EDITO
témoigne l’activité du centre Yavne. Peu
Une fois n’est pas coutume, c’est ici la
renaissance d’un journal dont il s’agit avec
ce premier numéro de l’année 2007 de
Reflex-sion. Assurée pendant les années
universitaires 2005-2006 et 2006-2007 par
Coralie Palti et Charlotte Lazimi, le journal
avait connu 4 parutions.
Qu’est ce que Reflex-sion ? C’est
un journal axé sur la culture juive,
l’actualité et l’histoire. Mais Reflex-sion
s’inscrit aussi dans une démarche
d’ouverture. Il a pour objectif de susciter
débats, discussions, questionnement mais
bien sûr de la réflexion !
Quel en est le but ? A l’heure où le
discours politique se teinte de références
au « communautarisme », il est
indispensable d’apparaître visibles, dans
une démarche qui se veut constructive.
Il s’agit aussi de réhabiliter le
sionisme, en en rappelant les racines
européennes, sa volonté émancipatrice, son
esprit laïque. Le sionisme a en effet
progressivement subi un effacement de son
histoire dans les médias. Les drames
proches-orientaux et l’orientation
unilatérale de l’information rendent toute
compréhension de ce conflit rétive à
l’entendement. Aussi ne peut-on que
déplorer la facilité avec laquelle certains
groupes usent du terme « sioniste » comme
d’une insulte.
Dans ce premier numéro, nous
mettons Bordeaux à l’honneur. Pour
présenter à ceux qui ne la connaissent pas
la communauté, ou à ceux qui ne la
connaissent pas assez. La vie
communautaire de Bordeaux est
actuellement effervescente, comme en
connaissent l’emplacement de la
synagogue, l’origine de certaines rues
bordelaises, les événements qui ponctuent
la vie juive de Bordeaux. A vous de les
découvrir.
Enfin, le journal est complété par
l’interview que nous a accordée Frédéric
Encel sur l’actualité du Proche Orient et
d’un regard porté sur le phénomène de
l’hooliganisme dans les stades, suite au
dramatique incident survenu à l’occasion
du match Hapoël Tel Aviv – PSG.
Bonne lecture !
Romain BLANCANEAUX
romain_bx_uejf@hotmail.fr
SOMMAIRE
DOSSIER : la communauté de Bordeaux
- La Synagogue de Bordeaux
- Les Juifs à Bordeaux : une visite des rues
de Bordeaux
- L’allumage de la Hanoukia cours de
l’Intendance
- La boucherie Cacher de Bordeaux
- Le sentiment d’insécurité dans la
communauté
Proche-Orient : Interview de F. Encel
Société : Football, les guerriers du stade
Page détente !
Sport en vrac !
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La synagogue de Bordeaux : monument-paradoxe, monument-
témoin, monument d’exception
Où est la synagogue de Bordeaux ?
A l’inverse des cathédrales, qui ont
historiquement structuré l’aménagement de
la ville ; la synagogue n’est pas de ces
monuments qui s’affichent avec
ostentation. L’emplacement de ce
monument frappe plutôt par sa discrétion.
Pourtant cette discrétion contraste avec le
gigantisme de l’édifice religieux.
Monument-paradoxe donc : paradoxe qui
recouvre la double dimension de sa
fonction. La synagogue est le lieu de
recueillement des fidèles. Mais elle est
également un espace chaleureux, ou se
rencontre les membres de la communauté.
Monument paradoxe, monument
témoin : chaque pierre a été le témoin des
événements dramatique ou heureux de la
communauté juive. N’a-t-elle pas été
construite en 1882 grâce à la persévérance
des vieilles familles juives bordelaises
3
originaires d’Espagne et du Portugal,
fuyant l’Inquisition en 1492 et qui reposent
dans le vieux cimetière de la Marne ?
Les travaux de construction de la
synagogue coïncident avec les débuts de la
Troisième République, ils durent deux ans
(1880-1882) et sont entrepris par
l’architecte Durand. La voûte est soutenue
par un squelette de métal des ateliers
Eiffel. Sur le plan stylistique, la façade
témoigne d’un éclectisme ou l’art médiéval
se mêle aux références orientales. La partie
la plus grandiose de la synagogue, l’espace
de culte, relève également d’une synthèse
entre art baroque et art oriental. L’effet
produit, par le contraste du volume de la
salle (dimension baroque) et le jeu des
nervures successives (dimension orientale)
est particulièrement saisissant. Par ailleurs,
le symbolisme occupe une place
importante dans la synagogue. La
synagogue de Bordeaux est la première en
France à utiliser aussi abondamment la
maguen David, l’étoile à six pointes. Nous
pouvons la voir sur le sol dans le vestibule,
elle se retrouve dans des vitraux sculptés à
la base de certains arcs, placée également
au tympan central et sous les tables de la
Loi. Elle reçoit donc une fonction
privilégiée ; certes elle a encore
essentiellement une valeur décorative plus
que symbolique, mais la promotion de ce
nouveau symbole juif, que le sionisme va
accélérer, est bien en cours à Bordeaux, cas
encore très rare en France. Une valeur
symbolique s’attache aussi à la teba,
estrade sur laquelle s’installent les
officiants et un chœur; les bancs sont
disposés autour à la manière du peuple
d’Israël rassemblé autour du mont Sinaï au
moment où Moise reçoit les tables de la
Loi. Le Consistoire bordelais, à partir de
1882, a donc en sa possession une
synagogue prestigieuse qui servit de cadre
non seulement à la vie communautaire,
mais aussi à des cérémonies patriotiques.
En mars 1920, le président de la
République P.Dechanel et le maréchal
Pétain participe ainsi à une cérémonie en
mémoire de la protestation des députés
suite à l’annexion de l’Alsace-Lorraine en
1871. Les offices en souvenir des soldats
tués durant la Grande Guerre se déroulent
également dans l’édifice. Leurs noms sont
inscrits dans les plaques de marbre de la
synagogue. La synagogue connaît ses
heures les plus sombres sous l’Occupation.
Le grand rabbin J.Cohen, qui fit tout pour
sauver sa communauté, a témoigné de ces
exactions : « Jamais, écrit-il, il ne nous
serait venu à l’idée que la synagogue
deviendrait un jour le théatre des crimes
allemands. En janvier 1944, après l’avoir
saccagé de fond en comble, ils la
transformèrent en geôle et y enfermèrent
les victimes des rafles, avant leur départ de
Drancy ».
