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MECANISMES D'ACTION
TABLEAUX
DONNEES DE PHARMACOLOGIE CLINIQUE Tableau I : classe chimique, liste et demi-vie
Les salicylés d'élimination sérique des 19 AINS du marché
Les autres AINS Tableau II : Risque relatif de complications
Voies d'administration digestives des AINS
Distribution Tableau II : données pratiques sur les AINS
Demi-vies d'élimination plasmatique (salicylates exclus)
Propriétés pharmacodynamiques
Métabolisme FIGURES
Fig. 1 : métabolisme de l’acide arachidonique
CLASSIFICATION Fig. 2 : les deux cyclo-oxygénases (COX-1 &
COX-2)
EFFETS INDESIRABLES
Complications digestives
Complications cutanéo-muqueuses
Complications hématologiques
Complications rénales
Complications neurologiques
Réactions d'hypersensibilité
Complications diverses
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Les AINS peuvent modifier l’activité d’autres
médicaments
Inversement
RMO
CONCLUSION
Les AINS, acides faibles, liposolubles, chimiquement très différents les uns des autres, ont en
commun certaines propriétés :
- une action anti-inflammatoire mais aussi antalgique et antipyrétique,
- une activité biologique sur les médiateurs de l'inflammation, notamment en inhibant la synthèse
des prostaglandines,
- des effets secondaires communs, au premier rang desquels une toxicité gastro-duodénale plus on
moins importante.
MECANISMES D'ACTION
A l'échelle cellulaire, les mécanismes d'action restent encore imparfaitement connus, mais on sait
que les AINS :
- diminuent la production de radicaux libres responsables des lésions tissulaires du foyer inflam-
matoire,
- inhibent plusieurs enzymes membranaires des poly-nucléaires neutrophiles, des macrophages et
des plaquettes,
- stabilisent les membranes lysosomiales, limitant la libération d'enzymes,
- inhibent la formation des kinines,
- inhibent l'incorporation de l'acide arachidonique dans la membrane cellulaire du macrophage
- inhibent la migration leucocytaire et leur chimiotactisme.
a) Ils ont également des effets variables selon la molécule sur le taux des protéoglycanes et leur
synthèse dans le cartilage.
- mais surtout, ils inhibent la synthèse des prostaglandines en bloquant l’activité de la cyclo-oxygé-
nase (COX), enzyme qui transforme l’acide arachidonique venu des phospholipides
membranaires, en prostaglandines (fig. 1). Cette inhibition peut être irréversible (aspirine) ou
réversible (les autres AINS). Elle explique en partie les propriétés des AINS (anti-inflammatoire,
antipyrétique, antalgique et antiagrégant plaquettaire) mais aussi la plupart de leurs effets
indésirables (toxicité digestive, bronchospasme, prolongement du temps de gestation, …),
LES SALICYLES
L'aspirine ou acide acétylsalicylique est absorbé dans l'estomac mais surtout dans le grêle. La
vitesse d'absorption dépend de la posologie, de la vacuité gastrique (plus rapide à jeun), de la forme
galénique (les formes hydrosolubles et tamponnées sont plus rapidement absorbées, les formes à
délitement entérique, plus lentement). L'acide acétylsalicylique est hydrolysé en acide salicylique -
le métabolite actif - dans l'intestin et le foie. Il est fortement lié à l'albumine plasmatique. Sa
fraction libre, responsable de son activité pharmacologique, augmente en cas d'hypoalbuminémie
(insuffisance hépatique, syndrome néphrotique, …). Cette affinité explique les interactions avec
d'autres substances acides fixées sur les mêmes sites de liaison, dont la fraction libre est ainsi aug-
mentée (anticoagulants coumariniques, sulfamides hypoglycémiants, …). Il diffuse dans les
différents liquides biologiques (synovial, céphalo-rachidien, pleural, …), le lait maternel, la salive
et à travers le placenta. Les salicylés sont éliminés par voie rénale : après filtration glomérulaire, ils
subis-sent une sécrétion tubulaire proximale puis une réabsorption tubulaire distale d'autant plus
importante que les urines sont plus acides. L'alcalinisation des urines, préconisée au cours des
intoxications aiguës, favorise l'élimination du salicylate en augmentant son degré d'ionisation.
Lors d'une utilisation prolongée, surtout chez l'enfant, le contrôle thérapeutique s'impose en dosant
la salicylémie au 7e jour du traitement, une à trois heures après l'administration du médicament. Les
concentrations thérapeutiques doivent être comprises entre 150 et 250 µg/ml.
Voies d'administration
Voie orale
L'absorption est rapide et quasi complète. La prise de l'AINS au cours d'un repas ou avec un
médicament antiacide retarde son absorption sans affecter sa biodisponibilité. Certains artifices
galéniques permettent une libération prolongée (LP) du produit dans la lumière intestinale ou en-
core combinent libération immédiate et progressive (Bi-profénid®, Chrono-indocid®).
Voie rectale
Les suppositoires sont résorbés plus lentement et plus irrégulièrement que les formes orales.
Voie parentérale
La voie IM est disponible pour bon nombre d'AINS. Elle n'améliore pas la biodisponibilité du
médicament. Seul le Profénid® peut être administré IV (en perfusion seulement).
Voie percutanée
Certains AINS peuvent être administrés sous forme de pommade, de gel ou de patch. Une fraction
variable mais toujours minime du produit passe dans la circulation générale.
Distribution
Les AINS sont fortement liés aux protéines plasmatiques (de l'ordre de 99 % le plus souvent) ce qui
donne à ces médicaments la possibilité de déplacer d'autres molécules liées à ces protéines. Seule la
partie non liée aux protéines est pharmacologiquement active.
Les AINS franchissent les barrières placentaire et hémato-méningée et passent dans le lait maternel.
Ils ont une concentration plus durable dans les liquides biologiques (notamment le liquide synovial)
que dans le sérum.
Pour agir, les AINS doivent atteindre le siège de l'inflammation et éventuellement traverser des
barrières comme la membrane synoviale. La liposolubilité de ces médicaments détermine ce
passage. La liaison avec la sérum-albumine ne limite pas la diffusion puisqu'il existe une
augmentation de la perméabilité capillaire aux protéines dans les tissus enflammés. Les AINS
atteignent des concentrations tissulaires suffisantes pour qu'il ne soit pas nécessaire de les
administrer localement. Leur demi-vie d'élimination tissulaire est en général plus longue que leur
demi-vie plasmatique, ce qui explique que les AINS à demi-vie courte ont une action plus
prolongée que ne le laisse prévoir l'évolution de leurs concentrations sériques. Ils n'ont pas d'action
sur la vitesse de sédimentation ou sur les protéines de l'inflammation. Alors qu'il n'existe presque
aucune corrélation entre le taux plasmatique d'un AINS et son activité clinique, une corrélation a pu
être établie entre l'amélioration des paramètres cliniques de poly-arthritiques et la concentration à
l'état d'équilibre (après plusieurs jours d'administration) de la fraction libre synoviale de
kétoprofène ou de naproxène.
