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Retranscription

Date : novembre 2019

I – Marie-Frédérique Lemieux-Simard
M - Michelle Makoko

00:00 I - Ça serait vraiment bien si vous pouviez me


résumer votre rôle ici; c'que vous faites...

M - Moi je suis l'intervenante sociale ici à l’AFIO. Ça


fait sept ans que je suis déjà ici comme
intervenante. Mais avant ça, j'étais intervenante de
milieu; je faisais des visites à domiciles pour des
personnes immigrantes nouvellement arrivées ici.

00:33 I - Puis est-ce que vous pouvez nous parler des


défis que vous rencontrez au quotidien, dans
l'accueil?

M - Ça va faire tout une journée ça! Y'en a La langue constitue un


beaucoup, beaucoup. Parce que faut d'abord défi de taille. S’ajoute à
savoir que les personnes qui arrivent ici cela la culture, le
viennent de milieu un peu diversifié. Donc, c'est système, la connaissance
difficile pour ces personnes-là c'est difficile de
venir et d'arriver et de s'adapter facilement à la
de la société
réalité de la société d'accueil ici. Beaucoup de
défis... on va d'abord commencer par la langue.
Y'a des femmes ou des personnes qui arrivent
qui n'ont jamais parlé français dans leur pays
d'origine. Alors arriver ici, vu que le système est
complètement différent comparativement par
rapport à là où les personnes viennent. Arriver
ici sans la langue, sans la connaissance de la
société, sans des ressources qui sont adaptés
à cette personne-là. Ces personnes se sentent
très très isolées et sont perdues.

I - Donc, ça c'est un gros défi; la langue.

M - Et puis la paperasse administrative. Les Le concept d’être actif et


gens sont pas habitués à ça. On arrive ici, faut réactif aux tâches
lire, faut écrire, faut répondre, faut utiliser administratives lorsqu’on
l'Internet. Tout ça, les gens sont souvent arrive comme migrant ou
perdus. Moi je vous donne juste un petit
exemple. Il y a des personnes, des réfugiés qui
réfugié représente un défi
arrivent, qui ont vécu dans des camps de énorme pour ces
réfugiés, qui n'ont pas été scolarisés même personnes.
dans leur langue maternelle, qui se retrouvent
ici à qui on demande par exemple d'inscrire le « Selon moi, je trouve que le
nom de l'enfant sur la liste d'attente centralisée système n'est pas adapté aux
de la place 05. Mettez-vous à la place de la personnes immigrantes,
personne. Même si bien sûr, on dit que la surtout celles qui font face à
personne est en francisation. Mais tu arrives en la barrière linguistique.
francisation, on te dit: «Il faut lire, faut écrire, Même les personnes qui
faut répondre, faut appeler...» Les personnes arrivent comme travailleurs
ne se retrouvent pas. Selon moi, je trouve que qualifiés, qui ont été
le système n'est pas adapté aux personnes sélectionnées. »
immigrantes, surtout celles qui font face à la
barrière linguistique. Même les personnes qui
arrivent comme travailleurs qualifiés, qui ont
été sélectionnées... Des fois je me demande
comment ils ont fait pour faire les demandes
pour arriver ici comme travailleurs qualifiés.
Des simples formulaires à compléter, il y a des
personnes qui ont de la difficulté. Vraiment de
la difficulté. Donc moi je peux dire que c'est des
défis de tous les jours que je vois ici. Et ça
continue.

03:21 I - Et est-ce que l’AFIO agit en tant que... vous aidez


ces personnes-là à remplir des demandes, des
choses comme ça... est-ce que c'est des actions que
vous pouvez poser justement pour alléger un peu la
lourdeur administrative?

