Sie sind auf Seite 1von 6

Profil couleur : Generic CMYK printer profile - None

Composite 150 lpp 45 degrØs

Liens sociaux 8

Les valeurs en France


Olivier Galland, Yannick Lemel, Jean-François Tchernia*

Les valeurs sont des objets sociaux délicats à approcher.


Acquises pour partie au cours de l’enfance et de l’adolescence,
elles sont intériorisées. Chacun est détenteur de valeurs.
Celles-ci ne sont pas toujours conscientes ou agencées
en un discours élaboré même si elles orientent fortement
les actions et les jugements des personnes.

A
voir l’ambition d’étudier les branches de la sociologie et de la une moindre mesure degré de li-
« valeurs » de la popula- science politique. béralisme sont cependant les
tion implique de préparer points les plus repérables grâce
un questionnaire qui approche in- aux analyses factorielles des cor-
directement celles-ci. La dé- La diversité respondances, méthode utilisée
marche consiste à recueillir pour dans cette enquête, qui servent à
des opinions de valeur
chaque domaine a priori impor- construire des scores synthétisant
tant, par exemple la religion ou la
est très grande l’information (encadré 2).
politique, des indications qui pour-
ront être aussi bien des éléments Les réponses données par les
d’identité que des comportements, personnes interrogées lors de Poursuite
des croyances ou des opinions gé- l’enquête Valeurs (encadré 1) s’or- de l’affaiblissement
nérales (par exemple sur le rôle de ganisent-elles de manière telle
du catholicisme,
la religion). C’est de cet ensemble qu’on puisse y discerner de gran-
d’indications que le chercheur dé- des cohérences ? Est-il accep- avec une atténuation
duit les principaux aspects des va- table d’expliquer celles-ci en chez les plus jeunes
leurs des personnes interrogées. supposant tel ou tel système de
Cette démarche inductive s’appuie valeurs chez les Français ? La ré- La tendance générale dans les
sur un corps de connaissances ac- ponse est plutôt nuancée. Posi- pays occidentaux est à l’érosion
cumulées dans les différentes tion politique, religieuse, et dans des appartenances et des pratiques

* Olivier Galland fait partie de l’Observatoire du changement social (CNRS, FNSP), Yannick Lemel, du laboratoire de Sociologie
Quantitative (Crest, Insee) et Jean-François Tchernia dirige Tchernia-Études Conseil.

559

C:\_DONNEES\DS2002\chap8\Art134\Art134.vp
vendredi 30 aoßt 2002 14:39:44
Profil couleur : Generic CMYK printer profile - None
Composite 150 lpp 45 degrØs

