches fondamentales
constitutives de toute logique.

formalisé, e [fɔrmalize] adj. (part. passé


de formaliser 2 ; XXe s.). Théorie déductive
formalisée, en logique, syn. de SYSTÈME
HYPOTHÉTICO-DÉDUCTIF.

1. formaliser (se) [səfɔrmalize] v. pr.


(dér. savant du lat. formalis, qui a trait aux
moules, qui sert de type, et, dans la langue
jurid. du Moyen Âge, « qui est suivant la
forme, la formule » [de forma, v. FORME],
proprem. « s’attacher aux formes » ; v. 1540,
Yver). Être choqué, s’offenser de ce qu’on
juge être un manquement aux formes, aux
règles établies, en particulier d’un manque-
ment aux égards auxquels on estime avoir
droit : Ne croyant pas devoir me formaliser
du peu de cas qu’on avait paru faire de ma
personne (Mérimée). Il manque rarement
de faire observer que l’on doit se formaliser
de ce qu’il dit (Valéry).

• SYN. : se blesser, se fâcher, se froisser, se


hérisser, s’offusquer, se piquer, se scanda-
liser, se vexer.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1977

2. formaliser [fɔrmalize] v. tr. (de formel,


d’après le lat. formalis [v. l’art. précéd.] ;
XXe s., au sens 1 ; sens 2, v. 1960). 1. En
logique, poser explicitement, dans une
théorie déductive, les règles de formation
des propositions et les règles de déduction
suivant lesquelles on raisonne : On ne peut
formaliser qu’une théorie déjà symbolisée.
‖ 2. En linguistique, donner le caractère
de système formel à une théorie.

formalisme [fɔrmalism] n. m. (dér.


savant du lat. formalis [v. FORMEL] ; 1842,
Mozin, au sens II, 2 [formalisme kantien,
XXe s.] ; sens I, 1, 1865, Littré ; sens I, 2, 1845,
Bescherelle ; sens II, 1, 1872, Larousse ; sens
II, 3-4, XXe s.).

I. 1. Respect scrupuleux des formes, des


formalités, dans l’accomplissement de
certains actes ; caractère de ce qui est
accompli dans cet esprit : Le formalisme
juridique, administratif. Le formalisme
des Romains en matière de religion.
‖ 2. Attachement excessif aux usages
reçus, aux formes extérieures de la poli-
tesse, à l’étiquette (plus ou moins péjor.) :
Le formalisme du grand monde.

II. 1. Tendance à considérer la forme plus


que le contenu : Le formalisme rigide de
la scolastique (Renan). Allons directe-
ment au monde, aux choses, au contenu.
Délivrons-nous de toutes les traces de for-
malisme (H. Lefebvre). ‖ 2. Système phi-
losophique qui explique l’intelligibilité
de la nature par les formes ou lois de la
pensée. ‖ Formalisme kantien, doctrine
morale de Kant, selon laquelle la valeur
morale d’un acte dépend de l’intention
dans laquelle il est accompli, c’est-à-dire
du respect de la loi morale, et non de sa
fin matérielle. ‖ 3. Dans le domaine des
beaux-arts, tendance excessive à l’abs-
traction, au détriment de la figuration
du réel. ‖ 4. Ensemble des symboles
employés dans l’édification d’une théorie
mathématique.

formaliste [fɔrmalist] adj. et n. (dér.


savant du lat. formalis [v. FORMEL] ; 1585,
Du Fail, au sens I, 1 ; sens I, 2, av. 1696,
La Bruyère ; sens II, 1845, Bescherelle).

I. 1. Qui respecte scrupuleusement les


formes, les formalités, les règles relatives
à l’accomplissement de certains actes :
Un président de tribunal très formaliste.
Vous trouverez en la personne de mon
notaire, maître Beynaud, un bonhomme
assez timoré, un peu trop formaliste,
mais sûr et, somme toute, de bon conseil
(Martin du Gard). ‖ 2. Qui attache trop
d’importance aux conventions sociales,
aux usages reçus, à l’étiquette (plus ou
moins péjor.) : Si l’humanité par sa tête
touche le ciel, dans son ensemble elle a
l’esprit étroit et formaliste (Renan). Un
orateur de gouvernement, parlant de
haut, avec le dédain qu’un parlementaire
formaliste et gourmé peut avoir pour un

simple journaliste, avait à cette occasion


prononcé le mot de « ridicule » (Daudet).
Une espèce de maniaque formaliste et tra-
cassier (Roupnel).

II. Qui professe, soutient le formalisme


(dans le domaine philosophique, scien-
tifique, artistique, etc.) : Mathématicien
formaliste. Peintre formaliste.

• SYN. : I, 1 maniaque, minutieux, pointil-


leux, scrupuleux, vétilleux ; 2 cérémonieux,
protocolaire, traditionaliste. — CONTR. : I, 1
fantaisiste ; 2 bohème, sans façon, simple,
spontané.

& adj. (sens I, av. 1703, Saint-Évremond ;


sens II, 1872, Larousse).

I. Se dit de ce qui donne une grande im-


portance aux formes, aux règles, au côté
extérieur des actions : Politesse formaliste.
Société formaliste. Religion formaliste.

II. Qui relève du formalisme (en philoso-


phie, en science, en esthétique, etc.) : Les
doctrines formalistes.

• SYN. : I conformiste, conventionnel,


ritualiste.
formalité [fɔrmalite] n. f. (dér. savant du
lat. formalis [v. FORMEL] ; début du XVe s.,
au sens I, 1 ; sens I, 2, 1661, Molière ; sens
I, 3, début du XXe s. [par formalité, « pour
la forme », 1677, Miege] ; sens II, 1677,
Bossuet).

I. 1. Manière de procéder obligatoire


pour l’accomplissement de certains actes
juridiques, administratifs, religieux, et
dont l’omission, en certains cas (formali-
té substantielle), rend ces actes invalides :
Cet automne-là, tout occupés des for-
malités à remplir, des entretiens avec les
notaires et avec les fermiers, mes parents
[...] prirent l’habitude de me laisser aller
me promener sans eux (Proust). J’ai bien
fait un testament, mais j’ignore la plupart
des formalités nécessaires (Gide). For-
malités judiciaires, douanières. Les for-
malités du contrôle des changes. ‖ 2. Vx.
Règle de conduite, usage inspirés par la
civilité, le respect des convenances (le
plus souvent au plur.) : Que vous êtes fati-
gante, ma soeur, avec vos formalités per-
pétuelles ! (Dancourt). ‖ 3. Pratique tout
extérieure, conventionnelle, à laquelle on
n’attache pas d’importance véritable, et
dont on pourrait, à la rigueur, se dispen-
ser : Considérez cela comme une simple,
une pure formalité.

II. Dans la philosophie scolastique,


forme substantielle qui constitue l’attri-
but essentiel d’un être.

formant [fɔrmɑ̃] n. m. (part. prés. subs-


tantivé de former ; 1962, Larousse, au sens
1 ; sens 2, 1968, Larousse). 1. En phonétique,
fréquence de certaines résonances spéci-
fiques définissant une voyelle sur le plan
acoustique. ‖ 2. En linguistique, élément
de formation d’un mot. ‖ En grammaire

générative, élément syntaxique terminal,


susceptible de recevoir une représentation
phonétique. (S’oppose à MORPHÈME.)

formariage [fɔrmarjaʒ] n. m. (de l’anc.


v. se formarier, se marier en dehors de sa
condition [v. 1283, Beaumanoir ; forma-
rié, part. passé, début du XIIIe s.], de for- [v.
FORS] et de marier ; 1221, Godefroy [droit de
formariage, 1865, Littré]). En droit féodal,
mariage contracté par un serf hors de la sei-
gneurie, ou avec une personne d’une autre
condition que la sienne. ‖ Droit de forma-
riage, redevance que le seigneur exigeait du
serf qui voulait contracter une telle union.
format [fɔrma] n. m. (de forme, ou de
l’ital. formato, « forme, figure », part.
passé substantivé de formare, former [lat.
formare, v. FORMER] ; 1723, Savary des
Bruslons, aux sens 1-3 ; sens 4, XXe s. ; sens 5,
1872, Larousse). 1. Dimension d’un volume
imprimé, déterminée par le nombre de
feuillets que comporte la feuille d’impres-
sion après pliure : Format in-folio (in-f°), in-
quarto (in-4°), in-octavo (in-8°), in-douze
(in-12), etc. Le format in-8° indique que la
feuille a été pliée en huit feuillets, corres-
pondant à seize pages. ‖ Format d’impres-
sion, nombre de pages que contient chaque
forme ou côté de feuille de la composition.
‖ 2. Dimensions en hauteur et en largeur
de la couverture d’un livre broché ou du
plat d’un volume relié : Petit format, grand
format. Format de poche. ‖ 3. Dimension
type d’une feuille de papier : Format raisin
(50 X 64), jésus (56 X 72), grand-aigle (74 X
105). ‖ 4. Dimensions exactes en hauteur
et en largeur d’objets minces et plats (gra-
vure, photographie, film, disque, etc.) : Le
format d’un billet de banque, d’un tableau.
‖ Petit format, en photographie, expression
désignant les formats égaux ou inférieurs à
24 X 36 mm. ‖ 5. Fam. Dimension en géné-
ral : Des portraits d’écrivains classiques, de
format réduit (Romains).

formateur, trice [fɔrmatoer, -tris] adj.


et n. (lat. formator, celui qui donne la forme
[au pr.], formateur [au fig.], de formatum,
supin de formare [v. FORMER] — formateur
a supplanté l’anc. franç. formeor, formeur,
« créateur, formateur » [XIIe s., Herman de
Valenciennes] ; 1580. Montaigne, au sens
2 ; sens 1, 1690, Furetière). 1. Qui forme,
qui a pour rôle de former : Les éléments
formateurs d’un mot. On dit que, dès le
germe, ce mollusque, son formateur [de
la coquille], a subi une étrange restriction
de son développement (Valéry). ‖ 2. Fig.
Qui développe les facultés intellectuelles
et morales, les aptitudes : Le rôle formateur
du latin.

• SYN. : 2 culturel, éducatif, instructif,


profitable.

& n. (début du XVe s.). Class. (déjà vx au


XVIIe s.). Celui, celle qui crée, donne forme
à la matière (mot du langage religieux) :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


1978

Dieu, parfait architecte et absolu formateur


de tout ce qui est (Bossuet).

formatif, ive [fɔrmatif, -iv] adj. (dér.


savant du lat. formatum, supin de formare
[v. FORMER] ; fin du XIIIe s., au sens de « qui
sert à former » [encore au XVIe s.] ; sens
actuel, 1842, Acad.). Langues formatives,
en linguistique, syn. de LANGUES FLEXION-
NELLES (v. FLEXION).

formation [fɔrmasjɔ̃] n. f. (lat. forma-


tio, confection, forme, configuration,
formation [au pr. et au fig.], de formatum,
supin de formare [v. FORMER] ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 ; sens 2
et 8-9, XXe s. ; sens 3, 1757, Encyclopédie ;
sens 4, 1550, Meigret ; sens 5, 1835, Acad.
[« groupe organisé de militaires... », 1930,
Larousse] ; sens 6, av. 1945, P. Valéry ; sens
7, milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens 10, 1930,
Larousse). 1. Action de former, ou le fait
de se former ; manière dont une chose se
forme ou est formée : La formation d’une
équipe. La formation du globe terrestre.
La formation d’une tumeur. La forma-
tion des dunes est due à l’action des vents.
La formation de l’unité italienne. Nous
ne concevons pas leur formation [de ces
objets], et c’est pourquoi ils nous intriguent
(Valéry). ‖ 2. Absol. Développement de
l’organisme, et en particulier des organes
génitaux, qui rend l’individu apte à exercer
les fonctions de reproduction ; puberté :
L’époque, l’âge de la formation. ‖ 3. Mode
suivant lequel une surface ou un solide
sont engendrés : La formation du cercle,
du cylindre. ‖ 4. En linguistique, manière
dont un mot se forme, ou dont il reçoit
ses diverses flexions : La formation du
vocabulaire. Mot de formation populaire,
savante. La formation du pluriel en alle-
mand. La formation du génitif, du passif
d’un verbe. ‖ 5. Disposition que peut
prendre une troupe sur le terrain, une flotte
en mer, un groupe d’avions : Formation en
colonne. Formation de marche, de com-
bat. ‖ Groupe organisé de militaires dont
l’importance et la mission ne sont pas pré-
cisées : Les formations de l’arme blindée.
Une formation de parachutistes. Une for-
mation de chasse. ‖ 6. Ce qui est formé :
Des formations nuageuses, pluvieuses. Il n’y
aurait point pour elle de sujet plus délicieu-
sement excitant à choisir que la peinture
d’un esprit sollicité par quelqu’une de ces
formations remarquables qui s’observent çà
et là (Valéry). ‖ 7. En géologie, ensemble
de terrains formés à une certaine époque
et présentant des caractères communs :
Formations tertiaires. Formation grani-
tique, calcaire. Les formations sous-marines
primitives (Hugo). ‖ 8. Association de
végétaux présentant, malgré les différences
des espèces, un caractère biologique et un
faciès analogues : Les forêts, les buissons,
les maquis, etc., sont des formations végé-
tales. ‖ Formation primaire, groupement
végétal dont l’origine et la croissance sont

totalement indépendantes de l’action de


l’homme. ‖ Formation secondaire, grou-
pement végétal qui remplace une formation
primaire après sa destruction par l’homme.
‖ 9. Groupement de personnes : Les forma-
tions politiques qui composent la majorité.
Une formation sportive. ‖ Formation musi-
cale, groupe d’instrumentistes constituant
un orchestre. ‖ 10. Éducation intellectuelle
et morale, instruction : La formation des
esprits. La formation du goût. La formation
professionnelle. La formation des cadres.
‖ Spécialem. Ensemble de connaissances
relatives à un domaine déterminé ou néces-
saires à l’exercice d’une activité : Formation
littéraire, scientifique, juridique. Avoir une
bonne formation technique.

• SYN. : 1 constitution, création, élaboration,


genèse ; 9 équipe, parti ; 10 apprentissage,
éducation ; bagage, connaissances, culture,
savoir.

forme [fɔrm] n. f. • ÉTYM. Lat.


forma, conformation, type, plan, espèce,
empreinte, moule, cadre, figure, image,
beauté, forme grammaticale ; fin du XIe s.,
Gloses de Raschi, au sens II, 2 (parfois
fourme, furme, au Moyen Âge ; forme
à forcer, XXe s.) ; sens I, 1, v. 1170, Livre
des Rois (pour une figure géométrique,
1636, Monet ; « manière d’être d’un corps
chimique », 1835, Acad.) ; sens I, 2, v. 1170,
Livre des Rois (prendre forme, 1865, Littré ;
sans forme, 1677, Racine ; en forme de, v.
1207, Villehardouin ; sous la forme de, av.
1648, Voiture ; sous forme de, 1895, Loti) ;
sens I, 3, 1835, Musset ; sens I, 4, 1668, R.
de Piles ; sens II, 1, 1636, Monet (« partie
du chapeau destinée à recevoir la tête »,
1680, Richelet ; « chapeau non terminé »
et « ensemble d’un chapeau considéré sous
l’aspect de sa ligne », XXe s.) ; sens II, 3,
milieu du XVIe s. ; sens II, 4, XXe s. ; sens II,
5, 1675, Widerhold (« le châssis lui-même »,
1688, Miege ; « planche ou cylindre servant
à l’impression », XXe s.) ; sens II, 6, 1386,
Zeller (forme ; forme de radoub, XXe s.) ; sens
II, 7, 1680, Richelet (« lit de mâchefer... »,
1872, Larousse) ; sens II, 8, XIIe s. (haute
forme, XXe s.) ; sens II, 9, 1678, Guillet ; sens
II, 10, v. 1320, Bozon ; sens III, 1, XVe s. ; sens
III, 2, milieu du XVIe s., Amyot ; sens III, 3,
1835, Acad. ; sens III, 4, 1580, Montaigne
(mettre en forme, 1872, Larousse) ; sens
III, 5, 1661, Molière (« modèle à imiter,
pour le dessin d’une lettre », v. 1265, Br.
Latini ; « genre, espèce, en parlant d’une
oeuvre artistique ou littéraire », av. 1794,
Condorcet) ; sens III, 6, XVIe s. (vice de
forme, 1865, Littré ; sans autre forme de
procès, 1668, La Fontaine ; en forme, 1549,
R. Estienne ; en bonne forme, 1668, Racine ;
en bonne et due forme, 1700, Pomey) ; sens
III, 7, fin du XVe s., Commynes ; sens IV,
1872, Larousse (pour un cheval de course ;
pour un athlète, XXe s. ; avoir la forme, être
en forme, tenir la grande forme, XXe s.) ; sens
V, 1, 1637, Descartes (dans la scolastique,

1641, Descartes ; dans le langage précieux,


1659, Molière) ; sens V, 2, 1865, Littré ; sens
V, 3, av. 1662, Pascal ; sens V, 4, XXe s. ; sens
V, 5, 1835, Acad.

I. 1. Aspect extérieur, matériel, configu-


ration des êtres et des choses, saisis par la
vue et par le toucher : Forme unie, régu-
lière, plane, courbe. Un terrain de forme
irrégulière. Un nez de forme allongée. Des
motifs décoratifs de forme géométrique.
Qu’importe que le monde physique soit
plus grand ou plus petit et d’une forme
ou d’une autre ? (France). ‖ Spécialem.
Manière d’être d’un corps, état sous le-
quel il se présente : Forme solide, liquide,
gazeuse. ‖ 2. Aspect extérieur caractéris-
tique, propre à un être ou à une chose : Le
cimetière si nu d’Islam où toute représen-
tation d’une forme humaine est interdite
(Tharaud). Un vase en forme d’amphore.
Un veston de forme croisée. La Terre a
la forme d’une sphère aplatie aux pôles.
‖ Prendre forme, commencer à avoir
une forme reconnaissable : L’argile prend
forme sous les doigts du potier. ‖ Sans
forme, qui a un aspect indéfinissable, ou
qui a perdu sa forme primitive : Après
l’avalanche, le chalet n’était plus qu’un
amas sans forme. ‖ En forme de, qui a
l’aspect, la configuration de : De hauts
portails [...] dans lesquels sont découpées
des entrées plus réduites en forme d’arcs
surbaissés (Tharaud). ‖ Sous la forme de,
en donnant ou en prenant l’apparence
de : Zeus apparut à Léda sous la forme
d’un cygne. ‖ Sous forme de, en parlant
d’une chose, sous l’une des présenta-
tions variables dont elle est susceptible :
Un médicament qui existe sous forme de
pilules et d’ampoules buvables. ‖ 3. Être
indistinct ou objet aperçu confusément ;
silhouette : Parfois sa forme blanche er-
rait sur la terrasse (Balzac). Les formes
s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve
(Baudelaire). En arrivant près de la mai-
son, nous apercevions une forme sur le pas
de la porte (Proust). ‖ 4. Représentation
graphique ou plastique que l’artiste, dans
son oeuvre, donne de l’objet : Je puis son-
ger au bronze, à l’argile, à la pierre : le ré-
sultat final de mon opération sera, quant
à la forme, indépendant de la substance
choisie (Valéry). Tableau : prétexte à faire
vivre des formes (Cocteau).

II. 1. Moule de bois ou de sparterie, ap-


pelé aussi TYPE, sur lequel le chapelier
donne la forme au chapeau qu’il fabrique.
‖ Par extens. Partie du chapeau desti-
née à recevoir la tête, par opposition aux
bords : Chapeau haut de forme (v. HAUT-
DE-FORME, à l’ordre alphab.). ‖ Chapeau
non terminé, c’est-à-dire ni garni ni
coiffé. ‖ Ensemble d’un chapeau consi-
déré sous l’aspect de sa ligne : Une forme
marquis. ‖ 2. Pièce de bois ayant la forme
d’un pied, qui sert à monter et à galber
une chaussure. ‖ Forme à forcer, forme
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1979

spéciale servant à élargir une chaussure


trop étroite. ‖ 3. Appareil avec lequel
on moule les fromages. ‖ 4. Empreinte
ouverte, portée par une matrice, utilisée
dans le formage d’objets à partir d’une
feuille ou d’un flan. ‖ 5. Dans l’imprime-
rie, composition typographique imposée
et serrée dans un châssis. ‖ Ce châssis
lui-même : Les jours suivants, Picquenart
nous apprit à réunir assez de lignes pour
former des pages entières, puis à grouper
toutes les pages dans une forme (Duha-
mel). ‖ Par extens. Planche ou cylindre
servant à l’impression (plaque d’offset,
cylindre d’héliogravure, etc.). ‖ 6. Forme
de radoub, ou cale sèche, bassin spécial,
aménagé dans un port, pour la répara-
tion des navires. ‖ 7. Couche de sable
ou d’un autre matériau sur laquelle on
pose les pavés. ‖ Lit de mâchefer ou de
recoupe que l’on étend sur une aire pour
y établir un carrelage. ‖ 8. Au Moyen
Âge et à l’époque de la Renaissance, banc
très léger, sans dossier ni accotoirs, deve-
nu ensuite la banquette. ‖ Haute forme,
stalle d’église complète. ‖ 9. Exostose
qui se développe sur les phalanges du
cheval. ‖ 10. Gîte du lièvre : Un bond et le
lièvre a quitté sa forme (Chérau).

III. 1. Modalité particulière et variable


sous laquelle se présente une chose de
caractère abstrait : L’amour de la vertu
ou la haine du crime, c’est le même sen-
timent sous deux formes différentes
(Fontenelle). Ma pensée a pris la forme
de la sienne (Gide). Ne pas donner au
vice une forme séduisante. Combattre la
misère, l’ignorance sous toutes ses formes.
‖ 2. Caractère de l’organisation politique
d’un État, d’une société, définie dans sa
Constitution : La forme monarchique,
républicaine. Une question préalable doit
être traitée : si le trône est vacant, nous
sommes libres de choisir la forme de notre
gouvernement (Chateaubriand). ‖ 3. As-
pect sous lequel se présente un mot ou
une construction : Forme du singulier, du
pluriel. La forme interrogative. Les formes
de l’imparfait du subjonctif. Beaucoup de
formes grammaticales du romani se re-
trouvent dans les idiomes dérivés du sans-
krit (Mérimée). ‖ 4. Manière d’exprimer
la pensée, d’utiliser les moyens d’expres-
sion dans une oeuvre littéraire ; le style,
par opposition au fond, c’est-à-dire au
sujet traité, aux idées développées : S’ex-
primer sous une forme concise, relâchée.
Un ouvrage de forme classique. La forme
ne peut se produire sans l’idée et l’idée
sans la forme (Flaubert). Ce goût inné de
la forme et de la perfection dans la forme
devait nécessairement faire de Théophile
Gautier un auteur critique tout à fait à
part (Baudelaire). S’il est un vrai poète, il
sacrifiera presque toujours à la forme (qui,
après tout, est la fin et l’acte même, avec
ses nécessités organiques) cette pensée qui
ne peut se fondre en poème si elle exige

pour s’exprimer qu’on use de mots ou de


tours étrangers au ton poétique (Valéry).
‖ Mettre en forme, rédiger, composer
selon une certaine conception que l’on
a de l’écriture : Il y a en moi une répul-
sion invincible à l’égard du cauchemar
mis en forme par le romancier (Mauriac).
‖ 5. Spécialem. Modèle déterminé selon
lequel on compose une oeuvre littéraire,
artistique : Un roman sous forme de
lettres. Poèmes à forme fixe. ‖ Par extens.
En parlant d’une oeuvre artistique ou lit-
téraire, genre, espèce : Formes musicales.
Il nous semblait que les vieilles formes
littéraires se rajeuniraient (Bourget).
‖ 6. En droit, ensemble des conditions
extérieures exigées par la loi dans le fonc-
tionnement des institutions ou l’accom-
plissement des actes juridiques. ‖ Vice de
forme, absence d’une ou de plusieurs des
conditions de forme exigées pour la vali-
dité d’un acte : Un jugement cassé pour
vice de forme. ‖ Sans autre forme [de pro-
cès], sans faire de procès, sans recourir à
la justice ; au fig., sans s’arrêter à des for-
malités, sans prendre aucun détour : Et
pour finir, on l’a mis à la porte sans autre
forme de procès. ‖ En forme, en bonne
forme, en bonne et due forme, suivant les
règles, les formalités requises. ‖ 7. Class.
Manière, règle : Nous priâmes tous M.
d’Elbeuf de faire trouver bon au Bernar-
din de conférer avec nous sur la forme seu-
lement dont il aurait à se conduire (Retz).

IV. En termes de sport, condition phy-


sique excellente, acquise par l’entraîne-
ment et favorable aux compétitions : Si je
montais comme bombardier, je pourrais
peut-être faire aussi un peu de double
commande... Je suis sûr que je retrouverais
vite ma forme (Malraux). Être en pleine
forme, au sommet de sa forme. ‖ Fam.
Avoir la forme, être en forme, tenir la
grande forme, être dans de bonnes, d’ex-
cellentes conditions physiques ou intel-
lectuelles : Voilà Martin qui a l’air d’avoir
la forme (Aymé).

V. 1. Chez Aristote (forme ou cause for-


melle), principe d’unité qui fait qu’un être
est ce qu’il est : Un des principes d’Aris-
tote est que la matière, d’elle-même, est in-
forme, et que la forme est un être distinct
et séparé de la matière (Buffon). ‖ Dans
la scolastique (forme substantielle), prin-
cipe substantiel qui donne ses attributs
à l’être et en détermine la nature spéci-
fique, par opposition à la matière, qui est
l’être indéterminé : Dieu qui est la forme
des formes et l’acte des actes (Bossuet).
‖ Plaisamm. Dans le langage précieux,
l’esprit opposé au corps : Mon Dieu, ma
chère, que ton père a la forme enfoncée
dans la matière ! (Molière). ‖ 2. Formes
de la connaissance, chez Kant, les lois
de la pensée, que celle-ci applique au
donné pur de la sensation, et qui sont
les conditions subjectives de la connais-

sance : formes « a priori » de la sensibi-


lité, le temps (forme du sens interne) et
l’espace (forme du sens externe) ; formes
de l’entendement, les catégories, formes
générales des relations que nous pouvons
établir entre les idées ; formes de la raison,
les idées a priori de la raison, ou idées
transcendantales. ‖ Forme de la morali-
té, le caractère impératif de la loi morale.
‖ 3. En logique, ensemble des rapports
existant entre les termes d’un jugement,
d’un raisonnement, abstraction faite de
la matière, ou contenu, de ces termes,
c’est-à-dire de leur signification. ‖ 4. En
psychologie, ensemble organisé dont les
éléments ont une tendance spontanée à la
structuration et qui, selon les gestaltistes,
est la donnée immédiate de la perception.
‖ Bonne forme, forme qui présente le
maximum d’unité, de simplicité, de sta-
bilité, etc., et qui tend à s’imposer au sujet
dans la perception. ‖ Théorie de la forme
(ou Gestalttheorie), théorie, d’abord psy-
chologique, selon laquelle le sujet, dans la
perception, saisit des ensembles structu-
rés avant de percevoir les détails, et qui,
élargie aux domaines de la physique, de
la biologie, affirme l’influence du tout sur
les parties qui le composent. ‖ 5. Forme
d’un sacrement, en théologie, élément
spécifiquement déterminant d’un sacre-
ment : Les paroles : « Je te baptise, etc. »,
sont la forme du sacrement du baptême, et
l’eau en est la matière.

• SYN. : I, 1 conformation ; 2 apparence,


aspect, façon, figure ; 4 galbe, ligne, tracé,
volume.‖ II, 1 champignon ; 2 embau-
choir.‖ III, 1 apparence, aspect, état, type,
variété ; 2 constitution, structure ; 4 expres-
sion, style. — CONTR. : III, 1 essence, nature ;
4 contenu, idée, matière, objet, substance,
sujet.

& Pour la forme loc. adv. (1665, La


Fontaine). Sans conviction, seulement pour
sauver les apparences : Le père, lui, gron-
dait pour la forme, par habitude, pour ne
pas laisser rouiller son tonnerre (Daudet).
Il gagnait un pas dans le coeur de la belle
audacieuse, qui ne résistait plus, semble-
t-il, que pour la forme (Maupassant). Et le
conseil dit d’administration ne se réunissait
plus, même pas pour la forme (Duhamel).
& formes n. f. pl. (sens I, milieu du XVIIIe s.,
Buffon ; sens II, XVe s. [prendre des formes,
1695, Fénelon ; dans les formes, XVIe s.]).

I. Contours du corps humain, surtout du


corps féminin : Leur maintien met encore
en relief la robuste corpulence de leurs
formes (Fromentin).
II. Manières conformes aux règles de la
politesse, de la bienséance, de la cour-
toisie : Se soucier fort peu des formes.
‖ Mettre des formes, prendre des formes,
user de ménagements ou de précautions
oratoires pour ne pas blesser la suscep-
tibilité, l’amour-propre de quelqu’un :
Révoquer quelqu’un en y mettant des
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1980

formes. ‖ Dans les formes, en respectant


les usages, l’étiquette : Faire une demande
en mariage dans les formes.

• SYN. : I ligne, silhouette.‖ II savoir-vivre,


tact, usage.

formé, e [fɔrme] adj. (part. passé de for-


mer ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au
sens de « bien bâti » [pour un homme] ;
sens actuel, 1691, Dancourt). Qui a atteint
un certain degré de développement : Épi
formé. ‖ Spécialem. Jeune fille formée,
jeune fille nubile.

formel, elle [fɔrmɛl] adj. (lat. formalis,


qui a trait aux moules, qui sert de type, et,
dans la langue médiév., « qui est suivant la
forme, la formule » [en droit], « formel »
[en philosophie], de forma [v. FORME] ;
XIIIe s., Godefroy, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1647,
Descartes ; sens I, 3, 1624, Brunot [le formel
du péché ; péché formel, 1636, Monet] ; sens
I, 4, milieu du XVIe s., Amyot ; sens II, 1-6,
début du XXe s.).

I. QUI EXISTE EN TANT QUE FORME.


1. Raison formelle, cause formelle, en
philosophie (Aristote, scolastique, Des-
cartes), ce qui constitue la forme d’un
être, le détermine dans son espèce, ce qui
fait qu’il est tel ou tel (par opposition à
cause matérielle, matière) : La couleur,
la dureté, la figure, etc., n’appartiennent
point à la raison formelle de la cire, c’est-
à-dire qu’on peut concevoir tout ce qui se
trouve nécessairement dans la cire sans
avoir besoin pour cela de penser à elles
(Descartes). [V. aussi FORME, § V, n. 1.]
‖ 2. Dans la scolastique, qui possède
une existence actuelle, effective : Je com-
prends fort bien que l’être objectif d’une
idée ne peut être produit par un être qui
existe seulement en puissance [...], mais
seulement par un être formel ou actuel
(Descartes). ‖ Réalité formelle, chez Des-
cartes, réalité qu’une idée a dans l’être
qu’elle représente : Il doit y avoir, dans la
cause extérieure de l’idée, autant de réa-
lité formelle qu’il y a dans l’idée de réalité
objective ou de réalité par représentation
(Descartes). ‖ 3. Élément formel et, subs-
tantiv., le formel du péché, en théologie,
défaut de conformité avec la loi qui rend
l’acte coupable, par opposition au maté-
riel, qui est l’acte lui-même. ‖ Péché for-
mel, péché commis en pleine connais-
sance et avec un plein consentement, et
qui est imputable. ‖ 4. Qui est exprimé
ou s’exprime avec une netteté excluant
toute incertitude, toute équivoque : Je
demande des ordres formels (Barrès). Il a
été formel : il ne se présentera pas aux pro-
chaines élections. La loi est formelle sur ce
point. Un démenti, un refus formel.

II. QUI CONCERNE LA FORME. 1. Qui


considère principalement ou uniquement
la forme (par opposition à la matière, ou
contenu) : Morale formelle. ‖ Logique
formelle, étude des formes de la pensée

déductive (concepts, jugements, raison-


nements), et des conditions de sa validité,
abstraction faite de l’objet sur lequel elle
porte. ‖ Système formel, en mathéma-
tiques, ensemble des formules obtenues
par le déploiement d’un formalisme.
‖ Éducation formelle, celle qui vise à for-
mer l’esprit d’une façon générale, sans lui
donner de spécialisation. (On dit plutôt
CULTURE GÉNÉRALE.) ‖ 2. Dans le do-
maine littéraire, artistique, linguistique,
qui a trait à l’expression, au style (par
opposition au fond) : Je me répète que ce
livre doit être écrit sans aucun souci de
style et que tout effort de perfection for-
melle que j’y apporterais sentirait trop
ma marque (Gide). Stéphane Mallarmé,
génie essentiellement formel [...], s’est fait
le premier écrivain qui ait osé envisager le
problème littéraire dans son entière uni-
versalité (Valéry). La description formelle
d’une langue. ‖ 3. Spécialem. En droit,
qui s’attache à la forme des actes : Clause,
condition formelle. ‖ 4. Qui respecte les
formes, mais ne s’accompagne d’aucune
adhésion intérieure : Politesse formelle.
‖ 5. Qui est fait seulement pour la forme,
sans qu’on en attende aucun effet : Protes-
tation purement formelle. ‖ 6. Péjor. Qui
ne tient pas compte des réalités, des faits :
Une argumentation toute formelle.
• SYN. : I, 4 catégorique, clair, explicite,
exprès, incontestable, indiscutable, indu-
bitable, irréfragable, irréfutable, net, positif,
précis. ‖ II, 2 stylistique, verbal ; 4 exté-
rieur, formaliste, protocolaire, superficiel ;
5 platonique ; 6 théorique. — CONTR. : I, 4
ambigu, confus, douteux, équivoque, hypo-
thétique, implicite, imprécis, muet, obscur,
problématique, vague. ‖ II, 4 inné, naturel,
spontané ; 6 objectif, réaliste.

formellement [fɔrmɛlmɑ̃] adv. (de for-


mel ; fin du XIIIe s., Godefroy, au sens 1 ;
sens 2, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens
3, XVe s., Littré ; sens 4, XXe s.). 1. En tant
que cause formelle. ‖ 2. D’une manière
effective, réelle : Les mêmes choses sont dites
être formellement dans les objets des idées
quand elles sont en eux telles que nous les
concevons (Descartes). ‖ 3. D’une manière
claire, expresse, positive : Couchez-vous,
signez-vous et dormez, je vous dispense for-
mellement de toute autre prière (Bernanos).
‖ 4. Du point de vue de la forme : Analyser
formellement un texte.

• SYN. : 3 absolument, catégoriquement,


expressément, nettement, rigoureusement ;
4 littéralement. — CONTR. : 3 confusément,
implicitement, vaguement.

formène [fɔrmɛn] n. m. (de for-m[ique],


avec la désinence chimique -ène ; 1877,
Littré). Nom anc. du MÉTHANE.

former [fɔrme] v. tr. (lat. formare, donner


une forme, arranger, confectionner, orga-
niser, régler, dresser, instruire, façonner
[au pr. et au fig.], de forma [v. FORME] ;

v. 1120, Psautier de Cambridge, au sens I,


1 ; sens I, 2, 1647, Corneille ; sens I, 3, 1667,
Racine ; sens I, 4, 1690, Furetière ; sens I,
5, 1673, Racine [« éprouver, ressentir — un
sentiment », 1636, Corneille ; former des
desseins, des voeux, etc., 1669, Racine ; se
former une opinion, 1839, Stendhal] ; sens I,
6, v. 1190, Garnier de Pont-SainteMaxence ;
sens I, 7, 1664, Molière ; sens I, 8, 1640,
Corneille ; sens II, 1, v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure [en bonneterie, XXe s.] ;
sens II, 2, 1680, Richelet ; sens II, 3, 1580,
Montaigne [« préparer à remplir une fonc-
tion particulière », v. 1692, Fénelon] ; sens
II, 4, av. 1778, Voltaire [« prendre telle dis-
position particulière », début du XXe s.] ;
sens III, 1, 1730, Ch. Rollin ; sens III, 2, av.
1778, Voltaire).

I. DONNER L’EXISTENCE ET LA FORME.


1. Créer un être en lui donnant sa forme
propre (en parlant du Créateur) : Dieu a
formé l’homme à son image. Lorsque Dieu
forma le coeur et les entrailles de l’homme,
il y mit premièrement la bonté (Bossuet).
En nous formant, Nature a ses caprices
(Molière). ‖ 2. Vx ou littér. Procréer,
engendrer (en parlant des êtres vivants) :
Songez qu’une barbare en son sein l’a for-
mé (Racine). ‖ 3. Class. Produire, prépa-
rer, réaliser, avec l’idée d’un effort tenace,
d’une longue élaboration : Ta haine a
pris plaisir à former ma misère (Racine).
‖ 4. Créer, réaliser, organiser une chose
complexe en réunissant les éléments né-
cessaires : Former les faisceaux. Former
une armée. Former un train. Former un
numéro de téléphone sur le cadran. For-
mer un gouvernement, un nouveau parti
politique, une société commerciale, une
association. Former une coalition, un
complot. ‖ 5. Class. et littér. « Produire
dans son esprit » (Acad., 1694), conce-
voir, imaginer (une idée, un plan) : Votre
âme empressée | Forme d’un doux hymen
l’agréable pensée (Racine). Nous croyons
pouvoir encore former des pensées lorsque
le corps ne travaille plus (Alain). Mon
esprit reste parfaitement capable de for-
mer des idées (Bernanos). ‖ Éprouver,
ressentir (un sentiment) : Vous n’avez
pu former une si noble envie (Corneille).
‖ Auj. Ce sens se trouve encore dans des
expressions comme former des projets,
des voeux, former le projet, le dessein de...,
etc. : Vous n’ignorez pas qu’il avait for-
mé le projet de vous unir à votre cousine
Camille ? (Musset). ‖ Se former une opi-
nion, fixer soi-même et pour son propre
usage ce que l’on doit penser de quelque
chose ou de quelqu’un : Une chose frappa
la duchesse et augmenta encore l’opinion
romanesque qu’elle s’était formée de son
neveu (Stendhal). ‖ 6. Class. Exprimer
ce que l’on a conçu ; formuler, présen-
ter en forme : Former une question, une
difficulté (Acad., 1694). Un notable dom-
mage, | Dont je formai ma plainte au juge
du village (Racine). ‖ 7. Class. et littér.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1981

Émettre, faire entendre : Les sons mer-


veilleux qu’elle formait passaient jusqu’au
fond de mon âme (Molière). Terre, élève
ta voix ; cieux, répondez ; abîmes, | Noir
séjour où la mort entasse ses victimes, | Ne
formez qu’un soupir (Lamartine). ‖ 8. En
parlant d’une chose, donner naissance
à une autre chose, produire : Fleur qui
formera un fruit. La condensation, sous
l’effet du froid, forme du givre. Le delta du
Rhône a été formé par les alluvions.

II. DONNER OU PRENDRE UNE CERTAINE


FORME. 1. Donner une forme particulière
à quelque chose, notamment à un objet
en façonnant la matière : Le potier forme
ses objets sur le tour. Former les plis d’une
robe. Former des figures géométriques. Un
enfant qui forme mal ses lettres. ‖ Spé-
cialem. Procéder au formage, à la mise
en forme des articles de bonneterie.
‖ 2. Donner à un mot la forme voulue
par telle ou telle catégorie grammaticale :
En français, on forme généralement le
pluriel des noms en ajoutant un « s » au
singulier. Comment formez-vous le futur
des verbes du premier groupe ? ‖ 3. Fig.
Éduquer quelqu’un selon certains prin-
cipes, développer ses aptitudes physiques
ou intellectuelles, tel ou tel aspect de sa
personnalité : Platon fut, à proprement
parler, celui qui contribua le plus à former
Démosthène (Rollin). Ma mère, douée de
beaucoup d’esprit et d’une imagination
prodigieuse, avait été formée à la lecture de
Fénelon, de Racine, de Mme de Sévigné, et
nourrie des anecdotes de la cour de Louis
XIV (Chateaubriand). Les soins qu’on
prend de notre enfance | Forment nos sen-
timents, nos moeurs, notre croyance (Vol-
taire). Cette uniformité était précisément
ce dont j’avais le plus grand besoin pour
achever de former mon caractère, que
des troubles continuels empêchaient de
se fixer (Rousseau). Former des hommes,
des citoyens. Former l’esprit, le goût. For-
mer des militaires à la discipline. ‖ Spé-
cialem. Préparer à remplir une fonction
particulière : Former des apprentis, des
ingénieurs, les cadres de l’armée. François
de Sales [...] disait [...] : « Après avoir tra-
vaillé pendant dix-sept ans à former seule-
ment trois prêtres tels que je les souhaitais
pour m’aider à réformer le clergé de mon
diocèse, je n’ai réussi à en former qu’un
seul et demi » (Renan). De mon temps, on
formait des hommes d’Église (Bernanos).
‖ 4. Prendre la forme ou l’aspect de (or-
dinairement en parlant de choses) : Des
collines qui forment un amphithéâtre. En
traversant Paris et sa banlieue, la Seine
forme plusieurs boucles. La chemise de
Mademoiselle qui, par l’effet du vin dont
elle est trempée, ne forme plus qu’un voile
transparent (France). ‖ Prendre telle
disposition particulière (dans des loc.
verbales) : Former écran. Former bloc.
Former cercle autour d’un camelot. Une

multitude [...] s’avançant folâtrement, for-


mant cortège (Gide).

III. ENTRER DANS UNE FORME OU UN EN-


SEMBLE. 1. Être le principal constituant
d’une chose : Le riz forme la base de l’ali-
mentation des populations d’Extrême-
Orient. C’est l’indulgence qui forme le
fond de son caractère. ‖ 2. Entrer comme
élément dans la constitution d’un en-
semble complexe : Les cellules qui forment
le corps. L’eau est formée de deux atomes
d’hydrogène et d’un atome d’oxygène. Gaz
qui forment un mélange détonant. Les ta-
bleaux qui forment sa collection doivent
revenir aux musées nationaux. Le rassem-
blement formé par les manifestants s’est
dispersé sans incident. Les blocs de granit
qui forment la bordure du trottoir sont
disposés bout à bout (Duhamel). Les ver-
tus qui forment le caractère d’un peuple
sont souvent démenties par les vices d’un
particulier (Voltaire).

• SYN. : I, 4 assembler, composer, fonder,


instituer, organiser, réunir ; 8 donner, se
transformer en. ‖ II, 1 bâtir, modeler,
tracer ; 3 dresser, élever, entraîner, façon-
ner, perfectionner ; 4 dessiner, présenter,
représenter.

& se former v. pr. (sens I, 1, 1659, Corneille ;


sens I, 2, 1647, Vaugelas [« prendre corps,
s’organiser », 1679, Bossuet ; impersonnel-
lement, av. 1648, Voiture] ; sens I, 3, 1647,
Descartes ; sens II, 1, 1679, Bossuet [« ache-
ver de se développer », 1761, J.-J. Rousseau] ;
sens II, 2, 1679, Bossuet [« en parlant des
qualités, évoluer vers le mieux », av. 1778,
Voltaire]).

I. 1. Être formé, recevoir son existence


et sa forme (en parlant d’un être vivant) :
L’enfant se forme dans le sein de la mère.
‖ 2. Prendre naissance, apparaître (en
parlant de choses concrètes ou abs-
traites) : Ces reliefs se sont formés à l’ère
tertiaire. Une pellicule commence à se for-
mer à la surface du lait. Des nuages qui
se forment dans le ciel. Des attroupements
se formaient à chaque instant (Maupas-
sant). Projet qui s’est formé rapidement.
‖ Prendre corps, s’organiser : On voit
les lois s’établir, les moeurs se polir et les
empires se former (Bossuet) ; et impers. :
Il s’y forma des monastères de veuves, de
filles (Chateaubriand). ‖ 3. Être conçu
par l’esprit : Il m’a toujours semblé
jusques ici que, lorsque je dors, elles [ces
idées des corps] se forment ainsi en moi
sans l’aide des objets qu’elles représentent
(Descartes).

II. 1. Prendre une certaine forme, une


certaine disposition : Armée qui se forme
en ordre de bataille, en carré. ‖ Spécia-
lem. Achever de se développer, de prendre
sa forme définitive : Les fruits se forment
peu à peu. Jeune fille qui s’est formée tard.
‖ 2. Fig. Acquérir une formation, une
instruction déterminée ou certaines ap-

titudes physiques : C’est là que s’étaient


formés Abailard, Amyot, de Thou, Boileau
(Chateaubriand). ‖ Spécialem. Acquérir
l’expérience de son métier : Artiste qui
s’est formé au contact du public. ‖ En
parlant des qualités, des aptitudes, évo-
luer vers le mieux : Un public dont le goût
s’est formé si difficilement (Voltaire).

• SYN. : I, 2 se constituer ; se bâtir, se


construire ; 3 naître. ‖ II, 1 se disposer, se
mettre, se ranger ; 2 se cultiver, s’instruire ;
s’améliorer, se perfectionner ; se façonner,
se faire.

formeret [fɔrmərɛ] n. m. (de forme ; 1397,


Gay). En architecture, arc latéral d’une
travée parallèle à l’axe de la voûte. On dit
aussi, adjectiv., ARC FORMERET.)

formiate [fɔrmjat] n. m. (du radical de


formi[que] ; 1787, Guyton de Morveau,
comme adj., dans l’expression sels for-
miates ; formiate, n. m., 1865, Littré). Sel
ou ester de l’acide formique : Formiate de
sodium.

Formica [fɔrmika] n. m. (nom déposé ;


mot angl., de for, pour, au lieu de, à la place
de, et de mica, mica [lat. mica, parcelle,
miette], proprem. « [matériau] tenant lieu
de [aussi solide que le] mica » ; v. 1950).
Matériau stratifié, constitué par du papier
imprégné de résine phénol-formol et dont
la surface est revêtue de résine artificielle.

formicage [fɔrmikaʒ] n. m. (dér. savant


du lat. formica, fourmi ; XXe s.). Habitude
de certains oiseaux de se frictionner à l’aide
de fourmis pour détruire les parasites de
leur plumage.

formica-leo [fɔrmikaleo] n. m. (bas


lat. formicoleon, fourmi-lion, de formica,
fourmi, et de leo, leonis, lion ; v. 1119, Ph. de
Thaon, écrit formicaleun, au sens de « larve
d’une libellule qui fait sa proie de fourmis » ;
écrit formica-leo, au sens actuel, 1834,
Balzac). Nom scientifique des insectes du
genre fourmi-lion : Le trou conique du for-
mica-leo (Renan).

formicant, e [fɔrmikɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. for-


micans, -antis, faible et fréquent [en parlant
du pouls], part. prés. adjectivé de formicare,
démanger, dér. de formica, fourmi ; v. 1560,
Paré). Vx. En médecine, s’est dit d’un pouls
faible et fréquent, produisant sous le doigt
une sensation de fourmillement.

formication [fɔrmikasjɔ̃] n. f. (lat. formi-


catio, -onis, fourmillement, démangeaison,
de formica, fourmi ; 1803, Wailly). Vx. En
médecine, syn. de FOURMILLEMENT.

formidable [fɔrmidabl] adj. (lat. for-


midabilis, redoutable, dér. de formidare,
redouter, craindre, de formido, -dinis,
effroi, terreur ; 1475, Chroniques des cha-
noines de Neuchâtel, au sens 1 ; sens 2, 1831,
V. Hugo ; sens 3, début du XXe s.). 1. Class.
Qui inspire ou qui est propre à inspirer
une crainte extrême ; effrayant (en parlant
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1982

des personnes et des choses, souvent avec


un complément) : Mon père... Ah ! quel
courroux animait ses regards ! | Moïse à
Pharaon parut moins formidable (Racine).
Cette âme sérieuse et austère, formidable
aux ennemis de l’État, inexorable aux fac-
tieux (La Bruyère). Est-ce là que devait
aboutir toute cette grandeur formidable au
monde ? (Bossuet). ‖ Auj. S’emploie encore
parfois littérairement en ce sens, sans com-
plément : On sentait l’approche d’une jeune
tyrannie plébéienne, féconde, il est vrai, et
remplie d’espérances, mais aussi bien autre-
ment formidable que le despotisme caduc
de l’ancienne royauté (Chateaubriand). La
troupe avait au bord des talus un aspect
suffisamment formidable (Gautier). C’est
dans un bois sinistre et formidable, au nord
| De la Gaule (Banville). « Non, Madame !
c’est ce qu’il faut taire ! » tonitrua l’abbé,
formidable (Gide). ‖ 2. Qui sort de l’ordi-
naire par son importance, sa force, son
intensité, ses possibilités, etc. : Deux for-
midables dîneurs sont en ce moment en
présence au château (Musset). Une passion
immense, doublée d’une volonté formidable,
tel était l’homme (Baudelaire). Et de temps
en temps, un obus du mont Valérien passant
comme un oiseau de nuit au-dessus de nos
têtes, avec un formidable battement d’ailes
(Daudet). La formidable bataille qu’on
annonce, qu’on attend depuis huit jours,
n’a pas encore eu lieu (Gide). ‖ 3. Fam.
Très beau, très remarquable, qui suscite
l’admiration : Madge a un manteau formi-
dable (Croisset). Un livre, un spectacle, un
projet formidable. C’est un type formidable.
‖ Fam. Étonnant, déconcertant : Et voilà
la dignité humaine qui vous revient. C’est
formidable (Sartre).

• SYN. : 2 fantastique, gigantesque, inouï,


prodigieux ; 3 admirable, épatant (fam.),
merveilleux, sensationnel ; extraordinaire.

formidablement [fɔrmidabləmɑ̃] adv.


(de formidable ; 27 avr. 1868, Moniteur uni-
versel, au sens 1 ; sens 2, 1879, A. Daudet).
1. Vx ou littér. D’une manière redoutable,
qui inspire la crainte : Il [le lion] dort sur
le pavé de l’antre, | Formidablement allongé
(Hugo). Ô formidablement gravie, | Et sur
d’effrayants échelons, | Je sens dans l’arbre
de ma vie | La mort monter de mes talons
(Valéry). ‖ 2. Fam. Énormément : Sa
femme avait exigé qu’en qualité d’aide de
camp il laissât pousser ses moustaches, ce
qui donnait une expression formidablement
martiale à sa bonne face amaigrie et pâlie
par les veilles, les fatigues de son service
auprès du roi (Daudet). L’air était feu ; la
splendeur absolue ; le silence plein de ver-
tiges et d’échanges ; la mort impossible ou
indifférente ; tout formidablement beau,
brûlant et dormant (Valéry).

• SYN. : 2 excessivement, extraordinaire-


ment, extrêmement, prodigieusement, ter-
riblement (fam.).

formier [fɔrmje] n. m. (de forme ; v. 1220,


G. de Coincy, au sens de « celui qui fait une
forme [une statue, un portrait] » ; sens 1,
1680, Richelet ; sens 2, XXe s.). 1. Ouvrier
qui fait des formes, ou moules, en bois,
imitant la forme du crâne, du pied, de la
jambe ou du buste. ‖ 2. Ouvrier chapelier
qui dresse et forme les feutres.

formique [fɔrmik] adj. (dér. savant du


radical du lat. formica, fourmi [v. à l’art.] ;
1787, Guyton de Morveau [aldéhyde for-
mique, XXe s.]). Acide formique, liquide
incolore, d’odeur piquante, vésicant, qui
existe à l’état naturel dans le corps des
fourmis, les orties, etc. ‖ Aldéhyde for-
mique, ou formaldéhyde, liquide volatil,
d’odeur forte, qui est un antiseptique très
efficace.

formol [fɔrmɔl] n. m. (de form[ique] ; fin


du XIXe s.). Solution aqueuse d’aldéhyde
formique : Le formol est un antiseptique
puissant. Il disposait les pièces anatomiques
dans les bocaux pleins de formol ou de solu-
tion picrique (Duhamel).

formolage [fɔrmɔlaʒ] n. m. (de formoler ;


XXe s.). Action de formoler.

formoler [fɔrmɔle] v. tr. (de formol ;


1912, Larousse). Soumettre à l’action du
formol ou de l’aldéhyde formique gazeux :
Formoler un appartement.

formologie [fɔrmɔlɔʒi] n. f. (de formo-,


élément tiré de forme, et de -logie, du gr.
logos discours, science ; 1968, Larousse).
Méthode de classement des objets en fonc-
tion de leur forme.

formosan, e [fɔrmɔzɑ̃, -an] adj. et n. (de


Formose, n. géogr., lat. moderne Formosa,
fém. substantivé de l’adj. du lat. class. for-
mosus, beau, de belle forme, dér. de forma,
forme, beauté [l’île ayant été ainsi nom-
mée par les Portugais à cause de sa beauté] ;
1872, Larousse). Qui se rapporte à Formose
(T’ai-wan) ; habitant ou originaire de cette
île.

formuer [fɔrmɥe] v. tr. (de for- [v. FORS]


et de mue ; 1690, Furetière). En termes de
vénerie, faire passer la mue à un oiseau.

formulable [fɔrmylabl] adj. (de formu-


ler ; 1877, Littré). Qui peut être formulé :
Un souhait qui n’est pas formulable.

formulaire [fɔrmylɛr] n. m. (de formule,


d’après le lat. impér. formularis, avoué
rompu aux formules, substantivation de
l’adj. formularis, relatif aux formules juri-
diques, de formula [v. FORMULE] ; 1426,
Dict. général, au sens 1 [en droit ; « recueil
de formules, de prescriptions, en géné-
ral », 1694, Acad. ; formulaire de foi, 1688,
Bossuet ; le Formulaire, av. 1662, Pascal] ;
sens 2, XXe s.). 1. Recueil de formules, de
prescriptions : Personne ne connaissait plus
à fond le formulaire des situations hiérar-
chiques, comment on écrit à un président
de tribunal, à un évêque, un chef de corps
(Daudet). Il y a des règles, Monsieur le
Préfet, un formulaire, un rituel pour cette
sorte d’opérations (France). Formulaire
pharmaceutique. ‖ Spécialem. En droit,
recueil de modèles d’actes juridiques : Le
formulaire des notaires. ‖ Formulaire de
foi, profession de foi dressée par articles
dont la formule est arrêtée. ‖ Absol. Le
Formulaire, bref d’Alexandre VII au sujet
du livre de Jansénius. ‖ 2. Imprimé où
figure une série de questions, générale-
ment d’ordre administratif, auxquelles la
personne intéressée doit répondre : Remplir
un formulaire.

• SYN. : 1 codex ; 2 questionnaire.

formulation [fɔrmylasjɔ̃] n. f. (de for-


muler ; 1846, Bescherelle, aux sens 1-2).
1. Action de formuler, d’énoncer de façon
précise et complète ; manière d’exprimer
quelque chose : La formulation d’une
doctrine. Une formulation incorrecte.
‖ 2. Action d’exprimer à l’aide de formules.

formule [fɔrmyl] n. f. (lat. formula, cadre,


règle, formulaire de prescriptions, formule
de contrat, règlement, de forma [v. FORME] ;
1495, J. de Vignay, au sens I, 1 [rare av. le
XVIIe s.] ; sens I, 2, 1690, Furetière [formule
exécutoire, 1872, Larousse] ; sens I, 3, av.
1696, La Bruyère ; sens I, 4, 1865, Littré ;
sens I, 5, XXe s. ; sens II, 1, 1752, Voltaire
[formule de résolution, XXe s.] ; sens II, 2,
1872, Larousse [formule cytologique, leu-
cocytaire, dentaire, florale, XXe s.] ; sens II,
3, 1872, Larousse [selon la formule, 1732,
Trévoux] ; sens II, 4, 1837, Balzac ; sens II,
5, 1838, Balzac ; sens II, 6, av. 1885, V. Hugo
[en publicité, 1937, Gide] ; sens II, 7, milieu
du XXe s.).

I. FORME PRÉCISE ET DÉTERMINÉE SUI-


VANT LAQUELLE UNE CHOSE DOIT ÊTRE
EXPRIMÉE. 1. Paroles que l’on est tenu
de prononcer en certaines occasions : La
formule d’une prière, d’un serment. Telle
était la formule de leurs voeux : « Moi,
frère..., je fais voeu de pauvreté, de chas-
teté et d’hospitalité » (Chateaubriand). La
formule que les prêtres emploient pour le
baptême (Nerval). ‖ 2. Modèle d’après
lequel des actes juridiques de même na-
ture doivent être rédigés : Une formule de
testament. Formule diplomatique. ‖ For-
mule exécutoire, formule apposée par les
greffiers et les notaires à la fin des déci-
sions de justice et de certains actes nota-
riés, par laquelle le chef de l’État prescrit
aux agents de la force publique de faire
exécuter l’acte ou de prêter leur concours
à cette exécution. ‖ 3. Expression consa-
crée par l’usage, que la politesse, les
convenances imposent dans certaines
circonstances : Formule épistolaire. For-
mule de politesse. Tu mis au bas de ta
lettre une belle formule très juste (Barrès).
‖ 4. Expression toute faite, cliché dont
on se sert par paresse d’esprit : Habile à
prendre les mots pour des choses et prompt
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1983

à mettre des formules au-devant de la réa-


lité (Gide). ‖ 5. Imprimé d’un modèle
standard, destiné à être complété par les
usagers et qui sert à certaines formalités
administratives : Formule de mandat, de
télégramme. Formule de demande de carte
d’identité, de déclaration de revenus.

II. EXPRESSION CONCISE ET RIGOUREUSE,


SOUVENT SYMBOLIQUE, RÉSUMANT UN
CERTAIN NOMBRE DE DONNÉES, GÉNÉ-
RALEMENT SCIENTIFIQUES. 1. Expression
définissant les rapports essentiels qui
existent entre les termes d’un ensemble
ou traduisant une loi scientifique (ma-
thématiques, physique, etc.) : Formule
algébrique. La formule de l’addition des
vitesses dans la relativité générale. Nous
savons même exprimer par une formule
leurs caractères de symétrie [de cer-
taines formes naturelles] ou les repré-
senter d’assez près par une construction
géométrique (Valéry). ‖ Spécialem. En
mathématiques, expression d’une iden-
tité remarquable et souvent employée : La
formule du binôme. ‖ Formule de résolu-
tion, ou simplem. formule, expression de
la valeur d’une inconnue en fonction des
données. ‖ 2. Formule chimique, schéma
qui indique, sous une forme condensée
et symbolique, la nature d’un corps et
sa composition. ‖ Formule cytologique,
proportion et nombre respectif des divers
éléments figurés d’un liquide organique,
normal ou pathologique. ‖ Formule leu-
cocytaire, taux des différentes catégories
de leucocytes (globules blancs) contenus
dans un sang donné. ‖ Formule dentaire,
indication schématique du nombre et de
l’emplacement des dents d’un mammi-
fère. ‖ Formule florale, celle qui résume
la composition d’une fleur. ‖ 3. Prescrip-
tion des moyens de traiter une maladie,
rédigée par le médecin conformément
aux règles. ‖ En pharmacie, indication
des divers éléments qui doivent entrer
dans la préparation d’un médicament,
avec leurs doses. ‖ Selon la formule, se-
lon l’ordonnance, ou selon les prescrip-
tions du Codex. (Abrév. : S.F.) ‖ 4. Fig.
Expression du principe essentiel d’une
réalité quelconque : Formule artistique.
La formule du paysage algérien (Fromen-
tin). Mais nous-mêmes, ne sommes-nous
point occupés tantôt dans le « monde des
corps », tantôt dans celui des« esprits » ;
et toute notre philosophie n’est-elle pas
éternellement en quête de la formule qui
absorberait leur différence ? (Valéry).
‖ 5. Moyen ou ensemble de moyens
permettant de trouver la solution type à
un problème : C’est grâce à une formule
transactionnelle que l’on a pu faire abou-
tir la négociation. ‖ Spécialem. Manière
de concevoir, d’organiser, de présenter
quelque chose : Une formule économique
de vacances. Une nouvelle formule de cré-
dit à la construction. Un spectacle d’une
formule tout à fait inédite. ‖ 6. Expres-

sion vigoureuse et condensée qui résume


une idée ou un ensemble d’idées : Une
nouvelle règle de vie dont il a trouvé de-
puis peu la formule : si tu ne fais cela, qui
le fera ? (Gide). ‖ Spécialem. Formule pu-
blicitaire, phrase courte, frappante, van-
tant au public les qualités d’un produit :
Il cherchait [...] les formules de publicité
qu’il lui proposerait d’adopter (Romains).
‖ 7. Dans les compétitions automobiles,
catégorie de voitures possédant des puis-
sances voisines : Une épreuve réservée aux
voitures de formule 1.

• SYN. : I, 2 libellé.‖ II, 4 combinaison ;


5 méthode, procédé, système ; 6 devise,
maxime ; slogan.

formuler [fɔrmyle] v. tr. (de formule ;


XIVe s., La Curne, au sens 4 [rare av.
le XIXe s.] ; sens 1, 1832, Balzac ; sens 2,
1865, Littré ; sens 3, 1845, Bescherelle).
1. Mettre en formule ; rédiger la formule
de : Formuler un théorème. Formuler une
ordonnance médicale. ‖ 2. Rédiger d’après
une formule : Formuler un décret, un acte
notarié. ‖ 3. Énoncer de façon précise et
complète : Formuler une doctrine, un dia-
gnostic. Formuler ses griefs, ses revendica-
tions. Mais j’ai tant de mal à formuler la
moindre pensée qu’il me semble que je ne
sais plus écrire (Gide). ‖ 4. Exprimer de
façon quelconque : Si je ne formule plus ma
prière, en connaîtrez-vous moins pour cela
le délirant souhait ? (Gide). Son regard me
posait malgré lui une question à laquelle
j’aurais été bien en peine de répondre,
puisqu’il refusait de la formuler (Bernanos).
• SYN. : 2 établir ; 3 exposer, notifier ; 4 dire,
émettre, expliciter.

fornicateur, trice [fɔrnikatoer, -tris]


n. (bas lat. fornicator, -trix, débauché[e],
de fornicatum, supin de fornicare [v. FOR-
NIQUER] ; fin du XIIe s., Dialogues de saint
Grégoire, écrit fornicator ; fornicateur,
XIVe s.). Personne qui commet le péché de
fornication (dans le langage religieux ou
plaisant).

fornication [fɔrnikasjɔ̃] n. f. (bas lat.


fornicatio, fornication [« cintrage » en
lat. class.], de fornicatum, supin de forni-
care [v. FORNIQUER] ; v. 1120, Psautier de
Cambridge, écrit fornicaciun [fornication,
XIIIe s.], au sens 1 [« relations charnelles,
en général », av. 1453, Monstrelet] ; sens 2,
1690, Furetière). 1. Dans le langage reli-
gieux, péché simple de la chair, c’est-à-dire
relations charnelles entre personnes qui
ne sont ni mariées ni liées par un voeu.
‖ Par extens. Relations charnelles en géné-
ral (souvent par plaisanterie). ‖ 2. Fig. En
termes bibliques, infidélité du peuple juif
abandonnant le vrai Dieu pour les dieux
étrangers.

forniquer [fɔrnike] v. intr. (bas lat.


ecclés. fornicare, -ari, commettre le péché
de luxure, s’adonner à la corruption ou à
l’idolâtrie, de fornix, -icis, cintre, arche,

porte cintrée ou voûtée, lieu de prostitu-


tion, lupanar ; 1564, J. Thierry [« avoir des
relations charnelles », fin du XIXe s.]). Dans
le langage religieux, commettre le péché
de fornication, de luxure. ‖ Par extens. et
plaisamm. Avoir des relations charnelles :
J’ai désiré la femme de mon prochain, j’ai
soufflé la débauche au coeur des jeunes filles
et, dans les champs, sous l’infini regard de
Dieu, comme un bouc immonde, j’ai forni-
qué (Mirbeau).

1. forpaiser [fɔrpeze] v. intr. (var. de


se forpaistre, v. pr., même sens [milieu du
XVIe s., Amyot], forpaître, v. intr. [1636,
Monet], de for- [v. FORS] et de paître ; 1762,
Acad.). En parlant des bêtes domestiques,
paître hors de leur pacage ordinaire.

2. forpaiser [fɔrpeze] v. intr. (de for- [v.


FORS] et de pays ; v. 1265, Livre de jostice,
comme v. tr., écrit forspaisier, au sens de
« bannir » ; XIIIe s., Assises de Jérusalem,
comme v. intr., écrit forpaisier, au sens de
« quitter son pays » ; écrit forpaiser, au
sens actuel, 1402, La Curne). En parlant
des bêtes sauvages poursuivies à la chasse,
se retirer dans des pacages éloignés.

forpaisson [fɔrpɛsɔ̃] n. f. (de for- [v. FORS]


et de l’anc. mot paisson, tout ce que paissent
et broutent les animaux, temps pour lequel
le droit de faire paître les porcs dans la forêt
a été accordé [XIIIe s., Godefroy], lat. pastio,
action d’élever des bestiaux, etc., pâturage,
pacage, de pastum, supin de pascere, faire
paître ; 1865, Littré). Délit commis par ceux
qui laissent paître sans droit des porcs dans
un bois.

forpaître v. intr. V. FORPAISER 1.

fors [fɔr] prép. (lat. foris, dehors ; v. 980,


Fragment de Valenciennes, comme adv.,
écrit foers, au sens de « en dehors » ; écrit
fors, au sens I, XIIe s., Lois de Guillaume
[fors excepté, 1665, La Fontaine] ; sens II,
XIe s.).

I. Class. et littér. Excepté, sauf : Toute la


troupe était lors endormie | Fors le galant
(La Fontaine). J’aime tous les divertisse-
ments fors le jeu (Furetière, 1690). For-
tune, intelligence, beauté, il semble qu’ils
aient tout, fors une âme (Gide). Tout
l’organisme n’a d’emploi qu’à la reconsti-
tution de son sang — tout, fors, peut-être,
l’entretien et le service du matériel de la
reproduction, fonction toute spéciale (Va-
léry). ‖ Class. Fors excepté, même sens :
Le mal d’autrui ne me tourmente en rien, |
Fors excepté ce qui touche au compère (La
Fontaine).

II. Premier élément de composés an-


ciens, parfois sous une forme modifiée :
for-, four-, fau-, hor-.

• REM. Courant au XVIe s., fors vieillit au


XVIIe. « Tout à fait banni de la prose »,
selon Vaugelas (1647), qui l’admet seu-
lement en poésie, il est considéré comme
sorti de l’usage par le P. Bouhours, Ri-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1984
chelet, l’Académie (1694), mais non par
Furetière.

forsythia [fɔrsitja] n. m. (du n. de


Guillaume Forsyth, horticulteur écossais
[1737-1804] ; 1839, Boiste). Arbrisseau ori-
ginaire de la Chine et du Japon, cultivé
en France pour l’ornement des parcs, et
dont les fleurs jaune d’or apparaissent au
début du printemps, avant les feuilles : « Et
vous avez manqué les forsythias, poursuivit
Thérèse. — Qu’appelez-vous forsythias ? —
Une plante dorée qui fleurit en hiver pour
remplacer le soleil » (Duhamel).

1. fort, e [fɔr, -ɔrt] adj. • ÉTYM. Lat.


fortis, solide, vigoureux, courageux, éner-
gique ; 1080, Chanson de Roland (fort a
été la forme commune aux deux genres,
masc. et fém., jusqu’au XIVe s.). — A :
sens I, 1, 1080, Chanson de Roland (fort
comme un boeuf, 1865, Littré ; fort comme
un Turc, 1690, Furetière ; le sexe fort, 1762,
J.-J. Rousseau ; la manière forte, XXe s.) ;
sens I, 2, 1690, Furetière ; sens I, 3, 1580,
Montaigne (« gros, corpulent », av. 1872,
Th. Gautier ; à propos d’une partie du corps
particulièrement développée, milieu du
XVIe s., Amyot ; fort de [et un nom], XXe s.) ;
sens I, 4, 1662, Racine ; sens II, 1659, Molière
(fort en thème, 1850, A. Karr [au sens péjor.,
1914, Gide] ; fort en gueule, 1669, Molière ;
esprit fort, « athée », début du XVIIe s., et
« sceptique ou non conformiste », 1690,
Furetière ; il n’est pas [très] fort, 1865,
Littré) ; sens III, fin du XIIe s., Châtelain
de Coucy (femme forte, 1690, Furetière ; le
Dieu fort, v. 1530, C. Ma-rot ; forte tête, 1861,
G. Esnault) ; sens IV, 1, v. 1360, Froissart
(l’homme fort, 1968, Larousse ; une armée
forte, 1690, Furetière ; avoir affaire à forte
partie, XIVe s., Cuvelier) ; sens IV, 2, v.
1360, Froissart (fort de quelque chose, v.
1530, C. Marot ; se faire fort de, XIVe s.,
Cuvelier ; se porter fort pour quelqu’un,
1809, Wailly [se faire fort pour quelqu’un,
même sens, 1456, La Sale]). — B : sens I,
1, 1080, Chanson de Roland (terre forte,
XIIIe s., Roman de Renart ; colle forte, 1690,
Furetière) ; sens I, 2, v. 1196, J. Bodel ; sens I,
3, v. 1354, Modus ; sens I, 4, 1080, Chanson
de Roland (mer forte, v. 1354, Modus ;
consonnes fortes, et fortes n. f. pl., 1872,
Larousse ; temps fort, 1757, Encyclopédie) ;
sens I, 5, v. 1207, Villehardouin ; sens I, 6, v.
1530, C. Marot (pour une sauce, etc., 1690,
Furetière ; beurre fort, 1680, Richelet ; café,
thé fort, 1890, Dict. général ; liqueurs fortes,
1770, Raynal [« qui a une forte teneur en
alcool, pour un vin, etc. », XIIIe s.]) ; sens
I, 7, av. 1549, Marguerite de Navarre (une
armée forte de, v. 1680, Racine ; monnaie,
devise forte, XXe s. ; payer le prix fort, XXe s.
[d’abord « payer un prix comportant un
rabais », 1890, Dict. général]) ; sens I, 8,
1080, Chanson de Roland (pour des êtres
animés, v. 1534, Bonaventure Des Périers ; le
plus fort, XVe s., Littré) ; sens II, 1, av. 1549,
Marguerite de Navarre ; sens II, 2, 1642,

Corneille (cela est plus fort que moi, 1865,


Littré) ; sens II, 3, fin du XIIIe s., Joinville
(à plus forte raison, 1580, Montaigne) ;
sens II, 4, av. 1662, Pascal ; sens II, 5, fin
du XIVe s., E. Deschamps (c’est fort, 1692,
Caillières ; fort de café, 1732, Brunot ;
c’est plus fort que de jouer au bouchon,
en dire de fortes, XXe s.) ; sens II, 6, fin du
XIVe s., E. Deschamps (ce n’est pas [très]
fort, XXe s.) ; sens II, 7, milieu du XVIIIe s.,
Buffon ; sens II, 8, XXe s.

A. En parlant des êtres animés.

• I. DU POINT DE VUE PHYSIQUE. 1. Qui


est doué d’une grande vigueur muscu-
laire, qui peut fournir un grand effort
physique : Un homme fort. Être fort des
bras. Depuis sa dernière maladie, il n’est
plus très fort. Tu es leste et fort [...] , fais-
toi contrebandier (Mérimée). ‖ Fort
comme un boeuf, comme un Turc, extrê-
mement fort. ‖ Le sexe fort, le sexe mas-
culin, les hommes. ‖ Prêter main-forte à
quelqu’un, v. MAIN-FORTE. ‖ Par extens.
La manière forte, l’usage de la force, de
la violence, de la contrainte : Recou-
rir à la manière forte. ‖ 2. Qui est doué
d’une grande robustesse, d’une grande
résistance et semble à l’abri des atteintes :
Forte constitution. Avoir une forte santé.
Une forte nature. Une race forte. ‖ 3. Qui
est d’une grande taille, d’une stature
puissante, athlétique : Le prince parut,
grand, fort (Zola). Un fort gaillard. ‖ Par
euphémisme, se dit pour gros, corpu-
lent : Une dame un peu forte (M. Prévost).
Carola était une jeune femme assez forte,
ou, mieux, un peu grasse, mais bien faite
et saine d’aspect (Gide). ‖ Spécialem. Se
dit d’une partie du corps qui est parti-
culièrement développée : Un nez fort.
Une forte poitrine. Avoir des chevilles
fortes. J’aimais ses mains fortes et rouges
(France). ‖ Fort de (et un nom désignant
une partie du corps), avoir cette partie du
corps très développée : Une femme forte
des hanches. Un cheval fort d’encolure.
‖ 4. Class. et fig. Qui marque l’énergie :
Des yeux forts, reluisants et perçants
(Racine).

• II. DU POINT DE VUE DES APTITUDES.


Qui a de grandes capacités intellec-
tuelles ; qui a des connaissances éten-
dues ou un grand savoir-faire dans tel
ou tel domaine : Être fort en latin. Être
fort aux échecs, au billard. Un athlète fort
au lancer du poids. Je suis diablement
fort sur l’impromptu (Molière). J’avançai
dans l’étude des langues ; je devins fort
en mathématiques, pour lesquelles j’ai
toujours eu un penchant décidé : j’aurais
fait un bon officier de marine ou de génie
(Chateaubriand). Sa grande et grosse
fille [...] qui passait pour être forte sur le
piano (Balzac). ‖ Substantiv. Un fort en
thème, un élève sérieux qui réussit par
son travail ; péjor., un élève travailleur,

mais d’une intelligence moyenne : Après


qu’un de nos forts en thème [...] lui eut dit
un jour :« Il est commode de dédaigner ce
dont on ne serait pas capable [...] », Pro-
tos se piqua, s’entêta quinze jours durant,
fit si bien qu’à la composition qui suivit il
passa par-dessus la tête de l’autre (Gide).
‖ Pop. Fort en gueule, qui a le verbe haut,
la repartie prompte et insolente : Vous
êtes, ma mie, une fille suivante | Un peu
trop forte en gueule et fort impertinente
(Molière) ; qui n’est fort qu’en paroles.
‖ Class. Un esprit fort, celui qui s’est libé-
ré des croyances religieuses, athée, incré-
dule : Il faudrait s’éprouver et s’examiner
très sérieusement, avant que de se décla-
rer esprit fort ou libertin (La Bruyère) ;
auj., personne sceptique ou non confor-
miste, qui s’est affranchie des préjugés
courants : C’est un bon prêtre, très bien-
veillant, très paternel et qui passe même
à l’archevêché pour un esprit fort, un peu
dangereux (Bernanos). ‖ Il n’est pas très
fort, euphémisme employé pour désigner
quelqu’un de capacité médiocre.

• III. DU POINT DE VUE MORAL. Qui est


doué d’une grande force morale ; qui
est capable de supporter les épreuves, de
résister aux sollicitations extérieures ou
à ses propres entraînements : Une âme
forte. Qui n’est pas maître de ses passions
n’a rien de fort, car il est faible dans le
principe (Bossuet). ‖ Femme forte (par
allusion à l’Écriture [Prov., XXXI, 10-31]),
et, auj., forte femme, femme énergique
et courageuse : Dieu suscite de temps
en temps des femmes fortes, qu’il élève
au-dessus des faiblesses ordinaires de la
nature (Bossuet). ‖ Le Dieu fort, le dieu
des Hébreux, par opposition aux dieux
impuissants des Gentils : Le vrai Dieu,
le Dieu fort est le Dieu des idées (Vigny).
‖ Forte tête, se dit d’une personne indo-
cile, rebelle à la discipline.

• IV. DU POINT DE VUE DE L’ACTION. 1. Qui


a la force matérielle, qui dispose des
moyens d’imposer sa volonté, d’assurer
son autorité (en parlant d’une personne
ou d’un groupement de personnes) : Un
roi fort. Un gouvernement fort. Régime
fort. ‖ L’homme fort, celui dont le pou-
voir est déterminant dans une collecti-
vité : L’homme fort d’un parti, d’un pays.
‖ Une armée forte, capable d’assurer la
victoire par sa puissance, son efficacité :
Il était nécessaire que l’armée floren-
tine s’avançât, aussi forte que possible
(France). [V. aussi § B, I, n. 7] ‖ Avoir
affaire à forte partie, avoir un adversaire,
un concurrent redoutable ; être en butte
à des difficultés importantes. ‖ 2. Qui
a de l’influence, de puissants moyens
d’action, du fait de sa situation, de sa
position dans la société : Il est fort grâce
à ses nombreuses relations. Le plus fort
n’est jamais assez fort pour être toujours
le maître (Rousseau). La menace du plus
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1985

fort me fait toujours passer du côté du plus


faible (Chateaubriand). ‖ Fort de quelque
chose, qui tire sa force, sa conviction, son
assurance de cette chose : Fort de mon
bon droit, j’ai protesté. Valois plein d’es-
pérance et fort d’un tel appui... (Voltaire).
‖ Se faire fort de, s’estimer, s’affirmer
capable de : Il se targuait de leur intimité,
se faisait fort d’adoucir son ami (Barrès).
Et, comme ils se font forts de pouvoir,
en deux ou trois semaines, contraindre
militairement la Serbie à capituler, quels
risques courent-ils ? (Martin du Gard).
[V. Rem.] ‖ Se porter fort pour quelqu’un,
se porter garant pour lui : Tous les habi-
tants notables de Greux et de Domremy
se portèrent fort les uns pour les autres
(Hanotaux). [V. REM.]

• SYN. : I, 1 athlétique, costaud (fam.),


musclé ; 2 résistant, robuste, solide, vigou-
reux ; 3 corpulent, massif ; épais, volumi-
neux.‖ II bon, calé (fam.), capable, doué,
excellent, ferré (fam.), habile, maître, trapu
(arg. scol.). ‖ III courageux, inébranlable,
résolu, trempé.‖ IV, 1 absolu, despotique,
dictatorial ; 2 influent, puissant. — CONTR. :
I, 1 chétif, déficient, malingre, souffreteux ;
2 débile, délicat, fragile ; 3 fluet, frêle, menu,
mince, rachitique.‖ II ignorant, mauvais,
médiocre, nul.‖ III faible, frivole, influen-
çable.‖ IV, 1 impuissant, inconsistant, vel-
léitaire, vulnérable ; 2 faible, humble, petit.

B. En parlant des êtres inanimés.

• I. APPLIQUÉ À DES CHOSES MATÉRIELLES.


1. Qui présente une grande solidité,
une grande robustesse, qui peut résis-
ter à différentes actions (choc, pression,
étirement, etc.) par son épaisseur, sa
densité, sa structure : Du papier, du car-
ton fort. Un fil fort. Une forte barbe. De
fortes murailles. Une poutre qui n’est pas
assez forte. Avec ses fortes chaussures, il
ressemble à un paysan quelconque (Ber-
nanos). ‖ Terre forte, terre argileuse,
compacte, difficile à labourer. ‖ Colle
forte, colle douée d’un grand pouvoir
adhésif et qui donne un collage très ré-
sistant. ‖ Coffre-fort, v. à l’ordre alphab.
‖ 2. Qui est doté de puissants moyens
de défense et est en état de résister aux
attaques : Place forte. Ville forte. Château
fort. L’ennemi occupe de fortes positions.
‖ 3. Class. Épais, touffu, dru (en parlant
de la végétation) : Les blés sont forts cette
année (Acad., 1694). Un bois extrême-
ment fort (ibid.). ‖ 4. Qui se manifeste,
agit avec force ou intensité (surtout en
parlant des agents physiques) : Une forte
vibration. Une forte poussée. Une forte se-
cousse tellurique. Vent fort. Vagues fortes.
En cet endroit du fleuve, le courant est très
fort. Il appelle à lui d’une voix forte les
chefs de l’armée (Fénelon). Le rugissement
du lion, fort, sec, âpre, est en harmonie
avec les sables embrasés où il se fait en-
tendre (Chateaubriand). ‖ Mer forte, état

de la mer quand les lames sont creuses et


secouent le bâtiment. ‖ Consonnes fortes,
ou, substantiv., fortes, consonnes émises
avec une tension articulatoire marquée
des organes phonateurs (par opposition
à consonnes douces) : [p], [t], [k] sont
des consonnes fortes. ‖ Temps fort, en
musique, temps le plus accentué de la
mesure. ‖ 5. Qui agit avec efficacité, qui
peut produire de grands effets : Un acide
fort, une base forte. L’acide sulfurique est
un acide fort. Un médicament fort. Un
engrais, un désherbant très fort, à utiliser
avec précaution. ‖ Eau-forte, v. à l’ordre
alphab. ‖ 6. Qui produit une impression
marquée, et souvent désagréable, sur les
organes des sens : Lumière forte. Bruit
fort. Odeur forte. Une forte odeur d’es-
sence. Une douce odeur de tabac maure
se mêle alors aux fortes exhalaisons de
ce taudis (Fromentin). ‖ Par extens. Se
dit d’une substance, d’un aliment dont
la saveur, l’odeur affectent avec inten-
sité le goût, l’odorat : Sauce forte. Condi-
ment très fort. Un fromage fort. Aimer le
tabac fort. Il est de forts parfums pour qui
toute matière | Est poreuse (Baudelaire).
‖ Beurre fort, beure rance, à saveur âcre
et odeur désagréable. ‖ Café, thé fort,
infusion de café, de thé très concentrée.
‖ Liqueurs fortes, liqueurs à grande
teneur en alcool : J’entrais en des cafés
et demandais quelque liqueur forte que
je buvais avec flamme (Sainte-Beuve).
‖ 7. Considérable par l’importance, la
quantité, la valeur (en parlant de choses
mesurables ; généralement placé avant
le nom) : De fortes pluies. Une forte cha-
leur. Une forte chute de neige. Un navire
de fort tonnage. Une forte somme. Un fort
salaire. Au cours du dernier trimestre, on
a constaté une forte hausse des prix de
détail. De fortes chances. ‖ Une armée
forte de, une armée dont l’effectif est de :
L’armée d’Alexandre, forte de trois cent
mille hommes (Ségur). [V. aussi § A, IV,
n. 1.] ‖ Monnaie, devise forte, monnaie
qui, dans les relations internationales, est
librement négociable et immédiatement
convertible contre les monnaies les plus
appréciées. ‖ Payer le prix fort, payer le
prix maximal, un prix sur lequel il n’a été
consenti aucune réduction ; par extens.,
payer plus qu’on ne devrait. ‖ 8. Class. et
fig. Difficile, pénible, lourd : Ils trouvèrent
une montagne forte à monter (Acad.,
1694). Je ne vous demande pas de [...] faire
un homme d’esprit, un homme bien fait,
une belle femme ; l’entreprise est forte
et au-dessus de vous (La Bruyère). ‖ Se
disait aussi en parlant des êtres animés :
Il n’est tigre d’Asie, il n’est lion d’Afrique
| Ni monstre si funeste et si fort à domp-
ter (Rotrou). ‖ Class. Le plus fort, le plus

pénible ou le plus désagréable : Que reste-


t-il ? le plus fort en est fait (La Fontaine).

• II. APPLIQUÉ À DES CHOSES IMMATÉ-


RIELLES. 1. Qui est ressenti avec une
vivacité, une acuité particulière (en
parlant d’une sensation, d’une impres-
sion) : Éprouver une forte douleur. Le
nouveau directeur a fait une forte im-
pression. ‖ 2. Qui s’impose d’une façon
impérieuse (en parlant d’un état affectif,
d’un état de conscience) : Un sentiment
très fort. Une forte tentation. Il a un fort
penchant pour la paresse. À moins d’une
secrète et forte antipathie (Corneille). Les
opinions et surtout la vanité sont plus
fortes que les intérêts (Constant). Une
résolution forte change sur-le-champ le
plus extrême malheur en un état suppor-
table (Stendhal). Leur rivalité est d’autant
plus forte qu’elle ne tient sans doute à rien
(Camus). ‖ Cela est plus fort que moi, se
dit d’un sentiment, d’un entraînement
auquel on ne peut résister. ‖ 3. Qui est
solidement fondé, qui suscite l’adhésion
de l’esprit par son caractère d’évidence :
Fortes objections. Fortes présomptions.
C’est un argument fort. ‖ À plus forte rai-
son, d’autant plus, plus encore. ‖ 4. Qui a
un grand pouvoir d’évocation, qui joint la
force à la justesse (en parlant des moyens
d’expression, des oeuvres) : Style fort. Au
sens fort du mot. Son dernier roman est
une oeuvre très forte. Je vous écoute dire,
et votre rhétorique | En termes assez forts
à mon âme s’explique (Molière). ‖ 5. Qui
dépasse la mesure ; qui est difficile à
admettre, à croire, du fait de son carac-
tère excessif, outré : Plaisanteries un peu
fortes. ‖ C’est fort, c’est un peu fort, c’est
trop fort, ou, fam., c’est un peu fort de
café, cela dépasse les bornes, c’est difficile
à accepter ou à supporter : Qu’avec de la
matière et du mouvement on fasse des or-
ganes sentants et des têtes pensantes, cela
est bien fort (Rousseau). « Vous croyez à
cela, Monseigneur ? — Je voudrais bien
savoir comment je n’y croirais pas. —
Hum, c’est bien fort » (Musset). S’ennuyer
autant que je fais, c’est trop fort (Vigny).
Ils ne sont pas encore venus savoir de vos
nouvelles ? C’est un peu fort de café cela !
(Balzac). ‖ Fam. C’est plus fort que de
jouer au bouchon (dans la neige), c’est
extraordinaire, incroyable ou inexpli-
cable. ‖ En dire de fortes, tenir des propos
incroyables ou inconvenants. ‖ 6. Qui
témoigne d’une habileté, d’un talent hors
du commun (en parlant des actions, des
réalisations) : Ce tour de prestidigitation
est très fort. ‖ Fam. Ce n’est pas fort, ce
n’est pas très fort, cela ne témoigne pas
d’une grande intelligence, d’un savoir-
faire particulier. ‖ 7. Qui atteint un haut
niveau, un haut degré de qualité (en par-
lant des connaissances, des acquisitions
intellectuelles) : Avoir de fortes connais-
sances scientifiques. Une forte instruction.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1986

Il achevait alors de fortes et brillantes


études (Chateaubriand). ‖ 8. Verbe fort,
en grammaire, verbe irrégulier.

• SYN. : I, 1 dur, épais, résistant ; 2 forti-


fié ; 4 impétueux, intense, sonore, violent ;
5 efficace ; 6 aveuglant, éblouissant, écla-
tant, entêtant, étourdissant, fétide, vif ;
épicé, piquant, relevé ; 7 abondant, dense,
énorme, grand, important.‖ II, 1 aigu, cui-
sant, insoutenable, intolérable, marquant ;
2 intense, invincible, irrésistible, marqué,
tenace ; 3 grave, lourd, sérieux ; 4 convain-
cant, éloquent, expressif, vivant ; 6 éton-
nant, extraordinaire. — CONTR. : I, 1 fin ;
4 assourdi, atténué, léger, sourd ; 5 ano-
din, inefficace, inopérant ; 6 doux, suave,
tamisé, voilé, fade ; 7 fin, mince, modéré,
petit.‖ II, 1 insignifiant ; 3 contestable, dis-
cutable, hasardeux ; 5 modéré, tolérable ;
6 banal, commun, quelconque.

• REM. Dans les expressions se faire fort


de, se porter fort pour, l’adjectif fort de-
meure invariable. Cet usage, conforme
à l’ancienne langue, est généralement
respecté ; toutefois, certains font logique-
ment varier l’adjectif : « La Libre Parole »
se fit forte de prouver... (Barrès).

& fort adv. (sens I, 1, 1273, Adenet ; sens


I, 2, 1080, Chanson de Roland [sentir fort,
XXe s. ; de plus en plus fort, début du XVe s.,
Ch. d’Orléans ; de plus en plus fort !, 1872,
Larousse ; y aller fort, 1916, G. Esnault] ;
sens II, 1-2, début du XVe s., Ch. d’Orléans).

I. ADVERBE DE MANIÈRE. 1. En déployant


une grande force physique : Frapper fort.
Serrer très fort. Mais la source suspen-
due | Lui répond sans dureté : | Si fort
vous m’avez mordue | Que mon coeur s’est
arrêté ! (Valéry). ‖ 2. Avec une grande
intensité : Parler fort. Il a gelé très fort la
nuit dernière. Votre poste de radio marche
trop fort. Un enfant qu’elle avait eu le cha-
grin de gronder trop fort (Vigny). Mon
coeur battait si fort que j’avais de la peine
à avancer (Proust). ‖ Sentir fort, dégager
une odeur violente. ‖ De plus en plus
fort, en allant crescendo, en augmentant :
Crier de plus en plus fort. ‖ Fam. De plus
en plus fort !, exclamation qui marque
l’étonnement, l’admiration devant un
exploit plus étonnant que le précédent.
‖ Fam. Y aller fort, exagérer en paroles,
en actes.

II. ADVERBE DE QUANTITÉ. 1. Avec un


verbe, une loc. verbale, a des emplois
limités dans la langue écrite et signifie
« beaucoup, extrêmement » : Avoir fort
à faire. Se tromper fort. Soupçonner fort
que... Je doute fort qu’il réussisse. J’ai cela
fort à coeur (Acad.). Celle [la plaisanterie]
de M. d’Anquetil l’irrita fort (France).
‖ Class. Cet emploi était beaucoup plus
étendu au XVIIe s. : Je vous excusai fort
sur votre intention (Molière). Il faut que
ceux qui parlent de la sorte n’aient pas
fort lu les anciens (Boileau). ‖ 2. Devant
un adjectif, un autre adverbe, une expres-

sion adjectivale ou adverbiale, marque le


superlatif et signifie « très » (dans un style
plus recherché) : Fort beau, fort laid. Fort
bien. Une femme fort intelligente. Il a fort
mauvais caractère. La duchesse, cette fois,
était fort agitée (Stendhal). Votre inhuma-
nité intellectuelle et technique se concilie
fort aisément, et même fort heureuse-
ment, avec votre humanité (Valéry). Il est
fort au-dessus de l’ordinaire (Acad.).

• SYN. : I, 1 dur, durement, fortement,


vigoureusement, violemment. — CONTR. :
I, 1 délicatement, doucement, modérément.

2. fort [fɔr] n. m. (emploi substantivé du


précéd. ; v. 1170, Livre des Rois, au sens I,
1 [« portefaix », 1690, Furetière ; fort de la
Halle, 1732, Trévoux] ; sens I, 2, début du
XVe s., Gerson ; sens I, 3, 1835, V. Hugo ; sens
II, XIIIe s. ; sens III, 1, 1690, Furetière [fort
d’une épée, 1671, Pomey ; fort d’un navire,
1865, Littré] ; sens III, 2, 1630, Chapelain
[« repaire, retraite de certains animaux
dans un bois fourré », v. 1354, Modus] ; sens
III, 3, av. 1549, Marguerite de Navarre ; sens
III, 4, XIVe s. [« ce en quoi une personne
excelle », 1648, Guez de Balzac]).

I. PERSONNE FORTE. 1. Personne d’une


grande vigueur musculaire, capable de
gros efforts physiques (peu usité au sens
général). ‖ Spécialem. et vx. Portefaix,
crocheteur : Les forts du port Saint-
Nicolas (France). ‖ Fort de la Halle (vx),
fort des Halles ou simplem. fort, porte-
faix agréé faisant le service des Halles
de Paris : À votre place, je paierais un
fort de la Halle pour lui flanquer une
raclée (Flaubert). ‖ 2. Personne qui dé-
tient la puissance matérielle (l’autorité,
les moyens financiers, etc.) : Protéger le
faible contre le fort. L’orgueil du fort se
laisse aller aisément à croire que le faible a
été formé pour lui (Condorcet). ‖ 3. Per-
sonne qui a une grande force morale, qui
montre de la fermeté, du courage dans
l’adversité : Il s’applique d’abord à mon-
trer de la sérénité : l’indifférence des forts
(Barrès).

II. CHOSE FORTE. Ouvrage de fortifica-


tion présentant un certain nombre de
fronts : Malte était debout, avec ses forts,
ses canons à fleur d’eau (Vigny).

III. PARTIE FORTE DE QUELQUE CHOSE


OU DE QUELQU’UN. 1. Fort d’une voûte,
d’une poutre, la partie qui offre le plus
de résistance à la charge. ‖ Fort d’une
épée, le tiers du tranchant à partir de la
garde, avec lequel les parades ont le plus
de force. ‖ Par extens. Fort d’un navire,
sa plus grande largeur. (On dit aussi
LARGEUR AU FORT.) ‖ 2. Class. Partie
la plus dense, la plus serrée d’un bois,
d’une forêt : S’enfoncer dans le fort du
bois. Courir dans le fort (Acad., 1694).
‖ Auj. et spécialem. Repaire, retraite de
certains animaux dans un bois fourré :
Le lièvre sortant de son fort et allant au

gagnage (Le Roy). ‖ 3. Fig. Au fort de, au


plus fort de, dans le fort de, au plus haut
degré de, au moment où une chose atteint
sa plus grande intensité : Au fort de la
chaleur. Au plus fort de sa colère. Dans le
fort du combat. Je n’avais pas de feu dans
mon taudis, même au plus fort de l’hiver
(Béranger). ‖ 4. Fig. Ce qui fait la force,
la puissance, la qualité essentielle d’une
personne ou d’une chose (généralement
par opposition à faible, le côté négatif) :
Les hommes d’ailleurs, qui tous savent le
fort et le faible les uns des autres, agissent
aussi réciproquement comme ils croient le
devoir faire (La Bruyère). Jean connaissait
bien le fort et le faible de cette tendresse
maternelle (Margueritte). ‖ Spécialem.
Ce en quoi une personne excelle (auj., le
plus souvent dans des tournures néga-
tives) : [M. de Saci] crut [...] devoir mettre
M. Pascal sur son fort et lui parler des lec-
tures de philosophes dont on le voyait tout
rempli (Sainte-Beuve). La bêtise n’est pas
mon fort (Valéry). Dans les derniers temps
de sa vie, la Révérende Mère donnait un
peu sans compter. Compter n’était pas son
fort (Bernanos).

• SYN. : I, 2 puissant. ‖ II forteresse, fortin.


‖ III, 3 coeur. — CONTR. : I, 2 faible, humble,
petit. ‖ III, 3 début, seuil.

forte [fɔrte] adv. (mot ital. signif. « for-


tement », du lat. fortis [v. FORT 1] ; 1767,
J.-J. Rousseau). Terme musical de nuance,
indiquant que l’exécutant doit renforcer le
son (abrév. f ou F) : Jouer forte. Musiciens,
un peu de musique, forte ! (Richepin).

& n. m. invar. (1845, Bescherelle). Passage


musical qui doit être exécuté en renforçant
le son : Rendez bien les forte.

fortement [fɔrtəmɑ̃] adv. (de fort, adj. [v.


ce mot] ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit
fortment [fortement, XIVe s.], au sens I, 5 ;
sens I, 1 et 3, milieu du XVIIIe s., Buffon
[écrit fortement] ; sens I, 2, 1273, Adenet
[écrit fortement] ; sens I, 4, 1080, Chanson
de Roland [écrit forment ; fortement,
XIVe s.] ; sens II, XIIe s., Roncevaux [écrit
forment ; fortement, 1564, J. Thierry]).

I. 1. Avec force : Frapper, appuyer forte-


ment. ‖ 2. Avec solidité : Cela tient for-
tement à la muraille (Acad.). Un noeud
fortement serré ; et littér. : Tournant
vers le moine sa maigre face où s’atta-
chaient fortement un nez en bec d’aigle
et des mâchoires menaçantes, il deman-
da encore : « Pourquoi ce peuple me
hait-il ? » (France). ‖ Avec des moyens
puissants : La vraie conception militaire
d’une défense eût été [...] de la reporter
dans des positions fortement retranchées
(Maurois). ‖ 3. Avec netteté : Le contour
des membres doit être accusé fortement
(Buffon). Des traits fortement marqués.
‖ 4. Avec vigueur, avec énergie : S’expri-
mer fortement. Un système, un ouvrage
fortement pensé. Un caractère fortement
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1987

trempé. ‖ 5. Avec intensité : Avant de


désirer fortement une chose, il faut exami-
ner quel est le bonheur de celui qui la pos-
sède (La Rochefoucauld). Je crois en Dieu
tout aussi fortement qu’en aucune vérité
(Rousseau).

II. Grandement, beaucoup, très : Un


régime, un gouvernement fortement
ébranlé. Une personne fortement irritée.
Il a été fortement tenté d’accepter cette
proposition.

• SYN. : I, 1 fort, vigoureusement, violem-


ment ; 2 ferme, fermement, solidement ; 3
nettement ; 4 énergiquement, puissamment,
résolument ; 5 ardemment, intensément,
passionnément, profondément, vivement,
vraiment. ‖ II considérablement, extrême-
ment, formidablement (fam.). — CONTR. : I,
1 délicatement, doucement ; 2 faiblement,
légèrement ; 3 vaguement ; 4 mollement ;
5 médiocrement, modérément. ‖ II guère,
peu.

forte-piano [fɔrtepjano] n. m. (mots


ital. signif. proprem. « fortement » [forte,
v. ce mot] et « doucement » [piano, v. ce
mot] ; 1802, Flick [v. Rem. ci-après]). Nom
donné pendant un certain temps à l’ins-
trument à touches et à cordes métalliques
appelé auj. PIANO : Combien je me trouve
heureux d’avoir, depuis l’âge de onze ans,
fait apprendre à ma nièce la harpo-lyre et
le forte-piano (Musset).

• REM. On a dit aussi PIANO ET FORTE


(1766, Barbier), PIANOFORTE (1774, Bru-
not), ou simplem. FORTE (av. 1850, Bal-
zac) : Votre filleule a un si beau talent sur
le forte que nous serions bien enchantés de
l’entendre (Balzac).

& adv. (1829, Boiste). Terme musical de


nuance indiquant qu’il faut d’abord chan-
ter ou jouer forte, et tout de suite après
piano. (Abrév. Fp.)

forteresse [fɔrtərɛs] n. f. (probablem.


lat. pop. *fortaricia, lieu fortifié, de fortis
[v. FORT 1] ; v. 1130, Eneas, écrit forterece
[forteresse, XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1839,
Stendhal ; sens 3, av. 1559, J. Du Bellay ;
sens 4, v. 1943). 1. Lieu fortifié assez vaste,
défendu par de nombreux ouvrages et
protégeant une assez grande étendue de
pays : [La barricade] avait trois fronts,
mais n’avait plus d’issue. Forteresse, mais
souricière (Hugo). Troupes, artillerie de for-
teresse. ‖ 2. Château fort, citadelle servant
de prison d’État : Quelques forteresses affa-
mées de prisonniers se juchent sur des rocs
comme de vieux vautours (Chateaubriand).
Bompard [...] dirigeait la chapelle du roi de
Hollande, du dernier bien avec la soeur du
roi, ce qui lui avait valu six mois de case-
mate à la forteresse de La Haye (Daudet).
‖ 3. Fig. et littér. Ce qui résiste aux atteintes
ou aux influences de l’extérieur ; refuge
suprême : Au milieu de cette plaine uni-
forme que l’égalité a créée autour de nous,
une seule forteresse est restée debout, celle

de l’esprit (Renan). Le village est la der-


nière forteresse de l’ignorance et de la misère
(About). ‖ 4. Forteresse volante, nom
donné, en 1942, aux bombardiers lourds
américains : Une formation de forteresses
volantes.

• SYN. : 1 citadelle, fort, place forte.

fortiche [fɔrtiʃ] adj. et n. (de fort,


adj. ; 1897, au sens 1, et 1915, au sens 2,
G. Esnault). 1. Pop. Fort physiquement,
vigoureux : Le rouquin, qui était le plus
fortiche, en a joué [= a sauté] par la fenêtre
(Dorgelès). ‖ 2. Pop. Intelligent, astu-
cieux ; calé : Entre nous, il n’est pas fortiche
(Bourdet).

fortifiable [fɔrtifjabl] adj. (de fortifier ;


v. 1536, M. Du Bellay). Qui peut être fortifié
(rare) : Une ville qui n’est pas fortifiable.

fortifiant, e [fɔrtifjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de fortifier ; 1543, Godefroy, comme n. m.,
au sens de « ouvrier qui travaille aux for-
tifications » ; comme adj., au sens 1, 1690,
Furetière ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Qui
accroît ou rétablit les forces physiques :
Aliment fortifiant. Nourriture fortifiante.
‖ 2. Fig. Qui réconforte, redonne courage
et confiance (vieilli) : Sa vie même était un
exemple plus fortifiant que beaucoup de
leçons (Fromentin).

• SYN. : 1 reconstituant, remontant (fam.),


réparateur ; 2 stimulant, tonique, vivifiant.
& fortifiant n. m. (1833, Sainte-Beuve).
Remède ou aliment propre à accroître ou
à rétablir le tonus musculaire et général de
l’organisme : La soeur m’a donné un forti-
fiant (Guillaumin).

fortification [fɔrtifikasjɔ̃] n. f. (bas


lat. fortificatio, action de fortifier, de for-
tificatum, supin de fortificare [v. FORTI-
FIER] ; 1360, Godefroy, au sens 1 ; sens 2,
v. 1460, Mystère du siège d’Orléans [for-
tification naturelle, 1890, Dict. général]).
1. Action de fortifier une place. ‖ Art de
construire des ouvrages de défense mili-
taire : Étudier la fortification. Ils tiennent
aussi des écoles [...] de fortification et de
géométrie (Chateaubriand). ‖ 2. Ouvrage
de défense militaire (souvent au plur.) : Une
ville de Moyen Âge entourée de fortifications
gothiques (Chateaubriand). ‖ Fortification
naturelle, élément naturel favorisant la
défense : Une chaîne de montagnes est une
fortification naturelle.

fortifié, e [fɔrtifje] adj. (part. passé de


fortifier). Défendu par des fortifications :
Une ancienne ville fortifiée.

fortifier [fɔrtifje] v. tr. (bas lat. fortifi-


care, fortifier, de fortis [v. FORT 1] et facere,
faire ; v. 1360, Froissart, comme v. pr., au
sens de « prendre [quelqu’un] comme auxi-
liaire » ; comme v. tr., aux sens I, 1 et 3-4,
1580, Montaigne ; sens I, 2, v. 1560, Paré ;
sens II, v. 1460, Mystère du siège d’Orléans
[se fortifier, « s’entourer de remparts, etc. »,
XIVe s., Cuvelier]).

I. 1. Accroître les forces de l’organisme,


en particulier la vigueur musculaire : Les
exercices physiques fortifient les muscles.
Une alimentation, un régime qui fortifie.
‖ 2. Rendre plus solide, plus résistant :
Fortifier un mur, une charpente. ‖ 3. Fig.
et littér. Affermir moralement, donner du
courage, réconforter : Je devinais [...] des
misères physiques et morales dont le voisi-
nage était loin de me fortifier (Fromentin).
‖ 4. Fig. et littér. Renforcer quelqu’un
dans sa détermination, sa position : For-
tifier quelqu’un dans ses opinions, dans
ses résolutions. ‖ Corroborer, appuyer
quelque chose, lui donner du poids : Ja-
mais l’intolérance n’a fortifié une vérité ni
affaibli une erreur (Ségur). Cette idée est
sauvée et fortifiée par les jeux (Alain).

II. Protéger une ville, une position, une


région par des ouvrages de défense : For-
tifier une frontière.

• SYN. : I, 1 développer, réconforter, refaire,


remonter (fam.), retaper (fam.), revigorer,
tonifier, vivifier ; 2 consolider, étayer, ren-
forcer, soutenir. — CONTR. : I, 1 affaiblir,
anémier, débiliter, épuiser ; 2 abattre, démo-
lir, miner, saper.

& v. intr. (av. 1704, Bossuet). Class. Devenir


plus fort : Si nous laissons vieillir et fortifier
cette mauvaise habitude (Bossuet).

& se fortifier v. pr. (sens 1 et 3, 1690,


Furetière ; sens 2, 1651, Corneille). 1. Se
rendre ou devenir plus fort physiquement :
Les muscles se fortifient par la culture phy-
sique. ‖ 2. Fig. et littér. S’affermir mora-
lement : Je n’eus pas trop de peine à me
fortifier contre cette franchise (Duhamel).
‖ 3. Fig. et littér. Devenir plus fort, se
confirmer, prendre du poids : Je me pen-
chais vers l’avenir où déjà je voyais mon
petit enfant me sourire : pour lui se refor-
mait et se fortifiait ma morale (Gide).

fortifs [fɔrtif] n. f. pl. (abrév. de fortifica-


tions ; 1881, G. Esnault, écrit fortifes ; fortifs,
1920, Sainéan, le Langage parisien). Pop. et
vx. Les vestiges des anciennes fortifications
de Paris et la « zone » voisine : Cabanes et
cahutes basses semblables à celles du « ter-
rain de zone » au-delà des fortifs (Gide). Ces
anciennes fortifs, lisière montueuse plan-
tée d’arbres, excavée de ravins... (Colette).
Le dimanche, tandis que le père, ouvrier
plombier, jouait aux boules sur les fortifs...
(Martin du Gard).

fortin [fɔrtɛ̃] n. m. (ital. fortino, dimin.


du n. m. forte, fort, lat. fortis [v. FORT 1] ;
1642, Oudin). Petit fort.

fortiori (a) loc. adv. V. A FORTIORI.

fortis [fɔrti] n. m. (de fort, adj. ; 1845,


Bescherelle). Terrasse en forme d’escalier,
soutenue par un mur de pierres sèches
et pratiquée sur la pente des montagnes
déboisées pour maintenir les terres.

fortissimo [fɔrtisimo] adv. (mot


ital., superl. de forte [v. ce mot] ; 1757,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1988

Encyclopédie). Terme de musique indiquant


qu’un passage doit être joué ou chanté le
plus fort possible. (Abrév. ff ou Ff.)

& n. m. invar. (1845, Bescherelle). Morceau,


passage musical exécuté selon cette indi-
cation : Tout le temps que nous jouions [du
piano], ces dames n’arrêtaient pas de cau-
ser ; leurs voix s’élevaient à la faveur de nos
fortissimo (Gide).

• CONTR. : dolcissimo, pianissimo.

fortitude [fɔrtityd] n. f. (lat. fortitudo,


force physique, courage, énergie, de fortis
[v. FORT 1] ; v. 1361, Oresme [le mot semble
n’être pas attesté entre 1592 — Montaigne
— et 1827 — Chateaubriand]). Énergie,
force morale (rare) : Défions-nous de ce
mouvement d’amour-propre qui nous
fait croire à la fortitude de notre âme
(Chateaubriand).

fortran [fɔrtrɑ̃] n. m. (agglutination de


fortran [fɔrtrɑ̃] n. m. (agglutination de
la première syllabe de for[mulation] et du
début de l’adj. fém. tran[sposée] ; 1968,
Larousse). En informatique, langage de
programmation synthétique, destiné à
faciliter l’utilisation des ordinateurs par
les scientifiques.

fortuit, e [fɔrtɥi, -it] adj. (lat. fortuitus,


qui se produit par hasard, accidentel, de
fors, sort, hasard [seulement employé au
nominatif fors et à l’ablatif forte] ; XIVe s.
[cas fortuit, 1662, Molière]). Qui arrive sans
être prévu et semble dû au hasard : Mis
en éveil [...], comment n’aurait-il pas vu là
plus qu’une fortuite coïncidence ? (Gide).
J’ai insisté quelque peu sur ce modèle ima-
ginaire d’un acte à demi fortuit, à demi
déterminé, afin de suggérer toute la fragi-
lité des distinctions (Valéry). ‖ Cas fortuit,
en droit, événement imprévu causant la
destruction de la chose due et libérant le
débiteur.

• SYN. : accidentel, contingent, imprévisible,


imprévu, inattendu, inopiné, occasionnel.

— CONTR. : attendu, prévisible, prévu.

& fortuit n. m. (av. 1784, Diderot). Ce


qui est fortuit : Le fortuit y semble voulu
(Hugo). Le fortuit m’a toujours moins inté-
ressé que le nécessaire... (Gide).

fortuitement [fɔrtɥitmɑ̃] adv. (de


fortuit ; 1562, J. Grévin). Par hasard :
Rencontrer fortuitement quelqu’un.

• SYN. : accidentellement.

fortune [fɔrtyn] n. f. • ÉTYM. Lat.


fortuna, sort, hasard, bonheur, chance,
malheur, condition, situation, destinée,
et, au plur., « les biens, la richesse » ;
v. 1130, Eneas, aux sens I, 1-2 ; sens II, 1,
v. 1265, Br. Latini (la fortune des armes,
tenter fortune, 1865, Littré ; courir fortune
de, fin du XVIe s., Brantôme ; dîner à la
fortune du pot, 1762, Acad. ; de fortune,
« par hasard », 1580, Montaigne ; par for-
tune, v. 1534, Bonaventure Des Périers ;
de bonne fortune, av. 1648, Voiture ; de
fortune, « improvisé », début du XXe s. ;

voile de fortune, 1678, Guillet) ; sens II, 2,


1636, Monet (être en fortune, 1689, Mme de
Sévigné ; soldat de fortune, v. 1570, Carloix ;
officier de fortune, 1798, Acad.) ; sens II,
3, fin du XIVe s., Vie de saint Eustache
(« risque », av. 1673, Molière ; fortune de
mer, 1690, Furetière) ; sens II, 4, v. 1361,
Oresme (bonne fortune ; être en bonne for-
tune, 1713, Hamilton ; avoir de bonnes for-
tunes, av. 1648, Voiture ; homme à bonnes
fortunes, 1686, Baron ; mauvaise fortune,
v. 1530, C. Marot ; [faire] contre mauvaise
fortune bon coeur, 1690, Furetière) ; sens
III, 1, v. 1265, Br. Latini (bonne fortune,
1636, Monet) ; sens III, 2, 1610, d’Urfé ;
sens III, 3, 1688, La Bruyère (« succès large
et rapide », av. 1778, Voltaire) ; sens III, 4,
1662, Molière ; sens III, 5, début du XVIIe s.,
Malherbe (revers de fortune, 1865, Littré) ;
sens III, 6, 1640, Corneille (faire fortune,
1688, La Bruyère ; perdre fortune, av. 1673,
Molière) ; sens IV, 1, XVe s. (« sommes, gains
très importants », 1872, Larousse ; faire for-
tune, 1837, Balzac ; situation de fortune,
XXe s. ; les biens de fortune, 1656, Scarron ;
fortune d’or, d’argent, 1704, Laurière ; for-
tune de mer, fortune nationale, XXe s.) ; sens
IV, 2, av. 1704, Bourdaloue.

I. 1. La Fortune (avec une majuscule),


divinité antique qui présidait aux événe-
ments fortuits de l’existence humaine :
Mais que vous sert votre mérite ? | La For-
tune a-t-elle des yeux ? (La Fontaine). Le
temple de la Fortune. La roue de la For-
tune. ‖ 2. Par extens. Puissance mysté-
rieuse qui semble favoriser tantôt les uns,
tantôt les autres, distribuant capricieu-
sement les biens et les maux : Les coups,
les caprices de la fortune. La fortune est
aveugle, inconstante, capricieuse, chan-
geante (Acad.). Les faveurs de la fortune
(Acad.). La fortune l’ayant traité à la
façon des cailloux que la mer polit en les
roulant (France). Il [un bel ouvrage de
musique ou de poésie] nous naquit de la
Muse, ou nous vint de la Fortune (Valéry).

II. 1. Class. et littér. Hasard, chance


bonne ou mauvaise : Un grand donne plus
à la fortune lorsqu’il hasarde une vie des-
tinée à couler dans [...] le plaisir [...] qu’un
particulier qui ne risque que des jours mi-
sérables (La Bruyère). De quelque manière
que vous jetiez les dés, ils amèneront tou-
jours les mêmes points ; voilà une étrange
fortune ! (Chateaubriand). ‖ La fortune
des armes, les hasards, les chances de la
carrière militaire. ‖ Class. Courir fortune
de, être en passe de, sur le point de (en
parlant d’une éventualité heureuse ou
malheureuse) : Il a couru fortune d’épou-
ser une grande héritière (Acad., 1694). Il a
couru fortune d’être noyé (ibid.). Je cours
fortune d’être mis à la Bastille (La Roche-
foucauld). ‖ Auj. Être invité, venir dîner à
la fortune du pot, en toute simplicité, sans
cérémonie. ‖ Tenter fortune, s’engager
dans une entreprise dont on ne peut rai-

sonnablement prévoir l’issue. ‖ Class. De


fortune, par fortune, par hasard : Comme
elle disait ces mots, | Le loup de fortune
passe (La Fontaine). Je l’avais sous mes
pieds rencontré [un portrait] par fortune
(Molière). ‖ Class. De bonne fortune, par
un heureux hasard, par chance : De bonne
fortune pour nous, le curé était ignorant,
et ne prêcha point (La Fontaine). ‖ Auj.
De fortune, se dit d’une chose improvisée,
réalisée avec les moyens dont on dispose,
et de caractère provisoire : Faire une ré-
paration de fortune. C’est une installation
de fortune dans un ancien cabinet de dé-
barras (Romains) ; et au fig. : Nous voilà
[...] dans un monde où rien n’est selon un
plan [...], où nécessité l’ingénieuse montre
ses solutions de fortune (Alain). ‖ Voile
de fortune, voile légère supplémentaire,
que l’on établit pour remédier à l’insuf-
fisance du vent. ‖ 2. Class. Hasard heu-
reux, chance, bonheur : Quelque peu de
fortune à notre adresse jointe (Molière).
Peut-être la fortune est prête à vous quit-
ter (Racine). ‖ Class. Être en fortune, être
en verve : M. le Prince, Mme la Princesse
me vinrent dire un mot [...]. Je répondis
à tout, car j’étais en fortune (Sévigné).
‖ Class. Soldat de fortune, celui qui, par
son seul mérite, avait pu accéder à un
grade élevé. ‖ Class. Officier de fortune,
soldat devenu officier. ‖ 3. Class. Hasard
malheureux, malchance, malheur : Lors,
de mon coin, vous me verrez sortir | In-
continent, de crainte de fortune (La Fon-
taine). Contre fortune bon coeur (Acad. ,
1694). ‖ Spécialem. et class. Risque : Vous
vous réglerez là-dessus à votre fantaisie,
et ce sera à vous à prendre la fortune de
l’un ou de l’autre choix (Molière). ‖ Auj.
Fortune de mer, en droit maritime, tout
risque fortuit susceptible d’atteindre le
navire et sa cargaison, et dont l’arma-
teur doit répondre. (V. aussi § IV, n. 1.)
‖ 4. Auj. et littér. S’emploie avec un qua-
lificatif (bon, mauvais, heureux, excel-
lent, etc. ). ‖ Bonne fortune, chance,
hasard heureux : Mais, comme il lui est
toujours arrivé depuis, il ne sut profiter
ni de la bonne ni de la mauvaise fortune
(Chateaubriand). Leibnitz eut la bonne
fortune de rencontrer à Paris Huyghens,
qui le tourna du côté des mathématiques
(Cousin). J’eus cette excellente fortune
d’être appelé, lorsqu’encore j’étais très
jeune, à faire la lecture, d’une manière
suivie, à un groupe de personnes d’âges
divers, de grand bon sens encore que de
culture moyenne (Gide). ‖ Être en bonne
fortune, être en galante compagnie : Il
avait une fatuité amusante de jeune pre-
mier en bonne fortune (Zola). ‖ Avoir de
bonnes fortunes, avoir des succès amou-
reux : Il [...] se troubla d’abord, puis nia en
ricanant, pas fâché au fond qu’elle le soup-
çonnât d’avoir de bonnes fortunes (Mau-
passant). ‖ Homme à bonnes fortunes,
celui qui a de nombreux succès féminins.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1989

(V. aussi § III, n. 4.) ‖ 5. Mauvaise for-


tune, malchance, adversité : Il supporta la
mauvaise fortune sans faiblesse, comme il
jouit de la bonne sans orgueil (Fléchier).
Ma mauvaise fortune a voulu que...
(Acad.). ‖ Faire contre mauvaise fortune
bon coeur, demeurer serein dans le mal-
heur, l’adversité.

III. 1. Class. et littér. Tout ce qui peut


arriver d’heureux ou de malheureux à
quelqu’un ; la destinée, la vie d’une per-
sonne, considérée sous le rapport de la
chance ou de la malchance : Il a la science
de lire dans les astres la fortune des
hommes (Molière). Viens vite, viens finir
ma fortune cruelle ! (La Fontaine). Vous
avez entendu sa fortune ; | Sa présence à
la fin pourrait être importune (Racine).
J’avais bien éprouvé des changements de
fortune depuis que j’étais au monde, mais
je n’étais jamais tombé d’une pareille
hauteur (Chateaubriand). Combien ont
disparu, dure et triste fortune ? (Hugo).
‖ Bonne fortune, la bonne aventure, ce
qui doit arriver à quelqu’un : Une bande
de ces personnes qu’on appelle Égyptiens,
et qui [...] se mêlent de dire la bonne for-
tune (Molière). ‖ 2. Class. et littér. Les
variations du sort, les vicissitudes de
l’existence (au plur. ) : Il ne manque à vos
fortunes que d’avoir été criminelle d’État,
et voici que je vous en fais naître une
belle occasion (Voiture). Quelles fortunes
diverses tous ces personnages célèbres ne
livrèrent-ils point à l’inconstance de ces
mêmes flots (Chateaubriand). ‖ 3. Auj.
et littér. Sort heureux ou malheureux
qui peut être réservé à quelque chose : La
fortune d’un livre, d’une pièce de théâtre.
Une oeuvre, une doctrine qui a eu des for-
tunes très diverses. ‖ Spécialem. Succès
large et rapide : Je ne m’explique pas la
fortune d’une croyance qu’on trouve dans
la Bible (France). ‖ 4. Absol. et class. Suc-
cès de galanterie : Vous est-il point encore
arrivé de fortune ? [...] Vous êtes de taille
à faire des cocus (Molière). [V. aussi § II,
n. 4.] ‖ 5. Class. et littér. État, situation,
élevée ou non, qu’une personne occupe
dans la société : Il [l’âne employé chez
un corroyeur] obtint changement de for-
tune, | Et sur l’état d’un charbonnier | Il
fut couché tout le dernier (La Fontaine).
Il ne faut pas que Parme voie notre pro-
tégé dans une petite fortune (Stendhal).
‖ Revers de fortune, changement brusque
et fâcheux intervenant dans la situation
d’une personne, en particulier perte d’ar-
gent. ‖ 6. Class. Réussite sociale, situa-
tion élevée : Il ne pense du matin au soir,
il ne rêve la nuit qu’à une seule chose, qui
est de s’avancer. Il a commencé de bonne
heure, et dès son adolescence, à se mettre
dans les voies de la fortune (La Bruyère).
‖ Class. Faire fortune, réussir dans la vie,
parvenir à une haute situation : Faire for-
tune est une si belle phrase, et qui dit une
si bonne chose, qu’elle est d’un usage uni-

versel (La Bruyère). [V. aussi § IV, n. 1.]


‖ 7. Class. Perdre fortune, perdre sa si-
tuation, son rang : Il faut perdre fortune
et renoncer au jour | Plutôt que de brûler
des feux d’un autre amour (Molière).

IV. 1. Ensemble des biens matériels, des


richesses que possède une personne,
une famille, une collectivité : Avoir de
la fortune. Être sans fortune. Différences
de fortune. Toute sa fortune est en terres,
en immeubles. Hériter d’une fortune
considérable. Léguer sa fortune à une
oeuvre de bienfaisance. Celui qui perd
sa fortune au jeu quitte-t-il le tapis tant
qu’il lui reste une pièce d’or ? (Musset). Et
Tobie, qui était riche, perdit toute sa for-
tune (Claudel). ‖ Par extens. Sommes,
gains très importants : Je réalisai en deux
jours une fortune considérable (Gide).
Il pardonne à ses ennemis et même il les
intéresse dans une affaire de coprah qui
rapporte des fortunes et dont lui, Pou-
tillard, préside le conseil d’administra-
tion (Duhamel). ‖ Faire fortune, devenir
riche : C’était un garçon très économe,
très rangé, très travailleur. Il aurait fait
fortune en peu de temps (Maupassant). Il
a fait fortune pendant la dernière guerre.
(V. aussi § III, n. 6.) ‖ 2. Situation de for-
tune, situation financière d’une personne,
état des biens qu’elle possède. ‖ Class.
Les biens de fortune, la richesse : Il n’y a
pas longtemps qu’un jeune garçon, aussi
ambitieux que pauvre [...], vint, avec son
père, chercher dans Madrid ce qui ne se
rencontrait pas dans son pays ; je veux dire
les biens de fortune (Scarron). ‖ Vx. For-
tune d’or, d’argent, en droit coutumier,
trésor en or ou en argent trouvé dans la
terre. ‖ Fortune de mer, en droit mari-
time, ensemble des biens maritimes d’un
armateur (par opposition à sa fortune
de terre) : L’armateur n’est responsable
des actes du capitaine que sur sa fortune
de mer. (V. aussi § II, n. 3.) ‖ 3. Fortune
nationale, ensemble des biens matériels
et immatériels d’une nation. ‖ 4. État de
celui qui est riche, qui possède des biens
importants : C’est la fortune, la vraie force
moderne, nivelant tout, inconsciemment,
sans effort (Daudet). Anthime professait
grand mépris pour les avantages du rang,
de la fortune et de l’aspect, ce qui ne lais-
sait pas de mortifier Julius (Gide). Passer
de la misère à la fortune.

• SYN. : I, 2 destin, hasard, sort. ‖ III, 3


réussite, succès. ‖ IV, 1 argent, avoir, biens,
ressources ; 2 luxe, opulence. — CONTR. :
IV, 2 dénuement, gêne, indigence, misère,
pauvreté.

fortuné, e [fɔrtyne] adj. et n. (de fortune,


peut-être d’après le lat. fortunatus, heureux,
riche, part. passé adjectivé de fortunare,
faire réussir, faire prospérer, de fortuna [v.
l’art. précéd. ] ; v. 1360, Froissart, au sens I,
1 [comme substantif, 1657, Bossuet] ; sens

I, 2, 1664, Racine [îles Fortunées, 1690,


Furetière] ; sens II, 1787, Féraud).

I. 1. Class. et littér. Qui bénéficie des


faveurs de la fortune, du sort (en par-
lant des personnes) : Le monde, voyant
un homme qui a ce qu’il veut, s’écrie avec
un grand applaudissement : « Qu’il est
heureux ! qu’il est fortuné ! » (Bossuet).
Les coeurs même des amants fortunés...
(Sainte-Beuve) ; et substantiv. : Pour vous,
fortunés du siècle... (Bossuet). ‖ 2. Class.
et littér. Où l’on trouve le bonheur, qui
est marqué par des événements heu-
reux (en parlant des choses) : Ô fortuné
séjour ! ô champs aimés des cieux ! | Que,
pour jamais foulant vos prés délicieux, |
Ne puis-je ici fixer ma course vagabonde !
(Boileau). Leurs mains étaient unies |
Comme au jour fortuné des unions bénies
(Vigny). Il arrivait dans un vallon vert,
baigné de clartés idylliques, d’où l’oeil, à
l’infini, découvrait des campagnes fortu-
nées, des fleurs, des eaux, des archipels...
(Duhamel). ‖ Iles Fortunées, nom ancien
de l’archipel des Canaries.

II. Qui a de la fortune, qui est largement


pourvu de biens matériels : Les hommes,
je les savais plus ou moins fortunés et, ma
sympathie me portant vers les plus désa-
vantagés, je n’avais guère eu que des amis
pauvres (Gide).

• SYN. : II aisé, argenté (fam. ), cossu, nanti


(fam. ), opulent, riche. — CONTR. : II fauché
(fam. ), gêné, indigent, misérable, nécessi-
teux, pauvre.

forum [fɔrɔm] n. m. (mot lat. ; 1757,


Encyclopédie, au sens 1 [« toute place cen-
trale des villes antiques d’origine romaine »,
1865, Littré] ; sens 2, av. 1813, Delille [« tri-
bune, lice », av. 1848, Chateaubriand] ;
sens 3, 1er févr. 1955, le Monde). 1. Dans
l’Antiquité romaine, place du marché.
‖ Spécialem. Le Forum (avec une majus-
cule), place de Rome où le peuple s’assem-
blait, et qui était à la fois centre religieux,
centre commercial et juridique, centre
des affaires privées et de la vie publique :
Les temples, les portiques du Forum. Les
assemblées, les jugements du Forum. ‖ Par
extens. Toute place centrale des villes
antiques d’origine romaine : Le forum de
Timgad. ‖ 2. Tout lieu où l’on discute des
affaires publiques : Un homme doué pour
les luttes du forum. L’éloquence du forum.
‖ Par extens. Lice, tribune. ‖ 3. Réunion
où l’on parle et où l’on discute : Tenir un
forum sur les problèmes de la jeunesse.

• Pl. des FORUMS ; plur. lat. FORA.

forure [fɔryr] n. f. (de forer ; v. 1280,


Bibbesworth, puis 1676, Félibien). Trou
pratiqué au moyen d’un foret : La forure
d’une clef.

fosse [fos] n. f. (lat. fossa, excavation,


creux, trou, fossé, tombe, part. passé fém.
substantivé de fodere [v. FOUIR] ; 1080,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1990

Chanson de Roland, au sens I, 1 [« trou...


pour piéger le gibier », 1636, Monet ;
« grande cuve... où l’on empile des cuirs... »,
1680, Richelet ; fosse aux ours, aux lions,
1890, Dict. général ; fosse d’aisances, 1694,
Th. Corneille ; fosse septique, XXe s. ] ;
sens I, 2, 1872, Larousse ; sens I, 3, début
du XXe s. ; sens I, 4, 1802, Flick ; sens I, 5,
1643, G. Fournier ; sens I, 6, XXe s. ; sens I,
7, v. 1530, C. Marot [fosse commune, 1872,
Larousse ; avoir un pied dans la fosse, être
sur le bord de la fosse, 1690, Furetière ; creu-
ser sa fosse, 1829, Boiste ; creuser la fosse
de, 1872, Larousse] ; sens II, 1, XXe s. ; sens
II, 2, 1690, Furetière).

I. 1. Cavité assez large et profonde, creu-


sée dans le sol et plus ou moins aména-
gée, destinée à recevoir quelque chose :
Je veux creuser moi-même une fosse
profonde (Baudelaire). Fosse à fumier, à
purin. ‖ Spécialem. Trou creusé en terre
et recouvert de branchages pour piéger le
gibier. ‖ Grande cuve cylindrique, enter-
rée dans le sol, où l’on empile des cuirs
avec du tan pour en compléter le tannage.
‖ Fosse aux ours, aux lions, dans un jar-
din zoologique, emplacement aménagé
en profondeur pour y garder ces animaux
en captivité : Nos esprits captifs, comme
l’ours dans sa fosse, tournent toujours sur
eux-mêmes (Flaubert). Dans une fosse
comme un ours | Chaque matin je me pro-
mène (Apollinaire). ‖ Fosse d’aisances,
ou simplem. fosse, réceptacle destiné à la
collecte des matières fécales. ‖ Fosse sep-
tique, appareil destiné à la collecte, à la li-
quéfaction et à l’aseptisation des matières
excrémentielles, lesquelles sont transfor-
mées en composés minéraux inodores et
inoffensifs. ‖ 2. Ouvrage constitué par
une tranchée maçonnée, dans laquelle
peut se tenir un ouvrier pour effectuer
des réparations, des vérifications à un
véhicule que l’on amène au-dessus : Ga-
rage muni d’une fosse. Fosse de visite des
locomotives. ‖ 3. Fosse d’orchestre, dans
une salle de spectacles, endroit situé de-
vant la scène et en contrebas, dans lequel
prennent place les musiciens : Les instru-
mentistes arrivent de tous les côtés pour
prendre place dans la fosse d’orchestre
(Claudel). ‖ Basse-fosse, v. à l’ordre al-
phab. ‖ 4. Dans les houillères du nord
de la France, ensemble d’une exploita-
tion minière comprenant deux puits,
le carreau et les installations annexes.
‖ 5. Dans l’ancienne marine, partie de la
cale réservée à des objets spéciaux : Fosse
aux câbles. ‖ 6. Creux rempli de sable ou
de sciure, où l’athlète se reçoit après avoir
sauté. ‖ 7. Trou creusé dans le sol pour
l’inhumation des morts : Souvent, au
bord d’une fosse dans laquelle on descen-
dait une bière avec des cordes, j’ai entendu
le râlement de ces cordes ; ensuite, j’ai ouï
le bruit de la première pelletée de terre
tombant sur la bière : à chaque nouvelle
pelletée, le bruit creux diminuait ; la terre,

en comblant la sépulture, faisait peu à peu


monter le silence éternel à la surface du
cercueil (Chateaubriand). Quand on nous
aura mis dans une étroite fosse (Péguy).
‖ Fosse commune, longues tranchées
creusées dans les cimetières et où l’on dé-
pose les cercueils des personnes qui n’ont
pas de concession particulière. ‖ Avoir
un pied dans la fosse, être sur le bord de la
fosse, être sur le point de mourir. ‖ Creu-
ser (soi-même) sa fosse, se livrer à des ex-
cès préjudiciables à sa santé. ‖ Fig. Creu-
ser la fosse de, préparer la perte, la ruine
de quelque chose : Le peuple qui souffre
près de soi l’oppression d’un autre peuple
creuse la fosse où s’ensevelira sa propre
liberté (Lamennais).

II. 1. Dépression naturelle, allongée,


du fond des océans, où la profondeur
dépasse 6000 m : La fosse de Mindanao,
dans le Pacifique, atteint 11 524 mètres.
(En ce sens, on dit aussi FOSSÉ, ABYSSE,
RAVIN. ) ‖ 2. Nom donné à diverses cavi-
tés anatomiques : Fosse frontale. Fosse il-
iaque. Les fosses nasales. D’énormes bou-
quets de poils roux jaillissaient des fosses
des oreilles (Huysmans).

• SYN. : I, 1 excavation, trou ; 7 tombe.

fossé [fɔse] n. m. (bas lat. fossatum, fossé,


part. passé neutre substantivé du lat. class.
fossare, fréquentatif de fodere, creuser [v.
FOUIR] ; 1080, Chanson de Roland, écrit
fosset [fossé, XIIe s. ], au sens I, 1 [sauter
le fossé, 1690, Dancourt ; au bout du fossé
la culbute, 1865, Littré] ; sens I, 2, 1629,
Mairet [fossé antichar, XXe s. ] ; sens I, 3,
1930, Larousse [« obstacle, difficulté », au
fig. , 1872, Larousse] ; sens II, XXe s. ).

I. 1. Fosse creusée en longueur et de


façon continue, pour délimiter quelque
espace de terre, pour permettre l’écou-
lement des eaux (irrigation, assainisse-
ment) : Aujourd’hui, le pays conserve des
traits de son origine : entrecoupé de fos-
sés boisés, il a de loin l’air d’une forêt et
rappelle l’Angleterre (Chateaubriand). Tu
es resté malade chez un paysan qui t’a re-
cueilli par charité comme tu tremblais la
fièvre dans un fossé de la route (Stendhal).
C’est toujours un plaisir, même quand la
campagne est laide, que de se promener à
deux tout au travers, en marchant dans
les herbes, en traversant les haies, en sau-
tant les fossés (Flaubert). ‖ Fig. Sauter le
fossé, prendre une décision hasardeuse
après avoir longtemps hésité, et en par-
ticulier se marier. ‖ Fam. Au bout du
fossé la culbute, se dit à propos d’une
entreprise pleine de risques ou vouée à
l’échec : Comme si les marchés pouvaient
s’accroître indéfiniment [...]. Au bout du
fossé, la culbute : le monde va droit à la
crise, à la catastrophe inévitable (Martin
du Gard). ‖ 2. Large tranchée entourant
un ouvrage de fortification, et qui consti-
tue un élément de défense : Un canton-
nier dormait au fond du fossé qui borde

les remparts (France). ‖ Fossé antichar,


obstacle creusé pour arrêter les blindés.
‖ 3. Fig. Divergence de vue, désaccord
entre deux personnes, écart entre deux
façons de penser : Ce nouvel incident
n’a pu qu’élargir, creuser le fossé qui les
sépare.

II. Fossé tectonique, ou fossé d’effondre-


ment, compartiment de l’écorce ter-
restre affaissé entre deux failles voisines
ou entre deux faisceaux de failles : Les
plaines de la Limagne sont des fossés tec-
toniques. (On dit aussi GRABEN.)

• SYN. : I, 3 abîme, barrière, mur, muraille.

fosserage [fɔsraʒ] n. m. (de fosserer ;


1865, Littré). Premier labour donné à la
vigne.

• REM. On dit aussi FOSSURE, n. f. (de


fosse ; 1845, Bescherelle).

fosserer [fɔsre] v. tr. (de fossoir ; XIIIe s.


, écrit fossorer ; fosserer, 1872, Larousse).
[Conj. 5 a.] Labourer avec le fossoir :
Fosserer une vigne.

fosset [fɔsɛ] n. m. (1640, Oudin). Autre


graphie de FAUSSET 2.

fossette [fɔsɛt] n. f. (de fosse ; v. 1119,


Ph. de Thaon, écrit fosete [fossete, XIIIe s. ;
fossette, XIVe s. ], au sens 1 [« jeu... », av.
1553, Rabelais] ; sens 2, v. 1240, G. de Lorris
[en anatomie, 1611, Cotgrave]). 1. Vx.
Petite cavité creusée dans le sol. ‖ Jeu qui
consiste à lancer des billes dans un creux
de ce genre : L’enfant aussitôt se leva sur ses
pieds et courut jouer à la fossette (Molière).
‖ 2. Léger creux qui se dessine sur cer-
taines parties du corps, en particulier au
menton, sur les joues, aux coudes : Le père
Cornet s’en allant avec son seau à peinture,
ses grands pinceaux, sa figure tannée, cre-
vassée, ridée de petites fossettes comme la
rivière un soir de vent frais... (Daudet).
Deux fossettes très mobiles dont l’ombre
se creusait sans cesse au coin des lèvres...
(Martin du Gard). Fossette qui marque le
coude d’un bébé potelé. ‖ Spécialem. En
anatomie, nom donné à certaines dépres-
sions peu profondes : Fossette inguinale,
lacrymale, etc.

fosseur [fɔsoer] n. m. (de l’anc. v. fosser,


creuser [XIIe s. ], de fosse ou du lat. fossare
[v. FOSSÉ] ; v. 1265, Br. Latini, écrit fosseor,
aux sens de « laboureur, fossoyeur » ; écrit
fosseur, au sens moderne, début du XIVe s. ,
Gilles li Muisis). Autref. Pionnier, terrassier
militaire.

fossile [fɔsil] adj. (lat. fossilis, qu’on tire de


la terre, probablem. dér. de fossum, supin de
fodere, creuser [v. FOUIR] ; 1556, R. Le Blanc,
au sens 1 ; sens 2, 1713, d’après Trévoux,
1732 [combustibles fossiles, XXe s. ] ; sens 3,
1872, Larousse ; sens 4, 1845, Bescherelle).
1. Vx. Qui est extrait du sein de la terre :
Sel, charbon fossile. ‖ 2. Se dit des débris ou
des empreintes de plantes et d’animaux qui,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1991

ensevelis dans les couches terrestres anté-


rieures à la période géologique actuelle,
s’y sont conservés : Animaux, coquilles
fossiles. Bois fossiles. ‖ Combustibles fos-
siles, la houille, le pétrole. ‖ 3. Qui appar-
tient aux époques géologiques antérieures
à l’époque actuelle : Ils ressemblent aux
bêtes des âges fossiles, à des monuments
inexplicables (Claudel). ‖ 4. Fig. et péjor.
Qui n’est pas moderne, qui est dépassé,
suranné : Car vos textes, vos lois, vos règles
sont fossiles (Hugo).

• SYN. : 4 archaïque, arriéré, démodé,


désuet, périmé, rétrograde, vétuste.

& n. m. (sens 1, 1713, d’après Trévoux, 1732


[fossiles caractéristiques, 1872, Larousse] ;
sens 2, 1865, Littré). 1. Organisme ou vestige
de corps organisé conservé à l’état fossile :
Les fossiles les firent rêver, la conchyliologie
les ennuya (Flaubert). ‖ Fossiles caractéris-
tiques, ceux que l’on trouve toujours dans
certaines assises géologiques et jamais dans
d’autres, et qui servent à les reconnaître
nettement. ‖ 2. Fam. et péjor. Personne qui
a des idées arriérées, dépassées. ‖ Chose
démodée, surannée.

fossilifère [fɔsilifɛr] adj. (de fossili-,


élément tiré de fossile, et de -fère, du lat.
ferre, porter ; 1865, Littré). Qui renferme
des fossiles : Calcaire fossilifère.

fossilisateur, trice [fɔsilizatoer, -tris]


adj. (dér. savant de fossiliser ; 1877, Littré).
Se dit des matières minérales qui aident à
la fossilisation.

fossilisation [fɔsilizasjɔ̃] n. f. (de fossili-


ser ; 1832, Raymond). Passage d’un corps
organisé à l’état de fossile.

fossilisé, e [fɔsilize] adj. (part. passé de


[se] fossiliser ; av. 1850, Balzac, au sens 1 ;
sens 2, XXe s. ). 1. Transformé en fossile :
Ces animaux dont les dépouilles fossilisées
appartiennent à des civilisations antédilu-
viennes (Balzac). ‖ 2. Fam. et péjor. Qui
appartient à une époque révolue.

fossiliser [fɔsilize] v. tr. (dér. savant de


fossile ; 7 août 1867, Moniteur universel).
Amener à l’état fossile.

& se fossiliser v. pr. (sens 1, 1832,


Raymond ; sens 2, 1845, Bescherelle).
1. Devenir fossile : La houille est consti-
tuée par des végétaux qui se sont fossilisés.
‖ 2. Fam. et péjor. Cesser d’évoluer, n’être
plus de son temps.

• SYN. : 2 se momifier, se scléroser.

fossilité [fɔsilite] n. f. (dér. savant de fos-


sile ; 1865, Littré). Caractère de ce qui est
fossile, suranné, anachronique : L’antiquité
et la fossilité de la République (Maurras).

fossoiement n. m. V. FOSSOYAGE.

fossoir [foswar] n. m. (bas lat. fossorium,


bêche, pioche, neutre substantivé de l’adj.
du bas lat. fossorius, qui sert à creuser, de
fossum, supin du lat. class. fodere, creuser
[v. FOUIR] ; fin du XIe s. , Gloses de Raschi,

au sens 1 ; sens 2, XXe s. ). 1. Houe employée


pour les soins de la vigne. ‖ 2. Charrue
vigneronne.
fossoyage [fɔswajaʒ] n. m. (de fossoyer ;
1371, Godefroy). Action de fossoyer, de
creuser une fosse ; travail du fossoyeur. (On
a dit aussi FOSSOIEMENT [1611, Cotgrave].)

fossoyer [fɔswaje] v. tr. (de fosse ; début


du XIIIe s. , Joufrois, écrit fossoier, au sens I
[fossoyer, XIVe s. ] ; sens II, 1872, Larousse).
[Conj. 2 a.]

I. Creuser une fosse, un fossé. (Rare.)

II. Vx et dialect. Travailler au fossoir : Et


moi aujourd’hui renonçant à fossoyer la
terre (Claudel).

fossoyeur [fɔswajoer] n. m. (de fossoyer ;


début du XIVe s. , écrit fossoieur, au sens de
« ouvrier terrassier » ; écrit fossoyeur, au
sens 1, 1538, R. Estienne ; sens 2, av. 1872,
Th. Gautier). 1. Homme qui creuse les
fosses pour enterrer les morts : Et les
bois morts tombés bruissaient sur la terre
| Comme les ossements qu’un fossoyeur
déterre (Lamartine). Ce vieil homme, moitié
fossoyeur et moitié sacristain (Fromentin).
‖ 2. Fig. Personne ou agent qui cause la
ruine de quelque chose, qui hâte sa fin, sa
disparition : Le fossoyeur d’un parti. Les
fossoyeurs du théâtre.

fossoyeuse [fɔswajøz] n. f. (fém. du


précéd. ; av. 1834, Béranger). Littér. La fos-
soyeuse, la mort : La fossoyeuse se retourne
(Banville).

fossure n. f. V. FOSSERAGE.

1. fou ou fol, folle [fu, fɔl] adj. et n. (lat.


follis, soufflet [pour le feu], bourse de cuir,
outre gonflée, ballon, et, à basse époque,
« fou » [les personnes sottes ou folles ayant
été comparées plaisamment à des ballons
gonflés d’air qui vont de côté et d’autre, qui
« divaguent »] ; 1080, Chanson de Roland,
écrit fol [fou, fin du XIIe s. , la forme fol
subsistant devant un nom à initiale
vocalique], au sens 1 [fou furieux, 1865,
Littré ; fou à lier, 1690, Furetière ; maison
de fous, 1890, Dict. général — hôpital de
fous, même sens, av. 1662, Pascal] ; sens 2,
1080, Chanson de Roland [tête folle, vierge
folle, 1690, Furetière ; la folle du logis, 1674,
Malebranche] ; sens 3, 1690, Furetière [un
tout fou, XXe s. ; rire comme un fou, 1872,
Larousse] ; sens 4, fin du XVIIe s. , Mme de
Sévigné [femme folle de son corps, av. 1854,
Nerval] ; sens 5, 1669, Molière [amoureux
fou, 1872, Larousse] ; sens 6, 1690, Furetière
[être coiffé comme un chien fou, XXe s. ]).
1. Qui est atteint de troubles mentaux, qui
a perdu la raison : J’avais alors pour voisine
une espèce de folle dont l’esprit s’est égaré
sous les coups du malheur (Maupassant).
Des juges intègres eussent [...] plaidé l’héré-
dité d’une tante folle, d’un père alcoolique
(Cocteau). ‖ Fou furieux, atteint d’une folie
dangereuse se traduisant par des actes de

violence. ‖ Fou à lier, complètement fou,


aussi fou que ceux qu’on était obligé d’at-
tacher dans les asiles. ‖ Maison de fous,
nom donné autrefois à un asile d’aliénés ;
par extens. et fam., nom donné à un lieu
occupé par des gens dont le comportement
est plus ou moins bizarre. ‖ 2. Qui apparaît
comme tout à fait déraisonnable ou extra-
vagant dans ses actes, dans ses paroles :
Il est fou de gaspiller ainsi son argent.
Courir comme un fou. ‖ Une tête folle,
une personne écervelée. ‖ Fam. Vierge
folle, femme légère : Quelques épaves de
Bullier ou du Casino, vierges folles suivant
l’armée (Daudet). ‖ Fig. La folle du logis,
nom donné par Malebranche à l’imagina-
tion. ‖ 3. Qui est d’une gaieté excessive,
d’une vivacité exagérée : Cet enfant est
fou. Faire le fou. ‖ Fam. Un tout fou, un
individu agité, extravagant. ‖ Rire comme
un fou, pousser de grands éclats de rire
bruyants. ‖ 4. Qui semble hors de soi, sous
l’influence d’un sentiment violent ; qui est
au paroxysme de : Fou de bonheur, de cha-
grin, de colère. En rentrant dans les salons,
elle était folle de joie (Stendhal). ‖ Femme
folle de son corps, qui se livre sans rete-
nue à la débauche. ‖ 5. Qui éprouve une
passion, un engouement irrésistible pour
quelqu’un ou quelque chose : Par amour
pour son mari, de qui elle fut exactement
folle (Balzac). Des amoureux intermittents
qui sont fous l’un de l’autre en somme de
temps en temps (Géraldy). Être fou de
musique, de peinture. ‖ Amoureux fou,
extrêmement amoureux. ‖ 6. Vx. Chien
fou, chien enragé : Un jour elle a caressé un
chien fou qui ne l’a pas seulement mordue
(Escholier). ‖ Être coiffé comme un chien
fou, être ébouriffé.

• SYN. : 1 aliéné, dément, déséquilibré,


dingo (pop.), dingue (pop.), loufoque (pop.),
maboul (pop.) ; 2 insensé, malade (fam.),
piqué (pop.), sonné (pop.), timbré (pop.) ; 3
diable (fam.), diablotin (fam.), turbulent ; 4
bouleversé, éperdu ; 5 enragé, entiché, épris,
féru, mordu, passionné. — CONTR. : 1 équi-
libré, normal, sensé ; 2 pondéré, prudent,
raisonnable, rassis, réfléchi ; 3 posé, sage,
tranquille ; 5 indifférent.

& adj. (sens I, 1-2, XIIe s. , Roncevaux


[« qui dénote la passion exubérante », fin
du XIIe s. , Châtelain de Coucy] ; sens I,
3, 1740, Acad. ; sens I, 4, 1752, Trévoux
[herbes folles, balance, poulie, roue folle,
1872, Larousse ; mèches folles, av. 1891,
Rimbaud ; brise folle, 1845, Bescherelle ;
compas fou, XXe s. ; patte folle, av. 1896,
Verlaine] ; sens II, 1793, Wechssler).

I. EN PARLANT DES CHOSES. 1. Qui


dénote la folie, la bizarrerie : Un regard
fou. Des hurlements fous. ‖ 2. Qui appa-
raît comme tout à fait déraisonnable ou
extravagant : Elle caressait le fol espoir de
faire durer cette vie inconséquente et sans
issue (Balzac). Cette pensée à présent me
paraît folle (Gide). Je crus que ma mère
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1992

allait se jeter à genoux pour détourner


papa d’un projet en même temps si fol et
si grandiose (Duhamel). ‖ Par extens.
Qui dénote la passion exubérante, sans
mesure : Ils s’embrassent à bouches folles
(Apollinaire). ‖ 3. Excessif et qu’on ne
peut plus retenir : Un éclat de rire [...] si
fou, si contagieux, si universel (Hugo).
Son cou blanc qu’un fou rire faisait danser
(Daudet). Nous n’étions pas moqueurs,
et c’est un rire sans méchanceté, mais
un fou rire incoercible, qui s’empara de
nous (Gide). Une gaieté folle. ‖ 4. Se dit
d’une chose dont le mouvement n’obéit
à aucune loi, ne suit aucune direction
prévisible : La course folle d’un véhicule
dont la direction est brisée. Aux pôles,
l’aiguille de la boussole est folle. ‖ Herbes
folles, herbes qui croissent en abondance
et au hasard. ‖ Mèches folles, mèches
légères qui s’échappent de la chevelure
et voltigent sur le front, les joues, le cou.
‖ Folle avoine, v. AVOINE. ‖ Folle farine,
v. FARINE. ‖ Brise folle, petite brise chan-
geant sans cesse de direction. ‖ Balance
folle, dont le fléau ne revient pas normale-
ment à sa position d’équilibre. ‖ Compas
fou, boussole dont l’aiguille tourne dans
tous les sens au lieu de se fixer dans la
direction du pôle magnétique. ‖ Poulie
folle, roue folle, indépendantes de l’arbre
qui les porte. ‖ Pop. Patte folle, jambe qui
n’obéit plus aux ordres du cerveau : Elle
faisait suivre sa patte morte, « ma patte
folle » disait-elle (La Batut).

II. EN PARLANT DES PERSONNES OU DES


CHOSES. Considérable, extraordinaire
ou excessif en nombre, en valeur, en
intensité (toujours placé après le nom) :
Un monde fou envahissait les hôtels
(Cocteau). Tout cela prend un temps fou
(Gide). Le cabinet de travail, entièrement
lambrissé de vieux laque rouge, noir et or,
devait avoir quelques années plus tard un
prix fou (Balzac). Ils gagnent un argent
fou [...] disait maman (Mauriac). Je jouis
ce soir d’un mal à la tête fou (Stendhal).

• SYN. : I, 1 égaré, furieux, hagard ; 2


absurde, désespéré, farfelu, loufoque (fam.
), saugrenu ; 3 explosif, incoercible, inex-
tinguible, irrépressible, irrésistible. ‖ II
astronomique, énorme, exorbitant, fabu-
leux, fantastique, immense, pharamineux
(fam. ), prodigieux, terrible, vertigineux,
violent. — CONTR. : I, 1 calme, lucide, posé,
serein ; 2 raisonnable, sage, sensé ; 3 dis-
cret, mesuré, modéré, retenu. ‖ II faible,
modeste, moyen, léger, petit.

& n. m. (sens 1, XVIe s. ; sens 2, 1756,


Voltaire ; sens 3, av. 1613, M. Régnier ; sens
4, 1725, L. Feuillée). 1. Fou de cour, bouf-
fon dont le rôle était d’amuser les princes :
Triboulet était le fou de François Ier. ‖ 2. La
fête des fous, fête bouffonne qui consistait,
jadis, en une parodie des offices religieux.
‖ 3. Pièce du jeu d’échecs qui se déplace en
diagonale : La marche sur le damier du roi,

de la tour et du fou (France). ‖ 4. Fou de


Bassan, ou simplem. fou, nom d’un oiseau
palmipède marin, ainsi appelé en raison de
son comportement : Le colonel les quittait
à chaque instant pour tirer des goélands et
des fous (Mérimée).

2. fou n. m. (lat. fagus, hêtre ; XIIIe s. ,


Roman de Renart, au sens 1 ; sens 2, XXe s.
). 1. Autref. Nom du hêtre. ‖ 2. Auj. Nom
commercial du bois de Oldfieldia Africana,
de la famille des euphorbiacées, très com-
mun en Côte-d’Ivoire : Le fou est un bois
très dur qui peut remplacer le buis et le
cormier.

fouace [fwas] n. f. (lat. pop. *focacia, fém.


substantivé du bas lat. focacius, cuit sous la
cendre [à propos d’un pain], dér. de focus,
foyer [v. FEU] ; fin du XIIe s. , Aliscans).
Dialect. Sorte de galette épaisse cuite au
four ou sous la cendre : Des fouaces très
dures qui lui rappelaient un peu les biscuits
du régiment (Pérochon). ‖ Pâtisserie, géné-
ralement en forme de couronne, préparée
en Auvergne avec de la farine, des oeufs,
du lait, et parfumée à la fleur d’oranger.

fouacier [fwasje] n. m. (de fouace ; 1307,


Godefroy). Dialect. Celui qui fait ou vend
des fouaces.

fouage [fwaʒ] n. m. (de fou, forme anc.


de feu [v. ce mot] ; XIIIe s. , Guillaume de
Tyr, écrit foage ; fouage, XIVe s. , Du Cange).
Impôt extraordinaire perçu, sous l’Ancien
Régime, sur chaque feu ou foyer : Le fouage
[...] était un cens, ou une espèce de taille,
exigé par chaque feu sur les biens rotu-
riers. Avec le fouage graduellement aug-
menté, se payaient les dettes de la province
(Chateaubriand).

fouagiste [fwaʒist] n. m. (de fouage ;


av. 1848, Chateaubriand). Personne sou-
mise au fouage : On avait conçu le projet
de créer un capital des deniers provenus
du fouage, et de le constituer en rentes au
profit des fouagistes : le fouage n’eût plus
été alors qu’un emprunt (Chateaubriand).

fouaille [fwaj] n. f. (déverbal de l’anc.


franç. fouailler, soumettre à l’action du
feu — les entrailles du sanglier avant de
les donner aux chiens — [XIVe s. , Godefroy],
de fou, forme anc. de feu [v. ce mot] ; 1573,
Du Puys [var. masc. fouail, v. 1354, Modus]).
Vx. Curée du sanglier qu’on donne aux
chiens de chasse.

fouailler [fwaje] v. tr. (de fouail, menu


bois de chauffage [XIIIe s. ], fouaille, même
sens [XIVe s. ] — dér. de fou, forme anc. de
feu [v. ce mot], ou de fou 2 [v. ce mot] —,
proprem. « frapper avec de petits morceaux
de bois, ou avec des baguettes de hêtre » ;
v. 1330, Baudoin de Sebourg, comme v. pr.
, écrit foueillier, au sens de « se frapper
les flancs de sa queue » [en parlant d’un
lion] ; écrit fouailler, comme v. tr. , au sens
1, 1680, Richelet ; sens 2, 1853, V. Hugo).
1. Frapper avec insistance et énergie au

moyen du fouet : Le cocher [...] hurlant :


« Hue ! » de toute sa poitrine, fouailla les
bêtes à tour de bras (Maupassant). ‖ 2. Fig.
Cingler de mots blessants, de sarcasmes :
Qu’on fouaille avec raison cet homme, c’est
possible (Hugo).

• SYN. : 1 cingler, fouetter ; 2 cravacher,


flageller, fustiger.
fouarre n. m. V. FEURRE.

foucade [fukad] n. f. (altér. de fougade,


même sens [XVIe s. ], dér. de fougue ; 1614,
Auffray). Vx et littér. Caprice impétueux
et déraisonnable : Il me semblait tout
naturel de satisfaire les foucades de mes
sens (Huysmans). Quoi qu’il en fût de ces
diverses interprétations, de la gaîté du mari,
les foucades de la femme prenaient vite fin
(Proust). Michèle est une fille à foucades
(Mauriac).

• SYN. : emballement, fantaisie, lubie,


toquade.

• REM. On trouve parfois la forme ar-


chaïque FOUGADE : Autre fougade, il me
prend une envie irrésistible de gagner une
fortune (Coolus).

fouchtra [fuʃtra] interj. (déformation


plaisante de foutre, interj. , d’après fichtre,
et avec adjonction d’un -a ; 1847, Balzac).
Juron attribué à tort aux Auvergnats.

& n. m. (1872, A. Daudet). Nom donné aux


Auvergnats : « Des coups d’épée, Messieurs,
des coups d’épée ! Mais pas de coups
d’épingle ! » Belles paroles dignes de l’his-
toire, qui n’avaient que le tort de s’adresser
à ces petits fouchtras, hauts comme leurs
boîtes à cirage, et gentilshommes tout à fait
incapables de tenir une épée ! (Daudet).

1. foudre [fudr] n. f. (lat. pop. *fulgura,


neutre plur. , pris pour un fém. sing. , du
lat. class. fulgur, -uris, éclair, lueur, éclat,
dér. de fulgere, éclairer, faire des éclairs,
luire, briller ; 1080, Chanson de Roland,
écrit fu[i]ldre [foudre, fin du XIIe s. ], au
sens 1 [être comme frappé de la foudre, 1826,
Vigny] ; sens 2, début du XVIIe s. , Malherbe
[coup de foudre, « événement désastreux et
imprévu », 1642, Corneille, et « amour subit
et violent », 1822, Stendhal]). 1. Décharge
électrique aérienne qui produit une vive
lumière (éclair) et une violente détonation
(tonnerre) : À l’horizon mouvant des flots
| La foudre luit sur les écumes (Leconte de
Lisle). ‖ Être comme frappé de la foudre,
être anéanti, stupéfait. ‖ 2. Fig. Ce qui
atteint soudainement, d’une manière
imprévisible et terrifiante. ‖ Fig. et vx.
Coup de foudre, événement désastreux
et imprévu : La nouvelle de la maladie de
la duchesse de Bourbon vint à Chantilly
comme un coup de foudre (Bossuet). Ce
me fut [la mort de Mallarmé] un de ces
coups de foudre qui frappent d’abord au
plus profond et qui abolissent la force même
de se parler (Valéry) ; auj., amour subit et
violent : Ce qu’on appelle le coup de foudre
est vrai pour toutes les passions (Flaubert).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1993

& foudres n. f. pl. (1728, Voltaire [les


foudres de l’Église, v. 1587, Du Vair ; les
foudres de l’éloquence, 1865, Littré]). Coups
redoutables portés à titre de châtiments :
M. de Guermantes ne gardait ses foudres
que pour la duchesse, sur les libres fréquen-
tations de laquelle Mme de Forcheville ne
manquait pas d’attirer l’attention irritée
de M. de Guermantes (Proust). Menacer
quelqu’un des foudres du pouvoir. ‖ Les
foudres de l’Église, l’excommunication.
‖ Les foudres de l’éloquence, les effets puis-
sants, les traits frappants, les arguments
par lesquels l’orateur convainc son public
ou confond son adversaire.

& n. m. (sens 1, 1673, Molière ; sens 2, 1642,


Corneille ; sens 3, 1872, Larousse ; sens 4,
1865, Littré ; sens 5, 1690, Furetière ; sens
6, 1594, Satire Ménippée). 1. Class. Dans le
style noble, feu du ciel : Anastase mourut
frappé du foudre (Bossuet) ; et au fig. : Avec
tous vos lauriers craignez encore le foudre
(Corneille). ‖ 2. Faisceau enflammé com-
posé de dards de feu, attribut de Jupiter :
Le foudre ailé du roi Zeus et la lance noire
d’Athéné (Banville). ‖ 3. Ce même sym-
bole employé comme attribut des chefs
militaires et de leurs auxiliaires. ‖ 4. En
héraldique, faisceau figuré sur l’écu avec
quatre dards en sautoir. ‖ 5. Un foudre
d’éloquence, un orateur puissant qui pul-
vérise ses adversaires et subjugue l’audi-
toire. ‖ 6. Un foudre de guerre, un guerrier
auquel rien ne résiste : Comment ! des ani-
maux qui tremblent devant moi ! | Je suis
donc un foudre de guerre ! (La Fontaine).
• REM. Le mot foudre est du féminin au
sens de « feu du ciel » (sauf à l’époque
classique, où il est souvent masculin) et
au pluriel. Il est du masculin dans les
expressions figurées foudre d’éloquence,
foudre de guerre.

2. foudre [fudr] n. m. (allem. Fuder, voi-


ture de charge, mesure de liquide ; 1669,
Widerhold [les formes voder, mesure
pour le vin — XIIIe s. —, voudre, espèce
de tonneau pour le vin du Rhin — XVe s. ,
Godefroy —, vaudre, même sens — 1611,
Cotgrave —, viennent du moyen néerl.
voeder, lui-même empr. à l’allem. Fuder]).
Récipient de même forme que le tonneau,
mais de capacité plus grande : Un foudre
a une contenance qui varie de cinquante à
trois cents hectolitres.

foudrier [fudrije] n. m. (de foudre 2 ; 1877,


Littré). Tonnelier spécialiste de la fabrica-
tion des cuves et des foudres en bois de
grandes dimensions.

foudroiement [fudrwamɑ̃] n. m. (de fou-


droyer ; fin du XIIIe s. , Godefroy). Action
de foudroyer ; résultat de cette action : Le
foudroiement des Titans par Jupiter.

foudroyant, e [fudrwajɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de foudroyer ; 1552, R. Estienne, aux
sens 1 et 3 ; sens 2, 1865, Littré ; sens 4, 1669,
Molière ; sens 5, fin du XIXe s. , A. Daudet).

1. Vx. Qui frappe de la foudre : Dans ces


antres fameux où Vulcain nuit et jour |
Forge de Jupiter les foudroyantes armes
(J.-B. Rousseau). On [la musique] me fait
danser, souffler ; on me fait pleurer, penser ;
on me fait dormir ; on me fait foudroyant,
foudroyé, on me fait lumière, ténèbres
(Valéry). ‖ 2. Par extens. Qui frappe
d’une mort soudaine et brutale, comme
un coup de foudre : Je fus appelé là pour un
cas d’apoplexie foudroyante (Daudet). ‖ Se
dit aussi de la mort elle-même : Puis cette
fin subite, presque foudroyante, le pasteur
arrivant quand tout était fini (Daudet).
‖ 3. Fig. Qui frappe d’une stupeur soudaine
et irrésistible, qui anéantit toute énergie
morale : Il fut transpercé d’une admira-
tion foudroyante (France). La brusquerie,
le caractère foudroyant de mon malheur
(Bernanos). ‖ 4. Fig. Se dit d’une chose
dont les atteintes ont la violence irrésis-
tible, la rapidité brutale de la foudre : Tout
d’un coup, à la lumière d’une révélation
foudroyante, tenir une preuve indiscu-
table (Bourget). Un regard foudroyant.
‖ 5. D’une rapidité, d’une puissance extra-
ordinaire : Je n’ai pas des démarrages fou-
droyants (Bernstein). Ils étaient bien d’avis
que l’aviation avait un avenir illimité et que
son progrès serait foudroyant (Romains).
Une riposte foudroyante.

• SYN. : 4 fulgurant ; 5 brutal, explosif, ter-


rible (fam. ), violent.

foudroyer [fudrwaje] v. tr. (de foudre 1 ;


fin du XIIe s. , au sens 1 ; sens 2, milieu du
XVIe s. , Amyot ; sens 3, 1678, La Fontaine ;
sens 4, v. 1360, Froissart ; sens 5, 1651,
Scarron [foudroyer du regard, 1838, V.
Hugo]). [Conj. 2 a.] 1. Frapper de la foudre :
Jupiter foudroya les Titans. Par la steppe
natale il tombe foudroyé (Leconte de Lisle).
‖ 2. Class. et littér. Frapper à mort, terras-
ser : Si les Hollandais étaient de la ligue, je
crois qu’il [le roi] se divertirait encore à les
foudroyer (Sévigné). L’officier qui comman-
dait l’artillerie royale fit observer à la masse
populaire qu’elle s’exposait inutilement
et que, n’ayant pas de canons, elle serait
foudroyée sans aucune chance de succès
(Chateaubriand) ; et au fig. : Ô joie terrible
de l’Élu que la grâce foudroie (Leconte de
Lisle). ‖ 3. Tuer soudainement : Le couteau
court et atteint la moelle : la bête tombe,
lourde, foudroyée (Barrès). ‖ 4. Abattre,
anéantir quelque chose en portant un coup
soudain et irrésistible : Ô riches, Jésus-
Christ ne parle de vous que pour foudroyer
votre orgueil (Bossuet). De tout ce qu’il m’a
fallu sacrifier, de tant d’ambitions fou-
droyées, ce que je pleure c’est vous (Daudet).
‖ 5. Par exagér. Anéantir la résistance phy-
sique ou morale de quelqu’un : Oscar resta
muet, foudroyé, stupide, n’entendant rien
(Balzac). À Bristol, pendant les sermons de
Wesley, des femmes se renversaient comme
foudroyées, frappées au coeur par la parole
du pasteur (Daudet). Être foudroyé par un

malheur subit. ‖ Foudroyer quelqu’un du


regard, le frapper d’un regard terrifiant.
• SYN. : 3 annihiler, écraser, faucher, terras-
ser ; 4 accabler, briser, pétrifier.

& v. intr. (sens 1, 1541, Calvin ; sens 2, 1645,


Corneille). 1. Class. Lancer la foudre : Ô
toi [Jupiter] qui grêles, qui tonnes et qui
foudroies sur les impies (Perrot d’Ablan-
court). ‖ 2. Fig. Lancer des éclats, porter
des atteintes soudaines et brutales comme
la foudre : Ce n’était pas Luther qui parlait,
c’était Dieu qui foudroyait par sa bouche
(Bossuet).

fouée [fwe] n. f. (de fou, forme anc. de


feu [v. ce mot] ; fin du XIIe s. , Geste des
Loherains, aux sens de « bûcher, flambée » ;
sens 1, 1752, Trévoux [galette à la fouée,
1872, Larousse] ; sens 2, 1650, Ménage ;
sens 3, 1690, Furetière). 1. Vx ou dialect.
Feu destiné à chauffer un four. ‖ Galette
à la fouée, galette cuite à la gueule du four
pendant qu’on le chauffe. ‖ 2. Sorte de
fouace ou de gâteau cuits au four à pain.
‖ 3. Feu qu’on allume la nuit pour la chasse
aux petits oiseaux : Des fouées brillaient çà
et là (Chateaubriand).

fouëne n. f. V. FOÈNE.

fouet [fwɛ] n. m. (de fou 2 [fouet a dû signi-


fier d’abord « petit hêtre », puis « baguette
de hêtre »] ; XIIIe s. , Recueil des fabliaux,
au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3,
1865, Littré ; sens 4, 1857, Baudelaire [coup
de fouet, 1872, Larousse] ; sens 5, XVIe s.
, Loisel [« toute correction manuelle »,
1580, Montaigne] ; sens 6, av. 1613, M.
Régnier ; sens 7, av. 1784, Diderot ; sens 8,
1872, Larousse ; sens 9, 1890, Dict. géné-
ral ; sens 10, milieu du XVIIIe s. , Buffon
[fouet de l’aile, de la queue ; fouet, « queue
du chien courant », 1743, Trévoux ; fouet
de pâtisserie, de cuisine, début du XXe s.
]). 1. Instrument formé d’un manche à
l’extrémité duquel est attachée une lanière
de cuir ou une corde : Les claquements de
fouet m’éveillaient le matin (Mauriac).
Donner un coup de fouet à un cheval pour
le faire avancer. ‖ 2. Coup de fouet, en
médecine, douleur vive et soudaine res-
sentie à la suite de la rupture de fibres
musculaires, de varices, etc. ; en termes
de marine, nom donné à un coup de roulis
sec ou à un battement brusque des voiles.
(V. aussi n. 4.) ‖ 3. Tir de plein fouet, tir
direct sur un but visible. ‖ De plein fouet,
de face et violemment : Les deux voitures
se sont heurtées de plein fouet. ‖ 4. Fig.
Ce qui excite : Pendant que des mortels la
multitude vile | Sous le fouet du plaisir [...]
| Va cueillir des remords dans la fête servile
(Baudelaire). ‖ Coup de fouet, ce qui sti-
mule : Coup de fouet donné à l’organisme
par un médicament. L’augmentation des
salaires est un coup de fouet à l’économie.
(V. aussi n. 2.) ‖ 5. Peine du fouet, ou sim-
plem. fouet,châtiment infligé à l’aide du
fouet ou d’un instrument analogue : La pre-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1994

mière faute était punie par une réprimande


secrète des missionnaires [...], la troisième
par la peine du fouet (Chateaubriand). Ils
ont accueilli sans pouffer de rire des mots
[...] dont les inventeurs mériteraient le fouet
(Duhamel). ‖ Par extens. Toute correction
donnée avec la main : Pour le coup, il reçut
le fouet sans broncher ni gémir et, reculotté,
cota à son prix la correction (Colette).
‖ 6. Tout châtiment moral : Que béni soit
ton fouet, | Seigneur ! que la douleur, ô Père,
soit bénie (Baudelaire). ‖ 7. Critique vio-
lente et acérée, sarcasme cinglant : J’oserais
ramasser le fouet de la satire (Musset). Le
fouet de la raillerie. ‖ 8. Petite corde fine
attachée à l’extrémité de la lanière d’un
fouet. ‖ Cordelette fine et serrée dont
on se sert en particulier pour lancer une
toupie. ‖ Cordelette qui sert à châtrer les
béliers. ‖ 9. En termes de marine, cordage
souple et résistant : Poulie à fouet. Palan à
fouet. ‖ 10. Par anal. Nom donné à diverses
choses ayant quelque ressemblance avec un
fouet. ‖ Fouet de l’aile, extrémité flexible
de l’aile des oiseaux. ‖ Fouet de la queue,
touffe de poils qui termine la queue d’un
chien ; spécialem. , queue du chien courant.
‖ Fouet de pâtisserie, de cuisine, ustensile
servant à battre les oeufs et les crèmes ainsi
qu’à monter certaines sauces.

• SYN. : 1 bâton, discipline, étrivière, mar-


tinet, trique (fam. ) ; 4 aiguillon.

fouettage [fwɛtaʒ] n. m. (de fouetter ;


1781, S. Ricard, au sens 1 [pour du vin] ; sens
2, 1865, Littré). 1. Opération par laquelle
on fouette un liquide pour mélanger,
faire mousser : Le fouettage de la crème.
‖ 2. Procédé de castration des béliers par
la ligature des testicules à l’aide de la ficelle
appelée « fouet ».

fouettant, e [fwɛtɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de fouetter 1 ; XXe s. ). Qui fouette, excite
(rare) : La douceur de « croire » et la fierté
fouettante de ne croire pas (Montherlant).

fouettard [fwɛtar] adj. m. (de fouetter 1 ;


XVIIIe s. , G. Esnault [Père fouettard, XIXe s.
, G. Esnault]). Qui fouette. (Rare. ) ‖ Père
fouettard, nom donné à un personnage
imaginaire armé de verges, qui est censé
fouetter les enfants désobéissants et qui,
dans certaines régions, est donné comme
compagnon du Père Noël.

fouette [fuɛt] n. f. (mot dialectal de la


Suisse romande, fém. de fouet ; XXe s. ).
Pêche à la ligne des poissons de surface à
l’aide d’une canne courte, d’une ligne de
Nylon également courte et d’une mouche
artificielle. ‖ Pêcher à la fouette, pêcher à
la mouche, sans allonger de ligne.

1. fouetté, e [fwɛte] adj. (part. passé de


fouetter 1 ; 1690, Furetière, aux sens 1-2).
1. Se dit de la coloration irrégulière de
certaines fleurs par petites stries ressem-
blant à des marques de coups de fouet :
Fouettées de pourpre, les fleurs précieuses
se pressaient les unes contre les autres

(L. Bertrand). ‖ 2. Crème fouettée,crème


de lait que l’on fait mousser en la battant
à l’aide du fouet à pâtisserie. ‖ Par anal.
Qui semble avoir été battu à l’aide du même
instrument : De grosses roses dont la blan-
cheur fouettée s’enlevait avec un relief un
peu trop crémeux sur la jardinière où elles
étaient posées (Proust).

2. fouetté [fwɛte] n. m. (part. passé subs-


tantivé de fouetter 1 ; av. 1872, Th. Gautier,
au sens 1 ; sens 2, 1907, Larousse). 1. En
chorégraphie, rotation rapide et continue
effectuée sur pointe, ou demi-pointe, par
la danseuse ou le danseur, et dont la répé-
tition est obtenue grâce à l’élan imprimé
par les mouvements des bras et de l’autre
jambe. ‖ 2. Au billard, attaque très vive
d’une bille.

fouettée [fwɛte] n. f. (part. passé


fém. substantivé de fouetter 1 ; XXe s. ).
Correction infligée à l’aide du fouet :
Deux menottes administraient la fouettée
(Lichtenberger).

fouettement [fwɛtmɑ̃] n. m. (de fouetter


1 ; av. 1553, Rabelais, au sens 1 ; sens 2, av.
1896, Goncourt). 1. Action de fouetter, de
cingler comme avec un fouet : Le fouet-
tement de la pluie sur les vitres. ‖ 2. Fig.
Excitation : Un fouettement des facultés
imaginatives (Goncourt).

1. fouetter [fwɛte] v. tr. (de fouet ; 1534,


Rabelais, au sens de « avaler d’un trait
[un verre de vin] » ; sens 1, XVIe s. , Loisel
[fouette cocher !, 1735, Marivaux] ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, XVIe s. , La Curne [donner des
verges pour se faire fouetter, 1865, Littré ;
il n’y a pas de quoi fouetter un chat, 1690,
Furetière ; avoir bien d’autres chiens/chats
à fouetter, 1872, Larousse] ; sens 4, 1580,
Montaigne ; sens 5, 1690, Furetière [« lancer
violemment en cinglant », 1834, Ségur] ;
sens 6, 1680, Richelet ; sens 7, 1872, Larousse
[fouetter le sang, 1784, Beaumarchais] ;
sens 8, 1849, Bescherelle ; sens 9, 1829,
Boiste). 1. Cingler avec un fouet ou tout
instrument semblable : Le cocher fouetta
ses mules (Mérimée). ‖ Fouette cocher !, se
dit pour indiquer que l’on part résolument
ou que l’on prend une décision énergique.
‖ 2. Cingler avec un fouet pour donner
le mouvement à quelque chose : Fouetter
une toupie. ‖ 3. Par extens. Battre pour
châtier, avec le fouet, des verges ou avec
les mains : Petit polisson, tu vas te faire
fouetter. ‖ Donner ou apporter des verges
pour se faire fouetter, fournir des armes
contre soi-même. ‖ Il n’y a pas de quoi
fouetter un chat, c’est une chose de minime
importance. ‖ Avoir bien d’autres chiens ou
d’autres chats à fouetter, avoir à s’occuper
de choses bien plus importantes, avoir des
préoccupations bien plus sérieuses. ‖ 4. Fig.
Fustiger de critiques acérés, de sarcasmes
violents : Il semblait se complaire à bafouer
les lois, à fouetter la haute société (Balzac).
‖ 5. Par anal. Frapper violemment, cingler

comme le ferait un fouet : Sigognac écartant


les frondaisons qui auraient pu fouetter au
passage la figure des visiteuses (Gautier).
Ce fut comme un ouragan qui nous fouetta
le visage (Fromentin). Elle s’enfuit vers la
voiture, sans se retourner, tenant à deux
mains sa jupe que commençait à fouetter
la pluie (Martin du Gard). ‖ Spécialem.
Lancer violemment en cinglant : Et jette,
au lieu d’écume, à leur cime, à leurs flancs,
| La neige que la bise y fouette en flocons
blancs (Lamartine). ‖ 6. Faire mousser en
battant à l’aide de l’ustensile spécial appelé
« fouet » : Fouetter de la crème, des oeufs.
‖ 7. Fig. Exciter, animer au moyen d’un sti-
mulant : La faim des six semaines de grève
s’éveillait dans les ventres vides, fouettée
par cette course en pleins champs (Zola).
‖ Fouetter le sang, stimuler la circulation :
Un exercice physique bien propre à fouetter
le sang. ‖ 8. Fouetter un bélier, le châtrer
par ligature des testicules avec la cordelette
appelée « fouet ». ‖ 9. Fouetter une poulie,
un palan, les fixer sur une manoeuvre à
l’aide de cordages souples.

• SYN. : 3 flageller, fouailler, fustiger ; 4 cin-


gler, cravacher, sangler (fam.) ; 7 aiguillon-
ner, aiguiser, attiser, éperonner, stimuler.
& v. intr. (1878, G. Esnault). Arg. Puer : À
mon nez, c’ bouquet fouettait comme le
cadavre d’une petite bête (Barbusse). ‖ Vx
et pop. Fouetter du goulot, sentir mauvais
de la bouche.

2. fouetter [fwɛte] v. intr. (origine obs-


cure ; milieu du XXe s.). Pop. Avoir peur.

fouetteur, euse [fwɛtoer, -øz] adj. et n.


(de fouetter 1 ; 1534, Rabelais [frère fouet-
teur, 1865, Littré ; fouetteur de lièvres,
av. 1841, Chateaubriand]). Personne qui
fouette, qui aime à fouetter (au pr. et au
fig.) : Pères fouetteurs du siècle, à grands
coups de garcettes | Ils nous mènent au ciel
(Hugo). ‖ Frère fouetteur, celui qui, jadis,
dans les collèges, était chargé de fouetter
les élèves punis. ‖ Vx. Fouetteur de lièvres,
mauvais sujet, vaurien : Ces idées entraient
dans la tête de mes parents : mon père disait
que tous les chevaliers de Chateaubriand
avaient été des fouetteurs de lièvres, des
ivrognes et des querelleurs (Chateaubriand).

fouffes [fuf] n. f. pl. (mot dialect. de


Picardie, de Wallonie, de Lorraine et de
Champagne, de l’onomatop. fouf-, qui
exprime une chose sans valeur ; 1871,
Rimbaud). Dialect. et fam. Vêtements
usagés, chiffons : Je ne sais pas où caser
toutes mes fouffes.

foufou, fofolle [fufu, fɔfɔl] adj. et


n. (réduplication de fou 1 ; XXe s.). Fam.
Écervelé : Une bonne petite maison pépère
[...], un peu la foire, un peu foufou, mais
recta sur les gages (Deval). Cette femme est
un peu fofolle.

• SYN. : braque (fam.), étourneau, évaporé,


farfelu (fam.), hurluberlu (fam.).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1995

1. fougasse [fugas] n. f. (altér., par chan-


gement de suff., de fougade, même sens [fin
du XVIe s., Brantôme], dér. méridional de
fou, feu [forme qui correspond au franç. feu,
v. ce mot] ; 1688, Miege). Ancienne appel-
lation des mines souterraines camouflées :
Napoléon ordonna au maréchal Ney de [...]
démembrer la place en la déchirant avec des
fougasses (Chateaubriand). Phénomènes
bénins qui [...] pouvaient toujours fournir
un principe à la colère parfaite, telle une
petite amorce enflamme toute une fougasse
(Duhamel).

2. fougasse [fugas] n. f. (anc. provenç.


fogasa, lat. pop. *focacia [v. FOUACE] ; 1600,
O. de Serres [var. fou-casse, 1596, Hulsius]).
Sorte de brioche en couronne, fabriquée
dans le Massif central, les Cévennes et le
Sud-Ouest : Voici un drôle qui mange plus
de fougasse que de pain (Fabre).

fougassette [fugasɛt] n. f. (provenç.


moderne fougasseto, anc. provenç. foga-
seta, petite fouace, dimin. de fogasa
[v. l’art. précéd.] ; XXe s.). Petite fougasse
parfumée à la fleur d’oranger, spécialité
des boulangers grassois.

fouge [fuʒ] n. f. (déverbal de fouger ; fin


du XIVe s. [var. feuge, v. 1354, Modus]).
Végétaux que le sanglier extrait de terre
avec son boutoir.

fouger [fuʒe] v. intr. (lat. fodicare, piquer,


percer, fréquentatif de fodere, creuser
[v. FOUIR] ; XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse). [Conj. 1 b.] 1. En parlant du
sanglier, fouiller la terre avec son boutoir
pour y trouver des racines. ‖ 2. Renverser
avec la charrue les racines des herbes sens
dessus dessous.

fougeraie [fuʒrɛ] n. f. (de fougère ; 1611,


Cotgrave). Lieu planté de fougères.

fougère [fuʒɛr] n. f. (lat. pop. *filicaria,


proprem. « fougeraie », puis « fougère »,
du lat. class. filix, -icis, fougère ; v. 1175,
Chr. de Troyes, écrit fouchiere, feuchiere,
fougiere [fougère, 1600, O. de Serres], au
sens 1 ; sens 2, XIVe s., Littré [verre de feu-
giere — verre de fougère, 1690, Furetière ;
fougère, 1671, Boileau]). 1. Nom général
donné à des plantes vasculaires à feuilles
souvent très divisées, poussant dans les
bois, les landes, sur les murs : Aussi quand
je te vois, ô modeste bergère | Fouler de tes
pieds nus la riante fougère... (Vigny). Sur
le tronc des arbres, les longues fougères
étendaient leurs palmes grêles (Flaubert).
‖ 2. Class. Verre de fougère et, ellipt., fou-
gère, verre à boire, à cause de l’emploi qu’on
faisait de la cendre de fougère pour la pré-
paration du cristal : Elle voit le barbier qui,
d’une main légère, | Tient un verre de vin
qui rit dans la fougère (Boileau).

1. fougue [fug] n. f. (ital. foga, impé-


tuosité, proprem. « fuite précipitée », lat.
fuga, action de fuir, course rapide ; 1580,
Montaigne, au sens 1 ; sens 2, 1622, Sorel).

1. Ardeur impétueuse, élan, emportement :


Dans sa fougue aveugle, impétueuse, on le
voit embrasser à genoux les pierres grossières
des chemins (Sainte-Beuve). J’affirmai,
avec la fougue de mes dix-neuf ans, que les
nouvelles arrivées de France signifiaient la
République pour le lendemain et l’Empire
pour le surlendemain (Benoit). ‖ 2. Class.
Délire, transes : Ceux qui rendaient des
oracles entraient en fougue pour prophétiser
(Furetière).

• SYN. : 1 emballement (fam.), enthou-


siasme, exaltation, exubérance, feu,
flamme, frénésie, impétuosité, pétulance,
véhémence.

2. fougue [fug] n. f. (probablem. altér. de


[mât de] foule [1643, G. Fournier], peut-être
déverbal de fouler [v. ce mot], ce mât étant
celui qui supporte le plus l’effort du vent ;
1678, Guillet, dans la loc. mât de fougue ;
fougue, 1680, Jal). Mât de hune, celui qui
supporte le plus l’effort du vent, et vergue
de hune d’artimon : Le bras du perroquet
de fougue.

fougueusement [fugøzmɑ̃] adv. (de


fougueux ; 1872, Larousse). D’une manière
fougueuse : Attaquer fougueusement.

• SYN. : ardemment, brutalement, frénéti-


quement, impétueusement, violemment.

fougueux, euse [fugø, -øz] adj. (de


fougue 1 ; début du XVIIe s., Montlyard). Qui
a ou qui montre de la fougue : Alexandre
Dumas produisait coup sur coup ses drames
fougueux où l’éruption volcanique était
ménagée avec la dextérité d’un habile irri-
gateur (Baudelaire). Le fougueux Tartarin
voulut s’élancer derrière lui (Daudet).

• SYN. : bouillant, déchaîné, endiablé


(fam.), exalté, explosif (fam.), exubérant,
frénétique, impétueux, pétulant, véhément,
volcanique. — CONTR. : apathique, calme,
flegmatique, indolent, lymphatique, mou,
nonchalant, placide, serein.

fouillage [fujaʒ] n. m. (de fouiller ; 1851,


Landais). En agriculture, façon de travailler
le sous-sol sans le remonter à la surface.

fouille [fuj] n. f. (déverbal de fouiller ; fin


du XVIe s., dans la loc. faire fouille, fouiller,
piller ; sens 1, 1655, Salnove ; sens 2, 1704,
Trévoux [fouille blindée, XXe s. ; fouille
couverte, 1865, Littré ; fouille en déblai,
1890, Dict. général] ; sens 3, av. 1825,
P.-L. Courier ; sens 4, 1883, G. Esnault
[« bourse », 1486, Sainéan, Sources]).
1. Action de fouiller, de creuser le sol : De
petites plages [...] mises à nu par les fouilles
de la mer (Hugo). ‖ 2. Excavation qui en
résulte. ‖ Fouille blindée, celle dont les
parois sont maintenues par un système
de coffrage. ‖ Fouille couverte, celle qui
a été pratiquée en souterrain. ‖ Fouille
en déblai, celle qui a été pratiquée à ciel
ouvert. ‖ 3. Par extens. Action d’explorer
minutieusement l’intérieur de quelque
chose, d’y chercher avec soin quelque
chose d’égaré ou de caché : La fouille d’un
appartement, d’un meuble. Avant d’être
conduit dans sa cellule, le prisonnier passe
à la fouille. ‖ 4. Arg. Poche : Où que tu me
l’as pris ? — Ben, dans ta fouille, pardi !
(Bourdet).

• SYN. : 3 visite.

& fouilles n. f. pl. (1811, Chateaubriand).


Travaux entrepris par les archéologues
pour mettre au jour des villes ou des monu-
ments ensevelis au cours des siècles : Il
s’était pris d’un goût très vif pour l’étude de
l’antiquité ; il faisait des fouilles (Stendhal).

fouillé, e [fuje] adj. (part. passé de fouil-


ler ; 1850, Sainte-Beuve, au sens 3 ; sens 1-2,
1872, Larousse). 1. Travaillé en profondeur,
en creux : Sculpture fouillée. ‖ 2. Dessin
fouillé, où l’on a imité les creux, où tous
les détails apparaissent. ‖ 3. Fig. Qui est
approfondi dans le détail, minutieux : Une
étude fouillée.

• SYN. : 3 fignolé (fam.), méticuleux. —


CONTR. : 3 sommaire, superficiel.

fouille-au-pot [fujopo] n. m. invar. (de


fouille, forme du v. fouiller, au, art. défini
contracté, et pot ; fin du XVIIe s., Saint-
Simon, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, fin
du XIXe s., Huysmans). 1. Vx et fam. Petit
marmiton : La Varenne, de fouille-au-
pot, puis cuisinier [...], se mêla d’affaires,
jusqu’à devenir considérable (Saint-Simon).
‖ 2. Mauvais cuisinier. ‖ 3. Fig. et fam.
Homme tatillon, difficile : Des fouille-au-
pot délicats, des dilettanti (Huysmans).

fouille-merde [fujmɛrd] n. m. invar. (de


fouille, forme du v. fouiller, et de merde ;
1542, Du Pinet). Pop. Scarabée coprophage
appelé vulgairement BOUSIER.

fouiller [fuje] v. tr. (lat. pop. *fodiculare,


fouiller, élargissement du lat. class. fodi-
care [v. FOUGER] ; v. 1283, Beaumanoir, écrit
fuullier, fooillier [fouiller, XVIe s.], aux sens
1-2 ; sens 3, 1704, Trévoux [au fig., 1872,
Larousse] ; sens 4, milieu du XVIe s., Amyot
[« chercher avec minutie à l’intérieur de
quelque chose » et fouiller quelqu’un ; fouil-
ler les poches de, 1862, V. Hugo ; fouiller les
bibliothèques, 1784, Bernardin de Saint-
Pierre] ; sens 5, av. 1848, Chateaubriand
[fouiller un animal, 1872, Larousse] ; sens
6, 1580, Montaigne). 1. Pratiquer des trous
dans le sol : Aussi l’étroit terrain était-il
constamment remué, fouillé (Fromentin).
‖ 2. Spécialem. Creuser le sol pour y cher-
cher quelque chose : Fouiller un terrain à
la recherche de fossiles. Fouiller l’empla-
cement d’une antique cité. ‖ 3. Pratiquer
des creux dans une surface pour donner
plus de relief à une sculpture : Fouiller la
pierre, le marbre. ‖ Fig. Travailler avec un
soin, une minutie extrême : Fouiller une
étude. Fouiller son style. ‖ 4. Chercher avec
minutie à l’intérieur de quelque chose :
Ses fausses plaintes allèrent aux oreilles
des régents, qui firent fouiller mon coffre
(France). Qu’on rencontre peu de gens
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1996

dont on souhaiterait fouiller les valises


(Gide). Demeurée seule, la jeune femme se
mit à fouiller fiévreusement les armoires
et les commodes (Duhamel). ‖ Fouiller
les poches de quelqu’un, et ellipt., fouiller
quelqu’un, chercher avec soin ce qu’il peut
cacher sur lui. ‖ Fouiller les manuscrits,
les bibliothèques, y faire de minutieuses et
laborieuses recherches. ‖ 5. Vx. Chercher
en explorant minutieusement pour trou-
ver : On éventrait les fugitifs pour fouil-
ler dans leurs entrailles l’or qu’ils avaient
avalé (Chateaubriand). ‖ Spécialem. et vx.
Fouiller un animal, en parlant du vétéri-
naire, explorer, en introduisant la main
dans le vagin ou le rectum, les organes
malades. ‖ 6. Fig. Pénétrer jusqu’au plus
profond ; étudier à fond : Fouiller la vie de
quelqu’un. Fouiller les plaies de la société.
• SYN. : 1 affouiller, creuser, forer, fouir ;
3 sculpter, travailler ; approfondir, ciseler,
fignoler (fam.), lécher, perler, polir ; 4 explo-
rer, inventorier, perquisitionner, visiter ;
6 scruter, sonder.

& v. intr. (sens 1, 1668, Molière ; sens 2,


1678, La Fontaine). 1. Chercher çà et là :
Agostin se courba, parut fouiller au fond
de la fosse (Gautier). Laurent, soudain,
sauta du lit et s’en alla fouiller d’une
main tâtonnante dans un des tiroirs de
la table (Duhamel). ‖ 2. Fig. Pratiquer
des recherches en pénétrant au fond de :
Fouiller dans la vie privée de quelqu’un.
Pourquoi venir fouiller dans ma mémoire
vide ? (Vigny). J’ai donc cherché, fouillé,
questionné partout où j’ai pu (Gide).

• SYN. : 1 farfouiller (fam.), fouiner (fam.),


fourgonner, fourrager, fureter, trifouiller
(fam.).

& se fouiller v. pr. (sens 1, av. 1709, Regnard ;


sens 2, 1872, Larousse). 1. Chercher dans
ses poches : Aussitôt, chacun de se fouiller.
« Vingt francs de port ! Mais je ne les ai pas

— Ni moi non plus » (Daudet). ‖ 2. Pop.


Pouvoir se fouiller, ne pas obtenir, ne pas
avoir ce qu’on escomptait : Tous les autres
ont touché quelque chose, toi tu peux te
fouiller. Le « singe » pouvait se fouiller : il
ne retournerait pas à la boîte (Zola).

fouilleur, euse [fujoer, -øz] adj. et n. (de


fouiller ; début du XVIe s., Gringore, au sens
1 ; sens 2, 1862, V. Hugo ; sens 3, av. 1872,
Th. Gautier ; sens 4, 11 mai 1874, Gazette
des tribunaux). 1. Celui, celle qui fouille :
Un immense dégoût me vint aux lèvres rien
qu’à la pensée de reprendre [...] cet affreux
métier de fouilleur de livres (Fromentin).
‖ 2. Fig. Qui fouille, qui s’entend à fouil-
ler : Bouchereau lui-même n’avait plus sa
physionomie dure, cet oeil noir, fouilleur
et déconcertant sous ses gros sourcils
d’étoupe ? (Daudet). ‖ 3. Spécialem. Qui
pratique des fouilles archéologiques : Et on
dirait qu’ils riaient par avance de la mine
décontenancée des fouilleurs (Gautier).
‖ 4. Personne chargée de fouiller les indivi-
dus arrêtés ou soupçonnés de contrebande :

En dépit des fouilleurs et des fouilleuses,


Babet trouva moyen de faire passer le billet
de la Force à la Salpêtrière (Hugo).

• SYN. : 2 fouinard (fam.), fouineur (fam.),


fureteur, inquisiteur.

& fouilleuse n. f. (1872, Larousse). Charrue


spéciale employée pour diviser et pulvéri-
ser le sous-sol.

fouillis [fuji] n. m. (de fouiller ; fin du


XIVe s., E. Deschamps, au sens de « action de
fouger » ; sens 1, 1834, Landais ; sens 2, av.
1803, Laharpe). 1. Fam. Amas confus d’ob-
jets placés pêle-mêle : Un fouillis de papiers.
C’était une confusion, un fouillis de têtes et
de bras qui s’agitaient (Zola). Par-ci, par-
là, quelques ustensiles de cuisine, deux ou
trois matelas roulés, et une foule de caisses
de toutes dimensions, montrant un fouillis
de vieux effets et de linge, ou complètement
vides et suppléant au mobilier (Daudet).
‖ 2. Fig. et fam. Manque de clarté dans les
idées, dans une composition littéraire ou
artistique : C’est dans ma tête un fouillis
inextricable. Chaque pensée nouvelle, en se
déplaçant, remue toutes les autres (Gide).
Un portrait peint par Jordaens, avec des mil-
lions de détails à la façon fouillis et comme
au hasard (Hugo).

• SYN. : 1 fatras, méli-mélo (fam.) ; 2 confu-


sion, embrouillamini (fam.).

fouillouse [fujuz] n. f. (de fouille, bourse,


poche [v. ce mot] ; 1486, Sainéan, sources,
au sens de « bourse » ; sens moderne, 1632,
Chereau). Vx et arg. Poche.

fouinard, e [fwinar, -ard] n. et adj. (de


fouiner ; 1867, Delvau). Fam. Se dit de
quelqu’un qui fouine partout ; curieux,
indiscret : Où voulait-il en arriver, ce rusé,
ce fouinard ? (A. Arnoux).

• SYN. : fouineur (fam.), fureteur.

1. fouine [fwin] n. f. (lat. pop. *fagina


[sous-entendu mustella, belette], fouine
[proprem. « belette des hêtres »], fém. de
l’adj. du lat. class. faginus, de hêtre, dér. de
fagus, hêtre ; v. 1268, É. Boileau, au sens 1,
écrit faïne, d’où, sous l’influence de fou 2
[v. ce mot], foïne [v. 1160, Benoît de Sainte-
Maure], puis fouine [XVIe s., Le Roux de
Lincy, Proverbes] ; sens 2, XXe s. [« homme
qui attaque traîtreusement ses ennemis »,
1827, Chateaubriand]). 1. Petit carnassier
de la famille des mustélidés et du genre
martre, qui pénètre la nuit dans les pou-
laillers. ‖ 2. Fig. Personne rusée, maligne,
indiscrète.

2. fouine [fwin] n. f. (lat. fuscina, fourche à


trois dents, trident ; XIIIe s., Gay, écrit foisne
[fouine, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, XIVe s.,
Du Cange, écrit fouyne [fouine, XVIe s.]).
1. Trident barbelé servant aux pêcheurs :
Trémoulin [...], tenant aux mains le long
trident aux pointes aiguës qu’on nomme
la fouine, guettait [...] le fond changeant de
la mer (Maupassant). ‖ 2. Fourche de fer

à deux ou trois pointes qui sert à soulever


des gerbes, des bottes de foin.

• SYN. : 1 foëne.

fouiner [fwine] v. intr. (de fouine 1 ; 1749,


Vadé, au sens de « s’esquiver » [comme la
fouine] ; sens 1-2, 1866, G. Esnault). 1. Fam.
Fourrer partout son museau comme la
fouine ; explorer les moindres recoins
pour découvrir quelque chose : Ce qui
ne l’empêche point, d’ailleurs, de fouiner
dans les bibliothèques (Huysmans). C’est
finalement des bras-cassés du 204 venus
pour fouiner dans la plaine à la chasse aux
amochés (Barbusse). ‖ 2. Fig. et fam. Se
livrer à des recherches indiscrètes : Évitez
qu’une femme puisse fouiner dans mes
affaires (Romains).

• SYN. : 1 fureter ; 2 espionner, farfouiller


(fam.), fourgonner, fourrager, trifouiller
(fam.).

fouineur, euse [fwinoer, -øz] adj. et


n. (de fouiner ; 1867, Delvau). Curieux
et indiscret : J’ la connais, la vieille foui-
neuse (Barbusse). Mais comme il ne veut
pas porter de lunettes, il a l’air fouineur et
soupçonneux (Duhamel).

• SYN. : fouinard (fam.), fureteur, inquisiteur.

fouir [fwir] v. tr. (lat. pop. *fodire, lat.


class. fodere, creuser, travailler en creu-
sant, piquer, percer ; v. 1120, Psautier de
Cambridge, écrit foïr fuïr [fouir, XIIIe s.], au
sens 1 ; sens 2, av. 1889, Barbey d’Aurevilly).
1. Creuser le sol : Les chacals fouissent la
terre des sépultures (Buffon). ‖ 2. Littér.
Creuser, laisser une trace profonde : Les
blessures qui avaient foui la face de l’abbé
étaient engravées dans ses os (Barbey
d’Aurevilly).

• SYN. : 1 fouger, fouiller.

fouissage [fwisaʒ] n. m. (de fouir ; XXe s.).


Creusement du sol, de la vase, du bois, par
un animal qui veut s’y cacher ou y trouver
un abri : Le fouissage de la terre par les
taupes.

fouisseur, euse [fwisoer, -øz] adj. (de


fouir ; v. 1250, Mousket, comme n. m., au
sens de « celui qui creuse » ; comme adj.,
au sens 1, 1835, Maison rustique du XIXe
siècle ; sens 2, 1872, Larousse ; sens 3, 1845,
Bescherelle). 1. Qui sert à fouir la terre :
Bâton fouisseur. Les pattes fouisseuses de la
courtilière. ‖ 2. Qui a l’habitude de fouir :
Comme cet hyménoptère, la guêpe fouis-
seuse (Proust). ‖ 3. Animal fouisseur, ou
un fouisseur, n. m., animal qui creuse la
terre : La taupe est un fouisseur.

& fouisseurs n. m. pl. (1803, Boiste).


Groupe d’insectes qui creusent des nids
en forme de terrier pour leurs larves.

foulage [fulaʒ] n. m. (de fouler ; 1284,


Godefroy, écrit folage [foulage, XVe s.], au
sens de « droit féodal sur le foulage des
pommes » ; XVe s., Du Cange, dans la loc.
vin de fort foulage, « vin de bonne qua-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1997

lité » ; sens 1, 1845, Bescherelle ; sens 2,


1765, Encyclopédie ; sens 3, XVIe s. ; sens 4,
1835, Acad.). 1. Action de fouler, d’écra-
ser : Le foulage du raisin. ‖ 2. Spécialem.
Empreinte en relief qui apparaît au verso
d’une feuille imprimée, par excès de pres-
sion. ‖ 3. Action de fouler du drap, un cha-
peau. ‖ 4. Action de traiter les peaux dans
un foulon.

• SYN. : 4 foulonnage.

foulant, e [fulɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


fouler ; 1872, Larousse, au sens 1 [pompe
foulante, 1704, Trévoux] ; sens 2, XXe s.).
1. Qui foule, presse, comprime : Cylindre
foulant. ‖ Pompe foulante, pompe qui
provoque la montée d’un liquide dans une
conduite par la pression qu’elle exerce sur
ce liquide. ‖ 2. Fig. et pop. Fatigant (surtout
dans des propositions négatives) : C’est un
travail qui n’est pas foulant.

foulard [fular] n. m. (probablem. altér. du


provenç. foulat, qui correspond au franç.
foulé, sorte de drap d’été [1877, Littré], part.
passé substantivé de fouler [v. ce mot] ; 1761,
Dictionnaire du citoyen, au sens 1 ; sens
2, 1832, Raymond). 1. Tissu léger de soie
ou de rayonne : Dans une pose souple que
faisait valoir sa veste de foulard brodée de
soie rose, il souriait, les lèvres un peu pâles,
mais la voix calme (Daudet). Le cou non
serré dans un col presque haut mais peu
empesé, d’où s’échappait, mince comme un
orvet, une cravate en foulard bronzé, sur la
chemise à plis (Gide). Relevant et serrant
contre elle les volants de sa robe de foulard,
Anne suivie du chien, se faufila entre les sacs
(Martin du Gard). ‖ 2. Pièce de vêtement
fabriquée avec ce tissu et que l’on porte
autour du cou ou sur la tête : Derrière un
comptoir chargé de bouteilles de liqueurs
se prélasse une grosse mégère dont la tête,
serrée dans un sale foulard qui dessine sur
le mur l’ombre de ses pointes sataniques, fait
penser que tout ce qui est voué au Mal est
condamné à porter des cornes (Baudelaire).
Il sortait un sordide foulard de sa poche et
s’épongeait le front avec (Gide).
• SYN. : 2 cache-col, cache-nez, carré,
écharpe, fichu, pointe.

foule [ful] n. f. (déverbal de fouler ; XIIe s.,


écrit fole [foule, v. 1265, J. de Meung], au
sens de « presse résultant de la réunion d’un
grand nombre de personnes » ; sens I, 1,
1690, Furetière [« moulin à fouler le drap »,
1611, Cotgrave ; « pression que le tisseur
exerce avec le pied... », 1872, Larousse ;
pêche à la foule, 1829, Boiste] ; sens I, 2,
XIVe s., Godefroy ; sens II, 1 et 3, 1538, R.
Estienne [en sociologie, av. 1850, Balzac] ;
sens II, 2, 1670, Racine).

I. 1. Vx. Action de fouler, en particulier


le drap, le feutre : Mettre des draps à la
foule. Cuve à la foule. ‖ Spécialem. Pres-
sion que le tisseur exerce avec le pied sur
une ou plusieurs marches du métier, pour
les enfoncer. ‖ Pêche à la foule, pêche qui

se pratique à marée basse, en pressant du


pied le sable ou la vase pour faire sortir
le poisson qui y est enfoui. ‖ 2. Class. et
littér. Action de pressurer, d’opprimer les
personnes (vieilli au XVIIe s., sauf dans la
loc. à la foule de) : Le Roi ne donne point
de privilèges qui aillent à la foule de ses su-
jets (Furetière, 1690). Les petits sont sans
cesse accablés de nouvelles foules (Hugo).

II. 1. Réunion, en un même lieu, d’un


très grand nombre de personnes : Une
foule énorme s’étageait, s’écrasait sur
les gradins brûlés du vieil amphithéâtre
(Daudet). Les rangs de la foule s’écartent
lentement et graduellement (Claudel).
En quelques minutes, pareille à un fleuve
de lave qui a trouvé sa pente, la foule
emplit la large tranchée des boulevards,
et, grossie sans cesse par les affluents des
voies latérales, se mit lentement à couler
vers l’ouest (Martin du Gard). Mais vous
êtes sûr de m’apercevoir dans la foule ?
(Romains). ‖ Spécialem. En sociologie,
groupe d’individus considéré comme un
être collectif présentant des caractères
particuliers, des phénomènes typiques :
La psychologie des foules. Je contemplais
la foule, attendant le désir d’y plonger,
vers le soir, quand elle deviendrait plus
fervente (Gide). ‖ 2. Le commun des
hommes, pris collectivement, par oppo-
sition à l’élite qui en émerge : Une sphère
inconnue où les esprits se séparent de la
foule (Balzac). Loin de la foule vile | Trou-
vez-moi, trouvez-moi (Hugo). Le héros
s’en allait seul dans la foule (Daudet).
‖ 3. Une foule de, la foule des, un grand
nombre de, le plus grand nombre des
(en parlant d’êtres ou de choses) : C’est
là l’inconvénient de tout journal : on y
trouve des discussions animées sur des
sujets devenus indifférents ; le lecteur voit
passer comme des ombres une foule de
personnages dont il ne retient pas même
le nom : figurants muets qui remplissent
le fond de la scène (Chateaubriand). Les
bandits du désert [...] | Bondissent dans la
crypte, et leur foule l’encombre (Leconte
de Lisle). Une foule de choses qui, jusque-
là, avaient paru innocentes (Renan). On
me dit que les femmes, dans ces demeures
si calmes, passent les journées [...] à se
livrer à une foule de pratiques magiques
(Tharaud). Je n’ai point [...] de ces scru-
pules qui intimident la foule des hommes
(France).

• SYN. : II, 1 aff luence, cohue, monde,


public ; 2 masse, multitude, peuple ; 3
essaim, flopée (fam.), flot, nuée, ribambelle
(fam.), tas (fam.), tripotée (pop.).

& En foule loc. adv. (milieu du XVIe s.,


Amyot). En grand nombre, en masse : Un
jour par semaine [...], les femmes d’Alger
se font conduire en foule au cimetière
(Fromentin). Les objections se présentaient
en foule à mon esprit (Acad.).

& À la foule loc. adv. (milieu du XVIe s.,


Amyot). Class. Même sens : Les Parthes,
à la foule, aux Syriens mêlés (Corneille).

foulée [fule] n. f. (part. passé fém. substan-


tivé de fouler ; v. 1280, Bibbesworth, au sens
de « cohue, mêlée » ; sens I, 1, v. 1354, Modus
[« sonnerie de trompe de chasse... », 1922,
Larousse] ; sens I, 2, XXe s. ; sens I, 3, 1835,
Acad. [« manière dont est pris l’appui »,
XXe s.] ; sens I, 4, 1877, Littré [pour un che-
val ; pour un homme, et rester dans la foulée
de, XXe s. ; dans la foulée de, au fig., 20 déc.
1965, l’Express] ; sens I, 5, 1752, Trévoux ;
sens II, 1723, Savary des Bruslons).

I. 1. (Au plur.) En termes de vénerie,


empreintes laissées sur une surface molle
(terre, herbe, feuilles mortes, etc.) par
les pieds du grand gibier. (On dit aussi
QUÊTES ou QUÊTÉS.) ‖ Les foulées, son-
nerie de trompe de chasse pour exciter les
chiens à chercher la voie. ‖ 2. Par extens.
Se dit des traces de n’importe quel ani-
mal : À ses pieds, les innombrables foulées
de la route : il reconnaît le passage des
moutons, des boeufs, des chevaux (Super-
vielle). ‖ 3. Appui qu’un cheval, un cou-
reur à pied prend à chaque pas sur le sol.
‖ Par extens. Manière dont est pris cet
appui : De légères foulées. Courir d’une
foulée souple. ‖ 4. Distance couverte par
un coureur entre deux appuis des pieds
au sol : Courir à grandes foulées. Elle
avançait à longues foulées, le buste souple,
un peu de fierté dans le port de tête (Mar-
tin du Gard). ‖ Rester dans la foulée de,
courir derrière un concurrent, tout près
de lui, à la même allure. ‖ Fig. et fam.
Dans la foulée de, en profitant du train
acquis, sans s’arrêter dans l’action entre-
prise, immédiatement après : Dans la fou-
lée des négociations multilatérales devrait
intervenir une négociation générale au
sommet. ‖ 5. Ligne de foulée d’un escalier,
partie d’un escalier qui supporte les plus
nombreux passages, correspondant à une
ligne tracée parallèlement au limon, à 50
cm de la rampe.

II. Quantité de peaux que l’on traite en


même temps au foulon.

• SYN. : I, 1 piste, voie ; 2 empreinte, vestige


(vx) ; 4 enjambée.

foulement [fulmɑ̃] n. m. (de fouler ; 1611,


Cotgrave). Action de fouler.

fouler [fule] v. tr. (lat. pop. *fullare, pro-


prem. « fouler une étoffe », du radical du lat.
class. fullo [v. FOULON] ; fin du XIe s., Gloses
de Raschi, écrit foler [fouler, XIIIe s.], au sens
I, 1 [pour le raisin, XIIIe s., Rutebeuf ; pour
les cuirs, 1723, Savary des Bruslons] ; sens
I, 2, fin du XVe s. ; sens I, 3, 1690, Furetière
[fouler une enceinte, 1778, Le Verrier de La
Conterie] ; sens I, 4, 1674, Corneille [« ne
faire aucun cas de, traiter avec mépris », v.
1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ;
fouler aux pieds, 1538, R. Estienne] ; sens
II, 1, 1600, O. de Serres ; sens II, 2, 1549,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1998

R. Estienne [se fouler un membre] ; sens


II, 3, fin du XIIIe s., Végèce [se foler, « se
fatiguer » ; se fouler la rate, 1842, Flaubert ;
se fouler le tempérament, av. 1880, Flaubert ;
ne pas se fouler, 1832, Raymond ; ne pas se
la fouler, av. 1890, Maupassant]).

I. 1. Soumettre à des pressions succes-


sives, avec les mains, les pieds ou par un
moyen mécanique. ‖ Spécialem. Écraser
le raisin avant de le faire fermenter ou de le
presser : Fouler la vendange. ‖ Faire pas-
ser certaines étoffes entre des cylindres
métalliques ou les soumettre à l’action de
maillets pour les comprimer et les rendre
plus serrées : Fouler des draps, du feutre.
‖ Travailler les cuirs dans un foulon.
(On dit aussi FOULONNER.) ‖ 2. Class.
et fig. Accabler de mesures vexatoires,
de charges, d’exactions ; opprimer : La
veuve, l’orphelin, tous ceux qu’on foule
ou qu’on opprime (Massillon). ‖ 3. Littér.
Mettre le pied sur le sol, marcher sur : Je
foulais le sol de la Grèce, j’étais à dix lieues
d’Olympie (Chateaubriand). Nos chevaux
au soleil foulaient l’herbe fleurie (Mus-
set). Un chemin de chèvre foulé, où rien ne
croît (Colette). ‖ Spécialem. Fouler une
enceinte, en vénerie, la faire parcourir
par les chiens à la recherche d’un animal.
‖ 4. Littér. Marcher avec indifférence sur
quelque chose ou sur quelqu’un : Un jour,
d’un pied ingrat, tu fouleras ma tombe
(Vigny). Toi qui, magiquement, assou-
plis les vieux os | De l’ivrogne attardé
foulé par les chevaux (Baudelaire). ‖ Fig.
et littér. Ne faire aucun cas de quelque
chose, n’en pas tenir compte : J’ai foulé le
bon goût et l’ancien vers français (Hugo).
‖ Fouler aux pieds, piétiner, générale-
ment avec colère ou avec mépris : Foulant
aux pieds mes papillotes arrachées et mon
chapeau neuf (Proust) ; au fig., traiter
avec cynisme, avec le plus grand mépris :
Fouler aux pieds tout scrupule, tout res-
pect humain. Fouler aux pieds la légalité.
Toute femme sans pudeur est dépravée ;
elle foule aux pieds un sentiment naturel
à son sexe (Rousseau).

II. 1. Blesser, meurtrir par une forte


pression : Les selles neuves foulent le dos
des chevaux. ‖ 2. Luxer, provoquer la
distension des ligaments d’une articu-
lation : Cette chute lui a foulé le poignet
(Littré). Langlois, blessé légèrement à la
tête, avait pu s’écarter sur un pied ; l’autre
était foulé (Malraux). ‖ Se fouler une
articulation, un membre, se donner une
entorse : Se fouler la cheville. ‖ 3. Pop. Se
fouler la rate, le tempérament, se la fouler,
ou absol. se fouler, se donner beaucoup de
mal, faire un gros effort (généralement
dans des tournures négatives) : Ceux qui
disent : « Pourquoi se fouler la rate pour
si peu ! » sont ceux qui, plus tard, une
fois arrivés aux honneurs, veulent vendre
leurs livres 200 francs le feuilleton (Baude-
laire). On aurait le double sans s’être foulé
le tempérament (Flaubert). [M. Omont]
considérait la levée de blé à la floraison
des colzas d’un oeil d’amateur à son aise
[...] qui ne se la foule plus (Maupassant).
Les auteurs ont trop bien compris qu’avec
le public d’aujourd’hui il ne leur était pas
nécessaire de se fouler (Gide). Il ne s’est
pas foulé pour trouver son pseudonyme.
Le nom du village natal (Duhamel).

• SYN. : II, 2 déboîter, démettre ; 3 se casser


(pop.), s’éreinter (fam.), se fatiguer.

foulerie [fulri] n. f. (de fouler ; v. 1268, É.


Boileau, au sens de « métier de foulon » ;
début du XIVe s., au sens de « moulin à
fouler » ; sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 2,
1723, Savary des Bruslons). 1. Endroit où
l’on foule les draps, les étoffes, les cuirs,
le raisin, etc. : Ces vastes remises où les
vignerons de mon pays fabriquent leur vin
et qu’on nomme des « fouleries » (Theuriet).
‖ 2. Machine à fouler les draps.

fouleur, euse [fuloer, -øz] n. (de fouler ;


XIIIe s., Godefroy, écrit fouleeur, au sens de
« celui qui foule le raisin » ; écrit fouleur, au
sens actuel, 1690, Furetière). Personne qui
foule les draps, les cuirs, le feutre.

& fouleuse n. f. (1907, Larousse). Machine


que l’on utilise pour le foulage du feutre,
dans les fabriques de chapeaux. ‖ Fouleuse
à maillets, machine servant au foulage de
certains draps.

fouling [fuling] n. m. (mot angl., part. prés.


substantivé de to foul, salir, barbouiller,
infecter, dér. de foul, sale — au pr. et au fig.
[anglo-saxon ful, faul, même sens] ; 1968,
Larousse). Détérioration de la coque des
navires par les êtres vivants qui s’y fixent
et accroissent ainsi le frottement.

fouloir [fulwar] n. m. (de fouler ; 1274,


Godefroy, écrit folour [fouloir, XVIe s.],
au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse ; sens
3, XXe s. ; sens 4, 1832, Raymond ; sens 5,
1690, Furetière). 1. Instrument servant
à fouler les draps, les étoffes, les peaux.
‖ 2. Appareil utilisé pour fouler la ven-
dange. ‖ 3. Machine destinée à pilonner
le béton dans les moules, composée d’un
moteur à air comprimé actionnant un outil
en forme de dame. ‖ 4. Instrument avec
lequel le dentiste tasse le matériau d’obtu-
ration dans une cavité dentaire. ‖ 5. Atelier
où s’opère le foulage des étoffes, des peaux.
fouloire [fulwar] n. f. (de fouler ; 1279,
Godefroy, écrit foloire [fouloire, 1600, O. de
Serres], au sens de « cuve où on foule le
raisin » ; sens 1, 1723, Savary des Bruslons ;
sens 2, 1680, Richelet). 1. Vx. Table sur
laquelle les chapeliers foulaient le feutre des
chapeaux. ‖ 2. Syn. de FOULON (au sens 4).

foulon [fulɔ̃] n. m. (lat. fullonem, accus.


de fullo, -onis, foulon, celui qui presse les
étoffes, dégraisseur ; XIIe s., au sens 1 ; sens
2, XIVe s., Ordonnance royale [foulon ;
moulin à foulon, 1690, Furetière] ; sens 3,
1694, Acad. ; sens 4-5, XXe s.). 1. Ouvrier

dont la tâche est de fouler et d’apprêter le


drap, le feutre. (On dit aussi MOULINEUR
OU FOULONNIER.) ‖ 2. Moulin à foulon,
ou simplem. foulon, machine utilisée pour
le foulage des draps. ‖ 3. Terre à foulon,
argile provenant de la décomposition
de certains schistes et qui a la propriété
d’absorber les corps gras, ce qui la faisait
employer autrefois pour le dégraissage et le
foulage des draps. ‖ 4. Cuve où l’on foule
les articles de bonneterie. (On dit aussi
FOULOIRE.) ‖ 5. Grand tonneau de bois
utilisé pour le tannage des cuirs.

foulonnage [fulɔnaʒ] n. m. (de foulon-


ner ; 1907, Larousse). Syn. de FOULAGE,
dans l’industrie textile.

foulonner [fulɔne] v. tr. (de foulon ; 1611,


Cotgrave, puis 1922, Larousse). Syn. de
FOULER, dans l’industrie textile.

foulonnier [fulɔnje] n. m. (de foulonner ;


1723, Savary des Bruslons, au sens 1 ; sens
2, 4 juin 1780, d’après Littré, 1865). 1. Syn.
de FOULON (au sens 1). ‖ 2. Vx. Propriétaire
de moulins à foulon.

foulque [fulk] n. f. (anc. provenç. folca,


lat. fulica, foulque ; v. 1398, le Ménagier
de Paris, écrit fourque ; foulque, XVIe s.).
Oiseau aquatique à plumage gris noirâtre,
voisin de la poule d’eau, qu’on trouve sur
tout le globe, et dont une espèce, la foulque
noire, est commune en France sur les
fleuves, les lacs et les étangs.

foultitude [fultityd] n. f. (croisement de


foule et de [mul]titude ; milieu du XIXe s.).
Fam. et plaisamm. Grand nombre : Il y a
l’argot des duchesses, témoin cette phrase
écrite [...] par une très grande dame [...] de
la Restauration : « Vous trouverez dans ces
potains-là une foultitude de raisons pour
que je me libertise » (Hugo). Elle avait
l’habitude de dire qu’elle se passerait plus
aisément de pain que d’art et de propreté, et
qu’elle eût été plus triste de voir brûler « la
Joconde » que des foultitudes de personnes
qu’elle connaissait (Proust).

• SYN. : masse, multitude, tas (fam.).

foulure [fulyr] n. f. (de fouler ; XIIe s., Athis,


écrit fouleüre [folure, v. 1283, Beaumanoir ;
foullure, foulure, XVe s., Perceforest], aux
sens de « blessure, contusion externe » ; sens
actuel, 1611, Cotgrave). Entorse bénigne, ou
étirement accidentel des ligaments articu-
laires : Une foulure du poignet.

• SYN. : luxation.

four [fur] n. m. (lat. furnus, fornus, four ;


1080, Chanson de Roland, écrit forn [four,
v. 1283, Beaumanoir], au sens 1 [four banal,
1690, Furetière ; four de campagne, 1732,
Trévoux ; il fait noir comme dans un four,
milieu du XVe s., Quinze Joyes de mariage ;
il fait chaud comme dans un four, av. 1648,
Voiture ; vous viendrez cuire à mon four,
1694, Acad. ; ce n’est pas pour lui que le
four chauffe, 1690, Furetière ; on ne peut
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1999

pas être au four et au moulin, 1865, Littré ;


petits fours, 1865, Littré — four, « pâtisserie
de dessert », XVe s.] ; sens 2, 1833, Balzac ;
sens 3, v. 1560, Paré [four à cuve, à sole,
à réverbère, 1872, Larousse ; four Martin,
four électrique, fin du XIXe s. ; four à chaux,
1564, J. Thierry ; four à ciment, à coke, à
carboniser, XXe s. ; four solaire, milieu du
XXe s.] ; sens 4, 1659, G. Esnault [« échec
complet », 1872, Larousse ; faire un four,
« renvoyer les spectateurs », 1690, Furetière
— peut-être parce que, quand on avait ren-
voyé les spectateurs, on éteignait toutes les
lumières de la salle de théâtre et on la ren-
dait ainsi noire comme un four ; faire four,
1830, Sainéan, le Langage parisien] ; sens
5, 1692, Dancourt ; sens 6, 1829, Boiste).
1. Ouvrage de maçonnerie de forme cir-
culaire ou ovale, voûté, avec une ouver-
ture par-devant, chauffé au bois, et dans
lequel on fait cuire le pain, la pâtisserie ;
appareil de conception moderne destiné au
même usage, chauffé au gaz, au mazout, à
l’électricité : Four de boulanger, de pâtis-
sier. Four à pain. Chauffer le four. Autour
des boulangeries banales, à l’heure où les
galettes sont tirées du four (Fromentin).
‖ Bouche du four, son entrée. ‖ Dôme ou
chapelle du four, sa partie supérieure voû-
tée. ‖ Autel du four, la tablette en avant de
l’entrée. ‖ Four banal, four où les vassaux
d’un seigneur étaient tenus de faire cuire
leur pain en acquittant une redevance.
‖ Four de campagne, four à pain qui suit
les troupes en opérations. ‖ Il fait noir ou,
ironiq., il fait clair comme dans un four,
il fait très sombre. ‖ Il fait chaud comme
dans un four, il fait extrêmement chaud.
‖ Vx. Vous viendrez cuire à mon four, vous
aurez un jour besoin de moi, mais je ne
serai pas disposé à vous aider. ‖ Vx. Ce
n’est pas pour lui que le four chauffe, ce n’est
pas à lui que la chose est destinée. ‖ On ne
peut pas être au four et au moulin, on ne
peut pas s’occuper de deux choses à la fois.
‖ Petits fours, petites pâtisseries que l’on
sert au cours d’une réception, d’un thé,
au dessert : Un paquet tout ficelé de petits
fours qu’elle venait de prendre chez le pâtis-
sier d’en face (Proust). ‖ 2. Compartiment
d’une cuisinière, d’un fourneau enveloppé
par l’élément chauffant, ou appareil indé-
pendant chauffé au gaz ou à l’électricité,
et dans lequel on peut réchauffer ou faire
cuire des aliments : Cuire une viande au
four. ‖ 3. Appareil de forme et de concep-
tion variées, utilisé dans l’industrie pour
obtenir des températures élevées et faire
subir à des matières diverses des transfor-
mations physiques ou chimiques (séchage,
fusion, traitements thermiques, cuisson,
grillage, réactions chimiques diverses,
etc.). ‖ Four à cuve, four dans lequel le
combustible et la matière à traiter sont
chargés par couches alternées. ‖ Four à
sole, four dans lequel le foyer est séparé de
la zone où l’on utilise la chaleur. ‖ Four à
réverbère, four dans lequel les matières à

traiter sont chauffées par l’intermédiaire


d’une voûte qui, portée à haute tempéra-
ture, rayonne fortement sur la sole. ‖ Four
Martin, four à sole utilisé pour l’affinage
de la fonte. ‖ Four électrique, four très
employé en métallurgie, dans lequel la
chaleur est fournie par l’arc électrique ou
par une résistance que parcourt un courant
intense. ‖ Four à chaux, à ciment, four soit
vertical, soit horizontal et animé d’un mou-
vement de rotation, pour la fabrication de
la chaux et du ciment. ‖ Four à coke, four
à vase clos permettant d’obtenir du coke
métallurgique par cokéfaction. ‖ Four à
carboniser, appareil métallique utilisé pour
la carbonisation du bois en forêt. ‖ Four
solaire, miroir concave de grand diamètre,
qui concentre les rayons solaires en son
foyer, y produisant une température très
élevée. ‖ Four crématoire, v. CRÉMATOIRE.
‖ 4. Fam. et vx. Au théâtre, représenta-
tion dont la recette ne couvre pas les frais.
‖ Auj. et fam. Échec, insuccès complet,
au théâtre ou ailleurs : Quand il s’occupe
de quelque chose, on peut être certain que
ce sera un four (Becque). Si votre Nana
ne joue ni ne chante, vous aurez un four
(Zola). Je n’ai guère connu, tout le long de
ma « carrière », que des fours (Gide). ‖ Fam.
et vx. Faire un four, faire four, renvoyer les
spectateurs, au lieu de jouer la pièce, quand
la recette n’était pas suffisante ; en parlant
d’un spectacle, subir un échec complet et
retentissant ; par extens., en parlant d’une
entreprise quelconque, échouer : Il n’y eut
donc aucune manifestation de l’opinion
publique en leur faveur. « Nous faisons
four », dit Lousteau (Balzac). ‖ 5. Autref.
Maison où les racoleurs cachaient ceux
qu’ils avaient enrôlés de force : Vous entre-
rez dans quelqu’un de ces fours du quai de la
Ferraille où les racoleurs enrôlent les laquais
et les rustres (France). ‖ 6. Four à cristaux,
nom donné à des cavités tapissées de cristal
de roche, que l’on rencontre dans certaines
parties granitiques des Alpes.

• SYN. : 4 chute, faillite, fiasco, insuccès.

1. fourbe [furb] adj. et n. (de fourbir, au


sens anc. de « voler » [v. 1220, G. de Coincy] ;
1455, Coquillards, au sens de « complice
qui seconde l’escroc » ; sens actuel, 1642,
Corneille, comme adj., et 1643, comme n.).
Se dit d’une personne qui agit avec perfidie,
qui trompe, cherche à tromper : Homme
fourbe. Les malices des fourbes, les men-
songes des hypocrites (Romains) ; et littér. :
[L’imagination] cette maîtresse d’erreur et
de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle
ne l’est pas toujours (Pascal).

• SYN. : dissimulé, faux, faux jeton (fam.),


hypocrite, imposteur, patelin, perfide, tar-
tufe, traître.

2. fourbe [furb] n. f. (déverbal de four-


bir [v. l’art. précéd.] ; v. 1460, Mystère du
siège d’Orléans, écrit forbe [fourbe, fin du
XVe s., La Curne], au sens 2 ; sens 1, 1643,
Corneille). 1. Class. et littér. Fourberie,

caractère d’une personne qui agit habi-


tuellement de façon perfide, déloyale :
C’est bien aimer la fourbe et l’avoir bien
en main | Que de prendre plaisir à fourber
sans dessein (Corneille). Tantôt Stendhal
narquois peint un évêque qui se mire, un
Narcisse mitré qui s’essaie à bénir noble-
ment et moelleusement devant une glace
de sacristie ; tantôt Stendhal brutal accuse
la fourbe ou bafoue la sottise dans l’ecclé-
siastique (Valéry). ‖ 2. Class. et littér.
Tromperie, acte d’une personne fourbe :
Il [l’âne déguisé en lion] faisait trembler
tout le monde. | Un petit bout d’oreille
échappé par malheur | Découvrit la fourbe
et l’erreur (La Fontaine). La fourbe, toute
grossière qu’elle était, trouva créance auprès
d’hommes encore plus grossiers (Mérimée).

fourber [furbe] v. tr. et intr. (de fourbe


1 ; 1643, Corneille). Class. Tromper avec
une adresse perfide : Ma foi, Monsieur, si
Scapin vous fourbe, je m’en lave les mains
(Molière). Je sais l’art de fourber assez bien,
Dieu merci (Quinault).

fourberie [furbəri] n. f. (de fourbe 1 ; 1640,


Oudin, au sens 2 ; sens 1, 1655, Molière).
1. Caractère d’une personne fourbe, ou
d’une action accomplie avec ruse et qui est
faite pour tromper : La finesse est l’occasion
prochaine de la fourberie ; de l’une à l’autre,
le pas est glissant (La Bruyère). Elle eut la
hauteur des grandes dames, sans avoir la
douce fourberie de leur politesse (Balzac).
‖ 2. Acte d’une personne fourbe : « Les
Fourberies de Scapin » (titre d’une comé-
die de Molière).

• SYN. : 1 duplicité, fausseté, hypocrisie, per-


fidie, tartuferie ; 2 imposture, tromperie.

— CONTR. : 1 candeur, droiture, franchise,


ingénuité, loyauté, sincérité.

fourbesque [furbɛsk] n. m. et adj. (ital.


furbesco, dér. de furbo, voleur, lui-même
empr. au franç. fourbe 1 ; 1866, Larousse
[art. argot]). Ancien argot italien.

fourbi [furbi] n. m. (de fourbir ; 1534,


Rabelais, au sens de « sorte de jeu de
cartes » ; 1835, Raspail, au sens de « jeu
frauduleux » ; sens 1, 1888, Larousse ; sens
2, fin du XIXe s., Huysmans [fourbi arabe,
1914, G. Esnault] ; sens 3, 1861, G. Esnault
[connaître le fourbi, 1867, Delvau] ; sens 4,
1892, G. Esnault). 1. Arg. mil. Ensemble des
armes, des effets d’un soldat. ‖ Par extens.
et fam. Ensemble d’affaires, d’objets appar-
tenant à quelqu’un : Ceci ne faisait point
notre affaire, car déjà, dans la chambre,
nous avions étalé notre fourbi (Gide).
‖ 2. Fam. Ensemble de choses sans valeur,
d’objets hétéroclites : Pourquoi diable
emportez-vous ce fourbi qui ne vaut pas la
paille dont on l’enveloppe ? (Huysmans).
‖ Fourbi arabe, choses en désordre,
fatras : « Tout un fourbi arabe », dit le
juge (Pourrat). ‖ 3. Fam. Combinaison,
affaire compliquée ou peu honnête : C’est
un fourbi à ne pas s’en sortir ! ‖ Connaître le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2000

fourbi, savoir se débrouiller, « connaître la


musique ». ‖ 4. Fam. Mot vague, désignant
une chose indéterminée ou dont on ne se
rappelle pas le nom : Un tas de sacrés four-
bis inventés pour l’embêtement du pauvre
monde (Moselly). Nous cherchons le...
machin, le... chose, quoi ! le fourbi, le truc,
si vous préférez (Courteline).

• SYN. : 1 attirail, barda (fam.), bastringue


(fam.), bataclan (fam.), fourniment ; 2 bazar
(fam.) ; 4 bidule (fam.), chose (fam.), machin
(fam.), truc (fam.).

fourbir [furbir] v. tr. (germ. *furbjan,


nettoyer ; 1080, Chanson de Roland, écrit
furbir [forbir, XIIe s. ; fourbir, XIIIe s.], au
sens actuel [aussi « voler », v. 1220, G. de
Coincy ; fourbir ses armes, XXe s.]). Astiquer
une arme, un objet de métal pour les rendre
brillants : Le soleil fait briller les canons
fourbis (Fromentin). Mais qu’une armée
à la parade est différente d’une armée à la
caserne, fourbissant ses armes, astiquant
son fourniment, ou, pis encore, ronflant
ignoblement sur ses lits de camp puants et
sales (Baudelaire). Dans la salle à manger
brûlait, dès le crépuscule, notre grosse lampe
de cuivre, toujours bien fourbie, toujours
un peu moite de pétrole (Duhamel). ‖ Fig.
et littér. Fourbir ses armes, se préparer à la
guerre, et, par extens., à quelque combat, à
quelque épreuve.

• SYN. : 1 briquer (fam.), frotter.

fourbissage [furbisaʒ] n. m. (de fourbir ;


début du XVe s.). Action de fourbir (vieilli) :
Seulement quelques matelots qui font leur
fourbissage (Loti).

• SYN. : astiquage, frottage.

• REM. On a dit aussi FOURBISSEMENT


(1270, Littré).
fourbisseur [furbisoer] n. m. (de four-
bir ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit forbisseor ;
fourbisseur, v. 1300, Godefroy). Vx. Artisan
qui polissait et montait les armes blanches
(épées, sabres, dagues, lances, etc.) : Les
boutiques des fourbisseurs sont enfoncées,
et trente mille fusils furent enlevés aux
Invalides (Chateaubriand).

fourbu, e [furby] adj. (part. passé de


l’anc. v. se forboire, boire avec excès, à
contretemps, se fatiguer en buvant à l’excès
[XVIe s., La Curne], de for- [v. FORS] et de
boire ; 1546, Rabelais, dans l’expression
couillon forbeü, au sens peu clair ; sens
1, 1563, J. Massé, écrit forbeü [fourbu,
XVIIe s.] ; sens 2, 1865, Littré). 1. Se dit d’un
animal de trait qui est atteint de fourbure :
Cheval fourbu. ‖ 2. Fig. Se dit d’une per-
sonne harassée de fatigue : Ces quatre jours
de Paris m’ont fourbu (Gide). Les plus four-
bus semblent revivre (Dorgelès).

• SYN. : 2 anéanti, claqué (fam.), épuisé,


éreinté (fam.), esquinté (pop.), exténué, flapi
(très fam.), las, moulu, rendu, vanné (fam.).

fourbure [furbyr] n. f. (de fourbu ;


1611, Cotgrave). Congestion, suivie d’une

inflammation, de la membrane tégumen-


taire du pied des ongulés, et en particulier
du cheval.

fourc [furk] n. m. (de fourche ; v. 1130,


Eneas, écrit forc, au sens de « bifurcation
des chemins » ; écrit forc et fourc, au sens
actuel, XIIIe s., Godefroy). Point de jonction
de deux branches d’arbre.

fourcadel [furkadɛl] n. m. (provenç. four-


cadèu, même sens, de fourcadèla ou -dèlo,
fourche à deux dents, dér. de l’anc. provenç.
forca, fourche, lat. furca [v. FOURCHE] ; 1845,
Bescherelle). Cep de vigne qui n’a que deux
montants conservés à la taille.

fourcat [furka] n. m. (anc. provenç. forcat,


proprem. « fourche, bâton fourchu » [1438,
Pansier], qui correspond morphologique-
ment au franç. fourché ; 1690, Furetière [art.
fourques]). Dans les navires construits en
bois, varangue, en forme de fourche, d’ex-
trême avant et d’extrême arrière.

fourche [furʃ] n. f. (lat. furca, fourche,


bois fourchu, étançon, instrument de
supplice pour les esclaves et les criminels,
gibet, joug fourchu ; fin du XIe s., Gloses de
Raschi, écrit forche [fourche, XIIIe s.], au
sens II, 2 [« potence, gibet », au plur. ; dans
une bicyclette, 1932, Acad. ; « mandibule
inférieure des oiseaux », 1872, Larousse ;
fourches patibulaires, 1690, Furetière] ; sens
I, 1-2, v. 1170, Livre des Rois [fourche cro-
chue, XXe s.] ; sens II, 1, fin du XIIe s., Simund
de Freine [« arbre fourchu » ; fourche d’un
pantalon, XXe s. ; fourche d’un arbre, 1890,
Dict. général ; Fourches Caudines, 1690,
Furetière ; passer sous les fourches caudines,
fin du XVIIe s., Saint-Simon]).

I. 1. Instrument se composant d’un long


manche de bois terminé par deux ou plu-
sieurs pointes de bois ou de métal, et qui
sert à la manutention de la paille, du foin,
du fumier, au bêchage des terrains pier-
reux, etc. : Les hommes, armés de fusils,
de fourches de fer... (Le Roy). La flamme
ayant jailli, le vieillard y jeta les chairs dé-
coupées qu’il retournait avec une fourche
de bronze (France). ‖ Fourche crochue,
outil de jardinier à quatre dents recour-
bées, servant à herser la terre labourée.
‖ 2. Fourche de guerre, anc. arme d’hast,
à deux ou à trois dents (XVIe-XVIIe s.).

II. 1. Disposition d’une chose qui se


divise en deux ou plusieurs directions ;
partie qui présente cette disposition :
Nous plaçâmes horizontalement, dans la
fourche de ces piquets, une longue perche
(Chateaubriand). La fourche d’un che-
min. ‖ Fourche d’un pantalon, partie qui
se trouve à l’entrejambe, enfourchure.
‖ Fourche d’un arbre, endroit où le tronc
se divise en deux ou plusieurs branches.
‖ Fourches Caudines, défilé (se resserrant
de plus en plus, comme l’espace compris
entre les dents d’une fourche) situé près
de Caudium, à la frontière de la Campa-

nie, où une armée romaine se laissa en-


fermer par les Samnites et fut contrainte
de passer sous le joug (321 av. J.-C.).
‖ Fig. Passer sous les fourches caudines,
être obligé de subir les conditions très
humiliantes que vous impose quelqu’un.
‖ 2. Objet dont la forme rappelle celle
d’une fourche. ‖ Spécialem. Partie du
cadre d’une bicyclette ou d’un motocycle
qui soutient la roue avant et le guidon :
Fourche télescopique. ‖ Mandibule infé-
rieure des oiseaux. ‖ Fourches patibu-
laires, gibet à plusieurs piliers (initiale-
ment formé de deux fourches supportant
une traverse) que le roi et les seigneurs
hauts justiciers avaient droit d’élever :
Les fourches patibulaires de Montfaucon.
En face, de l’autre côté, au pied de San
Salvador, elle possède encore une espèce
de promontoire sur lequel il y a une cha-
pelle ; mais elle a prêté gracieusement aux
Luganois ce promontoire pour exécuter
les criminels et pour y élever des fourches
patibulaires (Chateaubriand).

• SYN. : II, 1 bifurcation, carrefour, croisée,


embranchement, enfourchure.

fourché, e [furʃe] adj. (de fourche ; fin


du XIe s., Gloses de Raschi, écrit for-chié,
au sens de « fourchu » ; écrit fourché, au
sens actuel, 1690, Furetière). En héraldique,
se dit de la queue d’un animal quand elle
est divisée en deux parties : Queue de lion
fourchée.

fourchée [furʃe] n. f. (de fourche ; 1872,


Larousse). Quantité de foin, de paille, de
fumier, etc., qu’on peut enlever d’un coup
avec une fourche : Les secoueurs leur pré-
paraient d’énormes fourchées (Pérochon).

fourche-fière [furʃəfjɛr] n. f. (altér., pro-


bablem. par croisement avec l’adj. fier [v. ce
mot], de l’anc. franç. forche fire, même sens
[v. 1160, Benoît de Sainte-Maure], de forche
[v. FOURCHE] et de fire, lat. ferrea, fém. de
l’adj. ferreus, de fer, dér. de ferrum, fer ;
XIIIe s., Roman de Renart, écrit forche-fiere ;
fourche-fière, XIVe s.). Vx. Longue fourche
de fer à dents solides et très pointues, ser-
vant à enlever les gerbes : Armés de fléaux,
de faux et de fourches-fières (France).

• Pl. des FOURCHES-FIÈRES.

fourcher [furʃe] v. intr. (de fourche ;


XIIe s., Aye d’Avignon, écrit forchier [four-
cher, XIVe s.], au sens 1 [au fig., av. 1854,
Nerval] ; sens 2, milieu du XVIe s., Amyot).
1. Vx. Se diviser en plusieurs branches, en
plusieurs directions : Un arbre, un chemin
qui fourche. ‖ Fig. et littér. Son esprit four-
chait à trois résolutions principales (Nerval)
‖ 2. Fig. et fam. Sa langue a fourché, ou la
langue lui a fourché, il a dit un mot à la
place d’un autre.

• SYN. : 1 bifurquer.

& v. tr. (sens 1, 1845, Bescherelle [four-


cher le chiendent ; fourcher la terre,
1872, Larousse] ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Piquer, saisir avec la fourche : On enten-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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dait les garçons fourcher la litière fraîche et


parler aux chevaux (Roupnel). Et tes voeux ?
lui criera Satan en lui fourchant le derrière
(Fort). ‖ Spécialem. Fourcher le chiendent,
le retirer avec une fourche, lorsque la terre a
été labourée. ‖ Fourcher la terre, la remuer
avec une fourche, pour l’ameublir ou pour
recouvrir un semis. ‖ 2. Aux échecs, pla-
cer un cavalier de telle sorte que, tout en
donnant échec, il menace une autre pièce.

fourchet [furʃɛ] n. m. (de fourche ; 1690,


Furetière). Inflammation chronique de la
peau qui recouvre le ligament interdigité,
chez les ruminants.

fourchetée [furʃəte] ou fourchettée


[furʃɛte] n. f. (de fourchette ; 1829, Boiste).
Ce que l’on prend en une seule fois avec une
fourchette : Hatchinson dévorait à grandes
fourchettées le boeuf braisé (Daudet).

fourchette [furʃɛt] n. f. (dimin. de


fourche ; 1313, Laborde, écrit furcheste
[fourchette, XVe s., Laborde], au sens I, 1
[fourchette à salade, 1890, Dict. général ; la
fourchette du père Adam, 1808, d’Hautel ;
être une belle fourchette, 1890, Dict. géné-
ral ; être une bonne fourchette, avoir un joli
coup de fourchette, 1865, Littré ; déjeuner
à la fourchette, 1835, Acad. ; au hasard de
la fourchette, 1872, Larousse] ; sens I, 2,
1865, Littré [coup de la fourchette ; vol à
la fourchette, 1848, G. Esnault ; marquer
à la fourchette, av. 1902, Zola ; prendre en
fourchette, XXe s. ; avoir la fourchette, 1865,
Littré] ; sens II, 1, 1907, Larousse ; sens II, 2,
1752, Trévoux ; sens II, 3, 1872, Larousse ;
sens II, 4, 1757, Encyclopédie ; sens II, 5 et
7, 1680, Richelet ; sens II, 6, 1690, Furetière
[« cartilage du sternum », v. 1560, Paré] ;
sens II, 8, 1732, Trévoux ; sens II, 9, 1930,
Larousse ; sens II, 10, milieu du XXe s.).

I. 1. Ustensile de table en forme de petite


fourche, à deux, trois ou quatre dents,
suivant sa destination, avec lequel on
pique les aliments pour les découper
ou les porter à la bouche : Fourchette à
huîtres, à escargots, à dessert. Fourchette
à découper. Il avait déjà piqué une grive à
sa fourchette, quand un bruit de sanglots
déchira nos oreilles (France). ‖ Four-
chette à salade, fourchette de bois, d’os,
de corne, etc., qui, avec une cuiller, sert à
retourner la salade. ‖ Fam. La fourchette
du père Adam, les doigts. ‖ C’est une belle
ou une bonne fourchette, ou il a un joli
coup de fourchette, il a grand appétit, il
se tient bien à table. ‖ Déjeuner à la four-
chette, petit déjeuner où l’on mange de la
viande. ‖ Au hasard de la fourchette, en-
seigne de certains restaurants parisiens
où, autrefois, pour une faible somme, les
clients avaient droit au premier morceau
qu’ils piquaient dans la marmite. ‖ 2. Fig.
Entre dans diverses expressions qui
évoquent l’écartement des branches de la
fourchette. ‖ Coup de la fourchette, coup
de traîtrise consistant à enfoncer dans les

yeux de l’adversaire l’index et le médius


écartés. ‖ Arg. et vx. Vol à la fourchette,
variété de vol à la tire, consistant à intro-
duire deux doigts dans la poche d’une
personne pour en retirer une montre,
une bourse. ‖ Pop. et vx. Marquer à la
fourchette (comme si on marquait avec
les deux branches en même temps), mar-
quer plus de points qu’on n’en a fait au
jeu ; facturer plus de marchandises qu’on
n’en a remis : En voilà un voleur de pa-
tron qui marquait à la fourchette (Zola).
‖ Prendre en fourchette, aux cartes, avoir
une carte immédiatement supérieure et
une carte immédiatement inférieure à
celle de l’adversaire. (On a dit aussi AVOIR
LA FOURCHETTE.)

II. 1. Pièce mécanique à deux dents qui


agit comme intermédiaire dans la réa-
lisation du mouvement d’un ensemble :
Fourchette d’une boîte de vitesses.
‖ 2. Pièce qui reçoit la tige du balancier
d’une pendule et la relie à l’échappement.
(On dit aussi PENDILLON.) ‖ 3. Pièce qui
soutient le fléau d’une balance au repos,
et l’empêche de peser sur le couteau.
‖ 4. Petite crémaillère dont se servent
les jardiniers pour soulever les cloches
de verre et donner de l’air aux plantes
qu’elles protègent. ‖ 5. Petite bande de
peau placée entre les doigts d’un gant.
‖ 6. Pièce osseuse en forme de V, située à
l’avant de la poitrine des oiseaux et résul-
tant de la soudure des deux clavicules.
‖ 7. Coin de corne molle, élastique, à la
face inférieure du sabot des équidés, dans
l’échancrure de la sole. ‖ 8. Fourchette
vulvaire, commissure postérieure des
grandes lèvres de la vulve. ‖ 9. En termes
de balistique, élément du rectangle de
dispersion d’un projectile, utilisé pour le
réglage du tir. ‖ 10. En termes de statis-
tique, écart entre deux valeurs extrêmes
— inférieure et supérieure — d’une
évaluation : Avant la proclamation des
résultats électoraux, le resserrement de la
fourchette de chaque candidat permet de
prévoir le résultat définitif.

fourcheur [furʃoer] n. m. (de fourcher ;


1877, Littré). Vx et dialect. Ouvrier agricole
qui enlève les gerbes à l’aide d’une fourche :
Cloches de branler ; faucilleurs, râteleurs,
fourcheurs et batteurs d’aller gaiement
(Goncourt).

fourchon [furʃɔ̃] n. m. (de fourche ; fin du


XIIe s., Renaut de Montauban, écrit forchon ;
fourchon, 1539, R. Estienne). Chacune des
dents d’une fourche, d’une fourchette : Une
fourche à trois fourchons.

fourchu, e [furʃy] adj. (de fourche ; fin


du XIIe s., Geste des Loherains, écrit fou-
rku [fourcheü, 1372, Corbichon ; fourchu,
v. 1460, Villon], au sens 1 [faire l’arbre
fourchu, 1552, Rabelais ; pied fourchu,
1611, Cotgrave — pour les satyres ou pour
le diable, 1865, Littré] ; sens 2, av. 1854,

Nerval ; sens 3, 1690, Furetière). 1. Qui


fait une fourche, qui se divise en deux ou
plusieurs branches ou directions : Arbre
fourchu. Chemin fourchu. ‖ Faire l’arbre
fourchu, se tenir en équilibre dans la posi-
tion verticale, la tête en bas et les pieds en
l’air, écartés l’un de l’autre. ‖ Pied four-
chu, pied divisé en deux des ruminants ;
pied de bouc que l’on attribue aux satyres
et au diable. ‖ 2. Fig. et plaisamm. Qui
se rapporte au diable : Une idée heureuse
vint balayer toutes ces visions fourchues
(Nerval). ‖ 3. En héraldique, se dit quel-
quefois pour FOURCHÉ, E.

fourgat [furga] n. m. (de fourguer ; 1821,


Ansiaume, au sens 1 ; sens 2, 1828, Vidocq ;
sens 3, 1835, G. Esnault). 1. Arg. Receleur : Je
l’ai payé cent vingt-cinq francs à un fourgat
de la rue Lanterne (L. Daudet). ‖ 2. Arg.
Boutique de receleur. ‖ 3. Arg. Objets volés.

1. fourgon [furgɔ̃] n. m. (lat. pop. *furi-


conem, accus. de *furico, instrument ser-
vant à fouiller, de *furicare, fouiller, dér.
du lat. class. furari, voler, dérober, de fur,
furis, voleur ; fin du XIe s., Gloses de Raschi,
écrit forgon ; fourgon, v. 1265, J. de Meung).
Ringard, barre métallique servant à attiser
un foyer, à remuer la charge d’un four, d’un
fourneau, d’un poêle.

2. fourgon [furgɔ̃] n. m. (probablem.


même mot que fourgon 1, qui aurait
désigné chacune des perches composant
une ridelle, puis la ridelle elle-même, et
enfin, par l’intermédiaire d’une locution
non attestée *char à fourgon, une voi-
ture à ridelles ; v. 1640, Voiture, au sens 1
[fourgon cellulaire, funèbre ou mortuaire,
d’incendie, XXe s.] ; sens 2, 1826, Wexler).
1. Véhicule long et couvert, utilisé pour le
transport des bagages, des meubles, des
marchandises, etc. : Fourgon automobile.
Fourgon de déménagement. Fourgon postal.
Sous son vaste porche, un continuel va-et-
vient de fourgons (Daudet). ‖ Spécialem.
Naguère, voiture militaire pour le trans-
port des munitions, des vivres : Toutes ces
rues étaient encombrées d’infanterie, de
cavalerie et surtout de caissons d’artille-
rie et de fourgons (Stendhal). ‖ Fourgon
cellulaire, véhicule employé pour le trans-
port des prisonniers. ‖ Fourgon funèbre
ou mortuaire, corbillard automobile dans
lequel peuvent prendre place quelques per-
sonnes accompagnant le corps. ‖ Fourgon
d’incendie, véhicule spécial employé par les
sapeurs-pompiers. ‖ 2. Wagon incorporé
dans un train de voyageurs pour le trans-
port des bagages.

fourgonner [furgɔne] v. intr. (de four-


gon 1 ; XIIIe s., Littré, au sens 1 ; sens 2,
1690, Furetière). 1. Remuer avec le four-
gon la braise d’un four, le feu d’un foyer :
Fourgonner dans un poêle ; et transitiv. :
La veuve, occupée à fourgonner son feu,
se redressa (Theuriet). ‖ 2. Fam. Fouiller
de façon maladroite ou désordonnée, en
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2002

remuant, en bouleversant : Elle monta au


grenier, fourgonna là-haut pendant un bon
moment (Chérau).

• SYN. : 1 tisonner ; 2 farfouiller (très fam.),


fouiller, fourrager, trifouiller (pop.).

fourgonnette [furgɔnɛt] n. f. (de four-


gon 2 ; 1949, Larousse). Petite voiture auto-
mobile à usage commercial, s’ouvrant par
l’arrière.

fourgue [furg] n. m. (réduction de four-


gat ; 1835, Raspail). Arg. Receleur : Tu radi-
neras ici pour qu’on discute le coup avec le
fourgue (Bourdet).
fourguer [furge] v. tr. (issu, après méta-
thèse de -r-, de l’ital. frugare, chercher
avec impatience, probablem. du lat. pop.
*furicare [v. FOURGON 1] ; 1821, Ansiaume,
au sens de « acheter les objets provenant
de vols » ; sens 1 [« vendre au receleur »],
1835, Raspail ; sens 2, 1901, et sens 3, 1958,
G. Esnault). 1. Arg. Vendre à quelqu’un
des objets volés (en parlant du receleur) ;
vendre au receleur (en parlant d’un voleur).
‖ 2. Pop. Vendre, céder à bas prix quelque
chose, pour s’en débarrasser : Nous en
serons quittes pour « fourguer » une autre
estampe (L. Daudet). ‖ Vendre, « refiler »
un objet défectueux ou une marchandise
de mauvaise qualité. ‖ 3. Arg. Dénoncer à
la police, « vendre ».

fouriérisme [furjerism] n. m. (du n. du


socialiste Charles Fourier [1772-1837] ;
1842, Acad.). Système philosophique et
économique de Charles Fourier et de ses
disciples.

fouriériste [furjerist] n. et adj. (de


Fourier [v. l’art. précéd.] ; 1842, Pecqueur).
Qui est partisan des théories de Charles
Fourier : La poétesse de l’avenir, fourié-
riste ou saint-simonienne (Baudelaire).
Les fouriéristes.

& adj. (v. 1830, Chateaubriand). Qui se rap-


porte à Charles Fourier ou au fouriérisme :
Le système fouriériste. L’école fouriériste.

four-in-hand [furinɛnd] n. m. (de l’angl.


[to drive] four in hand, [conduire] à grandes
guides, [conduire] à quatre chevaux atte-
lés à une voiture, de four, quatre, in, dans,
et hand, main ; 1816, Fr. Mackenzie). Vx.
Voiture à quatre chevaux : Les nombreux
et magnifiques équipages alignés là [...],
depuis les carrosses de gala [...] jusqu’au
confortable four-inhand des déjeuners de
chasse (Daudet).

fourme [furm] n. f. (anc. provenç. forma,


fromage [proprem. « éclisse dans laquelle on
dresse les fromages », sens également attesté
pour le franç. forme au XVIe s.], provenç. et
franco-provenç. modernes fourma, fourme,
lat. forma [v. FORME] ; 1829, Boiste, au sens
1, écrit forme [fourme, 1872, Larousse] ;
sens 2, XXe s.). 1. Fromage voisin du cantal,
mais de format plus réduit. ‖ 2. Fourme
d’Ambert, fromage cylindrique à moisis-

sures internes (bleu), fabriqué dans les


monts du Forez, à partir de lait de vache.
fourmi [furmi] n. f. (lat. pop. *formicus,
masc. du lat. class. formica, fourmi ; fin
du XIIe s., Marie de France, écrit fromiz
[formi, formis, v. 1265, Br. Latini ; fourmi,
1550, Ronsard — jusqu’au XVIIe s., le mot est
généralement du masc.], au sens 1 [oeuf de
fourmi, 1872, Larousse ; fourmis blanches,
1690, Furetière] ; sens 2, 1845, Bescherelle ;
sens 3, v. 1664, La Rochefoucauld). 1. Insecte
hyménoptère de la famille des formicidés,
vivant en sociétés, ou fourmilières, où l’on
rencontre des reines fécondes et de nom-
breuses ouvrières sans ailes : Des soldats
[...] désenfouissaient un livre énorme [...],
tout grouillant de vers blancs, de fourmis...
(Daudet). ‖ OEufs de fourmis, nom donné
aux larves et aux nymphes de la fourmi,
avec lesquelles on nourrit notamment les
faisans. ‖ Fourmis blanches, nom impro-
prement donné aux termites. ‖ 2. Fam.
Avoir des fourmis dans les jambes, les pieds,
etc., y ressentir des picotements, prove-
nant le plus souvent d’un engourdissement.
‖ 3. Fig. et fam. Personne diligente, pré-
voyante, qui se plaît à amasser.

fourmilier [furmilje] n. m. (de fourmi ;


1756, Brisson [ours fourmier, « fourmilier »
— 1575, Belleforest —, est une francisation
du lat. de la Renaissance ursus formicarius,
trad. de l’ital. orso formigaro, « fourmi-
lier », du lat. class. ursus, ours, et formica,
fourmi]). Nom commun à divers mammi-
fères édentés qui se nourrissent de fourmis,
qu’ils capturent avec leur langue visqueuse.

fourmilière [furmiljɛr] n. f. (var. gra-


phique, peut-être sous l’influence du
v. fourmiller, de l’anc. franç. fromieere,
fourmilière [v. 1180, Marie de France],
formiere [fin du XIVe s., E. Deschamps], de
fourmi [v. ce mot] ; début du XVIe s. [aussi
fourmillière, 1564, J. Thierry], au sens 1
[« ensemble des fourmis vivant dans une
même habitation », 1837, V. Hugo] ; sens 2,
1762, J.-J. Rousseau ; sens 3, XVIe s., Littré).
1. Habitation construite par les fourmis,
dans la terre ou dans le vieux bois, et où
elles vivent en société : Une de ces grosses
fourmilières où l’on ramasse des oeufs pour
la nourriture des faisans (Daudet). ‖ Par
extens. Ensemble des fourmis vivant dans
une même habitation. ‖ 2. Fig. Lieu où
s’agitent beaucoup de gens actifs : Cette
grande fourmilière qui s’appelle Paris.
‖ 3. Fig. Multitude de gens qui s’agitent :
Il y a là une laborieuse fourmilière humaine
(Hugo). Il resta penché sur cette fourmi-
lière de gens inconnus qui passaient vite
(Fromentin). L’humanité est une des
innombrables fourmilières où se fait dans
l’espace l’expérience de la raison (Renan).

fourmi-lion ou fourmilion [furmiljɔ̃]


n. m. (francisation, d’après fourmi et lion,
du lat. scientif. moderne formicaleo, du lat.
class. formica, fourmi, et leo, lion ; 1745,

Ch. Bonnet [la forme fourmilleon — 1372, J.


Corbichon — est une adaptation du bas lat.
formicoleon, v. FORMICA-LEO]). Nom donné
à des insectes, de l’ordre des névroptères,
dont la larve creuse dans le sable un piège
en entonnoir où elle capture les insectes et
surtout les fourmis : L’usurier est au jeune
homme ce que la pieuvre est à l’imprudent
nageur et le fourmilion à l’insecte égaré
(Miomandre).

• Pl. des FOURMIS-LIONS.

fourmillant, e [furmijɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de fourmiller [v. ce mot] ; XIIe s.,
Partenopeus de Blois, écrit formïant, au
sens de « plein de » ; écrit fourmillant, au
sens I, 2, 1673, La Fontaine ; sens I, 1, 1831,
V. Hugo ; sens I, 3, fin du XVIIe s., Saint-
Simon ; sens II, 1872, Larousse [« qui est la
cause ou s’accompagne de cette sensation »,
début du XXe s.]).

I. 1. Qui s’agite en grand nombre, à la


façon des fourmis : Découpant en noires
ombres fourmillantes la foule attroupée
(Daudet). ‖ 2. Se dit d’un lieu qui est le
siège d’un fourmillement, où des êtres
vont et viennent en grand nombre : Four-
millante cité, cité pleine de rêves, | Où le
rêve en plein jour raccroche le passant !
(Baudelaire). Par deux, par trois, cau-
santes, alertes, marchant très vite, elles
regagnaient les fourmillants ateliers des
rues Saint-Martin, Saint-Denis, Vieille-
du-Temple (Daudet). ‖ 3. Fourmillant
de, qui contient une abondance, une in-
finité de : Sur les quais de la Seine, dans
les promenades fourmillantes d’enfants
(Baudelaire).

II. Qui est le siège d’une sensation ana-


logue à des picotements de fourmis :
Le corps fourmillant, il pliait et repliait
ses oreillers pour élever sa tête brûlante
(Barrès). ‖ Par extens. Qui est la cause
ou s’accompagne de cette sensation :
Votre cervelle se met à peser d’un poids
fourmillant contre l’enveloppe du crâne
(Romains).

fourmillement [furmijmɑ̃] n. m. (de


fourmillement [furmijmɑ̃] n. m. (de
fourmiller [v. ce mot] ; 1545, Paré, écrit
fourmiement [fourmillement, 1636, Monet],
au sens II ; sens I, 1, 1680, Richelet ; sens I,
2, fin du XIXe s., A. Daudet).

I. 1. Mouvement d’êtres qui s’agitent en


grand nombre, de choses qui se déplacent
sans arrêt : Le fourmillement noir des ba-
taillons (Hugo) ; et au fig. : Un fourmille-
ment d’idées. ‖ 2. Bruit léger produit par
ce qui fourmille : À la belle étoile, parmi
des murmures d’oiseaux, des fourmille-
ments d’insectes sous les feuilles (Daudet).

II. Sensation de picotement dans un


membre, dans une partie du corps, com-
parable à celle que produirait la présence
de fourmis et qui survient généralement
après compression d’un nerf ou de vais-
seaux sanguins : La brûlure au bout des
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2003

petits doigts pleins d’encre, que la douleur


poignait d’un fourmillement de piqûres
(Daudet).

• SYN. : I, 1 foisonnement, grouillement,


pullulement.

fourmiller [furmije] v. intr. (réfection


de l’anc. franç. fromier, s’agiter en grand
nombre [fin du XIe s., Gloses de Raschi], for-
mier [XIIe s.], de fourmi [v. ce mot] ou du lat.
formicare, démanger, être faible et fréquent,
en parlant du pouls [de formica, fourmi] ;
1552, Paré, au sens II ; sens I, 1, 1587, F. de
La Noue ; sens I, 2, 1648, Scarron [sans idée
de mouvement, 1580, Montaigne]).

I. 1. S’agiter en grand nombre à la façon


des fourmis : Tous fourmillaient bruyam-
ment sur le même point (Hugo). ‖ Par
extens. Être en abondance, en grand
nombre (sans idée de mouvement) : Un
ouvrage où les fautes fourmillent (Boi-
leau). Pour faire fourmiller de nouveau
sur le sol des milliers d’édifices (Hugo).
Dans ce point de rencontre du génie la-
tin et du génie germanique les légendes
fourmillent (Barrès). ‖ 2. Fourmiller de,
être plein d’êtres qui s’agitent, de choses
animées d’un mouvement incessant : La
couche fourmilla de larves (Flaubert).
Comme il avait été décidé, on revint par
les Champs-Élysées. La vaste avenue four-
millait de voitures (Maupassant) ; par
extens., contenir en abondance (sans idée
de mouvement) : Il y a des biographies
faciles à écrire : celles, par exemple, des
hommes dont la vie fourmille d’événe-
ments et d’aventures (Baudelaire).

II. Faire éprouver à quelqu’un une sen-


sation de fourmillement, en parlant d’un
membre, d’une partie du corps : Le bout
des doigts lui fourmille.

• SYN. : I, 1 grouiller ; foisonner, pulluler ; 2


abonder en, déborder de, regorger de.

fournaise [furnɛz] n. f. (fém. de l’anc.


franç. fornais, fornaz, four incandescent
[v. 1155, Wace], lat. fornacem, accus. du
n. m. fornax, -acis, four, fourneau, four-
naise de l’Etna, de fornus, furnus, four [v.
FOUR] ; v. 1130, Eneas, écrit fornaise [four-
naise, XVIe s.], au sens 1 [« foyer ardent »,
av. 1664, N. Perrot d’Ablancourt ; « le feu de
l’enfer », v. 1190, Marie de France — écrit
forneise] ; sens 2, 1868, A. Daudet ; sens
3, 1853, V. Hugo ; sens 4, 1831, V. Hugo).
1. Vx. Grand four où brûle un feu ardent :
Son oeil ressemblait à un trou percé dans la
paroi d’une fournaise (Hugo). ‖ Par extens.
Foyer ardent : Empédocle se jeta dans la
fournaise de l’Etna. ‖ Spécialem. Le feu
de l’enfer. ‖ 2. Lieu où règne une chaleur
intense : Le mistral de Marseille, la four-
naise d’Almeria, le chaud et froid de Tanger
(Montherlant). ‖ 3. Fig. Lieu où se livrent
des combats acharnés, champ de bataille :
La garde impériale entra dans la fournaise
(Hugo). ‖ 4. Fig. Foyer ardent d’activité
intellectuelle : Ma tête, fournaise où mon

esprit s’allume, | Jette le vers d’airain qui


bouillonne et qui fume (Hugo).

• SYN. : 2 brasier, feu, four.

fourneau [furno] n. m. (de forn, forme


anc. de four ; v. 1170, Fierabras, écrit for-
nel, au sens de « cheminée, âtre » ; écrit
fourneau, aux sens I, 1-2, XIVe s., Nature à
l’alchimie [bas fourneau, 1872, Larousse ;
haut fourneau, milieu du XVIIIe s., Buffon] ;
sens I, 3, 1690, Furetière [au plur., av. 1880,
Flaubert ; être toujours au fourneau, XXe s.] ;
sens I, 4, XXe s. ; sens I, 5, 1907, Larousse ;
sens II, 1, 1636, Monet ; sens II, 2, 1671,
Pomey ; sens II, 3, 1808, Boiste).

I. 1. Sorte de four, de forme et de matière


variables, dans lequel on soumet à l’ac-
tion d’une chaleur intense certaines subs-
tances que l’on veut fondre ou calciner :
Fourneau de verrier. Fourneau de forge.
‖ Bas fourneau, four à cuve de faible hau-
teur, utilisé pour l’élaboration de la fonte
et des ferro-alliages. ‖ Haut fourneau,
grand four à cuve dans lequel on opère la
fusion et la réduction du minerai de fer
pour élaborer la fonte : Une fabrique dont
on apercevait le haut fourneau à travers
les éclaircies du feuillage (Murger) ; par
extens., usine métallurgique qui possède
un ou plusieurs hauts fourneaux : Vous
avez là sous les yeux les hauts fourneaux
de M. Cocherill (Hugo). ‖ 2. Appareil
comportant souvent plusieurs pièces ou
plusieurs foyers, que l’on utilise pour cer-
taines opérations chimiques ou pour des
usages spéciaux : Fourneau à essais. Four-
neau de coupelle. Fourneau d’affineur, de
pharmacien. ‖ 3. Appareil fixe ou porta-
tif où l’on brûle divers combustibles, et
qui sert à la cuisson des aliments : Four-
neau à charbon, à gaz, à alcool. ‖ Sou-
vent au pluriel lorsqu’il s’agit d’un appa-
reil comportant plusieurs foyers : Debout
aux fourneaux, le cuisinier faisait bouillir
pour le déjeuner un nombre raisonnable
de casseroles luisantes (Flaubert). ‖ Fam.
Être toujours au fourneau, être toujours
occupé à faire la cuisine. ‖ 4. Foyer de
chaudière, sur un navire : Charger les
fourneaux. ‖ 5. Pop. Imbécile, empoté
(vieilli) : Laisse-le donc, ce fourneau-là.
Tu vois pas que c’est un pané (Courteline).

II. 1. Vx. Fourneau à charbon, meule de


bois pourvue d’une cheminée et dans la-
quelle le bois se transformait en charbon
de bois par combustion lente : Au bord
d’une de ces petites clairières rondes que
font dans les bois les fourneaux à char-
bon en brûlant (Hugo). ‖ 2. Fourneau de
mine, cavité dans laquelle est introduite
la charge d’explosif destinée à la destruc-
tion d’un ouvrage déterminé. ‖ 3. Four-
neau d’une pipe, partie dans laquelle
brûle le tabac : Cinq cents fourneaux de
pipe, représentant des Abd elKader, des
Nègres... (Flaubert).

fournée [furne] n. f. (de forn, forme anc.


de four ; 1180, Barbier, au sens 1 ; sens
2, 1704, Trévoux ; sens 3, XIIIe s., Littré
[« groupe de personnes portées ensemble
à la même dignité », fin du XVIIe s., Saint-
Simon]). 1. Quantité de pain que l’on fait
cuire en une fois dans un four : Le bou-
langer va faire une deuxième fournée.
‖ 2. Quantité d’objets qu’on expose en
même temps à la chaleur d’un four : Une
fournée de tuiles, de faïences. ‖ 3. Fig. et
fam. Groupe de personnes accomplissant
en même temps les mêmes actes ou pro-
mises au même sort : Et la foule s’écoulait
au carillon des cloches, sonnant une autre
messe pour une autre fournée de fidèles
(Ajalbert). Suret-Lefort, plus éloigné que
Bouteiller de la première fournée républi-
caine (Barrès). Les suspects étaient jugés
par fournées (Acad.). ‖ Spécialem. Groupe
de personnes portées ensemble à la même
dignité : Je ne suis pas suspect de faiblesse
pour les fournées [de pairs du royaume]
(Chateaubriand).

• SYN. : 2 charretée.

fournette [furnɛt] n. f. (de fourneau, par


changement de suff. ; 1700, Liger). Petit
fourneau qui sert à préparer la poudre
(calcine) avec laquelle on obtient l’émail
blanc opaque de la faïence commune.

fourni, e [furni] adj. (part. passé de four-


nir ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens
de « robuste, fort, considérable » ; sens 1,
v. 1175, Chr. de Troyes [pour des sourcils ;
pour de la végétation et pour la barbe, 1690,
Furetière] ; sens 2, 1611, Cotgrave). 1. Qui
est composé d’éléments abondants, serrés,
touffus (surtout en parlant de la végéta-
tion, du système pileux) : Une haie qui
m’a paru trop haute et trop fournie pour
que j’espérasse la franchir (Bernanos). La
double ligne de cils était épaisse et fournie
(Gautier). Une barbe noire, longue, four-
nie, d’une coupe assez soignée (Romains).
‖ 2. Approvisionné, rempli de ce qu’il est
normal d’y trouver (le plus souvent avec
un adverbe) : Un magasin bien fourni. Une
bibliothèque abondamment fournie en
ouvrages contemporains. Goriot vint muni
d’une garde-robe bien fournie (Balzac).

• SYN. : 1 broussailleux, dru, épais, touffu ;


2 assorti, monté, pourvu. — CONTR. : 1
clair, clairsemé, rare ; 2 dégarni, démuni,
dépourvu, désapprovisionné.

fournier [furnje] n. m. (lat. impér. fur-


narius, fournier, boulanger, de furnus [v.
FOUR] ; 1153, Godefroy, écrit forneirs [four-
nier, XIIIe s., Roman de Renart], au sens I,
1 ; sens I, 2, 1872, Larousse ; sens II, 1856,
Michelet).

I. 1. Vx. Celui qui tenait le four banal.


‖ Ouvrier qui travaille au four à pain,
boulanger. ‖ 2. Ouvrier qui conduit un
four : Par mon poste de fournier chez La-
borde, je connaissais déjà bien la science
du feu (Hamp).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2004

II. Petit passereau brun à gorge blanche,


de l’Amérique centrale et de l’Amérique
du Sud, qui construit un nid en forme
de four : Plusieurs, comme le fournier,
bâtissent un nid double (Michelet).

• REM. On trouve le fém. FOURNIÈRE (au


sens I, 1).

fournil [furni] n. m. (de forn, forme anc.


de four ; 1180, Barbier, écrit fornil [fournil,
XIIIe s.], au sens 2 ; sens 1, 1690, Furetière).
1. Local d’une boulangerie où se trouve le
four à pain. ‖ 2. Pièce attenante où l’on
pétrit la pâte.

fournilles [furnij] n. f. pl. (de forn, forme


anc. de four ; 1247, Godefroy, écrit for-
nilles ; fournilles, XIVe s., Du Cange). Vx.
Branchages, ramilles propres à chauffer
les fours.

fourniment [furnimɑ̃] n. m. (de fournir ;


v. 1265, Br. Latini, écrit forniment, au sens
de « doublure, garniture » ; XIIIe s., Assises
de Jérusalem, écrit fourniment, au sens
de « objets d’équipement d’un bateau » ;
sens 1, v. 1570, Carloix ; sens 2, v. 1750,
Voltaire ; sens 3, 1868, A. Daudet). 1. Class.
Étui à poudre d’un soldat, d’un chasseur :
Chaque soldat doit avoir un fourniment
(Acad., 1694). [Il] passe un cordon où pend
le fourniment [...], prend un fusil : le voilà
chasseur (La Bruyère). ‖ 2. Ensemble des
objets formant l’équipment d’un soldat :
À côté d’un lit de camp, chargé de four-
niment, d’un municipal (Goncourt).
‖ 3. Fam. Ensemble des objets nécessaires
à quelqu’un : Chacun de nous avait dans
une petite armoire un fourniment complet
d’ecclésiastique (Daudet). Il est parti cam-
per avec tout son fourniment.

• SYN. : 2 bagage, barda (fam.), équipement,


paquetage ; 3 attirail, bazar (fam.), fourbi
(fam.).

fournir [furnir] v. tr. (de l’anc. germ. *fru-


mjan, produire, avec influence phonétique
de garnir [v. ce mot] ; v. 1130, Eneas, écrit
fornir [fournir, XIIIe s.], au sens de « fon-
der [une cité] » ; v. 1160, Benoît de Sainte-
Maure, au sens de « constituer, former [une
armée] » ; sens I, 1, 1538, R. Estienne ; sens I,
2, XIIIe s., Roman de Renart [fournir la car-
rière, 1671, Pomey] ; sens I, 3, XIIe s., Ronce-
vaux ; sens II, 1, fin du XVe s., Commynes
[sans compl. indir., av. 1772, Duclos] ;
sens II, 2, v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-
Maxence [avec un compl. désignant une
chose abstraite, 1580, Montaigne] ; sens
II, 3, 1690, Furetière [aux jeux de cartes,
1865, Littré] ; sens II, 4, 1635, Corneille
[« donner comme production », av. 1662,
Pascal ; « procurer, être la source de », 1890,
Dict. général]).

I. 1. Class. Achever, parfaire, ajouter


les éléments nécessaires pour qu’il ne
manque rien : Il lui faut encore six soldats
pour fournir sa compagnie (Furetière,
1690). Si ce peu que j’ajoute quelquefois,

par la nécessité de fournir une strophe,


n’est point une liberté qu’il soit à propos
de retrancher (Corneille). ‖ 2. Fournir
une course, un parcours, etc., l’accomplir
jusqu’au bout : Je suis souffrant, et je ne
pourrais fournir la course (Marivaux). Il
n’avait jamais rencontré de ministre ni
de professeur qui pût fournir si lestement
une traite telle que celle que nous venions
de faire (Mérimée). ‖ Vx. Fournir la car-
rière, en termes de manège, la parcourir
en entier. ‖ 3. Fournir un travail, un ef-
fort, l’accomplir.

II. 1. Fournir quelqu’un ou quelque chose


de quelque chose, pourvoir, approvision-
ner une personne, une collectivité, un
établissement d’une chose nécessaire
(vieilli) : Fournir une armée de vivres, de
munitions. Ce coin de jardin les fournis-
sait de légumes, sauf de pommes de terre,
dont ils n’avaient jamais assez (Zola). La
mère et la fille avaient employé toutes
leurs économies à fournir la maison de
David des choses auxquelles ne pensent
jamais les jeunes gens (Balzac) ; et avec
un complément désignant une chose
abstraite : Ces années qui me fournirent
de plus de prétextes qu’il n’était néces-
saire pour m’éloigner de toi (Mauriac).
‖ Fournir quelqu’un ou quelque chose en
quelque chose,même sens : Les pays qui
fournissent la France en pétrole. Cette
centrale fournit la région en électricité.
‖ Sans complément indirect (avec l’idée
d’une action habituelle) : Pierre Lestor-
bat, qui m’approvisionne, fournit aussi
Sa Sainteté (Gautier). Les métairies de ma
mère [...] fournissaient à bon compte notre
table (Mauriac). ‖ 2. Fournir quelque
chose à quelqu’un ou à quelque chose,leur
procurer une chose, la mettre à leur dis-
position : Fournir du pain, des matériaux,
des armes, de l’argent à quelqu’un. Four-
nir l’étoffe à une couturière. Fournir des
secours à des sinistrés. Fournir du travail
à des chômeurs. Fournir du courant à une
usine, des matières premières à l’indus-
trie. L’installation d’une nouvelle usine
dans la région permettra de fournir des
emplois à plusieurs milliers de personnes.
On lui fournit gratis un appareil pour la
réduction de sa jambe (Mérimée). ‖ Avec
un complément désignant une chose abs-
traite : Fournir des renseignements à un
ami, des informations à un journal. Four-
nir une occasion, un prétexte à quelqu’un.
Fournir un sujet à un auteur. Fournir
à quelqu’un les moyens de réaliser un
projet. La mémoire fournit beaucoup au
raisonnement (Bossuet). Je me réjouis de
pouvoir ajouter cette démonstration pro-
fane aux raisons que fournit la théologie
(France). Plus jamais Paris ne me four-
nirait de ces minutes vides (Giraudoux).
‖ 3. Fournir quelque chose, présenter,
produire, établir ce qui est demandé, exi-
gé : Fournir un certificat médical, une dé-
claration écrite. Fournir des documents.

Fournir des comptes. Fournir des preuves


de sa bonne foi. Fournir une caution. Plus
on s’éloigne, plus la preuve d’un fait sur-
naturel devient difficile à fournir (Renan).
‖ Fournir une carte, jouer une carte de la
couleur demandée ; et intransitiv. : Four-
nir à coeur. ‖ 4. Fournir quelque chose, en
parlant d’une chose, constituer la matière
de : Un poulet qui fournit deux repas.
Une toile de Jouy rose [...] fournissait les
tentures d’une alcôve à l’ancienne mode
(Duhamel). ‖ En parlant du sol, des vé-
gétaux, etc., donner comme production :
Une terre fertile qui fournit de bonnes
récoltes. Ces vignes fournissent des vins
recherchés. ‖ Par anal. Procurer, être la
source de : Une école qui fournit d’excel-
lents techniciens. La congrégation qui
fournit les maîtres est la même (Renan).
• SYN. : II, 1 alimenter, équiper, garnir,
ravitailler ; 2 donner, pourvoir ; 3 apporter,
montrer ; 4 faire ; rendre.

& v. tr. ind. (sens 1, 1373, Gace de la Bigne


[« subvenir partiellement ou en totalité à
certains frais », 1538, R. Estienne] ; sens 2,
1538, R. Estienne). 1. Class. et littér. Fournir
à quelque chose,y pourvoir, y suffire : Ma
foi, me trouvant las, pour ne pouvoir four-
nir | Aux différents emplois où Jupiter
m’engage (Molière). Pour fournir aux pro-
jets que forme un seul esprit | Il faudrait
quatre corps (La Fontaine). Si l’homme,
constant dans ses affections, pouvait sans
cesse fournir à un sentiment renouvelé sans
cesse, sans doute la solitude et l’amour l’éga-
leraient à Dieu même (Chateaubriand).
‖ Spécialem. Subvenir partiellement ou
en totalité à certains frais : Fournir aux
besoins de quelqu’un, aux dépenses de la
maison. ‖ 2. Class. Fournir de quelque
chose à quelqu’un ou à quelque chose, le
pourvoir d’une chose nécessaire : Afin que
la moisson [...] | Fournît de nourriture aux
légions romaines (Cyrano). Ne cherchons-
nous ici que les occasions | De fournir de
matière à leurs divisions ? (Corneille).

• SYN. : 1 pourvoir, satisfaire.

& v. intr. (1673, Kuhn). Fournir sur, tirer


une traite, tirer un chèque sur : Fournir
sur quelqu’un à trois mois. Fournir sur son
banquier.

& se fournir v. pr. (début du XVIIe s.,


Malherbe). Se pourvoir de ce qui est néces-
saire, s’approvisionner : Se fournir chez les
meilleurs commerçants.

fournissement [furnismɑ̃] n. m. (de


fournir ; XIIIe s., Schlessinger, au sens de
« action de livrer, de pourvoir d’une quan-
tité suffisante » ; sens 1, 1723, Savary des
Bruslons ; sens 2, 1865, Littré [d’abord
compte de fournissement, 1723, Savary des
Bruslons] ; sens 3, 1835, Acad.). 1. Fonds
que chaque associé apporte dans une
société. ‖ 2. Établissement des comptes
respectifs de chaque associé. ‖ 3. Remise à
chaque copartageant du lot qui lui revient
et des titres de propriété correspondants.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2005

fournisseur, euse [furnisoer, -øz] n. (de


fournir ; début du XVe s. [pour l’armée ou
une place forte, 1636, Monet]). Personne ou
établissement qui fournit habituellement
certaines marchandises à un particulier, à
une entreprise : Chez un tailleur très chic et
fournisseur du roi (Apollinaire). Changer
de fournisseur. ‖ Vx. Fournisseur militaire,
fournisseur de troupes, fournisseur aux
armées, celui qui se chargeait de fournir
des approvisionnements nécessaires un
corps d’armée, une place forte : L’aînée
avait sa chimère, elle voyait dans l’azur un
fournisseur, quelque bon gros munition-
naire (Hugo).

• SYN. : approvisionneur, commerçant, mar-


chand, pourvoyeur, ravitailleur.

fourniture [furnityr] n. f. (de fournir ;


fin du XIIe s., écrit fornesture, au sens de
« provisions » ; écrit fourniture, au sens I,
fin du XIVe s. ; sens II, 1469, Rev. des langues
romanes, XXXIX, 272).

I. Action de fournir, d’approvisionner :


Se charger de la fourniture du matériel
électrique. Hulot [...] leur avait obtenu
cette fourniture des fourrages en Alsace
(Balzac).

II. Jeu d’orgue, de mutation, composé


de plusieurs rangées de tuyaux par note,
parlant simultanément et venant enrichir
le son fondamental.

• SYN. : I approvisionnement, livraison.

& fournitures n. f. pl. (sens 1, 1596, Hulsius


[marché de fournitures, 1872, Larousse] ;
sens 2 et 4, 1680, Richelet ; sens 3, fin du
XIXe s.). 1. Ce qui est fourni, approvi-
sionnements : Des fournitures de mau-
vaise qualité. ‖ Marché de fournitures,
contrat ayant pour objet des livraisons
successives de marchandises, dans des
conditions fixées à l’avance par les par-
ties. ‖ 2. Accessoires que certains arti-
sans (tailleurs, tapissiers, couturières,
etc.) fournissent quand celui qui les fait
travailler leur apporte l’étoffe : Payer la
façon et les fournitures. ‖ 3. Menues pièces,
menus outils nécessaires à l’exercice d’un
métier manuel : Fournitures d’horlogerie.
Fournitures pour dentistes. ‖ Menus objets
de bureau ou d’écolier (gomme, papier,
crayons, etc.) : Une secrétaire qui demande
des fournitures. Les mille fournitures inu-
tiles dont aiment à s’entourer les plumitifs
désoeuvrés [...] et qui sont comme les fleurs
de la bureaucratie (Daudet). Et puis, il faut
toujours acheter des livres et des fournitures,
même dans cette école où j’étais (Duhamel).
‖ 4. Fines herbes qu’on ajoute à la salade
pour l’assaisonner.

• SYN. : 4 assaisonnement.

1. fourrage [furaʒ] n. m. (de l’anc. franç.


fuerre, fourrage [v. 1155, Wace], forre
[XIIIe s.], francique *fodar, fourrage ; fin
du XIIe s., Geste des Loherains, écrit fouraige
[fourrage, XIIIe s.]). Toute substance végé-
tale servant de nourriture aux animaux,

sauf les grains ; plus particulièrement, le


foin des prairies naturelles et artificielles :
Fourrage vert, fourrage sec. J’étais là quand
on fauchait, là quand on relevait les four-
rages (Fromentin). ‖ Spécialem. et vx. Dans
les anciennes armes montées, foin et paille
destinés à la nourriture des chevaux : Le
père d’Adeline et son jeune frère étaient
alors soumissionnaires des fourrages en
Alsace (Balzac).

2. fourrage [furaʒ] n. m. (de fourrer ;


1489, Godefroy, écrit fourage, au sens de
« métier de fourreur » ; écrit fourrage, au
sens 1, 1836, Acad. ; sens 2, 1932, Larousse).
1. En termes de marine, action d’entourer
un câble, un cordage d’un revêtement qui
le protège du frottement ; résultat de cette
action. ‖ 2. Action de fourrer, de doubler
de fourrure un vêtement : Le fourrage d’une
pelisse. ‖ Par extens. Matière avec laquelle
on fourre un vêtement, et en particulier
pelleterie spécialement préparée pour cet
usage.

fourragement [furaʒmɑ̃] n. m. (de


fourrager 1 ; 1553, Bible Gérard, au sens de
« pillage » ; 1606, Nicot, au sens de « action
d’aller au fourrage » ; sens moderne, fin du
XIXe s., Huysmans). Action de fourrager, de
mettre en désordre en manipulant (rare) :
Et sa barbe sanglière semblait tirée, comme
tourmentée par un fourragement fiévreux
des mains (Huysmans).

1. fourrager [furaʒe] v. intr. (de four-


rage 1 ; av. 1370, J. Le Bel, au sens 1 ; sens
2, av. 1696, La Bruyère). [Conj. 1 b.] 1. Vx.
Couper, amasser du fourrage : Fourrager
dans un champ. ‖ Spécialem. Se disait en
parlant des troupes qui, autrefois, sacca-
geaient les récoltes en cherchant la nourri-
ture des chevaux de la cavalerie. ‖ 2. Fam.
Chercher, fouiller dans quelque chose,
en mettant du désordre et de la confu-
sion : Fourrager dans un meuble, dans
des papiers. J’ai été chez lui, il m’a laissé
parler, il m’observait de ses yeux vifs, en
fourrageant dans sa barbe (Martin du
Gard). Le vieil homme, cependant, d’une
main frêle et fripée, fourrageait dans la
paperasse (Duhamel). Je m’en saisis [des
pincettes] et fourrageai dans ce tas de pous-
sière (Mauriac). Bientôt on vit le taureau,
à quinze mètres de l’estrade, fourrager par
terre dans un chiffon rose avec insistance
(Montherlant).

• SYN. : 2 farfouiller (très fam.), fouiller,


fourgonner, trifouiller (pop.).

& v. tr. (sens 1, fin du XIIe s., Dialogues


de saint Grégoire [écrit foragier ; four-
rager, v. 1360, Froissart] ; sens 2, 1684,
Hauteroche). 1. Vx. Ravager : Il [Belus] prit
l’île et la fourragea (Scarron). ‖ 2. Fam.
Mettre en désordre, chiffonner : Et elle
l’entraîna, laissant ces dames rajuster
devant la glace neuve leurs chapeaux que
le vent de la Seine avait un peu fourragés
(Daudet). Il s’interrompit de nouveau, jeta

vers Antoine un coup d’oeil à la dérobée,


fourragea un instant sa barbe (Martin du
Gard). Il fourrageait sa chevelure et criait...
(Duhamel).

2. fourrager, ère [furaʒe, -ɛr] adj. (de


fourrage 1 ; 1835, Acad., aux sens 1-2 ; sens 3,
1872, Larousse). 1. Propre à servir de four-
rage pour les bestiaux : Choux fourragers.
Betterave fourragère. ‖ 2. Qui fournit du
fourrage : Pré fourrager. Culture fourra-
gère. ‖ 3. Qui a rapport au fourrage : La
production fourragère.

& fourragère n. f. (sens 1, 1822, d’après


Bescherelle, 1845 ; sens 2, 1836, Acad. ; sens
3, 1874, d’après Larousse, 1907). 1. Pièce de
terre consacrée à la production de four-
rages verts. ‖ 2. Sorte de cadre en bois
muni de traverses, que l’on place à l’une
ou à chacune des extrémités d’une voiture
transportant du fourrage, pour maintenir
la charge. ‖ 3. Chariot muni de cadres de
ce genre.

fourragère [furaʒɛr] n. f. (origine


obscure [peut-être d’une acception, non
attestée, du fém. substantivé de fourrager
2 : *« corde à fourrage »] ; 4 déc. 1872, Journ.
officiel). Cordelière aux couleurs de la
Légion d’honneur, de la médaille militaire
ou des croix de guerre, portée autour de
l’épaule gauche, et qui est l’insigne collectif
attribué aux unités militaires plusieurs fois
citées à l’ordre de l’armée.

fourrageur [furaʒoer] n. m. (de fourrager


1 ; av. 1370, J. Le Bel, au sens 1 [« marau-
deur », 1553, Bible Gérard] ; sens 2, 1901,
Larousse ; sens 3, av. 1869, Sainte-Beuve).
1. Vx. Soldat qui allait sur le terrain ennemi
pour enlever le fourrage nécessaire à la
cavalerie : Or quelques fourrageurs res-
tés sur les derrières, | Pour rejoindre leurs
rangs, malgré les fondrières, | À leurs
chevaux lancés ayant rendu la main...
(Heredia). ‖ Par extens. et vx. Maraudeur.
‖ 2. Cavalier d’un peloton qui combattait
en ordre dispersé : Charger en fourrageurs.
‖ 3. Fig. et Littér. Celui qui prend son bien
çà et là : D’Argenson est surtout un fourra-
geur d’idées et un chercheur (Sainte-Beuve).

fourrageux, euse [furaʒø, -øz] adj.


(de fourrage 1 ; 1829, Boiste). Syn. rare
de FOURRAGER, ÈRE : Ce n’étaient que
pauvres champs de bucailles, prés fourra-
geux (Béraud).

1. fourré, e [fure] adj. (part. passé de


fourrer ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit forré
[fourré, XIIIe s.], au sens I, 1 [pour une per-
sonne, fin du XIVe s., E. Des-champs] ; sens
I, 2, 1678, La Fontaine ; sens I, 3, v. 1175,
Chr. de Troyes ; sens I, 4, 1690, Furetière
[bois fourré, 1694, Acad.] ; sens II, 1, 1671,
Pomey [pour une monnaie, une médaille ;
langue fourrée, 1690, Furetière] ; sens II,
2, 1865, Littré [pour des bonbons, 1901,
Larousse] ; sens II, 3, fin du XIIe s. [coup
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2006

fourré, fin du XVIe s., Brantôme, et, au fig.,


1640, Oudin]).

I. GARNI DE FOURRURE. 1. Vx. Se disait


d’un vêtement garni, recouvert extérieu-
rement de fourrure ou d’un tissu chaud :
Robe fourrée d’hermine. ‖ Par extens. et
vx. Se disait de la personne qui portait
un tel vêtement : Magistrat fourré d’her-
mine. Bien fourré dans sa houppelande
(Renan). ‖ 2. Class. Se disait des ani-
maux dont la peau est garnie d’un poil ou
d’un duvet épais : Tous ceux [les oiseaux]
des pays froids sont bien fourrés et bien
couverts (Buffon). ‖ Chat fourré, v. CHAT.
‖ 3. Garni intérieurement, doublé de
fourrure ou d’un tissu chaud : Veste four-
rée. Gants fourrés. ‖ 4. Vx. Dont la végé-
tation, la couverture d’arbres, d’arbustes
est dense, serrée : Pays fourré. ‖ Bois
fourré, bois épais, garni de broussailles,
d’épines : Bientôt il [l’enfant] sait franchir
un buisson, se frayer une route dans un
bois fourré (Laclos).
II. GARNI DE QUELQUE CHOSE. 1. Recou-
vert extérieurement. ‖ Vx. Bijou fourré,
monnaie, médaille fourrée, bijou, mon-
naie, médaille d’un métal sans valeur et
dont la surface seule est en métal pré-
cieux. ‖ Langue fourrée, langue d’ani-
mal (boeuf, porc, mouton) recouverte
d’une peau avec laquelle on la fait cuire.
‖ 2. Garni intérieurement. ‖ Pain fourré,
pain qu’on a ouvert encore chaud pour y
introduire du beurre, du foie gras, des
anchois, etc. ‖ Bonbon, chocolat, gâteau
fourré, à l’intérieur duquel on a mis de la
confiture, de la crème, de la liqueur, etc.
‖ 3. Fig. et vx. Paix fourrée, paix de fa-
çade, trompeuse, perfide. ‖ Coup fourré,
en escrime, coup porté et reçu en même
temps par chacun des deux adversaires ;
fig. et fam., attaque perpétrée contre
quelqu’un qui ne se méfie pas, à l’aide de
procédés perfides.

• SYN. : I, 3 molletonné, ouaté, ouatiné.

2. fourré [fure] n. m. (abrév. de bois


fourré [1694, Acad., v. FOURRÉ 1] ; 1761,
J.-J. Rousseau, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Ensemble serré, dense, de plantes et
d’arbustes à branches basses, en parti-
culier dans un bois : Un fourré d’aloès
(Fromentin). À tous instants s’ouvraient
dans le fourré de profondes allées (Barrès).
‖ 2. Spécialem. Massif de bois jeune et
serré, dont les tiges sont encore garnies
de leurs branches dès la base.

• SYN. : 1 buisson, hallier, taillis.

fourreau [furo] n. m. (de l’anc. franç.


fuerre, gaine de l’épée [v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure], forre [XIIe s., Chanson de
Floovant], germ. *fodr, doublure, gaine,
fourreau ; 1080, Chanson de Roland, écrit
furrel [fourrel, XIIe s., Godefroy ; fourreau,
XVIe s.], au sens 1 [tirer l’épée du fourreau,
remettre l’épée au fourreau, 1865, Littré ; la
lame use le fourreau, 1752, Trévoux] ; sens

2, 1858, Th. Gautier ; sens 3, 1930, Larousse ;


sens 4, 1752, Trévoux ; sens 5, 1564,
Liébault). 1. Gaine, étui allongé, de métal,
de cuir ou d’étoffe, servant d’enveloppe à
un objet et ajustés à la forme de celui-ci :
Fourreau d’épée, de sabre. Fourreau de
parapluie. J’entendis résonner le fourreau
de fer de mon sabre sur l’étrier (Vigny).
‖ Fig. Tirer l’épée du fourreau, remettre
l’épée au fourreau, commencer, cesser la
guerre. ‖ Fig. La lame use le fourreau, une
activité trop grande de l’esprit épuise le
corps. ‖ 2. Robe étroite, de forme droite :
Leur long corps serré dans des fourreaux
de soie de couleur sombre (Fromentin). Du
long fourreau de lainage bleu où sa taille
pleine ondulait, sortaient deux bras, ronds
et fins, nus jusqu’à l’épaule (Daudet) ; et
par apposition : Mme Philippe Berthelot
est arrivée dans une robe fourreau, sans
taille aucune (Gide). ‖ Robe collante et
sans manches que l’on porte sous une jupe
fendue : Chinoises dans leur fourreau de
soie brochée (Malraux). ‖ Vêtement que
les femmes mettent sous une robe du soir
transparente. ‖ 3. Gaine, étui ou tuyau
servant à protéger certains objets ou des
matières plus délicates dans la traversée
des murs, des cloisons ou des planchers
d’une construction. ‖ 4. Liasse de feuilles
de parchemin dans laquelle le batteur d’or
insère la feuille à battre. ‖ 5. Chez les ani-
maux, repli cutané, accolé au ventre, qui
abrite le pénis.

fourrée [fure] n. f. (part. passé fém.


substantivé de fourrer ; 1464, Tilander, au
sens de « sorte de filet » ; sens actuel, 1757,
Encyclopédie). Parc en fer à cheval, où l’on
amarre des filets pour retenir le poisson
quand la mer se retire.

fourrer [fure] v. tr. (de l’anc. franç.


fuerre, forre, fourreau [v. FOURREAU] ; v.
1175, Chr. de Troyes, écrit forrer [fourrer,
XIIIe s.], au sens I, 1 ; sens I, 2, v. 1240, G. de
Lorris [pour une monnaie, 1680, Richelet ;
pour une médaille, 1748, Montesquieu ;
fourrer les faîtières, 1872, Larousse] ; sens
I, 3, milieu du XVIe s., Amyot [pour un
cordage, 1691, Ozanam ; maillet à four-
rer, 1872, Larousse] ; sens II, 1, v. 1464,
Maistre Pierre Pathelin [fourrer son nez
dans, 1690, Furetière — fourrer le nez dans,
même sens, v. 1550, Bonivard ; s’en fourrer
jusque-là, 1932, Acad. ; se fourrer le doigt
dans l’oeil, 1880, Zola] ; sens II, 2, 1580,
Montaigne [fourrer tout le monde dans le
même sac, XXe s. ; fourrer... en prison, 1732,
Voltaire ; fourrer quelqu’un dedans, 1890,
Dict. général] ; sens II, 3, 1690, Furetière
[se fourrer quelque chose dans la tête, 1713,
Hamilton] ; sens II, 4, 1682, Bossuet ; sens
II, 5, 1690, Furetière [« déposer au hasard
parmi d’autres choses », 1890, Dict. géné-
ral] ; sens II, 6, 1907, Larousse).

I. 1. Doubler, garnir intérieurement un


vêtement avec de la fourrure, ou avec
une étoffe, une matière chaude : Four-

rer un manteau avec du ragondin. Gants


fourrés de cachemire, de lapin. ‖ 2. Gar-
nir intérieurement avec une substance
quelconque : Fourrer un gâteau d’une
crème au chocolat. Fourrer des bonbons
avec de la confiture. ‖ Spécialem. Four-
rer une monnaie, une médaille, l’altérer
en évidant l’intérieur et en substituant à
l’or, à l’argent un métal vil ; ou recouvrir
de lames de métal précieux soudées un
flan de métal quelconque. ‖ Fourrer les
faîtières, garnir de plâtre et de tuileaux
le dessous des tuiles faîtières pour les
affermir. ‖ 3. Vx. Garnir extérieurement.
‖ Fourrer un câble, un cordage, l’entourer
d’un revêtement fait de bitord et de vieille
toile (fourrure) enroulés de façon serrée,
pour le préserver de l’humidité, du frot-
tement : Gilliatt profita de ce reste de clar-
té pour fourrer la corde à noeuds (Hugo).
‖ Maillet ou mailloche à fourrer, sorte de
maillet qui sert à égaliser, à presser les
tours de la fourrure d’un câble.

II. 1. Fam. Introduire quelque chose dans


un endroit plus ou moins étroit, le faire
entrer comme dans un fourreau : Il avait
lâché mon bras et fourré les mains dans ses
poches (Duhamel). Fourrer ses doigts dans
son nez ; et pronominalem. : Il s’est fourré
une épine dans le pied et se laisse choir
piteusement sur l’herbe tendre (Gautier).
Ils [les gémissements] ne me gênaient pas
précisément, grâce aux boules de cire que
je me fourre dans les oreilles (Gide). ‖ Fig.
et fam. Fourrer son nez dans, se mêler
indiscrètement de : Je ne peux naturelle-
ment pas fourrer mon nez partout (Gide).
‖ Fam. S’en fourrer jusque-là, manger ou
se donner du bon temps jusqu’à satiété
complète. ‖ Fig. et fam. Se fourrer le
doigt dans l’oeil, dans l’oeil jusqu’au coude,
se tromper lourdement : S’il n’arrive pas
à me persuader tout à fait que Nietzsche
se soit fourré le doigt dans l’oeil, c’est
après tout qu’il n’en est pas si convaincu
que ça lui-même (Gide). ‖ 2. Fam. Faire
entrer une ou des choses, une ou des per-
sonnes dans un lieu, sans beaucoup de
soin, de précaution ou de ménagement :
La voiture, à quatre roues, était surmon-
tée d’une impériale à capote sous laquelle
Pierrotin fourrait six voyageurs (Balzac).
Quand elle eut mangé des bonbons comme
un enfant [...], elle en fourra des poignées
dans la jarre d’eau (Mérimée). Tous les
paquets y étant fourrés [dans le « boc »],
les époux Bovary firent leur politesse au
marquis et à la marquise, et repartirent
pour Tostes (Flaubert). Je fourre le papier
dans ma poche, sans mot dire (Gide). Je
fourrerai mes paperasses au fond d’un
tiroir (Bernanos). Fourrer une pièce, un
billet dans la main de quelqu’un. ‖ Fam.
Fourrer tout le monde dans le même sac,
ne faire aucune distinction entre des
personnes. ‖ Spécialem. et fam. Fourrer
quelqu’un en prison, au cachot, ou (pop.)
au bloc, l’enfermer, l’incarcérer avec plus
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2007

ou moins de brutalité : Il a sûrement été


fourré au bloc [...], il suffit d’un adjudant
grincheux (Proust). ‖ Fig. et fam. Fourrer
quelqu’un dedans, le tromper. ‖ 3. Fig. et
fam. Fourrer quelque chose dans la tête,
dans le crâne, dans l’esprit de quelqu’un,
avoir quelque peine à lui faire com-
prendre quelque chose ; parvenir à lui
faire accepter ou croire quelque chose :
Les idées que ces nonnes lui ont fourrées
dans la tête auront de la peine à se corriger
(Musset). ‖ Se fourrer quelque chose dans
la tête, dans le crâne, etc., se persuader de
quelque chose, finir par y croire obstiné-
ment. ‖ 4. Fam. Insérer à profusion et
mal à propos : Fourrer des citations dans
tous ses discours. Fourrer un tas de digres-
sions dans un récit (Acad.). ‖ 5. Fam.
Poser, placer n’importe comment, sans
ordre : Fourrez tout ça sur mon bureau,
je le classerai plus tard. ‖ Spécialem.
Mettre, déposer au hasard parmi d’autres
choses : Il ne sait jamais où il fourre ses
lunettes. ‖ 6. Vx. Appliquer avec bruta-
lité, avec violence : Fourrer des coups de
poing à quelqu’un.

• SYN. : I, 1 molletonner, ouater, ouatiner.


‖ II, 1 ficher, glisser, mettre ; 2 caser (fam.),
enfourner.

& se fourrer v. pr. (sens I, fin du XIVe s.,


E. Deschamps ; sens II, 1, v. 1460,
G. Chastellain [ne savoir où se fourrer,
1690, Furetière] ; sens II, 2, milieu du XVIe s.,
Amyot [se fourrer — la tête — dans un guê-
pier, 1775, Beaumarchais]).

I. Vx. Se vêtir de fourrure : Y voit-on


[chez les animaux] des savants en droit,
en médecine, | Endosser l’écarlate et se
fourrer d’hermine ? (Boileau).

II. 1. Fam. S’introduire, se mettre dans


un endroit étroit : Se fourrer dans son
sac de couchage. Se fourrer dans un coin.
Quand il tonnait, elle se fourrait à quatre
pattes sous un lit (Saint-Simon). Un trou
où se fourrer, Gilliatt n’en demandait pas
davantage (Hugo). ‖ Fig. Ne savoir où se
fourrer, ne savoir comment dissimuler sa
honte ou sa confusion : Je ne savais où me
fourrer, je demeurais immobile comme
une planche (Mérimée). ‖ 2. Fam. et
péjor. S’introduire, s’insinuer dans un
milieu, une société : J’avais peine à conci-
lier cette grande simplicité avec le désir
et l’art qu’il avait de se fourrer partout,
chez les grands, chez les femmes, chez les
dévots, chez les philosophes (Rousseau).
Il [Lorenzaccio] est glissant comme une
anguille ; il se fourre partout et me dit tout
(Musset). ‖ Se fourrer dans une mauvaise
affaire, dans un guêpier, se mettre dans
une situation délicate, scabreuse.

fourre-tout [furtu] n. m. invar. (de


fourre, forme du v. fourrer, et de tout, pron.
neutre ; 1936, Aragon, au sens 1 ; sens 2,
1948, Larousse). 1. Cabinet de débarras :
Les autres [chambres] servaient de fourre-

tout (Martin du Gard). ‖ 2. Sac de voyage


souple et extensible.

fourreur [furoer] n. m. (de four-


rer ; v. 1268, É. Boileau, aux sens 1-2).
1. Professionnel sachant travailler les
peaux et confectionner des vêtements de
fourrure. ‖ 2. Commerçant en fourrures :
Acheter un manteau de vison chez un grand
fourreur.

fourrier [furje] n. m. (de l’anc. franç.


fuerre, forre, fourrage [v. FOURRAGE 1] ;
v. 1131, Couronnement de Louis, écrit forier
[fourrier, XIIe s., Herman de Valenciennes],
au sens 1 ; sens 2, XIIIe s., Godefroy ; sens
3, XIIIe s., Cristal ; sens 4, début du XXe s.).
1. Vx. Fourrageur (au sens 1). ‖ 2. Autref.
Officier précédant un prince en voyage
et chargé d’assurer son logement et celui
des membres de sa suite. ‖ 3. Class. et fig.
Avant-coureur, personne ou chose qui en
précède, en annonce une autre : Et cet heu-
reux hymen, qui les charmait si fort [les
vieillards qui se marient], | Devient souvent
pour eux un fourrier de la mort (Corneille).
‖ 4. Fig. et littér. Être, se faire le fourrier de
quelqu’un ou de quelque chose, préparer
l’arrivée de quelqu’un ou de quelque chose,
faciliter les entreprises de quelqu’un (géné-
ralement dans un sens défavorable) : Les
Jeunes-Turcs ne voudront pas laisser dire
[...] qu’ils ont été les fourriers de l’ennemi
(Romains).

• REM. Au sens 3, l’époque classique


employait aussi le fém. FOURRIÈRE (1636,
Corneille) : [Le Soleil] Pour marcher de-
vant lui ne trouvait point d’Aurore [...] |
Et faute de trouver cette belle fourrière, |
Le jour jusqu’à midi se passa sans lumière
(Corneille).

& n. m. et adj. (sens 1, XVe s., Littré [adj.,


1872, Larousse] ; sens 2, 1883, Loti). 1. Dans
une unité militaire, officier, puis sous-
officier qui était chargé de pourvoir au
logement des troupes en déplacement, de
répartir les vivres, les vêtements, etc. : Le
sergent-major n’est pas revenu [...], le four-
rier le remplacera (Vigny). ‖ Adjectiv. :
Sergent fourrier, maréchal des logis fourrier.
‖ 2. Dans la marine, matelot chargé des
écritures, de la comptabilité, des appels :
Les fourriers, gens de goût, ont orné cette
partie [du livret] d’élégants paraphes (Loti).

fourrière [furjɛr] n. f. (de l’anc. franç.


fuerre, forre, fourrage [v. FOURRAGE 1] ;
v. 1268, É. Boileau, écrit foriere [fourrière,
début du XIVe s.], au sens I ; sens II [de
l’anc. loc. mettre en fourrière, « garder un
cheval, une vache, une voiture, etc., saisis
jusqu’au paiement de dommages, de dettes,
d’amendes », XVIe s., Laurière], 1839, d’après
Larousse, 1872).

I. Vx. Endroit où l’on entreposait le four-


rage et, par extens., dépendance conte-
nant la provision de bois, de charbon,
etc. : La panneterie-bouche, l’échan-

sonneriebouche, fruiterie, fourrière...

(Goncourt).

II. Lieu de dépôt des animaux errants,


des objets encombrants ou des véhicules
découverts sans propriétaire sur la voie
publique ou saisis par mesure admi-
nistrative ou judiciaire : Emmener à la
fourrière un chien abandonné. Mettre en
fourrière une voiture surprise en station-
nement interdit.

fourrure [furyr] n. f. (de fourrer ; v. 1130,


Eneas, écrit forreüre [fourrure, XIIIe s.], au
sens I, 1 ; sens I, 2, 1890, Maupassant ; sens
I, 3, 1690, Furetière [« magistrat portant
fourrure », av. 1696, La Bruyère] ; sens I, 4,
milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens I, 5, 1690,
Furetière ; sens II, 1, 1690, Furetière [« la
partie ainsi protégée », 1901, Larousse] ;
sens II, 2, 1812, Boiste ; sens III, 1907,
Larousse).

I. 1. Peau de certains mammifères, gar-


nie de son poil et préparée, qui sert à
confectionner des vêtements, à les gar-
nir ou à les doubler : L’hermine, vierge
de souillure, | Qui, pour abriter leurs
frissons, | Ouate de sa blanche fourrure
| Les épaules et les blasons (Gautier). Col
de fourrure. Un manchon, une cape de
fourrure. Manteau, blouson, gants dou-
blés de fourrure. ‖ 2. Vêtement fait avec
des peaux ainsi préparées : Elle se déga-
gea de sa fourrure toute givrée... (Daudet).
‖ 3. Spécialem. et vx. Robe fourrée ou
garnie de fourrure des magistrats, des
docteurs : Le parlement en robes rouges,
mais sans fourrures ni mortiers, vint sa-
luer le roi d’Espagne (Saint-Simon). ‖ Par
extens. et vx. Magistrat portant fourrure :
Le noble de province [...] répète dix fois par
jour qu’il est gentilhomme, traite les four-
rures et les mortiers de bourgeoisie (La
Bruyère). ‖ 4. Pelage fin et touffu d’un
grand nombre d’animaux et, par extens.,
peau de certains oiseaux : La fourrure
du chat angora, d’un saint-bernard. La
fourrure du pingouin, du cygne. ‖ 5. En
héraldique, nom donné à certains émaux
de l’écu représentant les peaux préparées
pour doubler ou orner les vêtements.

II. 1. Ce qui garnit extérieurement ou


intérieurement. ‖ 2. Dans la marine,
bande de toile goudronnée ou enroule-
ment de bitord ou de fil de caret servant
d’enveloppe protectrice à un cordage.
‖ La partie ainsi protégée : Fourrure d’un
espar. ‖ 3. Pièce de bois, de métal, de ma-
tière plastique, servant à remplir un vide,
à masquer un joint, à rattraper un jeu
important entre des pièces mécaniques.

III. Opération frauduleuse consistant


à fourrer les pièces d’or avec un métal
commun, et, par extens., à augmenter la
teneur en métal commun d’un alliage
déterminé.

• SYN. : I, 4 pelage, poil, toison.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2008

fourvoiement [furvwamɑ̃] n. m. (de


fourvoyer ; XIVe s., écrit forvoyement, au
sens de « chemin dans lequel on s’égare » ;
écrit fourvoiement, au sens 1, XVe s.,
Godefroy ; sens 2, 1865, Littré). 1. Action
de fourvoyer quelqu’un ou de se fourvoyer.
(Rare.) ‖ 2. Fig. et littér. Erreur, méprise.

fourvoyer [furvwaje] v. tr. (de for-,


four- [v. FORS], et de voie ; v. 1155, Wace,
écrit forvoyer [fourvoyer, XVe s.], aux sens
1-2). [Conj. 2 a.] 1. Vx. Faire sortir de la
bonne voie, égarer : Quelques gelinottes,
fourvoyées dans le gîte des lièvres sous
des troènes, faisaient seules, avec des
insectes, quelques murmures autour de moi
(Chateaubriand). Les officiers de police et
magistrats, partis de la ville à la minute
de l’arrestation, mais fourvoyés et attardés
dans les ravins neigeux, n’y furent qu’une
heure après moi (Sainte-Beuve). ‖ 2. Fig. et
littér. Faire sortir du bon chemin, égarer,
tromper (surtout au part. passé) : Un poète
idéaliste fourvoyé dans les affaires, ainsi
peut se définir Émile Ollivier (Daudet).
On affirme que c’est seulement depuis
hier que le gouvernement se voit fourvoyé
dans cette dangereuse impasse (Martin du
Gard). J’avais l’impression d’être un enfant
fourvoyé dans une conversation de grandes
personnes (Bernanos).

& se fourvoyer v. pr. (sens 1, v. 1200,


Lai de Melion [en termes de vénerie,
1845, Bescherelle] ; sens 2, 1653, Scarron
[« s’écarter du bien », v. 1265, J. de Meung]).
1. Prendre involontairement un chemin
qui n’est pas celui qu’on avait dessein
de suivre : Je me fourvoie dans d’affreux
quartiers, routes pavées où la bicyclette
devient impossible (Gide). ‖ Spécialem.
En termes de vénerie, prendre le change,
courir une autre bête que celle de la meute.
‖ 2. Fig. et littér. Commettre une gros-
sière bévue : Avocat, vous vous fourvoyez
(Beaumarchais).

• SYN. : 1 s’égarer, se perdre.

fouta [futa] n. m. ou f. (mot ar. signif.


proprem. « tablier, serviette » [qui, par
l’intermédiaire du portug. fota, avait déjà
donné au franç. le terme fotte, « toile de
coton », 1723, Savary des Bruslons] ; 1858,
Fromentin). Vêtement que les femmes
arabes portent autour des reins : Les reins
pris dans son étroit fouta d’étoffe orange
et bleu (Fromentin). Elles portent le cos-
tume local, larges braies de lainage, fouta
rayée comme les canons du prince Amor
(Duhamel).
foutaise [futɛz] n. f. (de foutre ; 1775,
Restif de La Bretonne, au sens 1 ; sens 2,
début du XXe s.). 1. Pop. Chose qui ne mérite
aucune considération, bagatelle, niaise-
rie : Car enfin, qu’est-ce que c’était que tout
cela ? une foutaise, allons (Daudet). Elle
ne consentait à voir qu’insensibilité dans
sa raideur, dans son désintéressement
qu’hypocrisie, et que foutaise dans ses théo-

ries (Gide). Il doit trouver que ce sont des


foutaises (Romains). ‖ Spécialem. Propos
futile, bêtise, blague : Je voyais son unique
petit oeil briller de malice pendant qu’il me
racontait ces foutaises (Aymé). ‖ 2. Pop.
Chose qui défie le bon sens, duperie : Cette
guerre est une grande foutaise (Duhamel).
• SYN. : 1 baliverne, fichaise (pop.), vétille ;
2 attrape-nigaud (fam.), imposture,
mystification.

foutant [futɑ̃] adj. m. (part. prés. de


foutre ; 1881, A. Daudet). Vx et pop.
Contrariant, fâcheux : Et le plus foutant,
c’est qu’à présent, sans mes papiers, quand
j’ai une discussion avec les capitaines
marins pour le pilotage, les prud’hommes
ils veulent pas écouter mes raisons (Daudet).
Dire qu’il n’y aura pas un moment dans la
vie où l’on pourra dire « zut » aux femmes :
c’est foutant à la fin (Huysmans).

fouteau [futo] n. m. (lat. pop. *fagustellus,


dimin. du lat. class. fagus, hêtre ; v. 1530,
C. Marot, écrit fousteau [mais probablem.
bien plus anc., v. la date du dér. foutelaie] ;
fouteau, 1690, Furetière). Dialect. Hêtre :
Un fouteau bien dur et bien vieux (Cladel).

foutelaie [futlɛ] n. f. (de fouteau ; v. 1165,


Marie de France). Dialect. Lieu planté de
fouteaux, de hêtres.

fouterie [futri] n. f. (de foutre ; début du


XVIe s., au sens de « chose obscène » ; sens
moderne, 1920, Bauche). Vx et pop. Bêtise,
blague : Assez de fouteries ! grogna le capi-
taine, nous sommes toujours de la Garde,
quoique civils (Esparbès).

foutoir [futwar] n. m. (de foutre 1 ; XVIe s.,


Huguet, au sens de « engin de guerre » ;
sens actuel, XXe s.). Pop. Endroit où règne
un désordre extrême : Cette chambre, c’est
un véritable foutoir !

foutral, e, als [futral] adj. (de foutre 2 ;


1938 ; G. Esnault). Pop. Sensationnel : Va
voir ce film, c’est foutral.
1. foutre [futr] v. tr. (lat. futuere, avoir
des rapports avec une femme ; fin du XIIe s.,
Roman de Renart, au sens 1 [aller se faire
foutre, début du XVIIIe s., P. Adam] ; sens
2, 1872, Larousse [en foutre un coup, ça la
fout mal, foutre en l’air, s’en foutre plein
la lampe, début du XXe s. ; foutre le camp,
1867, Delvau ; foutre quelqu’un dedans, av.
1896, Goncourt] ; sens 3, 1872, Larousse
[foutre son billet à quelqu’un que, foutre
sur la gueule à quelqu’un, je t’en fous,
je t’en foutrai, début du XXe s.] ; sens 4,
début du XXe s.). 1. Triv. Posséder char-
nellement : Elle est en rut et elle veut être
foutue (Baudelaire). ‖ Fig. et pop. Aller
se faire foutre, aller au diable. ‖ 2. Pop.
Mettre : Vous foutrez cet homme à la diète
(Huysmans). ‖ Spécialem. et pop. Mettre
brusquement ou brutalement, jeter : Foutre
ses affaires n’importe où. Foutez-le en pri-
son. On foutra l’imprimé par-dessus bord
(Gide). Tu as une patience d’ange. Il y a

longtemps que j’aurais foutu ce gaillard-là à


la porte (Duhamel). Quand vous n’auriez eu
que le courage de les foutre au dernier rang
[...], ça les aurait fait réfléchir (Bernanos).
‖ Pop. Foutre en l’air, se débarrasser de,
jeter. ‖ Pop. S’en foutre plein la lampe,
manger copieusement. ‖ Pop. Foutre par
terre, renverser brusquement. ‖ Pop. En
foutre un coup, fournir un gros travail,
un gros effort. ‖ Pop. Foutre le camp,
partir, s’enfuir : Si nous faisons attendre
Testevel, il est capable de foutre le camp
(Duhamel). ‖ Pop. Ça la fout mal, cela fait
mauvais effet : Poète, comme le lui avait
dit Lousteau, ça la foutait mal (Dorgelès).
‖ Arg. mil. Foutre quelqu’un dedans, le
punir de prison ou de consigne : Il se vengea
seulement en foutant ses hommes dedans
(Hermant) ; par extens. et pop. tromper,
abuser : Il faut les foutre dedans, les élec-
teurs (Goncourt). ‖ 3. Pop. Donner, appli-
quer brutalement : Sa cousine est une salope
qui ne lui foutra pas un radis (Bloy). Foutre
un coup de pied au derrière à quelqu’un.
‖ Pop. Foutre la paix, laisser tranquille :
Les moyens de foutre la paix au monde ou
de l’enquiquiner (Chevallier). ‖ Pop. Foutre
son billet à quelqu’un que, lui garantir que :
Mais soyez tranquille, mon cher abbé, je
vous f... mon billet que M. Lantaigne ne sera
pas évêque de Tourcoing (France). ‖ Absol.
et pop. Foutre sur la gueule à quelqu’un,
lui donner des coups, le frapper : C’était
Plaisance qui voulait fout’ sur la gueule
à Famex (Barbusse). ‖ Pop. et ironiq. Je
t’en fous, formule par laquelle on apporte
un démenti à ce qui vient d’être dit : Je
t’en fous, oui. Ils sont loin ! (Bourdet). ‖ Je
t’en foutrai, formule par laquelle on refuse
de donner ce à quoi quelqu’un prétend :
Fameuse crapule... Je t’en foutrai ! (Chérau).
‖ 4. Pop. Faire (avec un pronom complé-
ment) : Qu’est-ce qu’ils veulent qu’on foute,
dans cette pagaïe ? (Martin du Gard). Il n’a
jamais rien foutu de ses dix doigts. ‖ Pop. Je
n’(en) ai rien à foutre de, qu’est-ce que j’(en)
ai à foutre de, je me moque éperdument de,
cela m’est parfaitement égal ou cela ne me
concerne pas.

& se foutre v. pr. (sens I, début du XXe s. ;


sens II, 1, 1872, Larousse ; sens II, 2, 1746,
Brunot).

I. Pop. Se mettre, se jeter : Je m’ serais pas


foutu entre ses pattes (Chérau). ‖ Pop. Se
foutre par terre, tomber, faire une chute.
‖ Fig. et pop. Se foutre dedans, se trom-
per grossièrement.

II. 1. Pop. Se foutre de quelqu’un, se mo-


quer de lui, se payer sa tête : Est-ce qu’on
se fout du monde ? (Zola). Jamais, vous
m’entendez, jamais personne n’est arrivé
à se foutre de moi (Duhamel). ‖ 2. Pop.
Se foutre de quelqu’un, de quelque chose,
ne pas s’en soucier, n’en faire aucun
cas : Homme qui se foutait du goût et de
la morale (Rolland). Moi, je suis au ser-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2009

vice de l’esprit et je me fous de l’argent


(Duhamel).

• REM. 1. Foutre a pour substitut euphé-


mique ficher ou fiche, qui a les mêmes
sens et entre dans les mêmes expressions
(v. l’art. FICHER 2).

2. Certains écrivains évitent d’écrire


foutre en entier et notent ses formes par
f..., fo...

2. foutre ! [futr] interj. (emploi exclama-


tif du précéd. ; XVIIIe s.). Pop. Exprime la
surprise, l’admiration, la colère, ou appuie
une affirmation : Ah ! ça, indispensable,
foutre ! (Bataille). Foutre non, ne crois pas
ça, c’est un arriviste (Amiel).

• SYN. : fichtre ! (pop.).


foutrebleu ! [futrəblø] interj. (de foutre
1 et de -bleu, altér. euphémique de Dieu ;
début du XXe s.). Pop. Exclamation ayant
à peu près la même valeur que FOUTRE !
(peu usité) : Foutrebleu ! Je n’y pensais pas
(Chevallier).

foutrement [futrəmɑ̃] adv. (de foutre 2 ;


début du XXe s.). Pop. Beaucoup, très : Les
foins, ils sont foutrement en avance, cette
année (Hermant).

foutriquet [futrikɛ] n. m. (de foutre


1 ; 1793, Sainéan, le Langage parisien [le
Foutriquet, « Thiers », 1872, Larousse]).
Fam. et péjor. Tout petit homme ou homme
insignifiant, dont on ne fait aucun cas :
On sait par toute la ville que vous n’êtes
qu’un foutriquet (France). Le foutriquet en
noir affecta d’ignorer ma présence (Aymé).
‖ Le Foutriquet, sobriquet donné par Soult
à Thiers (selon une tradition contestée) et
repris au temps de la Commune : Qu’est-il
devenu, à propos, le Foutriquet ? Où est
Thiers ?... (Vallès).

foutu, e [futy] adj. (part. passé de foutre


1 ; début du XVe s., au sens de « parjure,
méchant » ; sens 1, 1872, Larousse [être, se
sentir mal foutu, début du XXe s.] ; sens 2,
1844, Flaubert [foutu à la, début du XXe s.] ;
sens 3, av. 1772, Piron [« perdu, gâché »,
XXe s.] ; sens 4, 1891, Goncourt). 1. Pop.
Qui est fait, exécuté, tourné, apprêté de
telle ou telle façon (avec un adverbe ou une
loc. qui en tient lieu) : Un travail, un objet
bien foutu. ‖ Pop. Bien foutu, mal foutu,
en parlant d’une personne, bien, mal bâti :
Une fille bien foutue. Il ne voulait pas [...]
de la réforme n° 2, qui l’assimilerait aux
« mal foutus » (Romains). ‖ Pop. Être, se
sentir mal foutu, être, se sentir indisposé,
souffrant. ‖ 2. Pop. Très mauvais, désa-
gréable (toujours placé avant le nom) : Mais
quel foutu style ! (Flaubert). Un foutu rôle
d’ailleurs (Baudelaire). De sacrées foutues
caboches à se les cogner contre les murs
(Chevallier). ‖ Pop. et péjor. Foutu comme,
à la..., etc., habillé d’une façon plus ou
moins négligée ou ridicule : Foutu comme
l’as de pique. Foutue à la six-quatre-deux
(Richepin). ‖ 3. Pop. Atteint de façon irré-

médiable, dans sa santé, sa situation, sa


position sociale (placé après le nom) : Alors
l’homme regarda son bras et murmura :
« foutu » (Maupassant). Le jour où l’on a
commencé d’écrire « Intelligence » avec un
I majuscule, on a été foutu (Gide). En avant,
crie le major, on va se faire prendre entre
deux feux... Sommes foutus si nous restons
là (Martin du Gard). C’est un homme foutu.
‖ Perdu, gâché : Un vêtement foutu. Des
vacances foutues. ‖ 4. Pop. Être foutu de
(et l’infinitif), courir le risque ou avoir de
grandes chances de : Il est foutu de manquer
le train. Il est foutu d’être élu ! ‖ Ne pas être
foutu de, être incapable de : Le programme
des socialistes révolutionnaires, qui n’ont
pas été foutus de l’appliquer (Malraux) ; et
ellipt. : Pas foutus de reconnaître la copie
d’un original (Goncourt).

foutûment [futymɑ̃] adv. (de foutu ;


XVIIIe s.). Pop. Beaucoup, extrêmement :
Je suis foutûment coupable (Goncourt).

fovéa [fɔvea] n. f. (lat. scientif. moderne


fovea [mot qui, en lat. class., signifiait
« excavation, trou, fosse »] ; début du XXe s.).
Dépression de la rétine, située au centre de
la tache jaune, où la vision atteint la plus
grande netteté.

fox n. m. V. FOX-TERRIER.

foxé, e [fɔkse] adj. (angl. foxed, aigri par


la fermentation, proprem. « qui a le goût
acide de la fox grape, ou raisin de renard »,
de fox, renard, et de grape, raisin [empr.
au franç. grappe, v. ce mot] ; 15 janv. 1877,
Revue des Deux Mondes). Se dit d’un goût
particulier à certains vins provenant de
cépages américains.

fox-hound [fɔksawnd] n. m. (mot angl.


signif. proprem. « chien pour chasser le
renard », de fox, renard, et hound, chien ;
1828, Journ. des haras). Chien courant
anglais de grande taille : On avait fait venir
des fox-hounds d’Angleterre (Musset).

• Pl. des FOX-HOUNDS.

fox-terrier [fɔkstɛrje] n. m. (mot angl.


signif. proprem. « terrier [chien] pour chas-
ser le renard », de fox, renard, et terrier
[empr. au franç. terrier, v. ce mot] ; 1866,
E. Parent). Race de chien terrier d’origine
anglaise.

• Pl. des FOX-TERRIERS.

• REM. On dit plus souvent FOX (fin du


XIXe s.) par abrév. : Fox à poil ras. Fox à
poil dur.Dès la première rencontre entre le
chat noir et le fox... (Genevoix).

fox-trot [fɔkstrɔt] n. m. invar. (mot


anglo-améric. signif. proprem. « trot du
renard », de fox, renard, et de trot, trot,
déverbal de to trot, trotter [empr. au
franç. trotter] ; 1922, Larousse). Danse à
deux temps d’origine anglo-saxonne : Un
orchestre infernal, tantôt mécanique, tantôt
humain, distribuait automatiquement les
blues et les fox-trot (Mac Orlan).

fox-trotter [fɔkstrɔte] v. intr. (de


fox-trot ; av. 1935, P. Bourget). Danser le
fox-trot : Quel puzzle, dirait une des innom-
brables Anglaises qui fox-trottent avec moi
(Bourget).

foyard [fwajar] n. m. (var. de fayard [v.


ce mot] ; 1865, Littré). Nom régional du
hêtre : Dissimulé derrière le fût d’un foyard
(Pergaud).

foyer [fwaje] n. m. • ÉTYM. Lat. pop.


*focarium, foyer, neutre substantivé de
l’adj. du bas lat. focarius, qui concerne le
foyer (et, comme n. m. et f., « cuisinier,
cuisinière »), du lat. class. focus, foyer
(v. FEU) ; XIIe s., écrit foier, fuier (foyer,
XVIe s.), au sens I, 1 (marbre du foyer, 1890,
Dict. général [foyer, même sens, 1708,
Furetière] ; tapis de foyer, 1890, Dict. général
[foyer, même sens, 1872, Larousse] ; foyer
d’incendie, XXe s.) ; sens I, 2, 1680, Richelet
(foyer à chargement automatique, XXe s.) ;
sens II, 1, 1580, Montaigne (« les personnes
qui composent la famille », 1673, Racine ;
fonder un foyer, XXe s.) ; sens II, 2, fin du
XIXe s., A. Daudet ; sens II, 3, 1890, Dict.
général (foyer du public [foyer, même sens,
av. 1709, Regnard, le plus souvent au plur.] ;
foyer des artistes, XXe s. [foyer, même sens,
1752, Trévoux] ; foyer de la danse, XXe s. ;
avoir du foyer, 1872, Larousse) ; sens III, 1,
milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens III, 2, av.
1704, Bossuet (pour une maladie, v. 1560,
Paré ; foyer purulent, 1872, Larousse) ;
sens III, 3, 1680, Richelet (foyer réel, virtuel,
1865, Littré ; profondeur de foyer, XXe s.) ;
sens III, 4, fin du XIXe s., A. Daudet ; sens
III, 5, 1690, Furetière.

I. LIEU OÙ L’ON FAIT LE FEU. 1. Partie


d’une cheminée où le feu est allumé, et,
par extens., le feu lui-même : Au coin de
son foyer tout flamboyant d’érable... (La-
martine). Comme le foyer seul illuminait
la chambre (Baudelaire). Au foyer plein
d’éclairs chante gaîment le feu (Rim-
baud). ‖ Marbre du foyer, ou simplem.
foyer, dalle que l’on scelle en avant du
foyer pour isoler celui-ci du parquet.
‖ Tapis de foyer, ou simplem. foyer, petit
tapis qui se met devant une cheminée.
‖ Foyer d’incendie, endroit où un incen-
die se déclare et à partir duquel il tend à
se propager. ‖ 2. Partie d’un fourneau,
d’un appareil de chauffage domestique
ou industriel dans laquelle brûle le com-
bustible : Le foyer d’une cuisinière, d’un
poêle. Le foyer d’une chaudière, d’une
locomotive. D’un morceau de feuillard il
fit un auvent au foyer de sa forge (Hugo).
‖ Foyer à chargement automatique, foyer
industriel dans lequel le chargement du
charbon est fait automatiquement.

II. LIEU OÙ SE GROUPENT DES PER-


SONNES. 1. Lieu où habite, où vit une
famille ; séjour domestique avec toute
l’intimité que cela représente : Recevoir
des étrangers à son foyer. Elles [les délica-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2010

tesses d’Emma] ajoutaient quelque chose


au plaisir de ses sens et à la douceur de
son foyer (Flaubert). ‖ Par extens. Les
personnes qui composent la famille ; la
vie familiale : Dans la Rome antique, les
lares et les pénates étaient les dieux pro-
tecteurs du foyer. Les soirs, je regardais
dans d’inconnus villages les foyers, disper-
sés au jour, se reformer (Gide). ‖ Fonder
un foyer, se marier. ‖ 2. Endroit, local
où certaines catégories de personnes se
réunissent, trouvent des distractions, et
parfois même une habitation : Foyer du
soldat, de l’étudiant. Foyer de vieillards.
Foyer rural. Le foyer, transformé pour la
circonstance en salon de jeu (Daudet).
‖ 3. Foyer du public, dans un théâtre,
salle, galerie où les spectateurs peuvent
circuler, consommer, échanger leurs im-
pressions, pendant les entractes (lieu où
jadis le public se réunissait pour se chauf-
fer quand la salle n’était pas chauffée).
‖ Foyer des artistes, salle commune où
se rassemblent les acteurs avant ou après
leurs interventions en scène. ‖ Foyer de
la danse, à l’Opéra de Paris, salle où se
tiennent les danseuses et les danseurs
avant d’entrer en scène, et où ils peuvent
se livrer à d’ultimes exercices d’assou-
plissement. ‖ Avoir du foyer, avoir de
l’entrain dans son jeu.

III. SOURCE OU POINT DE CONVERGENCE


D’UN RAYONNEMENT. 1. Centre d’où
rayonne la chaleur, la lumière : Un foyer
de chaleur. Un foyer lumineux. Et dans
ces profondeurs, on voyait s’allumer | Les
foyers de soleils aux lumières argentines
(Lamartine). Un foyer de lumière douce
et invisible répand du haut du plafond,
fait en dôme, une mystérieuse clarté (Sue).
‖ 2. Centre principal à partir duquel se
répand quelque chose : Le foyer d’une épi-
démie. Un foyer d’agitation. Un foyer de
civilisation. Tous ces foyers des lumières
attestent les immenses travaux du chris-
tianisme (Chateaubriand). ‖ Spécialem.
Siège productif d’une maladie ou siège
principal de ses manifestations : Foyer tu-
berculeux. Foyer d’infection. Un praticien
averti, qui sait où est le foyer d’infection,
et qui vide l’abcès avant de commencer son
pansement (Martin du Gard) ; et au fig. :
Dans la beauté même de sa femme était
le foyer de ce mal [la jalousie] (Daudet).
‖ Foyer purulent, endroit où se forme
le pus d’un abcès. ‖ 3. Point vers lequel
convergent, après réflexion ou réfrac-
tion, les rayons, initialement parallèles,
émis par une même source de chaleur ou
de lumière : Le foyer d’une lentille, d’un
miroir concave. Des verres de lunettes à
double foyer. ‖ Foyer réel, foyer où a réel-
lement lieu la concentration des rayons.
‖ Foyer virtuel, point où se coupent les
prolongements des rayons lumineux.
‖ Profondeur de foyer, dans un appareil
photographique, limite très restreinte
dans laquelle peut varier la position de

la surface sensible par rapport à l’objectif


sans que la netteté de l’image soit altérée.
‖ 4. Point où se concentre quelque chose
(au pr. ou au fig.) : Les yeux du paralytique,
foyer de sa vie nerveuse, étincelaient de
fureur (Daudet). On trouve des foyers de
misère en France, évidemment. Des îlots
de misère (Bernanos). ‖ 5. En mathéma-
tiques, point remarquable associé à cer-
taines courbes : L’ellipse et l’hyperbole
ont deux foyers réels, la parabole un seul
foyer. La somme des distances d’un point
quelconque d’une ellipse à ses deux foyers
est constante.

• SYN. : I, 1 âtre, cheminée, feu. ‖ II, 1


bercail, famille, home, intérieur, nid, toit.
‖ III, 1 source.

& foyers n. m. pl. (av. 1743, Desfontaines).


Pays natal, maison familiale ou résidence
habituelle : Rentrer dans ses foyers. Il a été
démobilisé et renvoyé dans ses foyers.

• SYN. : pénates (fam.).


fra [fra] n. m. (mot ital., abrév. de frate,
moine, lat. frater, frère ; 1872, Larousse).
Mot qui, chez les Italiens, précède un nom
propre désignant un moine : Fra Angelico.

frac [frak] n. m. (angl. frock, habit de


dessus, pardessus, robe [d’enfant, de jeune
fille], froc [de moine], blouse, et, depuis le
début du XVIIIe s., « frac », empr. au franç.
froc [v. ce mot] ; 1767, Beaumarchais, au sens
1 ; sens 2, 1890, Dict. général). 1. Autref.
Vêtement masculin, habit de ville ou d’uni-
forme, serré à la taille, à collet droit et à
longues basques étroites : Que dirais-tu,
Marinoni, si tu voyais ton maître revêtir
un simple frac olive ? (Musset). Chacun
était roide, droit, et avec son frac étriqué,
ses bottes à revers et ses cheveux pleurant
sur le front, chaque citoyen avait l’air d’une
académie qui aurait passé chez le fripier
(Baudelaire). ‖ 2. S’emploie quelquefois
pour désigner l’habit noir de cérémonie :
La redingote ou le frac du baron le faisait
ressembler à ces portraits réussis par un
grand coloriste, d’un homme en noir, mais
qui a près de lui, sur une chaise, un manteau
éclatant qu’il va revêtir pour quelque bal
costumé (Proust). Ils n’ont pas de parents,
pas de bonnes, pas de frac à protéger des
mites (Miomandre).

fracas [fraka] n. m. (ital. fracasso, déver-


bal de fracassare [v. FRACASSER] ; 1475,
Chroniques des chanoines de Neuchâtel,
au sens 1 [avec perte et fracas, XXe s.] ; sens 2,
v. 1673, Retz ; sens 3, 1857, Flaubert [« grand
bruit analogue à celui de choses qui se bri-
sent », 1678, La Fontaine] ; sens 4, 1661,
Molière ; sens 5, 1665, Quinault [faire un
fracas, 1690, Furetière] ; sens 6, début du
XXe s.). 1. Vx ou littér. Action de fracasser ou
le fait de se fracasser, de se briser ; rupture
accompagnée de bruit (au pr. et au fig.) :
On voit tomber derrière soi tout ce qu’on
avait passé : fracas effroyable ! inévitable
ruine ! (Bossuet). Un moulin à eau [...] dont

le fracas écumeux [...] amusait beaucoup


les enfants (Sainte-Beuve). ‖ Auj. et fam.
Avec perte et fracas, d’une façon brutale et
expéditive, sans aucun ménagement : On
l’a expulsé avec perte et fracas de la salle de
réunion. ‖ 2. Class. Action violente, rixe :
Il y eut deux gardes de Monsieur de tués en
ce petit fracas (Retz). ‖ 3. Bruit soudain
et violent causé par quelque chose qui se
brise : Un fracas de vaisselle brisée. Elle
entendit un fracas dans la salle de bain
[...] : les flacons de cristal de son nécessaire
gisaient en miettes sur la mosaïque (Vercel).
‖ Grand bruit analogue à celui de choses
qui se brisent : Des fenêtres s’ouvrent avec
fracas (Daudet). Un fracas infernal les
arrêta net : un enchevêtrement de chevaux,
de roues, de tonneaux, brinqueballant d’un
côté à l’autre de la chaussée, dévalait vers
eux à une vitesse vertigineuse (Martin du
Gard). Dans le fracas des cuivres et l’explo-
sion des feux d’artifice... (Bernanos). Et,
de nouveau, des autos s’en vont avec un
fracas d’embrayage et de Klaxons, débor-
dant de soldats secoués, et laissant entre les
traces des roues des casquettes kaki, épaves
(Malraux). ‖ 4. Vx. Agitation bruyante
et désordonnée, tumulte : Le fracas du
monde. Ce fut d’abord entre nous un fra-
cas de questions sur Paris et sur Athènes
(Chateaubriand). ‖ 5. Class. et littér. Bruit
fait dans le monde par une personne ou par
une chose qui attire soudain l’attention,
qui a un succès à sensation : Le goût d’une
fille est quelquefois bizarre. | Souvent le vrai
mérite avec tous ses appas | Lui plaît moins
que l’éclat, le faste et le fracas (Quinault).
Nous qui vivons sans fracas, comme de
braves gens que nous sommes, nous qui ne
spéculons pas, qui nous contentons de vivre
sainement avec ce que nous avons (Zola).
‖ Class. Faire un fracas, avoir un grand
retentissement : Quand « le Cid » parut sur
le théâtre, il fit un épouvantable fracas dans
le monde (Furetière, 1690). ‖ 6. Péjor. Bruit,
retentissement fâcheux de quelque chose :
Il tâche de liquider avec le moins de fracas
possible les affaires religieuses (Romains).
• SYN. : 3 boucan (très fam.), raffut (pop.),
tapage, tintamarre, vacarme ; 6 éclat,
esclandre.

fracassant, e [frakasɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de fracasser ; 1891, Huysmans, au sens
1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Qui fait du fra-
cas, un bruit assourdissant : [Les couples]
s’enlacent et tournoient au son fracassant
des cuivres (Huysmans) ; et par extens. : Un
bruit fracassant. ‖ 2. Fig. Qui fait grand
bruit ; qui cherche à faire sensation ou à
scandaliser : Leurs axiomes d’un fracassant
cynisme (Bernanos). Un succès fracassant.
Une déclaration fracassante. Un romancier
fracassant.

• SYN. : 1 assourdissant, bruyant ; 2 éclatant,


époustouflant (fam.), tapageur.

fracassement [frakasmɑ̃] n. m. (de


fracasser ; XVIe s., Godefroy). Action de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2011

fracasser ou le fait de se fracasser ; état de


ce qui est fracassé. (Rare.)

fracasser [frakase] v. tr. (ital. fracassare,


fracasser, probablem. issu d’un croisement
des v. lat. frangere, briser, rompre, mettre
en pièces, et quassare, secouer, agiter for-
tement, ébranler [fréquentatif de quatere,
secouer, agiter] ; 1475, Chroniques des
chanoines de Neuchâtel). Briser de façon
violente, mettre en pièces : Ce qui n’était
pas fracassé était désarticulé (Hugo). Les
galères romaines n’étaient point des dra-
gons invincibles, puisque le flot les avait
fracassées et jetées, les flancs ouverts, sur
le sable des grèves (France). Un corps gît
dans une flaque rouge : [...] bras fracassé,
jambe en bouillie (Chack). Il s’est fracassé
le bras dans sa chute (Acad.).

• SYN. : casser, fracturer, rompre.

& se fracasser v. pr. (1835, Acad.). Se briser,


se rompre violemment : La voiture a quitté
la route et s’est fracassée dans le ravin.

fraction [fraksjɔ̃] n. f. (bas lat. fractio,


action de briser, de fractum, supin de fran-
gere, briser ; 1187, Dict. général, au sens I
[« action de rompre le pain eucharistique »] ;
sens II, 1, 1829, Boiste [à l’intérieur d’une
organisation, d’un parti, XXe s.] ; sens II, 2,
1580, Montaigne [fraction décimale, algé-
brique, 1872, Larousse] ; sens II, 3, milieu
du XXe s.).

I. Vx. Action de rompre, de briser. ‖ Auj.


et spécialem. Action de rompre, de diviser
le pain eucharistique : Ces deux voyageurs
à qui le Sauveur des hommes se joignit sur
le chemin d’Emmaüs, le reconnurent dans
la fraction du pain (Bourdaloue).

II. 1. Partie, séparée ou non, d’un tout


qu’on divise réellement ou idéalement :
La fraction de l’Assemblée qui représente
un groupe politique. Des organes dont le
temps est si précieux qu’une fraction de
minute perdue par eux peut entraîner
la perte brusque de tout l’être (Valéry).
‖ Spécialem. À l’intérieur d’une orga-
nisation, d’un parti, minorité organisée
en rupture avec l’ensemble du groupe.
‖ 2. Symbole ou expression numérique
représentant une ou plusieurs parties
de l’unité divisée en parties égales : 8/12
est une fraction ordinaire. Le numéra-
teur et le dénominateur d’une fraction.
Multiplication, division des fractions.
‖ Fraction décimale, fraction exprimant
une ou plusieurs parties de l’unité divi-
sée en un nombre de parties égales à 10
ou à une puissance de 10 : 34,51 est une
fraction décimale. ‖ Fraction algébrique,
quotient d’expressions algébriques quel-
conques. ‖ 3. Produit pétrolier obtenu
par fractionnement.

• SYN. : II, 1 fragment, parcelle, portion.

fractionnaire [fraksjɔnɛr] adj. (de frac-


tion ; 1725, Mémoires de l’Acad. des sciences,
au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Qui a

la forme d’une fraction : Expression frac-


tionnaire. ‖ Nombre fractionnaire, nombre
composé d’un nombre entier et d’une frac-
tion : 10 3/4 est un nombre fractionnaire.
‖ 2. Vx. Adjectif fractionnaire, adjectif qui
s’applique à une partie d’un tout divisé :
Vingtième est un adjectif fractionnaire.

fractionnateur [fraksjɔnatoer] n. m.
(dér. savant de fractionner ; 1959, Larousse).
Appareil utilisé pour la distillation frac-
tionnée des produits pétroliers.

fractionné, e [fraksjɔne] adj. (part.


passé de fractionner ; XXe s.). Distillation
fractionnée, séparation par ébullition d’un
mélange de liquides en fractions dont les
points d’ébullition sont différents.

fractionnel, elle [fraksjɔnɛl] adj. (de


fraction ; milieu du XXe s.). Qui tend à la
désunion, au fractionnement d’un parti :
Une exclusion prononcée pour activité
fractionnelle.

fractionnement [fraksjɔnmɑ̃] n. m. (de


fractionner ; 1842, Mozin, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Action de fractionner ; état de
ce qui est fractionné : Le fractionnement
d’un train. Le fractionnement du monde
politique en partis trop nombreux. ‖ 2. En
chimie, séparation d’un mélange en ses
éléments constituants, par la méthode dite
de fractionnement. ‖ Dans l’industrie des
pétroles, action de fractionner un mélange
de produits pétroliers en ses éléments
constitutifs, ou fractions.

• SYN. : 1 division, morcellement, partage,


segmentation.
fractionner [fraksjɔne] v. tr. (de frac-
tion ; 1801, Frey, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Diviser un tout en parties, en fractions :
Un grand domaine que les héritages suc-
cessifs ont beaucoup fractionné. ‖ 2. Dans
l’industrie des pétroles, séparer un mélange
en produits à caractéristiques différentes,
par distillation fractionnée.

• SYN. : 1 démembrer, diviser, morceler,


partager, scinder.

& se fractionner v. pr. (1827, Thiers). Se


diviser, se séparer en plusieurs parties ou
groupes : Depuis la chute des Girondins,
le parti montagnard, resté seul, avait com-
mencé à se fractionner (Thiers).

fractionnisme [fraksjɔnism] n. m. (de


fraction ; 1959, Larousse). Action visant à
détruire l’unité d’un parti politique.

fractionniste [fraksjɔnist] adj. et n. (de


fractionnisme ; 1959, Larousse). Qui vise à
détruire l’unité d’un parti politique.

fracturable [fraktyrabl] adj. (de fractu-


rer ; XXe s.). Qui peut être fracturé. (Rare.)

fracturation [fraktyrasjɔ̃] n. f. (de frac-


turer ; milieu du XXe s.). Dans l’extraction
du pétrole, procédé de stimulation qui
consiste à pratiquer des fractures dans la
couche productrice afin d’en augmenter la

perméabilité au voisinage immédiat d’un


puits.

fracture [fraktyr] n. f. (lat. fractura,


éclat, fragment, fracture [d’un membre],
de fractum, supin de frangere, briser,
rompre [fracture a supplanté la forme
pop. fraiture, « fracture, brèche, sai-
sie », XIIe s., Partenopeus de Blois] ; 1391,
Godefroy, aux sens 1-2 [en géologie, 1827,
Chateaubriand ; dans l’extraction du
pétrole, milieu du XXe s.] ; sens 3, XVe s.
[fracture ouverte, XXe s.]). 1. Action de
rompre avec effort : Tentative de fracture
d’une porte. ‖ 2. Solution de continuité
qui en résulte. ‖ Spécialem. En géologie,
cassure de l’écorce terrestre. ‖ Dans l’ex-
traction du pétrole, cassure réalisée arti-
ficiellement dans une couche productrice.
(V. FRACTURATION.) ‖ 3. Rupture violente
d’un os ou d’un cartilage dur ; lésion qui en
résulte : Fracture du col du fémur. Fracture
du crâne. Voies de fait, brutalités, contu-
sions, fractures ; c’est l’oeuvre des révolutions
(Hugo). Il tâchait de se remettre en mémoire
toutes les fractures qu’il savait (Flaubert).
‖ Fracture ouverte, fracture dont le foyer
communique avec l’extérieur.

• SYN. : 1 bris, effraction ; 3 fêlure.

fracturer [fraktyre] v. tr. (de fracture ;


v. 1560, Paré, au sens 2 [au part. passé ;
à l’infin., fin du XVIIIe s.] ; sens 1, 1809,
Wailly). 1. Endommager par une rupture
violente : Fracturer une porte, une ser-
rure. Les cambrioleurs n’ont pu fracturer
le coffre-fort. ‖ 2. Spécialem. Rompre un
os : Se fracturer la jambe.

• SYN. : 1 forcer ; 2 casser.

fractus [fraktys] n. m. (mot du lat. scien-


tif. moderne, du lat. class. fractus, brisé,
morcelé, part. passé adjectivé de frangere,
briser, rompre ; 1968, Larousse). Dans la
classification internationale des nuages,
nuage en forme de lambeaux irréguliers,
présentant un aspect déchiqueté.

fragile [fraʒil] adj. (lat. fragilis, frêle,


cassant, périssable, du radical de frangere,
briser [v. aussi FRÊLE] ; v. 1361, Oresme,
au sens de « de peu d’importance » ; sens I,
1, 1541, Calvin ; sens I, 2-3 et II, 1-2, 1651,
Corneille).

I. EN PARLANT DES CHOSES. 1. Se dit d’un


objet, d’une matière qui se brise, se casse
facilement : Le verre, la porcelaine sont des
matières fragiles. Un colis fragile. Dans
le cadre de plomb des fragiles verrières, |
Les maîtres d’autrefois ont peint de hauts
barons (Heredia). ‖ 2. Qui manque de
solidité, de résistance ; qui peut être dé-
truit ou détérioré facilement : Notre vie
ressemble à ces bâtisses fragiles, étayées
dans le ciel par des arcsboutants : ils ne
s’écroulent pas à la fois, mais se détachent
successivement ; ils appuient encore
quelque galerie, quand déjà ils manquent
au sanctuaire ou au berceau de l’édifice
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2012

(Chateaubriand). Un fragile esquif. Un


mécanisme fragile. ‖ 3. Fig. Qui manque
de stabilité, qui n’est pas fermement éta-
bli, assuré : Chaque siècle, chaque heure,
en poussière il entraîne | Ces fragiles abris
de la sagesse humaine, | Empires, lois,
autels, dieux, législations (Lamartine).
Rien n’est si fragile qu’une domination
purement fondée sur la force (Jouffroy).
Paysanne, terrienne, elle [la mère] se mé-
fiait [...] de ces fragiles fortunes sans cesse
menacées (Mauriac). Cette institution qui
paraissait inébranlable était en réalité la
plus fragile (Bernanos). Un raisonnement,
une argumentation fragile. ‖ Spécialem.
Se dit de ce qui est éphémère, périssable
(surtout des sentiments humains) : Les
liaisons et les amitiés de la Cour sont fra-
giles (La Rochefoucauld). Bonheur fragile.

II. EN PARLANT DES ÊTRES ANIMÉS.


1. Qui est d’une nature, d’une constitu-
tion délicate, et ne semble pas fait pour
durer : Un enfant fragile. Tant qu’à ce
corps fragile un souffle nous attache...
(Corneille). L’homme est aveugle, sourd,
fragile, comme un mur | Qu’habite et que
ronge un insecte ! (Baudelaire). Les plantes
qui ne vivent qu’un an ont leurs fragiles
fleurs plus pressées (Gide). Ses mains dé-
licates, tout en petits osselets, fragiles...
(Colette). ‖ Spécialem. Se dit d’un organe
faible, dont le fonctionnement peut s’al-
térer : Avoir le coeur fragile, les yeux fra-
giles ; et par extens. : Être de santé fragile.
‖ 2. Class. Qui est sujet à faillir, qui suc-
combe facilement aux tentations : Prions
aussi l’auguste Père [...] | Qu’il soutienne
d’en haut ses fragiles enfants (Racine). La
chair est fragile (Furetière, 1690).

• SYN. : I, 1 cassant ; 2 délicat, grêle, mince ;


3 éphémère, fugace, fugitif, instable, péris-
sable, précaire, vulnérable. ‖ II, 1 chétif,
débile, faible, frêle, malingre, souffreteux.

— CONTR. : I, 1 incassable ; 2 résistant,


solide ; 3 assuré, inébranlable, invulnérable,
stable ; durable, éternel, impérissable. ‖ II,
1 fort, robuste, vigoureux.

fragilement [fraʒilmɑ̃] adv. (de fragile ;


XVIe s.). D’une manière fragile (au pr. et au
fig.) : Une cabane fragilement construite.
Un équilibre fragilement assuré.

fragilisant, e [fraʒilizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de fragiliser ; v. 1965). Qui fragilise,
rend plus vulnérable aux atteintes patho-
logiques ou psychologiques.

fragilisation [fraʒilizasjɔ̃] n. f. (de fra-


giliser ; v. 1965). Action de fragiliser, ou le
fait de devenir fragile.

fragiliser [fraʒilize] v. tr. (de fragile ; v.


1965, comme v. tr. et pr.). Rendre fragile,
plus vulnérable aux atteintes de la maladie
ou aux atteintes psychologiques.

& se fragiliser v. pr. Devenir plus fragile.

fragilité [fraʒilite] n. f. (lat. fragilitas, fra-


gilité, faiblesse, courte durée, de fragilis [v.

FRAGILE] ; v. 1119, Ph. de Thaon, au sens II,


2 ; sens I, 1, 1642, Corneille [en mécanique,
XXe s.] ; sens I, 2, 1890, Dict. général ; sens I,
3, 1541, Calvin ; sens II, 1, 1872, Larousse).

I. EN PARLANT DES CHOSES. 1. Caractère


de ce qui se brise facilement : La fragi-
lité de la porcelaine, du verre. ‖ Spécia-
lem. En mécanique, aptitude d’un métal
à se briser sous le choc. ‖ 2. Facilité à se
détériorer ; manque de solidité, de résis-
tance : La fragilité de certaines construc-
tions modernes. La fragilité d’un appa-
reil, d’un mécanisme. ‖ 3. Fig. Caractère
précaire, manque de solidité, de stabilité,
de cohérence de certaines choses : La fra-
gilité d’un régime politique. La fragilité
des choses humaines. La fragilité d’une
hypothèse. La fragilité de sa défense n’a
échappé à personne. J’ai insisté quelque
peu sur ce modèle imaginaire [...] afin de
suggérer toute la fragilité des distinctions
et des oppositions (Valéry).

II. EN PARLANT DES ÊTRES ANIMÉS.


1. Faiblesse physique, manque de robus-
tesse : La fragilité d’un nouveau-né. La
fragilité de certains organismes végétaux.
De ma fragilité je goûte les alarmes (Va-
léry). Le mal, en la pâlissant, l’avait affi-
née. Il révélait, dans le visage et les mains,
la fragilité de la femme (Vercel) ; et par
extens. : La fragilité de sa santé l’obligeait
à des ménagements. ‖ 2. Class. et littér.
Facilité à succomber moralement, à com-
mettre le péché : Quelque effort qu’ici-bas
l’homme fasse à bien vivre, | Il est souvent
trahi par sa fragilité (Corneille). Rancé
lui-même ne cessait de pleurer ses fragili-
tés (Chateaubriand).

• SYN. : I, 3 inconsistance, inconstance,


instabilité, précarité, vulnérabilité. ‖ II, 1
débilité, déficience, délicatesse, faiblesse.

— CONTR. : I, 2 résistance, solidité ; 3


constance, fermeté, invulnérabilité, per-
manence, stabilité. ‖ II, 1 force, robustesse,
vigueur, vitalité.

fragment [fragmɑ̃] n. m. (lat. fragmen-


fragment [fragmɑ̃] n. m. (lat. fragmen-
tum, éclat, fragment, débris, du radical
de frangere, briser, rompre ; av. 1525, J.
Lemaire de Belges, au sens 1 [frament,
forme plus pop., milieu du XIIIe s. ; frag-
ment, « chacun des morceaux d’un os
fracturé », v. 1560, Paré] ; sens 2-3, 1636,
Monet [« morceau isolé, passage d’une
oeuvre littéraire », 1690, Furetière] ; sens
4, 1868, A. Daudet). 1. Morceau d’une
chose matérielle qui a été brisée, rompue,
déchirée : Les fragments d’un vase. Recoller
les fragments d’une porcelaine. Rassembler
les fragments d’une lettre, d’un document.
Un fragment de roche. Ces productions
marines [...] que les flots de la tempête
jettent par fragments sur la grève (Balzac).
Si je déménageais, mon beau service bulle-
de-savon, que j’ai rapporté de Venise [...],
pourrait finir en pièces et fragments dans
cette halle... (Colette). Ce n’étaient plus
que quelques fragments de tours bossuant

la prairie (Proust). ‖ Spécialem. Chacun


des morceaux d’un os fracturé. ‖ 2. Reste
d’une oeuvre artistique ou d’un objet pré-
sentant un intérêt historique, archéolo-
gique, scientifique, etc. : Fragment d’une
statue antique, d’une inscription. Des frag-
ments d’outils datant du paléolithique. J’ai
vu l’autre jour une main | D’Aspasie ou de
Cléopâtre, | Pur fragment d’un chef-d’oeuvre
humain (Gautier). ‖ 3. Morceau d’une
oeuvre littéraire, d’un ouvrage ancien dont
une grande partie est perdue : Les comé-
dies de Ménandre ne sont connues que par
des fragments. Les fragments d’Ennius. On
voit par un fragment de Diodore de Sicile
que Brasidas défendit cette ville contre les
Athéniens (Chateaubriand). ‖ Morceau
isolé, passage d’un ouvrage littéraire :
Nous nous contenterons des fragments du
livre d’Hermès que nous avons ici (Hugo).
‖ 4. Fig. Partie plus ou moins importante
de quelque chose (sens abstrait) : La vérité
n’était pas là, bien qu’il y en eût partout des
fragments épars (Sainte-Beuve).

• SYN. : 1 débris, éclat, fraction, lambeau,


miette, tesson ; 4 bribe, parcelle.

& fragments n. m. pl. (1803, Boiste).


Morceaux isolés d’un auteur, destinés ou
non à former une oeuvre présentant une
unité : Publier des fragments. Fragments
historiques, philosophiques.

• SYN. : extraits.

fragmentaire [fragmɑ̃tɛr] adj. (de frag-


ment ; 1801, Villers, aux sens 1-2 ; sens 3,
av. 1922, Proust). 1. Qui se présente sous la
forme de fragments, et non dans sa totalité :
Il n’est point de vraie philosophie partielle
ou fragmentaire (Lamennais). Les parties
que j’en distinguais étaient toujours d’une
remarquable netteté, tout en demeurant
fragmentaires (H. de Régnier). Ces magni-
fiques sculptures furent trouvées à l’état
fragmentaire (Acad.). ‖ 2. Qui constitue
un fragment, une partie, un aspect d’une
chose : Cette étude est intéressante, mais
fragmentaire. Ce genre de jugement frag-
mentaire (H. Bataille). ‖ 3. Qui vient peu
à peu par fragments : La longue résistance
désespérée et quotidienne à la mort, frag-
mentaire et successive, telle qu’elle s’insère
dans toute la durée de notre vie (Proust).
• SYN. : 1 partiel ; 2 incomplet ; 3 fractionné,
morcelé, parcellaire. — CONTR. : 1 entier,
intégral, total ; 2 complet, exhaustif ; 3
global.

fragmentairement [fragmɑ̃tɛrmɑ̃]
adv. (de fragmentaire ; 1872, Larousse, aux
sens 1-2). 1. Par fragments : Il est difficile
de juger un écrivaîn dont l’oeuvre ne nous
est parvenue que très fragmentairement.
‖ Par extens. Par endroits, par places : La
brume s’était levée fragmentairement, un
peu avant le coucher du soleil (Savignon).
‖ 2. De façon partielle, incomplète : Nous
les jugeons plus fragmentairement (H.
Bataille).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2013

fragmentation [fragmɑ̃tasjɔ̃] n. f. (de


fragmenter ; 1872, Larousse [en géomor-
phologie, XXe s.]). Action de fragmenter, ou
le fait de se fragmenter ; état de ce qui est
fragmenté. ‖ Spécialem. En géomorpho-
logie, réduction d’une roche en fragments,
ou subdivision d’un fragment en fragments
plus petits.

• SYN. : division, fractionnement, morcel-


lement, segmentation.

fragmenter [fragmɑ̃te] v. tr. (de frag-


ment ; 1811, Mozin). Réduire, partager un
tout en fragments, en parties le plus sou-
vent inégales : Fragmenter une publication.
• SYN. : diviser, fractionner, morceler, seg-
menter, tronçonner.

fragon [fragɔ̃] n. m. (bas lat. frisco, houx,


fragon [fragɔ̃] n. m. (bas lat. frisco, houx,
gaulois frĭsgo ; XIIe s., Naissance du che-
valier au cygne, écrit fregon ; fragon, fin
du XIVe s.). Arbuste des régions arides, de
la famille des liliacées, à fleurs verdâtres
et à baies rouges, appelé communément
petit houx.

fragrance [fragrɑ̃s] n. f. (lat. fragrantia,


odeur suave, de fragrare, exhaler fortement
une odeur [bonne ou mauvaise] ; XIIIe s.,
Godefroy, écrit fraglance ; fragrance, XVIe s.,
Huguet, puis 1826, BrillatSavarin [le mot
semble ne pas être attesté aux XVIIe et
XVIIIe s.]). Littér. Odeur agréable, parfum :
La fragrance des lilas se mêlait à l’appétis-
sante odeur des mets (Theuriet). Il aurait
fallu trouver de la fragrance de géranium de
sa musique, non une explication matérielle,
mais l’équivalent profond (Proust). Une
foule de plantes que l’on voit dans la plupart
des jardins et qui offrent une extraordinaire
gamme de parfums, de senteurs, de fumets,
de fragrances (Duhamel).

• SYN. : arôme, senteur.

fragrant, e [fragrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. fragrans,


-antis, odorant, parfumé, part. prés. adjec-
tivé de fragrare [v. l’art. précéd.] ; av. 1525,
J. Lemaire de Belges). Littér. Odorant, par-
fumé : Il est des jours de luxe et de saison
choisie, | Qui sont comme les fleurs précoces
de la vie, | Tout bleus, tout nuancés d’écla-
tantes couleurs, | Tout trempés de rosée et
tout fragrants d’odeurs (Lamartine).

1. frai [frɛ] n. m. (déverbal de frayer 1, v.


intr. [v. ce mot] ; 1388, Ordonnance royale,
écrit froiz [fray, XVIe s. ; frai, XVIIe s.],
au sens 2 [« oeufs de batraciens », 1690,
Furetière] ; sens 1, XIVe s., Littré, écrit fray
[frai, XVIIe s. ; époque où la reproduction
a lieu », 1872, Larousse] ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Acte de la génération chez
les poissons ; ponte des oeufs par la femelle
et fécondation de ces oeufs par le mâle :
La saison du frai. ‖ Par extens. Époque
où la reproduction a lieu : Il est interdit de
pêcher pendant le frai. ‖ 2. OEufs de pois-
sons fécondés : Du frai de carpes, de tanches
(Acad.). ‖ Par anal. OEufs des batraciens :

Du frai de grenouilles. ‖ 3. Très jeunes


poissons : Peupler un vivier avec du frai.
• SYN. : 3 alevins.

2. frai [frɛ] n. m. (déverbal de frayer 1, v. tr.


[v. ce mot] ; 1690, Furetière [« frottement en
général », v. 1560, Paré]). Usure et diminu-
tion de poids que subissent les monnaies
par suite de la circulation.

fraîche adj. et n. f. V. FRAIS 1.

fraîchement [frɛʃmɑ̃] adv. (de frais 1 [v.


ce mot] ; milieu du XIIe s., Roman de Thèbes,
écrit freschement [fraîchement, XVIIe s.],
au sens de « tout de suite » ; sens I, 1, fin
du XIVe s. ; sens I, 2, fin du XVIIe s., Saint-
Simon ; sens II, fin du XIIe s.).

I. 1. Class. Au frais, dans des conditions


de fraîcheur : Il s’est mis en chemise pour
marcher plus fraîchement (Furetière,
1690). Allons dans la salle, nous y serons
plus fraîchement (ibid.). ‖ 2. Fig. et fam.
Avec une froideur marquée : Être reçu
fraîchement. Accueillir fraîchement un
projet.

II. Récemment, depuis peu : Ce crâne


avait l’air fraîchement disséqué (Hugo).
Une grande plaine fraîchement labourée
se montrait sur notre droite (Duhamel).
‖ Class. Ce sens était d’un emploi beau-
coup plus étendu au XVIIe s. : L’Angleterre
[...] dont elle avait tout fraîchement brûlé
les vaisseaux (Racine).

• SYN. : I, 2 froidement. ‖ II nouvellement.

fraîcheur [frɛʃoer] n. f. (de frais 1 [v. ce


mot] ; début du XIIIe s., Godefroy, écrit
frescor [freschor, v. 1213, Fet des Romains ;
fraischeur, fin du XVe s. ; fraîcheur, 1669,
Widerhold], aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1803,
Boiste ; sens I, 4-5 et IV, 2, XXe s. ; sens I, 6,
1691, Ozanam ; sens II, 1, XVe s. ; sens II, 2,
1845, Bescherelle ; sens III, 1, 1812, Boiste ;
sens III, 2-3, 1658, La Fontaine ; sens IV, 1,
1580, Montaigne ; sens IV, 3, 1756, Voltaire).

I. 1. Qualité de ce qui est légèrement


froid : Il [Dieu] leur dispense [aux fleurs]
avec mesure | Et la chaleur des jours et la
fraîcheur des nuits (Racine). Sur une peau
de jeune fille, | Le marbre ému sent sa fraî-
cheur (Gautier). L’intarissable fraîcheur
des rivières (Gide). ‖ Spécialem. Qua-
lité de ce qui est légèrement et agréable-
ment froid : Ma chambre qui protégeait
en tremblant sa fraîcheur transparente
et fragile contre le soleil de l’après-midi
derrière ses volets presque clos (Proust).
‖ 2. Absol. Température fraîche : Vous
n’êtes pas frappée de ce que cette fraî-
cheur a de pénétrant pour nous, qui
arrivons de Paris, sans qu’on puisse dire
qu’il fait froid ? (Romains). ‖ 3. Fam. et
vx. Douleur rhumatismale due à la fraî-
cheur de la température : Attraper une
fraîcheur. ‖ 4. Qualité d’un parfum léger
et agréable, qui ne porte pas à la tête : La
fraîcheur d’une eau de Cologne. ‖ 5. Fig.
Absence de chaleur, de cordialité : La

fraîcheur d’un accueil, d’un entretien.


‖ 6. En termes de marine, vent faible qui
vient avant ou après le calme : La brise est
finie, il n’y a plus qu’une légère fraîcheur.

II. 1. Class. Qualité de ce qui est récent : Il


me souvient des sages propos que vous me
tîntes dans la fraîcheur de la blessure qui
vous cuisait (Guez de Balzac). ‖ 2. Fig.
Qualité de ce qui demeure vivace, précis,
comme une chose récente : La fraîcheur
d’un souvenir.

III. 1. Qualité, éclat d’une chose nouvelle


ou neuve, qui n’est pas ternie par le temps
ou par l’usage : Du linge, un vêtement qui
n’est pas d’une grande fraîcheur. La fraî-
cheur étonnante d’une peinture ancienne.
‖ 2. Qualité, état d’une chose périssable
qui n’a pas eu le temps de s’altérer, de se
gâter, de se flétrir : Fraîcheur des oeufs, du
pain. Des fruits, des légumes d’une fraî-
cheur parfaite. La fraîcheur d’une rose
qui vient d’éclore. Des poissons que [...]
je rapportais dans mon panier, couverts
par une couche d’herbe qui préservait leur
fraîcheur (Proust). ‖ 3. Fig. Qualité de ce
qui offre les caractères de quelque chose
d’éclatant, de pur : La fraîcheur d’un colo-
ris, d’une musique villageoise. Votre robe
est une merveille de fraîcheur et d’esprit
(Vercel).

IV. 1. Qualité d’une personne qui a l’éclat


de la jeunesse, de la santé, de la vitalité :
Ajoutez à cela un air de santé robuste et
une certaine fraîcheur qui faisait plaisir
(Marivaux). Fabrice avait des yeux, un
teint d’une fraîcheur désespérante (Stend-
hal). ‖ 2. Absence évidente de fatigue : Il
a terminé la course dans un état de fraî-
cheur incroyable. ‖ 3. Fig. Qualité de ce
qui donne une impression de jeunesse,
de spontanéité, de pureté : Une grande
fraîcheur de sentiments. Fraîcheur de
l’expression, du style. Une description
pleine de fraîcheur. Il n’y a rien de plus
poétique, dans la fraîcheur de ses pas-
sions, qu’un coeur de seize années (Cha-
teaubriand). J’étais las d’un rôle, excédé
et sans fraîcheur, au seuil de cette félicité
(Sainte-Beuve).

• SYN. : I, 2 fraîche, frais ; 5 froideur. ‖ II,


2 présence, vivacité. ‖ IV, 1 éclat, fleur (lit-
tér.), rayonnement, vie ; 2 allant (fam.) ;
3 candeur, ingénuité, innocence, naïveté.

fraîchin [frɛʃɛ̃] n. m. (de frais 1 ; av. 1577,


R. Belleau [var. freschume — avec un autre
suff. —, v. 1354, Modus]). Odeur de marée,
de poisson : Sentir le fraîchin.

fraîchir [frɛʃir] v. intr. (de frais 1 [v. ce


mot] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au part.
prés., écrit frescissant, au sens de « tout nou-
veau » ; à l’infin., comme v. tr., écrit freschir,
au sens de « reposer, restaurer les forces de
[quelqu’un] », XIIIe s. ; comme v. intr., écrit
fraîchir, au sens 2, 1688, Miege [impers.,
1835, Acad.] ; sens 1, 1872, Larousse).
1. Devenir frais ou plus frais : Mais le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2014

commodore avait raison, le soir fraîchis-


sait rapidement ; il prit le parti d’aller se
coucher (Daudet). Nous ne pensions qu’à la
bouteille de limonade de la veuve Delouche,
qui fraîchissait dans la fontaine de Grand-
Fous (Alain-Fournier). L’après-midi, cela
fraîchit encore (Vercel). ‖ 2. Spécialem.
Augmenter de force, en parlant du vent
(terme de marine) : Nous appareillâmes :
le vent continuant de fraîchir, nous eûmes
bientôt dépassé les Açores (Chateaubriand).
Aussitôt déployées, ces voiles se gonflèrent
au vent qui fraîchissait (France). ‖ Impers.
Il fraîchit, le vent augmente.

• SYN. : 1 rafraîchir.

fraîchissant, e [frɛʃisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de fraîchir ; fin du XIXe s., A. Daudet).
Qui devient plus frais : L’amarre d’un
bateau grinçait dans la nuit fraîchissante
(Daudet).

fraie [frɛ] n. f. (déverbal de frayer 1, v. intr.


[v. ce mot] ; XIVe s., Ordonnance royale,
écrit froie [fraie, 1752, Trévoux], au sens
de « oeufs de poisson » ; sens actuel, 1690,
Furetière [écrit fraye ; fraie, XVIIIe s.]).
Époque où les poissons fraient.

• REM. On dit aussi FRAI n. m. (v. ce mot)


et FRAIESON (de frayer ; 1865, Littré).

fraindre ou freindre [frɛ̃dr] v. intr.


(lat. frangere, rompre, fracasser, mettre
en pièces ; 1080, Chanson de Roland, écrit
fraindre, comme v. tr., aux sens de « briser,
détruire », et, comme v. intr., au sens de « se
briser » ; sens actuel, 1878, Larousse [écrit
freindre ; fraindre, XXe s.]). Diminuer de
volume, en parlant des céréales engrangées.

frainte ou freinte [frɛ̃t] n. f. (part. passé


fém. substantivé de fraindre, freindre [v.
l’art. précéd.] ; XIIe s., Godefroy, au sens
de « bruit causé par une chose brisée,
vacarme » ; sens 1-2, 1877, Littré [écrit
freinte ; frainte, 1890, Dict. général]).
1. Déchet enregistré au cours de la trans-
formation des matières textiles en fil,
du fait des manipulations et opérations
mécaniques. ‖ 2. Perte subie par certaines
marchandises pendant la fabrication, le
transport, les manipulations.

frairie [frɛri] n. f. (lat. fratria, phratrie


[division de la tribu chez les Grecs], gr.
phratria, même sens, de phratêr, membre
d’une phratrie ; milieu du XIIe s., Roman
de Troie, écrit frarie [fraierie, frairie, fre-
rie — d’après confrérie —, v. 1265, J. de
Meung], au sens de « confrérie » ; sens 1,
1668, La Fontaine ; sens 2, av. 1553, Rabelais
[écrit frarie ; frairie, 1877, Littré]). 1. Class.
et littér. Divertissement, partie de plaisir,
de bonne chère (terme bas, selon Furetière,
l’Académie) : Un loup donc étant de frai-
rie | Se pressa, dit-on, tellement | Qu’il en
pensa perdre la vie (La Fontaine). C’est un
goinfre qui n’aime que la frairie et le cabaret
(Furetière, 1690). Ils parlaient à voix basse,
dans l’ombre majestueuse des ormes ; puis

chauffés de vins, de victuailles, le repas


funèbre s’anima, devint une immense frairie
(Daudet). ‖ 2. Dialect. Fête patronale de
village : Outre toutes ces fêtes, il y avait
notre vote ou frairie (Le Roy).

1. frais, fraîche [frɛ, -ɛʃ] adj. (germ.


*frisk, frais ; 1080, Chanson de Roland, écrit
freis, fresche [frais, fraische, XIVe s. ; frais,
fraîche, 1669, Widerhold], au sens II, 1 [de
fraîche date, 1872, Larousse] ; sens I, 1, 1273,
Adenet ; sens I, 2, 1857, Baudelaire [air frais,
1872, Larousse, au pr., et 1968, Larousse, au
fig.] ; sens I, 3, XXe s. ; sens I, 4, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens II, 2, 1643, Rotrou ;
sens II, 3 et III, 2, 1080, Chanson de Roland ;
sens II, 4, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens
II, 5-6, v. 1355, Bersuire [frais de, milieu
du XVe s.] ; sens III, 1, v. 1265, J. de Meung ;
sens III, 3, 1752, Trévoux ; sens IV, 1, v. 1155,
Wace ; sens IV, 2, fin du XIIe s., Aliscans ;
sens IV, 3, 1808, d’Hautel ; sens IV, 4, fin
du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens IV, 5,
1835, Acad.).

I. QUI EST À UNE TEMPÉRATURE ENTRE


LE CHAUD ET LE FROID. 1. Qui est légère-
ment froid : Vent, temps frais. Une cave
fraîche. De l’eau fraîche. La matinée,
quoique belle, était très fraîche (Miche-
let). Dans le frais clair-obscur du soir
charmant qui tombe (Hugo). ‖ Spécia-
lem. Qui est légèrement et agréablement
froid : J’appuyais tendrement mes joues
contre les belles joues de l’oreiller, qui,
pleines et fraîches, sont comme les joues
de notre enfance (Proust). Mais l’outre en
peau de bouc maintient frais le vin blanc
(Apollinaire). ‖ 2. Qui n’est pas réelle-
ment froid, mais procure une impression
agréable de fraîcheur : Un vêtement frais.
Avoir la bouche, l’haleine fraîche. Un frais
parfum sortait des touffes d’asphodèles
(Hugo). Il est des parfums frais comme
des chairs d’enfants (Baudelaire). ‖ Air
frais, air qui vient renouveler l’atmos-
phère viciée d’un endroit clos où ont sé-
journé de nombreuses personnes ; au fig.,
tout ce qui renouvelle, fait revivre sur de
nouvelles bases : Ce journal fait circuler
un peu d’air frais dans la vie politique.
‖ 3. Fig. Qui est empreint de froideur,
dépourvu de cordialité : Une réception
plutôt fraîche. ‖ Fig. Qui marque une
certaine réserve : Sa proposition a reçu
un accueil assez frais. ‖ 4. Spécialem. En
termes de marine, se dit d’un vent relati-
vement fort (sans considération de tem-
pérature) : Brise fraîche.

II. QUI EST DE DATE RÉCENTE. 1. Qui est


tout nouveau, qui vient d’apparaître ou
de se produire : Relever les traces fraîches
d’un animal. Des nouvelles fraîches.
‖ Class. Ce sens avait des emplois plus
étendus : La Reine, dont l’animosité la
plus fraîche était contre M. le Prince...
(Retz). ‖ Auj. De fraîche date, se dit de
ce qui appartient à un passé tout proche.
‖ 2. Qui vient d’être employé et n’a pas eu

le temps de sécher : Encre encore fraîche.


Peinture fraîche. ‖ 3. Se dit d’une denrée
alimentaire nouvellement produite ou
récoltée et destinée à être consommée
en l’état : Légumes frais (par opposition
à sec). Viande fraîche, porc frais, sardines
fraîches (par opposition à salé, fumé, sé-
ché, etc.). Fromages frais (par opposition
à fermenté). Des petits fours frais. Donner
du fourrage frais aux bestiaux. ‖ 4. Ar-
gent frais, fonds nouveaux dont on peut
disposer. ‖ 5. Class. Dont les effets sont
encore vivement ressentis : Le coup
encore frais de ma chute passée (Mal-
herbe). ‖ Auj. et fig. Plaie, blessure encore
fraîche, douleur morale, peine dont la
cause est récente et qui est encore vivace.
‖ 6. Fig. et littér. Dont l’impression de-
meure vive, nette et précise : Je vais vous
citer un exemple qui est encore tout frais à
ma mémoire (Bernardin de Saint-Pierre).
Des souvenirs tout frais. ‖ Class. Frais de,
marqué par un événement récent : J’ai
encore la mémoire toute fraîche de cette
histoire ; je suis encore tout frais de cette
lecture (Furetière, 1690).

III. QUI A OU CONSERVE LES QUALITÉS


DE LA NOUVEAUTÉ. 1. Se dit d’une chose
qui a l’éclat du neuf ou de la nouveauté,
l’aspect de ce qui n’est pas terni par
l’usage : La couleur de ces rideaux est res-
tée fraîche. Se changer et mettre du linge
frais. Elle regardera si vos manchettes sont
fraîches (Montherlant). ‖ 2. Se dit d’une
chose périssable ou corruptible qui n’a
pas subi d’altération, qui n’est pas gâtée,
fanée, flétrie : Du pain frais. Un poisson
qui n’a pas l’air bien frais. Si vous aviez
changé l’eau des fleurs, elles seraient res-
tées plus fraîches. ‖ 3. Fig. Qui donne
l’impression de la nouveauté : Un coloris
très frais.

IV. QUI A OU CONSERVE LES QUALITÉS


ATTACHÉES À LA JEUNESSE, À LA VI-
GUEUR. 1. Se dit d’une personne (ou de
son physique) qui a les signes extérieurs
de la santé, l’éclat, la vitalité de la jeu-
nesse : Y a-t-il homme de trente ans qui
paraisse plus frais et plus vigoureux que
vous me voyez ? (Molière). Elle se tenait
fraîche, colorée, rieuse, sous son ombrelle
dépliée (Balzac). Avoir le teint frais, la
peau fraîche. ‖ 2. Qui a conservé ou
recouvré ses forces, sa vitalité ; qui n’est
pas ou n’est plus fatigué : Se sentir frais et
dispos. Engager des troupes fraîches dans
une bataille. Il a terminé l’étape très frais.
Pareil au taureau lorsqu’il entre tout frais
dans l’arène (Barrès). ‖ 3. Fam. et ironiq.
Qui est dans une fort mauvaise situation :
Eh bien ! nous voilà frais ! ‖ 4. Fig. Qui
donne une impression de jeunesse, de
pureté : Une voix fraîche. Un rire frais.
Lorsque ton frais sourire, aurore de ton
âme, | Se lève rayonnant sur moi (Hugo).
‖ Spécialem. Se dit des sentiments, des
pensées qui ont la pureté, la naïveté, la
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2015

spontanéité de la jeunesse : Des senti-


ments frais et candides. Une imagination
fraîche. Un style frais et naïf. ‖ 5. Fam. et
ironiq. Se dit de quelque chose de frelaté,
dont la pureté a été fortement altérée : Ils
sont frais, vos milieux politiques !

• SYN. : I, 3 froid ; glacé, réservé. ‖ II, 1


actuel, neuf, récent. ‖ III, 1 net, propre ; 3
vif. ‖ IV, 1 éclatant, fleuri, rosé, sain, ver-
meil ; 2 dispos, gaillard, reposé ; 4 candide,
innocent, naïf, pur. — CONTR. : I, 1 ardent,
brûlant, chaud, étouffant, torride ; 3 affable,
amène, chaleureux, cordial, enthousiaste.
‖ II, 1 ancien, lointain, vieux ; 3 conservé,
desséché, fermenté, fumé, salé, séché, sur-
gelé. ‖ III, 1 défraîchi, fatigué, maculé, sale,
taché, usé ; 3 décoloré, délavé, déteint, passé.
‖ IV, 1 brouillé, éteint, fané, flétri, livide,
terne ; décati, décrépi, sénile, vieilli ; 2 exté-
nué, harassé, las, malade, vanné (pop.) ;
4 cassé, éraillé, rauque ; affecté, double,
hypocrite, retors ; 5 frelaté.

& frais adv. (sens I, v. 1360, Froissart [boire


frais, 1534, Rabelais] ; sens II, fin du XIVe s.).

I. Il fait frais, la température est fraîche.


‖ Boire frais, boire un liquide agréable-
ment frais.

II. S’emploie devant un participe passé


dans le sens de « récemment, depuis très
peu de temps » (avec accord au féminin ;
v. Rem. ci-après) : Un jeune homme frais
émoulu du collège. Des roses fraîches
cueillies (Acad.). Comme une nymphe
fraîche éclose | Qui, souriante, sort de
l’eau (Nerval). Une escadrille ennemie,
fraîche arrivée d’Italie (Malraux).

• REM. Dans cet emploi adverbial, frais,


selon un usage ancien, prend la forme du
féminin avec un nom de ce genre. Cepen-
dant, certains écrivains le font parfois
invariable : La rumeur des aurores aux
oreilles frais écloses (Verlaine). À la distri-
bution des prix, chargé de livres, je cher-
chais des yeux Maman dans la foule [...] ;
elle déposait des lauriers d’or sur ma tête
frais tondue (Mauriac).

& De frais loc. adv. (1552, Rabelais). Tout


récemment, depuis peu : Rasé de frais. Peint
de frais.
& frais n. m. (sens 1, 1549, J. Du Bellay
[prendre le frais, 1660, Corneille ; au frais,
1690, Furetière ; mettre quelqu’un au frais,
1685, Boursault] ; sens 2, 1691, Ozanam
[grand frais, 1845, Bescherelle]). 1. Class.
et littér. Froid modéré et agréable ; tem-
pérature fraîche de l’air (sauf emploi lit-
téraire, ce sens est limité auj. à quelques
expressions) : J’attends un peu de frais, ma
bonne, pour me purger (Sévigné). À cette
heure du soir où des bouffées de chaleur
traversent le frais nocturne qui descend (R.
Bazin). ‖ Auj. Prendre le frais, rester un
moment à jouir de la fraîcheur : On prend le
frais, au fond du jardin, en famille (Hugo).
Dans le cadre des fenêtres ouvertes, les gens
qui prenaient le frais se détachaient sur les
fonds noirs des chambres (Montherlant).

‖ Au frais, dans un endroit frais : Mettre,


tenir un aliment au frais. Je me suis mise
au frais (Morand). ‖ Fam. et plaisamm.
Mettre quelqu’un au frais, le mettre en
prison. (On dit aussi METTRE À L’OMBRE.)
‖ 2. Spécialem. En termes de marine, vent
relativement fort. ‖ Frais, bon frais, bonne
brise. ‖ Grand frais, brise forte.

& fraîche n. f. (sens 1, 1890, Dict. général


[à la fraîche, 1865, Littré] ; sens 2, 1689,
Regnard ; sens 3, 1691, Ozanam). 1. Heure
du jour où il fait frais : Des rouliers cou-
chés sous les hangars en attendant la
fraîche (Daudet). Frémont, qui attendait
« la fraîche », est revenu, portant une perche
au bout de laquelle, en manière de balai, il
avait fiché un bouquet de feuilles de sureau
(Gide). ‖ À la fraîche, au moment de la
journée où il fait frais : Sortir, se promener
à la fraîche. ‖ 2. Vx. À la fraîche !, cri par
lequel les marchands de boissons ambu-
lants invitaient les passants à se rafraîchir :
À la fraîche, à la fraîche, qui veut boire ?
(Zola) ; cri des marchands de sardines.
‖ 3. En termes de marine, vent faible qui
souffle du large ou de la terre, le matin et
le soir, d’une façon à peu près périodique.

2. frais [frɛ] n. m. pl. (plur. de l’anc. franç.


fret, frait, proprem. « dommage qu’on
cause en brisant quelque chose » [milieu
du XIIIe s.], spécialisation de frait, fracas
[XIIe s.], lat. pop. *fractum, neutre substan-
tivé du lat. class. fractus, brisé, morcelé,
part. passé adjectivé de frangere, briser,
rompre ; v. 1283, Beaumanoir, écrit fres
[frais, v. 1330, Baudoin de Se-bourg ; le dér.
fraier, « faire des frais », est attesté dès 1260,
Godefroy], au sens 1 [frais d’établissement,
frais professionnels, frais de déplacement,
XXe s. ; frais généraux, av. 1865, Proudhon ;
frais de représentation, 1890, Dict. général ;
faux frais, 1690, Furetière] ; sens 2, 1872,
Larousse [frais de justice ; frais, même
sens, faux frais, frais et loyaux coûts, 1690,
Furetière]). 1. Débours d’argent, dépenses
occasionnées par une opération, une cause
quelconque : Vous serez remboursée, inté-
rêts, frais et capital (Balzac). Et les bagages
qui arrivaient avec trois cents francs de frais
de route (Daudet). La duchesse croit tou-
jours que vous êtes en mission, tous frais
payés (Montherlant). Les frais d’éducation
d’un enfant. C’est le mari qui subvient aux
frais du ménage. ‖ Spécialem. Frais d’éta-
blissement, frais engagés au moment de
la constitution d’une entreprise, ou de
l’acquisition par celle-ci de ses moyens
permanents d’exploitation, et qui doivent
être progressivement amortis. ‖ Frais
généraux, dépenses correspondant au
fonctionnement d’une entreprise, qui ont
un caractère permanent et ne résultent pas
d’une fabrication : Frais généraux fixes,
variables. L’incorporation des frais géné-
raux au prix de revient constitue l’une des
principales difficultés de l’établissement
de ce dernier. ‖ Frais professionnels, frais

inhérents à l’exercice d’une profession.


‖ Frais de représentation, indemnité
allouée à certains hauts fonctionnaires ou à
un chef d’État pour leur permettre de tenir
un rang digne de leur fonction. ‖ Frais de
déplacement, indemnité allouée aux per-
sonnes que leur profession oblige à voyager.
‖ Faux frais, dépenses supplémentaires
qu’on ne prévoyait pas. ‖ 2. Frais de jus-
tice, ou simplem. frais, dépenses qu’occa-
sionne un procès : Être condamné aux frais.
‖ Faux frais, dépenses qui n’entrent pas
en taxe. ‖ Frais et loyaux coûts, frais faits
pour la passation d’un acte et pour tout ce
qui doit en résulter. ‖ À grands frais (1671,
Boileau), en dépensant beaucoup d’argent.
‖ À peu de frais (av. 1613, M. Régnier), en
dépensant peu ; au fig., en se donnant peu
de mal. ‖ À frais communs (1666, Molière),
en participant également à une dépense ;
au fig., en unissant ses efforts. ‖ Plaisamm.
et fam. Aux frais de la princesse (XXe s.),
aux frais de l’État, d’une collectivité, de
l’employeur, etc. : Voyager aux frais de la
princesse. ‖ Faire des frais (1872, Larousse),
dépenser beaucoup. ‖ Fig. Faire des frais
pour (1865, Littré), se donner du mal pour
plaire à quelqu’un : Il a du charme. Il a fait
des frais pour vous séduire (Romains). Mais
le monde n’a pas fait pour moi tant de frais
(Bernanos). ‖ Faire ou ne pas faire ses frais
(1872, Larousse), ne faire ni bénéfice ni
perte, ou travailler à perte. ‖ Rentrer ou ne
pas rentrer dans ses frais (XXe s.), être rem-
boursé ou non de ses dépenses. ‖ Faire les
frais, tous les frais de quelque chose (1666,
Molière, et, au fig., 1872, Larousse), être
celui qui, dans telle ou telle circonstance,
supporte toutes les dépenses ; au fig., sup-
porter tous les désagréments : Pour éviter
une hausse vertigineuse dont les humbles
consommateurs feraient les frais (Romains).
‖ Faire les frais de la conversation (1802,
Mme de Genlis), en être le principal sujet :
Les événements de France faisaient les frais
de la conversation (Benoit) ; ou y prendre la
part principale. ‖ Se mettre en frais (1668,
La Fontaine), dépenser, dans une circons-
tance, plus d’argent qu’on n’a coutume de le
faire ; au fig., prodiguer sa peine, ses efforts.
‖ Se mettre en frais de politesse, d’amabi-
lité, etc. (1872, Larousse), se montrer plus
courtois, plus affable, etc., qu’à l’habitude.
‖ En être pour ses frais (1690, Furetière),
avoir dépensé beaucoup sans résultat ; au
fig., s’être donné du mal inutilement : Elle
en fut pour ses frais, pour ses paroles insi-
dieuses, pour ses mines coquettes, et sortit
du salon avec un irrévocable désir de ven-
geance (Balzac). Je crains, ma tante, qu’il en
soit pour ses frais (Gide). ‖ Fam. Arrêter les
frais (début du XXe s.), cesser de dépenser,
quand on voit qu’on dépense en pure perte ;
au fig., cesser de se donner un mal inu-
tile : J’ai fini, j’arrête les frais (Tr. Bernard).
‖ Class. et fig. Sur nouveaux frais (1651,
Scarron), en considérant comme nul ce qui
a été fait précédemment : Cette nouvelle
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2016

économie [de l’ouvrage] a renversé toutes


les mesures que j’avais prises : la plupart
des matériaux que j’avais prêts ne m’ont
plus servi de rien ; il a fallu travailler sur
nouveaux frais (Bayle) ; de nouveau : Sur
nouveaux frais mon homme à moi s’est
attaché (Molière).

• SYN. : 2 dépens.

• REM. Frais n’a pas de singulier.

fraisage [frɛzaʒ] n. m. (de fraiser 1 ; 1877,


Littré). Action de fraiser : Le fraisage d’un
engrenage.
1. fraise [frɛz] n. f. (du lat. fraga, -gorum,
fraises [n. neutre plur., pris, à basse époque,
pour un fém. sing.], avec influence phoné-
tique de framboise [la forme normale issue
de fraga serait *fraie et non fraise] ; v. 1174,
E. de Fougères, écrit freise [fraise, XVIe s.] ;
au sens 1 [aller aux fraises, 1915, G. Esnault ;
sucrer les fraises, XXe s.] ; sens 2, 1845,
Bescherelle ; sens 3, 1872, Larousse ; sens
4, 1901, G. Esnault [ramener sa fraise, 1921,
G. Esnault]). 1. Fruit du fraisier : La fraise
est un réceptacle floral chargé d’akènes.
Sous l’herbe, pour que tu la cueilles. | Il
met la fraise au teint vermeil (Gautier).
Une petite fille en guenilles est entrée dans
l’auberge avec une corbeille de fraises
(Flaubert). Je crus sentir des fraises des bois
se fondre dans ma bouche (France). ‖ Fam.
Aller aux fraises, aller dans les bois cueillir
des fraises ; ironiq., aller dans les bois en
galante compagnie. ‖ Pop. Sucrer les
fraises, en parlant d’un vieillard ou d’une
personne qui a peur, être agité d’un trem-
blement nerveux. ‖ 2. Fraise en grappe,
nom usuel de l’arbouse. ‖ 3. Accident de la
peau, naevus qui ressemble à ce fruit : Avoir
une fraise sur la joue. ‖ 4. Pop. Figure,
visage : Y en a des plus moches. Vous voulez
voir sa fraise ? (Bourdet). ‖ Pop. Ramener
sa fraise, prendre la parole avec aplomb et
à tout propos, surtout pour réclamer ou se
faire remarquer.

2. fraise [frɛz] n. f. (déverbal de l’anc.


franç. fraiser, fraser, dépouiller de son
enveloppe, écosser, peler, surtout en parlant
de fèves [fin du XIIe s., Aliscans], lat. pop.
*fresare, écosser, du lat. class. fresus [sou-
vent employé dans la loc. faba fresa, « fève
moulue »], part. passé de frendere, broyer,
écraser, grincer des dents ; v. 1130, Eneas,
écrit fraise, au sens général de « tripes »
[proprem. « ce qui enveloppe les intestins,
etc. »] ; sens actuel, fin du XIVe s., Taillevent,
écrit fraise [var. frase, v. 1398, le Ménagier
de Paris]). Membrane qui enveloppe les
intestins du veau, de l’agneau, etc. : De la
fraise de veau.

3. fraise [frɛz] n. f. (emploi fig. du pré-


céd. ; milieu du XVIe s., au sens I, 1 ; sens I,
2, milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens II, 1-2,
1669, Widerhold).

I. 1. Collerette en lingerie tuyautée, por-


tée par les hommes et par les femmes au

XVIe s. et au XVIIe s. : Un manteau de soie


était jeté sur ses épaules, et sa tête était
couverte d’un chapeau à petits bords, om-
bragé de plumes : une fraise de dentelle,
rabattue sur sa poitrine, laissait voir son
cou découvert (Chateaubriand). Tandis
que la jeune fille, incommodée par la cha-
leur et la foule, dévorait pourtant curieu-
sement des yeux le descendant de Condé,
tout en s’étonnant qu’il ne portât pas de
fraise et ressemblât aux hommes de nos
jours (Proust). ‖ 2. Chair rouge et plissée
qui pend sous le bec du dindon.