D'un point de vue clinique, les AINS peuvent être divisés en deux groupes : ceux à demi-vie courte,
nécessitant 3 à 4 prises par jour, et ceux à demi-vie longue, qui peuvent n'être administrés qu'une à
deux fois par jour. Les AINS à demi-vie longue permettent d'espacer les prises et de diminuer ainsi
le nombre de comprimés ingérés par jour. On peut ainsi stabiliser une spondylarthrite ankylosante
avec un comprimé de phénylbutazone deux fois par semaine seulement.
Cependant, les demi-vies sont un reflet incomplet de la durée moyenne d'action de ces
médicaments car
(i) certains ont des métabolites actifs à demi-vie plus longue,
(ii) les variations d'un sujet à l'autre sont assez importantes surtout pour les AINS à demi-
vie longue,
(iii) il a été constaté des durées d'action bien supérieures à la demi-vie sérique avec des
AINS à demi-vie courtes (les explications possibles sont nombreuses : action de l'AINS
même à des taux sériques très bas, diffusion tissulaire lente, existence de rythmes
circadiens de l'inflammation, …).
Propriétés pharmacodynamiques
Action antipyrétique
Les AINS diminuent la fièvre, quelle que soit son origine, en contrariant la synthèse des PGE2,
induite par l'action de l'IL-1 sur le centre hypothalamique de la thermorégulation. Ils n’induisent
pas d’hypothermie chez le sujet normal.
Action antalgique
Les AINS sont des antalgiques périphériques. Ils agissent au sein du foyer algogène, là où les PG
jouent un rôle étiopathogénique dans la nociception. Une action centrale, démontrée pour certains
AINS (kétoprofène), est de mécanisme méconnu.
Action anti-inflammatoire
Cette action est souvent intriquée avec la précédente. Les AINS agissent surtout sur la composante
précoce, vasculaire de l'inflammation, responsable de la tétrade classique “douleur, rougeur,
chaleur, tumeur”.
Action antiagrégante
Elle est le fait de tous les AINS mais surtout de l'aspirine dont l'action sur la cyclo-oxygénase est
irréversible. Or la voie de la cyclo-oxygénase conduit à la formation de TXA2 (thromboxane A2),
puissant agent agrégant et vasoconstricteur. L'effet antiagrégant de l'aspirine ne requiert que de
faibles doses (< 300 mg/j) et persiste environ une semaine après l'arrêt du traitement.
Métabolisme
La principale voie catabolique des AINS est hépatique. Cette dégradation est proportionnelle à la
concentration plasmatique du produit. Les métabolites sont soit actifs eux aussi (ex :
phénylbutazone), soit inactifs (ex : indométacine). Certains AINS sont des “prodrogues” : seuls
leurs métabolites sont actifs (ex : sulindac); ils seraient ainsi moins agressifs pour la muqueuse
gastrique.
L'élimination se fait principalement par voie rénale et la demi-vie des AINS est augmentée en cas
d'insuffisance rénale. L'excrétion biliaire avec cycle entérohépatique est également une voie
d'élimination pour certains AINS.
CLASSIFICATION
L'ancêtre est représenté par l'aspirine qui reste une substance de référence car efficace et bon
marché. L'emploi des salicylés est très ancien puisque Hippocrate recommandait les feuilles de
saule et le jus de peuplier qui en renferment. Synthétisé au milieu du XIXe siècle, l'acide acétyl-
salicylique a été introduit en thérapeutique il y a plus de 100 ans (1881).
Il faut attendre les années 50 pour qu'une nouvelle classe d'AINS apparaisse avec la
phénylbutazone, suivie dans les années 60, par l'indométacine, et, dans les années 70, par les AINS
de deuxième génération qui visent à réduire les effets secondaires des classes plus anciennes tout en
conservant une activité anti-inflammatoire suffisante.
Dans les années 80, les efforts de l'industrie pharmaceutique ont porté sur l'amélioration de la
tolérance et sur la mise au point de formes galéniques permettant d'augmenter l'observance en
diminuant le nombre de prises quotidiennes ou en proposant des voies d'administration plus variées
(suppositoire, IM).
Enfin, des AINS ayant un rapport COX-1/COX-2 bas font leur apparition sur le marché français
(mélodica, nabumétone, nimésulide) et, en 2000, apparaissent les coxibs (celecoxib, rofécoxib).
EFFETS INDESIRABLES
Bien que constituant un groupe chimiquement hétérogène, les AINS ont souvent les mêmes effets
secondaires. Les effets indésirables des AINS sont fréquents mais sont, le plus souvent, peu graves
et régressifs à l'arrêt du traitement. La fréquence des effets secondaires de chaque AINS est
difficile à évaluer ; il existe en effet une grande variabilité du taux d'apparition de ces
manifestations qui semble dépendre du protocoles des études, des populations étudiées, de la
méthodologie employée. Par ailleurs, les patients qui font partie d'études cliniques rapportent une
fréquence plus élevée d'effets secondaires que ceux qui n'y sont pas, et, notion plus importante,
c'est parmi les patients qui ne sont pas dans des essais cliniques que l'on signale les effets
secondaires sévères. Le risque relatif d’effets digestifs par exemple, varie selon les séries (tableau
II).
Complications digestives
Les effets indésirables digestifs sont les plus fréquents (15 à 25 %). Il n'existe pas de parallélisme
entre la symptomatologie fonctionnelle et la nature des lésions digestives observées par endoscopie.
Citons la stomatite, l’œsophagite peptique, les ulcères aigus de l’œsophage, les sténoses peptiques
sur reflux gastroduodénal par hernie hiatale
Sur l’intestin grêle et le côlon des lésions d’ulcérations, des hémorragies et des perforations ont été
décrites depuis plus de 30 ans. Les AINS peuvent être responsable d’entérocolites nécrosantes chez
l’enfant, d’une augmentation de la perméabilité intestinale, d’une entéropathie exsudative, de
sténose par « diaphragme ».
Sur le colon enfin, il peut y avoir des colites « banales », des colites ulcéreuses (RCH ou Crohn) ou
ischémiques. Le rôle des AINS dans la complication d’une diverticulose colique est débattu de
même que l’augmentation du risque d’appendicite aiguë sous AINS après 50 ans.
Les complications hépatiques sont rares, et se résument le plus souvent à une élévation isolée des
transaminases mais des hépatites cytotoxiques et des décès ont été rapportés. L'aspirine à fortes
doses, les pyrazolés sont les plus souvent incriminés, mais tous les AINS peuvent être mis en cause.
L'imputabilité de l'AINS est parfois difficile à établir surtout chez les sujets polymédicamentés.
L'arrêt du médicament s'accompagne d'une normalisation des transaminases.