8 Liens sociaux

Encadré 1 confessionnelles, avec évidem- plus personnelle « avez-vous le


ment des différences d’un pays à sentiment de… ? ».
L’enquête « Valeurs » l’autre. La France n’échappe pas
Les résultats présentés ici sont à cette évolution générale. En L’importance accordée à la par-
issus d’une enquête réalisée en 1999, à la question « Considé- ticipation aux cérémonies et
mars-avril 1999 auprès d’un rez-vous que vous appartenez à pratiques religieuses baisse sur
échantillon de 1 821 personnes
représentatives de la popula- une religion ? », 58 % des per- les vingt dernières années, mais
tion française et âgées de sonnes interrogées répondent les opinions et sentiments reli-
18 ans ou plus. Cette enquête « oui », contre 74 % vingt ans gieux évoluent de manière plus
s’inscrit dans un programme avant en 1981. À la même ques- contrastée. Ainsi, sur la période
d’études universitaires réali-
tion, seulement 48 % des jeunes 1981-1999, la pratique cultuelle
sées au niveau européen de-
puis 20 ans, et trois séries adultes de 18 à 24 ans répondent mensuelle déclarée passe de 18
d’enquêtes ont été produites en « oui », contre 59 % en 1981. à 12 % pour la population glo-
1981, 1990 et 1999 (voir Pour bale et elle baisse encore plus
en savoir plus). L’enquête est Il faut toutefois distinguer l’adhé- fortement parmi les jeunes
menée par interview et dure
environ une heure. Le ques- sion à une religion institution- adultes. De même, l’importance
tionnaire couvre l’ensemble nelle et la participation aux accordée aux cérémonies reli-
des grands domaines de va- pratiques religieuses organisées gieuses lors d’une naissance ou
leurs : travail, famille, morale, par ces institutions d’une part, et d’un mariage diminue.
relations sociales, religion et
les croyances d’ordre religieux de
politique. Il est le fruit de la
collaboration de chercheurs de l’autre. À plus de 90 %, les per- Si la « croyance en Dieu » a ten-
différentes nationalités travail- sonnes qui ont le sentiment d’ap- dance à baisser (en moyenne
lant dans différentes branches partenir à une religion, déclarent 56 % des personnes déclarent
des sciences sociales. Le pré- appartenir à la religion catho- « croire en Dieu » en 1999 au
sent article est directement
inspiré par l’ouvrage collectif lique. De plus, les pourcentages lieu de 62 % en 1981), les
préparé par l’équipe française d’appartenance sont plus élevés croyances en une vie après la
sous la direction de Pierre Bré- lorsque les questions sont posées mort ont tendance à rester stable
chon, les Valeurs des Français sous une forme moins nuancée : sinon à croître. Les proportions
(voir Pour en savoir plus).
« appartenez-vous à une reli- de jeunes croyant en une vie
gion ? » plutôt que sous la forme après la mort, à l’enfer, au

Encadré 2

Y a-t-il un « système de valeurs » structuré ?


Les réponses données par les on peut la résumer. On utilise pour À partir d’un ensemble de sco-
personnes interrogées cela la technique statistique de res, on peut en effet reconstituer
l’analyse factorielle par correspon- une information analogue à
L’information fournie par l’en- dance. Cette technique permet de celle apportée par l’enquête.
quête est constituée par les répon- construire des scores synthétisant Mais si l’ensemble des scores est
ses des différentes personnes l’information. Un score est ici un réduit, cette information recons-
interrogées aux nombreuses ques- index numérique, une note tituée a une diversité plus faible
tions figurant dans le question- chiffrée, avec une valeur attribuée que l’information réelle : sa va-
naire. Cet ensemble de données à chaque personne interrogée. riation en fonction des person-
n’est pas structuré de façon évi- Grâce à cette technique, la masse nes dans l’échantillon est
dente : les corrélations entre les ré- des réponses apportée par l’en- moindre que celle de l’informa-
ponses aux questions sont trop quête est remplacée par un en- tion réelle.
faibles pour que puissent se déga- semble de scores, de l’ordre de
ger directement des principes gé- quelques dizaines. Le « pouvoir explicatif » d’un
néraux qui les sous-tendraient. ensemble de scores est précisé-
Le « pouvoir explicatif » des scores ment le rapport entre la variabi-
Des « scores » qui résument l’in- lité de l’information reconstituée
formation Combien de scores doit-on retenir et celle de l’information réelle :
pour obtenir un résumé convenable c’est un chiffre entre 0 % et
Pour étudier la cohérence de cette de l’information ? La réponse dé- 100 %. Plus le nombre de sco-
information, il faut voir comment pend des exigences de précision. res retenu est important, plus le

560

C:\_DONNEES\DS2002\chap8\Art134\Art134.vp
vendredi 30 aoßt 2002 14:39:45
Profil couleur : Generic CMYK printer profile - None
Composite 150 lpp 45 degrØs