M - Oui, nous on est vraiment là pour soutien Le fait que les


de base. Parce que quand je regarde dans intervenants viennent de
l'équipe ici, on est multi-langues. Moi-même je différents milieu, puissant
parle cinq langues. Ma collègue parle trois, parler plusiers langues et
l'autre parle trois, l'autre parle... donc, au moins
on arrive un peu à soutenir les personnes par
arrivent à comprendre le
rapport à notre connaissance ici. Et dans les processus d’arrivée et la
cas où personne ne parle la langue de la lourdeur administrative
personne, la femme qui demande de l'aide ici, derrière tout ça, aide les
on est obligé de chercher parmi nos bénévoles nouveaux arrivants à
parmi nos bénévoles qui peuvent comprendre trouver un équilibre plus
la langue pour mieux comprendre les besoins rapidement, selon Mme.
de la personne avant de pouvoir continuer à Makoko.
l'aider. Donc, c'est vraiment un grand défi pour
nous ici.

Et moi je m'imagine, nous en tant


qu'immigrante, l'avantage est qu'on est à
cheval; moi je suis vraiment à cheval et c'est un
grand avantage pour moi. Je viens de quelque
part, je suis très bien intégrée ici et je me
retrouve un peu au milieu. Je peux comprendre
les personnes qui arrivent et je peux
comprendre la société d'accueil pour pouvoir
ramener les personnes qui arrivent vers leur
pleine intégration. Mais imagine maintenant les
personnes qui n'ont jamais vécu... moi je sais
que je suis là. Donc vous êtes ici, par exemple:
vous. Vous, vous mettez à ma place pour aider
la personne qui arrive nouvellement. Je suis
sûre que vous seriez choquée.

I - Probablement! [rire] Comme je n'ai pas


passé au travers, mais oui tout à fait.
M - Parce qu'il y a des choses que des personnes
vont vous confier. Tu te dis: «Ok... là je
comprends... lorsque j'ai encore mon oeil en
arrière.» Comment je peux ramener cela pour que
la société d'accueil puisse comprendre. Donc c'est
là personnellement que je me trouve.

05:29 I - Puis, de quelle façon cet outil là linguistique, au


delà de la francisation... comment selon vous, ce
défi-là pourrait être allégé. Comment on peut
arriver...

M - Moi je crois que la société d'accueil doit Faire des tests avec la
mieux se préparer. Comme on dit, il y a société d’accueil en temps
toujours cette phrase-là que j'aime pas: que les reel pour leur démontrer à
immigrants s'adaptent pas. Moi, une fois, j'ai quel point c’est difficile
dû faire un petit test, je faisais des
présentations de service de l’AFIO au Centre
de s’adapter à quelque
Vision-Avenir. Il y a juste une étudiant qui dit: chose de nouveau...
«Mais les immigrants, ils exagèrent, ils veulent
pas s'adapter!» J'ai dit: «Ok. Pour répondre à Se « mettre à la place »
ta question, moi je te demanderais de prendre pour mieux comprendre
ton stylo et un bout de papier. Écris-moi ton le parcours migratoire de
prénom comme d'habitude.» La personne écrit la personne arrivée,
son prénom. J'ai dit: «OK. Dépose-ton stylo, mieux comprendre les
change de main. Prends avec la main droite si
défis et les raisons d’un
vous êtes gaucher, prenez avec la main
gauche si vous êtes droitier.» La personne tel changement dans leur
change. J'ai dit: «Écris ton prénom, comme tu vie.
avais écrit avant.» Elle écrit. J'ai dit: «Ok.
Compare les deux écritures.» Puis, sans rien
dire, elle dit: «Ah ouin! C'est différent!» J'ai dit:
«Ok! Mets-toi à la place de la personne
immigrante. Elle est habituée à écrire avec sa
main gauche. Dans sa culture, elle est
habituée... ?... et puis on change de milieu, on
change de situation et on demande à la
personne de s'adapter.» Ça doit prendre du
temps. C'est pas à la seconde, que vous
désirez que la personne change, qu'elle va
changer. C'est un grand processus.

