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TD 1 QU’EST-CE QUE LA PRAGMATIQUE ?

« La pragmatique est à la base de toute la linguistique. »


Rudolf Carnap.
La pragmatique est d’abord une tentative pour répondre à des questions
comme celles-ci : Que faisons-nous lorsque nous parlons ? Que disons-nous
exactement lorsque nous parlons ? Pourquoi demandons-nous à notre voisin
de table s’il peut nous passer l’aïoli, alors qu’il est manifeste et flagrant qu’il
le peut ? Qui parle et à qui ? Qui parle et avec qui ? Qui parle et pour
qui ? Qui crois-tu que je suis pour que tu me parles ainsi ? Qu’avons-nous
besoin de savoir pour que telle ou telle phrase cesse d’être ambiguë ? Qu’est-
ce qu’une promesse ? Comment peut-on avoir dit autre chose que ce que
l’on voulait dire ? Peut-on se fier au sens littéral d’un propos ? Quels sont les
usages du langage ? Dans quelle mesure la réalité humaine est-elle
déterminée par sa capacité de langage ?

Mais la pragmatique elle-même, comment la définir ?

Le terme pragmatique dérive du grec « pragma », qui signifie « action,


exécution, accomplissement, manière d’agir, conséquence d’une action... ». En
1938, le philosophe et sémioticien américain Charles W. Morris est le premier
à l’utiliser pour définir, paradoxalement, une discipline qui n’existe pas
encore : « la pragmatique est cette partie de la sémiotique qui traite du rapport
entre les signes et les usagers des signes ». On voit que cette définition
déborde largement et le domaine linguistique, pour aller vers la sémiotique
(étude des signes), et le domaine humain, les « usagers des signes » pouvant
fort bien être des animaux ou des machines.

Une définition linguistique est donnée par Anne-Marie Diller et François


Récanati : la pragmatique « étudie l’utilisation du langage dans le discours, et
les marques spécifiques qui, dans la langue, attestent sa vocation
discursive ». Selon eux, comme la sémantique, la pragmatique s’occupe du
sens. Elle s’en occupe pour certaines formes linguistiques telles que leur sens
n’est déterminable que par leur utilisation.

Une définition intégrante apparaît sous la plume de Francis Jacques : « La


pragmatique aborde le langage comme phénomène à la fois discursif,
communicatif et social. » Le langage est conçu par elle comme un ensemble
intersubjectif de signes dont l’usage est déterminé par des règles partagées.
Elle concerne « l’ensemble des conditions de possibilité du discours ».

Les concepts les plus importants de la pragmatique ? Ce sont justement des


concepts qui étaient jusqu’ici absents de la philosophie du langage et de la
linguistique, délibérément négligés pour isoler d’autres aspects que l’on
souhaitait d’abord étudier. Ces concepts sont :

1. Le concept d’acte : on s’avise que le langage ne sert pas seulement, ni


d’abord ni surtout, à représenter le monde, mais qu’il sert à accomplir des
actions. Parler, c’est agir. En un sens obvie : c’est par exemple agir sur
autrui. En un sens moins apparent mais tout aussi réel : c’est instaurer

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un sens, et c’est de toute façon faire « acte de parole ». Ce concept d’acte
est orienté vers les concepts plus justes et plus englobants d’interaction et
de transaction.
2. Le concept de contexte : on entend par là la situation concrète où des
propos sont émis, ou proférés, le lieu, le temps, l’identité des locuteurs,
etc., tout ce que l’on a besoin de savoir pour comprendre et évaluer ce
qui est dit. On s’aperçoit combien le contexte est indispensable
lorsqu’on en est privé, par exemple lorsque des propos vous sont
rapportés par un tiers, à l’état isolé ; ils deviennent en général ambigus,
inappréciables. Inversement le langage scientifique mais aussi le
langage juridique se sont toujours efforcés de faire passer dans leurs
« propos » – qui sont le plus souvent des textes écrits – toutes les
informations contextuelles nécessaires à la bonne compréhension de ce
qui est formulé.
3. Le concept de performance : on entend par performance,
conformément au sens originel du mot, l’accomplissement de l’acte en
contexte, soit que s’y actualise la compétence des locuteurs, c’est-à-dire
leur savoir et leur maîtrise des règles, soit qu’il faille intégrer l’exercice
linguistique à une notion plus compréhensive telle que la compétence
communicative.

Pour donner une idée de l’aspect novateur et même polémique de la


pragmatique, on dira qu’elle remet en cause un certain nombre de principes
sur lesquels reposait la recherche antérieure :

 la priorité de l’emploi descriptif et représentatif du langage ;


 la priorité du système et de la structure sur l’emploi ;
 la priorité de la compétence sur la performance ;
 la priorité de la langue sur la parole.

La pragmatique prolonge une autre linguistique : la linguistique de


l’énonciation inaugurée par Benveniste. La distinction majeure ne passe plus
entre langue et parole, mais entre l’énoncé, entendu comme ce qui est dit, et
l’énonciation, l’acte de dire. Cet acte de dire est aussi un acte de présence du
locuteur. Et cet acte est marqué dans la langue : en instituant une catégorie
de signes mobiles et un appareil formel de l’énonciation, le langage permet à
chacun de se déclarer comme sujet. Est-ce suffisant ?

La pragmatique n’a rien d’une discipline introvertie. Ses concepts s’exportent


en plusieurs directions. Non seulement elle « fait éclater le cadre des écoles
linguistiques traditionnelles », comme le souligne le linguiste grammairien
Maurice Van Overbeke, mais elle intervient dans des questions classiques
internes à la philosophie ; elle inspire des philosophies ; et elle est sans doute
appelée à renouveler puissamment la théorie de la littérature.

ARMENGAUD Françoise, La pragmatique, Paris, Presses Universitaires


de France, « Que sais-je ? », 2007.

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