Un des premiers actes officiels qui
se soient déroulés dans la synagogue après
la Libération fut de l’ordre de la mémoire,
l’inauguration le 15 mai 1949 du mémorial
des martyrs de la communauté victimes de
la barbarie nazie. Ces immenses plaques
couvrent une grande partie du mur latéral
ouest, sur le parvis de la synagogue. Elles
portent pas moins de 560 noms répartis en
douze colonnes. Parmi les déportés sont
nommés aussi bien des résistants que des
personnalités comme le grand rabbin
Ginsburger ou encore G.Mandel député de
la Gironde et Ministre assassiné en juillet
1944 par la Milice. Comment ne pas se
souvenir devant ce mur du kotel de
Jerusalem, mur des lamentations ?
Adresses des principaux lieux de la communauté juive de Bordeaux :
Synagogue de Bordeaux : 8 Rue du Grand Rabbin Joseph Cohen.
Centre Yavne, le centre culturel juif, 11 rue Poquelin Molière 33300 Bordeaux.
Le Centre Yavne est un lieu d'échange, de rencontres, d'enseignement autour de la culture
juive (www.centre-yavne.com).
Monument-paradoxe, monument
- témoin, monument d’exception enfin.
Depuis 1992, la synagogue de Bordeaux
connaît une nouvelle phase de son histoire,
sa reconnaissance comme fleuron du
patrimoine juif français. La première
marque de reconnaissance fut pour la
synagogue de Bordeaux son inscription
à l’inventaire supplémentaire des
monuments historiques. Mais on jugea que
ce monument exceptionnel méritait de
passer devant la commission nationale et
d’être classé monument historique. Cette
procédure aboutit et un arrété du 20 juillet
1998 la classa monument historique le 20
juillet 1998.
Pourtant malgré son caractère
exceptionnel demeure le paradoxe : où est
la synagogue de Bordeaux ? Si un jour
vous venez dans notre ville et que vous
désirez la visiter sans savoir comme
beaucoup de nouveaux arrivants où elle se
situe je me ferais un plaisir de vous la faire
visiter. Vous deviendrez alors les témoins
de ce monument d’exception.
Par Franck KRIEF
Cérémonie commémorative devant la dalle portant les
noms des Juifs déportés, morts pendant la seconde guerre
mondiale
4
 Les Juifs & Bordeaux : petite enquête sur les rues de la ville
Les Juifs ont une longue histoire dans
la ville de Bordeaux, et ceci non sans
laisser de traces. Nous retrouvons la
présence juive au travers de noms de rues,
mais aussi d’œuvres d’écrivains bordelais,
particulièrement ceux que l’on nomme les
« trois M » (Montaigne, Montesquieu,
Mauriac).
Depuis 1808, de nombreuses
recherches ont été faites à propos des Juifs
à Bordeaux, qui révèlent qu’ils y sont
apparus à la fin du Ie siècle,
malheureusement les informations ne sont
pas foisonnantes. L’histoire des Juifs à
Bordeaux a été chaotique. Si à partir du
XIIIe siècle a lieu une discrimination à
l’égard des Juifs instaurée au niveau
politique, jusqu’à leur expulsion, les Juifs
trouveront plus tard refuge dans la ville,
notamment au XVIe siècle en fuyant
l’Inquisition portugaise. Jusqu’au XXe
siècle, les Juifs seront bien intégrés dans
cette ville, et l’arrestation du grand Rabbin
Joseph Cohen en 1943 sera un réel choc.
Aujourd’hui, la communauté juive
est diversifiée, mélangeant entre autres des
descendants de Portugais évidemment,
Alsaciens, Maghrébins.
Intérieur de la synagogue de Bordeaux avec son
architecte, A. Corcelles, rue Causserouge. Elle fut
détruite par un incendie en 1873
5
Depuis quand y’a-t-il des Juifs à
Bordeaux ?
Juda bar Eliézer Sevi raconte
l’histoire de deux frères en diaspora à
Bordeaux. Les faits historiques nous
expliquent qu’après la destruction du
second Temple de Jérusalem, de nombreux
Juifs ont été en exil, dont un groupe arrivé
à Bordeaux à la fin du Ie siècle. Le
seigneur les a alors accueilli à bras ouverts
en leur offrant champs et vignoble à
cultiver, aux débuts même de la culture du
vin dans la région.
Les deux frères, Joseph et
Benjamin, ainsi que leur cousin Samuel,
décrits par Juda bar Eliézer Sevi,
composèrent la prière We-Hu rahum, « il
est miséricordieux », prière qui fut diffusée
dans les communautés de la diaspora. Cette
première création bordelaise du judaïsme
« implante la foi en un Dieu unique, juste
et prodiguant son amour à ses créatures et
à son peuple, Israël ».
La communauté juive à Bordeaux au
travers des rues
D’où provient ce nom, Porte-Dijeaux ?
Il existe à vrai dire plusieurs
explications ou interprétations, en tout cas
son origine ne fait pas consensus.
Pour certains, et c’est la raison pour
laquelle le sujet est ici abordé, l‘appellation
« Porte-Dijeaux » est liée aux Juifs de
Bordeaux.
Tout d’abord, le nom Porte-Dijeaux
serait la déformation de l’anglais « Jews »,
et donc de la « Porte des Jews ».
Cependant, comme nous le rappelle R.
Galy dans Les rues de Bordeaux, la langue
anglaise n’est apparue dans la région qu’à
partir du XVe siècle, et encore, même pas
dans la vie quotidienne mais au niveau du
Roi-Duc. Or à ce moment-là, la rue
s’appelait déjà Porte-Dijeaux. Cette
hypothèse semble en conséquence peu
fiable.
On peut également être tenté de
faire dériver Dijeaux du gascon « Judiu »,
mais encore selon R. Galy, ceci est peu
probable au regard de l'ordre des lettres.
Une troisième hypothèse nous
semble plus largement satisfaisante. Le
nom « Porte-Dijeaux » ferait référence à un
temple dédié à Jupiter à proximité de cette
rue et ainsi, dériverait de « Porte-Jovis »,
dit « Porte-de-Jous » en gascon pour être
finalement transformé en Porte-Dijeaux.
Cependant, pour certains, la question n'est
pas encore tranchée, et Gérard Nahon dans
Juifs et Judaïsme à Bordeaux parle de la
rue Porte-Dijeaux comme anciennement
« Porta di Jeus », autrement dit « Porte des
Juifs ».