Et de deux, vous comprenez même pas


pourquoi cette personne se retrouve ici. Il y a
quelque part, un peu de parcours migratoire de
la personne. Vous savez pas d'où viennent ces
personnes et pourquoi elles viennent ici. Parce
que si on l'savait, je crois que toute la
population se mettrait à la place pour essayer
d'adapter un peu l'accueil de ses personnes-là.
Mais tant qu'on se met pas à la place de ces
personnes-là, ce sera difficile de pouvoir
comprendre pourquoi ces personnes-là ne
s'adaptent pas, pourquoi ces personnes-là
viennent ici et comment ces personnes-là
arrivent chez nous, ici. C'est très difficile.
08:10 I - Donc, une sensibilisation est vraiment
nécessaire?

M - Oui, très important et l'adaptation aussi des La manière dont on


services pour ces personnes-là. Moi je prends « accueille » aurait un
l'exemple ici, y'a des fois personnes entrent et impact immense sur la
disent: «Ah! Ici je me sens bien.» C'est juste manière dont les
l'accueil qui est différent. Tu arrives par exemple, ça personnes peuvent
c'est juste un exemple, au CLSC: «Ahhh, tu dois s’adapter et mieux
appeler [cris]*.» La personne n'est pas habituée à comprendre ce qu’on leur
ça; elle se sent choquée. Vous vous allez aussi vous demande.
sentir choquée, «mais pourquoi les personnes ne
comprennent pas?» Mais vous comprenez pas d'où
elles viennent!

I - Les gens n'ont pas accès à l'historique des


autres...

M - Souvent ils vont dire: «Non, ils sont là juste « Vous arrivez ici, en
pour prendre de l'aide sociale. Ils sont là pour faire famille, vous avez tout perdu
ceci...» Ça aussi, moi personnellement ça me là-bas, ou avez tout vendu
choque. Parce que moi je suis arrivée pour recommencer une vie
volontairement. Vraiment volontairement, parce ici et vous arrivez ici et on
que c'est le Canada qui nous a attiré. «Venez, vous vous dit «Non! Vous pouvez
allez recevoir ceci, venez, vous allez travailler pas travailler dans votre
domaine, il faut l'expérience
comme vous travailliez dans votre pays. Venez, il y
québécoise. Il faut
a des avantages.» La personne qui veut changer va
l'expérience canadienne, il
dire quoi? «Ok je vais aller essayer.» Vous arrivez faut l'expérience
ici, en famille, vous avez tout perdu là-bas, ou avez canadienne.» On se sent
tout vendu pour recommencer une vie ici et vous coincé, on n'peut plus faire
arrivez ici et on vous dit «Non! Vous pouvez pas marche arrière. On a déjà
travailler dans votre domaine, il faut l'expérience tout perdu, et on reste ici, on
québécoise. Il faut l'expérience canadienne, il faut va essayer de s'adapter, des
l'expérience canadienne.» On se sent coincé, on fois à accepter même un
n'peut plus faire marche arrière. On a déjà tout travail que tu pouvais faire
perdu, et on reste ici, on va essayer de s'adapter, dans ton pays. » - Michelle
des fois à accepter même un travail que tu pouvais Makoko
faire dans ton pays.

10:00 I - Est-ce que c'est l'information que vous recevez


versus ce qui est vécu ici n'est pas la même.

M - N'est pas la même. Donc, je peux dire à Les gens qui arrivent
90% des personnes qui arrivent volontairement volontairement, entres
sont déçus. Des fois, on arrive, on est autres des travailleurs
surqualifiés et on ne trouve pas quelque chose qualifiés, sont très déçus
qui convient à notre niveau ou à notre scolarité.
Et tu vas voir aujourd'hui, il y a des personnes
lorsqu’ils arrivent parce
surqualifiées qui se retrouvent comme taximan, que l’information
y'a des médecins qui se retrouvent comme véhiculée et l’expérience
taximan, y'a des chefs d'entreprise qui se vécue une fois au Canada
retrouvent à travailler au McDo... c'est très n’est vraiment pas la
choquant pour ces personnes-là. même.
I - D'autant plus qu'on a besoin de médecins,
on a besoin de spécialistes...