Liens sociaux 8
paradis ou à la réincarnation (un à s’affaiblir. D’une part, on vision la plus répandue dans la
Français sur quatre y croit en observe une revalorisation du population.
1999) sont en hausse (figure 2). respect de l’autorité, des normes
Plus largement, ce sont les ré- civiques, de la fidélité dans le
ponses probabilistes traduisant couple, notamment parmi les Une politisation faible
un recul des certitudes au profit personnes qui se déclarent athées
des doutes qui progressent. ou sans religion : leurs opinions Le concept de « politisation »
se rapprochent de ce fait de cel- élaboré par les chercheurs en
Les oppositions de valeur qui les des catholiques convaincus et science politique désigne la dis-
pouvaient exister entre les catho- pratiquants. D’autre part, ces der- position d’esprit caractérisant les
liques pratiquants, les catholi- niers sont plus nombreux à ac- personnes qui s’intéressent à la
ques non ou peu pratiquants et cepter divorce, euthanasie ou politique, qu’elles soient ou non
les non-catholiques ont tendance suicide se rapprochant ainsi de la actives politiquement. Un

pouvoir explicatif de l’ensemble Mais le pouvoir explicatif est di- politique structurent partiellement
des scores est élevé. lué dans un grand nombre de sco- les premières dimensions de l’ana-
res. Les réponses aux questions lyse, mais pas l’ensemble des résul-
La figure 1 montre le pouvoir ex- sont émiettées : la connaissance t a t s . F a u t - il vr a im en t y vo ir
plicatif des scores pour une ana- d’une réponse à une question ne « l’élément structurant » des systè-
lyse factorielle des correspon- permet que faiblement de prédire mes de valeurs des Français ? Il
dances réalisée sur une sélection la réponse à une autre question, vaut sans doute mieux dire qu’on
de 90 informations représentatives de sorte qu’il est peu raisonnable peut y voir la partie la mieux struc-
de la diversité des questions. Les de considérer que des systèmes de turée des opinions de valeur des
scores sont classés par efficacité valeurs bien constitués sous-ten- Français, ce qui n’a pas tout à fait
décroissante. Le premier score a, à draient les réponses données. la même signification.
lui tout seul, un pouvoir explicatif
de 6 %. Le second, le plus efficace À la recherche d’une structure
qu’on puisse trouver ensuite, apporte Figure 1 - Pouvoir explicatif
3 % de pouvoir explicatif (soit 9 % En procédant d’une façon non des scores successifs1 dans
pour l’ensemble des deux premiers dénuée d’arbitraire, on peut retenir une analyse factorielle par
scores), etc. Le pouvoir explicatif se les questions correspondant aux correspondance de 90
dilue dans les nombreux scores sui- plus fortes corrélations dans l’en-
vants, qui n’apportent chacun qu’un semble des corrélations entre toutes
informations
faible gain de pouvoir explicatif. les réponses à toutes les questions.
Clairement, la reconstitution des Ces questions permettent de repérer
données initiales nécessite un grand les principes d’organisation les plus
nombre de scores. larges parmi ceux que l’on pourrait
repérer. Un seuil « naturel » pour sé-
Cohérence ou émiettement des lectionner ces questions est suggéré
données ? par la forme de la courbe de la fi-
gure 1. Il conduit à retenir les sept
Existe-t-il quelques facteurs la- premiers scores. Quelles sont donc les
tents sous-jacents à l’ensemble des domaines des questions qui corres-
réponses, dont la seule connais- pondent à ces sept premiers scores ?
sance permettrait de prédire cor-
rectement les réponses aux Les informations qui se dégagent
questions posées ? Autrement dit, ainsi traitent des opinions dans les
l’ensemble des réponses domaines religieux puis politiques,
« forme-t-il système » ? La procé- suivies (en moins important) des in-
dure de construction des analyses dicateurs du degré de libéralisme et
factorielles des correspondances sur les formes de famille souhaitées.
assure que les réponses aux ques- D’autres questions — sur les identi-
tions liées à un même score (ou à tés ressenties par exemple — ne
un même ensemble de scores) contribuent que peu à définir ces
sont corrélées entre elles et donc sept premiers scores.
qu’elles pointent sur des dimen-
sions latentes potentiellement or- Cette conclusion doit être nuancée.
ganisatrices de l’ensemble des Le pouvoir de synthèse de ces pre-
opinions exprimées. miers scores est faible. Religion et