II. 1. En termes de fortification, palis-


sade implantée au sommet d’une escarpe
ou d’une contrescarpe, pour accroître les
difficultés du franchissement. ‖ 2. Rang
de pieux battus autour d’une pile de pont
pour la protéger.

4. fraise [frɛz] n. f. (emploi métaphorique


du précéd., les découpures de l’outil rappe-
lant celles de la collerette ; 1723, Savary des
Bruslons, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Outil
rotatif de coupe, comportant plusieurs
arêtes tranchantes régulièrement dispo-
sées autour d’un axe, et destiné à percer, à
creuser ou à entailler : Fraise à bois. Fraise
à tailler les engrenages. Fraise dentaire.
‖ 2. Outil utilisé pour faire des forages,
dans les travaux publics.

1. fraiser [frɛze] v. tr. (de fraise 4 ; 1723,


Savary des Bruslons). Usiner une pièce au
moyen d’une fraise. ‖ Spécialem. Évaser
l’orifice d’un trou dans lequel une vis ou
tout autre objet doivent être insérés.

2. fraiser v. tr. V. FRASER.

fraiseraie [frɛzrɛ] n. f. (de fraisier ; 1914,


Larousse). Lieu planté de fraisiers.

fraisette [frɛzɛt] n. f. (dimin. de fraise 3 ;


milieu du XVIe s., Godefroy, écrit frazette ;
fraisette, 1690, Furetière). Autref. Petite
fraise (garniture de cou).

fraiseur, euse [frɛzoer, -øz] n. (de frai-


ser 1 ; 1930, Larousse). Ouvrier, ouvrière
capable d’exécuter sur une fraiseuse des
pièces d’après dessin ou gabarit.

& fraiseuse n. f. (1877, Littré). Machine-


outil servant pour le fraisage.

fraisier [frɛzje] n. m. (de fraise 1 ; fin du


XIIe s., Moniage Guillaume, écrit frasier ;
fraisier, XVIe s.). Plante de la famille des
rosacées, se propageant par stolons, et
cultivée dans les jardins pour son récep-
tacle charnu et comestible, la fraise.

fraisière [frɛzjɛr] n. f. (de fraisier ; 1836,


Landais). Vx. Terrain planté de fraisiers.

fraisiériculteur [frɛzjerikyltoer] n. m.
(de fraisier, sur le modèle de agriculteur,
horticulteur, etc. ; 1970, Robert). Syn. de
FRAISIÉRISTE.

fraisiériste [frɛzjerist] n. (de fraisier ;


16 juin 1875, Revue horticole). Personne

spécialisée dans la culture du fraisier. (Syn.

FRAISIÉRICULTEUR.)

fraisil [frɛzi] n. m. (altér., mal expliquée,


de l’anc. franç. faisil, résidu de charbon
brûlé [v. 1244, Huon le Roi], lat. pop. *facīlis,
proprem. « qui provient du tison », dér.
du lat. class. fax, facis, torche, flambeau,
brandon ; 1676, Félibien, au sens 1 ; sens 2,
1865, Littré). 1. Résidu de charbon incom-
plètement brûlé, que l’on retrouve dans une
forge ou que l’on recueille dans les boîtes à
fumée. ‖ 2. Débris de charbon de bois qui
restent sur le sol à l’emplacement d’une
meule.

fraisoir [frɛzwar] n. m. (de fraiser 1 ; 1752,


Trévoux). Vilebrequin dont se servent les
ouvriers du bois, en particulier ceux qui
font de la marqueterie.

fraissine [frɛsin] n. f. (mot régional, dér.


de l’anc. adj. fraissin, de frêne [v. 1175,
Chr. de Troyes], altér. de fresnin, même
sens [XIIe s.], dér. de fraisne, forme anc. de
frêne [v. ce mot] ; 1872, Larousse). Terrain
planté de frênes.

fraisure [frɛzyr] n. f. (de fraiser 1 ; 1792,


Salivet). Cavité en forme de cône, pratiquée
à l’aide d’une fraise, à l’entrée du trou d’une
vis, pour y loger la tête de celle-ci.

framboise [frɑ̃bwaz] n. f. (du francique


*brambasi, mûre de ronce, avec influence
phonétique de fraise [pour la transfor-
mation de br- en fr-] ; v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure, au sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens
3, 1872, Larousse). 1. Fruit comestible du
framboisier, formé d’un groupes de petites
drupes, consommé comme dessert ou uti-
lisé comme fruit d’industrie : Confiture,
gelée de framboise. ‖ 2. Liqueur, alcool
fabriqués avec ce fruit : Une bouteille de
framboise. ‖ 3. Nom donné, en anato-
mie et en pathologie, à certains tissus ou
à certaines lésions mamelonnés comme
des framboises.

& adj. invar. (XXe s.). De la couleur rose des


framboises : Le vieux avait dénoué la cor-
delière framboise de son col (Elder).

framboisé, e [frɑ̃bwaze] adj. (part. passé


de framboiser ; 1690, Furetière). Parfumé,
aromatisé à la framboise. ‖ Qui a le goût
de la framboise : À moi les lèvres framboi-
sées (Renard).

& framboisé n. m. (1903, Larousse).


Altération microbienne des cidres doux,
caractérisée notamment par l’apparition
d’un arôme et d’un goût particuliers.

framboiser [frɑ̃bwaze] v. tr. (de fram-


boise ; 1651, Bonnefons). Aromatiser avec
du jus de framboise : Framboiser du vin.

framboiseraie [frɑ̃bwazrɛ] n. f. (de


framboisier ; 1922, Larousse). Lieu planté de
framboisiers. (On dit aussi FRAMBOISIÈRE.)

framboisier [frɑ̃bwazje] n. m. (de fram-


boise ; 1306, Dict. général). Arbrisseau
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2017

voisin de la ronce, de la famille des rosa-


cées, cultivé pour ses fruits parfumés, les
framboises.

framboisière [frɑ̃bwazjɛr] n. f. (de


framboisier ; 1314, Mondeville, au sens de
« framboise » ; sens actuel, 1872, Larousse).
Syn. de FRAMBOISERAIE.

framée [frame] n. f. (lat. framea, sorte de


lance [mot donné comme germanique par
l’historien Tacite, Ier s. apr. J.-C.] ; milieu du
XVIe s.). Long javelot avec lequel combat-
taient les Francs : Le formidable triangle où
l’on ne distinguait qu’une forêt de framées
[...] s’avançait (Chateaubriand).

framiré [framire] n. m. (mot africain ;


1962, Larousse). Bois de l’Afrique tropi-
cale, rappelant le chêne par sa couleur,
d’aspect satiné, utilisé en menuiserie et
en ébénisterie.

1. franc, franque [frɑ̃, frɑ̃k] n. et adj.


(bas lat. Francus, n. m., « Franc », francus,
adj., « des Francs », francique *Frank ; fin
du Xe s., Vie de saint Léger, au sens 1 [langue
franque, 1872, Larousse] ; sens 2, 1690,
Furetière [langue franque, 1670, Molière]).
1. Qui appartient au peuple germanique
qui donna son nom à la Gaule romaine
après l’avoir conquise aux Ve-VIe s. : Quand
nous aurons vaincu mille guerriers francs,
combien ne vaincrons-nous pas de millions
de Perses ? (Chateaubriand). ‖ Langue
franque, nom donné d’abord à la langue
germanique parlée par les envahisseurs
francs en Gaule. (On dit auj. FRANCIQUE.)
[V. aussi défin. 2.] ‖ 2. Dans les ports du
Levant, se disait autrefois pour désigner
les Européens et ce qui était européen : Je
fendais la foule étonnée de voir un franc
à pied et sans guide dans la partie arabe
de la ville (Nerval). Elle nous reçoit sans
voile, comme une femme franque (Loti).
Aussitôt qu’il m’eut reconnu à mon habit
franc, il piqua vers moi (Chateaubriand). Je
sentis bien vite le charme et le pittoresque
de cette hôtellerie franque perdue à cent
lieues d’Alger (Daudet). ‖ Langue franque,
sabir utilisé dans les relations commer-
ciales par la population européenne des
ports du Levant, et qui est un mélange de
français, d’italien, d’espagnol, d’arabe,
etc. : Beaucoup de musulmans entendent
la langue franque, laquelle, au fond, n’est
qu’un mélange de toute sorte de mots de
patois méridionaux (Nerval).

2. franc, franche [frɑ̃, frɑ̃ʃ] adj. (fran-


cique *frank [v. l’art. précéd.], d’abord
« qui appartient à la race franque », d’où
« libre » ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au
sens I, 1 ; sens I, 2, milieu du XIVe s. ; sens I,
3, 1580, Montaigne [franc arbitre, v. 1460,
G. Chastellain ; coup franc, début du XXe s.] ;
sens I, 4, XIIe s. [port franc, 1872, Larousse ;
zone franche, XXe s. ; franc de port, 1723,
Savary des Bruslons ; franc et quitte, début
du XIIIe s. — d’abord quitte et franc, v. 1175,
Chr. de Troyes] ; sens I, 5, 1694, Acad. ; sens

I, 6, 1668, La Fontaine ; sens II, 1, 1580,


Montaigne [franc comme l’or, 1865, Littré] ;
sens II, 2, milieu du XVIe s., Amyot [jouer
franc jeu, av. 1850, Balzac — de franc jeu,
« sans tromperie », 1704, Trévoux, aux
cartes, et 1802, Flick, au fig.] ; sens II, 3,
1762, Acad. ; sens II, 4, v. 1398, le Ménagier
de Paris [terre franche, 1570, Liébault ; arbre
franc, XIVe s. — franc, n. m., même sens,
1680, Richelet ; franc de pied, 1865, Littré] ;
sens II, 5, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens
II, 6, XVIIe s., G. Esnault).
I. 1. Vx. Qui est de condition libre (par
opposition à esclave ou à serf) : L’édit de
Pistes parle de ces hommes francs qui de-
vaient payer le cens royal (Montesquieu).
‖ 2. Class. et fig. Franc de (et un nom),
qui s’est affranchi de : Le sage est franc
d’ambition, d’amour, et de toutes les pas-
sions qui travaillent les autres (Furetière,
1690). ‖ 3. Class. Qui ne subit aucune
contrainte, aucune entrave : Je ne me
résoudrai jamais à l’hyménée | Que d’une
volonté franche et déterminée (Corneille).
‖ Class. Franc arbitre, libre arbitre
(v. ARBITRE 2) : Il n’y a que la volonté
seule ou la seule liberté du franc arbitre
que j’expérimente en moi être si grande...
(Descartes). ‖ Auj. Ce sens est conservé
dans quelques expressions : Avoir les cou-
dées franches (v. COUDÉE), corps franc (v.
CORPS), etc. ‖ Coup franc, au rugby, coup
de pied donné par un joueur à la suite
d’un arrêt de volée ; au football, coup de
pied accordé à une équipe à la suite d’une
irrégularité de l’adversaire ; au basket-
ball, tentative accordée à une équipe à la
suite d’une infraction adverse : Marquer
un but sur coup franc. ‖ 4. Qui n’est pas
soumis à certaines servitudes, à certaines
charges (impôts, taxes, etc.). ‖ Vx. Villes
franches, villes qui ne payaient pas la
taille. ‖ Port franc, zone franche, port
ou région frontière où les marchandises
pénètrent librement, sans formalités ni
paiement de droits. ‖ Franc de port, se
dit d’une lettre, d’un paquet, d’une mar-
chandise dont le destinataire n’a à payer
ni le port ni l’emballage, ceux-ci étant
pris en charge par l’expéditeur. ‖ Franc
et quitte, formule de droit exprimant
qu’une personne ou une propriété n’est
grevée d’aucune charge, d’aucune dette.
‖ 5. Spécialem. Se dit d’un délai où l’on
ne compte ni le jour de départ ni celui de
l’échéance : Nous sommes arrivés à Lyon
à dix heures du soir et avons passé deux
jours francs dans cette grande ville (Re-
nan). ‖ 6. Class. Qui n’a subi aucun dom-
mage, intact ou indemne : [Un renard]
Par grand hasard en étant échappé [d’un
piège], | Non pas franc, car pour gage il y
laissa sa queue (La Fontaine).

II. 1. Se dit d’une personne qui ne cache


rien de sa pensée, qui agit d’une façon
claire, non équivoque : Être franc et sin-
cère est mon plus grand talent ; | Je ne

sais point jouer les hommes en parlant


(Molière). Cette réserve impénétrable
que toutes les femmes, même les plus
franches semblent avoir à commande-
ment (Balzac). Lise n’est pas très franche ;
sans être fausse, Lise gardait volon-
tiers certaines pensées secrètes (Martin
du Gard). ‖ Franc comme l’or, d’une
grande franchise. ‖ Franc du collier,
v. COLLIER. ‖ 2. Qui ne contient aucune
dissimulation, aucune arrière-pensée,
aucun piège : L’éclat de rire franc, sin-
cère, épanoui (Hugo). Tout n’était pas
mauvais dans la franche gaieté rabelai-
sienne (Renan). La réaction était franche,
immédiate, peu prévisible (Duhamel). Un
visage franc et ouvert. Un langage franc.
Une conduite qui n’est pas très franche.
Une situation franche. ‖ Jouer franc jeu,
agir avec loyauté, sans chercher à trom-
per l’adversaire ou le partenaire. ‖ 3. En
termes de beaux-arts, qui est à la fois
libre, hardi et sûr : Pinceau, ciseau franc.
Une manière franche ; et par extens. : Je
rêve à de nouvelles harmonies. Un art
des mots plus subtil et plus franc (Gide).
‖ 4. Qui est pur, net, naturel, sans mé-
lange : Saveur franche. Un vin franc. Un
vert franc. Le franc jour ne se décidait pas
à paraître (Duhamel). ‖ Terre franche,
terre de bonne qualité, composée d’élé-
ments équilibrés. ‖ Arbre franc, ou, subs-
tantiv., un franc, arbre fruitier provenant
du semis de graines d’un arbre déjà amé-
lioré par la culture : On greffe beaucoup
plus sur franc que sur sauvageon. ‖ Franc
de pied, se dit d’un arbre non greffé et vé-
gétant sur ses propres racines. ‖ 5. Class.
et littér. Qui est parfait, accompli en son
genre, vrai, véritable (placé avant le nom,
et généralement dans un contexte péjo-
ratif) : Une franche coquette, un franc
maraud (Furetière). Je les tiens justement
[les coffres-forts] une franche amorce à
voleurs (Molière). Je dois me comporter
en franc neveu de roi (Hugo). Moi, comme
un franc Navarrais, je tâchais toujours
de m’occuper (Mérimée). ‖ 6. Arg. Sûr,
exempt de danger (pour un malfaiteur,
une activité irrégulière, etc.) : Mais, dis-
moi, le quartier est-il franc ? On peut se
débiner s’il y a du pétard ? (Mac Orlan).
• SYN. : I, 5 complet, entier, plein. ‖ II,
1 carré (fam.), direct, droit, honnête, ouvert,
rond (fam.) ; 2 catégorique, clair, loyal, net,
sincère, spontané ; cru, tranché, véritable,
vrai. — CONTR. : II, 1 cachottier, déloyal,
dissimulé, double, fourbe, hypocrite, impos-
teur, menteur, renfermé, simulateur, sour-
nois ; 2 ambigu, équivoque, fallacieux, faux,
insidieux, louche, mensonger, trompeur.
• REM. Dans l’expression franc de port,
franc est en général pris adverbialement
et demeure invariable lorsque l’expres-
sion est rapportée au verbe ; il peut s’ac-
corder si l’expression est rapportée au
nom : Recevoir franc de port une lettre
et un paquet (Acad.). Recevoir une caisse
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2018

franche de port (Acad.). Cette locution


tend à sortir de l’usage et à être rempla-
cée par franco de port ou simplem. franco
(invariable).

& franc adv. (v. 1460, Villon [tout franc,


1666, Molière]). En toute franchise, sans
dissimulation ni détour : Nous perdons
de plus en plus l’habitude de parler franc
et de parler français (Veuillot). ‖ Class.
Tout franc, franchement : Monsieur Perrin
Dandin, | Tout franc, vous vous levez tous
les jours trop matin (Racine).

3. franc [frɑ̃] n. m. (de Francorum rex,


proprem. « roi des Francs », devise latine qui
figura pour la première fois sur des mon-
naies d’or frappées sous le règne de Jean
le Bon [XIVe s.] ; 1360, Ordonnance royale,
au sens 1 [« monnaie de compte... », 1666,
Molière] ; sens 2, 28 mars 1803, Bulletin des
lois [franc-or, franc-papier, début du XXe s. ;
ancien franc, 1962 ; nouveau franc, 18 nov.
1959, Journ. officiel ; franc lourd, v. 1959 ;
franc CFA, milieu du XXe s. ; au marc le
franc, 1835, Acad.] ; sens 3, depuis le XIXe s.).
1. Nom de plusieurs anciennes monnaies
françaises. ‖ Spécialem. Monnaie de
compte équivalant à la livre, lorsque le
franc cessa, sous Louis XIII, d’être une
monnaie réelle : « Cent francs au denier
cinq, combien font-ils ? — Vingt livres »
(Boileau). ‖ 2. Unité monétaire légale de
la France depuis la Révolution française.
‖ Franc-or, mesure de la valeur d’un
produit ou d’un service exprimée sur la
base de la définition légale du franc en or.
‖ Franc-papier, mesure de la valeur d’un
produit ou d’un service exprimée sur la
base de l’unité monétaire en circulation
en période de cours forcé. ‖ Ancien franc,
dénomination donnée à l’unité monétaire
française légale en vigueur avant 1960, et
qui équivaut à 1 centime actuel. ‖ Nouveau
franc ou franc lourd, nom transitoire utilisé
pour désigner le franc substitué à l’ancien
franc. ‖ Franc CFA (franc communauté
financière africaine), franc CFP (franc
communauté française du Pacifique), uni-
tés monétaires de certains territoires et
pays de l’ancienne Communauté française.
‖ Au marc le franc, se dit d’un mode de
répartition ou de paiement fait à chacun en
proportion de sa créance ou de son intérêt
dans une affaire : Créanciers remboursés au
marc le franc. ‖ 3. Franc suisse, franc belge,
franc luxembourgeois, unités monétaires de
la Suisse, de la Belgique, du Luxembourg.

français, e [frɑ̃sɛ, -ɛz] adj. et n. (de


France, n. géogr., bas lat. Francia, pays
des Francs, de Francus [v. FRANC 1] ; 1080,
Chanson de Roland, écrit franceis [fran-
çois, XIIe s. ; français, XVIIIe s.], au sens 1 [le
Théâtre-Français, 1865, Littré ; le Français,
les Comédiens-français, début du XXe s. ;
les Français, 1740, Boissy] ; sens 2, 1872,
Larousse). 1. Qui appartient à la France ou
à ses habitants : La nationalité française.
Le peuple français. La langue française.

La littérature française. ‖ Spécialem. Le


Théâtre-Français, ou ellipt., le Français,
théâtre de Paris qui se consacre à la
représentation des chefs-d’oeuvre de la
littérature dramatique française : Tu
t’es amusée, au moins, au Français ?
(Margueritte). ‖ Vx. Les Comédiens-
français, ou, ellipt., les Français, la troupe
du Théâtre-Français, et, par extens., ce
théâtre lui-même : Avez-vous vu la nou-
velle pièce des Français ? (Bourget). [Auj.,
on dit seulement, au sing., le Français pour
désigner le théâtre.] ‖ 2. Qui concerne la
langue française : Dictionnaire français.
Grammaire française.

& À la française loc. adv. et adj. (1580,


Montaigne [habit à la française, 1872,
Larousse ; jardin à la française, début du
XXe s.]). À la manière, à la mode française,
conformément aux habitudes des Français :
Il n’y a rien de si ridicule que l’italien chanté
à la française, si ce n’est peut-être le fran-
çais chanté à l’italienne (Voltaire). Des petits
pois à la française. ‖ Habit à la française,
ancien habit de cour à collet droit et à lon-
gues basques. ‖ Jardin à la française, jardin
composé de parterres, de plates-bandes et
d’allées disposés selon une symétrie rigou-
reuse : Le jardin à la française est une des
plus étranges conventions de l’art (Duhamel).
& n. (1080, Chanson de Roland). Personne
de nationalité française ; habitant de la
France : Les Français. Les Françaises.

& français n. m. (fin du XIIe s., Conon


de Béthune [en bon françois, v. 1360,
Froissart ; français élémentaire, fondamen-
tal, v. 1950]). Langue parlée en France et
dans certains pays étrangers de civilisation
française : Auguste Comte, érigé en grand
homme de premier ordre pour avoir dit,
en mauvais français, ce que tous les esprits
scientifiques, depuis deux cents ans, ont
vu aussi clairement que lui (Renan). « Elle
sait donc le français ?... » fit d’un air désap-
pointé le naïf Tartarin qui rêvait d’Orient
sans mélange (Daudet). ‖ En bon français,
en langage clair, précis, sans ambiguïté :
En bon français, cela signifie que vous me
donnez tort ? ‖ Français élémentaire ou
français fondamental, éléments les plus
usuels du français parlé, choisis suivant
des règles de fréquence et destinés à ser-
vir de base à l’enseignement de la langue
française hors de France.

& adv. (v. 1265, J. de Meung [au fig., 1580,


Montaigne ; parler français comme une
vache espagnole, 1872, Larousse]). Parler
français, parler la langue française ; au
fig., s’exprimer de façon assez claire pour
se faire entendre. ‖ Fam. Parler français
comme une vache espagnole (ou, selon cer-
tains, comme un Basque espagnol), s’expri-
mer très mal en français.

franc-alleu [frɑ̃kalø] n. m. (de franc 2


et de alleu ; 1258, Runkewitz, écrit franc
aluef ; franc alue, fin du XIIIe s. ; franc alleu,

XIVe s., Du Cange). Alleu affranchi de toute


servitude.

• Pl. des FRANCS-ALLEUX [frɑ̃kalø].

franc-archer [frɑ̃karʃe] n. m. (de franc 2


et de archer ; 1448). Membre d’une milice
créée par Charles VII en 1448, fourni tout
équipé et armé par les paroisses, et qui était
exempt de la taille et autres charges.

• Pl. des FRANCS-ARCHERS.

franc-bord [frɑ̃bɔr] n. m. (de franc 2 et de


bord ; 1752, Trévoux, au sens 1 ; sens 2, 1948,
Larousse [« bordage d’un navire, de la quille
à la préceinte », 1773, Bourdé de Villehuet ;
hauteur de franc-bord, 1901, Larousse ; pont
de franc-bord, milieu du XXe s.]). 1. Espace
de terrain, libre de propriétaire, qui borde
une rivière ou un canal au-delà des digues
ou du chemin de halage. ‖ 2. Distance ver-
ticale entre le niveau de l’eau à l’extérieur
d’un navire à pleine charge et la partie
supérieure du pont principal, mesurée au
milieu de la longueur du navire. ‖ Hauteur
de franc-bord, hauteur du pont d’un navire
au-dessus de la flottaison. ‖ Pont de franc-
bord, pont continu le plus élevé, pourvu de
moyens de fermeture réglementaires pour
toutes les ouvertures.

• Pl. des FRANCS-BORDS.

franc-bourgeois [frɑ̃burʒwa] n. m. (de


franc 2 et de bourgeois ; 1467, Bartzsch).
Au Moyen Âge, celui qui, dépendant d’un
seigneur, d’un ecclésiastique ou du roi, était
exempt des charges municipales.

• Pl. des FRANCS-BOURGEOIS.

franc-canton [frɑ̃kɑ̃tɔ̃] n. m. (de franc


2 et de canton ; 1721, Trévoux). En héral-
dique, franc-quartier diminué.

• Pl. des FRANCS-CANTONS.

franc-comtois, e [frɑ̃kɔ̃twa, -az] adj.


(de Franche-Comté, n. géogr. [du fém.
de franc 2, et de comté, v. ce mot] ; 1872,
Larousse). Qui a rapport, qui appartient
à la Franche-Comté ; habitant ou origi-
naire de cette région : Le docteur Coictier,
dont l’accent franc-comtois faisait traî-
ner toutes ses phrases (Hugo). Un pay-
san franc-comtois. ‖ Spécialem. Qui est
fabriqué en Franche-Comté : Une horloge
franc-comtoise.

• REM. Dans les composés où franc est le


premier élément, celui-ci ne varie jamais
en genre : L’histoire franc-comtoise ; il
admet l’accord en nombre seulement au
masculin : Des signes franc(s)-maçon-
niques. Des horloges franc-comtoises.

& franc-comtois n. m. (1872, Larousse).


Dialecte de langue d’oïl parlé en
Franche-Comté.

franc-fief [frɑ̃fjɛf] n. m. (de franc 2 et de


fief ; v. 1283, Beaumanoir, au sens 1 ; sens
2, 1872, Larousse ; sens 3, 1690, Furetière).
1. Fief exempt d’hommage. ‖ 2. Héritage
noble, féodal ou allodial. ‖ 3. Taxe à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2019

laquelle était tenu le roturier qui s’était


rendu acquéreur de terres nobles.
• Pl. des FRANCS-FIEFS.

franchement [frɑ̃ʃmɑ̃] adv. (de franc


2 ; v. 1138, Vie de saint Gilles, aux sens II,
2-3 ; sens I, fin du XIIe s. ; sens II, 1, 1538,
R. Estienne ; sens II, 4, av. 1922, Proust).

I. Class. Librement : Je veux avoir votre


serment, | Adouci cependant par ce tem-
pérament | Que si vous rencontrez une
femme plus belle, | Mieux faite et plus sage
que moi, | Vous pourrez franchement lui
donner votre foi (Perrault).

II. 1. Sans rien dissimuler de sa pen-


sée, avec loyauté : Je ne vois rien de plus
condamnable qu’un ami qui ne nous parle
point franchement (Molière). ‖ 2. Sans
ambiguïté, nettement : Prendre franche-
ment parti. Se prononcer franchement
pour quelqu’un. Si tu le lui avais demandé
franchement, elle t’aurait répondu comme
à moi (Gide). ‖ 3. Sans hésiter, de façon
résolue : Abaissez franchement la ma-
nette. Se porter franchement en avant.
‖ 4. Placé devant un adjectif, prend une
valeur de superlatif : « réellement, vrai-
ment, tout à fait » : Sa visite devenait fran-
chement désagréable à ma tante (Proust).
• SYN. : II, 1 clairement, loyalement, sin-
cèrement, uniment ; 2 catégoriquement,
expressément, formellement, ouvertement,
tout bonnement ; 3 carrément (fam.), har-
diment, résolument, rondement (fam.) ; 4
nettement, totalement, véritablement.

franchir [frɑ̃ʃir] v. tr. (de franc 2 ; v. 1160,


Roman de Tristan, au sens I, 1 ; sens I, 2,
1872, Larousse [franchir l’eau, « vider le
navire de son eau avec une pompe », 1690,
Furetière] ; sens II, 1 [proprem. « se libé-
rer de, se dégager de », d’où « surmonter
— un obstacle »], XVe s., Perceforest [fran-
chir le pas, av. 1615, Pasquier ; franchir le
mot, fin du XVIe s., Brantôme] ; sens II,
2, 1580, Montaigne [franchir le Rubicon,
1872, Larousse] ; sens II, 3, av. 1841,
Chateaubriand [en parlant du temps, 1580,
Montaigne]).

I. 1. Vx. Rendre franc, affranchir.


‖ 2. Franchir une pompe, en termes de
marine, pomper toute l’eau que contient
le récipient dans lequel plonge le pied
de la pompe : Impossible d’aveugler
la voie d’eau et de franchir les pompes
(Hugo). ‖ Franchir une voie d’eau, s’en
rendre maître en épuisant, au moyen de
pompes, plus d’eau qu’il n’en entre dans
le bâtiment.
II. 1. Passer par-dessus un obstacle, en
l’enjambant, en sautant ou autrement :
Nous courions : des grands rocs nous
franchissions les fentes (Lamartine). Sou-
dain, l’un d’eux a fait un bond et franchi
le parapet (Duhamel). ‖ Fig. Franchir un
obstacle, une difficulté, les surmonter, les
vaincre : Avant de parvenir à la position

qu’il occupe, il a dû franchir bien des obs-


tacles. ‖ Fig. Franchir le pas, se décider
enfin à faire une chose devant laquelle
on hésitait jusqu’alors. ‖ Vx. Franchir le
mot, dire le mot qu’on n’osait pronon-
cer : Il faudrait bien franchir le mot et
reconnaître que cet être est bon (Diderot).
‖ 2. Passer au-delà d’une limite : Les an-
ciennes limites une fois franchies... (Fro-
mentin). Au moment de franchir le seuil,
je l’ai vue une dernière fois debout contre
le mur (Bernanos). Le champion a franchi
en vainqueur la ligne d’arrivée ; et au fig. :
Elle a franchi les bornes de la pudeur.
‖ Fig. Franchir le Rubicon, prendre une
décision grave et en accepter toutes les
conséquences (par allusion à César qui,
franchissant le Rubicon avec son armée,
se mettait en guerre avec la République).
‖ 3. Parcourir d’un bout à l’autre un cer-
tain espace : Franchir les mers. Un cheval
barbe peut, par les chemins de traverse,
franchir aisément une distance de trois ou
quatre lieues (Gautier). ‖ En parlant du
temps : Sa célébrité a franchi les siècles.

• SYN. : II, 1 enjamber, escalader, sauter ;


2 dépasser, outrepasser, passer ; 3 couvrir,
traverser.

franchise [frɑ̃ʃiz] n. f. (de franc 2 ; XIe s.,


Godefroy, au sens I, 1 [« état de celui qui
n’est pas asservi par l’amour », av. 1526,
J. Marot] ; sens I, 2, v. 1170, Livre des Rois
[lieu de franchise, 1538, R. Estienne — fran-
chise, même sens, 1501, Destrees] ; sens I,
3, v. 1138, Gaimar [franchise douanière,
1878, Larousse ; franchise postale, début
du XXe s. ; franchise de bagages, milieu du
XXe s.] ; sens II, 1, 1559, Amyot ; sens II, 2,
1645, Corneille ; sens II, 3, 1676, Félibien).

I. 1. Class. Condition libre ; état de liber-


té, indépendance politique : Il m’offrait
un appointement [= un accommodement]
honnête que j’acceptai, pourvu que j’eusse
toujours ma franchise (Ch. Sorel). Cesse
de soupirer, Rome, pour ta franchise ; |
Si je t’ai mise aux fers, moi-même je les
brise (Corneille). Soulagez votre peuple,
conservez sa franchise (Retz). ‖ Spécia-
lem. et class. État de celui qui n’est pas as-
servi par l’amour : « Que craignez-vous ?

— Quelque vol de mon coeur, quelque


assassinat de ma franchise » (Molière).
‖ 2. En droit ancien, privilège, exemp-
tion accordés à certaines personnes ou
collectivités : Ces provisions des offices
portent qu’un officier [procureur, juge,
etc. ] jouira des privilèges, franchises et
immunités attribuées à sa charge (Fure-
tière). Vous pouvez ôter à une ville ses
franchises (La Bruyère). Charte, lettre de
franchise ; et littér. : L’art du dramaturge,
comme celui du peintre, a ses franchises
(Claudel). ‖ Class. Lieu de franchise, ou
simplem. franchise, lieu d’asile : Pour lui
[Rodrigue], tout votre empire est un lieu
de franchise. | Là, sous votre pouvoir,
tout lui devient permis (Corneille). Les

églises et les monastères d’Espagne sont


des franchises pour les criminels (Fure-
tière). ‖ 3. Auj. et spécialem. Exemption
en matière d’impôts, de taxes, détermi-
née par les lois ou les règlements. ‖ Fran-
chise douanière, exonération des droits
de douane pour certaines marchandises.
‖ Franchise postale, droit à l’achemi-
nement gratuit de la correspondance.
‖ Franchise de bagages, poids de bagages
qu’un voyageur a le droit d’emporter sans
payer de supplément.

II. 1. Qualité de la personne qui dit libre-


ment ce qu’elle pense, sans rien dissimu-
ler : Ne devriez-vous pas répondre avec
franchise à toutes mes questions ? (Mus-
set). J’imagine qu’il attendait de moi un
mouvement de franchise, de confiance,
mais j’ai préféré me taire (Bernanos). Il
[Paul] décrivait ses rencontres. Il y appor-
tait une franchise maniaque de primitif
(Cocteau). ‖ 2. Qualité de la personne
qui agit avec loyauté, sans détour : Un
comportement, un procédé qui manque
de franchise. ‖ 3. En matière de beaux-
arts, de littérature, qualité de ce qui est
sûr, net, hardi : La franchise de trait d’un
portrait. Franchise du coloris. Franchise
de l’expression.

• SYN. : II, 1 confiance, cordialité, franc-


parler, sincérité, spontanéité ; 3 hardiesse,
netteté, vigueur. — CONTR. : II, 1 cachot-
terie, déloyauté, dissimulation, fausseté,
fourberie, hypocrisie, mensonge, ruse,
tromperie ; adulation, flagornerie, flatterie.

franchissable [frɑ̃ʃisabl] adj. (de fran-


franchissable [frɑ̃ʃisabl] adj. (de fran-
chir ; 1872, Larousse). Qui peut être franchi,
parcouru : Ce col n’est pas franchissable
pendant plusieurs mois de l’année. Une
distance difficilement franchissable en
une journée.

franchissement [frɑ̃ʃismɑ̃] n. m. (de


franchir [v. ce mot] ; XIIIe s., Godefroy, au
sens de « affranchissement » ; XIVe s., au
sens de « dépassement » ; sens actuel, 1872,
Larousse [gradins de franchissement, 1877,
Littré]). Action de franchir : Le franchis-
sement d’un cours d’eau, d’une montagne.
‖ Spécialem. Gradins de franchissement,
gradins pratiqués dans un épaulement
pour permettre aux soldats de le franchir
plus facilement : Les troupes d’assaut se
préparaient à escalader les gradins de fran-
chissement (Romains).

• SYN. : passage, traversée.

franc-homme [frɑ̃kɔm] n. m. (de franc


2 et de homme ; XVIe s.). Au Moyen Âge,
possesseur d’un fief franc de toute servi-
tude, noble ou roturier.

• Pl. des FRANCS-HOMMES [frɑ̃zɔm].

francien [frɑ̃sjɛ̃] n. m. (de France,


n. géogr., au sens anc. de « Île-de-France »
[XIIe s.] ; fin du XIXe s.). Nom donné au dia-
lecte roman parlé en Île-de-France et en
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2020

Orléanais au Moyen Âge, pour le distin-


guer des autres dialectes de la langue d’oïl.

francique [frɑ̃sik] n. m. (bas lat. fran-


cicus, des Francs, de Francus, Franc [v.
FRANC 1] ; 1643, Mézeray, au sens de « vain-
queur des Francs » [surnom] ; sens 1, 1872,
Larousse [langue francique, 1865, Littré] ;
sens 2, XXe s.). 1. Langue des Francs instal-
lés en Gaule, faisant partie du germanique
occidental. ‖ 2. Ensemble des parlers alle-
mands de l’Allemagne centrale, rattachés
au haut allemand.

francisation [frɑ̃sizasjɔ̃] n. f. (de fran-


ciser ; 1796, Frey, au sens 1 ; sens 2, 1865,
Littré [« mot d’une langue étrangère admis
en français avec une modification de sa
forme originale », XXe s.] ; sens 3, av. 1865,
Proudhon). 1. Action de franciser, de don-
ner un caractère français à quelqu’un ou à
quelque chose. ‖ 2. Spécialem. Action de
donner une forme française à un mot étran-
ger : La francisation d’un terme anglais.
‖ Par extens. Mot d’une langue étrangère
admis en français avec une modification de
sa forme originale : « Bourgmestre » est une
francisation de l’allemand « Burgmeister ».
‖ 3. Acte administratif qui confère à un
navire le droit de porter le pavillon fran-
çais, avec les privilèges qui s’y rattachent.

1. franciscain [frɑ̃siskɛ̃] n. m. (lat. ecclés.


du Moyen Âge franciscanus, du lat. médiév.
Franciscus, latinisation du n. pr. François ;
1757, Encyclopédie). Nom donné à tous les
frères mineurs, religieux de l’ordre fondé
par saint François d’Assise, et plus parti-
culièrement aux frères mineurs dits « de
l’observance » (pour les distinguer des
capucins et des conventuels).

2. franciscain, e [frɑ̃siskɛ̃, -in] adj.


(même étym. qu’à l’art. précéd. ; 1872,
Larousse). Qui concerne les franciscains
ou leur ordre : L’art franciscain.

franciscaine [frɑ̃siskɛn] n. f. (fém. de


franciscain 1 ; XXe s.). Religieuse du tiers
ordre régulier de saint François d’Assise.
‖ Nom donné abusivement aux clarisses.

franciscanisant, e [frɑ̃siskanizɑ̃, -ɑ̃t] n.


et adj. (dér. savant du lat. médiév. francisca-
nus [v. FRANCISCAIN 1] ; XXe s.). Personne
qui s’intéresse à saint François d’Assise, à
son culte, aux recherches historiques dont
il est l’objet.

franciser [frɑ̃size] v. tr. (de français ;


v. 1534, Bonaventure Des Périers, au sens
2 ; sens 1, 1698, d’après Littré, 1877 ; sens
3, XXe s.). 1. Donner à quelqu’un ou à
quelque chose le caractère français, les
manières françaises : Ce poète [...] qu’on
accuse d’avoir francisé les héros de l’Anti-
quité (L. Racine). La toute-puissance de
l’imagination a francisé l’Écosse au XVIe
siècle (Stendhal). ‖ 2. Spécialem. Donner
une forme française à un mot étranger :
La plupart de ces vocables conquérants
[...] demeureront la honte de notre langue,

si l’usure ou l’instinct populaire ne par-


viennent pas à les franciser (Gourmont).
‖ 3. Reconnaître à un navire le droit de
porter pavillon français en l’inscrivant au
registre de francisation.

francisme [frɑ̃sism] n. m. (de fran-


francisme [frɑ̃sism] n. m. (de fran-
çais ; 1738, d’Olivet, au sens 1 ; sens 2,
1933). 1. Syn. anc. de GALLICISME.
‖ 2. Mouvement politique créé en 1933 et
dissous en 1944, et qui avait un programme
autoritaire, imité du national-socialisme.

francisque [frɑ̃sisk] n. f. (bas lat. fran-


cisca, abrév. de francisca securis, proprem.
« hache [securis, dér. de secare, couper,
découper, fendre] des Francs [franciscus,
-a, -um, dér. de Francus, Franc, v. FRANC
1] » ; fin du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, 1940).
1. Hache de guerre en usage chez les Francs
et les Germains : Mais tous ont à la ceinture
la redoutable francisque, espèce de hache
à deux tranchants, dont le manche est
recouvert d’un dur acier (Chateaubriand).
‖ 2. Francisque gallique, emblème pris par
le gouvernement de Vichy de 1940 à 1944.

1. franciste [frɑ̃sist] n. (de français ;


v. 1960). Spécialiste de langue française.

2. franciste [frɑ̃sist] n. (de francisme [v.


ce mot] ; 1933). Membre du mouvement
politique appelé francisme.

francité [frɑ̃site] n. f. (dér. savant de


France, n. géogr. ; 1943, Ziégler [répandu
à partir de 1966]). Ensemble des carac-
tères propres à la civilisation française :
[La francophonie est] un mode de pensée
et d’action : une certaine manière de poser
les problèmes et d’en chercher les solutions.
Encore une fois, c’est une communauté spi-
rituelle : une noosphère autour de la Terre.
Bref, la francophonie, c’est, par-delà la
langue, la civilisation française ; plus pré-
cisément, l’esprit de cette civilisation, c’est-
à-dire la culture française, que j’appellerai
la francité (L. S. Senghor).

francium [frɑ̃sjɔm] n. m. (de France, n.


du pays du savant qui découvrit ce corps ;
1939). Élément radio-actif (symb. : Fr) de
numéro atomique 87.

franc-juge [frɑ̃ʒyʒ] n. m. (de franc 2 et


de juge ; 1872, Larousse). Membre d’un
tribunal secret qui existait en Allemagne
aux XIVe et XVe s.

• Pl. des FRANCS-JUGES.

1. franc-maçon [frɑ̃masɔ̃] n. m. (trad. et


calque de l’angl. freemason, franc-maçon
[milieu du XVIIe s.], proprem. « maçon
[mason] libre [free] », la franc-maçonnerie
étant issue de groupes d’idéologues anglais
qui s’adonnaient à l’alchimie en utilisant
comme protection les franchises des corpo-
rations, en particulier de celle des maçons ;
1737, Fr. Mackenzie [d’abord maçon libre,
1735, Fr. Mackenzie ; aussi frimaçon, 1740,
d’Argenson]). Membre de la franc-maçon-
nerie : Ce pauvre homme [...], recomman-

dable seulement pour avoir mangé du veau


avec M. le Président de la République dans
un banquet de francs-maçons (France).
La conversion du franc-maçon ne pouvait
demeurer longtemps secrète (Gide).

• Pl. des FRANCS-MAÇONS.

• REM. On dit aussi MAÇON (1834,


Landais), par abrév. : À la faveur des rap-
prochements provoqués par deux guerres
mondiales, les maçons du Grand Orient
avaient l’espoir de s’être fait comprendre
(Peyrefitte).

2. franc-maçon, onne [frɑ̃masɔ̃, -ɔn]


adj. (emploi adjectival du précéd. ; 1903,
Huysmans). Qui appartient à la franc-
maçonnerie : La presse franc-maçonne
pousse à la roue ; la persécution diabolique
s’approche (Huysmans).

franc-maçonnerie [frɑ̃masɔnri] n. f.
(de franc-maçon 1 ; 1747, Fr. Mackenzie,
au sens 1 [d’abord franche-maçonnerie,
1742, Fr. Mackenzie] ; sens 2, 1833, Balzac).
1. Association en partie secrète, répan-
due en divers pays, et dont les membres
professent des principes de fraternité, se
reconnaissent entre eux à des signes et à des
emblèmes, et se divisent en groupes appelés
« loges ». ‖ 2. Entente et entraide plus ou
moins dissimulées entre personnes ayant
certains points communs : Ces êtres-là [les
aliénés] sont comme les enfants, il faut les
laisser entre eux ; ils forment une espèce de
franc-maçonnerie (Sartre).

• REM. On dit aussi MAÇONNERIE (1766,


Berage), par abrév. : Si peu renseigné qu’il
fût sur la maçonnerie, il savait, comme
tout le monde, que ses adeptes prati-
quaient l’entraide (Peyrefitte).

franc-maçonnique [frɑ̃masɔnik] adj.


(de franc-maçon ; 1872, Larousse). Qui a
rapport à la franc-maçonnerie : Il lui serra
la main avec un clignement d’yeux franc-
maçonnique (Zola).

• REM. On dit aussi MAÇONNIQUE (1779,


Fr. Mackenzie), par abrév. : Mme Durand
reconnut les insignes maçonniques de M.
Durand (Lemaitre). Loge maçonnique.

1. franco [frɑ̃ko] adv. (abrév. de la loc. de


l’ital. anc. porto franco, port franc [de porto
et franco, qui répondent respectivement au
franç. port et franc 2], auj. franco di porto,
franc de port ; milieu du XVIIIe s., au sens
1 ; sens 2, 1930, Larousse ; sens 3, milieu
du XXe s.). 1. Sans que le destinataire ait à
supporter les frais de port : Expédier, rece-
voir un colis franco. (On dit aussi FRANCO
DE PORT, FRANC DE PORT.) ‖ 2. En termes
de banque et de Bourse, sans courtage.
‖ 3. Franco de bord, en droit maritime,
clause par laquelle le vendeur s’engage à
livrer sans frais les marchandises à bord
du navire qui les transportera. (On désigne
généralement cette clause par l’abrév. FOB.)

2. franco [frɑ̃ko] adv. (du précéd., ou de


franchement, par substitution de suff. ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2021

1879, G. Esnault). Pop. Sans hésiter, carré-


ment : Il y va franco.

3. franco- [frɑ̃ko], élément tiré du radical


du mot français, et qui entre en composi-
tion avec certains adjectifs de nationalité,
pour indiquer qu’une chose intéresse à
la fois la France et un autre pays : Avant
de devenir mondiale, elle [la guerre] était
franco-allemande (Romains) ; ou est faite
d’éléments empruntés à la France et à un
autre pays : Le « chinge », comme elle s’appe-
lait elle-même, dans son charabia franco-
espagnol (Daudet).

francolin [frɑ̃kɔlɛ̃] n. m. (ital. franco-lino,


d’origine obscure ; v. 1298, Livre de Marco
Polo). Gallinacé de teintes brunes variées,
voisin de la perdrix, et dont les nombreuses
espèces sont répandues en Afrique.

francophile [frɑ̃kɔfil] adj. et n. (de


franco- et de -phile, gr. philos, qui aime ;
1836, Landais). Qui aime la France, les
Français : Un écrivain francophile. Il se
prétend (devant moi) ardent francophile
(Gide).

& adj. (1907, Larousse). Qui est favorable


à la France, aux Français : Des sentiments
francophiles. Un journal peu francophile.
francophilie [frɑ̃kɔfili] n. f. (de franco-
et de -philie, gr. philia, amitié, de philos,
qui aime ; 1930, Larousse). Amitié, dis-
position favorable à l’égard de la France,
des Français : Une francophilie qui ne s’est
jamais démentie.

francophobe [frɑ̃kɔfɔb] adj. et n. (de


franco- et de -phobe, du gr. phobos, crainte ;
1872, Larousse). Qui n’aime pas la France,
les Français : Une population francophobe.
& adj. (1872, Larousse). Qui témoigne
de l’aversion, de l’hostilité à l’égard
de la France, des Français : Une presse
francophobe.

francophobie [frɑ̃kɔfɔbi] n. f. (de franco-


et de -phobie, du gr. phobos, crainte ; 1930,
Larousse). Antipathie, hostilité à l’égard de
la France, des Français : N’être pas suspect
de francophobie.

francophone [frɑ̃kɔfɔn] adj. et n. (de


franco- et de -phone, du gr. phônê, son, voix,
langage ; v. 1930). Qui parle le français :
Les pays francophones de l’Europe. Les
Canadiens francophones. Les francophones
de l’Afrique.

francophonie [frɑ̃kɔfɔni] n. f. (de fran-


cophone ; 1962, Esprit). Collectivité consti-
tuée par les peuples parlant le français :
La Wallonie appartient à la francophonie.

franco-provençal, e, aux
[frɑ̃kɔprɔvɑ̃sal, -o] adj. et n. m. (de franco-
et de provençal ; fin du XIXe s.). Se dit d’un
ensemble de dialectes dont le domaine
comprend la Suisse romande, la Savoie, le
Dauphiné, le Lyonnais et la Bresse.

franc-parler [frɑ̃parle] n. m. (de franc 2


et de parler, n. m. ; 1765, Diderot). Liberté,
franchise de langage : Ce sont des fous
sublimes qui ont leur franc-parler (Diderot).
‖ Avoir son franc-parler, dire toujours
librement ce qu’on pense.

franc-quartier [frɑ̃kartje] n. m. (de


franc 2 et de quartier ; 1681, Ménestrier).

En héraldique, carré occupant le quart de


l’écu.

• Pl. des FRANCS-QUARTIERS.

franc-salé [frɑ̃sale] n. m. (de franc 2 et


de salé ; 1498, Ordonnance royale, au sens
1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Sous l’Ancien
Régime, droit d’acheter et de vendre du
sel sans acquitter la gabelle. ‖ 2. Quantité
de sel que l’on donnait gratuitement aux
officiers royaux et à certains privilégiés.

franc-tenancier [frɑ̃tənɑ̃sje] n. m. (de


franc 2 et de tenancier ; XVIIIe s., Brunot).
Sous. le régime féodal, tenancier qui avait
reçu du propriétaire l’usage et la jouissance
d’une terre pour une durée prolongée.

• Pl. des FRANCS-TENANCIERS.

franc-tireur [frɑ̃tiroer] n. m. (de franc


2 et de tireur ; 1838, Acad., aux sens 1-2
[franc-tireur — et partisan —, sept. 1870,
d’après Larousse, 1878 ; Francs-tireurs et
Partisans français, 1943] ; sens 3, milieu du
XXe s.). 1. Dans les armées de la Révolution
française, soldat de certains corps d’infan-
terie légère. ‖ 2. Combattant n’appartenant
pas à une armée régulière. ‖ Franc-tireur
et partisan, membre d’unités irrégulières
formées sur le territoire métropolitain
pendant la guerre de 1870. ‖ Francs-
tireurs et Partisans français, nom pris par
les troupes du « Front national » dans la
Résistance française, sous l’occupation
allemande. (Abrév. F.T.P.F. et, fam., F.T.P.)
‖ 3. Personne appartenant à un parti, à un
groupement, à une école, mais qui n’ac-
cepte pas toujours la discipline commune
et conserve une certaine indépendance
d’esprit ou liberté d’action : L’état-major
des partis laisse souvent agir des francs-
tireurs, quitte à les désavouer si l’opération
politique ne réussit pas.

• Pl. des FRANCS-TIREURS.

frane [fran] n. m. (ital. frana, d’origine


obscure ; milieu du XXe s.). Forme d’érosion
de certains versants montagneux, com-
portant conjointement des glissements de
masses argileuses et des laves torrentielles :
Les franes de l’Apennin.

frange [frɑ̃ʒ] n. f. (lat. pop. *frimbia, issu,


par métathèse de -r-, du lat. class. fimbria
[ordinairement employé au plur.], extré-
mité, bout, bord d’un vêtement, franges ; v.
1190, Sermons de saint Bernard, écrit frenge,
frange, au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle
[frange de cheveux, début du XXe s.] ; sens 3,
1830, Lamartine ; sens 4, XXe s. ; sens 5, 1877,
Littré). 1. Passementerie composée de filets
ou de torsades retombant librement, et qui

sert de bordure ornementale aux vête-


ments et aux meubles : Frange à mèches,
à boules, à noisettes, à glands. Vêtement,
rideau à frange. Son châle à franges maigres
et pleurardes (Balzac). Sur ses pieds roses
traînait la frange d’or de sa tunique blanche
(Flaubert). ‖ 2. Ce qui ressemble à une
frange : Musidora, en soulevant ses longues
franges de cils... (Gautier). Des franges de
longs cils montraient leur splendeur noire
(Banville). ‖ Spécialem. Frange de cheveux,
ou simplem. frange, cheveux formant une
bande plus ou moins large qui couvre la
partie supérieure du front : Ses yeux légère-
ment fendus vers les tempes, et cette frange
noire, raide, lustrée, qui lui mangeait le
front jusqu’aux sourcils, la faisaient res-
sembler à une poupée japonaise, fabriquée
en Europe (Martin du Gard). Elle portait,
rabattue jusque sur les sourcils, cette frange
de cheveux qu’on appelait, je n’ai jamais su
pourquoi, « des chiens » (Duhamel). ‖ 3. Ce
qui forme une bordure à une autre chose :
Le nuage aux franges d’argent (Hugo). Une
dernière frange d’écume apportée [...] par le
flot (Tharaud). ‖ 4. Fig. Ce qui se situe sur
le bord et n’a pas la même cohérence que
l’ensemble : Cette majorité comporte une
frange d’indécis. ‖ Frange de conscience,
selon certains psychologues, marge inter-
médiaire entre la conscience claire et la
conscience obscure. ‖ 5. Franges d’inter-
férence, bandes, alternativement brillantes
et obscures, résultant de l’interférence des
radiations lumineuses : Les franges d’inter-
férence permettent de calculer les longueurs
d’onde des radiations correspondantes.

frangé, e [frɑ̃ʒe] adj. (part. passé de


franger ; v. 1534, B. Des Périers, au sens
de « déchiré, marqué » ; sens 1, 1842, E.
Sue ; sens 2, 1865, Littré). 1. Fam. Se dit
d’un vêtement dont le bord, usé, présente
l’aspect d’une frange : Un pantalon frangé.
‖ 2. En héraldique, se dit des gonfanons,
des bannières et des vêtements qui sont
ornés de franges d’un émail particulier.

frangeant [frɑ̃ʒɑ̃] adj. m. (part. prés. de


franger, l’expression récif frangeant ayant
peut-être été formée sur le modèle de l’angl.
fringing reef, même sens, de fringing,
part. prés. de to fringe, franger, garnir [de
fringe, frange, empr. à l’anc. franç. frenge,
v. FRANGE], et de reef, récif ; fin du XIXe s.).
Récif frangeant, chaîne de récifs coralliens
accolés à un littoral.

franger [frɑ̃ʒe] v. tr. (de frange ; XIIIe s.,


Godefroy, au sens 1 [au part. passé ; à
l’infin., 1302, Dict. général] ; sens 2, fin
du XIXe s. ; sens 3, v. 1398, le Ménagier de
Paris ; sens 4, av. 1854, Nerval). [Conj. 1 b.]
1. Garnir d’une frange : Franger une jupe.
‖ 2. Vx. Élimer un vêtement sur les bords,
de telle sorte que ceux-ci ressemblent à une
frange : Les buissons avaient frangé le bas
de sa robe (About). L’oncle m’a paru extrê-
mement vieilli ; il était vêtu de vêtements
frangés (Gide). ‖ 3. Orner d’une bordure
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2022

ressemblant à une frange : Le lac osait


redevenir un lac, des ailes le traversaient,
des nageoires l’agitaient en dessous, et les
saules, frangés du vert des pousses tendres,
y trempaient leurs branches abandon-
nées (Daudet). La mer de Guayaquil [...]
| Frange les sables d’or d’une écume d’argent
(Heredia). Des cygnes noirs frangés de blanc
nageaient sur le bassin tranquille (Gide). Ses
yeux étaient frangés de cils incolores si épais
qu’on ne distinguait pas le jeu des pupilles
(Martin du Gard). ‖ 4. Constituer une bor-
dure à la façon d’une frange : Une lueur rose
frangeait l’horizon ; le jour allait paraître
(Nerval). Sur l’écume blanche qui frange |
Le manteau glauque de la mer | Se groupent
en bouquet étrange | Trois nymphes, fleurs
du gouffre amer (Gautier).

frangeuse [frɑ̃ʒøz] n. f. (de franger ; 1872,


Larousse). Ouvrière qui fait des franges :
Frangeuse en châles.

frangin, e [frɑ̃ʒɛ̃, -in] n. (du radical de


frère, avec une influence phonétique et
sémantique de franc 2 ; 1821, Ansiaume).
Pop. Frère, soeur : Mon frangin a travaillé
dans la partie (Dorgelès). Un apprenti aux
mains grises faisait faire à son petit fran-
gin, pour la dixième fois, le tour du square
(Montherlant). Maintenant, tu feras bien
de t’ méfier d’ sa frangine, à ton pigeon,
parc’ qu’elle a pas l’air de vouloir s’ laisser
faire (Bourdet).

& frangine n. f. (sens 1 [« femme facile »],


1901, et sens 2, 1850, G. Esnault). 1. Pop.
Femme quelconque. ‖ 2. Pop. Religieuse,
soeur.

frangipane [frɑ̃ʒipan] n. f. (de l’ital.


Frangipani, n. d’un marquis de Rome
qui inventa un parfum dont on se servit
surtout pour parfumer les gants ; 1588,
Godefroy, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1746,
Nouveau Cuisinier français [« pâtisserie
garnie de cette crème », 1732, Trévoux] ;
sens II, 1872, Larousse [« sorte de poire »,
1708, Furetière]).

I. 1. Parfum utilisé au XVIe s. pour don-


ner de l’odeur aux peaux de senteur qui
servaient à faire des gants : La main em-
prisonnée dans un gant à la frangipane
(Gautier). ‖ 2. Crème épaisse, parfumée
aux amandes, dont on garnit des tartes,
des tartelettes et certaines pièces de pâtis-
serie. ‖ Pâtisserie garnie de cette crème.

II. Fruit du frangipanier.

• REM. On trouve aussi la variante FRAN-


CHIPANE (av. 1648, Voiture).

frangipanier [frɑ̃ʒipanje] n. m. (de


frangipane, à cause de l’arôme des fleurs
de cet arbuste ; 1700, Tournefort). Arbre
ou arbrisseau originaire de l’Amérique
tropicale, dont les fleurs ont un parfum
voisin de la frangipane.

franglais [frɑ̃glɛ] n. m. (de fran[çais] et de


[an]glais ; 29 nov. 1955, A. Rigaud, dans le

Quotidien [de Buenos Aires]). Fam. Terme


désignant par dérision l’ensemble des néo-
logismes d’origine anglaise introduits dans
la langue française.

frankaoui [frɑ̃kawi] n. (de français, avec


une finale arabe ; début du XXe s.). Péjor.
Nom donné par les pieds-noirs d’Afrique
du Nord aux Français de France.

franklinisation [frɑ̃klinizasjɔ̃] n. f. (dér.


savant du physicien américain Benjamin
Franklin [1706-1790] ; 1962, Larousse).
Application médicale de l’électricité
statique.

franquette [frɑ̃kɛt] n. f. (d’un dimin.


pop. de franc 2 ; 1650, Mazarinade [à la
franquette ; à la bonne franquette, 1741,
Ch. Favart]). Class. et fam. À la franquette,
d’une manière franche et simple : Je vous
en dirai ce qui en sera, tout à la franquette
(Dancourt). L’air d’un innocent, pour parler
à la franquette (Marivaux). ‖ Auj. et fam.
À la bonne franquette, simplement, sans
faire de cérémonie : Recevoir quelqu’un à
la bonne franquette. Chef du protocole, le
soleil régissait tout à la bonne franquette
(Chevallier).

franquisme [frɑ̃kism] n. m. (de Franco,


franquisme [frɑ̃kism] n. m. (de Franco,
n. pr. ; v. 1945). Système de gouvernement
instauré en Espagne par le général Franco.

franquiste [frɑ̃kist] adj. et n. (de Franco,


n. pr. ; 1939). Partisan du général Franco
et du régime politique qu’il a institué en
Espagne : Huit jours après, les franquistes
reprenaient Teruel (Suarez).

& adj. (1939). Qui concerne le géné-


ral Franco, le franquisme : Le régime
franquiste.

fransquillon [frɑ̃skijɔ̃] n. m. (dér. péjor.


de français ; fin du XIXe s., au sens 1 ; sens 2,
1922, Larousse). 1. Péjor. En Belgique wal-
lonne, se dit soit d’un Français, soit d’une
personne qui affecte d’imiter le langage ou
les manières des Français. (Vieilli.) ‖ 2. En
Belgique, terme, corrélatif de flamingant,
qui désigne toute personne de langue fran-
çaise opposée au mouvement politique et
culturel flamand.

frappage [frapaʒ] n. m. (de frapper ;


1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, 1922,
V. Margueritte). 1. Action de marquer
d’une empreinte par la frappe ; résultat
de cette action (peu usité) : Le frappage
d’une médaille. Un frappage très net.
‖ 2. Refroidissement d’une boisson dans la
glace : Pimentée de curry et de poivre rouge,
[sa cuisine] leur fit mieux apprécier le frap-
page d’un champagne sec (Margueritte).

frappant, e [frapɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


frapper ; av. 1742, Massillon, au sens 1 ; sens
2, av. 1848, Chateaubriand). 1. Qui produit
une vive impression sur les sens, sur l’es-
prit : Deux figures y formaient un contraste
frappant avec la masse des pensionnaires
(Balzac). De là les transformations rapides

[...] de cette architecture [...], si frappante


après l’immobilité stagnante de l’architec-
ture romane (Hugo). ‖ 2. Qui saute aux
yeux, qui est d’une évidence indiscutable :
Christian, frère cadet de Louis, arrière-
petit-fils et filleul de M. de Malesherbes, et
lui ressemblant d’une manière frappante,
servit avec distinction en Espagne comme
capitaine dans les dragons de la garde, en
1823 (Chateaubriand). Ce garçon que j’ai
vu une fois ici, qui ressemble tellement au
portrait de Mahomet II par Bellini. Oh !
c’est frappant ! (Proust).

• SYN. : 1 étonnant, impressionnant, saisis-


sant ; 2 évident, indéniable, indubitable.
1. frappe [frap] n. f. (déverbal de frap-
per ; v. 1155, Wace, écrit frape, avec un
sens peu clair ; v. 1220, G. de Coincy, écrit
frape, au sens de « piège » ; écrit frappe,
au sens 1, 1584, L. Le Roy [frappe libre,
XXe s.] ; sens 2, av. 1935, P. Bourget ; sens
3, XXe s. [« assortiment de matrices pour
fondre des caractères d’imprimerie »,
1757, Encyclopédie] ; sens 4-5, XXe s. ; sens
6, v. 1960). 1. Opération de la fabrica-
tion des monnaies et des médailles, qui
consiste à produire les empreintes sur les
deux faces du flan. ‖ Spécialem. Frappe
libre, faculté accordée à tout porteur de
métal précieux de le faire transformer
en pièces monnayées. ‖ 2. Fig. et littér.
Marque, empreinte, caractère : Un bour-
geois de vieille frappe française (Bourget).
‖ 3. Action en pression de la platine ou
du cylindre d’une presse à imprimer sur
la forme. ‖ Assortiment de matrices pour
fondre des caractères d’imprimerie : Une
frappe d’italique. ‖ 4. Action, manière de
frapper une touche sur un instrument de
musique. ‖ Action, manière de taper à la
machine à écrire : De nombreuses fautes de
frappe. Une frappe régulière. ‖ Par extens.
Première, seconde frappe, premier exem-
plaire d’une dactylographie, résultant de
la frappe directe de la machine à écrire, ou
exemplaire obtenu à l’aide d’une feuille de
papier carbone. ‖ 5. En sports, manière
d’attaquer le ballon, la balle. ‖ Qualité de
l’attaque d’un boxeur. ‖ 6. Force de frappe,
v. FORCE.

2. frappe n. f. (apoc. de frapouille [1866,


G. Esnault], var. de fripouille [v. ce mot] ;
1888, G. Esnault). Pop. Voyou : C’est une
frappe, mais quand on sait le prendre...
(Romains).

frappé, e [frape] adj. (part. passé de frap-


per ; 1826, Brillat-Savarin, au sens 3 [frappé
de glace ; frappé, 1865, Littré] ; sens 1, av.
1922, Proust ; sens 2, 1865, Littré [accent,
ton frappé, 1962, Larousse] ; sens 4, XXe s.).
1. Velours frappé, celui dont la face pelu-
cheuse a reçu des décors au moyen de
plaques ou de rouleaux gravés en relief
et chauffés : Je faisais quelques pas du
prie-Dieu aux fauteuils en velours frappé
(Proust). ‖ 2. Temps frappé, en musique,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2023
celui qui est accentué et marqué par un
son. ‖ Accent, ton frappé, en phonétique,
accent, ton émis avec une intonation dure.
‖ 3. Refroidi dans la glace : Une bouteille
de champagne frappé. Il ne prenait jamais
de champagne, mais buvait de l’asti, non
mousseux, non frappé, pas même frais, un
peu chambré... (Martin du Gard). ‖ 4. Pop.
Fou : Laisse-le, il est complètement frappé.
& frappé n. m. (XXe s.). En chorégraphie,
battement du pied de la jambe qui travaille
contre la cheville de la jambe de position.

frappe-devant [frapdəvɑ̃] n. m. invar.


(de frappe, forme du v. frapper, et de devant ;
1er nov. 1872, Revue des Deux Mondes). Gros
marteau à long manche dont se servent
les forgerons. (On dit aussi MARTEAU À
FRAPPER DEVANT.)

frappement [frapmɑ̃] n. m. (de frap-


per ; XIIIe s., Mathieu de Gand, au sens
1 ; sens 2, av. 1885, V. Hugo). 1. Action de
frapper : Il prit la chandelle et la posa sur
la cheminée avec un frappement si violent
que la mèche faillit s’éteindre (Hugo). Ses
défis du menton, ses frappements du pied...
(Montherlant). ‖ 2. Bruit produit par ce qui
frappe : Des frappements sourds qui étaient
des coups de canon (Hugo). Verlaine, avec
les siens, s’éloignait, dans un frappement
pénible de galoches et de gourdin (Valéry).
J’entends comme un léger frappement mat
(Pourrat).

• SYN. : 1 battement, choc ; 2 claquement,


coup.

frapper [frape] v. tr. (de l’onomatop.


frap-, marquant un choc violent et rapide ;
fin du XIIe s., Aliscans, écrit fraper [frap-
per, XIVe s.], aux sens I, 1-2 [en musique,
XXe s. ; frapper à mort, 1756, Voltaire] ;
sens I, 3, av. 1704, Bossuet [frapper les
trois coups, 1865, Littré ; frapper un grand
coup, 1872, Larousse — frapper le coup,
même sens, 1647, Corneille] ; sens I, 4, 1608,
M. Régnier ; sens I, 5, 1665, Boileau [frap-
per les échos, 1820, Lamartine] ; sens I, 6,
1636, Monet [un vers bien frappé, av. 1778,
Voltaire ; être frappé au coin de, 1865, Littré
— frappé au bon coin, av. 1772, Piron] ;
sens I, 7, 1690, Furetière ; sens I, 8, 1678,
Guillet [pour un hameçon, XXe s.] ; sens
I, 9, 1835, Acad. [frapper de glace, 1826,
BrillatSavarin] ; sens II, 1, 1670, Bossuet
[« infliger à quelqu’un une peine, une sanc-
tion, un châtiment », 1656, Pascal] ; sens II,
2, 1835, Acad. [jugement frappé d’appel,
1872, Larousse] ; sens III, 1, 1640, Corneille ;
sens III, 2, 1580, Montaigne [être frappé de,
v. 1770, J.-J. Rousseau] ; sens III, 3, 1669,
Racine [« bouleverser profondément », 1669,
Boileau]).

I. 1. Atteindre quelqu’un ou quelque


chose d’un ou de plusieurs coups, portés
plus ou moins violemment : Repousser
et frapper un agresseur. Il a été frappé et
dévalisé. Frapper quelqu’un avec la main.
On l’a surpris en train de frapper bruta-

lement son chien. Frapper la table avec le


poing. Frapper la terre du pied. Du bout
de ma canne je frappe rêveusement le sol
(Duhamel). ‖ Spécialem. En musique,
heurter avec décision les touches d’un
clavier ou un instrument à percussion :
Frapper les cymbales. ‖ 2. Atteindre un
être animé d’un ou de plusieurs coups
portés avec une arme quelconque : Frap-
per quelqu’un avec un instrument tran-
chant. Les conjurés frappèrent César de
leurs poignards. Frapper quelqu’un au
coeur. Frapper du glaive celui qui nous
en veut frapper est chose légitime (Cha-
teaubriand). ‖ Frapper à mort, blesser
mortellement. ‖ 3. Avec un complément
d’objet désignant le coup lui-même, don-
ner, appliquer, assener : Nous entendîmes
des coups frappés avec le marteau de la
porte (France). ‖ Frapper les trois coups,
au théâtre, frapper trois fois dans les cou-
lisses pour avertir que la représentation
va commencer. ‖ Fig. Frapper un grand
coup, faire une chose importante et qui
doit étonner, ou employer des moyens
décisifs pour parvenir à ses fins. ‖ 4. Spé-
cialem. et class. En parlant d’une horloge,
sonner : L’horloge du palais vint à frap-
per onze heures (M. Régnier). ‖ 5. En
parlant d’un objet en mouvement, d’un
projectile, d’un agent physique, heur-
ter une personne, une chose, rencontrer
une surface : La balle l’a frappé en pleine
tête. La pelote lancée par le joueur frappe
le fronton. Le pare-brise de la voiture est
frappé par la pluie. Les rayons du soleil
qui frappent le mur ; et au fig. : Tu comp-
tais pour rien que ta flèche empoisonnée
traversât cette enfant pourvu qu’elle me
frappât derrière elle (Musset). ‖ Littér.
Frapper les échos, en parlant d’un son, re-
tentir, résonner : Tout à coup des accents
inconnus à la terre | Du rivage charmé
frappèrent les échos (Lamartine). Elle
écoute. Un bruit sourd frappe les sourds
échos (Hugo). ‖ 6. Frapper de la monnaie,
des médailles, y produire les empreintes
sur les deux faces, à l’aide des coins et du
balancier ou de la presse monétaire : Une
pièce frappée à l’effigie de Louis XIV ; et
par extens. : Il est d’usage immémorial,
chez tous les peuples, de frapper sur les
monnaies la portraiture du prince régnant
(Karr). ‖ Fig. Un vers bien frappé, un
vers dont le sens est plein et la facture, la
forme particulièrement heureuse. ‖ Lit-
tér. Être frappé au coin de, laisser voir la
marque de : Un ouvrage frappé au coin du
génie, au coin du bon sens. ‖ 7. Frapper
la toile, donner au passage de la navette
le coup qui resserre les fils de la trame.
‖ 8. Frapper un cordage, une manoeuvre,
dans la marine, l’assujettir à un endroit
fixe. ‖ Frapper un hameçon, l’assujettir
sur un bas de ligne, l’empiler. ‖ 9. Refroi-
dir rapidement un vin en le mettant dans
le seau à glace ou au réfrigérateur (autref.
FRAPPER DE GLACE) : Frapper du cham-

pagne. Il commandait le repas avec une


science raffinée, mais mangeait un peu
trop, et surtout buvait, faisant chambrer
les vins qui doivent l’être, frapper ceux qui
exigent d’être dans la glace (Proust).

II. 1. Atteindre une personne de quelque


mal (la maladie, la mort, le malheur, une
épreuve, etc.) : J’hésiterai, je crois, | À le
frapper des maux qui rongèrent mes jours
(Vigny). Être frappé de mort subite, de
cécité. Une famille durement frappée par
le sort. Nous regardons tranquillement
et sans émotion les injustices qui ne nous
frappent point (La Rochefoucauld). On
dirait qu’un présage est là pour le frap-
per (Lamartine). ‖ Spécialem. Infliger
à quelqu’un une peine, une sanction,
un châtiment : En les frappant [les reli-
gieux], on crut frapper l’Église (France).
Et maintenant que la société vous a frap-
pés, vous vous sentez tous des droits contre
elle (Gide). La première fois que ce fléau
apparaît dans l’histoire, c’est pour frap-
per les ennemis de Dieu (Camus). Être
frappé d’indignité nationale, d’interdic-
tion de séjour. ‖ 2. Soumettre quelqu’un
ou quelque chose à une obligation, à une
charge financière : Frapper un produit
d’une taxe. Un domaine frappé d’une
hypothèque. ‖ Jugement frappé d’appel,
dont on demande la réformation en
appel.

III. 1. Produire une impression vive et


soudaine sur la vue, sur l’ouïe : Frap-
per les yeux, les regards, la vue, l’oreille,
les oreilles. Tous les secrets de la nature
gisent à découvert et frappent nos regards
chaque jour (Gide). Quoi ! toujours les
plus grandes merveilles, | Sans ébran-
ler ton coeur, frapperont tes oreilles ?
(Racine). ‖ 2. S’imposer avec force à
quelqu’un, solliciter son attention, sus-
citer son intérêt : Frapper quelqu’un,
frapper l’attention, l’esprit, l’imagination
de quelqu’un. Ses minarets et ses dômes
me frappèrent agréablement au premier
coup d’oeil (Chateaubriand). Je lui trouvai
je ne sais quoi d’éloquent qui me frappa
(Michelet). Je fus frappé par l’aspect d’une
énorme affiche rouge (Nerval). Ce qui
me frappe dans Victor Hugo, c’est une
puissance vitale incomparable. Puissance
vitale, c’est-à-dire longévité et capacité de
travail combinées ; longévité multipliée
par capacité de travail (Valéry). J’avais
une grande facilité de parole qui avait
frappé tous mes maîtres (Mauriac). ‖ Être
frappé de, constater avec étonnement : Je
suis chaque jour plus frappé de mon igno-
rance des détails les plus élémentaires de
la vie pratique (Bernanos). ‖ 3. Spécia-
lem. Affecter vivement quelqu’un en pro-
voquant un état émotif soudain : Frapper
quelqu’un de stupeur. Frapper l’accusé
d’une terreur qui réagirait sur l’auditoire
(Hugo). ‖ Bouleverser profondément :
Cette mort l’a beaucoup frappé.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2024

• SYN. : I, 1 battre, cogner (pop.), heurter,


rosser (fam.), taper (fam.) ; 2 blesser, cri-
bler, embrocher, transpercer ; 3 donner,
porter ; 5 atteindre, choquer, percuter,
ricocher, tomber sur. ‖ II, 1 s’abattre sur,
affecter, affliger, éprouver, toucher ; châtier,
condamner, punir. ‖ III, 2 attirer, captiver,
étonner, retenir, saisir ; 3 bouleverser, com-
motionner, émouvoir, empoigner, remuer,
retourner, secouer, toucher, troubler.

& v. tr. ind. (1674, Boileau). Class. Frapper


à, s’approcher de, atteindre à : Maintenant
[...] | Que mon âge, amoureux de plus sages
plaisirs, | Bientôt s’en va frapper à son neu-
vième lustre (Boileau).

& v. intr. (v. 1460, Mystère du siège d’Or-


léans [frapper comme un sourd, 1690,
Furetière ; frapper devant, XXe s. ; frap-
per à la porte, 1611, Cotgrave — frapper,
1668, Molière ; frapper aux huys, même
sens, av. 1525, G. Cretin ; frapper à la tête,
XXe s. ; frapper du pied, 1646, Rotrou]).
Donner un coup, des coups : Frapper
dans ses mains. Frapper à tort et à travers,
à bras raccourcis. Frapper sur un tambour,
contre une cloison. Frapper du poing sur
la table. ‖ Fam. Frapper comme un sourd,
donner des coups avec un acharnement
particulier. ‖ Frapper devant, se placer
devant l’enclume et frapper la pièce, sur
les indications du forgeron, avec un lourd
marteau à bras. ‖ Frapper à la porte, ou,
absol., frapper, demander à entrer en don-
nant quelques coups discrets : Les rois
égarés à la chasse frappaient, au milieu
de la nuit, à la porte des vieilles abbayes
(Chateaubriand). Ouvrez-moi cette porte
où je frappe en pleurant (Apollinaire). [Il]
levait le lourd marteau de la poterne basse
et frappait timidement (Daudet). ‖ Fig.
Frapper à toutes les portes, frapper à la
bonne porte, v. PORTE. ‖ Frapper à la tête,
réprimer une révolte, une sédition en frap-
pant les chefs du mouvement. ‖ Frapper
du pied, manifester son impatience ou
sa colère en frappant le sol du pied : Ses
traits se contractaient, elle frappait du pied
(Mérimée).

• SYN. : cogner, tambouriner, taper (fam.).


& se frapper v. pr. (sens 1, 1664,
Racine [se frapper la poitrine, av. 1841,
Chateaubriand] ; sens 2, 1865, Littré [ne pas
se frapper, XXe s.]). 1. Se donner des coups
à soi-même. ‖ Fig. Se frapper la poitrine,
regretter vivement quelque chose dont on
se considère comme responsable : S’il lui
arrivait malheur, tu pourrais te frapper
la poitrine (Mauriac). ‖ 2. S’inquiéter,
s’émouvoir outre mesure, céder au pessi-
misme : Un malade qui se frappe beaucoup.
Je voudrais que tu eusses la bonté de me
faire voir celles des indulgentes beautés qui
ont eu l’obligeance de se frapper pour moi
(Gautier). ‖ Fam. Ne pas se frapper, ne pas
s’émouvoir facilement, « ne pas s’en faire ».
• SYN. : 2 se tourmenter, se tracasser.

frappeur, euse [frapoer, -øz] n. (de frap-


per ; XVe s., Dict. général [« personne qui
aime frapper », 1872, Larousse]). Personne
qui frappe, donne des coups ; personne qui
aime frapper : Toute la maison tremblait
sous les coups du frappeur furieux (France).
& frappeur n. m. (sens 1, 1845, Bescherelle ;
sens 2, 1858, d’après Littré, 1877). 1. Aide-
forgeron qui frappe, au marteau à frapper
devant, les pièces maintenues sur l’enclume
par le forgeron. ‖ 2. Frappeur de gaze,
ouvrier qui fait, à l’emporte-pièce, des
dessins à jour dans la gaze.
& adj. m. (1865, Littré). Esprits frappeurs,
esprits des morts, qui, selon les spirites,
répondent aux questions en frappant un
certain nombre de coups : L’autre matin,
Sardou [...] | Convoqua les esprits frappeurs
(Banville).

frasage [frazaʒ] n. m. (de fraser ; 1865,


Littré). Action de fraser la pâte.

frase [fraz] n. f. (déverbal de fraser ;


1690, Furetière). Outil d’acier, en forme
de racloir, avec lequel le boulanger racle
le pétrin.

fraser [fraze] ou fraiser [frɛze] v. tr.


(emploi spécialisé de l’anc. franç. fraiser,
fraser, dépouiller de son enveloppe, écos-
ser, peler [v. FRAISE 2] ; 1680, Richelet, écrit
fraiser ; fraser, 1730, Savary des Bruslons).
Briser la pâte en la séparant par des pétris-
sages faits à l’aide de la paume de la main.

frasque [frask] n. f. (ital. frasche, bali-


vernes, plur. de frasca, proprem. « branche
qu’on a coupée d’un arbre » et spécialem.
« gluau », déverbal d’un anc. terme issu du
lat. pop. *fraxicare, rompre, dér. de *fraxum,
lat. class. fractum, supin de frangere, briser,
rompre ; XVe s., Godefroy, au sens 2 ; sens 1,
1581, Froumenteau). 1. Class. Mauvais tour
joué à quelqu’un ; acte hostile ou indélicat :
Malheureux que je suis d’avoir dessous ce
masque | Été, sans y penser, te faire cette
frasque (Molière). ‖ 2. Écart de conduite,
infidélité ; acte extravagant fait avec éclat :
Ces frasques, comme les appelait le sévère
premier clerc, aidèrent Oscar à supporter
l’existence (Balzac). Le pauvre Profitendieu,
qui m’a mis lui-même au courant de cette
frasque, s’en montrait d’abord extrêmement
affecté (Gide). Vous croyez vraiment, com-
mandant, qu’elle est au courant des frasques
de son mari ? (Vercel).

• SYN. : 2 extravagance, folies, fredaine


(fam.), incartade, inconduite.

frater [fratɛr] n. m. (mot lat. signif.


« frère » ; av. 1549, Marguerite de Navarre,
au sens I [« frère lai employé aux travaux
domestiques », 1872, Larousse] ; sens II,
1649, Variétés historiques).

I. Vx et fam. Moine. ‖ Spécialem. Frère


lai employé aux travaux domestiques.

II. Vx. Barbier chirurgien : Il ferait bien


mieux d’étudier sa médecine, ce frater de
village (Daudet). Il portait au flanc une
cicatrice assez visible, qui était sans doute
plutôt due au bistouri de quelque frater
qu’au poignard de Brutus (H. de Régnier).

fraternel, elle [fratɛrnɛl] adj. (dér. savant


du lat. fraternus, fraternel, de frère, de fra-
ter, frère ; v. 1190, Sermons de saint Bernard,
au sens 3 ; sens 1, XVIe s., Coutumier géné-
ral ; sens 2, v. 1361, Oresme [« qui exprime
des sentiments existant normalement entre
frères et soeurs », 1791, Brunot]). 1. Qui est
propre à des frères et à des soeurs, au lien
de parenté qui les unit : C’est vous que j’ai-
mais d’un amour fraternel, d’un amour pur.
C’est vous que j’aimais comme une soeur
(Martin du Gard). ‖ 2. Qui est propre à des
personnes unies comme frères et soeurs :
Une amitié fraternelle. Un partage frater-
nel. ‖ Qui exprime des sentiments exis-
tant normalement entre frères et soeurs :
L’Océan m’a parlé d’une voix fraternelle
(Heredia). Le beau visage, que je distingue
à peine, est affectueux, vraiment fraternel
(Duhamel). ‖ 3. Spécialem. Se dit des liens
qui unissent les chrétiens comme membres
de la même communauté : Un acte de cha-
rité fraternelle (Claudel).

• SYN. : 2 affectueux, amical, tendre.

fraternellement [fratɛrnɛlmɑ̃] adv.


(de fraternel ; v. 1360, Froissart, au sens 1 ;
sens 2, XXe s.). 1. En frères, d’une manière
fraternelle : S’aimer fraternellement. Vivre
fraternellement avec quelqu’un. ‖ 2. Se dit
entre membres d’une même organisation :
Fraternellement vôtre.

fraternisation [fratɛrnizasjɔ̃] n. f. (de


fraterniser ; 1792, Brunot). Action de fra-
terniser : Les méfiances une fois excitées,
on oublia tout : la fraternisation fut mise de
côté (Proudhon). L’effacement des frontières
et la fraternisation des peuples (Romains).
• SYN. : amitié, entente, réconciliation. —
CONTR. : désaccord, haine, hostilité, inimitié.

fraternisé, e [fratɛrnize] adj. (part. passé


de fraterniser ; 1872, Larousse). Vers fra-
ternisés (ou fratrisés), couple de vers tels
que le début du second rime avec la fin
du premier. (Ex. : Dieu gard’ ma maîtresse
réGENTE | GENTE de corps et de faÇON
| SON coeur tient le mien dans sa TENTE |
TANT et plus d’un ardent frisson [Marot].)

fraterniser [fratɛrnize] v. intr. (de


fratern[el] ; 1548, Th. Sebillet, au sens de
« être en accord formel » [pour deux vers] ;
sens actuel, av. 1563, La Boétie [comme
v. pr. ; comme v. intr., 1690, Furetière — en
parlant de soldats, fin du XVIIIe s., Brunot]).
Faire acte de fraternité, de concorde ; se
manifester des sentiments mutuels d’ami-
tié, de sympathie : Sorte de terrain neutre
où les gamins français fraternisent avec les
enfants maures (Fromentin). ‖ Spécialem.
En parlant de soldats, refuser de se battre
et faire cause commune avec ceux qu’ils
devraient combattre : Que seulement, sur
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2025

un seul point des lignes, les troupes ennemies


fraternisent, et la contagion gagnera aussitôt
comme une traînée de poudre ! (Martin du
Gard). Des troupes qui fraternisent avec des
manifestants.

• SYN. : s’entendre, sympathiser. — CONTR. :


se brouiller, se déchirer, se fâcher, se que-
reller, se haïr ; se battre, se combattre,
guerroyer.

fraternitaire [fratɛrnitɛr] adj. (de


fraternit[é] ; 1855, Baudelaire [1842, Revue
des Deux Mondes, comme n. m., au sens de
« celui qui appartient à une secte prônant la
fraternité »]). Vx. Relatif aux liens de frater-
nité existant entre les hommes : « Presque
tous nos malheurs nous viennent de n’avoir
pas su rester dans notre chambre », dit un
autre sage, Pascal, je crois, rappelant ainsi
dans la cellule du recueillement tous ces
affolés qui cherchent le bonheur dans le
mouvement et dans une prostitution que
je pourrais appeler fraternitaire, si je vou-
lais parler la belle langue de mon siècle
(Baudelaire).

fraternité [fratɛrnite] n. f. (lat. frater-


nitas, parenté entre frères, parenté entre
peuples, de fraternus [v. FRATERNEL] ;
v. 1155, Wace, au sens 3 [fraternité d’armes,
1764, Voltaire] ; sens 1, 1690, Furetière ;
sens 2, v. 1206, Guiot de Provins ; sens 4,
XXe s.). 1. Lien de parenté entre frères et
soeurs. (Rare.) ‖ Sentiments d’affection qui
existent normalement entre frères ou entre
frères et soeurs (rare) : Peut-être ces causes
réunies me privèrent-elles des douceurs de la
fraternité ? (Balzac). ‖ 2. Lien qui devrait
unir tous les hommes considérés comme les
membres d’une seule et même famille : Un
jour viendra où toutes les guerres se dissou-
dront dans la fraternité des races (Hugo). La
fraternité ne peut s’établir que par la justice
(Proudhon). ‖ 3. Lien entre personnes qui
appartiennent à une même organisation, au
même milieu, servent la même cause, etc. :
Fraternité des arts ! union fortunée ! | Soirs
dont le souvenir, même après mainte année,
| Charmera le vieillard ! (Sainte-Beuve). Les
persécutions se trahissent elles-mêmes en
fondant des fraternités (Montherlant). La
fraternité chrétienne. ‖ Fraternité d’armes,
liens entre deux chevaliers qui s’étaient
promis aide mutuelle en toute occasion ;
liens d’affection que nouent des hommes
qui ont combattu côte à côte. ‖ 4. Nom
donné à certaines communautés reli-
gieuses (Petits Frères de Jésus, de Charles
de Foucauld, tertiaires franciscains, domi-
nicains, carmélitains).

fraticelles [fratisɛl] n. m. pl. (ital. fra-


ticello [plur. fraticelli], jeune moine, frère
mineur, dimin. de frate, moine, ancien-
nement « frère », lat. frater, frère ; 1758,
Saint-Foix). Religieux de l’ordre franciscain
attachés à la pauvreté stricte, dont certains
se rebellèrent contre l’Église (XIIIe-XVIe s.) :
Les innombrables sectes communistes du

Moyen Âge (pauvres de Lyon, bégards, bons-


hommes, fraticelles, humiliés, pauvres évan-
géliques), sectateurs de l’Évangile éternel,
furent en effet les vrais disciples de Jésus
(Renan).

1. fratricide [fratrisid] n. m. (bas lat.


fratricidium, meurtre du frère, de frater,
-tris, frère, et de caedere, frapper, abattre,
tuer ; v. 1170, Livre des Rois, écrit fratrecide ;
fratricide, XVe s.). Acte qui consiste à tuer
son frère ou sa soeur : Pierre Calas, accusé
d’un fratricide (Voltaire). Viens-tu du fra-
tricide et sors-tu de l’inceste, | Comme le
dit Moïse ? (Hugo).

• REM. Blâmé par Vaugelas (« Ceux qui


disent fratricide parlent mal ») et écarté
par l’Académie en 1704, fratricide est
cependant admis par Chapelain et par
Th. Corneille dans la phrase : L’empire de
Rome commença par un fratricide.

2. fratricide [fratrisid] adj. et n. (lat. fra-


tricida, celui qui a tué son frère, de frater,
-tris, et de caedere [v. l’art. précéd.] ; 1458,
Mystère du Vieil Testament). Qui a tué son
frère ou sa soeur : Un prince fratricide. Caïn
le fratricide.
& adj. (11 avr. 1871, Journ. officiel). Qui
oppose les membres d’une même commu-
nauté, des êtres qui devraient se considé-
rer comme frères : Je voudrais parfois me
mettre à genoux pour la supplier [l’Europe]
de ne pas se diviser par des jalousies fratri-
cides (Renan). Des luttes fratricides.

fratrie n. f. V. PHRATRIE.

fratrisé, e [fratrize] adj. (dér. savant du


lat. frater, -tris, frère ; XXe s.). Vers fratrisés,
syn. de vers FRATERNISÉS.

fraudatoire [frodatwar] adj. (dér. savant


de frauder, d’après le lat. impér. frauda-
torius, qui concerne les friponneries, dér.
du lat. class. fraudator, celui qui trompe,
fripon, de fraudatum, supin de fraudare [v.
FRAUDER] ; 1930, Larousse). Qui procède
de la fraude.

fraude [frod] n. f. (lat. fraus, fraudis,


mauvaise foi, tromperie, fourberie, perfidie,
dommage, détriment, action délictueuse,
crime ; 1255, A. Thierry, écrit fraulde
[fraude, v. 1283, Beaumanoir], au sens 1 ;
sens 2, 1682, Kuhn [en droit civil, 1690,
Furetière ; fraude fiscale, XXe s. — fraude,
même sens, av. 1778, J.-J. Rousseau ; fraude
à la loi, XXe s.]). 1. Class. Action de trom-
per, d’abuser autrui ; mauvaise foi : Des
rois de Syrie et ceux d’Égypte, acharnés les
uns contre les autres, ne songeaient qu’à
se ruiner mutuellement ou par la force ou
par la fraude (Bossuet). Nous vivons sous
un prince ennemi de la fraude (Molière).
‖ 2. Acte malhonnête par lequel on
cherche à tromper d’autres personnes, en
contrevenant ou en favorisant la contra-
vention aux règlements, et qui est puni
par la loi : Fraudes dans la vente des mar-
chandises. Les inspecteurs de la répression

des fraudes. Fraude électorale. Fraudes


dans les examens et concours publics. Ils
faisaient des réflexions sur [...] la cherté des
vivres, les fraudes du commerce (Flaubert).
‖ Spécialem. En droit civil, acte accompli
dans l’intention de porter atteinte aux
droits ou aux intérêts d’autrui : Fraude
à l’encontre des héritiers réservataires.
‖ Fraude fiscale, ensemble des agisse-
ments ou des dissimulations, accomplis
même sans intention frauduleuse, qui
ont pour conséquence de mettre obstacle
à l’application des lois fiscales : Fraude au
préjudice de l’administration des Douanes.
‖ Fraude à la loi, le fait de tourner la loi
dans un contrat ou de chercher à en éluder
l’application, et qui est parfois sanctionné
de nullité par la loi.

• SYN. : 2 escroquerie, falsification, resquille


(pop.), tricherie.

& En fraude loc. adv. (sens 1, 1865, Littré ;


sens 2, 1690, Furetière). 1. En contrevenant
aux règlements ; en essayant de léser l’État
ou les particuliers : Passer de l’or, des mar-
chandises en fraude. Introduire en fraude,
dans une salle d’examens, un dictionnaire
interdit. ‖ 2. Fig. D’une manière détournée,
secrète : Ce n’est jamais qu’en fraude que la
vérité se fait jour dans un pays mal gouverné
(Dumarsais).

& En fraude de loc. prép. (1673, Molière).


Class. En contrevenant à : [Les avocats]
s’imaginent que c’est un grand crime que
de disposer [de son bien] en fraude de la
loi (Molière).

frauder [frode] v. tr. (lat. fraudare, faire


tort par fraude, être coupable de fraude,
user de fraude envers quelqu’un, détourner
par fraude, de fraus, fraudis [v. FRAUDE] ;
v. 1355, Bersuire, au sens 1 ; sens 2, fin du
XIVe s., Chronique de Boucicaut [« éluder,
par une fraude, le paiement de », 1690,
Furetière] ; sens 3, av. 1834, Béranger).
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). User de fraude,
de tromperie envers autrui : Frauder
quelqu’un (Acad., 1694). ‖ 2. Frustrer par
une fraude un particulier, l’État, une admi-
nistration : Frauder un créancier. Frauder
la douane. Frauder le fisc. ‖ Par extens.
Éluder, par une fraude, le paiement de :
Frauder les droits du fisc. Frauder l’impôt.
‖ 3. Vx. Faire passer en fraude : Frauder
du tabac.

& v. intr. (av. 1865, Proudhon). Se rendre


coupable de fraudes : Être surpris à frauder
dans un examen. Frauder sur le lait, le vin.
• SYN. : resquiller (fam.), tricher, truander
(arg. scol.).

fraudeur, euse [frodoer, -øz] adj. et n.


(de frauder ; 1340, Varin, comme adj., au
sens de « de mauvaise qualité » [pour une
étoffe] ; comme n., au sens actuel, 1549,
R. Estienne). Qui se rend coupable de
fraude : On y mettait un factionnaire pour
empêcher les fraudeurs (Mérimée).

• SYN. : resquilleur (fam.), tricheur.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2026

frauduleusement [frodyløzmɑ̃] adv. (de


frauduleux ; v. 1398, le Ménagier de Paris).
De façon frauduleuse : Une profusion de
lièvres pris frauduleusement au collet
(Chevallier). Des marchandises introduites
frauduleusement.

• SYN. : illégalement, illicitement. —


CONTR. : légalement, licitement.

frauduleux, euse [frodylø, -øz] adj.


(bas lat. jurid. fraudulosus, frauduleux, de
fraus, fraudis [v. FRAUDE] ; v. 1361, Oresme,
au sens 3 [banqueroute frauduleuse, 1675,
Kuhn] ; sens 1, v. 1560, Paré ; sens 2 et 4,
1764, Voltaire). 1. Class. Qui est porté à
la fraude, à la tromperie : Pendant qu’il
[Adam] s’endormait [...], le serpent fraudu-
leux [...] fit couler [...] le venin subtil et déli-
cat de la vaine gloire (Bossuet). ‖ 2. Vx. Qui
est faux, trompeur : Ces affreuses et frau-
duleuses sous-jupes en crinoline (Balzac).
Des écrits frauduleux. ‖ 3. Qui est entaché
de fraude : Trafic frauduleux. Marché frau-
duleux. ‖ Banqueroute frauduleuse, celle
où le failli a détourné ou dissimulé une
partie de l’actif, soustrait ses livres, etc.
‖ 4. Banqueroutier frauduleux, commer-
çant reconnu coupable d’une banqueroute
frauduleuse.

• SYN. : 3 illégal, illicite. — CONTR. : 3 légal,


licite.

fraxinelle [fraksinɛl] n. f. (lat. médiév.


fraxinella [XVe s.], du lat. class. fraxinus,
frêne ; 1564, Liébault). Plante de la famille
des rutacées, appelée aussi dictame, et dont
une espèce, la fraxinelle blanche, croît dans
les régions montagneuses de l’Europe aus-
trale et de l’Asie tempérée : À droite, mon-
taient les fraxinelles légères (Zola).

fraxinus [fraksinys] n. m. (mot lat. signif.


« frêne » ; 1872, Larousse). Nom scientifique
du frêne.

frayage [frɛjaʒ] n. m. (de frayer 1 ; milieu


du XXe s.). Terme employé en psychophysio-
logie pour traduire l’allem. Bahnung, qui
désigne le fait que le passage d’un influx
nerveux dans les voies nerveuses est rendu
plus facile par la répétition.

frayant, e [frɛjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de frayer 2 ; 1668, La Fontaine). Class.
Qui occasionne des frais : L’un alléguait
que l’héritage | Était frayant et rude
(La Fontaine).

fraye [frɛj] n. f. (déverbal de frayer 1 ; début


du XXe s., au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse).
1. Petite rainure ménagée sur une lame de
couteau, près du dos. ‖ 2. Dans les travaux
publics, dégradation de grande longueur
produite sur les voies par le passage des
roues des véhicules.

frayé, e [frɛje] adj. (part. passé de frayer


1 ; v. 1360, Froissart). Vx. Rendu praticable
par le cheminement : Prends la première
route un peu frayée que tu trouveras là sur
ta droite (Stendhal).

frayement [frɛjmɑ̃] n. m. (de frayer 1


[v. ce mot] ; XIVe s., écrit froiement, au sens
de « froissement, bris » ; v. 1560, Paré, écrit
frayement, au sens de « frottement » [d’une
plaie, etc.] ; sens actuel, 1872, Larousse).
Érythème causé par le frottement, qui
apparaît à la partie interne et supérieure
des membres de certains animaux.

1. frayer [frɛje] v. tr. (lat. fricare, frot-


ter, polir, étriller ; v. 1155, Wace, écrit
froier [fraier, XIIIe s., Schlessinger ; frayer,
XIVe s.], au sens 1 [en parlant d’un cervidé,
v. 1354, Modus ; « excorier par frottement »,
1606, Nicot ; frayer des pièces d’or, 1757,
Encyclopédie] ; sens 2, 1803, Boiste ; sens
3, v. 1360, Froissart [« ouvrir une voie, un
passage en écartant les obstacles », 1690,
Furetière ; au fig., XVIe s., Littré]). [Conj.
2 b.] 1. Vx. Frotter. ‖ Spécialem. En par-
lant d’un cervidé, frotter son bois pour en
détacher la peau velue qui le couvre : Le
cerf fraye sa tête aux arbres. ‖ Excorier par
frottement : Cheval frayé aux ars. ‖ Frayer
des pièces d’or, les user par le frottement,
afin de bénéficier des parties qu’on en
détache. ‖ 2. Frayer un couteau, un canif,
faire une rainure sur la lame, près du dos.
‖ 3. Tracer un chemin, le rendre praticable
en y passant. ‖ Par extens. Ouvrir une
voie, un passage en écartant les obstacles :
Quand la duchesse se sentait fatiguée, ils
voyaient M. de Guermantes se lever, lui pas-
ser lui-même son manteau en arrangeant
ses colliers pour qu’ils ne se prissent pas
dans la doublure, et lui frayer un chemin
jusqu’à la sortie avec des soins empressés
(Proust). Des chaises sont brandies, la police
se fraye un chemin (Camus) ; et au fig. : La
pioche des démolisseurs fraye la route de
l’avenir (Duhamel). ‖ Fig. Frayer la voie,
la route à quelqu’un, à quelque chose, faci-
liter la tâche de quelqu’un, permettre la
réalisation de quelque chose.

& v. intr. (sens 1 [parce que, souvent, la


femelle du poisson frotte son ventre sur
les bas-fonds, etc., pour faciliter la ponte
des oeufs], début du XIVe s. [pour le mâle,
v. 1560, Paré] ; sens 2, fin du XVIIe s., Saint-
Simon [en emploi absolu, début du XXe s.]).
1. En parlant de la femelle du poisson,
déposer ses oeufs ; en parlant du mâle,
féconder les oeufs : Le temps où les poissons
fraient. ‖ 2. Fig. Frayer avec quelqu’un,le
fréquenter de façon habituelle, avoir avec
lui des relations d’amitié : Son étonnement
qu’un homme [...] qui n’avait ni fonctions
officielles, ni illustration d’aucune sorte,
frayât avec le chef de l’État (Proust). Je
restai à la Brévine près de trois mois, sans
frayer avec personne (Gide). ‖ Absol. Entrer
en relation, se lier : Les autres gens d’ici
ne l’aimaient guère ; il était de caractère
ombrageux et ne frayait pas volontiers
(Gide). Élisabeth détestait qu’on fraye, elle
méprisait « les autres » (Cocteau).

• SYN. : 2 fréquenter, voisiner.

2. frayer [frɛje] v. tr. (de l’anc. franç.


frait, fret, dépense, frais [v. FRAIS 2] ;
1260, Godefroy, écrit fraier ; frayer, v. 1360,
Froissart). [Conj. 2 b.] Class. Payer, dépen-
ser : Il est juste de payer [= rembourser]
ce qu’on a frayé et déboursé pour nous
(Furetière, 1690).

frayère [frɛjɛr] n. f. (de frayer 1 ; 1829,


Boiste). Lieu où les poissons fraient : Elles
[les carpes] attendaient dans des bassins le
retour des journées tièdes, l’instant de reve-
nir, pour la ponte et la fécondation, dans
les frayères aux fonds herbus (Genevoix).

frayeur [frɛjoer] n. f. (lat. fragorem, accus.


de fragor, fracture, bruit, craquement [d’une
chose qui se brise], bruit éclatant, fracas,
du radical de frangere, briser, rompre ;
v. 1138, Vie de saint Gilles, écrit freiur,
au sens de « bruit, tapage » ; sens actuel
[par rapprochement avec l’anc. v. esfreer,
v. EFFRAYER], v. 1160, Roman de Tristan,
écrit freor [frayeur, v. 1460, Mystère du
siège d’Orléans]). Effroi soudain et pas-
sager, causé par un danger réel ou sup-
posé : Quelle singulière frayeur me saisit !
(Musset). Je me sentais trembler de frayeur
devant ce regard (Bernanos).

• SYN. : affolement, épouvante, panique,


peur, terreur. — CONTR. : impassibilité,
quiétude, sang-froid, sérénité.

frayoir [frɛjwar] n. m. (de frayer 1 [v.


ce mot] ; v. 1354, Modus, écrit freour
[froieour, v. 1387, G. Phébus ; frayoir, milieu
du XVIe s., Ronsard], au sens de « lieu où
les cerfs vont frotter leurs bois contre les
arbres » ; sens 1, 1865, Littré ; sens 2, 1930,
Larousse). 1. Marque faite par le cerf aux
baliveaux contre lesquels il a frotté ses bois.
‖ 2. L’arbre lui-même où il a frayé sa tête.

frayure [frɛjyr] n. f. (de frayer [v. ce mot] ;


XVe s., écrit froiure, au sens de « partie
frottée » ; sens actuel, 1611, Cotgrave, écrit
frayeure [frayure, fin du XVIIe s.]). Action
du cerf qui frotte sa tête contre les arbres
pour débarrasser ses bois de la peau qui
les recouvre.

fredaine [frədɛn] n. f. (de l’anc. adj.


fredain, mauvais [XVe s.], empr. de l’anc.
provenç. *fraidin, scélérat [attesté seule-
ment par sa var. fradin, milieu du XIe s.],
gotique *fra-aitheis, dissident, apostat,
proprem. « qui renie le serment prêté » ;
1420, Du Cange [var. fridaine, v. 1310,
Tobler-Lommatzsch]). Fam. Écart de
conduite, folie de jeunesse qui ne tire pas
à conséquence : Depuis trois ans, j’ai fait
valoir mes capitaux, car mes fredaines ont
été restreintes (Balzac).

• SYN. : folies, frasque.

fredon [frədɔ̃] n. m. (du lat. fritinnire,


gazouiller, chanter, babiller, par l’inter-
médiaire de parlers méridionaux ; v. 1540,
Yver, au sens I, 3 ; sens I, 1, 1546, Palmerin
d’Olive ; sens I, 2, 1890, Dict. général ; sens
II, fin du XVIe s., A. d’Aubigné [« réunion
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2027

de trois personnes », fin du XVIIe s., Mme de


Sévigné]).

I. 1. Class. Terme qui désignait les orne-


ments ad libitum (passages, diminutions,
vocalises, roulades, etc.) que le chan-
teur improvisait sur un air donné : L’un
traîne en longs fredons une voix glapis-
sante (Boileau). ‖ 2. Chanson, refrain où
les paroles restent souvent indistinctes :
Le long des gradins où des fredons cou-
raient tout à l’heure en vols d’abeilles, la
foule électrisée marquait la mesure avec
les bras, avec la tête (Daudet). Le maître
sortait derrière lui, son agaçant fredon à
la bouche (Genevoix). ‖ 3. Son, bruit plus
ou moins distinct et qui évoque un fre-
donnement : Des fredons de guitare arri-
vaient portés par la brise (Daudet). Elles
dansent [les mouches] du soleil à l’ombre
et leur fredon vibre comme la lumière
(Genevoix).

II. Class. À certains jeux (hoc, prime),


réunion de trois cartes semblables dans
la même main, d’où, plaisamm., réunion
de trois personnes : Il n’y a pas longtemps
qu’on m’avoua le fredon de l’hôtel de
La Vieuville (Sévigné).

fredonnement [frədɔnmɑ̃] n. m. (de


fredonner ; 1546, Rabelais, au sens 1 [les
fredonnements des luths, rebecs et vio-
lons] ; sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Action
de fredonner. ‖ 2. Chant de la personne
qui fredonne.

• SYN. : 1 chantonnement.

fredonner [frədɔne] v. intr. et tr. (de fre-


don ; 1550, J. Du Bellay, au sens 1 [comme
v. tr. ; comme v. intr., 1665, Boileau] ; sens
2, 1834, Balzac [comme v. intr. ; comme
v. tr., av. 1553, Rabelais]). 1. Class. Chanter
avec des vocalises et des roulades : Et la
troupe, à l’instant cessant de fredonner, |
D’un ton gravement fou s’est mise à raison-
ner (Boileau) ; et transitiv. : Allons, cou-
rage, enfants, fredonnons ce beau mois (La
Fontaine). ‖ 2. Chanter sans articuler les
paroles et à mi-voix : Mme Vauquer allumait
le poêle, aidée par Vautrin, qui fredonnait
toujours (Balzac) ; et transitiv. : Tout le
jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus, |
Et fredonnes tout bas de vieux airs incon-
nus (Baudelaire). Ces chantonnements de
faux amateurs de musique qui éprouvent le
besoin de fredonner un air qu’ils aiment en
compensant l’insuffisance de leur murmure
inarticulé par une mimique énergique et
un air d’admiration (Proust). Et tous bras
dessus dessous | Fredonnant des airs mili-
taires (Apollinaire).

• SYN. : 2 chantonner.

freesia [frizja] n. m. (de Frees, n. pr. ; 1872,


Larousse, écrit freesa ; freesia, XXe s.). Plante
bulbeuse, originaire d’Afrique du Sud,
cultivée, dans le midi de la France, pour
la production de fleurs coupées.
freezer [frizoer] n. m. (mot anglo-
améric. signif. « glacière portative, machine
à glace, congélateur », de to freeze, [se] geler,
[se] glacer ; 1953, Larousse, aux sens 1-2).
1. Appareil de congélation pour la fabri-
cation industrielle de la crème glacée.
‖ 2. Compartiment de congélation d’un
réfrigérateur.

1. frégate [fregat] n. f. (ital. fregata,


frégate [fragata, en napolitain], d’origine
obscure ; début du XVIe s., écrit fraguate, fré-
gate, au sens 1 [var. fragate, 1619, Jal] ; sens
2, 1678, Jal ; sens 3, 1948, Larousse ; sens
4, 1795, Jal). 1. Au XVIe s., petit bâtiment à
rames, ordinairement non ponté, peu armé,
destiné aux opérations de découverte et au
transport des plis. ‖ 2. Dans la marine de
guerre à voile, bâtiment à trois mâts, plus
léger que le vaisseau de ligne et plus lourd
que la corvette (XVIIIe-XIXe s.) : Mon père,
officier aux armées navales, avait péri sur
le pont de sa frégate (Sainte-Beuve). La
frégate file, penchée sur le côté. On entend
crier ses mâts, craquer ses voiles (Daudet).
‖ 3. Auj. Bâtiment rapide d’escorte anti-
sous-marin. ‖ Frégate lance-engins, nom
donné depuis 1960 à un bâtiment chargé
de la protection anti-sous-marine et anti-
aérienne des porte-avions. ‖ 4. Capitaine
de frégate, grade des officiers de la marine
nationale correspondant à celui de lieute-
nant-colonel dans l’armée.

2. frégate [fregat] n. f. (du précéd., à


cause du vol rapide de l’oiseau [dont on
a comparé la vitesse à celle du navire] ;
av. 1637, A. Beaulieu). Grand oiseau pal-
mipède des mers tropicales, au plumage
noir et blanc, au vol puissant et rapide :
C’étaient des mouettes, des goélands, des
frégates (Hugo).

frégater [fregate] v. tr. (de frégate 1 ;


v. 1680, J.-B. Colbert). Affiner les formes
d’un vaisseau pour le rendre plus rapide :
Un vaisseau est frégaté quand il a des formes
légèrement rentrantes.

frégaton [fregatɔ̃] n. m. (de frégate 1 ;


1643, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1865,
G. Esnault). 1. Grand navire à voile latine
et à rames, en usage dans la marine véni-
tienne au XVIe s. : Il subit tous les navires
[...], frégate et frégaton, felouque, polaque et
tartane... (Hugo). ‖ 2. Fam. Officier ayant
le grade de capitaine de frégate.

frein [frɛ̃] n. m. (lat. frenum, frein, mors,


bride, lien, attache ; 1080, Chanson de
Roland, au sens I, 1 [ronger son frein,
début du XVe s., Ch. d’Orléans] ; sens I,
2, v. 1265, Br. Latini [sans frein, av. 1869,
Sainte-Beuve ; mettre un frein à, v. 1265,
J. de Meung] ; sens II, 1, 1690, Furetière ;
sens II, 2, 1845, Bescherelle [frein moteur,
d’essais, aérodynamique, coup de frein,
donner un coup de frein à, XXe s.] ; sens
II, 3, 1957, Robert [« personne qui joue un
rôle modérateur », 31 déc. 1960, le Monde] ;
sens II, 4-5, XXe s.).

I. 1. Vx. Autre nom du mors, partie de la


bride qu’on met dans la bouche du che-
val pour le diriger : Derrière lui, deux es-
claves noirs arrêtaient par le frein un che-
val arabe, dont les naseaux fumants et les
crins épars annonçaient à la fois son natu-
rel ardent et la frayeur que lui inspirait le
bruit des vagues (Chateaubriand). C’était
une cavale indomptable et rebelle, | Sans
frein d’acier ni rênes d’or (Barbier). ‖ Fig.
Ronger son frein, contenir difficilement
son impatience, son irritation : À trois
pas de moi, la fille [...] rongeait son frein
en buvant un jus de fruit (Aymé). ‖ 2. Fig.
et littér. Ce qui ralentit ou arrête le déve-
loppement de quelque chose, ce qui est
propre à limiter les excès : Le frein de la
loi, de la morale, de la religion. Quel frein
pourrait d’un peuple arrêter la licence ?
(Racine). ‖ Sans frein, sans limites : Tant
de désirs sans frein d’un coeur ambitieux
(Leconte de Lisle). Les jeunes personnes
de son âge ont presque toujours une imagi-
nation sans frein (Bernanos). ‖ Mettre un
frein à, arrêter, contenir : Celui qui met
un frein à la fureur des flots | Sait aussi des
méchants arrêter les complots (Racine).
Obliger quelqu’un à mettre un frein à ses
dépenses.

II. 1. Nom donné, en anatomie, à certains


replis muqueux ou ligaments qui limitent
les déplacements d’organes : Le frein de la
langue, du prépuce. ‖ 2. Dispositif utili-
sant des moyens divers et destiné à arrê-
ter ou à ralentir un ensemble mécanique
doué de mouvement : Un camion aux
freins puissants. Frein à patin ou à sabot.
Frein à tambour ou à mâchoires. Frein à
disque. ‖ Frein moteur, action du moteur
dont le ralentissement freine le véhicule
en s’opposant au mouvement des roues.
‖ Frein d’essais, appareil permettant de
mesurer la puissance développée par une
machine. ‖ Frein aérodynamique, dispo-
sitif placé à bord d’un avion et destiné à
ralentir brusquement sa vitesse par un
moyen aérodynamique. (On dit aussi
AÉRO FREIN.) ‖ Coup de frein, action de
freiner brusquement un véhicule automo-
bile en cas de nécessité subite : Donner un
coup de frein au feu rouge. ‖ Fig. et fam.
Donner un coup, un bon coup de frein à,
ralentir une évolution : Donner un coup
de frein au développement de la crimina-
lité. ‖ 3. Fig. Tout ce qui arrête un mou-
vement, une évolution : Les étiquettes ne
peuvent être un frein à la hausse des prix.
‖ Par extens. Personne qui joue un rôle
modérateur : Dans ce milieu surexcité, il
était, par son calme, un frein au déchaîne-
ment de la violence. ‖ 4. Organe destiné à
limiter ou à absorber le recul des bouches
à feu : Frein oléopneumatique. ‖ 5. Frein
d’écrou, dispositif empêchant un écrou
de serrage, qui assemble divers éléments,
de se desserrer.

• SYN. : I, 2 borne, digue, limite.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2028

freinage [frɛnaʒ] n. m. (de freiner ; fin


du XIXe s., au sens 1 [au fig., 18 oct. 1961,
le Figaro] ; sens 2, XXe s. [freinage intégral,
1930, Larousse]). 1. Action de freiner,
de ralentir la vitesse d’une machine ou
d’un ensemble d’organes en mouvement :
Freinage de réglage, freinage d’arrêt.
L’alternance d’accélérations brusques et de
freinages brutaux n’est pas le propre d’un
bon conducteur ; et au fig. : Le freinage d’un
processus de transformation de la société.
‖ 2. Système de freins : Freinage électro-
magnétique. ‖ Freinage intégral, freinage
dont la commande agit sur les quatre roues
d’un véhicule.

freination n. f. V. FRÉNATION.

freindre v. intr. V. FRAINDRE.

freiner [frɛne] v. tr. (de frein ; v. 1190,


Garnier de Pont-Sainte-Maxence, écrit
frener [freiner, XXe s.], au sens 2 ; sens 1,
fin du XIXe s. [écrit freiner]). 1. Ralentir
ou arrêter le mouvement d’un corps au
moyen d’un frein : Un système qui permet
de freiner le recul du canon. ‖ Par extens.
Ralentir la progression d’une personne ou
d’une chose en mouvement : Le mauvais
état des routes freinait la marche du convoi.
‖ 2. Fig. Ralentir le développement, modé-
rer la manifestation de quelque chose :
Freiner le développement de l’économie.
Des mesures propres à freiner l’inflation,
la hausse des prix. Il se promit de frei-
ner son enthousiasme (Lecomte). ‖ Par
extens. Modérer les initiatives, l’activité
de quelqu’un : Freiner les éléments les plus
turbulents d’un mouvement.

• SYN. : 2. contrarier, diminuer, paralyser,


tempérer.

& v. intr. (fin du XIXe s.). Agir sur le sys-


tème de freinage (d’un véhicule, d’une
machine) : Freiner brusquement à un car-
refour. Le conducteur n’a pas eu le temps
de freiner.

freineur [frɛnoer] n. m. (de freiner ; XXe s.).


Dans les chemins de fer, agent chargé de
la commande des freins de voie dans un
triage.

freinte n. f. V. FRAINTE.

frelampier [frəlɑ̃pje] n. m. (du picard


frelamper, boire avec avidité, de lamper,
« boire », avec le préf. intensif péjor. néerl.
ver- ; 1614, Barbier, au sens 2 ; sens 1, 1690,
Furetière). 1. Autref. Frère chargé d’allumer
les lampes dans les couvents. ‖ 2. Vx et
fam. Bon à rien.

frelatage [frəlataʒ] n. m. (de frelater ;


1655, écrit fralatage, et 1684, écrit frelatage,
Bonnefons). Action de frelater ; résultat
de cette action (au pr. et au fig.) : Il n’y a
plus maintenant de vrai plain-chant dans
les églises ; ce sont [...] des frelatages plus
ou moins audacieux qu’on vous présente
(Huysmans).

• REM. On a dit aussi FRELATERIE (1798,


Acad. [farlaterie, « action de transva-
ser », 1609, Chronique bordeloise]).

frelaté, e [frəlate] adj. (part. passé de


frelater ; 1690, Furetière, au sens 1 ; sens
2, 1700, Regnard). 1. Se dit d’une boisson,
d’une denrée qui a été falsifiée par mélange
d’autres substances : Il l’aimait aussi, lui,
ce peuple dont la bouche | Hait les vins fre-
latés que nous lui mélangeons (Banville).
‖ 2. Fig. Qui n’a plus rien de naturel, dont
la pureté a été altérée, corrompue : La vie
frelatée de Paris (Voltaire). Elle avait jus-
tement la grâce frelatée, un peu fille, qui
devait plaire à cette nature de gandin, et
elle ne fut pas longtemps sans s’apercevoir
de l’impression qu’elle produisait sur lui
(Daudet). Une société frelatée. Des goûts
frelatés.

• SYN. : 1 falsifié, mélangé, trafiqué ; 2


artificiel, corrompu, équivoque, factice,
sophistiqué. — CONTR. : 1 pur ; 2 naturel.

frelater [frəlate] v. tr. (moyen néerl. ver-


laten, transvaser ; 1515, G. Cretin, au sens
de « transvaser [du vin] » ; sens 1, 1660,
Oudin ; sens 2, 1546, Rabelais). 1. Falsifier
des denrées alimentaires, en particulier
des boissons, en y mêlant des substances
étrangères : Frelater des vins. ‖ 2. Fig. Faire
perdre à une chose ce qu’elle a de naturel,
altérer, gâter sa pureté : Des lectures qui
frelatent le goût.

• SYN. : 1 adultérer, dénaturer, trafiquer ; 2


corrompre, dépraver, falsifier, fausser, gâter.
• REM. S’emploie surtout au participe-ad-
jectif (v. FRELATÉ, E, adj.).

frelateur, euse [frəlatoer, -øz] n. (de


frelater ; 1604, Pallet, au sens de « celui
qui transvase le vin » ; sens moderne,
1660, Oudin). Celui, celle qui frelate du
vin. (Rare.)

frêle [frɛl] adj. (lat. fragilis, fragile, cassant,


faible, périssable, du radical de frangere,
briser, rompre ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
écrit fraile [frelle, XIIe s. ; fresle, XVIe s., et
frêle, XVIIe s., d’après gresle, grêle, v. GRÊLE],
au sens 4 ; sens 1, milieu du XVIe s., Ronsard ;
sens 2-3, v. 1131, Couronnement de Louis).
1. Qui, du fait de sa minceur, paraît man-
quer de solidité, de résistance : Un bou-
quet d’oeillets blancs aux longues tiges frêles
(Hugo). Son mari attendait patiemment
dans sa frêle voiture (Maupassant). Un
bateau frêle comme un papillon de mai
(Rimbaud). ‖ 2. Se dit d’une personne de
nature débile, faible : En voyant ces deux
enfants frêles aux côtés d’une mère si magni-
fiquement belle... (Balzac). Chiquita [...]
tira le corps par les pieds [...] avec plus de
force que sa frêle apparence ne permettait
d’en supposer (Gautier). La viole que frôle
encore sa frêle main | Charme sa solitude
et sa mélancolie (Heredia). Ce frêle corps
tout secoué de sanglots (Gide). ‖ 3. Fig. et
littér. Vulnérable, délicat : Émilie Dubois,
la blonde Émilie elle-même, bien que vouée

par sa frêle beauté au rôle perpétuel d’ingé-


nue, avait des visions de fleurs d’orangers
sous le châle protecteur de madame sa mère
(Daudet). Toi qui pour consoler l’homme
frêle qui souffre... (Baudelaire). ‖ 4. Fig.
Qui n’est pas solidement établi, qui est
condamné à disparaître rapidement : La
frêle raison humaine. Frêles illusions. Frêle
espoir.

• SYN. : 1 fin, grêle, menu, mince, ténu ;


2 délicat, fluet, malingre ; 3 chétif, fragile ;
4 éphémère, fugitif, périssable, précaire.

— CONTR. : 1 épais, massif ; 2 corpulent,


fort, puissant, solide ; 3 plantureux, robuste,
vigoureux ; 4 ferme, solide, tenace.

freloche [frəlɔʃ] n. f. (var. [peut-être sous


l’influence de effilocher, effiloquer] de fre-
luche [v. ce mot] ; 1399, Du Cange, écrit
freloque, au sens de « morceau de tissu » ;
écrit freloche, aux sens 1-2, 1834, Boiste).
1. Poche de gaze fixée à l’extrémité d’un
bâton, que les entomologistes emploient
pour attraper les papillons. ‖ 2. Petite
épuisette servant à la récolte des insectes
aquatiques.

frelon [frəlɔ̃] n. m. (bas lat. furlone


[VIe s.], cas régime de *furlo [aussi furs-
lones, fursleones, plur., VIIIe s., Gloses de
Reichenau], francique *hurslo, frelon ; fin
du XIIe s., Marie de France, au sens 1 ; sens 2,
v. 1664, La Rochefoucauld). 1. Grosse guêpe
d’Europe rousse et jaune, qui dépasse 3 cm
de long et dont la piqûre est très doulou-
reuse. ‖ 2. Fig. et vx. Personne incapable et
envieuse, qui cherche surtout à profiter des
travaux des autres : Certes, c’est une vieille
et vilaine famille | Que celle des frelons et
des imitateurs (Musset).

freluche [frəlyʃ] n. f. (var. de farluge,


ornement vain dont se parent les femmes
[XVe s., Du Cange], terme issu, par apoc.
de la première syllabe, de fanfreluche [v.
ce mot] ; 1625, Gay, au sens 1 [« chose très
petite, sans consistance », 1611, Cotgrave ;
sens 2, av. 1660, Saint-Amant]). 1. Petite
houppe de soie, de laine qui sort d’un
bouton, d’un gland, etc. ‖ 2. Vx. Filament
blanc et soyeux qui flotte dans l’air, plus
souvent appelé fil de la Vierge.

& freluches n. f. pl. (1694, Ménage). Choses


vaines, frivoles, colifichets.

freluquet [frəlykɛ] n. m. (de freluque,


mèche de cheveux [av. 1493, G. Coquillart],
var., probablem. sous l’influence de per-
ruque, de freluche [v. ce mot] ; 1611,
Cotgrave, au sens de « jeune homme bien
mis » ; sens actuel, 1660, Oudin). Fam.
Personnage léger, frivole, ne méritant
aucune considération : C’est une aimable
et bonne personne, malheureusement un
peu gâtée par des lectures frivoles et par
la compagnie des freluquets de la capitale
(Mérimée). Dans sa loge, hier, une demi-
douzaine de jeunes freluquets sans poids
(Gide). Je peux bien l’avouer, le prénom de
ce freluquet m’était déjà tout à fait sorti de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2029

l’esprit (Duhamel). Quand on le regarde


[le prince Stahremberg], avec ses airs de
freluquet qui ne pense qu’à s’amuser...

(Romains).

• SYN. : godelureau, mirliflore.

frémir [fremir] v. intr. (lat. pop. *fremire,


lat. class. fremere, faire entendre un bruit
sourd, un grondement, un frémissement,
un murmure, dire en frémissant, grom-
meler ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens
4 [frémir de, v. 1190, Garnier de Pont-
Sainte-Maxence] ; sens 1, début du XIIe s.,
Pèlerinage de Charlemagne [en parlant d’un
liquide qu’on chauffe, v. 1398, le Ménagier
de Paris] ; sens 2, v. 1360, Froissart ; sens 3,
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence).
1. En parlant des êtres ou des choses, être
agité d’un mouvement ou d’un tremble-
ment léger, accompagné généralement
d’un bruit faible et confus : Les rideaux
frémirent comme les arbres à l’approche
du tonnerre (Vigny). L’étang, où tout un
monde effroyable pullule, | Ne voit plus sur
ses joncs frémir de libellule (Banville). Le
ciel était bleu, et, par-delà l’encadrement
de la vigne vierge qui pendait au balcon de
bois, les sapins tout proches, et, plus loin,
les cimes déjà verdoyantes de la forêt de
Saint-Germain frémissaient sous un souffle
léger (Martin du Gard). ‖ Spécialem. En
parlant d’un liquide qu’on chauffe, être
agité d’un léger frissonnement à l’approche
de l’ébullition. ‖ 2. Class. et fig. Produire
un grand bruit, une grande agitation : La
discorde en fureur frémit de toutes parts
(Racine). ‖ 3. En parlant des êtres vivants,
trembler très vite, convulsivement, sous
l’effet du froid, de la surprise, d’une émo-
tion : Je me sens frémir au moindre bruit
(Fromentin). Alors il frémissait sur sa selle,
piquait son cheval (Maupassant). Dès qu’il
s’animait, les narines de son nez busqué
commençaient à frémir, des taches assom-
brissaient ses pommettes, et le blanc de son
grand oeil chevalin s’injectait d’un peu de
sang (Martin du Gard). Ses lèvres frémis-
saient finement (Duhamel). ‖ 4. Fig. Être
profondément troublé, bouleversé par un
sentiment très fort, une vive émotion : Qui
ne frémirait en voyant ce religieux qui vécut
d’une manière si sainte douter encore de
son salut à l’approche du passage terrible ?
(Chateaubriand). Votre colère me fait frémir
(Musset). ‖ Frémir de (et un nom ou un
infinitif), éprouver une émotion violente
sous l’effet de ou à l’idée de : Frémir de
joie, d’indignation. Frémir d’horreur. Il
frémissait encore d’avoir risqué son bon-
heur (Daudet).

• SYN. : 1 frissonner, vibrer ; 3 grelotter,


palpiter.

frémissant, e [fremisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de frémir ; 1480, Dict. général, au sens
de « retentissant » ; sens 1, 1826, V. Hugo ;
sens 2, 1685, Bossuet ; sens 3, 1904,
P. Bourget). 1. Qui tremble (rare) : On gra-
vit, charge aux reins, la frémissante échelle

(Hugo). ‖ 2. Troublé par l’émotion : Alors


ce fut une pluie de polissonneries à double
sens qui faisaient un peu rougir la mariée,
toute frémissante d’attente (Maupassant).
Alissa m’aperçut, courut à moi, frémissante
(Gide). ‖ 3. Qui est prompt à s’émouvoir :
Une sensibilité frémissante.

• SYN. : 1 oscillant, vacillant ; 2 frissonnant,


palpitant, tremblant.

frémissement [fremismɑ̃] n. m. (de fré-


mir ; v. 1120, Psautier de Cambridge, au
sens 1 ; sens 2, 1674, Racine ; sens 3, 1802,
Chateaubriand [« frisson et bruit léger de
l’eau qui va bouillir », 1690, Furetière] ;
sens 4, 1636, Monet). 1. Class. Agitation
bruyante : D’un ciment éternel ton Église est
bâtie, | Et jamais de l’enfer les noirs frémis-
sements | N’en sauraient ébranler les fermes
fondements (Boileau). ‖ 2. Mouvement,
tremblement de ce qui frémit : Ses mains
tremblaient un peu d’un frémissement
nerveux (Maupassant). Ce frémissement
du cheval de pur sang, stupéfait d’abord,
puis fou que son cavalier ait osé le frap-
per (Montherlant). Transmis par la terre,
le frémissement des machines de l’impri-
merie, régulier, maîtrisé comme celui d’un
moteur de navire, les pénétrait des pieds à
la tête (Malraux). ‖ 3. Bruissement léger
de ce qui frémit : La cascade tonne, | D’un
souffle souterrain, continu, monotone, |
Tout semblable de loin aux frémissements
sourds | De la corde d’un arc qui vibrerait
toujours (Lamartine). Aucun bruit dans la
forêt que le frémissement léger de la neige
tombant sur les arbres (Maupassant).
‖ Spécialem. Frisson et bruit léger de l’eau
qui va bouillir : Le frémissement du samo-
var (Theuriet). ‖ 4. Fig. Émotion, accom-
pagnée souvent d’un certain tremblement
physique : Un frémissement d’impatience,
de rage. Je sentis un frémissement d’amour
que je n’avais jamais éprouvé (Rousseau).
La chaleur et le frémissement de son corps...
(Gide).

• SYN. : 1 frisson, vibration ; 2 bruissement,


chuchotement, chuchotis, murmure.

frênaie [frɛnɛ] n. f. (lat. pop. *fraxineta,


de fraxinus, frêne ; 1280, Godefroy, écrit
fragnee ; fresnaie [d’après fresne, forme
anc. de frêne], 1600, O. de Serres ; frênaie,
XVIIe s.). Lieu planté de frênes.

frénateur, trice [frenatoer, -tris] adj.


(lat. frenator, guide, conducteur, et, au fig.,
« modérateur », de frenatum, supin de fre-
nare, mettre un mors, brider, modérer, rete-
nir, dér. de frenum [v. FREIN] ; 10 avr. 1875,
le Progrès médical). Qui modère l’action de
certains organes : Nerfs frénateurs du coeur.

frénation [frenasjɔ̃] n. f. (bas lat. frena-


tio, -tionis, action de modérer, du lat. class.
frenatum [v. l’art. précéd.], ou dér. franç. de
freiner ; 1961, Galli et Leluc). En médecine,
dans la thérapeutique hormonale, action
de ralentir les sécrétions.

• REM. On écrit aussi FREINATION.

frêne [frɛn] n. m. (lat. fraxinus, frêne ;


1080, Chanson de Roland, écrit fraisne ;
freisne, fin du XIIe s., Marie de France ;
fresne, 1501, G. Cohen ; frêne, XVIIe s.).
Arbre des forêts tempérées, à bois clair,
souple et résistant : Une infusion de feuilles
de frêne. ‖ Bois fourni par cet arbre : Des
montants d’échelle en frêne.

frénésie [frenezi] n. f. (lat. médic. du


Moyen Âge phrenesia, du lat. class. phre-
nesis, délire frénétique, gr. phrenesis, var.
rare de phrenitis, folie, démence, dér. de
phrên, coeur, âme, proprem. « diaphragme »
[cet organe étant parfois considéré comme
le siège de la pensée] ; début du XIIIe s., au
sens 1 ; sens 2, 1544, M. Scève ; sens 3, 1580,
Montaigne [« caractère violent que peuvent
prendre certaines choses », 1873, Banville]).
1. Class. et littér. Délire violent provoqué
par certaines affections cérébrales aiguës ;
espèce de folie furieuse : [Justin] se troubla
de tant de pertes jusqu’à tomber en fréné-
sie. Sa femme Sophie soutint l’empire. Le
malheureux prince revint trop tard à son
bon sens (Bossuet). La vraie frénésie est
engendrée au cerveau par son propre vice et
inflammation de ses membranes (Furetière,
1690). Cette idée seule me fait entrer en
phrénésie [sic] (Flaubert). La frénésie reli-
gieuse [...], le délire donneraient-ils plus de
grâce aux possédés des collines de Grèce
qu’à ces pauvres gens [...] qui s’abandonnent
au vertige ? (Tharaud). ‖ 2. Class. et littér.
État d’exaltation violente, d’égarement,
qui mène aux pires excès : Mais depuis le
moment que cette frénésie [le désir d’être
poète] | De ses noires vapeurs troubla ma
fantaisie (Boileau). Il déteste les manifesta-
tions violentes, les bousculades, les meetings
[...]. C’est la frénésie qui s’en dégage qui lui
déplaît (Romains). ‖ 3. Degré de violence
extrême auquel peut atteindre un senti-
ment, une passion : Il soigna les malades
avec frénésie et mourut (Renan). Il apportait
à son plaisir une espèce de frénésie (Gide).
Jamais auberge silencieuse n’abrita une plus
vive frénésie de jeu (Colette). Il était pris de
frénésie pour ce qu’il appelait les problèmes
de la technique pure (Duhamel). ‖ Littér.
Caractère violent que peuvent prendre cer-
taines choses : De beaux fruits merveilleux,
sanglants et rougissants, | Où rayonnait
la pourpre avec sa frénésie (Banville). Une
frénésie de couleurs, de sons.

• SYN. : 3 acharnement, ardeur, déchaî-


nement, emportement, exaltation, folie,
fureur, ivresse, passion, rage, véhémence.

frénétique [frenetik] adj. et n. (lat.


phreneticus, gr. phrenitikos, qui a le
délire, furieux, de phrenitis [v. FRÉNÉSIE] ;
fin du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire,
écrit frenetike ; frénétique, v. 1283, Beau-
manoir). Class. et littér. Qui est atteint de
folie furieuse : Raisonnez avec un frénétique
et contre un homme qu’une fièvre ardente
fait extravaguer ; vous ne faites que l’irri-
ter et rendre le mal irrémédiable (Bossuet).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2030

Tout cela était dit [.] d’un ton de frénétique


(Mérimée).
& adj. (sens 1, 1764, Voltaire [ « d’une
rapidité, d’un rythme endiablé », début
du XXe s.] ; sens 2, 1544, M. Scève ; sens 3,
XXe s.). 1. Qui est poussé jusqu’à la frénésie ;
qui atteint un degré extrême de violence,
d’exaltation : Sûrs amis, compagnons des
batailles épiques, | Joyeux du bruit des coups
et des cris frénétiques (Leconte de Lisle).
L’auditoire éclatait en applaudissements fré-
nétiques (Fromentin). Le goût frénétique de
l’homme pour toutes les substances, saines
ou dangereuses, qui exaltent sa personna-
lité témoigne de sa grandeur (Baudelaire).
‖ Spécialem. D’une rapidité, d’un rythme
endiablé : Un homme [...] semble [...] dan-
ser sur place, à la manière frénétique de
certains danseurs orientaux (Romains).
‖ 2. Littér. Se dit d’une personne qui se
livre avec passion, avec impétuosité à
quelque activité : C’était, avant tout, un
chasseur frénétique (Maupassant). ‖ 3. Se
dit d’un genre littéraire, d’une école (Ch.
Nodier, petits romantiques) qui préten-
daient exprimer toutes les puissances
de l’homme, librement exaltées hors du
contrôle de la raison et des lois morales ou
sociales : La littérature frénétique trouve
un de ses modèles dans « les Chants de
Maldoror » de Lautréamont.

• SYN. : 1 déchaîné, exalté, hystérique, véhé-


ment, violent ; 2 acharné, effréné, endiablé
(fam.), enragé (fam.), enthousiaste, forcené,
fougueux, impétueux.

frénétiquement [frenetikmɑ̃] adv. (de


frénétique ; 1872, Larousse). Avec une vio-
lence, une passion qui touche à la frénésie :
Applaudir frénétiquement. Tandis que la
pointe des souliers bat frénétiquement le
plancher... (Huysmans). Le marquis de
Gesvres aimait frénétiquement la dépense ;
c’était un besoin continu, une fringale
(Gide). Des bras tendus agitaient frénéti-
quement des chapeaux, des mouchoirs, des
journaux, des cannes (Martin du Gard).

frénétisme [frenetism] n. m. (de fréné-


tique ; 1888, A. Daudet). État de frénésie ;
haut degré d’exaltation, de surexcitation :
Dans ce frénétisme de vivats, de bravos, la
fillette volte, bondit, dissimule si harmo-
nieusement le travail musculaire de tout
son corps que sa danse paraîtrait facile [...]
sans les quelques points de sueur sur la chair
gracile et pleine du décolletage et le sourire
en coin des lèvres (Daudet).

frénette [frenɛt] n. f. (de frêne ; 1930,


Larousse). Boisson fermentée préparée
avec des feuilles de frêne : Ma mère nous
avait appris à faire des boissons de tout.
Oh ! pas seulement de la frénette, mais des
boissons délicieuses avec toutes sortes de
plantes (Duhamel).

fréquemment [frekamɑ̃] adv. (de fré-


quent ; fin du XIVe s., J. Le Fèvre, écrit
frequanment ; fréquemment, XVIIe s.). De

façon fréquente : Je n’entends point ces lan-


gues, encore que je les reconnaisse à cer-
tains sons qui y reviennent fréquemment
(France).

• SYN. : constamment, maintes fois, sou-


vent. — CONTR. : exceptionnellement, par-
fois, rarement.

fréquence [frekɑ̃s] n. f. (lat. frequentia,


concours, affluence, foule, grand nombre,
abondance, fréquence, de frequens, -entis
[v. FRÉQUENT] ; v. 1190, Sermons de saint
Bernard, au sens de « grande compa-
gnie, société, affluence » ; sens 1, 1587,
F. de La Noue [fréquence du pouls, 1704,
d’après Trévoux, 1752] ; sens 2, fin du
XVIIe s., Bossuet ; sens 3, 1907, Larousse).
1. Caractère de ce qui arrive souvent ; répé-
tition d’une action, d’un fait, à des inter-
valles rapprochés : Cette fréquence de repas
étonnait son sobre estomac (Gautier). Mais,
comme la chirurgie a [...] grandi presque
démesurément en puissance, en hardiesse,
en moyens et en résultats, la fréquence et la
sûreté de son intervention ont [...] modifié
le sentiment public à son égard (Valéry).
‖ Fréquence du pouls, rapidité anormale
du rythme cardiaque. ‖ 2. Nombre de fois
qu’un phénomène est observé dans un
ensemble ou dans un temps donné : Étudier
la fréquence de l’emploi du verbe « être »
dans une oeuvre littéraire. On constate
une augmentation de la fréquence de la
mortalité due aux affections cardiaques.
Les coups redoublèrent bientôt de force et
de fréquence (France). ‖ 3. Nombre de
périodes par seconde d’un phénomène
périodique : L’unité de fréquence est le
hertz. ‖ Dans les courants alternatifs,
inverse de la durée de la période : Haute,
moyenne, basse fréquence. ‖ Fréquence
d’un son, nombre de vibrations sonores
par unité de temps : La hauteur d’un son
dépend de la fréquence des vibrations
sonores. La fréquence du « la » du diapa-
son est fixée à 435 vibrations par seconde.
‖ Spécialem. Haute fréquence, application
des courants alternatifs de haute fréquence
à la thérapeutique de certaines affections
(rhumatismes, séquelles de traumatismes,
etc.). [Syn. DIATHERMIE.] ‖ Modulation de
fréquence, v. MODULATION.

• SYN. : 1 multiplicité, réitération, renouvel-


lement, reproduction ; 2 nombre, répétition.

fréquencemètre [frekɑ̃smɛtr] n. m. (de


fréquence et de -mètre, gr. metron, mesure ;
1907, Larousse). Appareil servant à mesurer
la fréquence d’un courant alternatif.

fréquent, e [frekɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. frequens,


-entis, nombreux, peuplé, fréquenté, assidu,
répété, multiplié, ordinaire, commun ; fin
du XIVe s., E. Des-champs, au sens de « fré-
quenté » ; sens 1, début du XVIe s., Sainéan,
la Langue de Rabelais ; sens 2, 1694, Acad.).
1. Qui revient, se reproduit souvent : Les
exemples de cette espèce de claustration au
sein des villes étaient en vérité fréquents

(Hugo). Quelques mots d’un usage très fré-


quent (Mérimée). Les fruits encore verts
que les fréquents brouillards de mer fai-
saient choir (Gide). ‖ 2. Spécialem. Pouls
fréquent, pouls qui bat à un rythme rapide,
dépassant 80 pulsations par minute.

• SYN. : 1 commun, constant, courant, habi-


tuel, ordinaire, réitéré, répandu, répété ;
2 accéléré, rapide. — CONTR. : 1 accidentel,
espacé, exceptionnel, extraordinaire, inter-
mittent, inusité, rare, sporadique, unique ;
2 lent, régulier.

fréquentable [frekɑ̃tabl] adj. (de fré-


quenter ; av. 1526, J. Marot, au sens de « fré-
quent » ; sens actuel, 1865, Littré). Qu’on
peut fréquenter : Au milieu de gens qui ne
paraissent guère fréquentables (Sarment).
Lieu, société fréquentable.

fréquentatif, ive [frekɑ̃tatif, -iv] adj. et


n. m. (lat. impér. frequentativus, qui marque
la répétition, la fréquence, de frequentatum,
supin de frequentare [v. FRÉQUENTER] ;
1550, Meigret). Se dit d’une forme verbale
ou d’un suffixe qui marque la répétition
d’une action : Les verbes fréquentatifs, en
latin, se reconnaissent au suffixe « -tare ».
« Ailler », « iller », « ouiller » sont des suf-
fixes fréquentatifs, en français, qui donnent
des verbes comme, par exemple, « tirailler »,
« fendiller ».

• SYN. : itératif.

fréquentation [frekɑ̃tasjɔ̃] n. f. (lat.


fréquentation [frekɑ̃tasjɔ̃] n. f. (lat.
frequentatio, récapitulation, de frequen-
tatum, supin de frequentare [v. FRÉQUEN-
TER] ; début du XIVe s., Gilles li Muisis,
au sens de « fréquence » ; sens 1, v. 1361,
Oresme ; sens 2, av. 1922, Proust ; sens 3,
1580, Montaigne). 1. Action de fréquen-
ter : La fréquentation des mauvais lieux. Il
leur fit [Swann] une excellente impression,
dont, à leur insu, sa fréquentation dans la
société élégante était une des causes indi-
rectes (Proust). ‖ 2. Par extens. La personne
elle-même qu’on fréquente (généralement
au plur.) : On savait quelles avaient été les
fréquentations de son père (Proust). Avoir
de mauvaises fréquentations. ‖ 3. Fig. Le
fait d’avoir plus ou moins souvent recours
à : La fréquentation des bons auteurs. La
fréquentation des sacrements.

• SYN. : 1 lien, rapport ; 2 accointances,


attaches, connaissances, entourage, liaison,
relations ; 3 pratique, usage.

fréquenté, e [frekɑ̃te] adj. (part. passé


de fréquenter ; fin du XVe s., O. de Saint-
Gelais, au sens de « pratiqué » [pour une
vertu] ; sens actuel, 1629, Mairet [port fré-
quenté, 1865, Littré]). Où il vient beaucoup
de monde : Les promenades les plus fré-
quentées de toutes à Paris (Nerval). ‖ Port
fréquenté, où il passe beaucoup de navires.
• SYN. : couru, passant, visité.

fréquenter [frekɑ̃te] v. tr. (lat. frequen-


tare, être assidu quelque part, employer
fréquemment, peupler, rassembler en
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2031

foule, célébrer en foule, de frequens, -entis


[v. FRÉQUENT], v. 1190, Sermons de saint
Bernard, au sens de « célébrer, raviver le
souvenir de » ; sens 1, 1679, Bossuet ; sens
2, milieu du XIXe s., Baudelaire ; sens 3,
v. 360, Froissart ; sens 4, 1848, G. Sand ;
sens 5, v. 1530, C. Marot [fréquenter les
sacrements, 1690, Furetière]. 1. Aller sou-
vent dans tel ou tel lieu : Elle n’avait rien
à gagner, sinon son salut, à fréquenter les
églises (Mérimée). Une fois marié, il vécut
deux ou trois ans sur la fortune de sa femme
[...], fréquentant les cafés (Flaubert). Plus
tard, quand il sera riche, il fréquentera peut-
être le pesage (Romains). ‖ 2. Fig. et littér.
En parlant de choses ou de sentiments, se
manifester fréquemment : Tombeaux et
lupanars montrent sous leurs charmilles |
Un lit que le remords n’a jamais fréquenté
(Baudelaire). ‖ 3. Voir souvent quelqu’un,
entretenir avec lui des relations suivies ; et
pronominalem. : Les Vautier et les Bucolin
se fréquentèrent (Gide). ‖ 4. Fam. et dialect.
Avoir des relations sentimentales avec une
personne de l’autre sexe : Fréquenter une
jeune fille en vue du mariage ; et absol. :
Il paraît que le fils Un Tel fréquente déjà.
‖ 5. Fig. Avoir recours souvent à, pra-
tiquer : Fréquenter une oeuvre littéraire.
‖ Fréquenter les sacrements, les recevoir
régulièrement.

• SYN. : 1 visiter, voir ; commercer (littér.),


frayer avec, voisiner (fam.) ; 4 courtiser,
flirter.

& v. intr. (v. 1361, Oresme). Littér.


Fréquenter chez quelqu’un, dans une famille
ou dans un endroit, y aller fréquemment
(vieilli) : Il n’eut de cesse qu’il ne m’eût intro-
duit dans quelques-uns de ces milieux où
Walkenaer fréquentait aussi (Gide). Les
toiles [...] qu’il achetait à la salle des ventes,
où il fréquentait aussi studieusement que
d’autres serviteurs font le champ de courses
(Valéry). Chez la première fréquentaient des
gens que la seconde n’eût jamais voulu invi-
ter, surtout à cause de son mari (Proust).

frère [frɛr] n. m. (lat. frater, fratris,


frère [aussi terme d’amitié], allié, prêtre
d’un même collège, objet qui ressemble
à un autre, et, dans la langue ecclés. de
basse époque, « moine » ; 842, Serments
de Strasbourg, écrit fradre [frere, 1080,
Chanson de Roland], au sens 1 [frère
germain, frères jumeaux, XIIIe s. ; frère
consanguin, XIVe s. ; frère utérin, milieu
du XVe s. ; frères de lait, 1538, R. Estienne ;
frères ennemis, 1487, Garbin] ; sens 2,
XIIe s., Roncevaux [faux frère, 1675, Mme de
Maintenon ; vieux frère, début du XXe s.] ;
sens 3, av. 1453, Monstrelet ; sens 4, début du
XXe s. ; sens 5, milieu du XVe s., J. de Bueil ;
sens 6, 1690, Furetière ; sens 7, fin du XIIIe s.,
Joinville [frères mineurs, v. 1360, Froissart ;
frères prêcheurs, 1606, Crespin ; les frères
des Écoles chrétiennes, 1872, Larousse — les
frères, même sens, fin du XIXe s., A. Daudet ;
les frères musulmans, XXe s.] ; sens 8, 1764,

Brunot ; sens 9, 1872, Larousse ; sens 10,


1678, La Fontaine). 1. Celui qui est né du
même père et de la même mère ou de l’un
des deux seulement : J’avais un frère, que
mon père bénit, parce qu’il voyait en lui son
fils aîné (Chateaubriand). Soyez l’aîné qui
devient la providence de ses frères (Balzac).
‖ Frère germain, celui qui est né du même
père et de la même mère. ‖ Frère consan-
guin, celui qui est né seulement du même
père. ‖ Frère utérin, celui qui est né seule-
ment de la même mère. ‖ Frères jumeaux,
ceux qui sont nés du même accouchement.
‖ Frères de lait, l’enfant de la nourrice et
celui qu’elle a élevé et nourri du même lait.
‖ Frères ennemis, par allusion à Étéocle
et Polynice, hommes d’un même parti
qui ne s’accordent pas. ‖ 2. Par extens.
et fam. Se dit de quelqu’un à qui l’on est
uni par des sentiments quasi fraternels :
Il est un véritable frère pour moi. Tu es un
frère, mon oncle (Bourdet). ‖ Faux frère,
personne hypocrite capable de trahir ses
compagnons, ses amis. ‖ Fam. Vieux
frère, simple terme d’affection par lequel
on s’adresse à quelqu’un : Non, vieux frère,
je t’expliquerai ça plus tard, un jour où tu
seras vacant, franc, délivré (Duhamel).
‖ 3. Frères d’armes, hommes qui com-
battent ou ont combattu côte à côte pour
une même cause. ‖ 4. Pop. Individu quel-
conque : Qu’est-ce qu’il trimbale le frère !
il fait son poids ! (Bourdet). ‖ 5. L’homme
en général par rapport aux autres hommes
et même aux autres êtres de la création en
tant qu’ils sont issus d’un même père : Tous
les hommes ne sont-ils pas frères ? Mon
frère l’homme, il faut se faire une raison
(Hugo). ‖ 6. Spécialem. L’homme considéré
par rapport à ceux qui font partie de la
même grande famille chrétienne : Frères
en Jésus-Christ. ‖ « Mes chers frères »,
formule usitée naguère par un prédica-
teur s’adressant aux fidèles. ‖ Nom que
se donnent des hommes appartenant à une
même société, à une même confrérie, reli-
gieuse ou non : S’ils se parlent, quand ils se
rencontrent, c’est pour se dire seulement :
« Frère, il faut mourir » (Chateaubriand).
‖ 7. Appellation donnée par leur fondateur
aux membres de certaines communautés
religieuses : Les frères mineurs. Les frères
prêcheurs. Les frères missionnaires des cam-
pagnes. ‖ Nom donné aux religieux qui
ne sont pas prêtres. ‖ Les frères des Écoles
chrétiennes, et, ellipt., les frères, congré-
gation qui se consacre à l’éducation des
garçons : Il montrait à Hortense l’étroite
fenêtre d’où la maman Roumestan lui fai-
sait signe quand il revenait de l’école des
frères (Daudet). ‖ Les frères musulmans,
confrérie religieuse arabe. ‖ 8. Nom que
se donnent les francs-maçons et qu’ils écri-
vent : F∴ ; d’où la dénomination populaire :
Frères trois-points. ‖ 9. Les frères de la Côte,
nom que se donnaient aux XVIIe et XVIIIe s.
les flibustiers : Je fis une toilette de frère de
la Côte pour ne pas effaroucher les amis

auxquels j’allais être présenté comme un


marin du midi (Loti). ‖ 10. Fig. S’emploie
pour désigner une chose de genre mascu-
lin qui ressemble beaucoup à une autre ou
qui a un rapport très étroit avec elle : Le
sommeil est frère de la mort. Tous les vices
sont frères.

• SYN. : 1 frangin (fam.).

& adj. (milieu du XXe s.). Dans le vocabu-


laire communiste, qui est inspiré par la
même doctrine, qui appartient au même
système politique : Les partis frères. Les
États frères du camp socialiste.

frérot [frero] n. m. (de frère ; v. 1534,


Bonaventure Des Périers). Fam. Petit frère :
Donne-moi ta main, frérot (Daudet).

fresaie [frəzɛ] n. f. (altér., peut-être


d’après effraie, orfraie [v. ces mots], de
l’anc. mot presaye, effraie [signalé seu-
lement en 1650 par Ménage, comme un
terme poitevin], lat. pop. *praesaga, effraie,
abrév. du lat. class. praesaga avis, oiseau
de mauvais augure, de avis, n. f., oiseau,
et du fém. de l’adj. praesagus, qui prévoit ;
v. 1120, Psautier d’Oxford). Un des noms de
l’effraie, oiseau nocturne : Le jour même (6
novembre) où le thermomètre tomba si bas,
arriva de France comme une fresaie égarée
la première estafette que l’on eût vue depuis
longtemps (Chateaubriand).

fresque [frɛsk] n. f. (empr., avec change-


ment de genre [fém. au lieu de masc.], de
l’ital. fresco, proprem. « frais » [de même
origine que l’adj. franç. frais, v. ce mot],
tiré de la loc. dipingere a fresco, peindre
à frais, peindre sur un enduit frais [où
dipingere vient du lat. depingere, peindre,
v. DÉPEINDRE] ; 1669, Molière, au sens 1
[la loc. ital. avait d’abord été traduite par
peindre à frais, 1596, Vigenère] ; sens 2,
1680, Richelet ; sens 3, 1861, Baudelaire).
1. Procédé qui consiste à peindre avec
des couleurs minérales détrempées dans
de l’eau de chaux sur une muraille fraî-
chement enduite : Peinture à fresque. Il
ne faisait plus que se promener avec son
grand costume, à travers les longues salles
que le roi lui avait données au jardin de la
cour, espèce de Palais-Royal, plus vert et
plus triste que le nôtre, entouré de murs de
cloître peints à fresque (Daudet). Je vous
assure que, chez les Iéna, on ne pense pas un
instant à la manière dont on est assis, quand
on voit devant soi une grande gredine de
Victoire peinte à fresque sur le mur (Proust).
‖ 2. Par extens. La peinture ainsi exécu-
tée : La fresque de « la Danse macabre » à
l’abbaye de La Chaise-Dieu. Le jour s’affai-
blissait ; les ombres envahissaient lentement
les fresques de la chapelle et l’on n’apercevait
plus que quelques grands traits du pinceau
de Michel-Ange (Chateaubriand). ‖ 3. Fig.
Vaste composition littéraire peignant toute
une époque : Les larges fresques de moeurs
de M. Émile Zola (Bourget).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2032

fresquiste [frɛskist] n. et adj. (de fresque ;


1865, Littré). Peintre de fresques : Et il y
aura toujours ce style sur toute l’Espagne,
comme il y a eu les cathédrales sur l’Europe
et comme il y a eu sur tout le style des fres-
quistes révolutionnaires (Malraux).

fressure [frɛsyr] n. f. (bas lat. frixura,


poêle à rôtir, rôtissage [VIe s.], d’où « fres-
sure » [on fait, en effet, parfois des fricassées
avec la fressure], du bas lat. frixare, bien
rôtir, fréquentatif du lat. class. frigere, faire
griller, rôtir ; v. 1220, G. de Coincy, écrit
froisure [fressure, fin du XIIIe s., Joinville]
en parlant des animaux et de l’homme).
Ensemble des gros viscères d’un ani-
mal, coeur, rate, foie et poumons tenant
ensemble : Le plat de fressure qu’Henriette
venait d’apporter (Pérochon). Fressure de
proc, de mouton. ‖ Fig. et fam. S’applique
aussi quelquefois à l’homme : Je me sens
d’appétit à manger de la fressure d’aristo-
crate (France).

fret [frɛt] n. m. (moyen néerl. vrecht, car-


gaison ; XIIIe s., Godefroy, au sens 3 ; sens 1,
1606, Nicot ; sens 2, août 1681, Ordonnance
royale ; sens 4, 1596, Hulsius). 1. Prix du
louage d’un bateau. ‖ 2. Louage d’un
bateau pour transporter des marchan-
dises : Donner, prendre à fret. ‖ 3. Prix du
transport d’une cargaison par air, mer ou
route : Le fret est de tant par tonne. ‖ 4. Par
extens. La cargaison elle-même du navire,
de l’avion : C’était un bateau comme les
autres [...]. Il s’en allait vers les tropiques
avec son fret de cotonnades, d’officiers et
de fonctionnaires (Céline).

frètement [frɛtmɑ̃] n. m. (de fréter ;


frètement [frɛtmɑ̃] n. m. (de fréter ;
début du XVe s.). Action de louer un bateau
à un tiers.

fréter [frete] v. tr. (de fret ; XIIIe s.,


Godefroy, au sens de « équiper [un
navire] » ; sens 1, 1424, Godefroy ; sens
2, 1690, Furetière ; sens 3, fin du XIXe s.,
A. Daudet). [Conj. 5 b.] 1. Donner un
bateau en location (rare) : Fréter un cha-
land à un négociant. ‖ 2. Prendre à fret un
bateau : Avec ma fortune réalisée, je frétai
d’abord un navire (Gide). [On dit plus sou-
vent AFFRÉTER, en ce sens.] ‖ 3. Prendre en
location toute espèce de véhicules : Fréter
une charrette pour aller chercher l’animal
(Daudet).

• SYN. : 2. affréter, noliser ; 3 louer.

fréteur [fretoer] n. m. (de fréter ; 1617,


Crespin, au sens 1 ; sens 2, 1803, Boiste).
1. Celui qui donne un navire en location
(par opposition à l’affréteur, celui qui le
prend en location). ‖ 2. Celui qui se charge
du transport par mer des marchandises.

frétillant, e [fretijɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de frétiller ; fin du XVe s., Martial
d’Auvergne, au sens 2 ; sens 1, 1690,
Furetière). 1. Qui frétille : Des goujons
encore frétillants. ‖ 2. Par extens. et fam.
Vif, remuant : Il montait en pleine séance,

avec quelque chose de frétillant dans ses


reins [...], jusqu’au président de l’assemblée
(Barrès).

• SYN. : 2 fringant, sémillant.

frétillard, e [fretijar, -ard] adj. (de fré-


tiller ; 1556, J. Du Bellay, à propos d’une
patte qui remue vivement ; 1648, Scarron, à
propos d’une lumière vive et tremblotante ;
à propos de poissons, av. 1872, Th. Gautier).
Littér. Qui frétille sans cesse : Effrayant de
mon ombre les petits goujons qui s’agitent,
frétillards et peureux... (Gautier).

frétillement [fretijmɑ̃] n. m. (de frétil-


ler ; v. 1361, Oresme). Action de frétiller ;
mouvement de ce qui frétille : Sentir sur
son vaste pied de trappeur les frétillements
de la petite souris rouge (Daudet).

• REM. On a dit aussi FRÉTILLAGE (fin


du XVIIe s., Saint-Simon) : Le duc de
Richelieu ne fut pas longtemps sans en
revenir aux questions et aux frétillages...
(Saint-Simon).
frétiller [fretije] v. intr. (peut-être de l’anc.
v. froiter, freter, frotter [XIVe s., Tilander],
bas lat. frictare [VIIe s.], de frictum, supin
du lat. class. fricare, frotter [frétiller aurait
donc d’abord signifié « faire des mouve-
ments vifs et répétés comme ceux que l’on
fait en frottant »] ; milieu du XIIe s., au sens
1 ; sens 2, v. 1560, Paré ; sens 3, 1865, Littré).
1. S’agiter, remuer avec des mouvements
vifs et courts : Et le chien, en frétillant de la
queue, ce qui est, je crois, chez ces pauvres
êtres, le signe correspondant du rire et du
sourire, s’approche et pose curieusement
son nez humide sur le flacon débouché
(Baudelaire). Les moineaux frétillaient,
vibratiles, dans la poussière, comme s’ils y
éprouvaient le même plaisir que nous éprou-
vons dans l’eau (Montherlant). ‖ 2. En par-
lant de personnes, manifester un sentiment
par une agitation vive : Ces demoiselles
frétillaient gentiment devant la grande
glace du foyer, sanglant les lacets de leurs
chaussures de danse (Halévy). ‖ 3. Fig. et
fam. Les pieds lui frétillent, la langue lui
frétille, il a une grande impatience de s’en
aller, de parler.

• SYN. : 1 s’ébrouer ; 2 se trémousser.

frétillon [fretijɔ̃] n. m. (de frétiller ;


av. 1493, G. Coquillart). Fam. et vx.
Personne qui ne cesse de s’agiter.

fretin [frətɔ̃] n. m. (de frait, fret, part.


passé de l’anc. v. fraindre [v. ce mot] ; v. 1193,
Hélinant, au sens de « menus débris » ; sens
1, XVIe s. [menu, meilleur fretin, 1606,
Nicot] ; sens 2, 1606, Nicot). 1. Tous les
petits poissons que l’on rejette habituel-
lement à l’eau. ‖ Spécialem. Menu fretin,
morue de petite taille, de dernière qua-
lité. ‖ Meilleur fretin, morue de première
qualité. ‖ 2. Fig. Menu fretin, objets sans
valeur ou personnes négligeables : Toutes
les belles pièces ont été mises en vente ; il
ne reste que le menu fretin. La police n’a pu

mettre la main que sur le menu fretin, les


principaux coupables sont en fuite.

1. frettage [frɛtaʒ] n. m. (de fréter ; 1723,


Savary des Bruslons). Syn. anc. de FRET.

2. frettage [frɛtaʒ] n. m. (de fretter ; 1865,


Littré, au sens 1 ; sens 2, 1890, Dict. géné-
ral). 1. Action de fretter : Le frettage d’un
canon. ‖ 2. Par extens. Ensemble des frettes
entourant une pièce : Un solide frettage.

1. frette [frɛt] n. f. (francique *fetur,


chaîne ; fin du XIIe s., écrit frete [frette,
1690, Furetière], au sens 1 ; sens 2, 1865,
Littré). 1. Cercle de métal dont on entoure
une pièce en bois ou en béton pour l’empê-
cher de se fendre ou de gonfler, ou qui sert
à réunir des pièces juxtaposées : Garnir
d’une frette le moyeu d’une roue, un manche
de marteau. ‖ 2. Spécialem. Armature en
acier placée autour du tube d’une bouche
à feu et qui sert à le renforcer.

2. frette [frɛt] n. f. (fém. substantivé de


frait, fret, part. passé de l’anc. v. fraindre [v.
ce mot] ; 1360, Godefroy, écrit frete [frette,
1690, Furetière], au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse). 1. En héraldique, meuble fait
de six cotices entrelacées, moitié dans le
sens de la bande, moitié dans le sens de la
barre. ‖ 2. En architecture, demi-baguette,
ronde ou plate, disposée en lignes brisées
sur une moulure plate.

fretté, e [frɛte] adj. (de frette 2 ; v. 1160,


Roman de Tristan, écrit freté ; fretté, 1690,
Furetière). En héraldique, se dit d’une pièce
chargée de cotices en bandes et de traverses
entrecroisées : Croix d’argent frettée d’azur.

fretter [frɛte] v. tr. (de frette 1 ; XIIe s.,


Partenopeus de Blois, écrit freter ; fretter,
1694, Th. Corneille). Garnir d’une frette,
d’une virole : Fretter un mât. Fretter un
poteau en béton armé.

freudien, enne [frødjɛ̃, -ɛn] adj. (de


Freud, n. d’un célèbre psychiatre autrichien
[1856-1939] ; 1930, Larousse). Qui a rapport
au freudisme : Il n’est pas jusqu’à l’adoption
du pas de l’oie, par exemple, qui n’évoque
certaines formes du mimétisme freudien
(Bernanos).

freudisme [frødism] n. m. (de Freud [v.


l’art. précéd.] ; 1930, Larousse). Ensemble de
la doctrine de Sigmund Freud, dont l’aspect
le plus connu concerne la structure du psy-
chisme, la genèse des maladies mentales
et la psychanalyse, mais qui a aussi pour
objet la culture et la religion.

freux [frø] n. m. (francique *hrôk, cor-


neille des blés ; début du XIIIe s., écrit fros ;
v. 1280, Bibbesworth, écrit fru ; freux, 1493,
Calendrier des bergers). Espèce de corneille
semblable à la corneille noire, mais dont la
base du bec est dénudée chez les adultes :
Les yeux couleur de hanneton, aux scléro-
tiques presque invisibles, rappelaient les
yeux des freux (Rosny aîné).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2033

friabilité [frijabilite] n. f. (de friable ;


1641, E. de Clave). Caractère de ce qui est
friable, de ce qui se détériore facilement :
La friabilité de la craie. Cette friabilité de
l’oeuvre peinte, comparée avec la solidité de
l’oeuvre imprimée, était un de ses thèmes
habituels de conversation (Baudelaire).

friable [frijabl] adj. (lat. friabilis, friable,


de friare, concasser, broyer ; 1539, J.
Canappe). Qui se réduit facilement en
poudre, en poussière : Des champs de
cailloux crayeux et friables où le soleil
allume d’aveuglants incendies (Camus).

friand, e [frijɑ̃, -ɑ̃d] adj. (var. orthogr.


de friant, anc. part. prés. de frire ; XIIIe s.,
Recueil des fabliaux, écrit friant [friand,
XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1665, La Fontaine ;
sens 3, XIIIe s., Roman de Renart ; sens 4,
v. 1265, J. de Meung). 1. Class. Alléchant par
sa délicatesse : Il se réjouissait à l’odeur de la
viande | Mise en menus morceaux, et qu’il
croyait friande (La Fontaine). ‖ 2. Class. et
littér. Se dit d’une personne appétissante,
et, spécialem., d’une femme : Ayant trouvé
telle de nos Rémoises | Friande assez pour la
bouche d’un roi (La Fontaine). Une aimable
personne un peu boulotte, friande à point
et ronde de partout (Daudet). ‖ 3. Se dit de
quelqu’un qui aime particulièrement cer-
tains aliments : Être très friand de gâteaux.
‖ 4. Qui a un goût prononcé pour certaines
choses qu’il recherche avidement : Des gens
non seulement friands des événements de
la vie parisienne, mais aussi qui cherchent
à s’instruire (Proust). Friand de louanges.
Friand de musique.

• SYN. : 3 gourmand ; 4 amateur, amoureux,


avide, entiché, fanatique, fou.

& friand n. m. (sens 1-2, début du XXe s.).


1. Sorte de petit pâté de charcuterie, fait
de pâte feuilletée, garnie d’un hachis de
viande, de champignons, etc. ‖ 2. Gâteau
feuilleté fourré de pâte d’amandes.

friandise [frijɑ̃diz] n. f. (de friand ; XIVe s.,


au sens 1 ; sens 2, 1541, Calvin [friandises,
« sucreries », 1636, Monet] ; sens 3, 1837,
Balzac). 1. Class. Caractère de celui qui est
friand de quelque chose ; goût raffiné (au
pr. et au fig.) : Ce serait une chose plaisante
à mettre sur le théâtre que [...] leur frian-
dise de louanges [des auteurs] (Molière).
‖ 2. Par extens. Chose délicate à manger,
et, spécialem., gâteaux, sucreries : Comme
une vieille fille rapporte une friandise à son
chien (Balzac). Elle reparut tous les jours, les
poches pleines de friandises (Maupassant).
Sur un guéridon, près du feu, étaient posées
des friandises (Gide). ‖ 3. Fig. Régal pour
l’esprit : Avec une verve incroyable et semée
d’anecdotes sur les gens célèbres, véritables
friandises de conversation (Balzac).

• SYN. : 2 douceur, gâterie ; 3 délectation,


délice, plaisir.

fric [frik] n. m. (abrév. de fricot ; 1879,


G. Esnault). Pop. Argent : Monsieur a perdu
la foi en perdant son fric (Tr. Bernard).

fricandeau [frikɑ̃do] n. m. (de fricasser


[-asser ayant, à tort, été considéré comme
un suff., et fric- comme un radical] ; 1552,
Rabelais [« darne ou filet de poisson », 1865,
Littré]). Tranche de veau prise dans la noix,
piquée de lard fin et braisée ou poêlée : Un
fricandeau de veau à l’oseille. ‖ Par extens.
Darne ou filet de poisson.

fricassée [frikase] n. f. (part. passé fém.


substantivé de fricasser ; fin du XIVe s.,
Taillevent, écrit friquassée [fricassée,
XVIe s.], au sens 1 [« ragoût de pommes
de terre au lard », « omelette au lard »,
XXe s.] ; sens 2, 1808, d’Hautel [« chanson
utilisant des fragments d’autres chansons »,
XXe s.] ; sens 3, 1580, Montaigne ; sens 4,
1922, Larousse). 1. Vx. Viande coupée
en morceaux et cuite dans une sauce : Il
y avait dessus quatre aloyaux, six fricas-
sées de poulet (Flaubert). ‖ Dialect. Dans
le Nord, ragoût de pommes de terre au
lard. ‖ En Belgique, omelette au lard.
‖ 2. Autref. Danse à figures irrégulières.
‖ Chanson utilisant des fragments d’autres
chansons. ‖ 3. Fig. et vx. Mélange confus
de choses diverses : Toute cette fricassée que
je barbouille n’est qu’un registre des essais
de ma vie (Montaigne). ‖ 4. Fam. Fricassée
de museaux, embrassade.

fricasser [frikase] v. tr. (probablem. de


fri[re] et de casser ; v. 1460, Villon, au sens
1 [fricasser des oeufs, 1690, Furetière] ;
sens 2, 1636, Monet). 1. Vx. Faire cuire
dans une sauce des morceaux de viande
ou des légumes coupés en morceaux : On
nous servit un vieux coq fricassé avec du
riz (Mérimée). ‖ Fricasser des oeufs, dans
le Nord et en Belgique, faire cuire des oeufs
en omelette. ‖ 2. Fig. et vx. Dépenser à tort
et à travers, gaspiller : Mon émerveillement
dure toujours [...] qu’il [le fils de Samuel]
ait trouvé le secret de fricasser huit millions
obscurément et sans plaisir (Voltaire). Votre
mari, Madame, a déjà fricassé les écono-
mies du vieux lieutenant général (Balzac).
• SYN. : 1 mijoter, mitonner.

fricasseur, euse [frikasoer, -øz] n. (de


fricasser ; début du XVIe s., Gringore, au sens
2 ; sens 1, av. 1646, Maynard). 1. Celui, celle
qui fricasse (rare) : Un habile fricasseur
de poulets. ‖ 2. Péjor. Mauvais cuisinier.

fricatif, ive [frikatif, -iv] adj. (dér. savant


du lat. fricatum, supin de fricare, frotter ;
1877, Littré). Consonne fricative, ou frica-
tive, n. f., consonne dont la prononciation
se caractérise par un frottement de l’air
expiré contre les lèvres et les dents : Les
consonnes [f], [v], [s], [z], [ʃ], [ʒ] sont des
fricatives.

fric frac [frikfrak] onomatop. (avec alter-


nance vocalique [cf. flic flac, etc.] ; 1669,
Widerhold). Vx. Imite le bruit de quelque
chose qui se déchire.

& fric-frac n. m. invar. (1837, Vidocq). Pop.


Cambriolage : Ma combine, c’est un fric-frac
chez l’ patron à Marcel (Bourdet).

friche [friʃ] n. f. (moyen néerl. versch [pro-


prem. « frais »], souvent employé avec le
substantif lant, « terre », pour désigner le
terrain qu’on avait gagné sur la mer en l’en-
diguant ; 1251, ToblerLommatzsch, au sens
2 [au pr. ; au fig., v. 1460, Villon] ; sens 1,
1373, Gace de la Bigne [var. fresche, v. 1280,
Bibbesworth, et freche, 1287, Godefroy]).
1. Vx. Terrain qui n’a jamais été cultivé
ou qui est abandonné : Près d’un siècle, au
soleil, sans en être plus riche, | Il a poussé
le coutre au travers de la friche (Heredia).
‖ 2. En friche, qui n’est pas cultivé (au
pr. et au fig.) : Ils achetèrent des terres en
friche au bord du Tage (Chateaubriand).
Un savoir assez solide mais interrompu, à
travers de grands espaces restés en friche
(Sainte-Beuve).

frichti [friʃti] n. m. (alsacien fristick, déjeu-


ner [allem. Frühstück] ; 1855, G. Esnault,
au sens de « repas d’extra », et 1865, au
sens actuel). Pop. Mets que l’on prépare,
repas : Tu ne ferais pas mieux de préparer
ton frichti, gros cossard ? (Dorgelès). C’était
lui qui agitait le plumeau, coupait le bois,
allumait le feu, chauffait son frichti, car il
s’était fait tellement exécrer que personne ne
voulait plus le servir (Montherlant).

fricot [friko] n. m. (de fric[asser] ; 1767,


G. Esnault, au sens de « bombance » ; 1842,
E. Sue, au sens de « besogne » ; sens 1, 1872,
Larousse ; sens 2, av. 1850, Balzac). 1. Pop.
Viande fricassée : C’est à peine si nous
avions du pain chez nous tous les jours et
du fricot les dimanches (Daudet). Elle en
arrivait même à l’aimer et à lui donner de
sa main de temps en temps des bouchées de
pain trempées dans la sauce de son fricot
(Maupassant). À dix heures du matin et à
quatre heures de l’après-midi, M. Birault
casse la croûte. Il fait alors cuire de petits
fricots à lui (Duhamel). ‖ 2. Par extens.
et pop. Nourriture en général : Je mange
mieux avec ce que me cuisine Mme Cibot
que les gens qui mangent le fricot du roi
(Balzac). All’ aura quinze francs par mois
et l’ fricot (Maupassant). Puis il tournait un
oeil curieux vers le fricot de tout le monde
(Duhamel).

• SYN. : 1 fricassée, ragoût ; 2 mets, pitance


(fam.), repas.

fricotage [frikɔtaʒ] n. m. (de fricoter ;


1883, G. Esnault, au sens de « emploi
tranquille », et 1895, au sens actuel). Fam.
Action de fricoter ; trafic malhonnête :
Tous ces fricotages finiront mal.

fricoter [frikɔte] v. tr. (de fricot ; 1842,


E. Sue, au sens 3 ; sens 1, 1872, Larousse ;
sens 2, 1868, G. Esnault). 1. Faire cuire, pré-
parer : Palizzi fricote un gigot à la juive
(Goncourt). En attendant, tout ce monde-
là fricote de bons dîners (Daudet). Mais la
nuit, il se relève, et met sens dessus dessous
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2034

la cuisine pour se fricoter on ne sait quoi


(Gide). Le repas que l’on pouvait fricoter à
la diable (Lecomte). Deux vieilles demoi-
selles retraitées [...] me fricotaient mes repas
(Martin du Gard). ‖ 2. Fig. et fam. Préparer
secrètement quelque chose ; manigancer :
Toute la sainte journée, tu cours dans la
plaine, à quoi fricoter ? je te le demande
(Pol Neveux). ‖ 3. Vx. Dépenser en bom-
bances, en plaisirs ; gaspiller : Si, au lieu
d’enrayer M. de Saint-André, je le poussais
à fricoter tout son avoir (Theuriet).
• SYN. : 1 cuisiner, mijoter, mitonner ; 2
fabriquer (fam.), tramer.

& v. intr. (1767, G. Esnault, au sens de « faire


bombance » ; sens 1, 1825, Scribe ; sens 2,
1866, Delvau ; sens 3, début du XXe s.).
1. Faire la cuisine : Elle qui fricote, qui
dirige le ménage (Vallès). ‖ 2. Fig. et fam. Se
procurer des gains illicites par des moyens,
des manoeuvres plus ou moins louches : Je
ne sais trop dans quoi il fricote. ‖ 3. Pop.
En parlant d’un homme et d’une femme,
avoir des relations galantes.

• SYN. : 1 cuisiner ; 2 trafiquer, tripatouiller


(fam.), tripoter (pop.).

fricoteur, euse [frikɔtoer, -øz] n. (de fri-


coter ; 1812, G. Esnault, au sens 2 [« soldat
pillard » ; « simulateur », 1882, G. Esnault] ;
sens 1, 1825, Scribe ; sens 3, 1843, G. Esnault
[au fém. ; au masc., 1845, Bescherelle]).
1. Vx. Personne qui fait du fricot, qui fait
la cuisine : Il est vrai qu’un cuisinier dans
une maison où l’on a tous les matins la table
mise pour trente personnes, plus le couvert
de Madame, tout cela se nourrissant de fin
et de surfin, n’est pas un fricoteur ordinaire
(Daudet). ‖ 2. Arg. mil. Mauvais soldat qui
cherche à se dérober à la discipline : Nous
avons assez de traîne-la-patte et de frico-
teurs (Zola). ‖ 3. Fam. Celui qui cherche
des gains illicites dans des opérations plus
ou moins louches : Vouant à la réprobation
des honnêtes gens les fricoteurs (Pérochon).
Ma maison est pleine de raseurs, de frico-
teurs et de resquilleurs (Duhamel).

• SYN. : 2 resquilleur, tire-au-flanc (fam.) ;


3 aigrefin.

fricotis [frikɔti] n. m. (de fricoter ; 1869,


A. Daudet). Repas (rare) : Nous venons de
faire un léger fricotis chez Philippe (Daudet).

friction [friksjɔ̃] n. f. (lat. médic. frictio,


action de frotter, friction, de frictum, supin
de fricare, frotter ; 1538, J. Canappe, au sens
1 [chez les coiffeurs, 1872, Larousse] ; sens 2,
1752, Trévoux ; sens 3, XXe s.). 1. Frottement
qu’on opère sur quelque partie du corps, à
sec ou autrement : Une friction au gant de
crin. ‖ Par anal. Chez les coiffeurs, net-
toyage du cuir chevelu avec une lotion aro-
matique : Une friction à l’eau de Cologne.
‖ 2. Résistance que deux surfaces en
contact présentent à un mouvement relatif
de l’une par rapport à l’autre : Les phéno-
mènes de friction sont surtout utilisés dans
les embrayages. ‖ 3. Fig. Désaccord, heurt

résultant d’une opposition : Il n’y a aucun


sujet de friction entre les deux familles.

• SYN. : 2 frottement ; 3 accrochage (fam.),


attrapage (fam.), frottement, tension.

frictionnel, elle [friksjɔnɛl] adj. (de


friction ; 1962, Larousse, aux sens 1-2).
1. Chômage frictionnel, chômage résultant
de la résiliation d’un contrat de travail.
‖ 2. Se dit de la dégradation de l’énergie
mécanique d’un fluide lors de son écoule-
ment dans un conduit : Perte frictionnelle.

frictionner [friksjɔne] v. tr. (de friction ;


1782, Histoire de la Société royale de méde-
cine, au sens 1 [« frotter la tête de quelqu’un
après la coupe des cheveux », 1890, Dict.
général] ; sens 2, XXe s.). 1. Soumettre à une
friction une personne, une partie de cette
personne : Mais vous êtes trempé ! [...] Il
faut vous frictionner à l’alcool (Mauriac).
‖ Spécialem. Frotter le cuir chevelu avec
une lotion, généralement après une coupe
de cheveux : Ponceau eut les cheveux cou-
pés, la tête frictionnée (Duhamel). ‖ 2. Fig.
et fam. Frictionner la tête à quelqu’un, le
réprimander énergiquement.

• SYN. : 1 frotter, masser.

fridolin [fridɔlɛ̃] n. m. (prénom allem. ;


1917, G. Esnault). Pop. Surnom donné aux
Allemands surtout en 1939-1944 : Les fri-
dolins raffolent des ex-hommes de gauche
(Vailland).

• SYN. : frisé (pop.), fritz (pop.).

frigard [frigar] n. m. (origine obscure


[Littré affirme, sans aucune preuve, que
le mot vient de Frigard, n. pr. d’un épicier
parisien qui, le premier, aurait vendu-ce
genre de hareng] ; 1764, d’après Val-mont
de Bomare, 1768). Hareng demi-cuit et
mariné.

Frigidaire [friʒidɛr] n. m. (du lat. frigi-


darium [v. l’art. suiv.] ; 1922, Larousse, au
sens 1 ; sens 2, 1956, A. Camus). 1. Nom
déposé d’une marque de réfrigérateurs : Il
doit y avoir un bout de viande froide dans
le frigidaire (Bernstein). Elle a préparé,
avec une boîte de jus de fruits, une sorte
de sorbet qu’elle entend faire glacer dans
le frigidaire d’une voisine complaisante
(Duhamel). La marque Frigidaire, laquelle
s’est faite nom commun, en s’adjoignant en
français un « e » muet terminal, pour se
conformer au génie de la langue : et tant
pis si les censeurs voudraient qu’on dise
réfrigérateur ! (Aragon). ‖ 2. Fam. Mettre
au frigidaire, laisser de côté en attendant
le moment opportun : Mettre une réforme
au frigidaire.

frigidarium [friʒidarjɔm] n. m. (mot


lat. signif. « glacière, chambre froide »,
de frigidus [v. FROID] ; milieu du XIXe s.
[frigidaire, forme francisée, 1636, Monet]).
Partie des thermes romains où l’on prenait
les bains froids.

frigide [friʒid] adj. (lat. frigidus, froid, lan-


guissant, qui laisse indifférent [v. FROID] ;
av. 1848, Chateaubriand, aux sens 1-3).
1. Vx. et littér. Froid : Il naturalisa mes
fleurs sauvages de l’Amérique dans ses
divers jardins français, et mit refroidir mon
vin un peu chaud dans l’eau frigide de sa
claire fontaine (Chateaubriand). ‖ 2. Fig.
Qui n’est pas accessible à l’émotion ou qui
ne traduit pas l’émotion : Un abord frigide.
Il tirait son énergie de ses vices ; ces vices ne
naissaient pas d’un tempérament frigide,
ils portaient sur des passions profondes,
brûlantes, orageuses (Chateaubriand).
‖ 3. Spécialem. Qui n’est pas porté aux
plaisirs de l’amour : Une femme frigide.
Autrefois, les femmes atteintes d’incubat
avaient les chairs frigides, même au mois
d’août (Huysmans).

frigidement [friʒidmɑ̃] adv. (de frigide ;


1855, Goncourt). Vx. Froidement : Tout ce
cliquetis de tons frigidement papillotants
(Goncourt).

frigidité [friʒidite] n. f. (bas lat. frigiditas,


froidure, froid, de frigidus [v. FROID] ; 1330,
Godefroy, au sens 1 [« état de ce qui est
froid » ; « qualité de ce qui donne la sensa-
tion du froid », 1835, Acad. — mot rare aux
XVIIe et XVIIIe s.] ; sens 2, 1845, Bescherelle
[« impuissance sexuelle de l’homme », 1752,
Trévoux]). 1. Littér. Qualité de ce qui est
froid, donne la sensation du froid : Les
engourdissantes frigidités de l’hiver (Barbey
d’Aurevilly). ‖ 2. Spécialem. Incapacité
d’éprouver le désir sexuel, notamment
chez la femme.

frigo [frigo] n. m. (abrév. de [viande]


frigo[rifiée] ; 1922, Larousse). Pop. Viande
frigorifiée : Les grandes oreilles du môme,
rouges comme deux tranches de frigo
(Dorgelès).
& adj. (de frigo[rifique] ; 1919, Dauzat). Pop.
Froid : Il fait frigo. ‖ Être frigo, avoir froid.

frigo(ri)- [frigɔ(ri)], élément tiré du latin


frigus, frigoris, froid, froidure, et entrant
dans la composition de quelques mots.

frigoluminescence [frigɔlyminesɑ̃s]
n. f. (de frigo- et de luminescence ; 1944,
R. Simonet). En termes de physique, émis-
sion de lumière froide par certains corps,
quand on les refroidit à la température de
l’air liquide.

frigorie [frigɔri] n. f. (du lat. frigus, fri-


goris, froid, froidure, d’après calorie ; fin
du XIXe s.). Dans l’industrie frigorifique,
unité (symb. : fg) permettant d’évaluer les
quantités de chaleur enlevées, et équivalant
à une kilocalorie négative.

frigorifié, e [frigɔrifje] adj. (part. passé


de frigorifier ; début du XXe s., aux sens 1-2).
1. Conservé par le froid : Des viandes frigo-
rifiées. ‖ 2. Fam. Qui a très froid : Henri !
mon vieux frigorifié ! Il fait frisquet en
diable (Arnoux).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2035

& frigorifié n. m. (début du XXe s.). Fam.


Viande frigorifiée : Une superbe tranche
de frigorifié (Romains).

frigorifier [frigɔrifje] v. tr. (de


frigorifi[que] ; 1907, Larousse). Soumettre
au froid pour conserver : Frigorifier des
fruits.

frigorifique [frigɔrifik] adj. (lat. frigori-


ficus, frigorifique, de frigus, frigoris, froid,
froidure, et de facere, faire ; fin du XVIIe s.).
Qui produit le froid : Mélange, machine
frigorifique. ‖ Armoire frigorifique, meuble
permettant de conserver les denrées par
le froid.

& n. m. (sens 1-2, début du XXe s.).


1. Appareil frigorifique : Le nouveau
frigorifique de la morgue (Pagnol).
‖ 2. Établissement de froid industriel.

frigorifuge [frigɔrifyʒ] adj. (de frigori- et


de -fuge, du lat. fugare, mettre en fuite, dér.
de fuga, fuite ; 1962, Larousse). Se dit d’une
substance peu conductrice de la chaleur,
utilisée dans l’industrie frigorifique.

• SYN. : calorifuge.

& n. m. (1968, Larousse). Revêtement iso-


lant, conçu pour s’opposer aux déperdi-
tions de chaleur.

frigorifuger [frigɔrifyʒe] v. tr. (de frigori-


fuge ; 1968, Larousse). Munir des appareils
ou des tuyauteries d’un frigorifuge.

frigorigène [frigɔriʒɛn] adj. (de fri-


gori-, élément tiré du lat. frigus, frigoris,
froid, froidure, et de -gène, du gr. gennân,
engendrer ; 1907, Larousse). Qui engendre
le froid : Fluide frigorigène.

frigorimètre [frigɔrimɛtr] n. m. (de


frigori- et de -mètre, gr. metron, mesure ;
1962, Larousse). Instrument qui sert à
mesurer, en bioclimatologie, la valeur du
refroidissement.

frigoriste [frigɔrist] n. m. (dér. savant


du lat. frigus, frigoris, froid, froidure ;
milieu du XXe s.). Ouvrier spécialiste de
l’installation et de l’entretien des appareils
frigorifiques.

frigothérapie [frigɔterapi] n. f. (de


frigo- et de -thérapie, gr. therapeia, soin,
traitement, de therapeuein, prendre soin
de, soigner, traiter ; 1907, Larousse). Emploi
du froid en thérapeutique.

• SYN. : cryothérapie.

frileusement [friløzmɑ̃] adv. (de frileux ;


fin du XIXe s., A. Daudet). D’une manière
qui marque la sensibilité au froid : La petite
fille l’intéressait surtout, frileusement ser-
rée contre sa gardienne sautillant parmi
les flaques d’eau (Daudet). Elle émergeait,
délicate et petite, frileusement emmitouflée
dans les guenilles des cabarets et des taudis
(Huysmans). Les regards mourants qu’elle
lui avait jetés pendant qu’elle était dans ses
bras, tout en contactant frileusement contre
l’épaule sa tête inclinée (Proust).

frileux, euse [frilø, -øz] adj. et n. (bas


lat. frigorosus, froid, glacial, du lat. class.
frigus, frigoris, froid, froidure ; fin du XIIe s.,
Roman d’Alexandre, écrit fruileus ; frileus,
XIIIe s. ; frileux, v. 1360, Froissart). Se dit
d’une personne très sensible au froid :
Hâtive et frileuse, de temps en temps une
ombre descendait le vaste perron gardé
par deux cavaliers, immobiles sous leurs
manteaux poudrés de giboulées (Daudet).
Comment, moi si frileux, n’éprouvai-je ce
matin que bien-être, assis sur ce banc par
cinq degrés à peine au-dessus du gel (Gide).
& adj. (fin du XIVe s., E. Deschamps). Vx
et littér. Où le froid se fait sentir : Tonin
souleva le rideau pour montrer le jardinet
des Mauglas, frileux et désert (Daudet).
Dans la solitude de cette chambre un peu
frileuse, entre ces draps dont le corps ne
parvenait pas à réchauffer tous les replis,
Quinette, fatigué par une longue journée de
lutte, se méfiait des fantaisies de l’humeur
(Romains).

& frileuse n. f. (1877, Littré). Ancienne


coiffure féminine en laine.

friller [frije] v. intr. (lat. pop. *frigulare,


geler, bouillir, du lat. class. frīgěre, frire ;
1611, Cotgrave, au sens de « trembler de
froid » ; sens actuel, 1757, Encyclopédie). En
parlant d’un bain, émettre un bruissement
annonciateur de l’ébullition : La cuve frille.

frilosité [frilɔzite] n. f. (dér. savant de fri-


leux ; 1858, Legoarant [frillouseté, forme
plus pop., XIVe s., Du Cange]). Sensibilité
au froid d’une personne.

frimaire [frimɛr] n. m. (de frim[as] ;


1793, Fabre d’Églantine). Troisième mois
de l’année républicaine, commençant le
21, 22 ou 23 novembre et finissant le 21,
22 ou 23 décembre.

frimas [frima] n. m. (de l’anc. franç. frime,


frimas [milieu du XIIe s., Roman de Thèbes],
francique *hrîm, givre ; v. 1460, Villon, au
sens 1 ; sens 2, 1835, Vigny). 1. Brouillard
épais qui se glace en tombant : Les frimas
congelés sont les seules guirlandes | Qui gar-
nissent la roche où nous nous enfonçons
(Lamartine). La lueur de la ville montait et
s’allait perdre dans un ciel chargé de frimas
(Duhamel). ‖ 2. Coiffer, poudrer à frimas,
saupoudrer la coiffure d’une légère couche
de poudre blanche ; et au fig. : Il [mars]
s’en va, furtif perruquier, | Avec une houppe
de cygne | Poudrer à frimas l’amandier
(Gautier).

frime [frim] n. f. (altér. de l’anc. franç.


frume, mine, mauvaise mine, mauvaise
humeur [XIIe s., Méon], bas lat. frumen,
-minis, gosier ; XVe s., Esnault, au sens 2
[pour la frime, 1865, Littré] ; sens 1, 1611,
Cotgrave ; sens 3, 1836, Vidocq). 1. Class.
Faire (de) la frime, faire semblant, faire
des manières : Tout franc, et sans faire de
frime, | Contre les siens il a procès (Loret).
Il a fait la frime de s’en aller (Furetière).

‖ 2. Fam. Semblant, apparence destinée


à tromper, comédie : Tout a été à son
adresse et m’a percé le coeur. Je voyais bien
que c’était des frimes ; mais le mal était
sans remède (Balzac). Il ajouta, ne croyant
pas si bien dire : « Une frime, vous savez,
leur querelle de jeu » (Daudet). Ce sont
des frimes, ils font les ânes pour avoir du
foin (Vallès). ‖ Pour la frime, simplement
pour l’apparence, pour donner le change :
Cette Marie de Montmorency, mariée par
Henri IV (d’office et pour la frime) au prince
de Condé (Chauviré). ‖ 3. Arg. Visage :
Changer de frime.

• SYN. : 2 fumisterie (fam.), grimaces, sima-


grées (fam.), singeries (fam.).

frimousse [frimus] n. f. (de frime [le


mot est empr. des patois où le suff. -ouse
répond au franç. -euse] ; 1576, G. Esnault,
écrit frimouse, au sens de « physionomie » ;
1821, Ansiaume, écrit frimousse, au sens de
« trogne » ; sens actuel, 1845, Bescherelle).
Fam. Visage d’enfant ou de personne toute
jeune : Je le pris alors en un tel dégoût que
je sortais par la porte de service pour ne pas
apercevoir la frimousse de ce vilain petit
drôle (Proust). Une gaîté malicieuse éclaira
sa frimousse (Martin du Gard).

• SYN. : figure, minois (fam.).

fringale [frɛ̃gal] n. f. (altér., peut-être


d’après fringant, de faim-valle [v. ce mot] ;
fin du XVIIIe s., écrit fringalle [fringale,
1807, L. F. Michel], au sens 1 ; sens 2, 1839,
Balzac). 1. Faim pressante et irrésistible :
Beaucoup d’hommes tombaient, frappés
de cette faim subite qu’on appelle fringale
(Taine). Les comédiens, obligés de dîner de
bonne heure et très légèrement, sortent de
scène avec des fringales terribles et mangent
en rentrant chez eux (Daudet). ‖ 2. Fig.
Désir violent : Ce doit être bon d’être aimée
comme çà ! Quelle fringale (Coolus).

• SYN. : 2 appétit, faim.

fringant, e [frɛ̃gɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part.


prés. de fringuer ; av. 1493, G. Coquillart
[faire le fringant, 1865, Littré]). Se dit
d’une personne, vive, éveillée, pétulante,
d’une élégance un peu provocante : Des
filles, fringantes sous leurs larges chapeaux
fleuris, montaient à contre-courant vers la
porte Saint-Martin, dévisageant les hommes
seuls (Martin du Gard). Si fringant encore
ce matin, il marchait à présent la tête basse
(Gide). Laurent regarda s’éloigner la sil-
houette fringante et cambrée de M. le doc-
teur Pasquier, son père (Duhamel). Ensuite,
ce sont des « majos » qui courtisent des
fringantes sur le Prado (Gautier). ‖ Faire le
fringant, se donner des airs pétulants, pro-
vocants : Près des autres chiens, il faisait le
fringant, se proposait à leurs caresses (Gide).
• SYN. : coquet, déluré, guilleret, pimpant,
sémillant.

& adj. (1687, Dancourt). Se dit d’un che-


val ou d’un mulet qui a une allure vive,
marche en sautillant : Doucement bercé
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2036

sur sa mule fringante, Messire Blazius


s’avance (Musset). Il paraît que les bêtes
deviennent fringantes parce que l’ail les
asticote (Duhamel).

fringillidés [frɛ̃ʒilide] n. m. pl. (du lat.


fringilla, pinson, et de -idé, du gr. eidos,
forme, apparence ; 1839, Boiste). Famille
d’oiseaux passereaux, comprenant le pin-
son, le chardonneret, le bouvreuil, le moi-
neau, le serin.

fringuer [frɛ̃ge] v. intr. (de la loc. faire


fringues, gambader — en parlant d’une per-
sonne, d’un cheval — [XIIIe s., Girart de
Vienne], de l’onomatop. fring- marquant le
sautillement joyeux ; v. 1462, Cent Nouvelles
nouvelles). Vx. Gambader : Mais aussitôt
que j’avais atteint la Cour Verte et les bois,
je me mettais à courir, à sauter, à bondir, à
fringuer, à m’éjouir jusqu’à ce que je tom-
basse épuisé de forces, palpitant, enivré de
folâtreries et de liberté (Chateaubriand).
& v. tr. (1878, G. Esnault [comme v. intr.,
au sens de « faire l’élégant », 1749, Vadé]).
Pop. Habiller de telle ou telle manière : Je
vais finir de me fringuer (Colette). Son capi-
taine d’ordonnance, réserviste, bien fringué
(Romains).

fringues [frɛ̃g] n. f. pl. (déverbal de frin-


guer ; 1878, G. Esnault, au sing., au sens
de « toilette de parade » ; au plur., au sens
actuel, 1896, G. Esnault). Pop. Vêtements :
T’as qu’à mettre au clou les fringues que tu
t’ sers pas (Bourdet).
frio ou friot [frijo] adj. (mot esp. signif.
« froid », lat. frigidus [v. FROID] ; 1884,
G. Macé). Pop. Froid : Y fait friot, la môme,
dit-il simplement (Hirsch).

friolerie [frijɔlri] n. f. (de l’anc. v. frioler,


frire, dévorer, être avide, friand [v. 1265,
J. de Meung], dér. de frire ; v. 1700, Lesage).
Vx. Friandise.

friolet [frijɔlɛ] n. m. (de friolete, même


sens [XIVe s.], fém. substantivé de l’adj. frio-
let, gourmand [XIVe s.], de frioler [v. l’art.
précéd.] ; 1872, Larousse). Pâtisserie légère.

frioulan [frijulɑ̃] n. m. (de Frioul,


n. géogr. ; 1877, Littré). Langue rhétoro-
mane parlée dans le Frioul.

1. fripe ou frippe [frip] n. f. (déverbal de


friper 2 ; 1808, d’Hautel, au sens 1 [dès le
XVIIe s. en normand, Muse normande] ; sens
2, 1833, Balzac). 1. Vx et pop. Mangeaille :
Voilà où mènent l’amour et la fripe, les
lichades (Zola). ‖ 2. Dialect. Tout ce qui
peut s’étaler sur le pain : En Anjou, la
frippe, mot du lexique populaire, exprime
l’accompagnement du pain, depuis le beurre
étendu sur la tartine [...] jusqu’aux confi-
tures (Balzac).

2. fripe [frip] n. f. (var. de l’anc. franç.


felpe, ferpe, frepe, frange, chiffon, vieux
habits [XIIIe s.], du bas lat. faluppa, fibre,
chose sans valeur ; 1872, Larousse, au sens
1 ; sens 2, 1879, A. Daudet). 1. Vx. Vêtement

usé, guenille. ‖ 2. Vx ou dialect. Terme


d’appellation ou d’injure : Assieds-toi là,
ma vieille fripe... ? dit Leemans, élargissant
une place entre lui et sa fille (Daudet).

1. friper [fripe] v. tr. (var. de l’anc. franç.


freper, chiffonner [XIIIe s.], dér. de frepe
[v. FRIPE 2] ; v. 1265, J. de Meung, comme
v. intr., au sens de « s’agiter » ; comme v.
tr., au sens 1, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné ; sens 2, début du XVIIe s., Malherbe).
1. Class. Avaler gloutonnement : Il y avait
à ce festin assez de quoi friper (Furetière).
‖ 2. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Dérober : Je
fripe toujours quelque chose dans Épicure
(Malherbe).

2. friper [fripe] v. tr. (altér., peut-être


d’après fripon, de l’anc. v. freper [v. l’art.
précéd.] ; 1546, Rabelais, au sens 2 ; sens 1,
XVIe s. [au pr. ; au fig., 1863, Th. Gautier]).
1. Défraîchir en chiffonnant : Friper une
robe. Des profils de chapeaux défoncés, de
châles fripés (Zola) ; et au fig. : Un observa-
teur méticuleux eût pu trouver à reprendre
à leur élégance un peu fripée et défraîchie
(Gautier). ‖ 2. Par anal. Rider : Et si vous
aviez vu la femme [...] aux paupières fripées
comme une peau de vieux gant (Daudet). La
fraîcheur du matin, balancée par un vent
léger, baignait son front moite, son visage
fripé par la veille et la prière (Martin du
Gard).

• SYN. : 1 froisser ; 2 faner, f létrir, plisser,


ratatiner (fam.), raviner.

& se friper v. pr. (1865, Littré). Devenir


fripé, se rider : Son menton se fripait comme
une noix (Duhamel).

friperie [fripri] n. f. (de fripe 2 [v. ce mot] ;


XIIIe s., Rutebeuf, écrit freperie [friperie,
1541, Calvin], au sens 1 [se jeter sur la fri-
perie de quelqu’un, 1657, Loret — donner
sur la friperie de quelqu’un, « médire de
lui », fin du XVIe s., A. d’Aubigné] ; sens 2,
1690, Furetière [« boutique où se pratique
ce commerce », 1611, Cotgrave] ; sens 3,
1690, Furetière ; sens 4, 1829, Boiste).
1. Vêtements, tissus usagés : Allez chez
une ravaudeuse et passez-y deux heures à
regarder la friperie (Duhamel). ‖ Class.
(déjà vx au XVIIe s.).Se jeter sur la fripe-
rie de quelqu’un, se jeter sur lui pour le
battre : Et le peuple, entendant cela, |
Avec tant soit peu de furie, | Se jeta sur sa
friperie, | Et comme il était fort têtu, | Il
fut, ce dit-on, fort battu (Loret). ‖ 2. Par
extens. Commerce de vieux vêtements,
de vieilles choses : Faire une fortune dans
la friperie. ‖ Boutique où se pratique ce
commerce. ‖ 3. Fig. Collection de vieilles
choses, rebattues, périmées : Les deux
amants s’écrivaient les plus stupides lettres
du monde [...], toute la friperie du coeur
moderne (Balzac). Il lui fallut continuer et
cracher cette odieuse mixture en friperies
mythologiques et en madrigaux quintes-
senciés (Gautier). ‖ 4. Hangar sous lequel

on dépose les cannes à sucre avant de les


porter au moulin.

fripier, ère [fripje, -ɛr] n. (de fripe 2


[v. ce mot] ; v. 1268, É. Boileau, écrit fre-
pier ; frip[p]ier, 1485, Ordonnance royale).
Personne qui fait le commerce des vieux
vêtements, d’objets d’occasion : Chez le
fripier, je changeais ma capote d’uniforme
pour un habit bourgeois (Mérimée).

• SYN. : brocanteur.
fripon, onne [fripɔ̃, -ɔn] n. et adj. (de
friper 2 ; XVIe s., Ancien Théâtre françois,
au sens 1 [sans aucun doute plus anc., v.
la date du dér. friponner ; signifiait aussi
« gourmand », XVIe s., Le Roux de Lincy,
Proverbes] ; sens 2, 1678, La Fontaine
[d’abord « enfant qui aime à jouer », 1636,
Monet ; en parlant d’une jeune fille ou d’une
jeune femme coquette, 1666, Molière]).
1. Vx. Voleur adroit et rusé : Moins il y a
de fripons aux galères, plus il y en a dehors
(Nerval). ‖ 2. Par extens. Malicieux, qui
aime à jouer des tours : Un fripon d’enfant.
‖ Spécialem. Se dit d’une jeune fille, d’une
jeune femme malicieuse non sans quelque
coquetterie, quelque provocation : Elle est
friponne avec toutes ses fossettes et ses yeux
riboulants (La Varende).

• SYN. : 2 coquin (fam.), espiègle, garnement


(fam.), mâtin.

& adj. (1665, Boileau). Qui dénote de la


malice : De grands cils recourbés au-des-
sus d’un nez fripon, une chevelure blonde
nouée dans le dos à l’américaine (Daudet).
Un regard fripon.

• SYN. : lutin, malicieux, polisson.

friponneau [fripɔno] n. m. (de fripon ;


1665, La Fontaine). Vx. Jeune fripon : Je
suis d’avis que le friponneau fasse | Tel
compliment à des femmes d’honneur
(La Fontaine).

friponner [fripɔne] v. tr. (de fripon ;


v. 1340, J. Le Fèvre, au sens de « faire bonne
chère » ; sens 1, 1580, Montaigne ; sens 2,
1690, Furetière). 1. Class. Voler quelque
chose, dérober : Ne craignez-vous pas que
je vous friponne votre billet (Dancourt).
‖ 2. Vx. Voler quelqu’un : Tencin, en
jouant, est toujours sur le qui-vive, par
peur d’être friponné (Stendhal).

& v. intr. (fin du XIXe s., Huysmans [« se


débaucher, ne pas faire son devoir »,
1690, Furetière]). Vx. Avoir des relations
de galanterie : Et après qu’ils eurent fri-
ponné dans des endroits noirs, ils devinrent
amants (Huysmans).

friponnerie [fripɔnri] n. f. (de friponner ;


début du XVIe s., aux sens 1-2). 1. Défaut,
caractère du fripon : Un sourire gauche
qui augmentait l’air de fausseté et presque
de friponnerie naturel à sa physionomie
(Stendhal). ‖ 2. Par extens. Acte de fri-
pon : Cet arrangement n’est une friponnerie
envers personne (Stendhal).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2037

• SYN. : 1 malhonnêteté ; 2 canaillerie, cra-


pulerie, filouterie, fripouillerie.

fripouillard [fripujar] n. m. (de fri-


pouille ; 1882, G. Esnault). Petite fripouille.

fripouille [fripuj] n. f. (de friper 2, ou


de fripon [par changement de suff.] ; 1797,
G. Esnault, au sens de « bon à rien » ; 1837,
Vidocq, au sens de « misérable » ; sens
actuel, 1851, G. Esnault). Fam. Homme
malhonnête jusqu’à la canaillerie : Il avait
rompu des relations qui l’eussent obligé à
devenir fripouille ou dupe (Huysmans).
Mais j’ai tout de même le droit de te mettre
en garde contre ce larbin que je connais de
Balbec (sans cela je m’en ficherais pas mal),
et qui est une des plus grandes fripouilles
que la terre ait jamais portées (Proust).
Cette petite fripouille sera trop heureuse
de venir encore nous manger dans la main
le pain que nous gagnons à la sueur de notre
front (Duhamel).

• SYN. : canaille, chenapan, crapule, gredin,


scélérat, vaurien.

fripouillerie [fripujri] n. f. (de fri-


pouille ; fin du XIXe s., aux sens 1-2). 1. Pop.
Caractère de fripouille : Cette superfine
crapule [...] que ne peut égaler la fripouille-
rie d’aucun autre peuple sublunaire (Bloy).
‖ 2. Pop. Acte de fripouille (rare) : Il n’en
est pas à sa première fripouillerie.

• SYN. : 1 canaillerie ; 2 crapulerie, gredi-


nerie, malhonnêteté.

frippe n. f. V. FRIPE 1.

friquet [frikɛ] n. m. (emploi substantivé


de l’anc. adj. friquet, sémillant, pimpant,
vif [XIIIe s.], de frique, mêmes sens [XIIIe s.],
francique *frik, gotique *friks, avide, hardi ;
1555, Belon). Nom donné à une espèce de
moineau : Des phalanges de friquets arri-
vaient des champs (Musset).

frire [frir] v. tr. (lat. frīgěre, faire griller,


rôtir ; fin du XIIe s., Aliscans, au sens 1 ; sens
2, 1690, Furetière ; sens 3, v. 1460, Mystère
du siège d’Orléans). [Conj. 79.] 1. Faire
cuire en plongeant dans une matière grasse
bouillante : Un vieux marchand de friture
chez qui beaucoup de bourgeois venaient
manger du poisson frit (Mérimée). En atten-
dant les courses, tout ce peuple se presse
derrière les tribunes, autour des grandes
baraques où l’on vend du vin et du cidre, où
l’on frit des gaufres et des saucisses en plein
soleil (Daudet). ‖ 2. Fig. et pop. Il n’y a rien
à frire, il n’y a rien à gagner, et, par extens.,
rien à faire. ‖ 3. Fig. et fam. Être frit, être
perdu : Eh ! bien, sans moi, Ali de Tébélen
eût été frit quelques jours plus promptement
(Balzac). Sans la lettre de Quesadra, nous
étions frits (Benoit).

& v. intr. (1668, La Fontaine). Cuire dans


une matière grasse bouillante : Le poisson
est en train de frire. Faire frire des beignets.
• REM. Pour suppléer aux formes inu-
sitées, on emploie le verbe faire suivi de
l’infin. frire.

frisage [frizaʒ] n. m. (de friser ; 1827,


Acad.). Action de friser : Le frisage de ces
cheveux est difficile.

frisant, e [frizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


friser ; milieu du XIXe s., Baudelaire, au
sens 2 ; sens 1, 1872, Larousse). 1. Qui frise
naturellement : La bouche voilée par une
barbe noire frisante (Theuriet). Une barbe
noire et frisante comme du palissandre en
copeaux (Daudet). ‖ 2. Par extens. Qui
effleure la surface d’un objet : Ici, elle se
présente avec une magnificence des plus
dramatiques ; mais la lumière frisante,
dégorgée par la fenêtre qui occupe la par-
tie haute du mur extérieur, impose au
spectateur un effort pénible pour en jouir
convenablement (Baudelaire). La lumière
frisante des premiers rayons, sur ce papier
de tenture, voudrait en dénoncer les déchi-
rures et les taches (Gide). Sous la lumière
frisante, chaque petite pierre de tombe
devient d’un côté un miroir, et de l’autre une
plaque d’ombre (Tharaud). Garcia, plongé
dans la chaleur, parvint à dégager le bouton
de sa torche, et le faisceau lumineux tomba
en lumière frisante sur un nuage à peine
plus épais que celui des fumées (Malraux).
‖ À jour frisant, de telle manière que la
lumière ne fasse qu’effleurer l’objet au lieu
de le frapper de plein fouet.

• SYN. : 1 annelé, bouclé, crêpé, crêpelé,


crépu, frisé, ondulé ; 2 rasant. — CONTR. :
1 lisse, plat, raide.
1. frise [friz] n. f. (lat. médiév. frisium,
var. de frigium, phrygium, broderie, frange,
formé sur le modèle de phrygiae [vestes],
étoffes brochées d’or, proprem. « vêtements
[vestes, plur. de vestis, vêtement] phrygiens,
originaires de Phrygie [phrygiae, fém. plur.
de l’adj. phrygius, phrygien, du lat. class.
phryx, phrygis, même sens, gr. phrux,
phrugos] », les ornements de la frise ayant
été comparés à ceux d’une broderie ; 1528,
Barbier, au sens 1 ; sens 2, 1835, Acad. ; sens
3, 1694, Th. Corneille [« planche brute dont
la largeur est inférieure à 14 cm », 1859,
Nanquette] ; sens 4, 1842, Acad.). 1. Partie
de l’entablement comprise entre l’archi-
trave et la corniche, portant en général une
inscription ou ornée de figures, de scènes
sculptées : Des colonnades fort blanches
supportant une frise fort lisse (Hugo). Les
frises du Parthénon représentent la proces-
sion des panathénées. ‖ 2. Par extens. Toute
bande peinte ou sculptée sur des surfaces
beaucoup plus larges que hautes. ‖ 3. En
menuiserie, dans les portes et les lambris,
panneau dont la plus grande dimension
est horizontale. ‖ Planche brute dont la
largeur est inférieure à 14 cm. ‖ 4. Bande
de toile fixée au cintre du théâtre et qui est
censée représenter le ciel, ou un plafond.

2. frise [friz] n. f. (de Frise, n. géogr. ; fin


du XIIIe s. ; d’abord drap de Frize, étoffe de
laine de Hollande [proprem. « étoffe fabri-
quée en Frise »], 1226, Barbier). Étoffe de

laine à longs poils frisés : Une lisière de drap


de frise lui servait de ceinture (Gautier).

3. frise [friz] n. f. (trad. du néerl. friese


ruiter, proprem. « cavalier [ruiter] frison
[friese, de Frisa, Frise] », ce système de
défense ayant, paraît-il, été inventé en Frise ;
1572, Dict. général). Chevaux de frise,
v. CHEVAL.

1. frisé, e [frize] adj. (part. passé de friser ;


1564, J. Thierry, au sens 2 ; sens 1, nov. 1667,
d’après Littré, 1877 ; sens 3, 1680, Richelet
[de la frisée, velours frisé, XXe s.]). 1. Qui
forme des boucles, des anneaux : La vallée
[...] cherche passage à travers des masses de
verdure frisée (Duhamel). Le costume de
Madame leur mère était d’or frisé (France).
‖ Velours frisé, velours dont le poil, au lieu
d’être coupé, reste à l’état de bouclettes
arrondies. ‖ 2. Se dit des cheveux disposés
en boucles fines et serrées : Je lui parlais
tout bas, dans les petits cheveux frisés de
l’oreille (Maupassant). ‖ 3. Par anal. Se dit
de certains légumes dont les feuilles sont
crêpées : Des choux frisés. De la salade fri-
sée (ou, ellipt., de la frisée).

• SYN. : 1 annelé, crêpé, crêpelé, spiralé, tor-


tillé ; 2 bouclé, calamistré, crépu, frisotté,
ondulé. — CONTR. : 2 lisse, plat, raide.

& n. (av. 1613, M. Régnier). Personne dont


les cheveux sont bouclés : Méfiant, le
patron scrutait le visage du frisé (Aymé).

2. frisé [frize] n. m. (var. de fritz [v. ce


mot], d’après frisé 1 ; 1941, G. Esnault). Fam.
Surnom donné aux Allemands pendant la
Seconde Guerre mondiale.

frise-à-plat [frizapla] n. (de frise, forme


du v. friser, à et plat ; début du XXe s.). Fam.
Personne qui a les cheveux raides.

frise-beurre [frizboer] n. m. invar. (de


frise, forme du v. friser, et de beurre ; 1907,
Larousse). Fourchette pleine et à stries,
pour faire des dessins sur le beurre ou en
détacher des coquilles.

friselée n. f. V. FRISOLÉE.

friselis [frizli] n. m. (de l’onomatop. fri-,


souvent utilisée pour évoquer le chant d’un
oiseau, etc. ; 1864, Goncourt [cf. frifilis,
« bruissement », 1605, François de Sales]).
Frémissement doux et faible : Les cloisons
tapissées de crêpe japonais vert d’eau, un
peu chiffonné, simulant le friselis d’une
rivière que le vent ride (Huysmans). On
entendait alors, à la cantonade, un friselis
de guitare et des éclats de rire (Duhamel).
• SYN. : bourdonnement, bruissement, frou-
frou, murmure, susurrement.

frisement [frizmɑ̃] n. m. (de friser [les


yeux] ; 1872, A. Daudet). Frisement d’oeil,
clignement d’oeil pour faire un signe
d’intelligence à quelqu’un : Il s’adressait
aux vieilles dames du premier banc, avec
un sourire entendu, des petits frisements
d’yeux, comme à d’anciens compagnons
de bagne... (Daudet).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2038

friser [frize] v. tr. (probablem. du radical


fris- qu’on trouvait, du XIVe au XVIe s., dans
certaines formes du v. frire, les aliments
frits dans la graisse se tordant souvent
au point de ressembler à des cheveux fri-
sés ; milieu du XVe s., au sens I, 1 [friser
quelqu’un, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné] ;
sens I, 2, 1872, A. Daudet ; sens II, 1 [issu de
l’acception musicale de friser : « faire vibrer
la corde d’un instrument en l’effleurant »,
XVIe-XVIIe s.], av. 1559, J. Du Bellay ; sens
II, 2, 1690, Furetière).

I. 1. Mettre en boucles, donner un mou-


vement d’ondulation : Friser les cheveux ;
et ellipt. : Je te ferai poudrer et friser pour
te donner un meilleur air (Vigny). Frisé
au petit fer, rasé à la pierre ponce (Dau-
det). ‖ 2. Plisser finement : « Ah ! vaï !
pas commode... », fit le bon Tartarin fri-
sant ses petits yeux par un rire d’augure
que Bompard, du reste, ne parut pas com-
prendre (Daudet).

II. 1. Par extens. Passer tout près de


quelque chose : Le courrier [...] fouettait
d’en bas le cheval qui frisait de temps en
temps la crête des précipices (Nerval).
‖ 2. Fig. Être tout près de toucher, d’at-
teindre, de tomber dans : Il fit pétiller tout
l’entrain de la bonne grâce, qui dépassa
l’enjouement, frisa la malice (Proust). Ce
qui me fâchait, c’était l’indiscrétion du
procédé à mon égard, qui frisait l’abus de
confiance (Aymé).

• SYN. : I, 1 boucler, calamistrer, onduler ;


2 cligner. ‖ II, 1 côtoyer, effleurer, raser ;
2 confiner à, frôler. — CONTR. : 1 défriser.
& v. intr. (sens 1, 1558, J. Du Bellay [fer à
friser, 1865, Littré] ; sens 2, 1857, Flaubert ;
sens 3, 1694, Th. Corneille). 1. Se mettre
en boucles, être ondulé : J’ai un coup
aigre à boire et si raide que les cheveux
m’en frisent (Claudel). Un enfant qui frise
naturellement. ‖ Fer à friser, instrument
servant à faire des boucles, des ondula-
tions. ‖ 2. Perdre sa netteté, en parlant des
vibrations d’une corde, en musique : Les
cordes de l’instrument frisent. ‖ 3. Donner
une impression tremblée, en parlant des
caractères d’imprimerie.

1. frisette [frizɛt] n. f. (de friser ; 1827,


Acad., au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse).
1. Petite boucle de cheveux frisés : Elle était
vraiment appétissante avec sa capuche de
laine bleue et le tirebouchonnement de ses
frisettes ! (Huysmans). ‖ 2. En passemen-
terie, tresse enroulée sur un fil central de
coton, ou fils retordus ensemble.

• SYN. : 1 bouclette, frison.


2. frisette [frizɛt] n. f. (de frise 1 ; 1962,
Larousse). Petite frise de parquet.

friseur, euse [frisoer, -øz] n. (de friser ;


1865, Littré). Personne qui frise les cheveux
(rare) : Tout à coup on vit l’illustre chan-
teuse se promener [...] avec son friseur, le
sieur Lacroix (Goncourt).

frisoir [frizwar] n. m. (de friser ; 1640,


Oudin). Vx. Fer à friser les cheveux.

frisolée [frizɔle] ou friselée [frizle]


n. f. (part. passé fém. substantivé de friso-
ler, -seler, dimin. dialect. de friser ; 1785,
Cours complet d’agriculture, écrit frisolée ;
friselée, 1858, Legoarant). Maladie à virus
de la pomme de terre, qui a pour effet d’en
recroqueviller les feuilles.

1. frison [frizɔ̃] n. m. (de friser ; 1560,


R. Belleau [frison, « étoffe de laine frisée »
— 1474, Godefroy —, était un dér. de frise
2]). Boucle d’une frisure : Le Nabab com-
prit qu’il se méprenait et se donna la peine
de regarder le jeune homme, qui se tenait
devant lui simplement, mais correctement
vêtu, le teint mat, sans le moindre frison de
barbe (Daudet). Elle se coiffait d’une façon
grotesque, avec de petits frisons vieillots tout
à fait farces (Maupassant). Elle baissa la
tête, et il aperçut, sous les frisons, la nuque
qui fuyait dans l’échancrure du corsage
(Martin du Gard).

• SYN. : bouclette, frisette.

2. frison, onne [frizɔ̃, -ɔn] adj. et n. (de


Frise, n. géogr. ; 1534, Rabelais, comme
n. m., écrit phryzon, au sens de « cheval
de Frise » ; écrit frison, aux sens 1-2, fin
du XVIe s.). 1. Qui a rapport à la Frise :
L’archipel frison. ‖ 2. Habitant ou origi-
naire de la Frise : La population, la race
frisonne. Les Frisons.

& frison n. m. (1865, Littré). Dialecte


germanique occidental, parlé encore de
nos jours, notamment dans le nord de la
Hollande.

& frisonne n. f. (XXe s.). Race bovine pie


noir.

frisonnement [frizɔnmɑ̃] n. m. (de


frison ner, friser — les cheveux — [fin du
XVIe s., A. d’Aubigné], dér. de frison 1 ; fin
du XIXe s., A. Daudet). État, aspect de ce qui
fait des boucles, ondule : Dans ces grandes
cuisines d’hostellerie où le feu s’allume de
bonne heure, avec ces frisonnements de sar-
ments qui font rêver de brouillard et de vitres
humides (Daudet).

frisottant, e [frizɔtɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de frisotter ; début du XXe s.). Qui frise
légèrement : Ses cheveux retombaient en
mèches frisottantes sur sa nuque (Theuriet).
Trauttenbach était un juif blond, presque
roux, taillé en athlète, ses cheveux frisot-
tants, coupés court, dégageaient un front de
jeune bélier ; la peau était blanche, tachée
de son (Martin du Gard).

• SYN. : bouclé, frisé, ondulé.

frisotter [frizɔte] v. tr. (de friser ; 1552,


Ronsard). Friser légèrement : Je venais
d’avoir la main de l’eau tout entière, en
caresse sur moi ; elle était là encore à frisot-
ter mes poils dans ses doigts frais (Giono).
& v. intr. (1612, M. Régnier). Être légère-
ment frisé : Sa barbe blanche frisottant

autour du large visage (Margueritte). De


chaque côté de la nuque, se creuse un tendre
vallon où frisottent de jeunes cheveux
blonds (Duhamel).

• SYN. : boucler, friser, onduler.

frisque [frisk] adj. (altér., sous l’influence


de fresche [anc. forme du fém. de fres, frais,
v. FRAIS, adj.], de frique, sémillant, pimpant,
vif [XIIIe s.], francique *frik, gotique *friks,
avide, hardi ; v. 1360, Froissart). Class.
Pimpant : Dix jeunes femmes frisques,
gaillardes, attrayantes (La Fontaine).

frisquet, ette [friskɛ] adj. (d’abord mot


d’argot, empr. aux parlers picardo-wallons,
où il signifie « froid », du flamand frisch,
légèrement froid [prononcé frisk] ; 1845,
Bescherelle [au fig., début du XXe s.]). Fam.
Un peu froid : L’air est frisquet, mais pas
méchant (Dorgelès). ‖ Fig. et fam. Assez
froid : La réception m’a paru un peu fris-
quette (Bernstein).

& frisquet adv. (1845, Bescherelle). Un peu


froid : À la première heure, dans la plaine,
il avait fait frisquet (Aicard).

& frisquet n. m. (début du XIXe s.).


Température assez froide : Des voix
enrouées qui se hélaient dans le frisquet
du petit jour (Daudet).

frisquette [friskɛt] n. f. (emploi plai-


sant de frisquette, fém. de l’adj. frisquet,
vif, sémillant [début du XVIe s.], dimin. de
frisque [v. ce mot] ; 1523, Barbier). Cadre
léger que l’on adapte en haut du tympan
de la presse à bras et qui se rabat sur lui
pour l’impression.

frisson [frisɔ̃] n. m. (bas lat. frictionem,


accus. de frictio, mot qu’on a considéré à tort
comme un dér. de frīgēre, avoir froid, être
glacé [pour le sens class. et l’étym. de frictio,
v. FRICTION] ; fin du XIe s., Gloses de Raschi,
écrit friçon [frisson, XVIe s.], au sens 1 ; sens
2, v. 1131, Couronnement de Louis ; sens 3,
1851, Poitevin ; sens 4, 1839, Balzac ; sens 5,
1859, V. Hugo). 1. Tremblement provoqué
par le froid : Avoir le frisson. Être agité de
frissons. ‖ Spécialem. Tremblement accom-
pagné d’une sensation de froid et dû à un
état morbide : Un frisson de fièvre. ‖ 2. Fig.
Ébranlement nerveux produit par une
émotion plus ou moins vive, de caractère
agréable ou non : Perdue en Dieu, anéan-
tie dans un amour immense, au-dessus de
tous les amours, un frisson passionné chan-
geait sa voix, la faisait plus prenante et plus
forte (Daudet). D’où vient qu’en moi, Naïs,
monte un frisson amer | À regarder mourir
le soleil sur la mer ? (Samain). Un frisson
de volupté, de plaisir. ‖ 3. Par anal. Léger
tremblement, légère agitation des choses :
Les parfums vivifiants se détachaient à tous
les frissons de l’air (Maupassant). Votre
sommeil importe à mon enchantement |
Il craint jusqu’au frisson d’une plume qui
plonge (Valéry). ‖ 4. Bruit léger qui accom-
pagne ce mouvement : Des baisers et des
frissons d’ailes sur les dômes aux boules d’or
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2039

(Gautier). Écoutez la chanson bien douce |


Qui ne pleure que pour vous plaire. | Elle est
discrète, elle est légère : | Un frisson d’eau
sur de la mousse ! (Verlaine). ‖ 5. Courant
d’émotion qui se propage dans une foule, à
travers une époque : Le frisson qui secouait
l’Europe ébranlait les vies privées ; de toutes
parts, entre les êtres, les liens factices se
desserraient, se rompaient d’eux-mêmes
(Martin du Gard).

• SYN. : 1 grelottement ; 2 fièvre, frémis-


sement, haut-le-corps, secousse, sursaut,
tremblement, tressaillement ; 3 frisson-
nement, palpitation, souffle, vibration ; 4
bruissement, chuchotis, friselis, murmure,
susurrement.

frissonnant, e [frisɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de frissonner ; v. 1540, Yver). Qui
frissonne : L’heure où ces dames sortent
par bandes frissonnantes et sentant le bain
(Daudet).

• SYN. : grelottant.

frissonnement [frisɔnmɑ̃] n. m. (de


frissonner ; v. 1560, Paré). Action de fris-
sonner ; léger frisson : En proie aux mille
frissonnements que cette enveloppante main
dardait à mon corps tout entier (Barbey
d’Aurevilly).

• SYN. : frémissement.

frissonner [frisɔne] v. intr. (de frisson ;


début du XVe s., Ch. d’Orléans, écrit fri-
çonner [frissonner, XVIe s.], au sens 1 ;
sens 2, av. 1813, Delille ; sens 3, v. 1540,
Yver). 1. Être agité d’un tremblement dû à
une température trop froide : Frissonner
sous un vêtement trop léger. Pendant que
tout frissonne et tout meurt sous le givre
(Lamartine). ‖ Spécialem. Être agité de
frissons dus à un état morbide : Frissonner
de fièvre. ‖ 2. En parlant de choses, être
agité d’un léger tremblement vif : Le pre-
mier choc du battant et de la paroi d’airain
faisait frissonner la charpente (Hugo). Les
arbres dépouillés frissonnent au vent de
nuit (Daudet). ‖ 3. Fig. Frémir d’une vive
émotion, agréable ou non : De loin en loin,
un mugissement sourd, presque solennel,
qui faisait frissonner les chevaux dans les
écuries, les chameaux sous les hangars des
cours (Daudet). Frissonner d’admiration,
d’enthousiasme, de crainte, d’horreur.

• SYN. : 1 grelotter, trembler ; 2 frémir, trem-


bloter, vibrer ; 3 tressaillir.

frisure [frizyr] n. f. (de friser ; début


du XVIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1559,
J. Du Bellay ; sens 3, 1539, Corrozet).
1. Action de se friser ou de se faire friser ;
état qui en résulte : Il examinait si ses che-
veux tenaient la frisure (Balzac). Dépensant
leurs appointements en frisures (Daudet).
Ève Lavallière aveugle [...], reléguée au fond
de la cécité, sans fard, frisure ni henné
(Colette). ‖ 2. Cheveux frisés, boucles :
Sous les frisures naturelles de ses beaux
cheveux cendrés, elle avait une figure de
vierge (Zola). Lisbeth s’était posée sur le

bras du fauteuil ; lorsqu’elle se penchait,


il respirait son souffle, et des frisures lui
frôlaient l’oreille (Martin du Gard). ‖ 3. Par
extens. Façon de friser : Frisure à l’oiseau
royal (Chateaubriand).

• SYN. : 1 frisage, ondulation : 2 boucle,


frisette, frison.

frit, e [fri, -it] adj. (part. passé de frire ;


XIIIe s., au sens 1 ; sens 2, v. 1460, Mystère du
siège d’Orléans). 1. Cuit dans un corps gras
bouillant : Un vieux marchand de friture
[...] chez qui beaucoup de bourgeois venaient
manger du poisson frit (Mérimée). Laisse-
moi les pommes de terre frites et je te donne
tout le pâté (Duhamel). ‖ 2. Fig. et fam.
Perdu, ruiné : Sans la lettre de Quesada,
nous étions frits (Benoit).

• SYN. : 2 coulé (fam.), cuit (fam.), fichu


(fam.), fini, flambé (fam.), foutu (pop.),
refait (pop.). — CONTR. : 2 sauvé.

frite n. f. (abrév. de pomme de terre frite ;


1858, Larchey). Fam. Pomme de terre frite :
Des filles de coiffeurs ou de marchandes
de frites (Daudet). Sur chaque table, afin
d’entretenir la soif, des frites, givrées de sel
et minces comme des monnaies du pape
(Martin du Gard). Entre une porte de
maison et le châssis vitré d’une terrasse,
un marchand de frites, coiffé d’un bonnet
de fourrure, les mains dans les poches...
(Romains).

friteau ou fritot [frito] n. m. (de frit,


part. passé de frire ; XIIIe s., Bataille de
Caresme et de Charnage, écrit friteau ;
fritot, 1872, Larousse). Façon d’apprêter
certains mets, en les faisant frire après les
avoir enrobés de pâte ou saupoudrés de
farine : Vous dites... poulet en fritot ? [...]
Faites vous-même le menu (Goncourt).

friterie [fritri] n. f. (de frire, d’après le part.


passé frit ; 1909, Larousse, au sens 1 ; sens
2, 1922, Larousse ; sens 3, 1930, Larousse).
1. Dans les fabriques de conserves de pois-
son, installation pour la friture. ‖ 2. Local
où s’exécute cette opération. (Syn. FRITURE.)
‖ 3. Installation ambulante où l’on fait et
vend toutes sortes de fritures.

friteur, euse [fritoer, -øz] n. (de frire,


d’après le part. passé frit ; 1877, Littré,
aux sens 1-2 [dans les conserveries, 1922,
Larousse]). 1. Personne qui fait et vend
des mets frits : Un friteur de la rue de la
Grande-Truanderie avait vendu à crédit les
deux sous de pommes de terre frites (Zola).
‖ 2. Dans les grands restaurants, cuisinier
spécialement chargé des fritures. ‖ Dans
les conserveries, personne qui passe les
poissons à la friture.

& friteuse n. f. (milieu du XXe s.). Appareil


destiné à faire cuire un aliment dans un
bain de friture.

fritillaire [fritilɛr] n. f. (dér. savant du lat.


fritillus, cornet à jouer aux dés, à cause de
la forme de la fleur ; 1680, Richelet, écrit
fritélaire ; fritillaire, 1700, Liger). Genre de

liliacées dont les fleurs, en forme de cloche


à six divisions, sont variables suivant les
genres.

friton [fritɔ̃] n. m. (de frit, part. passé de


frire ; 1907, Larousse). Résidu frit que l’on
obtient en faisant fondre par petits mor-
ceaux la graisse d’oie ou de porc.

• SYN. : rillon.

fritot n. m. V. FRITEAU.

frittage [fritaʒ] n. m. (de fritter ; 1845,


Bescherelle). Action de soumettre des
matières premières à un commencement
de vitrification pour en éliminer certaines
substances.

fritte [frit] n. f. (part. passé fém. substan-


tivé de frire ; 1690, Furetière, aux sens 1-2).
1. Mélange de sable et de soude dont on
fait le verre. ‖ 2. Cuisson de ce mélange.

fritter [frite] v. tr. (de fritte ; 1765,


Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.).
1. Griller les matières premières qui servent
à faire le verre. ‖ 2. Procéder à une cuisson
du carbonate de magnésium naturel, en vue
de son emploi en sidérurgie. ‖ 3. Traiter,
suivant le procédé du frittage, un mélange
comprimé de poudres métalliques.

frittole [fritɔl] n. f. (de frit ; 1845,


Bescherelle). Sorte de gâteau fait de farine
de froment et de raisins de Corinthe et frit
dans l’huile.

fritto-misto [fritomisto] n. m. (loc.


ital., de fritto, [mets] frit, et misto, mélangé
[fritto et misto répondant respectivement
au franç. frit et mixte, v. ces mots] ; fin
du XIXe s., A. Daudet). Plat composé de
diverses viandes frites : J’ai mangé ce matin
à la nonciature un délicieux fritto-misto qui
m’est resté sur l’estomac (Daudet).
friture [frityr] n. f. (lat. pop. *frictura,
friture [« friction », en bas lat.], du lat. class.
frictum, supin de frīgěre, frire ; v. 1120,
Psautier de Cambridge, au sens 3 [« petits
poissons frits », av. 1870, Mérimée] ; sens 1,
1690, Furetière ; sens 2, v. 1398, le Ménagier
de Paris ; sens 4, 1907, Larousse). 1. Action,
manière de frire : Et partout circulait,
dominant tous les parfums, une odeur de
friture qui était comme l’encens de cette
fête (Baudelaire). Une foule de petits hôtels
ouvraient, au ras du trottoir, leurs corri-
dors obscurcis par les vapeurs de la friture
(Duhamel). ‖ 2. Ce qui sert à faire frire :
C’est une merluche de choix, excellente
dans une friture d’huile d’Aix (Gautier).
‖ 3. Aliment frit, et, absol., petits poissons
frits : Quand on aime la bonne friture, on en
va manger à Triana (Mérimée). ‖ 4. Bruit
de friture, ou simplem. friture, sorte de gré-
sillement se faisant entendre par moments
dans un appareil téléphonique ou radio-
phonique, et qui est dû à la formation de
courants parasites.

friturerie [frityrri] n. f. (de friture ; 1877,


Littré). Endroit où l’on fait et vend de la
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2040

friture : Puis des fritureries en plein vent,


entourées d’une odeur âcre de graisse brû-
lée, de grandes flammes montant roses dans
le jour, autour desquelles s’activaient des
marmitons vêtus de blanc derrière des piles
de beignets (Daudet). Les industries, les
métiers, les fritureries fumantes et les cui-
sines en plein vent (Goncourt). Là, aucun
cheval de bois, aucun tir, aucune friturerie,
aucun gymnase (Huysmans).

friturier, ère [frityrje, -ɛr] n. (de friture ;


1826, Brillat-Savarin). Personne qui fait et
vend de la friture : Il y a de la bonhomie et
une grande puissance de fascination chez
cet homme qui n’est pourtant qu’un simple
friturier (Vallès).

fritz [frits] n. m. (prénom allem., dimin.


de Friedrich, Frédéric ; 1914, G. Esnault).
Pop. Soldat allemand ; Allemand : Ça me
faisait quelque chose de tuer un homme,
même un fritz (Dorgelès).

frivole [frivɔl] adj. (lat. frivolus, de peu


de prix, futile [pour des choses], évaporé,
étourdi [pour des personnes] ; XIIIe s.,
Isopet de Lyon, comme n. f. plur., au sens
de « bagatelles, choses futiles » ; comme adj.,
au sens 1, v. 1265, Br. Latini ; sens 2, 1678,
La Rochefoucauld [pour une femme incons-
tante, 1857, Baudelaire] ; sens 3, av. 1834,
Béranger). 1. Se dit des choses légères,
futiles, qui manquent de sérieux et ne
méritent pas l’importance que certains leur
accordent : Plaisirs, occupations frivoles.
Propos frivoles. Le motif était aussi frivole
que l’action criminelle (Mérimée). Nous
aurons tiré tout profit possible d’un événe-
ment d’ailleurs mince et frivole (France).
‖ 2. Se dit des personnes qui sont attirées
par les choses vaines, superficielles, ou qui
traitent légèrement les choses sérieuses :
Tout en étant fort appliqué, je me demande
sans cesse si ce ne sont pas les gens frivoles
qui ont raison (Renan). ‖ Spécialem. Se dit
d’une femme qui fait montre d’inconstance
dans ses sentiments, ses attachements :
Une femme coquette et frivole. ‖ 3. Littér.
Qui dénote un caractère superficiel, sans
consistance : Les mains unies et levées, les
doigts entrelacés, avec des glissements, des
tours de bras, deux personnages de Lancret
ou de Fragonard, à la démarche pompeuse
et frivole... (Daudet). Le rempli du bas de
jambe [...] était considéré comme une élé-
gance un peu frivole (Romains).

• SYN. : 1 insignifiant, puéril, superficiel,


vain ; 2 futile, inconstant, léger ; volage.

— CONTR. : 1 grave, important ; 2 pondéré,


posé, réfléchi, scrupuleux, sérieux ; fidèle.
& n. m. (1699, Massillon). Ce qui est fri-
vole : L’orgueil des hommes est, dans le fond,
d’assez bonne composition sur certains pré-
jugés ; il semble que lui-même en sente le
frivole (Marivaux).

frivolement [frivɔlmɑ̃] adv. (de frivole ;


1384, Godefroy). De façon frivole.

frivolité [frivɔlite] n. f. (de frivole ; fin


du XVIIe s., Saint-Simon, au sens 1 ; sens 2,
1773, d’Alembert ; sens 3, 1845, Bescherelle).
1. Caractère d’une chose ou d’une personne
frivole : La frivolité des divertissements
mondains. La frivolité de Marie-Antoinette.
Je n’ai jamais été brillant causeur [...] ; la
frivolité des salons, leur esprit, est chose
à quoi je ne pouvais me plaire (Gide). Le
déluge de mots et de jugements hâtifs qui
noie aujourd’hui toute activité publique
dans un océan de frivolité (Camus).
‖ 2. Chose frivole, bagatelle qui n’intéresse
que les gens légers, superficiels : Perdre son
temps en frivolités. La Fortune ? pourrait-
on compter comme un bien cette frivolité ?
(Chateaubriand). ‖ 3. Dentelle de coton,
exécutée avec une ou deux navettes et un
crochet d’acier : Un dessus de cheminée en
frivolité.

• SYN. : 1 futilité, inanité, inconstance,


insignifiance, insouciance, légèreté, puéri-
lité, vanité ; 2 amusette, baliverne, bricole
(fam.), niaiserie. — CONTR. : 1 austérité,
gravité, pondération, sérieux.

& frivolités n. f. pl. (1872, Larousse). Vx.


Petits articles destinés à la parure fémi-
nine : Marchande de frivolités.

froc [frɔk] n. m. (francique *hrokk, habit ;


v. 1138, Gaimar, au sens de « sorte de man-
teau » ; sens 1, v. 1155, Wace [« habit de
moine en général », av. 1613, M. Régnier] ;
sens 2, XVe s., Basselin [quitter le froc] ; sens
3, 1547, Huguet ; sens 4, 1912, G. Esnault
[d’abord « culotte », 1905, G. Esnault ;
faire dans son froc, XXe s.]). 1. Vx. Partie
du vêtement monastique qui couvre la tête
et tombe sur les épaules et sur la poitrine :
On a vu, dans ces actes de dévouement, la
sueur tomber à grosses gouttes du front de
ces compatissants religieux et mouiller ce
froc qu’elle a pour toujours rendu sacré
(Chateaubriand). ‖ Par extens. et vx. Habit
de moine en général : Près de la chapelle,
un ermite à barbe grise, vêtu d’un froc mar-
ron, se hâta vers les arrivants (Peyrefitte).
‖ 2. Entre dans quelques locutions vieillies
ou plaisantes, où il désigne l’état monas-
tique. ‖ Prendre le froc, se faire moine,
entrer dans les ordres. ‖ Porter le froc, être
moine. ‖ Quitter le froc, ou (fam.) jeter le
froc aux orties, renoncer à l’état religieux
ou à l’état ecclésiastique. ‖ 3. Vx. Étoffe de
laine croisée, assez grossière, qui servait
jadis à l’habillement des ouvriers et des
gens de la campagne. ‖ 4. Pop. Pantalon :
L’eau vous entrait dans les chaussettes par
les semelles et par le drap du froc détrempé
(Barbusse). ‖ Triv. Faire dans son froc,
avoir très peur. ‖ Fig. et triv. Baisser son
froc, subir une humiliation sans regimber.

frocard [frɔkar] n. m. (de froc ; fin du


XVIIe s., Dict. général). Péjor. Moine : Le
propos est entendu et les larmes séchées,
tout le monde rit, le frocard plus fort que les
autres (Daudet). Ce damné frocard lui fait
croire toutes les sottises qu’il veut (France).

froid, e [frwa, frwad] adj. (lat. pop.


*frǐgidus, lat. class. frīgidus, froid, glacé,
languissant, qui laisse indifférent, fade, de
frīgēre, avoir froid, être froid ; fin du XIe s.,
écrit freit, freide [froit, froide, XIIe s. ; froid,
froide, XIVe s.], d’abord comme n. [v. ci-des-
sous] ; comme adj., au sens I, 1, v. 1196,
J. Bodel ; sens I, 2, 1690, Furetière [la sai-
son froide, 1872, Larousse ; chambre froide,
XXe s.] ; sens I, 3, début du XXe s. [« qui
conserve peu la chaleur », 1690, Furetière] ;
sens I, 4, XIIIe s., Rutebeuf [« qui a été cuit,
puis refroidi », 1835, Acad. ; repas froid,
1865, Littré] ; sens I, 5, 1890, Zola ; sens I,
6, XIIIe s., Roman de Renart [animaux à
sang froid, 1791, Valmont de Bomare ; sueur
froide, 1843, Th. Gautier] ; sens I, 7, 1273,
Adenet [lumière froide, XXe s.] ; sens I, 8,
1845, Bescherelle [humeurs froides] ; sens
II, 1, 1761, J.-J. Rousseau [« triste », fin du
XIIe s. ; « physiquement impropre aux plai-
sirs de l’amour », 1771, Trévoux] ; sens II, 2,
v. 1360, Froissart [pour un état émotif vio-
lent que l’on domine, av. 1559, J. Du Bellay ;
avoir la tête froide, av. 1696, La Bruyère ;
guerre froide, v. 1948] ; sens II, 3, v. 1360,
Froissart [« qui marque la réserve, l’indiffé-
rence », 1580, Montaigne ; battre froid, faire
froid à quelqu’un, 1690, Furetière] ; sens
II, 4, v. 1360, Froissart [laisser quelqu’un
froid, 1699, Massillon ; rester froid, 1782,
Laclos] ; sens II, 5, 1732, Voltaire ; sens II,
6, 1669, Boileau [pour une oeuvre littéraire,
1670, Bossuet] ; sens II, 7, 1663, Molière).

I. 1. Qui est dépourvu de chaleur ; qui


est ou paraît être à une température plus
basse que celle de l’organisme : Eau froide.
Air froid. Prendre une douche froide. Dans
cette grande plaine où l’autan froid se joue
(Baudelaire). ‖ Spécialem. Pierre froide,
ou pierre marbrière, pierre calcaire très
dure et prenant le poli. ‖ Sol froid, terres
qui restent humides longtemps après la
fin de l’hiver et se réchauffent très lente-
ment. ‖ 2. Spécialem. Se dit d’un local,
d’un milieu, d’une région géographique,
etc., où la température ambiante est
basse : Un appartement froid, une mai-
son froide. Les pays froids. Climat froid.
Une froide journée d’hiver. ‖ La saison
froide, l’hiver. ‖ Chambre froide, local
où une installation frigorifique entretient
artificiellement une température basse.
‖ 3. Qui ne dégage aucune chaleur ou
dégage très peu de chaleur : Un froid soleil
d’hiver. ‖ Par extens. Qui conserve peu la
chaleur, qui ne tient pas chaud : Le coton
est plus froid que la laine. ‖ 4. Qui n’est
plus chaud, qui s’est refroidi : Le radia-
teur est froid. Des cendres froides. Aérez,
la pièce sent la pipe froide. Le déjeuner au-
rait pu être réussi, malheureusement tous
les plats ont été servis froids. ‖ Spécialem.
Qui a été cuit, puis refroidi : Viandes
froides. Des légumes froids, du bouillon
froid. ‖ Par extens. Repas froid, repas
composé de mets froids : Un souper froid.
‖ 5. Qui n’est pas à une température suf-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2041

fisante pour permettre un bon fonction-


nement : La voiture ne démarre pas, le
moteur est froid. ‖ 6. Qui est totalement
ou partiellement privé de chaleur ani-
male ; qui donne ou éprouve la sensation
d’une diminution de cette chaleur : Un
cadavre froid. Dès après la mort, le corps
devient froid. Avoir les mains froides, les
pieds froids. Ma main recule froide et mon
regard se voile (Lamartine). ‖ Animaux à
sang froid, animaux dont la température
n’est pas constante et varie avec celle du
milieu. ‖ Sueur froide, sudation provo-
quée par une forte et soudaine émotion,
et dont la sensation est glaciale. ‖ 7. Fig.
Qui produit l’impression d’une chose
froide : Une couleur froide. Des yeux
froids. ‖ Lumière froide, lumière prove-
nant d’une luminescence. ‖ 8. Spécialem.
Qui n’a pas un caractère inflammatoire :
Abcès froid. ‖ Vx. Humeurs froides, scro-
fules, écrouelles.

II. 1. Qui est d’un tempérament fleg-


matique, d’une nature à ne pas s’émou-
voir facilement : Les gens flegmatiques
et froids, si doux, si patients, si modérés
à l’extérieur, en dedans sont haineux,
implacables, vindicatifs (Rousseau). Cet
homme, que j’aurais d’abord cru froid,
s’exalta peu à peu, et je trouvai chez lui les
signes de cette impétuosité concentrée des
gens du Nord (Sue). Mais à cause de cela
même, il n’avait pas avec lui les mêmes
susceptibilités ; et puis c’était une nature
froide sans doute, mais aussi incapable de
vilenies que de grandes actions (Proust).
‖ Spécialem. Qui est physiquement
impropre aux plaisirs de l’amour : Sauf
quelques exceptions épouvantables, toutes
[les femmes] sont froides ; autrement dit,
nous ne savons rien de leur sensualité
(Chardonne). ‖ 2. Class. et littér. Qui sait
garder son calme, qui contrôle parfai-
tement ses sentiments et ses réactions :
Être froid dans le péril, ne ménager sa vie
que pour le bien de son État (La Bruyère).
J’ai trouvé chez des femmes l’intrépidité
la plus froide, la plus étonnante, la plus
exempte de nerfs (Stendhal). Devant cette
littérature, l’intelligence froide n’a que
faire (Gide). ‖ Par extens. Se dit des états
émotifs violents que l’on domine, qui
n’éclatent pas : Colère froide, rage froide.
‖ Avoir, conserver la tête froide, ne pas
perdre la tête, conserver tout son juge-
ment dans les situations difficiles : Vous
savez qu’il faut qu’un général ait la tête
froide et le coeur chaud (Voltaire). ‖ Sang-
froid, v. à son ordre alphab. ‖ Guerre
froide, état de tension internationale pro-
longée n’allant pas jusqu’aux opérations
militaires. ‖ 3. Qui observe volontaire-
ment une attitude réservée, indifférente
ou proche de l’hostilité : Puis le public
redevint froid ; les scènes suivantes furent
trouvées ennuyeuses (Zola). M. le Comte
s’est montré très froid, mais poli (Berna-
nos). ‖ Par extens. Qui marque la réserve,

l’indifférence, etc. : L’accueil de Mme de


Fontanin fut un peu froid ; elle semblait
surtout étonnée (Martin du Gard). Un
abord froid. Une politesse froide. ‖ Ad-
verbialem. Battre froid à quelqu’un, se
montrer volontairement peu aimable,
distant avec lui : Du moment que mon
hôte s’aperçut que je n’avais plus d’argent,
il me battit froid (Lesage). ‖ Class. Faire
froid à quelqu’un, même sens : J’ai seule-
ment peine à comprendre que quand on
aime une personne et qu’on la regrette, il
faille, à cause de cela, lui faire froid au
dernier point, les dernières fois que l’on
la voit (Sévigné). ‖ 4. Class. Qui montre
peu d’ardeur, de zèle, d’empressement : Il
n’y a que pour le salut que nous sommes
froids et languissants (Bossuet). C’est un
froid ami, qui agit lentement dans les occa-
sions où il peut rendre service (Furetière,
1690). ‖ Auj. Laisser quelqu’un froid, ne
pas le toucher, le laisser indifférent : Il y
a quelque temps, tout ce déploiement de
richesses m’eût laissé froid (Gide). ‖ Res-
ter froid, demeurer insensible : Rester
froid devant la douleur. ‖ 5. Qui marque
une profonde insensibilité : Un acte d’une
froide cruauté. ‖ 6. Qui manque de sen-
sibilité, de passion, de chaleur commu-
nicative : Un écrivain, un orateur froid.
‖ Par extens. Se dit des oeuvres littéraires
ou artistiques qui manquent de chaleur,
qui ne suscitent aucune émotion : Style
froid. Une peinture d’un coloris froid.
‖ 7. Class. et spécialem. Se dit de ce qui
est banal, ennuyeux, sans intérêt : « Ce
mot me semble froid, | Je le retrancherais.

— C’est le plus bel endroit ! » (Boileau).


La scène d’Alain et de Georgette dans le
logis, que quelques-uns ont trouvée longue
et froide (Molière).

• SYN. : I, 1 glacé ; 2 frisquet (fam.), glacial ;


6 glacé. ‖ II, 1 impassible, imperturbable,
marmoréen, réservé ; frigide ; 3 distant,
hautain, glacial, indifférent, réfrigérant
(fam.) ; 5 dur, impitoyable, implacable ;
6 sec ; insipide, plat, terne. — CONTR. : I,
1 bouillant, chaud, tiède ; 2 caniculaire,
étouffant, torride ; 3 brûlant, chaud ; douil-
let ; 4 incandescent ; 7 ardent, chaud. ‖ II,
1 démonstratif, émotif, exalté, expansif,
impétueux ; amoureux, lascif, libidineux,
lubrique, sensuel, voluptueux ; 3 aimable,
chaleureux, cordial, délirant, emballé
(fam.), enthousiaste, exubérant, frénétique ;
6 bouleversant, passionné, sensible ; animé,
coloré, émouvant, pathétique, poignant,
touchant.

& froid adv. (sens 1, 1580, Montaigne [boire


froid]). 1. À une basse température : Boire
froid. Manger froid. Servir froid. ‖ Il fait
froid, v. FROID n. m., § I, n. 2. ‖ Avoir froid,
Donner, faire froid, Prendre, attraper froid,
v. FROID n. m., § I, n. 3. ‖ 2. Fig. Battre
froid, faire froid à quelqu’un, v. FROID adj.,
§ II, n. 3.

& froid n. m. (sens I, 1, v. 1240, G. de


Lorris [froid artificiel, 1872, Larousse] ;

sens I, 2, 1080, Chanson de Roland ; sens


I, 3, fin du XIIIe s., Joinville [avoir froid,
1273, Adenet ; n’avoir pas froid aux yeux,
1872, Larousse ; donner, faire froid, XXe s. ;
prendre froid, 1834, Balzac ; attraper froid,
1895, Huysmans] ; sens I, 4, 1677, Racine [le
froid des ans, av. 1646, Maynard] ; sens II,
1, 1667, Corneille ; sens II, 2, 1661, Racine ;
sens II, 3, 1698, Bossuet [être en froid, 1887,
Zola ; jeter du froid, 1890, Dict. général ;
jeter un froid, XXe s.] ; sens II, 4, av. 1696,
La Bruyère).

I. 1. Manque de chaleur ; état de ce qui est


froid, dépourvu de chaleur : La sensation
du froid. Le froid de la glace, du marbre.
Distinguer le froid du chaud. ‖ Souffler le
chaud et le froid, v. CHAUD. ‖ Froid arti-
ficiel, ou froid industriel, ensemble des
procédés qui permettent la réfrigération
et la congélation de diverses substances,
à des fins de conservation. ‖ 2. Spécia-
lem. Température basse de l’atmosphère,
du milieu ambiant : Un froid vif. Un froid
rigoureux. Une vague de froid. Les pre-
miers froids, les grands froids. Redouter le
froid. Résister au froid. Le jour s’avançait ;
on s’épuisait en efforts inutiles ; la faim,
le froid et les Cosaques devenaient pres-
sants (Ségur). Je tins à me baigner, malgré
le froid (Giraudoux). ‖ Fam. Un froid de
loup, de canard, un froid noir, un froid
très rigoureux : Il faisait dans cette ave-
nue | Un froid de loup, un temps de chien
(Musset). Descendons... Il fait un froid
noir chez toi (Daudet). ‖ Froid humide,
temps froid et brumeux ou pluvieux.
‖ Froid sec, froid par un temps clair et
sec. ‖ Pôle du froid, nom donné à la ré-
gion du globe où l’on enregistre les plus
forts minima absolus de température.
‖ Adverbialem. Il fait froid, la tempéra-
ture extérieure est basse. ‖ 3. Sensation
causée par le manque de chaleur, la tem-
pérature plus ou moins basse d’un corps
ou du milieu ambiant : Trembler de froid.
‖ Avoir froid, éprouver cette sensation :
Avoir froid aux mains, aux pieds. La pre-
mière chose que je sens en maniant de la
glace, c’est que j’ai froid (Bossuet). ‖ Fig.
N’avoir pas froid aux yeux, être hardi,
entreprenant, courageux : Tante Coralie,
par exemple, tu ne peux imaginer comme
elle était vive et moqueuse. Et elle n’avait
pas froid aux yeux, comme vous dites
(Duhamel). ‖ Donner, faire froid, procu-
rer une sensation de froid. ‖ Fig. Cela me
fait froid, cela me cause une impression
très pénible. ‖ Cela ne me fait ni chaud
ni froid, v. CHAUD n. m. ‖ Prendre, attra-
per froid, avoir un refroidissement, une
indisposition provoquée par le froid : Il
a pris froid aux passes de la montagne
(Giono). ‖ Un chaud et froid, v. CHAUD
n. m. ‖ 4. Sensation de refroidissement
due à une perte de la chaleur vitale, à une
émotion vive, etc. : Le froid de la fièvre.
Le froid de la mort. Je sens un froid mor-
tel qui me paralyse (Musset). ‖ Littér. Le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2042

froid des ans, la diminution de vitalité


qu’amène la vieillesse. ‖ Faire froid dans
le dos, v. DOS.

II. 1. Class. Absence d’émotion, de pas-


sion ; indifférence : Comment en parlons-
nous ? Avec le même froid que si nous
n’y prenions nul intérêt (Bourdaloue).
‖ 2. Class. Air sévère, distant : Je le regar-
dai avec un froid qui montrait bien la rage
où j’étais de voir un si grand quolibetier
impuni (Racine). ‖ 3. Littér. Manque de
cordialité, d’affection dans les relations
entre personnes ; affaiblissement des sen-
timents réciproques (limité à quelques
expressions) : Il y a du froid entre eux.
‖ Être en froid, en parlant de deux per-
sonnes, être fâchées, ne plus être en bons
termes. ‖ Jeter du froid (vx), un froid,
faire naître un malaise, une sensation de
gêne (en parlant d’un acte, d’une parole) :
Phrase qui jette un froid dans l’assemblée.
‖ 4. Littér. Défaut des oeuvres qui ne
suscitent pas d’émotion, par manque de
chaleur, d’éclat : Où tombe-t-il, si ce n’est
dans le froid, dans l’ennuyeux ? (Bossuet).
& À froid loc. adv. ou adj. (sens 1, 1690,
Furetière [démarrage à froid, début du
XXe s.] ; sens 2-3, XXe s. ; sens 4, 1741,
Voltaire). 1. Sans employer la chaleur,
sans chauffer : Battre, forger le fer à froid.
Laminer à froid. ‖ Ciseau à froid, v. CISEAU.
‖ Démarrage à froid, mise en marche d’un
moteur quand il est froid. ‖ 2. Spécialem.
En reliure, se dit d’un procédé d’impres-
sion en creux, à sec, sans or ni couleurs,
employant un fer à dorer chauffé et appli-
qué fortement sur la couverture du volume
relié. (Ainsi nommé parce que, autrefois,
les blocs de buis ou les fers utilisés n’étaient
pas chauffés.) ‖ 3. En chirurgie, se dit des
interventions pratiquées en dehors des
périodes de crise aiguë ou des poussées
inflammatoires, et notamment en l’absence
de fièvre : Opération à froid. Opérer à froid.
‖ Fig. Opérer à froid, agir, prendre une
décision quand les passion, sont apaisées.
‖ 4. Fig. Sans passion, sans émotion, ou
en feignant l’impassibilité : Le réquisi-
toire lui paraissait injuste, mais pas plus
que les panégyriques à froid, systématiques
(Vercel). Colère à froid. Des plaisanteries à
froid. Blaguer à froid.

froidement [frwadmɑ̃] adv. (de froid,


adj. ; av. 1370, J. Le Bel, au sens II, 1 ; sens I,
1865, Littré ; sens II, 2, 1832, V. Hugo ; sens
II, 3, 1835, Th. Gautier ; sens II, 4, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens II, 5, 1663, Corneille).

I. Vx. de telle façon qu’on éprouve le


froid : Être logé, vêtu froidement (Littré).

II. 1. Avec calme, sans trouble ni émo-


tion : Regarder froidement la mort. Ah !
il vous a fait dire cela froidement comme
cela ! (Proust). Je prends la chose très froi-
dement, tu le vois bien (Gide). Que j’ai le
physique d’une héroïne de mélo, répon-
dit-elle froidement (Martin du Gard).

‖ 2. Avec une complète insensibilité :


Tuer froidement un animal. ‖ 3. Avec une
pleine lucidité : Examiner froidement la
situation. ‖ 4. Avec peu d’empressement,
de sympathie : Accueillir froidement une
proposition, un visiteur. ‖ 5. Littér. D’une
manière qui manque de vie, de chaleur :
Il conte brièvement, mais froidement
(La Bruyère).

• SYN. : II, 1 calmement, flegmatiquement,


imperturbablement, sereinement, tranquil-
lement ; 2 implacablement ; 3 lucidement,
objectivement ; 4 fraîchement ; 5 sèchement.

— CONTR. : I chaudement. ‖ II, 4 aima-


blement, chaleureusement, cordialement.

froideur [frwadoer] n. f. (de froid, adj. ;


v. 1120, Psautier de Cambridge, écrit frei-
dour [froidor, XIIIe s. ; froideur, XVIe s.], au
sens de « saison du froid » ; sens I, 1, v. 1265,
Br. Latini ; sens I, 2, v. 1240, G. de Lorris ;
sens II, 1, av. 1559, J. Du Bellay [« manque
de sensualité », av. 1799, Marmontel] ; sens
II, 2, début du XVIIe s., Malherbe ; sens II,
3-4, 1580, Montaigne [en froideur, 1672,
Mme de Sévigné] ; sens II, 5, 1664, Boileau).

I. 1. Class. État de ce qui est dépourvu de


chaleur ; basse température : Je ne sais si
vous soutiendrez, vous, ma fille, la froi-
deur de cet air glacé et pointu, qui perce
les plus robustes (Sévigné). La froideur du
marbre (Acad.). ‖ 2. Diminution ou dis-
parition complète de la chaleur vitale : La
froideur des extrémités. La froideur d’un
cadavre. ‖ Littér. Les froideurs de l’âge,
de la vieillesse, affaiblissement de la vita-
lité, de l’énergie, dû au grand âge.

II. 1. Manque d’ardeur, de passion, de


sensibilité : Froideur de caractère. Froi-
deur du tempérament, de l’imagination.
On opposait sa simplicité à la froideur
d’âme des savants (Renan). ‖ Spécialem.
Manque de sensualité. ‖ 2. Absence ap-
parente d’émotivité, flegme, sang-froid :
La froideur est la plus grande qualité d’un
homme destiné à commander (Napo-
léon Ier). Mais peut-être, chez mon père
lui-même, la froideur n’était-elle qu’un
aspect extérieur de sa sensibilité (Proust).
La froideur des gens du Nord. ‖ 3. Atti-
tude de réserve, d’indifférence ; manque
d’empressement, d’intérêt pour quelque
chose, de chaleur, de cordialité pour
quelqu’un : La froideur que le public a té-
moignée à une pièce. Accueillir quelqu’un
avec froideur. Une réception d’une froi-
deur extrême. La crainte du ridicule est
une des principales causes de la froideur
qui règne dans la société anglaise (Staël).
Que veut dire cela ? Tant de froideur, un
refus si positif (Musset). Il a fallu bien plus
d’indulgence à mes amis pour me pardon-
ner un autre défaut. Je veux parler d’une
certaine froideur, non à les aimer, mais à
les servir (Renan). ‖ 4. Vx ou littér. Re-
froidissement dans les sentiments, relâ-
chement des liens d’amitié, d’affection :
Il y a de la froideur entre eux (Acad.).

‖ Class. En froideur, en froid, dans un


état proche de l’antipathie : Mandez-moi,
je vous prie, ma bonne, ce qu’il y a entre la
princesse d’Harcourt et vous [...] ; je serai
bien aise de savoir ce qui vous a mises en
froideur (Sévigné). ‖ 5. Caractère d’une
oeuvre littéraire ou artistique qui manque
de chaleur, de vie, d’émotion : La froideur
du style. La froideur d’un coloris. Cette
froideur est le grand défaut, selon moi,
de presque toutes nos pièces de théâtre
(d’Alembert).

• SYN. : II, 1 dureté, flegme, sécheresse ;


frigidité, impuissance ; 2 impassibilité,
imperturbabilité ; 3 fraîcheur, indifférence,
morgue ; 5 aridité, fadeur. — CONTR. : I,
2 réchauffement. ‖ II, 1 ardeur, exalta-
tion, exubérance, vivacité ; sensualité ; 2
émotivité, hypersensibilité, sensibilité ; 3
chaleur, cordialité, émoi, empressement,
intérêt, passion, sympathie.

& froideurs n. f. pl. (1633, Corneille).


Class. et littér. Actes, paroles par lesquels
on manifeste son indifférence ou son hos-
tilité à quelqu’un : Les froideurs que vous
aviez pour ce pauvre Corbinelli (Sévigné).
Lucien allait faire sa première expérience
des ignorances et des froideurs mondaines
(Balzac).

froidir [frwadir] v. intr. (de froid, adj. ;


v. 1160, Benoît de Sainte-Maure). Vx ou lit-
tér. Devenir froid, refroidir : Puis l’ondée
s’en mêla, pénétrante, continue, semblant
froidir à mesure qu’il montait (Daudet).
Au-dessus des eaux déjà froidies (Loti).
Le brouet qui froidit sera fade à tes lèvres
(Apollinaire).

& v. tr. (sens 1, XIIe s., Athis ; sens 2, av. 1850,


Balzac). 1. Vx. Rendre froid, refroidir.
‖ 2. Fig. et littér. Marquer des signes de
l’âge, de la vieillesse, en particulier blan-
chir : Le pair de France montrant [...] une
belle tête froidie par les années (Balzac).

froidure [frwadyr] n. f. (de froid, adj. ;


v. 1120, Psautier de Cambridge, écrit frei-
dure [froidure, XIIIe s.], au sens 2 ; sens 1,
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure [écrit fri-
dore ; froidure, XIIIe s.]). 1. Class. et littér.
Température froide : La froidure de la sai-
son, la froidure d’un climat (Acad., 1694).
Se sentir sur l’eau par une froidure pareille
(Moselly). ‖ 2. Class. Saison du froid : Au
temps que la triste froidure | Quitte la place
à la verdure (Scarron).

froidureux, euse [frwadyrø, -øz] adj.


(de froidure ; 1507, Amerval, au sens 1 ; sens
2, v. 1527, C. Marot). 1. Class. (déjà vx au
XVIIe s.). Qui est sensible au froid, frileux :
Vous voilà bien vêtu pour la saison, vous êtes
bien froidureux (Acad., 1694). ‖ 2. Class.
(déjà vx au XVIIe s.). À température froide
(surtout dans la langue poétique) : Que sous
les climats froidureux | Les peuples sont bien
malheureux (Saint-Amant).

froissabilité [frwasabilite] n. f. (dér.


savant de froissable ; 1964, J. Lourd).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2043

Caractère de ce qui est froissable : La frois-


sabilité d’un tissu.

froissable [frwasabl] adj. (de froisser ;


XVIe s., La Curne, au sens de « peu robuste »
[en parlant du corps humain] ; sens 1-2,
1865, Littré). 1. Qui se froisse facilement :
Une étoffe peu froissable. ‖ 2. Fig. Prompt
à se vexer, susceptible.

froissage [frwasaʒ] n. m. (de froisser ;


1858, Legoarant). Action de froisser.

froissant, e [frwasɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de froisser ; 1919, Proust). Qui est de nature
à froisser quelqu’un : Des propos froissants.

froissement [frwasmɑ̃] n. m. (de frois-


ser ; 1275, Adenet, au sens de « bruit que
font des choses qui s’entrechoquent » ;
sens 1, v. 1560, Paré [« contusion des tis-
sus due à un traumatisme léger », XVe s.] ;
sens 2, XXe s. ; sens 3, 1835, Acad. [« bruit
produit par ce qui est froissé », 1827,
Chateaubriand] ; sens 4, 1831, Sainte-
Beuve ; sens 5, 1829, Boiste). 1. Vx. Action
de froisser, de meurtrir par une pression
ou une friction plus ou moins forte : Le
froissement d’un membre (Acad.). ‖ Auj.
Contusion des tissus due à un trauma-
tisme léger : Le froissement d’un muscle.
‖ 2. Spécialem. Froissement d’épées, en
escrime, battement prolongé et glissant,
allant vigoureusement du faible au fort
de la lame de l’adversaire, pour l’ébranler,
l’écarter. ‖ 3. Action de froisser, de chif-
fonner, de friper ; résultat de cette action :
Le froissement d’une étoffe, d’un papier.
‖ Bruit produit par ce qui est froissé ou
rappelant celui d’une chose froissée : Des
froissements d’animaux qui marchent,
broutent ou broient entre leurs dents les
noyaux des fruits, des bruissements d’ondes,
de faibles meuglements, de doux roucoule-
ments remplissent ces déserts d’une tendre
et sauvage harmonie (Chateaubriand). Il y
a des murmures, des souffles, des froisse-
ments de branches (Hugo). Presque toutes
les banquettes étaient couvertes de femmes,
qui faisaient un grand froissement d’étoffes
remuées (Maupassant). Et si le froissement
du jet d’eau couvrait le bruit de ses paroles,
du moins distinguait-on ses lèvres s’agiter
(Gide). ‖ 4. Fig. Choc, friction de caractères
ou d’intérêts opposés : Le froissement de
deux natures très différentes. Le froisse-
ment des amours-propres. ‖ 5. Fig. Atteinte
subie par la personne qui est blessée dans
son amour-propre, sa sensibilité, ou qui
s’estime lésée, offensée : Lamennais semble
être sorti du catholicisme pour des motifs
de froissement personnel (Renan). Une de
ces nobles natures qui, sous le froissement,
manifestent leur vraie grandeur (Gide).

• SYN. : 1 claquage ; 3 chiffonnement ; bruis-


sement, frémissement, friselis, frisson, frô-
lement, frou-frou ; 4 conflit, friction, heurt ;
5 blessure, offense, ulcération, vexation.

froisser [frwase] v. tr. (lat. pop. *frustiare,


briser, du lat. class. frustum, morceau, frag-

ment, bouchée ; 1080, Chanson de Roland,


écrit fruissier, froissier [froisser, XIIIe s.],
au sens 1 ; sens 2, v. 1360, Froissart [« sou-
mettre à une pression violente, contusion-
ner », 1651, Scarron] ; sens 3, v. 1462, Cent
Nouvelles nouvelles ; sens 4, 1829, Boiste ;
sens 5, 1872, Larousse [froisser l’amour-
propre, etc., de quelqu’un, 1829, Boiste]).
1. Class. Briser, mettre en pièces : Un coup
de fauconneau lui froissa les os de la jambe
(Acad., 1694). ‖ 2. Class. Meurtrir par un
choc violent : L’un me heurte d’un ais dont
je suis tout froissé (Boileau). Il s’est froissé
tout le corps en tombant (Acad., 1694).
‖ Auj. Soumettre à une pression violente,
contusionner : Se froisser un muscle.
Avoir un nerf froissé. ‖ 3. Endommager
une chose fragile (étoffe, papier, etc.) en
la pressant, la chiffonnant : Elle froissait
dans ses mains un petit papier plié en quatre
(Musset). Elle revenait parée pour moi de
châles, de blouses [...] tirés du fond de ses
valises, un peu froissés (Giraudoux). De ses
doigts déformés, Maman froissait le feston
de la camisole (Mauriac). ‖ 4. Fig. Léser,
compromettre : Une révolution froisse
toujours beaucoup d’intérêts (Constant).
‖ 5. Fig. Heurter, blesser quelqu’un par un
manque de tact : Si vous me refusez, vous
me froisserez jusqu’au coeur (Maupassant).
C’est que personne, jamais, ne s’était penché
vers elle avec ce regard chaud et prenant ;
personne ne lui avait jamais parlé avec un
tel souci de ne pas la froisser, un si manifeste
désir de la comprendre (Martin du Gard).
Martine fut presque froissée de cette indif-
férence (Aymé). Froisser quelqu’un dans
son orgueil, dans son amour-propre ; et par
extens. : Je ne savais comment faire pour ne
pas froisser sa susceptibilité (Gide).

• SYN. : 3 bouchonner, friper ; 5 chiffonner,


choquer, dépiter, fâcher, heurter, indisposer,
offenser, offusquer, piquer, vexer.

& se froisser v. pr. (sens 1-2, 1865, Littré).


1. Prendre de faux plis, se friper : Une robe
fragile, qui se froisse facilement. ‖ 2. Fig.
S’affecter d’un manque d’égards, être
blessé dans son amour-propre, sa sensi-
bilité : On ne peut rien lui dire, il se froisse
tout de suite.

• SYN. : 1 se chiffonner ; 2 se choquer, se


fâcher, se formaliser, se hérisser, s’offenser,
se piquer, se vexer.

froissis [frwasi] n. m. (de froisser ; v. 1155,


Wace, écrit froisseïs, aux sens de « action
de se briser, bruit d’armes brisées » ; sens
moderne, milieu du XVe s., J. de Bueil, écrit
froisseïz [froissis, XVIe s.]). Vx. Bruit de
choses froissées : Les sentinelles entendant
le froissis des feuilles (Gautier).

• SYN. : froissement.

froissure [frwasyr] n. f. (de froisser ; fin


du XIIe s., Geste des Loherains, au sens de
« brisure, fracture » ; sens actuel, 1835,
Acad.). Trace laissée sur un corps par le
froissement : Soudain, il s’aperçut que ce
bel ongle était cassé. C’était une froissure

transversale qui ternissait dans toute sa lar-


geur le ton carné du cabochon (Gide). Faire
disparaître les froissures d’un vêtement en
le repassant.

frôlement [frolmɑ̃] n. m. (de frôler ; 1700,


Mémoires de l’Acad. des sciences [« bruisse-
ment produit par une chose qui en frôle une
autre », milieu du XVIIIe s., Buffon]). Action
de frôler ; frottement léger d’un corps en
mouvement contre un autre corps : Il faut
savoir [...] donner des coups très légers, qui
sont presque des frôlements (Romains).
‖ Bruissement produit par une chose qui
en frôle une autre : J’entendis dans l’escalier
des frôlements de robes et des bruits de voix
(Dumas). La barque plate se heurte aux
bords, déchire les herbes de l’eau peu pro-
fonde, entraîne les racines et fait un bruit
de frôlements (Gide).

• SYN. : attouchement, caresse, effleure-


ment ; frémissement, froissement, froufrou.

frôler [frole] v. tr. (mot formé sur la


suite consonantique f-r-l, qui évoque le
bourdonnement d’un objet qui passe ;
v. 450, Gréban, écrit frauller, au sens de
« rosser » ; écrit frôler, au sens 1, 1670,
Molière [intransitiv., 1869, Flaubert] ; sens
2, 1877, Flaubert ; sens 3, début du XXe s.).
1. Toucher légèrement, effleurer en pas-
sant : Une roue de voiture m’a frôlée, mais
je n’ai pas vu la voiture, je suis trop petite
(Colette) ; et intransitiv. : Notre quille frôlait
contre les petits cailloux du fond (Flaubert).
‖ 2. Passer à une très faible distance de
quelque chose ou de quelqu’un, sans le
toucher : L’avion a frôlé le toit des maisons
et s’est écrasé dans les champs. ‖ 3. Fig.
Échapper de justesse à un danger, à une
chose fâcheuse : Frôler la mort, l’accident,
la faillite.

• SYN. : 1 caresser ; 2 côtoyer, raser ; 3 friser,


risquer.

& se frôler v. pr. (1690, Furetière).


S’effleurer en passant, ou passer très près
l’un de l’autre : Souvent nous nous cou-
chions sous les larges ramures [...] où les
essaims murmurants se frôlaient (Gide). Les
deux véhicules se sont frôlés en se croisant.
• SYN. : se côtoyer, se coudoyer.
frôleur, euse [froloer, -øz] adj. (de frôler ;
1876, A. Daudet). Qui frôle, qui caresse :
Non qu’il eût montré trop de hardiesse : frô-
leur, enveloppant, c’est tout ce qu’on pouvait
dire (Daudet). Le regard frôleur de Jérôme
qui possédait la vertu d’accrocher au pas-
sage les regards d’autrui (Martin du Gard).
& frôleur n. m. (1897, L. Bloy). Maniaque
qui, dans les foules, recherche les contacts
féminins.

& frôleuse n. f. (1882, Goncourt). Femme


qui, par son attitude, cherche à aguicher
les hommes : Si elle ne cède pas, eh bien, ce
sera clos ; elle ira jouer son rôle de frôleuse
ailleurs ! (Huysmans).

• SYN. : aguicheuse, allumeuse (fam.).


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2044

frôlure [frolyr] n. f. (de frôler ; fin du


XIXe s., A. Daudet). Contact de quelque
chose qui frôle : Pour sortir de l’eau, quit-
ter son costume, c’étaient des fous rires, des
petits cris de peur à la moindre frôlure, sur
sa peau nue et rose, d’une branche de saule
ou d’un vol d’insecte effaré (Daudet).

fromage [frɔmaʒ] n. m. (bas lat. forma-


ticus, fromage [VIIIe s.], abrév. de caseus
[fromage] formaticus [fait dans une forme,
du lat. class. forma, v. FORME] ; 1180, Gay,
écrit formage [fromage, XIIIe s., Roman de
Renart], au sens 1 [entre la poire et le fro-
mage, av. 1660, Scarron] ; sens 2, 1835, Acad.
[fromage d’Italie, 1845, Bescherelle] ; sens 3,
1932, Acad. ; sens 4, 1872, Larousse ; sens 5,
1905, G. Esnault). 1. Aliment obtenu par la
fermentation du caillé, après coagulation
du lait ; masse de cette matière alimentaire
moulée de façons diverses : Un dessert sans
fromage est une belle à qui il manque un
oeil (Brillat-Savarin). Il s’enquit de la laine
tissée en son absence, des fromages mis sur
l’éclisse (France). Fromages frais, fromages
affinés, fromages fondus. Fromage de Brie,
de Gruyère, de Hollande. ‖ Fromage blanc,
fromage qui se fabrique avec le lait entier
présuré, et se consomme frais. ‖ Fromage
à la crème, fromage frais qu’on délaie avec
de la crème ; fromage de régime. ‖ Fam.
Entre la poire et le fromage, au dessert, au
moment où la liberté et la cordialité règnent
et favorisent les confidences. ‖ Vx et fam.
Faire un ou des fromages, en parlant d’une
femme, tourner rapidement, puis se bais-
ser brusquement afin de faire ballonner la
jupe : Ce qui l’amusait, c’était de faire « un
fromage » avec sa robe, comme au pension-
nat (Zola). ‖ 2. Fromage de tête [de porc],
ou (vieilli) fromage de cochon, hachis de
porc frais mis à refroidir dans un moule :
Un délicat fromage de petit cochon (Barrès).
‖ Fromage d’Italie, hachis de foie de veau
ou de porc, de lard et de panne. ‖ 3. Fig.
et fam. Situation, fonction lucrative et
peu fatigante (par allusion à la fable de
La Fontaine le Rat qui s’est retiré du monde
[VII, III]) : Quand on avait édifié l’Institut
national de biologie, M. Larminat s’était
trouvé choisi, presque sans concurrent,
comme directeur général et il s’était installé
dans ce fromage considérable (Duhamel).
‖ 4. Rondelle de matière réfractaire sur
laquelle on pose les creusets dans les fours
à creusets, afin de rehausser ceux-ci au-
dessus de la sole. (Syn. TOURTE.) ‖ 5. Dans
l’argot des théâtres, encadrement d’une
couleur différente dans lequel on met, en
grosses lettres, les noms des vedettes sur
l’affiche d’un spectacle.

• SYN. : 3 gâteau (fam.), sinécure.

fromageon [frɔmaʒɔ̃] n. m. (anc. pro-


venç. formatjon, dér. de l’anc. provenç.
formatge, fromage, bas lat. formaticus [v.
l’art. précéd.] ; 1600, O. de Serres). Fromage
blanc préparé avec du lait de brebis, dans
le midi de la France.

1. fromager [frɔmaʒe] v. tr. (de fromage ;


début du XXe s.). Ajouter du fromage râpé à
un mets (surtout au part. passé) : Bernard
refusa d’un geste maussade un morceau de
gâteau fromagé (Pérochon).

2. fromager, ère [frɔmaʒe, -ɛr] n. (de


fromage ; XIIIe s.). Personne qui fait ou vend
des fromages : Il avait un prêche dans la
montagne pour les bergers, les bûcherons,
les fromagers (Daudet).

& adj. (1872, Larousse). Qui a rapport à


la fabrication et à la vente des fromages :
L’industrie fromagère. Associations
fromagères.

& fromager n. m. (1723, Savary des


Bruslons). Récipient percé de trous, dans
lequel on presse le lait caillé pour l’égoutter.
& fromagère n. f. (1874, d’après Littré,
1877). En Auvergne, petite table à pétrir
le lait caillé.
3. fromager [frɔmaʒe] n. m. (de fro-
mage, à cause du revêtement cotonneux
de cet arbre, ou parce que son bois est
blanc et tendre comme du fromage ; 1755,
Encyclopédie). Grand arbre des régions
tropicales, de la famille des malvacées,
au bois tendre et blanc, et dont les fruits
fournissent un kapok : Les fûts gigantesques
des fromagers, des kailcédrats (Tharaud).

fromagerie [frɔmaʒri] n. f. (de fromage ;


XIVe s., Miracles de Nostre-Dame, écrit four-
magerie [fromagerie, 1636, Monet], au sens
1 ; sens 2, 1636, Monet). 1. Endroit où l’on
fait, garde ou vend les fromages : Ils ont
dans le pays de Pontarlier une industrie
toute patriarcale, ce sont leurs fromageries
(Hugo). ‖ 2. Fabrication, commerce des
fromages.

fromegi ou fromgi [frɔmʒi] n. m. (de


from, abrév. pop. de fromage [1856, G.
Esnault], avec un suff. argotique ; 1878, L.
Rigaud, écrit fromji ; fromegi, fromgi, fin
du XIXe s.). Pop. Fromage : Quant au fromgi,
macache (Barbusse).

froment [frɔmɑ̃] n. m. (lat. frumentum,


blé en grains, grains, de frui, faire usage de,
jouir de ; XIIIe s., Apollonius, écrit froument
[frommant, v. 1268, É. Boileau ; froment,
XIVe s.], au sens 1 [« la meilleure espèce de
blé » ; « nom générique du blé », milieu du
XVIe s., Amyot] ; sens 2-3, 1342, J. Bruyant ;
sens 4, 1872, Larousse). 1. Nom générique
du blé : Bouvard, l’année suivante, avait
devant lui une belle récolte de froment
(Flaubert). ‖ Spécialem. La meilleure
espèce de blé. ‖ 2. Littér. Le grain du blé
avec lequel on fait le pain : La colombe
amollit dans son bec le froment qu’elle pré-
sente à ses petits (Chateaubriand). On ne
sentait pas même cette bonne odeur chaude
de froment écrasé qui embaume dans les
moulins (Daudet). ‖ 3. La farine extraite
de ce grain : Pain de froment. ‖ 4. Nom
donné à diverses graminées. ‖ froment
barbu, orge à large épi. ‖ froment des haies,

froment des chiens, froment rampant, le


chiendent.

& n. m. et adj. (XXe s.). Couleur rouge-


orangé pâle de la robe de certains bovins :
Froment clair, froment foncé, froment rouge
ou froment acajou.

fromentacé, e [frɔmɑ̃tase] adj. et n. f.


(bas lat. frumentaceus, de blé, du lat. class.
frumentum [v. FROMENT] ; 1732, Trévoux,
au sens 1 ; sens 2, av. 1848, Chateaubriand).
1. Se dit des plantes qui ressemblent au
froment : Le chiendent est une plante fro-
mentacée, ou, substantiv., une fromentacée.
‖ 2. Par extens. Qui est propre au froment :
Elles [les collines] étaient drapées de la ver-
deur des blés et elles exhalaient une odeur
fromentacée agréable, particulière aux
moissons des Açores (Chateaubriand).

fromental, e, aux [frɔmɑ̃tal, -o] adj.


(bas lat. frumentalis, de blé, de frumentum
[v. FROMENT] ; XIIIe s., écrit fromentel, puis
début du XIXe s., écrit fromental). Qui est
propre à la culture du froment ; où l’on
cultive le froment : Les grandes plaines
fromentales se couvrent de tapis courts et
frais (Sand).

& fromental n. m. (1760, Voltaire). Un des


noms de l’avoine élevée, espèce d’avoine
cultivée comme fourrage.

1. fromentée [frɔmɑ̃te] n. f. (de froment ;


v. 1280, Bibbesworth). Vx. Bouillie de farine
de froment.

2. fromentée [frɔmɑ̃te] adj. f. (de fro-


ment ; 1865, Littré). Se dit d’une robe de
bovin de couleur froment.

& n. f. (1865, Littré). Petit hanneton de


couleur fauve.

fromenteux, euse [frɔmɑ̃tø, -øz] adj.


(de froment ; XIVe s., écrit fromenteus ; fro-
menteux, milieu du XVIe s., Ronsard). Où
le froment abonde : Plaines fromenteuses.

fromentier, ère [frɔmɑ̃tje, -ɛr] adj. (de


froment ; XVIe s.). Qui produit du froment :
Terre fromentière.

frometon [frɔmtɔ̃] n. m. (de from, abrév.


pop. de fromage [v. FROMEGI], avec un suff.
dimin. ; 1888, G. Esnault, écrit fromton ;
frometon, 1920, Bauche). Pop. Fromage :
T’aimes peut-être mieux l’ frometon ?
(Bourdet).

fromgi n. m. V. FROMEGI.

fronce [frɔ̃s] n. f. (francique *hrunkja,


ride ; 1803, Boiste). Pli défectueux qui se
trouve dans le papier et dans les cartes à
jouer.

& fronces n. f. pl. (sens 1, fin du XIe s.,


Gloses de Raschi [aussi « rides de la peau »] ;
sens 2, XXe s.). 1. Plis menus et serrés faits
à une étoffe au moyen d’un fil coulissé :
Une robe d’enfant garnie de plusieurs rangs
de fronces. Mme Charlemagne dessina d’un
doigt attentif les plis de la jupe à fronces
(Duhamel). ‖ 2. Plis, ondulations : La bise
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2045

chasse en fronces mouvantes les vaguelettes


(Frison-Roche).

froncé, e [frɔ̃se] adj. (part. passé de


froncer [v. ce mot] ; XIIe s., au sens 1 ;
sens 2, XIIIe s., Godefroy ; sens 3, v. 1629,
Corneille). 1. Monté à fronces : Une jupe
froncée. Une sorte de sarrau d’écolière,
en satin noir, la taille basse et froncée
(Colette). ‖ 2. Contracté jusqu’à former
des plis : Avec sa frange noire, son petit
nez froncé, ses grands yeux de poupée, son
air sage, ses bras ballants, on l’eût prise
pour une gamine (Martin du Gard). Des
sourcils froncés. ‖ 3. Fig. et littér. Sévère,
de méchante humeur : Mais brusquement
s’échappa Lafcadio [...], l’air si froncé qu’on
s’arrêta presque aussitôt de l’acclamer et de
le suivre (Gide).

• SYN. : 3 rechigné, renfrogné. — CONTR. :


1 plat ; 2 lissé ; 3 épanoui.

& froncé n. m. (1872, Larousse). Étoffe


froncée ; ornement constitué par une bande
d’étoffe froncée : Les froncés d’une robe,
d’un rideau.

• SYN. : froncis.

froncement [frɔ̃smɑ̃] n. m. (de fron-


cer ; 1530, Palsgrave). Action de froncer ;
résultat de cette action. ‖ Se dit surtout
en parlant des sourcils : Jupiter ébranlait
l’Olympe avec le seul froncement de son
arcade sourcilière (Sand). Le froncement
de ses sourcils donnait à son regard une
expression dure et douloureuse (Gide).

froncer [frɔ̃se] v. tr. (de fronce ; fin


du XIe s., Gloses de Raschi, écrit froncier
[froncer, XIIIe s.], au sens 1 ; sens 2, av.
1191, Vengement Alixandre [pronomina-
lem., milieu du XVIe s., Amyot]). [Conj. 1 a.]
1. Faire des fronces, des plis à une étoffe, à
un vêtement : Froncer une jupe. ‖ 2. Plisser,
rider une partie du visage en la contrac-
tant : Froncer les sourcils. Elle secoua la tête
en fronçant la bouche, signe fréquemment
employé par les gens pour répondre qu’ils
n’iront pas, que cela les ennuie (Proust). Il
fronça les sourcils et de gros plis se formèrent
sur son front (Duhamel) ; et pronomina-
lem. : Le front de Lafcadio se fronça presque
insensiblement (Gide).

froncis [frɔ̃si] n. m. (de froncer ; milieu


du XVIe s., Amyot, au sens de « froncement
de sourcils » ; sens actuel, 1563, Palissy).
Suite de fronces, de plis faits à une étoffe :
Le froncis d’un corsage ; et par extens. : Ma
joie et ma tristesse furent grandes quand je
découvris la mer et ses froncis grisâtres, à
la lueur du crépuscule (Chateaubriand).
• SYN. : froncé.

frondaison [frɔ̃dɛzɔ̃] n. f. (de fronde 1 ;


1823, Boiste, au sens 1 ; sens 2, av. 1850,
Balzac). 1. Apparition des feuilles des
arbres et des arbustes : L’époque de la
frondaison. ‖ 2. Ensemble des branches
et des feuilles d’un groupe d’arbres et d’ar-
bustes : Sigognac, écartant les frondaisons

qui auraient pu fouetter au passage la figure


des visiteuses... (Gautier).

• SYN. : 2 branchage, feuillage, feuillée.

1. fronde [frɔ̃d] n. f. (du lat. frons, fron-


dis, feuillage, feuilles, frondaison ; XVe s.,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 4 juill. 1876,
le Temps ; sens 3-4, 1832, Raymond). 1. Vx.
Feuillage. ‖ 2. Vx. Pousse des feuilles au
printemps. ‖ 3. Thalle aplati en lame de
certaines algues, notamment des fucus.
‖ 4. Feuille aérienne des fougères, portant
des sporanges.

2. fronde [frɔ̃d] n. f. (lat. pop. *fundula,


dimin. du lat. class. funda, fronde [qui a
donné fonde, XIIe-XVIIe s.] ; XIIIe s., écrit
flondre [fronde, v. 1460, G. Chastellain],
au sens 1 ; sens 2, 1678, La Fontaine ; sens
3, 1732, Trévoux). 1. Autref. Arme de jet
consistant en une pièce souple attachée à
deux lanières, que l’on fait tournoyer pour
lancer un projectile, lequel s’échappe, sous
l’effet de la force centrifuge, quand on lâche
une des deux lanières. ‖ 2. Jouet d’enfant
constitué de deux élastiques montés sur
une petite fourche, et qui sert à lancer des
pierres. (Syn. LANCE-PIERRES.) ‖ 3. Sorte de
bandage destiné à fixer les pansements du
nez et du menton.

3. fronde [frɔ̃d] n. f. (déverbal de fron-


der v. intr. [v. ce mot et la citation du § I] ;
1649, Retz, au sens 1 [« le parti des insur-
gés », 1651, Th. Corneille] ; sens 2, 1873,
A. Daudet). 1. La Fronde,nom donné au
soulèvement contre Mazarin et la régente
Anne d’Autriche, qui eut lieu pendant la
minorité de Louis XIV (1648-1652). ‖ Par
extens. Le parti des insurgés. (En ces deux
sens, s’écrit avec une majuscule.) ‖ 2. Fig.
et littér. Un esprit de fronde, un vent de
fronde, disposition d’esprit qui pousse sou-
dainement à remettre en question ce qu’on
acceptait jusqu’alors, à se rebeller contre
une autorité politique, morale.

fronder [frɔ̃de] v. tr. (de fronde 2 ; 1611,


Cotgrave, aux sens I, 1-2 [fonder, mêmes
sens — de fonde, v. FRONDE 2 —, XIIe s.] ;
sens II, 1662, Molière [fronder le gouver-
nement, etc., 1740, Acad.]).

I. 1. Class. Lancer avec une fronde : Cha-


cun d’eux avait une fronde, | Non pas
pour fronder des arrêts, | Mais des pierres,
cailloux et grès (Scarron). ‖ 2. Class.
Frapper avec un projectile lancé avec
une fronde : Rincy [...] entame un pain, le
trouve dur et rassis, en fronde un abrico-
tier voisin [...], lui brisant les plus grosses
branches (Scarron).

II. Class. et littér. Attaquer, critiquer


de façon moqueuse, irrespectueuse,
quelqu’un ou quelque chose : La grandeur
d’âme ne consiste point à fronder ceux
qui ont l’autorité en main (Maintenon).
Il ne se soucie pas qu’on fronde ses pièces,
pourvu qu’il y vienne du monde (Molière).
Il n’y a plus que les jeunes gens de province

qui gardent une contenance respectueuse


devant les gens d’un certain âge et n’osent
ni les fronder, ni les trop contredire (Bal-
zac). Le théâtre, prétendait-il, servait à
fronder les préjugés, et, sous le masque
du plaisir, enseignait la vertu (Flaubert).
‖ Auj. Fronder le gouvernement, le pou-
voir, l’autorité, l’ordre établi, etc., adopter
à leur égard une attitude d’opposition
et les critiquer de façon plus ou moins
impertinente et systématique : Mais elle
[cette partialité pour la France] s’est tel-
lement enracinée dans mon coeur [...],
que lorsque j’ai fait dans la suite, à Paris,
l’antidespote et le fier républicain, je sen-
tais en dépit de moi-même une prédilec-
tion secrète pour cette même nation que je
trouvais servile et pour ce gouvernement
que j’affectais de fronder (Rousseau).

& v. intr. (sens I et II, 1, 1649, Retz [v. aussi


FRONDE 3] ; sens II, 2, av. 1662, Pascal
[fronder contre quelqu’un, 1675, Mme de
Sévigné]).

I. Class. Se servir d’une fronde, lancer


des projectiles avec la fronde : Bachau-
mont s’avisa de dire un jour en badinant
que le parlement faisait comme les écoliers
qui frondent dans les fossés de Paris, qui
se séparent dès qu’ils voient le lieutenant
civil, et qui se rassemblent dès qu’il ne
paraît plus (Retz).

II. 1. Autref. Prendre part aux intrigues,


aux luttes de la Fronde, du côté des insur-
gés. ‖ 2. Littér. Être frondeur, avoir une
attitude de révolte, de critique : C’est un
homme qui passe sa vie à fronder. ‖ Class.
Fronder contre quelqu’un, l’attaquer en
paroles ou par des écrits : On a frondé si
rudement contre M. de Saint-Malo que
son neveu s’est trouvé obligé de se battre
contre un gentilhomme de basse Bretagne
(Sévigné).

fronderie [frɔ̃dri] n. f. (de fronder v. intr. ;


1671, Mme de Sévigné). Class. Manifestation
de mécontentement : Il y a ici [en Bretagne]
de grandes fronderies, mais cela s’apaise
dans vingt-quatre heures (Sévigné).

frondescent, e [frɔ̃dɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


frondescens, -entis, part. prés. de frondes-
cere, se couvrir de feuilles, inchoatif de
frondere, avoir des feuilles, dér. de frons,
frondis, feuillage, frondaison ; 1865, Littré).
Littér. Qui se couvre de feuillage : Des
arbres frondescents.

1. frondeur [frɔ̃doer] n. m. (de fronde 2 ;


1690, Furetière [fundeor, même sens — de
fonde, v. FRONDE 2 —, XIIIe s., Macchabées]).
Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, soldat
armé de la fronde : C’était une troupe de
trois cents frondeurs débarqués de la veille
(Flaubert).

2. frondeur, euse [frɔ̃doer, -øz] n. (de


fronde 3 ; 1662, La Rochefoucauld, au sens
1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Au XVIIe s.,
membre du parti de la Fronde : Le nom de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2046

frondeurs avait été donné, dès le commence-


ment des désordres, à ceux du parlement qui
étaient opposés aux sentiments de la Cour
(La Rochefoucauld). Mlle de Montpensier
affecta de faire la frondeuse avec empor-
tement (Retz). ‖ 2. Vx ou littér. Personne
qui attaque, critique le gouvernement, et
plus généralement l’autorité, l’ordre ou
les usages établis : Le nom de frondeurs
qu’on donne aux censeurs du gouvernement
(Voltaire). Le puissant Voltaire, | Ce grand
frondeur des préjugés (Musset).

& adj. (sens 1, v. 1673, Retz ; sens 2, début


du XIXe s., Mme de Staël). 1. Au XVIIe s., qui
appartenait à la Fronde : Je n’avais auprès
de moi que la jeunesse frondeuse (Retz).
‖ 2. Qui est enclin à la révolte, à la cri-
tique, à l’irrespect : Louis XV laissa en
France, pour héritage à son successeur, un
esprit frondeur nécessairement excité par
les fautes sans nombre qu’il avait commises
(Staël). Les Parisiens, toujours frondeurs et
depuis longtemps déshabitués d’indépen-
dance, prenaient goût à ces pamphlets, qui
se mettaient à tutoyer tout haut, d’un ton
de gouaillerie railleuse, toute sorte de choses
officielles et solennelles que jusqu’alors les
plus hardis osaient à peine railler tout bas
(Daudet). La France — pays de citoyens
frondeurs, individualistes, jaloux de leurs
libertés, pays de petits rentiers où le révo-
lutionnaire moyen conserve encore, à son
insu, les habitudes, les goûts d’un petit
propriétaire (Martin du Gard). Peuple
frondeur. Avoir l’esprit frondeur. Un esprit
frondeur.

• SYN. : 2 contestataire, critique, persifleur,


railleur.

front [frɔ̃] n. m. (lat. frons, frontis, front,


air, physionomie, mine, apparence, aspect,
aplomb, assurance, partie antérieure [d’une
chose], façade ; 1080, Chanson de Roland,
au sens I, 1 ; sens I, 2, 1668, La Fontaine
[pour un oiseau, 1872, Larousse] ; sens I,
3, fin du XIVe s., E. Deschamps ; sens I, 4,
fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens I,
5, 1661, Molière ; sens I, 6, 1640, Corneille
[« les sentiments apparents par opposition
aux sentiments réels », 1644, Corneille] ;
sens I, 7, 1669, Bossuet ; sens I, 8, XVIe s. ;
sens II, 1, 1611, Cotgrave ; sens II, 2, v. 1265,
Br. Latini [front de mer, XXe s. ; dans une
place forte, 1687, Bossuet] ; sens II, 3, v. 1207,
Villehardouin [« ligne des positions occu-
pées face à l’ennemi » et « la zone des com-
bats », 1914 ; faire front, milieu du XVIe s.,
Amyot] ; sens II, 4 et 6-7, XXe s. ; sens II, 5,
17 août 1875, Journ. officiel [front de taille]).
I. 1. Partie du visage de l’homme com-
prise entre la racine des cheveux et les
arcades sourcilières, et limitée latérale-
ment par les bords antérieurs des fosses
temporales : Elle portait parfois à son
front [...] un mouchoir, comme pour es-
suyer une moiteur (Gide). Front haut, bas,
large, étroit. Se faire une bosse au front.
‖ 2. Partie de la tête des mammifères

comprise entre les yeux et le sommet du


crâne : Comme un boeuf ayant soif penche
son front vers l’eau (Hugo). ‖ Partie de
la tête des oiseaux qui s’étend depuis le
bec jusqu’au vertex : Une crête de pourpre
orne le front du coq. ‖ 3. Littér. Se dit
pour la tête, le visage entier (surtout dans
des expressions fig.) : Il marche le front
bas aux lueurs du foyer (Leconte de Lisle).
‖ Courber le front, se soumettre, s’humi-
lier devant quelqu’un : Il courbait déjà
le front sous sa menace (Maupassant).
‖ Relever le front, se ressaisir, retrouver
l’audace, le courage de résister : Les vain-
cus relèvent déjà le front. ‖ Marcher le
front levé, le front haut, avoir une attitude
fière, n’éprouver aucune honte ; ne pas
chercher à se cacher. ‖ Marcher à front
découvert, n’avoir rien à dissimuler, à se
reprocher. ‖ 4. Cette partie du visage de
l’homme en tant qu’elle est le siège ou la
marque extérieure de l’intelligence, de la
pensée : Son front bas disait son peu d’in-
telligence, mais ajoutait à l’attrait de son
visage (Montherlant). Un front intelligent.
‖ Se frapper le front, marquer par ce geste
qu’on a enfin trouvé ce qu’on cherchait ou
ce qui échappait à l’esprit, à la mémoire :
Tu te frappais le front en lisant Lamartine
(Musset). ‖ 5. Class. et littér. Air, expres-
sion du visage, traduisant les sentiments
de la personne : Votre front à mes yeux
montre peu d’allégresse (Molière). Il pré-
sente un front courroucé (Gide). ‖ Déri-
der le front, éloigner les préoccupations,
les soucis. ‖ 6. Class. et littér. Manière de
se présenter, attitude, contenance : Mais
sachez qu’il n’est point de si cruels trépas
| Où d’un front assuré je ne porte mes pas
(Corneille). De quel front oser reparaître
devant le comte ? (Stendhal). ‖ Spécialem.
et class. L’aspect extérieur, les sentiments
apparents par opposition aux sentiments
réels : Et c’est mal démêler le coeur d’avec le
front, | Que prendre pour sincère un chan-
gement si prompt (Corneille). ‖ 7. Class.
Attitude pleine d’assurance, de fermeté ;
intrépidité : Ceux qui ont vu de quel front
il [le roi Charles Ier d’Angleterre] a paru
dans la salle de Westminster [...] peuvent
juger aisément combien il était intrépide à
la tête de ses armées (Bossuet). ‖ 8. Péjor.
et littér. Avoir le front de, avoir l’audace,
l’effronterie de : Et il a le front de deman-
der à Pauline de l’accompagner au temple,
alors qu’il nourrit contre les dieux que
vénère Pauline son projet brutal et stupide
(Gide). Il a eu le front de nier l’évidence.

II. 1. Littér. Partie supérieure, sommet


de certaines choses élevées : Pourquoi ba-
lancez-vous vos fronts que l’aube essuie, |
Forêts, qui tressaillez avant l’heure du
bruit ? (Lamartine). Monts gelés et fleu-
ris, trône des deux saisons, | Dont le front
est de glace et le pied de gazons (Vigny).
‖ 2. Face antérieure de certaines choses,
en particulier d’une construction : Le
front d’un bâtiment, d’un édifice, d’un

monument. Le front d’une vague. ‖ Front


de mer, partie d’une zone côtière ou d’un
port qui fait face à la mer. ‖ Vx. Front
d’une place forte. partie comprise entre
deux bastions voisins. ‖ 3. Ligne exté-
rieure présentée par une formation mili-
taire en ordre de bataille : Le front d’un
régiment. ‖ Spécialem. Ligne des posi-
tions occupées, face à l’ennemi, par les
forces militaires d’un pays en guerre : Le
front français de 1918. Le front des Vosges.
‖ Par extens. La zone des combats tout
entière (par opposition à l’arrière) : Par-
tir pour le front. ‖ Ligne de front, for-
mation tactique de navires rangés côte à
côte sur une même ligne. ‖ Vx. Front de
bataille, les premiers rangs d’une troupe
déployée en ordre de bataille. ‖ Vx. Front
de bandière, v. BANDIÈRE. ‖ Front forti-
fié, ensemble de positions et d’ouvrages
échelonnés en profondeur. (Après la
Première Guerre mondiale, cette ex-
pression a généralement été remplacée
par le terme de LIGNE.) ‖ Faire front, en
parlant d’une troupe qui est de flanc, se
tourner de manière à présenter le front ;
par extens., en parlant d’une personne,
d’un animal, faire un mouvement pour
se placer de face : Et, en effet, le prince,
faisant comme dans une apothéose de
théâtre, de cirque, ou dans un tableau
ancien, faire front à son cheval, adressait
à Odette un grand salut théâtral et comme
allégorique (Proust) ; au fig., résister har-
diment à une attaque, à un danger : Je fis
front comme un jeune bélier (Duhamel).
‖ 4. Coalition de partis politiques qui
s’entendent sur un programme com-
mun, ou de personnes regroupées en vue
d’une même action : Le Front populaire.
Front national. ‖ 5. Dans une mine, une
carrière, partie d’un gisement en cours
d’exploitation. ‖ Front de taille, surface
d’un filon minier suivant laquelle on
attaque la couche à exploiter. ‖ Front
d’avancement, front d’abattage, surface
d’attaque dans un avancement de galerie
ou de chantier. ‖ Front d’attaque, dans
les travaux publics, endroit du terrain où
commencent les travaux de creusement
d’une galerie, de percement d’un tun-
nel. ‖ 6. En météorologie, surface idéale
marquant le contact de deux masses d’air
convergentes et de températures diffé-
rentes : Front cyclonique. Le front polaire.
Le front des alizés. ‖ 7. Front pionnier, en
géographie, nom donné, dans les pays où
la mise en valeur n’est que partielle, à la
limite imprécise qui sépare les régions
exploitées et l’espace non encore défriché.
• SYN. : II, 2 façade ; 4 bloc, cartel, groupe-
ment, ligue, union.

& De front loc. adv. (sens 1, v. 1207,


Villehardouin ; sens 2, 1635, Corneille ; sens
3, XIVe s., Cuvelier ; sens 4, 1716, Histoire de
l’Acad. des sciences). 1. Par-devant, bien en
face et non de biais : Bonaparte attaqua de
front, selon sa coutume, au lieu de tourner
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2047

les Anglais, et s’occupa, avec la présomption


du maître, de couper la retraite à un ennemi
qui n’était pas vaincu (Chateaubriand).
L’homme, au milieu de ce chantier, aborda
la pierre de front (Camus). ‖ 2. Fig. D’une
manière directe, franchement : Heurtant
de front tout ce qui fait aujourd’hui l’admi-
ration des hommes, je ne puis m’attendre
qu’à un blâme universel (Rousseau). Pris
de front par la question et mal capable de
mentir... (Gide). Aborder de front une ques-
tion, une difficulté. ‖ 3. Côte à côte sur une
même ligne : Une grande ville [...] aux rues
tortueuses [...], si étroites que, dans la plu-
part d’entre elles, ne pouvaient passer que
deux hommes de front (Maurois). ‖ 4. Fig.
Ensemble, en même temps : Mener de front
deux tâches, plusieurs affaires.

• SYN. : 1 de face ; 2 carrément (fam.), direc-


tement, ouvertement, résolument ; 4 à la
fois, conjointement, simultanément.

frontail [frɔ̃taj] n. m. (de front ; 1583,


frontail [frɔ̃taj] n. m. (de front ; 1583,
Liébault, au sens de « compresse qu’on
applique sur le front » ; sens actuel, 1872,
Larousse). Partie de la têtière du cheval
qui passe en avant de la tête, au-dessus
des yeux : Ses chevaux fleuris de lys au
frontail (Proust). [On dit aussi FRONTAL,
FRONTEAU.]

frontal, e, aux [frɔ̃tal, -o] adj. (de front ;


XVIe s., au sens 1 ; sens 2-3, XXe s.). 1. Qui a
rapport, qui appartient au front : Muscle
frontal. Veine frontale. De ces visages dur-
cis, de ces yeux embusqués sous l’arcade
frontale qui n’indiquent plus aucun âge
(Loti). ‖ Os frontal, ou simplem. frontal
n. m., os impair, médian et symétrique,
situé à la partie antérieure du crâne : Une
vache se gratte le frontal avec un sabot de
derrière (Montherlant). ‖ 2. Droite fron-
tale, plan frontal, en géométrie descriptive,
droite, plan parallèles au plan vertical de
projection. (On dit aussi DROITE ou PLAN
DE FRONT.) ‖ 3. Distance frontale, en
optique, distance d’un verre de lunetterie
à son foyer.

& frontal n. m. (sens 1, 1865, Littré ; sens 2,


1594, Satire Ménippée [« supplice infligé à
l’aide de cet instrument », 1690, Furetière] ;
sens 3, fin du XIe s., Gloses de Raschi ; sens 4,
1848, G. Sand ; sens 5, 1872, Larousse). 1. Os
frontal. (V. FRONTAL adj., n. 1.) ‖ 2. Autref.
Instrument de torture, corde à noeuds avec
laquelle on serrait le front du patient. ‖ Par
extens. Supplice infligé à l’aide de cet ins-
trument. ‖ 3. À la fin du XIVe s. et au XVe s.,
bandeau de front en orfèvrerie : Un fron-
tal d’orfèvrerie d’or (Bourges). ‖ 4. Syn. de
FRONTAIL : Toutes [les femmes] sont voilées,
avec des ornements sur le nez qui ballottent
comme au frontal des chevaux (Flaubert).
‖ 5. Pièce médiane de la tête, chez divers
coléoptères. ‖ Partie comprise entre les
orbites, chez les diptères.

& frontale n. f. (XXe s.). En géométrie des-


criptive, droite frontale. (V. FRONTAL adj.,
n. 2.)

frontalier, ère [frɔ̃talje, -ɛr] adj. et n.


(provenç. moderne frountalié, habitant
d’un district voisin de la frontière espa-
gnole et auquel le gouvernement français
et le gouvernement espagnol accordent
des facilités spéciales, dér. de froun, front,
lat. frons, frontis [v. FRONT] ; 1730, Savary
des Bruslons, puis 1827, Acad., au sens du
provenç. ; sens actuel, 1878, Larousse). Qui
habite une région voisine d’une frontière :
La population frontalière. On estime à une
trentaine de mille le nombre des frontaliers,
comme on dit, qui passent quotidiennement
la frontière (Tharaud).

& adj. (XXe s.). Qui se trouve sur la frontière


ou près de la frontière ; qui a rapport à
la frontière : Un poste frontalier. Les com-
munes frontalières. Défenses frontalières.

frontalité [frɔ̃talite] n. f. (de frontal ;


fin du XIXe s.). Loi de frontalité, principe
fondamental de la sculpture archaïque,
caractérisé par la symétrie rigoureuse du
corps humain, qui n’est jamais désaxé par
une flexion latérale.

fronteau [frɔ̃to] n. m. (de front ; milieu


du XIIe s., Roman de Thèbes, écrit frontel
[fronteau, 1393, Godefroy], au sens 1 ; sens
2, 1704, Trévoux ; sens 3, 1669, Molière ;
sens 4, 1680, Richelet ; sens 5, début du
XVe s. ; sens 6, 1611, Cotgrave). 1. Joyau
dont les femmes s’ornent le front : Les fer-
ronnières étaient un genre de fronteaux.
‖ 2. Bandeau de toile que les religieuses
portent sur le front. ‖ 3. Class. Remède
appliqué sur le front avec un bandage : Tout
ce que je voudrais, c’est [...] de lui composer
un fronteau où il entre du sel (Molière).
‖ 4. Petite boîte de cuir contenant des pas-
sages du Pentateuque, et que les israélites
s’appliquent sur le front pendant la prière
du matin. ‖ 5. Syn. de FRONTAIL. ‖ 6. Petit
fronton au-dessus d’une porte ou d’une
fenêtre.

frontière [frɔ̃tjɛr] n. f. (de front ; XIIIe s.,


Godefroy, au sens de « front d’une armée » ;
1316, Maillart, au sens de « place fortifiée
faisant face aux ennemis » ; sens 1, v. 1360,
Froissart [« limite officiellement reconnue...,
qui sépare deux États voisins » ; « limite qui
borne un territoire », 1834, Ségur] ; sens 2,
1770, Ch. Bonnet ; sens 3, 1700, Gherardi ;
sens 4, XXe s.). 1. Limite qui borne un
territoire : La France a quatre mers pour
frontière. ‖ Spécialem. Limite officielle-
ment reconnue et gardée, qui sépare deux
États voisins : Onze heures maintenant, les
cloches de France et d’Espagne sonnant à
toute volée et mêlant par-dessus la fron-
tière leur vibration des religieuses fêtes
(Loti). ‖ Frontière naturelle, celle qui est
formée par un fleuve ou une chaîne de
montagnes. ‖ Reculer les frontières d’un
pays, en agrandir le territoire. ‖ 2. Terme
extrême de quelque chose ; limite qui
sépare deux milieux différents, deux
régions caractérisées par des phénomènes
physiques ou humains différents : J’étais
là sur les frontières de l’antiquité grecque
(Chateaubriand). Ne pas reconnaître de
frontière fixe, de démarcation absolue entre
la terre et l’Océan (Proust). Les frontières de
la langue d’oïl et de la langue d’oc. ‖ 3. Fig.
et littér. Délimitation qui sépare deux
choses différentes ou opposées : Connais-tu
la frontière où l’esprit ailé vient relayer la
matière ? (Hugo). La frontière du plaisir
et de la douleur. ‖ 4. En mathématiques,
courbe séparant deux domaines ou deux
surfaces.

• SYN. : 2 confins, délimitation, démarca-


tion ; 3 bornes, limites.

& adj. (XVe s.). Limitrophe, frontalier : Place


frontière. Ville frontière.

frontignan [frɔ̃tiɲɑ̃] n. m. (de Frontignan,


n. d’une ville de l’Hérault entourée de
vignobles ; 1668, Miege, au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. Vin blanc muscat récolté dans la
région de Frontignan. ‖ 2. Cépage cultivé
dans le Languedoc, et dont le nom véritable
est muscat de Frontignan.

frontispice [frɔ̃tispis] n. m. (bas lat.


frontispicium, frontispice, de frons, fron-
tis [v. FRONT], et du v. archaïque specere,
spicere, regarder ; 1529, G. Tory, au sens
1 ; sens 2, XVIe s., Littré [« titre même d’un
livre » et « titre d’un simple chapitre », 1872,
Larousse] ; sens 3, 1757, Encyclopédie).
1. Vx. Façade principale et la plus haute
d’un grand édifice : Les vieux hiéroglyphes
romans sur le frontispice des cathédrales
(Hugo). ‖ 2. Titre d’un livre imprimé,
placé à la première page, ou à la troisième
page quand l’ouvrage a un faux titre, et
entouré ou accompagné d’ornements
et de vignettes : Le livre fut imprimé à
Amsterdam, chez Marc-Michel Rey, avec
un frontispice allégorique (France). ‖ Par
extens. Titre même d’un livre. ‖ Titre d’un
simple chapitre. ‖ 3. Illustration placée en
regard de la page de titre d’un livre, et dont
le sujet est en accord avec celui de l’ouvrage
ou avec son esprit : Il en étudiait un para-
graphe [...] dans la pose du jardinier qui
décorait le frontispice du livre (Flaubert).

frontiste [frɔ̃tist] adj. (de front [v. ci-des-


sous] ; 1916 et 1939). S’est dit, en Belgique,
d’un parti (Front Partij) constitué en 1916,
à l’arrière des lignes de l’Yser, par des intel-
lectuels flamands mobilisés, et, en France,
d’un parti (1937 - 1940) fondé par Gaston
Bergery.
& n. (1916 et 1939). Membre de l’un ou
l’autre de ces partis.

frontofocomètre [frɔ̃tofɔkɔmɛtr]
n. m. (de fronto- [élément tiré de front],
foco- [élément tiré du lat. focus, foyer] et
-mètre [gr. metron, mesure] ; milieu du
XXe s.). Appareil pour la mesure des dis-
tances frontales des verres de lunetterie.

frontogenèse [frɔ̃toʒənɛz] n. f. (de


fronto- [élément tiré de front] et de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2048

-genèse ; milieu du XXe s.). En météorologie,


ensemble des processus qui aboutissent à
la formation d’un front.

frontogénétique [frɔ̃toʒenetik] adj. (de


frontogenèse, d’après génétique ; milieu du
XXe s.). Qui se rapporte à la frontogenèse.
‖ Qui favorise la frontogenèse.

frontologie [frɔ̃tɔlɔʒi] n. f. (de fronto-


[élément tiré de front] et de -logie [du gr.
logos, discours, science] ; milieu du XXe s.).
Partie de la météorologie qui étudie les
fronts.

frontologique [frɔ̃tɔlɔʒik] adj. (de fron-


tologie ; milieu du XXe s.). En météorologie,
qui est relatif aux fronts.

frontolyse [frɔ̃tɔliz] n. f. (de fronto-


[élément tiré de front] et de -lyse [gr. lusis,
action de délier, dissolution] ; milieu du
XXe s.). En météorologie, ensemble des
processus qui aboutissent à la destruction
d’un front.

fronton [frɔ̃tɔ̃] n. m. (ital. frontone,


fronton, augment. de fronte, front, lat.
frons, frontis [v. FRONT] ; 1653, Oudin, au
sens 1 ; sens 2, 1678, Guillet ; sens 3, 1897,
Loti [« quadrilatère qui s’étend devant ce
mur... », XXe s.]). 1. Ornement de forme
triangulaire, quelquefois semicirculaire,
surmontant l’entrée principale d’un édifice
et ayant pour base la corniche de l’entable-
ment : Une suite de fines silhouettes animait
sur la pierre antique un de ces bas-reliefs
comme il en court au fronton dégradé des
temples (Daudet). ‖ 2. Dans la marine
ancienne, partie sculptée du couronne-
ment d’un vaisseau, au-dessus de sa galerie.
‖ 3. Partie arrondie qui surmonte le mur
contre lequel on lance la balle, à la pelote
basque, et ce mur lui-même : Et, au fond,
le vieux mur monumental se dresse, contre
lequel les pelotes viendront frapper ; il a un
fronton arrondi qui semble une silhouette de
dôme (Loti). ‖ Par extens. Quadrilatère qui
s’étend devant ce mur et sur lequel évoluent
les joueurs.

fronto-pariétal, e, aux [frɔ̃tɔparjetal,


-o] adj. (de fronto-, élément tiré de front, et
de pariétal ; 1866, Littré). Qui appartient
aux os de la région frontale et pariétale :
Suture fronto-pariétale.

froquer [frɔke] v. tr. (de froc ; fin du


XVIe s., L’Estoile, au part. passé, dans la loc.
moine froqué, « moine revêtu du froc » ; à
l’infin., au sens moderne, fin du XVIIe s.,
Saint-Simon). Vx. Faire revêtir à quelqu’un
le froc, l’habit religieux, le faire entrer
en religion : Les marquis et marquise de
Mailly avaient froqué un fils et une fille
(Saint-Simon).

frottage [frɔtaʒ] n. m. (de frotter ; 1690,


Furetière, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Action
de frotter : Un frottage trop prolongé du
linge l’use rapidement. ‖ Spécialem. Travail
de celui qui frotte les parquets pour les

nettoyer, les faire reluire. ‖ 2. Opération


qui consiste dans l’étirage des peaux sur
la doleuse pour leur faire reprendre leur
forme.

• SYN. : 1 frottement.

frottant, e [frɔtɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


frotter ; 1865, Littré). Qui est soumis à un
frottement : Surfaces frottantes.

frotte [frɔt] n. f. (déverbal de frotter ;


1861, G. Esnault, au sens de « nettoyage » ;
sens 1, 1878, et sens 2, 1866, G. Esnault).
1. Traitement de la gale, consistant en une
friction prolongée au savon noir, suivie
d’un bain et d’une application de pom-
made soufrée. ‖ 2. Pop. La gale elle-même.

frotté [frɔte] n. m. (part. passé substantivé


de frotter ; 1865, Littré, au sens de « appli-
cation transparente d’un ton léger, en pein-
ture » ; sens actuel, XXe s.). Série de notes
courtes, enchaînées et rapides, obtenues
avec les instruments à cordes.

frottée [frɔte] n. f. (part. passé fém.


substantivé de frotter ; 1611, Cotgrave, au
sens 1 ; sens 2, 1807, J. F. Michel ; sens 3,
XXe s.). 1. Tartine frottée d’ail et beurrée :
Il accepta le lait, se fit aussi une frottée
d’ail (Chérau). ‖ 2. Pop. Bonne correction.
(Vieilli.) ‖ 3. Pop. Défaite sévère infligée
à un adversaire : Leur équipe a reçu une
frottée à son dernier match.

frottement [frɔtmɑ̃] n. m. (de frotter ;


XIVe s., au sens 1 [à frottement, bruit de
frottement, 1865, Littré ; essai de frotte-
ment, XXe s.] ; sens 2, 1846, Balzac ; sens
3, 1862, Fromentin). 1. Action de frot-
ter ; action réciproque de deux corps en
contact et dont l’un, au moins, se meut
par rapport à l’autre : Le carreau rouge
est plein de vallées produites par le frot-
tement (Balzac). Une série de robes tristes
[...], limées au corsage par le frottement des
pupitres (Fromentin). C’est le frottement
des galets l’un contre l’autre qui leur donne
leur poli. Le frottement produit un déga-
gement de chaleur. ‖ À frottement, se dit
d’une manière d’ajuster une pièce dans une
autre, de telle sorte que l’une ne soit mobile
sur l’autre qu’avec un frottement plus ou
moins grand : Ajustage à frottement doux.
‖ Essai de frottement, série d’épreuves
qui permettent d’étudier la résistance
à l’usure de certains produits métallur-
giques. ‖ Bruit de frottement, bruit que l’on
peut percevoir, à l’auscultation, quand les
séreuses pleurales ou péricardiques sont
enflammées. ‖ 2. Fig. Contact continuel
d’une personne avec quelque chose : Son
coeur était comme eux : au frottement de
la richesse, il s’était placé dessus quelque
chose qui ne s’effacerait pas (Flaubert).
‖ 3. Spécialem. et vx. Contacts fréquents
de gens entre eux, fréquentation : Le plus
possible, j’évitais ce terrible frottement de
la vie parisienne (Fromentin).

• SYN. : 1 friction ; 2 rapport, relation.

frotter [frɔte] v. tr. (probablem. var., avec


alternance vocalique, de l’anc. franç. freter,
frotter [XIIIe s., Vie de saint Thibaut], bas
lat. frictare, même sens [VIIe s.], de frictum,
supin du lat. class. fricare, frotter ; v. 1167,
Gautier d’Arras, écrit froter [frotter, XVIe s.],
au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière [frotter un
appartement, 1865, Littré] ; sens 3, XIIIe s.,
Roman de Renart [en peinture, 1845,
Bescherelle] ; sens 4, 1273, Adenet ; sens 5,
XIIIe s., Godefroy [« infliger une défaite à »,
v. 1460, Mystère du siège d’Orléans ; frotter
les oreilles à quelqu’un, 1669, Molière] ; sens
6, 1839, Balzac). 1. Passer une chose sur
une autre, en exerçant une pression plus
ou moins forte, ou soumettre une chose au
contact d’une autre qui est en mouvement :
Frotter ses vêtements contre un mur. Frotter
une glace avec un chiffon, une pièce métal-
lique avec un abrasif. Frotter ses mains l’une
contre l’autre. Le cerf frotte sa tête contre
les arbres pour détacher la peau velue qui
recouvre ses bois. ‖ Frotter une allumette,
la passer sur le frottoir pour l’enflammer :
Je frottais une allumette pour regarder ma
montre (Proust). ‖ Fig. Se frotter les mains,
être très content, donner des marques
de satisfaction : M. de Latouche riait du
bon tour et se frottait les mains (Sainte-
Beuve). ‖ Fig. Se frotter les yeux, être
extrêmement surpris, douter de ce qu’on
voit. ‖ 2. Spécialem. Nettoyer, faire reluire
quelque chose par le frottement : Frotter
du linge. Frotter ses chaussures. Frotter
des casseroles, un parquet. Le carreau,
mis en couleur et frotté par Ève, brillait
de propreté (Balzac). ‖ Ellipt. Frotter un
appartement, frotter le parquet de cet
appartement, après l’avoir nettoyé et enduit
d’encaustique. ‖ 3. Enduire, imprégner,
par frottement, un corps d’une substance
quelconque : Les Vallin étaient à table, en
train de manger avec lenteur des tranches
de pain qu’ils frottaient parcimonieusement
avec un peu de beurre (Maupassant). On
entama les quignons de pain frottés d’ail
(Giono). ‖ Spécialem. En peinture, cou-
vrir d’une teinte transparente le fond d’un
tableau : Frotter une esquisse. ‖ 4. Frotter
quelqu’un, le frictionner pour le sécher ou
le réchauffer, lui faire une onction avec
quelque produit, ou le laver en le frottant
énergiquement (vieilli) : Frotter quelqu’un
dans le dos avec un gant de crin. Se frot-
ter la tête avec une serviette. Les athlètes
grecs frottaient leur corps avec de l’huile
avant de lutter. Frotter le visage d’un enfant
avec un gant de toilette. ‖ 5. Class. et fam.
Frotter quelqu’un, le frapper, lui donner des
coups : Je veux faire le brave, et, s’il est assez
sot pour me craindre, le frotter quelque
peu (Molière) ; le battre, lui infliger une
défaite : Les ennemis furent bien frottés au
passage d’une telle rivière (Furetière, 1690).
‖ Auj. et plaisamm. Frotter les oreilles à
quelqu’un, lui donner une correction, ou
lui faire une sévère réprimande. ‖ 6. Fig.
Être frotté de, avoir des rudiments, une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2049
connaissance superficielle de quelque
chose (vieilli) : Une personne frottée de
grec et de latin ; par anal., être un peu
dégrossi, avoir un vernis d’éducation : Sa
conscience native de Normand frottée par
la pratique quotidienne de l’existence de
garnison (Maupassant).

• SYN. : 1 racler ; 2 astiquer (fam.), briquer


(fam.), cirer, encaustiquer, fourbir, lustrer,
polir, récurer ; 4 masser ; bouchonner,
débarbouiller, décrasser, décrotter, étriller.
& v. intr. (1865, Littré). En parlant d’un
corps en mouvement, produire un frot-
tement, entrer en contact avec un autre
corps : Une roue de bicyclette qui frotte
contre le patin de frein.

& se frotter v. pr. (sens 1, 1865, Littré ;


sens 2, v. 1160, Benoît de Sainte-Maure ;
sens 3, av. 1613, M. Régnier ; sens 4,
XVe s.). 1. Frotter quelque partie de son
corps contre quelque chose : Un chien qui
se frotte contre les jambes de son maître.
‖ 2. Exercer sur soi-même un frottement,
pour se nettoyer, se frictionner : Se frot-
ter avec une serviette. Se frotter d’huile.
‖ 3. Fig. et vx. Se frotter aux personnes d’un
milieu, d’une société, avoir des contacts
avec elles, les fréquenter : Se frotter aux
savants, aux artistes (Acad.). ‖ 4. Se frot-
ter à quelqu’un, s’attaquer, en le défiant,
à un adversaire souvent plus fort : Il ne
fait pas bon se frotter à lui. Elle lui avait
répondu d’un oeil si colère et avec un sou-
rire tellement froid que la bonne femme ne
s’y frotta plus (Flaubert). Qui s’y frotte s’y
pique (prov.).

• SYN. : 4 s’en prendre à, entreprendre (fam.),


provoquer.

frotteur, euse [frɔtoer, -øz] n. (de frot-


ter ; 1372, Godefroy, écrit froteur ; frot-
teur, 1690, Furetière). Personne qui frotte.
‖ Spécialem. Personne qui nettoie, fait
reluire les parquets : C’est que de l’aube
à la nuit la vieille femme ne quittait son
plumeau, sa brosse, le morceau de cire,
menait une existence de frotteur toujours
soufflant, dépeignée, à quatre pattes dans
un hideux jupon vert, à entretenir sa chère
maison (Daudet).

& frotteur n. m. (XXe s.). Dispositif des


véhicules à traction électrique permettant
le captage du courant sur le rail conduc-
teur ou sur le conducteur souterrain, et,
d’une manière plus générale, toute pièce
assurant un contact électrique mobile par
frottement sur une autre.

& frotteuse n. f. (XXe s.). Brosse à parquet à


laquelle on peut imprimer un mouvement
de va-et-vient soit avec la main, par l’inter-
médiaire d’un manche, soit avec le pied.

frottis [frɔti] n. m. (de frotter ; 1611,


Cotgrave, au sens de « action de frot-
ter » ; sens 1, milieu du XIXe s., Baudelaire
[« couleur, teinte appliquée en couche très
légère », fin du XIXe s., Huysmans] ; sens 2,
fin du XIXe s., A. Daudet ; sens 3, milieu du

XXe s.). 1. Couche mince de couleur posée


au pinceau et laissant apparaître en trans-
parence le grain de la toile : On n’y retrouve
aucune des manières connues d’appliquer
la couleur : ni empâtements, ni glacis, ni
frottis (Gautier). Couvrir une toile n’est
pas la charger de couleurs, c’est ébaucher
en frottis, c’est disposer des masses en tons
légers et transparents (Baudelaire). ‖ Par
extens. Couleur, teinte appliquée en couche
très légère : Marie est drapée dans un ample
manteau blanc, fleuronné, çà et là, d’un
frottis d’or (Huysmans). Non, elle n’a jamais
mauvaise mine, sous le velours égal de la
poudre et le frottis rose des pommettes
(Colette). ‖ 2. Fig. Notion, connaissance
superficielle de quelque chose ; vernis :
Aussi s’étonnait-il de trouver en Fanny une
douceur, une réserve vraiment femme, avec
cette supériorité — sur les bourgeoises qu’il
rencontrait en province chez sa mère — d’un
frottis d’art, d’une connaissance de toutes
choses, qui rendaient les causeries intéres-
santes et variées (Daudet). ‖ 3. Préparation
en couche mince d’un produit organique
liquide (sang, pus, etc.), en vue de son exa-
men au microscope.

frottoir [frɔtwar] n. m. (de frotter ; début


du XVe s., au sens 1 ; sens 2, et 4, 1865, Littré ;
sens 3, 1680, Richelet). 1. Linge, brosse,
ustensile utilisés pour frotter. ‖ 2. Petit
outil de bois dur, en forme de plioir, avec
lequel les relieurs égalisent la surface du
dos des volumes après l’arrondissure.
‖ 3. Coupe de caoutchouc employée par
les coiffeurs pour essuyer la lame du rasoir.
‖ 4. Surface, généralement recouverte
d’une préparation spéciale, sur laquelle on
frotte les allumettes pour les enflammer.

frotton [frɔtɔ̃] n. m. (de frotter ; 1701,


Furetière). Boule de crin ou de colle forte
enveloppée d’un linge ou d’un morceau de
cuir, qui servait à l’impression des gravures
sur bois avant l’usage de la presse.

frotture [frɔtyr] n. f. (de frotter ; XVe s.,


au sens de « frottement » ; sens actuel, 1859,
Nanquette). Couche de bois mort qui se
forme à l’endroit où un arbre a été meurtri,
et qui se recouvre en général d’une nou-
velle écorce.

frouer [frue] v. intr. (de l’onomatop. frou


[v. FROU-FROU] ; 1732, Trévoux). À la pipée,
imiter le cri de la chouette ou du geai pour
attirer les oiseaux.

frou-frou ou froufrou [frufru] n. m.


(onomatop. redoublée ; 1738, Ch. Thurot,
comme onomatop. ; comme n. m., av. 1850,
Balzac). Léger bruit que produit le froisse-
ment des feuilles, des étoffes, des toilettes
féminines : Le froufrou de la robe de soie
lui annonça la baronne (Balzac). Toute
l’assistance se retourna avec un long frou-
frou de jupes et un remuement de chaises
(Maupassant).

• Pl. des FROUS-FROUS OU FROUFROUS.

• SYN. : bruissement, frémissement, friselis,


frisson, froissement.

froufroutant, e [frufrutɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de froufrouter ; fin du XIXe s.). Qui
froufroute : Une compagnie de perdreaux
s’élance soudain avec un bruit froufroutant
(Martin du Gard).

froufrouter [frufrute] v. intr. (de frou-


frou ; av. 1886, J. Vallès). Faire un frou-
frou, le bruit léger de ce qui est froissé : Un
rossignol froufroute dans un tas de fagots
(Vallès). Une dame élégante qui froufroute
(Barbusse).

froufrouteux, euse [frufrutø, -øz]


adj. (de froufrouter ; fin du XIXe s.). Se dit
d’une personne dont les vêtements sont
froufroutants.

froussard, e [frusar, -ard] adj. et n. (de


frousse ; 1890, G. Esnault). Pop. Qui a la
frousse : Il a beau se camper en héros :
à travers sa pourpre, je reconnais sans
cesse un froussard qui se garde à carreau
(Gide). Comme les matadors étaient frous-
sards et médiocres, il ne cessait de dire ce
qu’il pouvait inventer de plus désobligeant
(Montherlant).

frousse [frus] n. f. (origine obscure,


peut-être onomatop. ; 1859, Larchey). Pop.
Grande peur, souvent due à la lâcheté : Ces
quelques minutes de frousse lui comptaient
comme les plus atroces de sa vie (Daudet).
Comme, avec cela, il tenait énormément à
son poste diplomatique, les déplorables et
ricanantes façons qu’il avait dans la rue
étaient perpétuellement interrompues par la
frousse que lui causait, au même moment,
le passage de gens du monde, mais surtout
de fonctionnaires (Proust). Fichtre ! C’est
un sujet magnifique... Et le vieux aura la
frousse (Duhamel).

frrt ! [frrt] interj. (1869, A. Daudet).


Onomatopée d’un bruit léger, furtif, qui
s’emploie pour marquer une action rapide,
une fuite : Le temps d’entrouvrir une
lucarne, frrt ! voilà le bivouac en déroute
(Daudet).

fructidor [fryktidɔr] n. m. (de fructi-,


élément tiré du lat. fructus [v. FRUIT 1], et
de -dor, élément tiré du gr. dôron, don, pré-
sent ; 1793, Fabre d’Églantine). Douzième
mois du calendrier républicain, qui va du
18 ou 19 août au 16 ou 17 septembre du
calendrier grégorien : Le coup d’État du
18 fructidor an V.

fructifère [fryktifɛr] adj. (lat. fructifer,


qui porte du fruit, de fructus [v. FRUIT 1], et
de ferre, porter ; XVIe s.). Qui produit, porte
des fruits : Rameau fructifère.

fructifiant, e [fryktifjɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de fructifier ; v. 1190, Sermons
de saint Bernard, au sens 2 ; sens 1, 1872,
Larousse). 1. Vx. Qui fructifie, qui est
fécond : Une plante fructifiante. ‖ 2. Fig.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2050

et vx. Qui apporte des résultats avanta-


geux, bénéfiques : La science fait naître ces
industries fructifiantes qui enrichissent les
peuples (Cuvier).

fructificateur, trice [fryktifikatoer,


-tris] n. et adj. (dér. savant de fructifier ;
1865, Littré, aux sens 1-2). 1. Qui fait fruc-
tifier les plantes, qui fait naître des fruits :
Le soleil généreux, le fructificateur essentiel
(La Varende). ‖ 2. Fig. et littér. Qui apporte
sans cesse de nouveaux bienfaits, qui est
une source inépuisable de profits moraux :
Votre prière toute fructificatrice et multi-
pliée (Claudel).

fructification [fryktifikasjɔ̃] n. f. (bas


lat. fructificatio, fructification, de fructi-
ficatum, supin de fructificare [v. FRUCTI-
FIER] ; XIVe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1778,
J.-J. Rousseau ; sens 3-4, 1865, Littré).
1. Production, formation des fruits chez
les végétaux ; ce qui résulte de cette forma-
tion : Hélas ! dans la fleur la plus fraîche,
on peut distinguer les points imperceptibles
qui, pour l’esprit averti, dessinent déjà ce
qui sera, par la dessiccation ou la fructi-
fication des chairs aujourd’hui en fleur,
la forme immuable et déjà prédestinée de
la graine (Proust). Nos arbres fruitiers,
quoique greffés, gardent dans leur fructi-
fication tous les caractères botaniques qui
les distinguent (Rousseau). Vignes dont les
fructifications grêles et poudreuses sont l’ob-
jet des craintes annuelles de Mme Vauquer
(Balzac). ‖ 2. Disposition des parties dont
la réunion forme le fruit. ‖ 3. Ensemble
des organes reproducteurs chez les crypto-
games. ‖ 4. Époque de l’année où les fruits
se forment : Fructification tardive, précoce.

fructifier [fryktifje] v. intr. (lat. impér.


fructificare, produire des fruits, fructifier,
et, à basse époque, « engendrer », de fruc-
tus [v. FRUIT 1], et de facere, faire ; v. 1170,
Livre des Rois, écrit fructefier [fructifier,
v. 1190, Sermons de saint Bernard], au
sens 3 ; sens 1, v. 1180, Marie de France
[écrit fructifier] ; sens 2, v. 1190, Garnier
de Pont-SainteMaxence [faire fructifier
la vigne du Seigneur, 1865, Littré] ; sens 4,
1667, Boileau). 1. Produire des récoltes, en
parlant du sol : Terre bien fumée qui fruc-
tifie abondamment. ‖ 2. Produire, porter
des fruits, en parlant des végétaux : Un
verger qui fructifie. ‖ Fig. Faire fructifier
la vigne du Seigneur, recruter des fidèles en
nombre sans cesse accru, propager la foi,
en parlant d’un prêtre. ‖ 3. Fig. Avoir des
résultats profitables, matériels ou moraux ;
se développer, s’étendre : Une entreprise
qui a beaucoup fructifié depuis sa création.
Sa miséricorde fructifiant et s’élargissant...
(Claudel). ‖ 4. Spécialem. Produire des
revenus, apporter des bénéfices : Faire
fructifier son capital, sa fortune. Ils n’esti-
ment que ce qui sert à faire fructifier leurs
tables de trapézites [banquiers] (Renan).

• SYN. : 2 donner ; 3 s’accroître, s’agrandir,


s’élargir, grossir, se propager, se répandre ;
4 rendre, travailler, valoir.

fructose [fryktoz] n. m. (dér. savant du


lat. fructus [v. FRUIT 1] ; XXe s.). Sucre iso-
mère du glucose, contenu dans le miel et
dans de nombreux fruits. (Syn. LÉVULOSE.)

fructueusement [fryktɥøzmɑ̃]
adv. (de fructueux ; XIVe s., Miracles de
NostreDame). Avec fruit, avec succès :
Conduire fructueusement des recherches.

fructueux, euse [fryktɥø, -øz] adj. (lat.


fructuosus, qui rapporte, fécond, fertile, de
fructus [v. FRUIT 1] ; fin du XIIe s., Dialogues
de saint Grégoire, écrit fructuous [fruc-
tueux, XVe s.], au sens 2 ; sens 1, v. 1530,
C. Marot ; sens 3, av. 1696, La Bruyère).
1. Class. Qui donne des fruits (rare) : Des
rameaux fructueux (Boileau). ‖ 2. Fig.
Qui est profitable, qui procure des avan-
tages : Il leur conseillait de préférer l’amitié
fructueuse des Romains à leur colère impi-
toyable (France). Chaque heure de chaque
journée était donnée à quelque étude fruc-
tueuse (Gide). ‖ 3. Qui procure des profits
en argent : Une spéculation fructueuse.

• SYN. : 2 avantageux, bénéfique, utile ; 3


lucratif, payant (fam.), productif, rémuné-
rateur, rentable. — CONTR. : 2 désavanta-
geux, infructueux, préjudiciable ; 3 ruineux,
stérile.

fructule [fryktyl] n. m. (dér. savant [à


valeur diminutive] du lat. fructus [v. FRUIT
1] ; 1865, Littré). Chacun des fruits parti-
culiers qui concourent à la formation d’un
fruit composé.

frugal, e, aux [frygal, -o] adj. (bas lat.


frugalis, qui rapporte, rangé, frugal, de
frugi, qui est moralement de bon rapport,
sage, tempérant, sobre, honnête, dér. de
frux, frugis, productions, biens [de la terre] ;
1534, Rabelais, aux sens 1-2 ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Qui se contente d’aliments
simples : Quel ancêtre me légua, à travers
des parents si frugaux, cette sorte de religion
du lapin sauté, du gigot à l’ail ? (Colette).
‖ 2. Qui se compose d’aliments simples :
Un repas frugal. Un menu frugal ; et par
extens. : Une table frugale. ‖ 3. Fig. Qui
est empreint de simplicité, d’austérité : Vie
frugale. Habitudes frugales.

• SYN. : 1 sobre, spartiate ; 2 chiche, maigre,


simple ; 3 ascétique, austère. — CONTR. : 1
glouton, goinfre, goulu, gourmand, insa-
tiable, intempérant, vorace ; 2 copieux,
pantagruélique, plantureux, riche.

frugalement [frygalmɑ̃] adv. (de frugal ;


frugalement [frygalmɑ̃] adv. (de frugal ;
av. 1553, Rabelais). Avec sobriété : Vivre
frugalement.

frugalité [frygalite] n. f. (lat. frugalitas,


bonne récolte de fruits, modération, sagesse,
sobriété, de frugalis [v. FRUGAL] ; v. 1355,
Bersuire, au sens 1 ; sens 2, 1668, Molière ;
sens 3, début du XXe s., Gide). 1. Qualité
d’une personne frugale : Nos campagnes

[...] sont en partie redevables de leurs mois-


sons et de leurs troupeaux au travail des
moines et à leur frugalité (Chateaubriand).
‖ 2. Qualité de ce qui est frugal : La fru-
galité d’un repas, d’une table. ‖ 3. Action
de se nourrir frugalement : Je me plaisais
à d’excessives frugalités, mangeant si peu
que ma tête en était légère (Gide).

• SYN. : 1 sobriété, tempérance ; 2 simplicité ;


3 abstinence, jeûne. — CONTR. : 1 gloutonne-
rie, goinfrerie, gourmandise, intempérance ;
2 abondance, luxe ; 3 bombe (pop.), bringue
(pop.), noce (pop.), nouba (pop.), orgie.

frugivore [fryʒivɔr] adj. et n. (de frugi-,


élément tiré du lat. frux, frugis, produc-
tions, biens [de la terre], et de -vore, du lat.
vorare, dévorer, engloutir, dissiper ; 1762,
Mémoires de l’Acad. des sciences). Qui se
nourrit de fruits, de produits végétaux :
L’écureuil est frugivore. Les animaux fru-
givores. Les frugivores.

1. fruit [frɥi] n. m. (lat. fructus, jouissance,


usage, rapport, revenu, récompense, fruits
[des arbres et de la terre], de frui, faire usage
de, jouir de ; XIIe s., au sens II, 1 ; sens I, 1,
XIIIe s. [arbres à fruits, 1694, La Fontaine ;
mettre un arbre à fruit, 1764, Ch. Bonnet] ;
sens I, 2, 1690, Furetière [fruit sec, au fig.,
1831, G. Esnault ; fruit vert, XXe s. ; fruit
défendu, 1682, Bossuet, et, au fig., 1829,
Boiste] ; sens I, 3, 1580, Montaigne ; sens
II, 2, XIIe s., Partenopeus de Blois [avec fruit,
1865, Littré ; sans fruit, 1643, Rotrou ; faire
du fruit, 1580, Montaigne] ; sens II, 3, v.
1225, Barlaham).

I. 1. Organe végétal, issu du développe-


ment de l’ovaire à la suite de la féconda-
tion, qui succède à la fleur et qui contient
les semences : Fruits secs (gousse, cap-
sule, akène, etc.). Fruits charnus (drupe,
baie, etc.). Fruits déhiscents, indéhiscents.
Fruits à pépins, fruits à noyau. Fruits co-
mestibles. Le fruit du marronnier d’Inde
n’est pas comestible. Les olives, les courges,
les tomates sont des fruits. ‖ Arbres à
fruits, arbres qui produisent des fruits
comestibles. ‖ Mettre un arbre à fruit,
le traiter de façon à lui faire produire du
fruit, alors qu’il n’en a pas encore don-
né. ‖ C’est au fruit qu’on connaît l’arbre
(prov.), c’est par ses actes, par les résultats
qu’il donne qu’on peut apprécier un indi-
vidu. ‖ 2. Spécialem. Produit comestible
des végétaux, de saveur généralement
sucrée, consommé comme dessert : La
table | Couverte par ses mains de légumes
et de fruits (Lamartine). C’est le fils d’une
pauvre dame qui demeure rue de la Ceri-
saie, et chez qui je porte bien souvent du
fruit, du gibier, de la volaille (Balzac). Un
fruit juteux, sucré, acide. ‖ Fruits secs,
fruits naturellement dépourvus de pulpe,
comme la noix ; fruits dont on a provo-
qué la dessiccation, pour les consommer
en l’état, comme les raisins secs, les figues
sèches. ‖ Fig. et fam. Fruit sec, élève qui
n’a pas profité de ses études et voit se fer-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2051

mer devant lui toutes les carrières, et,


par extens., individu qui a déçu toutes
les espérances qu’on fondait sur lui,
raté : C’est moi le fruit sec de ma famille
(Mauriac). ‖ Fruit vert, fruit qui n’est pas
arrivé à maturité ; au fig., fille toute jeune,
qui n’a pas encore atteint son plein épa-
nouissement. ‖ Fruits confits, fruits cuits
légèrement dans un sirop de sucre, puis
séchés lentement. ‖ Fruits à l’eau-de-vie,
fruits ébouillantés et mis dans de l’eau-
de-vie pour les conserver. ‖ Fruits rafraî-
chis, salade de fruits frais divers, arrosés
de kirsch ou d’un autre alcool et sucrés.
‖ Fruit défendu, fruit de l’arbre de vie
auquel Adam et Ève avaient reçu ordre
de ne pas toucher ; au fig., plaisir interdit
et qui n’en a que plus d’attrait : Il avait
fini par mordre au fruit défendu (Hugo).
Je n’ai plus ni foi ni croyance ! | Il n’est pas
de fruit défendu | Que ma dent n’ait un
peu mordu | Sur le vieil arbre de science :
| Je n’ai plus ni foi ni croyance ! (Daudet).
‖ 3. Class. Le dessert, dernier service
d’un repas, et ce qu’on y sert : fruits,
pâtisseries, fromages, etc. (au sing. seu-
lement) : Il se lève avant le fruit et prend
congé de la compagnie (La Bruyère). Il
y avait en ce repas un beau fruit [...], un
beau dessert (Furetière, 1690).

II. 1. Littér. L’enfant par rapport à sa


mère ; produit de la génération : J’étais
plus heureux que la nouvelle épouse qui
sent pour la première fois son fruit tres-
saillir dans son sein (Chateaubriand).
Le fruit de l’hymen. Le fruit d’un amour
illégitime. ‖ 2. Fig. et littér. Profit, avan-
tage, résultat utile que l’on tire de quelque
chose : Recueillir le fruit de ses efforts, de
sa patience. ‖ Avec fruit, sans fruit, utile-
ment, inutilement : Lire, étudier avec fruit
un auteur. Se donner beaucoup de mal
sans fruit. ‖ Class. Faire du fruit, réaliser
des progrès, obtenir des résultats : Mais
pourquoi m’arrêter, Messieurs, à vous
raconter le fruit qu’il a fait dans la ville
de Thessalonique ? (Bossuet). Cet écolier a
fait un grand fruit en peu de temps (Acad.,
1694). ‖ 3. Résultat bon ou mauvais de
quelque chose : Mais juillet, s’il n’amène
pas la destruction finale de la France avec
l’anéantissement de toutes les libertés,
juillet portera son fruit naturel : ce fruit
est la démocratie (Chateaubriand). L’en-
nui, fruit de la morne incuriosité (Bau-
delaire). Sa propreté raffinée, fruit d’une
éducation datant de l’enfance (Renan).
Peut-être rêvait-il, en secret, à quelque
accident heureux. Mais de tels accidents
restent le fruit du hasard (Duhamel).

• SYN. : II, 1 rejeton ; 2 bénéfice, produit,


récompense, revenu ; 3 aboutissement ;
conséquence, dénouement, effet, rançon.
& fruits n. m. pl. (sens 1, v. 1283, Beau-
manoir [fruits de mer, 1843, Lamartine] ;
sens 2, XVIe s., Coutumier général [fruits
naturels, industriels, civils, pendants

par les branches, 1804, Code civil ; fruits


pendants par les racines, 1690, Furetière ;
fruit, au sing., fin du XIXe s., Renan ;
cultiver une terre à moitié fruit, début du
XXe s.]). 1. Littér. Les productions du sol,
les récoltes : Les fruits de la terre. De leurs
champs dans leurs mains portant les nou-
veaux fruits (Racine). Les fruits sont à tous
et la terre n’est à personne (Rousseau). ‖ Par
anal. Fruits de mer, nom collectif donné
aux crustacés, aux coquillages et autres
petits animaux comestibles pêchés dans la
mer : Les fruits de mer qui mûrissent sous la
transparence de l’eau (Le Goffic). ‖ 2. En
droit, produits, revenus réguliers et pério-
diques que fournit une chose mobilière ou
immobilière, sans altération ni appauvris-
sement de sa substance. ‖ Fruits naturels,
les productions spontanées d’un fonds
(fourrage des prairies, croît des animaux,
etc.). ‖ Fruits industriels, ceux qui résultent
du travail de l’homme (céréales, vin, etc.).
‖ Fruits civils, avantages pécuniaires qu’on
tire d’un bien (loyers, revenus d’un capital,
etc.). ‖ Fruits pendants par les racines, les
récoltes sur pied. ‖ Fruits pendants par les
branches, les fruits des arbres qui ne sont
pas encore cueillis. ‖ En ce dernier sens,
on trouve parfois le singulier : Le vrai gen-
tilhomme [...] ne tire de sa terre que le fruit
convenu par l’usage (Renan). ‖ Cultiver une
terre à moitié fruit, la cultiver en partageant
la récolte, et, par suite, le revenu, avec le
propriétaire.

• SYN. : 2 gain, profit, rapport.

2. fruit [frɥi] n. m. (altér., sans doute sous


l’influence de l’alternance effruiter / effriter
[v. EFFRITER], de l’anc. mot frit, frid, même
sens [1589, Vigenère], qui est peut-être le
part. passé de frire [employé substantive-
ment], la diminution d’épaisseur du mur
ayant été comparée à celle qui se produit
sur certains aliments plongés dans la graisse
bouillante ; 1680, Richelet, au sens 1 ; sens 2,
XXe s.). 1. Inclinaison donnée au côté exté-
rieur des murailles d’une construction, de
telle sorte que le sommet soit plus étroit
que la base, la surface intérieure restant
toujours verticale. (Lorsque la muraille
surplombe, l’inclinaison est appelée
CONTRE-FRUIT.) ‖ 2. Légère inclinaison
des colonnes des temples grecs.

fruitage [frɥitaʒ] n. m. (de fruit 1 ; XIIIe s.,


Godefroy). Vx. Toute sorte de fruits comes-
tibles : Vivre de fruitage.

fruité, e [frɥite] adj. (de fruit 1 ; 1690,


Furetière, au sens I ; sens II, 1907, Larousse).

I. En héraldique, se dit d’une plante re-


présentée avec des fruits d’un émail par-
ticulier : Un palmier de sinople fruité d’or
(Balzac).

II. Se dit d’une boisson, d’un produit ali-


mentaire qui ont conservé le goût du fruit
dont ils sont extraits : [Les pentes] qui
produisent les vins les plus fruités (Che-

vallier). Le saladier sentait l’huile fruitée


(Bosco).

fruitelet [frɥitlɛ] n. m. (dimin. de fruit


1 ; 1962, Larousse). Bouton décoratif, en
forme de fruit, d’un couvercle de soupière
en argent.

fruiterie [frɥitri] n. f. (de fruit 1 ; 1261,


Godefroy, au sens de « ensemble des
fruits » ; sens I, XVe s., Du Cange ; sens II,
1, 1611, Cotgrave ; sens II, 2, 1829, Boiste ;
sens II, 3, 1832, Raymond).

I. Autref. Office de la maison du roi


auquel incombaient l’achat, le soin et la
présentation des fruits sur la table royale.

II. 1. Lieu où l’on conserve les fruits. (On


dit aussi FRUITIER.) ‖ 2. Boutique où l’on
vend des fruits : Senteurs d’une fruiterie,
fraîches, acides et qui, vers le soir, s’atten-
drissent (Duhamel). ‖ 3. Commerce des
fruits.

1. fruitier, ère [frɥitje, -ɛr] adj. (de


fruit 1 ; v. 1560, Paré, au sens 1 [sol fruitier,
XXe s. ; terre fruitière, 1865, Littré] ; sens 2,
milieu du XVIe s., Amyot [« protecteur des
fruits », à propos d’un dieu]). 1. Qui pro-
duit des fruits comestibles : Arbre fruitier.
‖ Sol fruitier, terre fruitière, dans certaines
contrées, champ, verger dans lequel on a
semé des pépins pour obtenir des arbres
à fruits. ‖ 2. Qui a rapport aux fruits : Le
commerce fruitier.

& n. (fin du XIVe s., E. Deschamps).


Personne qui fait le commerce des fruits :
Une boutique de fruitier.

& fruitier n. m. (sens I, 1285, Godefroy ;


sens II, 1, av. 1589, J. A. de Baïf ; sens II, 2,
av. 1563, La Boétie ; sens II, 3, 1636, Monet ;
sens II, 4, 1888, Larousse ; sens II, 5, XVIe s.,
Laborde).

I. Autref. Officier de cour qui avait la


charge de la fruiterie.

II. 1. Verger, terrain planté d’arbres à


fruits : Je ne veux plus, moi qui garde
ce lieu, | Qu’on vienne [...] | Piller mes
fruitiers et grappiller ma grappe (Here-
dia). ‖ 2. Arbre fruitier, dans le langage
des forestiers. ‖ 3. Local où on garde
les fruits : D’ailleurs, elle [la maison]
est fournie de tout ce qui est agréable à
un ménage : buanderie [...], fruitier, etc.
(Flaubert). ‖ 4. Étagère dotée de rayons
à claire-voie, sur lesquels on dispose les
fruits. ‖ 5. Vx. Récipient en forme de plat
ou de coupe où l’on mettait les fruits. (On
dit auj. COUPE À FRUITS.)

• SYN. : II, 3 fruiterie.

2. fruitier, ère [frɥitje, -ɛr] n. (de fruit


1, au sens dialect. [jurassien et savoyard] de
« laitage, toute la nourriture que donnent les
troupeaux » ; 1872, Larousse). Personne qui
dirige une fruitière, coopérative d’exploi-
tation du lait (v. ci-après).

& fruitière n. f. (sens 1, v. 1800, Brunot ;


sens 2, XXe s.). 1. Coopérative créée, en
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2052

certaines régions (Franche-Comté, Jura,


Savoie, Vosges, etc.), pour la fabrication
et la vente du fromage, en particulier du
fromage de Gruyère : Ils ont, dans le pays de
Pontarlier, une industrie toute patriarcale,
ce sont leurs fromageries, qu’ils appellent
« fruitières » (Hugo). ‖ 2. Local où se
fabrique le fromage de Gruyère.

fruition [frɥisjɔ̃] n. f. (bas lat. fruitio,


jouissance, de fruitum, une des formes du
supin du lat. class. frui, faire usage de, jouir
de ; XIVe s., Miracles de NostreDame). Vx
ou littér. Action de jouir : Et puis sainte
Thérèse a élucidé, elle aussi, cette question
du renoncement humain et de la fruition
divine (Huysmans). Ô fruition paradisiaque
de tout instant ! (Gide).

frumentacé, e [frymɑ̃tase] adj. (bas lat.


frumentaceus, de blé, du lat. class. frumen-
tum [v. FROMENT] ; 1865, Littré). Se dit de
toutes les graminées cultivées pour leurs
grains.

frumentaire [frymɑ̃tɛr] adj. (lat. fru-


mentarius, qui concerne le blé [de frumen-
tum, v. FROMENT], souvent employé dans la
loc. lex [loi] frumentaria, loi frumentaire ;
XVIe s.). Lois frumentaires, lois qui réglaient
les distributions de blé, gratuites ou à prix
réduit, aux citoyens romains.

frusquer [fryske] v. tr. (de frusques


[v. l’art. suiv.] ; 1883, G. Esnault). Pop.
Habiller : On n’est pas frusqué, me dit-il,
mais n’ayez pas peur (Coppée).

• REM. On trouve aussi FRUSQUINER (de


frusquin, 1725, Granval).

frusques [frysk] n. f. pl. (abrév. de frus-


quin ; 1790, le Rat du Châtelet, comme n.
m. sing. ; comme n. f. pl., 1800, G. Esnault).
Pop. Vêtements, et surtout vêtements sans
valeur ou usagés : Il vendait petit à petit de
ses frusques, de ses meubles (Goncourt).
M. de Ponsart fit signe au concierge de
ficeler les frusques éparses de la femme
(Huysmans). Permettez-moi de vous débar-
rasser de vos frusques (il trouvait à la fois
bon enfant et comique de parler le langage
du peuple) [Proust]. Elle a décampé, voilà
quinze jours, avec ses frusques, à l’anglaise !
(Martin du Gard).

frusquin [fryskɛ̃] n. m. (peut-être de


frisque, pimpant [v. ce mot] ; 1628, Chereau
[« vêtement » ; « argent », v. 1710, G. Esnault ;
saint-frusquin, 1748, F. Michel]). Pop. Ce
qu’une personne possède : vêtements,
argent, etc. ; auj., n’est plus usité que dans
l’expression saint-frusquin, même sens :
Vous ignorez l’amour de tous les citoyens
pour leur saint-frusquin ! (Balzac).

fruste [fryst] adj. (ital. frusto, usé [sur-


tout employé comme terme d’art], dér. du
v. frustare, user, proprem. « mettre en mor-
ceaux », lui-même dér. de frusto, morceau,
lat. frustum, morceau, fragment, bouchée ;
milieu du XVIe s., Ronsard, au sens 1 [un
premier ex. au XVe s., sous la forme frustre] ;

sens 2, 1890, Dict. général ; sens 3, [sous


l’influence de rustre], 1845, Bescherelle
[comme n. m., au sens de « manque de
finesse », 1834, Balzac] ; sens 4, XXe s.).
1. Se dit d’une monnaie, d’une médaille,
d’une sculpture dont le relief, usé par le
temps, est devenu à peine visible : Ce sont
des médailles frustes et couvertes de rouille,
dont la légende est effacée (Voltaire). Cette
porte ogivale, dont on restaure avec piété les
nervures et les figurines frustes ou brisées
(Nerval). En face, un monument très vieux,
sans caractère, bordé de colonnes frustes,
de torses de statues (Daudet). ‖ 2. Se dit
d’un corps qui n’est pas travaillé, dont
le relief est resté rude, grossier : Bloc de
marbre encore fruste. J’allais m’asseoir près
de la pompe et de son auge, souvent ornée,
comme un font gothique, d’une salamandre,
qui sculptait sur la pierre fruste le relief
mobile de son corps allégorique et fuselé
(Proust). ‖ 3. Fig. Se dit d’une personne
qui manque de finesse, de culture, et dont
les manières sont rudes, les sentiments
sans nuances : Les cultes ont rendu moins
frustes l’âme et les moeurs de leurs croyants
(Sully Prudhomme). Sa franchise un peu
fruste et presque masculine, elle l’adou-
cissait, dès qu’elle souriait, de langueur
italienne (Proust). L’éducation artistique
de plus en plus perfectionnée exigeant des
oeuvres plus exquises que celles dont la
fruste foi des ancêtres s’était jusqu’à pré-
sent contentée (Gide). Daniel avait été des
premiers à subir l’attrait de cette nature,
plus fruste que la sienne, mais si riche, et
qui ne cessait de l’étonner, de l’instruire
(Martin du Gard). ‖ Par extens. En parlant
des oeuvres, du style, qui est peu élaboré,
dépourvu de finesse, d’élégance : Et cette
sorte de joie, pleine de sagesse un peu tri-
viale, d’art un peu fruste, d’esprit un peu
épais (que j’aime tant en lui), je ne dis pas
qu’ils seraient moins de mise aujourd’hui
(Gide). Style fruste. ‖ 4. Spécialem. Se dit
de certaines maladies présentant une partie
seulement de leurs symptômes habituels,
ou des symptômes atténués.

• SYN. : 2 brut, naturel ; 3 arriéré, inculte,


lourdaud, primitif, rustique, rustre ; gros-
sier, rudimentaire, simpliste. — CONTR. :
3 cultivé, délicat, distingué, fin, raffiné,
subtil ; brillant, élégant, précieux, spirituel.
& n. m. (sens 1, 1691, La Bruyère ; sens 2,
av. 1896, Goncourt). 1. Aspect d’un relief,
d’une empreinte usés, altérés par le temps :
Elle avait tout d’une médaille, sauf le fruste
(Hermant). ‖ 2. Aspect grossier d’une
surface non polie : Une lumière grise [...]
empoussiérant le mousseux des toits, le
fruste des murs (Goncourt).

• REM. La mutation de sens qui a mené ce


mot à une signification presque contraire
au sens étymologique s’est faite sous
l’influence de rustre (cf. la prononciation
pop. assez fréquente : frustre).

frustrant, e [frystrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de frustrer ; milieu du XXe s.). Événement
frustrant, en psychanalyse, événement qui
fait obstacle à la satisfaction d’une tendance
et est cause du sentiment de frustration.

frustratif, ive [frystratif, -iv] adj. (dér.


savant du lat. frustratum, supin de frustrari
[v. FRUSTRER] ; 1845, Bescherelle). Syn. de
FRUSTRATOIRE.

frustration [frystrasjɔ̃] n. f. (lat. frus-


tratio, action de mettre dans l’erreur, de
tromper, duperie, déception, désappoin-
tement, de frustratum, supin de frustrari
[v. FRUSTRER] ; 1549, R. Estienne, au sens
1 ; sens 2, XXe s.). 1. Action de frustrer :
La frustration d’un créancier. ‖ 2. En
psychanalyse, état de l’individu dont une
tendance ou un besoin fondamental n’a
pu être satisfait et s’est trouvé refoulé :
Sentiment de frustration. ‖ Complexe de
frustration, ensemble des troubles psy-
chiques qui peuvent résulter, chez un sujet,
du refoulement des réactions consécutives
à une frustration d’ordre affectif.

frustratoire [frystratwar] adj. (bas lat.


frustratorius, trompeur, qui élude, dila-
toire, de frustratum, supin de frustrari [v.
FRUSTRER] ; 1367, Godefroy, au sens 1 ;
sens 2, 1865, Littré). 1. En droit, qui est
fait dans l’intention de frustrer, de trom-
per, de gagner du temps : Acte frustratoire.
Appel frustratoire. ‖ 2. Spécialem. Se dit
d’un acte inutile aux parties et accompli
par un officier ministériel pour augmenter
ses émoluments.

frustrer [frystre] v. tr. (lat. frustrari,


tromper, abuser, décevoir, rendre illu-
soire, inutile ; début du XIVe s., au sens 1 ;
sens 2, fin du XVIIe s., Bossuet [frustrer les
espérances de, 1872, Larousse]). 1. Priver
quelqu’un de ce qui lui est dû, d’un bien,
d’un avantage auquel il était en droit de
prétendre : Frustrer un enfant de sa part
d’héritage. C’est bien le moins qu’en retour
je puisse rosser mes gens, frustrer mes créan-
ciers (France). ‖ 2. Fig. et littér. Frustrer
quelqu’un dans son attente, dans son espoir,
etc., le priver d’une satisfaction qu’il espé-
rait : Frustré dans ses ambitions, du moins
entendait-il vivre à sa guise (France). ‖ Par
extens. Frustrer les espérances de quelqu’un,
les décevoir.

• SYN. : 1 déposséder, dépouiller, léser, spo-


lier ; 2 désappointer, trahir, tromper.

frustulum [frystylɔm] n. m. (mot lat.,


dimin. de frustum, morceau, bouchée ; fin
du XIXe s., Huysmans). Très légère colla-
tion (rare) : Je leur concède, le matin, le
frustulum ; ne fût-il que d’une goutte de
café noir et d’une miette de pain, il suffit
pour empêcher les vertiges et les migraines
(Huysmans).

frutescent, e [frytɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj. (du lat.


frutex, -ticis, rejeton, arbrisseau, branchage,
sur le modèle de arborescent ; 1811, Mozin).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2053

Se dit des plantes à tige ligneuse, comme


les arbrisseaux.

fruticuleux, euse [frytikylø, -øz] adj.


(dér. savant du lat. frutex, -ticis [v. l’art.
précéd.] ; 1865, Littré). Se dit des végétaux
ligneux et qui ont l’aspect des arbrisseaux.

F. T. P. [ɛftepe] n. m. (initiales de Francs-


tireurs et partisans français ; 1944). Membre
d’une organisation de résistance sous l’oc-
cupation allemande en France, de 1940
à 1944.

fucales [fykal] n. f. pl. (dér. savant du lat.


fucus [v. ce mot] ; XXe s.). Ordre d’algues
brunes qui a pour type le fucus.

fuchsia [fyʃja ou fyksja] n. m. (mot du


lat. scientif. moderne, formé sur le n. du
botaniste bavarois Leonhard Fuchs [1501-
1566] ; 1693, Ch. Plumier). Arbrisseau de
la famille des onagrariacées, originaire de
l’Amérique tropicale, cultivé comme plante
ornementale pour ses fleurs rouges très
décoratives.

fuchsien, enne [fyksjɛ̃, -ɛn] adj. (du n.


du mathématicien allemand Lazarus Fuchs
[1833-1902] ; XXe s.). Fonctions fuchsiennes,
fonctions transcendantes définies par la
condition de rester invariables lorsqu’on
fait sur la variable certaines substitu-
tions déterminées, constituant le groupe
fuchsien.

fuchsine [fyksin] n. f. (produit inventé par


le chimiste anglais Hoffmann et préparé
industriellement par le chimiste lyonnais
Verguin, qui céda son procédé à la firme
Renard frères de Lyon, laquelle le fit bre-
veter sous le nom de fuchsine, d’après
l’allem. Fuchs, « renard » [qui est égale-
ment un n. pr. courant et qui constituait
la trad. allem. du n. de la firme] ; Brevet du
8 avr. 1859). Matière colorante rouge, utili-
sée en cytologie et en bactériologie, et qui
a été longtemps l’un des plus importants
colorants artificiels (textiles).

fucus [fykys] n. m. (mot lat. désignant


une plante marine donnant une teinture
rouge ; gr. phûkos, algue ; 1562, Du Pinet).
Algue brune, abondante sur les côtes
rocheuses, dans la zone de balancement des
marées, constituant essentiel du goémon
ou varech : Je descendais sur les paliers des
algues, à travers zostères et fucus, fougères
et mousses violâtres (Colette).

fuégien, enne [fɥeʒjɛ̃, -ɛn] adj. et n.


(de l’esp. fuegino, fuégien, de fuego, feu,
lat. focus [v. FEU] ; 1888, Larousse). Qui
a rapport à la Terre de Feu ; habitant ou
originaire de la Terre de Feu : Des armes
des Fuégiens, des siguières comme on en
trouve dans tous les ports de l’Amérique
du Sud (Savignon).

fuel [fjul] ou fuel-oil [fjulɔjl] n. m. (mot


angl. désignant proprem. toute matière ser-
vant d’aliment au feu, lui-même empr. du
franç. fouaille [v. ce mot] ; v. 1945 [fuel ;

fuel-oil — 1948, Larousse — contient le mot


oil, « huile », empr. du franç. huile, v. ce
mot]). Combustible liquide brun ou noir,
visqueux, provenant du pétrole et utilisé
dans les appareils de chauffage.

• Pl. des FUELS-OILS.

• SYN. : mazout.

fugace [fygas] adj. (lat. fugax, -acis,


disposé à fuir, fuyard, qui fuit, passa-
ger, éphémère, de fugere [v. FUIR] ; 1726,
Coutumes du Boulenois, au sens de « [ani-
mal] sauvage » ; sens 1, 1826, BrillatSavarin
[mémoire fugace, 1865, Littré] ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, 1772, Ritter, les Quatre
Dictionnaires ; sens 4, 1865, Littré ; sens 5,
1834, Sainte-Beuve). 1. Se dit d’une chose
qui ne dure pas, qui apparaît et disparaît
aussitôt : Apparition fugace. Je prends
encore la plume [...] pour saisir et fixer
[...] le chatoyant, le fugace, le passionnant
adjectif (Colette). Une impression fugace.
‖ Mémoire fugace, mémoire qui ne retient
pas, qui oublie rapidement. ‖ 2. Se dit, en
médecine, des symptômes qui apparaissent
et disparaissent vite. ‖ 3. Se dit, en bota-
nique, d’un organe qui, au cours du déve-
loppement de la plante, ne persiste pas :
Corolle fugace. ‖ 4. Se dit d’une teinture
peu solide, qui s’efface facilement. ‖ 5. Fig.
et littér. Se dit d’une personne dont l’état
d’esprit change constamment : La jeunesse
est ingrate naturellement, d’humeur fugace
et passagère (Sainte-Beuve).

• SYN. : 1 bref, éphémère, fugitif, momen-


tané, passager ; 5 changeant, divers,
instable, mobile, ondoyant, velléitaire,
versatile. — CONTR. : 1 durable, éternel,
permanent, persistant, tenace ; 4 stable ;
5 constant, ferme, fidèle, immuable,
inébranlable.

fugacité [fygasite] n. f. (de fugace [le


bas lat. fugacitas, dér. de fugax, -acis —
v. l’art. précéd. —, signifiait seulement
« fuite »] ; 1827, Acad.). Caractère de ce
qui est fugace : La fugacité d’une sensation,
d’une impression.
fugato [fygato] n. m. (mot ital., de fuga [v.
FUGUE] ; 1866, Littré). En musique, épisode
de style fugué.

fugitif, ive [fyʒitif, -iv] adj. (lat. fugitivus,


fugitif, qui s’enfuit, de fugere [v. FUIR] ; fin
du XIIIe s., Godefroy, écrit fuigitif [fugi-
tif, XIVe s.], au sens 1 [« qui fuit son pays,
exilé », v. 1355, Bersuire ; fugitif a supplanté
la forme fui-tif — v. 1155, Wace —, franci-
sée d’après fuite, et que l’on trouve parfois
encore au XVIIe s.] ; sens 2, 1689, Racine ;
sens 3, 1690, Furetière ; sens 4, v. 1770, J.-J.
Rousseau [« qui dure peu de temps », av.
1678, La Rochefoucauld] ; sens 5, 1704,
Trévoux). 1. Littér. Qui s’est échappé
et qui continue à fuir : Plus de soixante
évêques catholiques ont erré, fugitifs, chez
des peuples protestants (Chateaubriand).
‖ Spécialem. et vx. Qui fuit son pays, exilé :
Une reine fugitive qui ne trouve aucune

retraite dans trois royaumes (Bossuet).


‖ 2. Fig. et littér. Qui tend à s’échapper :
Quelle voix salutaire ordonne que je vive |
Et rappelle en mon sein mon âme fugitive
(Racine). ‖ 3. Se dit de choses qu’on ne
peut retenir, qui disparaissent rapidement :
Image, vision fugitive. Le jeune homme qui
fait mouvoir dans son gousset quelques
fugitives pièces d’or déguste ses jouissances
(Balzac). Le vers de Victor Hugo sait tra-
duire pour l’âme humaine non seulement
les plaisirs les plus directs qu’elle tire de la
nature visible, mais encore les sensations
les plus fugitives (Baudelaire). ‖ 4. Fig. Se
dit de ce qui passe, s’écoule rapidement :
Moments, instants fugitifs. Aimons donc,
aimons donc ! De l’heure fugitive | Hâtons-
nous, jouissons ! (Lamartine). ‖ Qui dure
peu de temps, qui fuit sans retour : Les
caresses d’un fugitif raccommodement
(Balzac). C’est là ce qui marque le véritable
artiste, toujours durable et vivace même
dans ses oeuvres fugitives, pour ainsi dire
suspendues aux événements qu’on appelle
caricatures (Baudelaire). Il [le diction-
naire de l’Académie] mentionne, il doit
mentionner et définir un certain nombre
de mots, même fugitifs (Duhamel). Ils n’en
ont ressenti qu’une impression fugitive vite
effacée (Bernanos). ‖ 5. Spécialem. Poésie
fugitive, genre poétique comprenant des
pièces simples et courtes, comme le madri-
gal, l’épigramme ; ces pièces elles-mêmes.
• SYN. : 3 évanescent, fugace ; 4 bref, court,
éphémère, passager, précaire ; momentané,
provisoire. — CONTR. : 3 durable, persistant,
stable, tenace ; 4 éternel, interminable, lent,
long, permanent.

& n. (fin du XIVe s., Chronique de


Boucicaut). Personne en fuite : S’il avait
aperçu dans la rue des policiers en quête
d’un fugitif, Quinette aurait ouvert la porte
et les aurait appelés (Romains).

• SYN. : évadé, fuyard.

fugitivement [fyʒitivmɑ̃] adv. (de fugi-


tif ; 1828, A. F. Villemain). D’une manière
fugitive : Il pense fugitivement au jeune
fonctionnaire idéaliste (Romains).

fugue [fyg] n. f. (ital. fuga, proprem.


« fuite », qui a servi aussi à désigner des
motifs musicaux qui se suivent les uns les
autres, lat. fuga, fuite, action de fuir ; 1598,
Marnix, au sens I ; sens II, 1 [réemprunté
à l’ital.], 1775, Voltaire ; sens II, 2, 1930,
Larousse ; sens II, 3, fin du XIXe s., Renan).

I. Composition musicale qui utilise, à


l’origine, les procédés du canon et de
l’imitation, le même thème étant repris
plusieurs fois par des entrées successives
de lignes horizontales, confiées à des voix
ou à des instruments, et qui donne à l’au-
diteur l’impression d’une fuite et d’une
poursuite : Une fugue de Bach. J’apprends
par coeur à la fois trois nouvelles fugues du
« Clavecin » (premier cahier), « ut » ma-
jeur, « mi » bémol et « la » majeur... (Gide).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2054

II. 1. Action de quitter pour un temps


plus ou moins long l’endroit où l’on se
trouve habituellement ; disparition mo-
mentanée : Un plongeon, une fugue, pas
une trace ! (Zola). ‖ 2. Spécialem. Dispa-
rition d’un individu hors de son milieu
familial ou habituel pour un temps assez
court et sous l’influence d’impulsions
morbides : Enfant qui fait des fugues.
‖ 3. Fig. Action de s’écarter pour plus
ou moins longtemps de ses opinions, de
ses croyances habituelles : Lamartine les
troublait encore plus ! Ils devinaient chez
lui une foi peu solide ; ils voyaient ses fu-
gues ultérieures (Renan).

• SYN. : II, 1 escapade ; 3 désertion, évasion,


fuite, lâchage (fam.).
fugué, e [fyge] adj. (de fugue ; 1845 [v.
art. suiv.]). En musique, qui est en forme
de fugue : Pièce fuguée.

fuguer [fyge] v. intr. (de fugue ; 1845,


Bescherelle, au part. passé ; à l’infin., début
du XXe s.). Mettre en forme de fugue : Ce
« de toi, de moi », rythmé et fugué, amusait
beaucoup Élisée et ses frères, qui le chan-
taient en se poussant, en se bousculant,
ce qui leur valait toujours quelques bour-
rades du père (Daudet). Il savait dévelop-
per, varier, transposer, moduler et fuguer
(Hermant).

fugueur, euse [fygoer, -øz] adj. et n. (de


fugue ; 1930, Larousse). Se dit, en psychia-
trie, d’une personne sujette aux impulsions
morbides qui la poussent à faire une fugue.

führer [fyroer] n. m. (mot allem. signif.


proprem. « conducteur » ; 1934, au sens
1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Titre adopté
par Hitler en 1934 et qui correspondait à
l’italien duce, titre adopté par Mussolini.
‖ 2. Par extens. Personnage qui veut jouer
un rôle de dictateur.

fuir [fɥir] v. intr. (lat. pop. *fugīre, lat. class.


fugěre, fuir, s’enfuir, passer rapidement, évi-
ter ; fin du IXe s., Cantilène de sainte Eulalie,
comme v. tr., au sens de « renoncer à » ;
comme v. intr., au sens 1, 1080, Chanson de
Roland [faire fuir, 1668, Molière] ; sens 2,
1549, R. Estienne ; sens 3, 1640, Corneille ;
sens 4, av. 1841, Chateaubriand ; sens 5,
1673, Boileau ; sens 6, 1704, Trévoux ; sens
7, début du XIXe s. ; sens 8, 1834, Landais [en
parlant d’un fluide ou d’un liquide, 1872,
Larousse] ; sens 9, 1762, Acad. ; sens 10,
1807, Mme de Staël). [Conj. 18.] 1. S’éloigner
le plus rapidement possible pour éviter
quelque chose ou quelqu’un : Mon éter-
nelle pensée d’esclave qui veut fuir m’était
revenue (Sainte-Beuve). Je saurais que tu
viens ce soir, je fuirais (Gide). ‖ Faire fuir,
chasser, mettre en fuite : L’orage les a fait
fuir. ‖ 2. Fig. Se dérober devant quelque
chose : Fuir devant ses responsabilités.
Ses yeux pâles fuyaient sous le regard
(Mauriac). ‖ 3. En parlant de choses,
s’éloigner rapidement : Un vent léger fuit
dans les palmes (Gide). Le voilier fuit vers

l’horizon. ‖ 4. Donner l’impression de


s’éloigner rapidement : Ainsi parlait mon
bon maître, tandis que les arbres fuyaient
à nos côtés (France). ‖ 5. Fig. En parlant
du temps, s’écouler sans retour : Le temps
m’échappe et fuit (Lamartine). Je me suis
souvenu [...] que le temps fuyait pour tout,
pour tous, et pour moi-même (Fromentin).
‖ 6. S’étendre au loin, en s’effaçant, en
disparaissant peu à peu, par l’effet de la
perspective : Chaîne de montagnes qui fuit
vers la mer. ‖ 7. Être incliné en arrière ou
être en retrait par rapport à la position nor-
male : Un front qui fuit. ‖ 8. S’échapper,
glisser hors de ce qui maintient : Laissant
fuir de ses doigts sa guirlande de fleurs
(Samain). ‖ Spécialem. En parlant d’un
fluide ou d’un liquide, s’échapper d’un
contenant : Le gaz fuit. Une baignoire [...]
qui laisse fuir l’eau par une fissure (Hugo).
‖ 9. En parlant du contenant lui-même,
laisser échapper le contenu : Une chambre
à air, un radiateur qui fuit. ‖ 10. Céder
sous un poids, une pression : Un sol qui
fuit sous les pas.

• SYN. : I, 1 décamper (fam.), détaler (fam.),


s’enfuir, s’esquiver, filer (fam.), se sauver,
se tailler (pop.) ; 2 se défiler (fam.), éluder,
esquiver, reculer, se soustraire ; 4 défiler ;
5 s’enfuir, s’envoler, s’évanouir, passer ; 8
couler, filtrer, sourdre ; 9 perdre ; 10 s’affais-
ser, s’enfoncer.

& v. tr. ind. (1651, Corneille [fuir à ; fuir de,


1610, d’Urfé]). Class. Fuir à ou de (suivi de
l’infinitif), éviter, se garder de : Il en parle
avec joie et fuit à lui parler (Corneille). Si
votre âme les suit, et fuit d’être coquette, |
Elle sera toujours, comme un lis, blanche
et nette (Molière).

& v. tr. (sens 1, v. 1460, Villon ; sens 2, 1538,


R. Estienne). 1. Chercher à éviter une per-
sonne ou une chose en s’éloignant, en se
tenant à l’écart : Sa caste la fuirait comme
au Moyen Âge on fuyait un lépreux (Balzac).
Depuis quelque temps, il me fuit (Gide).
Ceux qui font profession de fuir la gloire...
(Renan). Un jour, je me suis senti avoir été
reconduit insensiblement par les circons-
tances les plus fortuites et les plus différentes
entre elles, dans une région de l’esprit que
j’avais abandonnée, et même fuie (Valéry).
Désirant fuir cette conversation à laquelle
elle sentait pourtant qu’elle n’échapperait
pas... (Malraux). ‖ 2. Vx ou littér. (avec un
nom de chose pour sujet) Ne pas se laisser
saisir par quelqu’un, lui échapper : Le som-
meil me fuit. Le mot que je cherche me fuit.
• SYN. : 1 se dérober, échapper, esquiver,
éviter, se garder de, se soustraire à.

fuite [fɥit] n. f. (lat. pop. *fugita, fém.


substantivé de *fugitus, part. passé du lat.
class. fugere [v. FUIR] ; v. 1190, J. Bodel, au
sens 1 [a éliminé la forme plus pop. fuie, v.
1131, Couronnement de Louis ; prendre la
fuite, 1640, Corneille ; mettre en fuite, 1648,
Scarron ; tourner en fuite, 1645, Corneille ;
être en fuite, 1690, Furetière ; délit de fuite,

XXe s.] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1657,


Pascal ; sens 4, XIIIe s., Assises de Jérusalem ;
sens 5, XXe s. ; sens 6, 1802, Flick ; sens 7,
av. 1662, Pascal ; sens 8, 1845, Bescherelle
[« la fissure elle-même », 1865, Littré] ;
sens 9-10, 1907, Larousse). 1. Action de
fuir, pour échapper à quelqu’un, à quelque
chose : Les commères du quartier favori-
saient sa fuite (Mérimée). ‖ Prendre la
fuite, s’enfuir, s’échapper : Je les prévins
que le bandit avait pris la fuite (Mérimée).
‖ Mettre en fuite, ou (class.) tourner
en fuite, obliger quelqu’un à s’enfuir, le
chasser : Mets l’épée à la main, tourne en
fuite le reste (Corneille). ‖ Être en fuite,
se tenir éloigné d’un lieu où l’on craint
d’être reconnu, généralement pour évi-
ter de tomber aux mains de la police : Les
principaux coupables sont en fuite. ‖ Délit
de fuite, délit commis par le conducteur
d’un véhicule qui, venant de provoquer
un accident, ne s’arrête pas, afin d’éviter
les poursuites. ‖ 2. Class. Action d’éviter
quelque chose : Il semblait que la fuite
d’une entière solitude [...] eût dû les assu-
jettir à une liaison réciproque (La Bruyère).
‖ 3. Fig. Action de se dérober à ce que l’on
craint, et particulièrement à son devoir : La
fuite devant l’impôt, devant les responsabi-
lités. ‖ 4. Class. Mauvaise excuse, échappa-
toire : C’est l’ordinaire de ceux qui ont tort
et qui connaissent leur faible de chercher
des fuites (La Fontaine). ‖ 5. Déplacement
rapide, réel ou apparent, de quelque chose :
La fuite du train vers le lointain. La fuite des
poteaux télégraphiques de chaque côté de
la voie ferrée. ‖ 6. Spécialem. Convergence
de lignes dues à la perspective : Une de ces
fuites de toits qui amorcent l’immensité
(Romains). ‖ 7. Fig. En parlant du temps,
action de s’écouler rapidement et sans
retour : Notre existence est d’une telle fuite
que si nous n’écrivons pas le soir l’événe-
ment du matin, le travail nous encombre
et nous n’avons plus le temps de le mettre à
jour (Chateaubriand). La fuite des heures.
‖ 8. En parlant d’un fluide ou d’un gaz,
action de s’échapper du contenant : Une
fuite d’eau. La fuite susurrante du robi-
net sur l’évier (Duhamel). ‖ Par extens.
La fissure elle-même : Boucher les fuites
d’un tuyau. ‖ 9. Disparition de documents
dont le caractère secret intéresse la sécu-
rité de l’État : Certaines affaires de fuites
ont provoqué des scandales et donné lieu à
des procès retentissants. ‖ 10. Indiscrétion
ou divulgation de documents en matière
diplomatique, judiciaire, etc.

• SYN. : 1 débandade, escapade, évasion,


fugue, sauve-qui-peut ; 3 dérobade, esquive ;
7 écoulement, envol.

fulgore [fylgɔr] n. m. (lat. scientif.


moderne fulgora, n. m., du lat. class. ful-
gor, -oris, éclair, lueur, éclat, dér. de fulgere,
faire des éclairs, luire, briller ; 1791, Encycl.
méthodique). Insecte hémiptère lumineux.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2055

fulgural, e, aux [fylgyral, -o] adj. (lat.


fulguralis, des éclairs, de la foudre, de ful-
gur, -uris, éclair, foudre, lueur, éclat [v.
FOUDRE] ; 1842, Mozin). Vx ou littér. Qui a
rapport à la foudre : Le secret de la foudre en
ses vers fulguraux (Hugo). ‖ Science fulgu-
rale, divination pratiquée par les Étrusques
et les Romains d’après l’observation de la
foudre.

fulgurance [fylgyrɑ̃s] n. f. (de fulgurer ;


av. 1889, Barbey d’Aurevilly). Littér. Éclat de
la foudre ou semblable à celui de la foudre :
Mélange unique de clarté sans fulgurances
et d’ombres lactées (Barbey d’Aurevilly).

fulgurant, e [fylgyrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. ful-


gurans, -antis, part. prés. de fulgurare,
éclairer, faire des éclairs, briller, étince-
ler, de fulgur [v. FOUDRE] ; 1488, Mer des
histoires, au sens 2 [pour un accès, une
douleur brusque et violente, mais d’une
durée très courte ; « qui a la soudaineté,
les vivacités de l’éclair », début du XXe s.] ;
sens 1, 1845, Bescherelle). 1. Qui jette la
lueur aveuglante et rapide de l’éclair : Ce
fulgurant éclair, plus rapide qu’un songe
(Leconte de Lisle). ‖ 2. Fig. Qui a la rapi-
dité, la vivacité de l’éclair : Une réponse
fulgurante. ‖ Spécialem. Se dit d’un accès,
d’une douleur brusque et violente, mais
d’une durée très courte : Ces terribles crises
qui se manifestaient avec une soudaineté
fulgurante (Theuriet). Cependant, ce ne
sont plus ces douleurs fulgurantes qui lui
lacéraient le corps, après la chute, après
l’incendie (Martin du Gard).

• SYN. : 1 aveuglant, éblouissant, étincelant ;


2 brusque, prompt, rapide, soudain.

fulguration [fylgyrasjɔ̃] n. f. (lat. ful-


guratio, lueur de l’éclair, de fulguratum,
supin de fulgurare [v. FULGURANT] ;
1532, Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1757,
Encyclopédie ; sens 3, 1857, Flaubert ; sens
4, début du XXe s.). 1. Éclat de lumière
électrique qui se manifeste dans l’atmos-
phère sans accompagnement de tonnerre.
‖ 2. Éclat lumineux : Les petites vitres [...]
reflétant chacune la suprême fulguration
du soleil (Loti). Les fulgurations d’incendie,
comme celles des enseignes électriques, sont
immenses dans les nuits de brouillard, et il
semble que la ville entière brûle (Malraux).
‖ 3. Fig. Brusque illumination qui traverse
l’esprit : Le XVIIIe siècle [...] est pris dans
une fulguration, une joie et aussi une cri-
tique des idées (Thibaudet). ‖ 4. Spécialem.
Méthode diagnostique ou thérapeutique
qui utilise les étincelles électriques : Traiter
un rhumatisme par la fulguration.

• SYN. : 1 épart ; 2 clarté, illumination.

fulgurer [fylgyre] v. intr. (de fulgurant ;


1862, au sens I, 1, et 1869, au sens I, 2,
Flaubert ; sens II [de fulguration], 1922,
Larousse).

I. 1. Littér. Briller d’une lumière écla-


tante : Une Italienne dont les yeux noirs

fulguraient comme un Vésuve (Flaubert).


Le Christ fulgurait au centre de la grande
rose (Huysmans). ‖ 2. Fig. Briller vive-
ment d’un éclat solitaire ou passager : Ces
images fulguraient, comme des phares, à
l’horizon de sa vie (Flaubert). Avec cela,
dans ce style rocailleux [...], fulguraient
des trouvailles d’expression (Huysmans).

II. En termes de médecine, traiter par


fulguration.

• SYN. : I, 1 étinceler, flamboyer, resplendir ;


2 éclater, rayonner.

& v. tr. (fin du XIXe s., A. Daudet). Émettre


une lumière éclatante : Des larmes d’or-
gueil, énormes et brillantes, baignaient les
larges yeux de Florence, ceux de sa mère
fulguraient des éclairs d’une joie inavouable
(Daudet).

fulgurite [fylgyrit] n. f. (dér. savant du


lat. fulgur, -uris, éclair, foudre [v. FOUDRE] ;
1827, Acad.). Portion d’un sable, limon ou
sol siliceux qui a été fondue par la foudre,
puis s’est solidifiée.

fuligine [fyliʒin] n. f. (lat. fuligo, -ginis,


suie ; 1372, Corbichon). Suie (rare) : Cette
bordure avec des rouilles de fer [...], des noirs
de fuligine, des gris de cendre (Huysmans).

fuligineux, euse [fyliʒinø, -øz] adj. (bas


lat. fuliginosus, couvert de suie, du lat. class.
fuligo, -ginis, suie ; v. 1560, Paré, au sens 1 ;
sens 2, 1865, Littré ; sens 3, milieu du XIXe s.,
Baudelaire). 1. Qui a la couleur noirâtre de
la suie : De l’autre côté de la grille, sur la
route, entre les chardons et les orties, il y
avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux
(Baudelaire). Au-delà, le dos des maisons
fuligineuses, des lucarnes aveuglées de tor-
chons sales (Duhamel). ‖ 2. En pathologie,
se dit des organes (lèvres, dents, langue)
qui se recouvrent d’un enduit noirâtre par
l’effet d’une infection grave. ‖ 3. Fig. Qui
manque de clarté, obscur : Le cerveau de
Chenavard ressemble à la ville de Lyon ; il
est brumeux, fuligineux, hérissé de pointes
comme la ville de clochers et de fourneaux
(Baudelaire). Au travers duquel [livre] je
pusse répandre un peu de la fuligineuse
atmosphère que j’avais respirée chez
Bavretel (Gide).

• SYN. : 3 brumeux, fumeux, nébuleux,


ténébreux. — CONTR. : 3 clair, limpide,
lumineux.

fuliginosité [fyliʒinozite] n. f. (dér. savant


du lat. fuliginosus [v. l’art. précéd.] ; 1561,
Du Pinet, au sens de « suie légère qui se
dépose quand on brûle certains corps orga-
niques » ; sens actuel, 1865, Littré). Dépôt
noirâtre qui apparaît sur les dents, les gen-
cives et les lèvres dans certaines maladies,
notamment dans la fièvre typhoïde.

full [ful] n. m. (mot angl. signif. proprem.


« plein » ; 1884, Laun). Au jeu de poker,
ensemble constitué par un brelan et une
paire.

fulmicoton [fylmikɔtɔ̃] n. m. (de fulmi-,


élément tiré du lat. fulmen, -minis, foudre,
tonnerre, et de coton ; 1865, Littré). Explosif
obtenu en traitant du coton cardé par un
mélange d’acides nitrique et sulfurique.
• SYN. : coton-poudre.

fulminant, e [fylminɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de fulminer ; fin du XVe s., O. de Saint-
Gelais, au sens 1 ; sens 2-3, 1690, Furetière ;
sens 4, 1663, Bossuet). 1. Vx. Qui lance la
foudre : Ce serait une réponse à ce Dieu
fulminant (Boileau). ‖ 2. Se dit d’une subs-
tance qui détone sous l’influence de la cha-
leur ou d’un choc : Poudre fulminante. La
nitroglycérine est une matière fulminante.
‖ 3. Fig. Qui s’emporte violemment et
éclate en menaces : Un homme toujours
fulminant. ‖ 4. Par extens. Qui trahit une
violente colère, est chargé de menaces : Des
regards fulminants. Un écrit fulminant.

• SYN. : 2 détonant, explosif ; 3 colé-


reux, emporté, rageur ; 4 comminatoire,
menaçant.

fulminate [fylminat] n. m. (de fulmin[er] ;


1823, Annales de chimie). Sel de l’acide ful-
minique : Le fulminate de mercure entre
dans la fabrication des amorces.

fulmination [fylminasjɔ̃] n. f. (de fulmi-


ner, d’après le lat. fulminatio, lancement de
la foudre, de fulminatum, supin de fulmi-
nare [v. FULMINER] ; 1406, Godefroy). Acte
de l’autorité religieuse qui publie selon cer-
taines règles : La fulmination d’une bulle,
d’un décret, d’une sentence.

fulminatoire [fylminatwar] adj. (lat.


ecclés. du Moyen Âge fulminatorius,
de fulminatum, supin de fulminare [v.
FULMINER] ; 1845, Bescherelle). Qui a le
caractère de la fulmination : Une formule
fulminatoire.

fulminer [fylmine] v. intr. (lat. fulmi-


nare, lancer la foudre, foudroyer [au pr.
et au fig.], et, dans la langue ecclés. du
Moyen Âge, « lancer une condamnation »,
de fulmen, -minis, foudre, tonnerre ; début
du XIVe s., Digulleville, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XVIIIe s., Buffon ; sens 3, fin du
XIXe s., Huysmans ; sens 4, av. 1655, Cyrano
de Bergerac). 1. Class. Lancer la foudre :
Quelle sorte de vengeance ! quoi, fallait-
il fulminer et le prendre d’un ton si haut
pour abattre si peu de chose ? (Bossuet).
‖ 2. Faire explosion : L’or fulmine avant
d’être chauffé jusqu’au rouge (Buffon).
‖ 3. Briller d’un vif éclat (rare) : Et au-
dessous d’eux, sur des bancs, fulminaient
les robes vermillon des enfants de choeur
(Huysmans). ‖ 4. Fig. Éclater en invectives,
en reproches, en menaces : Mais pendant
qu’il fulmine, une éclaircie s’ouvre peu à
peu dans l’air (Daudet). Quand la lettre
était remarquable par son extrême cocas-
serie, il arrivait que Joseph la montrât à
sa femme pour rire ou fulminer tout son
content devant témoin (Duhamel).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2056

• SYN. : 2 détoner, exploser ; 3 resplendir ;


4 se déchaîner, hurler, pester (fam.), tem-
pêter, tonner.

& v. tr. (sens 1, 1368, Dict. général ; sens 2,


milieu du XVIe s., Amyot). 1. En parlant de
l’autorité religieuse, publier selon certaines
formalités, le plus souvent une condamna-
tion : Fulminer un décret, une bulle, une
sentence d’excommunication, un anathème.
‖ 2. Par extens. et péjor. Formuler avec
violence ce qui a un caractère de critique,
de condamnation : Elle fulmina des cen-
sures horribles contre une femme capable
de publier une pareille infamie (Balzac). Il
suffit de l’avoir vu fulminer à la hâte ses
colères avec des soubresauts de plume et de
chaise, ou simplement de les avoir lues, pour
comprendre qu’il n’est plus là tout entier
(Baudelaire).

• SYN. : 1 lancer ; 2 cracher, vomir.

fulminique [fylminik] adj. (de fulminer ;


1824, Annales de chimie). Se dit d’un acide
formant des sels détonants.

fulverin [fylvərɛ̃] n. m. (dér. savant du lat.


fulvus, jaunâtre, fauve, d’or ; 1827, Acad.).
En termes de beaux-arts, couleur employée
en détrempe pour glacer les bruns.

fumable [fymabl] adj. (de fumer 1 ; 1922,


Larousse). Qui peut être fumé : Ce tabac
n’est pas fumable.