Mais les lésions les plus fréquentes siègent an niveau de l’estomac et du duodénum. L’ulcère
gastrique et duodénal (à fréquence égale entre les deux sites) représente la complication la plus
redoutable des AINS d’autant qu’il peut se compliquer de saignement, de perforation, pouvant
conduire à l’hospitalisation et parfois au décès (PUS : perforation, ulcère symptomatique,
saignement). On a pu calculer qu’un malade sur 1 200 prenant un AINS pendant au moins 2 mois
allait en mourir. Les études endoscopiques prospectives transversales montrent un prévalence
combinée des deux sites (gastrique et duodénal) de 10 à 25 % chez les patients atteints
d’arthropathies chroniques sous AINS, ce qui est 5 à 15 fois plus que la prévalence dans la
population normale de même âge. Les coxibs induisent significativement moins d’ulcères et leur
taux est comparable à ce qu’il est dans les groupes placebo. La corrélation entre les symptômes et
les lésions digestives graves est faible : seules 40 % des gastrites érosives en endoscopie sont
symptomatiques et, à l’inverse, 50 % des patients présentant une dyspepsie ont une muqueuse
normale en endoscopie.
On préfère donc recenser les PUS (perforations, ulcères symptomatiques, saignements) ou les POS
(perforations, occlusions, saignements) sous AINS (tableau II).
L’ulcère est noté chez 1,7 à 1,8 % des malades arthrosiques ou polyarthritiques traités par AINS
classiques, alors que sous Rofecoxib ce taux est de 1,3 % dans la 1e année et sous Celecoxib il est
de 0,2 % par année de traitement.
Ces effets secondaires graves entraînent une hospitalisation de 1 à 2 % des malades sous AINS au
long cours. Parmi les malades porteurs de polyarthrite rhumatoïde ou d’arthrose, prenant donc des
AINS au long cours, le risque de décès a été estimé à 16 500 par an aux USA, soit autant que le
SIDA et plus que le myélome multiple.
Beaucoup d’espoir avait été mis dans les coxibs pour diminuer le risque de PUS. Deux grandes
études ont évalué spécifiquement ce risque [VIGOR et CLASS ] mais l’une d’entre-elles fait
1
apparaître une perte du bénéfice digestif du coxib lorsque les malades sont sous aspirine à doses
antiagrégantes (≤ 325 mg/j) (tableau III).
Comme ses troubles ne sont pas annonciateurs d’une complication grave, l’identification de
facteurs de risque de ces complications est importante +++ (tableaux IV).
Helicobacter pylori augmente-t-il le risque d’effets secondaires digestifs graves ? Puisque H. pylori
est un facteur de survenue d’ulcère, l’administration d’AINS agit-elle en synergie avec le germe
pour en accroître le risque ? En d’autres termes, éradiquer H. pylori diminue-t-il le risque digestif
des AINS ? La question reste actuellement ouverte à « la recherche d’un consensus improbable »,
entre les tenants d’une éradication systématique, ceux qui pronent l’abstention et ceux qui veulent
réserver l’éradication aux seuls ulcères duodénaux.
1
Bombardier C et al. New Engl J Med, 2000, 343: 1520-8. et Silverstein FE, et al. JAMA, 2000, 284: 1247-55.
Prévention et traitement des atteintes de la muqueuse gastroduodénale sous AINS
- En cas de symptômes cliniques : fréquents, ils peuvent être traité empiriquement avec des anti-
H2 ou un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) .
- Bien que des travaux supplémentaires soient nécessaires, l’éradication de H. pylori pourrait
être réservé aux malades au passé d’ulcère, surtout diodénal.
- En général, en cas d’ulcère, l’attitude la plus prudente est d’interrompre les AINS et de les
remplacer par du paracétamol. Si le traitement anti-inflammatoire doit être continué, on peut
choisir de passer à la cortisone. Un IPP sera utilisé puisqu’il guérit l’ulcère, même sous AINS.
- Après guérison de l’ulcère, et si les AINS doivent être poursuivis, la prophylaxie de la rechute
est l’administration concomitante de misoprostol (au moins 200 mcg x 2/j) pas toujours bien
toléré sur le plan digestif (diarrhée, douleurs abdominales), ou d’un IPP.
- On peut choisir de prescrire un coxib qui dispense d’ajouter un IPP.
Complications cutanéo-muqueuses
Ce sont les deuxièmes complications par ordre de fréquence (5 à 29 %). Elles sont variées et non
spécifiques, un même AINS pouvant donner des manifestations très diverses. Cette grande variété
clinique suggère des mécanismes différents (immuno-allergique, toxique, ou pharmacologique).
Complications hématologiques
Les troubles de l'hémostase sont surtout le fait de l'aspirine, même à faible dose. Chez les malades
sous anticoagulants pour qui la prescription d’un AINS est nécessaire, préférer les coxibs qui
n’inhibent pas la thromboxane A2 (et surveiller régulièrement l’INR).
Les accidents cytotoxiques s'observent surtout avec les pyrazolés. Il peut s'agir d'effets secondaires
bénins, dépistés par des contrôles hématologiques (anémie, leucopénie, thrombopénie) ou
d'accidents graves, heureusement rares, mais souvent imprévisibles avec une évolution parfois
mortelle (anémie aplastique, agranulocytose, aplasie médullaire mortelle dans 50 % des cas).
Complications rénales
Les accidents rénaux sont rares ce qui explique leur description récente. Ils revêtent deux types
principaux :
La rétention sodée est la complication rénale la plus fréquente des AINS. Les œdèmes surviennent
chez plus de 3 % des patients traités ; l'incidence est probablement plus élevée chez les patients
prenant des AINS à forte dose pendant des périodes prolongées. La rétention sodée apparaît rapi-
dement et peut être très importante.
L'hyperkaliémie est une complication plus rare et survient essentiellement chez des patients ayant
une maladie rénale chronique, une insuffisance cardiaque ou chez des patients recevant un
supplément potassique, des diurétiques épargneurs de potassium ou des inhibiteurs de l'enzyme de
conversion. L'indo-métacine apparaît le plus souvent à l'origine de l'hyperkaliémie chez des
patients n'ayant pas de facteur de risque apparent.
- une insuffisance rénale fonctionnelle observée surtout en cas d'atteinte rénale préexistante (sujets
âgés, diabétiques) et dans toutes les situations d'hypovolémie (déplétion sodée, cirrhoses, traite-
ments diurétiques); cette insuffisance rénale est liée à une chute du flux plasmatique rénal
secondaire à l'inhibition de la synthèse des prostaglandines intra-rénales. Sur le rein normal,
l'inhibition des prosta-glandines est sans conséquence, mais dans toutes les situations
d'hypovolémie, l'augmentation des prostaglandines rénales permet de maintenir le flux plasmatique
rénal. Leur inhibition peut alors être à l'origine d'une poussée d'insuffisance rénale aiguë,
oligoanurique, fonctionnelle, qui apparaît le plus souvent dans les 10 premiers jours du traitement
par AINS, est réversible si le traitement est arrêté à temps, mais parfois irréversible s'il y a une
atteinte rénale préexistante.