561

C:\_DONNEES\DS2002\chap8\Art134\Art134.vp
vendredi 30 aoßt 2002 14:39:46
Profil couleur : Generic CMYK printer profile - None
Composite 150 lpp 45 degrØs

8 Liens sociaux

indicateur classique de la politi- usines), près des trois quarts des idéologiques de gauche et de
sation, dans les sondages politi- Français en ont déjà pratiqué au droite apparaissent aussi clairs
ques, est la fréquence des moins un, alors qu’il n’y avait qu’il y a dix ou vingt ans. Pour
discussions politiques. Dans l’en- qu’une personne sur deux dans ne reprendre que deux exemples,
quête Valeurs de 1999, environ ce cas en 1981. le maintien de l’ordre reste un
un Français sur trois ne parle ja- objectif caractéristique de la
mais de politique avec ses amis Ainsi, les Français se détournent droite, tandis que la distance par
(même proportion qu’en 1981 et en partie des formes les plus ins- rapport à la religion continue
1990), une personne sur deux le titutionnalisées de participation d’être un trait typique de la
fait de temps en temps, et une sur politique, et se réorientent vers gauche. Même s’il est vrai que
dix souvent. D’autres indications des modes d’action plus ponc- sur certains sujets, comme la
aident à préciser le degré de politi- tuels, plus circonscrits et peut- permissivité en matière de
sation des Français : une personne être moins impliquants. mœurs, les différences entre
sur trois lui accorde une impor- gauche et droite tendent à s’atté-
tance relative ou une grande im- Dans le domaine politique, l’en- nuer et les deux pôles gardent
portance, et un peu plus d’une sur quête Valeurs permet également une signification bien marquée
trois (37 %) s’y intéresse. de faire le point sur la question pour les Français.
de l’orientation politique. Celle-ci
Cette faible politisation en est habituellement synthétisée
France existe d’ailleurs de longue dans la dimension gauche-droite. Permissivité, libéralisme
date. L’analyse d’un indicateur Depuis une dizaine d’années, et
synthétique établi à partir des notamment depuis la disparition
et individualisme
trois informations présentées des régimes communistes en Eu-
ci-dessus montre que la politisa- rope centrale et orientale, beau- La tolérance en matière de
tion est plus élevée chez les hom- coup de commentaires ont été mœurs progresse. Les Français
mes, dans les catégories sociales faits au sujet du déclin de cette sont de plus en plus nombreux à
supérieures et chez les personnes opposition gauche-droite. L’en- admettre l’idée que chacun
ayant suivi des études longues. quête Valeurs tend à montrer que puisse choisir dans le domaine
Parmi ces dernières, le degré de la dimension est toujours opéra- privé, sa manière de vivre, indé-
politisation est plus faible qu’il y toire. Non seulement les person- pendamment des conventions
a dix ans : la proportion de ceux nes interrogées sont en mesure morales ou religieuses. Lorsqu’on
qui ont un niveau élevé de politi- de préciser leur position person-
sation est passée de 58 % en nelle sur cet axe gauche-droite,
1990 à 51 % en 1999. mais de plus, les choix Figure 3 - Score de permissi-
vité des mœurs1
Si la politisation se rapporte à un
état d’esprit, la participation poli- Figure 2 - Les croyances dans
tique est du registre de l’action et l’au-delà des personnes de 18
des comportements politiques de à 29 ans1
la population. Différentes études
ont bien montré le déclin de la
participation électorale depuis
31
maintenant plusieurs décennies.
L’enquête Valeurs confirme cette 20
tendance, mais montre en même 18
temps le développement de com-
10
portements politiques moins
conventionnels tels que la mani-
festation ou la pétition. Sur cinq
comportements ou actions de ce
type (signer une pétition, partici-
per à un boycott, prendre part à
une manifestation autorisée, par-
ticiper à une grève sauvage, oc-
cuper des bureaux ou des