La Porte-Dijeaux, au début de la rue Porte-Dijeaux
Qu’en est-il de la rue Judaïque ?
L’origine du nom de cette très
ancienne voie ne fait quant à elle
aucunement débat. Ce nom renvoie à la
chapelle Saint-Martin qui était tout
simplement située sur le Mont Judaïque, ou
« Mont Judec » au XVe siècle.
Selon Gérard Nahon dans Juifs et
Judaïsme à Bordeaux, « la colline des
Thermes dite ‘’Mont Judaïque’’ constitue
une énigme ». Il rappelle qu’il correspond
aux origines de la ville de Bordeaux, en
effet ce n’est que par la suite que s’est
urbanisé le Sud, avec la place de la
Comédie pour forum. À cette époque,
durant l’Antiquité, il est à peu près sûr que
l’on pouvait trouver un quartier juif sur le
Mont Judaïque, comme peut en témoigner
la présence d’un cimetière juif. D’ailleurs,
l’entretien de ce cimetière prouve que la
communauté juive a demeuré à Bordeaux,
et le prieuré de Saint-Martin percevait
d’ailleurs une taxe sur chaque inhumation.
Ce n’est qu’après le départ forcé des Juifs
au XIVe siècle que les redevances n’ont
plus été versées à la chapelle.
Une vie juive dans l’actuelle rue
Cheverus.
Gérard Nahon explique qu’« au
Moyen Âge l’habitat juif, comme l’habitat
chrétien, se fixa à l’intérieur des
remparts », ce qui est confirmé par
l’histoire de l’anneau d’or d’Aster. Cette
bague a été trouvée en 1854, au croisement
entre les rues des Trois-Conils et Cheverus,
anciennement « Arrua Judaïca », ou « rue
juive ». Cette découverte témoigne de
l’existence de Juifs dans ce quartier de la
ville, à partir au moins du VIe siècle, et
l’on peut supposer que le nom de la rue
était lié aux Juifs qui y vivaient. C’est
d’ailleurs au numéro 8 de l’actuelle rue
Cheverus qu’existait bien plus tard, au
XVIe siècle, une Maison judaïque, où
siégeait au Moyen Âge une synagogue.
En guise de conclusion, nous dirons
simplement que l’histoire de Bordeaux est
intimement liée à l’histoire de « ses » Juifs,
la communauté y ayant été active dès les
origines même de l’existence de la ville.
Entre le XIIIe et le XIVe siècle, les Juifs de
Bordeaux et les Juifs de France ont été
expulsés et ont donc dû fuir, une
communauté en tant que telle n’a pu se
reformer qu’avec la venue de Juifs surtout
du Portugal au moment de l’Inquisition.
Par Anne BOULAKKIA
6
 L’allumage de la Hanoukkia cours
Le jeudi 21 décembre dans un froid
saisissant nous avons eu l’honneur
d’assister à un évènement nouveau sur
Bordeaux, car de mémoire, jamais nous
n’avions eu un allumage de bougies de
Hanoukka aussi grand !
En effet, c’est grâce à l’initiative du
Rabbin Menahem Cohen et du Habbad
Loubavitch de France que notre ville a été
éclairée. Cet allumage de l’avant-dernière
bougie de Hanoukka s’est déroulée en
plein centre ville au début du Cours de
l’intendance en présence de personnalités
de la ville de Bordeaux. Toute notre
communauté s’était donnée rendez vous ce
soir-là pour participer à la mitsva de
l’allumage des bougies de Hanoukka. En
effet, cette Hanoukia et ces bougies
symbolisent un des miracles réalisés lors
de la lutte de Yéhouda Maccabi et des
Greco-Assyriens où une poignée de Juifs
s’était rebellée et avait résisté à l’armée
grecque la plus terrible de l’époque qui
voulait assimiler les juifs et les forcer à
abandonner l’étude et la pratique de la
Thora au profit du polythéisme et des
croyances païennes.
C’était un moment chaleureux
malgré le froid où bien 150 personnes ont
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de l’Intendance
assisté à cette fête, accompagnée de
musique jouée par des jeunes amis du
Habbad Loubavitch de Paris. Chaque
personnalité notoire de notre communauté
et ville de Bordeaux a allumé une
flamme, symbole de l’illumination du
peuple Juif.
Les enfants venus nombreux été
tout emmitouflés dans leur manteau et
étaient heureux de voir ce moment, de
manger les Souvganioth (beignets sucrés
de Hanoukka) et de recevoir comme notre
tradition le veut un cadeau. Un des
cadeaux le plus souvent distribués à nous
enfants pour Hanoukka est (pas la Wii de
Nintendo) mais la Toupie (ou Sévivone)
sur laquelle est écrit quatre lettres – ‫נ‬
noune ‫ ג‬guimel ‫ ה‬hé ‫ ש‬shine – qui sont les
initiales de : « Il y a eu un miracle là-bas
(en parlant d’Israël ».Des chansons de
hanoukka accompagnaient chaque
allumage de bougie : d’abord l’allumage
de la bougie Gardienne, la Shamash puis
les sept suivantes car ce soir-là nous étions
le 7eme jour de Hanoukka sur 8 jours de
fêtes.
L’autre miracle de cette fête est le
miracle de fiole d’huile de la Menora du
Temple de Jérusalem, souillée par les
Grecs qui était restée allumée huit jours en
tout alors qu’elle n’aurait dû rester allumée
qu’un seul jour. Cette fiole retrouvée par
les Hasmonéens (famille de Yéhouda
Maccabi ) qui étaient une famille de prêtre
du Temple de Jérusalem (les Cohen) fut le
symbole de la résistance du peuple juif et
du miracle.
Par Stéphane GRAUZAM
 Le sentiment d’insécurité dans la communauté juive de Bordeaux
Note préliminaire : J’attire l’attention du lecteur sur le fait que les résultats que j’avance ici sont toujours une
interprétation de la réalité. Cet article propose un résumé d’un travail de mémoire en sociologie. Cette recherche n’a de
visée scientifique que dans les méthodes utilisées, non sur les conclusions qu’elle propose. Pour des raisons d'anonymat,
noms et prénoms ont été remplacés par des prénoms fictifs.