M - Des fois ça fait pleurer, parce que quand tu


vas sur le site de l'immigration, la façon dont on
se vante pour la main d'oeuvre au Canada, tu
te dis: «Oui. Dès que j'arrive, j'vois pas
d'problème.» Mais vous arrivez, vous faites
face à d'autres situations très difficiles. C'est un
peu ça, on est confrontés tous les jours par ce
genre de choses.

11:20 I - Ah oui, ça je comprends bien ce que vous


m'dites, très bien. Et au quotidien, en général.
Est-ce que vous pouvez me partager quelque
chose qui s'passe bien dans l'accueil de ce
personnes-là? Une belle histoire.

M - Y'a des personnes qui sont vraiment La plante doit pourrir


confiantes. Qui se disent... moi j'peux donner avant de germer, selon
un petit proverbe dans ma langue, mais je vais Mme Makoko, traduisant
essayer de transformer cela en français... chez un proverbe de son pays.
nous on dit: «Si tu veux recevoir une belle
plante en semant la graine, cette graine doit
La résilience paie au bout
d'abord pourrir avant de germer.» La plupart du compte, pour les
des personnes immigrantes font face à la nouveaux arrivants. Les
résilience. On se dit: «Oui! On est déjà là, des déceptions, les refus et les
fois on n'a plus de choix. Qu'est-ce qu'il faut difficultés les mèneront à
faire? On se fait petit pour pouvoir grandir dans obtenir ce pourquoi ils
cette société ici.» Donc, c'est vraiment ce qui sont venus à la base.
s'applique souvent auprès des personnes
immigrantes. Moi-même je peux dire, pour ne
« Il faut que je change ma
pas aller loin, c'est vraiment ma propre
expérience. J'suis arrivée, j'étais déjà qualifiée, propre vie. De toute
j'étais scolarisée, j'avais déjà fait l'université façon, je ne peux pas
dans mon pays, j'ai fait une deuxième partie de continuer à faire le
l'université en Belgique, mais j'arrive ici et je ne nettoyage avec ce que j'ai
pouvais pas travailler. Je me suis retrouvée au comme bagage
Centre Bell en train de faire le nettoyage. C'est intellectuel. J'ai
la dame du Centre Bell qui m'a dit: «Madame, commencé à sillonner les
avec ce que vous avez déjà fait, nous on n'peut universités et les collèges.
pas te garder ici.» Moi, j'ai commencé à
pleurer, j'ai dit: «Non! Je dois survivre, laissez-
J'ai fait des demandes
moi travailler. Ne regardez pas ce que j'ai dit.» partout. Et la première
Elle me dit: «Non, Madame, on ne peut pas te université qui m'avait
garder ici. Malheureusement, on n'peut pas te répondu c'est là où je suis
garder.» J'suis sortie en pleurant, mais j'ai pris allée. » - Michelle
une décision, il faut que je change ma propre
vie. De toute façon, je ne peux pas continuer à
faire le nettoyage avec ce que j'ai comme
bagage intellectuel. J'ai commencé à sillonner
les universités et les collèges. J'ai fait des
demandes partout. Et la première université qui
m'avait répondu c'est là où je suis allée. J'ai dit:
«Voilà!» J'ai vu une intervenante en orientation.
«Regarde ce que j'ai déjà fait. Regarde ce que
je faisais. J'aimerais me retrouver ici. Je ne sais
pas dans quoi.»
I - Est-ce que c'est l'UQO?

M - C'est l'UQO. Et quand j'ai donné mon


expérience, la dame me dit, c'était Madame
Paquette si je me souviens: «Mais pourquoi ne
te pas te lancer en travail social?» «Mais c'est
quoi le travail social?» «Mais c'est ce que tu as
fait...» [rire]

I - Donc vous avez refait un BAC en travail


social à l'UQO?