562

C:\_DONNEES\DS2002\chap8\Art134\Art134.vp
vendredi 30 aoßt 2002 14:39:48
Profil couleur : Generic CMYK printer profile - None
Composite 150 lpp 45 degrØs

Liens sociaux 8
examine l’évolution d’un score de personnes. Sur ce plan, leurs at- individuel : c’est ce sentiment am-
permissivité construit à partir titudes n’ont pas évolué vers un bigu, mêlant permissivité et de-
des réponses à plusieurs ques- plus grand laxisme, mais au mande de régulation, que
tions (sur l’homosexualité, le di- contraire vers une demande semblent exprimer les Français à
vorce, l’avortement, etc.), la réaffirmée de plus de régulation travers leurs réponses à l’enquête
progression du « libéralisme des des comportements sociaux. Valeurs.
mœurs » apparaît nettement (fi- L’enquête Valeurs fournit deux
gure 3). Elle est générale, mais exemples très nets : le renforce-
s’effectue à des rythmes diffé- ment de l’attachement à la va- Montée des références
rents suivant les classes d’âge : la leur d’autorité et la remontée
progression est modérée chez les spectaculaire de l’idée que la fi-
micro-sociales
jeunes qui étaient les plus per- délité est une composante de la
missifs en 1981, tandis qu’elle est réussite des unions. Sur ces Dans la définition qu’ils donnent
beaucoup plus vive dans les clas- deux points, l’évolution des atti- d’eux-mêmes comme dans cer-
ses d’âge intermédiaires. De ce tudes a été forte, surtout dans tains de leurs comportements, les
fait, les positions des Français les dix dernières années, et tout Français se réfèrent de plus en
âgés de 18 à 60 ans sont mainte- particulièrement chez les jeunes. plus à des catégories qui ont une
nant très proches les unes des Là encore, on enregistre d’ail- forte proximité avec leur entou-
autres. Seuls les Français plus leurs un spectaculaire rappro- rage immédiat et leurs caractéris-
âgés restent assez nettement chement des attitudes des tiques individuelles, au détriment
moins permissifs que la moyenne Français de 18 à 60 ans. du sentiment d’appartenance à
de la population, malgré l’évolu- des catégories plus larges, et de
tion sensible de leurs comporte- La permissivité en matière de l’affiliation effective à des organi-
ments. mœurs à laquelle adhèrent un sations censées représenter des
nombre grandissant de Français intérêts collectifs. Cette tendance
La progression indéniable du li- ne peut manquer de susciter une renvoie probablement à une évo-
béralisme des mœurs ne signifie tension : les relations entre per- lution déjà très ancienne et très
pas que les Français considè- sonnes ne sont plus contrôlées profonde vers l’individualisme.
rent que la permissivité doit ré- autant qu’autrefois par des nor- Par exemple, lorsqu’on leur de-
gner dans tous les domaines de mes religieuses intangibles et mande à quelle unité géogra-
la vie sociale. Ils semblent faire partagées par tous (encadré 3). phique ils ont le sentiment
le partage entre des choix qui La liberté de chacun, de plus en
n’engagent que la morale indivi- plus admise, doit donc trouver
duelle et les comportements qui des limites plus strictes dès qu’elle
mettent en jeu d’autres sort du cadre purement Pour en savoir plus