Les manifestations de l’antisémitisme dans
la société française s’abreuvent désormais du
conflit israélo-palestinien. Davantage depuis
2000, les actes antisémites s'inspirent de la
situation proche-orientale et en "importent"
le vocabulaire : des journalistes parlent
"d'intifada dans les banlieues" en novembre
2005, on parle de "martyrs" (terme
glorifiant) au lieu "d'hommes-bombes", de
"kamikazes"
Le sentiment d'insécurité :
Traiter du sentiment d’insécurité comme
sujet sociologique nécessite de rassembler
les composantes qui y participent : politique,
média, prévention (…). L’insécurité procède
de la rencontre des faits réels et des discours
qui en traitent. Le sentiment d'insécurité
pose un problème majeur : il grandit et se
développe dans un registre imaginaire. S'il
trouve sa source et son expression dans les
sondages statistiques, il est éloigné du fait
brut, dans le sens où il demeure abstrait et
individuel.
La présence policière autour de la synagogue
de Bordeaux participe-t-elle du sentiment
anxiogène d’insécurité dans la communauté
juive pratiquante ? Le port de la kippa peut-il
entretenir le sentiment d'insécurité ? Le
sentiment d'insécurité détruit-il le lien
social ?
La police offre une impression de
protection limitée: Les acteurs de la
communauté juive attendent une intervention
de l'Etat ("Le fait qu'il y ait une police et
qu'on soit surveillé, moi je suis tout a fait
pour (…) "(Alissa, 23 ans). Ils entretiennent
une image positive du corps de police
lorsqu'il leur apparaît que l'action de celui-ci
satisfait leurs attentes. Or, quand sa
présence "molle" s'inscrit dans la longueur,
les acteurs blâment la police pour une
inefficacité qui les dépasse, puisqu'elle se
loge en partie dans l'imaginaire. ("Les deux
flics, le temps qu'ils percutent, qu'ils se
réveillent, qu'ils lâchent leur sandwich, à
mon avis le gars il a le temps de faire ce
qu'il veut quoi." (Jessica)). La présence de la
police s’est fossilisée, les acteurs entrevoient
alors avec angoisse son absence ("Malgré
tout, leur présence est rassurante. Ca serait
moins rassurant s'ils n'étaient pas là."
(Dora)). La police se situe dans la normalité
de son rôle en protégeant les citoyens, mais
ajoute à l'anormalité de la situation
d'enfermement ressentie, et la police peut
ramener à une situation anxiogène ("Même
s'il n'y pas de problème et que tu vois des
policiers, c'est bien que quelque part il
devrait y avoir un problème." (Jessica).),
Aussi la police semble être un " eye catcher"
(litt.attrape-œil). Donc tout le monde se dit
"mais pourquoi là ? pourquoi cette école ?
qu'est-ce qui se passe ?" (Deborah).).
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La sécurité interne : efficace mais
insatisfaisante : On n’accepterait pas une
présence "totale" de la police (intrusion
insupportable dans les affaires privées du
groupe). Des gens de la communauté sont
présents à l’entrée de la synagogue pour
sécuriser les lieux. Pour le groupe, il permet
de créer une cohésion forte face au sentiment
d'insécurité ("Pour moi il est évident qu'on
est (nous la sécurité) plus efficaces. Parce
que l'équipe de la sécurité de la synagogue
connaît les membres de la communauté, ils
ne font pas rentrer n'importe qui."
(Nathan)). Mais cette image positive de la
sécurité interne peut d'autant plus réduire la
présence policière à un rôle symbolique.
Ceci est propre à faire reposer sur la sécurité
interne la poids de toute la sécurité de la
communauté. De là, une sur-
responsabilisation de la sécurité interne peut
l'amener à être exigeante dans ses manières
qui se veulent efficaces. La sécurité interne
entretient alors une tension, et le sentiment
d'insécurité ("eux te foutent le stress, là tu
sens qu'il y a une pression un peu extérieure,
qui te rappelle à l'ordre." (Alissa)).
Désillusions face aux institutions et
réclamation de moyens nouveaux : La
confiance portée vis-à-vis des institutions
s'effrite car elle deviennent des lieux de
frustration profonde, alors qu'elles devraient
participer à la normalisation de relations. Les
institutions sont parfois accablées des pires
stéréotypes, mais l'intervention de l'Etat reste
puissamment ancrée dans les attentes. C'est
parce que l'Etat est accusé d'être un
monolithe qu'il est attaqué, c'est parce qu'il
offre, seul, la perspective d'une action forte,
qu'il est réclamé.
Médias internationaux et synagogue :
Synchronisation des peurs : Le rythme de
vie de la communauté et de la sécurité
interne peuvent partiellement être
coordonnés au regard de l'information
internationale (. Dès qu'il y a une tension là-
9
bas, hop, elle se répercute ici, mais ça se fait
vraiment en collaboration de tous les
services." (Michaël)). Cette situation place
des gens de la communauté dans une
situation d'attente. On attribue aux médias la
responsabilité d'attaques en France,
expressions mimétiques de leurs parti-pris
("Quand tu vis l'insécurité, c'est pas
seulement que TA ville, c'est par les médias
aussi mine de rien que tu te sens en
insécurité" (Jessica)). Ouvert sur les médias,
le sentiment d’insécurité se nourrit d'une
information éclatée et complexe.
Traumatismes passés, peurs autour de la
synagogue, peurs dans la vie courante :
"vivons bien, vivons discrets" : La
communauté juive subit des agressions à la
symbolique forte : une association locale, un
soir de Kippour était venu défier la
communauté juive de Bordeaux en scandant
des slogans anti-Israéliens, certains, selon les
témoignages, avec des battes : double
provocation de venir manifester devant la
synagogue, pendant une fête importante, à
propos d'un problème de territorialité
palestino-israélien). Certains se font alors
discrets, en se refusant le droit à vivre leur
religion librement. L'obligation qu'ils se
fixent de se protéger en adaptant en temps
réel le port de signes religieux conduit à ce
que le vestimentaire porte une part de
causalité dans leur insécurité présupposée.
Ainsi le port du signe religieux peut-il être
étiqueté comme une "provocation", en fait
une projection imaginaire systématique de la
pensée de l'autre « (…)les personnes qui me
verraient seul avec une kippa prendraient ça
comme une provocation." (Ariel)).