1. fumage [fymaʒ] n. m. (de fumer 1 ; 1321,


Godefroy, au sens de « droit payé par ceux
qui faisaient feu et fumée » ; sens 1, 1752,
Trévoux ; sens 2, 1865, Littré). 1. Action
de soumettre une denrée à l’action de la
fumée, afin de la conserver : Le fumage
du haddock, des jambons. ‖ 2. Spécialem.
Action de donner une fausse couleur d’or
à l’argent, en l’exposant à la fumée de cer-
taines compositions.

• SYN. : 1 et 2 fumaison.

2. fumage [fymaʒ] n. m. (de fumer 2 [v.


ce mot] ; 1254, Godefroy [aussi femage, aux
XIIIe et XIVe s. ; mot rare du XVIe s. au début
du XIXe s.]). Action d’amender les champs
par le fumier.
fumagine [fymaʒin] n. f. (du lat. scien-
tif. moderne fumago, -ginis, même sens
[1845, Bescherelle], dér. du lat. class. fumus,
fumée ; 1845, Bescherelle). Maladie cryp-
togamique des végétaux qui se traduit par
l’apparition, sur leurs feuilles, d’une pous-
sière noirâtre.

fumailler [fymɑje] v. intr. (de fumer


1 ; début du XXe s.). Péjor. Fumer un peu,
ou d’une façon désagréable, agaçante : Il
m’attendait en fumaillant sur les marches
de mon escalier (Duhamel).

fumaison [fymɛzɔ̃] n. f. (de fumer 1 ; 1872,


Larousse). Syn. de FUMAGE 1.

fumant, e [fymɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de fumer 1 ; av. 1559, J. Du Bellay, au sens
2 ; sens 1, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ;

sens 3, 1640, Corneille ; sens 4, XXe s.).


1. D’où se dégage de la fumée : Mon père
me tenait la main et me montrait l’Etna
tout fumant (Vigny). Lorsqu’au défaut de
la colline, il aperçoit enfin les toits fumants
de la maison, c’est le soir (Gide). ‖ 2. Qui
dégage de la vapeur : Un potage fumant.
Ils demeuraient inertes et stupides, cour-
bés sur leurs chevaux fumants (France).
‖ 3. Fig. et littér. Bouillonnant : Fumant
de courroux, de colère. Ce cerveau tou-
jours fumant de quelque réclame (Zola).
‖ 4. Fam. Extraordinaire, sensationnel :
Une histoire fumante.

fumariacées [fymarjase] n. f. pl. (du


lat. scientif. moderne fumaria, fumeterre,
dér. du lat. class. fumus, fumée ; 1845,
Bescherelle). Famille de plantes dialypé-
tales dont la fumeterre est le type.

fumature [fymatyr] n. f. (dér. savant de


fumer 2 ; 1877, Littré). Action de fumer les
terrains par le parcage des troupeaux.

1. fumé, e [fyme] adj. (part. passé de


fumer 1 ; 1690, Furetière, au sens 1 ; sens
2, 1724, d’après Trévoux, 1771 [« verre
coloré servant à protéger les yeux contre une
lumière trop vive », 1865, Littré]). 1. Se dit
d’un aliment que l’on a exposé à la fumée
pour le conserver : Du jambon fumé. Du
poisson fumé. ‖ 2. Verre fumé, verre noirci
avec de la fumée, à travers lequel on peut
observer le Soleil ; par extens., verre coloré
servant à protéger les yeux contre une
lumière trop vive : Les lunettes fumées atté-
nuaient la réverbération du glacier qu’une
récente avalanche poudrait de neige fraîche
(Daudet).

• SYN. : 2 teinté.

2. fumé [fyme] n. m. (part. passé subs-


tantivé de fumer 1 ; 1835, Acad.). Épreuve
en noir d’une gravure, qui permet de voir
si elle est bien venue.

fume-cigarette [fymsigarɛt], fume-


cigare [fymsigar] n. m. invar. (de fume,
forme du v. fumer 1, et de cigare, cigarette ;
1907, Larousse [pour les deux mots]).
Tuyau, plus ou moins long, d’ambre, de
bois, de métal, etc., auquel on adapte une
cigarette ou un cigare afin de les fumer : Il
marche à mon côté [...] précédé d’une ciga-
rette fixée à l’extrémité d’un fume-cigarette
(Malraux).

fumée [fyme] n. f. (part. passé fém. subs-


tantivé de fumer 1 ; v. 1170, Livre des Rois, au
sens 1 [a éliminé fum — v. 1120, Psautier de
Cambridge —, lat. fumus, fumée ; s’en aller
en fumée, 1671, Pomey — aller en fumée,
même sens, début du XVIIe s., Malherbe ;
disparaître comme une fumée, av. 1869,
Sainte-Beuve ; se dissiper en fumée, 1640,
Corneille ; il n’y a pas de fumée sans feu,
1865, Littré — onques feu ne fut sans fumée,
même sens, début du XVe s., Ch. d’Orléans] ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, v. 1170, Livre
des Rois ; sens 4, av. 1559, J. Du Bellay ; sens

5, début du XXe s.). 1. Mélange de vapeur, de


gaz et de particules solides plus ou moins
ténues, qui se dégage des corps en com-
bustion : À demi étouffé par la fumée, il
eut l’idée que la maison brûlait (Stendhal).
On voyait au plafond une grande tache
noire produite par la fumée de la lampe
(Flaubert). Une petite fumée bleuâtre, mon-
tant de la cheminée de brique qui dépas-
sait un peu le mur, trahissait une existence
cachée, discrète et triste comme la fumée de
ce feu de pauvre (Daudet). ‖ S’en aller en
fumée, brûler complètement et ne laisser
aucun autre résidu que la fumée ; au fig.,
se perdre sottement, sans profit : Ils firent
une bourse en commun et se préparèrent
à courir les aventures ; le projet s’en alla
en fumée (Chateaubriand). ‖ Disparaître
comme une fumée, se dissiper en fumée,
s’évanouir sans laisser la moindre trace :
Ce qui inspirait cette femme impure a dis-
paru comme une fumée (Sainte-Beuve). ‖ Il
n’y a pas de fumée sans feu (prov.), toute
rumeur repose sur un fond de vérité, si
mince soit-il. ‖ 2. Spécialem. Fumée du
tabac en combustion : Les cafés gonflés de
fumée (Apollinaire). ‖ 3. Vapeur analogue
à la fumée, qu’exhale un corps humide plus
chaud que l’air ambiant : La fumée qui sort
des naseaux d’un cheval ; et par anal. : Un
faux ébénier, vêtu de grappes jaunes, épar-
pillait au vent sa fine poussière, une fumée
d’or qui sentait le miel (Maupassant). ‖ La
fumée du rôt, du rôti, vapeur qui s’exhale de
la viande chaude, et, par allusion à l’aven-
ture racontée par Pantagruel, jouissance
due à la seule imagination, faute de pou-
voir profiter de la réalité. ‖ 4. Chose sans
consistance, vaine, sur laquelle on ne doit
pas faire fond : Puisqu’aussi bien le monde
est misère et fumée... (Leconte de Lisle).
La gloire, les succès mondains, tout cela
n’est que fumée. ‖ 5. Par extens. Chose sans
importance, sans gravité : Une souffrance
auprès de quoi les souffrances morales, c’est
fumée, fumée, fumée ! (Montherlant).

• SYN. : 3 buée, exhalaison ; 4 mensonge,


vent ; 5 bagatelle, chimère, illusion, rien,
vétille.

& fumées n. f. pl. (sens 1, milieu du XVIe s.,


Amyot [au sing., av. 1410, Chr. de Pisan ;
« griserie due à des causes morales », v. 1360,
Froissart] ; sens 2 [à cause de la vapeur que
dégage la fiente], v. 1354, Modus).

I. Excitation cérébrale produite par les


boissons alcooliques : Les fumées des
vins recherchés de Coucy et d’Orléans
montaient à la tête de nos gens (Nerval).
‖ Par anal. (au sing.) Griserie due à des
causes morales, succès, flatteries, etc. : Il
a si complaisamment savouré [...] la fumée
des succès [...] qu’il tentera tout plutôt que
de déchoir (Balzac).

II. Fiente des cerfs et autres bêtes fauves,


qui varie suivant l’âge, le sexe de l’animal
et sert à les reconnaître : Les gentillâtres
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2057

de province parlant toujours de fumées et


de laissées (Gautier).

• SYN. : 1 vapeur ; enivrement, ivresse,


vertige.

1. fumer [fyme] v. intr. (lat. fumare,


fumer, jeter de la fumée, de la vapeur, de
fumus, fumée ; v. 1120, Psautier d’Oxford,
au sens 1 ; sens 2, XIIIe s., Roman de Renart ;
sens 3, 1690, Furetière [lampe qui fume,
1890, Dict. général] ; sens 4, milieu du
XVIe s., Ronsard ; sens 5, fin du XIXe s. ;
sens 6, XVe s., Littré). 1. En parlant d’un
corps en combustion, dégager de la fumée :
On voyait fumer la mèche allumée (Hugo).
Les torches fument vers le ciel (Gide).
‖ Lampe qui fume, dont la flamme file
et répand de la fumée. ‖ 2. Par extens.
Laisser sortir à l’extérieur de la fumée :
Les maisons çà et là commençaient à fumer
(Baudelaire). ‖ 3. Spécialem. En parlant
d’un foyer ou d’un appareil de chauffage,
laisser la fumée s’échapper dans un lieu,
par suite d’un mauvais fonctionnement
du tirage : Le moyen infaillible d’empêcher
ton poêle de fumer, c’est de n’y pas faire de
feu (Mérimée). ‖ 4. Par anal. Exhaler de
la vapeur : Je ne verrai plus fumer les plats
(Musset). Les entrailles fumaient (Flaubert).
Le sable fume, enbaume et devient roux
(Sully Prudhomme). Du Raz jusqu’à
Penmarch la côte entière fume (Heredia).
‖ 5. Fig. Être échauffé, excité par l’ivresse :
Le vin qu’ils avaient bu leur chauffait le
sang et faisait fumer leur cerveau (France).
‖ 6. Fig. et fam. Être dans une grande
colère : Il n’a pas l’air commode. Ce qu’il
fumait ! (Tr. Bernard).

• SYN. : 6 écumer, enrager, fulminer, pester


(fam.), rager, tempêter, tonner.

& v. tr. (sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 2,


1730, Savary des Bruslons ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Exposer une denrée à la
fumée afin d’en assurer la conservation :
Fumer un jambon. Un panier de stock-
fish et boeuf fumé (Hugo). ‖ 2. Fumer de
l’argent, l’exposer à la fumée de certaines
substances pour lui donner l’apparence de
l’or. ‖ 3. Spécialem. Faire brûler du tabac
ou une substance analogue, en aspirant
la fumée : Un jeune marchand maure qui
fumait de grosses cigarettes (Daudet). Rien
n’est plus agréable que de fumer une pipe
de tabac en buvant du vin (France). Fumer
l’opium. ‖ Absol. Fumer du tabac : Chacun
continua de fumer, de dormir ou de cau-
ser avec son voisin (Chateaubriand). Elle
fumait sans plaisir et elle éteignit sa ciga-
rette (Colette).

• SYN. : 1 boucaner, saurer.

2. fumer [fyme] v. tr. (lat. pop. *femare,


fumer, de *femus, fumier, lat. class. fimus,
même sens ; fin du XIIe s., l’Escoufle, écrit
femer [fumer, peut-être par attraction de
fumer 1, XIVe s. ; fumer ses terres, au fig.,
1845, Bescherelle]). Amender, engraisser
le sol avec du fumier ou avec des engrais
minéraux : Fumer un champ, une vigne.

‖ Fig. et fam. Fumer ses terres, se disait


d’une personne noble, mais pauvre, qui
épousait une personne roturière, mais
riche.

fumerie [fymri] n. f. (de fumer 1 ; 1863,


d’après Littré, au sens 2 ; sens 1, 1872,
Larousse). 1. Action de fumer (rare) : Et
soudain, la voix de Mme Chantal résonna
dans l’escalier : « Est-ce bientôt fini, votre
fumerie ? » (Maupassant). Ce que voyant,
on mit à sa disposition tout le tabac qu’il
voulut, et il s’enfonça dans une fumerie
sans arrêt (Gide). ‖ 2. Lieu où l’on fume,
en général l’opium : La police n’ignore pas
les nombreuses fumeries d’opium de Paris
(Hamp).

fumerolle [fymrɔl] n. f. (francisation,


d’après fumer 1 et avec changement de
genre, de l’ital. fumaruolo, n. m., fume-
rolle [du Vésuve], proprem. « orifice d’une
cheminée », dér. de fumare, fumer, lat.
fumare [v. FUMER 1] ; 1827, Acad. [« fumée
qui s’échappe de matières en combustion »,
1938, Malraux]). Émission gazeuse d’un
volcan pendant la phase d’inactivité ou à la
surface des coulées de lave : Et de la solfatare
en de tels tourbillons | Montaient confusé-
ment d’épaisses fumerolles (Heredia). ‖ Par
extens. Fumée qui s’échappe de matières en
combustion : Pourtant, du foyer de gauche,
décidément mort, sortaient des fumerolles
épaisses et blanches parallèles dans le vent
de la Sierra, et que l’incendie teignait en
rouge (Malraux).

fumeron [fymrɔ̃] n. m. (de fumer 1 ;


1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2, 1913,
Martin du Gard ; sens 3, 1833, G. Esnault).
1. Morceau de bois, et, par extens., d’une
autre matière, insuffisamment carbonisé
et qui fume. ‖ 2. Petite lampe portative :
Le loquet glissa de sa gâche, et le pasteur
apparut, tenant un fumeron d’essence à la
main (Martin du Gard). ‖ 3. Pop. Jambe :
Je trouve toujours assez drolatique de voir
d’honorables bourgeois se mettre sur leurs
fumerons et retirer leur huit-reflets pour
entendre exécuter un hymne révolution-
naire (Duhamel).

fumeronner [fymrɔne] v. intr. (de fume-


ron ; 1950, Mistler). Dégager des fumées
comme un fumeron : Une cigarette mal
éteinte qui fumeronne.

fumet [fymɛ] n. m. (de fumer 1 ; XVIe s.,


Godefroy, au sens 3 [pour du vin] ; sens 1,
1690, Furetière ; sens 2, 1670, Molière ;
sens 4, 1845, Bescherelle). 1. Exhalaison
des viandes cuites qui frappe l’odo-
rat : Adieu, bouteilles cachetées, fumet
sans pareil de venaisons cuites à point !
(Musset). L’écoeurant fumet des gargotes,
l’âcre encens frelaté, les odeurs fades ou
infectes des bouges et des asiles de nuit,
tout ce qui révoltait ses sens excitait son
génie (Valéry). ‖ 2. Sorte de jus, de coulis
employé pour corser, parfumer les sauces
et obtenu avec du poisson, du gibier, de la

volaille, etc. ‖ 3. Arôme en général : Le


fumet d’un vin. ‖ 4. Odeur plus ou moins
forte qui se dégage d’animaux sauvages ou
non et des lieux qu’ils ont fréquentés : La
lourde chaleur d’un jour de juillet dégageait
de tout le monde une odeur de bétail, un
fumet de troupeau (Maupassant). Parfois,
des ménageries assoupies derrière les grilles,
arrive, dans un pli du vent, l’inquiétant
fumet des bêtes (Duhamel).

• SYN. : 1 arôme, fumée, odeur, parfum ; 3


bouquet ; 4 effluves, exhalaisons, relent.

fumeterre [fymtɛr] n. f. (lat. médiév.


fumus terrae, fumeterre, littéralem. « fumée
de la terre » [du lat. class. fumus, fumée,
et terra, terre], la plante ayant, semble-t-
il, été nommée ainsi parce que son jus fait
pleurer les yeux comme la fumée ; 1372,
Corbichon). Plante à feuilles très décou-
pées, à petites fleurs irrégulières de couleur
pourpre foncé, rose, blanchâtre, poussant
dans les cultures ou les chemins : Je me
plaisais à voir la valentia murelis et la fume-
terre des chèvres s’incliner au vent sur les
vieux murs (Chateaubriand).

fumeur, euse [fymoer, -øz] n. (de fumer


1 ; 1690, Furetière). Personne qui fume du
tabac, ou d’autres substances : Un grand
fumeur. Compartiment pour fumeurs. Un
fumeur de hachisch.

& fumeuse n. f. (1868, d’après Littré, 1877).


Siège sur lequel on s’assied à califourchon
et dont le dossier est muni d’un coffret à
tabac servant d’accoudoir : Henri approcha
une fumeuse et s’y assit à cheval (Goncourt).

fumeux, euse [fymø, -øz] adj. (lat. fumo-


sus, qui jette de la fumée, enfumé, noirci
par la fumée, fumé [en parlant d’un jam-
bon], qui sent la fumée, de fumus, fumée ;
v. 1190, Marie de France, écrit fumos, au
sens de « d’un éclat excessif, trop luxueux » ;
écrit fumeux, au sens 3, 1314, Mondeville
[à propos de « vapeurs », en médecine ; à
propos d’un vin, v. 1560, Paré] ; sens 1,
v. 1560, Paré ; sens 2, 1835, Balzac ; sens
4, 1922, Larousse). 1. Qui dégage de la
fumée : Il vit, à la lueur des deux lampes
fumeuses, Victorine dont les yeux étaient
rouges (Balzac). On apercevait la masse
immense [...] de la ville entassée et fumeuse
(Fromentin). ‖ 2. Par extens. Rempli de
fumée, de brouillard : Un jour fumeux
et froid d’hiver parisien, tombant par la
large baie du plafond, accentuait la solen-
nité glaciale de tous ces bustes de marbre à
l’alignement contre les murs (Daudet). Le
feu étant entretenu toute la nuit dans la che-
minée, on dort dans un grand manteau d’air
chaud et fumeux (Proust). ‖ 3. Fig. et vx.
Qui fait monter au cerveau des vapeurs eni-
vrantes : Leur sang, chaud et bouillant, est
semblable en quelque sorte à ce vin fumeux
(Bossuet). ‖ 4. Fig. Qui manque de netteté,
de clarté : Bavard incontinent, rabâcheur,
snob, pédant et fumeux (B. Crémieux). On
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2058

le tient pour un esprit fumeux, voué à cer-


taines marottes (Romains).

• SYN. : 2 brumeux ; 4 confus, fuligineux,


nébuleux, nuageux, obscur, ténébreux.

fumier [fymje] n. m. (lat. pop. *fema-


rium, fumier, proprem. « tas de fumier »,
de *femus, fumier, lat. class. fimus ; v. 1170,
Livre des Rois, écrit femier [fumier, peut-
être sous l’influence de fumer 1, v. 1175,
Chr. de Troyes], au sens 1 [être comme Job
sur son fumier, 1690, Furetière ; une perle
dans un fumier, 1872, Larousse ; fumier
artificiel, XXe s.] ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1669, Molière ; sens 4, début du
XXe s.). 1. Mélange composé de la litière
des animaux domestiques et de leurs excré-
ments fermentés, et utilisé comme engrais :
Nous passâmes le reste de la nuit avec eux
sur un fumier de brebis (Chateaubriand).
La culture y est coûteuse, parce qu’il faut
beaucoup de fumier pour engraisser ces
terres friables (Flaubert). Fosse à fumier.
Tas de fumier. ‖ Être comme Job sur son
fumier, être dans un malheur et une misère
extrêmes. ‖ Mourir sur le fumier ou sur la
paille, mourir dans la misère. ‖ Trouver
une perle dans du fumier, rencontrer, contre
toute attente, dans un ensemble de choses
viles ou de personnes méprisables une
chose ou une personne d’une très grande
valeur. ‖ Fumier artificiel, fumier que l’on
fabrique en traitant les pailles suivant cer-
taines méthodes. ‖ 2. Par extens. Ordures
de toute nature, débris, détritus animaux
et végétaux en putréfaction. ‖ 3. Fig.
Ensemble de choses absolument sans
valeur : Enfin, Racine a tiré tout son or du
fumier de « Pertharite » et personne ne s’en
était douté (Voltaire). ‖ 4. Pop. Personne
vile, méprisable ; terme d’injure à l’adresse
d’une personne que l’on méprise : Tu ne
prétendras pas le contraire, hein, fumier ?
(Benoit). Une cuisinière [...] en avait obtenu,
en les traitant devant tout le monde de
« fumier », mille faveurs (Proust).

fumière [fymjɛr] n. f. (de fumier ; v. 1530,


C. Marot, au sens de « fumier » ; sens actuel,
1869, d’après Littré, 1877). Tas de fumier,
fosse à fumier.

fumigateur [fymigatoer] n. m. (dér.


savant de fumiger ; 1803, Wailly, au sens
1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, 1907, Larousse).
1. Vx. Celui qui administrait des fumiga-
tions. ‖ 2. Appareil destiné aux fumiga-
tions. ‖ 3. Appareil employé pour produire
des fumées insecticides : Un fumigateur
à nicotine.

fumigation [fymigasjɔ̃] n. f. (bas lat.


fumigatio, fumigation, de fumigatum,
supin de fumigare [v. FUMIGER] ; 1314,
Mondeville, au sens 1 ; sens 2, XVe s.,
Laborde). 1. Action d’utiliser la fumée ou
la vapeur de certaines substances pour
assainir, désinfecter un local ou pour
détruire, chasser des insectes : Une fumi-
gation de chlore. C’est avec une fumigation

plus forte que nous chasserons cet essaim


délétère (Claudel). ‖ 2. Action d’exposer,
à des fins thérapeutiques, une partie du
corps à la fumée, à la vapeur d’une subs-
tance qu’on fait brûler ou chauffer : Les
fumigations à l’eucalyptus sont excellentes
pour les maux de gorge.

fumigatoire [fymigatwar] adj. (de


fumigat[ion] ; 1503, G. de Chauliac). Qui a
rapport aux fumigations : Appareil, médi-
cament fumigatoire.
& n. m. (1872, Larousse). Médicament
administré sous forme de fumigation :
L’emploi des fumigatoires est recommandé
pour guérir les maux de gorge.

fumigène [fymiʒɛn] adj. et n. m. (de


fumi-, élément tiré du lat. fumus, fumée,
et de -gène, du gr. gennân, engendrer, pro-
duire ; fin du XIXe s.). Qui engendre de la
fumée : Un obus fumigène. Un mélange
fumigène. Les fumigènes sont employés
pour la production de nuages artificiels.

fumiger [fymiʒe] v. tr. (lat. fumigare,


enfumer, fumiger, de fumus, fumée, et
de agere, pousser, faire, produire ; 1373,
Traduction de P. Crescens). [Conj. 1 b.]
Soumettre à des fumigations. (Rare.)

fumignon [fymiɲɔ̃] n. m. (de fumer 1,


d’après lumignon ; fin du XIXe s., Huysmans
[au sens de « légère volute de fumée » —
av. 1880, Flaubert —, le mot est un dimin.
de fumée]). Petite lampe qui éclaire faible-
ment : Là, au fond du choeur éclairé par un
fumignon... (Huysmans).

• SYN. : lumignon, quinquet.

fumiste [fymist] n. m. (de fumer 1 ; 1757,


Encyclopédie). Celui dont le métier consiste
à entretenir les cheminées, à travailler la
tôle, à fabriquer des fours, des fourneaux,
des appareils de chauffage.

& n. (1852, Goncourt [à cause d’un vau-


deville de Varner, Duvert et Lauzanne, la
Famille du fumiste — 1840 —, dans lequel
un fumiste enrichi employait souvent la
phrase c’est une farce de fumiste en parlant
des tours joués par lui, peut-être parce que
ses farces vexaient, faisaient « fumer » ses
victimes]). Fam. Personne qui se moque du
monde ; mystificateur : Je sortis, persuadé
que cet empirique était ou un fumiste ou
un fou (Huysmans).

& adj. et n. (sens 1-2, début du XXe s.).


1. Qui se moque de ses obligations et sur
qui on ne peut compter : Je ne crois plus
aux promesses de ce fumiste. ‖ 2. Fam.
Qui manque de sérieux : Un élève un peu
fumiste.

& adj. (début du XXe s.). Qui dénote une


certaine fantaisie : Sous ses airs fumistes,
il est serviable et actif (Romains).

fumisterie [fymistəri] n. f. (de fumiste ;


1845, Bescherelle, au sens I ; sens II, 1, 1852,
Goncourt ; sens II, 2, début du XXe s.).

I. Profession, commerce de fumiste : Une


entreprise de fumisterie.

II. 1. Fam. Tromperie plaisante, mys-


tification de fumiste : Un commis voya-
geur parisien ayant, par une homony-
mie fâcheuse ou simple fumisterie, signé
« Alphonse Daudet » sur le registre de
l’hôtel... (Daudet). Elle s’égayait de leurs
« fumisteries » (Proust). Un savant illustre
[...] déclara qu’il s’agissait d’une fumiste-
rie (Aymé). ‖ 2. Chose qui ne peut être
prise au sérieux : Ce projet ambitieux n’est
qu’une fumisterie.

• SYN. : II, 1 blague (fam.), canular (fam.),


farce, tour ; 2 chanson, faribole, plaisanterie.

fumivore [fymivɔr] adj. (de fumée, sur le


modèle de carnivore ; XVIIe s., Dict. géné-
ral, au sens ironique de « qui absorbe la
fumée » [à propos d’un alchimiste] ; aux
sens 1-2, 1865, Littré). 1. Qui fait disparaître
la fumée : Appareil fumivore. ‖ 2. Qui ne
produit pas de fumée : Foyer fumivore.

& n. m. (1865, Littré). Dispositif dont on


surmonte un tuyau de cheminée, un verre
de lampe, pour activer le tirage et éviter la
production de fumée.

fumivorité [fymivɔrite] n. f. (de fumi-


vore ; 16 juin 1867, Le Temps). Action d’un
appareil qui fait disparaître les fumées,
ou qualité d’un foyer qui ne produit pas
de fumée.

fumoir [fymwar] n. m. (de fumer 1 ; 1821,


Lasteyrie du Saillant, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XIXe s., Baudelaire). 1. Local où
l’on fume le poisson, les viandes. ‖ 2. Pièce
d’un appartement où l’on se réunit pour
fumer : Dans un boudoir d’hommes, c’est-
à-dire dans un fumoir attenant à un élégant
tripot, quatre hommes fumaient et buvaient
(Baudelaire). J’errais du fumoir au salon,
de l’antichambre à la bibliothèque... (Gide).
Il avait fait installer un fumoir confortable
dans lequel il recevait, deux ou trois fois la
semaine, des amis et des élèves (Duhamel).

fumure [fymyr] n. f. (de fumer 2 [v. ce


mot] ; début du XIVe s., écrit femure [fumure,
XVIe s.], au sens 1 [fumure de fond, d’entre-
tien, XXe s.] ; sens 2, 1357, Godefroy, écrit
fumeure [fumure, XVIe s.]). 1. Amendement
du sol par le fumier, l’engrais. ‖ Fumure de
fond, celle dont l’effet doit se faire sentir
plusieurs années. ‖ Fumure d’entretien,
celle qui ne sert, en général, que pour
une culture déterminée. ‖ 2. Par extens.
Ensemble des fumiers et engrais employés
pour la culture.

funambule [fynɑ̃byl] n. (lat. funambulus,


danseur de corde, de funis, corde, câble, et
de ambulare, marcher ; début du XVIe s.).
Acrobate marchant sur une corde tendue à
une certaine hauteur : Le funambule s’aide
d’un balancier.

• SYN. : danseur de corde, fil-de-fériste.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2059

funambulesque [fynɑ̃bylɛsk] adj. (de


funambule ; 1857, Banville, au sens 1 ; sens
2, 1907, Larousse). 1. Qui a rapport aux
funambules : Ou qu’il daigne faire des tours
| Sur la corde funambulesque (Banville).
‖ 2. Bizarre, extravagant jusqu’au gro-
tesque : On me demande d’aller à Nice pour
un motif assez funambulesque (Romains).
• SYN. : 2 abracadabrant, burlesque,
clownesque, fantaisiste, farfelu (fam.),
rocambolesque.

funding [foẽnding] n. m. (mot angl., abrév.


de funding loan, emprunt de consolidation,
de loan, action de prêter, ce qui est prêté,
emprunt, et de funding, part. prés. de to
fund, consolider [une dette], placer de l’ar-
gent en fonds publics, de fund, fonds [d’une
affaire commerciale], fonds publics, empr.
anc. du franç. fond, fonds [v. ces mots] ;
1900, Bonnafé). En termes de banque et
de bourse, titre donné en paiement de cou-
pons qui n’ont pu être payés en espèces.

fune [fyn] n. f. (forme féminisée de l’anc.


franç. fun, corde, amarre [fin du XIIe s.,
Dialogues de saint Grégoire], lat. funis,
corde, câble ; 1464, Godefroy, au sens de
« cordage pour les voiles » ; sens actuel,
XXe s.). Cordage en fil d’acier servant à
remorquer un chalut sur le fond.

funèbre [fynɛbr] adj. (lat. funebris,


funèbre, de funérailles, funeste, mortel,
pernicieux, de funus, -neris, funérailles,
cérémonie funèbre ; XIVe s., au sens 1 ; [lit
funèbre, 1801, Chateaubriand ; couche
funèbre, 1823, Lamartine ; pompes funèbres,
1835, Acad. ; marche funèbre, jeux funèbres,
1872, Larousse ; repas funèbre, av. 1922,
Proust] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens
3, 1704, Trévoux ; sens 4, 1660, Boileau
[oiseaux funèbres, 1690, Furetière]). 1. Se
dit de ce qui a rapport à la mort, aux
funérailles : Cette visite funèbre ne sem-
blait pas les avoir attristées (Daudet).
Veillée funèbre. Rendre à quelqu’un les
honneurs funèbres. Convoi funèbre. ‖ Lit,
couche funèbre, lit sur lequel un mort est
exposé. ‖ Pompes funèbres, administra-
tion qui se charge de l’organisation des
enterrements. ‖ Marche funèbre, marche
que l’on joue aux obsèques : La marche
funèbre du « Crépuscule des dieux ». ‖ Éloge
funèbre, v. ÉLOGE. ‖ Oraison funèbre, v.
ORAISON. ‖ Jeux funèbres, jeux célébrés
dans l’Antiquité à l’occasion des funé-
railles d’un personnage illustre : Les jeux
funèbres en l’honneur de Patrocle, dans
« l’Iliade » ; en l’honneur d’Anchise, dans
« l’Énéide ». ‖ Repas funèbre, repas qui suit
les funérailles : Nous n’avions pas donné
le grand repas funèbre (Proust). ‖ 2. Syn.
peu usité de FUNÉRAIRE : L’herbe flottait
autour de petites colonnes funèbres que
surmontait un turban (Chateaubriand).
‖ 3. Qui fait penser à la mort : Ces espèces
de signaux funèbres qui annonçaient de loin
le rivage et l’écueil étaient pour lui, sans

doute, un sujet de réflexions bien sérieuses


(Chateaubriand). Des gibets dressant leurs
bras funèbres (Hugo). Avoir des idées, tenir
des propos funèbres. ‖ 4. Triste comme la
mort, lugubre : Les Heures de la mort sont
lentes et funèbres (Samain). Avoir un air,
une mine funèbre. ‖ Oiseaux funèbres,
oiseaux nocturnes au cri sinistre.

• SYN. : 1 mortuaire ; 3 macabre ; 4 sépul-


cral, sinistre, sombre.

funèbrement [fynɛbrəmɑ̃] adv. (de


funèbre ; XVIe s., Huguet). D’une manière
funèbre (rare) : Cette douleur, de temps à
autre, fait pousser des fleurs lugubres et
coquettes, à la fois tristes et riches ; ses
accents funèbrement amoureux se transfor-
ment souvent en concetti (Baudelaire). Elle
ne pouvait détacher ses yeux de ces rangées
de persiennes closes, de ce parc profond et
mystérieux que dominait la croix funèbre-
ment (Daudet).

funer [fyne] v. tr. (de fune [v. ce mot] ;


1586, Laudonnière). En marine, garnir le
mât de son étui et de sa manoeuvre.

funérailles [fynerɑj] n. f. pl. (bas lat.


ecclés. funeralia, funérailles, neutre plur.
substantivé de l’adj. du bas lat. funeralis,
funèbre, de funérailles, dér. du lat. class.
funus, -neris, funérailles, cérémonie
funèbre ; 1406, N. de Baye, au sens 1 [au
sing. ; au plur., milieu du XVIe s., Amyot] ;
sens 2, 1935, G. Esnault). 1. Cérémonies
qui se font en l’honneur d’un mort (mot
réservé généralement aux cérémonies qui
ont un caractère solennel) : Les cloches
du hameau qui devaient sonner pour son
hymen, sonnèrent pour ses funérailles
(France). Funérailles nationales. ‖ 2. Fam.
Employé interjectiv., marque la surprise, le
dépit ou l’appréhension : Oh ! Funérailles !
Que va-t-il encore m’arriver ?

• SYN. : 1 convoi, enterrement, obsèques.

funéraire [fynerɛr] adj. (bas lat. fune-


rarius, qui concerne les funérailles, du
lat. class. funus, -neris, funérailles ; 1565,
Huguet, au sens 1 ; sens 2, 1822, V. Hugo
[urne funéraire ; pierre, colonne, drap
funéraire, 1872, Larousse ; dalle, mobilier
funéraire, XXe s.]). 1. Qui concerne les funé-
railles : Les femmes de Byblos en lugubres
accents | Mènent la funéraire et lente théo-
rie (Heredia). ‖ Frais funéraires, dépenses
effectuées pour le convoi et l’inhuma-
tion d’une personne. ‖ 2. Qui est relatif
aux tombes, aux cimetières : Couronne,
monument funéraire. À l’entrée, il y a des
ateliers de menuiserie qui dégagent une
odeur funéraire de sciure et de sapin frais
(Duhamel). Une édifiante abondance de
magasins funéraires (Camus). ‖ Pierre,
dalle funéraire, celle qui recouvre une
tombe. ‖ Colonne funéraire, colonne qui
portait une urne contenant les cendres
d’un mort ; colonne surmontant un monu-
ment funèbre. ‖ Drap funéraire, drap noir
dont on couvre un cercueil. ‖ Spécialem.

Mobilier funéraire, ensemble d’objets trou-


vés au cours des fouilles dans des tombes
de haute époque. ‖ Urne funéraire, v. URNE.
• SYN. : 1 funèbre ; 2 mortuaire.

funeste [fynɛst] adj. (lat. funestus, funé-


raire, funèbre, malheureux, mortel, fatal,
de funus, -neris, funérailles, ruine, perte,
mort ; v. 1355, Bersuire, au sens de « attristé,
désolé » ; sens 1, 1564, J. Thierry ; sens 2,
1665, Molière ; sens 3, 1596, Hulsius ; sens
4, 1660, Corneille ; sens 5, v. 1666, Boileau ;
sens 6, 1611, Cotgrave). 1. Class. Qui cause
la mort : On doit de tous les Juifs exter-
miner la race [...]. | Aman, l’impie Aman,
race d’Amalécite, | A pour ce coup funeste
armé tout son crédit (Racine). ‖ 2. Class.
Se dit d’une mort tragique, violente : Ce
méchant roi est toujours exposé à une mort
funeste, même dans son palais inaccessible
(Fénelon). ‖ 3. Class. et littér. Qui concerne
ou qui évoque la mort ; triste, affligeant :
Elle s’y mit pour n’avoir pas devant les yeux
l’objet [= le spectacle] funeste d’un mari
mort (Scarron). Une petite maison d’aspect
funeste, dévastée (Fromentin). ‖ 4. Par
extens. Qui apporte le malheur avec soi :
Un coup funeste. Quelles misérables folies
ont passé comme un vent funeste entre
nous deux ? (Musset). ‖ 5. Qui annonce
le malheur : Là, je trouve une croix de
funeste présage (Boileau). ‖ 6. Qui nuit, qui
cause du dommage : La science est toujours
salutaire, comme l’ignorance est toujours
funeste (Constant). Les deux jeunes princes
[...] ont conservé la funeste habitude de se
gorger de raisin (Balzac). La passion du jeu
lui a été funeste.

• SYN. : 4 fatal, néfaste ; 6 dangereux, mal-


sain, mauvais, nocif, nuisible, pernicieux,
préjudiciable.

funestement [fynɛstəmɑ̃] adv. (de


funeste ; 1680, Richelet). De façon funeste.

funester [fynɛste] v. tr. (de funeste,


d’après l’ital. funestare, lat. funestare, souil-
ler par un meurtre, et, au fig., « souiller,
déshonorer », dér. de funestus [v. FUNESTE] ;
XVIe s., Huguet, puis 1756, Voltaire, au
sens 1 ; sens 2, av. 1842, Stendhal). 1. Vx.
Répandre le malheur sur : Plusieurs assas-
sinats funestèrent le règne de Charles II
(Voltaire). ‖ 2. Vx. Rendre funèbre, attris-
ter : Faure a funesté par sa tristesse conta-
gieuse cette époque de ma vie (Stendhal).

funiculaire [fynikulɛr] adj. (dér. savant


du lat. funiculus [v. l’art. suiv.] ; sens 1, 1757,
Encyclopédie ; sens 2, 1878, Larousse). 1. Vx.
Qui est composé de cordes, ou mû par des
cordes : Appareil funiculaire. ‖ 2. Relatif
au cordon ombilical ou spermatique :
Névralgie funiculaire.

& n. m. et adj. (sens 1, 1872, Larousse


[comme n. m., 1890, Dict. général] ; sens
2, XXe s.). 1. Chemin de fer funiculaire, ou
funiculaire n. m., chemin de fer destiné à
gravir des pentes de forte déclivité et dont
les convois sont mus par un câble : Pour
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2060

les ascensions, des tas de chemins de fer


hydrauliques ou funiculaires (Daudet). Le
funiculaire de Montmartre. ‖ 2. Par extens.
Tout moyen de transfert aérien par câble.

funicule [fynikyl] n. m. (lat. funiculus,


petite corde, ficelle, cordon, dimin. de funis,
câble, corde ; 1829, Boiste). Cordon qui rat-
tache l’ovule d’une plante au placenta de
l’ovaire.

funifère [fynifɛr] adj. (de funi-, élément


tiré du lat. funis, corde, et de -fère, du lat.
ferre, porter ; 1872, Larousse). Qui porte
des appendices semblables à des cordes.

funin [fynɛ̃] n. m. (de l’anc. franç. fun,


fune, corde [v. FUNE] ; v. 1130, Eneas, écrit
funain [funin, fin du XVIe s., A. d’Aubi-
gné], au sens de « cordage » ; sens actuel,
1643, G. Fournier). Vx. Dans la marine,
nom générique des cordages blancs, faits
de fil non goudronné : Gilliatt n’avait pu
faire que du funin blanc, il manquait de
goudron (Hugo).

• SYN. : filin.

fur [fyr] n. m. (lat. forum, place où se


déroulait la vie publique, financière, poli-
tique, judiciaire, d’où, à basse époque,
« opérations qui se faisaient sur cette place »
et « convention, loi » ; XIIe s., écrit fuer [feur,
v. 1268, É. Boileau ; fur, XVIe s.], au sens de
« mesure » [à nul fuer, « à aucun prix », au
fig., v. 1130, Eneas]). Vx. En termes de droit,
taux : Au fur du denier vingt, qui est le fur
le plus cher auquel on puisse constituer les
rentes (Dict. général).

& Au fur et à mesure loc. adv. (1690,


Furetière [cette locution a remplacé au fur,
« à mesure, à proportion » — XVIe s., Loisel
—, dont le sens n’était plus compris]). En
même temps et dans la même proportion :
Les Danaïdes remplissaient un tonneau qui
se vidait au fur et à mesure. Picquenart
commença de déballer toutes sortes d’objets
que nous rangions, selon ses indications, au
fur et à mesure (Duhamel).

& Au fur et à mesure de loc. prép. (1835,


Acad.). Successivement et en proportion
de : On lui fournit des subsides au fur et à
mesure de ses besoins.

& Au fur et à mesure que loc. conj. (1690,


Furetière). En même temps et à proportion
que : Au fur et à mesure que j’applaudissais,
il me semblait que la Berma avait mieux
joué (Proust).

furax [fyraks] adj. invar. (de fur[ieux],


d’après le lat. furax, voleur, rapace, dér. de
furari, voler, dérober, de fur, voleur ; XXe s.).
Fam. Furieux.

furet [fyrɛ] n. m. (lat. *furittus, furet,


proprem. « petit voleur », dimin. de fur,
voleur ; XIIIe s., Roman de Renart, au
sens 1 ; sens 2, 1636, Monet ; sens 3, 1845,
Bescherelle ; sens 4, 1890, Dict. général).
1. Petit mammifère carnivore, de la famille
des mustélidés, qu’on peut dresser pour la
chasse au lapin de garenne : Un tremble-

ment de chiens, de furets, de trompes, de


cors de chasse (Daudet). Chasser au furet.
‖ 2. Fig. Personne habile à se fourrer, à
fouiller partout afin de découvrir ce qui
était tenu caché (rare) ; et adjectiv. : Elle
devrait se montrer très furet (Hervieu).
‖ 3. Spécialem. Jeu du furet, jeu de société
qui consiste à faire passer rapidement de
main en main, et en le cachant, un anneau
enfilé sur une corde, que l’un des joueurs
doit découvrir. ‖ 4. Jeu de cartes où l’on
tâche de faire prendre par son voisin une
carte dite « furet », le dernier possesseur
de cette carte perdant la partie.

furetage [fyrtaʒ] n. m. (de fureter ; 1811,


Encycl. méthodique, au sens de « action de
fureter un bois, d’en couper les arbres pério-
diquement, çà et là, en choisissant ceux
qui ont l’âge de la coupe » ; sens 1, 1845,
Bescherelle ; sens 2, 1865, Littré). 1. Action
d’introduire le furet dans le terrier du
lapin. ‖ 2. Action de fouiller partout, pour
découvrir quelque chose : J’ai retrouvé le
même homme, plus contenu, plus rassis
pourtant, dans ce nouveau livre ; c’est le
même procédé de furetages, de recherches
et aussi de conjectures (Huysmans).

fureter [fyrte] v. intr. (de furet ; XIVe s.,


A. Thierry, au sens 1 ; sens 2, 1549,
R. Estienne). [Conj. 4 b.] 1. Chasser
au furet : Fureter dans une garenne.
‖ 2. Chercher çà et là, fouiller partout
pour découvrir ce qui est tenu caché :
Gilliatt, furetant, s’aventura dans une de
ces fissures (Hugo). Immensément riche et
retiré du trafic, au moins en apparence, il
continuait à fureter dans Paris du matin
au soir, courait les marchands, suivait les
ventes... (Daudet).
• SYN. : 2 farfouiller (très fam.), fouiner
(fam.), fourgonner, fourrager, trifouiller
(pop.).

& v. tr. (1865, Littré). Chasser au furet dans


un endroit (rare) : Fureter un terrier.

fureteur, euse [fyrtoer, -øz] n. (de


fureter ; 1514, Dict. général). Personne qui
chasse au furet.

& adj. et n. (1611, Cotgrave, comme n. m.


[comme n. f., 1845, Bescherelle ; comme
adj., 1835, Acad.]). Qui cherche, fouille par-
tout, s’enquiert de tout, afin de découvrir
des choses cachées, secrètes : Ses yeux gris,
animés d’un feu sans éclat, avaient le regard
mobile et pénétrant du fureteur qui cherche
et qui cache (Lamartine). Un fureteur de
bibliothèques.

• SYN. : chercheur, fouinard (fam.), fouineur


(fam.), rat [de bibliothèque].

& adj. (av. 1850, Balzac). Qui est toujours


en quête de découverte, qui manifeste une
curiosité indiscrète : Son regard fureteur
allait aux moindres coins, cherchant le
défaut, le point à critiquer (Daudet). Ainsi,
elle, simple Saint-Euverte, faisait-elle de ses
yeux fureteurs un « tri » dans la composi-
tion de la soirée de la princesse (Proust) ; et

littér. : Cette promenade était rêveuse, elle


était contemplative, elle n’était pas fure-
teuse (Duhamel).

• SYN. : curieux, fouineur (fam.), indiscret,


inquisiteur.

fureur [fyroer] n. f. (lat. furor, délire, éga-


rement, frénésie, inspiration prophétique,
enthousiasme des poètes, fureur guerrière,
de furere, être hors de soi, égaré, en délire,
se déchaîner, être en furie ; fin du Xe s., Vie
de saint Léger, au sens 4 [pour un animal,
v. 1695, Fénelon] ; sens 1, 1596, Hulsius
[dans la langue jurid., 1804, Code civil] ;
sens 2, v. 1540, Héroet ; sens 3, av. 1559, J.
Du Bellay [la fureur de quelque chose, 1669,
Bossuet ; faire fureur, 1835, Acad.] ; sens
5-6, 1640, Corneille). 1. Class. Folie, éga-
rement d’esprit où le malade ne se contrôle
plus et est conduit à des actes de violence :
La morsure des animaux enragés rend les
hommes malades de fureur : cette fureur ne
se guérit point, il les faut étouffer (Furetière,
1690). ‖ Auj. Ce sens subsiste dans la
langue juridique : Le majeur qui est dans
un état habituel d’imbécillité, de démence
ou de fureur doit être interdit (Code civil).
‖ 2. Class. et littér. Délire de l’inspiration
(poétique ou prophétique), transport divin
(au XVIIe s., ce sens vieillit et le mot est le
plus souvent accompagné d’un détermina-
tif) : Je veux qu’un grand dessein échauffe
ma fureur, | Qu’une oeuvre de dix ans me
tienne à la contrainte | De quelque beau
poème (de Viau). Les poètes sont trans-
portés de la fureur d’Apollon, d’une fureur
divine (Furetière, 1690). Il leur donna des
ardeurs secrètes, des fureurs cachées, des
troubles bizarres (France). ‖ 3. Class. et
littér. Passion violente et déréglée pour
quelqu’un ou pour quelque chose ; ardeur
extrême des sentiments, des attachements :
Ce serait [...] par toute la Grèce animer trop
d’horreur | Contre une ombre chérie avec
tant de fureur (Corneille). Tout ce que j’ai
souffert, mes craintes, mes transports, |
La fureur de mes feux (Racine). Hélas !
je ne vois rien que cette fureur acharnée,
que cette lutte pour la première place [au
lycée] (Mauriac). ‖ Auj. Ce sens est d’un
emploi plus limité : Aimer la musique,
la danse, la montagne avec fureur. ‖ La
fureur de quelque chose, l’engouement
excessif, irrésistible pour cette chose :
La fureur du jeu. La fureur de vivre. La
fureur de détruire. ‖ Faire fureur, jouir, à
un moment donné, de toute la faveur du
public : Une mode, une chanson, une danse,
une actrice qui fait fureur. Les échecs firent
fureur en Normandie au retour de l’émi-
gration (La Varende). ‖ 4. Violente colère,
emportement poussé jusqu’à la démesure :
Ô Seigneur ! | Ne brisez pas mon âme avec
votre fureur (Vigny). Être au comble de la
fureur. Être dans une fureur noire (fam.) ; et
par extens. : Semblable à une bête en fureur
(Fénelon). ‖ 5. Littér. Violence, acharne-
ment dans l’action : La fureur des combats.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2061

‖ 6. Littér. Impétuosité, déchaînement


des éléments : Le vent souffle avec fureur.
Celui qui met un frein à la fureur des flots...
(Racine). Je contemplai longuement ce fier
et noble fleuve [le Rhin], violent, mais sans
fureur ; sauvage, mais majestueux (Hugo).
Les averses de l’hiver s’abattent [...] avec la
fureur obstinée qu’ont les pluies sur cette
côte (Tharaud).
• SYN. : 3 folie, frénésie, passion ; 4 courroux
(littér.), furie, rage.

& À la fureur loc. adv. (1713, Hamilton).


Passionnément, sans mesure : Le gou-
verneur aimait les femmes à la fureur
(Voltaire). Et j’aime à la fureur | Les choses
où le son se mêle à la lumière (Baudelaire).
• SYN. : à la folie, éperdument, follement.
& fureurs n. f. pl. (sens 1, 1667, Racine ; sens
2, v. 1265, Br. Latini ; sens 3, 1651, Corneille).
1. Class. Actes de folie, preuves du dérègle-
ment d’esprit : Voudras-tu jusqu’au bout
seconder mes fureurs ? (Racine). ‖ 2. Littér.
Emportements, excès provoqués par la
passion, la colère : Les fureurs de l’amour.
‖ 3. Littér. Manifestations de violence des
personnes ou des choses : Les fureurs des
révoltés donnent la mesure des vices des ins-
titutions (Staël). Les fureurs de la tempête.

furfur n. m. V. FURFURE N. F.

furfuracé, e [fyrfyrase] adj. (bas lat. fur-


furaceus, qui a l’air de son, du lat. class.
furfur [v. FURFURE] ; 1810, Alibert, au sens
2 ; sens 1, 1865, Littré). 1. Qui a l’apparence
du son (des grains). ‖ 2. En médecine, se
dit de lésions recouvertes ou composées
de petites squames poudreuses : Dartre
furfuracée. Desquamation furfuracée.

furfural [fyrfyral] ou furfurol [fyrfyrɔl]


n. m. (dér. savants du lat. furfur, cosse de
grains, son [v. l’art. suiv.] ; 1878, Larousse,
écrit furfural ; furfurol, 1865, Littré).
Aldéhyde toxique qu’on trouve dans les
alcools de grain.

furfure n. f. ou furfur [fyrfyr] n. m. (lat.


furfur, furfuris, balle, cosse de grains, son
[de la farine], écailles, pellicules qui se
détachent de la peau de la tête ; v. 1280,
Bibbesworth, écrit f [o]urfre, au sens de
« son [de la farine] » ; écrit furfure, au sens
actuel, 1377, Lanfranc [furfur, XXe s.]).
Petite squame qui se détache de la peau
dans certaines dermatoses ou à la suite de
la rougeole.

furfurol n. m. V. FURFURAL.

furia [fyrja] n. f. (mot ital. signif. « impé-


tuosité », lat. furia [v. FURIE] ; 1872,
Larousse). Impétuosité : Marie n’avait pas
précisément son franc-parler [...] ; elle s’en
tenait aux boutades : quelques mots par-
taient en sifflant, chassés par une furia com-
primée (Gide). ‖ Furia francese, v. FURIE.
furibard, e [fyribar, -ard] adj. (de
furib[ond], avec le suff. péjor. -ard ; fin du
XIXe s.). Pop. Furieux, en colère : Tous deux

sortent congestionnés et furibards (Gide).

Avoir un air furibard.

furibond, e [fyribɔ̃, -ɔ̃d] adj. (lat. furibun-


dus, délirant, égaré, de furere, être hors de
soi, égaré, en délire ; v. 1265, Br. Latini, écrit
furibonde [au masc. ; furibund, furibond,
v. 1355, Bersuire], au sens 1 ; sens 2, 1671,
Molière ; sens 3, 1704, Regnard). 1. Qui est
dans un état de colère, d’irritation extrême,
sans rapport avec l’importance de l’objet
qui le motive : Un homme furibond prête à
rire. ‖ 2. Qui traduit, exprime l’irritation,
la fureur : Un regard furibond. Les autres
éclataient en paroles furibondes contre les
républicains (Zola). ‖ 3. Littér. Qui a le
caractère violent de la fureur : Criant à
Dieu dans sa furibonde agonie (Baudelaire).
• SYN. : 1 enragé, furibard (pop.), furieux ;
2 courroucé, irrité.

& n. (1690, Furetière, au sens de « fan-


faron » ; sens actuel, milieu du XIXe s.,
Baudelaire). Personne d’un caractère vio-
lent, qui s’emporte à toute occasion : De
même, les signes héréditaires que le XVIIIe
siècle avait laissés sur sa nature avaient
l’air empruntés surtout à cette classe aussi
éloignée des utopistes que des furibonds, à
la classe des sceptiques polis (Baudelaire).

furibonder [fyribɔ̃de] v. intr. (de furi-


bond ; 1674, Mme de Sévigné [se furibonder,
même sens, v. 1460, G. Chastellain]). Class.
Se mettre en colère, faire le furibond :
L’évêque pesta, jura, tempêta, furibonda
(Sévigné).

furie [fyri] n. f. (lat. Furia [généralement


employé au plur.], chacune des trois déesses
qui symbolisaient la vengeance, Furie ;
v. 1355, Bersuire, au sens I, 1 [a remplacé
les formes plus pop. fuire — v. 1120, Psautier
de Cambridge — et fure — v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure] ; sens I, 2, 1640, Corneille ;
sens I, 3, 1723, Savary des Bruslons ; sens
II, 1, XVe s., Basselin [pour un animal, 1671,
Boileau] ; sens II, 2, 1629, Mairet [la furie
française, av. 1654, Guez de Balzac ; de furie,
1651, Scarron] ; sens II, 3, 1635, Corneille
[« passion violente, déraisonnable », 1667,
Boileau] ; sens II, 4, 1668, La Fontaine ; sens
II, 5, 1688, Mme de Sévigné).

I. 1. Les Furies, les trois divinités infer-


nales qui, chez les Romains, personni-
fiaient la vengeance divine et le remords
poursuivant les méchants : Les dieux
justes l’ont livré aux Furies (Fénelon).
Danton, avec ses trois Furies mâles (Cha-
teaubriand). [En ce sens, s’écrit avec une
majuscule.] ‖ 2. Femme violente, empor-
tée jusqu’à la fureur, qui se laisse dominer
par la méchanceté, la haine, le ressenti-
ment : Voltaire appelle l’Émilie de « Cin-
na » une adorable furie. ‖ 3. Vx. Étoffe de
soie fabriquée dans l’Inde, et où étaient
représentées des figures fantastiques.

II. 1. Accès de rage, de fureur, qui se ma-


nifeste par des actions violentes : L’effroi

peut se changer en furie (Hugo). Entrer


en furie. La moindre contradiction le met
en furie. ‖ Par anal. État d’irritation, de
fureur de l’animal : Un taureau en furie.
‖ 2. Littér. Ardeur impétueuse, élan irré-
sistible dans l’action : Tout à leur furie,
les cuirassiers venaient d’apercevoir entre
eux et les Anglais un fossé (Hugo). La furie
d’une attaque. ‖ Vx. La furie française,
l’impétuosité habituelle des troupes fran-
çaises dans la première attaque : Assaillis
par un premier élan de cette furie fran-
çaise si célèbre, ils [...] s’enfuirent décon-
certés (Ségur). ‖ Class. De furie, avec
impétuosité : Le Cardinal, se tournant
à lui de furie, l’envoya promener (Saint-
Simon). ‖ 3. Fig. et littér. Emportement
que l’on met dans certains sentiments ou
dans la manifestation de ces sentiments :
Sa joie, je ne vous en parle pas ; ce fut une
furie de larmes, de caresses, de baisers
(Hugo). ‖ Spécialem. et class. Passion
violente, déraisonnable : N’écris plus,
guéris-toi d’une vaine furie (Boileau).
‖ 4. Class. et littér. Mouvement violent
des choses, en particulier déchaînement
des éléments : Si le corps mort ne reparaît
point, ou que la furie du Rhône l’ait jeté
au-delà d’Arles... (Sévigné). Ils les ont ar-
rachés à la mer en furie (Voltaire). Chassé
par toute la furie du cyclone (Hugo). Des
cloches, tout à coup, sautent avec furie
(Baudelaire). ‖ 5. Class. Agitation vio-
lente de l’organisme, inflammation : Les
remèdes chauds mettent le sang en furie,
et c’est cette furie qui fait les douleurs
(Sévigné).

• SYN. : I, 2 harpie, mégère. ‖ II, 1 colère,


courroux (littér.), emportement, fureur,
rage ; 2 fougue, impétuosité, véhémence,
violence.

furieusement [fyrjøzmɑ̃] adv. (de


furieusement [fyrjøzmɑ̃] adv. (de
furieux ; v. 1360, Froissart, au sens 1 ; sens
2, fin du XVIe s., A. d’Aubigné). 1. D’une
manière furieuse, avec violence, impétuo-
sité : Attaquer furieusement. Il m’avait saisi
le bras et me secouait furieusement (Gide).
‖ 2. Fam. ou littér. Extrêmement, beau-
coup, fort : « Ce serait, à coup sûr, quelque
chose de furieusement agréable », fit Albert,
en quittant le ton dithyrambique pour le
jargon précieux (Gautier). Son coeur se remit
à battre furieusement (Maupassant). Aussi
bien le trajet d’Alger à Sétif m’avait paru
furieusement long (Gide). ‖ Class. Ce sens
a eu un succès particulier au XVIIe s. dans
le langage précieux : Le siècle s’encanaille
furieusement (Molière). Il est furieusement
sot (Richelet, 1680).

• SYN. : 1 frénétiquement, impétueusement,


violemment ; 2 bigrement (fam.), bougre-
ment (fam.), diablement (fam.), drôlement
(fam.), énormément, excessivement, folle-
ment, terriblement (fam.).

furieux, euse [fyrjø, -øz] adj. et n. (lat.


furiosus, en délire, égaré, dément, de furia
[v. FURIE] ; fin du XIIIe s., au sens 3 ; sens
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2062

1, 1372, Corbichon [fou furieux, 1853,


Michelet] ; sens 2, av. 1559, J. Du Bellay ;
sens 4, 1690, Furetière). 1. Class. Atteint
d’une forme de folie qui pousse à des
actes de violence ; dément : Hâtez-vous
de le faire enfermer, il devient furieux, je
vous en avertis (Regnard). ‖ Ce sens a
subsisté dans l’expression fou furieux, et
dans la langue du droit : Faire interdire
un furieux. ‖ 2. Class. et littér. Qui est en
proie à une passion violente, déréglée ;
en particulier, dont l’esprit est égaré par
la passion amoureuse : Astarté le vit, elle
l’aima et devint furieuse (Fénelon). Moi
qui devais devenir [...] un jaloux furieux
(Mauriac). ‖ 3. Qui est en fureur, qui se
laisse emporter par une violente colère :
Toute la maison tremblait sous les coups
du frappeur furieux (France). Un homme
furieux a l’air d’un fou (Bernanos). Avoir
l’air furieux. Il est furieux quand on lui fait
remarquer ses erreurs. ‖ 4. En héraldique,
se dit du taureau quand il est levé sur ses
pieds de derrière.
• SYN. : 3 forcené, fou, furibond.

& adj. (sens 1, XXe s. ; sens 2, 1677, Racine ;


sens 3, av. 1670, Racan ; sens 4, XVIe s. ; sens
5, 1669, Bossuet ; sens 6, 1580, Montaigne).
1. Folie furieuse, forme de folie où le malade
est amené à commettre des actes de vio-
lence. ‖ 2. Littér. Se dit d’une passion qui
égare l’esprit, à laquelle on est entièrement
soumis : Le fanatisme est la superstition
devenue furieuse (Constant). L’amour exalté
est une ivresse furieuse (Lamennais). La
passion furieuse du jeu l’absorbait (Musset).
‖ 3. Qui traduit, annonce l’irritation, la
fureur : Des regards furieux. Des cris
furieux. Avec des mots assez crachés et
furieux (Hugo). ‖ 4. Qui manifeste ou
dénote une ardeur, une impétuosité irré-
sistible dans l’action : Une charge furieuse.
Une mêlée furieuse. ‖ 5. Littér. En par-
lant des choses et surtout des éléments,
qui atteint une grande violence, qui est
déchaîné : Une tempête furieuse. Par masses
et tantôt par furieuse averse, | La neige
roule, pleut, tournoie et se disperse (Leconte
de Lisle). ‖ 6. Fam. Qui a quelque chose de
démesuré, d’extraordinaire, de prodigieux :
Un furieux appétit. Vous me donnez une
furieuse envie de savoir la vérité (Balzac).
Il y a beaucoup de lumière sur la terre et
une furieuse publicité (Valéry). ‖ Class.
Ce sens, à la mode au XVIIe s., a été fort
employé dans le langage précieux : J’ai une
délicatesse furieuse pour tout ce que je porte
(Molière). Il s’est donné un furieux coup ;
il fait une furieuse dépense (Acad., 1694).
• SYN. : 3 courroucé (littér.), furibond,
irrité ; 4 acharné, déchaîné, endiablé
(fam.), enragé, fougueux, frénétique, vio-
lent ; 6 extraordinaire, fabuleux, fameux,
fantastique, fou, prodigieux.

• REM. Furieux se construit avec de :


Être furieux de ne pas avoir réussi.Il
était furieux de cette résistance (Acad.).

Avec un nom de personne, on emploie


généralement contre : Il est furieux contre
lui ; mais la langue familière dit souvent
après : Être furieux après quelqu’un.

furioso [fyrjozo] adj. m. (mot ital.


signif. proprem. « furieux », lat. furiosus
[v. FURIEUX] ; 1865, Littré). En termes
de musique, qui a un caractère violent,
emporté : Allegro furioso.

furmint [fyrmɛ̃] n. m. (mot hongrois,


peut-être empr. à l’anc. franç. fourment,
var. de froment [cf. le sens de fromentel,
XIIIe s., dér. de froment : « excellente variété
de raisin de Champagne »] ; 1865, Littré
[aussi formint, 1920, Omnium agricole]).
Cépage blanc de Hongrie, qui fournit le
vin de Tokay.

furole [fyrɔl] n. f. (du francique *fūir, feu ;


av. 1525, J. Lemaire de Belges, écrit fuirole ;
furole, 1606, Nicot). Dialect. En certaines
régions, feu follet.

furon [fyrɔ̃] n. m. (bas lat. furo, voleur,


furet, dér. du lat. class. fur, furis, voleur ;
XIVe s., Du Cange, au sens de « furet » ; sens
actuel, 1865, Littré). Petit du furet.

furoncle [fyrɔ̃kl] n. m. (lat. furunculus,


petite pousse de la grandeur d’une verrue,
clou [en médecine], proprem. « petit lar-
ron », dér. de fur, furis, voleur [l’excrois-
sance d’une plante aurait été comparée à
un voleur, parce qu’elle dérobe une partie
de la sève de la plante] ; 1376, Du Cange,
écrit ferongle ; furoncle, 1478, Chauliac).
Inflammation circonscrite de la peau et
du tissu cellulaire sous-cutané, ayant son
origine dans un follicule pileux, et qui est
due à un staphylocoque. (Syn. fam. CLOU.)

furonculeux, euse [fyrɔ̃kylø, -øz] adj.


(dér. savant du lat. furunculus [v. l’art.
précéd.] ; 1842, Acad.). Qui a les carac-
tères du furoncle : Inflammation, abcès
furonculeux.

& n. (1872, Larousse [comme adj. ; comme


n., XXe s.]). Personne atteinte de furoncles
ou de furonculose : Un furonculeux.

furonculose [fyrɔ̃kyloz] n. f. (dér. savant


du lat. furunculus [v. FURONCLE] ; 1888,
Larousse). Maladie caractérisée par l’érup-
tion simultanée ou successive de furoncles,
en nombre plus ou moins grand.

furtif, ive [fyrtif, -iv] adj. (lat. furtivus,


dérobé, volé, secret, de furtum, larcin, vol,
ruse, dér. de fur, furis, voleur ; milieu du
XIVe s., au sens de « de voleur, de brigand » ;
sens 1, 1549, R. Estienne [en parlant d’une
personne, 1853, V. Hugo] ; sens 2, av. 1778,
J.-J. Rousseau ; sens 3, 1775, Beaumarchais).
1. Class. Que l’on cache, que l’on garde
secret, comme on dissimulerait un vol :
Toi, qu’un amour furtif souilla de tant de
crimes, | M’oses-tu reprocher des ardeurs
légitimes ? (Corneille) ; et littér., en par-
lant d’une personne : Furtif, baissant les
yeux, presque tendant la main, | Comme un
voleur qui fuit... (Hugo). ‖ 2. Se dit d’une
action, d’un geste qu’on accomplit rapide-
ment, de façon à les dérober aux regards, à
l’attention : Elle laissa filer une larme fur-
tive (Baudelaire). Chacun jetait à la dérobée
sur son voisin le regard furtif que, dans les
repas élégants, quand on a auprès de soi un
instrument nouveau, fourchette à homard,
râpe à sucre, etc., dont on ne connaît pas
le but et le maniement, on attache sur un
convive plus autorisé qui, espère-t-on, s’en
servira avant vous (Proust). De temps en
temps, je lançais à mon guide un regard
furtif et même anxieux (Duhamel). Un sou-
rire furtif. ‖ 3. Littér. Se dit d’une chose
qui passe presque inaperçue : Quand un
souffle furtif glisse en tes cheveux blonds
(Leconte de Lisle). Des apparitions furtives
de fantômes vêtus de blanc (Tharaud).

• SYN. : 2 discret, fugitif, hâtif, rapide, secret.

furtivement [fyrtivmɑ̃] adv. (de furtif ;


début du XIIIe s.). De façon à ne pas être
vu, à la dérobée : Bientôt, ne pouvant plus
rester dans ma tour, je descendais à travers
les ténèbres, j’ouvrais furtivement la porte
du perron comme un meurtrier et j’allais
errer dans le grand bois (Chateaubriand).
De temps en temps, sa main plongeait dans
une de ses poches de derrière et y cassait un
petit pain qu’il dévorait furtivement, comme
honteux de manger dans la rue (Daudet).
Il alluma furtivement la lampe de chevet
pour lire l’heure à sa montre (Duhamel). De
temps en temps, je consultais furtivement
mon petit carnet (Bernanos).

• SYN. : en cachette, en catimini (fam.), en


secret, secrètement, subrepticement, en tapi-
nois (fam.). — CONTR. : franchement, osten-
siblement, ouvertement, publiquement.

fusafungine [fyzafɔ̃ʒin] n. f. (de


fusa[rium] et du lat. fungus, champignon ;
milieu du XXe s.). Antibiotique à action
locale, extrait de divers champignons du
genre fusarium.

fusain [fyzɛ̃] n. m. (lat. pop. *fusaginem,


accus. de *fusago, fusain, dér. du lat. class.
fusus, fuseau [le bois dur du fusain servant
souvent à faire des fuseaux] ; fin du XIIe s.,
Roman d’Alexandre, au sens 1 ; sens 2, 1704,
Trévoux ; sens 3, 1865, Littré). 1. Arbrisseau
originaire du Japon, à feuilles luisantes,
souvent cultivé pour constituer des haies :
Une allée bordée de fusains taillés. ‖ 2. Bois
carbonisé d’une espèce de fusain, dont
on se sert pour dessiner : Une esquisse au
fusain. ‖ 3. Dessin exécuté à l’aide de ce
charbon de bois : Les fusains d’Ingres.

fusainiste [fyzɛnist] ou fusiniste [fyzi-


nist] n. (de fusain ; 28 févr. 1877, Journ.
officiel, pour les deux formes). Artiste qui
dessine au fusain.

fusant, e [fyzɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


fuser ; 1865, Littré). Se dit d’une poudre ou
d’une préparation pyrotechnique qui est
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2063

apte à fuser, à brûler sans détoner : Poudre


fusante. ‖ Fusée fusante, v. FUSÉE.

& fusant adj. et n. m. (début du XXe s.). Obus


fusant, ou fusant n. m., obus qui éclate au-
dessus du sol, par action d’une fusée-déto-
nateur (par opposition à obus percutant) :
Du percutant et du fusant, y en a pour tous
les goûts (Dorgelès).

fusariose [fyzarjoz] n. f. (de fusa-ri[um] ;


XXe s.). Maladie des végétaux causée par des
champignons du genre fusarium : Fusariose
de la pomme de terre.

fusarium [fyzarjɔm] n. m. (lat. scientif.


moderne fusarium, dér. du lat. class. fusus,
fuseau [à cause de la forme des spores du
champignon] ; 1872, Larousse, écrit fusa-
rion ; fusarium, XXe s.). Genre de champi-
gnons imparfaits, à spores fusiformes, dont
plusieurs représentants causent de graves
maladies des plantes, connues sous le nom
de fusarioses.

fusarolle ou fusarole [fyzarɔl] n. f.


(ital. fusar[u]ola, de fuso, fuseau, lat. fusus,
même sens ; 1676, Félibien, écrit fusarole,
fuserole ; fusarolle, 1762, Acad. ; fuserolle,
1752, Trévoux). Collier à grains un peu
allongés, au-dessus de l’axe d’un chapiteau.
• REM. On dit aussi FUSEROLLE ou
FUSEROLE.

fuscine [fysin] n. f. (lat. fuscina, fourche


[à trois dents], trident ; XVIe s., Huguet).
Fourche à trois dents dont se servent les
pêcheurs et qui est l’emblème de Neptune :
La fuscine servait d’arme à certains
gladiateurs.

fuseau [fyzo] n. m. (dér. d’un anc. *fus,


fuseau [disparu av. les premiers textes
franç.], lat. fusus, fuseau ; v. 1138, Gaimar,
écrit fuisel, fuissel [fusel, fin du XIIe s.,
Aliscans], au sens de « morceau de bois,
baguette » ; sens I, 1, v. 1268, É. Boileau,
écrit fuiseau [fuseau, XVe s. ; le fuseau des
Parques, milieu du XVIe s., Ronsard ; faire
bruire ses fuseaux, 1665, Molière] ; sens I,
2-3, 1690, Furetière ; sens I, 4, 1872, Larousse
[gare en fuseau, jambes en fuseau, XXe s. ;
jambes de fuseau, 1668, La Fontaine] ; sens
I, 5, milieu du XXe s. ; sens I, 6, XVe s. [écrit
fuisel ; fuseau, 1752, Trévoux] ; sens I, 7,
1752, Trévoux ; sens I, 8, XXe s. ; sens II,
1, 1865, Littré [« portion d’une surface de
révolution comprise entre deux méridiens »,
XXe s.] ; sens II, 2, 1922, Larousse).

I. 1. Petit instrument en bois de forme


arrondie, renflé vers le milieu et aminci
à ses extrémités, dont on se sert pour
tordre et enrouler le fil lorsqu’on file à la
quenouille : La reine au fuseau d’or, plus
blanche que les lys (Banville). ‖ Littér. Le
fuseau des Parques, le fuseau sur lequel
celles-ci, d’après la mythologie, filaient le
destin de chaque homme. ‖ Class. et fig.
Faire bruire ses fuseaux, faire parler de
soi, faire du bruit : Vous voyez, depuis un
temps, que le vin émétique fait bruire ses

fuseaux (Molière). ‖ 2. Petit instrument


de forme analogue au précédent, mais
dont l’un des bouts est muni d’un rebord
en saillie pour retenir le fil et qui sert à
exécuter la dentelle et les passements
de fil et de soie : Dentelle aux fuseaux.
‖ 3. Organe supportant les bobines sur
les moulins utilisés dans l’industrie de
la soie et sur les métiers de rubanerie.
‖ 4. En fuseau, d’une forme allongée,
renflée dans la partie centrale et amincie
aux extrémités : Arbre taillé en fuseau.
‖ Gare en fuseau, gare où les voies se réu-
nissent aux deux extrémités. ‖ Jambes
en fuseau, ou (vx) jambes de fuseau,
jambes très grêles : Un cerf [...] ne pouvait
qu’avecque peine | Souffrir ses jambes de
fuseaux (La Fontaine). ‖ 5. Pantalon de
sport dont les jambes vont en se rétrécis-
sant vers le bas et sont serrées à la che-
ville : Les fuseaux, ce sont ces pantalons
que portent les gens qui skient. Un étrier
en élastique les tend [...], sous le pied,
dans le soulier (Audiberti). [On dit aussi
PANTALON FUSEAU.] ‖ 6. Nom donné par
les chasseurs aux piquants du porc-épic.
‖ 7. Genre de mollusques gastropodes à
coquille longue et pointue. ‖ 8. En biolo-
gie, ensemble de filaments apparaissant
au cours de la division cellulaire (mitose),
et que suivent les chromosomes pen-
dant leur ascension vers chaque sphère
attractive.

II. 1. En mathématiques, partie de la sur-


face d’une sphère comprise entre deux
demi-grands cercles de mêmes extrémi-
tés. ‖ Plus généralement, portion d’une
surface de révolution comprise entre
deux méridiens : Fuseau cylindrique,
conique. ‖ 2. Fuseau horaire, chacun
des vingt-quatre fuseaux géométriques
conventionnels entre lesquels est parta-
gée la surface de la Terre, et dont tous les
points ont, en principe, la même heure
légale.

fusée [fyze] n. f. (de l’anc. franç. *fus,


fuseau [v. l’art. précéd.] ; XIIIe s., Recueil
des fabliaux, au sens I, 1 [brouiller la
fusée, 1632, Corneille ; démêler la fusée,
1684, Mme de Sévigné] ; sens I, 2 et 4, 1872,
Larousse ; sens I, 3, 1694, Th. Corneille ;
sens I, 5, 24 nov. 1873, Journ. officiel [dans
un fleuret, 1888, Larousse ; dans un couteau
de table, XXe s.] ; sens I, 6, 1845, Bescherelle
[dans un rouleau d’imprimerie, XXe s.] ;
sens I, 7, 1680, Richelet ; sens I, 8, 1690,
Furetière ; sens II, 1 [par comparaison de
la forme d’une fusée avec celle d’un fuseau],
1400, Gay [fusée-parachute, XXe s. — fusée
à parachute, même sens, 1872, Larousse] ;
sens II, 2, XXe s. ; sens II, 3, 1736, Aubin
[fusée ; fusée-détonateur, XXe s. ; fusée
fusante, fusée percutante, 1877, Littré] ; sens
II, 4, 1803, Wailly ; sens II, 5, 1732, Lesage ;
sens II, 6, av. 1778, Voltaire).

I. 1. Class. Quantité de fil enroulée sur le


fuseau de la fileuse : Le cours de nos ans

est borné, | Et, quand notre heure aura


sonné, | Clothon ne voudra plus grossir
notre fusée (Maynard). La fusée est bien
embrouillée (Acad., 1694). ‖ Class. et fig.
Brouiller, démêler la fusée, embrouiller,
débrouiller une affaire : Mon frère, qui
croira sa poursuite abusée, | Sans doute en
sa faveur brouillera la fusée (Corneille).
Puisque vous avez fait la sottise, démêlez
la fusée comme il vous plaira (Regnard).
‖ 2. Petite bobine de carton sur laquelle
la filature expédie le fil. ‖ 3. Pomme en
cordage fixée sur le manche d’un avi-
ron pour l’empêcher de glisser dans le
tolet. ‖ 4. Colonne de fusée, en architec-
ture, colonne qui est trop renflée en son
milieu. ‖ 5. Partie en forme de fuseau
d’une poignée d’épée. ‖ Spécialem. Par-
tie d’un fleuret ou d’une épée (d’escrime)
qui pénètre à l’intérieur de la poignée.
‖ Partie d’un couteau de table qui est
engagée dans le manche. ‖ 6. Chacune
des extrémités d’un essieu ou d’un avant-
train supportant une roue et ses roule-
ments. ‖ Chacune des extrémités d’un
rouleau d’imprimerie. ‖ 7. Pièce conique
présentant une rainure hélicoïdale, sur
laquelle s’enroule une chaîne reliée au
ressort principal, dans les chronomètres
de marine, certaines montres anciennes,
etc. ‖ 8. En héraldique, pièce de l’écu
ayant la forme d’un losange très allongé.

II. 1. Pièce d’artifice se propulsant par


réaction, grâce à la combustion de la
poudre, et qui éclate en l’air en une mul-
titude de parcelles lumineuses : Les fusées
d’un feu d’artifice. Que c’est beau ces fu-
sées qui illuminent la nuit (Apollinaire).
Fusée éclairante. Fusée de signalisation.
‖ Fusée-parachute, artifice de signalisa-
tion dans lequel un petit parachute ralen-
tit la chute du signal. ‖ 2. Fusée moteur,
moteur-fusée, ou simplem. fusée, élément
moteur dont la propulsion est assurée
par la poussée qui résulte de la combus-
tion continue d’un combustible et d’un
comburant : Fusées à liquides. Fusées
à poudre. Les fusées, étant anaérobies,
peuvent évoluer hors des limites de l’at-
mosphère. ‖ Par extens. Fusée, terme gé-
nérique souvent employé pour désigner
l’ensemble constitué par un moteur-fu-
sée et l’engin qu’il propulse (appareil de
mesure ou de recherche, engin guidé ou
missile, satellite artificiel, véhicule spa-
tial, etc.) : Les fusées spatiales interplané-
taires. ‖ Fusée de décollage, fusée moteur
utilisée pour accélérer le décollage des
avions. ‖ Fusée gigogne, ou fusée à étages,
fusée à grande portée, dont la propul-
sion est assurée successivement par plu-
sieurs éléments moteurs, qui sont largués
automatiquement en fin de combustion.
‖ Fusée porteuse, en astronautique, fusée
qui propulse initialement l’ensemble des
éléments assemblés et le véhicule spatial.
‖ 3. Fusée-détonateur, ou simplem. fusée,
dispositif fixé sur les projectiles explosifs
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2064

et destiné à provoquer leur éclatement :


Fusée d’obus. ‖ Fusée fusante, fusée dont
le fonctionnement repose sur la durée
constante de déflagration d’une colonne
de poudre fusante, et qui provoque l’écla-
tement du projectile en l’air. ‖ Fusée per-
cutante, fusée dont le fonctionnement est
déclenché par le choc sur un obstacle ou
sur le sol. ‖ 4. En médecine, trajet long et
sinueux parcouru par le pus à partir d’un
foyer purulent. ‖ 5. Se dit de ce qui fuse
brusquement par jets ou de ce qui jaillit,
s’élève à la façon d’une fusée (liquide, lu-
mière, son, etc.) : Miserey y vit patauger,
dans des fusées d’éclaboussures, un che-
val et un cavalier (Hermant). La lumière
[...] s’élance par jet, s’échappe par fusée
(Leconte de Lisle). Une gamme monte en
fusée (Gautier). ‖ 6. Fig. Manifestation
soudaine, éclatante et de courte durée :
Des fusées de rire, de bons mots. Quelles
triomphantes girandoles, quelles fusées de
chants joyeux et perlés lancent les deux
jeunes voix ! (Balzac).

• SYN. : II, 5 gerbe, jaillissement, jet.

fusée-détonateur n. f. V. FUSÉE.

fuséen [fyzeɛ̃] n. m. (de fusée ; 1813


[d’après Larousse, 1872], au sens 1 ; sens 2,
milieu du XXe s.). 1. Au XIXe s., soldat chargé
de lancer les fusées de guerre. ‖ 2. Auj.
Terme générique désignant parfois les
projectiles-fusées et engins spéciaux ou
missiles.

fusée-parachute n. f. V. FUSÉE.

fuselage [fyzlaʒ] n. m. (de fuselé ; av.


1922, Proust, au sens 2 ; sens 1, 1922,
Larousse). 1. Corps d’un avion, auquel
sont fixés les ailes, le train d’atterrissage,
etc., et qui constitue la partie habitable de
l’appareil : D’un mouvement automatique,
Maury coucha sur le flanc son appareil pour
éviter d’être pris, sous le fuselage, par un
chasseur qui montait (Kessel). ‖ 2. Forme
fuselée : « Je vous assure », ajouta Mme de
Guermantes, en ralentissant son débit pour
mettre encore mieux en relief les mots qu’elle
avait l’air de modeler avec la moue de ses
belles lèvres, le fuselage de ses longues mains
expressives (Proust).

fuselé, e [fyzle] adj. (de fu[i]sel, forme


anc. de fuseau [v. ce mot] ; v. 1398, le
Ménagier de Paris, écrit fuiselé [fuselé,
XVe s.], au sens I ; sens II, 1680, Richelet).

I. Qui a la forme d’un fuseau, qui


s’amincit en allant vers l’extrémité : La
flèche purpurine et crénelée de quelque
coquillage fuselé en tourelle (Proust).
Antoine contemplait l’épaisse chevelure,
la nuque, l’épaule et la ligne des jambes
fuselées, allongées sous le drap (Martin du
Gard). Doigts fuselés. ‖ Spécialem. Se dit
d’un élément d’architecture ou de déco-
ration taillé en forme de fuseau, en parti-
culier d’une colonne dont le fût est légè-
rement renflé vers le tiers de sa hauteur.

II. En héraldique, se dit de l’écu divisé en


losanges allongés d’émaux alternés.

• SYN. : I fusiforme.

fuseler [fyzle] v. tr. (de fuselé ; 1842,


Acad.). [Conj. 3 a.] Façonner, travailler un
objet pour lui donner la forme d’un fuseau :
Fuseler un barreau de chaise, une colonne.
& se fuseler v. pr. (fin du XIXe s., Huysmans).
S’amincir vers l’extrémité, à la façon
d’un fuseau : Leurs doigts se fuselèrent
(Huysmans).

fuséologie [fyzeɔlɔʒi] n. f. (de fuséo-,


élément tiré de fusée, et de -logie, du gr.
logos, discours, science ; v. 1960). Science
qui a pour objet les fusées.

fuséologue [fyzeɔlɔg] n. m. (de fuséolo-


gie ; v. 1960). Spécialiste de la fuséologie.

fuséonautique [fyzeonotik] adj. et


n. f. (de fusée, d’après astronautique ;
avr. 1965, Science et Vie). Se dit de l’étude
et de l’expérimentation des fusées lorsque
celles-ci appartiennent à un domaine spé-
cial n’ayant trait ni à l’aéronautique ni à
l’astronautique.

fuser [fyze] v. intr. (dér. savant du lat.


fusum, supin de fundere, verser, répandre,
fondre, produire en abondance ; 1544,
M. Scève, au sens de « faire fondre » ; sens
1-2, 1802, Flick ; sens 3, 1845, Bescherelle [en
parlant de la poudre, av. 1872, Th. Gautier] ;
sens 4, 1872, Larousse [« se répandre par
fusées, en parlant du pus », 1743, Trévoux] ;
sens 5, 1895, Huysmans). 1. Se répandre len-
tement : Couleurs qui fusent (Littré). ‖ 2. Se
répandre en fondant sous l’action de la cha-
leur : Cire, bougie qui fuse. ‖ 3. En parlant
de certains sels mis au contact de charbons
ardents, se décomposer en produisant une
légère crépitation : Le salpêtre fuse. ‖ En
parlant de la poudre, déflagrer avec len-
teur et régularité, sans détoner. ‖ 4. Jaillir
comme une fusée : À côté d’eux, sous un
wagon, fusait un jet strident qui empêchait
de s’entendre ; un nuage de vapeur fade les
enveloppa (Martin du Gard). ‖ 5. Fig. En
parlant d’un son (éclat de voix, exclama-
tion, rire, etc.), retentir, résonner soudain :
La jeune fille laissa fuser un joyeux éclat de
rire (Duhamel). Les chants d’oiseaux fusent
de toutes parts (Frison-Roche).

• SYN. : 4 s’échapper, gicler ; 5 éclater,


exploser.

fuserolle ou fuserole n. f. V. FUSAROLLE.

fusette [fyzɛt] n. f. (dimin. de fusée,


fuseau ; XXe s.). Petit tube de carton, de
matière plastique, pour enrouler du fil à
coudre.

fusibilité [fyzibilite] n. f. (dér. savant


de fusible ; 1641, E. de Clave). Caractère,
propriété de ce qui est fusible : La grande
fusibilité de la cire.

fusible [fyzibl] adj. (dér. savant du lat.


fusum, supin de fundere, fondre [v. FUSER] ;

v. 1265, J. de Meung). Qui est susceptible


de fondre, de passer de l’état solide à l’état
liquide sous l’action de la chaleur : L’étain
est un des métaux les plus fusibles.

& n. m. (1922, Larousse). Fil d’un alliage


spécial qui, placé dans un circuit élec-
trique, coupe le courant en fondant si
l’intensité atteint une certaine limite.

• SYN. : plomb (fam.).

fusiforme [fyzifɔrm] adj. (de fusi-, élé-


ment tiré du lat. fusus, fuseau, et de forme ;
1784, Bergeret). Qui a la forme d’un fuseau :
Coquille, bacille fusiforme.

fusil [fyzi] n. m. (lat. pop. *focīlis [sous-


entendu : petra, pierre], « [pierre] à feu »,
proprem. « qui produit le feu », de focus
[v. FEU] ; fin du XIe s., Gloses de Raschi,
écrit foisil [fuisil, XIIe s., Partenopeus de
Blois ; fusil, v. 1244, Huon le Roi], au sens
I, 1 ; sens I, 2, début du XVIIe s. ; sens I,
3, 1671, Pomey [fusil de rempart, 1865,
Littré ; fusil mitrailleur, début du XXe s. ;
fusil sous-marin, v. 1950 ; en coup de fusil,
av. 1902, Zola ; changer son fusil d’épaule,
1894, Verlaine] ; sens I, 4, 1888, Larousse ;
sens I, 5, 1862, V. Hugo ; sens II, 1, XIIIe s.,
Laborde ; sens II, 2 et 3, XXe s.).

I. 1. Vx. Morceau d’acier avec lequel on


battait un caillou (ou inversement) pour
produire une étincelle et allumer l’ama-
dou : Boirude [...] | Les arrête ; et, tirant
un fusil de sa poche, | Des veines d’un
caillou qu’il frappe au même instant, |
Il fait jaillir un feu qui pétille en sortant
(Boileau). On battit le fusil, et le bout de
chandelle allumé jeta une lueur assez vive
(Gautier). ‖ 2. Vx. Pièce d’acier recou-
vrant le bassinet des anciennes armes
à feu, contre laquelle venait frapper le
silex de la batterie : Des pistolets à fusil
sont distingués des pistolets à rouet, dont
on se servait autrefois (Furetière, 1690).
‖ 3. Arme à feu portative, composée
d’un tube métallique (canon) ajusté
sur une monture en bois (fût, crosse) et
équipé de dispositifs de mise de feu et de
visée : Il était homme à tirer un coup de
fusil à un chrétien pour lui prendre une
piécette (Mérimée). Ses lourds fusils rayés,
à double canon (Daudet). Fusil de chasse,
de guerre. Fusil à deux coups. Charger,
décharger son fusil. ‖ Fusil de rempart,
fusil de gros calibre, destiné, jusqu’au
XIXe s., à armer les tireurs établis le long
d’un retranchement. ‖ Fusil mitrailleur,
arme automatique légère, pouvant tirer
coup par coup ou par rafale, et employée
dans les petites unités d’infanterie : Sans
doute possédaient-ils un fusil mitrailleur,
car un bruit de tir mécanique montait
au-dessus des coups de fusil (Malraux).
‖ Fusil sous-marin, arme à l’usage du
chasseur sous-marin, permettant de
lancer vers le gibier une flèche reliée au
fusil par un fil de Nylon. ‖ En chien de
fusil, v. CHIEN 1. ‖ Fam. Coup de fusil,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2065

v. COUP. ‖ Fig. et fam. En coup de fusil,


long et étroit : Un logement en coup de
fusil (Zola). ‖ Changer son fusil d’épaule,
changer de comportement, d’opinion, de
métier, etc., souvent par opportunisme :
M. Thiers avait bien souvent changé son
fusil d’épaule (Ollivier). Il est certain que
je change mon fusil d’épaule avec une fa-
cilité qui me déconcerte moi-même (Gide).
‖ 4. Celui qui tire au fusil, chasseur ou
soldat : C’est le meilleur fusil du canton.
En 1914, une compagnie comprenait deux
cent cinquante fusils. ‖ 5. Pop. Estomac,
ventre : N’avoir rien dans le fusil. L’aîné
fit deux parts de la brioche [...], prit la
petite pour lui, donna la grosse à son petit
frère et lui dit : « Colle-toi ça dans le fusil »
(Hugo).

II. 1. Baguette d’acier dont se servent


les bouchers, les cuisiniers, pour donner
du fil aux couteaux. ‖ 2. Outil en forme
d’amande, fait d’acier dur et muni d’un
manche, avec lequel les tanneurs ai-
guisent les couteaux à ébourrer, à échar-
ner. ‖ 3. Pierre à affûter les faux.

fusilier [fyzilje] n. m. (de fusil ; 1642,


Oudin, écrit fuselier ; fusilier, 1662,
La Rochefoucauld [fusilier de l’air, brevet
de fusilier, XXe s. ; fusilier marin, 1888,
Larousse — d’abord fusilier de marine,
1854, d’après Larousse, 1872]). Soldat
armé d’un fusil ou d’un fusil mitrailleur :
Le régiment des fusiliers du roi fut, en 1671,
le premier corps armé du fusil à baïon-
nette. Des sections de fusiliers mitrailleurs
(Margueritte). ‖ Fusilier de l’air, soldat des
unités de l’armée de l’air chargé de la pro-
tection et de la défense des bases. ‖ Fusilier
marin, marin des unités de l’armée de mer
destiné à combattre à terre. ‖ Brevet de
fusilier, dans la marine, brevet décerné,
après passage dans une école spéciale, au
personnel chargé de l’ordre et de la police à
bord, ainsi que des débarquements à terre.

fusillade [fyzijad] n. f. (de fusiller ; 1771,


Brunot, aux sens 1-2). 1. Décharge simulta-
née de plusieurs armes à feu : La fusillade se
brisait à la barricade (Hugo). ‖ 2. Échange
de coups de feu entre deux troupes qui se
battent : Qu’une bonne ville, jalouse de
Paris, veuille avoir aussi ses trois journées
de fusillade... (Vigny).

fusiller [fyzije] v. tr. (de fusil ; 1732,


Trévoux, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré
[fusiller quelqu’un du regard, av. 1850,
Balzac] ; sens 3, 1911, et sens 4, 1878,
G. Esnault). 1. Tuer à coups de fusil un
condamné, en le faisant passer devant le
peloton d’exécution : Fusiller un espion.
L’impressionnable Tarasconnais se voyait
déjà fusillé au pied des remparts (Daudet).
‖ 2. Fig. Prendre quelqu’un ou quelque
chose pour cible d’attaques répétées,
incessantes : Fusiller quelqu’un de ses épi-
grammes (Acad.). ‖ Fusiller quelqu’un du
regard, le clouer sur place par un regard

dur, sans aménité. ‖ 3. Pop. Détériorer


quelque chose, le rendre inutilisable :
Gare à ce pavé ! Vous allez m’ fusiller une
bagnole (Barbusse). ‖ 4. Pop. Dépenser : En
quelques mois, il a fusillé tout son héritage.
fusilleur [fyzijoer] n. m. (de fusiller ; 1797,
Brunot). Péjor. Celui qui fusille, exécute
quelqu’un : Ce n’est pas d’ordres que man-
quèrent les fusilleurs du duc d’Enghien ou
de Mgr Darboy (Maurras). ‖ Par extens. et
péjor. Celui qui donne l’ordre d’une exé-
cution, ou est responsable d’exécutions
massives.

fusiniste n. V. FUSAINISTE.

fusiomètre [fyzjɔmɛtr] n. m. (de


fusio- [élément tiré de fusion] et de -mètre
[gr. metron, mesure] ; milieu du XXe s.).
Appareil servant à mesurer la température
de fusion des corps.

fusion [fyzjɔ̃] n. f. (lat. fusio, action de


répandre, diffusion, et, à basse époque,
« fusion, fonte des métaux », de fusum,
supin de fundere, verser, répandre, fondre
[des métaux], couler ; milieu du XVIe s., au
sens 1 [« état où se trouve un corps liquéfié
par l’action de la chaleur », point de fusion,
1872, Larousse ; en fusion, au fig., 1852,
Leconte de Lisle] ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, milieu du XXe s. ; sens 4, 1943,
Marouzeau ; sens 5, 1842, J. Ch. Bailleul
[dans l’industrie ou le commerce, 1872,
Larousse] ; sens 6, début du XIXe s., Mme de
Staël). 1. Passage d’un corps de l’état solide
à l’état liquide sous l’action de la chaleur :
Fusion pâteuse, fusion nette. Le métal entre
en fusion. ‖ État où se trouve un corps
liquéfié par l’action de la chaleur : Métal
en fusion. Ses jambes brûlées par de gros
lingots en fusion (Daudet). ‖ Point de
fusion, température précise où un corps
commence à passer de l’état solide à l’état
liquide, et qu’il conserve tant que la fusion
n’est pas terminée. ‖ Fig. et littér. En fusion,
d’une chaleur intense, brûlant : Le ciel en
fusion verse sa morne flamme (Leconte
de Lisle). ‖ 2. Dissolution d’un corps
dans un liquide : Fusion du sel dans l’eau.
‖ 3. Union de plusieurs noyaux atomiques
légers en un seul, de masse plus élevée, qui
se fait avec un grand dégagement d’éner-
gie. ‖ 4. En linguistique, combinaison
de deux éléments en contact, qui rend
difficile l’analyse directe : Le latin « pru-
dens » est issu de « providens » par fusion.
‖ 5. Réunion en un nouveau groupement
de deux ou plusieurs groupements de per-
sonnes qui étaient distincts : La fusion de
deux partis politiques, de deux syndicats.
‖ Spécialem. Réunion de deux ou plusieurs
sociétés industrielles ou commerciales en
une seule, soit par absorption, soit par
substitution d’une nouvelle société aux
anciennes. ‖ 6. Fig. et littér. Union intime,
amalgame de plusieurs éléments : De la
fusion des sociétés résultera-t-il un idiome
universel, ou bien y aura-t-il un dialecte

de transaction servant à l’usage journa-


lier ? (Chateaubriand). L’ineffable fusion de
tous les éléments de l’art (Hugo). Des places
ont été créées, comme autant de centres de
fusion pour les deux races (Fromentin).

• SYN. : 1 fonte, liquéfaction ; 5 associa-


tion, concentration, groupement, unifica-
tion, union ; 6 assemblage, combinaison,
intégration.

fusionnement [fyzjɔnmɑ̃] n. m. (de


fusionner ; 1865, Littré). Action de fusion-
ner ; résultat de cette action.

• SYN. : amalgame, combinaison, fusion,


intégration, union.

fusionner [fyzjɔne] v. tr. (de fusion ; 1802,


L. Madelin). Opérer la fusion, l’union de
sociétés, de collectivités, de choses : Une
organisation sociale qui vise à fusionner
des races très différentes.

• SYN. : amalgamer, combiner, fondre,


mélanger, mêler, réunir, unifier, unir.

— CONTR. : détacher, opposer, séparer.

& v. intr. (sens 1, 1865, Littré ; sens 2, fin


du XIXe s., Huysmans). 1. S’unir par fusion :
Sociétés, entreprises, partis qui ont décidé
de fusionner. ‖ 2. Fig. Former une union
intime : [Quant aux verts foncés,] ils
agissent de même que les bleus et fusionnent
avec les noirs (Huysmans). Amour chaste,
amour mystique, où leurs deux jeunesses
fusionnaient dans le même élan vers l’avenir
(Martin du Gard).

• SYN. : 1 s’affilier, s’associer ; 2 s’accorder,


communier, se fondre, s’harmoniser.

fustanelle [fystanɛl] n. f. (lat. médiév.


fustanella, de fustaneum [v. FUTAINE] ;
1867, Th. Gautier). Jupon masculin, court,
plissé et évasé, qui fait partie du costume
national grec : La fustanelle rappelle la
tunique plissée des peltastes.

fustet [fystɛ] n. m. (de l’ar. fustuq, pis-


tache, pistachier ; 1351, Godefroy [var.
feustel, 1340, Varin]). Espèce de sumac,
arbrisseau cultivé dans les parcs pour les
houppes plumeuses dont il se couvre après
la floraison.

fustibale ou fustiballe [fystibal] n.


f. (bas lat. fustibalus, fustibale, de fustis,
rondin, bâton [v. FÛT], et du gr. ballein,
lancer, jeter ; 1488, Gay, écrit fustibal ; fus-
tibale, fustiballe, 1872, Larousse). Fronde
emmanchée au bout d’un bâton et maniée
à deux mains, en usage dans l’Antiquité et
au Moyen Âge.

fustigation [fystigasjɔ̃] n. f. (dér. savant


du bas lat. fustigatum, supin de fustigare
[v. FUSTIGER] ; 1411, Coutumes d’Anjou).
Action de fustiger : La fustigation fut en
usage dans toutes les armées de l’Antiquité.
• SYN. : bastonnade, flagellation.

fustiger [fystiʒe] v. tr. (bas lat. fustigare,


frapper à coups de bâton, du lat. class. fustis,
rondin, bâton pour frapper [v. FÛT] ; XIVe s.,
au sens 1 [rare av. le XVIIIe s.] ; sens 2, 1864,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2066

V. Hugo). [Conj. 1 b.] 1. Vx. Battre à coups


de bâton, de verges, de fouet, etc. : Soixante-
dix personnes conspirèrent contre l’empe-
reur Basile : il les fit fustiger (Montesquieu).
‖ 2. Fig. Critiquer, reprendre vivement
quelqu’un sur sa conduite, ses écrits ;
blâmer, condamner sévèrement quelque
chose : Fustiger quelqu’un par d’âpres sar-
casmes. Les auteurs satiriques fustigent les
vices de leurs contemporains.

• SYN. : 2 anathématiser, condamner, flétrir,


houspiller, stigmatiser, vitupérer (vx).

fusuline [fyzylin] n. f. (lat. scientif.


moderne fusulina, du lat. class. fusus,
fuseau [par analogie de forme] ; 1888,
Larousse [art. fusulinidés]). Foraminifère
fossile dans le carbonifère et le permien, où
il forme d’épaisses assises calcaires.

fût [fy] n. m. (lat. fustis, rondin, bâton ;


1080, Chanson de Roland [écrit fust ; fût,
XVIIe s.], aux sens de « bois, arbre, bâton,
bois de la lance », et au sens 1 ; sens 2, 1757,
Encyclopédie ; sens 3, 1680, Richelet [fût
d’un candélabre, 1865, Littré] ; sens 4, 1690,
Furetière ; sens 5, 1680, Richelet [aussi en
reliure] ; sens 6, 1080, Chanson de Roland
[« bois d’un bouclier »] ; sens 7, XIVe s.,
Cuvelier ; sens 8, XXe s.). 1. Portion de la
tige d’un arbre qui est sans rameaux ; tronc
d’un arbre : Le bouleau flottant longue-
ment sur son fût plus éclatant que la lune
(Pourrat). Les hauts fûts des pins sylvestres
se balançaient avec une lenteur de plantes
sous-marines (Montherlant). ‖ 2. Branche
principale du bois d’un cerf, qui porte les
andouillers. ‖ 3. Partie d’une colonne
comprise entre la base et le chapiteau : Un
turban grossièrement sculpté sur un petit
fût de colonne (Fromentin). On reconnaît
les restes d’une chapelle aux fûts brisés d’un
portail ogival (Flaubert). Fût monolithe,
appareillé. Fût droit, en spirale. Fût lisse,
cannelé. ‖ Par extens. Fût d’un candé-
labre, la partie qui supporte les branches.
‖ 4. Monture en bois dans laquelle est
ajusté le canon d’une arme à feu, distincte
ou solidaire de la crosse : Il mit au bout de
ses bras inertes de vieux fûts d’arquebuse
(Gautier). ‖ 5. Monture de bois dur dans
laquelle est assujetti un fer pour le travail
manuel du bois : Le rabot, le bouvet sont
des outils à fût. ‖ Outil portant le couteau
qui sert à rogner les tranches en reliure
manuelle. ‖ 6. Bois formant le corps ou
l’armature de certains meubles, de cer-
tains instruments : Le fût d’un coffre. Le
fût d’un tambour, d’une malle. Le fût d’une
raquette, d’un archet. ‖ 7. Tonneau destiné
à contenir du vin, du cidre, des eaux-de-
vie, etc. : Un fût de beaujolais. Du vin qui
sent le fût. ‖ 8. Récipient d’une capacité de
50 à 250 litres, constitué par un cylindre
en tôle d’acier renforcée par des nervures,
muni d’une bonde fermée par un bouchon
vissé, et destiné en particulier à contenir
des produits pétroliers.

• SYN. : 7 barrique, futaille.

futaie [fytɛ] n. f. (de fût [v. ce mot] ; v.


1354, Modus, écrit fustoie, fustaye [futaie,
XVIe s., Loisel], au sens 1 [« forêt provenant
de semis ou de plants... », 1865, Littré ;
futaie sur taillis, demi-futaie, jeune haute
futaie, 1690, Furetière ; jeune futaie, vieille
futaie, 1865, Littré ; haute futaie, XVIe s.,
Loisel] ; sens 2, 1865, Littré ; sens 3, av. 1885,
V. Hugo). 1. Forêt ou partie d’une forêt
composée d’arbres très élevés : On voyait
par moments errer dans la futaie | De beaux
cerfs (Hugo). Je traversais des futaies où la
lumière du matin [...] émondait les arbres,
mariait ensemble des tiges diverses et com-
posait des bouquets (Proust). Un peu plus
tard, un souffle frais passa sur les cimes de
la futaie (Duhamel). ‖ Spécialem. Forêt
provenant de semis ou de plants, destinée
à produire des arbres de grande dimen-
sion. ‖ Futaie sur taillis, bois de quarante
ans. ‖ Jeune futaie ou demi-futaie, bois
de quarante à soixante ans. ‖ Jeune haute
futaie, bois de soixante à cent vingt ans.
‖ Haute ou vieille futaie, celle qui est par-
venue à toute sa hauteur (de cent vingt à
deux cents ans). ‖ 2. Mode d’exploitation
d’une forêt où on laisse les arbres parvenir
à un grand développement. ‖ 3. Groupe
d’arbres de toute dimension : Des fermes
à encadrements de futaie (Hugo).

futaille [fytɑj] n. f. (de fût [v. ce mot] ;


v. 1268, É. Boileau, écrit fustaille [futaille,
XVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1857, Flaubert ; sens
3, av. 1890, Maupassant). 1. Toute espèce
de tonneau destiné à contenir du vin ou
d’autres liquides : Une futaille de cidre. Oui,
ces gens harcelés de chagrins de ménage
[...] | Reviennent parfumés d’une odeur de
futailles (Baudelaire). ‖ 2. Ensemble de
fûts, de barriques : Surveiller la futaille.
‖ 3. Pop. Ivrogne ou ivrognesse : Mais alors
t’es pleine, grande futaille (Maupassant).
• SYN. : 1 fût.

futaine [fytɛn] n. f. (altér. de l’anc. franç.


fustaingne [XIIIe s., Roman de Renart], lat.
médiév. fustaneum, futaine, qui semble être
un dér. du lat. class. fustis, bâton, bois, arbre
[v. FÛT], et une trad. du gr. xulina lina, fils
qui viennent sur l’arbre même, fils de coton,
plur. du n. neutre linon, lin, objet fabriqué
avec du lin, fil, et de l’adj. xulinos, de bois,
qui vient sur du bois, sur un arbre [dér.
de xulon, bois, arbre] ; 1234, Godefroy).
Vx. Étoffe pelucheuse de fil ou de coton,
quelquefois de coton et de soie, qui servait
surtout à faire des jupons et des doublures :
Une cotte de futaine jaune à la mode arago-
naise (Gautier). Derrière se presse une foule
silencieuse, de tout rang, de tout âge, depuis
les grands vieux à tricorne, qui s’appuient en
tremblant sur des bâtons, jusqu’aux petits
blondins frisés vêtus d’une bretelle et d’un
pantalon de futaine (Daudet).

1. futé, e [fyte] adj. et n. (part. passé de


l’anc. v. se futer, fuir et appréhender l’abord
des filets, en parlant d’un poisson ou d’un

oiseau qui a été manqué une première fois


par un pêcheur ou un chasseur [v. 1587,
Du Vair], mot de l’Ouest, qui correspon-
drait à un franç. *se fuiter, dér. de fuite ;
1645, Corneille). Qui joint la malice, la ruse
à la finesse d’esprit : Un ancien avoué de
Bourges, futé et froid (Daudet). Je tâche-
rai d’interroger habilement Sauvignet,
qui me semble assez futé (Duhamel). Un
peuple futé, constamment sur ses gardes
(Romains). Une petite futée.

• SYN. : astucieux, finaud (fam.), madré,


malin, roublard.

& adj. (fin du XIXe s., A. Daudet). Qui


annonce une intelligence rusée et souvent
malicieuse : Il avait l’oeil futé, le geste câlin
(Daudet).

2. futé, e [fyte] adj. (de fût [v. ce mot] ;


1690, Furetière). En héraldique, se dit des
armes de jet ou d’hast, ou des arbres, quand
leur fût est d’un émail spécial : Javeline de
gueules futée de sable.

futée [fyte] n. f. (de fût [v. ce mot] ; 1676,


Félibien). Mastic fait de colle forte et de
sciure de bois, qui sert à boucher les fentes
du bois.

futile [fytil] adj. (lat. futilis, qui laisse


échapper ce qu’il contient, qui fuit, fragile,
vain, léger, frivole, inutile ; XIVe s., au sens
1 ; sens 2, 1750, J.-J. Rousseau ; sens 3, 1757,
Encyclopédie). 1. Se dit d’une chose dénuée
de valeur, d’intérêt, d’importance : Des
arguments, des motifs, des prétextes futiles.
‖ 2. Qui porte sur des choses oiseuses,
superficielles : Elle jugeait les lectures
futiles aussi malsaines que les bonbons et
les pâtisseries (Proust). La conversation
s’établit bientôt aisément entre nous trois,
et beaucoup moins futile que je ne l’aurais
d’abord pu craindre (Gide). ‖ 3. Se dit d’une
personne qui ne s’occupe que de choses
frivoles, superficielles : Vous êtes parvenu
à faire de moi une fille médiocre et futile !
(Giraudoux). Un esprit futile.

• SYN. : 1 insignifiant, négligeable, vain ;


2 oiseux, puéril, stérile, vide ; 3 frivole, léger,
superficiel.

futilement [fytilmɑ̃] adv. (de futile ; 1840,


Sainte-Beuve). De manière futile.

futilité [fytilite] n. f. (lat. futilitas, futi-


lité, de futilis [v. FUTILE] ; 1672, Molière, au
sens 2 ; sens 1, 1690, Furetière). 1. Caractère
des personnes, des choses futiles : Dans
ses distractions, Armande n’apportait pas
la futilité des femmes usées par les plaisirs
(Chardonne). D’ailleurs, un des traits les
plus frappants du monde actuel est la futi-
lité ; je puis dire, sans risquer d’être trop
sévère : nous sommes partagés entre la futi-
lité et l’inquiétude (Valéry). La futilité d’un
prétexte, d’une raison, d’une conversation.
‖ 2. Chose ou objet futile : Il ne s’intéresse
qu’aux futilités. Quelques-unes de ces futi-
lités de riche bijouterie... (Balzac).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2067

• SYN. : 1 frivolité, inanité, légèreté, puéri-


lité, vanité, vide ; 2 amusette, babiole, baga-
telle, baliverne, niaiserie, rien. — CONTR. :
1 gravité, importance, intérêt, poids, pro-
fondeur, sérieux.

futur, e [fytyr] adj. (lat. futurus, futur,


à venir [part. futur de esse, être], souvent
employé au neutre sing. ou plur. [futurum,
futura], au sens de « l’avenir » ; v. 1265,
Livre de jostice, dans la loc. esposer par
futur, se fiancer à, proprem. « épouser par
futur » ; sens 1, début du XVIIe s., Malherbe
[« qui sera dans un temps à venir », 1580,
Montaigne ; la vie future, XVIIIe s.] ; sens 2,
1651, Corneille). 1. Qui est à venir, qui se
situe au-delà du moment présent ou d’un
moment considéré (en parlant du temps
ou d’une notion temporelle) : Les temps
futurs. Les générations futures. Les hommes
éclairés sont toujours contemporains des
siècles futurs par leurs pensées (Staël). Les
âges futurs (Heredia). ‖ Qui sera dans un
temps à venir : L’homme est assurément
trop infirme pour pouvoir juger sainement
de la suite des choses futures (Pascal). ‖ La
vie future, l’existence qui, selon certaines
religions, doit suivre celle que nous vivons
actuellement sur terre : Tout à coup, il m’a
demandé si je croyais à la vie future (Gide).
‖ 2. Se dit d’un état, d’une position, d’une
qualité, etc., qui doit être celui ou celle
d’une personne dans un proche avenir
(généralement placé avant le nom) : Son
fils si bien portant, le futur duc (Balzac).
Les parents consultaient quelquefois le goût
et la sympathie des futurs époux (Nerval).
On m’a apporté des nouvelles graves... C’est
[...] le député, le futur ministre, qui me les
a données (Maupassant).

• SYN. : 1 postérieur, ultérieur. — CONTR. :


1 antérieur, passé ; actuel, présent.

& n. (1672, Molière). Homme, femme qui


va se marier : Je vous présente ma future.
& futur n. m. (sens 1, v. 1265, J. de Meung
[futurs contingents, av. 1778, Voltaire — au
sing., 1690, Furetière] ; sens 2, 1671, Pomey
[futur simple, futur antérieur, 1865, Littré ;
futur proche, XXe s. — d’abord futur pro-
chain, 1865, Littré ; futur du passé, futur
antérieur du passé, XXe s.]). 1. Le temps à
venir, par rapport au moment présent ;
ensemble des événements qui s’y rap-
portent : Il y en a [...] qui se donnent à ce
qui est présent et n’ont du futur aucune
inquiétude (Bossuet). Tu vis dans le passé,
dans le futur et tu ne t’aperçois de rien spon-
tanément (Gide). ‖ Vx. Futurs contingents,
en philosophie, les faits qui pourront se
produire ou ne pas se produire dans l’ave-
nir. ‖ 2. En grammaire, système de formes
verbales qui situe dans l’avenir, par rap-
port au moment présent ou à un moment
considéré, l’action ou l’état exprimés par le
verbe : Mettre, employer un verbe au futur.

‖ Futur simple, celui qui exprime, en géné-


ral, la simple postériorité d’une action par
rapport au moment où l’on parle. (Ex. :Je
viendrai demain.) ‖ Futur proche, celui qui
situe l’action dans un avenir très rappro-
ché. (Ex. :Je vais venir dans un instant.)
‖ Futur antérieur, celui qui exprime, en
général, l’antériorité d’une action future
par rapport à une autre action également
future. (Ex. :Il sera déjà parti quand j’arri-
verai.) ‖ Futur du passé, ou futur dans le
passé, nom donné au conditionnel présent
employé au sens temporel. ‖ Futur anté-
rieur du passé, nom donné au conditionnel
passé employé comme temps. (Ex. :Il m’a
dit hier qu’il viendrait aujourd’hui.) [V.
art. spécial.]

• SYN. : 1 avenir, lendemain. — CONTR. : 1 et


2 passé ; présent.

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LE FUTUR

FORMES

Le « temps » futur n’existe en français


qu’à l’indicatif.

Il a une forme appelée futur simple (ex. :


je chanterai, je mourrai) et une forme
appelée futur antérieur, composée de
l’auxiliaire avoir ou être au futur simple
et du participe passé (ex. : j’aurai chanté,
je serai mort).

Les formes du futur simple se caracté-


risent par les terminaisons :

-rai, -ras, -ra, -rons, -rez, -ront.


• Dans les verbes du premier groupe, ces
terminaisons sont ajoutées à un radical
qui se confond avec la première personne
de l’indicatif présent ; exemples :

aime+rai : aimerai, noie+rai : noie-

rai, mène+rai : mènerai,

aime+ras : aimeras, noie+ras : noie-

ras, mène+ras : mèneras.

Font exception :

— le verbe envoyer, dont le futur enverrai


copie celui du verbe voir ;

— le verbe aller, dont le futur a un radi-


cal propre : j’irai ;

— les verbes du type de céder, ayant un e


fermé à l’avant-dernière syllabe de l’infi-
nitif : cet e s’ouvre régulièrement au futur
comme dans je cède, mais on l’écrit é
comme à l’infinitif ; comparer :

je cède ; / je céderai [sɛdərɛ]

• Dans les verbes du deuxième groupe, le


radical s’obtient en retranchant l’r final à
l’infinitif :

fini + rai : finirai, fini + ras : finiras,


etc.

• Dans les verbes du troisième groupe en


-re, l’élément radical s’obtient en retran-
chant re à l’infinitif :

ri-rai, vainc-rai, prend-rai, naît-


rai, di-rai ;

pour faire, la voyelle radicale est modi-


fiée : fe-rai.

• Dans les verbes du troisième groupe en


-ir et en oir, il n’y a pas de règle unique
déterminant le radical :
— Cueillir suit la règle des verbes du pre-
mier groupe : cueillerai ;
— Une vingtaine de verbes suivent la
règle du deuxième groupe :

offrirai, dormirai, bouillirai, fuirai,

pourvoirai, assoirai (écrit sans e, à

la différence d’asseoir)... ;
— Pour d’autres, le radical s’obtient en
retranchant à l’infinitif -ir ou -oir :

mourrai, acquerrai, devrai,

émouvrai... ;

— D’autres présentent diverses modifi-


cations du radical :

tiendrai, verrai, voudrai, pourrai,

saurai...

On trouvera les formes des futurs irrégu-


liers dans les tableaux de conjugaison.

PRONONCIATION

On enseigne que la terminaison -ai de


la première personne doit être pronon-
cée [e] : chanterai comme chanterez.
Cette prononciation est ancienne (v. ci-
après, Historique) ; elle a l’avantage de
différencier, par l’opposition [e]/[ɛ], le
futur du conditionnel à la première per-
sonne (chanterai/chanterais). L’enquête
d’A. Martinet en 1941 dans un camp de
prisonniers français, confirmée en 1962-
1963 par G. Deyhime, a montré que la
distinction, maintenue dans certaines
régions comme la Bourgogne, est assez
peu observée sur l’ensemble du territoire.

EMPLOIS

I. VALEUR TEMPORELLE DU FUTUR SIMPLE

Le futur est un temps « absolu », c’est-à-


dire rapporté à l’instant où l’on parle ;
en principe, l’action verbale énoncée est
entièrement située du côté de l’avenir par
rapport à cet instant ; le verbe par lui-
même ne fournit aucune indication d’in-
tervalle entre l’action et l’instant présent :

Je m’occuperai de vous dans cinq

minutes.

Tu prendras ta retraite à soixante

ans.

Il donne de l’action une vue tensive (v. AS-


PECT, art. spécial), sécante ou non sécante
selon l’ « ordre de procès » et l’entourage
sémantique :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2068

— Un verbe conclusif au futur montre


l’action tout entière :

À dix heures, il arrivera et nous

déjeunerons.

— Un verbe non conclusif peut en don-


ner une vue sécante :

Quand il viendra, nous serons


absents [l’état d’absence existera
au moment de sa venue depuis un
temps indéterminé],

ou la montrer à partir de son début :

Après la classe, tu joueras.

Dans la répétition, l’action est non


conclusive :

Tu fumeras à quinze ans.

Autant de différences aspectuelles que


rien ne marque morphologiquement ; le
futur exprime indifféremment ce qu’on
distingue au passé par le choix du passé
simple ou de l’imparfait. La ressem-
blance des terminaisons -rai, -ras, -ra
avec les terminaisons du singulier du
passé simple des verbes en -er (chantai,
chantas, chanta) est étymologiquement
fortuite et ne recouvre, contrairement à
l’avis de quelques grammairiens, aucune
identité aspectuelle de ces deux temps.
Une ressemblance temporelle est plus
soutenable : le futur et le passé simple, à la
différence de l’imparfait, sont des temps
absolus, qui projettent l’action directe-
ment dans l’avenir et dans le passé sans
intermédiaire (Damourette et Pichon,
Des mots à la pensée, § 1820) : on ne peut
parler de « postériorité » pour l’un, d’
« antériorité » pour l’autre que par une
extériorisation, une reconstruction vec-
torielle qui trahit le psychisme.

Il arrive que le futur prenne appui non


sur le point présent, mais sur un point
passé : c’est le futur historique ; en ce cas,
il s’agit d’une action passée. Cet emploi
est conforme aux lois de la concordance
dans un contexte au « présent de narra-
tion » (exprimant un fait passé en trans-
portant le lecteur au moment où il s’est
produit) :

Il s’en fait même, par l’imagination

et la littérature, une idée tellement

embellie que la réalité le décevra (J.

Bainville, Napoléon).

Il se rencontre aussi dans un contexte


au passé là où le conditionnel, temps du
« discours indirect », ne peut être em-
ployé (v. CONDITIONNEL, art. spécial) :

Paris se remplit de cette littérature

boueuse, où l’on remuait à la pelle

les saletés et les infamies que l’on

rapportera vingt ans plus tard à

l’audience du Tribunal révolution-

naire

(P. Gaxotte, la Révolution française).


Là même où le conditionnel serait le
temps propre, des écrivains modernes
usent du futur en vue d’un effet de recen-
trage psychique analogue à celui qu’on
obtient par le présent de narration (v.
DISCOURS, art. spécial, in fine) :

Elle calcula qu’elle s’enfuira dès que


Cesare sera dans sa chambre (R.

Vailland).

II. MODALITÉS ASSOCIÉES

À L’EMPLOI DU FUTUR

Comme les autres temps de l’indicatif, le


futur se prête à l’affirmation :

Au quatrième top, il sera exactement


vingt heures, zéro minutes.

Je vous paierai, lui dit-elle, Avant


l’oût, foi d’animal
(La Fontaine, Fables, I, I),

même si la réalisation dépend d’une


condition :

Si je l’épouse, c’est à toi qu’il en aura


obligation (Marivaux),

et même si elle n’est qu’une virtualité


(parfaitement réalisable) :

Vous me direz que ce n’est pas beau-

coup (J. Romains).

C’est un garçon qui vous promettra

monts et merveilles.

L’affirmation n’est qu’une des nuances


modales pouvant résulter, pour le futur,
de l’entourage sémantique. « Presque
toujours, écrit J. Vendryes, à l’expression
du temps s’ajoutent des notions variées,
si bien que le futur est souvent un mode
plutôt qu’un temps. » Disons plus exacte-
ment que les nuances modales inévitable-
ment conférées aux temps par le contexte
phrastique sont plus variées pour le futur
qu’elles ne le sont par exemple pour le
passé simple.

Il peut préfigurer la réalisation d’un fait


fortement voulu :

Il ne soupçonne même pas qu’il

m’aime, mais il m’aimera. Ce ne

serait pas la peine que les verbes

eussent un futur, si l’on ne s’en servait

pas (A. Dumas fils).

Il en vient ainsi à exprimer l’ordre et la


défense :

Marie, vous balaierez l’entrée et le


salon.

Vous m’excuserez, je m’assois.

Tu ne tueras point.

Le futur est exclamatif pour une action


que l’on voudrait voir cesser ou ne pas
voir se produire :

Il connaîtra les rues d’Ispahan mieux


que moi ! (Montesquieu, Lettres
persanes).

Quoi ? L’on me mènera coucher sans

autre forme ? (Racine, les Plaideurs).


La valeur temporelle fondamentale est en
défaut dans quelques emplois :

— futur de politesse, atténuant l’expres-


sion d’une requête ou d’une initiative
en les situant au moment futur où elles
seront suivies d’effet :

Je vous demanderai de vous taire.

Je me permettrai de vous donner un

conseil ;

— futur putatif, exprimant une action


jugée probable dans le présent :

D’abord elle se dit : Voilà quelqu’un

qui lui ressemble, ce sera son frère

aîné (Stendhal).

Le verbe, non conclusif, est généralement


être ou avoir ; « on remet en quelque
sorte l’affirmation au moment futur où
la conjecture sera vérifiée » (L. Clédat) —
l’action durant toujours ; la valeur est la
même que si l’on dit :

Vous verrez que c’est son frère aîné.

III. FORMES REMPLAÇANT LE FUTUR

• Le présent exprime souvent une action


future, qui peut être imminente :

Çà, le premier qui monte à cheval, je


le tue (Hugo),

ou plus éloignée :

Je passe le baccalauréat dans deux

ans.

En fait, le présent est le temps non marqué


de l’indicatif, c’est pourquoi il peut expri-
mer le futur — ou le passé — pourvu que
la datation soit donnée dans le contexte :

Je suis là dans cinq minutes.

Avec un verbe de sens conclusif, la data-


tion contextuelle est souvent inutile,
la situation suffit : une phrase comme
« Nous arrivons » exprime un futur ou un
passé immédiat selon que la personne qui
parle est en chemin pour venir ou est déjà
là. En effet, ces verbes ne sont générale-
ment pas aptes à exprimer un véritable
présent, alors que, pour un verbe non
conclusif comme dormir, le temps « pré-
sent » exprime presque obligatoirement
l’action en train de se faire. C’est la raison
pour laquelle, dans des langues comme
le russe, la forme de « présent » a le sens
présent à la conjugaison « imperfec-
tive », qui donne du procès une vue non
conclusive (ja pišu, « j’écris »), et le sens
futur à la conjugaison « perfective », qui
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2069

en donne une vue conclusive (ja napišu,


« j’écrirai »).

Le présent employé à la place du futur ap-


porte le plus souvent une nuance d’affir-
mation et implique une action déjà com-
mencée ou du moins décidée :

Au secours, je tombe !

Je me marie en juin.

Ainsi s’explique ce court dialogue en-


tendu dans le métro par J. Marouzeau :
« Vous descendez, monsieur ? — Non,
mais je descendrai » (le monsieur n’avait
pas l’intention de descendre, mais il le
fera pour laisser descendre l’autre).

Ces considérations ne s’appliquent pas à


l’emploi du présent pour le futur après
si, qui est une servitude grammaticale (v.
CONDITION, art. spécial).

• La périphrase aller + infinitif (v. AUXI-


LIAIRE, art. spécial [ultérieur proche]) se
substitue couramment au futur dans la
plupart de ses valeurs, mais avec une in-
dication d’intervalle qui lui a valu d’être
appelée « futur prochain » en 1753 par
l’abbé Antonini :

Je vais m’occuper de vous.

Vous allez me dire que ce n’est pas

beaucoup.

Marie, vous allez balayer l’entrée et

le salon.
Il va connaître les rues d’Ispahan

mieux que moi !

Je vais vous demander de vous taire.

Vous allez voir que c’est son frère

aîné.

Le sens du verbe aller est si bien effacé


dans cette périphrase qu’on peut écrire :

Où va-t-il aller ? (Gide).

Mais le temps présent de ce verbe ex-


prime, mieux que ne peut le faire le futur,
le conditionnement présent de l’action
prévue :

Le petit Dauphin est malade, le petit


Dauphin va mourir (A. Daudet,
Lettres de mon moulin).

Et ça va durer dix-sept ans comme

ça ! (Labiche).

On dirait aussi, dans le dernier cas : C’est


parti pour durer...

Quelquefois, le futur serait impossible :

Enfin, Cécile toussa comme quelqu’un

qui va perdre le souffle (Duhamel).

Une nuance est propre à cette périphrase,


celle que Damourette et Pichon appellent
l’extraordinaire :

Tu vas peut-être lui défendre de rire ?

(Sartre).

Qu’est-ce que j’ai été dire là !

Dans de telles phrases, « le verbe aller


confère au verbe dont l’infinitif le suit
un caractère dérangeant par rapport à

l’ordre attendu des choses » (Des mots à


la pensée, § 1652) ; il s’agit d’un écart des
voies normales symbolisé par le verbe de
mouvement auxiliarisé.

Cette nuanciation dont est capable le


futur périphrastique aller + infinitif
explique son grand développement dans
la langue parlée moderne : les enquê-
teurs du Français fondamental ont relevé
35 p. 100 de futurs périphrastiques contre
65 p. 100 de futurs simples.

• Le verbe devoir, auxiliaire de l’ulté-


rieur (v. AUXILIAIRE, art. spécial), peut
exprimer à l’indicatif présent, suivi de
l’infinitif, une action à venir prévue ou
prévisible :

À dix heures, il doit arriver et nous

devons déjeuner.

C’est un équivalent moderne de la pé-


riphrase habere + infinitif qui a donné
le futur en français et dans un grand
nombre de langues romanes (v. Histo-
rique), mais le sens est loin d’être iden-
tique, comme on s’en rendra compte en
essayant de substituer devoir + infinitif à
tous les futurs des exemples donnés pré-
cédemment (§ I et II) : l’idée d’obligation,
morale ou logique, n’est jamais pleine-
ment effacée.

Devoir présente sur le futur l’avantage de


permettre une expression de l’ultériorité
à tous les temps et tous les modes :

Mon cheval a fait un beau départ,

mais il devait arriver dernier.

Je ne crois pas devoir gagner cette

fois.

Il la regardait comme devant être sa

femme.

• En français populaire ou régional, le


verbe vouloir constitue également avec
l’infinitif une périphrase concurrente du
futur dans certains emplois :

J’ai recousu le bouton, maintenant il

ne veut plus s’arracher.

Le temps veut se mettre au beau.

La périphrase volo + infinitif, semblable


à un tour du grec byzantin θέλω + infi-
nitif, a donné en roumain l’expression
normale du futur : voiu ? cînta, « je chan-
terai ». Les équivalents français, wallons
ou suisses, moins grammaticalisés, im-
pliquent généralement que « le locuteur
prête aux choses une certaine disposition
de l’acte » (J. Pohl) ; ils ont de ce fait une
valeur stylistique.

IV. FUTUR ANTÉRIEUR

Comme tous les temps composés, le futur


antérieur présente deux sens, selon que
domine :

a)La relation d’antériorité :

Huit jours après que vous serez par-

tis, vous reviendrez.

Au style indirect, le futur antérieur exigé


par la concordance est souvent remplacé
par le repérage interne (v. DISCOURS, art.
spécial) :

Il croira qu’il a perdu (= aura perdu)


la clef ;

b) L’aspect accompli :

Si nous prenons de tout, nous aurons

trop mangé [= nous serons malades].


Les deux valeurs sont souvent confon-
dues, mais la seconde est à peu près la seule
possible en proposition indépendante.

Le futur antérieur remplace facultative-


ment le futur simple d’un verbe conclusif
quand on veut montrer le moment précis
où l’action sera achevée :

À deux heures dix, nous serons

arrivés.

La rapidité avec laquelle s’accomplira


l’action peut être marquée par un com-
plément de temps :

Nous aurons vite mangé.

L’action, donnée comme antérieure à un


moment futur, peut être elle-même fu-
ture, présente ou passée :

Quand tu m’auras répondu, je pren-

drai une décision.

Quand vous m’aurez assez regardé,

vous me reconnaîtrez toujours.


Voilà bien le plus mauvais discours

que j’aurai entendu.

Cette polyvalence chronologique rend


le futur antérieur précieux pour expri-
mer à la fois diverses actions d’époques
différentes ; c’est le cas dans le dernier
exemple, où l’on ne pourrait employer ni
le passé ni le présent, l’idée étant à la fois :

J’ai entendu de mauvais discours ; /

J’en entends un plus mauvais encore.


Comme le futur simple, il se charge sou-
vent d’une nuance exclamative, facilitée
par la valeur sommative qu’il partage
avec tous les temps composés :

On aura tout vu !

Et j’aurai vécu dix ans comme j’ai

vécu, abîmée de désespoir dans ma

solitude, pour retrouver devant moi

cette même horrible calomnie (P.

Bourget).

Le sens putatif est beaucoup plus fré-


quent qu’au futur simple, parce que tous
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2070

les verbes, même conclusifs, peuvent l’as-


sumer ; l’action est située dans le passé :

Pierre n’est pas là : il aura manqué


son train.

Si son grand-père était là, ils se seront

bien amusés (phrase orale citée par

Damourette et Pichon, Des mots à la

pensée, § 1858).

Vu la fréquence de cet emploi, H. Yvon


a proposé de remplacer l’étiquette « indi-
catif futur antérieur » par « suppositif
probable d’aspect composé ». Ce serait
donner bien trop d’importance à une
valeur très minoritaire parmi les emplois
du futur antérieur ; plus sûrement encore
que pour le conditionnel, qui pose le
même problème méthodologique (v. t. II,
p. 875), il y a avantage à classer le futur
dans les temps de l’indicatif.

V. FORME SURCOMPOSÉE

Certains grammairiens mentionnent un


futur antérieur surcomposé ; Meigret
le signalait déjà, comme par acquit de
conscience :

Nous pouuons encores ajouter çet

aotre, a fin de n’apouurir point la

lange puys q’on en vze : e q’il emporte

plus grande perfecçion en tems futur.

j’aorey u eymé, tu aoras u eymé, il

aora u eymé, etc. (Tretté de la gram-

mere françoeze, 1550).

Maurice Cornu, dans sa thèse sur les


Formes surcomposées en français (1953),
n’en a rencontré d’autre exemple que
ceux qu’il emprunte à Damourette et
Pichon (§ 1859) :

On pense que M. Tardieu en aura eu


fini hier soir avec les résistances du
Dr Schacht, il aura pris le train de
20 heures pour être à 6 h 30 à Paris
(Ch. Maurras, 1930).

Lauriau les aura eu touchés [les

coupons] ! (phrase entendue).

Cette forme est parfaitement claire et


licite, chaque fois qu’il faut souligner
l’achèvement (rapide ou non) d’une ac-
tion à un moment futur.

HISTORIQUE

Au XIIe s., un seul verbe — qui était, en


français comme en latin, le mot le plus
employé — conservait à travers les alté-
rations phonétiques les formes du futur
latin : c’est le verbe estre, dont la forme ier
(lat. ĕro) était concurrencée par esserai,
estrai et serai, qui l’emportera au XIVe s.
Le paradigme était incomplet :

Ces formes, dont la moitié se confon-


daient avec celles de l’imparfait, étaient
déjà rares au XIIe s.

Les autres verbes latins se répartissaient


entre deux types de futur qui tendaient
aussi vers une confusion :

— soit avec l’indicatif parfait ; comparer :

— soit avec l’indicatif présent ; comparer :

Ces formes ambiguës — et disparates —


s’effacèrent devant une périphrase dont
l’histoire est assez mal connue. Le verbe
habeo, « avoir », y servait d’auxiliaire
à l’infinitif du verbe considéré : habeo
cantare. Parallèle à la locution du grec
postclassique ἔχω λέγειν « je dirai », elle
n’en est pas forcément un calque, mais
procède peut-être d’un besoin d’expres-
sion semblable, qui a donné à l’anglais la
locution I have to sing, « je dois chanter »,
ainsi que ses auxiliaires de futur shall et
will, signifiant originellement « devoir »
et « vouloir ». La plupart des grandes lan-
gues d’Europe se sont créé un futur par
périphrase ; l’auxiliaire est en allemand
le verbe « devenir » (werden), en russe le
verbe « être », en roumain, comme on l’a
vu, « vouloir ». Mais, partout, la gramma-
ticalisation a conduit à la création d’un
futur abstrait comblant un vide ou rem-
plaçant un vieux futur défectueux.

Le développement de la périphrase du
latin au français a fait le sujet en 1885
d’un article de Ph. Thielmann auquel
aucun document de poids n’est venu
s’ajouter. R.-L. Wagner a résumé ainsi le
processus :

Période I : habeo (+ infinitif) = « j’ai l’oc-


casion, la possibilité de » (latin classique
et impérial) :

Nihil habeo ad te scribere [Je n’ai rien


à t’écrire]

(Cicéron, Lettres à Atticus, II, 22).

Quid habeo aliud deos immortales


precari ? [Qu’ai-je d’autre à deman-
der aux dieux immortels ?]
(Suétone, Auguste, 58) ;

Période II : habeo (+ infinitif) = « je


dois » (exemples du IIIe au Ve s.) :

Aliter praedicantur, quam evenire


habent [Les faits sont prédits autre-

ment qu’ils ne doivent se produire]

(Tertullien, IIIe s.).

Peut-être est-ce à l’imitation de la pé-


riphrase grecque postclassique ἔχω
+ infinitif que Tertullien, originaire
d’Afrique du Nord, et d’autres auteurs
chrétiens développèrent l’emploi d’habeo
+ infinitif au sens où le latin classique au-
rait employé le participe futur (eventura
sunt) ; mais le tour existait vraisembla-
blement en latin parlé en dehors de cette
influence ;

Période III : infinitif + habeo = futur


simple. R.-L. Wagner, à la suite de Thiel-
mann, date ce stade du VIe s. en vertu
d’une phrase de Cassiodore :

Ipsos erubescere convenit, quos habet

aeterna poena torquere [Il convient

qu’ils rougissent, ceux qu’un châti-

ment éternel tourmentera].

Sans doute peut-on discuter — comme


l’a fait A. Lanly (le Français moderne,
janvier 1958) — la valeur temporelle de
la périphrase dans ce texte, ainsi que
dans la phrase de Fortunat (fin du VIe s.),
dans le commentaire de Cicéron par Gro-
novianus (VIIe s.) et dans tous les textes
ultérieurs invoqués. En fait, les écrivains
usant du latin se faisaient scrupule d’em-
ployer une autre forme que le futur de
Cicéron là même où leur usage parlé ne
connaissait plus que la périphrase : aussi
est-il vraisemblable que tout emploi de la
périphrase ait comporté une intention de
ressusciter sa valeur originelle, comme
de nos jours l’emploi du passé simple,
perpétué dans la langue écrite, y relègue
le passé composé dans sa valeur aspec-
tuelle. Il n’en est pas moins établi par la
concordance des langues romanes, à l’ex-
ception du roumain, du romanche et du
sarde, que la périphrase habeo + infinitif,
alternant avec l’ordre inverse qui s’impo-
sa après le VIe s. (marque de grammati-
calisation plus poussée), avait remplacé le
futur classique dès l’époque romane. Bien
entendu, les formes prononcées n’étaient
pas écrites : quand apparaîtront dans les
Serments de Strasbourg (842) les formes
salvarai et prindrai, on pourra parler du
premier texte français. Une seule attes-
tation antérieure a été conservée, due au
pseudoFrédégaire, auteur d’une chro-
nique des Francs au VIIe s. ; Justinien
ayant demandé au roi des Perses la red-
dition de ses provinces, et celui-ci ayant
répondu « Non dabo » (« Je ne les don-
nerai pas »), l’empereur aurait répliqué
« Daras ! » (« Tu les donneras ! »), et si
l’historien conserve à ce futur la forme
vulgaire dont on ne connaît pas d’attes-
tation contemporaine, au lieu de rétablir
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2071

dabis ou dare habes, c’est que ce mot,


affirme-t-il, est donné comme nom à la
ville où l’entretien eut lieu.

Aussi loin qu’on remonte en français,


les formes en -rai ne sont jamais senties
comme des périphrases, à la différence de
ce qu’on observe en provençal, en italien,
ainsi qu’en espagnol et en portugais, où
les deux éléments peuvent être séparés
(portug. : dir-vos-emos, « nous vous di-
rons »). Le nouveau futur s’était substitué
au futur latin sans déborder (non plus que
la périphrase latine) le mode indicatif, où
ce dernier se tenait, mais en provignant
une forme à repère passé, le conditionnel
(v. ce mot, art. spécial).

I. HISTOIRE DE L’AUXILIAIRE

Les formes de l’auxiliaire, devenues dési-


nences, sont identiques aux formes prises
par l’indicatif présent du verbe habere
(> avoir), sauf aux deux premières per-
sonnes du pluriel, où l’élément av- de
avons, avez a été supprimé à une époque
mal déterminée. Cette suppression,
contraire aux lois de la phonétique, a été
expliquée par la « recherche d’une symé-
trie isosyllabique » (Bourciez) ; mais le
déséquilibre règne en fait dans tous les
paradigmes du verbe latin. Il est bien plus
vraisemblable d’expliquer l’amuïssement
du b (ou du v) par l’analogie des autres
personnes, et celui de l’a inaccentué,
formant diphtongue avec l’e désinentiel
accentué, par la faiblesse et la rapidité
articulatoire du verbe grammaticalisé.

L’h initial n’était pas prononcé (v. ASPIRA-


TION, art. spécial). Comment expliquer,
pour l’époque romane, la disparition du
b, qui devrait se garder sous forme de v
comme dans aveir ? P. Fouché y voit l’effet
conjugué de deux facteurs :

a)faiblesse articulatoire du verbe dans


la périphrase habeo + participe passé
(habeo cantatum, « j’ai chanté ») de
grammaticalisation antérieure à celle du
futur (v. AUXILIAIRE, art. spécial) ;

b)dissimilation dans les groupes fré-


quents : habeo *habutu, habeo *debutu,
habeo *bĭbutu..

L’amuïssement des voyelles finales est une


loi connue du gallo-roman (VIIe-VIIIe s.).

La diphtongue -ai de la première per-


sonne suivra le sort de cette diphtongue
en français, prononcée [ɛi] au XIe s., puis
[ɛ], puis fermée en [e] à la finale absolue
(rimes comme ostai/osté dans le premier
Roman de la Rose), maintenue en [ɛy]
devant voyelle jusqu’à Meigret (XVIe s.) ;
une conservation du timbre ouvert [ɛ],
généralisée dans les mots comme vrai,
essai sous l’influence de vraie, essaie,
essais, s’observe à toute époque dans une
partie de l’usage pour chanterai comme
pour chantai (v. plus haut).

Aux autres personnes du singulier, la


non-diphtongaison de l’a s’explique par
les autres emplois, proclitiques, de l’auxi-
liaire avoir.

À la troisième personne du singulier, le


t dans les anciens textes est surtout gra-
phique ; il disparaîtra totalement après le
XIIe s.

À la première personne du pluriel, la dé-


sinence *-eins, régulièrement attendue, a
été remplacée à époque prélittéraire par
la forme -ons, généralisée à l’indicatif
présent (v. INDICATIF, art. spécial) ; la ré-
fection sur le modèle sons/sont était favo-
risée au futur par la troisième personne
chanteront.

La désinence -eiz (puis -oiz) de la deu-


xième personne fut concurrencée dès
l’origine par -ez, analogique de l’indicatif
présent, qui l’éliminera au XIIIe s.

À la troisième personne, -ont remonte


à *habunt (pour habent) analogique de
sunt ; l’effacement du b étant normal
devant u même sans la dissimilation, il
n’est resté que *aunt, dont la diphtongue
a donné régulièrement [o].

II. HISTOIRE DES RADICAUX

Dans les verbes du premier groupe fran-


çais, la terminaison -er de l’infinitif re-
monte à la terminaison -are de l’infinitif
latin.

L’e final, dès l’époque latine, s’élidait de-


vant un mot à initiale vocalique (v. ÉLI-
SION, art. spécial).

L’a latin s’étant conservé en toute posi-


tion, celui-ci, devenu atone dans la pé-
riphrase où l’accent frappait l’auxiliaire,
se retrouve en ancien français sous la
forme d’un e « central » : chanterai. La
caducité de cet e explique sa disparition,
attestée par des graphies, après voyelles et
diphtongues surtout à partir du XIIIe s. :
merciront, remuront, prirons, pairai ; cet
amuïssement, et ses conséquences en
poésie, sont étudiés à la lettre E (v. art.
spécial).

Après consonne, l’amuïssement s’est pro-


duit d’une manière générale quand la
consonne était r : durra, demorra, plorra,
etc.(ibid.) ; les formes non syncopées,
conservées à toute époque, prévaudront,
et l’emporteront tout à fait au XVIIe s. ;

Palsgrave (1530) cite encore demour-


royt, Cauchie (1570) le dit fréquent, mais
Oudin (1632) le déclare « antique et hors
d’usage ».

Après n, l’e s’est amuï au futur de doner


et mener : donrai (dunrai dès la Vie de
saint Alexis, XIe s.), menrai (XIIIe s.) ; l’n
s’est assimilé à r : dorrai, merrai. L’e sera
rétabli analogiquement dans ces futurs
au XVe s., mais donneray et ameneray
n’élimineront dorray (donray) et amerray
qu’au XVIIe s. (Oudin).

D’autres cas de chute s’observent, plus ou


moins régionaux et isolés : torra (pour
tornera), parra (pour parlera), portra
(portera), aidra (aidera). Une méta-
thèse du groupe re a donné enterra (d’où
entera), deliverra (d’où délivera) dans
beaucoup de dialectes ; ces formes, qui
abondent chez Rutebeuf (XIIIe s.), dispa-
raîtront en français au XVe s.

Les futurs des autres conjugaisons re-


montent à des infinitifs latins en -ēre,
-ĕre, -īre dont la voyelle devrait s’amuïr
en position atone. Il en est résulté des
modifications souvent importantes des
consonnes ainsi rapprochées :

vidēre habeo > *viderayo > verrai ;

fingĕre habeo > *fingerayo > feindrai.


Des consonnes sont nées par épenthèse :

*volere habeo > *volerayo > voldrai,

voudrai.

Mais la voyelle prétonique s’est régulière-


ment conservée après un groupe combiné
consonne + r (l) :

implere habeo > emplerai, operire

habeo > ovrerai.

Les verbes latins en -īre ont souvent reçu


en Gaule le suffixe « inchoatif » -īsco, qui
entraînait un certain nombre de formes
en -iss- : imparfait garisseie, resplendis-
seie, bastisseie ; le futur de ces verbes,
comme leur infinitif, ne présentait pas le
suffixe, mais tous, sauf garir (fut. : garra),
paraissent avoir maintenu l’i latin au fu-
tur, ou avoir remplacé un futur syncopé
par un futur en -i- pour l’harmonie de la
conjugaison : bastira, resplendira ; garra a
été refait en garira dès le XIe s. ; beaucoup
de verbes en -ir, non inchoatifs, se sont,
par analogie, refait un futur en -irai : em-
plirai, ouvrirai.

Un e apparaît dans certains textes (in-


fluencés par l’anglonormand, le picard,
le wallon ou le lorrain) entre l’r désinen-
tiel et une consonne labiale ou dentale :
viveras (= vivras), baterunt (= batront),
defenderai (= defendrai) ; on l’appelle « e
svarabhaktique », du nom d’un élément
phonique, le svarabhakti, qui apparais-
sait en sanskrit par un même phénomène
d’épenthèse vocalique. Cet e ne fut régu-
lièrement compté en poésie qu’à partir de
1250.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2072

Les verbes faillir, saillir, bouillir avaient


pour futurs étymologiques faudra, sau-
dra, boudra ; refaits sur le radical en l
mouillé, ces verbes ont reçu un e épenthé-
tique : faillera, saillera, bouillera, puis ont
changé l’e en i comme beaucoup de verbes
en -ir : faillira, saillira, bouillira. Le verbe
coillir (cueillir), qui faisait d’abord coildra
ou cueldra, a été refait en cueillera, puis
cueillira, et ces deux dernières formes
rivalisèrent jusqu’au XVIIe s. Après Mei-
gret et Oudin, Vaugelas préférait cueillira
(forme de la Cour) à cueillera (forme de la
Ville), mais l’avis contraire de Ménage est
sanctionné par l’usage moderne.

III. HISTOIRE DES EMPLOIS

Le sens ordinair e du futur était le même


en ancien français qu’en latin et qu’en
français moderne.

Temps absolu, il n’était pourtant pas


exclu dans un contexte passé (futur
historique), incohérence favorisée par
l’alternance continuelle, dans les récits
du Moyen Âge, des temps passés et du
présent :

Quant li servises fu diz et definez

Es [voici] dous messages [deux messagers]


venant tot abrivez ;

Ja conteront unes noveles tels

Dont mainz frans om fu le jor esfrëez

(le Couronnement de Louis, 322-325).

Diz damoiseles arrea [il équipa],

Qui entour Clarmondine iront

Et nuit et jour la garderont

(Cleomades, 7751-7754).

Il pouvait aussi se charger de nuances


modales, comme la volonté :

Ne traïson vers nului ne ferez,


Ne orfelin son fié ne li toldrez
[Vous ne commettrez de trahison
envers personne
Ni n’enlèverez son fief à l’orphelin]
(le Couronnement de Louis) ;

l’exclamation :

Il dist al rei : « Ja mar crerez


Marsilie ! »
[Il dit au roi : « Malheur si vous
croyez Marsile ! »]
(la Chanson de Roland, 196).

Comment, jou me repentirai,


Et puis apres si douterai !

(Barlaham et Josaphas).

Il atténuait l’expression de la volonté :

De la dame vos voldrai dire


Un petitet de sa beauté (Fabliau).

Douce dame, merci vos proierai


[prierai]
(Contredit d’Arras).

On connaissait le futur putatif :

Combien as gent pour guere


commencier ?

En non Dieu, dame, bien seront dis


millier

(Raoul de Cambrai).

Il admet dans un tel contexte la même


interprétation psychologique qu’en fran-
çais moderne : l’affirmation repose sur
des conjectures que l’avenir ne manquera
pas de vérifier ; attitude mentale qui peut
très bien remonter au double aspect de
l’obligation qu’exprimait habere depuis
le IIIe s. : obligation morale (je dois partir
à midi), obligation logique (je dois avoir
la fièvre). Cependant, le futur en soi im-
plique un rejet du champ d’observation
immédiat qui conduit à la nuance de pro-
babilité, laquelle s’observait déjà pour le
futur synthétique latin (Ernout-Thomas,
Syntaxe latine) :

Em istic erit, « Ce doit être lui »

(Plaute).

Le présent remplace le futur avec les


mêmes nuances qu’aujourd’hui :

La périphrase du futur prochain, aller +


infinitif, qui se développera surtout au
XVIe s. (v. AUXILIAIRE, art. spécial), se
rencontre pourtant dès la Chanson de
Roland (avec en aller) [269-270] :

cunfunduz

[Si un seul échappe, tu es mort et


anéanti]

(la Chanson de Roland, 3955).

E jo irai al Sarazin espan

Sin vois vedeir alques de sun

semblant

[Et j’irai auprès du Sarrasin

d’Espagne,

Ainsi je vais un peu voir l’air qu’il a].


On rencontre même au XVIe s. un emploi
à l’infinitif que l’usage moderne a rejeté :

Mme de Duras étoit très mal et croyoit

aller mourir

(Dangeau, 1689).

Le verbe devoir suivi de l’infinitif jouait


probablement dès le latin vulgaire le rôle
du participe futur accompagné d’esse en
latin classique (cantare debebam = canta-
turus eram) dans les cas où l’on ne recou-
rait pas à habere ; telle est sa valeur en
ancien français :

Li empereres li tent sun guant le


destre ; [...]

Quant le dut prendre, si li caït a tere


[Quand il allait le prendre, (le gant)
lui tomba à terre]
(la Chanson de Roland, 331, 333).

E li chargea que il dëust dire...

(le Roman de Troie, en prose).

Le verbe vouloir se rencontre, surtout


dans les textes dialectaux, avec la nuance
future signalée à l’époque moderne :

Chaoir voloit del destrier arabi


Qant uns borgois en ses braz le saisi

[Il était sur le point de tomber...

Quand...] (Raoul de Cambrai).

Le Périgourdin Brantôme écrira en ce


sens :

Lorsqu’il voulut mourir...


Le futur antérieur, à côté du sens normal
de temps antérieur, pouvait situer dans
l’avenir l’aspect accompli d’une action
future :

Cist duels l’avra encui par acorede

[Cette douleur lui aura aujourd’hui percé


le coeur] (Vie de saint Alexis, 400),

ou même d’une ou de plusieurs actions


passées, comme dans l’adieu de Roland à
son épée (v. 2352) :

Mult larges teres de vus avrai

cunquises.

L’emploi putatif signalé en français mo-


derne n’a pas été relevé à époque ancienne,
ce qui peut tenir à son caractère familier ;
Marc Wilmet, dans son étude du Système
de l’indicatif en moyen français (1970),
relève cet exemple dans l’Ancien Théâtre
françois publié par Viollet-le-Duc :

Or fault-il maintenant plourer.

Quelque beste aura devoré

Mon cher enfant.

Il n’en manque pas d’exemples au XVIIe s.,


tel celui que Damourette et Pichon em-
pruntent à une Lettre au chevalier de
Sévigné de Madame Royale, duchesse de
Savoie, datée du 11 janvier 1653 :

L’abbé dont vous m’écrivez n’est point

passé par ici, et je crois vraisembla-

blement qu’il aura pris un autre

chemin.

Si l’on compare le système du futur fran-


çais tensif (simple) et extensif (antérieur)
au système latin, on remarque un paral-
lélisme des formes (cantabo/cantavero)
et des emplois tel qu’on pourrait songer,
avec E. Benveniste, à un « changement
conservateur » (Directions for Historical
Linguistics. A Symposium, 1968). Une
plus grande unité des formes est même
obtenue par l’unicité de la marque (-r-
). Les mêmes valeurs modales se ren-
contrent. Comme son ancêtre latin, le
futur français est rivé à l’indicatif ; il
s’exprime aux autres modes par le biais
de périphrases qui s’intègrent moins
bien qu’en latin à la conjugaison. Mais
une innovation importante a consisté
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2073

dans la création du « temps en -rait » (le


conditionnel) parallèlement au « temps
en -ra » : au futur latin à repère unique
s’est substitué un futur à double repère
dont les effets modaux ont rendu caducs
une bonne partie des emplois du sub-
jonctif. Le futur gallo-roman est donc à
l’origine de la plus profonde modifica-
tion d’ensemble du système verbal.

futurisme [fytyrism] n. m. (ital. futu-


rismo, de futuro, futur, lat. futurus [v.
FUTUR] ; 20 févr. 1909, le Figaro, au sens
1 ; sens 2, av. 1951, Gide). 1. Mouvement
littéraire et artistique né en Italie (v. 1909),
qui était dirigé contre la tradition, l’aca-
démisme, la morale, et se proposait de
renouveler complètement les principes
et le caractère des différents arts, notam-
ment par la recherche de la « sensation
dynamique » : Ce qui est immédiate-
ment devant nous [...], emploi exclusif de
la gamme chinoise, cubisme, futurisme
(Proust). ‖ 2. Attitude de celui qui a ten-
dance à sacrifier le passé et à se tourner,
dans le domaine artistique, technique,
scientifique, etc., vers des formules qu’il
croit être celles de l’avenir : Je renfonçai
tous mes regrets, par crânerie, confiance en
l’avenir, que j’étayais d’une inutile haine
du passé où se mêlait passablement de
théorie ; on dirait aujourd’hui : par futu-
risme (Gide).

futuriste [fytyrist] adj. et n. (ital. futu-


rista, de futuro [v. l’art. précéd.] ; 20 févr.
1909, le Figaro). Adepte, partisan du futu-
risme (au sens 1) : Un musicien futuriste. Ce
futuriste qui, un des premiers, avait tenté
d’introduire l’élément dynamique dans la
peinture (Michel).

& adj. (sens 1-2, XXe s.). 1. Qui a rapport au


futurisme (au sens 1) : Les audaces futu-
ristes. ‖ 2. Qui a le caractère d’une antici-
pation, qui prétend donner une évocation
du monde et des sociétés de l’avenir, princi-
palement sous l’aspect technique et scienti-
fique : Une carrosserie aux lignes futuristes.
Un édifice de conception futuriste.
futurition [fytyrisjɔ̃] n. f. (dér. savant
de futur ; fin du XVIIe s., Fénelon, au
sens 1 ; sens 2, av. 1848, Chateaubriand).
1. Caractère d’une chose en tant qu’elle
est future : Ce qui n’a aucune possibi-
lité n’a aucune futurition (Fénelon).
‖ 2. Réalisation d’une chose future :
Elle [la Providence] donne, il est vrai, à
certains hommes, un pressentiment des
futuritions ; mais ils n’y voient pas assez
clair pour bien s’assurer de la route ; ils
craignent de s’abuser, ou, s’ils s’aventurent

dans des prédictions qui s’accomplissent,


on ne les croit pas (Chateaubriand).

futurologie [fytyrɔlɔʒi] n. f. (de futuro-,


élément tiré de futur, n. m., et de -logie,
du gr. logos, discours, science ; v. 1968).
En économie politique et en sociologie,
science qui a pour objet de prévoir le sens
des évolutions.

futurologue [fytyrɔlɔg] n. (de futuro-


logie ; v. 1968). Spécialiste de futurologie.

fuyant, e [fɥijɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


fuir ; 1213, Fet des Romains, écrit fuiant
[fuyant, XVIe s.], au sens I, 1 [comme
n. m. ; comme adj., 1539, R. Estienne] ;
sens I, 2, 1872, Larousse ; sens I, 3, 1830,
Lamartine ; sens I, 4, 1889, Maupassant ;
sens I, 5, 1704, Trévoux ; sens I, 6, 1865,
Littré ; sens II, 1881, A. Daudet).

I. 1. Littér. Qui fuit, s’enfuit : Une


poursuite ardente d’on ne sait quel
fuyant gibier (Gide) ; et substantiv. : En
quelques foulées, il eut rejoint la fuyante
(Montherlant). ‖ 2. Se dit d’une chose
qui s’éloigne avec rapidité : Ombre
fuyante. ‖ 3. Fig. et littér. Qui échappe
à l’appréhension, qu’on ne peut saisir :
Adieu, monde fuyant, nature, huma-
nité, | Vaine forme de l’être, ombre d’un
météore, | Nous te connaissons trop pour
nous tromper encore ! (Lamartine). La
gloire et ses fuyants mirages (Banville).
‖ 4. Fig. Se dit d’une personne qui se
dérobe, qui évite de prendre nettement
position, de se prononcer franchement :
Un homme fuyant. Ne trouvant devant
elle qu’un être dominé par ses caprices,
fermé, fuyant, qui niait l’évidence avec
une indignation puritaine, puis tout
aussitôt, comme un gamin, jurait en
souriant qu’il ne recommencerait plus
(Martin du Gard) ; et par extens. : Et de-
vant la fermeture de ce visage au fuyant
regard, ce fils qu’il sentait si loin de lui,
le père, instinctivement, élevait la voix,
invoquant son droit de chef de famille
(Daudet). ‖ 5. Qui s’enfonce dans le
lointain, par l’effet de la perspective : La
lune éclairait les quais déserts et fuyants
(Fromentin). ‖ 6. Qui est très incliné
en arrière, ou en retrait par rapport à
la position normale : Un front fuyant.
Jacques le voyait de profil ; et ce profil de
rongeur était à peine un profil humain :
la ligne oblique et fuyante du front et du
nez constituait, à peu de chose près, tout
le visage (Martin du Gard). La ligne de
son menton, un peu fuyante [...], l’aga-
çait (Cocteau).II. Fig. et littér. Qui fuit,
qui laisse échapper son contenu : « Qui

ça, Valmajour ? » fit Roumestan, dont


la cervelle fuyante avait déjà perdu le
souvenir du tambourinaire (Daudet).
• SYN. : 4 cachottier (fam.), dissimulé,
insaisissable, renfermé, secret.

& fuyant n. m. (sens 1, 1770, Raynal ;


sens 2, 1970, Robert). 1. Ligne fuyante,
perspective : Le fuyant des cimes. ‖ 2. En
géométrie, l’ensemble des lignes fuyantes.
& fuyante n. f. (1967, Piaget). Une ligne
fuyante.

fuyard, e [fɥijar, -ard] adj. (de fuir ; v. 1540,


Yver, au sens 4 [à propos d’une oeillade] ;
sens 1, 1690, Furetière [« qui refuse le com-
bat », 1865, Littré ; oiseau fuyard, 1732,
Trévoux] ; sens 2-3, av. 1850, Balzac ; sens
5, av. 1872, Th. Gautier). 1. Vx. Qui fuit,
qui est porté à s’enfuir : Ils [les castors]
deviennent fuyards (Buffon). ‖ Spécialem.
et vx. Qui refuse le combat : Troupe fuyarde.
‖ Oiseau fuyard, faucon qui se sauve avec
la proie au lieu de la rapporter. ‖ 2. Fig. et
vx. Qui passe, s’écoule rapidement et sans
retour : Les heures les plus joyeuses de ces
fuyardes journées (Balzac). ‖ 3. Fig. et fam.
Se dit d’une chose qui est soustraite à l’usage
auquel elle devrait servir : Des affaires trop
élevées pour des capitaux fuyards (Balzac).
‖ 4. Fig. et littér. Qui se dérobe, qui ne se
laisse pas saisir : Son regard un peu fuyard
(Goncourt). ‖ 5. Littér. Se dit de ce qui
paraît s’éloigner indéfiniment et échappe
à l’appréhension : Il [l’horizon] se détruit
à mesure que l’on avance, pour se former
plus loin avec son azur fuyard et insaisissable
(Gautier).

& n. (sens 1, 1538, R. Estienne [pour un


soldat, fin du XVIe s., A. d’Aubigné] ; sens
2, 1735, Marivaux). 1. Personne qui s’en-
fuit. ‖ Spécialem. Soldat qui fuit devant
l’ennemi (au masc.) : La route [...] était tel-
lement encombrée de fuyards et de charrettes
qu’en une demi-heure de temps, à peine si
le caporal et Fabrice avaient avancé de cinq
cents pas (Stendhal). ‖ 2. Vx et fam. Celui
qui se soustrait à un engagement : Je regrette
le fuyard ; il valait mieux pour vous puisqu’il
était riche (Marivaux).

• SYN. : 1 évadé, fugitif.


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2075

g [ʒe] n. m. Septième lettre de l’alphabet


français, notant deux consonnes diffé-
rentes : 1° l’occlusive sonore palatale ou
vélaire [g] devant une consonne et devant
les voyelles a, o, u, comme dans glas, gra-
vitation, syntagmatique, gaffe, gorge, goût,
gustatif ; ou en position finale, comme dans
grog ; 2° la chuintante sonore [ʒ] devant
les voyelles e, i, y, comme dans geste, ron-
geur, rougeâtre, rigidité, gymnastique.
‖ Symbole du gramme, unité de masse.
‖ Symbole de l’intensité ou accélération
de la pesanteur. (V. art. spécial).

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LA LETTRE « G »

La lettre g note le son [g] devant a, o, u


(gare, gomme, Gustave), et le son [ʒ] de-
vant e, i, y (genou, girafe, gymnase).

On donne à g le son [g] devant e et i en


intercalant un u : guerre, gui.

On donne à g le son [ʒ] devant a, o, u en


intercalant un e : geai, Georges, gageure
(prononcer : [gaʒyr]).

Le digraphe gn note le son « n mouillé » :


bagne [baɲ] ; le même son est écrit ign
dans oignon ; mais g et n se prononcent
séparément dans quelques mots savants
comme igné [igne], stagnant [stagnɑ̃].

Remarques. — Devant e, le son [ʒ] est


écrit j et non g dans les mots je, jet (et
sa famille), Jeanne, Jésus et quelques
autres mots ; j est seul employé devant le
digraphe eu : jeunesse ; devant i, il ne se
rencontre que dans jiu-jitsu.
— Le son [g] est rendu par c dans second,
par une relatinisation graphique (inspi-
rée du lat. secundus) qui date du Moyen
Âge ; la sonorisation du [k] intervoca-
lique est prélittéraire (attestée par l’esp.
segundo).

— L’u intercalaire se rencontre même


devant a et o dans les formes verbales, où
l’on a voulu maintenir pour l’oeil un radi-
cal unique : il divaguait, nous divaguons,
en se fatiguant (mais très fatigant, adj.).

— Des mots étrangers présentent une


graphie non conforme au système fran-
çais : geisha [gɛʃa] (du japonais), Hegel
[egəl] (de l’allem.), ghetto [geto] (de l’ital.,
où l’h intercalaire joue le rôle d’u après c
et g).

— Dans quelques mots, le groupe gu est


à prononcer [gw] devant a : guano (empr.
à l’esp.), lingual (empr. au lat.) ; et [gɥ]
devant e et i : arguer, aiguille, linguiste.
L’ambiguïté graphique qui en résulte

fait souvent substituer la prononciation


[ɛgize] à [ɛgɥize] pour aiguiser.

— Devant a, le son [ʒ], écrit ge (geai),


est concurrencé par j : jardin ; devant o,
il n’est écrit ge que dans geôle, geôlier et
Georges (au contraire : enjôler, donjon,
etc.) ; devant u, il n’est écrit ge que dans
gageure (au contraire : jurer, jujube).

— La lettre g est muette à la fin de cer-


tains mots, comme rang, seing, vingt,
doigt ; on ne la prononce pas en liaison,
sauf dans sang impur [sɑ̃kɛ̃pyr] quand on
chante la Marseillaise.

HISTORIQUE

Il est dit à la lettre c (v. art. spécial) que


le G de l’alphabet français est originelle-
ment un C barré, créé par les Latins pour
distinguer la consonne sonore [g] de la
sourde [k], qui avait le même point d’arti-
culation (vélaire).

À l’époque romane, la palatalisation qui


transforma le [k] en [ts] transforma le [g]
en [dʒ] : telle fut jusqu’à la fin du XIIe s. la
prononciation du g des mots comme gent
et argile, remontant à gentem et argilla ;
au Xe s., ce son fricatif prépalatal était tenu
pour la prononciation propre de la lettre
g (Manière de lire, publiée par Thurot). La
même altération avait d’ailleurs frappé le
[g] devant a dans des mots comme pur-
gare, mais l’[a], accentué ou atone, y était
devenu [e] ou [ə], écrits e (purger), si bien
qu’on retombait dans la règle précédente.
Devant o et u et devant r et l, le [g] initial
latin s’était conservé : gond (de gomphu),
goutte (gŭtta), grever (gravare), glace
(*glacia) ; on le prenait au Xe s. pour une
forme affaiblie du son [c].

Devant n, le g latin s’était changé en n


vélaire, et le groupe [nng], conservé dans
la prononciation médiévale du latin (di-
gnus > dinnus > di(g)ne, rimant avec doc-
trine chez Marguerite de Navarre), était
devenu n mouillé dans l’usage populaire
(agnellus > agneau) ; dans les deux cas, le
g restait écrit.

Le [g] intervocalique latin avait disparu


au contact d’o et u, et avait généralement
donné un yod devant a, e, i : lei (legem),
plaie (plaga).

Tous ces faits justifient l’usage observé


dans la Cantilène de sainte Eulalie (Xe s.) :
— g note [dʒ] devant e et i : argent (lat.
argentum), virginitet (virginitatem), get-
terent (*jectaverunt) ;

— g note [g] devant u et r : figure (em-


prunté du lat. figura), grand (grandem) ;
— gn note [ɲ] dans degnet (*dignat) ;

— dans regiel (« royal ») et pagiens


(« païens »), le g, selon G. Paris, est pure-
ment graphique, rappelant les primitifs
regalem et paganos.

L’usage se conservera jusqu’à nos jours


d’écrire g le son [g] devant a, o, u, et le
son [dʒ], simplifié en [ʒ] au XIIIe s., de-
vant e et i.

Dans le mot latin lingua, le [g] était suivi


d’un élément semivocalique [w] écrit
u, qui le préserva de la palatalisation
avant de disparaître en gallo-roman ; la
lettre u fut conservée dans ce mot pour
y marquer le timbre [g] du g devant l’e
issu d’a final : langue (ainsi distingué de
lange, qui remonte à laneum) ; elle a la
même fonction dans des mots d’emprunt
comme onguent (unguentum), sanguin
(sanguineus).

Un phonème [g] non hérité du latin


s’entendait dans beaucoup de mots d’ori-
gine germanique qui commençaient
primitivement par un [w] : le phonème
[w] n’existant pas en bas latin, les Gallo-
Romains l’avaient renforcé en l’articu-
lant [gw], écrit gu dans la transcription
latine ; finalement, [gw] s’était simplifié
en [g] comme dans le cas de lingua, et la
lettre u du digraphe fut conservée devant
e et i, où son omission aurait entraîné
la confusion graphique des phonèmes
[g] et [dʒ] : guerre, du francique *werra,
guise, du francique *wisa ; devant a, elle
put cesser d’être écrite (garder, du fran-
cique *wardon), mais on la rencontrera
sporadiquement jusque chez Rabelais
(reguarder).

Le son [dʒ] de l’ancien français avait


d’autres origines possibles qu’un [g]
latin :

a)Il pouvait être l’aboutissement d’un yod


initial : à jugum remonte l’ancien fran-
çais jou (franç. moderne joug), prononcé
[dʒu], puis [ʒu] à partir du XIIIe s. ; à *jec-
tare remonte de même jeter. En principe,
la lettre i, qui notait le yod en latin, resta
usitée pour ces mots au Moyen Âge ; la
règle est observée assez rigoureusement
devant a (ja, de jam), devant o (jou) et de-
vant u (jurer, de jurare) ; mais devant e et
i, l’i subit anciennement la concurrence
de g, appelé par ces deux lettres : d’où des
graphies comme gesir, gist pour les mots
qui remontent à jacere, jacet ;

b)Il pouvait résulter de l’évolution d’un


d suivi d’un yod ; comme pour les mots
précédents, un j s’impose devant a, o, u :
jour (du lat. diurnu), jusque (tiré d’en-
jusque, qui remonte à inde usque ad) ; le g
est préféré devant e : orge (hordeu) ;

c)Il pouvait enfin résulter d’un groupe


consonne labiale + yod : tige (tibia), singe
(simiu).

Ainsi, g et j (écrit i) fonctionnaient au


Moyen Âge comme des variantes com-
plémentaires, ou, en d’autres termes,
des « allographes », du son [(d)ʒ], gu et g
comme des allographes du son [g] ; l’em-
piétement n’était pas rare pour le g (sans
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2076

u), encore moins pour le j devant e (mais


non devant i, où le rapprochement des
deux bâtons d’i entraînait des confusions
dans l’écriture gotique).

Quelques difficultés se présentaient à


l’application de cette règle relativement
simple.

1° Le pronom ge, remontant à ego par les


étapes *eo, *yo, [dʒo], était souvent écrit
avec g en rappel du mot latin. Or, l’élision
de l’e central devant des mots comme ai
(habeo), oi (audio), use (uso) produisait,
à une époque où l’apostrophe n’était pas
usitée (v. ÉLISION, art. spécial), des gra-
phies insolites comme gai, goi, guse ; cette
difficulté fit préférer l’i (= j) pour écrire le
pronom je à la forme atone, tandis qu’on
maintenait g dans la forme tonique gié,
non sujette à l’élision.

2° Dans un verbe comme changier (lat.


cambiare), le phonème [(d)ʒ] final de
radical était suivi, selon les temps et les
personnes, d’une terminaison commen-
çant par e ou i, mais aussi par a ou par o :
changier gardait proprement son g dans
il change, vos changiez, jo changeie, vos
changiiez, mais devait le remplacer par
j (écrit i) devant l’a du passé simple : jo
chanjai, et devant l’o de nos chanjons ;
beaucoup de copistes répugnaient à mo-
difier la consonne radicale, et écrivaient
changai, changons.

Des difficultés semblables se rencon-


traient à d’autres conjugaisons, ou résul-
taient d’altérations phonétiques affectant
les voyelles en français même. Dans un
mot comme argent, du latin argentum, le
g fut pertinent tant que l’e oral ou nasa-
lisé garda le timbre [e] ; il cessa de l’être
quand, par l’effet de la nasalité, il s’ouvrit
en a ; on lit chez Chrétien de Troyes ar-
gent, arjant ou argant selon les manus-
crits. Le suffixe -eis de borgeis (burgen-
sem), les terminaisons -eie, -eies, etc.,
d’imparfait changèrent au XIIe s. leur e en
o, si bien qu’on vit alterner les graphies
borgois et borjois, changoit et chanjoit.

La solution de ces difficultés fut don-


née par l’e intercalaire (v. E, art. spécial,
p. 1434) : dans un mot comme geôle, cet e,
au XIIe s., était phonétique, écrivant le son
[e] qu’avait pris la diphtongue ai du plus
ancien jaiole (lat. caveola) ; du jour où l’e
s’amuït devant o (en moyen français), le
mot prenant sa prononciation moderne
[ʒol], les flottements de la prononciation
donnèrent l’impression que l’e, devant g
comme devant c (dans les mots comme
receu), était une lettre facultative, et l’on
put l’introduire pour la commodité gra-
phique dans des formes comme chan-
geons et changeai, où aucun e central
n’avait jamais existé.

Le premier exposé connu de cette règle


est relevé par Ch. Beaulieux dans le

Traicte dorthographie, oeuvre d’un Abbe-


villois publiée à Paris en 1529 :

G « comme les aultres consonnes retient


sa peculiere sonorite signamment dessus
a, o et u, car sus e et i resone comme i
consonante [le j moderne]. Si doncques
nous interposons e entre lesdictes trois
voielles, g change et mue sa sonorite
comme George resone aultrement que
gorge a raison de e interpose ».

L’usage moderne était instauré sur ce


point. Il ne sera contesté que par Mei-
gret, qui voulut affecter au son [ʒ], ou « i
consonante », une lettre nouvelle, l’i long,
première forme de notre J : écrire anje,
linje, manjer, et non ange, linge, manger
(1542). Cette lettre sera adoptée un siècle
plus tard, mais pour remplacer seulement
l’i consonne, et non le g.

La graphie gn pour l’n mouillé se compli-


qua d’un i en ancien et en moyen fran-
çais, de sorte qu’on écrivait montaigne le
mot qu’on prononçait [mɔ̃ntɑ̃ɲə], où l’a
s’est dénasalisé au XVIe s.

Dans certains mots à finale nasale, comme


coing, tesmoing, le g marqua jusqu’au
XVIe s. la mouillure du segment conso-
nantique nasal conservé. Ce segment dis-
parut au XVIe s., avec sa mouillure, dans
la meilleure prononciation, et Meigret
plaida pour la suppression du g à la fin de
tesmoing, besoing, ainsi qu’à la fin de ung,
écrit ainsi en l’absence de toute mouillure
pour éviter, dit-on, la confusion de cet
article, qui est aussi un nombre, avec la
graphie du nombre 7 en chiffres romains
(VII) à une époque où l’u initial s’écrivait
v (v. U, art. spécial).

À partir du XVIIe s., le g n’est conservé


en fin de mot que dans des conditions
semblables à celles qui ont déterminé
la conservation des autres lettres non
prononcées, raisons d’étymologie et de
rapprochement : sang, de sanguinem, dis-
tingué de cent (centum), de sent (sentit),
de sans (sine), et rapproché de sanguin,
sanguinaire, etc. ; hareng rapproché de
harengère.

À la fin des mots anglais en -ing, dont


l’emprunt massif date en français du
XXe s., le g note une articulation vélaire
de l’n étrangère au système phonologique
français ; ce suffixe est intégré dans la
prononciation courante sous la forme
[-iɲ] : camping comme *campigne ; le
peuple francise encore plus, et prononce
métingue pour meeting.

gabardine [gabardin] n. f. (esp. gabar-


dina, sorte de justaucorps [début du XVe s.],
croisement de gabán, paletot [de l’ar. qabā’,
sorte de manteau], et de l’anc. esp. tavar-
dina, espèce de jaquette [d’origine obs-
cure] ; fin du XIXe s., aux sens 1-2 [le mot
esp. avait déjà donné en moyen franç. les
formes gaverdine — 1482, Gay — et galvar-

dine — av. 1493, G. Coquillart —, sorte de


jaquette à larges manches et à capuchon]).
1. Étoffe de laine croisée, présentant à
l’endroit une côte en relief. ‖ 2. Manteau
imperméable fait de cette étoffe : Le dicta-
teur Adolf, en gabardine, jouait aux échecs,
à sa table de Berchtesgaden. Il poussait les
pièces d’une main molle, et sous sa petite
moustache, souriait de la crainte de ses
adversaires (Cocteau).

gabare [gabar] n. f. (anc. provenç.


gabarra, bateau plat à voiles et à rames,
du gr. byzantin *gabaros, bas lat. carabus,
canot recouvert de peaux brutes [VIe s.]
— « crabe, écrevisse de mer », en lat.
class. —, gr. class. karabos, escargot, scara-
bée, homard ; 1338, Du Cange, écrit gabarre
[gabare, 1690, Furetière], aux sens 1-2 [mot
usité surtout au sud de la Loire] ; sens 3,
1757, Encyclopédie). 1. Grande embarcation
servant à charger ou décharger les navires.
‖ 2. Bâtiment de transport utilisé surtout
sur les rivières : Il y avait dans cette flotte
[...] cent gabares de Portugal, quatorze
galères et quatre galéaces de Naples...
(Hugo). ‖ 3. Filet de pêche à mailles ser-
rées, dont on se sert à l’embouchure des
rivières, sur les côtes de l’Océan.

• REM. On rencontre parfois l’ortho-


graphe gabarre.

gabariage [gabarjaʒ] n. m. (de gaba-


rier 2 ; 1829, Boiste, au sens de « courbure
entière de deux pièces qui composent un
couple depuis la quille jusqu’à l’extrémité de
l’allonge » ; sens 1, 1845, Bescherelle ; sens
2, 1907, Larousse ; sens 3, milieu du XXe s.).
1. Action de construire un objet d’après
un gabarit. ‖ 2. Action de construire les
gabarits des diverses pièces d’un navire
dans la salle des modèles. ‖ 3. Action de
comparer un objet au gabarit.

1. gabarier [gabarje] n. m. (de gabare ;


1478, Du Cange, au sens 1 ; sens 2, 1678,
Guillet). 1. Patron ou conducteur d’une
gabare. ‖ 2. Ouvrier qui charge ou
décharge des gabares.

2. gabarier [gabarje] v. tr. (de gabari, var.


de gabarit [v. ce mot] ; 1764, Duhamel du
Monceau, au sens 1 [var. gabaritter, 1678,
Jal, et gabariser, 1680, J.-B. Colbert] ; sens 2,
1907, Larousse). 1. Façonner conformément
à un gabarit. ‖ 2. Vérifier si les dimensions
données à un objet sont conformes à un
gabarit.

gabarit [gabari] n. m. (provenç. gabar-


rit, altér. [sous l’influence de gabarra,
v. GABARE] de garbi, modèle d’un bateau
à construire, proprem. « grâce, gentil-
lesse », puis « belle forme » [d’où « gaba-
rit »], gotique *garwi, préparation, dér. du
v. *garwon, arranger ; 1643, G. Fournier,
écrit gabari [gabarit, 1678, J.-B. Colbert], au
sens de « modèle d’un bateau à construire » ;
sens 1, 1865, Littré ; sens 2, 1877, Littré ;
sens 3, 1872, Larousse [gabarit ; gabarit de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2077

chargement, XXe s.] ; sens 4, 1872, Larousse


[pour un wagon, 1922, Larousse] ; sens 5,
XXe s. ; sens 6, 1891, Huysmans). 1. Modèle
en grandeur nature donnant le contour
d’une pièce de charpente d’un bateau.
‖ 2. Modèle servant à vérifier ou à contrô-
ler le profil ou les dimensions que doivent
avoir certains objets. ‖ 3. Gabarit de char-
gement, arceau sous lequel on fait passer
les wagons chargés pour s’assurer qu’ils
peuvent passer sous un tunnel, un pont,
ou croiser un train. ‖ 4. Par extens. Toute
dimension ou forme réglementée, en parti-
culier d’un véhicule : Gabarit d’un camion.
‖ 5. Fam. Corpulence d’une personne : Ce
que je voulais raconter, c’était comment ces
gens de plus en plus nombreux qui nous
dépassaient, dans le cortège, beaucoup du
même gabarit, des gens à qui on a fait faire
de la gymnastique, et jouer des coudes est
de leur profession, des costauds, assez bien
nourris... (Aragon). ‖ 6. Fig. Importance,
dimension, genre : Deux esprits du même
gabarit. Le Trocadéro a correspondu pour
moi à un certain idéal de sédentarisme,
d’exotisme, de poésie et de sécurité, à un
gabarit de l’indéfinissable, du raisonnable
et de l’aventureux (Arnoux).

• SYN. : 5 carrure, silhouette, stature ; 6


acabit, classe, espèce, modèle, nature, type,
valeur.

gabegie [gabʒi] n. f. (de gaber, proba-


blem. d’après tabagie ; 1790, Hébert, au
sens 2 [« désordre dans une administra-
tion »] ; sens 1 [et aussi « profit illicite »],
1807, J. F. Michel [écrit gabgie ; gabegie,
1829, Boiste]). 1. Vx. Fraude, fourberie :
« Qu’est-ce qu’une gabegie d’après toi ? —
Ça veut dire quelque chose de criminel, de
honteux » (Pagnol). ‖ 2. Gestion désordon-
née qui peut favoriser la fraude : Ce serait
une belle gabegie si les femmes mettaient le
nez dans les affaires de leurs maris (Soulié).
• SYN. : 2 gâchis, gaspillage, pagaille (fam.).

gabeleur [gabloer] n. m. (de gabelle [v. ce


mot] ; XIIIe s.). Autref. Employé de la gabelle.

gabelle [gabɛl] n. f. (anc. provenç. gabela,


impôt sur certaines denrées comme le drap,
le vin, le sel, etc. [XIIe s.], ar. qabāla, impôt,
fermage ; 1267, Layettes, au sens 3 ; sens 1,
v. 1360, Froissart ; sens 2, 1651, Scarron ;
sens 4, 1342, Ordonnance royale). 1. Impôt
sur le sel, sous l’Ancien Régime : Deux
mulets cheminaient, l’un d’avoine chargé,
| L’autre portant l’argent de la gabelle (La
Fontaine). ‖ 2. Adminisfration chargée de
percevoir cet impôt (au sing. ou au plur.) :
Croyez-vous que ce soit pour la noblesse
que des solitaires se sont faits nobles ? ils
ne sont pas si vains : c’est pour le profit
qu’ils en reçoivent. Cela ne leur sied-il pas
mieux que d’entrer dans les gabelles ? (La
Bruyère). Il n’y a plus de pauvres chez moi,
en dépit des commis des gabelles (Voltaire).
‖ 3. Impôt analogue sur d’autres denrées :

Gabelle de drap, de vin. ‖ 4. Grenier public


pour entreposer le sel.

gabelou [gablu] n. m. (forme régionale


[probablem. bourguignonne] de gabeleur
[v. ce mot] ; 1585, Du Fail, écrit gabeloux
[gabelou, 1732, Trévoux], comme terme
de mépris pour désigner les employés de
l’octroi ; sens 1, 1865, Littré ; sens 2, 1834,
Landais ; sens 3 [« toute personne qui lève
les impôts »], 1807, J. F. Michel). 1. Autref. et
péjor. Employé de la gabelle. ‖ 2. Autref. et
péjor. Employé de l’octroi de Paris. ‖ 3. Auj.
Employé des services de la douane ou de
l’administration des Contributions indi-
rectes : J’ai tenu tête à trois gabelous qui
avaient des sabres (Hugo). Le lendemain
matin, aux grilles de l’octroi, un chauffeur
se disputait avec le gabelou, discutant la
jauge de l’essence (Arnoux).

gaber [gabe] v. intr. (anc. scand. gabba,


railler, proprem. « ouvrir toute grande la
bouche » ; v. 1050, Sponsus [mot désuet dès
le XIVe s., qui ne semble pas être attesté entre
1690, Furetière, et le début du XIXe s.]). Vx.
Se moquer, railler : Voilà Lucien gabant,
sautillant, léger de bonheur, qui débouche
sur la terrasse (Balzac).

gabeur [gaboer] adj. et n. m. (de gaber [v.


ce mot] ; v. 1160, Roman de Tristan, écrit
gabeor ; gabeur, XIIIe s. [le mot ne semble
pas être attesté entre 1675, Widerhold, et
1826, Brillat-Savarin]). Vx. Qui se moque :
Tous ces clercs, rieurs, gabeurs, spirituels,
profonds, incisifs, perspicaces (Balzac).

gabie [gabi] n. f. (provenç. gabia, pro-


prem. « cage », lat. cavea, cavité, cage, dér.
de cavus, creux, creusé, profond ; fin du
XVe s.). Dans la marine ancienne, demi-
hune en caillebotis, placée au sommet d’un
mât à antennes.

gabier [gabje] n. m. (de gabie [v. l’art. pré-


céd.] ; 1678, Guillet). Matelot préposé aux
voiles et au gréement : Après quelques coups
de feu, dont les gabiers dans les enfléchures
annonçaient le résultat, elle [la baleine]
n’avait pas encore été touchée (Daudet).
Attentif aux gabiers en vigie à la hune...
(Heredia).

gabion [gabjɔ̃] n. m. (ital. gabbione, grand


panier, augment. de gabbia, cage, lat. cavea
[v. l’art. précéd.] ; 1543, Anciennes poésies
fr., au sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens
3, fin du XIXe s.). 1. Vx. Grand panier cylin-
drique sans fond, rempli de terre et servant
de protection dans la guerre de tranchées.
‖ 2. Dans certaines régions, grand panier
à deux anses utilisé pour transporter du
fumier, de la terre, etc. ‖ 3. Hutte installée
sur le bord d’un marais pour la chasse au
gibier d’eau.

gabionnage [gabjɔnaʒ] n. m. (de gabion-


ner ; 1832, Raymond). Action de fabriquer
ou de poser des gabions.

gabionner [gabjɔne] v. tr. (de gabion ;


1546, Rabelais). Protéger au moyen de
gabions.

gable ou gâble [gɑbl] n. m. (gaulois


*gabulum, potence, gibet ; fin du XIIe s.,
Simund de Freine, au sens de « pignon » ;
sens actuel, 1869, Viollet-le-Duc). Dans
l’architecture gothique, sorte de fronton
triangulaire posé sur l’arc d’une baie et
qui l’encadre : À partir du XIIIe s., le gable
est très ajouré et orné de fleurons.

gâchage [gɑʃaʒ] n. m. (de gâcher ; 1807,


Oppenheim, au sens 1 ; sens 2, 1900, Dict.
général). 1. Action de gâcher du plâtre.
‖ 2. Fig. Action de gaspiller.

• SYN. : 2 galvaudage (fam.), gaspillage,


perte.

1. gâche [gɑʃ] n. f. (francique *gaspia,


boucle ; 1294, Godefroy, écrit gaiche, au
sens de « crampon » ; sens actuel, 1489,
Ordonnance royale, écrit gasche [gâche,
XVIIe s.]). Pièce métallique où s’engage le
pêne d’une serrure, pour maintenir une
porte fermée : Depuis le dernier terme,
Octave demandait au propriétaire une
petite réparation, deux vis neuves pour la
gâche de sa serrure, qui branlait dans le
bois (Zola).

2. gâche [gɑʃ] n. f. (déverbal de gâcher ;


1376, Du Cange, écrit gaiche, au sens de
« aviron » ; écrit gâche, au sens 1, 1636,
Monet ; sens 2, 1680, Richelet). 1. Outil de
maçon servant à gâcher le plâtre. ‖ 2. Par
anal. Spatule de pâtissier.

gâcher [gɑʃe] v. tr. (francique *waskôn,


laver ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
écrit guaschier, au sens de « souiller mora-
lement » ; XIIIe s., Roman de Renart, écrit
gacier, au sens de « faire éclabousser » ; 1307,
Fagniez, écrit gaschier, au sens de « pas-
ser à l’eau, laver sommairement » ; sens 1,
v. 1320, Roman de Fauvel, écrit gaschier
[gascher, XVe s. ; gâcher, XVIIe s.] ; sens 2,
1808, d’Hautel ; sens 3, 1872, Larousse
[gâcher, « donner sa marchandise à trop
bon marché, travailler à trop bon compte »,
1741, Savary des Bruslons] ; sens 4, 1872,
Larousse [gâcher le plaisir, la joie de
quelqu’un, début du XXe s.]). 1. Délayer du
mortier, du plâtre avec de l’eau : Pourquoi
ne prenait-elle pas un maçon, un homme
d’attache habitué à gâcher solidement son
plâtre (Zola). ‖ 2. Faire quelque chose gros-
sièrement, sans soin : Gâcher un travail.
La lente pourriture parlementaire avait
grandi [...] ; le nouveau maître gâchait
la même besogne que le précédent avait
gâchée, forcément oublieux des programmes
et des promesses, dès qu’il régnait (Zola).
‖ 3. Fam. Gâcher le métier, travailler à trop
bon marché : HelemBey ? Un fumiste, qui
a gâché le métier (Queneau). ‖ 4. Perdre
quelque chose par un mauvais emploi : Je
me demandais si me marier avec Albertine
ne gâcherait pas ma vie (Proust). Pour le
moment il devait se contenter de gâcher
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2078

leurs loisirs en commandant des marches,


des revues (Dorgelès). Gâcher son temps,
son argent. Gâcher un beau sujet. ‖ Gâcher
le plaisir, la joie de quelqu’un, y faire obs-
tacle en le contrariant : Gérard a voulu être
des nôtres, de sorte que notre joie est gâchée
(Gide).

• SYN. : 2 bâcler, bousiller (fam.), cochon-


ner (pop.), massacrer (fam.), saboter, sabrer
(fam.) ; 4 galvauder (fam.), gaspiller, gâter.

— CONTR. : 2 fignoler (fam.), lécher (fam.),


parachever, perler, soigner ; 4 économiser,
épargner, garder ; exploiter, jouir de, pro-
fiter de.

gâchette [gɑʃɛt] n. f. (de gâche 1 ; XVe s.,


Dict. général, écrit guaschette [gaschette,
v. 1560, Paré ; gâchette, 1676, Félibien], au
sens 1 ; sens 2, 1762, Encyclopédie). 1. Petite
pièce d’une serrure fixée sous le pêne pour
lui servir d’arrêt à chaque tour de clef.
‖ 2. Pièce du mécanisme intérieur d’une
arme à feu, immobilisant le percuteur et
actionnée par la détente. (Souvent employé
improprement pour DÉTENTE.)

gâcheur, euse [gɑʃoer, -øz] n. (de


gâcher ; 1292, Dict. général, écrit gascheeur
[gâcheur, XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse [« celui qui vend ou travaille à vil
prix », 1741, Savary des Bruslons ; « celui qui
gâche un ouvrage, etc. », 1808, d’Hautel]).
1. Manoeuvre qui gâche le plâtre. ‖ 2. Fig.
Personne qui travaille négligemment.
‖ Personne qui gaspille faute d’ordre, de
soin : Un gâcheur d’argent (Barrès). Une
affection profonde et sûre que j’ai eu la folie
de laisser perdre comme une gâcheuse que
je suis (Daudet).

• SYN. : 2 gaspilleur.

& gâcheuse n. f. (XXe s.). Pop. Femme qui


gâche le plaisir de son entourage par son
manque de simplicité.

gâchis [gɑʃi] n. m. (de gâcher [v. ce mot] ;


1373, Lespinasse, écrit gascheiz, au sens de
« gros drap à l’usage des paysans » ; 1564,
J. Thierry, écrit gaschis, aux sens de « eau
qu’on a jetée par mégarde, action de jeter de
l’eau » ; 1636, Monet, écrit gâchis, au sens de
« action de délayer la chaux » ; sens 1, 1660,
Oudin ; sens 2, 1655, Borel ; sens 3, 1777,
Bachaumont). 1. Mortier fait de plâtre, de
sable, de chaux, etc., détrempé avec de
l’eau : De l’eau avait coulé, des baquets
boueux traînaient, un gâchis de plâtre salis-
sait tout un coin (Zola). ‖ 2. Terre détrem-
pée : Il traversait de véritables mares, que
le gâchis boueux des pieds révélait seul
(Zola). ‖ 3. Fig. et fam. Désordre dans les
affaires, situation confuse, embrouillée :
J’ai vu le chaos, je vois le gâchis (Hugo).
« L’innommable gâchis du monde moderne
n’est pas seulement d’ordre matériel... »,
commença Jacques sourdement (Martin
du Gard).

• SYN. : 2 boue, fange, gadoue ; 3 anarchie,


chaos, gabegie (fam.), pagaille (fam.).

gadget [gadʒɛt] n. m. (mot anglo-amé-


ric. [fin du XIXe s.], d’abord employé dans
l’argot des marins et peut-être empr. au
franç. gâchette [qui s’appliquait à divers
mécanismes] ; v. 1955). Petit objet pra-
tique, original, amusant par son caractère
de nouveauté.

gadin [gɑdɛ̃] n. m. (probablem. var. de


galet, au sens de « petit palet poussé sur
un billard » [1838, G. Esnault] ; 1867,
G. Esnault, au sens de « bouchon » [jeu
d’adresse], et 1877, au sens actuel). Pop.
Chute : Ramasser un gadin. Un mois plus
tard j’ai repassé par le pays où vous aviez
ramassé votre gadin (Arnoux).

gadouard [gadwar] n. m. (de gadoue ;


1578, L. Joubert). Vx. Vidangeur : Il faudra
se laver les mains après cette bataille, car
vous aurez combattu contre des gadouards
(Voltaire).

gadoue [gadu] n. f. (origine obscure ;


XVIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1920,
Bauche ; sens 3, milieu du XXe s. ; sens 4,
1867, Delvau). 1. Engrais formé de matières
fécales et d’immondices : L’abondance de
la gadoue nuisit aux fraisiers (Flaubert).
‖ 2. Terre détrempée, fangeuse : Les actes
d’héroïsme qu’elle [la guerre] a pu susci-
ter restent noyés dans l’horreur. Ils ont
été accomplis au fond des tranchées dans
la gadoue et le sang (Martin du Gard).
Patauger dans la gadoue. ‖ 3. Fig. et fam.
Situation politique ou économique désas-
treuse. ‖ 4. Vx et pop. Femme malpropre
ou prostituée : Tous les jours, les larbins
des Tuileries ramassent votre patron sous la
table, entre deux gadoues du grand monde
(Zola).

• SYN. : 2 boue, bourbe, crotte (très fam.),


fange, vase ; 3 bourbier, gabegie, gâchis.

• REM. La forme fam. GADOUILLE (1920,


Bauche) est fréquente aux sens 2 et 3 : Il
faut s’attendre à ce que, après la guerre,
encore que vainqueurs, nous plongions
dans une telle gadouille que seule une dic-
tature bien résolue nous en puisse sortir
(Gide).

gaélique [gaelik] adj. (angl. gaelic, de


Gael, Gaël, habitant du nord de l’Écosse ;
av. 1850, Balzac). Relatif aux Gaëls : Ils
s’efforcent de conserver les traditions du
langage et des moeurs gaéliques (Balzac).
& n. m. (1865, Littré). Groupe de la
langue celtique, comprenant notamment
l’irlandais.

1. gaffe [gaf] n. f. (anc. provenç. gaf, croc,


gaffe [XIVe s.], déverbal de gafar [v. GAFFER
1] ; fin du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1611,
Cotgrave). 1. Perche munie d’un croc et
d’une pointe métallique, utilisée dans la
manoeuvre d’une embarcation : On ne
comprit ce qu’il voulait dire qu’en le voyant
lâcher ses rames tout à coup, et du bout de sa
gaffe accrocher le dernier bateau d’un long
train de remorque (Daudet). ‖ 2. Crochet

métallique avec lequel on pique le poisson


pour le sortir de l’eau.

2. gaffe [gaf] n. f. (déverbal de gaffer 1, au


sens, probablem. développé dans la langue
des marins, de « commettre une indéli-
catesse » ; 1872, Larousse). Fam. Action,
parole intempestive ou maladroite : De
plus, chez Saint-Loup cette tendance était
fortifiée par son habitude, quand il avait
commis une indiscrétion, fait une gaffe, et
qu’on aurait pu les lui reprocher, de les pro-
clamer en disant que c’était exprès (Proust).
Après quoi, craignant d’avoir blessé cet
homme, il s’était mis l’esprit à l’alambic
pour réparer sa gaffe (Montherlant).

• SYN. : bêtise (fam.), bévue, boulette (fam.),


bourde (fam.), erreur, impair, maladresse.

3. gaffe [gaf] n. f. (déverbal de gaffer 3 ;


1821, Ansiaume, au sens de « soldat en fac-
tion » [var. gaffre, « sergent du guet », 1455,
Coquillards] ; 1916, G. Esnault, au sens de
« faction » [porter gaffe, « faire sentinelle »,
1862, V. Hugo] ; faire gaffe, au sens actuel,
1926, G. Esnault). Pop. Faire gaffe, faire
attention.

1. gaffer [gafe] v. tr. (anc. provenç. gafar,


saisir [XIIIe s.], gotique *gaffôn, même sens,
mot de la même famille que l’anc. scand.
gabba [v. GABER] ; 1694, Th. Corneille).
Accrocher avec une gaffe.

2. gaffer [gafe] v. intr. (de gaffe 1 ; 1883,


G. Esnault). Fam. Commettre une mala-
dresse, une bévue : D’abord je n’y connais
rien et je gafferais, ensuite je ne veux pas me
couvrir de ridicule (Huysmans). Dites-moi,
si vous voulez, que j’ai été maladroit dans
ma façon de vous présenter la situation,
que j’ai gaffé (Romains).

3. gaffer [gafe] v. tr. (de gaffe 1 ; 1829,


Vidocq, au sens de « rester en attente » ;
1837, Vidocq, au sens de « guetter » [pro-
prem. « accrocher du regard »] ; sens
actuel, 1879, Esnault). Pop. Regarder avec
attention.

& v. intr. (1901, Bruant). Pop. Ouvrir l’oeil,


guetter.

gaffeur, euse [gafoer, -øz] n. et adj.


(de gaffer 2 ; 1887, G. Esnault). Fam. Qui
commet des gaffes : Trop gaffeuse, la bonne
femme ; il l’aimait mieux loin de ses affaires
personnelles (Daudet). Comme elle faisait
de la tête un petit signe rébarbatif qui n’en
était pas moins un petit signe d’acquiesce-
ment, le gaffeur laissa filer un long soupir
de soulagement (Duhamel).

• SYN. : balourd, butor, maladroit.

gag [gag] n. m. (mot anglo-améric. signif.


« plaisanterie, blague », probablem. d’ori-
gine onomatop. ; 1922, J. Giraud). Au
cinéma, effet comique jouant sur la sur-
prise : Je n’étais que Triplepatte. Après le
gag de l’entrée dans la cuisine, je suis aussi
Charlot (Montherlant). C’est un gag pour
un film comique, ça (Queneau).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2079

gaga [gaga] n. et adj. (de gag-, onomatop.


[existant dans plusieurs langues] qui évoque
le bredouillement de personnes retombées
en enfance ; 1879, A. Daudet). Fam. et péjor.
Personne retombée en enfance : Il a un
excellent chic, et une impayable bobine de
gaga de la plus haute lignée (Proust).

• SYN. : gâteux, ramolli (fam.), sénile.

gage [gaʒ] n. m. (francique *waddi, gage


[latinisé en wadium, à l’époque mérovin-
gienne] ; XIIe s., Lois de Guillaume, écrit
wage, guage [gage, XIIe s., Ronce-vaux], au
sens 1 ; sens 2, début du XVe s., Ch. d’Or-
léans ; sens 3, 1669, Racine ; sens 4, 1549,
R. Estienne ; sens 5, 1865, Littré ; sens
6, fin du XIIe s. [gage ; wage de bataille,
1246, Runkewitz ; gage de bataille, v. 1283,
Beaumanoir]). 1. Objet, généralement
mobilier, remis en dépôt pour garantir le
paiement d’une dette : Prêter, emprunter
sur gages. Il mettait en gage les livrées de
ses deux Savoyards, ses deux montres, ses
bagues et son linge (Chateaubriand). C’était
une ancienne [...] prêteuse sur gages chez
laquelle il s’était donné des rendez-vous
de galants et de grandes dames (Nerval).
‖ 2. Fig. Tout ce qui représente une garan-
tie : Un gage de fidélité, de bonne foi. Porter
de la poudre dans les cheveux comme gage
de bons sentiments politiques (Stendhal).
La prière nous sauve après nous faire vivre,
| Elle est le gage sûr et le mot qui délivre
(Verlaine). ‖ 3. Class. Gage (d’amour),
enfant : D’aucun gage, Narcisse, ils [les
dieux] n’honorent sa couche, | L’empire
vainement attend un héritier (Racine).
‖ 4. Dans certains jeux de société, objet
que le joueur dépose, quand il a commis
une faute, et qu’il ne peut reprendre qu’en
accomplissant une pénitence. ‖ 5. Dans
une contestation, enjeu déposé par les
différentes parties, pour être remis à celle
qui aura gain de cause. ‖ 6. Vx. Gage de
bataille, de combat, gant jeté en signe de
défi.

• SYN. : 1 cautionnement, nantissement ;


2 assurance, caution, preuve, témoignage.
& gages n. m. pl. (sens 1, v. 1155, Wace ;
sens 2, av. 1660, Scarron [casser des gages,
même sens, 1486, Ordonnance royale] ; sens
3, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné [être aux
gages de, au pr. et au fig. ; se mettre aux
gages de, av. 1848, Chateaubriand] ; sens 4,
1713, Hamilton [sans nuance péjor., fin du
XVe s., Commynes]). 1. Somme convenue
que l’on donne à un serviteur pour une
période de travail déterminée : Parfois, les
gages des domestiques se trouvant arriérés,
elle craignait de comprendre, dans le retard
d’un ordre, dans un regard un peu moins
humble, le mécontentement d’un servi-
teur (Daudet). ‖ 2. Class. et littér. Casser
quelqu’un aux gages, lui retirer son emploi
ou sa confiance : Je croyais que [...] vous
nous aviez cassés aux gages (Racine). Les
choses pourtant s’envenimèrent au point
qu’il se décida à un grand parti, cassa aux

gages Costecalde et ses deux séides (Daudet).


‖ 3. Être, se mettre aux gages de quelqu’un,
être, se mettre à son service moyennant
une rétribution ; par extens., être, se mettre
sous sa dépendance : On ne s’explique pas
de prime abord comment des hommes que
leurs noms rendaient bêtes à force d’or-
gueil s’étaient mis aux gages d’un parvenu
(Chateaubriand). ‖ 4. Péjor. À gages, qui
est payé pour faire ce qu’il fait : Un tueur
à gages. Ils braillaient en trois tons divers,
ceci au grand émoi d’un pianiste à gages
(Courteline).

• SYN. : 1 rémunération, rétribution, salaire.

gager [gaʒe] v. tr. (de gage ; 1080, Chanson


de Roland, écrit gagier [gager, XIVe s.], au
sens I, 1 ; sens I, 2, XVe s., Nouvelles fran-
çaises inédites [avec ellipse du pronom
je, 1655, Molière] ; sens I, 3, début du
XIIIe s., Raoul de Houdenc ; sens I, 4, 1872,
Larousse ; sens II, 1, v. 1360, Froissart ; sens
II, 2, 1580, Montaigne).

I. 1. Class. Dans une contestation, dé-


poser quelque chose comme gage : Je
gage cent pistoles que c’est toi (Molière).
‖ 2. Class. et littér. Parier : Gageons, dit
celle-ci [la Tortue], que vous n’atteindrez
point | Sitôt que moi ce but (La Fontaine).
Cette fois, j’ai gagé que je t’emmènerai
(Musset). ‖ (avec ellipse du pronom
« je ») Class. Gage que, je parie que :
« Gage qu’il se dédit. — Et moi gage que
non » (Molière). ‖ 3. Promettre de s’en-
gager à : Vous voudriez qu’elle fût par-
faite ; avait-elle gagé de l’être au sortir du
couvent ? (Sévigné). ‖ 4. Garantir par un
gage : Le franc ne vaut que quatre sous,
mais il est gagé par une immense réserve
d’or (Mauriac).

II. 1. Class. et littér. Payer un domes-


tique : Je suis auprès de lui gagé pour
serviteur (Molière). Si j’étais leur mère,
je gagerais un petit bout de servante (Pé-
rochon). ‖ 2. Class. et littér. Payer pour
un service : [La royauté] Enrichit le mar-
chand, gage le magistrat (La Fontaine). Il
passait pour être l’amant gagé d’une reine
exilée et très légère (Daudet).

gageure [gaʒyr] n. f. (de gager ; XIIIe s.,


Recueil des fabliaux, au sens 1 ; sens 2, 1865,
Littré [« rachat de gage », XVIe s. ; « objet
engagé », 1636, Monet] ; sens 3, 1835, Acad.
[c’est une gageure, 1837, Musset ; tenir sa
gageure, av. 1869, Sainte-Beuve]). 1. Class. et
littér. Convention par laquelle on s’engage à
payer tel gage si l’on perd un pari : Je gageai
que c’était Trissotin en personne, | Et je vis
qu’en effet la gageure était bonne (Molière).
Je fus entraîné [...] dans un déjeuner de gar-
çon. Ce repas était la suite d’une gageure
perdue par un de mes camarades (Balzac).
Ils firent à l’envi des gageures (France).
Soutenir, accepter, tenir une gageure.
‖ 2. La chose que l’on a gagée : Payer sa
gageure. ‖ 3. Fig. Acte, projet si étrange ou
si difficile qu’il semble l’effet d’un pari : Dès

lors, Mme Bovary — une gageure, une vraie


gageure, un pari, comme toutes les oeuvres
d’art — était créée (Baudelaire). Les néo-
classiques tentaient une gageure (Romains).
‖ C’est une gageure, c’est un défi au bon
sens, c’est un tour de force. ‖ Tenir sa
gageure, réussir le projet entrepris.

gagiste [gaʒist] n. (de gage ; 1680, Richelet,


au sens I, 1 ; sens I, 2, 1872, Larousse ; sens
II, 1900, Dict. général).

I. 1. Personne payée pour rendre certains


services : Un gagiste, une espèce d’homme
de lettres commis (Hugo). L’inanité des
réformes trompettées par les gagistes du
ministère sacristain (Daudet). ‖ 2. Spé-
cialem. Musicien engagé dans une mu-
sique de régiment, mais non lié par le
service militaire.

II. Personne qui détient quelque chose


à titre de gage ; et adjectiv. : Créancier
gagiste.

gagnable [gaɲabl] adj. (de gagner [v. ce


mot] ; v. 1150, Godefroy, écrit gaaignable
[gaignable, XIIIe s. ; gagnable, XVe s.], au sens
de « cultivable, labourable » ; sens actuel,
1721, Trévoux). Que l’on peut gagner (rare) :
« Mon procès est-il gagnable ? — Sur tous
les chefs », répondit Derville (Balzac). La
partie n’est pas gagnable.

gagnage [gaɲaʒ] n. m. (de gagner [v. ce


mot] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit
guaaignage [gaignage, XIIIe s. ; gagnage,
1573, Du Puys], au sens de « terre de
labour » ; sens 1, 1389, La Curne ; sens 2,
1625, Racan). 1. Champs voisins de bois, où
le gibier va chercher la nourriture. ‖ 2. Vx
ou dialect. Lieu où vont paître les bestiaux.

gagnant, e [gaɲɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés. de


gagner [v. ce mot] ; 1226, Courtois d’Arras,
dans la loc. bien gaagnant, « industrieux » ;
sens actuel [écrit gagnant], 1660, Oudin).
La personne qui gagne : Le gagnant ne
semblait jamais plus gai que le perdant
(Colette).

& adj. (1798, Acad.). Qui fait gagner au jeu,


dans une loterie, une course, etc. : Numéro
gagnant.

gagne-denier [gaɲdənje] n. m. (de gagne,


forme du v. gagner, et de denier ; 1515,
Isambert, au sens 2 ; sens 1, 1865, Littré).
1. Vx. Celui qui faisait des commissions
pour autrui, ordinairement au tarif d’un
denier par livre. ‖ 2. Vx. Celui qui gagne
sa vie au jour le jour, sans avoir de métier
spécial : Les gagne-deniers sans occupation
de Paris et des alentours (Goncourt).

gagne-pain [gaɲpɛ̃] n. m. invar. (de


gagne, forme du v. gagner [v. ce mot], et
de pain ; 1285, J. Bretel, écrit wagnepan,
au sens de « petit gantelet de tournoi »
[« car par li est gagniés li pains »] ; XIIIe s.,
écrit gaaignepain, au sens de « ouvrier qui
reçoit un très petit salaire » ; sens 1 [écrit
gagne-pain], 1606, Nicot ; sens 2, 1865,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2080

Littré). 1. Travail, instrument qui permet


à quelqu’un de gagner sa vie : Il ne voyait
aucune raison pour changer de gagne-pain
(Hugo). Ils [les artistes] deviennent aisé-
ment les familiers et les amis des grands
seigneurs [...]. Seulement, il faut qu’ils
apportent leur instrument, leur gagne-pain :
c’est là le collier (Nerval). Tant de pauvres
femmes pour qui ce serait un gagne-pain
(Gide). ‖ 2. Personne qui, par son travail,
assure la vie d’autres personnes.

• SYN. : 1 emploi, place ; 2 soutien.

gagne-petit [gaɲpəti] n. m. invar. (de gagne,


forme du v. gagner, et de petit, adv., « peu » ;
avril 1597, Édit royal, au sens 2 ; sens 1,
1640, Oudin). 1. Personne dont le métier
rapporte peu : Après ça, il faut bien quelque
chose à ceux qui sont en bas, aux va-nu-
pieds, aux gagne-petit (Hugo). ‖ 2. Vx.
Rémouleur ambulant.

gagner [gaɲe] v. tr. (francique *waidan-


jan, se procurer de la nourriture, faire
du butin ; v. 1130, Eneas, écrit guaai-
gnier [gaaignier, v. 1155, Wace ; gaigner,
XIIIe s. ; gagner, XVIe s.], au sens de « culti-
ver [la terre], labourer » ; v. 1140, Bartsch,
au sens de « faire du butin, piller » ; sens
I, 1, v. 1175, Chr. de Troyes [bien gagner,
1611, Cotgrave] ; sens I, 2, début du XVe s.,
Ch. d’Orléans ; sens II, 1, 1580, Montaigne
[aussi gagner du temps — d’abord gagner
le temps, début du XVIe s.] ; sens II, 2,
1538, R. Estienne ; sens II, 3, fin du XVe s.,
Commynes ; sens II, 4, v. 1265, J. de Meung ;
sens II, 5, 1553, Bible Gérard ; sens III, 1,
1679, Bossuet ; sens II, 2, 1636, Corneille ;
sens III, 3, 1560, Bible Rebul ; sens III, 4,
v. 1283, Beaumanoir ; sens III, 5, 1670,
Molière [avoir partie gagnée, XXe s.] ; sens
III, 6, fin du XIIe s., Aiol [gagner quelqu’un
de vitesse, 1762, Acad.] ; sens III, 7, v. 1673,
Retz ; sens III, 8, v. 1380, Aalma ; sens III,
9, 1646, d’après Richelet, 1680 ; sens IV,
1, XVe s., Basselin [gagner le large, 1862,
Fromentin ; gagner au haut, 1668, La
Fontaine — gagner le haut, même sens,
1549, R. Estienne ; gagner au pied, début
du XVIe s.] ; sens IV, 2, 1256, Ald. de Sienne,
puis milieu du XVIe s., Amyot).

I. 1. Acquérir un profit matériel par son


activité : Je veux gagner quelques bons
petits millions à vendre mes boeufs (Bal-
zac). Il écrivit [...] pour savoir [...] com-
bien par année gagnait son prédécesseur
(Flaubert). Gagner de l’argent. Gagner
son pain, sa vie. ‖ Bien gagner, mériter :
Il a bien gagné son argent. Il a bien gagné
de se reposer un peu. Un cheval qui a bien
gagné son avoine. ‖ 2. Obtenir un profit
par l’effet du hasard : Gagner un gros lot
à une tombola.

II. 1. Acquérir un certain avantage : Ga-


gner une bonne réputation. Il arriva que je
gagnai une grande science (Sainte-Beuve).
‖ Il y a tout à gagner à, il n’y a que des
avantages à : Pour une femme au-dessus

du vulgaire, il y a tout à gagner à avoir des


manières fort réservées (Stendhal). ‖ Ga-
gner du temps, faire une économie de
temps, notamment pour un travail : Une
organisation rationnelle permet de gagner
du temps différer une échéance, tempo-
riser : Gagner du temps est un grand art
quand on n’est pas prêt (Chateaubriand).
‖ 2. Ironiq. Acquérir involontairement
quelque chose de fâcheux : Gagner un
bon rhume. Il gagnait de l’énervement
à peser le pour et le contre (Courteline).
‖ 3. Fig. Attirer les dispositions favo-
rables de quelqu’un : Gagner l’estime, les
bonnes grâces, les suffrages de quelqu’un.
Enfin, c’est un amant plein de délicatesse
qui, pour gagner le coeur d’une femme, lui
adresse des compliments par usage, et des
injures par distraction (Musset). ‖ 4. At-
tirer, se concilier la personne elle-même :
M. de Talleyrand sut gagner Benjamin
Constant et il en aurait gagné de plus fins
(Thiers). Une distinction [...] qui m’avait
[...] gagné à lui (Sainte-Beuve). L’idée
d’exploiter la grève, de gagner à l’Inter-
nationale les mineurs qui, jusque-là,
s’étaient montrés méfiants (Zola). ‖ 5. Vx
et péjor. Corrompre : Se laisser gagner à
prix d’or. La sentinelle à la porte d’eau
avait été gagnée moyennant un sac de dix
livres d’or (Balzac).

III. 1. Conquérir l’avantage dans une


compétition : Gagner une course. ‖ Ob-
tenir la récompense qui sanctionne une
victoire : Gagner un prix, une coupe,
un titre. ‖ 2. Class. Obtenir la main
d’une femme pour le prix d’une action :
Rodrigue t’a gagnée et tu dois être à lui
(Corneille). ‖ 3. Class. Gagner quelque
chose sur quelqu’un, l’obtenir de lui : Il ne
gagnera rien sur ce juge irrité (Boileau).
‖ 4. Remporter un succès, une victoire :
Gagner une bataille, la guerre, un pro-
cès, un championnat. Gagner une partie
de cartes. Il [l’avoué] entreprit ce procès
moyennant un forfait et le gagna (Balzac).
‖ 5. Class. Triompher de quelque chose,
l’emporter : Vous ne vous rebutez point,
et pied à pied vous gagnez mes résolu-
tions (Molière). ‖ Avoir partie gagnée,
être assuré de réussir. ‖ 6. L’emporter
sur un adversaire : Gagner quelqu’un à
la course. ‖ Gagner quelqu’un de vitesse,
le devancer : Allons, se dit Jacques Collin,
je suis cuit, ils y sont [Peyrade et Cernu-
tin]. Il faut les gagner de vitesse (Balzac).
‖ 7. Class. Gagner quelqu’un de la main,
se montrer plus habile, plus rapide que
lui : Si la Reine l’avait gagné de la main
une fois, il le lui saurait bien rendre
(Retz). ‖ 8. Conquérir par ses efforts,
ses mérites : Donnez-leur, ô mon Dieu, la
résignation [...], | Afin qu’au jour suprême
ils gagnent l’indulgence | De l’Agneau for-
midable en la neuve Sion (Verlaine). C’est
tout seul que chacun de nous doit gagner
Dieu (Gide). Gagner le ciel. Gagner ses
galons. ‖ 9. Gagner du terrain, avancer,

progresser (au pr. et au fig.) : L’ennemi a


gagné du terrain. L’incendie gagne du ter-
rain. Les idées révolutionnaires ont gagné
du terrain dans les jeunes esprits.

IV. 1. Avancer vers un lieu, vers une posi-


tion et l’atteindre : Je gagne le tillac à demi
noyé (Chateaubriand). De là [...] on gagne
la sauvage pointe du Raz (Maupassant).
Le feu a gagné la maison voisine. ‖ Fig.
Gagner le large, s’éloigner rapidement
d’un lieu dangereux. ‖ Class. et fam.
Gagner au pied, gagner au haut, s’enfuir :
Monsieur, gagnons au pied ; je ne vois rien
pour vous, | Si ce n’est des gros mots et,
possible, des coups (Quinault). Le galant
aussitôt | Tire ses grègues, gagne au haut
(La Fontaine). ‖ 2. Fig. Envahir, se com-
muniquer à : Une noble rougeur me gagna
(Sainte-Beuve). Sa surprise me gagnait
(France). Prends en pitié surtout ma dé-
bile raison | Et ce désespoir qui la gagne
(Apollinaire). Cette doctrine a gagné de
nouveaux milieux. L’épidémie a gagné la
province.

• SYN. : I, 1 percevoir, toucher ; 2 empocher


(fam.), encaisser (fam.), ramasser (fam.).
‖ II, 1 obtenir, rapporter, retirer ; 2 attra-
per, chiper (fam.), contracter, piquer (fam.),
prendre, récolter (fam.) ; 3 s’attirer, capter,
se concilier, conquérir ; 4 amadouer (fam.),
amener, captiver, envoûter, rallier, séduire ;
5 circonvenir, suborner. ‖ III, 1 décrocher
(fam.), remporter ; 6 surclasser, triompher
de, vaincre ; 8 mériter ; 9 avancer, s’étendre,
progresser. ‖ IV, 1 aborder, accéder, arri-
ver, parvenir, toucher ; 2 s’emparer de,
se propager, se répandre. — CONTR. : I, 2
perdre. ‖ II, 2 couper à (fam.), échapper à,
se préserver de ; 3 s’aliéner ; 4 détourner,
écarter, éloigner. ‖ III, 4 perdre ; 9 battre
en retraite, reculer, refluer, se replier. ‖ IV,
1 partir de, quitter, venir, de ; contourner,
éviter ; 2 abandonner, déserter, s’éloigner.
& v. intr. (sens 1, XIIIe s., Roman de Renart ;
sens 2, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens
3, av. 1696, La Bruyère [gagner à ; gagner
en, 1900, Dict. général — gagner, « avan-
cer en crédit, en considération », 1678,
La Fontaine]). 1. Obtenir un avantage,
l’emporter dans un jeu, dans une compé-
tition : Jouer à qui perd gagne. Vous verrez,
là où les autres doivent perdre tôt ou tard,
vous gagnerez toujours (Balzac). Un jour
que j’avais gagné, un gars de l’Alsace me
chercha querelle (Mérimée). Gagner aux
courses, à la loterie. ‖ 2. Y gagner, gagner
à (et un nom), à ce que (et le subjonctif),
trouver du bénéfice, un avantage à quelque
chose : Si vous acceptez ces conditions, vous
y gagnerez. J’ai gagné au change. Il gagnera
à ce qu’on ne sache rien. ‖ 3. Gagner à (et
l’infinitif), en (et le participe présent),
prendre de l’avantage, s’améliorer : Le vin
gagne à vieillir, gagne en vieillissant. Un
homme qui gagne à être connu.

• SYN. : 1 triompher, vaincre. — CONTR. :


1 perdre.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2081

& se gagner v. pr. (sens 1, 1865, Littré ; sens


2, 1680, Mme de Sévigné). 1. Être gagné ou
pouvoir être gagné : De l’argent qui se
gagne facilement. ‖ 2. Se communiquer,
être contagieux : Maladie, habitude qui se
gagne. Cela se gagne ces attaques mystiques,
comme la crise nerveuse qui abat parfois
sur leur lit d’hôpital toute une rangée de
malades (Daudet).

gagneur, euse [gaɲoer, -øz] n. (de gagner


[v. ce mot] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
écrit gaaigneor ; gaigneur, v. 1361, Oresme ;
gagneur, XVIe s.). Personne qui gagne, qui
obtient un avantage, un profit (rare) : Il
faut se souvenir que Bonaparte ne fit pas
plus de bruit en se rendant de Fontainebleau
à Toulon, que la France ne s’émut pas
davantage, et que le gagneur de tant de
batailles faillit d’être massacré à Orgon
(Chateaubriand). Nous désirons qu’on ait
présent à la mémoire | Que nos pères étaient
des conquérants de gloire, | Des chercheurs
d’horizon, des gagneurs d’avenir (Hugo).
Il était, sans vouloir se l’avouer, flatté par
le ton de Joseph, par la réelle timidité que
marquait soudain ce brutal, cet ogre, ce
terrible gagneur d’or (Duhamel).
gai, e [ge] adj. (gotique *gâheis, impé-
tueux ; v. 1175, Chr. de Troyes, au sens 1
[gai, « ivre », 1611, Cotgrave ; être un peu
gai, 1775, Voltaire ; avoir le vin gai, 1740,
Acad.] ; sens 2, v. 1354, Modus [var. jai,
XIIIe s., La Curne] ; sens 3, 1393, Gay ; sens
4, XIVe s., Cuvelier). 1. Qui est d’humeur
riante : Les gens occupés et ambitieux n’ont
pas le temps d’être gais (Sainte-Beuve). Tu
étais gai, libre, heureux (Musset). ‖ Fam.
Une personne un peu gaie, mise en belle
humeur par une légère ivresse. ‖ Avoir le
vin gai, manifester de la bonne humeur
quand on a un peu bu. ‖ 2. Qui inspire
la gaieté : Un auteur gai. Un temps gai. La
mer était gaie au soleil (Hugo). ‖ 3. Se dit
d’un coloris clair et frais : Une tapisserie
aux couleurs gaies. ‖ 4. Où règne la gaieté :
Le dîner fut gai (Balzac).

• SYN. : 1 badin, enjoué, folâtre, guilleret,


jovial, joyeux, ravi, réjoui, rieur, sémillant,
souriant ; 2 agréable, comique, émoustillant,
enchanteur, plaisant, riant, rigolo (fam.) ;
4 amusant, animé, divertissant, drôle,
folichon (fam.), réjouissant. — CONTR. : 1
abattu, accablé, attristé, cafardeux (fam.),
chagrin, mécontent, neurasthénique ; 2
grave, maussade, mélancolique, morose,
sérieux, sévère, sombre, tragique ; 4 lugubre,
morne, sinistre, triste.

& gai ! interj. (av. 1696, La Bruyère). Que


l’on soit gai ! : Gai, gai ! marions-nous !

gaïac ou gayac [gajak] n. m. (taino [par-


ler de Haïti] guayak ; 1532, Rabelais, écrit
guayac ; v. 1560, Paré, écrit gaiac ; gayac,
1580, Montaigne ; gaïac, 1704, Trévoux).
Arbre d’Amérique centrale, à bois dur, dont
on extrait une résine.

gaïacol [gajakɔl] n. m. (de gaïac ; 1888,


Larousse). Substance extraite de la résine de
gaïac et de la créosote du goudron de bois,
et utilisée comme antiseptique : L’odeur du
thé et du gaïacol (Bernanos).

gaiement [gemɑ̃] adv. (de gai ; milieu du


XIVe s., Brun de la Montaigne). Avec gaieté :
Chanter gaiement.

• REM. L’orthographe gaîment a été sup-


primée du Dictionnaire de l’Académie en
1932.

gaieté [gete] n. f. (de gai ; v. 1160, Benoît


de Sainte-Maure, aux sens 1-2 [être en
gaieté, en état de légère ivresse, 1865,
Littré]). 1. Disposition à rire, à s’amuser ;
humeur riante : Les hommes mêmes n’ont
pas en Perse la gaieté qu’ont les Français
(Montesquieu). La gaieté est comme un
ressort qui rend l’âme élastique (Taine).
‖ Fam. Être en gaieté, en état de légère
ivresse. ‖ 2. Caractère de ce qui traduit
ou provoque une telle humeur : La gaieté
d’une conversation. Tout était grâce et
gaieté, même la pluie prochaine (Hugo).
La franche gaieté rabelaisienne (Renan).
• SYN. : 1 enthousiasme, entrain, exultation,
jovialité, jubilation ; goguette ; 2 agrément,
allégresse, enjouement, joie. — CONTR. : 1
affliction, chagrin, neurasthénie ; 2 mélan-
colie, morosité, sévérité, tristesse.

• REM. L’orthographe gaîté a été suppri-


mée du Dictionnaire de l’Académie en
1932.

& De gaieté de coeur loc. adv. (1549, J. Du


Bellay). De propos délibéré, sans y être
contraint : Comment Luc se fût-il exposé de
gaieté de coeur à des objections évidentes ?
(Renan).

• SYN. : délibérément, de bon coeur, de bonne


grâce, volontiers.

& gaietés n. f. pl. (fin du XVIIe s., Mme de


Sévigné [« petites compositions littéraires
amusantes », 1554, Magny]). Acte de gaieté :
« Les Gaietés de l’escadron », comédie de
G. Courteline. Quand je peux échapper aux
pensums, j’ai des gaietés de nègre (Vallès).
• SYN. : amusement, distraction, divertis-
sement, plaisanterie, plaisir, réjouissance.

gail [gaj] n. m. (du lorrain ou du champe-


nois gaye, gaille, chèvre [allem. Geiss, même
sens], mot parfois employé péjorativement
pour désigner une vieille femme, un cheval
maigre, etc. ; 1821, Ansiaume). Arg. Cheval.

1. gaillard, arde [gajar, -ard] adj. (du


gaulois *galia, force ; 1080, Chanson de
Roland, au sens 1 ; sens 2, v. 1180, Hue de
Rotelande ; sens 3, v. 1534, Bonaventure
Des Périers [« vif, réjoui, plein d’entrain »,
v. 1285, Adam de la Halle]). 1. Plein de
santé, de vigueur : Un vieillard frais et
gaillard. Jadis j’étais fort lié avec mon corps ;
je lui conseillais de vivre sagement afin de se
montrer tout gaillard et tout ravigoté dans
une quarantaine d’années (Chateaubriand).
Pourtant, sauf les jambes, il était gaillard

encore (Zola). ‖ 2. Class. Plein de vaillance


et d’énergie : Et l’on m’a vu pousser dans le
monde une affaire | D’une assez vigoureuse
et gaillarde manière (Molière). ‖ 3. Class.
et littér. D’une gaieté un peu libre : Bon,
voici de nouveau quelque conte gaillard, |
Et ce sera de quoi mettre sur mes tablettes
(Molière). Chacun lui adressait quelque
compliment gaillard (Mérimée).

• SYN. : 1 alerte, dispos, frais, fringant,


solide, vaillant, vert, vigoureux. — CONTR. :
1 chétif, débile, épuisé, faible, fatigué,
malingre, sénile, souffrant, souffreteux.

& n. (sens 1, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ;


sens 2, av. 1850, Balzac ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Personne pleine de vigueur
et d’entrain : Un grand gaillard. C’était à
cette époque un gaillard de vingt-cinq ans,
plein d’ambition et d’appétit, ne manquant
ni d’instruction, ni d’intelligence (Daudet).
Oh ! tante Coralie, c’était une gaillarde,
une forte fille (Duhamel). ‖ 2. Fam. Terme
d’amitié : Ah ! mon gaillard, s’il te fallait
faire le compte de tes enfants (Maupassant).
‖ 3. Péjor. Personne rusée, dont il faut se
méfier : Avoir affaire à un drôle de gaillard.
Mais j’en ai eu des maîtresses honnêtes ! cria
Bachelard [...]. Des gaillardes qui, derrière
votre dos, font une noce à vous flanquer des
maladies (Zola).

• SYN. : 1 colosse, costaud (fam.), hercule ; 2


bonhomme ; 3 lascar (fam.), loustic (fam.),
type, zèbre (fam.).

2. gaillard [gajar] n. m. (abrév. de château


gaillard, même sens [1552, Rabelais] ; 1573,
Du Puys [« superstructure située sur l’avant
du pont supérieur », 1845, Bescherelle]).
Dans l’ancienne marine à voile, chacune
des superstructures placées à l’avant et
à l’arrière, sur le pont supérieur, et ser-
vant de logement : Je me promenais sur
le gaillard d’arrière (Chateaubriand). Je
fis signe à ce jeune homme de venir me
parler sur le gaillard d’avant (Vigny).
Quatre-vingts navires marchands équipés
pour le combat, c’est-à-dire ayant chacun
un gaillard élevé, sur l’avant (Mérimée).
‖ Auj. Superstructure située sur l’avant
du pont supérieur.

1. gaillarde [gajard] n. f. (fém. substan-


tivé de l’adj. gaillard ; XVe s., au sens 1 ; sens
2, 1694, Th. Corneille). 1. Ancienne danse
française, vive et à trois temps, en vogue au
XVIe s. ‖ 2. Nom donné autrefois au carac-
tère d’imprimerie de huit points, intermé-
diaire entre le petit-texte et le petit-romain.
2. gaillarde n. f. V. GAILLARDIE.

gaillardement [gajardəmɑ̃] adv. (de


gaillard, adj. ; 1080, Chanson de Roland,
au sens 1 ; sens 2, 1596, Hulsius [« de bonne
grâce, de bon coeur », 1549, R. Estienne]).
1. Avec entrain et courage : Marcher gaillar-
dement. Il suivit la grand-route gaillarde-
ment (Zola). ‖ 2. De façon gaie, réjouie :
Plaisanter gaillardement. Je m’étonnais
que Montaigne écrivît si gaillardement
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2082

dans un château dont il ne pouvait faire le


tour sans courir le risque d’être enlevé par
des bandes de ligueurs ou de protestants
(Chateaubriand).

• SYN. : 1 courageusement, crânement


(fam.), hardiment, intrépidement, vail-
lamment ; 2 allègrement, gaiement, jovia-
lement, joyeusement.

gaillardie [gajardi] ou gaillarde


[gajard] n. f. (du n. du botaniste français
Gaillard ; 1839, Boiste). Genre de plante
ornementale.

gaillardise [gajardiz] n. f. (de gaillard,


adj. ; v. 1510, J. Lemaire de Belges, au sens
1 ; sens 2, 1636, Monet). 1. Class. Bonne
humeur un peu libre : Il n’a pas dit cela pour
vous offenser, mais par simple gaillardise
(Furetière). ‖ 2. Écrits, propos d’une gaieté
un peu libre (le plus souvent au plur.) :
Qu’on chante et l’on dise | Quelque gaillar-
dise | Qui nous scandalise | En nous égayant
(Béranger). Les vieilles prenaient leur part
de joie et lançaient aussi des gaillardises
(Maupassant).

• SYN. : 1 plaisanterie ; 2 gaudriole (fam.),


gauloiserie, grivoiserie, joyeuseté (fam.),
polissonnerie.

gaillet [gajɛ] n. m. (croisement du lat.


scientif. moderne galium [lat. class. galion,
chanvre bâtard, gr. galion, gaillet jaune]
et de caille-lait [v. ce mot] ; 1786, Encycl.
méthodique). Plante herbacée, commune
dans les prés, à petites fleurs jaunes ou
blanches, dite aussi caille-lait.

gailleterie [gajtri] n. f. (de gaillette ; 1872,


Larousse). Houille en gros morceaux, après
le triage.

gailletin [gajtɛ̃] n. m. (de gaillette ; milieu


du XIXe s.). Morceau de houille calibré, de
grosseur moyenne.

gaillette [gajɛt] n. f. (mot wallon, dimin.


de gaille, n. local de la noix [la gaillette se
présentant en petits morceaux de la gros-
seur d’une noix], lat. pop. *[nux, noix,
v. NOIX] gallica, « noisette », proprem.
« noix gauloise », le noyer ayant été très
tôt cultivé en Gaule [gallica est le fém. de
l’adj. du lat. class. gallicus, gaulois, dér. de
Gallus, Gaulois] ; milieu du XVIIIe s.). Gros
morceau de houille : Cordier, grimpé aux
wagons des houillères, chercha les grosses
gaillettes (Hamp).

gaîment adv. V. GAIEMENT.

gain [gɛ̃] n. m. (déverbal de gagner [v. ce


mot] ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit gaaing
[gain, XIIIe s.], aux sens 1-3). 1. Action de
gagner, de l’emporter : Avoir gain de cause.
Le gain de la bataille d’Aboukir est dû prin-
cipalement au général Murat (Napoléon
Ier). Le gain de ces procès me fit connaître
(Balzac). ‖ Gain de cause, avantage obtenu
dans un procès, et, par extens., dans un
débat quelconque. ‖ 2. Action de gagner de
l’argent : Partout la joie, le gain, la débauche

(Baudelaire). ‖ Ce qu’on gagne, rémuné-


ration, salaire : Le peuple consomme pro-
portionnellement à son gain (Lamennais).
‖ Profit, bénéfice pécuniaire : L’appât du
gain. ‖ 3. Toute espèce d’avantage : Un gain
de temps. Les gains électoraux d’un parti.
• SYN. : 1 réussite, succès, victoire ; 2 appoin-
tements, paie, revenu, traitement ; intérêt,
lucre ; 3 bénéfice, économie, fruit, progrès.

gainage [gɛnaʒ] n. m. (de gainer ; pre-


mière moitié du XXe s.). Action de gainer :
Le gainage d’un câble électrique.

gaine [gɛn] n. f. (lat. pop. *wagina, modifi-


cation, sous l’influence des nombreux mots
germaniques en w-, du lat. class. vagina,
fourreau [de l’épée], gaine [en général], étui,
enveloppe ; XIIIe s., Aucassin et Nicolette,
écrit gaïne [gaaine, 1260, Havard ; gayne,
v. 1350, Godefroy ; gaine, fin du XIVe s.,
Cuvelier], au sens 1 ; sens 2, 1561, Gay [gaine
d’une voile, 1793, Encycl. méthodique] ; sens
3, début du XXe s. ; sens 4, 1844, Vigny ; sens
5, 1695, d’après Trévoux, 1721 [« expan-
sion du pétiole qui embrasse la tige »,
1762, Acad. ; « membrane qui enveloppe
les griffes des félins », XXe s.] ; sens 6, 1676,
Félibien ; sens 7, av. 1885, V. Hugo). 1. Étui
de la lame d’un instrument tranchant ou
aigu : Dans sa gaine mon couteau bouge
(Gautier). ‖ 2. Par extens. Enveloppe qui
enserre l’objet qu’elle protège : Ses deux
fusils dans leur gaine (Daudet). Il ouvrit
la gaine de son browning (Montherlant).
La gaine d’un parapluie. ‖ Par anal. Gaine
d’une voile, ourlet qui l’entoure pour la
renforcer. ‖ 3. Spécialem. Sous-vêtement
féminin en tissu élastique destiné à mainte-
nir le buste et les hanches : Un magasin de
soutiens-gorge, gaines élastiques (Romains).
‖ 4. Fig. Contrainte qui entrave un déve-
loppement : Du pauvre petit provincial
le plus lourdement engagé dans sa gaine
(Renan). ‖ 5. En anatomie, enveloppe plus
ou moins résistante qui entoure un organe,
un muscle, un tendon. ‖ Membrane qui
enveloppe les griffes des félins. ‖ En bota-
nique, expansion du pétiole qui embrasse
la tige. ‖ 6. Partie inférieure des statues
appelées « termes » ou « hermès », en
forme de fût rectangulaire se rétrécissant
vers la base : Dans les entre-deux de ces
fenêtres [d’une tour] se dressaient sur des
gaines de chêne sculpté six bustes de marbre
(Hugo). ‖ 7. Gaine d’horloge, meuble en
bois, dans lequel était logé le mécanisme
des horloges : Et dans sa gaine, ainsi que
le sang dans l’artère, | La froide horloge
bat (Hugo). Une grande horloge, dans une
gaine d’ébène incrustée de cuivre, battait
lourdement l’heure (Zola).

• SYN. : 1 enveloppe, fourreau ; 2 étui,


housse ; 3 ceinture, corset ; 4 carcan, chaîne,
collier, fers ; 6 socle ; 7 coffre.

• REM. S’écrit sans accent circonflexe


depuis 1878 (Acad.).

gainé, e [gɛne] adj. (part. passé de gai-


ner ; début du XXe s.). Moulé comme par
une gaine : Tout le corps gainé dans un cos-
tume du meilleur couturier (M. Prévost).
Mme Ganzalès parut, gainée dans une robe
scintillante d’acier (Mauriac).

gainer [gɛne] v. tr. (de gaine ; 1773,


Bourdé de Villehuet, au sens 1 ; sens 2,
1907, Larousse). 1. Vx. Mettre une gaine à
une voile de navire. ‖ 2. Recouvrir d’une
gaine : La lampe était gainée d’étoffe bleue
(Martin du Gard).

gainerie [gɛnri] n. f. (de gainier ; 1324,


Lespinasse, au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste).
1. Art, commerce, ouvrage du gainier :
Sabin le tirait, louvoyait à travers les régions
qui morcellent le Marais ainsi qu’un souk,
où se parquent, par affinités, les divers com-
merces : optique et lunetterie, bimbeloteries
[...], cristalleries, maroquineries, gainerie,
supports et bretelles, lingeries, métaux pré-
cieux (Arnoux). ‖ 2. Fabrique de gaines.

gainier, ère [genje, -ɛr] n. (de gaine ;


XIIIe s., Recueil des fabliaux). Personne qui
fabrique ou vend des gaines, étuis, écrins,
etc. : La rue des Fontaines-du-Temple et ses
gainiers (Fargue).

& gainier n. m. (1587, Daléchamp). Arbre


de la famille des légumineuses, dont la
gousse rappelle une gaine, dit aussi arbre
de Judée.

& gainière n. f. (1900, Dict. général [ces


guêpes sont aussi appelées faiseuses
d’étuis]). Nom commun à diverses guêpes
qui construisent des nids.

gainsborough [gɛ̃sbro] n. m. (angl.


gainsborough [hat, chapeau], du n. du
peintre anglais Thomas Gainsborough
[1727-1788], qui peignait volontiers les
dames de l’aristocratie avec des chapeaux
grands et larges ; 1882, Behrens, Engl.).
Chapeau de femme à larges bords : Moins
d’une heure après, Mlle Jeannine, la nièce du
ministre de la Marine, en toilette de déjeu-
ner, costume tailleur, grand gainsborough à
plumes, grattait à la porte de Flo-Flo, avec
la cornaline d’une de ses bagues (Daudet).

gaîté n. f. V. GAIETÉ.

gal [gal] n. m. (de Galilée, n. pr. ; milieu


du XXe s.). Unité d’accélération, dans le sys-
tème C. G. S., équivalant à 1 centimètre/
se conde par seconde.

1. gala [gala] n. m. (mot esp., empr. de


l’anc. franç. gale, réjouissance, plaisir [XIIIe
s.-XVIe s.], déverbal de galer [v. GALANT] ;
1670, Mémoires curieux envoyez de Madrid,
au sens 1 [habit de gala, 1787, Bachaumont] ;
sens 2, 1787, Féraud). 1. Grande fête, le plus
souvent de caractère officiel : Gala de bien-
faisance. Voitures et chevaux à grand bruit,
l’autre jour, | Menaient le roi de Naples au
gala de la cour (Hugo). ‖ Habit de gala,
habit de cérémonie : Le maître avait sous ses
pieds ces prélats, | Ces femmes, ces barons
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2083

en habits de galas (Hugo). ‖ 2. Vx. Repas


somptueux, réjouissance chez les particu-
liers : Les enfants tiennent aux galas des
anniversaires (Balzac).

• SYN. : 1 festivités, fête, réception.

2. gala- [gala], galacto- [galaktɔ], élé-


ments tirés du gr. gala, galaktos, « lait »,
et servant à former de nombreux mots
savants.

galactagogue [galaktagɔg] adj. et n. m.


(de galact[o]- et de -agogue, du gr. agôgos,
qui amène ; XXe s.). Syn. de GALACTOGÈNE.

galactique [galaktik] adj. (gr. galaktikos,


blanc comme du lait, de gala, galaktos,
lait ; 1808, Boiste, au sens de « du lait » ;
sens actuel [de galaxie], 1877, Littré). Qui
concerne la Voie lactée.

galacto-. V. GALA- 2.

galactogène [galaktɔʒɛn] adj. et n. m.


(de galacto- et de -gène, du gr. gennân, pro-
duire, engendrer ; 1922, Larousse). Se dit
d’une substance ou d’un remède capable de
provoquer ou d’accroître la sécrétion du lait
chez une nourrice. (Syn. GALACTAGOGUE.)

galactomètre [galaktɔmɛtr] n. m.
(de galacto- et de -mètre, gr. metron,
mesure ; 1796, Encycl. méthodique). Syn.
de PÈSE-LAIT.

galactophore [galaktɔfɔr] adj. (gr.


galaktophoros, qui produit ou donne du
lait, de gala, galaktos, lait, et de pherein,
porter ; 1729, Presse médicale, LVIII, 934).
Conduit galactophore, canal excréteur des
glandes mammaires.

galactopoïèse [galaktɔpɔjɛz] n. f. (de


galacto- et de -poïèse, gr. poiêsis, action
de faire, création, de poieîn, faire ; 1865,
Littré). Formation du lait dans la glande
mammaire.

galactorrhée [galaktɔre] n. f. (de


galacto- et de -rrhée, du gr. rheîn, couler ;
1865, Littré). Écoulement surabondant de
lait chez une nourrice.

galactose [galaktoz] n. f. (gr. galak-


tôsis, transformation en suc laiteux, de
galaktousthai, se transformer en lait, dér.
de gala, galaktos, lait ; milieu du XVIIe s.,
au sens de « formation du lait dans les
mamelles » ; sens actuel [de gala, galaktos],
1793, Lavoisien). Sucre obtenu par hydro-
lyse du lactose.

galactosémie [galaktɔsemi] n. f. (de


galactos[e] et de -émie, du gr. haima,
-matos, sang ; 1961, Galli et Leluc). Présence
de galactose dans le sang.

galalithe [galalit] n. f. (de gala- et de


-lithe, gr. lithos, pierre ; 1906, Larousse).
Matière plastique préparée à partir de la
caséine.

galamment [galamɑ̃] adv. (de galant,


adj. ; 1534, Rabelais, écrit gualantement
[galantement, milieu du XVIe s., Amyot ;

galemment, 1611, Cotgrave ; galamment,


1636, Monet], au sens 1 ; sens 2, 1636,
Monet ; sens 3, 1704, Trévoux). 1. Class. et
littér. Avec élégance, avec goût : J’aime la
poésie avec entêtement, | Et surtout quand
les vers sont tournés galamment (Molière).
C’est un petit homme tout blanc, mais si
galamment frisotté et pétillant avec discré-
tion comme il convient à un universitaire
du Premier Empire (Daudet). ‖ 2. Class.
De façon galante, avec courtoisie : Le pré-
sident Viole [...], venait déclarer la rupture
du mariage. Mme de Chevreuse lui répondit
galamment (Retz). ‖ 3. D’une manière qui
vise à plaire aux femmes : Après avoir baisé
galamment les doigts de la jeune femme, il
se tourna vers le mari (Maupassant).

galandage [galɑ̃daʒ] n. m. (de galande,


guirlande [v. 1240, G. de Lorris], var. anc. de
guirlande [v. ce mot] ; 1785, Encycl. métho-
dique). Cloison de briques posées de chant.

galant, e [galɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de l’anc. v. waler, dépenser en s’amusant
[v. 1220, G. de Coincy], galer, s’amu-
ser, mener joyeuse vie [début du XIVe s.,
Gilles li Muisis], lat. pop. *walare, se la
couler douce, de l’adv. francique *wāla,
bien ; 1373, Gace de la Bigne, écrit gal-
lant [galant, XVe s.], au sens I, 1 ; sens I,
2, 1580, Montaigne ; sens I, 3, 1662, La
Rochefoucauld ; sens I, 4, 1669, Boileau ;
sens II, 1 [sous l’influence de l’ital. galante,
même sens, lui-même empr. du franç.
galant], 1548, Ancien Théâtre françois ; sens
II, 2, 1765, Diderot [galante, n. f., même
sens, fin du XVIe s., A. d’Aubigné] ; sens
III, 1, 1552, Rabelais ; sens III, 2, av. 1679,
Retz ; sens III, 3, 1647, Vaugelas).
I. EN PARLANT DES HOMMES. 1. Vx. Plein
de vivacité, de grâce, d’élégance : Ne for-
çons point notre talent ; | Nous ne ferions
rien avec grâce. | Jamais un lourdaud, quoi
qu’il fasse, | Ne saurait passer pour galant
(La Fontaine). ‖ 2. Class. et littér. Galant
homme, homme d’honneur, aux procé-
dés loyaux et délicats : Mettez-vous dans
l’esprit qu’on peut du cocuage | Se faire
en galant homme une plus douce image
(Molière). Mais la manière est tout pour
un galant homme, et comme je n’avais pas
volé la montre du Roi sur sa cheminée, je
ne devais pas être chassé comme je l’ai été
(Chateaubriand). Il est impossible d’être
plus galant homme que cet ancien coquin
(Stendhal). Je suis trop galant homme et
j’estime trop mon adversaire pour me
servir de ces armes cachées (Daudet).
‖ 3. Poli, courtois, délicat à l’égard des
femmes : Se conduire en homme galant.
‖ 4. Empressé auprès des femmes : Mal-
heureusement, la race tarasconnaise, plus
galante que sentimentale, ne prend jamais
les affaires de coeur au sérieux (Daudet).

II. EN PARLANT DES FEMMES. 1. Class.


et littér. Qui recherche les intrigues
amoureuses : Une femme galante veut

qu’on l’aime ; il suffit à une coquette


d’être trouvée aimable et de passer pour
belle (La Bruyère). Autrefois belle, encore
galante avec les pêcheurs (Loti). ‖ En
ce sens, s’employait aussi substantive-
ment au XVIIe s. : Tudieu, quelle galante !
Comme elle prend feu d’abord (Molière).
‖ 2. Femme galante, femme de moeurs
légères, qui vit de la galanterie : La femme
galante dans sa première fleur, visant aux
airs patriciens, fière à la fois de sa jeunesse
et de son luxe (Baudelaire).

III. EN PARLANT DES CHOSES. 1. Class. et


littér. Élégant, raffiné, gracieux : Quelque
ruse galante, quelque honnête petit strata-
gème pour ajuster nos affaires (Molière).
Elle releva sa beauté par l’ajustement le
plus riche et le plus galant (Voltaire). Des
chemises en crêpe de soie à manches lon-
gues, d’une coupe tout à fait galante (Ner-
val). ‖ 2. Class. Poli, courtois : D. Fran-
cisco, second envoyé de l’Archiduc, arriva
à Paris [...] avec un billet pour moi, très
galant, mais très substantiel, du comte
de Fuensaldagne (Retz). ‖ 3. Qui a trait
à l’amour, aux relations sentimentales :
L’attrait d’une aventure galante (Gau-
tier). Il lui vint en tête une phrase galante
(Flaubert). Il avait appris qu’on disait pas
la ville qu’il allait à des rendez-vous ga-
lants dans la maison de l’orfèvre (France).
Conte galant. Propos galants. Poésie,
peinture galante.

• SYN. : I, 4 coureur (fam.), entreprenant.


‖ II, 2 courtisane, hétaïre. ‖ III, 3 amou-
reux, libertin.

& n. (v. 1610, Hardy [au fém. galande, 1668,


La Fontaine]). Class. Personne rusée, à qui
il ne faut pas trop se fier : L’athlète avait
promis d’en payer un talent ; | Mais quand
il le vit, le galand | N’en donna que le tiers
(La Fontaine). [V. REM.]

& galant n. m. (sens I, XVe s., Du Cange ;


sens II, 1, 1630, Chapelain [galant de
cour, « jeune homme à la mode », milieu
du XVIe s.] ; sens II, 2, 1665, La Fontaine
[« homme qui, dans la fleur de l’âge, est
prêt à agir avec audace », milieu du XVIe s.] ;
sens III, 1632, Corneille]).

I. Vx. Galants de feuillée, voleurs qui se


tenaient dans les bois et qui s’attaquaient
aux seigneurs et aux riches.

II. 1. Class. et littér. Homme qui re-


cherche les aventures amoureuses ;
amant : Tous ces galants de cour, dont les
femmes sont folles, | Sont bruyants dans
leurs faits et vains dans leurs paroles
(Molière). Sans avoir l’air d’y prendre trop
d’intérêt, je m’informais si elle allait beau-
coup aux fêtes, aux veillées, s’il lui venait
toujours de nouveaux galants (Daudet).
‖ 2. Class. Vert galant, homme entrepre-
nant avec les femmes : Et nous étions, ma
foi, tous deux de verts galants (Molière).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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III. Class. Noeud de rubans ou de den-


telle : Vous vendez dix rabats contre moi
deux galants (Corneille).

• REM. Au XVIIe s., on rencontre aussi la


forme GALAND, E, employée comme ar-
chaïsme, notamment chez La Fontaine :
Déjà dans son esprit la galande [la Gre-
nouille] le croque [le Rat] (La Fontaine).

galanterie [galɑ̃tri] n. f. (de galant,


adj. ; 1537, le Courtisan, au sens I, 1 ; sens
I, 2, av. 1648, Voiture [« cadeau », v. 1630,
Brunot] ; sens I, 3, 1663, Molière ; sens I, 4,
fin du XVIe s., Brantôme ; sens II, 1, 1667,
Molière ; sens II, 2 et 7, 1690, Furetière ; sens
II, 3, 1643, Corneille ; sens II, 4, 1662, La
Rochefoucauld ; sens II, 5, 1666, Molière ;
sens II, 6, 1907, Larousse).

I. Class. 1. Distinction dans l’esprit et les


manières : Paris [...] le centre du bon goût,
du bel esprit et de la galanterie (Molière).
‖ 2. Objet ou action où se marquent la
distinction, l’élégance : Dressons notre
promenade, ma fille, vers cette belle grotte
où j’ai promis d’aller. Des galanteries
à chaque pas ! (Molière). ‖ Spécialem.
Cadeau : Et si vous faites cas de ces galan-
teries, | Vous n’aurez qu’à choisir, | Dispo-
sez de ces pierreries (Voiture). ‖ 3. Faire
galanterie de, trouver élégant, convenable
de : Ceux qui [...] le dos tourné, font galan-
terie de se déchirer l’un l’autre (Molière).
‖ 4. Péjor. Action suspecte et même blâ-
mable : Ces galanteries ingénieuses à qui
le vulgaire ignorant donne le nom de four-
beries (Molière).

II. 1. Empressement à plaire aux femmes :


Le baron [...] reporta sa galanterie sur
sa belle-fille (Balzac). ‖ 2. Courtoisie à
l’égard des femmes : La vieille galante-
rie française. ‖ 3. Tout ce qui peut flatter
une femme (attentions, cadeaux, propos,
etc.) : Il [...] ne parut plus s’occuper que de
la soubrette, à qui il débitait des galan-
teries superlatives (Gautier). Il débitait
des galanteries d’estaminet à une jeune
paysanne blonde (Flaubert). ‖ 4. Class.
et littér. Intrigue amoureuse : On peut
trouver des femmes qui n’ont jamais eu de
galanterie (La Rochefoucauld). Diable !
je croyais que c’était une galanterie,
il paraît que c’est une passion (Hugo).
‖ 5. Class. et littér. Goût des intrigues
amoureuses ; recherche des bonnes for-
tunes : Votre galanterie et les bruits qu’elle
excite, | Trouvèrent des censeurs plus qu’il
n’aurait fallu (Molière). La galanterie est
sévèrement défendue au Caire (Nerval).
‖ 6. Le monde des femmes galantes et,
par extens., leurs activités : La galanterie
d’une époque, d’une grande ville. ‖ 7. Vx.
Maladie vénérienne : Donner, attraper
une galanterie (Littré).

• SYN. : II, 1 assiduité, cour, flirt, poursuite,


séduction ; 3 douceurs, fleurette.

galantin, e [galɑ̃tɛ̃, -in] adj. (de galant,


adj. ; 1555, La Bouthière, écrit galentin,
au sens de « vigoureux » [en parlant d’un
cheval] ; écrit galantin, au sens actuel, fin
du XIXe s., A. Daudet). Relatif à un homme
galant (rare) : Le vieux larbin se retourna
[...] et grinça d’un air galantin et enragé :
« Quelque chose pour toi, ma petite ? »
(Daudet).

& galantin n. m. (1798, Acad. [écrit galan-


tin]). Vx. Celui qui veut faire le galant
auprès des femmes (avec une nuance de
ridicule) : Elle appartenait à l’espèce des
femmes qui trouvent plus d’agrément à la
laideur d’un amant bel esprit qu’à la beauté
d’un galantin vulgaire (Milosz).

galantine [galɑ̃tin] n. f. (altér. de l’anc.


franç. galatine, gelée comestible [début du
XIIIe s., Guillaume le Maréchal], ital. de
Raguse galatina, même sens [mot attesté
dans des textes latins médiévaux de cette
ville, qui exportait des poissons en sauce],
dér. de *galare, altér. du lat. gelare, geler,
congeler, se geler [v. GELER] ; v. 1265, J. de
Meung, écrit galentine, au sens de « gelée
comestible » ; écrit galantine, au sens actuel,
1328, Gay). Mets préparé avec une volaille
ou une viande désossée que l’on farcit et
que l’on fait cuire avec des épices dans un
fond de gelée : Galantine de volailles. Le
rôti froid [était] une galantine de pintade
à la gelée (Zola).

• SYN. : ballottine.

galantise [galɑ̃tiz] n. f. (de galant, adj. ;


v. 1534, Bonaventure Des Périers, au sens de
« politesse, courtoisie » ; sens actuel, 1879,
Huysmans). Vx et dialect. Propos galants :
[Des jeunes gens] emboîtèrent le pas der-
rière elle et lui débitèrent des galantises
(Huysmans).

galantiser [galɑ̃tize] v. tr. (de galantise ;


v. 1629, Corneille). Class. Flatter d’une
manière galante, courtiser : Vous méri-
teriez d’être servie et galantisée dans les
formes (Scarron).

& v. intr. (1645, Guez de Balzac). Class.


et littér. Avoir des relations tendres : Il
[Voiture] a trouvé le secret de vivre en
même temps selon le siècle et selon l’Évan-
gile ; d’aller soigneusement à la messe le
matin par vraie dévotion, et de galantiser
assidûment l’après-dînée par une corrup-
tion d’esprit invétérée (Guez de Balzac). On
n’a pas galantisé cinq ans durant avec un
gars... (Bourget).
• SYN. : flirter.

galapiat [galapja] n. m. (du radical


gal-, signif. la gloutonnerie, la débauche
[v. GALANT], et de laper ; av. 1850, Balzac
[var. galipiat, 1792, Hébert]). Fam. Vaurien,
vagabond, polisson (vieilli) : Une sorte de
galapiat avec des verrues sur la margoulette
et des yeux louches (Huysmans).

• SYN. : chenapan, coquin, garnement, gre-


din, voyou.

galaxie [galaksi] n. f. (gr. galaxias, voie


lactée, emploi substantivé de l’adj. galaxias,

de lait, dér. de gala, galaktos, lait ; 1558,


Pontus de Tyard, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Système stellaire ayant la forme d’un
disque avec un bulbe central, contenant
une centaine de milliards d’étoiles, et qui,
vu par la tranche, a l’aspect d’une traînée
brillante appelée communément Voie lac-
tée : La Galaxie, ce chimérique empire, était
effacée pour ce soir du firmament (Arnoux).
[En ce sens, s’écrit avec une majuscule.]
‖ 2. Système stellaire analogue à celui
auquel appartient le Soleil, et dont on
connaît un très grand nombre de spéci-
mens situés jusqu’aux limites observables
de l’Univers.

galbanum [galbanɔm] n. m. (mot lat.


désignant un suc tiré d’une plante ombel-
lifère de Syrie, du gr. khalbanê, même sens,
empr. de l’hébreu chelbenah ; v. 1170, Livre
des Rois, écrit galbanen [galme, forme plus
pop., fin du XIe s., Gloses de Raschi] ; galba-
num, XIVe s., Du Cange au sens 1 ; sens 2,
1690, Furetière). 1. Gomme-résine balsa-
mique extraite de deux variétés de férules.
‖ 2. Fig. et vx. Fausses espérances données
à quelqu’un pour l’amadouer : Galbanum
que tout cela ; votre visage ne m’est pas nou-
veau (Marivaux).

galbe [galb] n. m. (ital. garbo, grâce, belle


forme, galbe, déverbal de garbare, plaire, du
gotique *garwon, arranger ; 1550, Ronsard,
écrit garbe [galbe, 1578, H. Estienne], au
sens de « bonne grâce [d’une personne] » ;
sens 1, 1676, Félibien [en provenç. dès
1530, Pansier ; « renflement d’un fût
de colonne », XXe s.] ; sens 2, av. 1850,
Balzac). 1. Contour plus ou moins courbe
d’une oeuvre d’art : Le galbe d’un chapi-
teau, d’un vase. Sur la table, les carafes,
les flacons avaient cet air respectable que
leur donnent les ventres arrondis du galbe
antique (Balzac). ‖ Spécialem. Renflement
d’un fût de colonne. ‖ 2. Par anal. Contour
harmonieux d’une figure, d’un corps : Ces
bras sont d’un galbe très pur et d’un contour
bien séduisant (Baudelaire).

• SYN. : 1 courbe, forme ; 2 ligne, linéament,


profil, silhouette.

galbé, e [galbe] adj. (de galbe ; 1611,


Cotgrave, dans la loc. bien galbé, « gra-
cieux » ; sens 1, 1771, Schmidlin [armoire
galbée, XXe s.] ; sens 2, 1865, Littré ; sens 3,
début du XXe s.). 1. Dont le contour présente
une ligne convexe à l’extérieur : Colonne
galbée. ‖ Armoire galbée, dont la face et les
côtés présentent une surface mi-convexe,
mi-concave. ‖ 2. Vx. Dont le galbe seul
est indiqué : Une feuille d’acanthe galbée.
‖ 3. Par anal. Qui a une courbe harmo-
nieuse (en parlant du corps humain) : Les
bas couleur de blé épousaient ses longues
jambes galbées (Chérau).

gale [gal] n. f. (var. orthogr. de galle [v. ce


mot] ; v. 1213, Fet des Romains, au sens de
« excroissance cornée, durillon, callosité » ;
sens 1, 1539, R. Estienne [n’avoir pas la gale,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2085

XXe s. ; méchant comme la gale, 1865, Littré] ;


sens 2, av. 1613, M. Régnier ; sens 3, 1688,
Miege ; sens 4, 1765, Encyclopédie ; sens
5, 1865, Littré). 1. Affection parasitaire et
contagieuse de la peau, provoquant l’érup-
tion de vésicules avec de vives démangeai-
sons : Comme disent les bohémiens : « Gale
avec plaisir ne démange pas » (Mérimée).
‖ Fig. et fam. N’avoir pas la gale, ne pas
risquer de contaminer quelqu’un ; être
fréquentable. ‖ Méchant comme la gale,
très méchant. ‖ 2. Maladie cutanée et
contagieuse des animaux de toute espèce.
‖ 3. Maladie des végétaux caractérisée
par des pustules sur l’écorce, les feuilles.
‖ 4. Boursouflure ressemblant à celles de
la gale : Et même le plâtre, s’écaillant à la
gelée, avait fait des gales blanches sur sa
figure (Flaubert). ‖ 5. Fig. et fam. Personne
médisante, méchante : Je suis une gale, une
peste (Sartre).

galéasse ou galéace [galeas] n. f. (ital.


galeazza, grande galère, augment. de galea,
galère, gr. byzantin galea [v. l’art. suiv.] ;
v. 1470, Godefroy, écrit galiace ; galéace,
galéasse, fin du XVe s., Commynes). Galère
de grandes dimensions, à voiles et à rames,
munie d’une forte artillerie : Adieu lougres
difformes, | Galéaces énormes, | Vaisseaux
de toutes formes (Hugo).

galée [gale] n. f. (gr. byzantin galea, galère


[VIIIe s.], gr. class. galeê, galê, belette [la
forme du bateau ayant été comparée à celle
de l’animal] ; 1080, Chanson de Roland, au
sens I ; sens II, 1680, Richelet).

I. Autref. Galère, petit bateau de guerre.

II. Plaque de bois ou de métal bordée


d’une équerre en fer sur laquelle le com-
positeur typographe dispose les lignes
composées : Il eut, le premier, fini de com-
poser quatre lignes. Picquenart, d’un geste
adroit, les porta sur la galée et les noua
d’une ficelle (Duhamel).

galefretier [galfrətje] n. m. (probablem.


altér. de *calfeutrier, dér. de calfeutrer
[l’ouvrier qui calfeutre ou calfate donnant
l’impression qu’il passe son temps à ne
rien faire, v. GALFÂTRE] ; 1532, Rabelais).
Vx. Bon à rien, va-nu-pieds : Elle n’était
jamais lasse de deviser spécialement avec
les galefretiers (Sorel).

galéjade [galeʒad] n. f. (provenç. gale-


jado, plaisanterie, de galejá, plaisanter, dér.
de se galá, se réjouir, lat. pop. *walare [v.
GALANT] ; 1881, A. Daudet). Histoire inven-
tée ou déformée par exagération ; plaisan-
terie provençale généralement destinée à
mystifier : Toute cette façon de rire de soi
et des autres en se donnant un ridicule vrai
ou seulement vraisemblable, c’est cela qui
constitue la gouaillerie provençale, la galé-
jade (Daudet).

galéjer ou galéger [galeʒe] v. intr. (mot


du parler de Marseille, var. du provenç.

galejá [v. l’art. précéd.] ; XXe s.). Dire des


galéjades : Allez, vaï, vous galéjez ! (Pagnol).
• SYN. : blaguer (fam.), plaisanter.

galène [galɛn] n. f. (lat. galena, minerai


de plomb, gr. galênê, même sens ; 1556,
R. Le Blanc). Sulfure naturel de plomb,
souvent utilisé pour la détection des ondes
hertziennes : Il avait un détecteur à galène
(Aragon).

galénique [galenik] adj. (du lat. Galenus,


gr. Galênos, Galien [médecin du IIIe s.
apr. J.-C.] ; 1581, Nancel). Relatif à la
méthode, à la doctrine de Galien.

galénisme [galenism] n. m. (du lat.


Galenus [v. l’art. précéd.] ; 1771, Trévoux).
Doctrine médicale de Galien, fondée sur
la théorie des quatre humeurs, sang, bile,
atrabile et pituite.

galéopithèque [galeɔpitɛk] n. m. (de


galéo-, élément tiré du gr. galeê, galê,
belette, et de -pithèque, gr. pithêkos, singe ;
v. 1545, Paré). Quadrumane insectivore, de
la taille d’un chat, possédant une mem-
brane parachute qui relie les membres et
la queue.

galer [gale] v. tr. (de gale ; 1360, Godefroy).


Vx et pop. Égratigner : À vous je reviendrai,
| Maître Phlipot, et tant vous galerai, | Que
ne jouerez ces tours de votre vie ; | À coups
de griffe il faut que nous voyions | Lequel
aura de nous deux belle amie (La Fontaine).

galère [galɛr] n. f. (catalan galera, galère


[XIIe s.], issu, par substitution de suff., de
galea, même sens, gr. byzantin galea [v.
GALÉE] ; 1402, Jal, au sens 2 [— galère —
capitane, 1671, Bouhours ; vogue la galère !,
1552, Rabelais ; qu’allait-il faire dans cette
galère ?, 1865, Littré] ; sens 1, av. 1520,
Seyssel ; sens 3, 1690, Furetière). 1. Dans
l’Antiquité, navire de guerre à rames et à
voiles : Cependant les Athéniens, retirés sur
trois cent quatre-vingts galères, détruisirent
dans le détroit de Salamine douze cents vais-
seaux perses (France). ‖ 2. Du Moyen Âge
au XVIIIe s., navire de guerre ou de com-
merce, long et de bas bord, ponté, marchant
à la voile et surtout à la rame. ‖ Galère
capitane, galère montée par le capitaine
général des galères : Nous allions de Fez à
Catane [...] | Dans la galère capitane | Nous
étions quatre-vingts rameurs (Hugo). ‖ Fig.
Vogue la galère !, laissons aller les choses.
‖ Qu’allait-il faire dans cette galère ? (allu-
sion aux Fourberies de Scapin, de Molière),
pourquoi s’est-il engagé dans cette mau-
vaise affaire ? ‖ 3. Fig. Conditions de vie
très pénibles : Je ne veux pas rentrer dans
la peau d’un maître d’études [...]. Je ne veux
pas être enchaîné à cette galère (Vallès).
Nous voilà toutes ici à mener une vie de
galère (Daudet).

& galères n. f. pl. (1549, R. Estienne). Autref.


Peine des criminels condamnés à ramer sur
les galères de l’État ; bagne : Le patron fut
condamné aux galères (Flaubert).
galerie [galri] n. f. (ital. galleria, galerie,
bas lat. galeria, même sens [IXe s.], mot pro-
bablem. issu par altér. de galilea, porche
d’église [d’où galilée, même sens, XIIIe s.,
Queste del Saint Graal], tiré du n. pr. lat.
Galilaea, gr. Galilaia, Galilée, qu’on utili-
sait pour désigner le porche d’une église
dans l’ordre de Cluny, parce que de nom-
breux laïcs se pressaient sous ce porche,
de même que la Galilée abritait, d’après la
Bible, une foule de gens peu religieux ; début
du XIVe s., au sens I, 1 ; sens I, 2 et III, 1,
1690, Furetière ; sens I, 3 et III, 6, XXe s. ;
sens I, 4, 1807, Mme de Staël ; sens I, 5 et III,
2-3, 1865, Littré ; sens I, 6, 1831, Sainte-
Beuve [« collection de portraits d’hommes
célèbres », XXe s.] ; sens II, 1, 1690, Furetière
[pour divers types de jeux] ; sens II, 2,
av. 1850, Balzac [aussi faire galerie] ; sens
II, 3, av. 1794, Chamfort [pour la galerie,
XXe s.] ; sens III, 4, av. 1841, Chateaubriand ;
sens III, 5, 1872, Larousse ; sens IV, 1, fin
du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens IV, 2, 1770,
Raynal).

I. 1. Passage couvert, en longueur, ser-


vant à la circulation ou à la promenade,
soit à l’intérieur d’un édifice ou d’un ap-
partement, soit à l’extérieur : Des galeries
régnant sur les quatre faces de cette cour
(Chateaubriand). Le café, construit en
dôme, avec ses galeries basses (Fromen-
tin). ‖ 2. Par extens. Lieu, de forme quel-
conque, aménagé pour une exposition ou
pour une collection d’objets d’art : Les ga-
leries du Louvre, du Muséum. ‖ 3. Par ex-
tens. Magasin d’exposition pour la vente
des oeuvres d’art : Galerie de peinture, de
sculpture. ‖ 4. Collection d’objets d’art :
Posséder une belle galerie de tableaux.
Ce catalogue forme deux volumes in-fo-
lio qu’il plaça dans sa galerie (France).
‖ 5. Objets d’art formant une suite de
sujets : Une galerie de portraits. La galerie
des amants célèbres. Enfin, au-dessus de
la rose, s’étend la galerie des rois de Juda
(Huysmans). ‖ 6. Suite de portraits litté-
raires : Il [La Fontaine] ouvre sa galerie
de ridicules par le portrait du roi (Taine).
‖ Fig. Collection de portraits d’hommes
célèbres : Êtes-vous indifférent à la façon
dont on compose aujourd’hui les manuels
littéraires, la galerie des notables ; les au-
teurs que l’on nomme, ceux que l’on veut
ignorer (Chardonne).

II. 1. Autref. Sur un jeu de paume, allée


couverte d’où l’on regardait les joueurs.
‖ 2. Ensemble des spectateurs qui as-
sistent à une compétition, à un jeu :
Eugène prend un râteau que lui tend le
vieux monsieur ; il tire à lui les trois mille
six cents francs [...]. La galerie le regarde
avec envie en voyant qu’il continue à jouer
(Balzac). La galerie attablée sur les côtés
et en haut de la salle semblait également
navrée (Huysmans). La galerie applaudit.
Consulter la galerie sur un coup. ‖ Vx.
Faire galerie, se contenter de regarder,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2086

être un témoin passif : Elle joue sa liber-


té, son bonheur, et vous ne lui laissez ni
le cornet, ni les dés ; elle parie, elle fait
galerie (Balzac). ‖ 3. Par extens. et fam.
Le public, l’opinion : Amuser la galerie.
‖ Pour la galerie, pour faire illusion,
pour se faire valoir aux yeux du monde.

III. 1. Vx. Sorte de balcon en saillie cou-


ronnant l’arrière d’un navire. ‖ 2. Balcon
sur le pourtour d’une salle de spectacle :
Premières, secondes galeries. Voici la
marquise en face de nous aux premières
galeries, avec un chapeau neuf (Daudet).
‖ 3. Sorte de tribune sur le pourtour in-
térieur d’une église. ‖ 4. Par anal. Orne-
ment en rebord d’un édifice, d’un meuble,
d’une étoffe : Un buffet, un châle à galerie.
C’était des fauteuils en bois de noyer [...],
des guéridons à galerie en cuivre (Balzac).
‖ 5. Bande de cuivre placée devant le
foyer d’une cheminée entre les chenets.
‖ 6. Entourage métallique fixé sur le toit
d’une voiture, pour permettre le trans-
port des bagages : Mettre les valises sur la
galerie d’une automobile.

IV. 1. Communication enterrée ou sou-


terraine, creusée par l’homme ou par
certains animaux : Des galeries de siège.
Une galerie pour l’écoulement des eaux.
Des galeries de taupe. ‖ 2. Spécialem.
Couloir souterrain pour l’exploitation
d’une mine : Une belle galerie de roulage
(Zola).

• SYN. : I, 1 corridor, couloir, loggia, péris-


tyle, vestibule, portique. ‖ II, 2 assistance,
parterre, public, salle, spectateurs ; 3 gens,
monde. ‖ III, 2 balcon, corbeille, mez-
zanine, paradis (fam.), poulailler (fam.) ;
3 coursière, triforium. ‖ IV, 1 souterrain,
boyau, tunnel.

galérien [galerjɛ̃] n. m. (de galère ;


galérien [galerjɛ̃] n. m. (de galère ;
1568, Huguet, au sens 1 ; sens 2, 1845,
Bescherelle ; sens 3, 1865, Littré). 1. Homme
condamné à ramer sur une galère : Le sabre
du garde-chiourme qui chasse le galérien
(Flaubert). ‖ 2. Par extens. et vx. Forçat
condamné au bagne. ‖ 3. Fig. Une vie de
galérien, une vie extrêmement dure et
pénible : Pourquoi donc se lever dès cinq
heures, faire ce métier abominable, s’écraser
de cette fatigue immense, mener cette vie
de galérien que pas un loqueteux n’aurait
acceptée (Zola).

galerne [galɛrn] n. f. (lat. pop. *galerna,


même sens, mot d’origine prélatine ; début
du XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne). Vent
d’ouest-nord-ouest, froid et humide, qui
souffle sur l’ouest de la France : Il fut battu
de tous les vents [...], du sirocco, de la tra-
montane et de la galerne (Hugo).

galet [galɛ] n. m. (forme normannopi-


carde, dimin. de l’anc. franç. gal, caillou
[XIIe s., Godefroy], gaulois *gallos, pierre ;
XIIe s., Partenopeus de Blois, au sens I ; sens
II, 1, 1832, Raymond [transporteur à galets,

XXe s.] ; sens II, 2, 1865, Littré [galet porteur,


XXe s.] ; sens II, 3, 1872, Larousse).

I. Caillou poli et arrohdi par l’action de


la mer, des torrents ou des glaciers : Pareil
au bruit des mers rouleuses de galets (Sa-
main). Une plage de galets.

II. 1. Petite roue pleine, avec ou sans rou-


lement à billes, servant à assurer la mobi-
lité de différents objets : Les galets d’un
fauteuil, d’un lit. ‖ Transporteur à galets,
appareil reposant sur des galets et qui
sert au déplacement de colis ou d’objets.
‖ 2. En mécanique, petite roue cylin-
drique ou conique servant à diminuer le
frottement et à permettre le roulement :
Les galets d’un pont tournant. ‖ Galet
porteur, dans un engin chenillé, roue sur
laquelle repose la chenille. ‖ 3. Bouée qui
indique la position d’un filet de pêche.

galetage [galtaʒ] n. m. (de galeter ; XXe s.).

Action de galeter.

galetas [galtɑ] n. m. (du n. de la tour


de Galata, qui dominait la ville de
Constantinople ; fin du XIVe s., E. Des-
champs, écrit galatas [galetas, 1532,
Havard], au sens 1 ; sens 2, 1678, La
Fontaine). 1. Vx. Logement sous les
combles : Il se retire au galetas de son palais
(La Bruyère). ‖ 2. Logement misérable et
sordide : Quelque galetas hideux de la
misère (Sainte-Beuve). Étonné de ne pas
trouver son ancien répétiteur dans le pire
des galetas (Bourget).

galeter [galte] v. tr. (de galet ; XXe s.).


Ébaucher et, éventuellement, usiner des
matières métalliques par l’action de galets
très durs qui, en tournant, pressent la
matière à travailler.

galeton [galtɔ̃] n. m. (mot berrichon,


dimin. de galette ; milieu du XIXe s.,
G. Sand). Dialect. Petite galette de sarrasin.

galetouse [galtuz] n. f. (probablem.


altér., d’après galette, de gametouse,
gamelle [attesté seulement au XXe s.], mot
issu de gamelle par substitution de la finale
pop. -touse à -elle ; 1879, G. Esnault). Arg.
Gamelle.

galette [galɛt] n. f. (de galet, à cause de


la forme ronde et plate des galettes ; XIIIe s.,
Barbazan, écrit galete [galette, v. 1398, le
Ménagier de Paris], au sens 1 [galette des
Rois, XXe s.] ; sens 2, av. 1799, Marmontel ;
sens 3, av. 1870, Mérimée ; sens 4, av. 1902,
Zola [« à l’École de Saint-Cyr, contre-épau-
lette de sous-lieutenant », 1823, G. Esnault ;
« marche de l’École de Saint-Cyr », XXe s.] ;
sens 5, 1821, Desgranges ; sens 6, 1872,
G. Esnault [mangeur de galette, « fonc-
tionnaire vénal », 1837, Vidocq]). 1. Gâteau
plat et rond, de pâte feuilletée ou non : À
l’heure où les galettes sont retirées du four
(Fromentin). ‖ Galette des Rois, galette de
pâte feuilletée vendue à l’occasion de la fête
des Rois et qui contient une fève destinée à

désigner le « roi » de l’assistance. ‖ 2. Dans


certaines régions, crêpe de farine de sar-
rasin ou de maïs : Elle [Barbette] regarda
son garçon qui surveillait la cuisson des
galettes de sarrasin (Balzac). ‖ 3. Objet en
forme de galette : La charpie manquant, le
médecin avait provisoirement arrêté le sang
des plaies avec des galettes d’ouate (Hugo).
Un fauteuil en paille avec une petite galette
de coussin, rembourrée de je ne sais quels
noyaux de pêche (Mérimée). ‖ 4. Plat,
aplati comme une galette, de forme très
aplatie : Mon grabat aplati comme une
galette (Zola). ‖ Spécialem. Arg. mil. et vx.
À l’École de Saint-Cyr, contre-épaulette de
sous-lieutenant. ‖ Marche de l’École de
Saint-Cyr. ‖ 5. Vx et fam. Personne sans
force, incapable. ‖ 6. Pop. Argent, fortune :
Quand j’aurai du pognon, quand j’aurai
de la galette (Aicard). La grosse galette de
gauche est toujours pour l’honneur des
armes françaises et la politique de prestige
national, et ses journaux hurlent à la mort
(Aymé).

galetteux, euse [galɛtø, -øz] adj. (de


galette ; 1907, Larousse). Pop. Qui a de
la fortune (rare) : Une femme pour gens
galetteux (Tr. Bernard). La clientèle y était
variée, mais galetteuse (Queneau).

galettière [galetjɛr] n. f. (de galette ;


1865, Littré, écrit galetière ; galettière,
XXe s.). Dialect. Dans l’ouest de la France,
poêle à cuire les galettes.

• SYN. : crêpière.

• REM. On écrit aussi GALETIÈRE et on dit


aussi GALETTOIRE.

galeux, euse [galø, -øz] adj. (de gale ;


1495, J. de Vignay, au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, 1690, La Quintinie ; sens
4, 1872, Larousse [brebis galeuse, 1648,
Scarron] ; sens 5, 1897, L. Bloy). 1. Atteint de
la gale : Comme il [un chien] mordait tout
le monde et qu’il était galeux, mes cousines
le firent pendre en secret (Chateaubriand).
Mon chat sur le carreau cherchant une
litière | Agite sans repos son corps maigre
et galeux (Baudelaire). ‖ 2. Relatif à la gale :
Une éruption galeuse. ‖ 3. Qui semble
atteint de la gale : Un bois galeux. ‖ 4. Fig.
Atteint d’un mal moral, contagieux : Dans
ce monde galeux, il passe et marche tout seul
(Barbier). ‖ Brebis galeuse, personne dont
la fréquentation est dangereuse : C’était
mon tour à présent de me sentir une brebis
galeuse (Beauvoir). ‖ 5. Fig. Dont la saleté
fait penser à la gale : Une route de ban-
lieue galeuse, jalonnée d’arbres gémissants
(Colette). De pauvres plaisirs de la gueule
pris sur le marbre gras d’un bistrot galeux
(Aymé).

• SYN. : 5 lépreux, sordide.

& n. (sens 1-2, 1656, Oudin). 1. Personne


atteinte de la gale. ‖ 2. Fig. Individu mépri-
sable : C’est un galeux et un monstre qui
nous a trahis (Taine). Elle n’était pas la seule
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2087
qui le traitât comme un galeux. Personne ne
voulait plus le connaître (France).

galfâtre [galfɑtr] n. m. (de galfat, forme


de certains parlers de l’Ouest qui répond
au franç. calfat [le calfat, qui accomplit un
travail minutieux demandant peu de mou-
vements, semble, vu de loin, ne pas faire
grand-chose, d’où les emplois péjor. de son
nom] ; 1808, d’Hautel, comme sobriquet
d’un garçon d’hôpital ou d’auberge ; sens
moderne, 1867, Delvau). Vx et fam. Propre
à rien : Ça lui crevait le coeur de porter ses
six francs à ces galfâtres (Zola). Lui, lui !
un galfâtre de son espèce ! ah ! non, par
exemple ! (Huysmans).

galgal [galgal] n. m. (réduplication de


l’anc. franç. gal, caillou [v. GALET] ; 1858,
Legoarant). Tumulus de terre et de cailloux
qui renferme une crypte : Le dolmen et le
cromlech celtes, le tumulus étrusque, le gal-
gal hébreu (Hugo).

galhauban [galobɑ̃] n. m. (altér. de


calauban, même sens [1681, Jal], de cale,
impér. du v. caler, et de hauban ; 1677,
Dassié). Dans la marine, cordage servant
à étayer les mâts supérieurs par le travers
et vers l’arrière.

galibot [galibo] n. m. (mot picard issu,


après changement de suff., de galibier,
« garnement », lui-même altéré du picard
galobier [XIVe s.], dér. probable d’un v. non
attesté *galober, composé des anc. v. galer,
« s’amuser » [v. GALANT], et lober, « flatter »
[XIIIe s., Roman de Renart — moyen haut
allem. loben, louer] ; 1er nov. 1871, Revue
des Deux Mondes). Manoeuvre de moins de
dix-huit ans employé au service des voies
dans les houillères : J’ai tout fait là-dedans
[dans la mine], galibot d’abord, puis hers-
cheur, quand j’ai eu la force de rouler, puis
haveur pendant dix-huit ans (Zola).

1. galiléen, enne [galileɛ̃, -ɛn] adj. et n.


(de Galilée, n. géogr. [v. GALERIE] ; XVIIe s.).
Habitant ou originaire de Galilée. ‖ Le
Galiléen, nom donné parfois à Jésus-Christ
et aux premiers chrétiens : J’étais déjà tout
appesanti par l’âge lorsque le grand Pan
mourut et que Jupiter, subissant le sort qu’il
avait infligé à Saturne, fut détrôné par le
Galiléen (France).

2. galiléen, enne [galileɛ̃, -ɛn] adj. (du n.


pr. de Galilei [francisé en Galilée], mathé-
maticien, physicien et astronome italien
[1564-1642] ; XXe s.). Relatif aux concep-
tions de Galilée.

galimafrée [galimafre] n. f. (de l’anc.


franç. galer [v. GALANT] et du picard mafrer,
manger beaucoup [moyen néerl. maffe-
len, même sens] ; v. 1398, le Ménagier de
Paris, écrit calimafrée [galimafrée, XVe s.,
Ch. d’Orléans], au sens 1 ; sens 2, 1764,
Voltaire). 1. Vx. Restes de viande en ragoût.
‖ 2. Vx. Mets peu appétissant : Tronchin l’a
condamné à ne manger que des légumes ;

Monsieur, a dit le duc de Lorges, je ne peux


digérer votre galimafrée (Voltaire).

galimatias [galimatja] n. m. (origine


incertaine, peut-être du bas lat. balli-
mathia, chanson obscène [VIe s.] ; 1580,
Montaigne). Discours ou écrit embrouillé,
inintelligible : Tout ce galimatias-là signi-
fie que M. le chevalier souhaiterait vous
voir à présent (Marivaux). L’esprit français
repoussera surtout le galimatias allemand,
que beaucoup de gens appellent romantique
aujourd’hui (Stendhal). Ces romans-feuille-
tons, rédigés en pathos, en galimatias double
et triple [...], m’ont toujours fait l’effet des
mystères de Rocambole (Proust).

• SYN. : amphigouri, baragouin (fam.),


charabia, embrouillamini, jargon, pathos
(fam.).

• REM. Pouvait s’employer comme adjec-


tif invariable dans la langue classique
(1622, Ch. Sorel) : Si cette fin vous paraît
une peu galimatias, vous ne l’en aimerez
que mieux (Sévigné).

galion [galjɔ̃] n. m. (de l’anc. franç. galie,


galère [1080, Chanson de Roland], var. de
galée [v. ce mot] ; fin du XIIIe s., Joinville
[les galions sont arrivés, 1865, Littré]).
Grand navire armé en guerre, employé
autrefois, surtout par les Espagnols, pour
le commerce avec l’Amérique, notamment
pour transporter l’or extrait des mines du
Mexique et de l’Amérique du Sud : Jenkins
quitta brusquement le groupe d’hommes
dont il faisait partie et s’élança au-devant
des galions (Daudet). Et le nuage errant
allonge seul des ombres | Sur ta rade où rou-
laient les galions géants (Heredia). ‖ Vx et
fig. Les galions sont arrivés, il est arrivé de
l’argent : Il avançait aux étudiants l’argent
de leur mois, qu’il se faisait rendre au triple,
dès que les galions étaient arrivés (Daudet).

galiote [galjɔt] n. f. (de l’anc. franç.


galie [v. l’art. précéd.] ; milieu du XIVe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1740, Acad. ; sens 3,
1694, Th. Corneille ; sens 4, 1865, Littré).
1. Autref. Petite galère. ‖ 2. Autref. Long
bateau couvert avec lequel on voyageait sur
les rivières : Au fond de ce précipice, dans
l’ombre, à travers les broussailles du bord,
on aperçoit la Meuse, avec quelque galiote
qui voyage, paisiblement remorquée par
des chevaux (Hugo). ‖ 3. Auj. Caboteur,
voilier de pêche hollandais. ‖ 4. Traverse
supportant les panneaux de fermeture des
écoutilles.

galipette [galipɛt] n. f. (mot probablem.


d’origine dialectale [cf. le havrais et le nan-
tais calipette, milieu du XIXe s.], dér. de
l’anc. v. galer, s’amuser [v. GALANT], avec
une finale d’origine obscure ; 1883, d’après
Villatte, 1888). Fam. Culbute : Laisse-moi
être un peu de bonne humeur, faire des gali-
pettes (Colette).

• SYN. : cabriole, gambade, pirouette.

galipot [galipo] n. m. (var. de garipot,


résine du pin maritime [1561, Du Pinet],
qui répond sans doute à l’anc. provenç.
guarapot [fin du XIVe s.], mot d’origine
inconnue ; 1571, Archives de Bretagne, I,
106, écrit gallipot [galipot, 1701, Furetière],
au sens 1 ; sens 2, 1840, Acad.). 1. Résine
du pin maritime, appelée communément
térébenthine de Bordeaux. ‖ 2. Sorte de
mastic fait de résine, de matières grasses,
etc., et servant à protéger de l’eau de mer
certaines surfaces d’un bateau : Leur encre
se muait aussitôt en une pâte, en un galipot,
en une poix qui engluait tout (Huysmans).

galipoter [galipɔte] v. tr. (de galipot ;


1840, Acad.). Enduire de galipot.

1. galle [gal] n. f. (lat. galla, galle, noix de


galle ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit
gale ; galle, v. 1398, le Ménagier de Paris).
Excroissance produite par les végétaux
en réaction de défense contre des plaies,
en particulier contre la piqûre de certains
insectes qui déposent leurs oeufs dans ses
tissus. ‖ Galle du chêne, ou noix de galle,
excroissance des feuilles ou des jeunes
pousses du chêne qui se forme autour de
l’oeuf ou de la larve d’un insecte, le cynips :
La galle du chêne a été utilisée pour fabri-
quer de l’encre ou teindre en noir.

2. galle [gal] n. m. (lat. gallus, gr. gallos,


prêtre de Cybèle ; XVIe s., écrit gall ; galle,
1865, Littré). Dans l’Antiquité grecque,
prêtre de Cybèle.

galler [gale] v. intr. (var. orthogr. de l’anc.


franç. galer, même sens [v. GALANT], inusité
depuis le début du XVIIe s. ; 1870, Rimbaud
[dans un pastiche de la langue de Villon]).
Vx et littér. S’amuser, danser : Il sait bien
qu’il a trop gallé au temps de sa jeunesse
folle (Rimbaud).

gallérie [galeri] n. f. (lat. scientif. moderne


galleria, probablem. tiré [à cause des gale-
ries que la chenille de l’insecte creuse dans
les gâteaux des ruches] de l’ital. galleria ou
du franç. galerie [v. ce mot] ; 1808, Boiste).
Teigne dont le genre fait partie des lépidop-
tères et dont la chenille ravage les ruches
en creusant des galeries dans les gâteaux.

gallèse adj. et n. f. V. GALLO.

gallican, e [galikɑ̃, -an] adj. (lat. médiév.


gallicanus, gallican [« de la Gaule, gau-
lois », en lat. class., dér. de Gallia, Gaule] ;
v. 1355, Bersuire, au sens 1 [aussi « fran-
çais », v. 1361, Oresme] ; sens 2, milieu du
XIXe s., Baudelaire). 1. Relatif à l’Église
de France : Dès le second siècle [...], saint
Irénée [...] gouvernait toute l’Église gallicane
(Chateaubriand). ‖ 2. Qui est partisan du
gallicanisme : Non. Il fut gallican, ce siècle,
et janséniste (Verlaine).

& n. (1865, Littré). Partisan des libertés de


l’Église de France : Cette grandeur n’était
pas sans causer plus d’un embarras aux
gallicans (Renan).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2088

gallicanisme [galikanism] n. m. (de


gallican ; 1810, Brunot, au sens 1 ; sens 2,
1865, Littré). 1. Doctrine qui a pour objet la
défense des libertés de l’Église de France à
l’égard du Saint-Siège, tout en restant sin-
cèrement attachée aux dogmes catholiques.
‖ 2. Attachement à cette doctrine : Un fond
de gallicanisme mitigé (Renan).

gallicisme [galisism] n. m. (dér. savant


du lat. gallicus, gaulois [d’où « français »
en lat. médiév.], de Gallus, Gaulois ; 1578,
H. Estienne, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré).
1. Construction ou emploi propre à la
langue française : « Il y a » est un gallicisme.
‖ 2. Construction française transposée
abusivement dans une langue étrangère :
Un latin barbare, vicié de gallicismes, de
savoyard et d’auvergnat (Arnoux).

gallicole [galikɔl] adj. (de galli-, élément


tiré de galle, et de -cole, du lat. colere, culti-
ver, habiter ; 1839, Boiste). Qui vit dans les
galles des végétaux : Un insecte gallicole.
& n. m. (1872, Larousse). Une des formes
évolutives du phylloxéra.

galliformes [galifɔrm] n. m. pl. (de galli-,


élément tiré du lat. gallus, coq, et de forme ;
1872, Larousse). Ordre d’oiseaux corres-
pondant à l’ancienne famille des gallinacés
(poules, dindons, pintades, perdrix, etc.).

galligène [galiʒɛn] adj. (de galli-, élément


tiré de galle, et de -gène, du gr. gennân,
engendrer, produire ; XXe s.). Qui engendre
des galles : De nombreux pucerons sont des
insectes galligènes.

gallinacé, e [galinase] adj. (lat. gallina-


ceus, de poule, de coq, de gallina, poule [v.
GELINE] ; 1770, Buffon). Qui se rapporte ou
ressemble à la poule et au coq.

& gallinacés n. m. pl. (1770, Buffon).


Ancien nom des galliformes.

gallinsectes [galɛ̃sɛkt] n. m. pl. (de


gall[e] et de insecte ; 1752, Trévoux). Nom
commun à divers poux des plantes et
cochenilles, qui ressemblent à des galles.

gallioque [galjɔk] n. f. (probablem. de


galle, avec un second élément d’origine
obscure ; 1872, Larousse). En botanique,
fruit formé par la soudure des écailles d’un
chaton.

1. gallique [galik] adj. (de galle ; 1802,


Flick). Qui provient de la noix de galle :
Acide gallique.

2. gallique [galik] adj. (lat. gallicus,


gaulois, de Gallus, Gaulois ; v. 1460,
G. Chastellain). Relatif aux anciens
Gaulois : Un Hercule gallique (L. Bertrand).

gallisation [galizasjɔ̃] n. f. ou gallisage


[galizaʒ] n. m. (de Gall, n. de l’inventeur
du procédé ; 1888, Larousse, écrit gallisage,
n. m. ; gallisation, n. f., XXe s.). Procédé de
fabrication de vin par adjonction de sucre
et d’eau au marc de raisin, ou d’eau sucrée
à un moût.

1. gallo- [galo], élément tiré du lat. Gallus,


Gaulois, et signifiant « qui concerne les
Gaulois ou les Français ».

2. gallo ou gallot [galo], fém. gallèse


[galo] ou gallote [galɛz] adj. et n. (du
breton gall, français, lat. Gallus, Gaulois ;
XIIIe s., Grandes Chroniques de France,
comme adj., écrit galot, au sens de « de
langue française » [gallo, 1877, Littré] ;
1881, Revue celtique). Habitant ou origi-
naire de la haute Bretagne : Biel était natif
de Plouër, sur la Rance, c’est-à-dire haut
breton, « gallo » (Vercel).

& adj. (XXe s.). Relatif aux gallos : Un parler


gallo.

& gallo ou gallot n. m. (1872, Larousse,


écrit gallot). Dialecte français parlé en
Bretagne.

gallois, e [galwa, -az] adj. et n. (de Galles,


n. géogr., angl. Wales ; 1872, Larousse).
Relatif au pays de Galles ou à ses habitants ;
habitant ou originaire de cette région.

& n. m. (1872, Larousse). Langue celte par-


lée surtout dans le pays de Galles.

gallo-italien [galɔitaljɛ̃] adj. et n. m. (de


gallo- et de italien ; XXe s.). Se dit parfois
des dialectes de l’Italie du Nord (lombard,
piémontais, ligurien, émilien-romagnol et
patois du sud de la Suisse).

gallomanie [galomani] n. f. (de gallo- et


de manie ; 21 sept. 1787, Courrier de l’Eu-
rope). Tendance à admirer aveuglément
tout ce qui est français.

gallon [galɔ̃] n. m. (mot angl., lui-même


empr. de l’anc. normanno-picard galon,
mesure pour les liquides [XIIe s., Godefroy
— jalon en anc. franç.], mot de la même
famille que l’anc. franç. jaloie, mesure de
capacité [1237, Godefroy], bas lat. galleta,
seau [Xe s.], mot d’origine inconnue ; 1691,
Misson). Mesure de capacité anglo-saxonne
pour les liquides et les grains, valant 4,546
litres en Grande-Bretagne et 3,787 litres
aux États-Unis.

gallophobe [galɔfɔb] adj. et n. (de gallo-


et de -phobe, du gr. phobos, crainte ; 1845,
Bescherelle). Qui nourrit des sentiments
d’hostilité à l’égard de la France et des
Français. (Rare.)

gallophobie [galɔfɔbi] n. f. (de gallo- et


de -phobie, du gr. phobos, crainte ; 1845,
Bescherelle). Sentiments d’hostilité envers
la France, les Français (rare) : L’Autriche, en
réveillant de tous ses efforts la gallophobie
en Allemagne, a réveillé les idées démocra-
tiques de 1815 (Mérimée).

• SYN. : francophobie. — CONTR. :


francophilie.

gallo-romain, e [gallorɔmɛ̃, -ɛn]


adj. (de gallo- et de romain ; av. 1841,
Chateaubriand). Qui concerne les habitants
de la Gaule, depuis la conquête romaine
jusqu’à l’installation des Francs : Les
monuments gallo-romains.

& n. (1865, Littré). Habitant de la Gaule


pendant la domination romaine.

gallo-roman ou galloroman
[gallorɔmɑ̃] n. m. (de gallo- et de roman,
adj. ; 1887, Revue des patois galloromans,
comme adj., au sens de « parlé sur le terri-
toire de l’ancienne gaule romane » ; comme
n. m., au sens actuel, début du XXe s.).
Langue romane qui était parlée en Gaule.

gallot, ote adj. et n. V. GALLO.

galluchat n. m. V. GALUCHAT.

gallup [galoep] n. m. (du n. de George


Horace Gallup, journaliste américain [né
en 1901] qui créa en 1935 un institut de son-
dage de l’opinion publique ; 1948, Larousse).
Sondage de l’opinion publique à l’aide d’un
questionnaire.

gallurien, enne [galyrjɛ̃, -ɛn] adj. et n.


m. (de Gallura, n. géogr. d’un des quatre
districts entre lesquels la Sardaigne était
partagée au Moyen Âge ; XXe s.). Se dit d’un
dialecte sarde parlé dans le nord-est de la
Sardaigne.

galoche [galɔʃ] n. f. (de l’anc. franç. gal,


caillou [v. GALET], par comparaison de
l’épaisse semelle de bois de la chaussure
avec un galet ; XIVe s., Gay, au sens I, 2 [sans
aucun doute plus anc., v. la date du dér.
galochier] ; sens I, 1, XVIe s., La Curne ; sens
I, 3, 1704, Trévoux [.. de... ; ... en..., 1833,
Balzac] ; sens II, 1, fin du XVIe s., Brantôme ;
sens II, 2, 1848, Jal [« trou dans le pan-
neau d’une écoutille pour faire passer un
câble », 1643, G. Fournier] ; sens III, 1907,
Larousse).

I. 1. Vx. Chaussure de cuir fort qu’on


mettait par-dessus les souliers pour les
protéger. ‖ 2. Sorte de chaussure à des-
sus de cuir et à semelle de bois épaisse.
‖ 3. Fig. Menton de galoche ou en ga-
loche, menton long, pointu et relevé vers
l’avant : Son menton en galoche, son nez
busqué, ses lunettes d’or, sa petite taille
surmontée d’un toupet blanc vaporeux le
faisaient ressembler aux caricatures de
M. Thiers (Martin du Gard).

II. 1. En termes de marine, poulie longue


et plate, garnie d’un rouet à une extré-
mité, ouverte sur l’une de ses faces : Deux
poulies de guinderesse frappées en galoche
à l’arrière de la panse (Hugo). ‖ 2. Pièce
métallique de guidage pour les amarres
ou les chaînes, rivée ou vissée dans le bois
d’un bordé.

III. Sorte de grosse toupie employée dans


un jeu.

galocher [galɔʃe] v. intr. (de galoche ;


1907, Larousse). Faire du bruit en marchant
avec des galoches : Les petites galochaient
aussi (Frapié).

galocherie [galɔʃri] n. f. (de galochier ;


XXe s.). Fabrique de galoches.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2089

galochier [galɔʃje] ou galocher


[galɔʃe] n. m. (de galoche ; 1292, Dict.
général, écrit galochier ; galocher, 1900,
Dict. général). Marchand ou fabricant de
galoches : Cette petite rue de galochiers
sentant le bois de noyer, le cuir (Pourrat).

galon [galɔ̃] n. m. (déverbal de galonner ;


1379, Inventaire de Charles V, au sens 1
[« étoffe tissée en forme de ruban, utilisée
pour l’ornementation et l’ameublement »,
1865, Littré] ; sens 2, 1865, Littré [à Paris, les
marchands d’habits criaient vieux habits,
vieux galons ! ; au fig., av. 1857, Musset] ;
sens 3, 1872, Larousse ; sens 4, 1865, Littré
[prendre du galon, XXe s. ; quand on prend
du galon, on n’en saurait trop prendre, 1865,
Littré ; arroser ses galons, 1872, Larousse] ;
sens 5, av. 1870, Mérimée). 1. Ruban de tissu
épais et serré, d’or, d’argent, de laine, de
soie, et servant à orner ou à protéger des
vêtements, des coiffures : Mon chapeau
[...], dépouillé de presque tout son galon
(France). ‖ Étoffe tissée en forme de
ruban, utilisée pour l’ornementation et
l’ameublement : Des rideaux de calicot
blanc, bordés d’un galon rouge (Flaubert).
‖ 2. Vx. Vieux galons, choses défraîchies,
usées, hors d’usage ; au fig., vieilles idées
ressassées, sans valeur : Vieux galons de
Rousseau, défroque de Voltaire (Musset).
‖ 3. En architecture, bandelette garnie
de perles. ‖ 4. Signe distinctif des grades
dans l’armée (à l’exclusion des officiers
généraux) : Adieu les galons de maréchal
des logis (Mérimée). ‖ Prendre du galon,
monter en grade ; au fig., obtenir de l’avan-
cement. ‖ Vx. Quand on prend du galon,
on n’en saurait trop prendre, on ne saurait
trop profiter d’une occasion, s’attribuer un
titre, un rang trop élevé. ‖ Fam. Arroser
ses galons, fêter sa promotion en offrant à
boire aux amis. ‖ 5. Fig. Marque de pou-
voir, situation avantageuse : Toi, mainte-
nant, tu as gagné tes galons. Tu as assez
pétri le fer (Giono).

galonnard [galɔnar] n. m. (de galon ;


1920, Bauche, au sens 1 ; sens 2, av. 1922,
Proust). 1. Fam. et péjor. Celui qui porte des
galons, l’officier : Les « galonnards » et [...]
les traîneurs de sabre (Farrère). ‖ 2. Fam.
Partisan de l’armée, au temps de l’affaire
Dreyfus : Ils doivent être tout ce qu’il y a
de plus anti [dreyfusards] et galonnards
(Proust).

galonné, e [galɔne] adj. (part. passé


de galonner ; XVIIe s.). Orné, couvert de
galon : Un manteau bleu, galonné d’argent
(Gautier).

& galonné n. m. (1922, Larousse). Fam.


Officier ou sous-officier : Galonnés ou
non, ce sont les mêmes servitudes, les mêmes
souffrances (Martin du Gard).

galonner [galɔne] v. tr. (du radical de


l’anc. v. galer, s’amuser [v. GALANT] ; v. 1130,
Eneas, au sens de « orner [les cheveux, la
barbe] avec un fil d’or » ; sens 1-2, 1611,

Cotgrave). 1. Orner de galon : Galonner un


chapeau. ‖ 2. Border les parties coupées
des étoffes dépourvues de lisière, pour les
empêcher de s’effilocher.

galonnier, ère [galɔnje, -ɛr] n. (de


galon ; 1757, Encyclopédie). Personne qui
fabrique des galons.

galop [galo] n. m. (déverbal de galo-


per ; 1080, Chanson de Roland, au sens
1 [branle de galop, 1838, Acad. ; galop
allongé, de chasse, de course, de manège,
d’école, 1865, Littré ; donner un galop, galop
rassemblé, galop d’essai, XXe s. ; temps de
galop, 1784, Beaumarchais] ; sens 2, XIIe s.,
Roncevaux ; sens 3, av. 1660, Saint-Amant ;
sens 4, 10 mars 1829, Journ. des dames ; sens
5, 1922, Larousse ; sens 6, 1872, Larousse
[prendre... ; courir le grand galop, 1668,
Racine] ; sens 7, 1865, Littré). 1. Allure la
plus rapide du cheval et qui s’effectue en
trois temps, appelés « battues » : Prendre le
galop. Mettre son cheval au galop. J’entends
le galop des chevaux (Fromentin). ‖ Vx.
Branle de galop, mouvement du cheval
pendant le galop. ‖ Donner un galop, faire
galoper un cheval sur une piste spéciale
en vue de le préparer à une épreuve spor-
tive. ‖ Galop allongé, galop rapide dans
lequel les foulées du cheval sont allongées.
‖ Galop de chasse, galop modéré qu’un
cheval peut soutenir assez longtemps sans
trop de fatigue. ‖ Galop de course, galop
poussé à la plus grande vitesse. ‖ Galop
de manège, ou galop rassemblé, galop très
ralenti, mais bien cadencé. ‖ Temps de
galop, court espace parcouru au galop.
‖ Galop d’école, air de manège à trois
temps, un peu ralenti et très cadencé. (Syn.
GALOPADE.) ‖ Galop d’essai, épreuve qui
permet de connaître les possibilités d’un
cheval, et, par extens., d’un animal, d’un
homme ou d’une machine. ‖ 2. Allure du
cavalier dont le cheval est au galop : Il avait
fait une fois trente lieues dans un jour, au
galop ou au grand trot (Mérimée). ‖ 3. Fig.
Mouvement extrêmement rapide : Chassez
le naturel, il revient au galop (Destouches).
‖ 4. Ancienne danse à deux temps, d’un
mouvement rapide, d’origine hongroise ;
air rythmant cette danse : Un tourbillon
de valses et de galops dont je n’avais point
d’idée (Nerval). [Syn. GALOPE.] ‖ 5. Bruit
de galop, en médecine, bruit anormal du
coeur perçu à l’auscultation et consistant
dans un troisième bruit pathologique
s’ajoutant aux deux bruits normaux.
‖ 6. Prendre, courir le grand galop, faire
les choses avec précipitation. ‖ 7. Vx et pop.
Vive réprimande : Prendre un fameux galop
(Zola).

galopade [galɔpad] n. f. (de galoper ; 1611,


Cotgrave, au sens de « action de galoper » ;
sens 1, 1696, Dancourt [« temps de galop
assez prolongé, à une vitesse plus ou moins
rapide et régulière », XXe s.] ; sens 2, 1865,
Littré ; sens 3, 1887, Zola ; sens 4, fin du
XIXe s., Huysmans). 1. Course au galop.

‖ Spécialem. Temps de galop assez pro-


longé, à une vitesse plus ou moins rapide
et régulière. ‖ 2. Air de manège ralenti et
cadencé, dit aussi galop d’école. ‖ 3. Course
précipitée : Une galopade dévale l’escalier
(Colette). De la pièce voisine monta un
bruit de galopade et de dispute (Aymé).
‖ 4. Fig. et fam. À la galopade, à la hâte :
La bousculade des gens bâfrant à la galo-
pade les comestibles avariés [...] m’amusait
(Huysmans).

galopant, e [galɔpɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de galoper ; 1836, Landais, au sens 2 ; sens 1,
1872, Larousse ; sens 3, 1965, G. Bouthoul).
1. Qui va au galop : La troupe galopante
des chevaux (Huysmans). ‖ 2. Phtisie
galopante, tuberculose à évolution très
rapide : C’était une phtisie galopante,
d’un caractère infectieux particulier (Zola).
‖ 3. Démographie galopante, accroissement
accéléré de la population d’un pays.

galope [galɔp] n. f. (déverbal de galoper ;


1810, Lesné, au sens II ; sens I, 1, 1830,
Scribe ; sens I, 2, 1900, Dict. général).

I. 1. Ancienne danse rapide à deux


temps, dite plus souvent galop. ‖ 2. Fig.
et fam. À la galope, avec précipitation et
sans soin : J’achève le livre de Rebatet lu à
la galope (Gide).

II. Instrument de relieur servant à tracer


rapidement des raies sur la couverture.

galoper [galɔpe] v. intr. (francique


*wala hlaupan, proprem. « bien sauter » ;
v. 1138, Gaimar, aux sens 1-2 ; sens 3, 1690,
Furetière ; sens 4, av. 1872, Th. Gautier ; sens
5, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens 6,
1872, Larousse). 1. Aller le galop : Des che-
vaux au vent galopent à travers les jachères
(Hugo). ‖ 2. Monter un cheval qui court
le galop : Si un cavalier ennemi galope sur
toi... (Stendhal). ‖ 3. Marcher, courir très
vite : Les femmes, les enfants continuaient
à galoper (Zola). Il passait d’exquises jour-
nées à galoper de son cabinet aux Archives
(Courteline). ‖ 4. Par anal. Se déplacer
rapidement : Des doigts faisaient grincer et
galoper ma plume (Gautier). ‖ 5. Fig. Aller,
passer vite : Je vois déjà comme le temps
galopera (Sévigné). ‖ 6. Fig. S’emballer,
s’exalter : Laisser son imagination, ses
pensées galoper. Et tandis que les pages
noircissaient à vue d’oeil sous le galop pré-
cipité de sa main, sa pensée aussi galopait
(Courteline).

• SYN. : 3 cavaler (pop.) ; 5 s’enfuir, s’envoler.


& v. tr. (sens 1, fin du XIIe s., Aliscans ; sens
2, 1458, Mystère du Vieil Testament [galoper
une femme, 1696, Regnard] ; sens 3, 1680,
Richelet ; sens 4, fin du XVIIIe s., Laharpe
[« torturer », 1501, G. Cohen ; « tourmenter,
malmener », v. 1570, Carloix]). 1. Faire aller
au galop : Galoper un cheval. ‖ 2. Class.
Poursuivre quelqu’un : Les sergents l’ont
galopé (Acad., 1694). ‖ Fam. Galoper une
femme, la poursuivre de ses assiduités : Un
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2090

marquis de même caractère, | Grand épou-


seur aussi, la galope et la flaire (Regnard).
‖ 3. Fam. Parcourir, accomplir en hâte : Ce
qui est fait proprement et ce qui est galopé
(France). Nous l’avons galopée, cette expo-
sition (Bourget). ‖ 4. Presser vivement :
Galopé par une fièvre de cheval (Zola). Les
mains du malade se crispent sur les draps.
La peur le galope (Martin du Gard).

& v. tr. ind. (1872, Larousse). Fam. Galoper


après, rechercher avec ardeur : Je ne galope
pas après le vin, mais le café (Renard).

galopeur, euse [galɔpoer, -øz] adj. et


n. (de galoper ; fin du XVIe s., au sens de
« qui galope » ; 1872, Larousse, au sens de
« personne qui danse ou aime à danser le
galop » ; sens 1-3, début du XXe s.). 1. Qui
a des aptitudes pour le galop (en parlant
d’un cheval de course) : Son pied étroit de
galopeuse (Pesquidoux). ‖ 2. Par extens.
et fam. En parlant d’une personne, qui
aime courir çà et là : Les petits galopeurs
du quartier (Hamp). ‖ 3. Fam. Qui aime
courir les aventures galantes.

galopin [galɔpɛ̃] n. m. (de galoper ; 1388,


Prost, au sens 1 [comme n. pr. dès le XIIe s.,
Du Cange] ; sens 2, 1611, Cotgrave ; sens
3, 1713, Hamilton [« enfant effronté, mal
élevé », 1848, G. Sand]). 1. Class. Jeune
garçon chargé des commissions : On dit
que vous n’avez pas seulement un laquais,
et que c’est un galopin de la rue qui vous
éclaire (Hamilton). ‖ 2. Class. et littér.
Petit marmiton : Vendôme arriva droit à
Marly ; ce fut une rumeur épouvantable ;
les galopins, tous les valets de la cour quit-
tèrent tout pour environner la chaise de
poste (Saint-Simon). Pour observer [...]
le fidèle Criton et les galopins de cuisine
(France). ‖ 3. Fam. Gamin qui court les
rues : Il riait quand on l’appelait galopin, se
fâchait quand on l’appelait voyou (Hugo).
Nous menions, parmi des tas de pavés, une
guerre très effrayante contre les galopins de
l’école rivale (Duhamel). ‖ Enfant effronté,
mal élevé : C’est un méchant galopin, à l’oeil
vert, aux cheveux filasse, à l’expression cha-
fouine (Gide).

• SYN. : 3 chenapan, garnement, polisson,


vaurien.

galopiner [galɔpine] v. intr. (de galo-


pin ; 1881, Huysmans). Pop. Courir les
rues, comme un galopin (rare) : J’enviais
la misère des mioches du peuple qui galo-
pinaient sur les trottoirs (Huysmans). Si
tu n’avais pas été galopiner avec l’autre
morveux... (Vercel).

galoubet [galubɛ] n. m. (mot pro-


venç., probablem. dér. d’un v. non attesté
*galaubar, jouer magnifiquement,
tiré de l’anc. provenç. galaubiar, agir
bien, dér. de galaubia, étalage, pompe,
gotique *galaubei, grande valeur ; 1767,
J.-J. Rousseau [galoubé, tambourin — 1765,
Encyclopédie, art. tambourin — est une
définition erronée]). Petite flûte champêtre

aux sons aigus, en usage dans le midi de la


France : Elle admira surtout le galoubet, la
naïve flûte rustique à trois trous des anciens
tambourinaires (Daudet).

galuchat [galyʃa] n. m. (de Galuchat, n.


de l’inventeur [mort en 1774] du procédé de
préparation des peaux de certains poissons ;
1762, Havard). Peau de certains poissons,
notamment de la raie et de squales, prépa-
rée pour la gainerie : M. le sous-secrétaire
d’État tirait de sa jaquette un élégant por-
tefeuille en galuchat (Daudet). Ses besicles
qu’il enferme dans un étui de galuchat
(H. de Régnier).

• REM. On trouve aussi la graphie


GALLUCHAT.

galurin [galyrɛ̃] n. m. (de l’anc. mot galure,


galant, mignon [av. 1493, G. Coquillart],
dér. de l’anc. franç. galer [v. GALANT] ; 1866,
Delvau). Pop. Chapeau : A-t-on idée de se
coiffer d’un galurin pareil quand on se met
à la besogne ? (Gide).

• REM. On dit aussi, par abrév., GALURE


(1881, G. Esnault) : On n’a pas de frais
de toilette, avec deux galures et deux cos-
tumes tailleur (Colette).
galvanique [galvanik] adj. (de galva-
nisme ; 1801, Fourcroy [pile galvanique,
1845, Bescherelle ; courant, dépôt galva-
nique, XXe s.]). En électricité, qui a trait au
galvanisme : Des expériences galvaniques.
En entendant cette horrible phrase, Pons se
redressa comme si la décharge de quelque
pile galvanique l’eût atteint (Balzac).
‖ Courant galvanique, se disait autrefois du
courant produit par les piles galvaniques ;
auj., courant continu employé en électro-
thérapie. ‖ Dépôt galvanique, dépôt obtenu
par galvanoplastie.

galvaniquement [galvanikmɑ̃] adv. (de


galvanique ; 1845, Bescherelle). D’une façon
galvanique ; par les effets du galvanisme.

galvanisation [galvanizasjɔ̃] n. f. (de


galvaniser ; 1802, P. Sue). Action de galva-
niser (au pr. et au fig.) : En thérapeutique,
la galvanisation a pour effet l’électrolyse
des tissus. Le fer devient inoxydable par la
galvanisation. La galvanisation d’un amour
nouveau (Barbey d’Aurevilly).

galvanisé, e [galvanize] adj. (part. passé


de galvaniser). 1. Qui a subi une galvanisa-
tion : La vision de ce cadavre galvanisé, au
visage cireux, au regard affreusement fixe
(Aymé). ‖ 2. Fig. Doué d’un dynamisme
passager.

galvaniser [galvanize] v. tr. (de galva-


nisme ; 1865, Littré, au sens I, 1 [« faire
contracter des muscles inertes par une
excitation électrique », 1799, A. Humboldt] ;
sens I, 2, 1831, V. Hugo [« donner de l’ani-
mation », 1845, Bescherelle] ; sens I, 3, 1845,
Bescherelle ; sens II, 1900, Dict. général).

I. 1. Soumettre à l’effet de la pile galva-


nique. ‖ Spécialem. En électrothérapie,

faire contracter des muscles inertes par


une excitation électrique : Galvaniser une
grenouille. ‖ 2. Par anal. Rendre le mou-
vement à un corps inerte : Ni baiser, ni
succions, ni morsures ne purent galvani-
ser ce cadavre raidi (Barbey d’Aurevilly).
‖ Donner de l’animation, de la vie, de
l’activité : C’est une ville morte, que gal-
vanise à peine le contact des étrangers
(Gautier). Les médecins le disent plus gal-
vanisé par l’altitude que réellement guéri
(Colette). ‖ 3. Fig. Donner une énergie
soudaine et passagère à : En général, rien
n’était mieux fait pour galvaniser son
ardeur que la défaillance des autres (Mar-
tin du Gard). On incrimine aujourd’hui
notre littérature ; on lui reproche son
raffinement et d’avoir travaillé à affaiblir
plutôt qu’à galvaniser nos énergies (Gide).
‖ Enthousiasmer, exalter : Son fin et joli
babil galvanisait jusqu’aux princes les
plus moroses (Villiers de L’Isle-Adam).
Cet orateur réussit à galvaniser la foule.

II. Recouvrir une pièce métallique d’une


couche de zinc : On galvanise le fer et
l’acier pour éviter qu’ils ne se couvrent de
rouille.

• SYN. : I, 2 animer, ranimer, réveiller,


vivifier ; 3 déchaîner, électriser, enflam-
mer, entraîner, survolter, transporter.
‖ II zinguer.

galvaniseur [galvanizoer] n. m. (de galva-


niser ; 1872, Larousse). Ouvrier chargé de
la surveillance et de l’entretien d’un bain
de zinc en fusion destiné à la galvanisation
des métaux.

galvanisme [galvanism] n. m. (du n. de


L. Galvani, physicien italien [1737 - 1798]
qui découvrit l’électricité animale, en 1780 ;
1797, Annales de chimie). Action des cou-
rants électriques continus sur les organes
vivants : Le galvanisme est couramment
utilisé pour le diagnostic et pour le traite-
ment de nombreuses affections des nerfs
et des muscles.

1. galvano- [galvano], élément tiré du


n. pr. Galvani [v. l’art. précéd.] et entrant
dans la composition de mots savants.

2. galvano [galvano] n. m. (1888,


Larousse). Abrév. fam. de GALVANOTYPE.

galvanocautère [galvanɔkotɛr] n. m.

(de galvano- 1 et de cautère ; 1877, Littré).

En médecine, cautère dans lequel la chaleur


est produite par un courant électrique.

• SYN. : électrocautère.

galvanomètre [galvanɔmɛtr] n. m. (de


galvano- et de -mètre, gr. metron, mesure ;
1802, P. Sue [galvanomètre balistique,
XXe s.]). Instrument servant à mesurer
l’intensité des courants électriques faibles
en utilisant leurs actions électromagné-
tiques. ‖ Galvanomètre balistique, appareil
destiné à mesurer la quantité d’électricité
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2091

transportée par un courant dans un temps


très court.

galvanométrique [galvanɔmetrik] adj.


(de galvanomètre ; 1872, Larousse). Relatif
au galvanomètre.

galvanoplaste [galvanɔplast] n. m. (de


galvanoplastie ; 26 janv. 1876, Journ. offi-
ciel). Ouvrier qui fait des clichés d’impri-
merie par galvanotypie.

galvanoplastie [galvanɔplasti] n. f. (de


galvano- 1 et de -plastie, du gr. plassein,
plattein, façonner, modeler ; milieu du
XIXe s.). Procédé consistant à déposer, par
électrolyse, un métal sur un objet pour le
recouvrir, et, spécialem., sur le moule d’une
empreinte pour la reproduire en relief ; et
au fig. : Tous les mots maintenant sont
comme durcis, vernis, trop brillants [...].
Comme sous l’effet de la galvanoplastie, tout
se recouvre d’une couche de métal clinquant
(Sarraute).

galvanoplastique [galvanɔplastik] adj.


(de galvanoplastie ; 1860, Th. Gautier, au
sens 2 ; sens 1, 1872, Larousse). 1. Relatif
à la galvanoplastie. ‖ 2. Obtenu par
galvanoplastie.

galvanopuncture [galvanɔpɔ̃ktyr]
n. f. (de galvano- 1 et de [acu]puncture ;
1840, A. F. H. Fabre). En médecine, syn.
de ÉLECTROPUNCTURE.

galvanoscope [galvanɔskɔp] n. m. (de


galvano- 1 et de -scope, du gr. skopeîn,
observer, examiner ; 1865, Littré). Appareil
destiné à déceler le passage d’un courant
électrique.

galvanotaxie [galvanɔtaksi] n. f. (de


galvano- 1 et de -taxie, du gr. taxis, mise
en ordre, arrangement, disposition, dér. de
tassein, tattein, mettre à une place fixe ou
appropriée ; XXe s.). En biologie, réaction
déterminée chez les animaux par le courant
électrique.

• SYN. : galvanotropisme.

galvanotropisme [galvanɔtrɔpism]
n. m. (de galvano- 1 et de -tropisme, du
gr. tropos, direction, tournure, attitude,
manière, façon, dér. de trepein, tourner ;
1888, Larousse). Syn. de GALVANOTAXIE.

galvanotype [galvanɔtyp] n. m. (de gal-


vano- 1 et de -type, gr. tupos, marque ; début
du XXe s.). Cliché typographique en relief
obtenu par des procédés électrolytiques.
(On dit plus souvent, par abrév., GALVANO.)

galvanotypie [galvanɔtipi] n. f. (de gal-


vano- 1 et de -typie, du gr. tupos, marque ;
1922, Larousse). Galvanoplastie appliquée
spécialement à la production de clichés
typographiques.

galvaudage [galvodaʒ] n. m. (de galvau-


der ; 1842, Balzac). Action de galvauder, de
se galvauder : Soyez comme moi, calme.
Ne vous donnez pas en spectacle aux sots.
Surtout pas de galvaudages ni de chipoteries

[...], tâchez de garder le décorum des gens


riches (Balzac).

galvauder [galvode] v. tr. (probablem.


contamination de l’anc. v. galer, s’amuser [v.
GALANT], et de ravauder ; 1690, Furetière,
au sens 1 ; sens 2, 1810, d’après Larchey,
1889 ; sens 3, 1770, Voltaire). 1. Class. et
fam. Maltraiter en paroles : Le cardinal
était [...] avec une femme qu’il galvaudait
(Saint-Simon). ‖ 2. Vx et fam. Mal exécu-
ter, gâcher : Galvauder un ouvrage. ‖ 3. Fig.
Faire un mauvais usage de quelque chose ;
avilir : Il a peur que je ne galvaude son nom
(Augier). [Catulle Mendès] avilissant, gal-
vaudant ou salissant indifféremment tous
les genres qu’il lui prit la fantaisie de chaus-
ser (Gide). Elle [Mme Mostils] ne galvau-
dait pas son autorité pour des peccadilles
(Beauvoir). Galvauder son talent.

• SYN. : 3 dégrader, déshonorer, flétrir, pro-


faner, prostituer, salir, souiller, ternir.

& v. intr. (1887, d’après Larchey, 1889). Vx


et fam. Vagabonder dans les rues : Il passe
son temps à galvauder.

& se galvauder v. pr. (1836, Balzac). Vx.


Perdre sa réputation dans une aventure
douteuse ; se compromettre : Se galvauder
dans une affaire louche. Elle s’est galvaudée
avec un financier de bas étage (Becque).

galvaudeur, euse [galvodoer, -øz] n.


(de galvauder [v. ce mot] ; 1778, Alberti de
Villeneuve, au sens de « grondeur » ; sens
actuel, 1841, les Français peints par eux-
mêmes). Syn. rare de GALVAUDEUX, EUSE :
Un galvaudeur ! On ne sait même pas d’où
il vient (Gide).

galvaudeux, euse [galvodø, -øz] n. (var.


régionale de galvaudeur [v. ci-dessus] ; 1865,
Larchey). Pop. Vagabond, propre à rien :
Pourquoi donc qu’elle donnerait comme les
autres sa jeunesse à un tas de galvaudeux
d’ouvriers qui lui mangeraient tout ce qu’elle
gagne ? (Huysmans). Qu’est-ce que vous
venez fiche ici, tas de galvaudeux ? (Zola).
• SYN. : chenapan (pop.), galapiat (pop.),
vaurien.

1. gamache [gamaʃ] n. f. (anc. provenç.


gamacha, houseau [1383, Pansier], esp. gua-
dameci, cuir de Ghadamès, ar. gadāmasī,
même sens ; 1595, Gay). Longue guêtre bou-
tonnée, en usage aux XVe et XVIe s. : Des
guêtres, ou gamaches, serrant une jambe
sèche et nerveuse (Nerval).

2. gamache [gamaʃ] n. f. (origine obs-


cure ; 1845, Bescherelle). Nom usuel de la
fauvette à tête noire.

gamay [gamɛ] n. m. (de Gamay, n. d’un


village du sud de la Côte-d’Or ; 1775, Liger,
écrit gamet ; gamay, 1816, A. Jullien ; gamai,
gamais, 1872, Larousse). Cépage noir à jus
blanc, cultivé surtout dans le Beaujolais,
dans le Centre et en Lorraine.

gambadant, e [gɑ̃badɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de gambader ; 1932, Céline). Qui gam-

bade : Une troupe gambadante de jeunes


enfants.

gambade [gɑ̃bad] n. f. (provenç. cam-


bado, gambado, dér. de cambo, jambe, mot
de même étym. que le franç. jambe [v. ce
mot] ; av. 1493, G. Coquillart, au sens 1 ;
sens 2, 1611, Cotgrave). 1. Bond où l’on
agite les jambes, généralement en signe
de joie : Faire des gambades. Jamais singe
ne fit plus de gambades (Mérimée). Petits
garçons et petites filles nous entourent avec
des cris et des gambades (Loti). ‖ 2. Fig. et
vx. Payer en gambades, éluder le paiement
d’une dette, « payer en monnaie de singe »,
par allusion aux jongleurs qui acquittaient
leurs droits en faisant danser leurs singes
devant le péager.

• SYN. : 1 cabriole, culbute, entrechat,


galipette.

gambader [gɑ̃bade] v. intr. (de gambade ;


gambader [gɑ̃bade] v. intr. (de gambade ;
1526, Bourdigné, au sens 1 [var. gambadir
— dans un texte dialectal —, 1425, Dict.
général] ; sens 2, 1808, d’Hautel). 1. Faire
des gambades : Le chien lui lécha les pieds,
le flatta [son maître] avec sa queue, jappa,
gambada de son mieux (Hugo). Le désir [...]
de courir, de gambader (Daudet). ‖ 2. Vx et
fig. S’abandonner à sa fantaisie : Le même
auteur gambada parmi les drôleries irré-
vérencieuses (Taine).

• SYN. : 1 bondir, courir, s’ébattre, sauter,


sautiller.

gambadeur, euse [gɑ̃badoer, -øz] adj.


et n. (de gambader ; 1845, Bescherelle). Qui
fait ou aime à faire des gambades.

gambe [gɑ̃b] n. f. (forme normande cor-


respondant au franç. jambe ; 1704, Trévoux,
au sens 1 ; sens 2, 1702, d’après Trévoux,
1743). 1. Sur les anciens voiliers, chacun des
cordages tendus des bords des hunes aux
bas haubans. ‖ 2. Viole de gambe, v. VIOLE.

gamberge [gɑ̃bɛrʒ] n. f. (déverbal de


gamberger ; 1952, G. Esnault). Arg. Idée,
imagination : Manquer de gamberge.

gamberger [gɑ̃bɛrʒe] v. tr. et intr. (var.


de comberger, gomberger, compter [1837,
Vidocq], réfléchir [1899, G. Esnault], mot
formé sur le radical de compter ; 1844, au
sens de « compter », et 1926, au sens actuel,
G. Esnault). [Conj. 1 b.] Arg. Imaginer,
combiner : Gamberger un fric-frac.

1. gambette [gɑ̃bɛt] n. f. (var. picarde


de jambette ; XIIIe s., Aucassin et Nicolette,
écrit gambete [gambette, XVIIIe s. ; jouer des
gambettes, 1930, Larousse]). Pop. Jambe :
Montrer ses gambettes. ‖ Jouer des gam-
bettes, s’enfuir.

2. gambette [gɑ̃bɛt] n. m. (du précé-


dent ; 1834, Baudrillart [bécasse Scolopax
totanus, 1793, Nemnich]). Échassier du
genre chevalier, à pieds rouges, commun
en France, lors des passages d’oiseaux
migrateurs.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2092

1. gambier [gɑ̃bje] n. m. (malais gambir,


cachou pâle ; début du XVIIe s., écrit gambeir
[gambir, fin du XVIIIe s. ; gambier, 1877,
Littré], au sens de « cachou pâle » ; sens
actuel, 1872, Larousse [écrit gambir ; gam-
bier, 1878, Larousse]). Nom d’un arbrisseau
et de la matière tannante qu’il produit,
appelée aussi cachou pâle.

2. gambier [gɑ̃bje] v. tr. (de gambe ; 1842,


Acad.). En termes de marine, changer de
bord une voile à antenne ou une voile à
bourcet en faisant passer la vergue de
l’autre côté du mât.

• REM. On dit aussi GAMBEYER (1922,


Larousse).

gambiller [gɑ̃bije] v. intr. (de gambe,


var. normanno-picarde de jambe ; 1611,
Cotgrave, au sens 1 [var. se guambayer,
même sens, 1534, Rabelais] ; sens 2, 1848,
Jal ; sens 3, 1623, G. Esnault). 1. Vx. Agiter
ses jambes pendantes : Il gambillait, d’une
adresse de singe, à se rattraper des mains,
des pieds, du menton (Zola). ‖ 2. Spécialem.
Dans la marine, progresser à la force des
poignets sur un cordage tendu, les jambes
pendantes. ‖ 3. Pop. Danser sur un rythme
vif : Elle est si joyeuse qu’elle gambille,
qu’elle chahute (Huysmans).

• SYN. : 3 frétiller, se trémousser.

gambilles [gɑ̃bij] n. f. pl. (déverbal de


gambiller ; 1773, Nisard). Pop. Jambes : Les
gambilles se désossaient, disait-il [Ginginet]
en se tapotant les jambes (Huysmans). S’il
y en avait un qui prenait une balle dans les
gambilles... (Dorgelès).

gambit [gɑ̃bi] n. m. (ital. gambetto, pro-


prem. « croc-en-jambe », de gamba, jambe,
de même étym. que le franç. jambe [v. ce
mot] ; 1743, Trévoux). Aux échecs, coup qui
consiste à pousser de deux cases le pion du
roi ou de la reine, puis de deux cases aussi
le pion du fou du roi ou du fou de la reine,
pour dégager le jeu.

gambusie [gɑ̃byzi] n. f. (de l’esp. de


l’Amérique du Sud gambusina, même sens,
mot d’origine incertaine ; 1930, Larousse,
écrit gambusia ; gambusie, milieu du XXe s.).
Poisson osseux ovovivipare, originaire
d’Amérique, dont plusieurs espèces sont
élevées en aquarium ou utilisées dans la
lutte contre les moustiques.

gamelle [gamɛl] n. f. (esp. ou ital. gamella,


gamelle, lat. camella, écuelle, bol, dér. de
camera, voûte, plafond voûté [v. CHAMBRE] ;
fin du XVIe s., au sens 1 [« la vie militaire »,
1829, Balzac ; être à la gamelle, 1740, Acad.,
pour des matelots, et 1832, Raymond,
pour des soldats — manger à la gamelle,
XXe s.] ; sens 2, 1872, Larousse ; sens 3, 1845,
Bescherelle ; sens 4, milieu du XXe s. ; sens
5, 1920, Bauche). 1. Autref. Grande jatte
de bois dans laquelle plusieurs soldats ou
matelots puisaient ensemble leur nour-
riture : Au repas du midi et du soir, les
matelots, assis en rond autour des gamelles,

plongeaient l’un après l’autre, régulièrement


et sans fraude, leur cuiller d’étain dans la
soupe flottante au roulis (Chateaubriand).
‖ Par extens. et fam. La vie militaire : Ces
Bretons-là, dit Hulot à Gérard, feront de
fameux fantassins, si jamais la gamelle leur
va (Balzac). ‖ Être à la gamelle, manger à
la gamelle, être à l’ordinaire des soldats
ou des matelots. ‖ 2. Récipient métallique
individuel muni d’un couvercle, utilisé par
les soldats, les travailleurs en déplacement,
les campeurs, pour y mettre leur ration ou
leur repas : Chaque matin, sa femme lui
prépare sa gamelle. ‖ Fam. Le contenu de
ce récipient : Manger sa gamelle. ‖ 3. Sur
un navire de guerre, communauté admi-
nistrative formée par les officiers ou les
officiers mariniers prenant leur repas à une
même table : Chef de gamelle. ‖ 4. Fam.
Projecteur utilisé au théâtre ou au cinéma.
‖ 5. Fig. et pop. Ramasser une gamelle, faire
une chute ou subir un échec.

gamelot [gamlo] n. m. (dimin. de


gamelle ; 1865, Littré). Dans la marine,
petit seau.

gamète [gamɛt] n. m. (gr. gametês, époux


[fém. gametê, épouse], de gameîn, épou-
ser, dér. de gamos, union, mariage ; 1872,
Larousse, comme n. d’un insecte coléoptère
pentamère ; sens actuel, 1888, Larousse [en
botanique]). Cellule reproductrice, mâle ou
femelle, dont le noyau contient un nombre
de chromosomes (n) égal à la moitié de
celui des cellules du corps (2 n) : Le gamète
mâle s’appelle spermatozoïde chez les ani-
maux et anthérozoïde chez les végétaux ; le
gamète femelle, ovule et oosphère.

gaméto- [gameto], élément tiré de gamète


(v. ce mot) et qui entre, comme préfixe,
dans la formation de mots scientifiques.

gamétocide [gametɔsid] adj. et n. m. (de


gaméto- et de -cide, du lat. caedere, frap-
per, abattre, tuer ; milieu du XXe s.). Se dit
d’un médicament antipaludéen capable
de détruire tous les gamétocytes dans le
sang de l’homme.

gamétocyte [gametɔsit] n. m. (de


gaméto- et de -cyte, gr. kutos, creux, objet
creux ; milieu du XXe s.). Élément généra-
teur de gamètes. (Syn. GAMONTE.)

gamétogenèse [gametɔʒənɛz] n. f. (de


gaméto- et de -genèse, gr. genesis, produc-
tion, génération, création ; milieu du XXe s.).
Origine et formation des gamètes.

gamétophyte [gametɔfit] n. m. (de


gaméto- et de -phyte, gr. phuton, tout ce
qui pousse ou se développe, dér. de phuein,
pousser ; milieu du XXe s.). Organisme végé-
tal issu d’une spore, destiné à former les
gamètes dans les plantes présentant une
alternance des générations.

gamin, e [gamɛ̃, -in] n. (peut-être du radi-


cal gamm-, qui a donné dans les parlers
allemands occidentaux les termes gammer,

désir sensuel, et gammel, joie bruyante,


jeune homme dégingandé, vaurien [ce der-
nier mot aurait pénétré dans les parlers de
l’est de la France, où il aurait été francisé
à l’aide du suff. -in] ; 1765, Encyclopédie
[XVII, 112], au sens 1 [« aide-verrier »] ; sens
2, 1802, Laveaux ; sens 3-4, 1857, Flaubert).
1. Vx. Jeune garçon employé comme aide
dans différents métiers : Eh ! c’est mon
gamin, je l’ai formé, je l’ai eu pour teneur
de copie. Je l’ai mis à la casse, enfin il me
doit d’être tout ce qu’il est (Balzac). ‖ 2. Vx.
Enfant ou jeune adolescent oisif, qui court
les rues et fait des espiègleries : À peine
réveillé, le gamin de Paris devient la proie
des deux passions qui font sa vie, la faim
et la liberté (Janin). ‖ 3. Petit garçon ou
petite fille en général : On attendit [...] que
le gamin eût fait sa première communion
(Flaubert). Cela n’empêchait pas [...] les
rangs du catéchisme de s’éclaircir d’année
en année, laissant la place de délicieuses
parties de cache-cache entre les bancs aux
rares gamins qui venaient encore (Daudet).
Avec sa frange noire, son petit nez froncé,
ses grands yeux de poupée, son air sage, ses
bras ballants, on l’eût prise pour une gamine
(Martin du Gard). ‖ 4. Fam. Fils ou fille :
Les gamins vêtus pareillement à leurs papas
(Flaubert). Ils ont une gamine de dix ans.
• SYN. : 3 enfant, gosse (pop.), môme (pop.),
petit ; 4 héritier (fam.), rejeton (fam.).

& adj. (sens 1, 1844, Soulié ; sens 2, 1879,


Goncourt). 1. Qui a un caractère jeune,
espiègle, facétieux : Il a toujours été gamin.
‖ 2. Qui témoigne d’un tel caractère : Une
allure gamine. Un esprit gamin. Les coqs à
la voix gamine ou grave (Renard).

• SYN. : 1 enfant, farceur, malicieux, plai-


santin, puéril ; 2 enfantin, mutin.

gaminement [gaminmɑ̃] adv. (de gamin,


adj. ; 1922, R. Martin du Gard). Avec gami-
nerie (rare) : Il se tourna vers Jacques, et,
gaminement, lui désigna une petite maison
basse (Martin du Gard).

gaminer [gamine] v. intr. (de gamin ;


1836, Landais). Se comporter comme
un gamin ; faire, dire des gamineries :
Quelques feuilles jaunes [...] se poursui-
vaient joyeusement et semblaient gaminer
(Hugo). Et il gamine ; elle le chasse, elle
l’appelle idiot, brute (Taine). Elle répondit,
en gaminant à demi (Bourget).

gaminerie [gaminri] n. f. (de gamin ; 1837,


Balzac, aux sens 2-3 ; sens 1, 1862, V. Hugo ;
sens 4, 1872, Larousse). 1. Caractère, esprit,
comportement du gamin : La gaminerie
est une nuance de l’esprit gaulois (Hugo).
Du sublime de la gaminerie, il allait à l’ex-
quis du goût, du gros sel à l’ironie divine
(Goncourt). ‖ 2. Acte ou propos de gamin :
Être à l’âge des gamineries. Avec l’air d’une
petite fille qui vient de faire une gaminerie
(Hermant). Faubois m’a rappelé un tas de
gamineries, de mots d’enfants, que Père lui
racontait, et que moi j’avais oubliés (Martin
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2093

du Gard). ‖ 3. Manière d’être ou d’agir


digne d’un gamin : Le parfumeur avait vu
les grandeurs de la Banque, il allait en voir
les gamineries (Balzac). C’est bien le jeune
artiste, avec ses gamineries et ses allures
de rapin (Gautier). ‖ 4. Vx. Ensemble des
gamins (rare) : La gaminerie parisienne est
presque une caste ; on pourrait dire : n’en
est pas qui veut (Hugo).

• SYN. : 1 puérilité ; 2 enfantillage ; 3 espiè-


glerie, facétie.

gamma [gama] n. m. (mot gr. désignant la


troisième lettre de l’alphabet ; 1839, Boiste,
au sens I, 1 ; sens I, 2, 1872, Larousse [point
gamma, rayons gamma, XXe s.] ; sens I, 3,
XXe s. ; sens II, 1872, Larousse).
I. 1. Troisième lettre de l’alphabet grec
(γ et Γ), équivalant au g du français.
‖ 2. Symbole employé dans certaines
expressions scientifiques. ‖ Point gam-
ma (γ), ou point vernal, en astronomie,
point équinoxial de printemps ; en argot
scolaire, fête de l’École polytechnique,
qui a lieu le jour de l’équinoxe de prin-
temps. ‖ Rayons gamma (γ), radiations
électromagnétiques émises par les corps
radioactifs, analogues aux rayons X,
mais de longueur d’onde plus petite et
beaucoup plus pénétrantes : Les rayons
gamma sont utilisés pour le traitement
des tumeurs cancéreuses, la stérilisation
des aliments, la radiographie des métaux.
‖ 3. En photographie, symbole expri-
mant le facteur de contraste d’une couche
photosensible.

II. Nom donné à divers papillons dont


les ailes portent une tache en forme de
gamma, en particulier à une vanesse et à
une noctuelle.

gammacisme [gamasism] n. m. (dér.


savant de gamma ; milieu du XXe s.). Défaut
de prononciation caractérisé par la diffi-
culté ou l’impossibilité d’articuler le son g.

gammaglobuline [gamaglɔbylin] n. f.
(de gamma et de globuline ; milieu du
XXe s.). Protéine du plasma sanguin, de
poids moléculaire élevé, qui se comporte
comme le support matériel des anticorps.

gammagraphie [gamagrafi] n. f. (de


[rayons] gamma et de -graphie, du gr.
graphein, écrire ; 1967, Science et vie).
Procédé d’étude et d’analyse de la struc-
ture interne des corps opaques au moyen
des rayons γ, utilisé dans l’industrie, et en
particulier dans la métallurgie.

gammamètre [gamamɛtr] ou gam-


mascope [gamaskɔp] n. m. (de [rayons]
gamma et de -mètre [gr. metron, mesure],
-scope [du gr. skopeîn, observer, examiner] ;
milieu du XXe s.). Appareil détecteur de
rayons gamma.

gammare [gamar] n. f. (lat. gamma-rus,


var. de cammarus, crevette, écrevisse, gr.
kammaros, mêmes sens ; 1534, Rabelais).

Petit crustacé de l’ordre des amphipodes,


commun dans les eaux douces aérées,
appelé usuellement crevette d’eau douce.
gammathérapie [gamaterapi] n. f. (de
[rayons] gamma et de -thérapie, gr. thera-
peia, soin, entretien, traitement, de thera-
peuein, honorer, soigner ; v. 1965). Syn. de
CURIETHÉRAPIE et de RADIUMTHÉRAPIE.

gamme [gam] n. f. (lat. médiév. gamma,


première note de la gamme, la gamme elle-
même [XIe s.], emploi spécialisé, dû à Gui
d’Arezzo [v. 995-1050], du n. de la lettre
gr. gamma [v. GAMMA] ; milieu du XIIe s.,
Roman de Thèbes, écrit game [gamme, 1530,
Palsgrave], au sens 1 [faire des gammes,
au pr. et au fig., fin du XIXe s. ; chanter sa
gamme à quelqu’un, 1648, Scarron ; être au
bout de sa gamme, av. 1850, Balzac ; changer
de gamme, 1665, La Fontaine ; mettre hors
de gamme, av. 1662, Pascal] ; sens 2, 1846,
Baudelaire ; sens 3, -1840, Th. Gautier).
1. Dans un système musical donné, série de
sons conjoints, ascendants ou descendants,
disposés à des intervalles convenus : La
gamme des sons, comme celle des couleurs,
est septénaire (Gautier). Quelques gammes
de piano animent seules le silence claustral
de la ville (Daudet). ‖ Faire des gammes,
exécuter, sur un instrument ou avec la
voix, des exercices musicaux en forme de
gammes : La jeune fille s’asseyait devant le
piano [...]. René voyait deux petites mains
[...] courir brusquement sur les touches et
faire des gammes (France) ; au fig., faire des
exercices élémentaires pour s’initier à un
art, à une technique ; faire des essais pour
explorer un domaine nouveau : Prendre des
notes, c’est faire des gammes de littérature
(Renard). ‖ Class. Chanter sa gamme à
quelqu’un, énumérer tous les griefs qu’on
a contre lui : Ne t’afflige point tant ; va,
ma petite femme, | Je m’en vais le trouver
et lui chanter sa gamme (Molière). ‖ Être
au bout de sa gamme, avoir épuisé tout ce
qu’on avait à dire. ‖ Changer de gamme,
changer de ton, de manière d’agir. ‖ Class.
Mettre hors de gamme, déconcerter : C’est
une bizarrerie qui met hors de gamme
(Pascal). ‖ 2. Série de couleurs graduées :
Choisir une robe dans la gamme des roses.
La gamme des tons et l’harmonie générale
sont strictement observées, avec un génie
qui dérive plutôt de l’instinct que de l’étude
(Baudelaire). ‖ 3. Série de choses, d’objets
formant un ensemble complet et dont tous
les éléments sont classés selon une gra-
dation continue : Il possédait bien vingt
manières différentes de prononcer « mon
cher monsieur », qui représentaient, pour
une oreille exercée, une curieuse gamme
de sentiments (Baudelaire). La gamme des
vins de Bordeaux.
gammé, e [game] adj. (de gamma [v. ce
mot], les quatre branches de la croix ayant
chacune la forme d’un gamma majuscule ;
6 mars 1872, Journ. officiel). Croix gammée,
croix dont les quatre branches se terminent

en forme de gamma majuscule : La croix


gammée fut choisie comme insigne par le
parti national-socialiste allemand. (V. aussi
SVASTIKA.)

gamo- [gamo], élément tiré du gr. gamos,


union, mariage, et qui entre, comme pré-
fixe, dans certains termes de botanique.

gamonte [gamɔ̃t] n. m. (de gam[ète] ;


milieu du XXe s.). Forme génératrice de
gamètes mâles ou femelles, apparaissant
notamment au cours du cycle reproductif
des protistes sporozoaires.

gamopétale [gamɔpetal] adj. (de gamo-


et de pétale ; 1817, Gérardin de Mirecourt).
Se dit d’une fleur dont la corolle a les
pétales soudés.

& gamopétales n. f. pl. (1872, Larousse).


Ancienne subdivision des plantes dicoty-
lédones, comprenant les espèces dont les
fleurs ont des pétales soudés (primulacées,
solanacées, labiacées, composées, etc.).

gamosépale [gamɔsepal] adj. (de gamo-


et de sépale ; 1840, Acad.). Se dit d’une fleur
dont le calice a les sépales plus ou moins
soudés entre eux.

ganache [ganaʃ] n. f. (ital. ganascia,


mâchoire de n’importe quel animal, mot
empr. à des parlers de l’Italie méridionale,
qui l’avaient eux-mêmes tiré du gr. gnathos,
mâchoire, en intercalant une voyelle d’ap-
pui entre g- et -n- ; 1642, Oudin, au sens 1 ;
sens 2, 1872, Larousse ; sens 3, 1740, Acad. ;
sens 4, 1872, Larousse). 1. Partie latérale et
postérieure de la mâchoire inférieure du
cheval : Son collier libéré descendait jusqu’à
la ganache (Frison-Roche). ‖ 2. Pop. et
vx. Mâchoire, tête, visage de l’homme :
Recevoir un coup dans la ganache. ‖ 3. Fig.
et fam. Personne peu intelligente et inca-
pable : Une parfaite ganache d’émigré
(Balzac). Ils t’appellent tout haut grand
homme, entre eux, ganache (Hugo). Il
faudra bien que cette vieille ganache me
rende mon argent (Zola). Didier, avant
d’être une ganache, a sans nul doute eu
du mérite (Duhamel). ‖ 4. Spécialem. Rôle
de barbon imbécile : [Il] joue les ganaches
au théâtre (Vallès). Si bien que, sans jouer
une seule fois la comédie, le pauvre homme
avait glissé des jeunes premiers aux grands
premiers rôles, puis aux financiers, puis aux
pères nobles, puis aux ganaches (Daudet).
& adj. (sens 1, av. 1850, Balzac ; sens 2, 1846,
Balzac). 1. Se dit d’une personne bornée et
incapable : Girolamo est [...] une sorte de
Sganarelle, mais plus rusé, plus méfiant,
moins ganache (Gautier). ‖ 2. Fauteuil
ganache, fauteuil capitonné, sans bois
apparent, à la mode vers 1840 : Elle avança
un fauteuil ganache à la baronne (Balzac).

ganacherie [ganaʃri] n. f. (de ganache ;


début du XXe s.). Stupidité, lourdeur d’es-
prit : Quelle ganache, ce Bourdillat, quel
diplodocus de la ganacherie ! (Chevallier).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2094

• SYN. : balourdise, bêtise, imbécillité, inep-


tie, lourderie, niaiserie.

ganadería [ganaderja] n. f. (mot esp., de


ganado ; troupeau, dér. de ganar, gagner, de
même étym. que le franç. gagner [v. ce mot] ;
1840, Th. Gautier, aux sens 1-2). 1. Élevage
de taureaux de combat : En Espagne, les
ganaderías sont l’équivalent des écuries de
course en France. ‖ 2. Troupeau apparte-
nant à un même éleveur.

ganadero [ganadero] n. m. (mot esp., dér.


de ganado [v. l’art. précéd.] ; XXe s.). Éleveur
de taureaux de combat, propriétaire d’une
ganadería.

gandhisme [gɑ̃dism] n. m. (de Gandhi,


n. pr. ; début du XXe s.). Doctrine prêchée
par Gandhi.

gandin [gɑ̃dɛ̃] n. m. (mot des parlers


du sud-est de la France, dér. de l’anc.
provenç. et de l’anc. franç. gandir, fuir,
faire des détours, se soustraire à [v. 1155,
Wace], francique *wandjan, tourner ; 1858,
G. Esnault [« nigaud », en français régio-
nal du Dauphiné, 1710, G. Esnault]). Sous
le second Empire, dandy d’une élégance
efféminée et ridicule : Et ces groupes de
gandins efféminés, le col ouvert, les sour-
cils peints, dont on admirait à Compiègne,
dans les chambres d’invités, les chemises
de batiste brodées et les corsets de satin
blanc (Daudet). Attifés comme des gandins
(Duhamel).

& n. m. et adj. (1858, comme n. m. [v. ci-des-


sus] ; comme adj., fin du XIXe s., A. Daudet).
Littér. Jeune homme d’une élégance recher-
chée et provocante : Encore un de ces jeunes
gandins des Chartrons (Benoit). Deux
heures plus tard [...], j’aperçus le blanc-bec
dont je viens de vous entretenir qui sem-
blait goûter fort la conversation d’un jeune
gandin (Queneau) ; et par extens. : Paris,
gandin, languissait de retourner à ses plai-
sirs (Daudet).

gandinerie [gɑ̃dinri] n. f. (de gandin ;


3 août 1875, Journ. officiel, au sens 1 ; sens
2, fin du XIXe s., A. Daudet). 1. Vx et fam.
Manières, élégance de gandin : Çà et là, des
petits jeunes gens de boutique, dévorés de
gandinerie, s’amusaient à risquer un qua-
drille (Daudet). ‖ 2. Vx et fam. L’ensemble
des gandins, la société élégante : Un élégant
de seconde main, qui n’a jamais fait que
ramasser sur le Boulevard toutes les ori-
ginalités de la haute gandinerie (Daudet).

gandoura [gɑ̃dura] n. f. (ar. maghrébin


gandūra, sorte de blouse, ar. class. qandūra,
même sens, mot d’origine obscure ; 1852,
Th. Gautier). Tunique de laine ou de coton,
sans manches, qui, en Orient et en Afrique,
se porte sous le burnous : Les Mzabites, en
gandoura rayée, sommeillaient à l’abri de
leurs voiles (Fromentin).

• REM. On a écrit aussi GANDOURAH


(début du XXe s.) : Et tout à coup Athman,
pris de lyrisme, quitte son burnous, assu-

jettit sa gandourah et fait la roue au clair


de lune (Gide).

gang [gɑ̃g] n. m. (mot angl. signif.


« troupe, bande, coterie, clique » ; 1837,
Mérimée, au sens de « coterie » ; sens actuel,
1948, Larousse). Bande organisée de mal-
faiteurs : Les petits barbots et les « indics »
[...] vendant aux barons du gang le produit
de menus cambriolages... (Cendrars).

ganga [gɑ̃ga] n. m. (mot catalan, d’ori-


gine obscure ; milieu du XVIIIe s., Buffon).
Oiseau de la Crau, voisin des pigeons.

gangétique [gɑ̃ʒetik] adj. (de Gange,


n. géogr. ; 1872, Larousse). Qui appartient
ou se rapporte au Gange : L’Inde gangétique.

gangliectomie [gɑ̃gliɛktɔmi] n. f. (de


gangli[on] et de -ectomie, du gr. ektomê,
coupure, ablation, dér. de ektemnein,
extraire par incision, amputer, de ek-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur vers
l’extérieur, et de temnein, couper ; début du
XXe s.). Opération chirurgicale consistant
à enlever un ganglion, généralement un
ganglion de la chaîne sympathique.

ganglion [gɑ̃glijɔ̃] n. m. (bas lat. ganglion,


sorte d’enflure, mot gr. signif. « tumeur
sous-cutanée, glande » ; v. 1560, Paré, au
sens de « petite tumeur globuleuse déve-
loppée sur le trajet des tendons » ; sens
actuel, 1757, Encyclopédie). Petit renflement
arrondi ou fusiforme, qui se rencontre en
certains points des vaisseaux lymphatiques
(ganglions lymphatiques) et des nerfs (gan-
glions nerveux), chez l’homme et chez les
mammifères : L’adénite est une inflamma-
tion des ganglions lymphatiques.

ganglionnaire [gɑ̃glijɔnɛr] adj. (de gan-


glion ; 1827, Acad., au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Qui concerne les ganglions, nerveux
ou lymphatiques : Système ganglionnaire.
Fièvre ganglionnaire. ‖ 2. Qui a des gan-
glions gonflés et apparents : L’enfant au
cou ganglionnaire (Morand).

ganglionné, e [gɑ̃glijɔne] adj. (de gan-


glion ; 1845, Bescherelle). Qui a des renfle-
ments semblables à des ganglions.

gangrène [gɑ̃grɛn] n. f. (lat. gangraena,


gangrène, gr. gangraina, même sens ;
1503, G. de Chauliac, au sens 1 [la forme
cancrene — 1495, Gordon — est issue du lat.
médiév. cancrena, « gangrène », altér., sous
l’influence de cancer — v. ce mot —, du lat.
class. gangraena] ; sens 2, 1601, P. Charron).
1. Mortification et putréfaction des tissus
animaux : Il est très possible que cette
compression violente ait causé la gangrène
(Flaubert). ‖ Gangrène sèche, gangrène due
à l’oblitération des vaisseaux d’une région
(artérite, embolie, thrombose, écrasement),
et où les tissus deviennent violets et se
dessèchent. ‖ Gangrène humide, nécrose
infectieuse survenant sur une plaie ou une
lésion infectée, ou compliquant la gangrène
sèche. ‖ Gangrène gazeuse, forme grave de

gangrène, due à des microbes anaérobies


qui développent des gaz de putréfaction
dans l’épaisseur des tissus. ‖ 2. Fig. et lit-
tér. Agent de destruction progressive, de
corruption morale : L’esprit soldates que
est la gangrène de la liberté (J. de Maistre).
Je cherchai la gangrène au fond de tout, et,
comme | Je la trouvai toujours, je pris en
haine l’homme, | Et je devins bien malheu-
reux (Gautier).

gangrené, e [gɑ̃grəne] adj. (part. passé


de gangrener ; 1503, G. de Chauliac, au sens
1 ; sens 2, 1802, Chateaubriand ; sens 3,
1690, Furetière). 1. Atteint de gangrène :
Membre gangrené. ‖ 2. Atteint d’un mal
grave qui attaque progressivement l’orga-
nisme : M. Marneffe n’a pas cinq ans à
vivre, il est gangrené jusque dans la moelle
de ses os (Balzac). ‖ 3. Fig. et littér. Atteint
par la corruption morale : Il fallait le feu
d’Élie pour purifier les consciences gangre-
nées (Bossuet).

• SYN. : 3 corrompu, pourri.

gangrener [gɑ̃grəne] v. tr. (de gangrène ;


v. 1692, Fénelon, au sens 2 ; sens 1, 1865,
Littré [au part. passé dès 1503, v. l’art.
précéd.]). [Conj. 5 a.] 1. Provoquer la gan-
grène de. ‖ 2. Fig. et littér. Altérer de façon
profonde ; corrompre moralement : Cette
hypocrisie, le caractère de notre temps, a
gangrené la galanterie (Balzac). Les vices
avaient gangrené le chef, et tous les membres
de l’État se ressentaient d’une corruption si
honteuse et si profonde (Sainte-Beuve). Tels
sont, mon fils, les luthériens et les calvi-
nistes, qui gangrènent l’Église (France). Ces
vieux marins [...], gangrenés par les séjours
dans Brest et l’ivrognerie [...], ont épousé ces
créatures et sont tombés dans les bas-fonds
sordides de la ville (Loti).

• SYN. : 2 dénaturer, empoisonner, frelater,


infecter, pervertir, pourrir, vicier.

& se gangrener v. pr. (sens 1, 1680, Richelet ;


sens 2, av. 1865, Proudhon). 1. Être atteint
de gangrène. ‖ 2. Fig. et littér. Perdre de
son intégrité, de sa valeur morale : Il lui
semblait qu’un peu de sa personne intime
se souillait, se corrompait, se gangrenait
(Bourget).

gangreneux, euse [gɑ̃grənø, -øz] adj.


(de gangrène ; 1539, J. Canappe). Qui est de la
nature de la gangrène : Bronchopneumonie
gangreneuse à foyers disséminés (Martin du
Gard). Plaie gangreneuse.

gangster [gɑ̃gstɛr] n. m. (mot angloamé-


ric., dér. de gang [v. GANG] ; v. 1925, au sens
1 ; sens 2, milieu du XXe s.). 1. Membre d’une
bande organisée de malfaiteurs ; bandit :
Les gangsters de Chicago. ‖ 2. Homme sans
scrupule et qui est prêt à tout pour parvenir
à ses fins : Un gangster de la finance, de la
politique. Comme les jeunes Oranaises se
sentent promises de tout temps à ces gangs-
ters au coeur tendre, elles affichent égale-
ment le maquillage et l’élégance des grandes
actrices américaines (Camus).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2095

• SYN. : 2 bandit, canaille, crapule, fri-


pouille, requin.

gangstérisme [gɑ̃gsterism] n. m. (de


gangster ; 1948, Larousse, au sens 1 ; sens
2, v. 1960). 1. Moeurs, manières d’agir des
gangsters ; banditisme. ‖ 2. Méthodes,
procédés dignes des gangsters.

gangue [gɑ̃g] n. f. (allem. Gang, filon


[dans des mots composés], proprem. « che-
min » ; 1552, Barbier, au sens 1 ; sens 2,
1865, Littré [en anatomie] ; sens 3, 1857,
Baudelaire). 1. Matière stérile mélangée
aux minéraux utiles, dans un filon. (On
dit aussi, plus précisément, GANGUE STÉ-
RILE.) ‖ Matière sans valeur entourant une
pierre précieuse dans son gisement naturel.
‖ 2. Substance hétérogène enveloppant un
corps quelconque : Une gangue de glace.
‖ 3. Fig. Ce qui enveloppe et dissimule ou
dénature quelque chose d’estimable : Les
minutes, mortel folâtre, sont des gangues
| Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire
l’or ! (Baudelaire). Son âme est enfermée
dans une gangue épaisse (France).

gangué, e [gɑ̃ge] adj. (de gangue ; 1910,


Colette). Entouré d’une gangue : Ses
mitaines de laine étaient ganguées de glace
(Frison-Roche).

gangueille [gɑ̃gɛj] n. f. (languedocien


ganguilho, dér : de ganguil [v. l’art. suiv.] ;
1769, Duhamel du Monceau). Filet fixe, en
forme de poche à double goulet, servant à
la pêche aux anguilles.

gangui [gɑ̃gi] n. m. (anc. provenç. ganguil,


petit filet rond [1307, Du Cange], du gr. gan-
gamon, même sens ; août 1681, Ordonnance
royale, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Chalut
constitué par une poche conique à doubles
mailles, en usage dans la Méditerranée.
‖ 2. Bateau armé pour la pêche avec ce
filet.

gano [gano] n. m. (mot esp. signif. pro-


prem. « je gagne », 1re pers. de l’indic. prés.
de ganar, de même étym. que le franç.
gagner [v. ce mot] ; 1679, Boulan). Vx. Terme
par lequel, au jeu de l’hombre, un joueur
demandait à son partenaire de lui laisser
la main : Se plaindre d’un gano qu’on n’a
point écouté (Boileau).

ganoïde [ganɔid] adj. (du gr. ganos, éclat


d’un liquide limpide et brillant, et de -ide,
gr. eidos, forme, apparence ; 1872, Larousse,
comme adj. et n. m. pl.). Écailles ganoïdes,
écailles de certains poissons (esturgeon,
lépidostée) qui sont recouvertes d’une
matière dure et brillante, analogue à de
l’émail.

& ganoïdes n. m. pl. Ancien ordre de pois-


sons d’eau douce à squelette cartilagineux.

ganse [gɑ̃s] n. f. (provenç. ganso, ganse,


boucle, noeud, crampon, anse, de l’adj. gr.
gampsos, recourbé ; 1611, Cotgrave, écrit
ganse et gance, aux sens 1-2 [ganse de dia-
mant, d’acier, de cheveux, 1865, Littré] ;

sens 3, 1845, Bescherelle). 1. Cordonnet ou


ruban de fil, de soie, d’or ou d’argent, tressé
en rond ou à plat, employé comme orne-
ment dans le vêtement, l’ameublement : Elle
travaillait souvent à des ouvrages de pas-
sementerie [...], de la gance qu’elle cousait
(Huysmans) [v. Rem.]. Oh ! fit M. Mairesse-
Miral, en insérant entre les plis de son visage
un monocle qu’il laissait ordinairement
pendre au bout d’une ganse (Duhamel).
‖ 2. Attache, boutonnière faite avec ce cor-
donnet : Un manteau bleu galonné d’argent,
posé sur le coin de l’épaule, et retenu par une
ganse (Gautier). ‖ Vx. Ganse de diamant,
d’acier, boutonnière faite de ganse garnie
de diamants, de grains d’acier. ‖ Ganse de
cheveux, tresse de cheveux pliée en forme
de ganse. ‖ 3. Première boucle d’un fil,
d’un cordage qu’on noue.

• REM. La forme GANCE se rencontre


jusqu’au XIXe s.

gansé, e [gɑ̃se] adj. (part. passé de gan-


ser ; 1872, Larousse, au sens 1 ; sens 2,
1877, Littré). 1. Garni d’une ganse : Une
robe gansée. ‖ 2. Broderie gansée, broderie
faite avec de la ganse.

& gansé n. m. (XXe s.). Garniture formée


par une ganse de coton glissée entre deux
étoffes, et disposée sur un bord ou dans
une couture.

ganser [gɑ̃se] v. tr. (de ganse ; 1765,


ganser [gɑ̃se] v. tr. (de ganse ; 1765,
Encyclopédie, XII, 137 a). Garnir, border
d’une ganse.

gansette [gɑ̃sɛt] n. f. (de ganse ; 1771,


Schmidlin, au sens 2 ; sens 1, 1811, Mozin).
1. Petite ganse. ‖ 2. Petite maille de cer-
tains filets.

& gansettes n. f. pl. (1754, Encyclopédie, IV,


500 a). Ficelles d’aboutement que le tisseur
attache à l’extrémité des fils de chaîne pour
commencer le tissage.

gant [gɑ̃] n. m. (francique *want, gant ;


1080, Chanson de Roland, écrit guant [gant,
v. 1155, Wace], au sens 1 [gants fourrés, 1690,
Furetière ; gants de jasmin, 1865, Littré ;
gants de frangipane, 7 oct. 1646, Poussin ;
aller comme un gant, 1845, Bescherelle ;
souple comme un gant, fin du XVIe s.,
Brantôme ; retourner quelqu’un comme un
gant, XXe s. ; prendre des gants, av. 1850,
Balzac ; mettre des gants, 1808, d’Hautel ;
se donner des gants, 1872, Larousse ; avoir
les gants de, 1488, Recueil Trepperel ; perdre
ses gants, av. 1654, Guez de Balzac] ; sens
2, 1872, Larousse [en bourrellerie et en
escrime] ; sens 3, v. 1360, Froissart [jeter
le gant à, début du XVe s., Ch. d’Orléans ;
relever le gant, 1835, Acad.] ; sens 4, 1538,
R. Estienne). 1. Pièce de l’habillement faite
de peau ou d’étoffe, qui recouvre la main
jusqu’au poignet ou plus haut, en épousant
la forme de chaque doigt isolément : Une
paire de gants. Un doigt de gant. Gants de
peau, de fil, de soie, de laine. Gants trico-
tés. Des gants blancs. Avec son ancien cos-
tume et ses gants de cérémonie... (Renan).

Hortense remarqua tout de suite comme


sa main restait fine dans son gant de hâle
(Daudet). M. de Terremondre mit ses gants
et fit un pas vers la porte (France). ‖ Gants
fourrés, gants garnis à l’intérieur d’une
matière (tissu de laine, fourrure) qui les
rend plus chauds. ‖ Vx. Gants de jasmin,
de frangipane, gants parfumés au jasmin, à
la frangipane. ‖ Fig. Aller comme un gant,
convenir parfaitement : Je crois que la pai-
rie vous irait comme un gant (Augier). Le
théorbe gracile et doux va comme un gant
à la Finette de Watteau (Fargue). ‖ Souple
comme un gant, se dit d’une personne qui
a un caractère très accommodant, ou qui
montre une soumission excessive à la
volonté d’autrui. ‖ Retourner quelqu’un
comme un gant, le faire complètement
changer d’avis. ‖ Fam. Prendre, mettre des
gants, agir avec précaution, avec ména-
gement, pour ne pas blesser quelqu’un :
Pour un rien, il disait leur fait aux cha-
landes, et sans mettre de gants (France).
‖ Se donner des gants, s’attribuer le mérite
d’une chose que l’on n’a pas faite. ‖ Class.
Avoir les gants de quelque chose, en avoir la
première idée, ou s’attribuer le mérite d’en
avoir eu l’initiative : M. de Bouillon eut le
temps de me dire que je ne devais pas avoir
[...] tout seul les gants de ma proposition
(Retz). ‖ Class. Perdre ses gants, perdre sa
virginité : Mainte fille a perdu ses gants, |
Et femme au partir s’est trouvée, | Qui ne
sait la plupart du temps | Comme la chose
est arrivée (La Fontaine). ‖ 2. Spécialem.
Accessoire analogue servant à couvrir
ou à protéger la main pour exercer dif-
férentes activités : Gants de caoutchouc.
Gants de ski, d’escrime, de golf. ‖ Gants de
boxe, gants de cuir bourrés de crin pour
amortir la force des coups. ‖ Gant de crin,
moufle en crin tricoté, utilisée pour les
frictions après le bain ou la douche. ‖ Gant
de toilette, poche en tissu éponge dont on
se sert pour se laver. ‖ Gants liturgiques,
gants ornés, portés dans les cérémonies
par les évêques et les abbés mitrés. ‖ Gant
d’oiseau, gant que le fauconnier porte à
la main droite pour éviter d’être blessé
par les serres. ‖ Gant de pelote basque,
instrument de jeu en osier (chistera) ou
gant en cuir, utilisé à la pelote basque : On
jouera au blaid avec le gant d’osier (Loti).
‖ 3. Autref. Pièce de l’armure. ‖ Fig. Jeter le
gant à quelqu’un, relever le gant, lancer un
défi à quelqu’un, accepter un défi (à cause
de l’ancienne coutume de jeter son gantelet
à l’adversaire pour le provoquer au combat,
ce dernier ramassant le gant pour signifier
qu’il acceptait le combat) : Faible, à ceux
qui sont forts j’ose jeter le gant (Hugo). Je
n’entends pas par là qu’aucun Parisien de
bonne compagnie ait manqué de respect
à Mme Swann [...]. Non ! cent fois non ! Le
mari étant d’ailleurs homme à relever le
gant (Proust). Comme je n’ai pas une hor-
reur moindre pour la dissimulation, force
m’est, parfois, de relever le gant et d’accepter
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2096

le combat (Duhamel). ‖ 4. Gant de Notre-


Dame, ou gant Notre-Dame, nom usuel de
la digitale et des campanules (qui ont la
forme d’un doigt de gant).

ganté, e [gɑ̃te] adj. (part. passé de ganter ;


ganté, e [gɑ̃te] adj. (part. passé de ganter ;
av. 1549, Marguerite de Navarre, au sens 1 ;
sens 2, 1857, Flaubert). 1. Recouvert d’un
gant : [Elle] froisse un mouchoir de dentelle
| Dans sa main gantée avec art (Verlaine).
‖ 2. Qui porte des gants : Il était vêtu avec
recherche, ganté de clair (Martin du Gard).

gantelé, e [gɑ̃tle] adj. (de gantel[et] ;


XVIIIe s., Brunot, aux sens 1-2). 1. Couvert
d’un gantelet : Une main gantelée. ‖ 2. Qui
a les mains couvertes par des gantelets : Les
chevaliers étaient cuirassés de fer, gantelés
de fer (Sue).

gantelée [gɑ̃tle] n. f. (de gant, par com-


paraison de la forme de la fleur avec celle
d’un gant ; XIVe s., écrit gauntelée ; gantelée,
1545, Guéroult). Nom usuel de quelques
campanules et de la digitale pourprée.

gantelet [gɑ̃tlɛ] n. m. (de gant ; v. 1268,


É. Boileau, au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ;
sens 3, 1762, Acad.). 1. Gant recouvert de
mailles ou de lames de fer, qui faisait par-
tie de l’armure : Une armure complète se
tenait debout [...]. Et le gantelet pressait
la lance entre dix doigts de fer (France).
‖ 2. Morceau de cuir avec lequel les cha-
peliers, les bourreliers, les relieurs, etc.,
se protègent la paume de la main droite.
‖ 3. Bandage de chirurgie destiné à main-
tenir les pansements au niveau des doigts.

ganter [gɑ̃te] v. tr. (de gant ; 1488, O. de La


Marche, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière
[cela me gante, 1845, Bescherelle] ; sens
3, début du XXe s.). 1. Recouvrir la main
d’un gant : Une main difficile à ganter.
‖ Par extens. Mettre, fournir des gants
à quelqu’un : Ganter un enfant. Elle
[Mme Birotteau] semblait avoir été créée et
mise au monde pour ganter les chalands
(Balzac). ‖ 2. Habiller les mains, en par-
lant des gants eux-mêmes : Ces gants vous
gantent à merveille. ‖ Vx et fam. Cela me
gante, cela me convient, fait mon affaire.
‖ 3. Gainer étroitement une autre partie
du corps : Ses pieds, gantés de babouches
en cuir blanc, posaient sur un coussin d’eau
chaude (Gide).

& v. intr. (1891, Huysmans [ganter le sept,


etc., v. tr., 1872, Larousse]). Avoir comme
pointure de gant : Ganter du sept.

& se ganter v. pr. (1690, Furetière). Mettre


des gants.

ganterie [gɑ̃tri] n. f. (de gantier ; 1292,


ganterie [gɑ̃tri] n. f. (de gantier ; 1292,
Barbier, aux sens 3-4 ; sens 1-2, 1491,
Ordonnance royale). 1. Métier du gantier.
‖ 2. Fabrication, commerce des gants.
‖ 3. Fabrique de gants. ‖ 4. Vx. Magasin
où l’on vend des gants.

gantier, ère [gɑ̃tje, -ɛr] n. et adj. (de


gant ; 1241, Godefroy, écrit wantier ; gan-

tier, v. 1268, É. Boileau). Qui fait ou qui


vend des gants : Le passage Choiseul aux
odeurs de jadis, | Oranges, parchemins
rares — et les gantières ! (Verlaine). Cette
main géante, accrochée comme l’enseigne
d’un gantier avenue de l’Opéra (Cendrars).
Ouvrier gantier.

& gantière n. f. (XVIIe s.). Vx. Boîte à gants ;


plateau sur lequel on présentait les gants.

gant-jaune [gɑ̃ʒon] n. m. (de gant et de


jaune, adj. ; 1835, G. Esnault). Vx. Sobriquet
donné aux dandys, à cause des gants jaunes
qu’ils portaient : Un homme aussi distingué
par sa naissance que par ses manières [...],
un lion, un élégant, un gant-jaune ! (Balzac).
C’était un élégant que ce jeune homme, un
gant-jaune, comme on disait des élégants de
ce temps-là (Barbey d’Aurevilly).

• Pl. des GANTS-JAUNES.

gantois, e [gɑ̃twa, -az] adj. et n. (de Gand,


n. géogr. [flam. Gent] ; 1872, Larousse). Qui
se rapporte à Gand ou à ses habitants ; habi-
tant ou originaire de cette ville.

ganymède [ganimɛd] n. m. (de


Ganymède, n. du fils de Tros [roi de Troie]
qui fut enlevé par l’aigle de Jupiter et rem-
plaça Hébé comme échanson des dieux,
lat. Ganymedes, gr. Ganumêdês ; 1718,
Ph. Leroux). Mignon, infâme complai-
sant : Les ganymèdes aux formes lascives
(Apollinaire).

gâpette [gɑpɛt] n. f. (origine obscure ;


1919, G. Esnault). Pop. Casquette.

garage [garaʒ] n. m. (de garer ; 1802,


Bulletin des lois, au sens de « action de faire
entrer les bateaux dans une gare d’eau » ;
sens 1, 1865, Littré [mettre, ranger sur une
voie de garage, XXe s.] ; sens 2, av. 1890,
Maupassant [pour un bateau ; pour une
automobile, 1901, Larousse] ; sens 3, 1907,
Larousse). 1. Action de garer un véhicule.
‖ Spécialem. Action de retirer des voies
principales ou de passage un wagon, un
train, soit pour laisser passer un convoi
plus rapide, soit pour remanier la com-
position d’un train. ‖ Voie de garage,
voie secondaire destinée au garage des
wagons, des rames de chemins de fer ; fig.
et fam., emploi sans possibilité d’avance-
ment. ‖ Fam. Mettre, ranger sur une voie
de garage, mettre de côté une affaire, un
projet dont on décide de ne plus s’occuper
provisoirement. ‖ 2. Lieu couvert où l’on
remise des véhicules (automobiles, motocy-
clettes, bicyclettes, bateaux, etc.) : Quelques
bateaux rentrant au garage (Maupassant).
Maison avec garage particulier pour auto-
mobile. ‖ 3. Entreprise commerciale s’oc-
cupant de la garde, de l’entretien et des
réparations des automobiles : Leurs enfants
s’apprêtent à ouvrir garages, épiceries, hôtels
meublés (Amiel).

• SYN. : 2 box.

garagiste [garaʒist] n. (de garage ; 1922,


Larousse). Exploitant commercial assu-

rant le remisage des voitures automobiles.


‖ Plus généralement, personne qui tient un
garage pour automobiles et effectue des
réparations, des travaux d’entretien : [Il
était allé] s’enquérir de travail chez le petit
garagiste, car il bricolait dans les moteurs
(Vercel).

garagiste-motoriste
[garaʒistmɔtɔrist] n. (de garagiste et du
lat. motor [v. MOTEUR] ; milieu du XXe s.).
Spécialiste de la profession automobile qui
se charge du remisage et de la réparation
des véhicules.

• Pl. des GARAGISTES-MOTORISTES.

garamond [garamɔ̃] n. m. (du n. de


Claude Garamond [fin du XVe s.-1561],
fondeur et graveur français, qui créa ce
caractère d’imprimerie ; 1872, Larousse).
Caractère d’imprimerie, romain et italique,
d’une grande perfection, qui est la pro-
priété de l’Imprimerie nationale.

garançage [garɑ̃saʒ] n. m. (de garan-


cer ; 1671, d’après Littré, 1865, aux sens
1-2). 1. Vx. Action de fixer la matière
colorante de la garance sur une étoffe.
‖ 2. Vx. Immersion du coton dans un
bain de garance.

garance [garɑ̃s] n. f. (bas lat. warantia,


warentia, garance [IXe s.], du francique
*wratja, garance ; fin du XIe s., Gloses de
Raschi, écrit warance [garance, v. 1175,
Chr. de Troyes], au sens 1 [« la racine elle-
même », v. 1560, Paré] ; sens 2, fin du XIIe s.,
Roman d’Alexandre). 1. Plante grimpante
de la famille des rubiacées, dont la racine
fournit une substance colorante rouge
(alizarine), utilisée autrefois en teintu-
rerie : Toujours les mêmes lamentations
sur la mort des vignes, la fin de la garance,
la maladie des mûriers... (Daudet). ‖ Par
extens. La racine elle-même. ‖ 2. Teinture
fournie par cette racine : Teindre en
garance.

& adj. invar. (XIIe s.). De la couleur rouge


vif de la garance : Un sergent de la ligne en
uniforme, en pantalon garance et le fusil sur
l’épaule (Hugo).

garancer [garɑ̃se] v. tr. (de garance [v.


ce mot] ; 1283, Poerck, écrit waranchier ;
garancer, début du XIVe s.). [Conj. 1 a.] Vx.
Teindre avec la garance.

garancerie [garɑ̃sri] n. f. (de garancer ;


1872, Larousse, aux sens 1-2). 1. Vx. Action
de garancer une étoffe, un tissu. ‖ 2. Vx.
Lieu où s’opérait le garançage.

garanceur [garɑ̃soer] n. m. (de garancer ;


1671, d’après Littré, 1865). Vx. Ouvrier tei-
gnant en garance.

garancière [garɑ̃sjɛr] n. f. (de garance ;


1600, O. de Serres, au sens 1 ; sens 2, 1829,
Boiste). 1. Vx. Champ semé en garance.
‖ 2. Vx. Atelier où l’on teignait les étoffes
avec la garance.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2097

garant, e [garɑ̃, -ɑ̃t] n. et adj. (du part.


prés. du v. gotique *werjan, *wairjan,
garantir la vérité de quelque chose ; 1080,
Chanson de Roland, écrit guarant, garant,
au sens 1 [être garant que, 1865, Littré ; se
porter garant que, XXe s.] ; sens 2, XVIe s.,
Loisel [prendre à garant, v. 1587, Du
Vair] ; sens 3, XVIe s., Loisel [« personne
qui est caution d’une autre, qui répond de
sa dette », v. 1283, Beau-manoir] ; sens 4,
XXe s. ; sens 5, 1080, Chanson de Roland ;
sens 6, v. 1155, Wace). 1. Au sens général,
personne qui répond de ses propres actes
ou des actes d’autrui : Tout homme est
garant de ses faits et promesses (Acad.).
‖ Spécialem. Personne qui répond de la
réalité, de la vérité de quelque chose : Il est
le plus sûr garant du succès de l’entreprise.
Être, se porter garant de l’acceptation de
quelqu’un. Par une déclaration publique,
il se portait garant de l’innocence et de
l’honneur de Maubec (France). ‖ Être, se
porter garant que, affirmer, sous sa res-
ponsabilité, que. ‖ 2. Class. Qui peut être
tenu pour responsable de quelque chose :
On n’est point garant des faits du prince,
ni d’une force majeure (Furetière, 1690).
Qui fait ce qu’il peut n’est plus garant de
rien (Corneille). ‖ Class. Prendre à garant,
rendre responsable de : Elle [la Fortune]
est prise à garant de toutes aventures (La
Fontaine). ‖ 3. En droit, personne qui est
légalement tenue de l’obligation de garan-
tie : Le vendeur est garant, envers l’acheteur,
de l’éviction qui résulte d’une surenchère
faite par un créancier hypothécaire (Dalloz).
‖ Personne qui est caution d’une autre, qui
répond de sa dette : Dans le cas où vous
auriez des craintes sur ma solvabilité, je
vous offrirais, pour garants de l’exécution
de nos conventions, messieurs Mongenod,
banquiers (Balzac). ‖ 4. État qui garantit le
respect d’un engagement international : Les
garants d’un traité ; et adjectiv. : Les puis-
sances garantes d’un pacte. ‖ 5. Personne
qui, par son autorité, appuie une opinion,
un fait dont on invoque le témoignage : Les
seuls garants que nous ayons ici de l’histoire
de la philosophie, les Arabes et les Grecs,
ne sont pas d’une autorité aussi solide et
aussi pure qu’une critique sévère le dési-
rerait (Diderot). Elle prenait la Vierge et
son fils pour garant | Que le Masque de fer
avait vécu sans crime (Vigny). ‖ 6. Chose
qui sert de garantie, de caution à une autre
(en ce sens, ne s’emploie qu’au masculin) :
La justice est le garant de la liberté (Cousin).
Quel garant de votre promesse me donnez-
vous ? (Hugo).

• SYN. : 1 responsable ; 5 caution, répon-


dant ; 6 assurance, gage, préservation,
sauvegarde.

& garant n. m. (1552, Rabelais, écrit


guarant ; garant, 1573, Du Puys). Dans
la marine, cordage servant à former un
palan : À ces quatre madriers étaient atta-
chés quatre palans garnis chacun de leur
itague et de leur garant (Hugo).

garanti [garɑ̃ti] n. m. (part. passé subs-


tantivé de garantir ; début du XIXe s., d’après
Larousse, 1872). Personne dont les droits
sont garantis par une autre.

garantie [garɑ̃ti] n. f. (part. passé fém.


garantie [garɑ̃ti] n. f. (part. passé fém.
substantivé de garantir ; fin du XIe s.,
Gloses de Raschi, au sens I, 1 ; sens I, 2,
1690, Furetière [garantie naturelle ou de
droit, garantie conventionnelle ou de fait,
1865, Littré ; garantie des vices, garantie
d’éviction, 1804, Code civil ; contrat de
garantie, sous garantie, XXe s. ; sans garantie
du gouvernement, 1872, Larousse] ; sens
I, 3, 1690, Furetière [action en garantie,
XXe s. ; demande en garantie, 1865, Littré] ;
sens I, 4, 1835, Acad. ; sens I, 5, av. 1613,
M. Régnier [en droit international, début
du XIXe s., d’après Larousse, 1872] ; sens I,
6, 1580, Montaigne ; sens II, 1, 1807, Mme de
Staël ; sens II, 2, début du XIXe s., d’après
Larousse, 1872).

I. ACTION OU MOYEN DE GARANTIR


QUELQUE CHOSE À QUELQU’UN 1. En
droit, au sens large, responsabilité assu-
mée par un contractant : Garantie de
l’assureur. Garantie du transporteur.
‖ 2. Obligation, légale ou contractuelle,
où se trouve une personne d’assurer
quelque chose à une autre ; la respon-
sabilité qui résulte de cette obligation :
Donner sa garantie. La garantie du ven-
deur. Vente avec garantie. Bon, bulletin
de garantie. Un appareil ménager dont la
garantie est de six mois. ‖ Garantie natu-
relle ou de droit, garantie résultant de
la loi. ‖ Garantie conventionnelle ou de
fait, garantie résultant d’un engagement.
‖ Garantie des vices, obligation légale
faite au vendeur ou au bailleur de livrer
à l’acquéreur ou au locataire une chose
exempte de vices cachés qui en empê-
cheraient l’usage ou en diminueraient
l’utilité. ‖ Garantie d’éviction, obliga-
tion légale faite au vendeur de défendre
l’acquéreur contre la revendication d’un
tiers. ‖ Contrat de garantie, contrat qui
a pour objet de procurer à un créancier
une sûreté (cautionnement, nantisse-
ment, privilège, hypothèque) en garan-
tie de l’engagement pris par le débiteur.
‖ Sous garantie, se dit d’une marchan-
dise (appareil, machine, etc.) que le ven-
deur s’est engagé à maintenir en bon état
de fonctionnement pendant une période
donnée. ‖ Sans garantie du gouverne-
ment (S. G. D. G.), formule indiquant que
l’État, lorsqu’il accorde un brevet de pro-
priété à un inventeur, ne garantit ni la va-
leur ni la priorité de l’invention. ‖ 3. Dé-
dommagement auquel une personne s’est
obligée : Poursuivre, appeler quelqu’un en
garantie. ‖ Action, demande en garantie,
acte par lequel le garant est mis en cause
par le garanti. ‖ 4. Constatation légale
du titre des matières et ouvrages de mé-
tal précieux. ‖ 5. Ce qui sert à garantir
l’exécution d’un engagement : Demander,

prendre, donner des garanties. Les arrhes


sont une garantie de l’exécution d’un
engagement qui n’est pas encore signé.
La vieille fille [...] dit à son protégé de ne
pas s’inquiéter de cette procédure, uni-
quement faite pour donner des garanties
à un usurier (Balzac). ‖ Spécialem. En
droit international, ensemble de moyens
propres à assurer l’exécution des traités :
Garantie simple, collective. Les garanties
ont surtout pour objet d’affermir les trai-
tés, en assurant autant que possible leur
inviolabilité (Royer-Collard). ‖ 6. Fig.
Ce qui est l’assurance, le gage de quelque
chose d’autre : Une garantie de moralité,
d’exactitude. Les honneurs que vous ren-
dez aux supériorités établies ne sont-ils
pas la garantie de ceux qui vous sont dus ?
(Balzac). La science est la meilleure amie
du peuple, la plus sûre garantie de ses pro-
grès (Renan).

II. MOYEN DE GARANTIR QUELQU’UN


CONTRE QUELQUE CHOSE 1. Disposition
juridique assurant la sauvegarde d’un
droit : Les garanties constitutionnelles. Ce
qui me répugne le plus en Amérique, ce
n’est pas l’extrême liberté qui y règne, c’est
le peu de garantie qu’on y trouve contre
la tyrannie (Tocqueville). Ils réclament
impérieusement des institutions en recon-
naissance et garantie des droits qu’ils ont
acquis par leur industrie (France). ‖ Ga-
rantie individuelle, protection que la loi
doit à tout citoyen. ‖ 2. Fig. Ce qui est de
nature à protéger contre un événement
fâcheux : Mme de Couaën, calmée, arrivait
donc à voir dans cette prison une garantie
efficace et vraiment heureuse contre des
périls plus grands (Sainte-Beuve).

• SYN. : I, 5 assurance, caution, engage-


ment, couverture, gage. ‖ II, 2 protection,
sauvegarde.

garantir [garɑ̃tir] v. tr. (de garant ; 1080,


Chanson de Roland, écrit guarantir [garan-
tir, XIIe s.], au sens I, 4 [« donner quelque
chose à venir pour assuré », av. 1850,
Balzac] ; sens I, 1, 1690, Furetière ; sens I, 2,
1865, Littré ; sens I, 3, 1872, Larousse ; sens
I, 5, 1663, Molière ; sens I, 6, 1872, Larousse ;
sens II, 1, v. 1283, Beaumanoir [« assurer
quelqu’un ou quelque chose contre un évé-
nement fâcheux », 1690, Furetière] ; sens
II, 2, 1080, Chanson de Roland ; sens II, 3,
1273, Adenet).

I. GARANTIR QUELQUE CHOSE (À


QUELQU’UN). 1. Assurer, sous sa respon-
sabilité, le maintien ou l’exécution de
quelque chose : Garantir un salaire mini-
mum à un représentant. Garantir le paie-
ment d’une dette. Garantir un contrat,
une créance. La puissance qui garantit un
traité s’engage à en maintenir les condi-
tions et à en procurer l’exécution (Royer-
Collard). ‖ 2. Spécialem. Répondre de la
qualité d’un objet vendu et s’engager à
le maintenir en état de fonctionnement
pendant une période donnée : Garantir
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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une montre pour un an. ‖ Par extens.


Certifier quelque chose comme exempt
de vice : Garantir un cheval de tout défaut.
‖ 3. Constituer une garantie de : Une
Constitution qui garantit les libertés indi-
viduelles. ‖ 4. Répondre de l’existence,
de la réalité de quelque chose : Toute sa
conduite vous garantit son honnêteté. Que
l’on nous garantisse une autorité sans
abus, nous garantirons une liberté sans
excès (Girardin). ‖ Spécialem. Donner
quelque chose à venir pour assuré : Le
médecin lui a garanti une complète gué-
rison. L’espérance d’un bel avenir, garanti
par cette promenade qui le lui montrait
si beau, si joli, si frais, quelle délicieuse
récompense ! (Balzac). Je me suis arrangé
avec le facteur : il me garantit une lettre
par jour (Renard). ‖ 5. Répondre de la
vérité de quelque chose, le donner pour
certain : Garantir une nouvelle. ‖ Garan-
tir que, certifier, sous sa responsabilité,
que : Je vous garantis que rien de fâcheux
ne lui est arrivé. ‖ 6. Spécialem. Certifier
quelque chose comme authentique : Ce
meuble est garanti d’époque Louis XV.
De quinze cents chartes, il y en a mille de
fausses, et l’on ne peut garantir les autres
(Longuerue).

II. GARANTIR QUELQU’UN OU QUELQUE


CHOSE CONTRE QUELQUE CHOSE. 1. Assu-
mer une obligation de garantie : Garantir
un acquéreur d’une éviction. ‖ Spécia-
lem. Assurer quelqu’un ou quelque chose
contre un événement fâcheux : Son assu-
rance le garantit contre tous les risques.
‖ 2. Mettre à l’abri de, protéger de :
Garantir quelqu’un du froid. Garantir un
jardin du vent. Le casque garantit le moto-
cycliste. La tanière était garantie des on-
dées (Hugo). Une cour intérieure garantie
du soleil par une toile tendue (Bourget).
‖ 3. Fig. Préserver de : Je me sens pour
tous ces abus une aversion qui doit natu-
rellement m’en garantir (Rousseau). Les
sorciers, garantis de tout supplice par la
tolérance due aux encyclopédistes du dix-
huitième siècle (Balzac).

• SYN. : I, 1 cautionner ; 3 assurer, défendre ;


4 attester, confirmer, démontrer, établir,
montrer, témoigner de ; jurer, promettre ;
5 authentifier, certifier.‖ II, 2 abriter, pré-
server ; 3 garder de, précautionner contre,
prémunir contre.

garatisme [garatism] n. m. (du n. du


chanteur Pierre Jean Garat [1764-1823] ;
1878, Larousse). Sous le Directoire,
grasseyement mis à la mode, parmi les
Incroyables, par le chanteur Garat.

garauguet [garogɛ] n. m. (probablem.


contraction graphique de gare au guet !,
de gare, interj., au, art. défini contracté,
et guet, n. m. ; 1872, Larousse). Jeu dérivé
du trictrac.

garbaud ou garbot [garbo] n. m. (mot


dialectal de l’Orléanais et du Blésois, d’ori-

gine obscure ; 1611, Cotgrave, écrit garbot ;


garbaud, garbaut, XXe s.). Un des noms du
chevaine.

garbure [garbyr] n. f. (gascon garburo,


mot d’origine préromane [comme le n. m.
plur. esp. garbías, « sorte de ragoût », terme
de la même famille] ; 1767, Dictionnaire
portatif de cuisine [d’abord potage à la
galbeure — 1735, Cuisinier moderne —,
galbure — 1739, F. Marin —, potage au gar-
bure — 1750, Dictionnaire des aliments ;
comme adj., XXe s.]). Soupe béarnaise, com-
posée de légumes coupés, dont un chou,
cuits dans l’eau et auxquels on ajoute du
lard et du confit d’oie ou de canard : J’ai
de la garbure, du jambon et de la merluche,
répondit l’hôtelier (Gautier). ‖ Adjectiv.
Potage garbure.

garce [gars] n. f. (fém. de gars [v. ce mot] ;


v. 1175, Chr. de Troyes, au sens de « jeune
fille de basse condition, servante », et au
sens 1 [fils de garce, XXe s.] ; sens 2, 1530,
Palsgrave ; sens 3, début du XXe s.). 1. Péjor.
Fille de mauvaise vie : Deux garces de
l’Hippodrome représentaient les reines de
la Cour (Flaubert). ‖ Pop. Fils de garce.
injure. ‖ 2. Autref. Fille, au sens général :
« C’est une fameuse garce ! » est un éloge
peu compris que recueillit Mme de Staël
dans un petit canton du Vendômois où elle
passa quelques jours d’exil (Balzac). ‖ Auj.
et pop. Jeune fille ou femme en général,
avec souvent une nuance admirative pour
son aspect physique : C’est [Joséphine] une
jolie petite garce qui ne fait pas honte à la
maison (Romains). Quelle belle fille, quelle
belle petite garce ! (Sartre). ‖ 3. Fam. Fille,
femme méchante ou désagréable : Tu es allé
voir cette vieille garce d’Honorine (Pagnol).
& adj. (sens 1, av. 1880, Flaubert ; sens 2,
1865, Littré). 1. Qui a l’aspect extérieur
d’une fille de mauvaise vie : Les femmes
ont toutes l’air très garces (Flaubert).
‖ 2. Pop. Garce de (suivi d’un nom), se dit
d’une chose désagréable, pénible : Quel est
l’homme qui n’a pas fait une pièce au moins
dans sa garce de vie ? (Duhamel).

garcette [garsɛt] n. f. (de garce ; v. 1220,


G. de Coincy, au sens de « jeune fille de
basse condition » ; sens I, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné, qui donne aussi [coiffure] à
la garcette, avec le même sens ; sens II, 1,
1634, Jal ; sens II, 2 [par une comparaison
ironique], 1835, Acad.).

I. Ancienne coiffure féminine espagnole


où les cheveux étaient rabattus en boucles
sur le front : La garcette fut à la mode en
France sous Anne d’Autriche.

II. 1. Petit cordage tressé employé dans


la marine : Nulle confusion des garcettes
de ris, avec les garcettes de tournevire
(Hugo). ‖ 2. Vx. Petite tresse faite de
vieux cordages détressés, qui servit long-
temps à châtier les mousses et les mate-
lots : « Vingt coups de garcette ! » s’était
écrié le capitaine (Cendrars).

garçon [garsɔ̃] n. m. (cas régime [employé


comme cas sujet] de gars, francique
*wrakjo, valet ; 1080, Chanson de Roland,
écrit garçun [garçon, v. 1155, Wace], au sens
II, 1 ; sens I, 1, 1530, Palsgrave [« fils », 1564,
Indice de la Bible ; traiter quelqu’un en petit
garçon, fin du XVIIe s., Saint-Simon ; être
petit garçon, 1865, Littré ; se sentir petit gar-
çon, XXe s.] ; sens I, 2, 1530, Palsgrave [gar-
çons d’honneur, joli garçon, 1865, Littré ;
mauvais garçon, 1538, R. Estienne ; mon
garçon, 1655, Molière ; bon garçon, 1690,
Furetière] ; sens I, 3, 1636, Monet [comme
adj., 1701, Boursault ; vie de garçon, 1637,
Crespin ; enterrer sa vie de garçon, 1930,
Larousse] ; sens II, 2, 1554, Journ. du sire
de Gouberville ; sens II, 3, 1624, Livet
[« manoeuvre qui aide le maçon », XXe s.] ;
sens II, 4, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné
[garçon de bureau, 1837, Balzac] ; sens II,
5, 1835, Acad.).