- très rarement une néphropathie interstitielle aiguë avec insuffisance rénale et syndrome
néphrotique, d'origine immuno-allergique. Les signes cliniques en sont variables : oedèmes,
oligurie, associés ou non à des urines mousseuses; les signes généraux d'allergie sont le plus
souvent absents. Le culot urinaire retrouve hématurie et leucocyturie microscopiques, la protéinurie
est retrouvée dans le syndrome néphrotique. La fonction rénale peut être conservée ou altérée. Le
syndrome néphrotique isolé et rare, mais a été rapporté chez quelques patients prenant du
fénoprofène, du sulindac ou du diclofénac. Le début de ce type de pathologie rénale est en général
tardif, environ 4 à 5 mois après le début du traitement et est réversible en quelques mois après
l'arrêt de l'anti-inflammatoire. Il ne semble pas exister de facteur de risque. En effet, ni les maladies
rénales antérieures, ni l'âge ne semblent favoriser ce syndrome. Deux-tiers des cas ont été rapportés
avec le fénoprofène, mais tous les AINS quelle que soit leur classe peuvent en être responsables.
- La nécrose papillaire : les cas rapportés dans la littérature sont exceptionnels, mais ont été
signalés avec l’ibuprofène, la phénylbutazone, le fénoprofène et l'acide méfénamique. Les
manifestations cliniques de la nécrose papillaire sont des douleurs de la fosse lombaire associées à
une hématurie macroscopique; secondairement une infection urinaire et une hypertension artérielle
peuvent se développer. La réversibilité est liée à l'importance de la nécrose et à l'arrêt des anti-
inflammatoires. Les mécanismes d'apparition sont mal connus, d'autant qu'il existe une prise
concomitante d'autres antalgiques, des maladies rénales antérieures ou une infection urinaire. Les
auteurs invoquent soit une ischémie médullaire par inhibition locale de la synthèse des
prostaglandines, soit un effet des catabolites toxiques entraînant une nécrose cellulaire.
Complications neurologiques
Elles sont presque exclusivement le fait de l'indométacine avec lequel on les observe dans 20 %
des cas : céphalées à caractère pulsatile, vertiges, acouphènes, pertes de connaissance,
éblouissements ; plus rarement des crises comitiales, des troubles de la vigilance, des troubles de
l'humeur. Tous ces effets se voient pour des doses élevées, peuvent disparaître lors de la simple
réduction de posologie et ne laissent aucune séquelle à l'arrêt du traitement.
Des effets secondaires neurologiques plus rares ont été décrits : quelques cas de méningite
aseptique pouvant évoluer jusqu'au coma (ibuprofène), des observations de psychose et
d'hallucination ont été rapportées (indométacine, sulindac). Ces manifestations commencent
rapidement après la prise de l'AINS et s'arrêtent avec l'interruption du traitement.
Enfin, des troubles des fonctions supérieures, des troubles de la mémoire, une difficulté de
concentration, des dépressions, ont été rapportés chez des sujets de plus de 65 ans.
Réactions d'hypersensibilité
Elles se traduisent par des rashes cutanés, des urticaires, des bronchospasmes et, exception-
nellement, par un œdème de Quincke ou un choc anaphylactique. Certains de ces accidents sont
d'origine immunoallergique, d'autres surviennent sur un terrain particulier (rhinite allergique,
polypose nasale, asthme à l'aspirine), expliquant les possibilités de réactions croisées entre
différents AINS.
Complications diverses
Enfin les AINS ont été accusé de diminuer l'efficacité du stérilet mais les quelques observations de
grossesse sur stérilet rapportées chez des femmes traitées par AINS ne sont pas convaincantes.
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
La polymédication est fréquente, surtout chez le sujet âgé. L'emploi d'AINS peut modifier l'action
pharmacodynamique d'autres produits et être responsable d'effets secondaires par différents
mécanismes.
De nombreux AINS interfèrent avec les clairances d'autres médicaments, augmentant leurs
concentrations sériques : méthotrexate, chlopropamide, lithium ; les AINS s'opposent à la natriurèse
des diurétiques.
Les pyrazolés agissent sur les enzymes hépatiques et accélèrent le métabolisme de la digoxine, du
dicoumarol, des barbituriques.
D'autres interactions sont plus rares : l'indométacine diminue l'effet antihypertenseur des béta-
bloqueurs.
Inversement
La prescription d'anti-acides à base d’hydroxyde d’aluminium associée aux AINS pour en diminuer
la toxicité gastro-duodénale n'a jamais prouvé son efficacité mais peut diminuer la biodisponibilité
de ces derniers.
RMO
Enfin, l'association d'AINS favorise les effets secondaires digestifs sans augmenter leur efficacité,
les salicylés diminuent la biodisponibilité de nombreux autres AINS. Pour cette raison, il est
interdit d’associer deux AINS ou AINS et aspirine à doses autres qu’antiagrégantes.
INDICATIONS
Maladies ostéo-articulaires
- les pathologies osseuses ne sont que très rarement des indications d'AINS.
Traumatologie et pathologies externes
L'inflammation secondaire à une fracture, une entorse, une simple contusion est justiciable d'un
traitement anti-inflammatoire associé au traitement spécifique de la lésion. L'effet antalgique mais
aussi anti-œdème des AINS est ici particulièrement recherché, notamment après traumatismes de la
tête et du cou. On peut rapprocher de ces indications la chirurgie ORL, maxillo-faciale et
gynécologique.
Pathologies internes
Pédiatrie
Il faut souligner la rareté des formes galéniques adaptées à l'enfant en dehors des salicylates. Les
autres AINS sont déconseillés avant 12-15 ans en dehors des rhumatismes inflammatoires. En
néonatologie, l'indication de l'indométacine pour favoriser la fermeture du canal artériel est la
classique exception à cette règle.
Contre-indications
Bon nombre d'effets indésirables des AINS sont évités par le respect de leurs contre-indications :
- ulcère gastro-duodénal évolutif ou ancien,
- hypersensibilité (avec possibilité de réactions croisées entre des produits chimiquement
différents),
- insuffisance hépatique ou rénale avancées,
- maladie hémorragipare,
- grossesse et allaitement,
- associations médicamenteuses dangereuses (voir supra).
En fait, ces contre-indications sont souvent relatives et doivent être mises en balance avec la
nécessité de la prescription d'un anti-inflammatoire. En cas de nécessité d'une thérapeutique anti-
inflammatoire et en présence d'une contre-indication majeure des AINS, le recours à la cortico-
thérapie est souvent le moyen de débloquer la situation, les corticoïdes ayant généralement, à court
terme, beaucoup moins d'effets secondaires que les AINS.
