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Mélanges de la Casa de
Velázquez
Nouvelle série
48-2 | 2018
Conexiones imperiales en ultramar
Actualité de la recherche
Débats. Tiempos y temporalidades en Historia
Texte intégral
1 À l’orée des années 1980, l’histoire contemporaine en France est largement délégitimée
dans l’université française. Elle a subi de plein fouet les attaques d’une histoire
économique et sociale inscrite dans la longue durée jusqu’à être considérée comme
« l’écume » de l’histoire (selon l’expression de Fernand Braudel), une histoire
événementielle tissée de l’illusion des acteurs de faire leur propre histoire. Pour la
redynamiser, le CNRS décide en 1978 de dissoudre le Comité d’histoire de la Seconde
Guerre mondiale, dont il considère la tâche achevée, pour lui substituer un institut dédié à
l’étude du « contemporain ». Celui-ci, placé sous la direction de François Bédarida, prend
le nom d’Institut d’histoire du temps présent. Cette dénomination tient à un concours de
circonstances. Un institut d’histoire moderne et contemporaine vient lui aussi d’être créé
— il fallait donc distinguer l’un de l’autre. Mais la notion de temps présent s’enracine aussi
dans la culture de son premier directeur, ancien résistant de la mouvance Témoignage
chrétien, lecteur d’Henri-Irénée Marrou qui définissait l’opération historiographique
comme un rapport entre présent et passé — thèse du présentisme épistémologique1 — et
accordait une grande importance, sur les traces d’Augustin dont il est l’historien, à la
notion de présence. Dès lors, s’engage une lutte pour la légitimation de l’histoire du temps
présent — c’est-à-dire à la fois sa normalisation historiographique — une histoire comme
les autres — et son établissement comme période légitime — une histoire spécifique.
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23/11/2020 L’histoire du temps présent : une histoire comme les autres ?
2 Si ce contexte institutionnel est particulier à la France, le développement de l’histoire du
temps présent participe d’un contexte historiographique plus général que l’on peut
décomposer en deux phases. La première est contemporaine de la création du Comité
d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, il s’agit alors aux Pays-Bas (1945), en RFA
(1950), en Italie (1949, 1967 pour la reconnaissance officielle), en Autriche (1963-1983) et
enfin en Belgique (1970) de faire l’histoire de cette guerre et singulièrement, pour la
plupart de ces pays, de la Résistance2. Une seconde phase se déroule dans les années
1980-2000, plus particulièrement en Europe du sud et en Amérique latine, où cette fois la
notion de temps présent est clairement avancée, souvent en référence explicite aux travaux
produits dans le cadre de l’Institut d’histoire du temps présent. Il s’agit alors
prioritairement, dans le double cadre des processus de transition démocratique mais aussi
d’exigences de mémoire croissantes en réaction aux amnisties qui entravent le jugement
des auteurs des actes criminels commis par ces régimes3, de faire l’histoire des périodes
dictatoriales qui viennent de s’achever.
couvre une séquence historique marquée par deux balises mobiles. En amont, cette
séquence remonte jusqu’aux limites de la durée d’une vie humaine, soit un champ
marqué d’abord et avant tout par la présence de « témoins » vivants, trace la plus
visible d’une histoire encore en devenir […]. En aval, cette séquence est délimitée par
la frontière, souvent délicate à situer, entre le moment présent — « l’actualité » — et
l’instant passé6.
6 Bien sûr, cette définition n’implique nullement que le recours aux témoins soit
indispensable — il est simplement possible — mais il s’agit bien d’un trait singulier de cette
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histoire, puisque l’historien peut être confronté aux réactions et commentaires des acteurs
de l’histoire qu’il étudie.
Notes
1M , Henri-Irénée (1954), De la connaissance historique, Paris, Le Seuil.
2L , Pieter (2003), « L’histoire du temps présent en Europe depuis 1945, ou comment se
constitue et se développe un nouveau champ disciplinaire », La revue pour l’histoire du CNRS, 9,
pp. 4-15.
3 Lire par exemple : C , Luc, L , Frédérique (dir.) [2009], Entre mémoire collective
et histoire officielle. L’histoire du temps présent en Amérique latine, Rennes, PUR.
4I ’ (1993), Écrire l’histoire du temps présent. En hommage
à François Bédarida, Paris, CNRS Éditions.
5 Ibid.
6 P , Denis, P , Michael, R , Henry (1991), « Introduction » du dossier
Histoire politique et sciences sociales, Cahiers de l’IHTP, 18.
7 D , Christian (2004), « Demande sociale et histoire du temps présent : une
normalisation épistémologique ? », dans L’opération épistémologique. Réfléchir les sciences
sociales, dossier du no 84/85/86 de EspacesTemps, pp. 106-119.
8B , François (1998), « L’historien régisseur du temps ? Savoir et responsabilité », Revue
historique, janvier-mars, pp. 22-23.
9L , 2003, op. cit.
10 P , Antoine (2006-2007), « L’histoire du temps présent : une histoire comme les autres »,
dans Bilan et perspectives de l’histoire immédiate, dossier du no 30-31 de Cahiers d’histoire
immédiate, pp. 21-28.
11 D , Emmanuel, R , Franz (2013), « La fin de l’histoire du temps présent telle que
nous l’avons connue. Plaidoyer franco-allemand pour l’abandon d’une singularité
historiographique », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 118 (2), pp. 121-145.
12 R , Henry (2015), « Un voyage au Rwanda », À la recherche du temps présent, [en ligne],
<http://tempresent.hypotheses.org/tag/temoignage>.
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23/11/2020 L’histoire du temps présent : une histoire comme les autres ?
13 H , François (2003), Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris,
Le Seuil.
14 R , Henry (2012), La dernière catastrophe. L’histoire, le présent, le contemporain, Paris,
Gallimard.
Auteur
Patrick Garcia
Université de Cergy-Pontoise (Agora) – Institut d’Histoire du Temps Présent
Droits d’auteur
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