I. 1. Enfant du sexe masculin (corrélatif


de fille) : Une école de garçons. Avoir deux
garçons et une fille. Madame, les garçons
sont les soucis des mères (Hugo). ‖ Pop.
Fils : Monsieur, demanda-t-elle, c’est ici,
n’est-ce pas, que travaille un enfant du
nom d’Étienne ?... C’est mon garçon (Zola).
‖ Petit garçon, enfant du sexe masculin
jusque vers la douzième année : Çà et
là une bicoque habitée, de petits garçons
nus, des femmes pâles (Hugo). ‖ Traiter
quelqu’un en petit garçon, n’avoir aucune
considération pour lui et le lui montrer.
‖ Être, se sentir (tout) petit garçon, avoir
le sentiment de son infériorité, généra-
lement par comparaison avec la person-
nalité plus forte d’un autre : Jamais il ne
s’était senti si misérable, si inutile, si petit
garçon (Zola). ‖ Fam. Garçon manqué,
fille turbulente, un peu brusque, qui aime
les jeux violents. ‖ Grand garçon, enfant
suffisamment grand pour n’être plus ap-
pelé petit garçon : Te voilà grand garçon,
maintenant. ‖ Jeune garçon, adolescent.
‖ 2. Par extens. Jeune homme, homme
relativement jeune, ou homme sans consi-
dération d’âge : Un garçon de vingt ans.
Un garçon discret, sérieux, travailleur. Un
garçon paresseux, indiscipliné. Le pauvre
garçon était aux galères (Mérimée). Le
plus beau garçon de la région (Colette).
‖ Garçons d’honneur, jeunes gens qui
assistent les mariés pendant la cérémonie
du mariage. ‖ Les mauvais garçons, les
dévoyés : Tout ce que le dix-neuvième ar-
rondissement compte de mauvais garçons
(Carco). ‖ Fam. Mon garçon, manière
de s’adresser à quelqu’un de plus jeune
que soi, avec bonhomie et une certaine
condescendance. ‖ Joli garçon, jeune
homme d’un physique agréable, sédui-
sant : Tu es un joli garçon et tu m’as plu
(Mérimée). ‖ Bon garçon, homme facile
à vivre ; et adjectiv., d’un caractère facile :
Je rêve à Suzette, | J’embrasse Suzon, |
L’une est bien coquette, | L’autre est bon
garçon (Hugo). ‖ 3. Homme non marié :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2099

Il lui meubla un appartement de garçon,


quai Voltaire (Daudet). Il a déjà des habi-
tudes et presque des manies de vieux gar-
çon (Duhamel) ; adjectiv. et fam. : C’est
vrai, tu es garçon, ce soir, murmura-t-elle
[Nana]. Ta femme ne revient que demain
matin, n’est-ce pas ? (Zola). ‖ Vie de gar-
çon, manière de vivre libre et indépen-
dante. ‖ Enterrer sa vie de garçon, faire
une dernière bombance, avec ses cama-
rades célibataires, avant son mariage.

II. 1. Class. Domestique, « valet à tout


faire » : Il n’est pas jusqu’au fat qui lui sert
de garçon | Qui ne se mêle aussi de nous
faire leçon (Molière). ‖ 2. Employé ou
ouvrier au service de certains artisans :
Garçon tailleur. Garçon boulanger. Gar-
çon boucher. Garçon coiffeur. ‖ 3. Aide
affecté à un service spécial : Garçon de
ferme, d’écurie, de cuisine. À l’intérieur,
une grande pièce, avec deux petits lits de
fer pour l’éclusier et son garçon (Daudet).
J’attendais un garçon de laboratoire de-
puis quinze jours (Duhamel). On distin-
guait un garçon de piste vêtu d’un habit
kaki (Arnoux). ‖ Spécialem. Dans le
bâtiment, manoeuvre qui aide le maçon.
‖ 4. Employé subalterne de certains éta-
blissements ou administrations : Garçon
de bain, de plage. Garçon de magasin.
Garçon de courses. ‖ Garçon de bureau,
employé chargé de tenir propres les bu-
reaux d’une administration, de faire les
commissions, d’introduire les visiteurs,
etc. ‖ Garçon de recettes, v. RECETTE.
‖ 5. Spécialem. Homme chargé de servir
la clientèle dans un café, un restaurant,
un hôtel : Garçon de café. Garçon de res-
taurant. On voit des serveurs, des maîtres
d’hôtel, des garçons d’étage (Dorgelès).
Dans le petit café [...] à côté du marchand
de tabac, le garçon balayait de la sciure
dans la salle déserte (Camus).

& adj. (fin du XIXe s., A. Daudet). Masculin,


viril : Sa toilette choisie par la danseuse
autrichienne, ses cheveux bouclés jusqu’à
la taille, cette allure déhanchée et garçon
excitèrent quelque malveillance (Daudet).

garçonne [garsɔn] n. f. (de garçon ;


1880, Huysmans, au sens 1 ; sens 2, 1922,
V. Margueritte [à la garçonne, v. 1925]).
1. Adolescente aux formes encore enfan-
tines (rare) : Gamines brunes [...], gar-
çonnes grandelettes, sans poitrine et sans
hanches (Huysmans). ‖ 2. Jeune fille ou
jeune femme qui mène la vie indépendante
d’un garçon et se donne des allures mascu-
lines : Nous sommes toutes devenues, plus
ou moins, des garçonnes (Margueritte). ‖ À
la garçonne, s’est dit d’une coiffure fémi-
nine où les cheveux étaient coupés court
(vieilli) : Ernestine a les cheveux coupés à
la garçonne (Pagnol).

garçonner [garsɔne] v. intr. (de garçon ;


XIIIe s., Roman de Renart, comme v. tr., au
sens de « posséder charnellement [une

femme] » ; comme v. intr., au sens moderne,


1656, Oudin). Fam. Fréquenter les garçons,
en parlant d’une fille.

garçonnet [garsɔnɛ] n. m. (de garçon ;


v. 1185, Godefroy, au sens de « valet mépri-
sable » ; sens actuel, 1534, Rabelais [comme
terme de tailleur, 1922, Larousse]). Jeune
garçon : Les petits garçonnets qu’on couche
de bonne heure, éveillés en sursaut par les
rugissements et les coups de feu, avaient
grand-peur (Daudet). ‖ Spécialem. Dans
la nouveauté, taille intermédiaire entre
« enfant » et « homme ».

garçonnette [garsɔnɛt] n. f. (fém. de


garçonnet ; av. 1848, Chateaubriand). Vx.
Petite fille, fillette : Voici une garçonnette
de cinq ou six ans, assise sur le seuil de la
porte d’une chaumière (Chateaubriand).

garçonnier, ère [garsɔnje, -ɛr] adj. (de


garçon ; v. 1175, Chr. de Troyes, au sens
de « qui se livre aux goujats » [du corps
d’une femme] ; sens 1, 1656, Oudin ; sens
2, 1803, Boiste). 1. Se dit d’une fillette ou
d’une jeune fille qui se plaît dans la société
des garçons ou qui affecte les allures d’un
garçon : Un tantinet trop libre pour son âge
et un peu trop garçonnière (Theuriet). La
jeune artiste lyrique, garçonnière et sombre
(France). Ma grand-mère m’appelait gar-
çonnière (Chardonne). ‖ Substantiv. : Une
garçonnière. ‖ 2. Se dit de ce qui, chez une
fille, rappelle un garçon ou conviendrait
à un garçon : Puis deux filles maigres, ses
filles ! à tournure étrange et garçonnière
(Daudet). Mme Chantelouve a ce nom
garçonnier qui lui va bien : Hyacinthe
(Huysmans). Un air garçonnier que son
verbe haut et trop direct accusait encore
(Bourget). Son allure garçonnière et sportive
(Rolland).

& garçonnière n. f. (1835, Balzac [« petit


appartement convenant à une personne
seule », XXe s.]). Appartement d’un homme
célibataire : La pièce avait l’aspect négligé et
coquet d’une garçonnière (Martin du Gard).
‖ Par extens. Petit appartement convenant
à une personne seule.

• SYN. : studio.

gardable [gardabl] adj. (de garder ; XIIIe s.,


au sens de « qu’on est obligé d’observer » ;
av. 1453, Monstrelet, au sens de « facile à
défendre » ; sens actuel, 1600, O. de Serres).
Que l’on peut garder, conserver facilement.

1. garde [gard] n. f. • ÉTYM. Déverbal


de garder ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit
guarde (garde, v. 1155, Wace), au sens I, 1
(droit de garde, XXe s. ; être de grande garde,
1666, Roman bourgeois ; à la garde de Dieu,
que Dieu nous ait en sa sainte garde, 1690,
Furetière) ; sens I, 2, 1686, Bossuet (garde
à vue, v. 1960) ; sens I, 3, v. 1360, Froissart
(garde juridique, droits de garde, XXe s. ;
garde judiciaire, de bonne garde, de mau-
vaise garde, 1865, Littré ; être de garde, XVe s.,
Littré) ; sens I, 4, milieu du XVIe s., Amyot

(chien de garde, 1857, Flaubert ; faire bonne


garde, 1636, Corneille) ; sens I, 5, v. 1207,
Villehardouin (« service périodique de sur-
veillance... », av. 1613, M. Régnier ; méde-
cin, pharmacien de garde, tour de garde,
garde au mouillage, bâtiment de garde,
XXe s. ; monter, descendre la garde, 1690,
Furetière [descendre la garde, « mourir »,
1808, d’Hautel] ; faire garde, 5 févr. 1649,
Bussy-Rabutin ; monter en garde, v. 1673,
Retz) ; sens I, 6, milieu du XVIe s., Amyot ;
sens II, 1, 1671, Pomey (les gardes de l’épée,
garde haute, 1690, Furetière ; fermer, ouvrir
sa garde, début du XXe s. ; en garde !, 1670,
Molière) ; sens II, 2, XIVe s., Cuvelier (être
sur ses gardes ; se tenir sur ses gardes, 1552,
Rabelais ; mettre quelqu’un en garde, début
du XXe s. ; tenir quelqu’un en garde, 1835,
Vigny ; une mise en garde, début du XXe s. ;
être hors de garde, se donner de garde, 1655,
Molière ; sortir de garde, 1643, Corneille ;
se donner garde de, v. 1170, Godefroy [se
donner de garde de, v. 1360, Froissart] ;
n’avoir garde de, v. 1130, Eneas [« n’avoir
nulle intention de, éviter soigneusement
de », fin du XVe s., Commynes] ; garde à
vous !, 1835, Acad. [commandement ; son-
nerie ou batterie, 1907, Larousse]) ; sens
III, 1, 1538, R. Estienne (garde prétorienne,
1872, Larousse ; la vieille garde, la jeune
garde, au fig., XXe s. ; garde républicaine de
Paris, 1900, Dict. général ; garde noble pon-
tificale, garde pontificale suisse, XXe s.) ; sens
III, 2, XIIe s. (à la garde !, 1845, Bescherelle ;
garde montante, descendante, 1865, Littré ;
battre la garde, 1872, Larousse ; grand-
garde, 1740, Acad. ; garde avancée, garde
folle, 1690, Furetière ; corps de garde, fin du
XVIe s., A. d’Aubigné ; une plaisanterie de
corps de garde, 1863, Littré, art. corps [quo-
libet qui sent le corps de garde, même sens,
av. 1695, La Fontaine]) ; sens IV, 1, 1460,
G. Chastellain (jusqu’à la garde, s’enferrer
jusqu’à la garde, XXe s. ; jusques aux gardes,
1651, Scarron) ; sens IV, 2, 1743, Trévoux ;
sens IV, 3, 1690, Furetière (avoir toujours
garde à carreau, 1835, Acad.) ; sens IV, 4,
depuis 1690, Furetière (garde de la pédale
d’embrayage, garde d’eau, XXe s.).

I. ACTION DE GARDER 1. Action de sur-


veiller un être animé pour en prendre
soin, le protéger, le défendre : Avoir un
malade en garde. Confier un enfant à la
garde d’une parente. Mettre son chien en
garde pendant les vacances. Sous la garde
d’un soldat, je visitai la cathédrale (Cha-
teaubriand). ‖ Droit de garde, droit de
surveiller la personne d’un enfant et de
diriger son éducation, attribué à celui des
parents qui a la puissance paternelle ou
au tuteur. ‖ Class. Être de grande garde,
être difficile à garder : Disant qu’il faisait
fort bien de la marier ainsi jeune ; qu’une
fille est de grande garde (Furetière). ‖ Vx.
À la garde de Dieu, sous la protection de
Dieu. ‖ Fam. et vx. À la garde de Dieu !,
advienne que pourra. ‖ Que Dieu nous
ait en sa sainte garde, formule par laquelle
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2100

les souverains terminaient leurs lettres.


‖ 2. Action de surveiller quelqu’un pour
le maintenir captif en un lieu, l’empêcher
de fuir : Être chargé de la garde d’un pri-
sonnier. ‖ Garde à vue, institution qui
permet à la police ou à la gendarmerie de
garder à vue, pendant une durée limitée,
toute personne suspecte, sous réserve
de certaines garanties accordées à la
personne ainsi retenue. ‖ 3. Action de
surveiller quelque chose pour le conser-
ver, le préserver : Un établissement qui
se charge de la garde des tapis, des four-
rures. Confier des bijoux, des valeurs, une
somme d’argent à la garde de quelqu’un.
Laisser un dépôt, sa voiture en garde à un
ami. J’étais quelque peu gêné [...] de lais-
ser cette maison [...] à la seule garde de
cette voisine (Gide). ‖ Garde juridique,
obligation légale, pour celui qui possède
ou utilise une chose ou un animal, d’as-
sumer la responsabilité des dommages
qu’ils peuvent causer. ‖ Garde judiciaire,
surveillance légale des objets séques-
trés, saisis ou mis sous scellés. ‖ Droits
de garde, commission payée à la banque
qui conserve les titres de son client et
en découpe en temps voulu les coupons.
‖ De bonne garde, de mauvaise garde,
propre ou impropre à la conservation
(en parlant de denrées) : Fruits de bonne
garde. ‖ Class. Être de garde, pouvoir se
conserver aisément : Les fruits entichés
[= gâtés] ne sont pas de garde (Acad.,
1694). ‖ 4. Action de surveiller quelque
chose, en particulier un lieu, pour le
défendre : Un poste frontière placé sous la
garde d’un détachement. Un chien que j’ai
dressé moi-même pour la garde (Colette).
‖ Chien de garde, chien dont le rôle est
de garder la maison. ‖ Faire bonne garde,
surveiller avec vigilance. ‖ 5. Service
de surveillance ; en particulier, service
assuré par une sentinelle ou un déta-
chement de militaires en armes qui sur-
veillent l’accès d’un bâtiment militaire ou
d’un établissement public : On me mit de
garde à la manufacture de tabacs (Méri-
mée). ‖ Spécialem. Service périodique
de surveillance, assuré à tour de rôle par
plusieurs personnes : Quand je n’étais ni
de garde aux batteries, ni de service à la
porte, j’aimais à souper à la foire (Cha-
teaubriand). L’interne de garde dans un
hôpital. ‖ Médecin, pharmacien de garde,
médecin, pharmacien qui restent à la dis-
position des malades aux heures et aux
jours de repos de leurs confrères. ‖ Tour
de garde, ordre suivant lequel est assuré
un service de garde. ‖ Salle de garde,
dans un hôpital, salle où les internes se
tiennent et prennent leurs repas. ‖ Garde
au mouillage, service de veille sur un
navire au mouillage. ‖ Bâtiment de
garde, navire qui, sur rade et dans une
escadre, a toute la journée à son bord
un médecin et un commissaire suscep-
tibles d’être réquisitionnés. ‖ Monter la

garde, se rendre à un poste pour prendre


la garde, et, par extens., être de faction :
Deux cents hommes montèrent la garde
autour du bâtiment (Maupassant). Le
vieux Rhin où l’on a tant monté la garde
(Arnoux). ‖ Descendre la garde, quitter le
poste après avoir été de garde ; pop. et vx,
mourir : Gilet sera mis à l’ombre par ce
bras [...], ou le sien m’aura fait descendre
la garde (Balzac). ‖ Class. Faire garde,
monter la garde : Je trouve qu’il fait bien
froid pour faire garde (Bussy-Rabutin).
‖ Class. Monter en garde, se rendre au
lieu où l’on doit monter la garde : Cette
assemblée [...] donna une grande terreur
au Palais-Royal, où l’on fit monter six
compagnies en garde (Retz). ‖ 6. Fig. et
vx. Action de préserver les valeurs intel-
lectuelles ou morales : La conquête de
l’avenir a bien autant de valeur que la
garde du passé (Guizot).

II. ATTITUDE D’UNE PERSONNE QUI SE


GARDE. 1. Dans un combat singulier, à
l’escrime, en boxe, manière de poser le
corps et de tenir son arme ou ses bras
qui permet de parer les coups de l’adver-
saire : Être, tomber, se mettre en garde.
Le colonel alla droit à son adversaire, en
se mettant en garde de manière à saisir
l’avantage (Balzac). Charlie, pris d’impa-
tience, se précipite sur moi et me boxe. Je
prends la garde française (Giraudoux).
‖ Les gardes de l’épée, ses différentes
positions, à l’escrime : prime, seconde,
tierce, quarte, quinte. ‖ Garde haute,
celle dans laquelle le poignet est plus
élevé que la pointe de l’épée. ‖ Fermer,
ouvrir sa garde, se couvrir, se découvrir.
‖ En garde !, en position de combat ! : En
garde ! Une, deux, et v’lan dans la poitrine
(Zola). ‖ 2. Fig. Se tenir, être en garde ou
sur ses gardes, veiller à ne pas être surpris,
se méfier : Dans une réunion littéraire,
chez vous, chacun se tient un peu sur ses
gardes (Gide). ‖ Mettre, tenir quelqu’un
en garde, l’avertir d’un danger, l’inciter
à la vigilance ou à la défiance : Quelle
défiante perspicacité l’avait donc mise
en garde ? (Gide). Le grave et silencieux
sourire des vieux capitaines me tenait en
garde contre cette pauvre science (Vigny).
‖ Une mise en garde, un avertissement.
‖ Class. Être hors de garde, n’être plus en
mesure d’agir, de combattre : Léandre,
pour nous nuire, est hors de garde enfin
(Molière). ‖ Class. Sortir de garde, perdre
ses moyens de défense : Tu vas sortir de
garde, et perdre tes mesures (Corneille).
‖ Class. Se donner de garde, se tenir sur
ses gardes, se défier : Je venais l’avertir de
se donner de garde (Molière). ‖ Class. et
littér. Se donner (de) garde de (et un nom
ou l’infinitif), prendre garde à, éviter de,
faire attention que : Donnez-vous de garde
des faux Christs et des faux prophètes
(Bossuet). Il faut se donner de garde des
surprises des chicaneurs (Furetière, 1690).
Aussi nous donnerons-nous bien de garde

de vous suivre en cela (Pascal). Donnez-


vous de garde que cela n’arrive (Acad.,
1694). Donnez-vous de garde d’admettre
jamais un poète dans vos affaires (Cha-
teaubriand). Si le mal n’est déjà fait, au
moins faut-il m’en donner de garde (Bal-
zac). Donnez-vous garde de recevoir un
mauvais coup (Vercel). ‖ Class. N’avoir
garde de (suivi de l’infinitif), en parlant
des personnes ou des choses, n’avoir pas
le pouvoir, la possibilité de, ou être fort
éloigné de : Ces Phéniciens avaient vu
Télémaque au voyage d’Égypte, mais ils
n’avaient garde de le reconnaître au mi-
lieu des flots (Fénelon). Votre visage [...]
n’a garde d’être de ces visages disgraciés
(Molière). Cette pièce fut mon coup d’es-
sai, et elle n’a garde d’être dans les règles,
puisque je ne savais pas alors qu’il y en
eût (Corneille) ; auj. et littér., en parlant
des personnes, n’avoir nulle intention de,
éviter soigneusement de : François n’avait
garde de s’arrêter (Barrès). N’aie garde,
chaussé de blanc, de perdre de vue cha-
cun de tes souliers (Claudel). Saint-Loup,
fort à genoux devant sa femme, et parce
qu’il l’aimait et parce qu’il lui devait pré-
cisément ce luxe extrême, n’avait garde de
contrarier ces goûts si pareils aux siens
(Proust). ‖ Prendre garde, v. ci-après (loc.
verbale). ‖ Garde à vous !, commande-
ment verbal, sonnerie ou batterie régle-
mentaire enjoignant à un soldat ou à une
troupe de prendre la position du garde-à-
vous (v. ce mot à l’ordre alphab.).

III. GROUPE DE PERSONNES QUI


GARDENT. 1. Corps de troupes chargé
d’assurer la sécurité d’un souverain, d’un
personnage officiel, des membres du gou-
vernement, ainsi que la protection des
édifices où siègent les pouvoirs publics :
La garde des rois de France prit, à par-
tir de Louis XIV, le nom de « maison du
roi ». ‖ Garde d’honneur, garde qui ac-
compagne un haut personnage dans ses
déplacements ; spécialem., s’est dit d’une
levée que Napoléon fit, en 1813-1814, de
jeunes gens qui s’étaient déjà rachetés
de la conscription et qui furent formés
en corps de cavalerie. ‖ Garde préto-
rienne, garde particulière des empereurs
romains. ‖ Gardes françaises, régiment
créé sous Charles IX, en 1563, et char-
gé, jusqu’à sa suppression en 1789, de la
garde des palais royaux et des services de
Paris. (V. aussi GARDE-FRANÇAISE, n. m.,
à l’ordre alphab.) ‖ Garde nationale, mi-
lice civique créée en 1789 pour la défense
de l’ordre public et placée sous le com-
mandement de La Fayette, plusieurs fois
dissoute et reformée ultérieurement, no-
tamment sous Louis-Philippe, en 1831, et
qui participa aux combats du siège de Pa-
ris en 1870-1871, avant de disparaître dé-
finitivement. ‖ Garde nationale mobile,
formation militaire créée par la loi Niel
de 1868 et recrutée parmi les hommes qui
n’étaient pas appelés au service militaire.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2101

‖ Garde de l’Assemblée, de la Conven-


tion, du Corps législatif, du Directoire,
noms pris successivement, à l’époque
révolutionnaire, par un corps de troupes
formé à l’origine par certains éléments de
la maison du roi ralliés à la Révolution.
‖ Garde impériale, ou la Garde, corps de
troupes créé en 1804 par Napoléon Ier : Il
y a d’abord un capitaine d’artillerie de la
Garde, M. Mignonnet, un homme sorti
de l’École polytechnique (Balzac). ‖ La
Vieille Garde, régiments de la Garde qui,
à partir de 1809, formèrent la réserve :
Ça sera sérieux entre gens de la Vieille
Garde (Balzac) ; au fig., les anciens parti-
sans et amis fidèles d’un chef d’État, d’un
homme politique, etc. ‖ La Jeune Garde,
régiments d’élite de la Garde, créés pour
la bataille, en 1809 ; au fig., les jeunes par-
tisans d’un régime politique. ‖ Garde
municipale, anc. nom de la Garde répu-
blicaine de Paris (1802 - 1813 et 1830 -
1848). [V. ci-après.] ‖ Garde républicaine
mobile, nom porté de 1926 à 1955 par
la gendarmerie mobile. ‖ Garde répu-
blicaine de Paris, corps de gendarmerie
chargé de la garde des palais nationaux et
des services d’ordre et d’honneur dans la
capitale. ‖ Garde noble pontificale, corps
de volontaires recruté dans la noblesse et
qui assure les services d’ordre et d’hon-
neur au Vatican. ‖ Garde pontificale
suisse, formation dont les membres sont
recrutés en Suisse et qui est chargée de
la garde personnelle des souverains pon-
tifes. ‖ 2. Détachement de militaires qui
gardent un poste ou assurent un service
de sécurité : Appeler la garde. Quand la
garde sera-t-elle relevée ? (Musset). ‖ Vx.
À la garde !, loc. utilisée pour appeler la
garde dans un moment de danger : Le
second laquais, grand diable aux jambes
de faucheux, se mit à courir après lui en
criant à la garde (France). ‖ Garde mon-
tante, garde descendante, détachement
qui va prendre ou qui va quitter le service
de garde. ‖ Vx. Battre la garde, battre du
tambour pour rassembler les hommes de
garde. ‖ Vx. Grand-garde, nom donné
jadis à la troupe qui constituait l’élément
principal de défense des avant-postes.
‖ Vx. Garde avancée, ou garde folle, corps
mis à l’avant de la grand-garde, pour plus
de sûreté. ‖ Avant-garde, arrière-garde,
flanc-garde, v. ces mots à l’ordre alphab.
‖ Corps de garde, groupe de soldats char-
gés d’un service de garde (vx) ; par ex-
tens., local où se tiennent les soldats de ce
détachement : Je vis Lillas Pastia passer et
repasser autour du corps de garde (Méri-
mée). Le tabac à fumer faisait partie de ce
que l’on appelait, et avec quel mépris, « les
moeurs de corps de garde » (La Varende).
‖ Une plaisanterie de corps de garde, une
plaisanterie grossière.

IV. CHOSE QUI SERT À GARDER, À PROTÉ-


GER. 1. Partie d’une arme blanche, entre
la lame et la poignée, destinée à protéger

la main qui tient l’arme : La garde d’un


sabre, d’un poignard. Je me mis à tourner
dans ma chambre, le chapeau sous le bras,
la main sur la garde de mon épée (France).
‖ Fam. Jusqu’à la garde, à un degré ex-
trême, complètement. ‖ Fig. S’enferrer
jusqu’à la garde, s’enfoncer dans l’erreur
au point de se mettre dans une situation
inextricable. ‖ Class. Jusques aux gardes,
sans retenue ni modération, à satiété :
La Rappinière but tant qu’il s’enivra, et
la Rancune s’en donna aussi jusques aux
gardes (Scarron). ‖ 2. Feuillet blanc ou
de couleur placé au début d’un livre,
avant le faux titre, et à la fin, après l’ache-
vé d’imprimer : Le soir venu, je les posais
[mes livres] sur ma table [...], flairant les
gardes, les signets et les coiffes (Duha-
mel). [On dit aussi FEUILLE DE GARDE.]
‖ 3. Basse carte de même couleur qu’une
carte principale, qu’on garde pour proté-
ger cette dernière. ‖ Fam. Avoir toujours
garde à carreau, être prêt à toute éventua-
lité : Je serai très prudent, très réservé [...].
J’aurai toujours ma garde à carreau (Mé-
rimée). ‖ 4. Dans le domaine technique,
distance, espace ménagé entre deux élé-
ments, généralement à des fins de sécu-
rité : La garde au sol d’une automobile.
‖ Garde de la pédale d’embrayage, dans
une automobile, la partie de la course
de la pédale qui est sans effet sur l’em-
brayage. ‖ Garde d’eau, hauteur d’eau
tenue en réserve dans un siphon et qui
forme fermeture hydraulique.

• SYN. : I, 1 protection, soin ; 2 surveillance ;


3 conservation, défense, préservation ; 4 fac-
tion, guet, service, veille. ‖ II, 2 aux aguets,
sur le qui-vive ‖ III escorte, milice.

& Prendre garde loc. verbale (sens 1, 1677,


Racine ; sens 2, v. 1190, Garnier de Pont-
Sainte-Maxence [« se préserver de, chercher
à éviter », 1872, Larousse ; prendre garde
à et l’infin., 1663, Molière] ; sens 3, 1691,
Bossuet [« veiller à ne pas », 1687, Baron ;
prendre garde de ne pas, 1679, Bossuet] ;
sens 4, av. 1650, Descartes ; sens 5, 1549,
R. Estienne [prendre garde que... ne... pas,
XXe s. ; prendre garde que, sans négation,
1660, Bossuet]) 1. Prends garde !, prenez
garde !, loc. exclamative qui invite à faire
attention, à se méfier (avertissement ou
menace) : Prends garde ! dit Pécuchet,
tu vas te lancer dans les réceptions. C’est
un gouffre ! (Flaubert). Il murmura entre
ses dents : « Prends garde ! » (Hugo).
‖ 2. Prendre garde à quelqu’un, à quelque
chose, faire très attention à quelqu’un, à
quelque chose : Je n’aurais pas pris garde
à elle si elle n’avait pas pris garde à moi
(Marivaux). Sans prendre garde à l’oura-
gan | Qui fouettait mes vitres fermées...
(Gautier). Alors il se jeta dans des inven-
tions de machines, et sa femme mourut sans
qu’il y prît garde (France). Je le suppliais d’y
prendre garde (Gide) ; se préserver de, cher-
cher à éviter : Prenez garde à la peinture.
‖ Vx. Prendre garde à (suivi de l’infinitif),

avoir soin de : Prenez garde à sanctifier


l’extérieur par l’intérieur (Bossuet). Prenez
garde à ne pas trop vous engager (Acad.).
‖ 3. Prendre garde de (suivi de l’infinitif),
veiller à : Prendre garde de bien écrire veiller
à ne pas : Prenez garde de tomber (Acad.).
‖ Prendre garde de ne pas..., veiller à ne
pas... : Je prenais bien garde de ne pas le
montrer (Maurois). Prenez garde de ne pas
oublier vos clefs. ‖ 4. Prendre garde que
(suivi de l’indicatif), remarquer bien que,
être attentif à observer que : Prenez garde
que les paysans sont volontiers incestueux,
ivrognes et parricides, comme l’a montré
Zola (France). ‖ 5. Prendre garde que... ne
(suivi du subjonctif), veiller à ce qu’une
chose ne soit pas, essayer d’éviter que : Elle
la referma avec beaucoup de précaution,
prenant garde que le loquet ne retombât
trop brusquement (Gautier). Surtout prends
garde qu’on ne te voie (Gyp). Prenez garde
qu’on ne vous surprenne (Acad.). ‖ Fam.
Prendre garde que... ne... pas, même sens :
Prendre garde que le produit ne soit pas
mis au contact de l’humidité. ‖ Prendre
garde à ce que (suivi du subjonctif), veiller
à ce que : M. de Maupassant prend garde à
ce que son peintre ne soit jamais un héros
(France). Prends garde à ce que tout reste
en ordre. ‖ Class. Prendre garde que (sans
négation), veiller à ce qu’une chose soit :
Prenez garde, mon fils, que vous entendiez
tout ce que vous faites (Bossuet).

• SYN. : 3 avoir soin, s’efforcer, s’évertuer,


s’ingénier, tâcher ; 4 considérer, noter,
savoir.

& gardes n. f. pl. (sens I, 1, v. 1268, É.


Boileau ; sens I, 2, 1611, Cotgrave ; sens II,
1900, Dict. général).

I. 1. Pièces intérieures d’une serrure qui


empêchent qu’une clef quelconque puisse
la manoeuvrer. ‖ 2. Ergots du cerf et du
sanglier.

II. Fourrures prises en garde.

2. garde [gard] n. (déverbal de garder ;


v. 1155, Wace). Personne qui a la charge
de garder quelqu’un ou quelque chose
(généralement accompagné d’un adjectif
ou d’un complément précisant l’objet de
la fonction : v. ci-après garde n. m., et les
composés à leur ordre alphab.) : Ils l’eussent
déchiré pour en emporter quelques reliques,
si l’on n’eût mis des gardes à son cercueil
(Chateaubriand).

& n. m. (sens 1, XIIe s., Roncevaux [garde


champêtre, 1829, Boiste ; garde forestier,
1865, Littré ; garde messier, garde parti-
culier, 1872, Larousse ; garde maritime,
1865, Littré ; garde de navigation, XXe s. ;
garde des Sceaux, 1481, Bartzsch ; garde du
commerce, av. 1850, Balzac] ; sens 2, XIIe s.,
Roncevaux ; sens 3, 1647, Corneille [« soldat
d’un des corps spéciaux appelés gardes »,
1690, Furetière ; garde national, 1792,
Brunot ; garde du corps, 1680, Richelet ;
garde rouge, 1917]). 1. Celui qui est chargé
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2102

de la surveillance d’un lieu, de la garde


ou de la conservation de certaines choses.
‖ Garde champêtre, agent communal pré-
posé à la garde des propriétés rurales et des
récoltes, à la recherche des délits ruraux et
de chasse, et au maintien de la tranquil-
lité publique : Le garde champêtre passait,
portant son sabre sur sa blouse (Flaubert).
‖ Garde forestier, agent chargé de surveil-
ler les forêts domaniales et de constater
les infractions aux réglementations dont
l’application est confiée aux Eaux et Forêts.
‖ Vx. Garde messier, dénomination régio-
nale de l’agent qui était chargé de la garde
des moissons et des récoltes. ‖ Garde
particulier, personne engagée par un pro-
priétaire pour surveiller ses domaines, et
qui, agréée par le sous-préfet, a les mêmes
pouvoirs que les gardes communaux.
‖ Garde maritime, agent chargé de la sur-
veillance des côtes et de l’exécution des
règlements de police relatifs à la navigation
et à la pêche. ‖ Garde de navigation, agent
chargé de la surveillance et de la police
des fleuves, rivières, canaux, lacs et étangs.
‖ Garde des Sceaux, dignitaire de l’Ancien
Régime chargé de la garde du sceau royal,
en lieu et place du grand chancelier ; auj.,
le ministre de la Justice. ‖ Vx. Garde du
commerce, bas officier de justice qui était
chargé, à Paris, d’exécuter les contraintes
par corps : Nous n’avions certes pas l’air de
gens d’argent, huissier, créancier, gardes du
commerce, etc. (Balzac). ‖ 2. Gardien qui
veille sur un prisonnier : Échapper à ses
gardes. Tromper la vigilance de ses gardes.
On redoubla mes gardes, on multiplia mes
chaînes (Chateaubriand). ‖ 3. Soldat fai-
sant partie de la garde d’un souverain,
d’un chef d’État, d’un haut personnage :
Les gardes du roi. ‖ Soldat d’un des corps
spéciaux appelés gardes : Les pacifistes
avaient dû céder aux mouvements combi-
nés des gardes à cheval et des sergents de
ville (Martin du Gard). ‖ Garde munici-
pal, national, national mobile, républicain,
républicain mobile ; garde noble, pontifical,
suisse, etc., membre d’une des gardes du
même nom (v. GARDE 1, § III, n. 1) : Il eut à
subir la société des gardes nationaux, et [...]
tous lui parurent plus bêtes que leur giberne
(Flaubert). ‖ Garde-française, v. à l’ordre
alphab. ‖ Garde du corps, un des gardes
autrefois attachés à la personne du roi ;
par extens., homme chargé de veiller à la
sécurité d’une personnalité ; fig. et ironiq.,
personne qui en accompagne toujours une
autre. ‖ Garde rouge, ouvrier bolcheviste
armé, lors des journées d’octobre 1917, en
Russie. ‖ Gardes rouges, mouvement de
jeunesse chinois constitué pour soutenir
la campagne antirévisionniste de Mao Tsé-
toung (1964).

• SYN. : 1 gardien, surveillant.

& n. f. (sens 1, XIIIe s. ; sens 2 [allusion iro-


niq. à la Vieille Garde de Napoléon Ier], 1907,
Larousse). 1. Femme qui a la charge de gar-
der un malade, un infirme, un enfant : Elle

dit au médecin : « Avez-vous amené une


garde ? » (Maupassant). ‖ 2. Pop. et vx.
Vieille garde, femme galante âgée : Avec
de vraies roulures, avec de vieilles gardes
(Richepin).

• SYN. : 1 garde-malade, infirmière, nurse.

3. garde- [gard], premier élément de mots


composés, considéré a) comme une forme
du verbe garder, dans les noms de choses ;
b) comme le substantif garde 2, dans les
noms de personnes. Au pluriel, garde- ne
varie que dans ce dernier cas, c’est-à-dire
quand le composé désigne une personne.
Quant au second élément, il s’écrit géné-
ralement sans s lorsque le composé est au
singulier (exceptions : garde-mites, garde-
notes, garde-reins, garde-scellés) ; au pluriel,
il ne reste invariable que si le sens l’exige :
des garde-boue, des gardes-barrières.

gardé, e [garde] adj. (part. passé de gar-


der ; 1740, Acad., au sens 1 [aux échecs,
XXe s.] ; sens 2, 1930, Larousse ; sens 3,
av. 1872, Th. Gautier). 1. Carte gardée,
en termes de jeux, carte qui est protégée
par une basse carte de la même couleur :
Roi gardé. Dame gardée. ‖ Pièce gardée,
aux échecs, pièce protégée par une autre.
‖ 2. Chasse gardée, propriété, générale-
ment placée sous la surveillance d’un
garde, où le propriétaire se réserve le droit
de chasse ; au fig., affaire dont il ne faut
pas se mêler ; fam., femme à qui il ne faut
pas faire la cour. ‖ 3. Toute(s) proportion(s)
gardée(s), en tenant compte de la différence
d’importance ou de grandeur entre les per-
sonnes ou les choses comparées : Il semble,
toute proportion gardée, qu’Apelle n’eût
point conçu autrement ce sujet (Gautier).

garde-à-vous [gardavu] n. m. invar.


(emploi substantivé de garde à vous ! [v.
GARDE 1, § II, n. 2] ; av. 1850, Balzac, au
sens 2 ; sens 1, 1923, Larousse). 1. Position
réglementaire (debout, immobile, les talons
joints, les bras allongés le long du corps)
prise par les militaires en certaines occa-
sions : Se mettre au garde-à-vous. ‖ 2. Fig.
Attitude de respect forcé : Elle leur dit
qu’elle était la fille du général Forgeaud,
mort pour la France, ce qui mit aussitôt
les deux jeunes lieutenants à une sorte de
garde-à-vous moral (Maurois).

garde-barrière [gardbarjɛr ou
gardəbarjɛr] n. (de garde- 3 b et de barrière ;
1865, Littré). Agent de chemin de fer respon-
sable de la sécurité d’un passage à niveau.
• Pl. des GARDES-BARRIÈRE ou

-BARRIÈRES.

garde-boeuf [gardəboef] n. m. (de garde-


3 b et de boeuf ; 1845, Bescherelle). Petit
échassier d’Asie tropicale et d’Afrique qui
se perche sur les boeufs et les buffles, et qui
mange les larves parasites de leur peau.
• Pl. des GARDES-BOEUF OU -BOEUFS [bø].

garde-bois [gardəbwa] n. m. (de garde-


3 b et de bois ; 1617, Crespin). Syn. rare de
GARDE FORESTIER.

• Pl. des GARDES-BOIS.

garde-boue [gardəbu] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de boue ; 1907, Larousse). Pièce
de métal disposée au-dessus ou autour des
roues d’une voiture, d’une bicyclette, d’une
motocyclette, et destinée à empêcher les
projections de boue.

• REM. On a dit aussi GARDE-CROTTE.

garde-boutique [gardəbutik] n. m.
invar. (de garde- 3 a et de boutique ; 1642,
Oudin, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière).
1. Nom donné parfois au martin-pêcheur,
dont la dépouille, empaillée, passait pour
préserver les tissus et les fourrures des
ravages des insectes. ‖ 2. Vx. Objet, mar-
chandise de vente difficile et qui reste
en boutique. (En ce sens, on a dit aussi
GARDE-MAGASIN.)

garde-bras [gardəbra] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de bras ; XIVe s., Du Cange, au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Partie de l’armure,
faite le plus souvent de trois écailles posées
à recouvrement, qui protégeait l’épaule
(XVe-XVIe s.). ‖ 2. Grande rondelle de la
lance de joute.

garde-canal [gardəkanal] n. m. (de


garde- 3 b et de canal ; 1872, Larousse).

Syn. de ÉCLUSIER.

• Pl. des GARDES-CANAL ou -CANAUX.


garde-cendre ou garde-cendres
[gardəsɑ̃dr] n. m. (de garde- 3 a et de
cendre ; 1831, Balzac). Galerie de métal
placée devant le foyer d’une cheminée
pour retenir la cendre, les charbons : Un
pied sur la barre de bronze qui surmontait
le garde-cendre (Balzac).

• Pl. des GARDE-CENDRE ou -CENDRES.

1. garde-chaîne [gardəʃɛn] n. m. (de


garde- 3 a et de chaîne ; 1743, Trévoux,
au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Mécanisme
d’une montre destiné à empêcher la chaîne
de casser. ‖ 2. Vx. Enveloppe métallique
recouvrant la chaîne d’une bicyclette, d’une
motocyclette. (On dit auj. CARTER.)

• Pl. des GARDE-CHAÎNE ou -CHAÎNES.

2. garde-chaîne [gardəʃɛn] n. m. (de


garde- 3 b et de chaîne ; 1872, Larousse).
Vx. Employé municipal qui, autrefois, gar-
dait une chaîne tendue en travers d’une
rue pour servir de barrière : La chaîne de
la rue est restée tendue toute la nuit, et le
garde-chaîne n’a vu passer personne (Hugo).
• Pl. des GARDES-CHAÎNE.

garde-chasse [gardəʃas] n. m. (de


garde- 3 b et de chasse ; 1669, Isambert).
Garde particulier chargé de veiller, dans
un domaine, à la conservation du gibier
et de réprimer les dommages causés aux
propriétés dont il a le soin : Une installation
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2103

modeste, quelque chose comme le logis d’un


garde-chasse (France).

• Pl. des GARDES-CHASSE ou -CHASSES.

garde-chiourme [gardəʃjurm] n. m. (de


garde- 3 b et de chiourme ; XVIIIe s., Brunot,
au sens 1 ; sens 2, 1828, Vidocq ; sens 3,
1879, Zola). 1. Vx. Surveillant des galériens.
‖ 2. Surveillant des forçats dans un bagne :
Une horde patibulaire, défilant entre des
gardes-chiourme revolver au poing (Benoit).
‖ 3. Péjor. Surveillant brutal : Une face de
garde-chiourme (Colette).

• Pl. des GARDES-CHIOURME ou


-CHIOURMES.

• SYN. : 1 argousin ; 2 geôlier.

garde-cierge [gardəsjɛrʒ] n. m. (de


garde- 3 a et de cierge ; 1394, Gay). Vx.

Boîte longue qui servait autrefois à ran-


ger les cierges.

• Pl. des GARDE-CIERGE ou -CIERGES.

garde-col [gardəkɔl] n. m. (de garde- 3 a


et de col, forme anc. de cou ; 1469, Gay, au
sens de « écharpe qu’on enroulait autour du
cou » ; sens 1, milieu du XVIe s. ; sens 2, XXe s.
[garde-collet, même sens — de garde- 3 a
et de collet —, 1877, Littré]). 1. Au Moyen
Âge, partie du chaperon qui retombait
pour s’enrouler autour du cou ou se pla-
cer sur les épaules. ‖ 2. Partie accessoire
de l’épaulière des armures, sorte de rebord
d’acier qui servait à garantir des coups de
lance. (Syn. GARDE-COLLET.)

• Pl. des GARDE-COL ou -COLS.

garde-corps [gardəkɔr] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de corps ; XIIIe s., Godefroy,
au sens 1 ; sens 2, 1900, Dict. général ; sens
3, 1812, Mozin ; sens 4, 1872, Larousse).
1. Vx. Vêtement de dessus assez long, avec
ou sans manches, porté par les deux sexes
au Moyen Âge. ‖ 2. Barrière disposée en
abord d’un pont de navire, et faite de chan-
deliers en fer dans lesquels passent plu-
sieurs rangées de filières. ‖ 3. Vx. Cordage
tendu le long d’un beaupré, d’une vergue,
etc., pour servir d’appui aux matelots.
‖ 4. Barrière établie le long du tablier d’un
pont, le long d’une terrasse, d’un lieu élevé,
pour empêcher les passants de tomber : On
ne devrait mettre ni rampes aux escaliers,
ni garde-corps le long des quais (Vercel).
• SYN. : 2 rambarde ; 4 balustrade, garde-
fou, parapet.

1. garde-côte ou garde-côtes
[gardəkot] n. et adj. m. (de garde- 3 b
et de côte ; fin du XVIIe s., Saint-Simon).
Sous l’Ancien Régime, milicien chargé de
la surveillance et, éventuellement, de la
défense des côtes : Tu vivras comme un
prince aussi longtemps que [...] les gardes-
côtes ne te mettront pas la main sur le collet
(Mérimée). Milicien, canonnier garde-côte.
• Pl. des GARDES-CÔTES.

2. garde-côte ou garde-côtes
[gardəkot] n. m. (de garde- 3 a et de côte ;
fin du XVIe s., comme adj. [galère garde-
coste, « galère chargée de la garde des
côtes » ; vaisseau de guerre garde costes,
« vaisseau armé pour la défense des côtes »,
1617, Mercure françoys] ; comme n. m.,
au sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Navire de guerre spécia-
lement conçu pour la défense des côtes.
‖ 2. Petit bateau chargé de la surveillance
côtière, soit pour réprimer la contrebande,
soit pour contrôler les zones et les procédés
de pêche. (Dans ce dernier cas, on dit aussi
GARDE-PÊCHE.)

• Pl. des GARDE-CÔTES.

garde-crotte [gardəkrɔt] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de crotte ; 1845, Bescherelle).
Nom donné autrefois aux garde-boue des
voitures hippomobiles.

garde-cuisse [gardəkɥis] n. m. (de


garde- 3 a et de cuisse ; 1930, Larousse).
Pièce d’armure fixée à la selle, qui servait
à protéger la cuisse des cavaliers dans les
joutes et les tournois.

• Pl. des GARDE-CUISSE ou -CUISSES.

garde-étalon [gardetalɔ̃] n. m. (de


garde- 3 b et de étalon ; 1700, Liger). Agent
chargé de garder un étalon et de surveiller
la monte, dans les haras de l’État.

• Pl. des GARDES-ÉTALON.

garde-feu [gardəfø] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de feu ; 1377, Prost, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière [« dans les anciennes
armes à feu, partie de la batterie qui recou-
vrait le bassinet », 1872, Larousse] ; sens 3,
1930, Larousse). 1. Grille ou paravent de
toile métallique que l’on place devant un
foyer pour éviter la projection des étin-
celles : Berthe écrasait les braises à coup de
pelle dans la bassinoire, mettait le garde-
feu (Huysmans). [On dit aussi PARE-ÉTIN-
CELLES.] ‖ 2. Syn. de GARGOUSSIER (étui
à gargousses). ‖ Vx. Dans les anciennes
armes à feu, partie de la batterie qui recou-
vrait le bassinet. ‖ 3. Zone aménagée le
long d’une voie ferrée, en bordure d’un
bois, pour prévenir les risques d’incendie
dus à la projection des escarbilles.

garde-fou [gardəfu] n. m. (de garde- 3 a


et de fou ; fin du XIIIe s., au sens 1 [« talus en
terre établi le long des routes qui bordent un
précipice », XXe s.] ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Barrière ou balustrade installée au bord
d’un pont, d’un quai, d’un lieu élevé, pour
empêcher les passants de tomber : Un pont
[...] dont les garde-fous plantés d’herbes
vivaces et de mousses veloutées se penchent
sur la rivière (Balzac). Soixante ou quatre-
vingts marches sans rampe et sans garde-
fou (Hugo). ‖ Spécialem. Talus en terre
établi le long des routes qui bordent un
précipice. ‖ 2. Fig. Ce qui maintient dans
la voie droite et empêche de commettre
des écarts ou des actes irréfléchis : Une
toute-puissance sans obstacle et sans garde-
fou (Saint-Victor). Les âmes semblables à

la sienne se croient perdues dès qu’elles ne


sentent plus auprès d’elles tuteurs, rampes
et garde-fous (Gide).

• Pl. des GARDE-FOUS.

• SYN. : 1 garde-corps, parapet, rambarde ;


2 barrière, rempart.

garde-française [gardfrɑ̃sɛz ou
gardəfrɑ̃sɛz] n. m. (abrév. de soldat aux
gardes françaises ; 1787, Féraud). Soldat du
régiment des gardes françaises (v. GARDE
1, § III) : Le peuple se porte à l’Abbaye, pour
délivrer quelques gardes-françaises arrêtés
par ordre de leurs chefs (Chateaubriand).
• Pl. des GARDES-FRANÇAISES.

garde-frein [gardəfrɛ̃] n. m. (de garde-


3 b et de frein ; 1872, Larousse). Agent de
chemin de fer chargé de manoeuvrer les
freins à main d’un convoi.

• Pl. des GARDES-FREIN ou -FREINS.

garde-infant [gardɛ̃fɑ̃] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de infant ; 1660, Gay). Vaste
bourrelet circulaire que les femmes por-
taient autour des hanches, au XVIe s., pour
faire bouffer la jupe : Elle se redressa dans
tout le faste du garde-infant (Bertrand).
• REM. On disait aussi GARDE-INFANTE
(de garde- 3 a et de infante ; 1667, Boulan).

garde-lait [gardəlɛ] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de lait ; 1872, Larousse). Vx.
Ustensile destiné à empêcher le lait de mon-
ter et de s’échapper de la casserole où on le
fait bouillir. (On dit auj. ANTIMONTE-LAIT.)

garde-ligne [gardəliɲ] n. m. (de garde-


3 b et de ligne ; 1865, Littré). Agent des
chemins de fer ou militaire chargé de la
surveillance d’une voie ferrée.
• Pl. des GARDES-LIGNE ou -LIGNES.

1. garde-magasin [gardmagazɛ̃]
n. m. (de garde- 3 b et de magasin ; 1634,
Beaurepaire, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré).
1. Militaire chargé de la surveillance,
de l’entretien et de la comptabilité des
matières contenues dans les magasins de
l’armée. ‖ 2. Employé chargé de garder un
magasin, dans une entreprise.

• Pl. des GARDES-MAGASIN ou -MAGASINS.


• SYN. : 1 garde-mites (arg. mil.), magasinier.

2. garde-magasin [gardmagazɛ̃] n. m.
invar. (de garde- 3 a et de magasin ; milieu
du XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, av. 1880,
Flaubert). 1. Vx. Marchandise qui se vend
difficilement et reste en magasin. (On a
dit aussi GARDE-BOUTIQUE.) ‖ 2. Pièce où
l’on garde des marchandises en stock : Une
grande pièce délabrée qui avait un four, et
qui servait maintenant de bûcher, de cellier,
de garde-magasin (Flaubert).

garde-main [gardəmɛ̃] n. m. (de garde- 3 a


et de main ; milieu du XVIe s., au sens de
« gant » ; sens 1, 1829, Boiste ; sens 2, XXe s.).
1. Vx. Feuille qu’on met sous la main pour
préserver le papier sur lequel on écrit ou
dessine, l’ouvrage qu’on brode, etc. : Il tra-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2104

çait des dessins fantastiques sur son garde-


main (Balzac). ‖ 2. Pièce de bois fixée sur
le canon d’une arme à feu, destinée à pro-
téger la main du tireur contre les brûlures
occasionnées par l’échauffement du canon.
• Pl. des GARDE-MAIN ou -MAINS.

garde-malade [gardmalad ou
gardəmalad] n. (de garde- 3 b et de malade ;
1754, Journ. de médecine). Personne qui
garde les malades et leur donne des soins,
à l’exclusion de ceux qui relèvent des pra-
ticiens : Elle remplissait auprès de lui les
fonctions de garde-malade (Balzac).

• Pl. des GARDES-MALADES.

• SYN. : garde, infirmière.

garde-manche [gardəmɑ̃ʃ] n. m.
(de garde- 3 a et de manche, n. f. ; 1576,
Sasbout). Manche mobile que l’on enfile
pour préserver ses vêtements pendant le
travail. (On dit aussi FAUSSE MANCHE,
MANCHETTE.)

• Pl. des GARDE-MANCHE ou -MANCHES.

garde-manège [gardmanɛʒ] n. m. (de


garde- 3 b et de manège ; XXe s.). Cavalier
chargé de la garde d’un manège.

• Pl. des GARDES-MANÈGE ou -MANÈGES.

garde-manger [gardmɑ̃ʒe] n. m. invar.


(de garde- 3 a et de manger, n. m. ; milieu
du XIIIe s., Roman de Renart, écrit gart
mangier [garde-mangier, 1286, Du Cange ;
garde-manger, début du XIVe s.], au sens 1 ;
sens 2, 1538, R. Estienne ; sens 3, XXe s.).
1. Vx. Pièce où l’on conservait les aliments.
‖ 2. Petite armoire formée de châssis
garnis de toile métallique, où l’on met les
aliments à l’abri des insectes : Entre ce han-
gar et la fenêtre de la cuisine se suspend le
garde-manger (Balzac). ‖ 3. Placard établi
sous la maçonnerie d’une fenêtre, muni
d’un dispositif d’aération à l’extérieur, et
qui sert au même usage.

garde-marine [gardmarin] n. m. (abrév.


de [soldat, officier] de la garde marine ;
1740, Acad.). Autref. Élève officier de
marine, sous l’Ancien Régime : Je ne tar-
dai pas à partir pour Rennes : j’y devais
continuer mes études et clore mon cours de
mathématiques, afin de subir ensuite à Brest
l’examen de garde-marine (Chateaubriand).
• Pl. des GARDES-MARINE.

garde-marteau [gardmarto] n. m. (de


garde- 3 b et de marteau ; 1669, Isambert).

Vx. Employé qui veillait sur une certaine


étendue de bois, et à qui était confiée la
garde du marteau avec lequel on marque
les arbres destinés à être abattus.

• Pl. des GARDES-MARTEAU ou


-MARTEAUX.

1. garde-meuble [gardəmoebl] n. m. (de


garde- 3 b et de meuble ; 1658, Livet). Class.
Officier préposé à la garde des meubles
de la Couronne : Castelmoron [...] était
devenu, pour son argent, garde-meuble de
la Couronne, qui est l’inspection en détail de

tous les meubles faits ou à faire pour le roi,


et de l’ameublement et du démeublement
de toutes les maisons royales (Saint-Simon).
• Pl. des GARDES-MEUBLES.
2. garde-meuble [gardəmoebl] n. m.
(de garde- 3 a et de meuble ; 1658, Livet, au
sens 1 ; sens 2, 1836, Balzac [Garde-Meuble
national, 1900, Dict. général — cf. garde-
meuble du Roy, 1690, Furetière]). 1. Class.
Endroit d’une maison, généralement
grande pièce sous les combles, où l’on ran-
geait les meubles de l’été pendant l’hiver,
et vice versa : C’est un garde-meuble chargé
et embarrassé de bustes rares (La Bruyère).
‖ 2. Magasin spécialisé où les particuliers
entreposent leur mobilier : Un surcroît de
mobilier qui ne trouvait pas sa place dans
un logis parisien et qui moisissait au garde-
meuble (Duhamel). ‖ Garde-Meuble natio-
nal, autre nom du MOBILIER NATIONAL.
• Pl. des GARDE-MEUBLE ou -MEUBLES.

garde-mines [gardəmin] n. m. (de garde-


3 b et du plur. de mine ; 1857, Portefeuille des
conducteurs des ponts et chaussées). Ancien
nom des ingénieurs subalternes de l’admi-
nistration des Mines (Service des mines).
• Pl. des GARDES-MINES.

garde-mites [gardəmit] n. m. (de garde-


3 b et du plur. de mite ; 1909, G. Esnault).

Arg. mil. Garde d’un magasin militaire.

• Pl. des GARDES-MITES.

garde-môle [gardəmol] n. m. (de


garde- 3 b et de môle ; 1723, d’après Trévoux,
1743). Sous l’Ancien Régime, fonctionnaire
préposé à la garde d’un môle ou d’une jetée.
• Pl. des GARDES-MÔLE ou -MÔLES.

garde-nappe [gardənap] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de nappe ; XIVe s., Du Cange).
Support en lingerie, en osier ou en plas-
tique, qu’on place sous les assiettes, les plats
ou les bouteilles, pour protéger la nappe.
(Peu usité.)

gardénia [gardenja] n. m. (mot du lat.


scientif. moderne, tiré du n. du bota-
niste écossais Garden [1728-1792] ; 1777,
Encyclopédie). Plante ornementale de la
famille des rubiacées, à grandes fleurs
odorantes, souvent blanches, originaire
de Chine : Il portait au revers du smoking
une grosse fleur de gardénia (Duhamel).

garde-noble [gardənɔbl] n. f. (de garde 1


et de noble, adj. ; 1596, Hulsius, au sens 1 ;
sens 2, av. 1848, Chateaubriand). 1. Autref.
Droit accordé au suzerain de jouir des biens
d’un mineur noble, son vassal, jusqu’à ce
que celui-ci fût en âge d’assurer son entre-
tien complet. ‖ 2. Fig. et littér. Mission
de veiller sur quelqu’un : Les princes en
ont eu la garde-noble [du genre humain]
(Chateaubriand).

• Pl. des GARDES-NOBLES.

1. garde-note ou garde-notes
[gardənɔt] n. m. (de garde- 3 b et de note ;

1579, Isambert). Vx. Titre d’office, qualité


qui se joignait autrefois à celle de notaire :
Soyez le bienvenu, mon cousin le conseil-
ler garde-note (d’Allainval). Il se nommait
lui-même, le tabellion, garde-notes, en se
mettant par la raillerie au-dessus de son
état (Balzac).

• Pl. des GARDES-NOTES.

2. garde-note ou garde-notes
[gardənɔt] n. m. invar. (de garde- 3 a et
de note ; av. 1870, A. Dumas). Vx. Sorte de
portefeuille servant à ranger des notes :
Colbert fouilla tranquillement dans son
garde-note (Dumas père).

garden-party [gardɛnparti] n. f. (loc.


angl., de garden, jardin [norm. gardin,
var. du franç. jardin], et de party, partie,
réunion, compagnie [franç. partie] ; 1885,
Bonnafé). Fête, réception mondaine don-
née dans un jardin, dans un parc : À plus
forte raison n’espérait-elle pas qu’Albertine,
pourtant si bonne et adroite, saurait la faire
inviter aux garden-parties du financier
(Proust).

• Pl. des GARDEN-PARTIES.

1. garde-pêche [gardəpɛʃ] n. m. (de


garde- 3 b et de pêche ; 1762, Acad.). Agent
chargé de faire observer les règlements de
police sur la pêche.

• Pl. des GARDES-PÊCHE.

2. garde-pêche [gardəpɛʃ] n. m. invar.


(de garde- 3 a et de pêche ; 1907, Larousse).
Bateau destiné à la police de la pêche.

garde-place [gardəplas] n. m. (de garde-


3 a et de place ; 1907, Larousse). Petit cadre
fixé au-dessus de chaque place d’un com-
partiment de chemin de fer, et dans lequel
on glisse le ticket numéroté dont le talon
est remis au voyageur qui a loué la place.
• Pl. des GARDE-PLACES.
garde-port [gardəpɔr] n. m. (de garde-
3 b et de port ; 1865, Littré). Agent chargé
de recevoir et de placer les marchandises
déposées dans un port fluvial.

• Pl. des GARDES-PORT ou -PORTS.

garde-queue [gardəkø] n. m. (de garde-


3 a et de queue ; 1907, Larousse). Autref.
Partie du harnachement du cheval qui
habillait la racine de la queue et servait
d’ornement et de défense : Une armure de
cheval avec la muserolle, la barde de crinière
[...] et le garde-queue (France).

• Pl. des GARDE-QUEUE ou -QUEUES.

garder [garde] v. tr. • ÉTYM. Germanique,


*wardôn, garder ; v. 980, Passion du Christ,
au sens de « regarder » (le mot était sou-
vent écrit guarder au Moyen Âge) ; sens I,
1, v. 1050, Vie de saint Alexis (« veiller sur
la sécurité de quelqu’un », 1080, Chanson
de Roland) ; sens I, 2, v. 1155, Wace (nous
n’avons pas gardé les cochons ensemble,
1900, Dict. général ; garder le mulet, 1644,
Corneille) ; sens I, 3, 1080, Chanson de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2105

Roland (garder à vue, 1690, Furetière


[« soumettre à la détention dite garde à
vue », v. 1960]) ; sens I, 4, v. 1130, Eneas
(garder les balles, 1633, Corneille ; garder
les manteaux, 1690, Furetière ; en donner
à garder à quelqu’un, 1665, Chapelain) ;
sens I, 5, v. 1131, Couronnement de Louis
(en parlant d’une chose, 1932, Céline) ;
sens I, 6, v. 1131, Couronnement de Louis
(avec invocation à Dieu, v. 1120, Psautier de
Cambridge ; que Dieu vous garde, v. 1175,
Chr. de Troyes ; Dieu vous garde, 1613, M.
Régnier ; Dieu vous gard, 1579, Larivey) ;
sens I, 7, 1665, La Fontaine ; sens II, v. 1138,
Vie de saint Gilles (garder le lit, la chambre,
1530, Palsgrave ; garder les rangs, 1865,
Littré ; garder les arrêts, 1797, Gattel) ; sens
III, 1, 1334, Godefroy ; sens III, 2, fin du
XIIIe s., Joinville (en emploi absolu, v. 1265,
Br. Latini ; ne pouvoir rien garder, 1690,
Furetière) ; sens III, 3, 1833, Musset ; sens
III, 4, v. 1130, Eneas ; sens III, 5, v. 1131,
Couronnement de Louis (garder une poire
pour la soif, 1690, Furetière) ; sens III, 6,
1640, Corneille ; sens III, 7, av. 1850, Balzac ;
sens III, 8, 1736, Marivaux (« continuer à
employer quelqu’un, ne pas le renvoyer »,
av. 1678, La Rochefoucauld) ; sens III, 9,
1820, Lamartine ; sens III, 10, début du
XIIIe s. (garder un secret, 1647, Corneille ;
garder le secret, 1668, Molière ; garder
quelque chose pour soi, XXe s.) ; sens III,
11, v. 1155, Wace (garder la parole, XXe s. ;
garder son sérieux, 1872, Larousse ; gar-
der le silence, 1636, Monet [au fig., XXe s.] ;
garder l’anonymat, XXe s. ; garder rancune
à quelqu’un, 1872, Larousse) ; sens III, 12,
av. 1890, Maupassant (garder la tête froide,
XXe s.) ; sens III, 13, v. 1155, Wace (garder
les apparences, 1699, Massillon ; garder la
mesure, 1675, Widerhold ; garder son rang,
1687, Bossuet) ; sens III, 14, début du XXe s.

I. 1. Surveiller quelqu’un pour prendre


soin de lui, le protéger, le défendre :
Garder un malade. Garder des enfants.
La société maintient irrémissiblement
en dehors d’elle deux classes d’hommes :
ceux qui l’attaquent et ceux qui la gardent
(Hugo). ‖ Spécialem. Veiller sur la sécu-
rité de quelqu’un (souverain, personna-
lité, etc.) : Les troupes qui gardaient le roi.
‖ 2. Surveiller des animaux qui paissent
dans des lieux non clos : Il avait gardé des
troupeaux dans la montagne (Hugo). Je
vais avec Maurice garder les vaches. Un
tout petit pré, entouré de haies. On entend
murmurer le petit ruisseau. Couché dans
l’herbe, je regarde les vaches paître avec
appétit (Ionesco). ‖ Fam. Nous n’avons
pas gardé les cochons ensemble, formule
par laquelle on met fin aux familiarités de
quelqu’un. ‖ Class. et fam. Garder le mu-
let, attendre à la porte pendant que la per-
sonne attendue vaque à ses affaires ou se
divertit : Et par frayeurs ou pour s’ébattre
| Me firent garder le mulet (Sarrasin).
‖ 3. Surveiller quelqu’un pour l’empê-
cher de s’évader ou de nuire : Garder un

prisonnier. ‖ Garder à vue, surveiller de


très près, sans cesser d’avoir l’oeil sur la
personne gardée : Tout à l’heure encore,
deux gendarmes me gardaient à vue jour
et nuit (Courier) ; spécialem., soumettre à
la « garde à vue » (v. GARDE 1, § I, n. 2) :
Il a été gardé à vue une journée dans les
locaux de la police. ‖ 4. Veiller sur une
chose, sur un bien, pour les préserver de
tout dommage, de toute détérioration :
Garder une maison, un domaine, une
chasse. Un magasin qui garde les fourrures
pendant l’été. Je garderai les bagages pen-
dant que vous irez visiter la ville. ‖ Class.
et fig. Garder les balles, les manteaux, se
morfondre dehors pendant que les autres
s’amusent, ou faire le guet pendant qu’ils
commettent un délit : Et moi, durant ce
temps, je garderai les balles ? (Corneille).
‖ Class. et littér. En donner à garder à
quelqu’un, lui en faire accroire, le trom-
per : Ne m’en donnes-tu point à garder ?
(Molière). Nous en a-t-on donné à gar-
der avec cette affaire-là (Maupassant).
‖ 5. Veiller sur un lieu pour en défendre
l’accès : Garder un pont, une voie ferrée.
Toutes les issues de l’édifice sont gar-
dées. ‖ Fig. En parlant d’une chose, être
placée comme une sentinelle à l’entrée
d’un lieu : La statue de la Liberté garde
le port de New York. ‖ 6. Class. Garder
quelqu’un ou quelque chose de (suivi d’un
substantif ou d’un infinitif),le préserver
de : Le droit de se défendre s’étend à tout
ce qui est nécessaire pour nous garder de
toute injure (Pascal). Des roses que sa
main gardera de vieillir (Racine). ‖ Auj.
Cet emploi, qui se rencontre encore dans
la langue littéraire, est à peu près restreint
aux cas où l’on invoque Dieu : Dieu nous
garde de renvoyer un enfant de l’école
(Hugo). Mon Dieu, gardez-moi de la vertu
si elle m’éloigne de la sainteté (France). Ô
Seigneur, gardez-moi d’un bonheur que je
pourrais trop vite atteindre ! (Gide). Tu
gardes les coeurs de connaître | Que l’uni-
vers n’est qu’un défaut | Dans la pureté
du Non-Être (Valéry). ‖ Ellipt. Que Dieu
vous garde, ou (vx) Dieu vous garde, que
Dieu vous protège : Que Dieu vous garde,
mes enfants ! (Gide). ‖ Class. Dieu vous
gard, formule de salutation : « Ah ! Dieu
vous gard, mon frère ! — Et vous aussi,
| Mon frère » (Molière). ‖ 7. Class. Se
méfier de, redouter : Avez-vous soeur, fille
ou femme jolie, | Gardez le froc ! c’est un
maître Gonin (La Fontaine).

II. Ne pas quitter le lieu, l’endroit où


l’on se trouve : Les précautions qu’il fal-
lut prendre obligèrent Jacques à garder la
maison quelque temps (Gide). ‖ Garder
le lit, la chambre, rester au lit, demeurer
chez soi parce qu’on est malade : Depuis
que je ne vous ai écrit, j’ai gardé le lit
presque toujours (Voltaire). ‖ Par anal.
Garder les rangs, rester dans les rangs.
‖ Garder les arrêts, en parlant d’un offi-
cier, rester dans le lieu où l’on a été mis

aux arrêts : Le sous-lieutenant Leuwen


gardera les arrêts vingt-quatre heures
(Stendhal).

III. 1. Conserver une chose périssable en


bon état, l’empêcher de se corrompre :
Un vin qu’on ne peut garder plus d’un
an. Garder des oeufs dans de l’eau de
chaux. Garder des fruits tout l’hiver.
‖ 2. Conserver une chose par-devers
soi, ne pas s’en dessaisir : Ah ! si j’étais
riche, si j’avais gardé ma fortune [...], elles
[mes filles] seraient là (Balzac). Vous pou-
vez garder ce papier pour votre décharge
(Hugo). Voici une croix d’or que je vous
prie de garder (Musset). Un petit portrait
d’elle que j’ai gardé (Gide) ; et absol. : Plus
on donne, plus on garde (Michelet). ‖ Ne
pouvoir rien garder, donner tout ce qu’on
a ; fam., vomir tout ce qu’on absorbe.
‖ 3. Conserver sur soi un vêtement,
une parure, un accessoire, ne pas les
quitter : Garder ses gants, son manteau.
Garder son chapeau sur la tête. Garder
ses lunettes, sa montre, par distraction,
en prenant son bain. ‖ 4. Conserver une
chose en dépôt, pour un temps limité :
Je garde le courrier de mes voisins pen-
dant leur absence. ‖ 5. Conserver une
chose en vue d’une utilisation ultérieure,
mettre en réserve : Garder sa part de
gâteau à un enfant. Garder de l’argent
pour payer ses impôts. ‖ Fam. Garder.
une poire pour la soif, mettre quelque
chose en réserve pour l’avenir. ‖ Garder
pour la bonne bouche, v. BOUCHE. ‖ Fam.
Garder une dent contre quelqu’un, v.
DENT. ‖ Fam. Garder à quelqu’un un
chien de sa chienne, v. CHIEN ‖ 6. Class.
Réserver : Et vous ne voyez pas ce que le
ciel vous garde (Corneille). ‖ 7. Tenir un
temps prolongé : Jacques se jeta dans les
bras de sa mère, qui le reçut et le garda
sur elle (Balzac). Elle garda dans sa main
brûlante la main que je lui tendais (Gide).
‖ 8. Retenir quelqu’un près de soi : Elle
croyait que, pour me garder près d’elle, sa
fille éteignait en moi toute ambition (Bal-
zac). Garder quelqu’un à dîner. ‖ Spécia-
lem. Continuer à employer quelqu’un, ne
pas le renvoyer : Garder un collaborateur.
Il a gardé le même médecin toute sa vie.
On garde longtemps son premier amant,
quand on n’en prend pas un second (La
Rochefoucauld). ‖ 9. Continuer à avoir
présent à l’esprit, à la mémoire : Que de
petits villages dont je n’ai pas gardé le
nom (Fromentin). Garder le souvenir
de quelqu’un. ‖ 10. Conserver pour soi
ce qu’on sait ou ce qu’on ressent : Mon
dépit que j’avais su garder par-devers
moi (Gide). ‖ Garder un secret, ne pas le
révéler. ‖ Garder le secret, être discret :
Je vous garderai le secret sur cette affaire.
‖ Garder quelque chose pour soi, ne pas
le divulguer : Je vous conseille de garder
cette nouvelle pour vous. ‖ 11. Conser-
ver la même attitude, la même disposi-
tion d’esprit, les mêmes sentiments : Le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2106

modèle gardait la pose (France). Il se plai-


gnait [...] de ne pouvoir garder ni une vo-
lonté ni une pensée à lui (Balzac). Il était
timide d’habitude et gardait cette réserve
qui participe à la fois de la pudeur et de
la dissimulation (Flaubert). Garder son
calme, son sang-froid. Garder son estime
à quelqu’un. ‖ garder la parole, conti-
nuer à parler sans se laisser interrompre.
‖ Garder son sérieux, conserver un air de
gravité. ‖ Garder le silence, rester silen-
cieux : Juliette, depuis mon départ, avait
gardé devant sa soeur un obstiné silence
(Gide) ; au fig., ne pas révéler ce qu’on
sait. ‖ Garder l’anonymat, ne pas faire
connaître son nom. ‖ Garder rancune à
quelqu’un, avoir du ressentiment contre
lui. ‖ 12. Maintenir dans le même état,
dans la même position (avec un adjectif
attribut du complément d’objet) : Elle
baissa les paupières et garda les yeux
fermés (Gide). ‖ Garder la tête froide,
conserver son sang-froid et sa lucidité.
‖ 13. Class. et littér. Respecter, observer
scrupuleusement une règle : Crains Dieu,
et garde ses commandements ; car c’est là
tout l’homme (Bossuet). La poésie garde
toujours le vraisemblable (Racine). [Le
père de Mirabeau] avait gardé, comme le
mien, l’inflexible tradition de l’autorité
paternelle (Chateaubriand). La loi mo-
saïque garde sur l’immortalité de l’âme un
silence absolu (Constant). ‖ Auj. Ce sens
demeure dans des locutions : Garder les
apparences, respecter les bienséances par
sa manière d’être extérieure. ‖ Garder la
mesure, observer la modération : Dieu,
certes, a des écarts d’imagination ; Il ne
sait pas garder la mesure (Hugo). ‖ Gar-
der son rang, soutenir avec dignité son
rang social, ne pas déroger. ‖ 14. (avec
un sujet désignant une chose) Conserver
telle qualité, tel caractère : Poésie ! [...]
ce mot garde encore pour les bons esprits
sa valeur (Barrès). Tout éblouis d’un ciel
dont la beauté les blesse, | Tant il garde
l’éclat de leurs jours les plus beaux, | Ils
vont des biens perdus trouver tous les tom-
beaux (Valéry).
• SYN. : I, 1 veiller sur ; 3 détenir, séques-
trer ; 5 sur veiller. ‖ II demeurer, rester.
‖ III, 5 mettre de côté, réserver ; économi-
ser, épargner ; 7 maintenir, retenir ; conser-
ver ; 9 retenir ; 11 observer, respecter, tenir.

— CONTR. : I, 1 délaisser ; 3 délivrer, libérer,


relâcher, relaxer. ‖ II fuir, quitter. ‖ III,
2 céder, se défaire, se dessaisir, échanger,
liquider (fam.), vendre ; 3 se débarrasser de,
enlever, ôter, quitter ; 5 dilapider, dissiper,
gaspiller, manger (fam.) ; 7 écarter, éloigner,
repousser ; 8 congédier, éconduire, expédier ;
chasser, destituer, licencier, limoger (fam.),
renvoyer ; 9 oublier ; 10 dévoiler, divulguer,
ébruiter, répandre, révéler ; 11 abandon-
ner, abdiquer, se départir de, renoncer à ;
14 perdre.

& v. intr. (1538, R. Estienne [garder que,


1080, Chanson de Roland]). Class. et littér.

Garder de (suivi d’un infinitif), prendre


soin de ne pas (le plus souvent à l’impé-
ratif) : Mon Dieu, Éraste, gardons d’être
surpris : je tremble qu’on ne nous voie
ensemble (Molière). Gardons de repousser
les peines qu’il inflige (Vigny). Il gardait de
protester contre cette légende (Hermant).
Gardez donc de vous attarder à la lettre et
à l’apparence (Maurras). ‖ Class. Garder
que (suivi du subjonctif, avec ou sans ne
consécutif), avoir soin qu’une chose soit
évitée : Gardez que ce départ ne leur soit
révélé (Racine). Adieu, sors, et surtout garde
bien qu’on te voie (Corneille).

& se garder v. pr. (sens I, 1, fin du Xe s.,


Vie de saint Léger [« se protéger contre les
attaques de son adversaire, au cours d’un
combat d’escrime », av. 1850, Balzac] ; sens
I, 2, v. 1160, Benoît de Sainte-Maure [« se
tenir à l’écart de », 1667, Boileau] ; sens I,
3, v. 1130, Eneas ; sens II, 1690, Furetière).

I. 1. Vx. Être sur ses gardes, prêt à se dé-


fendre : Le plus sûr toutefois est de se bien
garder (La Fontaine). ‖ Spécialem. Se
protéger contre les attaques de son adver-
saire, au cours d’un combat d’escrime : Il
ne songea plus à se garder, il prit son sabre
à deux mains et fondit rageusement sur le
colonel (Balzac). ‖ Se garder à carreau, v.
CARREAU. ‖ 2. Se garder de (suivi d’un
nom de personne ou d’un nom abstrait),
se tenir en garde contre, se défier de : Se
garder des flatteurs, de la flatterie. Tout
ce que nous pouvons faire, c’est de sentir
notre impuissance, de reconnaître un être
tout-puissant, et de nous garder de tout
système (Voltaire) ; se tenir à l’écart de :
L’art doit se garder de toute exagération
(Renard). ‖ 3. Se garder de (suivi d’un
infinitif), s’abstenir de, éviter de : Je n’y
trouvai qu’un mot : « Gardez-vous de des-
cendre ! » (Lamartine). Il faut se garder de
détruire les illusions partout où les illu-
sions sont nécessaires (Renan).

II. Être conservé, ne pas se corrompre :


Les framboises ne se gardent pas long-
temps. Une crème qui ne se garde pas.
L’eau qui tombe du ciel s’y garde, obscur
miroir | Où, dans le jour, on voit les étoiles
du soir (Vigny).

• SYN. : I, 2 se méfier, se prémunir contre ;


se préserver de ; se défendre, éviter, fuir.

garde-rats [gardəra] n. m. invar. (de


garde- 3 a et du plur. de rat ; XXe s.). Disque
en tôle percé en son centre, que l’on enfile
sur les amarres d’un navire à quai pour
empêcher les rats de monter à bord.

garde-reins [gardərɛ̃] n. m. invar.


(de garde- 3 a et du plur. de rein ; 1872,
Larousse). Partie d’une armure qui pro-
tégeait le séant.

garderie [gardəri] n. f. (de garder ;


v. 1540, Picot, écrit garderye [garderie,
av. 1596, Vigenère], au sens de « salle de
garde » ; sens 1, 1872, Larousse ; sens 2,

1877, Littré). 1. Étendue de bois confiée à la


surveillance d’un agent technique des Eaux
et Forêts ou d’un garde forestier particulier.
‖ 2. Dans une école, une collectivité, lieu
où l’on garde les enfants en bas âge pour
décharger les parents de leur surveillance
pendant quelques heures : Deux d’entre eux
causaient devant moi des garderies d’une
grande ville industrielle du Nord, d’un de
ces asiles où les ouvriers laissent le matin
leurs enfants aux soins des religieuses et
les reprennent le soir au sortir du travail
(Barrès).

• SYN. : 2 crèche, jardin d’enfants.

garde-rivière [gardrivjɛr] n. m. (de


garde- 3 b et de rivière ; 1900, Dict. géné-
ral). Agent chargé de la police des rivières.
• Pl. des GARDES-RIVIÈRE ou -RIVIÈRES.

garde-robe [gardərɔb] n. f. (de garde- 3


a et de robe ; XIIIe s., Recueil des fabliaux,
aux sens I, 1-2 ; sens I, 3, 1540, Havard ; sens
I, 4, 1690, Furetière [qui donne toutes les
loc.] ; sens I, 5, 1541, E. Rolland, Flore [t.
VII, p. 73] ; sens II, 1, 1636, Monet [« chaise
percée », 1580, Montaigne] ; sens II, 2, 1314,
Français moderne [t. XXII, p. 37 ; aller à la
garde-robe, 1690, Furetière]).

I. 1. Class. Pièce où l’on rangeait les vête-


ments : Regarde dans ma chambre et dans
ma garde-robe | Les portraits des Dandin ;
tous ont porté la robe (Racine). ‖ 2. Vx.
Grande armoire où l’on suspend les vête-
ments. ‖ 3. Ensemble des vêtements à
l’usage d’une personne : Une garde-robe
bien fournie. Une ignorante fille sans
cesse occupée à rapetasser la garde-robe
de son père (Balzac). ‖ 4. Autref. Tout
ce qui concernait les habits et le linge du
roi. ‖ Ensemble du personnel préposé
à la garde de ces habits, de ce linge : La
garde-robe du roi suit toujours sa personne
(Trévoux). ‖ Officier, valet de garde-robe,
personnes préposées à la garde des vête-
ments du souverain. ‖ Grand maître de la
garde-robe, charge créée par Louis XIV en
1669. ‖ 5. Plante odorante qui parfume les
vêtements et les garantit des mites.

II. 1. Class. Chambre où l’on plaçait la


chaise percée : M. de Richelieu avait pris
un lavement ; il demanda ma garde-robe
et y monta en grande hâte (Saint-Simon).
‖ 2. Vx. Cabinets d’aisances. ‖ Vx. Aller
à la garde-robe, évacuer les matières fé-
cales : Que n’avaient-ils connu [...] le Pié-
montais qui allait à la garde-robe tous les
vingt jours (Flaubert).

• SYN. : I, 2 penderie.

& n. m. (1564, J. Thierry). Class. Tablier,


vêtement de dessus, à l’usage des femmes
et des enfants : Avec un garde-robe de toile
encore et un corset tout de pièces sur le dos
(Chapelain).

• Pl. des GARDE-ROBES.

garde-rôle [gardərol] n. m. (de garde- 3 b


et de rôle ; 1690, Furetière). Officier de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2107

chancellerie qui gardait les rôles des oppo-


sitions faites au sceau, à la résignation des
offices de ceux qui avaient des créanciers.
(On disait aussi GARDE DES RÔLES.)
• Pl. des GARDES-RÔLES.

garde-scellés [gardsele ou gardəsele]


n. m. (de garde- 3 b et de scellés, n. m. pl. ;
1865, Littré). Personne désignée pour gar-
der les scellés. (On dit aussi GARDIEN DES
SCELLÉS.)

• Pl. des GARDES-SCELLÉS.

garde-temps [gardətɑ̃] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de temps ; 1821, Revue de phi-
lologie française [t. XXIX, p. 238], aux sens
1-2). 1. Instrument propre à noter, d’une
manière permanente, le moment précis
du commencement et de la fin d’une expé-
rience. ‖ 2. Chronomètre d’une grande
précision.

gardeur, euse [gardoer, -øz] n. (de gar-


der ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit
gardeor [gardeur, 1247, Godefroy], au sens
de « protecteur » ; sens 1, XIIIe s., Tobler-
Lommatzsch ; sens 2, v. 1361, Oresme).
1. Personne qui garde des animaux : Un
doux être ; quinze ans, yeux bleus, pieds nus,
gardeuse | De chèvres... (Hugo). Comme un
gardeur de vaches qui fait la sieste au bord de
l’eau (Flaubert). Je connaissais les gardeurs
de troupeaux nomades ; j’allais les retrou-
ver ; je causais avec eux ; certains jouaient
de la flûte (Gide). ‖ 2. Class. Personne qui
conserve ce qu’elle a, argent, vêtements, etc. :
Il y a longtemps que je gronde ces gardeuses
(Sévigné).

• SYN. : 1 berger, gardien.

& gardeur n. m. (1900, Dict. général). Vx.


Aux Halles de Paris, employé chargé de
garder les marchandises et de percevoir
les taxes sur les voitures en stationnement.

garde-vaisselle [gardəvɛsɛl] n. m. (de


garde- 3 b et de vaisselle ; 1604, L. Guyon).

Officier de la maison du roi qui était préposé


à la garde de la vaisselle d’or et d’argent.

• Pl. des GARDES-VAISSELLE.

garde-vente [gardəvɑ̃t] n. m. (de garde-


3 b et de vente ; 1669, Isambert). Garde
particulier, assermenté, auquel un adju-
dicataire de coupes de bois a la faculté de
confier l’exploitation de ces dernières :
Tu seras garde-vente pour le compte de
M. Polissard, adjudicataire des bois de
Ronquerolles (Balzac).
• Pl. des GARDES-VENTE ou -VENTES.

garde-voie [gardəvwa] n. m. (de garde- 3


b et de voie ; 1872, Larousse, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Agent des chemins de fer chargé
de la surveillance d’une voie ferrée. (On
dit aussi GARDE-LIGNE.) ‖ 2. Factionnaire
chargé de garder les voies et les ouvrages
d’art en cas de mobilisation ou de troubles.
• Pl. des GARDES-VOIE ou -VOIES.

garde-vue [gardəvy] n. m. invar. (de


garde- 3 a et de vue ; 1642, Lespinasse, au

sens 1 ; sens 2, 1757, Encyclopédie). 1. Vx.


Cône tronqué que l’on plaçait autour de
la flamme d’une lampe pour en rabattre
la lumière au-dessous des yeux : Le para-
vent à ramages, la lampe à garde-vue vert...
(Gautier). ‖ 2. Vx. Visière pour garantir
les yeux de la lumière : Philippe portait un
garde-vue en taffetas vert (Balzac).

gardian [gardjɑ̃] n. m. (mot provenç.


[XVe s.], dér. de l’anc. provenç. gardar, gar-
der, de même étym. que le franç. garder [v.
ce mot] ; XXe s.). En Camargue, homme à
cheval qui garde les troupeaux de taureaux,
de chevaux : Les gardians montrent leur
adresse et leur force (Aicard). Cet homme
qui passait ses journées à cheval, au milieu
de ses taureaux et de ses gardians, était
poète, et, par son art, un des grands poètes
de Provence (Montherlant).

gardiane [gardjan] n. f. (provenç. gar-


diano, même sens, de gardian [v. l’art. pré-
céd.], proprem. « sauce de gardian » ; 1897,
A. Daudet). Dialect. Ragoût avec une sauce
au vin : La petite lui fricasserait en leur
absence une gardiane de poissons (Daudet).

gardien, enne [gardjɛ̃, -ɛn] n. (réfec-


tion, d’après les nombreux mots en -ien,
de l’anc. franç. guardenc, personne qui
garde [v. 1130, Eneas ; gardein, v. 1138,
Gaimar], dér. de garder, avec le suff. d’ori-
gine germ. -enc ; v. 1280, Clef d’Amors, au
sens 1 [« employé préposé à la garde et à la
conservation de certains lieux et monu-
ments publics », 1865, Littré ; gardien de
la paix, 1872, Larousse ; gardien judiciaire,
XXe s.] ; sens 2, début du XXe s. ; sens 3, 1656,
Molière ; sens 4, seconde moitié du XIIIe s.,
Couronnement de Renart [écrit gardiien
— gardien, 1596, Hulsius ; « titre du grand
maître de l’ordre de la Jarretière », 1721,
Trévoux]). 1. Personne qui est chargée de
garder un être ou une chose, qui exerce
une fonction de surveillance : Gardien de
prison. Échapper à ses gardiens. Le gardien
d’un immeuble. La maison des gardiens
est à l’entrée de la propriété. Gardien de
troupeaux, puis esclave à Tunis, il devint
un prêtre illustre par sa science et par ses
oeuvres (Chateaubriand). Le gardien, qui
est en même temps fossoyeur [...], a profité
du terrain vide pour y semer des pommes
de terre (Flaubert). Profitant d’une absence
de son mari — gardien-chef au phare de
Cardiff et de service la moitié du mois —,
elle quitta sa maison (Daudet) ; et en par-
lant d’animaux : Où, gardiens du sommeil,
les dogues dans leur bouge | Écoutent les
chansons des gardiens du réveil (Hugo).
‖ Spécialem. Employé préposé à la garde
et à la conservation de certains lieux et
monuments publics : Gardien de musée.
Gardien de square. Il est devenu, grâce à
des protections multiples et à des habiletés
invraisemblables, gardien d’une chapelle
miraculeuse (Maupassant). ‖ Gardien de
la paix, fonctionnaire en uniforme, chargé
d’une mission de police municipale dans

les villes. ‖ Gardien judiciaire, celui qui


est préposé, au nom de la justice, à la garde
d’objets saisis, séquestrés, mis sous scellés,
etc. ‖ 2. Gardien de but, joueur chargé de
la dernière défense du but, au football,
au hockey, au water-polo : Les deux bras
écartés, comme un tragique gardien de but
(Dorgelès). ‖ 3. Fig. Personne ou chose
qui est apte à maintenir, à préserver cer-
taines valeurs : Un gardien des traditions.
L’Académie française reçut, lors de sa fon-
dation, la mission d’être la gardienne de la
langue. La bouche est mauvaise gardienne
du langage (Renan). ‖ 4. Titre que porte
le supérieur de certains couvents : Le père
gardien. ‖ Titre du grand maître de l’ordre
de la Jarretière, en Grande-Bretagne.

• SYN. : 1 concierge, garde, gardeur, geôlier,


porte-clefs, surveillant, veilleur ; 2 goal ;
3 défenseur, mainteneur, protecteur.

& adj. (1549, R. Estienne, dans la loc. garde


gardienne, « privilège de juridiction accordé
par le roi à des communautés, universités,
etc. » ; 1636, Monet, dans la loc. ange gar-
dien). Qui surveille, protège, conserve : Les
nécropoles gardiennes de cette énorme civi-
lisation disparue (Gautier). Et les anges qui
sont gardiens des agonies | Ferment les yeux
des morts, silencieusement (Verhaeren).
‖ Ange gardien, v. ANGE 1.

gardiennage [gardjɛnaʒ] n. m. (de gar-


dien ; 1803, Boiste, au sens 2 [dans un port,
1829, Boiste] ; sens 1, av. 1865, Proudhon).
1. Emploi de gardien : Les deux mille francs
[...], fruits de l’économie sur le traitement
de gardiennage (Chérau). ‖ 2. Service de
surveillance : Je me charge de tout, du
gardiennage et de l’ordre pendant votre
absence (L. Daudet). ‖ Spécialem. Service
de surveillance sur les navires désarmés
dans un port.

1. gardon [gardɔ̃] n. m. (de garder [ce


poisson a coutume de revenir aux lieux où
il a été effarouché, et de s’y tenir comme
s’il avait quelque chose à garder] ; v. 1220,
G. de Coincy [frais comme un gardon,
1640, Oudin]). Poisson d’eau douce, à
ventre argenté et à nageoires rougeâtres,
de la famille des cyprinidés. ‖ Fig. et fam.
Frais comme un gardon, en bonne forme,
plein d’entrain.

2. gardon [gardɔ̃] n. m. (n. géogr., du


bas lat. Wardo ou Vardo, -donis, le Gardon
[rivière de la Narbonnaise] ; 1872, Larousse,
comme n. pr. [évidemment beaucoup plus
anc.] ; le mot ne semble pas être attesté
comme n. commun). Nom donné, dans
les Cévennes, à différents petits torrents
aux crues violentes : Le gardon d’Alès. Le
gardon d’Anduze.

gardonneau [gardɔno] n. m. (dimin. de


gardon 1 ; XXe s.). Petit gardon.

gardonnière [gardɔnjɛr] n. f. (de gar-


don 1, proprem. « canne pour la pêche au
gardon » ; XXe s.). Canne à pêche pliante.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2108

1. gare [gar] n. f. (déverbal de garer ; début


du XVIe s., au sens de « distance » ; sens 1,
1835, Wexler [« voie d’évitement », 1831,
Wexler ; gare de triage, gare régulatrice, gare
maritime, XXe s.] ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3-4, XXe s.). 1. Ensemble des instal-
lations de chemin de fer qui permettent,
en un point déterminé, l’embarquement,
le débarquement, le transbordement des
marchandises et des voyageurs : Le train
traversait doucement la longue gare des
Batignolles (Daudet). ‖ Gare de triage, gare
où l’on trie les wagons venus de différentes
directions et où l’on forme des trains pour
de nouvelles destinations. ‖ Gare régula-
trice, gare centralisant, en temps de guerre,
le transport des troupes, des permission-
naires, etc., sous la responsabilité d’un offi-
cier appelé commissaire de gare. ‖ Gare
maritime, gare de chemin de fer aménagée
sur les quais d’un port, pour faciliter le
transbordement des marchandises et des
voyageurs. ‖ 2. Bassin naturel ou artificiel
qui permet aux bateaux de se garer sur un
cours d’eau ou un canal : C’est un port, qui
s’appelle une gare. Il y en a ainsi douze,
échelonnés le long du canal (Morand). Gare
fluviale. ‖ 3. Gare routière, emplacement
spécialement aménagé pour accueillir les
véhicules routiers assurant le transport des
voyageurs ou des marchandises. ‖ 4. Gare
aérienne, syn. de AÉROPORT.

• SYN. : 1 halte, station.

& À la gare ! loc. interj. (1920, Bauche).


Exclamation populaire signifiant qu’on
veut se débarrasser de quelqu’un ou de
quelque chose : « À la gare ! » répondit
Bréard exaspéré (La Fouchardière). Le
« poilu » agacé et importuné vous envoie
promener sans scrupules, en lançant la
main droite par-dessus l’épaule et en disant
après un petit sifflement : « À la gare ! »
(Barrès).

2. gare ! [gar] interj. (impér. de garer ;


1552, Rabelais, écrit guare [gare, 1580,
Montaigne], au sens 1 [sans crier gare,
milieu du XIXe s., Baudelaire ; sans dire
gare, fin du XVe s., Commynes] ; sens 2,
av. 1890, Maupassant ; sens 3-4, 1580,
Montaigne). 1. S’emploie pour avertir
quelqu’un d’un danger imminent : Il cria
d’une voix tonnante : « Gare là-dessous ! »
(Balzac). Holà, maudits enfants ! Gare au
piège, à la trappe, au chien (Heredia). Gare
les conséquences, gare aux conséquences
(Acad.). Gare derrière vous ! Gare aux
pieds ! ‖ Sans crier gare, sans avertir,
inopinément : Samuel admira comme le
printemps était venu vite [...] et sans crier
gare (Baudelaire). Brusquement, sans crier
« gare », il s’avança, les mains tendues
(Maupassant). ‖ 2. S’emploie pour menacer
d’un châtiment : Gare à ceux que je trouve
sur mon chemin. Je ne pardonne jamais
(Maupassant). Gare à toi ! ‖ 3. S’emploie
pour avertir quelqu’un de l’éventua-
lité de suites fâcheuses : Gare la prison !

(Stendhal). Gare aux conséquences ! Gare


à ne pas tomber ! ‖ 4. Class. et littér. Gare
que (et le subjonctif), il est à craindre que :
Et s’il faut que sur vous on ait la moindre
prise, | Gare qu’aux carrefours on ne vous
tympanise (Molière). Gare que ce soit le
même diable qui nous emporte tous (Alain).

garenne [garɛn] n. f. (lat. médiév.


warenna, lieu réservé par le seigneur pour
la chasse ou la pêche, d’origine incertaine ;
milieu du XIIIe s., Roman de Renart, écrit
garanne [garenne, v. 1283, Beau-manoir], au
sens 1 [« réserve de gibier », XXe s. ; « réserve
de poisson », 1865, Littré] ; sens 2, XIVe s.,
Du Cange ; sens 3, v. 1560, Paré [garenne
privée, 1690, Furetière ; garenne forcée,
1865, Littré] ; sens 4, XXe s.). 1. Sous la féo-
dalité, lieu réservé par le seigneur pour
la chasse ou la pêche. ‖ Autref. Réserve
de gibier, de poisson. ‖ 2. Vx. Défense de
pêcher dans une rivière, de chasser dans un
bois : Il n’y aura plus ni corvées, ni garennes,
ni gabelle dans tout le royaume (Béraud).
‖ 3. Lieu boisé et sablonneux où les lapins
vivent à l’état sauvage : Nous vous ferons
tirer un lapin dans la garenne (Flaubert).
‖ Garenne privée ou forcée, lieu clos de
murailles ou de fossés, où l’on élève des
lapins en liberté. ‖ 4. Ensemble de boque-
teaux de chênes séparés par des clairières.
& n. m. (début du XXe s.). Lapin de garenne :
Le galop brusque d’un garenne (Genevoix).

garer [gare] v. tr. (anc. scand. vara, avertir


[d’un danger], germanique *warôn, avertir ;
v. 1180, Aiquin [texte rédigé en Bretagne],
écrit varer, au sens de « se défendre [contre
quelqu’un] » ; sens 1, 1865, Littré [en emploi
absolu, XXe s.] ; sens 2, 1564, J. Thierry [écrit
garrer ; garer, 1690, Furetière] ; sens 3, 1415,
Godefroy [écrit guerrer ; garer, XVIIe s.] ;
sens 4, XXe s. ; sens 5, 1907, Larousse).
1. Mettre un véhicule à l’écart de la cir-
culation ou le rentrer dans un garage :
Derrière un camion gigantesque, il gara sa
voiture (Queneau). Garer un train sur une
voie secondaire. ‖ Absol. et fam. Mettre
sa voiture dans un lieu de garage : Je gare
dans une cour. ‖ 2. Amarrer dans une gare
fluviale : Garer un train de bois. ‖ 3. Mettre
à l’abri : Garer des récoltes. Ils avaient garé
leur artillerie avec les bagages sous les
voûtes de la vieille halle (Hugo). ‖ 4. Fig.
et fam. Mettre en sûreté : Garer sa fortune.
‖ 5. Pop. Être garé des voitures, être à l’abri
d’un coup du sort ; être à la retraite.

• SYN. : 1 parquer ; 3 abriter, entreposer,


ramasser, ranger.

& se garer v. pr. (sens 1, XXe s. ; sens 2, 1865,


Littré ; sens 3, 1611, Cotgrave [écrit se gar-
rer ; se garer, 1636, Monet] ; sens 4, fin du
XVIIe s., Saint-Simon). 1. Fam. Ranger sa
voiture dans les lieux réservés au station-
nement : Avoir de la peine à se garer dans
Paris. ‖ 2. En parlant d’un train, se diriger
sur une voie de garage pour laisser passer
un autre train : Notre train s’est garé pour
laisser passer le rapide. ‖ 3. Se ranger de

côté pour laisser passer : Petit, Niobais va


de travers, gare-toi ! (R. Bazin). C’est une
calèche qui entre. Je n’ai que le temps de
me garer contre le mur (Vallès). ‖ 4. Fig. Se
garer de, éviter, se préserver de : Dieu merci,
ses enfants n’avaient pas de mauvais ins-
tincts, non plus que les enfants de Molinier
sans doute ; aussi se garaient-ils d’eux-
mêmes des mauvaises fréquentations et des
mauvaises lectures (Gide). Les « ennuyeux »
dont on se garait comme de la peste et qu’on
n’invitait qu’aux grandes soirées (Proust).
La nation elle-même, condamnée à suivre
une politique : celle dont précisément elle
avait cru se garer (Mauriac).

• SYN. : 1 se parquer, stationner ; 4 s’abstenir,


se défendre, se dérober, échapper à, fuir, se
garantir, se garder, se prémunir contre, se
soustraire à.

gargamelle [gargamɛl] n. f. (anc. pro-


venç. gargamela, gosier, gorge [XIIIe s.],
croisement de calamela, tuyau de la gorge
— proprem. « chalumeau » [du bas lat.
calamellus, petit roseau, dimin. du lat.
class. calamus, canne, roseau, gr. kalamos,
roseau], avec le radical garg- [v. GARGOTER] ;
1468, Du Cange, écrit gargamele ; garga-
melle, 1532, Rabelais). Vx et pop. Gosier :
Les dragées surtout [...] lui mettaient une
petite mousse aux lèvres, tant elles lui cha-
touillaient la gargamelle (Zola).

gargantua [gargɑ̃tɥa] n. m. (de


Gargantua, n. d’un personnage de Rabelais
[formé sur le radical garg-, v. GARGOTER] de
très haute taille et doué d’un appétit pro-
digieux [1532] ; 1704, Trévoux, au sens de
« homme très grand » ; sens actuel, 1802,
Flick). Gros mangeur : Il fait le soiffeur, le
riboteur, le gargantua (Vallès).

gargantuesque [gargɑ̃tɥɛsk] adj.


(de gargantua ; 1836, Balzac). Digne de
Gargantua (rare) : Il rêvait à des nourri-
tures gargantuesques (Goncourt).

gargariser (se) [səgargarize] v. pr. (lat.


gargarizare, se gargariser, prendre en garga-
risme, gr. gargarizein, mêmes sens ; v. 1398,
Somme Me Gautier, écrit gargarizier [garga-
riser, v. 1560, Paré], comme v. intr., au sens
de « se gargariser » ; comme v. pr., au sens
1, 1636, Monet ; sens 2, 1865, Littré ; sens 3,
1534, Rabelais [comme v. tr. ; comme v. pr.,
1865, Littré]). 1. Se rincer l’arrière-bouche
avec un liquide qu’on y agite en chassant
l’air hors des poumons. ‖ 2. Fig. et fam.
Se délecter avec complaisance : Je ne sais
si vous êtes comme moi, mais quand je lis
très haut, je me gargarise avec ma voix, je
fais des nuances et des fioritures, de telle
sorte que je ne comprends rien à ce que je
dis, comme ces chanteurs à qui le sens des
phrases importe peu pourvu que la note y
soit (Daudet). Se gargariser de grands mots
(Romains). Avant de se séparer, ils se garga-
risèrent une dernière fois de leur supériorité
illusoire ou réelle (Montherlant). ‖ 3. Pop.
Se gargariser de, boire : Chacun se gargari-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2109

sait de vieux marc, le petit verre doucement


chaviré devant les narines (Arnoux).

• SYN. : 2 déguster (fam.), se régaler de


(fam.), savourer.

gargarisme [gargarism] n. m. (bas lat.


gargarisma, gargarisme, gr. gargarismos,
même sens, dér. de gargarizein [v. l’art.
précéd.] ; XIIIe s., Godefroy, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, av. 1848,
Chateaubriand). 1. Préparation médicale
utilisée pour se gargariser. ‖ 2. Action
de se gargariser : Un bruit de gargarisme.
‖ 3. Fig. Action de se délecter avec com-
plaisance : Il s’étendait en lamentations
sur la décadence de l’art et surtout sur ces
gargarismes de notes destructeurs du chant
dramatique : il me confiait qu’il n’osait dire
cela qu’à moi, à cause de personnes qui
l’environnaient (Chateaubriand).

gargoine [gargwan] n. f. (du radical garg-


[v. GARGOTER] ; début du XVIIe s., au sens
de « bouche sale » ; sens 1, 1827, G. Esnault
[écrit gargouenne ; gargouanne, 1835,
Raspail ; gargoine, 1876, Huysmans ; se
rincer la gargoine, 1878, Larousse] ; sens 2,
1878, Larousse). 1. Arg. et vx. Gorge, gosier :
À force de parler, j’ai comme du poussier
dans la gargoine (Huysmans). ‖ Se rincer
la gargoine, boire. ‖ 2. Arg. et vx. Visage :
Tu as eu la gargoine joliment chiffonnée par
la mitraille (Hugo).
gargot [gargo] n. m. (déverbal de gargo-
ter ; av. 1665, Muse normande, au sens de
« sorte de ragoût » ; sens I, 1794, Brunot ;
sens II, 1860, Goncourt).

I. Entrepreneur d’abattage de porcs.

II. Syn. anc. de GARGOTE : Elle [Gervaise]


tombait aux arlequins, dans les gargots
borgnes, où, pour un sou, elle avait des tas
d’arêtes de poisson mêlées à des rognures
de rôti gâté (Zola). Il déserta le gargot où il
mangeait d’habitude (Huysmans).

gargote [gargɔt] n. f. (déverbal de gar-


goter ; 1680, Richelet). Péjor. Restaurant
où l’on mange à bas prix une nourriture
de mauvaise qualité : La forte et nauséa-
bonde odeur de vin et de mangeaille qui
vous saisit à Paris, en passant devant les
gargotes de faubourg (Balzac). Ils s’atta-
blèrent sur une sorte de terrasse en planches,
dans une gargote puant la graisse et le vin
(Zola). L’écoeurant fumet des gargotes, l’âcre
encens frelaté (Valéry).

gargoter [gargɔte] v. intr. (var. de l’anc.


franç. gargueter, faire du bruit avec la gorge
[v. 1387, G. Phébus], dér. de garguette, gosier
[XIVe s., var. de gargate, même sens [XIIe s.,
Godefroy], du radical onomatop. garg-, qui
évoque le bruit de l’eau qui bout, celui que
produit le gosier quand on avale gloutonne-
ment, et qui, par suite, s’applique à la gorge
elle-même ; 1622, Caquets de l’accouchée, au
sens de « faire du bruit en bouillonnant » ;
sens I, 1675, Widerhold ; sens II, 1 [de gar-

gote], 1642, Oudin ; sens II, 2 [de gargote],


1829, Boiste).

I. Vx. Manger ou boire malproprement.

II. 1. Vx. Fréquenter les gargotes.

‖ 2. Fam. Cuisiner sans soin. (Rare.)

gargotier, ère [gargɔtje, -ɛr] n. (de


gargote ; 1642, Oudin, au sens 1 ; sens 2,
1694, Acad. ; sens 3, av. 1885, V. Hugo).
1. Personne qui tient une gargote :
Gargotier chez qui l’on ramasse | Soupe
maigre et vaisselle grasse, | Et tous les poux
de la cité (Hugo). Le gargotier s’évente à
grands coups de serviette (Huysmans).
‖ 2. Péjor. Personne qui fait de la cuisine
digne d’une gargote. ‖ 3. Fig. Personne
vulgaire, comme celles qui tiennent ou
fréquentent les gargotes : De vieux romans
qui se sont éraillés sur des imaginations de
gargotières (Hugo).

& adj. (av. 1945, P. Valéry). Qui est digne


d’une gargote : La cuisine gargotière des
rimailleurs (Valéry).

gargoton [gargɔtɔ̃] n. m. (mot angevin,


louisianais et canadien, dimin. du moyen
franç. gargotte, gosier [XVIe s.], dér. du
radical garg- [v. GARGOTER] ; XXe s.). Au
Canada, gorge, gosier.

gargouillade [gargujad] n. f. (de gar-


gouiller ; 1747, Brunot, au sens 1 ; sens 2,
1845, Bescherelle). 1. Pas de danse consis-
tant en un saut de chat précédé de petits
ronds de jambe : C’est le danseur Dupré qui
fait la gargouillade (Diderot). ‖ 2. Péjor.
Modulation de la voix ou d’un instrument
de musique qui rappelle le bruit de l’eau
tombant d’une gargouille : Au finale, le
ténor Genovese avait donné dans de si
absurdes gargouillades que le tumulte fut
à son comble au parterre (Balzac).

gargouillage [gargujaʒ] n. m. (de gar-


gouiller ; 1930, Larousse). Fam. Bruit confus
de paroles (rare) : Des gargouillages préten-
tieux (Willy).

gargouille [garguj] n. f. (du radical


garg- [v. GARGOTER] ; 1294, Godefroy, écrit
gargoule — peut-être sous l’influence de
goule, forme anc. de gueule, v. ce mot —
[gargouille, début du XVIe s., sans doute
sous l’influence de gargouiller], au sens de
« pièce adaptée à une gouttière, à un tuyau,
en vue de l’écoulement des eaux » ; sens
1, 1690, Furetière [« mascaron d’une fon-
taine », 1580, Montaigne] ; sens 2 [« canal
logé dans un mur ou un trottoir pour
l’écoulement des eaux »], 1845, Bescherelle).
1. Gouttière en saillie par laquelle l’eau de
pluie s’écoule à distance des murs, et qui a
souvent la forme d’un animal fantastique à
gueule béante : Entre chacune de ces croi-
sées s’avance une gargouille figurant une
gueule fantastique d’animal sans corps qui
vomit les eaux sur de grandes pierres per-
cées de cinq trous (Balzac). Des gargouilles,
au pied des arcs-boutants, déversaient les
eaux des toitures (Zola). ‖ Mascaron d’une

fontaine. ‖ 2. Tuyau logé dans les trottoirs


pour l’écoulement des eaux de pluie : Un
rat se faufilait dans le tuyau d’une gar-
gouille (Huysmans). ‖ Tuyau de descente
des eaux de pluie.

gargouillement [gargujmɑ̃] n. m. (de


gargouillement [gargujmɑ̃] n. m. (de
gargouiller ; v. 1560, Paré, au sens 1 ; sens
2, 1865, Littré ; sens 3, XXe s.). 1. Bruit que
fait un liquide ou un gaz dans les voies
digestives ou respiratoires : Un gargouille-
ment intestinal, pulmonaire. ‖ 2. Bruit que
fait dans une canalisation ou un récipient
un liquide agité de remous : Des hoquets
vineux, des vomissements se mêlaient au
gargouillement des eaux de cuisine vidées
dans les plombs, à chaque étage (Zola).
‖ 3. Bruit que fait un gaz qui se dégage
par bulles à la surface d’un liquide.

• SYN. : 1 borborygme ; 2 gargouillis, glou-


glou (fam.).

gargouiller [garguje] v. intr. (du radi-


cal garg- [v. GARGOTER], avec le suff. péjor.
-ouiller [cf. barbouiller, etc.] ; XIVe s., au sens
de « parler confusément, de façon indis-
tincte » ; sens actuel, v. 1534, Bonaventure
Des Périers [en parlant du tube digestif,
du ventre, v. 1560, Paré]). Faire entendre
un gargouillement : Ce bruit n’empêchait
pas d’entendre l’eau gargouiller dans les
gouttières et ruisseler sur les masures
(Duhamel). ‖ En parlant du tube diges-
tif, du ventre, émettre un gargouillement.

gargouillis [garguji] n. m. (de gar-


gouiller ; 1581, Godefroy). Syn. plus rare
de GARGOUILLEMENT : Le gargouillis du
canal couvrait celui de leurs pas dans l’eau
(La Varende). L’immense gargouillis des
terres saturées (Bernanos).

gargoulette [gargulɛt] n. f. (de l’anc.


franç. gargoule [v. GARGOUILLE] ; début
du XIVe s., au sens de « petite gargouille » ;
sens 1, 1686, d’après Trévoux, 1752 ; sens
2, 1879, Huysmans). 1. Vase poreux où
l’eau se rafraîchit par évaporation : Entre
les pots de fleurs et les gargoulettes rafraî-
chissantes (Baudelaire). J’essayai, à la
dérobée, de boire au jet de la gargoulette
(Montherlant). Fernande apporta l’anisette,
deux verres, la gargoulette d’eau fraîche
(Camus). ‖ 2. Fig. et pop. Gosier : Avec des
rires qui leur secouent la gargoulette et leur
font danser le ventre (Huysmans).

• SYN. : 1 alcarazas.

• REM. On trouve quelquefois la forme


GARGOUILLETTE (1865, Littré).

gargousse [gargus] n. f. (provenç. gar-


gousso, cargousso, même sens, dér. de cargá,
charger, de même étym. que le franç. char-
ger ; début du XVIe s.). Enveloppe contenant
la charge de poudre destinée à la propul-
sion du projectile d’une bouche à feu : On
n’avait que sept ou huit gargousses à brûler
par pièce, on ménageait les coups (Zola).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2110

gargousserie [gargusri] n. f. (de gar-


gousse ; XXe s.). Atelier, établissement où
l’on confectionne les gargousses.

gargoussier [gargusje] n. m. (de gar-


gousse ; 1722, Labat). Boîte servant à trans-
porter les gargousses. ‖ Vx. Soldat chargé
de garder et de transporter les gargousses.

gargoylisme [gargɔjlism] n. m. (dér.


savant de gargouille ; XXe s.). Affection
caractérisée par une déformation patho-
logique du visage en forme de gargouille
gothique, et s’accompagnant d’arriération
mentale.

garguille [gargij] n. m. (n. pr., proba-


blem. dér. du radical garg- [v. GARGO-
TER] ; v. 1534, Bonaventure Des Périers,
dans la loc. Gautier ou Garguille, « le pre-
mier venu » ; garguille, au sens moderne
[peut-être de Gaultier-Garguille, pseudo-
nyme du joueur de farces Hugues Guérin,
dit Fléchelles — v. 1574-1634], av. 1896,
Goncourt). Comédien qui joue des farces
(vieilli) : Charlatans, garguilles, vendeurs
et vendeuses d’orviétan (Goncourt).

garibaldien, enne [garibaldjɛ̃, -ɛn]


adj. (de Garibaldi, n. pr. ; 1861, A. Dumas,
comme adj. et n. m.). Relatif à Garibaldi.
& garibaldien n. m. Partisan de Garibaldi ;
volontaire servant sous ses ordres : Vêtu
de velours rouge, selon la mode des gari-
baldiens (Bourges).

garingal [garɛ̃gal] n. m. (ar. halanğān,


mot empr. au IXe s. du persan hāvalinğān,
garingal ; v. 1138, Vie de saint Gilles, écrit
galingal ; garingal, v. 1180, Mort Aymeri de
Narbonne). Plante aromatique des Indes et
de la Chine, dont la racine était rangée au
nombre des épices, au Moyen Âge.

garnement [garnəmɑ̃] n. m. (de garnir ;


1080, Chanson de Roland, aux sens de
« armure, équipement, homme armé » ; fin
du XIVe s., E. Deschamps, au sens de « indi-
vidu, en général » ; sens 1, v. 1360, Froissart ;
sens 2, 1784, Beaumarchais). 1. Jeune
homme peu recommandable : Comment
voulez-vous que fasse le gouvernement avec
des garnements qui ne savent qu’inventer
pour déranger le monde ? (Hugo). Toujours
est-il que ce garnement se permet tout à
coup d’engueuler un ancien combattant
(Queneau). ‖ 2. Enfant turbulent, indis-
cipliné : Ce mauvais garnement d’Alfred
qui manque l’École tant qu’il peut (Zola).
• SYN. : 1 chenapan (pop.), gredin, vaurien ;
2 coquin, diable (fam.), fripon, galopin,
polisson.

garni, e [garni] adj. (part. passé de gar-


nir ; v. 1155, Wace, au sens de « fertile » [en
parlant d’un pays] ; sens 1, XIIIe s., Lai du
Désiré [avoir la bourse bien garnie, XIVe s.,
HLF, XXIII, 630 ; assiette garnie, 1900,
Dict. général] ; sens 2, v. 1190, Godefroy ;
sens 3, 1609, M. Régnier ; sens 4, 1865,
Littré [aussi choucroute garnie] ; sens 5,

1872, Larousse ; sens 6, 1681, Ménestrier).


1. Qui est pourvu du nécessaire : Un buf-
fet bien garni. ‖ Fam. Avoir la bourse bien
garnie, avoir de l’argent. ‖ Assiette garnie,
assiette de charcuterie assortie. ‖ 2. Vx et
pop. Équipé : Quatre-vingt mille fendants
d’Allemands, tous beaux hommes bien
garnis (Balzac). ‖ 3. Se dit d’une pièce,
d’un logement qui sont meublés pour être
loués (vieilli) : Chambre garnie. Ces dames
étaient misérables et vivaient chichement
en hôtel garni (Hugo). ‖ 4. Se dit d’un
plat de viande accompagné de légumes.
‖ Choucroute garnie, choucroute accom-
pagnée de jambon et de saucisses. ‖ 5. Se
dit d’une chevelure fournie : Chevelure
bien garnie. ‖ 6. Épée garnie, en héral-
dique, épée dont la garde est d’un émail
particulier.

• SYN. : 1 approvisionné, assorti, rempli ;


3 meublé.

& garni n. m. (1829, Boiste). Maison,


chambre qui se loue meublée (vieilli) :
Deux ou trois garnis d’aspect sordide,
comme encrassés par des générations de
misère (Daudet). Il avait erré, durant son
existence, de meublé en garni (Carco). [On
dit auj. MEUBLÉ.]

garnir [garnir] v. tr. (germ. *warnjan,


prévenir, pourvoir, munir ; v. 980, Passion
du Christ, au sens de « avertir, prému-
nir » [le mot était souvent écrit guarnir
au Moyen Âge] ; sens 1, milieu du XVIe s.,
Amyot [« munir de moyens de défense »,
1080, Chanson de Roland ; garnir un cor-
dage, 1773, Bourdé de Villehuet] ; sens 2,
v. 1207, Villehardouin [« rembourrer un
fauteuil, etc. », 1653, Havard ; garnir une
forme d’imprimerie, 1836, Acad. ; se gar-
nir la panse, 1865, Littré] ; sens 3, 1530,
Palsgrave [dans l’industrie textile, 1723,
Savary des Bruslons ; en cuisine, 1721,
Trévoux] ; sens 4, milieu du XVIIIe s.,
Buffon ; sens 5, 1835, Acad. ; sens 6, 1930,
Larousse [garnir le cabestan, « passer les
barres à », 1701, Furetière]). 1. Pourvoir
une chose d’éléments qui la protègent ou
la renforcent : Garnir une citadelle de sol-
dats. Un bouclier de cuir garni de plaques
de fer. Des chaussures garnies de crampons.
Le coffre historique [du Cid] garni de toutes
sortes de serrures (Gautier). ‖ Spécialem. et
vx. Munir de moyens de défense : Garnir
une place de guerre. ‖ Garnir un cordage,
l’entourer de vieille toile et de fauberts pour
le protéger. ‖ 2. Pourvoir une chose des
éléments qu’elle est destinée à recevoir :
Garnir une bibliothèque, un étui. Garnir
de meubles un appartement. Il garnit de
cigarettes un étui d’argent (Mauriac).
‖ Garnir un fauteuil, une chaise, un
canapé, les rembourrer. ‖ Garnir une forme
d’imprimerie, y placer les différentes gar-
nitures. ‖ Pop. et vx. Se garnir la panse,
bien manger. ‖ 3. Compléter une chose par
des éléments accessoires, des ornements :
Garnir un col de fourrure. Garnir une table

de fleurs. Le vainqueur recevait des mains


du monarque une coupe d’or garnie de
pierreries (Voltaire). C’est la même man-
tille garnie de longues dentelles (Nerval).
‖ Spécialem. Dans l’industrie textile, tirer
le poil d’une étoffe de laine ou de coton,
pour lui donner un aspect velouté, laineux.
‖ En cuisine, accompagner un mets d’une
garniture, destinée soit à le compléter, soit
à le parer : Garnir de champignons un rôti
de veau. ‖ 4. (avec un sujet désignant la
garniture) Servir de complément néces-
saire, d’accessoire, d’ornement, etc., à
quelque chose : Les ferrures qui garnissent
une porte. Des éditions rares garnissaient
les rayons de la bibliothèque. Les frimas
congelés sont les seules guirlandes | Qui
garnissent la roche où nous nous enfon-
çons (Lamartine). ‖ 5. Occuper, remplir
un espace : L’incendie [...] garnissait toute
l’atmosphère, jusqu’à une grande hauteur,
d’une fumée cuivreuse (Stendhal). Les fos-
sés maintenant étaient garnis de gamins
et de pauvres curieux (Maupassant). Des
solliciteurs garnissaient l’antichambre.
‖ 6. Garnir au cabestan une chaîne, un
câble, mettre la chaîne dans le barbotin ou
enrouler le câble sur la cloche du cabestan.
• SYN. : I, 1 doubler, étoffer, fortifier, munir,
renforcer ; 2 approvisionner, équiper,
fournir, remplir ; recouvrir ; 3 agrémen-
ter, égayer, enrichir, ornementer, orner,
parer ; 4 décorer, embellir, enjoliver, ourler ;
5 bonder, bourrer, combler, emplir, envahir,
inonder. — CONTR. : 1 démunir, dépouiller,
priver ; 2 dénuder, vider ; dégarnir.

& se garnir v. pr. (sens 1, 1690, Furetière ;


sens 2, 1835, Acad.). 1. Vx. Se garnir contre
le froid, se vêtir pour se protéger du froid.
‖ 2. Se remplir, être occupé graduelle-
ment : Cependant, les quatre banquettes
se garnissaient, la voiture roulait (Flaubert).
La salle commençait à se garnir.

garnisaire [garnizɛr] n. m. (de garnison,


au sens anc. de « établissement de sergents
chez des contribuables, des débiteurs,
etc. » [1538, R. Estienne] ; 1784, Brunot,
au sens 1 [a remplacé garnisonnaire, 1743,
Trévoux] ; sens 2, 1865, Littré ; sens 3, 1845,
Bescherelle). 1. Vx. Personne assermentée
qui était établie au domicile d’un contri-
buable retardataire pour le contraindre à
s’acquitter. ‖ 2. Vx. Celui qu’on établis-
sait au domicile d’un débiteur pour garder
les meubles saisis. ‖ 3. Vx. Soldat qu’on
établissait au domicile des parents d’un
conscrit réfractaire ou d’un déserteur : Le
tambour bat-il ? Le garnisaire court à son
mousquet, laisse les filles de son hôte pleu-
rant sur la porte, et quitte la chaumière à
laquelle il ne pensera plus avant qu’il soit
entré aux Invalides (Chateaubriand).

garnison [garnizɔ̃] n. f. (de garnir ;


XIIe s., Herman de Valenciennes, au sens
de « armure » ; 1213, Fet des Romains, au
sens de « établissement de troupes dans
un lieu pour le garder » ; sens I, 1623,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2111

Havard [ouvrage doré par garnison ; pièce


de garnison, 1690, Furetière — garnison,
même sens, XXe s.] ; sens II, 1, 1285, Bevans
[« ensemble des troupes stationnées dans
une ville ou dans un ouvrage fortifié »,
1825, Le Couturier ; ville de garnison, 1835,
Acad.] ; sens II, 2, v. 1283, Beaumanoir
[tenir garnison, 1865, Littré ; amour de
garnison, av. 1850, Balzac ; mariage de
garnison, 1835, Acad.]).

I. Action de garnir quelque chose. ‖ Ou-


vrage doré par garnison, ouvrage partiel-
lement doré. ‖ Pièce de garnison, ou gar-
nison, pièce fixée par la soudure au corps
d’un objet d’orfèvrerie.

II. 1. Vx. Ensemble des troupes qui


occupaient une place de guerre pour la
défendre. ‖ Auj. Ensemble des troupes
stationnées dans une ville ou dans un
ouvrage fortifié : La montre étalait [...]
des livres de classe et de petits manuels
pour les officiers de la garnison (France).
‖ Ville de garnison, ville où stationne,
en temps de paix, au moins une unité de
l’armée. ‖ 2. Ville où sont casernées des
troupes : Il raconta [un militaire] ses jours
sans fin de garnison, | Ses courses dans les
champs, le soir, vers l’horizon, | Sans but,
en écoutant si la retraite sonne (Coppée).
Changer de garnison. ‖ Vx. Tenir garni-
son, être cantonné dans une place, une
ville : L’exemple des gens d’armes, qui te-
naient garnison dans les villes, le rendait
excusable (France). ‖ Vx. Amour de gar-
nison, amour de passage : Il est insuppor-
table dans un ménage, il ne connaît que
l’amour de garnison (Balzac). ‖ Vx. Ma-
riage de garnison, mariage mal assorti.

garnisonner [garnizɔne] v. tr. (de gar-


nison ; 1794, Brunot). Vx. Occuper un lieu
pour en assurer la défense (rare) : Cinq ou
six bergers mandés par Colomba arrivèrent
pour garnisonner la tour des della Rebbia
(Mérimée).

& v. intr. (av. 1935, P. Bourget). Tenir garni-


son : Garnisonner près de Paris (Bourget).

garnissage [garnisaʒ] n. m. (de garnir ;


1785, Encycl. méthodique, au sens 2 ; sens
1, 1840, Acad. ; sens 3-4, 1845, Bescherelle ;
sens 5, 1872, Larousse ; sens 6, 1930,
Larousse). 1. Action de garnir ; résultat de
cette action : Le garnissage d’un chapeau.
‖ 2. Travail de préparation et de confection
des sièges de véhicules. ‖ Atelier où l’on
opère ce travail. ‖ Ensemble des éléments
et matériaux qui constituent ces sièges.
‖ 3. Façonnage et pose des garnitures et des
ornements d’une poterie. ‖ 4. Opération
qui consiste à rendre laineuse la surface des
étoffes de drap. ‖ Opération qui consiste à
mettre en place les crochets, et les aiguilles
d’une mécanique Jacquard. ‖ 5. Ensemble
des petites pièces de soutènement d’une
mine (bois ronds ou fendus, planches,
écoins) que l’on place à cheval sur les pièces
principales. ‖ 6. Revêtement intérieur, en

matière réfractaire, d’un creuset, d’un four,


d’un convertisseur, etc.

garnissement [garnismɑ̃] n. m. (de gar-


nir ; v. 1180, Barbier, au sens de « garniture,
action de munir » ; sens moderne, 2 août
1877, Gazette des tribunaux). Action de
garnir, de meubler : Locataire expulsé faute
de garnissement des lieux.

garnisseur, euse [garnisoer, -øz] n. (de


garnir ; XIIIe s.). Ouvrier, ouvrière qui pose
des garnitures.

& garnisseur n. m. (XXe s.). Ouvrier pré-


posé à la coupe, à la confection, à la pose
des pièces de garniture d’une carrosserie.
& garnisseuse n. f. (1845, Bescherelle).
Machine avec laquelle on exécute l’opéra-
tion du garnissage des tissus.

garniture [garnityr] n. f. (de garnir ;


v. 1268, É. Boileau, écrit garneture [gar-
niture, 1327, J.-M. Richard, Mahaut], au
sens 1 [« parure de diamants, de dentelles »,
1690, Furetière ; « flot de rubans... », 1658,
Scarron] ; sens 2, 1721, Trévoux [« légumes
servis avec un plat de viande », début du
XXe s.] ; sens 3, 1680, Richelet [aussi garni-
ture de cheminée ; garniture de foyer, 1865,
Littré ; garniture de feu, 1653, Havard ;
garniture de bureau, XXe s.] ; sens 4, 1872,
Larousse ; sens 5, 1570, Havard ; sens 6,
1596, Hulsius [dans une arme à feu, 1872,
Larousse] ; sens 7, 1672, Jal ; sens 8 et 10,
XXe s. ; sens 9, 1752, Trévoux ; sens 11, 1930,
Larousse). 1. Tout élément qui s’ajoute à
un objet, en particulier à un vêtement,
pour l’orner, l’embellir : Garniture d’une
robe, d’un chapeau. Les garnitures de den-
telles, les broches de diamants, les brace-
lets à médaillon frissonnaient aux corsages
(Flaubert). ‖ Absol. Parure de diamants,
de dentelles : Une garniture en point d’An-
gleterre. ‖ Class. Flot de rubans destiné à
orner les habits ou la coiffure : Elle a pour
toute chevelure | De serpents une garniture
(Scarron). ‖ 2. En cuisine, accessoires qui
accompagnent la pièce principale d’un plat
et qui sont destinés soit à la compléter,
soit à l’orner : Une garniture de cresson,
de champignons. ‖ Spécialem. Légumes
servis avec un plat de viande : Quelqu’un
qui ne peut jamais prendre le plat du jour ;
ou bien il fait changer la garniture (Gide).
‖ Garniture de vol-au-vent, préparation
dont on remplit la timbale de croûte.
‖ 3. Ensemble d’objets assortis, formant un
tout, et qui sont destinés à orner, à complé-
ter : Une garniture de boutons. ‖ Garniture
de cheminée, ensemble d’objets (pendule et
deux vases ou deux candélabres) dont on
garnit le dessus d’une cheminée : Sur une
cheminée en marbre blanc à colonnes était
une garniture choisie avec goût (Balzac).
‖ Garniture de foyer ou de feu, ensemble
des instruments qui servent à faire le feu
dans une cheminée (pelle, pincettes, che-
nets, tisonnier). ‖ Garniture de bureau,
ensemble des accessoires assortis qu’on

utilise pour écrire sur un bureau (encrier,


sous-main, etc.). ‖ 4. Dans une pièce
de poterie, partie accessoire (bec, anse,
pied, etc.) qu’on soude sur la partie prin-
cipale, après le tournage ou le moulage.
‖ 5. Ensemble des fournitures servant à
rembourrer un siège ou un lit. ‖ 6. Garde,
pommeau, branche et poignée d’une arme
blanche. ‖ Ensemble des pièces qui servent
à relier les parties d’une arme à feu ou à
en faciliter le maniement. ‖ 7. Gréement
d’un mât, d’une vergue, d’une voile.
‖ 8. Ensemble des travaux exécutés à
l’intérieur d’une voiture pour la rendre
plus confortable. ‖ 9. Bloc métallique ser-
vant à séparer les pages dans une forme
d’imprimerie, et qui représente les marges.
‖ Ensemble des pièces (lingots, biseaux,
réglettes, etc.) qui servent à consolider
la forme. ‖ 10. Garniture de frein, d’em-
brayage, matériau de friction que l’on
adapte sur les patins de frein et les disques
d’embrayage pour augmenter le coefficient
de frottement ; par extens., pièce garnie de
ce matériau. ‖ 11. En construction méca-
nique, dispositif ou matière formant un
joint hermétique autour de divers organes.
‖ Dispositif assurant l’étanchéité d’un
appareil sous pression au passage d’une
pièce mobile.

• SYN. : 1 accessoire, agréments, falbalas,


fanfreluche, parement, volant.

& garnitures n. f. pl. (sens 1, 1812, Mozin ;


sens 2, XXe s.). 1. Pièces métalliques for-
mant la défense intérieure d’une serrure.
‖ 2. Ensemble des trois pièces d’une cré-
mone : conduit, chapiteau et gâche.

garno [garno] n. m. (de garni, n. m., par


substitution de la finale pop. -o à -i ; 1867,
G. Esnault). Pop. et vx. Logement garni,
meublé : [Cette intimité] n’était plus la
même depuis qu’il avait essayé de la pétrir
dans un garno (Huysmans). Ça m’a changé
de mon garno de Nice et des tripots où
j’avais mon ardoise (Bourget).

garo [garo] n. m. (malais gāru-gahāru,


aloès ; 1791, Valmont de Bomare [art. bois
d’aloès], au sens 2 [garo de Malacca ; garo,
1826, Mozin] ; sens 1, 1872, Larousse).
1. Nom français d’un arbre de l’Asie méri-
dionale et de l’Indonésie (Aquilaria agal-
locha), dont le bois est utilisé dans les arts
et en tabletterie. ‖ 2. Ce bois, appelé aussi
bois d’agalloche, bois d’aigle, bois d’aloès,
calambac.

garonnais, e [garɔnɛ, -ɛz] adj. (de


Garonne, n. géogr. ; XXe s.). Relatif à la
Garonne, aux régions qu’elle traverse.

1. garou [garu] n. m. (francique *werwulf,


loup-garou [proprem. « homme loup »],
devenu *warwulf sous l’influence de l’anc.
scand. vargulfr, dér. de vargr, criminel,
assassin ; fin du XIIe s., Marie de France,
écrit garulf [garou, XIIIe s. ; courir le garou,
1718, Acad.]). Vx. Syn. de LOUP-GAROU :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2112

Un enfant-garou (Hugo). ‖ Vx. Courir le


garou, fréquenter les lieux de débauche.

2. garou [garu] n. m. (origine inconnue ;


1700, Liger). Arbrisseau du genre daphné,
à fleurs blanches, odorantes, qu’on trouve
dans les garrigues du Midi.

• REM. On l’appelle aussi GAROUETTE,


n. f. (1865, Littré), SAINBOIS.

garouage [garwaʒ] n. m. (de garou 1 ;


v. 1490, Recueil de farces françaises, au sens
de « lieu de débauche » ; aller en garouage,
v. 1550, Ancien Théâtre françois ; être en
garouage, av. 1695, La Fontaine). Class.
Aller en garouage, être en garouage, aller
dans des parties de plaisir, fréquenter
les lieux suspects : Que Jupiter était en
garouage, | De quoi Junon était en grande
rage (La Fontaine).

garouette n. f. V. GAROU 2.

garras [garas] n. m. (origine incertaine ;


1701, Havard, écrit garas [garras, 1872,
Larousse] ; peut-être le mot est-il en rap-
port avec le n. m. pl. guraes, même sens
[1723, Savary des Bruslons], angl. gurrah,
lui-même empr. de l’hindi gārhā, même
sens). Toile de coton blanche.

garrigue [garig] n. f. (provenç. garrigo,


même sens, anc. provenç. garriga, lande
où il ne croît que des chênes kermès, du
mot préceltique *carra, pierre [d’où est
issu également l’anc. franç. jar-rie, « terre
inculte », v. 1180, Girart de Roussillon] ;
av. 1540, M. Du Bellay). Dans les pays médi-
terranéens, formation végétale secondaire
(chênes verts mélangés à des buissons et à
des plantes herbacées), qui apparaît sur les
sols calcaires après destruction de la forêt :
Les bouquets des cistes pourpres ou blancs
chamarraient la rauque garrigue, que les
lavandes embaumaient (Gide).

garron [garɔ̃] n. m. (provenç. gar-


roun, même sens, dér. du radical *garr-,
« tacheté », d’origine incertaine ; 1621,
É. Binet). En fauconnerie, mâle de la
perdrix.

1. garrot [garo] n. m. (provenç. garrot,


garrot, dér. de l’anc. provenç. garra, jar-
ret, jambe, fesse, gaulois *garra, partie de la
jambe ; 1444, Godefroy, écrit jerrot [garrot,
1549, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Chez les grands quadrupèdes, partie du
corps située au-dessus de l’épaule, entre le
bord supérieur de l’encolure et le dos : Le
garrot d’un cheval, d’un boeuf. Des croûtes
purulentes comme on en voit au garrot
des ânes (Flaubert). ‖ Hauteur au garrot,
hauteur du garrot au-dessus du sol, chiffre
auquel on se réfère souvent pour donner
une idée de la taille d’un mammifère.
‖ Mal de garrot, blessure du garrot, due
généralement aux frottements du harna-
chement. ‖ 2. Partie du collier qui repose
sur le cou du cheval.

2. garrot [garo] n. m. (déverbal de l’anc.


franç. garochier, garokier, barrer la route
[v. 1155, Wace], francique *wrokkôn,
tordre avec force ; 1302, Godefroy, écrit
guaroc, garrot, au sens 1 ; sens 2, XVe s.,
Du Cange ; sens 3, 1757, Encyclopédie ;
sens 4, 1611, Cotgrave ; sens 5, 1829,
Boiste ; sens 6 [de l’esp. garrote, v. GAR-
ROTTE], 1859, Th. Gautier [garrot, même
sens 1851, Landais]). 1. Autref. Gros trait
d’arbalète lourde. ‖ 2. Class. Bâton : On lui
donnera cent coups de garrot (Furetière).
‖ 3. Bâton placé de manière à forcer une
branche à prendre une direction déter-
minée. ‖ 4. Morceau de bois qu’on passe
dans une corde pour la serrer en la tordant :
Le garrot d’une scie. ‖ 5. Lien ou appareil
utilisé pour comprimer les vaisseaux d’un
membre, afin d’arrêter une hémorragie : Il
fallut poser un garrot en toute hâte et por-
ter le blessé sur la table d’opération (Gide).
‖ 6. Supplice du garrot, v. GARROTTE.

3. garrot [garo] n. m. (du radical *garr-,


tacheté [v. GARRON] ; 1757, Encyclopédie).
Canard plongeur dont les mâles sont blanc
et noir et les femelles brunes.

garrottage [garɔtaʒ] n. m. (de garrot-


ter ; 1588, Montaigne). Action de garrotter ;
résultat de cette action.

garrotte [garɔt] n. f. (esp. garrote, instru-


ment de supplice, empr. du franç. garrot 2 ;
1647, Vaugelas, puis 1834, Landais, au sens
1 ; sens 2, av. 1842, Stendhal). 1. Instrument
destiné à exécuter par strangulation les
condamnés à mort, et consistant essen-
tiellement en un poteau portant un collier
de fer, où l’on passe le cou du patient et
que l’on resserre au moyen d’une vis : Les
doigts de Volmerange s’incrustaient [...]
et l’étranglaient comme fait une garrotte
espagnole (Gautier). ‖ 2. Strangulation
à l’aide de cet instrument, supplice usité
surtout en Espagne : Il s’agit pour lui de
la garrotte ou tout au moins des galères
(Stendhal). Au gibet, le Levantin ! À la
garrotte ! (Romains).

garrotté, e [garɔte] adj. (de garrot 1 ;


1865, Littré). Se dit d’un cheval blessé au
garrot.

1. garrotter [garɔte] v. tr. (de garrot


2 ; 1535, Olivétan, au sens 1 ; sens 2, 1580,
Montaigne [être garrotté par un contrat,
1900, Dict. général ; ...par un serment, 1834,
Sainte-Beuve] ; sens 3, 1757, Encyclopédie ;
sens 4, XXe s.). 1. Lier très solidement et
étroitement : Pendant qu’on garrottait
Javert, un homme le considérait (Hugo).
‖ 2. Fig. et littér. Priver de liberté, réduire
à l’impuissance : Quand notre ville épou-
vantée, | Surprise un matin, et sans voix, |
S’éveille toute garrottée, | Sous un réseau
d’iniques lois (Hugo). ‖ Fig. Être garrotté
par un contrat, un serment, etc., être lié
moralement et dans l’impossibilité d’agir.
‖ 3. Garrotter un arbre, une branche, cor-
riger leur direction au moyen d’un garrot.

‖ 4. Exécuter des ligatures temporaires sur


le tronc et les branches d’un arbre pour
ralentir leur croissance et accélérer la mise
à fruits.

• SYN. : 1 ficeler, ligoter ; 2 assujettir, bâillon-


ner, enchaîner, lier, museler, paralyser.

2. garrotter [garɔte] v. tr. (de garrotte ;


1877, Littré). Vx. Faire périr par la garrotte.

garruler [garyle] v. intr. (bas lat. gar-


rulare, débiter [des sottises], du lat. class.
garrulus [v. l’art. suiv.] ; XVe s., au sens
de « gazouiller » ; sens moderne, 1596,
Hulsius). Littér. Bavarder, caqueter : On
me dit vieux encore. Encore qui de bête ?
| Ah oui, parfois moi-même, alors surtout
que j’ai | Mal agi, mal parlé, garrulé comme
un geai (Verlaine).

garrulité [garylite] n. f. (lat. garruli-


tas, caquetage [d’un oiseau], babil [d’en-
fant], bavardage, caquet, de garrulus, qui
gazouille, babillard, bavard, dér. de garrire,
gazouiller, jaser, parler pour ne rien dire ;
fin du XVe s., Molinet). Besoin constant
de bavarder ; bavardage continuel (rare) :
Tu railles ma garrulité peut-être à tort
(Verlaine). Il montrait maintenant une
garrulité sans borne (Arnoux).

gars [gɑ] n. m. (anc. cas sujet de garçon [v.


ce mot] ; v. 1155, Wace, au sens de « domes-
tique » ; sens 1, v. 1530, C. Marot ; sens 2,
1759, G. Esnault ; sens 3, av. 1589, J.A. de
Baïf ; sens 4, 1834, Balzac). 1. Fam. Garçon,
jeune homme ; surtout, garçon de la cam-
pagne : Les gars du village. Le nouveau était
un gars de la campagne (Flaubert). Le marié
était un beau gars (Maupassant). Ah ! c’est
un grand gars maintenant ; bientôt il en
saura plus que son père (Gide). ‖ 2. Fam.
Gaillard, homme ou adolescent vigoureux,
résolu : Oui, le gars est taillé pour aller
loin (Balzac). Aujourd’hui, cependant, les
gaufres, le cidre et les saucisses ont délié la
langue des gars, et tout le long de la piste
il se fait un joyeux vacarme (Daudet).
Nous voulions un enfant [...], | Le voilà.
Nous allons l’élever, et, j’y compte, | Plus
tard en faire un gars robuste et bien por-
tant (Coppée). Il paraît que c’est un gars
à la redresse (Romains). ‖ 3. Fam. Enfant
du sexe masculin, fils : C’est mon gars.
‖ 4. Sert à interpeller familièrement : Par
ici, les gars ! Écoute-moi, mon petit gars.
[Vautrin :] Mon petit gars, nous ne sommes
pas assez rusés pour lutter avec notre papa
Vautrin... (Balzac).

garum [garɔm] n. m. (lat. garum, sorte


de saumure avec sucs de poissons divers,
gr. garon ou garos, même sens ; 1545,
Guéroult). Dans la Rome ancienne, sorte
de sauce très aromatisée, composée des
intestins et d’autres parties de certains
poissons que l’on faisait macérer dans du
sel : Hérissons au garum, cigales frites et
loirs confits (Flaubert).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2113

garus [garys] n. m. (de Garus, n. de


l’inventeur ; 1762, Acad. [d’abord élixir de
Garus, 1755, Encyclopédie, t. V, p. 511 a]).
Élixir composé de cannelle, de safran, de
muscade, etc., employé comme stoma-
chique : Allons chez Bridoux prendre un
verre de garus (Flaubert).

garzette [garzɛt] n. f. (sans doute var. du


suiv. ; 1872, Larousse [garchote, même sens,
1611, Cotgrave]). Héron du genre aigrette.

garzotte [garzɔt] n. f. (origine inconnue ;


fin du XVe s., puis 1555, Belon, écrit garsote ;
garzotte, garsotte, 1826, Mozin). Nom usuel
de la sarcelle commune. (On écrit aussi
GARSOTTE.)

gas-cap [gaskap] n. m. (loc. angl., de gas,


gaz [de même étym. que le franç. gaz, v.
ce mot], et de cap, bonnet, chape [empr.
de cape, var. normanno-picarde du franç.
chape] ; milieu du XXe s.). Dans l’extraction
du pétrole, nom donné à la calotte formée
par du gaz accumulé dans un dôme ou un
anticlinal.

• Pl. des GAS-CAPS.

gascon, onne [gaskɔ̃, -ɔn] adj. et n.


(lat. pop. *Wasco, -conis, altér., sous l’in-
fluence de la prononciation germanique
[qui ne possédait pas de v], du lat. class.
Vasco, -conis, Vascon [les Vascons étaient
un peuple habitant les deux versants des
Pyrénées] ; 1622, Ch. Sorel, au sens 2 [une
offre de Gascon, XXe s. ; en Gascon, 1678, La
Fontaine] ; sens 1, 1640, Oudin [mais sans
aucun doute beaucoup plus anc.]). 1. Qui est
originaire de la Gascogne, ou qui habite la
Gascogne : Un gentilhomme gascon. De tous
les rois de Bonaparte, un seul est resté ! et
Bernadotte est Gascon... (Balzac). ‖ 2. Fam.
Qui a les traits marquants des Gascons :
ingénieux, plaisant, mais vantard, fanfaron
(vieilli) : Sans être gascon, je puis dire | Que
je suis un merveilleux sire (La Fontaine).
‖ Une offre de Gascon, une proposition
qui n’est pas sérieuse. ‖ En Gascon, habi-
lement, sans se compromettre : Se tirer en
Gascon d’une affaire délicate.

& adj. (sens 1, 1687, Th. Corneille ; sens


2, 1669, Boileau). 1. Qui se rapporte à
la Gascogne ou à ses habitants : Le dia-
lecte gascon. L’accent gascon. Les moeurs
gasconnes. ‖ 2. Empreint de raillerie, de
moquerie ou de vantardise : Le quolibet
gascon (Hugo).

& gascon n. m. (v. 1360, Froissart). Dialecte


de la langue d’oc propre aux habitants de
la Gascogne.

gasconisme [gaskɔnism] n. m. (de


gascon ; 1584, Joseph Juste Scaliger).
Locution, prononciation propres au gascon.

gasconnade [gaskɔnad] n. f. (de gascon ;


v. 1600, L’Estoile). Fanfaronnade, hâble-
rie, exagération de Gascon, digne d’un
Gascon : Il amusait la galerie de ses gas-
connades (Daudet).

gasconnant, e [gaskɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de gasconner ; fin du XIXe s.,
A. Daudet). Qui a l’accent gascon : Une
parole légèrement gasconnante (Goncourt) ;
et substantiv. : Un trait de caractère qui
achèvera de peindre le Gambetta d’alors :
cette voix de porte-voix, ce parleur terrible,
ce grand gasconnant n’était pas Gascon
(Daudet).

gasconner [gaskɔne] v. intr. (de gascon ;


fin du XVIe s., Vauquelin de La Fresnaye,
comme v. tr., au sens de « prononcer avec
l’accent gascon » ; sens 1, 1838, Balzac ;
sens 2, 1660, Oudin). 1. Parler avec l’accent
gascon : Godefroy ne grasseyait pas, ne gas-
connait pas, ne normandisait pas (Balzac).
‖ 2. Se vanter, dire des gasconnades ; en
faire accroire : La gloire [...] gasconne avec
ceux qui se fient à elle et qui croient qu’elle
ne peut tromper ! (Barbey d’Aurevilly).

& v. tr. (sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 2,


av. 1778, J.-J. Rousseau). 1. Class. Voler : Il
me gasconna mes plumes, mon canif et mon
écritoire (Ch. Sorel). ‖ 2. Tromper par des
hâbleries : Mon père m’a écrit une lettre de
vrai Gascon ; et qui pis est, c’est que c’est
bien moi qu’il gasconne (Rousseau).

gas-oil ou gasoil [gazɔjl ou gazwal] n. m.


(loc. anglo-améric., de gas, gaz [de même
étym. que le franç. gaz, v. ce mot], et oil,
huile, pétrole [de oile, forme anc. du franç.
huile, v. ce mot] ; 1930, Larousse). Produit
pétrolier jaune clair, légèrement visqueux,
utilisé comme carburant et comme com-
bustible. ‖ Gasoil de chauffe, v. FUEL-OIL
domestique. ‖ Gas-oil moteur, carburant
pour les moteurs Diesel.

gasoline n. f. V. GAZOLINE.

gaspacho [gaspatʃo] n. m. (mot esp. ;


1872, Larousse). Sorte de salade consom-
mée en Espagne, faite de tranches de pain,
de concombres et de tomates coupés en
petits morceaux, de cerfeuil, de per-
sil et d’oignons, et assaisonnée d’huile,
de vinaigre, de sel, de poivre, d’ail et de
piment : Allons, cher, goûte-moi de ce gas-
pacho à la sévillane (Bertrand).

gaspillage [gaspijaʒ] n. m. (de gaspiller ;


1732, Ph. Hecquet, au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse). 1. Action de gaspiller : Il avait
vu [...] le luxe inintelligent du parvenu, le
gaspillage de la femme entretenue (Balzac).
‖ 2. Fig. Le fait de prodiguer quelque chose
d’une façon désordonnée et sans profit :
Le gaspillage des talents. Les caresses sem-
blaient à Mme de Séryeuse gaspillage du
coeur (Radiguet).

• SYN. : 1 dilapidation, dissipation, gabegie ;


2 galvaudage (fam.), perte ; prodigalité.

gaspillard [gaspijar] adj. m. (de gaspiller ;


1862, Michelet [le mot semble être un hapax
de cet écrivain]). Péjor. Qui gaspille, qui use
des choses en causant beaucoup de perte :
Tant de grands seigneurs [...] traînaient
après aux leurs maisons, leurs nombreux

domestiques, un peuple gaspillard, qui der-


rière lui laissait beaucoup (Michelet).

gaspiller [gaspije] v. tr. (croisement de


gapailler, rejeter les balles de blé [mot de
l’Ouest], avec le provenç. gaspilha, grapiller,
gaspiller [à rapprocher de l’anc. provenç.
gaspa, fromage au lait caillé — 1450, Pansier
—, provenç. moderne gaspo, petit-lait], tous
ces termes se rattachant probablem. à un
gaulois *waspa, qui aurait signifié « nour-
riture », puis « nourriture du bétail » et
« déchet » ; 1549, R. Estienne, au sens 1 ;
sens 2, 1829, Boiste). 1. Dépenser avec pro-
fusion ; consommer abondamment sans
utilité et sans discernement : Gaspiller sa
fortune. Il commence à croire qu’il a tout
perdu ou gaspillé dans une journée d’orgie
qui a suivi le crime (Daudet). Nous [...]
qui gaspillons le charbon sans souci des
générations à venir (Gide). ‖ 2. Fig. Faire
un emploi désordonné et sans profit du
temps, d’une faculté, etc. : Cela ne nous
empêche pas de gaspiller nos années, de jeter
au vent ces heures qui sont pour l’homme
les semences de l’éternité (Chateaubriand).
Un coeur, qui aurait aimé tard et beaucoup,
gaspillera en chemin sa faculté de sentir
(Sainte-Beuve). Gaspiller son talent.

• SYN. : 1 claquer (fam.), croquer (fam.),


dilapider, dissiper, prodiguer ; 2 gâcher,
galvauder, perdre.

gaspilleur, euse [gaspijoer, -øz] adj. et


n. (de gaspiller ; 1538, R. Estienne). Qui
gaspille : Bourdon traitait La Hourmerie
de paperassier et de gaspilleur (Courteline).
L’argent sera prêt pour les folies que tu
médites, gaspilleuse (M. Prévost).

• SYN. : dépensier, dilapidateur, dissipateur,


gâcheur, prodigue.

gassendisme [gasɛ̃dism] n. m. (de


gassendiste ; 1865, Littré). Doctrine phi-
losophique de Gassendi et de ses disciples.

gassendiste [gasɛ̃dist] adj. (du n. du


philosophe français Pierre Gassendi [1592-
1655] ; 1865, Littré). Qui concerne le gassen-
disme : Le sensualisme gassendiste.

& adj. et n. (1665, Graindorge). Qui professe


le gassendisme : Les philosophes gassen-
distes. Il y devint gassendiste et épicurien
(France).

gaster [gastɛr] n. m. (bas lat. gaster,


-teris, ventre, gr. gastêr, -tros ou -teros,
ventre, estomac ; 1611, Cotgrave [comme
n. pr., Messer Gaster, « l’Estomac », 1552,
Rabelais]). Vx. et plaisamm. L’estomac, le
ventre : À la voir [la royauté] par certains
côtés, Messer Gaster en est l’image (La
Fontaine).

gastéria [gasterja] n. m. (mot du lat.


scientif. moderne ; 1875, Zola). Plante
d’Afrique du Sud, voisine de l’aloès : Les
gastérias élargissaient des pattes de grands
faucheux renversés (Zola).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2114
gastéro- [gastero], gastr(o)- [gastr],
premier élément de nombreux mots
savants composés, tiré du gr. gastêr, -tros
ou -teros, ventre, estomac.

gastéropode n. m. V. GASTROPODE.

gasthof [gastof] n. m. (mot allem. signif.


« auberge, hôtel », de Gast, hôte, et Hof,
cour, ferme ; av. 1872, Th. Gautier). Hôtel,
restaurant : Il pirouetta sur ses talons et s’en
alla d’un pas délibéré au gasthof de « l’Aigle
à deux têtes » (Gautier).

gastr-. V. GASTÉRO-.

gastralgie [gastralʒi] n. f. (de gastr- et


de -algie, du gr. algos, souffrance ; 1835,
Acad.). Douleur vive localisée à l’épigastre
et accompagnée de divers troubles diges-
tifs : Cette détraquée aux traits dévorés
de gastralgie (Daudet). La gastralgie, c’est
l’estomac présent à la conscience, comme
qualité pure de douleur (Sartre).

gastralgique [gastralʒik] adj. (de gastral-


gie ; 1845, J.-B. Richard de Radonvilliers,
au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Qui a rapport
à la gastralgie. ‖ 2. Qui est atteint de gas-
tralgie : Un fumoir pour millionnaires
gastralgiques, orange, noir et vert, avec du
galuchat (Arnoux).

gastrectasie [gastrɛktazi] n. f. (de


gastr- et du gr. ektasis, extension, dér. de
ekteinein, étendre, de ek-, préf. marquant
le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur,
et de teinein, tendre ; XXe s.). Dilatation de
l’estomac.

gastrectomie [gastrɛktɔmi] n. f. (de


gastr- et de -ectomie, du gr. ektomê, cou-
pure, entaille, amputation, dér. de ektem-
nein, extraire par incision, de ek-, préf.
marquant le mouvement de l’intérieur
vers l’extérieur, et de temnein, couper ;
1888, Larousse). Opération chirurgicale
qui consiste à enlever l’estomac en totalité
ou en partie.

gastrectomiser [gastrɛktɔmize] v. tr.


et intr. (de gastrectomie ; XXe s.). Pratiquer
une gastrectomie.

gastrine [gastrin] n. f. (dér. savant du gr.


gastêr, -tros, estomac ; XXe s.). Substance
hormonale formée dans la muqueuse de
l’estomac, et qui agit sur la sécrétion de
cet organe.
gastrique [gastrik] adj. (dér. savant du gr.
gastêr, -tros, estomac ; v. 1560, Paré, comme
n. f., au sens de « vaisseau sanguin proche
de l’estomac » ; comme adj., au sens actuel,
1762, Acad.). Qui a rapport à l’estomac :
Lésion gastrique. ‖ Embarras gastrique,
v. EMBARRAS. ‖ Suc gastrique, liquide
sécrété par l’estomac et qui contribue à la
digestion.

gastrite [gastrit] n. f. (lat. scientif.


moderne gastritis, dér. du gr. gastêr, -tros,
estomac ; 1803, Boiste). Inflammation de
la membrane intérieure de l’estomac :

Légèrement atteint de gastrite et toujours


très inquiet de sa santé, il ne manquait
jamais, en sortant de table, de se promener
pendant un quart d’heure, à grands pas, en
quelque endroit qu’il fût (Daudet).

gastro-. V. GASTÉRO-.

gastrocèle [gastrɔsɛl] n. f. (de gastro-


et de -cèle, gr. kêlê, tumeur, hernie ; 1772,
Gouvion). Hernie de l’estomac entre les
muscles grands droits de l’abdomen.

gastro-colique [gastrokɔlik] adj. (de


gastro- et de côlon ; 1865, Littré). Qui appar-
tient à l’estomac et au côlon.

gastro-colite [gastrokɔlit] n. f. (de gas-


tro- et de colite ; 1865, Littré). Inflammation
simultanée de l’estomac et du côlon.

gastro-duodénal, e, aux
[gastrodɥodenal, -o] adj. (de gastro- et de
duodénal ; 1865, Littré). Relatif à l’estomac
et au duodénum.

gastrodynie [gastrɔdini] n. f. (de gas-


tro- et du gr. odunê, douleur ; 1865, Littré).
Douleur névralgique de l’estomac.

gastro-entérique [gastroɑ̃terik] adj.


(de gastro-entérite, d’après entérique ;
1872, Larousse). Qui se rapporte à la
gastro-entérite.

gastro-entérite [gastroɑ̃terit] n. f.
(de gastro- et de entérite ; 1823, Boiste).
Inflammation simultanée des muqueuses
de l’estomac et de l’intestin.

gastro-entérocolite [gastroɑ̃terokɔlit]
n. f. (de gastro- et de entérocolite ; 1865,
Littré). Inflammation qui s’étend à l’esto-
mac, à l’intestin grêle et au côlon.
gastro-entérologie [gastroɑ̃terɔlɔʒi]
n. f. (de gastro-, de entéro- [élément tiré
du gr. enteron, intestin], et de -logie [du gr.
logos, discours, science] ; milieu du XXe s.).
Partie de la médecine qui traite des affec-
tions du tube digestif.

gastro-entérologue [gastroɑ̃terɔlɔg]
n. (de gastro-entérologie ; milieu du XXe s.).
Médecin spécialiste des affections du tube
digestif.

gastro-entéroptôse [gastroɑ̃terɔptoz]
n. f. (de gastro-, de entéro- [élément tiré du
gr. enteron, intestin] et de ptôse ; XXe s.).
Déplacement pathologique de l’estomac
et de l’intestin vers le bas.

gastro-entérostomie
[gastroɑ̃terɔstɔmi] n. f. (de gastro-, de
entéro- [élément tiré du gr. enteron, intes-
tin] et du gr. stoma, bouche, ouverture, ori-
fice ; XXe s.). Opération chirurgicale qui
consiste à aboucher l’estomac avec une
anse intestinale.

gastro-épiploïque [gastroepiplɔik] adj.


(de gastro- et de épiploon ; 1865, Littré).
Qui appartient à l’estomac et à l’épiploon :
Artères gastro-épiploïques.

gastro-intestinal, e, aux
[gastroɛ̃tɛstinal, -o] adj. (de gastro- et de
intestinal ; 1808, Broussais). Qui a rapport
à la fois à l’estomac et à l’intestin.

gastrolâtre [gastrɔlɑtr] n. (de gastro- et


de -lâtre, du gr. latreuein, être esclave ; 1552,
Rabelais). Personne qui ne vit que pour
les plaisirs de la table (rare) : La digestion
[...] constitue un combat intérieur qui, chez
les gastrolâtres, équivaut aux plus hautes
jouissances de l’amour (Balzac).

gastrologie [gastrɔlɔʒi] n. f. (gr. gastro-


logia, traité de la gourmandise [titre d’un
ouvrage d’Arkhestratos], de gastêr, -tros,
estomac, et de logos, discours, science ;
1836, Landais). Science qui se donne pour
objet les règles à observer pour bien manger
et bien boire. (Rare.)

• SYN. : gastronomie.

gastrolyse [gastrɔliz] n. f. (de gastro- et


de -lyse, gr. lusis, action de délier, dissolu-
tion, fin ; XXe s.). Opération chirurgicale qui
consiste à libérer l’estomac de certaines de
ses adhérences normales ou pathologiques.
gastronome [gastrɔnɔm] n. (de gas-
tronomie ; 1803, Croze-Magnan, au sens
1 ; sens 2, XXe s.). 1. Personne qui connaît
et pratique l’art de bien manger : Brillat-
Savarin a justifié par parti pris les goûts des
gastronomes (Balzac). ‖ 2. Personne qui
sait préparer de bons repas : Mon père [...]
était aussi un gastronome avisé, et nombre
de plats raffinés portent également son nom
(Cendrars).

• SYN. : 1 gourmet.

gastronomie [gastrɔnɔmi] n. f. (gr. gas-


tronomia, traité de la gourmandise [titre
d’un ouvrage d’Arkhestratos — var. de
gastrologia, v. GASTROLOGIE —, traduit en
français sous le titre de Gastronomie... dès le
début du XVIIe s.], de gastêr, -tros, estomac,
et de nomos, usage, loi ; 1801, Berchoux, au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Art de la bonne
chère : La gastronomie est particulièrement
développée en France. ‖ 2. Art de la prépa-
ration des bons repas.

gastronomique [gastrɔnɔmik] adj. (de


gastronomie ; 1823, Boiste [pour un repas,
un menu, XXe s.]). Qui a rapport à la gastro-
nomie : Il abondait en savantes recettes de
cuisine et en bons préceptes gastronomiques
(France). ‖ Par extens. Se dit d’un repas,
d’un menu dont la cuisine est soignée et
abondante.

gastropexie [gastrɔpɛksi] n. f. (de


gastro- et du gr. pêxis, action d’emboîter,
d’ajuster, dér. de pêgnunai, fixer ; XXe s.).
Fixation chirurgicale de l’estomac.

gastroplastie [gastrɔplasti] n. f. (de gas-


tro- et de -plastie, du gr. plassein ou plat-
tein, façonner, modeler ; XXe s.). Nom donné
à diverses opérations plastiques portant sur
l’estomac, en particulier à l’oblitération
d’une perforation d’ulcère.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2115

gastropode [gastrɔpɔd] ou gasté-


ropode [gasterɔpɔd] n. m. (de gastro-,
gastéro-, et de -pode, du gr. pous, podos,
pied ; 1795, Magasin encyclopédique [t. II,
p. 448], écrit gastéropode ; gastropode, 1872,
Larousse). Animal appartenant à une classe
de mollusques qui rampent sur un pied
élargi et musclé : Nous ne concevons pas
que quelques originaux d’entre les gastéro-
podes prennent à gauche ce que les autres
prennent à droite (Valéry).

gastroptôse [gastrɔptoz] n. f. (de gas-


tro- et de ptôse ; XXe s.). Déplacement de
l’estomac vers le bas, par suite de sa dila-
tation et du relâchement de ses ligaments
de suspension. (Syn. PTÔSE GASTRIQUE.)

gastrorragie [gastrɔraʒi] n. f. (de gas-


tro- et de [hémo]rragie ; 1872, Larousse).
Hémorragie de l’estomac.

gastrorraphie [gastrɔrafi] n. f. (gr.


gastrorraphia, suture d’une plaie ou d’une
incision au bas-ventre, de gaster, -tros, esto-
mac, ventre, et de rhaptein, coudre ; 1539,
Canappe). Suture d’une plaie à l’estomac.

gastrorrhée [gastrɔre] n. f. (de gastro-


et de -rrhée, du gr. rheîn, couler ; 1865,
Littré). Sécrétion muqueuse abondante de
l’estomac, entraînant, surtout le matin, des
vomissements de mucosités qu’on désigne
aussi sous le nom de « pituite ».

gastroscope [gastrɔskɔp] n. m. (de


gastro- et de -scope, du gr. skopeîn, obser-
ver ; 1930, Larousse [art. gastroscopie]).
Endoscope spécial pour l’estomac.

gastroscopie [gastrɔskɔpi] n. f. (de gas-


tro- et de -scopie, du gr. skopeîn, observer ;
1930, Larousse). Observation de l’intérieur
de l’estomac avec le gastroscope.

gastrospasme [gastrɔspasm] n. m.
(de gastro- et de spasme ; 1878, Larousse).
Contraction totale de la tunique muscu-
laire de l’estomac.

gastrostomie [gastrɔstɔmi] n. f. (de


gastro- et du gr. stoma, bouche, embou-
chure, orifice ; 1888, Larousse). Opération
chirurgicale consistant à aboucher l’esto-
mac à la paroi abdominale dans certains
cas d’affections de l’oesophage.

gastrotechnie [gastrɔtɛkni] n. f. (de gas-


tro- et de -technie, du gr. tekhnê, art ; milieu
du XXe s.). Science qui étudie l’influence des
préparations culinaires sur la digestibilité
des aliments et les meilleures conditions
de leur présentation.

gastrotomie [gastrɔtɔmi] n. f. (de gas-


tro- et de -tomie, du gr. tomê, coupure,
incision, ablation, dér. de temnein, couper ;
1611, Cotgrave). Opération chirurgicale
consistant à inciser les parois de l’estomac.

gastrotonométrie [gastrɔtɔnɔmetri]
n. f. (de gastro- et de tonométrie ; XXe s.).
Mesure de la tonicité des muscles de
l’estomac.

gastrovolumétrie [gastrɔvɔlymetri]
n. f. (de gastro-, de volu[me] et de -métrie
[du gr. metron, mesure] ; XXe s.). Mesure de
la capacité de la poche stomacale.

gastrula [gastryla] n. f. (mot du lat. scien-


tif. moderne, créé [v. 1870] par le naturaliste
allemand E. H. Haeckel [1834-1919] sur le
lat. class. gastra, vase ventru, dér. de gas-
ter, ventre [v. GASTER] ; 1888, Larousse).
Troisième stade du développement
embryonnaire des métazoaires : La gas-
trula succède à la morula et à la blastula.

gastrulation [gastrylasjɔ̃] n. f. (mot


allem., créé en 1879 par Haeckel sur gas-
trula [v. l’art. précéd.] ; 1901, Larousse). Une
des phases du développement de l’oeuf des
métazoaires, qui aboutit à la formation
d’une gastrula.

gat [gat] n. m. (mot angl. de même sens,


var. de gate, même sens [début du XVIIIe s.],
proprem. « porte, barrière, passage » ; 1773,
Bourdé de Villehuet). Escalier pratiqué
sur une côte escarpée, pour arriver à un
embarcadère.

gâte- [gɑt], forme du v. gâter, employée


comme premier élément de mots composés.

gâté, e [gɑte] adj. (part. passé de gâter ;


v. 1190, Garnier de Pont-SainteMaxence, au
sens I, 1 ; sens I, 2, fin du XIIe s., Châtelain
de Coucy ; sens I, 3, milieu du XVIe s.,
Amyot ; sens II, 1549, R. Estienne [enfant
gâté ; « personne favorisée par la fortune »,
1659, Molière]).

I. 1. Se dit de ce qui est avarié, en état de


décomposition : Ce Brunner [...] est d’une
assez triste santé, chauve, les dents gâtées
(Balzac). Un fruit gâté. ‖ 2. Fig. Se dit de
ce qui est atteint de quelque altération :
Un langue gâtée comme la littérature de
leur temps (Villemain). Quelquefois le
temps était tout à fait gâté, il fallait rentrer
et rester enfermé dans la maison (Proust).
‖ 3. Vx. Se disait d’une personne atteinte
d’une maladie : Il vaut mieux que l’enfant
suce le lait d’une nourrice en santé que
d’une mère gâtée (Rousseau).
II. Se dit de quelqu’un qui est devenu
insupportable pour avoir été traité avec
trop d’indulgence, de complaisance : Elle
demanda [...] avec une ténacité de femme
volontaire et gâtée... (Maupassant). ‖ En-
fant gâté, enfant à qui l’on passe tous ses
caprices et qui en devient insupportable ;
par extens., personne favorisée par la for-
tune : Ainsi périt [...] un homme traité par
la nature en enfant gâté, car elle lui donna
le courage, le sang-froid et le sens politique
(Balzac).

• SYN. : I, 1 avarié, carié, décomposé, pourri,


putréfié ; 2 défectueux, détérioré, détestable,
mauvais. ‖ II capricieux ; chéri, favori.

— CONTR. : I, 1 frais, sain. ‖ II défavorisé,


déshérité.

& gâté n. m. (av. 1654, Guez de Balzac).


La partie gâtée d’une chose : Ôter le gâté
d’un fruit.

1. gâteau [gɑto] n. m. (lat. pop. *wastel-


lum, gâteau, du francique *wastil, même
sens ; v. 1138, Gaimar, écrit gastel [gas-
tiau, v. 1265, J. de Meung ; gasteau, XVe s. ;
gâteau, 1636, Monet], au sens 1 [« entre-
mets où la farine est remplacée par une
autre matière », 1865, Littré ; gâteau des
Rois, 1532, Rabelais ; c’est du gâteau, 1952,
G. Esnault] ; sens 2, 1658, Scarron [avoir
part au gâteau, 1587, F. de La Noue] ; sens
3, 1757, Encyclopédie [« morceau de cire
ou de terre dont les sculpteurs emplissent
l’intérieur du moule », 1676, Félibien] ; sens
4, 1680, Richelet). 1. Pâtisserie à base de
farine ou de fécule, de beurre, d’oeufs et
de sucre : Gâteau au chocolat, à la crème.
Gâteaux secs. ‖ Par extens. Entremets où la
farine est remplacée par une autre matière :
Gâteau de riz, de semoule. ‖ Gâteau des
Rois, v. GALETTE. ‖ Fig. et pop. C’est du
gâteau, c’est un travail, une affaire facile,
agréable. ‖ 2. Fig. et fam. Affaire avanta-
geuse : Rougon et sa clique se partageaient
le gâteau (Zola). ‖ Avoir, réclamer sa part
du gâteau, en parlant d’une personne qui
a contribué au succès d’une affaire, avoir,
réclamer sa part de profits ou d’avantages
dans cette affaire. ‖ 3. Matière qui, après
avoir été pressée ou s’être solidifiée, affecte
la forme d’un gâteau : Gâteau de marc de
raisin. Gâteau de plomb. ‖ Morceau de cire
ou de terre dont les sculpteurs emplissent
l’intérieur du moule. ‖ 4. Ensemble des
alvéoles en cire que construisent les abeilles
et les guêpes pour y déposer leur miel et
leurs oeufs, et pour y abriter les larves : Un
gâteau de miel. La voûte en gâteau d’abeilles
(Bourges).

• SYN. : 2 aubaine, fromage (fam.) ; 3 tour-


teau ; 4 gaufre.

2. gâteau [gɑto] adj. invar. (de gâter ;


1785, Restif). Fam. Qui gâte les enfants :
Papa gâteau. Après s’être montré [...] grand-
père gâteau, le baron emmena son fils dans
le jardin (Balzac).

gâte-bois [gɑtbwa] n. m. invar. (de gâte-


et de bois ; 1549, R. Estienne, au sens de
« mauvais menuisier » [attesté dès 1397

— Godefroy — comme n. pr. ou surnom,


sous la forme Gasteboys] ; sens actuel, 1829,
Boiste). Nom usuel d’un papillon du genre
cossus, dont la chenille creuse des galeries
dans le bois des arbres.

gâte-bourse [gɑtburs] n. m. invar. (de


gâte- et de bourse ; 1877, A. Daudet [le mot
semble être un hapax de cet écrivain]).
Filou, voleur (rare) : Il allait peut-être, en
débarquant, avoir des démêlés avec la police
italienne comme un vulgaire gâte-bourse
(Daudet).

gâte-enfant [gɑtɑ̃fɑ̃] n. (de gâte- et de


enfant ; 1700, Pomey, au sens de « cor-
rupteur de la jeunesse » ; sens moderne,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2116

1748, Brunot). Vx. Celui ou celle qui


gâte les enfants : Il y a loin de ces parents
sévères aux gâte-enfants d’aujourd’hui
(Chateaubriand).

• Pl. des GÂTE-ENFANT ou -ENFANTS.

gâte-fête [gɑtfɛt] n. (de gâte- et de fête ;


fin du XIXe s., A. Daudet). Dialect. Syn.
de TROUBLE-FÊTE : Il nous est arrivé un
méchant garçon, un trouble-joie, un gâte-
fête (Daudet).

• Pl. des GÂTE-FÊTE ou -FÊTES.

gâte-métier [gɑtmetje] n. m. (de gâte- et


de métier ; 1596, Hulsius, au sens de « celui
qui fait mal son métier » ; sens moderne,
1615, Montchrestien). Vx. Celui qui tend
à rendre un métier moins lucratif en tra-
vaillant à un prix trop bas.

• Pl. des GÂTE-MÉTIER ou -MÉTIERS.

gâte-papier [gɑtpapje] n. m. invar. (de


gâte- et de papier ; XIIIe s., Dict. général).
Vx. Mauvais écrivain.

gâte-pâte [gɑtpɑt] n. m. invar. (de gâte-


et de pâte ; 1690, Furetière, au sens 1 ; sens
2, 1798, Acad.). 1. Vx et fam. Mauvais bou-
langer, mauvais pâtissier. ‖ 2. Vx. Celui qui
fait mal son métier.

gâter [gɑte] v. tr. (lat. pop. *wastare, altér.


[sous l’influence du radical germanique
*wōst- exprimant la destruction] du lat.
class. vastare, rendre désolert, dépeupler,
dévaster, ravager, désoler, ruiner, dér. de
vastus, vide, désert, désolé, dévasté ; 1080,
Chanson de Roland, écrit guaster [gaster,
v. 1155, Wace ; gâter, 1636, Monet], au
sens I, 1 ; sens I, 2, v. 1770, J.-J. Rousseau
[« endommager, en général », v. 1240,
G. de Lorris] ; sens I, 3, 1636, Monet ; sens
I, 4, 1530, Palsgrave [waster, « souiller », v.
1190, Sermons de saint Bernard] ; sens I,
5, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy [cela
ne gâte rien, av. 1778, Voltaire ; gâter ses
affaires, 1694, Acad. ; se gâter la main,
1835, Acad. ; gâter le métier, 1640, Oudin ;
gâter les prix, XXe s.] ; sens I, 6, début du
XVIIe s., Malherbe [« affliger — quelqu’un
— », v. 1190, Sermons de saint Bernard] ;
sens I, 7, 1580, Montaigne ; sens I, 8, 1538,
R. Estienne ; sens II, 1, 1530, Palsgrave ; sens
II, 2, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné [ne pas
gâter quelqu’un, av. 1902, Zola]).

I. 1. Class. Ravager, dévaster : Son dis-


cours dura tant que la maudite engeance
| Eut le temps de gâter en cent lieux le
jardin (La Fontaine). ‖ 2. Vx. Abîmer
une chose en la déformant, en la cas-
sant : Nous gâtions les outils de mon bon
vieux grand-père pour faire des montres
(Rousseau). ‖ 3. Altérer par putréfac-
tion, corrompre des denrées périssables :
La chaleur orageuse a gâté la viande.
‖ 4. Abîmer une chose en la salissant
(vieilli) : Mon Dieu ! que j’ai pleuré dans
le train en m’en retournant ! [...] J’en ai
gâté ma robe (Bourget). ‖ 5. Fig. Nuire à
la qualité de quelque chose, en provoquer

la dégradation : Somme toute, lorsque je


considère l’ensemble et l’imperfection de
ma nature, est-il certain que le mariage
ait gâté ma destinée ? (Chateaubriand).
La joie de l’oeuvre finie gâte l’oeuvre qu’on
commence ; on croit encore que c’est facile
(Renard). Je ne veux pas gâter votre plai-
sir (Proust). Ne gâtons pas nos derniers
instants (Gide). L’abus de l’alcool a gâté
son talent. ‖ Cela ne gâte rien, c’est un
avantage de plus. ‖ Fam. et vx. Gâter
ses affaires, perdre la faveur qu’on avait
auprès d’une personne. ‖ Vx. Se gâter
la main, perdre de son habileté faute
d’exercice ou par des habitudes vicieuses.
‖ Gâter le métier, gâter les prix, rendre le
métier moins avantageux, provoquer une
baisse des prix en travaillant ou en ven-
dant à bas prix : Avec la crise, la chaussure
n’allait pas fort, et l’article tchécoslovaque
gâtait les prix (Aymé). [On dit plutôt auj.
GÂCHER LE MÉTIER, LES PRIX.] ‖ 6. Class.
Gâter quelqu’un, nuire à sa réputation, le
desservir : Puisque je ne trouvais pas ce
service au-dessous de moi, les gendarmes
et les chevau-légers ne seraient ni désho-
norés, ni gâtés de m’imiter (Saint-Simon).
‖ 7. Class. Gâter quelqu’un, nuire à ses
qualités intellectuelles : Notre concitoyen,
disaient-ils en pleurant, | Perd l’esprit, la
lecture a gâté Démocrite (La Fontaine).
‖ 8. Class. et littér. Gâter quelqu’un, le
corrompre moralement, lui donner de
mauvaises habitudes : Là les censeurs
seraient gâtés par ceux mêmes qu’ils de-
vraient corriger (Montesquieu). « Taisez-
vous, répondeuse !... — Oh ! je sais, ce sont
les autres bonnes qui vous gâtent » (Zola).

II. 1. Traiter quelqu’un avec trop d’in-


dulgence, de complaisance : Un jeune
homme qu’avait élevé avec amour et gâté,
comme on dit, une mère bonne, mais iné-
gale d’humeur (Sainte-Beuve). Il ne faut
pas gâter les enfants (Vallès). ‖ 2. Traiter
quelqu’un avec une grande bonté, le com-
bler de présents, de prévenances : Mes
fils aînés ne m’ont point aimée, ne m’ont
point gâtée... (Maupassant). ‖ Ne pas gâ-
ter quelqu’un, par euphémisme, être dur
pour lui : Jusqu’ici, le sort ne nous avait
pas gâtés (Zola).

• SYN. : I, 3 abîmer, avarier, décompo-


ser, pourrir, putréfier ; 5 empoisonner,
gâcher, gaspiller, perdre. ‖ II, 1 choyer,
couver (fam.), dorloter (fam.) ; 2 combler.

— CONTR. : I, 5 améliorer, bonifier. ‖ II, 1


corriger, punir, sévir ; 2 brusquer, malme-
ner, maltraiter, rudoyer.

& se gâter v. pr. (sens 1, 1538, R. Estienne ;


sens 2, 1662, Molière ; sens 3, 1732, Lesage
[cela se gâte, 1865, Littré] ; sens 4, 1865,
Littré). 1. Être gagné par la corrup-
tion, pourrir : Les fruits se gâtent sur
l’arbre. ‖ 2. Perdre son prix, sa valeur :
Il n’y a pas qualité si plaisante de la jeu-
nesse, qui ne puisse, à vieillir, se gâter
(Gide). ‖ 3. Prendre mauvaise tournure :

Malheureusement, avant la fin du jour, les


choses se gâtèrent (Daudet). ‖ Cela se gâte,
les choses prennent une fâcheuse tour-
nure. ‖ 4. En parlant du temps, devenir
mauvais : Le temps, splendide depuis deux
semaines, commence à se gâter (Gide).

• SYN. : 1 se corrompre, se décomposer, moi-


sir, se piquer, se putréfier, tourner ; 2 s’alté-
rer, se dégrader, se délabrer, se déprécier, se
dévaluer ; 4 s’assombrir.

gâterie [gɑtri] n. f. (de gâter ; début


du XVIIe s., au sens de « altération [d’un
texte] » ; sens 1, 1815, Revue historique [III,
103] ; sens 2, 1887, Zola [« friandise », av.
1890, Maupassant]). 1. Acte par lequel on
gâte quelqu’un : Ne pas savoir quelles gâte-
ries inventer pour plaire. C’était une enfant
[...] pour qui toute la maison n’avait été que
des gâteries (Daudet). ‖ 2. Petit cadeau :
Je leur enverrai des gâteries de Paris
(Maupassant). ‖ Spécialem. Friandise.

• SYN. : 2 douceurs, gourmandises, sucreries.

gâte-sauce [gɑtsos] n. m. invar. (de gâte-


et de sauce ; 1808, d’Hautel, au sens 1 ; sens
2, 1840, Acad.). 1. Fam. Mauvais cuisinier.
‖ 2. Marmiton : On confia la queue de la
poêle à d’autres gâte-sauce (Zola).

gâteur, euse [gɑtoer, -øz] n. (de gâter ;


v. 1213, Fet des Romains, écrit gasteur
[gâteur, XVIIe s.], au sens de « celui qui
gaspille » ; XVe s., au sens de « celui qui
ravage » ; gasteur de filles, « séducteur »,
fin du XVIe s., G. Bouchet ; gâteur de papier,
1680, Richelet). Fam. Personne qui altère
ou dénature quelque chose (rare) : Milton,
ce barbare, gâteur de l’enfer et du diable du
Tasse (Chateaubriand).

gâteux, euse [gɑtø, -øz] adj. et n. (de


gâter [de l’eau], pisser [1835, Platt], lâcher
inconsciemment les urines et les selles
[1877, Littré], avec le suff. dialect. -eux [qui
correspond au franç. -eur], employé ici par
dérision ; 1836, Acad., au sens 1 ; sens 2,
milieu du XIXe s., Baudelaire ; sens 3, 1893,
Courteline). 1. Malade atteint de gâtisme,
qui ne contrôle plus ses fonctions élémen-
taires. ‖ 2. Personne dont l’intelligence est
affaiblie par l’âge ou par la maladie, qui
est atteinte d’artériosclérose cérébrale : Ce
n’est que par pitié que l’on s’intéresse aux
tribulations de ce vieillard gâteux, victime
de sa fatuité, de sa suffisance sénile, de sa
sottise (Gide). ‖ 3. Fig. et fam. Débile men-
tal, imbécile : Il est inouï de penser que sur
trois expéditionnaires, l’un soit fou, le deu-
xième gâteux et le troisième à l’enterrement
(Courteline). ‖ Spécialem. Qui est dominé
par une passion au point d’en perdre tout
bon sens : Il se passionne pour les courses
de chevaux au point d’en devenir gâteux.
• SYN. : 2 diminué, gaga (fam.), ramolli
(fam.), sénile ; 3 idiot, simple d’esprit.

gâthâ [gɑtɑ] n. m. (mot sanskr. ; XXe s.).


Recueil d’hymnes zoroastriens qui for-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2117

ment les éléments les plus anciens d’une


des sections de l’Avesta.

gâthique [gɑtik] adj. (de gâthâ ; XXe s.,


comme adj. et n.). Qui se rapporte aux
gâthâs.

& n. m. Langue dans laquelle sont rédigés


les gâthâs.

gâtification [gɑtifikasjɔ̃] n. f. (de gâti-


fier ; milieu du XXe s.). Le fait de devenir
gâteux.

gâtifier [gɑtifje] v. intr. (de gâti-, élé-


ment tiré de gâteux, et de -fier, du lat.
facere, faire ; milieu du XXe s., aux sens
1-2). 1. Devenir gâteux. ‖ 2. Fam. Avoir
un comportement de gâteux.

gâtine [gɑtin] n. f. (de l’anc. franç. guast,


dévasté [en parlant d’un pays], ruiné, en
mauvais état, solitaire [1080, Chanson
de Roland], du lat. vastus, avec influence
phonétique du germ. *wōst- [v. GÂTER] ; v.
1120, Psautier de Cambridge, écrit guastine
[gastine, v. 1138, Gaimar ; gâtine, XVIIe s.],
au sens 2 ; sens 1, 1907, Larousse). 1. Terre
imperméable, marécageuse et stérile.
‖ 2. Terme géographique désignant un
certain nombre de régions pauvres : La
gâtine vendéenne.

gâtisme [gɑtism] n. m. (de gâteux ; 1871,


Flaubert, au sens 3 ; sens 1, 1907, Larousse ;
sens 2, XXe s.). 1. État des personnes
atteintes d’incontinence d’urine et de
matières fécales. ‖ 2. État des sujets atteints
d’artériosclérose cérébrale. ‖ Par extens.
État des personnes affaiblies par l’âge ou
par la maladie, et dont les facultés intel-
lectuelles sont plus ou moins altérées : Les
indigènes des derniers villages sont impalu-
dés jusqu’au gâtisme (Malraux). ‖ 3. Fig. et
fam. État d’une personne, d’un esprit qui
semble retombé en enfance : La bourgeoi-
sie a remplacé la noblesse, sombrée dans
le gâtisme ou dans l’ordure (Huysmans).
• SYN. : 2 ramollissement, sénilité ; 3 abê-
tissement, abrutissement, crétinisme,
imbécillité.

gatte [gat] n. f. (var. régionale de jatte


[la forme de la gatte rappelant celle
d’une jatte] ; 1552, Rabelais, au sens de
« hune » ; sens actuel, 1694, Th. Corneille).
Emplacement, à l’avant d’un navire, où sont
lovées les chaînes d’ancre et qui reçoit l’eau
pénétrant par les écubiers.

gattilier [gatilje] n. m. (de l’esp. gatillo,


même sens, altér. [peut-être sous l’influence
de gatto, chat, bas lat. cattus, chat] de [agno]
castil, même sens, proprem. « [agneau]
chaste », du lat. agnus, agneau, et castus,
pur, chaste, saint [le nom scientif. de l’ar-
buste est agnus cas-tus] ; 1755, Duhamel
du Monceau). Arbrisseau méditerranéen
de la famille des verbénacées, à longues
grappes de fleurs mauves, appelé aussi
poivre sauvage : Il reconnaissait le platane
et le gattilier (Hermant).

gattine [gatin] n. f. (dauphinois gatino,


même sens, mot de même étym. que l’anc.
franç. gastine, dévastation [v. 1138, Gaimar
— v. GÂTINE] ; 1865, Littré). Maladie des
vers à soie, voisine de la flacherie.

1. gauche [goʃ] adj. (déverbal de gauchir ;


XIVe s., Littré, comme adv., dans interpréter
gauche, « interpréter en faussant le sens
du texte » ; comme adj., au sens I, 1, 1580,
Montaigne [« mal fait, mal tourné, de tra-
vers », milieu du XVIe s., Amyot] ; sens I,
2, 1676, Félibien [aussi surface gauche et
courbe gauche ; droites gauches, XXe s.] ; sens
I, 3, 1900, Dict. général ; sens II, 1, 1660,
Oudin ; sens II, 2, 1671, Pomey ; sens II,
3, 1872, Larousse [pour un raisonnement,
1683, Mme de Sévigné]).

I. 1. Qui est oblique, qui présente une


déviation par rapport à un plan de com-
paraison : Cette règle est gauche. Leur vol
gauche [des chauves-souris] nous inquiète
(Renard). ‖ 2. Spécialem. En mathéma-
tiques, se dit d’un polygone limité par
une ligne qui n’est pas tout entière dans le
même plan : Quadrilatère gauche. ‖ Sur-
face gauche, surface réglée non dévelop-
pable : Un géomètre, sans doute, lirait
facilement ce système de lignes et de sur-
faces « gauches » [des coquilles marines]
et le résumerait en peu de signes (Valéry).
‖ Courbe gauche, courbe dont tous les
points ne sont pas dans un même plan :
L’hélice est une courbe gauche. ‖ Droites
gauches, droites qui ne sont ni concou-
rantes ni parallèles. ‖ 3. Appareil réglé
gauche, en architecture, voûte biaise.

II. 1. Se dit d’une personne qui manque


d’habileté, qui a des gestes maladroits :
Vous croyez que je suis gauche et embar-
rassée de mes mains (Sévigné). Pour prou-
ver qu’il n’était pas si gauche, il entre-
prit de faire monter à son cheval la rive
opposée du fossé (Stendhal). ‖ 2. Qui est
emprunté, manque d’aisance, de grâce :
Avoir un maintien, une attitude gauche.
Accusera-t-on les femmes de Paris d’avoir
l’air gauche et embarrassé ? (Rousseau).
‖ 3. Fig. Qui dénote l’embarras, la timi-
dité : Quand Alissa m’accordait quelques
instants, c’était en effet pour une conver-
sation des plus gauches (Gide). ‖ Spé-
cialem. Qui est exprimé sous une forme
maladroite, impliquant un manque de
netteté dans les idées : Une démonstra-
tion bien gauche. Un style gauche.

• SYN. : I, 1 gauchi, tordu. ‖ II, 1 inhabile,


maladroit, malhabile, manchot (fam.) ;
2 balourd, empêtré, empoté (fam.), godiche
(fam.), gourde (fam.), pataud ; 3 contraint,
embarrassé, gêné, timide. — CONTR. : I,
1 droit, plan. ‖ II, 1 adroit, agile, habile ;
2 aisé, dégagé, élégant.

& n. m. (sens I, 1930, Larousse ; sens II, fin


du XVIIe s., Saint-Simon).

I. Déviation d’une pièce mécanique hors


du plan général : Le gauche d’une bielle.

II. Vx. Manque d’aisance dans le main-


tien, les manières : La nouvelle comtesse
de Mailly avait apporté tout le gauche de
sa province, dont, faute d’esprit, elle ne
put se défaire (Saint-Simon).

& À gauche loc. adv. et adj. (1655, Molière


[prendre une chose à gauche, 1601,
P. Charron]). Class. De travers, à contre-
sens : Vous serez toujours [...] | Un envers du
bon sens, un jugement à gauche (Molière).
‖ Class. Prendre une chose à gauche, « la
prendre autrement qu’il ne faut » (Acad.,
1694) : Pour me connaître mal, tu prends
mon sens à gauche (Corneille).

2. gauche [goʃ] adj. (même étym. qu’à


l’art. précéd. [le mot a remplacé l’anc. adj.
senestre — v. SINISTRE — quand droit a
remplacé destre — v. DROIT 2 et DEXTRE] ;
1471, Du Cange, écrit gaulche [gauche, fin
du XVe s., Commynes], au sens 1 [à main
gauche, 1865, Littré ; mariage de la main
gauche, 1680, Mme de Sévigné — « mariage
entre personnes de condition inégale »,
1759, Voltaire ; « union libre », 1872,
Larousse ; recevoir la main gauche, v. 1673,
Retz ; s’être levé du pied gauche, XXe s. ; être
sur le pied gauche, fin du XVIIe s., Saint-
Simon] ; sens 2, fin du XVe s., Commynes
[l’aile gauche d’une armée, 1690, Furetière ;
la rive gauche, 1865, Littré] ; sens 3, 1865,
Littré [dans une assemblée délibérante,
1791, Brunot] ; sens 4, 1865, Littré). 1. Se
dit du côté du corps de l’homme et des
animaux où est placé le coeur, ainsi que
des parties anatomiques qui s’y trouvent :
La jambe gauche. L’oeil gauche. Le rein
gauche. À voir la maladresse des Anglaises,
on dirait qu’elles ont deux bras gauches
(Rivarol). Elle me dit de faire la croix dans
ma main gauche avec une pièce de mon-
naie (Mérimée). M. Bergeret [...] inclina
la tête sur l’épaule gauche (France). ‖ À
main gauche, sur la gauche (par rapport
à celui qui parle). ‖ Class. Mariage de la
main gauche, mariage d’un noble avec une
roturière, où l’époux donnait à l’épouse
la main gauche au lieu de la main droite,
ce qui signifiait qu’il ne transmettait son
rang ni à elle ni aux enfants : Sa naissance
était un peu équivoque ; sa mère était de
la main gauche (Sévigné) ; par extens.,
mariage entre personnes de condition iné-
gale ; auj., union libre. ‖ Class. Recevoir
la main gauche, pour un noble, épouser
une roturière : Sa retraite à Sedan le défen-
dait des bassesses auxquelles la Cour avait
prétendu l’obliger, par exemple à recevoir
la main gauche dans la maison même du
Cardinal (Retz). ‖ Fam. S’être levé du pied
gauche, être de mauvaise humeur. ‖ Partir
du pied gauche, prendre un bon départ,
s’engager résolument dans une affaire.
‖ Class. et fig. Être sur le pied gauche,
être dans une position embarrassée : Je
viens à combattre ce pied gauche où il est
avec le roi et Monseigneur (Saint-Simon).
‖ 2. En parlant d’une chose qui a un sens
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2118

déterminé, un avant et un arrière (cours


d’eau, bâtiment, véhicule, etc.), se dit de la
partie correspondant au côté gauche d’une
personne orientée dans le même sens : Le
quai Voltaire, à Paris, est sur la rive gauche
de la Seine. L’aile gauche d’un bâtiment. La
roue avant gauche d’une voiture. ‖ L’aile
gauche d’une armée, la partie de l’armée
qui est du côté gauche d’un soldat regar-
dant l’ennemi. ‖ La rive gauche, à Paris,
les quartiers situés sur la rive gauche de
la Seine. ‖ 3. En parlant d’une chose non
orientée, se dit de la partie qui se trouve du
côté gauche d’un observateur placé face à
cette chose : Le battant gauche d’une porte.
La partie gauche d’un tableau, d’une illus-
tration. ‖ Spécialem. Dans une assemblée
délibérante, se dit de la partie de l’hémi-
cycle située du côté gauche du président
qui lui fait face : Le centre gauche. ‖ 4. En
chimie, syn. de LÉVOGYRE : Acide tartrique
gauche.

• CONTR. : 1, 2 et 3 droit ; 4 dextrogyre.

& n. m. (début du XXe s.). Le poing gauche,


en termes de boxe : Crochet du gauche.
Aussi sec, mon poing dans chaque oeil, et
toc, mon gauche dans le creux de l’estomac
(Queneau).

• CONTR. : droit.

& n. f. (sens 1, 1538, R. Estienne ; sens 2,


1834, Ségur ; sens 3, 1865, Littré ; sens 4,
1791, Brunot [aussi pour les parlementaires,
les partis progressistes ; de gauche, être à
gauche, voter à gauche, XXe s. ; l’extrême
gauche, 1840, Acad. — l’extrémité gauche,
même sens, 1791, Brunot]). 1. Côté gauche
d’une personne ; partie de l’espace située
de ce côté : Asseyez-vous à ma gauche. Un
enfant qui confond sa droite et sa gauche.
Le soleil déclinait déjà sur notre gauche
(Gide). ‖ 2. Partie gauche d’une chose :
La gauche d’une armée. ‖ 3. Partie d’une
chose faisant face au côté gauche d’un
observateur : La gauche de la chaussée.
Sur la photographie, vous êtes le troisième
à partir de la gauche. ‖ 4. Côté de la salle
des séances d’une assemblée politique
qui se trouve à la gauche du président, et
où siégent, traditionnellement, les partis
progressistes. ‖ Par extens. La gauche, les
parlementaires, les partis, la fraction de
l’opinion publique qui professent des opi-
nions avancées (par opposition à la droite).
‖ De gauche, qui se situe politiquement à
gauche : Un vaste mouvement se préparait,
dans tous les milieux de gauche, pour barrer
la route aux menaces de guerre (Martin du
Gard). ‖ Fam. Être à gauche, avoir des opi-
nions politiques de gauche. ‖ Fam. Voter
à gauche, voter pour des candidats qui se
réclament des partis de gauche. ‖ L’extrême
gauche, la fraction d’une assemblée ou de
l’opinion publique qui soutient les idées
politiques jugées les plus avancées.

• CONTR. : droite.

& À gauche loc. adv. (1538, R. Estienne


[passer l’arme à gauche, 1832, Vigny ;

mettre de l’argent à gauche, XXe s.]). À


main gauche, du côté gauche : Mais vous
souvient-il, mon ami, | De ces marches de
marbre rose [...] | À gauche en sortant du
château ? (Musset). ‖ Fam. Passer l’arme à
gauche, mourir : Quand un autre l’aura [ce
fusil], vous pourrez bien dire que Brando
Savelli a passé l’arme à gauche (Mérimée).
‖ Mettre de l’argent à gauche, le mettre de
côté, l’économiser.

& À droite et à gauche, de droite et de


gauche loc. adv. (1663, Molière [à droite et
à gauche] ; 1893, Courteline [de droite et de
gauche]) Du côté droit, du côté gauche : Un
bois-taillis où l’avenue de hêtres, de droite
et de gauche, aboutit (Gide) ; de tous côtés :
Accourir de droite et de gauche. Courir à
droite et à gauche. ‖ Fam. Prendre à droite
et à gauche, recevoir de toutes mains, tirer
de l’argent de tout le monde.

& À gauche de loc. prép. (XXe s.). Du côté


gauche de : L’entrée du cimetière est à
gauche de l’église.

& Jusqu’à la gauche loc. adv. (1881,


G. Esnault). Complètement, tout à fait : Il
m’a menti jusqu’à la gauche.

& gauches n. m. pl. (début du XXe s.). Partis


ou groupements de gauche : L’union des
gauches.

gauchement [goʃmɑ̃] adv. (de gauche


1 ; 1575, J. des Caurres). D’une manière
gauche, maladroite : Il marchait vite et
gauchement, comme quelqu’un qui se hâte
dans l’obscurité (Colette). J’aurais voulu
causer avec vous davantage, dit-il gauche-
ment (Gide).

• SYN. : maladroitement. — CONTR. :


habilement.

gaucher, ère [goʃe, -ɛr] adj. et n. (de


gauche 2 ; 1549, R. Estienne). Qui se sert
ordinairement de la main gauche au lieu
de la droite : Les gauchers sont précieux,
ils prennent les places incommodes aux
autres (Hugo).

• CONTR. : droitier.

1. gaucherie [goʃri] n. f. (de gauche 1 ;


v. 1750, d’Argenson, au sens 3 ; sens 1, 1782,
Laclos ; sens 2, XXe s.). 1. Manque d’adresse
ou d’aisance, attitude embarrassée : La gau-
cherie ridicule des élégants à la campagne
(Maupassant). Sa gaucherie était sa seule
grâce (Hermant). ‖ 2. Caractère de ce qui
est exprimé de façon gauche, maladroite :
Il mit de la chaleur dans sa voix pour dissi-
muler la gaucherie de sa question (Sartre).
‖ 3. Acte ou geste maladroit : Allons, se
dit-il, je suis venu faire une gaucherie dont
j’ignore la cause et la portée (Balzac).

• SYN. : 1 embarras, gêne ; 2 inhabileté,


maladresse ; 3 balourdise, bourde (fam.),
gaffe (fam.), impair (fam.). — CONTR. : 1
aisance, désinvolture, élégance ; 2 habileté.

2. gaucherie [goʃri] n. f. (de gauche 2 ;


milieu du XXe s.). En psychophysiologie,
tendance à utiliser de préférence tout ou

partie de la moitié gauche du corps pour


accomplir les mouvements et les gestes
automatiques ou volontaires, plutôt que
le côté droit.

gauchir [goʃir] v. intr. (altér. [peut-être


par croisement avec l’anc. franç. gau-
chier — francique *walkan, fouler —,
verbe, rarement attesté, qui voulait dire
« fouler » et qui a dû signifier aussi « mar-
cher d’une façon embarrassée »] de l’anc.
franç. guenchir, faire des détours, obliquer
[v. 1138, Godefroy], francique *wenkjan,
mêmes sens ; v. 1210, Estoire d’Eustachius,
comme v. tr. [v. ci-dessous] ; comme v. intr.,
au sens 1, fin du XVIe s., Palissy ; sens 2,
v. 1398, le Ménagier de Paris ; sens 3, 1580,
Montaigne ; sens 4, 1642, Corneille ; sens 5,
1656, Corneille). 1. En parlant d’un objet,
perdre sa forme droite ou plane, subir une
déviation ou une torsion : Règle, poutre,
planche qui gauchit. Parfois, le poids des
maisons environnantes [...] chassait les
voûtes des galeries et les faisait gauchir
(Hugo). ‖ 2. Class. et littér. S’écarter de
sa position ou de sa route : Comme on lui
portait un coup, il gauchit un peu, cela
empêcha qu’il fût blessé (Furetière, 1690).
Voulant aller à l’Herm, elle gauchit sur la
droite (Le Roy). ‖ 3. Class. et fig. S’écarter
de son but ou de son sujet, se laisser aller à
une digression : Notre sort ne dépend que de
sa seule tête ; | De ce qu’elle s’y met rien ne la
fait gauchir (Molière). Je crois que nos dis-
cours iront d’un pas égal | Sans donner sur
le rhume ou gauchir sur le bal (Corneille).
‖ 4. Class. et fig. Prendre des détours,
tergiverser, ne pas aller franchement au
but : Il faut ouvrir son coeur et ne point tant
gauchir (La Fontaine). Laissez-moi, je lui
veux couper les deux oreilles : | Contre son
insolence on ne doit point gauchir (Molière).
‖ 5. Class. et fig. S’écarter du bien, de la
vérité : Ami, tu sauras t’affranchir | De tout
ce qui te fait gauchir | Vers les passions et
les vices (Corneille).

• SYN. : 1 se déformer, s’incurver, s’infléchir,


se tordre, se voiler.

& v. tr. (sens 1, 1549, R. Estienne ; sens


2, 1834, Balzac ; sens 3, v. 1210, Estoire
d’Eustachius ; sens 4, 1580, Montaigne).
1. Rendre gauche un objet, lui faire subir
une déviation ou une torsion : La lune, le
soleil, l’hiver, l’été, la neige ont creusé les
bois [de la maison], gauchi les planches,
rongé les peintures (Balzac). ‖ 2. Littér.
Déformer, fausser par une torsion : Les
pensionnaires purent [...] croire qu’il ne
reviendrait du bal [Rastignac] que le len-
demain matin au petit jour [...], en crottant
ses bas de soie et gauchissant ses escarpins
(Balzac). Tout courbé, gauchissant ses espa-
drilles [...], il s’en fut, un litre à la main,
chercher de l’eau à la fontaine (Huysmans).
Qu’importait [...] qu’un malséant corsage
[...] gauchît le rythme délicat de son corps
(Gide). ‖ 3. Fig. et littér. Détourner quelque
chose de sa direction première ou de son
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2119

sens véritable : Dans cette nature compli-


quée, les intentions les meilleures étaient
tout à coup tordues et gauchies sous l’action
de je ne sais quel démon taquin et violent
(Theuriet). Certaines circonstances se
peuvent présenter si fortes, si imprévues,
qu’elles rompent nos élans et gauchissent
nos visées (H. de Régnier). Gauchir les faits.
Le compte-rendu d’un livre qui gauchit les
intentions de l’auteur. ‖ 4. Class. Éviter une
difficulté, un obstacle en biaisant, esqui-
ver : Mais, hélas ! qui pourrait gauchir sa
destinée ? (Corneille).

• SYN. : 1 déformer, fléchir, incurver, inflé-


chir, tordre ; 3 dénaturer, dévier, fausser.
& se gauchir v. pr. (1549, R. Estienne). Subir
une déformation : Un pied de meuble qui
s’est gauchi.

gauchisant, e [goʃizɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (de


gauche 2, n. f. ; milieu du XXe s.). Dont les
sympathies politiques vont aux mouve-
ments et groupes de gauche : Un écrivain
gauchisant.

& adj. (1959, Larousse). Qui manifeste


des tendances de gauche : Un journal
gauchisant.

gauchisme [goʃism] n. m. (de gauche 2,


n. f. ; 1962, Larousse). Attitude de ceux qui,
dans l’opinion de gauche, préconisent des
solutions politiques extrêmes et une action
révolutionnaire immédiate.

gauchissement [goʃismɑ̃] n. m. (de gau-


chir ; 1547, J. Martin, au sens 1 [« déforma-
tion d’un objet... qui tend à devenir gauche »,
1700, d’après Trévoux, 1771 ; pour une aile
d’avion, 1922, Larousse] ; sens 2, début du
XXe s.). 1. Action de gauchir ; résultat de
cette action. ‖ Déformation d’un objet ou
d’une partie plane d’un ouvrage qui tend
à devenir gauche : Le gauchissement d’une
pièce mécanique. Le gauchissement d’un
battant de porte sous l’effet de l’humidité.
‖ Spécialem. et vx. Déformation momen-
tanée de l’aile que le pilote provoquait, sur
les anciens avions à ailes souples, pour
effectuer certaines manoeuvres. ‖ 2. Fig.
Altération, voulue ou non, que l’on fait
subir à quelque chose. ‖ Spécialem. Lente
déviation d’une entreprise par rapport au
projet : Il n’est pas de programme politique
qui ne subisse un gauchissement à l’épreuve.

gauchissure [goʃisyr] n. f. (de gauchir ;


av. 1959, A. Camus). Syn. de GAUCHISSE-
MENT (au sens 2) : Par elle, l’effort créateur
refait le monde, et toujours avec une légère
gauchissure, qui est la marque de l’art et de
la protestation (Camus).
gauchiste [goʃist] adj. et n. (de gauche
2, n. f. ; 1843, Balzac, au sens 1 ; sens 2,
1962, Larousse). 1. Vx. Qui appartenait à
l’opposition de gauche : Après le triomphe
de Juillet, un vieux ténor gauchiste avoua
qu’il n’avait jamais écrit que le même article
pendant douze ans (Balzac). ‖ 2. Qui est

partisan du gauchisme : Un étudiant gau-


chiste. Les gauchistes.

& adj. (1962, Larousse). Qui appartient, est


relatif au gauchisme : Un journal gauchiste.

Des tendances gauchistes.

gaucho [goʃo ou gotʃo] n. m. (mot de


l’esp. de l’Amérique du Sud [fin du XVIIIe s.],
empr. de l’adj. quetchua wahča, pauvre ;
1840, Acad.). Cavalier qui garde les grands
troupeaux dans la pampa argentine : La
liberté dans laquelle il avait vécu [le père
de Dumas] aux colonies avait développé
son adresse et sa force d’une manière remar-
quable. C’était un véritable cavalier amé-
ricain, un gaucho (Dumas père).

1. gaude [god] n. f. (germ. *walda, gaude


[plante] ; v. 1268, É. Boileau). Espèce de
réséda fournissant une teinture jaune, que
l’on cultivait en France au XIXe s. : Elles
cueillaient dans les prés le bouillon-blanc
[...], la gaude, la millefeuille, toute la flore
champêtre (France).

2. gaude [god] n. f. (de gaude 1 [empr. des


parlers bourguignons ou franc-comtois],
par analogie de couleur ; 1732, Liger). En
Franche-Comté et en Bourgogne, bouillie
préparée avec la farine de maïs (s’emploie
généralement au plur.) : On faisait frire
des saucisses dans des poêlons, bouillir des
gaudes dans des bassines, sauter des crêpes
sur des plaques de fonte (Chateaubriand).

gaudé [gode] n. m. (lat. gaude, « réjouis-


toi » [2e pers. du sing. de l’impér. prés. de
gaudere, se réjouir], premier mot de plu-
sieurs prières chrétiennes ; 1532, Rabelais).
Vx. Prière qu’on disait à l’église : Cette
vieille est toujours une heure après les autres
pour dire ses gaudés (Trévoux).

gaudeamus [godeamys] n. m. (lat. gau-


deamus, « réjouissons-nous » [1re pers. du
plur. du subj. prés. de gaudere, se réjouir] ;
av. 1493, G. Coquillart, au sens de « bam-
boche, repas joyeux » ; sens 1, 1865, Littré ;
sens 2, 1872, Larousse). 1. Chant religieux
de réjouissance. ‖ 2. Chant latin tra-
ditionnel chez les élèves des universités
allemandes.

gaudir [godir] v. intr. (du lat. gaudere,


se réjouir, après changement de conj. ;
fin du XIIe s., Geste des Loherains). Vx ou
littér. Manifester sa joie : Il se remettait,
au moindre propos, à sauter, à badiner, à
gaudir et rire (Sainte-Beuve). Quand il le
fallait, on savait, eh bien, fleureter, gaudir,
vider la bouteille (Pourrat).

& se gaudir v. pr. (sens 1, 1540, Picot ; sens


2, v. 1285, Livre d’Artus, écrit soi godir [se
gaudir, v. 1460, G. Chastellain]). 1. Vx ou
littér. S’égayer, se réjouir : Les châtelains et
châtelaines chantaient, aimaient, se gau-
dissaient (Chateaubriand). Je me gaudis
avec Pétrus Borel (Flaubert). ‖ 2. Vx ou
littér. Se gaudir de, se moquer de : Vous êtes-
vous gaudis comme moi des croix d’hon-

neur semées sur la littérature au 15 août ?

(Goncourt).

• REM. Verbe repris plaisamment par


archaïsme.

gaudissement [godismɑ̃] n. m. (de


[se] gaudir ; 1855, Goncourt). Littér.
Amusement, réjouissance : Voici en quoi
consiste ce carnaval aux gaudissements
honnêtes, purs, immaculés... (Goncourt).

gaudisserie [godisri] n. f. (de [se] gau-


dir ; fin du XVe s., Molinet). Vx ou littér.
Moquerie, raillerie : Calembours, gros rire,
figure monacale, teint de cordelier, enve-
loppe rabelaisienne, vêtement, corps, esprit
s’accordaient pour mettre de la gaudisse-
rie, de la gaudriole en toute sa personne
(Balzac). Et force autres traits de gaudisserie
(Pourrat).

gaudisseur, euse [godisoer, -øz] n. (de


[se] gaudir ; fin du XVe s., Molinet). Vx ou
littér. Personne qui aime à s’amuser : Pierre
Faifeu, écolier d’Angers, avait laissé dans le
pays la réputation du plus joyeux compa-
gnon et du gaudisseur le plus insigne qu’on
eût vu depuis Villon (Sainte-Beuve).

gaudriole [godrijɔl] n. f. (de [se] gau-


dir, d’après cabriole ; 1741, Brunot, au
sens 1 ; sens 2, 1887, Zola). 1. Propos ou
plaisanterie d’une gaieté libre (souvent au
plur.) : Pécuchet descendit les marches sans
répondre à la gaudriole (Flaubert). Vous
assommez le public de politique depuis dix
ans : il est bien naturel qu’il s’amuse et fasse
un succès aux gaudrioles du « Gil Blas »
(Zola). Dire des gaudrioles. ‖ 2. La gau-
driole, les relations amoureuses, le liber-
tinage : Il ne pense qu’à la gaudriole. S’ils
fermaient les yeux sur les terribles noces du
dehors, ces messieurs ne toléraient pas la
moindre gaudriole dans la maison (Zola).
• SYN. : 1 gaillardise, gauloiserie, grivoiserie,
paillardise, polissonnerie.

gaudrioler [godrijɔle] v. intr. (de gau-


driole ; 1879, Huysmans). Fam. S’amuser
librement : La venue du moment espéré
depuis le matin, où elle pourrait gaudrioler
à son aise dans les bastringues de l’arron-
dissement... (Huysmans).

gaufrage [gofraʒ] n. m. (de gaufrer ; 1806,


Dict. général). Action de gaufrer ; résultat
de cette action : Images saintes au gaufrage
doré (Goncourt). ‖ Spécialem. Opération
qui consiste à transformer un tissu plat
et uni en un tissu présentant une surface
régulièrement bosselée.

gaufre [gofr] n. f. (francique *wāfla,


gaufre [gâteau], rayon [de miel] ; v. 1180,
Hue de Rotelande, écrit walfre [goffre, v.
1268, É. Boileau ; gaufre, gauffre, v. 1398, le
Ménagier de Paris — les formes premières
ont dû être *wafle, puis *walfle], au sens 1
[moule à gaufres, 1933, Larousse] ; sens 2,
1555, Ronsard ; sens 3, XXe s.). 1. Pâtisserie
légère, cuite dans un moule spécial (gau-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2120

frier) et qui a l’aspect d’une feuille mince


ornée d’un estampage rappelant les alvéoles
des abeilles : Il y avait dans l’air une odeur
de poussière, de pain d’épice et de gaufres
à la graisse (Zola). ‖ Pop. Moule à gaufres,
visage marqué de petite vérole. ‖ 2. Gâteau
formé d’alvéoles de cire que fabriquent les
abeilles. ‖ 3. Pop. Gifle.

gaufré, e [gofre] adj. (part. passé de gau-


frer). Orné d’estampages qui rappellent les
alvéoles des abeilles : Les minces lanières
gaufrées du varech (Hugo). La jeune dame
de Trinquelage, coiffée d’une haute tour de
dentelle gaufrée à la dernière mode de la
cour de France (Daudet).

& gaufré n. m. (XXe s.). Ornement formé


de lignes saillantes entrecroisées.

gaufrer [gofre] v. tr. (de gaufre ; début du


XVe s.). Imprimer, au moyen de fers chauds
ou de cylindres gravés, des motifs en relief
ou en creux sur du papier, du cuir, etc. : Le
pourpoint de cuir | Est gaufré du royal écu
des deux Castilles (Heredia). ‖ Spécialem.
Traiter un tissu pour que celui-ci présente
des ornements en relief.

& se gaufrer v. pr. (1865, Littré). Prendre


un aspect gaufré (en parlant des tissus, des
cuirs, etc.).

gaufrette [gofrɛt] n. f. (de gaufre ; 1536,


Godefroy). Petite gaufre sèche.

gaufreur, euse [gofroer, -øz] n. (de


gaufrer ; 1604, Lespinasse [gaufreuse de
fleurs à la main, 1865, Littré]). Ouvrier,
ouvrière qui gaufre les étoffes, les cuirs,
etc. ‖ Spécialem. Gaufreuse de fleurs à la
main, ouvrière qui, à l’aide d’une presse,
gaufre les feuilles et les pétales des fleurs
artificielles.

& gaufreuse n. f. (1907, Larousse). Machine


au moyen de laquelle on obtient le gaufrage
du cuir, du papier, des étoffes.

gaufrier [gofrije] n. m. (de gaufre ; 1365,


Gay). Moule composé de deux plaques de
fonte dont les dessins quadrillés, en creux
et en relief, se correspondent et s’emboîtent,
et entre lesquelles on cuit les gaufres en
présentant successivement au feu les deux
faces extérieures. ‖ Appareil de fonte, à
chauffage électrique, réservé au même
usage.

gaufroir [gofrwar] n. m. (de gaufrer ;


1785, Encycl. méthodique). Outil compor-
tant un petit cylindre gravé, dont on se sert
pour gaufrer à la main le cuir et les étoffes.

gaufrure [gofryr] n. f. (de gaufrer ; fin du


XVe s., O. de la Marche, au sens 1 [pour des
fleurs artificielles, 1900, Dict. général] ; sens
2, v. 1809, Chateaubriand). 1. Empreinte
obtenue par le gaufrage : Deux chaises en
cuir fauve garnies de gaufrures (Bertrand).
‖ Spécialem. Travail exécuté à la pince ou
à l’outil pour former les pétales des fleurs
artificielles. ‖ 2. Inégalités de surface
ressemblant à l’empreinte faite par le

gaufrage : Julie était infiniment plus jolie


que Lucile ; elle avait des yeux bleus cares-
sants et des cheveux bruns à gaufrures ou
à grandes ondes (Chateaubriand).

gaulage [golaʒ] n. m. (de gauler ; 1845,


Bescherelle). Action de gauler un arbre, les
fruits d’un arbre : [Un olivier :] Et qu’on
ne me bouscule pas trop au gaulage, qu’on
me dépouille plutôt des doigts amicalement
(Arnoux). Le gaulage des noix.

gaule [gol] n. f. (francique *walu, bâton ;


1278, Godefroy, écrit waulle [gaule, début
du XIVe s.], au sens 1 [« grande perche qui
sert à abattre certains fruits... », 1534,
Rabelais] ; sens 2, 1554, Ronsard [chevalier
de la gaule, XXe s.] ; sens 3, 1846, G. Sand ;
sens 4, 1530, Palsgrave). 1. Longue perche :
Une longue gaule, flexible comme un fouet
(Fromentin). Il y avait de plus [...] quatre
manières de gaules, portant chacune un
petit étendard de toile verdâtre (Flaubert).
‖ Spécialem. Grande perche qui sert à
abattre certains fruits que l’on ne peut
cueillir à la main : Abattre des châtaignes
avec une gaule ; et par extens. : Pour se
délivrer des chenilles, ils battaient les
arbres à grands coups de gaule, furieuse-
ment (Flaubert). ‖ 2. Canne à pêche : De
loin en loin, un bachot immobile, avec une
silhouette de pêcheur toute droite, la gaule
en main (Daudet). ‖ Fam. Chevalier de la
gaule, pêcheur. ‖ 3. Vx. Long bâton ser-
vant à frapper, ou à diriger les animaux :
Il [...] gardait les dindons avec une gaule
(Flaubert). ‖ 4. Terme ancien désignant
une cravache.

gaulée [gole] n. f. (part. passé fém. subs-


tantivé de gauler ; 1611, Cotgrave, aux sens
1 et 3 ; sens 2, 15 nov. 1874, Journ. officiel).
1. Action de gauler les arbres. ‖ 2. Quantité
de fruits abattus avec une gaule : Une gaulée
de noix. ‖ 3. Pop. Volée de coups de bâton.

gauleiter [gaulajtoer] n. m. (mot allem.,


de Gau, district, et Leiter, chef, conducteur
[de leiten, diriger] ; v. 1940). Chef d’un dis-
trict, dans l’Allemagne nationale-socialiste.
‖ Spécialem. Pendant la Seconde Guerre
mondiale, administrateur allemand d’un
territoire occupé rattaché directement au
Reich.

gauler [gole] v. tr. (de gaule ; 1360,


Godefroy, écrit wauller [gauler, 1549,
R. Estienne], au sens de « battre avec une
gaule » ; sens 1, 1534, Rabelais ; sens 2, 1915,
G. Esnault [aussi se faire gauler]). 1. Abattre
les fruits d’un arbre à l’aide d’une gaule :
Je n’avais fait que l’entrevoir, perché sur un
pommier dont il gaulait les pommes (Gide).
‖ Battre un arbre pour en faire tomber les
fruits : Les uns gaulaient les branches pour
en faire tomber les fruits tardifs (Gide). Tel
un noyer gaulé dit au vent ses douleurs
(Apollinaire). ‖ 2. Pop. Prendre par sur-
prise, dérober (vieilli) : On rentre voir s’il
n’y aurait pas un poulet à gauler (Dorgelès).

‖ Pop. Se faire gauler, se faire prendre ou


arrêter quand on est en train de mal faire.

gaulis [goli] n. m. (de gaule ; 1392,


Godefroy, écrit gaulich, au sens de « clôture
de gaules » ; sens 1, 1655, Salnove, écrit golys
[golis, 1680, Richelet ; gaulis, 1688, Miege] ;
sens 2, 1661, Molière [écrit gaulis]). 1. Massif
forestier dont les brins sont parvenus à un
degré de croissance tel qu’ils sont propres
à faire des gaules : Entre le gaulis frêle des
frênes défeuillés [...], | Au loin, là-bas, vers le
soleil frileux, | Les nuages courent et passent
(Vielé-Griffin). Dans le gaulis, il vit une
robe noire (A. de Châteaubriant). ‖ 2. Jeune
brin d’un taillis : Les branches s’ouvrirent
sous le poitrail des chevaux abattant les
gaulis (Gautier).

gaulle [gol] n. f. (origine obscure [peut-


être même mot que le lillois gaule, « vête-
ment à manches », d’origine inconnue] ;
XXe s.). Robe de femme en mousseline
blanche, sans ornements, serrée à la taille
par une ceinture, portée sous le règne de
Louis XVI.

gaullien, enne [goljɛ̃, -ɛn] adj. (du n.


de Charles de Gaulle [v. l’art. suiv.] ; 1959,
J.-F. Revel). Qui se rapporte au général
de Gaulle, à son action et à sa pensée
politiques.

gaullisme [golism] n. m. (du n. de Charles


de Gaulle, homme politique français [1890-
1970] ; 1943, au sens 1 ; sens 2-3, v. 1950).
1. Tendance politique des partisans du
général de Gaulle. ‖ 2. Ensemble des ins-
titutions politiques préconisées par le géné-
ral de Gaulle. ‖ 3. Ensemble des partisans
du général de Gaulle.

gaulliste [golist] n. et adj. (du n. de


Charles de Gaulle [v. l’art. précéd.] ; 1941).
Partisan et admirateur du général de
Gaulle : Mais, aujourd’hui, les événements
ont fait en sorte que les éléments « gaul-
listes » l’emportent de beaucoup, en France,
en nombre et plus encore en qualité (Gide).
& adj. (1943). Qui se rapporte au général
de Gaulle, à sa politique, à ses partisans.
gaulois, e [golwa, -az] adj. et n. (fran-
cique *walhisk, roman, dér. de *Walha, les
Romans, la Gaule ; XVe s. [moustaches gau-
loises, à la gauloise, fin du XIXe s.]). Relatif
à la Gaule ou aux Gaulois ; habitant de ce
pays : Peuple gaulois. Moeurs gauloises.
‖ Coq gaulois, v. COQ 1. ‖ Moustaches
gauloises ou à la gauloise, moustaches
longues et tombantes : Lacarelle lissa ses
moustaches gauloises (France). De longues
moustaches châtain clair, tombantes, à la
gauloise (Gide). Très droit, le monocle levé,
le nez busqué formant proue, la moustache
blanche à la gauloise... (Martin du Gard).
& adj. (sens 1-2, 1671, La Fontaine ; sens 3,
1640, Ancien Théâtre françois). 1. Vx ou
littér. Qui a le caractère de l’ancien peuple
gaulois, qui est d’une simplicité fruste :
De la censure minutieuse et délicate de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2121

Vaugelas, le travail de l’Académie passa


dans la main rude et encore un peu gauloise
de Mézeray (Villemain). Comme nos monu-
ments à tournure bourgeoise | Se font petits
devant ta majesté gauloise, | Gigantesque
soeur de Babel ! [Notre-Dame] (Gautier).
Ce naturel est gaulois, trop gaulois, dira-
t-on, c’est-à-dire peu moral, médiocrement
digne, exempt des grandes passions et enclin
au plaisir (Taine). ‖ 2. Class. À la mode
de l’ancien temps, désuet : [Harlay avait]
une prononciation ancienne et gauloise, et
souvent les mots de même (Saint-Simon).
‖ 3. D’une gaieté franche et libre, voire un
peu licencieuse : La verve gauloise du temps
de Henri IV (Renan). Elle riait comme une
pensionnaire de certaines plaisanteries gau-
loises qui font le régal des couvents (Zola).
Le préfet [...] comprit à demi et, dans son
zèle de paraître gaulois, affirma que c’était
piquant (France).

• SYN. : 3 coquin, égrillard, gaillard, grivois,


leste, osé, polisson, rabelaisien, vert.

& gaulois n. m. (1690, Furetière). Langue


celte parlée par les Gaulois.

& gauloise n. f. (25 avr. 1910, date du lan-


cement de cette marque de cigarettes).
Cigarette de la Régie française des tabacs,
se fabriquant en caporal, en caporal doux
et en maryland : Rudan tira de sa poche
son étui à cigarettes, il l’ouvrit, y prit une
gauloise (Vercel).

gauloisement [golwazmɑ̃] adv. (de gau-


lois ; v. 1720, Dufresny, au sens de « sin-
cèrement, librement » ; sens actuel, 1877,
Littré). D’une manière gauloise, avec une
gaieté un peu libre.

gauloiserie [golwazri] n. f. (de gaulois ;


1872, Larousse, au sens 2 ; sens 1, 1er févr.
1875, Revue des Deux Mondes). 1. Caractère
de ce qui est gaulois, exprimé de façon
libre : La gauloiserie des fabliaux ; et par
extens. : La gauloiserie des auteurs du
XVIe s., de Rabelais. ‖ 2. Propos libre ou
licencieux : La femme, qui chantait une
gauloiserie quelconque, eût été jolie le soir
(Huysmans).

• SYN. : 1 gaillardise, grivoiserie, paillardise ;


2 gaudriole, joyeuseté (fam.).

gaultheria [golterja] n. m. ou gaulthé-


rie [golteri] n. f. (du n. du botaniste cana-
dien Gaulther ; 1839, Boiste, écrit gaulthéria
[gaulthérie, 1872, Larousse]). Arbuste de
l’Amérique du Nord, de la famille des éri-
cacées, dont les feuilles aromatiques four-
nissent l’essence dite « de Wintergreen »,
antiseptique et antirhumatismale.

gaupe [gop] n. f. (allem. dialect. [de


Bavière] walpe, sotte femme ; 1401,
Du Cange). Vx ou littér. Femme de mau-
vaise vie, prostituée : Si j’allais m’éprendre
d’une belle passion romanesque pour
quelque maritorne ou quelque abominable
gaupe ? (Gautier). Ci-gît qui, pour avoir trop
aimé les gaupes, | Descendit jeune encore au
royaume des taupes (Baudelaire). Son gueux

de mari qui, après lui avoir mangé tout son


bien, la rouait de coups, l’obligeait à servir
une gaupe avec laquelle il vivait (Daudet).
& n. f. et adj. (1586, Cholières). Class. et fam.
Femme malpropre, souillon (mot du style
burlesque ou comique) : Marchons, gaupe,
marchons ! (Molière). Cette Peau d’Âne
est une noire taupe, | Plus vilaine encore
et plus gaupe | Que le plus sale marmiton
(Perrault).

gaur [gor] n. m. (hindoustani gour ;


1865, Littré, au sens de « espèce de bruant
de l’Inde » ; sens actuel, 1930, Malraux).
Buffle sauvage des montagnes de l’Inde
et de Malaisie.

gaura [gora] n. m. (mot du lat. scientif.


moderne, tiré [à cause de la beauté des
fleurs] de l’adj. gr. gauros, majestueux,
imposant ; 1826, Mozin). Plante ornemen-
tale originaire de l’Amérique du Nord, à
fleurs blanc et rouge, disposées en panicule
terminale.

gauss [gos] n. m. (du n. du physicien alle-


mand Karl Friedrich Gauss [1777-1855] ;
fin du XIXe s.). Unité C. G. S. électroma-
gnétique d’induction magnétique (symb. :
G). ‖ Vx. Unité C. G. S. électromagnétique
d’intensité de champ magnétique, dite auj.
OERSTED.

gausse [gos] n. f. (déverbal de gausser ;


1611, Cotgrave, écrit gosse ; gausse, 1842,
Balzac). Vx. Raillerie, mensonge, conte à
dormir debout : Pour mystifier les voya-
geurs, je leur ai raconté un tas de gausses
sur l’Égypte (Balzac).

gausser [gose] v. tr. (origine inconnue ;


1622, Ch. Sorel). Class. et littér. Tourner
quelqu’un en ridicule (mot passé au style
burlesque au XVIIe s.) : Vénus [...] gaussa
Jupiter sur ce qu’elle l’avait contraint de
changer de forme (Ch. Sorel). Aussi, jadis,
quand un étranger arrivait dans une ville
de province, était-il gaussé de porte en porte
(Balzac).

& v. intr. (1580, Montaigne). Class.


Plaisanter : Hé quoi ! ne sais-tu pas que je
voulais gausser ? (Rotrou).

& se gausser v. pr. (1580, R. Garnier [var. se


gaucher, v. 1560, Ronsard]). Class. et littér.
Se moquer ouvertement de quelqu’un : Et
nous voyons que d’un homme on se gausse
| Quand sa femme chez lui porte le haut-
de-chausse (Molière). Il se contenta de
répondre : « Monsieur veut se gausser de
moi » (Balzac).

gausserie [gosri] n. f. (de gausser ; milieu


du XVIe s.). Vx ou littér. Raillerie, moque-
rie : Le clerc le plus sombre est toujours
travaillé par un besoin de farce et de gaus-
serie (Balzac). Avec quelle amère gausserie
Murger parlait de la bohème (Baudelaire).
Je ne crois pas qu’à aucune époque il y ait
eu contre un groupe de nouveaux venus un
pareil emportement de gausseries et d’in-
jures [à l’égard des parnassiens] (Mendès).

• SYN. : dérision, goguenardise (fam.),


gouaille (fam.), ironie, persiflage, sarcasme.

gausseur, euse [gosoer, -øz] n. et adj.


(de gausser ; milieu du XVIe s.). Vx ou lit-
tér. Personne qui aime à railler, à moquer
autrui : Les paysans du bon pays de France
sont gausseurs par nature (Taine). Je vois
bien que vous êtes un gausseur (Renard).

gaussmètre [gosmɛtr] n. m. (de gauss


et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1968,
Larousse). Appareil de mesure directe des
champs magnétiques.

gavache [gavaʃ] n. m. (anc. provenç.


gavach, étranger, rustre, montagnard
[XVe s.], dér. de gava, gorge, goitre, préla-
tin *gaba [v. GAVE 2], le terme gavach ayant
peut-être été d’abord un terme d’injure,
proprem. « goitreux » ; 1546, Rabelais,
au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3,
1660, Oudin). 1. Vx. Homme lâche, sans
honneur : Le vaillant Espagnol qui, avec sa
navaja, traçait des croix sur la figure des
gavaches (Gautier). ‖ 2. Homme sale et mal
vêtu. ‖ 3. En Gascogne et en Languedoc,
nom dédaigneux donné aux personnes
d’origine étrangère.

gavage [gavaʒ] n. m. (de gaver ; 1877,


Darmesteter). Action de gaver ; résultat
de cette action : Le gavage des oies.

gavassine [gavasin] n. f. (origine incon-


nue ; 1865, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1872,
Larousse). 1. Dans le tissage de la soie,
ficelle produisant un lacs. ‖ 2. Sur un
métier à tisser la soie, chacune des cordes
de correspondance des marches aux
contremarches.

gavassinière [gavasinjɛr] n. f. (de gavas-


sine ; 1865, Littré). Ficelle plus grosse que la
gavassine et qui passe au milieu de celle-ci,
à travers une boucle.

1. gave [gav] n. m. (béarnais gabe, torrent,


prélatin *gava, cours d’eau ; 1671, Pomey
[« petit cours d’eau rapide », fin du XIXe s.]).
Nom donné, dans le Béarn et la Bigorre,
aux cours d’eau torrentiels qui descendent
des Pyrénées centrales : Des cascades des-
cendaient de tous côtés, bondissaient sur des
lits de pierres, comme les gaves des Pyrénées
(Chateaubriand). Le gave de Pau, le gave
d’Oloron. ‖ Littér. Petit cours d’eau rapide :
Parmi les vallons japonais, harmonieuse-
ment coupés de gaves et de lacs (Farrère).

2. gave [gav] n. f. (mot picard, du prélatin


*gaba, gorge, gésier, goitre, peut-être d’ori-
gine gauloise ; 1288, Renart le Nouvel). Vx
et pop. Jabot des oiseaux.
gaver [gave] v. tr. (mot normannopi-
card, dér. de gave 2 ; 1821, Ansiaume, au
sens de « griser » [en normand dès 1647,
G. Esnault] ; sens 1, 1865, Littré ; sens 2,
1862, V. Hugo ; sens 3, fin du XIXe s., A.
Daudet). 1. Engraisser des volailles en
leur introduisant par force de la nourri-
ture dans le jabot : Gaver des oies. J’étais
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2122

venu l’aider ; je gavais ses pigeons (Zola).


‖ 2. Faire manger avec excès : Gaver un
enfant de sucreries. ‖ 3. Fig. Rassasier,
combler de quelque chose : Sur une natte,
gavé d’amour et de confitures, Barbassou,
l’infâme capitaine Barbassou, se crevait
de rire (Daudet). Vous les gaviez de jolies
choses. Laissez-les une fois s’en aller avec la
faim : ils reviendront (Renard).

• SYN. : 1 embecquer ; 2 bourrer, gorger,


rassasier.

& se gaver v. pr. (1642, Oudin). Manger à


satiété : Il s’est rassasié, repu, gavé, rem-
pli (Hugo). S’est-il pourtant assez gavé de
mes conserves, ce gringalet jamais lavé
(Dorgelès).

• SYN. : se bourrer (pop.), se gorger, se rassa-


sier, se repaître. — CONTR. : jeûner.

gavette [gavɛt] n. f. (ital. gavetta, même


sens ; 1757, Encyclopédie). Lingot d’or ou
d’argent préparé pour être passé à la filière.

gaveur, euse [gavoer, -øz] n. (de gaver ;


23 avr. 1870, la Liberté). Personne qui gave
les volailles.

& gaveuse n. f. (de gaver ; 1888, Larousse).

Appareil servant à gaver la volaille.

gavial [gavjal] n. m. (hindī gharviyal, cro-


codile ; 1789, Lacépède). Reptile crocodilien
d’Inde et de Birmanie, à museau long et fin,
terminé en dessus par une protubérance
spongieuse.

• Pl. des GAVIALS.

gaviot [gavjo] n. m. (de gave 2 ; 1808,


d’Hautel [en avoir jusqu’au gaviot, XXe s.]).
Vx et pop. Gosier : La tante cria de leur
serrer le gaviot (Zola). ‖ Vx et pop. En
avoir jusqu’au gaviot, avoir trop mangé,
être rassasié.

• REM. On a dit aussi GAVION (peut-être


d’après croupion ; XIIIe s., Recueil des
fabliaux).

gavon [gavɔ̃] n. m. (probablem. mot dia-


lectal, sans doute issu du lat. cavus, creux ;
1872, Larousse). Chambre ou division de
la cale des galères (XVe-XVIIIe s.). ‖ Gavon
de poupe, chambre du capitaine, sur les
galères françaises du XVIIe s.

1. gavot, e [gavo, -ɔt] n. et adj. (anc. pro-


venç. gavot, même sens [1398, Pansier], de
gava, gorge, goitre, prélatin *gaba [v. GAVE 2
et, pour le sens du mot, GAVACHE] ; 1575,
P. Meyer). Se dit, en Provence, des habitants
de Gap et de sa région, et plus généralement
des montagnards des Alpes : J’ai connu,
voici quelques années, un vieux gavot, un
paysan de la montagne (Aicard).

& gavot n. m. Dialecte provençal parlé de


Forcalquier à Castellane et de Sisteron à
Allos.

2. gavot [gavo] n. m. (origine obscure,


peut-être même mot que le précéd. ; 1677,
G. Esnault, écrit gaveau ; gavot, 1872,
Larousse). Vx. Compagnon membre de
l’association des Compagnons du Devoir

de liberté : Enfants de maître Jacques,


grands ennemis des gavots (Béraud).

gavotte [gavɔt] n. f. (provenç. gavoto [dér.


de gavot, v. GAVOT 1], proprem. « danse
des gavots » ; 1588, Gay, au sens 1 ; sens 2,
v. 1674, La Fontaine). 1. Danse française
d’origine populaire, d’allure modérée et de
rythme binaire, fort en vogue aux XVIIe et
XVIIIe s. : Après avoir mené des gavottes et
des menuets à paniers, le clavecin démodé
servait à amuser les Parisiens du dimanche
(Daudet). ‖ 2. Composition musicale dans
le caractère et dans le temps de cette danse.

gavroche [gavrɔʃ] n. et adj. (de Gavroche,


n. d’un personnage des Misérables de
V. Hugo [1862] ; 1872, Larousse). Gamin
de Paris, spirituel, brave et généreux : Ce
babil de gavroche, c’est la manière naturelle
de Collin (Duhamel).

• SYN. : titi (fam.).

gayac n. m. V. GAÏAC.
gayacol n. m. V. GAÏACOL.

gayal [gajal] n. m. (mot hindī ;


1er janv. 1873, Journ. officiel). Espèce
de buffle, vivant dans l’Inde à l’état de
semidomesticité.

• Pl. des GAYALS.

gayet [gajɛ] n. m. (mot picardowallon,


forme masc. tirée de gaillette [v. cet art.] ;
XXe s., aux sens 1-2). 1. Dans les mines du
Pas-de-Calais, charbon dur et mat, à forte
teneur en matières volatiles, habituelle-
ment trop cendreux pour être exploitable.
‖ 2. Couche formée de ce charbon.

gayettes [gajɛt] n. f. pl. (altér. du franco-


provenç. cayette ou du provenç. cailhetto,
même sens, formes correspondant au franç.
caillette [v. ce mot] ; XXe s.). En Provence,
crépinettes faites de foie de porc, de lard
frais et d’herbes aromatiques, cuites au
four.

gaz [gaz] n. m. invar. (mot créé par le


chimiste et médecin flamand J. B. Van
Helmont [1577-1644], d’après le lat. chaos,
le chaos, masse confuse dont fut formé
l’univers, le vide infini, les Enfers, gr. khaos,
gouffre, abîme, espace immense et téné-
breux qui existait avant l’origine des choses,
espace immense du Tartare, masse confuse
des éléments répandus dans l’espace [la pro-
nonciation de ch- en flamand est proche de
celle de g-, ce qui explique l’emploi par Van
Helmont d’une consonne sonore dans la
graphie du terme qu’il avait créé] ; 1670, Van
Helmont [trad. franç.], écrit gas, aux sens de
« substance subtile unie aux corps, vapeur
qui sort d’un corps en combustion » ; écrit
gaz, au sens 2, 1787, Féraud [gaz parfait,
gaz des marais, 1872, Larousse ; gaz rares,
XXe s.] ; sens 1, 1872, Larousse ; sens 3, av.
1834, Béranger [gaz à l’air, gaz pauvre, gaz
de bois, gaz de cokerie, gaz de fumier ou de
gadoue, gaz de haut fourneau, gaz liqué-
fié, gaz naturel, gaz de ville, XXe s. ; gaz à

l’eau, 1878, Larousse ; gaz d’éclairage, 1865,


Littré] ; sens 4, milieu du XIXe s., Baudelaire
[bec de gaz, 1866, Verlaine] ; sens 5, 1865,
Littré ; sens 6, v. 1915 [aussi masque à gaz ;
gaz de combat, v. 1960 ; gaz lacrymogènes,
XXe s. ; chambre à gaz, v. 1943]). 1. Un des
trois états de la matière, caractérisé par
l’expansibilité (absence de forme et de
volume propres) et par la grande compres-
sibilité. ‖ 2. Nom donné aux corps qui,
dans les conditions de température et de
pression ordinaires, se présentent sous cet
état : L’oxygène est un gaz. Gaz carbonique.
Des fuites de grisou s’étaient déclarées ; le
gaz séjournait en masse énorme dans ces
couloirs étroits, privés d’aérage (Zola).
‖ Gaz parfait, gaz hypothétique qui sui-
vrait exactement les lois théoriques (de
Mariotte, de GayLussac), et dont se rap-
prochent les gaz réels lorsque leur pression
tend vers zéro. ‖ Gaz rares, nom donné
aux gaz qui existent en très faible quantité
dans l’atmosphère : argon, néon, hélium,
krypton, xénon. ‖ Gaz des marais, mélange
de méthane et de gaz carbonique qui se
forme dans les eaux stagnantes ou dans
les parties profondes des marais. ‖ Gaz
naturel, v. ci-après n. ‖ 3. Fluide gazeux
combustible, utilisé pour ses propriétés
calorifiques. ‖ Gaz à l’air ou gaz pauvre,
gaz obtenu dans un gazogène, après pas-
sage des produits de la combustion de com-
bustibles solides sur une masse de coke
portée au rouge. ‖ Gaz de bois, gaz obtenu
au cours de la distillation du bois, et qui
constitue un produit dérivé de la fabrica-
tion du charbon de bois. ‖ Gaz de cokerie,
gaz obtenu par la distillation de la houille
dans des fours à coke. ‖ Gaz à l’eau, gaz
résultant de la décomposition de la vapeur
d’eau par du coke porté à une tempéra-
ture élevée. ‖ Gaz d’éclairage, ancienne
appellation du GAZ DE VILLE (v. ci-après).
‖ Gaz de fumier ou de gadoue, gaz à base de
méthane, qui s’échappe lors de la fermen-
tation du fumier ou de la décomposition
des gadoues, et qui peut être utilisé pour
le chauffage ou pour l’alimentation des
moteurs. ‖ Gaz de haut fourneau, gaz qui
sort du gueulard des hauts fourneaux lors
de la fusion de la fonte, doué d’un certain
pouvoir calorifique. ‖ Gaz liquéfié, hydro-
carbure léger, butane ou propane commer-
cial, normalement gazeux, extrait soit du
gaz naturel, soit des gaz de raffinerie, et
que l’on peut emmagasiner à l’état liquide,
dans des récipients sous pression, en vue de
son utilisation. ‖ Gaz naturel, gaz que l’on
trouve dans des gisements souterrains, seul
ou associé au pétrole brut. ‖ Gaz de ville,
ou gaz d’éclairage, ou absol., le gaz, gaz
produit ou traité dans les usines à gaz et les
cokeries, ou gaz naturel, conduit jusqu’aux
appareils d’utilisation par les canalisations
d’un réseau de distribution et employé
pour l’éclairage, le chauffage, l’alimenta-
tion de certains moteurs : Compteur à gaz.
Une cuisinière, un radiateur à gaz. ‖ Pop.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2123

Il y a de l’eau dans le gaz, il y a des diffi-


cultés dans cette affaire ; il y a des désac-
cords, des querelles. ‖ 4. Spécialem. et vx.
Éclairage au gaz : Quand je contemple, aux
feux du gaz qui le colore, | Ton front pâle,
embelli par un morbide attrait (Baudelaire).
La faible clarté du gaz de la rué (Renan).
Les cafés déjà ouverts flamboyaient de gaz
(Bourget). ‖ Bec de gaz, v. BEC. ‖ 5. Ellipt.
Entreprise chargée de distribuer le gaz
domestique : L’employé du gaz est venu
relever le compteur. ‖ 6. Gaz asphyxiants,
ou les gaz, nom donné aux gaz toxiques
utilisés pour la première fois par les
Allemands, en 1915, sur le front d’Ypres :
Au Mousquier, dans le pavillon réservé aux
officiers, Antoine se trouvait être l’unique
major atteint par les gaz (Martin du Gard).
‖ Gaz de combat, nom donné auj. à des
substances chimiques gazeuses, liquides
ou solides, qui, en raison de leurs proprié-
tés particulières, sont susceptibles d’être
employées comme arme de guerre. ‖ Gaz
lacrymogènes, gaz produisant, par irrita-
tion de l’oeil, une abondante sécrétion de
larmes chez la personne atteinte, utilisés
notamment par la police lors de manifes-
tations ou de troubles. ‖ Masque à gaz, v.
MASQUE. ‖ Chambre à gaz, dans certains
États des États-Unis, pièce où l’on exécute
par asphyxie les condamnés à mort ; dans
des camps de concentration nazis, salle
où l’on exterminait les déportés par des
gaz toxiques.

& n. m. pl. (sens 1, 1865, Littré [au sing.,


1836, G. Esnault] ; sens 2, début du XXe s.).
1. Mélange, dans le tube digestif, d’air
dégluti et de produits volatils dus aux fer-
mentations : Avoir des gaz. ‖ Au sing. Un
gaz, une émission de gaz intestinaux par
le fondement : Rien ne me fâche comme un
trait d’esprit. S’il m’en échappe, j’en ai aussi
honte que d’un gaz (Cocteau). ‖ 2. Gaz
carburés, ou simplem. les gaz, mélange
d’air et de vapeurs d’essence fourni par le
carburateur et dont la combustion assure
le fonctionnement d’un moteur à explo-
sion : L’admission des gaz dans le cylindre
constitue le premier temps du cycle à quatre
temps du moteur à explosion. ‖ Mettre les
gaz, donner de la vitesse à un moteur en
appuyant sur l’accélérateur ; par extens.
et fam., se hâter. ‖ Fam. À pleins gaz, ou,
ellipt., pleins gaz, à toute vitesse, rapide-
ment : Voiture qui roule à pleins gaz. Un an
et demi... Oui, mais pleins gaz ! (Croisset).
‖ Gaz d’échappement, gaz brûlés, résidu
de la combustion du mélange carburé dans
un moteur à explosion, qui est évacué dans
l’atmosphère.

• SYN. : 1 ballonnement, flatulence, flatuo-


sité ; pet (triv.), vent.

gazage [gazaʒ] n. m. (de gazer 2 ; 1877,


Littré). Action de gazer, de passer à la
flamme les fils ou les tissus, en particulier
ceux de coton, pour les égaliser.

• SYN. : flambage, grillage.

gazania [gazanja] n. m. (mot du lat. scien-


tif. moderne, peut-être dér. du gr. [d’origine
persane] gaza, « trésor royal », à cause de la
richesse de la floraison de la plante ; 1872,
Larousse, écrit gazanie ; gazania, XXe s.).
Plante vivace de la famille des composées,
originaire de l’Afrique du Sud, et dont
plusieurs espèces sont cultivées dans les
jardins pour leurs fleurs (capitules) jaunes,
orange ou blanches.

gaze [gaz] n. f. (ar. Gazza, n. d’une ville


de Palestine où l’on fabriquait et d’où l’on
exportait la gaze [lat. Gaza] ; 1554, Ronsard,
au sens 1 ; sens 2, 1907, Larousse ; sens 3,
1865, Littré ; sens 4, 1872, Larousse ; sens
5, 1802, Chateaubriand ; sens 6, 1675, La
Fontaine). 1. Étoffe légère et transparente,
de soie ou de coton, employée dans la mode
et dans la confection : Ni plume, ni rubans,
ni gaze, ni dentelle ; | Pour parure et bijoux,
sa grâce naturelle (Gautier). Une gaze
transparente et sombre laissait entrevoir
les splendeurs amorties d’une jupe éclatante
(Baudelaire). Baïa debout, sans veston bleu
ni corselet, rien qu’une chemisette de gaze
argentée et un grand pantalon rose tendre,
chantait « Marco la Belle » (Daudet). Un
voile, une robe de gaze. ‖ 2. Simple tissu
de coton très lâche, tissé en armure toile,
utilisé pour les pansements, en nappe,
en bande ou en compresse : J’allai à mon
placard, où je pris de la gaze, des ciseaux
(Bosco). ‖ 3. Travail destiné à remplir l’in-
térieur des fleurs, dans certains ouvrages
de dentelle. ‖ 4. Matière fine et légère
comme la gaze : Lorsqu’enfin la demoiselle
se reposait à la pointe d’un roseau, et que
vous pouviez examiner, en retenant votre
souffle, les longues ailes de gaze... (Hugo).
‖ 5. Fig. et littér. Corps, milieu transparent
qui voile les objets et en estompe la net-
teté : Parfois la mer laisse voir sous la gaze
de ses eaux une fleur marine (Balzac). Un
petit bois de lauriers-roses tremblait dans la
gaze du crépuscule (Daudet). En avançant
en âge, une gaze impalpable avait insen-
siblement recouvert le souvenir de Marie
(Zola). Le ciel s’est voilé de nouveau, mais
d’une gaze toute légère ; c’est comme un
tissu de petits nuages pommelés d’un gris
tourterelle, qui semblent être remontés à
des hauteurs excessives dans l’éther (Loti).
‖ 6. Vx ou littér. Adoucissement de la pen-
sée, artifice de langage pour ne pas dire
nettement les choses, pour en masquer la
crudité : Tudieu ! quelle commère ! Comme
elle raconte, sans la moindre gaze, les his-
toires les plus égrillardes ! (Gautier).

gazé, e [gaze] adj. (part. passé de gazer


2 ; 1872, d’après Littré, 1877). Se dit d’un
textile qu’on a soumis au gazage pour lui
donner un aspect moins duveteux : Fil gazé.
& adj. et n. (v. 1915). Qui a subi l’action
des gaz asphyxiants : Après l’emploi du
gaz lacrymogène, la gazée devrait être
transportée dans un endroit tranquille
(L. Daudet). Antoine [...] partit retrouver

le docteur qui, chaque matin, passait une


demi-heure à l’annexe pour surveiller en
personne les exercices de gymnastique res-
piratoire qu’il ordonnait à certains gazés
(Martin du Gard). Nous préparions, nous
pouvions préparer des médicaments pour
soigner les brûlés, les gazés, les empoisonnés
(Duhamel).

gazéifiable [gazeifjabl] adj. (de gazéifier ;


1811, Mozin). Qui peut être transformé en
gaz.

gazéificateur [gazeifikatoer] n. m.
(dér. savant de gazéifier ; 1930, Larousse).
Appareil servant à gazéifier l’eau.

gazéification [gazeifikasjɔ̃] n. f. (dér.


savant de gazéifier ; 1842, Acad., au sens I
[gazéification intégrale, gazéification sou-
terraine, XXe s.] ; sens II, XXe s.).

I. Action de faire passer un corps à l’état


gazeux. ‖ Spécialem. Transformation en
gaz combustibles de produits liquides ou
solides contenant du carbone. ‖ Gazéi-
fication intégrale, gazéification totale,
en une seule étape, des houilles et des
lignites. ‖ Gazéification souterraine,
transformation en gaz combustible, par
combustion avec une quantité d’air limi-
tée, d’une couche de houille, sans procé-
der à son extraction.
II. Adjonction de gaz carbonique à une
boisson.

gazéifier [gazeifje] v. tr. (de gazéi-, élé-


ment tiré de gaz, et de -fier, du lat. facere,
faire ; début du XIXe s., au sens I ; sens II,
XXe s.).

I. Faire passer un corps à l’état gazeux :


Pour gazéifier les métaux, il ne me
manque plus que de trouver un moyen de
les soumettre à une immense chaleur dans
un milieu où la pression de l’atmosphère
soit nulle (Balzac).

II. Rendre une boisson gazeuse en y fai-


sant dissoudre du gaz carbonique : Une
eau minérale gazéifiée.

gazéiforme [gazeifɔrm] adj. (de


gazéi-, élément tiré de gaz, et de forme ;
1811, Mozin, au sens 1 ; sens 2, milieu du
XIXe s., Baudelaire). 1. Qui est à l’état de
gaz. ‖ 2. Fig. et littér. Aussi peu saisissable,
aussi peu consistant qu’un gaz : En vérité,
l’auteur est bien fou qui a pu croire que ces
gens prendraient feu pour une chose aussi
impalpable, aussi gazéiforme que l’honneur
(Baudelaire).

gazelle [gazɛl] n. f. (ar. maghrébin gazēl,


gazelle, ar. class. gazāla ; fin du XIIIe s.,
Joinville, écrit gazel ; v. 1298, Livre de Marco
Polo, écrit gasele ; gazelle, 1690, Furetière
[des yeux de gazelle, 1829, V. Hugo]). Petit
mammifère ruminant de la famille des
antilopes, à hautes pattes fines, à grands
yeux, à cornes arquées en lyre, qui vit
dans les steppes d’Afrique et d’Asie : Les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2124

migrations pacifiques des gazelles et des


chameaux (Chateaubriand). ‖ Des yeux de
gazelle, de grands yeux doux : Arabes du
Hedjaz aux longs yeux de gazelles (Leconte
de Lisle).

1. gazer [gaze] v. tr. (de gaze ; av. 1742,


Massillon, au sens 2 ; sens 1, 1762, Acad.).
1. Vx. Couvrir d’une gaze, d’un voile trans-
parent : Des spectres près du Gymnase, |
À deux pas des Variétés, | Sans brume ou
linceul qui les gaze, | Des spectres mouillés
et crottés ! (Gautier). Des nudités gazées
(Goncourt). ‖ 2. Vx ou littér. Voiler, dis-
simuler, sous une expression atténuée,
les aspects blessants ou choquants de la
réalité : On pourrait faire tout un vaude-
ville là-dessus, en gazant toutefois cer-
tains détails (Nerval). Mon père avait au
contraire magnifié son ancien patron et gazé
certains épisodes de sa fin (L. Daudet). Je
le lui ai raconté. En gazant, bien entendu
(Duhamel).

2. gazer [gaze] v. tr. (de gaz ; 1829, Boiste,


au sens 1 ; sens 2, v. 1915). 1. Passer à la
flamme du gaz ou de l’alcool un fil ou un
tissu, pour en enlever le duvet ou les brins
mal retors. ‖ 2. Soumettre à l’action de
gaz toxiques ou asphyxiants (surtout au
passif) : Délicat des bronches depuis qu’il
avait été gazé (M. Prévost).

• SYN. : 1 flamber, griller.

& v. intr. (1915, G. Esnault). Fam. Aller


à toute vitesse, en parlant d’un véhicule
ou d’une personne : J’ai essayé le zinc
[=l’avion]... Pour voir s’il gazait (Croisset).
Vous n’avez pas mis longtemps, vous avez
dû gazer !

& v. impers. (1915, G. Esnault). Fam. Ça


gaze, ça va gazer, ça va bien, ça va marcher :
Alors, ça gaze ? Ils [les spectateurs] sont de
bon poil, ça va gazer (Sartre).

gazetier, ère [gaztje, -ɛr] n. (de gazette ;


1633, Peiresc, au sens 1 ; sens 2, 1752,
Trévoux ; sens 3, 1640, Oudin, puis 1834,
Landais). 1. Vx. Personne qui rédigeait ou
publiait une gazette : Peut-être y a-t-il eu
cent femmes de qualité perdues ; mais les
drôles en ont mis un millier, ainsi que le font
les gazetiers quand ils évaluent les morts
du parti battu (Balzac). Dans son rôle de
correspondante, de gazetière des théâtres,
elle restera mauvaise à la femme qui lui a
enlevé son Dorval (Goncourt). ‖ 2. Péjor.
et vx. Personne qui recueille et colporte
des ragots : Il commençait à vivre à l’heure
du thé, courant le monde, où il jouait le
rôle de gazetier, de truchement, de trait
d’union et d’écouteur (Gide). ‖ 3. Péjor. et
littér. Journaliste : Un gazetier philanthrope
me dit que la solitude est mauvaise pour
l’homme (Baudelaire).

gazette [gazɛt] n. f. (ital. gazzetta,


gazette, empr. du vénitien gazeta, feuille
périodique donnant des informations sur
les affaires commerciales de Venise, ainsi
que sur les événements du temps, et coûtant
une gazeta, c’est-à-dire environ trois liards,
le nom de la pièce de monnaie [dimin. de
gazza, « monnaie », terme de même racine
que le franç. geai, v. ce mot] ayant été donné
à l’objet qu’elle permettait d’acheter ; fin
du XVIe s., A. d’Aubigné, au sens 1 [vieille
gazette, av. 1750, Staal de Launay] ; sens
2, av. 1654, Guez de Balzac ; sens 3, fin du
XVIe s., La Curne). 1. Vx. Écrit périodique,
destiné à l’information littéraire, politique,
artistique : Il est impossible de parcourir
une gazette quelconque, de n’importe quel
jour, ou quel mois, ou quelle année, sans
y trouver, à chaque ligne, les signes de la
perversité humaine la plus épouvantable
(Baudelaire). Eh bien ! reprit M. d’Anque-
til, quoi que disent les gazettes, la guerre
consiste uniquement à voler des poules
[...] aux vilains (France). [V. Rem.] ‖ Vx.
Vieille gazette, chose qui a perdu tout inté-
rêt. ‖ 2. Vx. Ensemble de petites nouvelles
racontées minutieusement, chronique :
Deux personnes chargées de faire la gazette
de la cour (Montesquieu). Je me sentais légè-
rement agacé de voir les affaires privées de
mon pauvre Ponceau courir ainsi la gazette
(Duhamel). ‖ 3. Fig. et fam. Personne qui
aime bavarder, colporter des commérages :
Ce cher vidame était l’entrepôt de toutes
les confidences, la gazette du Faubourg
(Balzac).

• REM. Gazette, dans l’usage courant, a


été supplanté par journal et ne s’emploie
plus que dans des parlers régionaux et
dans les titres de certains périodiques :
La Gazette du Palais. La Gazette de
Lausanne.

gazeur [gazoer] n. m. (de gazer 2 ; 1930,


Larousse). Appareil servant à gazer les fils
textiles.

gazeuse [gazøz] n. f. (de gazer 1 ; 1865,


Littré). Ouvrière en dentelle qui, dans le
point d’Alençon, fait les remplissages des
fleurs et des feuilles.

gazeux, euse [gazø, -øz] adj. (de gaz ;


1775, Grignon, au sens 2 ; sens 1, 1809,
Wailly ; sens 3, XXe s.). 1. Qui est de la nature
des gaz : État gazeux. Corps, fluide gazeux.
‖ Qui se rapporte aux gaz : La pression
gazeuse. ‖ 2. Se dit d’un liquide, d’une
boisson qui contient du gaz carbonique
en dissolution : Une eau gazeuse natu-
relle. La limonade est une boisson gazeuse.
‖ 3. Gangrène gazeuse, v. GANGRÈNE.
& gazeuse n. f. (1865, Littré). Vx et fam.
Boisson gazeuse : La vieille tira d’une
armoire des siphons de « gazeuse »
(Hermant). Elles s’assirent et demandèrent
deux bouteilles de gazeuse (L. Daudet).

1. gazier, ère [gazje, -ɛr] n. (de gaze ;


1723, Savary des Bruslons). Vx. Ouvrier,
ouvrière qui fabriquait la gaze.

2. gazier, ère [gazje, -ɛr] adj. (de gaz ;


début du XIXe s., au sens de « relatif au gaz » ;
sens actuel, 1877, Littré). Qui se rapporte au

gaz de ville, à sa fabrication, à sa distribu-


tion, à son utilisation : L’industrie gazière.
& gazier n. m. (sens 1, 1865, Littré ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, 1950, G. Esnault [« homme
simple, naïf », v. 1960]). 1. Ouvrier d’une
usine à gaz : Le gazier était à son poste,
près du jeu compliqué des robinets (Zola).
‖ 2. Employé d’une entreprise de distribu-
tion de gaz. ‖ 3. Pop. Individu quelconque,
indéterminé. ‖ Spécialem. Homme simple,
naïf.

• SYN. : 2 gars (fam.), quidam, type (fam.).

gazillon [gazijɔ̃] n. m. (de gaze ; av. 1854,


Nerval). Léger tissu de gaze : Les fleurs et les
gazillons lamés de leurs coiffures (Nerval).

gazoduc [gazɔdyk] n. m. (de gaz, d’après


oléoduc ; 24 avr. 1958, le Midi libre).
Canalisation destinée au transport à très
longue distance du gaz naturel ou du gaz
de cokerie.

gazogène [gazɔʒɛn] n. m. (de gazo-, élé-


ment tiré de gaz, et de -gène, du gr. gennân,
engendrer, produire ; début du XIXe s., au
sens 1 ; sens 2, XXe s. ; sens 3, v. 1942). 1. Vx.
Appareil portatif servant à fabriquer l’eau
gazeuse. ‖ 2. Appareil destiné à transfor-
mer par oxydation incomplète, avec ou
sans adjonction de vapeur d’eau, un com-
bustible solide ou liquide en gaz combus-
tible. ‖ 3. Ellipt. Véhicule automobile dont
le moteur fonctionne au gaz fourni par un
appareil de ce genre : Un long convoi [...]
de gazogènes fumeux (Dorgelès).

gazoline [gazɔlin] n. f. (de gaz [avec les


suff. scientif. -ol et -ine] ; 1888, Larousse
[gazoline naturelle, XXe s.]). Essence légère,
très volatile, qui se sépare du pétrole brut
par une première distillation. ‖ Gazoline
naturelle, essence sauvage obtenue par
dégasolinage du gaz naturel.
• REM. On écrit aussi GASOLINE.

gazométallurgie [gazometalyrʒi]
n. f. (de gazo-, élément tiré de gaz, et de
métallurgie ; milieu du XXe s.). Technique
consistant à introduire un gaz dans un
métal en fusion, pour le débarrasser de
ses impuretés.

gazomètre [gazɔmɛtr] n. m. (de gazo-,


élément tiré de gaz, et de -mètre, gr. metron,
mesure ; 1789, Lavoisier, au sens 1 ; sens 2,
1872, Larousse [« appareil qui règle l’écou-
lement du gaz d’éclairage ou de cuisine,
en mesurant la quantité fournie », 1809,
Wailly]). 1. Vx. Appareil pour mesurer
le volume des gaz. ‖ 2. Grand réservoir
dans lequel le gaz de ville est emmagasiné
à volume variable et sous une pression
constante : Ces quartiers des grandes villes
où l’on relègue les gares de marchandises,
les gazomètres (Romains).

gazométrie [gazɔmetri] n. f. (de gazo-,


élément tiré de gaz, et de -metrie, du gr.
metron, mesure ; 1865, Littré). Mesure des
volumes, des densités des gaz.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2125

gazométrique [gazɔmetrik] adj. (de


gazométrie ; 1872, Larousse). Qui appar-
tient à la gazométrie.

gazon [gazɔ̃] n. m. (francique *waso,


motte de terre garnie d’herbe ; v. 1213, Fet
des Romains, écrit gason, au sens du fran-
cique ; sens 1, 1258, Roman de Mahomet
[écrit wason ; gazon, fin du XVIe s.] ; sens 2,
1690, Furetière ; sens 3, 1865, Littré [se
ratisser le gazon, tondre le gazon, XXe s.]).
1. Herbe courte et fine : Les deux collines
[...] portant toujours sur leurs versants
arides un gazon ras (Flaubert). Tondre
le gazon. ‖ 2. Terre couverte de gazon :
Il s’assit ou plutôt se laissa tomber sur le
gazon (Stendhal). La saison avait brodé de
fleurs un immense gazon (Hugo). ‖ 3. Fig.
et pop. Les cheveux, le cuir chevelu : Ils
sont gais, et, contant leurs antiques bam-
boches, | Branlent leurs vieux gazons sur
leurs vieilles caboches (Hugo). ‖ Pop. Se
ratisser le gazon, se peigner. ‖ Pop. Tondre
le gazon, couper les cheveux.

• SYN. : 2 boulingrin, pelouse.


& gazons n. m. pl. (1865, Littré). Vx. Mottes
de terre carrées et couvertes de gazon, dont
on se sert pour réaliser des gazons artifi-
ciels : Lever des gazons.

gazonnage n. m. V. GAZONNEMENT.

gazonnant, e [gazɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de gazonner ; 1338, Godefroy, au sens
de « qui forme gazon » [en parlant d’un
pré] ; sens actuel, 1840, Acad.). Se dit des
plantes qui s’étalent sur le sol en petites
touffes formant un gazon.

gazonné, e [gazɔne] adj. (part. passé


de gazonner). Couvert de gazon : J’ai pro-
mené mes rêveries sur les rampes gazonnées
de Schönbrünn (Nerval). La petite place,
avec son bassin rond et son jet d’eau des
dimanches, ses parterres gazonnés et leurs
bordures de buis (Martin du Gard).

& gazonnée n. f. (20 juin 1876, Journ. offi-


ciel). Terrain couvert de gazon.

gazonnement [gazɔnmɑ̃] ou gazon-


nage [gazɔnaʒ] n. m. (de gazonner ; gazon-
nement, 1701, Furetière ; gazonnage, 1713,
Isambert, au sens de « terrain couvert de
gazon » ; sens actuel, 1845, Bescherelle).
Action de revêtir de gazon.

gazonner [gazɔne] v. tr. (de gazon [v. ce


mot] ; 1295, Godefroy, écrit wassonner, au
sens de « lever des mottes de terre » ; écrit
gazonner, au sens actuel, 1328, Godefroy).
Revêtir de gazon : J’allai lever des glèbes
pour gazonner la tombe (Le Roy). Son gra-
vier s’était gazonné (Arène).

& v. intr. (sens 1, 1869, d’après Littré,


1877 ; sens 2, 18 déc. 1874, Journ. offi-
ciel). 1. Pousser en gazon : Herbe qui
gazonne. ‖ 2. Se couvrir de gazon : Prés
qui gazonnent.

gazonneux, euse [gazɔnø, -øz] adj. (de


gazon ; 1791, Valmont de Bomare). Qui

est couvert de gazon ou d’une végétation


analogue : L’attelage franchissait le fossé
gazonneux (Theuriet).

gazonnier [gazonje] n. m. (de gazon ;


1955, Dictionnaire des métiers). Jardinier
spécialisé dans la production et l’entretien
des gazons.

gazouillant, e [gazujɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


gazouillant, e [gazujɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.
prés. de gazouiller 1 ; av. 1712, La Fare,
au sens 2 ; sens 1, 1872, Larousse ; sens 3,
début du XXe s.). 1. Qui gazouille ; qui a
l’habitude de gazouiller : Les perruches
gazouillantes (Margueritte). ‖ 2. Qui
produit une sorte de gazouillement : Une
de ces causeries gazouillantes qui font le
bruit d’une source (Goncourt). ‖ 3. Littér.
Qui est plein de gazouillements : Jusqu’aux
approches d’une nuit divine et gazouillante
d’oiseaux (L. Daudet).

gazouillement [gazujmɑ̃] n. m. (de


gazouiller 1 ; v. 1361, Oresme, écrit gasoil-
lement [gazouillement, v. 1560, Paré], au
sens 1 ; sens 2, 1636, Monet [« babil des
petits enfants », 1787, Féraud] ; sens 3,
1636, Monet). 1. Bruit des oiseaux qui
gazouillent : Des oiseaux [...] venus d’eux-
mêmes pour mêler leur gazouillement au
chant des musiciens (Chateaubriand).
‖ 2. Suite de paroles prononcées d’une
voix douce : Le gazouillement commença.
Ils se parlaient bas (Hugo). ‖ Spécialem.
Babil des petits enfants : Le gazouillement,
musique molle et vague, | Chant dont les
nouveau-nés ont le charmant secret (Hugo).
‖ 3. Bruit léger et murmurant d’une eau
courante : Le gazouillement d’une source.
• SYN. : 1 gazouillis, pépiement, ramage ;
2 chuchotement, chuchotis, murmure ;
3 babil, bruissement, clapotis, frémisse-
ment, friselis.

1. gazouiller [gazuje] v. intr. (de l’ono-


matop. gas- ; 1316, Maillart, au sens 2 ; sens
1, v. 1560, Paré [« croasser — en parlant
d’une corneille — », 1538, R. Estienne] ; sens
3, milieu du XVIe s.). 1. En parlant des petits
oiseaux, faire entendre un chant léger, doux
et confus : Les hirondelles gazouillent.
‖ 2. En parlant des bébés, émettre les pre-
miers sons articulés : Un bébé qui gazouille
dans son berceau. Les oiseaux gazouillent.
Jeanne aussi (Hugo). ‖ 3. En parlant de
l’eau, produire un murmure : Un petit jet
d’eau gazouillait dans un bassin de marbre
(Flaubert).

• SYN. : 1 chanter, pépier ; 2 babiller ;


3 bruire, murmurer, susurrer.

& v. tr. (av. 1525, G. Cretin). Faire entendre


comme en gazouillant : Gazouiller une
chanson. Massillon gazouille du ciel je ne
sais quoi qui est ravissant (Joubert).

2. gazouiller [gazuje] v. intr. (de gaz,


« pet », avec le suff. pop. et péjor. -ouiller ;
1877, Zola). Vx et arg. Puer : Dans l’air
chaud, une puanteur forte montait de
tout ce linge sale remué. « Oh ! là, là, ça

gazouille ! » dit Clémence en se bouchant


le nez (Zola).

gazouilleur, euse [gazujoer, -øz] adj.


(de gazouiller 1 ; 1611, Cotgrave, au sens 1
[rarement attesté entre 1660, Oudin, et la
fin du XIXe s.] ; sens 2, av. 1896, Goncourt).
1. Qui gazouille : Lèvres gazouilleuses
(Pérochon). ‖ 2. Qui est dit en gazouillant :
Il ne se répand ni en propos charmeurs, ni
en phrases gazouilleuses (Goncourt).

gazouillis [gazuji] n. m. (de gazouil-


ler 1 ; v. 1540, Yver, au sens 3 ; sens 1,
1564, J. Thierry ; sens 2, av. 1902, Zola).
1. Gazouillement léger et confus des petits
oiseaux, et, spécialem., de l’hirondelle :
Là, se réunissaient les hirondelles prêtes
à quitter nos climats. Je ne perdais pas un
seul de leurs gazouillis (Chateaubriand).
Dans un bois, l’amateur d’oiseaux distingue
aussitôt ces gazouillis particuliers à chaque
oiseau, que le vulgaire confond (Proust).
‖ 2. Suite de paroles prononcées d’une voix
douce et claire, et perçues plus ou moins
distinctement : Il entendait le gazouillis
de la fillette racontant à Silvanire, en train
de la déshabiller, ce qui s’était passé dans
la soirée chez ces dames (Daudet). Une
cinquantaine d’enfants se tenaient réunis
[...] ; c’était le gazouillis du choeur (Zola).
‖ 3. Léger murmure d’une eau courante :
Écouter le gazouillis d’un ruisselet.

• SYN. : 1 ramage ; 2 chuchotement, chu-


chotis, murmure ; 3 bruissement, friselis,
susurrement.

G. D. F. (milieu du XXe s.). Sigle de GAZ


DE FRANCE.

geai [ʒɛ] n. m. (bas lat. gaius, geai [ve s.],


tiré du n. pr. Gaius selon un procédé fré-
quent pour la désignation des animaux
familiers ; v. 1170, Floire et Blancheflor,
écrit gai [jai, v. 1175, Chr. de Troyes ; geai,
XVIIe s. ; c’est le geai paré des plumes du
paon, 1865, Littré). Oiseau passereau de
la famille des corvidés, à plumage brun
clair tacheté de bleu, de blanc et de noir :
Les femmes piaillaient comme des geais
plumés vifs (Gautier). ‖ C’est le geai paré
des plumes du paon, c’est quelqu’un qui se
vante de qualités ou de choses empruntées
à d’autres (allusion à une fable [IV, 9] de
La Fontaine).

géant, e [ʒeɑ̃, -ɑ̃t] n. (lat. pop. *gagantem,


géant, e [ʒeɑ̃, -ɑ̃t] n. (lat. pop. *gagantem,
accus. de *gagas, géant, altér. du lat. class.
Gigas, -gantis, chacun des Géants qui vou-
lurent détrôner Jupiter, gr. Gigas, -gantos,
même sens ; 1080, Chanson de Roland, écrit
jaiant [gaiant, v. 1120, Psautier d’Oxford ;
géant, v. 1170, Livre des Rois], au sens 2 [à
pas de géant, 1671, Pomey] ; sens 1, v. 1170,
Livre des Rois ; sens 3, av. 1699, Racine ;
sens 4, av. 1778, Voltaire [les géants de la
route, début du XXe s.] ; sens 5, XXe s.). 1. Être
fabuleux d’une taille extraordinaire : La
ville est étagée sur un charmant désordre
de vallées et de collines [...], comme si elles
avaient été prises à poignée par un géant
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2126

(Hugo). ‖ 2. Personne dont la taille excède


de beaucoup la normale : La petite, ployant
les reins, tordant son corps, | Rit et raille la
grande, et la géante alors | Se penche sur la
naine avec gloire et furie (Hugo). ‖ Fig. À
pas de géant, très vite : La luxure progresse à
pas de géant (Aymé). ‖ 3. Animal ou chose
de très grandes dimensions : Avez-vous
jamais vu un radieux cerf-volant, ce géant
des papillons de l’enfance, tout chamarré
d’or, planant dans les cieux ? (Balzac). Un
vieux chêne, géant de la forêt. ‖ 4. Fig.
Personne qui dépasse de beaucoup la
moyenne par son envergure intellectuelle,
son génie : [Le] baron en qui chacun voyait
un des géants qui secondèrent Napoléon
(Balzac). ‖ Les géants de la route, les cou-
reurs cyclistes de grande classe. ‖ 5. Firme,
société à qui leur puissance économique
donne une place de tout premier plan : Les
géants de l’automobile, de l’acier.

• SYN. : 1 cyclope, ogre, titan ; 2 colosse,


malabar (fam.) ; 4 héros, surhomme.

& adj. (sens 1, v. 1240, G. de Lorris [écrit


jaiant ; géant, milieu du XVIe s., Ronsard] ;
sens 2, 1791, Almanach des Muses). 1. Dont
la taille excède de beaucoup la moyenne :
La plus géante des pyramides d’Égypte
(Maupassant). Telle une floraison de lys
géants fauchée (Heredia). ‖ 2. Qui a des
dimensions énormes dans tous les sens :
Le Paris du quinzième siècle était déjà une
ville géante (Hugo).

gecko [ʒɛko] n. m. (mot du lat. des


zoologistes [milieu du XVIIe s.], empr. du
néerl. [début du XVIIe s.], lui-même empr.
du malais gēkoq ; début du XVIIIe s., écrit
gekko ; gecko, 1771, Schmidlin). Lézard
des régions méditerranéennes, à doigts
adhésifs : Un gecko, glissé sous la véranda,
faisait écho au tapotement de la machine
(Dorgelès).

geffrard [ʒɛfrar] n. m. (probablem. n. pr.


employé ironiquement ; 1901, Larousse).
Double cinq, au jeu de dominos.

géhenne [ʒeɛn] n. f. (bas lat. ecclés.


gehenna, géhenne, enfer, de l’hébreu
postbiblique ge-hinnom, n. de la « vallée
de Hinnom » [près de Jérusalem], qui
était un lieu maudit [depuis que les Juifs
y avaient fait des sacrifices à Moloch] et
dont le nom, par suite, fut employé pour
désigner l’enfer ; v. 1265, Br. Latini, écrit
jehenne [gehenne, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2
[par croisement avec gêne, v. ce mot], fin du
XVIe s., A. d’Aubigné [« souffrance intense »,
1580, Montaigne ; « lieu de souffrance »,
début du XXe s.]). 1. La Géhenne (avec
une majuscule), dans le langage biblique,
l’enfer : Les tourments de la Géhenne. Elle-
même prépare au fond de la Géhenne | Les
bûchers consacrés aux crimes maternels
(Baudelaire). ‖ 2. Class. et littér. Torture :
Il sera prouvé que l’accusée a été pendant six
heures à la géhenne du feu dans un espace
trop étroit où quatre personnes pouvaient

à peine respirer, ce qui a fait dire contumé-


lieusement à la torturée qu’on lui faisait la
guerre à la Saint-Laurent (Chateaubriand).
‖ Par extens. Souffrance intense : Pendant
l’espèce de géhenne que représente le pan-
sement du genou malade, Roger-le-Grand
récite des prières (Duhamel). ‖ Lieu de
souffrance : Pendant deux jours, je ne sortis
pas de cette géhenne (Colette).

• SYN. : 2 supplice ; calvaire, martyre,


torture.

géhenner [ʒeɛne] v. tr. (de géhenne [par


croisement avec gêne, gêner, v. ces mots] ;
1580, Montaigne). Vx et littér. Mettre à la
torture : Aucun conspirateur géhenné par le
questionnaire à Venise ne fut plus mal dans
les brodequins de la torture que Birotteau ne
l’était dans ses vêtements (Balzac).

geignant, e [ʒɛɲɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


geindre 1 ; 1856, Lachâtre, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Qui a l’habitude de geindre :
Je reste couché presque toute la journée,
énervé et geignant (Renard). ‖ 2. Qui émet
des sons plaintifs : Les touches du geignant
harmonium (Bernanos).

geignard, e [ʒɛɲar, -ard] adj. et n. (de


geindre 1 ; 1867, Goncourt). Fam. Qui a
l’habitude de geindre ou de se lamenter :
Et il me revenait fidèlement encore plus
geignard, plus minable (L. Daudet). Rien
n’est sot comme les geignards (Flaubert).
& adj. (1887, Zola). Qui a le ton du gei-
gnement : Cette école [...] où l’on enten-
dait des voix geignardes d’hommes planer
au-dessus d’un silence hypocrite d’enfants
(Giraudoux).

• SYN. : gémisseur, plaintif, pleurnicheur.

geignement [ʒɛɲmɑ̃] n. m. (de geindre


1 ; 1842, V. Hugo). Action de geindre ; son
inarticulé pareil à une plainte : Il fallait
entendre le geignement désespéré dont fut
souligné ce mot d’huissier pour bien faire
sentir toutes les formalités sinistres qu’il
entraînait après lui : papier timbré, saisie...
(Daudet). Je ferai, comme les vieillards,
toutes sortes de soupirs, de geignements
(Duhamel). Huchemin, entre deux geigne-
ments, répondait à ses parents d’une voix
dolente (Aymé).

• SYN. : gémissement, jérémiade, lamenta-


tion, plainte.

geignerie [ʒɛɲri] n. f. (de geindre 1 ; 1876,


Huysmans, aux sens 1-2). 1. Fam. et péjor.
Lamentation sur un ton pleurard : Fiche-
moi la paix avec tes geigneries (Theuriet).
‖ 2. Fam. et péjor. Soupir plaintif : Marthe
ne mentira pas, maintenant qu’elle n’aura
plus l’occasion de simuler les geigneries du
parfait amour (Huysmans).

• SYN. : 1 jérémiade, pleurnicherie (fam.).

geigneur, euse [gɛɲoer, -øz] adj. et n. (de


geindre 1 ; 1874, A. Daudet). Fam. et péjor.
Qui a l’habitude de geindre (rare) : Très

douillet en outre, très geigneur, il s’écoutait


(Daudet).

• SYN. : geignard, gémisseur, pleurnicheur.

1. geindre [ʒɛ̃dr] v. intr. (réfection,


d’après les verbes en -eindre, de l’anc.
franç. giembre, gémir, geindre [fin du
XIIe s., Simund de Freine], giendre [début du
XIIIe s., Yder], lat. gemere, gémir, se plaindre,
déplorer ; XIVe s., aux sens 1 et 3 ; sens 2,
1866, Th. Gautier). [Conj. 55.] 1. Émettre
des sons plaintifs, inarticulés et languis-
sants : Les enfants pleuraient, les femmes
geignaient (Flaubert). Elle commençait à
geindre, à grogner comme un animal (Gide).
Au fond de la chambre, M. Thibault, livré à
sa souffrance, geignait de plus en plus fort
(Martin du Gard). ‖ 2. Émettre un bruit
qui ressemble à une plainte : Tout ému, je
pousse la porte | Qui cède et geint sur ses
pivots (Heredia). De temps en temps sous
l’ouragan | Un vieux sapin geint et se couche
(Apollinaire). ‖ 3. Fam. Se lamenter à tout
propos : Il passe sa vie à geindre. Il ne me
revenait guère, ce gringalet. Toujours à
geindre ! (Zola).

• SYN. : 1 gémir, se plaindre ; 2 grincer ;


3 murmurer, pleurnicher, récriminer.

2. geindre n. m. V. GINDRE.

geisha [gɛʃa] n. f. (mot japonais ;


1887, P. Loti, écrit guécha ; geisha, 1901,
Larousse). Chanteuse et danseuse japonaise
qui, dans les maisons de thé, joue le rôle
d’entraîneuse et d’artiste : Douze geishas
en robe sombre qui jouaient du tambourin
(Farrère).

gel [ʒɛl] n. m. (lat. gelu, gelée, glace, grand


froid ; 1080, Chanson de Roland, écrit giel
[gel, XIIIe s.], au sens I, 1 ; sens I, 2, 1872,
Larousse ; sens I, 3 et II, 1-2, milieu du
XXe s.).

I. 1. Temps froid qui provoque la gelée


des eaux : Un matin de gel. Le gel cède
à regret ses derniers diamants (Valéry).
‖ 2. Passage de l’état liquide à l’état
solide des eaux contenues dans divers
réceptacles : Le froid de cette nuit a provo-
qué le gel des gouttières, des canalisations
et même des étangs. ‖ 3. Fig. Mesure par
laquelle un gouvernement rend certains
fonds momentanément inutilisables : Le
gel des crédits.

II. 1. En chimie, mélange d’une matière


colloïdale et d’un liquide qui se forme
spontanément par la floculation et la
coagulation d’une solution colloïdale.
‖ 2. Substance industrielle assez ferme,
parfois élastique, analogue au caout-
chouc, résultant de l’évaporation d’un
liquide contenu dans une gelée ou une
solution colloïdale.

• SYN. : I, 1 givre, glace ; 2 gelée. — CONTR. :


I, 2 dégel.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2127

gelant, e [ʒəlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


geler ; XVIe s.). Qui provoque le gel (rare) :
Un temps gelant.

gélatine [ʒelatin] n. f. (ital. gelatina, géla-


tine [XIVe s.], dér. de gelare, geler, lat. gelare
[v. GELER] ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens
2, 1888, Larousse). 1. Matière albuminoïde
extraite de divers organes et tissus d’ani-
maux, et notamment des os, employée en
cuisine, en pharmacie et en photographie :
Plus un poisson est gros, plus il contient de
gélatine (Flaubert). ‖ 2. Gélatine explosive,
substance détonante, d’aspect gélatineux.

gélatiné, e [ʒelatine] adj. (de gélatine ; 8


mai 1874, Journ. officiel, au sens 1 ; sens 2,
1877, Littré). 1. Enduit de gélatine. ‖ 2. De
consistance comparable à celle de la géla-
tine : Une dynamite gélatinée.

gélatiner [ʒelatine] v. tr. (de gélatine ;


XXe s.). Enduire de gélatine toute surface
devant servir à recevoir une empreinte
photographique.

gélatineux, euse [ʒelatinø, -øz] adj.


(de gélatine ; 1743, Mémoires de l’Acad.
royale de chirurgie [I, 91], au sens 2 ; sens
1, 1845, Bescherelle ; sens 3, 1847, Balzac).
1. Formé de gélatine ou contenant de la
gélatine : Suc gélatineux. ‖ 2. Qui a la
consistance ou l’aspect de la gélatine :
Substance gélatineuse. ‖ 3. Par anal. Se
dit de ce qui manque de consistance ; qui
est mou, flasque : Son visage jaune sem-
blait s’être encore allongé, comme si la chair
gélatineuse des joues cédait au poids de la
mâchoire (Martin du Gard). Le directeur
tendit, comme un objet respectable, une
main gélatineuse (Duhamel).

gélatiniforme [ʒelatinifɔrm] adj. (de


gélatini-, élément tiré de gélatine, et de
forme ; 1845, Bescherelle). Qui a la nature
ou l’aspect de la gélatine.

gélatinisant [ʒelatinizɑ̃] n. m. (part. prés.


de gêlatiniser ; 1967, Chêne et Drisch). En
pyrotechnie, substance apte à gélatiniser :
Le camphre est un excellent gélatinisant des
nitrocelluloses.

gélatinisation [ʒelatinizasjɔ̃] n. f. (dér.


gélatinisation [ʒelatinizasjɔ̃] n. f. (dér.
savant de gélatine ; 1865, Littré). Processus
qui transforme la nitrocellulose fibreuse
en une matière de consistance gélatineuse.

gélatiniser [ʒelatinize] v. tr. (de


gélatinis[ation] ; 1922, Larousse).
Effectuer la gélatinisation : Gélatiniser du
coton-poudre.

gélatino-bromure [ʒelatinɔbrɔmyr]
n. m. (de gélatino-, élément tiré de gélatine,
et de bromure ; 1888, Larousse). Gélatino-
bromure d’argent, composition formée d’un
bromure d’argent en suspension dans la
gélatine : Le gélatinobromure d’argent,
très sensible à la lumière, est utilisé en
photographie.

gélatino-chlorure [ʒelatinɔklɔryr]
n. m. (de gélatino-, élément tiré de gélatine,
et de chlorure ; 1901, Larousse). Gélatino-
chlorure d’argent, composition formée d’un
chlorure d’argent en suspension dans la
gélatine.

gélation [ʒelasjɔ̃] n. f. (de geler, d’après


le lat. gelatio, -tionis, gelée, de gelatum,
supin de gelare [v. GELER] ; 1953, Larousse).
Processus de transformation d’un sol en
gel.

gelé, e [ʒle ou ʒəle] adj. (part. passé de


geler ; XIIIe s., Roman de Renart, au sens 1 ;
sens 2, av. 1788, Ch. Bonnet [paroles gelées,
1552, Rabelais] ; sens 3, 1690, Furetière ;
sens 4, v. 1560, Paré ; sens 5, 1678, Mme de
Sévigné [avoir le bec gelé, 1611, Cotgrave] ;
sens 6, fin du XIXe s., A. Daudet ; sens 7,
v. 1930). 1. Transformé en glace : Une
rivière gelée. Au seuil des bivouacs désolés
| On voyait des clairons à leur poste gelés,
| Restés debout, en selle et muets, blancs de
givre, | Collant leur bouche en pierre aux
trompettes de cuivre (Hugo). ‖ 2. Qui a
été durci et conservé par le froid : Or ces
pensées mortes depuis des millénaires |
Avaient le fade goût des grands mammouths
gelés (Apollinaire). ‖ 3. Qui a été durci et
endommagé par le froid : Des légumes gelés.
Beaucoup de soldats eurent les pieds gelés
lors de la retraite de Russie. ‖ 4. Par exa-
gér. Pénétré, engourdi par le froid : Il a les
mains gelées. ‖ 5. Fig. Qui ne réagit pas,
reste insensible : Un public gelé. Je me sens
gelée, contractée et si triste (Colette). Elle
restait gelée, au fond d’elle-même, gelée et
déjà résignée (Sartre). ‖ Fam. et vx. Avoir
le bec gelé, garder le silence. ‖ 6. Fig. Qui
est incapable d’évoluer, de se transfor-
mer : Devait-il donc se morfondre toute
la vie dans un parti gelé, sans ressort ?
(Daudet). ‖ 7. Se dit de capitaux, de fonds
qu’une décision gouvernementale empêche
d’utiliser.

• SYN. : 4 glacé, gourd, transi ; 5 froid, glacé,


glacial ; 6 figé, paralysé, sclérosé. — CONTR. :
4 bouillant, brûlant, chaud, réchauffé ;
5 chaleureux, enthousiaste, réceptif, sen-
sible ; 6 dynamique, entreprenant.

gelée [ʒle ou ʒəle] n. f. (bas lat. gelata,


gelée [VIIIe s.], part. passé fém. substan-
tivé du lat. class. gelare [v. GELER] ; 1080,
Chanson de Roland, au sens de « glace » ;
sens I, 1, v. 1120, Psautier d’Oxford ; sens
I, 2, 1552, R. Estienne [d’abord blanche
gelée, v. 1350, Glossaire de Paris] ; sens II,
1, v. 1398, le Ménagier de Paris ; sens II, 2,
1600, O. de Serres ; sens II, 3, fin du XIXe s. ;
sens II, 4, 1960, Ch. Bourgeois ; sens II, 5,
1765, Encyclopédie [XI, 674 b] ; sens II, 6,
milieu du XXe s. ; sens II, 7, XXe s.).

I. 1. Abaissement de la température
au-dessous de zéro degré, entraînant la
congélation de l’eau : La gelée, qui repre-
nait avec le soir, avait heureusement tout
durci (Fromentin). ‖ 2. Gelée blanche,

vapeur d’eau passée directement à l’état


solide et qui recouvre le sol et les plantes
avant le lever du soleil par temps clair.

II. 1. Suc de viande clarifié qui a pris une


consistance molle et élastique en se refroi-
dissant : Un poulet en gelée. Un poulet, un
pâté [...] et des viandes froides couvertes de
gelée (France). ‖ 2. Jus de fruits cuit avec
du sucre et qui, en se refroidissant, prend
la consistance de la gelée de viande : Gelée
de groseille, de coing. ‖ 3. Entremets fait
avec du jus de fruits et du sucre addi-
tionnés d’une certaine quantité de géla-
tine pour obtenir la consistance voulue
en se refroidissant : Criton, qui faisait
office de maître d’hôtel, servit des gelées
(France). ‖ 4. Gelée royale, produit de
sécrétion des glandes nourricières des
abeilles, destiné à la nourriture des larves
et des reines. ‖ 5. Gelée de mer, espèce de
méduse. ‖ 6. En cosmétologie, produit
translucide, à base d’eau ou d’huile, uti-
lisé pour les soins d’esthétique. ‖ 7. En
chimie, corps élastique formé par la pé-
nétration d’un liquide dans une masse
solide colloïdale.

• SYN. : I, 1 gel, glace.


geler [ʒle ou ʒəle] v. tr. (lat. gelare, geler,
congeler, de gelu [v. GEL] ; v. 1175, Chr. de
Troyes, au sens 1 ; sens 2, milieu du XVIIIe s.,
Buffon ; sens 3, 1578, Ronsard ; sens 4, 1694,
Acad. ; sens 5, milieu du XXe s. ; sens 6,
v. 1930 ; sens 7, fin du XIXe s., A. Daudet ;
sens 8, 1552, R. Estienne). [Conj. 3 b.]
1. Transformer en glace : Le froid a gelé
l’étang. ‖ 2. Par extens. Durcir par le
froid : Un hiver rigoureux a profondé-
ment gelé le sol. ‖ 3. Attaquer, détériorer
les tissus organiques : Le froid a gelé les
mains de cet alpiniste. Il a suffi d’une nuit
pour geler les bourgeons. ‖ 4. Par exagér.
Faire éprouver une grande sensation de
froid : Et le froid de la nuit gelait la triste
troupe (Leconte de Lisle). ‖ 5. Par anal.
Immobiliser, paralyser : Un encombrement
radical devait sans doute geler quelque part
toute circulation (Queneau). ‖ 6. Interdire
la circulation ou l’utilisation de : Geler des
crédits, des capitaux. ‖ 7. Fig. Rendre dur,
insensible : Par hasard, ce ministre était un
brave homme que la politique n’avait pas
encore gelé jusqu’au ventre et qui s’émut à
cette petite histoire de famille égarée parmi
son tas de paperasses ambitieuses (Daudet).
‖ 8. Fig. Éteindre toute ardeur, empêcher
toute manifestation d’enthousiasme ou de
cordialité : Ces paroles gelèrent l’assistance.
• SYN. : 4 glacer, transir ; 5 figer, pétrifier ;
6 bloquer ; 7 endurcir ; 8 glacer, paralyser,
réfrigérer, refroidir.

& v. intr. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2,


XXe s. [comme v. pr., 1834, Ségur] ; sens 3,
1398, le Ménagier de Paris ; sens 4, 1572,
Amyot). 1. Se transformer en glace : Le lait
a gelé dans la carafe. ‖ 2. Devenir dur sous
l’action de la glace : Le linge n’était pas sec
et il a gelé sur la corde. ‖ 3. Être endom-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2128

magé par l’effet de la gelée : Les vignes ont


gelé. Jamais de ma vie je n’avais vu geler les
petits pois (Renard). ‖ 4. Par exagér. Avoir
très froid : On se serrait pour ne pas geler
(Hugo).

• SYN. : 1 se figer, prendre (fam.) ; 3 griller ;


4 grelotter.

& v. impers. (XIIe s., Herman de


Valenciennes [geler à pierre fendre, 1690,
Furetière]). Descendre au-dessous de zéro
degré Celsius, en parlant de la température
extérieure : Il n’avait encore ni gelé ni neigé
(Hugo). ‖ Geler à pierre fendre, faire un
froid excessif : Il gelait à fendre les pierres
(Maupassant).

& se geler v. pr. (sens 1, XIIIe s., Roman de


Renart ; sens 2, 1600, O. de Serres ; sens
3, av. 1660, Saint-Amant). 1. Se transfor-
mer en glace : La buée se gèle sur les vitres.
‖ 2. Passer à l’état solide, en parlant d’un
liquide quelconque : Il fait si grand froid
que l’huile se gèle dans la bouteille (Acad.).
‖ 3. Fam. Avoir très froid : Je me gèle dans
cette pièce à vous attendre.

geleur, euse [gəloer, -øz] n. (de geler ; av.


1553, Rabelais, dans la loc. geleur de bour-
geons ; geleur de vignes, 1690, Furetière ;
geleur de raisins, 1872, Larousse). Celui,
celle qui amène la gelée (ne se dit que dans
l’expression geleur de vignes ou de raisins,
en parlant de certains saints du calendrier
dont la fête a lieu au printemps) : Saint
Marc est un grand geleur de vignes.

gelidium [ʒelidjɔm] n. m. (mot du lat.


scientif. moderne, tiré du lat. class. geli-
dus, gelé, glacé, dér. de gelu [v. GEL] ; 1872,
Larousse). Algue rouge utilisée dans la
préparation de l’agar-agar, en raison de la
gélatine qu’elle contient.

gélif, ive [ʒelif, -iv] adj. (de geler ; 1519,


Godefroy, au sens 1 ; sens 2, av. 1850, Balzac
[places gélives, XXe s.]). 1. Qui s’est fendu
ou peut se fendre sous l’effet du gel, en
parlant des arbres, des roches : Les arbres
gélifs dans leurs vergers (Chérau). La nuit
de janvier resplendissait d’une de ces lunes
implacables, qui font éclater les pierres
gélives (Arnoux). ‖ 2. Se dit de cultures,
de plantations particulièrement exposées
aux gelées de printemps : Verger gélif. Un
gros bonhomme de Tourangeau [...], crai-
gnant que son vin ne brouisse [...], parce que
ses vignes sont gélives (Balzac). ‖ Places
gélives, parties d’un champ qui peuvent
être sujettes à des dégâts causés par le froid.

gélifiant, e [ʒelifjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.

de gélifier ; milieu du XXe s., comme adj. et


n. m.). En chimie, qui provoque la gélifi-
cation : Une substance gélifiante.

& gélifiant n. m. Produit qui gélifie.

gélification [ʒelifikasjɔ̃] n. f. (dér. savant


de gélifier ; 1888, Larousse, au sens 2 ; sens
1, XXe s.). 1. Transformation d’une solu-
tion colloïdale liquide en une masse solide,
plus ou moins élastique, par suite d’une

variation de température ou d’une action


chimique. ‖ 2. Transformation en une
substance gélatineuse de la cellulose des
membranes des cellules végétales.

gélifier [ʒelifje] v. tr. (de géli-, élément tiré


de gel, et de -fier, du lat. facere, faire ; début
du XXe s.). Transformer en gel par addi-
tion d’une substance gélifiante. ‖ Essence
gélifiée, essence transformée, par addition
d’un agent gélifiant, en une gelée adhésive,
utilisée comme produit incendiaire dans
les lance-flammes et les bombes.

& se gélifier v. pr. (1906, Larousse). En


chimie, en parlant d’une substance, subir
la gélification.

geline [ʒəlin] ou géline [ʒelin] n. f. (lat.


gallina, poule, dér. de gallus, coq ; v. 1190,
Garnier de Pont-SainteMaxence). Dialect.
Poule : Mon déjeuner [...] aurait été selon
mes goûts si une mort trop récente ne m’eût
affligée : j’avais entendu crier la geline ser-
vie à mon festin (Chateaubriand).

gelinette [ʒəlinɛt] n. f. (de geline ;


XIIIe s., écrit gelinete, au sens de « petite
poule » ; écrit gelinette, au sens actuel,
1525, J. Lemaire de Belges). Nom donné,
dans certaines régions de la France, à la
gelinotte ou à la poule d’eau.

gelinotte [ʒəlinɔt] n. f. (de geline ;


v. 1530, C. Marot, au sens 1 ; sens 2, 1858,
Legoarant ; sens 3, 1596, Hulsius). 1. Oiseau
gallinacé à plumage roux, vivant dans les
forêts des régions montagneuses d’Europe
et d’Asie. ‖ 2. Dans le midi de la France,
nom donné à tort au ganga : Depuis midi,
nous n’avons fait que plumer des faisans, des
huppes, des gelinottes, des coqs de bruyère
(Daudet). ‖ 3. Petite poule engraissée dans
une basse-cour.

• SYN. : 1 coq de marais, poule des bois.

gélivation [ʒelivasjɔ̃] n. f. (de géliv[ure] ;


XXe s.). Fragmentation d’une roche sous
l’effet des alternances de gel et de dégel.

gélivité [ʒelivite] n. f. (dér. savant de gélif ;


1845, Bescherelle, aux sens 1-2). 1. Défaut de
matériaux qui se détériorent sous l’effet du
gel. ‖ 2. Défaut d’une plante gélive.
gélivure [ʒelivyr] n. f. (de gélif ; 1737,
Buffon). Fente du tronc des arbres ou fente
des pierres qui résulte d’un éclatement
causé par le gel : Des gerces qui suivent la
direction des fibres et que les gens de forêts
appellent gélivures (Buffon).

• SYN. : gerçure.

gélose [ʒeloz] n. f. (de gél[atine], avec le


suff. scientif. -ose ; 1858, d’après Larousse,
1872). Mucilage de consistance gélatineuse
extrait d’une algue rouge marine d’Ex-
trême-Orient, ou agar.

• SYN. : agar-agar.

gélosique [ʒelozik] adj. (de gélose ; XXe s.).

Relatif à la gélose.

gélule [ʒelyl] n. f. (de gél[atine], d’après


capsule ; XXe s.). Capsule formée de deux
demi-cylindres gélatineux emboîtés, et
permettant l’administration par la bouche
de médicaments en poudre.

gelure [ʒəlyr] n. f. (de geler ; 1538,


R. Estienne, au sens de « gelée, congéla-
tion » ; 1542, Du Pinet, au sens de « enge-
lure » ; sens actuel, fin du XIXe s.). Action des
basses températures sur les tissus vivants ;
résultat de cette action : L’alpiniste souffrait
de gelures aux pieds.

gémeau, elle [ʒemo, -ɛl] adj. et n. (lat.


gemellus, jumeau [adj. et n.], double, formé
de deux ; fin du XIIe s., Marie de France [v.
aussi JUMEAU]). Class. Jumeau : Ce grand
jour est venu, mon frère, où notre reine, |
Cessant de plus tenir la couronne incertaine,
| Doit rompre aux yeux de tous son silence
obstiné, | De deux princes gémeaux nous
déclarer l’aîné (Corneille).

• REM. Le mot, courant au XVIe s., est


sorti de l’usage au cours même du XVIIe s.
& gémeaux n. m. pl. (XIIe s., Studer et
Evans, écrit Gemeus ; Gémeaux, 1546,
Rabelais). Le troisième signe du zodiaque,
correspondant à la période du 21 mai au
22 juin. (En ce sens, prend une majuscule.)

gémellaire [ʒemelɛr ou ʒemellɛr] adj.


(dér. savant du lat. gemellus [v. l’art. pré-
céd.] ; 1842, Acad.). Qui se rapporte aux
jumeaux. ‖ Grossesse gémellaire, celle où
la mère porte deux enfants.

gémellation [ʒemelasjɔ̃ ou ʒemellasjɔ̃]


gémellation [ʒemelasjɔ̃ ou ʒemellasjɔ̃]
n. f. (dér. savant du lat. gemellus [v.
GÉMEAU] ; 1963, M. Druon). Apparition
d’êtres en double exemplaire : Tout ce qui,
de l’Asie Mineure à la Sicile, île ou cité ou
oracle, se nomme Didymas ou Dydymum
ou Didyma, et par là comporte l’idée de
gémellation, se rattache au souvenir et au
culte de mes deux garçons (Druon).

gémellé, e adj. V. JUMELÉ.

gémellipare [ʒemɛllipar] adj. (lat. gemel-


lipara, mère de deux jumeaux, de gemellus
[v. GÉMEAU], et de parere, enfanter ; 1842,
Acad.). Qui engendre des jumeaux : Femelle
gémellipare.

gémination [ʒeminasjɔ̃] n. f. (de géminer,


ou du lat. geminatio, -tionis, répétition de
mots, réduplication, de geminatum, supin
de geminare [v. GÉMINER] ; XVIe s., Huguet,
au sens de « répétition [de mots] » ; sens
1, 1845, Bescherelle ; sens 2, XXe s. ; sens
3, v. 1960). 1. En botanique, état de ce qui
est géminé : La gémination des folioles.
‖ 2. En linguistique, redoublement, dans
l’émission ou l’écriture, d’une voyelle,
d’une consonne ou d’une syllabe : Le
mot « sosotte » est un cas de gémination.
‖ 3. Dans l’enseignement, le fait de mettre
dans une même classe garçons et filles : La
gémination scolaire.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2129

géminé, e [ʒemine] adj. (lat. geminatus


[part. passé de geminare, v. GÉMINER], ou
part. passé de géminer ; début du XVIe s., au
sens de « réitéré, redoublé » [en parlant d’un
arrêt, d’un jugement] ; sens 1, 1803, Boiste ;
sens 2, 1694, Th. Corneille ; sens 3, 1872,
Larousse ; sens 4, 1802, Flick ; sens 5, 1943,
Marouzeau ; sens 6, milieu du XXe s.). 1. Se
dit, en biologie et en botanique, des par-
ties des animaux ou des végétaux qui sont
disposées par paires : Des cellules gémi-
nées. Des feuilles géminées. ‖ 2. Se dit des
éléments d’architecture, colonnes, baies,
fenêtres et arcades, qui sont groupés par
deux sans être en contact. ‖ 3. En sculp-
ture, se dit des statues ou des bustes à deux
faces : Les potiers de terre ne cessaient point
de mouler les figures de ces dieux [...]. Elles
sont parfois géminées (France). ‖ 4. Lettres
géminées, lettres doublées dans une abré-
viation ou à la fin d’une abréviation pour
indiquer que le mot abrégé est au pluriel.
(Ex. :MM. pour messieurs, COSS pour les
deux consuls). ‖ 5. Consonnes géminées,
en linguistique, consonnes doublées pro-
noncées de telle manière qu’un intervalle
entre la tension et la détente donne à
l’oreille l’impression de deux articulations
successives. ‖ 6. Classes géminées, dans
l’enseignement, classes groupées deux par
deux sous la responsabilité d’un même pro-
fesseur. ‖ Écoles géminées, écoles mixtes
recevant garçons et filles.

• SYN. : 2 gémellé, jumellé ; 5 double.

géminer [ʒemine] v. tr. (lat. geminare,


doubler, rendre double, joindre, réunir, de
geminus, jumeau, double, semblable, qui
va de pair avec ; fin du XVe s., Molinet, au
sens de « joindre » ; 1561, Collange, au sens
de « diviser [un nombre] en deux parties
égales » ; 1611, Cotgrave, au sens de « réi-
térer, redoubler [un arrêt, un jugement] » ;
sens actuel, milieu du XXe s.). Grouper deux
par deux : Géminer des classes.

géminide [ʒeminid] n. f. (du lat. Gemini,


les Gémeaux, masc. plur. substantivé de
l’adj. geminus [v. l’art. précéd.], et de -ide,
gr. eidos, forme, apparence ; 1877, Littré). En
astronomie, pluie de météorites paraissant
provenir de la constellation des Gémeaux.

gémir [ʒemir] v. intr. (lat. pop. *gemire, lat.


class. gemere, gémir, se plaindre, déplorer ;
v. 1150, Barbier, au sens 1 [« parler d’une
voix plaintive », XXe s.] ; sens 2, v. 1530,
C. Marot ; sens 3, 1648, Scarron [faire gémir
la presse, av. 1816, Millevoye] ; sens 4, 1660,
Corneille ; sens 5, 1665, Racine). 1. Émettre
des sons plaintifs et inarticulés exprimant
la douleur : C’est Catherine qui gémit dans
la chambre où je l’ai enfermée (France).
‖ Parler d’une voix plaintive : Ah ! je vou-
drais me confesser à lui [...], gémissait-elle
dans une sorte d’extase (Gide). ‖ 2. En
parlant de certains oiseaux, émettre un
cri plaintif : La tourterelle, la colombe
gémissent. J’écouterai gémir tes mouettes

sauvages (Moréas). ‖ 3. Faire entendre


une sorte de bruit plaintif, de murmure,
en parlant d’une chose : Ces portes banales
dont les gonds polis et trop usés [...] n’ont
pas même assez de résistance pour gémir
(Sainte-Beuve). La cascade qui gémit dans
les roches (Nerval). Dehors le vent qui se
levait commençait à gémir (Loti). ‖ Vx. et
fam. Faire gémir la presse, imprimer beau-
coup de choses. ‖ 4. Fig. Souffrir sous un
poids qui accable : Il me plaît à moi [...]
d’entendre la voix indépendante d’une terre
inconnue à l’Antiquité gémir sur la liberté
perdue du Vieux Monde (Chateaubriand).
L’homme sensé cherche en gémissant, il sait
que ses raisonnements ne sont que probables
(Sartre). ‖ 5. Fig. Être profondément cha-
griné d’une chose : Il faut gémir de cette
servitude, mais il est juste d’admirer ces
esclaves (Vigny). Ils gémirent d’entrer dans
les brouillards du Nord (Leconte de Lisle).
• SYN. : 1 crier, geindre, se lamenter, se
plaindre, pleurer ; larmoyer, pleurnicher.
& v. tr. (v. 1220, G. de Coincy, au sens de
« déplorer » ; sens actuel, v. 1540, Yver).
Littér. Faire entendre plaintivement :
L’oreille n’entend rien qu’une vague plain-
tive | Ou la voix des zéphirs, | Ou les sons
cadencés que gémit Philomèle (Lamartine).
Quant aux insectes amoureux, je ne crois
pas que les figures de rhétorique dont ils
se servent pour gémir leurs passions soient
mesquines (Baudelaire).

gémissant, e [ʒemisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de gémir ; av. 1502, O. de Saint-Gelais,
au sens 1 [« qui émet des paroles sur un ton
plaintif », 1678, La Fontaine] ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, av. 1848, Chateaubriand).
1. Qui émet des sons plaintifs : Un blessé
gémissant. ‖ Qui émet des paroles sur
un ton plaintif : Une voix gémissante
répondit : « Ciel ! on peut nous entendre »
(France). ‖ 2. Se dit d’animaux dont le cri
évoque une plainte : Des mouettes gémis-
santes. ‖ 3. Se dit de ce qui fait entendre
un bruit plaintif : Je galopais le long des
vagues, mes gémissantes et anciennes
amies (Chateaubriand). Les grands chars
gémissants qui reviennent le soir (Hugo).
Le train démarrait et glissait sur les voies
gémissantes de la gare du Nord (Maurois).
• SYN. : 1 plaintif ; 3 geignant.

gémissement [ʒemismɑ̃] n. m. (de


gémir ; v. 1120, Psautier de Cambridge, au
sens 1 ; sens 2, av. 1654, Guez de Balzac ;
sens 3, 1671, Boileau ; sens 4, 1675, Bossuet).
1. Son plaintif et inarticulé exprimant la
douleur : Les bizarres gémissements que
commença de pousser la pauvre infirme
(Gide). ‖ 2. Par anal. Cri plaintif de
certains oiseaux : Le ramier trouve une
voix douce, | Écho de son gémissement
(Gautier). ‖ 3. Bruit ressemblant à une
plainte : L’éternel sifflement du mistral et
le gémissement des flots (Chateaubriand).
Chaque dalle y rendait de longs gémisse-
ments (Lamartine). ‖ 4. Fig. Souffrance,
accablement : Que l’Europe écoute le vieux
gémissement des civilisations menacées
(Malraux).

• SYN. : 1 geignement, jérémiade (fam.),


lamentation, plainte ; 2 roucoulement,
ululement.

gémisseur, euse [ʒemisoer, -øz] n. et


adj. (de gémir ; milieu du XVe s., puis 1801,
Mercier). Fam. et ironiq. Qui ne cesse de
gémir : Des estropiés, des gémisseurs, des
crieurs (Barbusse).

• SYN. : geignard, pleurnicheur.

gemmage [ʒɛmaʒ ou ʒɛmmaʒ] n. m. (de


gemmer ; 1864, d’après Darmesteter, 1877
[gemmage à vie, à mort, 1873, Bagneris]).
Action de gemmer les pins. ‖ Gemmage à
vie, récolte de la résine par allongements
périodiques de l’entaille pratiquée dans
l’écorce du pin. ‖ Gemmage à mort, récolte
pratiquée en allongeant l’entaille à toute la
longueur du tronc.

gemmail [ʒɛmmaj] n. m. (contraction de


gemme et de émail ; milieu du XXe s.). Vitrail
d’art dont les éléments sont assemblés sans
interposition de plomb.

• Pl. des GEMMAUX.

gemmation [ʒɛmasjɔ̃ ou ʒɛmmasjɔ̃] n. f.


(dér. savant du lat. gemmatum, supin de
gemmare, être couvert de pierres précieuses,
bourgeonner [en parlant de la vigne], de
gemma [v. GEMME] ; 1798, L. C. M. Richard,
au sens 1 [« ensemble des bourgeons », 1865,
Littré] ; sens 2, 1872, Larousse). 1. En bota-
nique, formation des gemmes, ou bour-
geons. ‖ Ensemble des bourgeons. ‖ 2. En
zoologie, reproduction par bourgeons chez
les animaux inférieurs.

• SYN. : 1 bourgeonnement.

gemme [ʒɛm] n. f. (lat. gemma, pierre


précieuse, bourgeon, oeil [de vigne] ;
v. 1050, Vie de saint Alexis, au sens I, 1 [le
mot devait être prononcé le plus souvent
jame au Moyen Âge ; l’orthogr. jame a
d’ailleurs été utilisée parfois du XIIe s. —
Godefroy — au XVe s. — Ch. d’Orléans] ;
sens I, 2, 1872, Larousse ; sens I, 3 [de l’anc.
périgourdin gema — XIIe s. —, tiré du lat.
gemma, par comparaison des gouttes
brillantes de résine avec des perles], 1391,
Godefroy [rare av. le 21 nov. 1871, Journ.
officiel] ; sens II, 1, 1829, Boiste ; sens II, 2,
1845, Bescherelle).

I. 1. Toute pierre précieuse colorée : Cou-


ronnée de gemmes [...], elle tenait sur ses
genoux son Enfant (France). ‖ 2. Cristal
coloré par un oxyde métallique. ‖ 3. Suc
résineux du pin : Et que si l’or sec de
l’écorce [...] | Crève en gemmes rouges de
jus (Valéry).

II. 1. Vx. Bourgeon. ‖ 2. Saillie charnue


constituant le rudiment d’un nouvel in-
dividu, sur le corps de certains animaux
invertébrés.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2130

& adj. (XIIe s., Studer et Evans, écrit sal


gemme ; sel gemme, fin du XVIe s., Palissy).
Vx. Sel gemme, sel fossile à l’état de
minerai.

gemmé, e [ʒɛmme] adj. (de gemme ;


1080, Chanson de Roland, écrit gemé
[gemmé, milieu du XVIe s., Ronsard], au
sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Orné de
pierres précieuses : Manteau brodé, stellé,
gemmé (Rostand). Les lanières gemmées
s’enroulent autour des chevilles (Goncourt).
‖ 2. Se dit d’un pin incisé : Les perspectives
de troncs gemmés, avec leurs pots de terre
vernissée (Arnoux).

gemmer [ʒɛmme] v. tr. (de gemme ; 1820,


Barbier). Inciser l’écorce des pins pour en
extraire la résine : Quand on a gemmé un
pin, on dispose un godet au bas de l’entaille
pour recueillir la gemme.

& v. intr. (1845, Bescherelle). Pousser des


bourgeons. (Peu usité.)
• SYN. : bourgeonner.

gemmeur [ʒɛmmoer] n. et adj. m. (de


gemmer ; 1877, Littré). Celui qui gemme
les pins : L’aide aux agriculteurs, [...] aux
gemmeurs (Chérau). Un ouvrier gemmeur.

gemmifère [ʒɛmmifɛr] adj. (lat. gem-


mifer, qui renferme des pierres précieuses,
de gemma [v. GEMME], et de ferre, porter ;
1596, J. E. Félix [I, 103], au sens 1 ; sens 2,
1865, Littré). 1. En botanique, qui porte des
bourgeons. ‖ 2. En géologie, qui contient
des pierres précieuses.
gemmipare [ʒɛmipar ou ʒɛmmipar] adj.
(de gemmi-, élément tiré de gemme, et de
-pare, du lat. parere, enfanter, produire ;
1771, Trévoux, en botanique, et 1845,
Bescherelle, en zoologie). En botanique et
en zoologie, se dit de végétaux et d’ani-
maux qui émettent des bourgeons aptes à
les reproduire.

gemmiparité [ʒɛmiparite ou
ʒɛmmiparite] n. f. (dér. savant de gemmi-
pare ; 1872, Larousse). Reproduction de
certains êtres vivants par la formation de
bourgeons.

gemmiste [ʒɛmist ou ʒɛmmist] n. (de


gemme ; XXe s.). Artiste spécialisé dans la
fabrication des gemmaux.

gemmologie [ʒɛmɔlɔʒi ou ʒɛmmɔlɔʒi]


n. f. (de gemmo-, élément tiré de gemme,
et de -logie, du gr. logos, science ; XXe s.).
Science dont l’objet est de déterminer la
nature des gemmes, et art d’exposer les
raisons de leur beauté.

gemmologiste [ʒɛmɔlɔʒist ou
ʒɛmmɔlɔʒist] n. (de gemmologie ; XXe s.).
Spécialiste de gemmologie.

gemmule [ʒɛmyl] n. f. (lat. gemmula,


petite pierre précieuse, petit bourgeon,
dimin. de gemma [v. GEMME] ; 1808,
L. C. M. Richard, au sens 1 ; sens 2, 1893,
Zola [« petit corps ovoïde qui, se séparant

de l’algue, sert à la reproduire », 1845,


Bescherelle]). 1. En botanique, petit bour-
geon d’une plantule qui apparaît pendant la
germination et forme le rudiment de la tige.
‖ 2. En biologie, particule représentative
des propriétés cellulaires, dont Darwin a
imaginé l’existence pour expliquer l’héré-
dité : Il [le docteur Pascal] était donc allé
des gemmules de Darwin, de sa pangenèse,
à la périgenèse de Maeckel... (Zola).

gémonies [ʒemɔni] n. f. pl. (lat.


Gemoniae, n. f. pl. [sous-entendu scalae,
« degrés », v. ÉCHELLE] ; 1548, La Planche
[traîner aux gémonies, 1820, Lamartine ;
vouer aux gémonies, XXe s.]). Dans la
Rome antique, escalier construit sur le
flanc nord-ouest du Capitole, et sur les
marches duquel on exposait les corps des
suppliciés avant de les jeter dans le Tibre :
On eût bientôt vu le corps du lévite impru-
dent exposé aux gémonies (Chateaubriand).
‖ Fig. Traîner, vouer quelqu’un ou quelque
chose aux gémonies, les livrer au mépris
du public : En attendant que vous versiez
mieux que moi sur la vertu tout l’océan de
vos fraîches idées, continuez, avec la ven-
geance que vous vous êtes faite, de traîner
aux gémonies nos turpitudes ; renversez
les faux monuments d’une révolution qui
n’a pas édifié le temple propre à son culte
(Chateaubriand). Mon frère souffrit sans
protester qu’on traînât son oeuvre aux gémo-
nies (Colette).

génal, e, aux [ʒenal, -o] adj. (dér. savant


du lat. gena, joue [rarement employé au
sing.] ; 1757, Encyclopédie). Qui se rapporte
aux joues : Les muscles génaux.

gênant, e [ʒɛnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


gêner [v. ce mot et GÊNE] ; XVIe s., écrit
gehinnant [gesnant, 1690, Furetière ;
gênant, XVIIIe s.], aux sens 1 et 3 ; sens 2,
1872, A. Daudet). 1. Qui gêne, entrave la
liberté des mouvements : Ma gênante bles-
sure ne me permettant de marcher qu’avec
douleur (Chateaubriand). Nous sommes
obligés de vivre un peu les uns sur les autres,
ce qui est assez gênant parfois pour mon
travail (Gide). Des souliers trop étroits sont
gênants pour la marche. ‖ 2. Fig. Qui met
mal à l’aise : Le petit monsieur [...] se mit
à regarder Tartarin avec une insistance
gênante (Daudet). Toute la droite te couvre
de fleurs ; c’est gênant. Tu me diras que tu
n’y peux rien : c’est tout de même gênant
(Beauvoir). ‖ 3. Se dit d’une personne ou
d’une chose qui importune, qui incom-
mode : Je me sentais, auprès des autres,
terne, triste, fâcheux, à la fois gênant et gêné
(Gide). Nuls soins gênants, nulle démarche
à faire (Verlaine).

• SYN. : 1 déplaisant, désagréable, fâcheux,


incommodant, incommode, malaisé ;
2 embarrassant, indiscret, pénible ; 3
gêneur, importun, intrus.

génappe [ʒenap] n. m. (angl. genappe,


même sens, du n. de Genappe [ville belge

du Brabant méridional, réputée pour ses


forges, ses papeteries et ses moulins] ; 1872,
d’après Littré, 1877). Fil de laine retors, lissé
et grillé au gaz.

gencive [ʒɑ̃siv] n. f. (lat. pop. *gincīva,


lat. class. gingīva, gencive [le plus souvent
employé au plur.] ; XIIe s., au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Partie de la muqueuse buc-
cale, chez les hommes et les animaux, qui
entoure la base des dents : Avoir les gencives
enflammées. Elles [les hyènes] vinrent à lui
et le flairaient avec un bâillement qui décou-
vrait leurs gencives (Flaubert). ‖ 2. Par
extens. et pop. La mâchoire : Recevoir un
direct dans les gencives.

gendarme [ʒɑ̃darm] n. m. (contraction


de gens d’armes, soldats [fin du XIIIe s.,
Joinville], cavaliers pesamment armés
[v. 1355, Bersuire — gent d’armes, sing. col-
lectif de même sens, 1465, Bartzsch] ; 1549,
R. Estienne, au sens I, 1 [« gentilhomme
appartenant à un corps de cavalerie affecté
à la garde du roi, de la reine, etc. », 1680,
Richelet] ; sens I, 2, 1549, R. Estienne ; sens
II, 1, 1790, Brunot [chapeau de gendarme,
fin du XIXe s. ; dormir en gendarme, 1907,
Larousse ; jouer au gendarme et au voleur,
début du XXe s.] ; sens II, 2, 1872, Larousse ;
sens II, 3, 1845, Bescherelle [« grande femme
à l’air autoritaire », 1680, Richelet] ; sens III,
1, XXe s. ; sens III, 2, 1599, Gay ; sens III, 3
[peut-être parce que la tête du hareng saur
ressemble à un chapeau de gendarme], 1907,
Larousse [dès la fin du XVe s. en Auvergne,
par un développement sémantique mal
expliqué] ; sens III, 4, XXe s. [sens régional
de la Suisse romande issu d’une trad. de
l’allem. Landjäger, « gendarme à pied, sorte
de saucisson »] ; sens III, 5, depuis 1868, La
Blanchère [« vairon »]).

I. 1. Class. Homme de guerre à cheval :


On ne connut plus que les gendarmes ; les
gens de pied n’avaient pas de nom, parce
qu’en comparaison des hommes de che-
val, ils n’étaient point armés (Voltaire).
‖ Spécialem. Gentilhomme appartenant
à un corps de cavalerie affecté à la garde
du roi, de la reine, etc. : Le roi était capi-
taine de la compagnie des gendarmes de
la garde. ‖ 2. Vx. Soldat en général : Seule
j’ai par mes charmes | Mis au joug les tau-
reaux et défait les gendarmes (Corneille).

II. 1. Sous-officier appartenant à un corps


de gendarmerie, chargé de veiller à la
sécurité publique et de faire respecter les
lois : Gendarme motocycliste. Gendarme
mobile. On emmena l’innocente femme
à pied entre les gendarmes (Renan). Les
gendarmes sont là. Ils viennent perquisi-
tionner (Aymé). ‖ Chapeau de gendarme,
bicorne que portaient les gendarmes
au XIXe s. ; par anal., chapeau de papier.
‖ Fam. Dormir en gendarme, ne dormir
que d’un oeil. ‖ Jouer au gendarme et au
voleur, jeu d’enfant imitant la chasse faite
aux voleurs par les gendarmes. ‖ 2. Par
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2131

extens. Personne, groupe de personnes


ou institution qui ont pour mission de
préserver un certain ordre : L’Église et
l’État ne sont pour lui que des gendarmes
(Taine). ‖ 3. Fam. Personne autori-
taire : Pécuchet prit un ton de gendarme
(Flaubert). Écoute, mon garçon, je n’ai au-
cunement le goût d’aller faire le gendarme
derrière mes fils (Zola). ‖ Spécialem.
Grande femme à l’air autoritaire.

III. 1. Rocher abrupt et isolé, en haute


montagne, qui, par sa situation, se
laisse difficilement franchir. ‖ 2. Petit
défaut dans un diamant, qui en dimi-
nue l’éclat et la valeur. ‖ 3. Pop. Hareng
saur. ‖ 4. Saucisson sec, très dur, plat.
‖ 5. Nom dialectal de certains animaux,
notamment d’oiseaux et de certaines
plantes.

& adj. (av. 1850, Balzac). Qui est propre aux


gendarmes (rare) : Le garçon le plus jovial
entré dans la gendarmerie aura le visage
gendarme (Balzac).

& gendarmes n. f. pl. (sens 1-2, 1690,


Furetière). 1. Pop. Flammèches qui sortent
du feu en pétillant. ‖ 2. Particules de lie
de vin.

gendarmer (se) [səʒɑ̃darme] v. pr. (de


gendarme ; 1547, Du Fail, comme v. tr., au
sens de « gouverner despotiquement » ;
comme v. pr., au sens 2, 1580, Montaigne ;
sens 1, 1666, Molière). 1. S’emporter pour
une cause futile contre quelqu’un ou
quelque chose : Ils ne sauraient se gen-
darmer l’un contre l’autre sans absurdité
(Richepin). ‖ 2. Absol. Prendre une atti-
tude de violente opposition, se révol-
ter : Je me gendarmais, je ne voulais pas
(Goncourt). Il l’engagea vivement à voir un
médecin, se gendarma lorsqu’elle prétendit
que ça ne valait pas la peine (Huysmans).

gendarmerie [ʒɑ̃darməri] n. f. (de gen-


darme ; 1473, Bartzsch, au sens I, 1 ; sens I,
2, 1690, Furetière ; sens II, 1, 1791, Brunot ;
sens II, 2, 1865, Littré).

I. 1. Class. Corps d’hommes d’armes


formant une cavalerie lourde : Le zèle
et la soumission de toute la gendarmerie
et cavalerie de mon armée (Louis XIV).
‖ 2. Class. Corps d’élite attaché à la
maison du roi : Je suis très content de ce
que ma mère a fait pour moi pendant que
j’étais dans la gendarmerie et à la cour
(Ch. de Sévigné).

II. 1. Corps militaire chargé de veiller à la


sécurité publique, d’assurer le maintien
de l’ordre et l’exécution des lois sur toute
l’étendue du territoire et aux armées :
Officier de gendarmerie. Brigade de gen-
darmerie. Gendarmerie mobile. L’effet
de la gendarmerie, quand elle arrivait
dans un village, était immense (Renan).
‖ 2. Par extens. Caserne où sont logés
les gendarmes et où sont installés leurs
bureaux : Les permissionnaires doivent

se présenter à la gendarmerie. L’ancienne


écurie [...] transformée en gendarmerie
(Daudet).

• SYN. : II, 1 maréchaussée.

gendarmeux, euse [ʒɑ̃darmø, -øz] adj.


(de gendarme ; 1660, Oudin). En joaillerie,
se dit d’une gemme qui contient un ou des
gendarmes.

gendelettre [ʒɑ̃dəlɛtr] n. (agglutination


plaisante et mise au sing. de la locution gens
de lettres [v. GENS 2] ; 1843, Balzac [cf. Jean
de lettre, « animal mal idoine à toute autre
chose », 1657, Tallemant]). Fam. et ironiq.
Homme, femme de lettres : Gendelettre
dans l’âme, elle faisait passer la copie avant
tout (Proust).

• SYN. : écrivain, littérateur.

gendre [ʒɑ̃dr] n. m. (lat. generum, accus.


de gener, gendre ; XIIe s., Lois de Guillaume).
Époux de la fille, par rapport au père et à
la mère de celle-ci : Le père Rouault, en
souvenir de sa guérison, apporta lui-même
à son gendre une dinde superbe (Flaubert).
• SYN. : beau-fils.

gène [ʒɛn] n. m. (allem. et angl. gene,


mot créé en 1911 par le biologiste danois
Wilhelm Ludvig Johannsen [1857-1927]
d’après le gr. genos, naissance, origine,
génération ; début du XXe s.). Élément d’un
chromosome conditionnant la transmis-
sion et le développement d’un ou de plu-
sieurs caractères héréditaires de l’individu.

gêne [ʒɛn] n. f. (dér. de l’anc. franç.


gehir, avouer, confesser [v. 1120, Psautier
d’Oxford], francique *jehhjan, avouer
[plus anciennement *jahhjan] ; v. 1200,
Vie de saint Jean Bouche d’or, écrit gehine
[gehenne — peut-être par confusion avec
le terme, de signification voisine, gehenne,
v. ce mot —, v. 1390, Recueil des anciennes
coutumes de la Belgique, V, 1, 290 — encore
au XVIIe s. ; gêne, 1538, R. Estienne ; aussi
gesne, du XVIe au XVIIIe s.], au sens I, 2 [« tor-
ture » ; pour faire gehir quelqu’un, on le
mettait à la gehine, à la torture, proprem.
« à l’aveu »] ; sens I, 1, v. 1560, Paré ; sens I,
3, 1617, Angot ; sens I, 4, 1580, Montaigne
[mettre quelqu’un à la gêne, se mettre l’es-
prit à la gêne, 1671, Pomey ; être à la gêne,
av. 1885, V. Hugo ; se donner la gêne, 1665,
Boileau] ; sens II, 1, 1580, Montaigne ; sens
II, 2, v. 170, J.-J. Rousseau ; sens II, 3, 1762,
J.-J. Rousseau ; sens II, 4, av. 1813, Delille).

I. 1. Class. Instrument de torture utilisé


pour donner la question : Allons, vite, des
commissaires, des archers, des prévôts,
des juges, des gênes, des potences et des
bourreaux ! (Molière). ‖ 2. Class. Le sup-
plice de la question : Menacés de la gêne,
ils ont tout avoué (Corneille). ‖ 3. Class.
Douleur physique violente : Pour moi,
j’en ai souffert la gêne sur mon corps
(Molière). ‖ 4. Class. Douleur morale ex-
trême : Puis-je vivre et traîner cette gêne
éternelle ? (Corneille). ‖ Class. Mettre

quelqu’un à la gêne, lui causer une grande


douleur morale : Sont-ils d’accord tous
deux pour me mettre à la gêne ? (Racine).
‖ Vx et littér. Être à la gêne, être soumis à
une douleur morale extrême : Je n’ai pas
résisté, j’ai, pauvre âme à la gêne, | Mangé
de l’Euctémon, brouté du Diogène (Hugo).
‖ Class. Se donner la gêne, se mettre l’es-
prit à la gêne, pousser l’inquiétude ou
l’effort intellectuel jusqu’à la douleur : Il
ne faut point du tout se donner la gêne en
faisant des vers (Acad., 1694).

II. 1. Sensation désagréable causée par


un trouble physiologique ou par une
entrave à la liberté d’action : L’asthme est
une gêne respiratoire. Je sais maintenant
que toutes les deux semaines j’ai une gêne
physique. C’est ma mousson. Je ne tra-
vaille plus (Valéry). ‖ 2. Embarras de la
personne qui craint d’attirer l’attention
ou qui ne sait comment se conduire dans
la situation où elle est placée : Il fallait à
présent rompre la gêne que la solennité
de ce revoir risquait d’élever entre nous
(Gide). La gêne que j’éprouve quand j’ai
écrasé ne fût-ce qu’un insecte (Renard).
‖ 3. Obligation de contenir ses senti-
ments, manque de liberté dans l’échange
de propos, dans la conduite : Le séjour
que fit la duchesse de Senoncourt à Clo-
chegourde fut un temps de gêne perpé-
tuelle (Balzac). La présence du domes-
tique accentuait encore cette impression
de gêne (Martin du Gard). ‖ 4. Pénurie
d’argent : Le mariage d’Hortense a man-
qué par suite de la gêne où nous sommes
(Balzac). Elle éprouvait une certaine gêne
d’argent qu’elle ne voulait pas avoir l’air
de dissimuler (Proust). Et cette pensée lui
rappela qu’elle-même était dans la gêne :
son mari ne lui avait pas remis d’argent
depuis deux mois et elle ne savait plus
comment faire face aux dépenses de la
maison (Martin du Gard).

• SYN. : II, 1 incommodité, malaise, trouble ;


2 confusion, embarras, froid ; 3 contrainte,
entrave, sujétion ; 4 besoin, embarras [d’ar-
gent], impécuniosité, pauvreté. — CONTR. :
II, 1 bien-être, euphorie ; 2 aise, aplomb,
assurance ; 3 aisance, liberté ; 4 abondance,
opulence, luxe, richesse.

& Sans gêne loc. adj. invar. (1835, Acad.).


Qui prend ses aises sans s’occuper des
autres : S’ils étaient moins sans gêne, on les
inviterait plus souvent. Bien sûr qu’elle [la
jeunesse] est mythomane. Bien sûr qu’elle
est sans gêne (Cocteau). [Sans-gêne n., v. à
l’ordre alphab.]

• SYN. : cavalier, culotté (fam.), désinvolte,


effronté, impoli, indiscret.

gêné, e [ʒɛne] adj. (part. passé de gêner


[v. ce mot et GÊNE] ; 1381, Godefroy, écrit
gehiné, au sens de « torturé » ; 1549, J. Du
Bellay, écrit geiné [gêné, fin du XVIe s.],
au sens 4 [« qui ne jouit pas d’une entière
liberté », début du XVIIIe s., Fontenelle] ;
sens 1, 1690, Furetière [pour la respiration,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2132

1872, Larousse ; être gêné aux entournures,


début du XXe s.] ; sens 2, 1722, Marivaux
[« qui éprouve une torture morale »,
av. 1613, M. Régnier ; il n’est pas gêné,
1865, Littré] ; sens 3, 1690, Furetière ; sens
5, 1839, Musset). 1. Qui est mal à l’aise et
dans l’impossibilité d’exécuter correcte-
ment certains mouvements : Je me sens gêné
dans ce vêtement. ‖ Se dit d’une respiration
qui se fait avec peine : J’ai passé plus de deux
heures à son chevet [...], écoutant son souffle
inégal et gêné (Gide). ‖ Fam. Être gêné aux
entournures, être serré par un vêtement à
l’endroit où la manche touche l’aisselle ;
au fig., ne pouvoir agir physiquement ou
moralement en toute liberté, ou n’avoir
pas suffisamment d’argent. ‖ 2. Fig. Qui
éprouve de l’embarras : Elle a paru gênée
de me voir (Gide). Il se dit gêné, exaspéré
même par la fausse situation où le porte son
succès (Gide). ‖ Fam. Il n’est pas gêné, il a de
l’aplomb. ‖ 3. Qui dénote de l’embarras, de
la contrainte : Une conversation gênée. Il y
avait quelque chose de gêné et de faux dans
l’expression de Pierre (Beauvoir). ‖ 4. Qui
ne peut fonctionner correctement par suite
de quelque obstacle : La mousquetade des
assiégeants, quoique gênée et de bas en haut,
était meurtrière (Hugo). ‖ 5. Dépourvu
d’argent : [Il] prêtait à des taux fabuleux,
aux paysans gênés, des fonds pour le compte
de certaines banques (Nerval). Pourtant
j’avais entendu dire que l’État était gêné,
qu’il n’arrivait pas à boucler son budget
(Aymé).

• SYN. : 1 empêtré, engoncé ; 2 embarrassé,


mal à l’aise, troublé ; 3 contraint, emprunté,
gauche ; 5 fauché (pop.), impécunieux,
pauvre.

généalogie [ʒenealɔʒi] n. f. (bas lat.


genealogia, généalogie, gr. genealogia,
même sens, dér. de genealogos, généalo-
giste, de genea, ce qui est engendré, genre,
espèce, génération, race, famille, naissance,
et de legein, dire, désigner ; XIIe s., Everat,
au sens 1 ; sens 2, XVe s., Havard ; sens 3,
1674, Malebranche ; sens 4, 1713, Hamilton ;
sens 5, 1731, Voltaire [en biologie, XXe s.]).
1. Dénombrement, par filiation, des
ancêtres : Les demeures des hommes riches,
qui se plaisent à entendre [...] les généalo-
gies des Dieux (France). Il voyait des yeux
de l’âme l’estampe relative à ce fait, placée
dans la généalogie de la famille (Stendhal).
‖ 2. Tableau de la filiation des différents
membres d’une famille : Si j’étais à
Elizondo, je vous montrerais ma généalogie
sur parchemin (Mérimée). ‖ 3. Par extens.
Histoire d’un développement successif :
Toute institution, comme toute famille, a sa
généalogie (Proudhon). ‖ 4. Science ayant
pour objet l’établissement de la filiation des
familles. ‖ 5. Par anal. Dénombrement,
par filiation, des ancêtres de certains ani-
maux : Il me fit la généalogie du sien [de
son cheval], qui sortait du fameux haras de
Cordoue (Mérimée). ‖ En biologie, série
des espèces qui ont précédé dans le temps
une espèce actuelle et qui dérivent les unes
des autres par filiation.

généalogique [ʒenealɔʒik] adj. (de


généalogie ; 1480, Dict. général, au sens 1
[arbre généalogique, 1671, Pomey] ; sens
2-3, XXe s.). 1. Qui se rapporte à la généa-
logie d’une famille : Des recherches généa-
logiques. M. Lerond [...] dénombra [...] les
amples histoires généalogiques, les vieilles
éditions des classiques grecs (France).
‖ Arbre généalogique, tableau qui donne
la filiation régulière des membres d’une
même famille sous la forme d’un arbre
dont le tronc représente la ligne directe,
et les branches et rameaux les lignes col-
latérales : Une belle verrière du XVIe siècle,
représentant l’arbre généalogique de la
Trinité (Flaubert). ‖ 2. Arbre généalogique
du règne animal, figuration qui montre
les rapports de parenté entre des espèces
vivantes et leur succession dans le temps.
‖ 3. Livre généalogique, registre destiné à
établir les filiations correctes des animaux,
afin d’améliorer l’élevage et de pratiquer
une sélection rationnelle des reproduc-
teurs ; par extens., association des éleveurs
d’une race déterminée, qui tient à jour un
livre généalogique. ‖ Livre généalogique
fermé, livre où l’on n’inscrit que des des-
cendants d’animaux figurant déjà dans ce
livre. ‖ Livre généalogique ouvert, livre où
l’on peut faire inscrire des animaux dont
les parents n’y figurent pas.

généalogiquement [ʒenealɔʒikmɑ̃]
adv. (de généalogique ; 1845, Bescherelle).
Du point de vue de la généalogie.

généalogiste [ʒenealɔʒist] n. (de généa-


logie ; 1654, Cyrano de Bergerac). Personne
dont la profession est de dresser la généalo-
gie des familles et de rechercher les ayants
droit à la succession d’une personne qui est
morte sans héritier connu : Ta filiation en
ligne directe est établie par les généalogistes
depuis l’an 63 de l’ère chrétienne (Proust).

génécologie [ʒenekɔlɔʒi] n. f. (franci-


sation de l’angl. genecology, mot créé en
1922 par le Suédois G. V. Turesson sur
gen[etic] et ecology, termes de même étym.
que les mots franç. génétique et écologie
[v. ces art.] ; 1962, Larousse). En biologie,
méthode qui tente d’expliquer une espèce
par l’association du travail génétique et du
travail écologique.
génépi [ʒenepi] n. m. (mot savoyard,
d’origine incertaine ; 1733, Lémery, au
sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Nom dialectal des
armoises de haute montagne. ‖ 2. Liqueur
fabriquée avec ces plantes et différentes
autres plantes aromatiques des Alpes.

génépistase [ʒenepistɑz] n. f. (du gr.


genos, naissance, origine, génération, et
epistasis, suspens, attente, dér. de ephis-
tanai, placer sur ou auprès, tenir en arrêt,
arrêter, de epi, sur, et de histanai, placer,

fixer ; milieu du XXe s.). En biologie, arrêt


dans la variation d’un groupe d’individus.

gêner [ʒɛne] v. tr. (de gêne [v. ce mot] ;


1363, Prost, écrit gehenner [encore au
XVIIe s. ; gehiner, 1381, Godefroy ; gêner,
1530, Palsgrave ; aussi gesner, du XVIe au
XVIIIe s.], au sens I, 1 ; sens I, 2, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné ; sens I, 3, 1635, Corneille [au
part. passé geiné dès 1549, v. GÊNÉ] ; sens II,
1, 1669, Widerhold ; sens II, 2, 1752, Trévoux
[« mettre dans une situation financière dif-
ficile », 1835, Acad. — v. aussi GÊNÉ] ; sens
II, 3, 1667, Molière ; sens II, 4, 1669, Racine).

I. 1. Class. Soumettre à la torture : On


a beau gêner ce criminel, il n’a jamais
voulu nommer ses complices (Fure-
tière). ‖ 2. Class. et fig. Soumettre à une
vive souffrance morale : « Retournez,
retournez à la fille d’Hélène. | Et le puis-
je, madame ? Ah ! que vous me gênez ! |
Comment lui rendre un coeur que vous
me retenez ? » (Racine). ‖ 3. Class. et fig.
Soumettre à une contrainte pénible : Il
me semble même qu’on l’a gênée [notre
langue] et appauvrie, depuis environ cent
ans, en voulant la purifier (Fénelon).

II. 1. Provoquer une sensation désa-


gréable en limitant la liberté des mou-
vements ou en perturbant le fonctionne-
ment d’un organe : Son col dur le gênait.
Cela fait que nous faisons bon ménage,
mon habit et moi [...] ; il ne me gêne en
rien (Hugo). Le jeune homme écoutait
tout cela avec une immense peine incon-
nue qui le gênait dans la poitrine (Camus).
‖ 2. Contrarier l’activité de quelqu’un
ou perturber le fonctionnement d’une
chose : L’excès de vent eût plutôt gêné
qu’aidé (Hugo). Les pluies abondantes ont
gêné les moissonneurs. Le brouillard épais
gêne la circulation. ‖ Spécialem. Mettre
dans une situation financière difficile :
Cette dépense me gêne. ‖ 3. Fig. Imposer
une contrainte morale, une restriction :
Le public est toujours juste quand on ne
gêne pas sa liberté (Constant). Mais si je
les gênais quelquefois un peu, je rachetais
bien mes défauts (Balzac). Il renonça à
ses droits et à ses devoirs, pour [...] vivre
à son aise dans cette liberté que Dieu gêne
(France). ‖ 4. Provoquer de l’embarras
ou le malaise chez quelqu’un : Des regards
qui gênent une femme comme si on lui
enlevait sa robe (Balzac). Je fus étonné,
presque gêné par sa beauté (Gide).

• SYN. : II, 1 comprimer, empêtrer, engoncer,


oppresser, peser, sangler, serrer ; 2 déranger,
freiner, importuner, incommoder, nuire,
paralyser, ralentir, troubler ; 3 contraindre,
contrecarrer, entraver, étouffer, limiter, res-
treindre ; 4 embarrasser, intimider, troubler.
& se gêner v. pr. (sens 1, 1580, Montaigne
[ne pas se gêner pour et l’infin., fin du XIXe s.,
Taine ; ne vous gênez pas !, 1761, Diderot —
ironiq., 1865, Littré] ; sens 2, 1770, Voltaire).
1. S’imposer un désagrément physique ou
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2133

une contrainte morale : Mlle de la M... est à


même [...] d’héberger Gertrude et ses trois
petits pensionnaires, sans avoir à se gêner
(Gide) Le monde est divisé en deux caté-
gories de personnes : celles qui acceptent
de se gêner pour les autres, et celles qui s’y
refusent (Montherlant). ‖ Ne pas se gêner,
faire quelque chose sans hésitation, sans
scrupule : Il ne se gêna pas pour l’avouer
(Taine). Pas besoin de se gêner, n’est-ce pas ?
La gendarmerie on s’en moque ! (Aymé).
‖ Ne vous gênez pas !, invitation à se mettre
à l’aise ; ironiq., se dit à quelqu’un qui prend
des libertés excessives. ‖ 2. Spécialem.
S’imposer une gêne financière : Ils se gênent
pour élever dignement leurs quatre enfants.
Il venait d’acquérir le château avec deux
fermes [...], sans trop se gêner cependant
(Flaubert).

• SYN. : 1 se contraindre, se déranger, se


serrer ; 2 se serrer (fam.).

genera [ʒenera] n. m. invar. (mot lat.,


plur. de genus, generis [v. GENRE] ; 1872,
Larousse). Vx. Ouvrage d’histoire naturelle
où sont décrits les genres d’animaux ou
de plantes.

1. général, e, aux [ʒeneral, -o] adj.


(lat. generalis, qui a trait à la nature d’une
chose, qui appartient à un genre, général, de
genus, generis [v. GENRE] ; v. 1265, Br. Latini,
au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3,
v. 1190, Sermons de saint Bernard ; sens
4, XXe s. ; sens 5, 1851, Baudelaire ; sens
6, fin du XVIe s. ; sens 7, av. 1869, Sainte-
Beuve ; sens 8, milieu du XIVe s. ; sens 9,
XVIe s.). 1. Qui s’applique à un ensemble
de cas ou d’individus (par opposition à
particulier) : Une observation générale. Une
loi générale. ‖ Sens général d’un mot, le
sens de ce mot pris dans sa plus grande
extension. ‖ Terme général, terme dont le
sens est vague, indéterminé : S’exprimer
en termes généraux. ‖ Idée générale, idée
abstraite qui, négligeant les singularités et
ne retenant que les caractères communs,
convient à un ensemble de personnes ou de
choses : L’idée d’homme est une idée géné-
rale. Les esprits débiles n’ont pas la force
d’enfanter les idées générales (Taine). Une
idée est dite générale lorsqu’elle convient à
plusieurs objets (Alain). ‖ Culture géné-
rale, v. CULTURE. ‖ 2. Qui s’étend à la plus
grande partie d’un ensemble de choses
ou de personnes : La tendance générale
du marché des valeurs est à la hausse. Le
beau temps est général sur la France. La
langue générale du Pentateuque est l’hébreu
classique (Renan). L’action d’un pouvoir
général sur le pays tout entier, l’influence
du pays sur le pouvoir qui le gouverne, c’est
là la société (Guizot). ‖ En règle générale,
d’une façon habituelle, dans la plupart des
cas. ‖ 3. Qui intéresse tous les membres
d’un corps social, qui est le fait de la tota-
lité des individus ensemble : Assumer
la responsabilité générale. La prétendue
conspiration générale des savants en vogue

contre lui (Sainte-Beuve). L’aspect rigolo


du petit homme, son rire [...] répondait à
la bonne humeur générale (Daudet). Être
la risée générale de son quartier. L’intérêt
général est parfois en conflit avec des inté-
rêts particuliers. ‖ Grève générale, grève
qui est décidée par tous les travailleurs de
toutes les branches d’activité. ‖ Assemblée
générale, assemblée qui est ouverte à tous
les membres d’une association, d’une
société : Une assemblée générale d’action-
naires. L’assemblée générale d’un syndicat.
‖ Amnistie générale, amnistie dont l’appli-
cation s’étend à tous les délits et à toutes
les catégories de délinquants. ‖ Concours
général, épreuve qui met en compétition
les meilleurs élèves des classes terminales
des établissements du second degré.
‖ Répétition générale, v. GÉNÉRALE ‖ 4. Se
dit d’une science dont le domaine englobe
toutes les spécialités particulières du même
genre : Linguistique générale. Médecine
générale. ‖ 5. Qui intéresse ou affecte
l’ensemble de l’organisme : L’état général
du malade s’améliore. Un vieillard atteint
de paralysie générale. ‖ 6. Qui embrasse
l’ensemble d’un service, d’un organisme,
d’un commandement : Être à la direction
générale d’une société. ‖ 7. Dont l’activité
s’exerce sur un champ très étendu : M. de
Lamarck était dès lors comme le dernier
représentant de cette grande école de phy-
siciens et d’observateurs généraux (Sainte-
Beuve). ‖ 8. Se dit de personnes dont la
compétence s’étend à toute une branche
administrative, à toute une circonscrip-
tion territoriale, à toute une entreprise :
Un inspecteur général. Un trésorier-payeur
général. Un procureur général. Président-
directeur général. ‖ 9. Officier général,
officier dont le grade est supérieur à celui
de colonel : Il [le ministre] espère me faire
obtenir, en qualité de veuve d’officier géné-
ral, la pension que l’autre gouvernement
m’a toujours refusée (Dumas père). ‖ Se
dit d’organismes dont le commandement
est à l’échelon le plus élevé : État-major
général de l’armée de l’air. Quartier général.
• SYN. : 2 collectif, commun, courant, domi-
nant ; 3 global, total, unanime.

& En général loc. adv. (sens 1, v. 1360,


Froissart [general, adv., même sens, v. 1188,
Chanson d’Aspremont] ; sens 2, 1538,
R. Estienne). 1. D’un point de vue géné-
ral (par opposition à particulièrement) :
Je vous crois bon appréciateur de tous les
vins en général et du madère en particulier
(France). ‖ 2. Dans la plupart des cas, à
peu d’exceptions près : En général, l’hiver
est doux dans les régions maritimes. Dieu
a attaché en général le bonheur à la vertu
(Cousin).

& général n. m. (début du XIIIe s.). Ce qui


convient à un genre tout entier : Il [Aristote]
ne dit pas que Socrate cherchait le général,
mais exactement l’universel (Alain). Tout
le problème est là, précisément ; exprimer

le général par le particulier ; faire exprimer


par le particulier le général (Gide).

2. général [ʒeneral] n. m. (emploi subs-


tantivé du précéd. ; 1463, Bartzsch, au sens 1
[général de la mer, 1865, Littré ; général des
finances, fin du XVIe s., A. d’Aubigné] ; sens
2, 1549, R. Estienne [général en chef, 1865,
Littré] ; sens 3, 1611, Cotgrave). 1. Autref.
Celui qui était à la tête d’un corps ou
d’une administration de l’État : Le géné-
ral des galères. ‖ Général de la mer, titre
d’un commandant des forces navales en
Espagne : C’est don Prancasio, général de la
mer (Hugo). ‖ Général des finances, admi-
nistrateur des finances à la tête d’une géné-
ralité, sous l’Ancien Régime. ‖ 2. Officier
appartenant aux échelons les plus élevés de
la hiérarchie dans l’armée de terre et de
l’air : Général de brigade, général de divi-
sion, général de corps d’armée. Le général
Cartier de Chalmot, présent au milieu de
son état-major, vit pour la première fois le
président et, soudain [...], il fut transpercé
d’une admiration foudroyante (France).
‖ Général en chef, général commandant
en chef sur un théâtre d’opérations et ne
relevant que du pouvoir politique : Nous les
portons dans notre coeur, tous nos soldats,
depuis le général en chef [...] jusqu’au plus
humble soldat de deuxième classe (France).
‖ 3. Supérieur de certains ordres religieux :
Le général des Dominicains, des Jésuites.

généralat [ʒenerala] n. m. (ital. genera-


lato, généralat [XIVe s.], de generale, général
[adj. et n. m.], lat. generalis [v. GÉNÉRAL
2] ; 1585, Barbier, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, 1597, Barbier). 1. Grade,
fonctions de général dans l’armée : Au
mois de juin, Bonaparte est appelé au
généralat des troupes cantonnées dans les
Alpes-Maritimes (Chateaubriand). Aussi,
contrairement aux lois ordinaires, les offi-
ciers parvenus au généralat ne furent-ils
pas toujours les sujets les plus remarquables
de l’arme (Balzac). ‖ 2. Fonctions de supé-
rieur général dans un ordre religieux.
‖ 3. Par extens. Temps pendant lequel
s’exercent ces fonctions.

1. générale [ʒeneral] n. f. (fém. de géné-


ral 2 ; 1740, Acad., au sens 2 ; sens 1, 1802,
Flick [« femme dont l’autorité s’exerce sur
un grand nombre de personnes », 1872,
Larousse]). 1. Femme d’un général : Mme la
générale. On disait communément dans la
division que si le général devenait ministre
de la Guerre, la générale ferait supérieure-
ment les honneurs de l’hôtel du boulevard
Saint-Germain (France). ‖ Fam. Femme
dont l’autorité s’exerce sur un grand
nombre de personnes. ‖ 2. Supérieure
générale de certains ordres religieux de
femmes.

2. générale [ʒeneral] n. f. (fém. subs-


tantivé de général 1 ; 1680, Richelet, au
sens 1 [battre la générale, 1690, Furetière
— « trembler, claquer des dents », XXe s.] ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2134

sens 2, début du XXe s.). 1. Batterie de


tambour ou sonnerie de clairon invitant
chaque soldat, en cas d’alerte, à regagner
son poste. ‖ Battre la générale, appeler
les soldats à leur poste par une batterie
de tambour ou une sonnerie de clairon
ou de trompette : Le chef du bureau arabe
[...] crut à un coup de main, fit baisser le
pont-levis, battre la générale (Daudet).
Soudain, à midi, ce sont nos clairons qui
sonnent la générale [...], les compagnies
s’équipent, s’alignent (Giraudoux) ; pop.,
trembler, claquer des dents. ‖ 2. Répétition
générale, dernière répétition d’ensemble
d’une pièce de théâtre devant un public
d’invités : Je reste couchée parce qu’il fait
bon dans le lit, et que je ne veux pas être
laide à la générale : on croirait que j’ai le
trac (Colette).

généralement [ʒeneralmɑ̃] adv.


(de général 1 ; v. 1190, Sermons de saint
Bernard, écrit generalment [générale-
ment, XIVe s.], au sens 1 [« en totalité »] ;
sens 2, début du XIVe s. [généralement par-
lant, 1689, Mme de Sévigné] ; sens 3, 1538,
R. Estienne). 1. Class. Sans exception, sans
réserve : L’on doit approuver la comédie du
« Tartuffe » ou condamner généralement
toutes les comédies (Molière). Il est difficile
d’être aimée généralement sans avoir de la
douceur de quelque espèce (Maintenon).
‖ 2. D’un point de vue général, sans entrer
dans les détails : Des conférenciers qui se
sont succédé, c’est lui qui a traité le sujet le
plus généralement. ‖ Généralement par-
lant, à prendre les choses en général : Cela
est vrai généralement parlant. ‖ 3. Dans
la plupart des cas, à quelques exceptions
près : On trouve généralement que je n’ai
pas d’enthousiasme pour deux sous (Vallès).
Si l’on dit que quelque chose est générale-
ment admis, cela veut dire que l’expérience
y conduit la plupart des hommes (Alain).
• SYN. : 2 en bloc, globalement, totalement ;
3 communément, couramment, en général,
habituellement, d’ordinaire, ordinairement.

— CONTR. : 3 exceptionnellement, rarement.

généralisable [ʒeneralizabl] adj.


(de généraliser ; 1845, Bescherelle). Qui
peut être généralisé, étendu à toutes les
personnes, à tous les cas : Une mesure
généralisable.

généralisateur, trice [ʒeneralizatoer,


-tris] adj. et n. (de généraliser ; 1792, Gohin).
Qui généralise ou qui aime à généraliser :
Les esprits généralisateurs sont les seuls
profonds, les seuls souverains (Proudhon).
Soyez des généralisateurs, soyez des philo-
sophes... (France).

généralisation [ʒeneralizasjɔ̃] n.
f. (de généraliser ; v. 1760, d’Alembert,
au sens 1 [« extension d’une affection à
tout l’organisme », 1877, Littré] ; sens 2,
1845, Bescherelle [en logique formelle,
1872, Larousse]). 1. Action de générali-
ser, d’étendre, ou le fait de se généraliser,

de s’étendre aux individus ou aux élé-


ments d’un ensemble ; résultat de cette
action : La généralisation d’une mesure,
d’une méthode, d’un conflit. ‖ Spécialem.
Extension d’une affection à tout l’orga-
nisme : La généralisation d’un cancer.
‖ 2. Opération de l’esprit par laquelle on
étend à un ensemble, à toute une catégorie
les corrections observées sur un nombre
limité de cas : Les notes de voyage de Taine
sont pleines de généralisations contestables.
‖ Spécialem. En logique formelle, opéra-
tion par laquelle on réunit sous un concept
unique tous les objets singuliers qui ont des
caractères communs : La généralisation est,
avec l’abstraction, à la base de la formation
du concept.

généraliser [ʒeneralize] v. tr. (de général


1 ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné, au sens 1
[en emploi absolu, 1751, Diderot] ; sens 2,
1784, Brunot [maladie généralisée, XXe s.]).
1. Étendre à tout un ensemble de personnes
ou de choses ce qui a été constaté dans un
certain nombre de cas : Généraliser les
résultats d’une observation. Un intellec-
tualisme assez débridé pour généraliser
le concret lui-même (Camus). ‖ Absol.
Conclure du particulier au général, saisir
les rapports de similitude qui existent entre
les êtres ou les faits : Le savant généralise,
l’artiste individualise (Renard). ‖ 2. Rendre
applicable à un ensemble de personnes ou
de choses : J. Ferry a généralisé l’instruc-
tion en la rendant gratuite et obligatoire.
‖ Maladie généralisée, maladie qui s’est
étendue à l’ensemble de l’organisme.

• SYN. : 2 démocratiser, diffuser, populari-


ser, répandre, universaliser, vulgariser. —
CONTR. : 2 borner, étouffer, entraver, limiter,
localiser, restreindre.

& se généraliser v. pr. (fin du XVIe s.,


A. d’Aubigné [pour un sentiment ; pour une
maladie, 1865, Littré]). Se répandre dans le
public, dans un organisme : La pratique
du sport se généralise. Une infection qui
se généralise.

généralissime [ʒeneralisim] n. m.
(ital. generalissimo, de generale, général,
n. m. [v. GÉNÉRALAT] ; fin du XVIe s., A.
d’Aubigné [l’adj. généralissime, employé
dans l’expression procession généralissime,
« procession à laquelle tout le monde par-
ticipe » — 1558, S. Fontaine —, était un
empr. du lat. generalissimus, superl. de l’adj.
generalis, v. GÉNÉRAL 1]). Général chargé
du commandement en chef des troupes
d’un État ou d’une coalition : Foch, en 1918,
fut nommé généralissime des armées alliées.

généraliste [ʒeneralist] adj. et n. (de


[médecine] générale, d’après spécialiste ;
1962, Larousse). Se dit du médecin qui
exerce la médecine générale (par opposi-
tion à spécialiste).

1. généralité [ʒeneralite] n. f. (bas lat.


generalitas, -tatis, généralité, universa-
lité, du lat. class. generalis [v. GÉNÉRAL 1] ;

v. 1265, J. de Meung, au sens 1 ; sens 2,


fin du XVe s., Commynes ; sens 3, XIVe s.).
1. Caractère de ce qui est général : Voici
la comédie de Fabre d’Églantine bien sen-
tie, je la crois susceptible de faire [...] une
[impression] aussi forte et plus élevée, par
la généralité des idées, que le « Tartuffe »
(Stendhal). ‖ 2. Class. L’ensemble des indi-
vidus, des citoyens : Si quelques particuliers
sont méchants [...], il ne faut pas que la géné-
ralité en souffre (Furetière). ‖ 3. Auj. Le
plus grand nombre : Nous appelons vérité
ce à quoi la généralité des hommes adhère
partout et toujours (Lamennais).

• SYN. : 1 universalité ; 3 le commun, la


majorité, la plupart.

& généralités n. f. pl. (sens 1, fin du XVIIe s.,


Bossuet ; sens 2, 1740, Acad.). 1. Notions
générales sur un sujet : Généralités scienti-
fiques. Toutes les généralités prêtent à la cri-
tique (Lamennais). ‖ 2. Péjor. Affirmations
si générales qu’elles sont sans rapport direct
avec le sujet traité : Un tissu de généralités.
La conversation se soutint sur des généra-
lités (Balzac).
• SYN. : 2 banalités, lieux communs.

2. généralité [ʒeneralite] n. f. (de général


2 ; 1443, Heidel, Finances, au sens I ; sens
II, 1, fin du XVIe s., Brantôme ; sens II, 2,
fin du XVIIe s., Saint-Simon).

I. Ancienne circonscription administra-


tive de la France, établie sous l’Ancien
Régime pour la levée des impôts et placée
sous la direction du général des finances,
puis, par la suite, d’un intendant.

II. 1. Class. Dignité de général : Il n’y a


point de si mauvaise place auprès du roi
qui ne vaille mieux que la généralité de
son armée (Guez de Balzac). ‖ 2. Class.
Réunion des généraux, état-major géné-
ral : Nous rencontrâmes toute la généralité
qui revenait (Saint-Simon).

générateur, trice [ʒeneratoer, -tris]


adj. (lat. generator, celui qui produit, de
generatum, supin de generare [v. GÉNÉ-
RER] ; v. 1560, Paré, au sens 1 [« personne
qui engendre », 1519, G. Michel de Tours ;
« être qui est à la source, créateur », 1852,
Leconte de Lisle] ; sens 2, XXe s. ; sens 3,
1580, Montaigne). 1. Vx. Qui sert à la
génération, à la reproduction des êtres :
Organes générateurs. Fonction génératrice.
‖ Substantiv. et vx. Personne qui engendre :
Quels sont les générateurs ? — Vous, — moi,
— nous tous les hommes dits « comme il
faut » (Maupassant). ‖ Fig. Être qui est à
la source, créateur : Générateurs des fruits,
Dieux aux robes tombantes (Leconte de
Lisle). ‖ 2. Assise génératrice, en botanique,
dans les tiges et les racines, couche de cel-
lules qui produit de nouvelles cellules sur
ses deux faces. ‖ 3. Fig. Qui est à l’origine,
qui sert à la formation de : Une des scènes
génératrices du drame que nous racontons
se rattache à cette bataille (Hugo).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2135

& générateur n. m. (sens 1, 1900, Dict.


général ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3-4,
1962, Larousse). 1. Appareil qui transforme
une énergie quelconque en énergie élec-
trique. ‖ 2. Générateur de vapeur, chau-
dière à vapeur, d’une certaine importance.
‖ 3. Dans l’industrie du gaz, appareil qui
produit du gaz d’huile à partir de gas-oil ou
de fuel-oil. ‖ 4. Armature métallique lon-
gitudinale employée dans la construction
des ouvrages cylindriques en béton armé.
& génératrice n. f. (sens 1, 1752, Trévoux
[génératrice d’une surface, 1872, Larousse] ;
sens 2, XXe s. ; sens 3, 1962, Larousse). 1. En
géométrie, droite mobile qui engendre une
surface réglée. ‖ Génératrice d’une surface,
courbe qui, par son mouvement, engendre
une surface. ‖ 2. Machine transformant
l’énergie mécanique en énergie électrique.
‖ 3. Dynamo fournissant du courant
continu aux moteurs de traction ou aux
circuits secondaires d’une locomotive.

génératif, ive [ʒeneratif, -iv] adj. (dér.


savant du lat. generatum, supin de generare
[v. GÉNÉRER] ; 1314, Mondeville, au sens
de « qui produit [quelque chose] » ; sens 1,
v. 1361, Oresme ; sens 2, v. 1965). 1. Relatif
à la génération des êtres : Le mâle, selon
Aristote, renferme le principe du mouve-
ment génératif (Buffon). ‖ 2. Grammaire
générative, en linguistique transformation-
nelle, grammaire qui cherche à énoncer les
lois de la création des phrases du discours.
(V. art. spécial.)

• SYN. : 1 générateur, procréateur,


reproducteur.

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LA GRAMMAIRE GÉNÉRATIVE

Toute grammaire énonce les lois de


l’association des mots dans une langue
donnée.

Jusqu’au début du XXe s., les grammaires


étaient normatives, c’est-à-dire impo-
saient ces lois comme des « règles » aux
usagers de la langue ; tout emploi des
mots s’écartant d’une « norme » assez
étroitement définie était déclaré « fautif ».
Au XXe s. est né l’esprit descriptiviste, qui
s’est particulièrement développé en Amé-
rique, avec le « mécanisme » de Bloom-
field (v. DISTRIBUTION, art. spécial) : les
linguistes se sont appliqués à analyser
les unités et les rapports constituant la
« structure » de la langue, comme les
physiciens analysent la matière et ses lois,
sans prétendre les imposer ni influencer
leur évolution.

Pourtant, un jeune professeur de l’Ins-


titut de technologie du Massachusetts,
Noam Chomsky, formé par les disciples
de Bloomfield, s’avisa que le descripti-
visme pur ne pouvait rendre compte de
la créativité du langage. Concevoir la

grammaire comme la description d’un


« corpus », c’est-à-dire d’un ensemble,
si vaste soit-il, de phrases prononcées
ou écrites, c’est s’exposer à devoir retou-
cher ou refondre l’inventaire des uni-
tés et l’énoncé de leurs rapports chaque
fois qu’une nouvelle phrase grossira le
corpus. Tout corpus contient d’ailleurs
des phrases manquées, des « ratés » de
l’expression dont une description de la
langue s’embarrasserait inutilement.
Pour justifier à la fois le rejet de ces ratés
et la création perpétuelle de phrases nou-
velles ne modifiant pas la grammaire, il
faut bien admettre l’existence, à côté du
nombre limité des mots de la langue, d’un
nombre limité de règles dont l’applica-
tion est capable d’engendrer un nombre
de phrases illimité. Tel est le principe de
la grammaire générative, présentée par
Chomsky en 1956 dans un article et en
1957 dans un petit livre qui fit sensation,
Syntactic Structures.

Le verbe to generate était emprunté au


vocabulaire des mathématiques, où l’on
dit qu’une formule comme

x=3a — b

« engendre » à partir de a et b une infinité


de valeurs de x.

Soucieux de marquer ses distances vis-à-


vis des grammairiens normatifs, très dis-
crédités, Chomsky professait n’avoir au-
cune préférence pour une norme ou pour
une autre, prêt à décrire n’importe quel
registre de l’expression, à condition de ne
pas mêler les registres. Pratiquement, il
empruntait ses exemples à l’anglais com-
mun de registre tenu.

Il s’est défendu aussi d’avoir visé la pro-


grammation d’ordinateurs en vue de la
traduction automatique. En fait, sa théo-
rie, née d’une tentative de formalisation
mathématique des règles de la langue,
donna immédiatement aux chercheurs
de machines à traduire d’assez grands es-
poirs, qui furent déçus après une dizaine
d’années.

Chomsky distinguait trois types de


grammaire générative : la grammaire
« à nombre fini d’états », la gram-
maire syntagmatique et la grammaire
transformationnelle.

LA GRAMMAIRE « À NOMBRE FINI


D’ÉTATS »

Le type le plus élémentaire, qu’il appelait


finite state grammar, est conforme au mo-
dèle appelé en mathématique « processus
de Markov à nombre fini d’états », ou
« automate fini ». L’énoncé y est construit
par membres linéaires de gauche à droite ;
chaque addition d’un membre fait passer
la phrase à un état nouveau jusqu’à l’état

achevé : E0, E1, E2, En, ... Ea ; le nombre de


ces états est variable, mais « fini ».

Voici une grammaire « markovienne »


aussi simple que possible, puisqu’elle est
réduite à une règle :

P 1 Le garçon a vu le chien

(P signifie « phrase » ; la flèche signifie


« est à réécrire »).

L’état initial E0 est l’absence de phrase ;


l’état achevé Ea est la phrase entière.

Cette grammaire n’engendre qu’une


phrase. On attend d’une grammaire
qu’elle engendre, avec le moins de règles
possible, le maximum de phrases.

Supposons qu’on veuille obtenir les trois


phrases suivantes :

Le garçon a vu le chien ;

Le garçon de l’hôtel a vu le chien ;

Le garçon a vu le chien de l’hôtel.

La grammaire markovienne de ces phrases


la plus économique est la suivante :

P 1 a + b (+ c) OU P 1 a+ c + b ;

a 1 le garçon,
b 1 a vu le chien
c 1 de l'hôtel

(OU marque un choix possible. Les chaî-


nons entre parenthèses sont facultatifs.)
La capacité générative d’une telle gram-
maire n’est que de trois phrases. Elle sera
de vingt phrases si l’on permet d’ajouter,
après chacun des chaînons a, b ou c, un
nouveau chaînon d défini par la règle :
d 1 anglais.

Ce qui donne :

P 1 a (+ d) + b (+ d) [+ c (+ d)] OU
P 1 a (+ d) + c (+ d) + b (+ d).

Diagramme équivalent :

(Les flèches dirigées à droite indiquent


la progression d’un état à un autre, par
la production d’un chaînon que symbo-
lisent les lettres a, b, c ou d. Les boucles en
E1, E2, E3 marquent l’addition facultative
du chaînon d. L’état achevé Ea peut coïn-
cider soit avec E2, soit avec E3 : les flèches
dirigées à gauche marquent le retour pos-
sible à zéro quand la phrase est achevée.)
On se tromperait sur le sens des mots
« grammaire générative » si l’on pensait
que les règles d’une telle grammaire pré-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2136

tendent décrire les opérations mentales


d’un locuteur engendrant une phrase à
partir d’une situation particulière — ce
que Chomsky appelle performance. Elles
ne veulent être qu’un critère de gramma-
ticalité ; de même qu’en mathématique
une valeur de x peut être estimée juste
ou fausse selon qu’elle se trouve, avec
telles valeurs de a et de b, dans le rapport
que définit telle équation, de même une
phrase doit être estimée grammaticale ou
non selon que les règles de la langue per-
mettent ou non de l’engendrer : ces règles
peuvent seulement passer pour consti-
tuer la compétence du locuteur.

La grammaire markovienne donnée dans


notre exemple ne permet pas de vérifier
la grammaticalité d’une phrase comme :

Le chien a vu le garçon de l’hôtel,

puisque rien n’autorise à remplacer


garçon — qui fait bloc avec le dans le
membre a — par chien — qui fait bloc
avec a vu dans le membre b. Il est évident
qu’on augmenterait la capacité de cette
grammaire si l’on divisait les membres
a et b de manière à isoler les mots chien
et garçon, qui seraient ensuite donnés
comme mutuellement échangeables dans
une règle du type :
e 1 chien, garçon.

Un grand nombre de mots échangeables


pourraient ainsi figurer dans les règles
terminales : ces listes « paradigma-
tiques » correspondraient exactement
à ce que la linguistique appelle « classe
morphologique », et l’on pourrait se
contenter de remplacer ces listes par un
symbole de classe tel que : N (nom), Art
(article), V (verbe), etc.

Mais alors apparaîtrait un autre vice


rédhibitoire de cette « grammaire »,
qui ne peut économiquement prendre
en compte les faits d’accord et autres
marques de subordination à distance.
Soit à programmer la phrase suivante :

Le secrétaire est gentil.

On peut substituer à l’article masculin


l’article féminin : la secrétaire ; mais il
s’ensuit dans la langue une variation en
genre de l’attribut (gentille) que la chaîne
unique ne peut refléter : il faudrait deux
chaînes, et deux de plus si l’on veut enre-
gistrer les variations en nombre (gentils,
gentilles).

Cette incapacité à établir une dépen-


dance entre deux termes par-dessus un
invariant limite encore autrement la créa-
tivité d’une grammaire markovienne.
Certaines règles grammaticales sont ré-
cursives, c’est-à-dire peuvent s’appliquer
indéfiniment aux éléments qu’elles créent
elles-mêmes : ainsi, un adjectif peut se
rapporter à un nom, puis un autre adjec-
tif au groupe Nom + Adjectif, etc. (ex. :

le métro aérien suspendu français). Cer-


taines récursivités peuvent être admises
dans le modèle de Markov, comme l’in-
sertion d’adjectifs indéfiniment juxtapo-
sés, en vertu d’une règle :

Adj 1 Adj (+ Adj).

Mais une règle d’enchâssement, comme


celle qui engendre cette phrase :

Le rat (que le chat a tué) a mangé le


fromage

ne peut être formulée récursivement alors


que cette récursivité est concevable dans
la langue, en anglais comme en français :
Le rat (que le chat [que le chien a

tracassé] a tué) a mangé le fromage.


Un locuteur a conscience des dépen-
dances parce qu’il a conscience des unités
de tout niveau, des rapports fonctionnels
qui les unissent, des catégories gramma-
ticales associées à chaque espèce de mot ;
ces éléments devraient figurer dans une
compétence artificielle méritant le nom
de « grammaire » : alors, les formules au-
raient quelque chance de ressembler aux
règles que l’homo loquens applique plus
ou moins consciemment lorsqu’il crée ou
entend une phrase pour la première fois.

LA GRAMMAIRE « SYNTAGMATIQUE »

À la différence du modèle précédent, la


grammaire « syntagmatique » repose
sur la connaissance d’une hiérarchie
des unités linguistiques et des lois qui
règlent leur agencement en groupes, ou
syntagmes. Elle n’est autre chose que la
formalisation, du plus abstrait au plus
concret, de l’analyse en « constituants
immédiats » que pratiquaient les maîtres
de Chomsky : le distributionalisme, défi-
nissant les classes par les fonctions et
réciproquement, pouvait paraître capable
de simplifier la formulation des règles de
la compétence.

Le modèle génératif dit « grammaire syn-


tagmatique » pose la Phrase comme point
de départ (axiome) et conduit aux mots
par des règles de réécriture telles que les
suivantes, qui engendrent la phrase Le
garçon a vu le chien :

1. P 1 SN1 + SV,
2. SN1 1 Art + N1,
3. SV 1 GV + SN2,
4. SN2 1 Art + N2,
5. GV 1 Aux + V ;
6. Art 1 le,
7. N1 1 garçon,
8. N2 1 chien,
9. Aux 1 a,
10. V 1 vu.

SENS DES SYMBOLES


SN = syntagme nominal.

SV = syntagme verbal.

Art = article.N = nom.

Aux = auxiliaire.
GV = groupe verbal.

Le signe + marque la « concaténation »,


ou agencement syntaxique.

Il faut dix règles là où une grammaire à


nombre fini d’états se contentait d’une.

Cependant, on peut réduire le nombre à


huit si l’on ne distingue pas N1 et N2. On
écrira en ce cas :

SN 1 Art + N,
N 1 garçon, chien,

et du même coup on engendrera trois


autres phrases :

Le garçon a vu le garçon ;

Le chien a vu le garçon ;

Le chien a vu le chien.

Chaque règle de réécriture comporte un


terme unique à gauche de la flèche, et un
ou plusieurs termes à droite. L’ensemble
de ces règles peut être figuré par un dia-
gramme appelé « indicateur syntagma-
tique », dont une forme arborescente a été
proposée par Chomsky en 1956 ; chaque
noeud de l’arbre représente le terme de
gauche d’une règle ; l’ensemble figure la
dérivation de P aux éléments terminaux,
qui sont les mots dont la succession li-
néaire produit la phrase achevée :

On augmentera sensiblement le nombre


des phrases engendrées si l’on écrit, par
exemple, pour la règle 6 :

Art 1 le, un, ce, mon, ton.

Une analyse poussée des éléments de la


phrase a rendu possible le choix entre
ces mots attachés au nom en tant que
nom, sans préjugé de son contenu lexical
(garçon ou chien). D’autres substitutions
seront rendues possibles, comme celle
du verbe (vu, entendu, reconnu, etc.), de
l’auxiliaire (a, avait, aura, aurait, etc.).

Les règles énoncées jusqu’ici sont du type


dit « indépendant du contexte » (context-
free rules, Chomsky) : chacune peut être
appliquée sans tenir compte de l’entou-
rage. Une telle grammaire ignore les dé-
pendances d’une partie à l’autre du mes-
sage, ce qui limite beaucoup son ressort.
Il est possible d’introduire des règles
« dépendantes du contexte » (context-sen-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2137

sitive rules), pour engendrer par exemple


la phrase :

Le/la secrétaire est gentil/gentille.


On écrira la dérivation suivante :

1. P 1 SN + SV,

2. SN 1 Art + N,

3. Art 1 Art. masc. / Art. fém.,

4. SV 1 V + Adj.,

5. Adj. 1 Adj. masc. / Art. masc.

— OU Adj. fém. / Art. fém. —,

6. Art. masc. 1 le,

7. Art. fém. 1 la,

8. N 1 secrétaire,

9. V. 1 est,

10. Adj. masc. 1 gentil,

11. Adj. fém. 1 gentille.

Dans la règle 5, l’accolade indique le


choix possible en fonction du contexte,
lequel est résumé après le trait oblique
par l’élément variant placé relativement
au trait horizontal comme il l’est dans la
phrase relativement à l’adjectif.

Les caractères grammaticaux sur lesquels


sont fondées de pareilles règles, appelés
par Chomsky traits de sous-catégorisa-
tion, seront enregistrés au lexique sous
chaque mot.

La dépendance contextuelle peut aussi


être de nature sémantique (lexicale) ;
Chomsky considère comme « agramma-
ticales » des phrases telles que *Since-
rity admires John, « La sincérité admire
John » ; il faut donc prévoir des règles
« contextsensitive » interdisant de don-
ner au verbe to admire un sujet inanimé.
Les caractères sémantiques, appelés
traits de sélection, seront également en-
registrés au lexique. En fait, il ne peut être
question d’un enregistrement exhaustif :
quel trait de sélection devrait être consi-
gné pour empêcher qu’on n’écrive une
phrase comme *Le garçon lit la soupe ?
Cette introduction par Chomsky de la
« grammaticalité » dans le domaine du
lexique a été fortement critiquée (Jakob-
son). Il est clair que les limites en seront
vite atteintes.

Nombreux sont les cas d’homonymie


syntaxique, c’est-à-dire d’ambiguïté for-
melle ; une phrase comme :

Il a vu l’incendie de sa maison

peut avoir deux sens différents selon que


la séquence de sa maison est complé-
ment circonstanciel de lieu du verbe a vu
ou complément du nom incendie. À ces
deux sens, que confondrait totalement
la chaîne de Markov, correspondent en
grammaire syntagmatique deux dériva-
tions, deux indicateurs différents, dont
l’un rattache le syntagme prépositionnel
de sa maison au noeud de la phrase sym-
bolisée par P (ou au noeud SV), l’autre au
syntagme nominal l’incendie.

La grammaire syntagmatique admet


facilement des règles récursives. Dans
l’exemple Le garçon a vu le chien, on
peut programmer l’insertion d’épithètes
comme anglais (Adj) et de syntagmes
prépositionnels comme de l’hôtel (S Prép)
en modifiant et en complétant ainsi les
règles :

2. SN 1 Art. + GN (+ S prép),

2bis. GN 1 N (+ Adj) OU GN (+ Adj),

4. S Prép 1 de + SN

7. N 1 garçon, chien, hôtel,

8. Adj 1 anglais, noir, hargneux.

(Le symbole GN signifie « groupe


nominal ».)

On obtient ainsi non seulement le chien


anglais, mais le chien anglais noir, le chien
anglais noir hargneux, puisque le sym-
bole GN à droite dans la règle 2 bis peut
être réécrit N + Adj ou, récursivement,
GN + Adj ; on obtient le chien du garçon
par les règles 2 et 2 bis, puis le chien du
garçon de l’hôtel en réécrivant SN selon
la règle 2 dans la règle 4. La limite n’est
imposée que par les possibilités de la
mémoire humaine et par une certaine
norme esthétique.

On réintroduit la phrase entière si l’on


pose la règle :

SN 1 Art + N / Pronom / que + P

Ex. : Il annonce son départ / qu’il partira.


En définitive, la grammaire syntagma-
tique des mécanistes américains n’est pas
autre chose que la formulation rigoureuse
des unités et des rapports inventoriés par
les méthodes formalistes — corroborant
généralement les analyses de la gram-
maire traditionnelle. Chomsky, dont la
théorie se fonde sur le modèle syntagma-
tique en le dépassant, a mesuré et souvent
proclamé sa dette envers les grammai-
riens du passé.

LA GRAMMAIRE TRANSFORMATIONNELLE

Soit les phrases suivantes :


(1) Une route traverse l’île ;
(2) L’île est traversée par une route ;
(3) Un gendarme est passé par la route.

En grammaire syntagmatique, il faut


deux dérivations différentes pour engen-
drer (1) et (2), alors que la même dériva-
tion (à l’exclusion des mots terminaux)
convient à (2) et à (3). Or, tout usager du
français sent intuitivement un rapport
structurel entre (1) et (2), et non entre (2)
et (3).

Moins aveugle que le modèle markovien,


le modèle syntagmatique est encore
inapte à rendre compte de certains faits
morphologiques et syntaxiques dissi-
mulés sous la forme. L’ambiguïté for-
melle qui existe entre (2) et (3) ne peut
être mise en évidence que par la possi-

bilité de rapprocher (2) de (1), sans équi-


valent pour (3).

La grammaire transformationnelle ré-


sout la difficulté en formulant une règle
de transformation (où PAS = passif) :

(4) SN1 + V indic. prés. + SN2 + PAS 1


SN2 + être indic. prés. + V part. passé +
Prép. + SN1.

Cette formule appelle bien des éclaircis-


sements, qui seront plus facilement com-
pris à propos d’un exemple plus simple.
Comme entre une phrase active et une
phrase passive, il existe un rapport struc-
turel intuitivement senti entre les deux
phrases suivantes :

(5) L’enfant fatigue sa mère ;

(6) L’enfant me fatigue.

On dit ordinairement que les membres sa


mère et me ont la même fonction : objet
du verbe fatiguer. Cette identité fonction-
nelle n’est pas une évidence pour des en-
fants d’une dizaine d’années ; pour la leur
rendre sensible, un maître est tenté (ins-
tinctivement) de recourir à des transfor-
mations, en passant par une phrase inter-
médiaire insolite, mais compréhensible :

L’enfant fatigue sa mère 1 *L’enfant

fatigue moi ;

*L’enfant fatigue moi 1 L’enfant me

fatigue.

La même transformation peut être effec-


tuée sur une infinité de phrases, ce qui
prouve sa valeur de règle :

V + moi 1 me + V.

L’ordre inverse présenterait une difficul-


té : le pronom me est ambivalent, sous-
tendu par moi ou par sa mère dans cette
phrase, mais par à moi ou à sa mère dans
une phrase comme L’enfant me parle. Il y
a donc intérêt à partir de la construction
du nom, qui n’est pas ambiguë.

La postposition de moi ou de sa mère et


l’antéposition de me sont des manifesta-
tions différentes d’une même fonction,
qu’on peut appeler « objet direct ». On
peut poser à la base de ces manifestations
un schème abstrait comme :

V (S, O),

où S représente un membre sujet, O un


membre objet, et V un verbe qui met en
relation S et O ; l’ordre des termes dans la
parenthèse, à ce niveau abstrait, est indif-
férent : S et O sont deux éléments d’un
ensemble non linéaire. Quand il s’agira
d’exprimer ces fonctions par les moyens
phoniques du langage, certaines langues
— comme le latin et le russe — recour-
ront à une marque casuelle, le nomina-
tif ou l’accusatif, d’autres — comme le
français et l’anglais — à la place par rap-
port au verbe. Ces marques peuvent être
en variation complémentaire (v. COM-
PLÉMENTARITÉ, art. spécial) : ainsi, la
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2138

marque d’accusatif en latin est différente


dans le nom (matrem) et dans le pronom
(me), différence non significative ; la place
de l’objet en français est après le verbe si
c’est un nom (sa mère), avant si c’est le
pronom me.

Se donnant à tâche de formuler les


schèmes abstraits qui sous-tendent les
phrases concrètes, la grammaire généra-
tive doit symboliser de quelque manière
la base commune des constructions
synonymes. Une symbolisation comme
V (S, O) ne préjugeant d’aucun ordre
linéaire est proposée par les linguistes
soviétiques S. K. Chaumjan et P. A. So-
boleff (1963) : c’est la mieux adaptée à la
langue russe. Chomsky a préféré se don-
ner « un ordre abstrait sous-jacent » qui
seul « rend possible le fonctionnement
des règles transformationnelles ». C’est
pourquoi il fait de la place de l’objet après
le verbe l’ordre canonique, celui de la
« base syntagmatique », qu’il formule en
symboles abstraits :

SN1 + V + SN2.

Cette suite est appelée phrase noyau, et la


phrase à objet antéposé en est dérivée par
transformation :

L’ordre canonique attribué à la structure


de base doit être entendu comme un ordre
arbitraire, car il en faut bien un dans les
formules (qui sont un langage), de même
que les symboles comme SN attribuent au
sujet, à l’objet une forme arbitraire, mais
aussi acceptable que n’importe quelle
autre qu’on eût pu choisir. Beaucoup de
contresens sur la grammaire transforma-
tionnelle viennent de ce qu’on prend ces
conventions au pied de la lettre ; ces sym-
boles ont le défaut de toute nomenclature
grammaticale, de n’être qu’un reflet très
approximatif d’une réalité abstraite, sans
eux incommunicable ; en choisissant des
symboles qui évoquent les formes les
plus normales de l’expression, Chomsky
a voulu rendre plus parlants les algo-
rithmes (ou suites de symboles) des règles
génératives :

« ... nous n’avons plus aucune raison de


tenir les symboles SN, Phrase, SV, etc.,
qui apparaissent dans ces règles, pour
les noms de certaines classes, séquences,
ou séquences de classes, etc., d’éléments
concrets. Ce sont là simplement des élé-
ments dans un système de représenta-
tion construit pour nous permettre de
caractériser efficacement l’ensemble des
phrases anglaises d’une manière qui soit
linguistiquement significative » (1962).

STRUCTURE PROFONDE ET
STRUCTURE SUPERFICIELLE

Si l’on revient maintenant à la règle de


transformation passive donnée plus haut
(4), on y distingue une partie à gauche de
la flèche, composée de plusieurs termes,
représentant la structure de base, et une
partie à droite, représentant la structure
dérivée. Chomsky, en 1965, a nommé la
première « structure profonde » (deep
structure), et la seconde « structure su-
perficielle » (surface structure) ; la struc-
ture profonde était engendrée par un
petit nombre de règles de réécriture à
partir de l’axiome Phrase, et la structure
de surface l’était par un nombre variable
de règles de transformation, appliquées
dans un ordre qui, pour certaines, n’est
pas indifférent (Aspects of the Theory of
Syntax).

Cette innovation présentait plusieurs


avantages.

• Elle permettait une réduction du


nombre des structures de base consti-
tuant la grammaire d’une langue : ainsi,
selon cette vue, les phrases (1), (2) et (3)
de nos exemples ont une structure de
base commune, dont la deuxième seule
se sépare :

SN1 + V (+ SN2).

Or, Chomsky jugea possible de voir dans


cette structure même la base syntag-
matique de toutes les phrases, engen-
drant des suites de symboles que pouvait
remanier la « composante transforma-
tionnelle » de la génération. L’unité dé-
couverte sous les phrases (5) et (6) était
étendue à toute la langue, une seule
structure profonde remplaçant les struc-
tures hétérogènes minutieusement dis-
tinguées et classées par des théoriciens
comme Zellig S. Harris, dont la procé-
dure « taxinomique » évoquait l’usage
des botanistes.

La génération d’une phrase ne consistait


plus dans le choix d’un schème particu-
lier au sein d’un très large répertoire ;
elle devenait l’adaptation, à une pensée
particulière, d’un schème unique, très
largement permissif, par la sélection des
termes pertinents et l’effacement des
autres. La « phrase » ayant au niveau
le plus élevé la structure SN + SV, une
phrase à l’impératif, comme Entrez, sera
obtenue par effacement (v. ELLIPSE, art.
spécial) d’un sujet, lequel est nécessaire-
ment sous-entendu si l’on veut expliquer
l’accord dans Soyez bons.

• La nouvelle théorie donnait prise à la


grammaire générative sur une quantité
de phrases non congruentes à la linéarité
du découpage en constituants immédiats

et de la représentation en arbres. Par


exemple, dans la phrase :

Le gendarme n’est peut-être pas passé


par la route,

l’adverbe peut-être, qui coupe en deux


le groupe verbal Auxiliaire + Participe
(est ... passé), est à rapporter non pas à ce
groupe, mais à la phrase ; la marque de
négation est discontinue, ne précédant
l’auxiliaire et pas précédant le participe.
Dans l’indicateur figurant cette phrase,
des lignes se croiseraient donc ou bifur-
queraient pour conduire aux éléments
terminaux que l’ordre normal enche-
vêtre. Au contraire, l’analyse en consti-
tuants ne pose aucun problème si l’on y
juxtapose les marques ou les symboles
sans enclave ni chevauchement jusqu’à la
dernière suite de la base ; on écrira, pour
l’exemple ci-dessus :

Adv. de doute + Adv. de négation + SN +


Aux + V + S Prép,

quitte à engendrer ensuite l’ordre normal


par plusieurs règles dans la composante
transformationnelle.

• Le succès de la théorie et les contro-


verses qu’elle suscita dès 1957 amenèrent
Chomsky à lui donner la plus grande
rigueur. Dans sa première version, elle
admettait, à côté des transformations
obligatoires comme celle de la règle (7)
donnée ci-dessus, lesquelles ne changent
rien au sens, des transformations facul-
tatives apportant un élément sémantique,
comme la transformation négative ou in-
terrogative. Or, l’équivalence structurelle
de la base et de la phrase terminale n’est
claire que si les deux structures sont par-
faitement synonymes.

Se ralliant aux suggestions de J.J. Katz


et P.M. Postal (An Integrated Theory of
Linguistic Descriptions, 1964), Chomsky
posa en principe que le sens ne pouvait
être changé par les transformations, et
que, par conséquent, toutes les indica-
tions sémantiques sont données dans
la structure profonde, qui est exempte
de toute ambiguïté. Les transforma-
tions peuvent supprimer des éléments
sémantiques par économie (ellipse), sauf
à créer des équivoques ; elles peuvent
déplacer des termes ; elles ne peuvent
apporter aucune information qui ne soit
contenue dans la base. Dans la règle (4)
de nos exemples, le syntagme nominal
SN2, représenté dans les phrases (1) et
(2) par le nom route, a la même fonction
« agent » à gauche et à droite de la flèche,
et la seule nuance sémantique qu’apporte
la construction passive (une portée dif-
férente de la prédication) est présente
dans la structure de base sous la forme du
constituant PAS (= passif) qui détermine
obligatoirement la transformation ; c’est
par là seulement que cette structure de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2139

base diffère de celle qui engendrerait la


phrase (1).

Il n’est pas jusqu’à l’insertion d’une pro-


position, c’est-à-dire d’une phrase, qui ne
soit prévue par la formule de base. Une
phrase comme Pierre sera élu est insé-
rée à la place du syntagme objet d’une
phrase nucléaire pour donner une phrase
complexe :

Jeanne désire que Pierre soit élu


ou :

*Pierre désire que Pierre soit élu,

puis, par transformation, une phrase


simple :

Jeanne désire l’élection de Pierre

ou :

Pierre désire être élu.

La plupart des génératistes expliquent


l’adjectif épithète (un enfant blond) par
l’effacement partiel d’une proposition
relative (un enfant qui est blond) remon-
tant elle-même à une phrase simple (il est
blond) insérée dans le syntagme nominal.
La structure profonde contient donc
tout le sens de chaque message, ordonné
selon une formule que Chomsky déclare
unique pour toutes les phrases de la
langue, et qui impose d’emblée le choix
entre les constituants Passif ou non, Posi-
tif ou Négatif, Affirmatif, Interrogatif ou
Impératif. Or, Chomsky — et c’est l’aspect
le plus nouveau, et certainement le plus
contesté, de sa doctrine que cette prise de
position « mentaliste » — a supposé que
cette structure profonde est constituée
d’éléments formels universels. Estimant,
avec R. Jakobson (v. PHONOLOGIE, art.
spécial), qu’il existe des unités phoné-
tiques universelles — même si elles n’ap-
paraissent en totalité dans aucune langue
—, il juge probable que des catégories
comme Nom, Verbe ou Passé, des fonc-
tions comme Agent, des schèmes syntag-
matiques, des composants sémantiques
comme « mâle » ou « objet physique »,
des modalités comme la Déclaration et
l’Interrogation constituent un ensemble
d’universaux linguistiques dans lequel
chaque langue puise différemment. Ces
universaux seraient inhérents à l’espèce
humaine, constituant une faculté de lan-
gage héréditaire qui rend l’enfant capable
de saisir, d’enregistrer et de développer
en lui la langue de son milieu, quelle
qu’elle soit, en un temps remarquable-
ment court. Cette universalité explique
aussi la possibilité de traduire un texte de
langue à langue, le pont étant la structure
profonde, dont les transformations idio-
tiques différencient les manifestations
superficielles.

Quoi qu’il en soit de l’universalité des


éléments de la structure profonde,
Chomsky, dans Aspects, situe à ce niveau
l’interprétation sémantique de chaque
phrase, c’est-à-dire la mise en rapport des
catégories et relations consignées dans
la suite pré-terminale de la base avec la
signification globale de la phrase. Toute
incohérence sémantique observée au
niveau superficiel apparaît au niveau de
la base ; on ne peut dire : *La soupe est
lue par l’enfant parce qu’on ne dit pas :
*L’enfant lit la soupe. C’est en structure
profonde que sont à considérer les « traits
de sélection ».

MORPHOPHONOLOGIE ET
MORPHOSYNTAXE

Au niveau des formules qui transforment


la structure profonde en structure de sur-
face, il n’est fait usage, en principe, que
de symboles abstraits. On y lit des noms
abrégés d’unités syntaxiques ou morpho-
logiques comme SN (syntagme nominal),
Adv (adverbe), V (verbe), Prép. (prépo-
sition), des noms de catégories comme
Masc., 3e pers., PP (participe passé), Tps
(temps), des noms d’éléments proso-
diques comme Affirm. (intonation affir-
mative) ; on y lit le symbole « ensemble
vide » (ø) et les éléments lexicaux y sont
éventuellement figurés sous la forme
d’un delta (Δ), appelé par Chomsky dum-
my-symbol, ou « symbole postiche », abs-
traction justifiée par le souci d’écarter
des opérations de construction tout ce
qui n’est pas d’une façon ou d’une autre
grammatical.

Remaniés par les transformations, ces


symboles sont conservés jusqu’à la
dernière étape de la génération, appe-
lée « composante phonologique », qui
donne aux formants abstraits lexicaux et
grammaticaux leur forme phonologique
ou graphique. Voici deux exemples de
cette dernière opération, empruntés à
deux des premiers livres qui ont proposé
une théorie transformationnelle de la
phrase française :

1° PR + Q + SNOM + TM + AE + S +
SNOM + ÊTRE + V

1 par qui a-t-elle été renversée ?

[PR = préposition ; Q = question nu-


cléaire ; SNOM = syntagme nominal ; TM
= temps ; AE = auxiliaire avoir ou être ;
S = substitut ; V = verbe]
(Eddy Roulet, Syntaxe de la proposition
nucléaire en français parlé, 1969) ;

2° SN + Imparf. + 3e pers. + sing. + avoir


+ PP + devoir + Inf + V + SN

1 Pierre avait dû regarder la


télévision

(Jean Dubois et Françoise Dubois-Char-


lier, Éléments de linguistique française :
syntaxe, Larousse, 1970).

Le caractère très abstrait des formules


préterminales rend difficile la lecture des
études de grammaire générative. Pour
éviter le risque de rebuter un lecteur mal
aguerri, il arrive que les théoriciens usent
de mots graphiques familiers à la place
des symboles abstraits. Ainsi procédait
par exemple R. W. Langacker dans un
article de la revue Langages (n° 3, 1966) ;
expliquant la phrase

Jean le lui donnera,

il écrivait comme « structure de base » :

Jean TMPS donner il à elle,

et comme « structure dérivée » :

Jean il à elle TMPS donner.

Une telle formulation, plus lisible que les


algorithmes, a le défaut de conférer pré-
maturément aux mots une forme et une
place qu’ils ne conserveront pas, et dont
l’apparence « incorrecte » présenterait en
pédagogie un réel danger.