La notion d'efficacité n'est guère déterminante : il n'y a pas de différence notable d'efficacité entre
les divers AINS. L'efficacité est dominée par la variabilité de réponse d'un individu à l'autre et les
données pharmacocinétique ne permettent guère en pratique de prédire une efficacité plus ou moins
importante d'une molécule à l'autre. On peut juger de l'efficacité en 3 ou 4 jours. En cas d'échec,
persister au-delà est inutile, il faut changer de produit. Il existe une certaine relation entre la durée
d'action et la demi-vie du médicament. Ceci permet de diminuer le nombre de prises quotidiennes
avec les produits à demi-vie longue.
La tolérance, notamment digestive, est également régie par une grande variation individuelle.
Cependant, les produits les plus anciens ont une plus grande fréquence d'effets secondaires
(salicylés, pyrazolés, indolés). Chez un malade donné il est rare qu'existe une intolérance à plus de
deux ou trois AINS. En pratique, devant des signes d'intolérance à un AINS il faut le remplacer par
un autre. Globalement, on admet que les AINS classiques les moins toxiques sont l’ibuprofène, le
diclofénac et le naproxène. Les coxibs sont mieux tolérés (un peu moins d’effets secondaires
digestifs bénins) et surtout beaucoup moins dangereux (rareté des PUS).
Les voies d'administration sont également variées offrant le choix au malade. La préférence va
habituellement à la voie orale en raison de sa commodité. Les principales formes destinées à
l'adulte et les posologies correspondantes figurent dans le tableau III. Les suppositoires
diminueraient la gastrotoxicité des AINS, mais ils comportent des risques locaux. Les injections IM
doivent en partie leur succès à l'effet placebo de la voie parentérale : leur éventuel emploi ne doit
pas dépasser quelques jours d'autant qu'elles exposent aux abcès fessiers. En pratique, l'échec d'un
AINS ne doit pas conduire au changement de la voie d'administration mais à celui de la molécule.
Le prix. Enfin, à efficacité et tolérance comparables, on choisira l'AINS le moins cher (tableau III).
Mais les économies dépendent surtout d'une prescription faite à bon escient, arrêtée quand elle n'est
plus nécessaire, diminuée au minimum utile dans les autres cas.
La variation de la réponse individuelle reste le critère le plus remarquable ce qui souligne l'intérêt
de disposer de plusieurs produits de la même classe thérapeutique.
Cependant, certains travaux ont montré quelques variations selon la maladie : par exemple, l'indo-
métacine est plus efficace que l'aspirine dans la spondylarthrite ankylosante et dans la goutte, alors
qu'ils ont une efficacité comparable dans la polyarthrite rhumatoïde. La phénylbutazone reste le re-
cours d'une spondylarthrite que les autres AINS ne soulagent pas ou peu.
En cas de prescription prolongée (rhumatismes inflammatoires), il faut trouver la dose minimale
utile, savoir adapter la posologie en fonction de l'évolution, combiner les comprimés dans la
journée, au suppositoire du coucher qui permettra un dérouillage matinal plus rapide. La voie IM ne
peut être prescrite que quelques jours, dans les algies aiguës, radiculaires par exemple.
L'âge est un facteur à prendre en compte. Chez le sujet âgé, volontiers polymédicamenté parce que
porteur d'autres affections, il est prudent de débuter avec une posologie moyenne, d'augmenter
ensuite en fonction de la réponse clinique, tout en sachant que la dose maximale recommandée est
inférieure à celle de l'adulte jeune.
Schématiquement, les risques d'effets secondaires sont d'autant plus réduits que la durée du
traitement est inférieure à un mois chez des malades de moins de 60 ans.
- La phénylbutazone est réservée aux arthrites aiguës microcristallines en cures brèves (< 7
jours) et aux rhumatismes inflammatoires chroniques (spondylarthropathies surtout),
notamment après échec d'autres AINS moins nocifs.
- L'aspirine et l'ibuprofène 200 mg méritent une place à part parce qu'ils sont délivrés sans
ordonnance (“hors liste”), destinés surtout au “traitement symptomatique des affections doulou-
reuses et/ou fébriles”. De plus l'aspirine est en pratique le seul AINS employé comme antia-
grégant.
Si un malade est à risque de complications digestives graves (plus de 65 ans, passé d’ulcère) : le
choix d’un coxib est indiqué plutôt qu’un AINS classique + IPP
Si un malade est à risque cardiovasculaire par ailleurs et doit être mis sous antiagrégant plaquetaire,
préférer un AINS classique (+ IPP si risque digestif). Ceci en raison d’un risque supérieur possible
d’infarctus du myocarde sous coxib par rapport aux AINS classiques (débat en cours).
CONCLUSION
Famille thérapeutique parmi les plus utilisées, les AINS sont efficaces au prix d'effets secondaires
nombreux, fréquents, le plus souvent mineurs. On peut édicter quatre règles simples pour réduire
ces risques :
Phospholipase A2
Acide arachidonique
Lipo-oxygŽnase Cyclo-oxygŽnase
HPETE* EndopŽroxydes*
éicosanoïdes n'exercent qu'une activité locale, leur distribution ubiquitaire dans l'organisme
leur permet d'intervenir dans de nombreux processus physiopathologiques. Les PG exaltent la
phase vasculaire de la réaction inflammatoire, sensibilisent les nocicepteurs à leurs stimuli,
participent à la thermorégulation. Elles sont impliquées dans l'agrégation plaquettaire, la
protection de la muqueuse gastrique, la motricité bronchique et utérine, la perméabilité du canal
artériel fœtal, le rétablissement du flux sanguin rénal lorsqu'il est compromis.
Fig. 2 : les deux cyclo-oxygénases (COX-1 & COX-2)
AINS
Stimulus physiologique Stimulus inflammatoire
INHIBITION
COX-2 inductible
COX-1 constitutive (macrophages, autres
cellules de l'inflammation)
Les AINS inhibent les deux COX, ce qui explique leur action anti-inflammatoire et leurs
effets secondaires. Les coxibs sont des anti-COX-2 sélectifs (voir texte).
Tableau I : classe chimique, liste et demi-vie d'élimination sérique des 19 AINS du marché
En fonction de leur rapport bénéfice/risque et de la nouveauté de la molécule, les AINS inscrits sur
les listes I ou II des substances vénéneuses.
Tableau II : Risque relatif de complications digestives des AINS en fonction de la nature de la
molécule (d’après Bateman. Lancet, 1994 et Hernandez-Diaz et al.Arch Intern Med, 2000).
)
AINS Garcia et al Langman et al. Hernandez-Diaz et al.
(2000)
Risques complications complications ulcères symptomatiques,
digestives des AINS digestives des AINS perforations, saignements
Tous AINS 4,7 4,5 —
Ibuprofène 2,9 1,4 1,9
Diclofénac 3,9 4,2 3,3
Naproxène 3,1 9,1 4,0
Kétoprofène 5,4 23,7 4,6
Indométacine 6,3 11,3 4,6
Piroxicam 18,0 13,7 6,3
azapropazone 23,4 31,5 —
Tableau III : PUS (perforations, ulcères, saignements) sous coxibs et comparateurs : études
VIGOR et CLASS.