14:07 M - Oui, donc pour mon diplôme à moi, on m'a


donné juste une année d'université. C'était
triste, je me suis dit: «Ok! Peu importe ce qu'on
me donne, je vais commencer comme cette
petite graine-là qui doit pourrir et germer
correctement.»

I - Wow, donc vous avez refait une année


d'université?

M - Trois ans.

I - Oh, ok, vous avez refait tout le BAC au


complet et c'était en travail social?

M - En travail social. Donc j'ai commencé par


un certificat et puis, après le certificat, comme
j'avais bien réussi mon certificat, je me suis dit:
«Mais! Je vais continuer.»

14:41 I - Et c'est ce que vous aviez fait avant aussi?

M - Non. Ça comme expérience en bénévolat, oui


quand je suis arrivée en Europe, j'ai fait au moins
neuf ans et demi en Europe, je ne pouvais pas
travailler parce que mon mari était étudiant
étranger. Je n'avais pas le droit de travailler ni
d'étudier, mais je faisais beaucoup de bénévolat
avec l'organisme Terre?-Monde. Donc, ce que je
faisais, c'était juste ça: aider des personnes réfugiés
ou des demandeurs d'asile... dans la distribution de
biens, de meubles, de la nourriture ou de les
accompagner dans des organismes qui doivent les
aider. Des fois, je faisais de l'interprétariat. Donc
quand je suis arrivée ici, avec Madame Paquette,
elle m'a dit: «Non non, tu peux te lancer en travail
social!» J'ai dit: «Ok, go!» Et c'est comme ça que je
me suis retrouvée ici! [rire]

I - Et voilà! C'est une belle histoire et c'est un beau


proverbe pour arriver à cette histoire-là.

15:50 I - Un défi que vous avez rencontré dans l'accueil


d'une de ces personnes... avec un exemple peut-
être...?

M - Je vais donner un exemple d'une dame que « Sans ami, sans réseau,
j'ai rencontrée ici. Ça m'avait fait très mal. La sans famille, sans statut, sans
personne est arrivée ici avec un chum langue. Mettez-vous à la
québécois. Le Québécois voulait la parrainer. place de la personne. »
La dame arrive ici, ne parlait pas le français... - Michelle
aucun mot, ni français ni anglais. Elle se
retrouve enceinte et le monsieur refuse de Les réseaux sont importants,
parrainer la dame. En attendant, le monsieur la même cruciaux. Que ce soit
chasse de chez lui parce que, selon le des réseaux de famille,
monsieur, ils ne se comprenaient plus, la d’amis ou des réseaux par le
madame demande trop... ça créé un cycle de la biais des organismes
violence conjugale. La dame se retrouve en communautaires, c’est ce qui
hébergement, elle n'avait pas de statut légal ici, semble permettre aux acteurs
elle ne parle pas le français, elle ne pouvait pas d’être supportés dans tous
accéder non plus à la francisation et elle ne les défis que l’immigration
pouvait plus retourner chez elle car en quitter peut comporter.
chez elle, elle est passée par les États-Unis.
Arrivée aux États-Unis, elle a eu un séjour de
10 ans. Mais avec les États-Unis, quand tu sors
des États-Unis et que tu fais une année à
l'extérieur, sans explication claire, tu ne peux
plus rentrer aux États-Unis. Donc la dame se
retrouve sans statut, elle ne pouvait plus rentrer
aux États-Unis. En étant enceinte, elle ne
pouvait pas rentrer dans son pays d'origine;
elle était obligée de rester clouée ici au
Canada. Moi j'ai dit qu'elle se retrouvait à
l'intersection de plusieurs problématiques. Elle-
même ne comprend pas le système, comme ça
fonctionne ici. Sans réseau social, elle est
seule. La seule personne qui la comprenait
c'était son mari, mais le conjoint l'a mis dehors.
Sans ami, sans réseau, sans famille, sans
statut, sans langue. Mettez-vous à la place de
la personne.
18:04 I - Donc aussi au niveau administratif, elle était
refusée de partout.