La morphophonologie, ou morphonolo-
gie, encore appelée morphophonémique,
est une partie importante de la gram-
maire générative des langues naturelles.
Elle règle par exemple la forme des varia-
tions du pronom personnel en personne,
en nombre, en genre, en cas. Le tableau
de la conjugaison du verbe chanter qu’on
lit dans ce dictionnaire à CONJUGAISON
(v. art. spécial) n’est autre chose qu’une
règle morpho(pho)nologique, simplement
générative, mais qui, pour d’autres verbes,
pourrait être transformationnelle : ainsi,
l’on peut donner la forme dites pour une
transformation de la forme *dis-ez engen-
drée par le système ; on peut énoncer la
règle graphique qu’un i se change en î de-
vant t dans les verbes en -aître et en -oître.
L’avantage du recours à la transformation
est de simplifier l’énoncé des grandes
règles : elle relaie les « exceptions » de la
grammaire traditionnelle.

La morphonologie ne limite pas son res-


sort aux flexions ; elle intègre, dans le
cadre de la syntaxe transformationnelle,
toutes les règles de formation des mots
considérées traditionnellement comme
des faits de lexique. Voici deux phrases
unies par un lien de sens :

Le camion transporte un liquide ;

Ce liquide peut être enflammé.

Les règles génératives permettent d’en-


châsser la seconde phrase dans la pre-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2140

mière, ce qui peut conduire à la phrase


complexe :

Le camion transporte un liquide qui

peut être enflammé.

Des transformations facultatives peuvent


adjectiver la seconde proposition :

Le camion transporte un liquide

inflammable.

La formation d’inflammable à partir du


radical d’enflammer associé aux mor-
phèmes de passivité et de possibilité est du
ressort de la morphosyntaxe. Une théorie
de cette discipline, avec de nombreuses
applications, est faite par J. Dubois dans
le troisième volume de la Grammaire
structurale du français (la Phrase et les
transformations, 1969). Elle est appli-
quée dans l’étude de L. Guilbert sur la
Construction des unités lexicales dans la
perspective synchronique, qu’on lit aux
pages XXXIILXXXI du premier tome de ce
dictionnaire.

La morphosyntaxe n’est qu’une branche


de la morphonologie, les frontières tra-
ditionnelles entre flexion et dérivation
étant effacées ou modifiées par cette vue
nouvelle ; pour J. Dubois (Grammaire
structurale du français : la phrase et les
transformations, 1969), la « nominalisa-
tion infinitive » et l’ « adjectivation parti-
cipiale » relèvent de la dérivation, infinitif
et participe étant formés d’un radical et
d’un suffixe : chant+er, chant+é.

GÉNÉRATISME ET GENÈSE HISTORIQUE

On a reproché à Chomsky l’emploi du


terme ambigu to generate, d’où dérive
grammaire générative. Il est dit plus haut
qu’il l’empruntait aux mathématiques,
mais il est inévitable que les non-initiés
l’entendent autrement.

Il pourrait s’agir d’une genèse historique.


Beaucoup d’ellipses sont ordinairement
expliquées par l’usure des siècles. De
même que métro remonte à chemin de fer
métropolitain, l’emploi de que devant le
subjonctif en proposition indépendante
impérative (Qu’il vienne !), dont on relève
des exemples à partir du XIIIe s., est expli-
cable historiquement par la troncation
de phrases du type Je veux qu’il vienne.
Les génératistes font remonter les indé-
pendantes impératives comme Entrez
à des syntagmes Sujet + Verbe comme
*Vous entrez : or, l’expression du pronom
personnel sujet devant l’impératif se ren-
contre en ancien français.

Il s’agit là de coïncidences qui, pour n’être


pas gratuites, ne sont nullement obliga-
toires, ni fréquentes. L’impératif est nor-
malement sans sujet en ancien français,
comme en latin (où le pronom manque à
tous les modes). Beaucoup de génératistes
justifient l’emploi épithétique de l’adjectif
(un enfant blond) par une phrase attribu-

tive (un enfant qui est blond ; il est blond) ;


or, la construction épithétique est banale
dès les premiers textes français et dans
les langues les plus anciennes. Un mot
unique comme le nom propre Paul ou le
pronom il employé comme sujet dans la
phrase française est donné en grammaire
générative comme l’aboutissement d’un
SN Déterminant + Nom : or, le détermi-
nant par excellence, l’article, n’existait
pas en latin, même devant les noms com-
muns, et l’on voit son usage se dévelop-
per en français pour acquérir son statut
moderne seulement au XVIIe s.

À l’égard de la phonétique historique,


l’attitude des génératistes est clairement
définie par S.A. Schane dans l’intro-
duction du n° 8 de la revue Langages.
Considérant en français les alternances
comme :

mer/marin, sel/salin, clair/clarté,


fleur/floral, meurt/ mortel,
seul/solitude,

il propose une règle de « phonologie


générative » selon laquelle [a] et [ɔ]
deviennent respectivement [ɛ] et [oe],
c’est-à-dire « s’antériorisent », sous l’ac-
cent, puis il remarque que « les règles
proposées reflètent les changements his-
toriques dont on sait qu’ils ont eu lieu
en français » ; cela ne le surprend pas,
puisque l’état moderne de la langue dont
nous devons rendre compte est l’abou-
tissement d’altérations diachroniques,
mais « les règles synchroniques doivent
être justifiées pour elles-mêmes, avoir
une motivation interne ». Cet emploi
par Schane du terme de motivation reste
à élucider : faut-il invoquer les considé-
rations de parenté sémantique dans les
rapprochements phonologiques comme
il le fait ici ? La « motivation » génératiste
n’est en fait qu’une règle d’économie des-
criptive. Or, il s’en faut que la règle énon-
cée pour [a] et [ɔ] rende compte de toutes
les alternances observables en français
(comparer : laid/laideur, peur/peureux),
et l’on se demande si la « motivation » la
plus simple des anomalies synchroniques
ne serait pas une règle générative repre-
nant dans une formule complexe toutes
les transformations historiques.

Dans la même revue, James Foley donne


une interprétation génératiste des formes
de l’indicatif présent du verbe latin sum ;
selon lui, elles sont à tort considérées
comme irrégulières, et deux règles suf-
fisent à les expliquer à partir d’une base
s :

(1) s + nasale 1 s + u + nasale


(donc s + m 1 sum ; s + mus 1 sumus ;
s + nt 1 sunt) ;

(2) consonne + consonne 1 e + consonne


+ consonne

(donc s + s 1 *ess 1 es ; s + t 1 est ;


s + tis 1 estis).

C’est récuser sciemment la motivation


des comparatistes, qui expliquent l’alter-
nance des formes de sum par l’alternance
indoeuropéenne de formes thématiques
et athématiques. La « reconstruction »
de l’indo-européen est-elle autre chose
que la recherche d’un système de trans-
formations expliquant de la manière la
plus simple toutes les langues que l’on
présume composer une famille ? La dif-
férence essentielle est peut-être dans
l’étendue des faits considérés. Les règles
du comparatisme embrassent un grand
nombre de langues ; les deux règles pro-
posées par J. Foley ne conviennent qu’à
l’indicatif présent de sum. Pour expli-
quer l’imparfait eram, il imagine une
forme sous-jacente *sbam, d’où *esbam,
puis *esam par application d’une règle
particulière (s + b 1 s) ; après quoi, *esam
donne eram « par la règle de rhotacisme
qui explique de nombreuses autres alter-
nances s/r en latin, telles que le nominatif
singulier corpus, « corps », pour un nomi-
natif pluriel corpora ». On retrouve donc
sur ce dernier point les règles tradition-
nelles de la diachronie, dont on ne s’est
peut-être économiquement écarté qu’en
rétrécissant le champ de l’observation.

Il faudrait alors appliquer à la « généra-


tion » chomskyenne ce que C.F. Hoc-
kett écrivait en 1954 de la « formation »
synchronique :

« Si on dit qu’en anglais la forme du


passé baked est « formée » à partir de
bake par un « procès » de « suffixa-
tion », alors, on a beau protester que
cela n’a rien à voir avec l’histoire,
il est impossible de ne pas conclure
qu’une sorte de priorité est assignée
à bake par opposition à baked ou au
suffixe. Et si cette priorité n’est pas
historique, qu’est-ce qu’elle peut bien
être ? » (Word, 10).

GÉNÉRATISME ET
GENÈSE PSYCHOLOGIQUE

Quelle que soit (génératiste ou histo-


rique) l’explication qu’on doit retenir
pour les formes de l’indicatif présent du
verbe sum, il semble évident que le sujet
parlant latin prenait ces formes toutes
faites dans sa mémoire chaque fois qu’il
avait à s’en servir, sans établir de lien
génétique entre elles, non plus qu’un
Français aujourd’hui n’établit de lien
génétique entre les radicaux de je vais
et de nous allons. Les formules généra-
tives et transformationnelles ne reflètent
pas en morphonologie un travail mental
conscient.
En est-il autrement quand il s’agit non
pas des mots et de leurs variations
flexionnelles, qui composent un matériel
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2141

linguistique immuable et reçu, mais des


syntagmes perpétuellement créés dans
la parole ? Certes, ces syntagmes com-
posent eux-mêmes par leurs structures
un ensemble fini, comme l’enseigne jus-
tement la doctrine génératiste, mais cha-
cun d’eux associe des éléments choisis
librement, et la légitimité de ces groupes
nouveaux par le contenu doit toujours
être vérifiée à l’étalon de la norme, ce qui
implique une conscience actuelle ou vir-
tuelle de leur composition.

Chomsky, dans Aspects, rejette sans


ambages « l’absurdité majeure consis-
tant à considérer le système des règles
génératives comme un modèle exact de
la construction effective d’une phrase
par un sujet parlant » (p. 191 de la trad.
franç.) ; « une grammaire générative n’est
ni un modèle du locuteur ni un modèle
de l’auditeur », elle ne peut être consi-
dérée que « comme une caractérisation
de la connaissance tacite intrinsèque,
ou compétence, qui est sous-jacente à
la performance effective » (p. 192). Les
algorithmes, malgré la direction unique
de leurs flèches aboutissant aux suites
« terminales » écrites ou prononcées, ne
sont pas des programmes de production
des phrases.

Pourtant, le sentiment de rapports struc-


turels entre les phrases existe incontes-
tablement. Les enfants de neuf à dix ans
témoignent dans les tests scolaires une
conscience assez juste des conversions
possibles de l’actif au passif, de l’affir-
mation à l’interrogation ou à l’ordre,
du positif au négatif et inversement. Ils
entrent aisément dans le jeu quand le
maître, pour leur révéler l’ambiguïté
d’une phrase, recourt, sans besoin de
méthode, au procédé immémorial de la
paraphrase, distinguant sous le groupe
la peur des ennemis un sens subjectif (les
ennemis ont peur) et un sens objectif (on
a peur des ennemis). Pour désambiguïser
une phrase comme :
L’homme reçoit le livre du garçon,

il n’est d’autre moyen que la paraphrase,


qui distinguera :

a) Le garçon fait que l’homme reçoit le livre ;

b) Le garçon possède un livre, l’homme reçoit ce


livre ;

c) Le garçon a écrit un livre, l’homme reçoit ce


livre.

C’est apparemment trouver d’instinct


la démarche de la grammaire transfor-
mationnelle, qui révèle dans chaque cas
ambigu les structures sous-jacentes non
ambiguës (suite préterminale de la base
syntagmatique). Mais, selon Chomsky,
ces intuitions d’échange réversible, ces
rocades restent superficielles et très
sujettes à caution ; la véritable gram-
maire générative intériorisée n’est pas

consciente ; « une grammaire générative


ayant quelque intérêt traitera, pour la plus
grande part, de processus mentaux dé-
passant de loin le niveau de la conscience
actuelle ou même potentielle » (Aspects,
p. 19).

On peut songer à distinguer, comme il a


été fait pour l’ellipse (v. ce mot, art. spé-
cial), des structures « mémorielles » et
des structures « discursives ». Les pre-
mières seraient disponibles à l’état fini
dans notre compétence où elles auraient
été élaborées pendant les années d’ap-
prentissage, elles se présenteraient au
moment du besoin sans nouvelle analyse,
comme lorsqu’on choisit le mot chaise
ou le mot fauteuil ; les secondes seraient
perpétuellement créées et combinées
dans la parole, par application des règles
génératives. Mais à quel niveau situer le
seuil entre la conscience actuelle et la
conscience potentielle ? Et si l’on suppose
un travail entièrement inconscient, qui
peut prouver que les voies inconscientes
du cerveau conduisent, par exemple, au
Passif par la plaque tournante de l’Actif ?
Même dans l’acquisition de la langue, est-
il certain que cette abstraction ait été réa-
lisée également par tous les sujets ?

Quelques psychologues ont exploré le


travail mental inconscient dans l’espoir
d’y trouver une confirmation des règles
génératives : « La manière dont l’usa-
ger de la langue fabrique ou comprend
une phrase — les processus cognitifs
spécifiques qu’il accomplit —, cela n’est
pas du domaine de la linguistique, mais
du domaine de la psychologie » (G.A.
Miller). Des expériences imaginées par
G.A. Miller (1962), J. Mehler (1963),
P.B. Gough (1965) ont paru démontrer
qu’il fallait plus de temps pour compo-
ser ou comprendre une phrase négative
qu’une phrase positive, une phrase pas-
sive qu’une phrase active, l’écart étant
imputable au temps que demande une
transformation. La démonstration est
contestable dans la mesure où le fac-
teur de fréquence des différents types de
phrase, le facteur de longueur, et certains
paramètres d’ordre sémantique ont été
négligés.

La meilleure des preuves serait donnée si


l’on pouvait mettre en rapport certaines
aphasies ou anomalies de l’expression
avec une déficience intéressant spécifi-
quement la composante transformation-
nelle : tel serait le cas d’un sujet qui effec-
tuerait les opérations morphonologiques
au niveau de la structure profonde.

À supposer que tous ces problèmes


fussent résolus, une grande question se
posera encore : comment se fait le choix
des éléments de sens préalable à toutes les
opérations de réécriture et de transfor-
mation, choix d’emblée définitif selon la
doctrine de 1965, et qui enclenche le jeu

de règles mécaniques aveugles ou inuti-


lement conscientes ? Sur cette question,
Chomsky est évasif : « Absolument rien
de significatif n’est connu du rôle de
l’information extra-grammaticale dans
l’interprétation des phrases, si ce n’est le
fait qu’elle existe, et qu’elle est un facteur
important de la performance » (1966).

ÉCHANGES LEXICO-MORPHOLOGIQUES

Il existe depuis longtemps, dans la tradi-


tion des exercices de style, une méthode
fondée sur des transformations qui
ignorent la frontière entre grammaire
et lexique (v. GRAMMAIRE, art.spécial) ;
deux énoncés différant par le vocabulaire
apparaissent équivalents sur le plan de la
dénotation ; comparer :

Il n’entend pas les reproches Il est

sourd aux reproches ;


Il ne savait à quoi se décider Il

était indécis ;

Je crois que tu as tort Tu dois

avoir tort.

De tels échanges, sémantiquement aussi


légitimes que les purs échanges gramma-
ticaux, ne sont pas inclus par Chomsky
dans le domaine de la grammaire géné-
rative. Un pas est cependant fait dans ce
sens par la prise en compte des faits de
dérivation, traditionnellement imputés
au lexique :

Qui n’a pas de limite 1 illimité ;

Les jours s’allongent 1 l’allongement

des jours.

Des ponts sont tendus dans la transfor-


mation négative, où personne est la néga-
tion de quelqu’un, rien de quelque chose.
On considérera aussi bien comme une
transformation négative la substitution à
un adjectif qualificatif de son antonyme
(v. CONTRAIRE, art. spécial) :

La nouvelle n’est pas vraie 1 La nou-

velle est fausse.

J. Dubois, qui énonce cette règle au


second volume de sa Grammaire struc-
turale du français (le Verbe, 1967), pro-
pose au troisième volume (la Phrase
et les transformations, 1969) de rame-
ner tous les types de phrase à un type à
verbe être, ce qui implique une analyse
du sens de tous les verbes. Même s’il ne
s’agit que de tentatives, il est bien évident
qu’une linguistique générative incluant la
sémantique est le prolongement logique
d’une grammaire générative, lexèmes et
morphèmes devant se confondre dans
l’analyse en sèmes (v. SÉMANTIQUE, art.
spécial). Mais ce développement, étape
indispensable dans la voie d’une étude de
la performance, reste subordonné à l’éla-
boration d’une théorie solidement assise
de la sémantique structurale.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2142

LE GÉNÉRATISME EN FRANCE

Le retentissement en France de Syn-


tactic Structures n’a pas été immédiat.
Un compte rendu du livre paru dans le
Bulletin de la Société de linguistique de
Paris en 1961 appréciait son rigoureux
formalisme sans en retenir la notion ni
même le terme de transformation. L’une
et l’autre n’apparurent avec fréquence
qu’en 1965 dans le Français moderne
(janv., avr., juill. : Jean Dubois) et dans
les Cahiers de lexicologie (M. Coyaud ;
Jean Dubois, L. Irigaray et P. Marcie). En
1966, le cyclone soulevé en Amérique par
la plaquette de 1957 atteignit la France,
avec un volume de la collection « Dio-
gène » (Gallimard) intitulé Problèmes du
langage, qui contenait, à côté d’articles
signés Benveniste, Jakobson, Martinet,
Kurilowicz, Sommerfelt, un article de
Chomsky expliquant l’aspect créateur
du langage par le jeu d’une « gram-
maire génératrice » que tout sujet parlant
construit en lui, « par la simple différen-
ciation d’un schéma inné fixe plutôt que
par l’acquisition progressive de données,
de séquences et d’enchaînements, et d’as-
sociations nouvelles » ; un article enthou-
siaste d’Emmon Bach soulignait l’impor-
tance de la révolution « képlérienne » que
représentait en linguistique l’hypothèse
de Chomsky ; enfin, S. K. Cháumjan
exposait les développements et correc-
tifs qu’avait reçus en U.R.S.S. la « gram-
maire de transformation » imaginée par
Chomsky.

La même année parurent les premiers


numéros de la revue Langages, conte-
nant un article de R. W. Langacker, qui,
le premier, avait appliqué au français la
méthode nouvelle (A Transformational
Syntax of French, 1966), puis, dans un
numéro composé par N. Ruwet sur la
Grammaire générative, la traduction de
plusieurs articles de Chomsky. L’année
1967 apporta d’une part l’indispensable
exégèse de Nicolas Ruwet, Introduction
à la grammaire générative, et de l’autre
la première application systématique du
transformationalisme à la langue fran-
çaise par un Français : Grammaire struc-
turale du français : le verbe (J. Dubois).
L’élan était donné : les études d’ensemble
se succédèrent, chacune inspirée libre-
ment des principes initiaux, que Choms-
ky lui-même n’avait jamais tenus pour
immuables : Grammaire transformation-
nelle du français : syntaxe du verbe (Mau-
rice Gross, 1968), Grammaire structurale
du français : la phrase et les transforma-
tions (J. Dubois, 1969), Syntaxe de la pro-
position nucléaire en français parlé (Eddy
Roulet, 1969), Éléments de linguistique
française : syntaxe (J. Dubois et Fr. Du-
bois-Charlier, 1970).

TRIPLE APPORT

Parmi tous les éléments positifs portés au


bilan de Chomsky par ses ardents par-
tisans, trois apparaissent d’une impor-
tance dominante.

• Retenons d’abord le mérite reconnu


dès 1961 par G. Mounin : en construi-
sant « un ensemble de formules logico-
mathématiques susceptibles de décrire
symboliquement les patrons syntaxiques
d’une langue, et de formules maniables à
vide par des règles de calcul », Chomsky
contribue à faire de la linguistique une
« science exacte », dont les unités donnent
prise à la computation et à la description
intégrale. Bien d’autres recherches en
« linguistique quantitative » ont été me-
nées indépendamment de son école, par
des logiciens ou mathématiciens comme
Y. Bar-Hillel, S. Marcus ; mais l’idée
transformationnelle a fécondé les études
de Chomsky et de ses disciples, par
exemple : Introduction to the formal Ana-
lysis of natural Languages (N. Chomsky
et G. A. Miller, 1963), Notions sur les
grammaires formelles (Maurice Gross
et André Lentin, 1967 ; abondante bi-
bliographie des travaux antérieurs et
parallèles).

Depuis le début des années 60, des re-


cherches de syntaxe générative étaient
menées à Grenoble par le Centre d’études
pour la traduction automatique, visant la
traduction du français écrit par les « cer-
veaux électroniques », et procédant d’une
manière qui tempérait la théorie par
l’empirisme en vue de la meilleure effica-
cité. Chomsky a exprimé son scepticisme
à l’égard de ces tentatives, dont le coût
lui paraît disproportionné aux résultats.
Pourtant, même si les espoirs ont été dé-
çus, de telles expériences sont bénéfiques
par les efforts que suscite la motivation.
Un résultat très positif de la formalisa-
tion des structures grammaticales a été
l’inclusion, dans les « indicateurs » et les
algorithmes génératifs, de constituants et
de catégories trop négligés dans la plupart
des grammaires scolaires, voire suspectés
par les antimentalistes : putation massive
et numérative (v. ARTICLE, art. spécial),
modalités correctement distinguées de la
négation (v. MODALITÉ, art. spécial).

• Cette entreprise de formalisation est


bien loin d’aboutir, car une langue, quelle
qu’elle soit, « est un système infiniment
plus complexe qu’une théorie logique
ou mathématique ordinaire » (Emmon
Bach). Les génératistes ne prétendent
d’ailleurs guère apporter de procédés
d’investigation nouveaux, se contentant
de faire un choix (une « évaluation »)
parmi ceux qu’employaient leurs prédé-
cesseurs en fonction de la simplicité du
système qu’ils permettent de dessiner.

On peut cependant tenir pour une source


nouvelle d’explication l’hypothèse de
« processus mentaux dépassant de loin le
niveau de la conscience ». Une démons-
tration frappante en est donnée par
N. Ruwet dans un article de Langue fran-
çaise, n° 6, où il confronte deux types de
phrase différant par la place du pronom
en. Au lieu de dire :

Le chef de cette troupe a promis


d’être magnanime,

on peut dire :

Le chef en a promis d’être

magnanime.

On représente alors le nom troupe, com-


plément du sujet chef, par le pronom en
qu’on place devant le verbe promettre. Au
lieu de dire :

La lecture de ce livre promet d’être


passionnante,

on peut dire :

La lecture promet d’en être

passionnante.

On a encore remplacé par en le nom com-


plément du sujet, mais cette fois le pro-
nom en est placé après le verbe promettre.
Pourquoi cette différence ? Seule la
grammaire transformationnelle résout la
contradiction, en rattachant la première
phrase à quelque chose comme :
Le chef de la troupe promet qu’il sera
magnanime,

et la seconde à quelque chose comme :

Ça promet que la lecture de ce livre

sera passionnante.

En effet, la lecture elle-même ne promet


pas ; une différence parallèle s’observe
avec le verbe menacer.

Le nom de Chomsky était à peine connu


en France lorsque E. Benveniste donna
dans la revue Lingua (vol. XI) une inter-
prétation du génitif latin qui rejoint les
méthodes transformationnelles, défi-
nissant ce cas « comme résultant d’une
transposition d’un syntagme verbal en
syntagme nominal ; le génitif est le cas
qui transpose à lui seul entre deux noms
la fonction qui est dévolue ou au nomina-
tif, ou à l’accusatif dans l’énoncé à verbe
personnel ». De semblables analyses, ex-
pressément rattachées au transformatio-
nalisme, ont été consacrées au datif et à
l’instrumental par J. Haudry.

• On comptera encore à l’actif du généra-


tisme la simplification qu’il apporte dans
l’inventaire des fonctions grammaticales.
Si l’abstraction pratiquée ainsi dans cha-
cune des grandes langues indo-euro-
péennes permet de définir un répertoire
de fonctions et de catégories commun
à toutes, il n’est pas exclu qu’un pareil
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2143

rapprochement puisse être établi entre


familles sans parenté. La théorie de la
structure profonde conduit à l’idée d’une
« syntaxe universelle », que Chomsky
n’hésite pas à flanquer d’une « séman-
tique universelle » dans la Nature formelle
du langage (1967). Même s’il n’énonce là
que des objectifs de recherche douteux et
lointains, il n’y a aucune raison pour les
frapper d’interdiction ou de tabou. Indé-
pendamment des linguistes, les psycho-
logues et les logiciens poursuivent des re-
cherches d’analyse du contenu en vue de
constituer une métalangue universelle
intermédiaire des traductions. Il y a tout
intérêt à ce que cette langue artificielle
s’harmonise avec les traits essentiels des
langues naturelles.

CRITIQUES

Sans faire état de toutes les critiques


immanquablement soulevées par l’appa-
rition d’une théorie aussi originale, on
peut signaler quelques points faibles du
génératisme.

• Ses adeptes reprochent aux gram-


maires traditionnelles leur caractère
sommaire et non restrictif. Par exemple,
la règle de transposition au passif don-
née par Maurice Grevisse (le Bon Usage)
aurait le défaut, suivie à la lettre, d’engen-
drer à partir de :

Des ennemis entourent le camp

une phrase agrammaticale :

*Le camp est entouré de des ennemis

(N. Ruwet, Introduction à la grammaire


générative, p. 34).

La grammaire générative ne se contente


pas de ces approximations ; sa mission est
d’énoncer des règles capables d’engen-
drer l’infinité des phrases grammati-
cales, et celles-là seulement.

Or, en réalité, les grammaires tradition-


nelles ne peuvent enregistrer l’infinité
des exceptions prévisibles : l’ouvrage
incriminé ici a plus de mille pages, il en
faudrait dix fois autant pour qu’il pût
mentionner, à l’énoncé de chaque règle,
les exceptions de caractère morpho-
nologique comme l’effacement de des
après de. Les génératistes visent « non
une grammaire pédagogique, mais une
grammaire scientifique » (N. Ruwet),
et consacrent des dizaines de pages à
des faits très particuliers qui relevaient
jusqu’ici des thèses de doctorat. Encore
devraient-ils reconnaître qu’ils ne par-
viennent jamais à une règle simple, résu-
mée en une formule magique : les mille
et une exceptions qu’ils prévoient (non
exhaustivement) sont consignées tout
au long d’un lexique que son volume, s’il
passe un jour du projet à la réalisation,
rendra inutilisable.

• S. K. Chaumjan reproche à Chomsky


un exclusivisme qui tient à sa formation
américaine : « Sa grammaire ne concerne
que l’axe syntagmatique de la langue et
ignore l’axe paradigmatique » (Problèmes
du langage, p. 145). Le défaut est inhérent
à l’analyse en constituants, qui prend
difficilement en compte, par exemple, les
variations d’aspect, de mode, la portée de
la prédication.

On doit cependant s’attendre à ce que


toutes les oppositions paradigmatiques
de caractère grammatical tombent un
jour ou l’autre sous la coupe de la théorie
transformationnelle, puisque la plupart
sont impliquées, au moins occasionnel-
lement, dans des contraintes syntagma-
tiques (v. GRAMMAIRE, art. spécial).

• Un représentant de l’école pragoise,


Harald Weydt, a formulé dans la Linguis-
tique (n° 8, 1972/1) une critique fonda-
mentale : « Les phénomènes linguistiques
considérés comme ambigus en gram-
maire transformationnelle s’avèrent non
ambigus du point de vue fonctionnel. »
Par exemple, la différence entre un géni-
tif « subjectif » et un génitif « objectif »
n’est pas pertinente pour le linguiste :
amor Dei est « amour qui a un rapport
avec Dieu » ; de même, le train de Paris
est « le train qui a un rapport avec Paris »
(qu’il en vienne ou qu’il y aille). Selon le
transformationaliste MacCawley, deux
structures profondes rendent compte de
la structure superficielle d’une phrase
comme :

John et Harry sont allés à Cleveland,


car John et Harry ont pu faire l’action en-
semble ou séparément. Selon H. Weydt,
l’analyse de ces possibilités est une ana-
lyse du réel qui n’intéresse pas la langue,
non plus que de savoir s’il pleuvait le jour
du voyage. Le nombre des possibilités est
d’ailleurs supérieur à deux, car John et
Harry ont pu accomplir ensemble seule-
ment une partie du trajet. Le compte des
ambiguïtés opéré (indûment) à partir du
réel n’est jamais fini.

On accordera à H. Weydt que l’entreprise


de résoudre toutes les ambiguïtés peut
paraître désespérée, mais beaucoup de
linguistes ont aussi désespéré d’interpré-
ter toute unité significative à partir d’un
ou de plusieurs traits pertinents conve-
nant à tous ses emplois, comme il le pro-
pose. Il y a dans L’homme reçoit le livre du
garçon une ambiguïté dont on ne se défait
pas si facilement.
• On reproche quelquefois erronément
à la grammaire générative d’imposer
un ordre à des transformations qui sont
parfaitement réversibles (Actif 1 Pas-
sif ou Passif 1 Actif) : on a vu qu’en fait
ses règles ne sont pas des programmes
de production des phrases (pas plus que
les tableaux de conjugaison ne « pro-

duisent » les verbes). Mais en cela elle


peut passer pour décevante : se donnant
au départ sous forme d’indices, de plus
en plus nombreux à mesure que la théo-
rie s’approfondit, tous les facteurs séman-
tiques qui détermineront la forme finale
de la phrase, elle ne débouche en aucune
mesure sur une étude de la performance,
c’est-à-dire sur le véritable problème des
rapports de la langue avec une pensée.

PRÉCURSEURS

Le principe des transformations était


contenu dans un article de Z. S. Harris,
l’Analyse du discours (Language, 1952) :

« On a constaté empiriquement que

le nombre d’équivalences gram-

maticales auxquelles on fait appel à

chaque fois pour réduire des phrases

d’un texte en segments semblables

est relativement peu élevé. »

Suit une liste de douze « équivalences »


fréquemment utilisées telles que :

N1 + V + NL = N2 + V* + N1

(V et V* étant respectivement actif et


passif) ;

J’ai acheté cela pour vous = J’ai acheté

cela ; j’ai acheté pour vous.

En 1954, la notion est encore présente


dans un article également notoire sur la
Structure distributionnelle (Word, 10). En
quête du système de règles le plus simple
possible, Harris accepte la formulation
« qui consiste à décrire une forme lin-
guistique comme dérivée d’une autre par
un certain procès (ou opération) [...] ; ce
modèle décrit ainsi la plupart des formes
comme dérivées de certaines formes de
base » ; « plus proche des formulations
historiques, [il] est utile dans certaines
situations, surtout en morphophoné-
mique pure » ; une note signale que « c’est
dans les travaux de Sapir et Newman
qu’on trouve ce type de formule le mieux
exposé ». Harris appelait déjà « noyau »
(kernel) l’ensemble des phrases élémen-
taires dont on peut considérer que les
autres sont dérivées, et il pensait que le
sens reste constant à travers les transfor-
mations. Chomsky, tout en reconnaissant
sa dette envers son maître, estimait s’en
séparer par sa conception créative de la
langue (Une conception transformation-
nelle de la syntaxe, 1958). Un an seule-
ment après la publication de Syntactic
Structures, C.F. Hockett, dans son Cours
de linguistique moderne, commentant
une ambiguïté d’expression, distinguait
de la grammaire de surface diverses
couches de grammaire profonde, dont
l’exploration systématique était à faire.

Dans la première moitié du siècle, un cer-


tain transformationalisme avait cours,
qui se contentait le plus souvent d’expli-
quer la morphologie et la formation des
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2144

mots par transposition des rapports


syntaxiques. Dans sa communication au
VIe Congrès international des linguistes
(1948), le maître polonais J. Kurilowicz ju-
geait possible de démontrer « que chaque
système linguistique est assis sur le même
fondement général. Les différences entre
les systèmes seront constituées par la
spécialisation (les subdivisions) plus ou
moins poussée de ces catégories géné-
rales » ; la conclusion était catégorique :
« Il n’y a que les fonctions syntaxiques
qui sont communes à l’universalité des
langues humaines. Mais même les caté-
gories les plus élaborées ne sont au fond
qu’une condensation sémantique de ces
fonctions. Une classification structu-
relle des langues ne peut être dressée que
sur les critères purement quantitatifs de
grammaticalisation et lexicalisation des
catégories. » Des exemples de transfor-
mations, limitées aux mots et aux syn-
tagmes, accompagnaient cette thèse
(Actes, p. 175 à 177). Au même congrès,
son compatriote W. Doroschewski décla-
rait : « La structure des mots se compose
d’éléments qui, au point de vue logique,
correspondent aux éléments constitutifs
de la phrase simple, à savoir aux notions
du sujet, du prédicat, du complément, de
la copule et de l’attribut » (Actes, p. 443).
En 1930, Ch. Bally enseignait aux maîtres
primaires et secondaires qu’ « il y a de la
grammaire dans les mots », « que chaque
mot peut être transformé en une phrase
équivalente » (la Crise du français). La
« transposition » expliquait non seule-
ment la formation des mots, mais leurs
changements de catégorie, comme il
l’avait montré dès 1922 dans une note
de son compte rendu de la Pensée et la
langue : « Un substantif peut être en vi-
site chez l’adjectif (un homme singe) ou
s’y installer (homme bête) ; un verbe peut
se déguiser en adjectif (femme aimant
son mari) ou devenir adjectif (femme ai-
mante) ; comparer encore manger et boire
avec le manger et le boire » (Bulletin de la
Société de linguistique de Paris). Il revien-
dra sur la transposition dans Linguis-
tique générale et linguistique française,
pour « définir, dans la mesure du pos-
sible, les caractères communs à tous les
échanges fonctionnels et le rapport étroit
existant entre la transposition et la syn-
tagmatique » (1944). Sa théorie du trans-
ponend et du transpositeur se rapproche
étrangement de la théorie du transfé-
rende et du translatif de L. Tesnière, dont
les Éléments de syntaxe structurale seront
publiés bien plus tard (1959). Il introduit
cependant une distinction dont la gram-
maire générative pourrait tirer parti,
entre « la transposition fonctionnelle (qui
relève exclusivement de la grammaire) »
et « la transposition sémantique, qui in-
téresse aussi le lexique, par le fait que les
signes changent de signification en même

temps que de catégorie » : « la végéta-


tion tropicale est celle qu’on trouve sous
les tropiques (transposition fonction-
nelle) ; une chaleur tropicale est une cha-
leur aussi forte que celle qui règne dans
ces régions (transposition sémantique) »
[§ 180].

Chez Albert Séchehaye (Essai sur la


structure logique de la phrase, 1929), la
transposition est étudiée au niveau de la
pensée, tentative d’exploration de la per-
formance longtemps condamnée pour
« psychologisme » et qui pourra être un
jour reconsidérée avec égards. Des trois
« règles de transposition » induites des
faits de langue, la première est que toute
idée, quelle que soit sa catégorie naturelle
au point de vue de la logique, peut être
ramenée à la catégorie de l’entité ; conclu-
sion tirée du fait — indifférent aux for-
malistes américains y compris Chomsky
— que tout verbe (ex. : partir), tout ad-
jectif (ex. : blanc) peut être nominalisé
(départ, blancheur). Henri Frei consacre
les pages 136 à 232 de sa Grammaire des
fautes à étudier des faits très divers réunis
sous le chef de la transposition ; là encore,
on relève nombre de considérations psy-
chologiques, comme celle-ci :

« Les adjectifs qualificatifs, qui

sont les déterminants d’inhérence,

doivent être distingués des complé-

ments de relation. Tandis que les

premiers remontent à un prédicat

d’inhérence (la rose est rouge > la

rose rouge), les seconds condensent

un prédicat de relation (objet) ; ex. :

il commande le navire > le comman-

dant du navire » (p. 194).

[V. ADJECTIF, art. spécial.]

Il explique l’antéposition du complément


de relation en hindoustanī, en japonais et
dans les langues turco-mongoles, et celle
du génitif en latin par l’antéposition,
dans toutes ces langues, du complément
d’objet.

O. Jespersen a introduit aussi dans ses


théories des remarques sur les transfor-
mations (The Philosophy of Grammar,
1924), suivi par son élève Blinkenberg
(le Problème de la transitivité en fran-
çais moderne, 1960) ; non plus que leurs
confrères polonais et suisses précédem-
ment nommés, les deux Danois n’ont
poussé la formalisation jusqu’au point
où Chomsky — nourri de « mécanisme »
américain et de mathématique — a su le
faire.

Des précurseurs plus anciens, dont


Chomsky a revendiqué le patronage spi-
rituel dans la Linguistique cartésienne
(1966), furent les logiciens-grammairiens
de Port-Royal : Chomsky réhabilite la
Grammaire générale et raisonnée parue
en 1660. C’est sur un plan logique qu’Ar-
nauld et Lancelot analysent Pierre vit en
Pierre est vivant (p. 69) et rétablissent trois

propositions sous Dieu invisible a créé le


monde visible (p. 50). Le chapitre XXIV
(De la syntaxe, ou construction des mots
ensemble) énonce « quelques maximes
générales, qui sont de grand usage dans
toutes les langues » ; or, il s’agit de règles
très étroitement inspirées des Maximae
duodecim seu Regulae capitales (« douze
maximes ou règles capitales »), données
pour « fondements de toute la syntaxe la-
tine » par Scioppius (l’Allemand Gaspard
Schopp) dans sa Grammatica philoso-
phica publiée à Milan en 1628 et dont les
rééditions furent nombreuses ; la plupart
de ces règles tiennent compte de l’ellipse,
comme celle du génitif, la septième de
Scioppius :

Omnis genitivus latina constructione


a nomine substantivo expresso aut
suppresso regitur,

ainsi reprise p. 105 de la Grammaire


générale :

« La quatrième, qu’il n’y a jamais de

génitif dans le discours, qui ne soit

gouverné d’un autre nom. »

Mais les auteurs ajoutent que cette règle,


valable pour les langues à déclinaison,
s’applique plus difficilement aux « lan-
gues vulgaires », comme le français. Ce
n’est pas par hasard si Lancelot s’est mon-
tré beaucoup plus proche des conceptions
transformationnelles dans une gram-
maire latine, la Nouvelle Méthode pour
facilement et en peu de temps comprendre
la langue latine (1644) : c’est qu’il y sui-
vait de plus près la méthode de Scioppius,
en même temps celle de Sanctius (San-
chez de las Brozas), modèle de ce dernier,
auteur de Minerva, seu De causis linguae
latinae (v. ELLIPSE, art. spécial).

Robin Lakoff, dans un compte rendu


(Language, 1969) d’une réédition de la
grammaire de Port-Royal, analysant la
dette de Lancelot à l’égard de Sanctius,
conteste l’influence cartésienne qu’au-
raient subie les Messieurs de Port-Royal.
Il estime qu’une linguistique vraiment
cartésienne ne verra le jour qu’au XVIIIe s.,
chez les encyclopédistes, et termine par
des questions auxquelles les recherches
futures devront répondre : « Où Sanctius
a-t-il trouvé ses idées ? Où la grammaire
transformationnelle prend-elle vraiment
sa source ? »

Elle serait latine selon D.T. Langendoen


(1966), qui la trouve en germe chez Var-
ron (Ier s. av. J.-C.). Mais la notion de
sphota chez les Hindous, la notion de ptô-
sis (flexion) chez Aristote peuvent passer
pour transformationalistes (v. LINGUIS-
TIQUE, art. spécial, Historique).

« Cartésienne », la doctrine de Port-


Royal l’était cependant par une foi dans
les fondements logiques et rationnels du
langage, qui a les mêmes racines que la
philosophie du Discours de la méthode
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2145

(1637), mis à part les postulats religieux.


Chomsky s’en est expliqué nettement
dans la Linguistique cartésienne et dans
les trois conférences de 1967 réunies
sous le titre le Langage et la pensée. Son
« rationalisme » consiste à croire que les
êtres humains sont génétiquement doués
d’une « faculté de langage » qui explique,
mieux que l’hypothèse empiriste des
« physicalistes » tels que les béhavioristes
bloomfieldiens, la rapidité de l’appren-
tissage des langues maternelles et l’exis-
tence des universaux substantiels (pho-
nologiques, syntaxiques et sémantiques).
Cette croyance n’a pas été pour Chomsky
un point de départ : toute sa culture s’y
opposait ; il semble y avoir été poussé
l’épée du formalisme dans les reins. Elle
est partagée par un physiologiste aussi
matérialiste que lui, Jacques Monod (le
Hasard et la nécessité, 1970), mais trouve
en beaucoup de linguistes des adversaires
« irréductibles » (A. Martinet, préface de
l’encyclopédie le Langage, 1968).

génération [ʒenerasjɔ̃] n. f. (lat. genera-


tio, -tionis, génération, reproduction, et, à
basse époque, dans la langue ecclés., « une
génération d’hommes », de generatum,
supin de generare [v. GÉNÉRER] ; v. 1120,
Psautier d’Oxford, écrit generatiun [généra-
tion, XIIIe s.], au sens II, 4 ; sens I, 1, v. 1265,
Br. Latini [la génération spontanée, 1865,
Littré] ; sens I, 2, 1580, Montaigne ; sens I,
3, v. 1361, Oresme ; sens I, 4, 1752, Trévoux ;
sens I, 5, v. 1560, Paré ; sens I, 6, v. 1965 ;
sens II, 1, 1636, Monet [au plur., au sens de
« généalogie », 1564, Indice de la Bible] ;
sens II, 2, début du XVe s. [« tribu, famille »,
fin du XIIIe s., Joinville] ; sens II, 3, 1564,
Indice de la Bible).

I. 1. Fonction par laquelle les êtres or-


ganisés se reproduisent : L’audition, la
phonation, la vision furent expédiées les-
tement ; mais Bouvard s’étala sur la géné-
ration (Flaubert). Il y a dans la généra-
tion des animaux des bizarreries de toute
sorte (France). Les organes de la généra-
tion. ‖ La génération spontanée, théorie
antérieure aux découvertes de Pasteur
et selon laquelle certains êtres organisés
naîtraient spontanément. ‖ 2. Action
d’engendrer : Le principe de la famille an-
tique n’est pas uniquement la génération
(Fustel de Coulanges). ‖ 3. Fig. Action
de former, de créer : La génération des
poèmes (Valéry). ‖ 4. En géométrie, for-
mation d’une ligne, d’une surface, d’un
solide par le mouvement supposé d’un
point, d’une ligne ou d’une surface : La
génération du cône de révolution est due
au mouvement d’un triangle rectangle
autour d’un des côtés de l’angle droit.
‖ 5. Manière dont une chose est formée :
Le mode des générations des tempêtes
était dès lors entrevu ; il est intimement
lié au mode de génération des brouillards

(Hugo). ‖ 6. En linguistique, création de


phrases minimales.

II. 1. Chacun des degrés de filiation en


ligne directe : De père à fils il y a une
génération, de père à petit-fils, deux
générations. ‖ 2. Ensemble de ceux qui
descendent de quelqu’un à chaque degré
de filiation : Quatre générations réunies
autour de la même table. Et sa miséri-
corde s’étend de génération en génération
(Claudel). ‖ 3. L’intervalle de temps qui
sépare deux degrés d’une filiation (une
trentaine d’années) : Chaque généra-
tion est de trente-trois années, la vie du
Christ (Chateaubriand). Entre Corneille
et Racine, on compte une génération.
‖ 4. Ensemble de ceux qui ont approxi-
mativement le même âge : J’appartiens
à cette génération née avec le siècle (Vi-
gny). Les gens de ma génération ont vu le
génie français enfanter de grandes oeuvres
(Duhamel). ‖ Spécialem. La génération
de 1660, de 1789, etc., l’ensemble de ceux
qui atteignaient l’âge d’homme en 1660,
en 1789, etc.

• SYN. : I, 1 procréation, reproduction ; 2


engendrement ; 3 conception, création, éla-
boration, genèse, production ; 5 formation,
naissance, origine.

génératrice n. f. V. GÉNÉRATEUR.

générer [ʒenere] v. tr. (lat. generare,


engendrer, créer, produire, composer, de
genus, generis [v. GENRE] ; v. 1180, Girart de
Roussillon, au sens 1 [gendrer, forme plus
pop., fin du XIIe s., Marie de France] ; sens 2,
7 sept. 1875, Journ. officiel ; sens 3, v. 1965).
1. Vx. Donner la vie à, enfanter (rare) : Tout
le reste des comparses, qui appartient au
genre des volatiles, semble avoir été généré
par des empuses que couvrirent des coqs
en courroux (Huysmans) ; et absol. : La
faculté de générer est le critérium de la vita-
lité (Balzac). ‖ 2. Produire quelque chose
(rare) : Générer un cône. Générer le froid
(Littré). Celui qui a perdu nombre de ses
repères, qui n’est plus arrêté par la limita-
tion de son corps, de l’espace généré par son
corps (Michaux). ‖ 3. Générer une phrase,
en linguistique transformationnelle, la pro-
duire sous sa forme du discours.

• SYN. : 1 concevoir, engendrer, procréer.

généreusement [ʒenerøzmɑ̃] adv. (de


généreux ; fin du XVIe s., Brantôme, au
sens 1 ; sens 2, 1636, Monet ; sens 3, 1835,
Acad.). 1. Class. Avec grandeur d’âme ou
vaillance : Secourons l’innocence, et géné-
reusement (Rotrou). ‖ 2. Sans épargner
sa peine : Se donner généreusement à son
travail. ‖ 3. Avec libéralité : Récompenser
généreusement quelqu’un. ‖ Avec abon-
dance : Il arrosa généreusement ses fleurs.
Un homme [...] généreusement doué
(Camus).

• SYN. : 2 grassement (fam.), largement,


ardemment, vivement ; 3 abondamment,

copieusement ; énormément, infiniment,


prodigieusement, très.

généreux, euse [ʒenerø, -øz] adj. et


n. (lat. generosus, de bonne race, noble,
magnanime, de bonne qualité [pour des
choses], de genus, generis [v. GENRE] ;
v. 1378, J. Le Fèvre, au sens 5 ; sens 1, v. 1587,
Du Vair ; sens 2 et 6, 1690, Furetière ; sens
3, 1636, Corneille [« brave, héroïque », 1611,
Cotgrave] ; sens 4, 1572, Ronsard ; sens 7,
1667, Racine ; sens 8, 1677, Miege ; sens 9,
1865, Littré). 1. Class. De race noble : De
son généreux sang la trace nous conduit
(Racine). ‖ 2. Class. et littér. Se dit d’ani-
maux de bonne race ou ayant fière allure :
Ces hommes [les apôtres] auparavant si
timides [...] sortent de leur retraite comme
des lions généreux (Massillon). Vous êtes
mon lion superbe et généreux (Hugo).
‖ 3. Class. D’une grande noblesse morale :
Toute excuse est honteuse aux esprits
généreux (Corneille). ‖ Spécialem. Brave,
héroïque : Alexandre était un prince géné-
reux qui affrontait hardiment les plus
grands périls (Furetière). En vain d’un
sort si triste on veut les garantir | Ces cruels
généreux n’y peuvent consentir (Corneille).
‖ 4. Class. Qui révèle une âme bien née :
J’aime, je l’avouerai, cet orgueil généreux |
Qui jamais n’a fléchi sous le joug amoureux
(Racine). ‖ 5. Doué des qualités de coeur
qui portent au dévouement, au don de soi :
Vous êtes généreux, vous vous dévouez à
moi parce que je suis persécutée (Constant).
Le supplice des femmes de qui l’âme géné-
reuse est accouplée à celle d’un homme de
qui elles enterrent journellement les lâche-
tés (Balzac). Honneur donc aux savants
généreux (Flaubert). ‖ 6. Qui fait preuve
de bienveillance, de grandeur d’âme :
Un vainqueur généreux. Ces espérances
l’avaient rendu très indulgent pour beau-
coup des fautes que j’avais commises [...].
Malheureusement sa conduite était plutôt
noble et généreuse que tendre (Constant).
Oui, il a fait le grand, le généreux, le
magnanime (Dumas). ‖ 7. Qui mani-
feste la générosité, qui est inspiré par la
magnanimité : L’âge où le coeur s’ouvre aux
sentiments généreux (Chateaubriand). La
bonne humeur a quelque chose de généreux :
elle donne plutôt qu’elle ne reçoit (Alain).
‖ 8. Qui donne avec largesse : Il était
généreux, quoiqu’il fût économe (Hugo).
J’y étais d’ailleurs aidé par ma complexion :
la nature a été généreuse avec moi (Camus).
‖ 9. Qui est donné avec libéralité : Un don
généreux.

• SYN. : 5 altruiste, dévoué, humain ; 6 bien-


veillant, clément, indulgent, magnanime,
miséricordieux ; 8 charitable, donnant
(fam.), large, libéral, prodigue. — CONTR. :
5 égoïste, intéressé, misanthrope, person-
nel ; 6 impitoyable, implacable, inexorable,
insensible ; 8 avare, avide, chiche, ladre,
mesquin, pingre (pop.), regardant, serré.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2146

& adj. (sens 1, 1835, Acad. ; sens 2, 1611,


Cotgrave ; sens 3, XXe s.). 1. Se dit de choses
qui ont une grande force productive : Une
terre généreuse. ‖ 2. Se dit d’un vin riche
en alcool : Les serviteurs [...] apportaient
aussi un vin généreux (Chateaubriand).
‖ 3. Fam. Qui est plein, rebondi : Cette
personne a une poitrine généreuse.

• SYN. : 1 fécond, fertile, gras, productif,


riche ; 2 corsé, fort, tonique ; 3 abondant,
plantureux.

générique [ʒenerik] adj. (dér. savant du


lat. genus, generis [v. GENRE] ; fin du XVIe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré [nom géné-
rique, même sens, 1858, Legoarant] ; sens
3-4, XXe s.). 1. Qui appartient au genre, qui
vaut pour tout le genre : Dans un minuscule
cahier vert que j’ai là devant moi, plein de
notes serrées et d’inextricables ratures, sous
ce titre générique « le Midi », j’ai résumé
mon pays de naissance, climat, moeurs,
tempérament, l’accent, les gestes (Daudet).
Il cachait comme il le pouvait sa crainte
générique de propriétaire qui tremble
devant le régisseur (Colette). ‖ 2. Terme
générique, en linguistique, terme qui
convient à toute une catégorie, ou genre,
et non à un individu en particulier (par
opposition à spécifique) : « Félidé » est un
terme générique. Le docteur Rodrigue a
pris le terme d’ « homme » dans son sens
générique (France). ‖ 3. Image générique,
en psychologie, image qui, selon certaine
théorie, serait formée par la superposition
d’images différentes avec effacement des
traits différentiels. ‖ 4. En mathématiques,
se dit de l’un quelconque des éléments d’un
ensemble, représenté par x, par opposition
aux éléments particuliers représentés par
les premières lettres de l’alphabet.

& n. m. (début du XXe s.). Partie d’un film


de cinéma ou d’une émission de télévision
qui présente les noms de ceux qui y ont
collaboré.

génériquement [ʒenerikmɑ̃] adv. (de


générique ; 1865, Littré). Du point de vue
générique.

générosité [ʒenerozite] n. f. (lat. gene-


rositas, -tatis, bonté de la race [pour les
animaux], bonne qualité, magnanimité,
de generosus [v. GÉNÉREUX] ; 1512, J.
Lemaire de Belges, au sens 1 ; sens 2, 1564,
J. Thierry ; sens 3, 1677, Miege ; sens 4, av.
1672, La Mothe Le Vayer). 1. Class. Qualité
d’un homme bien né, qui sacrifie son inté-
rêt personnel aux vertus morales les plus
hautes, méritant ainsi sa propre estime et
celle des autres : C’est générosité quand
pour venger un père | Notre devoir attaque
une tête si chère (Corneille). ‖ 2. Qualité
de coeur qui dispose au dévouement, à la
bienveillance, au pardon : Ce coeur, essen-
tiellement généreux et charitable, dont
la générosité, dont la charité ne s’étaient
jamais exercées (Balzac). ‖ 3. Disposition
à donner avec largesse : Sa générosité

sans bornes nous ruina tous (Colette).


‖ 4. Qualité d’un vin généreux : La géné-
rosité du bourgogne.

• SYN. : 2 bienveillance, bonté, charité,


dévouement, indulgence, magnanimité ;
3 largesse, libéralité, munificence, prodi-
galité. — CONTR. : 2 égocentrisme, égoïsme,
insensibilité ; 3 âpreté, avarice, avidité,
cupidité, ladrerie, lésine, mesquinerie,
parcimonie.

& générosités n. f. pl. (1688, Miege, au


sens de « actions généreuses » ; 1757,
Encyclopédie, au sens de « dons, bienfaits »).
Actes de générosité, dons : Elle ne disait
pas que ces générosités vraiment royales, à
l’aide desquelles la vieille marquise croyait
effacer les torts de son fils, avivaient chaque
fois le mal qu’elle voulait guérir (Daudet).

genèse [ʒənɛz] n. f. (lat. genesis, généra-


tion, création, horoscope, et, dans la langue
ecclés. de basse époque, « la Genèse [livre
de Moïse] », gr. genesis, force productrice,
cause, principe, organe, production, géné-
ration, création, naissance, horoscope,
race, espèce, la Genèse ; 1660, Oudin, au
sens 2 [var. génésie, 1611, Cotgrave] ; sens
1, 1690, Furetière ; sens 3, 1865, Littré ;
sens 4, 1845, Bescherelle ; sens 5, XXe s. ;
sens 6, 1721, Trévoux ; sens 7, av. 1865,
Proudhon ; sens 8, 1859, Baudelaire). 1. La
Genèse (avec une majuscule), le premier
livre de la Bible, qui contient le récit de
la création du monde : Ils [les prophètes]
mouraient en laissant les Talmuds redou-
tables [...] | Les farouches Védas, les Eddas,
les Genèses (Hugo). ‖ 2. Origine et déve-
loppement des êtres : La genèse des espèces.
‖ 3. En histologie, formation d’éléments
anatomiques de forme visible, aux dépens
d’un milieu indifférent, ou blastème : La
naissance par genèse, aux dépens d’un
blastème dont les matériaux s’unissent
(Sully Prudhomme). ‖ 4. Origine des
choses de la nature : C’est dans les monts,
ceux-ci glaciers, ceux-là fournaises, qu’est
le grand sanctuaire effrayant des genèses
(Hugo). ‖ 5. Processus des premiers dêve-
loppements d’une maladie : La genèse d’un
cancer. ‖ 6. Vx. Formation de certaines
figures géométriques : La genèse d’une
surface. ‖ 7. Fig. Ensemble des faits ou
des éléments qui s’enchaînent pour abou-
tir au résultat considéré : La genèse d’une
théorie. Ce grand anonyme toujours mêlé
aux crises humaines et aux genèses sociales
(Hugo). Dans la genèse économique, le culte
de l’or devait précéder le culte du travail
(Proudhon). ‖ 8. Formation progressive
d’un ouvrage de l’esprit : Un roman passe
dès lors par une série de genèses où se dis-
perse non seulement l’unité de la phrase
mais aussi de l’oeuvre (Baudelaire).

• SYN. : 7 formation, génération, nais-


sance, production ; 8 conception, création,
élaboration.

génésiaque [ʒenezjak] adj. (bas lat. gene-


siacus, relatif à la naissance [dér. de genesis,

v. l’art. précéd.], ou dér. savant de genèse ;


1839, Boiste, au sens 1 ; sens 2, 1865, Littré).
1. Qui est relaté dans la Genèse, livre de
l’Écriture : La Création génésiaque et tout ce
qui rappelait la théorie chrétienne (Sainte-
Beuve). ‖ 2. Par extens. Relatif à la genèse
de quelque chose : Les jours génésiaques du
chaos révolutionnaire (Hugo).

génésique [ʒenezik] adj. (de genèse ;


1826, Brillat-Savarin). Qui se rapporte à la
génération, aux fonctions de la génération :
L’instinct génésique.

• SYN. : génital, procréateur, sexuel.

genestrole ou genestrolle [ʒenɛstrɔl]


n. f. (provenç. genestrolo, de l’anc. provenç.
genesta, genêt [qui répond à l’anc. franç.
geneste, v. GENÊT] ; 1690, Furetière, écrit
genestrolle ; genestrole, 1900, Dict. général).
Nom dialectal du genêt des teinturiers.

genet [ʒənɛ] n. m. (esp. jinete, cavalier


armé à la légère, d’où « bon cavalier » et
« cheval qu’on peut monter à la genette »,
ar. zanātī, qui se rapporte à la tribu berbère
Zanāta [ou Zenēta], réputée pour la valeur
de sa cavalerie ; 1374, Prost, écrit genest ;
genet, fin du XIVe s., Cuvelier). Vx. Cheval
de petite taille, d’origine espagnole : Il
fallait que ces chevaux fussent des genets
d’Espagne nés de juments fécondées par le
zéphir (Gautier). Son genet danois [...], en
marchant d’un pas égal, faisait résonner la
terre (Flaubert).

• REM. Le mot est d’usage courant


jusqu’au XVIIIe s.

genêt [ʒənɛ] n. m. (réfection de l’anc.


franç. geneste, n. f. ou m. [v. 1175, Chr. de
Troyes], lat. genesta, genista, n. f., « genêt » ;
début du XIIIe s., écrit genest ; genêt, 1600,
O. de Serres). Arbrisseau épineux ou non,
à fleurs jaunes, de la famille des papilio-
nacées : Des clairières se panachent d’élé-
gantes et hautes fougères ; des champs de
genêts et d’ajoncs resplendissent de leurs
fleurs qu’on prendrait pour des papillons
d’or (Chateaubriand). Nous marchions
sur un plateau inégal, hérissé de genêts
(Sainte-Beuve).

généthliaque [ʒenetlijak] adj. (lat.


genethliacus, d’horoscope, et, comme
n. m., « faiseur d’horoscope », gr. geneth-
liakos, mêmes sens, de genethlios, qui
concerne la naissance, dér. de genethlê,
race, famille, temps ou lieu de la naissance,
origine ; 1546, Rabelais, comme n., au sens
de « horoscope » ; comme adj., au sens 3,
1690, Furetière [comme n. m., au sens de
« poème généthliaque », 1671, Pomey] ; sens
1, XXe s. ; sens 2, 1891, Huysmans). 1. Dans
l’Antiquité, se disait des tireurs d’horos-
cope qui prétendaient connaître la destinée
d’une personne à sa naissance d’après la
position des astres. ‖ 2. Fait d’après les
règles de l’astrologie : Il n’y a plus qu’en
Amérique et en Angleterre où l’on sache
établir le thème généthliaque et édifier un
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2147

horoscope (Huysmans). ‖ 3. Poème généth-


liaque, ou, substantiv., un généthliaque,
poème composé à l’occasion de la naissance
d’un enfant.

• SYN. : 2 astral.

& n. m. (1648, Guez de Balzac [le dér.


généthliatique, même sens, est déjà dans
Cotgrave, 1611]). Astrologue qui dresse
l’horoscope d’un enfant au moment de sa
naissance.

généthliologie [ʒenetlijɔlɔʒi] n. f. (lat.


genethliologia, var. de genethlialogia, art
des horoscopes, astrologie, gr. genethlio-
logia ou genethlialogia, horoscope, dér.
de genethlialogos, tireur d’horoscope, de
genethlios [v. l’art. précéd.] et de legein,
dire ; 1673, Ch. Perrault). Art de connaître
le passé et l’avenir d’après la position des
astres lors de la naissance ou même le jour
de la conception.

généticien, enne [ʒenetisjɛ̃, -ɛn] n. (de


génétique ; XXe s.). Personne qui s’occupe
de génétique.

• SYN. : génétiste.

genêtière [ʒənɛtjɛr] n. f. (de genêt [v.


ce mot] ; 1611, Cotgrave, écrit genestrière ;
genêtière, 1829, Boiste). Terrain couvert de
genêts.

génétique [ʒenetik] adj. (gr. gennê-


tikos, capable de procréer, propre à la
génération, qui engendre, qui produit, de
gennân, engendrer, enfanter, produire ;
1846, Bescherelle, au sens de « relatif aux
fonctions de génération » ; sens 1-3, XXe s.).
1. Relatif à la genèse d’un être, d’un phé-
nomène, d’une institution. ‖ Psychologie
génétique, psychologie qui étudie le déve-
loppement de la conscience et de la pen-
sée, notamment chez l’enfant. ‖ 2. Relatif
à l’hérédité ou à son étude. ‖ 3. Relatif
aux gènes : La diversification génétique de
l’espèce.

& n. f. (début du XXe s.). Science biologique


de l’hérédité, fondée sur la théorie des
gènes : La génétique étudie la transmission
des caractères anatomiques, cytologiques et
fonctionnels des parents aux enfants.

génétiquement [ʒenetikmɑ̃] adv.


(de génétique ; XXe s.). D’un point de vue
génétique.

génétisme [ʒenetism] n. m. (de géné-


tique ; fin du XIXe s.). Théorie psycho-
logique selon laquelle la perception de
l’espace n’est pas une donnée immédiate,
mais le résultat d’une éducation des sens.

génétiste [ʒenetist] n. (de génétique


[pour le sens 1] et de génétisme [pour le sens
2] ; fin du XIXe s., au sens 2 ; sens 1, XXe s.).
1. Personne qui étudie et règle la repro-
duction animale et végétale. ‖ 2. Partisan
de la théorie psychologique du génétisme.
• SYN. : 1 généticien.

1. genette [ʒənɛt] n. f. (ar. djarnait,


même sens ; v. 1268, É. Boileau). Petit mam-

mifère carnivore à fourrure claire tachée de


noir, vivant en Europe et en Afrique, de la
famille des viverridés : Il [le garde forestier]
avait à raconter une chasse à la genette, car
il était bon piégeur (Giraudoux).

2. genette [ʒənɛt] n. f. (de genet ; v. 1460,


G. Chastellain, au sens 2, dans la loc. à la
genette, « avec les étriers courts » [cal-
quée de l’esp. a la jineta, même sens, de
jinete, v. GENET] ; sens 1, 1690, Furetière).
1. Mors dont la gourmette a la forme d’un
anneau. (On dit aussi MORS À LA TURQUE.)
‖ 2. Monter à la genette, monter à cheval
avec les étriers courts et l’éperon près du
flanc du cheval.

gêneur, euse [ʒɛnoer, -øz] n. (de gêner [v.


ce mot] ; 1474, Bartzsch, écrit gehineur, au
sens de « bourreau » ; écrit gêneur, au sens
actuel, 1866, Delvau). Personne qui gêne :
Mais elle se vengeait en prenant pendant
ce goûter des petites mines exprimant le
désir des plaisirs, l’ennui d’être privée d’eux
par cette gêneuse qu’était sa mère (Proust).
• SYN. : casse-pieds (pop.), enquiquineur
(pop.), fâcheux, importun, plaie (fam.),
raseur (fam.).

genevois, e [ʒənvwa, -az] adj. et n. (de


Genève, n. géogr. [lat. Genava, Genève] ;
XVIe s.). Relatif à Genève et à son can-
ton : L’industrie, la banque genevoise.
‖ Habitant ou originaire de Genève :
Une nièce de Mme de Staël [...] a fait ma
conquête, quoique genevoise et sentimentale
(Mérimée).

& genevoise n. f. (sens 1, 1812, Almanach


des gourmands ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Sauce faite d’un court-bouillon, de
beurre et d’oeufs. ‖ 2. Monnaie de l’an-
cienne république de Genève.

genévrette ou genevrette [ʒənevrɛt]


n. f. (de genièvre : 1757, Encyclopédie).
Boisson fabriquée avec des fruits sauvages
et aromatisée avec du genièvre.

genévrier [ʒənevrije] n. m. (de genièvre ;


1372, Corbichon). Arbuste à feuilles per-
sistantes, épineuses, à baies noires ou vio-
lettes, aromatiques : Un coin de forêt [...]
coupé de sables, vêtu de mousses, garni de
genévriers (Balzac).

genévrière [ʒənevrijɛr] n. f. (de gené-


vrier ; 1839, Boiste). Terrain couvert de
genévriers.

génial, e, aux [ʒenjal, -o] adj. (lat. genia-


lis, relatif à la naissance, nuptial, fécond, de
fête, de genius [v. GÉNIE] ; 1509, J. Lemaire
de Belges, au sens de « fécond, propre à la
reproduction » ; 1530, Pals-grave, au sens
de « conforme à la nature, au caractère
d’un homme » ; sens 1 [de génie], 1888,
Larousse ; sens 2 [de génie], 1865, Mme de
Gasparin). 1. Qui a du génie : Un inventeur
génial. ‖ 2. Qui porte la marque du génie :
Une oeuvre géniale. ‖ Par extens. et fam.
Remarquable : Au début régnait le chaos

[...]. L’idée vraiment géniale de Jupiter, c’est


d’avoir pensé à le dissocier en quatre élé-
ments (Giraudoux).

• SYN. : 1 prodigieux, talentueux ; 2 fabu-


leux, fantastique, formidable (fam.),
sensationnel.

génialement [ʒenjalmɑ̃] adv. (de génial ;


1869, Mme de Gasparin). D’une manière
géniale.

génialité [ʒenjalite] n. f. (dér. savant


de génial ; 1873, Schérer, aux sens 1-2).
1. Qualité de celui qui a du génie : On avait
foi en la génialité de Léon : il composait sur
le piano sans savoir ses notes (Montherlant).
‖ 2. Caractère de ce qui est génial (rare) :
La génialité d’une invention.

génie [ʒeni] n. m. (lat. genius, dieu parti-


culier à chaque homme, la personne même,
et, à basse époque, « talent, don naturel »,
de genere, forme anc. de gignere, engen-
drer, créer, produire ; 1532, Rabelais, au
sens II, 1 ; sens I, 1, 1578, Ronsard ; sens I,
2, début du XVIIe s., Maherbe ; sens I, 3, fin
du XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens I, 4, 1821,
C. Delavigne ; sens I, 5, début du XIXe s.,
Mme de Staël [« représentation de cette allé-
gorie », 1872, Larousse] ; sens II, 2, av. 1660,
Saint-Amant ; sens II, 3, 1640, Corneille ;
sens II, 4, 1549, J. Du Bellay ; sens II, 5, av.
1674, Chapelain [trait de génie, XXe s.] ; sens
II, 6, 1686, Bossuet [ce n’est pas un génie,
1835, Acad.] ; sens III, 1 [dû à l’influence
de ingénieur — v. ce mot —, au sens de
« constructeur d’engins, de machines de
guerre »], 1787, Féraud [d’abord « art de
l’attaque et de la défense des places fortes,
de la construction et de la destruction des
ouvrages », fin du XVIIe s., Saint-Simon] ;
sens III, 2, 1845, Bescherelle ; sens III, 3,
1835, Acad. ; sens III, 4, 1922, Larousse).

I. 1. Esprit bon ou mauvais qui, dans la


croyance des Anciens, présidait à la vie
de chaque homme, ou protégeait une
collectivité : Le génie de Socrate. Le génie
de Rome. Ce qu’ils exigeaient autrefois
de leurs dieux et de leurs génies, ils l’at-
tendent aujourd’hui de la Madone et des
saints (France). ‖ 2. Littér. Être fictif qui
influe sur notre destinée : Parti pour être
voyageur en Amérique, revenu pour être
soldat en Europe, je ne fournis jusqu’au
bout ni l’une ni l’autre de ces carrières :
un mauvais génie m’arracha le bâton et
l’épée, et me mit la plume à la main (Cha-
teaubriand). Un génie inconnu m’inspira
la sagesse (Lamartine). Le bon goût du
comte, peut-être les conseils de son génie
domestique se montrèrent dans les cir-
constances nouvelles (Balzac). ‖ 3. Par
anal. Personne qui exerce une influence
déterminante sur la vie de quelqu’un : Ce
grand vaurien de Georges Marest est son
mauvais génie, il faut qu’il le fuie comme
la peste (Balzac). ‖ 4. Dans les contes
fantastiques, être surnaturel doué de
pouvoir magique : La vie qu’il commen-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2148

çait à entrevoir le frappait seulement par


des analogies avec ces contes où les fées,
les bons génies se mêlaient aux rois et aux
reines, les sortaient des tours maudites et
des oubliettes (Daudet). Le bon génie de la
dame en blanc [...] me mit son doigt invi-
sible sur la bouche (France). ‖ 5. Être allé-
gorique personnifiant une idée abstraite :
Le génie des Arts. Le génie de la Liberté.
Ici, le génie du mal est trop visiblement
le maître (Balzac). ‖ Représentation de
cette allégorie : Le génie de la Bastille. Un
génie ailé.

II. 1. Class. et littér. Nature intellectuelle


ou morale d’une personne : Dans ces fa-
tales conjonctures, il fallait à un ministre
étranger un homme d’un ferme génie
(Le Tellier). Son génie naturel, qui est sub-
til, et son éducation qui toujours est des
plus grossières (Fromentin). ‖ 2. Class.
L’inspiration, chez l’écrivain ou l’artiste
(par opposition au travail) : Ses vers [de
La Fontaine] forts et harmonieux, faits de
génie, quoique travaillés avec art, pleins de
traits et de poésie (La Bruyère). ‖ 3. En-
semble des traits qui caractérisent un
peuple, un groupe, une réalité, une chose ;
ce qui en fait l’originalité : Le génie de la
Grèce avait pour véhicule le génie de l’Inde
(Hugo). Le génie même de la France était
cet équilibre qui fit notre grandeur, notre
beauté (Gide). C’est dans les vieux auteurs
que je trouverai le génie de la langue
(Stendhal). Il y a une scène que j’aurais pu
mettre dans « la Reine morte », et qui se-
rait tout à fait dans le génie de cette pièce
(Montherlant). ‖ 4. Disposition naturelle
pour une chose : Cependant, le génie des
lettres a-t-il détruit le génie politique de
Solon, élégiaque égal à Simonide ; de Péri-
clès, dérobant aux Muses l’éloquence avec
laquelle il subjuguait les Athéniens (Cha-
teaubriand). Ma mère surtout, qui a le
génie des affaires, sera certes très influente
(Balzac). Je ne lui ai pas connu, pour ma
part, d’autre génie que celui du mensonge
(Colette). ‖ 5. Aptitude naturelle et supé-
rieure de l’esprit, qui rend l’homme ca-
pable de concevoir, d’imaginer, de créer
des choses d’une qualité exceptionnelle :
Mme Roland avait du caractère plutôt que
du génie (Chateaubriand). Les oeuvres du
génie contiennent de l’absolu et s’imposent
(Hugo). Le génie ne se connaît que dans
l’oeuvre peinte, écrite ou chantée (Alain).
À vingt-deux ans, sauf génie, on sait à
peine écrire (Camus). ‖ Trait de génie,
pensée très ingénieuse. ‖ 6. Personne
douée de génie : Avez-vous remarqué
cette grande politesse du génie, qui me
parle à moi comme à son frère et comme
à son égal ? (Alain). Newton fut un génie.
‖ Fam. Ce n’est pas un génie, c’est une
personne peu intelligente.

III. 1. Arme et service de l’armée de terre


chargés des travaux de déblaiement, de
fortification et d’organisation du terrain,

de l’aménagement des voies de commu-


nication et de la gestion du domaine et
du matériel de l’armée. ‖ 2. Génie civil,
art des constructions civiles ; le corps des
ingénieurs chargés de ces constructions.
‖ 3. Génie maritime, corps d’ingénieurs
militaires chargés de la construction des
navires de la marine militaire. ‖ 4. Gé-
nie rural, corps d’ingénieurs civils et
d’adjoints techniques spécialisés dans la
construction et l’aménagement des bâti-
ments ruraux, les problèmes techniques
et administratifs de l’amélioration de la
vie rurale.

• SYN. : I, 1 démon, esprit familier ; 2 et


3 âme damnée, ange (bon ou mauvais) ;
4 djinn, elfe, farfadet, fée, gnome, gobe-
lin, lutin, ondine, péri, sylphe, troll. ‖ II,
3 esprit ; 4 aptitude, don, goût, instinct,
penchant, vocation ; 6 aigle, crack (fam.),
phénix.

genièvre [ʒənjɛvr] n. m. (lat. pop. *jenipe-


rus, lat. class. juniperus, genévrier ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, écrit geneivre
[genoivre, v. 1175, Chr. de Troyes ; genevre,
XIVe s., Antidotaire Nicolas ; genièvre — sur
le modèle de couples comme lièvre/lévrier,
qu’on a recréé, pour genièvre, d’après le
dér. genévrier —, av. 1549, Marguerite de
Navarre], au sens 1 ; sens 2, 1256, Ald. de
Sienne ; sens 3, 1835, Acad. [eau-de-vie de
genièvre, 1703, Dictionnaire général des
termes propres à l’agriculture]). 1. Nom vul-
gaire du genévrier. ‖ 2. Fruit du genévrier.
‖ 3. Eau-de-vie obtenue par distillation
de moûts fermentés de seigle, blé, orge ou
avoine, contenant des baies de genièvre :
Tout un luxe barbare de liqueurs, whisky,
genièvre, kummel, raki de Chio (Zola).

genièvrerie [ʒənjɛvrəri] n. f. (de


genièvre ; 1797, Brunot). Fabrique de
genièvre.

génisse [ʒenis] n. f. (lat. pop. *jenicia,


altér. de *junicia, du lat. class. junix, junicis,
génisse, jeune vache, lat. archaïque juvenix,
même sens, dér. de juvenis, jeune ; XIIIe s.,
Roman de Renart, écrit genice [génisse,
1538, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1668,
La Fontaine). 1. Jeune vache qui n’a pas
encore vêlé : J’offrais pour vous, hier, la
naissante génisse (Vigny). ‖ 2. Littér.
Vache en général : Les héros nourrissent
dans les prairies des troupeaux de boeufs et
de génisses (France). La profitable génisse |
Qui nourrit ses deux nouveau-nés (Moréas).

génisson [ʒenisɔ̃] n. m. (de génisse ; 1553,


Journ. du sire de Gouberville, écrit géni-
chon, et 1561, écrit génisson). Nom donné,
dans certaines régions, au jeune taureau
ou au jeune boeuf : Toujours est-il que les
sept génissons qui paissaient dans l’enclos
sont sortis (Gide).

génital, e, aux [ʒenital, -o] adj. (lat. geni-


talis, relatif à la génération, qui engendre,
fécond, de genitum, supin de genere, forme
anc. de gignere, engendrer, créer, produire ;

v. 1378, J. Le Fèvre, écrit geniteulx [au plur. ;


génital, au sing., v. 1560, Paré], au sens 1 ;
sens 2, 1580, Montaigne). 1. Qui sert à la
reproduction sexuée de l’homme et des
animaux : Organes génitaux. ‖ 2. Relatif
à la reproduction : Le cycle génital.

• SYN. : 1 et 2 sexuel.

génitalité [ʒenitalite] n. f. (dér. savant


de génital ; 1878, Larousse). Aptitude à la
reproduction.

géniteur, trice [ʒenitoer, -tris] n. et


adj. (lat. genitor, père, auteur, de genitum
[v. GÉNITAL] ; 1137, Du Cange). Ironiq.
Personne qui engendre, père ou mère :
Maintenant, en passant par mon géniteur,
arrivons de Christophe, seigneur suzerain
de Guérande, et descendant en ligne directe
des barons de Chateaubriand, jusqu’à
moi, François, seigneur sans vassaux de la
Vallée-aux-Loups (Chateaubriand). Toute
femme, si elle y tient, possède trois hommes :
le mari, l’amant et le géniteur (Flaubert).
Lucien était très intelligent, à sa manière,
et cette forme d’intelligence inspirait au
géniteur un peu de crainte et de malaise
(Duhamel).

& géniteur n. m. (1865, Littré). Animal


mâle destiné à la reproduction.

• SYN. : reproducteur.

génitif [ʒenitif] n. m. (lat. genitivus [sous-


entendu casus, cas], génitif, proprem. « cas
qui engendre » [qui marque l’origine, la
propriété], emploi spécialisé de l’adj. geni-
tivus, de naissance, naturel, qui engendre,
créateur, de genitum [v. GÉNITAL] ; v. 1265,
J. de Meung, comme adj., au sens de « de
la génération, propre à la génération » ;
comme n. m., au sens actuel, fin du XIVe s.,
J. Le Fèvre). Terme de grammaire qui
désigne, dans les langues à déclinaison,
le cas indiquant la dépendance, la posses-
sion, le complément partitif : Un génitif
singulier. Génitif absolu. Génitif subjectif,
objectif. Jamais génitifs n’exprimèrent plus
délicatement et plus impérieusement [que
chez Racine] la dépendance, possessifs la
possession, relatifs la relation (Giraudoux).

génitoires [ʒenitwar] n. f. pl. (mot issu,


par substitution de suff., de l’anc. franç.
genitaires, même sens [v. 1119, Ph. de
Thaon], lui-même issu de genitailles,
même sens [attesté seulement à la fin du
XIIe s., Marie de France], lat. genitalia, par-
ties sexuelles, neutre plur. substantivé de
l’adj. genitalis [v. GÉNITAL] ; fin du XIIIe s.,
Joinville, écrit genetoires ; génitoires, fin
du XVe s., Molinet). Vx. Organes génitaux
du mâle.

génito-urinaire [ʒenitɔyrinɛr] adj. (de


génito-, élément tiré de génital, et de uri-
naire ; 1845, Bescherelle). Qui se rapporte
à l’ensemble des organes reproducteurs et
urinaires : Les maladies génito-urinaires.
• SYN. : uro-génital.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2149

géniture [ʒenityr] n. f. (lat. genitura,


génération, semence, être créé, de genitum
[v. GÉNITAL] ; XVe s., Godefroy, au sens de
« naissance, origine, extraction » ; sens
class., v. 1460, Villon [pour un animal,
1668, La Fontaine]). Class. et littér. Enfant,
par rapport à ses parents ; descendance :
Quand la mère, apaisant sa chère géniture,
| Lui dit : « Ne criez point ; s’il vient, nous le
tuerons » (La Fontaine). Que des génies mal-
faisants dispersent sa géniture (Huysmans).
‖ S’employait aussi pour les animaux : Il
avint qu’au hibou Dieu donna géniture (La
Fontaine).

• SYN. : progéniture.

génocide [ʒenɔsid] n. m. (de géno-, élé-


ment tiré du gr. genos, descendance, race,
et de -cide, du lat. caedere, frapper, abattre,
tuer ; v. 1945). Extermination méthodique
d’un groupe humain, ethnique, racial,
religieux : Le génocide a été reconnu
comme crime par le tribunal interallié de
Nuremberg.

génois, oise [ʒenwa, -az] adj. et n. (de


Gênes, n. géogr. ; XVIe s., aux sens 1-2).
1. Relatif à Gênes ou à ses habitants : Le
phare à une pointe, à l’autre une vieille tour
génoise où, de mon temps, logeait un aigle
(Daudet). ‖ 2. Habitant ou originaire de
Gênes.

& génoise n. f. (sens 1, 1735, le Cuisinier


moderne ; sens 2, XXe s.). 1. Sorte de gâteau
à pâte de biscuit. ‖ 2. Frise composée de
tuiles rondes superposées et fixées dans
le mortier.
génotype [ʒenɔtip] n. m. (de géno-, élé-
ment tiré de gène, et de type ; v. 1937). Selon
la théorie génétique, ensemble des facteurs
héréditaires d’un individu, dépendant des
gènes.

genou [ʒnu ou ʒənu] n. m. (lat. pop.


*genuc[u]lum, genou, lat. class. geniculum,
petit genou, noeud dans une tige, dimin. de
genu, genou ; 1080, Chanson de Roland,
écrit genoil [genous, plur., 1273, Adenet,
d’où genou, sing., v. 1360, Froissart], au sens
1 [couper comme un genou, tomber aux
genoux de quelqu’un, 1866, Littré ; faire du
genou à quelqu’un, fin du XIXe s., A. Daudet ;
j’en suis tombé sur les genoux, XXe s. ; être
sur les genoux, 1900, Esnault ; être aux
genoux de quelqu’un, 1782, Laclos ; plier
le genou, 1690, Furetière ; ployer les genoux,
début du XVIIe s., Malherbe ; embrasser les
genoux de quelqu’un, 1674, Racine] ; sens
2, XXe s. ; sens 3, av. 1885, V. Hugo ; sens 4,
1690, Furetière [aussi pour un cheval] ; sens
5, 1845, Bescherelle ; sens 6, 1573, Du Puys ;
sens 7, 1721, Trévoux). 1. Partie antérieure
du corps humain où la jambe s’articule avec
la cuisse : Parfois je laissais retomber le livre
sur mes genoux pour rêver (Maupassant).
Amputer une jambe au-dessus du genou.
Mettre un genou en terre. Avoir les genoux
tournés en dedans. S’enfoncer dans le sable
jusqu’aux genoux. ‖ Fam. Couper comme

un genou, ne pas couper du tout. ‖ Faire


du genou à quelqu’un, le toucher discrète-
ment du genou pour attirer son attention,
solliciter sa connivence, ou frôler la jambe
d’une femme intentionnellement : Je me
mettais à côté de Séphora, et je lui faisais
du genou sous la table, tandis qu’elle me
regardait d’une certaine façon angélique
et limpide me laissant croire à la candeur
d’une vraie vertu (Daudet). ‖ Fig. J’en
suis tombé sur les genoux, j’en ai été très
étonné. ‖ Fig. et fam. Être sur les genoux,
être très fatigué. ‖ Tomber aux genoux de
quelqu’un, se prosterner devant lui ; au
fig., se soumettre entièrement à sa volonté,
s’humilier devant lui, le supplier ou l’ado-
rer. ‖ Fig. Être aux genoux de quelqu’un,
lui montrer une affection, une soumission
absolue. ‖ Plier le genou, le fléchir en signe
de soumission. ‖ Fig. Ployer les genoux,
faire preuve de servilité. ‖ Embrasser les
genoux de quelqu’un, lui manifester son
attachement en signe de supplication, de
dévotion, de soumission ou de gratitude.
‖ 2. Partie d’un vêtement qui couvre le
genou : Un pantalon usé aux genoux.
‖ 3. Ironiq. Crâne entièrement chauve :
Il ébauchait une calvitie dont il disait lui-
même sans tristesse : « Crâne à trente ans,
genou à quarante » (Hugo). ‖ 4. Par anal.
Articulation du membre antérieur chez
certains quadrupèdes. ‖ Le genou du che-
val, l’articulation des os carpiens et méta-
carpiens avec le radius. ‖ 5. En mécanique,
joint articulé. ‖ 6. Dans la membrure d’un
bateau en bois, pièce courbe qui unit la
varangue avec l’allonge. ‖ 7. Partie d’un
aviron comprise entre la poignée et le point
d’appui.

• Pl. des GENOUX.

& À genoux loc. adv. (1273, Adenet [au


fig., 1640, Corneille ; demander quelque
chose à genoux, 1665, Racine — ..à deux
genoux, 1866, Littré ; être à genoux devant
quelqu’un, 1866, Littré ; se mettre à genoux
devant quelqu’un, XXe s. ; être né à genoux,
1830, Stendhal]). Les genoux sur le sol :
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit
(Hugo). Une femme encore jeune était à
genoux près du lit (Gide). ‖ Fig. Dans une
attitude de soumission, de supplication ou
d’adoration : Et Saint-Loup fort à genoux
devant sa femme, et parce qu’il l’aimait
et parce qu’il lui devait précisément ce
luxe extrême, n’avait garde de contrarier
ces goûts si pareils aux siens (Proust).
‖ Demander quelque chose à genoux, à
deux genoux, le demander avec insis-
tance. ‖ Être, se mettre à genoux devant
quelqu’un, lui manifester sa vénération ou
sa servilité. ‖ Être né à genoux, être d’une
nature servile.

genouillère [ʒənujɛr] n. f. (de geno[u]il,


forme anc. de genou ; v. 1130, Eneas, écrit
genoillere [genouillère, v. 1570, Carloix],
au sens 1 ; sens 2, 1680, Richelet ; sens 3,
1872, Larousse ; sens 4, 1866, Littré ; sens 5,

1690, Furetière). 1. Partie de l’armure


qui couvrait le genou. ‖ 2. Enveloppe
servant à protéger le genou : Ô les bons
gilets tricotés ! Les bonnes genouillères
bien chaudes ! (Daudet). Bottes à genouil-
lères. ‖ 3. Bandage servant à maintenir
l’articulation. ‖ 4. Pièce de cuir moulée
que l’on met aux genoux du cheval pour
éviter qu’il se couronne lorsqu’il tombe.
‖ 5. Articulation de certains mécanismes.

génovéfain [ʒenɔvefɛ̃] n. m. (de


Genovefa, forme latinisée de Geneviève,
n. pr. ; 1866, Littré). Chanoine régulier
de Saint-Augustin de la congrégation de
Sainte-Geneviève : Les Bénédictins, les
Oratoriens et les Génovéfains donnaient
une éducation plus propre à former des
Santeuils qu’à fournir à la mère patrie des
capacités originales (Goncourt).

génovéfine [ʒenɔvefin] n. f. (de


Genovefa [v. l’art. précéd.] ; 1866, Littré).
Religieuse de la congrégation des Filles de
Sainte-Geneviève.

génovine [ʒenɔvin] n. f. (de l’ital. Genova,


n. pr., Gênes, lat. Genua ; 1830, V. Hugo).
Ancienne monnaie de Gênes : Je te ramas-
serai des pièces d’or, des hollandaises, des
portugaises, des roupies du Mogol, des géno-
vines (Balzac).

genre [ʒɑ̃r] n. m. (lat. genus, generis,


origine, race, peuple, nation, famille,
espèce, genre, sorte, de genere, forme anc.
de gignere, engendrer, créer, produire ; fin
du XIIe s., Godefroy, au sens I, 1 [humaine
genre ; humain genre, v. 1360, Froissart ;
genre humain, 1580, Montaigne] ; sens I,
2, v. 1361, Oresme ; sens I, 3, milieu du
XVIIIe s., Buffon ; sens I, 4, 1654, Racan
[peinture, tableau de genre, 1765, Diderot] ;
sens I, 5-6, 1690, Furetière ; sens II, 1, début
du XVe s. [en son genre, 1690, Furetière ;
dans son genre, av. 1696, La Bruyère] ; sens
II, 2, 1845, Bescherelle [genre de vie, 1690,
Furetière ; avoir bon, mauvais genre, 1837,
Balzac ; faire, se donner du genre, 1907,
Larousse — se donner un genre, même sens,
1845, Bescherelle] ; sens III, 1647, Vaugelas).

I. 1. Division fondée sur un ou plusieurs


caractères communs à diverses espèces.
‖ Le genre humain, l’ensemble des êtres
humains, des hommes : Le genre humain
misérable et damné (Taine). Dès à présent
les collectivistes et les libertaires préparent
l’avenir [...] en inspirant aux peuples la
haine de la guerre et l’amour du genre hu-
main (France). Dans un siècle où chaque
découverte, chaque invention vient mena-
cer le genre humain aussi bien que le servir
(Valéry). ‖ 2. En logique, idée générale
groupant tous les êtres ou objets ayant
certains caractères communs : Le genre
a une extension plus grande que l’espèce.
Ainsi, « Français » est genre par rapport
à « Normand » et espèce par rapport à
« Européen ». ‖ 3. En biologie, subdivi-
sion de la famille, se décomposant elle-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2150

même en espèces : Le loup est une espèce


du genre « canis ». ‖ 4. En littérature et
en beaux-arts, catégorie de sujets litté-
raires ou artistiques de même nature :
Le genre didactique, épique, dramatique.
Le genre du portrait, du paysage. Il n’est
pas de genres inférieurs (Courteline).
‖ Peinture, tableau de genre, qui traite
des sujets familiers ou anecdotiques (par
opposition à la peinture d’histoire, de
paysage) : Les modèles d’après lesquels des
peintres modernes firent des reines, des
duchesses, dans leurs tableaux d’histoire
ou de genre (France). ‖ 5. Style, manière
de s’exprimer, d’exécuter, de travailler,
déterminée par le sujet ou par le goût
spécial de l’écrivain ou de l’artiste : Le
genre sublime, simple, familier. Il [Walter
Scott] me semble avoir créé un genre faux ;
il a perverti le roman et l’histoire (Cha-
teaubriand). ‖ 6. En musique, division
du tétracorde dépendant de la place oc-
cupée par les sons mobiles qui y figurent.

II. 1. Dans le langage courant et dans


un sens vague, sorte, manière : J’appris
d’abord [...] à discerner, à poursuivre, à
redouter et à désirer le genre de beauté
que j’appellerai funeste (Sainte-Beuve).
Tous les genres de sottise lui étaient fami-
liers (Loti). Je connais assez la société du
Havre pour imaginer aisément le genre
d’accueil qu’on fait à cette enfant si sédui-
sante (Gide). Miroiterie en tout genre,
en tous genres. ‖ En son genre, dans son
genre, dans la catégorie dont fait partie
une personne ou une chose : Une bonne
fille, honnête en son genre (Huysmans).
Paysage unique en son genre. ‖ 2. Ma-
nière de vivre, de se comporter, de se
conduire en société : Un genre bohème.
Le genre de la maison ne me plaît pas.
Nous ne nous méfions pas des femmes
qui ne sont pas « notre genre », nous les
laissons nous aimer, et si nous les aimons
ensuite, nous les aimons cent fois plus
que les autres... (Proust). ‖ Genre de vie,
ensemble des habitudes d’un individu
ou d’un groupe humain : Le genre de vie
américain. ‖ Avoir bon, mauvais genre,
avoir de bonnes, de mauvaises manières :
Il m’avait dit qu’il l’avait rencontrée, qu’il
lui avait trouvé mauvais genre (Proust).
‖ Une plaisanterie de mauvais genre, de
mauvais goût. ‖ Ce n’est pas mon genre,
ce n’est pas dans mes goûts, cela ne me
plaît pas. ‖ Absol. et fam. Faire du genre,
se donner du genre, un genre, avoir des
manières affectées.

III. Catégorie grammaticale fondée sur


la distinction naturelle des sexes (genre
naturel) ou sur une distinction conven-
tionnelle (genre grammatical) : Le genre
masculin, féminin, neutre. Un adjectif, un
nom des deux genres. (V. art. spécial.)

• SYN. : I, 5 écriture, manière. ‖ II, 1 forme,


nature, type ; 2 air, allure, attitude, compor-
tement, façons, manières, tenue.

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LE GENRE

Les noms du français se répartissent en


deux classes grammaticales, le masculin
et le féminin, exclusives l’une de l’autre,
sous le chef du genre.

La distinction de ces classes ne se marque


pas obligatoirement dans la forme des
noms mêmes : aucun élément du radical
ni de la terminaison ne dénonce crocodile
comme un masculin et panthère comme
un féminin ; elle se révèle en tout cas dès
qu’on emploie l’article :

le crocodile/la panthère,

un amour/une humeur.

Le genre du nom détermine dans la


phrase, par les « règles d’accord », la
forme des articles, des adjectifs et des
participes qui s’y rapportent, ainsi que
des pronoms qui le représentent :

Il est dangereux. Elle est dangereuse.


Il existe donc une variation en genre des
articles, des adjectifs et des pronoms.

FONCTIONS DU GENRE

La fonction syntaxique du genre a été


montrée à ACCORD (v. ce mot, art. spé-
cial) ; il facilite le repérage :

— soit de l’antécédent d’un pronom


quand le contexte contient plusieurs
noms :

Jean a revu Cécile ; elle a été très

aimable.

— soit du nom ou pronom caractérisé


par un adjectif quand l’éloignement ou
le détachement entraîne une ambiguïté :

Les importations de vin françaises.

Présente, il la maudit ; absente, il la

regrette (Racine).

Il faut reconnaître que les cas où ce repé-


rage est utile se rencontrent peu, sur-
tout dans l’usage oral, où l’épithète est
rarement détachée. Du moins l’accord
cimente-t-il le groupe nominal en sou-
lignant par redondance un rapport syn-
taxique que la place de l’épithète ou de
l’attribut suffit le plus souvent à exprimer.
On a dit quelquefois que le genre de l’ar-
ticle, de l’adjectif ou du pronom sert à
marquer le genre du nom quand celui-ci
n’a pas de signifiant propre ; par exemple,
dans le groupe

le grand crocodile vert,

le genre masculin du nom crocodile serait


marqué par la forme masculine des mots
le, grand et vert accordés avec crocodile ;
trois marques seraient ici le « signifiant
discontinu » d’un seul signifié : le genre
du nom crocodile. S’il en était ainsi, il res-
terait à se demander à quoi sert le genre
de ce nom : est-il important d’indiquer

que crocodile est masculin, ce que tous


les Français savent bien ? Le pronom
elle, ayant pour antécédent Cécile, dans
l’exemple donné plus haut, nous ren-
seigne-t-il sur le genre du prénom Cécile,
ou nous permet-il, ce genre étant connu,
d’éliminer Jean comme antécédent pos-
sible ? La deuxième réponse est évidem-
ment la meilleure.

Le genre des noms a donc une fonc-


tion syntaxique : il marque les rapports
qu’entretiennent entre eux les mots de la
phrase ; cette fonction pourrait bien être
le régulateur de la répartition des mots
entre une classe et l’autre, car il se trouve
qu’en français le nombre des noms fémi-
nins équilibre à peu près celui des noms
masculins.

Beaucoup de langues possèdent des dis-


tinctions de genre répondant aux mêmes
fonctions, mais certaines en ont deux
comme le franêais (par exemple, l’hé-
breu et l’hindī), d’autres en ont trois (le
grec, le latin, l’allemand, le russe). Cer-
taines langues d’Amérique et d’Afrique
en connaissent plus, comme le bariba,
langue du Dahomey où l’idée de « grand »
s’exprime par baka, bakaru, bako, ba-
kam, bakasu ou bakanu selon que l’ad-
jectif se rapporte au nom signifiant « che-
val », « pierre », « chèvre », « espace »,
« igname » ou « chose » (H. A. Gleason,
Introduction à la linguistique).

Il est aussi des langues sans genre, comme


le papou, le chinois, le turc, le japonais et
comme, en Europe même, le hongrois,
incapables d’exprimer l’opposition de
sexe autrement que par le lexique, et où
le titre du roman Elle et lui n’a pas de tra-
duction possible.

Il serait commode de fonder la division


des noms en genres sur des éléments de
sens, assez généraux pour ne pas multi-
plier les classes. Souvent, le critère adopté
est la différence entre l’animé et le non-
animé, dichotomie dont les écarts se pro-
duisent le plus souvent dans le sens de
l’animisme. Une langue algonkienne, le
cree, range dans la classe animée les êtres
humains, les esprits et les grands arbres,
en y ajoutant le tabac, le blé, la pomme, la
framboise (mais non la fraise), la plume,
la bouilloire, la pipe, etc. (Gleason) ; une
étude ethnologique nous permettrait
seule de décider s’il s’agit d’animisme
dans tous ces cas particuliers ou s’il en
est de ces classes morphologiques comme
des tiroirs de nos commodes ou comme
des rayons de nos placards, où nous ran-
geons certains objets en vertu du prin-
cipe rationnel de classement, et les autres
au hasard, en nous fiant à notre mémoire,
puisque l’essentiel est de les avoir rangés.
Un classement totalement arbitraire
est concevable, mais il surchargerait la
mémoire et se détériorerait vite ; il impli-
querait d’ailleurs une finalité consciente
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2151

de l’organisation de la langue, hautement


improbable. Un classement totalement
motivé par des caractères extra-gram-
maticaux est concevable ; il est réalisé en
anglais, où la seule distinction gramma-
ticale de genre concerne des mots repré-
sentants, les pronoms personnels de la
troisième personne du singulier :
— Le « masculin » he représente les
noms d’hommes

— Le « féminin » she représente les noms


de femmes

— Le « neutre » it représente les noms


de choses et d’animaux et les groupes de
mots nominalisés.

Les articles et adjectifs anglais ignorent


la variation en genre, comme l’ignore
la forme des noms : la seule fonction du
genre est, en somme, le repérage des an-
técédents, et le seul critère du genre des
noms est le sens, compte tenu de nom-
breuses dérogations plus ou moins moti-
vées psychologiquement, comme l’em-
ploi de he et she pour certains animaux,
de she pour les bateaux et les avions, de
it pour les bébés. Cette motivation très
poussée du partage en classes a conduit
plusieurs linguistes à professer que l’an-
glais, contrairement à ce qu’enseignent
les grammaires scolaires, ne connaît pas
le genre grammatical. À quoi l’on peut ré-
pondre avec L. Hjelmslev (Animé et ina-
nimé, personnel et non-personnel, dans
Travaux de l’Institut de linguistique de
Paris, 1956) que c’est oublier le pronom,
qui joue dans le genre un rôle essentiel :
« Les derniers retranchements dans les-
quels la catégorie a été forcée tiennent
bon, et ont été plutôt renforcés. »

Il en est autrement en français, où l’on


distingue deux groupes de noms :

GROUPE A : ceux où le genre exprime


le sexe ; les noms masculins père et coq
désignent des êtres mâles, les noms fémi-
nins mère et poule désignent des êtres
femelles ;

GROUPE B : ceux où le genre n’est fondé


sur aucune opposition de sexe ; ce groupe
contient tous les noms de choses (ex. : le
couteau, la feuille), beaucoup de noms
d’animaux (ex. : le crocodile, la panthère)
et quelque noms d’êtres humains (ex. : le
médecin, la sentinelle).

On peut donc considérer que le genre, à


côté de sa fonction syntaxique, assume
une fonction sémantique : l’indication
du sexe des êtres vivants et, peut-être, à
défaut de sexe dans l’objet désigné, l’indi-
cation de certaines qualités subtiles, es-
sentielles ou conférées, dont il sera parlé
plus loin.

Il arrive que les marques de genre aient


une fonction distinctive au même titre
que les oppositions phonétiques (v. FONC-
TION, art. spécial, § II, Sens linguistique) :

l’opposition le/la distingue dans la parole


le voile et la voile comme l’opposition v/t
distingue dans la langue voile et toile.
Voile masculin et voile féminin sont deux
« homonymes » ; dans le cas d’une oppo-
sition comme le concierge/la concierge,
on a plutôt affaire à une variation d’un
même mot, comme dans le cas de lion/
lionne, la différence entre les signifiés se
réduisant aux caractères de sexe.

Passant en revue, dans l’étude plus haut


mentionnée, le plus grand nombre pos-
sible de langues connues, Hjelmslev défi-
nit deux comportements extrêmes vis-à-
vis du genre : celui-ci peut prendre l’allure
d’une catégorie mécanique, remplissant
des fonctions purement syntaxiques,
comme c’est le cas pour quelques langues
du Caucase du Nord-Est qui possèdent
jusqu’à six genres grammaticaux, définis
par certains faits d’accord et ne coïnci-
dant pas (à part le masculin et le féminin)
avec des catégories sémantiques détermi-
nables (cf. N. Troubetzkoy, les Langues du
monde, 1924, p. 328 et suiv.) ; l’extrême
opposé est représenté par les classes
nominales du bantou (humains, bêtes,
organes et outils, arbres, fruits, liquides,
etc.), impliquant une description très
précise des objets dans les rapports gram-
maticaux qu’elles sous-tendent (et sans
lesquels on ne parle plus de « genre »).

MARQUES FLEXIONNELLES DU GENRE

Quelques questions méritent examen


avant l’inventaire des marques du genre.
• Ces marques sont-elles du ressort de
la flexion — donc de la morphologie —
ou de la dérivation — donc du lexique ?
L’opposition bon/bonne (remontant à
l’opposition latine bonum/bonam) est
évidemment de caractère flexionnel. Le
doute concerne des cas tels que tigre/ti-
gresse, où la terminaison -esse (lat. -issa)
se confond avec le suffixe -esse (lat. -itia)
de mots comme jeunesse ; tout argument
étymologique exclu, il est clair que la
désinence -esse n’apporte dans tigresse
aucun élément sémantique autre que le
signifié « femelle » ; il en serait autrement
si l’on considérait, par exemple, l’opposi-
tion balai/ balayette.

• Il est courant de dire que le féminin est


la « forme marquée », le masculin étant
caractérisé par l’absence de marque :
l’opposition morphologique du genre
serait « privative », d’où l’on peut inférer
que le féminin est plus riche en informa-
tion. Il faut cependant reconnaître qu’il
existe un grand nombre de mots, noms
et adjectifs, qui ont la même forme orale
aux deux genres (56 p. 100 selon Mar-
guerite Durand, le Genre grammatical en
français parlé à Paris et dans la région pa-
risienne, 1936) ; parmi ceux qui varient,
beaucoup ont au masculin une marque,
au féminin une autre : vif [vif]/vive [viv],

moqueur [mɔkoer] /moqueuse [mɔkøz] ;


quelques-uns ont une marque seulement
au masculin : dindon/dinde. À ne tenir
compte que des signifiants, l’opposition
masculin/féminin en français est donc
« équipollente », c’est-à-dire marquée
des deux côtés — ne serait-ce que par le
« morphème zéro » (Q. I. Mok, Contri-
bution à l’étude des catégories morpho-
logiques du genre et du nombre dans le
français parlé actuel, 1968). Par ailleurs,
on n’observe aucune supériorité de fré-
quence en faveur du masculin, comme
il est normal pour les formes non mar-
quées : les statistiques du « français fon-
damental » accusent une légère tendance
à l’inverse.

• Faut-il faire état des marques contex-


tuelles, comme l’article signalant le genre
masculin ou féminin du nom concierge ?
Cela obligerait à inclure dans les marques,
pour tous les noms, les variations de l’ar-
ticle et de tous les adjectifs se rapportant
au nom. La morphologie doit se tenir aux
limites du mot.

• On dit, sans hésiter, d’un nom comme


crocodile qu’il est masculin, et non fémi-
nin, parce que c’est un trait notoire et
permanent de ce mot, entraînant obli-
gatoirement l’article masculin. Mais on
ne peut parler du genre d’un adjectif
« invariable en genre » comme solide en
dehors des groupes de mots où il reçoit
le genre du nom auquel il se rapporte :
un fauteuil solide / une chaise solide.
A-t-on même le droit de dire que solide
est masculin dans le premier groupe,
féminin dans le second ? A-t-on le droit
de dire que les est masculin dans les
fauteuils et féminin dans les chaises ?
Peut-on parler d’une opposition linguis-
tique qui n’aurait pas de signifiant ? Or,
l’usage est bien établi de dire que l’adjec-
tif solide « a la même forme au féminin
qu’au masculin », ce qu’on ne dirait pas,
par exemple, du verbe est ou chante ; la
raison de cette différence est que le para-
digme ordinaire d’un adjectif connaît la
variation en genre, non celui d’un verbe.
Si l’on dit qu’en latin le nom consul « fait
au vocatif consul », c’est qu’une des cinq
déclinaisons latines connaît l’opposition
nominatif (dominus)/vocatif (domine).
On dit qu’il y a « homonymie morpholo-
gique » entre consul (nominatif) et consul
(vocatif), aussi bien qu’entre solide (fémi-
nin) et solide (masculin). L. Bloomfield a
appuyé cette conception de son autorité :
« L’existence d’une marque différentielle,
fût-ce dans un seul paradigme, implique
l’homonymie dans les paradigmes uni-
formes » (Language, 1933). Avis par-
tagé par A. Martinet (About structural
sketches, dans Word, 1949), par J. Canti-
neau, qui justifie la notion d’homonymie
pour les adjectifs comme jaune en fon-
dant la classe morphologique sur la dis-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2152

tribution (Cahiers F. de Saussure, 1952).


On la fonderait aussi bien sur la théorie
transformationnelle, qui note les « traits
catégoriels » (genre, nombre, etc.) par-
tout où ils peuvent se manifester et ne les
efface qu’en fonction de règles morpho-
phonologiques, dans la dernière étape de
l’engendrement d’une phrase (v. GÉNÉ-
RATIF, art. spécial). À une conception
appuyée de garants si notoires, Q. I. Mok
(op. cit.) oppose la sienne, qui donne l’ad-
jectif solide pour une forme unique indif-
férenciée et rejette la notion d’homony-
mie. Cette position — qui implique le
rejet de toute homonymie même lexicale
— a contre elle les complications infinies
qu’elle entraîne dans l’énoncé des règles
qui composent la « compétence » du sujet
parlant. La notion d’homonymie pour
les mots comme solide et des présente au
surplus l’avantage de distinguer leur cas
de celui d’adjectifs comme benêt, dispos,
pers, vainqueur et comme cochère, crasse,
philosophale, pie, qui ne s’associent qu’à
des noms respectivement masculins
et féminins ; il y a sélectivité pour ces
derniers, permissivité totale pour des et
solide ; indifférenciation positive à distin-
guer aussi de l’indifférenciation négative
qui définit le « neutre » (ni masculin ni
féminin), dont il sera parlé à propos des
pronoms.

• Les marques écrites donnent-elles une


idée juste du système actuel ?

L’écriture a maintenu des différences


formelles que la prononciation ignore de-
puis longtemps, comme l’opposition joli/
jolie ;elle en a même créé, comme l’op-
position public/publique, substituée au
XVIe s. à l’ « opposition zéro » publique/
publique (emprunt du XIVe s. au lat. pu-
blicus). Ces marques artificielles, qui ne
font que mieux exprimer le système de la
langue — tel que le décrit la grammaire
générative —, suppriment des ambiguïtés
au prix de nombreuses redondances (avec
les marques fonctionnelles de position),
dont le coût est moins sensible pour un
scripteur qu’il ne serait pour un locu-
teur ; le gain de précision compense la
perte des indices d’intonation qui, dans
l’usage oral, soulignent l’organisation de
la phrase.

J. Dubois, au premier volume de sa Gram-


maire structurale du français (1965), a
comparé les marques du genre présentes
dans la graphie et dans la prononciation
de phrases diverses. Il est possible qu’au-

cune marque n’apparaisse dans un code


comme dans l’autre :

Leur concierge est aimable.

Mais, ordinairement, le code écrit com-


porte plus de marques ; comparer :

Cette employée est sérieuse


(trois marques)
[sɛtɑ̃plwaje ɛ serjøz]
(une seule marque).

L’inverse ne se produit jamais.

Dans l’inventaire ci-après, les marques du


code oral nous donneront un premier chef
de classement, à l’intérieur duquel seront
mentionnées des particularités du code
écrit.

I. NOMS ET ADJECTIFS QUALIFICATIFS

Absence de marque.
— Mots à finale vocalique (« e muet »
purement graphique) :

ami/amie, vrai/vraie, aigu/aiguë,

bleu/bleue.

REMARQUE. Une différenciation artifi-


cielle est obtenue, quand on veut marquer
le genre du mot amie, par la prononcia-
tion et l’accentuation de l’e final.

— Mots à finale consonantique :

rapide/rapide, brave/brave,

sublime/sublime, concierge/ concierge,

secrétaire/secrétaire, calme/calme,

net/nette, public/publique,

pareil/pareille, égal/égale,

civil/civile, cher/chère.

REMARQUES. a) La graphie ne diffère au


masculin que pour les mots terminés par
[t], par [k] et par [j], et pour certains des
mots terminés par [l] et par [r].

b) Si la consonne finale est précédée de la


lettre e prononcée [ɛ], on maintient cette
prononciation au féminin :

soit en marquant cet e de l’accent grave


(chère) ;

soit en doublant la consonne finale (cruel/


cruelle, grec/ grecque).

Genre marqué.

1° Opposition zéro/consonne finale.

Ex. : rat/rate [ra]/[rat].

[t]

petit/petite
exécutant/exécutante
vert/verte
[d]

marchand/marchande
grand/grande

lourd/lourde
[s]

doux/douce
épais/épaisse
épars/éparse

[z]

époux/épouse
gris/grise
ambitieux/ambitieuse

[ʃ]

blanc/blanche
frais/fraîche

divers

soûl/soûle
gentil/gentille
long/longue
loup/louve

REMARQUES. a) Andalou, favori, qui n’ont


pas de consonne finale écrite au mascu-
lin, font au féminin andalouse, favorite.

b) Un t final muet au masculin est doublé


au féminin dans le nom chatte et dans les
mots qui ont -et au masculin :

poulet/poulette, muet/muette.

Exceptions : préfet ; complet, concret, dé-


suet, discret, inquiet, replet, secret (fém. :
préfète, complète, etc.).

AVEC MODIFICATION DU TIMBRE


VOCALIQUE.

• Quand la voyelle finale du masculin est


[e] ou [o], son timbre s’ouvre au féminin
devant la consonne :

premier/première
écolier/écolière

manchot/manchote
idiot/idiote

REMARQUES. a) Le t est doublé au féminin


des adjectifs suivants :

boulot, maigriot, pâlot, sot, vieillot


(fém. : boulotte, etc.).

b) La modification de la voyelle est un


phénomène de variation combinatoire
(v. COMPLÉMENTARITÉ, art. spécial) ; elle
se produit même au masculin, facultative-
ment, lorsque la consonne finale est pro-
noncée en liaison :

le premier amour [lə prəmjɛramur]


ou [lə prəmjeramur].
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2153

• Quand la voyelle finale du masculin est


nasale, le féminin est terminé par [n] pré-
cédé d’une voyelle orale :

[ɑ̃]/[an]

Jean/Jeanne

roman/romane

[ɔ̃]/[ɔn]

lion/lionne

bon/bonne

[ε̃]/[ɛn]

chien/chienne

prochain/prochaine

[ε̃]/[in]

cousin/cousine

fin/fine

[oẽ]/[yn]

brun/brune

REMARQUES. a) L’n est doublé dans


Jeanne et paysanne, et dans tous les mots
en -ienne (chienne) et en -onne (bonne).

b) Bénin et malin font leur féminin en « n


mouillé » : bénigne, maligne.

c) Certains phonologues (Trager, Hjelms-


lev, Togeby) considèrent la modification
de la voyelle devant une consonne nasale
comme une variation combinatoire ; il
est pourtant difficile d’y voir un phéno-
mène purement phonologique, puisque
les masculins en [ɛ̃] donnent selon les
mots des féminins en [ɛn] ou en [in]. Du
moins le conditionnement phonétique
entraîne-t-il l’alternance au masculin en
cas de liaison :

le prochain arrêt [lə prɔʃɛnarɛ],

le divin enfant [lə divinɑ̃fɑ̃].

• On peut grouper les mots suivants où


une forme de féminin comportant la
lettre l répond à un masculin sans l :

agneau/agnelle

fou/folle

beau/belle

vieux/vieille

REMARQUE. Ces terminaisons mascu-


lines résultent de l’altération ancienne
d’un [l] ou d’un [l] mouillé, conservé
dans le féminin et que le masculin pré-
sente encore en cas de liaison :

un bel enfant,

un fol espoir,

un vieil ami.

2° Opposition consonne/consonne.

Ex. : vif/vive [vif]/[viv].

[f]/[v]

sauf/sauve
naïf/naïve
veuf/veuve
bref/brève

[k]/[ʃ]

sec/sèche (cas unique)

[s]/[j]

fils/fille (cas unique)

AVEC MODIFICATION DU TIMBRE


VOCALIQUE.

L’opposition [r]/[z] s’accompagne d’une


fermeture de la voyelle précédente [oe] en
[ø] : menteur/menteuse.

3° Opposition zéro/suffixe.
traître/traîtresse

tigre/tigresse

tsar/tsarine

AVEC MODIFICATION DU TIMBRE


VOCALIQUE.

docteur/doctoresse
héros/héroïne

vengeur/vengeresse
speaker/speakerine
4° Opposition suffixe/suffixe.

acteur/actrice

gouverneur/gouvernante
ambassadeur/ambassadrice

chevreau/chevrette

lévrier/levrette

poulain/pouliche

5° Opposition suffixe/zéro.

canard/cane

dindon/dinde

mulet/mule

compagnon/compagne

6° Opposition radical + suffixe/radical


+ suffixe.

empereur/impératrice
chanteur/cantatrice
7° Opposition radical/radical.

père/mère

neveu/nièce
gendre/bru
mari/femme
garçon/fille
bélier/brebis
coq/poule

mâle/femelle

II. PARTICIPES

Les participes présents sont invariables :


une femme aimant les artichauts.
Les formes comme aimante sont appelées
« adjectifs verbaux » et se rangent dans la

première catégorie des féminins marqués


(v. plus haut).

Les participes passés sont, pour la plu-


part, du type non marqué : chanté/chan-
tée, vu/vue, etc. ; un certain nombre sont
de la première catégorie du type marqué :

pris/prise, ouvert/ouverte, fait/faite.

III. MOTS ACCESSOIRES DU NOM

Les principaux « déterminants du nom »,


articles, adjectifs démonstratifs, adjectifs
possessifs, ne connaissent la distinction
des genres qu’au singulier ; comparer :

Cette indifférenciation au pluriel n’est


pas partagée par les autres déterminants
tels que tout (tous les hommes/toutes les
femmes), certain (certains hommes/cer-
taines femmes).

Seuls les noms de nombre (v. ce mot, art.


spécial) se dérobent presque totalement
aux variations en genre.

REMARQUES. a) Le masculin un

devant une voyelle fait liaison sans

modifier son timbre : un ami.

b) Le masculin ce devient cet

(confondu oralement avec cette)

devant une voyelle : cet ami.

c) Ma, ta, sa devant une voyelle sont

remplacés par mon, ton, son : mon

amie.

IV. PRONOMS

Les particularités que présentent cer-


tains pronoms sous le rapport du genre
seront étudiées avec chaque catégorie de
pronoms (v. DÉMONSTRATIF, INDÉFINI,
INTERROGATIF, PERSONNEL, POSSESSIF,
RELATIF, art. spéciaux). Un problème
commun à plusieurs de ces classes est
celui du neutre, qui, en français, n’est pas
un « genre » complémentaire du mascu-
lin et du féminin (v. NEUTRE, art. spécial).
MARQUES DU GENRE DES NOMS SANS
FLEXION

Le genre des noms de choses et des noms


d’animaux invariables, comme crocodile,
n’obéit en principe, en français, à aucune
loi grammaticale ; il est connu des sujets
parlants, donné avec le mot comme son
sens. Aussi, les grammaires écrites par
les Français ne contiennent-elles ordi-
nairement aucune indication utile aux
étrangers, pour qui le choix du genre —
souvent en contradiction avec l’usage de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2154

leur langue maternelle — est un piège de


tous les moments.

Des recherches ont été faites à l’université


McGill de Montréal sur la distribution
du genre des noms contenus dans le Petit
Larousse. Les noms ayant été classés par
terminaisons phonétiques et graphiques,
il est apparu qu’un grand nombre de ter-
minaisons sont nettement des indices
formels de genre. Par exemple, 91,5
p. 100 des noms terminés par [jɔ̃] sont
féminins (ex. : nation, région, adhésion) ;
97,1 p. 100 des noms terminés par [ɔ̃]
précédé d’une autre consonne sont mas-
culins (ex. : bourgeon, pont, bâton). Les
statistiques appliquées à d’autres corpus
donnent sensiblement les mêmes résul-
tats. Pour savoir si ce rapport appartient
à la « compétence », consciente ou non,
des sujets parlants, des noms artificiels
ou très rares, comportant telle ou telle
terminaison réelle, ont été soumis à plus
de mille sujets francophones âgés de huit
à dix-huit ans, et les résultats positifs ont
prouvé qu’il s’agit vraiment d’un com-
portement conditionné (rule governed
behavior).

Voici quelques-uns des résultats don-


nés par l’un des linguistes auteurs de
l’enquête, A. Rigault, dans un article du
Français dans le monde (juin 1968).

Sont masculins :

100 p. 100 des noms terminés par

[oẽ] (parfum) ;
99,3 p.100 — — — — [ɑ̃] (éléphant) ;

99 p. 100 — — — — [ε̃] (satin) ;

97,4 p. 100 — — — — [ø] (feu) ;

97,2 p. 100 — — — — [o] (pot) ;

94 p. 100 — — — — [ʒ] (songe).

Sont féminins :

90 p. 100 des noms terminés par [z]

(pause).

Sont masculins :

100 p. 100 des noms terminés par

[ro] (garot) ;

100 p. 100 — — — [sm] (réalisme) ;

99 p. 100 — — — — [aʒ] (partage) ;

98,2 p. 100 — — — [ɔm] (homme) ;

98 p. 100 — — — — [je] (papier).

Sont féminins :

100 p. 100 des noms terminés par

[øz] (batteuse) ;

98 p. 10 — — — — [ʒi] (pédagogie) ;

97,3 p. 100 — — — [ɑ̃s] (confiance) ;

94,2 p. 100 — — — [fi] (géographie) ;

94 p. 100 — — — — [in] (usine) ;

92,5 p. 100 — — — — [te] (santé) ;

92,4 p. 100 — — — — [iz] (sottise).

Ces résultats sont évidemment liés à la


productivité de certains suffixes : ainsi,
le genre féminin des noms en -[jɔ̃] et en
-[te] s’explique par le genre des suffixes
-tion et -té remontant aux suffixes latins
féminins -tionem et -itatem. Les genres

sont conditionnés par les suffixes, et


peut-être motivés par les sens, à moins
que les sens ne soient conditionnés par
les genres : ces interactions offrent plus
d’intérêt à l’usager français que l’inven-
taire brut des correspondances du genre
et du son.

FONCTION SÉMANTIQUE

Le genre des adjectifs ne peut avoir de


fonction sémantique : il n’est qu’un indice
de repérage syntaxique.

Certains pronoms ont une forme neutre


qui implique l’absence ou le rejet de toute
structure sémantique préalable, donc
toute intégration au système du genre
nominal. Quant au genre masculin ou
féminin des pronoms, il n’est qu’un reflet
du genre des noms représentés.

C’est donc dans la classe des noms que la


motivation du genre doit être cherchée.
Évidente dans les noms du « groupe A »
(v. plus haut), où le genre exprime le sexe,
elle n’est douteuse que pour les autres
noms, formant le « groupe B ». Il semble
bien que le genre confère à ces noms un
caractère subtil, arbitraire, qui leur est
attaché en langue — c’est-à-dire dans le
lexique —, comme tous les traits compo-
sant leur sens, et non dans l’acte de pa-
role, comme le nombre singulier ou plu-
riel ; ce trait artificiel caractérise chaque
élément en soi, alors que le nombre carac-
térise seulement l’ensemble d’éléments
désigné dans l’acte de parole. Tout se
passe comme si une qualité « masculin »
était attachée au signifié du nom couteau
en même temps que l’idée d’une lame
tranchante, une qualité « féminin » au si-
gnifié du nom feuille en même temps que
l’idée d’une grande minceur. Qualités si
intimement associées au sens qu’il arrive
communément au locuteur cherchant un
nom adéquat à l’expression de sa pensée
de trouver le genre de ce nom avant les
sons qui le composent. Nous avons connu
une vieille femme aphasique qui, ne maî-
trisant plus le vocabulaire, remplaçait par
l’homme les noms de chose masculins et
par la femme les féminins.

C’est un fait connu que les représenta-


tions allégoriques des peintres et des
sculpteurs ont le sexe correspondant au
genre des noms qui désignent les choses :
la République aura le corps d’une femme,
le Crime celui d’un homme, le Rhône et la
Saône, de Coustou, formeront un couple
naturel à l’hôtel de ville de Lyon. B. Has-
selrot, étudiant l’ « accord genre-sexe
dans les figures généalogiques » (Revue
romane, 1967), met en titre ces vers de
La Fontaine :

Les vertus devraient être soeurs,


Ainsi que les vices sont frères.

Il y montre comment le genre préside aux


personnifications littéraires :

Le latin, père des langues romanes

(Vie et langage, 1955).

La voile, épouse du vent (Pierre

Dupuy, 1967).

Exception confirmant la règle, c’est à


Joseph Prudhomme, champion connu
des métaphores incohérentes, qu’Henri
Monnier fait dire : Tous les arts sont
soeurs, phrase dont Bergson dissèque le
comique dans son essai sur le Rire.

Cette qualité subtile que confère le genre


ne pouvant être sémantiquement fondée
que sur la différence des sexes, Damou-
rette et Pichon, qui en ont fait l’étude la
plus originale, l’ont appelée sexuisem-
blance, en la définissant : « une qualité
première de la substance, inséparable de
cette substance, inhérente à elle, apport
permanent et essentiel qui la caracté-
rise » (Des mots à la pensée, § 307). La dif-
ficulté de la définir tient à son caractère
« affectif » autant qu’ « intellectuel ». Ils
citent l’abbé Sicard :

« De cette distribution est né le pré-

cieux avantage de tout animer dans

la langue, comme tout est animé

dans la nature, et cet avantage, non

moins grand, de répandre, dans le

discours, les charmes de la variété

d’où naissent les grâces et l’harmo-

nie du style » (Éléments de gram-

maire générale appliquée à la langue

française, 1799).

À la base de leurs investigations, Damou-


rette et Pichon posent que « le masculin
est la physe indifférenciée du répertoire
de sexuisemblance ». « Seront classés
dans le masculin non seulement les subs-
tantifs nominaux dont le sémième se
teinte, pour une raison quelconque, d’une
idée de masculinité, mais, d’une manière
générale, tous ceux qu’une cause particu-
lière ne fait pas classer ou maintenir dans
le féminin. » Ce principe s’appuie notam-
ment sur la loi d’accord bien connue : le
masculin l’emporte sur le féminin :

Les arbres et les plantes

Sont devenus chez moi créatures parlantes

(La Fontaine, II, I).

Il explique l’emploi du masculin dans des


phrases comme :

À l’École des chartes, le premier, c’est une


fille.

et les avis à MM. les voyageurs affichés


par les compagnies de transports en
commun.

Il explique aussi que, pour l’accord,


les pronoms neutres soient tenus pour
masculins :

C’est beau !

Qu’est-ce qui est tombé ?


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2155

Ce principe est conforme à la concep-


tion assez répandue qui fait de masculin/
féminin une « opposition participative »,
c’est-à-dire dont un des termes a un si-
gnifié qui peut inclure ou exclure, selon
le contexte, le signifié de l’autre. Chien
opposé à chienne désigne une bête mâle ;
dans le chien est carnivore, il désigne
mâles et femelles. La possibilité de s’op-
poser au féminin explique que le mascu-
lin ne soit pas obligatoirement non mar-
qué — comme il est montré plus haut.

Damourette et Pichon appuient leur


conception affective du genre par l’exa-
men des « substantifs primaires » créés ex
nihilo— dans la mesure où leur étymolo-
gie est incontestable :
« Le gnon, catégorique et brutal, est

masculin, et cette sexuisemblance

convient parfaitement au sémième ;

il devient ainsi en même temps le

frère du coup, du ramponneau, du

soufflet, du marron et du pain, mais

leur sexuisemblance les différencie

nettement de la taloche, de la tape,

de la claque, de la calotte, de la gifle,

de la mornifle, de la bourrade, de la

bufle, de la beigne et de la bâfre, leurs

soeurs [...]. La frousse est féminine

comme ses soeurs, la peur, la crainte,

la venette, la panique, l’horreur, la

terreur, l’épouvante et la trouille.

Mais leur sexuisemblance les oppose

à leurs frères moins nombreux : le

trac, le taf et l’effroi » (§ 313).

Certes, un mot en [ɲɔ̃] ne pouvait être


que masculin, un mot en [us] que fémi-
nin, mais l’origine probablement onoma-
topéique de ces mots suppose le choix du
genre avec celui de la sonorité, et les au-
teurs semblent admettre une intégration
volontaire du mot à une classe séman-
tique dont le genre faisait l’unité par la
connotation qu’il emporte. Appréciation
éminemment subjective. Retenons du
moins des exemples donnés ce fait que les
mots expressifs sont plus nombreux du
côté féminin que du côté masculin, ce qui
confirme le caractère plus marqué (mais
non seul marqué) du féminin.

Damourette et Pichon passent ensuite


aux « substantifs secondaires », c’est-à-
dire formés par la langue au cours de son
développement, et s’arrêtent sur le pro-
blème des suffixes diminutifs, où le mas-
culin, contrairement à l’attente, peut ex-
primer la petitesse, la « pullisemblance »
(de pullus, « petit d’un animal ») asexuée
dont l’expression adéquate en grec et en
anglais est le neutre :

« L’arc a pour femelle l’arche ; ils ont pour


enfant le petit arc, l’arceau [...]. L’archet
d’ailleurs, leur autre fils, ressemble à sa
mère par sa tendre robustesse » (§ 317).

Ces masculins sont « indifférenciés ».


Mais « le jeune homme devient vite un

chef de famille » et le diminutif devient


augmentatif : tombe/tombeau ; balle/bal-
lon. Il y a encore pullisemblance, donc
masculin.

Des faits contradictoires sont relevés par


B. Hasselrot dans Vox romanica (1950) et
par A. Dauzat dans le Français moderne
(le Genre, indice de grandeur, oct. 1952).
Deux couples d’objets similaires ne diffé-
rant que par la taille reçoivent quelquefois
le même nom, avec un genre différent :
bassin-bassine ; dans certaines régions,
le plus grand objet est désigné normale-
ment par le masculin, dans d’autres par
le féminin. Dauzat note qu’à Vinzelles
(Puy-de-Dôme) le cuiller est plus grand
que la cuillère, mais la panière plus grande
que le panier ; dans le Forez, la cuillère est
plus grande que le cuiller. Étendant son
enquête aux couples d’objets ou d’ani-
maux dont les noms, de genre opposé,
appartiennent à des racines différentes,
il observe une association régulière de la
plus grande taille au masculin :

fauteuil/chaise

plat/assiette

hibou/chouette

corbeau/corneille

rat/souris

putois/belette

frelon/guêpe

bourdon/abeille

On comprend bien que le nom masculin


soit donné de préférence à l’animal ou à
l’objet le plus grand du couple : Mais l’in-
verse est plus fréquent dans l’ensemble
des langues romanes, comme l’ont mon-
tré Meyer-Lübke, von Wartburg, et Renée
Kahane (Romance philology, 1948-1949).
B. Hasselrot (Études sur la formation
diminutive en français, 1957) opte pour
l’explication de von Wartburg : si la prée
(du lat. prata), en ancien français et dans
beaucoup de dialectes, est plus vaste que
le pré (de pratum), la sache plus grande
que le sac, la ratelle que le râteau, c’est
que ces féminins remontent en fait à des
pluriels neutres qui auraient conservé,
devenus féminins singuliers, une valeur
collective. Dauzat, pour sa part, se tourne
vers les explications animistes pour
adopter, après bien des hésitations, celle
qui voit dans le féminin la grosseur... de
la grossesse.

On admettra plus volontiers son explica-


tion du doublet graine/ grain : la graine
est reproductrice, on la garde ou on
l’achète pour semer (cf. Prenez-en de la
graine. Graine de filou !) ; le grain évoque
la petitesse, non la fécondité (un grain de
sable).

Damourette et Pichon voient encore dans


l’opposition masculin/ féminin celle
de l’activité à la passivité : « un moteur
communique la puissance et l’action à
toutes les machines sans force propre qui

lui obéissent », telles la balayeuse, la per-


ceuse, la batteuse. Mais c’est oublier qu’il
existe des motrices, traînant des wagons,
et que l’automobile, qui « se meut toute
seule », en optant définitivement pour
le genre féminin, n’en est devenue que
plus puissante. Il faut évidemment, pour
expliquer le genre de ces mots, remon-
ter à la source des ellipses qui en ont fait
des noms : appareil moteur ? machine
motrice ? véhicule automobile ? voiture
automobile ?

Inutile de reprendre et de critiquer en dé-


tail les explications animistes de Damou-
rette et Pichon, dont l’ingéniosité s’avoue
perplexe devant l’opposition sexuelle du
compotier et de la théière.

Ils n’ignorent pourtant pas les facteurs


historiques, dont nous reparlerons. Ils
connaissent l’importance de l’analo-
gie, qui a fait de platine (primitivement
féminin comme le mot espagnol dont
il est tiré) un nom masculin comme les
autres noms de métaux. Ils savent même
y voir un facteur de choix dans le genre
de certains dérivés régressifs : le chant
est masculin, comme impliquant un acte,
un geste, et « il forme classe avec le cri, le
saut, le bond, l’appel ; la boxe justifierait
sa sexuisemblance par analogie avec les
noms généraux d’arts ou de sciences, la
médecine, la musique, la gymnastique, et
elle forme classe avec la danse, l’escrime,
la course, etc. » (§ 328).

Mais la compétence de psychiatre du


docteur Pichon l’a poussé à analyser plus
hardiment que tous ses devanciers les va-
leurs affectives du genre, dont l’existence
ne peut être mise en doute. Il est certain
que le genre féminin donne à la souris
(masculine en latin) une « gentillesse
trottinante » que nous apprécions chez
Mickey Mouse, bien étrangère aux rats
des fables de La Fontaine (dont le nom
vient de rate).

Les poètes sont sensibles aux nuances


du genre et savent en tirer d’opportunes
connotations. Pour Vielé-Griffin, l’Au-
tomne est un gueux :

Lâche comme le froid et la pluie,

Brutal et sourd comme le vent,

Louche et faux comme le ciel bas,

L’Automne rôde par ici...

Pour Charles Guérin, c’est une douce


confidente :

Saison fidèle aux coeurs qu’importune

la joie,

Te voilà, chère Automne, encore de

retour...

Il n’est pas interdit de concevoir l’alter-


nance des rimes masculines et féminines
comme un mariage harmonieux imposé
aux vers par la loi française.

On ne peut comprendre la valeur du suf-


fixe -on des prénoms féminins comme
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2156

Suzon, valeur dite hypocoristique,


sans songer à l’altération de sexe qu’il
implique, soit que la masculinisation
« montre chez la fillette ce fonds d’activi-
té joyeuse qui est classiquement l’apanage
des mâles » (Des mots à la pensée, § 324),
soit qu’on préfère y voir un neutre, né du
même instinct de matérialisation qui fai-
sait appeler « objet » la femme aimée au
temps de Racine.

En définitive, on ne dira pas que, en de-


hors de la distinction des sexes, le genre
en français n’a pas de sens. La fiction des
sexes ne peut être omniprésente dans
la langue sans teinter d’affectivité tout
notre discours, dans l’usage familier
comme en littérature. Toute justification
du genre par le recours à l’animisme est
naturellement suspecte et provisoire,
mais il serait abusif de nier l’animisme
comme épiphénomène.

Il ne faudrait pas non plus réduire à


l’animisme toute la fonction séman-
tique du genre. La création de séries
analogiques peut avoir d’autres supports
de sens : on l’a vu pour le nom platine,
attiré vers le masculin par son intégra-
tion dans la série des métaux. J. Dubois
(Grammaire structurale du français, I)
signale, parmi bien d’autres corréla-
tions, celle qu’on établit entre les noms
d’arbres, masculins :

le hêtre, le chêne, le saule, l’orme, le

cèdre, l’olivier, le sapin, etc.,

et les noms de plantes en -ée ou -acée :

graminée, chicorée, liliacée, rosacée,

etc.,

et, dans un registre moins savant,


celle qu’on établit entre l’arbre fruitier,
masculin :

pommier, poirier, pêcher, olivier, etc.,

et son fruit, féminin :

pomme, poire, pêche, olive, etc.

Des exceptions existent (l’abricot), mais


des réfections renforcent la règle : l’usage
familier (consacré par Littré) a mis au
féminin la pamplemousse, fruit du pam-
plemousse ou pamplemoussier.

Dans tous ces cas, le genre est moins une


marque de grandeur (ou de sexe) qu’un
indice de classement utile pour mettre
en ordre les matériaux hétéroclites du
lexique.

PARTICULARITÉS DE GENRE

Il existe pour les noms comme pour les


adjectifs des cas d’espèce, dont il est parlé
à l’article de chaque mot concerné dans le

dictionnaire. On ne donnera ici que des


indications générales.

I. GENRE DES NOMS

• On appelle épicènes les noms de per-


sonne ou d’animal qui désignent indif-
féremment l’un ou l’autre sexe ; pour les
uns, comme enfant, secrétaire, l’accord
des déterminants ou épithètes est discri-
minant (un/une enfant) ; pour les autres,
comme crocodile, perdrix, la précision est
donnée par le contexte sémantique (un
crocodile femelle, le mâle de la perdrix).

• Certains noms ont un seul genre ap-


plicable aux personnes des deux sexes :
assassin, auteur, chef, conjoint, peintre,
etc. Les femmes qui embrassent une pro-
fession masculine conservent générale-
ment la forme masculine du titre qui leur
confère le droit d’exercer. E. Pichon a tort
de s’indigner quand il lit sur une carte de
visite : Maître Gisèle Martin, avocat ou
Mademoiselle le Docteur Louise Renau-
dier : les diplômes accordés par les uni-
versités ne connaissent en pareil cas que
le masculin. Bien entendu, des titres mas-
culins ont souvent été féminisés, mais il
en résulte des ambiguïtés, la préfète ou la
colonelle pouvant être l’homologue fémi-
nin ou seulement l’épouse du préfet ou
du colonel.

• Un phénomène symétrique du pré-


cédent par ses effets, mais non par ses
causes, est la désignation, au moyen de
noms féminins, de certaines fonctions
exclusivement masculines : une estafette,
une vigie, une sentinelle, une clarinette ;
ces mots désignent originellement, soit
en français, soit dans la langue d’em-
prunt, la fonction même ou l’instrument
de la fonction.

• Quelques noms sont masculins ou


féminins selon l’emploi (v., par ex.,
FOUDRE, GENS, OEUVRE) ; amour, délice
et orgue sont traditionnellement donnés
pour masculins au singulier et féminins
au pluriel, mais il s’en faut que cette règle
puisse être appliquée sans nuances, sauf
pour délice (s).

• L’usage hésite sur le genre de certains


mots dont le plus grand nombre ont
une initiale vocalique (entraînant l’éli-
sion de l’article) et souvent une finale
muette :lvéole, après-midi, automne,
avant-guerre, après-guerre, disparate, ef-
fluve, interview, ordonnance, perce-neige,
phalène, Thermos.

• Les noms composés peuvent être mas-


culins ou féminins : autoroute féminin
parce que c’est une route pour autos, ba-
teau-mouche masculin parce que c’est un
bateau d’abord.

À la base de rouge-gorge, on sous-entend


le masculin oiseau ; mais un bas-bleu,
femme savante « au bas bleu » (sans réfé-
rence au brillant causeur anglais de qui

lui vient ce nom), est masculinisé par


malice.

Quand le mot chef est un verbe, le mas-


culin (indifférencié) est de règle : porte-
plume ; mais la règle est souvent oubliée :
une garde-robe.

• Les noms propres de personne sont


conditionnés par le sexe ; beaucoup de
prénoms sont fléchis : Albert/Alberte,
Paul/Paule, Simon/Simone. Les noms de
famille ne varient que dans la langue po-
pulaire : la Maheude est, dans Germinal,
la femme de Maheu.

L’article des noms de fleuve et de pays in-


dique le genre et règle l’accord : Le Rhône
est impétueux, la Saône est indolente,
le Canada est grand, la France est belle.
Mais France devient masculin (sauf pour
les marins) si c’est le nom d’un paquebot.
Le genre des noms de ville, où l’article
manque le plus souvent, est incertain.
Une étude statistique très poussée a été
faite par R. Edwardsson (Studia neo-
philologica, 1968) ; celui-ci a pu relever
dans une Encyclopédie de nombreux cas
d’accords contradictoires comme : Dun-
kerque est devenu... Dunkerque aurait
été fondée... ; Bien que très endommagé
en 1940, Saumur a repris de son impor-
tance.../Pendant la Révolution, Saumur
fut prise par les Vendéens... Chaque
couple de phrases appartient à un même
article, sans qu’une incorrection puisse
être reprochée aux auteurs.

Si l’on prend pour critère l’accord du


participe passé, 59 p. 100 des noms de
ville sont tenus pour féminins ; mais le
pourcentage monte à 84 si l’on ne consi-
dère que les noms terminés par -e (Ve-
nise) ou par -es (Nantes) : la terminaison
joue donc le premier rôle. En cas de per-
sonnification, le féminin est de rigueur :

Annecy est une minuscule

soeur de Venise.

On explique ordinairement le féminin


par le nom ville sous-jacent ; dans les
chroniques financières des journaux,
c’est plutôt le mot Bourse qui le fait pré-
férer (Milan s’est reprise très vivement),
alors que le masculin est seul employé
pour désigner les clubs sportifs, aux-
quels la féminité conviendrait d’ailleurs
bien mal (Valenciennes est battu par
Lyon). Pour expliquer la masculinisa-
tion imposée dans des groupes comme
le vieux Menton, le nouveau Nancy, on
pourrait supposer quartier dans une
structure profonde.

II. GENRE DES ADJECTIFS

• Quelques adjectifs, nés par abréviation


ou par emprunt, sont invariables en genre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2157

et en nombre ; citons chic, impromptu,


kaki, snob ; exemples :

la femme chic, ma chemise kaki.

• Il existe quelques adjectifs de couleur


proprement dits, comme blanc, bleu, gris,
noir, vert, violet, qui varient en genre et
en nombre ; mais on ajoute à cette palette
insuffisante une quantité de noms adjec-
tivés dénotant la couleur de l’objet qu’ils
désignent habituellement ; la règle est de
les laisser invariables :

un rideau/une robe cyclamen,

une robe marron.


Les adjectifs de couleur variables de-
viennent eux-mêmes invariables s’ils
sont précisés par un nom ou un adjectif :

une robe gris perle,

une pupille bleu sombre.

• L’accord des adjectifs composés de-


mande une conscience au moins poten-
tielle de la nature et de la fonction de
leurs éléments :

— Franco-anglais a pour premier terme


un élément de composition invariable :
l’entente franco-anglaise ;

— Sourd-muet, composé par coordina-


tion, accordera ses deux adjectifs : une
femme sourde-muette (elle est les deux)

— Court-vêtu, nouveau-né sont des


composés endocentriques où le premier
terme, adverbialisé, se rapporte à l’autre ;
on écrira donc : des enfants nouveau-nés,
une grande fille court-vêtue (elle n’est pas
courte) ; on écrit cependant, par confu-
sion avec le premier type : des portes
grandes ouvertes, des fleurs fraîches
écloses, les premiers nés, des nouveaux
mariés.

Le problème ne se pose pas si l’adjectif est


écrit en un mot : clairsemé, clairvoyant,
courbatu.

• Quelques adjectifs précédant un nom


ou un adjectif dont ils sont séparés par un
trait d’union sont assimilés à des préfixes,
et en prennent l’invariabilité :

la mi-carême,

les yeux mi-clos (clos à demi).

Comparer :

une demi-heure et une heure et demie ;

il était nu-pieds et il était pieds nus.

• Quelques participes ou adjectifs em-


ployés devant un nom fonctionnent
comme des prépositions, dont ils
prennent l’invariabilité :

Ci-joint la somme que je vous dois.

Ils sont tous venus sauf ta mère.


Ne chantez plus passé dix heures.

Étant donné s’accorde facultativement :

Étant donné/donnée l’heure tardive.

HISTORIQUE

I. ORIGINES PRÉLATINES

Le genre de l’ancien français remonte à


l’usage latin, qui remonte à l’indo-euro-
péen, où il a fait l’objet de nombreuses
hypothèses ; le genre est, selon Hjelmslev
(op. cit.), « sans aucun doute la catégorie
morphématique qui a été le plus étu-
diée ». Au terme d’un inventaire critique
des principales thèses présentées à ce su-
jet depuis Jacob Grimm, le linguiste da-
nois pose le système sublogique du genre
indo-européen tel que le reconstruisait
Meillet en 1924 :

genre / animé / masculin OU féminin

genre / inanimé / (= neutre)

Tendance animiste et tendance formaliste


s’affrontent à propos de ces temps reculés
comme on l’a vu à propos du français.

W. von Wartburg opte pour la première


quand il écrit (Problèmes et méthodes
de la linguistique) que la pensée, la sen-
sibilité de cette lointaine époque étaient
incontestablement mythologiques :

« On se représentait par exemple


la terre comme une déesse ou une
femme nourrissant tous les êtres
vivants ; d’où le grec γη, le latin
terra, tellus, humus, l’allemand Erde,

qui tous sont féminins. La rivière


était considérée par les Romains
comme un dieu animé ; aussi les
noms de fleuves sont-ils masculins
[...]. Si manus et pes ont le genre
personnel, c’est en raison de leur
caractère actif ; en revanche, cor et
iecur ainsi que d’autres parties des
intestins sont considérés comme
passifs et sont du neutre. »

Les noms des arbres sont du féminin,


comme ceux des nymphes auxquelles ils
donnent asile, mais

« il n’en va pas de même pour le fruit,


qui représente la chose produite, née,
encore dépourvue de genre. Aussi,

les noms de fruits sont-ils du genre

neutre à l’exemple du grec τέκνον,

« enfant ». L’expression linguistique


de cette situation apparaît dans

l’opposition du féminin pirus et du

neutre pirum ».

Pour A. Martinet, au contraire,

« le genre ne saurait être conçu

comme un produit de la pensée im-

posé par elle à la langue. Il doit être né

de la satisfaction de quelque besoin de

la communication » (le Genre féminin

en indo-européen : examen fonction-

nel du problème, dans Bulletin de la

Société linguistique de Paris, 1956).

Il suppose à l’origine du féminin l’inven-


tion d’un système de référence comparable
à notre accord, dotant le pronom repré-
sentant des animés (*so) d’une « expan-
sion » *-ā prise à *gwnā, « la femme », puis
étendue à d’autres mots ayant rapport avec
la femme, puis, irrationnellement, à un
nombre croissant de mots sans sémième
de féminité, ainsi commodément intégrés
au système de référence. Seuls gardaient le
thème en -o primitif :

— les noms animés désormais distingués


du trait non féminin (donc masculin)

— les inanimés dès longtemps représentés


par un pronom d’une autre racine (*tod).
Le besoin d’établir une classe morpholo-
gique aurait servi de catalyseur à l’imagi-
nation collective pour bâtir une mytholo-
gie conférant, par exemple, la féminité à
la terre, jusqu’à la dichotomie totale des
noms de la classe animée.

II. LATIN VULGAIRE ET ROMAN

Tiré du mot « femme » ou d’un autre,


cet *-ā indo-européen est à l’origine de
l’e muet qui marque le féminin en fran-
çais moderne dans l’écriture, et qui le
marquait en ancien français dans la pro-
nonciation sous forme d’un « e central »
(v. E, art. spécial). L’intermédiaire fut un
-a latin caractérisant :

— la première déclinaison des noms (en


majorité féminins, comme rosa)

— le féminin des adjectifs de la première


classe (type bonus, bona, bonum).

En latin comme en grec, le schème sublo-


gique indo-européen avait abouti à un sys-
tème ternaire, ainsi composé :

TERMES LATINS / (TERMES GRECS)

masculinum genus / (τὸ ἀρσενικὸν

γένος)

femininum genus / (τὸ θἦλυ γένος)

neutrum genus / (τὸ οὐδέτερον

γένος)

Toutefois, l’opposition animé/inanimé


avait prévalu dans la deuxième classe
d’adjectifs, qui ne distinguaient pas le fé-
minin du masculin (type grandis, grandis,
grande).

Il est dit à l’article spécial ADJECTIF com-


ment en ancien français, le neutre ayant
disparu, les adjectifs de la première classe
sont devenus « biformes » (bon, bone), et
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2158

ceux de la deuxième classe « uniformes »


(grant, grant).

Du côté des noms, le changement le plus


important a été la disparition du neutre,
dernière étape de l’évolution commencée
par l’égalisation des trois genres. C’est
une tendance générale de l’italique, réali-
sée dans la plupart des langues romanes,
et qu’on observe également en celtique,
en baltique et en albanais. Plutôt que de
« disparition » (Hjelmslev), on devrait
parler de spécialisation du neutre, forme
apte à une fonction pronominale parti-
culière pour peu que sa propriété de ne
marquer « ni l’un ni l’autre » (neutrum,
οὐδέτερον) fût appliquée non seulement
au genre, mais au nombre (v. ce mot, art.
spécial).

La transformation d’un système n’est ja-


mais voulue ni consciente. La faiblesse du
neutre dans l’équilibre des déclinaisons
latines s’est seulement traduite par un dé-
faut de résistance aux nombreux facteurs
formels d’effacement, dont les principaux
ressortent du tableau en bas de page :

L’m final n’étant pas prononcé en latin


(dès l’époque classique), on voit que les
neutres du type templum et du type cornu
se confondaient à l’accusatif avec les mas-
culins du type murum. Ainsi s’expliquent
de nombreuses réfections analogiques du
nominatif : dorsus pour dorsum (Plaute),
vinus pour vinum (Pétrone), cornus (Var-
ron) ; elles étaient facilitées par l’existence
prélatine de quelques noms de genre flot-
tant ; aevus ou aevum, collus ou collum ;
le nom du « ciel » était neutre au singulier
(caelum), masculin au pluriel (caeli) ; le
masculin locus, « lieu », avait deux plu-
riels : loci et loca.

Quant aux noms neutres de la troisième


déclinaison, leur singulier mal carac-
térisé les confondait avec les masculins
correspondants, soit au nominatif, soit
à l’accusatif, et l’on peut lire dans les
inscriptions cadaver mortus (accord
masculin), marem pour mare d’après
consule(m).

Au pluriel, tous les neutres latins ont au


nominatif et à l’accusatif une terminai-
son -a ? ? qui n’est autre qu’une ancienne
marque de « collectif » (le grec met au
singulier le verbe qui a pour sujet un
neutre en -a). Le rapprochement avec le
nominatif-accusatif singulier (prononcé

rosa ? ? aux deux cas) des noms féminins


n’est pas pour surprendre, non plus que la
valeur « collective » des neutres fémini-
sés, qu’on a invoquée plus haut pour ex-
pliquer le sens de prée (prata) à côté de pré
(pratum). M. Niederman et B. Löfstedt
ont étudié le développement de ce phéno-
mène, qui explique l’existence ancienne
de doublets comme armentum, neutre,
armenta, féminin (désignant soit la bête
de labour, soit le troupeau). Le sens col-
lectif a pu faire naître folia, féminin (anc.
franç. fueille) de folium, neutre (anc.
franç. fueil) ; *pira, féminin (franç. poire)
de pirum, neutre ; *grana, féminin (franç.
graine) de granum, neutre (franç. grain) ;
gaudia, féminin, chez Grégoire de Tours
(franç. joie), de gaudium. La confusion
des neutres pluriels avec les féminins sin-
guliers a touché le nombre après le genre ;
en latin du VIe s., les formes en -a des
noms neutres restaient conçues comme
des pluriels, mais étaient accordées au
féminin : folia molles, follia infusas, grana
oppressas (v. V. Väänänen, Introduction
au latin vulgaire, § 224).

Les noms masculins et féminins ont


changé de genre sous l’effet de certaines
analogies sémantiques :

— Le type en -a contenait en très grande


majorité des noms féminins : quelques
noms de fleuve comme Garumna, Sequa-
na, originellement masculins, ont donc
pris le genre féminin.

— Le genre masculin dominait au


contraire dans les noms en -us : aussi,
les noms d’arbre, comme alnus (franç.
aulne), fraxinus (franç. fresne), origi-
nellement féminins, ont-ils pris le genre
masculin, entraînant dans le même
changement leur nom générique arbor,
de la troisième déclinaison.

— Les noms abstraits en -or, -oris,


comme dolor, originellement masculins,
ont passé sporadiquement au féminin :
magnam timorem, tanta splendor (Gré-
goire de Tours) par analogie avec les abs-
traits en -ura, -tio, -itudo ; ils se différen-
ciaient ainsi opportunément des noms
d’agent en -or (auctor, censor).

III. ÉVOLUTION FRANÇAISE

Histoire des marques.

Les mots français dont le genre est mar-


qué par le radical continuent en général

des mots latins dont ils conservent le


genre : père (lat. pater, masc.), mère (lat.
mater, fém.), neveu (lat. nepos, masc.),
nièce (lat. neptia, fém.).

L’origine de la flexion normale est l’-a de


la première déclinaison, à laquelle ont été
rattachés beaucoup de noms de la troi-
sième (par exemple, neptia est une forme
vulgaire pour le classique neptis) et de la
cinquième (face remonte à facia, pour le
classique facies) ; les autres voyelles la-
tines en syllabe finale se sont amuïes vers
le VIIIe s. (v. NOM, art. spécial) : de là la
différence entre long (longum) et longue
(longam), dont les manifestations orales
en ancien français étaient la présence
de l’e central au féminin et le timbre
sourd de la consonne finale au mascu-
lin : [lonk]/[longə]. L’amuïssement des
consonnes finales à des dates diverses et
de l’e muet final au XVIe s. a conduit au
système oral moderne où une consonne
finale marque seule le féminin. Cer-
taines consonnes finales se sont pourtant
conservées au masculin, comme l’r (clair)
et l’l (égal), ou l’f, dont le timbre sourd
maintient une opposition avec le féminin
en v : vif/vive. Des différences de timbre
de la voyelle tonique (mentionnées plus
haut) se sont ajoutées à la marque conso-
nantique, principalement au XVIe s. Dans
les mots qui ont un l seulement au fémi-
nin, la forme de masculin singulier est
refaite (depuis le moyen français) sur le
pluriel : l’ancien français opposait au sin-
gulier bel/belle, au pluriel beaus/belles.

L’opposition des genres a été parfois cher-


chée dans des réfections analogiques.
C’est ainsi que les adjectifs originelle-
ment uniformes ont acquis un féminin
marqué : fort/forte (lat. fortem masc. et
fém.) ; au contraire, les masculins bénin
(XVe s.), malin (XVIe s.) ont été tirés de
benigne, maligne (XIIe s.), masculins et
féminins empruntés du latin (benignus,
malignus), d’après les mots comme voi-
sin, voisine ; mais l’inverse n’est pas sans
exemple : l’ancien français distinguait
chauf/chauve, larc/large, vuit/vuide,
que le français moderne confond sous
chauve, large, vide.

Le français a connu pendant toute son


histoire des procédés de « dérivation
régressive » où se range la création de
noms « déverbaux » formés du radical
des verbes tel qu’il apparaît à la forme
(forte) de première personne du singu-
lier de l’indicatif présent : galop (de galo-
per), réveil (réveiller), espoir (indic. prés.
d’espérer en anc. franç.), aveu (avouer).
Certains de ces dérivés ont un -e final et
sont généralement (mais non forcément)
féminins : visite (visiter), charge (char-
ger), chasse (chasser), etc. (mais branle,
échange, souffle, masculins). Un même
mot peut avoir les deux genres, dans un
sens différent : faire de la casse, faire un
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2159

casse (en arg. : « vol par effraction »).


Quelquefois, deux formes existent, diffé-
rant par le genre et par le sens : trot/trotte,
devis/devise, tir/tire. Nyrop (Grammaire
historique de la langue française, III,
§ 541) compte qu’en ancien français, sur
27 noms déverbaux, 23 étaient mascu-
lins, 4 féminins. Peu à peu, les formes
féminines ont dominé, au point de sup-
planter presque, de nos jours, les formes
masculines : bouffe, casse, cavale, épate,
resquille ; la résonance affective du fémi-
nin peut être une cause de cette prédo-
minance, mais plus probablement le fait
qu’en français moderne le féminin seul
permet de conserver la consonne finale
marquant le radical.

Le suffixe féminin -esse remonte au latin


ecclésiastique -issa, qui l’avait emprunté
au grec pour former surtout des noms
de dignités : abbatissa (abbesse), diaco-
nissa, sacerdotissa ; on l’étendit à des
noms sans féminin étymologique comme
comte, duc, prince : comtesse, duchesse,
princesse ; on l’étendit même au nom de
l’ « âne », dont le féminin latin (asina)
aurait donné asne comme le masculin
asinus, et le suffixe acquit avec asnesse
ses lettres de roture ; il connut dès lors en
français une grande fortune : on rempla-
ça une tigre par une tigresse et l’on ajouta
même -esse à des mots d’emprunt : docto-
resse (XVe s.), poétesse (XVIIe s.), négresse
(XVIIIe s.) ; il est aujourd’hui, des suf-
fixes de féminin, le seul vivant, d’ailleurs
prolifique en français parlé : bougresse,
clownesse, gonzesse, typesse.

Les suffixes du masculin ne sont pas ori-


ginellement flexionnels : canard, dindon,
mulet sont dérivés de caner, de dinde
(masc. et fém.) et du vieux masculin mul ;
compagnon remonte à un dérivé latin po-
pulaire, et compagne est le féminin de son
cas sujet compaing.

Les oppositions de genre suffixales


ajoutent leur valeur propre à l’opposition
flexionnelle : -ier/-ière (lat. -ariu/-aria),
-in/-ine (-inu/-ina), -eux/-euse (-ōsu/-ōsa)
ont une fonction transformationnelle
(adjectivation) ; -eau/-elle (-ellu/-ella),
-et/-ette (-ittu/-itta), -ot/-otte (-ottu/-otta)
sont diminutifs ; etc.
Les mots en -eur/-eure (majeur, mineur,
meilleur, extérieur, inférieur, prieur, etc.)
remontent au suffixe de comparatif -ior,
dont le féminin latin était semblable au
masculin.

D’autres mots en -eur remontent au cas


régime du suffixe latin -ator, dont le cas
sujet avait donné -ere : enchantere (incan-
tator), pechere (peccator) ; l’addition au
cas sujet du suffixe -esse a produit en-
chanteresse, pécheresse, d’où résulta par
fausse coupe le suffixe -eresse, confondu
avec le vieux suffixe -erece, féminin de
-erez (lat. -aricius/-aricia ?), lequel n’a
laissé d’autre vestige en français commun

moderne que, par une autre confusion de


suffixes, les diminutifs couperet et guil-
leret. Comme suffixe de féminin, -eresse
fut très employé au Moyen Âge pour tous
les mots en -eur issus de -atorem (aide-
resse, chanteresse, danseresse), puis éten-
du à quelques autres mots (clergeresse,
diableresse, mireresse) et à des adjectifs
(flateresse, vainqueresse chez R. Gar-
nier) ; il subit au XVIe s. la concurrence,
bientôt... victorieuse, du suffixe -euse ; on
ne le conserve que dans quelques mots
juridiques (bailleresse, défenderesse), lit-
téraires (chasseresse, enchanteresse, ven-
geresse), bibliques (pécheresse) et tech-
niques (tailleresse de monnaies).

Qu’était donc ce suffixe -euse envahis-


sant ? Simplement le suffixe féminin (du
lat. -ōsa) dont le masculin -eux (-ōsus)
se confondait phonétiquement avec -eur
réduit à [ø] par l’amuïssement populaire
ou familier d’-r final et par l’influence
des pluriels où l’-r tombait, régulière-
ment, devant l’-s. En effet, les grammai-
riens du XVIe et du XVIIe s. signalent, en la
condamnant, la prononciation -eux pour
-eur : rageux, menteux, querelleux, etc.
Il en reste les formes rurales faucheux,
rebouteux, rechaumeux, piqueux, et la
prononciation généralisée de Monsieur.
La résistance des grammairiens fit aban-
donner -eux pour -eur, mais on conserva
-euse pour -eresse, au profit de l’isosylla-
bisme des genres.

Un certain nombre de mots latins en -tor


avaient au féminin -trix : adjutor/adju-
trix, victor/victrix, imperator/imperatrix ;
ce suffixe n’a donné par héritage que les
féminins anciens empererriz (imperatri-
cem) et pecherriz (peccatricem) ; il fut em-
prunté après le Moyen Âge sous la forme
savante -trice (impératrice, persécutrice),
qui devint peu à peu la marque du fémi-
nin de tous les noms d’agent de formation
savante en -teur : actrice, admiratrice,
bienfaitrice, conductrice, etc.

Sur le modèle acteur/actrice fut fait am-


bassadrice (1631), féminin d’ambassadeur.

Changements de genre.

Les genres ont évolué, en français comme


en roman, sous l’effet de facteurs formels
et sémantiques.

On a vu que l’initiale vocalique, élidant


l’article, est, en français, cause d’incerti-
tude ; le risque est le plus grand quand la
voyelle est a-, et l’on peut expliquer par
une fausse coupe inconsciente le genre
féminin d’après-midi, d’avant-guerre (la-
prèsmidi, la-vantguerre). On a expliqué
de même le genre féminin en français
populaire d’alcool et d’argent.

La forme bel de l’épithète dans bel ou-


vrage a favorisé la féminisation dans la
langue populaire ou familière (Vaugelas
blâmait déjà la belle ouvrage).

Une finale consonantique, suivie ou non


d’e graphique, est génératrice de confu-
sions avec de nombreuses terminaisons
féminines ; on a expliqué le genre féminin
de cyclamen dans le peuple par l’analogie
des mots en -aine et -eine ; chrysanthème,
de consonance voisine, aurait suivi.

Les mots savants en -a, féminins en la-


tin, comme dahlia, acacia, choléra, ont
été masculinisés sur le modèle des mots
comme état, célibat, ou compas, coutelas.
Les ressemblances de terminaison ont
souvent un rôle déterminant : mensonge,
féminin, a pris le genre de songe. Les mots
italiens en -ello, masculins, adaptés sous
la forme -elle, ont été féminins en fran-
çais : ombrelle (ital. anc. ombrello, devenu
ombrella par l’influence du français),
ritournelle ; les mots en -accio, adaptés en
-ace (populace), ont été féminisés d’après
-asse.

Mais l’analogie a joué souvent à partir


du sens. L’été, féminin en latin, a pris
le genre de l’hiver et du printemps ; la
pendule, « horloge à pendule », a pris le
genre de l’horloge, mot féminin depuis
le XVIIIe s. Le pluriel gens, étymologi-
quement féminin (lat. gentes), a pris le
genre des « hommes », qu’il désigne, mais
le premier usage explique les locutions
vieilles gens, bonnes gens. Jument, « bête
de somme » et masculin au Moyen Âge
(du lat. jumentum, neutre), est devenu
féminin parce que les paysans utilisaient
aux champs les chevaux femelles. Val,
féminin comme en latin vallem, et qui
témoigne ce genre ancien dans le nom
Laval, a pris le genre masculin de son
antonyme mont (amont/aval).

On pourrait aligner quantité de faits


semblables. Les facteurs formels y jouent
un grand rôle, les facteurs de sens un plus
grand. Le sexe est de ces derniers et peut,
à ce titre, déterminer le genre (cf. gens, ju-
ment). Quant à la « sexuisemblance » (in-
tuitivement détectable), elle n’est jamais
qu’un effet, une connotation du genre.

1. gens [ʒɛ̃s] n. f. (mot lat. [v. GENT 1] ;


1866, Littré). Dans la Rome antique, groupe
d’anciennes familles patriciennes portant
le même nom et censées être issues d’un
ancêtre commun : La gens Cornelia.

• Pl. des GENTES [ʒɛ̃tɛs].

2. gens [ʒɑ̃] n. pl. (plur. de gent 1 ; v.


1130, Eneas, au sens II, 3 [au fém. ; par-
fois au masc., dès le début du XIIIe s.] ;
sens I, 1, v. 1207, Villehardouin [vieilles
gens, v. 1530, C. Marot ; jeunes gens, 1538,
R. Estienne — plur. de jeune homme,
1668, Molière ; braves gens, 1687, Bossuet ;
bonnes gens, v. 1207, Villehardouin ; petites
gens, fin du XVe s., Commynes] ; sens I, 2,
v. 1207, Villehardouin [se connaître en
gens, av. 1613, M. Régnier ; être gens à,
1642, Corneille — être gens pour, même
sens, v. 1360, Froissart] ; sens I, 3, 1668,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2160

La Fontaine ; sens II, 1, milieu du XVIe s.,


Amyot [gens de bien, 1611, Cotgrave] ; sens
II, 2, XIIIe s. [gens d’armes, fin du XIIIe s.,
Joinville ; gens de cour, 1642, Corneille ;
gens d’Église, v. 1360, Froissart ; gens d’épée,
1690, Furetière ; gens de lettres, milieu du
XVIe s. ; gens de maison, 1835, Acad. ; gens
de mer, 1636, Monet ; gens de robe, 1530,
Palsgrave] ; sens II, 4, 1273, Adenet ; sens
II, 5, v. 1460, Villon). [V. Rem. 3 pour le
genre de ce mot.]

I. 1. Personnes en nombre indéterminé,


prises collectivement : Un de ces gens
qui sont placés auprès d’un pouvoir quel-
conque (Balzac). Je fis l’esprit fort : bien
des gens auraient fait comme moi (Méri-
mée). Des gens courageux et travailleurs.
Avoir affaire à de méchantes gens. Les
honnêtes gens. La plupart des gens pensent
comme nous. ‖ Vieilles gens, personnes
âgées. ‖ Jeunes gens, adolescents céliba-
taires, filles et garçons : Ces êtres diffi-
ciles à définir que l’on appelle les jeunes
gens (Mérimée) ; spécialem., pluriel de
jeune homme. ‖ Braves gens, personnes
honnêtes et bonnes, recommandables à
tous égards. ‖ Bonnes gens, personnes
simples, qui ont de la bonhomie, voire de
la naïveté : Qu’est-ce qu’ils diraient toutes
ces bonnes gens de ne pas me voir reve-
nir (Proust). ‖ Les petites gens, les per-
sonnes de condition modeste : Comme il
aurait couru avec joie passer les journées
chez telles petites gens avec lesquelles
Odette gardait des relations soit par inté-
rêt soit par simplicité véritable (Proust).
‖ 2. Absol. Les hommes en général : Ne
pas bousculer les gens. Bêtes et gens. Les
gens croient qu’à la guerre nos coeurs
deviennent calleux comme nos mains
(Dorgelès). ‖ Se connaître en gens, savoir
juger la valeur des hommes. ‖ Être gens
à, être capables de : Ce ne sont pas des
gens à vous tromper. ‖ 3. Droit des gens,
v. DROIT.

II. 1. Une certaine catégorie de per-


sonnes. ‖ Gens de..., suivi d’un nom
exprimant la qualité ou l’appartenance à
une catégorie : Ils [...] plaisantaient avec
cette bêtise particulière aux gens d’esprit
(France). Gens de coeur, d’honneur. Gens
du monde. ‖ Gens de bien, ceux qui ont
le sens de la probité et de l’honneur. (V.
Rem. 2.) ‖ 2. Vx. Gens d’armes, au Moyen
Âge, soldats, cavaliers. (V. GENDARME.)
‖ Gens de cour, courtisans. ‖ Gens
d’Église, prêtres, moines : Il [Julien] pro-
tégeait les gens d’Église (Flaubert). ‖ Gens
d’épée, nobles, soldats. ‖ Gens de lettres,
personnes qui font profession d’écrire :
La Société des gens de lettres a pour but
de défendre la situation matérielle et mo-
rale des écrivains. En montrant ce qu’ils
peuvent faire dans les emplois, je veux
défendre les gens de lettres contre les gens
de diplomatie, de comptoir et de bureaux
(Chateaubriand). [V. GENDELETTRE.]
‖ Gens de maison, employés de maison,
domestiques. ‖ Gens de mer, marins,
pêcheurs. ‖ Gens de robe, magistrats,
avocats, etc. ‖ 3. Class. et littér. Groupe
de personnes placées sous les ordres ou
vivant dans l’entourage de quelqu’un ;
domestiques d’un même maître : Un de
mes gens la garde au coin de ce détour
(Molière). En augmentant leurs gages, il
eût sans doute gardé ses gens, mais c’eût
été céder (Montherlant). ‖ 4. Class. et
littér. Partisans, soldats : La moitié de
tes gens doit occuper la porte (Corneille).
Plusieurs de ses gens, qui, penchés sur les
créneaux, halaient d’immenses corbeilles
de viandes (Flaubert). ‖ 5. Class. Per-
sonnes d’une même société : Faites servir
la table, nos gens sont arrivés (Furetière).
Morbleu ! vous n’êtes pas pour être de mes
gens (Molière).

• SYN. : II, 2 monde (fam.) ; 3 domesticité,


employés, maison, personnel.

• REM. 1. Gens pouvait s’employer au


XVIIe s. avec un adjectif numéral cardinal
Cent gens. Il y a là vingt gens qui sont fort
assurés de n’entrer point, et qui ne laissent
pas de se presser et d’occuper toutes les
avenues de la porte (Molière). Cette
construction ne subsiste plus aujourd’hui
que lorsque gens est précédé de certains
adjectifs : Deux pauvres gens. Cinq ou six
jeunes gens. Quatre braves gens.

2. Gens de bien, gens d’esprit, gens du


monde ont pu être pris adjectivement et, à
ce titre, recevoir la marque du comparatif
et du superlatif. Ce tour cité par Littré est
aujourd’hui sorti de l’usage : Après avoir
en notre vie amusé les plus gens de bien
(Gautier).

3. Gens, étymologiquement féminin,


est devenu masculin dès le XIIIe s., pro-
bablement sous l’influence du sens
« hommes ». En conséquence, les adjec-
tifs ou les participes qui le précèdent ou
le suivent prennent la marque du mascu-
lin : Tous les gens vertueux sont heureux.
Quels sont ces gens ? Mais les adjectifs
ou les participes placés immédiatement
avant gens et n’ayant pas une forme
unique prennent la marque du féminin :
Les vieilles gens. Les bonnes gens. Quelles
gens ennuyeux ! Tous les vrais honnêtes
gens. Instruits par l’expérience, toutes les
vieilles gens sont prudents. Gens de suivi
d’un nom indiquant l’état ou la profes-
sion est toujours au masculin : De nom-
breux gens de lettres (Acad.).

1. gent [ʒɑ̃] n. f. (lat. gentem, accus. de


gens, race, famille, peuple, pays, de genere,
forme anc. de gignere, engendrer, produire ;
v. 980, Passion du Christ, au sens 1 [aussi
« nombre indéterminé de personnes »,
XIIe s., Godefroy ; droit des gens — trad.
du lat. jus gentium, de jus, droit, et du génit.
plur. de gens —, 1668, La Fontaine] ; sens
2, 1648, Scarron). 1. Class. et littér. Nation,
peuple : Ô combien lors aura de veuves |

La gent qui porte le turban ! (Malherbe).


La gent tiédie par la paix est sans ardeur
pour combattre hors de ses portes (France).
‖ Droit des gens, v. DROIT. ‖ 2. Class. et lit-
tér. Race, espèce (souvent ironiq.) : La gent
trotte-menu s’en vient chercher sa perte (La
Fontaine). Goya, lui aussi, s’est attaqué à la
gent monastique. Je présume qu’il n’aimait
pas les moines car il les a faits bien laids ;
mais qu’ils sont beaux dans leur laideur et
triomphants dans leur crasse et leur crapule
monacales ! (Baudelaire). La gent écrivante
(Flaubert). La gent ailée, à l’envi, s’ébroue
de joie à sa vue (Giraudoux).

2. gent, e [ʒɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat. genitus, né


de [d’où « bien né », puis « noble », puis
« gracieux, joli »], part. passé de gignere,
engendrer, créer, de genere [v. l’art. pré-
céd.] ; 1080, Chanson de Roland, au sens
de « né d’une famille noble » et au sens
class.). Class. (vieilli et plaisant au XVIIe s.)
oudialect. Joli, gentil : Près de la dame était
une personne [...] | Gente de corps ; il ne
lui manquait rien (La Fontaine). Furieuse
contre cette soeur, plus « gente », comme on
dit ici (Colette).

gentiane [ʒɑ̃sjan] n. f. (lat. gentiana, gen-


tiane [plante] ; XIIIe s., au sens 1, et 1900,
au sens 2, Dict. général). 1. Plante herbacée
des montagnes, à fleurs jaunes, bleues ou
violettes : La grande gentiane a une racine
énorme, à suc amer (Gide). ‖ 2. Par extens.
Boisson apéritive faite avec la racine de
cette plante : Un garnement [...] élève la voix
pour se plaindre avec une amertume non
feinte, et qui semblait émaner d’un verre
de gentiane... (Queneau).

1. gentil [ʒɑ̃ti] n. m. (lat. gentilis, qui


appartient à une famille, à une gens, et,
comme n., « parent [en ligne collatérale],
celui qui appartient à une maison ou à une
nation », et au plur., à basse époque, « les
étrangers, les barbares, les païens » [trad.
du gr. ta ethnê, même sens — plur. de eth-
nos, race, peuple, nation —, qui lui-même
traduit l’hébreu gôïm, « les non-juifs »,
proprem. « les peuples »], de gens, gentis
[v. GENT 1] ; 1488, Mer des histoires, au sens
1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Nom donné
par les Hébreux aux étrangers : Mais le
christianisme, à la parole de saint Pierre,
quoique l’une des très rares religions qui
fussent mal vues à Rome, le christianisme,
issu de la nation juive, s’étend de son côté
aux gentils de toute race (Valéry). ‖ 2. Nom
donné par les premiers chrétiens aux
païens : La conversion des gentils. ‖ L’Apôtre
des gentils, saint Paul, qui fut spécialement
appelé à la conversion des infidèles. ‖ Par
extens. Non-chrétien : Ali, songe-t-il, le
voici pareil aux enfants des gentils, pour
qui l’on ne prie pas (Montherlant).

• SYN. : 2 infidèle, mécréant. — CONTR. :


2 chrétien, fidèle.

• REM. Ce mot s’emploie surtout au


pluriel.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2161

2. gentil, ille [ʒɑ̃ti, -tij] adj. (lat. genti-


lis [v. l’art. précéd.] ; v. 1050, Vie de saint
Alexis, au sens de « qui a une belle âme » ;
sens 1, 1080, Chanson de Roland ; sens 2,
fin du XIIIe s., Adam de la Halle ; sens 3-4,
1690, Furetière [une gentille somme, une
gentille fortune, XXe s.] ; sens 5, v. 1360,
Froissart ; sens 6, début du XXe s. [faire
le gentil, v. 1770, J.-J. Rousseau] ; sens 7,
1666, Molière). 1. Vx. Noble de naissance :
Gentil seigneur. Car vous êtes fils d’un
gentil chevalier (Hugo). ‖ 2. Qui plaît par
une beauté, une grâce délicate : Un gentil
visage. Deux jeunes Bretonnes de dix-huit
ans, fraîches et gentilles (Maupassant). Une
petite femme ronde et gentille (Camus).
‖ 3. Se dit de choses agréables à regarder,
jolies, gracieuses : Un gentil chapeau. De
gentilles pâquerettes (Flaubert). ‖ 4. Se dit
d’une chose qui est estimable en son genre,
quoique la valeur absolue en soit un peu
mince : Un gentil poème. Un gentil petit
salaire. Un gentil talent. ‖ Fam. Une gentille
somme, une gentille fortune, une somme,
une fortune d’une importance assez consi-
dérable. ‖ 5. Qui plaît par sa délicatesse de
coeur, sa complaisance, par ses attentions
prévenantes : Annie gentille, prépare une
chambre pour Marcel (Colette). C’est gentil
à vous. Un mot gentil. ‖ 6. Spécialem. Se dit
d’un enfant qui se conduit bien, qui fait
preuve de sagesse : Avez-vous été gentils
aujourd’hui ? ‖ Substantiv Faire le gentil,
affecter des manières agréables. ‖ 7. Ironiq.
Un gentil procédé, un procédé indélicat.
• SYN. : 2 agréable, aimable, charmant, gra-
cieux, joli, plaisant ; 3 mignon, pimpant ;
4 acceptable, gentillet, potable (fam.) ;
coquet (fam.), joli (fam.), rondelet (fam.) ;
5 attentionné, bon, chic (fam.), complaisant,
empressé, obligeant, prévenant ; 6 calme,
sage, tranquille. — CONTR. : 2 déplaisant,
disgracieux, hideux, laid, malgracieux,
repoussant, vilain ; 3 affreux, grossier,
grotesque, ridicule ; 5 désagréable, déso-
bligeant, détestable, impossible, odieux ;
6 diabolique, infernal (fam.), insupportable,
terrible.

gentilhomme [ʒɑ̃tijɔm] n. m. (de gentil


2 et de homme ; 1080, Chanson de Roland,
écrit gentil hume [gentil home, XIIe s. ;
gentilhomme, XIIIe s.], au sens 3 ; sens 1,
v. 1155, Wace [vivre en gentilhomme, 1668,
La Fontaine] ; sens 2, 1549, R. Estienne
[gentilhomme de parchemin, 1866, Littré]).
1. Class. et littér. Homme de naissance
noble : [La maison] de la Prudoterie, dont
j’ai l’honneur d’être issue ; maison où le
ventre anoblit, et qui, par ce beau privilège,
rendra vos enfants gentilshommes (Molière).
Je suis né gentilhomme. Selon moi, j’ai pro-
fité du hasard du berceau, j’ai gardé cet
amour plus ferme de la liberté qui appar-
tient principalement à l’aristocratie dont la
dernière heure est sonnée (Chateaubriand).
Une ancienne famille de gentilshommes
ruinés sous la Révolution (Flaubert). ‖ Vx
et fam. Vivre en gentilhomme, vivre sans

travailler. ‖ 2. Spécialem. Noble attaché à


la personne du roi ou d’un grand : Henri
IV, une fois la guerre faite, aimait que ses
gentilshommes demeurassent au logis plutôt
qu’à la cour (Sainte-Beuve). Gentilhomme
de la chambre. ‖ Ironiq. Gentilhomme de
parchemin, roturier anobli. ‖ 3. Par anal.
Homme dont la conduite, les manières
témoignent de la noblesse, de la dignité
de ses sentiments : Agir en gentilhomme.
• Pl. des GENTILSHOMMES [ʒɑ̃tizɔm].

gentilhommerie [ʒɑ̃tijɔmri] n. f. (de


gentilhomme ; 1668, Molière, au sens 1 ; sens
2, av. 1825, P.-L. Courier). 1. Vx. Qualité ou
caractère de gentilhomme : Je n’ai aucune
prétention à la gentilhommerie (Augier).
Qu’est-ce en réalité que cette gentilhom-
merie militaire (France). ‖ 2. L’ensemble
des gentilshommes d’un pays : Toute la
gentilhommerie se sauve des campagnes de
peur des paysans (Courier). Elle avait étudié
tous les blasons et toutes les généalogies de
la Bretagne, la province de France la plus
riche en gentilhommerie (Nerval).

• SYN. : 2 aristocratie, noblesse. — CONTR. :


2 roture.

gentilhommesque [ʒɑ̃tijɔmɛsk] adj.


(de gentilhomme ; 1845, Bescherelle).
Propre aux gentilshommes (vieilli) : Elle
est emportée par ses préjugés gentilhom-
mesques (Sarcey).

gentilhommier, ère [ʒɑ̃tijɔmje,


-ɛr] adj. (de gentilhomme ; av. 1848,
Chateaubriand). Qui appartient à un
gentilhomme (rare) : Je ne rencontrais en
rentrant, pour m’occuper, que les parcimo-
nieuses tracasseries du cardinal, les rodo-
montades gentilhommières de l’évêque de
Châlons... (Chateaubriand).

gentilhommière [ʒɑ̃tijɔmjɛr] n. f. (de


gentilhomme ; fin du XVIe s., Vauquelin de
La Fresnaye). Habitation assez importante
à la campagne, de caractère ancien : À ces
vieilles pierres s’appuyaient une tourelle
neuve avec un pigeonnier et une girouette,
qui achevaient de donner à la maison
l’aspect d’une gentilhommière retapée
(Daudet).

• SYN. : manoir.

gentilice [ʒɑ̃tilis] adj. et n. m. (lat. gen-


tilicius, ou -itius, propre à une famille, de
gentilis [v. GENTIL 1] ; 1877, Littré). Se dit
du nom propre à la gens romaine et qui,
dans le nom d’une personne, était intercalé
entre le prénom et le surnom.

& adj. (1907, Larousse). Qui appartenait à


une gens romaine : Terres gentilices.

gentilité [ʒɑ̃tilite] n. f. (lat. gentilitas,


-tatis, parenté de famille, famille, parents,
et, dans la langue ecclés. de basse époque,
« les païens » et « religion païenne », de
gentilis [v. GENTIL 1] ; milieu du XIVe s., aux
sens 1-2). 1. Class. et littér. L’ensemble des
nations païennes, ou gentils : Les prêtres
sortiront du milieu de la gentilité (Bossuet).

‖ 2. Class. Idolâtrie, paganisme : Au milieu


de la gentilité des adorateurs (Bourdaloue).

gentillâtre [ʒɑ̃tijɑtr] n. m. (de gentil 2 ;


gentillâtre [ʒɑ̃tijɑtr] n. m. (de gentil 2 ;
v. 1320, Roman de Fauvel, écrit gentillastre ;
gentillâtre, 1581, Froumenteau). Vx et
péjor. Gentilhomme de petite noblesse
ou de petite fortune : Les hobereaux et
les gentillâtres de province parlant tou-
jours de fumées et de laisses (Gautier). Son
dédain pour ces gentillâtres campagnards
(Theuriet).

• SYN. : noblaillon (fam.), nobliau (fam.).

gentillesse [ʒɑ̃tijɛs] n. f. (de gentil 2 ; v.


1175, Chr. de Troyes, écrit jantillesce [gen-
tillece, v. 1265, J. de Meung ; gentillesse,
XIIIe s., Du Cange], aux sens de « noblesse
de naissance, noblesse d’âme » ; sens 1,
XIIIe s., Du Cange [rare av. le XIXe s.] ; sens
2, 1611, Cotgrave ; sens 3, 1687, Fontenelle ;
sens 4, fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens 5,
1610, Malherbe ; sens 6, av. 1648, Voiture ;
sens 7, av. 1880, Flaubert). 1. Qualité d’une
personne qui fait preuve de bonne grâce,
d’amabilité, de prévenance envers autrui :
Sa gentillesse m’a profondément touché.
Voudriez-vous avoir la gentillesse de me prê-
ter ce livre ? ‖ 2. Action ou parole aimable,
gracieuse, délicate : Vous m’avez comblé de
gentillesse. Cet enfant dit mille gentillesses.
Je m’attendais à un peu plus de lettres, à un
peu plus de gentillesses dans les journaux
(Renard). Brave homme, prêt à toutes les
gentillesses (Butor). ‖ 3. Ironiq. Action ou
parole désagréable, malveillante : Débiter
des gentillesses sur le compte de quelqu’un.
‖ 4. Class. Qualité de ce qui est joli,
agréable, gracieux : L’amour est libéral, mais
c’est avec adresse ; | Le prix de ses présents
en est leur gentillesse (Corneille). ‖ 5. Class.
Chose de peu d’importance, mais non sans
agrément : Un manchon et quelques gants
et autres telles gentillesses (Malherbe). Cet
homme sait faire mille tours de cartes, mille
gentillesses pour réjouir une compagnie
(Furetière). ‖ 6. Class. Trait d’esprit : Peste !
Où prend mon esprit toutes ces gentillesses ?
(Molière). ‖ 7. Ironiq. Chose rébarbative,
ingrate : L’amas de toutes ces gentillesses
constitue ce qu’on appelle l’archéologie cel-
tique (Flaubert).

• SYN. : 1 affabilité, amabilité, aménité,


bienveillance, complaisance, délicatesse,
empressement, obligeance ; 2 attentions,
compliment, égards, gracieuseté, petits
soins, prévenance ; 3 méchanceté, rosserie
(fam.), vilenie. — CONTR. : 1 dureté, mau-
vaise grâce, rudesse.

gentillet, ette [ʒɑ̃tijɛ, -ɛt] adj. (dimin.


de gentil 2 ; 1845, Bescherelle, au sens 2
[un 1er ex. au XVIe s.] ; sens 1, 1866, Littré).
1. Assez gentil, assez agréable : Un peu de
grâce gentillette de la femme (Goncourt).
Une comédie gentillette. ‖ 2. Petit et gentil :
Un blondin gentillet feuillette un livre sur
les genoux de Marie (Huysmans).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2162

• SYN. : 1 joliet (fam.), mignard ;


2 mignonnet.

gentiment [ʒɑ̃timɑ̃] adv. (de gentil 2 ;


fin du XIIe s., Bartsch, Pastourelles [p. 149],
écrit gentilment [gentiment, v. 1200, Poème
moral], au sens 1 ; sens 2, 1580, Montaigne).
1. De façon gentille, aimable : Elle coud
et me fait gentiment compagnie (Colette).
‖ 2. D’une manière agréable à voir, à
entendre : Zézette regardait tout avec avi-
dité, sans perdre son air averti, elle remuait
gentiment ses petites fesses (Sartre). Un bébé
qui jase gentiment.

• SYN. : 1 aimablement, obligeamment ;


2 adorablement (fam.), agréablement,
gracieusement.

gentleman [dʒɛntləman ou ɛɑ̃tləman]


n. m. (mot angl. signif. « homme bien né,
homme du monde, galant homme, pro-
priétaire, rentier », calque du franç. gen-
tilhomme formé avec l’adj. gentle, bien né,
doux [empr. du franç. gentil 2], et le n. m.
man, homme ; 1698, Bonnafé [gentilleman,
« gentilhomme », forme francisée, 1558,
Bonnafé — jusqu’à la fin du XVIIIe s., le
mot gentleman a été appliqué uniquement
à des Anglais]). Homme bien élevé et dis-
tingué : Fabrice se montra un parfait gent-
leman (Stendhal). Sous un costume civil,
ce gentleman là-bas, c’est un prêtre (Gide).
M. Garouste affirmait que, même à Paris,
on ne saurait voir des gentlemen mieux nip-
pés (Mauriac). ‖ Adjectiv. Henri Delétang,
aussi gentleman que possible, salua sa cava-
lière (Butor).

• Pl. des GENTLEMEN [-mɛn].

• SYN. : gentilhomme, homme du monde.

gentleman-farmer
[dʒɛntləmanfarmoer] n. m. (mot angl. signif.
« propriétaire cultivateur », de gentleman
[v. l’art. précéd.], et de farmer, fermier, dér.
de farm, ferme [empr. du franç. ferme, n.
f.] ; 1809, Chateaubriand). Grand proprié-
taire foncier qui exploite lui-même ses
terres : Les gentlemen-farmers n’avaient
point encore vendu leur patrimoine pour
habiter Londres (Chateaubriand).

• Pl. des GENTLEMEN-FARMERS

[dʒɛntləmɛnfarmoers].

gentleman-rider [dʒɛntləmanrajdər
ou ridoer] n. m. (mot angl. signif. « homme
du monde qui monte dans les courses »,
de gentleman [v. GENTLEMAN], et de rider,
cavalier [dér. de to ride, aller à cheval] ; av.
1850, Balzac). Homme élégant qui aime
aller à cheval et monte des chevaux de
course : En attendant le retour du melon
[...], le chapeau décrié, peut-être un peu ridi-
cule, fait parfois une apparition allusive
et presque scandaleuse sur le crâne d’un
officier ministériel, d’un gentleman-rider
(Duhamel). Sir Rufus Flox, gentleman-
rider, pourquoi aviez-vous donné votre nom
à votre cheval ? (Supervielle). ‖ Spécialem.
Jockey amateur, dans les courses de che-

vaux : Il connaît le turf et tous les gentle-


menriders, dit l’enfant (Balzac).

• Pl. des GENTLEMEN-RIDERS


[dʒɛntləmɛnrajdərs ou -ridoers].

gentleman’s agreement
[dʒɛntləmansagrimənt] n. m. (loc. angl.,
de gentleman [v. GENTLEMAN], et de agree-
ment, accord, dér. de to agree, être d’accord,
s’accorder [empr. du franç. agréer] ; fin du
XIXe s.). Accord entre hommes d’État sur
la base de la confiance réciproque, sans
rédaction d’un texte écrit de caractère
officiel.

• Pl. des GENTLEMEN’S AGREEMENTS

[dʒɛntləmɛnsagrimənts].

gentry [dʒɛntri] n. f. (mot angl. signif.


« naissance, condition noble, les gens bien
élevés, la haute bourgeoisie », empr. de l’anc.
franç. gentelise, genterise, noblesse [XIIe s.,
Partenopeus de Blois], dér. de gentil 2 ; 1692,
Chamberlayne, au sens 1 ; sens 2, milieu
du XIXe s., Baudelaire). 1. Ensemble des
familles anglaises ayant droit à des armoi-
ries, mais non titrées ; petite noblesse (par
opposition à nobility, la noblesse titrée).
‖ 2. Haute société en France : Il y a dans
la gentry parisienne quatre jeunesses dis-
tinctes (Baudelaire). La duchesse Padovani
accapare les ducs, la gentry de l’Institut
(Daudet).

génuflexion [ʒenyflɛksjɔ̃] n. f. (lat.


médiév. genuflexio, dér. du bas lat. ecclés.
genuflectere, fléchir le genou [du lat. class.
genu, genou, et flectere, courber, ployer,
fléchir], d’après le lat. class. flexio, flexion
[de flexum, supin de flectere] ; XIVe s.,
Godefroy). Action de fléchir le genou en
signe d’adoration, de respect, de soumis-
sion : La génuflexion devant l’idole ou
devant l’écu atrophie le muscle qui marche
et la volonté qui va (Hugo). Ils s’arrêtèrent
devant messire Guillaume Chappedelaine
et lui firent de profondes génuflexions
(France). Celles-ci cependant faisaient
devant l’Altesse debout une révérence qui
allait jusqu’à la génuflexion, de manière à
mettre leurs lèvres à la hauteur de la belle
main qui pendait très bas et à la baiser
(Proust).

• SYN. : agenouillement, prosternation.

& génuflexions n. f. pl. (1872, Larousse).


Fig. et fam. Marques de respect, de soumis-
sion excessives : La France [...] faisait des
génuflexions à Olivier Cromwell (Hugo).

géo- [ʒeo], premier élément de mots


savants, tiré du gr. gê, terre, d’après des
composés grecs tels que geôgraphia (v.
GÉOGRAPHIE).

géobiologie [ʒeobijɔlɔʒi] n. f. (de géo- et


de biologie ; XXe s.). Science qui s’occupe
des rapports de l’évolution cosmique et
géologique de la planète avec celle de la
matière vivante et des organismes qu’elle
constitue.

géobotanique [ʒeobɔtanik] n. f. (de géo-


et de botanique ; XXe s.). Étude de la dis-
tribution des végétaux à la surface du sol.

géocentrique [ʒeɔsɑ̃trik] adj. (de géo-


et de centre ; 1732, Trévoux, au sens 2
[mouvement géocentrique d’une planète,
1808, Laplace] ; sens 1, 1866, Littré ; sens
3, 1877, Littré). 1. Qui prend comme point
de référence le centre de la Terre : La lati-
tude géocentrique est une latitude terrestre
rapportée au centre de la Terre. ‖ 2. Qui
est rapporté à la Terre prise comme centre
d’observation (par opposition à hélio-
centrique) : Coordonnées géocentriques.
‖ Mouvement géocentrique d’une planète,
mouvement apparent d’un astre vu de la
Terre. ‖ 3. Qui considère la Terre comme
le centre de l’univers : Il n’était pas sujet à
l’illusion géocentrique (Hermant).

géocentrisme [ʒeɔsɑ̃trism] n. m. (de


géocentrique ; XXe s.). Théorie astrono-
mique qui faisait de la Terre le centre de
l’univers.

géochimie [ʒeoʃimi] n. f. (de géo- et


de chimie ; 1838, d’après Larousse, 1962).
Étude chimique du globe terrestre.

géochimique [ʒeoʃimik] adj. (de géochi-


mie ; XXe s.). Qui se rapporte à la géochimie.

géochimiste [ʒeoʃimist] n. (de géochi-


mie ; XXe s.). Spécialiste de géochimie.

géochronologie [ʒeokrɔnɔlɔʒi] n. f. (de


géo- et de chronologie ; milieu du XXe s.).
Échelle chronologique permettant de dater
les événements successifs qui ont affecté le
globe terrestre.

géocratique [ʒeɔkratik] adj. (de géo- et


du gr. kratos, force, domination, puissance ;
XXe s.). Se dit, en géologie, d’une période
de l’histoire du globe où les continents
l’emportent sur la mer.

géode [ʒeɔd] n. f. (lat. geodes, n. d’une


pierre précieuse, de l’adj. gr. geôdês, sem-
blable à de la terre, terreux, et, au neutre
geôdes employé comme n., « nature ter-
reuse », de gê, terre, et de eidos, apparence,
aspect ; milieu du XVIe s., écrit géodès
[géode, 1752, Trévoux], au sens 1 ; sens 2,
1962, Larousse). 1. Masse minérale creuse
dont la cavité intérieure est tapissée de cris-
taux ou de concrétions. ‖ 2. Perte de subs-
tance pathologique des poumons ou des os.

géodésie [ʒeɔdezi] n. f. (gr. geôdaisia,


géodésie, de gê, terre, et de daiein, diviser,
partager ; 1647, Bobynet). Science ayant
pour objet de mesurer la Terre et ses parties
et d’en étudier la forme.

géodésien [ʒeɔdezjɛ̃] n. m. (de géodé-


sie ; 1866, Littré). Spécialiste versé dans
la recherche et l’étude des données per-
mettant de déterminer les caractéristiques
du globe terrestre (dimensions, forme,
irrégularités).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2163

géodésique [ʒeɔdezik] adj. (de géodé-


sie ; 1742, Histoire de l’Acad. des sciences
[ligne géodésique, 1872, Larousse ; géo-
désique, n. f., XXe s.]). Qui se rapporte
à la géodésie : Opérations géodésiques.
‖ Ligne géodésique, ou, substantiv., une
géodésique, ligne la plus courte joignant les
deux points d’une surface : La disposition
[sur une coquille] des courbes qui, sillons
ou rubans de couleur, suivent la forme, et
celle des lignes qui les coupent, font songer
à des « géodésiques » (Valéry). ‖ Par extens.
Polygone géodésique, polygone tracé sur
une surface et dont les côtés sont des lignes
géodésiques.

géodésiquement [ʒeɔdezikmɑ̃] adv.


(de géodésique ; 1829, Boiste). D’après les
règles de la géodésie.

géodynamique [ʒeɔdinamik] n. f. (de


géo- et de dynamique ; fin du XIXe s.).
Étude des phénomènes qui modifient
l’écorce terrestre. (On dit aussi GÉOLOGIE
DYNAMIQUE.)

géognosie [ʒeɔgnɔzi] n. f. (de géo- et du


gr. gnôsis, connaissance [de gignôskein,
apprendre à connaître, comprendre] ; 1802,
Werner). Syn. désuet de GÉOLOGIE.

géographe [ʒeɔgraf] n. (lat. geographus,


géographe, gr. geôgraphos, qui décrit la
Terre, de gê, terre, et de graphein, écrire,
décrire ; 1542, Godefroy). Personne qui
s’adonne à l’étude ou à l’enseignement de
la géographie : M. de Lessay était géographe,
et personne, à ce que je crois, ne s’est montré
aussi fier que lui de s’occuper de la figure
de ce globe (France).

géographie [ʒeɔgrafi] n. f. (lat. geogra-


phia, description des lieux, géographie,
gr. geôgraphia, description de la Terre, de
geôgraphos [v. GÉOGRAPHE] ; av. 1525, J.
Lemaire de Belges, au sens 1 [géographie
linguistique, 1912, Gilliéron] ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, 1835, Acad. ; sens 4, 1866,
Littré). 1. Science ayant pour objet la des-
cription de la surface du globe terrestre
et l’étude des phénomènes physiques,
biologiques et humains qui y sont locali-
sés : La géographie générale, économique,
humaine, physique. Carte de géographie.
‖ Géographie linguistique, science qui a
pour objet de déterminer les aires d’ex-
tension des phénomènes linguistiques.
‖ 2. Système de théories géographiques :
La géographie de Strabon. ‖ 3. Les faits,
les phénomènes qu’étudie cette science :
La géographie des Alpes est complexe.
‖ 4. Ouvrage, manuel qui traite de cette
science : On voyait [...] sur la commode la
géographie en estampes (Flaubert).

géographier [ʒeɔgrafje] v. tr. (de géo-


graphie ; v. 1870, Th. Gautier, au sens de
« marquer de points géographiques » ; sens
actuel, 1907, Larousse). Faire la descrip-
tion géographique de quelque chose, en
avoir une vue géographique (rare) : Un

vrai Siennois, qui géographie sa ville par


quartiers (Bourget).

géographique [ʒeɔgrafik] adj. (bas lat.


geographicus, géographique, gr. geôgra-
phikos, qui concerne la description de la
Terre, de géographe, géographique, de geô-
graphos [v. GÉOGRAPHE] ; 1545, Jacquinot
[forme géographique, 1962, Larousse]).
Qui se rapporte à la géographie : Institut
géographique national. Le problème géogra-
phique qui tient toute l’Europe savante en
suspens (Mérimée). Jusqu’ici, la grandeur
d’un conquérant était géographique. Elle se
mesurait à l’étendue des territoires vain-
cus (Camus). ‖ Forme géographique, forme
d’un être vivant qui prédomine dans une
région définie de l’aire habitée par l’espèce
et qui ne se rencontre pas, ou se rencontre
rarement, en dehors de cette région.

géographiquement [ʒeɔgrafikmɑ̃]
adv. (de géographique ; XVIe s., Godefroy).
Du point de vue géographique ; selon les
principes ou les faits géographiques.

géohistoire [ʒeoistwar] n. f. (de géo- et


de histoire ; milieu du XXe s.). Étude de
l’histoire adoptant comme cadre les états
successifs de l’humanité sur la Terre.

géoïde [ʒeɔid] n. m. (de géo- et de -ide, gr.


eidos, forme, apparence ; 1888, Larousse).
Volume géométrique ayant la forme ellip-
soïdale de la Terre.

geôlage [ʒolaʒ] n. m. (de geôle ; 1306,


Godefroy, écrit geolaige ; XVIe s., Du Cange,
écrit geollage ; geôlage, 1690, Furetière).
Ancienn. Droit payé au geôlier ou au sei-
gneur à l’entrée ou à la sortie de chaque
prisonnier.

geôle [ʒol] n. f. (bas lat. caveola, petite


cage, dimin. du lat. class. cavea, cavité, cage,
dér. de l’adj. cavus, creux, creusé, profond ;
v. 1155, Wace, écrit gaole ; v. 1220, G. de
Coincy, écrit jaiole ; XIIIe s., Roman de
Renart, écrit jeole ; geole, geôle, XIVe s. [« lieu
dans lequel on vit comme emprisonné »,
1580, Montaigne ; « asservissement moral »,
fin du XIVe s., E. Deschamps]). Vx et littér.
Prison, cachot : Le prisonnier s’habitue à
sa geôle (Balzac). ‖ Par extens. Lieu dans
lequel on vit comme emprisonné : Il regar-
dait [...] le faubourg ouvrier aux masures
branlantes [...]. C’était là [...] l’antique geôle
du salariat (Zola). ‖ Fig. Asservissement
moral : Ma noble souveraine qui me tient
dans tes geôles (Verlaine).

geôlier, ère [ʒolje, -ɛr] n. (de geôle [v.


ce mot] ; 1298, Dict. général, écrit jeolier ;
1333, Varin, écrit geolier ; geôlier, XVIIe s.
[au fig., av. 1549, Marguerite de Navarre]).
Vx et littér. Personne qui garde les prison-
niers ; concierge d’une prison : Tromper la
vigilance de ses geôliers ; et au fig. : Les lois
doivent être les tutrices et non les geôlières
de la liberté (Hugo).

• SYN. : gardien, guichetier, porte-clefs.

géologie [ʒeɔlɔʒi] n. f. (de géo- et de


-logie [du gr. logos, discours, science], sur
le modèle de géographie ; 1751, Diderot,
au sens 1 [l’ital. geologia, de formation
analogue à celle du mot franç., apparaît
dès le début du XVIIe s.] ; sens 2-3, début
du XXe s.). 1. Science ayant pour objet
d’étudier l’histoire du globe terrestre, les
aspects et la disposition des matériaux qui
le composent. ‖ 2. Ouvrage, manuel qui
expose cette science : Acheter une géologie.
‖ 3. Ensemble des roches, des terrains et
des phénomènes objets de cette science :
La géologie du Massif central.

géologique [ʒeɔlɔʒik] adj. (de géologie ;


1798, Deluc). Qui se rapporte à la géologie,
qui est défini dans le cadre de cette science :
Une carte géologique. Un demi-siècle, à mon
âge, semble quelque chose qui ne s’écoule
pas, une période géologique (Arnoux).

géologiquement [ʒeɔlɔʒikmɑ̃] adv. (de


géologique ; 1845, Bescherelle). Du point de
vue de la géologie : Deux régions géologi-
quement semblables.

géologue [ʒeɔlɔg] n. (de géologie ; 1798,


Deluc). Personne qui s’adonne à l’étude
de la géologie : Un congrès de géologues.

géomagnétique [ʒeɔmaɲetik] adj. (de


géo- et de magnétique ; 1962, Larousse).
Qui se rapporte au magnétisme terrestre.

géomagnétisme [ʒeɔmaɲetism] n. m.
(de géo- et de magnétisme ; 1962, Larousse).
Syn. de MAGNÉTISME TERRESTRE.

géomancie [ʒeɔmɑ̃si] n. f. (bas lat. geo-


mantia, divination par la terre, gr. geôman-
teia, même sens, de gê, terre, et de manteia,
faculté de prédire, dér. de manteuesthai,
interpréter, deviner, conjecturer, de man-
tis, devin ; fin du XIIIe s., écrit jomansie ;
géomancie, 1495, J. de Vignay). Divination
pratiquée par les Arabes et fondée sur l’exa-
men des figures formées par une poignée
de terre, des cailloux, etc., jetés au hasard
sur une table.

• REM. On a dit aussi GÉOMANCE (1577,


Jamyn) : Merlin, après avoir ouvert ses
livres de géomance, leur dit : [...]« Le sort la
destine à épouser un vilain » (Mérimée).

géomancien, enne [ʒeɔmɑ̃sjɛ̃, -ɛn] n.


(de géomancie ; v. 1560, Paré). Personne
qui pratique la géomancie.

géométral, e, aux [ʒeɔmetral, -o] adj.


(de géomètre ; 1665, A. Bosse). Qui repré-
sente un ouvrage avec ses dimensions
relatives sans égard à la perspective : Des
vues perspectives et cavalières remplacent
les élévations géométrales (Mérimée). Un
plan géométral.

& géométral n. m. (XXe s.). Dessin à une


échelle déterminée, indiquant les hauteurs,
les largeurs et les profondeurs d’un édi-
fice ou d’un objet, ainsi que ses véritables
contours.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2164

géométralement [ʒeɔmetralmɑ̃] adv.


(de géométral ; 1547, A. Mizauld, puis 1829,
Boiste). D’une manière géométrale.

géomètre [ʒeɔmɛtr] n. m. (lat. geo-


metres, géomètre, gr. geômetrês, géo-
mètre, arpenteur, de gê, terre, et de metreîn,
mesurer, dér. de metron, mesure ; v. 1300,
Godefroy, au sens 1 [« mathématicien »,
1655, Pascal] ; sens 2, 1637, Crespin [géo-
mètre expert, XXe s.] ; sens 3, 1803, Boiste).
1. Personne qui s’occupe de géométrie ou
qui connaît la géométrie : Euclide était un
grand géomètre. Les premiers géomètres
étaient sans doute des hommes que leurs
calculs et leurs figures divertissaient à
l’écart, et qui ne pensaient point qu’un jour
les résultats de leurs passe-temps rigoureux
serviraient à quelque chose : à élucider le
système du monde et à découvrir les lois
de la nature (Valéry). ‖ Par extens. et vx.
Mathématicien. ‖ 2. Spécialiste des opéra-
tions de levé de terrains : Il lui déplaisait
de voir [...] des géomètres venus d’Italie tra-
cer des routes à travers les forêts sacrées
(France). ‖ Géomètre expert, technicien
qualifié qui mesure, calcule, délimite,
représente et estime la propriété privée et
sa contenance. ‖ 3. Belle phalène d’un vert
pâle varié de blanc et de vert foncé, dont
la chenille dite arpenteuse semble mesurer
le terrain en se déplaçant, son corps étant
arqué et tendu alternativement.

géométridés [ʒeɔmetride] n. m. pl. (de


géomètre et de -idé, du gr. eidos, forme,
apparence ; XXe s.). Famille d’insectes
lépidoptères.

• SYN. : phalènes.

géométrie [ʒeɔmetri] n. f. (lat. geome-


tria, arpentage, géométrie, gr. geômetria,
mêmes sens, de geômetrês [v. GÉOMÈTRE] ;
v. 1175, Chr. de Troyes, au sens 1 [géométrie
plane, géométrie à trois dimensions, 1872,
Larousse ; géométrie à deux dimensions,
XXe s. ; géométrie dans l’espace, 1900, Dict.
général ; géométrie analytique, av. 1650,
Descartes ; géométrie descriptive, fin du
XVIIIe s. ; géométrie euclidienne, fin du
XIXe s.] ; sens 2, 1835, Acad. ; sens 3, 1655,
Pascal ; sens 4, XXe s. [« ce qui évoque une
figure de géométrie », av. 1885, V. Hugo
— « sens des proportions », 1677, Bossuet]).
1. Science ayant pour objet l’étude rigou-
reuse de l’espace et des formes qu’on peut
y imaginer : Un théorème de géométrie.
‖ Géométrie plane, ou à deux dimen-
sions, géométrie qui opère dans un plan.
‖ Géométrie dans l’espace, ou à trois
dimensions, géométrie qui opère dans
l’espace à trois dimensions. ‖ Géométrie
analytique, géométrie où l’on a introduit
des coordonnées réduites à une applica-
tion du calcul algébrique et de l’analyse.
‖ Géométrie descriptive, géométrie qui
étudie des figures de l’espace à partir de
leur projection orthogonale sur deux plans
perpendiculaires entre eux. ‖ Géométrie

euclidienne, géométrie qui accepte le pos-


tulat d’Euclide, selon lequel par un point
d’un plan on ne peut mener qu’une paral-
lèle à une droite de ce plan. ‖ 2. Ouvrage,
manuel traitant de cette science. ‖ 3. Vx.
Science mathématique : La géométrie
ne peut définir ni le mouvement, ni les
nombres, ni l’espace (Pascal). ‖ Esprit de
géométrie, esprit de rigueur mathématique,
que Pascal oppose à l’esprit de finesse.
‖ 4. Régularité dans la disposition des
éléments d’un ensemble : Un tracé, une
figure d’une géométrie parfaite. ‖ Fig. Ce
qui évoque une figure de géométrie : Une
géométrie sort de la vague (Hugo).

géométrique [ʒeɔmetrik] adj. (lat. geo-


metricus, qui concerne l’arpentage ou la
géométrie, gr. geômetrikos, même sens, de
geômetrês [v. GÉOMÈTRE] ; 1371, Oresme,
au sens 1 ; sens 2, 1831, V. Hugo ; sens 3,
milieu du XVIe s., Amyot [esprit géomé-
trique, 1655, Pascal]). 1. Qui appartient à
la géométrie : Construction, démonstration,
figure géométrique. ‖ 2. Qui présente des
contours simples et nets, qui a un dessin
régulier comme une figure de géométrie :
Au-dessous de moi le beau jardin s’apla-
nit, géométrique aux places découvertes
(Colette). ‖ 3. Qui a l’exactitude, la rigueur
inhérentes à la géométrie (vieilli) : Il igno-
rait des faits d’une évidence géométrique
(Balzac). Le défilé géométrique des poteaux
du télégraphe (Zola). ‖ Esprit géométrique,
esprit épris d’exactitude et de rigueur.

géométriquement [ʒeɔmetrikmɑ̃] adv.


(de géométrique ; XIVe s., Littré, au sens 2 ;
sens 1, 1655, Pascal). 1. D’une manière géo-
métrique : Résoudre un problème géométri-
quement. ‖ 2. D’une manière très exacte,
précise, rigoureuse (vieilli) : Voilà qui est
géométriquement établi.

géométrisant, e [ʒeɔmetrizɑ̃, -ɑ̃t]


adj. (part. prés. de géométriser ; milieu
du XXe s.). Qui prend ou qui donne un
caractère géométrique (rare) : Un art
géométrisant.

géométrisation [ʒeɔmetrizasjɔ̃] n. f.
(de géométriser ; 1963, Serrulaz). Le fait de
devenir géométrique ; action de donner un
caractère géométrique à quelque chose.
(Rare.)

géométriser [ʒeɔmetrize] v. intr. (de


géométrique ; 1749, Diderot). Vx. Procéder
de manière géométrique : L’Être suprême
qui, selon l’expression ingénieuse d’un géo-
mètre anglais, géométrise perpétuellement
dans l’univers (Diderot).
& v. tr. (1845, Bescherelle). Doter de carac-
tères géométriques.

géomorphogenèse [ʒeɔmɔrfoʒənɛz]
n. f. (de géo- et de morphogenèse ; 1962,
Larousse). Élaboration des formes du relief
de la surface terrestre.

géomorphogénie [ʒeɔmɔrfoʒeni] n. f.
(de géo-, de morpho- [élément tiré du grec

morphê, forme] et de -génie [du gr. gennân,


engendrer, produire] ; XXe s.). Science qui
étudie la formation du relief terrestre.

géomorphologie [ʒeɔmɔrfɔlɔʒi] n. f.
(de géo- et de morphologie ; 1950, Baulig
[géomorphologie climatique, structurale,
1962, Larousse]). Partie de la géographie
physique qui a pour objet la description
et l’explication du relief terrestre actuel,
fondées sur l’étude de son évolution.
‖ Géomorphologie climatique, étude de
l’influence du climat sur l’évolution des
formes de relief. ‖ Géomorphologie struc-
turale, étude de l’influence de la structure
géologique sur les formes de relief.

géomorphologique [ʒeɔmɔrfɔlɔʒik]
adj. (de géomorphologie ; 1962, Larousse).
Qui se rapporte à la géomorphologie.

géonémie [ʒeɔnemi] n. f. (de géo- et


du gr. nemein, distribuer, partager ; 1962,
Larousse). Science qui étudie les conditions
et l’état de la distribution des organismes
à la surface de la Terre.

géonyme [ʒeɔnim] n. m. (de géo- et du


gr. onoma, nom, d’après patronyme ; 1872,
Larousse). Nom de lieu adopté comme nom
propre.

géopélie [ʒeɔpeli] n. f. (de géo- et du gr.


peleia, pigeon, colombe ; 1872, Larousse).
Très petit pigeon d’Australie, souvent
élevé en cage, en Europe, sous les noms
de colombe diamant, colombe tranquille.

géophage [ʒeɔfaʒ] adj. et n. (de géo- et


de -phage, du gr. phageîn, infin. aoriste de
esthiein, manger ; 1827, Acad.). Qui mange
de la terre.

géophagie [ʒeɔfaʒi] n. f. (de géo- et de


-phagie, du gr. phageîn [v. l’art. précéd.] ;
1866, Littré). Absorption de terre, pratiquée
par l’homme et par les animaux lorsque
leur régime est carencé en sels minéraux.
géophile [ʒeɔfil] n. m. (de géo- et de
-phile, gr. philos, ami ; 1827, Acad.). Mille-
pattes venimeux, aveugle, lumineux, man-
geur d’insectes et de racines, caractérisé
par le grand nombre de ses anneaux.

géophone [ʒeɔfɔn] n. m. (de géo- et


de -phone, du gr. phônê, son, voix ; 1872,
Larousse, au sens de « genre de coquilles
univalves cloisonnées » ; sens 1-2, 1962,
Larousse). 1. Instrument d’écoute ser-
vant à déceler les bruits provenant du sol.
‖ 2. Sismographe utilisé dans la prospec-
tion sismique.

géophysicien, enne [ʒeɔfizisjɛ̃, -ɛn] n.


(de géophysique, d’après physicien ; 1944,
Simonet). Personne qui s’adonne à l’étude
de la géophysique.

géophysique [ʒeɔfizik] n. f. (de géo- et


de physique ; 1907, Larousse). Physique du
globe, étude de la structure d’ensemble
du globe terrestre et des mouvements qui
l’affectent : Observatoire de géophysique.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2165

& adj. (1950, Rothé). Relatif à la physique


du globe : Union géodésique et géophysique
internationale.

géophyte [ʒeɔfit] n. f. (de géo- et de


-phyte, gr. phuton, tout ce qui pousse ou
se développe, dér. de phuein, pousser,
croître ; 1872, Larousse). Plante possédant
des organes souterrains pérennants (bulbe,
rhizome, tubercules, etc.).

géopoliticien [ʒeɔpɔlitisjɛ̃] n. m. (de


géopolitique, d’après politicien ; 1962,
Larousse). Spécialiste de géopolitique.

géopolitique [ʒeɔpɔlitik] n. f. (francisa-


tion de l’allem. Geopolitik [début du XXe s.],
de geo- et de Politik, politique, préf. et n. de
même étym. que le franç. géo- et politique,
n. f. [v. ces mots] ; 1936, E. Short). Étude
des rapports qui existent entre les données
naturelles et les États et leur politique.

géoponie [ʒeɔpɔni] n. f. (gr. geôpo-


niê, travail de la terre, agriculture, dér.
de geôponos, celui qui travaille la terre,
cultivateur, de gê, terre, et de penesthai,
accomplir un travail pénible, exécuter,
préparer ; 1845, Bescherelle). Culture de
la terre, agriculture.

géoponique [ʒeɔpɔnik] adj. (gr. geôpo-


nikos, qui concerne l’agriculture [le plur.
neutre substantivé geôponika était le titre
d’un recueil d’extraits de traités d’agri-
culture et d’horticulture compilés par
Cassianus Bassus], de geôponos [v. l’art.
précéd.] ; 1786, Brunot). Qui se rapporte
aux travaux agricoles.

& n. f. (1845, Bescherelle). Ensemble des


connaissances relatives à la culture des
champs.

géorama [ʒeɔrama] n. m. (de géo- et de


[pano]rama ; 1822, d’après Darmesteter,
1877). Représentation en relief et sur une
grande échelle de la totalité ou d’une partie
de la surface terrestre.

1. géorgien, enne [ʒeɔrʒjɛ̃, -ɛn] adj.


et n. (de Géorgie, n. géogr. ; av. 1850,
Balzac). Qui se rapporte à la Géorgie (auj.
République socialiste soviétique) ou à ses
habitants ; habitant ou originaire de cette
région : Le son de l’or eut le pouvoir de des-
siner un sourire sur l’immobile physionomie
de la Géorgienne (Balzac).

& géorgien n. m. (1872, Larousse). Langue


caucasienne parlée dans la république de
Géorgie (U. R. S. S.).

2. géorgien [ʒeɔrʒjɛ̃] adj. et n. m. (de


Georgia, n. d’une ville des États-Unis
[Vermont] ; XXe s.). Se dit de l’étage infé-
rieur du cambrien, en géologie.

géorgique [ʒeɔrʒik] adj. (lat. georgi-


cus, relatif à l’agriculture, gr. geôrgikos,
même sens, de geôrgos, cultivateur ; 1771,
Trévoux). Littér. Qui se rapporte aux tra-
vaux des champs : Quelque âpreté se mêle
aux saveurs géorgiques (Verlaine).

& géorgiques n. f. pl. (1732, Richelet).

Poème sur la vie rustique.

géoséismique [ʒeɔseismik] ou géo-


sismique [ʒeɔsismik] adj. (de géo- et de
séismique, sismique ; 1962, Larousse). Se dit
des méthodes de prospection des couches
terrestres fondées sur l’étude des ondes
émises en profondeur par une explosion.

géostationnaire [ʒeɔstasjɔnɛr] adj.


(de géo- et de stationnaire ; 10 nov. 1966,
le Figaro). Se dit d’un satellite artificiel qui
gravite sur une trajectoire équatoriale et
dont le déplacement suit le mouvement de
rotation de la Terre, paraissant immobile
à un observateur terrestre.

géostatique [ʒeɔstatik] n. f. (de géo- et


de statique ; 1757, Encyclopédie). Statique
du globe terrestre.

géosynclinal [ʒeɔsɛ̃klinal] n. m. (de


géo- et de synclinal ; 1875, d’après Larousse,
1888). Ride importante de l’écorce ter-
restre, par laquelle on explique l’accu-
mulation ancienne de sédiments d’une
épaisseur considérable, suivant certaines
aires allongées qui ont été ultérieurement
plissées.

& géosynclinal, e, aux adj. (XXe s.). Qui


appartient à un géosynclinal : Dépôts
géosynclinaux.

géotactisme [ʒeɔtaktism] n. m. (de géo-


et du gr. taktos, réglé, ordonné, commandé,
dér. de tassein ou tattein, ranger, régler,
ordonner ; 1888, Larousse). Mouvement
forcé d’une cellule, d’un organisme ou
d’une partie d’un organisme, déclenché
par la pesanteur et indifférent à tous autres
phénomènes que ceux de gravitation.

géotaxie [ʒeɔtaksi] n. f. (de géo- et du gr.


taxis, arrangement, ordre, prescription, dér.
de tassein [v. l’art. précéd.] ; 1962, Larousse).
Réaction du protoplasme cellulaire à l’ac-
tion de la pesanteur.

géothermal, e, aux [ʒeɔtɛrmal, -o] adj.


(de géo- et de thermal ; 1962, Larousse).
Dont la haute température est due au séjour
ou au passage dans les profondeurs de la
Terre : Eau géothermale.

géothermie [ʒeɔtɛrmi] n. f. (de géo- et


de -thermie, du gr. thermon, chaleur, neutre
substantivé de l’adj. thermos, chaud ; 1866,
Littré, au sens 1 [« forme d’énergie calo-
rifique d’origine profonde », milieu du
XXe s.] ; sens 2, XXe s.). 1. Chaleur interne
de la Terre. ‖ Spécialem. Forme d’énergie
calorifique d’origine profonde (magma-
tique). ‖ 2. Étude des phénomènes ther-
miques dont le globe terrestre est le siège.

géothermique [ʒeɔtɛrmik] adj. (de


géothermie ; 1866, Littré [degré, gradient,
énergie géothermique, XXe s.]). Qui se rap-
porte à la chaleur de la Terre. ‖ Degré
ou gradient géothermique, profondeur
d’enfoncement dans le sol correspondant
à une élévation de température de 1 °C : Le

gradient géothermique est de l’ordre de 33


m pour la couche superficielle de l’écorce
terrestre. ‖ Énergie géothermique, énergie
extraite des eaux chaudes et de la vapeur
engendrées par l’échauffement des eaux
artésiennes dans les régions à gradient
géothermique élevé.

& n. f. (1962, Larousse). Syn. de


GÉOTHERMIE.

géotropique [ʒeɔtrɔpik] adj. (de géo-


tropisme ; fin du XIXe s.). Qui se rapporte
au géotropisme.

géotropisme [ʒeɔtrɔpism] n. m. (de


géo- et de tropisme ; 1868, d’après Larousse,
1888). Orientation de croissance des axes
végétaux (racines, tiges, rameaux, etc.) en
fonction de la direction de la pesanteur :
Les tiges des plantes ont un géotropisme
négatif ou ascentionnel.

géotrupe [ʒeɔtryp] n. m. (de géo- et du gr.


trupân, percer, trouer ; 1827, Acad.). Insecte
coléoptère du groupe des bousiers.

géoxène [ʒeɔksɛn] n. m. (de géo- et du


gr. xenos, étranger, proprem. « étranger à
la Terre » ; 1962, Larousse). Fer natif, nic-
kélifère, d’origine météorique.

gérance [ʒerɑ̃s] n. f. (de gérant ; 1843,


Balzac, au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré ; sens
3, XXe s.). 1. Fonction de gérant : Assumer
la gérance d’une société, d’un immeuble.
‖ 2. Durée de cette fonction : Une gérance
de dix ans. ‖ 3. Administration par gérant :
Mettre un fonds de commerce en gérance.
‖ Gérance libre ou gérance-location,
exploitation d’un fonds de commerce par
une personne qui n’en est en fait que le
locataire, et qui verse une redevance au
propriétaire.

géraniacées [ʒeranjase] n. f. pl. (dér.


savant de géranium ; 1845, Bescherelle [var.
géraniées, 1829, Boiste]). Famille de plantes
de l’ordre des géraniales, caractérisée par
le parfum spécial de ses fleurs, le fruit
en forme de bec d’oiseau, la pilosité des
tiges, et qui comprend le géranium et le
pélargonium.

géraniales [ʒeranjal] n. f. pl. (dér. savant


de géranium ; 1962, Larousse). Ordre de
plantes à fleurs (dicotylédones) à corolle
dialypétale, comprenant de très nom-
breuses espèces, réparties dans les familles
des géraniacées, des linacées, des oxali-
dacées, etc.

géraniol [ʒeranjɔl] n. m. (de géra-ni[um]


et de [alco]ol ; 1900, Larousse). Alcool
contenu dans les essences de géranium,
de rose, de pélargonium, etc.

géranium [ʒeranjɔm] n. m. (lat. scien-


tif. de la Renaissance geranium, réfection
du lat. class. geranion, géranium, mot gr.
dér. de geranos, grue [oiseau], le fruit du
géranium ressemblant au bec d’une grue ;
1545, Guéroult, aux sens 1-2). 1. Plante
vivace, herbacée, à fleurs régulières, de la
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2166

famille des géraniacées. ‖ 2. Nom donné


communément au pélargonium, plante
cultivée en terre ou en pot : Elle restait
accoudée sur le bord, entre deux pots de
géraniums (Flaubert). Pas très loin d’ici
est une jolie petite capitale [...]. Telle est
sa coquetterie que le fleuriste renouvelle
chaque jour, à chaque balcon et à chaque
fenêtre, les caisses de géraniums et de pétu-
nias (Pourtalès).

géranium-lierre [ʒeranjɔmljɛr] n. m.
(de géranium et de lierre ; début du XXe s.).
Nom usuel d’une variété de pélargonium :
La douceur de l’air permettait d’ouvrir la
fenêtre et de risquer sur l’appui un pot de
géranium-lierre (R. Bazin).

• Pl. des GÉRANIUMS-LIERRES.

gérant, e [ʒerɑ̃, -ɑ̃t] n. (part. prés. subs-


tantivé de gérer ; 1787, Féraud [« mandataire
placé à la tête d’un établissement commer-
cial ou d’une société », 1866, Littré ; gérant
d’affaires, d’immeubles, de société, de suc-
cursale, XXe s. ; gérant responsable d’une
publication, 1872, Larousse]). Personne
qui gère, administre pour le compte d’au-
trui : En laissant non seulement un ami,
mais un frère, gérant du royaume, je pars
sans crainte (Dumas père). ‖ Spécialem.
Mandataire placé à la tête d’un établis-
sement commercial ou d’une société :
Il n’est pas propriétaire, mais gérant de
ce garage. Gérant salarié, gérant libre.
‖ Gérant d’affaires, celui qui, sans en avoir
reçu mandat, accomplit un acte pour le
compte d’autrui. ‖ Gérant d’immeubles,
personne qui gère professionnellement les
immeubles d’autrui. ‖ Gérant responsable
d’une publication, personne qui était léga-
lement responsable des délits commis par
une publication périodique. (On dit auj.
DIRECTEUR DE PUBLICATION.) ‖ Gérant
de société, personne qui administre une
société (société en nom collectif, en com-
mandite, à responsabilité limitée) au nom
des associés. ‖ Gérant de succursale, per-
sonne rétribuée par un salaire, assurant
la direction d’un établissement dans une
société à succursales multiples.

• SYN. : administrateur, agent, fondé de


pouvoir, gestionnaire, syndic.

gerbage [ʒɛrbaʒ] n. m. (de gerber ; fin du


XVIe s., Vauquelin de La Fresnaye, au sens de
« ensemble de gerbes » ; 1845, Bescherelle,
au sens de « action d’enlever les gerbes d’un
champ » ; sens actuel, 1900, Dict. général).
Action de mettre des céréales en gerbes.

1. gerbe [ʒɛrb] n. f. (francique *garba,


gerbe ; XIIe s., écrit jarbe [gerbe, XIVe s., Du
Cange], au sens 1 [« dîme sur les moissons »,
XIIIe s., Roman de Renart] ; sens 2, 1747,
Graffigny [gerbe d’osier, 1690, Furetière] ;
sens 3, milieu du XVIIIe s., Buffon [« fais-
ceau de jets d’eau très rapprochés », 1690,
Furetière] ; sens 4-5, début du XXe s. ; sens
6, 1962, Larousse ; sens 7, 1864, V. Hugo).
1. Botte de céréales coupées et liées, où les

épis sont rassemblés d’un même côté : Les


métayers laisseront les glaneuses étrangères
au bourg entrer dans les champs avant
que les gerbes en soient enlevées (Balzac).
‖ Autref. Dîme sur les moissons : Lever la
gerbe. ‖ 2. Botte de fleurs coupées à lon-
gues tiges et disposées de façon analogue :
Une gerbe de glaïeuls. Le catafalque était
recouvert par les couronnes et les gerbes.
‖ Gerbe d’osier, botte d’osier. ‖ 3. Faisceau
de choses qui rappelle la forme d’une gerbe :
Quiconque a vu un feu d’artifice se rappelle
cette gerbe faite d’un croisement de foudres
qu’on appelle le bouquet (Hugo). L’or fluide
du jour jaillit en gerbes vives (Leconte de
Lisle). Voici que peu à peu l’avenue obscure
s’éclaire [...]. C’est le soleil, qui est à présent
très bas [...], et qui pénètre par en dessous,
jetant, par tous les intervalles des troncs
énormes, ses gerbes d’or rouge (Loti). Sur
la place, il y avait de grandes flaques d’où
les taxis faisaient jaillir des gerbes d’écla-
boussures (Butor). ‖ Spécialem. Faisceau
de jets d’eau très rapprochés : Une gerbe
d’eau, jaillie d’un bassin de marbre (Barrès).
‖ 4. En artillerie, faisceau d’éclats proje-
tés par l’explosion d’un obus. ‖ Ensemble
des trajectoires différentes que suivent, du
fait de la dispersion, les projectiles tirés
successivement par la même pièce, sur le
même objectif, avec les mêmes éléments
de tir. ‖ 5. En physique, faisceau de tra-
jectoires de particules chargées, provenant
de la désintégration d’un atome. ‖ 6. En
mathématiques, ensemble des droites pas-
sant par un même point. ‖ 7. Fig. Réunion
de choses de même sorte : Gerbe d’idées,
de compliments.

• SYN. : 2 bouquet, faisceau ; 3 fusée.

2. gerbe [ʒɛrb] n. m. (apoc. de gerbement ;


1878, L. Rigaud, au sens 1 ; sens 2, 1911,
G. Esnault). 1. Arg. et vx. Condamnation.
‖ 2. Arg. et vx. Tribunal.

gerbée [ʒɛrbe] n. f. (de gerbe 1 ; 1432,


Bulletin de la Société de l’histoire de Paris
[XV, 41], au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré ;
sens 3, 1877, Littré). 1. Vx. Botte de paille
où il reste encore quelques grains. ‖ 2. Vx.
Fourrage composé de céréales et de légu-
mineuses coupées avant la maturité.
‖ 3. Ce qui par sa forme rappelle une
gerbe, ou s’épanouit en forme de gerbe :
Ils prirent grand-peur à la vue de feux qui
semblaient élever jusqu’aux nuages leurs
gerbées d’étincelles (Béraud).

gerbement [ʒɛrbəmɑ̃] n. m. (de gerber ;


1821, Ansiaume, au sens 1 ; sens 2, 1829,
Vidocq). 1. Arg. et vx. Condamnation.
‖ 2. Arg. et vx. Jugement : Elle sera condam-
née dans le gerbement de la Pouraille
(Balzac).

gerber [ʒɛrbe] v. tr. (de gerbe 1 ; XIIIe s.,


Godefroy, au sens I, 1 ; sens I, 2, milieu du
XVIe s. ; sens I, 3, fin du XIXe s., Huysmans ;
sens II, 1815, G. Esnault [d’abord « incar-
cérer » — 1793, G. Esnault —, sens tiré de

celui de « empiler des fûts les uns sur les


autres »]).

I. 1. Mettre en gerbes : Gerber du blé,


de l’avoine. ‖ 2. Empiler des charges les
unes sur les autres, en particulier des
fûts, des sacs : Les quais pleins de vieux
arrivages gerbés haut (Hamp). Gerber
des pièces de vin dans la cave. ‖ 3. Fig. et
littér. Recueillir en grande quantité : Ils
auraient certainement gerbé des vocations
d’artistes fascinés par la splendeur de ce
milieu (Huysmans).

II. Arg. et vx. Condamner : On va le but[t]


er, répéta la Pouraille, il est depuis deux
mois gerbé à la passe [=condamné à mort]
(Balzac).

• SYN. : I, 1 engerber ; 2 entasser.

& v. intr. (sens 1-2, 1866, Littré). 1. Fournir


de nombreuses gerbes : Blés qui gerbent
bien. ‖ 2. Imiter la forme d’une gerbe (peu
usité) : Jets d’eau, fusées qui gerbent.

gerbeur [ʒɛrboer] n. m. ou gerbeuse


[ʒɛrbøz] n. f. (de gerber ; XVIe s., au masc., au
sens de « celui qui lie les gerbes » ; au masc.
et au fém., au sens actuel, 1907, Larousse).
Appareil au moyen duquel on élève méca-
niquement des charges (gerbes, fûts, sacs,
etc.) pour les empiler.

& adj. (1907, Larousse). Qui sert à gerber :


Élévateur, cric gerbeur.

& gerbeur n. m. (1907, Larousse). Ouvrier


qui empile des charges les unes sur les
autres (fûts, sacs, etc.) : Gerbeur de meu-
nerie, de minoterie.

gerbi [ʒɛrbi] n. f. (probablem. de Gerbi


[ou Djerba], n. d’une ville de Tunisie ; 1962,
Larousse). Éponge naturelle d’origine tuni-
sienne, utilisée pour les travaux ménagers.

1. gerbier [ʒɛrbje] n. m. (de gerbe 1 ;


XVe s., Du Cange, au sens 1 [un premier
ex. au XIIIe s.] ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Grand tas de gerbes dans un champ,
meule : Françoise, devant le gerbier, dépliait
les gerbes en silence (Bosco). ‖ 2. Autref.
Construction mobile, à claire-voie, des-
tinée à protéger un tas de gerbes jusqu’au
moment du battage.

2. gerbier [ʒɛrbje] n. m. (de gerber ; 1837,


Vidocq, au sens 1 ; sens 2, 1878, L. Rigaud).
1. Arg. et vx. Juge. ‖ 2. Arg. et vx. Juré.

gerbière [ʒɛrbjɛr] n. f. (de gerbe 1 ;


1560, Journ. du sire de Gouberville, au
sens de « lucarne par laquelle les gerbes
sont introduites dans la grange » ; sens
1, 1600, O. de Serres ; sens 2, 1803, Boiste
[charrette gerbière, 1700, Liger]). 1. Gros
gerbier. ‖ 2. Charrette destinée au trans-
port des gerbes : Des gerbières s’ouvraient,
laissant passer des monceaux de paille sèche
(Moselly).

gerbille [ʒɛrbij] n. f. (lat. scientif.


moderne gerbillus, dér. de gerboa [v. GER-
BOISE] ; 1836, Acad.). Petit mammifère
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2167

rongeur et sauteur des régions steppiques


d’Afrique, qui rappelle la gerboise.

gerbillon [ʒɛrbijɔ̃] n. m. (de gerbe 1 ;


1732, Trévoux [var. picarde garbion, 1501,
G. Cohen]). Petite gerbe : Portant dans sa
main un écheveau de tresses à lier les ger-
billons, il ôta son chapeau (Béraud).

gerboise [ʒɛrbwaz] n. f. (de gerbo,


même sens [1700, C. de Bruyn], lat. scien-
tif. moderne gerboa, de l’ar. maghrébin
djerbū’, gerboise [ar. class. yarbū’] ; milieu
du XVIIIe s., Buffon). Petit mammifère
rongeur et sauteur, remarquable par le
développement de ses pattes postérieures
et par la longueur de sa queue, qui vit
dans les steppes et les déserts de l’Ancien
Monde et de l’Amérique du Nord : Nous
repartîmes d’un bon pas, comme la dernière
gerboise traversait notre route en bondis-
sant à la manière d’un minuscule kanguroo
(Duhamel).

gerce [ʒɛrs] n. f. (déverbal de gercer [v. ce


mot] ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit jarse,
au sens de « lancette à scarifier » ; écrit
gerce, au sens 1, 1607, A. Mizauld ; sens 2,
1777, Encyclopédie ; sens 3, 1962, Larousse).
1. Teigne qui attaque les étoffes, les papiers.
‖ 2. Petite fente superficielle apparaissant
dans une pièce de bois lors de la dessicca-
tion (surtout au plur.). ‖ 3. Défaut d’une
pièce de fonderie, se présentant sous la
forme d’une courte nervure de forme irré-
gulière ou d’un fendillement en surface.
(On dit aussi GERÇURE.)

gercé, e [ʒɛrse] adj. (part. passé de ger-


cer). Qui a des gerçures, des crevasses :
Lèvres, mains gercées.

• SYN. : crevassé.

gercement [ʒɛrsəmɑ̃] n. m. (de gercer ;


1866, Littré). Action de gercer, ou le fait de
se gercer ; état de ce qui est gercé.
gercer [ʒɛrse] v. tr. (bas lat. charaxare,
gratter, sillonner, graver, du gr. kharassein,
entailler, écorcher, graver, dér. de kharax,
échalas, pieu ; fin du XIIe s., Reclus de
Moiliens, écrit jarser [gerser, milieu du
XIVe s., Machaut], aux sens de « scarifier,
tourmenter, blesser » ; sens actuel, 1530,
Palsgrave, écrit garscher [jarser, av. 1577,
Belleau ; gercer, 1690, Furetière]). [Conj. 1
a.] Provoquer de petites fentes, de petites
crevasses dans la peau, ou à la surface d’un
corps, d’une matière, en parlant du froid,
de la chaleur, de la sécheresse : Mon front
hâlé, mes doigts qu’a gercés la froidure, |
D’un jeune montagnard me donnent la
figure (Lamartine). La chaleur ardente
gerçait le plafond de la vaste salle (Zola).
• SYN. : craqueler, crevasser, fendiller, fis-
surer, lézarder.

& v. intr. (1690, Furetière [en parlant


d’une pièce métallique, 1962, Larousse]).
et se gercer v. pr. (fin du XIIe s., Reclus de
Moiliens, au sens de « se blesser » ; sens
actuel, 1680, Richelet). Se couvrir de fines

fentes, de petites crevasses : Son teint de


femme, la peau de ses oreilles, ses lèvres
se gerçaient au moindre froid (Balzac). Et
sur ses pieds moisis [d’une maison], comme
un tapis verdâtre, | La mousse se déploie
et fait gercer le plâtre (Gautier). Les foins
gris fanent ; l’argile du sentier gerce (Vielé-
Griffin). La terre se gerçait de sécheresse
(Gide). ‖ Spécialem. Présenter des gerces,
en parlant d’une pièce métallique : Une
pièce coulée dans un moule en sable mal
étuvé gerce facilement.

gerçure [ʒɛrsyr] n. f. (de gercer ; fin


du XIVe s., écrit gerseure [gerçure, 1690,
Furetière], aux sens 1-2 [en métallurgie,
1690, Furetière] ; sens 3, 1866, Littré).
1. Petite plaie linéaire de la peau ou des
muqueuses, due au froid, à l’humidité, à
certains états morbides (diabète, avitami-
nose) : Avoir des gerçures sur les mains ;
par extens. et littér. : Fruits purs de tout
outrage et vierges de gerçures, | Dont la
chair lisse et ferme appelait les morsures !
(Baudelaire). ‖ 2. Fendillement qui se pro-
duit à la surface de la terre, dans un tronc
d’arbre, dans un enduit, etc. : Regarde, il y
a une gerçure. J’ai peur que ça ne s’éboule
(Zola). ‖ Spécialem. En métallurgie, syn.
de GERCE. ‖ 3. En joaillerie, fente vive dans
un diamant.

• SYN. : 1 crevasse, fissure, gelure ; 2 cra-


quelure, fêlure, gélivure, lézarde.
gérer [ʒere] v. tr. (lat. gerere, porter, faire,
exécuter, administrer ; milieu du XVe s., au
sens de « exécuter [un ordre, une commis-
sion] » ; sens 1, 1671, Pomey ; sens 2, 1764,
Voltaire). [Conj. 5 b.] 1. Administrer des
intérêts, des affaires, une entreprise, etc.,
pour le compte d’autrui : Gérer une tutelle.
Gérer un immeuble. Gérer un commerce.
L’étude Lebeau, qui depuis un demi-siècle
gérait les affaires de Coëtquidan, c’était la
sécurité (Montherlant). ‖ 2. Administrer
ses propres affaires, ses propres biens :
Devenue veuve, elle gérait avec une sévère
économie son modique avoir (France). Il a
très habilement géré sa fortune.

• SYN. : 2 conduire, diriger, régir.

& se gérer v. pr. (24 avr. 1875, Gazette des


tribunaux). Se gérer créancier, en droit, se
porter créancier. (Rare.)

gerfaut [ʒɛrfo] n. m. (de l’anc. franç. gir,


vautour [v. 1188, Chanson d’Aspre-mont,
anc. haut allem. gîr, même sens], et fauc [cas
sujet de faucon, v. ce mot] ; v. 1138, Vie de
saint Gilles, écrit girfaus [au plur.] ; v. 1180,
Godefroy, écrit girfaut [au sing.] ; gerfaut,
XIIIe s., Chanson d’Antioche). Oiseau de
proie du groupe des faucons, de grande
taille, au plumage clair plus ou moins mar-
qué de brun, qui habite les régions froides
des deux continents : Ayant le glaive au
poing, le gerfaut ou le sacre (Heredia).

gériatrie [ʒerjatri] n. f. (du gr. gerôn,


vieillard, et de -iatrie, gr. iatreia, traite-
ment, dér. de iatreuein, être médecin,

soigner, guérir, de iatros, médecin ; 1957,


A. Larivière). Médecine de la vieillesse ;
ensemble des moyens préconisés pour
retarder la sénescence.

1. germain, e [ʒɛrmɛ̃, -ɛn] adj. et n. (lat.


germanus, germain, de frère germain, et,
comme n. m., « frère germain », de germen
[v. GERME] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
au sens 2 [cousins issus de germains, 1680,
Richelet] ; sens 1, v. 1283, Beaumanoir ; sens
3, 1580, Montaigne). 1. Issu du même père
et de la même mère : Frère germain. Soeur
germaine, Les germains. (Ne s’emploie plus
que dans la langue juridique, par opposi-
tion à consanguin et à utérin.) ‖ 2. Cousin
germain, cousine germaine, né du frère
ou de la soeur du père ou de la mère.
‖ Substantiv. Cousins issus de germains,
enfants nés de parents cousins germains,
ou descendants d’un cousin germain, d’une
cousine germaine. ‖ 3. Fig. et littér. Qui a
des traits comparables, qui est d’une nature
voisine : La politique, l’intrigue, volontiers ;
mais, comme je les crois un peu germaines,
en fasse qui voudra (Beaumarchais). Ah !
que cette insuffisance psychologique est
donc germaine encore ! (Gide).

& germain n. m. (sens 1, 1646, Scarron ;


sens 2, 1642, Corneille [« animal d’une
espèce voisine », 1669, La Fontaine]).
1. Class. et poét. Frère : Aujourd’hui, s’il
se peut, voir l’épée à la main | Celui qu’on
sait avoir tué votre germain (Scarron).
‖ 2. Class. Proche parent, membre de la
même famille : Les gens de Cornélie, entre
qui vos Romains | Ont déjà reconnu des
frères, des germains (Corneille). ‖ Par
extens. et fam. Animal d’une espèce voi-
sine : Là sifflent les lézards, germains des
crocodiles (La Fontaine).

2. germain, e [ʒɛrmɛ̃, -ɛn] adj. et n.


(lat. Germanus, de Germanie ; 1678, La
Fontaine). Relatif à la Germanie, à ses
populations ; habitant ou originaire de
ce pays.

• REM. S’emploie ordinairement au mas-


culin ; au féminin, l’adjectif est générale-
ment remplacé par GERMANIQUE.

germandrée [ʒɛrmɑ̃dre] n. f. (mot


issu, par une évolution mal expliquée,
du lat. chamaedrys, germandrée, gr. kha-
maidrus, même sens, proprem. « chêne
nain », de l’adv. khamai, à terre, et du n.
drûs, arbre, chêne ; fin du XIIe s., Godefroy,
écrit gemandree ; germandrée, XIVe s.,
Antidotaire Nicolas). Plante herbacée ou
ligneuse, de la famille des labiacées, dont
il existe une centaine d’espèces, répandues
sur le pourtour méditerranéen.

germania [ʒɛrmanja] n. f. (probablem.


mot du lat. moderne signif. proprem.
« confrérie », du lat. class. germanus,
frère [v. GERMAIN 1] ; av. 1700, G. Esnault
[p. XIV]). Ancien argot espagnol (av. 1700).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2168

germanique [ʒɛrmanik] adj. (lat.


Germanicus, de Germanie, de Germania,
la Germanie ; 1532, Rabelais [pays ger-
maniques, début du XXe s.]). Qui se rap-
porte à la Germanie, à l’Allemagne ou à
ses habitants : Les peuples, les populations
germaniques. Le Saint Empire romain
germanique. Quant aux régions de l’Est,
à cause du patois germanique, il n’y fallait
pas songer (Flaubert). Sa candeur germa-
nique se révoltait de tant d’emphase ita-
lienne (Arnoux). ‖ Pays germaniques, pays
de langue et de civilisation allemandes.
& n. m. (début du XXe s.). Groupe de langues
parlées par les tribus germaniques, et d’où
sont issus l’anglais, l’allemand, le néerlan-
dais et les langues scandinaves.

germanisant, e [ʒɛrmanizɑ̃, -ɑ̃t] adj.


et n. (part. prés. de germaniser ; 1872,
Larousse, aux sens 1-2). 1. Qui étudie la
langue, la littérature, la civilisation alle-
mandes. (On dit aussi GERMANISTE.)
‖ 2. Qui affectionne ce qui est allemand.

germanisation [ʒɛrmanizasjɔ̃] n. f. (de


germaniser ; 16 oct. 1876, le Temps). Action
de germaniser, de se germaniser ; résultat
de cette action : La germanisation de la
Russie au XIXe siècle n’est pas un phénomène
isolé (Camus).

germaniser [ʒɛrmanize] v. tr. (dér. savant


de germain 2 ; XVIe s., Huguet, avec un sens
peu clair ; sens 1, 1755, (Prévost d’Exiles ;
sens 2, 1872, Larousse). 1. Rendre allemand,
en imposant la domination allemande :
Germaniser un pays. ‖ 2. Donner un carac-
tère germanique, une forme allemande à :
Germaniser un nom propre.

& v. intr. (1866, Littré). Faire des


germanismes.

& se germaniser v. pr. (XXe s.). Prendre des


caractères germaniques.

germanisme [ʒɛrmanism] n. m. (de ger-


manique ; 1720, Du Noyer, au sens 1 ; sens
2, XXe s.). 1. Tour propre à la langue alle-
mande : Une timidité d’enfant, des germa-
nismes de langage (Daudet). Il y multipliait,
par amour de son maître élu, les inversions
et les germanismes (Duhamel). ‖ 2. Terme
emprunté à la langue allemande.

germaniste [ʒɛrmanist] n. (de germa-


nique ; 1866, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1877,
Littré ; sens 3, XXe s.). 1. Linguiste qui étudie
les langues germaniques et en particulier
l’allemand. ‖ 2. Spécialiste du droit germa-
nique. ‖ 3. Plus généralement, spécialiste
de la langue, de la littérature, de la civili-
sation allemandes.

germanite [ʒɛrmanit] n. f. (de


german[ium] ; 1962, Larousse). Sulfure
naturel de germanium, de fer et de cuivre.

germanium [ʒɛrmanjɔm] n. m. (dér.


savant du lat. Germania, Germanie, pris
ici au sens de « Allemagne », pour rappeler
que le corps simple fut découvert dans ce

pays [en 1885, par le chimiste Winkler] ;


1888, Larousse). Métal rare, de numéro ato-
mique 32, qui présente des analogies avec
le silicium et l’étain : Purifié et cristallisé,
le germanium est utilisé dans la fabrication
des transistors.

germano- [ʒɛrmano], élément tiré du lat.


Germanus, Germain, de Germanie, et qui
entre, comme préfixe, dans la formation
de quelques mots.

germanophile [ʒɛrmanɔfil] adj. et n.


(de germano- et de -phile, gr. philos, ami ;
1922, Larousse). Qui est favorable à l’Alle-
magne, aux Allemands : Les fragments du
discours de Mussolini, que donne le journal
germanophile de Tunis, sont de nature à
justifier les méprisantes vitupérations de
la radio anglaise (Gide). Les germanophiles
rejetaient la faute sur les Russes (Martin
du Gard).

• CONTR. : germanophobe.

germanophilie [ʒɛrmanɔfili] n. f. (de


germano- et de -philie, du gr. philos, ami ;
av. 1922, Proust). Sympathie pour les
Allemands, intérêt pour ce qui est alle-
mand : Un dernier trait complétera cette
germanophilie de M. de Charlus : il la
devait, et par une réaction très bizarre, à
son « charlisme » (Proust).

• CONTR. : germanophobie.

germanophobe [ʒɛrmanɔfɔb] adj. et n.

(de germano- et de -phobe, du gr. phobos,


crainte ; 1922, Larousse). Qui est hostile à
l’Allemagne, aux Allemands.

• CONTR. : germanophile.

germanophobie [ʒɛrmanɔfɔbi] n. f. (de


germanophobe ; XXe s.). Hostilité à l’égard
des Allemands, aversion pour ce qui est
allemand.
• CONTR. : germanophilie.

germanophone [ʒɛrmanɔfɔn] adj. et n.


(de germano- et de -phone, du gr. phônê,
son, voix, langage ; v. 1945). Qui est de
langue allemande : Peuples germano-
phones. Les germanophones.

germe [ʒɛrm] n. m. (lat. germen, -minis,


bourgeon, semence humaine, produc-
tion ; v. 1120, Psautier d’Oxford, au sens
I, 2 [« première pousse issue de la graine »,
1580, Montaigne ; « bourgeon rudimentaire
qui se développe sur certains organes sou-
terrains », 1866, Littré] ; sens I, 1, XIVe s.,
Nature à l’alchimie [en biologie, XXe s.] ;
sens I, 3, 1549, R. Estienne ; sens I, 4, 1762,
Ch. Bonnet ; sens I, 5, 1962, Larousse ; sens
I, 6, 1679, Bossuet [en germe, 1866, Littré] ;
sens II, fin du XIXe s.).

I. 1. Élément primitif de tout être orga-


nisé, animal ou végétal : L’embryon [...],
ce peu de chose issu de ce presque rien :
un germe (Valéry). Le sénateur s’arrêta,
huma le nuage fécondant qui flottait,
considéra l’arbre amoureux resplendis-
sant comme un soleil et dont les germes

s’envolaient (Maupassant). ‖ Spécialem.


En biologie, terme très général désignant
l’oeuf fécondé. ‖ 2. En botanique, em-
bryon de plante contenu dans la graine,
dit aussi plantule, et, par extens., pre-
mière pousse issue de la graine : Le germe
d’un haricot. Pain aux germes de blé.
‖ Bourgeon rudimentaire qui se déve-
loppe sur certains organes souterrains
(tubercule, bulbe) : Germes de pommes
de terre. ‖ 3. Nom donné communé-
ment à la cicatricule des oeufs d’oiseaux.
‖ 4. Rudiment d’une partie organique :
Le germe des dents. ‖ 5. Petit cristal qui,
introduit dans un liquide surfondu ou
dans une solution sursaturée, en déter-
mine la cristallisation rapide. ‖ 6. Fig.
Principe, cause, origine du développe-
ment de quelque chose : Tout crime porte
en soi une incapacité radicale et un germe
de malheur : pratiquons donc le bien pour
être heureux, et soyons justes pour être
habiles (Chateaubriand). La marquise [...]
avait déjà fait un retour sur elle-même, en
étouffant les germes d’amour qui crois-
saient dans son coeur (Balzac). L’image
dans le style, un germe de corruption (Re-
nard). ‖ En germe, à l’état caché et prêt à
se développer (au pr. et au fig.) : Le drame
est la poésie complète. L’ode et l’épopée ne
le contiennent qu’en germe (Hugo).
II. Dans un sens très général, élément
organique microscopique (bactérie, ba-
cille, virus, protozoaire, champignon) :
L’humus abondant en germes, virus et
organismes infimes, pullulants et achar-
nés (Arnoux). [Syn. MICROBE.] Spécialem.
Micro-organisme susceptible d’engen-
drer une maladie : Germes pathogènes,
infectieux. Toute émanation désagréable
décelant la présence de germes suspects
ou dangereux... (Maeterlinck). ‖ Porteur
de germes, personne ou animal qui véhi-
cule des germes pathogènes, sans être
lui-même atteint de la maladie dont ces
germes sont les agents.

• SYN. : I, 6 embryon, ferment, graine,


levain, semence, source.

germen [ʒɛrmɛn] n. m. (mot lat. [v. l’art.


précéd.] ; début du XXe s.). Lignée des élé-
ments reproducteurs d’un être vivant (par
opposition au soma, ou corps, ensemble
de tous les autres tissus de l’organisme).

germer [ʒɛrme] v. intr. (lat. germinare,


germer, pousser des bourgeons, produire,
de germen, -minis [v. GERME] ; v. 1170, Livre
des Rois, comme v. tr., au sens fig. de « faire
apparaître » ; comme v. intr., au sens 1, fin
du XIIe s., Raoul de Cambrai [pour un bulbe,
un tubercule, 1866, Littré ; pour une plante
dont la graine germe, 1580, Montaigne] ;
sens 2, v. 1190, Sermons de saint Bernard).
1. Commencer à faire apparaître son
germe, en parlant d’une graine et, par
extens., d’un bulbe, d’un tubercule, qui se
développe : La graine que le vent jusqu’au
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2169

Gualatieri | Sema, germe, s’accroche et, frêle


plante, rampe (Heredia). ‖ Par extens. Se
dit d’une plante dont la graine germe : Faire
germer de l’orge. Blé qui germe. ‖ 2. Fig.
Commencer à apparaître, à se développer :
Les semences du schisme germaient au sein
d’une abjecte servitude (Chateaubriand).
Dans son oeil [à la poupée] une larme germe,
| Un soupir gonfle son carton (Gautier).
Toutes sortes d’idées vagues commencèrent
à germer en elle [Adèle] (Zola). Sa taille [de
Gaud] autrefois libre de petite pêcheuse,
en se formant, en prenant la plénitude
de ses beaux contours germés au vent de
la mer, s’était amincie par le bas dans de
longs corsets de demoiselle (Loti). Soudain,
un soupçon terrible germa dans son esprit
(Giraudoux).

• SYN. : 2 éclore, se former, naître, surgir.


& v. tr. (v. 1190, Garnier de Pont-
SainteMaxence, puis 1564, Indice de la
Bible). Class. et littér. Faire germer, engen-
drer : C’est une semence illustre, vive et
forte | Qui de nouveaux martyrs germe une
ample moisson (Corneille). Au lieu d’herbe,
la terre y germe des ruines (Lamartine).

germicide [ʒɛrmisid] adj. (de germi-, élé-


ment tiré de germe, et de -cide, du lat. cae-
dere, frapper, abattre, tuer ; 1950, Larousse).
Qui détruit les germes microbiens : Les
rayons ultraviolets sont germicides.

1. germinal, e, aux [ʒɛrminal, -o]


adj. (dér. savant du lat. germen, -minis [v.
GERME] ; 1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens
2, début du XXe s.). 1. Qui se rapporte au
germe : Feuille germinale. ‖ 2. Relatif au
germen : Lignée germinale.

2. germinal [ʒɛrminal] n. m. (dér. savant


du lat. germen, -minis [v. GERME] ; 1793,
Fabre d’Églantine). Septième mois du
calendrier républicain, commençant le
21 ou le 22 mars et finissant le 18 ou le
19 avril : Germinal ramena les jours clairs
(France).

germinateur, trice [ʒɛrminatoer, -tris]


adj. (de germinat[ion] ; 1770, Ch. Bonnet).
Qui a la faculté de faire germer : Vertu
germinatrice.

& germinateur n. m. (1962, Larousse).


Appareil utilisé pour contrôler la faculté
germinative des semences.

germinatif, ive [ʒɛrminatif, -iv] adj.


(dér. savant du lat. germinatum, supin
de germinare [v. GERMER] ; 1580, Palissy
[pouvoir germinatif, XXe s. ; faculté ger-
minative, 1866, Littré ; tache germinative,
1855, Nysten]). Qui se rapporte au germe
ou à la germination. ‖ Pouvoir germinatif,
faculté germinative d’une graine, faculté
d’une semence qui est encore vivante et
capable de germer lorsqu’elle est placée
dans des conditions favorables : Le blé
conserve longtemps son pouvoir germina-
tif. ‖ Tache germinative, nom donné au
nucléole contenu dans le noyau de l’oeuf.

germination [ʒɛrminasjɔ̃] n. f. (lat. ger-


germination [ʒɛrminasjɔ̃] n. f. (lat. ger-
minatio, -tionis, action de germer, pousse,
de germinatum, supin de germinare [v. GER-
MER] ; fin du XVe s., Godefroy, au sens de
« fils, descendance » ; sens 1, 1580, Palissy
[« passage à l’état de vie active d’un organe
clos dont la vie a été jusque-là très ralentie »,
XXe s.] ; sens 2, 1885, Zola). 1. Ensemble
de phénomènes par lesquels une graine,
placée dans des conditions favorables,
manifeste la reprise d’un développement
actif et donne naissance à une nouvelle
plante de même espèce que celle dont elle
est issue. ‖ Par extens. Passage à l’état de
vie active d’un organe clos (spore, oeuf,
tubercule) dont la vie a été jusque-là très
ralentie. ‖ 2. Fig. Premier développement
de quelque chose : Étienne [...], hanté des
revendications futures, s’en allait par un
tiède matin d’avril, en écoutant la sourde
poussée du monde nouveau dont la germi-
nation allait bientôt faire éclater la terre
(Zola).

• SYN. : 2 éclosion.

germoir [ʒɛrmwar] n. m. (de germer ;


1700, Liger, au sens 1 ; sens 2, 1743,
Trévoux). 1. Récipient ou simple papier-
filtre destiné à recevoir les graines que
l’on veut faire germer avant de les semer.
‖ 2. Local où l’on fait germer l’orge, dans
une brasserie.

germon [ʒɛrmɔ̃] n. m. (mot des parlers


poitevins du littoral atlantique, d’origine
obscure, peut-être dér. de germe ; v. 1280,
Bibbesworth, écrit gernon ; germon, 1769,
Duhamel du Monceau). Grand thon pêché
dans l’Atlantique, appelé aussi thon blanc,
excellent comestible.

géromé [ʒerɔme] n. m. (mot vosgien


représentant la prononciation régionale de
Gérardmer, n. de la ville où l’on fabrique ce
fromage ; 1757, Encyclopédie, écrit giraumé ;
géromé, 1845, Bescherelle). Gros fromage
analogue au munster, fabriqué dans les
Vosges et en Alsace.

gérondif [ʒerɔ̃dif] n. m. (bas lat. gerun-


dium, gerundivum, gérondif, du lat. class.
gerere, porter, accomplir, exécuter ; 1521, P.
Fabri, écrit gerundif, comme adj., au sens
de « [sens] qui marque l’exécution » ; écrit
gérondif, comme n. m., au sens 2, 1647,
Vaugelas ; sens 1, 1866, Littré). 1. En latin,
forme verbale déclinable, qui remplace l’in-
finitif dans les fonctions autres que celles
de sujet, de complément d’objet. ‖ 2. En
français, forme verbale en -ant, précédée
le plus souvent de la préposition en, et qui
sert à exprimer certaines circonstances
de l’action (cause, manière, simultanéité,
condition, etc.). [Ex.Il est tombé EN COU-
RANT.] (V. art. spécial.)

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LE GÉRONDIF

Le terme de gérondif, absent de la no-


menclature élaborée par la commission
ministérielle en 1910, et qui manquait
encore dans la réédition de 1949 et dans
la « Progression Beslais » imposée aux
classes du premier cycle en 1950, a été
officialisé par la nomenclature résultant
des travaux de la commission Le Lay
(1960-1961). Il appartenait à l’usage des
grammairiens sous sa forme française
depuis le XVIe s. et avait toujours figuré
au Dictionnaire de l’Académie, quoique
l’édition de 1877 déclarât abusive son
extension à la grammaire française.

LÉGITIMITÉ DU TERME

Le problème de terminologie que pose


le gérondif a été souvent faussé par des
considérations historiques, dont il sera
parlé plus loin. C’est surtout d’un point
de vue synchronique, c’est-à-dire par
la seule prise en compte de l’état mo-
derne du français, que le terme doit être
apprécié.

On connaît la distinction, clairement re-


connue à l’époque moderne, de la forme
et de la fonction (v. ce mot, art. spécial).
Qu’un nom comme Paul puisse assumer
la fonction « sujet » ou la fonction « ob-
jet » n’empêche pas qu’il est un « nom »
par la forme dans les deux cas. En raison-
nant de même, on pourrait estimer que
le terme unique de « participe présent »
peut désigner la forme du verbe sortir
dans les phrases suivantes :

1. Paul a vu Pierre sortant de la mairie

2. Paul a vu Pierre en sortant de la mairie.


Dans la phrase 1, sortant est épithète de
Pierre : on peut lui substituer un adjec-
tif qualificatif (Paul a vu Pierre joyeux,
maigre, etc.) ; dans la phrase 2, avec le se-
cours de la préposition, il est complément
circonstanciel de temps comme pourrait
l’être un verbe à l’infinitif (Paul a vu
Pierre avant de sortir, sans sortir, après
être sorti...). Pourquoi ne pas admettre
qu’un « tiroir » verbal unique, le « parti-
cipe présent », invariable dans les deux
cas, est apte à ces deux fonctions ?

Le formalisme superficiel de cette sim-


plification peut être combattu au nom du
formalisme plus profond qui définit les
classes morphologiques par la distribu-
tion (v. ce mot, art.spécial).

Le verbe précédé d’une préposition quel-


conque a la forme de l’infinitif, excepté
après en ; comparer :

Je l’ai vu avant de sortir ;


Je l’ai vu pour sortir ;
Je l’ai vu sans sortir ;
Je l’ai vu en sortant.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2170

La forme sortir est exclue dans le dernier


exemple, tout comme la forme sortant
dans les trois précédents : l’une et l’autre
sont donc en « distribution complémen-
taire » (v. COMPLÉMENTARITÉ, art. spé-
cial) et peuvent passer pour deux réali-
sations d’un même « morphème », qu’on
appellera provisoirement « mode imper-
sonnel dépendant indirect ».

L’impossibilité d’employer une autre pré-


position que en devant la forme en -ant et
celle d’employer une autre forme verbale
que la forme en -ant après la préposition
en définissent une solidarité formelle qui
autorise à considérer en sortant comme
un tout insécable, une unité morpholo-
gique ; cette unité appelle une dénomi-
nation qui peut être « gérondif », et l’on
est en droit de distinguer par la forme,
comme on est forcé de le faire par la fonc-
tion, le gérondif en sortant du participe
présent sortant.

Un des traits distributionnels du parti-


cipe (présent ou passé) est qu’il ne peut
être précédé d’une préposition : on ne dit
pas * pour sortant,* à sortant,* sans sor-
tant, ni * pour sorti,* à sorti,* sans sorti,
à moins que le participe ne soit nomina-
lisé (une cloche sans battant) ou adjectivé
(La maison passe pour hantée). Cette loi
aurait pour seule exception la préposi-
tion en si l’on voulait tenir sortant pour
un participe dans la séquence en sortant.
L’économie structurale est meilleure
si l’on adopte la notion et le terme de
« gérondif ».

Ce problème terminologique est à vrai


dire obscurci par une large intersection
des emplois du gérondif avec ceux du
participe ; le sens est identique, que l’on
dise :

3. Paul, en sortant, rencontre Pierre

ou

4. Paul, sortant, rencontre Pierre.

Il en est ainsi chaque fois que le parti-


cipe se rapporte au sujet de la phrase,
mais la différence fonctionnelle latente se
manifeste quand il se rapporte à d’autres
termes comme le complément d’objet (v.
ex. 1 et 2 donnés au début de cet art.).
Les cas d’identité de sens ont amené un
grand nombre de grammairiens à ad-
mettre l’existence d’un gérondif sans en,
observable dans des textes tels que :

J’aurai, le revendant, de l’argent bel et bon


(La Fontaine),

et après l’auxiliaire aller dans aller chan-


tant, aller s’affaiblissant, etc. Il s’agit de
textes littéraires dont l’interprétation
par le gérondif n’a qu’une justification
historique, d’ailleurs discutable, et qui
n’est pas pertinente dans la description
structurale. Il est préférable de donner
la préposition en comme une marque

inaliénable du gérondif, en l’absence de


laquelle on ne peut avoir affaire qu’à un
adjectif (un casque luisant), à un parti-
cipe (revendant, épithète de je) ou à un
élément de périphrase aspectuelle (chan-
tant, s’affaiblissant).

Quelques grammairiens identifient le gé-


rondif au participe par adhésion aux vues
de Gustave Guillaume, qui, dans Temps
et verbe (1929), fondant la distinction des
modes sur le critère purement morpho-
logique des caractères de l’image tem-
porelle, trouve dans sortant, quelle que
soit sa fonction, une seule et même va-
leur (aspect tensif sécant [v. ASPECT, art.
spécial]). Cette identification a le défaut
de postuler, dans une description struc-
turale, la priorité du facteur temporel,
qui n’existe que pour le verbe, alors que
l’entourage syntaxique permet de carac-
tériser toutes les classes de mots.

VALEUR LOGIQUE ET TEMPORELLE

Le gérondif a la fonction « complément


circonstanciel » : l’action qu’il énonce
est mise en relation de circonstance avec
l’action qu’exprime le verbe auquel il se
rapporte.

La circonstance peut être le temps ; la


préposition en implique étymologique-
ment que l’action principale est chrono-
logiquement inscrite dans la tension (ou
durée) de l’action exprimée au gérondif :

En allant chez sa grand-mère,

elle rencontra le loup.

Il peut y avoir concomitance des deux


tensions ; c’est souvent le cas lorsque le
gérondif exprime la manière :

Je m’excuse en balbutiant (J. Vallès).


Quand il exprime le moyen ou la cause,
un décalage est souvent impliqué
entre l’action qu’il énonce et l’action
principale :

Vous recevrez un catalogue en écri-

vantà cette adresse.

Il est mort en mangeant des champi-

gnons vénéneux.

La circonstance peut encore être la


condition :

Elle nous surprendrait tous


en arrivant demain,

ou la concession, généralement souli-


gnée dans l’usage courant par l’adverbe
tout (comparer : Tout jeune qu’il est...) :

Il refusait tout en tendant la main.


L’opposition peut être minime :

Tout en boitant de son pied bot, il les


conduisit sous le porche du Lion d’or
(Flaubert).

Mais l’emploi de tout est exclu si l’action


subordonnée convient bien à l’action
principale ; on ne dira pas :

*Elle jouait du piano tout en


s’appliquant.

Les latitudes de valeur temporelle sont les


mêmes pour le participe présent, mais,
alors que celui-ci admet très normale-
ment les formes composées (ayant écrit,
étant sorti), le gérondif se rencontre très
peu avec l’auxiliaire ; en voici cepen-
dant un exemple, d’un style peut-être
littéraire :

Comment Sainte-Beuve devint com-

mandeur de la Légion d’honneur en

ayant refusé d’être fait chevalier

(titre d’un article de J. Bonnerot dans

le Figaro littéraire du 6 oct. 1956).

[L’action principale s’est passée en 1850,


l’autre avait eu lieu en 1837.]

En voici un exemple de la langue


commune (extrait d’une copie de
baccalauréat) :

Peu nombreux sont les gens qui se

rendent au théâtre en ayant lu la

pièce qui va leur être présentée.

La forme composée du gérondif est donc


disponible, quoique très exceptionnelle-
ment usitée.

L’AGENT DU VERBE AU GÉRONDIF

La différence de sens observée entre les


deux exemples (1 et 2) donnés au début
de cet article résulte de la différence de
fonction de la forme en -ant :

a) L’agent de l’action exprimée au parti-


cipe est l’être désigné par le nom auquel
il se rapporte (ici le complément d’objet
Pierre) ;

b) L’agent de l’action au gérondif est l’être


désigné par le sujet du verbe auquel se
rapporte le gérondif (ici Paul).

Le gérondif est incompatible avec un


verbe impersonnel, même suivi d’un
« sujet réel » ; on ne dit pas :

*Il neige en effaçant les routes,


ni

* Il arrive des fermiers par toutes les

rues, en poussant devant eux des

bêtes magnifiques.

On évite aussi les cas ambigus de géron-


difs se rapportant à un verbe passif (dont
l’agent n’est pas le sujet) :

*Le maraudeur était poursuivi

par la fermière en criant.

La règle qui veut que le gérondif ait le


même agent que le verbe principal est un
cas particulier d’un usage qui concerne
aussi l’infinitif complément circonstan-
ciel, dont le gérondif est une variante
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2171

combinatoire. Les infractions produisent


parfois des énoncés équivoques comme
cette phrase d’un récit d’enfant :

Chaque jour, en revenant de l’école,

mon chat vient se frotter contre mes

jambes.

Quand le contexte sémantique écarte


tout risque de malentendu, la règle est
caduque ; on relève couramment des
phrases comme les suivantes, parfaite-
ment licites :

L’appétit vient en mangeant.

Soit dit en passant.

En traversant la cour déserte, le bruit

de ses pas l’impressionna

(Daudet).

Ces choses-là se murmurent en sou-

riant, en se tenant les mains

(le Matin, 21 sept. 1922).


La langue classique était encore plus har-
die sur ce point :

Vous m’êtes, en dormant,

un peu triste apparu

(La Fontaine, Fables, VIII, XI).

Dans beaucoup de cas, l’agent est expres-


sément désigné par un mot non sujet
dans le contexte :

C’est donc à la reprise du mark que

ces financiers bizarres proposent aux

capitalistes français de contribuer en

versant des francs

(le Figaro, nov. 1923).

En somme, le gérondif fonctionne à la


manière d’un nom d’action se rappor-
tant au verbe ; il serait très inexact de dire
qu’il a « le même sujet » que le verbe rec-
teur : le gérondif n’a pas de « sujet », au
sens grammatical du mot.

Comme il a été remarqué plus haut (ex. 3


et 4), les signifiés du participe présent et
du gérondif se confondent totalement si
le premier se trouve être épithète du sujet
de la proposition ; un écrivain peut jouer
sur cette identité pour éviter la répétition
de l’a nasal, qui, connu pour être une tare
du participe présent, se trouve redoublé
au gérondif :

Tonsard se bâtit alors cette maison


lui-même, en prenant les matériaux
de ci et de là, se faisant donner un
coup de main par l’un et l’autre,
grappillant au château les choses
de rebut, ou les demandant et les
obtenant toujours
(Balzac, les Paysans).

HISTORIQUE

Le terme latin gerundium, employé en-


core aujourd’hui dans les grammaires
germaniques, devenu en catalan et en
roumain gerundiu, en espagnol, en por-
tugais et en italien gerundio, désigne une
forme de substantif verbal dont le type

existait dans plusieurs langues indo-eu-


ropéennes, et particulièrement en latin,
mais non en grec ancien.

On date du XIIe s. (Pierre Hélie) l’affecta-


tion précise aux formes latines en -ndi,
-ndo, -ndum (ex. : agendum) du terme
de gerundium, et aux formes en -tum,
-tu du terme de supinum, que Priscien
employait indifféremment pour les unes
et les autres. On appelagerundivum l’ad-
jectif verbal latin en -ndus, -nda, -ndum
(ex. : agendus).

Le « gerundium » paraît avoir été origi-


nellement (Bayard, 1902) le neutre subs-
tantivé du « gerundivum », lequel était
un adjectif dérivé de la racine verbale
au moyen de l’élément -*e/°n- élargi de
l’élément -* do (qui caractérise aussi les
adjectifs comme callidus, tepidus, acidus,
dérivés des racines de calleo, tepeo, aceo) ;
l’élément -* e/°n- élargi en -*t- donnait le
participe présent (ex. agentem ;cf. le gr.
agonta).

Le participe en -ndus avait pour fonction


originelle « d’exprimer l’action verbale
active ou passive, sans idée temporelle
ni idée d’obligation » (E. Benveniste, Ori-
gine de la formation des noms en indo-
européen, 1935), mais il la donnait pour
éventuelle et non réalisée :

ad rem agendam [pour l’action à

exécuter].

Le neutre substantivé donnait pratique-


ment une flexion à l’infinitif, dont la
forme première (agere) n’assumait en la-
tin que les fonctions sujet, attribut, objet
direct ou apposition :

ad agendum [pour agir] ;

ars amandi [l’art d’aimer].

Dès l’époque classique, le gérondif avait


surtout deux emplois promis à une
grande fortune :

a) L’ablatif sans préposition, qui expri-


mait le moyen ou la concomitance :

Mens discendo alitur [L’esprit se


nourrit par l’étude] (Cicéron).

Mori falsum fatendo [Mourir en


faisant un faux aveu] (Cicéron) ;
b) L’ablatif ou l’accusatif précédé d’une
préposition, telle que ab, ad, de, ex, in,
pro, qui exprimait des circonstances plus
variées ; inétait particulièrement fré-
quent (105 fois in pour 1 fois ab et 2 fois
de chez Cicéron) :

Multum in cogitando dolorem indi-

piscor [J’éprouve une grande douleur

en réfléchissant] (Plaute).

Quant au génitif, également fréquent, il


devait être remplacé en bas latin par de+
ablatif en même temps que liber Petri
devenait liber de Petro.

Le participe en -ens, -entis exprimait


l’action concomitante (Ernout-Thomas,
Syntaxe latine) rapportée à un nom ;
cette valeur le prédisposait à l’expression
des qualités durables, et certains parti-
cipes présents étaient devenus en latin de
purs adjectifs qualificatifs (valens, potens,
prudens).

Que la valeur du participe fût qualifi-


cative ou verbale, l’idée qu’il exprimait
pouvait être implicitement liée à l’activité
principale de la phrase par une relation
de même ordre que les relations « cir-
constancielles » (temps, condition, etc.) :

Occisus est a cena rediens [Il fut tué


en revenant de dîner] (César).

Quis est qui, totum diem jaculans,


non aliquando collineet ?

[Quel est celui qui, lançant le javelot

toute une journée, n’atteindrait pas

une fois le but ?] (Cicéron).

Le partage latin des emplois du gérondif


et du participe présent ressemble telle-
ment au partage observable en français
moderne qu’on est tenté de croire que, sur
ce point, le latin s’est perpétué sans chan-
gement jusqu’à nos jours. Pourtant, une
différence notable apparaît dans l’ortho-
graphe : le français distingue par l’inva-
riabilité le participe présent à valeur ver-
bale d’un « adjectif verbal », variable, plus
ou moins détaché de la conjugaison (v.
PARTICIPE, art. spécial) ; comparer :

des chefs pouvant tout décider,


des chefs puissants ;

une musique fatiguant les nerfs,

une musique fatigante ;

une chatte dormant sur un coussin,

une eau dormante.

Au contraire, le participe présent la-


tin à valeur verbale (ex. : providens,
de providere,« prévoir ») variait en
cas et en nombre, non autrement que
son doublet adjectif quand il existait
(ex. :prudens,« prudent ») :

SINGULIER 1 PLURIEL

Nominatif...provi-/prudens 1 provi-/
prudentes

Accusatif...provi-/prudentem 1 provi-/
prudentes

Le féminin était semblable au masculin,


les participes se déclinant comme des ad-
jectifs de la deuxième classe (type gran-
dis, masc. et fém.).

Le problème de l’invariabilité se pose en


français dès les plus anciens textes. Un
participe latin à valeur adjective, comme
dolens (de dolere, « souffrir, se lamen-
ter ») apparaît au masculin avec une
déclinaison semblable à celle de granz
(v. ADJECTIF, art. spécial) : cas sujet sin-
gulier dolenz (de *dolentis, refait sur
le modèle des parisyllabiques comme
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2172

grandis), cas régime singulier dolent (de


dolentem), cas sujet pluriel dolent (sup-
posant *dolenti, analogique de boni), cas
régime pluriel dolenz (de dolentes). Au
féminin, la forme est dolente, analogique
de bone, dès la Vie de saint Alexis et la
Chanson de Roland (deux textes où l’on
rencontre également le féminin grande).
Les graphies an et en alternent, notant le
même son [ɑ̃] à partir du XIe s. ; en fait, les
terminaisons en -antem, etc., de la pre-
mière conjugaison avaient été générali-
sées au participe présent en gallo-roman.
La variation en cas et en nombre s’ob-
serve dans les premiers textes pour un
petit nombre de participes dont la valeur
qualificative est évidente : ardent, dolent,
vaillant, curant, avenant, luisant, poant,
present :

Roge est la maille plus

que n’est feus ardenz

(le Couronnement de Louis).

Mais pour les autres participes, l’invaria-


bilité domine :

De toutes parz les vëist on fuiant


(Aymeri de Narbonne).

Si l’orrat Carles, ki est as porz pas-

sant (la Chanson de Roland).

L’s (ou z) peut manquer, même quand la


valeur qualificative est certaine :

Succurez le a voz espiez trenchant !

(la Chanson de Roland).

Les romanistes sont à peu près unanimes


à expliquer l’invariabilité par la substitu-
tion, en bas latin, du gérondif au participe
présent dans tous ses emplois non pure-
ment adjectivaux. En effet, les terminai-
sons du gérondif, réduites à -andi, -ando,
-andu(m) après avoir subi en gallo-roman
la même généralisation du timbre a que
les formes de participe, s’étaient confon-
dues en -ant après la chute des voyelles
finales (VIIIe s.) et l’assourdissement du
d devenu final. D’autre part, on relève
en latin médiéval nombre de textes où le
gérondif tient la place d’un participe pré-
sent latin :

Cum clericis et monachis dicendo


(= dicentibus) psalmos

[Avec des clercs et des moines récitant


des psaumes] (Peregrinatio Aetheriae).

Appropinquando (= appropinquante)
exercitu

[L’armée approchant].

Videndo meos oculos


(= videntibus meis oculis)
[Mes yeux voyant, à ma vue].

Cette explication est adoptée entre autres


par Eugène Lerch (Das invariable Parti-
cipium, 1915), Sneyders de Vogel (Syn-

taxe historique du français, 1919), De


Boer (Over functie en geschiedenis van de
franse « gérondif », 1929), Stanislav Lyer
(Syntaxe du gérondif et du participe pré-
sent dans les langues romanes, 1934). La
position extrême consiste à dire, comme
De Boer, que l’ancien français ne connaît
pas de participe présent, et que ce mode
y est né du gérondif au cours des siècles.
C’est supposer un retour à la structure la-
tine dirigé par les grammairiens, à moins
qu’on n’imagine une création inverse-
ment semblable à celle du grec moderne,
qui a tiré un gérondif du participe en
οντας.

Cette opinion a été combattue par un


élève de De Boer, B. H. J. Weerenbeck
(Participe présent et gérondif, 1927 ;
Qu’est-ce qu’un gérondif ?, 1937). Celui-
ci montre que le participe présent s’était
maintenu en latin médiéval à toute
époque, non seulement dans des textes
savants traduisant de près les écritures
grecques (cette langue en faisant le plus
grand usage), mais dans des textes d’un
latin plus quotidien, comme les traduc-
tions de la Bible appelées Itala et « Vul-
gate », et dans les formulaires mérovin-
giens et carolingiens ; le participe présent
foisonne chez Eghinard.

À l’objection que pas un de ces textes ne


représente le sermo plebeius, Weeren-
beck répond qu’effectivement le participe
présent n’a jamais appartenu au français
populaire, mais qu’il y est disponible,
parfaitement compris. Nos vieux textes
ne sont d’ailleurs pas du français parlé.

Quelle foi accorder au témoignage de l’s


(z) comme marque de cas ou de nombre,
alors que les textes sont très contradic-
toires quant à son emploi ? La marque
de l’attribut d’un sujet singulier est très
caduque en ancien français ; dans ces vers
de la Chanson de Roland (pris parmi des
centaines d’exemples du même fait), l’at-
tribut au cas régime est un participe pas-
sé, et un sujet même est au cas régime :

Ma hanste est fraite et percet mun escut

E mis osbercs desmailet e rumput


(v. 2050-2051).

G. Gougenheim (Étude sur les péri-


phrases verbales de la langue française,
1929) ne voit pas dans l’invariabilité de
l’attribut une preuve de la substitution du
gérondif au participe, parce qu’on trouve
« la même indifférence lorsque le parti-
cipe présent a la valeur d’un adjectif ». Les
exemples nombreux qu’il donne présen-
tent d’ailleurs les formes en -s avec une
certaine fréquence dans les périphrases

avec estre, même comportant un objet


direct :

Bien sot qu’estoit Berniers


ces max vuellans

[Il savait bien que Bernier voulait ces


maux] (Raoul de Cambrai).

En revanche, elles n’apparaissent pour


ainsi dire pas dans les périphrases du
type aller clamant, où la forme en -ant
remonte à coup sûr au gérondif (cf. qui
mentiendo vadunt, capitulaire de 810).

On peut conclure ainsi sur le problème


débattu. L’ancien français connaissait,
comme le français moderne, un adjectif
verbal, un participe présent et un géron-
dif. L’invariabilité du participe présent,
empruntée au gérondif et contraire à
l’usage du latin classique, a des racines
lointaines :

1° En latin comme en français moderne, le


participe présent devenait souvent l’équi-
valent du gérondif dans l’expression des
circonstances : d’où l’emploi fréquent du
gérondif pour le participe dans la langue
parlée (qui tend à l’invariabilité) ;

2° En gallo-roman, le gérondif, réduit au


VIIIe s. à la forme invariable -ant, s’était
confondu formellement avec les cas en
-ant du participe présent.

Il n’est pas étonnant que deux classes


morphologiques, identiques dans un
grand nombre de cas par le sens et par la
forme, aient tendu à une confusion for-
melle totale au profit de l’invariabilité ;
mais cette tendance est loin d’avoir abou-
ti à l’aube de la langue française.

Les véritables gérondifs, remontant à des


gérondifs latins, resteront toujours inva-
riables, alors que les participes marque-
ront une tendance croissante jusqu’au
XVIe s. à s’accorder comme les adjectifs,
à l’imitation du latin (v. PARTICIPE, art.
spécial) ; l’invariabilité l’emportera
cependant pour le participe au XVIIe s.,
sanctionnée par une décision de l’Aca-
démie, votée (à 10 voix contre 6) proba-
blement en 1679, et libellée au registre du
secrétaire Mézeray.

Une simple insuffisance terminologique


aura obscurci les débats des grammai-
riens tout au long du XVIe et du XVIIe s. :
disposant de trois termes, adjectif, parti-
cipe et gérondif, les uns et les autres n’en
retiennent que deux (différents selon les
auteurs), en fonction desquels ils par-
tagent indûment en deux le domaine
des formes en -ant. La clarté viendra au
XVIIIe s. avec la triade moderne :

« Nous devons distinguer en français


legérondif, le participe et l’adjectif
verbal »
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2173

(Duclos, Remarques sur la « Gram-

maire générale et raisonnée » de

Port-Royal, 1754).

Si, revenant au premier état de la langue,


nous examinons maintenant les em-
plois du gérondif proprement dit, nous
les trouvons assez différents de l’usage
moderne.• 1° La construction latine de
l’ablatif en -ndo sans préposition peut
se retrouver en ancien français dans des
textes comme :

Il se fet confés [...] de toz ses pechiez

[...] et en crie merci tendrement

plorant

(la Queste del Saint Graal).

Mais de telles constructions s’inter-


prètent aussi bien par le participe présent
(plorantem) que par le gérondif (ploran-
do). On a longtemps tenu pour gérondifs
en français classique les formes en -ant
sans préposition qui ne se rapportent
pas clairement à un nom (ou pronom) du
contexte ; exemple :

J’ôte le superflu, dit l’autre, et

l’abattant,

Le reste en profite d’autant

(La Fontaine, Fables, XII, XIV).


Mais il s’agit tout aussi bien d’un cas
d’anacoluthe qui peut se produire avec
un adjectif ou avec un participe passé
(v. ANACOLUTHE, art. spécial, Complé-
ments mal attachés). On n’imputera
donc pas obligatoirement au chef du
gérondif les formes en -ant des locutions
figées comme argent comptant, humai-
nement parlant, chemin faisant, donnant
donnant.

On écartera également les cas de


construction absolue du participe pré-
sent d’un verbe impersonnel en français
classique :

Après une grande sécheresse venant

à pleuvoir [...], il s’en prend au ciel de

ce qu’elle [la pluie] n’a pas commencé

plus tôt

(La Bruyère).

On verra là plutôt une forme réduite de


« proposition participe » qu’un gérondif,
devant lequel il n’est pas possible de réta-
blir en.

L’ancien français connaît pourtant un


emploi très fréquent du gérondif absolu
se rapportant à un verbe de mouvement
(essentiellement aller et venir) :

Vielz est e fraieles, toz s’en vait

declinant

(Vie de saint Alexis).

La vint corant com feme forsenede

(ibid.).

Il est traité à AUXILIAIRES (v. art. spécial)


du sort de la périphrase aller+ géron-
dif marquant l’aspect continuatif ou
progressif.

• 2° Les tours prépositionnels, nom-


breux en latin, sont très représentés en
ancien français, où le gérondif fonc-
tionne comme un véritable nom verbal
en relation circonstancielle avec le verbe
support :

Ne se falront dusqu’as menbres


perdant

[Ils seront fidèles à eux-mêmes


jusqu’à la perte de leurs membres]
(Ogier le Danois).

Al terme de son moriant


N’ot li reis ëu nul enfant
(Brut).

Dist a sun uncle belement en riant...

(la Chanson de Roland).

Servi vos ai par mes armes portant


(Raoul de Cambrai).

Mais il le fait por vie racatant

[Mais il le fait pour racheter sa vie]

(Ogier le Danois).

Passer le feroi mer sans nul terme

prenant

(Gaufrey).

Fonctionnant comme un véritable nom,


le gérondif pouvait être précédé :

soit de l’article : a l’entrant de mai ;

soit de l’adjectif démonstratif : en ce


chancelant ;

soit de l’adjectif possessif : en mon


dormant.

En bas latin, la préposition ad se ren-


contrait suivie de l’infinitif au lieu du
gérondif, particulièrement dans des
textes traduits du grec : dare ad mandu-
care, « donner à manger » (Itala). Il en
fut de même pour d’autres prépositions
en beaucoup d’emplois, dans tout le do-
maine roman. Ainsi, l’expression latine
ars amandi est devenue :
— en français : art d’aimer ;
— en italien : arte di amare ;
— en espagnol : arte de amar.

Infinitif et gérondif se concurrencent en


ancien français après les prépositions :

Vous m’en avés fet confort et en par-

ler et en chantant

(Roman de la Violette).

L’infinitif, devenant un véritable nom


apte à recevoir l’article, concurrença
bientôt le gérondif et le supplanta dans
ses emplois prépositionnels : seuls res-
taient usitées avant le gérondif après 1300
les prépositions en, par et pour ; après
1600, seulement en. Vaugelas remarquait
(1647) :

Les gérondifs ont une marque,


qu’ils prennent devant eux quand

ils veulent, qui est en [...], et le plus

souvent ils ne la prennent point.

On dit souvent que en est devenu obli-


gatoire au XVIIIe s. Comment l’affirmer,
quand il est si difficile de distinguer un
gérondif (étymologique) d’un de ces par-
ticipes présents vagabonds dont il était
question plus haut ? Tout ce qu’on peut
dire est que la construction lâche du par-
ticipe se fait, au XVIIIe s., de plus en plus
rare.

Le français moderne conserve des ves-


tiges des anciennes constructions du gé-
rondif, dont l’origine n’est plus sentie : de
mon (ton, etc.) vivant, sur mon (ton, etc.)
séant, à mon (ton, etc.)escient [vx], à mon
(ton, etc.) corps défendant.

La survivance exclusive de en devant la


forme en -ant tient vraisemblablement
à l’équivalence presque totale de cette
construction avec le gérondif pur issu
de l’ablatif du gérondif latin : l’identité
sémantique de sortant et en sortant dans
la moitié des cas peut expliquer l’élimi-
nation de en sortir — qu’on rencontrait
en ancien français.

Quelle qu’en soit la cause, la conservation


de en sortant est un fait, qui trouble l’har-
monie du système syntaxique, mais que
rien ne permet de juger précaire, puisque
le gérondif est tout à fait vivant en fran-
çais écrit et parlé, ce qu’on ne peut dire du
participe présent. Le gérondif est conser-
vé dans les autres langues romanes,
mais une particularité du français est
de l’avoir distingué du participe présent,
avec lequel il se confond ailleurs ; cette
distinction a permis, par le rattachement
exprès au nom ou au verbe, un repérage
plus précis de l’agent.

1. géronte [ʒerɔ̃t] n. m. (gr. gerôn, -ontos,


vieillard ; 1704, Trévoux). À Sparte, cha-
cun des trente membres du sénat (gerou-
sia), élus à vie et qui devaient être âgés de
soixante ans au moins.

2. géronte [ʒerɔ̃t] n. m. (n. pr. fréquem-


ment employé dans les comédies du XVIIe s.
pour dénommer des vieillards et tiré du
gr. gerôn, -ontos, vieillard ; 1829, Balzac,
au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste). 1. Type
de vieillard de la comédie classique, ridi-
cule et facile à duper : Il s’était figuré que
[...] ce bonhomme [...] n’avait pour lui que
cette affection à la fois légère et sévère des
Gérontes de comédie (Hugo). ‖ 2. Vx ou lit-
tér. Homme âgé, naïf et qui se laisse mener.

gérontisme [ʒerɔ̃tism] n. m. (de géronte ;


1866, Littré, aux sens 1-2). 1. Régime poli-
tique où le pouvoir est détenu par les
vieillards. ‖ 2. Affaiblissement mental
dû à l’âge.

• SYN. : 1 gérontocratie ; 2 ramollissement,


sénilité.

géronto- [ʒerɔ̃to] élément tiré du gr.


gerôn, -ontos, vieillard, et qui entre, comme
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2174

préfixe, dans la composition de quelques


mots.

gérontocratie [ʒerɔ̃tɔkrasi] n. f.
(du gr. gerôn, -ontos, vieillard, sur le
modèle de aristocratie ; 1825, Béranger).
Gouvernement exercé par les vieillards :
La gérontocratie sous laquelle tout se flétrit
en France (Balzac).

• SYN. : gérontisme.

gérontocratique [ʒerɔ̃tɔkratik] adj. (du


gr. gerôn, -ontos, vieillard, sur le modèle
de aristocratique ; av. 1755, Montesquieu).
Relatif à la gérontocratie.

gérontologie [ʒerɔ̃tɔlɔʒi] n. f. (de


géronto- et de -logie, du gr. logos, discours,
science ; 1955, Binet et Bourlière, aux sens
1-2). 1. Étude du vieillissement de l’orga-
nisme en tant que phénomène biologique.
‖ 2. Étude des problèmes que pose la vieil-
lesse, ou « troisième âge », du point de vue
social, économique, psychologique, etc.

gérontophilie [ʒerɔ̃tɔfili] n. f. (de


géronto- et de -philie, du gr. philos, qui
aime, ami ; 1962, Larousse). Perversion de
l’instinct sexuel qui porte certaines per-
sonnes à rechercher des gens âgés.

gérontoxon [ʒɛrɔ̃tɔksɔ̃] n. m. (de


géronto- et du gr. toxon, arc ; 1872,
Larousse). Arc ou cercle blanc, opaque,
apparaissant autour de la cornée chez les
vieillards. (Syn. ARC SÉNILE.)

gerseau [ʒɛrso] n. m. (altér. mal expliquée


de herseau, dimin. de herse ; 1678, Guillet).
Dans la marine, filin ou cordage qui sert à
soutenir ou à renforcer une poulie.

gerzeau [ʒɛrzo] n. m. (mot des parlers du


centre et de l’ouest de la France, d’origine
obscure ; XIIe s., Godefroy, écrit jarzeu, au
sens de « ivraie » ; v. 1330, Glossaire du
Vatican, écrit jardeau, au sens actuel ; ger-
zeau, 1752, Trévoux). Vx ou dialect. Autre
nom de la nielle des blés.

gésier [ʒezje] n. m. (lat. pop. *gicerium,


issu par dissimilation consonantique du
lat. class. gigerium, usité surtout au plur.
gigeria, entrailles de volailles ; fin du XIIe s.,
Godefroy, écrit giser [gésier, fin du XIIIe s.],
au sens de « foie » [terme culinaire] ; sens
1, XIIIe s., Médicinaire liégeois, écrit juisier
[gisier, 1509, G. Cretin ; gésier, v. 1560,
Paré] ; sens 2, 1962, Larousse ; sens 3, fin
du XVIIe s., Saint-Simon). 1. Poche diges-
tive des oiseaux, à paroi épaisse et musclée,
qui vient après le ventricule succenturié et
assure le broyage des aliments. ‖ 2. Partie
de l’appareil digestif des insectes et de
divers autres invertébrés, dont la position et
les fonctions rappellent celles de l’estomac
des vertébrés. ‖ 3. Pop. et vx. Tube digestif,
estomac de l’homme : Quand l’estomac
trahit, l’amour est en danger. | Le coeur veut
roucouler, le gésier veut manger (Hugo).
On l’a retiré avec de la terre jusque dans
le gésier (Zola).
gésine [ʒezin] n. f. (lat. pop. *jacīna,
gésine, du lat. class. jacēre [v. l’art. suiv.] ;
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens 1
[pour un animal, 1668, La Fontaine] ; sens
2, av. 1885, V. Hugo). 1. Class. et littér. En
gésine, se dit d’une femme en mal d’en-
fantement, et, par extens., d’une femelle
d’animal en train de mettre bas : À l’endroit
| Où la laie était en gésine (La Fontaine).
C’était l’heure où parmi le froid et la lésine
| S’aggravent les douleurs des femmes en
gésine (Baudelaire). De la salle que je viens
d’appeler « salle de travail », arrivaient les
soupirs et les plaintes des femmes en gésine
(Duhamel). Voici que mes flancs houlent,
autant et mieux que ceux de la chatte en
gésine (Colette). ‖ 2. Fig. et littér. Action de
faire naître, de mettre au monde, de créer :
Ces grandes minutes de gésine sociale et
d’enfantement révolutionnaire (Hugo).

gésir [ʒezir] v. intr. (lat. jacēre, être étendu,


couché, gisant, être abattu, être démoralisé,
de jacĕre, jeter ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
au sens 1 [« être tombé, répandu çà et là, en
parlant de choses », 1671, Boileau] ; sens 2,
v. 1170, Floire et Blancheflor [aussi ci-gît] ;
sens 3, 1742, Louis Racine ; sens 4, 1668,
La Fontaine [« être situé quelque part, en
général », XIIe s., Chanson de Floovant] ;
sens 5, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy).
[Conj. 26.] 1. Littér. Être couché, étendu
sans mouvement (en parlant des êtres
vivants) : Un blessé qui gît sans connais-
sance. Les bras ballants, l’air lamentable,
| Tout affaissé, gît le pantin (Gautier). Les
larges poissons à ventre blanc gisaient à
côté de lui (Maupassant). Toby-Chien et
Kiki-la-Doucette gisent sur la pierre blanche
(Colette). ‖ Être tombé, répandu çà et là (en
parlant de choses) : Coupé à coups de hache,
l’escalier en spirale gisait au milieu de la
salle (Hugo). ‖ 2. Spécialem. Être couché
dans la tombe (en parlant des morts) : Ils
gisent tout entiers entre quatre ais de rouvre
(Heredia). ‖ Ci-gît, ci-gisent, formules des
épitaphes. (V. CI 1.) ‖ 3. Fig. et littér. Être
à jamais enseveli, aboli, ne plus exister :
Sa gloire, sa puissance et ses ambitions |
Gisent lugubrement sous cette eau glaciale
(Leconte de Lisle). ‖ 4. Littér. Se trouver en
tel lieu (en parlant d’une chose cachée ou
délaissée) : Grain de musc qui gis, invisible, |
Au fond de mon éternité (Baudelaire). Dans
un tiroir de son secrétaire, gisaient, alignées,
une vingtaine de couronnes de laurier en
carton peint (Martin du Gard). Cette lueur
exquise d’éternité qui gît au fond de toute
souffrance (Camus). ‖ 5. Class. et littér.
Consister en, résider en : Tout le secret ne
gît qu’en un peu de grimace (Corneille).
Mais ce n’est pas là que gît la ressemblance
(Mérimée). Tout le mérite (abstraction faite
de la langue) gît donc dans l’interprétation
(Baudelaire). Voilà où gît la difficulté.

gesse [ʒɛs] n. f. (anc. provenç. geissa,


gesse, vesce, ivraie, d’origine obscure ; fin
du XIe s., Gloses de Raschi, écrit jese ; gesse,

XVe s., Du Cange). Plante grimpante de la


famille des papilionacées, dont certaines
espèces sont cultivées comme fourragères
(jarosse), d’autres comme ornementales
(pois de senteur, ou gesse odorante).

gestalt [geʃtalt] n. f. (mot allem. signif.


proprem. « forme, conformation, configu-
ration » ; milieu du XXe s.). Selon la théorie
de la forme, ensemble structuré, ayant une
unité naturelle, qui est la donnée première
de la perception. (V. FORME.)

gestaltisme [geʃtaltism] n. m. (de ges-


talt ; milieu du XXe s.). Psychologie de la
forme, élargie en une conception philo-
sophique. (V. FORME.)

gestaltiste [geʃtaltist] adj. (de gestal-


tisme ; milieu du XXe s., comme adj. et n.).

Relatif au gestaltisme.

& adj. et n. Partisan du gestaltisme.

Gestapo [gɛstapo] n. f. (mot allem.,


contraction de Ge[heime] Sta[ats]po- [lizei],
police secrète d’État, de geheim, secret [adj.],
Staat, État, et Polizei, police ; 1934). Police
secrète d’État du Reich hitlérien : Le pho-
tographe dressa pour la Gestapo de Saint-
Girons une liste de suspects (Dorgelès).

gestation [ʒɛstasjɔ̃] n. f. (lat. gestatio,


-tionis, action de porter, de gestatum,
supin de gestare, porter çà et là, porter
habituellement, dér. de gestum, supin de
gerere, porter ; 1537, J. Canappe, au sens
de « exercice consistant à se faire por-
ter » ; 1611, Cotgrave, au sens de « action
de porter » ; sens 1, 1748, d’après Trévoux,
1752 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. État d’une
femelle vivipare qui porte son petit, depuis
la conception jusqu’à l’accouchement : En
1783, dans la vingt-sixième année de son
âge, cette femme conçut un enfant ; sa ges-
tation fut une joie grave (Balzac). ‖ 2. Fig.
Travail latent par lequel s’élabore une créa-
tion de l’esprit ou un nouvel état de choses :
La gestation d’un poème. La société est en
gestation d’événements terribles (L. Blanc).
• SYN. : 1 grossesse ; 2 genèse (fig.).

gestatoire [ʒɛstatwar] adj. (lat. gestato-


rius, qui sert à porter, de gestatum [v. l’art.
précéd.] ; 1531, J. de Vignay, dans la loc.
chambre gestatoire, chambre portative ;
chaise gestatoire, 1752, Trévoux). Chaise
gestatoire, se dit de la chaise à porteurs
dont le pape fait usage en certaines cir-
constances solennelles. (On dit aussi SEDIA
GESTATORIA.)

1. geste [ʒɛst] n. m. (lat. gestus, attitude


du corps, mouvement du corps, mimique,
jeu, de gestum, supin de gerere, faire ; v.
1213, Fet des Romains, écrit gest, au sens
de « attitude, façon de se comporter » ;
écrit geste, au sens 2, XVe s., Perceforest
[aussi fém. à la fin du XVe s., Commynes] ;
sens 1, 1550, Ronsard ; sens 3, 1926, Gide
[faire un geste, XXe s. ; avoir le geste large,
milieu du XXe s.]). 1. Mouvement du corps,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2175

particulièrement des bras, de la main, de


la tête, volontaire ou non, chargé ou non
de signification : Saluant d’un geste noble
tout le marché accouru, il donna le signal
du départ (Daudet). Fabrice avait fort bien
vu un geste de surprise chez le maréchal
des logis (Stendhal). Des gestes saccadés,
nerveux. ‖ 2. Manière habituelle de mou-
voir son corps, ses membres : Il a le geste
lent et la pâleur maladive d’un homme à
santé délicate (Fromentin). ‖ 3. Fig. Acte
remarquable et qui frappe l’esprit : Un
geste désintéressé. Son intervention en
faveur d’un ancien adversaire est un beau
geste. ‖ Faire un geste, manifester sa bonne
volonté d’une manière plutôt symbolique
que vraiment efficace. ‖ Fam. Avoir le geste
large, être généreux.

• SYN. : 2 allure ; 3 action.

& gestes n. m. pl. (1857, Flaubert).


Manifestations extérieures, faux-semblants
(vieilli) : Sa mère prétendait que tout cela
c’était des gestes (Flaubert).

2. geste [ʒɛst] n. f. (lat. gesta, exploits,


part. passé neutre plur. substantivé [pris
pour un fém. sing. à basse époque] de
gerere, faire, accomplir, exécuter ; 1080,
Chanson de Roland, au sens de « histoire,
rapportée par écrit, des hauts faits d’un
peuple ou d’une famille » ; sens 1, XIIe s.,
Roncevaux [aussi chanson de geste — repris
au XIXe s., 1831, Revue des Deux Mondes] ;
sens 2, XIIe s., Godefroy ; sens 3, début du
XVIIe s.). 1. En histoire littéraire, ensemble
de poèmes épiques du Moyen Âge rela-
tant les hauts faits d’un héros : La geste de
Garin de Monglane. Nos vieux poèmes de
gestes (Hugo). ‖ Chanson de geste, un des
poèmes de cet ensemble : « La Chanson de
Roland » est la plus célèbre de nos chansons
de geste. ‖ 2. Class. Exploits héroïques et
mémorables : Ce grand chroniqueur des
gestes d’Alexandre (Boileau). La tradition
ne nous a transmis que les gestes de quelques
nations (Buffon). ‖ 3. Les faits et gestes de
quelqu’un, sa conduite considérée dans
les diverses actions qui la composent et
la font connaître : Au lieu de perdre mon
temps et le vôtre à vous raconter les faits
et gestes de ma vie, j’aime mieux vous les
envoyer tout consignés dans le journal de
Rome (Chateaubriand). Il me raconte ainsi
ses faits et gestes sans commentaires, sans
guirlandes (Colette).

gesticulant, e [ʒɛstikylɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de gesticuler ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qui gesticule : Celui qu’on
appelait le gouverneur [...] était un petit
homme expressif et gesticulant (Daudet).
Un énergumène gesticulant.

gesticulateur, trice [ʒɛstikylatoer,


-tris] n. et adj. (lat. gesticulator, gesticula-
teur [de gesticulatum, supin de gesticulari,
v. GESTICULER], ou dér. savant de gesticuler ;
1578, H. Estienne). Qui fait beaucoup de
gestes (rare) : Il se persuada qu’il avait atta-

ché à la mimique exagérée des Napolitains,


le peuple le plus gesticulateur du monde, un
sens dont elle était dénuée (Gautier).

gesticulation [ʒɛstikylasjɔ̃] n. f. (lat.


gesticulatio, -tionis, gesticulation, gestes
de pantomime, de gesticulatum, supin de
gesticulari [v. GESTICULER] ; 1495, J. de
Vignay, au sens de « mouvement violent » ;
sens actuel, milieu du XVIe s.). Action de
gesticuler : La fureur des assaillants [...]
éclate [...] en gesticulations menaçantes
(Lamartine). Il y eut des tiroirs ouverts et
refermés rageusement, des roulements de
tisonnier sur la fonte froide du poêle, et,
pour accompagner cette gesticulation fré-
nétique, il fallait voir ce délicat visage [...]
se déformer en grimaces (Daudet).
gesticulatoire [ʒɛstikylatwar] adj. (de
gesticuler ; fin du XIXe s.). Qui s’accompagne
d’une gesticulation (rare) : Une éloquence
gesticulatoire.

gesticuler [ʒɛstikyle] v. intr. (lat. gesticu-


lari, gesticuler, exprimer par des gestes, de
gesticulus, petit geste, dimin. de gestus [v.
GESTE 1] ; 1578, H. Estienne). Faire beau-
coup de gestes, faire de grands gestes en
tous sens : Nous parlions tous à la fois, nous
criions, nous gesticulions (Chateaubriand).
Quatre mille arabes couraient derrière,
pieds nus, gesticulant, riant comme des fous
(Daudet). Allégresse toute méridionale qui
s’épanchait d’une façon bruyante, chantant,
dansant, gesticulant (Zola).

gestion [ʒɛstjɔ̃] n. f. (lat. gestio, -tionis,


action de gérer, exécution, de gestum, supin
de gerere, faire, accomplir, administrer ;
1482, Bartzsch, au sens 1 [gestion d’affaires,
1804, Code civil] ; sens 2, 1690, Furetière).
1. Action de gérer : Appelé ensuite à Rome,
il s’y fût attaché à la gestion des finances
impériales (France). Se consacrer à la ges-
tion de ses domaines. ‖ Spécialem. Gestion
d’affaires, en termes de droit, quasi-contrat
consistant dans le fait qu’une personne
intervient dans les affaires d’une autre,
sans mandat mais sans opposition, et
dans l’intérêt de celle-ci. ‖ 2. Manière de
gérer : Demander compte à quelqu’un de sa
gestion. Une bonne, une mauvaise gestion.
• SYN. : 1 conduite, direction ; 2 adminis-
tration, gérance.

gestionnaire [ʒɛstjɔnɛr] adj. (de gestion ;


11 août 1874, Journ. officiel). Relatif à une
gestion : Un compte gestionnaire.

& n. m. (sens 1, 7 nov. 1876, Journ. officiel ;


sens 2, 1922, Larousse). 1. Personne qui
assure la gestion d’une affaire. ‖ 2. Officier
ou sous-officier chargé d’administrer un
établissement militaire (mess, hôpital, etc.).

gestuel, elle [ʒɛstɥɛl] adj. (de geste,


d’après manuel ; début du XXe s.). Qui
concerne le geste : Activité gestuelle.

geyser [ʒɛzɛr] n. m. (angl. geyser, source


thermale d’eau jaillissante en Islande, islan-

dais Geysir, n. pr. d’une source d’eau chaude


située en Islande méridionale, devenu,
comme n. commun, l’appellation de toute
source d’eau chaude jaillissante ; 1784,
Mongez, au sens 1 ; sens 2, 1919, Dorgelès).
1. Source d’eau chaude jaillissant par inter-
mittence : Dans les montagnes Rocheuses,
un grand nombre de geysers sont en acti-
vité. ‖ 2. Projection d’eau, de boue, etc., en
gerbe : Un autre [tank] se coucha mollement
à côté d’un geyser de terre boueuse et de
cailloux (Malraux).

• SYN. : 2 gerbe, giclée, jaillissement, jet.

geysérien, enne [ʒɛzerjɛ̃, -ɛn] adj. (de


geyser ; 1962, Larousse). Se dit de ce qui
se rapporte aux geysers : Manifestations
geysériennes.

ghetto [gɛto] n. m. (ital. de Venise ghetto,


quartier juif [début du XVIe s.], du juif
moderne gghette, quartier juif, peut-être
dér. de l’hébreu ghēt, acte de séparation ;
1691, Misson, puis 1842, Mozin, au sens
1 ; sens 2-3, fin du XIXe s., A. Daudet ; sens
4, milieu du XXe s.). 1. Autref. Quartier
où les juifs étaient tenus de résider, dans
certaines villes, en particulier d’Europe
centrale. ‖ 2. Quartier d’une ville moderne
occupé par des communautés juives : Je
n’avais d’autres sorties que le matin, dans
le petit jour d’hiver, la conduite de mon fils
au lycée Charlemagne par les ruelles écla-
boussantes de ce coin du Marais, passage
Eginhard, le ghetto où fermentait la bro-
cante du père Leemans (Daudet). ‖ 3. Lieu
où des personnes groupées de même ori-
gine mènent une existence en marge de la
société : Une espèce de ghetto auvergnat
(Daudet). ‖ 4. Fig. Condition déclassée ou
marginale dans laquelle vit une catégorie
de personnes, un peuple : Le ghetto du pro-
létariat. Un pays qui s’efforce de sortir du
ghetto économique.

ghilde n. f. V. GILDE.

G. I. [dʒiaj] n. m. (initiales de la loc. anglo-


améric. government issue, proprem. « four-
niture du gouvernement », de government,
gouvernement [empr. du franç. gouverne-
ment], et de issue, issue, événement, expé-
dition, fourniture [empr. du franç. issue] ;
1944). Fam. Soldat de l’armée américaine.

giaour [ʒjaur] n. m. (mot turc signif.


« incroyant » ; 1740, Acad.). Nom de mépris
donné par les Turcs à tout non-musulman :
Cachés aux regards téméraires | Des giaours
et des Albanais (Hugo). En voilà une sur-
prise, dit le masseur, écarquillant ses gros
yeux de giaour de pendule (Daudet).

gibbeux, euse [ʒibø, -øz] adj. (bas lat.


gibbosus, bossu, du lat. class. gibbus, bosse,
grosseur, tumeur ; XVe s., Dict. général,
au sens 2 [pour un faucon ; pour un être
humain, 1611, Cotgrave] ; sens 1, v. 1560,
Paré). 1. Qui est en bosse, qui a la forme
d’une bosse : Les parties gibbeuses de la
Lune sont les plus éclairées (Acad.). Un dos
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2176

gibbeux. ‖ 2. Qui a le dos bossu : Le cha-


meau est gibbeux [...]. Le fait est déterminé
par Aristote (Hugo).

gibbon [ʒibɔ̃] n. m. (mot angl. empr. à


un parler de l’intérieur de l’Inde ; 1766,
Buffon). Singe anthropoïde de l’Insulinde,
dépourvu de queue.

gibbosité [ʒibozite] n. f. (dér. savant


du lat. gibbosus [v. GIBBEUX] ; 1314,
Mondeville, au sens de « partie renflée [du
foie] » ; sens 1, 1377, Lanfranc ; sens 2, 1803,
Boiste). 1. Courbure anormale de l’épine
dorsale entraînant une saillie extérieure.
‖ 2. Proéminence en forme de bosse : Les
monts sont les gibbosités de la Terre (Hugo).
• SYN. : 1 bosse, cyphose.

gibecière [ʒibsjɛr] n. f. (de gibiez, forme


anc. de gibier [v. ce mot] ; fin du XIIIe s., au
sens 2 ; sens 1, 1316, Havard ; sens 3, 1900,
Dict. général ; sens 4, 1862, Fromentin ; sens
5, 1680, Richelet [avoir plus d’un tour dans
sa gibecière, 1866, Littré]). 1. Au Moyen
Âge, sorte de bourse large et plate qu’on
portait à la ceinture. ‖ 2. Grand sac en cuir,
en peau, en toile, etc., porté en bandoulière,
à l’usage des chasseurs, des pêcheurs : Nous
autres, montagnards, qui vivons de la cara-
bine et de la gibecière (Hugo). ‖ 3. Vx. Sac
des écoliers, porté sur l’épaule ou dans le
dos : Il allait [...], suivi par les petits garçons
qui, leur panier sous le bras et leur gibecière
sur le dos, n’étaient pas pressés d’arriver à
l’école (France). ‖ 4. Vx. Sacoche à l’usage
des garçons de recette, livreurs, etc. : Un
va-et-vient de cavaliers, de messagers avec
leur gibecière en bandoulière (Fromentin).
‖ 5. Vx. Sac que les escamoteurs atta-
chaient devant eux comme un tablier, et
où ils mettaient les muscades du jeu des
gobelets : Des tours de gibecière. ‖ Fig. et
vx. Avoir plus d’un tour dans sa gibecière,
avoir plus d’un tour dans son sac. (V. SAC.)
• SYN. : 2 carnassière, carnier.
gibelet [ʒiblɛ] n. m. (var. de guibelet,
même sens [milieu du XVe s., Quinze Joyes
de mariage], lui-même var. dénasalisée de
guimbelet, même sens [1412, Du Cange],
du moyen néerl. wimmel, sorte de foret [v.
aussi VILEBREQUIN] ; 1549, R. Estienne,
écrit giblet ; gibelet, 1614, Nicot). Petit foret
employé pour mettre un fût en perce.

gibelin, e [ʒiblɛ̃, -in] n. (ital. ghibellino,


du n. de Conrad de Weibelingen [élu en
1138 empereur d’Allemagne] ; XVIe s., La
Curne). Au Moyen Âge, nom donné, en
Italie, aux partisans de l’empereur romain
germanique (par opposition aux guelfes,
partisans du pape et de l’indépendance
italienne).

& adj. (1339, Du Cange, écrit guibelin ;


gibelin, XVIe s.). Qui appartenait au parti
des gibelins : Ravenne, après avoir été
guelfe ou gibeline, est retournée à l’Église
(Chateaubriand). Les troupes gibelines.

gibelotte [ʒiblɔt] n. f. (mot issu, par


changement de suff., de l’anc. franç. gibe-
let, plat préparé avec de petits oiseaux [v.
1170, Floire et Blancheflor], altér. d’un plus
anc. *giberet, dimin. de gibier [v. ce mot] ;
début du XVIIe s., dans la loc. à la gibelote,
qui désignait une manière de préparer les
poissons ; écrit gibelotte, comme n. f., au
sens actuel, 1708, École des officiers de
bouche). Fricassée de lapin au vin blanc :
Un lapin en gibelotte. C’était un aimable
cabaret [...] où l’on mangeait des gibelottes
de lapin renommées (Zola).

giberne [ʒibɛrn] n. f. (peut-être du bas


lat. zaberna, espèce de bissac, d’origine
inconnue ; 1585, Revue du seizième siècle
[XV, 8], au sens de « sacoche » ; sens 1,
1752, Trévoux [giberne d’équipage, 1872,
Larousse ; avoir son bâton de maréchal dans
sa giberne, 1866, Littré ; enfant de giberne,
1800, G. Esnault] ; sens 2, début du XXe s.).
1. Ancienne boîte à cartouches des sol-
dats : J’essayais de fourrer « Atala » avec
mes inutiles cartouches dans ma giberne
(Chateaubriand). Ramasse un fusil et une
giberne, mets-toi à côté des soldats et fais
comme eux (Stendhal). ‖ Giberne d’équi-
page, petite giberne des marins. ‖ Fam.
Avoir son bâton de maréchal dans sa
giberne, se dit pour marquer qu’un simple
soldat peut devenir maréchal, ou une per-
sonne accéder aux plus hauts grades d’une
hiérarchie, en partant de l’échelon le plus
bas : Trop simples et trop gueux pour que
l’espoir nous berne | De ce fameux bâton
qu’on a dans sa giberne (Rostand). ‖ Vx.
Enfant de giberne, enfant né d’un militaire
en activité de service. ‖ 2. Vx. Sac d’éco-
lier : J’y entrais [à l’église] parce que ma
giberne était trop lourde (Mauriac).

• SYN. : 1 cartouchière, grenadière.

giberner [ʒibɛrne] v. intr. (de giberne, au


sens pop. de « bavardage excessif » [1883,
G. Esnault], les soldats d’Afrique se diver-
tissant, paraît-il, d’un répertoire numéroté
d’histoires fameuses, exigibles de ceux qui,
à tour de rôle, tiraient d’une giberne leur
numéro ; 1883, G. Esnault). Vx et pop. Passer
son temps à bavarder : Il nous a emmenées,
Maman et moi, tout l’après-midi au mont
des Oiseaux pour y giberner avec des cama-
rades (Bourget). Oh ! Oh ! assez giberné. Au
boulot... (Arnoux).

gibet [ʒibɛ] n. m. (du francique *gibb,


bâton fourchu ; v. 1155, Wace, au sens de
« bâton fort court avec une crosse, espèce
de casse-tête » ; sens 1, XIIIe s., Chronique
de Rains ; sens 2, début du XIIIe s., Renart
et Piaudoue ; sens 3, 1690, Furetière ; sens
4, 1804, Senancour). 1. Potence pour les
condamnés à la pendaison : Ce malheureux
être [...] commença par le bagne en France
et finit par le gibet en Angleterre (Hugo).
‖ 2. Fourches patibulaires, où l’on exposait
les cadavres des suppliciés : La plaine. Un
gibet plein de pendus rabougris | Secoués

par le bec avide des corneilles (Verlaine).


Florizel [...] ne se balançait pas comme les
autres, moins heureux, aux chaînes du gibet
(Gautier). ‖ 3. Lieu où un gibet était éta-
bli : Montfaucon était le plus superbe gibet
du royaume (Hugo). ‖ 4. Bois sur lequel
on mettait en croix certains condamnés :
Le gibet du Christ. On étend l’homme, nu
comme un Adam terrible, | Sur le gibet qu’il
a traîné dans le chemin ; | On enfonce des
clous dans ses mains ; chaque main | Jette
un long flot de sang à celui qui la cloue, |
Et le bourreau blasphème en essuyant sa
joue (Hugo).

gibier [ʒibje] n. m. (mot issu, par change-


ment de suff., de l’anc. franç. gibiez, chasse
aux oiseaux [fin du XIIe s., J. Bodel], fran-
cique *gabaiti, chasse au faucon ; début du
XIIIe s., Huon de Bordeaux, dans la loc. aler
en gibier, aller à la chasse ; comme n. m., au
sens 1, 1549, R. Estienne ; sens 2 [« viande
d’oiseaux »], 1373, Gace de la Bigne ; sens 3,
v. 1460, Mystère du siège d’Orléans [gibier
de potence, 1668, Molière] ; sens 4, XVIe s.,
La Curne [cela n’est pas de son gibier, av.
1662, Pascal]). 1. Nom générique des ani-
maux qu’on chasse pour les manger, pour
recueillir leur peau, ou pour les détruire,
parce qu’on les considère comme nui-
sibles : Gibier à poil. Gibier à plume. Gibier
d’eau. Petit gibier. Grand gibier. Une pièce
de gibier. Gibier à fourrure. Le gibier noir
comprend ours, loups et sangliers (Benoit).
‖ 2. Viande de gibier : Manger du gibier.
Savoir préparer le gibier. Le bazar frais est
bien approvisionné en viande, en gibier
(Chateaubriand). ‖ 3. Fam. Personne
qu’on poursuit, qu’on cherche à prendre,
à gagner ou à duper : L’armée républicaine
est mon gibier (Hugo). L’homme était le plus
lamentable des gibiers, une épave, hâve et
terreux d’avoir passé la nuit dans un tas de
feuilles (Zola). ‖ Gibier de potence, de pri-
son, criminel méritant la potence, ou, par
exagér., mauvais sujet : Celui-ci le fut bien
plus [étonné] de voir son gibier de prison
couvert de médailles (Dorgelès). ‖ 4. Vx. Ce
qu’on recherche ou dont on fait sa nourri-
ture intellectuelle : Les romans ne sont point
gibier de dévote (Acad.). ‖ Vx. Cela n’est
pas de son gibier, cela dépasse ses connais-
sances, ou ne répond pas à ses goûts.

• SYN. : 2 venaison.

gible [ʒibl] n. m. (allem. Giebel, faîte,


pignon, fronton [mot apporté par les
ouvriers allemands immigrés] ; 1803,
Boiste). Ensemble de briques disposées
dans le four pour la cuisson.

giboulée [ʒibule] n. f. (origine inconnue ;


1547, A. Mizauld, au sens 1 ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Forte averse, de durée brève,
généralement accompagnée de vent, de
grêle et parfois de neige : C’était par une
giboulée de mars... En un clin d’oeil, une
bourrasque s’était élevée (France). ‖ 2. Fig.
et fam. Série de coups appliqués selon un
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2177

rythme rapide : Une giboulée de coups


s’abattit sur lui.

• SYN. : 1 grain, ondée.

giboyer [ʒibwaje] v. intr. (de gib[ier] ;


début du XIIIe s., Amis et Amiles, écrit
giboier, au sens de « chasser aux oiseaux
en employant le faucon » ; écrit giboyer, au
sens classique, fin du XVIe s., A. d’Aubigné
[poudre à giboyer, 1679, J. Savary]). Class.
et fam. Chasser : Le roi des animaux se mit
un jour en tête | De giboyer : il célébrait
sa fête. | Le gibier du lion, ce ne sont pas
moineaux (La Fontaine). ‖ Vx. Poudre à
giboyer, poudre de chasse, beaucoup plus
fine que la poudre ordinaire : Il avait besoin
de la poudre à giboyer (Le Roy).

• REM. « Mot qui ne se dit qu’en riant, et


dans le burlesque » (Richelet, 1680).

giboyeur [ʒibwajoer] n. m. (de giboyer ;


1581, D. Sauvage, au sens 1 ; sens 2, 1752,
Trévoux). 1. Vx. Celui qui chasse beaucoup.
‖ 2. Vx. Celui qui collecte du gibier pour
l’expédier aux marchands de détail.

giboyeux, euse [ʒibwajø, -øz] adj. (de


giboyer ; 1700, Liger). Abondant en gibier :
Un pays giboyeux. La plaine de Beauce,
inculte, buissonneuse et giboyeuse, couverte
de broussailles et de taillis (France).

gibus [ʒibys] n. m. (de Gibus, n. de l’in-


venteur de ce chapeau [dont le brevet a été
enregistré en 1834, cf. Darmesteter, 1877] ;
1858, Behrens, Engl. [le mot est devenu un
n. commun en angl. une dizaine d’années
avant de l’être en franç., mais il est dou-
teux que le franç. soit un empr. de l’angl.] ;
comme adj., 1872, Larousse). Vx. Chapeau
haut de forme à ressort, pouvant s’apla-
tir : Ils reculèrent devant la dépense d’un
de ces chapeaux qui se plient, et qui portent
le nom d’un chapelier Gibus, leur inventeur
(Flaubert). Les gants gris perle, le gibus,
la cravate blanche (Proust). ‖ Adjectiv.
C’est un monsieur avec un chapeau gibus
(Pagnol).

• SYN. : claque.

giclée [ʒikle] n. f. (part. passé fém. subs-


tantivé de gicler ; 1916, G. Esnault, au sens
2 ; sens 1, milieu du XXe s.). 1. Jet d’un
liquide qui gicle. ‖ 2. Fam. Rafale tirée
par une arme automatique : Une giclée de
balles de mitrailleuse.

giclement [ʒikləmɑ̃] n. m. (de gicler ;


1922, Larousse). Action de gicler. (Peu
usité.)

gicler [ʒikle] v. intr. (var., peut-être franco-


provenç., de l’anc. franç. ciscler, fouetter [v.
1112, Voyage de saint Brendan ; anc. pro-
venç. cisclar, gisclar, crier, pleuvoir et venter
ensemble, cingler, fouetter], lat. pop. *cis-
culare, crier, faire jaillir, fouetter, peut-être
contamination du bas lat. fistulare, jouer de
la flûte [du lat. class. fistula, tuyau, canal,
flûte de Pan], et du lat. class. sibilare, siffler
[de sibilus, sifflement, sifflet] ; milieu du

XVIe s., puis 1810, Molard, au sens 1 ; sens


2, 1913, Noailles). 1. Jaillir ou rejaillir avec
force, en parlant d’un liquide : Un coup de
sang [...] qu’a dit le médecin d’Ablon ; même
qu’il a dû la saigner, et de la manière que le
sang giclait, il a vu tout de suite qu’il n’en
serait que ça (Daudet). Les trams à trolley
filaient sans corner, jetant au ciel plombé
les étincelles de leur antenne, et l’eau,
semblable à des socs de charrue, giclait de
chaque côté des roues (Martin du Gard).
[Ils] accouraient vers nous en criant de
joie, faisant gicler la boue sous leurs sabots
(Alain-Fournier). ‖ 2. Fig. et littér. Jaillir,
éclabousser à la façon d’un liquide qui est
projeté : La lumière a giclé sur l’acier et
c’était comme une longue lame étincelante
qui m’atteignait au front (Camus).

• SYN. : 1 éclabousser, fuser.

• REM. On trouve aussi la forme GIGLER


(fin du XIXe s.), que Huysmans a em-
ployée transitivement : Mais l’officier
s’était étalé, giglant le sang par la nuque
(Huysmans).

gicleur [ʒikloer] n. m. (de gicler ; 1906,


Larousse). Orifice calibré, généralement
amovible, servant à limiter le débit d’un
fluide dans les canalisations d’un carbura-
teur : Gicleur d’air. Gicleur d’essence.

giclure [ʒiklyr] n. f. (de gicler ; 1930,


Larousse). Trace laissée par un liquide qui
a giclé : Brûlebois délibérait en lui-même
sans souci des giclures de boue qui étoilaient
ses longues culottes (Aymé).

• SYN. : éclaboussure.

gidien, enne [ʒidjɛ̃, -ɛn] adj. (du n. d’An-


dré Gide, écrivain français [1869-1951] ; v.
1935). Qui est propre à André Gide et à
son oeuvre : Le vocabulaire gidien. Morale
gidienne. Sincérité gidienne.

giffard [ʒifar] n. m. (du n. de l’inventeur,


Henri Giffard [1825-1882], qui fit breveter
son appareil en 1858 ; 1877, Littré [proba-
blem. plus anc., car l’argot employait gif-
fard au sens fig. de « gosier » dès 1870, G.
Esnault]). Injecteur servant à alimenter en
eau une chaudière à vapeur, et utilisant
comme fluide d’entraînement la vapeur
de cette chaudière.

gifle [ʒifl] n. f. (moyen haut allem. kifel,


mâchoire, francique *kifel, même sens ;
v. 1220, G. de Coincy, écrit giffe [gifle,
XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1808, d’Hautel
[une paire de gifles, 1872, Larousse ; une
tête à gifles, XXe s.] ; sens 3, 1919, Dorgelès ;
sens 4, 1887, Zola). 1. Vx. Joue : Les vents
[...] | S’ébouffent [...] à force de souffler, |
Ce qui fait leurs gifles enfler (Scarron).
‖ 2. Coup donné sur la joue avec la main
ouverte : Donner, recevoir une gifle. Il sentit
le vent de la gifle (Zola). ‖ Une paire de
gifles, deux gifles appliquées chacune sur
une joue, avec le dos puis l’intérieur de la
main. ‖ Fam. Une tête à gifles, un visage à
l’expression exaspérante (de bêtise, de suf-

fisance, de défi, etc.), et que l’on aimerait


gifler. ‖ 3. Ce qui fouette brusquement le
visage, coup de vent, projection d’eau, etc. :
La pluie nous atteint aussi d’une gifle froide
(Dorgelès). ‖ 4. Fig. Blessure d’amour-
propre durement ressentie, humiliation,
vexation : Il supporte mal la gifle de ce refus.
• SYN. : 2 baffe (pop.), beigne (pop.), calotte
(fam.), claque, mornifle (fam.), soufflet (lit-
tér.), taloche (fam.), tape, tarte (pop.) ; 4
affront, avanie, camouflet (fam.).

gifler [ʒifle] v. tr. (de gifle ; 1808, d’Hau-


tel, au sens 1 ; sens 2, 1936, Aragon ; sens
3, 1906, Loti). 1. Frapper quelqu’un sur la
joue avec la main ouverte : Prends garde que
je ne te gifle, toi (Balzac). Hôtes durs, qui
n’avaient pour domestiques que des fillettes
de treize ans et les giflaient (Giraudoux).
‖ 2. Fouetter vivement et brusquement le
visage. ‖ 3. Fig. Atteindre quelqu’un dans
son amour-propre, l’humilier : Ses paroles
m’avaient giflé.

• SYN. : 1 calotter (fam.), claquer, confirmer


(fam.), souffleter, talocher (pop.) ; 2 cingler ;
3 doucher (fam.).

gig [ʒig] n. m. (mot angl. signif. « yole,


canot léger », anc. angl. gigge, chose tour-
nante ; 1815, Behrens, Engl., écrit guigue,
au sens de « voiture de chasse » ; sens
actuel, 1845, Bescherelle [écrit guigue ;
gig, 1847, Fr. Mackenzie]). Petite embar-
cation anglaise très légère, utilisée par les
amateurs de sport nautique ou servant de
youyou sur les navires de guerre.
• REM. On écrit aussi GUIG [gig] (XXe s.).

G. I. G. Sigle de GRAND INVALIDE DE


GUERRE (XXe s.).

giga- [ʒiga], gigan- [ʒigɑ̃], élément tiré


du gr. gigas, gigantos, géant, et qui, placé
devant le nom d’une unité, la multiplie par
un milliard (symb. : G).

gigahertz [ʒigaɛrts] n. m. (de giga- et de


hertz ; 1962, Larousse). Unité de fréquence
qui vaut un milliard de hertz (symb. : GHz).

gigant(o)- [ʒigɑ̃t(o)], élément tiré du gr.


gigas, gigantos, géant, et qui entre, comme
préfixe, dans la formation de quelques
mots.

gigantal, e, aux [ʒigɑ̃tal, -o] adj. (dér.


savant du lat. Gigas, Gigantis, un des Géants
[v. GÉANT] ; av. 1553, Rabelais, au sens 2
[un premier ex. au XIIe s.] ; sens 1, av. 1872,
Th. Gautier). 1. Composé de géants, des
géants : Grâce à la valeur d’Hercule, qui
est né d’une mortelle, l’armée gigantale est
mise en déroute (Gautier). ‖ 2. Plaisamm.
Gigantesque, qui a la taille d’un géant : Il
y avait le sire de Matefelon, un chevalier de
stature gigantale, qui avait tué des Anglais
à tas (Hugo).

• SYN. : 2 colossal, démesuré, géant.

gigantesque [ʒigɑ̃tɛsk] adj. (ital. gigan-


tesco [dér. de gigante, géant, de même ori-
gine que le franç. géant, v. ce mot], ou dér.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2178

savant du lat. Gigas, Gigantis [v. l’art. pré-


céd.], avec le suff. -esque ; fin du XVIe s., au
sens 1 [« démesuré, en parlant de la taille,
de la grandeur », 1677, Mme de Sévigné] ;
sens 2, 1831, V. Hugo ; sens 3, 1718, Mme de
Main-tenon). 1. Se dit d’un être ou d’une
chose qui excède de beaucoup la taille ou
la grandeur habituelle, normale, des êtres
ou des choses du même genre : C’est un
homme monté sur des ruines et qui paraît
gigantesque (Chateaubriand). Tartarin,
stupéfait, voit paraître, à dix pas devant
lui, un lion gigantesque s’avançant la tête
haute (Daudet). Les tuteurs des dahlias
étaient gigantesques (Flaubert). ‖ Par
extens. En parlant de la taille, de la gran-
deur, démesuré : Sa voix, qui était enrouée
et faible, contrastait singulièrement avec
les proportions presque gigantesques de sa
personne (Mérimée). ‖ 2. Dont la taille,
les proportions paraissent extraordinaires
relativement à la mesure humaine : Une
des portes de la ville, formée de quartiers
de rocher gigantesques (Chateaubriand).
L’ombre gigantesque des tours de Notre-
Dame (Hugo). Puis New York apparut ; de
gigantesques cubes d’ombres, rangés parmi
des cubes de lumières plus gigantesques
encore, bornèrent l’horizon (Giraudoux).
‖ 3. Fig. Qui dépasse de beaucoup la com-
mune mesure : Triste amour du péché !
sombres désirs du mal ! | De l’orgueil, du
savoir gigantesques pensées ! (Vigny). La
gigantesque horreur de l’ombre herculéenne
(Heredia). César Birotteau, ce gigantesque
lutteur que Balzac a mis aux prises avec
la faillite (Zola). Une oeuvre gigantesque.
Erreur gigantesque.

• SYN. : 1 démesuré, géant, immense ;


2 colossal, cyclopéen, énorme monstrueux,
monumental, titanesque ; 3 extraordinaire,
fabuleux, fantastique, formidable, fou
(fam.), pharamineux (fam.), phénoménal
(fam.), prodigieux.

& n. m. (1775, Beaumarchais). Ce qui est


gigantesque, démesuré : Le gigantesque
passait pour grand (Renan).

gigantesquement [ʒigɑ̃tɛskəmɑ̃] adv.


(de gigantesque ; 1847, Flaubert). De façon
gigantesque (rare) : La lutte était gigan-
tesquement engagée (Hugo). Le bourgeois
de Rouen est toujours quelque chose de
gigantesquement assommant et de pyra-
midalement bête (Flaubert). Hugo lui-même
n’a rien imaginé de plus gigantesquement
factice, de plus faux (Gide).

gigantisme [ʒigɑ̃tism] n. m. (dér. savant


du lat. Gigas, Gigantis, un des Géants [v.
GÉANT] ; milieu du XVIIIe s., Buffon, au sens
de « état de ce qui est gigantesque » ; sens 1,
1888, Larousse ; sens 2, 1965, G. Bouthoul ;
sens 3, début du XXe s.). 1. Développement
extraordinaire du corps relativement à la
mesure moyenne des individus de même
âge et de même espèce. ‖ 2. Fig. Caractère
des choses qui ont des proportions
démesurées : Le gigantisme d’une firme.

‖ 3. Goût du gigantesque, des choses exces-


sives : Époque de démence et de gigantisme
(Maeterlinck).

gigantographie [ʒigɑ̃tɔgrafi] n. f. (de


gigantographie [ʒigɑ̃tɔgrafi] n. f. (de
giganto- et de -graphie, du gr. graphein,
écrire, décrire ; 1866, Littré, au sens de
« description des géants » ; 1872, Larousse,
au sens de « histoire, traité des géants » ;
sens actuel, 1962, Larousse). Procédé
d’agrandissement d’images tramées par
projection, pour l’impression en offset
d’affiches de grand format.

gigantomachie [ʒigɑ̃tɔmaʃi] n. f. (lat.


impér. gigantomachia, combat des géants et
des dieux, gr. Gigantomakhia, même sens,
de Gigas, Gigantos [v. GÉANT], et de makhê,
combat, bataille ; XVIe s., Huguet, au sens
1 ; sens 2, 1644, Scarron). 1. Combat des
géants contre les dieux, dans la mythologie
grecque. ‖ 2. OEuvre qui traite ce sujet.

gigantosité [ʒigɑ̃tozite] n. f. (dér. savant


du lat. Gigas, Gigantis, un des Géants [v.
GÉANT] ; 1644, Scarron, comme titre d’hon-
neur burlesque donné à un géant ; sens
moderne, av. 1872, Th. Gautier). Syn. rare
de GIGANTISME : Seigneur Typhon, malgré
votre gigantosité, vous n’êtes qu’une grande
canaille (Gautier).

gigler v. intr. V. GICLER.

gigogne [ʒigɔɲ] n. f. (sans doute altér. de


cigogne, au sens de « mère extrêmement
tendre » [av. 1648, Voiture], la cigogne étant
un oiseau réputé pour son amour maternel ;
1659, Dassoucy, dans la loc. Dame Gigogne,
n. d’un personnage de théâtre [créé au
début du XVIIe s.] qui était une géante des
jupes de qui sortait une foule d’enfants ;
mère gigogne, 1842, Balzac). Mère gigogne,
femme qui a beaucoup d’enfants ou qui est
entourée de nombreux enfants (vieilli) :
Ah ! la belle et bonne mère Gigogne, comme
elle s’appelait elle-même en plaisantant par-
fois, avec Rose sur sa poitrine, Ambroise
disparu à moitié contre un de ses flancs,
Blaise et Denis derrière ses épaules ! (Zola).
& adj. (1922, Larousse [navire gigogne, 1968,
Larousse]). Se dit d’objets qui s’emboîtent
les uns dans les autres : Table gigogne.
Lits gigognes. Fusée gigogne. ‖ Spécialem.
Navire gigogne, grand bâtiment qui met
en oeuvre une flottille de petits véhicules
satellites : hydroglisseurs, hélicoptères,
vedettes, petits sous-marins...

gigolette [ʒigɔlɛt] n. f. (fém. de gigolo ;


1850, G. Esnault [« fille des rues », fin du
XIXe s., Huysmans]). Fam. Fille délurée et
de moeurs libres. ‖ Spécialem. Fille des
rues (vieilli) : Un assommoir où dansaient
et buvaient des alphonses et des gigolettes
(Zola). Le hasard fit qu’il n’habitât point
une maison bondée de roulures ou foison-
nant de gigolettes propres à le dégourdir
(Huysmans).

gigolo [ʒigɔlo] n. m. (de gigue 1, au sens


de « jambe », le sens premier du terme

[attesté seulement v. 1860, Delvau] ayant


sans doute été « jeune danseur, jeune
homme qui fréquente les bals de barrière » ;
1850, G. Esnault, au sens 1 ; sens 2, 1920,
Colette ; sens 3, 1913, G. Esnault). 1. Vx.
Amant d’une gigolette. ‖ 2. Auj. Jeune
homme qui est l’amant d’une femme
plus âgée que lui et qui se fait entretenir
par elle : Vous avez passé l’âge du gigolo
(Colette). ‖ 3. Jeune homme élégant mais
dont les manières, les moyens d’existence
sont douteux : Jusqu’ici, à leurs insinua-
tions questionneuses, osant me demander
comment un homme comme moi pouvait
frayer avec un gigolo de votre espèce et sorti
de rien, je n’ai répondu que par la devise
de mes cousins La Rochefoucauld : « C’est
mon plaisir » (Proust).

& adj. (1936, Montherlant). D’une allure,


d’une élégance suspecte : Elle lui trouvait
l’air gigolo et ne pouvait pas faire que cela
ne l’amusât (Montherlant).

gigot [ʒigo] n. m. (de l’anc. franç. gigue,


instrument de musique à trois cordes —
dont la forme ressemblait à celle d’un gigot
— [v. 1155, Wace], anc. haut allem. gīga,
même sens ; fin du XIVe s., Taillevent, au
sens 1 [gigot raccourci, XXe s. ; manche de
gigot, 1690, Furetière ; manche à gigot, 1834,
Landais] ; sens 2, 1644, Scarron [remuer
le gigot, 1695, Regnard] ; sens 3, 1836,
Acad. [gigot, 1838, Acad. ; manche gigot,
XXe s.]). 1. Cuisse de mouton ou d’agneau,
et, par extens., de chevreuil, coupée pour
la table : Il aimait le gros cidre, les gigots
saignants (Flaubert). Le cassoulet à la mode
de Carcassonne, simple gigot de mouton aux
haricots (France). ‖ Gigot raccourci, gigot
dont on a séparé, sous le nom de « selle »,
la région de la croupe. ‖ Manche de gigot,
partie de l’os qui dépasse du gigot et par
laquelle on peut le saisir pour le maintenir
et le découper. ‖ Manche à gigot, instru-
ment qui emboîte l’os du gigot et permet
de le maintenir pour le découper à table.
‖ 2. Fam. Jambe, cuisse d’une personne :
Étendre ses gigots. ‖ Vx. Remuer le gigot,
danser. ‖ 3. Vx. Une manche à gigot ou,
ellipt., un gigot, et, auj., une manche gigot,
manche de corsage très ample et bouffante
dans sa partie supérieure : Les femmes
avaient des manches à gigot [...], des cha-
peaux si surannés que, malgré notre saisis-
sement et notre vague effroi, il nous arrivait
de sourire (Loti). Un léger renflement qui,
aux manches, près des épaules, faisait pen-
ser aux « gigots » 1830 (Proust).

& gigots n. m. pl. (1740, Acad.). Les gigots


d’un cheval, les jambes de derrière du che-
val. (Vieilli.)

gigoté, e [ʒigɔte] adj. (de gigot ; 1655,


Salnove). Qui a les cuisses, les membres
faits d’une certaine façon (en parlant d’un
animal) : Un cheval mal gigoté.

gigotement [ʒigɔtmɑ̃] n. m. (de gigoter ;


1885, A. Daudet). Fam. Action de gigoter :
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2179

La Faustin [...] lui jeta, en se livrant à un


gigotement terrible d’un de ses coudes :
« Mais ne dites donc rien » (Goncourt).
Il commença le récit de sa chute ; d’abord
d’un air détaché, indifférent, puis avec des
mouvements effarés, des gigotements au
bout de la corde (Daudet).

• SYN. : gesticulation, trémoussement.

gigoter [ʒigɔte] v. intr. (fréquentatif de


l’anc. v. giguer, gambader [XIVe-XIXe s.],
dér. de l’anc. franç. gigue, instrument de
musique [v. GIGOT] ; 1694, Ménage, au sens
de « ruer du pied » ; 1718, Acad., au sens de
« secouer les jambes en mourant [en parlant
d’un animal] » ; sens 1, 1743, Trévoux ; sens
2, av. 1778, Voltaire). 1. Fam. Remuer sans
cesse les jambes et, par extens., remuer bras
et jambes, gesticuler, s’agiter : Je t’envoie
d’un coup de pied, au bas du talus, gigo-
ter avec les grenouilles (Gautier). Égayé,
chatouillé par le soleil, il riait et gigotait,
ses petits pieds roses en l’air (Zola). Il
gigotait des pieds et des mains (Rolland).
Saisi à bras-le-corps, soulevé, il gigota une
seconde ; puis, acceptant le jeu, il éclata d’un
rire clair (Martin du Gard). ‖ 2. Pop. et
plaisamm. Danser : Une grosse gaieté saisit
les hommes qui gigotaient lourdement en
leurs habits de fête (Maupassant).

• SYN. : 1 frétiller.
gigoteur, euse [ʒigɔtoer, -øz] n. (de gigo-
ter ; 1862, V. Hugo). Personne, animal qui
gigote, qui remue sans cesse : Qu’est-ce que
c’est que cette rosse-là ? Je n’en veux pas.
C’est le gigoteur [un cheval] (Hugo).

gigoullette [ʒigulɛt] n. f. (de gigue 2 ; fin


du XIXe s.). Vx. Danse populaire à figures,
en vogue entre 1880 et 1900, exécutée sur
un pas de polka et dans laquelle les dan-
seurs lançaient alternativement la jambe
droite, puis la gauche.

1. gigue [ʒig] n. f. (de gigot, sur le modèle


du couple cuisse/cuissot ; 1655, Borel, au
sens général de « cuisse, jambe » ; sens 1,
1838, Acad. ; sens 2 [« longue jambe »], 1704,
Trévoux ; sens 3, 1662, Brunot [grande
gigue, 1650, Ménage]). 1. Cuisse de certains
animaux, en particulier du chevreuil : Les
gigues de chevreau cuites au four (Theuriet).
‖ 2. Fam. Jambe de l’homme : Étaler ses
grandes gigues. ‖ 3. Vx. Fille enjouée, qui
aime gambader. ‖ Auj. et fam. Grande
gigue, fille grande et maigre.

• SYN. : 1 cuissot, gigot.

2. gigue [ʒig] n. f. (angl. jig, gigue, mot


probablem. tiré du radical de l’anc. franç.
giguer, gambader [v. GIGOTER] ; 1658,
Brunot, aux sens 1-2 [danser la gigue,
« s’agiter », 1866, Verlaine]). 1. Danse popu-
laire ancienne, de mouvement vif, origi-
naire de Grande-Bretagne, utilisée dans
la suite, dont elle constitue le mouvement
final. ‖ Fam. Danser la gigue, s’agiter : Un
gibet plein de pendus rabougris | Secoués
par le bec avide des corneilles | Et dan-

sant dans l’air noir des gigues nonpareilles


(Verlaine). ‖ 2. Air sur lequel on exécutait
cette danse.

gilbert [ʒilbɛr] n. m. (de Gilbert, n. pr. ;


1962, Larousse). Unité C. G. S. électroma-
gnétique de force magnétomotrice (symb. :
Gb).

gilde, ghilde ou guilde [gild] n. f.


(moyen néerl. ghilde, gilde, du francique
*gilda, réunion de fête [qui avait donné
en anc. franç. gelde, « troupe de soldats à
pied », v. 1155, Wace] ; XIIIe s., Du Cange,
écrit gilde [ghilde, XIVe s., Du Cange ; guilde,
terme d’histoire médiév., 1788, Journ. de
Paris], au sens 1 ; sens 2, v. 1950). 1. Au
Moyen Âge, nom donné à des associations
d’abord confraternelles, puis économiques,
formées entre corporations d’ouvriers, de
marchands ou d’artistes : Il fut reçu franc-
maître de la gilde de Saint-Luc (Huysmans).
Crécy-Gonzalve se mit à parler vers et
poètes, unanimisme, ghildes, simultanéistes
(Dorgelès). ‖ 2. Auj. Association visant à
procurer à ses adhérents de meilleures
conditions commerciales.

gilet [ʒilɛ] n. m. (esp. gileco, var. de cha-


leco, gilet, de l’ar. maghrébin jalaco, jaleco,
casaque des chrétiens captifs des Maures
[XVIe s.], ar. class. djalīka, gilet, du turc
yelek, même sens ; 1664, J. de Thévenot,
écrit gillet, au sens 1 [donné comme mot
tunisien ; comme mot franç., écrit gilet,
1736, Mercure de France ; « pièce ana-
logue du vêtement féminin », 1900, Dict.
général ; pleurer dans le gilet de quelqu’un,
XXe s. ; gilet à/ en coeur, 1877, A. Daudet
— au fig.] ; sens 2, XXe s. [gilet d’armes,
1872, Larousse] ; sens 3, 1845, Bescherelle).
1. Veste courte, sans manches, boutonnée
sur le devant, que les hommes portent par-
dessus la chemise et sous le veston : Il pre-
nait chaque jour un gilet de piqué blanc
(Balzac). Les hommes portent le grand
chapeau, le gilet brodé (Maupassant).
‖ Pièce analogue du vêtement féminin,
souvent pourvue de manches. ‖ Fig. et
fam. Pleurer dans le gilet de quelqu’un, le
prendre pour confident de ses ennuis, de
ses malheurs. ‖ Vx. Gilet à ou en coeur, gilet
très échancré, porté par les élégants vers
1865-1866, et, par extens., homme élégant,
habillé à la dernière mode : Le porche au
terrain battu et sablonneux pareil à cette
entrée du cirque où les gilets en coeur se
pavanent (Daudet). ‖ 2. Spécialem. Gilet
de sauvetage, vêtement en forme de gilet,
gonflé d’air ou garni d’une matière très
légère et imperméable, pour maintenir à la
surface de l’eau celui qui l’a revêtu. ‖ Vx.
Gilet d’armes, gilet de mailles porté sous
l’habit de ville, servant à se protéger contre
les coups d’une arme blanche. ‖ 3. Sous-
vêtement couvrant le dos et la poitrine, qui
se met directement sur la peau : Gilet de
peau. Gilet de flanelle, de coton. Pécuchet
baissa la tête, s’effrayant à l’hypothèse de
ne plus avoir son gilet de santé (Flaubert).

Il me manque un mouchoir et elle m’a


rendu un gilet de dessous qui n’est pas à
moi (Dumas fils).

gileter [ʒilte] v. tr. (de gilet ; 1845,


Bescherelle). [Conj. 4 a.] Vêtir d’un gilet :
Affublé d’un veston de velours violet, gileté
d’un sac de toile brodé d’argent (Bloy).
giletier, ère [ʒiltje, -ɛr] n. (de gilet ;
1828, Gazette des tribunaux). Personne qui
confectionne des gilets : La mère, maman
Coupeau, une ancienne giletière, faisait des
ménages (Zola).

& giletière n. f. (1872, Larousse). Chaîne


de montre qui s’agrafe à l’une des bouton-
nières du gilet : Une giletière d’or.

gill [ʒil] n. m. (mot angl. [début du XIXe s.],


probablem. emploi métaphorique — à cause
de l’aspect du peigne — de gill, branchies
[anc. angl. gile] ; 1872, Larousse). Petit
peigne en forme de barrette, portant des
aiguilles d’acier très fines, et destiné à
maintenir la matière textile pendant son
étirage sur certaines machines de filature.

1. gille [ʒil] n. m. (loc. d’origine obscure ;


1593, Béroalde de Verville, écrit faire gilles ;
faire gille, av. 1613, M. Régnier). Class. et
fam. Faire gille, s’enfuir de peur, prendre
le large : Parmi ces apprêts, la nuit d’aupa-
ravant, | Vous sûtes faire gille, et fendîtes le
vent (Corneille).

2. gille ou gilles [ʒil] n. m. (de Gilles le


Niais, n. d’un acteur du théâtre de la Foire,
au milieu du XVIIe s. ; 1776, Voltaire, au
sens 1 ; sens 2, av. 1848, Chateaubriand).
1. Personnage de la comédie bouffonne,
type de niais : Jouer les gilles. ‖ 2. Vx.
Homme naïf, dont on se moque : Moi et
deux ou trois raisonnables Gilles, nous sen-
tions la jacobinerie (Chateaubriand).

3. gille [ʒil] n. m. (probablem. var. de


l’anc. franç. gielle, une des parties consti-
tutives d’un rets [v. 1354, Modus], lui-même
d’origine obscure ; 1669, Isambert, écrit
giles ; 1690, Furetière, écrit gilles ; gille,
1872, Larousse). Filet de pêche, épervier
de grande taille, chargé en plomb.

gimblette [ʒɛ̃blɛt] n. f. (provenç. gim-


bleto, dér. du v. gimblá, tordre, replier, cour-
ber, var. de gibba, mêmes sens, dér. de l’anc.
provenç. giba, bosse, du lat. gibbus, bosse ;
1680, Richelet). Petite pâtisserie sèche, en
forme d’anneau : Vous avez triomphé du
mauvais naturel de Diamant [un chien] à
force de gimblettes (Mérimée).

gin [dʒin] n. m. (mot angl., empr. du


néerl. jenever, genièvre, du lat. juniperus
[v. GENIÈVRE] ; 1759, Richelet). Eau-de-vie
de grain (orge, blé, avoine), fabriquée sur-
tout dans les pays anglo-saxons et aroma-
tisée avec des baies de genièvre ou d’autres
substances : Ce gin qui fait la nique aux
habits verts [= aux douaniers] (Barbey
d’Aurevilly).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2180

gindre ou geindre [ʒɛ̃dr] n. m. (lat. pop.


*jǔnior, lat. class. jūnior, compar. de jǔvenis,
jeune ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit
joindre, au sens de « apprenti » ; sens
actuel, v. 1268, É. Boileau, écrit joindre
[gendre, XVe s., Du Cange ; gindre, 1694,
Th. Corneille ; geindre, 1872, Larousse]).
Ouvrier boulanger qui pétrit la pâte : Puis
deux Beaucairois, un boulanger et son
gindre, tous deux très rouges... (Daudet). Le
gardien [...] empoigne et brasse à pleins bras,
comme un geindre, les divans (Huysmans).

gineste [ʒinɛst] n. m. (mot du franç.


régional de Provence, provenç. ginesto, anc.
provenç. genesta, de même étym. que l’anc.
franç. geneste, genêt [v. GENÊT] ; XXe s.).
Dialect. En Provence, genêt : Comme un
lapin qui se peigne le poil entre deux touffes
de gineste (Aicard).

gingembre [ʒɛ̃ʒɑ̃br] n. m. (lat. zingi-


ber ou -beri, gingembre, gr. zingiber, ou
-beri, ou -beris, même sens, mot d’origine
extrême-orientale ; fin du XIe s., Gloses de
Raschi, écrit jenjevre [gimgibre, v. 1190,
Garnier de Pont-Sainte-Maxence ; gin-
gimbre, fin du XIIIe s., Joinville ; gingembre,
v. 1330, Baudoin de Sebourg], aux sens
1-2). 1. Plante originaire de l’Inde et de la
Malaisie, à rhizome charnu et aromatique.
‖ 2. Condiment tiré du rhizome de cette
plante, qui sert aussi à préparer des confi-
tures, des pâtes de fruit, etc. : Thé arabe ;
douceur poivrée ; gingembre ; boisson évo-
quant un Orient plus excessif encore et plus
extrême — et fade (Gide).

gingembré, e [ʒɛ̃ʒɑ̃bre] adj. (de gin-


gembre ; 1571, Platine). Aromatisé au
gingembre : Le porto gingembré (Barbey
d’Aurevilly). De petites pilules gingembrées
(Baudelaire).

gingeon [ʒɛ̃ʒɔ̃] ou vingeon [vɛ̃ʒɔ̃] n.


m. (lat. vipio, -pionis, petite grue [oiseau] ;
1667, Du Tertre, écrit vigeon, au sens de
« espèce de canard des Antilles » ; écrit gin-
geon, au sens actuel, 1803, Boiste). Noms
usuels du canard siffleur.

ginger-beer [dʒindʒərbir] n. m. (mot


angl., de ginger, gingembre [empr. du
franç. gingembre], et de beer, bière ; 1833,
Fr. Mackenzie). Boisson gazeuse aromatisée
au gingembre.

gingibrine [ʒɛ̃ʒibrin] n. f. (dér. de gin-


gembre, par croisement avec le lat. zingiber
[v. GINGEMBRE] ; 1829, Boiste). Poudre de
gingembre.

gingival, e, aux [ʒɛ̃ʒival, -o] adj. (dér.


savant du lat. gingiva, gencive ; 1866, Littré).
Qui se rapporte, qui appartient aux gen-
cives : Une pâte gingivale. Muqueuse
gingivale.

gingivectomie [ʒɛ̃ʒivɛktɔmi] n. f. (du


lat. gingiva, gencive, et de -ectomie, du
gr. ektomê, coupure, amputation, dér. de
ektemnein, inciser, amputer, de ek-, préf.

marquant la séparation, et de temnein,


couper ; 1951, P. L. Rousseau). Ablation
chirurgicale d’une portion de la muqueuse
gingivale.

gingivite [ʒɛ̃ʒivit] n. f. (dér. savant du


lat. gingiva, gencive ; début du XIXe s.).
Inflammation des gencives.

gingivorragie [ʒɛ̃ʒivɔraʒi] n. f. (du lat.


gingiva, gencive, et de [hém]orragie ; milieu
du XXe s.). Hémorragie qui se produit au
niveau des gencives.

1. ginguet [ʒɛ̃gɛ] n. m. et adj. (probablem.


de l’anc. v. ginguer, pétiller, en parlant des
yeux [1490, Amant rendu cordelier], ruer,
en parlant d’une bête [1694, Ménage], var.
de giguer, gambader [v. GIGOTER], à cause
du caractère pétillant du vin ginguet ; 1549,
RHL [XXVIII, 112], comme n. m., et 1567,
Delorme, comme adj.). Vin ginguet, ou gin-
guet n. m., petit vin un peu aigre : Par lui
[le fromage], le vert ginguet fait la figue au
muscat (Saint-Amant).

• REM. On trouve aussi, comme n. m.,


les var. fam. ou pop. GINGLET (1852,
Goncourt), GINGUELET (1909, Larousse),
GINGLARD (1878, Larchey) : Des soifs qui
font trouver aimable le ginglet de l’endroit
(Goncourt). Un litre de ginglard qui n’a
pas passé par Bercy (Daudet).

2. ginguet, ette [ʒɛ̃gɛ, -ɛt] adj. (de gin-


guet 1 [sans doute par comparaison du vin
ginguet, de bas prix, avec d’autres objets
de peu de valeur] ; 1694, Ménage, au sens
de « trop court ou trop étroit » [en parlant
d’un habit] ; sens moderne, 1718, Acad. [en
parlant d’un esprit, d’un ouvrage]). Vx. De
peu de valeur : Ses petits bonnets ginguets
(Balzac).

ginkgo [ʒɛ̃ko] n. m. (mot chinois ; 1808,


Boiste). Arbre de Chine à feuilles en éven-
tail, cultivé comme arbre ornemental, et
considéré en Extrême-Orient comme un
arbre sacré.

ginnerie [ʒinri] n. f. (adaptation de l’angl.


ginning, épluchage, égrenage du coton, mot
formé sur la deuxième syllabe de engine,
machine, engin [empr. du franç. engin] ;
1962, Larousse). Établissement où est effec-
tué l’égrenage du coton.

giocoso [dʒjɔkɔzo] adj. (mot ital. signif.


proprem. « joyeux », lat. jocosus, plaisant,
de jocus, plaisanterie, badinage, jeu ; 1866,
Littré). En termes de musique, se dit d’un
morceau de caractère gai, joyeux, léger :
Le « Don Juan » de Mozart est un dramma
giocoso.

giorno (a) [adʒjɔrno] loc. adv. (loc. ital.


signif. « par la lumière du jour », de a et de
giorno, qui ont respectivement la même
origine que les termes franç. à et jour [v.
ces mots] ; 1842, Acad.). De façon brillante,
avec un éclat comparable à celui du plein
jour (en parlant d’un éclairage) : Des cas-
cades éclairées a giorno (Daudet). Tout, à

l’hôtel, est éclairé a giorno (Montherlant).

‖ Adjectiv. Un éclairage a giorno.

gipon [ʒipɔ̃] n. m. (var. de guipon [v. ce


mot] ; 1680, Richelet, au sens de « assem-
blage de chiffons dont se sert le cordon-
nier pour cirer les bottes » ; sens actuel,
1866, Littré [sous la forme guipon, 1769,
Encyclopédie]). Chiffon fixé à un manche,
que le tanneur utilise soit pour passer l’en-
chaux, soit pour mettre en suif.

gippon [ʒipɔ̃] n. m. (var. anc. de jupon [v.


ce mot] ; 1372, Godefroy). Au Moyen Âge,
corsage de femme ou pourpoint d’homme :
Croient-ils donc que mon esprit s’en est allé
par les trous de mon gippon ? (France).

gipsy [ʒipsi] n. (mot angl., altér. de


Egyptian, proprem. « Égyptien » [on croyait
en effet que les tziganes venaient d’Égypte],
du lat. AEgyptius, Égyptien, dér. de AEgyptus,
Égypte ; 1816, L. Simond). Tzigane, bohé-
mien, bohémienne.

• Pl. des GYPSIES.

• SYN. : bohémien, gitan, romanichel,


zingaro.

girafe [ʒiraf] n. f. (ital. giraffa, de l’ar.


zarāfa, girafe [qui avait donné en anc.
franç. les formes giras — XIIIe s., Conquête
de Jérusalem — et orafle — fin du XIIIe s.,
Joinville] ; 1298, Livre de Marco Polo, au
sens 1 [un cou de girafe, 1900, Dict. géné-
ral ; peigner la girafe, début du XXe s.] ; sens
2, 1828, et sens 3, 1935, G. Esnault ; sens
4, 1962, Larousse). 1. Mammifère rumi-
nant d’Afrique, caractérisé par sa taille
très élevée et son cou très long, son pelage
formant des taches polygonales fauves
limitées de clair : Les girafes ne peuvent
brouter les plantes au sol qu’en écartant les
pattes de devant. ‖ Fam. Un cou de girafe,
un cou très long. ‖ Pop. Peigner la girafe,
faire un travail inutile, ou ne rien faire.
‖ 2. Fig. et fam. Personne grande et maigre,
à long cou : Quelle girafe ! ‖ 3. Potence
articulée, supportant un microphone,
employée dans les studios de cinéma et de
radio : Descendez-moi la girafe (Croisset).
‖ 4. Wagonnet en bois employé dans les
travaux de terrassement, et dont la benne
plate se déverse par basculement latéral.

girafeau [ʒirafo] ou girafon [ʒirafɔ̃]


n. m. (de girafe ; 1er sept. 1874, Journ. offi-
ciel [girafeau], et 1962, Larousse [girafon]).
Petit de la girafe.

giraffidés [ʒirafide] n. m. pl. (de girafe,


et de -idé, du gr. eidos, forme, apparence ;
XXe s.). Famille de ruminants comprenant
les girafes, les okapis et des genres fossiles.

girafon n. m. V. GIRAFEAU.

giralducien, enne [ʒiraldysjɛ̃, -ɛn] adj.


(dér. savant du n. de Jean Giraudoux, écri-
vain français [1882-1944] ; v. 1945). Qui est
propre à Jean Giraudoux, à son oeuvre : La
préciosité giralducienne.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2181

girande [ʒirɑ̃d] n. f. (ital. giranda, gerbe


girande [ʒirɑ̃d] n. f. (ital. giranda, gerbe
de feu, du v. girare, tourner, bas lat. gyrare,
faire tourner en rond, faire décrire un
cercle, tourner, dér. du lat. class. gyrus,
volte, cercle, rond, gr. gûros, cercle, rond ;
1694, Th. Corneille, aux sens 1-2). 1. Vx.
Gerbe de fusées, dans un feu d’artifice ;
plus particulièrement, pièce d’artifice
animée d’un mouvement tournant : Mille
lumières [...] solidifiaient [leurs teintes] en
de hautes colonnes ardentes, en lacs roulant
des flots enflammés, en phosphorescences
livides, en gerbes de fusées, en girandes,
en lumière sans foyer visible, en rayons,
en éclairs (Apollinaire). ‖ 2. Vx. Faisceau
de jets d’eau.

girandole [ʒirɑ̃dɔl] n. f. (ital. girandola,


dimin. de giranda [v. l’art. précéd.] ; 1571,
Vaganay, au sens 1 ; sens 2, 1671, Pomey ;
sens 3, 1740, Acad. ; sens 4, 1787, Bernardin
de Saint-Pierre ; sens 5, fin du XIXe s., A.
Daudet). 1. Vx. Syn. de GIRANDE (aux
sens 1 et 2). ‖ 2. Candélabre à plusieurs
branches, souvent orné de pendeloques
de cristal : Les vieilles girandoles dorées qui
ornent la cheminée (Balzac). Un homme est
venu, a rangé les chaises, a mis deux chan-
delles dans des girandoles de fer (Flaubert).
‖ 3. Assemblage de diamants ou de
pierres précieuses, formant des pendants
d’oreilles : Des girandoles de diamants,
montées à l’ancienne façon, descendaient
sur les épaulettes de son manteau de lit
(Chateaubriand). ‖ 4. Bouquet formé par
certaines fleurs ou plantes : Marronniers,
pressez-vous d’éclore | Et d’éblouir mes
yeux ravis. | Vous pouvez sortir pour la
fête | Vos girandoles sans péril (Gautier).
‖ 5. Guirlande lumineuse décorant une
fête, un bal, etc. : Çà et là, des girandoles
s’allumaient pour les concerts, des flambées
de gaz sortaient de la verdure (Daudet).

girasol [ʒirasɔl] n. m. (ital. girasole ;


de gira, forme du v. girare, tourner [v.
GIRANDE], et de sole, soleil, lat. sol, solis,
même sens ; 1611, Cotgrave, au sens 1 [gira-
sole, n. f., 1542, Du Pinet] ; sens 2, 1621, E.
Binet). 1. Variété d’opale à fond laiteux,
d’où sortent des reflets bleus et rouges
quand on la fait tourner au soleil : Une
espèce d’estrade écaillée de ciselures d’or,
constellée d’onyx, de sardoines, de chryso-
lithes, de lapis-lazuli, de girasols (Gautier).
‖ 2. Vx. Nom donné à l’hélianthe annuel,
ou grand soleil des jardins.

giration [ʒirasjɔ̃] n. f. (dér. savant du


bas lat. gyratum, supin de gyrare, faire
tourner [v. GIRANDE] ; 1377, Oresme, écrit
gyracion, puis 1866, Littré, écrit giration).
Mouvement circulaire : Au bout d’un ins-
tant, pourtant, il lui sembla qu’une sorte de
giration pesante entraînait le ciel au-dessus
d’elle (Camus).

• SYN. : révolution, rotation, tournoiement,


volte.

giratoire [ʒiratwar] adj. (dér. savant du


bas lat. gyratum, supin de gyrare, faire
tourner [v. GIRANDE] ; 1779, Condorcet
[sens giratoire, XXe s.]). Se dit d’un mou-
vement de rotation, de ce qui se fait ou est
opéré en tournant : Les cumulus, chargés
de grêle, déchiquetés [...], paraissaient pris
d’une espèce de frénésie giratoire (Hugo).
‖ Sens giratoire, sens imposé aux véhicules
autour d’un rond-point.

& n. m. (1962, Larousse). Type de concas-


seur comprenant une partie fixe, concave,
de forme conique, et une partie mobile,
également conique, et animée d’un mou-
vement excentré par rapport à la verticale.

giraumont ou giraumon [ʒiromɔ̃] n.


m. (tupi anc. *jirumum [tupi actuel jiri-
mum], sorte de courge ; début du XVIIe s.,
écrit gyromon et giraumon ; giraumont,
1721, Trévoux). Nom commun à plusieurs
variétés de courges : Nous y entrâmes [dans
une grotte] à travers les lierres et les girau-
monts humides que la pluie avait abattus
des rochers (Chateaubriand).

giraviation [ʒiravjasjɔ̃] n. f. (de gira-


vion, d’après aviation ; 1962, Larousse).
Conception, construction et mise en oeuvre
des giravions.

giravion [ʒiravjɔ̃] n. m. (de gir-, élément


tiré du bas lat. gyrare, tourner, faire tourner
[v. GIRANDE], et de avion ; 1962, Larousse).
Nom générique des aéronefs dits « à voi-
lures tournantes », dans lesquels la susten-
tation est assurée, pendant toute la durée
du vol et de façon totale, par la rotation
d’un ou de plusieurs rotors à axe sensible-
ment vertical : Les hélicoptères sont les plus
utilisés des giravions.

gire [ʒir] n. m. (franco-provenç. djir, tour,


circuit, de l’anc. provenç. gir, tournoie-
ment, ou du moyen franç. gire, tour que
fait quelqu’un [début du XVIe s.], lat. gyrus
[v. GIRELLE] ; 1941, Frison-Roche). Dialect.
Sentier de montagne sinueux : Ses escarpins
vernis sont bien malvenus dans ce gire bordé
de murettes, tour à tour torrent ou sentier
(Frison-Roche).

girel [ʒirɛl] n. m. (peut-être du radical de


giron [v. ce mot] ; XVe s., d’après Larousse,
1872). Sorte de bouclier en fer ou en cuir,
qui protégeait le cheval d’armes au Moyen
Âge : Mais le grand paladin se roidit et l’as-
somme | D’un coup prodigieux qui fendit
en deux l’homme | Et tua le cheval, et si
surnaturel | Qu’il creva le chanfrein et troua
le girel (Hugo).

girelle [ʒirɛl] n. f. (provenç. girello, dér.


de l’anc. provenç. gir, tournoiement [début
du XIIIe s., lat. gyrus, volte, cercle, rond, gr.
gûros, cercle, rond], à cause des anneaux
colorés qui apparaissent sur le corps du
poisson ; milieu du XVIe s.). Poisson osseux
aux couleurs vives, commun sur les côtes
méditerranéennes.

giries ou gyries [ʒiri] n. f. pl. (d’un plus


anc. *girerie, dér. de l’anc. v. girer, tour-
ner [v. 1265, Br. Latini], bas lat. gyrare [v.
GIRANDE] ; 1790, Brunot, écrit giries, au
sens de « tournoiements, mouvements » ;
1808, d’Hautel, écrit giries et gyries, aux
sens de « farces, tournoiements perpé-
tuels » et au sens 1 ; sens 2, 1847, Ch. de
Bernard). 1. Fam. Plaintes affectées, hypo-
crites ou sans objet : Par-dessus le marché,
maintenant, il faut aller devant la justice.
Ils n’arrêtent pas d’en inventer, des giries
(Audiberti). ‖ 2. Fam. Manières affectées :
Je ne fais pas un tas de giries (Hugo). Les
gens de la loge attribuèrent à des gyries
de petite fille sa froideur marquée pour le
groom (Goncourt). Une femme avenante et
qui simulerait convenablement les giries de
la bonne fille (Huysmans).

• SYN. : 1 jérémiade (fam.), lamentations.

girl [gərl] n. f. (mot angl. signif. « enfant du


sexe féminin, jeune fille, demoiselle » ; fin
du XIXe s., au sens de « jeune fille anglaise » ;
sens actuel, début du XXe s.). Jeune danseuse
faisant partie d’un ensemble, dans les spec-
tacles de music-hall, les revues, certaines
opérettes : Des jambes aussi suggestives
que celles des girls des établissements de
nuit (La Fouchardière). Le service était fait
par de jeunes girls en toile blanche (Martin
du Gard). Il détaille les charmes d’une girl
en couleurs, assez dévêtue, à la couverture
d’une publication frivole (Arnoux).

girodyne [ʒirɔdin] n. m. (de giro-, élément


tiré du bas lat. gyrare, tourner, faire tourner
[v. GIRANDE], et de -dyne, du gr. dunamis,
puissance, force ; 1962, Larousse). Giravion
dans lequel la sustentation et les mouve-
ments verticaux sont assurés par le rotor,
entraîné par un moteur, la translation étant
obtenue par un second moteur.

girofle [ʒirɔfl] n. m. (lat. caryophyllon,


giroflier, gr. karuophullon, même sens,
de karuon, noix, noisette, tout objet res-
semblant à une noix ou à une noisette, et
de phullon, feuille, plante ; v. 1170, Floire
et Blancheflor [clou de girofle, XIIIe s.]).
Bouton desséché de la fleur du giroflier,
dit aussi clou de girofle, employé en cui-
sine comme condiment : Odeur de girofle.
L’odeur des anciens bois fermentés, une
odeur subtile d’éther, comme aiguisée d’une
pointe de girofle (Zola). Quelques sous de
pâté, rosâtre et gras, cerné de saindoux, bien
épicé au girofle et à la muscade, étalé sur
une miche de pain trop frais, c’était tout
son passé de midinette qui lui revenait à
la bouche (Martin du Gard).

1. giroflée [ʒirɔfle] adj. f. (de girofle ;


1835, Acad.). Cannelle giroflée, écorce de
giroflier qu’on emploie aux mêmes usages
que la cannelle proprement dite.

2. giroflée [ʒirɔfle] n. f. (part. passé fém.


substantivé de l’anc. v. girofler, parfumer de
girofle [XIIIe s., Joufrois] — dér. de girofle —,
la plante ayant l’odeur des clous de girofle ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2182

v. 1398, le Ménagier de Paris, au sens 1 ; sens


2, 1808, d’Hautel [giroflée, même sens, 1847,
Balzac]). 1. Plante vivace de la famille des
crucifères, cultivée pour ses fleurs jaunes
plus ou moins mêlées de brun : En mai,
les vieilles bâtisses rurales et marines se
couvrent de giroflées (Hugo). ‖ 2. Fig. et
pop. Giroflée à cinq feuilles, ou simplem.
giroflée, gifle laissant la marque des cinq
doigts sur la joue : Vite, ou je te chauffe la
joue par une giroflée à cinq feuilles (Balzac).

giroflier [ʒirɔflije] n. m. (de girofle ; 1372,


Corbichon, écrit giroffier, au sens de « giro-
flée » ; écrit giroflier, au sens actuel, 1542,
Du Pinet). Arbre tropical de grande taille,
de la famille des myrtacées, fournissant les
clous de girofle.

giroline [ʒirɔlin] n. f. (de l’anc. v. girer,


tourner [v. GIRIES], d’après crinoline ; 1871,
Almanach Didot-Bottin). Passementerie
de cordonnet, en forme de crête, dont on
garnit les rideaux.

girolle ou girole [ʒirɔl] n. f. (anc. pro-


venç. giroilla [1397, Pansier], dér. de gir,
tournoiement [v. GIRELLE], à cause de la
forme du chapeau du champignon ; XVIe s.,
Godefroy). Autre nom de la chanterelle,
champignon comestible (v. CHANTE-
RELLE 2) : Ces giroles d’or que le pas écrase
(Goncourt).

giron [ʒirɔ̃] n. m. (francique *gêro, pan de


vêtement taillé en pointe ; XIIe s., Godefroy,
au sens I, 1 ; sens I, 2, fin du XIIe s., Roman
d’Alexandre [« la poitrine d’une femme »,
début du XXe s.] ; sens I, 3, 1544, M. Scève ;
sens I, 4, 1580, Montaigne [rentrer dans le
giron de, 1690, Mme de Sévigné ; le giron
de l’Église, milieu du XVIe s., Ronsard] ;
sens II, 1, 1581, Bara [écrit gyron ; giron,
1611, Cotgrave] ; sens II, 2, 1690, Furetière
[« surface de cette partie de la marche »,
1676, Félibien ; giron droit, 1866, Littré]).

I. 1. Ancienn. Pan de vêtement, taillé en


pointe, à droite et à gauche de la tunique
ou de la robe. ‖ Par extens. Partie du
vêtement allant de la ceinture au genou.
‖ 2. Espace compris entre la ceinture
et les genoux d’une personne assise :
Il y avait là des femmes qui tenaient
leurs enfants endormis dans leur giron
(Duhamel). ‖ Par extens. La poitrine
d’une femme : Nonobstant ce surmenage,
c’était, je le répète, une aimable personne :
beau giron, gracieux corsage (Duhamel).
‖ 3. Fig. Le sein maternel, ou ce qui est
comparé au sein maternel : Cette mer, au
giron de laquelle j’étais né, allait devenir
le berceau de ma seconde vie ; j’étais porté
par elle, dans mon premier voyage, comme
dans le sein de ma nourrice, dans les bras
de la confidente de mes premiers pleurs et
de mes premiers plaisirs (Chateaubriand).
‖ 4. Fig. et littér. Milieu, communauté où
l’on trouve protection et sécurité, mais
dont on reconnaît l’autorité : Le giron
familial. Les enfants élevés, comme vous,

dans le giron maternel restent plus long-


temps enfants que les autres (Balzac). Il
est mort — Dieu l’absolve et l’ait en son
giron ! (Heredia). Mme Semène, heureuse-
ment, ne resta pas insensible à sa détresse,
et bientôt la petite put trouver dans le gi-
ron de la veuve un abri (Gide). ‖ Rentrer
dans le giron de..., revenir à un cercle, à
une société, à un parti, etc., que l’on avait
quitté. ‖ Le giron de l’Église, la commu-
nauté des fidèles de l’Église catholique :
On vit un tsarévitch demander à rentrer
au giron de l’Église et promettre la conver-
sion de ses sujets (Mérimée).

II. 1. En héraldique, pièce en forme de


triangle rectangle dont une pointe oc-
cupe le centre de l’écu. ‖ 2. Largeur de la
partie horizontale d’une marche d’esca-
lier, mesurée entre deux contremarches
verticales successives. ‖ Surface de cette
partie de la marche. ‖ Giron droit, sur-
face rectangulaire d’une marche.

girond, e [ʒirɔ̃, -ɔ̃d] adj. (probablem.


du radical de l’anc. v. girer, tourner [v.
GIRIES] ; 1682, Gay, comme n. f., au sens
de « médaillon circulaire » ; comme adj.,
au sens actuel [proprem. « bien tourné »],
1815, G. Esnault). Pop. Qui est bien fait,
qui a des formes, des proportions harmo-
nieuses (généralement en parlant d’une
femme, parfois d’un garçon) : Le bruit se
répandit qu’il avait une maîtresse crâne-
ment « gironde » (Daudet). C’est plein de
matous, sa crèche, avec un piano et des pho-
tographies du temps qu’elle était gironde
(Carco).

girondin, e [ʒirɔ̃dɛ̃, -in] adj. et n. (de la


Gironde, nom donné [1792] à un parti qui
se forma en 1791 et dont les principaux chefs
étaient des représentants de la région du
même nom ; 1793, Journ. de la Montagne,
aux sens 1-2). 1. Qui appartient au départe-
ment de la Gironde ; habitant ou originaire
de ce département : Le vignoble girondin.
Les vignerons girondins. C’est un Girondin
de vieille souche. ‖ 2. Qui se rapporte ou
qui appartient au parti de la Gironde ou
des Girondins, opposé aux Montagnards,
pendant la Révolution : La politique giron-
dine. Le procès des Girondins. Son penchant
décidé pour les puissances l’avait portée
facilement des Feuillants aux Girondins
et aux Montagnards (France).

gironné, e [ʒirɔne] adj. (de giron ;


v. 1188, Chanson d’Aspremont, écrit gironé
[gironné, XIVe s.], au sens de « qui a des
pans, qui a des bandes coupées en biais » ;
sens 1, v. 1250, Enfances Guillaume, écrit
geronney [gironné, XIVe s.] ; sens 2, 1694,
Th. Corneille [tuile gironnée, 1700, Liger]).
1. En héraldique, se dit de l’écu divisé en
plusieurs parties triangulaires, ou girons,
à émaux alternés. ‖ 2. Marches gironnées,
marches triangulaires d’un escalier tour-
nant. ‖ Tuile gironnée, tuile plus étroite à
un bout qu’à l’autre.

& gironné n. m. (1636, Monet). Partition


de l’écu gironné.

gironnement [ʒirɔnmɑ̃] n. m. (de giron-


ner 1 ; 1907, Larousse). Action de gironner
(1).

1. gironner [ʒirɔne] v. tr. (de gironné ;


1537, Huguet, au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Donner, à l’aide du marteau, la rondeur,
la convexité voulue à un ouvrage d’orfèvre-
rie, de chaudronnerie, etc. ‖ 2. Gironner
un escalier, tracer l’épure de l’ensemble des
marches d’un escalier tournant.

2. gironner [ʒirɔne] v. tr. (de giron ; 1881,


A. Daudet). Fam. Cajoler, bercer quelqu’un
dans son giron : Puis elle a une façon si
extraordinaire d’embrasser cette grosse
Bordelaise, de se pendre à son cou, de se
faire bercer, gironner devant tout le monde
(Daudet).

girouette [ʒirwɛt] n. f. (anc. scand. vedr-


viti, girouette ; v. 1155, Wace, écrit wirewite
[girouette — sous l’influence de l’anc. v.
girer, tourner, v. GIRIES, et de mots comme
pirouette —, début du XVIe s.], au sens 1
[dans la marine, 1690, Furetière] ; sens 2,
1656, Oudin). 1. Plaque légère, de forme
variable, placée au sommet d’un édifice, et
qui, en tournant autour d’un axe vertical,
sous l’effet du vent, indique la direction de
celui-ci : Emma, de loin, reconnut la maison
de son amant, dont les deux girouettes à
queue-d’aronde se découpaient en noir sur
le crépuscule pâle (Flaubert). La girouette en
forme de coq du clocher. ‖ Spécialem. Dans
la marine, étamine tendue sur un cadre
tournant, au sommet d’un mât, pour indi-
quer la direction du vent relatif. ‖ 2. Fig.
Personne qui change souvent d’avis, de
sentiment, et en particulier d’opinions
politiques : Tout le monde qui comptait
mentait, exagérait, figurait. [...] C’était un
temps [entre 1800 et 1840] où tous les hauts
postes étaient habités de « caméléons » ;
surmontés de fines « girouettes » (Valéry).
• SYN. : 2 fantoche, marionnette, pantin.

girouetté, e [ʒirwɛte] adj. (de girouette ;


1611, Cotgrave). En héraldique, se dit d’un
édifice portant une ou plusieurs girouettes.

girouetter [ʒirwɛte] v. intr. (de girouette ;


1544, M. Scève [en parlant d’avis, de com-
portement, d’opinion, 1877, Littré]). Fig.
Tourner comme une girouette, changer
d’avis, d’opinion, en parlant de quelqu’un :
Je ne peux pourtant pas attendre qu’il
décède ou qu’il girouette, par un jour de bon
vent, du côté où je suis (Huysmans). ‖ En
parlant d’avis, de comportement, d’opi-
nion, changer d’orientation : Convictions
politiques girouettant au moindre souffle
(Daudet).

gisant, e [ʒizɑ̃, -ɑ̃t] adj. et n. (part. prés.


de gésir ; 1260, Godefroy, au sens 1 [à propos
de harengs étendus dans la saumure] ; sens
2, 1647, Z. J. Montfleury). 1. Étendu sans
mouvement : Et je me souviens qu’ensuite,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2183

dans la nuit, tous deux seuls, auprès de


cette femme gisante, face à face, nous nous
sommes regardés (Gide). ‖ 2. Littér. Qui gît
mort : Rien ne lui était plus au monde que
ce gisant, son époux (Mauriac). Les hommes
avaient mis pied à terre et entouraient la
gisante qui s’était, dans sa chute, fiché une
corne dans le sol (Montherlant).

& adj. (sens 1, août 1681, Ordonnance


royale ; sens 2, 1636, Monet [art. bois] ;
sens 3, 1755, Aviler). 1. Navire gisant, navire
échoué. ‖ 2. Bois gisant, bois coupé et cou-
ché sur le sol. ‖ 3. Fenêtre gisante, fenêtre
qui a plus de largeur que de hauteur.

& gisant n. m. (1930, Larousse). Effigie


funéraire d’un personnage couché (par
opposition à l’orant ou au priant, repré-
sentant un personnage à genoux) : Il sentait
près de lui les jambes du malade, longues
et dures comme des membres de gisant
(Camus).

giselle [ʒizɛl] n. f. (origine obscure, peut-


être du n. pr. Giselle ; 1874, d’après Littré,
1877). Mousseline imitant la guipure.

gisement [ʒizmɑ̃] n. m. (de gésir ; fin


du XIIe s., Renaut de Montauban, écrit
gissement, au sens de « action de se cou-
cher » ; écrit gisement, au sens 1, début du
XVIIe s. ; sens 2, 1962, Larousse ; sens 3,
1721, Trévoux [« masse de minéraux exploi-
table », 1834, Landais ; « accumulation de
pétrole dans une formation favorable à
sa conservation », XXe s.]). 1. Vx. Dans la
marine, situation d’une côte, déterminée
par les calculs nautiques : Il me semble
ouïr des marins discutant sur le gisement
d’une terre (Chateaubriand). ‖ Auj. Angle
horizontal formé par l’axe longitudinal
du navire et le vecteur passant par le but
observé ou repéré. ‖ 2. Gisement d’une
direction, en cartographie, angle que fait
cette direction avec celle du nord Lambert,
compté dans le sens des aiguilles d’une
montre. ‖ 3. En minéralogie, disposition
des couches minérales dans le sein de la
terre : Un gisement horizontal. Un gisement
affleurant, profond. ‖ Par extens. Masse
de minéraux exploitable : Un gisement
d’uranium. ‖ Spécialem. Accumulation
de pétrole dans une formation favorable
à sa conservation.

• SYN. : 3 veine ; bassin, filon, mine ; gîte.

gisoir [ʒizwar] n. m. (de gésir ; 1962,


Larousse). Partie d’une case de porcherie
réservée au couchage du porc, surélevée et
en pente forte pour faciliter l’écoulement
du purin.

gisquette [ʒiskɛt] n. f. (origine incer-


taine, peut-être du n. du préfet de police
Henri Gisquet [1792-1866], qui imposa aux
prostituées une « carte » très explicite ; 1925,
G. Esnault, au sens 1 ; sens 2, v. 1945). 1. Arg.
et vx. Fille publique. ‖ 2. Pop. Jeune fille
ou femme jeune.

gît [ʒi], 3e pers. du sing. du prés. de l’indic.

du v. gésir.

gîtage [ʒitaʒ] n. m. (de gîte 1 ; fin du


XIVe s. [mot employé surtout en Picardie
et en Wallonie]). Ensemble des lambourdes,
ou gîtes, supportant un parquet.

gitan, e [ʒitɑ̃, -an] n. et adj. (esp. gitano,


altér. de Egiptano, proprem. « Égyptien »
[on croyait en effet que les tziganes venaient
d’Égypte], du lat. Aegyptiusgyptius,
Égyptien, dér. de Aegyptiusgyptus, Égypte ;
1831, V. Hugo [gitain, forme plus franci-
sée, 1681, G. Esnault]). Nom des bohémiens
d’Espagne : Au-dessus des gitanes, assises
en cercle ou couchées sur des couvertures,
une puante cuisine roulait ses fumées
(Béraud).

& adj. (début du XXe s.). Qui appartient aux


bohémiens d’Espagne : Dans la race du
natif des Saintes, coulait le vieux sang gitan
(Montherlant).
& gitane n. f. (XXe s.). Nom d’une marque
de cigarettes de la Régie française des
tabacs : Fumer une gitane.

• REM. La forme espagnole GITANO, -A


(1845, Mérimée) est peu usitée : Sa peau
se colorait de tons dorés comme celle d’une
gitana (Gautier). Je ne prêtais plus qu’une
faible attention aux trémoussements d’un
couple de gitanos (Gide).

1. gîte [ʒit] n. m. (anc. part. passé subs-


tantivé de gésir ; v. 1175, Chr. de Troyes,
écrit giste [gite, gîte, XIVe s.], au sens I, 1
[« logement, chambre pour la nuit, en
voyage », 1677, Mme de Main-tenon ; revenir
au gîte, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; gîte
d’étape, 1866, Littré ; gîte rural, 6 févr. 1965,
la Croix] ; sens I, 2, v. 1354, Modus [pour le
lièvre, 1552, R. Estienne] ; sens II, 1, 1811,
Mozin ; sens II, 2, XVIe s., Coutumier général
[« poutre sur laquelle reposent les assiettes
d’un pont », v. 1360, Froissart] ; sens II, 3,
1877, Littré ; sens II, 4, v. 1398, le Ménagier
de Paris [gîte à la noix, 1838, Acad.]).

I. 1. Vx ou littér. Lieu où l’on peut cou-


cher, où l’on demeure habituellement ou
temporairement : Depuis lors, le pauvre
écrivain n’avait plus de gîte (France). Ga-
lopin de douze ans ou treize, en haillons,
sans parents, sans gîte, Anthime l’avait
remarqué peu de jours après son arrivée
à Rome (Gide). Mon gîte normal était
celui de ma famille (Duhamel). ‖ Spé-
cialem. Logement, chambre pour la nuit,
en voyage : Arriver au gîte. J’ai demandé
gîte à une très ancienne auberge (Hugo).
‖ Revenir au gîte, revenir parmi les siens.
‖ Gîte d’étape, aux XVIIIe et XIXe s., lieu
désigné aux troupes en déplacement pour
y cantonner et s’y ravitailler ; par extens.,
lieu choisi pour se restaurer et coucher
entre deux étapes : C’est [le chalet de
Lognan] le gîte d’étape le plus rapproché
pour entreprendre les ascensions dans
le bassin d’Argentières (Frison-Roche).
‖ Gîte rural, logement situé à la cam-

pagne, le plus souvent dans une ferme,


et que son propriétaire loue à ceux qui
veulent y passer les vacances. ‖ 2. Lieu
où repose le gibier ; en particulier, lieu où
repose le lièvre de jour : Lever un lièvre
au gîte. Échappés du rocher comme un
chevreuil du gîte (Lamartine). Tout court,
tout s’agite, | Pas un lièvre au gîte (Gau-
tier). Le gîte d’un lièvre même absent est
plein de peur (Renard). ‖ Par extens. Lieu
où s’abrite un animal : Une mère chatte
qui déplace en secret le gîte de son petit
(Colette).

II. 1. En minéralogie, masse de minéraux


en leur gisement : Gîte aurifère. ‖ 2. Cha-
cune des lambourdes qui soutiennent un
plancher. ‖ 3. Table du pressoir à raisin.
‖ 4. Morceau de boucherie correspon-
dant à l’avant-bras et à la jambe des bo-
vins. (On dit aussi GÎTE-GÎTE.) ‖ Gîte à la
noix, morceau de la partie postérieure de
la cuisse du boeuf.

• SYN. : I, 2 bouge, repaire, tanière, terrier.


‖ II, 1 filon, veine.

2. gîte [ʒit] n. f. (même étym. qu’à l’art.


précéd. ; 1866, Littré, au sens 1 ; sens 2,
1930, Larousse). 1. Dans la marine, lieu où
un navire est échoué. ‖ 2. Inclinaison d’un
navire sous l’effet du vent ou d’une cause
accidentelle : Donner de la gîte. L’arrière
continuait de s’enfoncer et la gîte augmen-
tait (Dorgelès). Et vers la fin du jour, redres-
sant encore notre course, la gîte à tribord
au point que notre voilure effleure l’eau,
nous longeons à grande allure un continent
austral (Camus).

• SYN. : 1 souille ; 2 bande.

1. gîter [ʒite] v. intr. et tr. (de gîte 1 ;


v. 1265, J. de Meung, au sens 1 ; sens 2,
fin du XVIe s., A. d’Aubigné [en parlant du
lièvre, 1668, La Fontaine] ; sens 3, av. 1890,
Maupassant). 1. Vx ou littér. Demeurer
en un lieu ; coucher habituellement ou
accidentellement à tel endroit : Le 23
octobre 1812, gîté un moment à Paris, rue
des Saints-Pères, à l’hôtel Lavalette, Mme
Lavalette mon hôtesse, la sourde, me vint
réveiller (Chateaubriand). C’est là que nous
gîtâmes (Flaubert). Les voitures foraines
où gîtent les familles ambulantes des cou-
reurs de foire (Maupassant). L’enfant gîtait,
nichait tout auprès, dans un renfoncement
du mur (Gide). Mais tous, pendant leur
jeune temps, avaient couché dans un petit
dortoir où les lits de bois étaient superposés
comme les cabines d’un navire et où gîtaient
encore, l’année où prend ce récit, Catherine,
la petite Marie (Duhamel). ‖ 2. En par-
lant des animaux qu’on chasse, et surtout
du lièvre, avoir son gîte, être au gîte : Le
lièvre gîte assez près des maisons. ‖ 3. Fig.
et littér. En parlant des choses, être placé,
être situé : Un petit lac, tout rond, tout bleu,
clair comme du verre, et gîté dans le fond
d’un ancien cratère (Maupassant). Le lit
gîtait en un placard ouvert dans la cloi-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2184

son de planches, comme cela se pratique


en montagne (Pourrat). ‖ En parlant de
choses abstraites, se trouver, résider : Elle
s’indigne [...] de la grande lâcheté gîtée au
fond de tous les coeurs (Maupassant).

& v. tr. (XVIe s., Loisel). Vx ou littér. Pourvoir


d’un gîte, loger, abriter : Après quelques
propos sur cette résolution [d’arrêter M. et
Mme du Maine], on agita où on les gîterait
(Saint-Simon).

& se gîter v. pr. (sens 1, 1721, Trévoux


[« passer la nuit dans une auberge », v. 1600,
Hardy] ; sens 2, milieu du XVIIIe s., Buffon).
1. Vx ou littér. Prendre un gîte, se loger :
Florent Guillaume s’était gîté dans le clo-
cher pour la nuit (France). Cependant, de
les avoir vus [le bouvier et son attelage]
ainsi disparaître pour aller se gîter, comme
sans doute chaque nuit, en quelque métai-
rie isolée dans un bas-fond, la compréhen-
sion lui était venue [à Ramuntcho], plus
exacte, de ces humbles existences de paysans
(Loti). ‖ 2. En parlant de certains animaux,
prendre gîte : Le lièvre se gîte le matin, à
l’abri du vent qui souffle (Renard).

2. gîter [ʒite] v. intr. (de gîte 2 ; 1866,


Littré, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. En par-
lant d’un bateau, s’échouer, être échoué.
‖ 2. Prendre de la gîte, s’incliner sur un
bord.

githagisme [ʒitaʒism] n. m. (du lat.


scientif. moderne githago, nielle des
blés [XVIIIe s.], d’origine obscure ; 1962,
Larousse). Empoisonnement des animaux
qui ont absorbé des graines de nielle des
blés (githago).

giton [ʒitɔ̃] n. m. (lat. Giton, n. d’un


jeune pédéraste passif qui apparaît dans
le Satiricon de Pétrone [Ier s. apr. J.-C.] ; av.
1778, Voltaire). Jeune homme servant à de
honteux plaisirs : Gitons de seize ans, dodus
et frisés (Huysmans). Les orateurs, unis pour
détruire, ne s’entendaient ni sur les chefs à
choisir, ni sur les moyens à employer ; ils se
traitaient de gueux, de gitons, de filous, de
voleurs, de massacreurs, à la cacophonie des
sifflets et des hurlements de leurs différents
groupes de diables (Chateaubriand).
• SYN. : mignon.

givrage [ʒivraʒ] n. m. (de givrer ; v. 1945,


au sens 1 ; sens 2 et 4, 1962, Larousse ; sens 3,
1968, Larousse). 1. Formation d’une couche
de glace sur le bord d’attaque des ailes, à
l’entrée des réacteurs, sur les pales d’hé-
lice, ou sur toute autre partie exposée d’un
avion en vol. ‖ 2. Formation de particules
de glace, par temps froid, dans la chambre
de carburation d’un moteur d’automobile.
‖ 3. Enrobage d’un produit congelé par
une pellicule de glace. ‖ 4. Procédé d’ap-
plication par collage, sur un support de
papier ou d’une autre matière, de paillettes
de verre ou de plastique imitant les émaux
ou les pierres précieuses.

givrant, e [ʒivrɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


givrer ; milieu du XXe s.). Qui givre, qui
produit du givre : Brouillard givrant.

givre [ʒivr] n. m. (prélatin *gēvero-, givre ;


XVe s., Godefroy, écrit joivre [givre, 1611,
Cotgrave], au sens 1 [« dessins de glace
que le givre forme sur les vitres », av. 1880,
Flaubert] ; sens 2, 1866, Littré [« espèce
de maladie du houblon, dont les feuilles
se couvrent d’une couche blanche », 1777,
Encyclopédie]). 1. Fins cristaux de glace,
blancs et brillants, que forment par temps
froid, sur les corps solides, la condensa-
tion et la congélation des gouttelettes
d’eau en surfusion dans les brouillards
ou les nuages : Les vergers sont fleuris et
le givre argentin | N’irise plus les prés au
soleil du matin (Heredia). Le brouillard,
que le vent glaçait, couvrait de givre mon
manteau, mes gants (Gide). ‖ Spécialem.
Dessins de glace que le givre forme sur
les vitres : Les carreaux, chaque matin,
étaient chargés de givre (Flaubert). Il gelait
dur cet hiver-là, et, malgré les panerées de
charbon englouties dans la grille, nous
voyions, par ces veilles laborieuses indéfi-
niment prolongées, le givre dessiner sur la
vitre un voile aux fantastiques arabesques
(Daudet). ‖ 2. Efflorescences blanches qui
se déposent sur certains fruits desséchés,
en particulier sur la vanille.