Comparateurs Incidence des Risque relatif
PUS (%/an) (IC 95 %)
VIGOR (plus de 8000 polyarthrites rhumatoïdes)
Rofecoxib (50 mg/j) 0,6 0,4 (0,2 – 0,8)
Naproxène (1000 mg/j) 1,4
CLASS (près de 8000 PR et arthroses)
Celecoxib (800 mg/j) 2,08 0,59 (0,38 – 0,94)
Ibuprofen (2,4 g/j) ou Diclofénac (150 mg/j) 3,54
CLASS (malades sous aspirine : 20%)
Celecoxib 4,7 n.s.
Autre AINS 6,0
Facteur de risque RR
Antécédent d’ulcère 9,5
Antécédent d‘hémorragie digestive 6,7
Antécédent d’utilisation d’anti-H2 3,9
Utilisation concomitante de corticoïdes 4,4
Dose élevée d’AINS (> 120 % de la dose maximale) 7,7
Utilisation concomitante de 2 AINS ou plus 23,3*
Utilisation régulière d’AINS ou d’aspirine 3,6
AINS + alcool 4,5
Alimentation irrégulière 14,3
* d’où la RMO interdisant la prescription de deux AINS
1) Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par un AINS lors des rémissions complètes
des rhumatismes inflammatoires chroniques et en dehors des périodes douloureuses dans
les rhumatismes dégénératifs.
2) Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par un AINS au-delà d’une période d’une à deux semaines et
sans une réévaluation clinique dans les lombalgies aiguës et/ou lombosciatalgies aiguës et dans les
rhumatismes abarticulaires en poussée.
3) Il n’y a pas lieu d’associer un anti-ulcéreux (sauf indication contraire de l’AMM du produit) au traitement
par un AINS sauf chez les sujets à risque degestif pour lesquels cette association constitue l’une des
précautions possibles.
4) Il n’y a pas lieu, car dangereux, de prescrire un AINS à partir du 6e mois de la grossesse, sauf indications
obstétricales précises.
5) Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS à des doses supérieures aux doses recommandées.
6) Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS par voie intra-musculaire (ni plus efficace, ni moins toxique) au-delà
des tout premiers jours de traitement, la voie orale prenant le relais.
7) Il n’y a pas lieu d’associer un AINS par voie générale à l’aspirine prise à dose supérieures à 500 mg/jour
ou de l’associer à un autre AINS, même à doses antalgiques.
8) Il n’y a pas lieu , car généralement déconseillé en raison du risque hémorragique, de prescrire un AINS
chez un patient sous antivitamine K, ou sous héparine ou ticlopidine.
9) Il n’y a pas lieu, particulièrement chez le sujet âgé, en raison du risque d’insuffisance rénale aiguë, de
prescrire un AINS chez un patient recevant un traitement conjoint IEC-diurétiques, sans prendre les
précautions nécessaires.
10) Il n’y a pas lieu d’associer un traitement AINS à la corticothérapie, sauf dans certaines maladies
inflammatoires systémiques évolutives (cas résistants de polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux
disséminé, angéites nécrosantes…).
Plusieurs débats, dont certains polémiques, ont vu le jour depuis la sortie des premiers coxibs. Ces
discussions en partie d’ordre scientifique, mais aussi d’ordre économique et politique, n’ont pas
toujours eu lieu dans la sérénité nécessaire.
Un groupe international d’experts se sont réunis en janvier 2001 pour lister les questions débatues
et proposer les réponses les plus consensuelles en se fondant sur la littérature scientifique du
moment. Les conclusions fraîchement publiées sont toujours d’actualité (J Rheum, 2002, 29 :
1501-10).
Les coxibs sont-ils mieux tolérés que les AINS classiques sur le plan digestifs ? OUI
Il y a une moindre fréquence d’effets secondaires digestifs hauts graves (PUS : perforations,
ulcères, saignements) qu’avec les AINS comparés (na proxène, ibuprofène)
Est-il nécessaire de prescrire un traitement anti-ulcéreux aux malades sous coxibs ? NON
Cela n’est pas nécessaire en routine. Mais il faut savoir que les malades sous coxibs peuvent
présenter des symptômes digestifs non reliés à un ulcère, mais moins souvent qu’avec un AINS
classique
Les coxibs diminuent-ils les risques d’hypertension et d’œdème des AINS ? NON
Comme avec les AINS classiques les malades hypertendus et traités doivent être surveillé de plus
près pour cette hypertension.
TABLEAUX
Tableau I: principales actions des glucocorticoïdes.
Tableau II: Principaux glucocorticoïdes utilisés par voie générale
Tableau III: Principales interactions médicamenteuses avec les glucocorticoïdes
Tableau IV: Principaux effets indésirables de la corticothérapie en bolus.
FIGURES
Figure 1 : Exemple de prescription en vue d’une corticothérapie prolongée.
Figure 2 : Schéma de l’assaut cortisonique
C'est en rhumatologie que la corticothérapie fut utilisée pour la première fois : en 1948, dans le traitement de la
polyarthrite rhumatoïde par R.S. Hench ce qui lui valut, avec le biochimiste de son hôpital, E.C. Kendall, le prix Nobel
de médecine. Ce fut immédiatement un enthousiasme extraordinaire : on allait guérir les polyarthrites! Mais les
prescriptions massives des premiers temps firent découvrir les risques de cette thérapeutique hormonale et la déception
fit suite à l’enthousiasme. Avec la déception devant les complications parfois redoutables et l'effet seulement suspensif
du traitement vînt l'agressivité envers cette thérapeutique à tel point qu'il était de bon ton dans les années soixante de
dénigrer la cortisone, mère de tous les maux et d'enseigner aux étudiants la défiance plus que l'art de prescrire ! A la
vérité, la cortisone ne mérite ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Il faut apprendre à se servir de ce médicament
comme des autres : il est l'un des plus puissants antiinflammatoires connus à ce jour.
La corticothérapie repose sur l’utilisation de dérivés de synthèse de l’hormone naturelle, permettant
d’accroître l’action anti-inflammatoire et de réduire les actions métaboliques.
Administrée par voie orale, la prednisone est absorbée dans le haut jéjunum. L’absorption est
rapide. La prednisone est ensuite transformée en prednisolone, forme biologique active. Cette
transformation est dose-dépendante et s’effectue sous l’action d’une 11 hydroxylase-
déhydrogénase hépatique. Prednisone et prednisolone se fixent de façon réversible à la transcortine
(90%), à l’albumine et à l’alpha2-globuline. Seule la forme libre est active. Le pic plasmatique est
obtenu en 1 à 2 heures. L’élimination est principalement rénale; elle est dose-dépendante et varie
d’un sujet à l’autre.