Lutte contre la peur : ne pas céder :
Certains voient comme un impératif
d'apprendre à se défendre, plutôt qu'a se
"masquer" ("Tant qu'il n'y avait pas de
danger j'allais tout de même à la synagogue,
et même qu'il y en a, c'est une raison
supplémentaire d'y aller." (Nathan)). Le port
de l'objet religieux peut alors devenir une
fierté, la capacité à dépasser ses peurs (« Ca
m'a tellement fait chier d'avoir l'impression
qu'on ait à se cacher (…) à Paris avant je
cachais ma maguen david, (…) à Bordeaux
je ne la cache pas). Le port du signe
religieux peut être conditionné par l'effet de
groupe ("Ce matin je prenais le café avec
deux copains (…) ils affichent la kippa (…)
Il y en avait deux sur trois, alors on peut
l'afficher aussi." (Joseph)
Bordeaux : une ville "refuge" : La
province française est considérée comme
propre à offrir une liberté de pratique du
judaïsme supérieure à la capitale ("Le truc,
c'est pas "je voulais aller à Bordeaux", mais
"je voulais partir de Paris" (Jessica)).
L'optique d'une liberté de culte supérieure
pousse les individus à rejoindre la province
("J'ai toujours été loin de la synagogue (…)
je me suis dit que je pouvais pas faire ça
chez moi, donc je suis partie à Bordeaux."
(Jessica)).
Des pratiques renforcées, un intérêt pour
le judaïsme en développement :
Un sentiment d'insécurité entretenu vis-à-vis
des interlocuteurs nécessite d'y répondre par
une réappropriation identitaire, qui peut
passer par les symboles forts comme la
religion ("Le fait de me diriger dans cette
religion, c'est personnel, mais ça me
convainc dans l'idée que je ne peux pas
lâcher ça, que c'est important pour moi, il
faut que je reste là dedans, parce que comme
on m'agresse une partie de moi, c'est le
moment de la défendre et pas de la régner
quoi. C'est pas le moment de lâcher l'affaire,
au contraire. C'est une démarche
personnelle, mais mine de rien ça te fait te
plonger là-dedans, parce qu'on t'y pousse
quoi." (Jessica)). L’orientation vers la
religion, peut se retourner contre les Juifs,
taxés de communautarisme, alimentant de
fait les préjugés sur les Juifs, créant chez
certains un repli (etc ).
Le lien social affecté : Quand l'école, lieu
de l'intégration, ne parvient plus à remplir
son rôle, c'est la notion même qui s'effondre
("J'ai eu plus de souci avec les profs qu'avec
les élèves. J'ai retiré mon fils aîné 4 fois de
son école." (Nathan)). Les individus placés
dans une situation de détresse qui ne
reçoivent pas l'aide de leurs concitoyens sont
désabusés. Le lien social est atteint. ("Ce
qui m'a le plus choqué, ce que personne ne
soit intervenu. Ca c'est inquiétant, quand les
gens se préoccupent pas les uns des autres,
ça c'est inquiétant." (Simon, agressé).
La présence policière participe effectivement
du sentiment d'insécurité en marquant les
lieux par sa présence, et en donnant les
arguments à certains non-Juifs qui
stigmatisent la communauté en insistant sur
son caractère "privilégié". De même, le port
de la kippa peut entretenir dans la
communauté le sentiment d'insécurité. Le
fait que des membres du groupe se soient
habitués à l'enlever dans les circonstances
qu'ils jugent nécessaires, entretient
indirectement le sentiment d'insécurité.
Enfin, le sentiment d'insécurité entame le
lien social.
Par Romain BLANCANEAUX
10
 La boucherie Cacher de Bordeaux
Manger cacher consiste à respecter
certains fondements, qui s'appuient sur
différents points. Pour qu'une boucherie
soit cacher, elle doit obéir à différentes
règles qui lui sont fixées par la surveillance
rabbinique (Tehouda ou teouda).
Ces Lois déterminent les aliments
qui sont autorisés. Sont Cacher (de
l'hébreux "conforme" ou "apte", terme qui
trouve son origine non pas dans la Torah
mais dans le Talmud) les aliments et
ustensiles en accord avec les prescriptions
rituelles. Un certificat, le He'hcher,
témoigne du contrôle rabbinique exercé par
le Dayan (juge du Tribunal Rabbinique).
Ce He'hcher représente ainsi la garantie de
Cacherout donnée par l'autorité religieuse,
notamment le Beth-Din. A Bordeaux, c’est
au 65 cours Pasteur que se trouve Point
Cash.
Je vous remercie de nous recevoir.
Pouvez-vous vous présenter ?
Mme Abitbol, j’ai 4 enfants, j’habite à
Bordeaux depuis 20 ans, je travaille à la
boucherie cacher depuis 3 ans.
Comment s'organise la vie de ce
commerce ?
Espace Cacher est une filiale d'Espace
Cacher à Strasbourg. On est à la fois une
boucherie, une charcuterie et une épicerie.
Par conséquent, nos produits proviennent
principalement de Strasbourg mais aussi de
quelques fournisseurs à Lyon et à Paris. On
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procède par transport frigorifique pour les
produits frais et congelés, ces précautions
n’étant pas nécessaires pour l’épicerie. Les
commandes effectuées à ces fournisseurs
dépendent de nos besoins notamment en ce
qui concerne les denrées rapidement
périssables. Ainsi, nous effectuons nos
achats pour coller au plus près aux
demandes de nos clients.
Comment cela se passe-t-il au niveau de
la cacheroute ?
C'est une boucherie sous le contrôle du
Beth Din de Bordeaux. Nous sommes la
seule boucherie à Bordeaux avec cette
tehouda pour le moment. Les produits
commandés à Strasbourg sont surveillés
sur place par le Rav Zegbar et la
surveillance de la boucherie est assurée par
le rabbin Krief de Bordeaux. Ainsi, la
traçabilité est également une réalité en
matière de Cacherout.
Quels types de relation entretenez-vous
avec vos clients?
La boucherie est un des lieux de la vie
juive. Les clients sont des membres de la
communauté et les relations sont plus que
professionnelles. C'est plus des relations de
famille ! Je suis un peu comme la mère de
tous les nouveaux étudiants arrivant sur
Bordeaux !
Par Franck KRIEF
 Interview de Fréderic Encel
Effectué le 13 Décembre 2006 au Centre Yavne
Frédéric Encel est Docteur en
géopolitique, directeur de recherche à
l'Institut français de géopolitique,
professeur de relations internationales
(ESG), consultant en risques-pays.
- Comment avez-vous eu l'idée de
devenir géopoliticien ?!