M - Elle avait aucun droit parce qu'elle n'avait Groupe de socialisation a


pas de statut légal. Quand elle a accouché, pu redonner espoir et
dans des situations très difficile, c'est sa belle- quelques indices pour
mère qui l'a apporté ici chez nous, donc la cette maman
maman de son conjoint. Arrivée ici, on se dit
«Elle a droit à rien?» On avait un groupe de
monoparentale sans statut
socialisation ici et dans le groupe de légal. Socialiser, partager,
socialisation elle a pu se faire des amis et elle a exister.
continué à chaque vendredi à venir dans ce Le support des paires.
groupe ici. Et à partir de là, comme on avait
des bénévoles québécoises qui parlaient en
français, qui animaient des activités en
français, la femme a commencé à parler un
tout petit peu en français. Et avec la naissance
de son enfant, je crois qu'après une année/une
année et demi, elle devenait admissible à faire
une demande de permis de travail. Et avec le
permis de travail ouvert, elle a pu accéder à
notre groupe de francisation. Et après deux
ans, si je me trompe pas, elle a dû demander la
résidence permanence par le cas humanitaire...
et ça été accepté! Ça été un grand
soulagement pour nous! Et aujourd'hui, quand
elle vient ici, on parle en français avec elle. Et
elle continue; présentement, elle travaille! Moi
c'est parmi des réussites que je vis du début
jusqu'à l'ascension.

I - Ça revient un peu au proverbe que vous me


disiez un peu plus tôt...

M - C'est ça! C'est pas donné à tout l'monde,


mais c'est vraiment une force qui est là chez
les personnes immigrantes.

I - Résilience

M - La résilience
19:50 I - Mais aussi le support des paires... du groupe
de socialisation. Ça m'amène à une autre
question: Est-ce que vous travaillez beaucoup
conjointement avec d'autres organismes?

M - Oui bien sûr, bien sûr. Parce que si les


personnes arrivent ici sans savoir par où
commencer, par exemple avoir la carte
d'assurance maladie. Par où commencer pour
avoir les vaccins. Comme je disais, ce sont des
systèmes différents. Alors les personnes qui
arrivent sont vraiment dépaysées. Alors nous
on est là pour voir où la personne peut se
rendre pour obtenir le service auquel elle a
droit. Donc, c'est pourquoi, travailler en
collaboration avec les autres organismes c'est
très important pour nous. Et puis, travailler ici, il
faut avoir une bonne connaissance du milieu
communautaire ici à Gatineau. C'est très
important. Ça, ça nous aide beaucoup à
pouvoir référer les personnes selon leurs
besoins.

20:50 I - C'est vraiment bien. Est-ce qu'il y a quelque


chose dont on a pas discuté, que vous aimeriez
ajouter.

M - Euh, oui et non. Bon, il y a tellement


beaucoup de choses! [rire] C'est comme je
disais tout à l'heure, les personnes arrivent ici,
souvent la communauté d'accueil ne comprend
pas pourquoi ces personnes-là arrivent et qui
sont ces personnes-là. Par exemple, je vais
vous donner, à date, il y a au moins 114
différents statuts d'immigration. Alors les statuts
là, souvent on va dire: la personne est
résidente permanente. Mais les catégories
diffèrent d'une personne à une autre. Il y a les
réfugiés, on en refuse pas. Y'a les travailleurs
qualifiés, y'a des investisseurs, y'a des
parrainés, y'a des... donc tout ça. Alors quand
les personnes arrivent, surtout, on dit quoi? «Ils
viennent pour prendre de l'aide sociale.» Mais
vous savez pas qui est la personne qui arrive.
Même ces réfugiés qui bénéficient de l'aide
social. C'est juste pour un début. Dès que la
personne commence à travailler, c'est fini. Et
les statistiques présentement montrent que
entre les immigrants et les Québécois ici, ce
sont plus les Québécois qui sont sur l'aide
sociale par rapport aux immigrants. Mais la
société d'accueil, ça, elle le sait pas.