A dose égale, l’efficacité des GC varie entre individus et dépend de la quantité de leur absorption,
de la vitesse de leur clairance mais aussi de l’affinité des récepteurs. Doubler les doses de
prednisone ne conduit pas à doubler ses effets. Prednisone et prednisolone sont aussi l’objet
d’interactions avec d’autres molécules (Tableau III).
L’ACTH (Synacthène®) ne doit pas être assimilée aux glucocorticoïdes même si elle stimule la
production de la cortisone endogène, en freinant peu l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Elle ne permet pas d’obtenir des taux stables et efficaces de cortisolémie et expose à des effets
indésirables qui lui sont propres. Ce composé doit donc être réservé aux tests de stimulation et ne
trouve pas d’indication en rhumatologie.
Deux cas de figures se présentent : soit on prescrit de la cortisone pour une période à priori courte
(prescription courte), soit on débute une corticothérapie pour une affection inflammatoire
chronique sans savoir initialement combien de temps elle sera poursuivie (prescription au long
cours).
Elle se fait logiquement per os, voie la plus commode pour une prise prolongée, avec soit la
prednisone soit la prednisolone qui sont les deux corticoïdes les plus utilisés en rhumatologie
(Figure 1). Quel que soit le produit choisi, la prise est unique, toujours matinale, au petit déjeuner,
pour réduire au maximum le risque de dépression de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
puisque c'est l'heure de sécrétion maximale de la cortisone endogène.
Il faut souvent débuter le traitement à doses élevées puis trouver la dose minimale utile. Le
traitement d'attaque peut être de 15 à 20 mg/j de prednisone ou prednisolone ou bien de 1 mg/kg/j
ou plus selon l’indication à la corticothérapie. Cette première phase est généralement rapidement
efficace et au bout de quelques jours ou semaines il faut diminuer la posologie quotidienne pour
arriver à la dose d'entretien.
Cette diminution se fait toujours par paliers successifs car les variations importantes de posologie
favorise les poussées évolutives des rhumatismes inflammatoires chroniques. La diminution sera
d'autant plus lente que la corticothérapie est instaurée depuis plus longtemps et que l'on est à une
posologie plus faible (voir en encadré un exemple d'ordonnance).
La dose d'entretien à atteindre est la dose la plus basse possible restant active pour le contrôle de la
maladie. En pratique on diminue les risques de complications pour des posologies inférieures à 10
mg/j. La dose d'entretien peut varier d'un malade à l'autre, mais il faut diminuer le plus possible en
sachant que certains patients sont sensibles à des variations de l'ordre du mg. C’est la raison pour
laquelle, en dessous de la posologie de 10 mg par jour, la décroissance est habituellement réalisée
par paliers de 1 mg.
La prescription courte
Dans cette situation, les posologies sont assez élevées initialement puis rapidement diminuées pour
obtenir l’arrêt total de la corticothérapie en quelques jours. La voie d'administration intra-veineuse
semble la plus efficace mais les voies orale ou intra-musculaire peuvent être utilisées.
Il est des situations en rhumatologie où l'on peut appliquer le principe général de la corticothérapie :
"frapper vite et fort pour éviter d'avoir à frapper longtemps". Deux grands types de cures courtes
ont été proposés :
Le bolus de cortisone consiste à prescrire des doses beaucoup plus importantes sur une
durée plus courte. La méthylprednisolone par voie intraveineuse est utilisée à la posologie
de 7,5 à 15 mg par kg de poids et par jour pendant 1 à 3 jours. Ceci représente des doses de
500 mg à 1 gramme par jour pour un patient d’un poids moyen. En fait, la posologie
minimum efficace n’est pas parfaitement établie et certains travaux suggèrent une même
efficacité avec des bolus de 100 mg ou de 1 gramme.
Les indications sont fréquentes en rhumatologie, mais il faut éviter de tomber dans la facilité et de
prescrire une corticothérapie sans discernement et sans se poser un minimum de questions.
Les indications d'une corticothérapie de première intention sont rares. Citons la maladie de Horton
et la pseudo-polyarthrite rhizomélique (quoique cela soit discuté dans ce dernier cas) ainsi que les
vascularites ou les collagénoses sévères.
Plus souvent il s'agit d'une prescription de deuxième intention, devant l'échec d'un traitement par
AINS dans le cadre d'une collagénose ou surtout d'un rhumatisme inflammatoire (polyarthrite
rhumatoïde, rhumatisme psoriasique, plus rarement spondylarthrite ankylosante ou arthrite
réactionnelle, etc…).
Citons aussi quelques indications particulières à des corticothérapies courtes à faibles doses (assaut
cortisonique) : une périarthrite calcifiante d'épaule hyperalgique pseudo-fracturaire, une goutte
subintrante, une sciatique après échec de tous les autres traitements médicaux.
La pathologie articulaire dégénérative et les pathologies osseuses ne sont pas des indications à la
corticothérapie générale, en dehors de la corticothérapie dans le cadre des protocoles de
chimiothérapies des myélomes, des métastases ou des cancers primitifs des os.
Enfin, il peut y avoir une indication à proposer la cortisone quand un antiinflammatoire s'impose
mais que les AINS sont à éviter, par exemple chez un sujet âgé avec ulcère de l'estomac. La
cortisone est en effet le moins toxique des antiinflammatoires pour la muqueuse digestive et il ne
semble pas qu'il soit ulcérogène.
Les glucocorticoïdes de synthèse possèdent des effets indésirables nombreux dont la survenue
semble, pour certains d’entre eux, en rapport avec la durée et l’importance des posologies utilisées.
• Troubles thymiques. Il peut s’agir aussi bien de syndrome dépressif généralement discret
que de sensation de bien-être, voire d’un état d’euphorie. Les corticoïdes peuvent diminuer
l’attention, perturber les capacités de concentration, favoriser les troubles de la mémoire. Ils
peuvent aussi perturber le sommeil et induire l’insomnie.
• Prise de poids. Elle est favorisée par une augmentation des prises alimentaires habituelles,
les corticoïdes ayant tendance à augmenter l’appétit. Elle peut aussi être en rapport avec une
rétention hydrosodée liée aux effets minéralocorticoïdes de ces produits de synthèse.
Les effets indésirables fréquents chez des patients avec facteurs de risque associés
• Acné.
Effets indésirables d’autant plus fréquents que les posologies sont élevées
• Sensibilité accrue aux infections. Les glucocorticoïdes diminuent les capacités de résistance
aux agents infectieux. Le risque relatif d’infection sous corticoïdes n’est pas augmenté pour
les corticothérapies mêmes prolongées mais maintenues à des posologies quotidiennnes
inférieures à 10 mg par jour. Par contre ce risque est de 1,3 pour des doses inférieures à 20
mg par jour et augmente à 2,1 pour des doses comprises entre 20 et 40 mg par jour. La
corticothérapie expose les patients à la réactivation d’une tuberculose ancienne.