Depuis que je suis tout petit, j’aime jouer
aux petits soldats. J’ai toujours été
passionné par l’histoire, la géographie et la
chose militaire sans jamais avoir participé
à aucun conflit ni à aucun acte de violence
subi ou affligé. Donc je ne sais absolument
pas pourquoi ! Pour l’instant, je ne veux
pas m’adresser à un psychiatre !
- Ne faut-il pas pour qu’il y ait une
véritable pacification des relations
israélo-palestinienne qu’une génération
entière s’écoule ?
Si, je pense qu’on ne met pas la charrue
avant les bœufs et quand on parle par
exemple de la barrière de sécurité, elle est
l’illustration d’un échec. C’est le jour où
de part et autre de cette séparation on se
demandera ce qu’elle fait là et pourquoi
elle existe et qu’on revendiquera de
pouvoir la traverser, voir la supprimer… ce
moment là signifiera que dans les esprits,
dans les cœurs, la paix sera faite.
- Jusqu’où Israël peut aller dans ces
concessions de désengagements lors d’un
processus de paix : un grand Jérusalem
est-il toujours envisageable ?
Je crois beaucoup au plan de convergence
Sharon/ Olmert tant qu’il était en vigueur
en tout cas (car depuis la guerre juillet/
août), le plan est suspendu. Mais j’y crois
parce qu’il est pragmatique. Il s’agit pour
les Israéliens de céder l’essentiel des
espaces et de la démographie aux
Palestiniens (on l’a vu avec le retrait de la
bande de Gaza et des principales
implantations de la Cisjordanie) et d’autre
part cela permettra à Israël de conserver
ces fameux quatre blocs d’implantation ;
qui sur le plan à la fois stratégique et
démographique sont très importants pour
Israël. Je ne suis pas convaincu, en
revanche, qu’on puisse trouver un accord
définitif sur Jérusalem. Mais en
géopolitique le terme définitif est un
concept philosophique qui n’existe pas, le
« à jamais » et « depuis toujours » pas
davantage ! Les concessions de part et
d’autre seront liés à un contexte de rapport
de force à un certain moment.
- Ne doit-on pas craindre de la part des
Palestiniens des revendications toujours
plus grandes ?
Beaucoup de Palestiniens espéreront ce
qu’ils appellent la « réappropriation » de
l’ancienne Palestine. C’est quelque chose
qui n’est pas envisageable d’une part à
cause de la détermination des Israéliens et
d’autre part à cause du rapport de force
actuel qui est écrasant aujourd’hui en
faveur d’Israël. Toute la force du
pragmatisme, celle d’un Mahmoud Abbas
par exemple, c’est d’abandonner l’idée
d’une grande Palestine, comme beaucoup
12
d’Israéliens ont abandonné le rêve du
grand Israël.
- Pensez-vous qu’un gouvernement
palestinien de coalition Fatah – Hamas
peut fonctionner à l’avenir ?
Jusqu’à présent cela a été un échec
permanent pour la simple et bonne raison
que le Hamas ne souhaite pas transiger
avec ses fondamentaux. Parmi lesquels,
l’établissement d’un Etat bâti sur la
Charria et la reconnaissance de l’Etat
d’Israël. On me dit souvent que l’OLP
avait réussi à franchir le pas… mais le
Hamas est un mouvement
fondamentalement religieux et de type
fanatique, par conséquence c’est quelque
chose qui saperait ses propres fondements.
- Est-ce que vous considérez, au vue de
la crise actuelle que le Hezbollah, a des
chances de prendre le pouvoir à
Beyrouth ?
Le Hezbollah pourrait prendre le pouvoir
par les armes car c’est la seule milice
aujourd’hui dotée d’un armement
extrêmement lourd – et on l’a vu. Mais si
le Hezbollah décidait d’un véritable putsh;
non seulement, il ne sera pas soutenu par
les Syriens de peur que les Israéliens
frappent directement la Syrie (ce qui a été
prouvé cet été, la Syrie n’a pas bougé le
moindre char) et d’autres part les
Chrétiens, les Druzes et les Sunnites
prendraient eux aussi les armes. Donc ce
serait une fausse victoire car le Hezbollah
ne pourrait pas gouverner un pays unifié
sous ses ordres.
- Face à la menace nucléaire de l’Iran
avez-vous une idée de quelle type de
stratégie militaire Israël emploierait en
cas de potentielle attaque iranienne ?
L’antisionisme de Ahmadinejad est un
antisémitisme de la pire espèce, il est de
type négationniste, crypto fasciste.
Maintenant, il y a une possibilité de conflit
entre l’Iran et Israël si l’Iran s’approche de
13
la ligne rouge au-delà de laquelle on ne
pourra plus l’empêcher d’avoir une bombe
atomique. C’est une évidence et je suis
convaincu que les Israéliens en derniers
ressorts, si les Américains les laissent seuls
sur la ligne de front, ne permettront pas
aux Iraniens d’avoir la bombe. Cela
signifierait des frappes aériennes et biensûr
une riposte iranienne qui ne sera
évidemment pas à la mesure et à la hauteur
de la capacité israélienne. Les deux seules
armes de l’Iran sont le terrorisme et les
missiles conventionnels qui peuvent peut
être toucher Israël. On ne le sait pas encore
et c’est un risque. Mais c’est un risque
mesuré par rapport à la menace
existentielle que constituerait un Iran
nucléarisé.
- Comment Israël et le reste du monde
doivent réagir à la conférence organisée
par le président Iranien dite
« conférence sur l’Holocauste » ? Est-ce
qu’une condamnation verbale est
suffisante ?
Si les nations respectaient à la lettre la
Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de l’ONU mais aussi la charte de
1945, qui contient un article interdisant
tout Etat à appeler à la destruction d’un
autre Etat, et bien si les nations
respectaient cela, évidemment il y aurait
des ripostes non seulement sémantiques,
mais aussi diplomatiques et
commerciales… ça ne se fait pas et ça ne
se fera pas. Ne rêvons pas ! En revanche, il
faut absolument convaincre les citoyens
que nous sommes, convaincre aussi les
chefs d’Etat de la dangerosité et du
caractère proliférant d’une bombe que
détiendrait un tel régime de type
apocalyptique … parce que c’est une
équipe gouvernementale qui est non
seulement fanatique et dogmatique mais
qui est réellement apocalyptique !