• SYN. : 1 frimas, gelée blanche.

givré, e [ʒivre] adj. (de givre ; 1845,


Bescherelle, aux sens 1-2). 1. Couvert
de givre : Les vasques givrées des choux
(Huysmans). Au-dessus du gazon givré
(Gide). ‖ 2. Recouvert d’une fine substance
blanche qui rappelle le givre : Vanille givrée.
& givrée n. f. (1829, Boiste). Verre blanc pilé,
imitant le givre, que l’on répand sur certains
objets pour leur donner un aspect hivernal.

givrer [ʒivre] v. tr. (de givre ; 1879,


A. Daudet, aux sens 1-2 ; sens 3, début du
XXe s.). 1. Recouvrir de givre : Sous une
petite pluie acérée de décembre, qui givrait
de pointes d’aiguilles la laine brune de leur
froc, deux moines [...] descendaient à grands
pas la pente de la rue Monsieur-le-Prince
(Daudet). ‖ 2. Saupoudrer de givrée :
Givrer une bûche de Noël. ‖ 3. Saupoudrer
d’une substance blanche comme le givre :
Sur chaque table, afin d’entretenir la soif,
des frites givrées de sel et minces comme
des monnaies-du-pape (Martin du Gard).
De la poudre de riz flottait et se posa sur
ses oreilles [à miss Gregor], qu’elle givra
(Giraudoux).

givreux, euse [ʒivrø, -øz] adj. (de givre ;


1829, Boiste). Se dit d’une pierre précieuse
qui présente des traces d’éclats, produits,
lors de la taille, par l’outil du lapidaire.

givrure [ʒivryr] n. f. (de givre ; milieu du


XVIIIe s.). Défaut d’une pierre givreuse, qui
en atténue les feux.

• SYN. : étonnure, glace.

glabelle [glabɛl] n. f. (du lat. glabellus,


dimin. de glaber, sans poil [v. GLABRE] ;
1806, Lunier). Espace compris entre les
sourcils.

glabre [glabr] adj. (lat. glaber, sans poil,


chauve, sans barbe [pour des plantes] ;
1545, Guéroult, au sens 2 ; sens 1, 1585,
Du Verdier). 1. Dépourvu de poils : Une
face glabre. Sur son menton glabre, un peu
lourd, on voyait une fossette où croissaient
des fils de barbe que le rasoir n’atteignait
pas (Duhamel). ‖ 2. Se dit d’un végétal ou
des parties d’un végétal sans poils, sans
duvet : Plante glabre, à feuilles glabres.

• SYN. : 1 imberbe, lisse, nu.

glabrescent, e [glabrɛsɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(dér. savant de glabre ; 1866, Littré). En
botanique, se dit d’un organe qui devient
glabre, qui perd spontanément ses poils.

glabrisme [glabrism] n. m. (dér. savant


de glabre ; 1866, Littré). État d’une plante
qui, exceptionnellement, naît dépourvue
de poils ou vient de les perdre.
glaçage [glasaʒ] n. m. (de glacer ; 1872,
Larousse, au sens II, 1 [« repassage qui
consiste à donner du brillant, avec un fer
spécial, au linge empesé », XXe s.] ; sens I et
II, 2-3, 5, 1962, Larousse ; sens II, 4, 1872,
Larousse).

I. Opération qui consiste à refroidir un


produit ou une enceinte à l’aide de glace,
ou à réfrigérer une substance jusqu’à la
consistance de glace.

II. 1. Action de glacer une matière ou un


objet (papier, tissu, cuir, poterie, etc.),
de lui donner un aspect lisse et brillant.
‖ Spécialem. Repassage qui consiste à
donner du brillant, avec un fer spécial,
au linge empesé. ‖ 2. Application d’une
couche de couleur de peu de corps sur
une peinture terminée, afin d’en avi-
ver l’éclat. ‖ 3. Aspect brillant donné à
une photographie par polymérisation.
‖ 4. Action de recouvrir de gelée ou de
glace de viande une pièce cuite (jambon,
galantine, etc.), ou d’enrober un gâteau,
un entremets d’une couche de blanc
d’oeuf, de sucre glace ou de sirop aroma-
tisé et coloré. ‖ 5. Travail de couture qui
consiste à maintenir solidement l’une sur
l’autre deux épaisseurs d’étoffes diffé-
rentes, afin de n’en former qu’une seule.

glaçant, e [glasɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


glacer [v. ce mot] ; XIIe s., au sens de « glis-
sant » ; sens 1, av. 1778, Voltaire ; sens 2,
1768, J.-J. Rousseau). 1. Vx. Qui glace, qui
procure une sensation de froid : Un vent
glaçant. ‖ 2. Fig. Qui produit un effet
paralysant, qui rebute par sa froideur, sa
sévérité : Jamais il n’avait rien vu de plus
glaçant et de plus terrible que cette figure
énigmatique (Hugo). L’impression glaçante
qu’ils lui causaient (Barbey d’Aurevilly).
L’arrêt glaçant qui sanctionnait cette his-
toire (Villiers de L’Isle-Adam).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2185

glace [glas] n. f. (lat. pop. *glacia, lat.


class. glacies, glace, glaçon, et, au fig.,
« dureté, rigidité » ; v. 1130, Eneas, au sens
I, 1 [champ de glace, 1872, Larousse ; banc
de glace, 1736, Aubin] ; sens I, 2, av. 1869,
Lamartine [piton à glace, XXe s.] ; sens I, 3,
1835, Acad. [à la glace, 1690, Furetière] ;
sens I, 4, av. 1559, J. Du Bellay [fondre
la glace, av. 1613, M. Régnier ; rompre la
glace, 1675, Mme de Sévigné] ; sens I, 5,
début du XVIIe s., Malherbe [fondre la glace,
av. 1699, Racine] ; sens I, 6, début du XVIIe s.,
Malherbe ; sens I, 7, 1669, Widerhold ; sens
II, 1, 1802, Mme de Genlis [« châssis vitré
d’un véhicule », 1680, Richelet] ; sens II,
2, v. 1175, Chr. de Troyes [passer devant la
glace, 1885, G. Esnault] ; sens II, 3, 1866,
Littré [en pâtisserie, 1680, Richelet ; « croûte
de sucre à la surface des fruits confits »,
1872, Larousse ; sucre glace, XXe s.] ; sens II,
4, 1660, Oudin [sans aucun doute bien plus
anc., v. la date du dér. glaceux]).

I. 1. Eau congelée, ou autre liquide soli-


difié par l’action du froid : Les fragments
de glace miroitaient à éblouir (Flaubert).
Et la Beauce, à l’infini, se déroulait toute
blanche [de neige], plate et immobile
comme une mer de glace (Zola). Patiner
sur la glace. Casser, faire fondre de la
glace. Glace artificielle. Un pain de glace.
Des cubes de glace. Garçon, de la glace !
‖ Ferrer un cheval à glace, v. FERRER et
FERRÉ, E. ‖ Glace sèche, ou glace car-
bonique, anhydride carbonique solide.
‖ Glace de mer, glace formée par la
congélation de l’eau de mer en bordure
du continent antarctique et dans l’océan
Arctique. ‖ Champ de glace, en termes
de marine, banquise. ‖ Banc de glace,
champ de glace dont les limites sont vi-
sibles. ‖ Montagne de glace, iceberg, bloc
de glace flottant en mer. (V. aussi GLACES
n. f. pl.) ‖ 2. Spécialem. Eau congelée des
glaciers, en montagne : Il s’arc-boute sur
ses pointes de crampons qui déchirent et
écaillent la glace bleue (Frison-Roche).
‖ Piton à glace, piton mince et long que
les alpinistes enfoncent dans les parois
de glace pour s’assurer. ‖ 3. Vx. Tem-
pérature à laquelle l’eau se congèle : Le
thermomètre descendit à 22 degrés au-
dessous de glace (Chateaubriand). ‖ Jour
de glace, en météorologie, jour pendant
lequel la température a toujours été infé-
rieure ou égale à 0 °C. ‖ À la glace, très
froid : On versa du vin de Champagne à
la glace (Flaubert). ‖ 4. Fig. Symbole de
froideur extrême, de réserve ; absence
de cordialité, distance dans les rapports
sociaux : Il me rend un bonjour de glace
(Renard). ‖ Fondre, rompre la glace, faire
cesser la gêne, la contrainte qui régnait
dans un entretien, une conversation :
Une fois la glace rompue, il avait la gaieté
de la décision, et un entrain indéfinissable
qui le rendait aimable (Balzac). ‖ 5. Fig.
Symbole de dureté de coeur, d’insensibi-
lité : Quelle prodigieuse création que celle

où ces êtres de feu et de glace [les person-


nages de Dostoïevski] nous semblent si
familiers (Camus). Être, rester de glace
devant les malheurs d’autrui. Un coeur
de glace. ‖ Vx. Fondre la glace, toucher,
émouvoir une personne jusque-là insen-
sible. ‖ 6. Class. et fig. Diminution de vi-
talité, d’ardeur sous l’effet de la vieillesse :
Quand l’âge dans mes nerfs a fait couler
sa glace (Corneille). ‖ 7. Entremets ou
rafraîchissement composé d’une crème à
base de lait et aromatisée, ou d’un jus de
fruit, d’un sirop, d’une liqueur, d’un vin
liquoreux, etc., que l’on congèle dans un
moule : Devant chacun de ces cafés, des
foules de curieux établis sur des chaises,
au milieu de la rue, prennent des glaces
et critiquent les passants (Stendhal). Elle
mangeait alors une glace au marasquin
(Flaubert).

II. 1. Lame de verre ou de cristal assez


épaisse, dont les deux faces, rendues
parfaitement planes et parallèles, sont
polies : Les glaces d’une vitrine. Une glace
sans tain. ‖ Spécialem. Châssis vitré
d’un véhicule : Lever, baisser les glaces.
Le jeune homme baissa la glace d’une
portière, malgré le froid déjà vif de cette
sombre après-midi de novembre (Zola).
‖ 2. Miroir constitué par une plaque de
verre uni, sur laquelle a été appliquée
une couche de tain : La comtesse, qui se
promenait dans son salon, s’arrêta devant
une glace (Stendhal). Une glace de poche.
‖ Arg. Passer devant la glace, passer
devant la justice. ‖ 3. En cuisine, jus de
viande réduit qu’on étend sur une pièce :
Un filet de boeuf dans sa glace. ‖ Couche
vernie, faite de sucre ou de blanc d’oeuf,
qui recouvre certaines pâtisseries ou
entremets. ‖ Croûte de sucre à la sur-
face des fruits confits. ‖ Adjectiv. Sucre
glace, sucre en poudre extrêmement fin,
employé en pâtisserie. ‖ 4. Petite tache
opaque dans une gemme.

& glaces n. f. pl. (fin du XVIe s., A. d’Aubi-


gné). Eaux congelées des zones polaires, des
mers arctiques et antarctiques (banquise),
des cours d’eau : Les glaces du Groenland.
Un fleuve pris par les glaces. Je fus bercé
au souvenir des glaces flottantes (Renan).

glacé, e [glase] adj. (part. passé de glacer ;


milieu du XVIe s., au sens II, 1 ; sens I, 1, 1660,
Boileau ; sens I, 2, v. 1620, d’après Trévoux,
1704 [être glacé, 1862, V. Hugo ; avoir les
extrémités glacées, 1580, Montaigne] ; sens
I, 3, 1872, Larousse ; sens I, 4, 1673, Racine ;
sens I, 5, début du XVIIe s., Malherbe [colère
glacée, XXe s.] ; sens I, 6, 1669, Boileau ; sens
II, 2, 1690, Furetière).

I. 1. Congelé, transformé en glace ou


durci par le froid : Plaque de neige gla-
cée. Une terre glacée. ‖ 2. Qui est très
froid ou procure une sensation de froid
intense : Ses pieds sont moins glacés dans
mes mains (Lamartine). J’écoutais incliné

sur le marbre glacé (Hugo). Cette eau du


puits glacé, | Bois-la (Verlaine). L’air glacé
du jardin me calma (Gide). Ce matin la
mer était glacée, nous n’avons pu nous
baigner ; et par extens. : Un appartement
glacé. Une nuit d’hiver aigre et glacée
(Fromentin). Un soleil sans force répan-
dit tous les matins sur la ville une lumière
étincelante et glacée (Camus). ‖ Être gla-
cé, avoir les pieds glacés, les mains glacées,
etc., en parlant d’une personne, être tran-
si de froid, ou éprouver une sensation
de froid dans une partie du corps : Être
glacé jusqu’à la moelle des os. ‖ 3. Spécia-
lem. Congelé ou refroidi par des moyens
artificiels : Entremets glacé. Crème glacée.
Boisson glacée. ‖ 4. Poét. Qui a perdu la
chaleur de la vie, qui ressent le froid de la
mort ou l’engourdissement de l’âge : La
mort régnait déjà dans les âmes glacées
(Vigny). Mon coeur ne sera plus qu’un bloc
rouge et glacé (Baudelaire). Me voilà seul
à présent [...], | Morne et désespéré, plus
glacé qu’un aïeul (Verlaine). ‖ 5. Fig. Qui
manifeste une froideur extrême, une ré-
serve hautaine, de l’indifférence : Si elle
m’adresse le moindre reproche, je ne lui ré-
pondrai rien. Je resterai glacé, digne (Du-
hamel). Un abord glacé. ‖ Colère glacée,
colère contenue. ‖ 6. Fig. Qui manque de
feu, de sensibilité : Muse froide et glacée.

II. 1. Qui présente un aspect lisse et


brillant, dû à un traitement mécanique,
à un apprêt, à un enduit : Des gants gla-
cés. Du papier glacé. Un plastron glacé.
‖ 2. Recouvert d’une pellicule de sucre,
confit dans le sucre : Oranges glacées.
Marrons glacés.

• SYN. : I, 1 gelé ; 2 aigre, glaçant, glacial ;


transi ; 5 figé, glacial, impassible, réfrigé-
rant ; 6 froid, insensible, sec. ‖ II, 1 lustré,
poli.

& glacé n. m. (1866, Littré [« partie dorée


de la passementerie », 1765, Encyclopédie]).
Aspect glacé d’une matière, d’un objet : Le
glacé d’une étoffe. Il parlait du tournage
et du tournassage, du truité et du glacé
(Flaubert).

glace-neige [glasnɛʒ] n. f. (de glace et


de neige ; 1962, Larousse). Glace en menus
morceaux, utilisée pour le glaçage.

glacer [glase] v. tr. (lat. glaciare, changer


en glace, solidifier, glacer d’effroi, de gla-
cies [v. GLACE] ; v. 1160, Benoît de Sainte-
Maure, écrit glacier [glacer, fin du XVe s.],
aux sens de « glisser, faire glisser » et au sens
I, 7 ; sens I, 1, 1538, R. Estienne [glacer le
sang à quelqu’un, 1718, Massillon ; glacier,
« figer [le sang] », v. 1131, Couronnement
de Louis] ; sens I, 2, 1834, Ségur ; sens
I, 3, av. 1794, Chénier ; sens I, 4, 1845,
Bescherelle ; sens I, 5, 1740, Acad. [au part.
passé, dès 1580, Montaigne] ; sens I, 6, 1611,
Cotgrave ; sens I, 8, 1664, Racine ; sens II,
1, 1811, Chateaubriand ; sens II, 2, 1625,
Stoer [en photographie, XXe s. ; machine à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2186

glacer, 1962, Larousse] ; sens II, 3, 1625,


Stoer ; sens II, 4, 1872, Larousse ; sens II,
5, 1798, Acad. [en cuisine ; en pâtisserie,
1690, Furetière]). [Conj. 1 a.]

I. 1. Convertir un liquide en glace : Le


fleuve était pris [...] ; l’hiver avait achevé
de le glacer (Ségur). Le froid de la nuit a
glacé la neige. ‖ Spécialem. Congeler par
des moyens artificiels : Glacer une crème
dans la sorbetière. ‖ Fig. et littér. Glacer
le sang à quelqu’un, lui causer une émo-
tion violente, un grand effroi : Mes amis
sont à présent d’une espèce si rare que la
seule crainte de me les voir ravir glace mon
sang (Chateaubriand). Une angoisse sou-
daine lui glaçait le sang. ‖ 2. Rendre dur
sous l’effet d’un froid intense : Un sol que
le gel a glacé, craquelé. ‖ 3. Rendre très
froid : Le vent d’hiver qui s’engouffre par
la fenêtre ouverte a glacé la pièce. Neige,
givre, bruine, et pluie | Glacent mon flanc
déjà rouillé (Gautier). ‖ 4. Spécialem.
Faire descendre à une très basse tempé-
rature par un apport de glace ou par le
froid artificiel : Glacer un wagon. Glacer
une boisson, une bouteille de champagne.
‖ 5. Causer à quelqu’un une vive sensa-
tion de froid : Un vent qui glace le visage,
les extrémités. L’indigent que glacent les
tempêtes (Hugo). L’eau fraîche, fraîche
comme la menthe qui glace la bouche et
brûle l’estomac (Camus). ‖ 6. Poét. Faire
perdre ou affaiblir la chaleur animale, la
vitalité, l’ardeur : L’âge glace les membres.
Des haines latentes qui glacent lentement
le coeur (Balzac). ‖ 7. Fig. Provoquer une
gêne intense qui paralyse, déconcerte ou
décourage : Examinateur qui glace les
candidats. Le bonjour ou l’adieu [...] qui
lui échappait d’une voix machinale me
glaçait (Sainte-Beuve). Cette femme [Do-
lorès] est la seule personne au monde qui
ait le pouvoir de le glacer [Ramuntcho],
et jamais ailleurs qu’en sa présence il ne
sent peser sur lui la tare d’être un enfant
de père inconnu (Loti). Ce public me glace
(Renard). L’expression indifférente, obtuse
de son visage [...] glaçait jusqu’à sa source
mon bon vouloir (Gide). ‖ 8. Fig. Frap-
per d’une émotion intense qui abolit ou
diminue l’usage des facultés : L’humilia-
tion, la crainte glaçaient son âme (Stend-
hal). ‖ Glacer quelqu’un de crainte,
d’épouvante, d’horreur, etc., lui inspirer
une crainte, une épouvante, une horreur
profonde : Vous me glacez de crainte en
me parlant d’amour (Voltaire). De longs
rires, soudain, éclatant dans le vide, |
Glacèrent le berger d’un grand effroi saisi
(Hugo). Je frissonnai, le coeur glacé d’une
sorte de terreur (Gide).

II. 1. Donner une apparence polie,


brillante comme celle de la glace : Leurs
ailes noires et lustrées étaient glacées de
rose par les premiers reflets du jour (Cha-
teaubriand). C’est un marais [...]. | Les
canards sauvages y trempent | Leurs cous

de saphir glacés d’or (Gautier). ‖ 2. Don-


ner mécaniquement de l’apprêt, un
aspect poli, brillant à une matière : Gla-
cer des étoffes, du papier, des peaux. Les
officiers commissaires font glacer au fer la
bande blanche de leur képi (Giraudoux).
‖ Spécialem. Procéder au glaçage d’une
épreuve photographique. ‖ Machine
à glacer, machine de corroyeur desti-
née à polir mécaniquement les cuirs et
peaux tannés. ‖ 3. En peinture, donner
de l’éclat à une couleur en étendant sur
elle une autre couleur brillante et trans-
parente. ‖ 4. Glacer une poterie, y poser
la glaçure. ‖ 5. En cuisine, couvrir d’un
jus (extrait de viande réduit) une pièce de
viande, de sucre glace, de sirop, de blanc
d’oeuf une pâtisserie, un entremets, des
fruits, etc. : Glacer une galantine, des bis-
cuits, des oranges.

• SYN. : I, 1 congeler, geler ; 3 refroidir ;


4 frapper ; 5 transir, transpercer ; 6 dur-
cir, engourdir, figer, scléroser ; 7 pétrifier,
réfrigérer, troubler ; 8 paralyser. ‖ II, 1 lus-
trer, satiner. — CONTR. : I, 1 et 2 dégeler,
déglacer ; 3 brûler, chauffer, rôtir, tiédir ;
5 réchauffer ; 6 ranimer, vivifier ; 7 encou-
rager, exalter ; 8 rassurer.

& v. intr. (XIIIe s., Littré). Se prendre, se


transformer en glace, geler : Le sentier qui
est rapide et où, pendant la nuit, la neige
avait glacé (Bosco).

& se glacer v. pr. (sens 1, fin du XVe s. ; sens 2,


1691, Racine ; sens 3, 1647, Z. J. Montfleury).
1. Se congeler. ‖ 2. Se refroidir : Ses pieds
se glaçaient dans l’immobilité de la carriole
(Loti). ‖ 3. Fig. Le coeur, le sang se glace, ou
le sang se glace dans les veines, locutions
exprimant une émotion violente et qui
paralyse : Tout mon coeur se glaçait (Gide).

glacerie [glasri] n. f. (de glace ; 1765,


Encyclopédie, au sens II ; sens I, 1845,
Bescherelle).

I. Art, commerce du glacier-limonadier.

II. Fabrication, commerce des glaces de


verre ou de cristal. ‖ Par extens. Usine
qui procède à cette fabrication : La glace-
rie de Saint-Gobain.

glaceur [glasoer] n. m. (de glacer ; 1829,


Boiste). Ouvrier qui glace les étoffes, les
papiers.

glaceuse [glasøz] n. f. (de glacer ; 1962,


Larousse). Machine qui permet d’effectuer
le glaçage des épreuves photographiques.

glaceux, euse [glasø, -øz] adj. (de glace ;


1400, Douet d’Arcq). Se dit d’un diamant
ou d’une gemme qui présente une ou des
taches mates (glaces) : Les brillants glaceux
et cristallins (Goncourt).

• SYN. : givreux.

glaciaire [glasjɛr] adj. (dér. savant du


lat. glacies, glace [v. GLACE] ; 1866, Littré
[aussi périodes glaciaires ; érosion glaciaire,
régime glaciaire, XXe s.]). Relatif aux glaces,

aux glaciers : Calotte glaciaire. Pour éviter


de se geler les doigts sur le plateau glaciaire
du col, ils s’étaient encordés dans la cabane
(Frison-Roche). ‖ Périodes glaciaires,
périodes géologiques du Quaternaire
caractérisées par une vaste extension
des glaciers, notamment sur le nord de
l’Europe, les Alpes, le Canada. ‖ Érosion
glaciaire, travail d’usure, de transport et
d’accumulation de matériaux effectué par
les masses de glace, inlandsis ou langues
glaciaires de montagnes. ‖ Régime gla-
ciaire, régime d’un cours d’eau caractérisé
par de hautes eaux d’été (fusion des gla-
ciers) et de basses eaux d’hiver (rétention
nivale et glaciaire).

glaciairiste n. m. V. GLACIÉRISTE.

glacial, e, als ou aux(Le pluriel est


rarement employé.) [glasjal, -sjo] adj.
(lat. glacialis, glacial, de glace, de glacies
[v. GLACE] ; v. 1380, Conty, dans la loc.
humeur glaciale, « humeur cristalline
[de l’oeil] » ; sens 1, 1611, Cotgrave [il fait
glacial, av. 1896, Verlaine] ; sens 2, 1534,
Rabelais [zone glaciale, 1690, Furetière] ;
sens 3, 1866, Littré [en parlant d’un com-
portement, 1740, L. de Boissy] ; sens 4,
1866, Littré). 1. Qui est froid comme la
glace, qui procure une sensation de froid
vif et pénétrant : Un vent glacial. Une eau
glaciale. Une pluie glaciale. Une tempéra-
ture glaciale. Une bise glaciale soufflait
(Hugo). Et Satan se réveilla, baigné d’une
sueur glaciale (France). ‖ Adverbialem. Il
fait glacial, il fait un froid très vif : Le soir
se fonce, il fait glacial (Verlaine). ‖ 2. Où
il règne un froid extrême : Une nuit gla-
ciale. Il [Julien] traversa des régions [...] qui
étaient si glaciales que les bras, se détachant
du corps, tombaient par terre (Flaubert).
‖ Zone glaciale, région du globe comprise
entre un cercle polaire et le pôle corres-
pondant. ‖ 3. Fig. Se dit d’une personne
qui paralyse, rebute, déconcerte par sa
froideur : Un homme glacial. J’allais droit
à Françoise ; comme j’avais ri de ses larmes
à un départ qui m’avait laissé indifférent,
elle se montra glaciale à l’égard de ma tris-
tesse, parce qu’elle la partageait (Proust).
‖ Se dit d’un comportement empreint de
froideur : Vous êtes à l’endroit des femmes
d’une réserve plus glaciale que Joseph et
qu’Hippolyte (Gautier). [Enfants trou-
vées :] Les petites vont les premières. [...]| |
Les pieuses et les savantes | Ont un main-
tien plus glacial (Coppée). L’ancien colonel
lança à ses agents de liaison un regard si
glacial qu’ils en eurent froid dans le dos
(Dorgelès). Jean se lève et regarde l’ambas-
sadeur d’un air glacial (Sartre). Un accueil
glacial. ‖ 4. Fig. Qui manque d’ardeur, de
passion, de chaleur communicative : Un
écrivain, un style glacial.

• SYN. : 1 glaçant, glacé ; 3 dur, froid,


impassible, insensible, réfrigérant ; 4 sec.

— CONTR. : 1 et 2 brûlant, chaud, étouf-


fant, tiède ; 3 accueillant, affable, aimable,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2187

amène, chaleureux, cordial, gentil ;


4 ardent, enthousiaste, exalté, passionné.

glaciale [glasjal] n. f. (fém. substantivé


de glacial, à cause de l’aspect extérieur
[brillant comme de la glace] de la plante ;
1752, Trévoux). Espèce de ficoïde, remar-
quable par les nombreuses glandes cristal-
lines qui recouvrent ses parties herbacées,
et qu’on emploie comme légume vert.

glacialement [glasjalmɑ̃] adv. (de gla-


cial ; av. 1872, Th. Gautier). D’une manière
glaciale, avec froideur (rare) : Les églises
espagnoles sont meublées, vivantes, et n’ont
pas l’aspect glacialement désert des nôtres
(Gautier).

glaciation [glasjasjɔ̃] n. f. (dér. savant de


glacer ; v. 1560, Paré, au sens 1 ; sens 2, 1930,
Larousse). 1. Vx. Action de transformer en
glace, ou le fait de se transformer en glace.
‖ 2. Formation géologique de la période
glaciaire, caractérisée par l’extension de
l’inlandsis. ‖ Période pendant laquelle les
glaces recouvrent une région.

1. glacier [glasje] n. m. (mot de l’anc.


franco-provenç. [début du XIVe s.], dér. de
glace ; 1572, J. Peletier du Mans, puis 1757,
Encyclopédie). Accumulation de neige
transformée en glace, animée de mouve-
ments lents, qui forme de vastes coupoles
dans les régions polaires (inlandsis ou gla-
cier continental), qui s’étend en aval du
névé dans les vallées de montagnes (glacier
de montagne ou de vallée), ou s’étale en
lobe au sortir de la montagne (glacier de
piémont) : Une large vallée entourée de gla-
ciers et de cascades (Claudel). Le glacier de
la Charpoua reflétait des moirures d’huile,
et les lèvres glauques de ses crevasses sou-
riaient à la nuit (Frison-Roche).

2. glacier [glasje] n. m. (de glace ; 1765,


Encyclopédie, au sens II ; sens I, 1803,
Boiste).

I. Celui qui prépare ou vend des glaces


alimentaires, des sorbets : Un pâtissier-
glacier. Alors, la voiturette du glacier am-
bulant parcourait les rues (Arnoux).

II. Vx. Fabricant ou marchand de glaces


(miroirs).

• SYN. : II miroitier.

glacière [glasjɛr] n. f. (de glace ; 1640,


Oudin, au sens 2 ; sens 1, 1757, Encyclopédie
[« grotte contenant de la glace naturelle »,
XXe s.] ; sens 3, 1907, Larousse ; sens 4,
1860, d’après Larousse, 1872 [« usine où
on fabrique la glace », XXe s.] ; sens 5, 1740,
Acad.). 1. Vx. Amas de glaces : Les mon-
tagnes ardentes s’éteignent et les glacières
naturelles s’échauffent (Flaubert). ‖ Auj.
Grotte contenant de la glace naturelle :
On trouve des glacières dans les Pyrénées,
le Vercors, les Alpes autrichiennes, etc.
‖ 2. Autref. Cavité souterraine, isolée,
où l’on conservait de la glace, de la neige
recueillie en hiver : À mi-côte se trouve la

glacière, jadis habitée par des Maltais pour-


voyeurs de neige (Fromentin). ‖ 3. Armoire
ou récipient utilisé pour conserver les den-
rées dans une atmosphère froide et où l’on
maintient une basse température par de la
glace hydrique placée dans un récipient
spécial : Une glacière de boucher. Une gla-
cière portative. ‖ Fam. Se dit parfois pour
réfrigérateur, armoire frigorifique. ‖ 4. Vx.
Appareil à fabriquer la glace artificielle.
‖ Auj. Usine où l’on fabrique la glace.
‖ 5. Fig. et fam. Lieu très froid : Ah ! dit
plaisamment Jory en entrant dans la salle,
quelle glacière ! (Zola).

glaciériste [glasjerist] n. m. (de glacier


1 ; 1866, Littré, écrit glaciairiste [glacié-
riste, 1877, Littré], au sens 1 ; sens 2, 1949,
F. Gazier). 1. Syn. anc. de GLACIOLOGISTE.
‖ 2. Alpiniste spécialisé dans les ascen-
sions de glaciers ou de versants glaciaires.

glaciologie [glasjɔlɔʒi] n. f. (de glacio-,


élément tiré du lat. glacies, glace [v. GLACE],
et de -logie, du gr. logos, discours, science ;
fin du XIXe s.). Étude des glaciers, de leur
répartition, de leurs variations et de leurs
effets.

glaciologiste [glasjɔlɔʒist] ou glacio-


logue [glasjɔlɔg] n. (de glaciologie ; 1901,
Larousse, écrit glaciologiste ; glaciologue,
1953, Romanovsky et Cailleux). Spécialiste
de glaciologie.

glacis [glasi] n. m. (de glacer [v. ce mot] ;


début du XVe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1512,
J. Lemaire de Belges ; sens I, 3, 1694, Th.
Corneille ; sens I, 4, 1962, Larousse ; sens
II, 1, 1757, Encyclopédie [« couche d’un
enduit, plus ou moins brillant ou transpa-
rent, qui recouvre une surface », av. 1872,
Th. Gautier] ; sens II, 2, fin du XIXe s. ; sens
II, 3, 1866, Littré).

I. 1. En termes de fortification, talus en


pente douce établi à partir d’éléments
extérieurs d’un ouvrage (chemin cou-
vert, fossé, bloc) : Le premier obus que
nous lançâmes tomba en dehors des gla-
cis (Chateaubriand). Les glacis d’un fort.
‖ 2. Terrain en pente douce et unie : Je
traversai les glacis couverts de neige (Ner-
val). Des touffes de fleurs [...] s’étaient
écloses sur les glacis de granit rougeâtre
(Flaubert). ‖ 3. En architecture, pente
de la surface supérieure d’une cimaise,
permettant l’écoulement des eaux plu-
viales. ‖ 4. En géomorphologie, surface
d’érosion en pente douce, développée
généralement dans les régions sèches, au
pied des reliefs.

II. 1. En peinture, préparation légère et


transparente, qu’on étend sur une cou-
leur sèche pour lui donner de l’éclat et
en modifier légèrement la coloration :
Des nettoyages [de tableaux] qui avaient
emporté les glacis (France). ‖ Par anal.
Couche d’un enduit, plus ou moins
brillant ou transparent, qui recouvre une

surface : Le glacis du parquet des salons


(Barbey d’Aurevilly). Cette fumée avait
recouvert les poutres de la toiture d’un
glacis de bitume (Gautier). ‖ 2. Fig. et
littér. Apparence brillante, mais souvent
trompeuse, qui recouvre une réalité dif-
férente : Deux messieurs, du glacis le plus
élégant... (Villiers de L’Isle-Adam). Cette
Amérique du Sud, avec son mince glacis
d’humanité (Bonnard). ‖ 3. Enduit que
l’on applique sur un voligeage jointif et
sur lequel on pose le plomb d’un arêtier.

glaçoire [glaswar] n. f. (de glacer ; 1872,


Larousse). Boîte cylindrique en fer-blanc,
munie d’un couvercle percé de trous, avec
laquelle on saupoudre de sucre les pâtisse-
ries destinées au glaçage.

glaçon [glasɔ̃] n. m. (de glace ; v. 1160,


glaçon [glasɔ̃] n. m. (de glace ; v. 1160,
Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 [« petit
cube de glace artificielle », XXe s.] ; sens 2,
1626, Hardy). 1. Morceau de glace : La Seine
lentement | Traîne des archipels | De gla-
çons hésitants (Hugo). Le fleuve qui râle |
Sous les glaçons qu’il rompt de moment en
moment (Leconte de Lisle). ‖ Spécialem.
Petit cube de glace artificielle : Mettre un
glaçon dans son verre. ‖ 2. Fig. Personne
insensible, indifférente ou d’un abord très
froid : C’est un vrai glaçon. Cette femme,
jugée alors [...] un glaçon poli et coupant
(Barbey d’Aurevilly).

glaçure [glasyr] n. f. (de glacer ; 1772,


Milly, au sens 1 [qui à l’origine a été une
adaptation de l’allem. Glasur, vernis, émail,
dér. de Glas, verre] ; sens 2, 1869, Flaubert).
1. Enduit vitrifiable, transparent et inco-
lore, opaque ou coloré, que l’on applique
sur certaines poteries et céramiques pour
leur donner de l’éclat et les rendre imper-
méables. ‖ 2. Surface, aspect glacé, lisse de
quelque chose : Une lettre de huit pages sur
papier à glaçure bleue (Flaubert). Arborant
des cravates somptueuses et constellées de
brillants sur des plastrons aux glaçures
impeccables (Bertrand).

• SYN. : 1 émail.

gladiateur [gladjatoer] n. m. (lat. gladia-


tor, gladiateur, spadassin, de gladius, épée,
glaive ; XIIIe s., Godefroy, écrit gladiator
[gladiateur, 1580, Montaigne], au sens 1 ;
sens 2, 1646, Retz). 1. Homme qui com-
battait, à Rome, dans les jeux du cirque,
contre d’autres hommes ou contre des
bêtes féroces : Cette boucherie continuelle
de gladiateurs (Chateaubriand). ‖ 2. Vx
ou littér. Homme qui avait l’habitude et
le goût des duels et se battait volontiers
pour le compte d’autrui : Un gentilhomme
capable de faire assassiner son rival par des
gladiateurs (Gautier).

• SYN. : 1 belluaire, bestiaire, mirmillon,


rétiaire.

gladié, e [gladje] adj. (dér. savant du


lat. gladius, épée, glaive ; 1803, Boiste). En
botanique, se dit d’une feuille ou d’une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2188
tige comprimée en arête vive, en forme
de glaive : Le rampant du terrain vers la
mer est parsemé de fenouils, de sauges, de
chardons à feuilles gladiées et bleuâtres
(Chateaubriand).

• REM. On dit plus souvent ENSIFORME.

glageon [glaʒɔ̃] n. m. (de Glageon, n.


d’une commune du département du Nord ;
1866, Littré). Variété de marbre exploitée
dans la commune de Glageon.

glagolitique [glagɔlitik] adj. (de glagol


[mot slavon], n. d’un anc. alphabet slavon ;
1872, Larousse). Se dit d’une écriture usitée
dans les premiers monuments de la litté-
rature slave (IXe s. apr. J.-C.), ainsi que de
la langue qu’elle sert à transcrire.

glaie, glaye [glɛ] ou glaise [glɛ] n. f.


(origine obscure ; 1866, Littré, écrit glaie et
glaise ; glaye, 1962, Larousse). Voûte d’un
four de verrerie.

glaïeul [glajoel] n. m. (lat. gladiolus, épée


courte, poignard, et à cause de la forme
des feuilles de cette plante, « glaïeul », de
gladius, épée, glaive [qui avait donné en
anc. franç. les formes glaid, glaïeul — fin
du XIe s., Gloses de Raschi —, et glai —
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure] ; XIIIe s.,
Romania [XVI, 600], écrit glaiuel ; glaieul,
1600, O. de Serres). Plante à bulbe, de la
famille des iridacées, à feuilles longues et
pointues, cultivée pour ses fleurs ornemen-
tales disposées en longs épis de couleurs
variées : Mille fleurs sauvages, le liseron, le
passe-velours [...], le glaïeul aux lancéoles
cannelées... (Hugo). Adieu les promenades
| Sous les fraîches arcades | Des verdoyants
tilleuls, | À travers les prairies, | Les bruyères
fleuries | Et les pâles glaïeuls (Gautier).
‖ Glaïeul des marais, glaïeul puant, nom
commun de l’iris fétide.

glairage [glɛraʒ] n. m. (de glairer ; 1866,


Littré). Action de glairer, en reliure.

glaire [glɛr] n. f. (lat. pop. *glāria, défor-


mation de *clāria, blanc d’oeuf, dér. de
l’adj. du lat. class. clārus, clair, brillant,
net ; XIIe s., Godefroy, au sens 1 [en reliure,
1827, Manuel du relieur] ; sens 2, XIIIe s. ;
sens 3, 1690, Furetière). 1. Blanc d’oeuf cru.
‖ Spécialem. Préparation à base de blanc
d’oeuf battu, dont on se sert en reliure, pour
préparer un cuir à la dorure. (En ce sens,
on dit aussi GLAIRURE.) ‖ 2. Sécrétion vis-
queuse et blanchâtre des muqueuses dans
certains états pathologiques (généralement
au plur. en ce sens) : Rendre des glaires.
‖ 3. Tache semi-opaque, qui diminue en
certains points les feux d’un diamant.

• SYN. : 2 mucosité.

glairer [glɛre] v. tr. (de glaire ; 1680,


Richelet). Appliquer à l’éponge ou au pin-
ceau, sur la couverture d’un livre relié,
une légère couche de blanc d’oeuf, pour la
préparation à la dorure.

glaireux, euse [glɛrø, -øz] adj. (de


glaire ; 1256, Ald. de Sienne, au sens de
« visqueux » [en parlant de sangsues] ; sens
1, 1866, Littré [« qui est plein de glaires »,
1690, Furetière] ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Qui est de la nature des glaires : Crachat
glaireux. ‖ 2. Qui a l’aspect des glaires :
Tiens ! le père Ingres, tu sais s’il me tourne
sur le coeur, celui-là, avec sa peinture glai-
reuse (Zola).

glairure [glɛryr] n. f. (de glairer ; 1810,


Lesné). Syn. de GLAIRE, en reliure.

1. glaise [glɛz] n. f. (gaulois glĭso, glīso,


glaise [attesté par le composé lat. d’origine
gauloise glisomarga, espèce de marne ou
de craie] ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
écrit glise ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit
gloise ; glaise, fin du XIIIe s.). Terre grasse
et compacte, fortement argileuse, plastique
et imperméable, qui est la matière première
des briques, des tuiles, de la poterie : Un
bloc de glaise. J’empâte un ornement de
glaise | Et mes quartiers d’hiver sont prêts
(Gautier). Une odeur fade de glaise mouillée
montait du sol (Zola). J’ai tourné sur la roue
des vases grêles | Car je me suis fait potier
pour Elle ! | Traçant des devises sur la glaise
lisse (Vielé-Griffin).

& adj. f. (début du XIVe s.) : Terre glaise.

2. glaise n. f. V. GLAIE.

glaiser [glɛze] v. tr. (de glaise 1 ; 1690,


Furetière, au sens 1 ; sens 2, 1771, Trévoux).
1. Enduire de glaise. ‖ 2. Amender un sol
avec de la glaise.

glaiseux, euse [glɛzø, -øz] adj. (de glaise


1 [v. ce mot] ; XIIIe s., Godefroy, écrit gloi-
seux [glazeux, 1611, Cotgrave ; glaiseux,
1752, Trévoux], au sens 1 ; sens 2, av. 1959,
A. Camus). 1. Qui est de la nature de la
glaise ; qui contient de la glaise : Un sol
glaiseux. ‖ 2. Couvert, enduit de glaise :
La fleur qu’une main glaiseuse me tend
(Camus).

• SYN. : 1 argileux.

& glaiseux n. m. (1927, G. Esnault). Pop.


Paysan, personne de la campagne.

glaisière [glɛzjɛr] n. f. (de glaise 1 ;


1762, Acad.). Carrière d’où l’on extrait de
la glaise.

glaiteron [glɛtrɔ̃] n. m. (dér., après sono-


risation de la consonne initiale, de l’anc.
franç. cleton, bardane [v. 1290, Glossaire de
Douai], francique *kletto, crampon ; XIVe s.,
Du Cange, écrit gleteron ; glaiteron, 1866,
Littré). Syn. de GRATERON.

glaive [glɛv] n. m. (mot issu, après une


évolution phonétique irrégulière, du lat.
gladius, épée, glaive [au pr. et au fig.] ;
v. 1120, Psautier d’Oxford, aux sens de
« lance, javelot » [la forme gladie, « épée »
— fin du Xe s., Vie de saint Léger —, était
un empr. direct du lat.] ; sens 1, XVe s.
[« arme tranchante quelconque », XVIe s.,
Le Roux de Lincy, Proverbes] ; sens 2,

1690, Furetière [« massacre, carnage »,


v. 1160, Benoît de Sainte-Maure ; tirer le
glaive, remettre le glaive au fourreau, 1872,
Larousse] ; sens 3, 1642, Corneille [le glaive
de Dieu, 1683, Bossuet ; le glaive spirituel,
1686, Bossuet ; le glaive de la justice, av.
1681, Patin]). 1. Épée à double tranchant :
Soldat romain armé du glaive. ‖ Par extens.
et littér. Arme tranchante quelconque :
Au grand soleil féroce qui faisait luire les
glaives et les crosses (Daudet). ‖ 2. Vx ou
littér. Symbole de la guerre, des combats,
de la force armée : Tu voulais, versant notre
sève, | Aux peuples trop lents à mûrir | Faire
conquérir par le glaive | Ce que l’esprit doit
conquérir (Hugo). Puissé-je user du glaive
et périr par le glaive ! (Baudelaire). C’est
jusqu’à présent notre lot, dans cette nou-
velle guerre, de ne pouvoir nulle part, après
le malheur initial, retourner à la bataille
qu’avec un tronçon d’épée ou bien avec un
glaive d’emprunt (De Gaulle). ‖ Vx. Tirer
le glaive, entrer en guerre. ‖ Vx. Remettre
le glaive au fourreau, faire la paix. ‖ 3. Vx
ou littér. Symbole de puissance : Vers les
astres mon oeil se lève, | Mais il y voit pendre
le glaive | De l’antique fatalité (Vigny). ‖ Le
glaive de Dieu, la justice, la puissance de
Dieu. ‖ Le glaive spirituel, le pouvoir qu’a
l’Église d’excommunier ou de frapper
d’une peine canonique. ‖ Le glaive de la
justice, le pouvoir judiciaire.

• SYN. : 2 épée.

glanage [glanaʒ] n. m. (de glaner ; 1596,


Vaganay). Action de glaner : Aux mois-
sons, on nous passait aussi quelque glanage
(Michelet).

gland [glɑ̃] n. m. (lat. glandem, accus. de


glans, glandis, n. f., fruit du chêne, fruit
d’autres arbres, gland [en anatomie] ;
XIIe s., écrit glant [gland, XVIe s.], au sens 1
[glands doux, 1866, Littré] ; sens 2, av. 1695,
La Fontaine ; sens 3, 1379, Inventaire de
Charles V ; sens 4, 1538, J. Canappe [« extré-
mité de la verge » ; « extrémité du clitoris »,
1721, Trévoux]). 1. Fruit du chêne : Arbres
fils de leur gland courbés sous les tem-
pêtes (Lamartine). ‖ Glands doux, fruits
comestibles de certaines espèces de chênes.
‖ 2. Vx et littér. Nourriture supposée des
premiers hommes : Il [J.-J. Rousseau]
veut réduire au gland l’Académie entière
(Voltaire). ‖ 3. Ornement de bois, de
métal ou de passementerie qui rappelle la
forme d’un gland : L’intrépide Tarasconnais
secoua comme une crinière le gland de sa
chéchia (Daudet). Une embrasse en torsade
qui se terminait par un gland (Maurois).
‖ 4. En anatomie, extrémité de la verge
et du clitoris.

& n. m. et adj. (1901, G. Esnault). Fig. et pop.


Terme de mépris appliqué à une personne
dénuée d’adresse ou de finesse.

glandage [glɑ̃daʒ] n. m. (de gland ; av.


1589, J. A. de Baïf, au sens 1 ; sens 2, 1866,
Littré ; sens 3, 1872, Larousse). 1. Action de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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nourrir les porcs de glands. ‖ 2. Vx. Droit


de ramasser les glands en forêt. ‖ 3. Lieu
où l’on recueille les glands.

glandaire [glɑ̃dɛr] adj. (de gland ; 1842,


Acad., au sens de « qui vit de glands » [en
zoologie] ; sens actuel, 1878, Larousse). Qui
concerne le gland (en anatomie).

glande [glɑ̃d] n. f. (lat. glandula [le plus


souvent employé au plur.], glande, glandule,
amygdale, de glans, glandis [v. GLAND] ;
XIIe s., Vie d’Édouard le Confesseur, écrit
glandre, au sens de « tumeur, scrofule » ;
écrit glande, au sens 1, 1538, R. Estienne
[glandes à sécrétion externe, à sécrétion
interne, glandes mixtes, XXe s.] ; sens 2,
v. 1560, Paré). 1. Organe ayant pour fonc-
tion d’élaborer et de sécréter certaines
substances : Glandes digestives, nutritives,
reproductrices. Les glandes lacrymales. Le
foie est une glande volumineuse. ‖ Glandes
à sécrétion externe (ou glandes exocrines),
glandes pourvues d’un canal ou d’un
orifice excréteur et qui déversent à l’exté-
rieur le produit de leur sécrétion (glandes
sudoripares, glandes salivaires, glandes
de l’estomac, etc.). ‖ Glandes à sécrétion
interne (ou glandes endocrines), glandes
qui déversent directement dans le sang ou
dans la lymphe le produit de leur sécrétion
(glande thyroïde, hypophyse, glandes sur-
rénales, etc.). ‖ Glandes mixtes, glandes
qui réunissent les deux fonctions (foie,
testicule, ovaire, etc.). ‖ 2. Fam. Nom
donné communément aux ganglions lym-
phatiques du cou, de l’aisselle, de l’aine,
lorsqu’ils sont enflammés et tuméfiés : Cet
enfant a des glandes. Un vieillard regardait
le ciel [...]. De sa face camuse pendait une
barbe blanche, à travers laquelle on aperce-
vait les glandes de son cou (France).

1. glandé, e [glɑ̃de] adj. (de gland ; 1577,


A. Jamyn, au sens pr. de « qui porte des
glands » [pour un chêne] ; sens actuel, 1690,
Furetière). En héraldique, se dit d’un chêne
chargé de glands, dont l’émail est différent
de celui de l’arbre.

2. glandé, e [glɑ̃de] adj. (de glande ; 1690,


Furetière). Se dit d’un cheval qui a les gan-
glions de l’auge tuméfiés et indurés.

glandée [glɑ̃de] n. f. (de gland ; fin du


XVe s., Coutumes d’Anjou, aux sens 1-2 ; sens
3, 1936, Capitant). 1. Récolte des glands.
‖ 2. Vx. Pâturage des cochons dans les
forêts de chênes, où ils se nourrissaient
surtout de glands. ‖ 3. Droit de ramasser
les glands et faines en forêt.

glander [glɑ̃de] v. intr. (de gland ; XVe s.,


au sens de « produire des glands » ; sens I,
1926, P. Valéry ; sens II, 1941, G. Esnault).

I. Chercher des glands (rare) : La vieille


« beauté pure » tenait à honneur d’éviter
le chemin des glandes. Elle laissait glander
les porcs (Valéry).

II. Fig. et pop. Perdre son temps, en fai-


sant semblant d’être occupé : Il glandait
dans la cour de la caserne. ‖ Attendre en
vain : Laisser glander quelqu’un.

• REM. On dit aussi GLANDOUILLER (de


glander ; 1938, G. Esnault) au sens II.

glandivore [glɑ̃divɔr] adj. (de glandi-,


élément tiré de gland, et de -vore, du lat.
vorare, dévorer ; 1788, Gohin). Qui se nour-
rit de glands.

glandouiller v. intr. V. GLANDER.

glandulaire [glɑ̃dylɛr] adj. (de glandule ;


1611, Cotgrave, aux sens 1-2). 1. Qui se rap-
porte aux glandes : Sécrétions glandulaires.
Troubles glandulaires. ‖ 2. Qui a la forme,
la nature ou la fonction d’une glande : Tissu
glandulaire.

• SYN. : glanduleux.

glandule [glɑ̃dyl] n. f. (lat. glandula [v.


GLANDE] ; 1478, G. de Chauliac). Vx. Petite
glande : Une lésion des glandules des arti-
culations (Margueritte).

glanduleux, euse [glɑ̃dylø, -øz] adj.


(lat. glandulosus, en forme de glande, de
glandula [v. GLANDE] ; 1314, Mondeville,
au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré). 1. Syn. de
GLANDULAIRE. ‖ 2. Poils glanduleux, en
botanique, poils surmontés d’une petite
glande.

1. glane [glan] n. f. (déverbal de glaner ;


XIIIe s., aux sens 1-2 [« action de ramasser
ce qui a été laissé et peut être utilisable »,
1886, Zola] ; sens 3 [pour des poires et pour
des oignons], 1660, Oudin ; sens 4, 1611,
Cotgrave). 1. Vx. Action de glaner : Droit
de glane. ‖ Par extens. Action de ramasser
ce qui a été laissé et peut être utilisable :
Elle s’emporta contre Alzire qu’elle avait
envoyée le matin aux escarbilles, sur le
terri, et qui était revenue les mains vides,
en disant que la Compagnie défendait la
glane (Zola). ‖ 2. Poignée d’épis ramas-
sés dans un champ après l’enlèvement des
gerbes : Pendant quelque temps, on nous a
rencontrés dans la forêt traînant des charges
de bois mort ou ramassant des glanes au
bord des routes (Daudet). ‖ 3. Par anal.
Glane de poires, rangée de poires sur une
même branche. ‖ Glane d’oignons, groupe
d’oignons attachés à un petit faisceau de
brins de paille tressés : L’épervier à raccom-
moder, sur lequel était jetée une glane de
gros oignons (Goncourt). ‖ 4. Fig. Ce qu’on
peut recueillir après d’autres : Après vous
[...] on n’aurait que des glanes, car bien-
tôt vous aurez pris toutes les curiosités du
département (Flaubert).

2. glane [glan] n. m. (origine obscure ;


1872, Larousse). Grand poisson-chat, ou
silure, d’Europe centrale.

glaner [glane] v. tr. (bas lat. glenare, gla-


ner [VIe s.], d’un radical gaulois *glenn- ;
début du XIIIe s., Huon de Méry, au sens 1
[var. glener, XIIIe s., Tailliar] ; sens 2, 1830,

Lamartine ; sens 3, 1756, Voltaire ; sens 4,


av. 1613, M. Régnier [var. glainer, fin du
XIVe s., E. Des-champs]). 1. Vx. Ramasser
les épis restés dans les champs après la
moisson : Glaner du blé ; et absol. : Aller
glaner. ‖ 2. Par extens. Ramasser çà et là,
pièce à pièce : Glaner du bois. Je glanais
la mûre, la merise ou la fleur (Colette).
‖ 3. Recueillir les restes laissés par les
autres : Glaner sa nourriture de ville en
ville. Il te fallait glaner ton souper dans nos
fanges (Baudelaire). ‖ 4. Fig. Prendre çà et
là ce qui a été laissé par d’autres, pour en
tirer quelque parti : Glaner des anecdotes.
L’honnêteté d’un écrivain consiste à ne pas
donner comme siennes les idées qu’il a gla-
nées de-ci de-là, chez autrui (Gide).

• SYN. : 2 et 3 grappiller ; 4 butiner, emprun-


ter, picorer.

glaneur, euse [glanoer, -øz] n. (de glaner ;


XIIIe s., Godefroy, écrit glaneor ; glaneur,
XVIe s., Coutumier général). Vx. Personne
qui glane.

glanure [glanyr] n. f. (de glaner ; 1541,


Calvin, au sens 1 ; sens 2, 1696, Bayle).
1. Vx. Épis que l’on glane. ‖ 2. Ce que l’on
recueille dans les oeuvres des autres.

& glanures n. f. pl. (1880, Littré, Études et


glanures). Ensemble de notes brèves qui ne
constituent pas un développement suivi :
Des glanures étymologiques.

glaphique [glafik] n. m. (dér. savant du


gr. glaphein, creuser ; 1866, Littré). En joail-
lerie, variété de talc, appelée usuellement
pierre de lard, dans laquelle les Chinois
taillaient des figurines.

glapir [glapir] v. intr. (altér., peut-être


d’après japper, de glatir [v. ce mot] ; v. 1175,
Chr. de Troyes, au sens 1 ; sens 2, v. 1585,
Cholières ; sens 3, 1831, V. Hugo). 1. Pousser
de petits cris brefs et aigus, en parlant du
renard, du petit chien, de la grue. ‖ 2. Par
anal. Chanter, crier d’une voix aigre, aiguë :
Les revendeuses d’eau fraîche [...] vous don-
naient soif de les entendre glapir : « L’aigo
es fresco » (Daudet). La petite fille et le
bébé glapissent à tour de rôle (Duhamel).
‖ 3. Littér. En parlant de choses, faire
entendre un son aigre et fort, des bruits
aigus (rare) : Des marmites qui gloussent,
des fritures qui glapissent (Hugo). Des
sirènes d’alarme qui glapissent.

& v. tr. (av. 1777, Gresset). Dire, chanter,


proférer d’une voix criarde et aiguë : Elle
accompagnait l’orchestre, en glapissant
un absurde refrain que tout le monde, cet
été-là, savait par coeur (Martin du Gard).
Au troisième étage d’un des sordides
immeubles, un homme rossait sa femme,
qui glapissait des injures (Arnoux).

glapissant, e [glapisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de glapir ; 1665, Boileau). Qui glapit
(au pr. et au fig.) : Hormis ces bêtes gla-
pissantes, tout dormait dans une sécurité
profonde (Fromentin). Les notes aiguës de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2190

la musique se précipitaient l’une sur l’autre


dans une monotonie glapissante (Flaubert).

glapissement [glapismɑ̃] n. m. (de


glapir ; 1538, R. Estienne, au sens 1 ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, v. 1790,
G. de Mirabeau). 1. Cri des animaux qui
glapissent : Le glapissement d’un renard
qui chasse (Colette). ‖ 2. Par extens. Son
de voix, cri ou bruit aigre, fort et aigu :
Mais l’enfant épouvanté se débattait sous
les caresses de la bonne femme décrépite, et
remplissait la maison de ses glapissements
(Baudelaire). Mesaïde [...] tirait de sa gorge
des sons rauques qui alternaient avec des
glapissements aigus (France). ‖ 3. Fig.
Réclamations, plaintes ou invectives
criardes : Les glapissements de la jalousie.
J’ai cru discerner dans ces glapissements
horribles quelques parties des imprécations
que la synagogue vomit au siècle dernier sur
un petit juif de Hollande (France).

• SYN. : 3 jérémiade (fam.), lamentation,


récrimination.

glaréole [glareɔl] n. f. (lat. scientif.


moderne glareola, qui semble avoir été
formé sur le lat. class. glarea, gravier ; fin
du XVIIIe s.). Oiseau échassier d’assez petite
taille, vivant dans les régions chaudes et
tempérées de l’Ancien Monde : La glaréole
ressemble à une hirondelle de mer.

• SYN. : hirondelle de marais, perdrix de


mer.

glas [glɑ] n. m. (lat. pop. *classum, du lat.


class. classicum, sonnerie de trompette,
neutre substantivé de l’adj. classicus,
naval, dér. de classis, armée, flotte ; début
du XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, au
sens de « sonnerie » ; v. 1155, Wace, au
sens de « sonnerie de toutes les cloches
d’une église » ; sens 1, début du XIIIe s.,
Florence de Rome [écrit glais ; glas, 1564,
J. Thierry] ; sens 2, 1803, Boiste ; sens 3, fin
du XIXe s.). 1. Tintement lent d’une cloche
d’église, pour annoncer l’agonie, la mort
ou les funérailles de quelqu’un : Comme
Baptiste me racontait mes triomphes, le glas
d’un enterrement me rappelle à ma fenêtre
(Chateaubriand). La bonne soeur avec un
air de componction dit qu’ « elle [Virginie]
venait de passer ». En même temps, le glas
de Saint-Léonard redoublait (Flaubert).
Le ciel de Paris était devenu pareil à une
coupole de bronze, heurtée de toutes parts
du même rythme tenace, sinistre comme
un glas (Martin du Gard). ‖ 2. Par extens.
Salves d’artillerie tirées aux funérailles
d’un souverain ou d’un officier élevé en
grade. ‖ 3. Fig. Sonner le glas de quelque
chose, en marquer ou en annoncer la fin.

glass [glas] n. m. (allem. Glas, verre [à


boire], introduit sans doute par les sol-
dats mercenaires germanophones ; 1628,
Chereau, écrit glace ; glass, début du XXe s.).
Pop. Consommation servie dans un verre
(vieilli) : Prendre un glass. J’avais un glass
dans le nez, il faut bien le dire (Dorgelès).

glatir [glatir] v. intr. (lat. glattire, japper,


mot d’origine onomatop. ; 1080, Chanson
de Roland, au sens 2 ; sens 1, 1866, Littré).
1. Crier, en parlant de l’aigle. ‖ 2. Class.
Syn. de GLAPIR : Cyas, qui de rage glatit...
(Scarron).

glauc(o)- [glok(o)], élément tiré du gr.


glaukos, brillant, vert pâle ou gris, et qui
entre, comme préfixe, dans la composition
de quelques mots.

glaucescence [glosɛssɑ̃s] n. f. (de


glaucescent ; 1866, Littré). En botanique,
couleur glauque prise par les végétaux sous
des influences diverses.

glaucescent, e [glosɛssɑ̃, -ɑ̃t] adj. (dér.


savant du gr. glaukos [v. GLAUC(O)-] ; 1866,
Littré). En botanique, qui est presque de
couleur verte.

glaucier [glosje] n. m. (du lat. glaucium,


gr. glaukion, sorte de pavot, dér. de glaukos
[v. GLAUC(O)-], à cause de la couleur glauque
des feuilles de la plante ; 1866, Littré [les
formes glaucium — 1694, Th. Corneille —
et glaucion — 1829, Boiste — ont été empr.
directement au lat.]). Plante de la famille
des papavéracées, appelée communément
pavot cornu : Glaucier jaune.

• REM. On dit aussi GLAUCIÈRE, n. f. (1872,


Larousse [art. glaucie]), et GLAUCIUM,
n. m. [v. ci-dessus], nom savant.

glauco-. V. GLAUC(O)-.

glaucomateux, euse [glokɔmatø, -øz]


adj. et n. (dér. savant de glaucome ; 1866,
Littré). Qui est affecté de glaucome.

glaucome [glokom] n. m. (lat. glaucoma,


glaucome, gr. glaukôma, affection de l’oeil
qui rend le cristallin d’un bleu terne, de
glaukoûn, altérer la vue par une atteinte de
glaucome, dér. de glaukos, vert pâle ; 1649,
Brunot). Maladie de l’oeil, qui se traduit
par un durcissement du globe oculaire
et une diminution de la vision, dus à une
augmentation de la pression interne : Elle
est menacée de la cataracte et de plus d’une
autre maladie qu’on appelle glaucome ou
glaucose (Mérimée).

glauque [glok] adj. (lat. glaucus, verdâtre,


vert pâle [ou] gris, gr. glaukos, même sens ;
1503, G. de Chauliac). D’un vert bleuâtre ou
blanchâtre comme l’eau de la mer : Aux fos-
sés la lentille d’eau | De ses taches vert-de-
grisées | Étale le glauque rideau (Gautier).
Soudain surgit d’une porte un homme à la
barbe hérissée et aux yeux glauques (Zola).

glaviot [glavjo] n. m. (peut-être altér.,


d’après glaire, de claviot, pus [1808, d’Hau-
tel], forme dialectale de claveau, maladie
éruptive des bêtes à laine [v. ce mot] ; 1866,
Delvau). Pop. Crachat.

glavioter ou glaviotter [glavjɔte]


v. intr. (de glaviot ; 1867, Delvau). Pop.
Cracher : Et puisqu’il était mort [...], que
je ne pouvais pas aller lui glavioter à la
figure, j’ai décidé [...] de venir ici dire la
vérité (Arnoux).

glaye n. f. V. GLAIE.

glèbe [glɛb] n. f. (lat. gleba ou glaeba,


motte de terre, sol, terrain, taxe sur une
terre ; XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2,
1767, Voltaire ; sens 3, 1611, Cotgrave). 1. Vx
ou dialect. Motte de terre : J’allai lever des
glèbes pour gazonner la tombe (Le Roy).
‖ 2. Par extens. et littér. Sol cultivé : Pour
rendre la glèbe féconde, | De sueur il faut
l’amollir (Lamartine). Mais il est las d’avoir
tant peiné sur la glèbe (Heredia). Le soir,
à la nuit tombée [...], humant l’odeur de
la brume, de l’emblavement et de la glèbe
éventée... (Arnoux). ‖ 3. Spécialem. Sous la
féodalité, fonds de terre avec ses serfs et ses
droits : Dix mille manants, serfs de glèbe
ou de métier (Leconte de Lisle).

• SYN. : 2 terre.

gléchome ou glécome [glekom] n. m.


(lat. scientif. moderne glechoma, du lat.
class. glechon, -onis, pouliot, gr. glêkhôn,
-ônos, sorte de menthe ; 1839, Boiste).
Petite plante de la famille des labiacées,
rampante, à fleurs violettes, appelée com-
munément lierre terrestre.

1. glène [glɛn] n. f. (gr. glênê, prunelle


de l’oeil, cavité où s’emboîte un os ; v. 1560,
Paré). Cavité peu profonde d’un os, dans
laquelle s’emboîte un autre os : La glène
de l’omoplate.

2. glène [glɛn] n. f. (déverbal de glener,


forme anc. de glaner [v. ce mot] ; 1494,
Mantellier, écrit glenne ; glène, 1786, Encycl.
méthodique). Dans la marine, cordage lové
en rond et en couches superposées.

3. glène [glɛn] n. f. (var. de gline ; 1866,


Littré). Syn. de GLINE.

gléner [glene] v. tr. (de glène 2 ; 1803,


Boiste). [Conj. 5 b.] Dans la marine, lover
un cordage en rond sur lui-même.

glénoïdal, e, aux [glenɔidal, -o] adj. (de


glénoïde ; 1754, Bertin). Cavité glénoïdale,
syn. de cavité GLÉNOÏDE.

glénoïde [glenɔid] adj. et n. f. (de gléno-,


élément tiré de glène 1, et de -ide, gr. eidos,
forme, apparence ; 1541, Canappe). Se dit,
en anatomie, d’une cavité articulaire où
s’emboîte un os : La cavité glénoïde de
l’omoplate. La glénoïde du tibia.

glial, e, aux [glijal, -o] adj. (du radical


de gliome ; 1962, Larousse). En anatomie,
qui se rapporte à la névroglie.

glide [glajd] n. m. (mot angl. signif. pro-


prem. « glissade, glissement », déverbal de
to glide, couler doucement, glisser ; v. 1960).
En phonétique, phonème de transition :
Dans « les hommes » [lezɔm], [z] est un
glide.

gline [glin] n. f. (origine inconnue ; 1769,


Duhamel du Monceau). Panier employé par
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2191

les pêcheurs et dont le couvercle est percé


d’une ouverture qui permet d’introduire
le poisson.

• REM. On dit aussi GLÈNE.

gliome [glijom] n. m. (lat. scientif.


moderne glioma [XIXe s.], mot tiré du
radical du gr. gloios, substance gluante,
glu, gomme, et du gr. gliskhros, gluant,
visqueux, tenace [lui-même dér. de gloios] ;
1878, Larousse). En pathologie, tumeur du
tissu nerveux qui se développe dans le tissu
glial.

glissade [glisad] n. f. (de glisser ; 1553,


Ronsard, au sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1835, Platt ; sens 4, 1752, Trévoux ;
sens 5, 1948, Larousse ; sens 6, 1660,
Corneille). 1. Action de glisser ; mouve-
ment que l’on fait en glissant : La nuit, ses
rêves s’effrayèrent de glissades interminables
(Daudet). ‖ 2. Jeu consistant à glisser sur
une surface polie : Nous allions à la file
exécuter des glissades merveilleuses sur la
rivière de la Nièvre (Duhamel). ‖ 3. Surface
unie où l’on s’amuse à glisser : Le tapage
d’une bande de gamins, qui avaient établi
une grande glissade, le long du ruisseau de
la maréchalerie (Zola). [En ce sens, on dit
aussi GLISSOIRE.] ‖ 4. Par anal. En choré-
graphie, mouvement léger effectué au ras
du sol, facilitant l’enchaînement des pas
ou servant d’élan à certains temps sautés.
‖ 5. Manoeuvre acrobatique exécutée par
le pilote d’un avion en vol. ‖ Glissade sur
l’aile, chute d’un avion sur le côté, consé-
cutive à un virage exécuté avec un excès
d’inclinaison. ‖ 6. Fig. Faux pas dans la
conduite, faiblesse (rare) : Elle lui rappela
toutes ses fautes, sa glissade rapide du plai-
sir au vice et du vice à plat dans le crime
(Daudet).

glissage [glisaʒ] n. m. (de glisser ; 1866,


Littré). Opération consistant à faire des-
cendre des bois abattus par des glissoirs
le long des pentes des montagnes. (On dit
plutôt LANÇAGE.)

glissance [glisɑ̃s] n. f. (de glisser ; 1948,


Larousse). État d’une surface, et, spécialem.,
d’une chaussée, présentant un très faible
coefficient d’adhérence.

glissando [glisɑ̃do] n. m. (de glisser, sur


le modèle de mots de la langue musicale
[repris à l’ital.] comme scherzando, sfor-
zando, etc. [v. ces mots] ; 1930, Larousse).
En musique, démanché volontairement
ralenti dans le dessein de mettre en valeur
l’accent expressif.

glissant, e [glisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de glisser ; v. 1265, Br. Latini, écrit gliçant
[glissant, fin du XIVe s.], au sens 1 ; sens 2,
1637, Tristan l’Hermite [terrain glissant,
1580, Montaigne] ; sens 3, 1671, Mme de
Sévigné ; sens 4, milieu du XVIe s., Amyot).
1. Où l’on glisse facilement : Une route glis-
sante. Et comme la berge était toute grasse
et glissante [...], il s’en fallut de peu que

M. l’abbé Coignard ne fût entraîné dans la


rivière (France). ‖ 2. Fig. Où il est difficile
de se maintenir : Le gouvernement était
fort heureux de trouver un sujet qui vou-
lût accepter de si glissantes places (Balzac).
‖ Fig. Terrain glissant, affaire hasardeuse,
circonstances délicates. ‖ 3. Qui glisse
facilement le long d’un autre corps, parti-
culièrement entre les doigts : Les anguilles
glissantes. ‖ 4. Fig. Qui échappe facilement,
difficile à saisir ; fuyant : Un esprit glissant.
Caïphe n’était pas un de ces solitaires | Qui,
pour sonder le sens glissant et ténébreux |
Des prophètes luttant confusément entre
eux, | Gardent la nuit leur lampe à côté
de leurs couches (Hugo). De ses glissantes
journées, ma mémoire aujourd’hui ne peut
presque rien retenir (Gide).

• SYN. : 2 incertain, instable, précaire ; 4 fur-


tif, insaisissable, mystérieux, secret.

glisse [glis] n. f. (déverbal de glisser ;


v. 1960, aux sens 1-2). 1. Fam. Qualité don-
née aux skis, du fait de leur fabrication ou
de leur fartage, d’adhérer plus ou moins sur
la neige. ‖ 2. Fam. Vitesse plus ou moins
grande obtenue par un skieur : La glisse
dépend de la qualité de la neige.

1. glissé [glise] n. m. (part. passé subs-


tantivé de glisser ; 1752, Trévoux). Pas de
danse glissé de côté.

2. glissé, e [glise] adj. (part. passé de


glisser ; v. 1960, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. En termes de ski, accompli en
glissant franchement sur la neige : Un stem
glissé. ‖ 2. Carte glissée, en prestidigitation,
carte que l’opérateur feint de prendre sur
un paquet, mais que, en fait, il repousse
du doigt, tandis qu’un autre doigt attire
la carte suivante.

glissement [glismɑ̃] n. m. (de glisser ;


v. 1360, Froissart, au sens 1 [glissement
de terrain, début du XXe s. — glissement,
même sens, 1866, Littré] ; sens 2, 1942,
A. Camus ; sens 3, 1962, Larousse ; sens
4, av. 1914, Péguy). 1. Action de glisser ;
mouvement de ce qui glisse : Le glissement
d’une barque sur l’eau. L’obliquité augmen-
tait çà et là le glissement (Hugo). Avec des
glissements de cygnes dans l’eau morte
(Rodenbach). ‖ Spécialem. Glissement de
terrain, déplacement, sans bouleversement,
d’une portion de la couche superficielle
d’un terrain le long d’un versant ou d’une
falaise. ‖ 2. Par extens. Bruit produit par ce
qui glisse : Entendre des glissements de pas.
Ce qui montait alors vers les terrasses encore
ensoleillées [...], ce n’était qu’une énorme
rumeur de pas et de voix sourds, le dou-
loureux glissement de milliers de semelles
rythmé par le sifflement du fléau dans le
ciel alourdi... (Camus). ‖ 3. En phonétique,
passage d’une qualité phonique à une autre
qualité proche de la première. ‖ 4. Fig.
Évolution lente, peu sensible, et progressive
vers quelque chose : Un glissement électoral
à gauche. Les images hypnagogiques appa-

raissent avec [...] une certaine résistance à


l’endormissement, comme autant de petits
glissements arrêtés vers le sommeil (Sartre).
‖ Glissement de sens, évolution subie par
la signification d’un mot, qui ne recouvre
plus le même concept.

glisser [glise] v. intr. (croisement de


l’anc. franç. gliier, glisser [XIIIe s., Miracles
de saint Éloi, francique *glîdan, glisser],
et de glacier, forme anc. de glacer [v. ce
mot] ; av. 1191, Vengement Alixandre, écrit
glicier [glisser, v. 1380, Aalma], au sens I,
1 ; sens I, 2, 1530, Palsgrave ; sens I, 3 et
II, 5, milieu du XVIe s., Amyot ; sens I, 4,
av. 1750, Staal de Launay ; sens I, 5, 1671,
Pomey [glisser entre les doigts comme une
anguille, XXe s.] ; sens I, 6, milieu du XVIe s.,
Ronsard ; sens II, 1, 1580, Montaigne [sur
l’eau, début du XVIe s.] ; sens II, 2, 1607,
Hulsius ; sens II, 3, 1580, Montaigne ; sens
II, 4, 1820, Lamartine ; sens II, 6, fin du
XVIIe s., Mme de Sévigné ; sens II, 7, 1671,
Pomey).

I. 1. Se déplacer d’un mouvement conti-


nu sur une surface lisse, polie, ou le
long d’un autre corps : Nous jetions nos
ballots devant nous et nous les suivions
de notre mieux en glissant sur les talons
(Mérimée). Deux câbles glissant sur deux
rouleaux (Maupassant). Glisser sur une
rampe. ‖ 2. Spécialem. Se lancer sur la
glace ou sur une surface polie en se te-
nant en équilibre : Il gelait à pierre fendre
et je glissais sur le grand bassin (Dumas
fils). ‖ 3. Perdre soudain l’équilibre, en
marchant sur quelque chose de gras, de
poli, de mouvant : Glisser sur le verglas,
sur une peau de banane. Le pied lui a glis-
sé et il est tombé. ‖ 4. Fig. Se laisser aller,
sans réagir, à un comportement fâcheux :
Glisser dans un travers, sur une mauvaise
pente. Glisser vers le plus profond déses-
poir. ‖ 5. En parlant d’un objet, s’échap-
per de son contenant : La clé m’a glissé des
mains. ‖ Glisser entre les doigts comme
une anguille, en parlant d’une personne,
échapper au moment où l’on croit la te-
nir. ‖ 6. Fig. Ne pas pouvoir être retenu,
s’échapper malgré soi : Le pouvoir glissait
de toutes les mains (Chateaubriand).

II. 1. Avancer doucement, sans bruit,


d’un mouvement uni : Le serpent glisse
sous l’herbe haute. La barque sous son
mât qui penche | Glisse et creuse un sillon
mouvant (Lamartine). Des ombres glis-
saient dans les fourrés, nombreuses et
muettes (Maupassant). ‖ 2. Se couler
doucement, s’insinuer : Je vis une sil-
houette glisser par la porte entrebâillée.
Une fouine glissa brusquement entre ses
jambes (Flaubert). Un bon soleil glissait
entre les feuilles (Maupassant). ‖ 3. Fig.
Passer graduellement, insensiblement :
Le corps électoral avait glissé vers la
gauche. Toute tentative pour aller plus
avant le modifierait [mon problème]
essentiellement et me conduirait à glisser
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2192

de l’explication de la coquille à l’expli-


cation de moi-même (Valéry). ‖ 4. Pas-
ser légèrement sur quelque chose : Ses
doigts glissaient sur les touches du piano.
‖ 5. Passer à la surface sans s’enfoncer,
sans pénétrer : Le coup glissa. L’éclat
d’obus glissa sur son casque. ‖ 6. Fig.
Ne faire qu’une impression légère ou
nulle sur quelqu’un : Les injures glissent
sur lui. Les leçons de sa mère glissaient
sur lui, ne l’atteignaient pas (Mauriac).
Parfois, je faisais mine de me passionner
pour une cause étrangère à ma vie la plus
quotidienne. Dans le fond pourtant, je n’y
participais pas [...]. Ça glissait. Oui, tout
glissait sur moi (Camus). ‖ 7. Fig. Ne pas
attacher grande importance à quelque
chose ; passer légèrement et rapidement,
sans approfondir : N’insistons pas, glis-
sons. Le Français est sans doute le plus
heureux, il glisse sur les événements de
la vie et ne garde pas rancune (Stendhal).
Je glissais rapidement sur tout cela, plus
impérieusement sollicité que j’étais de
chercher la cause de cette félicité (Proust).
• SYN. : I, 2 patiner ; 3 chasser, déraper ; 4
s’abandonner, s’enfoncer, sombrer ; 5 tom-
ber, filer. ‖ II, 1 ramper ; 2 se faufiler, filtrer,
s’infiltrer ; 3 s’incliner, pencher ; 4 caresser,
courir ; 5 effleurer, frôler.

& v. tr. (sens 1, 1764, Voltaire [var. glichier,


1470, Godefroy] ; sens 2, 1636, Monet ;
sens 3, 1676, Mme de Sévigné ; sens 4, 1735,
Marivaux ; sens 5, 1680, Richelet [glicier,
« insinuer », XIIIe s., Couronnement de
Renart]). 1. Déplacer en poussant sur une
surface unie : Glisser un meuble contre un
mur. ‖ 2. Faire passer ou pénétrer quelque
chose doucement, adroitement ou furti-
vement : Glisser une lettre sous une porte.
Il glissa la montre dans la main de l’un
des assistants (Chateaubriand). Je cueillis
quelques joncs en fleurs, dont je glissai
les tiges sous son béret (Gide). ‖ 3. Fig.
Introduire furtivement et adroitement
quelque chose que l’on a des raisons de
ne pas ajouter ouvertement : Glisser une
clause dans un contrat. Glisser une critique
parmi les louanges. ‖ 4. Spécialem. Dire
en confidence : Venez ici, bon apôtre, fit
Corentin en parlant du régisseur, j’ai deux
mots à vous glisser dans le tuyau de l’oreille
(Balzac). M. Dambreux glissa fort poliment
qu’il lui commanderait [à Pèlerin] d’autres
travaux (Flaubert). ‖ 5. Faire pénétrer par
insinuation : Glisser une erreur dans un
esprit. Un rayon d’or [...] | A glissé dans sa
chair une langueur secrète (Samain).

• SYN. : 2 engager, fourrer (fam.), introduire ;


4 souffler.

& se glisser v. pr. (sens 1-2, milieu du


XVIe s., Amyot ; sens 3, 1678, La Fontaine).
1. Passer ou pénétrer quelque part avec
adresse, avec discrétion, ou à la dérobée :
M. Bergeret se glissa dans le coin des bou-
quins (France). ‖ 2. Fig. S’insinuer : Une
coquille s’est glissée dans le texte. Je sentais

se glisser dans mes os la peur (Maupassant).


‖ 3. Échapper à l’attention : Il s’est glissé un
contresens dans la traduction.

• SYN. : 1 se couler, se faufiler, s’insinuer,


s’introduire ; 2 s’enfoncer, s’infiltrer,
pénétrer.

glissette [glisɛt] n. f. (de glisser ; 1900,


Dict. général, au sens 2 ; sens 1, XXe s.). 1. Au
Canada, petite glissade. ‖ 2. En mathéma-
tiques, courbe engendrée par un point lié
à une courbe mobile qui roule en glissant
sur une courbe fixe.

glisseur, euse [glisoer, -øz] n. (de glisser ;


1636, Monet). Personne qui glisse sur la
glace : J’étais en tête des glisseurs (Dumas
fils).

& glisseur n. m. (abrév. de hydroglisseur ;


1930, Larousse). Canot automobile à fond
plat, mû par une hélice aérienne. (Syn.
HYDROGLISSEUR.)

glissière [glisjɛr] n. f. (de glisser ; 1866,


Littré, au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse).
1. Pièce métallique destinée à guider le
mouvement d’une pièce mobile : Une fer-
meture à glissière. Porte à glissière. ‖ 2. En
termes de manutention, syn. de TOBOGGAN.
• SYN. : 1 coulisse.

glissoir [gliswar] n. m. (de glisser ; 1636,


Monet, au sens de « glissoire » ; sens 1,
début du XIXe s. ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Couloir creusé sur les pentes d’une
montagne pour faire descendre les bois
abattus. ‖ 2. Petit coulant mobile où passe
une chaîne.

glissoire [gliswar] n. f. (de glisser ; 1308,


Godefroy, écrit glichouere [glissoire, 1501,
G. Cohen], au sens de « conduit pour écou-
ler l’eau » ; sens actuel, 1606, Crespin).
Sentier frayé sur la glace ou la neige durcie
et sur lequel les enfants s’amusent à glisser.
• SYN. : glissade.

global, e, aux [glɔbal, -o] adj. (de globe ;


1864, d’après Darmesteter, 1877 [méthode
globale, début du XXe s.]). Considéré dans
sa totalité, pris en bloc : Le revenu global
d’un domaine, d’une entreprise. Il y a un
certain rapport entre l’expérience globale
d’un artiste et l’oeuvre qui la reflète, entre
Wilhem Merotes et la maternité de Goethe
(Camus). ‖ Méthode globale, méthode
pédagogique de lecture consistant à faire
reconnaître aux enfants l’ensemble du mot
avant d’en analyser les éléments.

• SYN. : complet, entier, intégral, total. —


CONTR. : fragmentaire, incomplet, partiel.

globalement [glɔbalmɑ̃] adv. (de global ;


1842, Mozin). D’une manière globale, en
considérant les choses dans leur ensemble :
Globalement, la situation est satisfaisante.
• SYN. : en bloc.

globalisation [glɔbalizasjɔ̃] n. f. (de glo-


baliser ; 1968, Club Jean Moulin). Action
de réunir en un tout.

globaliser [glɔbalize] v. tr. (dér. savant de


global ; 7 mai 1966, le Monde). Réunir en
un tout des éléments dispersés.

globalisme [glɔbalism] n. m. (de


[méthode] globale ; milieu du XXe s., aux
sens 1-2). 1. Pratique de la méthode glo-
bale dans l’apprentissage de la lecture.
‖ 2. En philosophie, doctrine qui donne
à l’ensemble des composants des propriétés
différentes de celles de chacun d’eux.

globaliste [glɔbalist] adj. (de globa-


lisme ; milieu du XXe s.). Qui s’inspire du
globalisme.

globalité [glɔbalite] n. f. (dér. savant de


global ; 1936, Aragon). Qualité de ce qui
constitue un tout : Il nous faut envisager
non pas tel détail, pour ainsi dire départe-
mental, mais l’ensemble du processus, son
évolution, sa globalité, je vous dis bien : sa
globalité (Aragon).

• SYN. : ensemble, intégralité, totalité.

globe [glɔb] n. m. (lat. globus, boule,


sphère, globe [terrestre], masse, amon-
cellement, foule, groupe compact ; XIVe s.,
Godefroy, au sens de « rouleau [de drap,
etc.] » ; sens 1, 1552, R. Estienne ; sens 2, v.
1560, Paré [le globe terrestre, « la Terre »,
1757, Encyclopédie — le globe, même sens,
1741, Voltaire (d’abord le globe de la Terre,
1552, R. Estienne) ; globe terrestre, 1690,
Furetière ; globe céleste, 1636, Havard ;
globe, 1677, Miege] ; sens 3, 1853, Laborde ;
sens 4, 1690, Furetière [globe utérin, 1845,
Bescherelle ; globe de sécurité, XXe s.] ;
sens 5, 1770, Havard [mettre sous globe,
XXe s.]). 1. Corps de forme sphérique : Le
diamètre d’un globe. Eglé, cédant enfin,
dégrafe son corsage | D’où sort, globe de
neige, un sein gonflé de lait (Samain).
‖ 2. Masse sphérique des astres : Le globe
du soleil, prêt à se plonger dans les flots,
apparaissait entre les cordages du navire
(Chateaubriand). ‖ Spécialem. Le globe
terrestre, ou, absol., le globe, la Terre : Le
globe ne portera plus qu’une nation una-
nime enfin sur ses bases sociales (Vigny).
Dans tous les coins du globe. ‖ Par extens.
Globe terrestre, céleste, ou simplem. globe,
représentation du globe terrestre ou des
constellations sous la forme d’une sphère :
Déroulant des cartes, tournant des globes
(Chateaubriand). ‖ 3. Spécialem. Boule
surmontée d’un phénix, d’un aigle, d’une
colombe ou d’une victoire au temps des
empereurs romains, d’une croix ou d’un
ange, d’une couronne, chez les princes
chrétiens, symbolisant la puissance sou-
veraine : Globe impérial. Le globe | Avec la
croix dessus (Gautier). ‖ 4. En anatomie,
ce qui a une forme sphérique : Le globe
de l’oeil. ‖ Poét. L’oeil : Terribles, singuliers
comme les somnambules ; | Dardant on ne
sait où leurs globes ténébreux (Baudelaire).
‖ Globe utérin ou globe de sécurité, masse
de forme arrondie que constitue l’uté-
rus bien rétracté après l’accouchement.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2193

‖ 5. Sphère ou demi-sphère creuse de


verre, de cristal, etc., destinée à diffuser
la lumière ou à recouvrir un objet : Un globe
électrique. Elle retira les globes des flam-
beaux (Flaubert). La lampe bleue s’était
éteinte dans le globe du plafond (Butor).
Mais Fanchon se fait expliquer [...] les curio-
sités de la maison : les fleurs de papier qui
brillent sous un globe de verre (France).
Le globe d’une pendule. ‖ Fig. Mettre sous
globe, abriter soigneusement, tenir soi-
gneusement à l’écart de tout danger.

globe-trotter [glɔbtrɔtoer] n. m. (mot


angl. signif. « touriste qui voyage à travers
le monde pour son plaisir », de globe, globe,
la Terre [empr. du franç. globe], et de trotter,
trotteur, cheval qui va au trot, de to trot,
trotter [empr. du franç. trotter] ; fin du
XIXe s.). Voyageur qui parcourt le monde :
Nicolas porte un costume de globe-trotter :
knickerbockers, guêtres de cuir verni (Gide).
• Pl. des GLOBE-TROTTERS.

globicéphale [glɔbisefal] n. m. (de globi-,


élément tiré du lat. globus [v. GLOBE], et de
-céphale, gr. kephalê, tête ; 1872, Larousse).
Grand dauphin à tête globuleuse et à
nageoire dorsale courte placée en avant.

globigérine [glɔbiʒerin] n. f. (de globi-,


élément tiré du lat. globus [v. GLOBE], et du
lat. gerere, porter ; janv. 1826, Annales des
sciences naturelles). Animal protozoaire
marin, dont les minuscules coquilles for-
ment des dépôts calcaires.

globique [glɔbik] adj. (de globe ; 1962,


Larousse). Qui est en forme de globe.

globoïde [glɔbɔid] n. m. (de globo-, élé-


ment tiré du lat. globus [v. GLOBE], et de -ide,
gr. eidos, forme, apparence ; 1877, Littré). En
botanique, corps globuleux qui peut être
enclavé à l’intérieur de la réserve azotée
des graines.

1. globulaire [glɔbylɛr] adj. (de globule ;


3 avr. 1679, Journ. des savants, au sens de
« composé de globules » [en parlant d’une
chair] ; sens 1, 1866, Littré ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, XXe s.). 1. Qui est en forme
de globe : Une masse globulaire. Corps glo-
bulaire. ‖ 2. Syn. rare de GLOBULEUX : Des
yeux globulaires de grosses larmes jaillissent
(Lichtenberger). ‖ 3. Spécialem. Relatif aux
globules sanguins : Anémie globulaire.
‖ Numération globulaire, opération qui
consiste à dénombrer les globules rouges et
blancs contenus dans un millimètre cube
de sang.

2. globulaire n. f. (lat. scientif. moderne


globularia [milieu du XVIIe s.], du lat. class.
globulus [v. GLOBULE] ; 1694, Tournefort).
Plante dicotylédone à petites fleurs bleues
groupées en inflorescences globuleuses.

globule [glɔbyl] n. m. (lat. globulus,


globule, petite boule, dimin. de globus [v.
GLOBE] ; av. 1662, Pascal, au sens 1 ; sens
2, 1865, Cl. Bernard ; sens 3, fin du XIXe s. ;

sens 4, 1845, Bescherelle). 1. Vx. Très petit


corpuscule sphérique ou sphéroïdal : On
dit que le chaud n’est que le mouvement de
quelques globules (Pascal). Le long canal des
vieux aqueducs laisse échapper quelques glo-
bules de son onde à travers les mousses, les
ancolies, les girofliers, et joint les montagnes
aux murailles de la ville (Chateaubriand).
Ma cigarette allumée, les globules de mon
café présentent des groupes de bon augure
(Arnoux). ‖ 2. En physiologie, petit élé-
ment de forme généralement arrondie ou
ovulaire, qui se trouve en suspension dans
certains liquides organiques : Globules de
la lymphe, du lait. Globules blancs, globules
rouges du sang. ‖ 3. Globules polaires, en
biologie, masses sphériques se détachant
de l’ovocyte pour former le gamète femelle.
‖ 4. Vx. En pharmacie, très petite pilule :
Le roi n’avait jamais beaucoup aimé ses
deux médecins [...]. Une nuit, il jeta par la
fenêtre leurs potions, leurs globules et leurs
poudres (France).

globuleux, euse [glɔbylø, -øz] adj. (de


globule ; 1611, Cotgrave, au sens 2 [oeil
globuleux, début du XXe s.] ; sens 1, 1738,
Voltaire). 1. Vx. Composé de petits globes,
de globules : Selon Descartes, la lumière
ne vient point à nos yeux du soleil ; mais
c’est une matière globuleuse répandue par-
tout (Voltaire). ‖ 2. Qui a la forme d’un
petit globe. ‖ OEil globuleux, dont le globe
est particulièrement saillant : Derrière
les lentilles de ses lunettes, épaisses d’un
demi-centimètre, ses yeux globuleux, déme-
surément grossis, saillaient comme des oeufs
pochés (Martin du Gard). Il tourne vers elle
ses yeux globuleux, légèrement exorbités
(Sarraute).

• SYN. : 2 globulaire.

globulimètre [glɔbylimɛtr] n. m. (de glo-


buli-, élément tiré de globule, et de -mètre,
gr. metron, mesure ; 1888, Larousse). Syn.
de HÉMATIMÈTRE.

globulin [glɔbylɛ̃] n. m. (de globule ;


1846, Bescherelle). Petit élément du sang,
intervenant vraisemblablement dans la
coagulation.

globuline [glɔbylin] n. f. (de globule ;


milieu du XIXe s.). Nom donné aux pro-
téines à grosses molécules.

globulinurie [glɔbylinyri] n. f. (de globu-


line et de -urie, du gr. oûron, urine ; 1962,
Larousse). Présence de globulines dans les
urines.

globulolyse [glɔbylɔliz] n. f. (de glo-


bulo-, élément tiré de globule, et de -lyse,
gr. lusis, action de délier, fin, dissolution ;
1962, Larousse). Rupture des globules du
sang par suite de leur gonflement excessif.
• SYN. : hémolyse.

glockenspiel [glɔkənʃpil] n. m. (mot


allem. signif. proprem. « carillon », de
Glocke, cloche, clochette, et de Spiel, jeu ;

1872, Larousse). En musique, instrument


de percussion à marteaux (deux octaves
et demie) ou à clavier (trois octaves et une
tierce), composé autrefois de clochettes,
aujourd’hui de lames de métal.

gloire [glwar] n. f. (lat. gloria, renom,


réputation, et, dans la langue ecclés. de
basse époque, « splendeur de la majesté
divine, auréole lumineuse entourant la
tête de personnages divins » ; v. 1050, Vie
de saint Alexis, écrit glorie [gloire, v. 1080,
Chanson de Roland], aux sens II, 2-4 ; sens
I, 1, v. 1130, Eneas [la Gloire, av. 1559, J. Du
Bellay] ; sens I, 2, v. 1265, Br. Latini [se faire
gloire de quelque chose, 1611, Cotgrave ; dire
quelque chose à la gloire de, 1679, Bossuet] ;
sens I, 3, 1636, Corneille ; sens I, 4, av. 1679,
Retz ; sens I, 5, 1672, Molière ; sens I, 6,
fin du XVe s., Commynes [faire gloire de,
1650, Corneille] ; sens I, 7, 1651, Corneille ;
sens I, 8, 1638, Rotrou ; sens I, 9, milieu du
XVIe s., Amyot [faire la gloire de quelque
chose, 1669, Bossuet] ; sens II, 1 et 6, 1670,
Bossuet ; sens II, 5, 1691, Racine ; sens II, 7,
1672, Sacy [gloire à Dieu !, 1900, Dict. géné-
ral] ; sens II, 8, av. 1834, Béranger [rendre
gloire à la vertu, 1699, Massillon] ; sens II,
9, av. 1848, Chateaubriand ; sens II, 10, 1835,
Acad. [« cercle de lumière autour de la tête
des saints », 1798, Acad.] ; sens II, 11, 1636,
Brunot ; sens II, 12, 1690, Furetière ; sens II,
13, milieu du XIXe s., Baudelaire).

I. 1. Célébrité étendue et brillante, résul-


tant de qualités, d’actions, d’oeuvres re-
marquables : Rechercher la gloire. Se cou-
vrir de gloire. Être au sommet de la gloire.
Une gloire naissante, durable, immortelle.
La gloire est la réputation jointe à l’estime ;
elle est au comble quand l’admiration s’y
joint (Voltaire). Deux sentiers devant vous
vont s’ouvrir : | L’un conduit au bonheur,
l’autre mène à la gloire ; | Mortels, il faut
choisir (Lamartine). Ceux qui ont fait
profession de fuir la gloire (Renan). Si je
méprise la gloire que les hommes donnent
pour un talent, comment ne pas mépri-
ser l’estime qu’ils donnent au caractère ?
(Montherlant). ‖ La Gloire, personnifiée
(prend en ce sens une majuscule) : Si Ron-
sard [...] n’eût tressé pour vos fronts [...] les
lauriers de la Gloire (Heredia). ‖ 2. Hon-
neur qui revient à quelqu’un du fait d’une
action, de son mérite : Son bien ! n’en
point garder était toute sa gloire (Lamar-
tine). Partager la gloire d’une découverte.
‖ Se faire gloire de quelque chose, s’en
vanter, en tirer orgueil. ‖ Dire quelque
chose à la gloire d’une personne, d’une
chose, dire quelque chose qui témoigne
en son honneur : Qu’il soit encore dit à
la gloire de notre religion que le système
représentatif découle en partie des insti-
tutions ecclésiastiques (Chateaubriand).
‖ Fam. Pour la gloire, pour rien, sans
aucun profit : Travailler pour la gloire.
‖ 3. Class. Considération, réputation
aux yeux d’autrui et à ses propres yeux
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2194

qui procède du mérite, sans idée de célé-


brité : Ce que j’appelle ici du nom de gloire
est une espèce de joie fondée sur l’amour
qu’on a pour soi-même, et qui vient de
l’opinion ou de l’espérance qu’on a d’être
loué par quelques autres (Descartes). Il y
va de ma gloire, il faut que je me venge ; |
Et de quoi que nous flatte un désir amou-
reux, | Toute excuse est honteuse aux
esprits généreux (Corneille). ‖ 4. Class.
Désir de considération : Il est bien diffi-
cile de distinguer la gloire de l’ambition
(Retz). ‖ 5. Class. Amour-propre, fierté :
Il n’y avait aucune dame, dans la cour,
dont la gloire n’eût été flattée de le voir
[le vidame de Chartres] attaché à elle
(Mme de La Fayette). ‖ 6. Class. Orgueil
que l’on tire de choses de peu de valeur
morale : Les Princes [...] n’ont de gloire que
pour le luxe (Bossuet). ‖ Faire gloire de,
tirer vanité de : J’ai fait gloire à ses yeux
de ma félicité (Racine). ‖ 7. Class. Exploit
glorieux : Je viens remercier et mon père
et mon roi | D’avoir eu la bonté de s’y ser-
vir de moi, | D’avoir choisi mon bras pour
une telle gloire (Corneille). ‖ 8. Personne
célèbre : De quel droit viennent-ils décou-
ronner nos gloires ? (Hugo). Il y eut sur la
cheminée de Pécuchet un saint Jean-Bap-
tiste en cire ; le long du corridor, les por-
traits des gloires épiscopales (Flaubert).
‖ 9. Ce qui assure le renom : La gloire du
musée de Copenhague est sa collection de
bustes de Rodin et de Carpeaux (Claudel).
Pour la gloire de son nom, il vaut mieux
taire cet épisode de sa vie. ‖ Faire la gloire
de quelque chose, assurer sa réputation :
Il ne régnait plus chez elle chaque après-
midi, par ma faute, cette confusion de tous
les âges qui faisait la gloire de son salon
(Giraudoux).

II. 1. Littér. Éclat majestueux de la gran-


deur : Je souhaitais qu’on vous vît dans
votre gloire, au moins votre gloire de
campagne, car celle d’Aix est encore plus
grande (Sévigné). J’ai marché devant tous,
triste et seul dans ma gloire (Vigny). La
gloire de l’ancienne Rome. ‖ 2. Splendeur
de la majesté divine : Saint, saint, saint, le
Seigneur, le Dieu, le roi des cieux ! | Toute
la terre est pleine de sa gloire (Lamartine).
‖ 3. Splendeur éclatante qui entoure
l’apparition de Dieu ou de ses anges : En
finissant ses exhortations, il essaya de lui
mettre dans la main un cierge béni, sym-
bole des gloires célestes dont elle allait tout
à l’heure être environnée (Flaubert). Il ap-
paraît dans sa gloire angélique (Claudel).
‖ 4. Participation des élus à cette splen-
deur de Dieu ; béatitude céleste : La gloire
éternelle. ‖ Le séjour de gloire, le paradis.
‖ 5. Class. Splendeur visible de la puis-
sance : Venez dans mon palais, vous y
verrez ma gloire (Racine). ‖ 6. Fig. Éclat
solennel, splendeur : Ils sont morts, Liber-
té, ces braves, en ton nom. | Béni soit le
sang pur qui fume vers ta gloire (Leconte
de Lisle). ‖ 7. Hommage éclatant rendu à

la divinité : Rendre gloire à Dieu ; et el-


lipt. : Gloire à Dieu ! ‖ 8. Par extens. Ma-
nifestation de respect, d’admiration, de
vénération accordée à quelqu’un en rai-
son de ses actes, de son mérite : Gloire à
nos savants, à nos penseurs. ‖ Fig. Rendre
gloire à la vertu, au courage, rendre
l’hommage qui convient à ces qualités.
‖ 9. En termes de beaux-arts, auréole
lumineuse, faisceau de rayons envelop-
pant tout le corps du Christ : La lune
n’était point d’abord à l’horizon, mais son
aube s’épanouit par degrés devant elle,
de même que ces gloires dont les peintres
du quatorzième siècle entouraient la tête
de la Vierge (Chateaubriand). Un Christ
colossal assis sur un trône et entouré d’une
gloire (Mérimée). L’apprenti divin qu’une
gloire enveloppe (Heredia). ‖ 10. Par
extens. Faisceau de rayons dorés, entre-
mêlés ou non de têtes de chérubins ailés,
autour d’un triangle symbolisant la Tri-
nité, ou d’un ovale au centre duquel peut
être placée la colombe du Saint-Esprit
ou l’image d’un saint. ‖ 11. En peinture,
représentation dans une coupole d’un
ciel peuplé d’anges et de saints : Dans un
hameau, une douzaine de têtes d’enfants,
à la fenêtre d’une maison non achevée,
ressemblaient à un groupe d’anges dans
une gloire (Chateaubriand). ‖ Par anal.
Ce qui entoure la silhouette de quelqu’un
ou de quelque chose, d’un cercle plus ou
moins diffus, d’une auréole : Le tuyau
d’ambre d’un narghilé fumait à ses lèvres
et l’enveloppait toute d’une gloire de fumée
blonde (Daudet). ‖ 12. Dans l’ancienne
décoration théâtrale, machine suspendue
et entourée de nuages servant aux appa-
ritions célestes : Je crois que nous allons
la faire venir du ciel. C’est beaucoup plus
régulier pour Iris. Tu vas me monter une
gloire, une belle, avec des roulements à
billes (Giraudoux). ‖ 13. Poétiq. Splen-
deur éclatante de ce qui est enveloppé
de lumière : La gloire du soleil sur la mer
violette, | La gloire des cités dans le soleil
couchant (Baudelaire). Le jour venait
doucement éclairer ce désastre et je m’éle-
vais, immobile, dans un matin de gloire
(Camus).

• SYN. : I, 1 honneur, illustration, lau-


riers (littér.), notoriété, renom, renom-
mée ; 2 mérite ; 8 fleuron, lumière, phare ;
9 éclat, prestige, réputation. ‖ II, 1 lustre,
magnificence, rayonnement, splendeur ;
2 majesté ; 8 hommage, honneur ; 9 nimbe ;
11 auréole, halo. — CONTR. : I, 1 effacement,
impopularité, obscurité, oubli ; 2 démérite,
déshonneur, honte ; 9 ignominie, infamie.
‖ II, 1 décadence, déclin, fange, turpitude ;
8 honte.

glome [glom] n. m. (lat. glomus, -meris,


peloton, boule ; 1872, Larousse, au sens de
« genre d’insectes diptères brachocères » ;
sens actuel, 1878, Larousse). Nom donné à
chacun des deux renflements cornés qui

terminent la fourchette en arrière du sabot,


chez les solipèdes.

gloméris [glɔmeris] n. m. (du lat. glomus,


-meris, peloton, boule ; 1839, Boiste). Mille-
pattes noir, luisant, bombé, qui ressemble
à un cloporte et qui se roule en forme de
sphère lorsqu’on le touche.
glomérule [glɔmeryl] n. m. (lat. scien-
tif. moderne glomerulus, dimin. du lat.
class. glomus, -meris, peloton, boule ;
1845, Bescherelle, au sens 2 ; sens 1, 1872,
Larousse). 1. En anatomie, petit amas
de corpuscules dans les vaisseaux ou les
glandes : Les glomérules rénaux. ‖ 2. En
botanique, inflorescence où les fleurs, les
fruits forment un groupe compact : Les
glomérules du laurier blanc.

glomérulé, e [glɔmeryle] adj. (de glo-


mérule ; 1872, Larousse). Se dit de ce qui
est réuni en glomérule.

gloria [glɔrja] n. m. (mot lat. signif.


« gloire » [v. GLOIRE], premier mot du ver-
set qui termine tous les psaumes ; 1680,
Richelet, au sens 1 ; sens 2 [emploi ironique
pour désigner une excellente boisson], 1817,
Jouy). 1. Prière de louange que l’on chante
ou récite à la messe après le Kyrie eleison
et qui commence par les mots Gloria in
excelsis Deo. ‖ 2. Pop. et vx. Café ou thé
sucré mêlé d’eau-de-vie ou de rhum : Il
aimait le gros cidre, les gigots saignants,
les glorias longuement battus (Flaubert).
• REM. Au sens 1, le plur. est GLORIA :
Chanter des gloria. Au sens 2, gloria
prend un s au plur.

gloriette [glɔrjɛt] n. f. (de glorie, forme


anc. de gloire [v. ce mot] ; fin du XIIe s.,
Aliscans, écrit Gloriete, comme n. du
palais de Guillaume d’Orange [trad. de l’ar.
el Azīz, proprem. « le Glorieux »] ; XIIe s.,
Partenopeus de Blois, comme n. commun,
écrit gloriete, au sens de « petite chambre
luxueuse sur un bateau » [sous l’influence
sémantique du suff. dimin. -ete] ; sens
1, écrit gloriette, 1538, Godefroy ; sens 2,
1304, Gay [écrit gloriete ; gloriette, XVIe s.]).
1. Petit pavillon, et, spécialem., petit cabinet
de verdure dans un jardin : Ils marchèrent
une demi-heure sans échanger un mot, et
débouchèrent enfin devant une auberge
blanchie à neuf, dont on apercevait les glo-
riettes étagées sur la mer (Martin du Gard).
Il y avait encore, dans ce jardin qui n’était
point un parc, toutes sortes de retraites,
de bosquets et de gloriettes (Duhamel).
‖ 2. Par extens. Cage à oiseaux en forme
de pavillon.

• SYN. : 1 pergola, tonnelle.

glorieusement [glɔrjøzmɑ̃] adv. (de glo-


rieux [v. ce mot] ; v. 1120, Psautier d’Oxford,
écrit gloriosement, au sens de « de façon
à exprimer la gloire éternelle de Dieu » ;
écrit glorieusement, au sens actuel, 1549,
R. Estienne). De façon glorieuse : Un sol-
dat mort glorieusement. Ne sentez-vous pas
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2195

qu’il y a en nous quelque chose de glorieu-


sement indépendant du monde extérieur ?
(Montherlant).

glorieux, euse [glɔrjø, -øz] adj. (lat.


gloriosus, qui aime la gloire, fanfaron,
glorieux [en parlant de choses], de gloria
[v. GLOIRE] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit
glorios [glorieus, milieu du XIIe s. ; glorieux,
XIVe s.], au sens 5 [« qui jouit de la gloire
éternelle », 1080, Chanson de Roland, écrit
glorius ; corps glorieux, 1690, Furetière] ;
sens 1, fin du XIIe s., Conon de Béthune ;
sens 2, début du XIIIe s. ; sens 3, milieu du
XVIe s., Amyot ; sens 4, v. 1673, Retz ; sens
6, milieu du XIXe s., Baudelaire). 1. Se dit
de ce qui procure de la gloire : Un exploit
glorieux. Combat glorieux. Mort glorieuse.
Ne perdez pas ce nom glorieux que vous
portiez (Musset). ‖ 2. Se dit de quelqu’un
qui s’est acquis de la gloire : Des ancêtres
glorieux. Le peuple saluait ce passant glo-
rieux (Hugo). L’homme soldé, le Soldat,
est un pauvre glorieux (Vigny). ‖ 3. Class.
Se dit de quelqu’un qui éprouve un senti-
ment de fierté de soi qui le porte à se sentir
supérieur aux autres : Après cette victoire,
il n’est point de Romain | Qui ne soit glo-
rieux de vous donner la main (Corneille).
‖ 4. Class. et littér. Se dit d’une personne
qui affecte dans son comportement un
air de hauteur et de supériorité : Espèce
d’animaux glorieux et superbes qui dédai-
gnez toute autre espèce [...] approchez,
Hommes ! (La Bruyère). Il y avait là toute
une colonie d’étudiants, horde venue du
midi de la Gascogne, braves garçons un peu
glorieux, suffisants et réjouis (Daudet). Je
n’étais pas glorieux, car nul oeil vivant ne
me voyait (Sainte-Beuve). ‖ 5. Spécialem.
Qui participe de la splendeur divine :
L’ermite Célestin passa en prières la vigile
de Pâques [...] ; plongé dans les ténèbres
impures, il doutait que le mystère glorieux
pût s’accomplir (France). ‖ Qui jouit de
la gloire éternelle : Les glorieux martyrs.
La glorieuse Vierge Marie. ‖ Corps glo-
rieux, corps des bienheureux dans l’état
où ils seront après la résurrection. ‖ 6. Par
extens. et littér. Plein de splendeur, majes-
tueux, éclatant : Amante ou soeur, soyez la
douceur éphémère | D’un glorieux automne
ou d’un soleil couchant (Baudelaire).

• SYN. : 1 éclatant, légendaire, magni-


fique, mémorable, retentissant ; 2 célèbre,
fameux, grand, honoré, illustre, prestigieux,
renommé, réputé ; 6 magnifique, rayon-
nant, splendide. — CONTR. : 1 avilissant,
déshonorant, honteux, ignominieux, infa-
mant, infâme ; 2 ignoré, inconnu, insigni-
fiant, méconnu, obscur, oublié ; 4 humble,
modeste.

& n. (milieu du XVIe s., Amyot). Class. et lit-


tér. Personne vaine, qui montre du dédain
envers les autres, qui affecte un air de hau-
teur, de supériorité : Celui [...] qui a bonne
opinion de soi, et que le vulgaire appelle un
glorieux (La Bruyère). Je la connais, c’est

une glorieuse (Pérochon). Je n’éprouvais


plus le besoin de faire le glorieux, et je par-
lais simplement (Renard).

& glorieuse n. f. (1847, Balzac). Les Trois


Glorieuses, les trois journées de la révolu-
tion de 1830 (27, 28, 29 juillet).

glorifiable [glɔrifjabl] adj. (de glorifier ;


1580, Montaigne). Qui mérite d’être glori-
fié (rare) : Un exploit glorifiable.

glorificateur, trice [glɔrifikatoer, -tris]


adj. et n. (de glorificat[ion] ; fin du XVe s.,
Molinet, au sens religieux [« personne... qui
glorifie », 1877, Littré]). Littér. Personne
ou chose qui glorifie. ‖ Spécialem. Qui
appelle à la gloire éternelle, à la gloire des
élus : Un ange glorificateur embouche la
trompette (Hugo).

glorification [glɔrifikasjɔ̃] n. f. (bas lat.


ecclés. glorificatio, -tionis, glorification, de
glorificatum, supin de glorificare [v. GLORI-
FIER] ; v. 1361, Oresme, au sens de « grande
louange » ; sens 1, av. 1865, Proudhon ; sens
2, 1690, Furetière). 1. Action de glorifier ;
résultat de cette action : La glorification des
héros. La glorification de la science. ‖ 2. En
théologie, action d’élever à la gloire éter-
nelle : La glorification des élus.

• SYN. : apologie, apothéose, dithyrambe,


exaltation, louange, panégyrique.

glorifier [glɔrifje] v. tr. (bas lat. ecclés.


glorificare, glorifier, de gloria [v. GLOIRE],
et de facere, faire ; v. 1170, Livre des Rois,
au sens 2 ; sens 1, 1690, Furetière [« procla-
mer la gloire de quelqu’un ou de quelque
chose », 1872, Larousse ; glorifier Dieu,
v. 1120, Psautier de Cambridge] ; sens 3,
1928, Colette). 1. Honorer quelqu’un ou
quelque chose en proclamant sa gloire :
Glorifier les grands hommes. Glorifier le
passé. Dans son âme d’artiste, il se dit que
le beau glorifie le bien (Nerval). ‖ Glorifier
Dieu, l’honorer en publiant sa gloire, sa
grandeur. ‖ 2. Class. Glorifier quelqu’un,
l’appeler à partager la gloire, la béatitude
céleste : Il viendra pour juger les humbles,
en glorifiant dans leurs personnes l’humilié
(Bourdaloue). ‖ 3. Littér. Mettre en valeur,
revêtir de splendeur : Vous souvient-il, ce
soir pâle où vous me lûtes, debout dans la
chambre d’hôtel, glorifiée et par vos livres
et par vous, des vers ? (Valéry).

• SYN. : 1 apothéoser, célébrer, chanter,


exalter, louanger, magnifier, rehausser,
vanter. — CONTR. : 1 abaisser, dénigrer,
diminuer, écraser, flétrir, humilier, rabais-
ser, stigmatiser.

& se glorifier v. pr. (XIIIe s., Lai du conseil


[se glorifier dans, 1835, Acad.]). Tirer gloire
ou vanité de quelque chose : Il se glorifie
de ses succès. Je serais plutôt paysan et je ne
veux pas dire que je m’en glorifie (Renard).
Ses proches ne lésinent pas, même pour un
membre dont ils n’ont pas à se glorifier et
dont le trépas conclut dignement l’existence
(Arnoux). ‖ Vx. Se glorifier dans (ou en)
quelqu’un, mettre sa gloire en lui : Un père

qui se glorifie dans ses enfants. Dieu se glo-


rifie dans ses saints.

• SYN. : s’applaudir, s’enorgueillir, se féliciter,


se flatter, se prévaloir, se targuer, se vanter.

gloriole [glɔrjɔl] n. f. (lat. gloriola,


petite gloire, dimin. de gloria [v. GLOIRE] ;
av. 1738, abbé de Saint-Pierre [par glo-
riole, 1850, Sainte-Beuve]). Vaine gloire
tirée de petites choses : Ma petite gloriole
d’auteur fut satisfaite (Chateaubriand). Un
jour il se risqua, il raconta à sa manière,
sans gloriole [...], une histoire entièrement
fausse (Dorgelès). Nous ne sommes que
des hobereaux orgueilleux qui n’avons pas
su préférer à une vaine gloriole les vraies
richesses de l’âme (Aymé). ‖ Par gloriole,
par ostentation.

• SYN. : orgueil, prétention, suffisance,


vanité.

glose [gloz] n. f. (bas lat. glosa, var. de


glossa, mot rare qui a besoin d’une explica-
tion [en lat. class. le plur. glossae signifiait
« glossaire »], gr. glôssa, langue [organe],
langage ; XIIe s., Everat, au sens de « inter-
prétation symbolique d’un récit biblique » ;
sens 1-2, début du XIIIe s., Barlaham ; sens
3, v. 1220, Guiot de Dijon ; sens 4, 1680,
Richelet). 1. Annotation, généralement très
concise, ajoutée à un texte pour en éclai-
rer les mots ou les passages obscurs : Une
glose marginale, interlinéaire. Les gloses des
Pères de l’Église sur l’Écriture. ‖ 2. Note ou
commentaire explicatif ou critique d’un
texte : Ce fut un temps de théories, de curio-
sités, de gloses et d’explications passionnées
(Valéry). Quiconque, en France, publie
des gloses sur une de ses oeuvres s’expose
de façon automatique aux ricanements
(Montherlant). ‖ 3. Vx. Commentaire
inutile ou malveillant : Un texte où chacun
fait sa glose (Boileau). Redouter les gloses
du public. ‖ 4. Spécialem. et vx. Parodie
rimée où chaque stance est le commentaire
burlesque d’un vers de la poésie parodiée :
La glose de Sarrasin sur le sonnet de Job.
• SYN. : 1 note, scolie ; 2 explication,
interprétation.

gloser [gloze] v. tr. (de glose ; v. 1175,


Chr. de Troyes, au sens 1 ; sens 2, XIIIe s.,
Godefroy). 1. Éclaircir par une glose :
Gloser un texte biblique. ‖ 2. Class.
Critiquer, railler : Quoi ! pour un maigre
auteur que je glose en passant, | Est-ce un
crime, après tout, et si noir et si grand ?
(Boileau).

• SYN. : 1 annoter, commenter, interpréter.


& v. tr. ind. (sens 1, fin du XIIIe s.,
J. de Condé [gloser sur tout, 1926, Gide ;
gloser sur quelqu’un, 1668, La Fontaine] ;
sens 2, 1695, Regnard ; sens 3, av. 1613, M.
Régnier). 1. Gloser sur une chose, faire des
commentaires à propos de cette chose :
Gloser sur un texte. L’autre ratiocine et
glose | Sur des modes irrésolus, | Soupesant,
pesant chaque chose (Verlaine). ‖ Gloser
sur tout, discuter vainement sur n’importe
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2196

quoi : Nous glosions sur tout et coupions en


quatre les plus ténus cheveux du monde
(Gide). ‖ Gloser sur quelqu’un, tenir
des propos malveillants sur quelqu’un.
‖ 2. Gloser de, bavarder inutilement à
propos de (peu usité) : Le chemin dont on
glosait tant dans la contrée (Barbey d’Aure-
villy). ‖ 3. Absol. Se répandre en propos
malveillants ou vains : Si Lucien était resté
après minuit chez Mme de Bargeton, sans y
être en compagnie, on aurait glosé le len-
demain (Balzac).

• SYN. : 1 critiquer, épiloguer ; 3 cancaner


(fam.), clabauder, commérer (fam.), jaser,
potiner (fam.), ragoter (fam.).

gloseur, euse [glozoer, -øz] n. (de glo-


ser ; XIIe s., Everat, écrit gloserres, au sens de
« glossateur » ; écrit gloseur, au sens actuel,
1636, Monet). Personne qui aime à gloser,
à censurer, à critiquer (rare) : C’est une
gloseuse perpétuelle.

gloss(o)- [glɔs(o)], premier élément de


composition, tiré du gr. glôssa, langue, et
entrant dans la composition de quelques
mots savants.

glossaire [glɔsɛr] n. m. (lat. impér.


glos[s]arium, dictionnaire où on explique
les termes rares ou vieillis, de glos[s]a [v.
GLOSE] ; v. 1585, Cholières, écrit glosaire,
au sens de « recueil de gloses » ; écrit glos-
saire, au sens 1, 1680, Richelet ; sens 2, 1835,
Acad. [« petit lexique d’un auteur à la fin
d’une édition classique », fin du XIXe s.]).
1. Dictionnaire expliquant les mots vieillis
ou obscurs d’une langue : Le glossaire de
Ch. Du Cange. Fouillons les chartriers,
refouillons les glossaires (Hugo). Gautier
[...] estimait indigne de vivre tout poète [...]
qui ne prend pas plaisir à lire les lexiques
et les glossaires (France). ‖ 2. Spécialem.
Lexique d’un dialecte ou d’un patois, ou
d’un langage spécial. ‖ Petit lexique d’un
auteur à la fin d’une édition classique.

glossalgie [glɔsalʒi] n. f. (de gloss- et


de -algie, du gr. algos, souffrance ; 1808,
Boiste). Douleur de la langue.

glossateur [glɔsatoer] n. m. (dér. savant


du bas lat. glos[s]a [v. GLOSE] ; 1426,
Coutumes d’Anjou, écrit glosateur ; glos-
sateur, 1669, Molière). Auteur de gloses :
C’est grâce à lui enfin que je suis devenu
[...] grand liseur, zélé glossateur de textes
anciens (France).

• SYN. : commentateur.

glossématique [glɔsematik] n. f. (de


glossème ; v. 1935). Théorie linguistique du
Danois Hjelmslev qui définit des concepts
utilisables dans l’étude des langues natu-
relles et d’un grand nombre de langages
par la distinction du plan de l’expression
et du plan du contenu et, à l’intérieur de
chacun d’eux, de la forme de la substance
et de celle de la matière.

& adj. (v. 1935). Relatif à la glossématique.

glossème [glɔsɛm] n. m. (du gr. glôssa,


langue, langage, sur le modèle de phonème
[le lat. glossema — empr. du gr. — signi-
fie seulement « terme peu usité », et le gr.
glôssêma — dér. de glôssa —, « locution
surannée, glose, explication d’un mot »,
d’où le franç. glossème, « glose » — 1683,
Bossuet — et « mot obscur, qui a besoin
d’une explication » — 1842, Acad.] ; v. 1935).
La plus petite unité linguistique capable de
servir de support à une signification.

glossette [glɔsɛt] n. f. (du gr. glôssa,


langue ; 1962, Larousse). En pharmacie,
comprimé soluble qu’on dépose sous la
langue.

glossien, enne [glɔsjɛ̃, -ɛn] adj. (du gr.


glôssa, langue ; 1811, Mozin). En anatomie,
relatif à la langue. (Syn. GLOSSIQUE.)

glossine [glɔsin] n. f. (du gr. glôssa,


langue, languette ; 1872, Larousse). Diptère
dont le type est la mouche tsé-tsé.

glossique [glɔsik] adj. (du gr. glôssa,


langue ; 1845, Bescherelle). Syn. de
GLOSSIEN.

glossite [glɔsit] n. f. (du gr. glôssa, langue ;


1811, Mozin). Inflammation de la langue.

glosso-. V. GLOSS(O)-.

glossodynie [glɔsɔdini] n. f. (de gloss-


et du gr. odunê, douleur ; 1888, Larousse).
Névralgie de la langue, caractérisée par une
sensation de piqûre ou de brûlure.

glosso-épiglottique [glɔsɔepiglɔtik]
adj. (de glosso- et de épiglotte ; 1866, Littré).
Se dit de muscles qui rattachent l’épiglotte
à la base de la langue.

glossographe [glɔsɔgraf] n. m. (gr.


glôssographos, qui explique les mots diffi-
ciles d’une langue, de glôssa, langue, lan-
gage, et de graphein, écrire, décrire ; 1619,
Cl. Duret, au sens de « celui qui étudie les
termes anciens et obscurs » ; sens actuel [de
glosso- et de -graphe, du gr. graphein], 1888,
Larousse). En acoustique, instrument qui
vise à reproduire la parole en utilisant les
mouvements de la langue.

glossoïde [glɔsɔid] adj. (de glosso- et de


-ide, gr. eidos, forme, apparence ; 1866,
Littré). Qui a la forme d’une langue.

glosso-labié, e [glɔsɔlabje] adj. (de


glosso- et du lat. labium, lèvre [le plus
souvent employé au plur. labia] ; 1962,
Larousse). Relatif à la langue et aux lèvres.

glosso-pharyngien, enne
[glɔsɔfarɛ̃ʒjɛ̃, -ɛn] adj. (de glosso- et de
pharyngien ; 1747, James). Relatif à la fois
à la langue et au pharynx.

glossophytie [glɔsɔfiti] n. f. (de glosso- et


de -phytie, du gr. phuton, tout ce qui pousse
ou se développe, dér. de phuein, pousser,
croître ; 1962, Larousse). Affection de la
langue, caractérisée par une coloration
noire et une hypertrophie des papilles.

glossoplégie [glɔsɔpleʒi] n. f. (de glosso-


et de -plégie, du gr. plêgê, coup, dér. de plês-
sein, frapper, atteindre ; 1878, Larousse).
Paralysie de la langue.

glossotomie [glɔsɔtɔmi] n. f. (de glosso-


et de -tomie, du gr. tomê, coupure, incision,
ablation, dér. de temnein, couper ; 1771,
Schmidlin). Amputation de la langue.

glottal, e, aux [glɔtal, -o] adj. (de glotte ;


XXe s.). En phonétique, qui met en jeu la
glotte : Des vibrations glottales.

glottalisé, e [glɔtalize] adj. (dér. savant


de glottal ; XXe s.). En phonétique, se dit
d’une consonne articulée avec une occlu-
sion glottale.

& glottalisée n. f. (XXe s.). Consonne


glottalisée.

glotte [glɔt] n. f. (gr. attique glôtta, langue,


var. de glôssa [v. GLOSE], empr. pour dési-
gner une partie du larynx, d’après le sens
de épiglotte [v. ce mot] ; début du XVIIe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Partie
du larynx comprise entre les deux cordes
vocales inférieures, qui sert à l’émission de
la voix : Il n’est élixir, baume [...], panacée
pour guérir chez la femme l’intempérance
de la glotte (France). ‖ 2. Dans l’Antiquité,
languette de la flûte.

glottique [glɔtik] adj. (de glotte ; milieu


du XIXe s.). Qui se rapporte à la glotte.

glottite [glɔtit] adj. (de glotte ; 1845,


Bescherelle). Inflammation des cordes
vocales inférieures.

glottorer [glɔtɔre] v. intr. (bas lat. glot-


torare, var. de gloctorare, craqueter [en
parlant de la cigogne], mot probablem.
d’origine onomatop. ; 1836, Landais). Crier,
en parlant de la cigogne.

glouglou [gluglu] n. m. (onomatop. [cf. le


bas lat. glutglut, glouglou — de la bouteille] ;
début du XVIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1721,
Trévoux ; sens 3, 1770, Buffon). 1. Fam.
Bruit d’un liquide s’échappant du goulot
d’une bouteille ou tout bruit analogue :
L’un, blotti, ramassé sous le ventre de la
chèvre, y va de si bon coeur qu’on entend
les glouglous du lait chaud descendre
jusque dans ses petites jambes agitées
par le contentement du repas (Daudet).
Le bruit des samovars qui bouillent, des
petites cuillers qui tombent, du vin qui dans
les verres fait glouglou, ne pourra plus me
réjouir (Giraudoux). ‖ 2. Cri du dindon.
‖ 3. Roucoulement du pigeon.

• SYN. : 1 gargouillement, gargouillis.

glouglouter [gluglute] v. intr. (de glou-


glou ; 1560, Ronsard, au sens 1 ; sens 2, 1752,
Trévoux [var. glougloter, 1721, Trévoux]).
1. Faire un bruit de glouglou : Le sang glou-
gloute dans sa poitrine défoncée (Dorgelès).
‖ 2. Crier, en parlant du dindon, ou rou-
couler, en parlant du pigeon.

• SYN. : 1 gargouiller.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2197

gloussant, e [glusɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de glousser ; 1600, O. de Serres). Qui
glousse : La baigneuse s’enfuit, plaintive
et gloussante (Renard). Sénac eut un rire
gloussant, bas, presque sournois (Duhamel).

gloussement [glusmɑ̃] n. m. (de glous-


ser ; XVe s., écrit glocement [gloussement,
1680, Richelet], au sens 1 [« cri analogue
d’autres volatiles », 1866. Littré] ; sens 2,
1857, Flaubert ; sens 3, 1926, Gide). 1. Cri
de la poule qui appelle ses petits ou s’ap-
prête à couver. ‖ Cri analogue d’autres
volatiles : Les gloussements des dindons.
Les deux coqs [...] cherchaient des vers pour
leurs poules, qu’ils appelaient d’un glousse-
ment vif (Maupassant). ‖ 2. Bruit de gorge
assez doux et plus ou moins étouffé que
fait entendre une personne : Il faisait, en
avalant sa soupe, un gloussement à chaque
gorgée (Flaubert). ‖ 3. Petits cris ou rires
étouffés : Ses cris les plus douloureux étaient
devenus des sanglots, et parfois de petits
gloussements, comme s’il eût crié pour
s’amuser (Malraux). Je reconnais [...] les
gloussements des jeunes femmes (Mauriac).

glousser [gluse] v. intr. (lat. pop. *clociare,


du lat. class. glocire, glousser [en parlant
des poules], d’origine onomatop. ; début
du XIVe s., Gilles li Muisis, comme v. pr.,
écrit soi cloucier, au sens 1 [comme v. tr.,
écrit glosser, 1538, R. Estienne ; glousser,
1600, O. de Serres — en anc. provenç.,
on trouve la var. clocir au XIIe s. ; en par-
lant d’autres animaux que la poule, 1802,
Chateaubriand] ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 3, 1891, Huysmans). 1. Pousser des
gloussements, en parlant de la poule : Les
poules gloussaient dans les rues (Flaubert).
‖ 2. Par anal. Faire entendre un bruit de
gorge assez doux, en parlant d’une per-
sonne : Il gloussait, s’efforçant de donner
à son puissant organe vocal un timbre
caressant et velouté (Duhamel). ‖ 3. Rire
en poussant de petits cris étouffés : Elle
trouvait ça tellement drôle qu’elle en glous-
sait (Queneau).

gloussète ou gloussette [glusɛt] n. f.


(de glousser ; 1829, Boiste). Nom usuel de
la poule d’eau.

glouteron [glutrɔ̃] n. m. (croisement de


l’anc. franç. gleteron [v. GLAITERON] et de
glouton [v. aussi GRATERON] ; XVe s., Dict.
général, écrit gloustron ; glouteron, 1690,
Furetière). En botanique, nom usuel de la
petite bardane.

• SYN. : herbe aux écrouelles.

glouton, onne [glutɔ̃, -ɔn] adj. et n.


(lat. impér. glut[t]onem, accus. de glut[t]
o, glouton, dér. de glut[t]us, gosier, dont
le radical avait servi à former le lat. class.
glut[t]ire, avaler ; 1080, Chanson de Roland,
écrit gluton, gloton, au sens de « canaille,
coquin » [terme d’injure] ; écrit glouton,
au sens 1, v. 1361, Oresme ; sens 2, 1678, La
Fontaine ; sens 3, 1580, Montaigne). 1. Qui
mange beaucoup, rapidement et avec avi-
dité en engloutissant la nourriture : Un
enfant glouton. Qui a mieux peint ce nid
d’oisillons gloutons ? (Taine). Le glouton
ignore le principe élémentaire de la gastro-
nomie, l’art sublime de broyer ! (Balzac).
‖ 2. Par extens. Qui témoigne d’un tel com-
portement : Un appétit glouton. ‖ 3. Fig.
Qui porte à désirer avec avidité : Une joie
gloutonne. Alors le fils fuira la famille, non
pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé
par sa précocité gloutonne (Baudelaire).

• SYN. : 1 bâfreur (pop.), goinfre (fam.),


goulu (fam.), gourmand ; 2 effréné, insa-
tiable ; 3 avide, vorace.

& glouton n. m. (1671, La Martinière).


Mammifère carnivore de la région cir-
cumpolaire boréale.

& gloutons n. m. pl. (1874, d’après Littré,


1877). Impuretés dans le grain.

gloutonnement [glutɔnmɑ̃] adv. (de


glouton, adj. ; début du XVe s., Juvenal des
Ursins, au sens 1 ; sens 2, 1863, Baudelaire).
1. D’une manière gloutonne : Un chien qui
se jette gloutonnement sur sa pâtée. Tatan
Néné seule mangeait de tout, gloutonne-
ment (Zola). ‖ 2. Fig. Avec avidité : Lire
gloutonnement un roman policier.

gloutonnerie [glutɔnri] n. f. (de glouton ;


v. 1145, Evrart de Kirkham, écrit glotonerie
[gloutonnerie, XIIIe s., Littré (la var. glutu-
nie — v. 1119, Ph. de Thaon — a été usuelle
jusqu’au XVIIe s., sous les formes glotonie,
gloutonie, gloutonnie)], au sens 1 ; sens 2,
1921, Loti). 1. Défaut, avidité du glouton :
La gloutonnerie châtie le glouton (Hugo).
Puis il tomba dans une imbécillité com-
plète, pendant laquelle sa gloutonnerie était
telle qu’il dévorait jusqu’à la cire à frotter
(France). ‖ 2. Fig. Avidité : La gloutonnerie
de son regard.

• SYN. : 1 goinfrerie, voracité.

gloxinia [glɔksinja] n. m. (de gloxin,


auteur d’une description de cette plante ;
fin du XVIIIe s.). Plante ornementale des
régions tropicales, cultivée en serre ou en
appartement, et dont les fleurs en cloche
sont de couleurs diverses.

glu [gly] n. f. (bas lat. glutem, accus. de


glus, glutis, colle, gomme, var. du lat.
class. gluten, -tinis, mêmes sens ; fin du
XIe s., Gloses de Raschi, écrit glud [glu,
v. 1165, Marie de France], au sens 1 ; sens
2, 1872, Larousse ; sens 3, 1914, G. Esnault).
1. Substance visqueuse et tenace comme
de la colle, servant surtout à prendre des
oiseaux : Je voudrais qu’on lui mît sur le
corps, avec de la glu, autant de plumes qu’il
en a tirées aux volatiles qu’il vendait toutes
cuites à ma barbe (France). ‖ 2. Fig. Avoir
de la glu aux doigts, être très maladroit, ou
retenir, conserver pour soi quelque chose
dont on a la garde ou qui vous passe par
les mains, particulièrement de l’argent.
‖ 3. Fam. Personne importune dont on
ne peut se débarrasser : C’est une vraie glu.

gluant, e [glyɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de gluer ; v. 1265, Br. Latini, au sens 1 ;
sens 2, av. 1880, Flaubert ; sens 3, v. 1265,
Br. Latini ; sens 4, v. 1530, C. Marot ; sens
5, XXe s.). 1. Visqueux comme la glu : Sur
les pavés gluants étaient des peaux d’orange
(Jammes). ‖ 2. Qui a l’aspect de la glu : La
traînée gluante des limaçons (Flaubert).
‖ 3. Qui a la consistance de la glu : Un vol
pesant d’oiseaux passait dans le matin bru-
meux et gras, au-dessus des terres gluantes
(Camus). ‖ 4. Sali d’une matière gluante :
Des mains gluantes. ‖ 5. Fam. Se dit d’une
personne tenace, importune, dont on ne
peut se débarrasser.

• SYN. : 1 poisseux ; 3 visqueux ; 5 collant


(fam.).

gluau [glyo] n. m. (de glu ; v. 1354, Modus).


Petite branche ou planchette enduite de
glu, pour prendre des oiseaux : Il lui ensei-
gna à poser des gluaux, il lui fabriqua une
petite cage pour y enfermer des grillons
(Zola).

gluc(o)- [glyk(o)] ou glyc(o)- [glik], pre-


mier élément, tiré du gr. glukus, de saveur
douce, d’odeur douce, entrant dans la com-
position de mots savants et indiquant la
parenté d’un produit avec le glucose.

glucide [glysid] n. m. (de gluc- et de -ide,


gr. eidos, forme, aspect, apparence ; 1923,
Larousse). En biochimie, composant de la
matière vivante contenant du carbone, de
l’hydrogène et de l’oxygène.

• SYN. : saccharide.

glucidique [glysidik] adj. (de glucide ;


1962, Larousse). En biochimie, relatif aux
glucides : Métabolisme glucidique.

glucine [glysin] n. f. (de gluc- ; 1798,


Annales de chimie, I, XXVI, 169). Oxyde
de glucinium.

glucinium [glysinjɔm] n. m. (de glucine ;


1839, Boiste). Syn. anc. de BÉRYLLIUM.

gluco-. V. GLUC(O)-.

glucomètre [glykɔmɛtr] ou glyco-


mètre [glikɔmɛtr] n. m. (de gluco-, glyco-,
et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1866,
Littré [glycomètre], et 1872, Larousse [glu-
comètre]). Densimètre destiné à évaluer la
quantité de sucre contenue dans un moût.
• SYN. : pèse-moût.

• REM. On trouve aussi, mais plus ra-


rement, la forme GLEUCOMÈTRE (de
gleuco-, élément tiré du gr. gleûkos, vin
doux, douceur, et de -mètre ; 1866, Littré).

glucose [glykoz] n. m. (de gluc- ; milieu


du XIXe s., comme n. f. ; comme n. m., 1866,
Littré [qui considère ce genre comme fau-
tif] — Larousse, 1878, le signale comme
usuel). Sucre que l’on trouve dans la fécule,
l’amidon, le raisin et dans de nombreux
fruits sucrés.

• REM. On trouve plus rarement l’ortho-


gr. GLYCOSE.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2198

glucosé, e [glykoze] adj. (de glucose ;


XXe s.). Additionné de glucose : Sérum
glucosé.

glucoserie [glykozri] n. f. (de glucose ;


1907, Larousse). Fabrique de glucose.

glucoside [glykozid] n. m. (de glucose et


de -ide, gr. eidos, forme, apparence ; 1872,
Larousse). Nom générique des composés du
glucose qu’on rencontre dans les végétaux.

glucosurie n. f. V. GLYCOSURIE.

gluer [glye] v. tr. (de glu ; v. 1190, Sermons


de saint Bernard, au sens de « coller,
joindre, fixer ensemble » ; sens 1, v. 1354,
Modus ; sens 2, 1835, Acad.). 1. Vx. Enduire
de glu : Gluer des branches pour prendre
des oiseaux. ‖ 2. Par extens. Enduire d’une
substance gluante (rare).

& v. tr. et intr. (1675, Widerhold). Littér.


Coller comme la glu : Les tables gluaient
avec leurs verres de lambic et de faro
(Huysmans).

glui [glɥi] n. m. (lat. pop. *clŏdium,


glŏdium, paille de seigle, d’origine incer-
taine ; v. 1175, Chr. de Troyes, au sens 1 ;
sens 2, 1866, Littré). 1. Vx. Paille de seigle
ou de blé servant à couvrir des toits ou à
faire des liens. ‖ 2. Spécialem. Paille longue
servant à emballer le poisson : Les femmes
recouvraient de glui les paniers où s’enrou-
laient les congres à expédier (Renard).

glume [glym] n. f. (lat. gluma, pellicule


[des graines], balle, de glubere, écorcer,
se peler ; fin du XVIe s., puis 1809, Wailly
[var. gloume, 1803, Wailly]). Enveloppe de
chacun des épillets composant l’épi des
graminées : Glume de l’avoine, du blé.

• SYN. : balle.

glumelle [glymɛl] n. f. (de glume ; 1827,


Acad.). Chacune des deux bractées qui
enveloppent les fleurs de graminées, sous
la glume.

glutéine [glytein] n. f. (de glut[en] ; 1866,


Littré). En chimie biologique, l’une des pro-
téines constitutives du gluten.

gluten [glytɛn] n. m. (mot lat. signif.


« colle, gomme, glu » ; v. 1560, Paré, au
sens de « humeur visqueuse » ; sens 1,
1803, Boiste ; sens 2, 1757, Encyclopédie).
1. Matière protidique visqueuse, qui reste
dans la farine des céréales après qu’on en
a ôté l’amidon : Les diabétiques mangent
du pain de gluten. Une autre fois, Bouvard,
depuis le potage jusqu’au fromage, parla
des éléments nourriciers et ahurit les deux
petits sous la fibrine, la caséine, la graisse et
le gluten (Flaubert). ‖ 2. Matière qui colle
ensemble les parties d’un corps solide :
Colles ou glutens qui réunissent par interpo-
sition les parties de toute matière (Buffon).

glutination [glytinasjɔ̃] n. f. (dér. savant


du lat. glutinatum, supin de glutinare, col-
ler, cicatriser, dér. de gluten, -tinis [v. l’art.
précéd.] ; 1802, Flick, au sens de « action de

joindre des parties divisées, par ex. les bords


d’une plaie » ; sens actuel [attesté une seule
fois], 1960, P. Morand). Qualité de ce qui est
visqueux comme le gluten (rare) : La mer
y a cette glutination des eaux chargées de
matières vivantes, de trop de sel (Morand).
glutineux, euse [glytinø, -øz] adj. (lat.
glutinosus, collant, visqueux, de gluten,
-tinis [v. GLUTEN] ; v. 1265, Br. Latini, écrit
glutinos [glutineux, XVe s., Grant Herbier],
au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse ; sens 3,
1866, Littré). 1. Collant, visqueux comme le
gluten : Une matière glutineuse ; et au fig. :
Un écrivain empêtré dans une glutineuse
vase (Huysmans). ‖ 2. Qui a la nature du
gluten. ‖ 3. Qui contient du gluten.

• SYN. : 1 gluant.

glyc-. V. GLUC(O)-.

glycémie [glysemi] n. f. (de glyc-, élément


tiré du gr. glukus, doux, et de -émie, du gr.
haima, -matos, sang ; 1872, Larousse).
Présence de glucose dans le sang : Le taux
normal de la glycémie est de 1 g de glucose
par litre de sang.

glycér(o)- [gliser(o)], premier élément,


tiré du gr. glukeros, de saveur douce, dér.
de glukus, même sens, entrant dans la
composition de quelques mots savants et
indiquant la parenté d’un produit avec la
glycérine.

glycéré [glisere] n. m. (de glycér[ine] ;


XXe s.). Médicament externe ayant pour
base la glycérine. (Syn. GLYCÉROLÉ.)

glycérides [gliserid] n. m. pl. (de


glycér[ine] et de -ide, gr. eidos, forme, appa-
rence ; 1872, Larousse). Nom générique des
esters de la glycérine.

glycérie [gliseri] n. f. (du gr. glukeros, de


saveur douce, dér. de glukus, même sens ;
1827, Acad.). Plante herbacée de la famille
des graminées, abondante au bord de la
mer et des étangs : À Guernesey [...] Vous
y trouvez la glycérie flottante (Hugo).

glycérine [gliserin] n. f. (du gr. glukeros


[v. l’art. précéd.] ; 1823, Chevreul). Liquide
sirupeux, incolore, de saveur sucrée, extrait
des graisses par saponification. (Syn.
GLYCÉROL.)

glycériné, e [gliserine] adj. (de glycérine ;


1872, Larousse, au sens 1 ; sens 2, début
du XXe s.). 1. Préparé avec de la glycérine ;
enduit de glycérine. ‖ 2. Fig. D’une dou-
ceur exagérée et factice : Il disait, sur la
fin de sa vie, avec un sourire que je ne peux
m’empêcher de juger glycériné... (Duhamel).

glycériner [gliserine] v. tr. (de glycérine ;


3 août 1876, le Temps). Enduire de glycé-
rine : Se glycériner les mains.

glycérique [gliserik] adj. (de glycér[ine] ;


1872, Larousse). Acide glycérique, acide
formé par oxydation de la glycérine.

glycérocolle [gliserɔkɔl] n. f. (de glycéro-


et de colle ; 1872, Larousse). Mélange de
dextrine, de glycérine, de sulfate d’alumi-
nium et d’eau, utilisé pour l’encollage des
fils de chaîne lors du tissage.

glycérol [gliserɔl] n. m. (du gr. glukeros


[v. GLYCÉRIE] ; XXe s.). Syn. de GLYCÉRINE.

glycérolé [gliserɔle] n. m. (de glycér[ine] ;


1866, Littré). Syn. de GLYCÉRÉ.

glycérophosphate [gliserɔfɔsfat]
n. m. (de glycéro- et de phosphate ; 1872,
Larousse). Sel dérivé de l’acide glycérophos-
phorique : Les glycérophosphates sont des
toniques du système nerveux.

glycérophosphorique [gliserofɔsfɔrik]
adj. (de glycéro- et de phosphorique ; 1872,
Larousse). Acide glycérophosphorique, com-
binaison de l’acide phosphorique et de la
glycérine, se présentant sous l’aspect d’un
liquide sirupeux et servant à la préparation
des glycérophosphates.

glycérotanin [gliserɔtanɛ̃] n. m. (de gly-


céro- et de tanin ; 1962, Larousse). Composé
obtenu à partir de la glycérine et du tanin,
et utilisé comme mordant en teinture.

glycine [glisin] n. f. (lat. scientif. moderne


glycina, dér. du gr. glukus, de saveur douce,
d’odeur douce ; 1786, Encycl. méthodique).
Arbrisseau grimpant de la famille des
papilionacées, contenant un suc vis-
queux, cultivé pour ses longues grappes
de fleurs mauves, blanches ou rose pâle
et odorantes : Glycines violettes entre les
branches balancées (Gide). Vous habitez,
n’est-ce pas, une jolie petite maison dont
les fenêtres, tapissées de glycine, regardent
le Jardin des plantes ? (France).

glyco-. V. GLUC(O)-.

glycocolle [glikɔkɔl] n. m. (de glyco- et de


colle ; 1866, Littré). Acide aminé contenu
dans des protéines, isolé sous la forme de
solide cristallisé soluble dans l’eau, utilisé
dans le traitement des myopathies.

glycogène [glikɔʒɛn] n. m. (de glyco- et


de -gène, du gr. gennân, engendrer, pro-
duire ; milieu du XIXe s.). Hydrate de car-
bone, emmagasiné dans le foie et dans les
muscles.

glycogenèse [glikɔʒənɛz] n. f. (de glyco-


et de -genèse, gr. genesis, origine, produc-
tion [v. GENÈSE] ; 1877, Littré). Formation
du glycogène dans le foie.

• SYN. : glycogénie, glycogénolyse.

glycogénie [glikɔʒeni] n. f. (de glyco- et de


-génie, du gr. gennân, engendrer, produire ;
milieu du XIXe s.). Syn. de GLYCOGENÈSE et
de GLYCOGÉNOLYSE.

glycogénique [glikɔʒenik] adj. (de gly-


cogénie ; milieu du XIXe s.). Qui se rapporte
à la glycogénie : La fonction glycogénique
du foie assure le maintien de la glycémie à
une valeur constante.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2199

glycogénolyse [glikɔʒenɔliz] n. f. (de


glycogéno-, élément tiré de glycogène, et de
-lyse, gr. lusis, action de délier, de libérer ;
1962, Larousse). Syn. de GLYCOGENÈSE et
de GLYCOGÉNIE.

glycol [glikɔl] n. m. (de glyc- et de [alco]ol ;


milieu du XIXe s.). Corps organique ayant
deux fois la fonction alcool.

• SYN. : éthanediol, éthylèneglycol.

glycolyse [glikɔliz] n. f. (de glyco- et de


-lyse, gr. lusis, action de délier, fin, dis-
solution ; 1962, Larousse, aux sens 1-2).
1. Dégradation des molécules du sucre sous
l’influence d’enzymes. ‖ 2. En physiologie,
conversion du glucose ou du glycogène en
acide lactique.

glycolytique [glikɔlitik] adj. (dér. savant


de glycolyse ; 1962, Larousse). Qui est
capable d’effectuer la glycolyse : Ferment
glycolytique.

glycomètre n. m. V. GLUCOMÈTRE.

glyconien [glikɔnjɛ̃] ou glyconique


[glikɔnik] adj. m. (du bas lat. glyconius, gr.
glukôneios, glyconien, de Glukôn, Glykon,
n. du poète lyrique inventeur du mètre
glyconien ; 1866, Littré). Se dit d’un vers
composé d’un chorïambe précédé d’une
base dissyllabique et suivi d’un pied dis-
syllabique indifférent. (Ce vers fut employé
par Horace.)

glycopexie [glikɔpɛksi] n. f. (de glyco- et


du gr. pêxis, action d’emboîter, d’ajuster,
dér. de pêgnunai, fixer ; 1962, Larousse).
En physiologie, fixation du sucre au niveau
des tissus de l’organisme.

glycorégulation [glikɔregylasjɔ̃] n. f.
(de glyco- et de régulation ; 1962, Larousse).
En physiologie, régulation du métabolisme
des glucides sous l’action du foie, du pan-
créas, du muscle, des glandes endocrines
et du système nerveux.

glycosurie [glikɔzyri] ou glucosurie


[glykɔzyri] n. f. (de glycos[e], glucos[e], et de
-urie, du gr. oureîn, uriner, dér. de oûron,
urine ; 1866, Littré). Présence de glucose
dans les urines : La glycosurie est le symp-
tôme principal du diabète sucré.

glycosurique [glikɔzyrik] adj. (de gly-


cosurie ; 1878, Larousse, comme adj. et n.).

Qui se rapporte à la glycosurie.

& adj. et n. Qui est atteint de glycosurie.

(Syn. DIABÉTIQUE.)

glyphe [glif] n. m. (gr. gluphê, ouvrage


ciselé, ciselure, gravure, de gluphein, tail-
ler, graver ; 1701, Furetière). Trait gravé en
creux dans un ornement.

glyptique [gliptik] n. f. (du gr. gluptikos,


propre à graver, dér. de gluphein, tailler,
graver ; 1796, Magasin encyclopédique, I,
183). Art de la gravure sur pierres fines : La
glyptique produit les camées et les intailles.

glypt(o)- [glipt(o)], premier élément, tiré


du grec gluptos, gravé, sur quoi on peut
graver [dér. de gluphein, tailler, graver],
entrant dans la composition de quelques
mots.

glyptodon [gliptɔdɔ̃] ou glyptodonte


[gliptɔdɔ̃t] n. m. (de glypto- et du gr. odous,
odontos, dent ; 1872, Larousse, écrit glyp-
todon ; glyptodonte, XXe s.). Gigantesque
mammifère fossile édenté à carapace,
qu’on trouve dans les terrains quaternaires
d’Amérique.
glyptographie [gliptɔgrafi] n. f. (de
glypto- et de -graphie, du gr. graphein,
écrire ; 1756, Encyclopédie). Science qui
étudie les pierres gravées antiques.

glyptologie [gliptɔlɔʒi] n. f. (de glypto- et


de -logie, du gr. logos, discours, science ;
1866, Littré). Étude des pierres gravées.

glyptothèque [gliptɔtɛk] n. f. (de glypto-,


sur le modèle de bibliothèque ; 1829, Boiste).
Collection, musée de pierres gravées, et,
par extens., de sculptures : M. de Norpois,
pendant qu’on lui exposait quelque chose,
gardait une immobilité de visage aussi abso-
lue que si vous aviez parlé devant quelque
buste antique — et sourd — dans une glyp-
tothèque (Proust).

G.M.T., sigle de la loc. angl. Greenwich


mean time (de Greenwich, n. géogr., mean,
moyen, adj. [empr. de l’anc. franç. meien,
forme anc. de moyen], et time, temps,
heure ; XXe s.), repère utilisé en astrono-
mie pour désigner un temps dont l’origine
est midi.

• REM. Ce sigle est employé parfois abu-


sivement pour le temps universel (T. U.),
temps civil dont l’origine est minuit.

gnaf (f), gniaf ou gniaffe [ɲaf] n. m.


(mot probablem. d’origine onomatop. [cf.
la loc. dire gnaf de quelqu’un, exprimant le
mépris qu’on a pour cette personne, XIIIe s.,
La Curne] ; 1691, Challemel, écrit gniaf
[gniaffe, v. 1770, G. Esnault ; gnafe, gnaf,
1808, d’Hautel], au sens 1 ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Vx et pop. Cordonnier ou save-
tier : Le gniaffe se recouvre assez volontiers
les mains afin de [...] dissimuler son pouce
détérioré par le tranchet (Borel). Qu’est-ce
qu’il fait, le frère, quand le gniaf lui laisse
une pointe dans ses godasses ? (Romains).
‖ 2. Vx. Gâcheur, maladroit : Saint-Marc
est dans un état à fendre l’âme. Tous les
gnafs du royaume lombardo-vénitien se
sont entendus pour y faire des réparations
(Mérimée). Nous sommes livrés à l’anarchie
des gnaffs (Flaubert). Bien qu’ils eussent
été réparés [les vitraux] par de vrais gnafs
(Huysmans).

gnangnan ou gnian-gnian [ɲɑ̃ɲɑ̃] n.


et adj. invar. (redoublement de l’onomatop.
gnan, qui évoque un cri pleurard [répétée
sept fois dans le Mariage de Figaro — II,
IV — de Beaumarchais, 1784] ; 1825, d’après
Littré, 1866, écrit gnan-gnan, au sens de
« mauvais rôle » ; 1845, Bescherelle, écrit
gnian-gnian, au sens de « homme qui bre-
douille » ; écrit gnan-gnan et gnian-gnian,
au sens actuel, 1866, Littré). Fam. Personne
molle et lente, qui ne fait pas grand-chose
ou geint au moindre effort : Ces gens que le
peuple appelle des gnangnans (Huysmans).
Il poussa le scrupule jusqu’à déprécier
Jeanne, disant qu’elle était une gnangnan
(Hermant). Elle serait restée gnangnan à
regarder les chemises se repasser toutes
seules (Zola).

• SYN. : chiffe (fam.), emplâtre (fam.), indo-


lent, lambin (fam.), nonchalant, traînard.
& adj. invar. (av. 1896, Goncourt). Se dit
de choses dont le mouvement, le rythme
est lent, traînant : Sa voix prit un accent
gnian-gnian (Goncourt).

gnard [ɲar] n. m. (apoc. de mignard, au


sens de « nourrisson » [1714, G. Esnault],
ou de mômignard, enfant [1829, G. Esnault]
— fusion de môme et de mignard [v. ces
mots] ; 1903, G. Esnault). Arg. Enfant.

gnath(o)- [gnat(o)], élément tiré du gr.


gnathos, mâchoire, et entrant dans la com-
position de plusieurs mots.

gnathion [gnatjɔ̃] n. m. (dér. savant du gr.


gnathos, mâchoire ; 1962, Larousse). Point
anatomique situé dans la région inférieure
médiane de la proéminence du menton.

gnathique [gnatik] adj. (dér. savant du


gr. gnathos, mâchoire ; 1962, Larousse, aux
sens 1-2). 1. Relatif au gnathion : Hauteur
gnathique. ‖ 2. Par extens. Relatif à la
mâchoire : Indice gnathique.

gnathophore [gnatɔfɔr] adj. (de gna-


tho- et de -phore, gr. phoros, qui porte, dér.
de pherein, porter ; 1962, Larousse). Se dit
d’un mollusque qui possède des mâchoires.

gnathorragie [gnatɔraʒi] n. f. (de gna-


tho- et de [hémo]rragie ; 1872, Larousse).
Hémorragie de la paroi interne de la joue.

gneiss [gnɛs] n. m. (mot allem. ; 1779,


H. B. de Saussure). Roche métamorphique
composée de couches parallèles de cristaux
visibles de quartz, de feldspath et de miné-
raux lourds : Tantôt un frêle et chancelant
morceau de gneiss, jeté en travers, unit deux
rochers (Balzac).

gnocchi [ɲɔki] n. m. invar. (mot ital.


d’origine incertaine, qui a d’abord signi-
fié « pain granulé » ; av. 1870, Mérimée,
au sens 1 ; sens 2, 1901, Larousse). 1. Plat
d’origine italienne préparé avec de la pâte à
choux, de la bouillie de semoule, des oeufs
et du parmesan : Les gnocchi ne sont qu’un
perfectionnement du macaroni (Mérimée).
‖ 2. Quenelle de pommes de terre ou de
semoule au lait, pochée et gratinée.

gnognotte ou gnognote [ɲɔɲɔt] n. f.


(mot expressif qui marque le dédain, de la
même famille onomatop. que gnangnan ;
1841, Mérimée). Pop. De la gnognote, se dit
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2200

d’une chose ou d’une personne dénuée de


valeur : Les messes à quarante sous et les
messes à dix sous, lesquelles, comme disait le
curé, ne sont que « de la gnognotte » (Hugo).
Josépha, c’est de la gnognotte, cria l’ancien
commis voyageur (Balzac).

1. gnole ou gniole [ɲɔl] n. f. (var. de gnon


[v. ce mot] ; 1701, Furetière, au sens 1, écrit
gniole [gnole, 1872, Larousse] ; sens 2, 1872,
Larousse, écrit gniole). 1. Vx. Éraflure faite
par une toupie à une autre toupie. ‖ 2. Vx
et pop. Coup qui laisse une marque : Il a
reçu une gniole.

2. gnole, gniole, gnôle, gnaule


[ɲol] n. f. (mot de la haute Bourgogne et
du Lyonnais, dû à la mécoupure de une yôle
[yôle s’emploie encore dans la Nièvre], mot
désignant une espèce d’eau-de-vie de mau-
vaise qualité produite par une variété de
sureau noir, lat. ebulum, hièble [v. HIÈBLE] ;
1882, G. Esnault). Pop. Eau-de-vie : C’est
encore la gniole. On a droit qu’on nous en
distribue (Barbusse). Ça me remonte au
gosier, ça me racle, ça me brûle comme un
grand verre de gnole (Aymé).

• REM. On écrit aussi NIÔLE et NIAULE.

gnolle, gniolle [ɲɔl] adj. et n. (de niot,


« nigaud », var. dialectale de niais ; 1783,
G. Esnault, au sens de « sans valeur », et
1805, au sens actuel). Vx et pop. Niais,
gauche : Vous ne me croyez pas si gnolle,
s’écria douloureusement Anselme (Balzac).
Il était pas comme d’autres qui sont des
glaces, qui vous considèrent comme de
pauvres gnolles, comme des rien-du-tout
qu’on ne battrait même pas ! (Huysmans).
gnome [gnom] n. m. (lat. moderne
gnomus, créé par l’alchimiste du XVIe s.
Paracelse, sans doute d’après le gr. gnômê,
« esprit, intelligence », les gnomes, génies de
la terre, ayant pu être regardés comme des
puissances intelligentes ; 1583, Vigenère,
au sens 1 ; sens 2, début du XXe s.). 1. Nom
donné à de petits génies difformes qui,
selon les cabalistes, gardaient les trésors de
la terre en son sein : Les ondines qui prirent
les eaux, les gnomes qui prirent le dedans de
la terre... (Hugo). Des démons malfaisants,
une myriade de vilains gnomes lilliputiens
pèsent de tous leurs efforts réunis sur le cou-
vercle de la tombe entrebâillée (Baudelaire).
‖ 2. Homme très petit, laid et contrefait : Il
était [...] agacé du silence maniaque de son
ministre des Affaires étrangères. Ce gnôme
arrivait au conseil avec un portefeuille plus
gros que lui (France).

• SYN. : 2 avorton, nabot, nain.

gnomide [gnɔmid] n. f. (de gnome ;


v. 1670, d’après Trévoux, 1771). Gnome
femelle : Je sais que les cabalistes pensent
généralement que [...] les gnomes et les
gnomides naissent avec une âme périssable
(France).

gnomique [gnɔmik] adj. (bas lat. gnomi-


cos, sentencieux, gr. gnômikos, en forme

de sentence, qui procède par sentences, de


gnômê, opinion, sentence, maxime ; 1617,
Coton, au sens 1 ; sens 2, 1706, d’après
Trévoux, 1721 ; sens 3, début du XXe s.).
1. Qui s’exprime par sentences : La mar-
chande de lunettes du quai Malaquais
pensait et parlait comme les vieux poètes
gnomiques de la Grèce (France). ‖ 2. Qui
contient des sentences : La poésie gnomique
chez les Grecs. ‖ 3. Spécialem. Se dit d’une
forme verbale, d’un temps, d’un mode
employés pour marquer un fait général
d’expérience : L’aoriste qu’on appelle gno-
mique sert à exprimer une action qui n’ap-
partient en fait à aucun temps (Vendryes).
En français, on emploie le présent gnomique
(« La Terre tourne autour du Soleil »), ou,
plus rarement, le passé simple (« Qui ne sut
se borner, ne sut jamais écrire ») [Boileau].
• SYN. : 1 et 2 sentencieux.

gnomon [gnɔmɔ̃] n. m. (lat. gnomon,


aiguille de cadran solaire, gr. gnômôn, ce
qui sert de régulateur, de règle, aiguille de
cadran solaire, le cadran lui-même ; 1547,
J. Martin). Instrument se composant d’un
style faisant ombre sur une surface plane et
horizontale, et destiné à indiquer, d’après la
longueur de l’ombre du style, la hauteur du
Soleil ou de la Lune au-dessus de l’horizon
et son orientation, c’est-à-dire l’heure : Pas
plus qu’on n’eût pu instituer la mesure du
temps, autre conquête primitive qui s’est
d’abord pratiquée au moyen du déplace-
ment de l’ombre d’un style, et il n’est pas
d’instrument physique plus antique ni plus
vénérable qu’une pyramide ou un obélisque,
gnomons gigantesques, monuments dont
le caractère était à la fois religieux, scien-
tifique et social (Valéry).

gnomonique [gnɔmɔnik] adj. (lat. gno-


monicus, gnomonique, gr. gnômonikos,
qui concerne le cadran solaire, de gnômôn
[v. l’art. précéd.] ; 1547, J. Martin). Qui se
rapporte au gnomon.

& n. f. (gr. gnômonikê, même sens, fém.


substantivé de l’adj. gnômonikos [v. ci-
dessus] ; 1660, Oudin). Technique de la
construction des gnomons.

gnon [ɲɔ̃] n. m. (apoc. de oignon ; 1650,


Mazarinades, au sens de « meurtrissure
par ecchymose » ; 1867, Delvau, au sens de
« meurtrissure que reçoit une toupie ou
un sabot » ; sens actuel, 1877, Littré [art.
gniole]). Pop. Coup : C’est miracle pour-
tant quand, avec un idéal aussi court, il
ne nous tombe pas sur la caboche de for-
midables gnons (Huysmans). Un maçon
à qui je venais d’appliquer un formidable
« gnon » (Guillaumin).

gnose [gnoz] n. f. (gr. gnôsis, action de


connaître, connaissance, de gignôskein,
apprendre à connaître, comprendre ; fin
du XVIIe s., Bossuet, au sens 1 ; sens 2,
1845, Bescherelle ; sens 3, XXe s.). 1. Vx.
Connaissance approfondie des mystères de
la religion. ‖ 2. Doctrine des gnostiques :

La gnose, par ses origines grecques, reste


conciliatrice et tend à détruire l’héritage
judaïque dans le christianisme (Camus).
‖ 3. En occultisme, philosophie suprême
contenant toutes les connaissances sacrées
réservées aux initiés.

gnoséologie [gnozeɔlɔʒi] n. f. (de gno-


séo-, élément tiré du gr. gnôsis [v. GNOSE],
et de -logie, science ; 1962, Larousse). Partie
de la philosophie relative aux fondements
de la connaissance.

gnosie [gnozi] n. f. (du gr. gnôsis,


connaissance [v. GNOSE] ; milieu du XXe s.).
Reconnaissance d’un objet par l’intermé-
diaire de l’un des sens : Gnosie visuelle,
auditive.

gnosticisme [gnɔstisism] n. m. (de gnos-


tique ; 1838, Acad.). Système de philosophie
religieuse dont les adeptes prétendaient
avoir une connaissance complète et trans-
cendante de tout.

gnostique [gnɔstik] n. (bas lat. ecclés.


gnosticus, membre des gnostici, les gnos-
tiques [secte d’illuminés], gr. gnôstikos,
adj., qui concerne l’action de connaître,
apte à connaître, sage, savant, et au masc.
plur. substantivé gnôstikoi, les gnostiques,
proprem. « ceux qui savent », de gignôskein
[v. GNOSE] ; fin du XVIe s., Dict. général, au
sens 2 ; sens 1, 1697, Bossuet ; sens 3, XXe s.).
1. Vx. Personne qui a la connaissance supé-
rieure, complète des mystères de la religion
chrétienne : [Saint Clément d’Alexandrie]
nous propose ce qui convient aux plus par-
faits, qu’il appelle les gnostiques, c’est-à-
dire, selon le langage assez commun de son
temps et dérivé de saint Paul, les parfaits
et les spirituels (Bossuet). ‖ 2. Adepte du
gnosticisme : Les traités de ces Grecs qu’on
nomme gnostiques, précisément parce qu’ils
eurent la connaissance (France). A la grâce
toute-puissante et arbitraire, les gnostiques
ont voulu seulement substituer la notion
grecque d’initiation, qui laisse à l’homme
toutes ses chances (Camus). ‖ 3. Tout ini-
tiateur d’une doctrine ésotérique de salut.
& adj. (1721, Trévoux, dans la loc. vie
gnostique, « vie spirituelle » ; sens 1, 1845,
Bescherelle ; sens 2, XXe s.). 1. Relatif
au gnosticisme : L’hérésie gnostique.
‖ 2. Relatif à toute doctrine ésotérique
de salut.

gnou [gnu] n. m. (mot hottentot ; 1782,


Buffon). Mammifère ruminant d’Afrique
du Sud, du genre antilope, à tête épaisse
avec des cornes recourbées, à crinière et
queue rappelant celles du cheval.

gnouf [ɲuf] n. m. (origine obscure ; XXe s.).

Arg. mil. Prison.

go (tout de) [tudgo] loc. adv. (altér. de


gob, déverbal de gober ; 1580, Alcrippe,
écrit tout de gob [tout de go, 1660, Oudin],
au sens de « tout d’un trait », à propos de
quelque chose qu’on avale ; sens 1, 1691,
Regnard ; sens 2, av. 1848, Chateaubriand ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2201

sens 3, 1850, Privat d’Anglemont). 1. Fam.


Sans préparation, directement : Tout ce que
je consigne dans ce carnet devrait émaner
tout de go de mon coeur et de ma cervelle,
sans apprêt aucun (Gide). ‖ 2. Sans diffi-
culté, tout naturellement : Dire que j’espé-
rais un grand succès de l’ouvrage [...], cela
va tout de go (Chateaubriand). ‖ 3. Sans
cérémonie, sans façon : Excusez-moi si
j’entre comme çà, tout de go.

goal [gol] n. m. (abrév. de l’angl. goalkee-


per, de goal, but [anc. angl. gōl, limite], et
de keeper, garde, gardien, dér. de to keep,
garder, tenir ; 1922, Larousse [dès le 15 sept.
1882 — la Vie élégante —, on trouve le mot
goal — empr. à l’angl. goal tout seul —, aux
sens de « but au football, au polo, etc. », et de
« point gagné dans ces jeux »]). Vx. Gardien
de but au football, au polo, au hockey, etc.

goal-average [golaveraʒ] n. m. (loc.


angl., de goal [v. l’art. précéd.], et de ave-
rage, moyenne ; 1937, l’Auto). Dans un
certain nombre de sports d’équipe, diffé-
rence entre le nombre des buts ou points
marqués et reçus, et servant à départager
les ex aequo.

• Pl. des GOAL-AVERAGES.

gobe ou gobbe (selon l’Acad.) [gɔb]


n. f. (déverbal de gober ; av. 1665, Muse
normande, écrit gobe, au sens de « gros
morceau, forte bouchée » ; 1690, Furetière,
écrit gobe [gobbe, XIXe s.], au sens 1 ; sens
2, 1866, Littré). 1. Vx. Appât empoisonné
servant à attirer les animaux qu’on veut
détruire. ‖ 2. Boulette pour engraisser la
volaille : Une dinde qu’elle empâtait avec
des gobes de farine (Flaubert).

gobelet [gɔblɛ] n. m. (dimin. de l’anc.


franç. gobel, gobelet [attesté seulement au
début du XIVe s.], du gaulois *gobbo-, bec,
bouche [v. GOBER] ; XIIIe s., Littré, écrit
gubulet [gobelet, XIVe s., Laborde], au sens
1 ; sens 2, av. 1799, Marmontel ; sens 3, 1611,
Cotgrave ; sens 4, 1549, R. Estienne [joueur
de gobelets, « fourbe », 1690, Furetière
— d’abord « joueur de passe-passe », 1620,
La Curne] ; sens 5, XXe s. ; sens 6, 1845,
Bescherelle [écrit goubelet ; gobelet, 1872,
Larousse]). 1. Récipient à boire, de forme
évasée, généralement plus haut que large,
sans anse et sans pied : Gobelet d’argent,
de verre, d’étain. Sur ces mots, frère Ange
vida le gobelet (France). ‖ 2. Le contenu
du gobelet : Boire un gobelet de cidre.
‖ 3. Autref. Office de la maison du roi
comprenant la charge du linge, du pain
et du vin : Il avait été officier du gobelet
chez le roi, et ce que je ne mangeais pas, il
le buvait (Chateaubriand). Servez, disais-
je à Messieurs de la bouche ; | Versez,
versez, Messieurs du gobelet (Béranger).
‖ 4. Récipient en forme de gobelet, uti-
lisé dans la prestidigitation : Des tours de
gobelets. ‖ Vx et fig. Un joueur de gobe-
lets, un fourbe. ‖ 5. Gobelet à dés, récipient
tronconique en cuir, en bois, etc., servant à

lancer les dés, au jeu. ‖ 6. Taille de certains


arbres fruitiers dans laquelle les branches
charpentières sont orientées vers l’extérieur
pour dégager le centre : Des pommiers tail-
lés en gobelet.

gobeleterie [gɔblɛtri] n. f. (de gobeletier ;


1791, Encycl. méthodique). Fabrication et
commerce de gobelets, verres à boire, etc.

gobeletier [gɔblətje] n. m. (de gobelet ;


1803, Boiste). Personne qui fabrique ou
vend de la gobeleterie.

1. gobelin [gɔblɛ̃] n. m. (bas lat. *gobeli-


nus, du gr. kobalos, lutin, génie malfaisant
qui joue de vilains tours ; début du XIIe s.,
puis v. 1534, Bonaventure Des Périers). Vx.
Lutin, démon.

2. gobelin [gɔblɛ̃] n. m. (de Gobelin, n.


d’une célèbre famille de teinturiers des XVe
et XVIe s. [1532, Rabelais], dans la maison
desquels fut fondée en 1667 la manufacture
royale de tapisserie, dite des Gobelins ; 1880,
Zola). Tapisserie provenant de la manufac-
ture des Gobelins : Elle [Nana] déjeunait
seule dans la salle à manger, très haute,
garnie de gobelins (Zola).

gobelotage ou gobelottage [gɔblɔtaʒ]


n. m. (de gobelot[t]er ; 1907, Larousse).
Action de gobeloter.

gobeloter ou gobelotter [gɔblɔte]


v. intr. (de gobelot [1395, Godefroy], var.
de gobelet ; 1680, Richelet, écrit gobeloter,
au sens 3 ; sens 1-2, 1690, Furetière, écrit
gobeloter [gobelotter, 1760, Voltaire] ; sens
4, 1866, Littré). 1. Vx et fam. Boire à petits
coups : Le surveillant [...] achevait la bou-
teille en gobelottant (Arnoux). ‖ 2. Fam.
Boire souvent ou avec excès des boissons
alcoolisées : S’ils gobelottaient depuis six
heures, ils restaient tout de même comme
il faut (Zola). ‖ 3. Vx. Fréquenter les caba-
rets, y aller boire : Pour avoir des amis,
ne faut-il pas se lier avec des jeunes gens,
posséder quelques sous afin d’aller gobe-
lotter avec eux... (Balzac). ‖ 4. Par extens.
Faire ripaille.

• SYN. : 1 buvoter, siroter (fam.) ; 2 picoler


(pop.), pinter (pop.), pomper (pop.) ; fes-
toyer, goberger, gueuletonner (pop.).

gobeloteur ou gobelotteur, euse


[gɔblɔtoer, -øz] n. (de gobelot[t]er ; av. 1850,
Balzac). Fam. Personne qui aime à boire :
Le laisser-aller du gobeloteur de campagne
(Balzac).

gobe-mouches ou gobe-mouche
[gɔbmuʃ] n. m. (de gobe, forme du v. gober,
et de mouche ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ;
sens 2, 1764, Voltaire ; sens 3, v. 1770,
J.-J. Rousseau [Gobemouches, comme sur-
nom, se trouve déjà en 1547, chez N. Du
Fail]). 1. Oiseau passereau qui se nour-
rit de mouches et autres insectes pris au
vol. ‖ 2. Nom donné à diverses espèces
de plantes dont les fleurs ou les feuilles
retiennent prisonniers les insectes, comme

la dionée. ‖ 3. Fig. et fam. Homme crédule,


qui croit tout ce qu’il entend raconter ou
qui regarde niaisement tout ce qui se passe :
Tout s’avalera, l’hiatus du public sera pro-
digieux. Toutes les énormités passent. Les
antiques gobe-mouches disparaîtront et
feront place aux gobe-baleines (Hugo). Ici
où l’on n’est pas moins gobe-mouche qu’à
Paris (Mérimée). Le gobe-mouche a envie
de nous aborder (Musset).

• Pl. des GOBE-MOUCHES.

• SYN. : 3 badaud, gobeur (fam.), gogo (fam.),


jobard (fam.).

gober [gɔbe] v. tr. (d’un radical gaulois


*gobbo-, bec, bouche ; 1549, R. Estienne,
au sens 1 ; sens 2, 1650, Retz [gober le
morceau, 1662, Molière ; gober l’hame-
çon, 1669, Molière ; gober des mouches,
1690, Furetière] ; sens 3, 1846, G. Esnault).
1. Avaler rapidement en aspirant et sans
mâcher : Gober une huître. Le brochet
gobe assez souvent les oiseaux (Buffon).
Elle la [la tablette de chocolat] cassa net
en deux, et, furtivement, avec une expres-
sion d’une gourmandise incroyable, elle
en goba le plus gros bout (Duhamel). Les
hirondelles criantes volaient bas, gobaient
de leur bec les moucherons qui rasaient le
sol et les mares (Arnoux). ‖ 2. Fig. Accepter
sottement tout ce qu’on entend raconter :
Jamais on n’avait vu des enfants si cruches.
L’idée qu’ils gobaient toutes ses bourdes, et
qu’ils s’en allaient les mains vides, pendant
qu’il mangeait la morue, au chaud, lui cha-
touillait les côtes d’aise (Zola). On ne croit
plus à rien et l’on gobe tout (Huysmans).
‖ Vx. Gober le morceau, l’hameçon, se
laisser duper : Je ne suis pas homme à
gober le morceau (Molière). ‖ Vx. Gober
des mouches, perdre du temps à rêver,
à attendre. ‖ 3. Fig. et pop. Estimer une
personne (surtout dans des propositions
négatives) : À soixante ans, sacrebleu ! on
marche plus droit qu’à trente, parce qu’on
se surveille ; et la femme vous gobe encore
pourvu que le coeur reste jeune, et chauffe,
et remonte toute la carcasse... (Daudet).
Comme je lui disais combien j’admirais
son père et sa mère, elle prit cet air vague
plein de réticences et de secret qu’elle prenait
quand on lui parlait de ce qu’elle avait à
faire, de ses courses et de ses visites, et tout
d’un coup finit par me dire : « Vous savez,
ils ne vous gobent pas ! » (Proust).

& se gober v. pr. (XIIIe s., puis 1856,


G. Esnault). Pop. Faire montre de vanité :
Ils trouvaient surtout qu’elles se gobaient
insupportablement (Gyp). Le Narcisse se
gobe, je crois, par définition (Valéry).

goberge [gɔbɛrʒ] n. f. (altér. de écoperche


[v. ce mot] ; 1676, Félibien). Vx. Planche qui
se mettait en travers sur un fond de lit pour
soutenir la paillasse.

goberger (se) [səgɔbɛrʒe] v. pr. (de l’anc.


adj. gobert, joyeux, gai, facétieux [XVe s.],
probablem. var. de *gobard [mot non
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2202

attesté], dér. de se gober, se vanter ; 1526,


Bourdigné, comme v. tr., écrit gauberger,
au sens de « se moquer de » ; comme v. pr.,
écrit se goberger, au sens II, 2, milieu du
XVIe s. ; sens I, 1 et II, 1, 1648, Scarron ; sens
I, 2, 1872, Larousse). [Conj. 1 b.]

I. 1. Prendre ses aises : Se gobergent-ils


ces mâtins-là, dans leurs boîtes de satin
[les voitures de gala] ! (Zola). ‖ 2. Faire
bonne chère : Voilà une semaine que nous
nous gobergeons dans les restaurants
(Vallès). Et tu vis là, chez moi, comme
un chanoine, comme un coq en pâte, à te
goberger (Flaubert).

II. 1. Class. S’amuser : Comment il se


gobergera, | Quand ensuite il égorgera, |
Femme, mari, père, grand-père (Scarron).
‖ 2. Class. Se moquer de : Gobergeons-
nous ensemble de ce cousin de meunier
(Dancourt).

gobet [gɔbɛ] n. m. (d’un radical gaulois


*gobbo-, bec, bouche [v. GOBER] ; v. 1220,
G. de Coincy, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière [aussi prendre un homme au
gobet] ; sens 3, 1845, Bescherelle [d’abord
« enfant difficile à conduire », 1808, d’Hau-
tel]). 1. Class. et fam. Bouchée, morceau que
l’on gobe : Laisse-moi faire ; nous en mange-
rons de bons gobets ensemble (Hauteroche).
‖ 2. Chasser au gobet, en faisant happer la
perdrix par le faucon. ‖ Fig. Prendre un
homme au gobet, le prendre par surprise.
‖ 3. Vx et fig. Un bon gobet, un homme
crédule.

gobeur, euse [gɔboer, -øz] n. (de gober ;


1554, Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1721,
Trévoux). 1. Personne qui gobe : Celui qui
le premier a pu l’apercevoir [l’huître] | En
sera le gobeur ; l’autre le verra faire (La
Fontaine). ‖ 2. Fig. et fam. Personne qui
croit naïvement tout ce qu’on lui dit : Et
les inventions de Bompard lui paraissaient
d’autant plus vraisemblables que dans tout
Tarasconnais le hâbleur se double d’un
gobeur (Daudet). Je suis au fond une gobeuse
qui croit tout ce qu’on lui dit (Proust).

• SYN. : 2 gobe-mouche (fam.), gogo (fam.),


jobard (fam.).

gobichonner [gɔbiʃɔne] v. tr. (croise-


ment de gober et de bichonner ; 1835, au
sens 1, et 1847, au sens 2, Balzac). 1. Pop.
Déguster avec plaisir (vieilli) : Des gens
heureux, comme s’ils allaient tous dîner
chez leurs filles, y gobichonner un bon petit
dîner (Balzac). ‖ 2. Pop. Préparer avec soin
(vieilli) : Gobichonnez-moi de bons petits
plats soignés (Balzac).

& v. intr. (1872, Larousse). Pop. Mener


joyeuse vie. (Vieilli.)

gobichonneur, euse [gɔbiʃɔnoer, -øz]


n. (de gobichonner ; 1839, Th. Gautier). Pop.
Personne qui mène joyeuse vie (vieilli) : Et
cependant il n’avait l’air ni d’un gobichon-
neur, ni d’un imbécile (Huysmans).

gobin [gɔbɛ̃] n. m. (ital. gobbino, terme


d’injure adressé à un bossu, de gobbo,
bossu, du lat. gibbus, bosse ; fin du XVIe s.,
Brantôme). Class. Bossu : Il faut donc que
je l’épouse, ce gobin-là (Dancourt).

godage [gɔdaʒ] n. m. (de goder ; 1774,


N. Desmarest, au sens de « forme défec-
tueuse du papier » ; sens actuel, 1829,
Boiste). Faux pli d’une étoffe qui gode : Il
rassemble les morceaux et les fait se toucher
étroitement, sans boursouflure ni godage
(Goncourt).

godaille [gɔdɑj] n. f. (déverbal de godail-


ler 1 ; 1808, d’Hautel). Pop. Repas, festin
où la boisson est abondante : La populace,
maîtresse des caves, se livrait à une horrible
godaille (Flaubert). On était aux premiers
jours d’octobre, les vendanges allaient com-
mencer, belle semaine de godaille (Zola).

1. godailler [gɔdɑje] v. intr. (de go[u]


daille, mauvaise bière [milieu du XVIe s.],
issu [par substitution du suff. péjor. -aille à
la terminaison -ale] de l’anc. franç. godale,
sorte de bière [XIIIe s., Godefroy], moyen
néerl. goed ale, bonne bière, de goed, bon, et
ale, bière ; 1750, Vadé [proprem. « boire de
la bière »]). Pop. Faire des excès de boisson,
des débauches de table : Vous le rencon-
trerez peut-être sur le boulevard ou dans
un café, godaillant, débraillé, jouant au
billard (Balzac). Ils mettaient leur vin au
frais dans les tombeaux Champeaux, où il
y avait une fontaine ; puis ils faisaient venir
des femmes. Et toute la nuit ça buvait, ça
godaillait (Daudet).

2. godailler [gɔdɑje] v. intr. (de goder ;


XXe s.). Fam. En parlant d’un tissu, faire
des plis par suite d’une mauvaise coupe.
• SYN. : goder, grigner.

godailleur, euse [gɔdɑjoer, -øz] n. (de


godailler 1 ; 1831, Balzac). Pop. Personne
qui godaille.

godan ou godant [gɔdɑ̃] n. m. (de l’anc.


franç. goder, se moquer de [v. 1220, G. de
Coincy], lat. gaudere, se réjouir [v. GAU-
DIR] ; fin du XVIIe s., Saint-Simon). Vx et
fam. Piège, tromperie qui ne peut abuser
que des niais : Quand on parle de doctrines
nouvelles aux gens qu’on croit susceptibles
de donner dans ces godans-là, il semble
qu’on leur parle de brûler leurs maisons
(Balzac).

godasse [gɔdas] n. f. (de god[illot], avec


le suff. pop. -asse ; 1888, G. Esnault). Pop.
Chaussure : Un nombre considérable de
godasses plutôt vétustes (Romains). Tenez,
donnez-moi votre godasse, je vais vous
remettre un lacet (Queneau).

goddam ! [gɔdam] interj. (angl. God


damn, Dieu [me] damne !, de God, Dieu,
et du v. to damn, damner, condamner
[empr. du franç. damner] ; 1784, Beau-
marchais). Vx. Diable ! : Supposons quelque
bonne farce de boxeurs, quelque énormité

britannique, pleine de sang caillé et assai-


sonnée de quelques monstrueux goddam...
(Baudelaire).

& goddam n. m. invar. (1787, Brunot). Vx et


fam. Sobriquet donné jadis en France aux
Anglais : Il serait beau qu’un garde-fran-
çaise se montrât généreux avec les goddam
(France).

godelureau [gɔdlyro] n. m. (de l’ono-


matop. god- [cri d’appel à l’adresse des
animaux domestiques, employé ensuite
pour désigner ces animaux eux-mêmes,
puis, dès le XIIe s., péjorativement, pour
désigner des personnes], par croisement
avec l’anc. mot galureau, galant, mignon
[av. 1493, G. Coquillart], dér. de galer [v.
GALANT] ; début du XVIe s., écrit gaudelu-
reau ; g[u]odelureau, 1552, Rabelais). Fam.
Jeune homme satisfait de sa personne et
qui fait le joli coeur auprès des femmes :
Maintenant, le premier godelureau sachant
camper un bonhomme, fait retentir toutes
les trompettes de la publicité (Zola). Tu
étais bien trop occupée à faire la belle pour
les godelureaux du mastroquet d’en face
(Colette).

godenot [gɔdno] n. m. (proprem. « petit


vase à boire » [sens encore vivant dans
certains patois], dér. du radical de godet ;
1651, Scarron, au sens 2 ; sens 1, 1665,
Retz). 1. Vx. Marionnette de bois utilisée
par les escamoteurs pour amuser les spec-
tateurs. ‖ 2. Class. Petit homme ridicule,
bouffon : Vous voyez que le Mazarin n’est
qu’une manière de godenot qui se cache
aujourd’hui et qui se montrera demain
(Retz).

goder [gɔde] v. intr. (du radical de godron


[v. ce mot] ; 1762, Acad., au sens 1 ; sens 2,
1866, Littré). 1. Faire de faux plis à cause
d’une mauvaise coupe : Un pantalon à
grand pont qui godait par le bas (Flaubert).
‖ 2. Manque d’à-plat, en parlant d’une
feuille de papier ou de carton.

• SYN. : 1 godailler, grigner.

godet [gɔdɛ] n. m. (du moyen néerl.


kodde, billot, morceau de bois de forme
cylindrique ; XIIIe s., Godefroy, au sens I,
1 ; sens I, 2, début du XXe s. ; sens I, 3, 1690,
Furetière [« petit récipient où le peintre
délaye ses couleurs », 1508, Comptes du châ-
teau de Gaillon] ; sens I, 4, 1690, Furetière ;
sens II, 1866, Littré).

I. 1. Vx. Petit vase à boire sans pied ni


anse. ‖ 2. Pop. Contenu d’un verre : Hé !
Mulot ! [...] Viens prendre un godet avec
nous (Mac Orlan). La prochaine fois, ce
sera du champagne. Et je t’en donnerai
un godet (Duhamel). ‖ 3. Petit récipient
servant à divers usages : Il vit par la fe-
nêtre Mlle Lourmel qui versait à boire aux
oiseaux dans un petit godet de porcelaine
(France). ‖ Spécialem. Petit récipient
où le peintre délaye ses couleurs : Pietro
[...] trempait son pinceau chargé de cou-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2203

leur dans un godet plein d’eau, avant d’en


frotter l’enduit de la muraille (France).
‖ 4. Auget, de capacité et de forme va-
riables, fixé de distance en distance sur
une roue hydraulique, sur une noria, ou
sur certains appareils de manutention
(drague, élévateur, excavateur, pelleteuse,
etc.) : Une roue à godets.

II. Ondulation, plus ou moins accentuée,


formée par un tissu taillé en biais ou en
forme, plus large à la partie inférieure
qu’à la partie supérieure. ‖ Coupe ou
disposition d’une étoffe en biais ou en
forme.

• SYN. : I, 1 gobelet, timbale ; 2 verre.

godiche [gɔdiʃ] adj. et n. (de God[on],


forme hypocoristique de Claude ; 1752,
Trévoux). Fam. Niais et maladroit : Ça
ne vaut rien d’avoir l’air godiche devant
sa femme (Zola). Le nez tombant et trop
long, entre deux paupières souvent baissées,
lui donnait un air godiche, que le sourire
accentuait encore (Martin du Gard).

godichon, onne [gɔdiʃɔ̃, -ɔn] adj.


(dimin. pop. de godiche ; 1752, Trévoux
[comme n. pr., écrit Gaudichon, 1559, G. des
Autels]). Maladroit, gauche.

godille [gɔdij] n. f. (mot dialect. de la


France septentrionale, d’origine obs-
cure ; 1792, Jal, au sens 1 ; sens 2, 1924,
G. Esnault ; sens 3, v. 1959). 1. Aviron qui,
placé à l’arrière d’un bateau, permet de le
propulser et de le diriger par un mouve-
ment hélicoïdal de la pelle : Un jour, en
bateau, voulant manier la godille à grand
renflement de biceps, il tombait dans la
Loire (Daudet). ‖ 2. Fam. À la godille, se
dit de ce qui est en mauvais état, de ce qui
fonctionne mal. ‖ 3. À skis, suite de virages
très ouverts, rapprochés et rythmés, le long
de la ligne de pente.

godiller [gɔdije] v. intr. (de godille ;


1792, Romme, écrit goudiller [godiller,
1840, Acad.], au sens 1 ; sens 2, v. 1959).
1. Propulser et diriger une embarcation au
moyen de la godille. ‖ 2. À skis, descendre
en godille.

godilleur, euse [gɔdijoer, -øz] n. (de


godiller ; 1840, Acad.). Personne qui godille.

godillot [gɔdijo] n. m. (du n. de Alexis


Godillot [1816-1893], industriel qui fabri-
quait des brodequins militaires ; 1869,
G. Esnault, au sens 2 ; sens 1, 1888,
Larousse). 1. Pop. Ancienne chaussure
militaire : Sa dernière invention d’écono-
miser au budget de la guerre la dépense des
godillots (Daudet). ‖ 2. Pop. Gros soulier :
La boue giclait sous leurs godillots énormes
(Tharaud). L’homme qui parlait était jeune :
un ouvrier, en cotte bleue, un mégot aux
lèvres ; deux godillots tout neufs, en cuir
épais, pendaient, à cheval sur son épaule...
(Martin du Gard). Sa soutane usée et ses
godillots déformés faisaient mauvais effet
sur les pauvres (Aymé).

• SYN. : 1 brodequin ; 2 croquenot (très


fam.), godasse (pop.), pompe (pop.).

godinette [gɔdinɛt] n. f. (de l’anc. adj.


godin, élégant, coquet [1445, Picot], dér.
de gaudir [v. ce mot] ; 1403, Godefroy, au
sens 1 ; sens 2, 1808, d’Hautel [.. en godi-
net, 1866, Littré — d’abord baiser en godi-
nette, XVIe s.]). 1. Vx et fam. Fille coquette
et galante. ‖ 2. Vx et fam. Embrasser en
godinette (ou en godinet), embrasser ten-
drement, amoureusement : Ce fut Céline
en train de s’embrasser en godinette avec
Anatole qui répondit (Huysmans).

godiveau [gɔdivo] n. m. (altér., d’après


veau, de l’anc. mot gaudebillaux, tripes
grasses de boeuf [av. 1553, Rabelais], du
radical god- [v. GODELUREAU] et du poitevin
beille, ventre [lat. botulus, boudin, saucis-
son, et, à basse époque, « boyau »] ; 1546,
Rabelais, au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Sorte de vol-au-vent garni de hachis de
viande et d’andouillettes : Un godiveau tout
brûlé par dehors, | Dont un beurre gluant
inondait tous les bords (Boileau). ‖ 2. Farce
pour quenelles.

godron [gɔdrɔ̃] n. m. (dimin. de godet,


les moulures dont on ornait les bords de
la vaisselle d’argent ayant une forme ren-
flée ; 1379, Inventaire de Charles V, écrit
goderon [godron, 1676, Félibien], au sens
1 ; sens 2 [par analogie de forme], fin du
XVIe s. [écrit godron] ; sens 3, 1694, Acad.).
1. Ornement en forme d’oves allongés,
régulièrement renflés, et disposé vertica-
lement ou obliquement : Les godrons sont
surtout employés pour la décoration des
pièces d’orfèvrerie, des vases de jardin et
des chapiteaux. ‖ 2. Pli rond fait aux col-
lerettes dites « fraises », aux jabots, aux
manchettes. ‖ 3. Fer avec lequel on faisait
ces plis.

godronnage [gɔdrɔnaʒ] n. m. (de godron-


ner ; 1842, Acad.). Action de godronner ;
résultat de cette action.

godronner [gɔdrɔne] v. tr. (de godron


[v. ce mot] ; 1379, Inventaire de Charles
V, au sens 1 [au part. passé, écrit gode-
ronné ; à l’infin., écrit godronner, 1704,
Trévoux] ; sens 2, milieu du XVIe s., Ronsard
[au part. passé, écrit godronné ; à l’infin.,
1690, Furetière] ; sens 3, XXe s.). 1. Orner
de godrons un ouvrage d’orfèvrerie
ou d’architecture : La vaisselle godron-
née que ce gentilhomme me doit donner
(France). ‖ 2. Empeser et repasser à gros
plis ronds : C’était elle qui repassait le
linge de ses soeurs et qui godronnait leurs
manchettes (Perrault). Le costume du
temps où les femmes [...] s’entouraient de
fraises godronnées... (Balzac). ‖ 3. Par anal.
Marquer de plis en forme de godron : Le
menton que godronnent encore les rides de
l’âge (Suarès).

• SYN. : 2 tuyauter.
godronnoir [gɔdrɔnwar] n. m. (de
godronner ; 1763, Encyclopédie, écrit
goudronnoir ; godronnoir, 1829, Boiste).
Molette ou ciselet creusé à son extrémité,
servant à former des godrons sur des pièces
d’orfèvrerie.

goéland [gɔelɑ̃] n. m. (breton gwelan ;


1484, Garcie, écrit gaellans ; 1580, Palissy,
écrit goilant ; 1642, Duez, écrit goilan ; 1757,
Encyclopédie, écrit goiland ; goéland, 1770,
Buffon). Nom usuel des grosses mouettes
dont les plumes de la tête ne forment pas
capuchon : Sur les côtes de France niche
communément le goéland argenté, à man-
teau gris pâle.

goélette [gɔelɛt] n. f. (de goél[and] ;


1752, Trévoux, écrit goualette [goélette,
1757, Encyclopédie], au sens 1 ; sens 2,
1840, Acad. [écrit goualette ; goélette, 1845,
Bescherelle]). 1. Bateau à voiles auriques
et à deux mâts : La rade se peuple de
navires de plaisance ; la plupart gréés en
goélettes, quelques-uns à vapeur... (Hugo).
‖ 2. Hirondelle de mer.

goémon [gɔemɔ̃] n. m. (breton goumon,


gwemon, varech ; XIVe s., Du Cange, écrit
goumon, gouemon [goémon, 1686, d’après
Trévoux, 1721], aux sens 1-2). 1. Autre nom
du varech, mélange d’algues que la mer
rejette sur le rivage : On s’entretient de vous
[les naufragés] parfois dans les veillées. | [...]
Tandis que vous dormez dans les goémons
verts ! (Hugo). Et l’on est obligé de nous
déposer sur des pierres mouillées et glis-
santes où le goémon accroche ses longues
chevelures vertes que l’eau déroule et dilate
(Daudet). ‖ 2. Engrais obtenu au moyen
de ce varech.

goémonier [gɔemɔnje] n. m. (de goé-


mon ; 1922, Larousse). Homme, bateau
employés à la récolte du goémon.

gogaille [gɔgɑj] n. f. (de l’anc. franç.


gogue, réjouissance [v. GOGUETTE] ; 1564,
Godefroy, au sens 1 [faire gogaille ; être
en gogaille, 1866, Littré] ; sens 2, 1611,
Cotgrave). 1. Class. et pop. Être en gogaille,
faire gogaille, faire bombance, s’amuser :
Quand les maîtres sont absents, les valets
font gogaille dans la maison (Furetière).
‖ 2. Class. Plaisanterie : Tu vas te chagriner
pour un mot de gogaille (Hauteroche).

1. gogo [gogo] n. m. (de Gogo, n. d’un


personnage crédule et facile à duper de la
comédie Robert Macaire, de SaintAmand,
Antier et F. Lemaître [1834], formé de la
réduplication plaisante de la syllabe initiale
de gober ; 1846, Balzac). Fam. Personnage
crédule et confiant à l’excès : Mes folies
[...] ne coûtent rien à personne qu’aux
gogos [...] (pardon ! vous ne connaissez
pas ce mot de Bourse), ils n’auront rien à
me reprocher (Balzac). Les de Lesseps ont
été les agents de la Providence, lorsqu’ils
ont dérobé les économies des gogos qui les
avaient acquises par de probables larcins,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2204

du reste ! (Huysmans). L’éloquence com-


merciale fit naître de toutes parts des voca-
tions innombrables de « gogos » (Valéry).
Imagine que le terrain ait été acheté non par
toi, mais par un autre gogo, par un autre
niais (Duhamel).

• SYN. : gobe-mouches (fam.), gobeur (fam.),


pigeon (fam.), poire (fam.).

2. gogo (à) [agogo] loc. adv. (réduplica-


tion plaisante de la syllabe initiale de l’anc.
franç. gogue, réjouissance [v. GOGUETTE] ;
début du XVe s., Ch. d’Orléans). Fam. À sou-
hait, en abondance : Ayant de l’esprit à gogo
(Verlaine). Je n’avais pas de munitions à
gogo (Romains).

• SYN. : abondamment, à discrétion, à foison


(fam.), à revendre (fam.), à satiété, à volonté.

goguenard, e [gɔgnar, -ard] adj. (de l’anc.


franç. gogue, réjouissance [v. GOGUETTE],
d’après le moyen franç. mentenart, men-
teur, traître [av. 1399, J. des Preis], dér. de
mentir ; début du XVIIe s.). Qui se moque
ou qui a l’air de se moquer des gens : Il
[Macquart] se montrait fort correct, d’une
diplomatie finaude, n’ayant gardé que son
rire goguenard qui avait l’air de se ficher du
monde (Zola). Tant il montrait de dédain
goguenard pour l’espèce femelle (Colette).
• SYN. : ironique, gouailleur (fam.),
moqueur, narquois, railleur, sarcastique.

goguenarder [gɔgnarde] v. intr. (de


goguenard ; XVIe s., Godefroy, comme v. pr.,
au sens de « se moquer de » ; comme v. intr.,
au sens moderne, 1611, Cotgrave). Class. et
littér. Dire des plaisanteries, des railleries
sottes ou cruelles : Ils sont dans leur cabi-
net à goguenarder sur les circonstances du
massacre des badauds (Cyrano). Des voisins
arrivaient, commençaient à goguenarder
tout haut (Zola).

goguenardise [gɔgnardiz] n. f. (de gogue-


nard ; 1872, Larousse, au sens 1 ; sens 2,
1883, Huysmans). 1. Raillerie, plaisanterie :
À ce rire débordant, Rowlandson joignit une
goguenardise bien anglaise (Huysmans).
‖ 2. Attitude moqueuse : L’autre avait de
nouveau regardé avec une goguenardise [...]
de mauvais confrère (Bourget).

• SYN. : 1 brocard, trait ; 2 gouaille (fam.),


ironie, moquerie.

• REM. Ce mot remplace depuis le XIXe s.


GOGUENARDERIE (1660, Oudin [var.
goguenardie, début du XVIIe s., Dict. gé-
néral]) : Je l’enverrais promener avec ses
goguenarderies (Molière).

goguenot [gɔgno] n. m. (probablem.


du radical onomatop. qu’on retrouve dans
les termes goguette, goguenard, etc. [v. ces
mots] ; 1805, Esnault, au sens de « gobelet
pour boire », et 1849, au sens 1 [« baquet
d’aisances » ; « latrines », 1861, Esnault] ;
sens 2, 1900, Dict. général). 1. Pop. Pot de
chambre, et, par extens., latrines : [Le] spi-
ritisme qui n’est, en fin de compte, que la
latrine du surnaturel, que le goguenot de

l’au-delà ! (Huysmans). ‖ 2. Dialect. Pot


à cidre.

• REM. Au sens 1, on trouve aussi la forme


abrégée GOGUES, n. m. pl.

goguette [gɔgɛt] n. f. (de l’anc. franç.


gogue, réjouissance, liesse [XIIe s., Isopet
I], d’un radical onomatop. gog- qui peut
être rapproché de gag- [v. GAGA] et kok- [v.
COQ], et qui évoquerait la joie, la plaisan-
terie ; v. 1462, Cent Nouvelles, dans la loc.
faire goguettes de, se régaler de ; sens 1,
fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; sens 2, 1645,
Scarron ; sens 3, 1549, R. Estienne [être
en ses goguettes ; être en goguette, 1704,
Trévoux] ; sens 4, 1815, d’après Vidocq, 1829
[« cabaret », milieu du XIXe s., Baudelaire]).
1. Vx. Propos joyeux, plaisanterie : Ne me
brouillez pas avec le duc de Choiseul dans
vos goguettes (Voltaire). ‖ 2. Class. Chanter
goguette(s) à quelqu’un, lui dire des injures
ou lui faire des reproches : Cela ne plut
pas au valet | Qui, les ayant pris sur le
fait [...], | À sa moitié chante goguette (La
Fontaine). ‖ 3. Être en goguette, ou (class.)
être en ses goguettes, être en belle humeur
et un peu ivre ; être en partie fine : Il lui
amène un jour Collinet l’ayant fait mettre en
ses goguettes par le moyen de deux ou trois
verres d’un vin de singe [= vin gai] (Sorel).
Il en vint à supposer que c’était peut-être
une farce, une vengeance de quelqu’un, une
fantaisie d’homme en goguette... (Flaubert).
‖ 4. Nom donné, à Paris, dans la première
moitié du XIXe s., à des sociétés chantantes
qui tenaient leurs séances dans des caba-
rets. ‖ Par extens. et vx. Cabaret : Elle était
exquise, cette tanche servie sur un gros plat
de terre, dans un petit salon dont le papier
avait un bon air de goguette bourgeoise
(Daudet). La goguette — où sa femme, de
qui il vit séparé, inquiète de lui, vient le
chercher (Baudelaire).

goinfre [gwɛ̃fr] adj. et n. m. (origine


inconnue ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné, au
sens de « homme de basse condition » [dans
un passage gasconisant] ; 1611, Cotgrave,
aux sens de « débauché, joyeux compa-
gnon » ; sens actuel, 1659, Duez). Fam. Qui
mange beaucoup et salement : Il s’épongeait
le front fréquemment, mangeait beaucoup,
non tant comme un gourmet que comme un
goinfre, et semblait apprécier particulière-
ment le vieux bourgogne que nous avions
commandé (Gide).

goinfrer [gwɛ̃fre] v. intr. ou tr. (de


goinfre ; 1642, Oudin, comme v. intr. ;
comme v. tr., 1680, Richelet). Vx et fam.
Manger beaucoup, gloutonnement et
malproprement : Combien goinfre-t-on
de pommes de terre ? (Flaubert).

& se goinfrer v. pr. (1867, Delvau). Manger


avec avidité ; se gaver de : Se goinfrer de
gâteaux.

• SYN. : se bourrer, s’empiffrer (fam.), s’en-


filer (pop.), s’envoyer (pop.), se goberger
(fam.).

goinfrerie [gwɛ̃frəri] n. f. (de goinfre ;


av. 1646, Maynard). Caractère du goinfre,
avidité goulue et sale : Toute la mythologie
mise au service de la goinfrerie (Baudelaire).
Il [Aulus Vitellius] se précipita vers les cui-
sines, emporté par cette goinfrerie qui devait
surprendre l’univers (Flaubert).

• SYN. : boulimie, voracité.

goitre [gwɑtr] n. m. (mot d’un parler de


la région rhodanienne, de l’anc. provenç.
goitron, gosier, même mot que l’anc. franç.
goitron, gorge, gosier [v. 1120, Psautier
d’Oxford], lat. pop. *gutturionem, accus.
de *gutturio, du lat. class. guttur, -turis,
gorge, gosier ; 1492, Salicet, écrit goyetre
[gouistre, 1530, Palsgrave ; goitre, 1552,
R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Augmentation de volume
de la glande thyroïde, due à un mauvais
fonctionnement : La vieille leva vers lui une
face idiote et terreuse avec un goitre qui lui
ballait dans le cou, aussi gros que la son-
naille rustique d’une vache suisse (Daudet).
Nous fûmes insensiblement entourés d’une
troupe de mendiants qui, boitant, grelottant
[...], secouant des goitres [...], nous obsé-
daient de bénédictions importunes (France).
‖ 2. Par anal. Expansion cutanée qui pend
sous le cou de certains sauriens, de certains
oiseaux (pélican).

goitreux, euse [gwɑtrø, -øz] adj. et n.


(de goitre ; 1411, Du Cange, comme adj.
[dans un texte du Forez] ; comme n., 1804,
Senancour). Qui a un goitre : Il se souve-
nait des terres en friche, que les ouvriers
agricoles goitreux de misère n’avaient pas le
droit de cultiver (Malraux). Maintenant, au
lieu de les fuir, j’ai mes goitreux d’élection,
un surtout, un affreux petit monstre, assis
au bord de la route dans un fauteuil d’enfant
de trois ans et il en a seize (Daudet).

& adj. (1762, Acad.). Qui est de la nature


du goitre : Une tumeur goitreuse.

golden [gɔldɛn] n. f. (de l’angl. golden deli-


cious, délicieuse dorée ; XXe s.). Variété de
pomme juteuse à peau jaune.

golem [gɔlɛm] n. m. (mot hébreu signif.


proprem. « masse d’argile » ; 1877, Littré).
Dans les légendes rabbiniques d’Europe
orientale, robot auquel on donnait momen-
tanément la vie en fixant sur son front le
texte d’un verset biblique.

golf [gɔlf] n. m. (mot angl. signif. « golf,


jeu de golf », du néerl. kolf, gourdin ; 1792,
Chantreau, écrit goff [golf, fin du XIXe s. ;
golf miniature, v. 1950], au sens 1 ; sens 2,
1941, Frison-Roche [« vêtement de femme,
à manches, ouvert devant, pour le sport »,
1915, Behrens, Engl.]). 1. Sport qui consiste
à envoyer, à l’aide de « clubs », une balle
dans les trous successifs d’un vaste terrain :
Tout, des arbres de vos pelouses jusqu’au
moindre sac de golf de vos vitrines, me rem-
plissait de cette mélancolie que le voyageur
éprouve à regarder passionnément ce qui ne
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2205

le regarde pas... (Cocteau). ‖ Golf minia-


ture, sport de même nature mais pratiqué
sur un tout petit terrain. ‖ 2. Culotte,
pantalon de golf, ou, plus rarement, golf,
pantalon bouffant, serré au-dessous des
genoux, que l’on portait primitivement
pour pratiquer le golf : Des golfs de drap
bleu (Frison-Roche).

• SYN. : 2 knickerbockers.

golfe [gɔlf] n. m. (ital. golfo, golfe, du gr.


kolpos, sein, ventre, pli d’un vêtement,
sinuosité d’un littoral, golfe, cavité, val-
lée profonde ; v. 1196, Ambroise, écrit
goffre [golf, v. 1265, Br. Latini ; golfe,
1538, R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1834,
Landais). 1. Partie de mer qui avance dans
les terres et dont l’ouverture est ordinaire-
ment fort large : Le golfe de Gascogne. Ils
chantaient leurs triangles obscurs | Et les
golfes enfuis des poupes de leurs barques
(Valéry). ‖ 2. Golfe de la veine jugulaire,
partie où cette veine s’élargit.

• SYN. : 1 anse, baie, calanque, crique, fjord.

golfeur, euse [gɔlfoer, -øz] n. (de golf ; fin


du XIXe s.). Personne qui joue au golf : Mais
j’admirai aussi comme la cycliste, la gol-
feuse de Balbec, qui n’avait rien lu qu’Esther
avant de me connaître, était douée (Proust).

golmelle [gɔlmɛl] ou golmotte


[gɔlmɔt] n. f. (de colmelle, lépiote, contrac-
tion de columelle, variété d’agaric [fin du
XVIe s.], lat. columella, petite colonne,
dimin. de columna, colonne, dér. de colu-
men, -minis, ce qui s’élève en l’air ; golmelle,
au sens de « agaric », début du XIXe s. ;
golmelle, golmotte, aux sens 1-3, 1900,
Larousse). 1. Nom vulgaire de l’amanite
rougeâtre. ‖ 2. Fausse golmelle ou fausse
golmotte, nom vulgaire de l’amanite pan-
thère. ‖ 3. Nom vulgaire de la lépiote
élevée.

• REM. On trouve aussi les formes GOL-


METTE et GOLMOTE.

Goménol [gɔmenɔl] n. m. (n. déposé ; de


Gomen, n. du domaine de NouvelleCalédonie
où fut d’abord distillée cette essence ; fin du
XIXe s., lettre de M. Prevet [inventeur du pro-
duit et de son nom] à O. Bloch, citée dans
Bloch-Wartburg [art. goménol]). Essence
extraite des feuilles de niaouli et qui, mélan-
gée avec de l’huile, est employée dans les
affections des voies respiratoires.

goménolé, e [gɔmenɔle] adj. (de


Goménol ; 1922, Larousse). Huile gomé-
nolée, syn. de GOMÉNOL.

Gomina [gɔmina] n. f. (n. déposé ; de l’esp.


goma, gomme, bas lat. gumma [v. GOMME] ;
v. 1930). Pommade pour les cheveux : Une
grosse mèche toute poissée de gomina se
détacha de la masse et vint lui tomber sur
le nez (Duhamel).

gominé, e [gɔmine] adj. (part. passé


de [se] gominer ; 1931, Esnault). Cheveux
gominés, cheveux pommadés, passés à la

Gomina : Chevelure ondulée et gominée,


débordant d’un feutre penché sur l’oreille
gauche et cassé sur l’oeil droit... (Camus).

gominer (se) [səgɔmine] v. pr. (de


Gomina ; v. 1930). Passer ses cheveux à la
Gomina.

gommage [gɔmaʒ] n. m. (de gommer ;


1836, Landais, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Action de gommer ; résultat
de cette action. ‖ 2. Action de recouvrir
d’une solution de gomme arabique une
pierre lithographique ou une plaque off-
set pour leur conserver leurs propriétés
imprimantes.

gomme [gɔm] n. f. (bas lat. gumma, var.


de cumma, lat. class. commi[s], cummi[s],
gummi[s], gomme, gr. kommi, gomme,
mot d’origine orientale ; v. 1160, Benoît de
Sainte-Maure, écrit gome [gomme, fin du
XIVe s., E. Deschamps], au sens I, 1 [gomme
adragante, 1721, Trévoux — d’abord gomme
adragant, v. 1560, Paré ; gomme arabique,
v. 1560, Paré — d’abord gomme araby,
milieu du XIVe s. ; gomme d’Arabie, fin
du XIXe s.] ; sens I, 2, 1877, Zola [boule de
gomme — pastille de gomme, même sens,
1835, Balzac ; sirop de gomme, 1900, Dict.
général] ; sens I, 3, 1866, Littré [gomme
élastique, « caoutchouc », 1803, Boiste] ;
sens I, 4, 1921, G. Esnault [il nous la fait
à la gomme, milieu du XXe s.] ; sens I, 5,
1925, Esnault [pour une action quelconque,
1959, Esnault] ; sens II, 1875, Esnault [v.
aussi GOMMEUX, n. m.]).

I. 1. Substance visqueuse et transparente


qui suinte du tronc de certains arbres, na-
turellement ou après incisions : Et, en haut
des étalages, il y a des fleurs artificielles,
des feuillages de papier où des gouttes de
gomme font des gouttes de rosée... (Zola).
‖ Gomme adragante, gomme produite
par plusieurs astragales d’Asie Mineure.
‖ Gomme arabique, ou gomme d’Arabie,
gomme fournie par différentes espèces
d’acacias : D’innombrables lumières
étoilaient l’ombre dans laquelle la fumée
des gommes d’Arabie semblait les plis
des voiles des anges (France). ‖ 2. Boule
de gomme, sirop de gomme, bonbon ou
sirop adoucissant à base de gomme :
Alors, Gervaise hésita, parut consulter
du regard maman Coupeau, que Lantier
avait conquise depuis des mois, en lui
apportant des boules de gomme pour son
catarrhe (Zola). ‖ 3. Morceau de caout-
chouc servant à effacer. ‖ 4. Pop. À la
gomme, se dit d’une personne incapable,
d’une chose sans valeur : Un chauffeur,
des idées à la gomme. ‖ Il nous la fait à
la gomme, il essaie de nous convaincre en
nous impressionnant. ‖ 5. Pop. Mettre la
gomme, accélérer l’allure ou mettre toutes
ses forces dans une action quelconque.

II. Vx et fam. Ensemble des gommeux,


des élégants : La gomme a fait son temps
après avoir fait son chemin. La gomme est

usée. C’est le gratin qui la remplace. La


gomme semblait avoir d’ailleurs une signi-
fication plus élastique (sans jeu de mots)
que l’appellation nouvelle. On pouvait
être de la gomme sans être d’un monde
fort choisi ; il suffisait d’avoir un tailleur
à la mode et de figurer aux courses, aux
premières, partout où il y avait réunion
(Daudet).

gomme-gutte [gɔmgyt] n. f. (franci-


sation du lat. scientif. du XVIIe s. gummi
gutta, gomme-gutte, du lat. class. gummi,
gomme, et gutta, goutte [v. GOMME ET
GOUTTE] — gutta étant, en fait, une lati-
nisation abusive et mal comprise du malais
getah, gomme [v. GUTTA-PERCHA] ; 1654,
P. Boyer). Gomme-résine jaune, qui pro-
vient de l’Asie méridionale et qui donne
une émulsion avec l’eau : La gommegutte
est utilisée en pharmacie.

• Pl. des GOMMES-GUTTES.

gomme-laque [gɔmlak] n. f. (de gomme


et de laque ; 1679, J. Savary). Résine d’ori-
gine animale, soluble dans l’alcool : La
gomme-laque est utilisée dans la fabrication
des vernis à l’alcool.

• Pl. des GOMMES-LAQUES.

gommer [gɔme] v. tr. (de gomme ; XIVe s.,


Miracles de Nostre-Dame, au sens 3 ; sens 1,
milieu du XVe s. [enveloppe gommée, 1900,
Dict. général] ; sens 2, 1690, Furetière ;
sens 4, 1930, Larousse). 1. Enduire de
gomme : Gommer de la toile. ‖ Enveloppe
gommée, celle dont le bord est enduit de
gomme qu’on mouille pour la fermer.
‖ 2. Spécialem. Appliquer de la gomme
sur les cheveux pour leur donner la forme
souhaitée : Pavel avait de grands cheveux
blonds qu’il gommait... (Giraudoux). Ses
cheveux [...] qui tournaient en boucles
quand il ne les gommait pas (Colette).
‖ 3. Délayer avec de la gomme : Gommer
une couleur. ‖ 4. Effacer avec une gomme :
Gommer un dessin.

• SYN. : 2 gominer.

gomme-résine [gɔmrezin] n. f. (de


gomme et de résine ; 1694, Th. Corneille).
Mélange naturel de gomme et de résine,
produit par exsudation naturelle ou
provoquée.

• Pl. des GOMMES-RÉSINES.

gommeux, euse [gɔmø, -øz] adj. (de


gomme ; 1314, Mondeville, au sens I, 1 ; sens
I, 2, 1690, Furetière ; sens II, 1, fin du XIXe s.,
A. Daudet ; sens II, 2, av. 1922, Proust).

I. 1. Qui a la nature de la gomme : Ma-


tière gommeuse. ‖ 2. Qui exsude de la
gomme : Les arbres gommeux abondent
au Sénégal.

II. 1. Vx. Digne d’un élégant : La Majesté


tombée et le présomptif en disgrâce, ces
deux célébrités du club entamèrent donc
avant dîner un bésigue chinois, le jeu le
plus gommeux du monde parce qu’il ne
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2206

fatigue pas la tête et permet au joueur le


plus maladroit de perdre une fortune sans
le moindre effort (Daudet). ‖ 2. D’une
élégance guindée, affectée : Ce naturel,
elle le goûtait jusque dans les vêtements
de Saint-Loup, d’une élégance souple sans
rien de « gommeux » ni de « compassé »,
sans raideur et sans empois (Proust).

& gommeux n. m. (1873, Esnault [significa-


tion issue d’un développement sémantique
mal expliqué]). Vx et fam. Jeune homme
prétentieux et qui pousse le souci de l’élé-
gance jusqu’au ridicule : Son amant était
un gommeux, fier comme un artaban de
ses hauts cols (Huysmans).

& gommeuse n. f. (1873, Esnault, au sens


de « demi-mondaine », et v. 1913, au sens
moderne). Vx. Chanteuse de café-concert :
Diseuses, gommeuses, chanteuses à voix,
excentriques, fantaisistes se succédaient...
(Carco).

gommier [gɔmje] n. m. (de gomme ; 1645,


Coppier). Nom donné aux eucalyptus et à
divers arbres (acacia, mimosa, etc.) pro-
ducteurs de gomme : Les gouttes de pluie
crépitèrent ; les gommiers, les caroubiers,
les balisiers [...] furent soudain vernissés
comme dans les gravures (Giraudoux).

gomorrhéenne [gɔmɔreɛn] adj. et n.


f. (de Gomorrhe, n. géogr., bas lat. ecclés.
Gomorrha, Gomorrhe [ville proche du
Jourdain, qui fut consumée par le feu du ciel
à cause des vices qui s’y épanouissaient] ;
1922, Proust [gomorrhean, « sodomite »,
XVe-XVIe s.]). Femme homosexuelle : Les
gomorrhéennes sont à la fois assez rares et
assez nombreuses pour que, dans quelque
foule que ce soit, l’une ne passe pas inaper-
çue aux yeux de l’autre (Proust).

gonade [gɔnad] n. f. (du gr. gonê, action


d’engendrer, ce qui engendre, semence,
germe ; v. 1920). Biol. Glande sexuelle
qui produit les cellules reproductrices et
sécrète des hormones.

gonce n. m. V. GONZE.

gond [gɔ̃] n. m. (lat. impér. gomphus, che-


ville, clou, gr. gomphos, cheville de bois ou
de fer ; v. 1100, Romanische Studien [I, 190],
écrit gont [gon, v. 1175, Chr. de Troyes ;
gond, v. 1360, Froissart], au sens 1 ; sens 2,
XVe s., Picot [hors des gonds ; faire sortir des
gonds, 1866, Littré ; mettre hors des gonds,
fin du XVIIe s., Saint-Simon]). 1. Pièce
métallique sur laquelle pivote un vantail
de porte ou de fenêtre : Un suisse rouge
et doré fit grogner sur ses gonds la porte
de l’hôtel (Balzac). ‖ 2. Vx et fig. Hors des
gonds, dans une grande colère, hors de soi :
Monsieur, hors des gonds, dit au roi qu’en
mariant son fils il lui avait promis monts
et merveilles (Saint-Simon). Il courut à sa
mère ; elle était hors des gonds, elle balbu-
tiait : « C’est une insolente ! une évaporée !
pire peut-être ! » (Flaubert). ‖ Auj. Faire
sortir, mettre quelqu’un hors de ses gonds, le

mettre en colère, lui faire perdre la maîtrise


de lui-même : Sur le seul sujet qui pût te
jeter hors de tes gonds, sur ce qui t’obligeait
à sortir de ton indifférence (Mauriac).

gondolage [gɔ̃dɔlaʒ] n. m. (de gondoler ;


1845, Bescherelle). Action de gondoler, de
se gauchir ; résultat de cette action.

• SYN. : déformation, gauchissement.

gondolant, e [gɔ̃dɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de [se] gondoler ; 1901, Larousse). Pop. Qui
provoque un rire bruyant, immodéré.

gondole [gɔ̃dɔl] n. f. (ital. de Venise gon-


dola, gondole, probablem. du gr. d’origine
persane kondu, vase à boire, mesure de
capacité [il arrive fréquemment que des
bateaux empruntent leur nom à ceux de
vases, cf. VAISSEAU] ; 1549, Rabelais, au
sens de « petite barque attachée au service
d’un grand bateau » [gondele, même sens,
milieu du XIIIe s.] ; sens 1, 1600, Gay ; sens
2, 1589, et sens 3, XVIIIe s., Havard ; sens
4, XXe s.). 1. Bateau léger, long et plat, à la
proue et à la poupe recourbées, qui est mû
par un seul aviron à l’arrière et dont on
se sert particulièrement à Venise : À six
heures du matin ils arrivent à leurs gondoles
attachées, la proue à la terre, à des poteaux
(Chateaubriand). Et Narcisa, la folle, | Au
fond de sa gondole, | S’oublie en un festin, |
Jusqu’au matin (Musset). ‖ 2. Vx. Petit vase
à boire long et étroit, sans pied ni anse :
Deux gondoles de laiton | De la valeur d’un
ducaton (Scarron). ‖ 3. Siège à dossier cin-
tré : Coralie [...] dit à Camusot de s’asseoir
dans une gondole en face d’elle (Balzac).
‖ 4. Meuble utilisé dans certains magasins
pour la présentation des produits.

gondoler [gɔ̃dɔle] v. intr. (de gondole ;


fin du XVIIe s., au part. passé, au sens de
« [vaisseau] relevé tant de l’avant que de
l’arrière » ; à l’infin., au sens moderne, 1866,
Littré). Vx. Se recourber en forme de gon-
dole, en parlant des extrémités des navires.
& v. intr. (1866, Littré). ou se gondoler
v. pr. (1845, Bescherelle). Se bomber, gau-
chir : « Mon parquet gondole [...]. — Non,
Madame, il ne gondole pas, il descend »
(Colette). Des chapeaux à claque qui gon-
dolaient, jouaient de l’accordéon tout seuls
(Huysmans).

& se gondoler v. pr. (1881, le Figaro). Pop.


Rire à se tordre : Mais je négligerai le côté
caricatural, au fond assez méprisable pour
un artiste épris de la beauté plastique des
phrases, de la binette qui, excusez-moi, m’a
fait gondoler un bon moment, et je mettrai
en relief le côté aristocratique de votre oncle,
qui en somme fait un effet boeuf... (Proust).

gondolier [gɔ̃dɔlje] n. m. (ital. de Venise


gondoliere, de gondola [v. GONDOLE] ; 1532,
Rabelais). Batelier qui conduit une gondole.

gone [gon] n. m. (mot lyonnais, d’origine


obscure ; fin du XIXe s., A. Daudet). Dialect.
Enfant des rues ; gamin : À Lyon, les fils de
riches ne portent pas de blouses ; il n’y a que

les enfants de la rue, les « gones » comme


on dit (Daudet).

gonfanon [gɔ̃fanɔ̃] ou gonfalon


[gɔ̃falɔ̃] n. m. (francique *gundfano,
étendard de combat ; 1080, Chanson de
Roland, écrit gunfanun [gonfanon, v. 1131,
Couronnement de Louis ; gonfalon, fin du
XIIIe s., Joinville], au sens 1 ; sens 2, v. 1360,
Froissart ; sens 3, XXe s.). 1. Bannière mili-
taire attachée au fût d’une lance, et sous
laquelle se groupaient les vassaux appelés
par leur suzerain. ‖ 2. Bannière ecclésias-
tique sous laquelle se rangeaient les vassaux
de l’Église. ‖ 3. Dans les républiques ita-
liennes, bannière de l’État.

gonfanonier [gɔ̃fanɔnje] ou gonfalo-


nier [gɔ̃falɔnje] n. m. (de gonfalon, -non ;
1080, Chanson de Roland, écrit gunfa-
nuner [gonfanonier, XIIe s. ; gonfalonier,
v. 1360, Froissart], au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière ; sens 3, milieu du XVe s. [écrit
confaronier ; gonfanonier, 1613, Voultier ;
gonfalonier, 1756, Voltaire]). 1. Celui
qui portait le gonfanon. ‖ 2. Magistrat
suprême de certaines villes d’Italie, au
Moyen Âge. ‖ 3. Gonfalonier de l’Église,
protecteur établi par les papes dans l’Italie
du Moyen Âge.

gonflage [gɔ̃flaʒ] n. m. (de gonfler ;


XXe s.). Action de gonfler ; résultat de cette
action : Le gonflage d’un pneumatique.

gonflant, e [gɔ̃flɑ̃, -ɑ̃t] adj. (de gonfler ;


XXe s.). Se dit d’un tissu léger formant des
plis ronds qui s’écartent du corps.
gonflé, e [gɔ̃fle] adj. (part. passé de
gonfler ; 1842, E. Sue, au sens 1 [« plein
d’espoir »] ; sens 2, 1910, Esnault). 1. Pop.
Plein d’enthousiasme, d’ardeur : Mes jeunes
gens sont gonflés à bloc (Vailland). ‖ 2. Pop.
Hardi jusqu’à la témérité.

• SYN. : 2 casse-cou (fam.), risque-tout


(fam.).

gonflement [gɔ̃fləmɑ̃] n. m. (de gonfler ;


1542, Du Pinet, au sens 1 [par anal., av. 1951,
Gide] ; sens 2, 1913, AlainFournier). 1. État
de ce qui est gonflé : Le gonflement d’un
ballon ; et par anal. : Rien de plus étranger
[...] à l’art de Baudelaire que l’amplification
inutile du geste et que le gonflement de la
voix (Gide). ‖ Enflure pathologique d’une
partie du corps : Une piqûre d’insecte qui
provoque le gonflement de la main. ‖ 2. Fig.
Action de remplir d’un sentiment difficile-
ment contenu : Je marchais dans l’obscurité
avec un gonflement de coeur indéfinissable.
Tout se mêlait pour contribuer à ma joie
(Alain-Fournier). Mon gonflement de
vanité puérile avait décru de beaucoup aux
abords de la vingtième année (Romains).
• SYN. : 1 ballonnement, bouffissure, dilata-
tion, fluxion, renflement ; enflure.

gonfler [gɔ̃fle] v. tr. (mot régional du Sud-


Ouest, du lat. conflare, aviver par le souffle,
fondre, former par mélange, de cum-, préf.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2207

à valeur intensive, et de flare, souffler ;


v. 1560, Paré, aux sens 1-2 ; sens 3 et 5, XXe s. ;
sens 4, 1656, Molière [avoir le coeur gonflé,
av. 1606, Des-portes]). 1. Rendre plus ample
par une distension intérieure : Gonfler un
ballon. L’eau a gonflé cette éponge. Le vent
gonflait la voile tendue comme une peau de
tambour (Montherlant). ‖ 2. Augmenter
le volume de, enfler : Installés aux places
les plus chères, Cottard et Tarrou domi-
naient un parterre gonflé à craquer par les
plus élégants de nos concitoyens (Camus).
Un torrent gonflé par la fonte des neiges.
‖ 3. Donner de l’ampleur, de la force :
Gonfler sa voix. ‖ 4. Fig. Remplir d’un
sentiment qu’on a peine à contenir :
Aucun pauvre désir ne gonfle ma poitrine
| Lorsque je vois le soir les couples s’enla-
çant (Apollinaire). La tendresse, l’acquies-
cement silencieux gonflent ce mouvement, il
vibre, porteur de serments, de pactes secrets
conclus entre eux sournoisement, là, en sa
présence, sous ses yeux (Sarraute). ‖ Avoir le
coeur gonflé, être triste, au bord des larmes.
‖ 5. Fig. Donner une importance exagérée :
Gonfler un incident, un nombre.

• SYN. : 1 bomber, dilater, distendre ; 2 bon-


der, bourrer, grossir ; 3 amplifier, forcer,
hausser ; 5 dramatiser, exagérer, surestimer,
surfaire.

& v. intr. (v. 1560, Paré). Devenir plus


ample, plus volumineux : La pâte gonfle
à la cuisson. Le bois gonfle sous l’effet de
l’humidité.

• SYN. : boursouf ler, foisonner, lever,


travailler.

& se gonfler v. pr. (sens 1, v. 1560, Paré


[se confler, même sens, 1542, Du Pinet] ;
sens 2, 1690, Boursault). 1. Devenir
gonflé, plus ample : Les rideaux de son
alcôve se gonflaient mollement (Flaubert).
‖ 2. S’enorgueillir, faire l’important.

gonfleur [gɔ̃floer] n. m. (de gonfler ;


1930, Larousse). Appareil servant à gon-
fler, en particulier les pneumatiques
d’automobiles.

gong [gɔ̃g] n. m. (mot malais ; 1691, La


Loubère, au sens 1 ; sens 2-3, début du
XXe s.). 1. Instrument de percussion d’ori-
gine chinoise, fait d’un plateau de cuivre
suspendu, sur lequel on frappe avec une
baguette. ‖ 2. Instrument analogue
employé pour donner un signal : Le premier
tintement de gong qui annonçait l’approche
du déjeuner le fit se lever (Martin du Gard).
‖ 3. Timbre qui annonce le début et la fin
de chaque reprise d’un match de boxe.

gongorisme [gɔ̃gɔrism] n. m. (du n. de


Luis de Gongora [1561-1627], poète espagnol
au langage précieux et obscur ; 1842, Acad.).
Affectation de style précieux et recherché
qui s’introduisit dans la littérature fran-
çaise au XVIIe s. : Les plus gens de goût
ont besoin quelquefois, pour se remettre
en appétit, du piment des concettis et des

gongorismes (Gautier). Le gongorisme de


l’école néocatholique (Renan).

goniaque [gɔnjak] adj. (de goni[on] ; 1877,


Littré). Relatif au gonion : Angle goniaque.

gonin [gɔnɛ̃] n. m. (de Gonin, n. d’un pres-


gonin [gɔnɛ̃] n. m. (de Gonin, n. d’un pres-
tidigitateur attaché à la cour de François
Ier ; v. 1534, Bonaventure Des Périers). Vx.
Employé seulement dans la loc. maître
gonin, homme rusé, fripon, fourbe :
Mlle Dubois a joué à la pauvre Durancy un
tour de maître gonin (Voltaire). Autant
qu’un rusé procureur réfléchit à quelque
tour de maître Gonin (Balzac).

gonio- [gɔnjɔ], élément tiré du gr. gônia,


angle, et entrant dans la composition de
quelques mots scientifiques.

goniomètre [gɔnjɔmɛtr] n. m. (de


gonio- et de -mètre, gr. metron, mesure ;
1783, Romé de Lisle). Instrument servant
à mesurer les angles.

goniométrie [gɔnjɔmetri] n. f. (de gonio-


et de -métrie, du gr. metron, mesure ; 1724,
Mémoires de l’Acad. des sciences [p. 241], au
sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Théorie
et technique de la mesure des angles.
‖ 2. Méthode de navigation ou d’atter-
rissage utilisant le goniomètre.

gonion [gɔnjɔ̃] n. m. (dér. savant du gr.


gônia, angle ; 1877, Littré). En anthropolo-
gie, nom donné au point de la face qui est
situé au sommet de l’angle de la mâchoire
inférieure.

gonocoque [gɔnɔkɔk] n. m. (de gono-,


élément tiré du gr. gonos, procréation,
semence génitale, organes de la généra-
tion, et de -coque, gr. kokkos, graine, pépin ;
1888, Larousse). Microbe spécifique de la
blennorragie.

gonorrhée [gɔnɔre] n. f. (bas lat. gonor-


rhoea, gr. gonorrhoia, perte séminale, de
gonos [v. l’art. précéd.], et de rheîn, couler ;
XIVe s., Gordon, écrit gomorree ; gonor-
rhée, v. 1560, Paré). Inflammation de la
muqueuse des organes génîtaux.

• SYN. : blennorragie.

gonze, esse [gɔ̃z, gɔ̃zɛs] n. (arg. ital.


gonzo, lourdaud, balourd ; 1628, Chereau,
écrit gonce, gonze, au sens de « lourdaud » ;
1684, La Fontaine, écrit gonze, au sens de
« badaud » ; sens actuel, 1821, Esnault
[gonzesse, 1811, Esnault]). Arg. Individu
en général : La taille au-dessus, encore, avec
un brin de fesse, un brin de téton et puis tout
à l’avenant, alors ça devient très bath et
c’est proprement une gonzesse (Duhamel).
• REM. On trouve aussi les formes GONCE
[v. ci-dessus], GONZIER [de gonze ; 1889,
G. Macé] et GONSESSE [fin du XIXe s.,
Huysmans] : Tous des portiers et des
lampistes, clama-t-il, et avec cela des
gonsesses en soie et des pommadins !
(Huysmans). Les deux gonces, suivis de

leurs dames, passèrent triomphants et


moqueurs (Queneau).

gord [gɔr] n. m. (gaulois *gorto-, haie ;


fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit gorg ;
v. 1265, J. de Meung, écrit gort ; gord, av.
1559, J. Du Bellay). Pêcherie formée de deux
rangs convergents de perches fixées au fond
d’une rivière, dont le sommet est fermé par
un filet où le poisson vient se prendre. (On
dit aussi GARD ou HAUTS-PARCS.)

gordien [gɔrdjɛ̃] adj. m. (du bas lat.


[nodus] gordius, [noeud] gordien, du lat.
class. Gordius, n. d’un laboureur phrygien
qui devint roi, gr. Gordios ; 1690, Furetière
[aussi au fig. ; trancher le noeud gordien,
1837, Balzac]). Noeud gordien, noeud inex-
tricable du char de Gordios qu’Alexandre
trancha au lieu de le dénouer ; et au fig.,
difficulté insurmontable. ‖ Trancher le
noeud gordien, résoudre une difficulté
d’une manière violente.

gorenflot [gɔrɑ̃flo] n. m. (de Gorenflos,


n. d’un village du département de la Somme
réputé pour la fabrication de cet entremets ;
1907, Larousse). Entremets sucré fait avec
une pâte de savarin parfumée aux noyaux,
au kirsch, etc.

goret [gɔrɛ] n. m. (dimin. de l’anc. franç.


gore, truie [XIIIe s.], de l’onomatop. gorr-,
qui évoque le grognement du porc ; 1297,
Godefroy, au sens 1 ; sens 2, 1834, Landais ;
sens 3, 1694, Th. Corneille). 1. Jeune porc.
‖ 2. Fig. et fam. Homme, garçon mal-
propre : On peut être goret tout à son aise
(Montherlant). ‖ 3. Balai plat servant à
nettoyer la carène d’un navire.

• SYN. : 1 cochonnet, porcelet ; 2 pourceau.

gorfou [gɔrfu] n. m. (peut-être du danois


goir-fugl, n. d’une espèce de pingouin ; 1760,
Brisson). Petit manchot de l’Antarctique,
caractérisé par les huppes de plumes jaunes
qu’il porte au-dessus des yeux. (On le
nomme aussi MANCHOT SAUTEUR.)

gorge [gɔrʒ] n. f. (bas lat. gurga, n. f.,


gorge [VIe s.], lat. class. gurges, gurgitis,
n. m., tourbillon d’eau, gouffre ; v. 1130,
Eneas, au sens I, 4 [prendre à la gorge, 1872,
Larousse ; rire, crier à gorge déployée, 1660,
Oudin ; faire rentrer à quelqu’un les paroles
dans la gorge, 1690, Furetière ; chanter de la
gorge, 1866, Littré] ; sens I, 1, fin du XIIe s.,
Aliscans [se couper la gorge avec quelqu’un,
1664, Molière ; tenir le pied sur la gorge à
quelqu’un, fin du XVIe s., A. d’Aubigné — ..
le poignard..., 1668, Molière ; .. le pistolet...,
1866, Littré ; tendre la gorge, 1835, Acad. ;
prendre quelqu’un à la gorge, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné — tenir..., 1538, R. Estienne ;
avoir le couteau sur la gorge, 1866, Littré] ;
sens I, 2, 1690, Furetière ; sens I, 3, fin du
XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens I, 5, 1573,
Du Puys ; sens I, 6, XIIe s. [gorge froide,
1872, Larousse ; gorge chaude, v. 1534,
B. Des Périers ; faire des gorges chaudes
de, 1690, Furetière ; rendre gorge, 1538,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2208

R. Estienne, et rendre sa gorge, v. 1530,


C. Marot — au fig., fin du XVIe s.] ; sens II,
1, 1675, Widerhold [« ouverture rétrécie de
certains objets », XIIIe s.] ; sens II, 2, 1676,
Félibien ; sens II, 3, 1704, Trévoux [« partie
la plus étroite du chapiteau dorique », 1611,
Cotgrave] ; sens II, 4, 1866, Littré ; sens II,
5, 1757, Encyclopédie).

I. 1. Partie antérieure du cou : J’étais


décidé de croire qu’il s’agissait d’une gorge
à couper (Mérimée). Avoir la gorge enflée.
Saisir quelqu’un à la gorge. ‖ Class. Se
couper la gorge avec quelqu’un, se battre
avec lui : « Je viens vous dire civilement
qu’il faut, si vous le trouvez bon, que nous
nous coupions la gorge ensemble. [...] — Je
suis votre valet ; je n’ai point de gorge à
me couper » (Molière). ‖ Fig. Tenir le
pied, le poignard, le pistolet sur la gorge
à quelqu’un, l’obliger à faire quelque
chose sous la contrainte. ‖ Fig. Tendre
la gorge, renoncer à une résistance inu-
tile. ‖ Fig. Prendre, tenir quelqu’un à la
gorge, le réduire dans un état où il ne peut
plus résister. ‖ Fig. Avoir le couteau sur
ou sous la gorge, subir une menace, une
pression irrésistible. ‖ 2. Cou d’un ani-
mal, et, spécialem., des oiseaux : C’est
une maison à pignon dont le toit d’ardoise
s’irise au soleil comme une gorge de pigeon
(France). ‖ 3. Littér. Seins d’une femme :
Son écharpe, qui vole au gré de leurs sou-
pirs, | Laisse voir les trésors de sa gorge
d’albâtre (La Fontaine). Les unes étalent
avec une insouciance aristocratique une
gorge précoce, les autres montrent avec
candeur une poitrine garçonnière (Baude-
laire). Cette fillette est d’ailleurs presque
une femme ; voyez sa gorge (Maupassant).
Dès que Swann eut, en serrant la main
de la marquise, vu sa gorge de tout près
et de haut, il plongea un regard attentif,
sérieux, absorbé, presque soucieux dans
les profondeurs du corsage (Proust).
J’avais goûté, nourrissonne, au lait de sa
gorge abondante (Colette). ‖ 4. Partie
intérieure du cou, le gosier : Avoir mal à
la gorge. Avoir la gorge sèche. ‖ Prendre à
la gorge, gêner la respiration, en parlant
d’une mauvaise odeur : Une puanteur de
ménage mal tenu prenait à la gorge (Zola).
‖ Rire, crier à gorge déployée, rire, crier
de toute sa force. ‖ Fig. Faire rentrer à
quelqu’un les paroles dans la gorge, l’obli-
ger à rétracter ce qu’il a dit. ‖ Chanter
de la gorge, chanter en étranglant le son.
‖ 5. En fauconnerie, partie supérieure
de l’estomac de l’oiseau, appelée aussi
poche. ‖ 6. Par extens. Aliment qu’on
donne à l’oiseau. ‖ Gorge froide, viande
des animaux morts, que l’on donne aux
oiseaux de proie. ‖ Gorge chaude, chair
d’animaux vivants ou récemment tués
donnée aux oiseaux de proie. ‖ Fig. Faire
des gorges chaudes, une gorge chaude de
quelqu’un, de quelque chose, s’en moquer
ouvertement, avec ostentation : On plai-
sante beaucoup la manière dont Swann

parle de sa femme, on en fait même des


gorges chaudes (Proust). ‖ Vx. Rendre
gorge, rendre sa gorge, vomir des ali-
ments : Il rendait sa gorge, quand le coeur
lui faisait mal (Malherbe) ; au fig., resti-
tuer par force ce qu’on a pris.

II. 1. Vallée étroite et encaissée : Nous


avons découvert, en aval du Rhône, une
gorge resserrée où le fleuve coule bouillon-
nant au-dessous de plusieurs moulins,
entre des falaises rocheuses coupées de
prairies (Chateaubriand). Une gorge
étroite entre deux hauts contreforts de la
sierra (Mérimée). On ne voyait au fond de
la gorge, au bout du torrent, qu’une mai-
son de garde enfoncée dans l’eau qui cou-
lait au ras des fenêtres (Proust). ‖ 2. Ar-
rière d’une fortification, opposée aux
parties frontales : La gorge d’un bastion.
Allons, monsieur, me dit-il, vous com-
mandez en chef ; faites promptement for-
tifier la gorge de la redoute avec ces cha-
riots, car l’ennemi est en force (Mérimée).
‖ 3. Moulure concave, spécialem. dans
les ouvrages d’architecture : Un égout
[...] tombait d’une gorge de pierre, usée et
souillée, à gros bruit (Zola). ‖ 4. Rainure
concave placée à la circonférence d’une
poulie et dans laquelle passe la corde.
‖ 5. Dans une serrure, pièce mobile, sou-
mise à l’action d’un ressort, qui immobi-
lise le pêne dormant et le libère par action
de la clef.

• SYN. : I, 1 gosier, quiqui (pop.), siff let


(pop.) ; 3 buste, poitrine. ‖ II, 1 couloir,
défilé, porte.

gorge-de-pigeon [gɔrʒdəpiʒɔ̃] adj. invar.


(de gorge, de et pigeon ; 1653, Havard). Se
dit d’une couleur aux reflets changeants,
comme la gorge d’un pigeon : Mme Bordin,
habillée d’une belle robe de soie gorge-de-
pigeon (Flaubert). On voyait encore un
secrétaire de citronnier, des bergères et une
ottomane garnies de damas gorge-de-pigeon
(Duhamel).

& n. m. invar. (1690, Furetière). La couleur


gorge-de-pigeon.

gorgée [gɔrʒe] n. f. (de gorge ; v. 1175,


Chr. de Troyes, écrit gorgiee, au sens de
« contenu de la tête, pensée, sentiment » ;
écrit gorgée, au sens actuel, début du XIIIe s.).
Quantité de liquide qu’on peut avaler en
une seule fois : M’agenouillant au bord de la
source, je bus une bonne gorgée (Mérimée).

gorger [gɔrʒe] v. tr. (de gorge ; v. 1220,


Coincy, écrit gorgier, au sens de « avaler » ;
écrit gorger, au sens 1, v. 1398, le Ménagier
de Paris ; sens 2, 1866, Littré [comme v. pr.,
au sens de « manger avec excès », 1657,
Pascal] ; sens 3, 1754, Ch. Bonnet [comme
v. pr., au sens de « s’emplir en abondance »,
1668, La Fontaine] ; sens 4, 1580, Montaigne
[comme v. pr., au sens de « se soûler de »,
au fig., milieu du XVIe s., Amyot]). [Conj.
1 b.] 1. Emplir jusqu’à la gorge : Gorger
une volaille. ‖ 2. Faire manger avec excès :

Les chevaux, gorgés d’avoine jusqu’aux


naseaux, eurent du mal à entrer dans les
brancards (Flaubert). ‖ 3. Fig. Remplir en
abondance : Autour de moi c’était tou-
jours la même campagne lumineuse gor-
gée de soleil (Camus). ‖ 4. Fig. Donner à
quelqu’un des avantages au-delà de ses
désirs : Et de fait, je ne rentrais à Balbec
qu’avec la première humidité matinale, seul
cette fois, mais encore tout entouré de la
présence de mon amie, gorgé d’une provi-
sion de baisers longue à épuiser (Proust).
• SYN. : 1 gaver ; 2 bourrer (fam.), repaître,
saturer ; 3 abreuver, accabler, écraser ;
4 combler, gaver, rassasier.

gorgerette [gɔrʒərɛt] n. f. (dimin. de


l’anc. franç. gorgiere, gorgerin d’une armure
[1278, Roman du Ham], dér. de gorge ; v.
1268, É. Boileau, écrit gorgerete [gorgerette,
XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1752, Trévoux).
1. Collerette de femme couvrant une
partie de la gorge : Le commencement de
votre poitrine que votre gorgerette laissait
entrevoir (Gautier). Par la guimpe entrebâil-
lée, je voyais de petites médailles d’argent
qui reluisaient au fond de la gorgerette
(Daudet). ‖ 2. Bride qui attache un bon-
net d’enfant. (Rare.)

gorgerin [gɔrʒərɛ̃] n. m. (de l’anc. franç.


gorgiere [v. l’art. précéd.] ; début du XIVe s.,
au sens 1 ; sens 2, 1678, La Fontaine ; sens
3, 1564, J. Thierry). 1. Partie inférieure
d’un casque fermé, destinée à protéger le
devant du cou. ‖ 2. Par anal. Collier épais
qui protège la gorge du chien : Témoin
maître Mouflar, armé d’un gorgerin ; |
Du reste ayant d’oreille autant que sur ma
main, | Un loup n’eût su par où le prendre
(La Fontaine). ‖ 3. Partie ornée de la
colonne ionique qui domine le chapiteau.

gorget [gɔrʒɛ] n. m. (de gorge ; 1757,


Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, 1785,
Encycl. méthodique). 1. Rabot de menui-
sier servant à faire les moulures appelées
« gorges ». ‖ 2. Moulure concave plus petite
que la gorge.

gorgone [gɔrgɔn] n. f. (bas lat. Gorgona,


n. pr., lat. class. Gorgo[n], Gorgonis, une des
Gorgones [Méduse, Sthényo et Euryalée],
filles de Phorcus, gr. Gorgô, Gorgoûs,
Gorgô ; XVIe s., comme n. pr. ; comme
n. commun, au sens 1, av. 1664, Perrot
d’Ablancourt ; sens 2, 1831, et sens 3,
av. 1885, V. Hugo). 1. Monstre de la mytho-
logie grecque dont la tête était entourée de
serpents et ornée de défenses de sanglier.
‖ 2. Sa représentation en sculpture : Le
burg brave la nue ; on entend les gorgones
| Aboyer aux huit coins de ses tours octo-
gones (Hugo). ‖ 3. Femme monstrueuse
soit par sa laideur physique, soit par sa
méchanceté : La commère qui fit cela était
une gorgone appelée Mme Victurien (Hugo).
• SYN. : 3 furie, harpie, mégère.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2209

gorgonzola [gɔrgɔ̃zɔla] n. m. (de l’ital.


Gorgonzola, n. de la bourgade italienne où
l’on fabrique ce fromage ; 1907, Larousse).
Fromage italien à moisissures internes.

gorille [gɔrij] n. m. (lat. scientif. moderne


gorilla [milieu du XIXe s.], tiré du n. plur.
gr. gorillai, qui désignait les êtres humains
velus dont Hannon [voyageur carthaginois
du Ve s. av. J.-C.] parlait dans son Périple ;
1866, Littré, au sens 1 ; sens 2, 1894, Taine ;
sens 3, v. 1955). 1. Grand singe anthropo-
morphe d’Afrique équatoriale. ‖ 2. Fam.
Homme puissant, laid et, en général,
méchant. ‖ 3. Garde du corps chargé
d’assurer la sécurité d’un homme d’État
lors de ses déplacements.

gosier [gozje] n. m. (dér., d’après gésier,


du bas lat. geusiae, geusiarum, n. f. plur.,
« joues, bords du gosier » [Ve s.], mot d’ori-
gine gauloise ; seconde moitié du XIIIe s.,
Chace dou cerf, écrit josier [gosier — peut-
être sous l’influence de l’initiale de gorge —,
1530, Palsgrave], au sens 1 [avoir le gosier
pavé, 1660, Oudin — .. blindé, XXe s. ; avoir
le gosier sec, 1704, Trévoux — .. en pente,
XXe s.] ; sens 2, 1585, Du Fail ; sens 3, 1757,
Encyclopédie). 1. Partie intérieure de la
gorge où l’arrière-bouche communique
avec l’oesophage : J’ai failli avaler une arête
plus longue et plus acérée qu’un stylet. Par
bonheur, j’ai pu la tirer à temps de mon
gosier (France). ‖ Pop. Avoir le gosier pavé,
blindé, manger, boire très chaud ou très
épicé sans en être incommodé. ‖ Avoir
le gosier sec, sentir le besoin ou l’envie de
boire. ‖ Fam. Avoir le gosier en pente, aimer
la boisson. ‖ 2. Canal par où sort la voix,
siège de la voix. ‖ À plein gosier, très fort :
Chanter à plein gosier (Leconte de Lisle).
‖ 3. Dans un orgue ou dans un soufflet
de forge, partie dans laquelle passe l’air.

gosse [gɔs] n. (origine obscure, peut-


être forme altérée de gonze [v. ce mot] ;
1796, Esnault, écrit gosse [var. gousse,
1808, d’Hautel], au sens 1 [« gamin, jeune
polisson »] ; sens 2, 1886, et sens 3, 1920,
Esnault). 1. Fam. Petit garçon ou petite
fille, avec une nuance de tendresse, de
faiblesse ou d’enfantillage : Tous les gosses
avaient des regards implorants ou navrés
(Huysmans). Des gosses, des mioches,
des bambins (Colette). De loin, des gosses
leur faisaient des signes (Montherlant).
‖ 2. Garçon ou fille considérés par rap-
port aux parents : Une femme et, peut-être,
un gosse sur les bras, il s’agit de s’en tirer
(Daudet). ‖ 3. Pop. Très jeune garçon ou
très jeune fille : Beau gosse.

• REM. On trouve parfois le fém. GOSSE-


LINE (fém. de gosselin, jeune enfant [1827,
Esnault], jeune homme [1837, Vidocq],
dér. de gosse ; 1837, Vidocq) : Personne
dans la caravane ne pense plus à la gosse-
line (Daudet).

goth ou got [go] adj. et n. (bas lat. Gothus,


Goth, sing. de Gothi, Gothorum, les Goths

[nation germanique] ; 1690, Furetière [art.


gothique]). Se dit des membres d’une des
peuplades de la Germanie ancienne : J’irai
ce matin à ma fouille : hier nous avons
trouvé le squelette d’un soldat goth et le bras
d’une statue de femme (Chateaubriand).

gotha [gɔta] n. m. (de l’allem. Gotha,


n. d’une ville d’Allemagne où se publiait
depuis 1764 un almanach célèbre concer-
nant l’aristocratie et où existaient aussi de
nombreuses industries [entre autres des
usines d’aviation] ; fin du XIXe s., au sens
I ; sens II, v. 1917).

I. L’ensemble de l’aristocratie qui figure


dans l’almanach de Gotha. ‖ Par extens.
Ensemble de notabilités.

II. Avion de bombardement allemand


pendant la Première Guerre mondiale :
C’était l’époque où il y avait continuelle-
ment des raids de gothas ; l’air grésillait
perpétuellement d’une vibration vigilante
et sonore d’aéroplanes français (Proust).

gothique [gɔtik] adj. (bas lat. gothicus,


des Goths [de Gothi ; v. GOTH], et, au début
de la Renaissance en Italie, « qui appartient
au Moyen Âge » ; fin du XVe s., au sens 1 ;
sens 2, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens 3,
1802, Chateaubriand [« qui a rapport à l’art
du Moyen Âge », 1615, Binet]). 1. Class. et
littér. Qui appartient au Moyen Âge, qui est
suranné, démodé : On dirait que Ronsard,
sur ses pipeaux rustiques, | Vient encor
fredonner ses idylles gothiques (Boileau).
Ces vieilles horloges plus gothiques et plus
ridicules que les églises où elles sont conser-
vées (France). ‖ 2. Class. Barbare, sauvage :
L’élève de Barbin [...] | Veut en vain s’oppo-
ser à leur fureur gothique (Boileau). ‖ 3. Se
dit d’une forme d’art qui s’est épanouie en
Europe du XIIe s. jusqu’à la Renaissance :
L’architecture gothique est représentée sur-
tout par les cathédrales. Sculpture gothique.
Peinture gothique.

& n. m. (1718, Acad.). Le style gothique :


Du milieu du XIIIe s. à la fin du XIVe s., le
gothique est dit « rayonnant », et à partir
du XVe s., « flamboyant ».

& adj. et n. f. (1617, A. d’Aubigné, comme


adj. ; 1866, Littré, comme n. f.). Se dit de
l’écriture en usage en Allemagne du XIVe s.
jusqu’en 1941 : Comment ! une généalo-
gie écrite sur peau de cerf en caractères
gothiques ! (Mérimée). ‖ Famille de carac-
tères utilisée en typographie, qui simulait
l’écriture des copistes : La gothique est la
plus ancienne famille de caractères.

gotique [gɔtik] n. m. (même étym.


qu’à l’art. précéd. ; 1872, Larousse, écrit
gothique ; gotique, fin du XIXe s. [langue
gothique, même sens, 1690, Furetière]).
Langue d’une traduction de la Bible, faite
au milieu du IVe s. par une communauté
chrétienne de langue germanique : Le
gotique est le seul témoin de quelque éten-

due que nous ayons des langues germa-


niques du groupe oriental.

goton [gɔtɔ̃] n. f. (abrév. de Margoton,


femme ou fille de mauvaise vie [1873,
Larousse ; comme n. pr., av. 1778, Voltaire],
dimin. de Margot, femme légère [v. 1550,
Ancien Théâtre françois ; comme n. pr.,
1373, Gace de la Bigne], hypocoristique du
prénom Marguerite ; 1809, Esnault, au sens
2 ; sens 1 [« servante »], 1821, Ansiaume).
1. Vx. Fille de la campagne, servante.
‖ 2. Fam. Fille ou femme vulgaire ou de
moeurs légères (vieilli) : Elle le voyait courir
après toutes les gotons du village (Flaubert).
Une femme déchue, goton des champs, fille
des rues ou intruse des palais (Milosz).

• SYN. : 2 gourgandine.

gouache [gwaʃ] n. f. (ital. dialect. guazzo,


gouache [proprem. « endroit où il y a de
l’eau » — ital. class. acquazzone, lat. aqua-
tio, -tionis, action de faire provision d’eau,
lieu où se trouve de l’eau, pluie, de aquari,
faire provision d’eau, faire de l’eau, dér. de
aqua, eau], employé d’abord dans la loc.
dipingere [lat. depingere, v. DÉPEINDRE]
a guazzo, peindre à la détrempe ; 1685,
Brunot, dans la loc. peinture à la guazzo,
peinture à la détrempe ; écrit gouache, au
sens 1, 1746, d’après Trévoux, 1752 ; sens
2, 1757, Encyclopédie). 1. Peinture dans
laquelle les substances colorantes sont
détrempées avec de l’eau mêlée de gomme
et rendues pâteuses par une addition de
miel. ‖ 2. Tableau peint de cette manière.

gouaché, e [gwaʃe] adj. (de gouache ;


6 nov. 1875, Revue critique, au sens 1 [goua-
cher, « peindre à la gouache », 6 oct. 1847,
Delacroix] ; sens 2-3, 1880, Huysmans).
1. Peint à la gouache. ‖ 2. Retouché à la
gouache : Aquarelle gouachée. ‖ 3. Qui
donne l’impression de la gouache : Des
troncs énormes, gouachés d’argent par des
mousses (Huysmans).

1. gouaille [gwaj] n. f. (déverbal de gouail-


ler ; 1749, Vadé). Fam. Raillerie vulgaire :
Au fait, oui... ce pauvre Ripault-Babin,
fit Danjou d’un ton de gouaille (Daudet).
Avec la même grimace où se trahit moins
l’insolence de la gouaille qu’une timidité
secrète (Bernanos). Ce dont vous souffrirez
un jour, reprit Julius un peu chatouillé par
la gouaille (Gide).

• SYN. : goguenardise (fam.), sarcasme.

2. gouaille [gwaj] n. f. (peut-être même


étym. que gouaille 1, à cause du cri,
apparemment railleur, de l’oiseau ; 1869,
A. Daudet). Dialect. Oiseau de mer : Nous
entrâmes vers le soir dans un petit port aride
et silencieux, qu’animait seulement le vol
circulaire de quelques gouailles (Daudet).

gouailler [gwaje] v. intr. (mot de la même


famille que gaver, engouer [v. ces termes],
formés sur un radical prélatin désignant
la gorge ; 1747, Vadé). Fam. Railler d’une
façon vulgaire : Cet être [le gamin de Paris]
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2210

braille, raille, gouaille, bataille [...], fouaille


de sa verve les carrefours (Hugo). Et il y a de
grandes chances, gouailla Antoine, avec un
rire forcé, pour que tous ces pauvres bougres
attendent une demi-journée, ou plus, par-
qués sur un quai de gare, avant de pouvoir
monter dans un train ! (Martin du Gard).
• SYN. : goguenarder (fam.), ironiser.

gouaillerie [gwajri] n. f. (de gouail-


ler ; 1823, Boiste [dès la fin du XVIIIe s. en
Normandie]). Plaisanterie vulgaire, sans
délicatesse : À cette légèreté, à ce ton de
gouaillerie dont le Midi traite toutes les
affaires amoureuses, se mêlait une haine
de race (Daudet). L’on sentit le besoin de réa-
gir par des gouailleries parisiennes contre
l’étouffement dont on était serré (Zola).

• SYN. : gausserie, goguenardise (fam.),


moquerie, sarcasme.

gouailleur, euse [gwajoer, -øz] adj. (de


gouailler ; 1755, Vadé, au sens 1 ; sens 2,
1872, Larousse). 1. Qui aime à gouailler :
Le pauvre Falleix, qui était si drôle, si bon
enfant, si gouailleur (Balzac). On les regar-
dait de haut, un peu gouailleurs (Dorgelès).
‖ 2. Qui est la marque d’un esprit railleur :
Il considérait les bourgeois d’un air mélan-
colique et gouailleur (Flaubert). De sa fré-
quentation avec les élèves des beaux-arts,
il avait rapporté un ton d’assurance un peu
gouailleur qui cachait une grande retenue
naturelle (Gide). Et tant mieux, lança-t-il,
à pleine voix, avec cet accent gouailleur,
normand, que prenait quelquefois son père
(Martin du Gard).

• SYN. : 1 goguenard, railleur ; 2 ironique,


moqueur, narquois.

gouailleusement [gwajøzmɑ̃] adv. (de


gouailleur ; 1881, A. Daudet). Sur un ton
gouailleur : Les questions qu’on lui adressait
gouailleusement (Daudet).

goualante [gwalɑ̃t] n. f. (part. prés. fém.


substantivé de goualer ; 1821, Esnault). Arg.
Chanson.

goualer [gwale] v. tr. et intr. (var. de


gouailler ou mot d’origine onomatop. ;
1837, Vidocq). Arg. Chanter : Allons, dégo-
sille ton couplet, je t’apprendrai, à mesure
que tu le goualeras, les nuances à observer
(Huysmans).

goualeur, euse [gwaloer, -øz] n. (de


goualer ; 1822, au masc., et 1842, au fém.,
Esnault). Pop. Chanteur, chanteuse des
rues.

gouape [gwap] n. f. (déverbal de gouaper


[v. ce mot] ; 1840, au sens de « monde des
débauchés », et 1852, au sens de « ivrogne »,
Esnault ; sens actuel, 1867, Delvau). Pop.
Mauvais sujet, capable de toutes sortes de
méfaits (désigne presque toujours un être
masculin) : Mais ce qui les enthousiasma,
ce furent les exploits du marquis de T... sor-
tant d’un bal à deux heures du matin et se
défendant contre trois mauvaises gouapes,

boulevard des Invalides (Zola). Sa casquette


de travers, son teint blafard, son oeil traqué,
le rictus de sa bouche lui donnaient soudain
une face de gouape (Martin du Gard).

• SYN. : chenapan (fam.), frappe (arg.),


voyou.

• REM. Jusqu’à la fin du XIXe s., gouape


désignait la conduite du voyou. On
employait aussi le terme GOUAPEUR aux
sens de « sans asile » (1827, Esnault, écrit
goipeur), « noceur tapageur » (1834, Es-
nault), « filou » (1867, Delvau).

gouaper [gwape] v. intr. (peut-être de


l’esp. guapo, « ruffian, galant, amoureux »,
qui aurait été empr., à l’époque de la guerre
des Flandres, de l’anc. picard wape, insi-
pide — en parlant du pain, d’une médecine
[XIIIe s. ; anc. franç. vape, affaibli — en par-
lant d’une personne], lat. vappa, vin éventé,
et, au fig., « vaurien, mauvais sujet » ; 1835,
Esnault, écrit goëper, au sens de « être sans
gîte » ; sens actuel, 1849, Bescherelle, écrit
gouepper [gouaper, 1867, Delvau]). Vx.
Vagabonder ; fréquenter les mauvais lieux :
Au milieu d’un vacarme effroyable où les
jurons, les rires [...], aboiements, gifle d’une
mère à son enfant qui gouapait, et mille
autres bruits se font entendre (France).

goudron [gudrɔ̃] n. m. (ar. égyptien


qaṭrān, goudron [ar. class. qāṭirān] ; v. 1196,
Ambroise, écrit catran [goutran — avec un
-ou- mal expliqué —, début du XIVe s. ; gou-
dran, milieu du XVIe s. ; gouderon, goidron,
début du XVIIe s. ; godron, 1650, Ménage ;
goudron, 1678, Guillet], au sens 1 [gou-
dron de pétrole, XXe s. ; goudron minéral,
1845, Bescherelle] ; sens 2, 1878, Larousse
[goudron de bois ; goudron végétal, 1872,
Larousse] ; sens 3, 1866, Littré). 1. Produit
liquide ou visqueux, noir ou brun foncé,
d’odeur empyreumatique, provenant de
la distillation de matières organiques ou
de la carburation du gaz à l’eau par les
huiles de pétrole : Je m’enivre ardemment
des senteurs confondues | De l’huile de
coco, du musc et du goudron (Baudelaire).
‖ Goudron de pétrole, ou goudron minéral,
sorte de bitume utilisé pour le revêtement
des chaussées. ‖ 2. Goudron de bois, ou
goudron végétal, produit obtenu par la car-
bonisation des bois ou par leur distillation.
‖ Eau de goudron, macération aqueuse de
goudron végétal, utilisée comme boisson
pectorale. ‖ 3. Goudron de houille, sous-
produit de la fabrication du gaz d’éclairage,
employé pour assurer la conservation du
bois ou des surfaces métalliques. (Syn. anc.
COALTAR.)

• SYN. : 3 brai.

goudronnage [gudrɔnaʒ] n. m. (de gou-


dronner ; 1669, P. D. Huet). Action de gou-
dronner ; résultat de cette action.

goudronner [gudrɔne] v. tr. (de goudron


[v. ce mot] ; milieu du XVe s., écrit goutren-
ner [goildronner, 1546, Rabelais ; gau-
dronner, 1567, Godefroy ; godronner, 1611,

Cotgrave ; goudronner, 1680, Richelet], au


sens 1 ; sens 2, 1877, Littré). 1. Enduire de
goudron : Un feu de matelots qui goudron-
naient leur bâtiment (Barbey d’Aurevilly).
Une route goudronnée. ‖ 2. Mélanger de
goudron (rare) : De l’eau goudronnée.

goudronnerie [gudrɔnri] n. f. (de gou-


dronner ; fin du XVIIe s., au sens de « art de
préparer le goudron » ; sens actuel, 1834,
Landais). Endroit où se prépare le goudron,
où il est entreposé.

goudronneur [gudrɔnoer] n. m. (de


goudronner [v. ce mot] ; 1532, Rabelais,
écrit guoildronneur ; goudronneur, 1845,
Bescherelle). Ouvrier qui prépare et utilise
le goudron pour enduire les bateaux ou
pour revêtir les routes.

goudronneuse [gudrɔnøz] n. f. (de gou-


dronner ; XXe s.). Machine servant à l’épan-
dage du goudron sur les routes.

goudronneux, euse [gudrɔnø, -øz] adj.


(de goudron ; 1841, Annales de chimie, III,
I, 69). Qui est de la nature du goudron : Un
revêtement goudronneux.

goudronnier [gudrɔnje] n. m. (de gou-


dron ; 1877, Littré). Fabricant, marchand
de goudron.

gouet [gwe] n. m. (lat. pop. *gubius, var.


masc. du bas lat. gubia [v. GOUGE 1] ; 1376,
Godefroy, écrit gouy [gouet, fin du XIVe s.],
au sens 1 ; sens 2, 1764, A. N. Duchesne).

I. Dialect. Serpe utilisée par les bûche-


rons et les vignerons.

II. Nom usuel de l’arum.

gouffre [gufr] n. m. (bas lat. colpus, golfe,


gr. kolpos, sein de la mère, entrailles, pli
d’un vêtement, sinuosité d’un littoral ;
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit
gofre [goufre, fin du XIIe s., Reclus de
Moiliens ; gouffre, XIIIe s.], au sens 1 ;
sens 2, 1538, R. Estienne ; sens 3, fin du
XIVe s., Chronique de Boucicaut ; sens 4,
av. 1525, J. Lemaire de Belges ; sens 5, 1690,
Furetière [gouffre, « dissipateur effréné »,
1611, Cotgrave — gouffre d’argent, même
sens, 1900, Dict. général] ; sens 6, fin du
XIVe s., E. Deschamps). 1. Cavité pro-
fonde et abrupte d’origine géologique :
Le gouffre de Padirac. ‖ 2. Tourbillon
déplaçant de grandes masses d’eau, qui se
creuse en forme de gouffre : Le gouffre du
Malstrom. Sa fureur | Était comme les flots
amers qu’un gouffre emporte (Banville).
‖ 3. Fig. Profondeur immense et effrayante
où tout se perd : Ce gouffre infini du néant
(Bossuet). Un immense fleuve d’oubli
nous entraîne dans un gouffre sans nom
(Renan) ; et par extens. : Toute ma nature
est un gouffre (Valéry). ‖ 4. Fig. La chute
la plus profonde, le niveau le plus bas
dans le malheur : Tomber dans un gouffre
de détresse. ‖ 5. Fig. Ce qui entraîne des
dépenses exorbitantes et inutiles sans
qu’on puisse en prévoir la fin : Ce procès
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2211

est un gouffre. Au troisième appel manqué,


on vous raye l’inscription. Soixante francs
dans le gouffre (Hugo). ‖ Par extens. Un
gouffre d’argent, un gouffre, personne qui
dilapide de l’argent, des biens : Larsonneau
se contentait de lui insinuer [à Saccard]
que sa femme était un gouffre (Zola).
‖ 6. Personne qui absorbe de grandes
quantités de nourriture : Un gouffre de
nourriture. Les hommes, déboutonnés, en
bras de chemise, la face rougie, engloutis-
saient comme des gouffres (Maupassant).
• SYN. : 1 abîme, aven ; 3 abîme, précipice ;
5 ruine, panier percé (fam.).

1. gouge [guʒ] n. f. (bas lat. gubia, burin,


gouge ; XIVe s., au sens I, 1 ; sens I, 2, 1690,
Furetière ; sens I, 3, 1866, Littré ; sens II,
1877, Littré).

I. 1. Ciseau évidé en forme de gouttière et


à tranchant semi-circulaire, pour prati-
quer des entailles, des moulures, etc. : Et
saint Joseph, très las, a laissé choir la gouge
(Heredia). ‖ 2. Outil de tourneur à partie
tranchante triangulaire. ‖ 3. Tranchet à
lame courbe, dont se sert le cordonnier
pour façonner les surfaces courbes des
talons de bois.

II. Partie des ressorts de la serrure.

2. gouge [guʒ] n. f. (anc. gascon gotja,


servante, fille [XVe s.], de l’hébreu goja,
chrétienne, servante chrétienne, fém. de
goï [v. GOY] ; av. 1493, G. Coquillart, aux
sens 1-2). 1. Vx et pop. Femme, fille. ‖ 2. Vx
et littér. Femme de mauvaise vie : Le reître
puissant, roux et velu, la gouge qui, je crois,
n’est pas là, mais qui pouvait y être, cette
fille peinte du Moyen Âge, qui suivait les
soldats avec l’autorisation du prince et de
l’Église, comme la courtisane du Canada
accompagnait les guerriers au manteau de
castor (Baudelaire).

gougelhof n. m. V. KOUGLOF.

gouger [guʒe] v. tr. (de gouge 1 ; 1767,


Duhamel du Monceau). Pratiquer une
cannelure ou une goujure avec une gouge.

gougère [guʒɛr] n. f. (origine inconnue ;


1316, Maillart, écrit gouiere [goiere, v. 1320,
Roman de Fauvel ; goyere, fin du XIVe s.,
Chr. de Pisan], au sens de « tarte au fro-
mage » ; 1655, P. Borel, écrit goyère, au sens
de « sorte de tarte » ; écrit gougère, au sens
actuel, 1752, Trévoux). Gâteau fait avec de
la farine, du beurre, des oeufs et du fromage
gras de Gruyère.

gougette [guʒɛt] n. f. (de gouge 1 ; 1757,


Encyclopédie). Petite gouge.

gougnafier [guɲafje] n. m. (dér., avec un


suff. pop. et expressif, de gouin [v. GOUINE] ;
1899, G. Esnault). Arg. Personne qui ne
sait rien faire de bien : C’est du travail de
gougnafier !

gougnettes [guɲɛt] n. f. pl. (mot régional


du sud du Massif central, d’origine obscure ;

1962, Larousse). Dialect. Dans le Quercy,


sorte de beignets sucrés.

gouine [gwin] n. f. (fém. du moyen franç.


goin, lourdaud [XVe s., Godefroy], dér. de
l’hébreu goï, chrétien [v. GOY] ; av. 1665,
Muse normande, au sens de « salope » ;
sens 1, 1675, Widerhold ; sens 2, 1928,
Lacassagne). 1. Vx. Femme de mauvaise
vie, coureuse : Que la vieille Thémis ne
soit plus qu’une gouine (Hugo). ‖ 2. Auj.
Homosexuelle.

• REM. Le masculin GOUIN, mauvais


garnement, homme débauché (1821,
Des-granges — aussi « matelot d’une
mauvaise tenue », 1845, Bescherelle), est
extrêmement rare.

goujat [guʒa] n. m. (anc. gascon gojat,


jeune homme [XIVe s.], dér. de gotja [v.
GOUGE 2] ; XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens
2, 1688, La Fontaine ; sens 3, 1676, Félibien ;
sens 4, v. 1720, Mme de Caylus). 1. Vx. Valet
d’armée : L’officier sans épée devant qui
l’insolent vainqueur fait défiler jusqu’au
dernier goujat de son armée (Sainte-Beuve).
Mais, cette fois, ce sont des armes de gou-
jats, | Lassos plombés, couteaux catalans,
navajas, | Qui frappent le héros, sur qui
cette famille | De monstres se reploie et se
tord et fourmille (Hugo). ‖ Class. et péjor.
Personne de basse condition : Ils [les rai-
sins] sont trop verts, dit-il, et bons pour des
goujats (La Fontaine). ‖ 2. Valet : Mais il
ne lui rapporte pas le peu qu’il ferait s’il
était goujat de ferme (Gide). ‖ 3. Dialect.
Apprenti maçon, aide-maçon : Le pape fait
en ce moment même refaire la partie tombée
du Colisée ; une demi-douzaine de goujats
sans échafaudage redressent le colosse sur
les épaules duquel mourut une nation chan-
gée en ouvriers esclaves (Chateaubriand).
‖ 4. Homme grossier, qui manque du plus
élémentaire savoir-vivre : Je voyais ce gou-
jat qui me riait au nez (Maupassant). La
dame le prit de haut. Elle se leva, toisa le
malembouché et lui dit : « Monsieur vous
êtes un goujat » (Aymé).

• SYN. : 3 butor, malappris, malotru,


mufle (fam.), pignouf (pop.). — CONTR. :
3 gentleman.

• REM. Le fém. GOUJATE (fin du XVIe s., A.


d’Aubigné [var. gouyatte, av. 1549, Mar-
guerite de Navarre]) appartient encore à
la langue parlée.

goujaterie [guʒatri] n. f. (de goujat ;


1611, Cotgrave, au sens de « ensemble
des valets d’armée » ; sens actuel, 1853,
Flaubert). Caractère ou action du goujat :
Depuis le snobisme le plus naïf et la plus
grossière goujaterie, jusqu’à la plus fine
politesse (Proust). Et que sans un souffle
de cette littérature, soeur de la politesse, la
vie retombe assez vite à la goujaterie et à
l’abjection (Duhamel).
• SYN. : grossièreté, incorrection, muflerie
(fam.). — CONTR. : correction, délicatesse,
distinction, politesse, savoir-vivre, tact.

1. goujon [guʒɔ̃] n. m. (lat. gobionem,


accus. de gobio, goujon [petit poisson] ;
v. 1398, le Ménagier de Paris [avaler le gou-
jon, 1740, Acad. — d’abord au sens de « faire
contre mauvaise fortune bon coeur », fin
du XVIe s., A. d’Aubigné]). Poisson comes-
tible, de la famille des cyprinidés, vivant en
troupes dans les rivières sablonneuses : De
vertes berges, | Avec l’auberge | Et les fritures
de goujons (France). ‖ Vx et fam. Avaler le
goujon, croire une bourde.

2. goujon [guʒɔ̃] n. m. (de gouge 1 ; v. 1170,


Fierabras, au sens 1 [« tige métallique ser-
vant à assembler deux pièces de machines
et dont les extrémités sont filetées », 1845,
Bescherelle ; « tringle terminant une grille
et servant à la sceller dans le mur », 1962,
Larousse] ; sens 2, 1829, Boiste ; sens 3, 1690,
Furetière). 1. Cheville de bois ou de métal
servant à assembler certaines pièces de
charpente, de maçonnerie. ‖ Tige métal-
lique servant à assembler deux pièces et
dont les extrémités sont filetées : La culasse
d’un moteur est fixée au cylindre par des
goujons. ‖ Tringle terminant une grille
et servant à la sceller dans le mur. ‖ 2. En
menuiserie, syn. de TOURILLON. ‖ 3. Petite
gouge de sculpteur.

goujonnage [guʒɔnaʒ] n. m. (de goujon-


ner ; 1930, Larousse). Action d’assembler à
l’aide de goujons.

goujonner [guʒɔne] v. tr. (de goujon 2 ;


milieu du XIVe s., écrit goujonnier ; goujon-
ner, 1467, Godefroy). Assembler à l’aide
de goujons.

goujonnier [guʒɔnje] n. m. (de goujon


1 ; 1845, Bescherelle). Petit épervier dressé
pour la pêche du goujon.

goujonnière [guʒɔnjɛr] adj. f. (de goujon


1 ; 1866, Littré [perche goujonnière ; goujon-
nière, n. f., même sens, 1845, Bescherelle]).
Perche goujonnière, nom vulgaire de la gré-
mille commune.

& n. f. (1962, Larousse). Récipient pour


transporter des poissons vivants.

goujonnoir [guʒɔnwar] n. m. (de goujon-


ner ; 1907, Larousse). Sorte de crapaudine
servant à supporter le travail qu’exécute
le tonnelier.
goujure [guʒyr] n. f. (de gouger ; 1694,
Th. Corneille). En termes de marine,
cannelure des pommes en bois, caisses de
poulie, etc., pour recevoir une estrope ou
un anneau de filin : Certaines poulies ont
deux goujures.

goulasch ou goulache [gulaʃ] n. m.


(allem. Gulasch, du hongrois gulyas,
goulasch ; 1907, Larousse, écrit goulache
[comme n. f.] ; écrit goulasch et goulache,
1930, Larousse, comme n. f., et 1962,
Larousse, comme n. m. [le n. m. goulyas
— 1907, Larousse — était empr. directement
du hongrois]). Ragoût de boeuf apprêté à
la manière hongroise, avec des épices,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2212

notamment du paprika, et cuit pendant


plusieurs heures.

1. goule [gul] n. f. (ar. gūl, n. d’un démon


du désert [il s’agit souvent d’un démon
femelle] ; 1821, Nodier). Génie qui, d’après
les superstitions orientales, dévore les
cadavres dans les cimetières : Dans quel
cimetière cette jeune goule a-t-elle déterré
ce cadavre ? (Balzac).

2. goule [gul] n. f. (forme anc. de gueule


[v. ce mot] ; XIe s., comme mot triv. ;
1808, d’Hautel, comme mot pop. ; 1821,
Desgranges, comme mot enfantin ou fam.).
Fam. Autre forme, employée par euphé-
misme, de gueule : Rire largement, à goule
distendue (P. Fort).

goulée [gule] n. f. (de goule 2 ; v. 1175,


Chr. de Troyes, écrit golee [goulée, XIIIe s.],
au sens 1 [d’une goulée, fin du XIXe s.,
A. Daudet] ; sens 2, 1925, Genevoix).
1. Class. Grosse bouchée : Ce maudit ani-
mal vient prendre sa goulée | Soir et matin
(La Fontaine). ‖ Auj. et fam. La plus grosse
quantité d’aliment — principalement de
boisson — qu’on peut avaler en une seule
fois : Avaler une assiettée de soupe en
quelques goulées. ‖ D’une goulée, d’un
seul trait : Corentine, stupéfaite, apportait
le verre, que le frotteur but d’une goulée,
appuyé sur son bâton, les yeux dilatés de
joie (Daudet). ‖ 2. Quantité d’air qu’on
peut aspirer en une seule fois : Une goulée
d’air frais. Et là, redressant toute sa taille,
énorme soudain, aspirant à goulées déses-
pérées l’odeur de misère et de cendres qu’il
reconnaissait, il écouta monter en lui le
flot d’une joie obscure et haletante qu’il ne
pouvait nommer (Camus).

• SYN. : 1 bouchée, coup (fam.), gorgée, lam-


pée (fam.), trait.

goulet [gulɛ] n. m. (de goule 2 ; v. 1354,


Modus, au sens de « entrée étroite du filet
à perdrix » ; sens 1 [« passage étroit »],
1555, Journ. du sire de Gouberville ; sens
2, 1962, Larousse [« passage étroit faisant
communiquer un port avec la haute mer »,
1743, Trévoux — d’abord « embouchure
d’un fleuve », v. 1570, Carloix] ; sens 3,
v. 1960 ; sens 4, 1962, Larousse ; sens 5,
1759, Richelet). 1. Passage resserré entre
des montagnes ou des rochers : Les grands
et les petits goulets du Dauphiné. S’efforcer
de parvenir à la cote moins huit cents, au
risque de se trouver la tête coincée dans un
goulet rocheux (un siphon, comme disent
ces inconscients !), me paraissait l’exploit
de caractères pervertis ou traumatisés
(Camus). ‖ 2. Bras de mer resserré entre
deux rivages. ‖ Passage étroit faisant
communiquer un port avec la haute mer :
Le goulet de la rade de Brest. ‖ 3. Goulet
d’étranglement, v. ÉTRANGLEMENT et aussi
GOULOT et la Rem. sous ce mot. ‖ 4. En
termes de manutention, syn. de GOULOTTE.
‖ 5. Ouverture resserrée en forme de cône

dans les filets de pêche par où s’introduit


le poisson sans pouvoir en sortir.

• SYN. : 2 chenal, passe.

• REM. Goulet, attesté au XVIIe s. (av. 1613,


M. Régnier) dans le sens de « col de bou-
teille », n’est plus employé.

goulette [gulɛt] n. f. (de goule 2 ; 1611,


Cotgrave [en architecture, 1866, Littré]).
Syn. de GOULOTTE (au sens 1).

gouliafre [guljafr] adj. et n. (de goule 2 ;


1630, Chapelain). Pop. Se dit d’une per-
sonne gloutonne : Par exemple, la momi-
gnarde qui tète est fameusement gouliafre
(Hugo).

• REM. On trouve aussi la forme GOU-


LAFRE (1821, Desgranges [d’abord
comme n. du Diable, XIIIe s., Du Cangè]).

goulot [gulo] n. m. (de goule 2 ; 1596,


Guénoys, au sens de « conduit d’un égout » ;
sens 1, 1611, Cotgrave [boire au goulot, 1877,
Zola] ; sens 2, 1616, Ancien Théâtre françois
[se rincer le goulot, XXe s.] ; sens 3, 29 avr.
1964, le Monde [« passage difficile d’une
classe à la classe supérieure, à cause du trop
grand nombre d’élèves », 20 oct. 1959, l’Uni-
versité syndicaliste]). 1. Col de tout vase
dont l’entrée est étroite : Un lys trempait
dans un vase à long goulot (Fromentin).
‖ Boire au goulot, boire en portant le gou-
lot d’une bouteille à ses lèvres : Il [Bijard]
posait un litre d’eau-de-vie près de son étau
de serrurier, buvant au goulot toutes les
demi-heures (Zola). ‖ 2. Pop. La bouche, le
gosier. ‖ Se rincer le goulot, boire. ‖ 3. Fig.
Goulot d’étranglement, en termes d’écono-
mie politique, passage difficile qui retarde
l’écoulement des marchandises : L’arrivée
massive de marchandises importées pro-
voque des goulots d’étranglement sur le
marché intérieur ; par extens., tout resser-
rement qui empêche une progression, un
écoulement normal : Le resserrement de la
hiérarchie forme un goulot d’étranglement
dans la pyramide des salaires. (V. REM.)
• REM. Dans le vocabulaire contempo-
rain, goulot tend à se substituer à gou-
let dans un certain nombre d’emplois
figurés.

goulotte [gulɔt] n. f. (de goule 2 ; 1872,


Larousse, au sens 1 [en termes d’architec-
ture, 1694, Th. Corneille] ; sens 2, début
du XXe s.). 1. Petite rigole taillée dans la
pierre ou dans le bois pour permettre
l’écoulement des eaux : Les goulottes
d’une fontaine. ‖ Spécialem. En termes
d’architecture, rigole taillée sur la cimaise
d’une corniche pour faciliter l’écoule-
ment de l’eau de pluie. (Syn. GOULETTE.)
‖ 2. Conduit incliné quelconque qui sert
au passage de matières entraînées par la
gravité ou par l’eau : Le lavage où tombaient
par des goulottes de bois les toisons triées
(Hamp). [On dit aussi, en ce sens, GOULET.]

goulu, e [guly] adj. et n. (de goule 2 ;


av. 1493, G. Coquillart, au sens 1 ; sens 2,

milieu du XVIe s., Amyot). 1. Qui avale les


aliments avec avidité : Un homme goulu. Un
goulu. ‖ 2. Qui est impatient de manger :
Elle souffletait la chèvre, elle dispersait les
poules [...]. Mais les bêtes [...] revenaient
plus goulues, sautaient sur elle, l’envahis-
saient (Zola).

• SYN. : 1 glouton, goinfre, gourmand,


vorace ; 2 avide. — CONTR. : 1 frugal, sobre ;
2 blasé, saturé.
& adj. (sens 1, 1662, Molière ; sens 2, 1652,
Scarron). 1. Class. et littér. Avide : Cette
amitié goulue, | Qui n’en veut que pour
soi (Molière). Sans doute les continuelles
dépenses [...], ce besoin goulu de plaisir
était le chancre qui dévorait l’usine (Zola).
‖ 2. Qui manifeste l’avidité : On l’entendait
téter avec un halètement goulu (Rolland).
& goulues n. f. pl. (abrév. de tenailles gou-
lues, même sens [1845, Bescherelle] ; 1866,
Littré). Tenailles de serrurier à grandes
mâchoires.

goulûment [gulymɑ̃] adv. (de goulu ;


1546, Vaganay, au sens 1 ; sens 2, milieu
du XVIe s., Ronsard). 1. De façon goulue :
Il renversa la tête et but goulûment, à la
régalade (Dorgelès). ‖ 2. Avec avidité : Il
se précipite goulûment sur tout ce qui peut
le distraire (Gide).

goum [gum] n. m. (ar. maghrébin gūm,


troupe, tribu [ar. class. qaum] ; 1845,
Bescherelle). Autref. Formation militaire
supplétive recrutée parmi les populations
autochtones d’Algérie et du Maroc : Le len-
demain, au jour levant, Si-Sliman appela
sous les armes le ban et l’arrière-ban de son
goum, et s’en alla à Alger avec ses cavaliers
pour remercier le gouverneur (Daudet).

goumier [gumje] n. m. (de goum ; milieu


du XIXe s.). Militaire qui fait partie d’un
goum.

goupie [gupi] n. m. (lat. scientif. moderne


goupia [glabra], goupia, probablem. adap-
tation d’un mot guyanais ; 1872, Larousse).
Bois d’oeuvre fourni par le goupia, qui croît
en Guyane.

goupil [gupi] n. m. (bas lat. vulpīculus,


renard, forme masc. du lat. class. vulpēcula,
n. f., petit renard, dimin. de vulpes, vulpis,
n. m., renard ; début du XIIe s., Pèlerinage de
Charlemagne, écrit golpilz ; goupil, XIIIe s.,
Roman de Renart). Vx. Renard.

• REM. Le mot ne se rencontre plus que


dans des textes archaïsants. Depuis le
XIIIe s., le n. pr. Renard, devenu nom
commun, l’a supplanté, et Goupil est de-
venu un nom propre appliqué au renard.

goupillage [gupijaʒ] n. m. (de goupiller ;


1907, Larousse). Action de goupiller : Le
goupillage d’une grenade.

goupille [gupij] n. f. (de goupil [cf. les


nombreuses acceptions techniques de
n. d’animaux] ; début du XVe s. [« broche
formant clavette et servant à maintenir
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2213

ferme les chevilles », 1866, Littré]). Cheville


métallique servant à maintenir un assem-
blage de pièces qui se traversent ou s’em-
boîtent l’une dans l’autre : Goupille conique,
cylindrique. ‖ Par extens. Broche formant
clavette et servant à maintenir ferme les
chevilles.

goupiller [gupije] v. tr. (de goupille ;


1671, Chérubin, au sens 1 ; sens 2 [plutôt
var. de goupiner — v. ce mot — que dér. de
goupille], 1916, Esnault). 1. Fixer par des
goupilles, munir de goupilles : Goupiller
un essieu. ‖ 2. Fig. et pop. Faire, organi-
ser, combiner : Comment goupilles-tu ton
affaire ?

& se goupiller v. pr. (sens 1, XXe s. ; sens 2


[probablem. var. de goupiner — v. ci-des-
sus], 1900, Esnault). 1. Être fixé par une
goupille ; et au fig. : Dans un univers où
chaque pièce, chaque mouvement se gou-
pille, s’enclenche, se transmet si étroite-
ment, allez donc chercher le responsable
(Arnoux). ‖ 2. Fig. et pop. Se dérouler,
s’arranger : La façon dont s’ goupille la
guerre (Barbusse). On peut dire que ça se
goupille mal (Romains).

goupillon [gupijɔ̃] n. m. (altér. et élar-


gissement, d’après écouvillon [v. ce mot],
de l’anc. franç. guipon, goupillon [attesté
seulement en 1342, Godefroy], du francique
*wisp, bouchon de paille ; v. 1170, Saint-
Pair, écrit guipellon [guipillon, XIIIe s., Dict.
général ; goupillon, v. 1460, Villon], au sens
1 ; sens 2, 1835, Th. Gautier ; sens 3, 1611,
Cotgrave). 1. Instrument liturgique avec
lequel l’officiant asperge d’eau bénite : Le
prêtre secouait son goupillon et marmottait
des oraisons (Flaubert). ‖ 2. Vx et péjor. Le
parti clérical : Siècles du goupillon, du froc,
de la cagoule (Leconte de Lisle). « Monsieur
l’abbé, dit-il, je suis d’une famille de prêtres
et de soldats [...]. — Je crois bien que nous
faisons ici l’alliance du sabre et du gou-
pillon » (France). ‖ 3. Brosse cylindrique
à long manche, pour nettoyer les bouteilles
et autres récipients.
• SYN. : 1 aspersoir.

goupiner [gupine] v. tr. et intr. (de gous-


pin [v. ce mot] ; XVIIIe s., Esnault [var. gous-
piner, 1799, Esnault ; « travailler dur », 1821,
Ansiaume]). Arg. Travailler : Apprendre à
goupiner.

1. gour [gur] n. m. (mot ar., plur. de gara,


butte ; fin du XIXe s.). Butte à sommet tabu-
laire et à flancs abrupts, qu’on trouve au
Sahara.

2. gour, gourd ou gourg [gur] n. m. (lat.


gurges, gurgitis, tourbillon d’eau, gouffre ;
v. 1112, Voyage de saint Brendan, écrit
gort, aux sens du lat. ; sens actuel, XIIe s.,
Partenopeus de Blois, écrit gors [gour,
gourd, XVIe s. ; gourg, XXe s.]). Dans le Midi
et la région des Alpes, partie creuse d’un
cours d’eau où il reste de l’eau par temps
de sécheresse.

gourance [gurɑ̃s] ou gourante [gurɑ̃t]


n. f. (de [se] gourer ; 1913, Esnault, écrit gou-
rance [d’abord « soupçon », 1899, Esnault] ;
gourante, 1951, Queneau). Pop. Erreur :
Faire des gourances dans son travail.

gourbi [gurbi] n. m. (ar. d’Alger gurbi, ar.


class. qurbā, proprem. « parenté » ; 1841, au
sens 1, 1855, au sens 2, et 1879, au sens 3,
Esnault). 1. En Afrique du Nord, habitation
rudimentaire des Arabes, faite en géné-
ral de chaume ou de torchis : Ces villages
arabes de la plaine sont tellement enfouis
dans les cactus et les figuiers de Barbarie,
leurs gourbis de terre sèche sont bâtis si ras
du sol que nous étions au milieu du douar
avant de l’avoir aperçu (Daudet). ‖ 2. Arg.
mil. Abri sommaire. ‖ 3. Par extens. Toute
habitation sommaire et inconfortable.

• SYN. : 3 baraque (fam.), bicoque (fam.),


cabane, galetas, masure, taudis.

gourbiller [gurbije] v. tr. (d’une var.


régionale de corbeille [la forme du trou
gourbillé évoquant celle d’une corbeille] ;
1845, Bescherelle). En termes de marine,
élargir l’entrée d’un trou pour y loger la
tête d’un clou ou d’une vis.

1. gourd, e [gur, -urd] adj. (lat. gurdus,


balourd, lourdaud [mot probablem. d’ori-
gine ibère], d’où, en gallo-roman, « engourdi
par le froid » et « gros, bien nourri » ; v. 1112,
Voyage de saint Brendan, écrit gurt, au sens
de « sans mouvement » [en parlant de l’air] ;
écrit gourd, au sens 1, v. 1160, Roman de
Tristan ; sens 2, 1498, Picot [n’avoir pas les
mains gourdes, av. 1672, G. Patin ; n’avoir
pas les bras gourds, 1665, La Fontaine]).
1. Engourdi par le froid, surtout en parlant
de la main : Ses doigts blessés demeuraient
gourds (Duhamel). ‖ 2. Fig. Maladroit :
Les gestes gourds de la toute petite enfance
(Daudet). De ma vie je ne m’étais senti
plus gourd, plus déplacé, plus muet (Gide).
‖ N’avoir pas les mains gourdes, être habile
à prendre. ‖ N’avoir pas les bras gourds,
être prompt à frapper.

• SYN. : 1 ankylosé, engourdi ; 2 empaillé


(fam.), empoté (pop.), gauche, godiche
(fam.), malhabile.

2. gourd n. m. V. GOUR 2.

1. gourde [gurd] n. f. (même mot que


gourde 2, la bosse produite par le coup
ayant été comparée à une courge ; 1784,
Beaumarchais). Vx. Coup qui engourdit :
Je me suis donné contre la grille une si fière
gourde (Beaumarchais).

2. gourde [gurd] n. f. (altér. de l’anc.


franç. coorde, citrouille [XIIIe s.], lat. cucur-
bita, courge ; XIIIe s., Ascher, écrit gorde
[gourde, 1377, Lanfranc], au sens 1 ; sens
2, 1829, Balzac). 1. Vx. Espèce de courge,
de plus petite taille que la citrouille, et qui,
séchée et vidée, sert de récipient pour la
boisson : Et que serait-ce donc | S’il fût
tombé de l’arbre une masse plus lourde, | Et
que ce gland eût été gourde ? (La Fontaine).

Une mère allaite, le sein nu et noir comme


une gourde brunie par l’usage (Zola).
‖ 2. Récipient portatif, recouvert généra-
lement d’une matière isolante, destiné à
transporter de la boisson : Mon père, ému,
tendit à son housard fidèle | Une gourde de
rhum qui pendait à sa selle, | Et dit : « Tiens,
donne à boire à ce pauvre blessé » (Hugo).
• SYN. : 1 calebasse ; 2 bidon.

3. gourde [gurd] n. f. (emploi ironique


de gourde 2, avec influence sémantique de
l’adj. gourd ; 1891, Huysmans). Personne
à l’esprit lent, niaise, stupide : Quant aux
gourdes armoriées, aux noblaillons qui
croupissent dans les châteaux des alen-
tours... (Huysmans). Pradel, concevez-vous
ce garçon qui plante là son rôle [...] et va
se suicider comme une gourde ? (France).
& adj. (1936, Aragon). Stupide, maladroit :
Il a l’air gourde. Quelles bonnes réponses
collectives j’aurais pu donner dans cette
petite revue particulière [...] que j’ai été
bien gourde de ne pas lancer (Gide). ‖ Fam.
Bête : On m’excusera, mais je trouve ça plu-
tôt gourde (Colette).

4. gourde [gurd] n. f. (abrév. de piastre


gourde, monnaie d’argent espagnole valant
un ancien écu de France [1721, Trévoux],
expression où gourde vient de l’esp. gordo,
adj. signif. proprem. « gros » et souvent
employé pour qualifier des pièces de mon-
naie importantes [par opposition à chico,
petit], lat. gurdus, lourd, d’où « bien nourri,
gros » [v. GOURD] ; 1835, Acad., au sens de
piastre gourde ; sens actuel, XXe s.). Unité
monétaire principale de la république
d’Haïti.

• REM. On dit plus couramment PIASTRE.

gourdiflot [gurdiflo] n. m. (de gourde 3,


avec un suff. expressif ; 1922, Proust). Pop.
Personne très stupide, très gourde : Le Livre
des Signes ! Véga, jeune homme !... Notre
salut ! y pensez-vous, gourdiflot !... (Céline).

1. gourdin [gurdɛ̃] n. m. (ital. cordino,


petite corde, gourdin [sans doute parfois
altéré en *gordino], dimin. de corda, corde,
lat. chorda, tripe, corde d’un instrument de
musique, ficelle, gr. khordê, mêmes sens ;
XVIe s., Jal, écrit gordin [gourdin, 1642,
Oudin], au sens 1 ; sens 2, début du XVIIe s.
[écrit gourdin]). 1. Vx. Corde pour châtier
les forçats. ‖ 2. Gros bâton court, servant
à frapper : Coupeau avait un gourdin qu’il
appelait son éventail à bourrique : et il
éventait la bourgeoise, fallait voir ! (Zola).
• SYN. : 2 massue, matraque, trique.

2. gourdin [gurdɛ̃] n. m. (de gourde


4 ; 1872, Larousse, au sens de « quart de
piastre » ; sens actuel, XXe s.). Sous-unité
monétaire de la république d’Haïti, valant
un quart de gourde.

goure [gur] n. f. (déverbal de gourer ; 1562,


Esnault, au sens de « simulation » ; sens 1,
1723, Savary des Bruslons ; sens 2, 1821,
Ansiaume ; sens 3, 1803, Boiste). 1. Vx. En
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2214

pharmacie, drogue falsifiée. ‖ 2. Arg. et


vx. Falsification. ‖ Solir à la goure, vendre
de la marchandise sans valeur. ‖ 3. Pop. et
vx. Chose sans valeur.
gourer [gure] v. tr. (sans doute du radical
péjor. gorr-, qu’on retrouve dans goret [v. ce
mot] ; XIIIe s., Romania [XII, 227], au part.
passé, écrit gorré [gouré, v. 1460, Villon], au
sens 2 [à l’infin., 1866, Littré] ; sens 1, 1845,
Bescherelle). 1. Vx. Falsifier une drogue.
‖ 2. Pop. Tromper.

& se gourer v. pr. (1807, Esnault). Pop. Se


tromper, faire erreur : Je vais leur montrer
qu’ils se sont gourés (Dorgelès). Toutefois,
comme il insistait un peu lourdement sur le
fait que, sans ces lignes-là, il ne m’eût jamais
cru capable de pénétrer si profond dans ce
qui était sa propre psychologie, j’avoue que
je m’en sentis assez vexé, et que je ne pus me
retenir de lui montrer à quel point il se gou-
rait touchant ma finesse d’esprit (Aragon).
• SYN. : s’abuser, se méprendre.

goureur [guroer] n. m. (de gourer ; 1562,


Esnault). Vx. Personne qui trompe sur la
marchandise.

gourg n. m. V. GOUR 2.

gourgandinage [gurgɑ̃dinaʒ] n. m. (de


gourgandiner ; 1888, Villatte). Conduite de
gourgandine : Que n’auraient-ils pas donné
pour la prendre en gourgandinage (Daudet).

gourgandine [gurgɑ̃din] n. f. (mot dia-


lectal du centre et du midi de la France, sans
doute composé des radicaux de gourer et
de l’anc. franç. gandir [v. GOURER, GANDIN,
et l’anc. franç. gore, truie — XIIIe s.] ; 1640,
Oudin, au sens 1 ; sens 2, 1694, Boursault).
1. Fam. Femme de mauvaise vie, cou-
reuse : Il faudra être sage, ne pas faire la
gourgandine (Zola). ‖ 2. Vx. Corsage lacé
par-devant, à la mode au XVIIe s.

• REM. On rencontre rarement le masc.


GOURGANDIN (surtout dialectal ; début
du XXe s.) : Chassieux ! Morveux ! Mi-
teux ! Pilleux ! Suçons ! Gourgandins !...
qu’elle les engueulait (Céline).

gourgandiner [gurgɑ̃dine] v. intr. (de


gourgandine ; 1867, Delvau). Fréquenter les
gourgandines, avoir une conduite de gour-
gandine : Ah ! les jeunes gourgandinent,
enragées d’amour, et courent de longues pré-
tentaines au sortir des lavoirs (Huysmans).

gourgouran [gurgurɑ̃] n. m. (angl. gor-


goran, var. anc. de grogram, sorte d’étoffe à
gros grains faite avec de la soie et du poil de
chèvre, lui-même var. de grograyn, même
sens [milieu du XVIe s.], empr. du franç.
gros-grain [v. ce mot] ; 1757, Encyclopédie
[le Dict. général, Bonnafé, etc., indiquent, à
tort, que le mot se trouve déjà dans Savary
des Bruslons, 1723]). Étoffe de soie brochée,
originaire des Indes.

gourmade [gurmad] n. f. (de gour-mer ;


1599, Montlyard, au sens 1 ; sens 2, 1767,
d’Alembert). 1. Vx et fam. Coup de poing,

et, spécialem., coup donné sur la figure : On


se donna des gourmades dans le sanctuaire
de la justice (Voltaire). Quelques serviteurs
zélés qui criaient son nom reçurent des
gourmades (Chateaubriand). Il n’y a pas de
loge de portière où l’on ait échangé plus de
gourmades qu’à l’Académie (Zola). ‖ 2. Vx
et fig. Coup moral porté à un adversaire.

gourmand, e [gurmɑ̃, -ɑ̃d] adj. et n.


(peut-être de même origine que gourmet
[v. ce mot] ; 1354, Isambert, au sens 2 [« qui
se sert à table et mange avec avidité », 1690,
Furetière] ; sens 1, 1735, Marivaux [« qui
aime certains mets », 1866, Littré] ; sens 3,
1550, Ronsard). 1. Qui goûte la bonne chère
en connaisseur, gourmet : Les gourmands
perdent la moitié de leur temps à être en
peine de ce qu’ils mangeront (Marivaux).
‖ Par extens. Qui aime certains mets : Être
gourmand de gibier. ‖ 2. Qui aime la bonne
chère et mange en quantité : Un bonheur
subtil de gourmand repu (Colette). ‖ Qui
se sert à table et mange avec avidité : Les
gourmands cherchent toujours les plus gros
morceaux. ‖ 3. Fig. Avide de connaître, qui
aime : Je suis gourmand de vos ouvrages
(Voltaire).

• SYN. : 1 gastronome ; 2 glouton, goinfre,


goulu (fam.), gueulard (pop.) ; 3 amoureux,
enragé (fam.), fanatique, friand, mordu
(fam.), passionné.

& adj. (sens 1, 1660, Molière ; sens 2,


XXe s.). 1. Qui manifeste la gourmandise :
Des regards gourmands. Puis il acheva son
café, d’une lèvre gourmande (Zola). ‖ 2. Fig.
Qui révèle le désir de connaître : D’une
voix humide et gourmande, Barbe se mit à
chuchoter des choses qu’il [le curé] devait
mettre cinq ans à désapprendre (Aymé).
& gourmand n. m. (1700, d’après Trévoux,
1721 [d’abord branche gourmande, 1688,
Miege]). Rameau inutile poussant au-des-
sous d’une greffe ou d’une branche à fruit :
Des rosiers étaient mal taillés ; certains, à
végétation puissante, restaient encombrés
de bois mort ; des gourmands en épuisaient
d’autres (Gide).

gourmander [gurmɑ̃de] v. intr. (de gour-


mand ; XIVe s., La Tour-Landry). Class. Se
livrer à la gourmandise : Dirons-nous que
la nature [...] nous ait donné des ventres
insatiables, afin que les animaux [...] les
plus voraces [...] nous cèdent la gloire de
gourmander (Malherbe).

& v. tr. (sens I et II, 2, fin du XIVe s.,


E. Deschamps [aussi « tyranniser »] ; sens II,
1, 1611, Cotgrave ; sens II, 3, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné).

I. Dévorer avec avidité, épuiser : Je crains


que l’air de Grignan ne vous gourmande
(Sévigné).

II. 1. Class. et littér. Traiter durement


un cheval : Un cavalier qui gourmande
la bouche de son cheval en fait bientôt
une rosse (Fénelon). Gourmandant les
chevaux ainsi que de raison (Verlaine).

‖ 2. Class. Maîtriser, dominer : Circé


[...] gourmandant la nature au gré de son
caprice (Voltaire). ‖ Class. et fig. Tyran-
niser : Je hais fort les affaires, je trouve
qu’elles nous gourmandent beaucoup (Sé-
vigné). ‖ 3. Réprimander avec dureté ou
vivacité (dans la langue soutenue) : Gour-
mander un écolier. Le séjour à Sainte-
Pélagie fit du mal à M. Carrel : enfermé
avec des têtes ardentes, il combattait leurs
idées, les gourmandait, les bravait, refu-
sait noblement d’illuminer le 21 janvier
(Chateaubriand). Girolamo, en disant à
un ami « ses vérités », lui sait gré de lui ser-
vir ainsi de comparse et de lui permettre
de jouer, en le « gourmandant pour son
bien », un rôle honorable, presque éclatant
(Proust).

• SYN. : II, 3 admonester, attraper (fam.),


chapitrer (fam.), corriger, gronder, hous-
piller (fam.), morigéner, secouer (fam.),
sermonner, tancer.

gourmandeur, euse [gurmɑ̃doer, -øz]


adj. et n. (de gourmander ; début du XVIe s.,
au sens de « glouton » ; sens actuel, début
du XXe s.). Qui a l’habitude de gourman-
der, qui aime faire des réprimandes (peu
usité) : Ajouterai-je que, dès le milieu de
l’âge, il était devenu sentencieux, grondeur,
gourmandeur (Duhamel).

gourmandise [gurmɑ̃diz] n. f. (de gour-


mand ; fin du XIVe s., Chr. de Pisan, écrit
gormandise [gourmandise, 1488, Mer des
histoires], au sens 1 [var. gourmandie,
1342, J. Bruyant, et gourmanderie, 1373,
Gace de la Bigne] ; sens 2, av. 1850, Balzac).
1. Défaut du gourmand : Elle m’a fait conce-
voir l’ivrognerie, la gourmandise (Sainte-
Beuve). La gourmandise, abus risible de
la vie (Verlaine). ‖ En théologie, l’un des
sept péchés capitaux. ‖ 2. Mets friand, en
général sucré, que le gourmand aime (le
plus souvent au plur.) : Je t’avais préparé
les gourmandises que tu aimes (Balzac).
• SYN. : 2 chatterie (fam.), douceur, frian-
dise, gâterie.

gourme [gurm] n. f. (francique *worm,


pus ; début du XIIIe s., Guillaume de Dole,
écrit gorme [gourme, XIIIe s., Godefroy],
au sens de « écrouelles » ; sens 1, milieu
du XIVe s. [jeter sa gourme, fin du XVIe s.,
Brantôme] ; sens 2, 1675, Mme de Sévigné ;
sens 3, 1559, Revue du seizième siècle [XIII,
261]). 1. En termes d’art vétérinaire, mala-
die contagieuse qui peut s’attaquer à toutes
les parties de l’organisme des jeunes che-
vaux, notamment aux voies respiratoires.
‖ Jeter sa gourme, en parlant des jeunes
chevaux, être affecté de la gourme pour la
première fois. (V. aussi n. 3.) ‖ 2. Chez les
jeunes enfants mal soignés, dermatose qui
se manifeste par des croûtes sur le visage et
dans le cuir chevelu. ‖ 3. Fig. et fam. Jeter
sa gourme, en parlant des jeunes gens qui
font leurs débuts dans la vie, se livrer à leurs
premières folies : Il faut que jeunesse jette
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2215

sa gourme (Balzac). On n’attendit même pas


qu’il [La Fontaine] eût, comme les autres fils
de famille, jeté sa gourme [...], avant vingt-
cinq ans il était maître des Eaux et Forêts et,
à vingt-six ans, marié (Giraudoux).

1. gourmé, e [gurme] adj. (part. passé


de gourmer 1 ; début du XIVe s., au sens 1
[gormé, « goitreux » — XIIIe s., Du Cange
—, était un dér. de gorme, gourme, au sens
médical] ; sens 2, 1732, Destouches ; sens
3, av. 1922, Proust). 1. Se dit d’un cheval
dont le mors est muni d’une gourmette.
‖ 2. Fig. et littér. Se dit de l’attitude d’une
personne affectant la raideur, la gravité :
Même torpeur, même réserve gourmée au
dessert qu’aux hors-d’oeuvre, à peine une
rougeur aux joues et aux nez des femmes
(Daudet). Il affectait une manière céré-
monieuse et comme gourmée, propre à
maintenir entre nous de la distance et à
me faire entendre : « C’est à vous que je dois
d’être ici » (Gide). ‖ 3. Fig. et littér. Se dit
d’une personne qui manifeste un esprit
de rigueur intransigeante et bornée : Il a
spontanément engagé la conversation, ce
qui est toujours bon signe, car cela prouve
que ce n’est ni un sot gourmé, ni un pré-
tentieux (Proust). M. Birault, par toutes
ses attitudes, par toutes ses réflexions, me
fait entendre que je suis un chef gourmé,
sévère, cérémonieux, dépourvu de cordialité
et d’humanité (Duhamel).

• SYN. : 2 apprêté, arrangé, cérémonieux,


compassé, empesé, guindé, pincé, pré-
ten- tieux. — CONTR. : 2 naturel, simple,
spontané.

& gourmé n. m. (fin du XIXe s., A. Daudet).


Raideur affectée : Malgré le gourmé, la gra-
vité des têtes, à les voir tous penchés vers le
hasard des pièces [...], on eût dit de grands
écoliers en cour (Daudet).

2. gourmé, e [gurme] adj. (part. passé


de gourmer 2 ; 1866, Littré). Vx. Qui a reçu
des gourmades : Rudement gourmé pour
son insolence (Littré).

1. gourmer [gurme] v. tr. (de gourme,


au sens anc. de « chaînette qui fixe le mors
dans la bouche d’un cheval » [début du
XIVe s., Gilles li Muisis], la gêne provoquée
par cette chaînette ayant été comparée avec
celle qu’apporte au cheval la maladie de la
gourme ; début du XIVe s., Gilles li Muisis).
Vx. Mettre la gourmette à un cheval.

& se gourmer v. pr. (1732, Destouches).


Fig. Affecter un air raide et compassé :
On craignit [...] de ne pas dire des choses
assez spirituelles, et, naturellement, on se
gourma (Balzac).

2. gourmer [gurme] v. tr. (même étym.


qu’à l’art. précéd. ; 1580, Montaigne, au sens
2 ; sens 1, fin du XVIe s., Brantôme). 1. Class.
Battre à coups de poing : Pressé des deux
frères, qui le gourmaient comme des lions
(Scarron). ‖ 2. Fig. et vx. Réprimander
rudement, critiquer : Les libelles dont ils

avaient été gourmés n’auraient pas tenu


dans leurs chambres (Voltaire).

& se gourmer v. pr. (sens 1, 1651,


Scarron ; sens 2, 1672, Molière). 1. Vx. Se
battre à coups de poing : Les collégiens
s’y gourmaient à propos du roi de Rome
(Chateaubriand). ‖ 2. Fig. Se disputer, être
en désaccord : Ce sont les noms des mots,
et l’on doit regarder | En quoi c’est qu’il
les faut faire ensemble accorder. — Qu’ils
s’accordent entre eux, ou se gourment,
qu’importe ? (Molière). Il n’est rien de tel
pour se gourmer d’importance, comme de
savoir pourquoi on se gourme (Zola).

gourmet [gurmɛ] n. m. (de l’anc. franç.


grommes, valet [1352, Du Cange], anc.
angl. grom, garçon [début du XIIIe s.] ; 1392,
Du Cange, écrit groumet [gourmet, 1402,
Du Cange], au sens de « valet chargé de
conduire les vins » ; sens 1, 1690, Furetière
[« courtier en vins », 1549, R. Estienne] ;
sens 2, 1757, Encyclopédie ; sens 3, av. 1850,
Balzac). 1. Vx. Personne qui sait goûter
et apprécier les vins : Le gourmet sent
et reconnaît promptement le mélange de
deux liqueurs (Voltaire). Je lis vos lettres,
chère Ève aimée, goutte à goutte, comme
les gourmets goûtent une précieuse liqueur
(Balzac). ‖ Auj. Dans certaines provinces,
courtier en vins. ‖ 2. Personne qui sait dis-
tinguer et savourer les bons plats et les bons
vins : Le gourmet est celui qui discernera
le mélange de deux vins ; qui sentira ce qui
domine dans un mets, tandis que les autres
convives n’auront qu’un sentiment confus
et égaré (Voltaire). ‖ 3. Fig. Celui qui sait
savourer : Aussi, comme vous savourez le
mal qui vous abreuve ! Quelle finesse de
palais ! Oh ! vous êtes un connaisseur, un
gourmet en douleur (France).

• SYN. : 2 gastronome ; 3 amateur, connais-


seur, expert, maître.

• REM. Dans la langue moderne, gourmet,


connaisseur en bonne chère, s’oppose à
gourmand, qui aime à bien manger et en
grande quantité.

gourmette [gurmɛt] n. f. (de gourme,


chaînette... [v. GOURMER 1] ; milieu du
XVe s., écrit grommette [gourmette, 1549,
R. Estienne], au sens 1 [lâcher la gourmette,
XXe s. ; lâcher la gourmette à quelqu’un,
1740, Acad. ; rompre sa gourmette,
1694, Acad.] ; sens 2-3, début du XXe s.).
1. Chaînette fixée de chaque côté du mors
d’un cheval et passant sous la mâchoire
inférieure : Le capitaine s’approcha, sous
prétexte de resserrer la gourmette de l’anda-
lous (Mérimée). ‖ Lâcher la gourmette, la
desserrer d’un ou de plusieurs maillons
pour soulager la bouche du cheval. ‖ Fig.
Lâcher la gourmette à quelqu’un, lui lâcher
la bride, lui donner une plus grande liberté.
‖ Fig. Rompre sa gourmette, s’abandonner à
ses passions. ‖ 2. Chaîne de montre ou bra-
celet dont les mailles sont aplaties comme
celles de la gourmette du cheval : Tiens,
dit-elle en jetant sa lettre sur le bureau, d’un

geste qui fit sonner les gourmettes de son


poignet, tu lui donneras ça, veux-tu, dès
qu’il remontera (Martin du Gard). ‖ 3. En
technologie, chaînette en mailles d’acier
utilisée pour polir certains métaux.

gournable [gurnabl] n. m. (néerl. *gord-


nagel, clou de bois pour bateaux, de gord,
côte de bateau, et nagel, clou ; 1678, Guillet).
Longue cheville de chêne employée dans
la construction des bateaux : Il avait rem-
placé tous les clous du bordage par des
gournables, ce qui rend les trous de rouille
impossibles (Hugo).

gournabler [gurnable] v. tr. (de gour-


nable ; 1691, Ozanam). En termes de
marine, fixer avec des gournables.

1. gourou [guru] n. m. (soudanais guru ;


1858, Legoarant). Un des noms de la noix
de cola : De ces fruits âcres, amers, des
pays chauds, les gourous du Sénégal, par
exemple (Loti).

2. gourou [guru] ou guru [gyry] n. m.


(sanskr. guru, lourd, grave, d’où « véné-
rable » ; 1866, Littré, au sens 1 ; sens 2,
v. 1960 [« nom donné par les Indiens aux
missionnaires chrétiens », 1872, Larousse]).
1. Précepteur religieux chez les brahmanes,
maître spirituel : Des espèces d’anacho-
rètes, assez ressemblants aux gourous du
brahmanisme (Renan). ‖ 2. Directeur
de conscience, mentor : La jeunesse uni-
versitaire donne l’impression d’être à la
recherche d’un gourou.

gourse [gurs] n. f. (marseillais [d’origine


obscure] gourso, même sens ; 1901, Larousse
[var. gousse, « sorte de petite chaloupe ou
canot génois », 1836, Acad.]). Petite embar-
cation pointue à l’avant et à l’arrière, en
usage en Provence et en Italie.

gouspin ou goussepain [guspɛ̃] n. m.


(probablem. de gousse, forme anc. de gosse
[v. ce mot], avec le suff. pop. -pin ; 1649,
Nisard, au sens de « malotru » ; 1808,
d’Hautel, au sens de « factotum » ; sens
actuel [« saute-ruisseau »], 1847, Esnault).
Pop. Polisson, vaurien : Il prit son cou-
teau de goussepain (Richepin). Il fut reçu
par un gouspin qui lui dit tout de suite :
« Mais ce n’était pas pour aujourd’hui ! »
(Montherlant).

goussaut [guso] adj. et n. m. (de gousse


1, par analogie de forme ; 1678, Guillet,
comme adj. [pour un homme, fin du
XVIIe s., Saint-Simon] ; 1762, Acad., comme
n. m. [un premier ex. en 1615, Binet]). Se
dit d’un cheval à l’encolure courte, trapu
et épais : Un cheval goussaut. Un goussaut.
‖ Adjectiv. et class. S’est dit aussi pour
un homme : Un petit homme goussaut
(Saint-Simon).

& n. m. (1732, Liger). En fauconnerie,


oiseau de vol dont le corps est trop lourd,
trop ramassé.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2216

1. gousse [gus] n. f. (origine inconnue ;


v. 1200, Revue des études juives [1937, 105],
écrit gose [gosse, 1215, Godefroy ; gousse,
1538, R. Estienne], au sens 1 [« ensemble
des deux cosses sans les graines » ; « fruit
des légumineuses, formé de deux cosses
et des graines qui y sont attachées », 1701,
Furetière, art. silique] ; sens 2, XIIIe s.,
A. Thomas, Nouveaux Essais, 244 [écrit
gousse...] ; sens 3, 1690, Furetière ; sens 4,
1782, Encycl. méthodique). 1. Fruit des
légumineuses, formé de deux cosses et des
graines qui y sont attachées : Sur l’écorce
[du caroubier], toute crevée de déchi-
rures sanglantes, des gousses mûrissaient
(Zola). ‖ Ensemble des deux cosses dont
les graines ont été retirées : Après avoir
écossé les petits pois, on jette les gousses.
‖ 2. Par anal. Gousse d’ail, d’échalote,
tête ou partie de tête d’ail, d’échalote :
Puis c’est le gigot avec dedans des gousses
d’ail si grosses qu’on dirait des asticots cuits
(Queneau). ‖ 3. En architecture, ornement
du chapiteau ionique qui ressemble à des
gousses de fève. ‖ 4. Gousse de plomb, cha-
cune des petites masses de plomb attachées
aux filets de pêche pour les maintenir au
fond de l’eau.

2. gousse [gus] n. f. (emploi fig. et péjor.


de l’anc. mot gouce, chienne [v. 1330,
Godefroy — écrit par erreur gonce], fém.
de l’anc. franç. gos, chien, mâtin [v. 1175,
Chr. de Troyes], de l’onomatop. kouch-, qui
servait à exciter les chiens ; 1865, Larchey).
Arg. Femme homosexuelle.

goussepain n. m. V. GOUSPIN.

gousset [gusɛ] n. m. (de gousse 1 ; 1278,


Roman du Ham, écrit goucet [gousset,
v. 1536, M. Du Bellay], au sens I, 1 [proba-
blem. dér. du sens de « pièce d’armure en
forme de rondelle, fixée sur la maille et ser-
vant à couvrir l’aisselle », attesté seulement
en 1302, Gay — sous la forme gousset] ; sens
I, 2, 1446, Gay ; sens I, 3, 1660, Oudin [avoir
le gousset vide, 1866, Littré ; avoir le gous-
set — bien — garni, 1690, Furetière ; tirer
de son gousset, début du XXe s.] ; sens I, 4,
1757, Encyclopédie [dans la ceinture ; dans
le gilet, 1872, Larousse] ; sens II, 1, 1562,
Havard ; sens II, 2, 1676, Félibien [« pièce
de bois ou de métal, triangulaire, servant
à l’assemblage... », 1930, Larousse] ; sens II,
3, 1962, Larousse).

I. 1. Class. et littér. Creux de l’aisselle :


Il mit quelque argent sous son gousset, je
veux dire sous son aisselle (Scarron). Les
oies dormaient sur une patte ; le bout de
l’autre, fripé à dessein comme un gant,
pendant négligemment de leur gousset
(Giraudoux). ‖ 2. Pièce de l’armure des-
tinée à défendre le défaut de l’aisselle : Le
croissant d’acier est la forme la plus éla-
borée du gousset. ‖ 3. Vx. Petite bourse
placée à l’origine sous l’aisselle, puis
attachée en dedans de la ceinture de la
culotte : Il n’avait pas trouvé leur gousset

si bien garni que le mien (Lesage). ‖ Fig.


Avoir le gousset vide, être sans argent.
‖ Fig. Avoir le gousset bien garni, avoir
beaucoup d’argent. ‖ Tirer de son gous-
set, sortir de l’argent de sa poche ou de
son portefeuille : Il arrive toujours à me
tirer quelque chose du corps ou du gous-
set (Duhamel). ‖ 4. Petite poche du gilet
ou de la ceinture d’un pantalon : Grandet
saisit avidement le napoléon et le coula
dans son gousset (Balzac).

II. 1. En menuiserie, petite console de


bois servant de support à une tablette.
‖ 2. Vx. En charpente, traverse oblique
réunissant les bras au corps d’une po-
tence. ‖ Auj. Pièce de bois ou de métal,
triangulaire, servant à l’assemblage et
à la consolidation de diverses parties.
‖ 3. En construction, baguette de plâtre
placée entre le manteau et le fond d’une
cheminée pour amener sur le foyer l’air
qui vient du haut de la cheminée.
goût [gu] n. m. • ÉTYM. Lat. gustus,
action de goûter, dégustation, goût d’une
chose, saveur, et, au fig., « avant-goût,
échantillon » ; XIIe s., écrit gost (goust,
v. 1361, Oresme ; goût, XVIIe s.), au sens I,
1 (perdre le goût, 1835, Acad. ; perdre le goût
du pain, 1616, Ancien Théâtre françois ;
faire passer le goût du pain à quelqu’un,
1866, Littré [faire perdre..., même sens,
1656, Oudin]) ; sens I, 2, XIIe s. (de haut
goût, 1617, A. d’Aubigné ; avoir du goût,
n’avoir pas de goût, 1866, Littré) ; sens I,
3, 1564, J. Thierry (mauvais goût, goût fin,
1962, Larousse) ; sens I, 4, 1690, Furetière
(« appétit », milieu du XIVe s. ; mettre
en goût, av. 1613, M. Régnier) ; sens I,
5, av. 1563, La Boétie (prendre un goût
de quelque chose, prendre goût à, 1668,
Molière) ; sens I, 6, av. 1563, La Boétie ; sens
II, 1, 1564, Indice de la Bible (« disposition
à apprécier les qualités d’une oeuvre d’art »,
1643, Brunot) ; sens II, 2, 1643, Brunot (le
bon goût [le goût, « le bon goût », av. 1679,
Retz] ; le mauvais goût, 1680, Richelet) ;
sens II, 3, 1580, Montaigne (tous les goûts
sont dans la nature, 1872, Larousse) ; sens
II, 4, 1538, R. Estienne (avoir du goût pour
quelque chose, 1690, Furetière [avoir du
goût à quelque chose, 1580, Montaigne] ;
être du goût de, 1672, Molière ; être au goût
de, av. 1648, Voiture ; mettre quelqu’un en
goût de, av. 1613, M. Régnier ; faire passer à
quelqu’un le goût de, XXe s. ; donner du goût
à quelqu’un, v. 1673, Retz ; sens II, 5, 1676,
Mme de Sévigné ; sens II, 6, 1580, Montaigne
(le goût du jour, 1851, Sainte-Beuve ; être au
goût du jour, 1897, Loti) ; sens II, 7, 1680,
Richelet (« manière dont une chose est
faite », 1690, Furetière).

I. 1. Celui des cinq sens par lequel on


perçoit les saveurs : La langue est l’organe
du goût. ‖ Perdre le goût, être privé de la
faculté de percevoir et de distinguer la
saveur des aliments. ‖ Fig. et fam. Perdre
le goût du pain, cesser de vivre : Ce pauvre

Samuel a perdu le goût du pain [...]. Je


connais la personne qui possède l’acte de
décès de Samuel Ewart (France). ‖ Faire
passer le goût du pain à quelqu’un, le faire
mourir. (V. aussi § II, n. 4.) ‖ 2. La saveur
perçue : Avoir un bon goût, un mauvais
goût dans la bouche. Et trouve un goût
suave au vin le plus amer (Baudelaire).
Ceux qui mâchent encore, après dîner, le
goût des truffes qu’ils digèrent (Flaubert).
‖ De haut goût, se dit d’un mets très
épicé. ‖ Fam. Avoir du goût, avoir une
saveur agréable, relevée par des condi-
ments. ‖ Fam. N’avoir pas de goût, n’être
pas assez assaisonné : Le pain sans sel n’a
pas de goût. ‖ 3. Odeur (par association
de la sensation gustative et de la sensa-
tion olfactive) : La terre remuée du jardin
avait un goût puissant (Alain-Fournier).
‖ Mauvais goût, goût fin, dans les mines
du Centre-Midi, odeur pharmaceutique
qui se répand dans l’air et qui est l’indice
d’un début d’échauffement dans le char-
bon. ‖ 4. Désir des aliments ou préfé-
rence dans leur choix : Le bébé prend ra-
pidement goût à la viande. ‖ Appétit : Je
n’avais goût à rien ; j’allais à table comme
on marche au supplice (Gide). ‖ Mettre
en goût, donner l’envie de consommer
quelque chose : Un apéritif vous mettra
en goût de manger. ‖ 5. Class. et fig. Plai-
sir procuré par une chose : Il répétait en
latin, avec un goût merveilleux, ces grands
mots : « Sicuti est, facie ad faciem » ; et on
ne se lassait point de le voir dans ce doux
transport (Bossuet). ‖ Prendre un goût de
quelque chose, s’y intéresser, y prendre
de l’agrément : Songez à prendre un goût
des plus nobles plaisirs (Molière). ‖ Auj.
Prendre goût à, se plaire à : Il prend goût à
faire de l’alpinisme, à la marche. ‖ 6. Fig.
État d’âme provoqué par une chose : Je ne
sais ce qui donnait à cette nuit son goût
de Noël (Saint-Exupéry). Ce passé même
auquel ils réfléchissaient sans cesse n’avait
que le goût du regret (Camus).

II. 1. Faculté de discerner le beau et le


laid, la perfection et l’imperfection, dans
la création littéraire ou artistique : Le
goût, ce sens, ce don de discerner nos ali-
ments, a produit dans toutes les langues
connues la métaphore qui exprime par le
mot « goût » le sentiment des beautés et
des défauts dans tous les arts (Voltaire).
Cet instinct irréfléchi, aveugle et divin,
qu’on nomme le goût (Taine). Le goût
est la qualité fondamentale qui résume
toutes les autres qualités : c’est le « nec
plus ultra » de l’intelligence (Lautréa-
mont). ‖ Disposition à apprécier les qua-
lités d’une oeuvre d’art : Il y a dans l’art
un point de perfection, comme de bonté
ou de maturité dans la nature. Celui
qui le sent et qui l’aime a le goût par-
fait ; celui qui ne le sent pas, et qui aime
en deçà ou au-delà, a le goût défectueux
(La Bruyère). N’ayant aucune notion
d’art, aucun goût personnel, il modelait
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2217

ses impressions sur celles de son compère


(Daudet). ‖ 2. Le bon goût, ou simplem.
le goût, le sentiment du beau : Il y avait
certes chez les Guermantes, à l’encontre
des trois quarts des milieux mondains,
du goût, un goût raffiné même, mais aussi
du snobisme (Proust). ‖ Le mauvais goût,
inaptitude à percevoir le beau, préférence
accordée à ce qui est laid : Les jeunes
gens ont si mauvais goût aujourd’hui
(Hugo). ‖ 3. Manière de sentir, de juger
propre à une personne. ‖ Tous les goûts
sont dans la nature, il ne faut reprocher à
personne sa façon d’apprécier les choses.
‖ Des goûts et des couleurs, on ne dis-
pute pas, v. COULEUR. ‖ 4. Prédilection,
penchant qu’une personne éprouve pour
une chose : J’acceptai d’y entrer aussitôt,
sans ambition, sans goût (Gide). ‖ Avoir
du goût pour quelque chose, manifester
une tendance à s’intéresser à : Édouard
Teissière n’aime pas la musique et n’a pas
grand goût pour les livres (Gide). ‖ Être
du goût ou au goût de quelqu’un, lui
plaire : Le cheval pourrait bien se trouver
du goût de quelque adjudant (Stendhal).
‖ Mettre quelqu’un en goût de, donner
envie à quelqu’un de : Sa première battue
l’a mis en goût de chasser. ‖ Fam. Faire
passer à quelqu’un le goût de, le traiter de
manière à lui ôter l’envie de recommen-
cer. (V. aussi § I, n. 1.) ‖ Class. Donner
du goût à quelqu’un, l’inciter : La petite
finesse qui infectait toujours la politique
[...] de M. le cardinal de Mazarin, lui don-
nait du goût à laisser devant nos yeux [...]
des gens avec lesquels il se pût raccommo-
der contre nous-mêmes (Retz). ‖ 5. Class.
et littér. Inclination amoureuse pour une
personne : J’ai pris du goût pour Arlequin
(Marivaux). Madame de Warins, vous
aviez du goût | Pour cet enfant à la figure
un peu espiègle (Jammes). ‖ 6. Manière
de sentir, de juger propre à une époque :
D’ailleurs, je n’ignorais pas [...] que le goût
n’était plus le même : la mode avait chan-
gé (Valéry). ‖ Le goût du jour, la mode.
‖ Être au goût du jour, suivre la mode.
‖ 7. Manière qui préside à la réalisation
d’une oeuvre, facture propre à un artiste :
Un tableau dans le goût de Rubens. ‖ Ma-
nière dont une chose est faite : Des bijoux
d’un goût raffiné. Les produits artisanaux
sont de meilleur goût que les fabrications
industrielles.
• SYN. : I, 3 effluves, exhalaisons, fumet,
relent, senteur ; ‖ II, 4 attirance, attrait,
faible, passion ; 7 manière, style, ton ; fac-
ture, genre ; conception, fabrication.

& De bon goût, de mauvais goût loc.


adj. (sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1698,
Bossuet). 1. Qui révèle ou non la finesse
d’appréciation d’une personne : Un ameu-
blement de bon goût. Porter des couleurs de
mauvais goût. ‖ 2. Qui traduit la bonne
ou la mauvaise éducation, le respect ou le
mépris des convenances : Une remarque de

bon goût. Il est de mauvais goût de critiquer


les gens en leur absence.

1. goûter [gute] v. tr. (lat. gustare, goûter


[au pr. et au fig.], faire collation, manger un
morceau de, de gustus [v. GOÛT] ; v. 1130,
Eneas, écrit goster [gouster, XIIIe s. ; goûter,
XVIIe s.], comme v. tr. ind. [v. plus loin] ;
comme v. tr., au sens I, 1, fin du XIIIe s.,
Adam de la Halle [aussi « discerner et
apprécier le goût de quelque chose en vertu
d’une qualification professionnelle »] ; sens
I, 2, 1530, Palsgrave ; sens I, 3, 1740, Acad. ;
sens I, 4 et 6, 1549, R. Estienne ; sens I, 5,
v. 1460, G. Chastellain ; sens II, 1 et 3,
1549, R. Estienne ; sens II, 2, fin du XVe s.,
Commynes).

I. 1. Percevoir la saveur par le sens du


goût : Elle alla chercher une tasse, se ras-
sit, goûta la noire liqueur, fit la grimace
(Maupassant). ‖ Discerner et apprécier
le goût de quelque chose en vertu d’une
qualification professionnelle : Un cui-
sinier qui goûte une sauce. Un courtier
qui goûte un vin. ‖ 2. Class. Savourer,
déguster : Quelle chair, dit-il ! Goûtez-
vous cela ? Cela est-il divin ? (La Bruyère).
‖ 3. Fam. Ressentir l’effet de quelque
chose par l’intervention conjuguée du
goût et de l’odorat : Goûter des cigarettes.
‖ 4. Fig. Trouver agréable une chose, en
jouir : Voir le bel univers, goûter l’Espagne
ocreuse (de Noailles). ‖ 5. Fig. Éprouver
un plaisir : Ne pouvant goûter le sommeil,
ils se mirent à gaber, selon la coutume des
chevaliers de France (France). Ils goû-
taient des joies de fin gourmet (Courte-
line). ‖ 6. Trouver du charme à : J’avoue
que je ne goûtai pas une société si intime
(Michelet).

II. 1. Fig. Discerner ce qui fait la beauté,


le charme d’une oeuvre littéraire ou artis-
tique : Si quelqu’un goûte véritablement
tel poème, on le connaît à ceci qu’il en
parle comme d’une affection personnelle
— si toutefois il en parle (Valéry). Les gens
qui comprennent et goûtent la littérature
en ont tous fait (Léautaud). ‖ 2. Recon-
naître la valeur d’un artiste, l’estimer :
Goûter un peintre, un auteur. ‖ 3. Appré-
cier, approuver une chose : Une espèce de
grand homme sec, peu enclin à goûter la
plaisanterie (France).

• SYN. : II, 1 aimer, apprécier, priser ; 3 se


délecter, savourer.

& v. tr. ind. (sens 1, v. 1196, J. Bodel, [au fig.,


1872, Larousse] ; sens 2, v. 1130, Eneas [au
fig., 1640, Perrot d’Ablancourt]). 1. Goûter
à quelque chose, vérifier la saveur d’une
chose, en mettant dans la bouche une
petite quantité de cette chose : Carmen
lui permit de goûter au vin (Mérimée) ;
au fig., connaître le plaisir que procure
une chose : Il suffit de goûter à la gloire ;
inutile de s’en bourrer (Renard). Mais je
sais bien que lorsque je voudrai goûter à
ces choses, que je m’étais défendues comme

trop belles, ce ne sera pas comme un pécheur


(Gide). ‖ Fam. Goûter à quelqu’un, faire
l’expérience des charmes de quelqu’un : Il
paraît bien qu’il goûta avec plaisir à la fille
de Jephté (France). ‖ 2. Goûter de quelque
chose, boire ou manger d’une chose pour
la première fois : Voulez-vous goûter de
notre vin ? ; au fig., faire l’expérience de,
essayer : Qui goûte de tout, se dégoûte de
tout (Taine).

• SYN. : 1 tâter de, toucher à ; 2 éprouver,


essayer, expérimenter, tenter.

& v. intr. (1538, R. Estienne [« manger légè-


rement entre les principaux repas », fin du
XIXe s.]). Faire un léger repas au milieu de
l’après-midi : Restez un peu, nous goûterons
à trois (Mauriac). ‖ Par extens. Manger
légèrement entre les repas principaux : Les
séminaristes avaient coutume de cacher
des tablettes de chocolat parmi les livres
d’études [...]. Ils se réunissaient à deux ou
trois pour goûter dans une chambre, la nuit
(France).

2. goûter [gute] n. m. (emploi substantivé


du précéd. ; 1538, R. Estienne). Petit repas
que l’on fait au milieu de l’après-midi :
Toute la famille ensuite ramène Gertrude
et prend le goûter à la grange (Gide).

• SYN. : collation, lunch, thé.


goûteur, euse [gutoer, -øz] n. (de goû-
ter ; XXe s., au sens 1 ; sens 2, 1932, Céline).
1. Personne chargée de goûter une boisson :
Un goûteur de vin. ‖ 2. Celui qui prend un
goûter : Les goûteurs font la fortune des
pâtissiers.

goûteux, euse [gutø, -øz] adj. (de goût ;


XXe s.). Dans le Midi, se dit d’un plat ou
d’un produit succulent.

goûte-vin [gutvɛ̃] n. m. invar. (de


goûte, forme du v. goûter, et de vin ; 1907,
Larousse). Sorte de pipette qu’on plonge
dans le tonneau de vin afin d’en pré-
lever une petite quantité destinée à la
dégustation.

gouttant, e [gutɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


goutter ; 1704, Trévoux). Qui laisse tomber
des gouttes (rare) : Un toit gouttant de pluie.
• SYN. : dégouttant.

1. goutte [gut] n. f. (lat. gutta, goutte


d’un liquide, moucheture [des animaux,
des pierres, etc.], larmes [sous les triglyphes
de l’ordre dorique], et, au fig., « parcelle,
brin » ; v. 980, Passion du Christ, écrit gote
[goute, XIIIe s., Rutebeuf ; goutte, v. 1360,
Froissart], au sens 1 [suer à grosses gouttes,
milieu du XVIe s., Amyot ; avoir la goutte
au nez, 1866, Littré ; la goutte d’eau qui fait
déborder le vase, 1830, Stendhal — la der-
nière goutte qui fait répandre le verre, même
sens, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ; ne pas
avoir une goutte de sang dans les veines,
1835, Acad. ; n’avoir plus une goutte de sang
dans les veines, 1900, Dict. général ; jusqu’à
la dernière goutte, 1664, Molière ; vin de
goutte, 1797, Gattel ; goutte froide, 1930,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2218

Larousse ; prise à la goutte, 1762, Acad. ;


goutte à goutte, 1555, Ronsard — au fig.,
av. 1654, Guez de Balzac] ; sens 2, v. 980,
Passion du Christ [donner la goutte, boire
la goutte, 1907, Larousse] ; sens 3, 1795, Rev.
de philologie française [XXIV, 110] ; sens 4,
1541, Calvin ; sens 5, début du XVIIe s. ; sens
6, 1872, Larousse ; sens 7, 1962, Larousse).
1. Très petite quantité de liquide qui se
forme en globule sphéroïdique soit par
condensation de vapeur, soit par ruissel-
lement et détachement d’une masse solide :
Des gouttes de pluie. La goutte d’eau qui
tombe du robinet. ‖ Suer à grosses gouttes,
transpirer au point que des gouttes de
sueur ruissellent : « Ouf ! » m’écriai-je,
en m’épongeant le front. Car, malgré le
froid, je suais à grosses gouttes (France).
‖ Fam. Avoir la goutte au nez, avoir une
mucosité liquide suspendue au bout du nez.
‖ Se ressembler comme deux gouttes d’eau,
v. EAU. ‖ Une goutte d’eau dans la mer, v. EAU.
‖ Fig. La goutte d’eau qui fait déborder
le vase, ce qui, venant après bien d’autres
choses mettant à l’épreuve la patience de
quelqu’un, fait exploser sa colère. ‖ Fig. Ne
pas avoir une goutte de sang dans les veines,
n’avoir aucune force, aucune énergie. ‖ Fig.
N’avoir plus une goutte de sang dans les
veines, être effrayé au point que le sang
reflue des extrémités vers le coeur. ‖ Fig.
Jusqu’à la dernière goutte, jusqu’au bout.
‖ Vin ou cidre de goutte, vin ou cidre fait
avec le jus qui s’écoule avant le pressurage.
‖ Goutte froide, goutte métallique solidi-
fiée avant la masse et formant un défaut
dans une pièce de fonderie. ‖ Prise à la
goutte, en orfèvrerie, prélèvement d’une
particule de métal dans un lingot en
fusion, pour en déterminer la nature et
en mesurer le titre. ‖ Adverbialem. Goutte
à goutte, une goutte après l’autre : Verser
l’huile goutte à goutte au fig., peu à peu :
Laisser filtrer les nouvelles goutte à goutte.
(V. aussi à l’ordre alphab.). ‖ 2. Petite
quantité d’un liquide : Vous paraissez
las, mon père. Prenez une goutte de cor-
dial (France). Il me souvient d’avoir vu
un enfant de trois ans à peine s’évanouir
devant quelques gouttes de sang (Valéry).
‖ Pop. Donner la goutte, donner à téter.
‖ Boire la goutte, manquer de se noyer.
(Vieilli.) ‖ 3. Fam. et dialect. Eau-de-vie :
Une petite fille demandait quatre sous de
goutte dans une tasse (Zola). ‖ 4. Fig. Petite
quantité en général : Elle n’avait plus une
goutte de force (Montherlant). À certaines
heures, la campagne est noire de soleil. Les
yeux tentent vainement de saisir autre chose
que des gouttes de lumière et de couleurs
qui tremblent au bord des cils (Camus).
‖ 5. Dans les entablements d’ordre
dorique, ornement en forme de larme,
suspendu sous les triglyphes. ‖ 6. En pape-
terie, marque ronde dans le papier, due à
une goutte d’eau tombée sur la feuille en
cours de fabrication. ‖ 7. Goutte froide,
goutte chaude, en météorologie, masse d’air

isolée et entourée soit par des masses plus


chaudes, soit par des masses plus froides.
• SYN. : 2 doigt, filet, larme ; 4 atome, brin,
grain, gramme, once.
& gouttes n. f. pl. (1721, Trévoux). Nom
donné à des médicaments liquides admi-
nistrés à faible dose : Des gouttes pour le nez.
Il a oublié de prendre ses gouttes.

& Ne ... goutte loc. adv. (XIIe s., Godefroy).


N’y voir goutte, ne rien voir du tout : On n’y
voyait goutte pour faire une partie de piquet
(France). J’avais à peine au début distingué
ce qu’il disait, de même qu’on commence par
ne voir goutte dans une chambre dont tous
les rideaux sont clos (Proust). ‖ N’y entendre
goutte, ne pas entendre ; n’y rien comprendre.

2. goutte [gut] n. f. (même étym. qu’à


l’art. précéd., parce qu’on croyait que des
gouttes d’humeur viciée étaient la cause
de cette maladie ; v. 1207, Villehardouin,
écrit goute — goutte, XVe s., Du Cange).
Maladie provoquée par un trouble de
l’élaboration des nucléoprotéides et
aboutissant à l’accumulation, dans
l’organisme, de l’acide urique. ‖ Accès
de goutte, manifestation caractéristique
de cette maladie, se traduisant par une
fluxion articulaire très douloureuse,
siégeant le plus souvent au gros orteil
et provoquée par une augmentation de
l’acide urique dans le sang.

goutte-à-goutte [gutagut] n. m. invar.


(de goutte 1 répété, et de la prép. à ; 1962,
Larousse, aux sens 1-2). 1. Méthode consis-
tant à injecter goutte à goutte, par voie rec-
tale, hypodermique ou intraveineuse, un
médicament dilué dans un grand volume
d’eau. ‖ 2. Appareil médical permettant
d’effectuer cette injection.

goutte-d’eau [gutdo] n. f. (de goutte 1,


de et eau ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XXe s.). 1. Sorte de topaze incolore
et d’une transparence parfaite. ‖ 2. Brillant
serti sur une monture très fine et qui se
porte en boucle d’oreille ou en pendentif.
• Pl. des GOUTTES-D’EAU.

goutte-de-lait [gutdəlɛ] n. f. (de goutte


1, de et lait ; 1962, Larousse). Autre nom
du perce-neige.

• Pl. des GOUTTES-DE-LAIT.

goutte-de-lin [gutdəlɛ̃] n. f. (de goutte


1, de et lin ; 1547, R. Estienne). Nom usuel
de la cuscute.

• Pl. des GOUTTES-DE-LIN.

goutte-de-sang [gutdəsɑ̃] n. f. (de


goutte-de-sang [gutdəsɑ̃] n. f. (de
goutte 1, de et sang ; 1845, Bescherelle).

Nom usuel de l’adonis.

• Pl. des GOUTTES-DE-SANG.

goutte-de-suif [gutdəsɥif] n. f. (de


goutte 1, de et suif ; 1907, Larousse). Partie
sphérique terminant la tête d’une vis.

• Pl. des GOUTTES-DE-SUIF.

gouttelette [gutlɛt] n. f. (de goutte 1 ;


XIIIe s., Littré, écrit goutelete ; gouttelette,
1690, Furetière). Petite goutte : Ses lèvres
[de Salomé] étaient peintes, ses sourcils très
noirs, ses yeux presque terribles, et des gout-
telettes à son front semblaient une vapeur
sur du marbre blanc (Flaubert).

goutter [gute] v. intr. (de goutte 1 ou du


bas lat. guttare, tomber goutte à goutte, dér.
du lat. class. gutta [v. GOUTTE 1] ; XIIIe s.,
Médicinaire liégeois, écrit gutteir [goutter,
XIVe s., Tilander], au sens 1 ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Tomber goutte à goutte : Ça doit
goutter en Argonne, sous les branches de
sapin (Romains). ‖ 2. Laisser tomber des
gouttes : Un robinet qui goutte. Le bran-
chage commençait à goutter de partout
(Pourrat).

• SYN. : 2 dégoutter.

gouttereau [gutro] n. m. et adj. m. (de


gouttière ; 1907, Larousse [var. — mur —
goutterot, même sens, 1462, Godefroy]).
Mur latéral d’un bâtiment, qui porte les
gouttières et les gargouilles.

goutteux, euse [gutø, -øz] adj. et n. (de


goutte 2 [v. ce mot] ; v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence, écrit gutus [gout-
teux, XVIe s.], comme n. ; comme adj.,
v. 1560, Paré). Qui a la goutte ou qui y
est sujet : Quelquefois je rencontrais un
vieil officier goutteux qui me disait, tout
réchauffé et tout réjoui en me parlant du
pâle rayon de soleil sous lequel je grelottais :
« Ça pique ! » (Chateaubriand). Ces jambes
de goutteux (Vigny). Quelques goutteux et
rhumatisants comme Courson-Launay fai-
sant avancer leur voiture jusqu’à l’escalier,
s’appuyant au bras d’un confrère (Daudet).
• SYN. : podagre.

& adj. (1900, Dict. général). Relatif à la


goutte : Un rhumatisme goutteux.
gouttière [gutjɛr] n. f. (de goutte 1 [v.
ce mot] ; v. 1120, Psautier d’Oxford, écrit
gutiere [goutiere, XIIIe s. ; gouttière, XVIe s.],
au sens I, 1 [« le toit tout entier », fin du
XVIe s., Brantôme ; chat de gouttière, fin du
XIXe s.] ; sens I, 2, milieu du XVe s., Quinze
Joyes de mariage ; sens I, 3, 1866, Littré ;
sens II, 1, 1962, Larousse ; sens II, 2-3, 1866,
Littré ; sens II, 4, 1878, Larousse [« croix
sur les faces des lames de sabre », 1845,
Bescherelle] ; sens II, 5, 1660, Oudin).

I. 1. Vx. Bord inférieur d’un toit, par où


s’égoutte l’eau de pluie : Et les nombreux
torrents qui tombent des gouttières, |
Grossissant les ruisseaux, en ont fait
des rivières (Boileau). ‖ Par extens. Le
toit tout entier : Et quel fâcheux démon,
durant les nuits entières, | Rassemble ici
les chats de toutes les gouttières ? (Boi-
leau). ‖ Auj. Chat de gouttière, chat
sans race, qui se reproduit en liberté
dans les villes : Un chat de gouttière
découpant entre des tuyaux de cheminée
[...] sa maigre silhouette noire (France).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2219

‖ 2. Petit canal disposé sous le bord d’un


toit pour recueillir les eaux de pluie : Les
violentes pluies d’orage font déborder les
gouttières. ‖ Par extens. Gargouille : De
longues gouttières, figurant des dragons
la gueule en bas, crachèrent l’eau des
pluies (Flaubert). ‖ 3. Rigole semicircu-
laire creusée dans la feuillure d’une pièce
d’appui de croisée pour écouler l’eau pro-
venant du châssis.

II. 1. En anatomie, nom donné aux


canaux ou aux dépressions par lesquels
s’écoule un liquide : Gouttière caroti-
dienne. Gouttière lacrymale. ‖ 2. En
arboriculture, plaie de la tige d’un arbre
qui laisse écouler un liquide sanieux.
‖ 3. En chirurgie, appareil semi-cylin-
drique destiné à immobiliser un membre
fracturé ou malade. ‖ 4. Dans les armes
blanches, évidement pratiqué dans les
lames. ‖ 5. En reliure, tranche de devant
du livre, opposée au dos et généralement
de forme concave.

• SYN. : I, 2 chéneau.

gouvernable [guvɛrnabl] adj. (de gouver-


ner ; 1829, Boiste). Qui peut être administré
par une autorité politique : Les dominateurs
disent : « Il faut que le peuple soit abruti
pour être gouvernable » (Lamennais).

gouvernail [guvɛrnaj] n. m. (lat. guber-


naculum, gouvernail d’un navire [= gros
aviron à large pelle], et, au fig., « direc-
tion », dér. de gubernare [v. GOUVERNER] ;
v. 1130, Eneas, au sens 1 [gouvernail
compensé, XXe s. ; gouvernail suspendu,
1962, Larousse] ; sens 2, XXe s. ; sens 3,
1962, Larousse ; sens 4, 1534, Rabelais).
1. Appareil constitué par une large surface
plane de bois ou de métal (safran), soli-
daire d’un axe vertical (mèche) sur lequel
agit le pilote pour diriger un bateau : [Le]
matelot qui tenait la barre du gouvernail
(Chateaubriand). ‖ Gouvernail compensé,
gouvernail où la mèche partage le safran
en deux parties inégales. ‖ Gouvernail sus-
pendu, gouvernail dans lequel la mèche ne
repose pas sur un point d’appui inférieur.
‖ 2. Gouvernail de direction, gouvernail
de profondeur, plans mobiles reliés à des
leviers actionnés par le pilote d’un aéronef
pour en assurer la direction, l’ascension.
‖ 3. Partie d’une éolienne qui oriente la
turbine dans la direction du vent. ‖ 4. Fig.
Commandement, direction d’un État,
d’une entreprise : Mon ami Panizzi a pris
la grande résolution de se retirer du British
Museum. C’est une grosse affaire que de
quitter un gouvernail qu’on a tenu heu-
reusement pendant une trentaine d’années
(Mérimée).

• Pl. des GOUVERNAILS.

gouvernance [guvɛrnɑ̃s] n. f. (de


gouverner ; XIIIe s., Godefroy, au sens de
« gouvernement » ; sens 1, 1478, Bartzsch ;
sens 2, 1679, Mme de Sévigné). 1. Ancienne
juridiction de certaines villes du nord de

la France au temps où elles faisaient par-


tie des Pays-Bas : La gouvernance d’Arras.
‖ 2. Class. Charge de gouvernante : Nous
fûmes hier, Monsieur le Comte, chez vos
amies de Leuville et d’Effiat ; elles reçoivent
les compliments de la réconciliation et de
la gouvernance (Sévigné).

gouvernant, e [guvɛrnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de gouverner ; v. 1674, La Fontaine,
au sens de « autoritaire » [en parlant d’une
personne] ; sens moderne, 1866, Littré). Qui
gouverne (peu usité) : Le parti gouvernant.
& gouvernante n. f. (sens I, 1, 1538,
R. Estienne ; sens I, 2, 1477, Bartzsch ;
sens II, 1, 1534, Rabelais ; sens II, 2, 1690,
Furetière ; sens II, 3, 1651, Scarron).

I. 1. Autref. Princesse qui avait le gou-


vernement d’une province ou d’une ville.
‖ 2. Class. Épouse du gouverneur d’une
province, d’une place : Il y est très souvent
question de Madame la gouvernante de
Provence, c’est ainsi que M. de Chaulnes
vous nomme (Sévigné).

II. 1. Femme chargée de l’éducation d’un


ou de plusieurs enfants : Je défends qu’on
m’embrasse avec des nez froids, qu’on me
touche avec des mains de gouvernante
matinale, honnêtes et gercées (Colette).
‖ 2. Femme qui tient la maison d’un
homme seul, qui s’occupe de ses affaires.
‖ 3. Vieille dame chargée de veiller sur la
conduite d’une jeune fille ou d’une jeune
femme : À propos, tu ne sais pas, ma-
man ? la gouvernante d’Alice, nous avons
découvert que c’était une ancienne cocotte
(France).

• SYN. : II, 1 nurse.

& gouvernants n. m. pl. (1794, Frey [gou-


vernant, « celui qui a le gouvernement d’un
pays, d’une ville », 1449, La Curne]). Ceux
qui détiennent le pouvoir exécutif dans un
État : Depuis quarante ans, tous les gou-
vernants n’ont péri en France que par leur
faute (Chateaubriand). Si nos gouvernants
laissent l’Amérique terminer la guerre, ils
seront bien obligés de lui laisser faire la paix
— la sienne, celle de Wilson, pas celle de nos
généraux (Martin du Gard).

gouvernateur [guvɛrnatoer] n. m.
(dér. savant de gouverner ; 1913, Péguy).
Personne qui a la responsabilité de diriger
l’éducation d’un enfant (peu usité) : Et ces
maîtres de l’homme et ces gouvernateurs |
Gouvernaient cet enfant que nous n’avons
pas su (Péguy).

gouverne [guvɛrn] n. f. (déverbal de gou-


verner ; 1292, Godefroy, dans la loc. estre
en le govierne de, être dirigé par [.. à la gou-
verne de, XIVe s., La Curne] ; sens 1, 1900,
Dict. général [aviron de gouverne, 1866,
Littré] ; sens 2, 1723, Savary des Bruslons).
1. Action de diriger un bateau. ‖ Aviron de
gouverne, aviron remplaçant le gouvernail
dans les baleinières de pêche ou de sauve-
tage. (Syn. AVIRON DE QUEUE.) ‖ 2. Règle de

conduite (primitivement dans une affaire


commerciale) : Je ne pense pas avoir jamais
eu d’autre gouverne que de me soumettre en
soupirant à ses capricieux secrets (Milosz).
‖ Pour ma (ta, sa...) gouverne, pour me
(te, lui...) servir de directive : Pour votre
gouverne : quand vous craignez d’être suivi,
ne vous retournez pas (Gide).

& gouvernes n. f. pl. (1930, Larousse).


Ensemble des organes d’un avion permet-
tant de le diriger.

gouverneau [guvɛrno] n. m. (de gou-


verner ; 1765, Encyclopédie [XI, 838 b]). En
papeterie, syn. de GOUVERNEUR.

gouvernement [guvɛrnemɑ̃] n. m.
(de gouverner ; v. 1190, Sermons de saint
Bernard, au sens II, 3 [à propos de la ges-
tion divine de l’univers] ; sens I, v. 1360,
Froissart ; sens II, 1, XIIIe s. [gouvernement
des âmes, av. 1742, Massillon — « ceux qui
exercent cette direction », XXe s.] ; sens II,
2, 1423, Godefroy ; sens III, 1, v. 1265, Br.
Latini [aussi « action de diriger politique-
ment un pays »] ; sens III, 2, 1677, Miege
[« institutions politiques », 1463, Bartzsch ;
gouvernement populaire, 1690, Furetière ;
gouvernement démocratique, direct, semi-
direct, d’assemblée, semi-présidentiel,
présidentiel, dictatorial, monocratique,
XXe s. ; gouvernement représentatif, 1816,
Guizot ; gouvernement parlementaire, 1872,
Larousse] ; sens III, 3, 1748, Montesquieu
[gouvernement provisoire, 1866, Littré] ;
sens III, 4, 1748, Montesquieu [« ensemble
des personnes qui détiennent le pouvoir
exécutif », av. 1648, Voiture ; gouvernement
collégial, XXe s.] ; sens III, 5, 1810, Code
pénal [actes de gouvernement, XXe s.] ; sens
III, 6, XIXe s. ; sens IV, 1, 1462, Bartzsch ;
sens IV, 2, 1611, Cotgrave ; sens IV, 3, 1872,
Larousse [gouvernement de place, 1690,
Furetière] ; sens IV, 4, XXe s.).

I. Vx. Action de diriger une embarca-


tion : Le succès d’un voyage dépend prin-
cipalement du bon gouvernement d’un
pilote (Furetière).

II. 1. Action de gouverner, de diriger la


conduite des personnes : Comme elles [les
femmes] ont le gouvernement de la mai-
son et des enfants, elles sont très attachées
à tout ce qui est sécurité, confort (Aymé).
‖ Gouvernement des âmes, direction
morale ou religieuse des consciences ;
par extens., ceux qui exercent cette direc-
tion. ‖ 2. Action de veiller à sa propre
conduite : Le vin prive l’homme du gou-
vernement de soi-même, et l’opium rend
ce gouvernement plus souple et plus
calme (Baudelaire). ‖ 3. Responsabilité
qui consiste à veiller à la bonne tenue
de choses : Le gouvernement d’un jardin
(Duhamel).

III. 1. Direction morale et politique d’un


peuple : Cette grande question du meil-
leur gouvernement possible me paraissait
se réduire à celle-ci : quelle est la nature du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2220

gouvernement propre à former un peuple


le plus vertueux, le plus éclairé, le plus sage
(Rousseau). Le principe de l’anarchisme
exclut toute forme de gouvernement.
‖ Action de diriger politiquement un
pays : Les insurrections populaires et les
lois de l’Assemblée constituante finissent
par détruire en France tout gouvernement
(Taine). ‖ 2. Forme politique qui régit
un État : Attaché à l’ordre monarchique
par raison, répliquais-je, je regarde la
monarchie constitutionnelle comme le
meilleur gouvernement possible à cette
époque de la société (Chateaubriand).
‖ Gouvernement populaire, système
politique dans lequel le peuple, en tant
que groupe social dans l’ensemble de la
société, exerce la réalité du pouvoir : L’on
peut imaginer que la France adopte, dans
un siècle ou deux, le gouvernement popu-
laire (France). ‖ Gouvernement démocra-
tique, système politique dans lequel les
gouvernants sont soumis au contrôle du
peuple. ‖ Gouvernement direct, système
politique dans lequel le peuple tout entier
exerce lui-même toutes les fonctions de
l’État : Selon Rousseau, le gouvernement
direct est le seul gouvernement totalement
démocratique. ‖ Gouvernement semi-
direct, régime politique dans lequel les
citoyens sont appelés à intervenir dans
l’exercice du pouvoir législatif au moyen
du référendum ou de l’initiative popu-
laire. ‖ Gouvernement représentatif, sys-
tème politique où le corps des citoyens
délègue sa souveraineté à des gouver-
nants (assemblées, ministres, etc.) qu’il
élit pour une durée limitée. ‖ Gouverne-
ment d’assemblée, système politique où
l’Assemblée des représentants du peuple
cumule l’exercice du pouvoir législatif
et du pouvoir exécutif. ‖ Gouvernement
parlementaire, régime politique dans
lequel le pouvoir exécutif est l’émana-
tion du Parlement et responsable devant
lui. ‖ Gouvernement semi-présidentiel,
régime politique où la fonction de l’exé-
cutif est partagée entre un chef de l’État,
non responsable devant le Parlement, et
un chef de gouvernement, responsable
devant le Parlement et le chef de l’État.
‖ Gouvernement présidentiel, système
politique dans lequel les ministres ne
sont pas responsables devant le Parle-
ment et où une même personne remplit
les fonctions de chef de l’État et de chef
de l’exécutif, ou exerce un rôle prépon-
dérant dans celui-ci. ‖ Gouvernement
dictatorial, système politique dans lequel
un seul homme, ou une seule formation
politique, ou une seule classe sociale,
exerce la réalité du pouvoir sans aucun
contrôle. ‖ Gouvernement monocratique,
système politique dans lequel un seul
homme est détenteur de la souveraineté
et exerce tous les pouvoirs sans contrôle.
‖ 3. L’organe ou les organes de l’État qui
assurent la direction générale d’un pays :

Chaque île a sa monnaie à part, son pa-


tois à part, son gouvernement à part, ses
préjugés à part (Hugo). Ce qui fait durer
un gouvernement c’est l’impuissance des
autres (Taine). ‖ Gouvernement provi-
soire, organe qui exerce toute la direction
de l’État dans une période de crise en at-
tendant la mise en place d’une structure
politique définitive : Il entra dans un com-
plot qui avait pour but de soulever les gar-
nisons de l’Est et de proclamer un gouver-
nement provisoire (France). ‖ 4. Organe
de l’État qui est investi de l’autorité de
faire respecter les obligations auxquelles
cet État est tenu, ou de faire exécuter les
décisions prises par lui : Dans un régime
parlementaire, le conseil des ministres
constitue le gouvernement. ‖ Par extens.
Ensemble des personnes qui détiennent
le pouvoir exécutif : Adresser une péti-
tion au gouvernement. Le gouvernement
soviétique a adressé une note de protesta-
tion au gouvernement anglais. Si j’étais le
gouvernement je voudrais qu’on saignât
les prêtres une fois par mois (Flaubert).
‖ Gouvernement collégial, organisation
du pouvoir de direction dans laquelle un
groupe de gouvernants dispose conjoin-
tement de pouvoirs égaux. ‖ 5. Orga-
nisme administratif de l’État, auquel ce-
lui-ci délègue le pouvoir d’exécution : Le
gouvernement paiera. Voyager aux frais
du gouvernement. ‖ Actes de gouverne-
ment, actes de l’Administration qui ne
peuvent faire l’objet d’aucun recours en
justice. ‖ 6. Péjor. et pop. Mon gouverne-
ment, ma femme.

IV. 1. Circonscription administrative de


la France, sous l’Ancien Régime, dont le
ressort s’étendait à une ville, à une pro-
vince ou à un groupe de provinces, et qui
était placée sous l’autorité d’un gouver-
neur. ‖ 2. Fonction de gouverneur, puis
charge du gouverneur placé à la tête de
cette circonscription. ‖ 3. Gouverne-
ment militaire, circonscription territo-
riale placée autref. sous l’autorité d’un
gouverneur militaire ; auj., expression
conservée traditionnellement pour dési-
gner les circonscriptions militaires des
places de Paris, Metz, Lyon et Strasbourg.
‖ Gouvernement de place, sous l’Ancien
Régime, gouvernement militaire d’une
citadelle, d’une place de guerre ou d’un
château. ‖ 4. Autref. Organisme chargé
de la direction administrative d’une
colonie.

• SYN. : II, 1 administration, direction, éco-


nomie (vx), gestion ; 2 contrôle, maîtrise.
‖ III, 2 constitution, régime, système ; 3
institutions ; 4 exécutif ; dirigeant.

gouvernemental, e, aux [guvɛrnə-


mɑ̃tal, -o] adj. (de gouvernement ; 1801,
Mercier, au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré).
1. Qui émane du gouvernement, qui est
exercé par le gouvernement : Le pouvoir
gouvernemental. La justice, pour ainsi

parler, gouvernementale (Lamennais).


‖ Fonction gouvernementale, syn. de POU-
VOIR EXÉCUTIF. ‖ 2. Qui soutient le gou-
vernement : Voici qui sans doute explique
et excuse l’apparente niaiserie des grands
journaux gouvernementaux (Gide).

gouvernementalisme [guvɛrnə-
mɑ̃talism] n. m. (de gouvernemental ;
1842, Acad.). Vx. Doctrine de ceux qui
soutenaient systématiquement le gouver-
nement : Le gouvernementalisme de cer-
tains journaux.

gouverner [guvɛrne] v. tr. (lat. guber-


nare, diriger un navire, tenir le gouvernail,
et, au fig., « diriger, conduire, gouverner »,
gr. kubernân, diriger [un navire, etc.] ;
v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit guverner
[governer, XIIe s. ; gouverner, XIIIe s.], au
sens II, 5 ; sens I, 1, fin du XIIe s., Marie de
France ; sens I, 2, 1690, Furetière ; sens II, 1,
milieu du XVe s., Quinze Joyes de mariage ;
sens II, 2, 1680, Mme de Sévigné ; sens II, 3,
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence ;
sens II, 4, 1689, Racine ; sens II, 6, 1757,
Encyclopédie ; sens III, 1, 1651, Corneille ;
sens III, 2, v. 1170, Livre des Rois ; sens III,
3, XIIe s., Roncevaux).

I. 1. Diriger une embarcation au moyen


du gouvernail : Il gouverne à lui seul sa
barque à quatre voiles (Hugo). Une bande
de promeneurs sortait gaiement en une
barque secouée comme une carriole ;
un matelot joyeux, mais attentif aussi,
la gouvernait comme avec des guides
(Proust). ‖ 2. Fig. et fam. Gouverner sa
barque, conduire ses affaires.

II. 1. Vx. Diriger l’éducation d’un en-


fant : Gouverner un enfant. ‖ 2. Vx. Avoir
la maîtrise de : Il est des sots qui savent au
moins gouverner leur sottise, la masquer
de quelques semblants (Michelet). ‖ 3. En
parlant d’une chose, régler la conduite
de quelqu’un : L’historien doit laisser les
faits gouverner sa plume (Thierry). La
sainte loi de Jésus-Christ gouverne notre
civilisation, mais elle ne la pénètre pas
encore (Hugo). ‖ 4. Vx. Diriger, conduire
un animal : La manière dont Itabad gou-
vernait son cheval (Voltaire). ‖ 5. Avoir
la haute main sur l’administration d’un
ensemble de choses : Le premier bouvier,
homme de confiance, gouvernait l’étable
(Pesquidoux). ‖ 6. En grammaire, régir,
imposer dans une phrase tel cas ou tel
mode : Cette préposition gouverne l’abla-
tif en latin.

III. 1. Absol. Disposer du pouvoir en ver-


tu d’un système politique : Dans toutes
les nations, c’est le peuple ou les nobles,
ou un seul qui gouverne (Chateaubriand).
‖ 2. Diriger les affaires de l’État : Gouver-
ner un État. ‖ 3. Détenir le pouvoir exé-
cutif : Ceux qui nous gouvernent ; et ab-
sol. : Gouverner, c’est prévoir (Girardin).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2221

• SYN. : I, 1 manoeuvrer, piloter. ‖ II, 3 diri-


ger, guider, influencer, mener ; 5 adminis-
trer, gérer, régir.

& v. intr. (sens 1, 1690, Furetière [gouverner


à barre franche, 1773, Bourdé de Villehuet ;
gouverner droit, XXe s. ; gouverner dans les
eaux d’un navire, 1872, Larousse ; gouver-
ner à la lame, 1866, Littré] ; sens 2, 1704,
Trévoux [gouverner sur son ancre, 1866,
Littré]). 1. En parlant des personnes, se
diriger vers : Nous gouvernâmes vers les
îles Saint-Pierre et Miquelon, cherchant
une nouvelle relâche (Chateaubriand).
‖ Gouverner à la barre franche, se servir
de cette barre pour faire évoluer le navire.
‖ Gouverner droit, veiller à ce que le navire
reste bien à la route indiquée. ‖ Gouverner
dans les eaux d’un navire, se trouver droit
derrière lui. ‖ Gouverner à la lame, main-
tenir la direction de telle sorte que les lames
atteignent le navire par l’arrière et ne le
frappent pas de biais. ‖ 2. En parlant du
navire, obéir au gouvernail : Par le plus
grand bonheur, une brise presque insen-
sible se leva ; le vaisseau, gouvernant un
peu, se rapprocha de moi ; je me pus empa-
rer du bout de la corde (Chateaubriand).
‖ Gouverner sur son ancre, en parlant d’un
bateau ancré, être poussé par le vent, le
courant.

& se gouverner v. pr. (1373, Ordonnance


sur l’Amirauté). Vx et littér. Être capable
de régler sa propre conduite : Il renonça à
ses droits et à ses devoirs pour se gouverner
à son gré (France).

gouvernés [guvɛrne] n. m. pl. (part. passé


plur. substantivé de gouverner ; 1803,
Boiste). Ceux qui sont soumis à un gouver-
nement, par opposition aux gouvernants.

gouverneur [guvɛrnoer] n. m. (de gou-


verner ; v. 1050, Vie de saint Alexis, au sens
de « celui qui gouverne un pays [par ex., le
roi] » ; sens I, 1580, Montaigne ; sens II, 1,
v. 1290, Livre Roisin ; sens II, 2, 1834, Ségur
[gouverneur de place, XXe s.] ; sens II, 3,
1872, Larousse ; sens II, 4, 1535, Olivétan
[« directeur général de certaines adminis-
trations financières », XVIIIe s.] ; sens III,
1757, Encyclopédie).

I. Autref. Celui qui était chargé de l’édu-


cation générale et mondaine d’un jeune
prince ou d’un jeune homme de grande
famille : Ce n’est point précisément l’office
d’un gouverneur de donner des leçons,
mais seulement d’avoir attention qu’elles
se prennent avec fruit (Rousseau).

II. 1. Celui qui était chargé de la direc-


tion politique d’une province ou d’une
ville dans la Rome antique et dans la
France de l’Ancien Régime : Maxime, je
vous fais gouverneur de Sicile (Corneille).
‖ 2. Autref. Celui qui disposait de la plus
haute autorité dans une circonscrip-
tion administrative appelée « gouver-
nement ». ‖ Gouverneur de place, celui
qui commandait une place forte. ‖ Auj.

Gouverneur militaire, officier mis à la tête


d’un gouvernement militaire. ‖ 3. Celui
qui représentait le pouvoir central dans
une colonie : Les gouverneurs des colonies
françaises. ‖ 4. Celui qui dirigeait une
administration ou une institution parti-
culière : Il fallut nous en revenir au corps
de garde sans un reçu du gouverneur de la
prison (Mérimée). Lemprun, alors chef de
service, jouissait de l’estime et de la consi-
dération du gouverneur et des censeurs
d’une banque (Balzac). ‖ Par extens.
Directeur général de certaines adminis-
trations financières : Le gouverneur de la
Banque de France. Le gouverneur du Cré-
dit foncier.

III. Ouvrier chargé de préparer la pâte à


papier. (Syn. GOUVERNEAU.)

goy, goye ou goï [gɔj] n. m. (hébreu goï,


chrétien chez les juifs, proprem. « peuple » ;
XVIe s., puis 1844, Esnault). Nom donné par
les israélites aux personnes qui n’appar-
tiennent pas à leur culte : Et s’il te prend
fantaisie, dans cette franche correspon-
dance, de dire quoi que ce soit des « goym »,
sois sûr que je prêterai l’oreille (Duhamel).
• REM. Le féminin est GOYA ou GOÏA ; le
pluriel, GOYM, GOYIM ou GOÏM.

goyard [gɔjar] n. m. (du moyen franç.


goy, gouy, sorte de serpe [v. GOUET] ; début
du XVe s., écrit goyart, au sens de « serpe » ;
écrit goyard, au sens actuel, 1872, Larousse).
Croissant d’arboriculteur, qui, au XVe s., fut
employé comme arme.

goyau ou goyot [gɔjo] n. m. (mot picard,


d’origine obscure ; 1872, Larousse, écrit
goyau [goyot, 1885, Zola], au sens de « par-
tie d’un puits de mine divisé en deux sec-
tions, qui sert spécialement à la descente
des ouvriers » ; sens actuel, 1962, Larousse
[goyot d’aérage, 1885, Zola]). Galerie de
mine de faible section, dans laquelle il
faut marcher sur les genoux ou ramper.
‖ Goyau d’aérage, compartiment ménagé
sur le côté d’un puits ou d’une galerie, et
servant au passage de l’air.

goyave [gɔjav] n. f. (arouak de


SaintDomingue ou des îles voisines guava,
goyave ; 1555, Poleur, écrit guyaba ; 1601,
Champlain, écrit gouiave ; goyave, 1614,
Claude d’Abbeville [var. guau, v. 1525,
Voyage d’Antoine Pigaphetta, et gouyau,
1529, Parmentier]). Fruit du goyavier, à
saveur sucrée, que l’on mange cru ou sous
forme de confiture, de gelée, de pâte : On
est payé tout de suite et nourri à discrétion
de dattes, de mandarines, de goyaves...
(Martin du Gard).

goyavier [gɔjavje] n. m. (de goyave [v.


ce mot] ; 1601, Champlain, écrit gouia-
vier ; goyavier, 1647, Relation de l’isle de la
Guadeloupe). Genre d’arbres de la famille
des myrtacées, cultivés en Amérique tro-
picale pour leurs baies sucrées comestibles,

les goyaves : Une savane où poussaient des


framboisiers et des goyaviers (Benoit).

goyot n. m. V. GOYAU.

grabat [graba] n. m. (lat. grabatus, mau-


vais lit, grabat, gr. krabbatos, lit de repos,
mauvais lit, grabat ; v. 1050, Vie de saint
Alexis, écrit grabatum [grabat, XIIe s.], au
sens 1 [rare jusqu’au XVIe s.] ; sens 2, 1690,
Furetière). 1. Mauvais lit : Coucher sur un
grabat. Un grabat à draps sales occupait la
moitié de ma loge ; une planche supportée
par deux tasseaux, placée contre le mur à
deux pieds au-dessus du grabat, servait
d’armoire au linge, aux bottes et aux sou-
liers des détenus ; une chaise et un meuble
infâme composaient le reste de l’ameuble-
ment (Chateaubriand). Après la vie obscure
une mort ridicule ; | Après le dur grabat un
cercueil sans repos | Au bord d’un carre-
four où la foule circule (Gautier). ‖ 2. Vx.
Lit de malade : Venez-vous purger encore,
saigner, droguer, mettre sur le grabat toute
ma maison ? (Beaumarchais).

grabataire [grabatɛr] adj. et n. (de gra-


bat ; 1721, Trévoux, comme n. de sectaires
qui retardaient leur baptême jusqu’au lit
de mort ; comme adj. et n., au sens actuel,
1777, Dict. roman). Vx. Se dit d’un malade
qui ne quitte pas le lit : De véritables reli-
gieuses [...], formant un ordre à part voué
au traitement des grabataires (Huysmans).

graben [grabən] n. m. (mot allem. signif.


« fosse, fossé » ; fin du XIXe s.). Syn. de FOSSÉ
tectonique.

grabuge [grabyʒ] n. m. (probablem.


dér., avec une finale -uge peut-être reprise
à déluge [qui, en moyen franç., a signifié
« massacre, bruit »], de l’anc. v. garbouler,
discuter vivement [fin du XVIe s.], grabouil-
ler, faire du tumulte, se quereller [1625,
Stoer], issu du moyen néerl. crabbelen,
égratigner ; 1536, Godefroy [var. garbuge,
v. 1585, Cholières], au sens 1 ; sens 2, av.
1850, Balzac). 1. Fam. Discussion, querelle
bruyante et accompagnée de désordre :
Mais s’il réclame votre discrétion pour
assurer son incognito, il doit y avoir du
grabuge... (Balzac). ‖ 2. Échauffourée,
désordres publics entraînant des dégâts
matériels : Faire du grabuge. Il paraît qu’il
y a du grabuge rue Saint-Martin (Hugo).
Certes, il faut mettre le holà aux menées
antimilitaristes, mais nous n’avons que faire
non plus d’un grabuge encouragé par ceux
des éléments de droite qui, au lieu de ser-
vir l’idée patriotique, songent à s’en servir
(Proust).

• SYN. : 1 altercation, bisbille (fam.), cha-


rivari (fam.), scène ; 2 accrochage (fam.),
bagarre, remue-ménage (fam.), troubles.

grâce [grɑs] n. f. • ÉTYM. Lat. gratia,


faveur, complaisance, reconnaissance, gra-
titude, bonnes grâces, amitié, agrément,
charme, et, à basse époque, dans la langue
ecclés., « grâce divine », de gratus, agréable,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2222

bien venu, aimable, charmant, cher, pré-


cieux, reconnaissant ; fin du Xe s., Vie de
saint Léger, écrit gratia (grâce, v. 1050, Vie
de saint Alexis), au sens II (grâce habi-
tuelle, 1690, Furetière ; grâce sanctifiante,
av. 1704, Bourdaloue ; grâce actuelle, 1656,
Pascal ; grâce d’état, 1866, Littré ; être en
état de grâce, 1456, La Sale ; par la grâce
de Dieu, 1688, Miege ; à la grâce de Dieu,
1872, Larousse ; c’est la grâce que je vous
souhaite, XXe s. ; an de grâce, v. 1360,
Froissart) ; sens I, 1, XIIIe s., Chronique de
Rains (être en grâce auprès de quelqu’un,
1675, Widerhold ; rentrer en grâce auprès de
quelqu’un, 1538, R. Estienne ; trouver grâce
devant quelqu’un, 1672, Sacy ; .. aux yeux
de quelqu’un, même sens, 1564, Indice de la
Bible ; les bonnes grâces de quelqu’un, 1657,
Pascal ; de sa grâce, 1656, Molière) ; sens I,
2, fin du XVe s., Commynes (faire la grâce
de, 1636, Monet ; délai de grâce, 1804, Code
civil ; coup de grâce, 1690, Furetière [au fig.,
1758, Voltaire]) ; sens I, 3, v. 1190, Garnier
de Pont-Sainte-Maxence (« mesure de clé-
mence prise par le chef de l’État », 1538,
R. Estienne ; faire grâce de quelque chose
à quelqu’un, 1538, R. Estienne ; faire grâce,
1549, R. Estienne ; donner grâce à, 1564,
Indice de la Bible ; deman- der grâce, av.
1710, Fléchier) ; sens III, 1580, Montaigne
(rendre grâces, fin du XIIe s., Châtelain de
Coucy ; action de grâces, 1680, Richelet ;
grâce[s] à Dieu, 1549, R. Estienne ; grâce[s]
au Ciel, 1665, Molière ; Dieu grâce, 1671,
Molière) ; sens IV, 1, v. 1265, J. de Meung
(pour des animaux, 1866, Littré ; Votre
Grâce, 1466, Bartzsch [pour un duc d’An-
gleterre, 1866, Littré]) ; sens IV, 2, v. 1265,
J. de Meung (bonnes grâces, « étoffes... »,
1675, Mme de Sévigné) ; sens IV, 3, 1787,
Bernardin de Saint-Pierre (bonne grâce,
mauvaise grâce, 1872, Larousse ; de bonne
grâce, de mauvaise grâce, 1637, Crespin ;
avoir mauvaise grâce à, de, 1611, Cotgrave).

I. 1. Bonne disposition d’une personne


à l’égard d’une autre, désir de lui être
agréable (dans des expressions, sauf
emplois anciens) : Tout ce qu’on fait ne va
qu’à se mettre en leur grâce [des grands]
(Molière). ‖ Être en grâce auprès de
quelqu’un, jouir de sa considération, de sa
bienveillance. ‖ Rentrer en grâce auprès
de quelqu’un, recouvrer la faveur perdue :
Il lui venait [à Mme Bergeret] un sincère
désir de rentrer en grâce auprès de M. Ber-
geret, afin de n’être plus seule (France).
‖ Trouver grâce devant quelqu’un, aux
yeux de quelqu’un, lui agréer, lui plaire,
obtenir son indulgence. ‖ Les bonnes
grâces de quelqu’un, ses bienveillantes
dispositions, sa faveur : Être, entrer dans
les bonnes grâces de quelqu’un. Gagner,
acquérir, se concilier les bonnes grâces de
quelqu’un. ‖ Class. et fam. De sa grâce,
de sa propre volonté, sans y être obligé :
Votre coeur magnifique | Me promit, de sa
grâce, une bague (Molière). ‖ 2. Faveur,
chose qui n’est pas due et qu’on accorde

à quelqu’un pour lui complaire : Deman-


der, obtenir une grâce. Permettez-moi de
solliciter de nouveau en faveur de mes
deux secrétaires de légation, M. Bellocq
et M. de Givré, les grâces que je vous ai
demandées pour eux (Chateaubriand).
C’est que la jeunesse est une grâce, c’est
qu’elle est une espérance [...]. Disons plus
[...], c’est qu’elle est une promesse (Lamar-
tine). Jadis l’apostat repenti, jaloux de
voler au ciel de conserve avec ses frères,
obtenait la grâce de mourir dans le cirque
(Balzac). Tu étais si petit, à ta naissance,
que le chirurgien croyait que tu ne vivrais
pas. Mais je savais bien que Dieu me
ferait la grâce de te conserver (France).
‖ Class. Faire grâce, accorder une faveur
(sans idée de pardon) : Les grands se font
honneur dès lors qu’ils nous font grâce
(La Fontaine). ‖ Faire la grâce de, avoir
la complaisance, l’obligeance de : Faites-
nous la grâce de rester à déjeuner avec
nous. ‖ Délai de grâce, en droit, délai de
courte durée que le juge peut accorder à
un débiteur pour le paiement de sa dette ;
par extens., délai supplémentaire accordé
à quelqu’un pour l’exécution d’une obli-
gation. ‖ Coup de grâce, le dernier coup
que l’exécuteur donne à un supplicié,
pour mettre fin à ses souffrances ou pour
s’assurer de sa mort : Douze balles dans la
peau pour le contrevenant, sans compter
le coup de grâce (Dorgelès) ; au fig., coup,
épreuve ultime qui achève de perdre une
personne en difficulté : Je fus hué : ce der-
nier coup de grâce m’allait sans vie étendre
sur la place (Voltaire). ‖ 3. Pardon, re-
mise bénévole d’une peine encourue : De
sa vie il n’avait accordé de grâce (Stend-
hal). Si c’est la grâce du bouffon du roi que
vous m’apportez si divinement, laissez-
moi remettre ma bosse et ma perruque
(Musset). Nous ne trouvâmes plus devant
nous que [...] des lâches qui se liaient entre
eux les mains pour venir plus humblement
nous demander grâce à genoux (France).
‖ Spécialem. Mesure de clémence par
laquelle le chef de l’État accorde à un
condamné la remise ou la commutation
de la peine dont il a été frappé : Droit de
grâce. Recours en grâce. Le pourvoi de
Poudrailles fut rejeté [...]. En ce temps-
là, les grâces n’arrêtaient point avec une
fréquence excessive l’effet des sentences de
mort (France). ‖ Faire grâce de quelque
chose à quelqu’un, ne pas l’exiger de lui :
Faire grâce d’une dette ; ou lui épargner
une chose pénible ou fastidieuse : Je vous
ferai grâce des détails. ‖ Absol. Faire
grâce, pardonner. ‖ Class. Donner grâce
à, pardonner, excuser : Et l’on donne grâce
aisément | À ce dont on n’est pas le maître
(Molière). ‖ Demander grâce, se rendre à
la discrétion de quelqu’un, faire appel à
la pitié du vainqueur : Monsieur, vous qui
venez de me parler ainsi, | Ne demandez
un jour ni grâce ni merci (Hugo).

II. Secours surnaturel que Dieu accorde à


l’homme pour l’aider à faire son salut : La
grâce survit par l’habitude au sentiment
vivant qu’on en a eu (Renan). L’occasion
à fuir et la grâce à guetter (Verlaine). Une
âme attend sans doute [...] que vienne
la toucher enfin quelque rayon de votre
grâce, Seigneur ! (Gide). Tout se passe
comme si vous aviez la grâce et que je ne
l’aie point (Sartre). ‖ Grâce habituelle ou
sanctifiante, grâce qui réside dans l’âme
d’une manière permanente et dont la
source est le baptême. ‖ Grâce actuelle,
secours momentané que Dieu nous en-
voie pour nous aider à faire le bien ou à
fuir le mal. ‖ Grâce d’état, grâce attachée
à une situation particulière ; par extens.,
ce qui rend supportable une situation
pénible ou douloureuse. ‖ Être en état
de grâce, n’avoir sur la conscience aucun
péché mortel. ‖ Par la grâce de Dieu, for-
mule que les souverains plaçaient jadis
devant leur titre : Louis, par la grâce de
Dieu, roi de France et de Navarre. ‖ À
la grâce de Dieu, expression indiquant
qu’on s’en remet à Dieu et qu’on laisse
faire les choses. ‖ C’est la grâce que je
vous souhaite, c’est ce que je vous sou-
haite de plus heureux. ‖ Vx. An de grâce,
se dit des années de l’ère chrétienne : Le
17 mai de l’an de grâce 1793, je débarquai
pour la même ville de Londres, humble et
obscur voyageur, à Southampton, venant
de Jersey (Chateaubriand). [V. aussi AN.]

III. Action de reconnaître un bienfait


reçu et de remercier celui à qui on le
doit (dans des expressions). ‖ Rendre
grâce ou grâces, témoigner sa gratitude à
quelqu’un pour ce qu’on a reçu : Mme de
Lafayette vous rend mille grâces (Sévi-
gné). Je Te rends grâces, ô Dieu, de révéler
aux humbles ce que Tu caches aux intelli-
gents (Gide). ‖ Action de grâces, acte ou
prière par lesquels on rend grâce : L’armée
commença l’action de grâces [après la ba-
taille de Rocroi] (Bossuet). Par bonheur,
Rahil devint enceinte et les Naccaches
entonnèrent des actions de grâces (Duha-
mel). ‖ Grâce à Dieu, grâce au Ciel, grâce
soit rendue à Dieu (formules de remer-
ciement). [V. aussi GRÂCE À, loc. prép.]
‖ Class. Dieu grâce, même sens : « Com-
ment se portent mes deux autres fils, le
Marquis et le Commandeur ? — Ils sont,
Dieu grâce, Madame, en parfaite santé »
(Molière).

IV. 1. Agrément, charme d’une per-


sonne, qui réside dans l’aisance naturelle
des attitudes et des manières, jointe au
désir de plaire, d’être agréable à autrui :
Avoir de la grâce. Une jeune fille sans
grâce. Je ne trouve qu’en vous je ne sais
quelle grâce | Qui me charme toujours
et jamais ne me lasse (Racine). Quand
la grâce se mêle aux rides, elle est ado-
rable (Hugo) ; et par extens. : J’admire
aujourd’hui la grâce rythmée des mou-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2223

vements qu’elle arrive à faire (Gide). ‖ Se


dit aussi des animaux : La grâce et la lé-
gèreté d’une gazelle. ‖ Votre Grâce, titre
honorifique attribué à certains grands
personnages ; spécialem., titre d’honneur
des ducs d’Angleterre. ‖ 2. Agrément,
attrait analogue des choses ; en particu-
lier, qualité de ce qui est ou paraît exécuté
ou exprimé avec élégance et facilité : Le
vieux salon Louis XVI, aux pâles boise-
ries, retrouvait, dans la clarté douce, sa
grâce surannée (Zola). J’avais assez de
liberté d’esprit pour goûter dans ce qu’elle
disait cette grâce française si pure qu’on
ne trouve plus ni dans le parler ni dans
les écrits du temps présent (Proust). Cette
grâce et cette fantaisie qui distinguent la
poésie (Valéry). ‖ Class. Bonnes grâces,
étoffes garnissant la tête et le pied d’un
lit : Si vous trouvez dans Avignon ou dans
Lyon de quoi faire des rideaux, un fond,
un dossier, des soubassements, des pentes,
des bonnes grâces... (Sévigné). ‖ 3. Bonne
grâce, mauvaise grâce, bonne, mauvaise
volonté : Gertrude s’associe à ces danses
avec une grâce et une bonne grâce char-
mantes (Gide). ‖ De bonne grâce, de bon
gré, avec spontanéité et bonne humeur :
Je ne saurais me parer de bonne grâce de la
plume des paons (Vigny). ‖ De mauvaise
grâce, de mauvais gré, en rechignant,
à contrecoeur : Je répondis de mauvaise
grâce (Gide). ‖ Avoir mauvaise grâce à ou
de (et l’infinitif), être malvenu, mal ins-
piré de faire quelque chose : Et vraiment
Flaubert avait mauvaise grâce à railler
ceux qui appellent leur fils « Totor », lui
qui appelait Mme X... « sa sultane », ce qui
est tout aussi ridicule (France).

• SYN. : I, 2 avantage, gentillesse, gracieu-


seté, honneur, prérogative, privilège ; 3
absolution, amnistie, indulgence, rémis-
sion, sursis. ‖ IV, 1 attrait, douceur, joliesse,
vénusté ; 2 élégance, harmonie. — CONTR. :
IV, 1 gaucherie, laideur, lourdeur, rudesse ;
2 grossièreté, hideur, horreur, vulgarité.

• REM. Les dérivés de grâce ne prennent


plus l’accent circonflexe.
& Grâce à loc. prép. (sens 1, 1564, Indice
de la Bible ; sens 2, av. 1655, Tristan l’Her-
mite). 1. Par le fait de, à la faveur de, avec
l’aide de : Grâce à ces manoeuvres senti-
mentales, romanesques et romantiques,
Valérie obtint, sans avoir rien promis, la
place de sous-chef et la croix de la Légion
d’honneur pour son mari (Balzac). Grâce
à vous, Messieurs, et je ne vous en saurais
trop remercier, je suis deux fois Français
(Heredia). ‖ 2. Ironiq. À cause de : Grâce
à votre précipitation, la faute en est faite
(Marivaux).

& De grâce loc. adv. (1636, Corneille). Par


bonté, par pitié, je vous en supplie : Midi
sonne. De grâce, éloignez-vous, Madame
(Verlaine). Donnez-moi le temps de souffler,
de grâce (Courteline).

& grâce ! interj. (1642, Corneille). Pitié !


(cri par lequel on demande à être épargné).
• SYN. : miséricorde, pitié.

& grâces n. f. pl. (v. 1130, Eneas, au sens de


« manifestations de bienveillance » ; sens
I, 1, 1580, Montaigne [faire des grâces,
XXe s.] ; sens I, 2, 1866, Littré ; sens I, 3, 1550,
Ronsard ; sens II, fin du XIIIe s., Joinville).

I. 1. Vx ou littér. Manières gracieuses,


charmes particuliers d’une personne : Et
son coeur est épris des grâces d’Henriette
(Molière). Sans grâces, la femme n’existe
point à Paris (Balzac) ; souvent ironiq.
auj. : Le garçon l’installe avec des grâces
de pied (Giraudoux). ‖ Faire des grâces,
chercher à plaire par un comportement
affecté : La petite fille faisait des grâces à
son grand-père. ‖ 2. Vx. Jeu des grâces,
jeu où deux personnes se lançaient et re-
cevaient un léger cerceau à l’aide de deux
baguettes : On l’imaginait si bien jouant
aux grâces dans la cour de quelque pen-
sionnat, avec un ruban de velours noir au
cou et les nattes roulées dans une résille !
(Martin du Gard). ‖ 3. Les Grâces (avec
une majuscule), les trois déesses antiques,
Euphrosyne, Aglaé et Thalie, qui person-
nifiaient la grâce, le don de plaire.

II. Les grâces, prière dite après le repas


pour remercier Dieu : « Madame Élisée
Méraut va mourir... » dit-il en sortant de
table, après les grâces (Daudet).

graciable [grasjabl] adj. (de gracier ;


1762, J.-J. Rousseau). Qui peut être gracié,
pardonné.
gracier [grasje] v. tr. (de grâce ; v. 1050,
Vie de saint Alexis, au sens de « remercier
[quelqu’un] » ; 1336, Du Cange, au sens de
« remettre [une amende] » ; sens actuel,
1834, Landais). Faire remise de sa peine
à un condamné ou la commuer en une
peine moins lourde : Le président de la
République peut gracier les condamnés à
mort. Elle poussait des soupirs de soulage-
ment, comme si on l’avait graciée du plus
abominable des supplices (Zola).

gracieusement [grasjøzmɑ̃] adv. (de


gracieux ; 1302, Dict. général, au sens I, 2 ;
sens I, 1, v. 1330, Baudoin de Sebourg ; sens
II, 1922, Larousse).

I. 1. Avec grâce, avec agrément, charme :


Comme ce petit doigt se replie gracieu-
sement ! (Gautier). ‖ 2. Avec amabilité,
avec des manières courtoises : Le comte
de Mortsauf me présenta fort gracieuse-
ment à la duchesse (Balzac).

II. À titre gracieux, gratuitement : Cette


brochure sera adressée gracieusement à
tous ceux qui en feront la demande.

• SYN. : I, 1 agréablement, élégamment,


harmonieusement ; 2 aimablement, cour-
toisement, galamment, gentiment, poli-
ment. ‖ II bénévolement, franco, gratis,
gratuitement.

gracieuser [grasjøze] v. tr. (de gracieux ;


fin du XVIe s., A. d’Aubigné, au sens 1 ;
sens 2, 1853, Goncourt). 1. Class. Traiter
gracieusement quelqu’un, chercher à le
séduire par des marques d’attention, de
bienveillance : Le duc d’Orléans vit les
magistrats, les entretint, les gracieusa
(Saint-Simon). ‖ 2. Rendre gracieux
(rare) : Il gracieusait son accent artésien
(Goncourt).

gracieuseté [grasjøzte] n. f. (de gra-


cieux ; v. 1462, Cent Nouvelles, au sens I,
1 ; sens I, 2, av. 1854, Nerval ; sens II, fin du
XVe s. [« cadeau », v. 1462, Cent Nouvelles]).

I. 1. Manière aimable, obligeante d’agir à


l’égard de quelqu’un : Une offre faite avec
beaucoup de gracieuseté. ‖ 2. Action gra-
cieuse : Les enfants qui font cette gracieu-
seté à l’étranger qui passe... (Nerval).

II. Gratification donnée à quelqu’un en


plus de ce qu’on lui doit.
• SYN. : I, 1 affabilité, cordialité, courtoi-
sie, empressement, obligeance ; 2 amabi-
lité, attention, faveur, gentillesse, politesse,
prévenance. ‖ II cadeau, libéralités, pièce
(fam.), pourboire, prime.

gracieux, euse [grasjø, -øz] adj. (lat.


gratiosus, qui est en faveur, qui a du crédit,
qui accorde une faveur, obligeant, fait ou
obtenu par faveur, de gratia [v. GRÂCE] ;
XIIe s., Godefroy, écrit gracios [gracieux,
XIVe s.], au sens de « plein de la grâce
divine » ; sens I, 1, XIIIe s., Chronique de
Rains ; sens I, 2, v. 1360, Froissart ; sens I, 3,
XVe s., Juvenal des Ursins ; sens II, 1, fin du
XVe s., Commynes ; sens II, 2, 1866, Littré ;
sens III, 1273, Adenet [pour une personne ;
pour une chose, v. 1265, Br. Latini]).

I. 1. Class. Qui fait preuve de bien-


veillance, d’amabilité (en parlant des per-
sonnes) : Que si mêmes un jour le lecteur
gracieux, | Amorcé par mon nom, sur vous
tourne les yeux (Boileau). ‖ 2. Class. Qui
est bienfaisant et agréable (en parlant
des choses) : L’air [d’Avignon] est doux et
gracieux (Sévigné). ‖ 3. Qui manifeste de
la bonne grâce, le désir d’être agréable :
Recevoir un accueil gracieux. Et je vous
saluai d’un salut gracieux (Heredia).

II. 1. Vx. Qui accorde des grâces, des


faveurs : Notre gracieux souverain. Sa
gracieuse Majesté. ‖ 2. Qui a le carac-
tère d’une grâce, qui est accordé de façon
bénévole, sans aucune contrepartie : Un
concours gracieux. ‖ À titre gracieux,
gratuitement.

III. Qui a de la grâce, de l’agrément,


du charme (en parlant des êtres et des
choses) : La princesse de Joinville est tout
ce qu’on peut imaginer de plus gracieux
(Mérimée). C’était un garçon gracieux,
indolent (Gide). Oui, voilà son regard et ses
traits gracieux (M.-J. Chénier). Sa beau-
té, ce jour-là, était cependant plus gra-
cieuse encore qu’à l’ordinaire (Bourget).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2224

Guernesey, gracieuse d’un côté, est de


l’autre terrible (Hugo).