• Retard de cicatrisation.
• Atrophie cutanée. Elle survient pour des posologies aussi faibles que 5 mg par jour pendant
plus de 3 mois. Il s’y associe des ecchymoses, souvent déclenchées par des traumatismes
minimes.
• Cataracte. Il s’agit d’une cataracte postérieure sous-capsulaire bilatérale, favorisée par une
susceptibilité génétique. Elle survient chez 10 à 30% des patients, même pour de faibles
posologies quotidiennes mais après au moins 2 ans de corticothérapie.
Les accidents de la corticothérapie en assaut ou en bolus sont rares (Tableau IV). Ils sont cependant
plus fréquents au cours des bolus qui utilisent les doses les plus élevées. Ces accidents
peuvent être graves: angor, infarctus, hypertension artérielle, collapsus… En plus des
contre-indications classiques de la corticothérapie, il faudra, avant d’entreprendre une
telle prescription, s’assurer de l’état cardiaque du patient par un électrocardiogramme.
Un dosage du potassium sérique vérifiera l’absence de toute hypokaliémie. La tension
artérielle sera surveillée tout au long de la prescription. Il est par ailleurs préférable
d’éviter ce type de corticothérapie chez les sujets hypertendus, coronariens et insuffisants
rénaux. Une répétition trop fréquente des assauts ou des bolus expose le patient aux
mêmes risques que ceux de la corticothérapie orale prolongée.
La retention hydro-sodée sera prevenue par un régime pauvre en sel, surtout lorsque les posologies
sont supérieures à 10 mg/j. Le poids sera régulièrement surveillé et un régime avec réduction des
sucres d’absorption rapide sera conseillé. La supplémentation en potassium n’est pas systématique
mais sera prescripte en cas d’hypokaliémie. La glycémie et la tension artérielle seront surveillées
régulièrement pendant les premières semaines du traitement.
Elle doit être systématique et repose sur une supplémentation en calcium (1 gramme par jour) et en
vitamine D (ergocalciférol 800 UI par jour). L’évaluation du statut osseux par une densitométrie
osseuse de la colonne lombaire et des cols fémoraux doit être envisagée à l’initiation de toute
corticothérapie potentiellement prolongée. La mise en évidence d’une densité basse doit amener à
prescrire soit un traitement hormonal substitutif chez toute patiente ménopausée et en l’absence de
contre-indication, soit un traitement par étidronate (Didronel®), à raison de 400 mg par jour
pendant 15 jours tous les trimestres.
Prévention de l’automédication
Un des dangers de la corticothérapie orale est l’automédication, favorisée par la sensation de bien-
être. Il est important de prévenir ce risque par l’information au patient des effets indésirables de la
corticothérapie et de la nécessité de suivre scrupuleusement la prescription médicale.
Le sevrage cortisonique
Le médecin devra avoir le soucis d’interrompre toute corticothérapie prolongée chaque fois que le
contrôle de la maladie le permet ou lorsqu’une alternative à la corticothérapie semble possible.
La diminution des posologies sera d’autant plus lente et progressive que la corticothérapie aura été
prolongée. En dessous de 10 mg de prednisone, les paliers de décroissance doivent être de 1 mg et
d’une durée de 2 à 4 semaines. Lorsqu'on est à des posologies quotidiennes inférieures à 5 mg/j,
une corticothérapie à jours alternées peut être tentée. Son principe de base est simple : administrer
une dose double deux fois moins souvent, toujours pour minimiser la dépression surrénalienne. En
complément de la cortisone, un AINS peut être prescrit en une prise unique au repas du soir ou, si
la corticothérapie est à jours alternés, les jours où le patient ne reçoit pas de cortisone.
Lorsque l’arrêt total paraît envisageable après une période suffisante d’un traitement d’entretien stable, il est possible
d’évaluer le caractère stimulable des glandes surrénales du patient par un test au Synacthène® immédiat. Les GC étant
interrompus depuis 24 heures, 0,25 mg de Synacthèse® immédiat sont injectés à 8 heures du matin en intramusculaire.
Le cortisol plasmatique est dosé au moment de l’injection et 1 heure plus tard. Une cortisolémie de base normale (>
100nmol/l) et une réponse de plus de 2 fois la valeur basale 1 heure aprés l’injection du Synacthène® sont deux
facteurs permettant d’éliminer l’insuffisance surrénale. En cas de taux bas ou de réponse insuffisante au test de
stimulation, une supplémentation en hydrocortisone (20 à 30 mg/j) sera nécessaire pendant une durée de 1 à 2 mois,
avant de renouveler le test au Synacthène®.
• l’insuffisance surrénalienne. Tout patient ayant reçu une corticothérapie prolongée devra, au
moment du sevrage, être considéré comme un insuffisant surrénalien potentiel. La présence de
signes cliniques d’insuffisance surrénale devra faire réaliser une exploration du cortisol avec test de
stimulation au Synacthène® immédiat.
• le syndrome de sevrage. Il associe une asthénie, des myalgies et des arthralgies, une faiblesse
musculaire et un état dépressif en l’absence d’insuffisance surrénale biologique. Il oblige parfois à
poursuivre les corticoïdes à des posologies trés basse: 3 à 5 mg/j de prednisone.
EN PRATIQUE
Moyennant quoi les bénéfices de cette thérapeutique restent largement supérieurs aux risques
encourus.
Actions sur les mécanismes de l’inflammation
• Augmentation de la synthèse des lipocortines avec pour conséquences :
- inhibition de la synthèse de l’acide arachidonique
- blocage de la production de phospholipase A2
- diminution de la production de prostaglandines et de leucotriènes.
Actions sur l’immunité
• Répression de l’expression des molécules HLA de classe II
• Diminution de la fonction de présentation d’antigènes des macrophages
• Diminution de la production de cytokines pro-inflammatoires
• Activation de la production d’IL-4 (cytokine anti-inflammatoire)
• Diminution de l’adhérence des leucocytes aux parois vasculaires
• Diminution des fonctions de phagocytose des polynucléaires neutrophiles
• Redistribution des lymphocytes T du secteur vasculaire vers les tissus, responsable d’une
lymphopénie transitoire.
Actions métaboliques
• Diminution de la synthèse des protéines musculaires
• Augmentation de la synthèse du glycogène hépatique
• Augmentation de la production de glucose par stimulation de la lipolyse
• Augmentation du catabolisme des protéines
• Redistribution des graisses
Tableau II : Principaux glucocorticoïdes utilisés par voie générale (DCI : dénomination commune
internationale).
Tableau III : Principales interactions médicamenteuses avec les glucocorticoïdes (DCI : dénomination commune
internationale).
Docteur H… Robert
Avenue de Rangueil
Toulouse
Madame P… Régine
le 5 Février 1999
-
Figure 1 : Exemple de prescription en vue d’une corticothérapie prolongée.