I - Faque encore une fois, c'est la


sensibilisation, la compréhension...
M - Exact, et comprendre les parcours migratoires Des choses normales ou
de la personne. Ça je vais donner un petit exemple. naturelles pour des
Une histoire regrettable de la DPJ avec une famille personnes n’ayant pas
immigrante. La famille est arrivée ici, ça fait passé par le processus
maintenant 10 ans. Cette famille-là a vécu dans un d’immigration sont
camp de réfugiés depuis des années. Ils n'ont complexes et
jamais vu de voitures, ils n'ont jamais vu de incompréhensibles pour
maisons, ils n'ont jamais vécu dans un endroit ces acteurs. Cette histoire
comme ici et ils n'ont jamais été scolarisé... Ils ont
avec la DPJ en révèle
eu des enfants qui sont nés dans ce camp-là. Et du
bien la teneur.
coup, avec les accords des Nations Unies, pour
relocaliser un peu de réfugiés, le Canada a accepté
de prendre cette famille-là. La famille arrive ici,
dépaysée, tout est nouveau, tout est nouveau, tout
est correct. La maman est en train de parler avec
une personne de soutien et les deux enfants, 12 et
10 ans, étaient dans la cuisine en train d'essayer la
cuisinière. Et l'un dit à son frère: «Tu crois que c'est
quoi?» L'autre dit: «Je crois que c'est un tambour.»
Il dit: «Nenon, c'est un peu chaud.» «Nenenon, ça
peut pas être chaud parce que, ici» «Mais qu'est-ce
qu'on va faire avec?» Les enfants n'avaient jamais
vu une cuisinière. Y'a un enfant qui se met au-
dessus et l'autre avait déjà ouvert le feu, sans savoir
qu'il était en train de manipuler. Et l'enfant se brûle
aux fesses. Un des enfants a eu des brûlures. Et
puis, arrivé à l'école, l'enfant ne pouvait pas
s'asseoir, ils ont remarqué qu'il était brûlé et puis,
c'est une famille immigrante... directement:
signalement à la DPJ. On signale à la DPJ, la famille
conteste cet enfant, la DPJ arrive, ramasse les 7?
enfants, Cette famille était ici, ça faisait pas encore
deux mois. Les personnes qui sortent d'un camp de
réfugiés, qui se disent: «Oui, au moins, on va
trouver une liberté.» Et la plupart des personnes
quand elles arrivent ici, leur objectif c'est vraiment
de donner de l'avenir pour les enfants. Et deux mois
plus tard, vous faites face à la DPJ. Vous comprenez
même pas c'est quoi la DPJ. Pourquoi, on a le droit
de prendre nos enfants, ce sont nos enfants, on
n'est pas fatigués de ces enfants-là. De se mettre à
la place de ces parents-là; de faire comprendre...
Moi mon rôle c'était de faire comprendre aux
parents. Mais ce sont des personnes qui
comprenaient rien. «Pourquoi nos enfants? Ce sont
nos enfants!?» Ce sont des situations que des fois
on vit vraiment au quotidien.

I - Et cette situation là, est-ce que ça...

25:40 M - Mais c'est difficile, avec la DPJ, ils ont leur Le “cours d’habileté
protocole. Pour eux, c'est juste ça, la négligence. parentale” (de l’AFIO)
Mais les parents ne comprenaient pas. Pourquoi on pour les parents
nous accuse de négligence; on élève nos enfants immigrants représente un
depuis longtemps. À ce niveau-là, la compréhension outil important dans la
de mots. Des fois, ça peut être les mêmes mots, mesure où les perceptions
mais la façon dont vous parlez à la personne d’une culture à l’autre
immigrantes, elle va pas comprendre. peuvent être très très
Dépendamment de la personne aussi. D'où elle différentes.
vient. Si vous comprenez pas d'où vient la
personne, qui est la personne, c'est quoi le parcours
migratoire de la personne, c'est difficile de pouvoir
évaluer correctement par rapport à la réalité d'ici.
Ces derniers temps, on a instauré ici le projet de
Madame Mouner?, Espace-Parents. Parce que, on
disait, les parents immigrants doivent être outillés,
doivent prendre le cours d'habileté parentale. Mais
le cours d'habileté parentale ne reflète pas la
réalité des immigrants. Donc, il faut un cours qui
s'adapte à la réalité de ces personnes-là. Nous, on
l'a instauré pour pouvoir...