Par Coralie PALTI et Anne-Flore LEWI
 Football : les guerriers du stade
« Les ultras paient encore »,
voila ce qu’expose la fosse aux lions du
stade milanais de San Siro à l’Europe
partisane. Dans ce monde où les rivalités
sportives exacerbées ne laissent que
rarement place à la solidarité, les
supporters les plus engagés, connus sous le
nom d’Ultras, ont manifesté en France et à
l’étranger leur soutien aux supporters
parisiens. Un rappel des faits s’impose : 23
novembre 2006, à la suite d’une rencontre
PSG- Hapoel Tel-Aviv remportée 4 à 2 par
la formation israélienne et jouée dans un
climat détestable, une frange de la tribune
Boulogne connue pour ses débordements
xénophobes réguliers, se lance dans une
chasse aux juifs que l’on croyait
uniquement inscrite dans la mémoire
nationale. La scène surréaliste se joue à
Paris au cœur de la cité, quand un policier
isolé également victime du lynchage de la
horde fait feu tuant un supporter parisien et
en blessant un autre. La France découvre
alors le hooliganisme qui s’était jusqu’à
présent arrêté à nos frontières aussi
sûrement qu’un nuage radioactif. Et
soudain politiques et médias, dont le
sensationnel réveille de la candeur,
réclament subitement sanctions et
répression. Voila pour l’actualité, qui
constituera pour nous le point de départ
d’une réflexion sur ce phénomène que vit
l’Europe du football depuis 40 ans.
La violence est historiquement liée
au spectacle sportif. Tacite dans ses
Annales évoque une rixe sanglante entre
habitants de Pompei et ceux de Nocera à
l’occasion d’un combat de gladiateurs.
Néron exila les agitateurs et interdit
l’enceinte de Pompei pour 10 ans. Le
moyen age voit s’affronter adeptes de la
soule et du hurling pendant qu’en Italie on
impose présence policière et places assises
pour les rencontres du Calcio fiorentino.
Paolo Di Canio, attaquant de de la Lazio effectuant
le « salut romain » à l’issue du derby
Pourquoi aujourd’hui le stade de
football est-il le théâtre de ses
affrontements ? La nature du jeu, avec ses
règles simples et compréhensibles par tous,
l’absence de moyens nécessaires à sa
pratique en font un sport populaire. Ses
valeurs, travail d’équipe, solidarité,
planification, mais aussi capacités
individuelles et prise d’initiative, qui furent
une formation pour l’élite anglaise du
XIXème siècle comme pour les enfants de
favelas cariocas, le rendent universel. Mais
l’équilibre footballistique doit sa beauté à
son incroyable instabilité. Une surface
corporelle aléatoire (le pied), un arbitrage
humain soumis à interprétation constante,
une méritocratie relativisée par la chance,
le peu d’actions primées (buts), exacerbent
émotions et tensions.
Il faut aussi noter que toutes les
agglomérations importantes en Europe,
zones d’expression préférentielle de la
violence, possèdent au moins une équipe
professionnelle de football et jusqu’à une
dizaine pour Londres et ses environs.
Ces caractéristiques expliquent la violence
qui s’exerçait dans les stades drainant des
foules importantes du début du siècle
jusque dans les années 60. Mais un
tournant semble se produire durant cette
période où l’on constate un glissement
progressif d’une violence spontanée, liée
14
directement aux faits de jeu et à leur
perception, à des actes prémédités,
organisés et planifiés. Deux modèles de
supporterisme militant, parfois violent font
leur apparition à cette époque dans 2 des
pays phares du football européen,
l’Angleterre et l’Italie.
En Angleterre, le mot hooligan fait
son apparition sous la plume d’un
journaliste comparant cette agressivité à
celle des Hooligan, famille irlandaise
connue pour son comportement asocial
sous la reine Victoria. Des groupes peu
structurés, les « crews » se forment dans
les zones du stade appelées « ends » où se
situe le public populaire. Soulignons le fait
que ces hooligans sont d’authentiques
connaisseurs du football, supporters de leur
équipe et non des voyous se servant du
football pour commettre des exactions.
Cette idée reçue, véhiculée par les
instances sportives et les médias, permet
selon Ehrenberg « de sauvegarder la pureté
du sport en se débarrassant de spectateurs
trop encombrants ». Le cloisonnement des
tribunes encourage une logique de
conquête territoriale désignée sous le terme
de « prise de tribune » identique à celle des
gangs mise en évidence par l’école de
Chicago dans les années 30. Le
mouvement hooligan se charge des codes
des sous-cultures ado, skinhead, teddy
boys et rough pour « rough working
class », la classe ouvrière dure. Ces
ouvriers, non qualifiés, subissent de plein
fouet la crise économique britannique ainsi
que la politique de rigueur et d’austérité du
gouvernement Thatcher. Des sociologues
comme Elias décrivent cette violence
comme inscrite dans le « procès de
civilisation » liée au lien segmentaire entre
les individus de ces groupes comparable à
celui des membres des organisations
mafieuses. Ces groupes dénoncent
l’embourgeoisement du football, et
défendent les principes rough, dureté,
masculinité violente, racisme. Les
comportements violents offrent une
visibilité à ceux que tout exclut, ce que
15
Bromberger décrit comme la « rage de
paraître ». Mais ces mouvements ont
évolués, la répression policière a entraîné
en réaction l’apparition des « casuals »,
délaissant bombers et rangers pour
chemises et converses beaucoup moins
identifiables.
L’Italie des années 60 voit le
développement d’un mouvement dit
« ultras », dont le nom est aussi emprunté
au vocabulaire politique puisqu’il désignait
les partisans les plus acharnés de la royauté
sous la Restauration. Ces groupes sont une
alternative aux groupes de supporters
officiels, et rassemblent un public juvénile
voulant exprimer leur amour pour le club
par le Tifo, spectacle et encouragements
soutenus durant le match. Les tifosi sont
comme « malades du typhus » dont les
signes peuvent être l’agitation et le délire.
Ils prennent des noms guerriers à l’instar
de leurs homologues britanniques des
« Kops », tels brigades, commandos,
tupamaros, ou fedayin. Ils sont jeunes,
moins de 25 ans, étudiants ou jeunes actifs,
s’organisent sur le mode associatif (les
chefs sont les capos), et développent de
véritables spectacles structurés à la gloire
de leur équipe. L’organisation de ces
associations et la mixité sociale de leurs
membres les différencient des « firms »
anglaises. Leurs thèmes de prédilection
sont l’attachement à la ville et aux
couleurs, la discréditation de l’adversaire
et de l’autorité. La notion de territoire leur
est primordiale, et la présence des
supporters adverses dans leur ville est
perçue comme une invasion à réprimer par
une violence symbolique plus souvent que
physique. C’est ainsi que s’installent des
rivalités entre équipes mais aussi
spécifiquement entre groupes de
supporters. Politiquement, certains
groupes, expression d’une jeunesse
traditionnellement de gauche, ou
apolitiques sont infiltrés dans les années 90
par des éléments fascistes ou néo-nazis.