• SYN. : I, 3 affable, aimable, avenant, cha-


leureux, cordial, courtois, engageant, gentil.
‖ II, 2 bénévole, gratuit. ‖ III agréable,
attirant, attrayant, charmant, charmeur,
harmonieux, joli, mignon, plaisant, ravis-
sant, riant. — CONTR. : I, 3 arrogant, bles-
sant, désagréable, désobligeant, discourtois,
humiliant, vexant. ‖ III affreux, déplai-
sant, difforme, disgracieux, fruste, grossier,
informe, ingrat, laid, sévère, vilain.

• REM. Défendu par Ménage, qui le


trouvait « très bon en prose et en vers »,
gracieux était blâmé par Vaugelas et par
Bouhours.

& gracieux n. m. (sens 1, 1677, Brunot ; sens


2, 1829, V. Hugo). 1. Vx. Le genre gracieux,
en art et en littérature : Watteau a été dans
le gracieux à peu près ce que Teniers a été
dans le grotesque (Voltaire). ‖ 2. Gracioso,
bouffon de la comédie espagnole : Je suis
le gracieux de la troupe (Hugo).

gracilaire [grasilɛr] n. m. (peut-être der.


savant du lat. gracilis [v. l’art. suiv.] ; 1962,
Larousse). Petite teigne brillante, richement
colorée, au corps long de 2 à 3 mm, com-
prenant plusieurs espèces dont les chenilles
attaquent les feuilles des arbres.

gracile [grasil] adj. (lat. gracilis, mince,


maigre, étroit, pauvre, misérable, chétif ;
1545, J. Bouchet, puis milieu du XIXe s.,
Baudelaire). Littér. Qui a une grâce fra-
gile et délicate : Ces bras sont d’un galbe
très pur et d’un contour bien séduisant,
sans aucun doute ; mais un peu graciles,
il leur manque, pour arriver au style pré-
conçu, une certaine dose d’embonpoint et
de suc matronal (Baudelaire). Et que mon
souffle anime une flûte gracile | Dont le
joueur léger me serait indulgent ! (Valéry).
Sur son corps gracile [d’une jeune Noire],
sa jolie tête oscillait lentement, un peu ren-
versée, et sur le visage endormi se reflétait
une mélancolie égale et innocente (Camus).
• SYN. : fin, fluet, frêle, grêle, menu, mièvre,
mince. — CONTR. : corpulent, costaud (pop.),
épais, gras, gros, massif, robuste, solide.

• REM. Alors que grêle souligne la fai-


blesse de ce qui est mince, gracile, dou-
blet savant, en souligne la délicatesse, la
beauté.

gracilité [grasilite] n. f. (lat. gracilitas,


-tatis, finesse, forme élancée, maigreur,
sobriété [du style], de gracilis [v. GRACILE] ;
1488, Mer des histoires). Littér. Caractère de
ce qui est grêle ou gracile : La gracilité des
membres, de la voix. Et l’étonnante gracilité
de ce petit corps impubère ne fait pourtant
point regretter que les formes ne soient ou
plus enfantines ou plus pleines (Gide).

1. gracioso [grasjozo] n. m. (mot esp.


désignant un personnage de comédie, lat.
gratiosus [v. GRACIEUX] ; 1715, Lesage).
Bouffon de la comédie espagnole : Les
graciosos de comédie (Hugo). Quelque

valet ridicule ou stupide remplit le person-


nage du gracioso (Gautier). [On a dit aussi
GRACIEUX.]

2. gracioso [grasjozo] adv. (ital. grazioso,


proprem. « gracieux », lat. gratiosus [v. GRA-
CIEUX] ; 1845, Bescherelle, écrit grazioso ;
gracioso, 1907, Larousse). Indication musi-
cale signifiant « avec grâce » : Les violons
jouaient gracioso.

& adj. : Andante gracioso.

gradaille [gradaj] n. f. (de gradé ; 1894,


Esnault, au sens 1 ; sens 2, 1920, Bauche).
1. Arg. scol. À Saint-Cyr, ensemble des
élèves gradés. ‖ 2. Pop. et péjor. Les gra-
dés, sous-officiers et officiers subalternes :
Vautrés à terre, entre deux fumiers, à coups
de gueule, à coups de bottes, on se trouvait
bientôt relevés par la gradaille et relancés
encore un coup vers d’autres chargements
du convoi, encore (Céline).

gradation [gradasjɔ̃] n. f. (lat. gradatio,


-tionis, gradin, passage successif d’une idée
à une autre, gradation, de gradus [v. GRADE] ;
milieu du XVe s., au sens 4 ; sens 1, 1580,
Montaigne [« accroissement ou décroisse-
ment progressif », 1802, Chateaubriand] ;
sens 2, 1866, Littré ; sens 3, 1690, Furetière).
1. Progrès vers un terme dont on se rap-
proche par degrés insensibles : Procédons
par gradation, ne touchons pas à toutes les
questions à la fois (Gambetta). On y sui-
vrait de plus près [...] les diverses gradations
par lesquelles change la surface de la Terre
(Proust). ‖ Spécialem. Accroissement (ou
décroissement) progressif : La gradation
de la lumière, des idées. ‖ 2. En musique,
augmentation progressive de la sonorité
ou du mouvement, passant du piano au
forte ou au fortissimo, ou du lento au vivace.
‖ 3. En peinture, passage insensible d’un
ton à un autre. ‖ 4. Figure de rhétorique
par laquelle on accumule plusieurs termes
ou plusieurs idées qui enchérissent l’un ou
l’une sur l’autre, suivant une progression
ascendante.
• SYN. : 1 degré, étape, palier, phase.

grade [grad] n. m. (lat. gradus, pas, pos-


ture du combattant, degré, marche, échelle,
degré [au fig.], de gradi, marcher, s’avancer ;
1578, H. Estienne, au sens I, 1 ; sens I, 2,
1690, Furetière [« rang dans la hiérarchie
militaire », fin du XVIIe s., Saint-Simon ; en
prendre pour son grade, 1930, Larousse] ;
sens I, 3, 1721, Trévoux ; sens II, 1, 1803,
Boiste [aussi « unité d’angle... »] ; sens II,
2-3, 1962, Larousse).

I. 1. Class. Degré de dignité, d’honneur :


Il est mille douceurs dans un grade si haut
[le trône] (Corneille). ‖ 2. Chacun des
degrés, des échelons d’une hiérarchie :
Peu à peu, après avoir passé par tous les
grades, vendeur, puis second, puis chef
de comptoir à la soie, il était devenu un
des lieutenants du patron [...], un des six
intéressés qui aidaient celui-ci à gouver-

ner le Bonheur des dames (Zola). Avan-


cer, monter en grade. ‖ Spécialem. Rang
dans la hiérarchie militaire, correspon-
dant à un degré de commandement : Le
grade de sergent, de capitaine. Les grades
supérieurs. ‖ Fam. En prendre pour son
grade, subir une violente réprimande.
‖ 3. Grade universitaire, rang dans la
hiérarchie universitaire (bachelier, licen-
cié, docteur), constaté par un diplôme
délivré après examen : Çà, vous figurez-
vous, parlons net, camarades, | Qu’on
est un vrai docteur pour avoir pris ses
grades ? (Hugo). Eh bien, mon ami, dit-
il à son futur élève [...], nous allons donc
prendre nos grades dans la vieille Univer-
sité ? (France).

II. 1. Unité d’arc équivalant à la centième


partie du quadrant ou quart de cercle :
Une circonférence comprend 400 grades.
‖ Unité d’angle dans le système centési-
mal (symb. : gr), équivalant à l’angle au
centre qui intercepte sur la circonférence
un arc d’une longueur égale à 1/400 de
cette circonférence : Le grade vaut les 9/10
d’un degré. ‖ 2. Qualité d’une huile de
graissage évaluée en fonction de sa vis-
cosité. ‖ 3. Qualité en vertu de laquelle
un agglomérat retient les grains d’abrasif
dans une meule.

• SYN. : I. 2 échelon, indice.

gradé [grade] adj. m. (de grade ; 1796, le


Néologiste françois). Pourvu d’un grade
dans l’armée (rare) : Les militaires, gradés
ou non...

& n. m. (1900, Dict. général) Militaire d’un


grade inférieur à celui d’officier : Dans une
demi-heure, les gradés à moi, pour le rap-
port (Benoit).

gradient [gradjɑ̃] n. m. (du lat. gra-


dus, degré [v. GRADE], d’après quotient ;
1888, Larousse, au sens 1 ; sens 2-3, 1962,
Larousse). 1. Taux de variation d’un élé-
ment météorologique en fonction de la dis-
tance : Gradient de température. Gradient
de pression. ‖ 2. En biologie, variation,
progressivement décroissante à partir
d’un point maximal, de la concentration
d’une substance ou d’une propriété phy-
siologique, dans une cellule ou dans un
organisme. ‖ 3. Gradient de potentiel,
variation du potentiel électrique ou magné-
tique entre deux points.

gradille [gradij] n. f. (de gradine, par


changement de suff. ; 1828, Laveaux).
Denticule d’un ornement d’architecture.

gradin [gradɛ̃] n. m. (ital. gradino, gra-


din, dimin. de grado, marche d’escalier, lat.
gradus [v. GRADE] ; 1671, Pomey, au sens 1 ;
sens 2, 1727, Havard ; sens 3, 1704, Trévoux ;
sens 4, 1866, Littré [aussi gradins droits,
gradins renversés]). 1. Petit degré formant
étagère, sur un autel, un meuble, etc. : Un
buffet en gradins portait vingt mille vases ou
plats d’or (Voltaire). ‖ 2. Chacun des bancs
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2225

disposés en étages dans un amphithéâtre :


Une foule énorme s’étageait, s’écrasait sur
les gradins (Daudet). ‖ 3. Chacun des
degrés d’un terrain, d’une construction
qui s’étage sur plusieurs plans, en retrait
les uns par rapport aux autres : Jardins qui
s’élèvent en gradins. Je commence à gravir
ces gradins de collines (Lamartine). J’avais
présents à toute heure les pots d’oeillets qui
embaumaient, les caisses de myrte sur les
gradins du perron (Sainte-Beuve). Bientôt
la gorge s’élargit, des rochers se dressent au
milieu de futaies qui descendent en gra-
dins (Zola). ‖ 4. Front en gradins, dans
une mine, front d’exploitation compor-
tant des redans décalés. ‖ Front en gradins
droits, en gradins renversés, front disposé
comme le dessus ou comme le dessous
d’un escalier.

• SYN. : 3 degré, étage, marche.

gradine [gradin] n. f. (ital. gradina, ciseau


denté, de grado [v. GRADIN] ; 1676, Félibien,
au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré). 1. Ciseau à
froid du tailleur de pierre, dont le tranchant
est constitué par des dents plates. ‖ 2. Outil
coupant et dentelé qui sert, dans les faïen-
ceries, à enlever les sutures des pièces.

graduation [gradɥasjɔ̃] n. f. (de graduer ;


XIVe s., Dict. général, écrit graduacion, au
sens de « dosage » ; XVIe s., Littré, écrit
graduation, au sens de « grade universi-
taire » ; sens I, 1, 1721, Trévoux ; sens I, 2,
1877, Littré ; sens I, 3, XXe s. ; sens II, 1757,
Encyclopédie).

I. 1. Action de graduer un instrument de


mesure, d’établir sa division en degrés :
La graduation d’un baromètre. ‖ 2. En-
semble des divisions d’une échelle gra-
duée : Un thermomètre à graduation cen-
tésimale. ‖ 3. Chacune de ces divisions.

II. Bâtiments de graduation, installations


où l’on opère une concentration progres-
sive de l’eau des marais salants, pour en
extraire le sel qu’elle renferme.

gradué, e [gradɥe] adj. (part. passé de


graduer ; 1625, Stoer, au sens I ; sens II, 1690,
Furetière).

I. Dont la difficulté ou la quantité aug-


mente progressivement : Cours de thèmes
gradués. Des exercices gradués.

II. Divisé en degrés : Une règle graduée.


Un cercle gradué.

• SYN. : I progressif.

& gradué adj. et n. m. (1404, N. de Baye).


Vx. Qui a obtenu un grade universitaire :
Être gradué en théologie. Chaque gradué,
depuis le sous-diacre jusqu’au souverain
pontife, exerçait une petite juridiction
(Chateaubriand). ‖ Gradué en droit, syn.
de CAPACITAIRE en droit.

1. graduel, elle [gradɥɛl] adj. (lat.


médiév. gradualis, graduel, du lat. class.
gradus, degré [v. GRADE] ; 1660, Oudin,
au sens 2 [psalmes graduales, 1382,

Ph. de Maizières] ; sens 1, 1688, Miege).


1. Qui progresse par degrés : Mais, par
un détachement graduel, il avait supprimé
en lui la plupart des besoins (Taine). Une
amélioration graduelle de la température.
‖ 2. Psaumes graduels, ou des degrés, ou
des montées, psaumes chantés par les pèle-
rins quand ils montaient vers Jérusalem.
• SYN. : 1 progressif. — CONTR. 1 brusque,
brutal, soudain, subit.

2. graduel [gradɥɛl] n. m. (lat. médiév.


gradualis, n. m., qui avait les deux sens du
mot franç., de gradus, degré [v. GRADE] ; fin
du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1611, Cotgrave
[gradual, fin du XIVe s. ; grael, forme plus
francisée, fin du XIIe s., Dialogues de saint
Grégoire]). 1. Partie de l’office catholique
entre l’épître et l’évangile, composée
de versets chantés ou récités. ‖ 2. Livre
liturgique contenant les pièces exécutées
au cours de la messe romaine.

graduellement [gradɥɛlmɑ̃] adv. (de


graduel ; XIVe s., Godefroy, écrit graduel-
ment, au sens de « en se postant sur les
degrés de l’autel » ; écrit graduellement, au
sens actuel, 1596, Hulsius). Par degrés ; peu
à peu : Les usages sont graduellement chan-
gés (Chateaubriand). Mais, loin de leur faire
honte de leur ignorance, il ne songeait qu’à
la dissiper graduellement par l’application
des meilleures règles pédagogiques (France).
• SYN. : petit à petit, progressivement.

— CONTR. : brusquement, brutalement,


subitement.

graduer [gradɥe] v. tr. (lat. scolast. gra-


duare, conférer un grade, du lat. class. gra-
dus [v. GRADE] ; milieu du XVIe s., au sens I ;
sens II-III, 1690, Furetière [au part. passé,
au sens III, dès 1404, N. de Baye]).

I. Augmenter par degrés : L’usurpation


[de Pépin d’Héristal] avait été si habile-
ment graduée, qu’il était devenu maître
absolu presque sans secousse (Mérimée).
Le professeur graduait les difficultés sui-
vant les progrès des élèves.

II. Marquer d’une division en degrés :


Graduer un thermomètre.

III. Vx. Élever à un grade universitaire :


Se faire graduer à la faculté de médecine
de Montpellier.

gradueuse [gradɥøz] n. f. (de graduer ;


1962, Larousse). Dans la confection, per-
sonne qualifiée qui établit les patrons
types des vêtements de série sur les tailles
normalisées.

gradus [gradys] n. m. (abrév. de la loc. du


lat. scolaire moderne gradus ad Parnassum
[1680, Aler], proprem. « degrés pour mon-
ter au Parnasse » ; 1845, Bescherelle).
Dictionnaire de prosodie et d’expressions
poétiques pour aider à traduire ou à écrire
des vers latins : Bréviaires, gradus, glos-
saires [...], toute la cuistrerie engluée à des
plumes (Hugo).

graffiti [grafiti] n. m. pl. (ital. archéolo-


gique graffiti, plur. de graffito, inscription
tracée sur un monument antique, de grafio,
pointe, style, lat. graphium, style, poinçon
pour écrire sur la cire [v. GREFFE] ; 1866,
Littré, au sens 1 [graffite, forme francisée,
1878, Acad.] ; sens 2, av. 1922, Proust).
1. Inscriptions ou dessins, de caractère sou-
vent satirique ou caricatural, tracés dans
l’Antiquité sur des monuments. ‖ 2. Écrits
ou dessins tracés par des passants sur les
murs, les monuments, etc. : Comme par un
de ces escaliers de service où des graffiti obs-
cènes sont charbonnés à la porte des appar-
tements par des fournisseurs mécontents ou
des domestiques renvoyés (Proust). J’aurai
gratté de malhonnêtes graffiti (Giraudoux).
Sans bruit, Véronique poussait la porte, puis
glissait furtivement, les yeux au sol, comme
passe un convers devant les graffiti obscènes
(Gide).

• REM. Ce mot s’emploie de plus en plus


couramment au singulier, sous la forme
un graffiti, plutôt que un graffito, forme
italienne, ou un graffite, forme francisée.

grafigner ou graffigner [grafiɲe]


v. tr. (de l’anc. scand. krafla, gratter ; av.
1243, Ph. de Novarre, au sens de « grat-
ter avec les ongles » ; sens actuel, v. 1460,
G. Chastellain). Dialect. Égratigner, griffer :
Je te sauterais après, je te grifferais, je te
grafignerais (Hugo). Elle lui graffignait la
figure comme une furie (Pagnol).

1. graille [grɑj] n. f. (lat. gracula, femelle


du geai, fém. de graculus, geai ; 1567, Junius
[sans aucun doute bien antérieur, cf. la
date du dér. grailler 1]). Nom dialectal de
la corneille.

2. graille [grɑj] n. f. (de graillon 1 [v.


ce mot] ; 1929, Esnault). Arg. Nourriture,
repas : Se plaindre de la graille. C’est l’heure
de la graille.

graillement [grɑjmɑ̃] n. m. (de grailler 1


graillement [grɑjmɑ̃] n. m. (de grailler 1
et 2 ; v. 1360, Froissart, écrit graliement, au
sens de « cri d’oiseau » ; milieu du XVIe s.,
écrit graillement, au sens de « son de cor
rauque » ; sens actuel, 1671, Pomey). Son
de voix rauque : Elle accompagnait le
graillement de son gosier avec des gestes
(Huysmans).

• SYN. : graillonnement.

1. grailler [grɑje] v. intr. (de graille 1 ;


XIIIe s., Médicinaire liégeois, écrit grailier, au
sens de « émettre un cri rauque » [en parlant
de la poule] ; écrit grailler, au sens 1, XVe s.,
Du Cange ; sens 2, 1611, Cotgrave). 1. Crier,
en parlant de la corneille. ‖ 2. Parler d’une
voix rauque, enrouée.

2. grailler [grɑje] v. intr. (de l’anc. franç.


graile, n. m., espèce de trompette en corne
ou en métal [1080, Chanson de Roland],
emploi substantivé de graile, forme anc. de
l’adj. grêle [la trompette ayant un son grêle] ;
fin du XVIe s., Tilander, écrit gresler ; grailler
[sous l’influence de grailler 1], 1606, Nicot
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2226

[« sonner du cor sur un son rauque », 1552,


Vaganay]). À la chasse à courre, sonner de
la trompe pour rappeler les chiens.

3. grailler [grɑje] v. tr. (de graille 2 ; 1944,


Esnault). Arg. Manger : Quand est-ce qu’on
graille ?

1. graillon [grɑjɔ̃] n. m. (de graeillier,


griller, rôtir [v. 1175, Chr. de Troyes], forme
anc. de griller 2 [v. ce mot] ; 1642, Oudin, au
sens 3 ; sens 1, 1798, Acad. [« odeur de restes
d’aliments qui ne sont plus frais », 1762,
Acad. ; « — mauvaise — cuisine », 1916,
Esnault] ; sens 2, 1829, Boiste ; sens 4, 1723,
Savary des Bruslons). 1. Graisse ou viande
brûlée répandant une mauvaise odeur : Au
fond, chaque fois qu’un garçon remontait
de la cuisine, la porte battait, soufflait une
odeur forte de graillon (Zola). ‖ Mauvaise
cuisine : Je ne dépense un peu que pour
la nourriture, parce que j’ai l’estomac
fragile, et horreur du graillon (Romains).
‖ 2. Parcelle croustillante de chair et de
gras, résidu de la fabrication du saindoux.
‖ 3. Vx. Restes d’un repas. ‖ 4. Rognures
de marbre, de pierre tombées d’un bloc
que l’on taille.
2. graillon [grɑjɔ̃] n. m. (même étym.
qu’à l’art. précéd., les mucosités ayant un
aspect semblable à celui de restes d’un
repas ; 1808, d’Hautel). Pop. Mucosité
expectorée, crachat épais.

1. graillonnant, e [grɑjɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de graillonner 1 ; fin du XIXe s.,
Huysmans). Qui sent le graillon : Et sa faim,
déjà rabrouée par les graillonnants effluves
de la pièce, se refusa à entamer des viandes
insipides (Huysmans).

2. graillonnant, e [grɑjɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de graillonner 2 ; av. 1890,
Maupassant). Se dit d’une voix rauque,
éraillée : M. Follenvie, de sa voix graillon-
nante, demanda... (Maupassant).

graillonnement [grɑjɔnmɑ̃] n. m. (de


graillonner 2 ; XXe s.). Action de se racler la
gorge, de parler d’une voix graillonnante.
• SYN. : graillement.

1. graillonner [grɑjɔne] v. intr. (de


graillon 1 ; 1866, Littré). Prendre une odeur
de graillon : Des roux graillonnaient dans
les poêlons, avec une fumée forte de farine
brûlée (Zola).

2. graillonner [grɑjɔne] v. intr. (de


graillon 2 ; 1808, d’Hautel). Expulser des
mucosités avec un raclement guttural :
Des chantres qui graillonnent et crachent
à la galopade (Huysmans). Il toussotait,
graillonnait, tâtait de mille manières sa
gorge et ses bronches (Duhamel).

graillonneur, euse [grɑjɔnoer, -øz] n. (de


graillonner 2 ; 1829, Boiste). Fam. Personne
qui graillonne souvent : Comme c’est ragoû-
tant d’avoir affaire avant son déjeuner à un
graillonneur pareil (Monnier).

graillonneux, euse [grɑjɔnø, -øz] adj.


(de graillon 1 ; fin du XIXe s., A. Daudet).
Qui a une odeur de graillon, qui rappelle le
graillon : Dans la salle graillonneuse, ils gri-
gnotaient des olives (Daudet). Quinette vou-
drait faire plaisir à cet homme. Dommage
qu’il déteste l’odeur graillonneuse des frites
(Romains).

1. grain [grɛ̃] n. m. (lat. granum, grain,


graine ; XIe s., au sens 1 [grains blancs, 1845,
Bescherelle ; gros grain, menus grains, pou-
let de grain, 1690, Furetière ; séparer l’ivraie
d’avec le bon grain, 1872, Larousse ; grain
d’orge, 1660, Oudin] ; sens 2, XIIIe s. ; sens
3, av. 1613, M. Régnier [« pilule de forme
sphérique », 1872, Larousse ; catholique à
gros grain, 1656, Oudin] ; sens 4, XIVe s.,
Du Cange [un grain d’encens, 1845,
Bescherelle ; mettre, fourrer son grain de
sel, XXe s. ; grain de beauté, 1845, Bescherelle
— d’abord « fossette aux joues, au men-
ton quand on rit », 1752, Trévoux ; grain,
« creux ou fossette sur la peau », v. 1221,
Renart et Piaudoue] ; sens 5, 1690, Furetière
[ne ... grain, v. 1462, Cent Nouvelles ; avoir
un grain de folie, 1660, Oudin — avoir
un grain, même sens, 1740, Acad.] ; sens
6, 1606, Nicot [grain de fin, 1723, Savary
des Bruslons] ; sens 7, XIIe s., Partenopeus
de Blois ; sens 8, v. 1170, Livre des Rois ;
sens 9, XXe s.). 1. Fruit et semence de cer-
taines plantes : Grains de blé, de maïs, de
riz, d’orge. C’étaient de bons fellahs, qui
possédaient [...] un peu de cette terre noire
qui rend au centuple le grain qu’on lui
confie (France). ‖ Grains blancs, grains
des céréales. ‖ Gros grain, froment, méteil
et seigle. (V. aussi GROS-GRAIN.) ‖ Menus
grains, grains qu’on sème en mars, comme
l’orge, l’avoine, etc. ‖ Poulet de grain, pou-
let très apprécié, nourri exclusivement de
grain. ‖ Fig. Séparer l’ivraie d’avec le bon
grain, séparer le bien du mal, les bons
des méchants. ‖ Fig. et vx. Grain d’orge,
petit furoncle en forme de grain d’orge,
dit aussi orgelet ou compère-loriot, et qui
vient au bord de la paupière. (V. aussi
GRAIN-D’ORGE.) ‖ 2. Petit fruit à pépins
ou petite partie de fruit composé : Grain
de groseille, de raisin. ‖ 3. Petit corps
sphérique ou ovoïde quelconque : Des
grains d’ambre. Des grains de verroterie.
La prieure dévida quelques grains de son
chapelet (Hugo). ‖ Nom parfois donné en
pharmacie à des pilules de forme sphérique.
‖ Fig. Catholique à gros grains, catholique
qui pratique peu scrupuleusement sa reli-
gion. ‖ 4. Petite parcelle, plus ou moins
arrondie, d’une matière quelconque : Un
grain de tabac. Un grain de sable. ‖ Fig.
Un grain d’encens, un peu de flatterie.
(Vieilli.) ‖ Fig. et fam. Mettre, fourrer son
grain de sel, s’occuper de quelque chose qui
ne vous regarde pas ; faire hors de propos
des remarques désobligeantes : Il consis-
tait à compliquer les choses, en voulant y
fourrer son grain de sel, pour montrer qu’il
était le patron (Montherlant). ‖ Grain de

beauté, petite tache brune sur la peau :


Deux grains de beauté sur le devant du
cou, un grain de beauté à la saignée du
bras gauche... (Montherlant). ‖ 5. Fig. Très
petite quantité : Un grain de tendance au
fantasque (Nerval). C’est à mon tour de sou-
rire, quoiqu’il y ait ici un grain de mépris
(Musset). Je n’ose pas dire que l’esthétique
est l’étude d’un système de négation,
quoiqu’il y ait quelque grain de vérité dans
ce dire (Valéry). ‖ Class. Dans une phrase
négative, signifie « la plus petite quantité »,
« pas du tout » : Ce cierge ne savait grain de
philosophie (La Fontaine). ‖ Avoir un grain
de folie (vieilli), ou simplem. avoir un grain,
être un peu fou. ‖ 6. Ancienne mesure de
poids valant 0,053 g : Ma commère, il vous
faut purger | Avec quatre grains d’ellébore
(La Fontaine). ‖ Grain de fin, ancienne
mesure de la pureté de l’argent, équiva-
lant à la vingt-quatrième partie du denier.
‖ 7. Le grain, ensemble des aspérités, des
inégalités que présente une surface qui n’est
pas parfaitement lisse : Il voyait de tout
près le grain mat de sa peau, et, autour des
yeux, le centre transparent et sombre qui
donnait plus de tristesse et de douceur à ce
regard mouillé qu’elle levait sur lui (Martin
du Gard). Le grain d’un cuir. Le grain d’un
tissu. ‖ 8. Ensemble des particules formant
la texture de certains corps solides : Un gros
galet rond, d’un grain très dense (Hugo). À
la base, donnée par le sol national, la pierre
véritablement fine [...], pierre d’un grain
parfait qui n’a ni la sécheresse du marbre,
ni la dureté cristalline des granits (Valéry).
‖ 9. En photographie, agglomérat de fines
particules d’argent réduit par le dévelop-
pement et formant l’image : Des clichés à
grain fin.

• SYN. : 1 graine ; 2 baie ; 3 perle ; granule ;


4 corpuscule, parcelle, particule ; 5 atome,
brin, once, pointe, soupçon.

& grains n. m. pl. (sens 1, XVIe s., Coutumier


général [au sing., même sens, 1324,
Runkewitz] ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Les
céréales : La disette par suite de laquelle les
grains acquirent un prix énorme à Paris
(Balzac). ‖ 2. Morceaux de charbon criblés
dont les dimensions sont comprises entre
6 et 10 mm.

2. grain [grɛ̃] n. m. (probablem. emploi


fig. de grain 1, à cause des grêlons qui
tombent souvent lorsque ont lieu des orages
subits ; 1552, Rabelais, au sens 1 [grain
blanc, grain noir, 1845, Bescherelle] ; sens
2, 1778, Buffon ; sens 3, 1866, Littré [au
fig., 1842, E. Sue ; voir venir le grain, 1932,
Mauriac]). 1. Coup de vent violent et subit,
généralement de peu de durée : Les grains
sont souvent accompagnés de pluie ou de
grêle. ‖ Grain blanc, grain de vent par ciel
pur, avec un petit nuage blanc montant
rapidement de l’horizon. ‖ Grain noir,
grain accompagné de pluie : Il agrandissait
les montagnes, faisait tinter les cloches dans
les hameaux, étouffait le bruit des torrents
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2227

dans celui de la foudre, et se précipitait en


hurlant sur ma calèche comme un grain noir
sur la voile d’un vaisseau (Chateaubriand).
‖ 2. Averse soudaine : Mais ma grand-
mère, même si le temps trop chaud s’était
gâté, si un orage ou seulement un grain
était survenu, venait me supplier de sor-
tir (Proust). Nous allions travailler entre
deux grains (Bosco). ‖ 3. Veiller au grain,
observer le temps pour ne pas se laisser
surprendre par un orage ; au fig., être sur
ses gardes. ‖ Voir venir le grain, voir venir
le danger.

• SYN. : 1 bourrasque, rafale ; 2 giboulée,


ondée, saucée (pop.).

grainage [grɛnaʒ] n. m. (de grainer,


grener, au sens spécialisé de « produire
des oeufs, en parlant du ver à soie » [1600,
O. de Serres], dér. de graine ; 1866, Littré
[grenage, « action de former le grain de
poudre » — 1730, Savary des Bruslons —,
est un dér. de grainer, grener, au sens géné-
ral]). Production des oeufs, dits « graines »,
du ver à soie.

grain-d’orge [grɛ̃dɔrʒ] n. m. (de grain 1,


de et orge ; 1572, Havard, au sens 1 ; sens 2,
1723, Savary des Bruslons [velours grain-
d’orge, XXe s.] ; sens 3, 1694, Th. Corneille
[« fer servant à faire cette moulure »,
1690, Furetière ; « sorte de burin à pointe
biseautée », 1660, Oudin] ; sens 4, 1690,
Furetière). 1. Broderie au plumetis, dont
le dessin ressemble à un grain d’orge, avec
une petite nervure centrale de 2 à 3 mm.
‖ 2. Ancienne étoffe croisée, en laine de
qualité ordinaire. ‖ Velours grain-d’orge,
velours par trame, à côtes, présentant des
effets fantaisie de petites côtes réparties en
quinconce sur sa surface. ‖ 3. En menui-
serie, moulure de profil triangulaire ou
semi-circulaire. ‖ Fer servant à faire cette
moulure. ‖ Sorte de burin à pointe biseau-
tée. ‖ 4. Note de plain-chant figurée en
forme de losange.
• Pl. des GRAINS-D’ORGE.

graine [grɛn] n. f. (lat. grana, neutre plur.


[pris pour un fém. sing. à basse époque] de
granum, grain, graine [v. GRAIN] ; v. 1175,
Chr. de Troyes, au sens 1 [plante à graines,
XXe s. ; monter en graine, 1660, Oudin —
au fig., 1690, Furetière ; en prendre de la
graine, début du XXe s. ; graine de, 1866,
Littré ; mauvaise graine, 1866, Littré
— méchante graine, même sens, 1690,
Furetière ; graine de giberne, 1866, Littré ;
graine d’épinard, 1721, Trévoux] ; sens 2,
1926, Esnault ; sens 3, 1600, O. de Serres).
1. Partie du fruit qui, en germant, don-
nera une nouvelle plante : Toutes sortes
d’oisillons picoraient les graines du jardin
(Flaubert). Un vent léger balaye avec la
poussière de la chaussée les graines ailées
des platanes (France). Graine de chicorée,
de plantain. ‖ Monter en graine, pour
une plante, grandir et porter sa graine ;
au fig., en parlant d’une jeune fille, vieillir

sans se marier : Ses yeux s’étaient fermés,


elle revoyait l’affreux ménage, les quatre
gamines effarées, efflanquées [...], montant
en graine, dans la terreur de ne pas trouver
de maris (Zola). ‖ Fig. et fam. En prendre de
la graine, en tirer une leçon pour réussir de
la même façon : Ton père est arrivé à force
de travail, prends-en de la graine ! ‖ Fig.
Graine de, personne, et surtout enfant, dont
on peut prévoir qu’elle développera dans
l’avenir certains défauts : Graine de voyou.
‖ Mauvaise graine, enfant qui ne promet
rien de bon : Vous voilà bien, mauvaise
graine qui n’a pas voulu fleurir, répondit-il
en riant (Balzac). ‖ Vx. Graine de giberne,
enfant de troupe. ‖ Graine d’épinard,
v. ÉPINARD. ‖ 2. Pop. Casser la graine,
manger. ‖ 3. OEuf du bombyx du mûrier.
• SYN. : 1 grain, semence.

grainer v. intr. V. GRENER.

graineterie [grɛntri] n. f. (de grainetier ;


1344, Godefroy, écrit greneterie, au sens de
« office de grainetier » [v. l’art. suiv.] ; sens 1,
1660, Oudin [écrit greneterie ; graineterie,
XIXe s.] ; sens 2 [« marché des grains ou des
graines »], 1675, Widerhold [écrit grenete-
rie ; graineterie, XIXe s.]). 1. Commerce de
grains ou de graines. ‖ 2. Magasin où se
vendent les grains ou les graines.

• REM. V. GRAINETIER.

grainetier, ère [grɛntje, -ɛr] n. (de grain


ou graine ; fin du XVIe s., écrit grenetier
[grainetier, 1872, Larousse ; l’anc. franç.
gerneter, officier de l’administration des
greniers à sel — XIIIe s., Dict. général —,
grenetier — XIVe s., Ordonnance royale —,
était un dér. de grenier]). Commerçant en
grains, graines, fourrage, etc. : Des graine-
tiers vendant à la fois des épices et du tabac
(Fromentin).

• REM. Jusqu’au XXe s., l’orthogr. GRÈNE-


TIER, GRÈNETERIE est plus usitée.

graineur [grɛnoer] n. m. (de graine ;


1866, Littré, écrit greneur ; graineur, 1872,
Larousse). Exploitant agricole qui produit
et vend des oeufs, ou « graines », de vers
à soie.

1. grainier, ère [grɛnje, -ɛr] n. (de


graine ; 1636, d’après Trévoux, 1721). Syn.
ancien de GRAINETIER.

2. grainier [grɛnje] n. m. (même étym.


qu’à l’art. précéd. ; 1789, Encycl. métho-
dique). Collection de graines classées
méthodiquement.

graissage [grɛsaʒ] n. m. (de graisser ;


milieu du XVe s., écrit gressage, au sens de
« graisse » ; écrit graissage, au sens actuel,
XVIe s., Godefroy). Action de graisser : Le
graissage d’une automobile.

graisse [grɛs] n. f. (lat. pop. *crassia,


graisse, du lat. class. crassus, épais, gras
[v. GRAS] ; v. 1120, Psautier d’Oxford,
écrit craisse [greisse, v. 1120, Psautier de
Cambridge ; graisse, v. 1170, Livre des Rois],

au sens 1 [être noyé dans la graisse, fin du


XVIIe s., Saint-Simon ; c’est une boule de
graisse, XXe s. — c’est un peloton de graisse,
même sens, 1694, Acad. ; vivre sur sa graisse,
1866, Littré — vivre de sa graisse, même
sens, 1845, Bescherelle ; au fig., av. 1870,
Mérimée ; faire de la graisse, 1802, Flick —
« ne pas travailler », 1866, Littré ; de haute
graisse, v. 1398, le Ménagier de Paris — de
prime gresse, même sens, v. 1150, Charroi de
Nîmes ; « truculent », 1534, Rabelais] ; sens
2, v. 1120, Psautier d’Oxford [à la graisse,
1919, Dorgelès] ; sens 3, XXe s. ; sens 4, 1962,
Larousse ; sens 5, 1798, Acad. ; sens 6, 1771,
Trévoux). 1. Substance onctueuse répandue
dans le tissu de l’homme et des animaux :
Prendre de la graisse. Excès de graisse. Ce
n’est pas tout à fait une vieille femme ; c’est
plutôt une femme mûre, qui a trop de graisse
(Renard). ‖ Fam. Être noyé dans la graisse,
être très gras. ‖ Fam. C’est une boule de
graisse, se dit d’une personne petite et très
grasse. ‖ Vivre sur sa graisse, vivre de sa
propre substance, de ses réserves, comme
les animaux qui hibernent ; et, fam., en
parlant d’une personne très grasse : Mme de
Castellane, qui aurait bien pu vivre un hiver
entier sur sa propre graisse, comme font
les oies (Mérimée). ‖ Faire de la graisse,
s’engraisser par le sommeil ou le repos ;
fam., ne pas travailler. ‖ Fig. et vx. De haute
graisse, de bonne qualité, et, plaisamm.,
haut en couleur, truculent : Des impies de
haute graisse (Barbey d’Aurevilly). Un récit
de haute graisse. ‖ 2. Substance onctueuse
d’origine animale ou végétale, utilisée sur-
tout en cuisine : De la graisse d’oie. L’odeur
des graisses chaudes se répandait au loin
(France). ‖ Fig. et pop. À la graisse, sans
valeur (vieilli) : Avec vos boniments à la
graisse, la guerre durera encore sept ans
(Dorgelès). ‖ 3. Substance onctueuse,
généralement d’origine minérale, utilisée
dans l’industrie : De la graisse à roule-
ments. ‖ 4. Dans un caractère d’impri-
merie, épaisseur des pleins de la lettre
(caractères maigres, demi-gras, gras,
noirs). ‖ 5. Altération du vin, du cidre ou
de la bière qui deviennent filants comme
de l’huile. ‖ 6. Tache blanchâtre qui altère
la transparence du verre, et qui provient
d’un excès de soude.

• SYN. : 1 adipose, cellulite, obésité ; 2 gras,


lard, panne, saindoux.

graisser [grɛse] v. tr. (de graisse, sur le


modèle de engraisser ; 1539, R. Estienne,
au sens 1 [graisser ses bottes, 1740, Acad.
— « se préparer à la mort », 1752, Trévoux ;
graisser la patte à quelqu’un, 1656, Oudin,
graisser le marteau — exemple unique —,
1668, Racine] ; sens 2, 1542, Rabelais).
1. Enduire de graisse ou d’un corps gras :
Il [...] graissait ses souliers de chasse avec le
lard de ses cochons (Flaubert). Graisser un
roulement à billes. ‖ Par extens. Lubrifier
différentes parties d’une machine, d’un
véhicule, etc. : Graisser une rotative, une
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2228

automobile. ‖ Fig. Graisser ses bottes, se


préparer au départ ; fam., se préparer à
la mort : [Les voisines] entraient dans le
cabinet, dévisageaient la morte... Vrai, on
claquait vite, chacun pouvait graisser ses
bottes (Zola). ‖ Fig. et fam. Graisser la patte
à quelqu’un, gagner ses bons offices par de
l’argent : Quelques mauvais garnements se
cotisèrent [...] pour graisser la patte au son-
neur [...] et lui faire sonner l’angélus vingt
minutes avant l’heure légale (Mérimée).
‖ Class. Graisser le marteau, gagner le por-
tier avec de l’argent : On avait beau heurter
et m’ôter son chapeau, | On n’entrait point
chez nous sans graisser le marteau (Racine).
‖ 2. Tacher de graisse : Elle a graissé sa
robe en préparant le repas. Le commerce
des soieries françaises a été infesté d’étoffes
graissées, ce qui aurait pu entraîner la perte
de Lyon (Balzac).

• SYN. : 1 huiler, lubrifier.

& v. intr. (1798, Acad.). Devenir huileux, en


parlant du vin, du cidre ou de la bière : Les
vins des pays tempérés sont sujets à graisser
dans les États romains (Goncourt).

graisseur, euse [grɛsoer, -øz] adj. (de


graisser ; 1877, Littré). Qui graisse : Les
diverses parties de la machine [...], les deux
longerons, les tiroirs avec leurs excentriques,
les godets graisseurs des cylindres (France).
& graisseur n. m. (1532, Rabelais, dans la
loc. gresseur de bottes, « celui qui graisse
les bottes » ; écrit graisseur, au sens 1, 1872,
Larousse ; sens 2, XXe s.). 1. Ouvrier employé
à graisser les organes des machines : Son
père, le graisseur du chemin de fer du Nord,
la régalait le dimanche d’un chausson aux
pommes (Zola). Tu le payes plus qu’un
graisseur parce qu’il vaut plus (Romains).
‖ 2. Dispositif destiné à recevoir la graisse
et à la distribuer dans un organe méca-
nique : Les graisseurs d’une voiture.

graisseux, euse [grɛsø, -øz] adj. (de


graisse ; 1532, Rabelais, au sens 1 ; sens 2,
1872, Larousse). 1. Qui est de la nature de
la graisse : Un corps graisseux. Alors je dis-
tinguais de multiples taches graisseuses sur
la peau que j’avais crue lisse et dont elles
me donnaient le dégoût (Proust). ‖ 2. Taché
de graisse : Une corde moisie et graisseuse
(Vallès). C’était Bordenave, en effet [...],
avec [...] une redingote graisseuse, blanchie
aux coutures (Zola).

• SYN. : 1 gras.

graissin [grɛsɛ̃] n. m. (de graisse ;


milieu du XIVe s., écrit gressin, au sens de
« ensemble des graisses » ; 1583, Gauchet,
écrit gressin [graissin, 1611, Cotgrave], au
sens de « engrais » ; 1795, Barbier, au sens
de « écume visqueuse qui surnage au-dessus
de l’eau dans les endroits où les poissons
fraient » ; sens actuel, 1962, Larousse).
Amorce composée de têtes de sardine
hachées provenant des conserveries, et qui
est utilisée pour attirer les poissons de mer.

graissoir [grɛswar] n. m. (de graisser ;


1802, Flick, au sens de « auge pour grais-
ser la laine » ; sens 1, 1866, Littré ; sens 2,
1962, Larousse). 1. Tampon de linge imbibé
de graisse, dont on se sert pour graisser.
‖ 2. Pièce de cuir garnie de feutre à l’inté-
rieur, servant à graisser les soies pour la
pêche à la mouche. (On dit aussi TAMPON
GRAISSEUR.)

gram [gram] n. m. (du n. du médecin


danois Hans Christian Joachim Gram
[1853-1938], inventeur du procédé de
coloration des microbes ; début du XXe s.).
Solution employée en bactériologie pour
colorer et différencier les microbes.

gramen [gramɛn] n. m. (mot lat. signif.


« gazon, herbe, plante » ; 1372, Corbichon,
comme mot lat., au sens de « herbe » ;
comme mot franç., au sens actuel, 1542,
Du Pinet). Herbe à gazon : L’épaisseur
magnifique des gramens (Loti). À perte
de vue, autour de la Cabane, s’étalait un
gramen ras et fin, criblé de petites fleurs
d’hiver, qu’on ne rencontre qu’en Camargue,
et dont quelques-unes, comme les sala-
delles, changent de couleur à chaque sai-
son (Daudet).

graminacées [graminase] n. f. pl. (dér.


savant du lat. gramineus [v. l’art. suiv.] ;
1754, Ch. Bonnet, comme adj., dans la
loc. plantes graminacées ; comme n. f.
pl., XXe s.). Importante famille de plantes
monocotylédones, à feuilles engainantes
simples et rubanées, à tiges habituellement
creuses (chaumes), à fleurs généralement
hermaphrodites sans calice ni corolle, com-
prenant les céréales, les herbes des prairies,
des steppes et des savanes, le bambou, la
canne à sucre : Les fleurs des graminacées
sont souvent groupées en épis.

• REM. Ce terme a remplacé auj., en


botanique, l’ancienne appellation
GRAMINÉES.

& graminacée n. f. (XXe s.). Plante de la


famille des graminacées. (On dit aussi
GRAMINÉE.)

graminé, e [gramine] adj. (lat. grami-


neus, de gazon, dér. de gramen, -minis [v.
GRAMEN] ; av. 1502, O. de Saint-Gelais,
au sens de « recouvert de gazon » ; sens
actuel, 1866, Littré [couronne graminée,
1690, Furetière, art. couronne]). Vx. Qui
est de la nature du gazon : Plante grami-
née. ‖ Couronne graminée, dans l’ancienne
Rome, couronne de gazon qui était décer-
née au sauveur d’une armée ou au libéra-
teur d’une ville assiégée.

& graminée n. f. (1802, Chateaubriand).


Plante de la famille des graminacées : Ce
brin de graminée si fragile (Valéry).

& graminées n. f. pl. (1756, Encyclopédie


[art. farine]). Ancien nom des
GRAMINACÉES.

graminiforme [graminifɔrm] adj. (de


gramini-, élément tiré du lat. gramen,

-minis [v. GRAMEN], et de forme ; 1829,


Boiste). En botanique, qui ressemble à
une graminée.

graminologie [graminɔlɔʒi] n. f. (de gra-


mino-, élément tiré du lat. gramen, -minis
[v. GRAMEN], et de -logie, du gr. logos, dis-
cours, science ; 1872, Larousse). Étude,
traité sur les graminacées.

grammaire [grammɛr] n. f. (mot issu, par


une évolution demi-savante, du lat. gram-
matica, grammaire, science grammaticale,
gr. grammatikê, mêmes sens, fém. substan-
tivé de l’adj. grammatikos, qui concerne l’art
de lire ou d’écrire, de gramma, -atos, carac-
tère d’écriture, dér. de graphein, écrire ; v.
1119, Ph. de Thaon, écrit gramaire [gram-
maire, XVIe s.], au sens 1 [« partie de cette
science qui étudie la morphologie et la syn-
taxe », 1672, Molière ; grammaire comparée,
1821, Raynouard ; grammaire historique,
1867, Brachet ; grammaire générale, 1660,
A. Arnauld ; grammaire descriptive, XXe s. ;
grammaire structurale, v. 1950 ; grammaire
générative, 1965] ; sens 2, v. 1119, Ph. de
Thaon [grammaire normative, XXe s. ;
classes de grammaire, 1866, Littré] ; sens
3, 1867, Ch. Blanc ; sens 4, milieu du XVIe s.).
1. Science qui a pour objet la connaissance
systématique des règles qui gouvernent le
fonctionnement d’une langue : Étudier la
grammaire du français. ‖ Spécialem. Partie
de cette science qui étudie la morpholo-
gie et la syntaxe. ‖ Grammaire comparée,
science qui, d’après des séries de corres-
pondances rigoureuses entre plusieurs
langues, établit entre elles des rapports
de caractère généalogique : Grammaire
comparée des langues indo-européennes.
‖ Grammaire historique, grammaire qui
étudie l’origine et l’histoire des faits de
langue. ‖ Grammaire générale, gram-
maire qui vise à établir des lois communes
à toutes les langues. ‖ Grammaire des-
criptive, grammaire qui décrit un état de
langue à un moment donné (par opposition
à grammaire historique) ; grammaire qui
s’en tient à la description des faits de langue
en s’abstenant de tout jugement de valeur
(par opposition à grammaire normative).
‖ Grammaire structurale, grammaire qui
se fonde sur les principes de la linguistique
structurale. ‖ Grammaire générative,
modalité de la grammaire structurale
visant à rendre compte des énoncés par une
série de transformations à partir de phrases
minimales. ‖ 2. Ensemble des règles d’une
langue à observer pour se conformer à
l’usage des gens cultivés : Un paysan qui
fait des fautes de grammaire. Dans le VIIIe
siècle, le moine Alcuin enseigne la gram-
maire à Charlemagne (Chateaubriand).
‖ Grammaire normative, grammaire qui,
dans l’ensemble des faits de langue, retient
comme modèles d’expression ceux qui
appartiennent au « bon usage ». ‖ Classes
de grammaire, les classes de l’enseigne-
ment secondaire au programme desquelles
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2229

l’étude de la grammaire occupe une place


plus importante, c’est-à-dire les classes de
6e, 5e et 4e (par opposition aux classes de
lettres). ‖ 3. Ensemble des règles d’un art,
d’une science : La grammaire de la peinture,
du cinéma, du tricot. ‖ 4. Livre qui contient
les règles d’une langue, d’un art : Ouvrir sa
grammaire française, sa grammaire latine.
Acheter une grammaire de l’architecture.
• REM. Voir les articles spéciaux : la
Grammaire (ci-après) et la Grammaire
générative (à GÉNÉRATIF).

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LA GRAMMAIRE

Il est montré à FONCTION (v. art. spécial)


comment le langage découpe et com-
munique l’expérience humaine à l’aide
de signes insécables, souvent désignés
depuis Henri Frei (1941) sous le nom de
monèmes.

On distingue principalement deux sortes


de monèmes.

1° La différence qui apparaît entre cheval


et boeuf, par exemple, intéresse le vocabu-
laire, ou lexique ; c’est une opposition de
« monèmes lexicaux », ou lexèmes. (On
employait au début du XXe s. le mot sé-
mantème au lieu de lexème ; la « séman-
tique » est la science des significations,
ordinairement limitée au domaine du
lexique.)

2° La différence qui apparaît entre che-


val et chevaux est un fait de grammaire ;
c’est une opposition de « monèmes gram-
maticaux », ou morphèmes. (L’usage
américain, depuis Bloomfield [1926],
est d’appeler « morphèmes » [par oppo-
sition aux phonèmes] toutes les unités
significatives.)

La discrimination entre lexèmes et mor-


phèmes, telle qu’elle ressort des précé-
dents exemples, paraît évidente ; dans
bien des cas, elle pose pourtant des pro-
blèmes, dont la solution demande que des
critères précis aient été définis.

CRITÈRES DE SENS ?

Otto Jespersen (The Philosophy of Gram-


mar, 1924) reprenait encore à son compte
une ancienne discrimination de sens
selon laquelle :

— le dictionnaire s’occupe du particulier


— la grammaire s’occupe du général.

Mais il y a beau temps que Platon ensei-


gnait la nature abstraite, donc générale,
de tout signifié linguistique, aussi bien
de l’idée de « cheval » que de l’idée de
« temps ».

C’est à l’intuition d’une autre différence


de sens que recourait J. Vendryes dans le

Langage (1923) à propos de la phrase Le


cheval court :

« Il faut entendre par sémantèmes les

éléments linguistiques exprimant les

idées des représentations : ici, l’idée

du cheval ou l’idée de la course ;


et sous le nom de morphèmes ceux

qui expriment les rapports entre

les idées : ici, le fait que la course

associée au cheval en général est

rapportée à la troisième personne du

singulier de l’indicatif. »

L’exemple donné manque de force dé-


monstrative, car on peut ne pas voir
immédiatement, ni à la réflexion, si un
« rapport » est exprimé ici par l’indica-
tif, par le singulier, par la troisième per-
sonne, par l’association de l’« idée » de
cheval à une « idée » de course, ou par
tout cela à la fois.

Si l’on adopte la méthode structuraliste


de définition des unités significatives mi-
nimales par les différences de sens qu’en-
traîne leur commutation, jugera-t-on
que l’opposition cheval/boeuf (différence
d’espèce animale) dans nos exemples de
départ est moins un « rapport » que l’op-
position cheval/chevaux (différence de
nombre) ? Qu’est-ce qu’une « idée » ? Des
verbes comme viser, dépasser, provoquer,
valoir, des noms comme but, somme,
voisinage, lieu n’expriment-ils pas des
« idées » de « rapports » ? Si vraiment la
distinction de l’« idée » et du « rapport »
a un fondement logique, psychologique
ou métaphysique, ce fondement n’est
pas intuitif, et n’est pas du ressort des
linguistes.

Il semble que les différences gramma-


ticales ne tiennent pas aux choses dési-
gnées, mais à la manière de les concevoir
ou de les présenter : c’est pourquoi les
grammairiens du Moyen Âge appelaient
les espèces grammaticales modi signi-
ficandi (v. LINGUISTIQUE, art. spécial,
Historique). Au XXe s., F. de Saussure
exprimait les mêmes vues au niveau de la
grammaire comparative :

« En latin fio (« je suis fait ») et facio

(« je fais ») s’opposent de la même

manière que dicor (« je suis dit »)

et dico (« je dis »), formes gramma-


ticales d’un même mot [...]. Si l’on

compare le grec peíthō : peíthomai

avec le français je persuade : j’obéis,

on voit que l’opposition est rendue

grammaticalement dans le premier

cas et lexicologiquement dans le

second » (Cours de linguistique

générale).

Même si une différence de sens est liée


aux « manières de signifier », comme il
est probable, cette différence n’est pas
forcément accessible à notre intuition ou
à notre analyse réfléchie : les définitions
que l’on donne des unités signifiées sont

évanescentes dès qu’on veut les saisir


indépendamment de leurs marques lin-
guistiques. C’est pourquoi les mécanistes
américains et les glossématiciens danois
(v. DISTRIBUTION, art. spécial) ont voulu
éliminer dans l’analyse des langues toute
considération de sens (hormis l’intuition
d’identité ou de différence).

FORME DU SIGNIFIANT ?

On pourrait songer à distinguer lexèmes


et morphèmes non par le sens, mais par
la forme. Peut-on identifier un ou plu-
sieurs traits formels communs aux élé-
ments ordinairement tenus pour lexèmes
ou pour morphèmes ? Il est remarquable,
par exemple, que la place des mots dans
la phrase est une marque grammaticale
(marque du sujet, du complément d’objet,
etc.) et n’est jamais une marque lexicale.
Mais on ne peut en dire autant des autres
types de marques.

Quand un mot appartenant à une langue


indo-européenne est « fléchi », c’est-à-
dire marqué d’une variation à signifié
grammatical, la marque de flexion inté-
resse souvent la terminaison, alors que
l’élément sémantique invariant a pour
signifiant un « radical » invariable consti-
tuant la première partie du mot. Ainsi
(je) donne, (il) donna, (vous) donneriez
ont pour élément commun invariable le
radical [dɔn] et pour terminaison

— soit [ə] marquant l’indicatif présent à


la première personne du singulier,

— soit [a] marquant l’indicatif pas-


sé simple à la troisième personne du
singulier,

— soit [ərje] marquant le condition-


nel présent à la deuxième personne du
pluriel.

Dans d’autres langues que le français,


l’élément tenu traditionnellement pour
grammatical précède le radical, tels
l’« augment » de l’imparfait et de l’ao-
riste grecs, et la particule ge- des parti-
cipes passés allemands comme gelernt,
« appris ».

Il serait commode d’appeler mor-


phème l’élément variable, et lexème
l’élément invariable des mots fléchis.
Malheureusement :

• 1° Les variations de la terminaison du


mot peuvent être des différences de suf-
fixe : ainsi, donation, donateur, dona-
taire ont pour éléments variables -ation,
-ateur, -ataire, qui apportent des signi-
fiés ressortissant traditionnellement au
lexique plutôt qu’à la grammaire. Telle
n’est pas la conception de la linguistique
transformationnelle, qui tient les suffixes
pour des morphèmes : le suffixe -ateur
dans donateur exprime l’agent comme le
sujet dans la phrase qui engendre ce mot
(il donne), le suffixe -aire de donataire ex-
prime le bénéficiaire de l’action comme le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2230

complément d’attribution dans la phrase


qui l’engendre ; mais des problèmes
restent posés dans cette optique par la
frontière entre la dérivation et la com-
position : on peut admettre que carna-
tion est en rapport grammatical avec un
élément carn- qui est une variante com-
binatoire de chair, mais l’élément -vore
dans carnivore apporte un signifié lexi-
cal puisque l’action de « manger » n’est
impliquée par aucune des « fonctions
syntaxiques » de la structure phrastique.
Des éléments de sens indiscutable-
ment lexicaux sont également exprimés
en français par les préfixes et par les
éléments de composition initiaux : la
différence entre méconnaître et recon-
naître, entre anthologie et graphologie est
lexicale ;

• 2° L’invariabilité du radical n’est pas


constante. Que la forme française alterne
avec la forme latine, comme dans le cas
de chair-/carn-, c’est un fait qui suffit
à retirer à l’invariabilité la vertu d’un
critère. Qui plus est, certaines varia-
tions de radical deviennent marques
morphologiques :

— soit qu’elles apparaissent en liaison


avec d’autres marques intéressant exclu-
sivement la grammaire : ainsi le radical
du verbe boire prend la forme buv- à cer-
taines personnes du présent indicatif et
subjonctif (buvons, buvez), à l’imparfait
(buvais), au participe présent (buvant) ;

— soit qu’elles expriment à elles seules


une différence grammaticale : il vient/
il vint, il boit/il but (v. APOPHONIE, art.
spécial).

On considère souvent comme des mor-


phèmes les prépositions et les conjonc-
tions, mots invariables. Mais, d’une
part, les adverbes aussi sont invariables,
quoique leur valeur lexicale ne soit pas
mise en doute ; d’autre part, les prépo-
sitions ou les conjonctions, termes de
rapport, s’opposent entre elles par des
éléments de sens qui ressortissent certai-
nement au lexique : sur/sous ; pour que/
sans que, etc.

Il existe, en dehors du français, d’autres


formes de marques grammaticales, tels
l’accent et le ton (v. INTONATION, art.
spécial) ; les unes comme les autres assu-
ment selon les langues, et souvent dans la
même langue, des fonctions lexicales et
grammaticales.

Il serait donc vain de vouloir fonder la


distinction du lexique et de la grammaire
sur une spécificité formelle des signi-
fiants de l’un ou de l’autre.

CRITÈRE DE CANTINEAU

J. Cantineau proposait dans un article des


Cahiers F. de Saussure (les Oppositions si-

gnificatives, 1952) un critère plus efficace,


qu’il donnait pour un « postulat » :

« Seules les oppositions gramma-


ticales sont proportionnelles, les

oppositions de vocabulaire étant

isolées. »

Exemples d’oppositions proportionnelles :

Exemples d’oppositions isolées :

Une série proportionnelle n’avait aucun


caractère grammatical aux yeux de J.
Cantineau si elle n’était fondée que sur
l’égalité des rapports de sens, comme le
sont les suivantes :

L’identité proportionnelle était liée à la


présence, dans les signifiants de part et
d’autre, d’une même marque, comme l’e
final du féminin.

Dans le cas des variantes complémen-


taires, comme

J. Cantineau se voyait obligé (p. 367)


d’emprunter à Z. Harris la notion de
« classe distributionnelle » et de tenir
pour marques d’un seul morphème la
flexion en -s de chien et la flexion en -aux
de cheval à cause de leur même condi-
tionnement contextuel. Cette théorie
conduit à faire de sèche le féminin de sec
quoique l’opposition [k]/[ʃ] soit isolée, et
même de tante et de poule les féminins
d’oncle et de coq.

Le seul défaut de ce critère est d’empor-


ter le caractère grammatical des affixes
et des éléments de composition, qu’il
paraît difficile d’admettre. Il y a entre mi-
crocéphale et macrocéphale une opposi-
tion proportionnelle à celle de micropho-
tographie et macrophotographie : faut-il
tenir pour grammaticale l’opposition
micro-/macro- ? Et le mot bébé est-il un
morphème parce qu’il a la même fonc-
tion dans bébé-phoque et bébé-gorille ? La
proportionnalité des rapports paraît être,
en fin de compte, un caractère commun
aux morphèmes et aux éléments de déri-
vation et de composition, mais ne définit
ni les uns ni les autres.

CLASSES OUVERTES OU FERMÉES ?

Certains linguistes fondent la distinction


en cause sur le caractère ouvert ou fermé

des classes d’éléments considérées. Dans


ses Éléments de linguistique générale (§
4-19), A. Martinet dresse des listes de
« monèmes » substituables les uns aux
autres en un point de la phrase :

« Les monèmes lexicaux sont ceux

qui appartiennent à des inventaires

illimités. Les monèmes grammati-

caux sont ceux qui alternent, dans

les positions considérées, avec un

nombre relativement réduit d’autres

monèmes. »

Par exemple, en français, les préposi-


tions de, pour, avec sont tenues pour
« monèmes grammaticaux » parce que
l’inventaire des prépositions est relati-
vement réduit, alors que homme, riche
et mange sont dits « monèmes lexicaux »
parce qu’un nombre illimité de mots
peuvent être substitués à homme, à riche
et à mange dans une phrase quelconque.
Ainsi énoncée, la distinction prête à des
critiques faciles :

— L’inventaire des noms, des adjectifs


et des verbes n’est pas vraiment illimité ;
il est vaste dans la mesure où les méca-
nismes de la dérivation et de la compo-
sition permettent de l’accroître à partir
d’unités sémantiques dont le nombre est,
au contraire, limité : il est très rare que
l’on crée de nouveaux monèmes lexicaux
comme gaz, Kodak (N. Ruwet, Langages,
n° 4, 1966).

— Qu’appelle-t-on au juste « relative-


ment réduit » ? L’expression s’applique-
t-elle à l’inventaire des adverbes, à celui
des interjections, à celui des préfixes et
des suffixes ?

A. Martinet revient, dans le même ou-


vrage (§ 4-38), sur la formulation de ce
critère :

« Il ne s’agit pas de savoir si l’on

peut ou non dénombrer exac tement

les monèmes susceptibles d’appa-

raître dans un contexte donné,


mais bien de noter si le monème

en question appartient à une série

ouverte, qui ne comporte peut-être

aujourd’hui qu’un nombre restreint

d’unités, mais peut à tout instant

s’accroître, ou s’il appartient à une

série fermée telle que le nombre des

éléments qu’elle comporte ne puisse

varier sans entraîner une réorganisa-

tion structurale. »

On pourrait comparer cette distinction


à la différence qu’on fera entre un tas
de quelques centaines de billes et une
pyramide de quatre billes ; l’addition ou
la soustraction d’une bille dans le tas ne
modifie pas sensiblement la structure de
celui-ci, mais il en est autrement pour
la pyramide. De même, il semble qu’on
puisse ajouter à tout moment un nom à
l’ensemble des noms, voire un suffixe à
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2231

l’ensemble des suffixes sans affecter les


valeurs et les emplois des autres noms
ou suffixes ; au contraire, l’addition d’un
nouveau « nombre » au couple singu-
lier/pluriel, d’un nouvel article dans le
système où s’opposent le et un entraîne-
rait une importante réorganisation de
l’ensemble.

Ainsi conçu, le critère des classes ou-


vertes ou fermées a l’avantage de réinté-
grer les affixes au sein du lexique. Mais
il est loin de fournir la frontière nette
qu’on pourrait souhaiter. Le lexique, au-
jourd’hui, n’est plus considéré comme un
chaos ; il a été montré à l’article spécial
CHAMP SÉMANTIQUE comment, au cours
du XXe s., le structuralisme s’y est peu à
peu appliqué : personne ne doute plus
que l’ensemble des lexèmes soit composé
d’une multitude de sous-ensembles orga-
nisés. C’est évident pour les noms des
couleurs, des nombres, des points cardi-
naux, des divisions du temps, des parties
du corps. W. von Wartburg retrace dans
Problèmes et méthodes de la linguistique
(1963) les avatars du système constitué en
latin par les mots coxa, « hanche », et fe-
mur, « cuisse » : une homonymie fâcheuse
de femur avec fimus (« fumier »), en bas
latin, obligea chaque langue romane à
lui trouver un remplaçant, et l’on prit,
en Gaule comme en Italie, le mot coxa
(d’où le franç. cuisse, l’ital. coscia), qui
dut à son tour être remplacé dans son
ancien sens par l’emprunt du germanique
hanka (franç. hanche, ital. anca). Une
réorganisation structurale du système
« hanche »/« cuisse » est évidemment
sans effet sur le système des noms de cou-
leurs, mais on peut dire aussi bien qu’une
restructuration du système des nombres
ou des articles est sans effet sur le système
des temps ou des fonctions syntaxiques.
Comme les lexèmes, les morphèmes
constituent des systèmes partiels très
indépendants les uns des autres.

Le critère des inventaires ouverts ou fer-


més ne permet donc pas d’établir entre
lexique et grammaire une différence de
nature.

CRITÈRE DE BOAS

Le linguiste et anthropologiste américain


Franz Boas a donné en 1938 pour spéci-
fique des faits de grammaire leur carac-
tère obligatoire (grammatica : ars obliga-
toria, disaient les philosophes du Moyen
Âge). R. Jakobson a rappelé ce principe
d’identification et l’a appuyé de son adhé-
sion dans un article de 1959.

Soit la phrase :

Il est venu avec sa bicyclette.

On ne pourrait pas remplacer avec par


bicyclette, ni inversement : les deux
mots ont un statut grammatical qui leur
impose certaines places dans la phrase

à l’exclusion des autres. Mais on pour-


rait remplacer avec ou bicyclette par des
mots présents in memoria qui possèdent
le même statut : avec par sur ou sans,
bicyclette par voiture, guitare, femme,
etc. Ces substitutions paradigmatiques
ne mettent en jeu que des différences
lexicales.

Il est inexact de dire que avec est un mo-


nème grammatical, et bicyclette un mo-
nème lexical : l’un et l’autre associent des
éléments de sens lexicaux à des éléments
grammaticaux, et l’on peut en dire autant
de la plupart des mots de la langue.

Certes, les circonstances de l’énonciation


peuvent interdire la substitution de voi-
ture à bicyclette : il se peut que la phrase
Il est venu avec sa voiture constitue un
énoncé faux ; mais cet énoncé n’est jugé
faux que pour autant qu’il est linguisti-
quement correct, et pourrait être vérifié
dans d’autres circonstances. De même,
le remplacement de avec par sous donne
une phrase insolite mais licite, pouvant se
trouver vraie en certaines circonstances :
Il est venu sous sa bicyclette ; au contraire,
personne ne pourrait vérifier ni discuter
l’assertion d’une phrase comme *Il est
venu avec sa avec. La contrainte qui in-
terdit de remplacer bicyclette par avec est
linguistique, celle qui interdit de le rem-
placer par voiture est extra-linguistique ;
la première intéresse la grammaire, la
seconde le lexique. Une démonstration
semblable était faite par Damourette et
Pichon en 1930 au paragraphe 59 de leur
essai Des mots à la pensée.

R. Jakobson se prononce à ce sujet contre


N. Chomsky, qui admet des « degrés »
différents de grammaticalité ; selon
Chomsky (Syntactic Structures, 1957), la
phrase

(1) D’incolores idées vertes dorment


furieusement,

formée selon les règles de la grammaire,


mais offrant un sens incohérent, est
agrammaticale dans une certaine me-
sure, plus faible évidemment que si la
phrase était :

(2) Furieusement d’idées dorment

incolores vertes.

Jakobson dénie toute agrammaticalité à


la première phrase, en montrant qu’elle
peut offrir, par un jeu de métaphores,
un sens vérifiable ; un poème très sensé,
dit-il, a été écrit en 1957 avec cette phrase
pour titre.

Il a pu paraître, d’après les exemples


précédents, que les contraintes gram-
maticales s’exercent toujours sur l’axe
« syntagmatique » (horizontal), où se
définissent distributionnellement les
« parties du discours », tandis que les
substitutions « paradigmatiques » (ver-
ticales) sont toujours linguistiquement

facultatives. Certes, le choix entre le et


la, entre vient et viennent s’offre sur l’axe
vertical quoiqu’il soit de nature gramma-
ticale ; mais il dépend de l’application des
« règles d’accord », qui jouent sur l’axe
horizontal. La distinction grammaire/
lexique peut-elle être ramenée à la dis-
tinction des deux axes ?

Il est des choix paradigmatiques dont le


caractère grammatical est traditionnel-
lement reconnu, quoiqu’ils échappent
souvent aux contraintes d’accord ou de
concordance. Le choix de l’article défini
ou indéfini, celui des personnes, du pro-
nom, des temps du verbe peuvent avoir
des implications syntagmatiques, comme
dans les phrases

Je vais là (on ne dit pas : * Tu vais


là) ;

Si tu viens, sois à l’heure (on ne dit


pas : *Si tu viendras...) ;

mais ils peuvent aussi n’obéir ap-


paremment qu’à des contraintes
extra-linguistiques :

Paul habite chez moi (on peut dire :

chez toi, chez lui, etc.) ;

Je viendrai tard (on peut dire : Je suis

venu, je venais, etc.).

Pourtant Jakobson estime, avec Boas,


que le système grammatical, là encore,
dicte sa loi. Le pronom de la première
personne, moi, impose l’indistinction
des genres, alors que le pronom de la
troisième personne, après chez, impose-
rait le choix du genre (lui/elle ; eux/elles).
Le verbe, en français — comme dans
d’autres langues indo-européennes —,
impose avec l’expression de l’action celle
du temps ; le verbe russe impose l’expres-
sion de nuances aspectuelles, auxquelles
le français est aveugle. Là où le latin se
contentait de dire Rosa floruit, le français
oblige à exprimer le concept du défini ou
de l’indéfini (la rose/une rose). Là où le
français pose indistinctement la question
où ?, le latin obligeait à exprimer la diffé-
rence entre le lieu où l’on est et le lieu où
l’on va (ubi ?/quo ?). Le système gramma-
tical impose des décisions par oui ou par
non sur des points qui diffèrent de langue
à langue.

On objectera qu’il en est de même du sys-


tème lexical : quand un paysan français
parle du mâle de la vache, il doit choisir
entre boeuf et taureau sans disposer d’un
terme commun ; le breton et le gallois
ne disposent que d’un mot pour dési-
gner le « bleu » et le « vert », qu’ils sont
donc obligés de confondre, etc. C’est une
difficulté du critère de Boas, qu’on peut
résoudre en remarquant que le lexique
offre d’infinies ressources pour échapper
aux contraintes structurales : une pé-
riphrase, mâle de race bovine, désignera
indistinctement « boeuf » et « taureau » ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2232

une comparaison avec l’herbe ou avec


la mer précisera, entre Bretons, si l’on
parle de vert ou de bleu. Le lexique per-
met une analyse toujours plus poussée de
notre expérience, ce qui n’est pas le cas de
la grammaire : aucune périphrase adé-
quate ne peut être substituée à la nuance
qu’apporte le subjonctif, aucun pronom
ne peut remplacer je.

Le critère de Boas discrimine assez bien


la dérivation et la flexion. Car la pre-
mière apparaît toujours comme faculta-
tive, pouvant être remplacée par une pé-
riphrase où le radical seul est conservé :

jaunâtre = tendant vers le jaune ;


tournoyer = accomplir de façon répé-
tée le mouvement de tourner ;
lavage = action de laver ;
laveuse = femme (ou machine) qui
lave ;

tandis qu’une forme fléchie, comme l’im-


parfait venait ou le pronom je, ne peut
être traduite par aucune périphrase qui
ne réintroduise la marque grammaticale
en question : si l’on remplace venait par
faisait l’action de venir, on n’échappe pas
à l’imparfait ; remplacer je par la personne
que je suis n’est pas plus satisfaisant.

Certes, la périphrase plus bon, analogue


à plus beau, plus grand, etc., paraît être
l’équivalent exact de meilleur, mais là en-
core la contrainte grammaticale s’exerce
en interdisant l’emploi de plus bon pour
meilleur, comme la grammaire anglaise
interdit de remplacer greater, « plus
grand », more difficult, « plus difficile »,
par *more great et *difficulter ; le carac-
tère obligatoire des suffixes de degré dé-
montre leur nature grammaticale.

EXTENSION DU DOMAINE DE LA
GRAMMAIRE

La grammaire a pour tâche l’inventaire


et la codification d’un ensemble d’élé-
ments qui, selon les doctrines, se limitent
au domaine défini plus haut sous le nom
de monèmes grammaticaux, ou à toutes
les unités significatives (« morphèmes »
des Américains) ; la « grammaire géné-
rative » étend même son ressort à toutes
les unités linguistiques, parce que toutes
sont justiciables de ses formulations.

Le terme de grammaire remonte à gram-


matikê tekhnê (Platon), fait sur gramma,
qui désignait les lettres et les sons qu’elles
représentent. Le calque latin litteratura
(fait, de même, sur littera, « lettre ») du
mot grec s’est partagé avec la forme em-
pruntée grammatica un domaine dont
le sens moderne du mot littérature ne
dépasse pas les limites. Au Moyen Âge,
la « grammaire » du latin était celle de
toutes les langues. Au XVIIe et au XVIIIe s.,
la « grammaire générale », perpétuée au
XIXe par les « grammatistes », empiétait
largement sur la logique. Le terme de

« grammaire comparée », employé de-


puis 1796 (François Thurot), embrassait
l’étude intégrale de toutes les langues du
monde, et il ne désigna pas autre chose,
jusqu’au XXe s., que le mot linguistique,
emprunté en 1826 à l’allemand. C’est sur-
tout depuis Saussure que « grammaire
comparée » désigne principalement
l’étude diachronique, « linguistique »
l’étude synchronique des langues, tandis
que la « grammaire » tout court limite son
objectif à décrire la norme d’une langue,
maternelle ou étrangère, et à l’enseigner,
à procurer la maîtrise de cet instrument
essentiel de communication.

L’intitulé GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE


de la présente rubrique reflète l’interpé-
nétration de disciplines dont chacune,
selon les écoles, est susceptible d’intégrer
l’autre. Ce flottement terminologique est
aussi la raison pour laquelle l’histoire de
la grammaire sera faite à l’article spécial
LINGUISTIQUE.

grammairien, enne [gramɛrjɛ̃ ou


grammɛrjɛ̃, -ɛn] n. (de grammaire ; XIIIe s.,
H. d’Andeli, aux sens 1-3). 1. Personne
qui se spécialise dans l’étude de la gram-
maire : Une discussion de grammairiens.
L’autorité des grammairiens. ‖ 2. Personne
qui enseigne la grammaire. ‖ 3. Personne
qui connaît bien la grammaire : Dans tout
grand écrivain, il doit y avoir un grand
grammairien (Hugo).

& grammairien n. m. (1580, Montaigne).


Dans l’Antiquité, celui qui s’adonnait à
l’étude ou à l’enseignement des lettres en
général.

grammateus [grammatøs] n. m. (mot


gr. signif. « scribe, greffier », de gramma,
-atos [v. GRAMMAIRE] ; 1962, Larousse). À
Athènes, secrétaire au service d’une assem-
blée ou d’un collège de magistrats.

grammatical, e, aux [gramatikal, -o]


adj. (bas lat. grammaticalis, grammatical,
du lat. class. grammatica [v. GRAMMAIRE] ;
XVe s., au sens 1 [analyse grammaticale,
1872, Larousse ; sujet grammatical, XXe s.] ;
sens 2, 1690, Furetière). 1. Qui concerne la
grammaire : Mes connaissances gramma-
ticales m’autorisent à dire qu’elles étaient
bilingues (France). Exercices grammati-
caux. ‖ Analyse grammaticale, celle qui
consiste à indiquer la nature et la fonc-
tion des différents mots d’une phrase.
‖ Sujet grammatical, nom donné parfois
au sujet apparent, devant les verbes ou
locutions impersonnels. ‖ 2. Conforme
aux règles de la grammaire : Ce tour n’est
pas grammatical.

grammaticalement [gramatikalmɑ̃]
adv. (de grammatical ; 1529, G. Tory, au
sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Selon
les règles de la grammaire : S’exprimer
grammaticalement. ‖ 2. Sous le rap-
port de la grammaire : Analyser un texte
grammaticalement.

grammaticalisation [gramatikalizasjɔ̃]
n. f. (de grammaticaliser ; milieu du XXe s.).
Phénomène selon lequel un élément lexi-
cal, doté d’un sens défini, devient un élé-
ment purement grammatical : « Pendant »
est un participe devenu préposition par
grammaticalisation.
grammaticaliser [gramatikalize] v.
tr. (dér. savant de grammatical ; 1962,
Larousse [un 1er ex., au part. passé, en 1845,
J.-B. Richard de Radonvilliers]). Donner
à un élément lexical le statut d’élément
grammatical.

& se grammaticaliser v. pr. (milieu


du XXe s.). Passer au rang d’élément
grammatical.

grammaticalité [gramatikalite]
n. f. (dér. savant de grammatical ; 1968,
Larousse). Caractère d’un énoncé conforme
aux règles de la grammaire. ‖ Spécialem.
En linguistique générative, caractère d’un
énoncé bien formé selon les règles expli-
cites d’une grammaire définie.

grammatiste [grammatist] n. m. (lat.


grammatista, maître élémentaire, gr. gram-
matistês, scribe, secrétaire, maître d’école,
de grammatizein, enseigner à lire et à écrire,
dér. de gramma, -atos [v. GRAMMAIRE] ;
1575, Despence, au sens 1 ; sens 2, 1743,
Trévoux). 1. Celui qui, chez les Grecs,
enseignait aux enfants à lire et à écrire.
‖ 2. Vx. Grammairien aux idées étroites.

gramme [gram] n. m. (bas lat. gramma,


scrupule, poids de deux oboles, gr.
gramma, même sens, proprem. « carac-
tère d’écriture » [v. GRAMMAIRE] ; le sens
de « poids... » a été attribué au mot gr. à
la suite d’une traduction maladroite du
lat. scripulum, scrupulum, « 24e partie de
l’once », que l’on avait considéré comme
un dér. direct de scribere, « écrire », et
que l’on avait donc traduit en grec par le
mot signif. « caractère d’écriture » ; le lat.
scripulum, scrupulum, qui signifiait aussi
« faible poids, petite quantité », était la
forme neutre correspondant à scrupulus,
« petite pierre pointue », dimin. de scrupus,
« pierre pointue », dér. de scribere, « tracer,
écrire » ; 1790, Encycl. méthodique, au sens
de « poids de deux oboles » ; sens actuel, loi
du 3 avr. 1793, dans le Moniteur universel,
1793). Unité principale de masse (symb. :
g) du système C. G. S., valant un millième
de kilogramme : Le gramme représente sen-
siblement la masse d’un centimètre cube
d’eau pure à 4 °C. ‖ Fig. Très petite quan-
tité : S’il avait un gramme de bon sens, il
ne poserait pas cette question.

gramme-force [gramfɔrs] n. m. (de


gramme et de force ; 1962, Larousse).
Unité de force correspondant à la force
avec laquelle une masse de 1 g est attirée
par la Terre.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2233

• Pl. des GRAMMES-FORCE.

• REM. On dit aussi GRAMME-POIDS (1962,


Larousse) [pl. des GRAMMES-POIDS].

Gramophone [gramɔfɔn] n. m.
(n. déposé ; mot angl., composé avec les
termes gr. gramma, caractère d’écriture,
lettre, inscription [dér. de graphein, écrire],
et phônê, son, voix ; fin du XIXe s.). Vx. Nom
d’une marque de phonographes à disques :
Les gramophones jouaient des morceaux qui
n’étaient pas, à beaucoup près, le morceau
qu’avait créé le compositeur (Montherlant).

grampus [grɑ̃pys] n. m. (mot du lat.


scientif. moderne, de l’angl. grampus,
même sens, adaptation de l’ital. gran pesce,
proprem. « grand poisson », de gran [lat.
grandis, v. GRAND 1] et pesce [lat. piscis,
poisson] ; 1872, Larousse, écrit grampe ;
grampus, fin du XIXe s.). Dauphin voisin
du bélouga, qui habite les mers d’Europe.

grana [grana] n. m. (mot ital., de grano,


grain, lat. granum, grain, graine ; 1962,
Larousse). Fromage italien à pâte dure et
granuleuse, à saveur forte, utilisé comme
fromage à râper : Le parmesan est un fro-
mage du type grana.

1. grand, e [grɑ̃, grɑ̃d ; le d du masculin


prend le son [t] devant un mot à initiale
vocalique] adj. • ÉTYM. Lat. grandis,
aux grandes proportions, avancé en âge,
imposant, sublime (en parlant du style),
mot qui avait supplanté magnus, grand,
important, noble, généreux ; fin du IXe s.,
Cantilène de sainte Eulalie, écrit grant et
grand (le fém. grande apparaît dès 1080,
Chanson de Roland, mais la forme la plus
usuelle reste grant, grand jusqu’au XVIe s.).

— A : sens I, 1, 1534, Rabelais ; sens I, 2,


fin du Xe s., Vie de saint Léger (les grandes
personnes, 1835, Acad.) ; sens I, 3, v. 1770,
J.-J. Rousseau (ouvrir de grands yeux, 1713,
Hamilton) ; sens II, 1, 1611, Cotgrave ; sens
II, 2, XIIe s., Roncevaux (le grand monde,
1680, Richelet) ; sens II, 3, 1546, Rabelais
(en parlant de l’insigne d’une dignité, 1876,
Zola ; à propos de divers souverains, 1668,
Molière) ; sens II, 4, 1670, Bossuet (avoir
grand air, fin du XVIIe s., Mme de Sévigné ;
de grands airs, fin du XVIIe s., SaintSimon) ;
sens II, 5, fin du XVe s., Commynes (grand
homme, av. 1678, La Rochefoucauld) ;
sens II, 6, 1751, Voltaire (avec l’art. et l’adj.
postposés au n. pr., 1690, Furetière) ; sens
II, 7 et 8, fin du IXe s., Cantilène de sainte
Eulalie (grands gestes, XXe s. ; grands mots,
1663, Molière) ; sens II, 9, début du XVIIe s.,
Malherbe (Grand Dieu !, 1866, Littré ;
Grands Dieux !, 1741, Voltaire ; jurer ses
grands dieux, 1690, Furetière). — B : sens
I, 1, début du XVIIe s., Malherbe ; sens I,
2, 1665, Molière (quant à la superficie ;
quant à la hauteur, 1534, Rabelais ; quant
à la longueur, 1080, Chanson de Roland ;
une grande lettre, 1866, Littré) ; sens I, 3,
1538, R. Estienne ; sens I, 4, fin du XVe s.,
Commynes (les grandes eaux, v. 1690,

Mme de Sévigné ; pièce à grand spectacle,


1877, Littré) ; sens I, 5, 1080, Chanson de
Roland (le grand air, 1675, Widerhold ; le
grand jour, 1549, R. Estienne) ; sens I, 6,
v. 1530, C. Marot ; sens I, 7, 1080, Chanson
de Roland ; sens II, 1, 1080, Chanson de
Roland (avec un n. et précédé de l’art. défini,
début du XIXe s. ; les Grands Jours, 1665,
Fléchier) ; sens II, 2, 1690, Furetière ; sens
II, 3, fin du XVe s., Commynes. — C : sens
1, v. 980, Fragment de Valenciennes ; sens
2, av. 1778, Voltaire (de grand matin, 1549,
R. Estienne) ; sens 3, XIIe s. ; sens 4, 1572,
Ronsard (plus grand que nature, 1671,
Pomey ; avoir les yeux plus grands que le
ventre, 1580, Montaigne).

A. En parlant des êtres animés.

• I. ASPECT QUANTITATIF. 1. Se dit d’une


personne, d’un animal qui est de taille éle-
vée : Un homme grand et fort. Une grande
femme maigre. Cet enfant est grand pour
son âge. Un grand chien. Les grands ani-
maux. Le grand gibier. ‖ Se dit aussi des
végétaux : Les séquoias et les eucalyptus
sont les plus grands des arbres. La grande
gentiane, la grande marguerite. ‖ 2. Qui
a atteint le terme de sa croissance, ou
une taille appréciable, ou un certain
âge : Que feras-tu quand tu seras grand ?
Avoir de grands enfants. Quand vous se-
rez plus grands, c’est-à-dire moins sages
(Hugo). Petit poisson deviendra grand
(La Fontaine). ‖ Les grandes personnes,
les adultes. ‖ Fam. Être assez grand pour
faire quelque chose, être en mesure de le
faire sans l’aide de personne. ‖ 3. Se dit
des parties du corps qui ont une dimen-
sion supérieure à la moyenne : Un grand
front. De grands pieds. De grands yeux
bleus. ‖ Fig. Ouvrir de grands yeux, être
étonné, surpris ou émerveillé.

• II. ASPECT QUALITATIF. 1. Se dit d’une


personne qui réalise une qualité à un de-
gré éminent (équivaut à un superlatif) :
Un grand travailleur. Un grand menteur.
Une grande pécheresse. Jouer les grandes
coquettes au théâtre. De grands amis.
Les grands blessés de guerre. Les enfants,
grands imitateurs, essaient de tout dessi-
ner (Rousseau). ‖ 2. Qui occupe un rang
élevé dans la société, par sa condition,
sa situation (jadis, par la naissance) : Un
grand personnage. Un grand seigneur.
Une grande dame. Un grand bourgeois.
Les grandes familles. Quand il s’agit d’un
grand monsieur, il arrive qu’on accuse
réception tout de suite (Romains). ‖ Le
grand monde, fraction de la société qui
se distingue par sa fortune, son luxe.
‖ 3. Spécialem. S’ajoute au titre des plus
hauts dignitaires de certains ordres, à
celui du titulaire unique d’une haute
fonction, ou à certains titres nobiliaires :
Grand officier de la Légion d’honneur.
Le grand maître de l’ordre de Malte. Le
grand chancelier de l’ordre de la Libéra-

tion. Le grand veneur, le grand écuyer.


Le grand prêtre. Grand-duc, grande-du-
chesse. ‖ Par extens. Se dit de l’insigne
même d’une dignité : L’empereur, en ha-
bit, la poitrine barrée par la tache rouge
du grand cordon, entra le premier (Zola).
‖ Entre dans la désignation de divers
souverains : Le Grand Mogol. Le Grand
Turc. Le Grand Khan. ‖ 4. Qui est propre
aux personnes de haut rang, à leur com-
portement, à leurs obligations : Un grand
nom. Une grande naissance. Se présenter
en grande tenue. En grand apparat, en
grande pompe. Grande cérémonie, grande
réception. ‖ Avoir grand air, grande al-
lure, montrer une haute distinction, de la
prestance. ‖ Grands airs, affectation de
noblesse, de distinction : Prendre, se don-
ner de grands airs. ‖ 5. Qui se distingue
par ses qualités intellectuelles ou mo-
rales, par son talent, par sa valeur : Une
grande reine. Un grand peintre. Un grand
champion. Les grands couturiers. Grande
reine, est-ce ici votre place ? (Racine). Rien
ne nous rend si grands qu’une grande dou-
leur (Musset). ‖ Grand homme, homme
qui a réalisé de grandes choses et dont la
valeur est généralement admise par tous.
‖ 6. Avec l’article défini et placé devant
un nom propre, indique qu’un person-
nage s’est rendu illustre sous quelque
rapport : Le Grand Condé. Le Grand
Frédéric ; placé après, tout en soulignant
le mérite du personnage, sert à le distin-
guer de ses homonymes : Louis le Grand.
Pierre le Grand. Saint Grégoire le Grand.
(Dans ces trois cas, prend la majuscule.)
‖ 7. Se dit des qualités, des aptitudes,
des actions, des oeuvres de l’homme qui
sont particulièrement remarquables ou
accomplies : Grande intelligence. Grand
coeur. Grande sensibilité. Une grande âme.
Un grand esprit. Grand talent. Un grand
roman. De grandes conceptions. Cette
décoration est vraiment très réussie ; c’est
du grand art. Elle avait un grand esprit,
de grandes vues, un grand art de possé-
der noblement une grande fortune (Sévi-
gné). Pour exécuter de grandes choses, il
faut vivre comme si l’on ne devait jamais
mourir (Vauvenargues). Le style de Cou-
sin est grand, il a grand air, il rappelle la
grande époque, à s’y méprendre ; mais il
ne me paraît pas original, rien n’y marque
l’homme, l’individu qui écrit (Sainte-
Beuve). Il aurait voulu faire quelque chose
de grand et d’héroïque qui l’eût rendu
digne, entre tous, de chausser les bottes de
sept lieues (Aymé). ‖ Péjor. Grands gestes,
grands mots, grandes phrases, gestes, pro-
pos de caractère outré, emphatique, gran-
diloquent. ‖ 8. Se dit des états affectifs ou
psychiques qui atteignent un degré d’in-
tensité exceptionnel : Éprouver un grand
chagrin, une grande déception. Un grand
obstacle au bonheur, c’est de s’attendre
à un trop grand bonheur (Fontenelle).
J’ai parfois de grands ennuis, de grands
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2234

vides, des douleurs qui me ricanent à la


figure (Flaubert). Il n’est de grand amour
qu’à l’ombre d’un grand rêve (Rostand).
‖ 9. Spécialem. Se dit de Dieu : Dieu
seul est grand, mes frères (Massillon).
‖ Grand Dieu !, Grands Dieux !, excla-
mations marquant la surprise, la crainte,
l’indignation. ‖ Jurer ses grands dieux,
faire de grandes protestations.

• SYN. : I, 1 élancé, gigantesque, longi-


ligne ; 2 adulte.‖ II, 1 acharné, fieffé (fam.),
forcené, invétéré, sacré (fam.) ; 2 important,
influent, noble, puissant ; 4 aristocratique ;
5 éminent, génial, glorieux, prestigieux,
supérieur, talentueux ; 7 distingué, gran-
diose, incomparable, profond, remarquable,
réputé, transcendant. — CONTR. : I, 1
lilliputien, nain, petit ; 2 enfant, jeune,
petit.‖ II, 2 humble, modeste, pauvre ;
4 commun, roturier, simple ; 5 inconnu,
obscur ; 7 borné, déplorable, lamentable,
médiocre, minable, piètre, superficiel.

B. En parlant des choses.

• I. ASPECT QUANTITATIF. 1. Se dit d’une


chose dont les dimensions sont considé-
rables et dépassent la mesure ordinaire :
Un grand édifice. Une grande voiture.
Un grand navire. Les grands ensembles
urbains, architecturaux. Je hais comme la
mort l’état de plagiaire ; | Mon verre n’est
pas grand, mais je bois dans mon verre
(Musset). Le proviseur entra, suivi du
nouveau habillé en bourgeois et d’un gar-
çon de classe qui portait un grand pupitre
(Flaubert). La ville sous le grand ciel pâle
s’alanguissait (Zola). ‖ 2. Spécialem. Se
dit de ce qui dépasse la mesure ordinaire
quant à la superficie : Une grande salle. Une
grande cité. Les grandes forêts ; quant à la
hauteur : Le grand mât d’un voilier. Une
noble et imposante figure de château fort,
avec ses grandes et grosses tours percées de
longues fenêtres étroites (Flaubert) ; quant
à la longueur : Un grand fleuve. Marcher à
grands pas. Couvrir une grande distance.
Faire un grand voyage. Les grandes lignes
de chemin de fer. Le mystère des grands
chemins le tentait. Il aimait les voyages
(France). ‖ Une grande lettre, une longue
missive. ‖ 3. Qui est considérable par la
durée : Les grandes vacances. Une grande
vieillesse. ‖ 4. Qui est considérable par
la quantité (nombre, valeur, etc.) : Il y
avait une grande affluence à la gare. Un
article de grande consommation. Une
grande fortune. De grandes dépenses.
Après avoir savonné, rincer à grande eau.
Les grandes marées. ‖ Les grandes eaux,
la crue exceptionnelle d’un fleuve, d’une
rivière (vx) ; en parlant de bassins, de jets
d’eau, de cascades, etc., la totalité des ins-
tallations fonctionnant en même temps.
‖ Pièce à grand spectacle, pièce où l’on
fait un important usage de décors, de
figurants, de mise en scène. ‖ 5. Qui est
considérable par son intensité (surtout en

parlant des phénomènes physiques) : Un


grand froid. Les grandes chaleurs. Aimer
le grand vent. Redouter le grand bruit.
Faire un grand feu. ‖ Le grand air, l’air
vif que l’on respire en pleine nature. ‖ Le
grand jour, la pleine lumière. ‖ 6. Se dit
des mesures elles-mêmes, quand elles
atteignent une importance notable : Une
grande hauteur. Faire des plongées sous-
marines à une grande profondeur. Les
magasins à grande surface. Atteindre un
grand âge. La loi des grands nombres. Spé-
culer sur une grande échelle. Derrière elle
[...] emportée par la descente, une malle-
poste au grand galop se précipitait comme
une trombe (Flaubert). ‖ 7. Spécialem.
Qui est supérieur ou semble supérieur
à la mesure indiquée (avec un nom de
mesure de l’espace ou du temps) : Faire
deux grands kilomètres à pied. Attendre
une grande heure. Après trois grands mois
d’inaction, il a enfin pu reprendre ses
occupations.

• II. ASPECT QUALITATIF. 1. Se dit des faits


marquants, en particulier des faits histo-
riques ou sociaux qui se distinguent par
leur ampleur, leur retentissement : Un
grand événement. Une grande nouvelle.
Les grandes dates de l’histoire de France.
La grande éruption du Vésuve de l’an
79. Les grandes famines du Moyen Âge.
‖ Spécialem. Devant un nom et précédé
de l’article défini, forme des expressions
ayant une valeur superlative : Le Grand
Siècle. La Grande Guerre. La Grande
Armée. ‖ Les Grands Jours, juridiction
féodale ordinaire qui jugeait en appel,
puis assises extraordinaires tenues par
les juges royaux envoyés dans les régions
troublées. ‖ 2. Se dit de ce qui l’emporte
par la qualité, la renommée, sur les autres
choses de même sorte : La grande mu-
sique. Les grands crus. Préférer les grands
bordeaux aux grands bourgognes. La
grande cuisine. Le baron [...] de son air le
plus évaporé, commanda de grands vins
(Carco). ‖ 3. Se dit de tout ce qui revêt
une importance particulière dans l’ordre
politique, économique, social, intellec-
tuel : Les grandes puissances. La grande
industrie. Les grands corps de l’État. Les
grandes écoles. Les grands problèmes. Les
grandes questions. Les grands principes de
la philosophie, de la morale.

• SYN. : I, 1 colossal, cyclopéen, énorme,


gros, monumental ; 2 étendu, immense,
spacieux, vaste ; élevé, haut, long ; 3 inter-
minable, prolongé ; 4 beau, coquet (fam.),
fabuleux, fort, nombreux, rondelet (fam.) ;
5 assourdissant, caniculaire, déchaîné,
étouffant, furieux, glacial, intense, ter-
rible, vif ; 6 avancé, triple ; 7 bon, long.‖ II,
1 légendaire, marquant, mémorable, reten-
tissant, sensationnel ; 3 gros. — CONTR. :
I, 1 microscopique, minuscule ; 2 exigu,
réduit ; aplati, écrasé ; court ; 3 bref, fugi-
tif ; 4 infime, médiocre, minime, modique ;

5 léger ; 6 faible ; 7 petit.‖ II, 1 banal, insi-


gnifiant, quelconque ; 3 petit.

C. En parlant des êtres animés ou

inanimés.

1. Avec un nom sans article et un verbe,


grand entre dans des expressions toutes
faites où il a le sens de « beaucoup de » :
Faire grand cas. Faire grand tort à. Avoir
grand besoin de. Avoir grand avantage à.
Il n’y a pas grand mal à. Il n’y a pas grand
monde. ‖ 2. Avec une préposition et un
nom, forme des locutions adverbiales : A
grands frais. À grande allure. Au grand
complet. Au grand jamais. Mener la vie
à grandes guides. Julien entra en grand
noir, élégant ; affairé (Maupassant). ‖ De
grand matin, à une heure très matinale.
‖ 3. Class. Grand, forme féminine dans
l’ancienne langue, était employé dans des
locutions assez nombreuses (avec ou sans
apostrophe [v. Rem. 2]) : Il couchera dans
votre grand chambre avec sa mie (Racine).
En grand’ cérémonie (La Fontaine). Ce
pauvre Lauzun ne vous fait-il pas grand’
pitié ? (Sévigné), et dont certaines sont en-
core en usage : Avoir grand-faim, grand-
soif. À grand-peine. Grand-chose. Grand-
messe. (V. les noms composés à l’ordre
alphab.) ‖ 4. Avec un adverbe ou une
conjonction de comparaison, grand perd
son sens absolu et n’indique plus qu’une
grandeur relative : Il est maintenant aussi
grand que son frère. Le monde est plus
grand que tu ne crois (Renan). Il n’y avait
dans l’auberge que deux chambres à cou-
cher [...]. Celle de gauche [...] était tendue
de papier à fleurs et ornée d’une glace
grande comme la main (France). Qu’est-
ce que la tragédie ? C’est l’affirmation d’un
lien horrible entre l’humanité et un destin
plus grand que le destin humain (Girau-
doux). ‖ Plus grand que nature, avec des
proportions supérieures aux dimensions
naturelles. ‖ Fam. Avoir les yeux plus
grands que le ventre, vouloir manger plus
de nourriture qu’on n’en peut absorber ;
au fig., manifester des désirs qu’on ne sau-
rait satisfaire.

• REM. 1. Grand peut avoir un sens diffé-


rent selon qu’il est placé avant ou après le
nom : Je regrette qu’on ne distingue pas un
peuple grand d’un grand peuple. Cela nous
permettrait de dire avec sérénité que ce
peuple petit [les Hollandais] est un grand
peuple (Duhamel). Un grand homme est
un homme célèbre ; un homme grand est
un homme de haute taille.

2. Dans les composés où grand entre en


composition avec un nom féminin, on a
longtemps séparé les deux mots par une
apostrophe : grand’mère. L’Académie,
dans son édition de 1932, l’a remplacée
par un trait d’union : grand-mère, l’apos-
trophe étant superflue puisque grand
représente non pas une forme élidée de
grande, mais l’ancienne forme féminine
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2235

issue du latin grandis, à la fois masculin


et féminin. Au pluriel des mêmes mots,
grand reste invariable : des grand-mères.
Mais on écrit régulièrement, pour les
composés masculins : des grands-pères,
des grands-oncles.

& grand adv. (sens 1, 1779, Mme de Genlis ;


sens 2, 1932, Acad. [faire grand, 1864,
V. Hugo] ; sens 3, v. 980, Fragment de
Valenciennes). 1. Grand ouvert, ouvert
aussi largement que possible : La nuit, je
dors presque dehors, tant ma fenêtre est
grande ouverte (Gide). Suzanne avait main-
tenant les yeux grands ouverts (Duhamel).
Des portes grandes ouvertes. (V. Rem. ci-
après.) ‖ 2. Voir grand, avoir de larges
vues, de vastes conceptions, de grands
projets. ‖ Chausser grand, en parlant de
chaussures, avoir des dimensions légère-
ment supérieures à la normale, pour une
pointure déterminée. ‖ Littér. Faire grand,
accomplir d’importantes réalisations. (V.
aussi FAIRE, v. intr.). ‖ 3. Dialect. Peut avoir
la valeur d’un adverbe d’intensité (« tout à
fait, beaucoup, très ») : Et quand mai vien-
dra, j’en aurai grand prêt pour être semé
(Hémon). Il montait l’escalier posément,
en s’éventant avec un bout de journal, car
il avait grand chaud (Duhamel).

• REM. Dans l’expression grand ouvert,


grand, quoique employé en fonction
d’adverbe, s’accorde, selon l’usage, avec
l’adjectif ou le participe qui le suit. Cer-
tains auteurs penchent pour l’invariabi-
lité : Les fenêtres étaient grand ouvertes
sur le jardin (Bourget).

2. grand, e [grɑ̃, -ɑ̃d] n. (emploi substan-


tivé du précéd. ; fin du XVe s., Commynes, au
sens 3 [au fém., av. 1654, Guez de Balzac ; un
grand, 1668, Molière ; Monsieur le Grand,
1609, Malherbe ; grand d’Espagne, 1690,
Furetière] ; sens 1, 1833, Balzac ; sens 2,
v. 1692, Fénelon [mon grand, ma grande,
XXe s.]). 1. Dans les établissements scolaires,
élève relativement âgé : C’est le chef des cha-
huteurs dans l’étude des grands (Vallès).
La cour, le préau des grandes. Maintenant,
il se rend à l’école seul, comme un grand.
‖ 2. Plus généralement, personne adulte :
Le mystère est le même pour les petits que
pour les grands (Maupassant). ‖ Fam. Mon
grand, ma grande, se dit en s’adressant à un
enfant ou, comme terme d’affection, à un
adulte. ‖ 3. Personnage d’un rang social,
d’une condition élevés (généralement au
pluriel et rare au féminin) : Elle [l’Église]
avait tout à craindre des grands, et rien
des communes (Chateaubriand). Rendons
aux grands ce qui leur est dû (Courier). Les
grands de ce monde ; et au fém. : Reines,
infantes, princesses et grandes de tous pays
(Gautier). ‖ Class. Un grand, un membre
de la haute noblesse : Ce serait paroles
exquises | Si c’était un grand qui parlât
(Molière). ‖ Class. Monsieur le Grand, titre
du grand écuyer du roi de France : Le roi a
dit à Monsieur le Grand : « Accommodez-

vous pour le rang avec le comte de Soissons »


(Sévigné). ‖ Grand d’Espagne, titre réservé
à la classe supérieure de la noblesse espa-
gnole et qui n’a plus auj. qu’une significa-
tion honorifique : Fils d’une grandesse et
grand d’Espagne (Bertrand).

& À la grande loc. adv. (1660, Oudin).


Class. Avec le faste des grands seigneurs :
On ne peut voyager ni plus agréablement,
ni plus à la grande (Sévigné).

& grand n. m. (XIIe s., Godefroy, au sens


de « grandeur, taille » ; sens 1, av. 1896,
Goncourt ; sens 2, 1665, Retz ; sens 3,
1866, Littré). 1. Un infiniment grand, v.
INFINIMENT. ‖ 2. Littér. Le grand, ce qui
est noble, élevé moralement et intellectuel-
lement : Il parle dans le grand ! (Hugo).
Je croyais qu’on allait faire du grand et du
neuf (Béranger). ‖ 3. Fam. et vx. Train de
vie luxueux : Donner dans le grand (Littré).
& En grand loc. adv. (sens 1, 1671, Pomey ;
sens 2, 1738, Brunot). 1. Dans de vastes pro-
portions, sur une grande échelle : Faire de
l’élevage en grand. ‖ 2. D’un point de vue
élevé, éloigné de toute mesquinerie : Voir
les choses en grand.

& grands n. m. pl. (1944). Les grandes puis-


sances mondiales (avec un numéral) : Les
quatre grands. Les cinq grands.

grand-angulaire [grɑ̃tɑ̃gylɛr] adj. et


n. m. (de grand et de angulaire ; XXe s.). Se
dit d’un objectif à courte focale couvrant
un grand champ.

grand-chambre [grɑ̃ʃɑ̃br] n. f. (de


grand 1 [v. ce mot] et de chambre ; 1549,
R. Estienne, écrit grande chambre ; grand-
chambre, 1636, Monet). La principale
chambre d’un parlement, en France, sous
l’Ancien Régime.

• Pl. des GRAND-CHAMBRES ou des


GRANDS-CHAMBRES.

grand-chantre [grɑ̃ʃɑ̃tr] n. m. (de grand


1 et de chantre ; 1872, Larousse). Autref.

Dignitaire d’une cathédrale qui avait sous


sa juridiction les petites écoles.

• Pl. des GRANDS-CHANTRES.

grand-chose loc. pron. et n. invar.

V. CHOSE.

grand-croix [grɑ̃krwa] n. f. invar. (de


grand 1 [v. ce mot] et de croix ; fin du
XVIIe s., Saint-Simon). Dignité la plus
haute de la plupart des ordres de cheva-
lerie : Recevoir la grand-croix de la Légion
d’honneur.

& n. m. (1680, Richelet). Personne qui est


revêtue de cette dignité : Un grand-croix.
• Pl. des GRANDS-CROIX.

grand-duc [grɑ̃dyk] n. m. (de grand 1


et de duc ; 1690, Furetière, aux sens 1-2 [la
tournée des grands-ducs, fin du XIXe s.]).
1. Titre de quelques princes souverains :
Avant son annexion par le Piémont, la
Toscane était gouvernée par un grand-
duc. ‖ 2. Spécialem. Prince de la famille

impériale de Russie : Il était placé là par le


grand-duc Constantin, il n’a pas de grâce
à espérer (Balzac). ‖ Fam. La tournée des
grands-ducs, la tournée des établissements
de nuit, des lieux de plaisir (par allusion
au goût, demeuré célèbre, des princes de
la famille impériale russe pour ce genre
de réjouissances).

• Pl. des GRANDS-DUCS.

• REM. L’oiseau du même nom s’écrit sans


trait d’union (v. DUC).

grand-ducal, e, aux [grɑ̃dykal, -o]


adj. (de grand-duc, d’après ducal ; 1843,
Landais). Qui concerne un grand-duc ou
un grand-duché : Habituée aux lippées
grand-ducales (Margueritte).

grand-duché [grɑ̃dyʃe] n. m. (de grand-


duc, d’après duché ; 1843, Landais). Pays
gouverné par un grand-duc ou une grande-
duchesse : Le grand-duché de Luxembourg.
• Pl. des GRANDS-DUCHÉS.

grande-duchesse [grɑ̃ddyʃɛs] n. f. (de


grand-duc, d’après duchesse ; 1843, Landais,
aux sens 1-2). 1. Femme ou fille d’un grand-
duc, ou souveraine d’un grand-duché : La
Grande-Duchesse de Gérolstein (opérette
d’Offenbach). ‖ 2. Titre des princesses de
la famille impériale russe.

• Pl. des GRANDES-DUCHESSES.

grandelet, ette [grɑ̃dlɛ, -ɛt] adj. (dimin.


de grand 1 ; v. 1398, le Ménagier de Paris).
Fam. Qui commence à devenir grand :
Gaucheries d’une fille grandelette dans le
sarrau d’école (Gourmont). Quoiqu’il fût
grandelet, le fils du facteur, porteur de la
croix, devait ouvrir la marche des enfants
de choeur (Aymé).

• SYN. : grandet.

grandement [grɑ̃dmɑ̃] adv. (de grand


1 [v. ce mot] ; XIIe s., Godefroy, écrit gram-
ment [grandement, fin du XIIIe s.], au sens 1
[« largement, en abondance », v. 1170, Livre
des Rois ; faire les choses grandement, 1599,
Hornkens] ; sens 2, XIIe s., Godefroy [écrit
granment ; grandement, v. 1361, Oresme] ;
sens 3, 1872, Larousse). 1. Au-delà de la
mesure ordinaire : Être logé grandement.
‖ Spécialem. Largement, en abondance :
Il a grandement de quoi vivre. ‖ Faire
les choses grandement, sans regarder à la
dépense, avec générosité. ‖ 2. Beaucoup,
extrêmement : Les autres religieuses, gran-
dement scandalisées, se cachèrent le front
dans leurs mains (Nerval). Il [le docteur]
s’intéressa beaucoup à ce que je lui dis de
l’état de Gertrude, s’étonna grandement
d’abord de ce qu’elle fût restée à ce point
arriérée (Gide). ‖ 3. Fig. Avec grandeur,
d’une façon moralement élevée : Penser,
agir grandement.

• SYN. : 1 spacieusement ; amplement ;


fastueusement, généreusement, princiè-
rement ; 2 énormément, fort, fortement,
infiniment, prodigieusement, sérieuse-
ment ; 3 noblement. — CONTR. : 1 à l’étroit,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2236

petitement ; chichement, mesquinement,


parcimonieusement, à peine ; 2 guère, légè-
rement, médiocrement, nullement, pas du
tout, peu ; 3 bassement, ignoblement.

grandesse [grɑ̃dɛs] n. f. (esp. grandeza,


grandesse, de grande, grand, lat. grandis [v.
GRAND 1] ; 1667, Boulan). Dignité de grand
d’Espagne : Ce Moedina qui met à l’encan
la grandesse (Coppée). Et comme il trouve
qu’on abuse un peu des duchés italiens,
grandesses espagnoles, etc., et bien qu’il
eût le choix entre quatre ou cinq titres de
prince, il a gardé celui de baron de Charlus
(Proust).

grandet, ette [grɑ̃dɛ, -ɛt] adj. (dimin.


de grand 1 ; v. 1250, Godefroy). Fam.
Assez grand : Une Sylvie déjà grandette
(Genevoix).

grandeur [grɑ̃doer] n. f. • ÉTYM. De


grand 1 ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
écrit grandur (grandor, fin du XIIe s. ; gran-
deur, XIIIe s.), au sens de « puissance, majesté
(de Dieu) ». — A : sens I, 1, v. 1188, Aimon
de Varennes (regarder quelqu’un du haut de
sa grandeur, 1866, Littré) ; sens I, 2, 1672,
Mme de Sévigné ; sens I, 3, 1636, Corneille ;
sens I, 4, 1662, Corneille (air de grandeur,
1678, La Fontaine) ; sens I, 5, 1664, Racine ;
sens I, 6, 1630, Littré (pour un évêque ; pour
un grand seigneur, 1651, Corneille) ; sens
I, 7, 1636, Monet (grandeur d’âme, 1736,
Voltaire) ; sens I, 8, 1671, Bouhours ; sens
II, 1, v. 1265, Br. Latini (ordre de grandeur,
grandeur nature, début du XXe s.) ; sens II,
2, 1690, Furetière (art. étoile). — B : 1757,
Encyclopédie (« en mathématiques, quan-
tité continue susceptible de mesure », 1655,
Pascal).

A. Sens abstrait.
• I. CARACTÈRE DE CE QUI EST GRAND
(AU SENS ABSOLU). 1. Vx. Caractère de ce
qui a des dimensions supérieures à la
moyenne : La grandeur de Goliath. ‖ Auj.
et fig. Regarder quelqu’un du haut de sa
grandeur, le considérer, le traiter avec
une fierté dédaigneuse. ‖ 2. Class. et
Spécialem. Caractère de ce qui passe la
mesure ordinaire en longueur, en durée :
La Mousse est un peu effrayé de la gran-
deur du voyage (Sévigné). ‖ 3. Caractère
de ce qui est important, considérable par
son ampleur, sa qualité, son intensité :
La grandeur d’une entreprise, d’un pro-
jet, d’une conception. La grandeur d’un
sacrifice. Le rang de l’offensé, la grandeur
de l’offense (Corneille). ‖ 4. Supériorité
affirmée dans l’ordre social, politique,
ou résultant du rôle joué dans l’histoire :
L’union d’Isabelle et de Ferdinand pré-
para la grandeur de l’Espagne (Voltaire).
Cette reine du monde doit sa grandeur
à Numa (Chateaubriand). Grandeur et
décadence de César Birotteau (roman
de Balzac). La grandeur d’un État, d’un
règne. La grandeur de Napoléon. Une

politique de grandeur. Aimer la grandeur.


‖ Air de grandeur, attitude, manières
qui affectent la supériorité. ‖ 5. Class.
Rang social élevé : Ni l’or ni la grandeur
ne nous rendent heureux (La Fontaine).
‖ 6. Sa Grandeur, Votre Grandeur, titre
honorifique donné autrefois à quelques
grands seigneurs, et naguère aux évêques
et aux archevêques. ‖ 7. Élévation morale
et intellectuelle, noblesse des sentiments,
des motivations, des actions : La gran-
deur de l’homme est grande en ce qu’il se
connaît misérable (Pascal). La grandeur
de l’âme ou celle de la fortune ne m’im-
posent point (Chateaubriand). Certes, il
[La Rochefoucauld] a eu ses larmes ; mais
on ne trouve pas en lui la grandeur des
désespoirs de Pascal (Zola). Nous ne cher-
chons pas de leçons, ni l’amère philosophie
qu’on demande à la grandeur (Camus).
‖ Grandeur d’âme, générosité, magna-
nimité. ‖ 8. Qualité d’une oeuvre qui se
distingue par l’ampleur de la conception,
la hauteur de l’inspiration, de la pensée :
La grandeur, l’étonnante mélancolie de
ce tableau ne saurait s’exprimer dans les
langues humaines (Chateaubriand). Cela
atteint la grandeur eschylienne (Hugo).

• II. QUALITÉ DE CE QUI EST PLUS OU


MOINS GRAND (SENS RELATIF). 1. Qualité de
ce qui est susceptible d’accroissement ou
de diminution, de ce qui est susceptible
de mesure : Tel astre, qui ne nous paraît
qu’un point dans le ciel, surpasse sans
proportion toute la grandeur de la Terre
(Bossuet). On voit des pins d’une grandeur
incroyable (Flaubert). Ces deux hommes
sont de même grandeur (Littré). Une tache
de la grandeur d’une pièce de cinq francs.
‖ Ordre de grandeur, évaluation approxi-
mative d’une quantité mesurable : Nous
avons acquis une connaissance indirecte
[...] qui nous communique [...] ce qui se
passe dans des ordres de grandeur si éloi-
gnés de ceux qui ont quelque rapport avec
nos sens que les notions de toute espèce
selon lesquelles nous pensions le monde
n’ont plus de prise (Valéry). Envisagez
une dépense de 500 francs par personne,
mais ce n’est qu’un ordre de grandeur...
‖ Grandeur nature, se dit d’une repro-
duction où les personnages ou les objets
sont représentés avec leurs dimensions
naturelles : Un portrait grandeur nature.
Une maquette grandeur nature. ‖ 2. Vx.
En astronomie, éclat relatif des étoiles,
servant à les classer (cette notion est auj.
remplacée par celle de MAGNITUDE) : On
compte dix-sept étoiles de première gran-
deur ; au télescope, on aperçoit jusqu’à
celles de seizième grandeur (Arago).

• SYN. : I, 3 ampleur, étendue, impor-


tance, profondeur ; 4 élévation, force,
gloire, illustration, puissance, supré-
matie ; 7 dignité, supériorité, valeur ;
8 sublimité.‖ II, 1 hauteur, superficie,
taille, volume. — CONTR. : I, 3 médio-

crité, modestie, petitesse ; 4 décadence,


déchéance, déclin, faiblesse ; 7 bassesse,
ignominie, mesquinerie, misère.

B. Sens concret.

Ce qui est susceptible de plus ou de


moins, et peut soit faire l’objet d’une me-
sure directe, soit comporter des degrés
d’intensité : Grandeur mesurable. Gran-
deur vectorielle. ‖ Spécialem. En mathé-
matiques, quantité continue susceptible
de mesure : Un géomètre [...] le résumerait
[ce système de lignes et de surfaces] en
peu de signes par une relation de quelques
grandeurs (Valéry). Grandeurs mathéma-
tiques. Grandeurs physiques.

& grandeurs n. f. pl. (1640, Corneille


[d’abord « actions d’éclat », milieu du
XVIe s., Amyot ; avoir la folie des grandeurs,
des idées de grandeurs, XXe s.]). Littér. Les
distinctions, les honneurs, les avantages,
souvent vains et fallacieux, qui accom-
pagnent l’élévation sociale, la réussite, la
gloire : Vos grandeurs ne nuiront-elles point
à vos amitiés ? (Balzac). Chaque peuple, à
son tour dans l’ombre enseveli, | Chantait
languissamment ses grandeurs effacées
(Vigny). Depuis que sa nièce était dans
les grandeurs, Mme Lerat ne dégonflait pas
de vanité (Zola). ‖ Folie des grandeurs, v.
MÉGALOMANIE. ‖ Fam. Avoir la folie des
grandeurs, des idées de grandeurs, avoir
le désir ou la manie de vivre sur un pied
qu’on ne peut réellement tenir.

grand-garde [grɑ̃gard] n. f. (de grand


1 [v. ce mot] et de garde, n. f. ; 1740, Acad.
[grande-garde, 1690, Furetière]). Autref.
Détachement chargé de la sûreté rappro-
chée d’une troupe en station et qui formait
l’élément principal des avant-postes.

• Pl. des GRAND-GARDES.

grand-guignolesque [grɑ̃giɲɔlɛsk] adj.


(de Grand-Guignol, n. d’un théâtre mont-
martrois dont la spécialité était la repré-
sentation de courtes pièces d’épouvante
[alternant, au cours de la même séance, avec
de brèves comédies, très gaies] ; début du
XXe s.). Qui a le caractère outré et invrai-
semblable des mélodrames du Grand-
Guignol : Un spectacle grandguignolesque.
Des aventures grand-guignolesques. Un
comportement grandguignolesque.

grandhomie [grɑ̃dɔmi] n. f. (de grand


homme ; av. 1848, Chateaubriand [le mot
semble être un hapax de cet auteur]). Vanité
de celui qui se croit ou se juge un grand
homme : Je croyais peu à ces pantalonnades
de la flatterie italienne, de qui pourtant ma
vanité se rengorgeait ; mais mon humble
instinct l’emportait sur ma grandhomie
(Chateaubriand).

grandi, e [grɑ̃di] adj. (part. passé de gran-


dir). Rendu plus grand (au pr. et au fig.) :
La toile tomba sur [...] Vénus, souriante et
grandie dans sa souveraine nudité (Zola).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2237

grandiloquence [grɑ̃dilɔkɑ̃s] n. f. (du


lat. grandiloquus, qui a le style pompeux,
d’après éloquence ; 1544, Mathée, puis av.
1865, Proudhon). Manière pompeuse et
affectée de parler, de s’exprimer : La pro-
pension à la grandiloquence est un défaut
dont je crains que nous ne nous corrigions
pas de sitôt (Gide).

• SYN. : emphase, pompe. — CONTR. : natu-


rel, simplicité, sobriété.

grandiloquent, e [grɑ̃dilɔkɑ̃, -ɑ̃t]


adj. (de grandiloquence ; 1888, Larousse,
aux sens 1-2). 1. Qui parle ou écrit d’une
manière affectée et emphatique : Un confé-
rencier, un parlementaire grandiloquent.
Il ne réussissait ses conférences que s’il les
avait commencées en se disant : « Je prends
un orateur, élève de Bossuet, sobre, incisif,
un peu grandiloquent. Que leur dirait-
il ? » (Giraudoux). ‖ 2. Qui a un carac-
tère affecté, déclamatoire, emphatique :
Style grandiloquent. Une oeuvre verbeuse
et grandiloquente.

• SYN. : 1 déclamateur, précieux ; 2 ampoulé,


pompeux, ronflant. — CONTR. : 1 naturel,
simple ; 2 concis, laconique, sobre.

grandiose [grɑ̃djoz] adj. (ital. grandioso,


de grande, grand, lat. grandis [v. GRAND
1] ; 1798, Encycl. méthodique). Qui frappe
l’imagination, l’esprit par un caractère de
grandeur, de noblesse : M. de Mortsauf, roi
dans son castel, entouré de son auréole histo-
rique, avait pris à mes yeux des proportions
grandioses (Balzac). Les scènes successives
et simultanées de cette tuerie grandiose,
nous renonçons à les peindre (Hugo). Il y a
des vallées resserrées, aux entrées d’ombre,
dont la désolation est étouffante ; d’autres
très larges, dont la désolation plus grandiose
amène des conceptions résignées, presque
douces, de la grande mort sans réveil et de
la fin de tout (Loti). Ne mêlons point, fût-ce
une seconde, la personne grandiose d’un
Saint-Just au triste Marat (Camus).

• SYN. : admirable, fabuleux, fantastique,


imposant, magnifique, majestueux, presti-
gieux, sublime. — CONTR. : mesquin, petit ;
abject, bas, méprisable, vil.

& n. m. (1804, Chateaubriand). Caractère


de grandeur, de noblesse : Le grandiose de
la Campagne romaine (Chateaubriand).
Tartarin [...] portait en lui l’âme de Don
Quichotte, les mêmes élans chevaleresques,
le même idéal héroïque, la même folie du
romanesque et du grandiose (Daudet).

grandiosement [grɑ̃djozmɑ̃] adv. (de


grandiosement [grɑ̃djozmɑ̃] adv. (de
grandiose ; 1876, A. Daudet). D’une manière
grandiose : Ils avaient l’air grandiosement
horribles (Gautier). En dépit de tout ce que
put dire Mme Weber, Bélisaire avait tenu
à faire les choses grandiosement, et sur sa
longue bourse de laine rouge, les coulants
d’acier coulèrent jusqu’aux bords (Daudet).
Ceux-ci [les génies synthétiques : Eschyle,
Dante, Lucain, Hugo] sont d’énormes
visionnaires, éblouissants et éblouis, effa-

rants et effarés, étageant des oeuvres gran-


diosement disproportionnées [...]. Tel Hugo
(Verhaeren).

grandir [grɑ̃dir] v. intr. (de grand 1 ;


v. 1280, Adenet, au sens 1 ; sens 2, av. 1848,
Chateaubriand ; sens 3, 1830, Balzac [gran-
dir en sagesse, en vertu, etc., 1866, Littré]).
1. Devenir grand ou plus grand, en taille
ou en dimension : Tout cela ne m’a pas
empêché de grandir et de maigrir (Hugo).
Un arbre qui grandit lentement. À partir
de midi, l’ombre du clocher recommence à
grandir. ‖ 2. Croître en intensité, en force,
en importance : La lueur du matin grandis-
sait à l’est (Hugo). L’exaltation du peuple
grandit (Flaubert). Quand la Révolution
eut grandi... (Chateaubriand). Son pou-
voir grandit de jour en jour. ‖ 3. Fig. et lit-
tér. Se développer, se perfectionner sous
quelque rapport, et en particulier gagner
en valeur morale, en crédit, en prestige :
J’irai, je grandirai seul, par moi-même
(Balzac). Depuis sa mort, son nom n’a cessé
de grandir. ‖ Grandir en beauté, en sagesse,
en vertu, etc., devenir plus beau, plus sage,
plus vertueux, etc. : Elle naquit petite et
débile et reçut le nom d’Hélène. Soumise
aux travaux de la vie, elle grandit bientôt en
grâce et en beauté et devint la plus désirable
des femmes (France).

• SYN. : 1 s’allonger, croître, se développer,


monter, pousser ; 2 s’accroître, s’agrandir,
s’amplifier, augmenter, enfler, s’étendre,
grossir, s’intensifier, redoubler. — CONTR. : 1
décroître, rapetisser ; 2 s’amenuiser, baisser,
décroître, diminuer, raccourcir.

& v. tr. (v. 1460, G. Chastellain, au sens de


« élever en honneur, en puissance » ; sens 1,
1857, Flaubert [« faire paraître plus grand »,
1872, Larousse] ; sens 2, 1834, Ségur ; sens 3,
début du XIXe s., Mme de Staël [sortir grandi
d’une épreuve, d’une difficulté, XXe s.]).
1. Rendre plus grand : Ses talons hauts
la grandissaient un peu [Emma Bovary]
(Flaubert). ‖ Faire paraître plus grand :
La fillette, grandie par son jupon court en
flanelle rouge rayée de noir, se tenait devant
la glace, droite, immobile, dans le rayonne-
ment de sa parure (Daudet). ‖ 2. Exagérer,
amplifier certaines choses, leur donner plus
d’importance qu’elles n’en ont : Vous avez
tort de vous inquiéter ; votre imagination a
tendance à grandir les difficultés. ‖ 3. Fig.
et littér. Élever moralement quelqu’un, lui
donner de l’autorité, du prestige : Persécuter
un homme en politique, ce n’est pas seule-
ment le grandir, c’est encore en innocenter
le passé (Balzac). Ce qui est vrai des maux
de ce monde est vrai aussi de la peste. Cela
peut servir à grandir quelques-uns (Camus).
‖ Sortir grandi d’une épreuve, d’une diffi-
culté, en sortir plus fort moralement.

• SYN. : 1 hausser, rehausser ; 2 dramatiser,


grossir, surfaire. — CONTR. : 1 rapetisser ;
2 amoindrir, minimiser.

& se grandir v. pr. (sens 1, 1829, Boiste ;


sens 2, milieu du XVIe s., Amyot). 1. Se

rendre ou se faire paraître plus grand :


Claude n’était pas descendu de son banc.
Il se grandissait pour voir jusqu’au fond des
rues (Zola). ‖ 2. Fig. et littér. S’élever au-
dessus des autres, en puissance, en hon-
neur, en dignité : L’Empereur lui-même
s’était tant grandi qu’il se trouvait à une
distance démesurée des détails de son armée
(Ségur). L’amour est la seule chance qu’aient
les sots pour se grandir (Balzac).

grandissant, e [grɑ̃disɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de grandir ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers). Qui grandit, croît peu à peu,
en dimension, en intensité, en force, en
importance, etc. : Car l’ombre grandissante
avec le crépuscule... (Heredia). Il hâta le
pas dans la clameur grandissante (France).
Elle l’écoutait avec une sympathie grandis-
sante (Martin du Gard). Une popularité
grandissante.

• SYN. : croissant. — CONTR. : décroissant.

grandissement [grɑ̃dismɑ̃] n. m.
(de grandir ; 1845, J.-B. Richard de
Radonvilliers, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Vx. Action de rendre plus
grand, ou le fait de devenir plus grand
(au pr. et au fig.) : Dans le grandisse-
ment de l’ombre des ancêtres (Hugo). Les
« Stalactites » forment, dans le grandis-
sement du poète, une phase particulière
(Baudelaire). Tandis qu’un choeur de
cloches dures | Dans le grandissement du
jour | Monte (Verlaine). Je me disais que
je ne repartirais plus, que rien ne valait la
paix d’être là [...], de sentir autour de soi,
dans ce nid de l’enfance, je ne sais quelles
protections bénies contre le vide et la mort ;
de deviner [...] cette cour qui [...] reprendrait
peut-être encore à mes yeux son impor-
tance, son grandissement d’autrefois, et se
repeuplerait des mêmes rêves (Loti). [Le]
grandissement de sa renommée (Proust).
‖ 2. Spécialem. Grandissement linéaire,
en optique, rapport des longueurs homo-
logues de l’image et de l’objet.

• SYN. : 1 accroissement, allongement, crois-


sance, épanouissement, extension, hausse,
intensification. — CONTR. : 1 baisse, décrois-
sance, diminution, rapetissement.

grandissime [grɑ̃disim] adj. (lat. grandis-


simus, superl. de grandis, grand [v. GRAND
1] ; début du XIVe s. [l’usage de grandissime
s’est renforcé au XVIe s. sous l’influence de
l’ital. grandissimo, lui-même issu du lat.
grandissimus ; l’anc. langue employait sur-
tout les formes plus francisées grantesme
— v. 980, Fragment de Valenciennes —,
grandisme, grandeisme — v. 1160, Benoît
de Sainte-Maure]). Fam. et plaisamm. Très
grand : Un spectacle grandissime. Suisse
et valets de pied en grandissime deuil mat
somnolaient sur les banquettes (Daudet).

grandjean [grɑ̃jɑ̃] n. m. (du n. de Philippe


Grandjean ; 1962, Larousse). Caractère
d’imprimerie dû à Philippe Grandjean,
graveur de l’Imprimerie royale v. 1700.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2238

grand-livre [grɑ̃livr] n. m. (de grand 1 et


de livre, n. m. ; 1723, Savary des Bruslons,
au sens 1 ; sens 2, 14 août 1793, Moniteur
universel). 1. Registre dans lequel sont
réunis tous les comptes ouverts dans la
comptabilité d’une entreprise, et où l’on
reporte les opérations du journal : Après
avoir collationné le journal, la correspon-
dance et le grand-livre couvert de notes au
crayon et de renvois, il reconnut la vérité
(Flaubert). [On écrit parfois GRAND LIVRE,
sans trait d’union.] ‖ 2. Grand livre de la
Dette publique (sans trait d’union), ou
simplem. grand-livre, liste qui contient les
noms de tous les créanciers de l’État, ainsi
que tous les éléments de la Dette publique.
• Pl. des GRANDS-LIVRES.
grand-maman [grɑ̃mamɑ̃] n. f. (de grand
1 [v. ce mot] et de maman ; 1690, Furetière
[art. maman]). Grand-mère, dans le langage
enfantin : Fanchon se réjouit dans son coeur
de passer une journée entière chez sa grand-
maman. Et la grand-maman [...] se réjouit
[...] de voir la fille de son fils (France).

• Pl. des GRAND-MAMANS ou des

GRANDS-MAMANS.

grand-mère [grɑ̃mɛr] n. f. (de grand 1


[v. ce mot] et de mère ; v. 1265, J. de Meung,
au sens 1 ; sens 2, av. 1741, J.-B. Rousseau).
1. Mère du père ou de la mère : Grand-
Mère, qui n’entrait guère ici que pour dor-
mir, y a trouvé un sommeil plus profond
(Daudet). ‖ 2. Fam. Vieille femme : Il y
avait là deux ou trois grand-mères en train
de tricoter.

• Pl. des GRAND-MÈRES ou des

GRANDS-MÈRES.

• SYN. : 1 aïeule.

• REM. On disait aussi autrefois, surtout dans


les contes, MÈRE-GRAND (1530, Pals-grave) :
Vous y dansiez petite fille | Y danserez-vous
mère-grand (Apollinaire).

grand-messe [grɑ̃mɛs] n. f. (de grand 1


[v. ce mot] et de messe ; 1660, Oudin). Messe
solennelle chantée.

• Pl. des GRAND-MESSES ou des


GRANDS-MESSES.

grand-oncle [grɑ̃tɔ̃kl] n. m. (de grand


1 et de oncle ; 1538, R. Estienne). Frère
du grand-père ou de la grand-mère : Son
grand-oncle maternel était ce M. Carré de
Montgeron qui défendit devant le parle-
ment les convulsionnaires du cloître Saint-
Médard (France).

• Pl. des GRANDS-ONCLES.

grand-papa [grɑ̃papa] n. m. (de grand


1 et de papa ; 1680, Richelet). Grand-père,
dans le langage enfantin : On n’avait pas
fini de souper, et déjà André donnait de
gros baisers à son grand-papa (France).
• Pl. des GRANDS-PAPAS.

grand-peine (à) [agrɑ̃pɛn] loc. adv.


(de à, grand 1 [v. ce mot] et peine ; v. 1155,
Wace). Avec beaucoup de difficulté.

grand-père [grɑ̃pɛr] n. m. (de grand 1


et de père ; XIIe s., au sens 1 ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Père du père ou de la mère :
Grand-père paternel, maternel. Le visage
immobile de M. Gillenormand, qui à la
minute précédente exprimait la réproba-
tion indignée, n’exprimait plus rien qu’une
ineffable bonhomie. L’aïeul avait fait place
au grand-père (Hugo). ‖ 2. Fam. Vieillard.
• Pl. des GRANDS-PÈRES.

• SYN. : 1 aïeul.

grands-parents [grɑ̃parɑ̃] n. m. pl.


(de grand 1 et de parent ; 1798, Acad.).
Le grand-père et la grand-mère du côté
paternel ou maternel, ou les grands-pères et
grands-mères des deux côtés : Elle vanta la
vigueur de ses grands-parents, car elle avait
l’orgueil de son sang bourgeois (France).

grand-tante [grɑ̃tɑ̃t] n. f. (de grand 1


[v. ce mot] et de tante ; 1538, R. Estienne).

Soeur du grand-père ou de la grand-mère.

• Pl. des GRAND-TANTES ou des


GRANDS-TANTES.

grand-teint [grɑ̃tɛ̃] n. m. invar. (de grand


1 et de teint, n. m. ; 1680, Richelet). Teinture
de première qualité.

& adj. invar. (1872, Larousse). Qui est teint


avec des substances de première qualité :
Du tissu grand teint. (Dans ce cas, ne prend
pas le trait d’union.)

grand-voile [grɑ̃vwal] n. f. (de grand 1


[v. ce mot] et de voile, n. f. ; 1743, Trévoux,
écrit grande voile [art. voile] ; grand-voile,
1872, Littré [art. voile]). Voile carrée la plus
basse du grand mât.

• Pl. des GRAND-VOILES ou des


GRANDS-VOILES.

grange [grɑ̃ʒ] n. f. (lat. pop. *granica,


grange, du lat. class. granum, grain, graine ;
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure). Bâtiment
clos d’une ferme, destiné à loger la paille,
le foin, les récoltes : On avait en face de soi
les champs, à droite une grange (Flaubert).

grangée [grɑ̃ʒe] n. f. (de grange ; 1564,


J. Thierry). Contenu d’une grange : Une
grangée de blé.

granger, ère [grɑ̃ʒe, -ɛr] n. (de grange ;


granger, ère [grɑ̃ʒe, -ɛr] n. (de grange ;
1195, Godefroy, écrit grangier ; granger,
1600, O. de Serres). Vx ou dialect. Syn. de
MÉTAYER : Elles baisaient de temps en temps
les mains de la grangère (Rousseau).

granite ou granit [granit] n. m. (ital.


granito, granit, proprem. « grenu » [adj.],
de grano, grain, lat. granum, grain, graine ;
1611, Cotgrave, dans la loc. granit oriental,
qui désignait une sorte de jaspe ; sens actuel,
1690, Furetière, écrit granit [granite, 1783,
Buffon]). Roche éruptive dure, composée
de feldspath, de mica et de quartz, réunis
en masse compacte : Une chapelle bâtie
tout entière en blocs de granit énormes
(Stendhal). ‖ Fig. De granit, dur comme

le granit, indestructible ou impitoyable :


Un coeur, une âme de granit.

& adj. (1900, Dict. général [comme n. m.,


au sens de « ce qui a l’apparence du granite,
en reliure », 1810, Lesné ; drap granit, 1872,
Larousse]). Qui a l’apparence grenue du
granite : Reliés en veau marbre, en veau
racine, en veau granit (France). ‖ Drap gra-
nit, drap dont l’envers est uni, tandis que
l’endroit est semé de petits points espacés
dont la couleur est différente de celle du
fond. (On dit aussi DRAP SABLÉ.)

granité, e [granite] adj. (de granit ; 1842,


Acad.). Qui présente des grains rappelant
ceux du granite : Du papier peint granité.
• SYN. : granuleux, grenu. — CONTR. : lisse.
& granité n. m. (sens 1, 1888, Larousse ;
sens 2, av. 1922, Proust). 1. Étoffe de lin, de
laine ou de coton à gros grain. ‖ 2. Glace
de pâtissier granulée et peu sucrée : La glace
elle-même, le granité et les rince-bouches me
semblaient recéler des plaisirs malfaisants
(Proust).

graniter [granite] v. tr. (de granit ; 1866,


Littré [à l’infin. ; au part. passé, 1842,
Acad.]). Peindre en mouchetant de façon
à imiter le granite : Graniter des stucs.

graniteux, euse [granitø, -øz] adj. (de


granit ; 1783, Buffon). Qui a rapport au gra-
nite ; qui est composé de granite : Soutenu
par des murs, le long des masses graniteuses,
le chemin... (Chateaubriand).

granitier [granitje] n. m. (de granit ; 10


mars 1875, Journ. officiel). Ouvrier qui
taille les blocs de granite destinés à la
construction.
granitique [granitik] adj. (de granit ;
1783, Buffon). Qui est de la nature du gra-
nite : Une ruelle de petites falaises grani-
tiques (Hugo). Roche granitique.

granitisation [granitizasjɔ̃] n. f. (dér.


savant de granit ou de granitique ; 1962,
Larousse). Transformation d’une roche en
granite, par l’action de forces internes, dans
le globe terrestre.

Granito [granito] n. m. (n. déposé ; de


granit ou de l’ital. granito [v. GRANITE] ;
1962, Larousse). Revêtement constitué
par une couche de ciment à la surface de
laquelle on a incorporé des fragments de
marbre ou de pierre dure colorée.

granitoïde [granitɔid] adj. (de granito-,


élément tiré de granit, et de -ide, gr. eidos,
apparence ; 1783, Buffon). Qui a la structure
minérale du granite : Plusieurs variétés de
ces pierres dont les unes sont compactes et
granitoïdes (Buffon).

granivore [granivɔr] adj. et n. (de grani-,


élément tiré du lat. granum, grain, graine,
et de -vore, du lat. vorare, dévorer, avaler,
engloutir ; 1751, Encyclopédie). Qui se nour-
rit de graines : Le pigeon est un oiseau gra-
nivore. Les autruches ont le gésier muni de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2239

muscles très forts, comme tous les granivores


(Buffon).

granthā [grɑ̃ta] n. f. (mot indien ; 29 févr.


1876, Journ. officiel). L’une des écritures
employées pour la langue sanskrite.

granulaire [granylɛr] adj. (de granule ;


1845, Bescherelle). Qui se compose de petits
grains : Le corpuscule matériel et la radia-
tion nous apparaissent tantôt sous l’aspect
granulaire, tantôt sous l’aspect vibratoire
(Thibaud). Roche granulaire.

• SYN. : granulé, granuleux, grenu.

— CONTR. : lisse.

granulation [granylasjɔ̃] n. f. (de gra-


nuler ; 1651, Hellot, au sens de « action
de réduire en grenaille » ; sens 1-2, 1845,
Bescherelle [granulations grises, 1866,
Littré]). 1. Agglomération en petits grains :
Un épiderme sans granulation pigmentaire
(Martin du Gard). Au bord du trottoir, cette
surface est vierge de toute trace, sans éclat,
mais intacte, égale, finement pointillée de
ses granulations originelles (Robbe-Grillet).
‖ 2. Lésion organique formée de petites
tumeurs arrondies qui se forment sur
les muqueuses ou à la surface des plaies.
‖ Granulations grises, productions tuber-
culeuses de la phtisie aiguë.

granule [granyl] n. m. (bas lat. granu-


lum, petit grain, dimin. de granum, grain,
graine ; 1842, Mozin, au sens de « corps
reproducteur d’une plante cryptogame » ;
sens 1, 1845, Bescherelle ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Petit grain. ‖ 2. Très petite
pilule pharmaceutique : Des granules
homéopathiques.

granulé, e [granyle] adj. (dér. savant du


bas lat. granulum [v. l’art. précéd.] ; 1798,
Acad., au sens 1 ; sens 2, XXe s. [« réduit
en petits grains, en parlant d’un métal »,
1872, Larousse]). 1. Qui présente des gra-
nulations. ‖ 2. Réduit en forme de granule.
• SYN. : 1 granulaire, granuleux, grenu. —
CONTR. : lisse.

& granulé n. m. (XXe s.). Médicament pré-


senté en petits grains : Prendre des granulés
pour la digestion.

granuler [granyle] v. tr. (dér. savant du bas


lat. granulum [v. GRANULE] ; 1611, Cotgrave,
au sens de « réduire à l’état de grains » ; sens
1, 1675, Brunot ; sens 2, XXe s.). 1. Réduire
en petits grains : Granuler de l’étain, du
plomb. ‖ 2. Agglomérer en petits grains :
Granuler de l’émeri.

granuleux, euse [granylø, -øz] adj. (dér.


savant du bas lat. granulum [v. GRANULE] ;
v. 1560, Paré, puis 1845, Bescherelle, au sens
3 [méningite granuleuse, corps granuleux,
globule granuleux, cellule granuleuse,
XXe s.] ; sens 1, 1803, Boiste ; sens 2, 1872,
Larousse). 1. Qui est divisé ou aggloméré
en petits grains : Pierre granuleuse. Terre
granuleuse. ‖ 2. Dont la surface rugueuse
semble recouverte de petits grains : Une

peau granuleuse. ‖ 3. Se dit, en pathologie,


d’un cas qui présente des granulations :
Une tumeur granuleuse. ‖ Méningite
granuleuse, la méningite tuberculeuse.
‖ Corps granuleux, globule granuleux,
cellule granuleuse, syn. de LEUCOCYTE.
• SYN. : 1 granité, granulaire, granulé ; 2
grenu. — CONTR. : 2 lisse.

granulie [granyli] n. f. (dér. savant du


bas lat. granulum [v. GRANULE] ; 1872,
Larousse). Forme aiguë et généralisée de
la tuberculose, caractérisée par la présence
de granulations grises dans tous les organes
envahis, et spécialement dans les poumons.

granuline [granylin] n. f. (dér. savant


du bas lat. granulum [v. GRANULE] ; 1962,
Larousse). Variété d’opale.

granulite [granylit] n. f. (dér. savant du


bas lat. granulum [v. GRANULE] ; 1888,
Larousse [art. granulitique]). Granite à
mica blanc ou à mica blanc et noir.

granulitique [granylitik] adj. (de gra-


nulite ; 1888, Larousse). Qui a la nature de
la granulite.

granulocyte [granylɔsit] n. m. (de gra-


nule et du gr. kutos, cavité, cellule ; XXe s.).
Leucocyte dont le protoplasme comporte
des granulations.

granulo-graisseux, euse
[granylogrɛsø, -øz] adj. (de granulo- [élé-
ment tiré de granule] et de graisseux ; 1878,
Larousse). Se dit d’une dégénérescence des
éléments cellulaires avec formation de gra-
nulations grasses.

granulomatose [granylɔmatoz] n. f.
(dér. savant de granulome ; 1962, Larousse).
Terme qui désigne les affections carac-
térisées par l’existence de granulomes
multiples, et qui englobe des maladies de
natures très diverses.

granulome [granylom] n. m. (de gra-


nule ; 1888, Larousse). Petite tumeur de
forme arrondie, quelle que soit sa nature :
Granulome dentaire. Granulome vénérien.

granulométrie [granylɔmetri] n. f.
(de granulo- [élément tiré de granule] et
de -métrie [du gr. metron, mesure] ; 1953,
Larousse, aux sens 1-2). 1. Mesure des par-
ticules minérales du sol. ‖ 2. Mesure des
proportions des grains d’un mélange et
étude de leur répartition.

granulométrique [granylɔmetrik] adj.


(de granulométrie ; 1962, Larousse). Qui se
rapporte à la granulométrie.

granulopénie [granylɔpeni] n. f. (de


granulo- [élément tiré de granule] et de
-pénie [gr. penia, pauvreté, indigence] ;
1962, Larousse). Diminution du nombre
des granulocytes dans le sang.

granulose [granyloz] n. f. (dér. savant


de granuleux ; 1907, Larousse, comme n.
d’une des deux substances constitutives

de l’amidon ; sens actuel, 1962, Larousse).


Érythème granuleux de la pointe du nez,
avec gouttelettes de sueur.

grape-fruit [grɛpfrut] n. m. (mot anglo-


améric., de grape, grappe, et de fruit, fruit
[empr. du franç. grappe 1 et fruit 1] ; 1930,
Larousse). Nom d’une espèce horticole de
pamplemousse.

grapette [grapɛt] n. f. (de grappe 1 [v. ce


mot], au sens anc. de « crochet » [XIIIe s.] ;
1874 [d’après Littré, 1877], au sens de
« engin employé pour pêcher la moule » ;
sens 1, 1922, Larousse ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Sorte de filet pour pêcher la
crevette. ‖ 2. Croc pour pêcher les oursins.

graphe [graf] n. m. (du gr. graphein,


écrire, tracer des lignes, dessiner ; 1962,
Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1968, Larousse).
1. Représentation graphique d’une fonc-
tion étendue à la théorie des ensembles.
‖ 2. Système de couples formés par l’ap-
plication d’un ensemble dans un second
ensemble ou dans le même ensemble.

graphématique [grafematik] adj. (dér.


savant de graphème ; milieu du XXe s.). Qui
est relatif aux graphèmes.

graphème [grafɛm] n. m. (de graphie


1, d’après phonème ; v. 1950). En linguis-
tique, unité d’écriture, caractère distinctif
du code écrit : Les lettres de l’alphabet sont
des graphèmes.

1. graphie [grafi] n. f. (du gr. graphein,


écrire ; 1762, Acad., comme suff. de mots
savants exprimant l’idée de « représen-
tation graphique » ; comme terme indé-
pendant, au sens 2, 1877, Littré ; sens 1,
1878, Larousse). 1. Représentation écrite
des éléments du langage : Graphie hiéro-
glyphique. ‖ 2. Manière d’écrire un mot :
Graphie informe inspirée par l’orthographe
française (Dauzat). Enfin, en analysant les
textes, nous avons compris que cette gra-
phie inconnue était celle d’un condisciple
de Jacques (Martin du Gard).
• SYN. : 2 orthographe.

2. graphie [grafi] n. f. (abrév. de radio-


graphie ; milieu du XXe s.). En termes de
médecine, abrév. pour RADIOGRAPHIE.

graphion [grafjɔ̃] n. m. (gr. graphion,


style, poinçon [v. GREFFE 2] ; 1962, Larousse
[un premier ex. dans Larousse, 1872, au sens
de « mélitée, genre d’insecte lépidoptère
diurne »]). Pinceau pour peindre sur bois
ou sur parchemin.

graphique [grafik] adj. (gr. graphikos,


qui concerne l’action d’écrire, l’art d’écrire,
la peinture, de graphein, écrire ; 1757,
Encyclopédie, dans la loc. opérations gra-
phiques, « nomographie » [en astronomie] ;
sens 1, 1762, Acad. [arts graphiques, 1872,
Larousse ; calcul graphique, XXe s.] ; sens 2,
1866, Littré). 1. Qui figure quelque chose
par le dessin : Une représentation graphique
d’une fonction algébrique. Cette passion
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2240

des formules, des tracés graphiques...


(Duhamel). ‖ Arts graphiques, le dessin, la
gravure originale ; par extens., tout procédé
d’impression artistique, de la gravure d’in-
terprétation à l’imprimerie, la typographie,
la mise en pages, et même la photographie.
‖ Calcul graphique, procédé consistant à
transformer les nombres soumis au calcul
en longueurs de segments de droite, et le
calcul numérique en une construction de
figure. ‖ 2. Qui a rapport à la représenta-
tion des sons par des signes, par l’écriture :
Les signes, les caractères graphiques d’une
langue. Les mots [...] subsistent pourtant à
l’état de phénomènes sonores et graphiques ;
leur fonction nouvelle est de suggérer des
images au hasard de la forme des lettres
(France).

& n. m. (1845, Bescherelle, au sens de « des-


sin appliqué aux sciences » ; sens 1-2, 1888,
Larousse [pour la marche des trains du
chemin de fer, XXe s.] ; sens 3, 1877, Littré).
1. Figure linéaire en forme de tableau,
destinée à représenter l’évolution d’un
phénomène, d’une production, le fonction-
nement d’une machine : Chaque matin, on
l’avait pesé [le nouveau-né], et l’on avait
pendu au mur, au pied du lit, le graphique,
le tracé des poids (Zola). Un graphique de
la température d’un malade. ‖ Spécialem.
Représentation de la marche des trains
par un tracé géométrique. ‖ 2. Courbe
représentant les variations d’une fonc-
tion mathématique. ‖ 3. Tracé décrit par
un appareil enregistreur : Graphique des
pressions donné par un barographe.

• SYN. : 1 et 3 courbe, diagramme, tracé.


& n. f. (1900, Dict. général). Vx. Art du
dessin et de la peinture.

graphiquement [grafikmɑ̃] adv. (de


graphique ; 1762, Acad., au sens 1 ; le sens
2 [1669, Molière] est un calque du lat.
graphice, artistement, parfaitement, dér.
de graphicus, dessiné de main de maître,
parfait, accompli, gr. graphikos [v. l’art.
précéd.]). 1. Par des procédés graphiques.
‖ 2. Class. Avec précision : Oui, Monsieur,
vous avez dépeint fort graphiquement « gra-
phice depinxisti » tout ce qui appartient à
cette maladie (Molière).

graphisme [grafism] n. m. (de gra-


phique ; août 1875, Journ. des savants
[p. 473], au sens 1 ; sens 2, début du XXe s. ;
sens 3, 1955, Huyghe). 1. Manière de repré-
senter les sons d’une langue : L’histoire du
graphisme commence aux hiéroglyphes
égyptiens. ‖ 2. Manière personnelle de
tracer les caractères écrits d’une langue :
Landrivaud reconnut aussitôt le graphisme
de Tullie Moneuse (L. Daudet). Ultime
détail avant de quitter le plateau, avec la
plume et l’encre du défunt, sur la feuille
même où il était en train d’écrire, après les
derniers mots qu’il avait tracés d’une main
hésitante — une demi-ligne environ à la
fin d’un long paragraphe interrompu qui
descend déjà jusqu’au milieu de la page :

« voyage lointain, et non pas gratuit » —,


il termine en imitant son graphisme incer-
tain : « mais nécessaire » (Robbe-Grillet).
‖ 3. Manière de tracer un dessin, de des-
siner : Le graphisme d’Albert Dürer.

• SYN. : 1 écriture, graphie ; 2 écriture.

graphitage [grafitaʒ] n. m. (de gra-


phiter ; fin du XIXe s., au sens 1 ; sens 2,
1962, Larousse). 1. Action de graphiter.
‖ 2. Accumulation de graphite, ou char-
bon de cornues, à l’intérieur des cornues
ou des chambres de distillation dans les-
quelles s’opère la carbonisation à haute
température.

graphite [grafit] n. m. (dér. savant du gr.


graphein, tracer des signes pour écrire ou
dessiner, écrire [le graphite servant surtout
à faire des mines de crayons] ; 1801, Haüy).
Carbone naturel ou artificiel cristallisé,
presque pur, gris noir, tendre et friable.

• SYN. : mine de plomb, plombagine.

graphiter [grafite] v. tr. (de graphite ;


début du XXe s., aux sens 1-3). 1. Transformer
en graphite. ‖ 2. Enduire superficiellement
de graphite. ‖ 3. Additionner de graphite :
Huile graphitée.

graphiteux, euse [grafitø, -øz] adj. (de


graphite ; 1845, Bescherelle). Qui contient
du graphite : Gneiss graphiteux.

graphitique [grafitik] adj. (de graphite ;


1866, Littré). Qui se rapporte au graphite :
Oxyde graphitique.

graphitisation [grafitizasjɔ̃] n. f.
(dér. savant de graphite ; 1962, Larousse).
Transformation de carbone amorphe en
graphite, notamment pour fabriquer des
électrodes.

graphitite [grafitit] n. f. (de graphite ;


1962, Larousse). Variété de graphite.

grapho- [grafo ou grafɔ], premier élé-


ment de mots savants composés, tiré du
grec graphein, écrire.

graphologie [grafɔlɔʒi] n. f. (de grapho-


et de -logie, du gr. logos, science, discours ;
1875, Michon). Étude scientifique des ren-
seignements que fournit l’examen de l’écri-
ture d’une personne.

graphologique [grafɔlɔʒik] adj. (de


graphologie ; 1907, Larousse). Relatif à la
graphologie : Examen graphologique.

graphologue [grafɔlɔg] n. (de grapholo-


gie ; 1877, Littré). Spécialiste de graphologie.

graphomanie [grafɔmani] n. f. (de gra-


pho- et de -manie ; XXe s.). Besoin patho-
logique d’écrire ; manie d’écrire.

graphomètre [grafɔmɛtr] n. m. (de gra-


pho- et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1597,
Danfrie). Instrument ancien d’arpentage,
servant à mesurer les angles dans le lever
des plans.

graphoscope [grafɔskɔp] n. m. (de gra-


pho- et de -scope, du gr. skopeîn, observer,
examiner ; 1962, Larousse). Loupe de grand
diamètre pour l’examen des écritures.

graphothérapie [grafɔterapi] n. f. (de


grapho- et de -thérapie, gr. therapeia, soin,
traitement, de therapeuein, servir, soigner ;
1957, Trillat et Masson). Traitement de
troubles et de tendances défectueuses du
caractère, ou de difficultés proprement
graphiques, par une rééducation appro-
priée de l’écriture.

graphotypie [grafɔtipi] n. f. (de gra-


pho- et de -typie, du gr. tupos, marque,
empreinte ; 1962, Larousse). Mode de
reproduction des fac-similés d’écritures,
d’imprimés, de dessins.

grapignan [grapiɲɑ̃] n. m. (n. d’un pro-


cureur de la comédie la Matrone d’Éphèse,
de Fatouville [1682], tiré du part. prés. de
grapigner, commettre de petits vols, var.
dialect. de grappiller ; comme n. commun,
1683, Fatouville [Arlequin Protée]). Vx et
péjor. Procureur : Il était aussi propre au
métier d’ambassadeur que je l’aurais été
dans mon enfance à celui de grapignan
(Rousseau).

grappa [grapa] n. f. (mot ital. signif.


proprem. « crampon, grappe », de même
origine que le franç. grappe 1 [v. ce mot] ;
1948, Cendrars). Eau-de-vie de marc de
raisin fabriquée dans le Piémont.

1. grappe [grap] n. f. (germ. *krappa, cro-


chet, d’où « grappe sans ses grains », par
analogie de forme ; XIe s., Revue des études
juives [1937, p. 106], écrit grape [grappe,
XVIe s.], au sens de « rafle de raisin » ; sens
1, 1636, Monet [en botanique, « inflores-
cence indéfinie... », 1866, Littré] ; sens 2,
v. 1120, Psautier d’Oxford [vin de grappe,
1835, Acad. ; mordre à la grappe, 1900,
Dict. général, au pr., et 1648, Scarron, au
fig.] ; sens 3, 1704, Trévoux ; sens 4, fin du
XIXe s., A. Daudet [grappe humaine, XXe s.]).
1. Assemblage de fleurs ou de fruits insé-
rés sur une tige commune : Et les herbes,
les fleurs, les lianes des bois [...] | Sortaient
de terre en grappe, en dentelles, en cloches
(Lamartine). Grappe de lilas. Grappe de
groseilles. Grappe de raisin. ‖ Spécialem.
En botanique, inflorescence indéfinie
dans laquelle les fleurs sont portées par
des pédoncules insérés isolément et à des
niveaux différents sur un axe principal :
Grappe du groseillier, du cytise, de la gly-
cine. ‖ 2. Absol. Grappe de la vigne, le rai-
sin : Il est plus facile de cueillir la grappe
que de scier les blés (Balzac). C’est moi,
c’est moi la vigne ! c’est moi, c’est moi la
grappe ! (Claudel). ‖ Vin de grappe, ou vin
de goutte, vin préparé avec le jus qui sort de
la grappe non foulée. ‖ Mordre à la grappe,
mordre à même la grappe, sans détacher les
grains ; fig. et vx, accepter en bloc tout ce
qu’on propose. ‖ 3. Assemblage de choses
ou d’objets qui rappelle plus ou moins le
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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groupement des fruits sur une grappe : Il


secoue aux piliers les grappes de ferraille
(Leconte de Lisle). Le vernis mordoré d’un
panier d’oignons [...], le violet sombre d’une
grappe d’aubergines, çà et là, s’allumaient
(Zola). Les dernières étoiles des constella-
tions laissèrent tomber leurs grappes un
peu plus bas sur l’horizon du désert, et
s’immobilisèrent (Camus). ‖ 4. Groupe de
personnes serrées, agglomérées, et plus ou
moins étagées : Tout le train hurlait, débor-
dant de monde, des grappes de voyageurs
accrochés aux poignées extérieures des por-
tières (Daudet). Par grappes ils s’entassèrent
au fond des entonnoirs (Dorgelès). Une
lourde grappe de clients se pressait autour
du zinc, et la patronne ne savait où don-
ner de la tête (Aymé). ‖ Grappe humaine,
figure dans laquelle plusieurs acrobates,
enlacés par les bras et par les jambes, se
tiennent en suspension, soit à l’échelle de
corde, soit au trapèze.

• SYN. : 4 amas, amoncellement, chapelet,


essaim.

2. grappe [grap] n. f. (moyen néerl.


crappe, garance ; 1513, Godefroy, écrit
crappe, au sens de « garance » ; écrit grappe,
au sens moderne [comme n. f. et adj.], 1741,
Savary des Bruslons). Vx. Racine de garance
réduite en poudre. (On disait aussi, adjec-
tiv., GARANCE GRAPPE.)

grappier, ère [grapje, -ɛr] adj. (de grappe


1 ; 1872, Larousse). Yeux grappiers de la
vigne, les bourgeons fructifères.

grappillage [grapijaʒ] n. m. (de grap-


piller ; 1531, La Grise, au sens 1 ; sens 2,
1791, Beaumarchais). 1. Action d’enlever les
grappes qui restent attachées aux ceps après
la vendange : Glanage, grappillage [...], tous
les vieux usages dauphinois (Béraud). ‖ Par
extens. Action de prendre çà et là dans les
champs, les cultures : Le papillon, l’oiseau
qui vit de grap[p]illage [...] | Dans un brin
de soleil dansaient un menuet (Rollinat).
‖ 2. Fig. et fam. Action de se procurer de
petits profits, en général illicites ; ce qu’on
obtient ainsi : Des recettes impudentes de
carottage, de grappillage (Goncourt).

grappiller [grapije] v. intr. (de grappe 1 ;


1549, R. Estienne, au sens 1 [« cueillir çà
et là des fruits, des fleurs », XXe s.] ; sens 2,
1685, Boursault). 1. Cueillir, après la ven-
dange, les grappes et les grappillons laissés
par les vendangeurs. ‖ Par extens. Cueillir
çà et là des fruits, des fleurs : Grappiller
dans les champs. ‖ 2. Fig. et fam. Faire de
petits gains secrets, en général illicites ; en
particulier, prendre une chose, une autre
dans les ouvrages d’autrui : Je m’accorde le
mérite de ne pas grappiller, de ne pas me
rendre coupable de la moindre petite volerie
(Renard).

• SYN. : 2 chaparder (fam.), écornifler, filou-


ter, gratter (fam.).

& v. tr. (sens 1, 1835, Acad. ; sens 2, 1689,


Mme de Sévigné [« recueillir ce que les autres

laissent, ce qui reste », mai 1865, Revue des


Deux Mondes, 498] ; sens 3, 1866, Littré).
1. Cueillir çà et là (des produits du sol) : Je
ne veux plus, moi qui garde ce lieu, | Qu’on
vienne, sous couleur d’y quérir un caïeu |
D’ail, piller mes fruitiers et grappiller ma
grappe (Heredia). Tout est éternel, inef-
fable et suprême [...]. | Cette heure et ces
paroles que je dis, | Et ton sourire ami et
les guêpes qui viennent | Grap[p]iller au
linteau ta lourde treille d’or (Vielé-Griffin).
‖ 2. Fig. Prendre çà et là, au hasard : Ce
qu’il savait, il l’avait grappillé dans des
magazines (Montherlant). ‖ Spécialem.
Recueillir ce que les autres laissent, ce
qui reste : Grappillant des miettes de son
luxe (Margueritte). ‖ 3. Fig. et fam. Faire
un petit gain secret, en général illicite : Il
trouve quelque chose à grappiller en toute
occasion.

• SYN. : 3 carotter (fam.), écornifler, gratter


(fam.), grignoter (fam.).

grappilleur, euse [grapijoer, -øz] n. (de


grappiller ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2,
1762, Acad.). 1. Vx. Personne qui grappille
les raisins. ‖ 2. Fig. et fam. Personne qui
fait de petits profits illicites.

grappillon [grapijɔ̃] n. m. (de grappe 1 ;


grappillon [grapijɔ̃] n. m. (de grappe 1 ;
1584, Du Monin). Petite grappe ou partie
d’une grappe de raisin.

grappin [grapɛ̃] n. m. (de grappe 1


[v. ce mot], au sens anc. de « crochet »
[XIIIe s.] ; 1382, Dict. général, au sens 1 ;
sens 2, 1848, Jal [grappin, même sens,
1466, ZFSL, LXIV, 55 ; jeter le grappin sur,
1740, Acad. — mettre le grappin sur, fin
du XVIIe s., Saint-Simon] ; sens 3, 1872,
Larousse ; sens 4 et 6, 1962, Larousse ;
sens 5, 1704, Trévoux ; sens 7, 1868, La
Blanchère ; sens 8, 1845, Bescherelle ;
sens 9, 1765, Encyclopédie [XVII, 145 a]).
1. Ancre sans jas, portant quatre ou cinq
pattes recourbées et aiguës, destinée aux
petites embarcations. ‖ 2. Grappin d’abor-
dage, ou simplem. grappin, crochet à deux
ou plusieurs branches dont on se servait
autrefois pour tenir accostés deux navires
qui venaient de s’aborder. ‖ Fig. et fam.
Jeter (vx), mettre le grappin sur quelqu’un
ou sur quelque chose, saisir quelqu’un et le
retenir de force, ou se rendre maître de son
esprit ou de ses sentiments, l’accaparer ;
s’emparer de quelque chose : Il avait dû
jeter le grappin sur le magot de sa bourgeoise
(Zola). ‖ 3. Sorte de gaffe terminée par un
cordage et permettant d’amarrer rapide-
ment une embarcation le long d’un bateau.
‖ 4. Croc fixé à l’extrémité d’une grosse et
longue perche. ‖ 5. Crochet qu’on se fixe
aux pieds pour s’élever le long d’un arbre.
‖ 6. Accessoire d’appareils de levage (grue,
pont roulant, etc.), permettant de saisir
un ou plusieurs objets ou des matériaux.
‖ 7. Hameçon à trois ou quatre branches
semblables, réunies à une hampe unique.
‖ 8. Petit râteau employé dans l’égrappage

du raisin à la main. ‖ 9. Outil métallique


avec lequel le verrier enlève les impuretés
du verre en fusion ou racle les pots.

grappiner [grapine] v. tr. (de grappin ;


1722, Bacqueville, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse ; sens 3, 1765, Encyclopédie, XVII).
1. Dans la marine, accrocher avec un grap-
pin. ‖ 2. Accrocher un poisson à l’aide d’un
hameçon multibranche. ‖ 3. Nettoyer le
verre en fusion.

grappu, e [grapy] adj. (de grappe 1 ;


1561, Du Pinet). Chargé de grappes : Vigne
grappue.

gras, grasse [grɑ, grɑs] adj. • ÉTYM.


Lat. pop. *grassus, altér. (sous l’influence de
grossus, v. GROS) du lat. class. crassus, épais,
dense, gras, grossier, lourd, stupide ; v. 1190,
Garnier de Pont-Sainte-Maxence, écrit cras
et gras, au sens I, 2 (fromage gras, 1866,
Littré ; eaux grasses, 1900, Dict. général) ;
sens I, 1, milieu du XVIe s., Amyot (corps
gras, 1866, Littré) ; sens I, 3, 1690, Furetière
(régime gras, 1900, Dict. général ; jours
gras, 1580, Montaigne ; mardi gras, 1636,
Monet) ; sens I, 4, v. 1190, Garnier de Pont-
Sainte-Maxence (« personne grasse », 1666,
Molière ; tuer le veau gras, 1690, Furetière ;
être gras à lard, 1648, Scarron ; être gras
comme un moine, 1611, Cotgrave ; .. comme
un porc, 1872, Larousse ; gras comme un
cent de clous, 1872, Larousse) ; sens I, 5,
1660, Oudin (« taché, sali de graisse », v.
1530, C. Marot) ; sens I, 6, XVe s., Du Cange
(causes grasses, 1549, R. Estienne) ; sens
II, 1, v. 1570, Carloix (vin gras, v. 1398,
le Ménagier de Paris ; terre grasse, av.
1678, La Rochefoucauld ; argile grasse,
1690, Furetière ; chaux grasse, 1900, Dict.
général ; mortier gras, 1680, Richelet ;
houille grasse, charbon gras, XXe s. ; pein-
ture grasse, 1900, Dict. général ; couleur
grasse, 1834, Landais ; avoir la poitrine
grasse, 1758, Saint-Foix ; toux grasse, 1866,
Littré) ; sens II, 2, 1835, Acad. (temps gras,
1834, Landais) ; sens II, 3, 1872, Larousse
(crayon gras, XXe s. ; plantes grasses, 1845,
Bescherelle ; pour une pièce de bois, 1680,
Richelet) ; sens II, 4, 1580, Montaigne (avoir
un parler gras, fin du XVIIe s., Saint-Simon) ;
sens II, 5, v. 1360, Froissart (pour les pro-
ductions elles-mêmes, 1690, Furetière) ;
sens II, 6, XIVe s., Miracles de Nostre-Dame
(n’en être pas plus gras, 1548, R. Estienne ;
la grasse matinée, 1549, R. Estienne).

I. 1. Qui est formé de graisse, qui est de la


nature de la graisse : Matières grasses. La
fumée du goudron s’échappait d’entre les
arbres, et l’on voyait sur la rivière de larges
gouttes grasses, ondulant inégalement
sous la couleur pourpre du soleil, comme
des plaques de bronze florentin, qui flot-
taient (Flaubert). L’olive, qui fournit
l’huile grasse et pure (Claudel). ‖ Corps
gras, substances neutres, d’origine orga-
nique, qui sont des esters de la glycé-
rine : Le beurre, l’huile, le suif, etc., sont
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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des corps gras. ‖ 2. Qui contient plus ou


moins de graisse, de matière grasse : Une
sauce trop grasse. Cette soupe est grasse.
Poisson gras. ‖ Fromage gras, fromage
préparé avec du lait non écrémé. ‖ Eaux
grasses, eaux qui ont servi à nettoyer la
vaisselle. ‖ 3. Spécialem. Qui est à base
de viande, préparé avec de la viande ou
de la graisse : Aliments gras. Un bouillon
gras. ‖ Fig. et fam. Faire ses choux gras
de quelque chose, v. CHOU. ‖ Régime gras,
régime composé d’aliments gras. ‖ Jours
gras, jours où l’Église catholique permet
de manger de la viande ; spécialem., les
jours du carnaval qui précèdent le ca-
rême : Mardi gras. ‖ 4. Se dit d’une per-
sonne ou d’un animal fourni en graisse
ou qui a trop de graisse : Sa figure grasse,
molle et sans barbe (Flaubert). Ils parais-
saient irréconciliables, le médecin maigre
et nerveux, le vicaire gras et affable
(Zola). Brune, grasse, vive, fraîche, saint
Pacôme lui-même l’eût aimée (France).
Une poularde grasse. ‖ Substantiv. Per-
sonne grasse : Les gras et les maigres.
‖ Boeuf gras, v. BOEUF 1. ‖ Foie gras, v.
FOIE. ‖ Tuer le veau gras, servir ce qu’on
a de meilleur pour fêter quelqu’un (allu-
sion à la parabole de l’Enfant prodigue).
‖ Fam. Être gras à lard, être gras comme
un moine, comme un porc, être très gras :
Les oiseaux carnassiers, gorgés de viande
fraîche, | Deviendront gras à lard dans ce
riche charnier (Leconte de Lisle). ‖ Fam.
Gras comme un cent de clous, extrême-
ment maigre. ‖ 5. Enduit, imprégné de
graisse ou d’une substance grasse : Frot-
ter une pièce métallique avec un chiffon
gras. Les cheveux gras de pommade à
la rose (Flaubert). ‖ Par extens. Taché,
sali de graisse : Faire ramasser les pa-
piers gras. Le col de sa chemise est gras.
C’était un déjeuner fait sans nappe, dans
la salle à manger encore grasse du dîner
de la veille (Zola). ‖ 6. Fig. Libre jusqu’à
l’excès, graveleux (vieilli) : Propos gras.
« Conchylia »..., un vilain mot, vraiment,
et que mon oncle Joseph avait déclaré gras
(Vallès). Ces histoires grasses si goûtées du
maître de la maison (Daudet). M. Wal-
ter, entre deux services, fit quelques plai-
santeries, car il avait l’esprit sceptique et
gras (Maupassant). ‖ Vx. Causes grasses,
causes dont les débats promettaient
d’être réjouissants et que les clercs réser-
vaient pour les jours gras.

II. 1. Qui a une consistance onctueuse :


Une boue grasse. ‖ Vin gras, vin qui a pris
la graisse et est devenu huileux. ‖ Terre
grasse, terre argileuse, compacte. ‖ Argile
grasse, argile très plastique, qui contient
peu de silice. ‖ Chaux grasse, chaux
qui foisonne. ‖ Mortier gras, mortier
contenant beaucoup de chaux. ‖ Houille
grasse, charbon gras, charbon ayant une
teneur en matières volatiles modérée, et
qui donne, sous l’effet de la chaleur, une
fusion pâteuse, avec gonflement. ‖ Pein-

ture, couleur grasse, peinture dont la pâte


est onctueuse et appliquée en couche
épaisse. ‖ Bois gras, bois dont le tissu
est mou. ‖ Par extens. Avoir la poitrine
grasse, chargée de mucosités épaisses.
‖ Toux grasse, toux accompagnée d’ex-
pectorations abondantes (par opposition
à toux sèche). ‖ 2. Dont la surface est
visqueuse, glissante : La berge était toute
grasse et glissante (France). L’après-midi
était beau. Cependant, le pavé était gras,
les gens rares et pressés (Camus). ‖ Temps
gras, en termes de marine, temps bru-
meux et humide. ‖ 3. Qui présente une
épaisseur importante : Les traits gras d’un
dessin. Un titre en caractères gras. Et la
feuille déployée par M. Bergeret portait en
lettres grasses cette mention : « Un séna-
teur à Mazas. Arrestation de M. Laprat-
Teulet » (France). ‖ Crayon gras, crayon
à mine tendre, donnant des traits larges,
marqués. ‖ Plantes grasses, plantes à
feuilles épaisses et charnues. ‖ Pièce de
bois grasse, tenon gras, pièce, tenon dont
les dimensions sont trop fortes. ‖ 4. Fig.
Se dit de sons vocaux dont l’articulation
n’est pas nette et semble empâtée : De sa
voix joyeuse et grasse, qui semble toujours
héler un canot dans le brouillard, le Na-
bab appelle : « Bompain » (Daudet). Un
rire gras. ‖ Avoir le parler gras, grasseyer.
‖ 5. Fig. Se dit des sols fertiles, des régions
qui donnent d’abondantes productions :
En avançant vers l’est, vous rencontrez
la grasse Flandre (Taine). C’est un écrin
touffu de la grasse Normandie, qui verdoie
dans une nappe de soleil (Zola) ; et, par
extens., de ces productions elles-mêmes :
De gras pâturages. De grasses récoltes.
‖ 6. Qui est dispensé largement, avec
générosité, voire avec excès (vieilli) : Un
gras pourboire. De grasses aubaines (Ver-
laine). ‖ Fam. Ce n’est pas gras, c’est fort
peu de chose, c’est un profit médiocre : En
somme, c’est tout ce qu’ils ont [...]. Ce n’est
pas gras (Romains). ‖ Fam. N’en être pas
plus gras, ne tirer aucun avantage réel de
quelque profit. ‖ Faire la grasse matinée,
se lever tard : Plus jamais [...] | La vieille
aux doigts de feu qui fendent les volets |
Ne viendra t’arracher aux grasses mati-
nées (Valéry).
• SYN. : I, 4 adipeux, bien en chair, bouffi,
boursoufié, charnu, dodu, empâté, gras-
souillet, gros, obèse, plantureux, plein,
potelé, rebondi, replet, rondelet, ron-
douillard (fam.) ; 5 graisseux, huileux ; 6
égrillard, gaulois, grivois, leste, libre, polis-
son, rabelaisien, salé. ‖ II, 2 gluant, pois-
seux, visqueux ; 3 épais, pâteux ; 5 fécond,
généreux, productif, riche. — CONTR. :
I, 2 maigre ; 4 décharné, efflanqué, émacié,
étique, maigrichon (fam.), squelettique ; 5
dégraissé, nettoyé, propre. ‖ II, 3 délié, fin ;
5 aride, pauvre, stérile.

& gras adv. (sens 1, 1762, Acad. ; sens 2,


av. 1880, Flaubert ; sens 3, XXe s. ; sens 4,
1611, Cotgrave). 1. Peindre gras, peindre en

appliquant la couleur par couche épaisse,


pâteuse. ‖ 2. Fam. et vx. Faire gras (à) mar-
cher, marcher sur un sol lourd et glissant : Il
faisait gras marcher (Flaubert). ‖ 3. Tousser
gras, tousser en expectorant des mucosités
épaisses : Jérôme Savrit se retourna, toussa
gras, éternua (Arnoux). ‖ 4. Class. et fig.
Parler gras, grasseyer, prononcer de la
gorge la consonne r : Il affectait de par-
ler un peu gras, pour avoir le langage plus
mignard (Furetière).

& gras n. m. (v. 1265, Br. Latini, au sens


de « graisse d’un animal » ; sens I, 1, 1680,
Richelet ; sens I, 2, 1866, Littré [dans la reli-
gion catholique, 1677, Mme de Maintenon ;
faire gras, 1680, Richelet ; manger gras,
1700, Mme de Main-tenon ; dîner gras, 1694,
Mme de Sévigné] ; sens I, 3, 1866, Littré ;
sens I, 4, 1877, Zola [filer en gras, 1877,
Littré] ; sens II, 1, 1866, Littré ; sens II, 2,
1834, Landais ; sens II, 3, 1690, Furetière
[gras de la jambe, fin du XIVe s.] ; sens II,
4, XXe s. [avoir des gras, même sens, 1907,
Larousse] ; sens II, 5, 1739, Esnault [il n’y a
pas gras à, XXe s.]).

I. 1. Partie grasse de la viande : Le gras et


le maigre du jambon. Moi qui aime tant le
gras ! (Vallès). ‖ 2. Les aliments gras, et
particulièrement la viande : Le gras lui est
défendu. ‖ Spécialem. Dans la religion
catholique, la viande, par opposition au
maigre, poisson, légumes, etc. : Mme Mo-
reau [...] poussa la condescendance
jusqu’à servir du gras les jours maigres
(Flaubert). ‖ Faire gras, manger de la
viande ou des mets accommodés au gras
les jours maigres. ‖ Class. Manger, dîner
gras, même sens : [Corbinelli] a dîné gras
avec M. le Chevalier (Sévigné). ‖ 3. Ma-
nière d’accommoder les mets avec du jus
de viande, de la graisse : Faire du riz au
gras. ‖ 4. Graisse, substance graisseuse :
Avoir du gras plein ses vêtements. ‖ Filer
au gras ou en gras, ajouter à un textile,
pour aider à le filer, une certaine quantité
d’huile.

II. 1. Consistance filante des vins altérés


par la graisse : Le vin tourne au gras sitôt
le printemps (Hugo). ‖ 2. Maladie du vers
à soie, qui le rend onctueux et impropre à
filer. ‖ 3. Partie épaisse et charnue d’un
membre : Il sentait encore la cuisson au
gras du pouce, et regarda son doigt pour
y trouver la trace de la brûlure (Martin
du Gard). ‖ Gras de la jambe, le mollet.
‖ 4. Avoir du gras, être en gras, en par-
lant d’une pierre de taille, d’une pièce
de charpente, avoir des dimensions plus
fortes qu’il n’est nécessaire. ‖ 5. Pop. et
vx. Il y a gras, il y a large profit : Je consul-
terai [...] le greffier et vous saurez ce soir
s’il y a gras (Balzac). ‖ Pop. Il n’y a pas
gras à, il n’y a pas grand-chose à : Il n’y a
pas gras à manger aujourd’hui.

• SYN. : I, 1 lard. — CONTR. : I, 1 maigre.


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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2243

gras-double [grɑdubl] n. m. (de l’adj.


gras et du n. m. double, au sens de « panse
de boeuf » [1690, Furetière] ; 1611, Cotgrave).
Produit de triperie préparé à partir de la
membrane de l’estomac du boeuf : Elle
[Gervaise] calculait déjà le dîner, dès que
Coupeau apporterait l’argent : un pain,
un litre, deux portions de gras-double à la
lyonnaise (Zola).

• Pl. des GRAS-DOUBLES.

gras-fondu [grɑfɔ̃dy] n. m. (de l’anc. v.


se graisse-fondre, être atteint de gras-fondu
[1611, Cotgrave] — de graisse et de fondre
—, avec remplacement du n. f. graisse par
l’adj. correspondant gras ; 1615, É. Binet).
Vx. Maladie des chevaux, qui provoque une
diarrhée abondante et un amaigrissement
important : De bons chevaux normands
mouraient de gras-fondu dans l’écurie de
l’hôtel (Balzac).

• REM. On disait aussi GRAS-FONDURE,


n. f. (de gras-fondu ; 1664, Solleysel).
grassement [grɑsmɑ̃] adv. (de gras, adj. ;
début du XIVe s., Gilles li Muisis, au sens 3 ;
sens 1, milieu du XIXe s., Baudelaire ; sens 2,
XXe s. ; sens 4, 1690, Furetière). 1. En termes
de peinture, par couche épaisse : Pour tout
dire en un mot, il peint grassement là où
tant d’autres étalent platement des couleurs
pauvres ; il sait faire grand dans le petit
(Baudelaire). ‖ 2. D’une voix grasse, avec
des bruits de gorge et des sons peu dis-
tincts : Favereau rit grassement (Mauriac).
‖ 3. Fig. Largement, avec excès : Nous
nous faisons payer grassement nos aveux
(Baudelaire). ‖ 4. Fig. Fort à l’aise, dans
un large bien-être : En quittant Thérèse,
il [Laurent] retombait dans la misère [...] ;
en demeurant auprès d’elle, il pouvait au
contraire contenter ses appétits de paresse,
vivre grassement, sans rien faire (Zola).

• SYN. : 3 généreusement ; 4 à l’aise,


confortablement, largement, richement.

— CONTR. : 3 chichement ; 4 misérablement,


pauvrement.

grasserie [grasri] n. f. (de gras, n. m., au


sens de « maladie des vers à soie » ; 1845,
Bescherelle). Maladie contagieuse des vers
à soie, due à un virus.

1. grasset, ette [grasɛ, -ɛt] adj. (de gras,


adj. ; v. 1265, Br. Latini [var. craset, XIIe s.,
Partenopeus de Blois]). Fam. Assez gras.
(Rare.)

2. grasset [grasɛ] n. m. (de gras, n. m.,


au sens de « partie épaisse d’un membre » ;
1755, Encyclopédie [V, 411 b], au sens 1 ;
sens 2, 1900, Dict. général). 1. Région du
membre postérieur des solipèdes, ayant
pour base la rotule et les parties molles
environnantes : Un gros coquin de meu-
nier [...] lui a donné [à un cheval] un coup
de fourche dans le grasset (Mérimée).
‖ 2. Maniement du boeuf pratiqué en
soupesant le repli de la peau qui se trouve
en avant de la rotule.

grassette [grasɛt] n. f. (de gras, adj. ;


1556, Revue des langues romanes, XIX,
120). Plante herbacée à feuilles épaisses,
qui croît dans les terrains marécageux, les
tourbières : L’enfant de choeur voyait [...] la
grassette, l’anémone, l’hépatique, la genti-
ane orner les sous-bois (Jammes).

grasseyant, e [grasɛjɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de grasseyer ; v. 1780, Buffon). Qui
grasseye : Voix grasseyante.

grasseyé, e [grasɛje] adj. (part. passé de


grasseyer ; XXe s.). Syn. vieilli de UVULAIRE,
en phonétique.

grasseyement [grasɛjmɑ̃] n. m. (de


grasseyer ; 1694, Acad.). Prononciation
d’une personne qui grasseye : Son accent, ce
terrible grasseyement dont sa paresse l’avait
toujours empêché de se défaire, donnait du
mordant à son ironie (Daudet). Un léger
grasseyement, qu’on eût dit bourguignon,
dans sa voix [...] donnait à ses moindres
propos une saveur singulière (Gide).

grasseyer [grasɛje] v. intr. (de [parler]


gras ; 1530, Palsgrave, écrit grassier ; 1611,
Cotgrave, écrit graissayer ; grasseyer, 1660,
Oudin). [Conj. 2 b ; v. aussi Rem. ci-après.]
Prononcer de la gorge certaines consonnes,
et particulièrement les r : Il grasseyait,
s’écoutait, content de ce qu’il faisait plus
rire à Paris que chez lui (Mauriac).

• SYN. : bléser.

• REM. L’y se conserve dans toute la


conjugaison.

grasseyeur, euse [grasɛjoer, -øz] n. (de


grasseyer ; 1743, Trévoux). Personne qui
grasseye.

grassouillet, ette [grasujɛ, -ɛt] adj. (de


gras, adj. ; 1680, Richelet). Fam. Un peu
gras et potelé : Sa face vieillotte, grassouil-
lette, du milieu de laquelle sort un nez en
bec de perroquet (Balzac). Le bébé, le joli
être grassouillet et rondelet (Goncourt). La
dame était si jolie ainsi avec ses pieds nus,
ses doigts grassouillets chargés de bagues
(Daudet). Son visage barbu, grassouillet,
aux pommettes roses, gardait une expres-
sion hilare (Martin du Gard). C’était un
très vieux coq [...] et assez grincheux [le
coq du clocher], il faut l’avouer [...]. Aussi
les jeunes hirondelles et les colombes gras-
souillettes fuyaient-elles son oeil et sa langue
(Pourtalès).

• SYN. : dodu, potelé, rondelet (fam.).

— CONTR. : décharné, émacié, maigre,


squelettique.

grat [gra] n. m. (déverbal de gratter ; v.


1460, Villon [envoyer quelqu’un au grat,
XVIe s.]). Vx. Endroit où les poules grattent
et picorent. ‖ Fig. et vx. Envoyer quelqu’un
au grat, le rebuter, l’éconduire.

grateron ou gratteron [gratrɔ̃] n. m.


(altér., d’après gratter, de l’anc. franç. gle-
teron [v. GLAITERON] ; 1314, Mondeville).
Nom usuel de quelques espèces de gail-

let et de plusieurs plantes accrochantes


(aspérule, bardane) : Il y avait dans leur
jardin des graterons et des muguets en fleurs
(Flaubert).

graticulation [gratikylasjɔ̃] n. f. (de gra-


ticuler ; 1845, Bescherelle). Autre forme de
CRATICULATION.

graticule [gratikyl] n. f. (lat. craticula,


petit gril, dimin. de cratis, claie, treillis ;
1701, Furetière). Châssis sur lequel est ten-
due une feuille de papier, dont on se sert
pour graticuler un dessin.

• REM. On dit aussi CRATICULE.

graticuler [gratikyle] v. tr. (dér. savant


du lat. craticula [v. l’art. précéd.] ; 1671,
Chérubin, écrit craticuler ; graticuler, 1798,
Acad.). Autre forme de CRATICULER.

gratienne [grasjɛn] n. f. (probablem. de


Gratien, n. pr. de personne ou de lieu ; 1872,
Larousse). Toile de lin de Bretagne.

gratification [gratifikasjɔ̃] n. f. (lat.


gratificatio, bienfaisance, libéralité, de
gratificatum, supin de gratificari [v. l’art.
suiv.] ; 1362, Dict. général, au sens 2 ; sens
1, 1475, Bartzsch ; sens 3, 1679, Kuhn
[« supplément de salaire... », 1846, Balzac]).
1. Class. Faveur, reconnaissance : Luttez
bien avec la maladie : si vous ne faites rien
pour elle, si vous ne lui accordez rien, ni par
obéissance, ni par gratification, vous aurez
fait une preuve signalée de votre suffisance
(Malherbe). ‖ 2. Class. Ce qui est accordé
à titre de faveur, de libéralité : Ce seigneur
est riche des bienfaits, des gratifications de
la Cour (Furetière, 1690). ‖ 3. Auj. Argent
donné à quelqu’un en plus de ce qui lui est
dû : Je lui donnai une gratification aussi
forte que l’état de mes finances pouvait
me le permettre (Mérimée). ‖ Spécialem.
Supplément de salaire, constituant une
récompense, que l’employeur verse soit
spontanément, soit en vertu d’un usage
ou d’un engagement pris dans un contrat
individuel ou dans une convention collec-
tive : Il a eu cinq mille francs de gratifica-
tion de fin d’année. Les augmentations, les
gratifications du jour de l’an dépendront de
ce bienheureux chiffre (Daudet).

• SYN. : 3 dessous-de-table, gracieuseté, pot-


de-vin, pourboire ; enveloppe, guelte, prime.

gratifier [gratifje] v. tr. (lat. gratificari,


se rendre agréable, faire plaisir à, obliger,
accorder comme faveur, comme com-
plaisance, de gratus, agréable, bien venu,
cher, précieux, et de facere, faire ; v. 1534,
B. Des Périers, comme v. tr. ind. : gratifier
à quelqu’un, lui accorder sa faveur ; comme
v. tr., au sens 1, 1609, Malherbe ; sens 2,
1567, Amyot [un 1er ex. au milieu du XIVe s.] ;
sens 3, av. 1896, Goncourt [« satisfaire, en
général », 1787, Féraud] ; sens 4, av. 1778,
J.-J. Rousseau). 1. Class. Gratifier quelqu’un,
lui être agréable : Ce que l’on croyait qu’il
fit pour gratifier le roi, c’était pour attendre
les troupes (Malherbe). ‖ 2. Gratifier
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2244

quelqu’un de quelque chose, lui accorder


libéralement quelque chose (don, faveur,
distinction, etc.) : Gratifier quelqu’un d’un
pourboire, d’une récompense, d’un titre,
d’une décoration. ‖ 3. En parlant d’une
chose, être une cause de plaisir, de satis-
faction pour quelqu’un : Cette fusion de son
être avec l’héroïne du livre la gratifiait d’une
jouissance infinie (Goncourt). ‖ 4. Ironiq.
Attribuer à quelqu’un ce qui est tout le
contraire d’un avantage : Il s’est vu gratifié
de deux jours de consigne.

• SYN. : 2 allouer, doter, douer, favoriser,


honorer, octroyer ; 3 apporter, donner, four-
nir, procurer, valoir.

gratin [gratɛ̃] n. m. (de gratter [le gra-


tin, collé à la paroi intérieure du récipient,
ne se détache que si on le gratte] ; 1564,
J. Thierry, au sens I, 1 ; sens I, 2, 1829, Boiste
[« croûte légère, dorée, qui se forme à la
surface d’un mets apprêté de cette façon »,
av. 1870, Mérimée ; « le mets lui-même »,
1829, Boiste] ; sens I, 3, 1881, Usinger [« les
personnes les plus choisies, les plus distin-
guées d’une société, d’un milieu », 1888,
Larousse ; faire gratin, av. 1922, Proust] ;
sens II, 1962, Larousse).

I. 1. Partie de certains mets qui reste at-


tachée aux parois du récipient où ils ont
cuit : La petite, pour avoir le gratin, ra-
clait la casserole avec une fourchette de fer
(Zola). ‖ 2. Manière d’apprêter certains
mets que l’on couvre de gruyère râpé et
de chapelure, et que l’on cuit au four :
Macaroni au gratin. Une sole au gratin.
‖ Par extens. Croûte légère, dorée, qui
se forme à la surface d’un mets apprêté
de cette façon : Le gratin de ce turbot est
complètement desséché (Mérimée). ‖ Le
mets lui-même : Un gratin de pommes
de terre. Un gratin dauphinois. ‖ 3. Fig.
et pop. L’élite de la société mondaine,
élégante, l’aristocratie : Comme ils nous
avaient invités à dîner, Albertine et moi,
avec des amis de Saint-Loup, gens élégants
de la région, propriétaires du château de
Gourville et qui représentaient un peu
plus que le gratin normand... (Proust). Ce
qui irait bien avec ce gratin (Bastion em-
ployait encore cette expression démodée
pour désigner la crème des salonnards),
ce serait Adéaume et Diane de Plancar-
tier (L. Daudet). ‖ Par extens. et pop. Les
personnes les plus choisies, les plus dis-
tinguées d’une société, d’un milieu : Le
journal dont je suis [...] m’a mis en rapport
avec le gratin de la République (Daudet).
Les théâtres ont vomi là le gratin de leur
public (Mirbeau). ‖ Faire gratin, vou-
loir ressembler aux gens de la meilleure
société : Elle lance des bêtises, pour « faire
gratin » (Proust).

II. Pâte rendue rugueuse par du verre pilé


et appliquée sur une surface pour consti-
tuer un frottoir à allumettes.

gratiné, e [gratine] adj. (part. passé de


gratiner ; 1829, Boiste, au sens 1 ; sens 2,
1947, Esnault). 1. Préparé, cuit au gratin :
Madame veut-elle me dire si elle veut des
limandes frites ou gratinées ? (Colette).
‖ 2. Fig. et pop. Qui est remarquablement
réussi dans son genre, qui sort de l’ordi-
naire (souvent ironique) : Un bon petit scan-
dale local, bien gratiné (D. Amiel). Quelque
nouvelle ânerie, particulièrement gratinée
(Deval). Après une attente gratinée, sous
un soleil au beurre noir, je finis par monter
dans un autobus pistache (Queneau).

• SYN. : 2 carabiné (fam.), corsé, soigné


(pop.).

& gratinée n. f. (XXe s.). Soupe à l’oignon


dans laquelle on met des croûtons et du
fromage râpé, et que l’on fait gratiner en
la passant au four.

gratiner [gratine] v. intr. (de gratin ; 1826,


Brillat-Savarin, au sens 1 ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Vx. Se former en gratin,
s’attacher au récipient pendant la cuis-
son : Ce plat a gratiné. ‖ 2. Faire gratiner
un plat, le passer au four pour qu’il forme
une croûte de gratin : Faire gratiner des
choux-fleurs.

& v. tr. (1829, Boiste). Préparer au gratin :


Gratiner du macaroni.

gratiole [grasjɔl] n. f. (bas lat. gratiola,


petite faveur, gratiole [ve s.], dimin. du lat.
class. gratia, grâce [v. GRÂCE], la plante
ayant été ainsi nommée à cause de ses ver-
tus médicinales ; fin du XVIe s.). Plante de
la famille des scrofulariacées, poussant au
bord des eaux ou dans les prairies humides,
et ayant des propriétés purgatives.

gratis [gratis] adv. (lat. gratis, var. de


gratiis, gratuitement, pour rien, proprem.
« par complaisance », ablatif plur. de gra-
tia, faveur, complaisance, reconnaissance,
gratitude [v. GRÂCE] ; milieu du XVIe s.,
Amyot, au sens 1 [gratis pro Deo, 1872,
Larousse] ; sens 2, 1677, Brunot). 1. Sans
qu’il en coûte rien : Entrer gratis au spec-
tacle, dans une exposition. J’ai trouvé à Nice
[...] un homme de beaucoup d’esprit, un peu
charlatan, qui m’a donné gratis des pilules
(Mérimée). ‖ Gratis pro Deo, loc. latine
signifiant « gratuitement pour l’amour de
Dieu », employée dans la langue courante
comme un simple renforcement de gra-
tis (souvent ironique). ‖ 2. Vx. Pour rien,
à titre gratuit : On ne tue pas un homme
gratis (Taine).

• SYN. : 1 gracieusement, gratuitement, à


l’oeil (pop.) ; 2 gratuitement.

& adj. (1768, Voltaire). Dont on profite sans


payer : Il va aux spectacles gratis que Dieu
donne (Hugo).

& n. m. (v. 1460, G. Chastellain, au sens de


« gratification » ; 1468, Bartzsch, au sens
de « affranchissement d’impôts » ; sens
1, 1629, Richelieu ; sens 2, 1798, Acad.).
1. Vx. Remise gratuite de certains actes
de la chancellerie romaine : Obtenir le gra-

tis. ‖ 2. Vx. Enseignement gratuit, dans


l’ancienne Université de Paris.

gratitude [gratityd] n. f. (de [in]grati-


tude ; 1445, Godefroy). Sentiment de recon-
naissance que l’on éprouve pour celui qui
vous a rendu service, d’affection envers un
bienfaiteur : Manifester, témoigner sa gra-
titude à quelqu’un. Une expression pleine
de gratitude. En s’attachant M. Bovary par
des politesses, c’était gagner sa gratitude
(Flaubert). Assailli tout le jour par des
élans alternés de douleurs et de gratitude...
(Barrès).

• SYN. : obligation. — CONTR. : ingratitude.

graton [gratɔ̃] n. m. (de gratter ; 1961,


Esnault). En termes d’alpinisme, très petite
aspérité de rocher.

grattage [grataʒ] n. m. (de gratter ;


1786, Gohin, au sens 1 ; sens 2 et 3, 1962,
Larousse). 1. Action de gratter ; résultat de
cette action : Le grattage du vieux papier
peint sur un mur. Faire disparaître une
tache d’encre par grattage. ‖ 2. Action
d’arracher à l’aide de cardes métalliques
les fibres d’un tricot ou de gratter l’envers
d’un tissu matelassé afin de leur donner
un aspect duveteux. ‖ 3. Opération d’usi-
nage de haute précision qui a pour objet de
parachever la surface plane d’une glissière,
d’un assemblage, ou la surface intérieure
de coussinets.

gratte [grat] n. f. (déverbal de gratter ;


milieu du XVIe s., puis 1837, Vidocq, au
sens I [« toute espèce de démangeaison »,
XXe s.] ; sens II, 1, 1858, Esnault ; sens II,
2, 1866, Littré ; sens III, 1, 1786, Encycl.
méthodique ; sens III, 2, 1803, Boiste).

I. Vx et pop. Gale. ‖ Fam. Toute espèce


de démangeaison.

II. 1. Fam. Petit profit plus ou moins


illicite : Ils n’ignoraient pas sa gratte
quotidienne (Bourget). Firmin, le maître
d’hôtel, grave, le menton ailleurs, m’au-
rait valu mille francs de gratte (Daudet).
‖ 2. Spécialem. Parties non utilisées
d’une matière qui reviennent à l’ouvrier
qui a effectué le travail : Les ouvrières uti-
lisèrent des chutes d’étoffe. Ces déchets,
qu’elles appelaient la gratte, leur apparte-
naient (Hamp).

III. 1. Plaque de fer triangulaire, em-


manchée en son milieu, et qu’on utilise
pour gratter le pont d’un navire : User le
pont avec [...] des grattes pour le blanchir
encore (Loti). ‖ 2. Outil dont on se sert
pour sarcler.

gratte-ciel [gratsjɛl] n. m. invar. (de


gratte, forme du v. gratter, et de ciel, la loc.
étant une trad. de l’anglo-améric. sky-scra-
per, même sens, de sky, ciel, et de scraper,
grattoir, dér. de to scrape, gratter, racler ;
fin du XIXe s., Revue de philologie française,
XXIX, 276 [« toute construction remar-
quable par sa hauteur », XXe s.]). Immeuble
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2245

à multiples étages des villes américaines :


L’audacieuse nouveauté des gratte-ciel
d’outremer (Bourget). ‖ Par extens. Toute
construction remarquable par sa hauteur.

gratte-cul [gratky] n. m. (de gratte,


forme du v. gratter, et de cul ; début du
XVIe s. [il n’est point de rose qui ne devienne
gratte-cul, 1835, Acad. — il n’est point de si
belle rose..., même sens, 1690, Furetière ; la
rose à la parfin devient un gratecu, même
sens, 1555, Ronsard]). Fam. Fruit de l’églan-
tier : Les rougeâtres olives des gratte-culs
naissants (Huysmans). ‖ Il n’est point de
rose qui ne devienne gratte-cul (prov.), il
n’est si belle femme qui ne devienne laide
en vieillissant.

• Pl. des GRATTE-CULS ou des

GRATTE-CUL.

gratte-dos [gratdo] n. m. invar. (de


gratte, forme du v. gratter, et de dos ; 1885,
Huysmans). Baguette terminée par une
main souvent en ivoire ou en os, pour se
gratter le dos : Un sceptre semblable à ces
gratte-dos qu’on vend chez les tablettiers
(Huysmans).

gratte-fond [gratfɔ̃] n. m. (de gratte,


forme du v. gratter, et de fond ; 1907,
Larousse). Grattoir à dents de fer utilisé
pour le ravalement des façades.

• Pl. des GRATTE-FONDS.

grattelle [gratɛl] n. f. (de gratter ; fin du


XIIIe s., Romania [XLIV, 174], écrit gratele ;
fin du XIVe s., E. Deschamps, écrit gratelle ;
grattelle, 1660, Oudin). Vx et fam. Gale
légère : Les vieux botanistes du seizième
siècle les appréciaient [les hellébores],
disant qu’elles [...] guérissaient la grattelle
(Huysmans).

grattement [gratmɑ̃] n. m. (de gratter ;


grattement [gratmɑ̃] n. m. (de gratter ;
1509, Coutumier général, au sens 1 ; sens 2,
début du XXe s.). 1. Action de gratter (rare) :
Le jeune baron passa deux ou trois fois sa
main sur le crâne du chat, qui se haussait,
se poussait pour mieux jouir du grattement
amical (Gautier). ‖ 2. Bruit qu’on fait en
grattant : Elle parlait encore, que sa voix
fut couverte par les grattements, les renifle-
ments, les bavardages étouffés d’une foule
quadrupède (Colette).

gratte-paille [gratpɑj] n. m. invar. (de


gratte, forme du v. gratter, et de paille ;
1793, Nemnich). Nom usuel de la fauvette
d’hiver.

gratte-papier [gratpapje] n. m. invar.


(de gratte, forme du v. gratter, et de papier ;
1578, ZFSL [XXXVIII, II, 262], au sens 1 ;
sens 2, 1866, Littré). 1. Vx et péjor. Copiste,
clerc d’étude. ‖ Auj. et fam. Employé
de bureau. ‖ 2. Péjor. et fam. Mauvais
écrivain.

gratte-pieds [gratpje] n. m. invar. (de


gratte, forme du v. gratter, et de pied ; 1930,
Larousse). Sorte de paillasson garni de

lames métalliques, pour enlever la boue


des chaussures.

• SYN. : décrottoir, grattoir.

gratter [grate] v. tr. (francique *krattôn,


gratter ; v. 1155, Wace, au sens 3 [se grat-
ter la tête, 1587, F. de La Noue ; se gratter
l’oreille, 1648, Scarron ; gratter quelqu’un,
« le flatter », XIVe s.] ; sens 1, v. 1268,
É. Boileau [« racler le sol avec ses griffes, ses
pattes », 1866, Littré ; gratter la terre, 1690,
Furetière] ; sens 2, 1690, Furetière [gratter
du papier, XXe s. — gratter le papier, même
sens, 1866, Littré ; gratter les fonds de tiroir,
XXe s.] ; sens 4, 1872, Larousse [« chatouil-
ler », fin du XVIe s., A. d’Aubigné ; « causer
une sensation rude », 1866, Littré ; « cau-
ser une démangeaison », XXe s.] ; sens 5, v.
1283, Beaumanoir [« faire disparaître ce
qui constitue la façade pour faire apparaître
la réalité profonde », av. 1885, V. Hugo] ;
sens 6, 1866, Littré ; sens 7, 1895, Esnault).
1. Racler, frotter en entamant légèrement
pour détacher ou remuer la couche super-
ficielle : Mon père, se tournant alors vers
l’abbé, qui grattait un os avec son couteau
(France). Gratter des carottes. Gratter un
mur pour le nettoyer. ‖ Racler le sol avec ses
griffes, ses pattes : Le taureau baissa la tête
en grattant le sol (Montherlant) ; et absol. :
Les poules grattent dans la basse-cour.
‖ Gratter la terre, labourer en surface ;
par extens., être cultivateur. ‖ 2. Frotter
une surface avec un objet pointu, angu-
leux, râpeux : Des branches qui grattent le
toit. ‖ Fam. Gratter du papier, écrire ; en
parlant d’un écrivain, produire des oeuvres
médiocres. ‖ Fig. Gratter les fonds de tiroir,
s’ingénier à trouver d’ultimes ressources.
‖ 3. Frotter une partie du corps, en par-
ticulier pour faire cesser une démangeai-
son : Gratter un bouton. Gratte-moi dans
le dos. Tourmentant et grattant de sa main
gantée [...] l’affreux mal sous son bandeau
noir (Daudet). En dormant, Margot ten-
dait toujours son museau rose, pareille à
une chatte amoureuse qui aime qu’on la
gratte sous le menton (Zola). ‖ Se gratter
la tête, l’oreille, manifester son embarras
en se frottant machinalement la tête ou
l’oreille : Un petit carabin qui s’est trouvé
là et qui se grattait la tête, ne sachant par
où commencer (Mérimée). ‖ Class. et fig.
Gratter quelqu’un, le flatter habilement :
Ses contrôles perpétuels sur le pain ou le
vin, le bois, le sel et la chandelle, ne sont
rien que pour vous gratter et vous faire la
cour (Molière). ‖ 4. Causer une irritation
de la peau : Son col de chemise le gratte.
‖ Causer une sensation rude : Un vin
âpre qui gratte la gorge. ‖ Fam. Causer
une démangeaison (surtout à la forme
impersonnelle) : Ça me gratte à la jambe.
‖ 5. Effacer, faire disparaître en frottant
avec un instrument dur et plus ou moins
coupant : Ils grattent d’abord la boue avec
leurs couteaux (Dorgelès). Gratter une
tache, un mot. ‖ Fig. Faire disparaître ce

qui constitue la façade pour faire appa-


raître la réalité profonde : Grattez le dieu,
vous trouvez l’homme (Hugo). Gratter le
vernis, le décor. ‖ 6. Fig. et pop. Réaliser
un petit gain en prélevant discrètement à
son profit ou en mettant de côté de petites
sommes : C’est une affaire où il n’y a rien à
gratter ; et absol. : Le voilà aussi bas qu’une
cuisinière qui chipe deux sous sur un pot-
au-feu [...]. Aller gratter sur les additions !
(Zola). ‖ 7. Fam. Dépasser un véhicule, un
concurrent : Gratter toutes les voitures dans
les côtes. Un cheval qui gratte le favori. Il
a gratté au concours tous ses camarades
de classe.

• SYN. : 4 chatouiller, démanger, grattouiller


(fam.), picoter, râper ; 6 grappiller (fam.),
grignoter (fam.) ; 7 devancer, distancer,
doubler, lâcher (fam.), semer (fam.).

& gratter v. intr. (sens 1, 1671, Courtin


[« faire un bruit de raclement... sur la porte
des personnages importants... », 1663,
Molière] ; sens 2, 1672, Mme de Sévigné ;
sens 3, 1845, Bescherelle ; sens 4, 1889,
Esnault). 1. Vx. Gratter à la porte,frotter
avec les ongles la surface de la porte, par
timidité ou discrétion. ‖ Spécialem. et
class. Faire un bruit de raclement avec les
ongles ou avec un instrument sur la porte
des personnages importants pour signaler
sa présence : Grattez du peigne à la porte
| De la chambre du roi (Molière). Un de
la suite de M. de Lorraine gratta, l’huis-
sier demanda qui est-ce ? (Saint-Simon).
‖ 2. Class. et fig. Gratter du pied, montrer
de l’ardeur, de l’impatience : Il commence
à gratter du pied, cela me fait grand-peur
(Sévigné). ‖ 3. Fam. Gratter d’un instru-
ment à cordes, en jouer médiocrement :
C’est une petite bohémienne qui gratte de
la guitare (Taine). ‖ 4. Pop. Travailler :
Pourquoi que c’est toujours nous autres
qui grattons ? (Dorgelès).

gratteron n. m. V. GRATERON.

gratteur, euse [gratoer, -øz] n. (de grat-


ter ; XIIIe s., Recueil des fabliaux [III, 375],
écrit grateor ; gratteur, XVIe s. [gratteur de
papier, mai 1865, Revue des Deux Mondes,
499]). Celui, celle qui gratte. ‖ Gratteur de
papier, mauvais écrivain.

grattoir [gratwar] n. m. (de gratter ; 1611,


Cotgrave, au sens 2 ; sens 1, 1743, Trévoux ;
sens 3, 1900, Dict. général). 1. Canif muni
d’une lame large à deux tranchants, pour
effacer l’écriture en grattant le papier :
Continuellement le grattoir et la sanda-
raque, le même encrier, les mêmes plumes
et les mêmes compagnons (Flaubert).
‖ 2. Nom donné à divers instruments ser-
vant à gratter, racler, etc. : Ces sublimes édi-
fices [les monts] n’ont à craindre ni l’ignoble
badigeon qui a souillé Notre-Dame de Reims
[...], ni le grattoir qui a mutilé le fronton
de la cour du Louvre (Hugo). ‖ 3. Syn. de
GRATTE-PIEDS.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2246

grattoire [gratwar] n. f. (de gratter ; 1556,


Revue des langues romanes [XIX, 121], au
sens de « espèce de râpe » ; sens actuel, 1676,
Félibien). Instrument de serrurier pour net-
toyer des surfaces creuses.
grattouillement [gratujmɑ̃] n. m. (mot
dialect., dér. de gratter ; XVe s., Godefroy
[rare en franç. avant le XXe s.]). Fam. Action
de grattouiller ; sensation ou bruit qui en
résulte.

grattouiller [gratuje] v. tr. (de gratter ;


1895, A. Daudet, au sens 3 ; sens 1, XXe s. ;
sens 2, 1923, J. Romains). 1. Fam. Gratter
un peu, ou de temps en temps, ou mala-
droitement : Un lainage qui le grattouille.
Grattouiller une guitare. Il se grattouille
sans cesse. ‖ 2. Fam. Démanger : Ça me
grattouille. ‖ 3. Fig. Caresser, toucher
d’une manière agréable ou désagréable :
Sans qu’ils trouvassent en leurs louanges
la phrase qui grattouille une vanité
(Goncourt). Le violoncelle de maître Jean
ne lui grattouille plus les nerfs aussi volup-
tueusement qu’autrefois (Daudet).

• SYN. : 3 chatouiller, flatter.

grattouillis [gratuji] n. m. (de grattouil-


ler ; XXe s.). Fam. Bruit fait en grattouillant.

gratture [gratyr] n. f. (de gratter ; v. 1283,


Beaumanoir, écrit grature, au sens de
« endroit où un mot a été gratté » ; écrit
gratture, au sens actuel, 1611, Cotgrave).
Débris provenant du grattage : Des grat-
tures de cuivre.

gratuit, e [gratɥi, -it] adj. (lat. gratuitus,


gratuit, désintéressé, spontané, sans motif,
inutile, superflu, de gratis [v. ce mot] ; 1519,
Barbier, au sens 1 ; sens 2, 1541, Calvin
[don gratuit, 1690, Furetière] ; sens 3,
1740, Acad. ; sens 4, av. 1865, Proudhon
[« qui n’a pas de but didactique », XXe s.]).
1. Se dit de ce qui est fait ou donné sans
paiement en contrepartie : Ces humbles
frères qui s’étaient consacrés à l’enseigne-
ment gratuit des pauvres (Chateaubriand).
Pendant vingt ans il vint, deux fois par
semaine, donner aux jeunes gens ses leçons
gratuites (Taine). ‖ 2. Qui est accordé, fait
par pure libéralité, sans qu’on en attende
un avantage quelconque : Il eût aimé une
admiration plus gratuite, inspirée par des
raisons moins suspectes (Aymé). Aide toute
gratuite. ‖ Class. Don gratuit, somme que
le clergé et les provinces accordaient de
temps en temps au roi pour les besoins de
l’État. ‖ 3. Qui n’est pas établi sur des fon-
dements logiques, étayé par des preuves :
Une hypothèse, une préférence toute gra-
tuite. Une affirmation gratuite. ‖ 4. Qui
n’est pas déterminé en fonction d’un but
défini : Par désintéressé, j’entends : gratuit.
Et que le mal, ce que l’on appelle : le mal,
peut être aussi gratuit que le bien (Gide). La
théorie de l’acte gratuit couronne la reven-
dication de la liberté absolue (Camus). La
vie que je mène depuis deux ans ne demeure
plus qu’un jeu sanglant, intolérablement

gratuit (Vailland). ‖ Spécialem. Qui n’a


pas de but didactique : Il est rare qu’une
oeuvre gratuite le reste et ne se charge pas
de sens (Cocteau).

• SYN. : 1 bénévole, gracieux ; 2 désinté-


ressé ; 3 fantaisiste, hasardeux ; 4 arbitraire,
immotivé. — CONTR. : 1 payant, rétribué ;
3 fondé, justifié, motivé ; 4 déterminé,
rationnel.

gratuité [gratɥite] n. f. (dér. savant du


lat. gratuitus [v. GRATUIT] ; début du XIVe s.,
Gilles li Muisis, au sens de « exemption de
payer » ; sens 1, 1866, Littré ; sens 2, 1541,
Calvin ; sens 3-4, XXe s.). 1. Caractère de
ce qui est gratuit, non payant : La gratuité
de l’enseignement. ‖ 2. Caractère de ce qui
est désintéressé : Gratuité d’une louange.
Et de même d’autres mots, qui signifient ce
qu’il y a de plus beau sur la terre : pureté,
gratuité... (Montherlant). ‖ 3. Caractère
de ce qui est non motivé, arbitraire, injus-
tifié : Gratuité d’une affirmation, d’une
hypothèse. ‖ 4. Caractère de ce qui n’est
pas déterminé par la recherche d’un but
défini : Gratuité d’un acte. Une attitude
absurde, pour demeurer telle, doit rester
consciente de sa gratuité (Camus).

• SYN. : 2 désintéressement, détachement.

gratuitement [gratɥitmɑ̃] adv. (de gra-


tuit ; 1400, Dict. général, au sens 1 ; sens 2,
1736, Voltaire ; sens 3, 1672, Sacy). 1. Sans
paiement, sans avantage en retour : Ils leur
rebâtissent gratuitement leurs maisons
lorsqu’elles sont en ruines (Hugo). ‖ 2. Sans
fondement, sans preuve : Avancer gratuite-
ment un fait. ‖ 3. Sans motif personnel ou
rationnel : Je prétends l’amener à commettre
gratuitement le crime ; à désirer commettre
un crime parfaitement immotivé (Gide).
• SYN. : 1 bénévolement, gracieusement,
gratis, à l’oeil (fam.).

gratulation [gratylasjɔ̃] n. f. (lat. gratu-


latio, reconnaissance, félicitations, actions
de grâces aux dieux décrétées comme
témoignage de satisfaction à quelqu’un,
de gratulatum, supin de gratulari, remer-
cier, féliciter, complimenter, dér. de gra-
tus, reconnaissant, charmant ; XIIIe s., puis
1355, Bersuire). Marque de reconnaissance
(rare) : Ses compatriotes [de l’écrivain],
après sa mort, se cotisaient pour lui éle-
ver un monument ; dans sa ville natale et
parfois dans la capitale de son pays, des
rues portaient son nom. En elles-mêmes, ces
gratulations ne m’intéressaient pas : elles
me rappelaient trop la comédie familiale
(Sartre).

grau [gro] n. m. (mot languedocien [anc.


gra], du lat. gradus, pas, degré, de gradi,
marcher, s’avancer ; 1821, le Conservateur
littéraire [« estuaire d’un fleuve côtier... »,
XXe s.]). Dialect. Chenal faisant communi-
quer un étang côtier avec la mer, sur la côte
du bas Languedoc. ‖ Estuaire d’un fleuve
côtier dans la même région.

gravatier [gravatje] n. m. (de gravats ;


1762, Acad.). Entrepreneur ou ouvrier
chargé d’enlever les gravats et de les
conduire aux décharges publiques.

gravatif, ive [gravatif, -iv] adj. (dér.


savant du lat. gravatum, supin de gravare,
appesantir, alourdir, dér. de gravis [v. GRAVE
1] ; XIVe s., Gordon, puis 1755, Encyclopédie
[art. douleur]). Se dit, en pathologie, d’une
douleur qui est accompagnée d’un senti-
ment de pesanteur.

gravats [grava] n. m. pl. (mot issu, par


substitution du suff. -as [cf. plâtras] à l’anc.
suff. collectif -oi [lat. -ētum], de gravois,
« gros sable » [1549, R. Estienne ; gravoi,
même sens, XIIe s., Godefroy], dér. de grève
2 ; 1680, Richelet, écrit gravas et gravois
[gravats, 1771, Trévoux], au sens 2 ; sens
1, 1866, Littré [gravois, milieu du XVIIIe s.,
Buffon ; battre les gravats, 1900, Dict.
général — d’abord battre les gravois, 1866,
Littré). 1. Partie la plus grossière du plâtre
qui reste après qu’on l’a passé au crible.
‖ Fig. et vx. Battre les gravats, manger les
restes. ‖ 2. Plâtras, pierres, débris prove-
nant d’une démolition : Devant eux s’étend
la zone militaire, nue, déserte, blanche de
gravats, à peine égayée de loin en loin par un
cabaret en planches (Zola). Vous apercevrez,
sur les trottoirs, près des portes, des débris,
des tas de gravats (Duhamel).

• SYN. : 2 décombres, éboulis.

• REM. La forme GRAVOIS, n. m. pl., est


vieillie et ne se rencontre plus que par
archaïsme ou dans certains corps de mé-
tiers : À ses flancs dégradés [d’une mai-
son] par la pluie et les ans | Pousse dans les
gravois l’ortie aux feux cuisants (Gautier).

1. grave [grav] adj. (lat. gravis, lourd,


pesant, grave [pour un son, une voix], puis-
sant, énergique, digne, noble, imposant,
dur, pénible, alourdi, embarrassé [v. aussi
GRIEF 1] ; v. 1460, G. Chastellain, au sens
de « digne » [en parlant de l’habillement de
quelqu’un] ; sens I et II, 7, 1690, Furetière ;
sens II, 1, av. 1563, La Boétie ; sens II, 2,
1549, R. Estienne ; sens II, 3, av. 1696, La
Bruyère [« qui témoigne d’un tel caractère »,
1558, J. Du Bellay] ; sens II, 4, 1661, Racan ;
sens II, 5-6, 1580, Montaigne [pour un état
pathologique, 1764, Voltaire ; blessé grave,
XXe s.] ; sens III, 1, XVe s., Dict. général ;
sens III, 2, 1845, Balzac ; sens III, 3, 1548,
R. Estienne).

I. Vx. Qui a du poids, pesant : Les corps


graves.

II. 1. Class. Se disait d’une personne qui


a du poids, du crédit, d’un auteur qui
fait autorité : Ne puis-je pas dire, Mes-
sieurs, pour me servir des paroles fortes
du plus grave des historiens [Tacite],
« qu’elle allait être précipitée dans la
gloire » ? (Bossuet). ‖ 2. Littér. Qui agit
avec sérieux, circonspection, sans rien
prendre à la légère : L’amour de la jus-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2247

tice était comme né avec ce grave magis-


trat (Bossuet). ‖ 3. Qui manifeste, dans
son comportement, de la dignité, de la
réserve : L’homme ne disait rien, grave et
réfléchi (Maupassant). ‖ Par extens. Qui
témoigne d’un tel caractère : Les compli-
ments graves coulent naturellement de ses
lèvres (Hugo). Il me prit la main et la serra
d’un air grave (Mérimée). Sur son visage
presque trop grave, je retrouvais son sou-
rire d’enfant (Gide). ‖ 4. Class. Se disait
de ce qui est austère, sévère : Ce long
habit de pourpre et ce grave ornement |
Qui vous égale [vous les juges] aux dieux
(Racan). ‖ 5. Se dit d’une chose qui pré-
sente de l’importance, qui doit être consi-
dérée sérieusement : Une chose très grave,
très peu observée et pourtant très digne de
l’être... (Chateaubriand). L’éducation de
Jacques [...] est maintenant l’objet d’une
grave discussion (Balzac). Demeurer ou
partir ? Choix grave. Angoisse austère
(Hugo). La position grave de son gendre
ne permettait pas de telles inconvenances
(Flaubert). Elle avait pourtant quelque
chose de bien grave à faire, quelque chose
qu’on ne pouvait différer d’une minute
(France). Sujet grave. Un grave problème.
Des motifs graves l’ont amené à donner sa
démission. ‖ 6. Qui peut avoir de lourdes
conséquences, des suites fâcheuses ou
dangereuses : Des circonstances graves.
La situation est des plus graves. ‖ Spécia-
lem. Se dit d’un état pathologique : Le Dr
A..., du Havre, m’avait écrit qu’elle n’avait
rien de grave (Gide). Il avait souffert d’une
pleurésie grave (Duhamel). Une grave
blessure ; et, par extens., du malade lui-
même : Un blessé grave. ‖ 7. Qui peut être
jugé avec sévérité : Une faute grave. Une
grave erreur.

III. 1. Se dit d’un son qui est produit par


des ondes de faible fréquence, apparte-
nant aux degrés inférieurs de l’échelle
musicale : Voix grave. Son grave. Un ré-
citatif [...] descendant aux notes les plus
graves à la chute des vers (Chateaubriand).
Je fis remarquer à Gertrude les sonorités
différentes des cuivres, des instruments à
cordes et des bois, et que chacun d’eux,
à sa manière, est susceptible d’offrir [...]
toute l’échelle des sons, des plus graves
aux plus aigus (Gide). ‖ 2. Spécialem.
D’un rythme solennel et lent : Un mou-
vement grave. ‖ 3. Accent grave, absence
d’élévation de la voix, dans certaines lan-
gues, et signe qui la note dans l’écriture :
Le grec possède l’accent grave, l’accent
aigu et l’accent circonflexe ; en français,
signe graphique qui marque une ouver-
ture de la voyelle e (è [ɛ]), ou qui sert à
distinguer quelques homonymes : On
écrit « poète » avec un accent grave. « Où »
adverbe se distingue de « ou » conjonc-
tion par l’accent grave. (V. art. spécial à
ACCENT.)

• SYN. : II, 2 circonspect, posé, prudent,


réfléchi, sage ; 3 digne, imposant, majes-
tueux, noble, réservé ; 5 important, sérieux ;
6 alarmant, angoissant, critique, inquié-
tant, pénible, périlleux, sombre ; dangereux,
mortel ; 7 inexcusable, lourd. ‖ III, 1 bas,
caverneux, sourd. — CONTR. : II, 2 distrait,
écervelé, étourdi, fantaisiste, irréfléchi ; 3
badin, burlesque, cavalier, comique, coquin,
enjoué, facétieux, familier, farceur, folâtre,
frivole, futile, goguenard, impertinent, leste,
narquois, polisson, rieur ; 5 banal, insigni-
fiant, puéril, quelconque, vain ; 6 anodin,
paisible, rassurant, sûr ; bénin, fruste ; 7
excusable, véniel. ‖ III, 1 aigu, clair, écla-
tant, perçant.

& n. m. (sens I, 1757, Encyclopédie [« ancien


nom du kilogramme », 1866, Littré] ; sens II,
1669, Boileau ; sens III, XVe s., Dict. général).

I. Vx. Corps pesant : La force qui fait tom-


ber les graves sur la surface de la Terre...
(Buffon). ‖ Spécialem. Ancien nom du
kilogramme.

II. Pensée, style austère : Passer du grave


au doux, du plaisant au sévère (Boileau).

III. Registre des sons graves de l’échelle


musicale : Passer de l’aigu au grave et du
grave à l’aigu.

2. grave [grav] n. f. (var. de grève 1 [v. ce


mot] ; fin du XIIe s., Marie de France, au sens
de « terrain uni ou sablonneux, au bord de
la mer ou d’un fleuve » ; sens actuel, 1390,
Fagniez). Gravier.

& graves n. f. pl. (1866, Littré). Terrains


caillouteux, en terrasse, de la région
bordelaise.

& graves n. m. (1866, Littré). Vin, princi-


palement blanc, produit par les vignobles
qui poussent sur ces terrains : Une bouteille
de graves.

gravé, e [grave] adj. (part. passé de gra-


ver [v. ce mot] ; XVe s., au sens 1 [pour des
cartes de visite, XXe s.] ; sens 2, 1640, Oudin ;
sens 3, 1877, Littré). 1. Qui porte une gra-
vure, en creux ou en relief : Pierre gravée.
Planche gravée. ‖ Cartes de visite gravées,
cartes de visite obtenues par impression à
l’aide d’une plaque gravée. ‖ 2. Gravé de
petite vérole, fortement marqué de petite
vérole : Le visage, très gravé de la petite
vérole, me parut accuser la cinquantaine
(Balzac). ‖ 3. Rongé par la rouille (en par-
lant d’objets en acier poli).

gravelage [gravlaʒ] n. m. (de graveler ;


2 mai 1868, Moniteur universel [p. 590], au
sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse). 1. Action
d’étendre et d’égaliser une couche de gra-
vier. ‖ 2. Ouvrage en gravier.

gravelée [gravle] adj. et n. f. (de gravelle ;


1549, R. Estienne, comme n. f. [cendre gra-
velée, début du XVIe s. ; var. cendre clavelée,
v. 1268, É. Boileau]). Cendre gravelée, ou
gravelée n. f., cendre provenant de la lie
de vin brûlée.

graveler [gravle] v. tr. (de gravelle ; 1866,


Littré). Couvrir de gravier.

gravelet [gravlɛ] n. m. (mot picardowal-


lon [début du XXe s.], dér. de graver ; 1962,
Larousse). Petit ciseau que les tailleurs de
pierre dure utilisent pour faire les ciselures
étroites ou les filets.

graveleusement [gravløzmɑ̃] adv. (de


graveleux ; 1910, Colette). En termes gra-
veleux : Il n’a pas l’humeur à plaisanter,
même graveleusement (Colette).

graveleux, euse [gravlø, -øz] adj. (de


gravelle ; XIIIe s., au sens de « qui a l’ap-
parence du gravier » ; sens 1, 1339, J. de
La Motte ; sens 2, XVe s. [« qui a rapport
à la gravelle », 1600, O. de Serres] ; sens 3,
1671, Pomey ; sens 4, 1765, Diderot [sans
aucun doute plus anc., v. la date du dér.
gravelure]). 1. Mêlé de gravier (rare) : Les
sols graveleux sont généralement très per-
méables. Les remparts graveleux du Larzac
(F. Fabre). ‖ 2. Vx. Qui contient de la gra-
velle : Urine graveleuse. ‖ Vx. Qui a rapport
à la gravelle : Affection graveleuse. ‖ 3. Se
dit des fruits dont la chair contient de petits
corps durs : Des poires graveleuses. ‖ 4. Fig.
Qui est d’un caractère licencieux, proche
de l’obscénité : Propos graveleux. Chaque
directeur de magazine, si des commandi-
taires nationaux ou étrangers ne l’étayent
pas, doit ouvrir ses pages aux histoires gra-
veleuses, aux nouvelles tendancieuses et
intéressées (Giraudoux).

• SYN. : 1 caillouteux, pierreux ; 4 coquin


(fam.), cru, égrillard, gaillard, gaulois, gras,
grivois, polisson (fam.), rabelaisien, vert.
& n. (XVe s.). Vx. Personne qui est sujette à
la gravelle (auj. lithiase urinaire).

gravelle [gravɛl] n. f. (de grève 1 ; v. 1120,


Psautier d’Oxford, écrit gravele [gravelle,
XIIIe s.], au sens de « sable, gravier » ; sens 1,
XIIIe s., Romania, XLIV, 174 ; sens 2, 1580,
Montaigne). 1. Vx. Concrétions formées
de sels insolubles et semblables à de petits
graviers, qui se forment dans les reins ou
la vessie. ‖ 2. Vx. Troubles causés par la
formation, dans les reins et dans la vessie,
de ces concrétions et par leur passage dans
les voies urinaires, désignés auj. sous la
dénomination de LITHIASE URINAIRE.

• SYN. : 1 calcul, pierre.


gravelot [gravlo] n. m. (de gravelle [v.
ce mot] ou de gravier, peut-être à cause
de l’habitat de ces oiseaux ; 1899, Grande
Encyclopédie, art. pluvier [var. gravière, n.
f., milieu du XVIIIe s., Buffon, et gravelotte,
n. f., 1872, Larousse]). Nom donné à un
groupe de pluviers, dits pluviers à collier,
dont trois espèces se trouvent en France.

gravelure [gravlɥr] n. f. (de graveleux ;


1707, Lesage, au sens 1 ; sens 2, fin du XIXe s.,
Taine). 1. Propos graveleux : Se contant des
gravelures à l’oreille (Zola). ‖ 2. Caractère
de ce qui est licencieux et touche à l’obscé-
nité : Quand on veut s’amuser à tout prix,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2248

on va comme ici chercher la gaieté dans


la gaudriole, même jusque dans la grave-
lure (Taine). Il se trouva dans le dossier du
procès plusieurs lettres d’Hortense, d’une
gravelure inimaginable (Hermant).

gravement [gravmɑ̃] adv. (de grave 1,


adj. ; v. 1460, G. Chastellain, au sens 1 [en
musique 1757, Encyclopédie] ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, 1838, Musset). 1. D’une
manière grave, compassée : Haraucourt
annonce gravement mon admiration pour
V. Hugo (Renard). Les deux femmes s’em-
brassent gravement (Claudel). ‖ Spécialem.
En musique, d’un mouvement lent :
Morceau qui doit être exécuté gravement.
‖ 2. De façon importante, considérable :
Aristote s’est gravement trompé (Renan).
‖ 3. Dangereusement : J’étais atteint gra-
vement (Gide).

• SYN. : 1 dignement, posément, sérieu-


sement ; 2 considérablement, drôlement
(fam.), fortement, largement, terriblement
(fam.) ; 3 grièvement, mortellement.

gravenche [gravɑ̃ʃ] n. f. (de grave 2 [v.


ce mot], peut-être à cause de l’habitat de ce
poisson ; 1842, Acad., écrit gravanche ; gra-
venche, 1872, Larousse). Nom d’un poisson
du lac Léman, du genre corégone.

gravéolence [graveɔlɑ̃s] n. f. (lat. gra-


veolentia, odeur forte, mauvaise odeur,
de graveolens, -entis [v. l’art. suiv.] ; 1638,
Chapelain). Littér. Mauvaise odeur, puan-
teur : Mais, en même temps que changeait
son destin, son âme se trouva miraculeu-
sement purifiée de l’escafignon des rues de
Paris et de la gravéolence des banlieues
infâmes où s’étaient pourries les tristes
fleurs de sa misérable enfance (Bloy).

gravéolent, e [graveɔlɑ̃, -ɑ̃t] adj. (lat.


graveolens, -entis, d’odeur forte, fétide, de
gravis [v. GRAVE 1] et de olens, -entis, odo-
rant, part. prés. adjectivé de olere, avoir une
odeur ; av. 1654, Guez de Balzac). Littér.
Nauséabond, fétide : Enfin, on put quitter
l’endroit effroyable, la cité gravéolente et
moisie... (Bloy).

graver [grave] v. tr. (francique *gra-


ban, creuser ; début du XIIIe s., Bueve de
Hantone, au sens de « tracer une raie dans
[les cheveux] » ; sens 1, XVe s., Laborde
[sans aucun doute plus anc., puisque le dér.
regraver, « graver à nouveau », est attesté
dès le milieu du XIVe s. ; graver le marbre,
des pierres fines, 1872, Larousse] ; sens 2,
v. 1650, Corneille [intransitivem., 1690,
Furetière ; graver des caractères d’impri-
merie, des monnaies, des médailles, 1866,
Littré ; faire graver des cartes de visite, des
faire-part, machine à graver, XXe s.] ; sens
3, 1957, Robert ; sens 4, 1636, Corneille ;
sens 5, 1580, Montaigne). 1. Tracer en creux
une figure, des caractères, sur une matière
dure, avec un instrument pointu ou par un
procédé chimique : La nature ne grave pas
le nom des chênes sur leurs troncs abattus
dans les forêts (Chateaubriand). Jadis plus

d’un amant [...] | A gravé plus d’un nom


dans l’écorce qu’il ouvre (Heredia). Graver
une inscription. Faire graver une épitaphe ;
et par extens. : Graver le marbre, des pierres
fines. ‖ 2. Tracer sur une planche de métal
ou de bois la copie d’une oeuvre (tableau,
dessin, etc.) ou une oeuvre originale, pour
la reproduire, à un certain nombre d’exem-
plaires, par l’impression : Graver un por-
trait. Graver une planche ; et intransitiv. :
Graver en creux, en relief. Graver au burin,
à l’eau-forte, en taille-douce. Graver sur
bois, sur cuivre, sur acier. ‖ Spécialem.
Graver des caractères d’imprimerie, des
monnaies, des médailles, etc., graver les
poinçons destinés à la frappe de ces carac-
tères, de ces médailles, etc. ‖ Faire graver
des cartes de visite, des faire-part, etc., les
faire imprimer au moyen d’une plaque
gravée. ‖ Machine à graver, machine
servant à la gravure des clichés typogra-
phiques. ‖ 3. Graver un disque, enregistrer
ce qu’il est destiné à reproduire (paroles
ou musique). ‖ 4. Fig. et littér. Fixer par
une marque visible, apparente : La souf-
france est gravée sur son front. ‖ 5. Fig. et
littér. Empreindre, fixer fortement et de
façon durable (dans l’esprit, le coeur ou la
mémoire) : Je gravai tout dans ma mémoire
(Balzac).

• SYN. : 1 buriner, incruster, lithographier.


& se graver v. pr. (v. 1695, Fénelon). Fig. et
littér. Être imprimé, fixé fortement : Mon
image en son coeur se grava la première
(Lamartine). Il aurait cru s’être trompé si
la première image ne s’était gravée dans
ses yeux avec une force égale à sa rapidité
(France).

graves n. m. V. GRAVE 2.

gravette [gravɛt] n. f. (de grave 2 [v. ce


mot], sans doute à cause de l’habitat de ces
animaux ; 1772, Duhamel du Monceau, au
sens 1 ; sens 2, 1873, Larousse [art. huître,
t. IX, p. 442 c]). 1. Nom usuel de l’aréni-
cole, qui sert d’appât pour la pêche en mer.
(Syn. ESCAVÈNE.) ‖ 2. Huître provenant des
dépôts naturels qui se trouvent dans les
eaux d’Arcachon, et qui n’a pas été parquée.

graveur [gravoer] n. m. (de graver ; XIVe s.,


Dict. général, au sens 1 ; sens 2, 1690,
Furetière). 1. Professionnel dont le métier
est de graver : Graveur sur bois, sur métaux,
sur pierre. Graveur en médailles, monnaies.
Graveur de poinçons. Graveur en bijoute-
rie, orfèvrerie, en pierres fines et camées.
‖ 2. Artiste qui pratique la gravure et exé-
cute, sur bois ou sur métal, des planches
destinées à la reproduction d’oeuvres origi-
nales ou déjà existantes (peintures, dessins,
etc.) : Graveur sur cuivre. Graveur au burin.
Graveur à l’eau-forte. Peintre-graveur. Ce
frontispice est de Léonard Gautier, qui pas-
sait, en son temps, pour un graveur assez
habile (France).

gravi- [gravi], élément tiré du lat. gravis,


lourd, et qui entre, comme préfixe, dans
la composition de quelques mots.

gravide [gravid] adj. (lat. gravidus,


chargé, rempli, et, au fém., « enceinte »
[pour une femme ou une femelle], de gra-
vis [v. GRAVE 1, adj.] ; 1866, Littré, au sens
1 ; sens 2, XXe s.). 1. Se dit de l’utérus qui
contient un embryon ou un foetus. ‖ 2. Se
dit aussi d’une femelle pleine : Jument
gravide.

gravidique [gravidik] adj. (de gravide ;


1962, Larousse). Qui a rapport à la gros-
sesse : Albuminurie gravidique.
gravidité [gravidite] n. f. (lat. graviditas,
grossesse, gestation, de gravidus [v. GRA-
VIDE] ; 1872, Larousse). Syn. de GROSSESSE,
en obstétrique.

gravidocardiaque [gravidokardjak]
adj. (de gravido-, élément tiré de gravide,
et de cardiaque ; 1962, Larousse). Qui se
rapporte au fonctionnement du coeur pen-
dant la grossesse. ‖ Accidents gravidocar-
diaques, troubles d’insuffisance cardiaque
qui surviennent au cours de la grossesse,
pendant ou après l’accouchement.

gravidotoxique [gravidotɔksik] adj. (de


gravido- [v. l’art. précéd.] et de toxique ;
1953, Larousse). Se dit des troubles et des
accidents liés à la toxémie de la grossesse.

gravier [gravje] n. m. (de grève 1 [v. ce


mot] ; v. 1130, Eneas, au sens de « grève,
rivage » ; sens 1, 1838, Musset ; sens 2,
v. 1190, Garnier de Pont-SainteMaxence
[en géologie, XXe s.] ; sens 3, av. 1662,
Pascal ; sens 4, 1962, Larousse). 1. Caillou
très menu : Avoir un gravier dans sa chaus-
sure. ‖ 2. Terme qui désigne soit le sable
de carrière, soit le sable gros, soit un pro-
duit de triage des alluvions de grosseur
intermédiaire entre le sable et les cailloux :
Une allée de sable et de gravier (Gide).
‖ Spécialem. En géologie, fraction d’une
roche détritique meuble comprise entre 2
et 20 mm de diamètre ou un peu plus. (En
ce sens, on dit indifféremment DU GRAVIER
ou DES GRAVIERS.) ‖ 3. Vx. Concrétion
analogue à une petite pierre, qui se forme
dans les reins ou dans la vessie. ‖ 4. Dans
les exploitations salines, emplacement sur
lequel est amassé le sel récolté.

gravière [gravjɛr] n. f. (de gravier ;


XIIIe s., Godefroy, écrit gravere [graviere,
1385, Godefroy], au sens de « lieu couvert
de gravier » ; sens I, 1, 1876, d’après Littré,
1877 ; sens I, 2, 1962, Larousse ; sens II,
1872, Larousse).

I. 1. Exploitation de gravier. ‖ 2. Endroit


peu profond où une rivière coule sur un
lit de gravier.

II. Mélange de vesces et de lentilles semé


pour être récolté en vert comme fourrage.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2249

gravifique [gravifik] adj. (de gravi- et de


-fique, du lat. facere, faire ; 1877, Littré). Qui
concerne la pesanteur.

gravillon [gravijɔ̃] n. m. (de gravier ; fin


du XIXe s., aux sens 1-2 [un 1er ex. à la fin
du XVIe s., au sens de « caillou »]). 1. Menu
gravier : Elle avait tamponné la blessure,
essuyé un à un les gravillons dont elle était
souillée (Genevoix). ‖ 2. Produit de triage
d’une roche concassée dont les éléments
sont compris entre 5 et 25 mm, utilisé
comme agrégat dans le béton et pour la
constitution du revêtement d’usure des
chaussées.

gravillonnage [gravijɔnaʒ] n. m. (de


gravillonner ; 1953, Larousse). Épandage
de gravillons sur une chaussée.

gravillonner [gravijɔne] v. tr. (de


gravillon ; milieu du XXe s.). Couvrir de
gravillons.

gravillonneur [gravijɔnoer] n. m. (de


gravillonner ; 1962, Larousse). Engin de
carrière destiné à produire des gravillons.

gravillonneuse [gravijɔnøz] n. f. (de


gravillonner ; 1962, Larousse). Appareil
servant à répandre de grandes quantités
de gravillon.

gravillonnière [gravijɔnjɛr] n. f. (de


gravillon ; 1962, Larousse). Exploitation
de gravillon.

gravimètre [gravimɛtr] n. m. (de


gravi- et de -mètre, gr. metron, mesure ;
1797, Annales de chimie [XXI, 7], au sens
de « sorte d’aréomètre servant à peser les
liquides » ; sens 1, 1872, Larousse ; sens 2,
1962, Larousse). 1. Instrument destiné à
la mesure de la densité gravimétrique des
poudres. ‖ 2. Instrument permettant de
mesurer avec précision la composante ver-
ticale du champ de la pesanteur.

gravimétrie [gravimetri] n. f. (de gravi-


et de -métrie, du gr. metron, mesure ;
1922, Larousse, au sens 1 ; sens 2-3, 1962,
Larousse). 1. Partie de la physique qui étu-
die l’intensité du champ de la pesanteur.
‖ 2. Partie de la géodésie qui s’occupe de
la mesure de la pesanteur et de son utili-
sation. ‖ 3. Analyse chimique quantitative
effectuée par pesées.
gravimétrique [gravimetrik] adj. (de
gravimétrie ; 1877, Littré [concentration,
lavage gravimétrique, 1962, Larousse]). Qui
concerne la gravimétrie : Analyse gravimé-
trique. ‖ Concentration ou lavage gravimé-
trique, méthode de séparation mécanique
des minerais ou du charbon, utilisant
les différences de densité des produits à
séparer.

gravir [gravir] v. intr. (francique *kraw-


jan, s’aider de ses griffes, dér. de *krawa,
griffe ; v. 1213, Fet des Romains [« s’éle-
ver le long d’une pente raide », v. 1265, J.
de Meung — au fig., 1849, Sainte-Beuve]).

Vx. Monter péniblement en s’aidant des


mains, des pieds, et, par extens., s’élever
le long d’une pente raide : La botanique
veut [...] que l’on gravisse contre des rochers
escarpés (Fontenelle). On gravit sur les
monts (Corneille) ; et au fig. : J’étais venu
[...] pour gravir [...] sur la scène active du
monde (Sainte-Beuve). Il gravissait vers le
temple de la sagesse éternelle (Barrès).

& v. tr. (sens 1, v. 1530, C. Marot ; sens 2,


1835, Th. Gautier). 1. Monter, escalader
avec effort ce qui est élevé, en pente ou
abrupt : On gravit, charge aux reins, la
frémissante échelle (Hugo). Tenterai-je
de gravir cette muraille élevée ? (Musset).
On commençait à gravir la route en lacet
(Daudet). La montagne [...] que je gravis
depuis le pied jusqu’au faîte (Claudel).
‖ 2. Fig. Franchir, parcourir, avec lenteur
ou péniblement : Gravir les degrés de la
hiérarchie. Il se mit à gravir lentement
[...] les degrés lumineux et splendides de
l’enthousiasme (Chateaubriand).

gravisphère [gravisfɛr] n. f. (de gravi-,


d’après atmosphère, stratosphère, etc. ;
1968, Larousse). Région située autour d’un
astre, dans laquelle l’attraction de cet astre
l’emporte sur celles des astres voisins.

gravissime [gravisim] adj. (lat. gravissi-


mus, superl. de gravis [v. GRAVE 1] ; 1962,
Larousse). Se dit des affections extrême-
ment graves.

gravitant, e [gravitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de graviter ; 1738, Voltaire). Qui gravite : Il
n’y a dans toutes les planètes aucune partie
moins gravitante qu’une autre (Voltaire).

gravitatif, ive [gravitatif, -iv] adj. (de


gravitat[ion] ; 1877, Littré). Qui produit la
gravitation.
gravitation [gravitasjɔ̃] n. f. (lat. scientif.
moderne [de Newton] gravitatio, du lat.
class. gravitas, pesanteur [v. GRAVITÉ] ;
1722, Journ. des savants, 465). Force en
vertu de laquelle tous les corps matériels
s’attirent réciproquement en raison directe
de leur masse et en raison inverse du carré
de leur distance : Newton trouva sous un
arbre [...] les lois de la gravitation (France).

gravitationnel, elle [gravitasjɔnɛl]


adj. (de gravitation ; 1921, Nordmann).

Qui concerne la gravitation : Force


gravitationnelle.

• REM. On dit aussi GRAVITATOIRE.

gravité [gravite] n. f. (lat. gravitas, -tatis,


pesanteur, lourdeur, importance, vigueur,
dignité, fermeté de caractère, malaise, état
de grossesse, de gravis [v. GRAVE 1] ; fin
du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire, au
sens de « qualité d’une personne à laquelle
on peut se fier » ; sens I, début du XVIIe s.,
Malherbe [centre de gravité, 1672, Molière ;
triage par gravité, butte de gravité, 1962,
Larousse] ; sens II, 1, fin du XVe s., Molinet ;
sens II, 2, av. 1695, La Fontaine ; sens II,

3, 1690, Furetière ; sens II, 4, 1829, Balzac


[« caractère des affections qui menacent la
vie ou laissent des séquelles graves », 1845,
Bescherelle] ; sens II, 5, 1866, Littré ; sens
III, 1680, Richelet).

I. Vx. Pesanteur, attraction terrestre


exercée sur les corps : Lois de la gravité.
‖ Centre de gravité, point d’application
de la résultante des actions de la pesan-
teur sur toutes les parties d’un corps.
‖ Triage par gravité, opération qui
consiste à trier les wagons d’une rame de
chemin de fer en les refoulant sur une voie
en dos d’âne, ou butte de gravité, d’où ils
redescendent par l’effet de la pesanteur et
sont aiguillés sur la voie correspondant à
leur destination.

II. 1. Qualité d’une personne grave, qui


considère habituellement les choses avec
sérieux ; attitude, air grave : Fabrice re-
garda le caporal, il vit en lui une gravité
imperturbable (Stendhal). Avec la gravité
d’une petite reine (Hugo). Si la gravité de
votre caractère ne m’en empêchait pas
(Vigny). Ce visage enfantin encore, mais
que semblait ombrer une soudaine gra-
vité (Gide). Perdre sa gravité. Des paroles
pleines de gravité. ‖ 2. Caractère austère
ou solennel des choses : Une attitude que
son âge et la gravité du lieu faisaient pa-
raître auguste (Fromentin). La gravité du
paysage, le silence et la solennité de l’heure
m’avait transi (Gide). ‖ 3. Caractère de ce
qui a de l’importance, ne doit pas être
traité à la légère : Elle voyait un homme
qui avait honte de la gravité de sa place
(Stendhal). Des événements d’une gravité
presque tragique s’étaient accomplis du-
rant ces deux années (Bourget). ‖ 4. Ca-
ractère de ce qui peut avoir des consé-
quences sérieuses, dangereuses : Aux
représentations amicales qu’il me fit sur
la gravité du risque et le peu de nécessité
de m’y lancer [...], je répondis par un aveu
succinct, mais expressif, de ma situation
(Sainte-Beuve). Il ne faut pas se dissimuler
la gravité du problème. ‖ Spécialem. Ca-
ractère des affections qui menacent la vie
ou laissent des séquelles permanentes :
Sa blessure ne présentait plus beaucoup de
gravité (Nerval). La fracture ne présentait
aucune gravité (Gide). ‖ 5. Caractère de
ce qui est moralement grave : La gravité
d’une faute.

III. Caractère d’un son musical relative-


ment bas : La gravité des sons dépend de
la grosseur, longueur, tension des cordes,
de la longueur et du diamètre des tuyaux,
et, en général, du volume et de la masse
des corps sonores ; plus ils ont de tout
cela, plus leur gravité est grande ; mais il
n’y a point de gravité absolue, et nul son
n’est grave ou aigu que par comparaison
(Rousseau).

• SYN. : II, 1 circonspection, componction,


dignité, pondération, sagesse, sérieux ; 2
austérité, majesté, noblesse, sévérité, solen-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2250

nité ; 3 poids, portée. — CONTR. : I apesan-


teur. ‖ II, 1 enjouement, facétie, fantaisie,
frivolité, futilité, gaminerie, immaturité,
irréflexion, légèreté, puérilité ; 2 familiarité,
intimité, simplicité ; 3 banalité, médiocrité,
vanité. ‖ III acuité.

graviter [gravite] v. intr. (lat. scientif.


moderne [de Newton] gravitare, du lat.
class. gravitas, pesanteur [v. l’art. précéd.] ;
1732, Pluche [I, 258], au sens de « exercer
son action [en parlant de la pesanteur] » ;
sens 1, 1764, Voltaire [« s’acheminer vers
un terme auquel on ne peut échapper »,
1770, Raynal] ; sens 2, 1734, Brunot
[« obéir à la loi de la gravitation »] ; sens
3, 1835, Th. Gautier). 1. Vx. Tendre vers
un point en vertu de la gravitation : Celui
qui fait graviter des astres innombrables
les uns vers les autres (Voltaire). ‖ Fig. et
vx. S’acheminer vers un terme auquel on
ne peut échapper : La loi de la nature, qui
veut que toutes les sociétés gravitent vers
le despotisme et la dissolution [...], ne sera
suspendue pour aucune (Raynal). ‖ 2. Se
mouvoir selon les lois de la gravitation :
La Terre gravite autour du Soleil. La Voie
lactée, une poussière d’astres, de soleils,
autour desquels gravitent des milliards de
planètes, séparées les unes des autres par
des centaines de millions de kilomètres !
(Martin du Gard). ‖ 3. Fig. Évoluer autour
ou dans les environs de quelqu’un ou de
quelque chose ; se porter incessamment
vers : Graviter autour du pouvoir. L’âme
gravitera autour de la vérité comme l’astre
autour de la lumière (Hugo).

gravitique [gravitik] adj. (de gravité ;


début du XXe s.). Dû à la gravitation : Et
les calculs des astronomes établissent que
ce fourmillement de mondes n’est rien
encore, n’occupe qu’une place infime dans
l’immensité de l’espace, dans cet éther que
l’on devine tout sillonné, tout frissonnant de
radiations et d’interinfluences gravitiques,
dont nous ignorons tout (Martin du Gard).

graviton [gravitɔ̃] n. m. (de gravit- [ation]


et de [électr]on ; 1968, Larousse). En phy-
sique, particule hypothétique qui serait
associée à la propagation des champs de
gravitation.

gravivolumètre [gravivɔlymɛtr] n. m.
(de gravi-, volu[me] et -mètre, du gr. metron,
mesure ; 1888, Larousse). Compte-gouttes
formé d’un siphon laissant écouler goutte à
goutte le liquide qu’il contient, et dont on
peut prendre une masse rigoureusement
déterminée.

gravoir [gravwar] n. m. (de graver ; 1866,


Littré [en lunetterie ; « instrument servant
à graver », 1900, Dict. général]). Instrument
servant à graver. ‖ Spécialem. Outil au
moyen duquel le lunetier pratique les rai-
nures dans les châssis de lunettes pour y
placer les verres.

gravois n. m. pl. V. GRAVATS.


gravure [gravɥr] n. f. (de graver [v. ce
mot] ; fin du XIIe s., Geste des Loherains,
écrit graveüre, au sens de « rainure d’arba-
lète » ; écrit gravure, aux sens 1-2, 1538, R.
Estienne ; sens 3, milieu du XXe s. ; sens 4,
milieu du XVIe s. ; sens 5, 1888, Larousse ;
sens 6, 1680, Richelet ; sens 7, 1866, Littré).
1. Action de graver : La gravure de l’inscrip-
tion a demandé plusieurs heures. ‖ 2. Art
ou manière de graver : L’invention de la gra-
vure, qui a rendu les cartes géographiques si
communes (Montesquieu). La taille-douce
est un procédé de gravure au burin sans eau-
forte. La gravure de ces planches est fort soi-
gnée. ‖ 3. Action ou manière de graver un
disque phonographique ; le résultat de cette
action : La gravure de ce microsillon est
excellente. ‖ 4. Image, estampe reprodui-
sant l’ouvrage du graveur : C’est en lisant
les légendes de ces gravures que mon neveu
apprit à lire (Stendhal). J’ai sous les yeux
une série de gravures de modes commen-
çant avec la Révolution et finissant à peu
près au Consulat (Baudelaire). ‖ 5. Toute
image reproduisant un original quelconque
(photographie, dessin, etc.). ‖ 6. En cor-
donnerie, incision légère pratiquée dans la
semelle pour encastrer les coutures. ‖ 7. En
architecture, ornement formé d’entailles
peu profondes.

• SYN. : 4 lithographie, planche, vignette.

grazioso [gratzjozo] adv. (mot ital. [v.


GRACIOSO] ; 1845, Bescherelle). Indication
musicale invitant à interpréter un mor-
ceau ou un passage avec légèreté et grâce,
et qui est souvent accolée à un terme de
mouvement : Allegretto grazioso. Andante
grazioso.

gré [gre] n. m. (lat. gratum, ce qui est


agréable, neutre substantivé de l’adj. gratus,
agréable, bien venu, aimable, charmant,
cher, précieux, reconnaissant ; fin du Xe s.,
Vie de saint Léger, écrit gred [gré, XIIe s.],
au sens 1 [bon gré mal gré, v. 1560, Paré ;
de gré ou de force, 1866, Littré — d’abord
de force ou de gré, 1647, Corneille ; de plein
gré, 1636, Monet ; contre le gré de, début du
XIIIe s., Audefroi le Bastard ; de gré à gré, v.
1570, Carloix ; au gré de, « selon la volonté
de », fin du XVIe s., A. d’Aubigné — « selon
la convenance, les goûts de », 1273, Adenet ;
« selon le sentiment, l’opinion de », 1580,
Montaigne ; avoir en gré, 1636, Monet ;
recevoir en gré, milieu du XVIe s., Amyot ;
prendre en gré, 1273, Adenet — imper-
sonnellem., 1711, Dancourt] ; sens 2, fin
du XIIe s., Châtelain de Coucy ; sens 3, fin
du XIIe s., Châtelain de Coucy [savoir gré ;
savoir bon gré, v. 1050, Vie de saint Alexis ;
savoir peu de gré, 1866, Littré ; savoir mau-
vais gré, v. 1207, Villehardouin ; se savoir gré
d’avoir fait quelque chose, 1668, Racine]).
1. Acceptation, consentement donné à
quelque chose (usité seulement dans des
locutions). ‖ Bon gré mal gré, volontaire-
ment ou non, qu’on le veuille ou non : Bon
gré mal gré [...] j’étais prédestiné à être ce

que je suis (Renan). Dès cet instant, j’avais


compris qu’il était nécessaire, bon gré, mal
gré, de recourir au mensonge (Duhamel).
‖ De gré ou de force, volontairement ou par
contrainte. ‖ De plein gré, volontairement,
en toute liberté : Je me fis de mon plein gré
poète (Hugo). ‖ Contre le gré de, contre la
volonté de : Le médecin qu’on a fait venir
contre mon gré (Gide). ‖ De gré à gré, en y
consentant de part et d’autre, à l’amiable.
‖ Au gré de, selon la volonté, le caprice de :
Le vaisseau roulait au gré des lames sourdes
et lentes (Chateaubriand). Il renonça à ses
droits et à ses devoirs, pour se gouverner
à son gré (France) ; selon la convenance,
les goûts de : Choisir un vêtement à son
gré. J’ai passé l’hiver au gré des sages,
« in angello cum libello » (France) ; par
extens., selon le sentiment, l’opinion de :
Un jugement quelquefois un peu trop net,
trop positif, à mon gré (Bourget). ‖ Class.
Avoir, recevoir, prendre en gré quelque
chose, en être satisfait, le trouver bon :
[Mme de Pracomtal] est assez raisonnable
pour prendre en gré tous les lieux où son
mari et son devoir la réduisent (Grignan) ;
et impers. : Mais s’il lui prend en gré un
jour de revenir (Dancourt). ‖ 2. Class.
Gratitude, reconnaissance : Peut-être qu’il
eut peur | De perdre, outre son dû, le gré de
sa louange (La Fontaine). ‖ 3. Savoir gré,
bon gré, être reconnaissant : Il en est de peu
de conséquence pour vous que je vous en
sache gré (France). Je sais gré à Abel de ne
pas m’avoir envoyé son livre (Gide). ‖ Savoir
peu de gré, mauvais gré, se montrer plus ou
moins satisfait ou mécontent des paroles,
des procédés de quelqu’un. ‖ Se savoir bon
gré d’avoir fait quelque chose, s’en féliciter.

grèbe [grɛb] n. m. (mot [probablem.


savoyard] d’origine obscure ; 1557, Belon,
au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré). 1. Oiseau
aquatique migrateur, palmipède, de 25 à
50 cm de longueur : Des volées de plon-
geons et de grèbes (Benoit). ‖ 2. Plumes de
cet oiseau : Dans l’emmitouflement de son
manteau fourré de grèbe, aussi duveteux
que les blanches fourrures qui tapissaient
ce salon (Proust).

grébiche [grebiʃ] n. f. (peut-être même


mot que gribiche [v. ce terme] ; 1866, Littré,
au sens 2 ; sens 1 et 3, 1962, Larousse ; sens
4, XXe s.). 1. Garniture de petits rectangles
de métal (or, argent, etc.) qu’on replie sur
le bord de certains articles de maroquine-
rie. ‖ 2. Système de reliure composé d’une
couverture comportant des fils tendus le
long du dos pour y fixer des brochures.
‖ 3. Ligne ou pavé d’un ouvrage, d’une
publication, etc., portant le nom de l’impri-
meur et des indications de date, de tirage,
etc. ‖ 4. Numéro d’ordre d’un manuscrit
destiné à la composition.

• REM. On dit aussi GRIBICHE et GRÉBIGE.

grec, grecque [grɛk] adj. (lat. graecus,


grec ; v. 1298, Livre de Marco Polo, comme
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2251

n. m., au sens de « est » ; comme adj., au


sens 1, XVIe s. [calendes grecques, av. 1552,
Rabelais ; calotte grecque, bonnet grec, 1890,
Dict. général — art. calotte et bonnet ; Église
grecque, 1866, Littré ; croix grecque, 1872,
Larousse] ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3,
1866, Littré ; sens 4, XVIe s.). 1. Relatif à la
Grèce ou à ses habitants, qui appartient à
la Grèce antique ou moderne : La civilisa-
tion grecque. Les cités grecques. Le peuple
grec. Battant l’archipel grec de sa rame tar-
tare (Hugo). L’art grec n’était pas un art,
c’était la continuation radicale de tout un
peuple (Flaubert). Au temps de Périclès, la
terre grecque était sans doute moins éro-
dée qu’aujourd’hui, moins rongée par les
chèvres, plus verdoyante, elle ne devait pas
être très généreuse (Maulnier). ‖ Calendes
grecques, v. CALENDES. ‖ Calotte grecque,
bonnet grec, fez des Grecs, des Turcs, etc. ;
par extens., sorte de bonnet à gland à peu
près de même forme : Malgré son bonnet
grec et sa robe de chambre, je reconnus mon
ami Robin (France). ‖ Église grecque, église
orthodoxe de Grèce. ‖ Croix grecque, croix
à quatre branches égales. ‖ 2. Vent grec, ou
grec n. m., terme local utilisé sur les rives
européennes de la Méditerranée pour dési-
gner le vent du nord-est. ‖ 3. Profil grec,
visage qui a le nez et le front en ligne droite
comme les statues grecques. ‖ 4. Qui est
écrit en langue grecque : Un texte grec. Je
traduis un livre grec en compagnie de ce
jeune Tourne-broche (France).

& n. (XVIe s., Le Roux de Lincy, Proverbes).


Habitant ou originaire de la Grèce antique
ou moderne : Ce que les Grecs avaient
conquis était le pouvoir de donner son
visage à l’avenir humain (Maulnier). Les
Grecs honorent l’athlète vainqueur comme
le poète ou le philosophe (Taine).

& grec n. m. (sens 1, 31 mars 1698, Bayle


[« savant », 1688, Miege] ; sens 2, 1651,
Th. Corneille ; sens 3, 1578, H. Estienne
[« filou », 1721, Trévoux ; « tricheur », 1732,
Trévoux] ; sens 4, XVIe s.). 1. Class. Érudit en
grec, helléniste : Nous avons perdu depuis
quelques mois l’un des plus grands grecs de
l’Europe : c’est M. Kuhnius, qui est mort à
Strasbourg (Bayle). ‖ 2. Class. Personne
habile en quelque chose : L’amour [...], j’y
suis grec (Th. Corneille). ‖ 3. Vx et péjor.
Individu rusé et retors, habile à tromper :
M. d’Anquetil, croyant le voir pour la troi-
sième fois marquer cinquante-cinq lorsqu’il
n’avait que quarante, l’appela grec, vilain
pipeur (France). ‖ 4. La langue des Grecs
anciens ou modernes : J’enseignerai à cet
enfant le latin et le grec (France). [Ils] fai-
saient mille questions au capitaine en grec
et en italien (Chateaubriand).

& grecque n. f. (sens 1, 1837, Balzac ;


sens 2, 1810, Lesné [« scie pour faire des
encoches », 1701, Furetière] ; sens 3, 1866,
Littré). 1. Ornement formé de lignes brisées
à angle droit symétriquement entrelacées :
Dessiner une grecque. Un lit très bas sur
lequel était jeté un drap rouge bordé d’une

grecque noire (Balzac). ‖ 2. Encoche au


dos d’un livre, pour loger les ficelles, ou
nerfs. ‖ Par extens. Scie pour faire ces
encoches. (On dit aussi SCIE À GRECQUER.)
‖ 3. Ancienne coiffe féminine de la basse
vallée du Rhône.

& À la grecque loc. adv. ou adj. (fin du


XVIe s., G. Bouchet). À la manière des Grecs
ou des Grecques : Une pastorale de courti-
sans modernes habillés à la grecque (Taine).
Chignon à la grecque. Champignons à la
grecque.

grécisation [gresizasjɔ̃] n. f. (de gréciser ;


1962, Larousse). Adaptation au caractère
grec. (Rare.)

gréciser [gresize] v. tr. (dér. savant de


grec ; 1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2,
av. 1848, Chateaubriand). 1. Donner une
forme grecque à un mot d’une autre
langue : Cette manière de gréciser et de
latiniser notre langue n’est pas nouvelle
(Chateaubriand). ‖ 2. Donner un style
grec : Un monument gothique grécisé
(Chateaubriand).

grécité [gresite] n. f. (bas lat. graecitas,


langue grecque, grécité [du lat. class. grae-
cus, grec], ou dér. savant de grec ; 1808,
d’Hautel, au sens de « avarice » ; sens
actuel, 1866, Littré). Caractère des mots
et des constructions conformes à la norme
de la langue grecque classique : Par égard
pour sa grécité affectée, mais pure (France).

gréco- [greko], premier élément [tiré du


lat. graecus, grec] d’adjectifs composés
dont le second désigne un autre pays, et qui
marque l’apport grec dans la communauté
considérée : L’architecture gréco-romaine.
Des tuniques gréco-saxonnes (Proust).

gréco-bouddhique [grekobudik]
adj. (de gréco- et de bouddhique ; 1930,
Larousse). Se dit de l’art né au Gandhara,
ancienne province du nord-ouest de l’Inde,
où l’art alexandrin et romain a particuliè-
rement exercé son influence.

gréco-latin, e [grekolatɛ̃, -in] adj. (de


gréco- et de latin ; 1858, Lachâtre). Qui tient
à la fois du grec et du latin : Une civilisation
gréco-latine.

grécomanie [grekomani] n. f. (de gréco-


et de -manie, gr. mania, folie, dér. de mai-
nesthai, être fou ; 1872, Larousse). Manie
d’imiter les moeurs, les arts, la langue des
Grecs.

gréco-romain, e [grekorɔmɛ̃, -ɛn] adj.


(de gréco- et de romain ; 1856, Lachâtre,
au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse ; sens 3,
fin du XIXe s.). 1. Qui appartient aux Grecs
par l’esprit, aux Romains par la date : L’art
gréco-romain. ‖ 2. Période gréco-romaine,
période historique qui s’étend entre 46
av. J.-C. (bataille d’Actium) et les invasions
du Ve s. ‖ 3. Lutte gréco-romaine, variété
de lutte n’admettant les prises qu’au-dessus
de la ceinture et excluant des coups ou des

clés en usage dans la lutte libre, le judo


ou le catch.

grecquage [grɛkaʒ] n. m. (de grecquer ;


1872, Larousse, écrit grécage ; grecquage,
1932, Larousse [art. reliure]). Opération
de reliure consistant à grecquer un livre.

grecquer [grɛke] v. tr. (de grecque, n. f. ;


1701, Furetière). Faire des entailles sur le
dos d’un livre à l’aide de la grecque (scie),
pour y dissimuler les ficelles qui sou-
tiennent la couture.

gredin, e [grədɛ̃, -in] n. (du moyen néerl.


gredich, avide, avec francisation de la finale ;
1640, Oudin, au sens 1 ; sens 2, 1653, Livet
[« mauvais garnement, vaurien », av. 1902,
Zola]). 1. Class. Individu misérable réduit à
la mendicité, gueux : C’était un bon temps
pour les gredins que celui de Chapelain, à
qui la maison de Longueville donnait douze
mille livres tournois annuellement pour sa
« Pucelle » (Voltaire). ‖ 2. Personne dénuée
de tout sens moral, vile, méprisable : Ce
gredin de maire, c’est lui qui est cause de
tout (Hugo). Je me suis souvent persuadé
que les pires gredins sont ceux auxquels
d’abord les sourires affectueux ont manqué
(Gide). ‖ Par extens. Mauvais garnement,
vaurien : Ce gredin m’a crevé l’oeil (Zola).
• SYN. : 2 canaille, chenapan, coquin, fripon,
fripouille (pop.) ; sacripant, scélérat, voyou.

gredinerie [grədinri] n. f. (de gredin ;


1690, Furetière). Caractère ou action de
gredin : Ce mauvais coup révèle toute sa
gredinerie. L’autre clignait ses petits yeux :
« Va, va, mon bonhomme, tu as beau
prendre le plus long, il va falloir y arriver
devant la maison blanche ; et qui sait si ce
n’est pas là que te sera compté le juste salaire
de tes gredineries ? » (Daudet).

gréement [gremɑ̃] n. m. (de gréer ;


1670, J.-B. Colbert, au sens 2 [« type de
voiles d’un navire », 1877, Littré ; pour un
navire à hélice, XXe s.] ; sens 1, 1835, Acad.).
1. Action de gréer. ‖ 2. Ensemble des mâts,
des vergues, des voiles, des cordages, des
manoeuvres, des poulies qui servent à la
propulsion d’un bateau à voiles : Le grée-
ment [du bateau] se détacha en noir sur le
ciel dans le magnifique balancement de la
mer (Hugo). ‖ Spécialem. Type de voiles
d’un bateau : Gréement aurique. ‖ Sur
un navire mû par une hélice, ensemble
du matériel nécessaire à la manoeuvre et
à la sécurité du navire.

green [grin] n. m. (mot angl. signif. pro-


prem. « pelouse », substantivation de l’adj.
green, vert [anglo-saxon grēne, même
sens] ; 1872, Larousse, au sens de « espèce
de mousse » ; sens actuel, XXe s.). Espace
gazonné aménagé autour de chaque trou
d’un golf.

gréer [gree] v. tr. (abrév. de l’anc. franç.


agreier, gréer — un navire — [v. 1138, Vie de
saint Gilles], équiper, mettre en état [v. 1170,
Livre des Rois], agréer [XIIIe s.], de a- [lat.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2252

ad-, préf. marquant le mouvement vers] et


de l’anc. scand. greida, équiper, arranger ;
1666, J.-B. Colbert [pour un mât ; pour un
navire, 1797, Gattel ; « disposer la mâture
d’une certaine façon », milieu du XIXe s.,
Baudelaire]). Garnir un navire, et, par
extens., un mât, de voiles, poulies, cor-
dages, etc. : Gréer un chalutier. ‖ Disposer
la mâture d’une certaine façon : La rade se
peupla de navires de plaisance, la plupart
gréés en goélettes (Hugo).

gréeur [greoer] n. m. (de gréer ; 1834,


Landais). Celui qui est chargé du gréement
d’un navire.

greffage [grɛfaʒ] n. m. (de greffer ;


1872, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Action ou manière de greffer.
‖ 2. Multiplication artificielle des plantes
par les greffes.

1. greffe [grɛf] n. m. (de greffier ; début


du XIVe s., au sens 1 ; sens 2, 1636, Monet).
1. Lieu où sont déposées les minutes des
jugements et où se font les déclarations
relatives à la procédure : Tiens [...], lui dit-il
[...], retire du greffe des expéditions le juge-
ment de Vandenesse contre Vandenesse, il
faut le signifier ce soir (Balzac). Le tout fut
déposé au greffe (Daudet). ‖ 2. Vx. Charge
de greffier.

2. greffe [grɛf] n. m. (lat. graphium,


style, poinçon [pour écrire sur la cire], gr.
graphion, même sens, dér. de graphein,
écrire ; fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit
grafie ; XIIe s., Godefroy, écrit grefe ; greffe,
1501, G. Cohen). Stylet d’ivoire ou de métal
utilisé dans l’Antiquité pour écrire sur les
tablettes de cire.

3. greffe [grɛf] n. f. (emploi métapho-


rique du précéd. ; XIIe s., Vie d’Édouard
le Confesseur, écrit greife [greffe, 1538,
R. Estienne], au sens 1 ; sens 2, 1690,
La Quintinie ; sens 3, 1888, Larousse ; sens
4, 1782, Condorcet). 1. Pousse, bourgeon,
oeil détachés d’une plante pour être insé-
rés sur une autre, le sujet : Mon verger est
renommé à vingt lieues à la ronde, et l’on
vient des châteaux voisins me demander
des greffes (France). ‖ 2. Opération par
laquelle on insère sur un arbre une pousse
détachée d’un autre arbre : Greffe en fente.
Greffe en couronne. Il essaya plusieurs
sortes de greffes (Flaubert). ‖ 3. Organe,
partie d’organe ou de tissu prélevés sur un
individu pour être insérés sur lui-même à
une place différente ou sur un autre indi-
vidu. ‖ 4. Opération qui consiste à insérer
un organe, une partie d’organe ou de tissu :
Greffe animale. Greffe cutanée. Greffe d’un
rein. Greffe cardiaque.

• SYN. : 1 greffon, scion ; 2 greffage.

greffer [grɛfe] v. tr. (de greffe 3 ; fin du


XVe s., Molinet, écrit graffer [greffer, 1600,
O. de Serres], au sens 1 ; sens 2, 1538,
Godefroy ; sens 3, fin du XIXe s. ; sens 4,
av. 1791, G. de Mirabeau [« introduire

dans un ensemble un élément nouveau de


manière qu’il en fasse partie intégrante »,
1851, Poitevin]). 1. Transporter et insérer
par l’opération de la greffe : Greffer un
abricotier sur un prunier. ‖ 2. Soumettre
un sujet à l’opération de la greffe : La plu-
part des rosiers avaient été greffés par nous
(Gide). ‖ 3. Insérer un organe, une partie
d’organe ou de tissu sur un individu diffé-
rent ou sur le donneur lui-même : Greffer
un rein, un muscle, une cornée. ‖ 4. Fig.
Mettre en relation étroite avec quelque
chose, établir sur une certaine base : Lucien
n’avait pas encore deviné que chez Mme de
Bargeton l’amour était greffé sur l’orgueil
(Balzac). ‖ Par extens. Introduire dans un
ensemble un élément nouveau de manière
qu’il en fasse partie intégrante : Greffer un
nouveau chapitre à un roman.

• SYN. : 1 enter ; 4 bâtir, échafauder ; insérer.


& se greffer v. pr. (av. 1780, Condillac). Se
greffer sur quelque chose, prendre naissance
à partir de quelque chose ; en être un déve-
loppement : Légende qui s’est greffée sur un
fait historique. Le drame de famille s’était
greffé à vif sur le drame d’amour (Martin
du Gard).

greffeur [grɛfoer] n. m. (de greffer ; fin du


XVe s., Godefroy). Celui qui greffe.

greffier [grefje] n. m. (lat. médiév. gra-


phiarius, greffier [en lat. class., comme adj. :
« relatif aux styles, aux poinçons »], du lat.
class. graphium [v. GREFFE 2] ; 1378, Varin,
au sens 1 [faire le greffier, début du XVIIe s.,
Malherbe] ; sens 2, 1821, Ansiaume).
1. Officier ministériel qui dirige les ser-
vices du greffe et assiste le juge dans l’exer-
cice de ses fonctions : Lechesneau trouva
dans le salon de Gondreville [...] le juge de
paix assisté de son greffier (Balzac). ‖ Vx
et fig. Faire le greffier, lire ce qui a été écrit
par un autre : À réciter les paroles d’un autre
et faire le greffier, je ne trouve pas qu’il y ait
beaucoup d’honneur (Malherbe). ‖ 2. Fig.
et pop. Chat.

greffoir [grɛfwar] n. m. (de greffer ; 1700,


Liger). Instrument pour greffer.

greffon [grɛfɔ̃] n. m. (de greffe 3 ;


XVIe s., Huguet, écrit graphon [greffon,
1872, Larousse], au sens 1 ; sens 2, XXe s.).
1. Bourgeon ou jeune rameau destiné à être
greffé sur un sujet. ‖ 2. Par anal. Partie de
l’organisme prélevée afin d’être greffée.

grégaire [gregɛr] adj. (lat. gregarius,


relatif aux troupeaux, et, au fig., « du com-
mun, de la foule », de grex, gregis, troupeau,
troupe, bande ; XVIe s., Huguet, comme n.
m., au sens de « simple soldat » ; comme adj.,
aux sens 1-2, 1829, Boiste ; sens 3, début du
XXe s. [aussi instinct grégaire]). 1. Se dit des
animaux qui vivent en groupes : Le mouton
est un animal grégaire. ‖ 2. Par anal. Se dit
des plantes qui croissent en grand nombre
dans le même lieu. ‖ 3. Se dit de ce qui
pousse les êtres à s’assembler : Tendance

grégaire. Mentalité grégaire. ‖ Instinct


grégaire, tendance qui pousse les indivi-
dus à s’assembler et à adopter un même
comportement : Or, pensant cela, je suivis
les camarades. Instinct grégaire, surtout
respect humain (Montherlant).

• SYN. : 3 moutonnier (fam.).

grégarisme [gregarism] n. m.
(dér. savant de grégaire ; 1876, d’après Littré,
1877). Tendance de certains individus à
vivre en groupes ; état qui en résulte.

grège [grɛʒ] adj. (ital. greggia [soie] grège,


du fém. d’un adj. du lat. pop. *gredius, qui
aurait signifié « brut », mais dont l’existence
n’est confirmée par aucun document ; 1679,
J. Savary). Se dit de la soie telle qu’elle sort
du cocon dévidé et des fils faits avec cette
soie. ‖ Par extens. Se dit d’un tissu qui a
la couleur écrue de la soie brute : Une robe
de laine grège.

& n. m. Couleur de la soie écrue : Le grège


s’allie bien au marron.

grégeois, e [greʒwa, -az] adj. (var. de


l’anc. franç. grezeis, grezois [v. ci-des-
sous], lat. pop. *graeciscus, grec, du lat.
class. graecus, grec, et du suff. germ. -isk ;
v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens 2,
écrit feu grezeis [feu grezois, fin du XIIe s.,
Geste des Loherains ; feu gregois, v. 1190,
Du Cange ; feu grégeois, 1530, Palsgrave —
« trait d’esprit », av. 1696, La Bruyère] ; sens
1, av. 1794, Chénier). 1. Vx. Grec : Casques
et diadème de forme grégeoise ou romaine
(Gautier). ‖ 2. Feu grégeois, composition
incendiaire à base de salpêtre et de matières
bitumineuses, qui brûlait même au contact
de l’eau : Le feu grégeois a été utilisé au
VIIe s. par les Byzantins, qui en gardaient
jalousement le secret pour s’assurer la supé-
riorité maritime ; class. et fig., trait d’esprit :
Montrez-leur un feu grégeois qui les sur-
prenne, ou un éclair qui les éblouisse, ils
vous quittent [= vous dispensent] du bon
et du beau (La Bruyère).

& grégeois n. m. pl. (v. 1130, Eneas,


écrit Grezeis ; fin du XIIe s., écrit Grezois,
Gregois ; Grégeois, XVIe s.). Vx. Les Grecs :
Les Grégeois | Occirent tant de bons bour-
geois (Scarron).

grégorien, enne [gregɔrjɛ̃, -ɛn] adj. (bas


lat. gregorianus, grégorien, de Gregorius,
Grégoire, n. pr. de nombreux person-
nages, notamment de plusieurs papes, gr.
Grêgorios, de l’adj. grêgoros, qui veille, dér.
de grêgoreîn, être éveillé, veiller ; 1410, Gay,
au sens 2 ; sens 1, 1866, Littré [chant grégo-
rien, 1690, Furetière] ; sens 3, XXe s. ; sens 4,
1704, Trévoux). 1. Rite grégorien, rite établi
dans la liturgie par saint Grégoire le Grand,
pape de 590 à 604, pour la célébration des
offices et l’administration des sacrements.
‖ Chant grégorien, chant liturgique de
l’Église catholique pour les textes latins,
dont la codification a été attribuée au pape
Grégoire le Grand. ‖ 2. Eau grégorienne,
mélange bénit d’eau, de vin et de cendre,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2253

utilisé pour la bénédiction des autels et des


églises et pour la purification des églises
profanées. ‖ 3. Réforme grégorienne,
restauration de l’esprit religieux dans la
seconde moitié du XIe s., à laquelle le pape
Grégoire VII a donné l’impulsion décisive.
‖ 4. Calendrier grégorien, calendrier établi
sur l’ordre du pape Grégoire XIII en 1582.
& grégorien n. m. (XXe s.). Le chant
grégorien.

grègues [grɛg] n. f. pl. (provenç. gregou,


grega, proprem. « grecque » [lat. graeca, fém.
de graecus, grec], l’invention de ce vêtement
étant attribuée aux Grecs ; XVe s., Godefroy,
puis 1572, Gay [tirer ses grègues, 1668, La
Fontaine]). Haut-de-chausses peu bouf-
fant, en usage en France depuis Charles IX
jusque sous Louis XIII : La voilà donc de
grègues affublée (La Fontaine). Des grègues
de toile flottaient sur ses cuisses (Gautier).
‖ Class. et fam. Tirer ses grègues, s’enfuir
rapidement : Le galant aussitôt, | Tire ses
grègues, gagne au haut (La Fontaine).

1. grêle [grɛl] adj. (lat. gracilis, mince,


maigre, chétif, et, en parlant du style,
« sobre, simple » ; 1080, Chanson de Roland,
écrit graisle [greille, v. 1190, Garnier de
Pont-Sainte-Maxence ; grêle, XIIIe s.], au
sens 1 [intestin grêle, 1690, Furetière] ; sens
2, v. 1361, Oresme). 1. Se dit d’une chose
dont l’épaisseur, le diamètre est trop mince
relativement à sa longueur : Elle ressemblait
à ces grêles statues que les tailleurs d’images
du Moyen Âge ont assises sur des tombeaux
(Balzac). De petits omnibus au coffre large
assis sur des roues grêles (Fromentin). Il
battit de sa jambe grêle un entrechat encore
alerte (Maupassant). Des mandariniers
grêles embaumaient (Gide). ‖ Intestin
grêle, segment du tube digestif allant du
pylore au gros intestin. ‖ 2. Se dit de ce
qui a une sonorité aiguë et faible : C’est la
voix enfantine et grêle, | Flèche d’argent qui
me piqua (Gautier). Les rondes se forment,
et une voix grêle part d’abord toute seule
sur un rythme simple qui appelle le choeur
après lui... (Daudet). Suzanne écoute avec
un calme plaisir la petite Catherine qui,
d’une voix grêle et pure, chante « l’Amour
de moi » ou « la Complainte de Renaud »
(Duhamel). Le cri des martinets dans le ciel
du soir devenait plus grêle au-dessus de la
ville (Camus).

• SYN. : 1 délicat, délié, filiforme, fluet,


gracile, menu, mince, ténu. — CONTR. :
1 épais, fort, gros, massif, puissant (fam.),
rond, volumineux.
2. grêle [grɛl] n. f. (déverbal de grêler ;
v. 1119, Ph. de Thaon, écrit gresle [grêle,
XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné [au fig., 1835, Balzac]).
1. Pluie congelée qui tombe par grains :
De la grêle était tombée dans la nuit au
milieu d’un orage épouvantable, hachant
les branches, dépouillant les arbres dont les
verts débris pleins de sève, les feuilles et les

fleurs trouées, déchiquetées, jonchaient le


perron, mêlés aux éclats de vitre de la serre
(Daudet). ‖ 2. Grande quantité d’objets
qui tombent dru : Depuis un moment, les
batteries de Saint-Menges faisaient rage,
la grêle des projectiles augmentait (Zola).
Une grêle de pierres ; et au fig. : Il baissait le
dos, attendant tranquillement que la grêle
habituelle de quolibets fût passée (Rolland).
• SYN. : 1 grêlon, grésil ; 2 avalanche, bordée
(fam.), cascade, chapelet, kyrielle (fam.),
pluie, volée.

grêlé [grɛle] adj. (part. passé de grêler ;


XIIIe s., au sens de « marqué de petites
taches » ; sens 1, av. 1559, J. Du Bellay ;
sens 2, 1732, Destouches ; sens 3, 1611,
Cotgrave). 1. Frappé, dévasté par la grêle :
Il pensait à cela tout le temps de la route,
en voyant filer les arbres encore grêlés le
long des talus du chemin de fer de Saint-
Germain (Daudet). Les vignes sont grê-
lées. ‖ 2. Class. Avoir l’air grêlé, être mal
vêtu : Les pauvres diables me paraissent
aujourd’hui bien grêlés (Voltaire). ‖ 3. Fig.
Criblé de marques de petite vérole : Un
homme était debout, au milieu de l’espace
éblouissant, une sorte de monstre au visage
énorme, grêlé (Duhamel).

grêler [grɛle] v. impers. (francique *gri-


silôn, grêler ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit
gresler ; XIIIe s., Littré, écrit greller ; grêler,
XVIIe s.). Tomber, en parlant de la grêle : Il
a grêlé ce matin.

& v. intr. (XVIe s.). Tomber comme de la


grêle : Encore cinq minutes et les obus grê-
leront (Farrère).

& v. tr. (sens 1, 1552, Rabelais ; sens 2, 1680,


Richelet ; sens 3, 1957, Robert ; sens 4, 1872,
Larousse). 1. Dévaster par la grêle : Je crains
que cet orage ne grêle nos vignes. ‖ 2. Fam.
Se dit des régions, des personnes dont les
champs ont été ravagés par la grêle : Tous
les paysans ont été grêlés par ici. ‖ 3. Vx.
Frapper d’une multitude de coups comme
la grêle : Grêler quelqu’un de coups de
bâton. ‖ 4. Fam. Cribler de cicatrices : La
petite vérole l’a grêlé.

grêleux, euse [grɛlø, -øz] adj. (de grêle


2 ; milieu du XVIe s., Ronsard, écrit gresleux ;
grêleux, XVIIe s.). Se dit du temps qui a la
nature ou l’apparence de la grêle.

grelin [grəlɛ̃] n. m. (de grêle 1, à cause de


la minceur du câble ; 1634, Dict. général,
écrit guerlin ; grelin, 1694, Th. Corneille).
Cordage un peu plus petit que le câble :
Les matelots, alarmés, avaient filé un grelin
aux autres nageurs (Chateaubriand). Un
grand bateau qu’on tire au grelin le long
d’un chemin de halage (Barbey d’Aurevilly).

grêlon [grɛlɔ̃] n. m. (de grêler ; XVIe s.,


Godefroy, écrit greslon ; grêlon, XVIIe s.).
Grain de grêle : Les cerises et les prunes
couvraient l’herbe entre les grêlons qui fon-
daient (Flaubert). Dans la fumée de plus
en plus épaisse, des balles sifflaient [...],

puis s’enfonçaient dans la terre, hachant


les betteraves, comme des grêlons poussés
par un grand vent (Zola).

grelot [grəlo] n. m. (d’un radical germ. à


alternance vocalique gril-/grel-/grol- évo-
quant des sons variés [cf. le moyen haut
allem. grillen, crier, etc.] ; 1392, Godefroy,
écrit grilot [grelot, 1565, Tahureau], au
sens 1 [attacher le grelot, « se charger
d’une tentative périlleuse », fin du XVIIe s.,
Saint-Simon — « prendre l’initiative d’une
entreprise », 1866, Larousse, art. attacher] ;
sens 2, av. 1778, Voltaire ; sens 3, 1877, Zola
[faire sonner son grelot, XXe s.] ; sens 4, 1771,
Trévoux ; sens 5, 1875, d’après Littré, 1877).
1. Petite boule métallique creuse et percée
de trous, contenant un morceau de métal
qui la fait résonner dès qu’on l’agite : Les
grelots des troupeaux palpitaient vague-
ment (Hugo). Elles vont [les carrioles]
toujours au galop [...] avec un bruit aérien
tout particulier de grelots, de claquements
de vitres et de coups de fouet (Fromentin).
Les chevaux trottaient, les grelots tintaient
(Daudet). ‖ Fig. et fam. Attacher le grelot
(d’après La Fontaine, Fables II, II, Conseil
tenu par les rats), autref., se charger d’une
tentative difficile, périlleuse ; auj., prendre
l’initiative d’une entreprise. ‖ 2. Cet objet,
considéré comme insigne de la Folie et
l’un des attributs des bouffons : La Folie
dansait et faisait entendre ses grelots à la
porte du palais fantastique habité par le
poète (Balzac). Un fou reçoit ses grelots
et sa marotte en cérémonie (Voltaire). Ne
parais jamais devant moi sans cette taille
contrefaite et ces grelots d’argent (Musset).
‖ 3. Vx et fam. Caquet, bavardage intaris-
sable : Les camarades disait que cet animal
de Mes-Bottes avait un fichu grelot, tout
de même (Zola). ‖ Faire sonner son gre-
lot, attirer l’attention ; parler avec faconde.
‖ 4. Par anal. Calice en forme de grelot
de certaines fleurs : Les grelots d’argent
du muguet (Gautier). Sur les rochers, près
de Vera, nous avions cueilli, l’avant-veille,
des bruyères aux grelots couleur digitale
(Gide). ‖ 5. Bouton grelot, ou simplem. gre-
lot, bouton en forme de grelot : Le dolman
déboutonné, retenu seulement au cou par le
premier grelot d’en haut (Hermant).

& grelots n. m. pl. (sens 1, av. 1872,


Th. Gautier ; sens 2, 1920, Bauche). 1. Vx
et fig. Gaieté bruyante, sons discordants :
J’écouterai vos purs sanglots, | Sans que les
couplets de facture | M’étourdissent de leurs
grelots (Gautier). Les grelots du carnaval.
‖ 2. Pop. Avoir les grelots, avoir peur.

grelottant, e [grəlɔtɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de grelotter ; 1861, Baudelaire,
au sens 1 [« tremblant sous le coup d’une
émotion violente », av. 1880, Flaubert] ;
sens 2, 1877, Littré). 1. Tremblant de froid :
C’était quelque chose de le voir grelottant et
digne sous la loque à broderies (Daudet) ; ou
sous le coup d’une émotion violente : J’ai vu
[...] sa bouche idiote et crispée, grelottante
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2254

de désespoir (Flaubert). Bonsoir, messieurs !


dit l’enfant d’une voix grelottante d’émotion
(Daudet). ‖ 2. Qui fait sonner ses grelots,
ou qui fait entendre un tintement sem-
blable à un bruit de grelots. (Rare.)

• SYN. : 1 frissonnant ; chevrotant,


frémissant.

grelottement [grəlɔtmɑ̃] n. m. (de gre-


lotter [v. ce mot] ; 1859, V. Hugo, au sens 2
[var. grillotement, 1611, Cotgrave] ; sens 1,
1881, Huysmans). 1. Action de grelotter : Ils
se rappelaient, tous les deux, le grelottement
du déshabillage (Huysmans). ‖ 2. Bruit de
ce qui résonne comme des grelots : À trois
heures de l’après-midi, la sonnerie d’un
réveille-matin déclenchait tout à coup son
grelottement imprévu (Carco). Réveillé
par le grelottement de sa montre-réveil
(Frison-Roche).

• SYN. : 1 frisson, frissonnement ;


2 tintement.

grelotter [grəlɔte] v. intr. (de la loc.


trembler le grelot, trembler de froid, de
peur [1565, Tahureau, v. GRELOT] ; fin du
XVIe s., A. d’Aubigné, au sens 1 ; sens 2,
1690, Furetière ; sens 3, 1874, V. Hugo [var.
grillotter, 1562, Du Pinet]). 1. Trembler de
froid : Nastasie descendit les marches en
grelottant (Flaubert). Elle grelotte et pose
au hasard sur ma figure son petit nez glacé
(Colette). ‖ 2. Être agité de tremblements
dus à une cause physique ou à une émotion
violente : Grelotter de fièvre, de peur. Elle
grelottait, misérable et nue, sur une plage
aride et sous un ciel d’airain (Mauriac).
‖ 3. Faire entendre un bruit de grelots :
Des chaînes se balançaient en grelottant
(Hugo). Le timbre d’une bicyclette grelotte
au tournant de la rue (Genevoix). La son-
nerie d’appel grelottant dans le soir d’hiver
(Malraux).

• SYN. : 1 claquer des dents, frissonner ;


2 frémir ; 3 tinter, tintinnabuler.

grelottière [grəlɔtjɛr] n. f. (de grelot ;


1900, Larousse). Courroie qui porte les gre-
lots d’une bête de trait : Séverin s’emporta
contre le mulet, son poing heurta la grelot-
tière (Pérochon).

greluchon [grəlyʃɔ̃] n. m. (de l’anc. mot


dialect grelu, pauvre, misérable, gueux
[XVIIIe s.], dér. de l’adj. grêle ; 1725, Esnault).
Vx. Amant de coeur d’une femme entre-
tenue par un autre homme : Il montra un
jeune homme qui passait, en murmurant :
le greluchon de Nana (Zola). Vous savez
qu’elle filait le parfait amour avec un gre-
luchon de Paris (Lichtenberger).

grémial [gremjal] n. m. (lat. ecclés.


médiév. gremiale, grémial, du lat. class. gre-
mium, giron, sein ; 1542, Dict. général, écrit
gremyal ; grémial, 1680, Richelet). Morceau
d’étoffe précieuse qu’on met sur les genoux
d’un évêque officiant, lorsqu’il est assis.

grémil [gremil] n. m. (de grès et de mil,


proprem. « mil de grès » [à cause de la

dureté des graines de la plante] ; XIIIe s.,


Dict. général, écrit gromil ; 1564, J. Thierry,
écrit gremil ; grémil, 1732, Richelet). Plante
de la famille des borraginacées, à graines
très dures.
grémille [gremij] n. f. (mot mosellan, de
la famille de grumeau [v. ce terme], l’aspect
de la perche évoquant peut-être celui de
grumeaux ; 1802, Lacépède). Nom donné
à une petite perche sans écailles, appelée
aussi perche goujonnière.

grenache [grənaʃ] n. m. (ital. vernaccia,


sorte de vin, du n. de la ville de Vernazza,
où ce vin était produit ; seconde moitié
du XIIIe s., Romania [XXXII, 326], écrit
vernache, au sens de « vin blanc doux »
[garnache, vin de garnace, 1316, Maillart ;
grenache, v. 1360, Froissart] ; sens 1, 1836,
Acad. ; sens 2, 1842, Mozin [vin de grenache,
même sens, 1840, Acad.]). 1. Cépage à gros
grains, du Languedoc et du Roussillon,
dont il existe trois variétés, le grenache
noir, rosé, blanc. ‖ 2. Vin fait avec ce rai-
sin : Une bouteille de grenache.

grenadage [grənadaʒ] n. m. (de grenade


2 ; v. 1914). Action d’attaquer un objectif
avec des grenades : Le grenadage d’un
submersible.

1. grenade [grənad] n. f. (abrév. de


pomme grenade, grenade [fin du XVe s.],
d’abord pume grenate [v. 1175, Chr. de
Troyes], empr. de l’ital. dialect. du Nord
pom granat, proprem. « fruit à grains », de
pom [lat. pomum, fruit] et de granat [lat.
granatus, abondant en grains, grenu, de
granum, grain, graine] ; XVe s.). Fruit du
grenadier, de forme ronde, de la grosseur
d’une orange et dont l’intérieur, d’un beau
rouge vif, est divisé en une multitude de
petites loges cloisonnées, dont chacune
renferme un pépin entouré de pulpe à la
saveur aigrelette et agréable : Elle n’avait
jamais vu de grenades ni mangé d’ananas
(Flaubert). Si les soleils par vous subis, |
Ô grenades entrebâillées, | Vous ont fait
d’orgueil travaillées | Croquer les cloisons
de rubis (Valéry).

2. grenade [grənad] n. f. (de grenade 1,


par analogie de forme ; 1520, Gay, au sens 1
[grenade sous-marine, XXe s.] ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Projectile léger, composé d’un
corps en fonte, d’une charge, d’un dispo-
sitif de mise à feu, et pouvant être lancé à
la main ou au fusil : Un engin renouvelé
des vieilles guerres, la grenade (Romains).
‖ Par extens. Grenade sous-marine, gros
engin explosif conçu pour attaquer les
sous-marins. ‖ 2. Ornement représen-
tant une grenade allumée et placé sur les
écussons de nombreux uniformes mili-
taires : La grenade à sept branches constitue
l’insigne traditionnel de la Légion étrangère.

grenadeur [grənadoer] n. m. (de grenade


2 ; 1957, Robert). Appareil servant à lancer
des grenades sous-marines.

1. grenadier [grənadje] n. m. (de gre-


nade 1 [v. ce mot] ; XIVe s., écrit granatier ;
grenadier, 1425, O. de La Haye). Arbre de
la famille des myrtacées, qui produit la gre-
nade : Une allée sablée, bordée de géraniums,
de lauriers-roses et de grenadiers (Balzac).

2. grenadier [grənadje] n. m. (de grenade


2 ; 1671, Pomey, au sens 1 ; sens 2, 1803,
Boiste [« soldat d’une compagnie spéciale
de la maison du roi », 1690, Furetière ; jurer
comme un grenadier, 1771, Trévoux] ; sens
3, 1962, Larousse ; sens 4, 1872, Larousse
[pour un homme ; pour une femme, 1835,
Acad.] ; sens 5, 1872, Larousse). 1. Vx.
Soldat spécialisé dans le lancement des
grenades. ‖ 2. Soldat de certains corps
d’élite : Le célèbre général Hulot, colonel des
grenadiers de la garde impériale (Balzac).
‖ Jurer comme un grenadier, jurer grossiè-
rement et à tout propos. ‖ 3. Nom donné à
une sorte de fusil propre à lancer des gre-
nades. ‖ 4. Fig. et fam. Homme et surtout
femme de haute taille, qui a des manières
hardies et très viriles : Autrefois, une femme
pouvait avoir une voix de harengère, une
démarche de grenadier [...], la main épaisse,
elle était néanmoins une grande dame
(Balzac). ‖ 5. Nom usuel d’un poisson de
la Méditerranée, le macroure coelorhynque.
• SYN. : 4 gendarme (fam.), maritorne,
virago.

grenadière [grənadjɛr] n. f. (de gre-


nade 2 ; 1680, Richelet, au sens 1 ; sens 2,
1803, Boiste [mettre le fusil à la grenadière,
1900, Dict. général — d’abord mettre son
fusil..., 1845, Bescherelle]). 1. Sac de cuir
servant à porter les grenades. ‖ 2. Anneau-
grenadière, ou simplem. grenadière, anneau
de fer ou de cuivre réunissant le canon au
fût de l’arme, et sur lequel s’accroche une
des extrémités de la bretelle. ‖ Mettre le
fusil à la grenadière, lâcher la bretelle pour
le porter suspendu à l’épaule.

grenadille [grənadij] n. f. (esp. grana-


dilla, grenadille, de granada, grenade [de
même origine que le franç. grenade 1] ;
1598, Acosta). Plante exotique (Amérique,
Océanie), dite fleur de la passion, dont le
fruit, par la forme et le goût, rappelle la
grenade.
1. grenadin, e [grənadɛ̃, -in] adj. et n.
(de Grenade, n. d’une ville et d’une pro-
vince d’Andalousie, esp. Granada ; 1872,
Larousse). Relatif à Grenade ou au royaume
de Grenade ; habitant ou originaire de
Grenade : Était-ce un Maure grenadin ? |
Un de Murcie ou de Séville ? (Hugo).

2. grenadin [grənadɛ̃] n. m. (de grenade 1 ;


milieu du XVIIIe s., Buffon, au sens 1 ; sens 2,
1798, Acad. ; sens 3, 1778, Menon). 1. Petit
oiseau d’Afrique, ressemblant à un pinson.
‖ 2. Tranche de veau peu épaisse, entourée
d’une mince couche de lard. ‖ 3. Variété
d’oeillet très parfumée.

• SYN. : 2 fricandeau.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2255

grenadine [grənadin] n. f. (de grenade ;


1827, Acad., au sens I [d’abord grenade,
1723, Savary des Bruslons] ; sens II, 1866,
Littré).

I. Soie grenue constituée de deux fais-


ceaux de fils de soie grège fortement
tordus : Une robe à corset en grenadine
(Balzac).

II. Sirop à base de jus de grenade :


Charles s’en fut tout de suite après la sur-
prise attendue d’une grenadine au kirsch
(Queneau).

grenage [grənaʒ] n. m. (de grener ; 1730,


Savary des Bruslons, au sens 1 ; sens 2,
1962, Larousse [grenage, « toute sorte de
grains » — 1314, Godefroy —, était un dér.
direct de grain 1]). 1. Action de réduire en
grains ; état qui en résulte. ‖ 2. Action de
transformer la surface lisse d’une pierre,
d’une glace ou d’une plaque de métal en
une surface légèrement rugueuse.

grenaille [grənɑj] n. f. (de grain 1 ou


de graine ; 1354, Du Cange, au sens de
« grains, blé » ; sens 1, 1798, Acad. ; sens
2, 1611, Cotgrave ; sens 3, 1962, Larousse).
1. Graine de rebut qui sert à nourrir la
volaille : S’agissait-il de blés, de farines, de
grenailles, de reconnaître leurs qualités,
les provenances [...], Goriot n’avait pas son
second (Balzac). ‖ 2. Métal réduit en petits
grains : Charger un fusil avec de la grenaille.
‖ 3. Gravillon dont les dimensions sont
inférieures à 10 mm.

grenailler [grənaje] v. tr. (de grenaille ;


1757, Encyclopédie). Réduire un métal en
grenaille : Grenailler du plomb.

grenaison [grənɛzɔ̃] n. f. (de grener ;


XVIe s., au sens de « récolte des grains » ;
sens actuel, 1752, Trévoux). Formation de
la graine dans les céréales : La grenaison
du blé.

grenat [grəna] n. m. (de grenate, adj.


fém. qui faisait partie de la loc. pume gre-
nate, grenade [v. GRENADE 1] ; v. 1130,
Eneas, comme adj. qualifiant une pierre
précieuse [rouge] ; comme n. m., au sens
actuel, XIVe s., Du Cange, écrit grenet ;
grenat, XVe s., Laborde). Pierre précieuse
généralement d’un rouge un peu opaque :
Mme de Cambremer tenait à la main, avec la
crosse d’une ombrelle, plusieurs sacs brodés,
un vide-poche, une bourse en or d’où pen-
daient des fils de grenats, et un mouchoir
de dentelle (Proust).

• SYN. : escarboucle.

& adj. invar. (1872, Larousse [comme adj.


variable, v. 1130, Eneas, v. ci-dessus]). D’un
rouge sombre : Ses petites pantoufles de
couleur grenat avaient une touffe de rubans
(Flaubert).

• SYN. : bordeaux, carmin, cramoisi, écar-


late, incarnat, ponceau, pourpre, vermeil,
vermillon.

grené, e [grəne] adj. (part. passé de gre-


ner ; 1573, Paradin, au sens de « ladre »
[pour un porc] ; sens 1, XVIe s. ; sens 2, 1745,
Ch. Bonnet). 1. Réduit en petits grains :
De la poudre grenée. ‖ 2. Qui présente de
nombreux grains ou points très rappro-
chés : Un dessin grené. Cuir grené.

• SYN. : 2 granité, granuleux, grenu. —


CONTR. : 2 lisse.

& grené n. m. (1829, Boiste). État d’une


surface qui présente de nombreux petits
grains : Le grené d’une reliure.

greneler [grənle ou grɛnle] v. tr. (de gre-


ner ; 1611, Artus Thomas, au part. passé, au
sens de « qui est en forme de petits grains » ;
à l’infin., au sens 1, 1752, Trévoux ; sens
2, fin du XIXe s., Huysmans). [Conj. 3 a.]
1. Marquer une surface de petits grains, ou
petits points très rapprochés : Bonshommes
de pain d’épice, grenelés de points de sucre
(Huysmans). ‖ 2. Garnir d’ornements
en forme de grains : Une lourde chape
rouge, grenelée de deux rangs de perles
(Huysmans).

grener [grəne] v. intr. (de grain 1 ou


graine ; fin du XIIe s., Châtelain de Coucy).
[Conj. 5 a.] Produire de la graine : Une
plante qui grène en général très tard.

& v. tr. (sens 1, 1723, Savary des Bruslons


[au part. passé dès le XVIe s.] ; sens 2, 1757,
Encyclopédie). 1. Réduire en grains : Grener
du tabac à priser. ‖ 2. Rendre grenu :
Grener une peau.

grenetis [grɛnti] n. m. (de l’anc. v. gre-


neter, enrichir [un travail d’orfèvrerie, de
cuir, etc.] d’ornements pointillés en forme
de grains [1297, Gay], dér. de grain 1 ; 1676,
Félibien, aux sens 1-2). 1. Petites saillies
disposées sur le pourtour des monnaies
en métal précieux, pour empêcher de les
rogner. ‖ 2. Par extens. Poinçon qui sert à
faire le grenetis.

grèneture [grɛntyr] n. f. (de l’anc. v. gre-


neter [v. GRENETIS] ; 1380, Havard, écrit
graneteüre ; grèneture, 1930, Larousse).
Ornement d’orfèvrerie qui consiste en de
petits grains réguliers qui se détachent en
relief.

grenier [grənje] n. m. (lat. granarium,


grenier [le plus souvent employé au plur.],
dér. de granum, grain, graine ; XIIe s., au sens
1 ; sens 2, 1694, Acad. [greniers publics ; gre-
niers d’abondance, 1764, Voltaire ; grenier
à sel, milieu du XVe s. — d’abord grenier,
même sens, 1342, Heidel, Finances ; « juri-
diction où l’on jugeait les affaires relatives à
la gabelle », 1690, Furetière ; grenier à puces,
1900, Dict. général] ; sens 3, 1690, Furetière ;
sens 4, 1627, Crespin [de la cave au gre-
nier, 1866, Littré ; le grenier des Goncourt,
fin du XIXe s.] ; sens 5, 1627, Crespin ; sens
6, 1736, Aubin [— charger — en grenier,
« — charger — en vrac, sans mettre en
caisses », 1680, Richelet]). 1. Partie d’un
bâtiment rural destinée à conserver les

grains, le foin, la paille : Grenier vide de


grains, hélas ! (Daudet). ‖ 2. Vx. Greniers
publics, ou greniers d’abondance, bâtiments
où l’on tenait des grains en réserve pour les
temps de disette. ‖ Grenier à sel, lieu où
l’autorité faisait entreposer le sel avant de
le vendre ; par extens., juridiction où l’on
jugeait les affaires relatives à la gabelle :
J’ai un oncle président d’un grenier à sel
(Dancourt). ‖ Fam. Grenier à puces, chien
ou chat. ‖ 3. Pays très fertile : La Beauce
est le grenier de la France. ‖ 4. Partie la
plus haute d’une maison, sous les combles,
destinée à servir de débarras : Au-dessus
de ce troisième étage était un grenier à
étendre le linge et deux mansardes (Balzac).
Quelques beaux hôtels faisaient aussi saillie
çà et là sur les greniers pittoresques de la
rive gauche (Hugo). ‖ De la cave au gre-
nier, depuis le bas de la maison jusqu’au
haut : De la cave au grenier, tout le bâtiment
avait l’air héroïque (Daudet). ‖ Spécialem.
Le grenier des Goncourt, nom donné par
Edmond de Goncourt au second étage de
son hôtel d’Auteuil, où il réunissait un
cercle littéraire. ‖ 5. Logement pauvre et
mansardé au dernier étage d’une maison :
Dans un grenier, qu’on est bien à vingt ans
(Béranger). ‖ 6. En termes de marine,
plancher mobile fait au moyen de claies
ou de pièces de bois, et recouvert de bâches.
‖ Charger en grenier des marchandises, les
mettre à fond de cale, sans les emballer.
• SYN. : 1 fenil, grange ; 5 combles, mansarde.

grenouillage [grənujaʒ] n. m. (de gre-


nouille, par allusion aux coassements et à
l’agitation des grenouilles dans une mare ;
1954, Esnault). Fam. Ensemble d’intrigues,
de manoeuvres peu honnêtes.

• SYN. : cuisine (fam.), tripotage (fam.).

grenouille [grənuj] n. f. (altér., sans doute


sous l’influence du n. de certains animaux
criards commençant par g- [comme, par
ex., graille, « corneille », v. ce mot], de l’anc.
franç. reinoille, grenouille [v. 1180, Marie
de France], lat. pop. *ranucula, dimin. du
lat. class. rana, grenouille ; v. 1215, Pean
Gastineau, écrit grenoille [guernouille,
1273, Ibn Ezra ; grenouille, XVe s., Basselin],
au sens 1 [grenouille de bénitier, XXe s. ;
sirop de grenouille, av. 1902, Zola] ; sens 2,
milieu du XXe s. [« caisse, fonds commun
d’un groupe, d’une société », 1840, Acad. ;
faire sauter la grenouille, 1843, Reybaud ;
manger la grenouille, 1793, Hébert ; bouffer
la grenouille, XXe s.]). 1. Batracien sauteur
et nageur à peau lisse, verte ou rousse,
vivant près des mares ou des étangs :
En remontant, je trouverais de l’eau plus
fraîche, moins de sangsues et de grenouilles
(Mérimée). Pendant la belle saison, les gre-
nouilles sont actives et les mâles coassent,
en hiver elles demeurent enfouies sous la
vase. ‖ Fig. et fam. Grenouille de bénitier,
personne d’une dévotion outrée, affectée et
souvent hypocrite : Sans doute se méfiait-il
[le curé] des ultras, toujours informés de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2256

ses gestes, et des dévotes à l’affût derrière


les rideaux de leurs fenêtres, de ces féroces
grenouilles de bénitier (Arnoux). ‖ Ironiq.
Sirop de grenouille, eau en tant que bois-
son : Un bon coup de sirop de grenouille, et
me voilà d’aplomb ! (Zola). ‖ 2. Vx et fam.
Tirelire en forme de grenouille. ‖ Auj. et
fam. Caisse, fonds commun d’un groupe,
d’une société. ‖ Faire sauter, manger,
bouffer (pop.) la grenouille, s’approprier
les fonds confiés : Il mangea la grenouille.
Sa mère dut désintéresser le patron (Fabre).
Nestor Peyrolles, qui avait trois fois bouffé
la grenouille et retrouvait toujours la
confiance des petits porteurs (Aragon).

grenouiller [grənuje] v. intr. (de gre-


nouille ; début du XVIe s., au sens 1 ; sens 2,
1867, Delvau [« boire abondamment, sur-
tout dans les cabarets », XVIe s., Huguet] ;
sens 3, XXe s.). 1. Vx et fam. Barboter dans
l’eau. ‖ 2. Vx et pop. Aimer à boire de l’eau.
‖ 3. Fam. Pratiquer le grenouillage.

grenouillère [grənujɛr] n. f. (de gre-


nouille ; fin du XIIIe s., écrit grenolliere
[grenouillère, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2,
1694, Acad. ; sens 3, 1867, Delvau). 1. Lieu
marécageux rempli de grenouilles.
‖ 2. Lieu humide et malsain : Faisons une
promenade dans cette grenouillère que nous
appelons un canal (Mérimée). ‖ 3. Ironiq.
Bassin peu profond aménagé pour ceux
qui ne savent pas nager.

grenouillette [grənujɛt] n. f. (de gre-


nouille ; 1538, R. Estienne, au sens 1 ; sens
2, 1549, Maignan [grenouillet, même sens,
1732, Trévoux] ; sens 3, début du XVIIe s.).
1. Petite grenouille. ‖ 2. Renoncule aqua-
tique à fleurs blanches : Le glaïeul, laissant
fléchir ses glaives avec un abandon royal,
étendait sur l’eupatoire et la grenouillette au
pied mouillé les fleurs de lis en lambeaux,
violettes et jaunes, de son sceptre lacustre
(Proust). [Syn. GRENOUILLET.] ‖ 3. Tumeur
sous la langue.

grenu, e [grəny] adj. (de grain 1 ou de


graine ; XIIIe s., Roman de Renart, au sens
1 ; sens 2, 1690, Furetière [pour une roche,
1768, Encyclopédie]). 1. Qui a beaucoup de
grains : Des épis grenus. ‖ 2. Par extens. Se
dit d’une chose dont la surface est couverte
de petites saillies arrondies en forme de
grains : Il avait une trop longue tête, de
trop longs traits, la peau grenue et poreuse
(Duhamel). Et derrière lui, la neige aus-
sitôt commence à recouvrir la trace clou-
tée des semelles, reconstituant peu à peu
la blancheur primitive de la zone écrasée,
lui redonnant bientôt son aspect grenu,
velouté, fragile, estompant les arêtes vives
de ses bords (Robbe-Grillet). Un cuir grenu.
‖ Spécialem. Se dit de roches éruptives
formées de cristaux visibles à l’oeil nu : Le
granite est une roche grenue.

• SYN. : 2 granité, granuleux, grené.

— CONTR. : 2 lisse.

& grenu n. m. (1866, Littré). L’aspect d’une


peau, d’une roche dont la surface est gre-
nue : La variété des couleurs et du grenu
leur faisait confondre l’argile avec la marne
(Flaubert).

grenure [grənyr] n. f. (de grener ; 1757,


Encyclopédie, au sens 1 ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Action de grener les ombres
d’une gravure ; son résultat. ‖ 2. État de
ce qui est grenu.

grès [grɛ] n. m. (francique *greot, gravier,


d’où « grès » [à cause de la constitution gre-
nue de cette roche] ; v. 1155, Wace, écrit grez
[gres, v. 1175, Chr. de Troyes ; grés, grès,
XIIIe s., La Curne], au sens 1 ; sens 2, v. 1175,
Chr. de Troyes ; sens 3, 1866, Littré ; sens 4,
1330, Gay). 1. Roche sédimentaire siliceuse,
composée de grains de sable quartzeux
unis entre eux par un ciment naturel : Les
Andes étageaient leurs gradins de basalte,
| De porphyre, de grès, d’ardoise et de gra-
nit (Heredia). ‖ 2. Class. Pavé, caillou :
Monsieur le Prince [...] dit qu’il n’était pas
assez brave pour s’exposer à une guerre qui
se ferait à coups de grès et de tisons (La
Rochefoucauld). ‖ 3. Vx. Sable à récurer,
fait de grès pulvérisé. ‖ 4. Céramique très
dure, obtenue en incorporant à l’argile un
gravillon siliceux, naturel ou artificiel : Une
femme en guenilles nous a servi dans des
tasses de grès du lait frais comme la glace
(Flaubert). Sur les planches [de la cuisine],
les ustensiles [...] dataient d’un ou deux
siècles, de vieilles faïences, de vieux grès,
de vieux étains (Zola).
gréseux, euse [grezø, -øz] adj. (de grès ;
1827, Acad.). Qui est de la nature du grès :
De la marne gréseuse.

grésière [grezjɛr] n. f. (de grès ; 1801,


Encycl. méthodique). Carrière de grès.
(Syn. GRESSERIE.)

1. grésil [grezil] n. m. (déverbal de gré-


siller 1 ; 1080, Chanson de Roland). Petite
grêle fort menue et dure : La bise piquait, et
un fin grésil glissant sur les vêtements sans
les mouiller gardait fidèlement la tradition
des Noëls blancs de neige (Daudet). Sous les
ifs et les pins qu’argente le grésil (Verlaine).

2. grésil [gresil] n. m. (de grès ; 1611,


Cotgrave, écrit groisil ; grésil, 1690,
Furetière). Vx. Verre pilé et réduit en
poudre.

grésillant, e [grezijɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de grésiller 2 ; début du XXe s.). Qui
grésille : Il revoyait le visage plat, énigma-
tique, de la femme encore jeune qui, au
fond de la pièce, cassait des oeufs dans une
poêle grésillante (Martin du Gard). Laurent
nettoyait la mèche d’une petite lampe gré-
sillante (Duhamel).

• SYN. : crépitant.

1. grésillement [grezijmɑ̃] n. m. (de


grésiller 2 ; 1721, Trévoux, au sens 1 ; sens
2, 1872, Larousse). 1. Crépitement de ce qui

est saisi par un feu vif : Le grésillement de


la graisse dans la poêle. Il n’y eut plus que le
grésillement du jus qui tombait du rôti dans
la lèchefrite (Zola). ‖ 2. Crépitement ana-
logue à celui que fait le grésil en tombant :
L’imperceptible grésillement de la pluie sur
les feuilles (Bernanos). Le grésillement dans
un appareil de radio.

• SYN. : 2 friture.

2. grésillement [grezijmɑ̃] n. m. (mot


issu, après abrév., de l’anc. v. gré-sillonner,
crier, en parlant du grillon [v. 1560, Paré], de
l’anc. franç. gresillon, grillon [v. 1170, Floire
et Blancheflor], contamination de grillon et
de grésiller 2 [v. ces termes] ; 15 févr. 1862,
Revue des Deux Mondes [p. 937]). Cri du
grillon : Des criquets jaunes s’envolent sous
les pieds en faisant entendre un petit grésil-
lement singulier (Littré).

1. grésiller [grezije] v. impers. (du moyen


néerl. grîselen, grésiller, après remplace-
ment du suff. -elen par -iller et dissimilation
en -é- du -i- de la 1re syllabe ; début du XIIe s.,
H. Berger). Tomber, en parlant du grésil :
Il a grésillé ce matin.

2. grésiller [grezije] v. tr. (altér., d’après


grésiller 1, de l’anc. v. gredelier, recroque-
viller par la chaleur [v. 1398, le Ménagier
de Paris], dér. de l’anc. norm. gredil, var. de
l’anc. franç. gradil, gril [v. GRIL] ; v. 1330,
Baudoin de Sebourg, au sens de « brûler,
rôtir » ; sens moderne, v. 1560, Paré [« cau-
ser la ruine, la mort », av. 1672, G. Patin]).
Faire crépiter et racornir sous l’action du
feu ou d’une chaleur forte : Le feu grésille
le parchemin (Littré). ‖ Class. et fig. Causer
la ruine, la mort : C’est une fièvre quarte
qui l’a grésillé (Patin).

& v. intr. (sens 1, av. 1577, Belleau ; sens


2, 1848, G. Sand ; sens 3, fin du XIXe s., A.
Daudet). 1. Produire de petits crépitements
sous l’action du feu : La nuit, les braves qui
osaient risquer un oeil à ces trous, juraient
y voir des flammes, les âmes criminelles en
train de grésiller dans la braise intérieure
(Zola). Le vieil homme venait de briser la
coquille d’un oeuf et en laissa tomber le
contenu dans une grande poêle de fer où gré-
sillait un peu d’huile (Duhamel). ‖ 2. Par
anal. Faire entendre de petits crépitements
rapprochés et assez faibles : L’eau chaude
grésillait dans le samovar (Daudet). C’était
l’époque où il y avait continuellement des
raids de gothas ; l’air grésillait perpétuel-
lement d’une vibration vigilante et sonore
d’aéroplanes français (Proust). ‖ 3. Lancer
des feux, des lueurs ; pétiller : Il a vu cela,
lui, toute cette chair grassouillette et pâle,
nourrie de blancs-mangers ; et ce souvenir
fait grésiller ses petits yeux sans cils au fond
de leurs orbites (Daudet). Puis les feux des
pierreries grésillaient et mouraient. Aux
braises des gemmes succédaient les charbons
éteints des obsidiennes (Huysmans).

• SYN. : 1 crépiter, frire ; 2 bourdonner,


chanter, vibrer.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2257

3. grésiller [grezije] v. intr. (de grésil-


lement 2 ; 1913, Alain-Fournier). Crier,
bourdonner, en parlant du grillon et de
quelques insectes : Au faîte des arbres de
la grande haie grésillaient les insectes du
soir (Alain-Fournier). Ta main [...], levée
pour chasser la guêpe qui grésillait, prise
dans les boucles de mes cheveux (Colette).

grésillon [grezijɔ̃] n. m. (de grésil 2 ; 1771,


Schmidlin, aux sens de « verre pilé » et de
« farine grossière » [un 1er ex. au début du
XVIe s. dans la loc. mettre en grésillons,
écraser] ; sens actuel, 16 août 1875, Gazette
des tribunaux). Coke criblé en menus
morceaux.

grésoir [grezwar] n. m. (de gréser, groi-


ser, rogner [le verre] avec le grésoir [1676,
Félibien], dér. de grès ; 1636, Monet, écrit
groisoir ; grézoir, grésoir, 1676, Félibien).
Instrument de fer avec lequel les vitriers
rognent les pointes du verre.

• SYN. : grugeoir.

gresserie [grɛsri] n. f. (de grès ; 1639,


Mémoires de la Société de l’histoire de Paris
[XII, 282], au sens 3 ; sens 1, 1704, Trévoux ;
sens 2, 1690, Furetière). 1. Carrière de
grès. (Syn. GRÉSIÈRE.) ‖ 2. Poterie en grès.
‖ 3. Nom donné au grès oeuvré : Une tour
faite de gresserie.

gressin [gresɛ̃] n. m. (mot d’origine


obscure, qui correspond à l’ital. grissino,
même sens ; 1853, Lachâtre, écrit grei-
sin ; 1872, Larousse, écrit grissin ; gressin,
XXe s. [la var. grisse, même sens — v. 1770,
J.-J. Rousseau —, correspond à l’ital. dialec-
tal grissa]). Petit pain très friable, en forme
de baguette.

gretchen [grɛtʃɛn] n. f. (allem. Gretchen,


hypocoristique de Grete, dimin. du pré-
nom Margarete, Marguerite ; 1878,
Larousse). Jeune fille ou jeune femme
allemande : La madone est une robuste
gretchen à cheveux roux (Huysmans). Une
gretchen, en chemisette rose et tablier noir,
apparut dans l’encadrement de la porte
(Martin du Gard).

1. grève [grɛv] n. f. (prélatin *grava,


sable, gravier, d’où « grève » ; fin du XIIe s.,
Marie de France, écrit grave [grève, v. 1190,
Garnier de Pont-Sainte-Maxence], au sens 1
[« banc de sable mobile », 1866, Littré] ; sens
2, v. 1283, Beaumanoir [la Grève ; la place
de Grève, 1765, Encyclopédie, art. Paris]).
1. Terrain uni et sablonneux le long de la
mer ou d’un cours d’eau : C’est sur la grève
de la pleine mer, entre le château et le Fort
Royal, que se rassemblent les enfants ; c’est
là que j’ai été élevé, compagnon des flots
et des vents (Chateaubriand). C’était son
mari, perdu à la mer, que l’on venait de
retrouver sur la grève (Flaubert). ‖ Par
extens. Banc de sable mobile : Les grèves de
la Loire. ‖ 2. Spécialem. La place de Grève,
ou la Grève, ancienne place de Paris, auj.

place de l’Hôtel-de-Ville, où avaient lieu


les exécutions capitales.

• SYN. : 1 rivage, rive.

2. grève [grɛv] n. f. (de la loc. faire grève,


« être sans travail », issue de la Grève, n.
d’une place de Paris, au bord de la Seine, où
avaient l’habitude de se réunir les ouvriers
parisiens en chômage [v. l’art. précéd.] ;
1805, Brunot, au sens 1 [grève perlée, sur
le tas, grève tournante, XXe s. ; grève sur-
prise, grève du zèle, 1962, Larousse ; grève
sauvage, 1968, Larousse] ; sens 2, début du
XXe s. [grève de l’impôt, milieu du XXe s.] ;
sens 3, XXe s.). 1. Cessation du travail déci-
dée par une coalition de salariés en vue
d’obtenir des augmentations ou des avan-
tages : Se mettre en grève. Être en grève,
faire grève. Grève générale. Grève par-
tielle. Ses camarades s’étant mis en grève,
il quitta l’atelier et consacra ses journées
à la propagande (France). ‖ Grève perlée,
ralentissement du travail qui ne va pas
jusqu’à l’interruption. ‖ Grève sur le tas,
grève avec occupation du lieu de travail :
L’idée de la grève sur le tas paraît l’enchan-
ter (Aymé). ‖ Grève tournante, celle qui
affecte tour à tour les divers ateliers ou
services d’une entreprise. ‖ Grève sur-
prise, arrêt collectif du travail avant toute
négociation ou en cours de négociation.
‖ Grève du zèle, manifestation de mécon-
tentement qui consiste à appliquer méticu-
leusement toutes les consignes de travail,
en vue de bloquer l’activité d’un service,
d’une entreprise. ‖ Grève sauvage, arrêt
brusque de travail qui se produit en dehors
des consignes syndicales. ‖ 2. Grève de la
faim, jeûne total observé par quelqu’un en
signe de protestation. ‖ Grève de l’impôt,
refus concerté d’acquitter les contribu-
tions. ‖ 3. Refus concerté d’une coalition
de commerçants ou de membres des pro-
fessions libérales d’exercer leur activité :
Grève des boulangers, des épiciers, grève
des médecins.

• SYN. : 1 débrayage.

grever [grəve] v. tr. (lat. gravare, appe-


santir, alourdir, de gravis [v. GRAVE 1] ;
v. 1130, Eneas, au sens 1 ; sens 2, 1636,
Monet [grever son budget, 1866, Littré]).
[Conj. 5 a.] 1. Class. et littér. Causer du
chagrin, affliger (déjà vx au XVIIe s.) : Il
a été grevé par cette sentence (Furetière).
Comme ça vous grèvera d’être loin d’eux
(Theuriet). ‖ 2. Soumettre à de lourdes
charges : Qu’apportera le faible, le malade,
le paresseux, l’inintelligent dans la com-
munauté restée grevée de leur inaptitude ?
(Chateaubriand). D’après ce que m’a dit
Daniel, la propriété de votre mère est grevée
d’hypothèques (Martin du Gard). Grever un
pays de lourds impôts. ‖ Grever son budget,
s’imposer de lourdes dépenses.

• SYN. : 2 accabler, charger, écraser, oppres-


ser, pressurer, surcharger. — CONTR. : 2 allé-
ger, décharger, dégrever, détaxer, exonérer.

gréviculteur, trice [grevikyltoer, -tris]


n. (de grève 1, d’après agriculteur, horticul-
teur, etc. ; 1907, Larousse, au sens de « celui
qui s’occupe de l’entretien et de la culture
des grèves de la mer ou des fleuves » ; sens
actuel [de grève 2], 1962, Larousse). Fam.
Personne dont l’attitude vise à provoquer
des grèves.

gréviste [grevist] n. et adj. (de grève 2 ;


1821, Chateaubriand). Personne qui par-
ticipe à une grève : Paris et la province
retentissent chaque matin de la clameur
des grévistes... (Duhamel).

1. gribiche [gribiʃ] adj. (création fantai-


siste de la langue culinaire, du norm. gri-
biche, grimacier, et, comme n. f., « espèce
de croquemitaine femelle » [moyen néerl.
kribbich, grognon] ; av. 1922, Proust). Sauce
gribiche, sauce vinaigrette dans laquelle
on ajoute du jaune d’oeuf cuit et des fines
herbes : On ne se gênait guère pour l’envoyer
quérir dès qu’on avait besoin d’une recette
de sauce gribiche, ou de salade à l’ananas...
(Proust).

2. gribiche n. f. V. GRÉBICHE.

gribouillage [gribujaz] n. m. (de gribouil-


ler ; 1743, Trévoux, aux sens 1-2). 1. Fam.
Ce qui est dessiné ou peint d’une manière
maladroite, informe : Les amateurs habi-
tués à déchiffrer l’âme d’un artiste dans
ses plus rapides gribouillages (Baudelaire).
Sur ces pages, il n’y a rien que quelques gri-
bouillages de dessins (Renard). Exception
faite pour une poignée de tableaux qui le
transportaient et pour les gribouillages évi-
demment grossiers, tout lui paraissait éga-
lement intéressant et indifférent (Camus).
‖ 2. Écriture informe, illisible : Cette der-
nière page du Journal est un gribouillage
(Montherlant).

• SYN. : 1 barbouillage ; 2 gribouillis, grif-


fonnage, pattes de mouche.

gribouille [gribuj] n. m. (déverbal de


gribouiller ; 1548, Dict. général, comme
nom propre). Personne brouillonne, sotte
et naïve, qui se précipite dans les maux
qu’elle veux éviter.

gribouiller [gribuje] v. tr. (mot proba-


blem. tiré, avec remplacement par -ouiller
du suff. dimin. -elen, du néerl. kriebelen,
griffonner, fourmiller, démanger ; 1611,
Cotgrave, au sens de « gargouiller » [en
parlant des intestins] ; sens actuel, 1700
Gherardi [sans aucun doute bien plus
anc., cf. la date des dér. Gribouille et gri-
bouillis]). Peindre, dessiner, écrire d’une
manière confuse : [Il] cachait les papiers
qu’il gribouillait (Huysmans).

• SYN. : barbouiller, griffonner, peinturlurer


(fam.).

gribouilleur, euse [gribujoer, -øz] n. (de


gribouiller ; 1808, d’Hautel). Fam. Personne
qui gribouille : Avec une puissance que n’eut
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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jamais cet amusant gribouilleur [Callot]


(Huysmans).

gribouillis [gribuji] n. m. (de gribouiller ;


1532, Rabelais, comme n. pr. d’un diable,
et 1552, comme n. pr. d’un cuisinier ; 1611,
Cotgrave, au sens de « gargouillement des
intestins » ; sens actuel, 1826, Mme Celnart).
Ensemble de choses gribouillées : C’est là
le gribouillis que font les galopins sur leurs
livres de classe (Huysmans). On ne voyait
point là, bien évidemment, les taches, les
gribouillis et même les dessins que les spé-
cialistes du genre ont coutume de répandre
autour de leur prose (Duhamel).

grièche [grijɛʃ] adj. f. (emploi péjor. de


l’anc. franç. griesche, grecque [v. 1130,
Eneas], fém. de griois, grec, contamination
des anc. adj. de même sens grieu, greu [v.
1160, Benoît de Sainte-Maure, lat. graecus,
grec], et grezeis, grezois [v. GRÉGEOIS] ; v.
1220, Coincy [pour l’ortie ; pour la pie, 1553,
Revue de philologie française, XLIII, 198]).
N’est plus usité que dans les composés
ortie-grièche et pie-grièche (v. ces mots).

1. grief, griève [grijɛf, grijɛv] adj. (lat.


pop. *grevis, réfection [d’après le lat. class.
levis, léger] du lat. class. gravis, lourd,
pénible [v. GRAVE 1] ; 1080, Chanson
de Roland, au sens 1 ; sens 2, 1552, R.
Estienne). 1. Class. Dur à supporter, pénible
(déjà vx au XVIIe s.) : Non qu’il ne soit grief
que la terre possède | Ce qui me fut si cher
(Malherbe). ‖ 2. Class. Grave : La plus
griève des offenses (La Fontaine).

2. grief [grijɛf] n. m. (emploi substantivé


du précéd. ; XIIe s., Godefroy, au sens 1 ; sens
2, 1549, R. Estienne [faire grief à quelqu’un
de, début du XXe s.]). 1. Vx. Dommage que
l’on subit. ‖ 2. Motif de plainte que l’on
estime avoir contre quelque chose ou
quelqu’un : La plaignante articulait des
griefs à peine avouables (Fromentin). Le
grief imaginaire l’emportait sur l’imputa-
tion précise (Gide). ‖ Faire grief à quelqu’un
de quelque chose, le lui reprocher, lui en
tenir rigueur.

& griefs n. m. pl. (milieu du XVe s.). En


termes de droit, mémoire où l’on expose ce
en quoi on se trouve lésé par un jugement
dont on appelle : Réponse à griefs.

grièvement [grijɛvmɑ̃] adv. (de grief 1 ;


XIIe s., Godefroy, écrit griement ; griève-
ment, XIVe s. [dans l’emploi actuel, 1690,
Furetière]). Class. et littér. D’une façon
grave : Je punirais aussi grièvement de tels
falsifieurs de livres (Sorel). L’Espagnole,
grièvement soupçonnée par lui d’être la
damnable sorcière qui avait fait ce sorti-
lège-là... (Farrère). ‖ Auj. S’emploie uni-
quement avec les verbes « atteindre, blesser,
toucher » : Sur un lot de soixante-quatorze
[blessés], tous grièvement touchés, j’eus la
douleur d’en perdre quatre (Duhamel).

• SYN. : gravement. — CONTR. : légèrement.

grièveté [grijɛvte] n. f. (de grief 1 ; v.


1360, Froissart, au sens de « souffrance » ;
sens moderne, 1647, Vaugelas). Class.
Gravité (déjà vieux au XVIIe s.) : Le confes-
seur, pour peu qu’il manque de pénétra-
tion et de vigilance, ne le connaît [le péché]
qu’à demi et n’en peut discerner toute la
grièveté (Bourdaloue). Les fautes étaient
punies moins sur leur grièveté que sur leurs
conséquences (Duclos).
griffade [grifad] n. f. (de griffer ; 1564, J.
Thierry). Vx. Coup de griffe : Se défendre
contre les griffades d’un chat.

1. griffe [grif] n. f. (fém. de l’anc. franç.


grif, patte, griffe [début du XIIIe s., Yder],
de l’anc. haut allem. grîfan [v. GRIFFER] ;
v. 1500, J. Marot, au sens 1 ; sens 2, 1611,
Cotgrave ; sens 3, 1872, Larousse [montrer
les griffes, v. 1695, Fénelon ; donner un coup
de griffe à quelqu’un, 1694, Acad.] ; sens
4, av. 1659, Costar ; sens 5, 1791, Valmont
de Bomare ; sens 6, 1732, Trévoux ; sens
7, 1600, O. de Serres [« courroie munie
de crampons utilisée pour monter aux
arbres... », 1845, Bescherelle] ; sens 8-9,
1962, Larousse ; sens 10, 1798, Acad. [« ins-
trument qui sert à mettre cette empreinte »,
1839, Stendhal] ; sens 11, 1798, Acad. ;
sens 12, 1852, Flaubert). 1. Ongle crochu
et pointu de certains quadrupèdes et de
certains oiseaux : Béelzébuth [un chat],
plus agile et s’aidant de ses griffes acérées
encore, avait escaladé de l’autre côté la
botte et la cuisse de Sigognac (Gautier). Un
gros portefeuille [...] qu’il craignait de faire
écornifler par la griffe du lion (Daudet).
‖ 2. Patte, main armée d’ongles pointus
et crochus : Comme si Satan m’eût touché
de ses griffes de feu (Chateaubriand). Une
pauvresse vieille et maigre [...] allongea vers
eux sa griffe terreuse et demanda la cha-
rité (Farrère). ‖ 3. Fig. Moyen d’attaque
ou de défense dont dispose quelqu’un : Il
faut avoir des griffes, se servir le premier
(Renan). ‖ Montrer les griffes, menacer.
‖ Donner un coup de griffe à quelqu’un,
l’attaquer méchamment et sournoisement
en paroles. ‖ 4. Pouvoir dominateur et
cruel : Tomber sous la griffe de quelqu’un.
Tenir quelqu’un entre ses griffes. Cherchant,
comme l’immortel Don Quichotte, à s’arra-
cher par la vigueur de son rêve aux griffes
de l’impitoyable réalité (Daudet). ‖ 5. Par
anal. Appendice qui sert à certaines plantes
grimpantes à s’accrocher : Les griffes du
lierre. Des giroflées jaunes fleurissaient
entre les balustres, des lierres glissaient
leurs griffes blanches et poilues dans tous les
trous (Balzac). ‖ 6. Nom donné aux racines
de certaines plantes divisées en forme de
doigts : Les griffes de l’asperge. ‖ 7. Nom
que portent certains instruments, certains
outils destinés à saisir des objets variés.
‖ Courroie munie de crampons, utilisée
pour monter aux arbres, aux poteaux
des lignes électriques ou télégraphiques.
‖ 8. Outil muni de dents servant à mar-
quer les points d’une couture qui doit
être exécutée à la main. ‖ 9. Petit carré
d’étoffe apposé à l’intérieur d’un vête-
ment ou d’un chapeau, et portant le nom
du tailleur, de la couturière, de la modiste
qui l’a fait. ‖ 10. Marque, sous forme d’em-
preinte, imitant une signature, servant à
authentifier un ouvrage et à en empêcher
la contrefaçon. ‖ Instrument qui sert à
mettre cette empreinte. ‖ 11. Signature :
De sa dextre bien soignée, il les étendait
[ses signatures], griffes d’empereur, sur
la demi-largeur du papier (Courteline).
‖ 12. Fig. Signe caractéristique, marque
personnelle imprimée à un ouvrage par la
personnalité de l’auteur : Il a beau n’avoir
pas mis son nom à cet ouvrage, il y a mis
sa griffe (Acad.).

• SYN. : 1 serre ; 4 carcan, coupe, domina-


tion, empire, étreinte, férule (fam.) ; 5 cram-
pon, vrille ; 10 estampille, sceau ; cachet,
timbre ; 12 cachet, marque, sceau.

2. griffe [grif] adj. et n. (de griffe 1, après


une évolution sémantique obscure ; 1752,
Trévoux). Se dit, en Amérique centrale,
d’un métis de noir et de mulâtre : Il rencon-
tra un nombre incalculable de négresses, de
mulâtresses, de quarteronnes, de métisses,
de griffes (Gautier).

griffer [grife] v. tr. (anc. haut allem. grîfan,


griffer, altér. du francique *grîpan, saisir,
agripper [v. GRIPPER] ; 1386, Du Gange,
au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré). 1. Marquer,
égratigner d’un coup de griffe ou d’ongle :
Si tu cessais de m’aimer, je te sauterais après,
je te grifferais (Hugo). Une femme habituée
[...] à griffer tous les coeurs sans que le sien
saigne un peu a toujours plus de sang-froid
qu’un homme (Mérimée). ‖ 2. Par extens.
Égratigner à l’aide de quelque objet pointu :
Jambes griffées par les ronces.

• SYN. : 2 écorcher, érafler.

griffeton n. m. V. GRIVETON.

griffeur, euse [grifoer, -øz] n. et adj. (de


griffer ; début du XXe s.). Qui griffe : Un
griffeur redoutable.

1. griffon [grifɔ̃] n. m. (de l’anc. franç.


grif, griffon [XIIIe s.], grife [v. 1213, Fet des
Romains], bas lat. ecclés. gryphus, griffon
[animal fabuleux], lat. class. grypus, var. de
gryps, grypis, même sens, gr. grups, gru-
pos, griffon, dér. de l’adj. grupos, crochu,
recourbé ; 1080, Chanson de Roland, écrit
grifon [griffon, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2,
1660, Oudin ; sens 3, 1672, Sacy). 1. Animal
fabuleux qui avait le corps d’un lion, la tête
et les ailes d’un aigle, les oreilles d’un che-
val et une crête en nageoires de poisson : Le
griffon qui était le monstre de l’air (Hugo).
‖ 2. Chien de chasse ou d’agrément à poil
long et rude au toucher : Pour l’attaque
du sanglier et les refuites périlleuses, il y
avait quatre griffons poilus comme des ours
(Flaubert). ‖ 3. Nom usuel du vautour
fauve et d’autres oiseaux de proie.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2259

2. griffon [grifɔ̃] n. m. (de griffe 1 ; 1642,


Gay, au sens de « lime à bord dentelé dont se
servent les tireurs d’or » ; sens actuel, 1866,
Littré [en anc. provenç., grifon, « croc », est
apparu dès le début du XVe s.]). Hameçon
double qui sert à pêcher le brochet.

3. griffon [grifɔ̃] n. m. (même mot que


griffon 1, les anc. robinets des sources
thermales étant souvent ornés de têtes de
griffons ; 1866, Littré). Endroit où jaillit
une source minérale : Température de l’eau
prise au griffon. Je me débarbouillais au
griffon de la source (Arnoux).

griffonnage [grifɔnaʒ] n. m. (de grif-


fonner ; début du XVIIe s., au sens 1 ; sens
2, 1657, Gombauld ; sens 3, 1738, Piron
[pour un ouvrage de peinture, 1690,
Furetière]). 1. Écriture tracée comme à
coups de griffe, illisible par suite de son
manque de soin : Les cloisons tachées et
nues étaient barbouillées de la prose et
des vers de mes devanciers, et surtout du
griffonnage d’une femme qui disait force
injures au juste-milieu (Chateaubriand).
‖ 2. Le texte lui-même mal écrit : Que de
papier ! Que d’encre ! Que de griffonnages !
(Hugo). ‖ 3. Fig. Ouvrage mal écrit, par
manque de soin ou d’adresse, ou rédigé
trop hâtivement.

• SYN. : 1 gribouillage, gribouillis, pattes de


mouche ; 2 barbouillage ; 3 grimoire.

griffonnement [grifɔnmɑ̃] n. m. (de grif-


fonner ; 1609, J.-P. Camus). Dans le voca-
bulaire des beaux-arts, ébauche, modèle
de cire ou de terre.

griffonner [grifɔne] v. tr. (de griffer ; 1555,


Vaganay, aux sens 1-2 [« faire des griffon-
nages », 1676, Mme de Sévigné] ; sens 3, fin
du XVIIe s., Mme de Sévigné). 1. Écrire à la
hâte, sans soin, d’une manière désordonnée
et confuse : Je lui griffonne mon nom et
mon adresse sur un bout de papier (Vallès).
‖ 2. Dessiner, esquisser hâtivement et
grossièrement. ‖ Absol. Faire des grif-
fonnages : Toute la journée, il griffonnait
sur ses genoux (France). ‖ 3. Écrire trop
hâtivement : Des problèmes obscurs [...] qui
font griffonner aux pédants | Tant d’affreux
in-quarto, ruine du libraire (Hugo).

• SYN. : 1 gribouiller ; 2 barbouiller, crayon-


ner, peinturlurer (fam.).

griffonneur, euse [grifɔnoer, -øz] n. (de


griffonner ; XVIe s., Dict. gén., aux sens 1-2).
1. Personne qui griffonne. ‖ 2. Mauvais
écrivain.

griffonnis [grifɔni] n. m. (de griffonner ;


1642, Oudin, au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré).
1. Esquisse à la plume. ‖ 2. Gravure qui a
l’aspect d’une esquisse à la plume.

griffu, e [grify] adj. (de griffe 1 ; milieu


du XVIe s., Ronsard). Armé de griffes :
Béelzébuth, de sa patte griffue, récla-
mait toujours quelque nouveau rogaton
(Gautier).

griffure [grifyr] n. f. (de griffer ; 23 déc.


1875, Journ. officiel). Marque laissée par
une griffe, un ongle ou une chose ana-
logue : Une griffure ensanglantait les ailes
de son nez (Hervieu). Une griffure sur une
reliure, sur un tableau.

• SYN. : écorchure, égratignure, éraflure.

grifton n. m. V. GRIVETON.

grigne [griɲ] n. f. (déverbal de grigner ; fin


du XIIe s., écrit grinne [grigne, XIIIe s.], au
sens de « mécontentement, inimitié » ; sens
1, 1829, Boiste ; sens 2, 1845, Bescherelle
[« grignon du pain », 1694, Ménage] ; sens
3, 1782, Encycl. méthodique). 1. Inégalité
du feutre. ‖ 2. Fente que les boulangers
tracent en long sur le pain ou qui se forme
à la cuisson. ‖ 3. Couleur dorée du pain
bien cuit.

grigner [griɲe] v. intr. (du francique


*grînan, faire la moue, avec -gn- dû à l’in-
fluence de grogner ; v. 1170, Fierabras, écrit
gringnier, au sens de « froncer [les mous-
taches] » ; écrit grigner, au sens 1, v. 1360,
Froissart [grinier, « froncer la figure », v.
1174, E. de Fougères] ; sens 2, 1900, Dict.
général). 1. Vx. Plisser les lèvres en mon-
trant les dents : Napoléon grignait les dents
à l’univers entier (Roupnel). ‖ 2. Faire des
faux plis : Une étoffe qui grigne.

• SYN. : 2 goder, grimacer.

1. grignon [griɲɔ̃] n. m. (de grigner, parce


que, le plus souvent, on grignote le croûton
du pain et que, ce faisant, on plisse les lèvres
en montrant les dents ; 1564, J. Thierry, au
sens 1 ; sens 2, XVIIIe s., Brunot). 1. Morceau
coupé à l’entamure du pain, du côté où il y
a le plus de croûte : C’était la petite Rousille,
qui mordait un grignon de pain donné par
Eléonore (R. Bazin). ‖ 2. Tourteau d’olives.
• SYN. : 1 croûton.

2. grignon [griɲɔ̃] n. m. (provenç.


grignoun, étalon, jeune cheval entier,
mot d’origine obscure ; fin du XIXe s., A.
Daudet). Dialect. Étalon : Les grignons de
Camargue galopaient, la crinière au vent,
balayant l’herbe fine de leurs longues
queues (Daudet).

grignotement [griɲɔtmɑ̃] n. m. (de


grignoter ; 1863, Th. Gautier, au sens 2 ;
sens 1, 1907, Larousse). 1. Action de grigno-
ter. ‖ 2. Bruit produit en grignotant : On
entendait par intervalles le grignotement
des souris (Flaubert).

• REM. On dit aussi GRIGNOTAGE (1922,


Larousse).

grignoter [griɲɔte] v. tr. (de grigner


[v. ce mot et GRIGNON 1] ; v. 1534, Des
Périers, au sens 1 ; sens 2, 1846, Balzac ;
sens 3, 1690, Furetière). 1. Manger petit à
petit, du bout des dents, en rongeant : Elle
grignotait quelques noisettes (Flaubert).
Des enfants rougeauds qui se traînent par
terre en grignotant des tartines (Taine). M.
Chasles, planté devant la porte, grignotait

un quignon de pain, et s’effaçait pour


laisser successivement passer les autres
devant lui (Martin du Gard). ‖ 2. Par
anal. Amoindrir petit à petit les forces
de quelqu’un, gagner sur lui peu à peu :
Le commandant se vantait de grigno-
ter l’ennemi (Romains). ‖ 3. Fig. et fam.
Faire des petits profits : Habile homme qui
trouve toujours à grignoter quelque chose
(Gautier). Une opération dans laquelle
tout le monde trouvera à grignoter quelque
chose.
grignoteur, euse [griɲɔtoer, -øz] adj.
et n. (de grignoter ; milieu du XVIe s.). Qui
grignote : Quant au grignoteur matinal de
la miche de pain, il ne pouvait nullement
savoir d’où il venait (L. Daudet).

& grignoteuse n. f. (1879, A. Daudet).


Vx. Demi-mondaine : D’illustres décavés
de l’Empire se faufilent dans ces « vieux
partis » [...], et même, si triée que soit
l’assemblée, quelques grignoteuses des
« premières », célèbres par leurs attaches
monarchiques, s’y sont glissées en toilettes
simples (Daudet).

grignotis [griɲɔti] n. m. (de grignoter ;


début du XVIe s., au sens de « ce qu’on gri-
gnote » ; sens 1, 1788, Encycl. méthodique ;
sens 2, XXe s.). 1. Taille en traits courts
que fait le graveur pour rendre les objets
rugueux (rochers, troncs d’arbres, etc.).
‖ 2. Bruit léger que l’on fait en grignotant
(rare) : Des rats qui trouaient les planches
avec un vague grignotis grêle, aigu, inter-
minable (Moselly).

• SYN. : 2 grignotement.

grigou [grigu] n. m. (languedocien gri-


gou, gredin, ou gascon gregoun, même sens
[début du XVIIe s.], dér. de grec [lat. graecus,
grec], qui, dans le midi de la France, avait
pris le sens de « filou » ; av. 1650, Molière).
Fam. Personne d’une avarice sordide :
Votre oncle n’est qu’un grigou qui ne pense
qu’à ses provins (Balzac). Ce vieux grigou
d’Esparvieu, qui écorcherait une puce pour
avoir la peau ! (France).

• SYN. : grippe-sou (fam.), harpagon, ladre.

grigouterie [grigutri] n. f. (de grigou ;


1934, Montherlant). Attitude de grigou
(rare) : Il voyait M. Octave alterner la gri-
gouterie et la magnificence (Montherlant).

gri-gri ou grigri [grigri] n. m. (mot afri-


cain, d’origine obscure ; 1557, Thevet, au
sens de « diable, esprit malin » [écrit gri
gri] ; av. 1637, A. Beaulieu, au sens de « idole
représentant un diable » [écrit grigri] ; sens
actuel, 1637, A. de Saint-Lô [écrit gris-gris ;
grigri, 1643, Jannequin]). Nom africain des
amulettes et talismans vendus par les sor-
ciers et destinés à conjurer le mauvais sort :
Mais Jack ne savait pas ce que c’était qu’un
« gri-gri » et l’autre lui expliqua qu’on appe-
lait ainsi une amulette ; quelque chose pour
porter bonheur (Daudet). Il lui fit cadeau
d’une boîte en peau d’onagre avec un grelot
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2260

grigri qu’il suffisait de faire sonner pour


écarter les souvenirs d’amour (Giraudoux).
• SYN. : amulette, fétiche, porte-bonheur,
talisman.

• REM. L’orthographe courante du plu-


riel est gris-gris ou grisgris : Salavin ne se
contente pas de montrer les livres comme
des gris-gris souverains ; il les ouvre, il
les questionne (Duhamel). La foule nègre
couverte de grisgris et d’ornements sau-
vages (Loti). On trouve parfois au singu-
lier l’orthographe gris-gris.

gril [gril ou gri] n. m. (forme masc. de


grille [v. ce mot] ; fin du XIe s., Gloses de
Raschi, écrit gradil [graïl, v. 1190, Marie
de France ; greïl, v. 1280, Godefroy ; gril,
XIVe s., Laborde], au sens 1 [gril de Saint-
Laurent, 1872, Larousse ; être sur le gril,
1740, Acad.] ; sens 2, 1866, Littré [aussi au
théâtre et en batellerie ; gril costal, 1962,
Larousse]). 1. Ustensile de cuisine à tiges
métalliques parallèles, destiné à être placé
sur un feu vif pour faire griller certains
mets. ‖ Gril de saint Laurent, gril sur lequel
ce martyr fut condamné à périr carbonisé :
La bannière des rôtisseurs, sur laquelle un
beau saint Laurent était brodé avec son gril
(France). ‖ Fig. Être sur le gril, être dans
un état de vive impatience mêlée d’anxiété.
‖ 2. Par anal. Claire-voie en amont d’une
vanne, destinée à retenir les immondices.
‖ Plancher à claire-voie au-dessus du cintre
d’un théâtre, servant au passage des décors.
‖ Chantier à claire-voie établi sur la rive
d’un cours d’eau, et sur lequel les bateaux
sont placés pour être nettoyés ou carénés.
‖ Gril costal, la cage thoracique.

grillade [grijad] n. f. (de griller 2 ; 1644,


Scarron, au sens 2 ; sens 1, 1694, Acad.).
1. Vx. Manière de préparer un mets sur
le gril : Côtelette de mouton à la grillade.
‖ 2. Viande préparée sur le gril : Une
grillade de porc.

1. grillage [grijaʒ] n. m. (de griller 1 ou


de grille ; 1739, Dict. général, au sens 1 [un
premier ex. au milieu du XIVe s.] ; sens 2,
1866, Littré ; sens 3, 1802, Flick). 1. Treillis
plus ou moins serré de fils de fer, utilisé
pour protéger ou obstruer une ouverture,
pour enclore un terrain, pour fabriquer
des cages, etc. : La femme peut, tout au
plus, passer les doigts à travers le grillage
en barreaux quadrillés (Fromentin).
‖ 2. Barreaux qui servent à retenir le pois-
son d’un étang. ‖ 3. Charpente à claire-
voie qui sert à soutenir des fondations dans
l’eau ou dans la glaise.

2. grillage [grijaʒ] n. m. (de griller 2 ;


1753, Histoire de l’Acad. des sciences, au
sens 1 ; sens 2, 1845, Bescherelle ; sens 3,
1757, Encyclopédie). 1. Action de griller :
Le grillage du café. ‖ 2. Spécialem. Action
de passer les étoffes sur la flamme pour les
débarrasser de leurs déchets. ‖ 3. Action de
chauffer un minerai dans un courant d’air.

grillager [grijaʒe] v. tr. (de grillage 1 ;


1845, Bescherelle). [Conj. 1 b.] Fermer par
un grillage, ou entourer d’un grillage :
Des fenêtres toutes petites, muettes, tristes,
grillagées (Daudet). Des courts grillagés
(Pourrat).

• SYN. : griller.

grillageur [grijaʒoer] n. m. (de grillager ;


1845, Bescherelle). Celui qui fabrique, pose
des grillages.

grille [grij] n. f. (lat. craticula, petit gril,


dimin. de cratis, claie, treillis ; v. 980,
Passion du Christ, écrit gradilie [gradille,
fin du XIe s., Gloses de Raschi ; graïlle et
greille, XIIIe s. ; grille, XVe s.], au sens de
« gril » ; sens 1, 1402, Godefroy [écrit
crille ; grisle, 1466, Godefroy ; grille, 1508,
Comptes du château de Gaillon ; grille
de prison, 1839, Balzac ; grille de parloir,
1660, Oudin — « le parloir lui-même »,
1694, Acad. ; être derrière les grilles, XXe s.
— être sous les grilles, même sens, av.
1834, Béranger ; grisle, « prison », v. 1460,
Villon] ; sens 2, 1694, Th. Corneille [« par-
tie mobile d’une grille servant de porte »,
1859, V. Hugo] ; sens 3, 1680, Richelet ; sens
4 et 6, 1866, Littré ; sens 5 et 7-8, début
du XXe s. ; sens 9, 1962, Larousse ; sens 10,
7 sept. 1966, le Monde [grille de salaires,
8 juill. 1964, le Monde]). 1. Assemblage de
barreaux verticaux ou entrecroisés servant
à fermer une ouverture ou à établir une
séparation : Une fenêtre avec une grille en
roseaux s’ouvrait sur la vallée de la Laconie
(Chateaubriand). Cette église s’élevait sur
une place étroite et sombre, près de la grille
du Palais (France). Le lit, dans une alcôve
qu’une petite grille de bois ferme (Hermant).
‖ Grille de prison, de parloir, séparation à
claire-voie qui sépare les prisonniers ou les
religieux de leurs visiteurs ; par extens., le
parloir lui-même. ‖ Être derrière les grilles,
être prisonnier. ‖ 2. Par anal. Clôture faite
de barreaux métalliques plus ou moins
ouvragés : Dans un énorme jardin clos
de grilles, croissent beaucoup d’arbres des
pays (Gide). ‖ Spécialem. Partie mobile
d’une grille servant de porte : Le pêne
grince à la grille rouillée (Samain). Sonner
à la grille. ‖ 3. Support formé de barres
de fer et destiné à recevoir le combustible
solide d’un foyer : La grille d’un fourneau,
d’une cuisinière. ‖ 4. Récipient en forme
de corbeille, formé de barreaux de fonte
assez rapprochés et muni de pieds, dans
lequel on brûle du charbon. ‖ 5. Électrode
en forme de grille, d’une lampe de radio.
‖ 6. Carton présentant des jours conven-
tionnels destinés à écrire ou lire les cryp-
togrammes : Nous échangions des lettres
bizarres, mystérieuses, cryptographiées, et
qu’on ne pouvait lire qu’à l’aide d’une grille
ou d’une clef (Gide). ‖ 7. Fig. Ce qui permet
de découvrir le sens obscur ou caché de
quelque chose : Les racines du langage sont
un chiffre dont la grille peut vous apparaître
(L. Daudet). ‖ 8. Quadrillage servant pour

le jeu des mots croisés. ‖ 9. En statistique,


tableau rectangulaire à double entrée, per-
mettant de comparer les variations d’un
phénomène durant des périodes de temps
différentes. ‖ 10. Tableau représentant
un ensemble de faits : Une grille de pro-
grammes de radio, de télévision. ‖ Grille
de salaires, nomenclature des catégories de
postes et de leur rémunération dans une
profession, dans une entreprise.

1. grillé, e [grije] adj. (part. passé de gril-


ler 1 ; v. 1540, Yver). Protégé, fermé par une
grille : Un petit guichet grillé (Flaubert). On
rencontre, à droite sur la route en entrant
à Liesse, trois ormes autour d’une chapelle
grillée (France).

• SYN. : grillagé.

2. grillé, e [grije] adj. (part. passé de


griller 2). Rôti sur le gril ou d’une autre
manière : Viande grillée. Amandes grillées.
Du café non grillé.

grille-pain [grijpɛ̃] n. m. invar. (de grille,


forme du v. griller 2, et de pain ; 1872,
Larousse). Appareil qui sert à griller des
tranches de pain.
1. griller [grije] v. tr. (de grille ; milieu
du XVe s., au sens 1 ; sens 2, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné [« enfermer dans un cou-
vent », 1740, Acad.]). 1. Protéger, fermer
à l’aide d’une grille : Griller des vitraux.
‖ 2. Vx. Enfermer dans un lieu garni de
grilles, et, spécialem., dans un couvent.

• SYN. : 1 grillager.

2. griller [grije] v. tr. (de grille [v. ce mot],


au sens anc. de « gril » ; v. 1175, Chr. de
Troyes, écrit graeillier [griller, XVIe s.], au
sens 1 ; sens 2, 1534, Rabelais ; sens 3, 1580,
Montaigne ; sens 4, 1900, Dict. général ; sens
5, 1845, Bescherelle ; sens 6, XXe s. ; sens 7,
fin du XIXe s., A. Daudet [griller une ciga-
rette ; en griller une, av. 1872, Th. Gautier] ;
sens 8, 1835, Acad. ; sens 9, 1611, Cotgrave
[par la chaleur ; par le gel, 1866, Littré] ;
sens 10 et 12, XXe s. ; sens 11, 1907, Esnault ;
sens 13, 1930, Larousse [affaire grillée, 1921,
Esnault]). 1. Faire cuire, rôtir sur un gril :
Griller un bifteck. ‖ 2. Faire cuire par un
procédé quelconque à sec et sur un feu de
braise : Griller des marrons. Assis dans
l’herbe, autour d’un brasier, ils grillaient sur
les charbons des tranches d’agneau (Zola).
‖ 3. Brûler par contact avec la flamme ou
avec un objet incandescent : Griller une
nappe avec sa cigarette, du linge avec un
fer à repasser trop chaud. Laisse-moi par-
ler à mon amie, sinon je traînerai par la
barbe ta carcasse obscène jusque dans ce
feu où je te grillerai comme une andouille
(France). ‖ 4. Spécialem. Faire passer à
la flamme des toiles ou des fils pour en
ôter le duvet. ‖ 5. Oxyder par chauffage
dans un courant d’air : Griller un minerai.
‖ 6. Chauffer sur un feu vif pour provo-
quer une carbonisation incomplète : Griller
du café, des cacahuètes. ‖ 7. Fam. Griller
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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une cigarette, en griller une, fumer une


cigarette : On riait, on causait, on grillait
des cigarettes, la cuisine infernale se faisait
gaiement (Daudet). Se promettant d’en gril-
ler une, dès que Seurrot aurait le dos tourné
(Theuriet). ‖ 8. Chauffer très fortement :
Debout devant la cheminée, grillant ses
jambes (Zola). ‖ 9. Par anal. Dessécher,
racornir par un excès de chaleur ou de
froid : Il traverse un grand pré que grille le
soleil (Renard). L’été torride a grillé ces hor-
tensias. La gelée a grillé les jeunes pousses.
‖ 10. Mettre hors d’usage par un court-
circuit ou un excès de tension : Griller un
fer électrique, une ampoule. ‖ Fam. Mettre
hors d’usage par un échauffement exces-
sif, une utilisation défectueuse : Griller un
moteur. ‖ 11. Fig. et fam. Parvenir à passer
devant quelqu’un, à le devancer ou à le sup-
planter : Griller un concurrent. ‖ 12. Fam.
Griller un feu rouge, le franchir sans s’y
arrêter. ‖ 13. Pop. Être grillé, avoir perdu
la confiance d’autrui ; avoir été démasqué,
reconnu. ‖ Affaire grillée, affaire manquée.
• SYN. : 6 torréfier ; 8 rôtir ; 9 brouir ;
11 dépasser, devancer, doubler, enfoncer
(fam.), gratter (fam.) ; 12 brûler (fam.).

& v. intr. (sens 1, 1675, Widerhold ; sens 2,


av. 1778, Voltaire ; sens 3, 1546, Rabelais).
1. Rôtir sur un gril ou autrement : Il les
prenait une à une [les têtes de bécasse] et les
faisait griller sur la chandelle (Maupassant).
‖ 2. Par exagér. Être exposé à une très
grande chaleur. ‖ 3. Fig. Griller d’envie
de ou simplem. griller de (et l’infinitif),
être en proie au désir de, être impatient
de : Les petites Cardinal grillaient d’envie
d’aller dîner au Café anglais (Halévy). Nous
grillons de vous entendre ! (Giraudoux).
• SYN. : 2 cuire, rôtir ; 3 brûler de.

grilloir [grijwar] n. m. (de griller 2 ; 1829,


Boiste, au sens de « fourneau pour gril-
ler les toiles » ; sens 1-2, 1962, Larousse).
1. Appareil servant à griller le café.
‖ 2. Appareil pouvant servir à rôtir tout
mets devant être bien saisi.

grillon [grijɔ̃] n. m. (var. de l’anc. franç.


grillet, grillon [fin du XIIe s., Marie de
France], dér. d’une forme non attestée *gril,
lat. grillus, grillon ; 1372, Cor-bichon). Petit
insecte fouisseur des lieux chauds et obs-
curs, et dont les élytres, par leur frottement,
produisent une stridulation comparable
à un chant : Ce soir, ce sera Cendrillon |
Causant près du feu qu’elle attise | Avec son
ami le grillon (Gautier). Ils entendaient,
dans le grand silence, la crécelle infatigable
du grillon (France).

1. grillot [grijo] n. m. (var. de grillet,


grillon [v. l’art. précéd.] ; 1690, Furetière).
Syn. pop. de GRILLON.

2. grillot [grijo] n. m. (de griller 2 ; 1765,


Encyclopédie, XVII, 144 b). Perche de bois
pour maintenir les glaces dans le four à
recuire.
grill-room [grilrum] n. m. (mot angl.,
de to grill, griller, faire cuire sur le gril
[empr. du franç. griller 2], et de room,
chambre, salle [anglo-saxon rūm] ; 1893,
Fr. Mackenzie). Restaurant où l’on grille
viandes et poissons sous les yeux des
consommateurs : Toute une famille de
bandits, cachés dans les cavernes des grill-
rooms (Morand).

• Pl. des GRILL-ROOMS.

grillure [grijyr] n. f. (de griller 2, d’après


brûlure ; 1923, A. de Châteaubriant, au
sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. Résultat
de l’action de griller, endroit grillé :
Elle s’était assise là encore aujourd’hui
contre le buisson, dans la landèche déjà
toute frisée par les grillures des canicules
(A. de Châteaubriant). ‖ 2. Sur les feuilles
de la vigne, symptôme d’attaque d’un
champignon qui produit la moisissure
grise.

grilthérapie [grilterapi] n. f. (de gril[le]


et de [radio]thérapie ; 1962, Larousse).
Procédé de radiothérapie dans lequel on
emploie des grilles protectrices pour ne
pas atteindre les tissus sains environnants.

grimaçant, e [grimasɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de grimacer ; 1694, Boileau, à
propos de souliers déformés ; 1769, Voltaire,
au sens de « disparate, peu harmonieux »
[en parlant d’un tableau] ; sens 1, milieu
du XIXe s., Baudelaire ; sens 2, 1866, Littré).
1. Qui fait une grimace : Morache arrive au
cantonnement, blanc de colère, plus grima-
çant que jamais (Dorgelès). ‖ Déformé par
la grimace : Ses lèvres se détendirent, son
visage prit une expression grimaçante, celle
de l’enfant qui va éclater en larmes (Martin
du Gard). Le masque grimaçant de la haine
qui souffre (Hugo). ‖ 2. Se dit d’un tissu qui
fait un mauvais pli : Une robe grimaçante.

grimace [grimas] n. f. (mot issu, par


substitution du suff. péjor. -asse à la finale
-uche, de l’anc. franç. grimuche, figure
grotesque [fin du XIIe s., J. Bodel], dér. du
francique *grīma, masque ; fin du XIVe s.,
E. Deschamps, au sens 1 [« expression du
visage qui traduit un sentiment », 1580,
Montaigne ; faire la grimace — à quelque
chose —, av. 1848, Chateaubriand ; faire la
grimace — à quelqu’un —, 1653, Livet] ;
sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1632,
Corneille [« démonstrations habilement
calculées pour en faire accroire », av. 1662,
Pascal ; « manières affectées, minauderies »,
1663, Molière] ; sens 4, 1387, Prost [« boîte
de pains à cacheter dont le couvercle sert
de pelote à épingles », 1721, Trévoux]).
1. Contorsion du visage, volontaire ou
non, résultant de la contraction de certains
muscles de la face : Jamais singe ne fit plus
de gambades, de grimaces (Mérimée). Il
s’agissait de terrifier par une brusque gri-
mace les petites filles malingres (Cocteau).
Faire une grimace sous l’effet de la dou-
leur. ‖ Expression du visage qui traduit

un sentiment : Grimace de fureur (Daudet).


‖ Faire la grimace à quelque chose, ou
simplem. faire la grimace, marquer par
l’expression de son visage un sentiment
de répugnance pour quelque chose : Les
cantaloups mûrirent. Au premier, Bouvard
fit la grimace (Flaubert). Mon hôte riait de
la grimace que je faisais au vin [...] de l’At-
tique (Chateaubriand). ‖ Faire la grimace
à quelqu’un, ou simplem. faire la grimace,
manifester par une attitude fermée, par
un accueil froid son antipathie à l’égard
de quelqu’un : Le professeur fit la grimace
et tout de suite me prit en aversion. Depuis
lors, quand il me parla, ce fut toujours du
bout des lèvres, d’un air méprisant (Daudet).
‖ Fam. Faire la soupe à la grimace, en par-
lant de l’épouse, mal accueillir son mari
à son retour à son foyer. ‖ 2. Mauvais pli
d’un vêtement : La manche de cette robe
fait des grimaces. ‖ 3. Fig. Attitude feinte
pour tromper autrui : Si Numa tenait à
aller à l’église, elle l’accompagnerait [...],
sans toutefois consentir au mensonge, à la
grimace de croyances qu’elle n’avait plus
(Daudet). ‖ Spécialem. Démonstrations
habilement calculées pour en faire accroire,
en imposer (le plus souvent au plur.) : Avec
des doigts levés en l’air et des grimaces | Il
prétendait guérir malades et blessés (Hugo).
‖ (Au plur.) Manières affectées, minau-
deries faites à dessein : Les grimaces de la
politesse. Frédéric, habitué aux grimaces
de bourgeoises provinciales, n’avait vu
chez aucune femme une pareille aisance
de manières (Flaubert). Les grimaces des
salons (Montherlant). ‖ 4. Figure gro-
tesque sculptée principalement sous les
miséricordes des stalles d’église, surtout au
XVe s. ‖ Vx. Boîte de pains à cacheter dont
le couvercle servait de pelote à épingles :
Une grimace en carton pleine de pains à
cacheter (Hugo).

• SYN. : 1 moue, rictus ; 3 comédie (fam.),


frime (fam.), momerie ; simagrées, singe-
ries ; cérémonies, manières, mines.
grimacer [grimase] v. intr. (de grimace ;
milieu du XVe s., écrit grimacher [grima-
cer, 1611, Cotgrave], au sens 1 [en parlant
d’une figure peinte ou sculptée, 1900, Dict.
général] ; sens 2, v. 1690, Boileau ; sens 3,
1669, Boileau [« faire des minauderies »,
début du XXe s.]). [Conj. 1 a.] 1. En par-
lant d’une personne, faire des grimaces,
volontairement ou non : M. de Gabaret qui
voulut sourire, mais grimaça seulement,
car le moignon de son bras droit lui faisait
grand mal (Farrère). La bande infernale [...]
courait [...], grimaçait, semant la panique
(Cocteau). ‖ Présenter une déformation
exagérée des traits, en parlant d’une figure
peinte ou sculptée : Une caricature, une
gargouille qui grimace. ‖ 2. Faire de faux
plis : Mon veston grimace dans le dos.
‖ 3. Fig. Prendre une attitude feinte, n’être
pas naturel : Tout ce qui fait grimacer la
nature de l’homme me semble peu digne
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2262

d’estime (Chateaubriand). ‖ Spécialem.


Faire des minauderies : C’est malheureux
[...]. Si jeunes que vous soyez, vous autres
femmes, vous ne pouvez pas vous passer de
grimacer (Bernanos).

& v. tr. (1608, M. Régnier, au sens de


« réciter [des vers] en grimaçant » ; sens 1,
av. 1854, Nerval ; sens 2, 1669, Chapelain).
1. Présenter un aspect d’une façon défor-
mée, grimaçante : Toujours ces deux files
d’arbres monotones qui grimacent des
formes vagues (Nerval). ‖ 2. Simuler
caricaturalement, feindre en grima-
çant : Jouant passablement la colère et la
fierté, mais toujours grimaçant l’amour
(Goncourt). L’autre avait beau grimacer
son plus aimable sourire, parler de cette jolie
dame de là-bas et d’une certaine tranche de
jambon, le charme magique n’opérait plus
(Daudet). Les lèvres du pilote grimacèrent
un rapide sourire (Martin du Gard).

grimacerie [grimasri] n. f. (de grima-


cer ; 1668, La Fontaine). Class. Ensemble
de grimaces : Le singe aussi fit l’épreuve
en riant ; | Et par plaisir la tiare essayant,
| Il fit autour force grimaceries, | Tours de
souplesse, et mille singeries (La Fontaine).

grimacier, ère [grimasje, -ɛr] adj. et n.


(de grimace ; 1580, L. Trippault, comme n.
m., au sens de « sculpteur de grotesques » ;
comme adj. et n., au sens 1, 1660, Oudin ;
sens 2, 1665, Molière [« qui exagère les
démonstrations de sentiments, minaudier »,
1690, Furetière — en parlant d’une femme,
1835, Acad.]). 1. Qui fait habituellement des
grimaces : Un singe, un enfant grimacier. Il
vient gaiement suivi d’un bouffon grima-
cier (Hugo). M. de Funchal, ambassadeur
demi-avoué du Portugal, est ragotin, agité,
grimacier (Chateaubriand). ‖ 2. Fig. Qui
simule un sentiment, hypocrite : Birotteau
se sentit atteint aussi avant dans le coeur par
cette froide et grimacière obligeance que par
la dureté de Keller (Balzac). ‖ Spécialem.
Qui exagère les démonstrations de senti-
ments, minaudier : Maîtresse de maison
très grimacière.

• SYN. : 2 affecté, comédien ; chichiteux


(pop.), maniéré, précieux.

grimage [grimaʒ] n. m. (de grimer ; 1858,


Baudelaire, aux sens 1-2). 1. Action de gri-
mer ou de se grimer : Le grimage de l’acteur
se fait juste avant l’entrée en scène. ‖ 2. Le
masque grimé : Le grimage n’était pas que
superficiel, mais incarné (Proust). Et ce que
le plâtre de mon grimage peut éclater de
blancheur ! (Giraudoux).

• SYN. : 1 maquillage ; 2 fard.

1. grimaud [grimo] n. m. (emploi iro-


nique [peut-être sous l’influence de gri-
moire] du n. pr. Grimaud, francique
*Grimwald, dér. de *grima, masque [v.
GRIMACE] ; 1480, Recueil Trepperel, écrit
grimault [grimaud, 1611, Cotgrave], au
sens 1 ; sens 2, 1622, Garasse [« mauvais
écrivain », 1664, Boileau]). 1. Class. et littér.

Élève des basses classes ou élève ignorant :


Mon esprit, beaucoup plus dispos | Qu’un
Grimaud lorsqu’il a campos | Quittera la
robe charnelle (Saint-Amant). Des abrégés
pour les petits grimauds d’école (France).
‖ 2. Vx. Pédant encroûté qui n’a pas bien
digéré l’enseignement du collège, cuistre :
Il n’y a pas de grimaud sortant du collège
qui n’ait rêvé être le plus malheureux des
hommes ; de bambin qui à seize ans n’ait
épuisé la vie, qui ne se soit cru tourmenté
par son génie (Chateaubriand). ‖ Class.
Mauvais écrivain : Hélas ! que les temps sont
changés, les moindres grimauds veulent à
présent écrire contre moi (Ménage). Allez,
petit grimaud, barbouilleur de papier
(Molière).
& adj. (1834, Balzac). Vx et pop. D’humeur
chagrine, maussade : Je devins naturelle-
ment très grimaud et ne sachant que faire
de ma personne (Balzac).

• REM. La forme féminine d’adjectif


grimaude se rencontre rarement : Et
l’engeance grimaude et la race pédante
(Hugo).

2. grimaud [grimo] n. m. (emploi iro-


nique de grimaud 1 ou dér. du francique
*grīma, masque [v. GRIMACE] ; 1611,
Cotgrave). Nom usuel de la hulotte.

grimaudage [grimodaʒ] n. m. (de gri-


maud ; 1622, Sorel). Class. Radotage pédan-
tesque : Ôtez-vous donc de l’esprit tout ce
« grimaudage » d’une femme blessée d’une
grande plaie : elle est très petite (Sévigné).
• REM. On a dit aussi grimauderie
(v. 1534, B. Des Périers).

grime [grim] n. m. (de [faire la] grime,


[faire la] moue [1694, Ménage], abrév. de
grimace ; 1778, Barbier, au sens 1 [aussi
« acteur qui joue ce personnage »] ; sens
2, 1828, Vidocq). 1. Au théâtre, person-
nage de vieillard ridé et plus ou moins
ridicule : Un cuir de Cordoue tailladé de
ces rides spéciales aux grimes, aux pitres
(Daudet). ‖ Par extens. Acteur qui joue ce
personnage : C’est par là seulement que les
deux amis se ressemblaient ; l’un aussi sec,
mariné, tanné, couturé de ces fronces spé-
ciales aux grimes de profession, que l’autre
était petit, râblé, de teint lisse et de sang
reposé (Daudet). ‖ 2. Ride que se fait un
acteur pour se vieillir : Je me hâtai de me
déshabiller, d’enlever mes grimes (Daudet).

grimé, e [grime] adj. (part. passé de gri-


mer). Maquillé : Une actrice grimée.

• SYN. : fardé. — CONTR. : démaquillé.

grimer [grime] v. tr. (de grime ; 1828,


Vidocq, au sens 1 ; sens 2, 1829, Boiste).
1. Vx. Faire des rides sur le visage de
quelqu’un pour le transformer en grime.
‖ 2. Modifier le visage de quelqu’un par un
maquillage : Grimer une actrice.

• SYN. : 2 farder, maquiller, peindre.

& se grimer v. pr. (sens 1, 1829, Boiste ; sens


2, 1839, Balzac ; sens 3, av. 1885, V. Hugo).

1. Vx. Se rider le visage pour apparaître


comme un grime. ‖ 2. Prendre le rôle d’un
personnage quelconque : Insisterai-je sur
cette qualité du goût qui préside à l’arrange-
ment des costumes de Rouvière, sur cet art
avec lequel il se grime, non pas en miniatu-
riste et en fat, mais en véritable comédien
(Baudelaire). ‖ 3. Fig. (Avec un sujet autre
qu’un nom de personne.) Se calquer sur :
Car le génie moderne a déjà son ombre [...],
son classique qui se grime sur lui (Hugo).

grimoire [grimwar] n. m. (altér. de


gram[m]aire, n. m., au sens anc. de « livre
de sorcellerie » [milieu du XIIe s., Roman
de Thèbes], signification due au fait que
la plupart des grammaires étaient écrites
en latin, donc incompréhensibles pour le
commun des mortels ; XIIIe s., Recueil des
fabliaux [II, 242], au sens 1 ; sens 2, 1668,
La Fontaine [« discours incompréhen-
sible », 1475, G. Chastellain]). 1. Livre aux
caractères mystérieux dont se servaient
les sorciers et les magiciens : « Ne ferais-
tu pas bien de le montrer à Monsieur le
Vicaire ? » lui dit sa mère, pour qui tout livre
imprimé sentait toujours un peu le grimoire
(Balzac). Devant lui les signes sibyllins et
les figures inscrites sur cette table de la Loi
semblaient le grimoire qui allait permettre
au vieux sorcier de savoir dans quel sens
s’orientaient les destins du jeune homme
(Proust). ‖ 2. Écrit inintelligible, obscur
ou indéchiffrable : Du moins, en passant
des années à débrouiller le grimoire laissé
par Vinteuil, en établissant la lecture cer-
taine de ces hiéroglyphes inconnus, l’amie
de Mlle Vinteuil eut la consolation d’assurer
au musicien dont elle avait assombri les
dernières années une gloire immortelle et
compensatrice (Proust). Les érudits de ce
temps-là, qui travaillaient volontiers la nuit,
lisaient (et quels grimoires !), écrivaient
sans difficulté, à quelque lueur mouvante
et misérable (Valéry).

grimpade [grɛ̃pad] n. f. (de grimper 1 ;


XXe s.). Action de grimper (rare) : Les che-
vaux habitués aux grimpades (Harry).

grimpant, e [grɛ̃pɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de grimper 1 ; milieu du XVIe s., Ronsard,
au sens 2 ; sens 1, 1694, La Fontaine). 1. En
parlant d’êtres animés, qui grimpe, sait
bien grimper : Une jeune fille sauvage, effa-
rouchée et grimpante comme ses chèvres
(Chateaubriand). ‖ 2. En parlant de
plantes, qui, soit par enroulement de la tige,
soit grâce à des organes fixateurs, monte
le long d’un tronc d’arbre, d’un échalas,
d’un mur : Ormeaux brodés de cent vignes
grimpantes (Hugo). D’autres [rosiers] grim-
pants croulaient, mal soutenus (Gide). La
plupart des plantes grimpantes s’enroulent
vers la gauche, en sens inverse des aiguilles
d’une montre ; mais beaucoup de plantes
s’enroulent en sens opposé (Duhamel).

& grimpant n. m. (1872, Esnault). Pop.


Pantalon : Mon elbeuf se déforme, mon
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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grimpant se détraque et mes bottes sont


blettes (Huysmans). Pour le pantalon, il
se servait de deux mots : « grimpant » et
« culbutant » (Hamp).

grimpart [grɛ̃par] n. m. (de grimper 1 ;


milieu du XVIe s., Ronsard, comme adj., au
sens de « qui grimpe » ; comme n. m., au
sens 1, 1793, Nemnich ; sens 2 [attesté une
seule fois], 1844, Esnault). 1. Nom usuel du
passereau appelé grimpereau, qui circule
sur le tronc des arbres. ‖ 2. Arg. Escalier.

grimpée [grɛ̃pe] n. f. (part. passé fém.


substantivé de grimper 1 ; 1865, Mme de
Gasparin, au sens 1 ; sens 2, 1878, Larousse).
1. Fam. Action de gravir une côte raide : Le
coureur avait déjà plusieurs grimpées dans
les jambes. ‖ 2. Portion de route en pente
accusée : Il lui fallut une demi-heure pour
faire cette grimpée.

grimpement [grɛ̃pmɑ̃] n. m. (de grimper


1 ; 1564, J. Thierry). Action de grimper :
Parfois, la main en sang de quelque grim-
pement (Rostand).

• SYN. : escalade.

1. grimper [grɛ̃pe] v. intr. (forme nasa-


lisée [d’après ramper] de gripper [v. ce
mot] ; 1495, J. de Vignay, au sens I, 1 [en
parlant des animaux ou des oiseaux, 1690,
Furetière] ; sens I, 2, 1678, Racine ; sens I,
3, fin du XVIIe s., Bossuet ; sens I, 4, 1538,
R. Estienne ; sens II, 1, 1669, Bossuet ; sens
II, 2, XXe s. ; sens II, 3, 1920, Bauche ; sens
II, 4, 1851, Flaubert [ça grimpe, XXe s.] ; sens
II, 5, XXe s.).

I. 1. Se hisser en s’accrochant, monter en


s’aidant des pieds et des mains : Grimper
à un arbre. Il grimpait à la seule force des
poignets jusque dans les greniers à four-
rage (Maupassant). Tu grimpais à l’extré-
mité du mur et m’attendais (Gide). ‖ En
parlant des animaux ou des oiseaux, pro-
gresser vers le haut à l’aide de leurs pattes
ou de leurs griffes : L’écureuil grimpe le
long des troncs d’arbres avec une agi-
lité extrême. ‖ 2. Monter plus ou moins
péniblement jusqu’à un lieu élevé ou peu
commode d’accès : Monter à votre biblio-
thèque, grimper aux plus hauts rayons
(Sainte-Beuve). La Simone grimpait sur
une chaise pour atteindre à l’oeil-de-boeuf,
et de cette manière dominait le reposoir
(Flaubert). ‖ 3. Fam. Parvenir, grâce à
son habileté ou sa ténacité, à une haute
situation : C’est un garçon qui s’y entend
dans l’art de grimper. ‖ 4. En parlant
des plantes, monter en s’enroulant ou en
s’accrochant : Elle n’a qu’une fenêtre par
étage. Celle du premier est [...] garnie de
ficelles où grimpent au printemps les lise-
rons et les capucines (France). Le lierre
grimpe le long de la muraille.

II. 1. Gravir un chemin en pente raide,


escarpé : Alors, quittant le grand chemin,
il grimpait à l’aventure, au hasard de la
route serpentine (Goncourt). ‖ 2. Fam.

Syn. de MONTER : Grimper dans un taxi.


‖ 3. Pop. Faire grimper quelqu’un, le ta-
quiner en abusant de sa crédulité jusqu’à
ce qu’il se fâche : On l’asticotait, nous,
Robinson, histoire de le faire grimper et de
le mettre en boîte (Céline). ‖ 4. En par-
lant d’une voie d’accès, s’élever en pente
raide : Je prenais alors un petit sentier
dans le maquis grimpant à pic au-dessus
de la mer (Daudet). ‖ Ça grimpe, la pente
est raide. ‖ 5. Fig. et fam. Atteindre une
valeur ou un prix plus élevés : L’or a grim-
pé à la Bourse.

• SYN. : I, 1 escalader ; 2 se hisser. ‖ II,


1 ascensionner ; 4 monter.

& v. tr. (av. 1613, M. Régnier). Parcourir


en montant : Grimper une côte. Nous
grimpions au grand trot les montagnes
(Chateaubriand). De quel entrain je grim-
pais alors mes cinq étages, surtout quand
j’étais parvenu à faire l’achat d’une bou-
gie, qui me permettait de travailler la nuit,
d’élaborer, sous sa flamme courte, vers,
ébauches de drames, se succédant à la file
sur les feuilles de papier blanc (Daudet).

2. grimper [grɛ̃pe] n. m. (emploi subs-


tantivé du précéd. ; début du XXe s., au sens
1 ; sens 2, 1962, Larousse). 1. En termes de
sports, exercice qui consiste à monter à la
corde lisse ou à noeuds : Exceller surtout
dans l’épreuve du grimper. ‖ 2. En biologie,
mode de locomotion animale dans le sens
vertical, impliquant un contact avec un
support solide.

grimpereau [grɛ̃pro] n. m. (de grim-


per 1 ; 1555, Belon). Oiseau passereau qui
grimpe notamment sur le tronc des arbres :
Cette géante de pierre, un grimpereau l’esca-
ladait gaîment (Hugo).

grimpette [grɛ̃pɛt] n. f. (de grimper


1 ; fin du XIXe s.). Fam. Côte courte, mais
raide : Oui, il y a une grimpette qui y mène
(Theuriet). Abattre dix kilomètres si la
paralysie mécanique ne vous bloque pas à
la grimpette (Arnoux).

grimpeur, euse [grɛ̃poer, -øz] adj. et n.


(de grimper 1 ; 1596, Hulsius). Qui grimpe,
aime à grimper : Les chèvres ont l’humeur
grimpeuse. Un grimpeur infatigable.

& n. (sens 1, fin du XIXe s., A. Daudet ; sens


2, début du XXe s.). 1. Alpiniste : Être bon
grimpeur. Ces Anglaises, déterminées grim-
peuses, expertes à tous les sports (Daudet).
‖ 2. Coureur cycliste qui excelle à monter
les côtes.

• CONTR. : 2 descendeur.

& grimpeurs n. m. pl. (1803, Boiste).


Selon une ancienne classification, ordre
d’oiseaux auxquels la disposition de leurs
doigts permet de grimper aux arbres (cou-
cou, perroquet, pic).

grinçant, e [grɛ̃sɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de grincer ; fin du XIXe s., A. Daudet, au
sens 2 [« qui manque de douceur, de spon-
tanéité », XXe s.] ; sens 1, 1919, Dorgelès).

1. Qui produit un grincement : Une porte


grinçante. Une girouette grinçante. ‖ 2. Fig.
Qui manque d’harmonie : Toute cette
musique infernale qu’on entend dans les
postes remplis et qui leur a valu ce sobri-
quet grinçant et triste : le violon ! (Daudet).
‖ Qui manque de douceur, de spontanéité :
Au fond de toutes les joies à présent, il y
avait une saveur moisie, et les pires ennuis
lui donnaient une sorte de plaisir grinçant
(Beauvoir).

• SYN. : 2 discordant, dissonant ; âcre, amer,


grimaçant.

grincement [grɛ̃smɑ̃] n. m. (de grincer [v.


grincement [grɛ̃smɑ̃] n. m. (de grincer [v.
ce mot] ; 1530, Palsgrave, au sens 1 [« grin-
cement de dents » — var. gricement, XVe s.,
Godefroy ; « le fait de grincer », 1900, Dict.
général ; grincement de dents, 1553, Bible
Gérard] ; sens 2, 1660, Oudin, puis 1872,
Larousse). 1. Le fait de grincer : Le grince-
ment de la porte. ‖ Grincement de dents,
action de frotter les unes contre les autres
les dents des deux mâchoires, par douleur
ou par rage : Moi je ferai passer vos bouches
convulsives du rire au grincement de dents
(Hugo). Jusqu’à ce qu’il trébuche au bord
de la géhenne | Où sont les grincements de
dents, les cris de haine (Leconte de Lisle).
‖ 2. Le bruit fait par la chose qui grince :
Le grincement de la chaîne s’éloigna avec la
remorque qui ondulait (Daudet). Il entendit
les premiers grincements des violons qu’on
accordait (France).

• SYN. : 1 et 2 crissement.

grincer [grɛ̃se] v. intr. (forme nasalisée


[pour une raison obscure] de l’anc. v. gris-
ser, grincer [XIVe s., Berinus], francique
*krîskjan, grincer, élargissement de *krî-
san, craquer, grincer ; début du XIVe s.,
comme v. tr., dans la loc. grincer les dents,
« grincer des dents » ; comme v. intr., au
sens 2, 1636, Monet [faire grincer les dents,
1835, Acad.] ; sens 1, 1846, G. Sand). [Conj.
1 a.] 1. Produire un bruit strident, aigre,
en parlant de certains corps qui frottent
l’un contre l’autre : Un vent glacial faisait
grincer l’enseigne de la Reine Pédauque
(France). Le puits rongé de mousse ! Écoute
sa poulie | Qui grince, qui grince encore
(Jammes). Les cimes des pins grincent en
se heurtant (Apollinaire). Ils se sont assis
sans qu’aucune chaise grinçât (Camus).
‖ 2. Grincer des dents, frotter convulsi-
vement ses dents les unes contre les autres
sous l’empire de la douleur, de la rage, de la
colère, etc. : Le blessé devint livide, grinça
des dents (Maupassant). ‖ Fig. Faire grincer
les dents, provoquer une sensation phy-
sique très désagréable d’agacement into-
lérable : Un bruit trop aigre lui fait grincer
les dents.

• SYN. : 1 crisser.

grinche [grɛ̃ʃ] n. m. (déverbal de grin-


cher 1 ; 1800, Esnault). Arg. Voleur : Il était
grinche hier, il est juge aujourd’hui (Hugo).
Que de pochards, que d’aimables grinches
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2264

il a vu happés au collet par les sergents de


ville (Huysmans).

1. grincher [grɛ̃ʃe] v. tr. (var. de grin-


chir, même sens [1821, Ansiaume], arg. ital.
grancire, voler, issu du francique *grîpjan,
saisir, prendre [var. de grîpan, v. GRIPPER] ;
1800, Esnault). Arg. Voler : En somme, on
dévalise un peuple au coin d’un bois. | On
détrousse, on dépouille, on grinche, on rafle,
on pille (Hugo). C’est moi qui ai trouvé hier
soir la boucle d’oreille. Oh ! Je ne l’ai pas
grinchée (Coppée).

2. grincher [grɛ̃ʃe] v. intr. (var. nor-


manno-picarde de grincer ; fin du XIXe s.).
Fam. Se montrer grincheux, récriminer :
Et que, quand tu ne grinchais pas [...], tu
étais préoccupée (Gyp).

3. grincher [grɛ̃ʃe] v. intr. (altér.,


mal expliquée, de grigner [v. ce mot et
GRIGNON 1] ; 1803, Boiste). En parlant du
pain, avoir une croûte exagérément fendue.

grincheux, euse [grɛ̃ʃø, -øz] adj. et n.


(mot normanno-picard [dér. de grincher 2,
v. cet art.], qui correspond au franç. grin-
ceur, « qui grince facilement des dents »
[1611, Cotgrave], dér. de grincer ; 1844,
Baudelaire [« qui exprime un méconten-
tement passager », XXe s.]). Qui, étant par
nature d’une humeur maussade, revêche,
se montre désagréable, trouve à redire à
tout : Grincheuse, rapiate et fière avec le
monde (Duvernois). ‖ Qui exprime un
mécontentement passager : Le client est
des fois grincheux, il gueule pour le retard,
il gueule pour les prix, mais comme il paie,
il a des droits (Aymé).

• SYN. : acariâtre, bougon, grognon (fam.),


quinteux (littér.), rogue, ronchon (fam.),
ronchonneur (fam.).

grinchoir [grɛ̃ʃwar] n. m. (emploi tech-


nique d’un mot probablem. d’origine dia-
lectale et peut-être dér. du moyen néerl.
crinc, rondeur, courbure ; 1962, Larousse).
Dans l’industrie du gaz, levier coudé des-
tiné à rejeter le mâchefer d’un foyer de four
à grille.

grinchu, e [grɛ̃ʃɥ] adj. (var. de grincheux ;


1869, Goncourt). Syn. de GRINCHEUX : Il
paraît que, tout le temps du dîner, tu as
été grinchue (Gyp). J’aurais pu épouser
une coquette qui m’eût trompé, une volage
qui m’eût planté là, une bavarde qui m’eût
rompu la tête, une bécasse qui m’eût fait
sortir de mes gonds, une grinchue comme
ma belle-soeur (Gide).

1. gringalet [grɛ̃galɛ] n. m. (altér.


de guingalet, sorte de cheval [v. 1175,
Chr. de Troyes], gallois Keinkaled, n. pr.
du cheval de Gauvain dans un texte de la
légende arthurienne [de kein, beau, et kaled,
dur, vigoureux] ; XIIIe s., Littré). Vx. Petit
cheval, petit mulet.

2. gringalet, ette [grɛ̃galɛ, -ɛt] n.


(suisse alémanique *grängelli, homme

sans apparence, peu considérable [dimin.


de gränggel, homme chétif], mot introduit
par les mercenaires suisses ; 1611, Cotgrave,
au sens de « bouffon amusant » ; sens actuel,
1784, Beaumarchais [aussi « homme sans
consistance, sans valeur », 1838, Acad.]).
Personne faible de constitution, petite,
frêle : Il ne me revenait guère, ce gringa-
let, toujours à geindre ! (Zola). Une Vierge
[...] tenant un moutard en chemise, un
minuscule gringalet, un avorton maladif et
fadasse (Huysmans). Ce genre de gringalet
au tempérament élégiaque lui paraissait
tout à coup d’une insignifiance comique
(Aymé).

& adj. (1857, Flaubert). Qui est frêle,


d’aspect chétif : Son buste trop long, ses
jambes courtes, ses bras grêles, et, sur ce
corps presque gringalet, la disproportion
d’une tête trop forte, dont la barbe augmen-
tait encore le volume (Martin du Gard). Il
[le père Rouault] le trouvait bien un peu
gringalet [Charles], et ce n’était pas là un
gendre comme il l’eût souhaité (Flaubert).
‖ Fig. Trop grêle : Et puis les notes fausses
du piano ; un son gringalet et comme che-
vrotant (Gide).

• SYN. : fluet, grêle, maigrichon (fam.),


rachitique.

gringole [grɛ̃gɔl] n. f. (origine obscure,


peut-être du moyen néerl. crinc, rondeur,
courbure ; 1679, d’après Ménage, 1694 [art.
gargouille], au sens de « gargouille » ; sens
actuel, 1812, Mozin). En héraldique, tête de
serpent qui termine certaines croix.

gringolé, e [grɛ̃gɔle] adj. (de gringole ;


1644, Vulson). Terminé en gringole : Croix
gringolée d’or.

gringottement [grɛ̃gɔtmɑ̃] n. m. (de


gringottement [grɛ̃gɔtmɑ̃] n. m. (de
gringotter ; milieu du XVIe s., au sens 1 ; sens
2, av. 1841, Chateaubriand [« tintement »,
fin du XVIe s.]). 1. Vx. Gazouillement de
petits oiseaux. ‖ 2. Littér. Ensemble de
petits bruits analogues à un gazouillis : Je
m’endormis au gringottement de la pluie
sur la capote de la calèche (Chateaubriand).

gringotter [grɛ̃gɔte] v. intr. (du moyen


franç. gringot, sorte de chant [XVe s.], mot
d’étym. obscure, peut-être d’origine ono-
matop. ; 1458, Mystère du Vieil Testament).
Vx. Chanter, gazouiller, en parlant de petits
oiseaux, et notamment du rossignol : Il y
a du plaisir à entendre gringotter ce petit
oiseau (Acad., 1694).

& v. tr. (v. 1450, A. Gréban). Vx. En parlant


de personnes, chantonner : Il y arriva en
chaise, fort gai, retroussant sa moustache
et gringottant un air nouveau (Furetière).

gringue [grɛ̃g] n. m. (de l’arg. gringue,


pain [1878, Esnault ; mot tiré de grignon,
« croûton », v. GRIGNON 1], par transposition
de la loc. pop. faire des petits pains, faire
l’aimable [1867, Esnault] ; 1901, Bruant).
Arg. Faire du gringue à, débiter des galan-
teries à une femme, lui faire du boniment,

lui faire la cour : Si un mec fait du gringue à


ma femme, moi, son pote, j’ dois l’affranchir
(Bourdet).

• SYN. : faire du plat à (pop.).

gringuenaude [grɛ̃gnod] n. f. (origine


obscure ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné, au
sens 1 [« crotte qui reste au fondement »] ;
sens 2, 1866, Littré). 1. Vx. Crotte qui reste
au fondement ou au nez : Ce caloquet sur
lequel les fleurs chipées chez Titreville fai-
saient l’effet de gringuenaudes pendues
comme des sonnettes au derrière d’un
pauvre homme (Zola). ‖ 2. Par extens. et
vx. Petit reste bon à manger.