I - Ça fonctionne bien?

M - Ça fonctionne très bien. On a donné ces Les parents ont besoin


espaces-là aux parents, de pouvoir d’un espace éducatif eux
comprendre... parce que quand vous faites aussi... nouvel
quelques choses, comme si c'est le contraire environnement, nouvelles
de ce qu'on demande ici, mais les parents ne le
font pas pour nuire aux enfants.
us et coutumes, nouvelles
normes,...
27:10 I - Hum, et c'est un espace de discussion pour les
parents?

M - Y'a des outils concernant l'éducation des Selon Michelle Makoko,


enfants. Donc, c'est un espace, une série de neuf C’est ce genre d’espace
ateliers où on va parler d'abord: c'est qui comme qui manque aux parents
personne, parent. Comment, moi je me considère ici, dans le processus
moi, avant d'aller voir un peu les besoins de mon d’immigration pour être
enfant. Qui suis-je? Donc, les parents qui ont suivi mieux outillés et faire
les neuf ateliers ont été très satisfaits. Il y a même face à des situations
des parents qui ont demandé de se réinscrire. C'est complexes. Espace de
ce genre d'espace qui manque aux parents pour
discussion, de partage et
être bien outillés par rapport à l'éducation de leurs
d’apprentissage.
enfants dans la société ici.

I - Wow, et ce cours-là, le nom que vous que


vous lui avez donné c'est?
M - Espace-Parents. En réalité, c'est «Habileté
parentale» adaptée en fonction des personnes
immigrantes.

28:21 I - Et ce type d'atelier-là, est-ce que vous en ajoutez


souvent? Vous vous adaptez j'imagine; vous voyez
les besoins.

M - Normalement, parce que dans les ateliers,


il y a la DPJ qui viendra faire une petite
conférence. Il y a le CLSC qui viendra faire une
petite conférence. Il y a des services au
Canada; il y a différents services qui viendront
faire des ateliers pour juste soutenir les
parents.

I - Donc ça, ça permet aux parents aussi de mieux


comprendre la réalité canadienne...?

M - Exact, c'est un peu ça. C'est la petite force À creuser.


qu'on a de se retrouver à cheval entre la
société d'accueil et les personnes immigrantes.

I - Tout à fait, c'est vraiment intéressant. J'pense


qu'on pourrait discuter vraiment longtemps...

M - Tisser des liens-là, c'est très intéressant aussi,


c'est vraiment sensibilité. Moi je mise sur la
sensibilisation.

I - Et vous n'êtes pas la première qui met le doigt là-


dessus. C'est vraiment la sensibilisation, en tout
cas, une des choses, de la [part de la] société
d'accueil et c'est un gros défi j'pense. J'avais
rencontré une personne à l'APO aussi et puis ça
sortait souvent comme défi: la société d'accueil,
une meilleur compréhension, une meilleure
sensibilisation justement. On n'a pas accès à
l'historique de la personne en face de nous et le
jugement peut être facile.

M - Exact, parce que là, si y'a quelque chose qui Mettre tout le monde dans
peut faire fâcher un immigrant, c'est comme si tous le même panier, assumer
les immigrants font pareils... des choses. Il y a un
caractère inconnu, soit
l’historique, qui est
important dans la
compréhension ou dans
l’acceptation.
I - ... font parti de ce tout-là alors qu'on peut pas
faire ça. C'est comme n'importe quel individu... On
peut pas généraliser.

M - Malheureusement, c'est ce qui existe.

I - Merci beaucoup, j'apprécie vraiment, super


intéressant!

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