Bréchon P., Les valeurs des Fran-


Encadré 3 çais, Évolutions de 1980 à 2000,
A. Colin, 2000.
Différences d’âge et de génération
Dans l’analyse des changements de toire. Les nouvelles générations Ester P., Halman L., de Moor
valeurs, il est capital de prendre en sont un peu moins permissives et R., éditeurs, The Individualizing
compte les effets générationnels. nettement moins anti-autoritaires Society. Value Change in Europe
En effet, de nouvelles générations que les générations de jeunes qui and North-America, Tilburg Uni-
socialisées dans un contexte diffé- les ont précédées. Quant aux plus versity Press, 1993.
rent peuvent apporter avec elles de âgés (au moins jusqu’à 60 ans), ils
nouvelles valeurs, ou réinterpréter sont gagnés par le mouvement gé- Lambert Y., «La religion en
celles qui leur ont été transmises néral de libéralisme des mœurs qui France des années soixante à nos
par les générations aînées. atténue fortement l’effet du vieillis- jours », Données sociales, Insee,
sement, qui, auparavant, faisait ra- 2002.
Dans les enquêtes Valeurs on cons- pidement évoluer les attitudes vers
tate des effets de cet ordre. Il y a des conceptions plus traditionnel- Riffault H., Les valeurs des Fran-
20 ans, les jeunes étaient beaucoup les après 30 ou 40 ans. Ainsi, dans çais, PUF, 1994.
plus permissifs que les adultes. Ces le domaine des mœurs notam-
différences générationnelles se ment, peu de choses séparent au- Stoetzel J., Les valeurs du temps
sont fortement atténuées à la suite jourd’hui les attitudes des Français présent, une enquête européenne,
d’un double mouvement contradic- âgés de 18 à 50, voire 60 ans. PUF, 1983.

563

C:\_DONNEES\DS2002\chap8\Art134\Art134.vp
vendredi 30 aoßt 2002 14:39:49
Profil couleur : Generic CMYK printer profile - None
Composite 150 lpp 45 degrØs

8 Liens sociaux

d’appartenir avant tout, les Fran- grandissante à l’égard des catégo- les travailleurs étrangers ou immi-
çais répondent d’abord la ville, la ries de Français dont les caractéris- grés), 11 % des Français en dési-
localité ou le canton où ils habi- tiques sont les plus éloignées du gnaient au moins trois comme
tent, bien avant la région ou le plus grand nombre. Ainsi, les Fran- indésirables en 1981, 25 % en 1990
pays dans son ensemble (l’Eu- çais sont-ils de plus en plus nom- et 29 % en 1999. Mais cette dé-
rope quant à elle ne suscite breux à déclarer qu’ils n’aimeraient fiance à l’égard des autres lorsqu’ils
qu’un très faible sentiment d’ap- pas avoir pour voisins des types de sont différents ne se renforce que
partenance). Par ailleurs, le personnes dont les caractéristiques lorsque le comportement incriminé
cercle étroit des « amis » semble sont atypiques (des extrémistes de peut constituer une menace dans
prendre une importance grandis- gauche et de droite, des personnes les relations interpersonnelles. Ain-
sante dans la vie des Français émotionnellement instables) ou dé- si, à l’inverse d’autres catégories de
tandis que décline leur engage- viantes (des personnes ayant un voisins, les voisins homosexuels
ment dans des associations dont casier judiciaire, des alcooliques, (ajoutés à l’enquête de 1990)
l’objet n’est pas strictement utili- etc.). Parmi une liste de huit types sont-ils de mieux en mieux tolérés.
taire ou distractif. de voisins qui leur était proposée On retrouve là, à nouveau, les ef-
aux trois dates de l’enquête (aux fets combinés de la permissivité et
Cette tendance a pour corollaire catégories déjà citées, s’ajoutent no- de la demande de régulation des
une méfiance ou une indifférence tamment les familles nombreuses, relations interpersonnelles.n

564

C:\_DONNEES\DS2002\chap8\Art134\Art134.vp
vendredi 30 aoßt 2002 14:39:49

Das könnte Ihnen auch gefallen