• SYN. : 2 arlequin (pop.), graillon, reliefs.

griot, otte [grijo, -ɔt] n. (origine obs-


cure ; 1637, A. de Saint-Lô, écrit guiriot ;
griot, v. 1688, La Courbe). En Afrique noire,
sorte de poète et de musicien ambulant
qui jouit d’un grand prestige au sein de la
société : Le rusé personnage avait adopté le
métier fructueux de griot (Franz Toussaint).

griotte [grijɔt] n. f. (mot issu, par mécou-


pure — l’a- ayant été pris pour l’art. la —,
du provenç. agriote, cerise aigre [début du
XVIe s.], anc. provenç. agriota [XIIIe s.], dér.
de l’adj. agre, aigre, âpre, lat. acer, acris,
mêmes sens ; début du XVIe s., au sens 1
[agriotte — 1597, Liébault — est un empr.
direct du provenç.] ; sens 2 [par analogie
de couleur], 1752, Havard). 1. Cerise aigre,
à queue courte : Vous allez prendre une
griotte en attendant (Géraldy) ; et adjec-
tiv. : Cerise griotte. ‖ 2. Sorte de marbre
incrusté de taches rouges ou brunes dont
la forme et la couleur évoquent la cerise :
D’énormes blocs de ce marbre qu’on appelle
dans le commerce de la griotte (Daudet).

griottier [grijɔtje] n. m. (de griotte ; 1557,


Dodoens, écrit gryotier ; griottier, 1583,
Gauchet [qui donne aussi la var. gruotier]).
Variété de cerisier qui produit les griottes.

1. grip [grip] n. m. (déverbal de grip-


per ; 1660, Oudin, au sens de « action de
prendre » ; oiseau de grip, 1752, Trévoux).
Oiseau de grip, en termes de fauconnerie,
oiseau qui vit de rapines.

2. grip [grip] n. m. (mot angl. signif.


proprem. « étreinte », dér. de l’anglosaxon
grīpan, serrer, d’origine francique [v. GRIP-
PER] ; fin du XIXe s.). Pince reliant une voi-
ture de chemin de fer funiculaire au câble
qui l’entraîne à la montée ou qui la retient
à la descente.

grippage [gripaʒ] n. m. (de gripper ;


1869, Le Chatelier, au sens 1 ; sens 2,
milieu du XXe s. ; sens 3, 1962, Larousse).
1. Accident mécanique qui fait que deux
surfaces métalliques en contact adhèrent
fortement l’une à l’autre et ne peuvent
plus glisser l’une sur l’autre : Le manque
de lubrifiant a provoqué le grippage du pis-
ton dans son cylindre. ‖ 2. Fig. Mauvais
fonctionnement : Le grippage du système
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2265

économique. ‖ 3. Dans le textile, aspect


craquelé du ruban.

• REM. La forme grippement semble


vieillie en mécanique.

grippal, e, aux [gripal, -o] adj. (de


grippe ; 1930, Larousse). Qui a rapport à la
grippe : Une affection de caractère grippal.
Virus grippal. Des complications grippales.

1. grippe [grip] n. f. (déverbal de gripper ;


1270, Godefroy, avec un sens peu clair ; v.
1307, Guiart, au sens de « querelle » ; XVe s.,
Godefroy, au sens de « griffe, croc » ; 1546,
Huguet, au sens de « vol, filouterie » ; sens
1, 1632, Corneille ; sens 2 [par antiphrase],
v. 1770, J.-J. Rousseau). 1. Class. et littér.
Fantaisie soudaine, caprice : C’est un
homme de grippe, de fantaisie, d’impé-
tuosités successives (Saint-Simon). La
princesse qui, d’ordinaire, est la femme la
plus éloignée de ces grippes et de ces fan-
taisies (Bourges). ‖ 2. Prendre en grippe,
concevoir, plus ou moins brusquement,
un sentiment d’hostilité, d’aversion envers
quelqu’un ou quelque chose : M. Eyssette
[...] avait fini par le prendre en grippe et
l’abreuvait de taloches (Daudet). Et il avait
pris en grippe sa grand-mère, parce qu’elle
l’embrassait trop (Montherlant). J’avais pris
en grippe cette belle ville (Mérimée). Une
Pasquier servait un gâteau d’amandes à
chaque visite de Laurent. Le jeune homme
avait fini par prendre en grippe cette frian-
dise (Duhamel).

2. grippe [grip] n. f. (emploi spécialisé du


précéd., parce que la maladie saisit brus-
quement ; 6 avr. 1743, Lettre de Frédéric
II à Voltaire [citée dans Robert, III, 387 a],
au sens 1 [grippe espagnole, 1918] ; sens
2, 1962, Larousse). 1. Maladie infectieuse
des humains, épidémique, qui se mani-
feste par un catarrhe nasobronchique et
un état fébrile accentué : Elle est morte en
trois jours, d’une fluxion de poitrine qui
est venue compliquer une grippe (Hugo).
Le docteur avait dit pourtant que ce n’était
rien, un gros rhume, la grippe (Flaubert).
‖ Grippe espagnole, épidémie de grippe qui
s’est étendue à toute la Terre en 1918-1919
et a provoqué plus d’un million de morts.
‖ 2. Maladie infectieuse des animaux,
caractérisée par des lésions bronchiques
et pulmonaires : Grippe animale.

1. grippé, e [gripe] adj. (part. passé de


gripper ; 1684, Mme de Sévigné, au sens 1 ;
sens 2 et 4, XXe s. ; sens 3, 1814, Nysten).
1. Class. Entiché de, toqué de : Une folie
de son enfance, dont il était grippé au point
qu’on lui en donna le fouet, étant petit,
parce qu’on craignait qu’il n’en devînt fou
(Sévigné). ‖ 2. Froncé : Une étoffe grippée.
‖ 3. En médecine, se dit du visage dont les
traits sont froncés et contractés : Le soir,
son visage était grippé, ses lèvres se collaient
à ses gencives (Flaubert). La face grippée
de larmes amères (Richepin). ‖ 4. Qui

adhère par suite de grippage : Des engre-


nages grippés.

2. grippé, e [gripe] adj. et n. (de grippe 2 ;


1782, Gohin). Qui est atteint de la grippe :
Je me réveillai courbaturé, grippé (Gide).

grippelé [griple] adj. (part. passé de [se]


grippeler ; XXe s.). Froncé, ridé : Torse nu
en cuir parcheminé, longue face jaune et
grippelée (Fauconnier).

grippeler (se) [səgriple] v. pr. (de grip-


per ; 1679, J. Savary). Froncer : Des étoffes
qui se grippellent.

grippement [gripmɑ̃] n. m. (de gripper ;


1606, Crespin, au sens de « action de saisir
violemment » [var. gruppement, av. 1553,
Rabelais] ; sens 1, 1845, Bescherelle ; sens
2, 1900, Dict. général ; sens 3, 1866, Littré).
1. En mécanique, syn. anc. de GRIPPAGE.
‖ 2. Froncement : Le grippement d’une
étoffe. ‖ 3. En pathologie, altération de la
face grippée.

gripper [gripe] v. tr. (francique *grîpan,


saisir, accrocher ; v. 1405, Barbier, au sens
1 [sans aucun doute plus anc., cf. la date
du dér. grippe 1 ; « dérober », 1671, Pomey
— en emploi absolu, au sens de « filouter »,
1587, F. de la Noue ; « saisir subitement —
quelqu’un, en parlant d’une maladie — »,
av. 1577, Belleau ; aussi « grimper », XVe s.,
Dict. général, art. grimper] ; sens 2, av.
1850, Balzac ; sens 3-4, début du XXe s.).
1. Vx. Saisir brusquement comme avec
des griffes, attraper : Et toutes deux [les
servantes], très mal contentes, | Disaient
entre leurs dents : « Maudit coq, tu mour-
ras ! » | Comme elles l’avaient dit, la bête
fut grippée : | Le réveille-matin eut la gorge
coupée (La Fontaine). Quand au collet on
l’est venu gripper (Th. Corneille). Tu ne
serais pas fâchée de le faire gripper par les
gendarmes (Fabre). ‖ Vx. Dérober : On lui
a grippé sa bourse (Acad.). ‖ 2. Former des
fronces : Ils mettaient nos gants sur le poêle
et s’amusaient à les dessécher, à les gripper
(Balzac). ‖ 3. Provoquer l’accident méca-
nique appelé « grippage » : Avant dix kilo-
mètres d’ici, elle aura déjà tamponné trois
voitures, grippé son débrayage, crevé ses
pneus (Saint-Exupéry). ‖ 4. Paralyser, blo-
quer : Une administration dont les rouages
sont momentanément grippés. Un rhuma-
tisme a grippé son articulation.
& v. intr. (sens 1, 1752, Trévoux ; sens 2,
1757, Encyclopédie [VII, 133 b] ; sens 3, 11
déc. 1963, le Monde), ou se gripper (sens 1-2,
1762, Acad. ; sens 3, v. 1960). 1. Se froncer,
se retirer : Une étoffe qui grippe. ‖ 2. En
parlant de surfaces métalliques, de pièces
frottant l’une contre l’autre, ralentir forte-
ment ou s’arrêter par l’effet du grippage :
Les axes ne grippent pas encore l’un sur
l’autre (Romains). ‖ 3. En parlant d’un
mécanisme social, économique ou poli-
tique, subir des arrêts, fonctionner mal :
La mécanique des transferts sociaux grippe.

grippe-sou [gripsu] n. (de grippe, forme


du v. gripper, et de sou ; 1680, Richelet,
au sens de « homme que les particuliers,
moyennant un sou par livre, chargeaient
de recevoir leurs rentes » ; sens actuel, av.
1778, Voltaire). Fam. Personne avare, qui
ne fait pas fi du profit le plus dérisoire, qui
fait des petits gains sordides : Un vilain
grigou cafard, par-dessus tout grippe-sou
(G. Chevallier).

• Pl. des GRIPPE-SOUS.

• SYN. : chiche, grigou (pop.), harpagon,


ladre, pingre (pop.), radin (pop.).

grippure [gripyr] n. f. (de gripper ; 1907,


Larousse). En métallurgie, défaut de surface
sur une pièce de fonderie.

gris, e [gri, -iz] adj. (francique *grîs, gris ;


XIIe s., Roncevaux, au sens I, 1 [« qui a pris
une couleur grise », début du XXe s.] ; sens
I, 2, 1668, Molière [gris pommelé, 1570,
Carloix] ; sens I, 3, 1562, Du Pinet [ambre
gris ; bois gris, 5 janv. 1874, Journ. officiel ;
lettres grises, milieu du XVIe s. ; onguent
gris, 1765, Encyclopédie ; papier gris, 1606,
Crespin ; vin gris, 1690, Furetière ; soeurs
grises, 1718, Acad.] ; sens I, 4, 1549, R.
Estienne ; sens I, 5, v. 1530, C. Marot [les
cheveux gris, av. 1885, V. Hugo] ; sens I,
6, XXe s. ; sens II, 1, fin du XVIIe s., Mme de
Sévigné [« dont les formes ne sont pas accu-
sées », 1874, Verlaine ; la nuit tous les chats
sont gris, 1690, Furetière — de nuit tous
chats sont gris, même sens, 1640, Oudin] ;
sens II, 2, XVe s., La Curne ; sens II, 3, 1690,
Furetière).

I. 1. Qui est d’une couleur intermédiaire


entre le noir et le blanc : Un costume gris.
Un chapeau gris. Je posai mon fusil sur
une pierre grise (Lamartine). Et, déjà suc-
cédant au couchant rouge et sombre, | Le
crépuscule gris meurt sur les coteaux noirs
(Hugo). La terre était toute grise, comme
par une nuit d’été (Flaubert). ‖ Qui a
pris une couleur grise : Les branches des
ficus et des palmiers pendaient, immo-
biles, grises de poussière, autour d’une
statue de la République, poudreuse et
sale (Camus). ‖ 2. Est employé comme
premier élément d’adjectifs composés ou
de syntagmes adjectivaux pour marquer
une nuance de la couleur grise : Un tissu
gris-vert. Des cheveux gris argent. Le plus
souvent, un ciel gris pommelé comme les
percherons qui passaient recouvrait avec
une douce tristesse le faubourg tranquille
(France). [V. Rem.] ‖ 3. Entre dans des
syntagmes nominaux où la couleur grise
sert à spécifier des choses ou des êtres.
‖ Ambre gris, v. AMBRE. ‖ Bois gris, bois
ayant encore son écorce grise. ‖ Lettres
grises, lettres gravées contenant des
parties vides qui les font paraître grises.
‖ Matière grise, v. MATIÈRE. ‖ Onguent
gris, pommade mercurielle faible em-
ployée contre les poux. ‖ Papier gris,
papier épais fait de chiffons non blanchis.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2266

‖ Soeurs grises, nom par lequel on dé-


signe communément les religieuses dont
le costume est gris. ‖ Éminence grise,
v. ÉMINENCE. ‖ Vin gris, vin dont la cou-
leur est entre le blanc et le clairet : La bou-
teille de vin gris était presque à son terme
(Giraudoux). ‖ 4. Se dit du ciel obscurci
par les nuages, ou d’un temps sombre qui
donne une coloration triste aux choses :
Deux heures sonnèrent, le ciel restait gris,
sourd et glacé ; et des pelletées de cendre
fine paraissaient y avoir enseveli le soleil
pour de longs mois, jusqu’au printemps
(Zola). Un matin gris de décembre (Loti).
‖ 5. Se dit des cheveux et de la barbe de
personnes avançant en âge, où se mêlent
poils sombres et poils blancs. ‖ Se dit
de quelqu’un qui a les cheveux gris : Il
est déjà tout gris à quarante ans. ‖ Les
cheveux gris, la vieillesse commençante :
J’aime les cheveux blancs et non les che-
veux gris (Hugo). ‖ 6. Se dit du teint qui
manque de fraîcheur et d’éclat, par suite
de la fatigue ou de la maladie : Un visage
gris.

II. 1. Fig. Sans éclat, terne, et, par extens.,


sans intérêt : Ce bonheur à travers sa vie
grise et nuageuse lui sembla bien bon
(Balzac). Il devait lire d’un ton monotone
[...] et c’était comme une pluie de mots gris
(Huysmans). Trop d’années grises ont pas-
sé sur ce petit point du centre de l’Europe
(Camus). ‖ Dont les formes ne sont pas
accusées : Rien de plus cher que la chan-
son grise | Où l’indécis au précis se joint
(Verlaine). ‖ La nuit tous les chats sont
gris, la nuit on ne peut distinguer le beau
du laid. ‖ 2. Faire grise mine à quelqu’un,
avoir une attitude peu aimable avec lui,
lui faire mauvais accueil : On lui faisait
grise mine pour avoir appelé Jeanne d’Arc
une mascotte militaire (France). ‖ 3. Fig.
et fam. À demi ivre : Les dix convives, tous
gris comme Pitt et Dundas, parlèrent alors
d’aller à pied par les boulevards (Balzac).
Sa mère s’était procuré un petit fût d’ex-
cellent vin de Malaga ; et riant à l’idée
d’être grise, elle en buvait deux doigts, pas
davantage (Flaubert). Les deux hommes,
très gris, se parlaient violemment dans le
nez (Zola). Il est gris régulièrement tous
les soirs (Maupassant).

• SYN. : II, 1 monocorde, morne, morose,


plat ; 3 éméché, ému (vx), gai. — CONTR. :
II, 1 brillant, coloré, éclatant, lumineux,
passionnant, pittoresque.

• REM. Comme tous les adjectifs de cou-


leur, gris suivi d’un adjectif qui le modifie
ou d’un nom qui le précise reste inva-
riable, parce que, en réalité, l’expression
équivaut à un substantif. Une robe gris
clair constitue en effet une expression
elliptique qui équivaut à : Une robe (de la
couleur du) gris clair. Gris truite équivaut
à de la couleur du gris de la truite. On
utilise, s’il s’agit d’une couleur compo-
sée, le trait d’union : Gris-bleu, gris-vert,

gris-brun. Exception : gris verdâtre, gris


bleuté, etc.

& adv. (1866, Littré). Il fait gris, le temps


est sombre et couvert : Qu’il y fait triste,
qu’il y fait gris lorsque j’arrive (Colette).
& gris n. m. (v. 1130, Eneas, au sens de
« fourrure grise, petit-gris » ; sens 1, début
du XVe s., Ch. d’Orléans ; sens 2, v. 1570,
Carloix ; sens 3, av. 1549, Marguerite
de Navarre [« gros drap gris », v. 1138,
Gaimar] ; sens 4-5, XXe s. ; sens 6, 1621,
Oudin). 1. La couleur grise : Le gris lui
va très bien. Des yeux d’un gris velouté
(Daudet). Le salon [...] avait été revêtu,
sous Louis XV, de lambris de bois sculpté
peints en gris clair (France). ‖ 2. Suivi d’un
adjectif de couleur ou d’un complément,
la couleur grise avec une nuance particu-
lière : Une mince rivière dont la nuance
allait du gris souris au gris perle (Romains).
‖ 3. Ellipt. Vêtement de couleur grise :
S’habiller de gris. ‖ 4. Gris perlé, sorte de
marbre gris des Pyrénées à parties nacrées.
‖ 5. Tabac ordinaire, enveloppé de papier
gris : Il ne fume que du gris. ‖ 6. Petit-gris,
v. à l’ordre alphab.

& grises n. f. pl. (fin du XVIIIe s., Brunot).


Vx et fam. En voir de grises, se trouver
dans de grandes difficultés : Le colonel
[...] m’adressa la parole : « Eh bien !, vous
allez en voir de grises pour votre début »
(Mérimée).

grisage [grizaʒ] n. m. (de griser ; 18


mars 1671, d’après Littré, 1866). Les cou-
leurs grises données industriellement aux
textiles.

grisaille [grizɑj] n. f. (de gris ; 1625,


Peiresc, au sens 1 [« première esquisse... »,
1805, Lunier] ; sens 2, 1893, Dict. général
[« étoffe mélangée de noir et de blanc... » ;
« tissu de laine fait avec des chaînes de
coton chiné », 1962, Larousse ; « mélange
de cheveux blancs et de cheveux bruns
dans la confection des perruques », 1743,
Trévoux] ; sens 3, 1883, Loti [« atmosphère
morale où règne la monotonie, l’ennui »,
début du XXe s.]). 1. Peinture monochrome
en camaïeu gris, donnant l’illusion du
relief et imitant ainsi la sculpture : Au
Moyen Âge, les peintures extérieures des
volets de retables étaient exécutées en gri-
saille. ‖ Première esquisse où les clairs
sont rendus par le blanc de la toile, et les
ombres par une teinte unique : Quant à
ses tableaux dits de chevalet, ses esquisses,
ses grisailles, ses aquarelles, etc., le compte
monte à un chiffre approximatif de deux
cent trente-six (Baudelaire). ‖ 2. Choses
ou êtres désignés par un mélange de gris et
de blanc. ‖ Étoffe mélangée de noir et de
blanc ou à petits carreaux noirs et blancs.
‖ Tissu de laine fait avec des chaînes de
coton chiné. ‖ Mélange de cheveux blancs
et de cheveux bruns dans la confection des
perruques. ‖ 3. Tonalité générale tirant sur
le gris, dans un tableau, un paysage : La
grisaille d’une journée d’automne. M. Jules

Soury croit [...] que les Grecs d’Homère ne


voyaient point les couleurs [...] et que l’uni-
vers se reflétait dans leurs yeux barbares
comme une immense grisaille (France).
‖ Fig. Atmosphère morale où règne la
monotonie, l’ennui : La grisaille de la vie
quotidienne. La grisaille d’une classe.

• SYN. : 3 mélancolie, morosité, tristesse.


& adj. (fin du XIXe s., A. Daudet). Qui est
sans relief, sans caractère : Ce couple gri-
saille qui avait l’air de s’ennuyer (Colette).
Une de ces heures d’or qui se détachent
encore après vingt-quatre ans, lumineuses
comme au premier jour, sur le fond grisaille
de la vie (Daudet).

grisaillé, e [grizɑje] adj. (part. passé de


grisailler [v. ce mot] ; 1809, Chateaubriand,
au sens 2 ; sens 1, 1872, Larousse [« qui n’a
plus la blancheur de la propreté », av. 1910,
J. Renard]). 1. Qui est de la couleur de la
grisaille : Leurs pieds grisaillés de vase sèche
(Genevoix). ‖ Qui n’a plus la blancheur de
la propreté : Il lui passe sur les tempes un
mouchoir grisaillé, un mouchoir qui a fait
un long voyage (Renard). ‖ 2. Fig. Qui a
une tonalité morne : Je trouve quelque chose
d’usé, de passé, de grisaillé, d’inanimé, de
froid dans les auteurs qui firent les délices
de ma jeunesse (Chateaubriand).

grisailler [grizɑje] v. tr. (de grisaille ;


1648, Scarron, au sens 1 [au part. passé ;
à l’infin., 1690, Furetière] ; sens 2, 1690,
Furetière). 1. Peindre en grisaille : Grisailler
un mur. ‖ 2. Enduire de gris.

& v. intr. (1810, Lesné). Devenir grisâtre,


offrir aux yeux des tons de grisaille : La
chaîne du Forel n’est plus visible. Seul son
pied apparaît, grisaillant (P.-E. Victor).

grisailleur [grizɑjoer] n. m. (de grisailler ;


1930, Larousse [d’abord peintre grisailleur,
1640, Mémoires de la Société de l’histoire
de Paris, XIII, 319]). Peintre qui pratique
la grisaille.

grisant, e [grizɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés. de


griser ; 1877, A. Daudet, aux sens 2-3 ; sens
1, av. 1890, Maupassant). 1. Qui monte à la
tête, enivre : Nous avions bu beaucoup de
cidre adorable, piquant et sucré, frais et gri-
sant (Maupassant). ‖ 2. Fig. Qui exalte, fait
perdre la tête : Cette attention superficielle,
mais grisante (Bourget). Cette joie gri-
sante de se sentir libre, de ne plus craindre
(Dorgelès). Des éloges grisants. ‖ 3. Qui
trouble les sens : Le grain de papier, trois
mots d’adresse jetés d’une écriture simple et
hardie, et puis le parfum grisant, évocateur
(Daudet).

• SYN. : 1 émoustillant, enivrant ; 2 étourdis-


sant, exaltant ; 3 capiteux, entêtant.

grisard [grizar] n. m. (de gris ; 1351,


Godefroy, écrit grisart [grisard, XVIe s.],
comme adj., au sens de « d’un gris foncé »
[en parlant d’un cheval] ; comme n. m., au
sens de « blaireau », 1549, R. Estienne [art.
blaireau ; « goéland », 1562, Du Pi-net ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2267

« grès », milieu du XVIIIe s., Buffon ; « peu-


plier », 20 mars 1876, Journ. officiel]). Nom
vulgaire donné, en raison de la couleur des
êtres ou des choses désignés, au goéland
rayé, au blaireau, à une sorte de grès très
dur, au peuplier blanc : Les bouquets argen-
tés des grisards et des bouleaux (P. Neveux).
& adj. : Peuplier grisard.

• REM. On trouve aussi la graphie


GRISART.

grisâtre [grizɑtr] adj. (de gris ; av. 1525,


J. Lemaire de Belges, au sens 1 ; sens 2,
av. 1872, Th. Gautier). 1. Qui tire sur le
gris : Les bruyères d’un violet sombre, où
flottaient des bancs de vapeur grisâtres
(Gautier). Un ciel grisâtre (Fromentin). Le
château mouillait toujours ses murs gri-
sâtres dans l’étang (Maupassant). ‖ 2. Fig.
D’où rien n’émerge directement, triste : Le
passé grisâtre (Gautier).

• SYN. : 2 monotone, morne, morose, terne.

grisbi [grizbi] n. m. (de gris[et], pièce de


six liards [1834, Esnault] — dér. de gris, à
cause de la couleur [cf. aussi grisette, « mon-
naie » — XVIIe s. —, et monnaie blanche et
grise, 1784, Esnault] —, avec le suff. arg.
-bi ; 1896, Delesalle). Arg. Argent : Touchez
pas au grisbi (titre d’un roman d’Albert
Simonin [1953]).

grisé, e [grize] adj. (part. passé de griser ;


1866, Littré, au sens 3 ; sens 1, XXe s. ; sens 2,
av. 1890, Maupassant [grisé par, même sens,
1866, Littré]). 1. Qui a pris une teinte grise.
‖ 2. Grisé de, étourdi par, exalté par : Grisé
de soleil, de vent, de joie. Une ivresse singu-
lière montait de cette foule grisée de bruit,
de courage et de foi (Zola). ‖ 3. Se dit d’une
pièce de serrure qui n’a reçu qu’un seul
limage grossier.
• SYN. : 2 enivré, ivre.

& grisé n. m. (sens 1, 8 mai 1873, Journ.


officiel ; sens 2, 1922, Larousse). 1. Teinte
grise donnée à un tableau, à une gravure,
à un plan : Obtenir un bon grisé. ‖ 2. En
termes d’imprimerie, réglure légère de cer-
taines impressions, ou fond de pointillé
ou de hachures sur certaines parties d’un
cliché d’impression : Le grisé d’un reçu.
& grisée n. f. (1930, Larousse). Brique de
qualité médiocre servant aux remplissages.

griser [grize] v. tr. (de gris ; 1538, R.


Estienne, au sens de « grisonner » ; sens I,
1, 1606, Crespin ; sens I, 2, 1907, Larousse ;
sens II, 1, 1718, Ph. Leroux [aussi « faire
que quelqu’un soit à demi ivre »] ; sens II,
2, 1866, Littré ; sens II, 3, 1844, Balzac).

I. 1. Faire rendre une teinte grise : L’ad-


dition du noir grise ou rabat la couleur
(Chevreul). ‖ 2. Couvrir une surface de
grisé.

II. 1. Enivrer légèrement, en parlant


d’une boisson alcoolique : Un petit vin
qui grise rapidement ; et en parlant
d’une personne : J’ai emmené Angèle à

Sannois, je l’ai grisée comme une petite


caille (Courteline). ‖ 2. Étourdir, provo-
quer une excitation physique, en parlant
de certaines odeurs, de certaines subs-
tances : Aussi le grisait-elle de son parfum
de belle fille saine, tout en l’émerveillant
par son entente du ménage, de l’économie
sur les petites choses (Zola). Je ne sais quel
arôme subtil, exhalé de la mer [...] emplit
mon coeur qu’il grise (Heredia). Ses na-
rines, que le parfum de la femme grisait,
palpitèrent comme un papillon prêt à aller
se poser sur la fleur entrevue (Proust).
‖ 3. Échauffer l’imagination, tourner
la tête en exaltant : Bonaparte m’avait
grisé dès l’enfance, comme les autres, et sa
gloire me montait à la tête si violemment
(Vigny). Le son même de mes paroles me
grise, m’étourdit et je parle à tort et à tra-
vers (Gide).

• SYN. : I, 1 émoustiller, enivrer ; 3 électriser,


emballer (fam.), enflammer, enthousiasmer,
étourdir, exalter, tourner la tête.

& se griser v. pr. (sens 1, 1732, Richelet ;


sens 2, 1847, Balzac). 1. S’enivrer légère-
ment : Je me suis grisé dans tous les cabarets
(Musset). Il vient là tous les soirs se griser de
paroles et de bière (Daudet). ‖ 2. Fig. Être
exalté par : Je me grise d’une allégresse que
je n’ai jamais ressentie (Dorgelès). Tantôt
je me croyais supérieur aux autres, et je me
grisais d’orgueil (Martin du Gard).

griserie [grizri] n. f. (de griser ; 1847,


Balzac, au sens 3 ; sens 1, 1867, Delvau ; sens
2, 1873, Zola). 1. Vx. État de demi-ivresse :
Une griserie due à l’absorption de quelques
petits verres. ‖ 2. Par anal. Excitation phy-
sique qui étourdit : La Sarriette vivait là
[dans une boutique de fruits], comme dans
un verger, avec des griseries d’odeurs (Zola).
La griserie de l’air, le désir de retenir tant
d’images si pures et si pacifiantes obligent à
faire halte (Barrès). La griserie de la vitesse.
‖ 3. Fig. Excitation cérébrale, exaltation
qui amène une certaine altération du
jugement : La griserie du danger affronté.
La griserie du triomphe (Huysmans). Ma
misère, en s’atténuant, perdait de sa force
de griserie (Romains). La griserie de l’irra-
tionnel et la vocation de l’extase détournent
de l’absurde un esprit clairvoyant (Camus).
• SYN. : 2 enivrement, étourdissement,
ivresse ; 3 fumées, vapeur, vertige.

griset [grizɛ] n. m. (de gris ; v. 1175, Chr.


de Troyes, comme adj., au sens de « un peu
gris » [en parlant d’un vêtement] ; comme
n. m., au sens 1, 1721, Trévoux ; sens 2,
1962, Larousse [« canthère » ; « hirondelle
de mer », 1900, Dict. général ; « argousier »,
1872, Larousse] ; sens 3, 1791, Valmont de
Bomare ; sens 4, 1962, Larousse). 1. Nom
usuel donné au jeune chardonneret dont les
plumes sont encore grises. ‖ 2. Nom usuel
du canthère, poisson osseux d’un gris bru-
nâtre, de l’hirondelle de mer, de l’argou-
sier, etc. ‖ 3. Requin de la Méditerranée,
d’une longueur de 6 m, fusiforme et de

couleur grise. ‖ 4. Griset blanc, nom d’un


cépage de Bourgogne appelé ordinairement
aligoté.

grisette [grizɛt] n. f. (fém. substantivé


de l’anc. adj. griset [v. l’art. précéd.] ; 1648,
Scarron, au sens I, 1 [griset, n. m., même
sens, v. 1310, Godefroy] ; sens I, 2, 1651,
Scarron ; sens I, 3 [peut-être parce que ce
genre de jeune fille était souvent vêtu de
grisette], 1665, La Fontaine ; sens II, 1, 1858,
Legoarant [« agaric », 1836, Acad.] ; sens
II, 2, 1791, Valmont de Bomare [« papillon
diurne » ; « charançon », 1821, Dictionnaire
des sciences naturelles ; « insecte hétérop-
tère... », 1920, Omnium agricole] ; sens II,
3, 1721, Trévoux ; sens II, 4, fin du XIXe s.).
I. 1. Class. Étoffe grise de peu de valeur :
Son pourpoint était une casaque de gri-
sette ceinte avec une courroie (Scarron).
‖ 2. Par extens. et class. Petit habit de
cette étoffe, fort à la mode au XVIIe s. : Je
m’en vais consulter Mme de Bagnols pour
une grisette (Sévigné). ‖ 3. Vx. Jeune fille
de condition modeste, généralement ou-
vrière ou employée dans les maisons de
couture, coquette et de moeurs légères :
Les prostituées qu’il rencontrait aux feux
du gaz, les cantatrices poussant leurs rou-
lades, les écuyères sur leurs chevaux au
galop, les bourgeoises à pied, les grisettes
à leur fenêtre, toutes les femmes lui rappe-
laient [à Frédéric] celle-là [Mme Arnoux],
par des similitudes ou par des contrastes
violents (Flaubert). Paul de Kock a créé
la Grisette, et Gavarni la Lorette ; et
quelques-unes de ces filles se sont per-
fectionnées en se l’assimilant, comme la
jeunesse du quartier latin avait subi l’in-
fluence de ses étudiants, comme beaucoup
de gens s’efforcent de ressembler aux gra-
vures de mode (Baudelaire).

II. 1. Nom donné à des êtres et choses en


vertu de leur couleur. ‖ 2. En botanique,
nom usuel de l’amanite vaginée. ‖ 3. En
entomologie, sorte de papillon diurne,
de charançon de couleur grisâtre, et nom
d’un insecte hétéroptère qui s’attaque
aux vignes. ‖ 4. En ornithologie, fauvette
grisâtre à gorge blanche. ‖ 5. Nom d’une
maladie qui s’attaque au tronc et aux
branches du chêne.

• SYN. : I, 3 lorette (vx), midinette.

gris-gris [grigri] n. m. V. GRI-GRI.

grisollement [grizɔlmɑ̃] n. m. (de gri-


soller ; 1859, Mozin). Chant de l’alouette.

grisoller ou grisoler [grizɔle] v. intr.


(mot probablem. d’origine onomatop. ;
1718, d’après Trévoux, 1743, écrit grisoller ;
grisoler, 1803, Boiste). Chanter, en parlant
de l’alouette.

1. grison [grizɔ̃] adj. et n. m. (de gris ;


milieu du XVe s., comme adj., au sens de
« qui est un peu gris » ; comme adj. et n. m.,
au sens 1, milieu du XVIe s., Ronsard ; sens
2, 1690, Regnard ; sens 3, 1644, Scarron
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2268

[« cheval gris », fin du XVIe s., A. d’Aubi-


gné]). 1. Class. Qui a la barbe et les che-
veux un peu gris : Les passe-temps | Des
amours m’ont rendu grison avant le temps
(Regnard). ‖ 2. Class. Domestique sans
livrée que l’on habillait de gris pour lui
faire accomplir des missions secrètes : Je
t’ai vu autrefois le plus adroit grison qu’il
y eut en France (Regnard). ‖ 3. Vx et fam.
Âne, baudet : Il a lu « Don Quichotte » et se
flatte de descendre en droite ligne du célèbre
grison de Sancho Pança (Gautier).

2. grison, onne [grizɔ̃, -ɔn] adj. et n.


(romanche grischun, d’origine préro-
mane ; 1872, Larousse). Relatif au pays des
Grisons ; habitant ou originaire de ce pays.
& grison n. m. (1872, Larousse). Langue
parlée par les Grisons.

grisonnant, e [grizɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de grisonner ; 1546, Rabelais [« qui
commence à avoir les cheveux ou la barbe
gris », 1872, Larousse]). Qui grisonne : Les
boucles de ses cheveux grisonnants (Zola).
Il portait les cheveux rejetés en arrière, une
large barbe grisonnante suspendue à des
joues massives (Duhamel). ‖ Qui com-
mence à avoir les cheveux ou la barbe
gris : Aussi ne sera-t-on pas trop surpris
que Jacobus Dubrogneus, à l’âge où je le
connus, c’est-à-dire déjà grisonnant, n’eût
pas fait encore un seul tableau (France).
Des tempes grisonnantes.

grisonnement [grizɔnmɑ̃] n. m. (de


grisonner ; 1546, R. Estienne). Le fait de
grisonner : Le grisonnement des cheveux.

grisonner [grizɔne] v. intr. (de grison ;


XVe s., Basselin, au sens 1 ; sens 2, av. 1857,
Musset). 1. Devenir gris, en parlant du poil
des êtres humains. ‖ Commencer à avoir
du poil gris, en parlant d’une personne : Il
grisonne déjà. Rougissante entre des ban-
deaux qui grisonnent (Colette). ‖ 2. Par
extens. En parlant des choses, devenir
gris : Déjà le blanc matin faisait grisonner
l’ombre (Musset). Le matin commençait à
grisonner (Gautier).

& v. tr. (sens 1, milieu du XVIe s., Ronsard ;


sens 2, 1900, Dict. général). 1. Rendre gris
(rare) : La fumée de la poudre grisonne une
barbe plus vite que les années (Mérimée).
‖ 2. Teindre en gris. (Rare.)

grisotte [grizɔt] n. f. (var. de grisette [v.


ce mot] ; 1930, Larousse). Broderie à jour
faite dans les bas sur le métier lui-même.
• SYN. : baguette.

grisou [grizu] n. m. (forme picardowal-


lonne correspondant au franç. grégeois [v.
ce mot] ; 1758, Tilly [adjectiv., 1835, Acad. ;
feu brisou — sous l’influence de briser —,
1753, Encyclopédie, III, 192]). Gaz inflam-
mable qui se dégage des mines de houille et
qui, mélangé à l’air, devient explosible au
contact d’une flamme : Un coup, une explo-
sion de grisou ; adjectiv.et vx : L’homme

sous terre adorera le gaz des marais, autre-


ment dit le feu grisou (Goncourt).

grisou-dynamite [grizudinamit] n. f.
(de grisou et de dynamite ; 1962, Larousse).
Explosif qui comprend une certaine dose
de nitroglycérine et dont l’emploi est toléré
dans les mines grisouteuses.

grisoumètre [grizumɛtr] n. m. (de gri-


sou et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1877,
Littré). Appareil portatif destiné à déter-
miner la quantité de grisou qui se trouve
dans une mine.

grisoumétrie [grizumetri] n. f. (de grisou


et de -métrie, du gr. metron, mesure ; XXe s.).
Détermination de la teneur en grisou de
l’air des mines : La grisoumétrie permet de
régler l’aérage.

grisou-naphtalite [grizunaftalit] n. f.
(de grisou et de naphtalite ; 1962, Larousse).
Explosif à base de nitrate d’ammonium,
sans nitroglycérine, dont l’usage est auto-
risé dans les mines grisouteuses.

grisouscope [grizuskɔp] n. m. (de grisou


et de -scope, du gr. skopeîn, observer, exa-
miner ; 1962, Larousse). Appareil servant
à déceler la présence de grisou.

grisouscopie [grizuskɔpi] n. f. (de gri-


sou et de -scopie, du gr. skopeîn [v. l’art.
précéd.] ; 1962, Larousse). Détermination
approximative de la teneur en grisou dans
l’air d’une mine.

grisouteux, euse [grizutø, -øz] adj. (de


grisou ; 9 mars 1876, Journ. des débats). Qui
contient du grisou : Une mine grisouteuse.
Un air grisouteux.

grit [gri] n. m. (mot angl. signif. « sable,


gravier, grès », anglo-saxon greōt, grytt,
d’origine francique [v. GRÈS] ; 1968,
Larousse). Gravier dur donné au poussin
pour habituer son gésier au broyage des
aliments.

1. grive [griv] n. f. (fém. de l’anc. franç.


grieu, grec [v. 1160, Benoît de Sainte-
Maure], griu [début du XIIIe s.], lat. grae-
cus, grec, la grive étant un oiseau migrateur
dont on pensait qu’il hivernait en Grèce ; v.
1280, Bibbesworth, au sens 1 [soûl comme
une grive, v. 1462, Cent nouvelles ; faute
de grives..., 1866, Littré] ; sens 2, 1877,
E. Rolland, Faune, II, 239 ; sens 3-5, XXe s.).
1. Oiseau passereau, voisin du merle, de
teinte grisâtre ou brune, à dessous plus
clair tacheté, insectivore et gourmand de
fruits, et dont la chair est très appréciée des
gourmets : On n’entendait que la plainte
de la grive des rivières (Chateaubriand).
Jamais grive ou larron ne marauda sa vigne
(Heredia). ‖ Soûl comme une grive, très
soûl, par allusion au goût prononcé de la
grive pour le raisin : Une centaine de cama-
rades étaient là, en train de s’achever, soûls
comme des grives, heureux, incapables de
gestes, chahutant du képi dans un frémis-
sement clair de baïonnettes (Zola). ‖ Faute

de grives, on mange des merles (prov.),


quand on ne peut pas obtenir les meilleures
choses, il faut savoir se contenter de moins.
‖ 2. Grive de gui, nom usuel de la draine,
espèce de grive. ‖ 3. Grive bruyante, nom
usuel du garrulax. ‖ 4. Grive superbe, nom
usuel de la brève. ‖ 5. Grive siffleuse, nom
usuel du myiophone.

2. grive [griv] n. f. (probablem. forme


altérée et substantivée du fém. de l’anc.
adj. grief, pénible [v. GRIEF 1], plutôt
qu’emploi ironique de grive 1 [cet oiseau
étant considéré comme très querelleur] ;
1628, Chereau, au sens 1 ; sens 2, 1899,
Esnault). 1. Arg. et vx. Guerre. ‖ 2. Arg. et
vx. Armée ; service militaire.

grivelage [grivlaʒ] n. m. (de griveler ; av.


1837, Fr. M. Ch. Fourier). Vx. Action de gri-
veler ; petits profits illicites : Qu’un homme
s’en aille dans un salon dire la franche et
bonne vérité sur les faits et gestes des assis-
tants, sur les grivelages des gens d’affaires et
les intrigues secrètes des dames présentes,
il sera conspué, traité d’ostrogoth philoso-
phique (Fourier).

grivelé, e [grivle] adj. (de grive 1 ; XIIIe s.,


Du Cange). Marqué de taches, comme le
ventre de la grive : Des maisons basses et
grivelées de violentes taches (Lombard).
griveler [grivle] v. intr. (de grive 1, à cause
de l’habitude qu’a cet oiseau de commettre
de menus pillages [dans les vignes en par-
ticulier] ; 1620, Chronique bordeloise, au
sens 1 ; sens 2, 1907, Larousse). [Conj. 3 a.]
1. Vx. Réaliser des profits illicites, dans un
emploi, dans une charge. ‖ 2. Consommer
dans un café, dans un restaurant, sans
avoir de quoi payer, commettre une gri-
vèlerie. (Rare.)

grivèlerie [grivɛlri] n. f. (de griveler ;


XVIe s., Littré, au sens 1 ; sens 2, 1907,
Larousse). 1. Vx. Action de réaliser des
profits illicites, dans une charge, dans un
emploi. ‖ 2. Acte qui consiste à consom-
mer dans un café, dans un restaurant,
sachant qu’on n’a pas les moyens de payer :
La grivèlerie est un délit.

griveleur, euse [grivloer, -øz] n. (de gri-


veler ; 1642, Oudin). Vx. Celui, celle qui
grivelle.

grivelure [grivlyr] n. f. (de grivelé ; milieu


du XVIe s. [var. grivolure, 1545, Guéroult]).
Nuance mi-partie de blanc et de gris : Dans
la grivelure argentée de leurs ailes déployées,
un vol tumultueux de grèbes (Moréas).

grivet [grivɛ] n. m. (peut-être altér. de


gris-vert [qui est la couleur de ce singe] ;
1872, Larousse). Sorte de singe, gris ver-
dâtre, à menton et ventre blancs, vivant
surtout en Afrique orientale, connu des
Anciens sous le nom de singe de Saba.

griveton [grivtɔ̃] n. m. (de grivet, fan-


tassin [1861, Esnault], dér. de grive 2
[comme grivier, soldat, 1811, Esnault] ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2269

1881, L. Rigaud, écrit griveton et grifton ;


griffeton, 1919, Dauzat). Arg. Simple sol-
dat : Je suis antimilitariste parce que je ne
peux pas blairer les officiers, dit-il sur un
ton conciliant. Les grivetons, je les aime
bien (Sartre).

• REM. On trouve aussi parfois les formes


grifton et griffeton : Il était dur pour le
griffeton (Barbusse).

grivette [grivɛt] n. f. (dimin. de grive 1 ;


1611, Cotgrave). Petite grive.

grivois, e [grivwa, -az] n. (de grive 2 ;


1690, Esnault, au sens 1 ; sens 2, 1696, Ritter,
les Quatre Dictionnaires [pour une femme ;
pour un homme, 1704, Trévoux]). 1. Class.
Soldat : Quand ils ont à leur tête un joli
général, | Il n’est pour les grivois point de
plaisir égal (Boursault). ‖ 2. Vx. Homme,
femme de moeurs libres et joyeuses : Un
essaim de grivois | Buvant à leurs mignonnes
(Béranger). Papa La Blancheur, vous deviez
être un grivois dans votre temps [...]. Vous
n’êtes pas encore engourdi (Balzac).

& adj. (1707, Dancourt). Très libre et hardi,


sans aller jusqu’à l’obscénité : Les « Contes »
de La Fontaine sont grivois. Les façons
grivoises et goguenardes du bon peuple de
France (Taine). Quand ils rentraient [...],
ils s’endormaient aux bras l’un de l’autre
[...] avec des lambeaux de couplets grivois
chantant encore à leurs oreilles (Zola). Dans
cette queue, on suffoquait, on croyait mou-
rir, on faisait des plaisanteries, on lançait
des propos grivois (France).

• SYN. : coquin, croustillant, égrillard,


gaillard, gaulois, leste, libertin, osé.

grivoise [grivwaz] n. f. (fém. de grivois,


au sens de « soldat », cette tabatière étant
surtout utilisée par les militaires ; 1694,
Ménage). Vx. Tabatière munie d’une râpe,
introduite à Strasbourg (1690) par les sol-
dats allemands au service de la France.

grivoiser [grivwaze] v. tr. (de grivoise ;


1718, Ph. Leroux). Vx. Râper avec la
grivoise.

grivoiserie [grivwazri] n. f. (de gri-


vois, adj. ; 1872, Larousse, aux sens 1-2).
1. Caractère d’une personne ou d’une
chose grivoise : La grivoiserie de certaines
chansons de Béranger. L’atmosphère du
Parlement perd aussitôt tout tragique et
tout sérieux, les interruptions mutines se
croisent, et l’Assemblée tout entière se laisse
aller à une aimable grivoiserie (Giraudoux).
‖ 2. Histoires, propos, gestes qui ont un
caractère grivois : Beau, grand, brun, l’air
narquois et les yeux vainqueurs, il l’affola
par des gestes et des grivoiseries qui allaient
loin (Huysmans).

• SYN. 1 légèreté, licence ; 2 gaillardise, gau-


driole, gauloiserie, joyeuseté (fam.).

grizzli [grizli] n. m. (anglo-amér. grizzly


[bear], [ours] grisâtre, dér. de grizzel,
grizzle, gris, anc. angl. grisel, empr. de l’anc.
franç. grisle, gris [v. 1160, Benoît de Sainte-

Maure], dér. de gris ; 1860, Depping, écrit


grisly ; grizzly, 1867, La Blanchère ; grizzli,
1901, Larousse). Espèce d’ours de grande
taille, des montagnes Rocheuses.

• REM. On trouve aussi la graphie


GRIZZLY.

groenendael [grənɛndal ou grɔnɛndal]


n. m. (flam. groenendael, chien de berger,
du n. d’une localité belge où on élevait ce
genre de chiens ; 1930, Larousse). Race
belge de chiens de berger à poil dur, à
robe noire : « Quel bel animal ! fit-il. Un
policier belge, je crois. — Un groenendael,
oui » (Binet-Valmer).

groenlandais, e [grɔɛnlɑ̃dɛ, -ɛz] adj. et


n. (de Groenland, n. géogr. ; 1872, Larousse).
Relatif au Groenland ; habitant ou origi-
naire de ce pays : Les ressources groenlan-
daises. La population groenlandaise.

& groenlandais n. m. (1857, Flaubert).


Langue parlée par les Groenlandais : Il
[M. Homais] citait du latin, tant il était
exaspéré. Il eût cité du chinois et du groen-
landais, s’il eût connu ces deux langues
(Flaubert).

grog [grɔg] n. m. (mot angl., tiré de Old


Grog, « vieux G. », surnom donné à l’amiral
Vernon, à cause de son habitude de por-
ter une culotte de grogram, « camelot de
soie » [anc. grograyn — milieu du XVIe s.
—, empr. du franç. gros-grain, v. ce mot]
— l’amiral, par une prescription d’août
1740, avait ordonné à ses marins de mettre
de l’eau dans leur rhum, d’où l’attribution
de son surnom à la nouvelle boisson ; 1776,
Courrier de l’Europe). Boisson composée
d’eau-de-vie ou de rhum, de gin, de kirsch,
etc., additionnée d’eau sucrée, générale-
ment chaude, et de citron : Le grog de
Charlotte y était peut-être pour quelque
chose, un grog foncé, carabiné (Daudet). Il
apporte de quoi faire un grog : rhum, sucre,
presse-citron... (Gide).

groggy [grɔgi] adj. (mot angl. signif. pro-


prem. « gris, ivre », peut-être dér. de grog
[v. l’art. précéd.] ; 1926, Esnault, au sens
de « épuisé par l’effort » [en parlant d’un
cycliste] ; sens 1-2, 1930, Larousse). 1. Se
dit du boxeur très éprouvé par les coups de
l’adversaire, mais qui tient encore debout :
Sembrano, qui s’était penché, se releva, la
bouche ouverte et les yeux à demi clos,
Voltaire assommé ; et d’un pas de boxeur
groggy, il se dirigea sans fermer la bouche
vers la ferme suivante (Malraux). ‖ 2. Fam.
Tout étourdi par un choc brutal et soudain,
physique ou moral : Je suis encore un peu
groggy, mais tu vas voir (Amiel).

• SYN. : 2 abasourdi, anéanti, assommé,


effondré.

grognant, e [grɔɲɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de grogner ; 1857, Baudelaire). Qui grogne,
se fait un devoir de grogner en signe de
protestation : Celui que les grognantes

foules de demi-solde espéraient remettre


aux Tuileries (d’Esparbès).

grognard, e [grɔɲar, -ard] adj. et n. (de


grogner ; XIIIe s., Dict. général, écrit groi-
nart ; grognard, v. 1560, Paré). Vx. Qui a
l’habitude, la manie de grogner : L’ange
[Mme Castanier] fut une créature grognarde
et soupçonneuse qui fit enrager Castanier...
(Balzac). Un écolier grognard.

& adj. (1776, J.-J. Rousseau). Qui est propre


aux personnes qui grognent : L’air grognard
et maussade des valets (Rousseau).

• SYN. : bougon, grincheux, grognon,


grondeur, pleurnicheur (fam.), ronchon,
ronchonneur.

& grognard n. m. (1812, Brunot). Soldat de


la Vieille Garde, sous le premier Empire :
Trois fantômes de vieux grognards | En
uniforme de l’ex-garde (Gautier). Il avait
une face de vieux grognard à moustaches
tombantes... (Martin du Gard).

grognarder [grɔɲarde] v. intr. (de gro-


gnard ; 1947, Giono). Faire le grognard :
C’étaient tous de vieux soldats et ils se
mirent tout de suite à grognarder avec
tant d’aisance qu’on se sentit entièrement
rassuré (Giono).

grognasse [grɔɲas] n. f. (de grogner,


avec le suff. péjor. -asse ; 1920, Bauche
[« vieille prostituée », 1933, G. Duhamel]).
Pop. et péjor. Femme assez vieille et laide.
‖ Spécialem. Vieille prostituée : Être rac-
croché par une grognasse.

• SYN. : pouffiasse (pop.).

grognasser [grɔɲase] v. tr. (de gro-


gner ; 1872, Larousse). Pop. Grogner d’une
façon continuelle : Cet enfant ne cesse de
grognasser.

grogne [grɔɲ] n. f. (déverbal de gro-


gner ; milieu du XIVe s., Machaut). Fam.
Mécontentement que des personnes expri-
ment en grognant : Au bureau, j’ai trouvé
chez la receveuse un accueil dolent et même
de la grogne (Roupnel). Chaque remous met
en action les équipes diverses de la hargne, de
la grogne et de la rogne (de Gaulle).

• SYN. : bougonnement, grognerie, jérémiade,


lamentation, murmure, pleurnicherie (fam.).

grognement [grɔɲmɑ̃] n. m. (de gro-


gner ; XVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2,
fin du XIXe s., A. Daudet ; sens 3, 1885,
Zola [« suite de sons et de paroles à peine
formulées pour exprimer le mécontente-
ment », XVIe s., puis 1762, Acad.]). 1. Cri du
cochon et des suidés : Un bourdonnement
de voix, où se mêlaient des hennissements
de chevaux, des bêlements d’agneaux,
des grognements de cochons, avec le bruit
sec des carrioles dans la rue (Flaubert).
‖ 2. Bruit sourd, grondement émis par des
personnes, sans l’intention de manifester
ainsi un sentiment : Des grognements de
dormeurs (Daudet). Il entendait les grogne-
ments de ses enfants, des bruits d’eau, les
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2270

tintements de la vaisselle (Camus). ‖ 3. Son


émis ou paroles murmurées, inintelligibles,
par lesquels une personne exprime divers
sentiments : Ma main étouffera ses gro-
gnements obscènes (Banville). Si Madame
lui adressait la parole, il [Zéphyrin] ne
répondait guère que par des saluts et des
grognements respectueux (Zola). Le vieux
poussa un grognement satisfait, son visage
était rouge de plaisir. Il souriait (Aymé).
‖ Spécialem. Suite de sons et de paroles à
peine formulées pour exprimer le mécon-
tentement : Elle relève sa jupe de soie sur
sa tête, s’y cache, y étouffe ses grognements
[de fureur] (Daudet). « Je vous avertis que le
chantier a trois francs d’amende. » Un sourd
grognement chez les haveurs accueillit ces
paroles (Zola).

• SYN. : 2 bourdonnement, ronflement, ron-


ron ; 3 murmure ; bougonnement, grommel-
lement, grondement, ronchonnement (fam.).

grogner [grɔɲe] v. intr. (altér., d’après


groin, de l’anc. franç. grunir, gronir, grogner
[v. 1190, Garnier de Pont-SainteMaxence],
lat. grunnire, var. de grundire, grogner [en
parlant du cochon] ; XIIe s., Godefroy, au
sens 3 ; sens 1, XIIIe s. [aussi en parlant
d’autres animaux que le cochon] ; sens
2, 1690, Furetière). 1. Faire entendre son
cri, en parlant du cochon : Caressé, il [le
cochon] fait semblant de dormir, s’allonge
et grogne de gratitude (Renard). ‖ Par
anal. En parlant d’un animal, émettre
une sorte de grognement : Un chien qui
grogne. ‖ 2. Par extens. et fam. En parlant
de personnes, émettre un bruit sourd, des
sons inarticulés : Pour que l’on s’efforçât
d’appeler son attention, elle commençait à
geindre, à grogner comme un animal (Gide).
‖ 3. Émettre des sons, des grognements
pour exprimer des sentiments, notamment
la protestation : En grognant, on bouclait
le sac (Dorgelès).

• SYN. : 2 gronder ; 3 bougonner, grognon-


ner (fam.), grommeler (fam.), maronner
(pop.), maugréer, ronchonner (fam.).

& v. tr. (sens 1, 1835, Platt [« être hostile


à », début du XVe s., Ch. d’Orléans] ; sens
2, av. 1872, Th. Gautier). 1. Vx. Exprimer
à quelqu’un son mécontentement, le gron-
der : Il nous grognait fort, il nous rendait
responsable de ce qui n’allait pas selon ses
vues (Chateaubriand). Il commence bien
l’année comme un mari, car il me gronde
et il me grogne (Balzac). ‖ 2. Exprimer
sous la forme d’un grognement, dire
en grognant : Grogner des insultes, des
excuses. La sébile aux dents, son caniche
| Près de lui le [l’air du « Carnaval de
Venise »] grogne à mi-voix (Gautier). Il
a la bougonnerie cordiale et grogne des
amabilités (Gide). « Vous cherchez la petite
fille, je parie.— Oui », grogne Gabriel sans
enthousiasme (Queneau).

& se grogner v. pr. (1866, Littré). Littér.


Exprimer par des grognements mutuels :
Un de ces débats où mâle et femelle se mor-

dillent et se grognent pour la réconciliation


et pour l’amour (Giraudoux).

grognerie [grɔɲri] n. f. (de grogner ;


XVe s., La Curne). Plaintes, récriminations
continuelles (rare) : Un mélange de bonne
humeur et d’impatience, de grogneries sans
amertume (Goncourt).
grogneur, euse [grɔɲoer, -øz] adj. et n.
(de grogner ; v. 1462, Cent Nouvelles). Qui a
l’habitude de grogner, de protester. (Rare.)

grognon, onne [grɔɲɔ̃, -ɔn] adj. et n.


(de grogner ; 1721, Trévoux, dans la loc.
mère grognon, nom que les pensionnaires
donnaient à la religieuse chargée de leur
éducation ; sens actuel, v. 1770, J.-J.
Rousseau). Fam. Se dit d’une personne
disposée à grogner, d’une humeur désa-
gréable : Je ne veux pas [...] que vous vous
dérangiez pour voir un malade très morose
et grognon comme je suis (Mérimée). Un
enfant grognon. Un incorrigible grognon.
• SYN. : bougon, grincheux, grondeur, ron-
chon, ronchonneur.

& adj. (1866, Littré). Qui témoigne de ce


caractère : Ton grognon. Propos grognon.
Elle vivait dans une sorte de gronderie
taciturne et de silence grognon (Hugo).
• SYN. : boudeur, maussade, renfrogné.
• REM. Grognon, substantif, n’a pas de
correspondant féminin : Quelle gro-
gnon vous êtes ! Une vraie mère grognon
(Acad.). Pour l’adjectif, il existe le fém.
grognonne : Humeur grognonne. La com-
pagnie grognonne des cochons (Sainte-
Beuve). Mine grognonne (Huysmans).

grognonnant, e [grɔɲɔnɑ̃, -ɑ̃t] adj.


(part. prés. de grognonner ; av. 1896,
Goncourt). Qui témoigne d’une humeur
grognonne (rare) : Un non boudeur, gro-
gnonnant (Goncourt).

grognonner [grɔɲɔne] v. intr. (de gro-


gner ; v. 1692, Fénelon, au sens de « gro-
gner à la manière des pourceaux » ; sens
1, début du XXe s. [un premier ex. au début
du XVIIe s.] ; sens 2, 1845, Bescherelle).
1. En parlant de porcs, pousser de petits
grognements continuels ; grogner, en par-
lant de porcelets : Il entendit aussi le cochon
grognonner (Chérau). ‖ 2. En parlant de
personnes, grogner continuellement pour
peu de chose, comme une personne gro-
gnonne : Geignant, grommelant, grognon-
nant (Goncourt).

• SYN. : 2 bougonner (fam.), grommeler


(fam.), ronchonner (fam.).

& v. tr. (XXe s.). Exprimer sous forme de gro-


gnement plus ou moins articulé : Il s’éloigne
en grognonnant on ne sait quoi (Arnoux).

grognonnerie [grɔɲɔnri] n. f. (de


grognonner ; 1845, Bescherelle). Action
de grognonner ; paroles d’un grognon
(rare) : La grognonnerie du général bava-
rois (Goncourt).

• SYN. : bougonnement, ronchonnement


(fam.).

groie [grwa] n. f. (mot régional du Poitou,


de l’Aunis et de la Saintonge, de l’anc. franç.
groe, gravier, terrain pierreux [fin du XIIe s.,
Moniage Guillaume], lat. pop. *grauca,
même sens, contraction de *gravica, dér.
de *grava [v. GRÈVE 1] ; 1442, Clouzot,
écrit groye, au sens de « terre sablonneuse
et marécageuse » ; 1869 [d’après Littré,
1877], écrit groie, au sens de « terre peu
compacte, bonne pour la vigne » ; terre de
groie, 1962, Larousse). Terre de groie, sol
constitué par une argile de décalcification
où apparaissent encore des morceaux de
calcaire.

groin [grwɛ̃] n. m. (bas lat. grŭnium,


museau du porc [VIe s.], du lat. class. grun-
nire, grogner [en parlant du cochon] ;
v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-Maxence,
écrit gruing [groing, v. 1265, J. de Meung ;
groin, XVIe s.], au sens 1 ; sens 2, v. 1530,
C. Marot [faire groing, « faire la moue »,
v. 1175, Chr. de Troyes]). 1. Museau du
cochon et du sanglier : L’entrée disparais-
sait à demi sous un tas de fumier qu’un
porc fouillait de son groin (France). ‖ 2. Par
anal. et fam. Visage laid, bestial : « Pour
la santé de son groin, ajouta l’orateur [...].

— Groin toi-même », s’écria Marche-à-terre


(Balzac). C’étaient des têtes mangées par
l’eczéma, des fronts couronnés de roséole,
des nez et des bouches dont l’éléphantiasis
avait fait des groins informes (Zola).

• SYN. : 1 et 2 hure.

groisil [grwazil] n. m. (var. de grésil, au


sens anc. de « verre pilé » [1690, Furetière] ;
1611, Cotgrave). En termes de verrerie,
ensemble de déchets de verre provenant
de la fabrication.

• SYN. : calcin, graisin, grésil.

groisillon [grwazijɔ̃] ou grésillon


[grezijɔ̃] adj. et n. (de Groix, n. d’une île
proche des côtes du Morbihan ; 1962,
Larousse). Relatif à l’île de Groix ou à ses
habitants ; habitant ou originaire de cette
île.
groize [grwɑz] n. f. (var. du moyen franç.
groisse, gravier qui encombre la rue [1421,
Godefroy], dér. de grès ; 1850, Mémoires de
l’acad. de Besançon). En géomorphologie,
syn. de GRÈVE.

1. grole ou grolle [grɔl] n. f. (bas lat.


graula, lat. class. gracula, femelle du geai,
fém. de graculus, geai ; 1523, Godefroy,
écrit grole ; grolle, 1762, Acad.). Dialect.
Corbeau, corneille, choucas : Le croasse-
ment du freux, qu’il ne faut pas confondre
avec celui de la grole (Chérau).

2. grole ou grolle [grɔl] n. f. (lat. pop.


*grolla, chaussure, mot d’origine inconnue ;
XIIIe s., Godefroy [écrit grole], au sens de
« savate » ; sens actuel, 1574, Inventaire de
Barbe d’Amboise, 334 [écrit grole ; grosle,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2271

1612, Lurbe ; grolle, milieu du XIXe s.]


— jusqu’au XIXe s., le terme était surtout
employé dans les patois du Midi, de la vallée
du Rhône et de l’Ouest). Arg. Chaussure
(s’emploie le plus souvent au plur.) : Enlève
tes grolles (Duhamel).

grolles [grɔl] n. f. pl. (déverbal du norm.


groler, remuer, branler, trembler, anc.
franç. grouler, s’agiter, s’ébranler [v. 1280,
Bibbesworth], var. de crouler [v. ce mot et
aussi GROUILLER] ; 1910, Esnault). Pop.
Avoir les grolles, avoir peur.

grommeler [grɔmle] v. intr. (flam.


grommelen, grogner, du moyen néerl.
grommen, même sens [qui avait donné gro-
mer, « grommeler », en anc. franç., v. 1150,
Barbier] ; XIVe s., Miracles de Nostre-Dame,
écrit grumeler [grommeler, 1530, Palsgrave],
au sens 1 [sans aucun doute plus anc., cf.
la date du dér. grommellement] ; sens 2,
1836, Musset). [Conj. 3 a.] 1. Fam. En par-
lant d’une personne, émettre des paroles
indistinctes entre ses dents : J’entendis
mon oncle grommeler, se fâcher... (Proust).
Il saisit le vieux, grommelant, par le bras
(Montherlant). ‖ 2. Par anal. En parlant
d’un animal, émettre des grognements :
Le chien [...] grommelant après les inconnus
(Gautier).

• SYN. : 1 bougonner, grognonner (fam.),


maronner (pop.), maugréer, ronchonner
(fam.) ; 2 grogner, gronder.

& v. tr. (1762, J.-J. Rousseau). Prononcer


indistinctement, sans ouvrir la bouche :
Seul, immobile et sur la dalle agenouillé, |
Un moine grommelait son chapelet d’ivoire
(Leconte de Lisle). La servante sembla éton-
née et grommela des paroles sourdes (Zola).
• SYN. : marmonner, marmotter, murmurer.

grommellement [grɔmɛlmɑ̃] n. m. (de


grommeler ; XIIe s., Isopet I, écrit grumel-
lement, au sens de « grognement » ; sens
1, milieu du XIVe s. [écrit grumellement ;
grommellement, 1567, Junius ; aussi « sons,
paroles émis en grommelant »] ; sens 2,
av. 1880, Flaubert). 1. Action de grom-
meler : Il ajouta, dans un grommellement
bourru où perçait déjà la bonne humeur...
(R. Chauviré). ‖ Les sons, les paroles
émis en gromelant : Mme de Villeparisis
fit entendre une sorte de grommellement
indistinct (Proust). ‖ 2. Bruit qui ressemble
à un grommellement : Une sorte de grom-
mellement sortit de la cheminée (Flaubert).

grondable [grɔ̃dabl] adj. (de gronder ;


1743, Trévoux). Qu’on peut ou qu’on doit
gronder : Est-ce que cet enfant irresponsable
est grondable ?

grondant, e [grɔ̃dɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de gronder ; XVIe s., Godefroy [« qui
s’accompagne de grondements », fin du
XIXe s.]). Qui gronde : Une chienne gron-
dante. La houle grondante. ‖ Qui s’accom-
pagne de grondements : Ses soupçons et ses
grondantes rancunes (Theuriet).

gronde [grɔ̃d] n. f. (déverbal de gronder ;


1690, Furetière, au sens de « trompe [ins-
trument de musique] » ; sens actuel, 1837,
Balzac). Vx et pop. Action de gronder ;
réprimande faite à quelqu’un : Vous devez
vous souvenir de la « gronde » de mon mari,
à propos d’une erreur de caisse (Balzac).

grondement [grɔ̃dmɑ̃] n. m. (de gron-


der ; 1170, Maurice de Sully, au sens de
« action de murmurer entre ses dents » ;
sens 1, 1541, Calvin ; sens 2, 1625, Stoer ;
sens 3, début du XXe s.). 1. Bruit sourd et
menaçant émis par certains animaux : Le
grondement d’un chien irrité. ‖ 2. Bruit
sourd, ample et prolongé, plus ou moins
inquiétant, produit par les forces de la
nature ou par des choses en mouvement
ou en action : Le grondement du tonnerre,
du canon. Pas d’autre bruit que le gronde-
ment lointain d’un torrent sur les pierres,
le bouillonnement de son écume, la canti-
lène à cinq notes du cor des Alpes en écho
parmi les forêts et les roches (Daudet). Je
lis « Loulou », en chemin de fer, dans le
rapide, au grondement des roues sur le rail
(France). Le vieux ferma les yeux. Devant
la vie qui emportait les grondements de
la ville, et le sourire niais, indifférent du
ciel, il était seul, désemparé, nu, mort déjà
(Camus). ‖ 3. Fig. Menace d’explosion de
sentiments violents : Le grondement de la
colère, des passions.

• SYN. : 1 grognement ; 2 fracas, hurlement,


mugissement, ronflement, roulement,
rumeur, vrombissement.

gronder [grɔ̃de] v. intr. (var. de l’anc.


franç. grondir, grogner, murmurer [fin
du XIIe s., Geste des Loherains ; aussi var.
grondre, v. 1160, Roman de Tristan], lat.
grundire, grogner [en parlant du cochon] ;
début du XIIIe s., au sens 2 ; sens 1, 1538,
R. Estienne ; sens 3, 1683, Fléchier ; sens
4, v. 1265, J. de Meung). 1. En parlant de
certains animaux, faire entendre un bruit
sourd et menaçant : Son chien blanc, inquiet
d’une si longue garde, | Grondait au moindre
bruit (Lamartine). ‖ 2. Littér. En parlant de
personnes, exhaler des récriminations, des
critiques sourdement et sous l’emprise de la
colère : Il grondait bien contre les patrons,
les traitait de sale clique, se disant socialiste
[...], et pourtant, il avait de l’estime pour
Darras, qui gagnait gros (Zola). ‖ 3. Fig.
Se manifester d’une façon à la fois sourde
et menaçante, être près d’éclater, en par-
lant de sentiments contenus avec peine :
Et la haine, dans ses entrailles, brûle et
gronde (Leconte de Lisle). ‖ 4. En parlant
des choses, faire entendre un bruit sourd
et prolongé, plus ou moins effrayant : Les
flots écoulés semblent gronder encore dans
ces profondeurs (Chateaubriand). Quand il
[le canon] grondait, je devenais rouge de
plaisir (Vigny). Ils se séparèrent à la porte
de la brasserie, quand déjà le tablier de tôle
descendait, en grondant, sur la devanture
(France).

• SYN. : 1 grogner ; 2 bougonner, grognonner


(fam.), grommeler (fam.), maronner (pop.),
maugréer, râler (pop.), ronchonner (fam.),
rouscailler (pop.) ; 4 hurler, mugir, vrombir.
& v. tr. (sens 1, XIVe s. ; sens 2, av. 1902,
Zola ; sens 3, 1665, Retz). 1. Class. Dire entre
ses dents, de façon plus ou moins distincte ;
fredonner : Souvenez-vous bien, vous, de
venir [...] avec cet air qu’on nomme le bel air,
peignant votre perruque et grondant une
petite chanson entre vos dents. La, la, la,
la, la, la (Molière). ‖ 2. Dire avec mauvaise
humeur, en bougonnant : Il descendit sous
le pont se mettre à l’abri, en grondant que
c’était insupportable (Zola). « Oh ! gronda-
t-elle tout bas avec humeur, je te battrais »
(Colette). ‖ 3. Réprimander quelqu’un
avec qui on a des relations familières :
Nous sommes prêts à gronder le visiteur
qui dérange nos curiosités sur la cheminée
(Balzac). Elle se disait que la Thénardier la
gronderait et la battrait (Hugo).

• SYN. : 3 attraper, disputer (fam.), engueu-


ler (pop.), enguirlander (pop.), houspiller
(fam.), réprimander, savonner (fam.), son-
ner les cloches (pop.).

gronderie [grɔ̃dri] n. f. (de gronder ; 1584,


G. Bouchet, au sens de « grognement [du
porc] » ; sens 1, 1690, Furetière ; sens 2, 1685,
Mme de Sévigné [« murmures, plaintes »,
fin du XVIe s., A. d’Aubigné]). 1. Action de
gronder : Employer avec un enfant le ton
de la gronderie. ‖ 2. La réprimande elle-
même : Calmann-Lévy m’accueillit dans
mon obscurité, me soutint, tenta mille fois,
avec des gronderies charmantes, de secouer
ma paresse et ma timidité (France).

• SYN. : 2 observation, remontrance,


reproche.

grondeur, euse [grɔ̃doer, -øz] adj. et


n. (de gronder ; 1586, Vaganay). Se dit
d’une personne qui gronde souvent, qui
manifeste habituellement son mécontente-
ment par des réprimandes : Resteriez-vous
ainsi fidèles auprès de moi, indulgents et
grondeurs, si j’étais longtemps, longtemps
malade ? (Colette).

• SYN. : querelleur, ronchon, ronchonneur.


& adj. (sens 1, av. 1660, Scarron ; sens 2,
1684, La Fontaine). 1. Qui exprime la
gronderie : Thénardier leur dit d’un ton
grondeur [...] : « Ah ! vous voilà donc, vous
autres » (Hugo). ‖ 2. Se dit d’une chose qui
fait entendre un grondement : La terre est
calme auprès de l’océan grondeur (Hugo).

grondin [grɔ̃dɛ̃] n. m. (de gronder, parce


que ce poisson, quand il est pris, gronde
comme le porc ; 1769, Duhamel du Monceau
[au sens de « porc », 1584, G. Bouchet]).
Nom usuel des poissons du genre trigle.

groom [grum] n. m. (mot angl. signif.


« garçon, jeune homme, valet d’écurie »,
et désignant aussi divers officiers de la mai-
son royale, anc. angl. grom, grome, jeune
homme, garçon, valet [début du XIIIe s.] ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2272

1669, Chamberlayne, au sens de « valet » ;


sens 1, début du XIXe s. [« valet d’écurie » ;
« petit laquais », 1838, Balzac] ; sens 2,
av. 1922, Proust). 1. Autref. Jeune laquais
d’écurie en livrée : Lucien aperçut [...] le
magnifique cheval anglais de Daurial, et
Daurial qui tendait les guides à son groom
avant de descendre (Balzac). Il jouit des
beaux équipages, des fiers chevaux, de la
propreté éclatante des grooms, de la dexté-
rité des valets, de la démarche des femmes
onduleuses (Baudelaire). ‖ 2. Auj. Jeune
employé en livrée, qui, dans un hôtel, un
restaurant, un grand café, un cercle, est
chargé de faire les courses : Voulez-vous
avoir l’extrême obligeance de faire quérir
une voiture par le groom ? (Rosny aîné).
• SYN. : 2 chasseur.

1. gros, grosse [gro, gros] adj. • ÉTYM.


Bas lat. grossus, gros, épais, qui avait sup-
planté le lat. class. crassus, épais, dense, gras
(v. GRAS), qui, lui-même, l’avait emporté sur
pinguis, gras, bien nourri, graisseux, fer-
tile, épais, dense, grossier ; 1080, Chanson
de Roland (v. ci-après). — A : sens 1, 1651,
Scarron (sans doute bien plus anc. ; pour
des animaux, av. 1553, Rabelais ; pour une
partie du corps, 1659, La Rochefoucauld ;
faire le gros dos, 1835, Acad. ; faire les
gros yeux à quelqu’un, av. 1784, Diderot ;
les yeux gros de larmes, v. 1170, Floire et
Blancheflor ; avoir le coeur gros, v. 1167,
Gautier d’Arras) ; sens 2, v. 1175, Chr.
de Troyes ; sens 3, v. 1210, Folque de Candie
(gros bonnet, fin du XVIIe s., Saint-Simon ;
grosse légume, 1832, Esnault) ; sens 4, XXe s. ;
sens 5, 1273, Adenet (au moral ; au physique,
v. 1360, Froissart ; faire la grosse voix, 1872,
Larousse) ; sens 6, 1713, Hamilton (devant
un terme péjoratif, v. 1460, G. Chastellain) ;
sens 7, XVIe s., La Curne (pour des travaux,
fin du XVIIe s., Bossuet ; gros mot, XIIIe s.,
Rutebeuf) ; sens 8, v. 1464, Maistre Pierre
Pathelin. — B : sens 1, v. 1265, Br. Latini ;
sens 2, fin du XIVe s., E. Deschamps (le gros
gibier ; les grosses dents, 1694, Acad.) ; sens
3, 1080, Chanson de Roland (pour un être
animé, 1668, La Fontaine) ; sens 4, milieu
du XVIe s. (gros lot, 1690, Furetière [au fig.,
1704, Trévoux]) ; sens 5, fin du XIIIe s.,
Joinville (le gros oeuvre, 1866, Littré [art.
oeuvre]) ; sens 6, XXe s. (grosse mer, 1690,
Furetière ; gros temps, 1643, G. Fournier ;
gros vent, XXe s.) ; sens 7, v. 1265, Br. Latini
(du gros tabac, du gros, début du XXe s. ;
du gros-cul, 1895, Esnault) ; sens 8, 1835,
Acad. ; sens 9, 1762, d’Alembert.

A. En parlant des êtres animés.

1. Se dit d’une personne dont la corpulence


est supérieure à la moyenne : Un homme
gros et gras. Une grosse femme. Un gros
bébé. Ils sont tous gros dans cette famille.
‖ Se dit aussi des animaux : Un gros chien,
un gros chat. De gros poissons. J’étais réduit
à monter deux grosses juments de carrosse
(Chateaubriand). ‖ Se dit des parties du

corps qui sont particulièrement déve-


loppées : Avoir une grosse tête, de grosses
lèvres, un gros ventre. ‖ Faire le gros dos, en
parlant d’un chat, relever le dos en bosse,
en signe de contentement : C’était un chat
[...]. Il se secoua, regarda autour de lui, fit
le gros dos, bâilla (France). ‖ Fig. et fam.
Faire les gros yeux à quelqu’un (surtout à
un enfant), le fixer d’un air sévère, répro-
bateur ou menaçant. ‖ Fig. (Avoir) les yeux
gros de larmes, avoir les yeux gonflés de
larmes, être sur le point de pleurer : Il
voyait vaguement, dans ses yeux gros de
larmes, la route déserte, la pluie, une vie
noire de misère (France). ‖ Fig. (Avoir) le
coeur gros (sous-entendu « de larmes, de
soupirs, de regrets »), avoir du chagrin, de
la peine : À regarder tout cela [...] pour la
dernière fois, ton coeur crèvera-t-il pas, trop
gros dans ta poitrine ? (Farrère). ‖ 2. Se dit
d’une femme enceinte (vieilli) : Marguerite
devient grosse, sa honte est publique (Staël).
‖ 3. Se dit d’une personne dont l’impor-
tance sociale ou économique, l’influence,
la richesse, etc., est considérable : Un gros
commerçant. Un gros industriel. Un gros
banquier. Gobseck savait parlementer avec
les gros propriétaires (Balzac). Quelque gros
munitionnaire bien riche (Hugo). ‖ Fam.
Gros bonnet, grosse légume, personnage
important, influent dans son milieu.
‖ 4. Se dit aussi d’une position sociale
importante : Avoir une grosse situation
dans la métallurgie. Occuper une grosse
position dans le monde. ‖ 5. Se dit d’un état
physique, d’un état affectif ou d’un état de
conscience qui présente un certain degré
d’intensité ou de gravité, d’une action
susceptible de retentissement, de consé-
quences : Un gros rhume. Une grosse fièvre.
Une grosse dépression. Gros chagrin. Grosse
faute. Gros péchés. Commettre une grosse
erreur. Avoir de gros soucis, de gros ennuis,
de grosses difficultés. ‖ Faire la grosse voix,
prendre un ton sévère, menaçant. ‖ 6. Avec
un nom désignant une qualité, une manière
d’être, indique que celles-ci sont particuliè-
rement remarquables chez une personne :
Gros mangeur. Gros buveur ; et par extens. :
Un gros appétit. ‖ Devant un terme péjo-
ratif, donne à la qualification une valeur
de superlatif : Gros butor. Gros lourdaud.
Gros paresseux. Grosse gourde. ‖ 7. Se dit
des caractères physiques ou moraux, des
actions qui manquent de finesse, de dis-
tinction, de nuances : Avoir de gros traits.
Gros bon sens. Gros rire. Grosses plaisan-
teries. ‖ Les gros travaux, le gros ouvrage,
la grosse besogne, les travaux pénibles,
mais qui ne demandent pas d’aptitudes
spéciales. ‖ Gros mot, mot grossier ou tri-
vial : Autour d’elle, les gros mots partaient,
des ordures toutes crues, des réflexions
d’hommes soûls (Zola). Tout à l’heure, la
vieille rentrera, la vie renaîtra : la lumière
ronde de la lampe à pétrole, la toile cirée,
les cris, les gros mots (Camus). ‖ 8. Class.
Être gros de, en parlant d’une personne,

être impatient de, très désireux de : La


princesse d’Orléans et moi étions, comme
on dit, gros de nous voir (Saint-Simon). Je
vois bien que vous êtes gros d’apprendre qui
je suis (Cyrano).

• SYN. : 1 corpulent, fort, massif, obèse,


pansu (fam.), rebondi, replet, rond, ven-
tripotent (fam.), ventru (fam.) ; ballonné,
bouffi, boursouflé, charnu, enflé, exorbité,
globuleux, gonflé, soufflé ; 3 considérable,
grand, important, influent, opulent, puis-
sant, riche ; 4 élevé, éminent, haut, supé-
rieur ; 5 fort, grave, intense, lourd, profond,
sérieux, sévère, vif, violent ; 6 bon, grand ;
beau ; 7 commun, gras, grossier, ordinaire,
vulgaire. — CONTR. : 1 décharné, efflanqué,
émacié, étique, filiforme, fluet, frêle, gra-
cile, maigre, squelettique ; menu, mince ; 3
petit ; 4 humble, médiocre, modeste, moyen ;
5 anodin, léger, véniel ; 6 petit ; 7 distingué,
fin, précieux, raffiné, subtil.

B. En parlant des êtres inanimés.

1. Se dit d’une chose ou d’un végétal qui


a des dimensions (volume, circonférence,
module, épaisseur, etc.) supérieures à la
normale : Une grosse pierre. Un gros livre.
Une grosse corde. Une grosse voiture. De
grosses gouttes de pluie. Un gros arbre, de
gros fruits. Un gros bouquet. Une légende
écrite en gros caractères (Fromentin).
‖ 2. Se dit d’une chose que l’on considère
par opposition à une autre de même sorte
ou de même nature, mais de dimensions
plus faibles : Du gros sel. Du gros pain. Le
petit bout et le gros bout d’une lorgnette.
De la grosse quincaillerie s’étalait par terre
(Flaubert). Une résille à grosses mailles
retient la masse de ses cheveux (Gide). ‖ Se
dit aussi des êtres animés, de parties ana-
tomiques : Le gros gibier. Le gros bétail. Le
gros intestin. ‖ Les grosses dents, nom usuel
des molaires. ‖ 3. Avec un terme de com-
paraison, exprime les dimensions d’une
chose relativement à une autre chose : Gros
comme une tête d’épingle, comme une mai-
son. ‖ Exprime aussi la taille relative des
êtres animés : Un tout petit monsieur en
redingote [...], une figure grosse comme le
poing (Daudet). Or, un diable gros comme
une noisette prit la parole (France). ‖ Fig.
et fam. Gros comme le bras, v. BRAS. ‖ 4. Se
dit de ce qui dépasse la mesure ordinaire
en quantité, en valeur : Une grosse for-
tune. Faire de grosses dépenses. Pindare
ayant loué dans un de ses ouvrages la ville
d’Athènes, les Thébains le condamnèrent à
une grosse amende (Rollin). Ah ! si les bons
coeurs avaient les grosses bourses ! comme
tout irait mieux (Hugo). C’est une grosse
somme pour nous, pauvres gens (Claudel).
‖ Spécialem. et fam. Qui est ou qui paraît
supérieur à la mesure indiquée : Un gros
kilo. Une grosse demi-heure. ‖ Gros lot,
lot le plus important d’une loterie ; au fig.,
hasard heureux qui apporte un avantage
important. ‖ 5. Se dit de ce qui est consi-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2273

dérable par son importance, par ses pro-


portions ou par le caractère essentiel de
sa nature : Une grosse averse, de grosses
pluies. Un gros orage. De gros dégâts. De
gros travaux. La grosse industrie. Être
à la tête d’une grosse affaire. Des terres
qui donnent de grosses récoltes. ‖ Le gros
oeuvre, dans une construction, les fonda-
tions, les murs et la toiture. ‖ 6. Spécialem.
Qui atteint une forte intensité ; qui a des
effets sensibles : La grosse chaleur. Un
gros bruit. ‖ Grosse mer, mer très agitée,
houleuse. ‖ Gros temps, tempête avec vent
violent : Le temps fut gros jusqu’à l’aurore
(Maupassant). ‖ Gros vent, en termes de
marine, vent très frais. ‖ 7. Se dit des pro-
duits ou des objets fabriqués dont l’élabo-
ration, l’exécution manque de finesse, de
délicatesse : Gros drap. Grosses chaussures.
Un gros vin rouge. Un homme à grosse veste
brune s’agenouilla péniblement (Flaubert).
‖ Du gros tabac, ou (pop.) du gros-cul, et,
ellipt., du gros, du tabac de troupe : Nous
fumons du gros avec volupté (Apollinaire).
‖ 8. Gros bleu, gros vert, bleu ou vert franc,
plutôt foncé : La chambre de mon grand-
père, au premier étage, sur la Grenette, était
peinte en gros vert (Stendhal). [V. Rem.]
‖ 9. Fig. Gros de, se dit d’une chose qui
contient en puissance une autre chose : Un
fait gros de conséquences. Un ton gros de
menaces. L’heure présente si grave, pleine
pour nous de gloire et de douleurs, et grosse
d’un avenir dans lequel nous mettons de
hautes et vastes espérances (France).

• SYN. : 1 énorme, épais, volumineux ;


4 considérable, coquet (fam.), excessif,
extraordinaire, fabuleux, formidable, joli
(fam.), pharamineux, rondelet (fam.) ;
5 abondant, fort, grave, lourd, sérieux, vio-
lent ; 6 assourdissant, caniculaire, étouffant,
gênant, insupportable, intense ; 7 grossier,
ordinaire. — CONTR. : 1 exigu, micros-
copique (fam.), minuscule, petit, réduit ;
2 fin, grêle, petit, serré ; 4 minable (fam.),
modeste, piètre ; 5 faible, insignifiant, léger,
moyen ; 6 supportable ; 7 délicat, fin.

• REM. Gros bleu, gros vert, comme tous


les composés d’un nom de couleur, sont
invariables employés adjectivement : Des
rubans gros bleu.

& gros adv. (sens 1, XXe s. [écrire gros,


1690, Regnard] ; sens 2, 1678, La Fontaine
[il y a gros à parier que, 1866, Littré ; gros
comme lui, av. 1890, Maupassant ; en avoir
gros sur le coeur, fin du XIXe s., A. Daudet
— ..sur la patate, XXe s. ; en avoir gros sur
la conscience, av. 1902, Zola]). 1. Sous de
grandes dimensions : Des verres de lunettes
qui permettent de voir gros. ‖ Écrire gros,
en caractères hauts et larges. ‖ 2. Fam.
Beaucoup : Je ne voulais pas renoncer à
gagner gros (Mauriac). Le marquis, comme
de juste, aurait été fêté du jour où ses bêtes
auraient rapporté gros (Montherlant). ‖ Il
y a gros à parier que..., il est à peu près cer-
tain que... ‖ Gros comme lui, comme elle,
etc., en abondance, sans compter : C’était

[...]un chasseur frénétique qui dépensait de


l’argent gros comme lui pour ses chiens, ses
gardes, ses furets et ses fusils (Maupassant).
‖ En avoir gros sur le coeur, ou (pop.) sur la
patate, avoir beaucoup de peine, de dépit
ou de rancoeur : La voix cassante, nerveuse,
des gens qui en ont sur le coeur plus gros
qu’ils n’en veulent laisser voir (Daudet).
‖ En avoir gros sur la conscience, avoir de
lourdes fautes à se reprocher : Celui-là,
sûrement, ne vaut pas cher. Peut-être bien
qu’il en a gros sur la conscience (Zola).

2. gros, grosse [gro, gros] n. (emploi


substantivé du précéd. ; fin du XVIIe s., Mme
de Sévigné [comme terme d’affection, 1808,
d’Hautel]). Personne corpulente : Les gros et
les maigres. Un bon gros. ‖ Fam. S’emploie
comme terme d’affection (à l’adresse
d’une personne qui n’est pas nécessaire-
ment grosse) : Je reviens énervé, au point
que Marinette me dit : « Pauvre gros ! »
(Renard). Mon ami, mon bon gros, gémit-
elle (Béraud).

& gros n. m. (sens I, v. 1360, Froissart ; sens


II, 1, 1080, Chanson de Roland [« la partie
principale d’un ensemble, le plus grand
nombre des personnes d’un groupe, l’essen-
tiel, le plus important », 1549, R. Estienne ;
« le moment où une chose atteint son degré
le plus intense », 1866, Littré ; le gros de
l’eau, av. 1631, Bassompierre] ; sens II, 2,
1695, Fénelon [un gros de, fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné] ; sens II, 3, 1704, Trévoux
[en gros, XIIIe s., Tailliar] ; sens II, 4, 1611,
Cotgrave [gros de Naples ; gros de Tours,
1690, Furetière] ; sens II, 5, 1606, Nicot ;
sens II, 6, milieu du XIIIe s.).

I. Pop. Personnage important, influent,


fortuné (souvent au plur.) : L’augmenta-
tion générale des gros aussi bien que des
petits, 500 francs pour ceux-ci, 800 francs
pour ceux-là (Courteline). Devant ces
gens-là, « les gros », comme dit Perrine,
je manque trop d’air respirable (Pourrat).

II. 1. Le gros de, la partie la plus grosse


d’une chose : Le gros de l’arbre (= le
tronc) ; la partie la plus considérable de
quelque chose : Le plus gros de la fortune
venait de sa famille (Mauriac) ; la partie
principale d’un ensemble, le plus grand
nombre des personnes d’un groupe : Peu
après vient le gros du village, avec son ruis-
seau (Theuriet). Les vieux béliers viennent
d’abord, la corne en avant, l’air sauvage ;
derrière eux, le gros des moutons, les mères
un peu lasses, leurs nourrissons entre les
pattes (Daudet). Le gros des troupes, d’une
armée, des forces adverses ; l’essentiel, le
plus important et, en particulier, le tra-
vail le plus pénible : Le gros de l’histoire
(La Bruyère). Et puis il trouverait bien
quelque manoeuvre pour le gros et le brutal
de l’ouvrage (Arnoux). Vous ferez le plus
gros, je me chargerai du reste ; vx ou littér.,
le moment où une chose atteint son degré
le plus intense : Au gros de l’été, de la tem-

pête. ‖ Le gros de l’eau, la pleine mer, au


temps des fortes marées : Le jour du lan-
cement vint avec le gros de l’eau (Elder).
‖ 2. Class. Le gros de, l’ensemble de : Il
s’applique trop au détail, et ne médite pas
assez le gros de ses affaires pour former des
plans (Fénelon). ‖ Class. et littér. Un gros
de, un assez grand nombre ou une assez
grande quantité de : Et l’on dit que, suivi
d’un gros d’amis fidèles, | On l’a vu se mêler
au milieu des rebelles (Racine). Un gros de
cuirassiers, le sabre au poing, a passé près
de nous (Hugo). Mais ce déploiement de
forces n’était pas pour arrêter l’intrépide
Tartarin, qui avait résolu de passer, ainsi
qu’un gros de ces messieurs du cercle (Dau-
det). ‖ 3. Le gros, l’achat par quantités
importantes chez le fabricant, et la vente,
également par quantités importantes, aux
commerçants détaillants : Commerce de
gros. Maison de gros. Négociant en gros.
Vendre, acheter en gros. Faire le gros
(fam.). ‖ 4. Gros de Tours, gros de Naples,
étoffes de soie à gros grain, en faveur aux
XVIIe et XVIIIe s. ‖ Gros de campagne, chif-
fons destinés à la fabrication du papier de
luxe. ‖ 5. Ancienne subdivision de la livre
française (poids), égale à la huitième par-
tie d’une once. ‖ 6. Ancienne monnaie de
valeur variable : Vous plaît-il de fonder un
hôpital ? Vingt gros. | Une bonne action
paie un droit ; rien n’échappe ; | Un juste
non payant ferait loucher le pape ; | Dix
gros pour que l’abbé dise : sois bienvenu !
| Pour faire devant soi porter un glaive nu,
| Cent gros ; pour acheter le blé des Turcs,
dispense (Hugo).

• SYN. : I grand, gros bonnet (fam.), huile


(pop.), légume (pop.), notable, puissant,
riche. — CONTR. : I humble, pauvre, petit.
& En gros loc. adv. (sens 1, XXe s. ; sens 2,
1580, Montaigne). 1. Selon une évaluation
sommaire : Il y avait en gros dix mille per-
sonnes. ‖ 2. Sans entrer dans les détails,
sans faire preuve d’un souci extrême de
précision : Voici en gros ce qui s’est passé.
Balzac est vrai en gros. Il ne l’est pas en
détail (Renard). Pascal voulait qu’on se
bornât à dire en gros que tout se fait par
matière et mouvement (Valéry).

• SYN. : 1 grosso modo ; 2 en bloc, dans


l’ensemble, globalement, sommairement,
en substance.

& grosse n. f. (fém. substantivé de l’adj.


gros ; milieu du XVe s., au sens II [à la grosse,
début du XXe s.] ; sens I, 1, 1835, Acad. ; sens
I, 2, XVe s., Bartzsch).

I. 1. Vx. Écriture en gros caractères.


‖ Grosse-de-fonte, v. à l’ordre alphab.
‖ 2. Expédition d’un jugement ou d’un
acte notarié revêtue de la formule exécu-
toire, qui était autrefois rédigée en carac-
tères plus gros que ceux de la minute (res-
tant au greffe ou à l’étude) : La grosse d’un
contrat de mariage.

II. Dans le commerce, quantité égale


à douze douzaines, en usage pour cer-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2274

taines marchandises : Une grosse de bou-


tons, de paires de chaussettes. Il les enfu-
mait [les sabots] par grosses à un feu de
copeaux verts (Theuriet). Il fallut acheter
des douzaines, des grosses, des cargaisons
de pipes (Daudet). ‖ Fam. À la grosse, en
grande quantité (vieilli) : Elle se méfie de
la publicité, et n’a jamais voulu essayer
de ces crèmes fabriquées à la grosse que
certains grands parfumeurs ou droguistes
commencent à répandre (Romains). Et
puis, pour les « Puces », le samedi, on fai-
sait des lots entiers de bouquins [...], on
soldait tout à la grosse (Céline).

gros-bec [grobɛk] n. m. (de gros, adj., et


de bec ; 1555, Belon). Oiseau passereau à
bec pointu et volumineux, à queue courte.
• Pl. des GROS-BECS.

gros-bois [grobwɑ] n. m. (de gros, adj., et


de bois ; 1690, Furetière, au sens de « bois à
brûler taillé en bûches » ; sens actuel, 1845,
Bescherelle). Embarcation de charge des
Antilles, servant au transport des mar-
chandises des navires sur rade.

gros-bout [grobu] n. m. (de gros, adj.,


et de bout ; 1900, Dict. général [art. bout]).

Partie antérieure de la poitrine des ani-


maux de boucherie.

• Pl. des GROS-BOUTS.


groschen [grɔʃən] n. m. (mot allem. ;
1872, Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Ancienne monnaie d’argent
en usage en Allemagne et en Autriche.
‖ 2. Unité monétaire divisionnaire autri-
chienne, valant un centième de schilling.

gros-cul [groky] n. m. (de gros, adj., et


de cul [par opposition à tabac fin] ; 1895,
Esnault). Arg. mil. V. GROS 1 (§ B, n. 7).

groseille [grozɛj] n. f. (altér., sous l’in-


fluence du mot suiv., de l’anc. franç. gro-
sele, grozele, groseille [fin du XIIe s., Geste
des Loherains], francique *krusil, même
sens ; v. 1460, Villon, au sens 1 [groseille
à maquereau, 1866, Littré ; groseille noire,
1690, Furetière] ; sens 2, 1866, Littré).
1. Fruit du groseillier, rouge ou blanc, qui
vient par grappes : Gelée, sirop de groseille.
‖ Groseille à maquereau, variété de gro-
seille de couleur verte ou rougeâtre, plus
grosse que la groseille ordinaire, ainsi
appelée parce qu’on l’emploie, lorsqu’elle
est verte, dans une sauce accompagnant
le maquereau. ‖ Groseille noire, fruit du
cassis à grappes. ‖ 2. Ellipt. Sirop fait avec
ce fruit : Boire un verre de groseille.

& adj. invar. (1866, Littré). De la cou-


leur de la groseille rouge : Au milieu des
panneaux étaient suspendues des plaques
d’émail encadrées de peluche groseille
(France).

groseillier [grozeje] n. m. (de l’anc.


franç. grosele [v. l’art. précéd.] ; v. 1120,
Psautier de Cambridge [groseillier noir,
1866, Littré]). Arbrisseau de la famille

des ribésiacées, cultivé pour son fruit, la


groseille : Un sentier bordé de groseilliers
(France). Groseillier à grappes. Groseillier
épineux ou à maquereau. ‖ Groseillier
noir, le cassis.

gros-fers [grofɛr] n. m. pl. (de gros, adj.,


et du plur. de fer 1 ; 1877, Littré [art. gros]).
Fers marchands simplement forgés.

gros-grain [grogrɛ̃] n. m. (de gros,


adj., et de grain 1 ; 1611, Cotgrave, au
sens de « camelot de soie » ; sens 1, 1845,
Bescherelle ; sens 2, 1923, Larousse).
1. Ottoman, tissu de soie à grosses rayures
transversales. ‖ 2. Ruban sans lisière, à
trame de coton et chaîne de soie ou de
rayonne, présentant des côtes verticales
plus ou moins grosses : J’ai agrafé derrière
vous le gros-grain d’une ceinture (Colette).
• Pl. des GROS-GRAINS.

gros-guillaume [grogijom] n. m. (de


Gros-Guillaume, surnom traditionnel du
valet de ferme, de gros, adj., et du n. pr.
Guillaume ; 1642, Oudin, au sens 1 [artie du
gros Guillaume, même sens, 1628, Chereau] ;
sens 2, 1872, Larousse ; sens 3, 1734, Esnault).
1. Fam. et vx. Pain grossier qui servait à la
nourriture des valets de ferme. ‖ 2. Cépage
à fruit rouge, donnant du raisin de table.
‖ 3. Dialect. Nom donné, sur les côtes de la
Manche, à une variété de raie.

gros-guilleri [grogijri] n. m. (de gros,


adj., et de guilleri [v. ce mot] ; 1834,
Baudrillart). Nom usuel du moineau franc.
• Pl. des GROS-GUILLERIS.

Gros-Jean [groʒɑ̃] n. m. (de gros, adj., et


de Jean, n. pr. ; début du XVIIIe s. [être Gros-
Jean comme devant, 1678, La Fontaine]). Vx.
Homme un peu simple, ignorant et niais.
‖ Être Gros-Jean comme devant, ne pas être
plus avancé qu’auparavant : Quelque acci-
dent fait-il que je rentre en moi-même, | Je
suis Gros-Jean comme devant (La Fontaine).

gros-margillien [gromarʒiljɛ̃] n. m.
(de gros, adj., et d’un second mot d’ori-
gine obscure [peut-être de la même
famille que marcotte, v. ce mot] ; 1962,
Larousse). Cépage du Jura, à grosses
grappes et à grain noir, qui donne un bon
vin ordinaire.

gros-pêne [gropɛn] n. m. (de gros, adj.,


et de pêne ; 1930, Larousse). Pêne dormant
d’une serrure de sûreté.

• Pl. des GROS-PÊNES.

grosse n. f. V. GROS 2.

grosse-de-fonte [grosdəfɔ̃t] n. f. (de


grosse [fém. substantivé de l’adj. gros], de
et fonte 1 ; 1803, Boiste). Gros caractère
d’imprimerie, qui sert à la composition
des affiches.

• Pl. des GROSSES-DE-FONTE.

grosse-écale [grosekal] n. f. (de grosse


[fém. de l’adj. gros] et de écale ; 1930,

Larousse). Pavé bâtard, c’est-à-dire n’ayant


pas les dimensions courantes.

• Pl. des GROSSES-ÉCALES.


grossement [grosmɑ̃] adv. (de gros,
adj. ; v. 1188, Aimon de Varennes, au sens
de « grandement, amplement » ; sens actuel,
v. 1361, Oresme). D’une manière sommaire,
sans s’attacher au détail ou sans finesse : On
ne conçoit même pas quelles opérations de
l’esprit, traitant toute la matière historique
accumulée en 87, auraient pu déduire de
la connaissance, même la plus savante, du
passé une idée, même grossement approxi-
mative, de ce qu’est 1932 (Valéry).

grosserie [grosri] n. f. (de gros, adj. ;


1554, Havard, aux sens 1-2 ; sens 3, 1611,
Cotgrave). 1. Vx. Nom générique donné aux
grosses pièces fabriquées par les taillan-
diers. ‖ 2. Vaisselle d’argent. ‖ 3. Vx.
Commerce de gros.

grossesse [grosɛs] n. f. (de gros, adj. ;


v. 1155, Wace, écrit grossece, au sens de
« grosseur » ; écrit grossesse, au sens actuel,
v. 1283, Beaumanoir). État d’une femme
enceinte ; durée de cet état (de 260 à 290
jours) : Il se rappela ses noces, son temps
d’autrefois, la première grossesse de sa
femme (Flaubert). Cette dernière grossesse
ne s’était pas terminée sans peine ; Juliette
en était restée longtemps éprouvée (Gide).
• SYN. : gestation, maternité.

grosset, ette [grosɛ, -ɛt] adj. (de gros,


adj. ; XIIe s., Partenopeus de Blois). Vx ou
littér. Un peu gros : Grosset, basset, l’air
toujours en peine et étonné (Bourges).
Chandelier était un homme de quarante-
cinq ans environ, grosset, blond, le visage
plein et rose (Montherlant).

grossette [grosɛt] n. f. (dimin. fém.


substantivé de l’adj. gros ; 1866, Littré).
Retour des chambranles, dans les portes
et fenêtres.

grosseur [grosoer] n. f. (de gros, adj. ;


XIIe s., Marbode, écrit groissur [grossor, v.
1180, Roman d’Alexandre ; grosseur, XIIIe s.],
au sens 2 ; sens 1, 1538, R. Estienne ; sens 3,
1694, Acad. [un premier ex. au XIIIe s., Hist.
occid. des Croisades, II, 58]). 1. État, volume
de ce qui est gros : Ils vantaient la grosseur
des piliers de Saint-Pierre (Flaubert). Mon
oncle, le comte de Bédée, qu’on appelait
Bédée l’artichaut, à cause de sa grosseur
(Chateaubriand). ‖ 2. Volume en général :
Des cordes goudronnées de toutes les gros-
seurs (Loti). Une verrue de la grosseur d’un
petit pois. ‖ 3. Enflure, tumeur : Un jour,
après le dîner, il confia à son fils qu’il avait
une « grosseur » au bras, dont il ne souffrait
pas, mais qui semblait augmenter (France).
• SYN. : 1 corpulence, embonpoint, obésité,
rondeur, rotondité ; 2 calibre, diamètre,
dimension, épaisseur, gabarit, taille ;
3 bosse, boule, excroissance, kyste.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2275

grossier, ère [grosje, -ɛr] adj. (de gros,


adj. ; XIIe s., au sens 4 ; sens 1, 1606, Nicot
[en parlant des traits, des formes du corps,
1690, Furetière ; calcaire grossier, 1957,
Robert ; sable grossier, 1962, Larousse] ;
sens 2, 1606, Nicot ; sens 3, 1866, Littré ;
sens 5, 1640, Corneille [« qui dénote une
grande ignorance », 1690, Bossuet ; « qui
a rapport aux sens, au corps... », 1672,
Molière] ; sens 6, milieu du XVIe s., Amyot
[grossier personnage, 1866, Littré]). 1. Se dit
de ce qui est fait d’une matière rude, com-
mune, de basse qualité, ou dont la façon
est rudimentaire : Toile, étoffe grossière.
Drap, cuir, papier grossier. Des aliments
grossiers. Travail grossier. Figures grossières.
Meuble grossier. Il retrouve tout son vieux
vêtement misérable, depuis ses godillots
jusqu’à sa grossière ceinture à boucle de
cuivre (Alain-Fournier). ‖ Spécialem. Se
dit de l’aspect, des formes du corps qui
manquent de finesse, de délicatesse : Traits
grossiers. ‖ Calcaire grossier, calcaire qui
n’est pas pur et qui abonde en fossiles.
‖ Sable grossier, sable dont les grains ne
sont pas fins et peuvent atteindre 2 mm
et plus. ‖ 2. Fig. Dans le domaine litté-
raire et artistique, qui manque de finesse,
d’art : Sauf dans les trois premiers actes,
« le Bourgeois gentilhomme » a l’air d’une
farce grossière (Renard). ‖ 3. Qui n’est pas
approfondi, qui reste sommaire, approxi-
matif : Le progrès de la science, depuis
Marx, a consisté, en gros, à remplacer le
déterminisme et le mécanisme assez grossier
de son siècle par un probabilisme provi-
soire (Camus). N’avoir qu’une idée grossière
d’une question. ‖ 4. Qui n’a pas encore été
poli, affiné par la civilisation, l’éducation,
la culture : Cette classe bâtarde, composée
de gens grossiers parvenus et de gens intel-
ligents déchus (Hugo). Les superstitions
qui, chez les peuples grossiers, remplacent
les sentiments religieux (Mérimée). Les
extrêmes de la joie comme ceux de la dou-
leur n’ont pas été refusés aux plus grossières
et aux moins chan-tantes des âmes (Valéry).
‖ 5. Qui dénote un manque d’intelligence,
de finesse, de culture ; qui est le fait d’un
esprit simple : Faute grossière. Ruse gros-
sière. Ayant été dévalisé par un homme
d’affaires d’une manière grossière et visible
(Hugo). M. de Valois [...] s’élevait avec rai-
son contre ces fables grossières (France).
‖ Spécialem. Qui dénote une grande
ignorance : Contresens grossier. ‖ Qui a
rapport aux sens, au corps, par opposi-
tion à l’esprit : Plaisirs grossiers. ‖ 6. Qui
manque à la bienséance, à la pudeur, à la
décence : Langage grossier. Elle avait cher-
ché la plus grossière injure (Maupassant).
Il serait contraire à la dignité de la justice
de recueillir des termes incorrects, bas et
souvent grossiers (France). Ces lettres hon-
teuses, elles contenaient des injures et quel-
quefois des menaces grossières (Duhamel).
‖ Grossier personnage, individu mal élevé ;

mufle : De grossiers personnages qui pous-


saient les femmes (Zola).

• SYN. : 1 gros, ordinaire ; lourd, massif ;


3 approximatif, élémentaire, primitif, som-
maire ; 4 arriéré, fruste, inculte, rustique,
rustre ; 5 simpliste ; 6 choquant, cru, gras,
graveleux, inconvenant, obscène, trivial ;
goujat, malotru, pignouf (pop.). — CONTR. :
1 ciselé, fignolé, impeccable, irréprochable,
léché, parfait, perlé, soigné ; délicat, fin ;
3 élaboré, exact, précis ; 4 civilisé, courtois,
cultivé, éduqué, galant, raffiné ; 6 conve-
nable, correct, décent.

grossièrement [grosjɛrmɑ̃] adv. (de


grossier ; v. 1361, Oresme, au sens 2 ; sens
1, 1580, Montaigne ; sens 3, 1657, Pascal ;
sens 4, 1694, Acad.). 1. D’une manière
grossière, sans soin, sans art : Des poutres
grossièrement équarries. Une espèce de
bastille grossièrement sculptée (Hugo). Sur
les murailles, des images de saints grossiè-
rement enluminées (Nerval). ‖ 2. D’une
manière sommaire, approximative :
Évaluer grossièrement les frais de répara-
tion. ‖ 3. D’une manière qui dénote peu de
culture, de raffinement : Se tromper gros-
sièrement. ‖ 4. D’une manière injurieuse :
Insulter grossièrement quelqu’un. Ricaner
grossièrement.

• SYN. : 1 maladroitement, naïvement ;


2 approximativement, en gros, grosso modo,
sommairement ; 3 lourdement ; 4 effron-
tément, impertinemment, impoliment,
insolemment. — CONTR. : 1 délicatement,
finement ; 2 exactement ; 3 subtilement ;
4 gentiment, poliment.
grossièreté [grosjɛrte] n. f. (de grossier ;
1642, Oudin, au sens 2 [« manque d’intelli-
gence, de subtilité dont témoigne un com-
portement », 1699, Massillon] ; sens 1 et 3,
1690, Furetière ; sens 4, av. 1696, La Bruyère
[« caractère d’une personne dont les paroles,
les actions, l’attitude sont inconvenantes,
choquantes », 1740, Acad.] ; sens 5, 1704,
Trévoux). 1. Caractère de ce qui manque
de finesse, de soin, d’art : La grossièreté
d’un mets, d’une étoffe. La grossièreté d’une
sculpture, d’une réparation, d’un travail.
‖ 2. Manque de culture, d’éducation, de
délicatesse : La part d’égoïsme et de gros-
sièreté qui constitue le train du monde
(Renan). Il y a en moi un fond de grossièreté
qui me permet de comprendre les paysans
et de pénétrer loin dans leur vie (Renard).
Ce qui me dégoûte dans la haine, c’est sa
grossièreté : elle accueille n’importe quel
bruit, se nourrit de tout sans examen, sans
discernement (Montherlant). ‖ Manque
d’intelligence, de subtilité dont témoigne
un comportement : La grossièreté d’une
erreur, d’une confusion, d’un mensonge.
‖ 3. Comportement qui manque de raf-
finement, de délicatesse de sentiments :
Ces insulaires [...] ont parfois de l’amer-
tume, jamais d’aigreur. Qui leur prête
des grossièretés les méconnaît (Hugo).
‖ 4. Caractère de ce qui choque la bien-

séance : La grossièreté des propos, des gestes,


de la tenue. ‖ Caractère d’une personne
dont les paroles, les actions, l’attitude sont
inconvenantes, choquantes : Jeune homme
d’une incroyable grossièreté. ‖ 5. Parole,
action, attitude inconvenante, malhon-
nête : L’auteur a évité les grossièretés dans
un sujet où on en rencontrerait à tout pro-
pos ; car [...] le langage des casernes ne res-
semble point à celui des salons (France). Se
laisser aller à des grossièretés.

• SYN. : 1 maladresse, rudesse ; 2 barbarie,


brutalité, laisser-aller, rusticité ; énormité ;
3 lourdeur, vulgarité ; 4 gaillardise, gauloise-
rie, grivoiserie, inconvenance, incorrection,
indécence, trivialité, verdeur ; goujaterie,
impolitesse, muflerie ; 5 gravelure, incon-
gruité, obscénité. — CONTR. : 1 délicatesse,
finesse ; 2 culture, éducation, esprit, pré-
ciosité ; subtilité ; 3 délicatesse, distinction,
élégance, raffinement ; 4 bienséance, correc-
tion ; civilité, courtoisie, politesse.

grossir [grosir] v. tr. (de gros, adj. ; 1580,


Montaigne, aux sens 1 et 4 ; sens 2, 1671,
Pomey ; sens 3, 1647, Corneille [« rendre
plus fort, plus intense », milieu du XVIe s.,
Amyot]). 1. Rendre gros ou plus gros : En
se quittant, chaque parcelle | S’en va dans
le creuset profond | Grossir la pâte uni-
verselle | Faite des formes que Dieu fond
(Gautier). ‖ 2. Faire paraître plus gros :
Ce manteau vous grossit. La loupe grossit
les objets. ‖ 3. Rendre plus important, plus
considérable : J’aurais grossi la foule des
infortunés sans nom (Chateaubriand). Dans
la presse, à Paris [...], la catastrophe était
allée grossir les faits divers (Zola). Elle avait
abandonné la moitié de sa dot pour grossir
celle de Laura (Gide). ‖ Rendre plus fort,
plus intense : Grossir sa voix. Bruit grossi
par la résonance. ‖ 4. Donner à une chose
plus d’importance qu’elle n’en a en réa-
lité, exagérer : Ma pauvre mère grossissait
dans les mêmes proportions mes torts et
mes fautes (France).

• SYN. : 2 agrandir, alourdir ; 3 accroître,


arrondir (fam.), enrichir, étendre ; enfler,
hausser ; 4 amplifier, dramatiser, outrer. —
CONTR. : 2 amincir ; 3 amoindrir, diminuer,
réduire, restreindre ; assourdir, baisser,
étouffer ; 4 minimiser, sous-estimer.

& v. intr. (sens 1, v. 1170, Fierabras ; sens


2, 1644, Corneille ; sens 3, fin du XVIIe s.,
Saint-Simon). 1. Devenir gros ou plus gros :
Depuis la suprême bataille | L’un a maigri,
l’autre a grossi (Gautier). ‖ 2. Augmenter
en importance, en nombre, en intensité :
Sa fortune ne cesse de grossir. La masse des
manifestants grossit de minute en minute.
Les voix se multipliaient, grossissaient
(Flaubert). ‖ 3. Paraître de plus en plus
gros : Il grossit [l’épervier] à mesure que
son vol se resserre (Renard).

• SYN. : 1 s’alourdir, s’empâter, engraisser,


épaissir, s’étoffer, forcir (fam.) ; 2 s’accroître,
s’arrondir, s’élargir, enfler, s’étendre ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2276

3 grandir. — CONTR. : 1 s’amincir, maigrir ;


2 diminuer, fondre, rapetisser ; 3 décroître.
& se grossir v. pr. (av. 1710, Fléchier).
Devenir plus nombreux, plus important,
plus volumineux : Le parti s’est grossi des
honnêtes gens (Taine).

grossissant, e [grosisɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part.


prés. de grossir ; 1763, Targe, au sens 2 ; sens
1, milieu du XIXe s., Baudelaire). 1. Qui fait
paraître plus gros : Un miroir grossissant,
mais un pur miroir (Baudelaire). Peu à peu
à cette hallucination succéda un regard
moins égaré et moins grossissant (Taine).
Un verre très grossissant (Valéry). ‖ 2. Qui
grossit, ne cesse de devenir plus gros : La
masse toujours grossissante du papier-mon-
naie. Aux petits groupes succéda un rassem-
blement grossissant (Goncourt).

• SYN. : 2 croissant, grandissant.

grossissement [grosismɑ̃] n. m. (de


grossir ; 1580, Montaigne, au sens 1 [var.
crossissement, 1560, B. Aneau] ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, 1866, Littré [aussi « accrois-
sement apparent du volume d’un objet »] ;
sens 4, 1862, V. Hugo). 1. Action de grossir,
d’augmenter en volume : Le grossissement
inquiétant d’une tumeur. ‖ 2. Action d’aug-
menter en importance : Il ne pense qu’au
grossissement de son capital. ‖ 3. Action
de rendre ou de faire paraître plus gros.
‖ Spécialem. Accroissement apparent du
volume d’un objet : Une lentille de premier
grossissement (Hugo). ‖ 4. Fig. Action de
déformer en grossissant, d’exagérer : Le
grossissement du rêve compliquait les
farouches paysages de la nuit (Hugo).

• SYN. : 1 accroissement, développement,


extension ; 2 augmentation ; 4 amplifica-
tion, exagération. — CONTR. : 1 amaigris-
sement, dégénérescence, dépérissement,
diminution, résorption ; 2 amincissement.

grossiste [grosist] n. (de gros, n. m. [peut-


être d’après l’allem. Grossist, « grossiste »,
qui est attesté dès le début du XIXe s.] ; 1922,
Larousse). Commerçant en gros et en demi-
gros : Grossistes et détaillants.

• CONTR. : détaillant.

grossium [grosjɔm] n. m. (de siam, bou-


tiquier, Delesalle, 1895 ; gros siam, négo-
ciant, Hayard, 1907 ; grossium, personnage
important, Esnault, 1899). Arg. Personnage
important, influent, riche.

grosso modo [grosomɔdo] loc. adv.


(loc. du lat. scolast. signif. « d’une manière
grosse » et composée de l’ablatif des mots
grossus, gros [bas lat., v. GROS], et modus,
mesure, façon, sorte, manière [lat. class.] ;
1566, Godefroy). En gros, sans entrer dans
le détail : Que toute activité entraînât une
usure, il ne lui suffisait pas de l’admettre
« grosso modo » (Gide).
grossoyer [groswaje] v. tr. (de grosse, n.
f. [terme de droit] ; 1335, Godefroy, écrit
grossoier ; grossoyer, v. 1360, Froissart).
[Conj. 2 a.] Rédiger la grosse d’un acte,

d’un jugement : Ce vieux garçon, aussi sec,


aussi croquant et inexorable que le papier
timbré sur lequel il grossoyait autrefois ses
procédures (Daudet).

gros-ventre [grovɑ̃tr] n. m. (de gros, adj.,


et de ventre ; 1803, Boiste, comme n. d’une
espèce de poisson [diodon ou tétrodon] ;
sens actuel, 1962, Larousse). Nom usuel
de la coccidiose des lapins.

gros-vert [grovɛr] n. m. (de gros, adj.,


et de vert, adj. substantivé ; 1957, Robert).

Raisin de table blanc, tardif, cultivé notam-


ment dans le Vaucluse.

• Pl. des GROS-VERTS.

grotesque [grɔtɛsk] n. f. (ital. grottesca,


grotesque, proprem. « [peinture] de grotte »
[dér. de grotta, v. GROTTE], les premières
grotesques ayant été découvertes dans
des grottes décorées antiques ; 1532, Gay,
écrit crotesque [d’après l’anc. franç. crote,
croute, « grotte » — XIe-XVIe s. —, lat. crypta,
v. GROTTE ; grotesque, milieu du XVIe s.],
au sens 1 ; sens 2 [d’après la signification
de « peinture grossière et mal soignée »
qu’avait prise l’ital. grottesca dès la fin du
XVIe s.], 1680, Richelet [« bizarrerie, étran-
geté », 1615, Malherbe]). 1. Dessin plein
de fantaisie, ornement capricieux, tel que
ceux qui décoraient des ruines de monu-
ments antiques mises au jour au temps de
la Renaissance : Et des files de grotesques
se succédaient, à chaque étage, en de larges
frises (Huysmans). ‖ 2. Dessin, figure
caricaturale ou fantastique : Le dieu de la
musique est le multicolore Arlequin [...],
c’est Polichinelle [...] cortégés de grotesques
chargées de figurer l’abâtardissement de
l’art (Goncourt). Chemin faisant, ils bar-
bouillent sur les murs de l’auberge de Tivoli
des grotesques (Chateaubriand).

& adj. (1657, Pascal). Qui provoque le rire


par son aspect insolite, comique ou son
comportement bizarre, extravagant : Deux
longs pistolets d’arçon [...] relevaient sa veste
d’une manière grotesque (Chateaubriand).
Un embonpoint grotesque (Gautier). Ces
gaillards-là qui trouvent que les curés font
des singeries et que les cérémonies catho-
liques sont grotesques (Romains). ‖ Par
extens. Qui prête à rire, ridicule, absurde :
Les gens de la Halle [...] donnèrent à Goriot
quelque grotesque sobriquet (Balzac). Une
idée grotesque.

• SYN. : burlesque, clownesque, cocasse,


comique, funambulesque, ridicule, risible.
& n. (av. 1696, La Bruyère). Celui, celle qui
est grotesque : Veux-tu, dis-je, ma façon de
penser ? Tu es un grotesque (Courteline).
& n. m. (1827, V. Hugo). Ce qui est gro-
tesque ; le genre grotesque : Le réel résulte
de la combinaison toute naturelle de deux
types, le sublime et le grotesque (Hugo).
Rabelais, qui est le grand maître français
en grotesque, garde au milieu de ses plus
énormes fantaisies quelque chose d’utile
et de raisonnable (Baudelaire).

grotesquement [grɔtɛskəmɑ̃] adv. (de


grotesque, adj. ; 1652, Dict. général, écrit
crotesquement ; grot[t]esquement, 1690,
Furetière). D’une manière grotesque.

grotesquerie [grɔtɛskəri] n. f. (de gro-


tesque, adj. ; milieu du XIXe s., Baudelaire).
Caractère d’une personne ou d’une chose
grotesque (rare) : La grotesquerie perpé-
tuelle de la vie humaine (Baudelaire).

grotte [grɔt] n. f. (ital. grotta, grotte, lat.


crypta, galerie souterraine, caveau, crypte,
grotte, gr. kruptê, voûte souterraine, crypte,
fém. substantivé de l’adj. kruptos, recou-
vert, caché, secret, dér. de kruptein, cou-
vrir, cacher ; XIIIe s., Gestes des Chiprois,
écrit grote, puis 1537, le Courtisan, écrit
grotte [le mot a supplanté les formes franç.
crute — 1080, Chanson de Roland —, crote,
croute — XIIe s. —, régulièrement issues
du lat. crypta]). Caverne, excavation natu-
relle ou factice : Mon camarade me porta
dans une grotte que nous connaissions
(Mérimée). La clarté qui paraît douce et
charmante, venue entre les feuilles et les
eaux, et qui tremble, au seuil des grottes
(Gide). Une grotte sous-marine. Les grottes
préhistoriques. La grotte de Lascaux.

grou [gru] n. m. (de grou[ette] ; 1866,


Littré). Terrain caillouteux, très propice
à la culture de la vigne.

grouette [gruɛt] n. f. (dimin. de l’anc.


franç. groe, gravier, terrain pierreux [v.
GROIE] ; 1583, Liébault). Syn. de GROU.

grouetteux, euse [gruɛtø, -øz] adj.


(de grouette ; 1583, Liébault). Qui est de la
nature du grou (ou grouette).

grouillant, e [grujɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de grouiller ; 1480, Dict. général [art. grouil-
ler], au sens 2 ; sens 1, av. 1549, Marguerite de
Navarre). 1. À la fois abondant et remuant :
Ce cri hurlé par la foule grouillante des bou-
levards (Zola). Une ribambelle de poussins
grouillants (Moselly). ‖ 2. Grouillant de,
où il y a un grand nombre de personnes
ou d’êtres qui vont, viennent, en un mou-
vement incessant : Une gare de banlieue
toujours grouillante de monde vers cinq
heures (Daudet). Leur habit est [...] miteux,
couvert de taches, et tout grouillant de
vermine (France). Le Havre paraît morne,
qui douze jours plus tôt était grouillant
d’Anglais (Gide) ; et sans complément :
Rochefort vivait d’une vie très modeste et
rangée, habitant avec ses parents la vieille
rue des Deux-Boules, à portée de son travail
dans ce grouillant quartier Saint-Denis,
tout envahi par le commerce et l’article de
Paris (Daudet). À la ville, avec ces amas de
maisons, d’intérieurs grouillants partout,
on n’a plus la vraie impression de rentrer
chez soi, de se terrer le soir à la manière
primitive, comme ici, sous les toits basques
(Loti).

• SYN. : 1 innombrable ; 2 foisonnant (fam.),


fourmillant, pullulant.
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2277

grouillement [grujmɑ̃] n. m. (de grouil-


ler ; milieu du XVIIIe s., Buffon, au sens de
« bruit que font les intestins » ; sens 1, 1798,
Acad. ; sens 2, 1866, Littré ; sens 3, fin du
XIXe s., Huysmans). 1. Mouvement d’êtres
qui grouillent : Le grouillement des vers
sur un fromage. Les rues se succèdent, et
les foules compactes, et les grouillements
humains sur les places ; puis viennent des
endroits tranquilles (Loti). ‖ 2. Bruit pro-
duit par ce qui grouille : J’entendis encore
des grouillements sous les meubles, et ce cra-
quement d’élytres semblable au pétillement
des gousses qui éclatent à la grande chaleur
(Daudet). ‖ 3. Fig. Ensemble mouvant et
indistinct : Ce fut, durant quelques jours,
dans sa cervelle, un grouillement de para-
doxes, de subtilités (Huysmans).

• SYN. : 1 fourmillement, pullule-


ment ; 2 bouillonnement, effervescence,
foisonnement.

grouiller [gruje] v. intr. (altér., sous l’in-


fluence de fouiller, de l’anc. franç. grouler,
s’agiter, s’ébranler [v. 1280, Bibbesworth],
var. de crouler [v. ce mot] ; 1480, Dict. géné-
ral, au sens 3 [au fig., 1690, Furetière ; sans
complément, av. 1902, Zola] ; sens 1, 1625,
Stoer [la tête lui grouille, 1670, Molière] ;
sens 2, milieu du XVIe s., Amyot [impers.
et fig., av. 1850, Balzac]). 1. Class. et littér.
Bouger, remuer : Et l’on demande l’heure, et
l’on bâille vingt fois, | Qu’elle grouille aussi
peu qu’une pièce de bois (Molière). « Oh !
que nenni, il n’est pas mort, dit le vieux
moine, je le vois qui grouille [...] », et il
s’approcha du blessé (Mérimée). ‖ Class. et
fam. La tête lui grouille, sa tête tremble de
vieillesse : Est-ce que madame Jourdain est
décrépite, et la tête lui grouille-t-elle déjà ?
(Molière). ‖ 2. S’agiter en tous sens, de
façon incessante, en parlant d’êtres vivants
nombreux : Plongeur, n’as-tu pas vu sous
l’eau du lac d’azur | Les reptiles grouiller
dans le limon impur ? (Gautier). Il y avait
là cinq ou six mille Arabes en guenilles,
grouillant au soleil (Daudet). Devant les
deux portes voisines, toute la marmaille
grouillait du matin au soir (Maupassant).
Cette foule du dimanche qui grouillait [...]
dans les rues étroites (Loti). ‖ Impers. et
fig. Exister en grand nombre : Il y grouille
bien des talents, sans feu ni lieu, des cou-
rages capables de tout, même de faire for-
tune (Balzac). ‖ 3. Grouiller de,contenir
un grand nombre d’êtres en mouvement :
Tout le long du faubourg, dont la montée
grouillait d’une foule affamée et bruissante,
entre les marchands de fruits, de fleurs, de
poissons, de légumes... (Daudet). Un samedi
soir, donc, je m’étais étendu sur la paillasse
somptueuse qui tenait lieu de couchette et
qui grouillait de souris (Duhamel). Le camp
grouillait de prisonniers (Benoit) ; au fig.,
avoir en abondance : Fillettes en cornettes
blanches, | Bons bourgeois grouillant de
santé, | Puis de grosses mères bien franches,
| Puis des amants en quantité (Daudet).

Le quartier où se fabriquaient, à cette


heure, la plupart des journaux du lende-
main grouillait de vie (Martin du Gard).
‖ Sans complément : La vie ardente des
boulevards qui grouillaient (Zola). On y
oublie complètement et on n’y comprend
même plus cette ville en fête, qui grouille et
joue du gong partout alentour (Loti).

• SYN. : 2 fourmiller, pulluler ; 3 foisonner,


regorger.
& se grouiller v. pr. (sens 1, 1659, Loret ;
sens 2, 1654, Cyrano [rare av. 1907,
Larousse ; avec ellipse du pronom, 1919,
Dorgelès]). 1. Class. Se remuer : Ils sont
si étroitement logés qu’ils ne se sauraient
grouiller (Richelet, 1680). ‖ 2. Pop. Se dépê-
cher, faire vite : Allons, plus vite que ça,
grouille-toi (Proust). Allons, grouille-toi, on
va manquer le bac (Van der Meersch) ; et
avec ellipse du pronom : Ils ont dû se plan-
quer, s’écria-t-il, profitons-en !... Grouille !
(Dorgelès).

• SYN. : 2 se hâter, se presser.

grouillis [gruji] n. m. (de grouiller ;


1611, Cotgrave, au sens 1 ; sens 2, 1887,
Huysmans). 1. Ensemble confus d’êtres
nombreux et qui ne cessent de remuer :
Tout un grouillis de petits cochons
(A. de Châteaubriant). ‖ 2. Littér.
Sensation de picotements, de fourmille-
ments : Ces grouillis exaspérants de gale
(Huysmans).

grouillot [grujo] n. m. (forme masc.


issue, après influence de se grouiller, des
n. f. groule ou groulasse [v. ces mots] ; 1913,
Esnault). Jeune employé qui, à la Bourse,
porte rapidement de l’un à l’autre les ordres
d’achat ou de vente.

grouiner [grwine] v. intr. (de groin ; 1756,


Nisard, au sens de « embrasser » [cf. tour de
groing, « embrassade » — av. 1510, Recueil
Trepperel —, et coup de grouin, « baiser » —
1808, d’Hautel] ; sens actuel, fin du XIXe s.,
Huysmans). Grogner, en parlant des pour-
ceaux : [Il répondait] en grouinant comme
s’il avait le museau plein (Huysmans). Il
fait tourner, pour moi, un disque luisant
qui grouine à l’étouffée (Duhamel).

groule [grul] ou groulasse [grulas] n. f.


(déverbaux de l’arg. groller, grollasser, cou-
rir, dér. de grolle, chaussure [v. GROLE 2] ;
1847, Esnault, pour les deux formes). Pop.
et vx. Trottin, apprentie qui fait les courses.

ground [graund] n. m. (mot angl. signif.


proprem. « sol, territoire, terrain », anglo-
saxon grund, mêmes sens ; 1886, E. Rod).
Terrain gazonné sur lequel on pratique
un sport.

group [grup] n. m. (ital. gruppo, même


sens [v. GROUPE] ; 1723, Savary des
Bruslons). Sac cacheté contenant des
espèces, qu’on expédie d’un bureau de
poste à un autre.

groupage [grupaʒ] n. m. (de grouper ;


1866, Littré). Réunion, par un expéditeur,
de colis qui ont une même destination :
Entreprise de groupage.

groupe [grup] n. m. (ital. groppo ; gruppo,


noeud, d’où « assemblage », du germ.
*kruppa, masse arrondie ; 1669, Molière,
au sens 1 [« oeuvre sculptée comprenant
plusieurs personnages », 1676, Félibien] ;
sens 2, 1770, Brunot ; sens 3, 1861, Sainte-
Beuve [groupe parlementaire, av. 1914,
Péguy] ; sens 4, XXe s. [groupe de pression,
v. 1955] ; sens 5, 1907, Larousse [groupe
d’armées, groupe de combat, groupe franc,
XXe s.] ; sens 6, 1690, Furetière ; sens 7, 1866,
Littré [groupe de mots, XXe s.] ; sens 8, 1726,
Mémoires de Trévoux [en zoologie ou en
botanique, 1872, Larousse ; groupe sanguin,
1930, Larousse] ; sens 9, 1957, Robert [aussi
« ensemble d’opérations mathématiques... »
et théorie des groupes]). 1. Dans une oeuvre
d’art (peinture, sculpture), réunion de plu-
sieurs figures formant un ensemble : Le
groupe des trois Horaces dans « le Serment
des Horaces » de David. ‖ Spécialem.
OEuvre sculptée comprenant plusieurs
personnages : « La Danse », groupe de
Carpeaux, orne la façade de l’Opéra de
Paris. Le groupe de Wenceslas était à ses
oeuvres à venir ce qu’est « le Mariage de la
Vierge » à l’oeuvre total de Raphaël (Balzac).
‖ 2. Réunion de personnes qui se trouvent
rapprochées en un même endroit : Un
groupe de curieux, de badauds. Les groupes
se pressaient surtout devant une maison
proche de celle qu’habitait Mme de Piennes
(Mérimée). Ils formaient un petit groupe
au milieu de la cohue peu à peu envahis-
sante (Zola). ‖ 3. Ensemble de personnes
liées sous un certain rapport (condition
sociale, besoins, intérêts, goûts, opinions,
activité, etc.) et qui ont des comportements
communs : Groupe social. Groupe ethnique.
Groupe familial. Groupe politique. Groupe
artistique, culturel, folklorique. Groupe
de travail. Chateaubriand et son groupe
(Sainte-Beuve). Du Roy devenait célèbre
dans les groupes politiques (Maupassant). Je
sais le nom du sénateur : il s’appelle Loyer, et
il est vice-président d’un groupe (France). Je
veux que tu saches [...] quel était cet homme
qui vivait seul en face de votre groupe serré
(Mauriac). ‖ Groupe parlementaire, for-
mation permanente réunissant, au sein
d’une assemblée politique, les élus de
même tendance. ‖ Cabinet de groupe,
réunion dans un même local de plusieurs
médecins de même discipline, avec mise
en commun du personnel de secrétariat et,
éventuellement, d’auxiliaires médicaux.
‖ 4. Spécialem. Ensemble d’entreprises
unies par des liens de forme variée, en
vue soit d’abaisser les coûts de production,
soit d’élever les prix de vente. ‖ Groupe
de pression, association qui cherche à
défendre les intérêts matériels ou moraux
de ses membres par une action simultanée
sur les gouvernants, les partis politiques,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2278

les administrations, l’opinion publique.


‖ 5. Dans le domaine militaire, unité des
anciennes armes montées ou de l’avia-
tion, placée sous les ordres d’un officier
supérieur. ‖ Groupe d’armées, réunion de
plusieurs armées sous le même commande-
ment, destinée à l’accomplissement d’une
mission stratégique. ‖ Groupe de combat,
unité élémentaire de combat de la section
d’infanterie. ‖ Groupe franc, unité légère
de combat chargée de missions délicates.
(Syn. COMMANDO.) ‖ 6. Réunion d’êtres
ou de choses formant un tout distinct de
ce qui l’entoure : Un groupe d’arbres. Un
groupe de maisons. La double arête de récifs
[...] faisait elle-même groupe, çà et là, avec
d’autres (Hugo). ‖ 7. Ensemble d’éléments
ayant des rapports étroits ou dont l’union
vise à remplir une fonction déterminée : À
la loupe, je lus distinctement un groupe de
quatre lettres : K H P H (France). Un groupe
de consonnes. Le groupe « eau » dans « cha-
peau ». Groupe scolaire. Groupe électro-
gène. Groupe motopropulseur. ‖ Groupe de
mots, unité secondaire de la phrase, consti-
tuée par des mots qu’unissent le sens, la
construction ou le rythme. ‖ 8. Ensemble
d’êtres ou de choses ayant des caractères
communs, dont on se sert pour les clas-
ser : Un groupe de dialectes. Le groupe des
langues sémitiques. Un groupe de corps
chimiques. ‖ Spécialem. Subdivision de
la classification zoologique ou botanique
dont on ne précise pas la valeur hiérar-
chique : Le groupe des poissons cuirassés.
‖ Groupe sanguin, ensemble d’individus
entre lesquels le sang peut être transfusé
sans agglutination des hématies. ‖ 9. En
algèbre, ensemble d’éléments de même
nature qui contient, avec chaque élé-
ment, son inverse, et, avec chaque groupe
d’éléments, leur résultante. ‖ Ensemble
d’opérations mathématiques, telles que
permutations, substitutions, combinaisons,
transformations, déplacements, etc., satis-
faisant à certaines conditions. ‖ Théorie
des groupes, étude mathématique et sys-
tématique des groupes possibles.

• SYN. : 3 bande, cénacle, cercle, clan, clique


(fam.), école, équipe, groupement, noyau,
poignée, société.

groupement [grupmɑ̃] n. m. (de grou-


per ; 1801, A. Reuss [aussi « état de ce qui
forme un groupe »] ; sens 2, 1872, Larousse
[groupement de gendarmerie, 1962,
Larousse, art. gendarmerie ; groupement
tactique ou temporaire, 1953, Larousse).
1. Action de réunir ou de se réunir en
groupe : Le groupement autour de la mai-
rie des divers bâtiments administratifs.
‖ État de ce qui forme un groupe : On
observe, dans cette région, un groupement
de l’habitat rural. ‖ 2. Réunion de per-
sonnes ou de choses groupées : Un grou-
pement politique puissant. Un considérable
groupement de capitaux. Les capitalistes
et les patrons essayèrent vainement, par

des groupements gigantesques, de régler


la production et d’anéantir la concurrence
(France). ‖ Groupement de gendarmerie,
formation de gendarmerie correspondant
à un département. ‖ Groupement tactique
ou temporaire, réunion, sous le comman-
dement d’un seul chef, de plusieurs unités
militaires différentes, devant concourir à
une mission déterminée.

• SYN. : 1 accumulation, concentration,


rassemblement, regroupement, réunion ;
2 association, coalition, faction, fédération,
fusion, ralliement, rassemblement, union.

— CONTR. : 1 dispersion, éparpillement,


étalement, scission, séparation.

grouper [grupe] v. tr. (de groupe ; 1680,


Richelet, au sens 2 [grouper des colonnes,
1694, Th. Corneille] ; sens 1, 1770, Brunot
[« réunir en une seule expédition des
colis... », 1877, Littré] ; sens 3, 1822,
V. Hugo ; sens 4, 1866, Littré). 1. Réunir en
groupe : Grouper des soldats, des écoliers,
des objets. ‖ Spécialem. Réunir en une seule
expédition des colis et envois ayant même
destination. ‖ 2. Disposer en un ensemble
harmonieux les figures d’une composition
artistique : Grouper les personnages d’un
tableau. ‖ Grouper des colonnes, en archi-
tecture, réunir des colonnes deux à deux.
‖ 3. Rapprocher, réunir des personnes
ou des choses en vue d’entreprendre une
action commune ou d’atteindre un cer-
tain but : Grouper des combattants sous un
même drapeau, des députés sous une même
étiquette politique. Grouper les exemples
qui serviront à préciser le sens d’un mot.
Vous devez en quelques jours grouper vos
forces (Gambetta). Puisque [...] l’armée est
respectée de tous, puisqu’elle est la seule
force autour de laquelle nous restons tous
groupés, pourquoi ne serait-elle pas aussi le
gouvernement ? (France). ‖ 4. Faire figurer
sous une même rubrique, ranger dans une
même catégorie des êtres ou des choses
qui présentent des points communs : Les
populations que l’on groupe sous le nom
d’Aryens. Les diverses spécialités que l’on
groupe sous la dénomination de tranquil-
lisants. Il assemblait, groupait, classait un
album de souvenirs (Valéry).

• SYN. : 1 assembler, rassembler, regrouper,


réunir ; 3 collectionner, concentrer, fédérer,
masser, mobiliser, unir ; 4 classer, réper-
torier. — CONTR. : 1 disperser, disséminer,
éparpiller, étaler, répartir ; 2 dissocier, divi-
ser, scinder, séparer.

& se grouper v. pr. (1834, Ségur). Se réunir


en groupe : On jouait, on s’appelait, on se
groupait, on courait (Hugo). Les hommes se
groupent pour agir contre leur destin, contre
le hasard, contre l’imprévu, qui sont les plus
immédiates des choses (Valéry).

groupeur [grupoer] n. m. (de grouper ;


1797, Brunot, au sens de « homme qui réunit
en groupe des personnes » ; sens actuel,
1872, Larousse). Commissionnaire ou

transporteur qui groupe des colis pour


les expédier ensemble et à moindre prix.

groupure [grupyr] n. f. (de grouper ; 1872,


Larousse). Défaut des étoffes dû au fait que
plusieurs fils se sont trouvés groupés acci-
dentellement pendant la fabrication.

groupuscule [grupyskyl] n. m. (dimin.


savant de groupe ; 15 oct. 1955, le Monde).
Péjor. Petit groupe : Des groupuscules
gauchistes.

grouse [gruz ou graus] n. m. (angl. grouse,


coq de bruyère, mot d’origine écossaise ;
1771, Buffon, écrit grou ; grouse, 1865,
d’après Littré, 1877). Nom que l’on donne,
en Grande-Bretagne, à diverses espèces
de tétras, et qui désigne le plus souvent le
lagopède d’Écosse. (Syn. COQ DE BRUYÈRE.)

1. gruau [gryo] n. m. (de l’anc. franç. gru,


gruau [1391, Godefroy, mais sans aucun
doute bien plus anc., puisque le dér. gruel,
« gruau », est déjà attesté v. 1170, Livre des
Rois], francique *grût, même sens ; v. 1398,
le Ménagier de Paris, écrit gruyau [gruau,
XVIe s.], au sens 2 [tisane de gruau, 1872,
Larousse — gruau, même sens, 1866,
Littré] ; sens 1, 1872, Larousse [aussi farine
de gruau ; pain de gruau, 1660, Oudin —
gruau, même sens, fin du XVIe s.] ; sens 3,
1866, Littré). 1. Partie du froment qui enve-
loppe le germe du grain et qui, plus dure
que le reste, est réduite imparfaitement
dans les broyeurs. (Syn. SEMOULE.) ‖ Farine
de gruau, farine fine et très pure, obtenue
en faisant passer cette partie du froment
dans des broyeurs à cylindres lisses. ‖ Pain
de gruau, pain fabriqué avec cette farine :
Il portait sur un plat d’or une perdrix rôtie,
avec un pain de gruau et une bouteille de vin
de Bordeaux (France). ‖ 2. Grains d’avoine
ou d’orge dépouillés de leur enveloppe et
grossièrement moulus : De la bouillie de
gruau. ‖ Vx. Tisane de gruau, ou, ellipt.,
gruau, boisson rafraîchissante faite d’une
décoction de gruau. ‖ 3. Fécule de pomme
de terre réduite en grains minuscules et qui
a l’apparence du sagou.

2. gruau [gryo] ou gruon [gryɔ̃] n. m.


(de grue 1 ; début du XVIe s., écrit gruau
[var. gruyau, 1547, Haudent] ; gruon, 1636,
Monet). Petit de la grue.

gruauter [gryɔte] v. intr. (de gruau 1 ;


1872, Larousse). Réduire en gruau des
grains de blé, d’avoine, etc. (On dit aussi
GRUER.)

1. grue [gry] n. f. (lat. pop. *grua, du lat.


class. grus, gruis, grue [oiseau] ; début du
XIIe s., Pèlerinage de Charlemagne, au sens
I [faire le pied de grue, 1608, M. Régnier] ;
sens II, 1, 1466, ZFSL, LXIV, 56 ; sens II, 2,
début du XVe s.).

I. Grand oiseau échassier, de teinte grise,


brune ou blanche variée de noir, à très
longues pattes et à long cou, dont une
espèce, la grue cendrée, traverse la France
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2279
pour hiverner en Afrique : À cent, deux
cents mètres, de grands troupeaux de
grues [...] passent avec des cris d’enfants
qu’on égorge (Daudet). ‖ Faire le pied de
grue, attendre longtemps à la même place
(l’oiseau se tenant souvent immobile sur
un pied) : Et elles [les ouvrières] rappor-
taient tout au monsieur qui faisait le pied
de grue en face (Zola).

II. 1. Class. et fam. Personne sotte, facile


à tromper : « Elle a l’entretien maigre et
le discours concis. | — Tant mieux pour
une femme. — Oui quand par retenue |
Elle caquette peu : mais si c’est une grue...
| — Dans ma famille, au moins, on ne
voit point de sots » (Regnard). ‖ 2. Fam.
Femme de moeurs légères et vénale :
C’étaient des grues journellement enle-
vées des salons d’essayage (Huysmans).
Les grues font leur métier, disait-on, elles
valent autant que d’autres ; mais celle-
là non ! (Proust). Il savait qu’un certain
nombre de femmes sont des prostituées, et
même il les séparait en deux groupes, qu’il
appelait « les putains » et « les grues » (Ro-
mains). Au comptoir d’un bistrot, elle se fit
servir un café, malgré sa peur d’être prise
pour une grue (Montherlant).

2. grue [gry] n. f. (de grue 1, par assimi-


lation de forme ; XIIIe s., Tailliar, comme
n. d’un objet que le contexte ne permet
pas de définir précisément ; sens 1, 1467,
Gay [grue flottante, 1900, Dict. général ;
grue hydraulique, 1888, Larousse — déjà
dans Larousse, 1872, avec un sens moins
spécialisé] ; sens 2, milieu du XXe s. ; sens
3, XVe s., Molinet). 1. Appareil destiné à
soulever et à déplacer de lourdes charges
(colis isolés ou matières en vrac) : Grue
de chantier. Grue d’atelier. Des transports
de l’État, des chaloupes à vapeur, rangés
au quai, attendaient qu’on chargeât ces
chaudières à l’aide d’une énorme grue
placée près de là et qui de loin ressemblait
à un gibet gigantesque (Daudet). Le port
démesuré avec ses quarante-cinq kilomètres
de quais et ses sept cents grues (Van der
Meersch). ‖ Grue flottante, grue montée
sur ponton. ‖ Grue hydraulique, appareil
servant à alimenter en eau les locomotives
à vapeur. ‖ 2. Support mobile utilisé dans
les studios de cinéma, qui porte la caméra
et l’opérateur, et permet des mouvements
combinés. ‖ 3. Au Moyen Âge, machine de
guerre constituée par un château de bois
roulant et un pont volant que l’on abattait
sur les murailles de la ville assiégée.

grue-console [grykɔ̃sɔl] n. f. (de grue 2


grue-console [grykɔ̃sɔl] n. f. (de grue 2
et de console ; 1962, Larousse). Grue pou-
vant se déplacer sur deux rails situés dans
un même plan vertical et fixés le long d’un
mur ou au droit d’une file de poteaux d’un
bâtiment.

• Pl. des GRUES-CONSOLES.

grue-marteau [grymarto] n. f. (de grue


2 et de marteau ; 1962, Larousse). Grue

sur pylône, avec une flèche horizontale


sur laquelle se déplace le chariot porte-
charge, et une contre-flèche supportant un
contrepoids qui équilibre la flèche et une
partie de la charge. (Syn. GRUE D’ARMEMENT,
DE CALE, TITAN.)

• Pl. des GRUES-MARTEAUX.

grue-portique [grypɔrtik] n. f. (de grue


2 et de portique ; 1962, Larousse). Grue fixe
ou roulante montée sur un portique.

• Pl. des GRUES-PORTIQUES.

gruer [grye] v. intr. (de l’anc. franç. gru


[v. GRUAU 1] ; 1274, Godefroy). Syn. de
GRUAUTER.

gruerie [gryri] n. f. (de gruyer ; v. 1270,


Godefroy, écrit graerie [gruerie, 1486,
Godefroy], au sens 2 ; sens 1, 1509,
Coutumier général [« charge de gruyer »,
1367, Prost]). 1. Ancienne juridiction où
les officiers forestiers jugeaient les délits
relatifs aux bois du domaine. ‖ 2. Privilège
du roi et de certains seigneurs sur les bois.

grugeage [gryʒaʒ] n. m. (de gruger ;


1860, Mérimée, au sens de « fait d’être
escroqué » ; sens actuel, 1962, Larousse).
Procédé de débitage des tôles, laminés et
profilés.

grugeoir [gryʒwar] n. m. (de gru-


ger ; 1606, Crespin, au sens 1 ; sens 2,
XXe s. ; sens 3, 1900, Dict. général ; sens
4, 1962, Larousse). 1. Syn. de ÉGRISOIR.
‖ 2. Appareil de table servant à réduire
en poudre le gros sel. ‖ 3. Outil en forme de
petite pince, avec lequel le peintre verrier
rogne le bord des verres. ‖ 4. Machine-
outil travaillant par arrachement de petits
copeaux, et qui exécute le grugeage des
tôles, laminés et profilés.

gruger [gryʒe] v. tr. (néerl. gruizen, broyer,


écraser ; 1482, Godefroy, écrit grugier, au
sens de « réduire en granules » ; XVIe s.,
La Curne, écrit gruger, au sens 1 ; sens 2,
1660, Oudin [« dévorer, manger », 1678, La
Fontaine] ; sens 3, 1668, La Fontaine ; sens 4,
1866, Littré ; sens 5, 1676, Félibien). [Conj.
1 b.] 1. Vx ou dialect. Réduire en menus
morceaux ou en poudre : On fait sécher
le sel, et puis on le gruge dans un mortier
(Furetière, 1690). ‖ 2. Class. Croquer avec
les dents, et, par extens., dévorer, manger :
Perrin, fort gravement, ouvre l’huître et
la gruge (La Fontaine). ‖ 3. Fig. et fam.
Dépouiller quelqu’un de son bien en l’es-
croquant adroitement ; tromper quelqu’un
en affaires : Te faudra-t-il toujours gruger
ta malheureuse famille et tes petites soeurs ?
(Baudelaire). Les hommes d’affaires l’ont
grugé (Acad.). ‖ 4. En sculpture, briser,
avec un marteau à pointes de diamant,
les parties trop dures pour être attaquées
au ciseau. ‖ 5. Rogner le bord des verres
à l’aide de la pince dite grugeoir.

• SYN. : 3 duper, filouter (fam.), f louer


(fam.), posséder (très fam.), refaire (pop.),
rouler (fam.).

grugerie [gryʒri] n. f. (de gruger ; 1752,


Trévoux, au sens 2 ; sens 1, 1803, Boiste).
1. Vx. Action de gruger, de spolier
quelqu’un. ‖ 2. Autref., partage, entre les
chanoines du chapitre de Notre-Dame, de
la somme rapportée par la vente de la mai-
son de l’un d’entre eux, après son décès.

grugeur, euse [gryʒoer, -øz] n. (de


gruger ; v. 1780, Brunot [« exploiteur des
pauvres »]). Vx. Personne qui gruge, qui
exploite : Les grugeurs de nos biens (Littré).

grume [grym] n. f. (bas lat. gruma,


cosse [IVe s.], lat. class. gluma, pellicule
[des graines], balle, dér. de glubere, écor-
cer, ôter l’écorce ; 1552, J. Massé, au sens
1 ; sens 2, 1866, Littré [bois de/en grume,
1690, Furetière] ; sens 3, 1690, Furetière).
1. Dialect. En certaines régions, notam-
ment en Bourgogne, grain de raisin.
‖ 2. Écorce laissée sur le bois coupé et
non encore équarri. ‖ Bois de grume ou
en grume, tout bois abattu (tronc, bille ou
billon), non écorcé mais ébranché, propre
à fournir du bois d’oeuvre : À en croire
Furetière, abbé de Chalivoy, le même qui
reprochait à La Fontaine d’ignorer la diffé-
rence du bois en grume et du bois marmen-
teau... (Hugo). ‖ 3. Tronc d’arbre abattu,
ébranché et recouvert de son écorce.

grumeau [grymo] n. m. (lat. pop. *gru-


mellus, lat. class. grumulus, petit tas, petit
tertre, dimin. de grumus, petit tas de terre,
tertre ; 1256, Ald. de Sienne, écrit grumiel
[gremeau, v. 1560, Paré ; grumeau, 1690,
Furetière], au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré).
1. Petite masse de matière agglomérée ou
de liquide coagulé : Des grumeaux de sel,
de sang. Du lait caillé tout en grumeaux
séparés qui nageaient chacun de leur côté
(Giono). ‖ 2. Spécialem. Petit agrégat qui
se forme dans une matière pulvérulente
lorsqu’on la délaie sans précaution : Des
grumeaux de farine. Une sauce pleine de
grumeaux.

• SYN. : 1 caillot.

grumeler (se) [səgrymle] v. pr. (de


grum[i]el, forme anc. de grumeau [v. ce
mot] ; XIIIe s., Conquête de Jérusalem).
[Conj. 3 a.] Se mettre en grumeaux : Le
lait tourné se grumelle ; et par anal. : Le vent
accéléra la course des nuages qui se grume-
laient comme un lait caillé (Huysmans).

grumeleux, euse [grymlø, -øz] adj.


(de grum[i]el, forme anc. de grumeau [v.
ce mot] ; v. 1354, Modus [un premier ex.
au XIIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1866, Littré ;
sens 3, av. 1922, Proust). 1. Qui est en
grumeaux, composé de grumeaux : Une
pâte grumeleuse. Du sang grumeleux. Son
corps est sans poils, couvert d’une poussière
grumeleuse (Genevoix). ‖ 2. Se dit d’un
fruit qui présente de petites parties dures,
pierreuses, à l’intérieur : Une poire grume-
leuse. ‖ 3. Qui a l’aspect de grumeaux, qui
présente des aspérités, des granulations
à sa surface : Les deux clochers ciselés et
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2280

rustiques de Saint-André-des-Champs,
eux-mêmes effilés, écailleux [...], grume-
leux comme deux épis (Proust). Une peau
grumeleuse.

• SYN. : 2 pierreux ; 3 granité, granuleux,


grenu. — CONTR. : 3 lisse.

grumelure [grymlyr] n. f. (de grumeler ;


1668, Mauriceau, écrit grumeleure, au sens
de « caillement du lait » ; écrit grumelure,
au sens actuel, 1769, Encyclopédie). Petite
cavité dans la masse d’une pièce de métal
fondu.
grumier [grymje] n. m. (de grume ; 1962,
Larousse). Camion ou remorque de camion
spécialement adaptés pour le transport des
grumes.

grunnir [grynir] v. intr. (lat. grunnire,


grogner [en parlant du porc] — qui avait
donné gronir, grunir en anc. franç., du XIIe
au XVIe s. [v. GROGNER] ; 1885, Huysmans,
qui a emprunté le mot directement au lat.,
ou, moins probablem., à certains parlers
des Vosges, des Alpes ou du Midi [où gru-
nir reste vivant, contrairement à ce qui se
passe en franç.]). Vx ou dialect. Grogner :
Je vous préviens, le vieux grunnit tel qu’un
pourceau (Huysmans).

gruon n. m. V. GRUAU 2.

gruppetto [grupɛto] n. m. (mot ital.,


dimin. de gruppo [v. GROUPE] ; 1842, Acad.).
En musique, ornement constitué par un
groupe de trois ou quatre notes brèves, qui
précèdent ou suivent la note principale.
• Pl. des GRUPPETTI.

grusiner [gryzine] v. intr. (mot du wal-


lon de l’Ardenne liégeoise, dér. du néerl.
gruizen, broyer, écraser [v. GRUGER] ;
1910, Apollinaire). Manger quelque chose
qui croque sous la dent : La Chancesse
avait remis son chapelet dans sa poche et
regardait les combattants en grusinant
(Apollinaire).

grutier [grytje] n. m. (de grue 2 ; début


du XXe s.). Conducteur de grue.

gruyer [gryje] n. m. (gallo-roman *groda-


rius, maître forestier, du francique *grôdi,
ce qui est vert ; 1247, Godefroy). Sous le
régime féodal, officier royal ou seigneurial
qui contrôlait l’administration des eaux et
forêts, et jugeait en première instance les
délits s’y rapportant.

gruyère [gryjɛr] n. m. (de la Gruyère, n.


de la région de Suisse [canton de Fribourg]
où ce fromage a d’abord été fabriqué ; 1680,
Richelet [fromage façonné à la mode de
gruière, 1655, Bonnefons]). Fromage de
forme cylindrique, préparé avec du lait
de vache, à caillé découpé, cuit et pressé,
et à croûte lavée : Une meule de gruyère.
Du gruyère râpé. Puis venaient un chester,
couleur d’or, un gruyère, pareil à une roue
tombée de quelque char barbare (Zola).

• REM. On écrit : du gruyère (avec une


minuscule), mais : du fromage de Gruyère
(avec une majuscule) ; la prononciation
gruère [gryɛr] (1821, Desgranges) est
populaire.

grylle [gril] n. m. (lat. gryllus, peinture en


caricature [mot d’origine controversée] ;
av. 1614, J. Macarius, puis 1834, Landais
[art. chimère], au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Monstre fréquent dans les
oeuvres antiques de la glyptique. ‖ 2. Dans
une peinture, assemblage bizarre de figures
d’animaux.

gryllidés [grilide] n. m. pl. (du lat. gryllus


[v. l’art. suiv.] et du gr. eidos, forme, appa-
rence ; 1866, Littré, écrit gryllides ; gryllidés,
1901, Larousse). Famille d’insectes orthop-
tères, comprenant les grillons.

gryllus [grilys] n. m. (lat. grillus ou gryl-


lus, grillon ; 1872, Larousse). Nom scien-
tifique du grillon.

gryphée [grife] n. f. (du bas lat. grypus,


recourbé [gr. grupos, crochu, recourbé], à
cause de la forme de la coquille de ce mol-
lusque ; 1808, Boiste). Mollusque bivalve,
voisin de l’huître, mais de forme plus régu-
lière : L’huître portugaise est une gryphée.
Je ne sais quel coquillage fossile, gryphée ou
bélemnite... (Hugo).

grypose [gripoz] n. f. (gr. grupôsis, forme


crochue [des ongles, des griffes, etc.], de
grupoûn, rendre crochu, dér. de grupos
[v. l’art. précéd.] ; 1866, Littré). Courbure
convexe des ongles, que l’on observe chez
les sujets atteints d’une maladie viscé-
rale, en particulier de la tuberculose
pulmonaire.

guais [gɛ] adj. m. (var. orthogr. de gai, le


sens du mot s’expliquant par une des signi-
fications anc. de l’adj. : « qui joue librement,
qui a du jeu » ; 1723, Savary des Bruslons).
Se dit d’un hareng qui a frayé et n’a plus
ni laitance ni oeufs.

guanacaste [gwanakast] n. m. (de


Guanacaste, n. d’une province du nord-
ouest du Costa Rica [d’où provient ce bois] ;
1962, Larousse). Bois du commerce d’ori-
gine américaine, brun-rouge, utilisé en
menuiserie, ébénisterie, placage, etc.

guanaco [gwanako] n. m. (mot esp.,


du quetchua huanacu, sorte de lama ;
1598, Acosta [var. abrégée naco, 1569,
Godefroy]). Espèce de lama sauvage des
Andes chiliennes, qui est sans doute la
souche du lama domestique.

guanche [gwɑ̃ʃ] n. m. (de Guanches, n.


de la population primitive de l’archipel
canarien [le n. de Guanches signifiait « les
hommes » ou « les fils »] ; 1962, Larousse).
Ancien parler des îles Canaries, qui a dis-
paru au moment de la conquête espagnole.

guanier, ère [gwanje, -ɛr] adj. (de


guano ; 1877, Littré, aux sens 1-2). 1. Relatif
au guano. ‖ 2. Où l’on trouve du guano.

guano [gwano] n. m. (mot esp., du quet-


chua huano, lui-même empr. de l’aimará
[langue indienne du Pérou] huana,
fumier ; 1598, Acosta, au sens 1 ; sens 2,
30 oct. 1875, Journ. officiel). 1. Matière
résultant de l’accumulation d’excréments
et de cadavres d’oiseaux marins, qu’on
utilise comme engrais. ‖ 2. Nom donné
à des matières fertilisantes d’origines très
diverses : Guanos de poissons, de chauves-
souris. L’arbre au pied duquel on me met-
tra donnera peut-être d’excellents fruits,
je serai peut-être un engrais superbe, un
guano supérieur (Flaubert).

guarani [gwarani] n. m. (mot guarani ;


1845, Bescherelle, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Langue indienne du Paraguay
et du Brésil. ‖ 2. Unité monétaire du
Paraguay, divisée en 100 céntesimos.

guatémaltèque [gwatemaltɛk] adj.


et n. (esp. guatemalteco, de Guatemala,
n. géogr. ; 1930, Larousse). Relatif au
Guatemala ; habitant ou originaire de ce
pays. (On dit aussi GUATÉMALIEN, ENNE
[XXe s.].)

guaxe [gwaks] n. f. (origine obscure ;


1962, Larousse). Un des noms du fruit de
l’acacia.

1. gué [ge] n. m. (francique *wad, endroit


peu profond ; 1080, Chanson de Roland,
écrit guez, au plur. ; gué, au sing., v. 1170,
Livre des Rois [sonder le gué, av. 1679,
Retz]). Endroit d’un cours d’eau assez peu
profond pour qu’on puisse le traverser sans
perdre pied : Nous passâmes à gué ses eaux
limpides (Chateaubriand). Faire franchir le
gué à un âne rétif (L. Daudet). ‖ Fig. et vx.
Sonder le gué, bien examiner une affaire
avant de s’y engager.

2. gué ! [ge] interj. (sans doute var.


orthogr. de l’adj. gai ; 1666, Molière [mais
probablem. bien plus anc.]). Mot qui revient
dans le refrain de certaines chansons
anciennes : La bonne aventure, ô gué ! la
bonne aventure.

guéable [geabl] adj. (de guéer [v. ce mot] ;


v. 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit gaable
[guéable, fin du XVe s., Commynes], au sens
1 ; sens 2, av. 1848, Chateaubriand). 1. Se dit
d’un cours d’eau qu’on peut passer à gué :
Ce fleuve n’est nulle part guéable. L’estuaire
guéable, le passeur se promenait, de loisir,
en compagnie d’Argo (Arnoux). ‖ 2. Fig.
et littér. Que l’on peut franchir, vaincre
aisément : Tout était guéable pour ce géant,
événements et flots (Chateaubriand).

guèbre [gɛbr] n. et adj. (persan gabr,


adorateur du feu ; 1657, La Boullaye, écrit
quebre ; guèbre, 1721, Montesquieu). Perse
qui suit la religion de Zoroastre : Les Grecs
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2281

chassent les juifs, les juifs damnent les


guèbres (Hugo).

guède [gɛd] n. f. (germ. *waizda, guède ;


fin du XIe s., Gloses de Raschi, écrit wesde
[gueide, v. 1175, Chr. de Troyes ; guède, nov.
1640, d’après Littré, 1866], aux sens 1-2).
1. Plante tinctoriale, appelée aussi, dans
le Midi, pastel. ‖ 2. Couleur bleue tirée
de cette plante.

guédoufle [gedufl] n. f. (provenç.


gadoufle, goudoufle, flacon garni de
paille, de l’onomatop. god- exprimant le
gonflement, avec peut-être une influence
sémantique des dér. du lat. conflare [v.
GONFLER] ; début du XIVe s., écrit coutoufle,
au sens du provenç. ; 1532, Rabelais, écrit
guédoufle, au sens de « flacon rond pour
divers liquides, notamment l’huile et le
vinaigre » ; sens actuel [probablem. repris
à des parlers régionaux], 1872, Larousse).
Huilier formé de deux flacons arqués, dont
les becs courbes sont soudés côte à côte
et croisés en sens contraire, de telle sorte
qu’on puisse verser le contenu de l’un sans
vider l’autre.

guéer [gee] v. tr. (de gué 1 ; début du XIIe s.,


Pèlerinage de Charlemagne, écrit guaer
[guéer, XVe s.], au sens 1 ; sens 2, XIIIe s.).
1. Passer à gué un cours d’eau : Descendus
de la colline, nous guéâmes un ruisseau
(Chateaubriand). Des mariniers, guéant le
fleuve à dos de mules, passaient près de nous
en chantant (Daudet). ‖ 2. Faire baigner
dans un gué : Guéer un cheval. ‖ Guéer du
linge, le rincer dans l’eau courante.

guelfe [gɛlf] n. (allem. Welfe, n. d’une


puissante famille qui prit le parti des papes ;
v. 1265, Br. Latini). Nom donné à ceux qui,
en Italie, au Moyen Âge, soutenaient les
papes, contre les gibelins, partisans des
empereurs germaniques.

& adj. (1756, Voltaire). Qui appartenait au


parti des guelfes : Ravenne, après avoir été
guelfe ou gibeline, est retournée à l’Église
(Chateaubriand).

guelfisme [gɛlfism] n. m. (de guelfe ;


1962, Larousse). Attitude, doctrine des
guelfes.

guelte [gɛlt] n. f. (allem. Geld, argent ;


1859, Esnault, au sens de « paye » ; sens
actuel, 1866, Delvau). Pourcentage accordé,
dans certains magasins, aux vendeurs sur
le produit des ventes qu’ils effectuent, et
qui vient en sus de leurs appointements :
Être à la guelte.

• SYN. : prime.

guenille [gənij] n. f. (mot des parlers


de l’Ouest, altér. [sous l’influence de
mots comme broutilles, fondrilles, etc.,
qui désignent des résidus ou des choses
de faible valeur] de guenipe [v. ce mot] ;
début du XVIIe s., écrit gnille [guenille, 1611,
Cotgrave], au sens 1 ; sens 2, 1664, Molière ;
sens 3, 1672, Molière ; sens 4, 1846, Balzac).

1. Haillons déchirés, chiffon : Antonio


l’avait débarrassé [...] des guenilles dont
il lui avait enveloppé les pieds (Mérimée).
‖ 2. Vêtements en lambeaux, misérables
(le plus souvent au plur.) : Une femme en
guenilles nous a servi dans des tasses de
grès du lait frais comme la glace (Flaubert).
Sur les planches [...] s’étalaient trois gue-
nilles grises, laissées par des clientes mortes
à l’hôpital (Zola). ‖ 3. Fig. Chose sans
importance, méprisable : Le corps, cette
guenille, est-il d’une importance, | D’un
prix à mériter seulement qu’on y pense ?
(Molière). ‖ 4. Littér. Homme déchu, phy-
siquement ou moralement.

• SYN. : 1 loque ; 2 défroque, haillons,


nippes, oripeaux ; 4 chiffe, loque.
guenilleux, euse [gənijø, -øz] adj. et
n. (de guenille ; 1766, Diderot). Couvert,
vêtu de guenilles : Une population d’êtres
haillonneux, loqueteux, guenilleux
(Goncourt). Son pauvre corps de mendiante
guenilleuse, affamée et désespérée (Bloy).
Si je m’étais simplement assis sur un banc
du Luxembourg, si je n’avais pas filé plus
d’un quart d’heure un honnête mais bizarre
guenilleux, j’aurais pu jouir idylliquement
de l’air tiède et de la chaude lumière (Gide).
• SYN. : déguenillé, haillonneux, loqueteux.

guenillon [gənijɔ̃] n. m. (de guenille ;


1660, Oudin, au sens 1 ; sens 2, 1808, d’Hau-
tel). 1. Class. Petite guenille : Mais qui pour-
rait compter le nombre de haillons, | De
pièces, de lambeaux, de sales guenillons,
| De chiffons ramassés dans la plus noire
ordure, | Dont la femme, aux bons jours,
composait sa parure ? (Boileau). ‖ 2. Vx.
Être déguenillé, misérable : Elle ne pouvait
vraiment pas rester un guenillon (Zola).

guenipe [gənip] n. f. (mot issu, avec une


finale reprise à l’anc. franç. chipe, chiffon,
lambeau [v. 1307, Guiart, v. CHIFFE], d’un
radical gaulois *wádana-, eau, la guenipe
étant primitivement un vêtement déchiré,
dont des lambeaux traînent dans l’eau et
la boue des chemins lorsqu’on marche [cf.
le normand guener, « crotter », terme de la
même famille] ; 1496, La Vigne, écrit gue-
nyppe [guenipe, av. 1526, J. Marot], au sens 1
[le sens, plus anc., de « guenilles, vieux
habits » n’est attesté qu’en 1611, Cotgrave] ;
sens 2, 1690, Furetière). 1. Vx ou littér.
Femme de mauvaise vie : C’est pourquoi
les poètes prennent habituellement d’assez
sales guenipes pour maîtresses (Gautier).
Une guenipe sordide qui riait d’une façon
crapuleuse (Huysmans). ‖ 2. Vx. Femme de
basse condition, malpropre et mal vêtue :
Une marchande, une vieille guenipe de cent
ans, abritait trois salades maigres sous une
ombrelle de soie rose, crevée et lamentable
(Zola).

guenon [gənɔ̃] n. f. (mot probablem. de la


même famille que guenipe [v. l’art. précéd.],
le terme ayant désigné d’abord un singe à
longue queue traînante ; 1505, Gonneville,

au sens 1 [comme n. m., av. 1589, J. A. de


Baïf] ; sens 2, 1678, La Fontaine ; sens 3,
1640, Oudin ; sens 4, 1686, Baron). 1. Nom
usuel des singes du genre cercopithèque,
mâles ou femelles. ‖ 2. Femelle du singe,
quelle qu’en soit l’espèce. ‖ 3. Femme laide,
sans aucun agrément : Comment alors
aimâtes-vous cette guenon savoyarde ?
(France). ‖ 4. Vx. Prostituée : En me pré-
férant les sales guenons du coin de la rue,
il me laisse libre (Balzac).

• SYN. : 3 guenuche (fam.), laideron,


mocheté (pop.).

guenuche [gənyʃ] n. f. (de guen[on] ;


1608, M. Régnier, au sens 1 ; sens 2, 1680,
Richelet ; sens 3, av. 1654, Guez de Balzac,
puis fin du XIXe s., A. Daudet). 1. Class.
Petite guenon : Elle se regarde au miroir
et se trouve plus laide qu’une guenuche
(Fénelon). ‖ 2. Fig. et fam. Femme petite
et laide. ‖ 3. Vx et fam. Femme de mau-
vaise vie : Les donations du vieux grigou
à ses servantes avaient achevé de tourner
contre « ces ribaudes effrontées », contre
« ces guenuches » [...] les commères chargées
de leurs marmots (Daudet).

guépard [gepar] n. m. (ital. gattopardo,


guépard, de gatto, chat [bas lat. cattus,
même sens], et pardo, léopard [lat. pardus,
même sens, gr. pardos, léopard, panthère] ;
1706, Romania [XXXV, 474], écrit gapard ;
guépard [avec un -é- mal expliqué], milieu
du XVIIIe s., Buffon). Mammifère carnassier
d’Afrique et d’Asie, haut sur pattes, à la
robe fauve clair tacheté de noir, très rapide
à la course, pouvant être domestiqué.

guêpe [gɛp] n. f. (lat. vespa, guêpe, devenu


*wespa à basse époque, par croisement avec
un mot germ. de même sens, à w- initial,
d’où est issu l’anc. haut allem. wefsa, guêpe ;
fin du XIIe s., Marie de France, écrit wespe
[guespe, XIIIe s. ; guêpe, 1636, Monet], au
sens 1 [taille de guêpe, 1840, Acad.] ; sens
2, 1850, Sainte-Beuve [« personne railleuse,
qui importune », 1829, Boiste ; pas folle la
guêpe !, XXe s.]). 1. Insecte social de l’ordre
des hyménoptères, à abdomen annelé de
jaune et de noir, dont la femelle est pourvue
d’un aiguillon venimeux : Parmi les nids
de bengalis | Un vol de guêpes vibre encore
(Leconte de Lisle). ‖ Taille de guêpe, taille
très fine : Et elle avait, comme on disait, une
taille de guêpe (France). ‖ 2. Fig. Femme
rusée. ‖ Fam. Pas folle la guêpe !, se dit
d’une personne qui agit de façon prudente
et habile, et qu’on ne dupe pas facilement.

Guépéou [gepeu] n. f. (de G. P. U., ini-


tiales de Gosoudarstvennoïé Politicheskoïe
Upravlenié, « administration politique
d’État »). Nom donné à la police poli-
tique soviétique après la suppression de
la Tchéka, en février 1922.

guêper [gepe] v. tr. (de [taille de] guêpe ;


av. 1896, Goncourt). Serrer la taille
pour donner une sveltesse de guêpe :
Enfin nous la revoyons, Sophie Arnould,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2282

dans ses rôles de triomphe, dans la robe


blanche guêpée d’Iphigénie (Goncourt). Le
vêtement noir qui guêpait sa haute taille
(A. de Châteaubriant).

• SYN. : corseter.

guêpier [gepje] n. m. (de guêpe ; v. 1354,


Modus, écrit guespier [guêpier, 1636,
Monet], au sens I ; sens II, 1, 1636, Monet ;
sens II, 2, av. 1885, V. Hugo ; sens II, 3, 1775,
Beaumarchais [se fourrer la tête dans un
guêpier, « se trouver au milieu de gens sus-
pects ou menaçants »]).

I. Oiseau passereau à bec long et pattes


courtes, se nourrissant d’abeilles et de
guêpes, qui vit dans les régions chaudes
de l’Ancien Monde.

II. 1. Nid de guêpes. ‖ 2. Endroit bour-


donnant où règne l’agitation, la turbu-
lence : La tribune des journalistes [...]
n’en resta pas moins un guêpier, un coin
tumultueux et tapageur, d’où partaient
sans cesse les interruptions et les vacarmes
(Hugo). ‖ 3. Fig. Endroit dangereux,
situation critique dont on ne se tire que
très difficilement sans dommage : On
ne déploie pas plus d’activité [...] que le
baron n’en déployait pour se plonger la
tête la première dans un guêpier (Balzac).
Il tomba dans un guêpier de sept ou huit
voiles anglaises (Hugo). Mais on ne s’in-
terrogeait plus, on pardonnait, dans l’allé-
gresse de cette décision si raisonnable, la
seule bonne pour se tirer du guêpier où
l’on s’était mis (Zola).

• SYN. : II, 3 bourbier, filet, nasse, pétrin,


piège, souricière, traquenard.

1. guêpière [gepjɛr] n. f. (de guêpe ; 1567,


Amyot, écrit guespière ; guêpière, 1740,
Acad.). Vx. Guêpier : Pis qu’un bâton dans
une guêpière (Rogissart).
2. guêpière [gepjɛr] n. f. (de [taille de]
guêpe ; v. 1945). Nom déposé d’une sorte
de corset baleiné, très ajusté, épousant la
taille et le buste des femmes.

guerdon [gɛrdɔ̃] n. m. (bas lat. carolin-


gien widerdonum, récompense [IXe s.], issu
du francique *widarlōn, même sens, après
remplacement de la syllabe -lōn par le lat.
donum, don, présent ; 1080, Chanson de
Roland, écrit gueredun ; XIIe s., Roncevaux,
écrit gueredon ; guerdon, v. 1360, Froissart).
Class. (déjà vx au XVIIe s.). Récompense,
salaire : Aucun labeur n’y manque de guer-
don (La Fontaine).

• REM. « Il est vieux et n’a plus d’usage


que dans le burlesque » (Acad., 1694).

guerdonner [gɛrdɔne] v. tr. (de guerdon


[v. ce mot] ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit
gueredoner ; guerdonner, XVe s.). Class. (déjà
vx au XVIIe s.). Récompenser : La troupe
maudite | Songe comment il sera guerdonné
(La Fontaine). Me voilà bien guerdonné
(Richelet, 1680).

guère [gɛr] adv. (francique *waigaro,


beaucoup ; 1080, Chanson de Roland, au
sens 1, écrit ne... guaires [ne... gueres, v.
1283, Beaumanoir ; ne... guère, XVIe s.] ;
sens 2, 1872, Larousse ; sens 3, v. 1460,
G. Chastellain ; sens 4, 1541, Calvin ; sens
5, 1671, Mme de Sévigné). 1. Ne... guèreforme
une locution adverbiale signifiant « peu,
ne... pas beaucoup » et portant sur le verbe
placé entre ne et guère ou sur l’ensemble
constitué par le verbe d’une part, et d’autre
part par l’adjectif, l’adverbe ou la locution
adverbiale placés après guère : Le vrai peuple
lit peu et n’écrit guère (Fromentin). Outre
que votre amant ne méritait guère les bontés
que vous avez eues pour lui (France). Elle
n’est guère aimable. Il ne va guère mieux. Je
ne suis guère en fonds. ‖ Dans une réponse,
guère s’emploie sans la négation ne : Êtes-
vous satisfait ? — Guère. Comment va-t-
il ? — Guère mieux. ‖ Ne... guère moins
ou plus (et un adjectif), ne... pas beaucoup
moins ou plus : Le lieu de mon travail,
notre atelier, n’était guère moins sombre
(Michelet). ‖ 2. Ne... plus guère, ne... plus
beaucoup : Il n’y voit plus guère. Il n’a plus
guère à espérer. ‖ 3. Ne... guère de (suivi
d’un nom) indique le petit nombre ou la
petite quantité : Ce commerçant n’a guère
de clients. Cet enfant n’a guère de courage.
‖ Ne... guère que, presque uniquement :
L’émulation et la jalousie ne se rencontrent
guère que dans les personnes du même art
(La Bruyère). ‖ 4. Class. De guère, peu :
L’un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de
guère (Molière). ‖ 5. Class. Ne tenir à guère,
ne pas tenir à grand-chose, être dans une
situation précaire : Je crois que vous savez
que Mademoiselle a chassé Guilloire ; le
pauvre Segrais ne tient à guère (Sévigné).
• REM. 1. La forme guères, fréquente dans
la langue classique, était admise par Vau-
gelas aussi bien que guère.

2. Ne... guère ne s’emploie pas normale-


ment avec pas ou point. Cependant, on
rencontre parfois cette locution dans la
langue classique, dans une proposition
subordonnée dont la principale comporte
pas ou point : Je ne crois pas que Rodogune
[la tragédie] en demande guère [de temps]
(Corneille).

guéret [gerɛ] n. m. (lat. vervactum, terre


en friche, jachère [part. passé neutre subs-
tantivé de vervagere, retourner une terre
qui est en jachère, labourer, défricher],
modifié à basse époque en *wervactum sous
l’influence d’un mot germ. non identifié ;
1080, Chanson de Roland, écrit guaret [gué-
ret, fin du XIVe s.], au sens 1 ; sens 2, 1611,
Cotgrave ; sens 3, 1667, Boileau). 1. Terre
labourée, mais non ensemencée : Des chas-
seurs qui parcourent les guérets. La terre
rouge et fraîchement remuée formait une
bosse de la longueur d’un corps humain ;
de petites plantes déracinées par la bêche
étaient posées sur le guéret les racines en
l’air (Loti). ‖ 2. Terre laissée en jachère,

ou pâturage maigre : Ces sommets labou-


rés par les torrents avaient l’air de guérets
abandonnés (Chateaubriand). À travers
le hallier, la ronce et le guéret, | Le pâtre
épouvanté qui s’enfuit vers Tirynthe | Se
tourne, et voit [...] | Surgir [...] le grand fauve
en arrêt (Heredia). ‖ 3. Poét. et vx. Terre
cultivée : La muse des guérets, des sillons
et des blés (Heredia).

guéri, e [geri] adj. (part. passé de guérir).

Qui a recouvré la santé : Un malade com-


plètement guéri.

• SYN. : remis, rétabli.

guéridon [geridɔ̃] n. m. (de Guéridon, n.


d’un personnage de la facétie Conférence
d’Antitus... [v. 1615], qui apparaissait aussi
dans des ballets de la même époque [comme
le Ballet des Argonautes, 1614], dans les-
quels il tenait un flambeau pendant que
les autres danseurs s’embrassaient [d’où
l’application ironique de son nom à un
petit meuble servant à porter des chan-
deliers, etc., dont le pied avait souvent la
forme d’un être humain], le nom même de
guéridon étant sans doute un anc. refrain
de chanson, composé de [ô] gué [v. GUÉ 2]
et de laridon, faridon [v. FARIDONDAINE] ;
1650, Havard [le mot a signifié aussi « chan-
son, vaudeville », av. 1621, CourvalSonnet]).
Petite table ronde à pied central unique : Je
trace des figures de géométrie sur le marbre
du guéridon (Valéry). Le milieu de la pièce
était occupé par un guéridon Louis XV sur
lequel étaient posés des prospectus et des
brochures (Duhamel).

guérilla [gerija] n. f. (esp. guerrilla, petite


guerre, dimin. de guerra, guerre [de même
origine que le franç. guerre, v. ce mot] ;
1820, Stendhal, aux sens 1-2). 1. Forme de
guerre caractérisée par des actions discon-
tinues de harcèlement, d’embuscades ou de
coups de main, menées par des unités régu-
lières ou des bandes de partisans sur les
flancs, les arrières et les communications
d’une armée adverse : Toute cette guérilla
sournoise et harcelante (Margueritte). La
guérilla que les Espagnols menaient contre
les troupes de Napoléon. ‖ 2. Groupe de
combattants qui se livrent à ce genre de
guerre (vieilli) : Les réguliers qui venaient
soutenir les guérillas ralliées (Goncourt).

guérillero [gerijero] n. m. (esp. guerril-


lero, soldat d’une guérilla, dér. de guerrilla
[v. l’art. précéd.] ; 1825, Mérimée). Soldat
d’une armée régulière ou partisan se
livrant à la guérilla : On est bandit en paix,
en guerre, | On s’appelle guérillero (Hugo).

guérir [gerir] v. tr. (francique *warjan,


protéger ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit
guarir, aux sens de « garantir, préserver,
sauver, protéger » ; écrit guérir, au sens 1,
fin du XIe s. [var. garir, plus usuelle au
Moyen Âge, v. 1155, Wace ; « faire cesser
une maladie », 1538, R. Estienne] ; sens 2,
1564, Indice de la Bible [aussi « faire ces-
ser définitivement le mal en question »]).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2283

1. Débarrasser définitivement d’une


maladie physique ou mentale : Guérir un
malade. Il envoya chercher l’empirique, qui
déclara me guérir en vingt-quatre heures
(Chateaubriand). Dès qu’il fut guéri, il
vint à Paris (Stendhal). ‖ Faire cesser une
maladie : On guérit très bien la tubercu-
lose. ‖ 2. Débarrasser quelqu’un de ce qui
apparaît comme un mal moral : Jacques
reviendra de ce voyage peut-être déjà guéri
de son amour (Gide). Guérir un enfant de sa
timidité. ‖ Faire cesser définitivement le
mal en question : Elle ne fit donc plus effort
pour guérir ce qu’elle appelait les lubies de
son ami (France). Seul le temps peut guérir
certains chagrins.

• SYN. : 1 remettre, rétablir, sauver ; traiter ;


2 délivrer ; apaiser, calmer, corriger, effacer,
estomper.

& v. intr. (sens 1, 1080, Chanson de Roland


[écrit guarir ; guérir, XIVe s., Moamin] ;
sens 2, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ;
sens 3, 1835, Académie). 1. Recouvrer la
santé : S’il guérit, ce n’est pas pour faire de
vieux os (Mérimée). ‖ Guérir d’une mala-
die, d’un mal, en être débarrassé défini-
tivement : Guérir d’une jaunisse. Guérir
d’une fracture. ‖ 2. Être débarrassé de
quelque chose de pénible, d’une faiblesse,
d’une infirmité morale : Et qui donc a
jamais guéri de son enfance ? (Delarue-
Mardrus). Il n’est pas guéri de sa jalousie.
‖ 3. En parlant du mal lui-même, cesser,
être supprimé : Une plaie qui guérit mal.
• SYN. : 1 réchapper de, se remettre, se réta-
blir ; se cicatriser, se fermer.

& se guérir v. pr. (sens 1, 1672, Sacy


[« recouvrer spontanément la santé »,
1530, Palsgrave] ; sens 2, 1677, Boileau).
1. Revenir à la santé grâce aux soins qu’on
se donne : M. Roux avait obtenu, ce matin
même, un congé de quinze jours pour se
guérir d’une lésion indéfinie et peu sensible
au genou (France). ‖ 2. Se débarrasser d’un
défaut, d’une mauvaise habitude : Il ne s’est
jamais guéri de sa timidité.

• SYN. : 1 se remettre, se rétablir ; 2 se


corriger.

guérison [gerizɔ̃] n. f. (de guérir [v. ce


mot] ; 1080, Chanson de Roland, écrit gua-
risun, aux sens de « salut, défense, protec-
tion » ; sens 1, v. 1155, Wace [écrit garison ;
guérison, début du XVIIe s., Malherbe] ;
sens 2, fin du XIIe s., Châtelain de Coucy
[écrit guérison]). 1. Action de guérir une
maladie, retour à la santé : Il allait deman-
der au ciel la guérison du roi (Taine). Le
père Rouault, en souvenir de sa guérison,
apporta lui-même à son gendre une dinde
(Flaubert). ‖ 2. Disparition d’un mal
moral : La guérison de la timidité.

• SYN. : 1 rétablissement ; 2 apaisement,


fin. — CONTR. : 1 aggravation.

guérissable [gerisabl] adj. (de guérir


[v. ce mot] ; XIIIe s., écrit garissable ; gué-
rissable, v. 1361, Oresme). Qui peut être

guéri : Je suis heureux de discerner que votre


mal est guérissable (France). Une vie véri-
tablement féminine, émaillée de chagrins
ordinaires et guérissables (Colette). Une
anémie guérissable.

• SYN. : curable. — CONTR. : incurable,


inguérissable.

guérisseur, euse [gerisoer, -øz] n. (de


guérir [v. ce mot] ; XIVe s., écrit gariseur
[garisseur, XVe s. ; guérisseur, av. 1526,
J. Marot], au sens 1 ; sens 2, 1735, Lesage).
1. Celui, celle qui guérit des maux physiques
ou moraux : Toi qui sais tout, grand roi des
choses souterraines, | Guérisseur familier
des angoisses humaines (Baudelaire). Il
avait été vers la guérisseuse de toutes peines
(Montherlant). ‖ 2. Personne qui guérit
ou prétend guérir en vertu de dons mys-
térieux, ou à l’aide de recettes qui lui sont
personnelles : Mon père, en deux semaines,
avait acquis une prodigieuse renommée de
guérisseur (Duhamel).

• SYN. : 2 charlatan, empirique (vx), rebou-


teux (pop.).

& adj. (av. 1672, G. Patin). Qui guérit :


Pas un mot n’est échangé entre le malade
et la gardienne de l’eau guérisseuse
(Maupassant).

guérite [gerit] n. f. (de garir, protéger


[forme anc. de guérir, v. ce mot], d’après
fuite ; v. 1220, Coincy, dans la loc. à la
garite !, « sauve qui peut ! » ; sens 1, v. 1223,
Godefroy [écrit garite ; guérite, v. 1360,
Froissart ; « petite baraque en bois ou en
tôle... », 1930, Larousse] ; sens 2, 1907,
Larousse). 1. Abri en bois, en tôle, en
maçonnerie, qui permet à une sentinelle
de se mettre à couvert : Je m’approchai d’un
débris de guérite en pierre au bord de la
falaise (Sainte-Beuve). ‖ Par extens. Petite
baraque en bois ou en tôle pour abriter
une personne debout, un travailleur en
cas d’intempérie. ‖ 2. Vx. Siège à capote,
généralement en osier, pour s’abriter du
vent, du soleil.

• SYN. : 1 guitoune (pop.).

guerre [gɛr] n. f. (francique *werra,


troubles, dispute ; 1080, Chanson de Roland,
au sens 1 [guerre étrangère, 1685, Bossuet ;
guerre civile, fin du XIVe s., E. Deschamps ;
guerre intestine, 1596, Hulsius ; guerre sub-
versive, guerre des nerfs, guerre des ondes,
guerre totale, XXe s. ; guerre de religion,
guerre sainte, 1690, Furetière ; guerre
ouverte, av. 1613, M. Régnier ; guerre
froide, v. 1948 ; guerre à mort ou d’exter-
mination, 1866, Littré ; guerre atomique,
milieu du XXe s. ; guerre éclair, 1940 ; petite
guerre, fin du XVIe s., A. d’Aubigné — au
fig., av. 1850, Balzac ; homme de guerre,
1530, Pals-grave ; gens de guerre, 1538,
R. Estienne ; nom de guerre, 1660, Oudin
— « pseudonyme », 1671, La Fontaine ;
croix de guerre, v. 1915 ; les honneurs de
la guerre, 1732, Richelet ; s’en tirer avec les
honneurs de la guerre, 1872, Larousse ; faire

la guerre, 1080, Chanson de Roland ; à la


guerre comme à la guerre, 1690, Furetière] ;
sens 2, v. 1155, Wace [« lutte quelconque »,
fin du XIIe s., Châtelain de Coucy ; guerre
de plume, 1771, Voltaire] ; sens 3, v. 1190,
Garnier de Pont-Sainte-Maxence [faire la
guerre à quelqu’un, 1640, Oudin ; partir
en guerre contre quelque chose, début du
XXe s.]). 1. Lutte armée entre deux nations
ou ensembles de nations, ou entre deux
groupes humains : Viendra peut-être le
temps, quand une société nouvelle aura
pris la place de l’ordre social actuel, que la
guerre paraîtra une monstrueuse absur-
dité, que le principe même n’en sera plus
compris ; mais nous n’en sommes pas là
(Chateaubriand). Déclarer la guerre. Être
en guerre, en état de guerre. Le fléau de la
guerre. ‖ Guerre étrangère, guerre entre
deux nations. ‖ Guerre civile ou (littér.)
intestine, guerre entre citoyens d’une
même nation : Enfin, mon fils, tant civile
qu’étrangère, la guerre est exécrable et d’une
malignité que je déteste (France). ‖ Guerre
subversive, action concertée, dirigée contre
les autorités d’un pays par des organisa-
tions clandestines en vue de renverser le
régime politique et de s’emparer du pou-
voir par des moyens violents. ‖ Guerre de
religion, guerre, souvent civile, qui a pour
cause des divergences entre les croyances
religieuses. ‖ Guerre sainte, guerre faite au
nom de la religion et par laquelle un peuple
est censé défendre sa religion. ‖ Guerre
ouverte, celle qui se fait franchement.
‖ Guerre froide, hostilité latente dans les
relations de deux nations, mais qui ne
prend pas la forme d’un conflit armé : La
guerre, froide et tiède, est la servitude de
l’Empire mondial (Camus). ‖ Guerre des
nerfs, forme d’hostilité qui consiste à user
les nerfs de l’adversaire en faisant alter-
ner habilement paroles de conciliation et
menaces. ‖ Guerre des ondes, en période
de tension internationale, utilisation sys-
tématique, par les partis adverses, de la
radiodiffusion ou de la télévision comme
moyen de propagande sur le moral des
populations. ‖ Guerre à mort ou d’exter-
mination, guerre qui ne prétend s’arrêter
qu’après la destruction totale de l’adver-
saire. ‖ Guerre totale, guerre qui fait appel
à tous les moyens de destruction, même
les plus atroces ou les plus perfides, pour
réduire l’adversaire. ‖ Guerre atomique,
celle qui a recours aux engins de destruc-
tion utilisant l’énergie atomique. ‖ Guerre
éclair, guerre qui aboutit à une décision
très rapide par la mise en oeuvre de puis-
sants moyens. ‖ Petite guerre, simulacre
de combat entre des troupes, ou guerre
de partisans qui a pour but de harceler
l’adversaire, de l’affaiblir dans de nom-
breuses escarmouches ; au fig., lutte plus
ou moins sournoise entre personnes : Cette
petite guerre n’alla pas sans des dîners au
« Rocher de Cancale » (Balzac). ‖ Homme
de guerre, gens de guerre, ceux dont c’est
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2284

le métier de faire la guerre. ‖ Foudre de


guerre, v. FOUDRE. ‖ Nom de guerre, nom
qu’un soldat prenait autrefois en s’enrô-
lant, ou qu’on donnait à ceux qui s’étaient
distingués ; auj., pseudonyme : Le nom
de guerre d’un artiste, d’un journaliste.
‖ Conseil de guerre, v. CONSEIL. ‖ Croix de
guerre, décoration commémorant la ou les
citations individuelles attribuées au chef,
au soldat ou à l’unité qui se sont signalés au
feu par une action caractérisée : Obtenir la
croix de guerre avec palme. ‖ Honneurs de
la guerre, conditions honorables qui per-
mettent à une garnison assiégée de sortir
de la place avec armes et bagages : Accorder,
obtenir les honneurs de la guerre. ‖ Fig.
S’en tirer avec les honneurs de la guerre, se
tirer d’une façon parfaitement honorable
d’une situation difficile. ‖ Faire la guerre,
participer à une guerre : Il a fait la guerre
d’Algérie. ‖ Fig. À la guerre comme à la
guerre, il faut se contenter des ressources
qu’offrent les circonstances. ‖ 2. Lutte,
conflit plus ou moins aigu entre deux per-
sonnes ou entre deux groupes : Je suis en
paix, et non en guerre avec le gouvernement
de la République (France). ‖ Par extens.
Lutte quelconque : Il arriva peu à peu à
cette conviction que la vie était une guerre
(Hugo). ‖ Guerre de plume, guerre que se
livrent, dans leurs écrits, deux écrivains ;
polémique : La guerre de plume que se
livrèrent Rousseau et Voltaire. ‖ 3. Action
entreprise pour supprimer, détruire
quelque chose : Guerre à la rhétorique et
paix à la syntaxe (Hugo). Faire la guerre
aux préjugés, aux abus. ‖ Faire la guerre
à quelqu’un, l’attaquer, le réprimander au
sujet de quelque chose : Il me fit la guerre
de n’avoir pas depuis longtemps rendu
visite à sa famille (Nerval). Faire la guerre
à quelqu’un sur son étourderie (Acad.).
‖ Partir en guerre contre quelque chose,
l’attaquer avec violence : Il partait en guerre
contre le vers alexandrin, contre Mendès,
contre les moeurs de l’époque (Gide).

• SYN. : 1 conflagration, conflit, hostilités ;


2 bataille, combat.

& De guerre lasse loc. adv. (fin du XVIIe s.,


Saint-Simon). A bout de résistance ; par las-
situde de lutter, de résister, et pour en finir.
& De bonne guerre loc. adj. (av. 1679, Retz).
Se dit d’un procédé habile, mais légitime,
loyal, pour mettre un adversaire en dif-
ficulté : Ces coups de langue [...] sont de
bonne guerre dans le grand monde (Balzac).

guerrier, ère [gɛrje, -ɛr] adj. (de guerre ;


v. 1570, Carloix, au sens 1 ; sens 2, 1580,
Montaigne [« hostile », v. 1112, Voyage de
saint Brendan]). 1. Qui a rapport avec la
guerre : Un hymne guerrier en strophes
saphiques et adoniques (Renan). On ne
se frotte pas impunément à la force guer-
rière de l’Allemagne ! (Martin du Gard).
Pour l’Allemagne, une guerre a toujours
été la première, un printemps guerrier
(Giraudoux). Exploits guerriers. Vertus

guerrières. ‖ 2. Qui est porté vers la guerre,


a le goût de la guerre : Peuple guerrier. Âme
guerrière. En écoutant cette musique fière,
chacun sentait s’insinuer dans ses veines
une ardeur guerrière (Aymé).

• SYN. : 1 militaire ; 2 belliqueux, martial.

— CONTR. : 2 pacifique, pacifiste.


& guerrier n. m. (1080, Chanson de
Roland [« personne qui a le goût de la
guerre, qui la fait par habitude », av. 1848,
Chateaubriand]). Homme qui fait la guerre
ou dont c’est le métier de faire la guerre : Je
ferai donc peu le guerrier, ayant peu vu la
guerre (Vigny). ‖ Spécialem. Homme qui
a le goût de la guerre : Numa, qui sut placer
la religion au premier rang chez un peuple
de guerriers (Chateaubriand).

guerroyer [gɛrwaje] v. intr. (de guerre ;


1080, Chanson de Roland, écrit guerreier ;
XIIe s., Roncevaux, écrit guerroier ; guer-
royer, fin du XIIIe s., Joinville). [Conj. 2 a.]
Littér. Faire la guerre : Je suis le premier de
mon rang qui n’ai guerroyé qu’avec la plume
(Montalembert). Les seigneurs imaginèrent
d’aller guerroyer en Orient. Ils disaient [...]
qu’ils allaient délivrer le tombeau du fils de
Dieu (France).

• SYN. : batailler, se battre.

& v. tr. (v. 1190, Garnier de Pont-Sainte-


Maxence). Class. et littér. Faire la guerre
contre, combattre : Donc, faites ! Vous
pouvez, sans avertissements, | Guerroyer
les chrétiens comme les Ottomans ; | Les
Ottomans étant hors de la loi vulgaire, |
On peut les attaquer sans déclarer la guerre
(Hugo).

guerroyeur [gɛrwajoer] n. m. (de guer-


royer [v. l’art. précéd.] ; v. 1155, Wace, écrit
guerreeur ; guerroyeur, XIIIe s.). Celui qui
guerroie (rare) : Un seul fils, Jean Second,
ce guerroyeur insigne (Coppée).

guesdisme [gɛdism] n. m. (du n. de Jules


Guesde, homme politique français [1845-
1922] ; début du XXe s.). Orientation à la
fois marxiste et patriotique donnée au
socialisme par Jules Guesde.

guesdiste [gɛdist] adj. (du n. de Jules


Guesde [v. l’art. précéd.] ; début du XXe s.).
Qui se rapporte à Jules Guesde ou à ses
idées.

guet [gɛ] n. m. (masc. de guette 1 ou


déverbal de guetter ; v. 1155, Wace, écrit
gait [guet, v. 1265, J. de Meung], au sens
de « sentinelle, homme qui fait le guet » ;
sens 1, XIIIe s., Rutebeuf [faire le guet,
v. 1265, J. de Meung ; être au guet, 1668,
La Fontaine ; avoir l’oeil, l’oreille au guet,
milieu du XVIe s., Amyot] ; sens 2, v. 1360,
Froissart [« surveillance d’une ville quel-
conque qui avait pour but d’y maintenir
l’ordre », v. 1268, É. Boileau ; le chevalier du
guet, 1690, Furetière] ; sens 3, v. 1155, Wace
[mot du guet, 1538, R. Estienne — nom
du guet, même sens, XVe s., La Curne]).
1. Surveillance destinée à surprendre

quelqu’un ou à éviter que l’on ne soit sur-


pris par lui : Les complices chargés du guet
pendant un hold-up. ‖ Faire le guet, être au
guet, guetter, exercer une surveillance : Le
baron aperçut le mari qui, tout en brossant
sa redingote lui-même, faisait évidemment
le guet (Balzac). Léon, aussi affolé que moi,
était au guet, la joue collée à la porte d’en-
trée. Je vois encore son oeil godiche, écar-
quillé de peur (Martin du Gard). ‖ Avoir
l’oeil, l’oreille au guet, guetter en regardant
ou écoutant attentivement : L’oeil et l’oreille
au guet, ils s’en vont en maraude (Leconte
de Lisle). ‖ 2. Autref. Surveillance d’une
place de guerre pendant la nuit, destinée
à prévenir toute surprise de l’ennemi :
La milice chargée du guet. ‖ Par extens.
Surveillance d’une ville quelconque, qui
avait pour but d’y maintenir l’ordre : Les
archers du guet. ‖ Le chevalier du guet, le
chef des archers du guet. ‖ 3. La troupe
elle-même chargée de ce service : Guet à
pied. Guet à cheval. C’est le chien de Jean
de Nivelle | Qui mord sous l’oeil même du
guet (Verlaine). L’ami était un bretteur de
la pire espèce, qui avait des démêlés avec
le guet (France). Le haut-parleur d’un bis-
trot [...] répondait, à travers les siècles, au
couvre-feu, aux sonneries de la fermeture
des portes, aux rondes du guet (Arnoux).
‖ Class. Mot du guet, mot de passe permet-
tant de se faire reconnaître comme ami,
comme personne inoffensive : Gardez-
vous, sur votre vie, | D’ouvrir, que l’on ne
vous die, | Pour enseigne et mot du guet : |
« Foin du loup et de sa race ! » (La Fontaine).
• SYN. : 1 affût, aguets ; 2 faction.

guet-apens [gɛtapɑ̃] n. m. (de la loc. de


guet-appens, en guet-apens, avec prémé-
ditation [1546, Rabelais], tirée de de guet
apensé, même sens [XVe s., La Curne], elle-
même tirée de en aguet apensé, même sens
[v. 1283, Beaumanoir], de en, prép., aguet,
et apensé, part. passé de l’anc. v. apen-
ser, examiner, former un projet [XIIe s.,
Dolopathos], composé de a- [lat. ad-, préf.
marquant le mouvement vers] et de pen-
ser ; 1596, Vaganay, au sens 1 [aguet a pens,
même sens, 1411, Isambert] ; sens 2, 1690,
Furetière]). 1. Embuscade dressée contre
quelqu’un pour l’assassiner, lui faire subir
des violences ou le dévaliser : Et cette nuit
où rampe un guet-apens infâme (Verlaine).
Mais eux s’embusquaient sur ma route :
alors, par peur des guets-apens, j’inventais
d’énormes détours (Gide). Attirer quelqu’un
dans un guet-apens. Tomber dans un guet-
apens. ‖ 2. Machination perfide tramée
contre quelqu’un pour lui nuire ou pour le
mettre en difficulté : On prit le temps de son
absence pour faire juger son procès, c’est un
guet-apens (Acad.). L’accusateur public lui
ayant demandé des renseignements sur le
guet-apens dont il avait failli être la victime
[...], le sénateur dit que Michu se trouvait
alors sur un arbre (Balzac).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2285

• Pl. des GUETS-APENS [gɛtapɑ̃].

• SYN. : 2 piège, traquenard.

guète n. f. V. GUETTE.

guêtre [gɛtr] n. f. (francique *wrist, cou-


de-pied [d’où « vêtement couvrant cette
partie du corps »] ; début du XVe s., Journal
d’un bourgeois de Paris, écrit guietre ; 1538,
R. Estienne, écrit guestre ; guêtre, 1636,
Monet [traîner ses guêtres, 1907, Larousse ;
laisser ses guêtres, 1762, Acad.]). Enveloppe
de drap, de toile, de cuir se fermant sur
le côté, qui sert à recouvrir le dessus du
soulier et, parfois, la jambe : Des guêtres
de peau blanche (Mérimée). Sa petite-fille
agenouillée laçant les guêtres aux jambes
du vieillard (Sainte-Beuve). ‖ Fam. Traîner
ses guêtres, se promener, voyager sans but,
à l’aventure, oisivement : Traîner ses guêtres
sur les boulevards. ‖ Vx et pop. Laisser ses
guêtres ou ses houseaux, mourir.

• SYN. : houseaux, jambière, leggings.

guêtrer [gɛtre] v. tr. (de guêtre ; 1549,


R. Estienne, au part. passé, écrit guestré ;
à l’infin., écrit guêtrer, 1721, Trévoux).
Revêtir de guêtres (s’emploie surtout au
part. passé) : Ses jambes guêtrées de toile
bise (Theuriet). C’est plaisir, les dimanches
matins, de voir les Tarasconnais guêtrés,
le pic en main, le sac et la tente sur le dos,
partir, clairons en tête, pour des ascensions
(Daudet). Un vieux beau guêtré de drap
blanc.

guêtrier, ère [gɛtrije, -ɛr] n. (de guêtre ;


avr. 1597, Littré, écrit guestrier ; guêtrier,
1840, Acad.). Personne qui fabrique, vend
des guêtres.

guêtron [gɛtrɔ̃] n. m. (de guêtre ; 1808,


Boiste [var. guetton, 1803, Boiste]). Guêtre
non montante : Volpatte avec ses guêtrons
(Barbusse).

1. guette ou guète [gɛt] n. f. (francique


*wahta, garde ; v. 1130, Eneas, écrit guaite
[gueite, v. 1175, Chr. de Troyes ; guette,
XIIIe s., Fille du comte de Ponthieu], au
sens 1 ; sens 2, 1400, Chartes de Liège
[faire la gaite, « monter la garde », v. 1207,
Villehardouin ; waite, « vigilance », v. 1170,
Livre des Rois] ; sens 3-4, début du XVIe s.).
1. Vx. Guetteur, sentinelle : Le concierge
est guette du Châtelet (Hugo). ‖ 2. Vx ou
dialect. Action de guetter, surveillance : La
nuit, ils se lèvent à tour de rôle pour faire
une guette sous leurs arbres (Bosco). ‖ 3. Au
Moyen Âge, tour, tourelle où se tenait la
sentinelle chargée de guetter un ennemi,
un danger éventuel : Une petite guette en
pierre d’où s’élève un paratonnerre terminé
en piques (Goncourt). ‖ 4. Trompette ou
clairon dont on sonnait pour donner
l’alarme, ou pour rassembler les gens du
guet ; par extens., la sonnerie elle-même : Il
trouva la porte close et les lumières éteintes.
Cela l’étonna beaucoup, la guette n’étant
pas sonnée au Châtelet (Nerval).

• SYN. : 3 échauguette.

2. guette ou guète [gɛt] n. f. (prononc.


pop. de guêtre ; 1690, Furetière, écrit guette ;
guète, 1900, Dict. général). Pièce en contre-
fiche dans une charpente.

guetter [gete] v. tr. (de guette 1 ou du


francique *wahtôn, veiller ; 1080, Chanson
de Roland, écrit guaiter, au sens de « veiller
[un mort] » ; v. 1155, Wace, écrit guaitier, au
sens de « être de garde, monter la garde » ;
sens 1, v. 1160, Benoît de Sainte-Maure [écrit
guaitier ; gueitier, v. 1175, Chr. de Troyes ;
guetier, fin du XIIe s., Aliscans ; guetter,
1538, R. Estienne ; « faire le guet », fin du
XIIe s., Geste des Loherains] ; sens 2, XIIIe s.,
Tobler-Lommatzsch [IV, 59] ; sens 3, v. 1155,
Wace). 1. Attendre tout en observant,
dans l’intention de surprendre, de saisir
quelqu’un ou quelque chose : Un monde
ailé guetté par un monde rampant (Hugo).
Le chat guettant l’oiseau qui boit (Gautier).
Les villes affaiblies par des guerres intes-
tines offrent une proie facile à l’étranger
qui les guette (France). ‖ Absol. Faire le
guet : Complice qui guette. ‖ 2. Fig. En par-
lant d’une chose, être une menace pour
quelqu’un : La tuberculose le guette. La
mort le guette. Sur ces routes monotones, le
sommeil guette l’automobiliste. ‖ 3. Rester
attentif, dans l’attente plus ou moins impa-
tiente de quelque chose ou de quelqu’un :
Depuis longtemps, Mme Bovary guettait sa
mort (Flaubert). Elisabeth guettait le choc
sourd de la porte cochère (Cocteau). Guetter
l’occasion. Guetter le facteur.

• SYN. : 1 épier, espionner, surveiller ; 2


menacer ; 3 attendre, guigner (fam.).

guetteur [getoer] n. m. (de guetter [v.


ce mot] ; fin du XIIe s., écrit waitor [guei-
teor, XIIIe s. ; guetteur, XIVe s.], au sens 1
[« soldat qui surveille les faits et gestes de
l’ennemi... », v. 1360, Froissart] ; sens 2
[« espion »], v. 1360, Froissart). 1. Autref.
Celui qui faisait le guet au sommet de la
tour ou du beffroi pour avertir d’un danger
possible : L’homme qui m’a aidé à grimper
d’échelle en échelle dans cette lanterne est
le guetteur de la ville (Hugo). ‖ Auj. Soldat
qui surveille les faits et gestes de l’ennemi,
veille aux avant-postes ou dans un poste
d’écoute. ‖ 2. Personne qui surveille, épie :
Les cambrioleurs avaient laissé un guetteur
dans l’escalier.

• SYN. : 1 veilleur ; sentinelle.

& adj. (1883, A. Daudet). Qui surveille,


épie : Au seuil des maisons ouvertes, der-
rière les rideaux levés pour quelque travail
de ménage, repassage ou couture, elle devi-
nait des visages hostiles, des yeux guetteurs
(Daudet).

gueulante [goelɑ̃t] n. f. (part. prés. fém.


substantivé de gueuler ; milieu du XXe s.,
aux sens 1-2). 1. Pop. Clameur de protes-
tation ou de joie : L’annonce de ce succès a
été accueillie par une gueulante. ‖ 2. Pop.
Explosion de colère, violente réprimande :
Le patron a poussé une gueulante.

gueulard, e [goelar, -ard] n. et adj. (de


gueule ; 1567, Junius, au sens de « qui a
une grosse bouche » ; sens 1 [de gueuler],
1660, Oudin ; sens 2 [de gueule], 1821,
Desgranges [var. goulard, 1596, Hulsius]).
1. Pop. Qui gueule, qui a l’habitude de crier
fort et beaucoup : Les fiacres burlesques,
les cochers gueulards (Dorgelès). Vous ver-
rez que ces gueulards vont réussir à nous
faire tous foutre en taule (Benoit). ‖ 2. Pop.
Gourmand : Tous burent une petite gor-
gée de café, d’un air gueulard (Zola). Sont-
ils gueulards ! et c’est comme ça tous les
dimanches [...]. Le fils invite des amis à
ces ripailles de famille (Daudet). André et
Jeanne se traitaient de gueulards mainte-
nant et ils s’étonnaient de cette gourman-
dise qui leur était soudain née (Huysmans).
• SYN. : 1 braillard (fam.), grande gueule
(pop.) ; 2 glouton, goinfre.

& adj. (de gueuler ; av. 1880, Flaubert).


Fig. et pop. Criard, éclatant, en parlant
d’une couleur : Quelque chose de rutilant
et de gueulard (Flaubert). Un rouge bien
gueulard.

• SYN. : criard, vif, violent.

& gueulard n. m. (1395, Godefroy, écrit


gheulart, au sens de « grosse cruche à lait » ;
écrit gueulard, au sens 1, 1783, Buffon ;
sens 2 [de gueuler], 1791, Brunot ; sens 3
[de gueuler], 1917, Esnault). 1. Ouverture
supérieure d’un haut fourneau, par laquelle
on verse le minerai, le fondant et le com-
bustible : On distinguait, dans le flanc
même du roc, la passerelle qui amenait les
wagons de minerais et de combustibles au
niveau du gueulard (Zola). ‖ 2. Arg. mil.
Canon. ‖ 3. Dans la marine, porte-voix.

gueulardise [goelardiz] n. f. (de gueu-


lard ; 1867, Delvau [var. goulardise, 1611,
Cotgrave]). Pop. Gourmandise : Dans la
belle saison, les bourgeois des environs orga-
nisaient des parties de gueulardise chez les
Mauglas (Daudet).

gueule [goel] n. f. (lat. gula, oesophage,


gosier, gorge, bouche, palais ; v. 980, Passion
du Christ, écrit gola [goule, v. 1175, Chr. de
Troyes ; gueule, XIIIe s.], au sens de « gorge,
gosier » ; sens I, XIe s. [écrit gole ; gueule,
XIIIe s. ; se jeter dans la gueule du loup, 1612,
Béroalde de Verville] ; sens II, 1, XIe s. [se
fendre la gueule, XXe s.] ; sens II, 2, XIIIe s.,
Romania, XXVIII, 59 [être porté sur la
gueule, XXe s. ; être une fine gueule, 1900,
Dict. général — ...une gueule fine, même
sens, 1847, Balzac ; emporter la gueule, 1888,
Villatte ; avoir la gueule de bois, 1902, P.
Veber] ; sens II, 3, 1580, Montaigne ; sens II,
4, v. 1265, J. de Meung [donner de la gueule,
grande gueule, XXe s. ; pousser un coup de
gueule, 1893, Courteline ; fort en gueule,
1656, Oudin ; ferme ta gueule !, ta gueule,
bébé !, ta gueule !, début du XXe s. — tais
ta gueule !, même sens, 1747, Esnault] ;
sens II, 5, 1673, Haute-roche [sale gueule,
gueule de raie, XXe s. ; avoir de la gueule,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2286

se casser la gueule, gueules noires, gueules


cassées, début du XXe s. ; casser la gueule
à quelqu’un, av. 1701, Boursault] ; sens II,
6, début du XXe s. [aussi faire une gueule,
faire la gueule ; venir la gueule enfarinée,
1656, Oudin] ; sens III, depuis le milieu du
XIVe s., Modus).

I. Bouche des carnassiers, de quelques


quadrupèdes, des poissons et de cer-
tains gros reptiles, considérée surtout
comme béante et prête à engloutir :
Toute gueule est un gouffre, et qui mange
assassine (Hugo). Ce monstre à large
gueule sur nous qui s’apprête à nous dévo-
rer (Claudel). La gueule d’un lion, d’un
dogue, d’un requin, d’un boa. ‖ Se jeter
dans la gueule du loup, ou (vx) venir se
mettre dans la gueule du lion, se mettre
soi-même imprudemment à l’endroit où
il y a le plus de danger.

II. 1. Pop. Bouche de l’être humain :


Avoir la gueule fendue jusqu’aux oreilles.
‖ Pop. Se fendre la gueule, rire aux éclats,
bien s’amuser. ‖ 2. Spécialem. et pop.
La bouche en tant qu’elle sert à man-
ger et à boire : Les plaisirs de la gueule.
‖ Être porté sur la gueule, aimer bien
manger. ‖ Être une fine gueule, aimer la
cuisine fine. ‖ Emporter la gueule, se dit
d’un mets trop épicé. ‖ Avoir la gueule
de bois, avoir la sensation de bouche
sèche, pâteuse, à la suite d’une beuve-
rie. ‖ 3. Nourriture et boisson : Un seul
commerce grandit et prospère dans les
afflictions et la ruine de la société, le com-
merce de la gueule (Goncourt). ‖ 4. Pop.
La bouche en tant qu’elle sert à parler, à
crier. ‖ Donner de la gueule, pousser un
coup de gueule, parler fort, crier. ‖ Fort
en gueule, qui parle fort, qui crie : Je pen-
sais à me procurer quelques crieux pu-
blics, forts en gueule (Balzac). ‖ Grande
gueule, se dit d’une personne qui parle
fort, se vante ou récrimine pour en impo-
ser aux autres par une audace qui n’est
souvent qu’apparente : Oui, tu as une
grande gueule et rien d’autre (Pagnol).
‖ Ferme ta gueule ! Ta gueule, bébé ! Ta
gueule !, formules par lesquelles on im-
pose grossièrement silence à quelqu’un.
‖ 5. Pop. Figure, visage : C’est ma jolie
gueule que j’aperçois (Bernstein). Rece-
voir toute la boue de l’équipage dans la
gueule (France). ‖ Sale gueule, gueule de
raie, visage laid. ‖ Gueule d’empeigne, v.
EMPEIGNE. ‖ Avoir de la gueule, en par-
lant de personnes ou de choses, avoir
quelque chose de grandiose, d’imposant,
produire une forte impression : Les gens
en pleine course, ça a de la gueule (Crois-
set). ‖ Casser la gueule à quelqu’un, le
frapper violemment au visage : Quand
vient le moment où les pékins comme nous
sont invités à se faire casser la gueule, eux
se planquent (Romains). ‖ Se casser la
gueule, faire une chute : Il s’est cassé la
gueule dans l’escalier ; subir un échec,

un revers : C’est une opération commer-


ciale risquée : on peut s’y casser la gueule.
‖ Gueules noires, nom donné aux tra-
vailleurs des mines de houille. ‖ Gueules
cassées, nom donné aux blessés de la
face. ‖ 6. Pop. Visage, en tant qu’il ren-
seigne sur le caractère, sur l’humeur,
sur les sentiments : Un homme qui a une
bonne gueule, une sale gueule. Faire une
drôle de gueule. ‖ Faire une gueule, une
sale gueule, montrer une mine stupéfaite
ou furieuse : Ils en feront une gueule, à
la mort du vieux (Mauriac). ‖ Faire la
gueule, avoir l’air mécontent, morose.
‖ Faire la gueule à quelqu’un, lui mon-
trer son mécontentement en le boudant.
‖ Venir, arriver la gueule enfarinée, d’un
air innocent, sans méfiance ou avec une
feinte naïveté, avec hypocrisie.

III. Ouverture assez béante de certains


objets : Gueule d’un four. Votre pied
prend toute la gueule du poêle (Balzac).
La gueule rouge d’une forge éloignée m’ap-
paraissait par moments (Hugo). Nous
aperçûmes la batterie ennemie rouge de
flammes, qui faisait feu sur nous de toutes
les gueules de ses pièces (Zola).

IV. En héraldique, v. GUEULES à l’ordre


alphab.

gueule-bée [goelbe] n. f. (de gueule et


de bée ; 1606, Nicot, au sens 1 [gueule-bée ;
tonneau à gueule-bée, 1872, Larousse] ; sens
2, 1872, Larousse ; sens 3, 1907, Larousse [à
gueule-bée, 1872, Larousse]). 1. Tonneau à
gueule-bée, ou simplem. gueule-bée, ton-
neau à un seul fond. ‖ 2. Dans une usine
hydraulique, vanne complètement ouverte.
‖ 3. En mécanique des fluides, décharge
d’un réservoir où les filets fluides sortent
selon des directions parallèles. ‖ À gueule-
bée, se dit d’un écoulement dans lequel les
filets sont parallèles les uns aux autres.

• Pl. des GUEULES-BÉES.

gueule-de-four [goeldəfur] n. f. (de


gueule, de et four ; 1767, E. Rolland, Faune,
III, 309). Nom donné à la mésange à longue
queue.

• Pl. des GUEULES-DE-FOUR.

gueule-de-loup [goeldəlu] n. f. (de


gueule, de et loup, par analogie de forme ;
début du XIXe s., au sens 1 [aussi gueule-
de-lion] ; sens 2 et 4-5, 1866, Littré ; sens
3, 1866, Littré [gueule, même sens, 1675,
Widerhold] ; sens 6, 1962, Larousse).
1. Nom usuel du muflier. (On dit aussi
GUEULE-DE-LION.) ‖ 2. Syn. de BEC-DE-
LIÈVRE. ‖ 3. Coude de tuyau monté sur
pivot, que l’on place au sommet d’une che-
minée pour que la fumée s’échappe dans
la direction du vent. ‖ 4. Noeud marin.
‖ 5. Rainure semi-circulaire et concave
pratiquée dans l’un des battants d’une
croisée à deux vantaux, pour recevoir
l’autre battant, arrondi en sens inverse (dit
mouton). ‖ 6. Ensemble de deux bouvets

permettant d’exécuter la gorge et l’arrondi


des deux battants d’une croisée.

• Pl. des GUEULES-DE-LOUP.

gueule-de-raie [goeldərɛ] n. f. (de


gueule, de et raie, par analogie de forme ;
1845, Bescherelle). Espèce de noeud marin.
• Pl. des GUEULES-DE-RAIE.

gueulée [goele] n. f. (de gueule [v. ce mot] ;


v. 1180, Roman d’Alexandre, écrit geulée
[gueulée, 1690, Furetière], au sens 1 ; sens 2,
XIIIe s., Godefroy [écrit goulée et gueulée]).
1. Vx ou littér. Paroles grossières, proférées
violemment, avec colère : Du bruit et des
gueulées qui feraient boucher toute autre
oreille que les vôtres (Saint-Simon). [Elles
sont là] jetant sur tous ceux qui passent ces
gueulées d’injures (Huysmans). ‖ 2. Pop.
Bouchée. (Syn. GOULÉE.)

gueulement [goelmɑ̃] n. m. (de gueuler ;


1877, Zola). Pop. Action de gueuler ; cri,
hurlement : Elle entendit des gueulements
qui lui donnèrent froid aux os (Zola). Ajoute
encore un brouhaha furieux, des gueule-
ments rauques (Huysmans).

gueuler [goele] v. intr. (de gueule ; 1660,


Oudin, au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse ;
sens 3, XXe s. ; sens 4, 1690, Furetière ; sens
5, 1922, V. Margueritte). 1. Pop. Crier très
fort ; pousser des cris, des hurlements : Et je
gueule dans le silence du cabinet à me casser
la poitrine (Flaubert). Une grosse bête qui
gueulait ainsi en levant le museau vers le
ciel (Le Roy). T’as pas fini de gueuler comme
ça, chameau ! (Huysmans). ‖ 2. Spécialem.
et pop. Parler, dire, chanter plus fort qu’il
n’est nécessaire : C’est un acteur déplorable,
qui gueule (E. Rostand). ‖ 3. Pop. En par-
lant d’instruments ou d’appareils sonores,
faire entendre des sons retentissants : Faire
gueuler la radio. Les cuivres d’un orchestre
qui gueulent trop fort. ‖ 4. Pop. Proférer
des injures, des menaces, protester contre
quelque chose ou contre quelqu’un : Et l’on
entendait les autres [...] chuchoter sous les
menaces du pion gueulant dans ses cou-
vertures (Huysmans). Gueuler contre la
vie chère, contre la fiscalité. Il n’est jamais
content, il gueule tout le temps. ‖ 5. Fig. et
fam. En parlant de couleurs, être éclatant,
rutilant : Tous les rouges. Les plus violents !
... Que ça gueule ! (Margueritte).

• SYN. : 1 brailler (fam.), s’égosiller, hur-


ler, vociférer ; 2 beugler (fam.) ; 4 fulminer,
tempêter (fam.), tonner.

& v. tr. (sens I, fin du XIXe s., A. Daudet ;


sens II, 1762, Acad.).

I. Pop. Dire ou chanter quelque chose en


criant : La chanteuse debout [...] gueulant
« la Marseillaise » en pleine fête impériale
(Daudet). Il chantait ou plutôt gueulait
une espèce de chant bizarre (Gide). Et, au-
dessus de cette marée déferlante, « l’Inter-
nationale », gueulée sans trêve, à pleines
voix, déployait son chant puissamment
martelé, qui était comme la pulsation de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2287

tous ces coeurs (Martin du Gard). « Je ne


limerai rien du tout », gueula Napoléon
(Frison-Roche).

II. En parlant d’un chien de chasse, saisir


avec la gueule : Chien qui gueule un lièvre.
• SYN : beugler (fam.), brailler (fam.),
hurler.

gueules [goel] n. m. (emploi spécialisé


de gueule [v. ce mot], les gueules ayant
d’abord été de petits morceaux de four-
rure découpés dans la peau du gosier des
martres, servant à faire des collets de man-
teaux [XIIe s., Godefroy] et souvent teints
en rouge ; v. 1160, Benoît de Sainte-Maure,
écrit goles ; gueules, début du XIIIe s.). En
héraldique, la couleur rouge, figurée dans
le dessin par des hachures verticales : Saint
Louis, pour récompenser ses services, lui
concéda à lui et à ses héritiers, en échange de
ses anciennes armoiries, un écu de gueules,
semé de fleurs de lys d’or (Chateaubriand).
Couleurs peignant à ton désir | La mort
de sable, et le plaisir | De gueules (Toulet).

gueuleton [goeltɔ̃] n. m. (de gueule ; 1743,


Vadé). Pop. Repas excellent et abondant :
Se payer un bon gueuleton. Ce qui ne les
empêchait pas d’inviter des amis, de faire
des « gueuletons » qui duraient jusqu’à deux
heures du matin (Zola). Je t’ai raconté com-
ment Poutillard était en train de faire, au
restaurant du « Chapon fin », un gueuleton
à tout casser (Duhamel).

• SYN. : banquet, bombance (fam.), festin,


ripaille (fam.).

gueuletonner [goeltɔne] v. intr. (de


gueuleton ; 1858, Lachâtre). Pop. Faire un
gueuleton : J’ai gueuletonné et j’ai bu à la
santé de l’empereur (Fabre).

• SYN. : banqueter, festoyer, ripailler (pop.).

gueulette [goelɛt] n. f. (de gueule ; 1784,


Encycl. méthodique, au sens I ; sens II, 1962,
Larousse [douce gueulete — mots de caresse
adressés à une femme —, XIVe s.]).

I. En termes de verrerie, syn. de


OUVREAU.

II. Joli visage. (Vieilli.)

gueulin [goelɛ̃] n. m. (probablem. mot


régional, dér. de gueule ; 1962, Larousse).
Appât fait d’un morceau de chair de pois-
son, pour la pêche en mer.

gueuloir [goelwar] n. m. (de gueuler ;


av. 1880, Flaubert, au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Fam. Bouche employée à de
gros effets de voix : J’ai relu dans cette
nouvelle édition mes pièces favorites, avec
le gueuloir qui leur sied, et ça m’a fait du
bien (Flaubert). Il s’était levé de sa chaise
pour dilater son gueuloir (Bloy). Mme
de Mortemart se dit que le mezzovoce,
le pianissimo de sa question avaient été
peine perdue, après le « gueuloir » par où
avait passé la réponse (Proust). ‖ 2. Pop.
Porte-voix.

gueusaille [gøzɑj] n. f. (de gueux ; 1630,


Brunot, au sens 1 ; sens 2, 1872, Larousse).
1. Vx. Troupe de gueux : Je vas te mettre
toute cette gueusaille à la porte (Fabre).
‖ 2. Personne qui fait partie des gueux,
gueux : Vas-tu me chercher noise main-
tenant avec cette gueusaille de Casserot ?
(Fabre).

gueusailler [gøzɑje] v. intr. (de gueuser ;


1642, Oudin). Pop. et vx. Fréquenter les
gueux.

gueusard, e [gøzar, -ard] adj. et n. (de


gueux ; 1808, d’Hautel). Vx et pop. Gueux,
coquin : Ce gueusard de Daudet a écrit de
moi que j’étais un Don-Quichotte dans
la peau de Sancho (Daudet). Pendant la
grande Révolution, des troupes de gueu-
sards firent du vilain aux entours d’Ambert
(Pourrat). Et, songeant qu’après tout, dans
ce monde gueusard, | Je suis un becqueteur
paisible du hasard, | Que mes dents ne
sont pas des dents inexorables, | Que je ne
répands point le sang des misérables (Hugo).

gueusat [gøza] ou gueuset [gøzɛ]


n. m. (dimin. de gueuse ; 1752, Trévoux,
écrit gueuset ; gueusat, 1866, Littré). Petite
gueuse de fonte.

gueuse [gøz] n. f. (bas allem. göse, gueuse,


proprem. « oies » [plur. de l’allem. class.
Gans, « oie », et « gueuse » par analogie
de forme], le mot ayant été introduit en
franç. par les mineurs du Harz appelés en
France au XVIe s. pour organiser l’industrie
minière ; 1543, Isambert, au sens 1 [« moule
destiné à cette fonte », 1694, Th. Corneille] ;
sens 2, 1935, Acad.). 1. Masse de fonte en
forme de prisme, coulée dans le sable au
sortir du haut fourneau. ‖ Par extens.
Moule destiné à cette fonte. ‖ 2. En termes
de sports, masse métallique utilisée pour
les exercices de force.

gueuser [gøze] v. intr. (de gueux ; début


du XVIe s.). Class. et littér. Vivre en gueux,
mendier : Moi qui l’ai reçu gueusant et
n’ayant rien (Molière). Moi, je le recon-
nais [l’automne], | Qu’il s’attise d’or ou
qu’il gueuse (Vielé-Griffin).

& v. tr. (1672, Molière). Class. et littér.


Mendier : Il s’éplore, gueuse à la ronde, vai-
nement, des sous (Huysmans). Cependant
tu vas gueusant | Quelque vieux débris
gisant | Au seuil de quelque Véfour | De
carrefour (Baudelaire).

gueuserie [gøzri] n. f. (de gueux ; 1606,


Nicot, au sens 1 [« l’ensemble des gueux »,
1866, Littré] ; sens 2, 1666, Molière ; sens
3, 1808, d’Hautel). 1. Class. et littér. État de
gueux, de mendiant, de pauvre : Drapant
sa gueuserie avec son arrogance (Hugo).
Et l’orgueil, ce trésor de toute gueuserie |
Qui nous rend triomphants et semblables
aux dieux (Baudelaire). ‖ Par extens.
L’ensemble des gueux : La gueuserie des
bas-fonds (Huysmans). Saint-Lazare a vu
toute la gueuserie (Philippe). ‖ 2. Class. et

fig. Chose digne d’un gueux, méprisable : Et


la fête de Pan, parmi nous si chérie, | Auprès
de ce spectacle est une gueuserie (Molière).
‖ 3. Vx. Action de gueux, coquinerie.

gueusette [gøzɛt] n. f. (dimin. fém. et


ironique de gueux ; 1680, Richelet). Godet
où les cordonniers mettent la couleur pour
teindre les empeignes.

gueux, euse [gø, -øz] n. (du moyen


néerl. guit, vaurien, d’après les nombreux
adj. franç. en -eux, -euse ; XIVe s., Esnault,
au sens de « compagnon » ; sens 1, 1452,
Barbier [« personne très pauvre », 1545,
Esnault ; adjectiv., 1669, Molière] ; sens 2,
1452, Barbier). 1. Personne réduite à la men-
dicité pour vivre (vieilli) : Et le mendiant,
fils de gueux, qui s’extasie de voir briller
l’Aurore en son riche appareil (Banville).
Un gueux qui tire la bricole et va clochant !
(France). ‖ Personne très pauvre : Vivre
en gueux. ‖ Adjectiv. Pauvre : C’est plutôt
sur les gueuses tables | Que sont tes autels
familiers (Ponchon). Être gueux comme un
rat. ‖ 2. Péjor. Être méprisable, vil, coquin :
Cette gueuse, répondit la Thénardier, s’est
permis de toucher à la poupée des enfants
(Hugo). Ces gueuses se sont mises toutes
contre moi (Mérimée). Ce gueux, cet his-
trion en vacances, ce drôle (Baudelaire).
• SYN. : 1 chemineau (vx), clochard, gal-
vaudeux, mendiant, mendigot (pop.), tri-
mardeur, vagabond, va-nu-pieds (fam.) ;
crève-la-faim (pop.), meurt-de-faim (fam.),
miséreux, paria, pouilleux (fam.) ; misé-
rable, miteux (fam.).

& gueuse n. f. (1655, Molière [courir la


gueuse, 1808, d’Hautel]). Femme de mau-
vaise vie : Alors ils entrèrent dans un caveau
et se mirent à boire et à chanter avec leurs
gueuses (Daudet). Sans compter que la
gueuse pratique aussi l’avortement en grand
(Zola). Il supposait que toutes les femmes
honnêtes étaient ainsi et il confondait toutes
les autres sous le terme de « gueuses »
(Bourget). ‖ Courir la gueuse, fréquenter
les femmes de mauvaise vie.

& gueux n. m. (1851, Landais). Pot de terre


percé de trous : Des boutiques de modes,
aux volets desquelles étaient accrochés des
gueux en terre (Goncourt).

gueuze-lambic [gøzlɑ̃bik] n. f. (de


gueuze, mot bruxellois désignant une
espèce de bière, et de lambic, abrév. régio-
nale de alambic ; XXe s.). Bière lambic mise
en bouteilles et additionnée de bière jeune
pour produire une deuxième fermentation.

guèze [gɛz] n. m. (mot chamito-sémi-


tique ; 1962, Larousse). Langue chamito-
sémitique parlée en Éthiopie.

gugusse [gygys] n. m. (de guss [abrév.


pop. du prénom Auguste, qui est aussi un
n. de clown dans la langue du cirque], avec
réduplication des deux premiers phonèmes ;
XXe s.). Fam. Clown qui joue habituellement
les naïfs et les stupides, et dont la solen-
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2288

nité contraste avec sa tenue ridicule et sa


face burlesque : Il représentait un Gugusse
vivace, acariâtre et quinteux (Fabre).

1. gui [gi] n. m. (du lat. viscum, gui, glu


préparée avec le gui, avec influence de
l’initiale de guigne 1 [v. ce mot], le fruit du
gui ayant une certaine ressemblance avec
la guigne ; v. 1330, Glossaire du Vatican
[la forme visc — v. 1354, Modus — était
directement issue du lat.]). Plante qui vit en
parasite sur les branches de certains arbres,
et dont les fruits, blancs, contiennent une
substance visqueuse : Les druides atta-
chaient des vertus mystérieuses au gui.
Acheter du gui pour Noël.

2. gui [gi] n. m. (néerl. giek ou gijk ; 1694,


Th. Corneille). Vergue horizontale qui
s’appuie par un bout au mât d’artimon, et
dont l’autre est saillant hors du navire : Il
lui jeta sur les épaules la toile, le mât et le
gui (France).
guibole ou guibolle [gibɔl] n. f. (altér.
probable de guibonne, jambe [1837,
Vidocq], dér. du norm. guibons, n. m.
plur., « cuisses » [1630, Muse normande ;
aussi var. gibons, 1633, Esnault], peut-être
de la même famille que l’anc. franç. giber,
gigoter, s’agiter, ruer [XIIe s.], lui-même
d’origine incertaine ; 1842, Esnault, écrit
guibolle [guibole, 1860, Revue de philolo-
gie française, XLV, 22] ; jouer des guiboles,
1872, Larousse [« danser », av. 1902, Zola] ;
en avoir plein les guiboles, XXe s.). Pop.
Jambe : Vos guiboles ne sont plus solides,
père (Moselly). Il se plaignait d’avoir des
guiboles de coton. ‖ Pop. Jouer des guiboles,
marcher très vite ; danser : Puis, le soir,
on avait fichu un balthazar à tout casser,
et jusqu’au jour on avait joué des guiboles
(Zola). ‖ Pop. En avoir plein les guiboles,
être fatigué d’avoir marché longtemps.

guibre [gibr] n. f. (var. de guivre [v. ce


mot], la guibre étant souvent ornée d’une
sculpture représentant un serpent ou un
poisson de mer ; 1773, Bourdé de Villehuet).
Construction ayant pour but de fournir au
gréement de beaupré des points d’appui en
saillie de l’étrave : Quant au trois-mâts, il
a surtout souffert dans les hauts : la guibre,
la poulaine [...], tout ça cassé (Hugo). Les
guibres et les antennes s’appuyaient fami-
lièrement sur le parapet du quai (Gautier).

1. guiche [giʃ] n. f. (francique *withthja,


lien d’osier ; 1080, Chanson de Roland,
écrit guige [guiche, XIIIe s., Apollonius],
au sens 1 ; sens 2, 1704, Trévoux ; sens 3,
1900, Dict. général). 1. Courroie qui servait
à suspendre l’écu. ‖ 2. Bande d’étoffe qui
réunit les côtés de la cuculle des chartreux.
‖ 3. Vx. Bandoulière de veneur où était
accroché le cor.

2. guiche [giʃ] n. f. (du n. de Louis Henri


Casimir, marquis de La Guiche [1777-1842],
qui lança v. 1824 une coiffure où les cheveux
étaient collés aux tempes [cf. le texte de 1846

cité par Esnault : « cheveux Charles X, collés


à la tempe, et favoris taillés à la Guiche »] ;
1876, Esnault). Arg. et vx. Accroche-coeur
à la tempe.

& guiches n. f. pl. (1925, Esnault). Mèches


frisées qui reviennent sur les tempes, les
joues (vieilli) : Mais le coiffeur veillait,
maître des guiches, émondeur de la nuque
(Colette).
guichet [giʃɛ] n. m. (probablem. dimin.
de l’anc. scand. vik, « cachette, recoin »,
avec influence phonétique et sémantique
de l’anc. franç. uisset, petite porte [XIIIe s.,
Chastelaine de Vergi], dimin. de uis, huis,
porte [v. HUIS] ; v. 1130, Eneas, au sens 1
[« petite porte intérieure d’une prison... »,
fin du XVIe s., Brantôme — var. viquet,
même sens, XVe s., Du Cange ; « entrée
étroite qui ne permet qu’à une personne
à la fois de pénétrer dans une enceinte »,
1872, Larousse ; les guichets du Louvre,
1690, Furetière] ; sens 2, 1767, Voltaire
[« petite fenêtre », 1627, Crespin ; « ouver-
ture grillagée du confessionnal », 1680,
Richelet] ; sens 3, 1900, Dict. général [aussi
« endroit d’un établissement où on effec-
tue ou reçoit les paiements » et à guichets
ouverts ; à guichets fermés, XXe s.]). 1. Vx.
Petite porte pratiquée dans une grande,
dans une muraille de fortification : Porte
cochère munie d’un guichet. ‖ Spécialem.
Petite porte intérieure d’une prison en
arrière de la porte principale : Il goûtait
une sérénité qui s’altéra à peine quand le
guichet de la conciergerie se referma sur lui
(France). ‖ Entrée étroite qui ne permet
qu’à une personne à la fois de pénétrer dans
une enceinte : Les guichets d’une exposi-
tion. ‖ Spécialem. Guichets du Louvre,
des Tuileries, étroites ouvertures voûtées
par lesquelles les piétons et les voitures
accèdent aux cours intérieures : Le peuple
entra dans les Tuileries avec MM. Thomas
Bastide, Guinard par le guichet du Pont-
Royal (Chateaubriand). ‖ 2. Ouverture
pratiquée dans une porte, une cloison, un
mur, généralement grillagée et à hauteur
d’homme : Au milieu, un petit guichet
grillé servait à jeter dans la fosse ce qu’il
fallait pour que le condamné ne mourût pas
(Flaubert). ‖ Par anal. Ouverture grilla-
gée du confessionnal : Comme personne ne
répondait à son appel, il frappa tout douce-
ment du doigt au guichet [du confessionnal]
(France). ‖ 3. Dans une administration,
dans une banque, dans un théâtre ou une
gare, sorte de fenêtre, grillée ou non, et,
parfois, simple comptoir par lequel ou
par-dessus lequel le public communique
avec un employé : Le guichet des renseigne-
ments. Un guichet de poste. Faire la queue
au guichet pour prendre son billet. C’était
le comptoir toujours pareil d’une maison
de banque, avec ses guichets, ses grillages
(Daudet). Puis il demanda au second gui-
chet un billet de parterre (France). ‖ Par
extens. Endroit d’un établissement où on

effectue ou reçoit les paiements, caisse : On


reçoit les souscriptions à tous les guichets du
Trésor. À Berlin, dès le début de la matinée,
les guichets des banques avaient, paraît-il,
essuyé l’assaut des rentiers pris de panique
(Martin du Gard). ‖ À guichets ouverts,
se dit d’un paiement opéré sans interrup-
tion. ‖ À guichets fermés, sans accueillir
de nouveaux spectateurs au moment où le
spectacle va commencer (vieilli) : La pièce
est jouée à guichets fermés. (On dit plutôt,
auj., À BUREAUX FERMÉS.)

• SYN. : 2 judas.

guichetier [giʃtje] n. m. (de guichet ;


1611, Cotgrave, au sens 1 [« geôlier », 1668,
Racine] ; sens 2, 1948, Larousse). 1. Vx.
Employé chargé d’ouvrir et de fermer le
guichet d’une prison : Le guichetier, en
ouvrant la prison... (Lamartine). ‖ Par
extens. Geôlier (au pr. et au fig.) : Les rois,
ses guichetiers [de Napoléon] (Hugo).
Quand le guichetier [de la prison] vit le
prisonnier qu’on lui amenait, si blanc, si
roide, il monta réveiller la direction (Zola).
‖ 2. Auj. Nom donné parfois aux employés
préposés à un guichet quelconque. (En ce
sens, on emploie aussi le fém. guichetière :
La guichetière de la poste.)

guidage [guidaʒ] n. m. (de guider ; 1611,


Cotgrave, au sens de « passeport » ; sens
1, 1877, Littré ; sens 2, 1948, Larousse).
1. Ensemble d’organes servant à guider
une machine en mouvement : Le guidage
des cages d’ascenseur dans la mine. Le
guidage de l’essieu ou du boggie de loco-
motive par la voie. Le guidage de la coupe
d’une pièce de bois. ‖ 2. En aéronautique
ou en astronautique, action de diriger à
distance le mouvement d’un mobile au
moyen d’un dispositif approprié : Le gui-
dage d’une fusée.

guide [gid] n. m. (anc. provenç. guida,


« celui qui guide, action de guider »,
déverbal de guidar, conduire [milieu du
XIe s.], francique *wîtan, montrer une
direction ; 1370, Dict. général, au sens I, 1
[comme n. f. ; comme n. m., fin du XVIe s.,
A. d’Aubigné ; « personne qui fait métier
d’orienter et de conseiller des visiteurs ou
des étrangers... », 1842, Balzac ; « celui
qui conduit un ou plusieurs alpinistes en
montagne », 1852, Sainte-Beuve] ; sens
I, 2, 1825, Le Couturier [guide à droite !,
guide à gauche !, 1866, Littré] ; sens I, 3,
1866, Littré ; sens I, 4, XVIe s., Huguet [n. f. ;
n. m., 1643, Corneille] ; sens II, 1, 1534,
Rabelais [n. f. ; n. m., 1835, Acad.] ; sens II,
2, av. 1613, M. Régnier [n. f. ; n. m., 1835,
Acad. ; « manuel à l’usage des touristes »,
1866, Littré] ; sens II, 3, 1757, Encyclopédie
[en menuiserie, 1676, Félibien ; en électro-
nique, 1962, Larousse]).

I. 1. Personne qui guide, qui montre le


chemin : Virgile sert de guide à Dante
dans sa visite de l’Enfer. Je mis pied à terre
et je dis au guide de débrider (Mérimée).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2289

‖ Personne qui fait métier d’orienter et


de conseiller des visiteurs ou des étran-
gers dans des endroits réputés pour leur
beauté ou leur originalité : Le chauffeur
des cars de touristes est souvent accom-
pagné d’un guide. ‖ Celui qui conduit
un ou plusieurs alpinistes en montagne :
Grindelwald, dans les Alpes bernoises, un
petit village de guides (Daudet). ‖ 2. Dans
les manoeuvres d’une troupe, soldat sur
lequel les autres doivent aligner leurs
mouvements. ‖ Guide à droite !, Guide
à gauche !, commandement enjoignant
de conserver l’alignement par rapport à
la file de droite ou de gauche : La troupe
défile par sections, guide à gauche (Cop-
pée). ‖ 3. Les Guides, corps de cavaliers
organisé autrefois pour servir d’escorte :
Être officier au régiment des Guides.
‖ 4. Fig. Conseiller, inspirateur : Cet
élève est encore trop jeune pour se pas-
ser de guide. Pourquoi veux-tu chercher
un autre guide que le Christ ? (Gide). Je
ne parle pas des économistes, des philo-
sophes, des historiens qui, par définition,
sont les mémorialistes ou les guides de la
nation (Giraudoux).

II. 1. Ce qui sert de principe directeur,


de modèle qui inspire une personne ;
ce sur quoi on doit se régler : Parmi les
pièces authentiques qui me servent de
guide, je trouve les actes de décès de mes
parents (Chateaubriand). Mon désir m’est
le plus sûr des guides (Gide). ‖ 2. Ou-
vrage qui fournit des renseignements et
des conseils utiles de diverses natures :
Le guide de l’archéologue. ‖ Manuel à
l’usage des touristes : Guide des rues de
Paris. Guide touristique. Un commis lui
apporta toute une collection de guides
(Huysmans). ‖ 3. En mécanique, organe
qui sert à diriger le mouvement d’une
pièce ou d’un outil. ‖ En menuiserie,
joue fixe d’un outil qui s’appuie sur la
pièce à travailler pour assurer la précision
d’une rainure ou d’une moulure. ‖ Dans
l’industrie textile, syn. de GUIDE-FIL.
‖ Guide d’ondes, en électronique, tube
métallique qui sert à la canalisation des
ondes d’une certaine fréquence vers une
fréquence supérieure.

• SYN. : I, 1 cornac, cicérone ; 4 directeur, égé-


rie, instigateur, mentor (fam.), muse, pilote.
‖ II, 1 boussole, fil, flambeau ; 2 guide-âne,
manuel, mémento, vade-mecum.

• REM. Guide (masc. ou fém. jusqu’au


XVIIe s. comme nom d’agent), dans les
sens indiqués ci-dessus, n’a pas de corres-
pondant féminin. On dit généralement :
Cette jeune fille est un excellent guide.
Toutefois, Gide a pu écrire : Ma jeune
guide m’indiqua du doigt à flanc de coteau
une chaumière.

& n. f. (1948, Larousse). Jeune fille faisant


partie de l’association des Guides de France.
& guides n. f. pl. V. à l’ordre alphab.

guide-âne [gidɑn] n. m. (de guide, forme


du v. guider, et de âne ; 1721, Trévoux, au
sens de « petit livre qui contient l’ordre des
fêtes et celui des offices pour chaque fête » ;
sens 1, 1812, Mozin [« ce qui dispense de
réflexion », fin du XIXe s.] ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Petit livre élémentaire
qui contient des instructions, des règles
propres à guider un débutant : La cri-
tique des journaux, tantôt niaise, tantôt
furieuse, jamais indépendante, a, par ses
mensonges et ses camaraderies effrontées,
dégoûté le bourgeois de ces utiles guide-
ânes qu’on nomme comptes rendus de
Salons (Baudelaire). Le guide-âne du Salut
[...], c’était cela seulement dont il lui com-
mandait de se nourrir (Goncourt). ‖ Par
extens. Ce qui dispense de réflexion : La
mesure et la rime n’étaient pour eux qu’un
aide-mémoire et un guide-âne (France).
‖ 2. Spécialem. Transparent réglé dont on
se sert pour écrire droit.

• Pl. des GUIDE-ÂNE ou des GUIDE-ÂNES.

1. guideau [gido] n. m. (de guide, forme


du v. guider, et de eau ; 1840, Acad.). Plate-
forme en planches, soutenue dans une posi-
tion inclinée, qui sert à diriger le courant
d’une chasse d’eau à l’entrée d’un port.

• Pl. des GUIDEAUX.


2. guideau [gido] n. m. (altér. de quideau,
même sens [1295, Godefroy], bas allem. kie-
del, filet ; 1322, Godefroy). Filet de pêche
en forme de sac allongé.

• Pl. des GUIDEAUX.

guide-coke [gidkɔk] n. m. invar. (de


guide, forme du v. guider, et de coke ; 1962,
Larousse). Appareil mobile qui sert à gui-
der le coke à la sortie d’une chambre de
distillation.

guide-fil [gidfil] n. m. invar. (de guide,


forme du v. guider, et de fil ; 1872, Larousse).
Petit appareil qui règle la distribution des
fils sur les bobines de différentes machines
textiles. (On dit aussi GUIDE, n. m.)

guide-greffe [gidgrɛf] n. m. (de guide,


forme du v. guider, et de greffe ; 1922,
Larousse). Instrument qui sert à couper
régulièrement les rameaux destinés à la
greffe.

• Pl. des GUIDE-GREFFE ou des


GUIDE-GREFFES.

guide-lame [gidlam] n. m. invar. (de


guide, forme du v. guider, et de lame ; 1907,
Larousse). Dans une faucheuse, pièce en
forme de peigne qui guide le mouvement
de la lame tranchante.

• SYN. : porte-lame.

guide-lime [gidlim] n. m. invar. (de


guide, forme du v. guider, et de lime ; 1907,
Larousse). En technologie, appareil pour
apprendre à limer droit.

guide-poil [gidpwal] n. m. invar. (de


guide, forme du v. guider, et de poil ; 1872,

Larousse). Dans la fabrication de la peluche,


cadre métallique qui sert à régler la hauteur
de coupe du poil.

guider [gide] v. tr. (réfection, d’après


guide, de l’anc. franç. guier, conduire
quelqu’un quelque part [1080, Chanson de
Roland], francique *wîtan, montrer une
direction ; 1367, Dict. général, au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1872, Larousse ; sens I, 3, milieu
du XVIe s., Ronsard ; sens I, 4, XXe s. ; sens I,
5, début du XVe s., Ch. d’Orléans [guider les
pas de quelqu’un, XXe s.] ; sens II, 1, 1550,
Ronsard ; sens II, 2, av. 1613, M. Régnier ;
sens II, 3, XXe s.).
I. AVEC UN SUJET DÉSIGNANT UN ÊTRE
ANIMÉ. 1. Marcher devant quelqu’un
pour lui montrer le chemin : Cosette gui-
da l’étranger dans les rues (Hugo). Cette
première avant-garde qui nous guide
(Loti). Le chien guide l’aveugle. ‖ 2. Ac-
compagner en soutenant, en veillant à la
marche : Guider les pas d’un jeune enfant,
d’un convalescent. Guider un aveugle par
le bras. ‖ 3. Pousser ou faire aller d’auto-
rité dans une direction donnée : Guider
son cheval. Le barreur guide l’embarca-
tion. On l’a vu cent fois guider une co-
lonne à l’attaque en brave général (Stend-
hal). ‖ 4. Aider à l’accomplissement
correct d’un mouvement : Guider la main
d’un jeune écolier. Je le vis qui prenait sa
main pour guider ses doigts sur les touches
(Gide). ‖ 5. Fig. Éclairer quelqu’un dans
le choix d’une direction intellectuelle
ou morale, d’une décision juste : Guider
quelqu’un dans le choix d’une carrière.
Si vous avez confiance en ma tendresse,
laissez-moi vous guider dans la vie (Bal-
zac). ‖ Guider les pas de quelqu’un, lui
permettre de suivre une bonne direction
pour son avenir.

II. AVEC UN SUJET DÉSIGNANT UN NON-


ANIMÉ. 1. Montrer la voie à une personne
ou à un animal, aider à trouver une direc-
tion : En moins d’une demi-heure, guidés
par les cris et le bruit confus, ils eurent
regagné la grande route (Stendhal). Il n’y
avait, pour me guider [...], qu’une petite
lueur (Fromentin). Mais c’est l’exemple
de votre erreur qui m’a guidé (Gide). Les
odeurs guident les animaux dans leur
chasse. ‖ 2. Déterminer à, pousser à :
Une fatalité affreuse me guidait. C’est la
recherche du profit qui guide toutes ses
actions. ‖ 3. En parlant d’un organe mé-
canique, faire suivre une direction don-
née à une chose, à un outil : Les anciens
ascenseurs étaient guidés latéralement
par deux tiges métalliques. Un tube métal-
lique guide les ondes de fréquence.

• SYN. : I, 1 diriger, piloter (fam.) ;


2 conduire ; 5 aiguiller (fam.), conseiller,
gouverner, inspirer, mener ; II, 1 orienter.

guiderope [gidrɔp] n. m. (mot angl., de


guide, guide [empr. du franç. guide], et de
rope, corde [anglo-saxon rāp, même sens] ;
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2290

1855, Baudelaire). En aérostation, longue


corde qu’on laisse traîner quand un ballon
s’approche de terre, et qui agit comme un
frein.

guides [gid] n. f. pl. (même étym. que


guide, n. m. ; 1660, Oudin, au sens 1 ; sens
2, av. 1848, Chateaubriand [mener la vie
à grandes guides, 1866, Littré] ; sens 3,
1762, Acad. [payer doubles guides, 1866,
Littré]). 1. Longues lanières de cuir qu’on
attache au mors d’un cheval de trait pour le
conduire : Il sauta à terre et jeta les guides
au domestique (Gautier). Après avoir vu
comment un nouveau cheval trottait seul,
il le faisait atteler, traverser toutes les rues
avoisinantes, le piqueur courant le long de
la voiture en tenant les guides (Proust).
Les guides, merveilleusement cirées, vous
donnent dans le gras de la paume une
secousse rythmée (Romains). ‖ 2. Grandes
guides, celles qui, dans un attelage à quatre
chevaux, servent à conduire les chevaux
placés en tête : Je le vis passer dans une voi-
ture que tiraient quatre chevaux fringants,
conduits à grandes guides (Chateaubriand).
‖ Fig. Mener la vie à grandes guides, faire
de grandes dépenses ou des excès : Robert
n’était pas seulement un grand seigneur
jouissant d’un véritable prestige, même aux
yeux du prince de Foix, mais un client qui
menait la vie à grandes guides et dépen-
sait dans ce restaurant beaucoup d’argent
(Proust). ‖ 3. Vx. Payer les guides à un
postillon, lui payer le droit fixé pour aller
d’une porte à l’autre : Et allez ! : Il y a cent
sous de guides (Balzac). M. d’Anquetil,
qui donna l’ordre au postillon d’allonger
le galop, promettant de lui payer de bonnes
guides (France). ‖ Vx. Payer doubles guides,
payer le double de ce droit pour encourager
le postillon à redoubler de vitesse.

• SYN. : 1 rênes.

guidon [gidɔ̃] n. m. (de guider ; 1373, Gace


de la Bigne, au sens I, 1 [« officier qui portait
le guidon », 1611, Cotgrave] ; sens I, 2, 1825,
Le Couturier ; sens I, 3, XVe s. ; sens I, 4,
1660, Oudin ; sens I, 5, 1962, Larousse ; sens
I, 6, 1836, Acad. ; sens II, 1, 1503, Chauliac ;
sens II, 2 et 5, 1680, Richelet ; sens II, 3,
début du XVIIe s. ; sens II, 4, 1752, Trévoux ;
sens II, 6, 1895, A. Daudet ; sens II, 7, XXe s.).

I. 1. Étendard des capitaines des compa-


gnies d’ordonnance créées par Charles
VII, puis emblème des gendarmes de la
maison du roi, et des dragons à partir de
1635. ‖ Par extens. et vx. Marque du chef
suprême. ‖ Vx. Officier qui portait le gui-
don : C’est à la Providence à démêler la
fortune de ce pauvre guidon ; je le console
tant que je puis (Sévigné). ‖ 2. Auj. Dans
l’infanterie, petit drapeau carré dont la
hampe est engagée dans le canon du fusil
et qui sert à l’alignement des files : J’ai
distingué les guidons de la sixième légion
(Hugo). ‖ 3. Vx. Bannière d’un corps de
métier, d’une confrérie, etc. : Au Pont-

Neuf, la statue d’Henri IV tenait à la main,


comme un guidon de la Ligue, un drapeau
tricolore (Chateaubriand). ‖ 4. Dans la
marine militaire, pavillon triangulaire
ou à deux pointes, hissé en tête de mât
et servant d’insigne de commandement.
‖ 5. Marque distinctive de la société à la-
quelle appartient un yacht. ‖ 6. En héral-
dique, meuble de l’écu figurant un petit
drapeau à une ou deux pointes, attaché à
une hampe.

II. 1. Class. Livre qui donne des ren-


seignements en telle ou telle matière :
Prends, au lieu d’un Platon, le « Guidon
des finances » (Boileau). ‖ 2. En musique,
petite note placée en fin de ligne pour
annoncer la première note de la ligne
suivante. ‖ 3. Marque qui indique, dans
un écrit, où doit être placée une addition.
‖ 4. Marque que fait un tricheur sur une
carte à jouer. ‖ 5. Petite pièce en saillie à
l’extrémité du canon d’une arme à feu, et
qui, avec la hausse, permet de prendre la
ligne de mire. ‖ 6. Barre munie de poi-
gnées et solidaire de la roue avant, qui
permet de diriger un véhicule à deux
roues. ‖ 7. Dans les chemins de fer, petit
signal d’arrêt constitué par un damier
rouge et blanc ; signal à main permettant
de donner le départ au conducteur d’une
locomotive.

guidonnage [gidɔnaʒ] n. m. (de guidon ;


25 juin 1869, Journ. officiel, au sens de « ce
qui sert à guider, ou action de guider dans
sa course ascendante et descendante la maî-
tresse tige d’une pompe d’épuisement » ;
sens actuel, 1888, Larousse). En termes de
mines, syn. de GUIDAGE, appareil qui guide
la montée et la descente de l’ascenseur.

guig [gig] n. m. Autre forme de GIG.

1. guignard [giɲar] n. m. (de guigner,


proprem. « [oiseau] qui cligne de l’oeil » ;
1655, Bonnefons, écrit guignar ; guignard,
1694, Acad.). Oiseau échassier du genre
pluvier, des régions nordiques.

2. guignard, e [giɲar, -ard] adj. (de


guigne 2 ; 1888, Villatte). Fam. Qui a la
guigne, malchanceux : Il est terriblement
guignard.

1. guigne [giɲ] n. f. (mot issu, à la suite


d’une évolution difficile à expliquer, du
francique *wīhsila, griotte ; v. 1398, le
Ménagier de Paris, écrit guine [guigne,
XVe s., Basselin], au sens 1 ; sens 2, XXe s.
[se soucier de quelque chose comme d’une
guigne, 1906, Loti]). 1. Variété de cerise
douce à chair ferme, à longue queue, de
couleur rouge foncé ou noire : La guigne
sert à fabriquer le guignolet. ‖ 2. Fam.
Payer des guignes à quelqu’un, expression
par laquelle une personne manifeste à une
autre son scepticisme à propos d’une entre-
prise : Si tu réussis, je te paierai des guignes.
(Cf. je te paierai des cerises.) ‖ Fam. Se sou-
cier de quelque chose comme d’une guigne,

se désintéresser entièrement de quelque


chose : Quant aux libertés publiques, je
m’en moque comme d’une guigne (France).

2. guigne [giɲ] n. f. (de guignon ; 1811,


Esnault). Fam. Malchance habituelle et per-
sistante : La guigne ne s’acharne que sur la
bêtise (Renard). J’ai eu des clients à qui le
treize flanquait la guigne, ou au contraire
la veine (Romains). « Il fiche la guigne à
tout le monde, celui-là ! » (Montherlant).

guigner [giɲe] v. tr. (gallo-roman *gwi-


nyare, issu, par dissimilation consonan-
tique, de *gwingyare, francique *wingjan,
faire signe ; v. 1175, Chr. de Troyes, écrit
guignier [guigner, XVe s.], au sens de « faire
signe [à quelqu’un] du coin de l’oeil » ; sens
1, 1532, Rabelais ; sens 2, 1640, Oudin ; sens
3, 1644, Scarron). 1. Regarder du coin de
l’oeil à la dérobée : Guyon, qui le guignait
de travers, se demanda s’il ne se moquait
pas d’eux (Dorgelès). ‖ 2. Regarder, sans en
avoir l’air, quelque chose ou quelqu’un que
l’on convoite : La femme de chambre avait
tout de suite guigné les cadeaux (Zola). Des
rictus de vieilles ivrognesses qui guignent un
litre (Huysmans). Il me semblait que jamais
de ma vie je n’avais guigné une femme
(Arnoux). ‖ 3. Fig. Convoiter, guetter
avec envie : Guigner un héritage. Guigner
une place. La débutante ruinée qui guigne
un protecteur à l’avant-scène (Baudelaire).
• SYN. : 1 lorgner (fam.) ; 2 loucher sur
(fam.), reluquer (fam.) ; 3 être à l’affût, viser.

guignette [giɲɛt] n. f. (dér., avec les suff.


-in + -ette, de l’anc. mot goy, sorte de serpe
[fin du XIVe s.], bas lat. gubia, serpette, petite
gouge ; 1465, Godefroy, au sens de « serpe » ;
sens actuel, 1845, Bescherelle). Outil en
forme de bec-de-corbin dont on se sert
pour calfater les embarcations.

guignier [giɲe] n. m. (de guigne 1 ; 1508,


Comptes du château de Gaillon, écrit guy-
nier ; milieu du XVIe s., Ronsard, écrit gui-
nier ; guignier, 1660, Oudin). Variété de
cerisier, qui produit les guignes : Plus loin
encore, c’est le verger des guigniers étoilés
d’escarboucles (Genevoix).

guignol [giɲɔl] n. m. (mot lyonnais, n.


d’un personnage de marionnettes en vogue
dès le XVIIIe s., du v. guigner [Guignol ayant
l’habitude de jeter des regards furtifs et
rapides de tous côtés] ; 1848, G. Sand, au
sens 1 [faire le guignol, XXe s.] ; sens 2, 1856,
Esnault [« gendarme », 1880, Esnault] ; sens
3 et 5, 1907, Larousse ; sens 4, av. 1896,
Goncourt ; sens 6, XXe s.). 1. Pantin sans fil,
animé par un opérateur caché dont l’index
fait mouvoir la tête tandis que le pouce et
le médius font mouvoir les bras, et dont les
mouvements, les gestes, la physionomie, les
attitudes sont propres à faire rire : Je vous
défends de rester là, tout ricanant, comme
un guignol (Bernanos). ‖ Fam. Faire le gui-
gnol, amuser les autres, volontairement ou
non : Un élève qui fait le guignol. ‖ 2. Fig.
Personnage involontairement grotesque
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2291

et dont on se moque : C’est vous qui avez


donné à ce guignol un vilain nom (France).
Pour elle, du reste, tous les hommes sont des
espèces de guignols (Arnoux). Je les méprise
parce que c’est des guignols (Sacha Guitry).
‖ Arg. Gendarme : Déjà le guignol nous
hélait (Dorgelès). ‖ 3. Théâtre de marion-
nettes : Conduire ses enfants au guignol.
‖ 4. Représentation du théâtre de guignol :
La plus bavarde raconte longuement un gui-
gnol vu la veille (Goncourt). ‖ 5. Fam. Case
mobile en forme de théâtre de guignol,
dans laquelle auteurs et directeurs s’ins-
tallent pour suivre les répétitions d’une
pièce. ‖ 6. Fig. et fam. Endroit dépourvu
de tout caractère sérieux : Ce ministère,
c’est un véritable guignol !

• SYN. : 2 fantoche, marionnette, pantin,


polichinelle.

guignolade [giɲɔlad] n. f. (de guignol ;


milieu du XXe s. [aussi au fig.]). Sorte de
farce à la manière de celles des théâtres
de marionnettes : Cet auteur a produit une
guignolade qui ne fait même pas rire. ‖ Fig.
Conversation, situation digne du guignol :
Puis on retombe sur la guignolade.

guignoler [giɲɔle] v. intr. (de guignol ;


1918, J. R. Bloch). Faire le guignol. (Rare.)

guignolesque [giɲɔlɛsk] adj. (de gui-


gnol ; 1937, A. Breton). Digne de guignol :
Un personnage guignolesque.

guignolet [giɲɔlɛ] n. m. (de guignole,


guigne, dér. normand de guigne 1 ; 1823,
Boiste). Liqueur faite avec des guignes.

guignon [giɲɔ̃] n. m. (de guigner, au


sens de « regarder de côté », d’où « regar-
der de manière défavorable », d’où « jeter
le mauvais oeil, porter malheur » ; v. 1160,
Roman de Tristan, puis 1609, M. Régnier).
Malchance continue, particulièrement au
jeu : Ceux qui disent : « J’ai du guignon »,
sont ceux qui n’ont pas encore eu assez de
succès et qui l’ignorent (Baudelaire). Il y
a de mauvaises natures pour qui tout est
guignon et à qui tout fait tort (Gide).

guilde n. f. V. GHILDE.

guildive [gildiv] n. f. (mot probablem.


d’origine antillaise ; 1698, Froger). Eau-de-
vie de mélasse ou de jus de canne à sucre.

guili guili [giligili] (av. 1910, J. Renard).


Onomatopée par laquelle on accompagne
un chatouillement ou qui exprime le cha-
touillement lui-même : Du bout des ongles
je fais « guili guili » à la plante de ses pieds
(Renard).

guillage [gijaʒ] n. m. (de guiller ; 1757,


Encyclopédie). Action de guiller, en parlant
de la bière.

guillante [gijɑ̃t] adj. f. (part. prés. fém.


de guiller ; 15 mai 1722, arrêt du Conseil
d’État). Se dit de la bière qui jette sa levure.

1. guillaume [gijom] n. m. (anc. provenç.


guillaume, rabot... [1506, Pansier], emploi
fig. du n. pr. Guillaume [de nombreux outils
ayant été désignés par des n. pr., cf. davier,
etc.] ; 1600, Havard, au sens 1 ; sens 2, 1845,
Bescherelle). 1. Rabot à fer étroit et échan-
cré, qui sert à faire des feuillures et des
moulures. ‖ 2. Toile métallique à larges
mailles placée au-dessus du tamis, et qui
sert à grener la poudre.

2. guillaume [gijom] n. m. (de Guillaume,


n. de divers souverains ; 1845, Bescherelle
[guillelmus, forme latinisée, fin du XVe s.,
Molinet]). Monnaie frappée par divers
souverains du nom de Guillaume : Un
guillaume d’or.

guilledou [gijdu] n. m. (de guille-, guile-,


forme de l’anc. v. guiler, tromper, attraper
[v. 1175, Chr. de Troyes — guiller, XIIIe s.,
Godefroy —, dér. de guile, guille, « ruse,
tromperie, supercherie » — XIIe s., Godefroy
—, francique *wigila, ruse], et de doux,
adv. ; fin du XVIe s., A. d’Aubigné, écrit cou-
rir le guiledou ; courir le guilledou, 1644,
Scarron). Pop. Courir le guilledou, chercher
des aventures galantes : L’occupation de
M. de Coantré, jusqu’à son mariage, avait
été de courir le guilledou (Montherlant).
‖ Coureur, coureuse de guilledou, libertin,
femme légère : Une coureuse de guilledou
(Barbey d’Aurevilly). Libertin, coureur de
tripots et de guilledous villageois (Daudet).

guillelmin, e [gijɛlmɛ̃, -in] adj. (de


Guillelmus, forme latinisée du n. pr.
Guillaume ; milieu du XVe s., comme n. m.,
au sens de « monnaie du Hainaut » ; comme
adj., au sens actuel, 1872, Larousse). Relatif
à un personnage du nom de Guillaume,
historique ou non.

guillemet [gijmɛ] n. m. (dimin. de


Guillaume, n. de l’inventeur présumé
de ce signe de ponctuation [d’après Th.
Corneille, 1694, art. imprimeur] ; 1677,
Miege [ouvrir, fermer les guillemets, 1872,
Larousse ; mettre entre guillemets, début
du XXe s. — aussi au fig. ; entre guillemets,
« prétendu », 1970, Robert]). Petit crochet
double placé, par paires, l’un avant (« ) et
l’autre après ( ») un mot, une expression,
un énoncé, un passage dialogué, afin de
les détacher du texte propre à l’auteur
soit pour citer ce qui est d’un autre, soit
pour signifier que l’auteur ne considère
pas comme appartenant à son vocabulaire
ou à sa langue un mot ou une expression
qu’il a néanmoins employés : On use sou-
vent des guillemets lorsqu’on emploie un
mot étranger ou un mot d’argot. ‖ Ouvrir,
fermer les guillemets, mettre ce signe de
ponctuation avant, après un texte. ‖ Mettre
entre guillemets, encadrer un terme, une
expression par des guillemets ; au fig.,
détacher un élément dans un ensemble :
Yeux demi-clos, mais qui voyaient [...] de
chaque côté des yeux de son danseur les
pattes-d’oie apparaître, et mettre entre
terribles guillemets les prunelles et l’iris
de la jeunesse (Giraudoux). ‖ Fig. Entre

guillemets, prétendu : C’est un héros entre


guillemets.

guillemetage [gijmətaʒ] n. m. (de guil-


lemeter ; XXe s.). Action de mettre entre
guillemets : Certains journalistes usent
volontiers du guillemetage.

guillemeter [gijməte] v. tr. (de guil-


lemet ; 1800, Boiste, au sens 1 ; sens 2,
av. 1885, V. Hugo). [Conj. 3 a.] 1. Signaler
par des guillemets : Guillemeter une
citation. ‖ 2. Fig. Bien mettre en évi-
dence : C’était un homme beau parleur,
qui soulignait ses sourires et guillemetait
ses gestes (Hugo).

guillemot [gijmo] n. m. (dimin. du


n. pr. Guillaume, appliqué par figure à un
oiseau [comme plusieurs autres n. pr., cf.
geai, martinet, etc.] ; 1555, Belon). Oiseau
palmipède des mers boréales, ressemblant
au pingouin.

guiller [gije] v. intr. (néerl. gijlen, fer-


menter ; XVe s., Godefroy, écrit ghiller ;
guiller, début du XVIIIe s. [v. GUILLANTE]).
En parlant de la bière, pousser sa levure
hors du fût.

guilleret, ette [gijrɛ, -ɛt] adj. (de l’anc.


v. guiller, tromper, séduire [v. GUILLEDOU] ;
v. 1460, Monologue de l’amoureux [dans
Romania, XVI, 481], au fém., au sens de
« pimpante, séduisante » ; au masc., au
sens 2, XVIe s., La Curne [« gai avec une
pointe de liberté, un peu leste », 1835,
Acad.] ; sens 1, av. 1673, Molière). 1. Qui
se montre gai avec quelque chose de vif,
d’éveillé, d’insouciant : Le rat [...] est un joli
petit gourmet, réjoui, tout rondelet, guilleret
(Taine). ‖ 2. Qui témoigne de cette gaieté
vive, ardente : Il portait sa verte vieillesse
d’un air guilleret (Balzac). ‖ Gai avec
une pointe de liberté, un peu leste : Des
réflexions guillerettes.

• SYN. : 1 allègre, jovial, joyeux, réjoui ;


2 badin, folâtre, fringant, sémillant.
guillerettement [gijrɛtmɑ̃] adv. (de
guilleret ; 1845, Bescherelle). D’une manière
guillerette.

guilleri [gijri] n. m. (probablem. dér.


de l’anc. v. guiller, séduire [v. GUILLEDOU
ET GUILLERET], plutôt que mot d’origine
onomatop. ; 1560, Pasquier, écrit guillery
[guilleri, XVIIIe s.], au sens 1 [« le moineau
lui-même », 1791, Valmont de Bomare] ;
sens 2, 1872, Larousse [mais probablem.
bien plus anc.]). 1. Chant du moineau et,
par extens., d’autres oiseaux : Dans la haie
où le verdier, la mésange, la fauvette mènent
leur guilleri (Pourrat). Je partis donc le
lendemain dès l’aube, au guilleri des moi-
neaux (Arnoux). ‖ Par extens. Le moineau
lui-même. ‖ 2. Personnage de chansons
populaires : Compère Guilleri.

• REM. On écrit aussi GUILLERY.

guillochage [gijɔʃaʒ] n. m. (de guillo-


cher ; 1792, Salivet [aussi « résultat de cette
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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action »]). Action ou manière de guillo-


cher : Le guillochage de cet artisan est
inimitable. ‖ Résultat de cette action : Le
guillochage d’un boîtier de montre.

guilloche [gijɔʃ] n. f. (déverbal de guillo-


cher ; 1866, Littré). Burin qui sert pour
guillocher.

guilloché, e [gijɔʃe] adj. (part. passé


de guillocher ; 1570, Gay, écrit guillogé
[guilloché, XVIIIe s.], au sens 1 [« agré-
menté d’ornements rappelant le guillo-
chis », 1827, Chateaubriand] ; sens 2, 1866,
Littré). 1. Orné de guillochis : Une applique
de guipure séparait les plis [des rideaux],
et des baguettes d’argent guillochées [...]
filaient le long de la tenture (Zola). ‖ Par
anal. Agrémenté d’ornements rappelant le
guillochis : Les clochers, tatoués, gaufrés,
guillochés, de quarante-quatre églises de la
rive droite (Hugo). ‖ 2. Poulie guillochée,
en termes de marine, poulie garnie en son
centre d’une plaque de cuivre percée d’un
trou où doit passer l’axe.

& guilloché n. m. (sens 1-2, 1771,


Schmidlin). 1. En termes d’arts décora-
tifs, syn. de GUILLOCHIS : Le guilloché se
fait désormais à la machine. ‖ 2. En horlo-
gerie, gravure en traits croisés, entrelacés
géométriquement, et recouverte d’émail.

guillocher [gijɔʃe] v. tr. (ital. dialectal


ghiocciare, proprem. « dégoutter », altér.
[sous l’influence de ghiotto, « glouton »,
de même origine que le franç. glouton,
v. ce mot] de l’ital. class. gocciare, lat. pop.
*guttiare, dégoutter, dér. du lat. class.
gutta, goutte [goccia, déverbal de goc-
ciare, comme le franç. goutte — v. ce mot
—, désigne, en plus de la goutte, certains
ornements d’architecture, d’où le sens
spécialisé pris par le v. ghiocciare] ; 1570,
Gay, au part. passé, écrit guillogé [à l’infin.,
écrit guillocher, 1757, Encyclopédie]). Orner
de guillochures : Guillocher la boîte d’une
montre.

guillocheur [gijɔʃoer] n. m. (de guillo-


cher ; 1765, Encyclopédie [XV, 296 b],
au sens 1 ; sens 2, av. 1886, J. Vallès).
1. Ouvrier dont c’est le métier de guillo-
cher. ‖ 2. Fig. Écrivain qui travaille avec un
soin extrême, cisèle son style : Pour devenir
un chroniqueur d’atelier ou de boudoir, un
guillocheur de mots (Vallès).

guillochis [gijɔʃi] n. m. (de guillocher ;


1560, Ronsard, au sens de « ornement
d’architecture formé de traits gravés
entrecroisés » ; sens 1, 1866, Littré ; sens
2, 1694, Th. Corneille). 1. En orfèvrerie,
entrecroisement régulier de traits gravés en
creux ou en relief : Le guillochis qui orne le
fond d’un plat en vermeil. ‖ 2. Guillochis de
parterre, en horticulture, dessins entrelacés
faits dans des parterres avec des lignes de
buis ou de gazon.

guillochure [gijɔʃyr] n. f. (de guillocher ;


1887, Zola). Entrecroisement de traits gra-

vés en creux ; chacun de ces traits : De pro-


fondes guillochures.

guilloire [gijwar] n. f. (de guiller ; v. 1440,


Marquant, dans la loc. cuve à ghilloir,
guilloire ; comme n. f., milieu du XVe s.,
écrit ghiloire et ghilloire ; guilloire, 1700,
Liger). Dans la fabrication de la bière, cuve
où on laisse débuter la fermentation.

guillotinade [gijɔtinad] n. f. (de guillo-


tiner ; 13 févr. 1797, Message du Directoire
exécutif [cité dans Quemada, Matériaux,
2e série, n° 2, 1971, p. 120-121]). Action de
guillotiner ; exécution à l’aide de la guillo-
tine : L’abbaye de Picpus [...], dont les hôtes
entendaient les guillotinades de la barrière
du Trône-Renversé (Goncourt).

guillotine [gijɔtin] n. f. (de Guillotin, n.


d’un médecin [1738-1814] qui, en 1789,
avait demandé pour tout condamné à mort
le droit à la décapitation [alors réservée
aux nobles] et souhaité qu’une machine,
à l’action rapide, diminuât les souffrances
du patient ; 1790, Actes des Apôtres, au sens
1 ; sens 2, 1872, Larousse ; sens 3, 1857,
Flaubert ; sens 4, 1962, Larousse ; sens 5,
12 nov. 1968, le Monde). 1. Instrument de
décapitation servant, en France, depuis
1792, à exécuter la plupart des condamnés
à mort : À cet effet, chaque régiment mar-
chait avec la guillotine en tête (Stendhal).
Vous entendez, je le jure, je le jurerais
encore, la tête sous la guillotine (Zola). Il
n’a pas été nécessaire de dresser la guillotine
de 93 dans toutes les capitales d’Europe
pour que les principes républicains de 89
pénètrent partout, transforment tout : la
France avait ouvert une brèche, par laquelle
tous les peuples ont pu passer (Martin du
Gard). Il finira sur la guillotine. ‖ 2. Par
extens. La mort par la guillotine : Elle joua
ainsi pendant deux ans avec la guillotine
et ce fut miracle si elle y échappa (Renan).
‖ 3. Par anal. Fenêtre à guillotine, fenêtre
s’ouvrant au moyen d’un châssis glissant
entre deux rainures verticales : La ville de
Saint-Pierre-Port est fidèle à la reine, à la
Bible et aux fenêtres-guillotines (Hugo).
Nous jouissons d’une installation modèle.
Voici les monte-charge et la petite fenêtre
à guillotine par laquelle je peux surveiller
mon personnel (Duhamel). ‖ 4. Outil en
fer avec lequel le cordonnier tranche dans
la trépointe pour en régulariser l’épais-
seur. ‖ 5. Adjectiv. Se dit de toute mesure
qui tombe brutalement, comme le couperet
de la guillotine : Un examen guillotine.

• SYN. : 1 échafaud.

guillotiné, e [gijɔtine] adj. et n. (part.


passé de guillotiner ; 1790, Actes des
Apôtres). Se dit d’une personne décapitée
par la guillotine.

guillotinement [gijɔtinmɑ̃] ou guillo-


tinage [gijɔtinaʒ] n. m. (de guillotiner ;
1790, Actes des Apôtres). Action de guillo-
tiner. (Rare.)
• SYN. : guillotinade.

guillotiner [gijɔtine] v. tr. (de guillo-


tine ; 1790, Actes des Apôtres, au sens 1 ;
sens 2, av. 1902, Zola). 1. Trancher la tête
de quelqu’un au moyen de la guillotine :
Spectateurs tranquilles de la douleur, qui
regarderaient guillotiner en y cherchant
un effet de lumière (Hugo). ‖ 2. Décapiter
par tout autre moyen : Vous avez lu [dans
les journaux], cet homme qui a guillotiné
sa maîtresse d’un coup de rasoir ? (Zola).
& n. m. (av. 1841, Chateaubriand). Littér.
Action de guillotiner (rare) : Les bénins
spectateurs qui assistaient au guillotiner
des femmes s’attendrissaient sur les progrès
de l’humanité (Chateaubriand).

guillotineur [gijɔtinoer] n. m. (de guillo-


tiner ; 1792, Frey). Celui qui fait guilloti-
ner ou guillotine lui-même : J’ai toujours
rêvé d’être un guillotineur (Morand).

guimauve [gimov] n. f. (de gui-, croise-


ment d’une forme issue du lat. hibiscum,
sorte de mauve [gr. hibiskos, guimauve],
avec gui 1, et de mauve, n. f. [qui a été ajouté
à gui- pour empêcher une confusion de sens
avec gui 1] ; XIIe s., Godefroy, écrit widmalve
[guimauve, XIVe s., Antidotaire Nicolas], au
sens 1 ; sens 2, 1811, Chateaubriand [gui-
mauve, même sens, et « ce qui est douceâtre,
fade, banal », XXe s.]). 1. Plante herbacée de
la famille des malvacées, à fleurs d’un blanc
rose, qui pousse principalement dans les
marais et les prés humides et qui possède
des propriétés émollientes utilisées en phar-
macie. ‖ 2. Pâte de guimauve, ou simplem.
guimauve, pâte aux oeufs, molle et sucrée,
qui ne contient pas de guimauve : Il [le miel]
a la fermeté et la consistance de la pâte de
guimauve (Chateaubriand). Mou comme de
la guimauve ; au fig., ce qui est douceâtre,
fade, banal : Un amour, des sentiments,
un roman, une littérature à la guimauve.
La musique de ce compositeur, c’est de la
guimauve.

guimbarde [gɛ̃bard] n. f. (provenç. guim-


bardo, sorte de danse [début du XVIIe s.],
dér. de guimbá, sauter, gambader, folâtrer,
anc. provenç. guimar, bondir [milieu du
XIIe s.], du gotique *wimôn, se mouvoir rapi-
dement ; 1625, Muse normande, au sens
1 [« danse... » ; « chanson accompagnant
cette danse », av. 1660, Saint-Amant] ; sens
2, 1739, Carbasus ; sens 3, 1752, Trévoux ;
sens 4. 1671, Mme de Sévigné ; sens 5, 1771,
Trévoux ; sens 6, 1723, Savary des Bruslons ;
sens 7, 1862, V. Hugo). 1. Danse ancienne
sur un air à deux temps ; chanson accompa-
gnant cette danse : Là, chargés d’un pesant
mousquet | Qu’ils fassent bien soigneuse
garde, | Chantant auprès d’un tourniquet |
La robinette et la guimbarde (Saint-Amant).
‖ 2. Petit instrument ancien qu’on tenait
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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serré entre ses dents et dont on tirait le


son en faisant vibrer une languette d’acier
avec la main : Il [le gamin de Paris] joue du
flageolet, de la trompette à l’oignon et de
la guimbarde (Janin). ‖ 3. Ancien jeu de
cartes dans lequel la carte la plus impor-
tante était la dame de coeur. (On l’appelait
aussi la MARIÉE.) ‖ A ce jeu, la dame de
coeur elle-même. ‖ 4. Vx. Terme injurieux
pour désigner une femme : Ce n’étaient pas
les deux jeunes femmes, c’était la mère et une
guimbarde de Rennes, et les fils (Sévigné).
C’était autrefois un bien vilain mot que
« guimbarde » ; mais vous savez que les
mots et les idées changent souvent chez les
Français (Voltaire). ‖ 5. Petit rabot utilisé
en menuiserie et en ébénisterie pour apla-
nir le fond des creux. ‖ 6. Autref. Chariot
à quatre roues, long et couvert, qui ser-
vait pour le transport des marchandises.
‖ 7. Auj. et fam. Vieille voiture ou voiture
en mauvais état : Une espèce de guimbarde
qui tient le milieu entre la patache française
et la tartane valencienne (Gautier). Une
odeur de drap moisi s’évaporait dans l’obs-
curité de la guimbarde (Martin du Gard). Le
chemin de fer ne menait que jusqu’à Nîmes,
ou tout au plus à Remoulins, d’où quelque
guimbarde achevait le trimbalement (Gide).

guimberge [gɛ̃bɛrʒ] n. f. (moyen néerl.


wintberch, rampant d’un pignon ; 1561,
Delorme [le mot apparaît dès le milieu
du XIVe s., dans des textes wallons — de
la région de Namur —, sous la forme win-
bierge, avec le sens du moyen néerl.]). En
termes d’architecture, encadrement d’une
clef de voûte.

guimpage [gɛ̃paʒ] n. m. (de guimper ;


1962, Larousse, aux sens 1-2). 1. Dans le
textile, opération qui consiste à revêtir un
fil central de plusieurs fils pour obtenir un
fil fantaisie. ‖ 2. Dans la fabrication du
matériel électrique, isolation d’un fil de
cuivre par un revêtement de fils textiles.

guimpe [gɛ̃p] n. f. (francique *wimpil,


guimpe ; 1135, Godefroy, écrit guimple
[guimpe, 1564, J. Thierry], au sens 1 [pour
des femmes en général ; pour des religieuses,
v. 1240, G. de Lorris] ; sens 2 et 4, 1840,
Acad. ; sens 3, 1930, Larousse). 1. Morceau
de toile blanche couvrant le cou, la gorge,
et encadrant le visage, que portaient autre-
fois les veuves et qui subsiste encore dans
le costume de certaines religieuses : Elles
sont vêtues de noir, avec une guimpe qui,
selon la prescription expresse de saint Benoît,
monte jusqu’au menton (Hugo). ‖ 2. Petite
chemisette brodée, sans manches, que les
femmes portent sous une robe décolletée et
qui monte jusqu’au cou : Il [...] continuait à
marcher à demi penché sur elle, en lui chif-
fonnant avec sa tête la guimpe de son corsage
(Flaubert). Son coeur doit battre ardem-
ment sous le corsage à guimpe de dentelle
(Duhamel). ‖ 3. Ruche ou volant de dentelle
qui dépasse du décolleté d’une robe pour

l’ornementer ou le diminuer. ‖ 4. Fichu


pour dame, en dentelle ou en guipure.

guimper [gɛ̃pe] v. tr. (de guimpe [v. ce


mot] ; v. 1138, Gaimar, écrit guimpler
[guimper, XVIIe s.], au sens de « vêtir [une
femme] de la guimpe » ; sens actuel, 1962,
Larousse). Faire l’opération du guimpage :
Guimper des fils électriques.

guimperie [gɛ̃pri] n. f. (de guimpier ;


1858 [d’après Littré, 1877], au sens 2 ;
sens 1, 1900, Dict. général [« industrie du
guimpier », 31 juill. 1873, Journ. officiel]).
1. Fabrique de pièces de vêtement féminin
appelées « guimpes » ; industrie du guim-
pier. ‖ 2. Fil fabriqué selon l’opération du
guimpage, utilisé pour les galons et les
épaulettes.

guimpier, ère [gɛ̃pje, -ɛr] n. (de guimpe


[v. ce mot] ; fin du XIIIe s., au fém., écrit
guimpliere [au masc., écrit guimplier,
1494, Jal, Dictionnaire critique ; guimpier,
1581, Montand], au sens 1 ; sens 2, 1962,
Larousse). 1. Personne qui fabrique des
guimpes : Riches étoffes brodées d’or par les
guimpières de Lyon (Hamp). ‖ 2. Ouvrier
conduisant une machine à guimper.

1. guinche [gɛ̃ʃ] n. f. (déverbal de guin-


cher ; 1821, Desgranges, au sens 1 ; sens 2,
1841, et sens 3, 1879, Esnault). 1. Pop. Danse.
(Vieilli.) ‖ 2. Arg. et vx. Barrière de Paris
où se trouvaient les guinguettes. ‖ 3. Arg.
Guinguette, bal public : À la porte de cette
guinche, un municipal se dressait sur ses
ergots de cuir (Huysmans). Il avait vécu
mille nuits dans les bars, les guinches et les
bistrots (Carco).
• REM. Au sens 3, on peut noter une hési-
tation entre le masculin et le féminin.

2. guinche [gɛ̃ʃ] n. f. (déverbal de l’anc.


franç. guenchir [v. l’art. suiv.] ; v. 1225, Bueve
de Hantone, au sens de « dosse [planche] » ;
sens moderne, 1767, Garsault). Autref. Outil
de bois avec lequel le cordonnier polissait
le talon et la semelle.

guincher [gɛ̃ʃe] v. tr. et intr. (var. de


l’anc. franç. guenchir, obliquer, esquiver
[v. 1138, Godefroy], francique *wenkjan,
chanceler, vaciller ; 1821, Desgranges, au
sens de « danser au cabaret » ; sens actuel,
1866, Esnault). Pop. Danser : Si on allait
guincher une java ?

guindage [gɛ̃daʒ] n. m. (de guinder ;


1386, Zeller, au sens 4 ; sens 1 et 3, 1866,
Littré ; sens 2, 1773, Bourdé de Villehuet ;
sens 5, 1962, Larousse). 1. Action d’élever
des fardeaux quelconques au moyen d’une
guinde. ‖ 2. Élévation nécessaire pour éle-
ver un fardeau à la hauteur voulue : Le guin-
dage est insuffisant. ‖ 3. Dans la marine,
action de mettre en place les hauts mâts
d’un navire. ‖ 4. Ensemble des cordages,
des poulies qui servent à guinder. ‖ 5. En
termes de sellerie, action de guinder des
ressorts.

guindant [gɛ̃dɑ̃] n. m. (part. prés. subs-


tantivé de guinder ; 1643, G. Fournier, au
sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière ; sens 3, 1900,
Dict. général). 1. Hauteur d’un pavillon du
côté fixé à la hampe. ‖ 2. La plus grande
hauteur d’une voile hissée à la tête d’un
mât. ‖ 3. Hauteur à laquelle s’élève un mât
guindé sur un autre.

1. guinde [gɛ̃d] n. f. (déverbal de guinder ;


XIIIe s., au sens de « coiffure de femme » ;
sens 1, 1866, Littré ; sens 2, 1962, Larousse).
1. Grue à bras pour élever les fardeaux.
‖ 2. Au théâtre, cordage qui fixe les châssis
et les différents éléments du décor.

2. guinde [gɛ̃d] n. m. (abrév. de guindal,


même sens [1844, Esnault], d’origine incer-
taine ; 1954, Esnault). Arg. Verre à boire.

guindé, e [gɛ̃de] adj. (part. passé de guin-


der ; 1580, Montaigne, au fém., au sens de
« étroitement corsetée » [pour une femme] ;
au masc., au sens 1, 1666, Molière [substan-
tiv., av. 1857, Musset ; être guindé à cheval,
1866, Littré] ; sens 2, 1862, V. Hugo ; sens
3, 1883, Renan ; sens 4, 1654, Scudéry).
1. Qui a un maintien raide, peu naturel,
par affectation de dignité ou par embarras :
Un jeune garçon guindé dans un vêtement
neuf ; et substantiv. : Est-ce que, par hasard,
mon grand guindé de secrétaire se serait mal
acquitté de sa représentation ? (Musset).
‖ Être guindé à cheval, se tenir raide sur
son cheval, être mal à l’aise. ‖ 2. Qui est
marqué par une atmosphère d’affectation :
Les petits salons guindés de Montreuil-sur-
Mer (Hugo). ‖ 3. Qui exprime l’affectation
ou la gêne : La tenue raide et guindée qui est
devenue plus tard la règle du clergé français
(Renan). Son corps délicat, de grâce un peu
frêle et guindée (Gide). ‖ 4. Affecté, pom-
peux : Un style guindé, un ton guindé. Le
lyrisme nous était inconnu, nous n’avions
que les choeurs de Racine et les odes de Jean-
Baptiste Rousseau, qui aujourd’hui nous
semblent si froids et si guindés (Zola).

• SYN. : 1 affecté, compassé, contraint,


empesé, gourmé, pincé, raide ; 4 ampoulé,
apprêté, bouffi, boursouflé, étudié, maniéré,
précieux.

& guindé n. m. (av. 1848, Chateaubriand).


Littér. Comportement, style guindé : Le
guindé de ses manières, son aplomb, son
rigorisme d’étiquette conservent à ses
maîtres une noblesse qu’on perd trop aisé-
ment dans le malheur (Chateaubriand).

guindeau [gɛ̃do] n. m. (mot issu [par


substitution du suff. -eau à la terminai-
son -as] de l’anc. franç. vindas, guindeau
[v. 1155, Wace], windas, guindas [XIIe s.,
Tobler-Lommatzsch], anc. scand. vindáss,
cabestan, de vinda [v. GUINDER], et áss,
pieu, piquet ; 1660, Oudin). Petit cabestan
à axe horizontal pour lever ou mouiller
l’ancre : « Vire au guindeau ! »

guinder [gɛ̃de] v. tr. (anc. scand. vinda,


tourner, tordre, hausser ; v. 1155, Wace, écrit
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2294

winder et guinder, au sens 3 ; sens 1, 1668, La


Fontaine ; sens 2, av. 1696, La Bruyère ; sens
4-5, 1962, Larousse). 1. Vx et littér. Hisser
avec effort : Après avoir guindé Mergy sur
un cheval, non sans quelque peine, ils le
conduisirent chez le fameux chirurgien
(Mérimée). ‖ 2. Fig. et vx. Guinder haut,
hausser, élever à un niveau artificiellement
haut : Me voilà guindé bien haut sans m’en
être aperçu (Chateaubriand). ‖ 3. Auj.
Hisser au moyen d’une grue, d’une perche,
d’un guindeau : Guinder un canon sur le
pont d’un navire. Guinder un mât. ‖ 4. En
sellerie, enrouler, entrelacer et nouer des
cordes aux spires supérieures d’un ressort
pour former un ensemble qui s’affaisse et
remonte solidairement. ‖ 5. Au théâtre,
se servir d’une guinde pour attacher un
élément de décor.

& se guinder v. pr. (1573, Du Puys, au


sens de « se lancer en haut par un effort
d’agilité » ; sens 1, 1694, La Fontaine ; sens
2, 1663, Molière ; sens 3, 1837, Balzac ;
sens 4, 1690, Furetière). 1. Vx. Allonger
tout son corps pour se faire plus haut : Et
M. Bergeret alla tirer le tabouret [...], se
hissa dessus et parvint, en se guindant sur
la pointe des pieds [...], à toucher [...] le dos
d’un livre (France). ‖ 2. Fig. Essayer, par
de grands efforts, de s’élever artificielle-
ment jusqu’à un niveau moral, intellectuel
ou artistique qui vous dépasse : Ce qui
est humainement beau, ce n’est pas de se
guinder, c’est de s’adapter (Montherlant).
‖ 3. Devenir guindé : À partir de ce cha-
pitre, le style se guinde. ‖ 4. En termes de
fauconnerie, s’élever à perte de vue, en
parlant d’un oiseau.

guinderesse [gɛ̃drɛs] n. f. (de guinder ;


1525, Jal). Gros cordage employé dans la
marine et qui sert à guinder : Il [Gilliatt]
avait trouvé [...] une guinderesse au moyen
de laquelle il pouvait haler même les grosses
pièces de charpente (Hugo).

guinderie [gɛ̃dri] n. f. (de guinder ; 1676,


Mme de Sévigné). Class. Attitude affectée,
hautaine : Sa naïveté et sa jolie petite figure
nous délassent de la guinde-rie et de l’esprit
« fichu » de Mlle du Plessis (Sévigné).

1. guinée [gine] n. f. (angl. guinea,


guinée, de Guinea, Guinée, n. géogr., les
premières guinées ayant été frappées en
1663, pour le compte de la Compagnie de
Guinée, avec de l’or rapporté de ce pays ;
1669, Chamberlayne). Monnaie anglaise
ancienne valant vingt et un shillings, et
qui n’est plus, de nos jours, qu’une mon-
naie de compte : La ceinture contenait
quelques pièces d’or. Gilliatt compta vingt
guinées (Hugo). Il écrit à une charmante
et excellente femme, une amie de famille
sans doute, qui l’a tenu enfant sur ses
genoux, pour lui demander cinq guinées
(Baudelaire).
2. guinée [gine] n. f. (abrév. de toile de
Guinée [1666, M. Thévenot], toile guinée

[1687, Roussier] — de Guinée, n. géogr.,


parce qu’on se servait de cette toile comme
moyen de troc avec les indigènes de ce pays
—, loc. probablem. décalquées du néerl. ;
1692, Roussier, au sens de « toile de coton
blanche et fine qui vient des Indes orien-
tales » ; sens actuel, 1829, Boiste). Toile bleue
de coton.

guinéen, enne [gineɛ̃, -ɛn] adj. et n. (de


Guinée, n. géogr. ; 1872, Larousse [aussi
« habitant ou originaire de Guinée »]).
Relatif à la Guinée ; habitant ou originaire
de Guinée.

guinette [ginɛt] n. f. (de guigner [v. ce


mot], proprem. « [oiseau] qui cligne de
l’oeil » ; 1552, Rabelais, écrit guynette ;
guinette, 1858, Legoarant [var. guignette,
v. 1770, Buffon]). Nom ancien de la pintade.

guingan [gɛ̃gɑ̃] n. m. (portug. guingão


[milieu du XVIe s.], malais ginggang, sorte
d’étoffe ; 1701, Havard). Vx. Toile de coton
lisse à rayures blanches sur fond bleu
venant de Madras et Pondichéry.

guingois [gɛ̃gwa] n. m. (de l’anc. v. gin-


guer, sautiller [XVe s.], altér. de giguer, sauter
[XIVe s.], dér. de l’anc. franç. gigue, sorte
de mandoline, instrument de musique [v.
GIGOT] ; 1694, Acad., aux sens 1-2). 1. Vx.
Cheminement qui ne suit pas une ligne
droite, mais s’en écarte à chaque instant ;
fig. et littér. : Le guingois de leur imagi-
nation (Escholier). ‖ 2. Vx et littér. Trait,
ligne qui ne va pas droit : Le cadre pen-
chait fortement, dessinant des guingois sur
la muraille (Huysmans).

& De guingois loc. adv. et adj. (XVe s., Littré,


écrit de gingois ; de guingois, 1442, Godefroy
[au fig., fin du XVIIe s., Mme de Sévigné]). De
travers (au pr. et au fig.) : Marcher de guin-
gois. Des rues qui s’en vont tout de guingois.
Quelques dents blanches, plantées de guin-
gois (Colette). Son torse monstrueux, en
forme de barrique, semblait posé de guingois
sur les jambes, et la tête elle-même s’implan-
tait de guingois sur le torse (Duhamel). Il se
donnait le projet de croquer un détail, un
arbre, une maison de guingois, un profil
saisi au passage (Camus). Jamais je n’ai su
m’installer dans la vie. Toujours assis de
guingois, comme sur un bras de fauteuil,
prêt à me lever, à partir (Gide).

guinguenasse [gɛ̃gnas] n. f. (de nasse,


guinguenasse [gɛ̃gnas] n. f. (de nasse,
avec un premier élément d’origine incer-
taine [peut-être de la famille de guingois, v.
l’art. précéd.] ; 1866, Littré). En termes de
pêche, filet dormant à trois rets superposés.

1. guinguet, ette [gɛ̃gɛ, -ɛt] adj. (var.


de ginguet [v. GUINGUETTE] ; 1803, Boiste).
Syn. de GINGUET.

2. guinguet [gɛ̃gɛ] n. m. (abrév. de came-


lot guinguet, même sens [1730, Savary des
Bruslons] ; 1803, Boiste). Sorte d’étoffe de
laine fabriquée à Amiens, unie ou rayée.

guinguette [gɛ̃gɛt] n. f. (altér, du fém.


de l’adj. guinguet [v. ce mot], « trop court
ou trop étroit — d’un habit — » [1694,
Ménage], « médiocre, de peu de valeur —
d’un esprit, d’un ouvrage — » [1718, Acad.],
proprem. « maison de peu d’importance » ;
1697, Dict. général [aussi maison guinguette
au XVIIIe s.]). Cabaret populaire de ban-
lieue, où l’on boit, mange et danse les jours
de fête : La guinguette, sous la tonnelle |
De houblon et de chèvrefeuille, | Fête, en
braillant la ritournelle, | Le gai dimanche
et l’argenteuil (Gautier). Ils dormirent sur
l’herbe, burent du lait, mangèrent sous les
acacias des guinguettes (Flaubert). Partout
des guinguettes avec leurs tonnelles, les
petites tables, les montants de la balançoire
du même vilain vert de peinture (Daudet).
Une traînée de maisons joint la barrière de
Paris aux guinguettes dans les jardins de la
colline (Romains).

• SYN. : auberge, bastringue (vx), musette.

guinot [gino] n. m. (var. de guignot, même


sens [1767, E. Rolland, Faune, II, 177], dér.
de guigner [v. ce mot], proprem. « [oiseau]
qui cligne de l’oeil » ; 1834, Baudrillart).
Nom usuel du pinson.

guipage [gipaʒ] n. m. (de guiper ; 26 mai


1867, Moniteur universel, au sens de « gaine
de coton goudronné recouvrant une corde-
lette métallique » ; sens 1, 1878, Larousse
[aussi « travail en forme de guipure »] ; sens
2, 1888, Larousse). 1. Action de guiper :
Le guipage d’une frange. ‖ Résultat de
cette action, travail en forme de guipure.
‖ 2. Gaine, généralement en matière tex-
tile, qui entoure et isole un fil électrique.

guipé [gipe] n. m. (part. passé substantivé


de guiper ; 1757, Encyclopédie). Broderie
d’or ou d’argent en relief, exécutée avec
des fils de métal.
guiper [gipe] v. tr. (francique *wīpan,
envelopper de soie, etc., en filant ; 1350,
Godefroy, au sens 1 [« tordre avec le
guipoir », 1866, Littré] ; sens 2, 1845,
Bescherelle ; sens 3, XXe s.). 1. Passer un
fil de soie autour d’une torsade de fils.
‖ Tordre avec le guipoir : Guiper des
franges. ‖ 2. Faire en forme de guipure ;
faire du guipé : Tenant la broche sans tou-
cher au fil, elle guipait l’or, en le condui-
sant de droite à gauche, sur le vélin (Zola).
‖ 3. Entourer un fil électrique de fils
isolants.

guipoir [gipwar] n. m. (de guiper ; 1723,


Savary des Bruslons). Outil dont se sert le
passementier pour faire des torsades, pour
guiper. (On dit aussi GUIPON.)

guipon [gipɔ̃] n. m. (du francique *wisp,


bouchon de paille ; 1342, Godefroy, écrit
guippon, au sens de « goupillon » ; sens
actuel, fin du XVIIe s. [écrit guispon ; gui-
pon, 1777, Jal]). Balai fait de chiffons fixés
au bout d’un manche, utilisé pour étendre
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2295

le goudron sur les bordages en vue du


calfatage.

guipure [gipyr] n. f. (de guiper ; 1393,


Dict. général, écrit ghippure [guipure,
XVIIe s.], au sens 1 ; sens 2, 1857, Flaubert).
1. Espèce de dentelle de fil ou de soie dont
les motifs de broderie sont assez clairse-
més, utilisée notamment dans la confection
de rideaux et de stores d’ameublement :
Portant [...], sur ses cheveux châtains, un
simple fichu de guipure (Flaubert). Oh ! je
voudrais bien voir les guipures dont vous
me parlez, c’est si joli le point de Venise,
s’écriait-elle ; d’ailleurs j’aimerais tant
aller à Venise (Proust). Dans une lumière
de jour finissant, qu’adoucissaient encore
les rideaux de guipure (Martin du Gard).
Jeanne était vêtue d’une jupe et d’un corsage
de drap marron clair, avec un col montant
de guipure (Romains). ‖ 2. Ce qui se pré-
sente sous forme de réseau léger, comme
la guipure ou la dentelle : La rosée avait
laissé sur les choux des guipures d’argent
avec de longs fils clairs (Flaubert).

guirlandage [girlɑ̃daʒ] n. m. (de guir-


guirlandage [girlɑ̃daʒ] n. m. (de guir-
lande ; 1962, Larousse). Enveloppe de fils
textiles enroulés en hélice autour d’un câble
électrique pour obtenir son isolement.

guirlande [girlɑ̃d] n. f. (ital. ghirlanda,


guirlande [fin du XIIIe s.], empr. de l’anc.
provenç. guirlanda, couronne faite de
fils de métal, surtout d’or battu [début du
XIIIe s.], var. de garlanda [même date], qui
correspond à l’anc. franç. garlaunde, même
sens [fin du XIIe s.], garlende [XIIIe s.], du
francique *weara [d’où les formes en ga-],
devenu au IXe s. *wiera [d’où les formes
en gui-], anc. francique *wiara, guirlande
de fil d’or [v. aussi GALANDAGE] ; 1552,
Ronsard, au sens 1 [var. guerlande, fin
du XIVe s., Chr. de Pisan] ; sens 2, 1872,
Larousse ; sens 3, 1838, Musset ; sens 4,
1835, Acad. ; sens 5, XXe s. ; sens 6, 1704,
Trévoux). 1. Chaîne lâche et flexible de
fleurs, de feuillage, de verdure naturelle
ou artificielle, de papier découpé à jours
ou d’éléments divers que l’on suspend
comme ornement : Des guirlandes de roses,
de lierre. Des guirlandes d’ampoules élec-
triques. Tendre des guirlandes dans une
pièce. Guirlandes du festin que pour un
soir on cueille (Lamartine). ‖ 2. Végétation
disposée en forme de guirlande : La vigne
pourvoyait au reste [du décor] en rideaux
de guirlandes (Colette). ‖ 3. Motif d’orne-
mentation représentant des feuillages ou
des fleurs entrelacés, en architecture, en
peinture ou en ameublement : Guirlande
de pierre. Un papier [d’ameublement] jaune
serin relevé dans le haut par une guirlande
de fleurs pâles (Flaubert). ‖ 4. Série de
personnes ou de choses disposées en files
plus ou moins onduleuses et décoratives,
comme les éléments d’une guirlande : On
discernait dans la pénombre crépusculaire
du salon, comme une guirlande d’hommes
et de femmes (Barbey d’Aurevilly). Les fri-

mas congelés sont les seules guirlandes | Qui


garnissent la roche où nous nous enfonçons
(Lamartine). Des guirlandes d’étoiles des-
cendaient du ciel noir au-dessus des pal-
miers et des maisons (Camus). ‖ 5. Fig.
Sans guirlandes, sans détails superflus,
sans enjolivement : Il me raconte ainsi
ses faits et gestes, sans commentaires, sans
guirlandes (Colette). ‖ 6. Sur les navires
en bois, ensemble de pièces de liaison en
forme de V qui relient l’étrave aux cein-
tures et aux bordés de l’avant.

• SYN. : 1 feston.

guirlandé, e [girlɑ̃de] adj. (de guirlande ;


guirlandé, e [girlɑ̃de] adj. (de guirlande ;
1611, Cotgrave). Littér. Orné de guirlandes,
de végétation en guirlande, d’ornements en
forme de guirlande : Des terrasses guirlan-
dées de vignes luxuriantes (Gautier).

• SYN. : festonné.

guisarme [gizarm] n. f. (francique


*wîsarm, sorte d’arme ; fin du XIe s., Gloses
de Raschi, écrit jusarme ; guisarme, v. 1150,
Godefroy [aussi gisarme, v. 1155, Wace]).
Arme d’hast à fer asymétrique prolongé
par un ou deux crochets latéraux, qui servit
du XIIe au XVe s. : Autour des rondaches
[...] rayonnaient flamberges [...], fauchards,
guisarmes (France).

guisarmier [gizarmje] n. m. (de gui-


sarme ; XVe s., Godefroy). Soldat armé
d’une guisarme.

guise [giz] n. f. (germ. *wîsa, manière,


façon ; v. 980, Passion du Christ, écrit wise ;
guise, 1080, Chanson de Roland ; à ma, ta,
etc., guise, v. 1196, J. Bodel). Vx et littér.
Manière, façon : La tortue enlevée [en l’air
par les deux canards], on s’étonne partout
| De voir aller en cette guise | L’animal
lent et sa maison (La Fontaine). Selon les
guises des Éros ingénieux (France). ‖ Auj.
Ne s’emploie plus que dans l’expression à
ma, ta, etc., guise, comme il me, te, etc.,
plaît : Chacun agit à sa guise. Joseph haus-
sait les épaules et n’en faisait qu’à sa guise
(Duhamel).

& À guise de, à la guise de loc. prép. (1080,


Chanson de Roland [à la guise de ; à guise
de, v. 1155, Wace]). Class. et littér. À la
manière de : Ainsi donc la cruelle, à guise
d’un éclair, | En me frappant les yeux a dis-
paru en l’air (Corneille). Les femmes vont la
tête nue ou enveloppée d’un mouchoir à la
guise des laitières de Paris (Chateaubriand).
& De guise que loc. conj. (1678,
La Fontaine). Class. De telle manière que :
Le sage l’aura fait par tel art et de guise |
Qu’on le pourra porter peut-être quatre pas
(La Fontaine).

& En guise de loc. prép. (v. 1050, Vie de


saint Alexis, au sens de « à la façon de » ;
sens actuel, 1651, Scarron). Pour servir de,
pour jouer le même rôle que : On étend
des haïks en guise de nappes (Fromentin).

guitare [gitar] n. f. (anc. provenç. gui-


tarra, guitare [XIIIe s.], ar. qîtâra, empr.

du lat. cithara, cithare, gr. kithara, même


sens ; 1360, Gay, écrit guitarre [guitare,
1373, Gay], au sens 1 [guitare espagnole,
1872, Larousse ; guitare électrique, guitare
hawaïenne, XXe s.] ; sens 2-3, 1866, Littré).
1. Instrument de musique à cordes pin-
cées et à caisse plate, du genre du luth :
Au son des guitares d’Es-pagne, | Ma voix
longtemps le célébra (Heredia). ‖ Guitare
espagnole, guitare à cinq cordes. ‖ Guitare
électrique, guitare de grandes dimensions
dont le son est amplifié par le courant élec-
trique. ‖ Guitare hawaïenne, instrument
dont les cordes pincées émettent des sons
gémissants. ‖ 2. Vx et fig. Chose trop
souvent répétée et devenue ennuyeuse :
Ah çà, tu crois donc que j’écoute toutes
les guitares que tu me grattes depuis une
heure ? (Huysmans). Mais si ! Je crois à
toutes les guitares en question (Farrère).
‖ 3. Assemblage de pièces de bois courbes
utilisé dans la construction des toits des
lucarnes.

• SYN. : 2 antienne, chanson, refrain,


rengaine.

guitariser [gitarize] v. intr. (de guitare ;


1646, Scarron). Vx. Jouer de la guitare : Il
pense quand la nuit il a guitarisé, | Que j’en
ai tout le jour le coeur martyrisé (Scarron).

guitariste [gitarist] n. (de guitare ; 1829,


Boiste). Musicien, musicienne qui joue de
la guitare : Deux guitaristes pinçaient dis-
traitement les cordes de leurs instruments
(Theuriet).

guiterne [gitɛrn] n. f. (altér., difficile à


expliquer, de l’anc. provenç. guitarra, gui-
tare [v. GUITARE] ; v. 1265, J. de Meung,
au sens 1 ; sens 2, 1694, Th. Corneille).
1. Guitare ancienne : Il s’étudiait à jouer
de la guiterne afin d’en gagner son pain
(Sorel). ‖ 2. Vx. En termes de marine,
arc-boutant qui soutient en arrière une
machine à mâter.

guit-guit [gigi] n. m. (onomatop. redou-


blée [plutôt que mot de la même famille que
guilleri, v. ce terme] ; 1760, Brisson). Petit
passereau d’Amérique tropicale, dont le
mâle a le plumage bleu vif et noir.

guitoune [gitun] n. f. (ar. maghrébin


gītūn, tente, ar. class. qaitūn ; v. 1860-1870,
au sens 1, et 1914, au sens 2, Esnault ; sens
3, milieu du XXe s.). 1. Arg. mil. Tente de
campement : Le caporal Gilieth surveillait
et aidait ses hommes qui installaient les
guitounes devant les écuries (Mac Orlan).
‖ 2. Pendant la Première Guerre mondiale,
abri de tranchée : Il s’est extrait de l’escalier
de la guitoune (Barbusse). ‖ 3. Tente, en
général : Une guitoune de campeur.

guivre [givr] n. f. (lat. pop. *wipera, altér.


[sous l’influence des nombreux mots germ.
commençant par w-] du lat. class. vipera,
vipère ; 1080, Chanson de Roland, au sens
1 ; sens 2, av. 1885, V. Hugo ; sens 3, 1581,
Bara [var. wivre, même sens, début du
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2296

XVIe s.]). 1. Vx. Serpent fantastique : C’est


lui, et pas un autre, qui assomma la guivre
de Milan (Flaubert). ‖ 2. Sa représentation
dans les arts décoratifs : L’âpre averse en
fuyant vomit sur les griffons ; | Et, sous la
pluie entrant par les trous des plafonds, | Les
guivres, les dragons, les méduses, les drées
| Grincent des dents au fond des chambres
effondrées (Hugo). ‖ 3. En héraldique,
serpent monstrueux avalant un enfant ou
un homme : L’héraldique bétail, | Licorne,
léopard, alérion ou guivre (Heredia). Une
guivre griffue, rugueuse, papelonnée
d’écailles [...] produit un excellent effet
(Gautier).

• SYN. : 1 vouivre.

• REM. La forme GIVRE donnée comme


erreur par le Dictionnaire général est
pourtant dans Furetière (1690), Littré
(1866), etc.

guivré, e [givre] adj. (de guivre ; 1671,


Pomey, comme terme de blason, pour qua-
lifier des pièces sinueuses, avec des entailles
faites d’angles rentrants et sortants [var.
vivré, 1611, Cotgrave] ; sens actuel, 1690,
Furetière [écrit givré ; guivré, XVIIIe s.]).
En héraldique, se dit d’un attribut se ter-
minant par une tête de serpent dévorant
un enfant.

guizada [gizada] n. m. (mot probablem.


d’origine méridionale, dér. du moyen pro-
venç. guiza, « motif — décoratif — » [milieu
du XIVe s.], lui-même issu, par spécialisa-
tion sémantique, de l’anc. provenç. guiza,
manière, façon, francique *wîsa [v. GUISE] ;
1962, Larousse). Petits gâteaux dentelés, à
la semoule et aux oeufs.
guizotia [gizɔtja] n. m. invar. (mot du lat.
scientif. moderne, tiré, pour rendre hom-
mage à cet homme politique français, du
n. de François Guizot [1787-1874] ; 1872,
Larousse, écrit guizotie ; guizotia, XXe s.).
En botanique, composée herbacée, origi-
naire d’Afrique, à feuilles opposées et à
fleurs jaunes.

gulaire [gylɛr] adj. (dér. savant du lat. gula


[v. GUEULE] ; 1842, Acad.). En zoologie,
qui avoisine la gueule : Certains poissons
portent à la gorge des plaques gulaires.

gulden [gulden] n. m. (allem. Gulden, flo-


rin ; 1771, Trévoux). Unité monétaire prin-
cipale des Pays-Bas : On tomba d’accord à
un gulden vingt-cinq (Van der Meersch).
[On dit aussi GUILDER.]

gulf stream [goelfstrim] n. m. (mot angl.,


de gulf, golfe [empr. du franç. golfe], et de
stream, courant [mot anglosaxon] ; 1803,
Volney, au sens 1 ; sens 2, XXe s.). 1. Courant
chaud de l’océan Atlantique : Le Cloud Ring
a pour fonction de refroidir le tropique, de
même que le Gulf Stream a pour fonction
de réchauffer le pôle (Hugo). [En ce sens,
s’écrit avec deux majuscules.] ‖ 2. Par
extens. et littér. Courant chaud : Ils se pres-
saient avec une abondance tropicale, comme

portés du sud par quelque gulf stream de


l’air (Ary-Leblond).

gulpe [gylp] n. f. (allem. Külpe, extrémité


épaissie ; 1611, Cotgrave). Syn. de GUSE.

gume [gym] n. f. (mot d’origine incer-


taine [de la même famille que gumène,
v. l’art. suiv.] ; v. 1320, Gestes des Chiprois,
écrit goume [gume, 1382, Compte du clos
des Galées de Rouen], au sens de « câble de
l’ancre » ; sens moderne, XVIIe s., Jal). Dans
la marine ancienne, câble de six cents pieds
de long composant le cordage de la fonde.

gumène [gymɛn] n. f. (lat. médiév. de


Marseille gumena, câble d’ancre [XIVe s.],
peut-être d’origine ar. ; 1552, Rabelais, au
sens 1 ; sens 2, 1690, Furetière). 1. Vx. Câble
d’ancre : Et de quelles royales gumènes de
pourpre et d’or les rais du soleil mouillaient
l’ancre de la nef souveraine, dans la lagune,
au couchant (Suarès). ‖ 2. Meuble de l’écu
figurant ce câble : Porte une ancre de sable
à la gumène d’or (Heredia).

• REM. On trouve aussi la graphie GO-


MÈNE (milieu du XVIe s.).
gummifère [gymifɛr] adj. (de gummi-,
élément tiré du bas lat. gumma, gomme
[v. GOMME], et de -fère, du lat. ferre, por-
ter ; 1845, Bescherelle). Qui produit de la
gomme : Arbre gummifère. (On dit aussi
GOMMIFÈRE.)

guna [gyna] n. f. (mot sanskr. ; 1962,


Larousse). En linguistique, degré du voca-
lisme de la racine, intermédiaire entre le
degré normal et le degré renforcé.

gunitage [gynitaʒ] n. m. (de guniter ;


1962, Larousse). Dans la construction,
procédé de revêtement par projection de
mortier fluide au moyen d’air comprimé
sous très forte pression.

gunite [gynit] n. f. (mot angl., dér. de gun,


arme à feu [anc. angl. gonne], à cause de
la manière dont le produit est projeté sur
la surface à enduire ; v. 1940). Mélange de
ciment et de sable, réalisé à l’état sec et
projeté à l’état de poudre par une machine
pneumatique sur la surface à enduire.

guniter [gynite] v. tr. (de gunite ; 1962,


Larousse). Revêtir par gunitage : Guniter
une façade.

guru n. m. V. GOUROU.

gus [gys] n. m. (abrév. pop. du prénom


Auguste [qui est également un n. de clown
dans la langue du cirque] ; 1954, Esnault,
aux sens 1-2 ; sens 3, v. 1960). 1. Arg. mil.
Soldat. ‖ 2. Pop. Individu : Qu’est-ce qu’il
fait là, ce gus ? ‖ 3. Faire le gus, faire des
pitreries. (Syn. FAIRE LE ZOUAVE.)

guse [gyz] n. f. (origine incertaine, peut-


être var. de gueuse [de fonte], par analogie
de forme ; 1611, Cotgrave). Pièce héraldique
qui est un tourteau de gueules. (On dit
aussi GULPE.)

gustatif, ive [gystatif, -iv] adj. (dér.


savant du lat. gustatum, supin de gustare,
goûter [v. GOÛTER] ; 1503, Chauliac [nerf
gustatif, 1690, Furetière, art. nerf]). Qui a
rapport au sens du goût : Lier en un fais-
ceau quelques sensations tactiles et gusta-
tives (Gide). ‖ Nerf gustatif, nom de deux
nerfs reliant les bourgeons de la langue à
l’encéphale.

gustation [gystasjɔ̃] n. f. (bas lat. gus-


tatio, action de goûter, plats d’entrée, de
gustatum [v. l’art. précéd.] ; 1530, Lefèvre
d’Étaples). Action de percevoir les
saveurs (rare) : La langue est l’organe de
la gustation.

gut [gyt] n. m. (mot angl. signif. proprem.


« intestin, boyau » [v. CATGUT] ; 1962,
Larousse). Fil de pêche fait de fibres de
soie artificielle agglutinées avec du vernis.

gutta-percha [gytaperka] n. f. (mot


angl., du malais getàh, gomme, et pertcha,
gommier ; 1845, Bonnafé). Substance plas-
tique et isolante, tirée du latex des feuilles
d’un arbre de Malaisie : Les poulies folles
faisaient claquer leurs lanières de cuir et de
gutta-percha (Gautier).

guttation [gytasjɔ̃] n. f. (dér. savant de


goutter, d’après le lat. gutta [v. GOUTTE 1] ;
1962, Larousse, aux sens 1-2). 1. Perte d’eau,
chez les plantes, par des organes épider-
miques appelés « hydatodes ». ‖ 2. Perte
de sève par une tige sectionnée.

• SYN. : 1 sudation.

guttiféracées [gytiferase] n. f. pl. (de


guttifère [v. l’art. suivant] et du suff. scien-
tif. -acées ; milieu du XXe s.). Famille de
plantes dialypétales, à feuilles opposées,
sans stipules, qui croissent dans les régions
tropicales. (On dit aussi GUTTIFÈRES [1806,
Wailly].) [Syn. CLUSIACÉES.]

guttifère [gytifɛr] adj. (de gutti- [élément


tiré du lat. gutta, v. GOUTTE 1] et de -fère [du
lat. ferre, porter] ; 1866, Littré). En miné-
ralogie, qui se présente sous la forme de
goutte : Quartz guttifère.

guttural, e, aux [gytyral, -o] adj. (dér.


savant du lat. guttur, -uris, gosier, gorge ;
1578, Léry, dans la loc. lettres gutturales,
lettres qu’on prononce du fond de la gorge
[v. sens 3] ; sens 1, 1611, Cotgrave ; sens 2,
av. 1850, Balzac ; sens 3, av. 1772, Duclos).
1. Qui appartient au gosier : Fosse guttu-
rale. Conduit guttural du tympan. ‖ 2. Qui
vient du gosier : Tout à coup, malgré le
bruit onduleux d’une robe, j’entends la
contraction gutturale d’un soupir violem-
ment réprimé (Balzac). Janine, entourée
de visages qui semblaient taillés dans l’os
et le cuir, assiégée de cris gutturaux, sen-
tit soudain sa fatigue (Camus). ‖ 3. Se dit
du langage, de la voix ayant une sonorité
rauque : Un chuchotement général, mêlé de
notes gutturales ou suraiguës (Fromentin).
Le Kabyle parlait vite, avec des gestes de
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2297

vieille femme, dans un beau langage gut-


tural (Daudet).

• SYN. : 2 et 3 dur, rude.

& gutturale adj. et n. f. (1866, Littré,


comme n. f. ; consonne gutturale, 1900,
Dict. général.). Consonne gutturale, ou gut-
turale n. f., consonne dont l’articulation se
fait par le relèvement du dos de la langue
contre le voile du palais : Quoi qu’elle dît,
elle adoucissait les gutturales les plus rudes
(Fromentin).

• REM. On préfère auj. l’appellation VÉ-


LAIRE (v. CONSONNE, art. spécial). Les
consonnes qualifiées autref. de gutturales
ne sont pas, en effet, prononcées avec la
gorge.

guyanais, e [gyijanɛ, -ɛz] adj. (de Guyane,


n. géogr. ; XXe s.). Relatif à la Guyane ; habi-
tant ou originaire de la Guyane.

guzla [gyzla] n. f. (ital. guzla, du serbo-


croate gusle, sorte d’instrument à corde ;
1791, Encycl. méthodique). Instrument de
musique à une ou deux cordes et à archet,
en usage dans les Balkans : Tout ce qu’il y a
de slave dans l’assemblée tressaille en recon-
naissant le son des guzlas, dont on entrevoit
à travers la verdure sombre les mandolines
à long manche (Daudet). Grattant l’aigre
guzla qui rythme un air farouche (Heredia).

gy ! interj. V. JY !

gym [ʒim] n. f. (1878, Esnault). Fam.


Abrév. de GYMNASTIQUE, n. f. : Faire de
la gym tous les matins. J’ai deux heures de
gym aujourd’hui.

gymkhana [ʒimkana] n. m. (mot angl.


[milieu du XIXe s.] désignant une exhibition
athlétique, issu du croisement de gymnastic
[empr. du franç. gymnastique] et de l’hindî
gendkhāna, salle de jeu de balle ; 1901, Fr.
Mackenzie, au sens 1 ; sens 2, milieu du
XXe s.). 1. Autref. Garden-party comportant
des épreuves sportives, des jeux d’adresse,
des courses d’animaux : S’il est bien juste
que la naissance offre à chacun des chances
inégales, comme un gymkhana où l’un
part guidant une autruche et l’autre un
cochon d’Inde (H. Fauconnier). ‖ 2. Auj.
Ne s’emploie plus que pour désigner une
épreuve dans laquelle des voitures ou des
motocyclettes doivent accomplir un par-
cours hérissé de difficultés, en réalisant le
meilleur score, qui tient compte du temps
effectué et des fautes commises.

gymn(o)- [ʒimn(o)], élément tiré du gr.


gumnos, nu, non vêtu, non couvert, qui
entre, comme préfixe, dans la composition
de nombreux mots savants.

gymnase [ʒimnaz] n. m. (lat. gymna-


sium, lieu public, chez les Grecs, destiné
aux exercices du corps, école philosophique
[les réunions philosophiques se faisant sous
les portiques ou dans les gymnases], lieu
de réunion pour causeries, gr. gumnasion,
lieu public pour les exercices du corps, de

gumnazein, mettre à nu pour les exercices


du corps, dér. de gumnas, qui s’est mis à
nu pour la lutte, de gumnos, nu, non vêtu,
non couvert ; fin du XIIe s., écrit gynnasy
[gynaise, v. 1378, J. Le Fèvre ; gymnase,
1704, Trévoux], au sens 1 ; sens 2, 1772,
J.-J. Rousseau [« ensemble des appareils
qui servent à ces exercices », XXe s.] ; sens
3 [« établissement d’enseignement secon-
daire, d’instruction classique »], 1596,
Hulsius [écrit gymnase]). 1. Dans l’Anti-
quité, endroit public où on s’adonnait aux
exercices du corps, où on se promenait et
où on discutait : Les philosophes barbus
déclamaient contre elle dans les bains et
dans les gymnases (France). ‖ 2. Auj. Salle
ou établissement destinés à la pratique des
exercices propres à développer et fortifier
le corps : Dans tout collège, il faut établir
un gymnase (Rousseau). ‖ Par extens.
Ensemble des appareils qui se trouvent
dans cette salle pour pratiquer ces exer-
cices : On a déménagé le gymnase. ‖ 3. En
Allemagne et en Suisse, école d’enseigne-
ment secondaire : Il était professeur dans
le gymnase dont les élèves ont commencé
la révolte (Balzac).

gymnasiarque [ʒimnazjark] n. m.
(lat. gymnasiarchus, chef du gymnase, gr.
gumnasiarkhos, citoyen d’Athènes élu pour
s’occuper d’un gymnase, surveillant d’un
gymnase, de gumnasion [v. l’art. précéd.], et
de arkhein, guider, commander ; 1530, Dict.
général, au sens de « directeur d’école » ;
sens 1, début du XVIIIe s. ; sens 2, milieu du
XIXe s.). 1. Dans la Grèce ancienne, magis-
trat à qui étaient dévolues l’organisation et
la surveillance des gymnases. ‖ 2. Auj. et
littér. Professeur de gymnastique ou gym-
naste professionnel : Elle s’amusait, tout en
parlant, à plier et à allonger l’une et l’autre
de ses jambes avec une dextétérité retenue
de gymnasiarque (Martin du Gard).

• SYN. : 2 gymnaste.

gymnasiarquie [ʒimnazjarki] n. f.
(gr. gumnasiarkhia, office de gymna-
siarque, surveillance d’un gymnase, de
gumnasiarkhos [v. l’art. précéd.] ; XXe s.).
Dans l’Antiquité grecque, dignité de
gymnasiarque.

gymnaste [ʒimnast] n. (gr. gumnastês,


maître de gymnastique, de gumnazein
[v. GYMNASE] ; XVIe s., comme adj., écrit
ginaste [gymnaste, 1611, Cotgrave], au sens
de « habile dans les exercices » ; comme
n., au sens 1, 1721, Trévoux ; sens 2, 1866,
Littré [Gymnaste, n. pr. d’un écuyer, 1534,
Rabelais]). 1. Dans l’Antiquité grecque,
celui qui, dans le gymnase, dirigeait
les exercices de gymnastique. ‖ 2. Auj.
Personne qui pratique assidûment les
exercices de gymnastique : C’était un
mobilier complet de sport-boy et de petit
gymnaste : trapèze, cordes, barres, poids,
haltères (France). Cette posture surnom-

mée par l’argot des gymnastes le grand écart


(Bourget).

• SYN. : 2 gymnasiarque (littér.).

gymnastique [ʒimnastik] adj. (lat. gym-


nasticus, gymnastique, gr. gumnastikos,
qui concerne les exercices du corps [et, au
fém. substantivé gumnastikê, « la gym-
nastique »], de gumnazein [v. GYMNASE] ;
v. 1361, Oresme [pas gymnastique, 1872,
Larousse]). Relatif aux exercices du corps,
à la pratique du gymnaste (rare) : Exercices
gymnastiques. ‖ Pas gymnastique, pas de
course modéré et cadencé : Prendre le pas
gymnastique. Une escouade de sergents de
ville passa près de lui, au pas gymnastique
(Martin du Gard). [On écrit aussi parfois
PAS DE GYMNASTIQUE : Il sauta de voiture
et gagna le pont au pas de gymnastique
(Martin du Gard).]

& n. f. (sens 1, v. 1361, Oresme ; sens 2,


1721, Trévoux [gymnastique rythmique,
médicale, correctrice, XXe s.] ; sens 3, 1778,
Diderot [« exercice de virtuosité intellec-
tuelle », av. 1902, Zola]). 1. Art de fortifier
et d’assouplir le corps par des exercices
appropriés : Professeur de gymnastique.
Cours de gymnastique. ‖ 2. Ensemble des
mouvements qu’une personne exécute
pour pratiquer cet art : Faire sa gymnas-
tique quotidienne. ‖ Par anal. Ensemble
de mouvements plus ou moins bizarres
ou acrobatiques : Il se livrait à toute une
gymnastique pour se faufiler dans la foule.
‖ Gymnastique rythmique, ensemble
d’exercices de souplesse dont la cadence
est harmonisée avec un accompagne-
ment musical. ‖ Gymnastique médicale,
ensemble de techniques gymniques uti-
lisées en médecine dans un dessein thé-
rapeutique. ‖ Gymnastique correctrice,
mouvements destinés à corriger une
insuffisance respiratoire ou à assouplir des
articulations raidies. ‖ 3. Fig. Ensemble
d’exercices destinés à assouplir, à déve-
lopper telle ou telle faculté intellectuelle :
Gymnastique de la mémoire. Elle [la rosse-
rie] n’est qu’une gymnastique de l’esprit. Elle
nous est nécessaire comme l’habit (Renard).
Autour des propos décousus que celui-ci
laissait échapper, l’esprit actif d’Antoine se
livrait à une incessante gymnastique intel-
lectuelle (Martin du Gard). ‖ Exercice de
virtuosité intellectuelle : Toute l’oeuvre
écrite ou parlée de ce poète [Th. Gautier]
a été une gymnastique étourdissante sur le
terrain du paradoxe (Zola).

• SYN. : 1 éducation physique, entraînement,


gymnique.

gymnique [ʒimnik] adj. (lat. gymnicus,


gymnique, de lutte, gr. gumnikos, qui
concerne les exercices du corps, dér. de
gumnos, nu, non vêtu, non couvert ; 1542,
Dolet, au sens 1 ; sens 2, milieu du XXe s.).
1. Qui a rapport aux exercices exécutés
dans l’Antiquité par des athlètes nus :
Aux deux façades s’élèvera un fronton cou-
vert de magnifiques sculptures, et je ferai
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2298

régner autour du monument une frise où


nous représenterons les jeux gymniques
des Anciens (Balzac). ‖ 2. Auj. Relatif à la
gymnastique : Les techniques gymniques.
& n. f. (v. 1740, d’après Trévoux, 1752).
Science des exercices du corps propres
aux athlètes.

• REM. L’adjectif gymnique, dans le fran-


çais contemporain, correspond au nom
gymnastique. L’adjectif gymnastique n’est
guère employé. Le nom gymnique, par
contre, est très peu employé en face de
gymnastique.

gymno-. V. GYMN(O)-.

gymnoblaste [ʒimnɔblast] adj. (de


gymno- et de -blaste, gr. blastos, germe,
rejeton ; 1866, Littré). Se dit des plantes
dont l’embryon n’est pas enfermé dans
un sac.

gymnocarpe [ʒimnɔkarp] adj. (de


gymno- et de -carpe, gr. karpos, fruit ; 1827,
Acad.). Se dit de plantes dont les fruits ne
sont soudés avec aucun organe accessoire.

gymnogyne [ʒimnɔʒin] adj. (de gymno-


et de -gyne, gr. gunê, femelle ; 1866, Littré).
Se dit de plantes qui portent des ovaires
nus.

gymnosomes [ʒimnɔzom] n. m. pl. (de


gymno- et de -some, gr. sôma, corps ; 1866,
Littré, comme adj., au sens de « qui a le
corps nu » [en zoologie] ; comme n. m. pl.,
au sens actuel, 1962, Larousse). Sous-ordre
de mollusques dont le corps est dépourvu
de coquille à l’état adulte.

gymnosophiste [ʒimnɔsɔfist] n. m.
(lat. gymnosophistae, n. m. plur., les gym-
nosophistes [peuple de l’Inde], gr. gumno-
sophistai, n. m. plur., sages de l’Inde qui
vivaient nus, de gumnos, nu, et sophistês,
philosophe, sage [v. soPHISTE] ; fin du
XVe s., Godefroy). Nom donné par les Grecs
anciens aux membres d’une secte hindoue
qui ne portaient pas de vêtement et vivaient
en ascètes et dans la contemplation.

gymnospermé, e [ʒimnɔspɛrme] adj.


(du gr. gumnospermos [v. l’art. suiv.] ; 1872,
Larousse). Se dit d’une plante qui a les
semences à nu.

gymnospermes [ʒimnɔspɛrm] n. f. pl.


(de l’adj. gr. gumnospermos, dont les graines
sont nues, non enveloppées, de gumnos, nu,
non couvert, et sperma, semence, grain ; av.
1778, J.-J. Rousseau). Sous-embranchement
des phanérogames comprenant des arbres
et des arbrisseaux à ovules et graines nus.
(Au sing. : une gymnosperme.)

gymnote [ʒimnɔt] n. m. (lat. scientif.


moderne gymnotus, pour *gymnonotus,
du gr. gumnos, nu, et nôtos, dos, proprem.
« au dos nu » [le gymnote étant dépourvu
de nageoires dorsales] ; 1771, Schmidlin).
Poisson des eaux tranquilles du bassin de
l’Amazone, qui ressemble à une grosse

anguille et qui produit de puissantes


décharges électriques : Comme Humboldt
dut examiner le premier gymnote électrique
qu’il vit en Amérique (Balzac).

• SYN. : anguille électrique.

gyn(o)- [ʒin(o)] ou gynéco- [ʒineko],


élément tiré du gr. gunê, gunaikos, femme,
femelle, et qui entre, comme préfixe, dans
la composition d’un grand nombre de
mots.

gynandre [ʒinɑ̃dr] adj. (de gynandrie ;


1866, Littré). Se dit d’une plante qui a les
étamines insérées sur le pistil ou l’ovaire.
• REM. On dit aussi GYNANDRIQUE (1866,
Littré).

gynandrie [ʒinɑ̃dri] n. f. (lat. scientif.


moderne gynandria, du gr. gunandros, être
de sexe douteux ou de double sexe, de gunê,
femme, femelle, et anêr, andros, homme,
mâle ; 1798, L. C. M. Richard, au sens 1 ;
sens 2, 1962, Larousse). 1. En botanique,
disposition de la fleur dans laquelle les
étamines sont soudées en un seul corps
sur le pistil. ‖ 2. Traits morphologiques de
la femme qui présente certains caractères
sexuels masculins.

gynandroïde [ʒinɑ̃drɔid] adj. et n. f. (du


gr. gunê, anêr, andros [v. l’art. précéd.], et
eidos, forme, apparence ; 1962, Larousse).
Se dit d’une femme qui présente des signes
de gynandrie.

gynandromorphe [ʒinɑ̃drɔmɔrf]
adj. et n. m. (du gr. gunê, anêr, andros [v.
GYNANDRIE], et morphê, forme ; 1872,
Larousse). Se dit des individus atteints de
gynandromorphisme.

gynandromorphisme [ʒinɑ̃drɔmɔr-
fism] n. m. (de gynandromorphe ; 1962,
Larousse). En biologie, combinaison des
deux sexes chez un même individu.

gynécée [ʒinese] n. m. (lat. gynaeceum,


appartement des femmes chez les Grecs, gr.
gunaikeîon, même sens, neutre substantivé
de l’adj. gunaikeîos, de femme, qui concerne
les femmes, dér. de gunê, gunaikos, femme,
femelle ; 1694, Th. Corneille, écrit gynae-
cée [gynécée, 1701, Furetière], au sens I, 1 ;
sens I, 2, 1761, J.-J. Rousseau ; sens II, 1845,
Bescherelle).

I. 1. Partie de la maison qui, chez les


Grecs anciens, était réservée aux femmes.
‖ 2. Appartements réservés aux femmes,
en particulier chez les musulmans : Ma-
rié, il l’était depuis douze ans, mais n’en
avait parlé à personne de son entourage
parisien, par une habitude orientale, ce
silence que les gens de là-bas gardent sur
le gynécée (Daudet).

II. Autre nom du pistil.

• SYN. : I, 2 harem.

gynéco-. V. GYN(O)-.

gynécographie [ʒinekɔgrafi] n. f.
(de gynéco- et de [radio]graphie ; 1962,
Larousse [gynécographie, « traité spécial sur
la femme » — 1872, Larousse —, était formé
de gynéco- et de -graphie, du gr. graphein,
écrire]). Radiographie des organes génitaux
internes de la femme.

gynécologie [ʒinekɔlɔʒi] n. f. (de gynéco-


et de -logie, du gr. logos, discours, science ;
1845, Bescherelle, au sens 1 [var. gynéolo-
gie, gynologie, 1826, Mozin] ; sens 2, 1907,
Larousse). 1. Science qui traite de la mor-
phologie, de la physiologie, de la pathologie
et de la psychologie de la femme : Professeur
chargé de la chaire de gynécologie à la
Faculté. ‖ 2. Spécialité de la médecine qui
s’occupe des maladies propres à la femme :
Ouvrir un cabinet de gynécologie.

gynécologique [ʒinekɔlɔʒik] adj. (de


gynécologie ; 1922, Larousse). Relatif à la
gynécologie : Un examen gynécologique.

gynécologue [ʒinekɔlɔg] ou gynéco-


logiste [ʒinekɔlɔʒist] n. (de gynécologie ;
gynécologue, 1845, Bescherelle, au sens de
« celui qui écrit un traité sur la femme »,
et 1907, Larousse, au sens actuel ; gyné-
cologiste, 1866, Littré). Médecin qui s’est
spécialisé dans la gynécologie.

gynécomaste [ʒinekɔmast] n. m. (gr.


gunaikomasthos, qui a des seins de femme,
de gunê, gunaikos, femme, et masthos
ou mastos, mamelle, sein ; 1866, Littré).
Homme dont les seins sont développés
comme ceux d’une femme.

gynécomastie [ʒinekɔmasti] n. f.
(de gynécomaste ; 1962, Larousse).
Développement anormal des seins chez
un homme.

gynécopathie [ʒinekɔpati] n. f. (de


gynéco- et de -pathie, du gr. pathos, ce qu’on
éprouve ; 1962, Larousse). Affection des
organes génitaux de la femme.

gynécophobie [ʒinekɔfɔbi] ou gyno-


phobie [ʒinɔfɔbi] n. f. (de gynéco-, gyno-,
et de -phobie, du gr. phobos, crainte ; 1962,
Larousse, pour les deux formes). Peur mala-
dive, chez certains nerveux, devant une
femme.

gynérium [ʒinerjɔm] n. m. (mot du lat.


scientif. moderne, du gr. gunê, femme,
femelle, et erion, laine, duvet ; 1872,
Larousse, écrit gynérion ; gynérium, XXe s.).
Plante poussant en touffes de 2 m de haut
et de 2 m de large, cultivée pour son épi
ornemental en panache : Des gynériums
aux tiges soyeuses (Baumann).

gypaète [ʒipaɛt] n. m. (mot composé


à l’aide des termes gr. gups, gupos, vau-
tour, oiseau de proie, et aetos, aigle ; 1800,
Daudin). Oiseau rapace diurne, vivant
dans les hautes montagnes, se nourris-
sant de charognes comme le vautour :
C’était l’heure où les aigles et les gypaètes
reviennent à leurs nids (Hugo).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2299

• SYN. : vautour barbu, vautour des


agneaux.

gypsage [ʒipsaʒ] n. m. (de gypse ; XXe s.).


Addition de gypse au ciment Portland pour
faciliter la prise.

gypse [ʒips] n. m. (lat. gypsum, pierre


à plâtre, plâtre, gr. gupsos, gypse, plâtre,
chaux vive ; v. 1250, Enfances Guillaume,
écrit gip ; XIVe s., Moamin, écrit gipse ; gypse,
1762, Acad.). Roche sédimentaire formée
de sulfate de calcium hydraté cristallisé, et
qui, fortement chauffée, donne le plâtre :
Cuvier n’a trouvé aucun vestige de ce genre
dans les gypses qui nous ont conservé tant
d’animaux antédiluviens (Balzac).

• SYN. : pierre à plâtre.

gypseux, euse [ʒipsø, -øz] adj. (de gypse ;


v. 1560, Paré). Qui est de la nature du gypse :
Roche gypseuse. Des vagabonds chassés des
trous de carrière de Montmartre, de leurs
domiciles gypseux (Arnoux).

gypsifère [ʒipsifɛr] adj. (de gypsi-, élé-


ment tiré de gypse, et de -fère, du lat. ferre,
porter ; 1811, Mozin). Qui contient du
gypse.

gypsographie [ʒipsɔgrafi] n. f. (de


gypso-, élément tiré de gypse, et de -gra-
phie, du gr. graphein, graver, écrire ; 1907,
Larousse, au sens 1 ; sens 2, 1962, Larousse).
1. Procédé permettant de tirer des estampes
d’un cliché en plâtre. ‖ 2. Estampe obtenue
par ce procédé.

gypsomètre [ʒipsɔmɛtr] n. m. (de


gypso-, élément tiré de gypse, et de -mètre,
gr. metron, mesure ; 1888, Larousse).
Appareil qui permet de mesurer la teneur
des vins en sulfate de potassium.

gypsophila [ʒipsɔfila] n. f. (mot du lat.


scientif. moderne, du lat. class. gypsum [v.
GYPSE], et du gr. philos, ami ; 1803, Boiste,
écrit gypsophile ; gypsophila, XXe s.). Plante
herbacée à fleurs roses veinées de rouge,
qui pousse sur les rocailles ou sur les murs.

gyr(o)- [ʒir(o)], élément tiré du gr. gûros,


cercle, rond, et servant à former un certain
nombre de mots.

gyrer [ʒire] v. intr. (empr. du bas lat. gyrare,


tourner [de gyrus, cercle, rond, gr. gûros,
mêmes sens], qui avait déjà donné l’anc.
franç. girer, tourner [v. 1230, Antéchrist] ;
1891, P. Louÿs). Littér. Tournoyer : Les fleurs
sur l’eau qui gyre au fil des fleuves en allées
(P. Louÿs).

gyrie n. f. V. GIRIE.

gyrin [ʒirɛ̃] n. m. (dér. savant du gr. gûros,


cercle, rond ; 1803, Boiste [le lat. gyrinus
— gr. gurînos, dér. de gûros — ne désignait
que le têtard de grenouille ou de crapaud]).
Insecte coléoptère qui décrit des cercles sur
la surface des eaux douces calmes.

gyrobus [ʒirɔbys] n. m. (de gyro- et de


[auto]bus ; 1962, Larousse). Autobus ou
autorail qui utilise l’énergie cinétique de
rotation d’un disque très lourd lancé à
grande vitesse pendant les arrêts.

gyrocompas [ʒirɔcɔ̃pa] n. m. (de


gyro[scope] et de compas ; 1922, Larousse).
Appareil d’orientation comprenant un
gyroscope entretenu électriquement,
et dont l’axe conserve une direction
invariable.

gyrofréquence [ʒirɔfrekɑ̃s] n. f. (de


gyro- et de fréquence ; 1968, Larousse). En
électronique, nombre de tours effectués
en une seconde par des électrons tournant
autour des lignes d’induction d’un champ
magnétique uniforme.

gyrohorizon [ʒiroɔrizɔ̃] n. m. (de


gyro[scope] et de horizon ; 1962, Larousse).
En aéronautique, instrument d’observation
formé par une cuvette contenant un liquide
dans lequel on observe l’image d’une étoile
réfléchie afin de mesurer le double de sa
hauteur au-dessus du plan de l’horizon.
• SYN. : horizon artificiel.

gyromagnétique [ʒirɔmaɲetik] adj. (de


gyro- et de magnétique ; 1968, Larousse).
Période gyromagnétique, en électronique,
temps que met une particule électrisée
pour accomplir un tour de sa trajectoire
circulaire. ‖ Rapport gyromagnétique,
quotient du moment magnétique d’une
particule par son moment cinétique.

gyromancie [ʒirɔmɑ̃si] n. f. (du gr. gûros,


cercle, rond, et de manteia, faculté de pré-
dire, divination, de manteuesthai, rendre
des oracles, prédire, dér. de mantis, devin,
prophète ; v. 1361, Oresme). Divination qui
consiste à tourner sur soi-même au centre
de quatre cercles concentriques où des
lettres sont distribuées au hasard, jusqu’à
ce qu’on tombe étourdi, en couvrant un
certain nombre de lettres qui servent de
base d’interprétation.

gyromètre [ʒirɔmɛtr] n. m. (de gyro-


et de -mètre, gr. metron, mesure ; 1888,
Larousse, au sens de « appareil ser-
vant à mesurer la vitesse de rotation des
machines » ; sens actuel, 1962, Larousse).
Appareil servant à indiquer les change-
ments de direction d’un avion.

gyropilote [ʒirɔpilɔt] n. m. (de gyro-


[scope] et de pilote ; 1962, Larousse).
Compas gyroscopique qui, actionnant par
relais les gouvernes de l’appareil, permet
le pilotage automatique des navires, des
avions, des fusées.

gyroptère [ʒirɔptɛr] n. m. (de gyro-,


d’après hélicoptère ; 1962, Larousse). Type
d’hélicoptère à grandes ailes tournantes et
à envol vertical.
gyroscope [ʒirɔskɔp] n. m. (de gyro- et
de -scope, du gr. skopeîn, observer ; 1852,
d’après Larousse, 1872, au sens 1 [appareil
créé et dénommé par le physicien Léon
Foucault, 1819-1868] ; sens 2, début du
XXe s. [gyroscope de stabilisation, 1968,
Larousse]). 1. Appareil qui sert à démon-
trer la rotation diurne de la Terre autour
de son axe, au moyen de la déviation, par
rapport à des points fixes pris sur le globe,
d’un corps librement suspendu par son
centre de gravité et tournant autour d’un
axe. ‖ 2. Dispositif qui permet d’assurer
la stabilité d’une torpille, d’un avion, d’un
sous-marin : Qu’importe [...] si tes journées
de travail s’écoulent à contrôler des mano-
mètres, à t’équilibrer sur des gyroscopes
(Saint-Exupéry). ‖ Gyroscope de stabili-
sation, gyroscope destiné à stabiliser une
fusée sur une trajectoire donnée.

gyroscopique [ʒirɔskɔpik] adj. (de gyros-


cope ; début du XXe s., au sens 1 [aussi effet
gyroscopique] ; sens 2, 1962, Larousse).
1. Relatif au gyroscope : Horizon gyrosco-
pique. ‖ Effet gyroscopique, tendance qu’a
tout corps lourd animé d’un mouvement de
rotation rapide autour d’un axe à s’opposer
à tout effort visant à modifier la direction
de son axe de rotation. ‖ 2. Équipé d’un
gyroscope : Système gyroscopique.

gyrostat [ʒirɔsta] n. m. (de gyro- et de


-stat, lat. status, action de se tenir debout,
attitude, pose, de statum, supin de stare,
se tenir debout ; 1917, Larousse). Nom de
tout solide animé d’un mouvement rapide
autour de son axe : La toupie, le gyroscope,
le diabolo, la Terre elle-même sont des
gyrostats.

gyrostatique [ʒirɔstatik] adj. (de gyros-


tat ; 1962, Larousse). Relatif au gyrostat.

gyrotrain [ʒirɔtrɛ̃] n. m. (de gyro- [stat]


et de train ; 1962, Larousse). Train monorail
où la stabilité des véhicules est assurée par
un gyrostat.

gyrovague [ʒirɔvag] adj. et n. m. (bas lat.


ecclés. gyrovagus, [moine] qui est en tour-
née, du bas lat. gyrare, tourner [de gyrus,
cercle, rond, gr. gûros, mêmes sens], et du
lat. class. vagus, vagabond, errant ; XVe s.,
écrit girovague [gyrovague, 1689, d’après
Trévoux, 1732], comme n. m. ; comme adj.,
1900, Dict. général). Vx et littér. Moine
gyrovague, ou un gyrovague, moine qui
errait de province en province en deman-
dant l’aumône : Un de ces religieux gyro-
vagues qui inquiétaient tant Saint-Benoît
(Huysmans). « Qui t’a enseigné la morale
et la théologie ? — Les moines maraudeurs,
les gyrovagues, les sarabaïtes » (Arnoux).
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2301

h
h [aʃ] n. m. 1. Huitième lettre de l’alpha-
bet français. (L’h initial peut être muet
ou aspiré ; en fait, dans les deux cas, il ne
représente aucun son, et l’h improprement
appelé « aspiré » n’a pour effet que d’em-
pêcher l’élision ou la liaison à l’intérieur
d’un groupe de mots : la hache [laaʃ], les
haches [leaʃ] ; si l’h est muet, il y a élision
ou liaison : l’heure [loer], les heures [lezoer].
Le groupe ch a tantôt le son [ʃ] : chose, clo-
cher, tantôt le son [k], dans des mots tirés
du grec : chrome. Le groupe ph a le son [f] :
philosophie.) [V. art. spécial.] ‖ 2. Dans
des langues autres que le français, indique
souvent la présence d’une aspiration.

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE

LA LETTRE « H »

La lettre h a plusieurs fonctions en


français.

• 1° L’« h aspiré » marque non pas l’as-


piration (v. ce mot, art. spécial), mais la
disjonction, c’est-à-dire qu’il s’oppose,
comme une consonne, à l’élision et à la
liaison (v. ces deux mots, art. spéciaux) :

le hibou [lə ibu],

des homards [de ɔmar].

Il peut figurer dans le corps d’un mot, où


il sépare deux voyelles en hiatus, que le
lecteur, souvent, pourrait prendre pour
un digraphe (fonction identique à celle
du tréma) :

trahir [trair] (et non [trɛr]),

cahute [kayt] (et non [kot]),

enhardir [ɑ̃ardir].

L’h aspiré peut noter cependant un véri-


table souffle dans la graphie de certains
mots onomatopéiques, comme les inter-
jections hein !, hem !, hum !, hola !, hélas !,
aha !, et les verbes haleter, hennir, hurler,
ahaner. Cette valeur est à ranger dans les
procédés expressifs ; elle ne fait pas partie
du système phonologique français.

• 2° L’« h muet » ne note aucun son et n’a


aucune influence sur la prononciation
dans une quantité de mots, qui, pour la
plupart, remontent à un mot écrit avec h
en latin :

l’homme (lat. hominem) : [lɔm],

des hivers (bas lat. hibernos) : [de zivɛr],

inhumer (lat. inhumare) : [inyme].

Pour certains mots, l’usage hésite


entre les prononciations « aspirée » et
« muette » : l’hyène (Acad.), la hyène (J.
et J. Tharaud) ; héros a l’h aspiré, héroïne
l’h muet ; le flottement affecte surtout les
noms propres : Hugo, Hitler.

• 3° Combiné avec t ou avec r, dont il ne


modifie pas la prononciation, h distingue
un radical grec dans beaucoup de mots
savants empruntés, où th correspond à la
lettre thêta (θ), et rhà la lettre rhô (ρ) :

thérapeutique (gr. therapeutikê),

prothèse (gr. prothesis), rhéteur (gr.

rhêtôr), cirrhose (gr. kirrhos).

• 4° Combiné avec p, il constitue le di-


graphe ph qui note le phonème [f] dans
des mots d’origine grecque où ph corres-
pond à la lettre phi (φ) : philosophie (gr.
philosophia).

• 5° Combiné avec c, il constitue le di-


graphe ch qui note :

— soit le phonème [ʃ] dans chat, bûche,


etc. ;

— soit le phonème [k] dans des mots


d’origine grecque où ch correspond à la
lettre khi (χ) :

chlore (gr. khlôros), écho (gr. ekhô).

Dans un certain nombre de ces mots


grecs, d’emploi très courant, les lettres
ch sont prononcées comme dans chat :
chimie, chirurgie. L’usage hésite pour
quelques-uns, comme Chiron.
• 6° L’h se rencontre seul ou combiné
avec toutes les consonnes dans une quan-
tité de mots étrangers non antiques, dont
la prononciation dépend plus ou moins
de la langue d’origine : Allah, bismuth,
Bouddha, brahmane, Cherubini, dahlia,
ghetto, méhari, menhir, raphia, rhum,
schah, shampooing, short, spath, typhon,
whig, etc.

Des ouvrages spécialisés indiquent la fa-


çon la plus recommandable de prononcer
ces mots (P. Fouché, Traité de prononcia-
tion française, 1956 ; L. Warnant, Dic-
tionnaire de la prononciation française,
1962).

Sur le problème phonologique que pose la


lettre h, voir l’article spécial ASPIRATION.

HISTORIQUE

La lettre phénicienne het (écrite ‫ ח‬ou


H) notait une spirante inconnue du grec
ancien, qui lui attribua des fonctions
nouvelles.

— Elle devint dès le VIIe s. av. J.-C. le


signe de la voyelle e longue et ouverte,
dont le son commençait son nom dans les
dialectes grecs (surtout d’Asie Mineure),
qui ignoraient toute aspiration initiale ;
ce fut la voyelle êta (H) du grec classique.

— Elle nota le souffle qu’on percevait


dans d’autres dialectes (par exemple à
Corinthe) à l’initiale vocalique de cer-
tains mots, vestige d’un s ou d’un yod
amuï. Quelques écritures anciennes asso-
ciaient d’ailleurs ce H, marque d’aspira-
tion, au H vocalique, dont les conditions
d’apparition n’étaient pas les mêmes. À

partir du Ier s. de notre ère, une graphie


tronquée du H devint l’« esprit rude »,
placé au-dessus de la ligne, et dont un
signe inverse, l’« esprit doux », nota
ensuite l’absence (M. Cohen, la Grande
Invention de l’écriture, p. 245).

— Dans les dialectes où H marquait l’as-


piration, cette lettre fut associée, très an-
ciennement, aux lettres pi (Π), kappa (K)
et même thêta (Θ) pour noter les aspirées
ph, kh et th qui n’existaient pas en sémi-
tique (J. G. Février, Histoire de l’écriture,
p. 390).

Les plus anciens documents étrusques,


contemporains des premiers documents
grecs, sont fidèles au modèle phénicien,
auquel s’ajoutera l’influence grecque : ils
notent donc par H l’aspiration. Un peu
plus tard apparaissent les premières ins-
criptions latines, où la lettre H avait la
même valeur, et était aussi associée à F,
consonne spirante ; elle sera par la suite
associée à P, C, T pour traduire les aspi-
rées grecques, étrangères au latin comme
à l’étrusque, cet emploi ne risquant pas
d’être confondu avec l’H aspiré du début
des mots.

Dans la graphie latine du Moyen Âge, l’h


fut conservé en principe, mais, comme il
n’était nullement prononcé, les scribes
mérovingiens l’ajoutaient quelquefois à
des mots qui n’en avaient que faire, écri-
vant heremita,« ermite » (lat. eremita, du
gr. erêmitês), d’après heres,« héritier », ou
hericio,« hérisson » (lat. ericio), d’après
heri,« hier ». Quand ils écrivirent les mots
germaniques, ils notèrent systématique-
ment par h l’aspirée initiale du francique :
helmus (francique *helm,« casque »),
hatire (francique *hatjan,« haïr ») ; la
prononciation de certains mots latins fut
modifiée sous l’influence de mots ger-
maniques du même sens, et l’on écrivit
haltus,« haut » (lat. altus), d’après le fran-
cique *hôh (cf. allem. hoch, angl. high), à
moins que cette aspiration n’ait une ori-
gine expressive, comme le pensait Meil-
let (Bull. de la Société de linguistique de
Paris, XXII).

Quand les scribes en vinrent à écrire le


français, ils notèrent l’h germanique,
que la prononciation faisait nettement
entendre, mais moins régulièrement l’h
latin, qui ne leur était suggéré que par
un instinct étymologique dont ils pou-
vaient être plus ou moins dépourvus :
des graphies comme ome, iver ne sont
pas rares dans les chansons de geste et les
romans courtois. Toutefois, les rapports
sémantiques inévitablement sentis entre
om(e) et homo, iver et hiems, ier et heri
par des scribes qui écrivaient plus sou-
vent en latin qu’en français firent rétablir
à la longue la plupart des h latins : home,
hiver, hier.

On relève souvent la graphie havoir,


d’après l’étymon habere ; au XVIe s.,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE


2302

Sylvius la recommandera dans toute la


conjugaison de ce verbe, Robert Estienne
seulement à la troisième personne (il)
ha pour la distinguer de la préposition
— marque rendue inutile par l’accent
grave mis sur celle-ci en 1533 par Mont-
flory. L’instinct étymologique, que ne
contrôlait aucune science, aucune idée
même des altérations phonétiques,
conduisait à écrire habundant pour
abundant d’après habere, heur (bon-
heur, malheur) pour eur (lat. augurium)
d’après hora (bona, mala hora), faute que
Robert Estienne reprendra à son compte
et que l’Académie immortalisera.

Dans un mot comme hui,« aujourd’hui »


(lat. hodie), le rétablissement de l’h sup-
primait l’ambiguïté de la graphie uià
une époque où la lettre U notait indif-
féremment la voyelle u ou la consonne
v (v. u, art. spécial). Cette commodité
graphique donna l’idée d’écrire huile
pour uile (lat. oleum), huis pour uis (lat.
ostium,« porte »), huit pour uit (lat. octo) ;
pour la même raison, on écrira au XVIe s.
huitre pour uitre (lat. ostrea). La même
commodité fit substituer hiebleàieble (lat.
ebulum), nom d’une plante qu’on pouvait
aussi bien lire *jèble (v. I, art. spécial).

Dans quelques mots latins comme vehere,


trahere, un h empêchait la contraction
de deux voyelles en une voyelle longue
ou une diphtongue ; sur ce modèle fut
intercalé un h dans des mots comme tra-
hir (anc. franç. trair, de *tradire, fausse-
ment rapproché de trahere), ahatir (pour
aatir,« défier »), ahier (pour aïer, doublet
de aidier), cahier (pour caier, du lat. qua-
terni,« groupe de quatre feuilles »).

L’h ne figurait dans les Serments de Stras-


bourg qu’associé au d(adiudha, cadhuna,
Ludher, Lodhuwig) pour noter une den-
tale spirante en voie d’amuïssement.
Dans la Cantilène de sainte Eulalie, h est
étymologique dans honestet ; le groupe
ch note le phonème [k] dans le pronom
chi, mais il note aussi l’affriquée [tʃ] dans
chielt (du v. chaloir, lat. calere) et chief
(lat. caput) : la solution était trouvée
au problème de graphie que posait une
consonne chuintante ignorée du latin,
issue de l’altération d’un c devant a, avec
spirantisation.
Les Latins, on l’a vu, avaient noté ph, ch et
th les consonnes aspirées du grec, qu’eux-
mêmes ne savaient prononcer que [f], [k]
et [t] ; ces graphies se perpétuèrent natu-
rellement quand les mêmes mots furent
empruntés au latin par l’ancien et le
moyen français. Les mêmes flottements
(trone/throne) s’observent que pour l’em-
ploi du h seul, et des erreurs du même
ordre : Robert Estienne écrira thalent le
mot talent (lat. talentum) que Budé ratta-
chait au grec ethelonthês.

L’emprunt, au XVIe s., de nombreux mots


gréco-latins, généralement scientifiques,

a eu pour conséquence une mode dont


J.-J. Scaliger s’est fait le témoin en 1583 :
les mots empruntés commençant par
hétaient prononcés par les ignorants avec
une aspiration fautive, d’ailleurs forcée,
« comme s’ils aboyaient ». À cette époque
remonte sans doute l’h, aujourd’hui dis-
jonctif, de mots comme halo, harpie, her-
nie, héros, hiérarchie, hile, où différentes
causes favorisaient le succès de la pro-
nonciation aspirée : sémantisme propice
à l’expressivité, influence de mots voisins
(hâle, harpe, hergne) où l’h est germa-
nique ; on parle d’un souci de différencia-
tion pour hile (cf. île) et pour héros (cf. des
zéros), mais, dans ce dernier cas, la meil-
leure explication est celle de Vaugelas :
confusion avec hérault.

Deux éditions du Dictionnaire de l’Aca-


démie ont simplifié l’usage de la lettre h :
— la quatrième (1762), qui remplaçait par
exemple thrône par trône, patriarchal par
patriarcal ;

— la septième (1878), qui allégeait des


mots trop chargés en h, comme rhythme,
phthisie,écrits désormais rythme, phtisie.
La suppression de tous les hétymolo-
giques est une mesure souvent proposée
par les réformateurs, par exemple Fir-
min-Didot (Observations sur l’ortografie
française, 1868). Elle a toujours échoué,
malgré l’exemple donné par l’italien et
l’espagnol, qui écrivent farmacia, teatro.

*ha ! [a] interj. (onomatop. ; XIIe s., Espe,


aux sens 1-4). 1. Exprime la surprise, la
joie, la crainte, l’admiration : Ha ! vous
voilà. Ha ! ha ! Monsieur est Persan ; c’est
une chose bien extraordinaire ; comment
peut-on être Persan ? (Montesquieu).
‖ 2. Exprime le soulagement : Ha ! j’ai
enfin terminé ! ‖ 3. Répété, figure le rire :
Ha ! ha ! ha ! ma foi, cela est tout à fait drôle
(Molière). ‖ 4. Sert simplement à renforcer
l’expression : Ha ! vraiment, vous croyez
avoir raison !

& n. m. invar. (1666, Molière). Faire, pous-


ser un ha, des ha, prononcer cette excla-
mation pour marquer divers sentiments :
Pousser un ha de satisfaction, d’admira-
tion, de soulagement. Le roi fit un grand
ha ! comme un homme oppressé et qui tout
d’un coup respire (Saint-Simon).

*habanera [abanera] n. f. (mot esp., de


Habana, n. esp. de La Havane ; 1898, Loti,
aux sens 1-2). 1. Danse d’origine incertaine
(Cuba, Espagne), à deux-quatre, et dont
le premier temps est fortement accentué :
Habanera, cachucha, séguedille authen-
tiques nous furent servies ce soir-là (Gide).
‖ 2. Air, musique sur lesquels s’exécute
cette danse : Bizet, Debussy, Ravel ont écrit
des habaneras.

habeas corpus [abeaskɔrpys] n. m.


(loc. angl., abrév. de la formule du lat.
jurid. moderne habeas corpus ad subji-

ciendum, « que tu aies ton corps pour [le]


présenter [devant la cour, le juge] », du
lat. class. habeas [2e pers. du sing. du subj.
prés. de habere, « avoir »], corpus, « corps,
personne, individu », ad, « vers, pour »,
et subjiciendum, accus. du gérondif de
subjicere, « jeter ou mettre sous, amener
à proximité de, exposer à, présenter » [de
sub, « sous », et jacere, « jeter, lancer »] ;
1692, Chamberlayne). Institution anglo-
saxonne dont l’origine remonte à l’Habeas
Corpus Act (bill de 1679), et qui a pour
objet de garantir la liberté individuelle en
remédiant au danger des arrestations et des
détentions arbitraires : Il suspendit l’habeas
corpus pour la pensée comme pour la liberté
individuelle (Chateaubriand).

habile [abil] adj. et n. (lat. habilis, com-


mode à tenir, à porter, à manier, qui va bien,
bien adapté, bien approprié, de habere,
avoir, tenir ; v. 1360, Froissart, au sens de
« agile, souple, dispos » [habile a supplanté
la forme pop. able, « propre à, convenable
à, capable, agile, leste », XIIIe s., Godefroy] ;
sens 1, 1596, Hulsius ; sens 2, fin du XIVe s.,
Chr. de Pisan [substantiv., 1646, Brunot] ;
sens 3, 1461, Bartzsch ; sens 4, milieu du
XVIe s., Ronsard [substantiv., 1646, Brunot] ;
sens 5, 1538, R. Estienne [habile à, 1636,
Monet] ; sens 6, 1538, R. Estienne [subs-
tantiv., début du XVe s., Juvenal des Ursins ;
au plur. et péjor., av. 1825, P.-L. Courier]).
1. Class. Qui agit rapidement, avec dili-
gence : Allez vite tous deux, et revenez :
on verra lequel est le plus habile (Acad.,
1694). Il vous faut être habile | À vider de
céans jusqu’au moindre ustensile (Molière).
‖ 2. Class. Qui est apte à quelque chose,
compétent en quelque chose : Nous lisons le
Tasse avec plaisir : je m’y trouve habile, par
l’habileté des maîtres que j’ai eus (Sévigné) ;
et substantiv. : Quelques habiles prononcent
en faveur des anciens contre les modernes
(La Bruyère). ‖ 3. Auj. En termes de droit,
qui a la capacité légale d’agir : Habile à
tester. ‖ 4. Class. Qui a de l’intelligence
et du jugement, des connaissances éten-
dues, de la culture : L’un était pauvre, mais
habile ; | L’autre riche, mais ignorant (La
Fontaine). Les plus habiles gens ne sont
pas ceux qui font la plus grande fortune
(Furetière, 1690). ‖ Substantiv. Les habiles,
les savants et les connaisseurs, les gens de
talent, de goût : Le présent est pour les
riches, et l’avenir pour les vertueux et les
habiles (La Bruyère). ‖ 5. Qui montre de
l’adresse, de l’expérience, de la compétence
dans ce qu’il fait : Un ouvrier, un dessina-
teur habile. Il a la réputation d’un artisan
habile et qui connaît bien son métier. On a
découvert que le tableau était l’oeuvre d’un
habile faussaire. Les pêcheurs rudoyés de
cet Ouest battu des vents font des pilotes
habiles (Hugo) ; et par extens. : Des mains
habiles. S’y prendre d’une manière peu
habile. ‖ Suivi de la prép. à et d’un com-
plément (nom ou infinitif) : J’étais habile
aux échecs, adroit au billard, à la chasse,
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2303

au maniement des armes ; je dessinais


passablement ; j’aurais bien chanté, si l’on
eût pris soin de ma voix (Chateaubriand).
J’avais dû apprendre moi-même l’alphabet
des aveugles ; mais bientôt elle [Gertrude]
devint beaucoup plus habile que moi à lire
cette écriture (Gide). Je ne suis pas habile
aux contes (Giono). ‖ 6. Qui agit avec
finesse et ingéniosité (en bonne et en mauv.
part) : Un diplomate, un homme d’affaires
habile. Un habile fripon. Être habile à trom-
per son monde. C’était un homme habile
que ce boutiquier (Flaubert). Les médiocres
esprits deviennent toujours plus habiles,
ne cessant de parcourir leur médiocre lieu.
Mais celui qui d’habile se fait gauche... voilà
l’homme (Valéry). ‖ Substantiv. Personne
qui fait preuve d’adresse et de subtilité
(généralement au plur. et le plus souvent
péjor.) : Je laisse ces questions à décider aux
habiles (Chateaubriand). Dire : les habiles,
cela revient à dire : les médiocres (Hugo). Je
reconnais que César a été un habile et un
rusé. Il a singulièrement compris son temps,
et il a employé tout son génie à profiter de
la sottise des autres (Zola). Il est vrai qu’en
politique les raisons du coeur comptent infi-
niment plus que ne le croient les habiles,
quand il s’agit de la France (Mauriac).

• SYN. : 3 apte ; 5 adroit, capable, chevronné,


doué, émérite, entraîné, éprouvé, expéri-
menté, expert, fort ; 6 astucieux, averti,
fin, futé, ingénieux, malin, retors, roublard
(fam.), roué, rusé. — CONTR. : 3 inapte ; 5
gauche, maladroit, malhabile ; 6 incapable,
inexpérimenté, inhabile, lourd, naïf, niais,
novice.

& adj. (1687, Bossuet). Se dit de ce qui est


fait avec adresse, intelligence, opportu-
nité : Une réparation habile. Une démarche
habile. Une défense habile. Une oeuvre, une
intrigue romanesque habile.

habilement [abilmɑ̃] adv. (de habile ;


XIVe s., Godefroy, au sens 1 ; sens 2-3, 1538,
R. Estienne). 1. Class. Avec promptitude,
diligence (ce sens vieillit au XVIIe s.) :
Il a fallu ôter le corps habilement de la
chapelle (Sévigné). ‖ 2. Avec adresse
et compétence : Une réparation habi-
lement exécutée. ‖ 3. Avec ingéniosité,
intelligence : Des confidences habilement
mesurées (Romains). Des négociations habi-
lement conduites.

• SYN. : 2 adroitement, astucieusement,


bien, soigneusement ; 3 ingénieusement,
intelligemment, subtilement. — CONTR. :
2 mal, maladroitement ; 3 bêtement, gau-
chement, niaisement.

habileté [abilte] n. f. (lat. habilitas,


aptitude, de habilis [v. HABILE] ; 1539,
R. Estienne, au sens 5 ; sens 1 et 4, 1611,
Cotgrave ; sens 2, 1700, Pomey ; sens 3,
1690, Furetière ; sens 6, 1872, Larousse).
1. Class. Qualité d’une personne qui agit
avec diligence, promptitude : Ce Basque
fait des messages avec une habileté extra-
ordinaire (Furetière, 1690). ‖ 2. Vx. En

droit, aptitude, capacité légale. (Auj., on


dit HABILITÉ.) ‖ 3. Class. Qualité d’une
personne qui a du savoir, de la culture,
des capacités intellectuelles : [Il] avait
de l’habileté dans les choses de la poésie
(Richelet). ‖ 4. Qualité d’une personne
qui montre une adresse particulière
dans l’exécution d’une tâche manuelle :
L’habileté remarquable d’un orfèvre, d’un
chirurgien. Louis Müller [un maréchal-
ferrant] avait une extraordinaire habileté
à brocher, même dans les sabots les plus
défectueux (Aragon). ‖ 5. Qualité d’une
personne qui agit avec intelligence, ingé-
niosité : Manquant d’habileté pour se tirer
de cette position, il devint sombre et chagrin
(Stendhal). L’extrême candeur agit souvent
comme ferait l’extrême habileté (Sand). Il
avait besoin de toute son habileté pour se
défendre (Gautier). ‖ 6. Qualité de ce qui
est fait avec adresse, conduit avec finesse,
intelligence : L’habileté d’un procédé. Sa
défense a été d’une grande habileté.

• SYN. : 4 adresse, art, chic (fam.), dextérité,


maîtrise, savoir-faire, virtuosité ; 5 astuce
(fam.), compétence, débrouillardise (fam.),
diplomatie, doigté (fam.), talent ; 6 élégance,
finesse, maestria, ruse. — CONTR. : 4 inha-
bileté, maladresse ; 5 impéritie, inaptitude,
incapacité, incompétence ; 6 gaucherie,
lourdeur, naïveté, niaiserie, nullité.

& habiletés n. f. pl. (1549, R. Estienne).


Manières d’agir adroites et opportunes :
J’ai le plus profond dédain pour les petites
habiletés, pour les flatteries intéressées,
pour ce que l’étude a pu apprendre (Zola). Il
est devenu, grâce à des protections multiples
et à des habiletés invraisemblables, gardien
d’une chapelle miraculeuse (Maupassant).
• SYN. : artifice, astuce (fam.), ficelle (fam.),
truc (fam.).

habilitant, e [abilitɑ̃, -ɑ̃t] adj. (part. prés.


de habiliter ; 1866, Littré). Qui rend capable
d’accomplir un acte juridique.

habilitation [abilitasjɔ̃] n. f. (lat. jurid.


du Moyen Âge habilitatio, aptitude, de
habilitatum, supin de habilitare [v. HABI-
LITER] ; 1373, Godefroy, écrit abilitacion
[habilitation, XVe s.], au sens de « pouvoir
de commander » ; sens actuel, 1866, Littré).
Action d’habiliter quelqu’un, de le rendre
apte à accomplir un acte juridique.

habilité [abilite] n. f. (doublet [plus


proche de la forme lat.] de habileté [v. ce
mot] ; XIIIe s., Sept Sages de Rome, écrit
abilité, au sens de « dextérité, adresse » ;
v. 1361, Oresme, écrit habilité, au sens de
« faculté [de faire quelque chose] » ; sens
1, 1530, Palsgrave ; sens 2, 1671, Pomey).
1. Class. Qualité qui rend apte à quelque
chose : Nous n’apportons point en nais-
sant l’habilité à faire ces choses (Bossuet).
‖ 2. Aptitude légale : L’habilité à succéder
cesse après le sixième degré de parenté.

• SYN. : 2 capacité.

habiliter [abilite] v. tr. (lat. jurid. du


Moyen Âge habilitare, habiliter [« rendre
apte », en bas lat.], du lat. class. habilis [v.
HABILE] ; fin du XIIIe s., Macé de la Charité,
écrit abilleter, au sens du bas lat. ; écrit
habiliter, au sens actuel, 1470, Bartzsch).
Rendre apte à accomplir un acte juridique :
Habiliter un mineur. Être habilité à signer
un contrat.

habillable [abijabl] adj. (de habiller ;


1845, Bescherelle). Que l’on peut habiller,
vêtir convenablement : Un homme contre-
fait, difficilement habillable.

habillage [abijaʒ] n. m. (de habiller ;


milieu du XVe s., écrit abillage, au sens de
« action de mettre en état » ; écrit habillage,
au sens I, 1, 1611, Cotgrave ; sens I, 2, 1866,
Littré ; sens I, 3-7 et 9, 1866, Littré ; sens I,
8 et 10, XXe s. ; sens I, 11, 1962, Larousse
[aussi « ensemble des toiles et feutres d’une
machine à papier ou à carton »] ; sens I,
12, 1962, Larousse [« enveloppe de métal
ou d’une autre matière qui protège ou
décore certaines machines ou certains
appareils », 2 mai 1970, Entreprise] ; sens
II, 1, fin du XIXe s., Huysmans ; sens II, 2,
1526, Bourdigné [écrit abillage — habillage,
XVIIe s. ; « manière dont les vêtements, les
parures sont disposés », début du XXe s.]).

I. ACTION D’HABILLER, DE PRÉPARER


QUELQUE CHOSE EN VUE D’UN CERTAIN
USAGE 1. Préparation d’un animal, d’une
pièce de boucherie ou de gibier, etc.,
pour la cuisson : Habillage d’un lièvre,
d’une volaille. ‖ 2. Ensemble des opéra-
tions qui suivent l’abattage des animaux
de boucherie (dépouille, éviscération,
parage de la carcasse) et sont destinées
à les préparer pour la vente en carcasse.
‖ 3. Action d’arracher les ouïes au pois-
son, d’ouvrir la morue et de lui enlever les
intestins, avant le salage. ‖ 4. Action de
retrancher d’un végétal qu’on transplante
certaines parties des racines ou des ra-
meaux abîmées ou inutiles. ‖ 5. Action,
art de présenter les marchandises de fa-
çon à les faire valoir (parfois péjor.) : Ha-
billage de draps. Habillage de paniers de
fruits. ‖ 6. Addition d’une partie acces-
soire (anse, oreille, pied, etc.) à une pièce
de poterie. ‖ 7. Action de disposer dans
l’ordre voulu les diverses pièces du méca-
nisme d’une montre. ‖ 8. Travail exécuté
par le metteur en pages, et qui consiste à
disposer le texte composé autour des il-
lustrations d’un livre. ‖ 9. Coloriage des
figures des cartes à jouer par tout procédé
moderne d’impression. ‖ 10. Suite des
diverses opérations au cours desquelles
les bouteilles de vin mousseux sont revê-
tues de leur coiffe de papier métallique
et de leurs étiquettes. ‖ 11. Garnissage
plus ou moins souple de la platine ou du
cylindre d’une presse à imprimer. ‖ En-
semble des toiles et feutres d’une machine
à papier ou à carton. ‖ 12. Enveloppe
amovible destinée à protéger, décorer ou
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2304

isoler du point de vue thermique le corps


de chauffe d’un appareil de chauffage.
‖ Enveloppe de métal ou d’une autre
matière qui protège ou décore certaines
machines ou certains appareils.

II. ACTION D’HABILLER, DE VÊTIR


QUELQU’UN 1. Action d’habiller
quelqu’un, de s’habiller : L’habillage d’une
actrice. Leur façon de porter la voilette et
de relever la robe qui indique la hâte d’un
habillage (Huysmans). ‖ 2. Ensemble des
vêtements d’une personne (rare) : Il est
revenu avec un habillage de velours tout
neuf (Bernanos). ‖ Manière dont les vê-
tements, les parures sont disposés : Tous
les bijoux revinrent peu à peu sur elle,
dans un parfait habillage (Giraudoux).

habillé, e [abije] adj. (part. passé de


habiller ; XVe s., Du Cange, au sens 1 [être
bien, mal habillé, 1900, Dict. général] ; sens
2, av. 1696, La Bruyère ; sens 3, av. 1825,
P.-L. Courier). 1. Se dit d’une personne
vêtue, dont le corps est couvert de vête-
ments : Nous la soulevâmes et l’étendîmes
tout habillée (Balzac). Il a glissé et est tombé
à l’eau tout habillé. ‖ Être bien, mal habillé,
être vêtu avec recherche ou de façon négli-
gée : À Paris, il ne l’avait pas remarquée
parce qu’elle était mal habillée, mal soi-
gnée, avec ses cheveux jaunes... (Triolet).
‖ 2. Qui a revêtu une mise élégante, une
tenue de sortie ou de cérémonie : Et toute
la famille attendait neuf heures devant le
poêle de la salle à manger, habillée, sur le
point de descendre (Zola). Afin de paraître
le plus « habillée » possible aux gens qu’elle
venait voir (Proust). ‖ 3. Qui convient à
une réunion élégante, à une soirée, à une
cérémonie : La matinée se passe à des essais
de costumes habillés (Loti). Il n’y a pas de
fourrure vraiment chic, vraiment habillée,
en dehors de la zibeline (Colette).

& habillé n. m. (1866, Littré). Fam. Habillé


de soie, cochon : Au temps où l’on saigne
l’habillé de soie (Pourrat).

habillement [abijmɑ̃] n. m. (de habil-


ler ; 1374, Godefroy, au sens de « équi-
pement, engin, machine » ; sens 1, 1835,
Stendhal ; sens 2, 1572, Chesneau ; sens 3,
1962, Larousse). 1. Action d’habiller ou de
s’habiller, de fournir quelqu’un ou de se
fournir de vêtements : L’habillement des
troupes. Magasin d’habillement. De fortes
dépenses d’habillement. ‖ 2. Ensemble des
vêtements qui couvrent le corps, et, par
extens., manière dont une personne est
vêtue : Une ressemblance que dissimulaient
l’habillement différent et la crinière hideuse
de l’homme (Maupassant). ‖ 3. Ensemble
des professions du vêtement : Le commerce,
le syndicat de l’habillement.

• SYN. : 2 costume, habit, mise, tenue,


toilette.

1. habiller [abije] v. tr. (de a- [lat. ad-,


préf. marquant le but] et de bille 1 [pro-
prem. « préparer une bille de bois »], avec

influence orthographique et sémantique


de habit et habile ; v. 1307, G. Guiart, écrit
abillier [habiller, av. 1453, Monstrelet], au
sens de « préparer, équiper [surtout pour la
guerre] » ; sens I, 1, v. 1462, Cent Nouvelles ;
sens I, 2, XVIe s., Romania [XXXIV, 604] ;
sens I, 3, 1752, Trévoux ; sens I, 4, 1701,
Liger ; sens I, 5, 1694, Th. Corneille ; sens I,
6, 1680, Richelet ; sens II, 1, XVe s., La Curne
[habiller une figure, 1690, Furetière] ; sens
II, 2, 1690, Furetière [aussi « confection-
ner des vêtements pour quelqu’un », et en
emploi absolu] ; sens II, 3, 1631, Guez de
Balzac ; sens II, 4, 1690, Furetière [« être
seyant, flatteur », 1866, Littré] ; sens II, 5,
fin du XVe s., Commynes ; sens II, 6, 1665,
Boileau [« envelopper pour orner, dégui-
ser, dissimuler », 1661, Molière ; habiller
quelqu’un, « médire de lui », 1757, d’Alem-
bert ; habiller quelqu’un de toutes pièces,
1798, Acad.]).
I. APPRÊTER UNE CHOSE EN VUE D’UN
USAGE DÉTERMINÉ 1. Habiller une vo-
laille, une pièce de gibier, de boucherie,
etc., les dépouiller, les vider, les parer,
les piquer s’il y a lieu, en vue de les faire
cuire. ‖ 2. Habiller un animal de bouche-
rie, le dépouiller, le vider, le préparer en
vue de la vente en carcasse. ‖ 3. Habil-
ler la morue, un poisson, fendre et vider
la morue, arracher les ouïes de certains
poissons avant de les saler : Défense d’ha-
biller du poisson ou de déposer des encom-
briers (Hugo). ‖ 4. Habiller un arbre,
tailler certaines parties des racines ou
des rameaux d’un arbre qu’on a arraché
pour le transplanter. ‖ 5. Habiller une
pièce de poterie, la garnir d’une partie
accessoire (anse, oreille, manche, pied,
etc.). ‖ 6. Habiller une montre, monter
les diverses pièces de son mécanisme
dans le boîtier.

II. COUVRIR, POURVOIR QUELQU’UN DE


VÊTEMENTS 1. Revêtir quelqu’un des
diverses pièces qui constituent sa tenue
habituelle ou une tenue occasionnelle :
Jeanne m’expliqua qu’étant chargée par
Mlle Préfère d’habiller les enfants de la pe-
tite classe, de les laver... (France). ‖ Spé-
cialem. Habiller une figure, en termes de
beaux-arts, peindre, modeler les drape-
ries qui recouvrent le nu. ‖ 2. Pourvoir
quelqu’un de vêtements : Habiller des
troupes. Habiller son chauffeur. ‖ Confec-
tionner des vêtements pour quelqu’un : Je
vous recommande la couturière qui m’ha-
bille ; et absol. : Un tailleur qui habille
jeune. ‖ 3. Faire revêtir à quelqu’un des
vêtements d’une certaine sorte : Habillez-
le légèrement, il fait chaud. Il les habille
[les soldats] d’un gros drap bleu (Diderot).
Je veux vous faire habiller tout en noir, à la
mode (Balzac). Les doigts toujours garnis
de bagues et habillé de couleurs voyantes,
il avait l’aspect d’un brave avec l’entrain
facile d’un commis voyageur (Flaubert).
Il avait l’air d’une fille habillée en garçon

(France). ‖ 4. En parlant de vêtements,


aller plus ou moins bien, être plus ou
moins seyant : Cette robe vous habille
bien. ‖ Absol. Être seyant, flatteur : Une
grande couturière a dit : « Il n’y a que le nu
qui habille » (Mérimée). ‖ 5. Recouvrir
quelque chose comme d’un vêtement :
Abat-jour habillé de mousseline. Une
cousine à moi, qui possède une maison
magnifique, des appartements habillés
de soie... (Balzac). Des chemises de vieux
damas rouge à galon d’or habillaient les
colonnes et les pilastres (Zola). ‖ 6. Fig.
Arranger, apprêter quelque chose en le
présentant sous un aspect plus séduisant :
Ne perdant point son énergie en paroles ;
en soignant et habillant son esprit, il en-
lèverait haut la main tout ce que j’ai vu
ici (Stendhal). La Fontaine reprend les
contes grivois en les habillant de sa grâce
et de sa malice (Zola). ‖ Envelopper pour
orner, déguiser, dissimuler : Les femmes
repoussent les choses ; mais habillez les
choses de mots, elles les acceptent (Hugo).
‖ Fam. et vx. Habiller quelqu’un, habiller
quelqu’un de toutes pièces, tenir sur lui
des propos désobligeants.

• SYN. : II, 1 vêtir ; 2 équiper ; 4 aller, seoir ;


avantager, embellir ; 5 draper, envelopper,
recouvrir, tendre ; 6 enrichir, orner, parer ;
camoufler, couvrir, masquer, travestir. —
CONTR. : II, 1 déshabiller, dévêtir.

& s’habiller v. pr. (sens 1 et 4, 1690,


Furetière ; sens 2, 1707, Lesage [s’habiller
en, 1668, La Fontaine ; « se vêtir avec élé-
gance... », 1866, Littré] ; sens 3, av. 1747,
Vauvenargues). 1. Revêtir ses vêtements
habituels : S’habiller à la hâte. Je m’habille
et nous partons. ‖ 2. Se vêtir de telle ou
telle manière : S’habiller chaudement.
S’habiller avec élégance, de façon ridicule.
Elle aime s’habiller de clair. Je m’habille
en noir, je parle peu, je n’écris pas, et tout
ça me compose une figure et les autres la
voient (Beauvoir). ‖ S’habiller en, prendre
le costume de, se déguiser en : Il s’habille en
berger, endosse un hoqueton (La Fontaine).
S’habiller en Pierrot pour un bal costumé.
‖ Absol. Se vêtir avec élégance, de façon
à se mettre en valeur : Cette jeune femme
ne sait pas s’habiller. On sentait qu’elle ne
s’habillait pas seulement pour la commodité
et la parure de son corps ; elle était entourée
de sa toilette comme de l’appareil délicat
et spiritualisé d’une civilisation (Proust).
‖ 3. Mettre des vêtements de sortie ou de
cérémonie : S’habiller pour une réception,
pour une soirée. ‖ 4. Se pourvoir d’habits :
S’habiller chez un grand tailleur. S’habiller
sur mesure. S’habiller des pieds à la tête.

2. habiller [abije] n. m. (emploi subs-


tantivé du précéd. ; fin du XVIIe s., Saint-
Simon). Class. Action d’habiller quelqu’un :
Tant à son habiller qu’à sa promenade,
j’observai soigneusement son maintien [du
roi] (Saint-Simon).
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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2305

habilleur, euse [abijoer, -øz] n. (de


habiller ; milieu du XVIe s., au sens de
« corroyeur » ; sens actuel, 1962, Larousse).
Étalagiste qui dispose des denrées qu’on
habille.

& habilleur n. m. (1770, Raynal). Pêcheur


chargé de l’habillage de la morue. (On dit
aussi TRANCHEUR.)

& habilleuse n. f. (sens 1, 1866, Littré


[habilleur, même sens, 1846, Baudelaire ;
« personne qui habille les mannequins... »,
début du XXe s.] ; sens 2, fin du XIXe s.,
A. Daudet). 1. Personne qui aide les acteurs
ou les actrices à s’habiller et qui prend soin
de leurs costumes : Un peuple d’habilleuses
et de filles, de rouleurs de planches et de
montreurs de femmes (Zola). ‖ Personne
qui habille les mannequins pour la pré-
sentation des collections. ‖ 2. Personne
qui confectionne les vêtements dont elle
habille des poupées : Il m’avertit que dans
un roman de Dickens, que je ne connaissais
pas, « l’Ami commun », se trouvait exacte-
ment la même affabulation d’une jeune fille
infirme, habilleuse de poupées (Daudet).

habillure [abijyr] n. f. (de habiller ; 1769,


Roubo). Point de jonction des bouts des fils
d’un treillage.

habit [abi] n. m. (lat. habitus, manière


d’être, aspect extérieur, mise, tenue, com-
plexion, sentiments, de habitum, supin
de habere, avoir, se trouver, être ; v. 1155,
Wace, écrit abit [habit, XIIIe s.], au sens 3
[prendre l’habit, 1676, Mme de Sévigné ;
prise d’habit, 1680, Richelet ; quitter l’habit,
1690, Furetière ; l’habit ne fait pas le moine,
v. 1440, Sainéan, la Langue de Rabelais] ;
sens 1, XIIIe s., Tobler-Lommatzsch ; sens
2, v. 1360, Froissart [habit habillé, 1798,
Acad. ; habit long, habit court, 1659, Livet ;
habit rouge, 1839, Stendhal ; habit vert,
1902, Larousse] ; sens 4, 1666, Molière
[« vêtement de cérémonie, ordinairement
en drap noir... », 1845, Bescherelle] ; sens
5, 1549, R. Estienne). 1. Class. et littér.
Habillement complet, costume entier
d’une personne, homme ou femme, y com-
pris chaussures, bas, perruque, chapeau,
etc. : « En recevant la robe et le bonnet de
médecin, vous apprendrez tout cela et vous
serez après plus habile que vous ne voudrez.
— Quoi ! l’on sait discourir sur les maladies
quand on a cet habit-là ? » (Molière). Voilà
que, maintenant, chaque homme, chaque
femme, il les voyait avec des yeux nouveaux,
dans leur condition, mesurant à l’habit la
richesse et la pauvreté, voyant les limites
des uns, l’extravagance des autres (Aragon).
‖ 2. Vêtement particulier à une époque,
caractéristique de certaines fonctions
ou destiné à un certain usage (générale-
ment avec un adjectif ou un complément
qui en précise la destination) : Arrivé en
habit bourgeois au régiment, vingt-quatre
heures après j’avais pris l’habit de sol-
dat ; il me semblait l’avoir toujours porté
(Chateaubriand). Le drap bleu de son habit

d’uniforme disparaissait sous les épaulettes


(Flaubert). Monsieur l’abbé, je connais vos
idées. Je les respecte comme je respecte votre
habit (France). Elle [la robe] n’en avait pas
moins l’air d’un habit d’on ne sait quel tiers
ordre (Hermant). Habit à la française.
Habit de chasse. Habit religieux. Habit
d’huissier. ‖ Vx. Habit habillé, vêtement
de cérémonie réglé par l’usage : Bonaparte
avait voulu que les hommes de la Révolution
ne parussent à sa cour qu’en habit habillé,
l’épée au côté (Chateaubriand). ‖ Class.
Habit long, soutane des ecclésiastiques,
robe des magistrats. ‖ habit court, vête-
ment de ville : Gens d’habit court, gens
d’habit long, | De ce qu’il dit profitez donc
(Loret). Tel rit d’un juge en habit court qui
tremble au seul aspect d’un procureur en
robe (Beaumarchais). ‖ Habit rouge, vête-
ment des soldats anglais avant 1914 ; fam.
et vx, soldat anglais. ‖ Habit vert, tenue
des académiciens ; par extens., dignité
d’académicien. ‖ 3. Absol. Vêtement
de religieux ou de religieuse. ‖ Prendre
l’habit, entrer en religion. ‖ Prise d’habit,
cérémonie qui marque l’entrée en religion.
‖ Quitter l’habit, abandonner l’état ecclé-
siastique. ‖ L’habit ne fait pas le moine,
il ne faut pas juger les gens sur la seule
apparence. ‖ 4. Vx. Vêtement masculin
en forme de veste se terminant dans le dos
par deux pans : Pour que je produise tout
mon effet, il faut que j’aie le grand cordon
jaune passé par-dessus l’habit (Stendhal).
Il avait un habit noir, un pantalon de nan-
kin, des souliers de castor et par extraor-
dinaire un chapeau (Flaubert). M. Jérôme
Coignard, accroché par un pan de son habit
à un buisson d’épines (France). ‖ Auj.
Vêtement de cérémonie, ordinairement
en drap noir, composé d’un veston dont
les basques, échancrées sur les hanches,
pendent par-derrière, et d’un pantalon :
Serez-vous en smoking ou en habit ? Par
moments, une ouvreuse se montrait [...],
poussant devant elle un monsieur et une
dame qui s’asseyaient, le monsieur en habit,
la femme mince et cambrée (Zola). En habit,
il semblait un maître d’hôtel (Giraudoux).
‖ 5. Fig. Ce qui recouvre quelque chose
comme un vêtement et lui donne un aspect
différent : Ô pauvres gens sans flamme |
[qui] Mettent même à leur âme | Un habit
noir ! (Banville).

• SYN. : 2 costume, mise, tenue ; 4 frac (vx),


queue-de-pie (très fam.).

& habits n. m. pl. (v. 1360, Froissart [mar-


chand d’habits, 1900, Dict. général]).
Ensemble des pièces qui composent l’ha-
billement d’une personne à un moment
donné, ou des vêtements de sa garde-robe :
Ôter ses habits. Avoir soin de ses habits.
Ranger, plier ses habits. Brosse à habits. Il
sait fort bien vendre ses habits neufs pour
se procurer de l’eau-de-vie (Maupassant).
En général, Ferdinand reprenait les habits
de Joseph, et les habits de Ferdinand, lavés,
reprisés, pliés, attendaient dans un tiroir

que je fusse en âge de leur donner le coup


de grâce (Duhamel). ‖ Marchand d’habits,
chiffonnier.

• SYN. : affaires (fam.), effets (vx), fringues


(pop.), frusques (fam.), hardes (vx).

habitabilité [abitabilite] n. f. (dér.


sa vant de habitable ; 1845, Bescherelle,

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