Certains restent fidèles à la gauche
révolutionnaire tels les brigades de
Livourne représentés par l’emblématique
Lucarelli arborant Che Guevara sous son
maillot, tandis que les ultras romains de la
Lazio, vénèrent Paulo Di Canio connus
pour ses saluts fascistes à la foule.
La France est traversée par ses
courants, le sud adoptant le modèle italien
majoritaire alors qu’au nord et à l’est se
développe des groupes au style anglais.
Les premiers groupes ultras naissent à
Bordeaux et Marseille, clubs vedettes des
années 80 et 90 pendant qu’à Paris le Kop
of Boulogne débute sa « conquête » de la
tribune.
commerciale d’abonnements et de prix
élevés ont chassé du stade les classes
populaires au profit des solvables. Mais le
stade deviendrait-il alors comme aux Etats-
Unis un temple pacifié dédié à la
consommation environné de zones de
criminalité? Il parait au contraire
nécessaire de maintenir cette mixité sociale
et ethnique, qui symbolise l’universalité de
ce sport. Le stade est, et doit rester un
espace de liberté où l’on peut extérioriser
joies, affects et pulsions, le dernier bastion
du « petit peuple ».

Les réponses à apporter à cette

violence sont multiples. Le développement
d’une politique de « fan coaching » permet
d’établir des contacts avec les groupes de
supporters, de faciliter leurs déplacements,
et de développer les liens entre le club de
football et son environnement. La présence
de stadiers permet de diminuer
substantiellement la présence policière qui
ne devient nécessaire qu’en de rares
occasions à l’intérieur des enceintes « Intégriste, tu deviens fou », Tifo élaboré des
sportives. La loi Alliot-Marie de 1993 ultras de l’A.C. Milan lors du derby milanais
représentant « le cri » de Munch aux couleurs de
permet de condamner sévèrement la l’adversaire
consommation d’alcool, les violences et les
comportements incitant à la haine raciale.
En Angleterre une gestion marchande du
problème a été mise en place. Des Par Michaël ALIMI
nouveaux stades ont été construits à
l’extérieur des villes, stratégie

Bibliographie :

BODIN, Dominique : Hooliganisme, vérités et mensonges

BODIN, Dominique Que sais-je n°3658 : le hooliganisme
LOUIS, Sebastien : Le phénomène ultras en Italie
BROMBERGER, Christian : Le match de football, ethnologie d’une passion partisane à
Marseille, Naples et Turin
Cahiers de la sécurité intérieure : Football, ombres au spectacle

16
 Page Détente
Sudoku :
5 1 2
2 4 9 6 3
3 6 8 9

2 8 7 4
6 8 3 2
9 2 7 6

4 7 3 9
7 2 1 9 5
9 5 3

Humour juif :
Deux mères Juives se rencontrent :
- Que deviens-tu ?
- C'est terrible, ma belle-fille a menacé mon fils de le quitter si je
continuais à lui faire des remarques.
- C'est terrible !
- Oui, elle me manquera beaucoup !

Enrico Macias visite le Japon

Il est très surpris d'y découvrir une synagogue. Il entre.
Un homme en tenue de rabbin et aux yeux bridés s'avance vers lui et
lui demande :
- Vous cherchez quoi ?
- Eh bien, je viens assister à l'office, répond Enrico.
- Mais...Vous êtes juif ?
- Oui !
- C'est bizarre, vous n'avez pas du tout le type.

17
 SPORT EN VRAC
Football :
Les Girondins effectuent des performances
pour le moins irrégulières en ce début
d’année 2007 :
Du très bon avec la qualification en finale
de coupe de la Ligue aux dépens de Reims
(2-1) et la superbe victoire à Gerland face à
l’OL (2-1).
Des résultats relativisés par la défaite à
domicile face à Lille et surtout
l’humiliation concédée aux amateurs de
Montceau-les-Mines (4ème division !!)
2 nouveaux joueurs de qualité viennent
renforcer l’effectif girondin :
Fernando Cavenaghi : attaquant de
23 ans adulé par les supporters argentins
lors de ses 3 ans à River Plate (55 buts en
88 matchs) puis perdu en Russie au
Spartak Moscou. Souhaitons qu’il retrouve
l’efficacité qui avait fait de lui Cavenagol !
- Ronaldo au Milan AC : le transfert de ce
mercato d’hiver. Le brésilien n’était plus
en odeur de sainteté au Real Madrid et
retrouve le Calcio où il avait brillé sous les
couleurs de l’Inter.
- Gonzalo Higuain, recrue du Real
Madrid : l’attaquant argentin né en France
choisit la sélection albiceleste et décline la
proposition de Raymond Domenech.
Foot US :
Les Saints redescendent sur Terre : après
avoir fait rêver tout une ville meurtrie par
l’ouragan Katrina, les Saints de la
Nouvelle-Orléans s’inclinent en finale de
Conférence.
Les Colts d’Indianapolis flinguent les
Bears de Chicago 29 à 17 au Superbowl.
Enfin la consécration pour leur quaterback
Peyton Manning élu MVP de la finale.
Tennis :
Federer au sommet, Serena revient
A l’Open d’Australie, le Suisse écœure la
concurrence en ne concédant aucun set
durant le tournoi. Il remporte ainsi son
10ème Grand Chelem à seulement 25 ans.
Serena Williams bat Maria Sharapova en
finale et met fin à 2 ans de disette.
Handball :
Les bleus s’inclinent en demi-finale de
championnat du monde face à l’Allemagne
après un match héroïque dans l’ambiance
survoltée de Cologne (32-31 AP).
Rugby :
La sélection tricolore se prépare à la Coupe
du Monde 2007 qui aura lieu en France cet
été. Après 2 défaites contre les All Blacks,
le XV de France se rassure en battant
l’Italie 39 à 3 en ouverture du tournoi des 6
nations 2007.
18